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BOSTON PUBLIC LIBRARY
Josiah H. Benton
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137. JURIEU, Pierre. Histoire Critique ,des Dogmes et des Cultes,
bons § mauvais, qui ont ete dans l'Eglise depuis Adam
jusqu'à Jesus-Christ, ou l'on trouve l'origine de toutes
les Idolâtries de l'ancien Paganisme, expliquées par
rapport a Celles des Juifs. A Amsterdam: Chez François
L'Honore, 1704. First édition.
1
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in 2011 with funding from
Boston Public Library
http://www.archive.org/details/histoirecritiqueOOjuri
HISTOIRE
CRITiaUE
DES
DOGMES ET DES CULTES,
bons & mauvais , qui ont été dans lEglife
depuis Adam jufqu a Jefus-Chrift^
où
Von tromje ï^ origine de toutes les Idolâtries de r ancien
Faganifme y expliquées par rapport
A
CELLES DES JUIFS.
VI
A AMSTERDAM,
Che^ FRANÇOIS L'HONORE, tâComj^agnk,
derrière la CMaifon de Ville,
M D C C I V.
Rfe BL1s5''"3"B
PREFACE.
N a lieu d'efperer que cet ouvrage ne déplairâr
pas au Public. Puifoju'il eil fi plein de cho-
ies, que je ne fçai fi dans ce fiecleon a publié
un livre qui en contienne autant en auiîî peu
d'efpace. Car encore que le volume foit afTés
gros , on le trouvera petit pour Pabon-
dance des matières. On a même à dellein
épargné les paroles , afin de laifîer plus de pla-
ce aux chofes : & on a eu pour but uniquement de fe rendre intel-
ligible. L'Hiiloire ne demande ni la pompe ni les difcours étu-
diés. Elle ne veut que de la clarté Se de la fimplicité ; & c'eftce
qu'on a eiïàyé de répandre par tout.
On n*a donc pas fort étudié l'arrangement des^ paroles. Mais fï
Ton n'a pas été fcrupuleux dans le choix des mots, on l'a été beau-
coup dans celui des obfervations : Car on a foigneufement évité-
celles qui font capables de dégoûter ceux qui n'aiment pas les
chofes communes Se triviales : Dans des fujets qui ont été û fou-
vent maniés il n'eO: pas aife de dire des chofes nouvelles : On croie
pourtant l'avoir fait en beaucoup de lieux ; car fans avoir aucun
defîein d'afîèder la nouveauté , on a fait entrer par tout de nou-
velles conjectures: Le titre gênerai, & Pindice des trairtés &des
chapitres fuffifent pour donner une idée générale du deiïèin de
l'Auteur Se du livre. C'efl pourquoy il n'eft pas néceilàirc qu©
nous nous y étendions beaucoup ici.
L'Ouvrage efl divifé en quatre parties ; la première parle des^
dogmes Se des cultes de l'Eglife du premier monde j depuis Adam°
jufqu'à Moyfe : Elle a paru û curieufe aux premiers qui l'ont v4
manufcrite, que quelques-uns en ont fait des copies de leur propre,
siain. L'Auteur n'a point été épouvanté par les termes de Jxou^
'veattté Se de Singularité, On a cherché le vrai Se le vrai-fem-
blable , fans fe laiiler captiver par Pautorité de ceux qu'on appelle
des grands hommes Se qui Pont été en effet: Mais quand il s'agir
défaire des conje(^ures j les plus fçavans n'y font pas toujours les
plus heureux; l'efprit y peutplus quelafcience: fi quelques-unes
3e ces conjectures paroiffent trop hardies , ce ne fera qu'à la pre-
mière ledure : mais une féconde leCture Se une troifiémc feront
T R E F A C E.
évanouir cet aîr de nouveauté & de hardiefle , qu'on y trouvera
d'abord en quelques endroits.
Beaucoup de leâ:eurs ne trouveront pas dans cette première
Partie , ce que peut-être ils y chercheront » c'eft l'hifloire des
Patriarches; c'efl-à-dire un amas d'obfervations fur les allions
deCaïn& d'Abelj furlesavanturesdeNoé, deSem, deCham &
de Japhet, d'Abraham, d'Ifaac, de Jacob , & de leurs enfans,
comme eft leur décente & leur féjour €n Egypte. Toutes
ces chofes font plus propres pour un commentaire que pour
une Hifloire Critique. On a donc écarté tout ce qui pouvoir
faire un gros livre de chofes ajGTés connues, & qui ont été di-
tes bien des fois : On a mieux aimé dire moins de chofes , &
qu'elles fuflent plus choifies: On s'efl élevé au deiïus des opinions
vulgaires & des préjugés du commun. C'eft pourquoi on n'a pas
fait de difficulté de prouver qu'on n[apas raifon de regarder la Nation
Cananéenne, comme univcrfellement idolâtre, BakaniL comme
un faux Prophète, Cham , comme un homme maudit de Dieu,
& Melchifedec comme un fmiplc Cananéen , ou comme un per-
fonnage defcendu du ciel : On croit avoir pouffé l'explication de
ce que nous appelions péchés typiques beaucoup plus loin qu'on
n^avoit fait encore. Mais en cela , comme en toute autre cho-
fe , on n'a eu aucun deffein de furprendre par des nouveautés
inouies : on a fuivi les lumières du bon fens , Si l'on s'en eft fer-
vi pour augmenter celle de l'hifloire fainte , qui dans ces endroits
efl plus courte que nous ne voudrions : Dans les endroits où l'on
ne verra rien de fort nouveau , on trouvera pourtant des utili-
tés qui n'ont pas encore été découvertes : Par exemple , dans le
traitté des préceptes de Noé & des Noachides, on rencontre-
ra des obfervations fur les profelytes de la porte , qui donneront
beaucoup de lumière à l'hifloire de l'établiflèment du Chriflianif-
me entre les Payens par la prédication des Apôtres. Peut-être
que ceux qui aiment à trouver par tout les opinions & les coutumes
qui régnent dans les focietés dont ils font membres , ne feront
pas contens de ne trouver dans la première Eglife du monde rien
de femblable à la forme & à l'extérieur de nôtre Eglife d'aujour-
d'huy. Mais franchement nous n'avons pu mettre dans cette
Eglife que ce que nous y avons trouvé : Nous n'y avons pu dé-
couvrir, ni SacremenSj nifedes, ni nouvelles lunes , ni Sabbaths ;
mais feulement beaucoup de pureté dans la doclrine , & dans le
culte, avec beaucoup de fimplicité. Au refte nous n'avons pas
deffein de prévenir les ledeurs, nous leur voulons laifTer toute la li-
feertéde leur iugemenr. Peut-
"PREFACE,
Peut-être que quelques perfonnes s'étonneront de trouver ici le
lyfteme des Pre-Adamites , qui pafTe pour une rêverie toute pure:
Mais plus les chofes font fingulieres dans leur efpece , & plus
elles méritent qu'on en conferve la mémoire. De graves Au-
teurs , comme St. Irenée , Tertullien , Epiphane , fe font bien donné
la peine de conferver & de donner à la poflerité les fyflemes
des Valentiniens , Marcionites , & autres rêveurs appelles Gnofti-
ques, qui font cent fois plus ridicules que celuy des Pre-Adamites»
En parlant de ce période , qui commence par k naifîance du mon-
de & par le premier homme , il n'étoit pas poffible qu'on ne
penfâc à la rêverie du Juif la Peyrere , qui a trouvé dans fon
imagination des hommes plus anciens qu'Adam , & qui a voulu
même fbûtenir fes vifions par l'Ecriture Sainte , peu de gens ont
vu l'Ouvrage de cet homme, il eft mort & fa feéle etï morte avec
luy : C'efl pourquoi on s'eft perfuadé que les curieux qui font
à naître ne feroient pas fâchés d'être inftruits d'une affaire , donc
la poderité ne fera peut-être jamais en état de leur donner des
nouvelles.
Ce n'eft pas là , il eft vray , une afîàire de néceiTité. Il n'en eft
pas de même de la queftion qui eft entre les Grecs 6c les Latins fur
l'antiquité du monde. Les Grecs font le monde de 1400. ou 1 5'oo,
ans plus ancien que les Latins. On doit être furpris qu'il puifle y
avoir une auftî grande différence de Chronologie entre les cal«
culs de gens quifuivent les mêmes originaux, fçavoir le texte Hé-
breu , & le texte Grec. Apres avoir parlé des principales chofes qui
fc font faites dans le premier période du monde , il étoit à propos
d'examiner de quelle longueur a été fa durée: En répondant aux
objeâiions d'Ifaac VofTius & de quelques autres fçavans » on démon-
tre que quatre ou cinq cens ans après le déluge il pouvoir y avoir
fur la terre un grand nombre de millions d'hommes , ce qu'on
prouve par des réflexions qui peut-être n'avoient jamais été fai-
tes.
On s'eft abftenu de toucher à toutes les autres difficultés chro-
nologiques de ce période, qui fontenafles grand nombre , excepté
celle là qui eft trop confiderabie pour être négligée. Il y en a
pourtant une que nous devons éclaircir , parce qu'elle feroit trop
fenfible aux lefteurs un peu attentifs , fur tout à ceux qui auront
lu un petit livre intitulé , Hiftoire de la Sainte Ecriture en for-
me de Qatechifme, A la fin de ce livre, on trouve une Chrono-
logie qui eft tirée de bons Auteurs , mais qui n'eft pas jufte &
me s'accorde pas avec nôtre calcul : par exemple , nous faifons
vi-
T R E F A Q E.
vivre Scm tout Je rems d'Abraham & d'Ifaac. Car Sem n^ef!
mort félon le texte Hébreu qu'environ l^an 48. ou fo. de Jacob,
Mais la Chronologie de ce petit livre ne prolonge la vie de Sem
quejufques à l'an 1 5- 0""^ d'Abraham & le 50""^ d'Ifaac, & fait
naître Jacob dix ans après la mort de Sem : Car Jacob ne vint
au monde que l'an 60"''. d'Ifaac : Ce qui fait une différence
de 60. ans. Différence qui régnant dans toute Phiftoire des Pa.-
triarchcs y jette un confiderable embarras, dont tous les fçavans
ne fe font pas heureufement tirés.
Cela vient de la confufion qui fe trouve dans l'hiftoire de
la génération de Tharé. Le texte de Moyfe dit expréffemenc
que Tharé père d^i^braham étant âgé de 70. ans engendra
Kyibram &c. Et dans le dernier verfet de ce Chapitre XL de la
Genefe , on fait dire à Moyfe , & les jours de Tharé furent
10^. ans ^ il mourut en Carran : St. Eftienne dans le 7""^
Chap. des Ades f. 4. dit : ^^t^braham étant forti du pays
des Caldéens il demeura en Carran , ^ de là, après que fin
^Fere fut mort , 1)ieu le transporta dans le pays où vous ha^
hkés prefentement: Or cek paroît contraire à l'hiftoire de Moy-
fe, fî Abraham efl venu au monde Tan 70. de la vie de fon Pè-
re Tharé j que le Père ait vécu zof. ans , & qu'Abraham ne
foit forti de Carran qu'après la mort de Tharé , il eft clair qu'A-
braham devoir avoir 135. ans quand Tharé mourut, & que ce
fut à cet âge de laf. qu'il dût entrer dans la terre de Ca-
naan ; Or cela eft certainement faux , car Moyfe dit expreffe-
ment, qu^{_Abraham avoit 75. ans quand il laiffaQ^inSin èi. vint
dans la terre de Canaan. Si Abraham avoit eu 135. ans , quand
il vint en Canaan , fon fils îfaac auroic eu alors 35. ans, & feroit
né en Carran durant la vie de fon Grand-pere Tharé. Au lieu qu'il
eft certain , êcconftamment reconnu de tous les Auteurs , qu'Abra-
ham à l'âge de 75. ans , quand il vint en Canaan , n'avoir point d'cn-
fans, & qu'il étoit âgé de cent ans quand Jfaac luy fut donné en.
Canaan, & non en Carran. Je ne m'arrefterai pas à rapporter les di-
verfes voyes dont on s'eft fervi pour fortir de là ; je dirai feule^
ment celle que je croi certainement la bonne , & la feule bonne..
C'eft qu'il y a \cj une faute de copifte dans le conte des années^
de la vie de Tharé. Tous les critiques & les. commentateurs a^.
vouent, que dans les Uvres facrës hiftoriques il s'eft gliffe des er-
reurs de calcul fur le nombre des années , & fur les autres chofès
qui fe content , comme font les poids & les mefures : ce qui fait
desHiiScuitez doac on m f^auroic fortir heureufement qu'en 0^ j
vouans: *
T R E F A C E.
vouant qu'il y a faute de copîfte dans les nombres. La difliciîi-
té fur les années de la vie de Tharé eft de celles là : C'efï;
en vain que les interprètes fe donnent la gêne pour foûtenir l'in-
faillibilité descopiftes,qui ont travaillé fur les originaux de Moy-
fe & des Prophètes ; Mais nous trouvons un très bon guide pour
nous tirer de cet embarras, C'eft le code Samaritain. On
doit être averti que ce code Samaritain eil le vray code de
Moyfe; & fi on en croit plufieurs de nos Savans , il eil écrit dans
les mêmes caractères que l'original de la main de Moyfe : Car
ils prétendent que ce que nous appelions aujourd'huy caraderes
Samaritains , font les vrais cara6leres dont fe font fervis Moyfe
«8c les Prophètes; & que ce qui s'appelle aujourd'huy le caractè-
re Hébreu , eft véritablement le caraŒere Chaldéen , que les Juifs
rapportèrent de leur captivité , & qu'ils firent pafler dans i'u-
fâge ordinaire du temple & du peuple : en partie parce que
lèursjeunesgensneconnoiflbientquece caraâ:ere , dont ils s'étoient
fervis en Chaldée , en partie parce que les Samaritains s'étant
faifis de l'ancien caracftere de la langue Hébraïque , les Juifs a-
bandonnerent cet ancien caraélere Hébreu j par haine pour les
Samaritains. Il y a apparence qu'ils ont raifon. Mais cette que-
llion eft trop grande , pour être traittée dans une Préface. Louis
Cappel en a fait un traitté fort doéle.
Qiioi qu'il en foit , le code Samaritain corrige en cet endroit celui
que nous appelions le code Maforetique , parce que les Maforethes
l'ont réveu & corrigé. Car au lieu de lire comme nôtre texte ordi-
naire , ^ les ans de Tharé furent deux cens cinq ans j le
Samaritain dit , ^ les jours de Tharé furent cent quarante
cinq ans ,puis il mourut en Carran. Cela levé abfolument tou-
tes les diiîicultés , 8c nous dehvre des foixante ans fuperflus
dans la vie de Tharé , dont on ne fçavoit que faire & qui brouil-
loient toute la chronologie de ce premier période du monde & de
FEglife. Car de 105'. ans qui font attribués à Tharé dans nôtre
texte j ôtez en 60. ans, il en reftera 145". félon le texte Samari-
tain, ce qui eft juftemént le vrai nombre des années de la vie de
Tharé.
Il n'eft pas aifé de marquer, quand cette erreur de calcul s'eft
gliftee dans nôtre texte Hébreu. Elle y étoit fans doute du tems
que les Maforethes ont travaillé à revoir h corriger leur code ;
C'eft-à-dire , trois ou quatre cens ans après nôtre Seigneur. Mais
elle n'y étoit pas fans doute du tems de St. Etienne, qui dit,
qu^t^braham étant forti du fais des Chaldéen s ^ il habita
* * - eu
T R E F J C E.
ji£îes en Carraîi , ^ de là, après que fin 7 ère fut mort , Ty'ieu le
v^r.l'. tranfporta dans ce pays auquel vous habités maintenant:
Cela ne peut être vrai félon le texte Hébreu des Maforethes ,
Gemfe ii. ^^ donnc lo^.ans de vieàTliaré. Abram vint en Canaan à Pd-
'verf.^. ge de 'j'),ans: C^eft Moyfe qui le dit; Or ilauroit eu 135-. ans,
fi le texte des Maforethes étoit jufle & correâ:^ dans l'article de
la mort de T haré. Mais tout efl exadement vrai & fans diffi-
culté félon le code Samaritain, Abram , fils aîné de Tharé , vint
au monde , lors que Tharé avoir 70. ans. C'efl le texte de
Geneje 1 1. Moyfe. Tharé mourut 7 5 . ans après la naifîance d'Abraham , âgé de
'i>trf.i6. j^^^ ^j^g Incontinent après cette mort Abram entra dans la ter-
re de Canaan , à l'âge de 7 5". ans félon le rapport de Moyfe , 8c vê*
eut dans ce pays 25'. ans fans enfans. Quand il eut atteint l'âge de
cent ans , Dieu luy donna Ifaac, Au refle rien ne doit rendre
fufpe^te l'autorité du code Samaritain ; car c'ell le texte de
Moyfe en pur Hébreu : 6c il n'y a aucune difîèrence efîentielle en-
tre ces deux codes , celuy que nous appelions Maforethique & le
Samaritain -, ladifîèrence ducara^fteren'y fait rien: & même il y â
apparence, que le Pentateuque Samaritain eftplus ancien, 8c par
confequent doit avoir plus d'autorité. Il faut appliquer cette cor-
resflion dans tous les endroit où par mégarde ou autrement onafuivi
Ferreur de nos interprètes : Par exemple dans la page 48 x. on trou-
vera que Noé mourut deux ans avant la naijfance d' Abraham^
Sem 1 50. ans après. C'elt une erreur de calcul qu'il faut corriger ain-
fl : Noé mourut 5 8 , ans après la naijfance d^ Abraham : Et Sem i fo.
ans après. AuJJl Sem fut vivant tout le tems d^ Abraham ^ ^33.
ans par de là.
ç Cela étant ainfî expliqué, on ne doit apporter aucune altération
dans la 4'"''. page de nôtre première Partie , où on lit qu^ entre
Abraham ^ Adam ihv'y avoit que deux hommes , fçavoir Methu-
fcelaïê Noè ; Et qu^ entre Jacob^ le déluge i l n'y eut qu'un fèul
homme , ^ trois hommes entre le même 'jacob & la création.
Ce qui eft très vrai , & cela étant accordé , il efl clair , qu^on ne
peut tirer aucune preuve pour montrer que la tradition peut
fuffire aujourd'huy iàns Ecriture, pour conduire PEglife , de
ce que durant environ deux mille deux ou trois cens ans l'Eglife
n'a été inftruite que par la tradition defcendue des Pères. Car u-
ne tradition , qui ne paffequepar les mains de deux ou trois hom-
mes , ne court pas grande rifque d'être corrompue , quand ces
^trois hommes n'auroient pas été Prophètes.
La féconde Parties de nôtre Ouvrage contient PHiftoire du Culte
T R E F A C E.
Judaïque, fclon qu'il étoit commandé parla loy de Dieu, ou augmen-
té par la tradition des Juifs. Il fembk qu^on ait dii trouver de plus
grandes facilités dans cette féconde Partie , que dans les autres ^ à
caufe^que nous avons la révélation, & les livres de Moyfe, quicom-
prencnt toutes les loix & les préceptes de ce culte ^ que Dieu a-
voit ordonné de propofer à ce peuple: Et auïïi parce que Ton
trouve beaucoup de fecours dans les commenraire,s , & dans les
ouvrages des modernes , car nous n'avons prefque point de fça-
vans , qui n'ayent écrit là deiïlis ; fans conter les écrits des Do-
âeurs Talmudiflês & des autres Juifs qui ont fait de cela le
fort de leur fcience. Cependant la vérité eft , qu'on a eu plus
de peine à fortir de cet endroit, que d'aucun autre: on a bien
eu de la peine à démêler les fentimens des anciens & des moder-
nes. Il a falu fouvent travailler beaucoup , pour choifir , & pour
trouver la vérité dans un fi grand embarras : les defcriptions des
Temples de Salomon & d'Herode ,&des vaifleaux faits pour l'u-
fage de ces temples , demandent une très-grande attention : de
il efl mal aifè de fe fatisfaire tellement , qu'on demeure perfuadé
qu'on a bien rencontré. On croit pourtant avoir reu/Ti dans le
deiïein de donner une idée nette de ce culte, & l'on s'imagine n'a-
voir rien oublié d'efTentiel, regardant le fervice Levitique.
Les Auteurs qu'on a confultés& fui vis dans les chofes douteufes ,
font les Juifs Talmudiflês , & les Rabbins , qui leur fervent de com-
mentateurs : L'hîftorien Jofephe n'a pas été négligée , on en a tiré
toutes les lumières qui s'y peuvent trouver. Entre les modernes ,
Villalpandus , Arias Montanus , Cappel & Ligtfoot , ont été ceux
donton a tiré le plus de fecours : Mais ces habiles gens nelaifïèntpas
de mettre les curieux dans un aiïes grand embarras , par leurs
variétés, &ladiverfité de leurs fentimens. Ligtfoot efl fansdou-
-ce celuy qui a le plus heureufement travaillé fur la matière: mais
il^fl trop long, & il a falu neceffairement l'abréger, fans conter,
qu'on a fouvent été obligé de le corriger. Mais afin de rendre
juflice à tout le monde , il faut avouer, que nous n'avons été
aidez de nul Auteur, autant que d'un Théologien Anglois, nom-
moHemiAmimmtli.^^^ antiquité: carilécri-
Vojt au commencement du {îecle pafTé. Il a fait en fa langue un com-
mentaire fur les cinq livres de Moyfe en deux volumes quarto:
Ce livre efl plein d'une belle littérature Juive , expofée avec un
très-grand jugement : Et je me fuis cent fois étonné , que Ligt-
foot, qui luy a tant d'obligation, ne nous ait pas dit un mot de
iâ reconnoifTance. Au moins , je n'ay pas lu le nom d'i^ins-
* * 2 worth
T R E F A C E.
wortb dans aucun des ouvrages de Ligtfoor. Ce livre étoit peu connu
en A ngieterre , où cette efpece de littérature n'eft fort en vogue quç.
depuis jO. ou 50. ans : C eft pourquoi Ligtfoota cru le pou voir piller
impunément : Les mauvais exemples ne doivent jamais être fuivis ,
bien qu'ils fuyent appuyés de la pratique des grands Auteurs.
C'eft pourquoy je ne veux pas diÏÏimuler , que cefçavanthommç
nous a fourni^ de grands kcours dans l'hiftoire du culte Levitique.
Au refte on croit pouvoir dire , qu^il eft malaifé de confuU
ter plus d'écrivains qu'on a fait fur un fujet fi rebatu , & fî vul-
gaire. Tous ceux qui voudroient bien être inftruits de jla
religion des anciens Juifs, n'ont pas le loifir d'aller p.uifer dans
les plus anciennes fources : Et ceux qui ont fait couler des ruif-
feaux de ces fources, fe font fi fort étendus, qu'ils ont formé
ime efpece de mer , dont la feule vue étonne ceux qui voyagent
dans le pays des lettres. On croit avoir réduit cette grande
extenfion à de juftes bornes. On n'y rencontrera pas le de-
goût , que donne ordinairement l'excelîive longueur: fans pour-
tant qu'on puilTe avoir lieu de fe plaindre que nous ayons
retranché du neceffaire: outre les defcriptions du Tabernacle , du
Temple de Salomon , & de celuy d' Herode , des loix , des facrifi-
ces, des offrandes volontaires , des vœux , & des peines qui ér
cheoient aux violateurs delà loy de Moyfe^ on trouvera partout
beaucoup de pafîages difficiles expliqués.
Il eft jufte qu'après avoir expliqué les autres, nous nous ex-
pliquions nous mêmes, fur une apparente contrariété qui fe trou-
vera dans les pages 3 5" 8. & 381. G'eft;au fujet du Sabbat d'an-
nées, ou de ces relâches qu'on donnoir à la terre & aux fer-
viteurs tous les fept ans. Ce qui s'appelloit les ans de relâ-
che. Dans un lieu on dit que les années de relâche s'abo-
lirent peu à peu dans l'état des Juifs; 6c dans l'autre on dit
jqu^elles continuèrent toujours : C'eft que dans un lieu on par-
le félon le fentiment vulgaire, & dans l'autre on a copié Mai-
Tnonldes, qui croit qu'elles ont toujours continué ; il y a ap-
parence qu'il fe trompe. Mais fi l'on n'a pas corrigé fon erreur»
on ne juge pas que ce foi t un fort grand défaut dans nôtre ouvrage.
La troifiéme Partie renferme l'hiftoire des faux cultes , c'eft-
à-dire, des Idolâtries, dont l'Eghfe Judaïque s'eft rendu coupa-
i)ie , à peu prés depuis fa naiftance : Car elle fut idolâtre en
Egypte. Elle continua de l'être dans le defert. Et fi-tôt qu'elle
fut un peu affermie dans la pofTeftion de la terre de Canaan,
die adopta tous les Dieux des peuples, dont Dieu luy ay oit li-
vre
^ f 11 E F 4 C E.
Vfélepays. Idolâtre fous les Juges, idplatrefous fes Rois, juf^u'^
ce que la patience de Dieu pouïïee à bout , luy ôta le bon païs
qu'il luy avoit donné , & l'abandonna aux Rois d'Aiïyrie & de
Babylon. L'Hiitoire d'une révolte fi longue 8c fi pourfuivie, ne
pouvoit pas être courte: Au iTi cette troifiénie Partie eft auiîi lon-
gue que les 4eux aiirres eijifen^le , c'eft pourquoi on l'a divifée
en deux autres parties , <&€n divers traittés , pour la commodité des
Leâ:eurs.
Il n'étoit pas po/Tible de négliger cette troifiéme Partie , autre-,
jçnentrhiftoire de la Religion des Juifs fiit demeurée tout à fait in*
complète. Etant une fois entré dans ce vafte champ , il n'y a pas eu
moyen d'en fortir bien tôt. Il n'y a qu'une feule voye droite ,& il y
en a cent & cent de détournées qui vont à droit & à gauche: C'eft
pourquoi il faut plus detems pour conter les égaremensdes hom-
mes, que pour marquer les régies de leurs devoirs.
On efpere que les curieux ne fe plaindront pas de la longueur
de cette dernière Partie : Car on y trouvera tant de chofes , capables
de fatisfaire lacuriofité, qu'on ne plaindra pas fa peine. Il eft Vrai:
c'eft une matière , fur laquelle nos fçavans fe font fort exercés. Mais
tous n'y ont pas également réuffi. Seldenusnous a donné un traittir
de 'Diis Syris , & Jean Gérard VoUius nous a laifTé un gros ouvrage
de Idololatria^ qui feroit encore meilleur, fi fon Auteur avoit ju-
gé à propos de le décharger de Phifloire de la Philofophie. Onaef«
fayé d'éviter tous les défauts , qu'on a remarqués dans les autres
Auteurs . Mais fur tout on a travaillé à chercher la vérité , & la vrai-
femblance : on l'a fait avec tout le foin dont on efl capable. Nous ne
meprifons pas les travaux de ces fçavans, que nous regardons com-
me nos Pères & nos Maîtres. On a pris d'eux une grande partie de
ce qu'ils ont dit de bon : Mais on a cru qu'on étoit capable de poufîer
les découvertes plus avant: Qiiandil s^agit de conjeâ:ures , les plus
fçavans n'y font pas toujours les plus heureux. L'efprit & la péné-
tration y font pour le moins aulTi neceïïaires que le fçavoir : L'on
n'a pas négligé de s'inflruire & d'apprendre des autres, mais on a
fouventété appelle à conjedurer tout de nouveau dans les endroits
©ù les anciennes conjectures neparoifTent pas heureufes.
Il y a dans nôtre traitté del'Idolatrie Judaïque tant de ces nou-
velles conjeâ:ures, qu'on peut le regarder comme \xri ouvrage tout
nouveau.Peut-être que l'on ne trouvera pas ces^ conjectures nouvelles
plus heureufes queies anciennes, qu'on a négligées. Mais enfin le
public au moins nous tiendra conte de nos bonnes intentions , In
magnis volmjfe fat eft : Et déjà nous avons le plaifir de voir que
** 3 les
■^ R E F A C E. '
•ïes efprits judicieux , qui ont yû quelques échantillons de l'ouvrage,
Tont fort approuvé. On nes'efl pas fi fort attaché aux nouvelles
conjectures , qu'on n'ait auflî rapporté les autres , afin que chacun
ait la liberté de fon choix.
Ceux qui aiment la littérature Juive , Greque * & Latine , trou-
'veront icy affés leur conte : on n'en a pas fait profufion , comme ont
Caît les Auteurs qui femblent n'avoir écrit que pour apprendre au
public qu'il s ont beaucoup lu. Ils chargent ^ leur texte &leurmar-
;ge de tant de citations , q u 'un Lecteur en eftépou vanté, & rebuté par
-la feule vue. On a elTayé d'éviter les fuperfluités, fans rien oublier de
l'eflentiel: fur tout dans le conte des Idolâtries Judaïques , qui effc
nôtre principal fujet, onnecroitpasen avoir pafTé & oublié une feu-
le. Et cette exadlitude a donné lieu à éclaircir une infinité de paf-
-^ages du Vieux Teflament. Comme les Juifs n'ont pu imiter que les
Idolâtries des Phéniciens, des Syriens & des Aflyriens , on a trou-
vé dans les idoles de ces nations toutes celles du peuple des Juifs:
Et la comparaifon que l'on fait des idoles & des faux Dieux des
Orientaux avec ceux de l'Occident ne peut que plaire aux curieux.
Car c'efl ce qu^on^a le plus goûté dans les ouvrages de nos mo-
dernes.
Peut-être que beaucoup de gens s'étonneront que dans un âge il
avancé , nous nous foyons donnés à cette efpece d'étude , après
,avoir confacré nôtre plume à l'édification des confciences par des
ouvrages de pieté & de dévotion, h par un grand nombre d'écrits
pour défendre les vérités de la Religion. Un efprit ufé par tant de
travaux pouvoir bien fedilpenfer d'un travail de la nature de celui-
ci > furtout après avoir pris congé du monde en lui donnant un
traitté de P amour divin. En vérité en auroit bien de la peine à dire
comment, & pourquoi ^ on s^ell engagé dans cette nouvelle carrière:
On ne penfoit à rien moins, il y a quelques années: Le grand loi-
• fir , où nous ont jette les infirmités d*une vieilleife prématurée , nous
a conduits là : En remaniant des manufcrits compofés dans la vi-
gueur de nôtre âge, nous y avons trouvé afl^s de chofes, pour
faire un livre. Mais c'étoit de la matière fans forme, & un chaos
où l'on ne voyoit que àt^ ténèbres > excepté la première Partie ,
qu'on avoiteuletemps de revoir, & qu'on s'étoit donné le loifirde
mettre au net : Le relie étoit en fi mauvais état , qu\m homme cafle,
n'ayant plus ni de veîxe pour lire, ni de tefte pour s^attacher , ne pou-
voir apparemment prendre le parti de donner à cet ouvrage unefor-
me raifonnable , qui pût iàtisfaire le goût d'un fiecle aufîî délicat , &
auiTi éclairé que le nôtre. Cependant on l'a entrepris v^ l'on en eft
en
"PREFACE.
en quelque forte venu à bout, avec le fecoursdes habiles compod-
teurs & correcteurs , mais ce n'eft pas fans des travaux bien au-
deiTus de nos forces.
Je ne diiïîmulerai pas, qu'après avoir tant travaillé pour
le cœur , ma confcience ne m'ait quelquefois dit fecretement^
que je nedevois pas ni chercher de nouvelle gloire ^ ni courir après
là vaine fumée des louanges , qu'attirent les ouvrages d'efprit & de
fcience : Mais enfin je me fuis un peu fatisfait là deflus , en confi-
derant premièrement queje ne m'engageois pas à des travaux tout à
fait nouveaux : fecondement qu'on ne doit pas regarder comme inuti^
les pour la pieté des recherches qui éclaircifïènt l'Ecriture Sainte ^&
qui ouvrent plufieurs portes de la divine révélation ^ qui nous étoient
prefque fermées. Je ne trouverai pas étrange qu'on foupçonne qu'il
s'eft mêlé de l'aînour propre dans nôtre deiîein : car où font les a-
diiows humaines où il n'en entre point? On pourra dire que cet a-
mour propre nous a fuggeré , qu'il ne feroit pas inutile de faire con-
noître au Public que c'efl par confcience & par un principe de reli-
gion, qu'on aconlàcré fa plume à défendre &à enfeigner les véri-
tés qui mènent au falut éternel j pu ifque d'ailleurs on auroit eu lieu.,
d'efperer quelque fuccés en fe donnant à ces efpeces de travaux , qui
ne peuvent produire qu'une gloire humaine: Aujourd'huy dans la
republique des lettres , il femble que la plus feure voye pour acque^
rir ce qu'on appelle delà réputation foit l'étude de la critique fainte.
èL profane: Mais nous pouvons protefler avec une parfaite ilnceri-
té , que ce n'eft pas là le principe qui nous a mis la plume à la
main. Et fi cespenfées font venues après-coup , on les a repouflees
comme des tentations.
Je n'ay plus que peu de chofe à dire ,• c'efl au fujet de la lan-
gue dans laquelle on a mis cet ouvrage , c'efl: une langue vulgai-
re: Les Sa vans fe plaindront peut-être qu'on aura profané leurs
myfl:eres, en les expofantàlaveuede ceux qui n'y font pas initiés.
Mais il y a déjà du tems qu'on efl: guéri de cette maladie : les Anglois
ne l'ont jamais eue : car nous voyons prefque tous leurs ouvrages de
critique écrit^'en la langue de leur pays : Et fur un fonds Anglois , on
trouve une broderie non feulement deGrec&deLatin, maisd^He-
breu, de Chaldée, d'Arabe, & de Perfan. La langue Françoife efl: d'un
ufage beaucoup plus étendu que la langue Angloife , principalement
dans le fiecle prefent. Une infinité d'efprits curieux , & qui fe connoif^
fent en bonnes chofes , feront aflxirement bien aifes de trouver ici le
rideau tiré , & le voile des langues du collège mis à part : l'efprit , îa
fcience & le bon goût font de touslespays, Reparlent toutes les lan»
gueSç,,
"PREFACE.
gués. Les ouvrages de critique du P. Simon font bien liélïfôtix d'a-
voir paru dans la langue Françoifc; ^fi cet Auteur s'étoit fait une
nèceflîté de ne paroîtrequedanslalans^uedes Savans, rimprimeut
n'en auroitpas eu à beaucoup prés tant de débit. Cen'efl; pas pouc
imiter le P. Simon qui a donné pour titre au principal de fes ouvrages ,
Uiftoire Critique du Vieux ^ du Nouveau Teftament j qu'on a pris
celui d^Hifloire Critique des dogmes & des Cultes &c. Car cet
ouvrage étant vèntablement unehiitoire, on n'a pu lui enrefuferlè
nom; & étant d'ailleurs mêlé de tant de Critique, onn'apasdûlè
celer à un fîecle qui a tant d'amour pour cette efpece de littérature.
"Ous ne jugeons pas qu^ilfoit fort neceflairede mettre ici un
_^ Errata. Il y a trop peu de fautes & trop peu confiderables. El-
les font fur tout dans l'orthographe des mots des langues étrangères,
éc principalement de l'Hébreu & du Grec. Mais ceux qui ignorent
ces langues fe paieront fort bien de ces corre(5lions , & ceux qui les
fçavent les feront bien eux-mêmes: Il y en a peu dans la langue La-
tine; on trouvera dans unpaiîàge d'Horace, é'.v/T^^;^^ pour cupref-
Jum, page40i. Danskpage 4(^7. on Ht dans un paffage de Suétone
futur a trais multa prodigia ext itérant. Ce qui n'a pas de fens : il
faut lire , futur a mortis. Dans la page 333. comparation pour compa-
rution : on trouvera quelques fautes dans Xts articles. Mais le Public
ell: afles perfuadé, que nous fçavqns nôtre langue afies bien, pour évi-
ter ces fortes de fautes. Il y a feulement unecorreélion eiïèntielle dans
les chofes moins que dans les mots. C'eft dans la page 67 1 . où on lit:
Il ejî clair que les 70. Interprètes ont corapris qu'f^Jïaroth ^
Asherotfe rapportoient à la même divinité. C'efl juftement le con-
traire de ce qu'on a voulu dire, c'eft pourquoi il faut hre: les 70,
Interprètes n^ ont pas ajfés compris qu'ÂJfarotb \3 Asheroth fint *
lajnême chofe & la même divinité.
ADDITION pour la page 66^.
Apres ces mots, qui Jïgnifie une jeune aigle.
Je croi que nous trouverons ici la vraye raifon pourquoi les Grecs
*iBc lés Romains ont donné à Jupiter l'aigle pour fan oifeau: on
dit que c'eïl parceque cet oifeau eftle Roi des aifeaux à caufe de fa
grandeur & de fa force: Mais un grand Milan efl aulTi fort que l'ai-
gle. Il eftdonc apparent qu'ils ont emprunté cela des Aflyriens &
des Orientaux, comme tout le refle de leur Théologie: c'efl parce
que Nimrod , devenu X^JupiterBelus des Babyloniens, eut Paigle
pour fon fymbole ,& cette aigle étant placée furlaflatue de Jupiter,
fut adorée conjointement avec le Dieu dont elleétoitle fymbole, 5c
même elle lui communiqua fonnom à^Nifroch.
TABLE
T A
^^•.^?^?$^^
L E
ii&^iiiâhss
DES CHAPITRES.
PREMIERE PARTIE.
HISTOIRE des Dogmes O^ des Cultes de VEglifi depuis Adam jujqtiei
a Moyfe^ pag. i.
Chapitre i. De la Théologie & des Dogmes de fEgUfe avant laLoy^ z,
Chap. II. De Job , de fin livre ^ & de fa Théologie , 8 .
Chap. III. Abrégé de la Théologie des Patriarches avant MojÇe. Leur Ré'
ligion ■ étoit plus femblable a la Religion Chrétienne que celle des Juifs^ i ) .
Chap. IV. De la manière dont Dieu enjèignoit les hommes avant Aiojfc.
ds P antiquité de l'art d'écrire : des Prophètes du premier âge, D^ Enoch d*
de fa Prophétie^ 21.
Chap, V. De Balaam^ de fon cdraflere, O'' de fa Prophétie. Un étoit ni
Aïagicienj ni faux Prophète ^ 32. -
Chap. VI. Des Préceptes apellez. des Noachides : des Profelytes de U porte
O" de la jujiice 3 39.
Chap. VII, Eclair cipfement de plujteurs endroits du livre des ABes par Phifloi"
re des Profelytes de la porte ^ 45.
Chap. VIII. Du Culte O^ du fervice divin dans la Religion des Nbachides.
Des deux premiers ccmmandemens des Nbachides y de la défenfe de Vldolatrie^
O" de la profanation du Saint Nom de Dieu ,52.
Chap. IX. Des Sacrificateurs de V ancienne Eglife avantA^oyfè^^6.
Chap. X. De Aîelchifedec O" de fon facerdpce. Que U Nation Chananéene âti
tems de Melchifedec n étoit point idolâtre ^ €i.
Chap. XI. Que JHelchifedec doit être Vun des trois Patriarches Enf ans dâ
Noé^ O* qu entre les trois il efi plus vraifemblable que c' étoit Cham, 6j,
Chap. XII. Des Péchez^ Typiques^ O" de la Réprobation typique de quel-'^
que s Anciens^ 74,
Chap. XII I. Des Sacrifices de f Eglife avant la Loi ^ 0^ de leur origine^ 8r.
Chap. XIV. Des différentes ejpeces des Sacrifices avant Afoyfe^ 85».
Chap. XV. De la matière des anciens Sacrifices de f Eglife avant la Loy. Des
bêtes nettes O" fouillées. Quand cette dtfiinBion a commencé. Des cérémonies
de purification qui étaient en ufage dans cette ancienne Eglife .^ 97.
Chap. XV I . Que PEglife avant le Déluge O" avant Moyfe rHavoiî point
des jours marquez, pour le fervice divin. Quelles étoiem fes Fêtes. De
V origine du Sabbat^ 104»
Chap, XVII. De V origine O^ de V antiquité des Semaines. De la manière
de divifer les iems , qui étoit en ufage entre les Romains : des Nundi-
nés , des Calendes , des Nones <Cr des Ides. Réponfe aux paffages qui
mt été aportez. pour prouver l'antiquité de fobfervation du Sahat^' m.
■^** Chap,
TABLE
Chap. XVIII. Que l'Eglife avant le déluge n'avait poim de li^d^affcmblécy
foint d' ajfe?nhlée folemnelle , point de confédération , po/«f de difciplim , point
de cenfure^ point de Sncremens^ 120.
Chap. XIX. Des Mariages des Patriarches; de Vin^ituîion des Mariages^
& des cérémonies avec lefquelles on les contraBoit^ 131.
Chap. XX. Des chofes contraires à l' injiitution du mariage , que Von a remat'
>-. que dans les mariages des Patriarches 5 & premièrement de la Jîmple fornication ,
C^ de V adultère 5 1 3 7.
Chap. XXI. Des Mariages dans les degreZj défendus^ 140.
Chap. XXII. De la Polygamie^ 14p.
Chap. XXIII. Du Divorce^ 160.
Chap. XXIV. Delà Loy du Levirat^ 1^4,
Chap. XXV. De la défenfe de manger dufang. Examen de la queflion, [avoir
Jî on mangeait la chair des animaux avant le déluge .^ 170.
Chap. XXVI. Combien a duré ce premier période de VEglife , dont nous venons
de faire rhijloire . uihregé du fyfteme des Pre-Adamites , 175.
Chap. XXVII. De la différence qui e[i entre le Texte Hébreu & le Texte Grec
de la ver fan des Septante^ touchant la durée du premier période de VEglife^
181.
Chap. XXVIII. Réponfe aux OhjeBions d'Ifaac VojfmsC^du P, Morin^ con^
tre le Texte Hébreu O^ pour la verjîon des Septante^ 188.
SECONDE PARTIE.
\^\J Culte Levitique 3 15)5).
Première Partie. Du Lieu oh fe faifoit le fervice de la Loy , (^ef: h
'- Tabernacle^ auquel fuccedà le Temple'^ 2 00-.
Chap. 1. De V antiquité des Temples^ 201.
Chap. II. Du Tabernacle conjîruit par Moyfe ^ 202.
Chap. III. Du Temple de Salomon^ 106.
Chap. IV. Du fécond Temple ^ C^ du Temple d' Herode ^ 2îi,
Chap. V» Defeription de V intérieur du Temple^ 21J.
Chap. VI. Defcription de la Montagne du Temple^ 217.
Chap. VII. Des deux Temples fchifmatiques de Gueri^im O^ d'Onias ^ ziy.
Seconde Partie. Des Faiffeaux du Temple , o^ des Inflrumens du Cui'
teLevitique^ 22p.
Chap. I. De V Arche <) & des Chérubins^ 11^.
Chap, 1 1. Dans V Arche il n'y avait que les deux Tables de la Loy ^ 2 3 5.
Chap. I II . Des f^aiffeaux qui étaient dans le lieu Saint. De P Autel des Par"
fums^ de la Table O^du Chandelier^ 240.
Chap. IV. Dés Vaiffeaux du fervice i qui étaient dans le Parvis des Sacrifice
teurs: O" premièrement de P Autel des Holocaujfes^ 244.
Chap. V. Des Cuveaux des Lavemens^ 248.
Chap. VI. De tom les moindres uflenfiles C^ vaiffeaux du Ten^le^ quiètoient
employez au fervice de la Table de Ptolemée, 251.
Chap. VI I. Certaines fngularite^duTemple^ tirées de laTradition des Jmfs>2S4
" ^ Trjos-
D E s Ç H A P I T R E s.
T R o I s 1 e'm E Partie, î)es Minijîres du Temple i & de leurs vctet
mens, 258. . ^^y^ y^\'iu v^>,^■A'oi\^■^>^
Ghap. I. Bu Grand Pontife ou fouvérÀtH SdtHficateur. Ordre des fouvermm
Sacrificateurs fous le premier & le fécond Temple 5258.
Chap. II. Des ejualitez. O^ conditions ^ui étoient neceffaires ^our entrer dani
la fouveraine facrificâtïireyiéz.
Chap. î II. . JPe C Autorité , des Privilèges , p* de, la dignité du fouverain PoÛ*
tife^ lé^. ■ ■■■"' i^;o ^v.'>.ùj Hiv\vJ ' . ' '
Chap. iv. Des Vêtemens du fawvêram SacHfiùMi^uf'j 270,
Chap.v. D'Ûrim cr Thu^mim, ly^.
Chap . V T . Deux JinguUritez. remarquables touchant les Hahits-Pontificaux^ l%tl
Chap. VII. De PéleBion 3 inflallation , & inauguration du fouverain Pontife.,
De V Huile d'onB^ion, 2.83. - - . -
(Z\\2i.^.viii. Des Jtmplei-Sacrificateufs^ i^j. '
Chap. IX. Des Lévites, Portiers, Chantres, O^ Nethiniens , de la Mujî(^m
du Temple, <^ des Infirumens de Jl^ufique, 289.
Chap.x. Des autres Minijîres du Temple , dont il e(i fait mention fous le
fiûond Temple, 2^6.
Chap. XI. De J' entretien , des Jlfinifir es du Temple, c'*efl -à-dire, des Dîmes»
Revenu du Teniptè lui-même , ouduftcledufan^uaire, 299.
Quatrie'me Partie. Des Sacrifices, Fêtes y & Cérémonies. Des
Peines qui fi decernoient contre les violateurs de la Loy, 30^.
Chap. I. De fHolo^aufleji^aC.-
Chap . 1 1 . Du facrifice pour le pecké , 309.
Chap. II ï. Dufacrificepour le délit ^ dit Asham, 3IÏ.
Chap. IV. Des facrifices de Projperité , 313.
Chap.v. Des oblations des chofis fiches C^ liquides, '^16.
Chap. VI. De ceux à qui il et oit permis d'offrir ces facrifices , 3 iS.
Chap. VII. V ordre d^ la manière du fervice ordinaire, ^ui fe faifoit dam l§
Temple chaque jow , 320.
Chap. VIII. Du firvice du Sabbat & des nouvelles Lunes, 324.
Chap. IX. Des Fêtes folennelles, O^ premièrement de la Pâque, 32 J.
Chap.x. Cérémonies ajoutées a la célébration de la Paque, par la Traditîoli
. des Juifs, 328.
Chap. X 1 . De la féconde Pkque , 334.
Chap. XII. De la Pentecôte,, 335.
Chap. XI ïi. De la Fête des Trompettes, ^'^j.
Chap. XIV. Du jofir des Propitiations , 338.
Chap. XV. Des autres Jeunes des Juifs, 343.
Ghap. XVI. De la' Fête' des Tabernacles, 345.
Chap. XVI i. De la Fétè de Purimy de celle de la Dédicace, & dé celle dé
^vKoCpopiei, 349.
Chap. XV III. Dé la Circonci/ion, -^^ï, '^
Chap.xix, Du Sabbat, 352.
Chap. XX. Du Sabbat d'années, 3J4. '
Chap. XXI. Dujrand JSabbat/d' années, ou jubilé, 358.
Chap.'xxri. 'Des jfouillutes Légales , Cr ''de leurs Purifications- , €r pre-
^ îï # 2, mie^
mierement de fean.'defeparatipn^ €r de la Vache youfe^ :^6i. ^^
Chap.xxiii. La Purification de la Le^re^ 3(^4.
Chap. XX IV.' jDe la Gonorrhé'e oufiux de femence^ de la pollution p^tr lesmen-
finies^ feuillure par un morty 7^66.
Ghap.XXV. -D^/'£^«^fj^^/o«A 370- ùo j j-,v.as.^4i5 r-^a •r.cijî.i-:
Chap.xxvi. Des Cultes Volontaires félon la Loj ,^,^.2'l',\^r^^ v^.^'.^'.^V r>\
Chap:xxvii. Des V(^ux, .37<5^: .r i^;.Wh'\ .i^K Av.i2>\;r-J\ p'J ,i,u.<r-r>
Chap. XXV III. Des Vœux par Chereni ou par interdit j du vœu de ^ephte , '3 7^,
Chap. XXIX.. Du Vœu de Naxareat^ 381. 1
Chap. XXX. Des peines aufquelles étaient fournis les 'violateurs deULoj^ 387.
Gftap.xxx I. De rExcommnifatim , B^î^.^j,^^.,, ^^^vu.\« aav v.
TROISIE'ME PARTIE.
Divifée en plufîeurs Traitez ,
OH font expliquez, tous les faux Cultes Cr' Us Idolâtries , dont il eji fait mention^
dans l'Ecriture Sainte, 399.
Premier Traite'. De V Idolâtrie en gênerai , & de laTheologie Fayen--
ne^ 3pcj.
Chap. I. Du nom d'Idole O* de celui d'Idolâtrie y 400.
Chap. II. De V origine O" de l"* antiquité de f Idolâtrie^ ^01^.,
Chap. III. De la Théologie des Fayens^ 407.
Chap. IV. Les Dieux des Payens divifix. en diverfes clajfeSy 418.
Chap. V. Abrégé de U Théologie des Phéniciens ^ ou Cana,néensy tirée dm
Fragment de Sanchoniâthon^^i^o.
Chap. VI. Suite de U Théologie Phénicienne^ 440-
Second Traite'. Des Theraphims y 448.
Chap.i. Paptges du Vieux Teftament , oà il efl fait mention des Thera^
phimsy 448.
QhfiTp . 1 1 . Hifioire des dijferentes opinions des yuifs O^ des Chrétiens, da
Anciens 'C^ des Afodernes^ fur ces Theraphims y 450.
Chap. III. Les premiers Theraphims n'étaient que de fimples Idoles fans ma-
gie, de la font venus les Lares ^ ou Dieux domefiiques. Noé & Sem ont été
les Theraphims de Lah an y 456". "
Chap. IV. Des Theraphifns devenus .infirumens de Magie. Ils ont été imitez, de
l'Oracle des chérubins. De la Necromance des Syriens ^ ^61.
Ghap.v. D'une autre Partie de la Necromance des Syriens. Des EJprits de
' Python 3 Engajirimuthes parlant du ventre y O^ de TOb des Orientaux , 4<îp.
Troisie'me Traite'. De f Origine des Sjmulaeresy 477.
Chap. I. De rOrigine des Simulacres. Il lu faut chercher dans l'Orient ^ 477.
Chap. II. Quelle a été l'intention des premiers faifeurs d'Images ,. les frogrez,
de cette Idolâtrie .^ 4^3-
Chap. III. De l'opinion que les Idolâtre f o^t eu- dé leurs Jimulacres ^ O* du
culte qu'ils leur ont rendu y 487.
Ghap.iv. Seconde opinion^ des Fayeris fur leurs Jimulacres, Ils croyoiemt
DES CHAPITRES.
^ue les Dieux ^ ètoiem attirez, far la vertu de la confecration. Les Papijîes ont
la même opinion de leur s images^ 4^2,,
Chap. V. Ofiniondu fauxTriJmegijîe ^ que les Jïmulacres àsvenoient le vrai corps
des Dieux ^ 495*
Chap. VI. Quatrième opinion. Cejl celle du bas peuple & duvulgaire ^ 497-
Traite' du Veau d'Or, que les Ifrdélites firent cr adorèrent dans h
defert ^'^oi.
Chap. 1. Première Quejîion. Quelle étoit la figure de cette Idole ^ 502.
Chap. II. Deuxième Quefiion. D'où cette Iddatrie a tiré fon origine^ ^oa.
Chap. III. Les Egyptiens adoraient flufieurs animaux , 506'.
Chap. IV. Des Bœufs facrez. & adorez, entre les Egyptiens^ apellez^ le Bœuf yîùîs
O^ le Bœuf Mnevis , 5 09 .
Chap. V. Ce que pouvait Jîgnifier cette ajfreufe Idolâtrie des Egyptiens , qui adoraient
des bêtes ^ & entre mtres les Bœufs Aj^k & Mnevii, Cétoient des Jymboles des
grands Dieux <y 515.
Chap. VI. Que le Bœuf Apis n'était p^a le fymbole du Dieu Serapis-y quel était Ih
Dieu Serafis des Egyptiens '. Que^ofefh n'a point eu de fart entoutcela^ ^i^.
Chap. VII. Le Bœuf Apis était le fymbole de la Déejfelfis: Cp le Bœuf Mnevis
était le jymbole du Dieu OJîris. Typhon était ennemi mortel d'Ifs & d'Ofris.
Quelles parties de lanature ont été déifiées parles Egyptiens ^ fous ces trois noms,
IJîs frétait pa^ la Lune , mais la nature univerfelle , 523.
Chap. VI II. D^Ifisj d'Ofrisy cr de Typhon y hiftoriquement ^ O* confidere:^
comme Dieux animaux ^ '^xi. . -
Chap. IX. Que/lion. Si les Ifrdèlites dans h Veau d''or ont eu intention d'adorer
les Dieux d' Egypte ^ Apis^ JJîs^ Cr Ofris^ ou s"* ils ont voulu adorer le vrai^
Dieu , dans ce jymbole Egyptien , 5 3 <?.
Chap. X. De la Fête célébrée pour la Dédicace du Veau dans le defert , 5^ 3 p .
Chap. X I . Des Veaux- de 'Jéroboam , pofe%. en Dan <T en Bethel , 542,
QUATRIE'ME PARTIE.
Divifée en plufîeurs Traittez. ■^.
PREMIER Traite'. Des Dieux des Cananéens au Syriens. De d'' Idolâtrie de
Bahal-Pehor, Dieu des JHoabites^ de Kemos^^ autre Dieu des Aîaabites-^
de Aîipheletfeth^ deMaaca^ deNebo , O^c, Beth-Bahal-Mehon^ 549.
Chap. I. Textes^ ou il ef parlé deBah'al-fehor^ 549.
Chap. 1 1 . Bahal'PehoreJi le Priape des Grecs O^ des Romains. Du Mipheletfitk^
de Maaca ,551. ,
Chap. m. Le Bahal'Pehor des jMoabites y &le Priape des Romains^ était kP<$<'
triarche ISIaé ^ 554*
Chap. IV. DuDieu Kemos^ cefi le même queBddal-Pehor. De Neba, deTo"
racle de Bahal'Pehor y ^di.
^Second Traite'. De Maloch Dieu des Hamm&nites ^ de Anamekch &"
Adrammelechy Dieux de Sepharvaim'^ de Kijoum Des Dieux des Gau-^
lois, Tautatesy Taranes, Hefm^ c^c. 5YÎ4.
Chap. I. Revue des Textes^ on il ef parlé de Aloloch^ ^6^.
Ghapai, Defmptim de l'IdeU de Moloch, félon les Rabbins. On ' brûloir- des
?ft#*
3
«f5'
TABLE
^yifans afin honneur. D' Adrammelech ^ & AnameUchy Dieux de Se^ha/^l
Chap. 11 r. Moloch eji le Saturne des Grecs & des, Romains. Le Tautates des
Gaulois efi aujfi Saturne. De Hefus & Taranes , autres Dieux Gaulois , 570.
Chap. IV. Conformité du culte des Phéniciens à leur Moloch ^ & celui des Cwr^
thaginois a leur Saturne i ^1\. '
Chap.v. Saturne & Moloch femhlent être la Planète de Saturne ^ mais cefl le
Soleil, ^yS.
Chap. VI. Des Dieux animaux y ou des hommes adorez, fius les noms de Saturne
& de Moloch. Adam. & Noé s'y trouvent ^ 581.
Chap. VII. Il y a j>lus de caractères de Noécjue d'Adam dans Saturne & Moloch,
Noé ejî aujji caché fius le Dieu Saturne, 585.
Chap. VIII. D'ouvient la fable, queju^iter cou^a les parties de Saturne, 5 S 8.
Troisie'me I'raite'. De Bah al , & des Bahalins , de Belus , Beleni^ ,
Eliogabalus, &c. de Jupiter Hammon , de Nimrod, Cham, &c. 55)2.
Chap. I. Textes de l'Ecriture, ou il eJi £arlé de Bahal, des Bahalins ^ & des
Bahalines, 55)2.
Chap. 1 1. Du nom de Bahal, comment il s'efl répandu ^ar tout, noms propres
dans lefquels il efi entré. D' Èliogabalus , 5^5.
Chap. III. Bahal efi d'un fexe ambigu , Dieu & Déeffe, auffi bien élue Venus
& la Lune, 597.
Chap. IV. Dufervice é^uon rendait a Bahal. Des dànfis des dftciëns'dàns leurs
Sacrifices, du baifer delà main a l'honneur des Idoles, 55)9.
Chap. V. Les Dieux naturels cachez, fous Bahal, cefî le Soleil, le J-u^iter des
Grecs. De l'Hercule Tjrien, 606.
Chap. VI. Les Dieux animaux cache%.fius Bel & Bahal font Nimrod & Cham,
de trois Enfans de Noé , Goj.
. Qu atrie'me Traite'. Des autres Bahalins , de Bahal-Tfe^hon , de
Bahal-Berith, de Beel-z,ebub , de Dagon^^&c.de ISfergal ,Nibechas,Tartach,
Ashima, Aretfa, Dieux de Sehir , Adrammelech, Anamelech, Nifroch y
Rimmon, 61^.
Chap. I. Bahal-Berith, Dieu ou Déeffe des Sichemite s. Première conje5iure,<^ue
c efi le Jupiter Fœderalis. Seconde conje^ure, que Bahal-Berith, qui a pris
fin nom de la ville afellée en Phénicien Beruth , étoit afsurement une Déeffe , &
non ^as un Dieu, 61^.
dhap. 1 1. Notables conjeEiur es fur le nom de laDéeJJe Berith, que c efi la Cy bêle
des Grecs, quelle a tiré fin nom & fin origine de Thifioire de la Création, &
du Verbe qui créa le monde , 610.
■Chap. III. De Beel-z,ebub. Toutes les coujeBures de nos Savans fini faujfes fkr le
Dieu Beel-z.ebub. Ce n efi point le Bahal, ou le Jupiter des Syriens. C'efv le Pluton
des Grecs, le Prince des mauvais Démons. Notables conje^ures la-d.effus, 6 16.
Çhap. IV. Serajpis efi Pluton: preuve par fafiatue, par la Jîgnification du nom
deSerapis, qui veut dire Dieu des Sauterelles, ou des Harpyes. Origine de la
fable Ô" du nom des Harpyes ,6^1.
Chap.v. Véritable origine du nom d'Acher on, le fleuve des Enfers , &deCha-
ron le Battelier d'Enfer. Pluton a tramé partout avec lui le nom d'Acheron.
Et partant on exerçoit la Necromance dans fis Temples, 6^j.
Chap. VI. DeDagon. Il vient de Dag, poiffon en Phénicien. Et nonde Dagan,
froment , comme l'a cru Philon de Biblis. Diverfis erreurs de ce Philon. Dagon
etoit Neptune. Derceto, Déeffe delà iner, avoit la figure de poiffon , 6~^i.
Chap,
DES CHAPITRES.
Chap.vii. Des Dieux Naturels & Animaux cacheTL fous Dagon. Les Dieux
Naturels cefi la mer^ &VEf^rit répandu dans cet Elément^ qui lui donne fes
mouvemens. Les Dieux Animaux font Ja^het y deuxième fils de Noé ^ 6^0,
Chap. VIII. Les Dieux des Orientaux tranf^ortei. en Samarie. Nergal 3 Ashima^
ce font divers noms du Soleil y 6^1.
Chap. IX. De NibechaTiy 6^6.
Chap.x. Le Dieu Tartak nefl point Vane, Nous n avons f as af ris qu'on ai%
adoré l'âne nulle ^ art. D' Adrammeleeh & Anamelech , des Dieux de Sehir^
du DieuAretfày du Dieu Rimmon^ divinité adorée cheTL les Sjriens de Da-*
mas y duDieuNifrochy Dieu de Sennacherib y 6^j.
Chap. XI. Nifrochy le Dieu de Sennacherib y avoit la figure de T Aigle, Opinion
delCirkeruSy que c'était une pece de l'Arche, 660.
C I N QJJ I e'm e Traite'. Des divinitez. Féminines , d'Afîaroth , Asherahy
Succoth-Benoth y la Déefje Syrienne y Venus Uranie y Derceto y Atergatis-y
&c. 666.
Chap. I. De In Déefje Afiharoth y de fes divers noms. Que c et oit uneDéeffe y &
non un Dieu. Dunomd'Asherahy quatre autres noms delà même Déefèy 666.
Chap. II. D'Aflartéy & de trois autres Déeffesy qu'on a confondues en Syrie»
Des quatre Déeffes Syriennes qu'il faut démêler y Afiartéy Derceto , Venus
Uraniey &la Déeffe Syrienne y 6~ji.
Chap. III. Quel nom Afîarté a ^orté dans l'Occident y ^armi les Grecs & lei
Romains. Si c efl Cybele y Venus y ou Junon, 6-j$.
Chap. IV. Afîarté c'était la Lune. De la Déeffe Alilat entre les Arabes y d'Urar>,
nie, 6yS.
Chap.v. De la Venus Syrienne & de Thammusy 681.
Chap. VI. Dieux Naturels cachez, fous Venus & Adonis y ceft JJtSy la Nature
Univerfelle y & le Soleil y 6^6.
Chap. VII. De Succoth-Benoth y ou Venus Babylonienne, 685}.
S I X I e'm e Traite'. De quelques autres divinitex. moins connues , &doni
les noms font moins frequens dans l' Ecriture y comme fontGadyAîeniySefach^
lidahwxàmy Bahal-Tfe^hon y JUargemah y 6ç)^,
Chap. I. De G ad y & de Ment du 6^.Ch.d'Efayey 6^^.
Chap. II. DeSefachy divinité des Babyloniens y & des Perfes. De la Fête a^el--
leeSakea, & de la Déeffe Anaitis , 702.
Chap. 1 1 1. Du Dieu Jl<fahuz,z,im. Ce font les Romains adorez. & fèrvis ^ar An->
tiochus Epi^hanes y 705.
Chap. IV. Baal-Tfephon. C'était le nom d'un lieUy non d'un Dieu. DeAfarge-^
mahy & des Monceaux a^velleTLJidonceaux de JXdercure y 708.
S E P T I e'm e Traite'. Du Culte du Soleil , de la Lune , des Planètes &
des Etoiles , du Feu y des Chevaux confacrez^ au Soleil , détruits ^ar Jojtas y &
des Chammani^ 3 711.
Chap. I. Erreui^^ quelques Anciens y qui ont cru que les Aflres avaient été
donnez, de Dieu aux nations pour divinitez.. On a cru que les Afires étaient
animez.. Le Soleil adoré par les Perfes fans Temfles ni Chamelles. Coutume
d'adorer en fè tournant vers l'Orient : des Chammanim entre les Juifs , 711,
Chap. II. Du Culte que les Perfes rendaient au Feu & au Soleil. DuDieuAma^
nus & de fes Temples. Des Chammanim y & des Chevaux du Soleil y -ji^.
Chap. III. De l'adoration de la Lune y des Planètes y &des Etoiles fixes. Dm
Culte de Venus. L'adoration de Mercure y & l'origine de fes divers noms ,725.
H u ï T I e'm e T R a ï t e'. Deux Idolâtries particulières au Peuple dlfra'él >
^ l'E-
TABLE DES CHAPITRES.
rEphod de Gedcon , & le Serpent d^ airain. Da Dragon des Babyloniens. Ido-
lâtries do?7t les Juifs o?ît ctcjaujfement accufèz.^ 730.
CKap. I. 'H:Jîoii'c de l'E^phd deGedeon. Cet oit apparemment une enfeigne mili-'
taire y que ce Cajiitaine fit ponr être le monument de [es viUoires y & lejîgnal
de fe s combats y 730.
Chap. \ I. Comment les Ifra'èlites adorèrent l'Efhod de G e de on, y ^6.
Chap. III. Du Serpent d'airain , entant qu'il devint un objet d'Idolâtrie. Le
Diable s'efl fait adorer jprefque partout fous la fgure d'un Servent. £fculape
adore fous un Serpent. SerpAns adorez^ en Egypte, Des O^hites contez, entre les
Seules duChrifiianifme^ 740.
Chap. IV. Idolâtries dont les fuifs ont été fauffement accufèz^y 74(5.
Ne u V I e'm e Trait e'. Des Hauts lieux , des Bocages ^ & des Temples
de l'Idole ; des Sacrificateurs ^des Sacrifice s ^& des Cer rmonies de leur Culte ,751.
Chap. I . Des Hauts lieux & des Bocage s.Ce font les^lus anciens Temples. Plujieurs
nations n'en ont pas eu d'autres. Les Hébreux en ont fait grand ufage. Le Ché'
fie & le Guy de Chêne ont été facre%.. Fameux bocage dansle Fauxbourgd' An^
tioche_y 75 L
dhap. II. Des Temples de V Idolâtrie: q^ui en font les premiers inventeurs : le
fameux Temple d'Hier apolis^ des Cellules des Dieux y des Autels , des Ta-
bles y des Eeux facre-Ly 757.
'dhap. III. Des jileubles des Temples y des Autels y des Tables y & des Lampes
ardentes y des Proceffions y desiorchesy & des Feux facrez^, y 6^.
Ç^hap. IV. Des Sacrificateurs & JJyfinifires des Autels chez, les Payens. Les
femmes ne pouvoiem être JUiniflres du fervice , félon la Loi. Aîais certaines
nations Pajennes ont euieurs Prétreffesy -j6%.
C^hap.v. Ce n et oit pas la coutume de donner ordinairement des femmes pour Pré-
treffes. Ni la Déeffe de Syrie , ni les autres Déejfes n'avaient point de Prêtre f
fes. Elles étoicnt fervies par des hommes y fur tout par des hommes coupez.y'j'jo,
Chap.vï. Beau parallèle du fervice de la Déeffe de Syrie y & de celui du Tem^
fie de Jerufalemy 775.
Chap.vï I. Obfervations de la Religion Payenne, tirées de la Loi de Dieu y pour
les Miniflres des Autels y 779.
Chap.vï 1 1. Des Sacrifices des Payens. Les Holocaufles peu en ufage entre les
Payens. Cérémonies des Grecs dans leurs Sacrifices par Homère. Celles des
Egyptiens par Hérodote , 783.
Chap. IX. Sacrifices des Payens divifez. en diverfes claffeSy félon les fins quon
s'y propofoit y les Sacrifices propitiatoires y les impetratoires y les eucharifiiques ,
& les divinatoires y 788.
Chap.x. Des J^iSimeSf & de la matière des Offhandes : ViElimes humaines y
viElimes prifes prefque de toutes les bêtes y le pourceau y le chien y le cheval y^
des oifeaux. Quefcion y Jî on facrifioit des potjfons. Offrand^ de chofes mor-
tesy 75)2. ^^^'
Chap. XI. Des Cérémonies obfervêes dans les Sacrifices y 75)5?.
Fin de la Table des Chapitres.
Ceux qu) jetteront les yeux iur cet Indice des Traktés Se des Chapitres , où il eft parlé des
idolararies des Syriens , feront peut-être furpris de n'y pas voir un titre particulièrement dédié
à la iraraeufe DéeflTe de Syrie de Hierapolis y dont un Auteur ancien ious le nom de Lucien
nous a lallTé un petit livre fort curieux. Mais ils doivent être avertis que cette DécfTe a
fon Chapitre dans le traîtté de Bahal Berith , DéeiTe des Sichemltes , à la page 6zq. & fuivan-
tes. Car nous y prouvons que cette Bahal Berith cil: véritablement la DeefÇe Syimne de Lucien:
Et ©utre cela il ell: parlé d'elle dans pluJîeBrs endroits des traittés fux Tldoiatrie des Syriens.
HISTOI-
DES DOGMES
E T D E s
CULTE
BONS ET MAUVAIS
DE LE G L I S E
Depuis Adam jufqu'à Jefus-Chrift.
PREMIERE PARTIE.
Htftoire des Dogmes Qf des Cultes de [Eglife depuis
Adam jufques à Mojfe,
\ L n*y a rien plus digne d'être fçû que la manière
1 dont Dieu a été fervi dans tous les âges de TEgli-
I fe. La durée de cette Eglife peut-être di^nfée en
If trois grands périodes. Le premier ell celuy depuis
la création du monde jufques à Moyfe. Le fécond
depuis Moyfe jufques à Jefus-Chrift. Le troiiîéme
depuis Jefus-Chrift jufques à nous. Le premier de
ces trois périodes comprend environ 24^4. ansj 6c
il eft naturellement partagé en deux par le déluge
qui arriva l'an du monde 16^6. félon la fupputation des Hébreux. C'eft de
ce premier période dont nous avons dci^tïn de chercher la Religion , 6c
deconnoître les cultes 6c les dogmes dans cette prenaere partie de nôtre
Hiftoire. Cette entreprife n'eft pas aifée, à caufe de la grande antiquité, qui
nous dérobe la connoilTance de ces premiers tems , 6c qui ell comme un
voile, qui empêche nos yeux de pénétrer jufques là. Nous nous fervirons
du peu de monumens que l'Ecriture 6c le St. Efprit nous ont laifTez de
ces premiers Cecles , & nous y ajouterons toutes les lumières , que nous
pourrons tirer de la tradition des juifs, 6c des antiquitez payennes.
/. Part, A C H A-
,jî HISTOIREDESDOGMES
CHAPITRE I.
De la Théologie & des dogmes de l'Eglife afvant la Loy,
LA Religion efl compofée de dogmes Se de cultes, car iî faut neceflai-
rement avoir quelques penfées ôc quelques fentimensde la divinité
que l'on tert : ces penlees s'appellent dogmes , ôc les fervices qui font
fondez iur ces penfées s'appellent cultes : fans doute donc la> religion des
Patriarches avoit fes dogmes aufîi bien que fes cultes j car elle penfoit
quelque chofe de ce Dieu, qu'elle adoroit. Dans le deflein que nous avons
de rechercher quelle étoit la religion de ces Anciens , il cil jufte ôc ne-
ceflake de connoitrc quels ont été leurs dogmes , devant que d'examiner
quels ont été leurs cultes , parce que la caufe doit marcher devant les ef-
fets : Or les penfées que l'on a de la divinité, 6c qui font dans l'intérieur,,
font la caufe de ce que nous appelions culte extérieur 5 ôc chacun adore la.
divinité félon les fentimens qu'il en a.
Le prodigieux nombre d'années qui nous fepare de ces premiers fîecles ,
. nous dérobe auffi la connoifîance de ce qui s'y faifoit. Dans les antiquitez
' payennes , l'Hiftoire qui remonte au delà de Cyrus, Roy de Perfe, eft toute
^' ■[ remplie de fables & d'obfcuritcz qu'on ne fçauroit démêler j Cependant
Cyrus eft moderne en comparaifon de l'antiquité que nous avons delTein
d'examiner, car ce Prince n'a vécu qu'un peu plus de 400. ans avant la.
venue de J. C. Nous ne fommes pourtant pas tout à fait fi deltituez de fe-
cours dans nôtre Hiftoire , queTonpourroitcroire, parce que nous aurons
un guide certain, un Autheur conduit par le St.Efprit, qui nous a iaifle
de« Mémoires de cetems-là,ôc des Mémoires d'une fidélité parfaite, quoy
qu'ils ne foientpas fort étendus 3 c'eftMoyfe qui nous a écrit le livre de la
Genefe. Mais il eft à craindre que ces Mémoires ne nous mènent pas
loin, parce qu'ils font courts. Cependant ft l'on découvre tout ce qui y eft,
on ne laifîera pas d'y trouver bien des chofes.
La connoif- Quaud on parle de la Théologie de ces premiers hommes , onfeîa re-
Ancîet? fur P^'^^^"^^ extrêmement maigre, & de peu d'étendue. Nos Théologiens
laReiigion nous dépeignent ces premiers fîecles comme un petit crepufcule, qui com-
riiffiboM^ée raence à paroîtrelong-tems devant le foleil :. nous difons que la lumière fpi-
qu'on nouj ritucllc a pafle dans la Religion par les mêmes degrez que la lumière du
^a repre«xi- inonde paOé dans l'air. Je ne veux pas abfolument nier cela: mais je crains
qu'on n'ait pouffé trop loin cette vérité. J'avoue que la connoiflanced'au-
jourd'huy eft infiniment plus grande qu'elle n' étoit fous la Loy, & avant
la Loy : il eft même aiTez apparent que les grands Saints du V. Teftament
qui ont vécu depuis Moyfe, voyant lespromefles & les myfteres de plus
prés 6c avec plus de fecours , les ont veus plus diftinélement. Cepen-
dant je n'ay pas auffi mauvaife opinion de la fcience des Anciens fidèles , qui
ont été devant Moyfe, qu'on nous la veut donner: 6c je ne puis douter
que leur connoifiance n'ait été à plufieurs égards très belle 6c très diftinc-
îe : l'obfcurité de leurs lumières n'étoit qu'à l'égard du Rédempteur à
venir
ET DES CULTES DE UEGLISE. Part.l, ^
Tenir, lequel ils ne pouvoient pas bien connoîtrediftincStement, àcaufeque "7:
les oracles n'étoient pas alors en grand nombre , & que le tems<le ce Re- . "^
dempteur étoit éloigné. Mais pour le relie, je croy qu'ils étoient autant, , -
& peut-être plus éclairez que nous.
' Premièrement pendant l'efpace de plus de- poô. ans, ils eurent Adami-es^re-
pour précepteur 6c pour maître: Orquoy qu'il ne foitpas neceflaire de s'i- JJJè"y!ït^"
maginer lafcience d'Adam dans l'état d'innocence auiîi vafle que les Scolaf- Adampous
^ tiques nous la reprefentent , on ne la fçauroit pourtant concevoir medio- ne"?u-"*
cre : Il devoit fçavoir tout ce qu'il faut fçavoir pour être heureux 5 c'eft- voient pas
à- dire qu'il connoifToit fort diilindement fon Dieu, fa fouveraine fin , Ton lanl'^"^'
devoir , 6c les moyens qui le dévoient conduire à cette fouveraine fin.
Or il n'efl: pas raiionnable de fuppofer qu'il ait perdu toute cette connoif-
fance par fa chute j car les chofes fe firent dans ce tems-là à peu prés
/', comme nous voyons qu'elles fe font aujourd'huy. Un homme ne perd pas
'yfa fcience pour tomber dans un grand crime 5 ÔC il n'eft pas aifé de conce-
) voir comment par un feul péché aétuel un voile fe feroit épandu fur l'ame
^d'Adam, qui auroit effacé tout ce qui étoit dans fon imagination ^ dans (à
mémoire. Nous ne croyons pas que les Anges révoltés ayent perdu leur
connoiflance en tombant : ik demeurèrent auffi fçavans qu'ils étoient : il
eft malaifé de porter un autre jugement du premier homme. Ce qui fe fit
fans doute, c'eft qu'il fe relâcha dans la pratique de ks devoirs, 6cla ré-
bellion de fes paffions le rendoit moins attentif à ce qu'il connoifToit j ce qui
pouvoit peut-être peu à peu diminuer fa connoiiïance , mais non pas luy'
faire entièrement oublier tout ce qu'il avoit fçû. Je ne doute donc pas '^
qu'Adam ne fçût de Dieu tout ce que la nature en peut enfeigner , 6c qu'il X -"
n'eût encore les lumières de la révélation , qui lui furent données en fuite.
Secondement il eft fiir, que les hommes du premier monde étoient bien LesAnciecs
plus touchez que nous de cette vérité, que Dieu eft le Créateur du mon- comme tc-
dcj 6c on peut dire qu'ils cheminoient à cet égard plus par veuë que parmoinso»-
foy; car il n'y avoit entr'eux 6c la création qu'un feul homme, qui étoit vi- ^IZlioU'
vant, parlant, 6c qui atteftoit cette vérité. On ne pouvoit douter qu'il n'eût
été créé de Dieu , puis que l'on ne luy voyoit point de père ni de mère.
On ne pouvoit pas direaum qu'ils pouvoient être morts , veu la longueur de
la vie de ces premiers hommes. Adam a vécu 930. ansj s'il eût eu un père,
fans doute ce père l'auroit engendré environ 40 . ou f o. ans après luy: ainfi le
père d'Adam devoit être encore vivant. L'on ne pouvoit donc douter qu'A-
dam ne fût l'ouvrage de Dieu , 6c que le monde ne fût nouvellement forti des
•mains du Créateur : Il eft certain quecette vérité étant bien connue , elle ren-
ferme en foy une infinité de connoiflances, 6c nous peut donner une idée de
Dieu très diftinéte. Car les Athées ne nient Texiftence de Dieu, qu'à mefure
que la vei'ité de la création s'efface de leurs cœurs. Quand le monde a com-
mencé à s'éloigner de fa fource. Dieu a envoyé le déluge 5 figné qui peut
toucher les efprits Ôc les perfuader de la grandeur de Dieu. Methufela eft Les Anciens
mort deux ans devant le déluge ; il avoit vécu avec Adam z^f. ans. Noé îîTdkion*
avoit vécu avec Methufela 600. ans: il n'y avoit donc qu'un feul homme fûre&fa-
{ entre Noé 6c Adam.. Ainfi quoy que le monde eût déjà plus de 1 600. ans Adam ^?f-"
quand le déluge arriva , cependant la tradition, qui enfeignoit ladoétnnede qu'àAbra-
l'Eglife , ne pouvoit être appellée vieille, parce qu'elle n'avoir paffé que euqueïuî
A Z par hommes.
4 H I S T O I R E D E S D O G M E S
par la main de deux hommes > & par confequent elle ne pouvoit pas être
bien obrcurcie. Et de là je conclus que Noé n'étoit gueres moins fçavant
qu'Adam dans les myfteres de la Religion , parce qu'Adam avoit été le
précepteur de Methufela , & Methufela celui de Noé. Le Patriarche
, Noé vécut encore 3 ^o. ans après le déluge : Ainfi entre Abraham ôc Adam
il n'y avoit que deux hommes , fçavoir Methufela & Noé , parce qu'A-
braham étoit déjà âgé de f 8 . ans quand Noé mourut : car Abraham na-
quit zçi. ans après le déluge. Sem , qui avoit vu le déluge , vécut foo.
ans après le déluge: Jacob a donc pu voir Sem, car Jacob avoit fo.. ans
quand Sem mourut 5 & il n'y avoit que 80. ans que Sem étoit mort quand,
la famille de Jacob defcendit en Egypte : de forte qu'il n'y a qu'un, fèul
homme entre Jacob & le déluge , Ôc trois hommes entre le même Jacob &
la création. Ainfi il eft évident que ces deux grands évenemens, la créa-
tion du monde 6c le déluge , étoient comme fous les yeux des fidèles de.
ce premier période de l'Eglife, &par confequent il eft impofTible, qu'ils,
ne fuflent perfuadcz qu'il y a un Dieu , qu'il eft infini , qu'il eft infini-
ment puitîant 6c jufte , ayant une haine infinie pour le péché , que Tes.
yeux obfervent la conduite des hommes , que fa vengeance les pour-
fuit quand ils font méchans , & que fa bonté les protège quand ils font,
bons.
L'Egiifc Mais nous ne pouvons nous Icrvir d'un moyen plus alTûré pour connoi-
ilTJiétt' ^^'^ quelle étoit la Théologie de ces premiers fidèles, que deconfidererles
auffifca- cho.'es qu'ils ont dites, ôc celles qui leur ont été dites. Car pour ce qu'ils,
ce]"rquu ^^'^^ ^^^-y ^^ "'^"^ ^^ ^" %"e certain de ce qu'ils ont penfé, & de ce qu'ils
fuiviicdé- ont crû. Et pour ce qui leur a été dit , c'eft encore un moyen afluré
"^^- de conrioître ce qu'ils ont fçû : parce qu'il eft à prefuppofer qu'ils ont fçû ce
que Dieu a pris foin de leur enfeigner. Je vais donc faire une courte reveuë
des principales veritez, qui , félon le rapport de Moyfe , ont été connues par
ces hommes du premier monde. Seulement j'ajouterai, avant quedepaflèr
outre, qu'il n'eft pas befoin de diftinguer, pour les degrez de la connoifiance ,
cette partie de l'Ancienne Eglife qui a précédé le déluge, de celle qui l'afuivi
jufqu'à Moyfe. Car il eft clair que Dieu n'a pas révélé de nouveaux myfteres
aux derniers Patriarches, &que tout ce que l'Eghfe du tems d'Abraham
fçavoir , étoit au(îi connu dans l'Eglife qui a précédé le déluge. Excepté
qu'il fe peut faire que certaines chofes ont été connues d'une manière un peu
plus diiiinéce, les dernières révélations fortifiant les premières.
Bn premier Aprés ccttc remarque, je commence par le fameux oracle que Dieu pro-
quelês^re* "^"Ç^ ^ Adam aprés fa chute, ^e mettrai inimitié entre la femme & le fer-^
m\txs\\omrp£nt , CfT entre la fimence de la femme dJ" la femence du firpent ; & la femence
"mpriT* ^f la femme brifera la tête dn ferpent , & le ferpent Iny brifera. le talon.. Je ne
Genef. j, m'arrêterai pas à expliquer ce texte, félon toutes les remarques que l'on fait
*" *^' ordinairement delTus ; je dirai feulement que c'eft une promefle très ex-
preiTe du Rédempteur,, qui devoir venir pour détruire l'empire du Diable.
La femme dont il eft icy parlé, c'eft J'EgUfe, la mère de tous les fidèles :
la fimence de la £emme ^ ce font les Saints ; le ferpent, c'eft le démon; ôç
la femence du ferpent, ce font ces hommes que le Di^le a enlevez à l'E-
glife, qu'il engage daris fa révolte, qu'il fait pafter, pour ainfi dire, dans
ià famille, ôt qui font appeliez enfans du démon, felonceque Jefus-Chrift
difoit
ET DES CULTES DE L'EGLISE. TartA. 5
(difbit aux Juifs, le "Père ânquel vous e't es finis , c^efi le Diable. V inimitié
qui ell entre la femme 6c le ferpent, entre lafemence de la femme ôc la fe-
mence du ièrpent, c'ell cette guerre perpétuelle qui eft entre le Diable
ôc TEglife. La tête du ferpent, c'eft la puilTance du Diable : la femence ât
la femme qui doit brifer cette tête, ce font les enfans de Dieu , ayant à
leur tête leur chef qui eft Jefus-Chrift:,par la puilTance duquel le règne du
l^iable a été détruit. Enfin ce talon qui devoit être brifé, c'eft la partie baflc
del'Eglife, celle par laquelle, pourainfi dire, elle touche à la terre, fça-
voir rEghfe mihtante. Car l'Eglife triomphante, qui eft dans les cieux,
peut avec juftice erre appellée la tête de ce grand corps, à eau fe de la gloi-
re qu'elle poflède : ôc l'Eglife militante, qui eft icy bas , peut bien , à
caufe de (es infirmitez , êc^e appellée le talon de la femme , Tépoufe de
J. C. Et c'eft contre ce talon que le Diable décharge ks fureurs. Et qui
peut douter que \ts premiers fidèles n'ayent compris le fens de cet oracle.^
Dieu Teût donné en vain , s'il n'eût pas été entendu ; Adam n'eût pas pu
tirer de la confolation de ces paroles , s'il n'eût pénétré dans le (cns myfti-
que , &; s'il fe fût arrêté à l'écorce. Ajoutez a cela que cette promeffe
n'auroit pu paiTer par tradition jufqu'à Moyfe, fi luy ôc tous ceux qui l'ont
précédé ne l'avoient pas entendue ; car on oublie ôc l'on néglige ce que
l'on n'entend point. Il faut donc croire qu'ils ont compris cet oracle, &
qu'ils ont conçu, qu'il y auroit toujours guerre entre le Diable ôc les mé-
chans d'une part y & les enfans de Dieu de l'autre part : que l'Eglife fc-
roit opprimée par fes ennemis j mais qu'enfin de la femence de la femme
il naîtroit un merveilleux libérateur, qui ruïneroit les ennemis de l'Eglife.
Je croy bien qu'ils n'ont pas connu diilinétement de quelle manière fë fe^'} ~
roit cette aélion , ôc je ne goûte point les raifonnemens de ceux qui di-
fent , que la première Eglife a entendu cet oracle prefque aufîi bien que
nous } il fuffit qu'ils en ayent compris ce que nous avons dit : mais aufîi il
n'eft pas pofîible de croire qu'ils n'ayent pas eu ces degrez de connoifTance
que nous leur avons attribu-ez.
r Les difcpurs que Dieu fit à Noé devant ou après le déluge, nous font Grandes lu-
) voir que Dieu fe manifeftoit aux hommes j i. comme ayant foin d'eux, E"g|neîi"^
\ & prenant connoifTance de ce qui fe palTe fur la terre j par confequent tiondeNoé
• ils connoifibient diftinébement la providence j car Dieu déclara à pSôkeda
Noé, qu'il avoitveules excès dans lefquels les hommes de cette gênera- déluge,
tionétoient tombez. 2. Comme aimant fouvcrainement la vertu, & ayant
en horreur le vice j puifqu'il prenoit la réfolution de perdre un fi beau
monde, parce qu'il s'étoit fouillé par le péché, i^. Comme ayant un pou-
voir abfolu fur toutes \qs créatures pour \ts détruire, puis qu'il entrepre-
noit de racler en une feule fois de defiùs la terre tous Çts habitans. 4. Com-
me ayant un grand fonds de mifericorde pour fauver ceux qui s'attachent
à luy, puis qu'il diftinguoit Noé du refté des autres hommes , & faifoit
tant de merveilles, pour fauver celuy qui étoit jufte au milieu de la cor-
ruption du fiecle. 5". Comme ayant en main toutes les créatures, pour les
faire fervir à l'exécution de fa volonté; les vents, la mer, le ciel ôc les
clemens, puis qu'il les employoit à exécuter fa vengeance. 6. Comme
patient à foufifrir les outrages des hommes, puis qu'il ne fe vangeoit qu'a-
prés avoir donné yn. terme de 120. ans à ces rebelles 5 depuis que leur
A3 corrup-
6 HISTOIRE DES DOGMES
corruption fut montée au comble. 7. Comme l'Etre fouverain à qui
;:oute la nature doit rendre hommage , à faute dequoy il cft en droit de
confondre tout , puifque pour punir les rebellions des hommes de cette géné-
ration, il obligea l'air, le ciel & la mer à conjurer leur ruïiie. Qui peut
croire que les hommes de ce (iecle ayent été allez llupides pour manquer
à tirer toutes ces concluiions, tant du grand événement du déluge, que
de ce que Dieu avoit dit à Noé?
Combien On peut faire les mêmes reflexions fur ce qui arriva aux villes de So-
sodom? & dôme ôc de Gomorrhe dans les jours d'Abraham, car il eft certain que
GornoLihe de cct cfFet de la vangeance divine, & des entretiens que Dieu eut avec
Edre ^dê Abraham fur ce fujet, on pût tirer mille lumières, pour connoître la ve-
chofes ajx nté, ÔC pour former une idée de fa juftice, de fa raajeilé, de fa puillàn-
ïèîés"^ ^^' cc-j de fa mifericorde& de fa grandeur , qui foit digne de luy. Il paroît
par cette hiftoire, que Dieu ne néglige pas les affaires des hommes , puis-
qu'il prend connoifîance de ce qui fe fait en Sodome -, qu'il efl fouverai-
nement équitable, puis qu'il defcend des cieux, pour faire information dc'
l'iniquité avai;it que de la punir j qu'il ell infiniment bon , & qu'il aime-
la juftice autant qu'il hait l'iniquité , puifque pour dix juiles il eût bien
voulu épargner tout un peuple criminel.
De h fetn- H n'étoit pas poffible que ces menues fidèles ne fifient une réflexion
&^dif facd- foi't appliquée fur un événement aulîi confiderable , que fut la converfion
ficed'ifaac. Je la femme de Lot en une flatuë de fel. Ce n'ell pas un de cesévene-
mens ordinaires , q«i paflént fans qu'on s'en apperçoive. Il ne faut qu'un
peu de fens commun, pour voir là dedans combien Dieu eil jaloux de {ba
authorité , combien il y a de péril à rcfufer de fuivre quand il appelle ,
& combien il a de haine ôc de mépris pour ceux qui aiment le monde
plus que luy. Le facrifice d'Ifaac , qui fut prêt de fe voir égorger par
Abraham fon père , nous fait voir combien dans ce fiécle-là les hommes
étoient touchez de ce principe, qu'on doit obeïr aveuglément aufli-tôtquc
Dieu commande 3 qu'il a droit fur tout ce que nous tenons de luy ; que
Dieu eft la règle fouveraine de toute juHice^ & que tout ce qu'il com-
mande efl: équitable, quelque oppofé qu'il paroiflè à la raifon humaine.
Le Redem- Si nous voulous chercher ce que l'Eglife du tems d'Abraham fçavoit
bie^ connu ^^^ Rcdcmptcur à venir , nous trouvons que la connoifTance' qu'elle ea
dans la ge- avoït HC pouvoit être mediocrc. Le Seigneur dit à Abraham , qu'en fa fe-
dïïabam. ^^^^^ fi^oient bénites toutes les nations de la terre ^ S. Paul au p. des Romains
& au 3. àt?> Galates nous dit, que cette femence, c'eft Jefus-Chrift , ôc
que cette bénédiction qui devoit couler de cette femence, c'eft le falut,
dont toutes les nations dévoient être rendues participantes par la prédica-
tion de l'Evangile. Quelqu'un dira peut-être que S. Paul efl: le premier
qui ait connu ce myflere , et qu'Abraham n'a point pénétré dans le fens
de ces paroles , qui d'abord ne prefentent rien de femblable à l'efprit.
Car fi nous n'avions pas le commentaire de S. Paul, nous pourrions croi-
Gencfe 1*'^ que ces paroles , En ta femence feront bénites toutes les nations de la terre ,
ii. î>. 18. ne lignifient rien autre chofe finon: >^ue ta fofleritè fera fi heureufe , cjue
quand on voudra bénir quelqu^un , d^ luy fouhaiter du bien , on la prendra pur
modèle. & four un exemple rare des faveurs du ctel. En effet il eft à remar-
quer que cette faconde parier, bmir en (juelqu'tin ^ félon le génie de la,
Langue
ET DES CULTES DE L'EGLISE. Part.l. j
Langue Hébraïque, lignifie quelquefois louhaiter du bien dans le même
degré que l'on en voit dans celuy qui eit propofé pour exemple de bene-
dièbon. Nous en voyons un exemple confiderable dans le chap. 48. du livre
de la Genefe au "j^. lo. dans l'hiitoire de la bénédiction que Jacob donna
à Ephraïm ôc Manafle enfans de Jofeph j & en ce jour-lk tl les bénit difant^
Ifraël bénira en toy dtfant-. Dieu, te fajje tel qH^E^hrdim <& çyKanajJe. Il efî
clair que le fens de Jacob quand il dit , on bénira en toy , eft qu'on donne-
ra Ephraïm 6c ManalTé pour exemples debenediâionj & ainfi on fou-
haitera à ceux qu'on voudra bénir les mêmes avantages que Dieu aura dé-
partis à Ephraïm & Manafle. Mais il eft clair que ce n'eft point en ce
fens qi^doivent être prifes les paroles de cette promefle, en ta femence
feront bénites toutes les nations t c^x icy^ en ta femence ^. c'eft-à-dire, parla
vertu de ta femence. Au refte, il eft certain qu'Abraham l'a ainfi com-
■pris: 6<: Nôtre Seigneur Jefus-Chrift nous en aflïïre quand il dit; <iAbra- Jean. s. v.
ham a grandement dejtré de voir cette mienne journée , & l'^a veu'é ^ ç^ s"* en efl ^^'
éjoui. 11 a vu la journée du Seigneur, c'eft fans doute dans cette glo-
rieufe promefle qui luy fut faite, -
Ajoutez à cela, que dans les premiers flecles, TEglife n'étoit point enco-
core prévenue de ces faufles idées, dont les Juifs revêtirent dans la fuite
l'efperance qu'ils avoient du Rédempteur à venir > fçavoir cette grandeur
mondaine, dont ilsfe font imaginez, que leMeffie devoit être accompagné.
Je conclus de là qu'Abraham avoit une connoiflance plus diftinéte de ce
Rédempteur , qu'on ne l'a eue dans les derniers flecles qui ont précédé la
venue de Jefus-Chrift. Si Abraham connoiflbit ces veritez, l'Eglife de
fon tems apparemment les connoiflbit aufli: car il n'y a point d'apparence
qu'Abraham fît myftere àes révélations que Dieu luy accordoit.
Après tout cela, je dis encore, qu'il eft impoflible que les fréquentes ap- Les fis-
paritions de Dieu, & les commerces que la divinité avoit avec les Patriar- Eiïn-'X
ches, ne filTènt de foites imprefflons fur leur efprit, 6c ne leur rendiflent Dieu ont
lendu fon
&
Dieu bien prefent. Il eft vray qu'il y avoit quelque chofc dans ces appa- Sence
ritions qui fem.bloit propre à induire les fidèles à l'erreur, parce que Dieu foneffencc
leur apparoifibit fouvent en forme viflble , 6c il ferable que cela étoit ca~ fJi" gj^^^'
pabje de leur faire foupçonner que Dieu étoit un corps. Mais cela étoit Patriar- -
facilement corrigé, en partie par les lumières dont Dieu rempliflbit leurs "^ "'
efprits, en partie par la grande divcrfité des manières dont Dieu fe mani-
feftoit à euXw Car celuy qui eût été corporel, 6c par confequent déter-
miné à une certaine figure, n'auroit pu fe rendre fenfible en tant de différen-
tes façons , fans avoir recours à l'illufion. Quand Jacob difoit à fon réveil
après cette admirable v'\ÇionéQVtchç\\t^l'%iernel efl icy , & je n^en fcavois rien, Jacob n'a ^
cela ne lignifie pas qu'il eût conçu Dieu comme renfermé dans de certaines fa^îfte-p'iV
bornes j il n'ignoroit pas que Dieu remplit le ciel 6c la terre: mais il fça- fence de
Voit aufli que Dieu choifit des lieux, dans Icfquels il donne des marques plus
fenfibles de fa prefence, 6c que Dieu dit, qu'il habite là.
Les paroles de Jofeph à fes frères , ce nefi pas vous qui nPavez.. conduit
icy , mais Dieu, font voir qu'il avoit pénétré dans les myfteres de la providen-
ce, ^ qu'il avoit démêle les admirables relTorts par lefquels Dieu donne
le mouvement aux caufes les plus criminelles, fans entrer pourtant dans ks
crimes. Que ne diroit-on pas fur les benedidipns que Jacob donna à fes
en-^
CSenefe49.
V. lo.
8 HISTOÏREDESDOGMES
cnfans? Combien y pourroit-on trouver de fublime Théologie? Ce mer-
veilleux oracle j que Jacob prononça peu devant que de mourir, fait voir
que la connoifliUice du Mciîîeàvenirn'étoit pas obfcurcie dans!' Eglife de-
puis la première promeile qui en fut donnée à Adam j le Sceptre, dit-il, ne
fe départira point de fuda^ ni le Legijluteur d^ entre [es pieds , jfifcju'à ce que le
Silo vi envie , & à lui appartient l'^ajjemblée des peuples. A peine y a-t-il dans
tous les Prophètes un oracle plus clair, i. Le MefTie eft appelle le Silo,
nom qui fignifîe le pacificateur & le pacifique: Jacob, qui iuya donné ce
nom, ne pouvoit ignorer ce que l'Evangile eil venu nous dire plus dil^
tintement, que c'eil lui qui devoit faire la paix entre Dieu & les hommes.
2,. Et en ajoutant que raflèmbiée des peuples luy appartient , ii||^it con-
noître qu'il avoit compris que le Meflie devoit être le Iklut de toutes les
nations , 6c faire la propitiation des péchez de tout le monde. Il n'y a point
d'apparence que ces grands Saints rélervaflent ces lumières pour eux feulsj
fans doute ils en faifoient part à leurs enfànsôc à toute rEgHfe de leurs tcms.
Il eft fâcheux que les travaux & les obfervations de ceux qu'on appelle
grands hommes dans la Republique des lettres , n'ayent fervi prefque à
autre chofe qu'à verfer des ténèbres fur des lumières fi brillantes. Car fi
on avoit laiflece grand oracle &: pîufieurs autres dans le fens qui faute aux
yeux, nous n'aurions pas tant de dilfertations qui ne fervent qu'à nous eni'
oaraffen
CHAPITRE II.
R
^e Job y de fin livre ^ à'defa Théologie.
len ne feroit plus propre à nous apprendre quelle étoit la Théologie
de ces Anciens dont nous parlons, que le livre de Job, pourvu que
nouspuiiiions avoir quelque certitude que cet ouvrage ellné dans le
tems des premiers âges del'Eglife. Le fujet mérite donc que nous nous y
arrêtions un peu : c'eft un livre dont la matière eft excellente , ôc dont l'ori-
gine eft obfcure. Je fuis d'avis que nous n'en difions que ce qui eft le plus utile
pour nôtre fujet, ôc ce qui s'en dit de plus apparent. Je ne rapporterai donc
pas les divers fentimens des Autheurs fur le tems dans lequel a vécu J ob , fur
le lieu où il a habité , & fur l' Autheur de fon livre : je me contenterai de rap-
porter ce que je croirai le plus vrl^-ierablable.
opînion Premièrement l'opinion de ceux qui croyent que cette Hiftoire eft une
profanede f^c^tion me patoît profane j elle me iemble digne de l'efprit des Anabaptif-
tes , entre kfquels elle eft afiez commune. Ce n'cft pas que cette opinion'
n'ait été au fli foûtenuë par quelques habiles gens: mais ceux qu'on appellç
les grands hommes , ne font pas toujours raifonnables. Entre les Autheurs
Talmudiftes, il s'en eft trouvé de ce fentiment, & qui ont dit, non Propheta
fuit , nec créât Hs , fed Parahola. Mais cette opinion eft dangereufe, ôc ou-
vre évidemment la porte à l'efprit de profanation: Si une l^ois on résoque
en doute la vérité de cette Hiftoire, il n'y aura plus rien d'aflûré dans l'E-
criture
font de
l'Hûoite
de Job une
aStion.
ET DES CULTES DE L'EGLISE. PartA. 9
criture Sainte , point de récits dont on ne puifTe faire des fables pieufes, 6c des
allégories pleines de myfteres. Car au refte cette Hiftoire de Job a tous
les cara(5leres de vérité, que peuvent avoir les récits les plus finceres. i . On
y raflemble des circonftancesj on dit que la perfonne dont il s'agit avoit
nom Job, qu'il étoit du pais de Huts, qu'il avoit des enfàns, une femme ôc
des amisj on nomme ^cs amis , on n'y introduit pas une feule perfonne
dont on ne marque la patrie > on fpecifie que cet homme écoit riche , on
raconte comment il tomba dans les malheurs, où on le voit engagé , com-
ment il en fortit , que fes parens lui firent des prefens 5 on nomme i^s en-
fens, on conte precifément les années qu'il vécut après (ts difgraces , &
le nombre des générations de fes enfans, qu'il vit après luy. On n'a pas
accoutumé d'en ufer ainfi dans les pièces de Théâtre , telle qu eft celle-
ci, félon le fentiment de ceux que nous combattons. Ce feroit donc évi-
demment vouloir accufer le St. Efprit de tromper les hommes,en leur vou-
lant perfuader, que ce qui ne feroit qu'un Roman, auroitreçû du St. Ef-
prit toute la forme d'une véritable Hiftoire. z. Mais fur tout il eft à re-
marquer, que cette Hiftoire eft appuyée du témoignage d'autres Autheurs
facrez, dont Fauthorité ne peut être douteufe. Dans les révélations du Pro-
phète Ezechiel , Dieu parle de Job comme d'une perfonne qui a été 3 if4iand E^ech. 14.
ces trois hommes ^ dit- il , Noé ^ Daniel & fob , feraient dans un pais d'ini(}ui~
■te , ils délivreraient leurs âmes par leur jxtflice: mais je fuis vivant ^ dit le Sei-
gnettr , qu'ils ne délivreraient ni fils , ni filles. Ou Job a été véritablement,
ou l'Hiftoire de Noé &: de Daniel lîe font que des fixions, puilque Job
eft mis dans le même rang. S. Jacques nous renvoyé à l'exemple de Job Jacq. ?.
pour y apprendre la patience j 11 ce livre étoit une fi6tion il feroit Apo- ^■*^'
cryphe : Or il n'y a point d'apparence que St. Jacques nous renvoyât à
l'école d'une fable, pour y apprendre une véritable vertu.
^ . On doit faire conte du confentement des favans dans une affaire comme
celle-ci : Or ri eft conftant, que prefque tous les habiles gens demeurent d'ac-
cord de la vérité de cette Hiftoire. Le petit nombre d'efprits libertins , qui Ce
font fait un honneur de la révoquer en doute, ne doit être conté pour rien:
Car on fait bien qu'il n'y a pas de vérité fi évidente, dont quelques gens ne fe
donnent la liberté de douter , pour avoir le plaifir de fe faire remarquer
dans une route finguliere. Déjà prefque tous les Juifs font dans le fentiment
que nous défendons. Il eft vray que Maimonides , le plus favant d'en-
îr'eux , femble avoir là-deffus quelque fcrupule. Il laifie la chofe indécife -,
cjHoi qu'il en foit , dit -il , des deux opinions ^ [oit que ce foit ici une véritable Hif- More Ne-
toire ,0H tinefi5iion , toujours il efi certain , que ce qui efl recite au commencement j^câp! 22?^
du dialogue de Dieu avec Sat^n , ^ ce qui efi dtt, que Dieu 'livra Job entre les
mains de Satan , doit être pris pour une Parabole. On pourroit trouver plu-
fieurs Autheurs de la même nation qui font d'un avis contraire, par exem-
ple, nous pouvons produire foixante-dix témoins tout à la fois, s'il eft
vray que la verfion des Septante foit véritablement de ceux à qui on l'attri-
bue: car ces Interprètes à la fin du livre de Job ont ajouté c&s paroles
fuivantes, qui ne font point dans l'Hébreu -, il efi écrit que ce fob rejjufcitera Addition
4ivec ceux que le Seigneur rejfufcite. Il a été traduit d^un livre Syriaque , ce fob ^"^s fg 1^;^,^
habitait dans le pais appelle Aufitis^ dans les confins de l'' Arabie ^^ de l^/dumée: il de]ob.ie)a
avait nom premièrement Jobab s il prn une femme Arabe, & en eut un fils ap- j^.
I. Part. B p(Ué
lo HISTOIRE DES DOGMES
fellé Hennon. Il avoit pour Père un nommé Zaré des enfans d'^Efaii , & pouw
mère une nommée BoJJôna. Il et oit le cinquième depuis Ahrahttm , & de la race
des Rois, qui régnaient en Edom : lui-même fut Trince de ce p dis- la.'. Le premier
de ces Pnnces fut Balac,fils de Behor , & le nom de fa ville était Ennaba, Apres
Balac vint fobab , appelle aujfi fob i & a fob fucceda AJfam, qui gouverna , d"
qui était de la Province de Theman. A celm-la fucceda Adad, fils de Barac, qui
défit les A<fadianites dans la campagne de Adoab ; & le nom de fa ville s^appelloit
Guèthaïm. Les amis qui le vinrent trouver étaient, Sliphas Roy de Theman, des
defcendans d'^EfaH , Bildad Roy des Sanchéens , & Tfôphar %oy des •iJMmiens,
La plupart des circonitances de ce petit Roman font tirées du 36. delaGen.
où l'on lit la généalogie des defcendans d'Efaii. Entre ces defcendans donc
parle Moyfe , il eft vray qu'il y a un Jobab que les 70. Interprètes , ou
ceux qui onii fiit cette addition au livre de Job , ont confondu avec Job*:^
c'eft pourquoy ils attribuent à Job ce que Moyfe dit de Jobab. Les au-
tres circonilances font tirées de la tradition des Juifs , qui efl un fonds
inépuifable de fables, C'eft pourquoy nous ne fommes pas obligez d'avoir
un grand refpeét pour cette Hiftoire. Mais au moins il eft certain , que
ceux qui ont fait cette pièce , n'ont pas crû que l'Hiftoire de Job fût une
fiâion, ni que Job fût un perfonnage de Roman. Ainfi cela fa:it voir,
quel étoit le fentiment des Juifs dans ce tems - là : ceux qui voudront
être plus inftruits là-deftus pourront lire Salmerori dans fes Prolégomè-
nes fur Job.
Job a vécu H eft donc indubitable, que c'eft icy une véritable Hiftoire , bien qu'el-
Moyfe; ^^ foit habillée à la manière des Poètes. Mais comme a bien remarqué le
preuves de favant Grotius , la Poëfie n'eft pas incompatible avec la vérité. Ce livre
affurément eft écrit avec quelque mefurej St. Jérôme dit que ce font des
vers Hexamètres, DaBylo & Spondao currentes , compofez de Spondées ÔC
de Dadyles , comme u les Hébreux & les Arabes avoient eu la même
profodie que les Grecs & les Latins. Il eft abfolument hors d'apparence,
qu'un homme dans la douleur ait parlé par périodes mefurées: mais il efi
vray-femblable, qu'à loifir on a mis en vers ce qui avoit été recueilli en pro-
jofcphn'a fe fur le champ , ou peu après. On fe fait une grande difticulté de ce que Jo-
mandon"de ^^P^ > ^^^ ^ft ft cxaét, uc dit rien de cette Hiftoire dans les antiquitez JudaiV
l'Hiiktirede ques. Mais on répond que Jofeph a fait l'Hiftoire de fa nation, & des
tpoj. ^°'^'' antiquitez de fon peuple: Or Job n'appartenoit pas au peuple d'Ifraël, car
il étoit étranger à Tégard de lafamille d'Abraham.
Il me femble qu'il n'eft pas moins certain, que cet événement confîde-
mble eft anivé dans le premier période de l'Eglife, de laquelle nous cher-
chons la Religion , c'eft- à-dire aflez long-tems devant Moyfe. Cela pa-
roîr, ï. par la durée de la vie de Job; fon Hiftoire dit qu'il vécut 140. ans
après le rétabliflement de fa fortune : Job n'en pouvoit avoir moins de
foixante, quand il tomba dans fa difgracej car il avoit alorsfept fils & trois
filles mariées hors de fa maifon : de forte qu'il fe trouveroit que Job a
vécu tout au moins aoo. ans. Les années de la vie des hommes commen-
çoient à diminuer dans le dernier tems des Patriarches: Abraham ne vé-
cut que 175-. ans, Ifaac 180. Jacob 147. Job vécut plus long-tcms. Ce
qui fait voir qu'il vivoit dans un fiécle, où les hommes vivoient encore long-
tcmsi ou que tout au moins il étoit contemporain d'Abraham ôc d'Ifaac:
car
ET DES CULTES DE L'EGLISE. Fart.l, ii
car depuis ce fiécle il n'y eut plus de gens d'une aufïï longue vie» 2. Les
facrifîces qu'il offroit luy-même nous font voir, ôc qu'il étoit étranger du
peuple d'Ifraèl , & qu'il vivoit avant Moyle. Car Dieu dans la Loy de Moyfe
ordonna, que les Sacrificateurs fuflent de la race d'Aaron,6cil n'acceptoit
pqj^u de facrifices que ceux qui luy étoient offerts à la porte du tabernacle ,
ou du moins en la Terre Sainte. Job vivoit donc dans les fiécles, durant lef-
quels les Pères 6c les premiers- nez des familles étoient des Sacrificateurs nez ,
& dans lefquels les fidèles ofiroient à Dieu des facrifices par tout 011 ils
étoient. 3 . Cela même qu'il n'étoit pas de la famille de J acob , & que cepen-
dant il étoit craignant Dieu , étoit une preuve qu'il vivoit avant Moyfe : car
depuis Moyfe la grâce de Dieu abandonna tous les autres peuples, ëcfe ren-
ferma dans k famille de Jacob, qui avoit hérité de la benedi6tion d'Abra-
ha'm i au lieu qu'avant cela Dieu fe confervoit toujours un réfidu au
milieu des autres Nations.
4. Job vivoit fans doute dans îesfiécleSjOÙles hommes faifoient de leurs
troupeaux leurs uniques richefies , ce qui paroit par fon Hitloire ; &
c'efl là un des caraéleres du fiécle des Patriarches , qui n'avoient point d'au-
tres biens que leurs troupeaux 6c leurs efclaves. 5*. lln'yagueres d'apparen- J°^"'*^
ce, que fi Job avoit vécu depuis Moyfe , il ne fût parlé dans fon livre d'aucun feT miracles
^ts grands efïets de la puiflance de Dieu , qu'on avoit vus quand le peuple J"^ i^'^u a
d'ilraël fut tiré d'Egypte. L'occafion s'en prefente, quand Dieu étaiC [es k"enfan$
preuves de fa grandeur dans les derniers Chapitres de ce livre, ou il tra- d'ifiaëi.
vaille à humilier Job: Il n'en apporte que de générales, tirées de la condui-
te du monde 5 6c ces preuves générales font beaucoup moins fenfibles que
celles qui font tirées de certains faits particuliers, qui font au defilis des loix
ordinaires de la nature. De ce genre font tous les miracles que Dieu a
faits en Egypte , dans la mer rouge 6c dans le defert. Ainfi Dieu ne les
auroit pas oubliez dans ce magnifique difcours. Il eft; vrai, que ceux qui
prétendent que Job efl plus nouveau que Moyfe , ou du même tems que lui ,
difent que ces paroles du 26. Chap. f.iz. {Il fend U mer par fa vertu)
font allufion au pafiage des enfans d'ifraël par la mer rouge : Mais Dieu
n'auroit pas touché un fi grand événement fi fort en pafiant , 6c n'auroit
pas oublié tous les miracles faits en Egypte , qui ne font pas moins grands
que celui-là. 6. On tire aulïï un puifi^ant argument, pour prouve)- l'anti-
quité de Job, de la fréquence des révélations dont il efl parlé dans ce li-
vre. Dieu apparut à Ehphas en vifion, comme il le recite au 4. Chap. Dieu •
parla à Job à plufieurs reprifès. Ces communications familières de Dieu
avec les hommes étoient juflement du fiécle de Noé 6c d'Abraham : mais
ce privilège devint beaucoup plus rare, quand la Loi fut écrite , 6c qu'il y eut
une parole de Dieu, donnée par Moyfe 6c par les Prophètes.
7. Job au 31. Chap. de fon livre fe juftifie d'idolâtrie, comme il avoit Jobsr.
fait de tous les autres crimes > il dit ^»'z/ n'a pas regardé le Soleil Imfant & la
Lune cheminante en fa chné j & fî mon cœur a été feduit en fecret , & Ji ma
tnatn a baifé ma bouche. Il paroît par ces paroles que Job étoit du fiécle,
dans lequel l'idolâtrie prit fa naifiance : on a commencé par le culte des
Aftres; on efl enfuite venu à fervir les héros 6c les fimulachres. Mkis fi
Job avoit vécu dans les fiécles, dans lefquels on a adoré les idoles de pierre
6c de métal , il fe feroit juitifié de ce crime comme de tous les autres. Les
B 2. - hom-
V. 26. Zf,
12 H I S T O ï R E D E S D O G M E S
hommes ne font pas tombez tout d'un coup dans la dernière brutalité, lîss
ont été quelque temsàne rendre de l'adoration qu'aux créatures, qui meri--
toient du moins d'être admirées par deflus les. autres. Job vivoit donc,
dans ces anciens tems, dans lefquels on n'adoroit encore que le Soleil ôc la.
Lune. Ces railbnsfont fi fortes, qu'elles ontperfuadé prefque tous nos S^-
vans, Mercerus, Codurcus, Bochart, Uflerius Archevêque d'Armacn ,
Erafme , Vives, Voiîîus, Se quantité d'autres. Ceux qui font Job le
plus moderne , le font contemporain à Moyfe , comme ont fait, Grotius
& Diodati dans leurs préfaces fur Job: mais les raifons que nous, avons,-
apportées font voir évidemment qu'il eft plus ancien,
ïiî pntrîe 8c Ce font'là les deux chofes que nous avons intérêt de prouver pour nô-
dVjS- ' trc fujet. La première, que l'Hiftoire de Job eft véritable : la féconde, que
les évenemens de cette Hifloire font arrivez dans la première Eglife, c'ell-
à-dirc dans celle qui étoit avant Moyfe. Après cela, nous pourrions en toute
fureté confulter ce livre , pour apprendre de lui quelle a été. la Théologie
de ces Anciens, Mais avant cela il ne fera pas inutile d'examiner de queK
le race étoit Job , en quel paï's il a demeuré , ôc dans quel tems des Pa-
triarches precifément il a vécu. Pour ce qui eft de fon païs , l'Hiftoire
Job ch. I. Sainte Fappelle la terre de Hurs ; Iljf avait un perfontiage au pais de. Huts ,
^' *' ducjuelJe nom étoit foh. Ce païs étoit litué entre Seba & laChaldée: cela
eft évident, parce que d'un côté \ts Sabéens fe ruèrent fur les bœufs de
Job.î.v.ij. Job & fur fes ânefles, & ceux de. Sebm [e font ruez, fur eux , dr les, ont fris ^;
ôc de l'autre coté les Chaldéens enlevèrent (es chameaux, & frappèrent
V. 17. fes ferviteursj comme celui- ci par loit encore, , un autre vint & dit , les ChaU
de'ens, rangez, en trois bandes-^ fi font jetiez, fur les chaymaux , Cr les ont pris , ^
cm frappe tes ferviteurs au tranchant de Pépée. Or du confentement de tous
ceux quifavent quelque chofe dans la Géographie faiate , la région des
Vide Boch, Sabécns étoit dans T Arabie > &: quelquefois ce nom comprend même la
îS)^a!pftte P^^^'^ grande partie de TArabie : & de Tauîre côté les Chaldéens étoienc
i. cap. 26.. fur l'EuphratCï Ainfi il y a apparence que cette terre de Huts, qui étoit
la patrie de Job , avoit au midi l'Arabie , & la Chaldée à l'Orient , &
qu'elle étoit fituée entre l'une & l'autre : par conféquent ce n'étoit pas
dans l'Idumée , qui étoit fituée vers la mer rouge , comme ont eftimé
quantité de gens. Encore moins ce païs de Huts étoit-il dans la terre de
Canaan, comme ont eftimé d'autres,: 6c,il y a apparence que ce païs avoit
tiré fon nom de ce Huts dont il nous eft parlé au %%. de la Genefe , qui
étoit le fils aîné de Nachor, frère d'Abraham: car tout le monde fait, que
les païs ont emprunté leurs noms de&premiers hommes qui les ont habitez,
ou qui les ont rendus illuftres.
jobétoît Cette conjeélure fur le païs de Job nous fervira de guide pour décour
Smidï" ^^^^ ^^ famille dont il a. tiré fon origine , & precifément le tems dans le-
bïaham. qiïel il avéçu. C'eft une très-vieille tradition, & fort reçue entre les An*-
ciens, 6c les Modernes, que ce Job étoit de la famille d'Efaii, cjuintus ab
Qçn.. 2(5. Sfavo^ comme ils difent : mais cette opinion eft fans fondement ; car Moy-
fe , qui nous fait un dénombrement des enfàns d'Efaii, & de fa pofr
teritlé , n'auroit pas oublié un perfbnnage fi confiderable. Ainfi cette
tradition ne vient que de ce qu'on a confondu un certain Jobab , dont il
çft parlé, dans la généalogie d'Efaii , avec nôtre Job. Il y a donc plutôt
appa-
ET DES CULTES DJE L'EGLISE. Part.l. 15
apparence que Job étoitfilsdeceHutsdont il eft parlé au Chap. iz. de la
Gen. Or avint après ces chofes-la, e^uPonfit rapport a Ahraham ^ difant , voici
Adtlca a atijjî efifanté des enft^ns à Islâchor ton frère , [avoir Httts fon premier
ne\ & Bm s fon frère. Abraham & Naclior étoient tous deux fils de Tharé,
habirans de la Chaldée. Abraham quitta la Chaldée , ôc vint première-
ment en Charran, qui eft dans la Meropotamie, êc en fuite il pafla dans la
terre de Canaan. Il y a apparence, que Nachor voyant partir fonpcre ÔC
fon frère aîné, fortit aufîi du pais de fa naiflance -, mais qu'il s'arrêta fur
les frontieies entre l'Arabie , la Syrie ôc la Chaldée , & donna au païs
qu'il occupa le nom de fon fils aîné Huts^ & ce Huts fut le père de Job,
qui fe fortifia dan» ce païs, ôc y devint pujllant. Ainfi j'eftime que Job a
été petit-neveu d'Abraham , Ù. qu'il a vécu du tems d'Ifaac : car je ne
voy pas de necefiité à le renvoyer au tems de la captivité desifraëlitesen
Egypte 5 comme a fait le célèbre & favant Mr. Spanheim, qui nous a donné Hifior. job,
un livre fort do61:e fur i'Hifloire de Job. La plupart des preuves que "^'
nous avons apportées cy-devant, pour prouver fon antiquité , prouvent aufiî ,
qu'il étoit plus ancien que Moyfej Par exemple fa longue vie qui a été
de 200. ans ; Du tems de la captivité en Egypte les vies des hommes
étoient déjà fort raccourcies j Jofeph n'a vécu que iio. ans, Eevi 137.
Moyfe 1 20. Jofué 1 1 o. Il eft donc beaucoup plus raifonnable, de placer J ob
dans le fiécle oii il étoit plus ordinaire d'approcher de 200. ans : & cela
étoit du tems d'Ifaac , qui a vécu 180. ans. Outre cela il mefemble, que Job a été
quand la famille de Jacob commença à fe multiplier, & à devenir un peu- ta^^^^if^e>
pie , la grâce ne fut plus donnée aux étrangers , mais à ceux qui portoient
le fceau de l'Alliance , favoir laCirconcifion : Or dans le tems, & fur la
fin de la captivité d'Egypte , la pofterité d'Abraham devint une grande
Nation. La grâce fe renferma donc dans cette Nation j £c comme Job n'é-
toit pas de la famille d'Abraham & de Jacob, il y a apparence qu'il n'au-
roit point eu de part aux grâces fpirituelles du ciel, s'il avoit vécu , comme
on l'eftime, environ le tems delà fortie d'Egypte. J'ajoute à cela, que fi
Job avoit vécu fi long-tems après les Patriarches, Abraham , Ifaac Se Ja-
cob, il feroit furprenant qu'il n'eût point parlé d'eux, ni rien dit des mi-
racles ^ que Dieu avoit faits en leurfaveur. Enfin il faut remarquer , que dans
le temsde la captivité d'Ifraël en Egypte, l'idolâtrie Se le cultedesfimu-
lachres étoient déjà établis en Orient > & par confequent Job felèroit j.uf-
lifié de ce crime , comme de tous les autres, dans l'Apologie qu'il a faite
pour lui-même au 51. de fon livre.
Il nous refte unechofe à faire, afin que nous puifiions tirer du livre de Moyfe n'eft
Job toute la lumière que nous cherchons, pour connoître la Théologie dç.s fhèurduîi-
Anciens -, c'èft de favoir qui eft l'Autheur de fon livre. Il feroit inutile viedejob.
de chercher, qui eft precifément celui qui a mis cet ouvrage dans la forme
que nous le voyons aujourd'huy , car je croy qu'il eft fort difficile de le de-
viner. J'avoue que j'ay très peu de refpeét pour l'opinion des Juifs ^ qui
difent que Moyfe a écrit ou traduit ce livre , félon ce mot fi connu en-
Xx'qu^^ Moyfe a écrit fon livre, la fe6iion deBalaam,^ &. Joh. Cependant je croy
que l'on peut aflïïrer comme une chofe certaine, que ce livre a été mis en
Hébreu depuis Moyfe: cela paroît par le nom de Jehova,qui s'y lit fou-
vent^ ôcqui n étoit pas connu avant Moyfe. On doit obferver que Moyfe
B ? eft
14 HISTOI RENDES DOGMES
ett eflimé par tous les habiles gens , le plus ancien des Ecrivains , au
moins des Ecrivains Hébreux j 6c qu'ainfi il n'eil; pas apparent que le livre
de Job en Hébreu foit plus ancien que Moyfe. On peut ajouter, que fi
MÔyfe étoit iVutheur de ce livre, & que le livre fût aufîi ancien que Moy-
fe, il y a apparence que les Samaritains l'auroient reçu dans le Canon de leur
"Ecriture Sainte. Les dix Tnbus fe feparerent incontinent après la mort de
Salomon, dans un temps auquel dans le Canon de l'EgliIe il n'y avoit que
les cinq livres de Moyiè. C'efl; pourquoy eux & les Samaritains, leurs fuc-
ccfleurs, & les continuateurs de leur fchifme, n'ont jamais reconnu pour
Ecriture Canonique que les cinq livres de Moyfe i mais il alors il y eût eu
un autre livre compofé par Moyfejaffûrement ils l'auroienl conlcrvé entr'eux
comme Canonique, auffi bien que les cinq livres de la Loy.
Salomon eft S'il étoit permis dans une chofe aufTi obfcure & aufli incertaine de pro-
rncnrietra- duire dcs conje(5lures, j'avouë que j'auroisun grand penchant à dire que Sa-
dufteurdu lomon cil l'Authcut de ce livre, c'eft-à-dire qu'il en efl le tradu6leur, ôc
Torigfna° ' qu'ïl lui a donué la forme dans laquelle nous le voyons aujourd'huy. Il en a
«oit Aiabe. tijé les Mémoires des monumens des Chaldéensôc des Arabes j car il y a
grande apparence que l'Original étoit Arabe: il efl clair, ôc tous les doc-
tes en demeurent d'accord , que le caractère de ce livre eft abfolument fem-
blable à celui des Arabes , coupé, fententieux, figuré 6c obfcur. Affût é-
ment c'étoit une chofe digne d'un Prince pieux èc lavant , comme étoit
Salomon , d'aller chercher dans les Nations voifînes les ouvrages qui
étoient capables d'enrichir la fcience divine. Je croy donc que Job, qui
étoit un très habile ôctrés faint homme, qui avoit l'eiprit de Prophétie, a
compofé ce livre en Arabe ou en Chaldéenj car étant voifmde ces deux
pa'ïs , il pofiedoit également ces deux langues : 6c que dans la fuite des
tems. Dieu, qui ne vouloit pas qu'un threfor fî rare fût perdu, 6c que fon
Eglife en fût privée, a infpiré à quelqu'un ledefléinde le traduire dans la
langue, à laquelle les oracles facrez dévoient être confiez.
Le livre de Jufques ici donc nous avons établi, que ce livre contient un récit des
licmfvE- chofes véritables qui font arrivées ; qu'elles ont été écrites dans le tems
giife avant qu'elles fout arrivécs j qu'elles ant été confervées fans aucune altération;
^°^ *' que quand elles ont été traduites dans une autre langue i c'a été fans change-
ment, ou du moins fans un changement confiderablç ; 6c cela nous fufKt
pour nous faire regarder ce livre comme un ouvrage de l'Eghfe avant la
Loy i 6c ainfi nous pouvons hardiment fuppoier, qu'on y trouve la Théolo-
gie des Patriarches.
C H A-
ET DES CULTES DE L'EGLISE. Part.L 15
C H A P I T R E IIL
Ahregé de la Théologie des Tatriarches avant Moyfe. Leur Re-
ligion étoit plus femblable a la Religion Chrétienne que
celle des Juifs.
CEla étant établi , nous avons une preuve bien évidente de ce que
j'ay avancé , favoir que la Théologie, & la connoiflance de ce pre-
mier âge de l'Eglife, n'étoient pas aufîî (ombres que nous nous les
repreientons quelquefois. Premièrement ce livre dejob nous fait voir, que
ces Anciens connoifToient diitinélement un feul Dieu , Créateur du mon-
de, confervateur 6c conduéleur de l'Univers : ils connoiflbient l'exiftence
de ces Efprits, qui affiftent continuellement devant Dieu, pour exécuter i^ç^s
commandemens , êc de cts autres Efprits rebelles, qui travaillent conti-
nuellement à la perte des hommes, qui font leurs accufateurs dans le ciel,
ôc leurs tentateurs fur la terre; c'eft- à-dire , ils favoient que Dieu avoit
créé des Efprits purs & dégagez de la matière , des Anges, dont une par-
tie avoit perfeveré dans l'obeiilance , & l'autre s'étoit rebellée con-
tre Dieu : cela fe voit très évidemment dans les premiers chap. de ce
livre.
i. Ce livre tout entier prêche la Providence de Dieu , & l'Autheur Le livre de
avoit principalement en vûë d'enfeigner les myfteres , & la profonde con- miraMe* '
duite de cette providence, qui difpenfe les biens 6c les maux avec une fa- ppur lapro-
geîTe, qui ell prefque toujours impénétrable à l'efprit humain. 5. A4ais vîne"" ^'
jamais Autheur, ni facré , ni profane, n'a mieux compris, ni plus forte-
ment exprimé la dépendance dans laquelle les créatures IbntdeDieu. Tout
ce qui s'en dit aujourd'huy, 6c tout ce que les Théologiens les plus éclai-
rez 6c les plus fpeculatifs en ont penfé , ne fauroit aller plus loin , que ce
qu'en dit ce livre. Il nous fait voir Dieu , non feulement comme diflri-
buant 6c les biens 6c les maux , donnant la vie 6c la mort, 6c faifant la bonne 6c
la mauvaife fortune des hommes : mais il nous le fait voir comme entranj;
d'une manière invifible dans toutes les créatures, étant l'Autheur de tous
les mouvemens , faifant difliller la pluye, envoyant la grêle, formant les
tempêtes , élevant 6c appai/ant les flots de la mer. 4. jamais on ne vit 1
d'expreffions ni de figures plus propres à nous faire connoître la grandeur
de Dieu, 6c le néant des créatures : fans conter les derniers Chapitres de ce ^
livre, dans lefquels Dieu efl introduit parlant de fa gloire, de fa majeflé,. $, .|^
de fa puifTance 6c de fon authorité fur ^ts créatures ; fans cela , dis-je , je ' ^' "
foijtiens qu'on ne fauroit hre avec attention ce que difent Job 6c fès amis
dans les Chap. qui font depuis le 8. jufqu'au 16. fans être vivement tou'-
ché àcs grandes idées de la nature , de la puiflance, de la bonté 6c de la
juftice de Dieu , que cet Autheur nous y donne, f . Il eft impofîible de
prêcher avec plus de force la fagefle de Dieu dans ks ouvrages 6c dans la
conduite de fa providence, que le fait ce livre. Il démêle cette fageire,6c
cette
job. 19. V.
16 H I S T O I R E D E S D O G M E S
cette juftice de Dieu de ce grand embarras d'évcnemens, qui paroifTent
non feulement confus, mais injuftes aux yeux des hommes , ôc les jufti-
fie contre les plaintes 6c les objc6lions des profanes. 6. On ne peut
anéantir l'homme en des termes plus fignificatifs, ni étaler fa vanité, fa
mifere, ics crimes, & rimpofiibilité dans laquelle il ell de fejuftifier devant
Dieu, avec plus de fuccés que le fait cet Auteur. 7. Il paroît par le chap. z^.
de ce livre, que les Anciens Théologiens connoifFoient aufii bien que nous,
que Dieu ell un efprit vif êc pénétrant, étaht par tout, rempliflant tous
les lieux de fa prefence, connoiiTant les chofes les plus cachées , pénétrant
les plus profondes, ÔC voyant les plus fecretes.
8. Ne dirons-nous rien de ce célèbre paflage du ip. chap. ^e fai
^zs".i6. ' qiée mon %e(iemfteHY efi vivant ^ & qu'il àemeurera le dernter fnr la terre -y &
encore qu'aérés ma peau on ait rongé ceci ^ je verrai Dieu de ma chair , lequel
Job â connu y^ ijirrai four moi, & mes yeux le verront , & non autre? On ne fauroit
'"ion"*^ exprimer le myilere, 6c l'efperance de la refurreébion, en des termes plus
clairs. Je fay qu'il y a beaucoup d'Interprètes, qui eflayent de détourner
ces paroles ailleurs, ôc qui veulent que Job ait eu feulement en vue la dé-
livrance temporelle, laquelle il attendoit. Cette interprétation n'eft point
du tout édifiante dans un Chrétien; on la peut pardonner aux Juifs , qui
n'ont pas de refpeét pour nos myfteres. Le lavant Grotius eft un de
ceux qui nous veulent dérober ce pafîage; mais il étoit fi mauvais Chré-
tien , que fon authorité ne nous doit pas incommoder. Ce h'eft pas le feul
endroit qu'il a voulu obfcurcir , pour nous ôterdes pafl^ages, qui foûtien-
nent les veritez fondamentales , dont il étoit fort mal perfuadé. C'eft
pourquoi ceux qui lifent fes Ouvrages fur le V. 6c le N. T.. le doivent
faire avec précaution , pour n'être pas tromper; par un homme, qui s'cft
acquis un grand crédit dans la Republique des lettres. Mercerus agiflbit ap-
paremment avec plus de bonne foi dans l'explication de ce palTage , mais
avec plus d'imprudence j car il n'eft pas plus favorable au fens de ce paflage,
que les ennemis du dogme de la refurreétion.
Preuves de Je nc faurois me pei-fuader que le St. Efprit ait mis dans la bouche de
ficionî"^^^' J°^ des paroles, qui font un fi beau fens, & qui s'accordent fi bien avec
le myilere de la refurreélion , fans qu'il ait eu des vues, qui fe rapportent
à ce myftere. 2. Je ne voi pas que Job ait eu lieu d'efperer une délivran-
ce corporelle ou temporelle dans l'état où il étoit : c'eft pourquoi ceux
qui interprètent ces paroles , de l'efperance qu'il avoit de fortir bien-tôt
du miferable état oii il fe voyoit, n'ont pas compris Ion intention. 3. S'il
eût fortement efperé de fortir des calamitez dans lefquelles la providence
l'avoit engagé , pourquoi auroit-il pouffé des plaintes fi trilles & fi dou-
loureufes? Pourquoi même auroit~ii indireélement accufé Dieu d'injufli-
ce en fejuftifiant avec excès? Car après tout, quelques grandes que foient
des affliélions, quand on voit une porte aflùrée pour en fortir, on n'y eft
p-as beaucoup fenfible.4. Et cts paroles, dans lefquelles il y a tant de zèle
6c tant d'ardeur , fi on les interprète d'une délivrance temporelle , ne
s'accordent point avec la pieté de Job : car ce n'eft pas le ftyle des Sakits,
d'afpirer avec tant d'ardeur aux délivrances corporelles , parce que leur
cœur eft toujours tourné du côté de Dieu, 6c leurs defirs du côté des cho-
fes fpi rituelles. f.Ces termes de Rédempteur ^ àt Rédemption , dont Job fe
fert
ET DES CULTES DE L'EGLISE. Tart.l. ij
iert en ce pairage,lont II fort deilinez à lignifier ce grand falut, que Dieu
communique aux hommes par ion Fils, qu'on ne les doit pas détourner
ailleurs fans neceffité : Or cette necefîité ne fe rencontre pas ici j & St.
Paul dans la même vue que celle de Job au 8. des Rom. appelle la refur-
re6lion, la rédemption de nos corps. 6. Enfin ce que Job ajoute , il demeu- .
rera, ou. fera debout le dernier fur la terre^ exprime fi bien, félon le ^ï^ie
des Langues Orientales, Taélion du Rédempteur, qui doit juger les vi-
.vans 6i les morts , qu'on ne fçauroit fans violence les mener à un autre
fens.
Pour ce qui regarde la Morale , on ne fauroit trouver dts fentimens La Morale
plus élevez & plus purs que ceux qui font dans ce livre. Il enfeigne bien job 'S^eï
julqu'oii l'on doit porter la foûmifiion aux ordres de Dieu, Ôc quelle efi: ceiient€.
l'efperance qu'on doit avoir en lui , au milieu des plus grands maux ; com-
bien profonde doit être l'humilité de ceux qui fe trouvent en la prefence
de Dieu j quel efi: le moyen de devenir grand devant lui, c'efi: de s'anéan-
tir. Il s'y trouve une infinité d'autres belles moralitez, que ceux qui liront
ce livre pourront facilement remarquer.
Je conclus donc de tout ceci , que la Théologie dts Anciens contenoit Anides de
tout ce qu'il y a d'efîentiel daiis la Religion j par exemple, i. Que Dieu ^^cXp^t
efi; feul digne d'être adoré, qu'il efi: infini, qu'il connoît toutes chofes, i'-É.giife
qu'il remplit le ciel 8cla terre, z. Qu'il eft le Créateur Se le Conferva- ^^^'^^^■^°^'
teur du monde. 3. Que les defordres du péché n'arrivent que par faper-
mifiîon.4. Que la jufiice de Dieu a toujours les yeux ouverts fur la condui-
te des hommes, pour obferver ce qu'ils font de bien ou de mal, afin de les
récompenfer , ou de les punir. 5. Que ce n'efi: pas ici le lieu à^^s récorrfpenfès,
&quedanslefiécleprefent Dieu difi:ribuë indifféremment les calamitez &
les profperitez aux bons & aux méchans. 6. Qu'outre labonté de Dieu géné-
rale fur toutes les créatures , il y a unemifericorde refervée pour ceux qui
s'attendent à lui j qu'il s'eil préparé pour les derniers tems, un Libéra-
teur , un Rédempteur , un Silo , une Semence bénite , un Pacifi-
cateur, qui devoit délivrer PEgiife de captivité, & déiruire l'empire du
diable. 7. Que la confiance en la bonté de Dieu , & la foy en fes pro-
mefles jointe avec la repentance, font l'unique moyen de fe rendre" Dieu
favorable. 8. Qtie la mort, aufîi bien que les autres ennemis de TEgli-
fe, doit être vaincue, Se que par la refurreélion Dieu lui doit arracher .
àts mains autant d'hommes qu'elle en emporte à nos yeux. Ce font- là les
principaux articles de ibi, dont cette ancienne Eglife a eu la connoiiTan-
ce. Après cela il mefemble qu'on ne peut pas lui refufer 00e connoif-
fance très diilinéle. Se une foi très ferme de l'immortalité de l'ame, des
i^compenfes Se des peines du fiécle à venir : Se s'il n'en efi: pas exprefle-
ment parlé dans les fivres dont nous tirons la Théologie de ces Anciens
fidèles, c'efi: qu'ils ont jugé cela inutile : parce que ces veritez font les '
principes qui fe prefuppofent dans toute Religion, Se fans lefqueîs il fe-^
roit irnpofiible d'établir dans les efprits aucune crainte de Dieu.
le n'oferois déterminer s'ils ont fçû quelque cliofe de la Trinité des ^l ^" ^"-
perfonnes en Dieu, ou s ils l'ont abiolument ignorée, j ay peine a croi- ches ont
re pourtant qu'ils n'ayent entendu quelque chofé dans ce que Dieu dit en ^°"ft" id
créant l'homme, fatjons l"^ homme a nôtre image & femblance : Se dans ce qu'il k xiinité.
Tart. î. C dit
i8 H I S T O I R E D E S D O G M E S
dit après qu'Adam eut péché , F'oici Aàa,m efi devenu comme Pnn de mus.
Ces paroles mettent facilement dans l'efprit l'idée d'une pluralité en Dieu j.
car la divinité y parle comme ayant plufieurs perfonnes. Et je ne voy rien
€)ui nous empêche de croire queTEglifc du premier monde penetroit dans
le fens de ces paroles. Ceux qui font dans ce fentiment croyent auflî que
leK^uifs ont eu connoiflance de ce myftere, & l'on cite un grand nombre
de paflages tirez de leurs Autheurs , qui femblent le prouver. Sur tout
dans ces Paraphrafes qu'on, appelle Chaldaïqucs , compoféespar des Juifs,,
l'on trouve plufieurs endroits dans Icfquels le Verbe ou la Parole de Diea»
cft diftinguée de Dieu lui-même , comme étant deux perfonnes différen-
tes. Par exemple au chap. 2,8. de laGen. l'Hébreu dit que Jacob voiia un
V.œu j ÔC dit, Jî Dieu efi avec moj & me garde , l"* Eternel me fera Dieu : la
ParaphrafeChaldaïque a tourné -y fi le V'erbe du Seigneur efi avec moy , U
Verbe du Seigneur me fera Dieu. Ainlî dans le l<î. du Levitique on lit félon.
l'Hébreu ces paroles, Ce fint-la les ordonnances , les jugemens rs- les lotx^ que
ie Seigneur a données entre lui & les enfans d'^/Jrael dans la montagne de Sinaïpar
la main de Moyfie. Le Paraphrafte Chaldée a tourné. Ce fi)nt ici les loix ^ Us-
juge mens & les ordonnances,^ que l'Eternel a données entre fin Verbe & les enfans.
âUfraèl. Dans le chap, 13. des Nomb. Moyfe dit, Varce que vous avez.re'
jette P Eternel qm habite au milieu devons: le Paraphralle a loxxx'^k ^ par ce que
•vous avez, rejette le Verbe de P Eternel, duquella divinité habite au milieu de vous.
Et même le Paraphrafte attribue quelquefois des aétions à cette Parole) ce
qui donne lieu de croire qu'il l'a conçue comme une perfonne : car c'eit
une maxime qui eft du bon fens aulTi bien que de la Phiiofophie , aUiones
ffint fupfofitorum. Cela fe voit dans le 30. chap. de la Gen. 011 Moyfe dit
que Dieu/^ reffouvint de Rachel & Pexauça, & ouvrit fa matrice. Le Chal-
dée a ainli tourné j Et le Verbe de P Eternel fe reJJ'ouvmt de l^achel dans fa.
b.onté mtfen cor dieu fcj Ô' le Verbe divin exauça la voix ds fe s prières,. Ces paf-
fages font bien formels à la vérité, ôc il me femble qu'ils fuffifent pour pcr-
fuader un efprit fage ôc non prévenu, mais ils ne fuffifent pas pour convaincre
par voye de difpute. Car on.dira que ces Paraphralles Chaldées peuvent bien
avoir diftingué la parole divine de Dieu lui-même , comme on dillingue Dieu
ae fa mifericorde & de fa jullice , fans concevoir une pluralité de perfonnes.
dans l'uniré de fa nature. Et outre cela , quand même il feroictout àtait clair
que les Autheurs de cts Paraphrafes auroient connu le mytlerede la Trinité,
on ne pourroit pas conclurre de là , ni que les anciens juits , ni que les
premiers Patriarches eufîbnt connu ce myftere : car ces Paraphralles ont
vécu depuis nôtre Seigneur Jefus-Chrift, & peuvent avoir emprunté cette
eonnoilTance des Chrétiens. C'efl la principale objeârion qu'on pourroit
flure contre les recueils de Rittangelius& de nos Modernes: qui prouvctit
que les juifs ont connu le myliere de la pluralité des perlbnncs en Dieu..
Tous les Autheurs jhifs font plus nouveaux que les Apôtres, & ce qu'on veut
faire paffer pour plus ancien cil fnppofé. L'Autheui' du 4. d'Efdras a. des paf-
fages très exprés pour la Théologie duChriilianifmelà-delfus: Mais c'efl
une pièce , comme le Pimandre du Trilmegifle , faite par un Chré-
tien.
Pour prouver que les hommes du premier monde ont eu connoiflance
de ce mylkre , & que cette connoiflance eft pafîee par tradition même
juf-
ET DES CULTES DE L'EGLISE. ParîA. i^
jufqu'aux Paycns,on rapporte divers paffages desPhilorophes, qui parlent
de ce myftere de la Trinité. St. Auguftin dans le lo. liv. de la Cité de
Dieu rapporte quantité de pafTages des Platoniciens 5 de Porphyre , de
Jamblique, de Plotin, de Proclus &:c. qui font fort exprés pour prouver •
qu'en Dieu il y a une pluralité de perfonnes, ôcque fa figeffe ôc fa parole
font en lui une perfonne diftinâ:e. Porphyre reconnoiflbit un fils en Dieu,
& il.appelloit ce fils 7r«Tpmôç vS;, c'ell-à-dire , comme l'explique St. Au- .
guilin, faternam mentem ^ Jive intelle^um cjui paîernd, volnmatis efi confcius.
Après quoy ce Père ajoute, hune amem Chriftum ejje non créais^ contemnis
■eam propter c»rpus ex fœtmna acceptum. Un autre Platonicien difoit que les^^.^j^'^"
premières paroles de l'Evangile félon St. Jean, dans lefquelles la divinité cap. 2».
du Verbe éternel eft établie, comme étant une perfonne diftinéte du Père,
meritoient d'être gravées fur le frontifpice de tous les temples. On cite
un autre Platonicien nommé Amelius , qui après avoir lu ces premières
paroles de l'Evangile félon St. Jean, au commencement était le Verbe JjÊk le
Verbe était Diea , & rien de ce qm a été fait r^a été fait fans lui , s'écriaavec
un grand étonncment, Ferjovem^ ifte barbartts fentit cammeo Platone. Tout
cela ne me perfuade pas que les Payens, qui ont précédé nôtre Seigneur
jefus-Chrift, ayent eu con-noiflance du myftere de la Trinité : car tout
ce que nous venons d'entendre, tiré des Platoniciens, avoit été par ces Phi-
lofophes emprunté des Chrétiens. Il eft certain que ces gens que l'on nous
cite, un Porphyre, un Proclus, ont vécu bien depuis nôtre Seigneur Je-
fus-Chrift, & il eft encore certain que les premiers Chrétiens, durant hs
trois premiers fiéclesde l'Eglife, avoient un très grand commerce avec l'E-:
cole de Platon. La Philolophie Platonicienjie étoit la feule qui s'enfei- '
gnoit alors & qui avoit la vogue ; c'eft pourquoy tous les favans d'entre les
Chrétiens étudioient cette Philofophie : 6c comme les Chrétiens àppre-
noient de cts Philofophes les fciencesdu monde , il eft certain que ces Phi-
lolbphes apprenoient des Chrétiens leur Théologie. Au refte ce vol eft fi
manifefte, que St. Auguftin dit avoir rencontré un livre d'un Platonicien, conf. n.
dans lequel le premier chap. de l'Evangile félon St. Jean étoit tranicrit*^' ''*•
prefque tout entier &: de mot à mot. Et même Proclus , autre Phi-
loiophe Platonicien , fe fert dts termes de Trinité 6c d'Hypoftafe ,
mots qui n'ont jamais été connus que dans la Théologie de l'Eglife. Mais
que dirons-nous de Platon, qui vivoit long-tems avant la naifiàncede nô-
tre Seigneur Jefus-Chrift , 6c qui par conféquent ne peut pas avoir rien
emprunté des Chrétiens .^ Cependant on prétend qu'il a dit bien des chofes
par lefquelles il paroît qu'il avoit ouï parler de ce myftere de la Trinité.
Dans un endroit il dit , que le Verbe de Dieu efi un Verbe très divin ^ que leuh. 6. de
fi^e admire ^ ^li^il aime ardemment , apprenant comment après cette vie tl doit ^'^P"°-
vivre & devenir heureux. Dans le même endroit il dit que les éto-des fui-]
vent leur route félon Pordreque ce Verbe leur a marqué. Et ailleurs il appelle
ce Verbe, le fils du bon , enyovog rs àyaèë. On trouve même ce myftere de
la Trinité dans les oracles de Zoroaftre j Le Tere a engendré toutes chofes , inCoïkfè.
0" les a données a la féconde intelligence, que les hommes efiiment la première. Opbpei.
On prétend donc que la connoiflance de la Trinité s'étant confervée entre
les Juift , elle a pafle de là aux Egyptiens 6c aux Orientaux, avec qui Platon
avoit eu commerce. A la vérité je ne fay rien qui puiiTe détruire cette penfée,
C 2, Je
20 HISTOIRE DESDOGME S
Je fay bien que les Philofophes Grecs ont emprunté beaucoup de chofes des
livres des Juifs par le commerce qu'ils ont eu avec les Orientaux. Clément
Alexandrin dans Tes livres des Stromates travaille à les convaincre d'avoir
emprunté de Moyfeôc des Prophètes tout ce qu'ils ont de bon. Il applique à
cela ce mot de notre Seigneur Jefus-Chrift, tout amant qu^il j en a qui font
•venus devant moy , font larrom : comme Ci le Seigneur Jefus - Chrift avoir
Lib. ro. voulu dire que les Grecs fe font enrichis des dépouilles des Hébreux. En-
SEiora. ^j.g ^gg larrons , dit-il , font les Philofophes des Grecs , qui avant la venue
de nôtre Seigneur Jefus-Chrift; ont tiré des Prophètes ce qu'ils ont de ve-
ritez, ôc fe les font attribuées comme s'ils en étoient les Authcurs. Mais
cependant je ne voy pas encore que cela prouve alfez bien que ces Patriar-
X'ches ayent eu connoilîance du myftere de la Trinité. Ce qu'a dit Platon
' font des énigmes, qui fignifient peut-être toute autre chofe que ce qu'on
! leur fait fîgnifîer. Ce Verbe fi célèbre chez les Platoniciens n'étoit autre
""ch^hdans le fond, félon leur Philofophie, que l'entendement divin & (à
' raififfl car le mot de héyog fignifîe auffi bien la raifon que la parole.
UEgiife Après tous ces doutes je conclus, qu'il faut diftinguer l'Eglife des Pa-
avant k dé' triarchcs qui a vécu après le déluge, de celle qui vivoit avant le déluge 5
unecon- & je trouvc trcs vray-femblable , que l'Eglife qui vivoit avant le déluge con-
3ifthia?du ^oi^o^^ ^^ myftere de la Trinité. Adam dans l'état d'innocence ne pouvoit
myftere de ignorer la Trinité des perfonnes en Dieu, autrement il n'eût connu la divi-
îaTiimte. j^jj-^ ^^jg d'une manière très imparfaite. Or il n'ell pas vray-femblable
qu'Adam ait fubitcment oublié ce qu'il favoit de ce myftere j &; le fa-
chant , il n'y a pas d'apparence qu'il l'ait celé à fes enfans. Mais cette con-
noiiTance s'effaça peu à peu , mèpne avant le déluge , par la barbarie dans
laquelle les hommes tombèrent : & Dieu ne trouva pas à propos de renouvel-
1er la ckire connoifTance de cette vérité jufques au dernier tems. De cette
manière, fi les Patriarches depuis le déluge en ont eu quelque c^nnoifîlm'-
ce 5 elle a efté fort confufe. Je ne voudrois pourtant pas condamner
ceux qui croyent que la connoiffance de ce myftere a paiié de Noé à fe&
enfans.
-J'achève ce Chapitre de la Théologie des Patriarches par les paroles de
ïnProoemîo St. Epiphane. Depuis le déluge juÇ^uau tems de Thaleg^ il n'y avoiî nulls di^
Sent[ment '^'^fi'^'^ <^^^'^^ ^^ monde , nul partage & nulle fecis , point d'herefe , point d'idola^_
de St. Epi- trie ., point de Judai^me , point de Grecifme ; mais on y enfeignoit la vente pare
Theoio"iV ^^^ s'enfeigne aujourd'huy dans la Religion Catkoli<]ue. Là même, parlant delà
des fidèles Religion d'Adam, il dit, Adam n'étoit pay circoncis ^ par confé.c^uent iln'^étotî
sakulges. /''^'^ f^^'f-> ^^ n^étoit pas idolâtre^ d.onc il n'étoit pas (jrec r mais comme Trophete
tl connoijfoh le Fils & le St. Efprit. Vous voyez que ce Père eft abfolument
dans l'opinion que nous défendons 3 c'eft que la Religion des Anciens n'é-
toit pas fi fombre que l'on.s'imagi>ne ; qu'elle étoit en fubftanee la même
que la Religion Chrétienne : & ce qu'il veut eiifeigner eft tout à fait ap-
^^ parent. C'eft. que cette Religion des premiers hommes avoit incompara-
blement plus de rapport avec la nôtre qu'avec celle des Ifraëlitcs. Nous
aurons bien des choies à dire dans la. fuite, qui po'urront appuyer cette ve-
rite;
n ^ ^
ET DES CULTES DE L'EGLISE. Parî.l. 21
C H A P I T R E IV,
2)e la manière dont Dieu enfeignoit les hommes avant C^oyfe : de
V antiquité de l'Art d'écrire : des Prophètes du premier âge.
D'Enoch é'defa Trophetie.
A Prés avoir vu quelle étoit la Théologie des Patriarches & de l'E-
glife qui étoit fous leur conduite, nous ne (aurions fuivre une mé-
thode plus naturelle que celle-ci 3 qui eft de confîderer par quelle
voye Dieu inftruifoit cette première Eglife. Dans rEglife Chrétienne Dieu
a établi des Minières ordinaires, qui prêchent, qui inftruifen-t , & qui font
obligez de fuivre la révélation qui leur a été lailTée par écrit. La Loy de
Moyfe avoit auffi (ç:s Minières ordinaires , Tes Doéteurs , fes Scribes & Tes
Interprètes , qui étoient épars dans les diverfes habitations du peuple Juif. Et
outre cela il y avoit dts Miniftres extraordinaires qui s'appelloieut Pro-
phètes. Les uns& les autres avoient pour règle une parole écrite, laquelle
ils n'euflent ofé abandonner. Mais la chofe alioit un peu autrement dans les
fiécles du premier monde. •
On peut pofer pour certain, qu'alors la révélation n'étoit pas rédigée L'Origins
par écrit. Cela eft fuppofé & reconnu déjà par tous ceux qui eil:iment que ^^cTau
Moyfe a été, non feulement le premier Autheur, c'eft-à-dire le premier d'éciue.
écrivain , mais auffi qu'il a été le premier inventeur des lettres & des ca-
raéleres. Une chofe eft très certaine j c'eft que l'origine des lettres doit être
cherchée dans l'Orient. Les Grecs, les plus vains de tous les hommes, qui
euflent bien voulu perfuader qu'ils étoient les inventeurs de tous les Arts, font
pourtant contraints d'avouer, qu'ils ont reçu leurs lettres des Phéniciens.
Hérodote tombe d'accord que ce fut Cadmus qui les apporta en Grecej & i-iv- u
TAlphabet des Grecs eft une preuve évidente que leurs lettres font venues
de la Syrie: Alpha ^ Beta ^ Çamma, Delta, font des noms tous purs Chaî-
dées, tirez de l'Hébreu Aleph, Beth, Gimel, Daleth. Diodore de Sicile
avoue la même chofe dans le 6. livre de fa Bibliothèque; Ces Phéniciens ^
dit- il, (jui ontre^â ces lettres des Mufes^ & enfuit e les ont données aux Grecs ^
ce fini ceux cjm vinrent en Europe avec Cadmus. Ce nom même de Cadmus ■
eft une preuve de cette vérité 3 car ce nom eft Hébreu 6c Plienicien, êc
lignifie Oriental. Suivant cela Lucain difoit autrefois,,,
Phœnices primi ^ fam£ f credimus ^ aujt Pharraî.
Adanfuram rudibus vocem Jignare figuris. ^^^'. î-
Ceîa eft confirmé par Pline qui dit, ipfa gens Phœmatm in gloria magna titte- Hiftor. lik
Yo^rum tnventionis. Et ailleurs il explique cette tradition dans un long pafiage* []ib,"/.^c.5(S
que je laifle à caufe de fa longueur.
On peut dire que cette opinion efl: non feulement vray-femblable , mais
C 3 qu'ei-
■il H I s T O I R E P E s D q G ME S
qu'elle eft certaine. Car puis que les hommes ont été créez dans TOrient,
6c qu ils y ont premièrement multiplié , il eft clair que les lettres , les
Sciences, les Arts, les Religions, les dieux, font venus de l'Orient avec
les hommes. Ceux qui voudront voir des preuves plus étendues decetce
vérité, les pourront lire dmj le premier livre des Stromates de Clément
d'Alexandrie, &dans le lo. livre de la Préparation Evangelique d'Eufe-
be dans les chap, 6. 7. & 8. 11 eil donc certain que les lettres 6i l'Art d'écrire
font venus de l'Orient. Mais il n'eilpas aifé de déterminer dans quel tems,
Moyfen'cft & par qucllcs gcns, les lettres ont été inventées entre les Orientaux. Il ne
^eur'dMiet- ^"^^ Semble point du tout vray-femblable que Moyfe en foie le premier in-
tres. venteur. i. Cela n'auroit point été palTé fous filence dans l'Hilloire de
Moyfe. Cet Art d'écrire efl: le plus admirable de tous les Arts, puis qu'il
nous apprend à peindre les paroles, qui font invifiblesSc qui n'ont point «de
corps. Or comme Moyfe nous a dépeint de quelle manière par le comman-
dement de Dieu il fit conftruire un tabernacle & tous les vailTeaux du fer-
vice , il me femble qu'il n'auroit pas oublié de nous apprendre aufîî de
quelle manière Dieu lui auroit appris à écrire fes loix pour en conferver la
mémoire, z: Sans doute Moyfe auroit appris cet Art d'écrire de Dieu
lui-même, qui écrivit fa Loy de fon propre doigt fur des Tables de pierre
dans la montagne de Sinaï. Car il leroit plus raifonnablede faire Moyfe
Difciple de Dieu dans cet Art merveilleux , que de faire Dieu imita.teur
de Moyfe. Or il n'ell point du tout vray-femblable, que Moyfe ait paiïe
fous fiience une circonilance H confiderable , favoir que Dieu auroit été
le premier Autheur de l'Art d'écrire , 6c l'auroit enfeigné aux hommes.
3. Les fciences étoient déjà très cultivées entre les Egyptiens avant Moy-
fe :ce]a paroît parcequi eît dit, t^^e A^ajfe fui injlruit dans tof^tes les fciences
des Egyptiens. Or il eft afi'ez difficile de porter bien loin les fciences
fans l'écriture & fans les lettres. 4. Si job eft plus ancien que Moyfe,
comme je l'eftime indubitable, êc ii fon livre a été compcfé fidèlement
fur à&s Mémoires qui font de l'âge de Job, comme il eft apparent, nous
avons en cela une preuve bien évidente que l'Art d'écrii'e eft plus ancien
que Moyfe : car Job fait mention de cet Art d'écrire, & il dit quelque
part, A la mitnr.e volonté Ojue mes paroles fMJjent écrites dans un livre. 5". Peu-
Anriquit. de gcns iguorcnt ce que dit Jofephe , Que les enfans de Seth fils c^Adam^
' "^' ^•''* après avoir inventé l"* Afirologie Ô" diverfes autres fciences , pArce c^n^ds avaient
cm dire a Adam que le monde univerfel àevoit périr deux fois , l''Hne par un '
déluge d''eau ^ & ï^ autre par le feu , ih élevèrent deux cobmnes ^ P une faite de
bricjue , c^ Pautre de pierre , fnr lefcfuelles ils écrivirent les préceptes des fciences
qu'ails avaient inventées : afn que ft la colomne de brique ne pouvait reftfler an
déluge ^ au moins aile de pierre çonfervat pour le monde a venir la mémoire des
Arts^ C^ fh voir aux jeux de la pofterité ce qui éioit écrit deffus. Ilajoûteaufïï
que la colomne de pierre fubfiftoit encore de fon tems, & qu'on lavoyoit
dans ia Syrie. Cette Hiftoire m'eft fort fufpeâe ; mais au moins el-
le fait voir que du tems de Jofephe les Juifs croyoient que l'Art d'écri-
re étoit plus ancien que le déluge, bien loin d'en faire Moyfe PAutheur.
6. St. Auguftin eft aflûrément dans la même opinion : car encore qu'il
rejette comme Apocryphe le livre d'Enoch , il croit pourtant que cet
Enoch feptiéme homme après Adam a écrit quelque ouvrage divin :
Scripff
ET DES CULTES DE L'EGLISE. Tart.l, 23
ScripJîJJe qmdem nonnulU divina Enoch , fepimum illu.m ab Adamo , negare non
^ojfumus i cum hoc in Epifiola Canonica fudas Apofiolus dicat. Ainlî je ne
laurois tomber dans la pcnfée de Pôlydore Virgile , qui dit, ^^<? ce fehti- pererum
ment d^Eupoleme & d'Etifebe efi certain î c^efi que Moyfe^ qui efl beaucoup plus '^"v«=^nt. iib.
ancien que Cadmas , efi le premier Amheur des lettres , qu'il les a enseignées aux
ft'iifs , & que les fuifs les ont enfeigne'es aux Phéniciens ; & que les (jrecs enfin
les ont eues des Tbeniciens. Il ne paroît pas non plus q-u'Eufebe, lequel Pô-
lydore Virgile cite pour un de Tes témoins , ait attribué à Moyfe d'avoir été
-le premier autheur & le premier inventeur àts lettres. Eulcbe, & Cle- c'^™-
ment d'Alexandrie, qui a été copié parEufebe dans cet endroit, comme Eufebj." 10.'
en beaucoup d'autres , attribue ieulement à Moyfe d'être l'inventeur de la Praep.Evang.
■Grammaire. Or cela n'^eft pas tout à fait la mêméchofe, car la Grammai-
re enfcigne principalement l'Art d'arranger les termes pour en faire un
difcours iuivi; Et quand il feroit vray que Moyfe feroit inventeur de cet
Art de la Grammaire , il ne feroit pas neceffan-e qu'il fût le premier in-
venteur àzs lettres & des caraéleres. Si Moyfe n'a pas le premier enfeigné
l'Art de la Grammaire, au moins il eflr certain, qu'il l'a porté à une grande
perfeébion. Je croirois facilement que c'eft le premier qui ait écrit avec
élégance 6c avec ordre, 6c qu'il eil le plus ancien de ceux qui ontcompofé
des corps d'écriture, pour conferver la mémoire des chofes palTées ,. 6c pour
donner un fyfteme de loix bien concerté.
Cela étant, on ne peut pas douter que les anciens Pères n'ayentété con- Les anciens
duits par des révélations de vive voix : 6c fi quelques-uns d'entr'eùx ont ftîlnftraits
écrit quelque chofe, Pufage de ces écrits n'étoit que pour leur famille, 6c paxdcs
non pour toute FEglife, qui n'a point connu l'Ecriture Sainte avant Moyfe. J^^^^^""
Nous avons dit dans le chap. précèdent, que les Mémoires , fur lefquels ayeciaDi-
auelque Prophète d'entre les Hébreux a compofé ou traduit le livre de Job , ^"*"®'
etoient anciens, 6c félon toutes les apparences, avoicnt été compofèz par
Job lui-même. Ainii il y avoit quelques écrits iacrez avant Moyfe: mais
cet écrit n'étoit pas devenu public, ôc ne s'étoit pas étendu bien loin. C'effc
fans doute pourfuppiéer à ce défaut de l'écriture, que Dieu avoit des com-
merces a particuliers 6c fi frequens avec ces anciens Patriarches. Nous li-
fons, qu'il parla pluneurs foisàNoé,6c lui prefcrivit fortaulong de quelle
manière il devoit bâtir l'Arche,, quelle forme ildevoit lui donner , 6c quels
animaux il devoit y faire entrer. Qiiand le déluge fut écoulé de delîûs la.
terre, Dieu rentra dans un nouveau commerce avec Noé , il renouvèlla:
alliance avec lui, ôc avec le genre humain, par des difcours aflez amples.
Moyfe nous recite auffi, d-e quellemaniereDieuparut, 6c parla diverfesfoi^
a Abraham. Et il eft clair, que cela étoit tout ordinaire dans ce tems :
Dieu ne lallFoit jamais l'Eglife deftituée dé quelques-uns de ces hom-
mes, avec lefquels il avoit une communication particulière, qui étoient
comme fa bouche , 6c dont on écoutoit les paroles comipe des ora-
cles.- •
Je ne ferai pas même difficulté d'avancer comme véritable cette opinion ; i-'«fi«iï.<J6'
e'eft que i'efprit de Prophétie étoit héréditaire, 6c pafibit dans celui que ètoft hexe*
Dieu avoit choifi pour être le chef de la famille des Patriarches. Ainfi tous dicaùe,
czs hommes qui nous font nommez dans le f. chap. delaGen. Adam,Seth,
Enos, Kenan, Mahalecl, Jared, Enoch, Methufcela5Lamec6cNoé,
ont:
24 ; HISTOIRE DESDOGME s
Adam étoitoj^jt été cout autant de Prophètes. Quant à Adam on n'en peut pas dou-
ïop "c- j-gj.. pyifq^ie l'Eglifede fontems devoit avoir un guide &un Doéteur de
la vérité , il falloit que ce tût Adam , qui étoit la fource & la tige du genre hu-
main. Outre cela il étoit plus propi e qu'aucun autre à enfeigner les hommes,
puis qu'ils étoient Tes entans, & que de plusilavoit été témoin oculaire
delà création. Ses enfans n'avoientpû être inftruits que par lui , & il n'y
a pas d'apparence que Dieu eût tiré l'eipritde Prophétie de deilusle père
6c le maître, pour le donner aux enfans &aux Difciples. Lamec le père de
Noé étoit auflî aflïïrément Prophète : car il prediiït à la naiiîance de Ion fils ,
,' que ce feroit celui avec lequel Dieu traiteroit alliance, pour ne plus maudi-
re la terre, c'ell à dire, pour ne plus envoyer fur elle des effets de fa ma*
lediélion lî terribles, commedevoit être le déluge: C'ell iàle fensdes pa-
roles de Lamec j (^elm-ct nous foulagera de notre œuvre & au travail de nos
mains ^k cauÇe de la terre que P Eternel a maudite :, je croi qu'il faut tourner,
çjue l^ Eternel aura maudite. Car je ne penfe pas que Lamec ait égard à
cette première malediélion, que Dieu prononça fur la terre tout incontinent
après la chute de l'homme, la terre fera maudite a caufe de toi: je croi qu'il
parle de la malediétion dont Dieu devoit maudire, la terre en envoyant le
déluge.
Enoch fut fans doute lepîusilluftredeces Prophètes du premier mon-
de. Moyfe nous dit apPd cheminoit avec Dieu: cela ne lignifie pas fimple-
ment qu'il étoit honnête homme 6c vertueux , comme cheminant devant
Dieu. Cela veut dire qu'il étoit toujours dans des commerces très parti-
culiersuvec la divinité: auffiDieufenleva, êcilnepamt plus. Et St. Paul
dit que T>ieu le frit afin qu'il ne vit pas la mort. Cet Enoch eil célèbre dans
î'Eglife par deux chofes : la première eil fon enlèvement au ciel : la fecon-
. , de eil fa Prophétie que St. jude aconfacrée en l'inférant dans fon Epîtrcj
Enoch feptieme homme après (tAâam a bien prophetiÇé dî'eHX j dtfant , voici le Sei-
gneur vient avec des, milliers à'' Anges .^ four faire jugement contre tous , & pour
reprendre les impies de toutes les œuvres d^impiete qu^ils auront commifes ^ & les
Epîtie icS. p^<^^^^^^ ^^ toutes les paroles dures qu'ails ont proférées contre lui. Il y a bien des
Jude: rai- chofcs danscettc Epître qui font de la peine à ceux qui fecroyent obligez
ceux qui 4^- foûtenir^qu'ellc eit un ouvrage Canonique, Ce combat de Michel i'Ar-
domentque-(;;Î3ânge Contre Ic diable touchant le corps de Moyfe, ne fe trouve que dans
pièce Cano- des Hvres Apocryphcs. Origene dit que cette hiftoireeft tirée d'un livre
nique. "Qui s'appclloic àvâ^uaiç fxiccTêwç , l'afccnfion de Moyfe, & par les Hébreux
iib. î. 'p<-'thirath mocke , qui fignifie le départ de Moyfe. Epiphane parle fouvenc
•7rfp2 àp- 'de ce livre, êc dit que les hérétiques en faifoient grand cas. Or cet ou-
vrage étoit plein de rêveries & de fables. Mais, ce qui eft encore plus
étrange, c'eft que l'Auteur de cetteEpître attribuée à St. Jude reçoit évi-
demment, comme véritable la fable des Anges qui avoient couché avec les
filles des hommes avant le déluge j d'où étoient venus les geans. Car
il dit au ir. 7. ^jf^eles villes de Sodome& Gomorrhe s"^ étoient latffées aller a la
mêmepaillardife que ceux-là .^ favoir que ces Anges, dont il venoit de dire
qu'ils h'avoient pas gardé la pureté de leur.origine,6<;q,u'ilsavoènt aban-
donné leur domicile. Il attribue aux Anges d'être tombez dans le mê-
me crime que Sodome & Gomorrhe , c'efc de s'être détournés après une
'autre chair j & d'avoir commis paillardife. Cela fait foupçonner à quel-
■ ■' • ' ' ' ques-
five de
piincipiis.
ET DES CULTES DE L'EGLISE. TartA. 25
ques-uns que l'Autheur de cette Epître n'a pas été St.Jude^jmais l'un de .
ces premiers Chrétiens, pleins de zèle & de pieté , 6c qui avoient un peu
trop de fôy pources pièces Apocryphes, dont on trouvoit un (î grand nom-
bre dans ce lîécle-là.
Entre ces ouvrages Apociyphes ily en avoit un qui portoit lenotnd'E- Du line
noch, dont les anciens ont fait un très grand cas. Tertullienle louëcom- T^rmufea
me un livre divin} il eft fâché de ce qu'il n'étoit pas reçu de tout le monde. Dehabim
*Fufs (^h' Enoch , dit-il , dans le même livre a prophetifé de nôtre Seigneur , nous ^" '^J^""^
ne devons rien rejetter de ce qm nous appartient. Il faut remarquer en paflant Facilité des
que c'étoit là le principe des premiers Chrêtiens,qu'il faloit recevoir fans trop Anciens à
d'examen tout ce qui etoit favorable au Chriftianifme ôc à Jefus-Chrift. tout ce qui
Dans le même Heu, fur l'authorité de ce livre, il dit, que ces Anges ré- [jchâta-
voltez, alliez avec les filles des hommes, enleignerent aux femmes l'Art nifaie,
de fe farder, 6c la manière immodefle de s'orner 6c de fe vêtir dont elles
ont ufé du depuis. Et dans un autre ouvrage Tertullien tire l'origine de
l'idolâtrie, de l'AHrologie ôc des Arts illicites^ de ces mêmes Anges ré-
voltez mariez avec des femmes j 6c cela encore fous le témoignage du livre
d'Enoch. C'eftfur le témoignage de ce livre que les Pères du fécond 6c du
troifiémefîécle, comme St.Irenée, St.Cyprien, Laétance, ont reçu pour
véritable cette fable du mariage des Anges avec les filles des hommes.
Dans le fiécle de St. Auguflin on devint plus éclairé, 6c un peu moins
crédule: St. Auguilin nous l'apprend lui-même dans ces paroles > Nous m DeCivît.
pouvons pas nier ^ dit il, e^H* Enoch n ait écrit quelque chofe de divin ^ acaufe de ^^^^^[
Pauthonté de St, ^4ide qui nous le dit dans fin Epître Catholique : mais ce n'efi
f as fans ratfon que ce livre n'a pas été mis dans le Canon qui fi gardait dans le -
Temple de Jerufialera , ©" qui étoit commis ati Coin des Sacrificateurs. St. Auguf-
tin infinue fuffifamment que cette pièce étoit fufpeéte à cauiê de l'anti-
quité, 6c qu'on ne pouvoit pas favoir avec certitude, fi véritablement Enoch
avoit écrit ce livre , parce qu'on ne trouvoit pas la fuite de ceux qui pou-
voient l'avoir confervé à la poflerité. Au relie tout ce qui eft dit là de-
dans , comme par Enoch , des Geans qui avoient été engendrez par des
Anges, 6c non par des hommes, paroît fabuleux, 6c les hommes judi-
cieux croyent qu'on ne doit pas l'attribuer à Enoch. Cet Apocryphe eft
demeuré long-tems enfeveli dans les ténèbres : mais dans le commence-
ment de ce fiécle, le favant Jofeph Scaliger en a recouvré une partie , il
femble même qu'il eût vu l'ouvrage entier : car il cite les fragmens qui
fuivent du premier livre de l'ouvrage comme l'ayant lu, 6c nous en a don-
né des fragmens confiderables dans fes notes fur la Chronique d'Eufebe: 6c
je fuis tenté de tranfcrire ici ces fragmens, & les mettre en nôtre langue dans
laquelle je penfe qu'ils n'ont pas encore paru.Les voici donc motà mot félon la
verfion Latine que Kircherus nous en a donné dans fon Oedipus ^Egyptiacus.
Et il arriva quand les hommes furent multipliez., qu'ils eurent des filles belles j^^patnt
& aimables. Les veillans ( éyp^yopoi ) c'eft ainfi qu'ils appellent les Anges, de- ^"tnoch.
^vinrent amoureux d'elles ., & ils fi dirent Pun a P autre , choifijfons-nous des fem- p^çj^je,.
mes dî* entre les filles des hommes ; ^ Semixoi leur Prince leur dit , je crains qu'ici- ftagaient.
les feront cela , & je feray feul coupable à'' un grand péché . Et ils lui répondirent ,
nous jurerons tous , & nous nous oblioerons de ne point renoncer a la promefie que
nous aurons donnée , que nom ne forons venus a bout de tout , & que nous n'^jons
Part. I, D rem"
zS HISTOIREDESDOGMES
rempli toutes chofes. Ils jurèrent donc , & fe lièrent par un grand ferment. Or
ils étoient 20. (]ui^ dans les jours de Zared^ montèrent fur la montagne de Hermo-
nim , a laatielle ils donnèrent ce nom, à caufe du ferment d'^execration cju^ils avaient
prèle fur cette montagne , & de l'alliance (qu'ils avaient faite entr^cux. Ce font
ici les noms des Trinces j le premier Semixas , e^ui était leur Chef , le i^. Ana-
kuph, le ^™e. Arakiel, le ^^. Kababiel, le 5"^«, Orammame\le 6"^. Ramiel, le y^^.
SapfLh , le 8'»e. Zachiel , le 9™^. 'Balchiel, le lo'"^. Azaz.el , /' i x^^.Tharmarus,
le 12™^. Amarielje 15™^. Anaguemas^le i/^'^^.Thaufaél,le i^^^.Samiel, le 16™^»
Sarinas, le i "j^^. Ehumiel , le \ 8"^^. Tyriel, le i çf^^. famiel^le 20™^. Sariel. Ceux-
ci & tous les autres Pan du monde 1 170. prirent des femmes , & fe fouillèrent
Avec elles jufcju"* au de' luge. Et ces femmes leur engendrèrent trois fortes d'enfans.
Les premiers furent les Geans, les Çeans engendrèrent les Naphilins , & les Na-
thiiins engendrèrent les Eliuds.
Le 1 o™^. de ces ayfnges, appelle Axa'él ou Az.az.el , enfeigna aux hommes a faire
des e'pe'es , des cuiraffes , & toute forte d'^inflrumens de guerre , il leur apprit aujji
4 faire fervir les métaux , particulièrement Par & P argent , au luxe & aux or-
mmens des femmes. Ils enfeignerent aujfi P Art d^ embellir la nature, de faire des
fards , d^ de s'orner avec des pierreries. Les fils des hommes apprirent ces Arts
de leurs filles & de leurs femmes , & Us s'^en fervirem pour corrompre les Saints }
tellement que la corruption fut très grande fur la terre dans toutes les voyes des
hommes, Semixas , leurTrince & le Chef de tous, leur apprit a fe mettre en colère ^
cefi-k'dire y a exercer la violence: il leur donna auffi la connoiffance de la vertH
des herbes. Tharmarus Pi i«ne, 4''entr^eux enfeigna la Magie , & PArt des en-
chantemens , des prefliges & de délier les liens des enchantemens Balkiel qui efi
/(f ^™«. apprit aPhomme PArt a tirer les étoiles du ciel. Le 8™*. leur apprit PArt
àsri0(T\{0- ^^ deviner par Pair. Le 5™^. leur enfeigna a deviner par lesfignes de la terre. Le 7™^.
îr/âîv. par lesfignes de la Lune. Tous ceux-là révélèrent leurs fecrets à leurs femmes & à
leurs enf ans. En fuite les Geans commencèrent a manger de la chair humaine .^ ^
exterminèrent par ce moyen une partie des hommes , ^ les refiles ou reliques des hom-
mes , qui avaient expérimenté leur barbarie , jettoient des cris vers le ciel , le
priant de fe fouvenir d'yeux. Or les quatre principaux Anges du ciel ^ Aiichaél^
liaphael, Gabri'éi & Uriel , regardaient la terre du plus haut des deux ; &
voyant la multitude du fang épandu , & lés horribles excès d'^impietez., & d^ini.-
quitez. qui fe commettaient , dirent Pun a P autre , voici les efprits & les ar/ies des
hommes, qui du milieu de leur afiittiion & de leur opprefiïon crient a nous, afin que
nous portions & leurs malheurs & leurs araifians devant le throne de Dieu. Ces
quatre <tAr changes s"^ avancèrent donc vers le throne de Dieu , Ô" dirent , 0 Dieu,
tu es le Dieu des Dieux , le Seigneur des Seigneurs 3 le throne de ta gloire fub-
fifie dans tom les fiecles, & dans toutes les générations , & ton nom efi béni aux
fiécles des fiécles. Car tu as créé toutes chofes , i^^r tu as pouvoir fur toutes chojis :
en ta prefence elles font nues Ô' découvertes : tu vois tout i il ti^y a perfonne qui fe
puijfe dérober a ta convoiffance. Tu vois combien de maux fait Axa'el , carwbien
il introduit au monde de péchez, & d'miquitez. , & qu'ail n'y a plus que fraude fur
la terre. Car tl a manifefié aux hommes les myfleres qui font aux cieux , dr les
hommes ejfaycnt de connaître fies laix & fies fecrets. Les fils des hommes ont donné
toute puijfance a Semixas dr à ceux qui fiant avec luy j ils entrent vers les hom-
mes , ils fe fioiiiilent avec les Vierges , ils dorment avec les fiemmçs , (^ leur
apprennent toute forte de crimes , &tous les infirumem de la fornication . %egar-
de
ET DES CULTES DE L'EGLISE. Part.l. if
de maintenant comme les filles des hommes leur engendrent des Geans, Ce genre
d'hommes mêlé '& bâtard , repanda fur toute la terre , a rempli Punivers d^ini"
cjuitez. : & voicy les âmes des hommes défunts qui font requête , leurs gémtffe-
mens montent jufques aux cieux^ & n'y peuvent atteindre à caufe des énormes ini-
quitez. qui fe commettent fur la terre. Tu fais tout ce qui fe fait par eux , tu les
vois , tu les fiuffres , & tu ne nom apprends pas quel remède on peut apporter a,
tant de maux. Alors le Très Haut prononça , & le Saint & le (^rand parla , &
'envoya TJriel au fis de Lamech^ difant , va-t-en à Noé , & lui dis en mon nom ,
cache-toy j ^ lui manifefie la fn prochaine de toutes chofes ^ ô" comme la terre
t'en "Oa périr. Infirui le juftefils de Lamech de tout ce qu'il doit faire , & fon ame
fera confervee en vie , & il évitera la mort pour jamais ^ & une plante fortira de
luij qui fuhfftera aux fécles des fiécles. En fuite il dit u Raphaël ^ va Raphaël ^
& jette Axa'èl pies & poings liez, dans les ténèbres. Tu ouvrir a6 auffi le defnt qui
eji en Dodoël , c^ tu le jetterai la fur des cailloux aigus & tranchans ^ tu le coU"
vriras de ténèbres ^ ^ il habitera la éternellement. Tu mettras un bandeau fur
fesyeux , ^ il ne verra aucune lumière , &■ dans la journée du juge , quand il
fera appelle en jugement , on le deflinera a l'embrafement du feu : ainfi la terre que
les veillans avaient corrompue (jr ébranlée fera guérie. Fay connoitre a la terre le
moyen de fa guerifon , afin qu'elle foit guérie de fa playe , & que tom les fils des
hommes ne perijfent poi : Lefquelles chofes font dites félon le myflere que les veil'
lans difoient & enfeignoient aux fils des hommes : d'où il efl arrivé que la terre a
été défilée par les injiruElions d^Axaël , & de la tous les péchez, ont tiré leur ori-
gine. jQuantk Gabriel, il lui dit , toy Çabri'H va-t^-en vers les (jeans , vers les en-
fans de fornication faux ($' bâtards ^ & fay périr tous les enfans des veillans dn
milieu des fils des hommes. Tu les feras combattre ^ & les mettrai aux mains les
uns avec les autres.^ jufques a ce qu'ils foient tous exterminez i que la longueur de
leurs jours n"^ arrive pas a celle de leurs Ancêtres ^ qui efperoient de vivre éternelle-
ment ^ ^que la longueur de leurs années n'' aille poi au de la de cent ans. Enfin il
ditaMichdélî & toy MichàH ^ va , lie Semixas & tous fes fuppots ^ tout autant
qu'il y en a qui fe font mêlez, drfotiillez. avec les filles des hommes, durant qu'elles
ttoient dans leurs pollutions. Et quand les Geans leurs fils auront été égorgez. , &■
qu'ils connoitront la perte de leurs chers enfans , tu les lieras pour 70. générations
dans les lieux fombres de la terre, jufques au jour dans lequel ils doivent être pro- '
duits en jugement : jour de la confomption de toutes chofes , jour auquel fe termine-
ra le jugement du fié de des fiécles. Alors il fira précipité dans le chaos du feu ,
dans le tourment , dans une prifon éternelle : & quand ils auront été condamnez.^
ils feront jet tez avec eux , jufques a ce que leurs générations foient achevées.
Quant aux Geans qui font compofez. d'efprit & de chair , ils feront appeliez, efprits p^gjjj^^
malins fur la terre , afin que leur habitation foit en terre. Ces efprits , dis-je , qui
feront fortis des corps de ceux qui auront été engendrez en partie par les hommes ^
en partie par les veillans , feront de malins efprits. Le principe de leur création
& le commencement de leur fondement fera d'être des efprits malins fur la terre :
& ce font les efprits des Geans difiribuez. en tom lieux, efprits injufles., qui détrui-
fent , qui attaquent , qui combattent , qui lancent des traits & font des courfes
fur la terre. Toutefois ils ne mangent pas , mais ils s^abfiiennent de viande , ils
caufent des illufions par l'apparition des fantômes , étant fujets aux changemens &
AUX chutes, ^yîu refie ces efprits rejfufciteront avec les fils des hommes & des
femmes qui feront procédés deux. Or depuis la mort & la rfii'ne des (jeans ,
28 HIST OIRE DES D OGMES
Us Naphilins , e^ui auront été engendrez, par eux , fe fortifieront fur la terre t
efprits grands & de mauvaife réputation ^fortis de leur atne comme de la chair , & ils-
corrompront le monde jufc^uei au jugement dans lecjHelle grandjîécle fera terminé,
Troifiéme Quant à la montagne fur laquelle ils ont juré avec exécration , ^»V//^ feiir
Fragment, fjûujours couverte de nége , de frimats & de glace î que le froid ne Paban"
donne jamais , & que la rofée ne tombe fur elle qu'en malediBion jufqu^au jour
du grand jugement. Dans ce tems- là' elle fera brûlée & mife au niveau des val-
lées elle fe fondra comme de la cire devant le feu 'y ainfi elle fera détruite avec
toutes leurs œuvres. Et à vomfls des hommes , je dis que ma colère efl embra-
fée contre vopu & contre vos enfans; vos bien- aimez, feront détruits^ & vos cherit^
enfans mourront , ils. feront retranchez. à.e deffm la face de toute la terre. Tous.
les jours de votre vie a 1"^ avenir ne feront plus que liO. ams\ & ne vou^- imagi.»
nez. pas pouvoir vivre davantage. Il n^y aura poi moyen d'*échapper , parce que U
colère du %py des fiécles efl allumée contre vous. Ne penfcz. pas pouvoir éviter
ses chofes. Voilà les célèbres Fragmens du livre d'Enoch.
Jugement Outre que cette pièce efl curieufe , elle nous apprend que ce livre d'E-
men?du?i- i^och , d'oùcUe a.été tirée,^, eflabfolument le même dont Tertullien 6c les .
vred'E- ancicns dc foiifiécleont tant fait dc cas. Carnous voyons dans ce fragment
obftrva- ^^ut cc que Tcrtullien avoit tiré de ce livre, & qu'il rapporte dans fes
tions Traitez de tdoloUtria , & de habitu multerum : favoir que ces iils de Dieu, qui
S°"^"" fe marièrent avec les filles des hommes, étoient des Anges qui renoncèrent
à la pureté de leur origine, que ces Anges,, corrompus ont enfeigné aux^
hommes la Magie,, l'Aibologie, les inllrumens de guerre, l'art de far-
der les femmes^, l'ufage des pierreries dans les ornemens , la force & la ver-
tu des herbes , les enchantemens , & l'art d'employer les métaux , fur
tout l'or &Hrgent^
Gteduîîié Et cela nous donne occafion* de faire une reflexion importante ; c'efir
eSis."" que. les anciens Chrétiens étoient de bonnes gens, & bien crédules , de
recevoir comme bonnes, des pièces d'une fauflèté fi- évidente ,& rempHes:
de tant de fables ridicules. Sur quoy nous pouvons faire en paiîant cette ob-
fervation, que nous ne fommes pas toujours obligez de nous en tenir à leur
jugement, Ôc que ce n'eft pas un crime d'appeiier d'eux à un tri-bunal plus
infaillible,.
Geteavra-^ H n'y a pas de doébes aujourd'huy qui ne foient aflûrez que ce fragment,
Inoc"' n'eft §<^i'o'^'''i"ftgs^'-^'-iÊ^ il a été tiré, qui portoit le nom du livre d' Enoch , ne
pas d'un foit la production d'un impofteur. Mais je fuis furpris que nos favans
Autheurqui ^m^ _ ^ i? j T-r-\.^ j
ait vécu ayent attribue cet ouvrage- a quelqu'un de ces Juifs, qui ont- vécu depuis
ava^nt^nôtie k capfivitéde Babvlone jufqucs à nôtrc Scigncur Jefus-Chrift , c'eft le fen-
timent de Scaliger, d'ifaac Voffius, de Gale dans fes notes fur Jamblique,
&d'AthanafiusKii:cherus. C'eillui faire trop d'honneur, ce me femble,
que de le faire fi ancien.. Car je croy voir clairement, que cette pièce a
été compofée après la naiffance & l'ètablifleraent du Chriftianifme par
Tun de ces fanatiques, dont l'ancienne Eglife étoit remplie, qui faifoient
un mélange aiïieux de la Phiiofophie Platonicienne & de la Théologie
Chrétienne. En un mot c^q^ un Autheur femblable à ceux qui ont fup-
pofè les Oracles des Sibylles, les Dialogues de Mercure Trilmegifte, les
Révélations d' Abdias Babylonien , les Vifions du Pafteur^ ôc autres fembia-
bles pièces. C'.eli un Montan, un Hermès, ou queiqu'autre vifionnairc
de..
S.J
ET DES CULTES DE L'EGLISE. PartA. 29
de ce flécle-là j 6c voicy les raifons fiir lelquejles j'appuye cette con-
jedure.
1 . L'original de ce livre étoit Grec 5 c'efï en cette langue que Scali- Quatre
ger a trouvé ce qu'il nous en a produit ; & c'ell dans cette même lan- ^é^q^" ^J,
gue que les Pères Tout vu : . car la plupart d'entr'eux n'entendoient ni l'He- f»»-
breu ni les autres langues de l'Orient. Ce qui fait voir que ce livre
n'a pas été compole par un de ces Juifs y qui habitoient ou danslaPalef-
tine, ou dans laChaldée; car ils avoienr accoutumé d'écrire en Hébreu,
ou dans quelques-uns de Tes dialeéles. Il eft vray que Drulius nous cite Drufius de
un certain Rabbi Menakem,. qui parle de xe livre d'Enoch, 6c qui dit que JJ^^^"?/**"
leurs derniers Cabalifles , entr'autres l'Autheur du livre intitulé Zoar,ioz.
en font mention. Cependant ce livre ne fe trouve point entre les livres cetoumge
des Juifs, & il n'y a pas d'apparence que s'ils avoient eu un livre dont ^"^^jj^^^j^
le titre portât fur le front les apparences d'une fi grande antiquité, ils l'euf- écrit ea
fent laiffé perdre. De plus les Cabaliiles, que cite ce Rabbi Menakem , ^'^®'^°
ne difent pas en quelle langue étoit écrit cet ouvrage. Apparemment ils-
Tavoient vu en Grec, 6c comme ils.font grands amateurs des fables, par-
ticulièrement de celles qui. fervent à relever la gloire de leur nation êcde
leurs Patriarches , ils l'avoient adopté, & l'avoient voulu recommander à
leurs difciples. Au.refte les Autheurs Thalmudittes , qui lont plus anciens
que les Cabaliif es , n'en parlent point da tout : cependant 'A n'y a point
d'apparencequ'ils n'euffent produit ce. livre. , s'ils l'avoient eu eiitr'eux,
& s'ils l'euiîent reconnu.
2. Non feulement l'Autheur de ce livre n'étoit pas Juif ni Hébreu, je L'Authem
fuis même afluré qu'il ne favoit pas la langue Hébraïque , car les noms p^^j^^^^
d^tyirtakfiphy àcTharmarns , Orammamé ^c. ne font point des noms He- langue Hé-
breux, Ôc ne font point formez fur l'analogie de la langue' Hébraïque. ''"^^"*'
' C'ell pourquoy Hottinger reconnoît par cette marque cet homme pour
être un Juif grecifé, qui ne favoit point la langue fainte. :?. On peut
ajouter à cela qu'on ne voit point dans cet ouvrage le caraélere des an-
ciens Autheurs Juifs,, car les anciens Cabaliftes de cette nation en écri-
vant faifoient plutôt des énigmes que des livres j leurs ouvrages étoient
prefque impénétrables , remplis d'une obfeurité profonde & affeéf ée , com-
me il paroîcpar le livre de Zoar^ qui efl d'une très grande obfeurité 5. 6c
par un autre livre intitulé /^//r^, qu'ils attribuent au Patriarche Abraham, j.^.^^ „»
dans lequel font exphquez les myfteres àcs ^z. fentiers de la fageffe: ^
on y trouve auffi l'explication de ce qu'ils appellent decem fephirot . iMais
l'Aotheurde ce livre d'Enoch, s'il a cela de commun avec les Cabaliftes
de dire fou vent des impertinences,, au moins il les dit. d'une manière intel^
ligible. En examinant en détail ce fragment que nous \ enons de voir,
nous pourrons à peu prés découvrir l'âge dans lequel il a été fait.
. 4. 11 ell très évident que l'Autheur de cet ouvrage étoit Chrétien , L'Autheur-
ou qu'il avoit bien liiles livj-es des Chrétiens. Car il fait de perpétuelles «Jfceimc
aîlufions à des textes du N. T. 8c il imite dans la plupart de fes fonges étoît"chï^
les^ifions del'Apocalypfe. Par exemple, n'eft-il pas clair que ce qui efl dit tien & non
de ces âmes & de ces reliques des hommes tuez & mangez par les Geans pr"uves%
qui crioient vers le Ciel, afin qu'on vengeât leur fang, eil imité de ce que «fait,
dit St, Jean dans l'Apocalypfej, que le^ âmes des martyrs étoient fous Tau-
E>3 tel,
'Sfor HIST OIRE DES DOGMES
tel 5 Se crioient , jhJcjhcs a quand ne prendras-tti pas vengeance de notre fang
fur les habuans de la terre? Cette même vifion ell évidemment fondée fur
l'opinion des anciens Chrétiens, qui ellimoient que les âmes des hommes
après leur mort étoient réclufes dans un lieu de fequellre : car ce faux
Enoch reprefente ces âmes qui crient du fond de quelque abyfme, d'où
leur voix a bien de la peine de parvenir jufques aux cieux. f. Ce qu'il
ajoute de ces Anges, qui reçoivent les cris de ces âmes 6c qui vont porter
VoiSt.Aug. leurs plaintes devant le thrône de Dieu, eft tiré de la Philofophie Pia-
lib. 9. de tonicienne , dans laquelle on enfeignoit qu'il y a des efprits intérieurs à
cap.' ij. 14. Dieu qu'ils appelloient daimones , qui faifoient l'office de médiateurs entre
îi. 16. Dieu èc les hommes , recevans les oraifons des hommes pour les porter
au Ciel 5 6c les commandemens de Dieu pour les porter en terre. Cela
peut auffi avoir été imité de l' Apocalypfe, dans cet endroit où St. Jean
nous parle d'un Ange, qui tenoit unencenfoir d'or plein de parfum, qui
font les prières des Saints, pour les porter devant le thrône. 6. Ce com-
mandement donné à Raphaël contre Axaël , de le jetter pied^ 6c poings
liez dans les ténèbres , eft copié mot à mot du texte où le S. J. C. dit
touchant le mauvais ferviteur, liezrle pie's & maim, & le jetiez, dans les te^
nebres de dehors, j. Ce qu'ajoute nôtre impofteur dans le même endroit,
^ e'tant appelle au jour du jugement y on le deflinera a l'^^mbrafement du feu ^
n'eft-il pas évidemment pris du if. de St. Matth. &du ip. de l'Apoc.où
la forme du jugement nous eft reprefentée ? Dans le premier paflage il eft dit
aux réprouvez, allez, au feu préparé au Diable & k fes ange! : & dans le fécond
pafîage fatan eft jette âf<î«/ Pétang de feu dr defouphre. 8. Le commandement
que Dieu donna à Michaël de lier Semixa s, Prince des Anges révoltez,
& de l'enfermer dans les lieux fombres de la terre par 70. générations ,
eft évidemment imité du 20. de l'Apoc. où un Ange, par le commande-
ment de Dieu, liefatanle Prince des Diables pour 1000. ans , & le jette
dansl'abyfme. 9. Ce que dit cet impofteur,que Dieu ordonna de mettre
aux mains les Geans , afin qu'ils fe tuafîent les uns les autres, eft imité de
la fable de Cadmus , qui ayant femé les dents d'un ferpent qu'il avoit tué,
il en naquit des hommes armez, qui tirèrent l'épée les uns contre les au-
tres , ôc fe tuèrent. Cela fait voir que l' Autheur de cet ouvrage n'eft pas
un Juif, car les Juifs n'avoientpas de commerce avec les Grecs, ils n'é-
toient pas favans dans leur literature , ils ne mêloient gueres les fables
étrangères avec les leurs j & en un mot ils enflent fait fcrupule d'emprun-
ter quelque chofe de ceux qu'ils confideroient comme les ennemis capi-
taux de leur religion. Ainfi il eft apparent que cet Autheur étoit l'un de
ces faux Chrétiens, qui dans leurs ouvrages faifoient entrer indift^remment
la Fable, la Philofophie & la Théologie. 10. Ce que cet impofteur dit,
que les âmes des Geans après leur mort feront les efprits malins, qui font
fur la terre, qui courent ça & là pour nuire aux hommes, c'eft la Philo-
fophie Platonicienne toute pure. Car lesPlatoniciens difoient, que les hom-
mes méchans devenoient après leur mort de mauvais démons, ôc de ma-
^•. '^' 4^ hns efprits pour perfecuter les habitans de la terre. St. Auguftin le prou-
eap. il, vefort au long, ÔC entr'autres par ces paroles d'Apulée, que les âmes des
hommes deviennent démons quand elles font feparées de leurs corps : que Jl les
hommes ont été bons , leurs âmes deviennent Larp , cVy? adiré Dieux tmekires &
do-
ET DES CULTES DE L'EGLISE. F^r^.I. 31
ddmcJhcjiMeSy mais c^ue Pils ont été méchans leurs âmes deviennent Lémures ^
Larv£, c'efl ainfî qu'ils appelloient ces démons qui errent la nuit, pour
épouvanter les hommes. Et c'ell de cette même Phiiofophie qu'Orige- Lib. t. de
ne avoit emprunté, ce dogme, par lequel il faifoit devenir démons les âmes S""^jf^6
des hommes, & derechetles démons devenir des hommes par une circu- 7. s.
lation continuelle.
Après ces oblervations , je penfe qu'il eft difficile de douter, que Scali- Ceftauffiie
ger &ceux qui l'ont fuivine lèfoienr trompez, quand ils ont crû que cet JS^vof.
ouvrage étoit d'unJuif,ÔC qu'il avoit été tourné de l'Hébreu, cequeTho- Cm dans
mas Gaie dit expreflement dans fes notes fur le livre de Jamblique demyfte- flbylies'^^^
r ils ^ Liber Enoch haud dubie ex Hcbr<zo in Grincfim converfm eft. {edt. 2. c. g. P- ^4.
Il eft apparemment d'un Philofophe Platonicien , qui en devenant Chré^
tien avoit retenu les principes de la Phiiofophie , avoit confêrvé refprit
de la Grèce amateur des fables , & y avoit joint l'efprit de fanatifme 6c de
viiîon, qui regnoit entre les hérétiques du i. âge de la Religion Chrétien-
ne. Ainfî je foupçonne que ce livre eft né dans le fiécle même de Ter-
tullien, l'homme du monde le plus propre à donner cours à ces fortes de
produébions : premièrement parce qu'il étoit très crédule ; mais fur tout
parce que lui-même étoit infeété de cet efprit de fanatifme , car il étoit
Seétateur de Montanus, ce célèbre vifionnaire, qui fe difoit être le Para-
clet ou le Confolateur promis par J. C. à {t.s Apôtres. Par cette remar-
que nous pouvons être aflurez que Scaliger s'eft encore trompé , quand
il a crû que ce paflage de la Prophétie d'Enoch , qui eft rapporté par
St. Jude, avoit été tiré de ce livre Apocryphe. Je foupçonne au con-
traire, que cet impofteura pris occafion de l'Epître de St. Jude, de for-
ger fon ouvrage. Il a crû qu'il y avoit eu autrefois un livre compofé par
Enoch,6cque St. Jude l'avoit lu 6c cité. Cet ouvrage ne fe trouvant
plus, cet impofteur a jugé, qu'en produifant au monde un livre fouS
le nom d'Enoch , on fe perfuaderoit facilement, que ce feroit le même
qui auroit été cité par S. Jude. Je ne croi donc pas que cet oracle, qui
regarde l'appareil du dernier jugement , 6c qui eft rapporté par St. Jude^
ait été emprunté d'un livre Apocryphe, qui fubfiftât alors fous le nom
d'Enoch. Je croi plutôt que St. Jude a pris cet oracle de la tradition. Celle
des Juifs étoit extrêmement corrompue , 6c la plupart de fes dodrines
qu'ils appelloient CabbaU Mofs e monte Sinài , tradition defcendu'é de Sinai
far Moyfe , étoient des fables. Mais les Ecrivains facrez du N. T. qui
étoient conduits par des lumières furnaturelles 6c infaillibles, favoient
bien diftinguer ce qui étoit véritable de ce qui ne l'étoit pas , 6cilschoi-
fiftbient du milieu de ces traditions fabuleufes ce qui pouvoity être refté
de vérité.
C'eft apparemment de cette fource de la tradition que les Ecrivains J^its citez
du N. T. ont puifé beaucoup de chofes,qui ne fe trouvent point dans Teftament
l'Hiftoire Ancienne, commeeft le combat de Michel l'Archange avec J"'"efe
le Diable touchant le corps de Moyfe, ce qui eft rapporté par le même dans il"
St. Jude. Ce que St. Paul dit en la i. à Tim. de Janes 6cJambresMa- ^^^"'^^
giciens d'Egypte, qui avoient refifté à Moyfe, noms qui ne fe lifent point
dans l'Hiftoire facrée de l'Exode. Ce qu'il dit au 12. chap. de i'Ep. aux
Hebr. que Moyfe fur la nîontagne de Sinaï s'écria , je fris tom étonné &
m
32 HISTOIRE DESDCGM ES
en tremble tout i paroles qui ne ie lifent point diins l'Hiftoiie de lapublî-
Tom. 19. in cation de la Loi. Origine eftime que les Juifs favoient bien deschofes
joanaem. q^c Moyfe ôc Ics Piophetes n'avoient pas écrites : il met dans ce nom-
bre le nom de Beelzebub Prince des diables : // efl donc probable , dit- il ,
qu'ails [avaient quantité d^ autres chofes, oh par la tradition , on par quelques livres
fecrets. II eft vrai que ces fortes de chofes, félon la penfée d'Origene ,
pouvoient être écrites dans quelques-uns des livres des Juifs j & parmi ce-
la {e pouvoit trouver écrite la Prophétie d'Enoch rapportée par S. Jude,
Mais il n'étoit pas neceflaire qu'il y eût un livre entre les Juifs particu-
lièrement attribué à Enoch avant N. S. J. Ch. Et il eft très apparent
qu'il n'y a jamais eu d'autre ouvrage fous ce nom que celui que nous
avons dit avoir été compofé par quelque impofteur d'entre les Chré-
tiens.
CHAPITRE V.
De Balaamy de fin caraBere & de fit Trophetie. Il n'étoit
ni Magicien m faux 'Trophete.
L'efpntdc "IT T Oilà tout ce que nous favons des Prophètes, qui ont vécu dans les
fuThtredi- \f ^écles avant le déluge. La fuccelïïon de la Prophétie ne fouffrit
taire dans point d'inten"uption dans les fîécles qui fuivirent , il efl; certain
dansdeNoé ^^^ ^^cu ne laifTa jamais cette Eghfe Ancienne fans des guides, qui fuf-
Kqu'à fent conduits immédiatement par ionEfprit, la fâgefle de Dieu ne pou-
°^^' voit pas permettre que la chofe allât autrement j puifque cette Eglife
n'avoit point d'Ecriture Sainte, ni de livres facrez, il flilloit bien qu'elle
fût animée 6c éclairée par des Prophètes, ôc par des oracles divins. Il
n'efl pas aflûré que tous ces Patriarches , par lefquels Abi-aham efl dé-
cendu de Noé & de Sem, &: dont Moyfe nous donne la fuite dans l'ii^^.
çh. de la Gen. ayent tous été Prophètes. Au contraire la tradition des Juil^,
qui en cela n'eil pas à mon avis indigne de foi, dit que Scrug, Nachor
& Tharé ayeuls & bifayeuls d'Abraham étoient Idolâtres, 6<. qu'i.s ont été les
premiers inventeurs des fimulachres. Mais il eft certain au moins que
Noé étoit un excellent Prophète: or il vécut 3fo. ans après le déluge.
Abraham avoit déjà fS. ans quand Noé mourut: ainfî quand même de-
puis Noé jufques à Abraham, il n'y auroit point eu d'autre Prophète,
î'Egiife n'aurpit point été deftituée de l'efprit de Prophétie. Mais-cela
n'elt point apparent : il eft vray-femblable que Sem fut Prophète , puis
qu'il devoitêcre le Chef de l'Eghfe de fon tems, le Père de la famille
de Dieu, 6c la tige d'où devoit fortir la Nation des Ifraëhces, le peu-
ple iaint 6c le S. J. C. lui-même félon la chair. On pouvoit faire la mê-
me conjeélure d'Àrphaxad, de Scela, deHeber 6cdePeleg, c'eiL qu'ils
étoient tous Prophètes. Si ce n'eft que l'on trouve plus vray-fembiable
que Noé 6c Sem ayent écé les deux féuls Prophe-ies de leur tems, 6c
que ces deux hommes infpirez ayent été fuffifans, à caufe que I'Egiife
pour lors n'étoit pas fort nombreufe. Quand la divifion des langues
fut
ET DES CULTES DE L'EGLISE. P«.î. 33
fut arrivée, on ne peut pas douter, que Dieu n'ait fait aufîiune divifîon
de l'efprit de Prophétie. Car dans ce ficelé l'Eglife n'étoit pas renfer-
mée dans une feule famille, ni dans un feul peuple, comme elle fut du
depuis. Dieu avoit des élus dans toute la poflerité de Noé , c'eft pour-
quoi quand il divifa cette famille par la diviiîon des langues, il leur fit
part fans doute de fon efprit , pour les éclairer 6c pour les conduire au fa-
lut, ce qui ne fe peut faire qu'en leur donnant des Prophètes. Ce n'eft
pas une conjeéture fans preuve j par exemple nous voïons Job parmi les
Arabes , qu'on doit regarder comme un des hommes du monde le plus
enrichi des lumières de la Prophétie : & mêmes Ces amis paroiiïent dans
leurs difcours être pourvus de ce même avantage. Eliphas dans le 4.
chap. recite une admirable vifion qu'il avoit eue. Entre les Chananéens
nous y voïons Melchifedec , Sacrificateur du Dieu Souverain, un type ad-
mirable du S. J. C. ôc nous ne pouvons pas douter qu'il ne fût Prophè-
te. Toutes ces Nations defcenduës de Noé conferverent ce privilège de
l'efprit de Prophétie , jufqu'à ce que l'Eglife d'Ifraël fut bien formée , que
la famille d'Abraham fut devenue un peuple, que ce peuple eut pris for-
me de répubhque par les loix de Moyfe, & qu'il eut été mis en pofl'efiion
du lieu de fon repos par Jofué. Cela paroît par l'hilloiredè Balaam , qui
demeuroit parmi un peuple Idolâtre : mais dans lequel, félon toutes les
apparences , Dieu s'étoit encore réfervé des élus , comme dans les autres
Nations. Ce Balaam étant l'un des Prophètes de ce période de l'Egli-
lè dont nous faifons l'hiftoire, & les circonilances de fa Prophétie étant
tout à fait extraordinaires & furprenantes , nous ne faurions nous difpenfer
de parler de lui.
Je dirai librement, que je ne fâurois tomber dans l'opinion de tout ce Balaam n'é-
que j'ai vu d'Autheurs & d'Interprètes au fujet de ce Balaam. On veut p^ôTeteT
qu'il ait été un faux Prophète, un Magicien, un faifeurd'enchantemensj mais «es*
en un mot l'un de ces gens qui font de faux miracles , qui étonnent le £J2„^
vulgaire par des illufions , & qui tâchent de pénétrer dans les chofes ca-
chées par le fecours du démon. C'efl le fèntiment du fàvant Ifaac De sibyiUj.
Vofiius comme de tous les autres. Stcuchus Evêque d'Agobio , fur «• 7.
le ZZ. des Nomb. ditde lui, Ce^Balaam était Prophète de U manière <jue
Hdercure Trijmegifte kfnt entre les £gyptiem, & les Sibylles entre lesamresH^-
tions'y lepjfielSy ^uoi eju^ ils ^ent été véritables dans la plupart de leurs Prophé-
ties^ €t oient pourtant Idolâtres , tel qu avoit été Zoroajire entre les ^erfis, Or-
phée entre les Grées , Abaris entre les Hyperboréens , Zamolxis entre les Getes,
Je vois bien dans ce Balaam tous les caraéteiies d'un méchant homme j
mais je n'y vois pas ceux d'un faux Prophète , ni d'un Idolâtre. Un faux
Prophète eft celui, ou qui feint d'être animé de l'efprit de Prophétie,
& qui ne l'eft pas , ou qui pour prophetizer implore le fecours des faux
Dieux, comme faifoicnt les Prophètes de Baal, qui invoquoient les Baa~
lims, pour obtenir d'eux une miraculeufe confomption de leurs facrifices,
pendant qu'Ehe invoquoit le vrayDieu: Ou bien ce font des gens qui ont
commerce avec les démons , 6c qui les confultent : ou enfin ce font des Pro=
phetes de menfonge , c'ell-à-dire qui donnent de faux oracles pour de
vrais î comme étoient les oracles que rendoient les Prêtres ou les Prophè-
tes de Delphes qui fe couvroient de l'ambiguité des termes -, ce qui avoit
Part. i. E ac-
du vray
Dieu.
-4. H I S T 0 I R E D E S DOGMES
acquis à leurs Dieux le titre de Koilaçy c'eft à dire ambigu. On ne fau-
roit rien voir de femblable dans toute ï'Hiftoirc de Balaam.
I . Vous voyez que quand les mefTagers de Balac viennent pour l'a-
Nombt. Z2. mener, afin qu'il maudifFe le peuple d'IIiaël, il leur dit , demeurez, ici cet^
"■ *• . te nuit , & j«: voHs répondrai félon cjue l^ Eternel aura, parlé a moi. 11 paroît par
îlbuaWcr là qu'il faifoit profeflion de n'avoir commerce qu'avec l'Eternel Un faux,
que Baïaam Prophctc auroit dit , attendez 6c j'invoquerai les démons , ôc je vous di-
Sit^unomrai ce qui fe peut faire. Un Prophète Idolâtre auroit dit, je confukeraL
ou Moloch, ou mon Baaî, ôc je vous apprendrai ce qu'il m'aura dit. An
relie il paroît allez, que Balaam n'avoit pas tort de fe vanter de Tes com-
merces avec le vrai Dieu : car en effet Dieu parla à lui , ôc lui défendit
cette première fois d'aller avec les Ambafladeurs de Balac. Quand ce Roi
des Moabites envoya une féconde fois vers lui ,, il confulta auffi une fé-
conde fois le vray Dieu fur ce qu'il devoit faire , 6c Dieu lui permit d'al-
ler avec ces Ambafladeurs. Il eft vray qu'il ne devoit pas ufer de cette
permiflion : c'eft pourquoi la colère de Dieu s'cmbrafa contre lui , parce
qu'il s'en alloitj, Dieti^ nous dit Moyfe, envoya un Ange ave^c une épéeponr
le traverfer dans [on chemin :. c'eft une des circonftances les plus furprenan-
tes de cette hiftoire. Dieu avoit dit à Balaam, pmf^ue ces gens font venm
'oers toi^ levé tôt & t'en va avec eux. Cela paroît un commandement
exprés de s'en aller,, ôc cependant Dieu s'irrite quand il s'en va. C'efl
que ces paroles n'emportent qu'une permilîion, ÔC non pas un comman-
dement, ÔC même c'étoit une permiflion, conditionnée i car Dieu ne lui;
permettoit de s'en aller , qu'à condition de bénir le peuple d'ifraëi ; ou
bien l'on peut dire que Dieu lâcha la bride à la malice de Balaam, qui cou-
roit après le gain deshonête, Ôc charmé par les promelTes de Balac,,
cherchoit à maudire ce peuple que Dieu avoit béni. Ainfî Balaam pe--
choit en fe fervantde la permifîion que Dieu lui avoit donnée d'aller , par-
ce qu'il avoit une intention toute oppofée à celle de Dieu. Cela eft bien,
du caradere d'un méchant homme,, maisiln'y a encore rien ici d'un faux.
Prophète.
z. Ce qu'il dit aux Envoyez du Roi de Moab, quand il pariiit avec eux,,
fait bien voir qu'il n'étoit pas faux Prophète; Si Bakc me donnait [a mai"
fon pleine d^or & di' argent y je ne pourrais aller ati. delà, dtt commandement dePE,-
t'ernel mon Dien , pour faire chofe petite oh grande. Ce n'eft pas là le ftyle
d'un faux Prophète j- ce n'eft pas non plus celuy d'un. Idolâtre, car il
appelle l'Eternel fon Dieu. 5. Qu'a- 1' il fait dans la fuite.? Il bâtie fept
autels fur lefquels il facrifia feptbouvcaux ôcfcpt moutons: ce fut au vrai^
Dieu qu'il ks facrifia, ôc non pas à l'Idole; fai ordonné , difoit-il,<« D/^»,
fept Aut sis , & fay facrifié fur chacjHe antel un bouveau & un mont on. Peut-
être irouvera-t-on quelque cholè de fuperllitieux ôc qui fent l'Idolâtrie
dans ce nombre de iept. Au contraire c'eft une marque qu'il avoit ac-
coutumé de fervir le vrai Diea , ôc qu'il favoit que Dieu aime ôc qu'il a fanc-
tlEé cei!ombre de fept. l}ïtucomïn-2inQ-^2i\xx^ra\sàt]oh ^ prenez.-voHs fept
bomjeaux & fept moutons , c^ alle^iL a mon Serviteur fob , & il offrira holo"
catiftn pour vous. David 5c les Anciens d'ifraëi emmenant l'Arche àjeru-
falera , facrifierent fept bouveaux ôc fept moutons. Ezechias ôc les
adorateurs
de DieH'
uibistiî êa
#»mbrâ de
f%î>t dans
kurs cérc-
TOonies l-i-
uiti.
Job. 41.
V. 18.'
T. Chron.
15. y. Si.
2. Chton.
a?.v. I. II. Cjouverncurs du peupl
offrirent fept bouveaux, fept moutons, fept
agncau2C
ET DES CULTES DE L'EGLISE. Part.l. 35
agneaux & fept boucs en offrande pour ^e péché 6c pour la profperité du
Royaume. En un mot ce nombre de fept étoit eftimé un nombre de per-
feétion , 6c on l'employoit dans les holocauftes 6c dans \cs cérémonies fa-
crées, quand on vouloit faire une parfaite expiation, 6c appaifer Dieu de la
manière la plus parfaite. Lctîdoia-
Au contraire les Payens dans leurs cérémonies employoient plutôt le ^"^^^,5^^*^
nombre de trois; c'eft celui dont Virgile dit, de trois
dans ieure
. cérémonies.
Numéro Deus tmpt^re gmdeto Eclog.i»
Idem ter focios purÀ circumtulit nndâ. ïdem
<£aeid. S,,
Et digitis tria thar^ tribus fub limine ponit. Ovide djns
Te'rqne fenem flamme , ter aquâ t ter fulphure luJtr/iK Dansfœ
«norplb
Snnt certa piacula , ^«<e te ^^- 7.
Ter f tire leSio poterum receare libello. lib/iô.
Ter cane , ter dtStis defpue carminibm. Tibulle.
Ariftote parle ainfi du nombre ternaire, Zio xupâ r^g (pmeug ei\n<^QTsç wW^p «. DccœC«,
vojxiîç i'/.€lv8ç -, V-ui %poç tÙç àyiccç TeKsràç rwv ôfwv %p<jiix£^ci r^ àpiôixi^ T8T(jfi ;
c'eft- à -dire , ilfemble c^ue la nature nom ait diElé ces règles ^ & nous avons
Accoutume' de nous fervir dt ce nombre dans les fanElifications & cultes qui regar-
dent les Dieux. Il eft donc clair que Balaam n'avoit pas emprunté ce nom-
bre du feptenaire des peuples idolâtres, mais du peuple de Dieu. Il eft
bien vray que les Payens obfervoient aulîi le nombre de fept dans leurs cé-
rémonies, 6c Virgile dit,
Nunc grege de intaBo feptem maUare juvencos ^neîd.
*TraJi-itertt , totidertt leÛas de more bidentes. ' i . . r. î ^
Mais ils avoient tiré cela des Juifs ; autrement ils obfervoient plus le nom-
bre de trois dans les facrifîces.
Très Eryci vitulos, & tempefiatibus agnam lib"**.
Câdere deinde jubet
Quelquefois ils employoient aufîi le nombre de cinq ,
C<x,dit quinat de more bidentes. ^"^''
4. Pourfuivons THiftoire de Balaam.Toutes les fois qu'il va pour rencontrer ^^°^^'^l^
Dieu, le Seigneur fe fait voir à lui, lui parle, 6c lui met (es paroles à la àfacecom-
bouche, avec des circonftances femblables à celles des commerces de Moy- JJ^y^"
fe avec Dieu. Eft-il pofîible qu'un faux Prophète, quin'auroiteujufques^
là commerce qu'avec le démon, eût pu être maître, pour ainiidire, des
E z audien-
Nomb. zj.
V.8.
% 1S=
li^omb. 24.
T. i7.
Baîaam pc-
36 HISTOIRE DES DOGMES
audiences & des faveurs de la diviniié , pour parler à elle , 6c pour être
inrtruit de fa volonté quand bon lui fembloit ? Outre cela un faux Pro-
phète fe feroit-il fait une Loy fi fevere 6c fi exa6te de ne rien faire que
ce que Dieu vouloit? Animé, comme il étoit, delà pafTion du gaindes-
honéte , afin de s'en retourner chargé des prefens de Balac , il n'avoir
qu'à maudire ce peuple fans confulter la divinité , Ôc feindre en avoir reçu
l'ordre de Dieu : Cependant il répond, comment le maudirai- je ? l'Eternel
ne Pa pas maudit : comment le detejlerai-je? P Eternel ne l'a pas detefte. f.C'efi:
encore une chofe extrêmement remarquable, que jamais Tefprit de Prophé-
tie n'a dit de plus belles chofes que par la bouche de cet homme , qu'on
taxe d'avoir été faux Prophète. C'efl: de ce Balaam que nous tenons ces
belles paroles que nous redifons fi fouvent , Le Dieu fort n'efi pas homme
peur mentir , ni comme Us fils des hommes pour fe repentir. C'eft lui-même qui
nous a donné ces autres paroles fi faintes , ^^ue je mettre de la mort du jufte »
C^ cjut ?na fin fcit femblable a la fienne. Il n'y eut jamais rien de fi magnifi-
que 5 ni qui ait plus l'air de divinité , que ce qu'il dit en faveur du peuple
d'Ifraël. Mais fur tout il n'y a pas un plus excellent oracle du règne &
des viétoires du Mefiie que celui de Balaam. fêle vois ^ mais non pas main-
tenant : je le regarde , mais non pas de près ; une étoile efi procedée de facob ,
^ »» fceptre s' efi élevé d'Ifra'él , ^ui tranfperçera les coins de Moab , & détruira
tous les enfans de Seth. J'avoue bien que ces paroles tombent immédiate-
ment fur David , mais elles forment une trop grande idée, pour s'arrêter
la : & il eft clair que dans la vue de l'Efprit de Dieu , David n'eft: que le type ^
ôc le Meffie eft la vérité reprefentée par ce type. Je ne faurois donc me
perfuader, que Dieu eût voulu publier de fi excellentes Prophéties par la
bouche d'un homme, qui auroit été jufques-là l'organe du démon, unmi-
niftre des enfers, un artifan d'enchantemens, &un homme de profefiion
à tromper les hommes par (ç,s illufions. 6. Enfin cette grande créance
que Balac paroît avoir en Balaam, êc qui lui fait dire, }e fay ejue celui que
tu béniras fera béni, & celui t^ue tu maudiras fera maudit , eft une preuve que
ce Balaam s'étoit acquis la réputation d'infaillible , 6c que jamais ïqs ora-
cles ne s'étoient trouvez faux. Or ce n'eft pas là le caraétere des faux
Prophètes, qui font conduits par l'efprit d'erreur, car pour une fois qu'ils
rencontrent la vérité par hazard , ils le trompent cent fois.
Ces raifons me perfuadent que Balaam n'étoit pas un faux Prophète ,
k st^fprit^ ôc qu'il n'avoit jamais prophetifé qu'au nom de Dieu, ôc par l'infpiration de
Uctoit fon Efprit. D'ailleurs je vois que c'eft un des plus méchans hommes du
Apoftat.
monde i il fit tout ce qu'il pût pour fléchir Dieu, pour obtenir de lui la
permifiion de faire du mal , ôc pour l'obliger à révoquer la benedidioii
qu'ilavoit donnée au peuple d' Jfraël i Et n'en pouvant venir à bout , il don-
na au Roy des Moabites un pernicieux confeil i ce fut d'induire les If-
raëlites au fervice de fes idoles, ôc de fe fervir pour cela des femmes ôc
des filles , qui par leurs charmes engageroient en même tems le peuple
d'Ifraël ôc dans la fornifîcarion ôc dans l'idolatne ; afin que l'Efprit de
Dieu contrifté par cqs crimes fe retirât du miheu de ce peuple , ôc l'aban-
donnât à la malediélion , ôc aux mauvaifes intentions de fes ennemis. Cette
circonftance du péché de Balaam n'eft pas clairement exprimée dans l'Hii^
j:oire de Moyfe, mais l'Efprit de Dieu nous eu a confervé la mémoire par
la
ET DES CULTES DE VEGLl^E. Part. 1. 37
la plume de St. Jean qui dit j Tu en as la c^ui retiennent la do^rine de Balaanty Apocaîypfc
ciui enfeignoit Balac de mettre fcandale devant les enfan: d'^IJraély afinqtitbman' ^"^^P- ^'
geajfent des chofès faertfie'es aux idoles^ & qu'ils failUrdajfent. Cette condui-
te de Balaam fait que je le regarde comme coupable du pèche contre le
St. Efprit , parce qu'il connoifîbit le vray Dieu , il le fervoit , ou faifoit
profefîion de le fervir, ill'appelloit Ton Dieu , il favoit que ce peuple étoit
Ion peuple 5 cependant par un fale intérêt il fit tout ce qu'il pût pour ob-
tenir la permiffion de maudire ce que Dieu avoit béni. Outre cela coii-
noiflant le vray Dieu , non feulement il permettoit que Balac adorât les
idoles , il lui confeilloit même d'attirer les Ifraëiites à la participation de
l'idolâtrie. C'eft un crime qui porte tous les cara6tere& du péché contre
le St. Efprit : car cet homme connoît la vérité , ôc la connoiflant il la hait ,
il la combat. Mais cette extrême corruption de fon cœur n'eft pas une
preuve que l'Efprit de Prophétie ne pût avoir fon fiege dans fon Efprit.
Car Judas, qui a aulîi péché contre le St. Efprit, a fait de vrais miracles,.
& le Seigneur nous dit qu'il viendra des gens qui diront , Nous avons pro-
fhetiz^e' en ton nom , & nous avms fait plujîmrs vertus en ton mm , auf^uels il
dira , allez, je ne vous cannois point.
On peut oppofer à l'opinion que je viens d'établir , que dans le livre Reponfé
de Jofué Balaam eft appelle devin ; & les enfans d^Ifrael tuèrent auffi Balaam jetions,
jils de Beor le devin. 11 eft; vray que le mot de l'original chofem ne fe prend 1°^"^ rj.
jamais en bonne part: mais il ne faut pas s'étonner û le St. Efprit a don- ^'qd',
né un nom infâme à un homme qui a fi mal ufé de la Prophétie , ôc qui *
s'en vouloit fervir pour le gain deshonête , comme les devins fe fervent
du commerce qu'ils ont avec, les démolis. Et quand même ilferoit appelle
quelque part faux 'Prophète il n'y auroit nul lieu de s'en étonner , puifque
ce malheureux vouloit faire un fi méchant ufage de l' efprit de prophétie. Il
eft: fort à remarquer que St. Pierre dans la 2. Epît. en parlant de Balaam. ne
l'a pas appelle faux Prophète ; Lef^nels ayant abandonné^ à\x.-ï\ ^le droit chemin^ 2. Epît. s»
fe font égarez,, ayant fuivt le train de Balaam ,fils de Beor, qui aimait lefalaire d'ini- ^" ^^°
qu,ité:maisilfHt redargué de foninjuflice ^ car une an effe muette ^ parlant en voix
d'homme, reprima la folie du 'Trophete : Il ne dit pas du faux Proph-etCi & cepen-
dant c'étoit là le lieu de le dire. Enfin on veut que Balaam fût un faux Pro-
phète Se un Magicien, parce que Moyfe lui attribue de faire des enchan-
temens. Or Balaam voyant qu'il plaifott a Dieu de bénir Jfra'éL , n'alla point Nombr. ïi4,
comme les autres fois pour rencontrer des enchantemens 'y c'eft-à-dire , qu'il ne *'°
fit pas comme dans les autres facrifices, dans lefquels il avoit dit à Balac ,
tiens-toy aupre's de ton holocaufie , & je m'^en irai ^ peut-être que l^Eternel vien~ Nombr, zj,
dra au devant de mey pour me rencontrer. On prefuppofe q^ue Balaam s'éloi*
gnant des fpeâ:ateurs , alloit faire en fecret quelques cérémonies magiques
pour invoquer ks démons. Mais cela n'eft pas apparent ; après avoir fa-
crifié au vray Dieu avec defiein de faire tout ce que Dieu lui commande-
roit , il n'eft pas vray-femblable qu'il allât confuker les démons. Voicy
ce que c'eft j il favoit que Dieu ordinairement ne fe communiquoit pas
aux Prophètes à la vue du publie 5 cela fe faifoit par des vifions , des fon-
ges, des extafes ôc des apparitions extraordinaires, qui demand oient le fe-
cret , la folitude , & fouvent même les ténèbres de la nuit- C'eft ppur-
quoy Balaam après avoir facrifié en public feretiroit en particulier, pour
E 5 appreu»
V. 3.
38 H I S T O I R E D E S D O G M E S
apprendre de Dieu quelle étoit Ton intention & l'effet du facrifice. Je ne
doute pas qu'en le retirant en particulier il ne fît tout ce qu'il pouvoit pour
obtenir de Dieu une réponfe conforme à fes deflrs, c'çfl-à-dire une per-
miiîionde maudire les Ifraclites. Peut-être même ajoûtoit-il à fes prières
àcs cérémonies fupcrftitieufes. Ainfî quoy qu'il eût delfein de confulter
Dieu feul, ôc de le fléchir par ces cérémonies, elles étoient pourtant cri-
minelles, tant à caufe qu'elles pouvoient n'être pas du culte ordinaire de
Dieu , que parce qu'elles étoient faites à une méchante intention. Et ce
font les raifons pourquoy Moyfe appelle ces prières & ces cérémonies, que
Balaam faifoit dans fes retraites, des enchantemens ; c'eft qu'elles avoient
un but diabolique, tel que les enchantemens en peuvent avoir, c'étoitde
nuire au procham.
j^pj Outre cela il faut remarquer que le mot de Nachafh , dont Moyfe fc
cctnocfe fert en cet endroit, ne fe prend pas toujours en mauyaife partj il fignifie
vemenbtn- fouvcnt fimplement connoitre, conjeélurer, deviner : par exemple Laban
ne part, difcit à Jacob , fe devinai , oh fai connu que L"^ Eternel me beniffoit à caufe de
v.T^ °' ^^y- ï^ "^ ^^^^ P^^ ^""^ ^^'^^ xx^ok d'enchantemens pour connoitre cette vérité.
Jofeph donna ordre à fon maître d'hôtel de dire à (es fi'cres, quand il les
auroit atteints, en demandant le gobelet qu'il avoit fait mettre dans le fac
Gen. 44. de Benjamin, n^efi - ce pas le gobelet dans lei^pid Monfeigmur boi4 ^ & par lé-
'' ^' quel il devinera certainement^ Moyfe fe fert encore ici du même mot qu'on
tourne âïileui's y deviner par enchantemens: ôcià-deffus les Autheurs deman-
Cequec'eftdent quelle efpece d'enchantement c' étoit. En paiîànt je dirai fur le go-
que i«^«^^-belet par lequel Jofeph devinoit, qu'il n'y faut point chercher de grands
gobelet de myfteres. Les Interprètes fe donnent bien de la peine à chercher quels
Jofeph, enchantemens on faifoit dans un gobelet pour connoitre les chofes à venir.
Les uns expliquent cela par Phydromance, comme lî en verfant de l'eau
dans le gobelet le démon y fût apparu pour y rendre fes oracles. Les au-
tres rapportent cela à la Catoptromance , comme fi le fond de ce gobe-
let eût été une efpece de miroir, dans lequel le démon fe fût fait voir en
forme vifible. Mais ce n'efl point tout cela; Jofeph avoit en abomination
ces Arts diaboliques , ôc il ne pouvoit avoir intention de perfuader à fes
frères qu'il les pratiquât , Ainfî ce qu'il veut dire à fes frères , c'efl que par le
vol qu'ils avoient fait de fon gobelet il devinoit , c'efl- à-dire qu'il connoiffoit
qu'ils étoient mal-honêtes gens.
Pareillement dans cet endroit ici il ne faut point prendre ce mot de de-
viner en mauvaife part : c'eflpourquoy quand il efl dit de Balaam, qu'il
n'alla plus chercher des devinemens comme les autres fois , cela fignifie
qu'il ne fe retira plus en particuli-er pour être inftruit de la volonté de Dieu,
& pour effayer de le fléchir en l'amenant à maudire ce peuple. Au rcflc
Moyfe n'a pas voulu dire que Balaam , quand il fe retiroit , alloit conful-
ter l'efprit de Prophétie , il a mieux aimé dire qu'il alloit chercher des
devinemens , parce que c'eût été faire trop d'honneur à un méchant hom-
me, qui fe fervoit fi mal du don de révélation , duquel Dieu l'avoit honoré.
Pour conclurre l'Hiftoirc de ce Balaam , nous dirons après Moyfe, qu'il
~étoit Chaldéen ou Syrien de la ville de Pethor, 0x1 , félon les Septante,
Pathoura. Cette ville étoit fituée furie fleuve , dit Moyfe, c'efl-à:-
dire fur le fleuve d'Euphratc. Elle étoit dans la Mefopotamie, qui 5'ap-
. pelloit
ET DES CULTES DE L'EGLISE. 9art.J. fy
pelloit la Syrie des deux fleuves. C étoit la patrie d'Abraham, &, félon
toutes les apparences, la Chaldée avoit été durant quelque tems le lieu de
la refidence de Sem. Car ce fut dans la Chaldée que fe fit la divifion des
langues, & de là toutes les familles des defcendans de Noé furent épar-
(^es par toute la terre. Or il eft apparent que Dieu fit demeurer dans ce
païs le Patriarche Sem, dont il avoit choifi la famille, à l'exclufion de tou-
tes les autres , & qu'il écarta de lui toutes les familles qu'il avoit re- ""■ *
jettées.
Ce Sem vivoit encore du tems de Jacob , car il ne mourut que 82. ansL'Efpritde
avant la defcente de la famille d'Ifraël en Egypte. Il y a donc apparen- &°£yj^
ee que Dieu fe referva long-tems un refte d'élus 6c de Saints dans ce païs, grâce ne fe
où avoit féjourné & où étoit mort Sem le Patriarche de la Nation elûë. JeSt'^drns'
11 eil vray-femblable auffi. que l'efprit de Prophétie fe continua dans ces une feule
Provinces de l'Orient, 6c que Dieu y eut long-tems une Eglife. La grâce ^u^^^j
n'abandonna les peuples de la terre que peu à peu , 6c Dieu ne retiroit Moyfc.
fon efprit du milieu des autres Narions, pour le renfermer dans la Nation
d'Ifraël, qu'à mefure que la famille de Jacob fe fortifioit : ainfi durant tout le
tems que cette famille fut en Egypte, il y eut toujours un refte d'élus 6c
d'Eglife dans les Nations d'où d'Abraham étoit originaire. Mais quand le
peuple d'Ifraël fut devenu une grande Nation, 6c qu'elle fe diftingua de
toutes les autres dans la terre deChanaan, il y a apparence que l'efprit de
Prophétie fe retira du milieu des autres Nations. Ainfi il y a lieu de croi-
re que Balaam a été le dernier vray Ptophete qui ait vécu entre les peu-
ples feparez d'Ifraël. Il a fermé la Prophétie de l'Eglife qui a précédé
Moyfe, comme Malachie a fermé la Prophétie de l'Eglife qui a été de-
puis Moyfe jufqu'à nôtre Seigneur Jefus-Chrift, nous pouvons donc bien
Gonclurre par lui ce que nous avions à^ dire des Prophètes de l'ancienne
Eglife.
CHAPITRE V f.
îDes préceptes appeliez des Noachides : des Trofelytes de l'a prte'
(^ de lajuflice.
IL y a un peu plus de 1 00. ans qu'on ne favoic prefque point entre les origine dés-
Chrétiens ce que c'étoit que les préceptes des Noachides : aujourd'huy terafpcS
il n'y a rien de plus connu. Depuis que l'on a fait refleurir dans l'Oc-^" Noachj-
cident l'ufage des langues Orientales, tout le monde en parle, 6c les doc- "'
tes 6c ceux qui ne le font pas. Les livres des Hébreux nous parlent fou-
vent de ces préceptes , 6c ce qu'ils nous en difent nous fervira infiniment
à connoître la Théologie , la Morale 6c la Religion de l'Eglife avant Moy-
fe. Ils difent donc que Dieu donna fix préceptes à Adam dans le Para-
dis terreftre, pour lui 6c pour toute fa pofterité, 8c qu'il en ajoûtaun/.
à Noé après le déluge : que Noé a donné expreflement ces préceptes f
(ts enfans , ^ que toutes les Nations du monde font obligées d'obe'ù- à ces
commandemens. Bien que nous n'ayons pas lieu de faire un grand fonds
fur .
40 HISTO IRE DES DOGM ES
fur ce qui vient d'une fource fi corrompue , ni d'avoir un grand refpcdt
pour la tradition des Juifs , cependant ce qu'ils nous difent là dcfllis a de
grands fondemens , &: paroît très conliderable : voici quels font ces fept
commandemens.
nnia;^ hy i. De cultH extran^o-, du culte étranger: c'eft-à-dire , défenfe de fervir
n"tT les idoles &: les faux Dieux.
nani hiJ . z. De yenedi^tone nominis'. Touchant la benediélion ou maIedi6lion du
D'^ri St. nom de Dieu : c'ett une défenfe de tomber dans le blafpfiéme.
hjJ l- De ejfdjîone fangmnHMy Touchant l'efFufion du fang: c'ell la défenfe
niD^sti' de tuer.
O^ot 4. De revelatione pudendorum j c'cfl le commandement qui regarde la for-
»>V»:i hv nication, l'adultère, l'incelle, & toutes les couches illégitimes,
niny f . 1>e raptu : c'eil le commandement touchant le larcin ôc la rapine ^
Sun Sy c'ell-à-dire une défenfe de dérober.
r:nn Vv ^- Dejudidis, desjugemens, la forme des gouvcrnemens politiques 8c
de l'exercice de la jullice contre les violateurs de la Loy.
|'j'i3N S^ 7. 2)^ membro e vivo \ c'eft- à-dire dits membres des animaux vivans.
^"in C'eft la défenfe démanger de la chair avecfon fang, ou des choies étou-
fées. Ce fut le commandement qui fut donné à Noé quand il fortit de l'Ar-
che, comme nous le lifons au chap. p. de la Genefe.
Brieveexpii- Lcs ciuq premiers préceptes contiennent l'abrégé du Decalogue j le
feptcoit? fixiéme eft un abrégé des loix politiques 6c civiles j & le feptiéme efl un
mande- Commandement ceremoniel. Le commandement qui défend le culte étran-
foSsmê- ê^*'» ^^ l'idolâtrie, renferme le l. & le fécond de la i. Table. Celui qui
mes que défend la profanation du St. nom de Dieu, non feulement fignifie défen-
cSo'ue.^*^ fe de prendre le nom de Dieu en vain ; il comprend aufîi le commande-
ment de bénir, de prier & de louer Dieu: car le mot l^eracha ûgnïhc be-
nediâion & malediétion. Le 5. le 4. & le f. commandement desNoa-
chides font les mêmes que les 6. 7. Ôc8. de la féconde Table de Moyfe,
Tu ne tueras pas , Tu ne paillarderas pas. Tu ne déroberas pas. Le 4.
commandement du Decalogue, qui regarde la Sanétification du jour du re-
pos , ne fe trouve point entre ces préceptes des Noachides , parce que ,
îelon l'opinion des Hébreux , il ne fut donné que dans le defert de Mara
après la fortie d'Egypte. Et en effet nous verrons dans la fuite que l'E-
glife avant Moyfe ne fanétifioit point le 7. jour. Le 1. commandement
de la 2. Table ne fe rencontre pas non plus ici. Mais il femble avoir été
moins necelTaire dans un tems où les pères de famille étoient les Rois 6c
ks Sacrificateurs nez de leur famille , comme nous le verrons dans la fuite.
Le commandement qui défend le faux témoignage doit être afTûrément
compris^fous celui qu'ils appellent de judïciis : car là deflbus eft renfermé
tout ce qui regarde la juftice diftributive , ôc l'équité qu'on doit obferver
dans toutes les affaires criminelles , dont la principale eft la fidélité des
témoins. Enfin le commandement qui défend la convoitife ne fe trouve
pas entre ceux-ci , parce que le Legiflateur qui donna ces 7. commande-
mens, en défendant les avions criminelles, défendoit aufîi les penfées qui
répondoientà ces avions. Et il étoit moins necefTaire d'avertir les hommes
de cette vérité dans un fiécle oii la connoifTance de cette morale étoit plus
pure , parce qu'elle étoit plus prés de fa fource.
Les
ET DES CULTES DE L'EGLISE. Tart.L 4.1
Les Hébreux difent que Dieu donna ces commandemens à Adam dans i«t«ç«t*-
le Paradis tcrreflre. Cela n'eft pas hors d'apparence, car Dieu, donna nftiquc dû
fans doute au premier homme les règles félon lefquelles il de voit fe con- l{J\'^^ç
duire ôc gouverner fa poflerité. Mais comme les Juifs ne nous fauroient lâ Genefc
^onner de vérité qui ne foit mêlée de rêveries , ils ajoutent que ces fîx ^bfurde.
commandemens donnez à Adam font renfermez dans ces paroles , & le cen. 2.
Seignepir 'Dieu commanda a Adam difant, tu mangeras de tout fruit du jardin. ''■ ^^'
Rabbi Chilpeta dans le livre intitulé Seder olam, qui eft une Chronolo- ^^P i^3
gie des Hébreux , dans le y. chap. nous apprend les admirables fecrets
par lefquels la cabale des Juifs trouve ces fix commaiidemens dans ces pa-
roles de Dieu. Voici ce que c'eft. i. Selon eux, le mot commanda^xe-
garde le commandement appelle dinim , des jugemem , à caufe de ce qui CJ^^n
efl dit d'Abraham au chap. i8.de laGen. fefai cih' il commandera a [es en-
fans & a fa maifon après lui de garder la voye du Seigneur ^ & de faire jufiice
& jugement. Le mot Seigneur Hgm^iz diiènt-ils, le commandement qui
défend la profanation du nom de Dieu. Lemot de Dieu regarde la dé-
fenfe de l'Idolâtrie. Le mot Adam fignifie le commandement de ne pas
épandre le fang. Le participe difant , deligne la défenfe des couches il-
légitimes, à caufè que Jeremie après avoir dit, Si un homme laijje aller chap. sn
fa femme , d" Itii a donné la lettre de divorce , & cju^elle ait été mariée a un ^i^"^^"**
Autre ^ retournera-t'^il a elle, le païs ne fer a-t"^ il pas fouillé ? Or toi tu as commù
fornication avec beaucoup a amans. Le Prophète ajoute ces mots, a dit l^S-
ternel. Donc le mot difant dans les paroles de Dieu à Adam fignifie leé
couches illégitimes. Ces paroles, de tout arbre du jardin, defignent félon
eux la défenfe de la rapine Se du vol: cela ell myfterieux : mais la rai-
fon qu'ils en rendent Tefl: encore davantage. C'eft , difent-ils , à caufe
de ce qui eil écrit au 5. du Levitique, de toute chofe dont e^uelqu'^un aura
juré fauffement , il rendra le principal & la y. partie par dejjks. Enfin ces
mots, en mangeant^ tu mangerai ^ fignifient dans leur cabale le comman-
dement de ne pas manger de chair avec fon fang, à caufe de ce qui eft
dit au p. chap. de la Gen. Fom ne mangerez p-as de chair ave^ fon fang qui
■efl fon ame.
Il n'eft rien de plus ridicule que cela propofé de cette manière. Mais l' Au- coft; bus-
theur d'un hvre appelle Cofar ouCofri, homme afl^ez habile pour un Juif, f-gj^' J']'; ^'
y donne un tour beaucoup plus raifonnable. Car il dit que ce verfet de sentiment
la Gen. avoit été donné par leurs maîtres Doéteurs Cabaliftes pour un cofîrbeau-
memorial des fept commandemens des Noachidesj c'eft-à-dire qu'àcha- coup plus
cun des mots de ce verfet ils avoient attaché l'un de ces commandemens par "'°°"* ^
une haifon purement arbitraire, afin d'aider la mémoire j comme on fait
dans l'art de la mémoire artificielle. Cela eft aflez apparent , car autre-
ment \ï y auroit de la contradiélion dans ce qu'ils enfeignent: puis qu'ils
difent tous unanimement, que ce commandement de ne pas manger de
chair avec fon fang , ne fut donné qu'à Noé , 6c non pas à Adam : 6c
cependant par cette interprétation Cabaliftique , ils veulent que ces mots
tu mangeras fignifient la ,défenfe de ne pas manger de chair avec ion
Trois chofes font remarquables dans le fentiment àts Juifs fur ces pre- seion les
ceptes. La 1 . eli que félon eux c'eft là le droit commun 6c la loi uni- J"'^^ "^ ^^
*• i _, préceptes
Part, i, b ver- font le;w
42 HISTOIRE DES DOGMES
mturaic^om vcrfcUe de toutes les Nations , 6c ce que nos Théologiens appellent jft£
paipies. naturale; parce que tous les hommes font enfans d'Adam 6c de Noé5aur-
quels CCS commandemens ont été donnez , tous auffi font obligez d'y obeïr.
Mais les Nations ne font point obligées d'obferver les préceptes qui ont été
donnez à la famille d'Abraham, 6c en fuite àMoyfe, comme font la Gir-
concifion, l'obfervation du Sabbat, la Pâque, les autres fêtes folemnel-
les, 6c généralement toutes les cérémonies de la Loy de Moyfe. L'on
n'elt pas puni, difent-ib, pour n'avoir pas gardé une loy que l'on n'a pas
ïTÇÛë: 6c félon ce principe ils tiennent pour afTûré que les Nations ne font
fujcttes i\ la maîedi(^ion de Dieu que pour avoir violé ces y. comman-
demens des Noachides. Ceft precifément ce qu'enfeignent les Doéleurs
s.-irm«dnnî duTalmuddans le Traité Sanedrim.
^smara j^^ ^ chofc qu'ils cnfcigncnt c'eil que toute la Religion des Hommes.
depuis Adam julques au déluge, 6c depuis le déluge julques à Abraham y
Ces 7, pre- fe rcduifoit à ces 7. points : de forte qu'ils n'étoient pas obligez à faire da-
fofe" toute vantage pour être faiivez 6c pour avoir part à la vie éternelle. Enfin k
la Religion troifiémc chofe qu'ils enfeignent,^ c'eR que même depuis que l'Eglife a
fide'ies'a'^a'nt ^^^ renfermée dans la famille de Jacob, 6c que la Loy de Moyfe a mis une
Abraham, & diflinélion confiderable entre le peuple de Dieu 6c les peuples de la ter*
faîs en' ï'C , l'obfcrvation de CCS 7. commandemens a été fuffifante pour fauver
touttems les hommês entre les Nations, 6c pour leur donner part aufiécleàvenir.
leThom-" De forte que quand un Payen fe convertiflbit , renonçoità l'Idolâtrie, ôc
nies. ne vouloit pourtant pas fe faire Juif, ils l'obhgeoient feulement à Pob-
Les Juifs fervation de ces commandemens 6c i'alîuroient de fon falut C'efl une
faiivoient maximc de leur Théologie qui fe lit dans leur Talmud au Traité Sane-
«oa^hides. drim au chap. Iï. Les dévots d'*entre les Çentihy dilênt-ils-, ont part au fié-
de avenirs favoir pourvu qu'ils obfervent ces préceptes àzs Noachides.
TraftatuTe- C'efl cc quc dit 6c cc quc prouve le célèbre Moyfe l'Egyptien, qu'on ap-
chouva ôc pelle Maimonides, dans te grand ouvrage qui a pour ûiït MifchnehTorah.
ifurebiacap. H cnfcignc cu pluficurs Hcux qu'aucune bonne œuvre, bien qu'elle foit
^4- faite par lin étranger, ne demeure fans r-écompenfe , félon ces mots des
Talm.Traft. Talmudiftcs j le SeigntHT Saint & béni, ne retranche a au cnne créature la ré^
Eefakim. compenfe de [es hmnes œuvres-. Qiii voudra voir un plus grand nombre de
témoignages de cette vérité en trouvera dans le ConciHator de- ManalTé.
Qu.-Eft. 2. jn Ceft un Juif Hollandois qui a écrit en ce fiécle aflez doétcment pour un
Deutcr. homme- de fa. Nation, 6c en langue latine. Ce qui lui cù. peut-être par-
ticulier,
tioiibies Selon cette doélrine ks Juifs fliifoient deux fortes de pi'ofelytes, aufquels
profeiytes {\^ promcttoicnt la vie éternelle : les uns s'appelloient profelytes de la iuf-
de la juftice • ' « t r i j : r • , / •
&deia tice^ OC ics auttcs prolcJytes de la porte. Les premiers c etoient ceux
cenx*^dei^^ qui en quittant le Paganifme fe faifoient Juifs abfolument j on lescircon-
^uftice. cifoit,^ on les baptizoit , 6c ils s'obligeoient à toutes les obfervations de
laLoyde Moyle; aufli entroient-ils prefque dans tous les privilèges de la.
^habites Nation, 6c étoient confondus avec elle. De cette manière les Recha-
■ 4a Jeîhio. bîtes defcendus dejethro beau-pere de Moyfe furent profelytes de la juf-
tice 5 car félon les Hébreux ce jethro étoit Payen 6c s'appelloit Jether
dans le tems de fon Paganifme j en fuite il prit le nom de Jethro en
ajoutant une lettre. Le Rabbi David Kimki dit la même chofe de Ra-
hab?
ET DES CULTES DE L'EGLISE. !Pk?r^,I. 45
liab & de toute fa famille. Il eil dit dans le livre de Jofué, que l'on mitjofué s.
Rahab, toute fa famille 6c tout leur bagage hors du camp d'Ifraël. CVy?,^. 23.
dit Kimki , jufqpî'k ce (Qu'ils fe fujfent faits profelytes , & •eujfent reçâ la Lo^Kimki in
d^/frael : & ^uand ils furent profelytes , ils habitèrent an milieu du peuple , (;^ Jo^^^m
turent demeurance entre les Ifraelites , félon ce qui efi dit d'elle , & elle habita
entre les Ifraelites jufques a ce jourd^huy. Enfin nous aprenons de Jofephe,
c]ue Jean HircanRoy de Judée fit circoncire toute la Nation des Idu-
méens, ôcqu'ainfi elle fut incorporée dans le peuple des Juife en devenant
profelyte.
L'autre efpece de profelytes s'appelloit p/ofelytes de la porte ou deDesprofe-
l'habitation , parce, dit Manallé, qu'il leur étoit permis d'habiter danSpo^e.^ ^
la terre d'Ifraël. Ces profelytes renonçoient â l'idolâtrie , n'adoroient que
le vray Dieu; mais ils ne fe chargeoient pas du joug de la Loy de Moy-
le. De ce nombre étoit fans doute Nahaman le Syrien , qui , après avoir
été miraculeufement guéri de fa lèpre 5 abjura le Paganifme entre les mains
d'Elixée, & promit de n'adorer que Dieu. En effet les Hébreux le met- Taimud
tent communément au nombre <ie cts profelytes. C'eft de cette efpece çJ^^J""^
d'étrangers dont il eft parlé dans le 4. commandement de la Loy, & Pêtran-
^er qui efi dedans tes portes. Car il eft à remarquer qu'un infidèle & un
Payen ne pouvoit pas avoir une demeure fixe entre les enfans d'Ifraël, ni
s'habituer dans la terre fainte. Un Ifraëlite ne pouvoit pas retenir dans
fa maifon un efclave idolâtre , il faloit tout au moins qu'il fût profelyte de
la porte, c'eft- à-dire qu'il renonçât à l'idolâtrie , 6c qu'il fe chargeât de
l'obfervation dts fept préceptes dts Noachides. Maimonides va mêmes
jufques à dire qu'il n'étoit pas perrriis à un idolâtre de traverfer la terre
fainte, ni d'y pafler la nuit. Mais cela eft faux : la fauffeté de cela pa-
Toîtpar l'Hilloire de Salomon, fous lequel tant de milliers d'ouvriers en-
voyez par Hiram Roy de Tyr Prince Payen , & qui écoient aflurément
Payens comme lui, féjournerent unfilong-tems dansla terre d'Ifraël pour
y préparer les matériaux du temple. Cela même fe peut voir dans l'Hif-
toire de la Reine de Scebaj Elle étoit Arabe , eile étoit Payenne , elle De hReyne
étoit idolâtre , ^ cependant elle demeura avec toute fa fuite dans la Cour quetSïs &
deSalomon autant de tems qu'il lui fut neceffaire pour avoir plufîeurscon-B^eiigion
fercnces avec ce Prince, je reviens à nos profelytes de la porte : bien^'^*^ "°''^^°
qu'ils eufient abjuré le Paganifme , ils ne pouvoient pas être incorporez
■dans la Nation des Juifs , ils n'avoient part ^ aucun de leurs Privilèges ,
ils étoient réputez légalement fouillez comme tous les autres Payens : carEnqucifcns
les Juifs n'ofoient manger avec eux, c'eft- à-dire qu'ils n'ofoient manger e" de°i?"
à leur table. Mais je fuis perfuadé qu'il étoit permis à un Juif de rece- p°^^^
voir à fa table un profelyte de la porte. Car la raifon pourquoy un Juif gSm
n'ofoit manger à la table d'un étranger , c'ell qu'il y avoit diverfes vian- *^--lie^
dQs que le profelyte de la porte pouvoit faire fervjr fur fa table, dontl'u-
fage n'étoit pas permis aux Juifs. Mais un Juif, en recevant un étranger
à ià table, n'avoit pas la même chofe à craindre j car il étoit aflûré que
fur fa propre table on ne fervoit que des viandes nettes félon la Loy.
C'eft pourquoy nous voyons bien que les Juifs convertis au Chriftianifme
ie Icandahzent de ce que Pierre étoit entré chez des incirconcis , favoir
chez Corneille , ôc avpit mangé avçc eux 3 mais ils ne fe plaignent pus de
F % ce
snt îe.
44 H I S T O î R E DES DO G M E S
Les Juifs ce qu'il avoit reçu. des incirconcis chez foy, 6c de ce qu'ils avoient man-
pouvoknt cré avec lui : ce qui arj?iva qiiand il reçût en fa maifon les meflagers de
reccvoii les», -n ir • ^ ■ J i '^ ■> jx ^ j-
profciytes Corneille. Voicy encore une preuve certaine de cela même, c eit-a-dire
Je •^po"*=* qu'il étoit permis aux Juifs de faire manger avec eux un profelyte de la
porte. C'efl que les Juifs avoient très peu d'efclaves de leur Nation, la
plupart de leurs fcrviteurs étoient étrangers , qu'ils faifoient profelytes de
la porte, & qu'ils obligeoient à s'abilenir de l'idolâtrie èc du fang. Or il
n'y a pas apparence que cîes efclaves fuffent dans une maifon feparée de celle
de leur maître , ôc qu'il ne leur fût permis de manger avec aucun des
ferviteurs Juifs de la maifon. Ainfi ce que les Juifs difent que ces profely-
tes de la porte étoient toujours reputez fouillez félon la Loy , doit être
entendu moins par rapport au commerce de la vie civile , que par rap-
port au Temple ôc aux chofes Ecclefiafliques. Ils étoient fouillez félon la
Loy , parce qu'ils n'avoient pas permiflion d'entrer dans le Temple , ex-
cepté dans le premier portique qui étoit appelle Atrium gentmm.
Lesprofèiy- QLioy qu'il cu foit, pour Tcvcnir au fentiment que les Juifs avoient de
poit?&^ Tuixôc de l'autre oi*dre 4es profelytes, ils eftimoient qu'ils étoient tons deux
ceiixdeia en voyc de falut^ 6c dans le chemin de la vie éternellcjôc ce quieft re-
etoîent re- marquablc , c'eil que tout ce qu'ils nous difent là-delTus touchant ces pre-
putezêtre ccptcs dcs Noachidcs, & touchant l'état de ceux qui les obfervoient, eft
de^saïut!"^^ à peu prés confirmé par le livre dts Aétes des Apôtres bien entendu: 8c
particulièrement par ce fameux décret du Concile de Jerufalem,dontvoi-
Aft. i-î- ci les termes ; Il afemhlé bon au St. lEfprit & a mus de m vous impofer point
un plus granà joug que celui de ces chofes necejfaires , c'^efi ijue vous vous âbfie'^
niez, des chofes facrifie'es aux idoles , & dti fang , & des chofes e'toufees ^
(^ de paillardijè s defqiielles chofes fi vous vous contregtïïdez^ , vous ferez.,
bien.
Cequeeé- H f^i^t donc remarquer que dans le livre des Aéles il nous eft fou vent parlé
îoitqueies d'uiiefortcde gens que T Autheur appelle (reliôixsvoi : mot dont les interprètes
Sebomenoi . 5 r ■ ^ ^ i r -r L- r\ "
ouïes dé- anciens n ont pas bien entendu la iignihcatîon. Un a tourne ce mot par
vots.dontii ceux, de pieux , d£ craignans Dieu, fervans k Diepi. Ainfi dans le chap. lè-
vent parié Lydie marchande de pourpre eft appellée c-s^oixéwj ^ ce que nous avons
dansieiivie toumé fervant à Dieu: ôc au chap. 17. f. 4. ii-eft dit ^ue c^uel/jues fuifs fe
joignirent à Taul ^ Silas , avec une grande troupe de Grecs fervans a Dieu ; il
Aaes.17. y a dans le Grec=ç, twv o-5/3oiU;5vwv £Aà-viv«v toâO ^hv^èoç. Et dans le verfet 17^
^•i- du même chap. il eft dit que St. Paul féjournant dans Athènes difputoit
tous les jours avec les Juifs dans la Synagogue 6c avec les dévots; c'elt ainfi
que nous avons tourné le mot de (T^ii6(jLêvoi , qui eft aufii dans ce paiîage..
Dans le chap. 18. nous lifons que St. Paul entra dans la maifon d'un nom-
mé fufte fervam a Dieu , il y a dans le Grec ae^oij^avoç rh ôeo'v.. Jufques à
ce que les lettres Hébraïques ayent été rétablies dans l'occident, 011 n'a.
yo'mt fçû -quels étoient ces crspooixsvo! , ces religieux ou ces dévots. Mais
après avoir comparé ces pafiàges des Aétes avec les écrits des Juifs , il
€çs dévots eft clair que ces dévots .étoient precifément ces profelytes c^ne les Juifs ap-
ctoieiit pie- pellent profelytes de la porte : c'étôient des gens qui avoient renoncé à l'ido-
piofdytes latrie , mais qui n'avoient pourtant pas voulu être circoncis ni fe faire
deia^orte. j^ifs , parce que le joug de la Loy -de JVloyfe leur paroilToit pefant , &
<^ue la qualité iie Juils éi-aiit odkufe dans kimonde, fût devenu unobfta-
cle
E T D E s G U L T E S D E L'E G L I S E. Part. I. 45
cle à leur avancement : lis avoient été enfeignez par les Juifs , 6c ils
avoient appris d'eux que ceux qui obfervent \ts préceptes des Noachides
font dans le chemin de la vie éternelle, quoy qu'ils n'embrafTenc pas le
Judaïfme. C'eft pourquoy ils fe contentoient de renoncer aux idoles , aux
mariages inceftueux, qui étoient ordinaires entre les Payens , 6c à l'ufage
du fang 6c des chofes étoufées. Ces dévots n' étoient pas Payens, car ils
fervoient à Dieu: ils n'étoicnt pas Juifs, car St. Luc les diftingue expref-
fément des Juifs dans ces pafîages que nous avons citez, oi^i ileil dit que
St. Paul difputoit fans cefle avec les fuifs & avec les dévots. Auffi St. Luc
\ts appelle Grecs, en les diftinguant d&s fmfi dans ce pafîàge où nous avons
vu qu'il dit , que dei fuifs & une grande troupe de (Jrecsfervans a Dieu fe joi-
gnirent a Paul & SUas. Puis qu'ils n'étoient ni Juiïs ni Payens , ils étoient
donc profelytesj car c'étoicla feule efpece de gens qui tint le milieu en-
tre les Juifs 6c les Payens. Auffi St. Luc nous le dit expreffément -, Et AOt. ï?.
^uandPyÉJfemhlee fut Jeparee , plufiems des fnifs & des profilâtes , (Te^jQixevoi^ffer- ^' '^^'
vans k Dieu , comme nous avons tourné, fmvirent Paul & B^rnabas. Ces
mêmes perfonnes, qui étoient appellées (T£^6[j.6voi , étoient auffi appellées
0o(i8iJLsvoi TQv Qsov, £V(7€fisTç j., picufes 6c Craignant Dieu: De ce nombre étoit
le Centenier Corneille , qui eft ainfî appelle : dans le 13. chap. f, 16.
St. Paul en commençant fon difcours parle ainfî , Hommes Ifraélites , &
vous eraignans Dieu^ écoutez,. Il ne faut pas s'imaginer que ces Ifraélites &
ces craignans Dieu fuflent les mêmes gens. Ce derniers étoient ces pro-
felytes q.ui avoient renoncé à l'idolâtrie. C'efl: ainfi qu'il faut entendre cts
paroles du 26. f. du même chap. Hommes frères enfans de la race d"^ Abra-
ham , & vous craignans Dieu. C'eft que dans les Synagogues où St. Paul
prêchoit , d'un côté étoient les Ifraélites Juifs de Religion , qui étoient
de la race d'Abraham , 6c de l'autre étoient les profelytes qui fervoient au
même Dieu que les Ifraélites ,, fans pourtant s'ailreindre àla pratique de
toutes les cérémonies,.
CHAPITRE V î L
Eclair cijfemenî de plujleurs endroits du livre des A^ es far
l'Hifioire des frofeljtes de la prît.
L y a pluiîeurs chofes importantes à remarquer touchant c&s profely-
tes , lefquelles peuvent beaucoup fervir à éclaircir l'Hiftoire des AStts-
des Apôtres. La i. c'eft que ces profelytes, que St. Luc appelle les
peux ou \ts dévots , avoient dans la Synagogue des Juifs un lieu particuliers
où ils fe rangeoient tous les jours de Sabbat pour entendre laLoy. La 2.
que par une particulière providence de Dieu , qui vouloit difpofer les Na-
tions étrangères de l'alliance à fe convertir au Chriftianifme , les Juifs
épars dans tout le monde avoient fait un très grand nombre de ces con-
vertis demi-Juifs. La 3. que ce fut du corps de ces profelytes que fe firent
ces nombreufes converlions des Gentils qui formèrent, tant de belles 6c
F i de
I
46 HISTOIREDES DOGMES
H de florifilinces Eglifes. , ik: ces 3 . remarques lèvent bien des difïî-
XLiltez.
oîiiesApô- I. Cela nous aprend où les Apôtres prêchoient aux Gentils pour les
ttes ptê- convertir. 11 n'eft pas apparent qu'ils allaflent de maifon en mailbn , le
choient aux ^^" . / / , o' -i '^ / ' j-/r -i j r • j j
Gcntiii tour eut ete long , ex: il eut ete diraciie de taire par cette voye de grands
^T mr progrès en peu de tcms. Il eil bien vray que cela le failoit quelquefois:
la première convcrfion des Gentils par St. Pierre fe fit dans la maifon de
Corneille : & il n'y a nul lieu de douter que les Apôtres n'ayent fouvent
prêché dans des maifons particulières : Mais ce n'elt pas oii fe faifoient les
plus nombreufes converfions. Il eft certain auffi que les Apôtres n'alloient
pas prêcher dans les temples des idoles où s'aflembîoient les Payens ; car
outre qu'ils n'euffent pas voulu entrer dans ces lieux profanes , les Sa-
crificateurs 6c les gardiens de ces temples n'eulîent jamais permis qu'on
eût prêché contre leurs Dieux jufques dans leurs temples. Nous ne voyons
point auffi que les Apôtres alTemblafient le peuple à cry public & à (on
de trompette pour prêcher dans les places. Nous iifons bien que St. Paul
dai"fâ' Athènes difputoit fur le marché avec ceux qui fe rencontroient : mais
il y avoit en cela quelque chofe de particulier. Athènes étoit une ville
pleine de gens qui etudioient la Philofophie, qui étoient de grand loifir,
qui confumoient leur tems à fe promener ÔC à difputer, qui avoient l'efprit
contentieux, qui harceloient St. Paul par leurs difputes dans tous les lieux
où ils le rencontroient: C'eft pourquoy l'Apôtre étoit obhgéde fe défen-
dre par tout où on l'attaquoit. Mais autrement les Apôtres de Jefus-
Chiift ont obfervé ce qui avoit été dit deJefus-Chrift lui-même, qu'il
ne feroit point entendre fa voix parmi les rues.
Les Apô- Il ne relie donc plus finon que nous difions que S. Paul ne prêchoitor-
"h""^^i dinairement que dans les Synagogues des Juifs, lefquelles étoient compo-
dinairement fécs dc CCS dcUx foites de gcHs, de vrais Juifs, aufquels St. Paul adrefîbit
s"na'^o"ue? P^'^^^^^^^^^^^ ^^ parolc , Ics appelkut Ifraélites race d? Abraham; & dcpro'
felytes Gentils qu'ils appelloient ae^ô^Levoi^ ou cpo^g/x^vo/ rèv 0£ov. Cela pa-
roiitdans ce beau fermon qu'il fit dans la Synagogue des Juifs de la ville
d'Antioche de Pifidie , dans lequel nous avons vu qu'il adrefla fon difcours
aux Ifraëlites , 6c à ceux qu'ils appelloient <po^4(iem rèv ©dv, comme à des
Lesprofeiy- g^"S différents. Quand les Ifraëlites étoient rebelles à la parole, comme
tes de la il arrivoit prefque toujours, les Apôtres fe tournoient vers les Gentils, qui
fvoientun avoicKt leur quartier feparé dans la même Synagogue. Cela fe voit dans
lieu feparé le nnême chap. qui eft le 15. des Aéles. Les Juifs s'étant oppofez à ce
Synagogues ^uc difoit St.Paul, il Icur dit 5 c^eioit a vous à la verhe e^u il failoit premier
des Juifs rement annoncer la parole: mais pais que vous la rejetiez,, nous nous tournons du.
Aftes 13. cot^ «^•'" yentils ; car le beigneur nous Pa Mnjt commande ^ dtjant ^je t aypoje pour
^' ■♦*• la lumière des Gentils : (^ les Gentils^ qui oyoient cela , glorifièrent Dieu & fe ré-
jouirent. N'entendez point par les Gentils des peuples idolâtres , & ne vous
imaginez pas que-St. Paul fe foit tourné vers eux en fortant de la Synago-
gue : comment eût-il pu fe tourner vers eux , s'ils n'euflënt été là prefens ?
ÔC comment euflent-ils pu entendre les paroles de St. Paul , s'en réjouir ÔC
glorifier Dieu, s'ils n'euflënt été dans la Synagogue avec lui? Noushfons
auffi dans le 17. chap. du même livre au v. 17. que St. Paul dans la ville d'A-
theiies difcouroit tous les jours avec les Juifs dans U Spagogue , ôc avec
les
ET DES' CULTES DE L'EGLISE. Pm.l. 4^
les dévots , ce^éiJisvoi : Par conlequent ils étoient dans la même Synagogue
avec les Juifs. Or les profelytes, bien qu'ils euflent abjuré l'Idolâtrie &
le Paganifme, étoient cependant appeliez Gentils & Grecs: Ce qui doit
être remarqué contre ceux qui s'imaginent que par les Grecs il faut fou-
vent entendre ces Juifs de la difperiion qui habitoient entre les Grecs ,
6c qu'on appelle ordinairement Juifs Helleniftes. Je ne fai qu'un feul en-
droit oti le nom de Grec fe doive prendre pour ces Juifs : c'eft quand
les Pharifiens difoient de nôtre Seigneur J. Ch. ira-t'^U prêcher entre les
Çrecs } C'eft- à- dire aux Juifs de la difperlîon. Mais ceux dont parle
St. Jean au 12®. chap. de fon Evangile, 6c dont il dit , certains Çrecs qrù
étoient montez, pour adorer a la fête ; ces gens-là , dis-je, n'étoient pas des
Juifs Helleniftes ;, e'étoient de ces profelytes Gentils dont nous par-
lons, qui montoient quelquefois en Jerufalem aux fêtes folemnelles, en
partie par curiofité , en partie par dévotion : non pas à la vérité pour ob- ^ n'etoit
lerver les cérémonies des Juifs, (car cela ne leur étoit pas permis) mais fuxpro^ly-
pour offrir des holocauftes^ ce qui étoit permis à tout le monde, comme *« de la
nous le verrons dans la fuite. Les Juifs naturels appelloient donc ces pro- pmiquct
felytes demi- convertis , Çentils^ Grecs , Çtulcmcnt pour les diftinguer ^^ "J'^.'n*»'
d'entre les Gentils Idolâtres. Au nom d'fAAvjvés (]"i fignifient Grecs, ils îè"
ajoûtoient le titre de ae^éy^sm, comme nous le voyons au 4. ^.du 17. des
Aétes , où ils font appeliez ae^oixem IV.vjvfe , Gentils craignans Dieu.
Ces mots font precifément la verfion du nom Hébreu, que les Juifs d'au- Cesdéyots
jourd'huy donnent encore à prefent aux profelytes de la porte > ils les ap- connus des
pellent en leur langue, (afide meummoty ce qui lignifie en latin/!« ex gen- 1^'^^ «l"'^'^
îihîis, & en Grec (rsfiôfj^evoi àm rî^v ièvIZv. Et là-defTus Maimonides dit,uon.
QHiconcjue obferve ces fept préceptes il efi du nombre de ceux qu'on appelle gens
pieux d"* entre les Nations^ & il a Ça part an fié de a venir. Quelquefois aufti ^^^^^
ces gens font appeliez fimplement Grecs ôc Gentils , comme au 41. f. Traa.Mc-
du I ^. chap. des Aétes j les Gentils le prièrent qu^aa Sabbat fuivant il leur annonçât l^^f"^ ^''^'
les mêmes paroles. Il eft certain que ces Gentils étoient profelytes de la
porte, car les Gentils Idolâtres n'entroient pas dans les Synagogues, 6c
ne s'y aflembloient pas au jour du Sabbat. Dans le 18®. chap. du même
livre au f,. 4. St. Luc dit que St. Paul étant à Corinthe, dîjputoit dans la
Synagogue chaque Sabbat , & induifoit a cxoire tant les fuifs que les Grecs.
il eft clair que par cts Grecs il ne faut point entendre des Payens Ido-
lâtres , puilque St. Luc dit expreftement qu'ils entroient dans la Synago-
gue des Juifs où St. Paul difputoit avec eux. Car les Gentils Idolâtres
n'avoient aucun commerce avec laReligion des Juifs, £c n'entroient point
dans leurs Synagogues. C'étoit donc ces Gentils convertis, qui s'aftem-
bloient tous les jours de Sabbat dans la Synagogue des Juifs pour ouïr la
leéture & pour la prière.
Cette même remarque fervira beaucoup à nous faire comprendre com- Raifon
ment les Apôtres trouvèrent tant de facilité a convertir les Nations. Car fe°^^pôues
c'eft une chofe furprenante. que des hommes élevez dans le fein del'Ido- trouvereac
latrie, tout d'un coup ayent renoncé à ces habitudes qu'ils avoientprifes ciutéàfaiîg
dés l'enfance, ôc fucées avec le lait. Je fai bien quelapuiftance de Dieu denom-
n'a point de bornes , 6c que la force de la grâce eft capable de faire cqs con" er-
metamorphofes. Mais je tiens pour un principe alTûré, qu'il ne faut point lîoûs»
48 HISTOIR.EDES D O G^M E S
multiplier les miracles fans neceffité, ôc que Dieu, qui peut faire toutes-
choies en un moment , & pour ainli dire , fans moyens , s'abaifTe pour-
tant jufqu'à le fervir des moyens dont il pourroit bien fe pafler. je dis
donc que la grande railbn pourquoi les Apôtres eurent tant de facilité à
convertir les peuples Gentils , c'eft qu'ils les trouvèrent déjà demi - con- .
LesproTeiy- vertis. La providence divine avoit fait en forte, qu'environ le tems de
porfe '^ '^ venue de N. S. J. Ch. au monde, les Juifs difperfez par toute later-
çtoient de- \e avoicnt fait un très grand nombre de ces profelytes de la porte qui fui-
ImîTar"' voient la Religion de Noé. Or il eft clair que ces gens- là dévoient être
chiiftianir- facilement convertis au Chriilianifme : d'une part ils étoient beaucoup plus
*"^' faciles à convertir que lesPayens Idolâtres, parce qu'ils avoient renoncé à
ridolatrie, ils adoroientun feulDieu, 6c attendoient unMeffie, avec les
Juifs. D'autre part il étoit beaucoup plus aifé de les convertir que lesjuifs mé-
mes:parce que nes'étant pas chargea du joug delà Loy deMoyfe,ils n'avoient
point ce grand amour pour les cérémonies légales , lequel étoit pour lesjuift
le plus grand obftacle à leur converfion. Ainfî ces profelytes de la porte
entroient dans le Chriilianifme fans changer de religion , & ils étoient
bien ailes de rencontrer des gens qui leur enfeignoient l'inutilité des cé-
rémonies de Moyfe, à l'obfervation defquelles ils n'avoient jamais voulu
s'obliger. De forte que la feule différence qui étoit entre le profelyte de
la porte non converti, 6c celui qui s'étoit rangé dans le fein duChriflia-
nifme, c'efl que le premier croyoit au Mefîie à venir, 6c que le fécond
croyoit au Mefîie venu. Il efl donc clair qu'ils pafToient de l'un à l'autre
fans grande peine 6c fans grand changement.
La plus C^ ^'^^^ P^s que je voululTe afîîirer que généralement tous les premiers
grande par- convcrtls au Chriflîaoifme fufîent de ces profelytes j mais ce qui eft cer-
tUs'^coifvér- tain, à mon avis, c'eff que la plupart en étoient, 6c fi quelques Payens
tis avoient idolatrcs fc convertifToicnt , on peut dire que c'étoit par l'entremife de
tes d? iJ' ces profelytes de la porte j lefquels attiroient leurs parens , leurs amis
porte. 5c leui"S alliez, ou en les perfuadant eux-mêmes, ou en les engageant
d'ouïr les prédications des Apôtres dans leurs maifons. Cela fè voit, ce
mefemble, dans l'Hiftoire de Corneille, qui fit afiemblerchez luy tousfes
amis pour ouïr la prédication de -S. Pierre. Bien qu'il y ait apparence que
k plupart de ces amis de Coi-neille fufîent aufîi des profelytes comme
luy, il n'ell: pourtant pas impofîible qu'il n'y en eût parmi ceux-là qui
n' étoient pas encore profelytes.
u conver- Pour achever ce qui regarde ces préceptes des Noachides , 6c pour ti-
breufe°de ^^^' '^'cux toutc la lumicrc dont nous avons befoin pour écLiircir THidoi-
ces profeiy- rc des Aélcs dcs Apôtres, il faut obferverque les Pharifiens zélateurs de la
pone donna Loyfâchcz dcvoir les grands progrés que faifoit l'Evangile entre ces pro-
lieuaude- felytcs de la porte , s'aviferent de ibûtenir que les Gentils qui vouloient
Jic des *^"^ avoir part au règne du Meffie , dévoient non feulement obferver les pre-
A^ftrcs, ceptes des Noachides, mais devenir juifs entièrement, 6c fe faire circon-
cire. Ce que nous avons fait voir être contraire aufentimentdesDoéleurs
Juifs, même des modernes , qui fauvent les profelytes de la porte. Saint
Paul s'oppofa vigoureufement à cela , 6c foûtint que pour une véritable
converfion il fufïiibit d'être du nombre des profelytes de la porte , d'ob-
ferver les préceptes de Noé, 6c d'ajouter à cela la foy en Jefus- Chrifl,
fans
ET DES CULTES DE L'EGLISE. PartA. 4^
fans le charger d'un plus grand joug : & ce fut fur cette controverie
qu'intervint le fameux décret du Concile des Apôtres que nous avons rap-
porte cy-dciîus i Qu'ail fujfîfiit cjue les Gentils sabfimjfent des chofes facrifie'es
mx idoles ^ (^ dnfang, & des chofes étoufées , & de pailUrdife. C'eil: tout
de même que fî ce Concile eût prononcé, qu'il fuffifoit que les Gentils
convertis à la foy fuffent de la. Religion de Noé , 6c obfervaiTent fes
commandemens.
En effet fi nous expliquons bien ce décret des Apôtres, nous y trou- ï-" prewp.
verons tous les préceptes qu'on appelle des Noachides : ou lî quelques- cSdesfont'
uns n'y font pas , c'en; que la répétition n'en étoit pas neceifaire. Dans 5°"'^.""^
ces mots, que vous vous abfteniez, des chofes facrifiées aux idoles ^ font conte- aet des
nus deux commandemens de Noé , fayoir celui qui défend le culte étran- ^?f ""'
ger, ou l'idolâtrie 5 & celui qui défend la profanation du nom de Dieu,
car il eft clair que celui qui participe au facrifice des idolâtres, fe rend
coupable d'idolâtrie &: de profanation. Le fécond mot, & du fang, efl
le 3™«. commandement des Noachides, qui défend l'effu lion dufang, c'eft
à dire le meurtre : Car à mon fens , c'eft ainiî qu'on doit interpréter ces
mots, 6c non pas, comme on les interprète ordinairement, de ladéfen-
fe de manger du fang. Et ma raifon eil que cette défenfe de manger du
fang eil contenue fous les mots fuivans, dans lefquels eft défendu l'ufage
âiQS viandes étoufées. Il n'eft pas apparent que dans un fi ^ petit décret
une feule ôc même chofe y fut exprimée en deux termes.
La défenfe de manger des chofes étoufées eft précifément le 7"^^. com- Addition
mandement des Noachides, qui l'expriment ainfi, membmm e vivo-, ce "ecîtloî"^
qui fignifie qu'on ne doit point manger la chair d'un anim;il vivant 5 car d« Apô-
un animal étoufé dans lequel eft le fang , félon les Hébreux , eft réputé piufièuff ""
avoir fa vie, à caufe que le fang c'eft l'ame, pu la vie, comme Dieu le anciens
dit dans fa Loy. La défenfe de la paiilardife daos le décret des Apôtres res!'"^ ^^'
répond au 4*"^. précepte des Noachides, dans lequel font défendues les
couches illégitimes. 11 refte deux préceptes de Noé que nous ne trou-
vons point dans le décret des Apôtres, lavoir le f"^«. qui défend la rapi-
ne, ôc le 6™^. qui ordonne les jugemens. Mais fur cela il eft très remar-
quable que plufieurs anciens exemplaires Grecs du N. T. ont czs mots
écrits à la fin de ce canon, & quils ne fajfent pas aux autres cequ ils ne veu-
lent pas qu'ion leurfajfe. Beze afîûre les avoir lus dans deux exemplaires.
St. Irenée les a trouvez dans la Bible dont il fe fervoit , car il cite ce canon ?''^"v^fl'
des Apôtres avec cette addition. St. Cyprien a fait un Hvre intitulé T>/?/- 3. cap/L'
moniorum^ qui eft un recueil de divers paffages de l'Ecriture: ce texte s'y
lit aufti avec cette claufe. Louis de Dieu nous ailûre que la verfioo
Ethiopique a retenu ces paroles. Si ces mots font donc du texte des Apô-
tres , il eft clair que leur décret contenoit ces deux préceptes des Noa-
chides, qui y manquent aujourd'huy. Garces paroles, q?4^iUne fajfent
pas aux autres ce quils ne veulent pas qu'ion leur faffe, établiiTent cette foiî-
veraine équité qui empêche les hommes de faire violence aux biens ou
aux perfonnes de leurs prochains. Au refte quand on ne voudroit pas
admettre cette claufe , & qu'ainfi nous ferions obligez de reconnoître
que deux des commandemens des Noachides manquent, il nous feroit
aifé de rendre raifon pourquoy les Apôtres les oni négligez. Ils ont fe^ApôtL
Fan. I, G ne-
50
HISTOIRE DES DOGMES
djnsieur négligé cclui qui défend la rapine, parce qu'il n'y a point de loix humai-
îenraS^^ ncs qui ne le puniOènt feverement : 6c ils n'ont point parlé du précepte
omis 2. ç^^^i ordonne les jiigemens , parce que dans toutes les Républiques d'alors
Sc^Noachi- il y avoit des Tribunaux établis qui exerçoicnt ces jugemens.
*^^'' Ces obfcrvations lèvent deux difficuLez conliderables, qui font dans ces
IcTapoucs décrets des Apôtres, i. On demande pourquoi le Concile impofe aux fi-
aftreignent (j^lcs la ncceffité dc s'abltcuir des viandes étoufées , puifque ce n'eft
leurs profe- , -•i-/vti- i >
hrtesài'ob- qu uuc putc cercmonie qui devoit être abolie comme toutes les autres?
d'îm^om- J^ répons que ce n'eil point par refpeâ; pour la Loy deMoyfe, qui avoit
mandement déFcndu de manger des choies étoufées ,&c du iang: mais c'ell parce que
SiemoSeï ^^^ J'-^^^^ étoient fortement perfuaclez que le moins qu'on pouvoit faire
pour être en état d'efperer la vie éternelle, c'etoit d'embrafler la Re-
ligion de Noé. Or l'un des préceptes de cette Religion, c'étoitdene
manger pas de chair avec foc Iang. La queftion agitée entre St. Paul
6c les Phariiiens étoit proprement, s'il faloit en fe convertillànt à J. Ch.
ôc au Meffie , devenir Juif ôc embrafièr la Rehgion de Moyfe ; ou s'il
fuffiibit de demeurer profelytes de la por.te, &: d'embrafler la Religion
de Noé: St. Paul foûtenoit le dernier, 6c les Pharifîens le premier. Or
quand on juge des démêlez , 6c qu'on prononce fur des jugemens , on
n'a pas accoutumé de donner à l'une des parties plus qu'elle ne deman-
de. St. Paul demandoit que les nouveaux convertis ne fufl^ent obligez
qu'à faivre la Religion de Noé. Mais fi on eût retranché de cette Re^
ligion la déienCc de manger la chair avec fon fang, il eft clair qu'on
auroit accordé à St. Paul plus qu'il ne demandoit: 6c cela auroit fait
horreur aux Juifs, fi on s'étoit relâché jufques à ne pas obliger les Gen-
tils convertis à fuivre au moins la Religion des plus anciens Patriarches.
Ce n'eil donc pas ce qu'a dit St. Jérôme, 6c tant d'autres après lui, qu'on
ait voulu enièvelir la Synagogue avec honneur, 6c faire paroîti-e que l'on
confervoit quelque refpeél pour les cérémonies Mofaïques, en ne les abo-
liiîànt pas toutes à la fois. C'eût été un beau refpeéb 6c bien capable de
contenter les Juifs, fi, pendant qu'on rayoit tout d'un coup les plus im-
portantes cérémonies de la Loy, on eût feulement confervé une des moin-
dres, qui 11 étoit pas celle pour laquelle les Juifs avoient plus de refpeét
6c de jaloufie.
vraye rai- L'autre diïïîGulté qui fe trouve dans le canon des Apôtres, c'eft qu'on
îuofïes' ^^^ "^'^'^ pas bien la railbn pourquoi il joint la défenfe de la paillardife avec
Apôtrss la défenfe de manger des choies étoufées y puis que celle-là , c'eil-à-dire
deïehoi- l^P^illi^i'dife, ell un crime contre la Loy de nature, 6c celle-ci, c'efî: à
gnent la dire de manger du iang, eil une faute feulement contre une Loy pofiti-
ïlngSdu ^^ ^'-^^ devoit bien-tôt être abfoluinent abolie. QLielle alliance y a-t-il
lang^avecia donc cntrc' iinc chofc naturellement mauvaife,6cune autre naturellement
k pïuardi- hidlifcrente î Les Interprètes diient que la paillardife étoit eilimée indif-
fc. ferente entre les Payens. Mais la véritable raiibn, c'efl que les Apôtres
ont deflein de commander aux Gentils nouvellement convertis de fuivre
la Religion de Noé, 6c d'oblerver fes commandemens j 6c l'un de ces
commàndernens- ézoil ceiuï-cij pudendâ non ejjè l'svefandii. Par lefquelles
paroles les couches illicites étoient défendues. Les Apôtres ont mieux
aimé fe fervir du mot de paillardife, pour défendre toutes les impuretez ,
que
ET DES CULTES DE L'EGLISE. Part.l. 51
que de celui de revelatio pudendorum , dont la Religion des Noachides fe
fervoit. i. Parce que la Loy de Dieu s'en fert exprelTément dans la mê-
me fîgnifîcation , tu nepaillarderas point .^ pour dire tu éviteras toute couche
illégitime, z. Parce que ce mot étoit beaucoup plus connu aux Grecs
que celui de revelatio pudenAorum , qui n'étoit en ufage qu'entre les Juifs.
3. Et enfin parce que le mot de fornication ou de pailiardife eft plus hon-
nête, 6c forme une image moins fale.
Je fuis afl'ûré que fi le favant Seldenus avoit fait les reflexions que nous
venons de faire , il n'auroit pas rejette l'opinion de Shikardus Profeffeur shikardus
de Tubinge, qui croit comme nous que ce décret du Concile de Jerufalem regio^p. j,
contient en abrégé les fept préceptes des Noachides. L'Autheurdesre- "^^eoiem.
' flexions fur la Religion Chrétienne fuit l'opinion de Seldenus, ôcmépri- Réflexions
fe celle de Shikardus. Mais la principale raifon qu'il en allègue ell fon- ^'r ifReiig.
dée fur une bévûë fort grofiîere,ôc qu'on ne fauroit pardonner à un Autheur i. p. kjô.
qui fait l'habile homme. C'eft, dit-il, qu'on a celle de recevoir des pro- abandon a
felytes de la porte ou du domicile dés le temps que les Jubilez ont pris fîn : ^^J^^jJ^jJ^'
c'eft- à-dire 5 lors que les dix tribus furent tranfportées par les Rois d'Af- profeiytes
fyrie. Cet endroit fait voir que Monfr. Ferrand Autheur de ces reflexions ^jJ^Jg/°^^"*"
n'eit pas original , 6c que fouvent il eft mauvais copifle. Il croit avoir .
pris cela de Seldenus: mais Seldenus ne dit rien de femblable. 11 eft vray seiden. de
que Seldenus cite ces paroles tirées duTalmud , que U coutume de recevoir ^^%.^^l^^^
des profeiytes de la porte n^a été en ufage que dans le tems qu'on oh fervoit les ^u- lib. 2. c. 3.
bilez^ dans la Terre Sainte. Maimonides dit à peu prés la même chofe dans J^tX'^"
fon Mishneh Thorah. Mais félon Maimonides 6c félon Seldenus cela ne fignifie Traà. Mei-
pas que depuis que les Jubilez ont ceffé, il n'y ait pas eu de profeiytes de lafoj^^^f"^'
porte j comme fi les Juifs n'euffent plus voulu recevoir d'autres profely- Haiacah ifa-
tes que ceux de la juftice, qui fe font circoncire 6c qui f, foûmettent au joug Jap.'^J^^,
de la Loy. Car il n'y a rien de plus taux que cela ; comme il paroît par
les preuves que nous en avons apportées du livre des zAâes des Apôtres.
Et même il eft certain que les profeiytes de la porte n'ont été fort communs
que depuis la captivité de Babylone. Maimonides lui-même parle de ces pro-
feiytes de la porte, 6c les appelle les dévots d'entre les nations. Voici donc ce que
veulent dire Maimonides ôc les Talmudiftes. C'eft que depuis la ceifation des
Jubilez, les Juifs étant devenus fujets , 6c fouvent efclaves des nations étrangè-
res, on cefia de recevoir les profeiytes de la porte ritufolemni , d'une façon fb-
lemnelle5c'eft-à-dire en leur faifant abjurer hautement le Paganifme en prew
fence de témoins. De plus on ceifa de contraindre les idolâtres 8c Payens qui
venoient habiter dans la Terre Sainte à abjurer le Paganifme. Car auparavant
fi unPayen, qui avoit fa demeure dans la Judée, refufoit de renoncer à
l'idolâtrie, ou de fe retirer, on iefaifoit mourir. Mais depuis la captivité ^
de Babylone , les Payens ayant prefque toujours été Maîtres des Juifs, on
n'ofoit plus ufer de cette feverité envers les idolâtres. Mais quoy qu'ils ha-
bîtalTent dans le païs des Juifs , on les laifibit vivre dans leur Religion
Payenne. Pour la même confideration , c'eft-à-dire, de peur d'offenfer
les Payens , ils ne recevoient plus folemnellement les profeiytes de la porte
par l'abjuration du Paganifme : ils fe contentoient de leur donner lieu dans
leurs Synagogues.
De tout cecy nous tirons ces trois conclufions importantes, qui nous^^^^^^l'l^®"
G z fer-
52 HISTOIRE DES DOGMES
desKoachi- fcrviront à connoître la Religion des Patriarches , par comparaiibn avec cel-
desétoit le des Chrétiens. La i»^^. c'eil que la Religion des Pères avant Moyfectoit
cbantede°'ia trés fiiTiplc , fc redulfoit à peu d'articles , èc fe contentoit d'un petit
R eNgion xiombrc de cérémonies. Elle n'uvait même qu'un feul commandement ce-
"""** remonielj c'étoit celui d'épandre lefang des bêtes avant que d'en manger
la chair: 6c fous ce commandement étoit contenue la Loydes facrificesy
(ainfi que je le ferai voir cy-aprés) parce que toute effulîon du fang des.
animaux dans ces fiécles étoit une efpece de facrilîce. La2<^^ vérité que
nous apprenons d'ici, c'eft que cette Religion de Noé&des anciens Pa-
triarches a toujours été confiderée comme falutaire & fuffifante à ralutjmême
daTis les fiécles durant lefquels laLoy dcMoyfe a eu vigueur. Et les Juifs,
quelque idolâtres qu'ils foient de leur Loy & de leurs cérémonies , font con-
traints de ra\ ouër. Enfin nôtre 5"^^. conclufion c'eft que la Religion Chré-
tienne n'a rien ajouté à la Religion de Noé, que la connoifîàncc ôc la foy d'if-
tinéle du Libérateur qu'ils attendoient. Ainfî proprement le Cbriftianifme
n'a fait que perfedionner la Religion des Patriarches : ôc par là il paroît
que le fentiment de St. Epiphane eft tout à fait jufle, quand il dit que, la
Religion d'Adam vy'éîott tii le Grecifme , ni le fudaïfme , mais la %^ligion Ca-
tholique. Outre ces réflexions générales fur les préceptes & la religion de
Noé , il faudra déformais faire des reflexions particulières fur chacun de
ees préceptes, afin de pouvoir entrer dans le détail de cette Rehgion ôc da
Culte des premiers fidèles : c'eft aufîi ce que nous ferons dans la fuite.
CHAPITRE VIIL
Du culte & du fer vice divin dans h Religion des Noachides. Des
deu>c premiers commandemens des Noachides; de la défenfe de
Ndolatne & de la profanation du St. nom de Dieu.
JUfques ici nous avons parlé de la Théologie & de la. Morale que les Pa-
triarches enfeignoient àl'Eglife de leur temsrdeformais nous allons parlera
de leur culte. Le culte, comme tout le monde fait, fe divifè en deux efpe-
ce^-i favoir le culte interne ôc le culte externe. Le culte interne confille
dans les aéles de foy, d'amour, de confiance, d'humilité , de crairite,.
de révérence , & de toutes les autres aélions du cœur qui ont Dieu im-
médiatement pour objet, & qui font tous renfermez fous le terme d'ado-
ration intérieure. Il n'efl: pas necefiaire de nous étendre à prouver que
les Patriarches avoicnt cette partie du fervice divin , elle eft: de tous les tems ,.
de tous les fiécles &: de tous les lieux. Nous cherchons donc ici le culte
externe, c'eft-à-dire les aélions 6c les cérémonies vifibles, dontleur fervi-
ce étoit compofé. Il efî: clair que ce culte ell compris dans les deux pre-
miers commandemens des Noachides, dont l'un défend l'idolâtrie, êc l'au-
tre défend la profanation du nom de Dieu. Ces deux commandemens
font négatifs i cependant il ell indubitable qu'ils renfermoient tout ce qu'il
y a de pofitif dans le fervice divin. Tout de même que les 3. premiers
commandemens de la Loy prononcez fur la montagne de Sinaï Ibnt ex-
primez
ET DES CULTES DE L'EGLISE. TartA. fj
primez en termes négatifs i cependant dans l'intention du Legiflateur lis
lignifient que Dieu veut être adoré feul, & que nous fommes obligez de
fandifîer fon nom par actions, par paroles, ôcpar un fervice externe qui
lui foit agréable.
Là'delîus les Juifs ont une opinion qu'on peut appeller terrible. IJsdi- opinion
fent que les Noachides, c'eft- à-dire lesPayens defcendus de Noé , mais Juîfi^quelcs
qui ne font pas de la famille d'Abraham , n'étoient pas obligez à adorer profeiytcs
le vray Dieu , ni à fanélifier fon nom par un culte externe, quand ils de- ,/étoienf^
venoient profelytes de la porte : Qii'il leur fuffifoit de n'être pas idok- pas obligez;
très, Se de ne pas blafphemer le nom de Dieu. Ils vont même plus avant j \ç, nom il"
ils difent que fîun profelyte de la porte, après avoir renoncé à i'idoktrie, yrayoieuni
vcnoit en fuite par contrainte ou par necefiîté à faire quelque aélion d'ido- ^ ^ ^"^ ■
latrie , ou à prononcer quelque parole de blafpheme , cela ne lui étoit pas
imputé. Onand un Noachide ^ dit Maimonides , par contrainte tranfgrejfe un Maimon.
des commandemens, al'obfervation def quels il efi obligé , cette tranfgreffion lui eji 1l^'^\^^
fermtfe , quand même ce ferait un oBe d^idoUtrie s car la [anUification du nom
de Dteu ne leur efi pâs commandée. Il tire cette dangereufe maxime de l'Hif-
toire de Nahaman, & d'Elizée: Ce Syrien difoit, ton ferviteur ne fera plus 2. Rois
d"* offrande ni d^holocaufle a d'autres 7)ieHX , mais feulement a l'ÈterneL Que le '^^^p- ^'
Seigneur vueille pardonner cette feule chofe a ton ferviteur , c^efi que quand mon
Maître entrera en la mai fon de Rimmon four fe profierner la ^ & qu'' il s' appuyer a
fur ma main , je me proflernerai dans la maifon de Rimmon. Et le Prophète lui
dit, va-î'^en en paix.
La véritable intention de Nahaman étoit de déclarer au Frophetç Eli- Expiiatioit
zée, que déformais, quand il entreroit dans le temple de Rimmon, il ne '^^If^f^f
rendroit aucun hommage à ce faux Dieu : que cependant il feroit obligé Nahaman,
de fe courber pour foûtenir le Prince, qui en fe prollernant s'appuyoit iùr
kii. Là-deiîus il protefte à Elizée, que cette aélion par laquelle il fe cour-
beroiten terre feroit purement 6c fimplement pour rendre fervice au Roy,,
fans avoir deflèin de rendre aucun fervice à l'idole : & c'eft fur cela que
le Prophète Elizée lui dit, va-t'en en paix j car c'eft comme s'il lui eût
dit, il vous eft permis de rendre à vôtre Roy le fervice qu'exige la char-
ge que vous avez auprès de lui , pourvu que vous déclariez & faffiez fa-
voir à tout le monde, qu'en vous courbant devant Rimmon , lorfque k
Prince fe profterne , c'eft feulement pour fervir ce Prince , & non pour
adorer ce faux Dieu. Mais les Juifs l'entendent autrement , ils regardent
ces paroles de Nahaman comme une permifîion, laquelle il demande à Eli- .
zée d'adorer Rimmon par obeiïTance pour Ion Maître , & ils entendent
ces paroles d'Elizée, va-Cen en paix , comme lî le- Prophète avoit voulu
dire , qu'il pouvoit adorer les faux Dieux , pourvu qu'il ne leur donnât
pas fon cœur. Là-deflus ils concluent , que fi un Noachide étoit obligé de Taim.Traa:;
fanUifi.er le mm de Dieu , il n"* étoit lié de cette obligation que quand il et ou par- ^ g_ \f^'
my les Ifraelites , & non quand il étoit entre les nations. Et que le Prophète n'au- Guemara.
roit pas ainfi répondu a Nahaman , (î les enfans de Noé avaient été obligez, de
fervir a Dteu & en public & en particulier.
Qj-ielque peine que fe donne le lavant Seldenus pour ramener ces penfées seiden. de
impies à un bon fens, je ne trouve pas qu'il y réiiffiffe: il me femble que l^eSSm
ces teripes ne peuvent pas foufFrir l'interprétation qu'il leur donne 5 voici ub. 3, cap.!,.
G 3 ^ foa
54 HISTOIRE DES DOGMES
ion explication : Qne les profelytes de la porte & le rejle dn genre lonmain e'toH
obligé au fervfce de Dieu s tnais qt4e Pils ne le fatfolent pas , la punition en devoit
être laijfée a Dieu , fansi^ae les Magiflrats s'^en mêlaient.
Viins ef- Lcs parolcs des Doîlcurs Talmudiiles 6c de Maimonides fignifient évr-
fottsde dcmment quelque choie de plus > ils difcnt expreflement que la San6fcifî-
pouijufti- cation du nom de Dieu n'eft pas commandée aux Gentils, qu'ils ne pé-
hecovicxcu- j^g^ pas quand ils font un acte d'idolâtrie par contrainte ou par com-
tédesjuife.plaiiance, que le Noacnide n cit oblige de iervir Dieu m en public ni en
particulier, qu'il n'eil dans cette obligatiçn tout au plus que quand i-1 eft
entre les Ifraëlites. Il eft donc certain que cette doélrine abominable eft
. une de czs erreurs, par lefquelles les Juifs ruïnoient le fcns de la Loy, Ils
en avoient beaucoup d'autres , & le Seigneur Jefus - Chrift combat une
partie de ces deteftables glofes dans l'Evangile, 5c particulièrement dans
le f"^^. de St. Matth. D'une part ils rendoient le joug de la Loy pefant
par la multiplication des cérémonies, mais de l'autre ils le rendoient léger
en donnant à la chair tout ce qu'ils pouvoient lui accorder. C'eft pour-
quoy ils prenoient les commandemens de la Loy morale fi fort à la lettre ,
qu'ils ne vouloient conter entre les chofes défendues que celles qui étoient
immédiatement fignifiées par \t^ paroles du Legiflateur : dans cet efprit
ils ne défendoient que l'adultère & la paillardife, & foûtenoient que les
regards lafcifs, les attouchemens impudiques 6c les mouvemensdelacon-
cupifcence n'étoient pas contre la Loy.
Lecaraftere En paftant nous pouvons remarquer quc c'eft là le caraétere des faux dé-
vlts.*"^ *" vots , ils fe difpenfent d'obeïr aux commandemens qui donnent des bor-
nes à la cupidité & à la chair 5 mais ils amplifient les cérémonies. La
raifon de cette conduite eft , que les premiers commandemens font en-
nemis de l'amour propre , parce qu'ils combattent la concupifcence :
mais les commandemens ceremoniels ne luy font pas de mal. Je regar-
de auffi cette Théologie des Juifs comme une mauvaife compkifance, qu'ils
ont eue pour les nations Payennes aufquelies ils fe voyoient affujettis : ils
leur vouloient perfuader pour les flatter, qu'ils étoient dans la voye de
falut , pourvu feulement qu'ils ne ferviftent pas entièrement les idoles ,
ou qu'ils ne le fiflent que par contrainte: qu'au refte il ne leur étoitpas
necefluire de rendre au vray Dieu des fervices externes , fi cela pouvoit les
rendre odieux à leur famille ou à leur patrie.
Opinion de C'cft apparemment de ce mauvais principe qu'étoit fortiun autre arti-
T^îfh?& de de la Théologie des Juifs, dont noua voyons des veftiges dans les Au-
de'rhii'on tiquitez de jofephe, & dans le Livre de Philon Juif Ces deuxAutheurs
ks'mcfu?« "^ '^^^"^ queî3ieu avoit défendu de blafphemer contre les Dieux des nations,
qu'oudoit quoi que ce fufiént des faux Dieux. Entre les Loix de Moyfe dont Jo-
fes'faur" lephe fait le dénombrement, il y met celle-cy. Que nul ne blafj,heme les
Dieus. l^ieptx que les autres nations prennent pour Dieux s ÔC celie-cy, // ne faut pas
t\qA.^c.T. '^^^-''^ ^^^ Temples des étrangers ^ ni prendre ce qui a été voiié a quelque Dieu.
Lib. I. de Philon Juif dit la même chofe, que Dieu avoit défendu de parler fhal de ceux '
^ ^ ■' ' que les autres nations efiiment Dieux , de peur que par vengeance ces nations ne
parLyfent mal de celny qui efl le vrai Dieu. li n'y a rien de plus fiiux, car
il eit certain que l'Ecriture ne parle des faux Dieux que comme d'abomi-
xiatlons, ce fait tout ce qu'elle' peut pour en donner de l'horreur. Elle
ordonne
ET DES CULTES DE L'EGLISE. Tart.l, 55
ordonne qu'on abbatte leurs idoles, leurs temples & leurs autels. Elïe
fit même égorger les prophètes de Baal , &: Ezechias & Jofias aboli-
rent le fervice & le cuke de ces divinitez par le fer 6c parle feu. Cette
erreur a pris fon origine d'un pailage du ziJ^^ de l'Exode v. z8. mal ex-
pliqué. Il y a dans l'Hébreu , D$is non makdices. Le mot à^eldim , qui fî-
gaifie Dieu, y eft employé. Il n'étoit pas difficile de voir que dans ce
texte le nom de Dieu devoit être pris au même fens que dans le v. i.
du Pf. 8î. Dieu efl ajfis an milteu des Dieux , c'ell-à-dire, au milieu à^s
Magillrats: Ainfîces paroles, Dus non makdices^ fignifient, tu ne médi-
ras pas des Juges & des Princes de ton peuple, comme l'a expliqué St,-
Paul au Z3™2 des Aêles. Mais, 6c Philon Juif ÔC Jofephe ont bien vou-
lu fe tromper par complaifance pour les Payens au milieu defquels ils vi-
voient. Ils ont eiïayé de leur perfuader que la religion des Juifs étoitbieiT
tolerable , puis qu'elle engageoit les hommes au moins à ne médire pas
des divinitez des autres nations. Pour retourner d'oii nous fommes par-
tis, je conclus que l'Eglife des Noachides avant Moyfe a bien compris
que dans ces commandemens négatifs de ne pas commettre idolâtrie, &
de ne pas blafphemer le nom de Dieu, elle avoit reçu ordre de fervir
Dieu de eœar 6c de corps , en luy rendant le culte intérieur ôc le cul-
te externe.
Voyons donc, s'il nous eft pofîible , en quoi confîfte ce culte externe. L'ùrage des
Il eft certain que ce fervice étoit fimple en comparaifon de celuy de rf gfifb^dïï
Moyfe. Il étoit compofé de vœux , de prières , d'aétions de grâces & Patriarches.
de (acrifices. Quant aux vœux nous en avons un célèbre exemple dans
ce que fit Jacob en PadanAram; c'eft au 28. de la Gen. v. zo. où Moyfe
dit que Jacob voiia un vœu difant, /"D/V^ efl avec moy ^ & me préférée a^
voyage que je f^ùs , & me donne du patn a manger , c^ des vêtemens pour me
vêtir ^ & cjue je retourne en faix en la maifon de mon père ^ pour certain PE-
ternel me fera Dieu. Pour ce qui eft de la prière, nous n'avons pas be-
foin^ de preuve pour être aflurez que c'étoit une partie du culte des Pa-
triarches: car la prière eft fi fort eftentielle au fervice divin, qu'il n'y a
pas de religion fans eliej c'eft pourquoi Moyfe ne nous en parle que par
occafion : Par exemple il nous dit qu'Ifaac étoit forti au champ fur le
foir pour prier, quand il vit le ferviteur d'Abraham qui revenoit de Chal-
dée, & qui amenoit Rebecca. Il nous parle de la requête que le Patriarche
Abraham fit pour la guerifon de la playe que Dieu avoit envoyée à Abi-
melecih Ôc à toute fa famille 5 parce qu'il avoit pris Sara femme d'Abra-
ham \. Dans le même Livre il nous eft parlé de la prière que fitifaac, afin
que Dieu donnât des enfans à Rebecca : Dans le 33. de la G&vï. nous voyons
que Jacob prie pour être délivré des mains d'Efaii. Mais cela n'a pas beibin
déplus grand eclaircifiément 5 fi ce n'eft pour favoir s'ils' avoient coiitume
de faire des prières publiques: cardans tous les exemples que nous venons ,
de citer il ne nous eft parlé que de prières particulières. Nous examinerons
cette queftion da.ns fon heu 5 àprefent il faut parler de leurs facrifices.
C'eft la feule partie de leur cuke externe dont la connoiflance foit arrivée P^ns la re-
fort diftinéle jufqu'à nous. Dés le commencement du monde nous voyons enfa°" ck
Caïa & Abei qui facrifioient à Dieu. Noé en fortant de l'Arche bâtit un au- ^^^^^^^r"?"^
tel, Se y facrifia de toute bête nette. Job ofeoit à Dieu des holocauftes éSittièa ^^
pour ^^^^^^'
56 HISTOIRE DES DOGMES
pour Tes eiilans, quand ils avoient achevé les feftins qu'ils (efaifoîent tour
à tour. A la fin de Ion Livre auch.42,. Dieu dit aux amis de Job, prenez-
vofts fep.tboHveaHX & fcpt moutons ^ ç^ allez, vers fob mon ferviteur ^ & o,ff'rtz.ho-
locauffes ^ & j'exaucerai LtYequète que mon Serviteur ferapour vous ^ a^n quejene
vous châtie félon vôtre foUe. Nous lifons dans le if. ch, de laGen. THilloi-
re d'un célèbre lacrifice que fit Abraham par le commandement de Dieu,
d'une jeune vache de cinq ans , d'une chèvre ôc d'un mouton de même âge,
d'une tourterelle & d'un pigeon. Dans le 22,. du même Livre nous avons
l'Hiiloire du lacrifice d'Ifaac, en la place duquel Abraham offrit un mouton
fur la montagne de Morija. Au retour de Padan Aram Jacob ayant été
©en. }i. pourfuivi par Laban , &: leur démêlé étant fini, il offrit un facrifice fur U
V. 54. montagne , & appella fes frères pour manger du pain. Quand il fiit arrivé en Si-
chem il y bâtit un autel, où fans doute ilfacrifiapour rendre à Dieu aétion
de grâces, & pour payer le vœu qu'il avoit fait en Bethel. Dans le3f.ch.
du même Livre il y a quelque chofe d'aflez curieux pour la connoilîknce
du culte des Patriarches 5 car non feulement il nous y eil dit que Jacob par
le commandement deDieu y bâtit un autel en Bethel, comme il avoit fait en
Sichem , mais auili qu'il ordonna à fa famille de fc purifier & de changer de
vêtemens : ce qui femble fignificr qu'ils avoient quelque cérémonie d'expia-
tion & de purification : nous aurons occafion d'examiner cela dans la fuite.
Ces exemples fuffifent pour prouver que les facrifices étoient enufage dans
l'Eglife des Patriarches. Mais déformais il en faut examiner les circonf-
tances , &: voir, premièrement quels étoient leurs Sacrificateurs : après
cela d'où venoit la coutume de facrifier. Enfuite de combien d'efpeces
de facrifices ils avoient: Et enfin quelles bêtes ils ofFroient, avec quelles
conditions, ôcavec quelles cérémonies.
CHAPITRE IX.
2)« Sacrificateurs de l'ancienne Eglife avant UVoyfe.
I
L efl jufte de parler des Sacrificateurs, avant que de parler des facrifi-
ces &; des viàimes ; .puifque les perfonnes qui facrifient font plus
excellentes que les chofes qui font Sacrifiées. L'opinion confiante des
Hébreux & de tous nos Savans eft que les aînez des familles dans chaque
Quatre Pri- maifon en étoient les Sacrificateurs nez. On attribue ordinairement 4.
uibnezTux P^ivilegcs à CCS premiers nez. Le i"- de cts privilèges c'étoit la domi-
premiers nation OU la royauté, car ils étoient Seigneurs de leur maifon. Et par
MoyYe?^ l'Hiiloire dejuda <5c deThamar il feiïibie qu'ils avoient puiflance de vie
6c de mort fur les membres de leur famille. Juda ayant été averti que
Thamar étoit grofle , parce qu'elle ne pouvoir l'être que de paillardife ôc
d'adultère j il commanda qu'on la fit fortir dehors pour être brûlée. Le
2,"'^. privilège des aînez étoit ceiuy de la double portion , c'eil- à-dire que
le bien de la maifon étant partagé en autant de lots qu'il y avoit d'enfans,
6c un lot de plus ,. l'aîné en devoit avoir deux. Par exemple s'il y avoit
trois enfans , on partageoit le bien £04. parts, & l'aîné en prenoitdeux.
ET DES CULTES DE L'EGLISE. PartA. 57
O'eftainfî que l'explique Aben Ezra : c'eillelon cette coutume qu'on doit in Ccm-
expliquer la demande d'Elifée à Eiie, je te prie que faye le double de l'^^fp^'lt^^^^^^^'^^^'
<^He tH as: il faut tourner, que faje de ton efprit autant é^ae deux ■<■ c'ell-
à-dire que dans le partage qui le fera de ton efprit api es toy entre les fils Enqueifens
des Propehtes, je lois partagé en aîné. Car il n'y a point d'apparence fJoiTde'^-^"'^
que l'ambition d'Elii-ée le portât à fouhaitter le double de l'elpiit qu'a- mandé le
•^'n'i- -r ■ -i-k ? •> ' f ^ -i ' ^ double ds
vo]t iLJie, puiique jamais Prophète n a ete plus richement partage de cet l'eiptit
efprit de prophétie & de miracles, Le 3"^^. privilège des aînez étoit ce- ^i'^iie.
luy de la bénédiction. Je ne trouve pas que l'on ait jufques icy biencom- cequec'e-
prîs ce que c'eft que cette benediétion. On dit que l'aîné rece\'oit du pe- beiudiaioa
re une benediélion plus ample. & plus abondante. Mais, lélon moy, cef- ^^^^^^i^^.
•te benediétion ne doit être entendue que de la femence bénite, c'eft -à- miues des
dire du Meiîîe quî devoir naître; car cela ne le peut entendre de labene- ^'"""'^^^S'
diétion , c'éft-à-dire ào.^ vœux que les pères en mourant faifoient pour
-leurs -enfans 3 En ce iens tous les fils étoient participans de la benediélion
paternelle. Efaii, bien que déchu de la benediélion que fon frère Jacob
lui déroba par fraude, ne laifla pas d'être béni par fon père. Jacob en
mourant bénit tous les enfans j il avoir auparavant béni les enfans de Jo-
feph. Cependant Juda feul reçût ce qui s'appelloit la bénédiction par
•excellence j c'eft - à - dire le Privilège d'avoir dans fa race cette femence
dans laquelle (eroient benices toutes les nations de la terre. H eft donc à
remarquer que ce g'^^. avantage du premier né, (avoir la benediélion, ne
regardoit que les familles que £)ieu avoit choifies pour en f-iiirc fortir le
Meftîe, benediâion qui ne pouvoit être diilribuée que par un Prophète:
C'eft pourquoy il ne faut pas s'imaginer que tous les pères de famille crai--
•gnans Dieu entrepriffent de donner à l'aîné de leurs enfans cette bénédic-
tion. Il falloit avoir pour cela ôc la lumière de la prophétie, qui leur re*-
veloit de quelle race devoit naître le Meflie, ôcune vocation particulière
qui leur venoit par voye d'infpiration. Enfin le 4"^^. Privilège des aînez
étoit la dignité Sacerdotale. Ruben, comme l'aîné de fa famiille, devoit
avoir tous czs avantages : mais il en déchût par l'incefte qu'il commit avec
■une des femmes de ion père , & tous fes droits furent tranlportez à lés
cadets , & partagez entre {ç-s frères. Levi reçût le Privilège de la Sacri*-
ficature. Juda eût en partage deux de ces Privilèges, la domination &
la benediétion , c'eft-à-dire la promeiîé de la femence làintci car c'eft de
cette tribu qu'eft venu le Meflie, 6c c'eft elle qui depuis lamaifon de Da-
vid a toujours régné fur les autres tribus. Enfin Jofeph eut la double por-
tion, car Manairé& Ephraïm, qui ne dévoient compofer qu'une tribu 5
firent deux tribus en IfraëL
C'eft du 4"^«. de ces Priviîeires que nous avons à parler. C'eft donc l^^^-^'^^^,^^
lentiment des Juifs que les amez etoient naturellement revêtus ûe 1 hon- fiiesaîne^
«eurde la Sacrificature : le texte du Taimud ledit expreftementi Bevara J{°jJ"g
que le tabernacle fut confirmt , Pufage des autels particuliers & des hauts lieux droit de Sa-
etoit permis , & les amez^ des familles fervoient de Sacrificateurs. Nous liions "àfm'^^^'
aufli dans un Gommentairç. Cabaliftique flir la Genefe , qu^e facob defira avec Traa. Me-
une grande pafiion la, primogeniture d"^ Efaii , parce que ^ comme nous l'' apprenons de Hl^^^ j
la tradition , avant que le tabernacle fut fait , les autels particuliers n é totem pas Bg^ri •
défendus , ^ les premiers nez. fervotent de Sacrificateurs. C'eft la. raifon que Rabba. fol^
Fm, I. H rea-^°
58 HISTOIREDESDOGMES
rendent les Commentateurs del'Ep. aux Hebr. de ce que St. Paul au 12.
cliap. de cette Ep. appelle Efaii profane , le profane Efaii qui vendit
fan droit d'amejfe. La primogeniturc étoit, dit-on, unechoferainte, puis
qu'elle cnfermoit la dignité Sacerdotale \ ainfi on ne pouvoit la méprifer
fîuis être profane. St. Jérôme avoit appris cette même tradition de fes
Maîtres Juifs •■, car en rapportant leur fentiment fur Melchifedec il parle
Quscft. _ ainfi j Us diÇent que ce Melchifedec efi Sem , & en fuppuîant les années de fa
Gen aV" "^'^ ^ '*^^ trouvent qu'il (i vecu jufqa'au tems d^/faac , & que tous les premiers nez.
SciiiEpift. de Noe' furent Sacrificateurs ^ jufquesk ce qu' Aaron fut mis en pojfeffion de la Sa--
ad Evag. crificature. Pour appuyer cette conjeéture on ajoute , qu'entre les Anciens
les Rois étoient auffi Sacrificateurs > que ces deux dignitez, &: Privilèges
de la primogeniturc étoient infeparables : on cite là-delTus ces paroles de
Virgile,
/Eneid. Rex Anius , Rex idem hominum Phœbique Sacerdos.
' ■ ^" Sur ces paroles Servius difoitj fane A'fajorum h^c erat confuetudo, m Rex
ejfet et iam Sacerdos 'y unde hodie Imper ator es Pontifices dicimus. Dans le ip. ch.
dePExodeau v.2.1. Dieu commande aux Sacrificateurs de fe fanétifier. Or
ileft à remarquer que le Sacerdoce d'x'\aron n'étoit pas encore établi dans
ce tems- là: c'eftpourquoy la tradition des Juifs veut qu'en cet endroit par
les Sacrificateurs on entende les premiers nez des familles j c'efl ce que
nous apprend AbenEzra furcepafiage, les Sacrificateurs, dk-'û , font les pre-
miers nez^^ parce qpp ils font faints ffelon qu'ail eji écrit , fan^ifiez. moy tout premier
né. Ils prétendent même que ces aînez des familles étoient encore Sacri-
Exod. 24. ficateurs j quand Moyfe bâtit un autel fous la montagne de Sinaï , & en-
' ** voja les jeunes gens des enfans d^Ifrael , qui offrirent des holocaufles , & facrifie-
rent des hoHveaux en facrifice de profperité. Onkelos, qui eft un Paraphrafte
Ghaldée, a tourné, & il envoya les premiers nez d^Ifrdél qui facrifierent.
D'où eft II femble aufii que ce foit de cette ancienne coutume que Dieu ait pris
coûmmede occafion dc douucr à Moyfe ce commandement , fanUifiez. moy tout pre-
fan^ifiei^ z^ji/Vr né ouvrant la matrice entre les enfans d'IfracL En fuite Dieu mit les Le-
n°ez\ Dieu. "^''' '^^^ ^ ^^ placc dcs premiers nezj voici fay mis les Lévites d'^entre les enfans d'If-
Exod. 13. raéi pour tout premier né ^ Gr pourtant les Lévites rir'appartiennenf^car tout premier
Nomb. î. ^é efi a moy , depuis le tems que je frappai tous les ainez. d'' Egypte , je me fuis
y. 12. 13. fanRifié les aînez. en Ifiael depuis les hommes jufques aux bêtes. Il eft vray que
Dieu dans ce texte pofè la dernière playe d'Egypte, dans laquelle il avoit
tué les aînez, pour première raifonôc pour caulè fondamentale de ce choix
des aînez d'Ifraèl pour fon fervice. Mais cela n'empêche pas qu'il n'ait pu
auffi avoir égard à la coutume, qui de tout tems avoit été obfervéede fai-
re exercer la charge de Sacrificateur par l'aîné de la famille. Il femble
encore que le St. Efprit fafiè allufionà cette coutume, quand après avoir
Hebr. ii. appelle FEgliie Pafemblée d,es premiers nez., il l'appelle la Sacrificature roya-
i!ep. de ^^3 Rois & Sacrificateurs , une nation fainte , comme qui diroit , un
St. Pierre peuplc faint compofé de Sacrificateurs ôc de Rois. Car les fidèles fem-
Apoc. !.($. blent être appeliez Rois ôc Sacrificateurs par le droit d'aîneffe , à caufe
que Dieu les achoifis & les a approchez de fa perfonne,comme les met-
tant en la place de tous les premiers nez de la terre j tout de même qu'il
avoit mis les Lévites prés de foy pour occuper la place de tous les aînez
d'Ifraël. On peut ajouter à tout cela une raifon qui paroît forte , c'eit
que
ET DES CULTES DE L'EGLISE. Part.l. ^9
que très évidemment les livres de Moyfe nous apprennent que l'aîné étoïc
le Prince de la famille 5 Dieu lé déclare en parlant à Gain touchant Abel , Gen. 4. 5.
fes dejîrs fe rapportent a toy , & m domineras fur Iny, cela s'entend en qualité
d'aîné. Ifaac croyant bénir Efaii, comme Ton aîné, lui dit, fois Maitre fur Gen, 27,
ton frère , & (^ue les fils àe ta mère fi, profiernent devant toy . Dieu pour fïgni- ^^"
fier qu'il vouloit transférer le droit d'aîneffe d'Efaii à Jacob difoit, le pim cen. zj.
grand fervira au moindre. Et enfin Jacob en beniflant fes enfans, ôc par- ^- ^'^•
lant de Ruben fon aîné, dit, %uben tt4, es mon premier né , ma iiertu & le Gen. 49.
commencement de ma vigueur , excellent en dignité ^ excellent en force. Il eft v-3-4.
évident que ces dernières paroles fîgnifient le Privilège du droit d'aîneflé,
6c entr'autres la domination dont il le déclare déchu dans le verfet fuivant
à caule de fbn crime : Tu t'^es précipité comwie de l'^eau , tu n* avanceras pas ,
lui dit-il. Or il efl à remarquer que la puilTance fur les chofes faintes ôc
qui regarde la jR^cligion , dans ces fiécles, n'étoit pas féparée de la puiffan-
ce qui regarde les chofes civiles. C'eft pourquoy il ell affez apparent que
ceux à qui la naiflance donnoit la domination fur les autres , étoient auiîi
fuperieurs dans les cliofes faintes.
Moyfe en qualité de Prince du peuple Hébreu a fouvent fait office de Moyfc s
Sacrificateur. Dans le 8. chap. du Levitique nous voyons qu'il fait tous saceSoM.
les offices de -Sacrificateur pour confacrerôc inaugurer Aaron&; fes enfans.
Il prend la bête , il Tégorge , il en reçoit le fang , il le répand , il fait '.
fumer les graifTes fur l'autel j ôc l'opinion de beaucoup de Rabbins efl:
ejue Aioyfe a été fouverain Sacrificateur tout le tems que le peuple a été dans le Schemot
defert: encore que d^ autres croyent qu'il n'^a exercé la Sacrijîcature que durant Us ^^{f.'^l^Tj. .
fept jours de P inauguration d'^Aaron & de fes enfans. Ce font les paroles d'un
ancien Commentateur Juif fur l'Exode. Qi-ioy qu'il en foit, il ell certain
qu'il a fait office de Sacrificateur, quand il a voulu, en qualité de Prince
du peuple : & il efl affez apparent que le même droit appartenoit à tous
ceux qui étoient Princes dans le premier âge du monde , foit qu'ils fafîent
Princes par droit d'éleélion, ou par droit d'aînefle.
C'efl là ce qui fe peut dire en faveur de cette tradition , à laquelle je Enqueirens
n'ay pas deffein de m'oppofer. Mais cependant il la faut expliquer, afin ivofèmîe
qu'elle ne paroiffe pasfaufle: car fi nous regardons la chofe de près, nous droit de la
verrons que cette tradition n'efl pas véritable, priîe au pied de la lettre j re? tous"
& il efl certain que les cadets des maifons , auffi bien que les aînez , leschefide
*kvoient ce droit de fîicrifier. Et même, pour le dire en un m.ot , tous volent^ sc^'
les hommes étoient nez Sacrificateurs, fans diflinélion d'aîné i<. de puîné, l'e^ei-
On en voit plufieurs preuves dans l'Hifloire des Patriarches; nous voyons ^'^^^°'^'
Abel ôc Caîn qui facrifient tous deux j car il n'y a pas d'apparence que
Caïn ait fervi de Sacrificateur pour la viélime de fon frère. Et ce que-
quelques autres difent, que ce fut Adam qui fit office de Sacrificateur pour
l'un Ôc pour l'autre, n'a aucun fondement dans le texte. Nous voyons
qu'Abraham facrifie pour lui 6c pour fa famille ; Or il n'efl pas certain
qu'il fût l'aîné de fa maifon. Au moins ne pouvoit-il jouïr des droits d'aî-
nefle que fon père ne fût mort. Jacob facrifia dans k montagne oij F-,aban
l'atteignit, quoy qu'il ne fût pas l'aîné , Ôc qu'Ifaac fon père fût encore
vivant. Il me femble donc qu'il ell clair que tous les chefs de famille
avoient droit de facrifier pour leur maiion.
H 2. Et
éo HISTOI R E DES DOGMES -
Ce droitfe ^t même dcpuïs que la Sacn'ficature fut 'attachée à la fiimiile d'Aaron , îî
trTÊura'^" ^^ évident que les chefs de famille conferverent quelque droit de Sacrifi-
iites,mêi-ne caturc, pendant que Dieu toléra ces facrifices, qui le, failbientfurxdes autcls-
fù&'if"^ particuliers. Ce qui paroîtdans l'Hifloire des juges jpar.excmpic Gedeon
bâtit un autel à l'Eternel, & illacrifia deffus, quoy qu'il ne fût ni de la
' race d'Aaron , ni de celle des Lévites, mais de la Tribu de Manaflé. Nous
voyons la même cbofe dans l'Hilloire de Mdfioah père de Samfon: cet-
homme étoit de laTl'ibudeDan j 6c par eonféquent 11 n'étoitniSacrifica--
teur, ni Lévite, cependant il offrit un chevreau 'en holocaufte fur le ro-
cher, & Dieu fit tomber le feu du ciel.iurfonoffi-ande,. ôc.rembraza, ce
qui étoft làplifs fenfible preuve que. Dieu, pouvoir donner de l'acceptation
d'un façrifice. Qviand Dieu attacha Ja Sacrificature à "la famille d'Aaron , il
îaiila pourtant quelque trace de cette ancienne vérité , que Je droit de fa-
erifiei* appartient à tous les'chefs de famille: carilpermit à thaque Ifraëlite
qui araenoit faviélime au Tabernacle, de l'égorger luy-méme, ce qui étoit
Uv'it I 45 '^^ premier office de Sacrificateur : le texte delaLoyy cil exprès jjt tjuel-
q_!4''Hn^ojfre un holocaufie an Seigneur ^ li mettra fa mam Jkr la tête de Pholocauf-
Les particu- rf , cf^ il égorgera le ba-uveau en la prejence du Seignettr , (^ les Prêtres enfans
foSn/office d'^^-'i'^'on recevront le fang. Remarquez que le texte dilfingue l'office du Szt
desacrifîca- crificatcur de cclui de-i'oîîrant. Les 'Prêtres enfans d"^ A ar on recevront le fantr._
SuîaL^i Voilà ce que- fait le Sacrificateur,., ôc voici ce que pouvoir faire l'ofirant.
de Aïoyie // mettra la main fur la tête-^ dr égorgera lébouveim.
nez de leurs Touchanc îes facrificcs de proiperité Dieu dit au "if^^- chap. dû même Li-
fiaiiiks. yj-ç j // mettra la main fur la tête de fan offrande , & P égorgera a la porte du 'Ta-
bernacle d'^ajfgnation : ôc au ch. fuivant il dit encore , // mettra fa main, fur la tête^
de la bête , ûT P égorger a dans lâ^ place où l'on égorge, les holocauftes devant PE-
ternel. Nos Interprètes qui n'avoient pas bien compris cette, vérité ont tour-
né, & on' égorgera ^ rapportant cette aclionau Sacrificateur Mnais le texte
Hébreu dit, & dégorgera^ rapportant clairement celaàceluy qui prefente
la viéLime., & qui met la main fur fa tête. A'ufli les Doéfeurs Juifs , qui font
plus favans que nous dans les antiquitez, de- leur Religion, font d'accord de
cette vérité. Maimonides nous dit-, que les étrangers ^c' ëH-Z'd'we^ ceux- qui
T^ra'a^"' n'étoient point de l'ordre des S'acrificateui"^, pouvoient légitimement égorgtr-
biat hatn- JesfaintesviPlimes ^ même lespltisfolemnelles, foit qpie. ce fkjfent celles de toutel'af-
lU! edasi. fêmblée ^ ainfi qu'ir eft dit au premier du Levitique, di: il-ttîïrak bouveau ^
^ les 'Trêtres enfans d'Aaron en recevront le [an g.
Dansbp^ Particulièrement dans la Pâque, qui étoit un véritable ficrifice, tous les
Pera°d!?fa-' chefs de famille faifoient l'office de- Sacrificateur, & égorgcoient eux-mê-
miiie e^er- mcs Icur agocau. Ceft pourquoi Philon îuif, qui d'ailleurs n'efi: pas fîi-
coientla Sa- j F ■ ■ J ; \i, v • ' r « ,i / -
ciihcatiiie. Vcint dans les antiquitez de la Religion de les ancêtres, parce qu il etoïc
. né & élevé entre-les Grecs^ reconnoît pourtant , -^«f dans laTâcjue toute
Mods. /•? TSlation facrife-^ & ch^.cun égorge fa viBime de fès-.mains ,,?f;r e^tP'alors tout le
^ ., , peuple le rejomfjôit d'être honoré de la dignité du Sacerdoce. Il dit encore dans
caiog. un autre endroit, (jue d^ins cette fête de Tâ^^ue chacun ficrifioit en public fans
attendre le- Sacrificateur , la Loy permettant a chacun dans le jour marqué de fat-.
re toui les ans Pbjf ce- de Sacrificateur. Il fe trompe en ce qu'il croit que cela
n'étoit permis que daîis la feule fête de Pâque, & fur le iéul agneau. Mais
il,a r^jfon de dire qu'alors tout le peuple devênoit Sacrificateur j Ôc jene
doute.
ET DES CULTES DE UEGLISE. PartA. ér
doute pas que ce ne fût un relie de Tancienne coutume, par laquelle avant
Moyfe chaque chefde famille avoit ce droit de {acriiîer. Les jeunes gens '"as^g^*'"'
dont nous parle Moyfe au 19. de l'Exode, qu'il envoya facrifier au pied qui fonten-
de la Montagne de Sinaï, font encore une preuve de ce que j'établis , que facrf|e?°au
le droit de ficnfier apparteif^it naturellement à tous les mâles indifïerem- chap. 19. de
ment. Car ce que le ParaphralleChaldée, & les juifs après lui fuppofent ^•^^°'^^'
que ces jeunes gens étoient les aînez d'IiVaèJ , ell fans aucune vray-(cra-
blancci puifque luivantie droit d'aineilè il eût fallu prendre, non pas des
jeunes gens, mais les chefs des Tribus. Cette coutume s'ell enfuire ré-
pandue parmi \cs Payens, oi^i l'on voit plulieurs perfonnes qui facrifient,
& qui offrent desviélime^, bien (Qu'elles ne loient pas Sacrificateurs
d'omcc-
Voici donc en peu démets ce que nous pouvons recueillir de rHiiloire Pendant que
de l'ancienne Eghfe touchant leurs Sacrificateurs. C'eil que les enfans de /fofem^en-
famille , pendant qu'ils étoient dans la maifon paternelle , ne pou voient facri- core^dansia
fier de leur chef > & la principale raifon qui les en empêchoit ,,c'eil qu'alors terÉeUe.^iis
ilsn'avoient rien e,n propre, &: par conié'iuent ilsn'étoient pas en état de "'^voient
rien donner. Or Dieu veut qu'on luy donne de ion propre dans les facriii- faaifier.
ces. Il n'y a point d'apparence que l'empêchement vint de la viedu père,
comme fi , parce qu'il étoit en poffeffion du Sacerdoce , cette dignité n'eût
pû pafîér à iés enfans qu'après la mort : au contraire il eil clair que tout
aulKi-tôt que ce fils étoit hors delà maifon de Ton père, qu'il étoit marié,
qu'il avoit famille ôc polTedoit du. bien , il étoit en droit de faire fes facri-
lices luy'^même. Celaeft très -évident par l'Hiiloire de Jacob , qui ilicrifia
tant de fois après fon retour de Mefopotamie, quoi que fon père fût en-
core vivant. Si cette propofition étoit véritable dans toute fa rigueur, qtie
la dignité Sacerdotale eût été particulière aux aînez, fans pouvoir paiTer
à d'autres, il y auroit eu bien peu de Sacrificateurs. Sem vécut foo. ans semvécuî-
après le Déluge : fi en qualité d'aîné il eût été le Sacrificateur à l'.exclufion '°°; ^,"1,'
de tous les autres durant f 00. ans,- il Ji y auroit eu qu un Sacrificateur au luge.
Monde j fes enfans pendant fa vie s'étant écartez, ôc ayant occupé de
fi grandes Provinces, co^jament feroit-on venu à luy de tant de Heux pour
faire des facrifites?:
Tout ce que nous venons de dire pour prouver que tous les chefs de Les aînez
famille,, & même tous les mâles étoient aîors Sacrificateurs, femble ne j^°|j^g 5^,
s,'accorder pas trop bien avec cette, ancienne Tradition , que les aînez crificatme '
pofièdoient laSacnficaturecomme un de leurs privilèges. Voici dans mon ex^îîencer
léns ce qu'on peut dire pour accorder ces deux veritez. Les aînez re- mais fans
cevoientle droit de la Sacrificature , comme, ils recevoient le droit de la ^"oit dçs^a»-
Royauté. Or cette, domination , cette Royauté des aînez n'empêchoit pas tï«s«
que tous les chefs de famille n'euffent leur authoiicé particulière fur leurs
biens , fur leurs enfans &: iûr leurs efclaves. Ainfi le Sacerdoce, qui écoit pof-
fedé d'une manière plus éminente par Paîné de la maifon , ne laiflbit pas
de fe fubdivifer & de fe partager. entre tous les frères, quand iisvenoient
à former des familles feparées. Les cadets d'une maifon étoient Sacrifica-
teurs de. leur famille fimplement, & ne Tétnient pas naturellement des fa-;
milles de leurs frères. Mais l'aîné l'étoit de tous les .rreres fes. inférieurs,
Se. ii. étoit eA. droit de les afiTembler ôc de facrifier pour eux. Par exemple
H 3 daiis
62 HISTOIRE DES DOGMES
dans leurs fèces, quand ils s'alîembloient extraordinairement, 6c que tou-
tes les divcrfes branches d'une mêmemaifonfe rencontroient , je ne dou-
te pas que le droit de fîicrificr pour toute cette affemblée n'appartint à la
branche de l'aîné -, & même je croy que celui qui étoit appelle Patriar-
che, chef de la famille, exerçoit une efpecê de furintendance fur la Sa-
crificaairede i^es inférieurs, ôc qu'il étoit comme un Souverain Sacrifica-
teur dans fa famille. Ainfi plus un Patriarche étoit ancien , plus il voyoit
de defcendans fous lui, 6c plus fon facerdoce étoit étendu. Par exemple
Sem , qui a vécu f oo. ans après le Déluge , qui a veu un grand peuple
difperfé dans divcrfes Provinces, forti de lui , étoit comme un grand 6c
fouverain Sacrificateur, qui voyoit fous lui un grand nombre de Sacrifica-
teurs inférieurs. Je ne doute pas que ce Melchifedec , qui étoit Roy de
Salem, quiell appelle Sacrificateur du Dieu Souverain, ne fût l'un de ces
anciens Patriarches, qui, voyant au defibus de foy un grand peuple de fes
enfans , étoit leur grand Sacrificateur. Mais ce perfonnage eft trop re-
marquable dans cette Hilloire del'Eglife pour être pafie ainfi légèrement.
C'eft le feul homme qui foit appelle Sacrificateur dans ce premier pério-
de : c'eftpourquoy nous ne faurions le négliger, en parlant de la dignité
Sacerdotale, 6c de ceux qui la foûtenoient avant la Loy de Moyfe.
CHAPITRE V I«.
De Melchifedec & de fon Sacerdoce. C^e la nation Chananéenne du
iems de Melchifedec n'a oit point idolâtre.
L
A manière dont Moyfe introduit Melchifedec dans fon Hifloire efi fi
furprenante 6c fi étrange , que quand le St. Efprit ne nous en auroit
pas avertis , nous verrions facilement qu'il y a là dedans de très grands
myfteres. Un homme de la dernière importance, un Roy, un Sacrifica-
teur du Dieu Souverain 5 fuperieur à Abraham le père êcs croyans, tom-
be comme des nues, vient-rencontrer ce Patriarche qui retournoit de la
défaite des Rois , prend la dîme du butin , 6c difparoît dans le même
moment pour ne plus reparoître dans l'Hifioire. Je ne veux point ici co-
pier les lieux communs. Il n'y a gueres de difficultez dans l'Ecriture fur
laquelle les Savans fe foient davantage exercez , mais je ne rapporterai
•Mckhifedec point ce qu'ils ont dit. Je ne m'amuierai donc point à réfuter ni Origene^
"'4''''^^ _ qui a crû que c'étoit un Ange apparoifiant en forme humaine, mXtsMel-
chrift. chijedectem, qui, ieion le rapport d Epiphane,di{oient que c etoit quelque
hÏS?"^ vertu de Dieu, fuperieure même à Jefus-Chrifti ni \ts Hieracites , qui di-
foienc que c'étoit le St. Efprit j ni ceux d'entre les Modernes qui veulent
que ce fût Jefus-Chrifi: lui-même, lequel voulut donner un prélude de fon
Cunîeusde Incarnation par cette apparition miracuieufe. C'eft un grand paradoxe
Lilfs.ap.'s. ^"^ celuyqui naît necefiairement de l'opinion de ces derniers, quejefus-
pierre du Chrift ait paru 6c fejourné en terre un long-tems pour y exercer la Sacri-
"* ficature 6c pour y être Roy d'une ville appellée Salem. Je fay bien que
Cu-
ET DES CULTES DE L'EGLISE. TartJ, G^
fes Decadesi
Cunasus ne fuppofe pas" cela; au contraire il croit que ce fut une appari '^^"5la..cîe
tien de peu de momens; que le nom de Sacrifàcateur n'efl donné à Mel-
ehifedec que parce que Jefus-Chrift a paru en habit de Sacrificateur , 6c
que le nom de Salem ne fignifie pas une ville , mais doit être interprété
Roy de paix; titre qui eil donné auMeflie. Mais ce feroit une chofe bien
étrange qu'Abraham ne fe fût point enquis de ce Melchifedec , qui il
étoit ocd'oiiilvenoit, fi ce perfonnage lui avoit été inconnu, 6c qu'il fût
depuis peu defcendu des Cieux. 11 n'y a plus d'Hiftoire dans l'Ecri-
ture S^^ . dont le fens littéral foit en quelque fureté , fi l'on prend la li-
berté de changer ainfi en allégorie les récits les plus fimplcs & les plus
circonflantiez.
Je n'entrerai pas plus avant dans ce démêlé, ôcfuppoferai feulement, où étok
comme une vérité qui efi; d'un confentement à peu prés univerfel^ôc de la der- J^^t ^ll^
niere évidence, que ce Melchifedec étoit un véritable homme , Roy de Salem chifedec
& Sacrificateur du vray Dieu. Je ne me mets pas aufii fort en peine de fa- *='°"^°y*
voir quelle eil cette Salem dont ce erand perfonnage étoit Roy : fi c'é- ..
toit cette ville qui fut depuis appellee Jerufalem , ou fi c'étoit une autre
Salem que St. Jérôme place afi^ez prés du Tordain & de Scythopolis. Cet- Hieron,
te ville portoit encore ce nom la de Ion tems , oc il dit y avoir vu les Evag. & de
ruines d'un vieux palais qu'on difoit être celui de Melchiièdec. 11 fuffit locisHebr.
de favoir que cette Salem étoit dans la terre de Chanaan, oii Abraham ha- ^e vituio
bitoit alors comme étranger. Monc^eus veut que cette Salem de Melchi- Jap.°i.^
fedec fût la ville deSichem, parce que dans la Verfion des 70. & dans la
Vulgate Latine elle eft appellee Sa/em Siclmnorum au 35. chap. de la Ge-
nefe v. 18. Il ajoute que Melchifedec avoit confacré un bocage auprès de
cette ville , où il avoit établi le culte du vray Dieu : que ce bocage de
Sichem efi; celui dans lequel il efi; dit que Jacob enterra les Dieux dts
étrangers quand il fe retira de Sichem. Et ils baillèrent a facob tom les Dieux
des étrangers qui étaient en leur main &c. & il les cacha fias un chêne qui
étoit en Stchem, Ce chêne , dit-on , fignifie le bocage entier. Ce bo-
cage efi: toujours demeuré célèbre. C'eft celui , dit-il , qui efi; appelle le
Sanéluaire- de l'Eternel dans Jofué (2,4. zf.) Et foft^é traita alliance en ce
jour la avec le peuple , & lui propofa des loix & des ordonnances en Sichem. Il
écrivit ces paroles an livre de la Loy de Dieu. Il prit anjfi nne grande pierre ,
& P éleva fous un chêne qui étoit au San^uaire de P Eternel : C'efi:, dit -il , le
même bocage dont il eft parlé au livre dts Juges. Et tous les Set- juges 6. j?,
gnturs de Sichem s^ajfemblerent &c. & établirent Ahimelech pour ^çr poche
la chênaye de haute, futaye qui efi en Sichem. Enfin c'étoit un lieu fi véné-
rable pour l'antiquité de la Religion qui y avoit été exercée par Mel-
chifedec , qu'ordinairement on y élifoit \ts Rois. C'étoit là oii l'on
avoit deftiné d'éfire Roboam pour Roy. Et Rohoam s'*en alla en Si- ■^■^ti^m,
chem, parce que tout Jfra'el étoit venu en Sichem pour le faire Roy. Ce Sanéluai- i-
re de Melchifedec établi en Sichem eft purement de la façon deMoncseus,
le tout appuyé fur ce que les 70. ôcla Vulgate ont appelle Sichem, Salem
des Sichemites : mais il eft bon de favoir que dans l'Hébreu il y a fimple-
ment Sichem ÔC non Salem. Et facob arriva fain & fauf a la ville de Sichem^
les 70. ont|)ris nh^ pour un nom propre de ville. Mais il y a plus d'ap-
parence que c'tft'un nom adjeé^if qui fignifie fain 6c entier , car aucun
Geo-
64 HIST OIR E DES DO GMES
Géographe n'a connu de Salem en ce lieu-la. Cette ville dont il efl: très
fouvent parlé ell toujours appellée Sichem 6v jamais Salem. La Salem, où
St. Jérôme dit avoir vu. les ruines d'un vieux château qu'on appelloit de
Mcichilcdcc 5 écoit prcs du Joidain, & par conféquent Giflez loin de
Sichem. Quant à ce Sanèluaire de Sichem, dont, il eit parlé au Kvre de
Joilié , je croy que c'étoit un bocage que Joiuc avoit coniacrc ^ans le
lieu, qu'il avoit jugé le plus commooe pour y afiembler les Tribus êc les
Etats de la nation, comme étant au milieu du pais. Et l'on facrifioit dans
ce bocage, parce que durant tout le tems des Juges il étoit permis de
{acrifier dans les bocages. Et celui-ci devint célèbre, non pas à caufe
de Melchiiédec, mais à caufe de ces aflemblées folemnelles qu'y failcitjo-
fué. Cela même que Jacob enterra les idoles fous un des chênes de ce
bocage, comme le fuppofe Moncisus , détruit l'opinion qu'il a que ce fût
le Sanêbuaire de Melchifedec. Car Jacob n'auroit pas i'oulu profaner un
lieu (î iaint & il vénérable, il efl donc plus vray-femblable que cette
Salem eft l'ancienne Jerufalcm , parce que le lieu de Hebron, oii demeu-
roit Abraham, étoit aflèz loin du jordain, oij étoitfituée la Salem de Scy-
Hjfljfjl: thopolis , & n'étoitpas fort prés de Sichem, oii les 70. ont mis un autre Sa-
lemi 5 mais il étoit fort proche de Jcrufalem. A'mCi il n'eil pas difficile à
comprendre comment Melchifedec pût venir au devant d'Abraham 3 car
-étant fon voiiîn ôc fon ami, il devoit bien le féliciter de fa viéloire. La
ieule chofe que je cherche ici , c'elt qui étoit ce Melchifedec. L'opinion
la plus commune, & qu'on peut appeller genci-ale , c'eft qu'il étoit Cha-
nanéen, que les peuples Chananéens étoient tous impies ^ idolâtres, &
que Dieu dans cette corruption générale par une efpece de miracle avoit
confervé cet homme, pour en faire un excellent type de ion fils.
îî n'eft pas Je pcufc qu'avaut toutes chofes il fera bon d'examiner cette fuppofition
ciilmnéens ^^^^ ^'°^^ fait avcc tant de confiance, que la nation Chananéene étoic en-
du tuns tierement idolâtre & impie. Pour moy je trouve que cela ell fort incer-
fiiffent^e^ tain, fi même cela n'eil faux. Il n'y a pas d'apparence que Dieu ne le
neraieaient fût pas coufcrvé uu pcuple affcz confiderablc dans une nation, où il y avoit
un homme qui portoit le nom de fon Sacrificateur par excellence, ce qui
ne fe pouvoit peut-être pas rencontrer en aucun autre lieu. Je trouve l'opi-
nion des.Theolagiens peu édifiante , en ce qu'ils difent quel' Eglife étoit ren-
fermée dans une feule famille ; comme fi la feule maifon d'Abraham, 6c quel-
ques autres de la race deSem, euflénteu en partage la crainte & la connoii-
ianceduvray Dieu. On peut dire avec afiûrance que cela n'eil pas. Dieii
-dans ce fiéclen'avoit point encore fait le partage des cations , il n'avoic
-pas encore déclaré quelles nations il vouloit choifir , & quelles nations il
vouloit négliger = Ileilvrayque dés le tems d'x'\braham Dieu commença à
jetter les. fondemens de cette diilinétion, qu'il vouloit mettre entre le peu-
ple d'Ifraél & les autres peuples de la terre ; C'ed pourquoy il fépara la
tamille d'Abraham des autres familles de la terre par lefceau de laCircon-
cifion : Mais il eft faux que la vraye connoilfance de Dieu fût renfermée
dans cette famille. La fauileté de cette iùppofition paroît par l'Hiiloire
de Job & de fes amis, qui , félon toutes les apparences , étoient contem-
porains d'Abraham , Se qui n'étoient pourtant pas de fa maifen. De plus
c'cû retreflir les bornes de l'éleélion d'une étrange m*an*ere, que de la
rea-
ET DES CULTES DE UEGLISE. Tm. I. éf
renfermer dans une feule famille, en fuppofant que tout le relie de la ter-
re étoit abandonné de Dieu. Il eft donc certain que dans cç,% liécles \ts
chofes étoient mêlées 5 il y avoit des idolâtres dans la race deSemôc dans
les familles des Patriarches, comme il paroît par l'Hiftoire de Laban on-
cle de Jacob , qui fervoit des Teraphins. D'autre part dans les Peuples
que Dieu devoit un jour abandonner il s'étoit confervé un nombre con-
fiderable d'élus. L'Eglife dans ce tems-là n'étoit pas diftinguée , com-
me elle eft aujourd'huy, par nations, mais par familles. Dans une même
nation une famille adoroit le vray Dieu, ôcune autre étoit idolâtre. C'ell
pour cette efpece de confufion que les Juift ont quelque raifon d'appeller
ce premier période de l'Eglifeinn tohoti , d'un mot dont Dieu exprime
le chaos au commencement de la Genefe. Car les idolâtres ôc les fidèles y
étoient mêlez comme en confulîon, ôc chacun faifoit ce qui lui fembloit
bon en matière de Religion. Je ne doute pas que les Cananéens ne fuf-
fent à cet égard femblables aux autres nations, c'eft-à-dire qu'il n'y eût
entr'eux beaucoup de fidèles & beaucoup d'idolâtres. Il fe peut faire que
le nombre des idolâtres commençoit à prévaloir , parce que Dieu com-
mençoit peu à peu d'abandonner ce peuple lequel il vouloit détruire dans
quelques lîécles.
Mais on ne voit pas que cette nation fût alors dans une fouveraine cor- Preuves qne
ruption comme on le fuppofe. i. Ce que les Hethiens dii-ent & firent ^^"L^"*^^'
a Abraham a la mort de Sara porte le caracterc de très honnêtes gens, n'étoicnt
Ils reconnoil^nt Abraham pour un grand homme & pour un grand fer- fres."^"^*'
viteur de Dieu, in es, lui difent-ils, entre mus un Trince excellent. Ils lui lcsHc-
offrent le plus beau de leurs fepulchres, ils veulent lui donner le champ îoîeSt pàf
lequel il demande , fans en recevoir le prix. Il n'y a pas d'apparence que idoktres.
des idolâtres eulîent eu tant de refpeél ôc tant de confideration pour un ^^"* ^*° -
homme, qui eût été l'ennemi mortel de leur Religion.
2. L'Hiftoire de la manière dont fe conduifit Abimelech Rqy de Gue- NiAbime-
rar à l'égard d'Abraham quand il prit Sara, penfant qu'elle étoit la fœur'^y^^^j.''^''^
de ce Patriarche, & non pas fa femme, ne marque point du tout que ce
fût un méchant homme, ni un idolâtre, i. Dieu lui apparut en vifionj or
il n'avoit pas accoutumé d'honorer les idolâtres de fes révélations i àc ï{
eft à remarquer que Dieu n'en ufa pas de même avec Pharaon, qui fit la
même chofe avec Abraham, prenant Sara, dans lapenfée que ce fût la fœur
dqce Patriarche. Dieu ne l'avertit de fon péché que par de grandes playeSj
dont il le frappa lui & fa m.aifon. Cette diftèrente manière d'agir vient ap-
paremment de ce que l'Egypte & fon Roy étoient déjà plongez dans la
fuperftition & dans l'idolâtrie , ôc la Nation Cananéenne ne l'étoit pas
encore. Outre cela ce qu' Abimelech répondit à Dieu eft remarquable, ^ê-/- Gea. 2».
gnenr ^ lui dit-il , ttieras-ta au^i la Nation jufie? fay fait ceci dans l'^integrité
de mon cœur , & dans la pureté de mes mains. Il ne paroît pas dans cts pa*-
roîes qu'Abimelech méconnût ôc ignorât le vrai Dieu, Nous voyons que
Dieu ordonne à Abimelech de s'addrefter à Abraham, afin qu'il faÔè requê-
te pour lui, car ilefi Prophète, lui dit Dieu. Il paroît donc qu'Abimelech avoit
de la foy pour les Prophètes du vrai Dieu, puis que le Seigneur luidon-
noit ordre de faire prier Abraham pour lui en quahté de Prophète. La ma-
nière dont il rendit à Abraham fa femme fans la toucher, ôc en le com-
Fart. I. I 'blanc
66 H I S T G I R E DE S D O G M E S
blant de riches prefens, ell d'un parfaitement honnête homme. Mais-fiif.
tout dans l'alliance que cet Abimelech voulut traiter avec Abraham, il par-
le abfolument comme un hornme éclairé de la connoiflance du vrai Dieu. •
Cen. aT.îz- il lui dit, Dien efi avec toy.en toutes chofes , maintenant jure moy icy par Dieu
que tu ne me mentiras f as. Il ne dit pas, jure moy par les Dieux, & je voy
que les Dieux te favorifent.
Lefucceffeui 3. On pcut faite les mêmes réflexions fur la conduite du même Abime-
d'Abime- ■ jg^i^ ^ Qjj ^g Çq^ fuçcefféur, envers Ifaac, qui, pour les mêmes raifons que fon
p"s idolâtre, pcrc Abraham, difoit de fa femme qu'elle étoit fa fœur. Ce Prince ayant
reconnu par la familiarité avec laquelle Ifaac vivoit avec Rebecca, qu'el-
le étoit fa femme, luy dit, cjuejh-ce que tu nous as fait ^ peu s'' en efl fallu
t,en. . .10. ^^ ejHel(]u'^un du peuple n'hait couché avec ta femme , ^ que tu ne nous ayes
rendus coupables ? Ce difcourseftailuréme.nt d.'un homme qui a la eonfcien^
ce fort tendre, Se qui eft très craignant Dieu.
l'Hiftoire 4- Ce quc firent les habitans de Sichem , après que le fils de leur-Prin-
dessiche- ^c cut ravi Dina fille de Jacob, fait voir que non feulement ils avoient une
^iieprewve» honnête morale, maisauffi qu'ils craignoient Dieu. Us fêlai fièrent perfua-
der de fe faire circoncire pour devenir un même peuple, ôc être d'une mê-
me Religion que. la famille de Jacob. Jl n'y a pas d'apparence que s'ils,
eufl^ent été tous idolâtres, ils fe fyfltint fi facilement refolus à abandon--
ncr leurs Dieux.
îj'Hîftoire f. Ce qu'Abraham difoit à. Dieu touchant Sodome, s"* il y a dans la ville
^<-^°^°'^^_' ^o,jufies , feras-tu périr le j0/l-e avec le méchant? Prouve bien que dans le
ve. pays de Canaan il y avoit d'autres juftes que ceux de. fa, famille j autre-
ment il n'auroit pas fuppofé que dans Sodome ilpouvoit y avoir f.o. juftes,,
puis que fi tous les Cananéens eufi^ent. été idolâtres ôcinfidéles^, il nepou-
voit pas même y. en avoir un.
6. Quand les enfans de Jacob firent avec les Sichemites ce frauduleux
Traité dont nous venons de parler, fur lapropofitionqueleurfaitle Prin-.
ce de Sichem de s'unir avec eux par mariage , Simeon & Levi ne luy,
éppofent que le défautde Ciiconcifion , nousnepourrians doanerîiosfii-
Içs à des incirconcis, difent-ils. Si les Sichemites eufient été univerfelle-
ment idolâtres, les enfans de Jacob n'auroient-ils pas ajouté la caufe d'i-
dolatrie pour raifon du refus qu'ils faifoient de s'unir avec eux l-
7. jetrouve dans l'Hiftoire d'Ifaac & de Rebecca une autre preuve de-
■ cette vérité. G'sft que. non feulement il y avoit de vrais fidèles entre les>
Cananéens, il y avoit même de vrais Prophètes. Rebecca fentant les gé-
meaux febattre dans fon ventre, s'' en alla pour s'' enquérir de l^ Etemel. A qui;
alla-t-elle^ je vous prie? AHeberjdifentMaimonides, Salomonjarchi &
les Rabins, S'eftune vifion:Heber n'étoit pas en la terre de Canaan. Il
eft vray qu'il étoit vivant, mais il étoit dans le pays où étoit fa famille,,
G-eif en Mefopotamie , ou en Chaldée. Et il eft ridicule de fuppofer que
Rebecca fe fit charger fur des chameaux, pour aller confulter Dieu à un
autre bout du Monde, en l'état où elle étoit , grofié de deux fruits, qui lui.
dévoient être bien. précieux après une fi longue fteriîitè. Et ainfi il eft,
clair que le Prophète qu'elle alla confulter étoit dans fon voifi nage, Cana-
néen, habitant dans la terre de Canaan. Enfin il ne nous eft rien dit des
Cananéens du temps des Patriarches , qui nous puiiîé perfuader que ce fût;
HP,psnpJed.e riprou.vez,, Lâi
ET DES CULTES DE UEGLISE. Pdrt.l. 67
La fburcç de la mauvaile opinion qu'on a des Cananéens, c'eft la ma- La maiedîc-
ledidion que Noé prononça contre Canaan, maudit [oit Canaan, ^^ fi^^nonJcToa^
ferviteur des ferviteHrs de fes frères. Mais on devroit avoir remarqué quecestreiafamiiie
fortes de fentences ne regardoient ni les perfonnes contre lefquelles elles ne^eg^^Joig
étoient prononcm, ni leurs fuccefleurs immédiats. Efaii fut abbaiifé aupasicpte-
defibus de fon fr^-, il fut dépoiiillé de fon droit d'aînelTe , ôc il fut dit*"'"''^^
de luy , le plus grand fervira au moindre. Cependant il ell confiant que
la race d'Efaii étoit un grand peuple, un peuple dominant , ayant fes Rois
& fes Ducs, durant que la famille de Jacob étoit efclave en Egypte l'ef-
pace de plus de zoô. ans. Ainiî cette malediétion né regardoit que les der-
niers décendans d'Efai après plulleurs générations. Semblablement la ma-
lediélion qui tomba fur Canaan , ne regardoit que la génération à.ç.% Ca-
nanéens qui du temps de Jofué fut détruite par ce grand Capitaine. Elle 1|^
ne doit pas être étendue à une malédiélion fpirituelle, car il eft certain
que la race de Canaan ne fut pas davantage abandonnée à l'idolâtrie , que
celle de Japhet & que la plus grande partie de celle de Sem.
Après cela je conclus que les Cananéens n'étoient |)as un peuple uni-
vei-fellement idolâtre, au milieu duquel Dieu eût confervé par miracle ce
Melchifedec dans fa crainte oc dans fa connoiflance. J'eftime que ce Mel-
chifedec étoit Sacrificateur-, non extraordinairement , & par une vocation
particulière & miraculeufe, mais qu'il avoit la Sacrificature par la voye
commune, ordinaire & générale dans ce fiécie : c'étoit celle du droit d'aî-
nelTe. Je ne doute nullement que ce ne fût un des anciens Patriarches, des
reins duquel étoit forti une grande partie des hommes d'alors. Cet hom-
me vivant dans un grand âge étoit devenu l'oracle des fiens, à caufe de fon
grand (avoir ôt de fa grande expérience 5 ôc par le droit d'aîneffe il pof-
ièdoit la Sacrificature. Il eft vray que tous les chefs des familles étoient
Sacrificateurs, comme rrôus l'avons prouvé: mais ce nom ne leur eftpas
donné, par ce qu'ils n'étoient Sacrificateurs quedeleurmaifon. Or Mel-
chifedec ayant tout un peuple qu'il pouvoit conter de fa famille , étoit aulH .
Sacrificateur d'une nation 3, 6c c'eft .pourquoi le nom de Sacrificateur lui eâ
donné par excellence.
C H A P I T R E X.
'^e Melchifedec doit être l'' un des trois Tatriarches enfans àtNoé;
0' qu^ entre les trois il efl plus vray^femblâbk que c'étoit Chctm,
J-^
A première chofe que nous avons à établir , & que je pofe com-
me un point dont je ne faurois douter , c'eft que Melchifedec étoit l'un
des trois Patriarches , fils de Noé. Car nous avons vu que le Sacerdo^
ce appartenoit aux aînez i & que quoi que tous fuflent Sacrifica-
teurs, cependant les aînez Fétoient d'une manière plus éminente \ 5c les
aînez des aînez, qui s'appelloient Patriarches , l'avoient encore d'une maniè-
re plus élevée. Or ces mots Sacrificateur du Dieu Souverain , ou grand Sa-
crificateur, ôc fouverain Sacrificateur, ne pouvoient tomber que fur ceux
I. 2, Q^i
68 HISTOIRE D E S D O G M E S
qui pofledoient la dignité du Sacerdoce de la manière la plus éminentc.
Èr^nous ne lifons nulle part que ce titre ait été donné à aucun des (impies
aînez. Nous n'avons non plus aucun lieu de croire, qu'il y eût alors des
Sacrificateurs en titre d'office. Car puis qu'il n'y en avoit pas dans les fa-
milles que Dieu avoit choifies, pourquoi y en auroit-iftu entre les Cana-
néens ? Je ne faurois donc douter que Melchifedec ne St Sacrificateur* du
Dieu fouverain par le privilège de fanaillance. Or il n'y avoit aucun privilè-
ge de naiflànce qui lui pût donner ce nom 5c cet honneur, que celui d'aîné
des aîncz, c'eft-à-dire de Patriarche: or pour comprendre comment un
des trois Patriarches s'ell: trouvé dans la terre de. Canaan du tems d'A-
braham, àc lequel des Patriarches fe peut être, il eft bon de dire quelque
chofe des divi fions de la terre entre les enfans de Noé.
Divifion de i\ f^yt donc iàvoir qu'aprés la divifion des langues, fe fit la divifion des
treksenfaS'i:>eupIes & dcs tcrrcs. St. Epiphane dans i'herefie 66. qui eft celle des
de Noé. Manichéens, dit, que ce fut Noé qui fit ce partage, ôc que pour le faire,,
il jetta le fort auprès d'une ville qui eft fur la frontière d'Egypte , 6c qu'on
appelle Rinokoroura, ôc prés d'un torrent de même nom, qui divife l'E-
gypte de r Arabie. Dans cette diftnbution, Cham eut pour fon partage
l'Egypte & la Libye jufqu'au détroit de Çades^ qui s'appelle aujourd'huy
de Gibraltar. La Syrie & la partie Orientale de l'Europe échurent à
Sem. Les parties Occidentales de la même Europe, c'eft-a-dire l'Italie,.
l'Efpagne, les Gaules, la Germanie, furent le partage de J.aphet. Après
cela Noé fe chargea lui-même de la commiffion d'aller mettre fes décen-
dans en polfeffion des Pays qui leur étoient échus ^ 6c il alla décharger fur
diverfes côtes ceux qui les dévoient habiter. On ajoute que Noé dans ce
partage fit faire ferment à fes enfans, que l'un n'envahiroit pas le parta-
ge de l'autre. Mais Cham contre la bonne foy , .6c contre fa promefie,
.s'empara de la terre de Canaan, qui devoit appartenir à la pollerité de
Sem. C'eft pourquoi Dieu dans la fuite l'arracha aux enfans de Cham ,
ôc larendità ceux de Sem. Cette Hilloire paflbit pour fi certaine dans ces
Hœref. 70. fiécles , quc Philaftrius Evêque de BrelTe met au nombre des Hérétiques^
Lib. I. in ccux qui la Tcvoquoicnt cu doutc. Eufebe nous la débite auffi comme une
fionï Kirâ. vérité dans fa Chronique. Il eft vrai que ces authoritez ne font pas fuffi-
fantes pour nous perfaader que ce partage ait été fait ainfi. Mais il eft
pourtant fort vray-femblable que cette divifion fe fit dés le tems de Noé,
Quand Dieu eut confondu les Langues, chaque famille fe fepara 6c prit
pofleffion du Pays oij une Providence fecretteles conduifit, ou bien cha-
cun s'accommoda de ce qui fe trouva le plus à fa bienfeance. Quoi qu'il.
en foit , il me femble qu'on doit fuppofer que le Monde fut partagé en-
tre ces trois grandes familles de Sem, Cham 6c Japhet, 6c que chacune
de ces familles reconnut fon Patriarche pour fon fouverain Sacrificateur,
6c pour fon Prince. Ainfi je conçois qu'il y avoit alors trois grands Sa-
crificateurs dans le Monde > 6c il me femble que cela ne peut pas être
nié. Après cela qui ne vo-it que nôtre Melchifedec doit être neceffaire-
ment un de ces trois-là ? N'eft-il pas vrai que l'un d'eux étoit bien plus
propre à repréfenter le Sacrificateur éternel , qui eft J. C. qu'un fimple
Cananéen ? Ils étoient Sacrificateurs nez par le droit de leur naif-
^nçe, 6c par le droit de iew atneffe j 6c par conféquent ils étoient. bien
plus
ET DES CULTES DE L'EGLISE. PartA. 69
plus propres qu'un Cananéen , qui n'étoit qu'un Sacrificateur particu-
lier éc par commifîion, à figurer le S. J. C. qui eft Sacrificateur par le
privilège de fa nailîance , & par fa charge de Médiateur, avec laquelle il
eft né. Enfin il n'eft point du tout apparent, que Dieu ait voulu élever un Ca-
nanéen au deflus d'Abraham qui eft le père des croyans. Au contraire il
ell très apparent, qu'Abraham, a rendu Tes hommages à celui qui lui étoit
fuperieur , ôc par Ton grand âge , & par le privilège d'avoir vu le délu-
ge , &: par l'honneur de fouverain Sacrificateur, dont ii étoit revêtu ei> quali-
té d'un des Patriarches du Monde.
Je m'étonne donc que nos Chrétiens rejettent avec un fi gi'and dédain opinion des
l'opinion des Juifs, qui difent que ce Melchifedec étoit le Patriarche Sem, udchlçsdv:
On ne fauroit condamner cette penfée par la raifon d'Epiphane , qui la ^^°^ ^^^
veut détruire par la Chronologie , difant qu'alors Sem étoit mort. Cela ment à mé-
n'eft pas : Sem étoit vivant , ëc il étoit même aflez éloigné de la mort , i?"^®'-
quand Melchifedec vint au devant d'Abraham. Sem a vécu foi. ans après
le déluge j Abraham eft venu au monde 281. ans après le déluge. Cette
viétoire qu'il remporta fur les Rois , au retour de laquelle il fut rencon-
tré par Melchifedec , tombe environ fur l'an 80. d'Abraham, 7. ans
avant la nuifiànce d'Ifmaëlj c'eft-à-dire que cet événement doit être rap-
porté environ à l'an 370. après le déluge. Ainfi Sem vécut encore 130*
ans après cette entrevue de Melchifedec êc d'Abraham. C'eft donc là
l'une des bevûës d'Epiphane , mais on peut dire que c'eft là la moindre
de fes fautes dans l'Hiftoire & dans la Chronologie. Après tout on le
doit excufer ici, parce qu'il a été trompé par le calcul des Grecs, fondé
fur la verfion des Septante. On ne peut pas non plus réfuter les Juifs par
la diverfité des noms : car il n'eft rien de plus ordinaire que de rencon-
trer dans l'Ecriture Sainte des hommes qui ont deux noms. Jacob avoic
tiré le nom d'Ifraël du combat qu'il avoit eu avec Dieu. Efaii s'appelloit
auffi Edom , à caufe de l'avanture du potage de lentilles , pour lequel il
vendit fon droit d'aîneffc. Ainfi l'un des enfans de Noé reçût le nom
de Melchifedec par quelque rencontre que l'Hiftoire ne marque pas, qui
fut difpenfée par la Providence, à caufe qu'il étoit deftiné à figurer le
Meffie, le vray Melchifedec, c'eft-à-dire le vray Roy de juftice.
Ordinairement pour réfuter cette opinion des Juifs, on fe fert de ce que Pourquoi
St. Paul dit, qu'il étoit fans père &: fans mère, ce qui ne fe peut pas dire J^^^^Jjf'^**^
de Sem dont nous avons la généalogie. C'eft une méchante raifon : il eft père & ims
vray que nous avons la généalogie de Sem fous le nom de Sem, mais nous '""'«^Ç'
ne l'avons pas fous celui de Melchifedec. Quelque homme que fût Mel-
chifedec, il étoit véritablement homme: Ainfi il avoit un père, une me"-"
re , un commencement de jours , une fin de vie. Mais le myftere con-
fîfte dans ce que toutes ces chofes ne paroilTent pas dans l'Ecriture , 6c
félon la maxime des Jurifconfultes , non entium ô'non apparentinm idem efto
juàkîptm , les chofes qui ne font pas 6c celles qui n'apparoifiènt pas doi-
vent être mifes dans le même rang. Dieu vouloit que le Meffie eût des
types dans les tems precedens qui le reprefentaflent à tous égards. Quel-
ques-uns de ces types ont reprefenté fa mort, d'autres fafépulture, d'au-
tres fa refurreétion. Les uns ont été types de fa perfonne, & les autres
de fes charges. L'éternité 6c du Règne éc de laS^crificaturedeee Meffie .| ~
I 3, etoiï
70 H I S T Ol R E D ES D O G M E S
étoit la choie du monde la plus difficile à reprefenter par des types. Car
comment pourroit-on reprelènter l'infini ôc l'éternel par des chofes fi pe-
tites & fi bornées , comme font toutes les chofes du monde ? Les ténè-
bres ne font pas plus oppofées à la lumière, que les choies temporelles le
font aux éternelles. Ainll par la raifon qu'un contraire ne peut reprefen-
ter l'autre, il eft clair qu'il étoit difficile de reprefenter l'éternité du Mef-
fîe par des chofes qui font de fi peu de durée. Particulièrement les myf-
teres inexpHcables de la naifiance de ce Fils, qui efl fans mère à l'égard de fa
divinité , & fans père à l'égard de fa nature humaine , pouvoient être diffici-
lement reprefentez par des ombres 6c par des types tirez des chofes humaines.
On cite pour exemple de cela le célèbre oracle du 7"^. d'Efaïe une Fier-
ge enfantera un jih &c. On croit que par cette Vierge on peut entendre
immédiatement 6c littéralement la femme du Prophète , 6c myftique-
ment la fainte & bieoheureufe Vierge mère de Jefus - Chriil. Car il faut
remarquer qu'il y a deux fortes de Prophéties : les unes qui vont immédia-
tement à Jefus-Chriil, ôc d'autres qui roulent fur un type lequel a fon rap-
port à Jeffis-Chrift. Il y a une infinité de Prophéties de ce dernier ordre,
& beaucoup plus que du premier. Par exemple combien de chofes font
dites de Jefus -Chrift dans le Pfeaume 2. 41. 4f. 65. & autres Pfeaumes
Prophétiques, lefquelks ont leur rapport immédiat à David&àSalomon,
qui ont été les types de Jefus - Chriil. Plufieurs croyent que ces oracles
d'Efaïe l''enfant nous efl né ôcc. IJne Vierge enfantera, un fils Sec. font
de cet ordre, ôc fe rapportent à l'enfant ôc à la femme du Prophète, dont
il eft parlé dans la fuite au comm.encement du chap. 8. ^uis je m^approchai
de la Prophetejfe &c. Devant qm V enfant fâche crier monpere & ma mere^ on enlève-
ra la puijjance de Damas &c. M-àis fi cela eft, dit-on, comment cette femme
;€ft-elle appellée vierge ,. ôc n'étant pas vierge , comment peut-elle être
^ype de la mère de Jefus - Chriil ? On répond, le type n'eft point dans la
chofe , mais dans la manière dont elle eft recitée j la perfonne dont le Pro-
phète parle étoit encore vierge. Le St. Efprit pafl'e fous filence fon ma-
riage 6c la fait enfanter. Non que le mariage n'ait précédé l'enfiintement ,
mais c'eft que le filence 6c Fomiffion du mariage 6c de l'approche de
l'homme, eft myfterieux 6c typique. J'ay une autre penfée que je pré-
fère , c'eft que tout ceci , cette femme Prophetefie qui enfante 6cc. n'é-
toit qu'une vifion prophétique, & qu'une manière d'Apologue^ car il n'y a
pas d'apparence qu'Efaïe dans la vérité fe foit approché de fa femme, 6c qu'el-
le ait conçu. C'eft une affaire fembîable à celle d'Hofée, qui reçoit ordre
de prendre à femme une femme publique, de laquelle il dit avoir eu des
enfans, qu'il appella lo hammi &: lo ruhama j c'eft- à -dire ce n'eft plus mon
peuple, ce n'eft plus la bien-aimée. Cela ne s'eft point pafie QncSct^
c'eft une parabole. Il en eft aiofi de la femme d'Efaïe 6c de fa concep-
tion. Cette femme eft appellée la Prophetejfe. Nous n'avons point d'exem-
ple qu'on appellât ainfi les femmes des Prophètes , ni nous ne favons point
que la femme d'Efaïe fût effeâ:ivement Prophetefie. Ainfi je tiens que par
cette Prophetep^ il fimt entendre une femme myftique 6c parabolique. Tout
ceci tend à nous-faire voir, que les types ne font pas toujours dans les chofes ,
mais dans les manières de les rapporter 6c dans les paroles. Après tout il eft
certain gue Dieu ne nous pouvoit mieux figurer l'éternité de fon Fils ,
qu'en
ET DES CULTES DE L'EGLISE. Tart.l. fn:
qu'en faifant paraître dans THiftoire un homme revêtu d'un grand carac-
tère, dont le père, la mère,, la naiflanceôc la mort font pafTezfousfilen*
ce, & qui ne paroît qu'un moment fur ce grand Théâtre. Car îl elt cer-
tain, que le moment reprefente mieux l'éternité que le tems , parce que le
moment a cela de commun avec l'éternité, qu'il eil: indivifîble. Il ne faut
point oppofer à cela que la vie & la durée de Melchifedec n'apas été d'un
moment, il fuffit que cette durée n'a été qu'un moment dans l'Hiftoire,
e'eft-à-dire,. que Moyfe n'en a dit qu'un mot.
Et il faut remarquer que dans les évenemens typiques- le myflere n'efl Les types
pas feulement dans l'événement , il efl quelquefois dans la manière de le moinrdans
reciter dont le St. Efprit fe fert. Pareillement dans cet endroit le type lesévene-
confîile moins dans la choie même, que dans la manière dont Moyfe re- dan"lama-
cite cette aâion de Melchifedec , fans parler de fa généalogie , de fa mort , nieiedeies
ni de fa naiflance. Là-defliis on dira, que fi le type conlilledans la ma- ^ ^ "
niere dont Moyfe recite cette a6î:ion, elle n'a commencé à être typique
6c myfterieufe que plufieurs fiécles après qu'elle eft arrivée , parce, que
Moyfe ne l!à recitée que fort long -tems après.. Il faut ajouter une re-
marque pour lever cette difficulté -, c'eil: que les types ôc les évenemens
typiques étoient beaucoup moins deftinez pour les fiécles dans lefquels ils
font arrivez ,. que pour nous. Je fuis aflûré que les fidèles ne voyoient
point alors les myfteres de cet événement , Se cela n'étoit deftine qu'à>
nous faire voir dans les derniers tems , que Jefus-Chrift efl le vray Mefîie,,
par l'admirable rapport qui fe trouve, entre cet original 6c les copies qui^
l'ont autrefois reprefente. Quoy qu'il en foit, pour retourner au lieu où;
je vouîois aller, je dis qu'il n'écoit pas necelfau-e, que celui qui étoit defti-
ne à faire cette merveilleufe apparition dans l'Hiftoire Sainte, pour nous-
reprefenter l'éternité du MefTie 6c l'éternité de fa génération , fût un hom--
me tout nouveau 6c inconnu. Pour fa perfonne , il fuffifoit qu'il parût "
fous un nouveau nom, que fon. père, fa mère, fa naiffance 6c fa mort y
fuffent pafTezfous fllence j car ainfî il demeure toujours vray qu'à nôtre,
éga-rd il n'a ni père, ni mère, ni généalogie,-, ni commencement de-jourSy-,
ni fin de vie.
Ge n'eft donc pas par ces fortes de raifons qu'on peut réfuter l'opinion
des Juifs que Melchifedec étoit Sem. Il y a même des raifons fort pro-
bables pour appuyer ce fentiment. Il femble qu'il étoit convenable a la i
fageiîè de Diçu de placer ce Patriarche dans la terre fainte , laquelle il.
devoit unjour donner à la nation fainte qui devoit foitir de lui. Il fem--
hie aufîi qu'un Patriarche aufîi grand qu'Abraham n'étoit pas obligé de
recevoir la benediélion d'autre que de celui qui étoit naturellement fon
fuperieur, le premier, le plus ancien 6c le plus illuflre de fes Ancêtres.
Ainfi je me determinerois fans balancer pour l'opinion ô.qs Juift , fi la. ^
conjeéture que je veux avancer ne paroifibit pas foûtenable.
Cependant je ne faurois pour le prefent tomber dans ce fentiment, par- Difficultés ?
ce que St. Paul nous dit en parlant de Melchifedec , que celui qui n étoit ^^^f^^^^'"^
1 A ^ ■ ," f ^1 1 r^ ^ \ r -r blescontre'-
■^As de même race avec eux avott aime Abraham. Car ces paroles iigninent la fuppofi-
qiie Melchifedec étoit d'une famille étrangère, ce qui ne fe peut pas dire Sci?ifedce-
de Sem, qui étoit le chef de la famille d'Abraham. Outre cela je ne com- étoùiep*,-
prens pas bien qui auroit tranfporté Sem dans ia terre de Canaan , 6c qui ^^l^^^
l'au- Hebr, 7, .
7* HISTOIRE DES DOGMES
l'auroit obligé de venir s'habituer au milieu desenfans de Ion IrereCham,
en abandonnant les fiens. Il ell donc apparent que Sem & fa famille de-
meurèrent dans la Chaldée, c'eft-à-dire dans le même lieu d'où fe fit la
difperlion des peuples après la divilion des langues. Cette difperfion étant
une efpece d'exil ôc de peine, il y a apparence que la femencedeSem, qui
étoit la femence fainte, dût être privilégiée, Se demeurer dans le lieu où
elle fe rencontroit , ôc que les autres durent être envoyez dans les diver*
fes parties de la terre pour la peupler. Ce n'eft pas une fimple conjeiSlu-
Te^ car Moyfe nous apprend que la famille de Nachor , de Tharé , de
Bethuël, de Laban, décendans de Sem , habitoit dans la Chaldée, ôc
qu'Abraham fut tiré d'Ur des Chaldéens par une vocation particulière.
Ainfi je trouve vray-femblable que Sem demeura dans l'Orient, & qu'il
fut le fouverain Sacrificateur des peuples décendus de lui. Je ne trouve
pas non plus apparent que nôtre Melchifedec fiit Japhet , à peu prés à
caufe des mêmes raifons qui m'empêchent de croire que ce fût Sem : c'eft
que je ne voy pas de raifon pourquoy Japhet auroit quitté fes enfans pour
venir habiter au milieu de la pofterité àe Cham. Les enfans de Japhet
eurent leur partage en partie dans l'Europe, en partie dans les lieux les
plus reculez de l'Afie, Javan, Elisha, Kittim, Dodanim, Tharfis &c«
Ils paiferent dans l'Europe ; mais aucun d'eux ne s'habitua fur les côtes
de la Syrie , oii étoit le païs des Cananéens. Je fuppofe donc que Ja-
phet dût demeurer au milieu de {es enfans , pour être leur fouverain Sacri-
ficateur, comme Sem étoit demeuré au miheu des fiens.
Après ces remarques il ne nous relie plus qu'à dire que ce Melchifedec ,
qui habitoit dans la terre de Canaan, étoit le 3™^. des enfans de Noé,
& le Patriarche des Cananéens. Car nous avons étaWi que ce Melchi-
fedec devoit être l'un des trois enfans de Noé: nous avons vu qu'il n'eil
pas apparent que ce fût Sem ôc Japhet j ainfi il refle quecefoitCham. Je
lay bien que 4:'e{i une penfée contre laquelle tout le monde fe révoltera,
& qui pafiera pour la plus grande témérité dont un écrivain puifle être
capable, parce que le nom de Cham eftde mauvaife odeur dans TEglife,
êc que perfonne ne le jugera digne de porter ce grand caraéiere du plus
excellent des types qui ont figuré le Seigneur Jefus-Chrifl. Je n'ay nulle-
ment deflein d'étonner le public par des paradoxes. C'efl pourquoy dés
l'entrée je déclare que je n'avance ceci que comme une conjeélure que
je feray toujours prêt d''abandonner au premier 6c au moindre fcandale qu'on
en prendra. Mais on me permettra de croire, qu'on ne fauroit rien di-
re de plus vray-femblable, & qu'à le bien prendre il n'y a pas le
moindre fcandale _: pour le prouver il feut faire l'Apologie de
Cham.
Les Juifs Scies Chrétiens s'efforcent à l'envi de rendre (on nom odieux
par àes accufations atroces dont ils eflayent d'accabler fa mémoire. Un
Juif appelle Rabbi Levi ben Gerfom dit qu'il coupa à fon père les parties
naturelles. Un autre Rabbi, appelle Samuel le Sacrificateur , ajoute qu'il
benGerfom fit une aétion à fon père encore plus terrible que celle-là, & qu'il lui fit
diap. 9. ^^^ elpece d indignité qu on ne lauroit nommer, bntre les Chrétiens ,
fur tout entre les anciens , il y en a plufieurs qui le confondent avec Zo-
rpafire le Patriarche ô^s magiciens , ôc qui le font Autheur des Arts magi-
< ques.
Reflexions
fur les en-
droits
odieux de
la vie ds
Cham.
ÂtToa^B ac-
cufations
âont on
charge fa
mémoire.
Rabbi Lcvi
/
ET DES CULTES DE L'EGLISE. Part.l. 7^
ques. C'eft ce que fait le faux Clément au 4^. livre de fes Récognitions :
& voici comment parle Cafîien. QuAntum antiqH(Z traditiones ferunt ^ Cham Caff coï-
filius Noe, cjui fHperjittionibm iftis & Jacnlegis artibus fuit ac profanis itife^ius , '"• *•
fciens npillnm fe pojfe ptper his memorialem librum m arcMn prorfus inferre ^ in ' '
quam erat cnm Pâtre jufio ac fanais fratribus ingrejfus , fcelefca ac profana com-
menta dtverforHm metallorum laminis , qudi, fcilicet aquarmn innudatione cor-
■rampi non pojfent , & duriffimis laptdibm infculpfit, qua^ , àiluvio peratlo , eâdem
qua cdtlaverat curiofttate^ perqmrens , facrilegiorum ^ perfpicHdt neqmtiéi, femina-
rium tranfmifit in pofieros. C'eil- à-dire que Cham inventeur des Arts ma-
giques ôcfacrileges, n'ofant en porter l'écrit dans .l'Arche, les grava fur
des bronzes & des marbres j fur lefquels il les retrou\a après le déluge.
Sixte de Sienne au 2. livre de fa Bibliothèque rapporte qu'on attribuoit à %
Cham un. detefiable livre intitulé Script fira Chamt filu Noe , qui contenoit
les règles, les préceptes & la pratique de la Necromance. D'autres di-
fent que Zoroaftre étoit Mttsraim l'un des fils de Chamj que ce nom de
Zoroaftre fignifie allre vivant , &; qu'il fut ainfî nommé à caufe des mira-
cles qu'il faifoit par cette magie, qu'il avoit apprife de (ts pères , c'eft- à-dire
de Cham. Le faux Berofe d' Annius de Viterbe dit que Cham ayant trouvé
fon père endormi, nud & découvert, le mania, ôc par des charmes magi-
ques le lia & le rendit impuilfant , afin qu'il ne pût approcher des fem-
mes. Mais ces fables ne doivent point faire de tort à ce Patriarche , pui?
qu'elles font fans aucun fondement dans l'Hifloire. Il efl; vray que les
Afriquains ont fait de Cham leur Jupiter Ammon. Mais fi nous voulions
condamner tous les grands hommes dont les Payens ont fait des idoles ,
nous ferions le procès à Sem 6c à Japhet , oc à la plupart des autres Pa-
triarches : car il eft certain qu'ils ont été adorez par les Payens fous le
nom de leurs faux dieux , comme nous aurons à le prouver dans la fuite
de cet ouvrage.
Un Auteur moderne. Allemand de nation, nommé foannes Ludovi- VenCée nSî-
cus Hannemamms ^ veut que la malediélion de Noé ait donné à Cham une^^^^^^^""
couleur noire , & que de là vienne la couleur des Abyffins , qui font dé- moderne
cendus de lui. C'eft ce qu'il effaye d'établir dans le livre qu'il a intitulé, deVa'nofr-^^
Curiofum fcrutinium mgredints pofterorum Cham-i ^ id efi zyEthtopum, C'eft ceur des
peut-être la plus ridicule penfée du monde. Si Cham avoit été noirci par ^'^*°^'^°*°
la malédiction de Noé , ôc qu'il eiit communiqué à fes enfans cette noir-
ceur avec le fang , pourquoi tous ceux qui font décendus de lui n'au-
roient-ils pas été noirs ? Pourquoy les Abyiîins auroient-ils hcrité feuls
de cette malediéèion ? Pourquoy les Cananéens ôc les Phéniciens , qui
ctoient de la race de Cham, n'auroient-ils pas hérité de lui cette même
noirceur ? Cela fait voir combien grande eil: la paillon des Auteurs , &
combien les préjugez font puiflans qu'on a conçus contre nôtre Cham.
Mais regardons un peu la chofe avec un efprit definterefîe & dégagé de
ces préjugez.
Part. L K C H A-
•
74, HISTOIRE DES DOGMES
CHAPITRE XL
Des péchez typiques , é^de la réprobation typique de quel-
ques Anciens.
~\
QHd fat "TT E trouve que toutes les injures atroces qu'on fait à la mémoire de Cham
!ich^m. I ^°"t fondées fur deux chofes. La première eft le péché de Cham -,
# ^ la z^^. la malediétion que Noé prononça contre lui. Parlons de l'un
ëc de l'autre , & voyons fi raifonnablement on peut conclurre quelque
chofe d'auilî terrible contre la mémoire de ce Patriarche. Pour ce qui eft
du péché de Cham , il eft vray que Moyfe nous dit qu'il vid la nudité de
fon père , & qu'au lieu de la couvrir il alla le révéler à (es frères. 11 y
avoit dans cette aébion de l'iniprudence , du manque de refpeét , de la
jeunelTe, ôc, fi Ton veut, de l'impudence. Mais je nefaurois concevoir
qu'elle fût d'un auflî méchant caraélere que l'incefte de Lot, que l'adul-
tère &le meurtre que David commit dans l'affaire d'Urie ÔC de Berfabée,
«^ue les defordres de la vie de Samfon, 6c que Tidolàtrie deSalomon. Les
crimes de ces Saints ne nous font pas des preuves de leur réprobation ,
quoy qu'ils foient incomparablement plus grands que celui de Cham. Et
ces crimes n'ont pas empêché, qu'ils n'ayent été de glorieux types de Je-
fus-Chrift, & bien que l'Ecriture ne parle pas delà repentance de Lot, ni
de celle de Salomon , nous ne devons pourtant pas conclurre qu'ils font
morts dansl'impenitence. Auffi n'avons-nous aucune raifonde croire que
Cham n'ait pas eu une falutaire confufion de fon péché , quoy que cela
ne nous foitpas dit. Mais pour mieux connoître la nature de ce péché, je
fouhaite qu'on faife une remarque très importante, c'eft que Dieu dans les
anciens tems nous vouloit donner des types, non feulement du Meflie, Se
de fes aélions , mais auiîi de toutes les chofes, qui dévoient arriver fous
l'alliance de Grâce, il nous a voulu donner des figures , non feulement
du bien, mais auiîi du mal. Et fi d'une part il nous a voulu reprefenter
les aôtions de fa grâce par des types j par d'autres types oppofez, il nous a
voulu faire connoître la manière ingrate, dont quelques hommes recevroient
fês grâces ôc {ts bienfaits,
îartîe des Ainfi il eft Certain qu'une partie des péchez des Anciens , dont le St. Ef-
pechezdes pj-jj- j-jQ^g ^ voulu coufcrver la mémoire , étoient àts péchez typiques.
Anciens \_. /, .. . * -.-*■ Jii
étoient Par exemple le pèche de Cain, qui s'éleva contre fon frère & le tua, eft
typiques, yj-j péché typique, qui nous reprcfente les efforts que le monde devoit fai-
Lib. 15. oç l'C pour la ruine de TEglife : Car St. Auguftin a très judicieufement remar-
civit. Dei qi^ié, que ce qu'il appelle les deux Citez, l'une de Dieu, l'autre du Dia-
Du péché de ble , avoicnt commencé par Caïn & par Abel , & que la conduite de
Caïn. Caïn ,Qui tue fon frère, êc qui le premier' bâtit une ville , eft l'image de
la conduite des mondains, qui ufent de violence contre TEglife , & qui
cherchent des établilîèmens fermes dans le monde. On me dira fms dou-
te qu'il y a quelque chofe de très réel dans le crime de Caïn , 6c qui eft
plus
H^'
ET DES CULTES DE L'EGLISE. Part.l. 7^
plus que typique. Il eft vrai, il y g, un homicide trés-réel , 6c très condam-
nable , 6c trés-méchant ; mais la peiTécution de l'Eglife dans ce crime n'efl:
que typique. Les types font du nombre des fignes^oc l'on définit le fjgne , id
quoà efluna, res , & aj,iam Jignificat ^ ce qui eil une chofe, ôc en fignineune
autre : ainii cette a6tion de Caïn eft une chofe , 6c en fignilie une autre qu'el-
le n'eil pas. C'eft un vrai meurtre, voilà ce qu'elle eftj mais elle fignifie la per-
sécution du monde contre l'Eglife, 6c c'efl ce qu'elle n'efi pas. Car li Caïn
perfécuta fon frère, ce ne fut pas en le confiderant comme membre de
TEghfe.
11 ell vrai que ce crime de Caïn a quelque choie d'atroce j à caufeque
c'eft la première effufion de fang, 6c le premier attentat contre l'ouvra-
ge de Dieu : c'eft pourquoy il eil d'un cara6lere particulier entre les péchez
typiques, il y a type ou figure 6c realité. Au lieu que dans les autres pé-
chez typiques , il y a figure , 6c peu ou point de reahté. Car j'obferve \\f^^^^^
que les péchez typiques en eux-mêmes , pour la plupart , font trés-le- typiques
gers , 6c qu'ils fignifient quelque chofe de beaucoup plus criminel qu'ils cSJefe "
ne font eux-mêmes. Il faut fe fouvenir qu'il en eft de ces péchez typiques en eux mê-
6c emblématiques, comme de tous les autres types 6c emblèmes , defquels "^"*
St. Paul diioit, (Qu'ils avaient bien l'ombre des chofes^ mais cju^ils n^ en av oient
pas la vérité & le corps. Ainfî ces péchez avoient l'ombre 6c l'apparence des
crimes dont ils ont été les emblèmes, mais il n'eft pas neceffaire qu'ils en
euftent la vérité 6c le corps : il éloit même neceifaire qu'ils ne l'eufient pas,
à caufe qu'il eft de l'eflence d'un type de n'être qu'une ombre, 6c d'être
deftitué de vérité.
L'aélion d'Efaii, qui vendit fon droit d'aîneiîe pour un potage delentil- J',^/*."^^
les , eft un de ces péchez typiques , parce que c'eft l'emblème de ceux qui point^ce
renoncent aux biens du Ciel pour les vanitezdelaterre. Ce péché qui étoit i"'»" /.«ï
reprefenté par ce type, eft le plus grand de tous les péchez } car il n'y a
pas une plus grande fureur que celle de renoncer au Ciel, 6c à des biens
éternels, pour des biens qui ne valent pas mieux qu'un potage de lentilles,
puis qu'ils s'évanouïfiént incontinent. Cependant il faut avouer que le pé-
ché d'Efaii étoit en foy bien léger, en comparaifon de tant d'autres pe-
, chez que les Patriarches les plus faints ont commis. Et fi St. Paul a don-
né le nom de profane à Efaù , ce n'eft que parce que fon aélion étoit le
type des profanes. Ce péché eft appelle profane , tout de même que les facri> st. PauiTap-
fices de l'ancienne Loy étoient appclleipropitiatoires, quoi qu'il n'y eût pas de ne, comme
véritable propitiation en eux j c'étoit parce qu'ils étoient les types du grand »" ^fP^jj"''^
Sacrifice propitiatoire de J. C. Il me paroît tout à faithorsderaifonde s'i- a" bêtes ,
maginer qu'Efaii , quand il vendit fon droit d'aineflê, eût. d'autres fentimens propuiaoim,
que ceux qui paroifîènt dans ces paroles, ^e m'en vais mourir^ dit-il, &aejmi
me fervira mon droit d'^amejje} Il y a dans ce difcours quelque chofe de ba-
din 6c de ridicule, dans ce qu'il fuppofoit qu'il devoit bien-tôt m^ourir,
comme fi Jacob n'eût pas été mortel comme lui-même: mais je ne voipas
là dedans la moindre ombre de profanation. On peutaffûrer qu'il nepen-
loit pas au droit de Sacrificateur, qu'il a , dit- on , méprifé j ce qui lui a don-
né le nom de profane. Il étoit profane comme il étoit réprouvé; c'eft-
à-dire typiquement : fay aimé facob & fay hdi Efaii. Ces deux hommes
ont été les types de la très- libre ôc très-profonde conduite de Dieu, qui
K 2, prend
7<5 HISTOIREDESDO<SMES
prend l'un 6c rejette l'autre dans la dillribution de la Grâce : on ne doit
pas légèrement prononcer la damnation des hommes, fur tout des Anciens}
&: dans le fliit d'Efaiijil faut fe fouvenir que les types ne font pas ce donc
ils font types: pour damner Efaii il f.iudroit bien favoir l'Hiiloire de fes
adions , de fa vie & de fa fin j 6c c'eft ce que nous ne favons pas. La
Providence a trouvé à propos, pour nous donner de la crainte 6c de l'hor-
reur pour le crime delaifler mourir les coupables, fans nous parler de leur
repentance : mais il ne faut pas conclurre pourtant qu'ils ne fe font pas rc*
pentis. Je me ferois ungrand fcrupulede damner un auffi grand Prophète
que Salomon, en fuppofant qu'il nes'ellpas repenti de fes idolâtries j parce
que l'Hiiloire Sainte ne nous en dit rien. Peut- être y a-t'il du myileredans
ce filence, comme il y en a dans celui qui fupprime la. naiffance, la more
& les parens de Melchifedec.
pupechéde Nous avons uuc chofc tout-à-fait femblable dans l'Hiftoire de Lot 6c
lafemmede (^q f^^ femme. Quaud Dieu les tira de Sodome par la main de fon Ange,
péché typU Cette femme tourna la tête du côté dcSodomCjCentreladéfenfequi luiavoit
^»«' été faite. Il n'y avoit dans cette aélion rien que d'humain, rien qui ne
fût du caraélére de fon fexe, naturellement léger 6c curieux. Cependant
Dieu voulut que cette femme fût un exemple remarquable de fes jugemens,
il la convertit en une flatuë de fel. Le Seigneur Jefus Ch. la donne pour un
exemple, dont la mémoire doit faire peur, [ouvenez.-vous ^ dir-il, de la fem-
me de Lot. Cela ferable fignifierque le %ime de cette femme étoit atroce,
mais la vérité eft que c'étoit un événement purement typique , 6c que Dieu
vouloit qu'elle fût dans tous les fiécles l'emblème de ces mondains, dans
lefquels règne l'amour du inonde, qui fuivent la vocation de Dieu en fe
faijant violence, 6c qui ayant le cœur dans le monde tournent toûjoui^s
leurs defirsdefon côté. iVlais il ne faut pas conclurre, ni que cette aclion
fût infiniment criminelle, ni que cette témme fût une méchante & une
réprouvée.
Diipeche ds Tg viens au peehé de Cham, il étoit typique, comme ceux dont nous
quoi il étoit venons de parler: Dieu a voulu que ce qu il ht a ion père demeurât pour
^yp^- être un emblème à la pollerité. Mais la queibon elt dequoy cepeché *
étoit un type 6c un emblème. Il ne faut pas s'imaginer que ce ïxii un#
type de ceux qui violent l'autorité paternelle, 6c le refpeél dû aux peres-
& mères ; il faut fe fouvenir de ce que nous avons dit, que le type en qua-
lité defigne efl unechofe, 6c qu'il enfignifie une autre, 6c qu'il n'eftpas
ce qu'il fignifie. L'aélion de Cham étoit proprement cela, elle vioioit
l'autorité paternelle , 6c le refpeél dû à un père , êc par conféquent elle
devoir être l'emblème d'une autre chofe. Pour moi jecroique cette aâion
de Cham repréfentoit le crime de ceux, qui veulent découvrir ce que Dieu,
veut être caché, 6c qui expofènt, pour ainfi dire, la Providence de Dieu
6c fes mylleies en opprobre par leur curiofité profane, en voulant pénétrer
trop avant dans les chofes qu'il a couvertes d'unvaile, 6c qu'il a dérobées
à nôtre vûëj c'eft la fource de toutes ies.impietezde nos libertins- 3 e'elt
la femence de l'apoiiafie j c'eil pourquoi ce crime a auffi bien mérité d'a-
voir fon type que Papoftafie même. Mais au refte il n'eft point du tout ne-
cefiaire que nous attribuions à Cham d'autre principe que la légèreté 6c
llimprudence. Qiiand même l'on ne pourroit juftifier Chara, ni empê-.
dieiv
ET DES CULTES DE L'EGLISE. Part.l. t7
cher que ce qu'il fit à Ton père ne paffat pour une a6tion très criminelle,
croit-on que cela le rendît incapable d'être le typedeJefus^Chrift? Sam-
fon n'a-t-il pas dans fa vie des endroits qu'on ne iauroitjuilifier,&ronfe-
roit le plus grand tort du monde à Cham , de comparer ce qu'il fit à Ton
père à ridoiatrie de Salomon. Cependant ce Samfon ôc ce Saloraon font
d'admirables types de Jcfus-Chriil. Il y a. un grand fcandale à noircir la
vie des Anciens en exaggerant leurs défauts; Mais ileil édifiant de voir ra-
mener leurs fautes des excès oti les ont portez quelquefois les Théologiens ,
pour les mettre dans leur jufte grandeur.
Je viens maintenant à la malediftion que Noé prononça par un efprit de De k maîe-
Prophetie contre la. race de Cham j &: je foûtiens que ce n'efl point un pjfnoncée
fondement légitime de noircir la mémoire de ce Patriarche , comme on fait, par Noé à
!.. Il eil à. remarquer que Noé n'a pas maudit Cham ; la malediélion eft ^on^^^^^'^-
tombée fur Canaan, Àlandit foit Canaan ^ il fera [erviteur des [ervitemsàe- Ces chamn'a
frères. Cela ne peut être fans myflere, que le père ait péché, 6c que l'un mauïit:
des enfans ait été maudit. Il eft clair que l' Efprit de Dieu a voulu dans cet mais ca-
oracle prédire ce grand événement , cette expulfion àç,s Cananéens hors fi^s"sc°poiiï*
de leur païs , afin que les enfans de Sem y logeaflent. 11 ne faut donc quoy-
point étendre la punition du péché de Cham plus loin, ni l'appliquer ail-
leurs. Car fi Cham lui-même avoit été maudit avec toute fa pofterité
dans l'intention de Dieu , il n'y a aucune raifonjpour laquelle Noé ne l'au-
roit pas dit nettement. Voici comme Moyfe recite lachofe^ & Noé éveil-
le de fon vin , fut ce que fon fils le plus petit avoit fait ; &■ pourtant il dit ,
Alandît fott Canaan^ il fera ferviteur. des ferviîeurs de fes frères. Il dit aujji ^
béni foit P Eternel le Dieu de Sem ,. & Canaan ht fait fait ferviteur. Dans
tout cela le nom de Cham ne paroît pas. Il ne faut donc pas fe perfua-
derjque Noé par un efprit de vengeance ait voulu maudire ni Cham, ni
fa race: mais ièulement il prit occafion de déclarer ce que Dieu lui avoit
révélé , peut-être durant fon dernier fommeil , de la deftruélion future des
Cananéens en faveur de la maifon d'Ifraël.
Au refle fi on excepte les Cananéens ^ nous- ne voyons aucune marque tesdecen-
d'une malediélion particulière dans, tous les décendans de Cham. Il eft cham n'ont
vray que fa pofterité fut étrangère des alliances depuis Moyfe iufqu'à Je- po"e
fus- Chrift, mais il en fut de même de la pofterité de Japhet: ôcd'Linnom- quedema-
bre innombrable de familles dont étoit compofée la race de Sem , Dieu i^'^ï^ion ^
n'excepta de cette malediélion générale que la feule famille d'Abraham. ^" ''
Et quand l'Evangile eft venu au monde, tous les hommes indifféremment
ont été appeliez au falut , aufti bien la pofterité de Cham que celle de Sem
& de Japhet. On ne doit pas oppofer que l'Afrique & l'Egypte , qui
font tombées en partage aux enfans de Cham ,, ont porté des caraéleres
de malediélion, parce que l'Egypte eft eftimée la.fource de. toutes lesfu-
perftitions, & que c'eft où l'on a vu régner les plus grandes abominations
de i'idolarrie. Je répondrois que les Arabes, qui font décendus d'Abra-
ham par Ifmaël,6cpar les enfans de Ketura fa féconde femme , ont tou-
jours porté un caraéiére de malediétion beaucoup plus fenfible y ils ont
toujours été infâmes par toute la terre , voleurs , fans foy & fans religion.
L'Evangile y a fait très peu de progrés. Le Chriftianilme des Arabes ne
nous eftconnu dans l'Hiftoire ancienne quafi que par quelques herefies,qui;
78 HISTO IRE DES DO GM ES
y prirent naiiîance, pour la ruine delquelles on envoya (Jrigene dans l'A-
rabie. Et enfin ce païs ell devenu le fiege de la dctellable Sc61:c de Ma-
homet , & la fource d'où ell parti ce torrent d'impietc, qui a inondé les
deux tiers du monde habitable. Dans ce premier fiécle les profperitez tem-
porelles étoient les plus fenfibles marques de la bénédiction de Dieu j &
même les benediétions fpirituelles ne le promettoient en ce tems-là qu'en
des termes empruntez des benedidions temporelles. Or nous voyons que
la race de Cliam a joui des plus grandes profperitez temporelles. Les
grands Empires d'Ailyrie & de Perle, qui fortirent incontinent delarrce
de Cham 5 ne paroilîent pas être un effet de malédiction. A'mii je con-
clus, que Cham ni fa race n'ont point été maudits , non pas même les
enfans de Canaan ; car cette malediétion n'eut Ton accompliflèment que
dans la génération qui vivoit du tems dejofué. Et il ne faut pas s'imaginer
que les Cananéens du tems d'Abraham fuffent plus maudits ôc plus mal-
honêtes gens que les autres peuples du monde.
Qiiand il feroit vrai que la malediétion que Noé prononça auroit été
adreilee à Cham en vue de fon péché , il ne s'enfuit pas delà, qu'il eût
été réellement maudit. Et là-defli.is il faut remarquer, qu'il y avoit en ce
tems-là des malediélions & des réprobations typiques, tout de même com-
me il y avoit des péchez typiques. Dieu nous a voulu reprefenter dans
les types le myflere de la prédeftination comme les autres myfteres,c'ell-
à-dire , ce choix libre que Dieu fait de toute éternité par Ion éleétion ,
& qu'il fait dans le tems par cet aéte de milericorde , qu'on appelle la vo-
cation. Selon cette liberté, d'une même malFe d'hommes, formez d'un
même fang, égaux dans les malheurs & dans les privilèges de leur naif-
fânce. Dieu choifît l'un & laiffe l'autre: Dieu, dis- je, nous a voulu don-
ner des types de cette éleétion & de cette réprobation , 6c de cette fou-
veraine liberté avec laquelle il diftribuë fes grâces falutaires , c'efi: pour-
quoy Dieu choifit Abel 6c accepta fon facrifice, ôcméprifa celui de Caïn.
C'eil pour cela même qu'il rejetra Cham , qu'il neghgea Japhet 6c fe re-
ferva Sem. Enfin dans la vue du même myftere , des deux Enfans d'I-
faac, formez en même tems, conçus dans le fein d'une même mère. Dieu
choifit l'un êc reprouva l'autre, le plus grand fervira an moindre î j'ai aimé
facob <^ fai haï Efaii. Mais il faut remarquer, que ces réprobations typi-
ques regardoient feulement la race de ceux qui étoient rejettez, & que
de là on ne peut conclurre la réprobation perîbnneile de ces Patriarches
que Dieu n'a pas voulu choifir, c'eft-à-dire dont il n'a pas voulu choifir
la race pour en compofer l'Eglife ôc en fliire décendre le MelTie. Le
pauvre Efaii efl tellement décrié dans les chaires & dans les écoles ,
qu'à peine y a-t-il de la fureté à prendre fon parti , à foûtenir qu'il n'a
point été reprouvé , &: à penfer charitablement de fon falut. On veut
former un puilTant préjugé contre lui de ce que S. Paul au p. chap. de
l'Ep. aux Rom. les met, Jacob & lui, pour l'emblème de i'éleélion &
de la réprobation éternelle : Car devant que les enfans f m. jfent nez, & qu'ails
eujjent fait ni bien ni mal, afin que le propos arrêté félon l'^éle^ton de 'Dien de-'
metirât ^ non point par les œuvres^ mais par celui qui appelle^il luj fut dit ^ le plus
grand ferv ira au moindre , ainfi qu'il efi écrit , fai aimé facob & fai haïEfaù.
Cepen-
ET DES CULTES DE L'EGLISE. î'^r^.I 79
Cependant je fuis certain qu'il y auroit de la témérité & du défaut de cha-
rité à prononcer là-defius la réprobation 6c la damnation d'Efaii.
Nous ne voyons rien dans fa vie qui foit d'un méchant homme, ôc vr- a
llaac5qui etoit un Prophète ce un grand bamt5n eut pas eu pour lui l'attache- l'Hiftoiie
ment qu'il avoit, s'il eût été méchant & reprouvé. Moyfe nous dit bien parok pL
que les femmes Cananéennes qu'Efaii prit furent en amertume de cœur ^"<= «^'"^
à Ifaac ôc à Rebecca : mais il ne nous eft rien dit de ferablable d'Eiaù cmûS.
lui-même. Le delîèin qu'il eut de tuer fon frère, quand fon père feroit
mort, eft un grand péché: mais il n'y a rien qui doive paroître étrange
après ce qui s'étoit pafle entre ces deux frères. Après tout, ce qu'il n'e-
xécuta pas ce delîéin fait plus voir de bonté d'arae, que le projet qu'il
avoit formé ne découvre de corruption. Les pleurs qu'il veria en faluant
ce frère, dont il croyoit avoir tant de fujet de fe plaindre, montrent qu'il
avoit un grand fonds de bonté ôc detendrelTe. Enfin \qs Théologiens, qui
veulent que Job ôc ^cs amis fuilènt des décendaos d'Efaii, doivent avouer
que la connoiflance ôc la crainte de Dieu fe conferverent long-tems dans
fa famille : il Efaii avoit été lui-même un impie ôc un méchant , il n'y a
pas d'apparence qu'il eût communiqué la crainte de Dieu à fes enfiins.
Ce n'elt pas que nous foyons dans ce fentiment que Job fût décendu d'E-
faii i mais je conclus que cette opinion étant la plus commune entre les
Théologiens , pendant qu'ils font tant d'honneur aux enfans , ils ne doi-
vent pas avoir une fi méchante opinion du père.
Je fouhaite qu'on applique à Chamtout ce que je viens dédire d'Efaii, La maiedic
ôc que l'on dife, quela maledidion qui fut prononcée contre fa race ôcfa "°" ^^'^\
réprobation furent typiques , ôc ne le regardoient pas perfonnellement. tre cham
ment un homme qui avoit vu de fi grands miracles pouvoit être méchant
ôc impie. Mais il y a de certains noms dans l'Hiftoire qui font marquez'
avec diftinélion pour le bien ôc pour le mal, à caufe de Tufage continuel
que les Orateurs en font dans leurs difcours.- Ces noms d'Efaii , de Cham,
delà femme de Lot, ne fauroient revenir de la flétrifîlire qui repoié fur
eux. Il n'y a pas jufqu'à la pauvre Marthe, fœur de Marie ôc de Laza-
re, femme trés-pieufe, dont les prédicateurs ne ternifient la répiitatiori
par leurs figures. On la pofe comme l'emblème de ceux qui s'appliquent
excefiivement aux affaires du monde, ÔC qui négligent les œuvres de pie-
té ; on l'oppofe aux Maries , aux dévotes, qui iont continuellement aux
pieds de Jeliis-Chrill, c'eft-à-dire dans l'exercice de la dévotion ôc dô la .
vie contemplative. Je ne veux pas ôter aux Orateurs ces exemples, qui
leur font des fources d'ornemens: je confens que les avions d'Efaii, de
Cham, de la femme de Lot (oient pofées pour emblème, de la conduite
des mondains , cela eft même de l'intention de Dieu. Mais il faut pren-
dre garde de ne pas confondre les perfonncs avec les aêtioiis, ni de don-
ner aux aètions plus de crime ôc de malignité qu'elles n'en ont. Dieu cieus Kvré
j . ^ ^ , ^ . . " .■', c ceitains
pour des rations très fages a voulu punir certains hommes, en expoiant noms à
leur mémoire ôc leurs noms à une flétrifiure éternelle. Mais il ne s'en- ^«pp^obre 5
fuit nullement, que les perfonnes qui ont porté ces noms foient reprou- quoi, "
vées devant Dieu. ' Pour
^o HISTOIREDE s DOGMES
Pour moy je tiens que fî les préjugez n'étoient pas û puifTans, ce que
nous venons de dire fuffiroic pour juitifîer Cham, & qu'il n'y auroit après
cela aucu-ne difficulté à confeiiér que ce Melchiiëdcc étoit Cham. Sur
tout je fouhaite que l'on pefe l'opinion des Théologiens, qui d'un confen-
M^khife- tcmcnt prefque unanime veulent que ce Ivîclchiiedectût un Prince Cana-
dec dans le j^j^^q c'eil-à-dirc uu hommc de la race maudite de Cham, ôc delabran-
lentiment ' -ri ■ • / j- r y ■ \ ■ -, r c- ■ r
commun eft chc même qui feule avoit ete maudite. Je voudrois bien qu on le ht jul-
cSnïen ^'*^^ là-deflùs. Pourquoi veut-on bien donner ce grand honneur à l'un
d'une lace àfs, enfaus dc Canaan, fur lequel étoit tombée la malcdidion, & pour-
maudue. ^^^j 1^ reFufe-t'on au pcre qui dans le fond n'a point été maudit? Com-
ment peut-on s'imaginer qu'un homme décendu de Cham ait euuncfain-
teté, qui l'ait rendu digne d'être type glorieux de jefus-Chrift, fi Cham
luy-même a été méchant homme.? Jl eil donc clair qu'il eft beaucoup plus
raifonnable de faire Cham Melchifedec, que defaireMelchifedecunlim-
pie Cananéen.
Pourquoi Oir^^ ^^^^ ^ X^'ioi aprés la repentance de Cham ne lui change^ pas fon
Dieuchan- nom cu celui de Melchifedec, parce que le premier devoit devenir in-
l?cham.'" famé dans l'Eglife, & que le fécond devoit être en une éternelle beoe-
diélion.^Qui iait fi Cham revenu à lui même n'eût pas une fi grande con-
fufion de fa faute, quoi que légère, que cela le porta à l'expier par une vie
tout à fait fainte & exemplaire? Qm fait fi Cham devenu Melchifedec ne
choifit pas fa demeure particulièrement entre les Cananéens , parce que
cette partie de fes decendans avpit été foûmife à la malediétion , & que
par fes facrifices, {ç.'s, prières & fes exemples il vouloit ellayer de rompre
la force de cette fentence, ôc de la faire révoquer, en retenant le peuple
Cananéen dans le fervice du vrai Dieu?QLii fait enfin fi l'honneur que les
Payens ont fait à Cham d'en faire leur Jupiter le plus grand des Dieux ,
quoi que ce fût le plus jeune des trois frères, ne vient point de cette di-
gnité Sacerdotale qu'il avoit poflédée par excellence, jointe avec la digni-
•té Royale dont Dieu l'avoit honoré, pour le rendre un type glorieux du
Meffie ? N'eft-il pas vray que parla Dieu l'avoit diftingué^v l'avoit éle-
vé fur tous les autres hommes, ô<: que cela a bien pu fcrvir de fondement
a cette Théologie, qui en a fait le père des hommes &: des Dieux. '
Berniere ^^ "'^^ P^"^ qu'unc remarque à faire fur cette matière , c'eft que dans
■preuve que la Thcologic dcs Phcnicicns ou Cananéens , dont nous avons un frag-
^olf'ie^'^" ment tiré de ^^^«^-^(jmWo» dans les oeuvres d'Eufebe,il eflfouvent parlé d'un
troifiéme Certain Sidic , ou Sedec ^ qu'il interprète par le mot dejufte. Je ne faurois
rV'^hT^* *^°"^^^' ^^^ ^^ Sidic ^ ou Sedec, ne Ibit nôtre Melchifedec. Sanchoniaton ,
ïrxpar. quï étoit lui-mêmc Phcnicieu & Canauécu , dit que ce Sidec eft père dts
livang. Lib. Diofcouroi, des Carybes, des Corybantes & des Dieux Samothraces. Or
CCS SiéiT-yiBpci , comme chacun fait , ce font les enfans de Jupiter. Il eft
encore certain que les Carybes 6c les Dieux Samothraces étoient les grands
Dieux des Payens , comm.e nous le prouverons ailleurs. Or li ces Carybes
Se ces grands Dieux étoient fils de Jupiter , & que Jupiter fût Cham , com-
me les doctes en conviennent allez. Se qu'enfin le Sidec de Sanchoniaton fût
Jupiter, il eft clair que le Jupiter des Payens, le Cham de Moyfe & fou
Melchifedec étoient une feule Scmêmeperfoniiej & par conféquent il fe
trouvera que Sidec ou Melchifedec étoit véritablement Cham. Au refte
j'aban-
ET DES CULTES DE L'EGLISE. Tart.l, 8r
j'abandonne toutes ces conjeélures au jugement des dodes. Jenepretens
pas les produire comme des Oracles , mais je ne fay fi l'on peut dire quelque
chofe de plus vray-femblable.
CHAPITRE XIL
Des Sacrifices de l'EgUfe avant la Loy y ^ de leur origine.
COmme nous ne faifons pas ici un traité de Théologie d'école, nous
n'avons pas deflein de traiter les queftions de controverfè qui (e peu-
vent rencontrer dans nôtre chemin. Cependant nous ne faurions nous
empêcher de dire quelque chofe de la queftion de l'origine des facrifices.
Apres avoir parlé des Sacrificateurs dans les chap. precedens , l'ordre veut
naturellement que nous parlions des facrifices , & avant toutes chofes que
nous parlions de leur origine.
II y a des gens qui fuppofent que la Loy des facrifices eft uneLoy natu- LaLoydes
relie que Dieu ne donna point aux premiers hommes expreflement , maiSn"Âp^
qu'il la grava dans leur cœur, comme celle de fervir Dieu, d'aimer nos une Loy
prochains , de faire à autruy ce que nous voulons qu'on nous fafîe. Ainfi ^^^^^ ^'
dans le fentiment de ces Auteurs , les premiers hommes ont facrifié ,
parce que leur confcience leur a di6té que ce culte étoit raifonnable. Je fay
bien qu'il y a des grands hommes dans ce fentiment, tant entre les Chrétiens
qu'entre les Anciens Juifs. St. Chryfbilome efl de ce nombre: il dit que lé comment.
Créateur a mis dans chaque homme les lumières de la confcience j que ce^gp^^'
fut cette confcience qui fit naître à Cain la penfée de facrifier , il offrit ,
dit-il, a Diei£ les prémices des fruits de la terre, parce qu'ail jugea, qu^il étoit
raifonnable de lui offrir ce qui étoit a lui , comme a, celui qui efl le Maître de
tout. Il y a allez de Juifs qui font dans la même penfée. On peut voir ce
que dit là-deflusRabbiLevi ben Gerfom dans fon Commentaire fur le 4
chap. de la Gen. Abarbinel, autre Rabbin célèbre, dans fa préface fur le Le-
vit. dit qu'Adam & fes fils ofFroient des facrifices à Dieu, dans la penfée
que leur confcience leur donnoit , que par ce moyen ils fervoient Dieu.
Entre les Théologiens modernes il y en a qui ont choifi cette opinion par
un interêj^i^e>)j)arti , s'imaginant que cette fuppofition fait beaucoup pour
établir la pecefîité d'un facrifice perpétuel dans l'Egiife. Mais quiconque
fe dépouille d'intérêt & de prévention, verra clairement que cette fuppo*-
fition eft faufTe II n'eft pas vray que la nature feule ait enfeigné aux hom-
mes de facrifier. H efl vray que la confcience naturellement nous dié^é
que nous devons rendre à Dieu des hommages 6c àç.^ aélions de grâces
pour les biens que nous recevons de lui. J'avouerai même que les lumiè-
res naturelles nous font affez fentir que nous fommes coupables, queDieii
efl irrité contre nous à caufede nos defobeïfTances, Ôcpar conféquent que
nous devons travailler à appaifer la divinité. Mais la nature ne nous dit
pas que la manière de fclendre Dieu favorable , foit de détruire & d'a-
néantir en fa prefence ou àits animaux , ou quelque autre créature. Il y a
même quelque chofe qui répugne, que Dieu fe plaife à l'efïtifiondu fang
Vart. 1. J^ L &
%2 HISTOIRE DES DOGM E S
& à la puante fumée d'une chair brûlée : la nature a de l'averfion pour fi.-
mort, elle ne nous di^te rien qui ne lerve à perfeâionner la créature , 6c
non pas à la détruire. Je pofe donc comme une chofe certaine ,. que les
premiers hommes facrifierent, parce que Dieu le leur commanda, foit qu'il
leur en ait donné le commandement par une voix intelligible ^ foit qu'il
l'ait infpiré à Adam par l'efprit de Prophétie, dont on ne peut pas douter
Dcmonft. qu'il n'ait été illuminé.. C'eft l'opinion d'Eufebe de Gefàrée; il dit que-
Evang. Lib. ^^^^^ penfee de facrifier, rPejl point venue aux hommes par haz.ar<i , oh par un mou^
' vement humain. Car ces hommes pieuxj qui avoient. un grand commerce avec la
divinité, étant illuminez, par le St. Efprit^ connurent qu?ils avaient ùefbm d'aune-
grande médecine pour fexpiationdf la purification de leurs pechex. ^ qui les enia-
geoient dam la mort. Cependant je ne luis pas d'avis que nous prouvions
cette vérité par des argumens dont on nous puilîe reprocher la foiblelîè,
C'e ftpourquoy je ne goûte pas fort cette preuve, qu'on apporte avec tant
H«br. 3. de confiance, tirée àc et que St. Paul dit, que par foj: Aée/ ojfnt un plm
excellent, facrifice que Caïn. Si c'cû'p^^OY^ dit-on, qu'Abel a offert, c'ell
en fuite d'un commandement pofitif, & d'une révélation que Dieu avoit
^980,1.0, donnée i CViV la foy efi de l'ouïe ^ & Pouïe eft de la parole de Dieu. Et ainlî
la Loy des facrifices eft une Loy pofitive, à laquelle les hommes obeïlTent
par la foy,. & non pas par la nature. Mais on ne s'apperçoit pas, que par
cette interprétation l'on fait le facrifice de Gain auffi excellent que celui
d'Abel: car félon cette glofe le facrifice de Caïn fut aufli offert par foy,.
c'efl-à-diré par obeïjŒànce à la Loy des facrifices, qui avoit été donnée à.
Adam. Or il eft clair que l'intention .de St. Paul eft de nous faire com-
prendre, que le facrifice d'Abel fut offert par foy, &: que celui de Caïn ne
le fut. pas. Il faut donc expliquer ces paroles , par- foy ~^ par celles- cy,.
offert avec une fainte dévotion., une forte perfuafion de toutes les veritez
divines, une confiance pleine enila bonté de Dieu, ôc un zèle très fince-
re pour fa, gloire.
Les plus fortes preuves que nous puifïions avoir que les facrifices font
d'inftitution;&: de droit politif, & non pas de droit naturel, doivent être
prifes premièrement du fens commun. Car pourvu que l'on ne foit pas
prévenu, les lumières du bon fens- nous enfeignent clairementqu'une Re-
ligion peut être fans facrifice >. que laReligion des bien heureux dans le
paradis 5 quoyque ce Ibit la plus parfaite de toutes les Religions, n'a rien
qu'on puifle appeller de vrais facrifices. Si les facrifices elment de droit
naturel, ils fe devroient rencontrer dans toutes les Religioris^'q'uT tirent leur
origine de Dieu , parce que le droit naturel eft perpétuel & immuablCo
Or il eft clair que la Rehgion d'Adam dans l'état d'innocence ne pouvoit
avoir de facrifice, puifque Dieu n'étoit point alors irriré contre les hom-
mes , 6c que les facrifices font deftinez à rendre la divinité favorable aux
■^ criminels, t. Outre cela l'Ecriture fainte parle très fouvent avec un grand
mépris dts facrifices 3 l^ Eternel ne prend point plaifJr aux holocaufies & ajix fa--
crijices , comme à ce qu'ion obciffe a fa voix : je veux mtfericorde & non pas fa-
erifice,. Hu ne prens pas plaifir aux facrifices ^ autrement f en bailler ois ^ L'holo--
caufle ne t^efi pas agréable. Si la Loy naturelle diéloit la necefîité des facri-
fices, il n'y a pas d'apparence que Dieu en parlât ainfi. Qiiand l'Ecritu-
re, fainte ne nous.diroit pas. II exprelIéjsQent que Dieu ne prend pas plaifir
■ aux;
ET DES CULTES DE L'EGLISE. PartA. 83
aux facrifices , le bon fens nous l'apprendroit. Il eft évident qu'il n'y a
rien dans la mort d'un animal & dans l'efFufion du fâng qui puifTe plaire à
Dieu. Tertullien nous parle quelque part de l'imagination grojffiére -de.
certains Payens, qui croyoient que les Dieux aimoicnt l'odeur des viandes Lib.i. de
i>i-ûlées , & Te nourriflbient de la fumée du fan^. Maimonides attribue ^'^°'°''"'**
le même fentiment aux Zabiens , c'eft - à -dire aux anciens Chaldéens :
Apres avoir égorgé une bête , dit-il^ U; s'ajféoient en rond pour manger la chair ^ More nevo-
s^imaginant que dans cette -^cion , pendant qu'ails mangeoienl la chair ^ le démon caô^lô! *
mangeait le fang. Mais cette penlee eft brutale, & ne peut tomber dans
les efpri^s iTiuminez par la grâce. Nous favons que Dieu eft efprit , qu'il
'?:tTne les hommages du cœur & de l'efprit, & qu'il n'aime que ceux-
là.
2 . Enfin la principale raifon que nous avons , pour prouver que les facrifi- ^^ pcf'fi"
j X. %. 1 'ix^j CCS ctoïcnf*
cç.^ ne font point de droit naturel 5 c'eft que les facrifices etoient at^ types: des types:
ce que je à^\s^ non feulement de ceux que Môyfe ordonnai mais aufii de ^'^"^"up
ceux que les fidèles faifoient avant lui. Il eft évident que d'une part c'étoient mes&des
les figures du facrifice que le Meffie devoit oftî-ir, & que de l'autre^ ils re- ^^P^*'
prefentoient cç:.s facrifices vivans de nous-mêmes, que St. Paul nous com-
mande. Si cts facrifices etoient des types , c'étoient à.t?, loix pofitives &
d'inftitution, car on ne trouvera aucun type établi dans une Loy naturel-
le. L'arc-en-ciel que Dieu pofa dans le ciel après le déluge, étoit à la vérité
une chofe naturelle , mais ce n' étoit pas un type j ce fut un figne de la pro-
mefle que Dieu donna à Noé de ne plus abyfmer la terre par un déluge. Il
eft vray que de la nature l'on peut tirer des emblèmes pour reprefenter \t%
veritez divines êc les grâces du ciel: mais il y a bien de la différence entre
un type & un emblème. L'emblème peut être emprunté de tout , de la
nature , de l'Ait , de la Grâce, de l'Hiftoire, & de la Fable. Mais les types
font des figues établis de Dieu pour reprefenter les grâces, Icfquelles il pré-
pare à fon Eglifci & ces figues font de pure inftitution. C'eft pourquoy
comme la grâce & la nature font tout à fait diftinguées, puifque les types
appartiennent fans contredit à la grâce, il ne faut pas les chercher dans la
nature.
L'opinion de Grotius, qui eft dans une autre extrémité, n'eft pas meil- crotinsdÈ
leure. Il prétend que les facrifices ne font ni de droit naturel, nid'infti- Rei/chift.
tution divine , mais .d'invention humaine. Pour détruire l'opinion des i}''-^-
Juifs, &leur ôter ce grand amour qu'ils ont pour les facrifices, il fuppo- femiment
fe que Dieu n'en eft point l'Auteur, & qu'Abel Se Gain de leur tête s'avife- «^e^iotius-
rent de facrifier à Dieu. Mais il n'eft pas vray-femblable que les premiers
hommes ayent entrepris une chofe fi extraordinaire fans commandement
& fans inlpiration : Dieu n'aime pas les cultes qui font inventez par les
hommes , En vain m'^honorenx-ils par des traditions^ qui ne font que des corn- Ef. 25.
mandemens d'hommes y dit-il. ^'^^'
Je fuppofe donc qu'il y a eu un commandement de facrifier. On ne Noé reçlc
manquera pas de nous demander oii il eft. J'avoue que je ne le trouverai ""jfo^jfj^'
pas dans l'Hiftoire du tems qui a précédé le déluge 5 mais on n'y trouvera comman-
pas non plus plufieurs autres commandemews que les hommes ont certai- fa^c^ifier. ^
nement oblërvez , & que Moyfe a pafie fous filence , parce qu'il vouloit
être court. Mais après le déluge je trouve ce commandement de facrifier
L i dans
84 HISTOIRE DES DOGMES
G«ij.s.4. dans le renouvellement de l'alliance que Dieu fit ^ivcc^oé^vons ne mange-^
rcTL pas de chair avec fon ame qui efi fin fang. Si cette preuve paroît obfcu-
re , j'efpere qu'elle paroîtra claire, quand nous aurons dit ce que nous avons
*.^ .1 à dire là-defl'us. i. Il eft clair que ces paroles ordonnent aux hommes d'é-
•'■'"' pandre le fang de tout animal, avant que d'en manger la chair. OrjeprC'
tens que cette effu lion du fang de tous les animaux, qui dévoient être man-
gez, eft un fîicrifice, &par conléquent que Dieu commande lesfacrificcs
dans les lieux mêmes o\x il commande d'épandre le fang des bêtes avant
que de les manger. Quand les Théologiens cherchent la moralité, qui eft
cachée fous ce commandement ceremoniel, d'épandre le fang, & de n'en
point manger, ils difent que Dieu veut donner de l'averfion pour la cruau-
té 5 6c qu il défend aux hommes d'avaller le fang des bêtes , afi"n qu'ils
ayent toujours de l'horreur pour le fang, & qu'ils ne prennent point l'ha-
bitude de voir répandre le fang humain fans émotion. C'eft ainfî qu'un
Juif appelle Aben-Ezra paraphrafe le paflage de la Genefej Encore que je
vous ave accorde' de manger la chair des hêtes , cependant vous ne devez pas être
cruels envers les bêtes mêmes en mangeant les membres arrachez, d'un animal vi~
vant. Tous les Chrétiens, ont aveuglément marché fur Ces traces, fans
chercher d'autre myftere dans ce paftage, 6c dans ce commandement ce-
remoniel d'épandre le fang. Il fe peut faire que ce foit une des inten-
tions du legiflateur: mais en vérité fi l'on avoitlû avec quelque attention le
chap, 1 7. du Levit. où ce commandement de répandre le fang des bêtes
eft répété 6c appuyé de raifons,on auroit apperçû qu'il y a là-deflbus quel-
que chofe de plus important.
Levit. 17. Voici donc ce que ditMoyie: Quiconque de la famille d* Ifra'él , ou dePe'-
Toute effo- tranger fi'joumant parmi vous ^ aura mangé de quelque [ang que ce fiit , je met-
fiondefang tray ma face contre la perfonne qui aura mangé ce fang ^ & la retrancherai du
iu"faciifice. ^^^^^^ de fin peuple i car Pâme de la chair efi au fang : pourtant je vous ai or-
donné qu'il fott mis fur Pautel pour faire propitiation pour vos âmes , car c'^efi le
fang qut fera proptttation pour Pâme. En luite il ordonne que celui qui aura
pris une bête à la chafTe, ou un oifeau à la campagne, fi c'eft un des ani-
maux nets qu'on peut manger, on épande le fang 6c le couvre de poufîiere.
Il eft clair que le commandement de répandre le fang n'eft point appuyé
ici fur la raifon de la cruauté : 6c en efi'et dans le fond il n'eft pas plus
cruel de manger le fang des bêtes, que de déchirer leur chair avec les dents.
Le legiflateur fonde ce commandement fur la neceftité de la propitiation ,
6c fur ce qtie l'Eternel avoit choifi le fang pour faire l'expiation àts pé-
chez 5 le fang c''eft Pâme ^ (^ pourtant le fang fera propitiation pour Pâme. Ces
paroles ne doivent pas être entendues du fang àçs facrifices feulement ,
inais généralement de toutes bêtes, même de celles que l'on tue fimple-
ment pour manger : 6c cela fignifioit que Dieu recevoit pour expiation le
fang dts bêtes, dont il donnoit la chair à manger à fon peuple. De forte
que chaque béte qu'on égorgeoit, foit aux champs, foit à la ville , étoit
une efpece de fucrifice , quoy que cela ne fe fît point par \e.s Sacrifica-
teurs, ni au pied des autels. C'eft ce qu'a fans doute compris l'Auteur
d'un ancien Commentaire Hébreu fur les cinq hvres de Moyfe , qui eft
In Gen. intitulé Chaskuni. Vame de toute chair ^ dit- il, cefi-à-dire de toute créature^
*** ** dépend de fin fang s t^ efi pour quoy f ai défi mé le fang de toute bête pour faire pro-
fitia'
ET DES CULTES DE L'EGLISE. PartA. 8f
ptUtion pour Pâme de l'homme , Pâme fort &fmt propitiationpoHr Pâme. Remar-
quez là-defîus que Dieu ne défend pas feuiemenc de manger du fang , com-
me s'il ordonnoit de le négliger, mais il ordonne qu'on l'épande comme
de l'eau 5 à la manière des libations oC àç-s épanchemcns myftiques qui fe
faifoient dans les Tacrifices. Tu rPen mangeras pas ^ dit Dieu en parlant du DeuteMa»
fang , mats tu l'épandras fur la terre comme de Peau.
V. 24.
Dans cette remarque nous avons l'explication de la penfée de David , i. chron.
quand trois des plus vaillans hommes de Ton Armée traverferent tout le "•'^•^^'
camp des Philiftins , 6c allèrent puifer de l'eau à la fontaine qui écoit à la
porte de Bethléem, 6c l'apportèrent à David. Quand il la tint, il dit, a ^l^^-^^y^f..
Dieu ne platfe que je boive le fang de ces trois hommes-icy , CT* il la répandit de- tion de Da-
vant PEternel ^ c'ell-à-dire qu'il en fit un facrifice 3 tout de même que pàndïïeaû
l'on répand le fang pour en faire un épanchement à l'honneur de Dieu que fes
quand on égorge une bête pour la manger. LaLoy duLevitique,laquel- g^o^en^ g'té
le nous avons vue, ordonne auffi que quand on tuera une bête à lachafle, chercher
on répande fon fang devant l'Eternel , 6c qu'on le couvre de pouifiére : Zuilt:^^
cela prouve clairement que toute effufion de fang étoit un facrifice.
Afin de rendre cette vérité plus fenfible, il faut obferver icy, que du- DansieDc=
rant le féjour des enfans d'ifraël dans le Defert, il ne leur étoit pas per- bïtcégo^gés
mis de tuer aucune des bêtes, qu'ils égorgeoientjpour manger dans le camp, étoit un fe-
ou hors du camp, excepté à la porte du Tabernacle, 6c il falloit que le "' "*
fang en fût mis fur l'autel. La Loy le dit exprefiement dans le ch. 1 7. du
Levit. Tarie a Aaron & a fes fils, & leur dis , c'^eft icy ce que P Eternel a com-
fnépdé: quiconque de la mai fon d'^Jfra'él aura égorge', ou bœuf ^ ou agneau^ ou
chèvre dans le camp , ou hors du camp ^ ^ ne Paura pas amené a P entrée d^af^
Jignation , le voulant offrir a PEternel en offrande , le fang fera imputé a cet hom-
me-la , il a répandu du fang, pourtant cet homme- la fera retranché du milieu de
fes peuples. li eil clair que fi ce commandement renferme toutes les bêtes
que les Ifraëlites mangeoient, Dieu regardoit toute effufion de fang com-
me un facrifice , puis qu'il veut que toute bête foit égorgée prés de fon
autel, 6c que le Sacrificateur épande le fang à l'entrée du Tabernacle. 11
ell vray que les Interprètes n'ont pas compris que cela s'étendît jufqu'aux
bêtes qu'on égorgeoit pour manger. Ils croyent qu'il ne s'agit là que de
celles qu'on oflfroit en facrifice, à caufe que Dieu dit , afin que les enfans Levit.ir.s.
d' Jjrael amènent leurs facrifices ^ qu'ils facrifient dans les champs ^ qu'ails les amè-
nent, dis-je^ a PEternel. Mais je fuis trés-perfuadé d'une cliofe, c'eftque
le defl'ein de Dieu eft de commander que toute bête deftinée à être man-
gée, fût égorgée au pied de f autel, 6c que l'afperfion du fang s'en fît fur
l'autel par le Sacrificateur. Son intention eft de déclarer, que toute effu-
fion de fang, particuhérement de cts trois fortes de bêtes, bœufs, mou-
tons 6c chèvres , avoient une vertu expiatoire. Celuy qui voudra lire le
17. chap. du Levit. avec attention n'en pourra douter, i. Ce chapitre eft
defliné tout entier à l'explication 6c à la confirmation de ce commande-
ment cerémoniel , de ne pas manger du fang 6c de l'épandre , il ne s'agit
point du tout là des facrifices, qui fe faifoient félon la Loy, pour lefervice
ordinaire ou extraordinaire. Je ne nie pas, que comme ce commandement
eft gênerai , il ne comprenne aufîi la défenfe de facrifier ailleurs qu'à la
porte du Temple ou du Tabernacle : c'cft pourquoy le Legiflateur y par-
L 3 le
U H I s T O ï R E D E s D O G M E s
le auffi des holocauftes, maisc'eft par accident, ôc la principale intention'
de Dieu eft de défendre d'égorger les bêtes , qu'on vouloit manger ,
ailleurs qu'à la porte du Tabernacle, z. Ceux qui liront avec atten-
tion les V. 10. Ôc II. 6c fuivans , oii fe trouve ladéfenfe de manger du
fang, & le commandement de le répandre, verront qu'il y a une éviden-
te liaifon &: un rapport necefTaire de ces verfets aux precedens , oii l'on
croit que la Loy ne parle que des facrifices , ôc non de toute etfulion du
fang des bêtes ; L'âme de la chair efi au fang , c'^efi fourqmj ]e vous ay ordonné
qu'il fut mis fur Pantel ponr faire propitiation pour vos âmes. Qui ne voit que ces
paroles fe rapportent évidemment au 6^. v. de ce même chap. où Dieu
commande que le Sacrificateur épande le fang fur l'autel, après avoir com-
mandé qu'on amenât les bêtes pour les égorger à la porte du Taberna-
cle. La chair des facrifices n'étoit-elle pas mife lur Tautel, pour faire pro-
pitiation pour les âmes aufii bien que le fang ? Si donc cela s'entend du lâng
des viétimes facrifiées , par la même raifon il n'eût pas dû être permis de
manger de la chair des bêtes, non plus que de leur fang. ^. Mais fur tout
cette vérité paroit claire par le 12.^. ch. du Deur.v.ii.où les préceptes font
' répétez, , ôc où Moyfe dit , Si le lieu que le Seigneur ton Dim ^uta choifi
poar y mettre fin nom. efi loin de toy , lors tu tueras de ton gros & menu bétail^
^ tu en mangeras en quelque lieu que tu demeures filon le fouhait de ton ame.
N'efl-il pas clair que c'eft icy un relâchement que Dieu donne, ôc une
difpenfe de la Loy, qu'il avoit donnée aux Ifraëlites dans leur voyage, de
ne manger aucune bête qui n'eût été égorgée au pied des autels , ôc du
fang de laquelle on n'eût fait l'afperfion ? 11 étoit facile d'obferver cij^te
Loy dans le defert, parce que tous les Ifraëlites étoient prés du Taber-
nacle, ôc qu'alors ils avoient peu de bêtes, ôc en tuoient rarement. Mais
quand ils eurent pris pofiefîion de la terre de Canaan , l'obfervation de
cette Loy devint impoffible. C'eft pourquoy Dieufe contenta de leur or-
donner de faire une efpece de facrifice en répandant le fàng des bêtes à
fon honneur j car il ajoute immédiatement après, feulement garde- toy de ne
manger f as de fang^ car le fang c'efi l'ame ^ mais tu l'épandrasjkr l^terre com-
me de l'^eau.
tecomman- Pour donner plus de lumière à cette vérité, il eft à remarquer que Dieu
brSer" ks ^^oit ordonné de lagraift^e des animaux à peu prés la même choie que de
graiffes&ia leur fang j il fe rétoit refervée, ôc ne vouloit pas que les hommes enman-
les mangea gcaflent , VOUS ne mangerez. ^ ni aucune graifie ^ ni aucun fang. C'eft que du-
étoit auffi ua rant le féjour des Ifraëlites dans le defert , parce que l'on avoit trés-peu
Uvit"-i7. ^^ viétimes, de toutes les bêtes que l'on mangeoit, Dieu s'en refervoic le
fang ôc la graiffe , ôc vouloit qu'on les mît ôc qu'on les brûlât fur l'autel:
mais quand le peuple eut pris pofleftion de la terre de Canaan, le Taber-
nacle ôc le Temple ne manquèrent pas de viélimes. La plupart des If-
raëlites avoient leur demeure loin du lieu où l'on facrifioit j c'eft pourquoy
],)icu fe contenta d'ordonner qu'on brûlât les graifles dans le feu de chaque
maifon. Il n'étoit donc pas permis d'employer ces graifles à aucun des
ufages à quoy on employé d'ordinaire la graiflè,quine fe mange pas : cela
tevit. i.iî. cft clair par la Loy j Vous ne mangerez, aucune gratffe ^ ni de bœuf ., nid agneau.,
ni de chèvres ^ la graiffi d'une bête morte ou déchirée par les bêles fauvages fe
pourra bien preoarer pour tout autre .ufage ^ mais vous n'^ en mangerez, vas. Et peu
de
ET DES CULTES DE UEGLISE. Tûrt.l. 87
de lignes après Moyfe ajoute, vous ne mangerez, f oint de fang dans aucune de
vos demeures^ fait (^oifeatt ou autre bête. Remarquez, i.. que la Loy défend
la grailTe de ces trois fortes de bêtes, bœufs, moutons 6c chèvres, par-
ce que c'étoient les feules bêtes à quatre pieds, qu'on prefentât en facrifî-
ce. ^t fur cela Maimonides nous dit,, qu'on n"^ était coupable en mangeant de Traité des
lagraiffè <jue de ces trois .animaux ^ & que de toute bête, [oit fauvage , foitpri- fend.ch.T*,
vée^ la gratte en efi permife.^ Remarquez aufîi, que Dieu permet bien d'em- ^'^^ ^'
ployer aux ufages, aufquels on employoit ordinairement les graifles , celles
des bêtes mortes par accident , ou de maladie, Ô£ non pas celles des bê-
tes qui avoient été égorgées : ce qui nous fait aflez connoître, que les graif ■
(ts des bêtes qu'on egorgepit pour les manger écoient confacrées à Dieu,
ÔC qu'elles dévoient être brûlées. Car autrement qu'en eût-on fait, puis
qu'il n'étoit pas permis de les manger, Scqu'iln'y a pas d'apparence qu'il
fût permis de les jetter dehors ? Ainfi comme le fang dédié à Dieu de-
voit être couvert de poufliere, après avoirété répandu, pareillement tou-
te graiffe, parce que Dieu ferétoitrefervée, devoit être brûlée parle feu.
Enfin il eft à remarquer que la défenfe de manger de la grailTe ne s'étendoit DifFerence
pas auiîi loin que celle de mangçr du fang. Car il n'y avoit. que la graiffe f^nfe' de^"
de bœuf, de mouton & de chèvre, qui fût défendue j celle dts oifeaux & manger du
dts bêtes qu'on prenoit à la chafîè ne l'étoit pas : mais le fang.de tout oifeau ie"dèmaa-'
6c de toute bête, de quelque efpece qu'elle fût, étoit confacré à Dieu, gerdeia
Nous trouvons la raifon de cette différence dans les paroles de la Loy, où ^"^ *'
elle dit , que le fangeft l'ame : c'eft que Dieu vouloit que le fang de toute bête
fût propitiation pour l'ame de l'homme, àcaufe de la relTemblance qu'il y
aentie ame ôc ame. Mais comme la graiffe n' avoit pas un rapport particu-
lier avec l'ame de l'homme , il n'étoit pas neceffaire que toute graiffe fit
la propitiation dé l'ame : il fuffifoit qu'entre les grailles, celles- là fuffent
brûlées, lefquelles pouvoient être offertes fur l'autel. Les Doâeurs Juifs "*
exceptent les bêtes qui ont le fang froid , comme font les fauterelles ^\cs
poiffons. Il étoit permis de manger du fang des poijfons^ fauterelles & autres "^^^ ^'^P^^ ^^
bêtes fauvjges qui étaient nettes , dit Maimonides.
Si nous confiderons ce que nous dit le même Maimonides, touchant seion Mai-
la manière doiit on égorgeoit les bêtes, qu'on vouloit manger, il nous fera ^oniies il
difficile de douter de la vérité que nous voulons établir, que toute effu- myfteredans-
fion de fang étoit une efpece de facrifice; i. Il dit que celuy qui égorgeoit ^"J^— °°
beniffoit Dieu, dcdifoit , béni foit celuy quinous fanBiJie par fes commandemens, des bêtes.
^ qui nous donne (es ordonnances touchant foccipon & la tuerie des bêtes. Il re- ^^'S?°^'u"'''
r ■ 1■^ ^ • -1 /iA 1- Tratt. Scne-
marque eniuite, qu iletoit permis de tuer les betes qu on vouloit manger kita.cap. i..
hors des parvis du Temple : mais qu'il n'étoit pas permis de les égorger ^^^"^*
au dedans des parvis. Si donc quelque bête qui n'étoit pasdeflinée au fa-
crifice eût été. égorgée au dedans des parvis, on l^enterroit, & on ne la
mangeoit pas. Enfin il dit entr'autres ehofes, que fi le couteau échap-
poit par hazard des maiïis de celuy qui devoit égorger la bête, &latuoit
en la blefllmt contre fon intention , il n'étoit pas permis de manger de
cette bête, parce qu'elle n'étoit pas réputée comme tuée par un homme:
or il falloit que les hommes enflent tué une bête, afin qu'il fût permis
d'en manger. Il eft donc certain, qu'il y avoit du myllere dans l'occifion
des bêtes, qu'on égorgeoit à la boucherie,, autrement on n y auroit pas ap-
porté
88 HISTOIRE DES DOGMES
porté tant de Icrupuleules obervations. Et le myltere qui écoit caché là-
deflbus , c'ell apparemment que toute bête égorgée étoit une efpece de
{acrifice.
ccrcmonies Cela pavoît principalement dans les cérémonies, aveclefquelles les Juifs
v^Sig couvroient le fang, quand il étoit répandu. LaLoy commande qu'on cou-
rcpandu. yre le faug des oiléaux nets & des bêtes nettes ; avant que de le couvrir on
Maimon. bcnilToit Dicu en ces termes , Béni fois- tu o Seigneur nôtre Dieu %py éternel^
ub. fupr. igattel nous as fanElifié par tes commandemens , & nous as ordonné de couvrir te
(éd. u fang. Maimonides ajoute, que fi le fang eft mêlé avec de l'eau, on eft obli-
gé de le couvrir , fi la liqueur retient encore la couleur de fang : que l'on
n'efl obligé de couvrir que le fang des bêtes qui peuvent être mangées ,
c'eft-à-dire, qui font nettes : que fi la terre qui a bû le fang en confer-
ve encore la teinture, on la doit couvrir d'autre terre. Celui qui égorgeoit
une bête, avant que de répandre le fang, faifoit un monceau de pouffiére ,
& faifoit couler le fang delTus j puis le couvroit d'autre poufliére. On
pouvoit couvrir le fang de tout ce que l'on peut appeller de la poudre ,
comme font la cendre, la pierre broyée, la chaux réduite en poudre , &
le ciment réduit en poufiiére : mais il n'étoit pas permis de le couvrir d'ua
morceau de pierre, de bois 6cc. Enfin cette aétion fe devoit faire, non
pas avec le pied , mais avec la main , en tenant un' couteau ou quelque
autre inftrument , ou quelque vaifleau d'oiàTon veribit lapoulîiére. Ajou-
tez à tout cela, qu'on n'étoit obligé d'obferver ces cérémonies, pour cou-
vrir le fang & pour le répandre, que des animaux nets , tant domeiliques
que fauvages, ce qui fait bien voir, que cette effufion & cette couvertu-
re du fang étoit un facrifice. D'un loup, d'un pourceau ôcc. on n'en répan-
doit point le fang, ni on ne le couvroit pas de pouffiére. Il eft clair que
toutes ces cérémonies fignifioient quelque myftere, ôc'ce myftere eftaifé
à découvrir. Le fang c'eli l'ame, Dieu s'eil refervé le fang pour la puri-
fication des âmes , & pour l'expiation des péchez : couvrir le fang , c'é-
toit couvrir les péchez, -, & je ne doute pas que la phrafe de couvrir le pé-
ché pour le pardonner, dont l'Ecriture faintefe fert, n'ait pris fon origi-
ne de là.
conciufîon Tout Cela prouvc afiez clairement , ce me femble , que l'effufion du
,decctte dif- f^j^g ^q^ bêtcs, avcc quclquc circonftance, ôc en quelque lieu qu'elle fe fît,
l'origine étoit uu facrificc : 6c par conféquent il eft certain, comme je l'ai dit, que
f"^^"'^' ^^^^ trouvons le commandement de facrifier dans le commandement qui
fut donné à Noé d'épandre le fang, & de ne le pas manger. Au refte je
ne faurois douter, que le même commandement n'ait été donné à l'Eglife
avant le déluge. L'on avoit facrifié peu de tems après la chute de l'hom-
me, l'on avoit mangé de la chair des bêtes facrifiées, on s'étoit abftenu
du fang, & fans doute on avoit répandu le fang. Ce que Dieu donna une
permiffion expreife à Noé de manger de la chair des bêtes , & un com-
mandement exprés de répandre le fang, ne doit pas être regardé comme
une alliance nouvelle ; Car la vérité eft, que Dieu ne fit pas une nouvelle
alliance avec Noé, il renouvella feulement celle qui avoit été faite avec
Adam après fa chute. Voilà ce que nous avions à dire de l'origine des fa-
cnfices. Au refte il ne faut pas s'étonner, que ce culte fe foit répandu dans
toutes les Nations i chaque famille l'emporta avecfoy après ladivifiondes
: langues
ces.
ET DES CULTES DE L'EGLISE. TartA. 89
langues ÔC le partage de la terre : & il s'accorde (i bien avec le fentiment
de la confcience, qu'on ne doit pas trouver étrange que tous les hommes
Payent retenu. Car le cœur & laconfcience nous diéfcent, que l'on doit
travailler à appaifer la divinité irritée, &nous n'avons rien qui fembleplus
propre à cela que la vie des animaux, laquelle reiïbmble fi fort à la nôtre.
Je conclus donc qu'il n'eft pas necelTaire de fuppofer que cette Loy des
facrifices foit une Loy de la nature : il fuffit de la mettre au nombre de cts
loix pofîtives qui font prefque auiîî vieilles que le monde.
C H A P I T R E X I IL ^
Des différentes efpeces des facrifices avant Moyfe.
A Prés avoir vu l'origine des facrifices anciens, il efl bon deconfide- Efpeces de
rer de combien d'efpeces il y en avoit. La Loy de Moyfe en avoit f»"ifices.
de diverfes fortes, i . Il y en avoit qui étoient appeliez holocauftes,
dans lefquels toutes les chairs étoielît confumées fur l'autel : il n'en rêve-
noit rien , ni au Prêtre , ni à celui pour lequel on offroit. Il y en avoit
d'autres qu'on appelloit facrifices pour le péché j & d'autres qu'on appel-
loit facrifices pour le deli£t. Dans ceux-là celui qui facrifioit y avoit fa part,
mais celui pour lequel on facrifioit n'y avoit rien. Il y avoit des ^crifices
<le profperité, 6c dans ceux-ci il n'y avoit que le fang & les grailles qui
appartinfient à l'autel, le Sacrificateur prenoit une partie des chairs , &
celui qui offroit le facrifice prenoit le refte, & en régaloit fesamis. Enfin
il y avoit àts facrifices des chofes inanimées , tant feches que fiquides ,
c'étoit du pain, du vin, de l'huile, du blé , de la farine & des fruits.
On demande fi l'Eglife avant Moyfe avoit toutes ces efpeces de fa-
crifices.
Les Juifs ont là-defTus une tradition que je crois très faufile : ils difênt que n etoit per-
les enfans de Noé n'offroient point d'autre facrifice que des holocauftes j payen"5'of-
ils ojfr oient des viùlimes de toute hête ^ tant bête de charge qn^ autre, fauvage^ ou ftir des ho-
domefiitjjues ^ h et es a quatre pieds ou otpaux , mâles ou femelles , vitiez, ou-fains r^^^^^^^
(fr entiers , pourvu que ce ne fujfent pas des animaux immondes j & toutes les Babylon.
vi5iimes s'^ojfroient feulement en holocauftes. Sur ce fondement, depuis que te J^^lJ; Jf"
temple de Salomon fut bâti, & tant que le fécond temple dura, ils ne re- Guemara
cevoient des Payées & des profelytes de la porte point d'autre viélime que "^" ^'''
celle qui dcvoit être- offerte 'en'holocaufte. Salomon dans cette prière ,
par laquelle il fit la dédicace de fon temple, difoit à Dieu, Quand Pétran- ^^.Kohch.
ger qui fera venu parmi ton peuple d"^ îfra'él d'4 pdis éloigné pour l' amour de ton nom ^
fera requête dans cette matfon ici , exauce le des deux. Les Juifs conciuoient
de là que les étrangers , fans en excepter même les idolâtres , dévoient
facrifier dans ce temple, c'eft-à-dire, que l'on devoit facrifîer pour eux,
& à leur intention : c^r ils .n'entroicnt pas eux-mêmes dans le temple plus
avant que cette première cour, que l'on appelloit le parvis des nations. En
effet il eft certam que les Payens pouvoient faire offrir pour eux des viêli-
Part. L M mes
V.
ïAlr. 6. 10.
Antiquit.
Lib. n.
cap. 8.
Antiquir.
Lib. 18.
cap. 7.
Opinion
notable des
Juifs fur le
don de la
Loy cere-
mouielic.
Traft.
Melakim.
cap. lo.
M»tmonid>
Tiaâ:. Coi-
banot cap. 3
Les tradi-
tions précé-
dentes font
fon Jées fut
une faufle
fcippoûtion.
90 HISTOIRE DES DOGMES
mes dans le temple de JcrLifalem. Les Roys Cyrus & Darius ordonnèrent
que l'on Hicrifiât dans le tem{)le pour leur vie , pour leur profperité &C
pour celle de leurs enfans. Jolephe recite qu'Alexandre le Grand facrifia
dans le temple, félon que le Souverain Sacrificateur lui prefcrivit. Le même
Auteur nous dit que Vitellius monta en Jerufalem avec Herode, pour y
facrifier, &il eft conllant que le temple étoit rempli des dons & des pre-
fens des Princes étrangers & Paycns. Les Juifs difent que les facrifices des
Payens étoient le facrifîce des anciens Noachides, fondez fur le droit com-
mun, 6c qui avoient été pratiquez par Noé ôc par fes enfans ; mais qu'il
n'étoit pas permis aux Payens d'offi-ir à Dieu les efpeces de facrifices, qui
n'avoient été connus, & établis que par la Loy de Moyfe.
Car c'ell une de leurs maximes, que la Loy fut donnée au peuple d'If-
raël,comrae un héritage qui lui étoit propre, 63C qui ne pouvoit paiTer entre
les mains des étrangers : de forte qu'il n'étoit pas permis aux étrangers, mê-
me profely te^, d'obferver les cérémonies de la Loy, à moins que de les ob-
ferver toutes en fe faifant Juifs. Par exemple , non feulement les étran-
gers n' étoient pas obligez de célébrer laPâque, de fe fervir des purifica-
tions légales, de garder les fêtes folemnelles, commandées par Moyfe j il
ne leur étoit pas même permis de pratiquer ces cérémonies quand ils i'au-
roient voulu. Et fi on en croit les Jfiifs, un étranger, qui entreprenoit
d'obferver quelqu'une de ces cérémonies légales , fe rendoit digne de mort.
Ce font les paroles de Maimonides , U étranger qui obferve la Loy e[i digne
de mort j car il ejl dit que Moyfe nous a. donné U Loy en héritage , a nous , dis-
je , er non pas aux étrangers. Ils ne doivent penfer a autre chofe qu^a Poi/ferva-
tion des fept commandemens qui font venm de TS^oé. Entre les cérémonies qui
font particulières au peuple d'Ifraël, & qu'il n'étoit pas permis aux étran-
gers d'oblërver, ils content tous les facrifices , excepté l'holocaufie 5 &
même entre les hoiocaufles ils prétendent que l'étranger ne pouvoit avoir
départ aux holocauiles ordinaires, qui fe faifoient félon la Loy à certaines
heures & à certains jours. Il ne faut pas, difent-ils, recevoir des Gentils
de viélimes que pour les holocauftes , fclon le précepte de la Loy qui fe
iit au zi"^^. chap. du Levit. v.zf. Feus n'^ojfrirez.pas le painavôtre Dteude'
la main de l'' étranger. On recevoit auffi des holocauiles d'oiieaux des mains
à.çs Payens , encore même qu'ils n'eulTent pas renoncé au culte idolâtre.
Au refie il ne faut pas recevoir des Payens de facrifice de profperité , ni les abla-
tions de bled , de farine & de pain^ qui font ordonnées par la Loy , ni les facrifices
pour les péchez, d'^ ignorance ^ ou volontaires. Et tnême entre les holocaufies ^ il ne
faut recevoir du Payen que ceux qui font vdmitaires , (jr qui ont été vouez. :
C'ell:- à-dire que le Payen ne pouvoit avoir de part aux holocauftes conti-
nuels du foir & du matin, à ceux des Sabbats, des nouvelles lunes & des
fèces folemnelles, parce qu'ils fe font félon la Loy, 6c félon l'efprit de cet-
te Loy ils n'appartiennent point du tout au Payen.
Cette tradition des Juifs eft fondée fur cette fuppofition, que les étran-
gers ne doivent être reçus à faire d'autres facrifices, que ceux qui étoient
prefenteZ è Dieu par les enfims de Noé, c'eft-à-dire, de ces holocauftes
volontaires, qui n'èroieni attiichezàa'JC'JP. jo'jr^îli déterminez par aucune
Loy. Si cela eft véritable, avant la Loy de Moyfe on ne niangeoit pas de
la chair des vidimes qui étoient facrifiées , il falloit qu'elle fût tour e con-
fumé^
Gen. g,
V. zo.
ET DES CULTES DE L'EGLISE. Tart.l, 91
fumée parie feu, car c'ell ce que fîgnifie le mot d'holocauftc. Mais cet-
te tradition des Juifs n'eft point du tout vray-femblable. Il y a bien ap-
parence, que dés le tems des Patriarches l'Eglife avoit* diverfes fortes de
iacrifices. Il efl: vray que les holocauiles étoient plus ordinaires en ce tems-
là que les autres Iacrifices : Dieu difoit aux amis de Job , prenez.~vous fept
boHveaux & fept moutons^ dr les ojfrez. en holocaufte. Le mouton que Dieu l^''* ^^
mit en la place d'Ifaac fut aiiOi offert en holocaufte ; le facrifice que Noé
offrit quand il fut forti de l'Arche, fut un holocaufte: Ef Noé bâtit un au-
tel à l"* Eternel , & prit de toute hêt^ette , de tout oifeau net , ô' Pojfrit en ho-
locaftfie fitr Paatel. Le facrifice oAbel fut auffi félon toute apparence un
holocaufte , car Dieu l'embrafa, ôc le confuma tout entier, par le feudé-
cendu du ciel. C'eft apparemment de cette manière que Dieu lui mar-
qua, qu'il agréoit fon facrifice, plus que celui de Caïn. C'eft la penfée d'un
ancien interprète appelle Theodotion, qui a tourné ainfi le paffage , &
Dieu confuma par f^fi le facrifice d'^Abel. LesPayens, qui fe font vantez d'à- èvsi:v-
voir vu dans leurs facrifices de femblables miracles , les ont regardez comme P"^^y.
desfaveun du ciel, 6c comme des marques d'acceptation. SoUn rapporte ^mênî"
que dans la Sicile il y avoit une colline, dans laquelle en mettant du bois cie vi* des viaimes
gne fur l'autel, quand Dieu agréoit le facrifice, le feu s'y prenoit tout feul. ciei.*^ ^"'^"
JSfec longe inde collis Vulcanitis , in quo qm divinis, rei opérant nr Itgna vitea fu- Solin.
per aras firuHnt ; nec ignis apponitm in hanc congeriem ckm porrictas intulerint. "P- "•
St adefl DcHS Sacrornr/i probator , farmenta , licet viridia , ignem fponte conci-
piunt , & nullo inflagrante halitu a Nnmine fit incendium. Servius fur ce vers
de rÈneïde.
Andiat hac Çenitor qui fœdera fulmine fancit. nous dit j Cert\ quia appid ^atid, Lh,
A^ajores ara non incendebantur , fed ignem divinum precibus eliciehant , qm in- ^^' ^° ^°°°
cendebat Alt aria.
Pour revenir à nôtre fujet, j'avoue que les facrifices que le feu du ciel Avant
confumoit, dévoient être-des holocaufles : Mais quelle apparence y-a-t-il, avoud'au-
que le facrifice que Jacob offrit en la montagne au retour de chez Laban , "" ^acrifi-
fût un holocaufte ? Quand Laban l'eut atteint , ils eurent un grand dé- hdocauftel
mêlé, ils fe réconciHerent , ils traitèrent alliance enlèmble , & en fuite ^'* 9^='"-
Jacob facrifîa. Il eft clair que ce fut un facrifice de profperité , puifque uchût de
ce fut une fête & une aéfcion de réjouïflance commune, pour confirmer leurs viai-
leur réconcihation. Les holocauftes font des facrifices de deiiil, de re- .
pentance , d'expiation & de propitiation. Les facrifices de profperité
étoient des facrifices d'aélion de grâces & de joye -, Se tel étoit allïirément
le facrifice de Jacob. Cela eft expreffément marqué dans ce que dit FHif^
toire fainte, que Jacob offrit un facrifice en la montagne , & appelia fis
frères pour franger d^ pain. Les repas, qui accompagnoient les facrifices, fe
faifoient toujours des victimes quiavoientété facrifiées j ôcc'étoit là le vray
caraétére pour diftinguer les facrifices de profperité des autres facrifices ,
& iur tout de l'holocaufte : car jamais on ne mangeoit la chair des holo-
cauftes. D'où auroit pu venir cette coutume, fi répandue entre les nations
avant la Loy de Moyfe, de manger de la chair des viélimes , & même
d'en faire des feftins à fesamis, que de ce que l'Eglife des premiers fidè-
les avoit accoutumé de joindre la fête aux facrifices , 6c de manger la chair
de ks viftimes ? Quand les Ifraëlites étoient dans le défert , les Moabites Nombs^
M z les''-'^
92 HISTOIRE DES DOGMES
ks convièrent aux lacriiîces de leurs Dieux, 8c le peuple mangea, & fe prof-
terna devant les idoles de Moab. Dieu difoit au ^4^. de l'Exode aux 11^
raëlires , Ne fais pas alliance avec les habitans du pats , quand ils viendront à
paillarder après leurs Dieux^ & a leur facrifier , cjue quelqu'un ne t'' appelle , (^
que tu ne manges de [on facrifice. Quand le peuple fe corrompit après le veau
d'or, il n'avoit pas encore reçu de Moyle les loix des facrifices, il n'en
Exod. ch, favoit que ce qu'il avoit appris de fes ancêtres les Noachides. Cependant
lî. V. 13. ^1 ^^ ^-j. exprcircmcnt , qu'ails offrirent des holocaufies, é" qu'' ils firent des facri-
fices de projperitez, j que le peuple s^afît pour^anger & four boire , & qu'il fe leva
pour jouer. Jethro le Sacrificateur de Madian, beau-pere de Moyfe,ne fa-
voit de la Loy des facrifices que ce qu'il en avoit appris des décendans de
Exod. Noé, 6c qui fe pratiquoit avant Moyfe. Il eil pourtant dit de lui, qu'ail
^^' *■ prit un holocaufie & des facrifices pour facrifier a Dieu ^ & qu Aaron (^ les An-
ciens d'^Ifraël vinrent^ pour manger du pain avec le beau-pere de Moyfe ^ en lapre-
fence de i"^ Eternel. 11 eft clair que par ces facrifices, qui font ici joints à
Tholocaufle de Jethro , il faut entendre des facrifices de profperité 5 6c
les interprètes Hébreux en demeurent d'accord.. Les Grecs 6c les Latins
ont eu la même coutume j ils en rapportent l'origine à Promethée , com-
me le remarque Saumaife dans fes exercitations fur Solin. Us veulent ,
dit-il, que cette coutume ordinaire dans les facrifices , de jetter une partie de U
viBime au feu y ^ de manger l'autre , ait tire fon origine de Promethée. Or
^e Promethée, félon le témoignage des Poètes, eft fils de Japet, fapetige-
nus ; & ce Japet eft le fécond fils de Noé Japhet, qui en effet eft le Patriar-
che des Grecs, duquel ils font décendus. Or fi cette coutume de manger de
la chair des viélimes eft décenduë de Japhet 6c de fon fils , elle étoit donc du
tems des Noachides.
Autre faufle Cela me paroît allez certain 6c affez bien prouvé. Mais il eft peut-être
d«^]uifs!" nioins afilii-é qu'ils eufiënt la coutume de facrifier des chofes feches, 6c de
qu'avaat prcfcntcr à Dieu des oblations de chofes mortes 6c inanimées , comme font
ïoffroitîas îcs fruits dc la terre. Les Juifs le nient, 6c c'eft la raifon pourqiioy, ils
à Dieu des ne vouloicut pas que l'on reçiit des mains des étrangers ces forces d'of-
ches." ^" frandcs, pour les mettre fur l'autel. C'eft ainfi qu'ils expliquent le paflage du
Levit. 22. Levitique, oij il y a félon l'Hébreu , vous n'^offrirez. pas de pain a vôtre Dieu
^' ^^' de la main de l'étranger de toutes ces chofes , parce que leur corruption eft en
. eux. Ce que nos interprêtes ont traduit un peu différemment , vous ne
prendrez, pas de la main de l'étranger aucune de toutes ces chofes pour ks offrir en
viande a vôtre Dieu. Il y a apparence qu'ils ont mieux rencontré que les
Hébreux , 6c qu'ici le pain de Dieu ne fignifie pas precifément du bled ,
du pain , ou des offrandes feches. En gênerai les facrifices font appeliez
en ce lieu le pain de Dieu , fa viande, lès repas 5 6c Moyfe défend qu'on
lui offre dans fes repas aucune bête fouillée, non pas même après l'avoir
reçLië de la main de f étranger. Car c'eft proprement des bêtes fouillées,
6c qui ont des défauts qui les rendent incapables de monter fur l'autel , dont
il s'agit dans ce chapitre. Quoy qu'il en fbit, les Juifs ne vouloient point
offrir à Dieu des oblations feches au nom des étrangers, dans cette fup-
pofition, que la Religion des Noachides ne connoillloit point cette efpece
d'offrande. Mais je trouve cette fuppofition fort douteufe. Il eft vray
que nous avons peu d'exemples de ces oblations de chofes mortes avant
Moyfe :
ET DES CULTES DE L'EGLISE. F^fif.I 93
Moyfe; mais enfin dans uneaufîi grande brièveté d'hill:oire,un feul exem-
ple nous fuffit pour réfuter les Hébreux j c'eftceluy de Caïn: il étoit la- c^""*-i-
boureur -y èc il offrit à Dieu oblation des fruits de la terre ; c'étoit desfruits de
fans doute du bled en épy, ou de la fleur de farine, ou du pain, car J^**"'^'^^*^
cela vient de la terre 5 & le mot mincha , dont Moyfe fe fert icy , eft
prefque toujours employé pour lignifier les offrandes de pain ou de
farine.
Au relie lesPayens onteudetouttems la même coutume d'offrir à Dieu LesPayens
des chofes feches, Pline dit, c^ue.Nnma ordonna cjpi^on negoâtât^ ni au bled, Dku'de"^
ni au vin nouveau ^ cjue les Trétres neujjènt facrifie' les premiers fruits. Appa- chofes fe-
remment cela n'étoit pas venu des Juifs, avec qui Numan'avoit aucun com- ^ift' natur
mcrce. C'étoit une coutume décenduë de la Religion des premiers hom- lib. is.c.z,
mes. Ariflote efl témoin, (jue les Sacrifices des Anciens ^ & les ajfemblées qui Ethic. cap. s.
fe faifoient four facrifier après la récolte des fruits de la terre , e't oient defiinez à
prefenter aux Dieux des premiers fruits Enfin M. Caton dans Ion Livre, de ^ereruflica.
Re %uflica, dit, Exiufqukm mejfem fadas , porcam pracidaneam hoc modo fier i ' ^
oportet. Cereri força prdciâanea porcafœmina ^ priufquam hafce fruges condantur^
fer triticum ^ hordeum ^ fabam , femen rapicium ^ thure ^ vino ^ano, Jovi pr(Z-
fato. C'eft- à-dire, qu'entre les autres chofes que l'on facrifioit avant la
moifibn, on prefentoit à Janus, à Jupiter 6c à Junon les prémices du bled,
de l'orge & du froment j ôc qu'on y ajoûtoit de l'encens ôc'des effufions
de vin. Ce qui fait voir que les oblations des chofes inanimées étoient
en ufage entre les facrifices des Payens : ce qui étoit apparemment décen-
du des Noachides.
Le prétendu lacrifice de Melchifedec feroit bien propre pour prouver Dufacrifice
que les Anciens prefentoient à Dieu des facrifices de chofes feches & ina- decf ^^^^''^^
nimées, fi nous pouvions avoir des preuves qu'il ait véritablement facri-
fie, quand il tira hors du pain & du vin, lors qu'il vint à la rencon-
tre d'Abraham. 'En vérité le parti Protefîant a fi peu d'intérêt, que l'ac-
tion de Melchifedec ne foit pas un facrifice, que pour peu qu'il y eût
d'apparence que c'en fût un , nous nous rangerions dans ce fentiment.
Peut-on produire une preuve plus foible pour le facrifice du vrai Corps
& du vrai Sang du Seigneur, dans la célébration de l'Euchariftic? Mel-
chifedec étoit la figure du Seigneur Jefus Chrift. il a offert du pain 6c
du vin dans fon facrifice j donc il faut que le facrifice de l'Evangile fefafle
dans le pain 6c dans le vin, 6c que le Corps de J. Ch. y foit facrifie fous
les accidens du pain ôc du vin. N'efl-ce pas une chofe pitoyable, que
l'intérêt de parti aveugle les gens à ce point , 6c les fafîe raifonner ainfî ?
Il ne nous importe donc en façon du monde, que ce foit un facrifice,
ou que ce n'en foit pas un. Les Juifs foûtiennent que ce ne fut pas
un facrifice. Les Orientaux eftiment que cette aftionde Melchifedec fut
un vrai facrifice, 6c un facrifice de pain 6c de vin. Et ils ont là-defîus
une fable , qui n'eft remarquable que par fa fingulafité : parce qu'elle eft
finguliere, nous ne la neghgerons pas. Elle eft tirée d'un Patriarche d'A-
lexandrie nommé Eutychius, ou SaidibnPatrik,duquel Seldenus a fait impri- seidenus d®
mer un Ouvrage à Oxfort l'an i6f8. en Arabe. Cet Auteur dit , que {"^^^^JJ^^
le corps d'Adam ayant été embaumé félon fon ordre , repofoit fous la cap. 2,
montagne des enfans de Seth dans la caverne du tréfor : Mais qu'Adam
M 3 ayant
94 HÏSTOIREDES DOGMES
avant que de mourir, avoit donné commandement qu'on enlevât delàfes
reliques pour les tranfportcr dans le milieu de la terre j que Lamech en
mourant en avoit donné le commandement à Noc : 6c qu'ainii Noé pour
fuivrc les ordres de Tes ancêtres avoit emporté le corps d'Adam, & ceux
de tous les Patriarches dans l'Arche avec luy , <Sc les avoit venus prés de
luy toute fa vie : qu'enfin prêt à mourir, il avoit ordonné à ion filsSemde
prendre le corps d'Adam du lieu oii il repofoit, de fe fournir de painôc
de vin pour Ton voyage , de mener avec luy Melchifedec , fils de Pha-
leg , ôc de s'en aller au lieu dans lequel un Ange leur montreroit , qu'on
devoit enterrer le. premier homme j & Noé ajouta , commande a Melchi-
fedec de pofer fin Jîege,& d'^e'tablir fa demeure dans ce Ueu-U , qti-'il ne fe marie
pas , c^ i^u'il vive en Religieux tout le refie de fes jours , farce que Dien l'a
choijt pour faire le fervice en faprcfence ^ qtt'tl ne bâtife pas de Temple, qu'il
n'e'pande le fang ni des bêtes a quatre pieds , ni d'oifeaux , ni ^ aucun autre
animal , & que dans ce lieu-la il n'offre point Vautres ablations a Dieu que du
■pain & du vin. Voilà, félon cet Auteur , la raifon pourquoy Melchifedec
venant au devant d'Abraham n^offrit que du pain 6cau vin. G'eftque dans
l'établiifement de fon Sacerdoce, Noé luy ordonna de n'offrir que de ces
deux chofes. Mais cet homme devoit auffi nous apprendre pourquoi Noé
défendit à Melchifedec de n'offrir que du pain & du vin : il pouvoit auffi
bien tirer ce -dernier fecret du fonds oÎj il a puifé l'autre, puis que dans la
fable l'on trouve tout ce que l'on veut. Au relie il n'eft pas aifé de dé-
couvrir où ce Saidibn Patrik a pris la première partie de cette ffable, qui re-
garde le commandement que Noé donna à Melchifedec de ne facrifier
que du pain & du vin.
Traditions Mais pour cc qui cft de l'autre fable, quiefi: le commandement qu'A-
kiieudeir ^^^ donua , qu'on tranfportât fon corps au milieu de la terre, c'efl-à-di-
fepuiture re, fur le fommct de Jerufalem , elle a été tirée des Juifs. Pour faire hon-
neur à leur Temple de Jerufalem , ils prétendent qu'Adam fit fon premier
facrifice fur la montagne de Morija , où le Temple de Salomon & celuy
d'Herode furent bâtis :<:V7?, difent-ils, une ancienne tradition qui nous efi
Mircîinetho- venu'é par la main de tous nos maîtres , que la place de l'aire d' Aruna , dans la-
TempiocAp f^^^^^ David bâtit un autel ^ & oit peu de tems après Salomon bâtit fon Tem-
2, §. z. pie , e'toit la même place ou Abraham bâtit un autel pour facrifier fon ^Is: que ce
fut la place ou IShé avoit bâti un autel pour y facrtfer après 'être forti de P Ar-
che; que dans ce même lieu Gain & Abel avaient offert leur facrifice 5 que dans
la même place Adam le premier homme avoit offert fa premier eoblation^ après avoir
été créé . Nosfiages & nos maures nous ont dit qu"* Adam a été créé ^ & de lapla^
ce ^ ^ du lieu où a été faite la propitiation de fon péché. Ainfi félon cette tra-
dition Adam a été créé de la terre de la montagne de Morija en jerufa-
cap. 12, lem , ou en Salem , qui étoit le lieu de la demeure de Melchiiédec. îl a
facrifié fur cette même montagne, les premiers hommes en ont fait le lieu
de leur fervice, & l'on ajoute qu'Adam y a été enfeveli. La différence en-
tre la fable des Juifs & celle de Batricides, c'eft que les Juils font demeu-
rer Adam dans la terre de Canaan, puisque luy Se fes décendansficrifient
fur l'une des montagnes du pays. Mais les Chrétiens ont voulu que leurs
fiftions fuflent moins oppofées à l'Hiftoire & à la Géographie. L'Hifîoi-
re pofe (|u'Adam fut créé dans le Paradis terreilre, ou tout au moins prés
de
d'Adam.
Maimon,
Pirckei B-ab
bi Ellezer
JT DES CULTES DE L'EGLISE. f^rM. 95 ^
& la Géographie met le Paradis terreltre fur le rivage de l'Euphra-
te 5 bien loin de la terre où demeura Melchifcdec. C'efl pourquoy ils
feignent que le corps d'Adam fut tranfporté dans le pays de Canaan long-
tems après fa mort.
Les Chrétiens qui ont autant de zèle pour la gloire du Calvaire , fur Je"' chrî-^^
Jequel le Seigneur a été crucifié, que les Juifs en ont pour le fommet de tiensfnria
Morija, fur lequel le Temple avoit été bâti, ont fait faire aux leliques J^^j^®
d'Adam un petit trajet de Morija au Calvaire. C'ell un petit trajet, car
ce font deux fommets d'une même montagne, Morija étoit enfermé dans
les murailles de jerufUem, ÔC le Calvaire étoit hors des murailles, mais
fort prés de la ville. Les Anciens avoient fans doute ouï parler de cette
tradition des Juifs, Adam a été créé de la même terre ^ & a été enfeveli dans
la même terre fur laquelle a été faite la fropitiation de fon péché y ils ne fe font
pas mis en peine de chercher quel étoit le fens des Juifs. Ils n'ont pas
voulu prendre connoifîance , que par là on entendoit qu'Adam avoit fait
fon premier facrifice de propitiation fur la montagne dans laquelle il avoit
été créé. Ils ont regardé ces paroles avec admiration comme une prophe=
tie, & ont trouvé raifonnable de les appliquer dans un fens un peu diffé-
rent de celuy des Juifs , en difant qu'Adam avoit été enfeveli fur la mon-
tagne du Calvaire, oui le Seigneur avoit fait la propitiation du péché
d'Adam, & de tous les autres. Pourembelhrl'Hifloire on a ajouté que Belle îmagî-
le fommet de la montagne avoit été appelle le Calvaire ou le Têt, And"^^^
parce qu'on y avoit trouvé le crâne d'Adam. Enfuite on a imaginé d'ad-
mirables myfteres dans cette rencontre , que le crâne êc les cendres de ce-
luy qui a introduit le péché au monde ait été arrofé du fang de celuy
qui eft venu pour expier le péché. Il eft clair que cela fignifieroit évi-
dcînment, que le fécond Adam eft le Rédempteur du premier, que fon
Sang lave les foiiillures du premier homme, que ce Sang a jette dansfes
cendres une femence de refurreétion 6c dévie. Bien que je nemefafle pas
unfcrupulede révoquer en doute cette tradition, j'avoue pourtant que je ne
faurois m'empêcher d'avoir du refpeél pour elle: je la regarde comme ces
belles antiquitez qui font les chefs- d'œuvres des anciens Sculpteurs 3 Peut-
être que ces copies n'avoient pas d'originaux , àc que ces ftatuës n'ont ja-
mais relîemblé à perfonne j mais au moins c'étoient de belles imagina-
tions. Je ne m'étonne donc pas que les Anciens, qui ont été fi crédules,
ayent reçu cette Hiftoire de bonne foy. Si elle n'eft véritable, il feroit
à fouhaiter qu'elle le fût ^ 6c je ne voudrois pas la décrier comme une
faufieté évidente, à caufe du refpeélque nous devons avoir pour les grands ^ . , .
hommes, qui l'ont crue & qui nous l'ont donnée, entre lefquels font Ëpi- îf.'origS.*
phane, Origene, St. Bafile, St. Jean Chryfoftome, & Tertullien avant '^^^*^- ^^-^
ceux-là. Tertulhen nous l'a exprimée en des vers qui méritent d'être in cap! 5. ec
mis icy. ' . chryfoft.
•' homil. 84.
in Joan.
Golgotha locm efi capitis , Caharia qtiondam , ^^"^^j '!" ^^c'
Lingua paterna prior Jïc illum nomine dixit. Marclonem
Hk médium terra ejt , hic efl viUoria fgnttm \ ■ ^^™'ne
Os magnum hic v et ères noflri docuêre repertum,
Jiic homin^m primum fufcepimm ejje fepultum .
96 HISTOIRE DES DOGMES ^
Hic patittir Chrijius , pio fangmne terra madefcit ,
^nlvis Aâ& ut pojjit veteris cum fungttine Chrijii
CommixtHs fiilluntts aquA virtute levari.
Mcichifedcc Melcliifedec, àcaufe de Salem ou de Jerufalem, qui étoit le lieu défi
mentfacri- dcmcure , cll caufc de cette digrefîîon. Mais il en faut revenir, pour di-
fié, guand yz encorc un mot de Ton facrifice. Je ne fuis pas de ceux qui croyentque
devint d' A- Mclchifedcc n'a pas facrifié quand il vint rencontrer Abraham : au con-
braham. traire i'eftime que l'opinion de Grotius eil très probable. C'eft que Mel-
cliifedec étant Sacrificateur du vray Dieu , & même Souverain Sacrifica-
teur, facrifia pour rendre à Dieu action de grâces de la vièloire qu'Abra-
ham avoit remportée fur fes ennemis. Cela fefaifoit ordinairement dans
de femblables occafions. Il facrifia donc , mais il facrifia à la manière ac-
coutumée j c'ell-à-dire, qu'il égorgea des bêtes, 6c les fit brûlef fur un
autel, c'ell-à-dire, fur quelque élévation qui leur fervit d'autel. Et le
pain 6c le vin qu'il mit dehors , ou qu'il tira , ou , pour mieux dire , qu'il
fit préparer , fignifient le repas entier qui fe fit après le facrifice , au mê-
Gen. ji. me fens que Moyfe dit de Jacob, qu?il fit un facrifice dans la montagne ^ &
qu'ail appella fes frères pour manger du pain.
conciufion. Pour conclurc ce chapitre ^ ce que nous avons à dire àts efpeces de fâ-
îs°d/fa«i- crifices des Anciens avant Moyfe , je recueille de tout ce que j'ay dit ,
ficcsuficez qu'ils en avoient trois, i. Les holocauftes. 2. Les facrifices deprofperi-
avant oy- ^^^ ^ ^ -^^ enfin Ics ofFraudcs des chofes inanimées , féchcs 6c liquides. Il
eft vray qu'il efi: prefque toujours parlé d'holocaulles , 6c jamais de facri-
fices de profperité : mais en voici la raifon. C'efl que les facrifices de
profperité n'étoient que des fuites , 6c comme des accompagnemens des
holocauftes. Quand on avoit confumé une bête en holocaufte , on en
égorgeoit une autre , dont on donnoit une partie à l'autel , 6c le refte fe
mangeoit par ceux qui afiiftoient aux facrifices. Sous la Loy de Moyfe
cette cérémonie fe conferva, on en ufoit ainfi dans toutes les fêtes 6c dans
tous les facrifices extraordinaires j 6c il y a apparence que la coutume en
étoit décenduë des fiécles des Patriarches à celui de Moyfe. Il ne faut
donc pas s'étonner fi les fêtes de ces Anciens 6c leurs facrifices entiers font
appeliez des holocauftes. Cela ne fignifie pas que dans leurs fêtes ils ne
fiflent point d'autres facrifices que des holocauftes j mais la principale par-
tie donnoit fon nom au tout. Or les holocauftes ont toujours été confi-
derez comme les principaux facrifices. Cela eft clair, parce que l'autel
d'airain que Dieu fit pofer devant la porte du tabernacle, 6cquifutchan-
gé*en un autel de pierre dans le Temple de Salomon 6c d'Herode , a tou-
jours été appelle par les Hébreux , l'autel des holocauftes , quoyque fur
cet autel on fit, non feulement des holocauftes, mais des facrifices pour
le délit , des facrifices pour le péché , 6c des facrifices de profperité.
C H A-
ET DES CULTES DE L'EGLISE. F^r/.I. $7
CHAPITRE XIV.
De la matière des anciens facrifces de l'EgUfe avant la Loy , des
bêtes nettes O' fomUees, Gluand cette dijtmBion a commencé. Des
cérémonies de purification qm étoient en ufage dans cette ancienne
Egltfe.
PRefentement il faut voir quelle étoit la matière de leurs facrifices ;
c'eft-à-dire, quelles bêtes ils facrifioient. Noi>3 avons déjà vu par
un partage du Talmud , quelle eft là- defllis la tradition des Juifs :
ce partage dit , ^ae les Noachides offraient de toute forte de bêtes tant du gros LesNoachî-
e^tie du menu bétail , des oiÇeaux & des bêtes a quatre pieds , des ani' voient fa-
tnaux fauva^es & des domelitques , des mâles & des femelles , des bêtes en-^ ">fi'="^?
. i ^ . •' A^ r rr I • • f *o"' animal
tteres & non entières ,• pourvu que ce ne fujjent pas des antmanx immondes s net , feloa
c'ell-à-dire, que la matière de leurs facrifices étoit beaucoup plus libre ôc i" J"'^*.
plus étendue que dans la Loy de Moyfe. Car bien qu'il y eût beaucoup
d'animaux nets pour les tables & pour les repas, il n'y en avoit que cinq
efpecesquifuffentnetspourlefacrifice, le bœuf, le mouton, ou l'agneau,
& la chèvre entre les bêtes a quatre pieds, les pigeons & les tourterelles
entre les oifeaux. Maimonides obferve que l'on ne trouve que dix efpe-
ces de bêtes lefquelles il fût permis de manger : on en trouve les noms
^u 14^. chap. du Deuteron. Il y en a trois domeftiques , le bœuf, la
brebis & la chèvre ; & fept fauvages , le cerf , le daim, le chevreiiil, le
chamois, lebufiîe, le bœuf fauvage, & un animal que les Anciens ap-
pellent Camelopardus. Mais toutes ces bêtes fauvages, qui croient nettes
pour la table, ne l'étoient pas pour l'autel. Pareillement de tous les oi-
feaux domeftiques, le feul pigeon, ôcde tous les fauvages, la feule tour-
terelle, étoient reçus pour le facrifice. Ainrtles poules, les coqs, les per-
drix , les faifans , & autres oifeaux , dont il étoit permis de manger , ne
pouvoient être offerts en facrifice. Mais fi l'on en croit les Juifs , tou-
tes ces efpeces d'animaux & d'oifeaux nets , dont on pouvoit manger ,
pouvoient aurtî être lacrifiez dans l'Eglife qui a précédé la Loy de
Moyfe.
Le fondement de cette opinion , c'eft le facrifice que Naé fit en fortant Cda eft
de l'Arche j car il eft dit qu'il prit de toute bêce nette , 6c de tout q^e'^fit^Noé
oiféau net, & qu'il l'offrit en holocaufte. Mais il y a des Auteurs qui dansfon
n'interprètent pas ainfi ce texte de la Genefe , & qui prétendent que crT/kfapîés
cela fe doit entendre feulement de toute bête nette ôc propre pour le fa- le déluge.
crifice félon la Loy. Il y a même entre les Juifs dés Auteurs de cette
opinion : elle fe trouve dans le Capitulaire de Rabbi Eliezer i & '^é^ Capituî.
dit-il, amena incontinent de toute forte de bête nette ^ favoir , le bœuf , Pagneau ^f''"^''^^'
& la chèvre ; & t^entre les oifeaux , le pigeon & la tourterelle , & rétablit le
premier autel fur lequel avaient offert Abel & Cdin, & offrit des holocaufles fur cet
autel. Cela fe pourroit bien entendre ainfi 5 n' étoit que Moyfe nous fait
une remarque qui détruit cette coeje6lurej c'eft que Noé conferva dans
rPart. /. N ~ l'Ar»
9> H I S T O I R E D E S D O G ME S
l'Arche fcpt bêtes de toute bctc nette, & autant des oifeaux. On a très
bien remarqué, que cette feptiéme bête, & ce feptiémeoileau,ne pou voient
être deftinez à la génération, parce qu'il ne pouvoit être apparié., Ainfî;
il eft clair que Noé le dcftinoit au facrifkc. Comme donc Noé confer-
va un feptiéme de tout animal net, on ne peut pas douter qu'il n'ait fa-
Crifié ce leptiéme en holocau'fte. Il eit apparent auffi , que ce fepticme
animal éîok un mâle j car dans le facrifîce, ô<: particulièrement dans l'ho-
locauite,.on ne choifiiroit que les mâles , parce qu'ils font plus parfaits.
Li Loy s'en trouve au premier chap. duLevit. Et il y a apparence qu'elle
étoit plus ancienne que Moyfe.
lefarr'fice Mais 1,1 qucllion cft , fi cc facrificc de Noé fut fait félon les règles ordi-
J^„^p"^ fç^' naires dç cette ancienne Eglife, & s'il s'enfuit , qu'on eût de coutume de
loniesre- prendre, pour le facrifice de toutes les bêtes nettes que l'on pouvoit man^
iédçî* §^^'* C'ell ce que je ne croy pas. Ce facrifice de Noé étoit tait dans une
circonftance Ci grande & fi extraordinaire , qu'il devoit. avoir aufii quelque
chofe d'extraordinaire. Noé dans cette aétion fit , pour ainfi dire , la
propitiation des pèche?; de la nature: C'eftpourquoy il étoit juile, qu'il prît
des viétimes de toute la nature ,. & que tous les animaux nets paflaf-r
fent fous le couteau, pour expier par î'efFufion de leur fang la maledlélion
que Dieu venoit de faire, tomber fur tout l'Univers. Or comme cette con-'
fidçration ne s'eft pas rencontrée, dans les autres facrifices , il n'y a pas lieu
de croire qu'on y offrît de toute forte de bêtes.indifferemment. 11 eft clair
par le If . de h Genefe, que le bœuf,, le mouton, la chèvre , le pigeon
6c la tourterelle , . étoient les feules viélimes que Dieu acceptât, auffi bien
avant Moyfe, que depuis lui. Car dans; cet endroit Dieu donne ' ordre à
Abraham d'offrir un holocaufte folemnel , complet, 6c compoié de toutes
les bêtes deftinées au facrifice : Or Dieu lm,dit\prens une jeune vache d&
trois ans , une chèvre de trois ans , un pigeon & une tourterelle.
F?uffement Je fuis perfuadé 5 qu'une partie des loix des facrifices: que Dieu donna à .
iiip/ofent, Moyfe, n'étoient que des loix renouvellées, conformes à la pratique des.
que dans Iï Aucieus Patriarches. Ainfi nous croyons , que le fondement , fur lequel les.
Igi^èon anciens Rabbins ont appuyé cette première conjeélure , n'eil pas trop fer-
pouvoicfa- me. Mais la féconde conjeélure elt encore bien moins apparente j.. c'efl
vVftiïies^* que dans ces premiers fiécles,il fût permis d'offiir des bêtes qui avoient
ïQiparfaitcs, des défauts confiderables ; par exemple, une bête qui auroir été boiteufe,.
aveugle, rogneufe , malade. Cela n'efi: pas vray-femblable. Je -penfe-
bien qu'on n'étoit pas fi fcmpuleux dans le choix des viél:imes5que les
Juifs le font devenus du depuis, & que l'on ne contoit pas des centaines d&
défauts qui rendoient une bête indigne de monter fur l'autel, comme \c$
Juifs les content aujourd'huy. Cependant le fens commun dicie, que l'on,
ne doit pas offrir à Dieu des viéèimes confiderablement defeélueulès, par-
ce que nous lui devons le meilleur de nôtre bien ,. & non pas le rebut.
Moyfe nou5 fait affez comprendre, qu'A bel prit du meilleur ôc du plus gras
de Ibn troupeau 5 ôc fans doute cela palîa. en Loy dés les premiers fiécles,
de l'Eglife-.
La diftinc- H eil prclquc inutile que je m'arrête icifurlaqueftion qui fe. fait tou-i
tipn des ani- chant la diflinélion dcs animaux nets, ôcde ceux qui ne le font pas. Car.
ôslc9r»i«s il me fçmble.que je la.trpUYevuidée par k texte de Moyfe. On demande.
dsj
ET DES CULTES DE UEGLISE. î»^r^.I. 99
èe quel âge ell cette diftindion , & quand elle a commencé. Les He- eft plus an-
breux, qui ne veulent pas qu'il fût permis de manger delà chair avant le tienne que
déluge, doivent être de l'opinion de ceux qui difent que Moyfe , dans ^ ^^^^
l'Hiitoire de Noé , appelle quelques animaux mondes , & d'autres inr-
mondes par anticipation , &,par égard aux loix que Dieu donna du de-
puis. Car cette dillinétion ne doit avoir commencé que lors que Dieu
permit aux hommes de manger de la chair des animaux. Mais comme je
luis dans le fentiment , que l'ufage de la chair des animaux dans les repas
étoit permis avant le déluge, je croy aufîi qu'il y avoit delà dillinélionj
e'efl-à-dire, qu'il y avoit de certaines bêtes qu'on mangeoit, &: d'autres
qu'on ne mangeoit pas. Mais il eft difficile de défii^iir d'oii venoit cette
diftinétion i li c'eft Dieu qui l'a établie, ou fî ce font les hommes. Il eft
certain, qu'il y a des animaux pour lefquels nous avons naturellement de
l'averfîon , ôc dont nous ne faurions manger la chair j comme font les
rats, les fouris, les chevaux, les loups, les lions, & toute forte de bê-
tes éc d'oiieaux qui vivent de chafTe 6c de rapine. A quoy l'on peut join-
dre les oifeaux de nuit, comme font les hiboux , l'orfraye , le chahuant
ÔC la chouette : la chair de ces animaux nous donne de l'horreur j & fans
que cela nous (bit défendu , nous nous en abftenons. Grotius écrivant fur
le 8. chap. delà Gen. eftime, qu'il n'y avoit pas d'autre fondement de
cette diftinclion d'animaux nets & impurs du tems de Noé , que cette
averfion que la nature nous infpire pour certains animaux. Cela eft afîez
vray-femblable. LesPayens mêmes ont eu de l'horreur pour ces iortes de
chairs. Tacite au 4^. Liv. de fon Hiftoire appelle ces animaux profana.
Il n'eft pas apparent que l'ancienne Eglife ait connu cette diftinélion d'a-
nimaux nets ôc impurs fous l'idée que la Loy de Moyfe nous en donne,
parce que cette diftinélion eft fondée , dans l'intention du Legiflateur ,
plutôt fur des raifons myfterieufes ôc arbitraires , que fur des raifons na-
turelles. Certains animaux font déclarez impurs , parce que Dieu les éta-
blit pour emblèmes de la foiiillure j tel eft le pourceau : d'autres , parce
qu'ils font l'emblème des hommes qui ne prennent aucun goût aux grâces
de Dieu j de ce nombi^ font les animaux qui ne ruminent pas , lelquels
étoient la figure de ceux qui ne font point de reflexion fur la parole de
Dieu & fur les bienfaits. Or je ne trouve guère d'apparence, que Dieu dés
le tems de Noé eût étabh ces myfteres dans cette diftmélion d'animaux >
parce que cette ancienne Eglife n'étoit pas fi pleine de figures que fut celle
de Moyfe.
Après avoir parlé de la matière des facrifices, il faudroit en examiner Les cerè-
les cérémonies : mais c'eft un chapitre fur lequel nous n'avons rien à dire, ™on'«Jes
-, ^ r 't^- -NT* r I ^17 anciens fa-
parce que Moyle ne nous en dit rien. iN ous ne lavons donc pas,ii Ion aificesont
mettoit la main fur la tète de lavi^ime,pourconfeflèr fes péchez , com- f^gj"^^"
me on faifoit fous la Loy> fi on faloit de fel ces oblations j fi l'onyajoû- Moyfe eta-
toit de l'encens 5 de quel côté on tournoit la tête de la vièlimej comme 5^^^^^"
on arrangeoit les parties de la bête fur le bois , ce que l'on faifoit des en-
trailles ', 6c diverfes autres particularitez, que la Loy de Moyfe , ou la tra-
dition des Juifs, ont marqué dans les facrifices de la Loy. Cependant je
croy, qu'on obfervoit à peu prés les mêmes cérémonies, que celles qui s'ob-
ferverent depuis , car les loix des facrifices de l'ancienne Eglife avoient été
^ Ni. doiî^
loo HÎSTOIREDESDOGMES
données par des hommes divinement infpirez. Et je ne vois aucun lieu de
douter, que Dieu n'ait fuivi, dans les commandemehs qu'il a donnez à
Moyfe , ceux que lui-même avoit auparavant donnez aux Patriarches.
Puis que ces facrifices étoient établis pour la même fin, qu'ils avoient le
même uliige èc la même (ignification , il eft apparent qu'ils fe faifoient
auffi de la même manière: excepté que fous la Loy de Moyfe ils étoient
beaucoup plus frequcns, & fe faifoient avec plus de pompe. On deman-
Gen. 11. (JQ^ {[ ces facrificcs fe faifoient fur les autels i* Il eft clair que depuis Noé
ciiap. lî. il y a eu des autels, car il eft dit expreffément que ce Patriarche en bâ-
V.4. 22" tit un après le déluge. Et nous hfons que depuis ce tems-là Abraham,
v'.z'é.i's. ïfaac & Jacob en bâtiflbient dans tous les lieux où ils établifibient leur
^'* ^" demeure. Mais il n'cft pas certain que ces Anciens fe fuftent faits une
Antiquité nccellîté de ne faci ifier que fur des autels. Il y a plus d'apparence , que
dss suîds. ç^Iq^ igg iJeyx où. ils fe trouvoient, ils facrifioient, tantôt fur un rocher,,
tantôt fur le fommet d'une montagne. Il n'y a guère de lieux où l'on
ne puifie trouver facilement une éminence , qui puiflé fervir d'autel. Quand
Jacob facrifia fur la montagne en fe leparant de Laban, il y a apparence
qu'il facrifia fur quelqu'une des pierres de cette montagne. Manoah père
de Samfon, du tems des Juges, facrifia, fur un rocher : ^lors Manoah
frit un chevreau de lait & pin gâteau , cr les offrit a P Eternel fur le rocher £ 6c
dans le même lieu ce rocher eft appelle un autel, la flamme monta de dep
fus l'autel , l'^Ange monta auffi. Dans la fuite de cet ouvrage nous montre-
rons que les bocages ôc les hauts lieux ont été les premiers temples ôc les
premiers autels que les hommes ont confaerez à la divinité. C'eft pourquoy
on eftimeavec beaucoup de vray-femblance, que le premier autel fut ce-
lui que Noé bâtit après le déluge.
Biveifes ce- L'on ne doute pas que le nombre âes cérémonies ne fût infiniment,
î^'JuiTfJca- lïîoins grand dans le premier période de l'Eglife , que fous l'cxconomie
tiens qui Juduïque. 11 mc femble pourtant qu'on ne peut nier qu'il n'y en eût da-
Itte^en^ufa- vautagc quc daus la Religion Chrétienne ; & nous en avons une preuve
gedansia trés fortc dans le chap. 5f. de la Gen. Moyfe dit qu'après l'aélion vio-
ISSè"^ ^^^^^ ^^ Siraeon & de Levi , qui tuèrent les Sichemites, pour vanger le-
rapt de leur fœur Dina , Jacob fe retira en Bethel , 8c ordonna à les en-
fans de fe purifier, otez. les Dieux des étrangers <^ m font entre vous., leur dit-
il.,, & VOUS- purifiez^ ^ & changez^ vos vétemens. Il eft clair par ce paflage ^
que dés ce tems-là il y avoit des foiiillures légales , ceremonieles ôc typi-
ques 5 6c il eft évident auffi, que les lavemens & purifications typiques
étoient enufage: purifiez - vous , dit Jacob , & changez vos vétemenSo,
Cela eft abfolument conforme à ce que dit la Loy du Levitique ; Quand
celui qui découle fera purgé de (on flux , il contera fept jours pour fa purifi^atton ,
& lavera fes véten^ens.^ ô" nettoyer a fa chair avec de Peau vive. Il eft difficile
de marquer prccifément quelles étoient les cérémonies de ces purifica-
tions. On peut pourtaiit à peu prés conjeéturer qu'elles reflembloient en
quelque chofe à celles que les Noachides -, c'eft- à-dire , les Payens ont
obiérvées. Ptirifiez^:vous ^ c'eft-à-dire, lassez.- vous ^ foyes bâptifez , félon
|igi:fcoî le Dode Ligtfoot, car il veut que Jacob ait été l'inftituteur duBâtêine:
^^Evange- parcc, dit-il, que la Circoncifion avoit été occafion de mort aux Sichemites^
lifi; ssôio il l'abolit à l'égard des profelytesjôc fubftitua le Bâtême comme plus com-
"' - . - niode,.
ET DES CULTES DE UEGLISE. Part.l, loi
mode. Et aufîî parce que tous les mâles ayant été tuez, il ne reftoit en '
Sichem que des femmes dont on pût faire des profelytes. C'eft pourquoi
il prit une cérémonie qu'on pût pratiquer pour les femmes. Cela ne me
paroît pas trop bien penfé : Il fuffit de dire, que le lavement a été dans
tous les fiécles une cérémonie de purification. Tous les peuples qui ont
eu une Religion, des cultes ôc des facrifices, ont eu la coutume de fe la-
ver avant que de facrificr, quand ils étoient dans quelque pollution. îîs
employoient à ces luftrations , ou purifications , de l'eau nette de vive ,.
comme la Loy de Moyfe l'ordonne : quelquesfois ils y ajoûtpient du
fouffre, comme il paroît par ces vers d'Homère du i6«. Liv. de l'Iliade,
qui commencent ainfî ,
T6 ^a tôt" in yj^KoTo S^c,
êttiont le fens efl, Il prit du fouffre j. & en fit ta purification : en fuite il fi
lava d?eaH pure é'vivs- p^i^ lui-même lava fis mains , & avala le vin brûlant.
Ovide nous apprend que quelques-uns y ajoûtoient des œufs>
Et veniat ejUA Iftfiret anus leUumque locumque , Ovid. de
Proférât & iremulâ fulphur & ova manu. d'^Lb™**^'
Apulée, au Livre ne. de fa Metamorphofe décrivant une pompe d'Ifis,
rapporte la même chofe: Ibidem fiimulachris rite difpofitis ^ navem faberrinie
faUam , piUuris miris <i^.gjptiorum circumficùs variegatam , fummus facerdos
tadâ lucidâ , ovo (jr fitlphfire filemnifiimas preces de cafio prafatus are , DeA
ntincupavit deàtcavîtque metam. Outre cela ils jettoient du fel dans l'eau ,
comme il paroît par cts vers de Theocrite ( v.céizf^ le Scc. ) Faites bru- Theoer.
1er du foujfre dans la mai fin , puis jettez. du fel dans ï*eau filon la coutume. De ^ ^^^\^
cette eau falée ils faifoient par trois fois afperfion fur celui qui devoit être
purifié, ôccek avec une branche d'Olive, de Laurier ou deLentifque.
Idem ter ficios purkcirmmtulit unda , vîrgiï.
Spargens rore levi , & ramo felicis Oliv&. "^ ®'
Ovide,
Ter fi convertit ,_ ter fumptis fiumins crinem «^vid. Me-
Irroravit aquis - ''^' ^'^'^^
Four faire ces purifications ils fe tournoient vers l'Orient 5 comme il pa-
roît par ces vers de Cratmus ,
uys li] Ttpèç SM OCC. • Ciat. ia
Chiïone»
Ca tourne -toi premièrement du coté de P Orient , prens cette grande hrancke de
Lenttfque en tes mains,. Dans ces luflr-ations ils faifoient quelque prière ,
Spargit & ipfe fuos tauro rorante capillos , o^là,
Incipit & filitâfundere voce preces. Uh, s\
Entr'autres ceux qui avoient touché aux morts , ou qui étoient entrez
dans leur demeure 5 avoient befoin de cette purification. C'eft pourquoy
N % quand ^
to2 HISTOIRE DES DOGMES
quand Juiion revint des enfers , la Nymphe Iris la purifia , afin qu*clle pût
i-entrer dans les cieux.
Ovid. Me- Latii redit Juno ^ cjuam cœlum intrare parantem
tam,Lib4, Roratis lufiravtt acjtiis Thaumantias Iris.
Sur tout ils avoient un grand foin de laver leurs mains dans ces purifica-
tions,' parce que c'étoient ces mninsqui manioient les viftimesconfacrées
aux Dieux j c'eft pourquoy le Poète Tibulle dit quelque parc.
Cafia placent piperis , para cum vefie venite^
Et mamhtii puris fumtte fontis aquam.
Sans doute il y avoit fous la Loy une femblable coutume, à laquelle Da-
Kz6. y.6. ^j^ ç^^^ allufion, quand il dit, fe laverai mes mains en innocence , & feratle
tour de ton autel. C'ell pourquoy les Grecs appelloient la purificationqui
fe faifoit avant le facrifice ^epvi'l'-i mot qui fignifie lavement de mains,
ou 5 comme d'autres l'interprètent, un vaiiTeau où Ton lave Its mains. Ceux
qui étoient coupables de quelque crime , n'avoient pas la permifiîon d'appro-
cher de ces vaifleaux , ni de participer à cette cérémonie qu'on appelloit
%spv)-^ : & les Anciens nous apprennent qu'on les éloignoit des lavoirs 6c
c d Lib ^^^ lavemens. Thucydide parle de certaines gens, aulquellesil n'étoit pas
4. " ' ' permis de toucher de l'eau, excepté qu'il leur étoit permis de laver leurs
mains pour fe préparer au facrifice. Les lavemens des mains étoient foti-
vent employez devant les facrifices, pour témoigner l'innocence deceluy
quivouloit facrifier, plutôt que pour fe purifier. Dieu avoit ordonné cette
cérémonie aux Ifraëlites. Quand un homme fe trouvoitmoit , fans qu'on
fçût qui l'avoit tué , les habrtans de la ville, dans laquelle le corps étoit
• trouvé, lavoient leurs mains fur une vache à qui on avoit coupé la tête,
& difoient, nos mains n"* ont pas épandu ce fang ^ & nos yenx ne Vont pas va
épandre. O Seignenr fots favorable a ton peuple IfrdH que tu as racheté ^ & ne Itty
impute pas le crime du fang innocent. Les Payens avoient aufli la même céré-
monie , comme il paroît par l'a^lion de Pilate , qui , pour fe juftifier , la-
va (es mains devant le peuple en difant, fe fuis innocent du fang decejtijie^
Matth.,27. ^Q^^ avi ferez..
La ceiemo- Cette ccremonic du lavement des mains, du corps 6c des habits, étoit
niedi )ave- afiurément venue de l'Orient, ôc apparemment elle étoit décenduë des
"ue deT Patriarches. Car elle étoit particulièrement ufitée entre les nations Orien-
Payensétoit talcs. Lcs Egyptiens la pratiquoient dans le fervice de leur Déefie Ilïs,
gSrde! " ^ les Peries dans le culte de leur Dieu Mitra. C'eilce que Tertulilen a
Noachidcs. remarqué en parlant du Bâtême des Chrétiens 5 Les autres nations , dit-il,
_ ejui nu connotjfent ^as tes puijfances fptrituelles ^ c'^efi-n-dire, la farce de la grâce ^
:&î^. ci^.so. P^'^^^f '^ ^^^^ idole par la même cérémonie. Mais ils fe trompent eux-mêmes par
Pufage de ces eaux veuves ^ defiitue'es du S. Efpnt : car il entre des lavemens
dans les cérémonies de ceux qui fe confacrent a Ifîs & a Mitra. 11 ajoute auffi,
que dam ces jeux qui fe faifoient a l''honneur d"* Apollon , & dans les jeux de Te-
loufc , les hommes Ce lavoient a dejjèin de fe renouveller & d"^ expier leur parjure.
Toutes ces preuves, qui font voir combien cette coutume de le laver avec
les eaux vives étoit générale & ancienne, forment une conjeélure trés-
fortci c'eil qu'elle «étoit en ufage avant Moyfe, ôc que toutes les nations
l'ont
ET DES CULTES DE L'EGLISE. Part.L 103
l'ont empruntée d'une tradiiion qui eft auffi ancienne que le Déluge. C'ell
donc de cette forte- qu'on doit entendre ce commandement de Jacob à Tes
enfans , purifîezj-votts , c'eft-à-dire , lAvez^-vom avec des eaux nettes & vives.
Bour fortifier cela, j'ajouterai la remarque du favant Grotius , qui dit,
q^e les Hébreux avoient accoutumé de laver les profelytes , que nous
avons appelle les profelytes de la porte 3 ce font ceux qui nefe faifoieqt pas-
circoncire, & qui ne le voiiloient pas charger du pefant joug des céré-
monies Légales. Ils fc. contcntoient de renoncer à l'idolâtrie j on les la-
voit,. pour fignifier qu'ils étoient repurgez des impuretez qu'ils avoient
contradées dans leur Paganifme. Les Juifs difent que du tems de David
& de Salomon, il y eut plulieurs milliers d'hommes qui fe firent ainfi la-
ver. Encore aujourd'huy ils lavent ceux d'entre les Turcs 6c les Perfesqui
fe font Juifs , ôc bâtizent lesfemmes étrangères qui fe marient àdes Juifs,
difant que cette cérémonie fut autrefois obfervée envers Sara &■ Rebec-
ca. En un mot Grotius prétend , que c'étoit une chofe que cts demy
profelytes étoient obligez d'obferver avec les préceptes des Noachides : &
îà-delTus il fait ctXXt:Q>o^txS2X\oXïy comme ces fro[elytes lavez. & non circoncis^ Annot4f.
n étoient obligez, cjh' aux loix que T)ieu avait données atout le genre humain ^ ilefi Giot^«p jé
aifé de comprendre que tous ces lavemens étoient du nombre de ces anciennes cere- v. 6j
monies nées après le Déluge ^ & qui avoient été établies pour conferver la mé"
moire de la purification du monde faite par le Déluge j d'où eft venu ce célèbre mot des
Grecs, ^ciKa(T(Ta ychv^ei 'kô.vtu àvôpwxwv HUKa-La mer lave tous lesmaux des hommes.
Jacob après avoir dit à fes enfans de fe purifier , leur ordonne auffi de
clianger leurs vécemens. C'étoit une autre ceremoniequis'obfervoit quand Lechange-
on vouloit fe prefenter devant Dieu, David après avoir pleuré la mort de biK"'a*!iue'
ce fils qui luy étoit né de Berfabée, fe leva de terre ^ fe lava ^ changea yi'j cérémonie
vétemens , entra dans la maifon de Dieu , & Jèpro/^erna.. S'ils n'en changeoient tion""!)""
pas, ils les lavoient. Le Seigneur dit à Moyfe, va-t'en vers ce peuple , & ancienne &
les fanSlifîe , aujourd'huy & demain qu'ails lavent leurs vétemens. Les Sacrifica- j°"S^""3-
teurs changeoient d'habits , quand leur tour arrivoit pour faire leur fervice, 2. sam. chap,>.
car hors du Temple ils étoient vêtus comme Je relie du peuple, 6c î^-v-zo.
dans le Temple ils avoient les habits facerdotaux. - Cette coutume de y,^° ' ^^'
changer d'habits quand on vouloit fe purifier, étoit aflurément auffi éten-
due, 6c auffi ancienne que celle de fe laver d'eau vive. Kous venons d'en- -
tendre le Poëte Tibulle, qui dit, pura cum vefie venite -^ auffi bien comme
il ajoute, & manibus puri^ fumite fontis aquam. Quand un homme fbiiillé
s'étoit lavé pour expier fes péchez, félon les préceptes de fa Religion, il
n'avoit garde de reprendre les mêmes habits, puis que tout ce qui avoit
touché à un homme foiiillé étoit eftimé fouillé. Cela paroîtpar laLoyde'
Moyfe, qui déclare que les vaificaux, dont un homme ou une femme en
foiiillure légale s'étoient fervis, dévoient être lavez avant que de s'en fer-
vir derechef. Je ne doute pas que de là ne foit venue la coûrume U'niver-
fellement obfervée dans la première Eglife Chrétienne, de dépouiller ceux
qu'on bâtifbit, 6c de leur donner des nouveaux habits après le Bâtême.
C'eil à cette coutume que St. Paul fait aikuîon, quand il dit, dépouillez...
le vieil homme , & foyez, revêtus du nouveau.
C'eft là tout ce que nous avons pu découvrir du culte des Noachides
6c de leur Religion, .6c c'eft ce que nous avions à. dire fur le premier 6t-
V. 10.-
104 H ï S T O I R E D E S D O G M E S
le fécond des fept commandemens qui leur furent donnez j qui font la dé-
fenfe de Tidolatrie , Ôc celle de profaner le facré nom de Dieu -, dans lef-
quelles défenfes font contenus tous les préceptes affirmatifs, qui regardent
lé fervice divin. Ce que nous avons dit jufques icy eft avantageux à cette
Eglife, puis que nous y avons trouvé des Prophètes, des gens très -éclai-
rez, une connoifllmce très-belle, des mylferes divins, des Sacrificateurs,
des autels, diverfes efpeces de facrificcs, la diflimStion des bêtes nettes ôc
impures, des lavemens &: des expiations 5 outre les-prieres, les vœux ôc
les loiianges. Mais (i nous voulons poufler nos découvertes plus loin,
nous trouverons que bien des chofes manquoient à cette Eglife ancienne.
Nous n'y rencontrons, ni aflemblées ordinaires pour le fervice divin, ni
Temples, ni fêtes folemnelles , ni lieu d'aflémblée, ni jours particulie-
mnent deftinez au fervice de Dieu, ni de difcipline confédérée, ni corps
d' Eglife formé, ni Sacremens, ni Juges établis pour terminer les contro-
verfes. Mais parce que cette fuppolition a l'air de paradoxe , il eil bon
de ne la pas laifîer paflèr fans preuve. C'eft pourquoy après avoir parié de
ce qui fe trouvoic dans cette ancienne Eglife , nous allons parler des cho-
fes qui ne s'y trouvoient pas.
CHAPITRE XV-^
§Me l' Eglife avant le Déluge , & avant Moyp' n'avott point des jour s
marquez ^our lejervice divin. Quelles étaient les Fêtes,
De l'Origine du Sahbat, ^
Jours defii- A Yant à parler des chofes qui manquoient dans l'ancienne Eglife , la
nezau fervi- j-\ première qui fe prefente à nous, & que nous n'y trouvons pas, ce
Avant Moyfe tont Ics jours deltmez au iervice divm, marquez oc revenans par cer-
iin;yen ^aius pcriodcs. La plupart des Religions du monde ont aujourd'huyde
avei pas. ^^^ jours marquez pour leurs dévotions. Les Chrétiens , les Juifs ôc les
îyîahometans confacrent le feptiéme jour au fervice divin. Les Chrétiens
le Dimanche , les Juifs le Samedi , êc les Mahoinetans le Vendredi. Mais
l'Eglife qui étoit avant Moyfe n'étoit aftrainteà aucun jour. Les jours de
fête étoient abfoîument libres -, chaque famille les choifiiîbit pour foy com-
me elle le jugeoit à propos. C'eft une vérité que j'avance avec allez de
eonfîance , quoy qu'elle -ait aujourd'huy bien des contredifans. Car il y a
beaucoup de Théologiens qui croyent, que la coutume de confacrer cha-
que feptiéme jour au fervice de Dieu , efl: auffi ancienne que le monde , & que
les Patriarches, avant ôc après le Déluge, ont fuivi cette pieufe pratique
fans interruption. Cette queflion a été extrêmement agitée dans nôtre
fiécle, ôc il n'y a point d'Auteurs qui ayent écrit fur le Décalogue, ou fur
DeTantiqui- Ic 2,. chap. de là Gtn. qui n'ayent amplement traité cette matière. Pref-
téduSabat. que tous nos Thcologieus font dans le dernier fentiment 5 c'eft que l'infti-
tution ôc l'obfervation du Sabbat font de tout tems. Les Doéteurs , qui
font dans l'opinion contral'*ej ie font remarquer par leur lingularité, ôc
ET DES CULTES DE L'EGLISE. Pm.l. lo^
fe font mis une grande foule de cohtredifans fur les bras. Gomarus , cé-
lèbre Profeflèur de l'Académie de Leyden, efl; un de ceux qui ontofé fc
réparer de la foule. Mais Rivet, dans la DifTertation de l'origine du Sab-
bat , lui met en tête une grande foule de témoins. Le partage eft un peu
moias inégal entre lesX)oâ:eurs de l'Eglife Rom. Cependantjecroy qu'il
y en a pour le moins autant qui tiennent pour l'antiquité du Sabbat , que
d'autres qui la combattent. Je croy aulîi qu'entre les Juifs modernes, le
plus grand nombre ell pour cette antiquité du Sabbat. Et j'avoue que je
m'étois laiiTé emporter à la multitude : mais j'ay été contraint d'en revenir
après avoir bien étudié la matière. Je ne veux pourtant pas diffimuler les
.raifons 6c les preuves de ceux qui font pour l'antiquité du Sabbat , afin
que ceux qui liront cet ouvrage prennent quel parti il leur plaira.
Ceux qui prétendent que Dieu a inftitué le Sabbat dés le commence- Raifons de
ment du monde, à deflein qu'il fût obfervé dans tous les âges de l'Egli- Itç^nent
fe 5 fe fervent , i . des paroles de Moyfe, qui dit , que Dieu eut achevé de pour l'an-
cre'er le monde au fepiéme jour , & qu^il le bénit & le fanBifia. Dieu répète sabbat
la même chofe dans le 4"**. commandement , j4ye fouvenance du jour du cen.z. i.
reps ^c. car Dieu tn jîx jours créa le ciel & la terre ^ & le feptie'me ilfe repo- *° '*®°
fa ^ c^efi pourqmy il Pa béni & PafanEltfié. Il ell clair que cette fanétification
6c cette benediélion du feptiéme jour confîlle , s'il faut ainfi dire , dans
ce que Dieu l'a mis à part , êc l'a diftingué des autres en le confacrant à
fon fervice. Or il fembleque Moyfe nous dife bien clairement que cette
confecration fe fît dés le commencement du monde.
2. Ils difent qu'iln'ya pas d'apparence que les Patriarches, quiétoient
6c fî faints 6c fî fages , n'euffent pas un certain jour delliné au fervice di-
vin ; que s'ils en avoient un , comme il femble qu'on n'en peut pas dou-
ter , l'on ne peut pas douter aufîî, qu'ils n'euffent choifî le feptiéme jour, à
conter depuis la création du monde, puifque Dieu l'avoit béni 6c fanébi-
fié. ^. ils ajoutent, que la Loy de la nature diète aux hommes , qu'il
cft jufle de donner à Dieu , au moins une partie de nôtre tems j que cet-
te Loy étant naturelle , elle n'a pu être ignorée , ni négligée par \qs Pa-
triarches. Et bien que la nature n'enfeigne pas que ce jour dédié au fer-
vice de Dieu doive être le feptiéme plutôt que le cinquième , ou le qua-
trième , cependant la raifon ne fauroit ^uffi-ir que l'on choififle un autre
jour que celui que Dieu avoit choifi, 6c qu'il avoit donné aux hommes,
afin qu'ils celebrafTent le bienfait de la création. 4. On ne peut pas dou-
ter que l'Eglife avant le déluge , 6c avant Moyfa, n'ait connu que Dieu
étoit le Créateur de l'Univers j 6c il n'y a pas d'apparence , qu'ils ne fe
foient pas portez d'eux-mêmes àconfacrer un certain jour à la contempla-
tion de la puiffance 6c de la fageffe de Dieu, qui brillent dans ce merveil-
leux ouvrage de la création. Amfi quand ils auroient ignoré cette ancien-
ne tradition , qui nous apprend que Dieu bénit le feptiéme jour , ils fe
feroient portez d'eux-mêmes à le confacrer.
5". On prétend donc , que toute la terre a fû que Dieu a créé le monde ^e Sabbat
en fîx jours , 6c qu'il s'eft repofé au feptiéme > 6c que de là eil venu le JeS de
refpeèt que toutes les nations ont toujours eu pour le nombre de fept. t»"/" Iq^
Car ce n'eft pas feulement l'Ecriture S^«- qui prend le nombre de fept JayemiM.
pour un nombre de perfeélion , 6c pour un nombre faint 5 les Payens ont
Part. L O eu
^
io6 HISTOIRE DESDOGMES
eu le même fentimcnt. Les Pythagoriciens croyoient que le mot sirrci^
qui fignifie /e'/Jif , venoit de (Têi^rov & o-^Trà, mot qui fignifie /^/rn?' ÔC véné-
rable. 6. On dit encore que le feptiéme jour a été célébré 6c reconnu
pour iaint £c (acre par les Auteurs Payens de la première antiquité. On
rapporte là-dellus quantité de paiTages d'Helîode, d'Homère, deLinus,
lufeb. Lib. de Callimaclius, que Clément d'Alexandrie a ramaflez dans le S'"*, livre-
"arïvaïT" ^^ ^^^ Stromatcs, & qu'Eufebe de Cefaréc nous donne auffi dans lefrag-
«iV îî- * ment d'un Philofophe Juif fous le faux nom d'Ariftobule. Dans ces paf-
fages Hefiode dit que le feptiéme jour eil un jour facré , wÀ iÇr^Uy.-^ leph v,[xcip.
Linus dit, cjue dans le fepne'me j'oftr toutes chofes ont été achevées ; le jfepttéme^ .
dit-il, e(i beau ^ le feptiéme eft f origine de tout , le feptiéme eji le premier & le
dernier ,, il efi parfait & achevé. Ce que dit Homère revient à la même
chofe. Ceux qui voudront voir ces paflages dans toute leur étendue, peu-
vent confulter les fources que nous leur ayons indiquées , Eufebe & Clé-
ment d'Alexandrie , 6c outre cela Rivet fur la Genefe , la Diflertation con-
tre Gomarus , & Seldenus de jure natarts, & gentium lib. 2,. cap. 16. De-
îous ces paflages on conclut , que les Grecs n'ont pu favoir que le feptié-
me jour eil. un jour facré , que par tradition : que cette tradition ne leur
peut.être venue que des Noachides, dont ils étoient les enfans , que les
enfans de Noé n'ont pu favoir que le feptiéme jour étoit un jour facré ,
que parce qu'on l'avoit toujours célébré comme tel depuis le commence-
ment du monde. 7. On ajoute quantité de paflages pour prouver que
l'obfervation du Sabbat étoit en ufage, même parmi les Payens. Theo-
Theoph. ad philc Evêquc d'Autioche dit, (]ue la plupart ignorent la caufe du nom que par"-
Autoiycum. ^^ j^ feptiéme jour , lequel cependant tous les hommes célèbrent. Tertullien dit
que l'on confacroit au repos 6c aux grands repas le jour de Saturne , qui
Apologer. eil nôtre Samedi, ôc le Sabbat des Juifs. Si nom célébrons , dit-il, le Dt-
"?• ^*" manche ^ ou le jour du Soleil^ fans avoir égard au foleil ^ on nous doit mettre au
même rang que ceux (Centre vous qui confacrent le Samedi , ou le jour de Satur-
ne ^ au repos ç^ a la débauche , renonçant a leur propre coutume , pour fuivre
AdRaîîon. une coûtume fuive , dont ils ignorent la fource. Et dans un autre lieu : Vom,
Lîb. I. ^^i yiQpi^ reprochez, que nous adorons le foleil a caufe que nous nous affemblons pour
célébrer le jour du 'Dimanche , reconnotfjez. qne nous fommes vos voijins , puiS'^
Lib. 2. que vous célébrez, le jour de Saturne 0" les Sabbats. Jofephedit quedeibntems
a'dveif. App. j-Qm-gg iç^ nations obfervoient le feptiéme jour ; il «^ a point de ville Grec^
que ^ dit-il, ni de barbare^ ni aucune nation^ aufquelles la coutume d°'obferver lé
liK de feptiéme jour, que nous obfervons, ne fait parvenue. Philon Juif,, autre Au-
Koijnopsca. ^^^^, c^^^ célèbre, femble dire la même chofe j que le Sabbat n'eil pas la.
feile d'une province, ou d'une ville particulière, mais de tout le monde 5,
qu'elle feule mérite d'être appellée la fête publique, 7riv'^v;/xoç, parce que
c'ell la fête de lanaiflànce de l'Univers: & ailleurs en louant les coûtu-
Lib. z. mes de fa, nation j. Quiefi-ce^àit-û, qui ne refpeUte le feptiéme jour facré ^ qui
Mofis. donne relâche & vigueur , & a lui ^ d^ à ceux qui font proche de lui : non feulement à
ceux qui font libres ^ mais principalement aux ferviteurs , ç^ à ceuxquifontfouss
suMon. le joug? Suétone dans la vie de Tibère raconte, qu'un certain Grammai-
cap.'î'z. rien, nommé Diogene, tenoit école publique tous les jours de Sabbat,
ôc que Tibère ayant eu la curiofité de l'ouïr, alla dans fon école, mais
qu'il l'avoit remis au Samedi, fuivant j c'ell- à - dire à 7. jours delà. Ce
Giam-
ET DES CULTES DE L'EGLISE. Tart.l. mj
Grammairien peu de tems après étant venu à Rome pour faluër l'Em-
pereur 5 Tibère ne fit autre chofe que de lui ordonner de revenir dans
iept ans. Cette Hiftoire fait voir que les Payens divifoient déjà leur tems ,
& par femaines , & par Sabbats. Jean Philoponus, fameux Commenta-
teur d'Ariftote, qui vivoit dans le fixiéme fiécle , dit exprellement , que
toutes les nations contoient les tems par femaines : Certainement , dit - il 5 ^^ opert
tous les hommes font d"^ accord ^pPil n'y a que fept jours , de la révolution defqHels de Cieat.
tout le tems efi compofé 3 ^ l'on ne peut rendre d'autre raifon de cttte opinion ge^
nerale ^ que celle que nous donne tjMoyfe. Saumaife dit avoir vu dans la Bi-
bliothèque du Roy une Chronologie d'un nommé George Syncellus, qui
dit, que les Anciens contoient le tems par femaines, avant quel'ufage des
mois &; des années iût établi j & que ce font les Chaldéens, Auteurs de
r Aftrologie, qui ont donné aux fept jours de la iémaine les noms des fept
planètes. Il paroit que les Romains regardoi^nt le Sabbat , qu'ils appel-
loient le jour de Saturne , comme un jour dans lequel il n'étoit pas bon
d'entreprendre, ou un voyage, ou un ouvrage. Un Poète Latin dit, en
reprelentant la peine qu'il avoit à s'éloigner de fa maîtreffe , que fa paf-
iîon lui faifoit toujours imaginer quelque prétexte pour différer fon voya-
ge: tantôt c'étoit un mauvais prélage qui l'avoit retenu: tantôt c'étoit le
jour de Saturne qui Favoit arrêté.
Aut ego fum cauffatus aves , aut omina dira ^ -^ TibulL
Saturni aut facram me tenutffe diem. cap. ï.
-' ^^ Eleg. %■■>
Et Ovide dans fes livres de l'Art d'aimer, en difant ce que Ton doit fai-
re pour être aimé de fa maîtreffe , dit entr'autres chofes , qu'il faut évi-
ter les jours malheureux dans lefquels on ne doit rien entreprendre , &
entre ces jours, il conte le feptiéme & le Sabbat,
.Cuba PaUjlino feptima fefia viro. Be Arte
, Am.Lib. itï^
De tout cela on conclut, que tous les peuples du monde ont eu un égard
particulier pour le feptiéme jour j qu'ils ont conté le tems par femaines ,
6c que cela ne peut être venu que de la coutume obfervée de tout tems ,
c'eft de confacrer le feptiéme jour. Et de là il s'enfuit, que l'Eglilequi ^
a précédé Moyfe avoit fes jours marquez pour fes affemblées , & pour fes
dévotions.
Quelque apparentes que foient ces raifons 6c ces preuves , il efl certain Raifons de
que celles du parti contraire ont plus de force, i . Le lilence de Moyfe nkiuTanti-
là-deffus efl une difficulté qu'on ne fauroit bien refoudre. Le livre de la ^^^^ ^^
Genefe , qui contient PHiiloire de cette première Eglife , devoit avoir
dit quelque chofe de robfervation du Sabbat, fi elle étoit alors en ufage.
Eft-il poffible que fi fouyent il nous foit parlé dans ce livre des aâions, 6c
du culte de ces premiers fidèles, des vœux, de leurs prières, de leurs au-
tels 6c de leurs facrifices, 6c qu'il ne foit pas dit un mot du jour defliné
à leurs dévotions pubhques? Car il efl certain qu'onne lit aucune circonf-
tance dans toute cette Hifloire, qui nous puifie faire foupçonner qu'au:
cun jour de la femaine fût plus particulièrement defliné à Dieu que les
O 2, autres»
i.o8 HISTOIRE DES DOGMES
autres. 2. Les péchez des hommes de cette génération nous font aflez
exadlement marquez dans cette Hilloire : l'incelle de Lot , l'idolâtrie de
Laban, le meurtre deCaïn, le péché d'Elaii, qui vendit fon droit d'aînef-
fe, le péché de Jacob, qui trompa fon frère, la violence de Simeon ôcde
Levi, qui tuèrent lesSichemitesi les trahifons des enfans de Jacob contre
leur frère Joie ph, le péché dejuda, qui coucha avec fa belle-fille > &il ne
nous eÛ parlé d'aucun qui ait violé le Sabbat. Au lieu que depuis que la Lny
fut donnée , on ne lit autre chofe dans les écrits des Prophètes que des re-
proches contre les violateurs du Sabbat.
Le corn- ^. Les Théologiens demeurent d'accord, que Dieu ne donna point à
dîi"sabblt ne Adam d'autre commandement pofiiif que la défenfe de manger du fruit
*'"t P^s don- défendu. Et par conféquent ce que dit Moyfe que Dieu fandifia le fep-
®* ^' tiéme jour & le "bénit, ne peut lignifier qu'il ait commandé à Adam de le.
fanélifier. Car ce feroit un nouveau commandement pofitif, ajouté à celui
de ne point manger du fruit de l'arbre de fcience. 4. Ce commandement
a même quelque chofe d'oppofé à l'état d'innocence , dans lequel étoic
Adam, quand D;eu benii le feptiéme jour. Il n'eft point du tout vray-fem-
blable, que Dieu eût marqué au premier homme un certain jourdeilinéau
repos , à la contemplation ôc à la pnere : Dans cet état d'innocence il
n'auroit pas eu befoin de repos , fon travail auroit été très médiocre , &
la terre, qui n'avoitpas encore été maudite, lui eût produit d'elle-même,
fans grande culture , toutes les chofes necefîaires à la vie. Et quand mê-
me on liippoferoit, que le travail d'Adam eût été violent , Tes forces n'étant
pas encore fu jettes à cette grande diminution, que la fatigue apporte au-
jourd'hui , il n'auroit pas eu belbin d'un grand repos. Il n'étoit pas necef»
faire non plus de lui donner un jour, dans lequel il pût s'occuper librement
a la contemplation ; car il eft certain que fa' vie toute entière auroit été-
employée au fervice de Dieu. Il eft donc clair, que ce commandement
n'ell bon qu'à l'homme corrompu ôc miferable , qui eft obligé d'employer
k plus grande partie de fa vie au foin du corps , èc qui ne ] auroit, à caule
de la petitefte de fon cœur , parmi les autres occupations,, s'attacher à la.
contemplation avec toute l'affiduité neceftaire. f . Si ce commandement
avoit été donné dans l'état d'innocence ^ il eft certain, qu'il obligeroit tous
les hommes: Car tous les coramandemens qu'Adam a reçus dans le tems
qu'il reprefentoit encore tout le genre humain, il les a reçus & pour lui,
& pour tous {es enfans. Mais perfonne n'a jamais imaginé, que les hom-
mes félon les loix de la nature dûlTent être punis pour n'avoir pas obfer-
vé le Sabbat. On eft très perfuadé, que les Juifs feuls auront à rendre-
conte de l'infraélion de ce commandement. 6. Il n'y a pas d'apparence^,
que (1 ce commandement étoit d'une fi grande antiquité, Moyfe n'en eût
recommandé l'obfervation par une rai fon prife de' cette antiquité, quand;
il le donna auxifraëlites, fJar on fait bien, qu'il n'y a rien de plus propre à
^ rendre un commandement vénérable, que de faire connoitre qu'il eft auftî.
©iêa donna ancicn quc le monde.
tM le Sabbat ?- Au rcftc il paroît, quc Dieu avoit donuélc Sabbat aux Ifraëlitcs, pour
pontdes rai- (Jes raifons qui leur étoient particulières 5 6c par conféquent l'obfervation
n'éto?e"nt du Sabbat ne pouvoit pas être une chofe commune à toutes les nations :
bonnes que SoHvien-tûji ^ dit Moyfc , qm tH as- été.ferfsn Egypte, (^rqae l"* Eternel t'^d tiré
de
ET DES CULTES DE L'EGLISE. Part.l. ïéf
de la a ntMn forte ^ & avec un hras e'tenda :, ceflpomquoy il t'a commandé à' oh" Dâuter, ^
ferver le jour du Sabbat. Comme la délivrance de la captivité de l'Egypte
étoit particulière aux Ifraëlites , puis que le Sabbat leur eft donné pour
eonferver la mémoire de cette délivrance, il eft clair que le Sabbat n'é-
toit fait que pour eux, & qu'il n' étoit pas avant eux. 8. Dieu dit en un Exodeai,
îïutre endroit, que le Sabbat étoit unfigne de l'Alliance entre ce peuple ôc
lui i Fnnez. garde que voui obferviez. mes Sabbats , car c'efl un figne entre moy
& vous en vos générations , afin que vous Cachiez, cjue c''efi moy le Seigneur qui
vous fauve. Ccft un figne, c'eft-à-dire, c'eftune marque de dillinélion
qui vous feparerade tous les peuples de la terre. Gomment le Sabbat pour-
roit-il être une marque de dilHnébion , s'il avoit été commun à tous les
tems6cà toutes les nations ? p. En un mot, dans toute l'Ecriture du V.
Tefla ment, tant de iMoyfe que des Prophètes, Dieu déclare en tous lieux,
que c'eft aux Ifraëlites qu'il a donné (es Sabbats. Cela ne fignifîc rien ,
ou cela veut dire que l'ordonnance du Sabbat a été donnée à ce peuple;
exclufivement à toutes les autres nations. Et cela ne peut fubiifter avec
cène fuppoiîtion , que l'obfervation du Sabbat foit auffi ancienne que le
ménde, 6c que Dieu l'ait donné au premier homme pour lui & pour tous
fes décendans. lo. L'une des raifons qui me confirme dans cette opi-
nion, c'eft ce que je dirai & que je prouverai dans la fuite, que dans ces
tems il n'y avoit aucune Eglife externe, formée, êc qui eut fes afîem.blées
publiques. Or le principal ufage des jours marquez Se deftinez au fervice
de Dieu c'eft celui- ci , qu'il y ait un certain tems 6c de certaines heures que
perfonnc ne puifle ignorer , afin qu'on fe rencontre tous en même lieu
pour le fervice divin. Or il eft clair, que là où il n'y a pas d'afiemblées
Iblemnelles 6c réglées , on n'a pas auffi befoin de jours folemnels 6c
réglez.
1 1. Outre ces raifons , s'il faut combattre par autoritez 6c par témoi- Autorîtez
gnages , ce que nous pouvons produn'e en notre raveur paroit beaucoup gnages con^
plus fort que ce qu'on nous oppofe. i. Nous avons le confenrement una- "5 l'antique
nime de tous les Juifs anciens: Or il eft certain que ces gens-là font dignes" "^^ ^'
de foy, quand il s'agit des antiquitez de leur Religion, parce qu'ils y font
beaucoup plus favans que les Chrétiens. Les Juifs donc nous diiënt, qu'a-
vant la fortie du peuple d'Ifraël hors d'Egypte , le commandement de
garder le Sabbat n'avoit encore été donné à perfonne , 6c qu'il fut donné
en Mara, qui eft la cinquième ftation des Ifraëlites dans le defert. Moyfe Exod,i5i
dit qu'en ce lieu Dieu propoùt ordonnances or jugemens : les Hébreux en-
tendent cela des fept préceptes des Noachides , qui dans ce lieu furent re-
nouveliez ; 6c trois autres qui furent ajoutez , félon leur tradition. Le _
commandement du Sabbat étoit l'un de ces trois. L'Auteur de cette
grande Chronique , qu'ils appellent à9.ns leur langue Seder OIam'l{abba^
dont l'Auteur s'appelloit Rabbi Qoilpetha , 6c vivoit, comme l'on croit,
fous les Antonins, dit expreflement q^e ce fut en ce lieu de ^JA^ara ^ queles'
fept préceptes des TSloachides furent donnez, atix Ifraëlites , & qu'on y ajouta le
commandement d^obfervep le Sabbat , lesjugemens, & fhonneur qu''on doit aux
pères & aux mères. Le Talmud de Babyione dit la même chofe j Les If-
raëlues reçurent a -Af-ura dix préceptes ^ fept qui étoient des Noachides ^'é' qui ap-
fartenoient a^ tout le genre humain \ Pon y ajouta le Sabbat ^ lesjugemens(^Phon-
O z nem
iio HISTOIREDES DOGMES
neur ^u^on doit* aux pères & mères ; & c'efi a cela ojH^on doit rapporter ce ejue T)iea
dit dans le Deuteron. au chap. ^. félon cjne P Eternel ton Diepi t'^a commande -^ car
il dcjigne par ces mots les préceptes donnez^ en Mara, La Paraphrafe Chaldaïque
dans ce paflage du 15. de TExode, où ilefl dit, que Dieu donna à Mara
ordonnance & jugement, a tourné P ordonnance du, iS<«j^^<aîf : tant il étoit alors
conilant encre les Juifs, que le précepte d'oblèrver le Sabbat avoit étédon-
né dans ce lieu. Enfin M.iimonides, grand Doâeur entre les Juifs moder-
M e Nevo- ^^^ 5 ^^^ "àxx^x , cjue le premier commandement cjue Dieu donna après la [ortie
chimpaïtej, (X' Egypte fut cebij qui fut donné en Mara^ & c^u'^il y a une ancienne Tradition^
"^■'^** qtie le Sabbat i^ les "fugemens ^ cejl-a-dire, le formulaire des jpigemens, furent
donnez, dans le même lieu de Adara. Bien que le commandement d'obferver
le Sabbat ait été donné en Mara, félon les juifs, ils difent pourtant, que
le premier Sabbat ne fut obfervé qu'au Défert de 5m, quand Dieu fit dé-
cendre la manne. En effet c'efl le premier lieu où il eft parlé du Sabbatj
■^,16 zzzj.f^^f^^ o« vint au fixtéme jour ^ ils recueillirent du pain au double^ favoir deux
■ Omers pour chacun-, & les principaux de l^ Affemblée vinrent pour le rapporter a,
Jldoyfe , qui leur répondit , c'^efique l' Eternel a à.it , demain eft le Repos ^ le Sab-
bat a PEternel^ ce que vous aurez, a cuire faites-le cuire. Ce fut, difent-iis,
dans la ftation d'^Alus^ qui étoit la dixième , que ce premier Sabbat fut
obfervé. Il n'eft point parlé d'Alusà-x^^ le Livre de l'Exode; mais au^^^
chap. du Livre des Nombres, Alus eft contéaprés£)o/t^<2,6c Z)(?/t^(î après
le Défert de Sin. Dans l'Exode, il n'eft parié , ni de Dofcha ^m a* Alus ^yp.2iX--
ce que c'étoit des parties du Défert de Sin.
Le premier Nous ne voudrions pas nous rendre garands du détail de cette tradition:
!eb!?dîi?ie ^^^^ ^" gênerai ce que difent les Juifs eft trés-affûré, que le commande-
Défert. ment du Sabbat fut donné , ou peu de tems avant la chute de la manne,
ou dans le tems même que la manne tomba pour la première fois. Cela
eft évident par l'Hiftoire de Moyfe : fi les Ifraëiites avoient obfervé le
Sabbat avant ce tems-là, ils n'auroient pas été furprisdecequeDieuleur
donnoit le double de manne la veille du Sabbat 5 ils auroient bien com-
pris , qu'étant obligez de ferepofer le feptiéme jour , Dieu auroit dû leur
donner une double portion le fixiéme jour , afin qu'ils ne fufient pas obli-
gez de travailler le lendemain. Outre cela Moyfe leur dit exprelfément,
voyez, que ï^ Eternel vous a ordonné le repos. Il n'auroit pas dû parler ainfi , ce
me ferable , fi le Sabbat avoit été d'une ancienne obfervation. Il y a mê-
me des Auteurs qui recueillent d'icy , que le Sabbat, qui fut le premier
obfervé dans ce Défert, ne fut pas le i'eptiéme jour, par révolution conté
* depuis la création du monde 5 mais que ce fut le leptiémejourj depuis
le premier jour que la manne commença à tomber , parce que Moyfe
''dit, d" quand fe vint aw jixiéme jour , ils recueillirent du pain au dokhle-y
c'eft-à-dire , félon quelques interprètes, après que la manne fut tombée
fix jours de fuite, Dieu marqua le feptiéme jour pour un jour de repos.
C'eft l'opinion dePaulus Burgenfis Evêque de Burgos, qui avoit été Juif,
s utin ^ celle de Gomarus , dont nous avons parlé. Si vous confidcrez. avec at-
scripturx tention , dit cet Evêque Efpagnol , le premier Sabba^ qui a été célébré dans
fnd 8 cap ^^ E^efert , ce ne fut pas le fepttéme jour , répondant au premier Sabbat , qui fut
4 . au commenceraient du monde s mais ce fut le feptiéme jour , a conter depuis que
la manne commenta a décendre. Or on ne lit pas que le feptiéme jour ^ dans lequel
ET DES CULTES DE L'EGLISE. Tart.l. ni
la, manne décendit , fe foit rencontre avec le premier jour de la [emaine \ en forte cjue .
ce Centième jour , depuis la chute de la manne ^ foit abfolument le même cjue le Cen-
tième jour cjui avait été fanUifie des le commencement du monde. Au contraire il
efl plus probable , que la manne ne commença pas k décendre le premier jour delÀ
femaine. Car le premier foir de ce jour-la^ il tombades cailles ^ & ils en furent
rajfaffiez.. Or il eft confiant ^ que file foir dans lequel les cailles tombèrent eût été
le foir du ]our du Sabbat ^ il ne leur eut pas été permis de les amaffer \ ni de les
préparer pour en manger. D'eu il efi clair ^ que le jour qui précéda le matin, dans
lequel la manne tomba pour la première fois , n'hélait pas le jour du Sabbat ; &par
conféquent le jour de la chute de la manne ne fut pas le premier de la femaine.
Cette conjedure eft trop hardie, & laraifon fur laquelle elle eft appuyée
eft faufte. Quand il feroit vray, que les cailles Teroient tombées le jour
même du Sabbat, les Ifraëlites auroient pûlesamalîér, les préparer ôcles
manger , depuis le foleil couché jufqu'à la nuit. Comme le Sabbat com-
mençoit après le foleil couché du jour précèdent, il finiflbit aufti tout
auflî-tôt que le foleil étoit couché. Il faut donc fe propofer dans cette quef-
tion, comme un principe indubitable, que le jour du Sabbat eft le même
jour que Dieu avoit fandifié dés le commencement du monde. Outre que
la tradition conftante nous en aflïïre , le quatrième commandement du
Decalogue nous le dit affez clairement.
CHAPITRE XVL
De l'origine & de l'antiquité desfemaines : T)e U manière de divi^
fer le tems, qui étoit en ufage entre les Romains : des Nundmes y
des Calendes , des Nones & des Ides. Réponje aux pajfages qui ont
été apportez pur prouver l'antiquité de l'obfervatton du Sabbat.
N'Ous venons de voir une extrémité que l'on doit éviter dans cette LesPaftiar^
difputey c'eft celle de l'Evêque deBurgos,envoicyuneautre5à !a- f^g^j'lç^'
quelle on n'a pas pris garde j c'eft celle de ceux quicroyént quele eemsparfe-,
feptiéme jour étoit inconnu avant Moyfe, ôc que les Patriarches- ne divi' ^£""0^^'
fbient point leur rems par femaines. je diftinguc donc extréipement ces l'obf^rva-
deux queftions , que la plupart des Auteurs confondent. La première eft, 1;°'^^" ^""^
lavoir 11 le ieptiemejour a eteconlidere comme un jour facre avant Moyle,
&: enfuite entre toutes les nations : comme Philon Juif femble le croire ,
puis qu'il appelle le Sabbat èoprvi nth^y^oç une fête univerfelle. La
féconde queftion eft, fi l'u.fage des femaines a été connu avant le Déluge
& avant Moyfe. Quant à la première queftion , je penfe avoir montré
de quelle manière on y doit répondre: c'eft qu'on peut dire que le feptié-
me jour n'a point été un jour facré avant Moyfe, ôc que depuis luy les
Juifs feuls l'ont obfervé comme un jour facré. Mais fur la féconde queftion,
je dis que l'ufage des femaines a été de tout tems, 6c avant le Déluge ,&
^prés le Déluge, 6c que toutes les nations Orientales ont divifé les jours
du mois par fept. Cette diftinétion nous tirera de toutes les difticultez qùè ,
nous
nî HISTOIRE DES DOGMES
nous font ceux qui tiennent pour l'antiquité du Sabbat. C'eft pourquoy
avant que de paflTer outre , nous dirons quelque chofe de l'antiquité des
femaines , ôc des différentes manières de divifcr le tems qui ont été en
ufage entre les nations.
rreuvcs que H y a des Auteurs quifemblent faire l'ufage des femaines afiez nouveau..
dïvifedes Cafaubon dans fes Notes fur Suétone , à propos de ce Diogene Grammai-
nioisenre- rien de Rhodes, dont nous avons parlé dans le chapitre précèdent, dit,
d*e toute ÏÏ que Tufage des femaines ne fut reçu que du tems deTheodofe, obfervatio
cienneté fepttmanA cjdd hoâie obtinet mte tempora Theodojii non vulgo receptafmt. Hof-
û^lJ^' pinien ellime qu'elles ont commencé dans le tems dePtolomée le fameux
itisueton. Allrologue, qui vivoit fous Antonin le pieux, environ l'an 140. de notre
Lit", a.' de S. J. Ch. Ces Auteurs ne parlent proprement que du tems dans lequel les
Feftiscap.î. G^ecs 8c Ics Romains ont reçu la coutume de conter les jours par femai-
nes. C'eil pourquoy ils ne font pas fi éloignez delà vérité qu'ils feroient,
s'ils avoient intention de dire, que l'ufage des femaines ne s'efl établi en-
tre les nations Payennes en gênerai , que fous les Empereurs Romains.
Je croy donc que cet ufage a été perpétuel dans tout l'Orient : que depuis
le commencement du monde, on a divifé les tems par femaines, & que la
coutume en étoit établie dans le fiécle des Patriarches , qui ont vécu avant
le Déluge. Mes raifons font, i. qu'il y a apparence que les Patriarches n*i-
gnoroient pas que le monde avoit été crée en fîx jours , & que Dieu s'é-
toit repofé le feptiéme. Adam le favoit fans doute 5 Lemec, qui avoit vu
Jî long-tems Adam, ne le pouvoit ignorer i Se Noé le devoit avoir appris
de Lemec fon père, & le devoit avoir enfeignéà (ts enfans. Ainfîil eft
apparent qu'entre toutes les maanieres, qu'ils aui'oient pu choiiîr, pour conter
leurs jours , ils ont choifi celle queDieu avoit confacrée , favoir le nombre de
fept. 2,. On peut dire que la nature toute feule nous conduit à cette manière
de conter. Car comme l'année fe forme naturellement par une révolution
du foleil, le mois par la- révolution delà lune ,auffi les quatre différentes for-
mes que la lune prend dans fon cours, divife naturellement le mois en quatre
parties , dont chacune doit être compofée de fept jours. Or il efl certain que
les premiers hommes ont eu les mois lunairesjôc il efl comme impofîible,qu'ils
n'ayent divifé cts mois en quatre parties. La première efl depuis la nou-
velle lune jufqu'àla première quadrature : la féconde , depuis cette prem-ierc
quadrature jufqu'à la pleine lune : la troifiéme, depuis la pleine lune juf-
qu'àla dernière quadrature : ôcla quatrième, depuis cette dernière quadra-
ture jufqu'à-ce que la lune fe trouve entièrement plongée dans les rayons
du foleil. Or ces quatre parties font chacune de fept jours. ■^. Qiiand les
premiers hommes n'auroient pas eu ces raifons de conter les tems par fe-
maines, Dieu, qui avoit detliné le feptiéme jour pour être le Sabbat, &
un jour facré , fans doute n'eût pas permis que les hommes l'eufFent oublié.
La Providence a donné ordre que la mémoire de ce jour, qui devoit être
un jour facré , ait été confervée par la confervation de cet ufage de con-
ter les jours, par les révolutions de fept en fept.
4. Mais nous avons là-defîtls quelque chofe déplus fort que des conjec-
tures. Il efl clair par l'Hifloire du Déluge, que dans le tems de Noé, les
jours fe contoient par femaines. Moyfe nous dit, que Noé attendit fept
jours, après qu'il eut vu que les eaux s'écouloiejitdedeffus la terre, & lâ-
cha
ET DES CULTES DE L'EGLISE. P^rAl. ii^
dha le corbeau 6c le pigeon 5 mais le pigeon n'ayant pu trouver oli fe re-
pofcr, il revint à luyj & Noé attendit encore lept autres jours, & lâcha
encore une fois le pigeon, qui revint, mais ayant une branche d'olivier à
fon beCo Noé attendit encore fept autres jours, puis lâcha le pigeon pour
la troifiéme fois, N'eft-il pas clair qu'il fàifoit éc^Kfoit ce que nous fai-
fons aujourd'huyj car nous attendons ôc nous remettons d'une femaine à
une autre, quand lihe chofe n'eft pas encore dans l'état que nous la fou-
laitons. L'Hiftoire du mariage de Jacob avec les deux filles de Laban
iious apprend la même chofe. Jacob ayant été trompé, parce qu'on mit
Xvca à la place de Rachel, Laban luy dit, achevé la femaine de celle-
-C}' , Ôc je te donnerai l'autre : Moyfe ajoute que Jacob fit ainfi , & qu'il
ach'^^-^a la femaine de Lea. Si cela fe doit entendredelafemaine des jours,
comme je le croy indubitable, voilà évidemment l'ufage des femaines éta-
hli c'.ez les Orientaux, bien long-tems avant Moyfe. Cette raifoneft très-
bonne ;pour prouver l'antiquité des femaines , mais elle ne vaut rien , pour
prouver l'antiquité du Sabbat. Moyfe a bien trouvé lieu de nous parler
■de la révolution des jours de fept en fept, pourquoy ne nous auroit-il pas
aufîi parlé de l'obfervation- du feptiéme jour, fiç'avoit été un jour facré,
puis que l'occafion s'en feroit prefentée prefque autant de fois qu'il auroit
été obligé de nous parler de la pieté des Patriarches, 6c du fervice qu'ils
rendoient à -Dieu ?
Il eft certain par la même Hifloire de Koé 6c du Déluge, que déjà lei-adivifiba
tems étoit divifé en mois ôc en années. Cependant la conjeéture de -ce femalîJes éfe
Georgius Syncellus, queSaumaife nous a rapportée cy-delTus, eflapparen- p^us anciea-
te 5 c'eft qu'on a commencé à conter le tems par femaines , devant que de dfvifion eo
le conter par mois ôc par années. Car il a fallu quelque tems aux hom- i»o« ^ ««
mes pour marquer les révolutions du foleil ôc de la lune ,• au lieu qu'ils '""*"'
avoient appris par tradition, Ôc fans le fecours des obfervations agrono-
miques, que Dieu avoit créé le monde en fix jours 3 ôc ils ont facilement
■compris, que ce nombre étoit le plus commode pour ladivifiondes tems.
Il n'y a pas lieu de douter que les peuples Orientaux n'ayent confervé cet-
te coûtumej I . Parce qu'ils étoient dans le pays où les Patriarches avoient
demeuré , ôc dans lequel l'ufage de conter les jours par femaines fe trou-
voit établi de tout tems. Outre cela ces peuples d'Orient étoient entière-
ment adonnez à l'Aflirologie: or il eft certain que cette divifion des jours
par fept, eft trés-commode pour les Aftrologues, à caufe du coui-s de la
lune, qui fedivife naturellement en quatre feptenaires.
On ne fauroit dire la même chofe des nations Occidentales, des Grecs jf*?]!^^^^
ôc des Romains, qu'ils ayent eu de tout tems l'ufage des femaines. Tout tems chez
le monde fait que les Grecs divifoient leurs mois en trois dixaines 5 la pre- J^s ctecs &
miere s appellait tçajxévs [ivivég i la féconde fj^errëvrog {j.vim'» ^ la troiîieme
(pèivovroç /xi^voV Les Romains avoient leurs Nundines , -Nkndma , quajî no- oûgiazàt%
vemdina 5 parce qu'elles revenoient de neuf en neuf, ou de huit en huit, ^o^jf^^g^^
Car il y a là-defTus de la diverfité entre les Auteurs. Macrobe fur le rap-
port de Rutihus les fait de neuf jours j C étoit ^ dit-il, feria mjlicorum , /es Simmilam
fêtes des habitans de la campagne : ils avoient hiit jours pour faire leurs ouvrages ^"^•^'^''^^'^^'
aux champs, & au neuvième ils venaient a %gme pour vendre leurs denrées ^ pour
plaider , & pour ajfijier a la publication des Loix , afin qm les Décrets & les
Part. 1, P Qf-
114 HISTOIRE DES DOGMES
Ordonnances fe fijjent d'Anne manière pins authentique , en fe faifmt en la préfet»-
Lib.r.Ro- ce d'un plus grand peuple, Denys d'Haï i car nafl'e femble ne faire les Nundi-
saanar.antiq, ^£5 q^g jg j^uit jours. Il cft clair quc^ fcloii luy, ces Nundines étoient
ainli appellées au fens que nous appelions fouvent nosfemaines des huitai-
nes, parce que nous y comprenons les fix jours qui font renfermez , ôcles
deux qui renferment les fix. C'eft ainfî que l'on dit, que les jeux Olym-
piques revenoient tous les cinq ans, bien qu'à parler êxaélement ils revinf-
lent tous les quatre ans, & qu'entre un jeu Olympique & lefuivant, il n'y
Lesoiyra- eût quc trois ans: caries Olympiades ne comprenoient que quatre années^
toiemque' ^ cependant on difoit que les jeux Olympiques revenoient tous les cinq
de4- ans. aus ^ parce que l'on contoit les deux années, dans Icfquelles les jeux le cele-
broient , avec les trois ans, dans lefquels ils ne fe celebroient pas. Ji y a
donc de i'oppofiition entre Macrobe & Denys d'Halicamafle : mais l'opi-
îraEf.adLihr. niou de Dcnys femble devoir être préférée, à caufe de l'autorité de Var-
Ruftfca. ^ ron, qui dit comme luy, que torts les neufjoHn les habitons des champs VC'-
noient a la ville , &c. *
LcsNundL- Au relie ces Nundines dans mon fens n*étoient que pour la ville de Ro-^
n'^ctoient i^^ ) & HOU pour toutc l'Italie : car Macrobe & Den^sd'Haiicarnafle nous
que pour la donucnt trois raifons de leur établiflbment , qui toutes trois font particu-
J^l e 0- jjgj.gj ^ cette ville. La première de ces raifons ell, que ces jours étoienc
dellinez au débit des marchandifes é.es habitans de la campagne, c'eft- à-
dire , que c'étoient des marchez & des foires. Oa* il n'y a pas d'apparen-
ce que tout l'Empire Romain, ni même toute l'Italie fût aftreinte aux mê"-
mes jours pour les marchez.: au contraire la commodité du commerce de-
mande, que les villes ayent pour cela dedifferens jours. La féconde rai-
fon de l'établiflement des Nundines , c'étoit afin que les païïans puflent
vuider leurs procezdans ces jours- là. Au commencement les Nundines
étoient àes efpeces de fêtes, & il n'étoit pas permis de plaider dans cei
jours-là; c'eft pourquoy on les appelloit dies mfafii^ parce £|u'il n'étoit pas
permis au Prêteur, qui étoit Juge Civil, de prononcer des Sentences::
Nef as eratj. il n'étoit pas permis de dire ces trois mots, da.^ dscûy ahdico.
@vid.Faftoï» llle nefaftus eritper quemtria'werbaftlentur'\.
S'il»».!» iafius erit per quem lege licebit agi.
Mais parla Loy Hbrtenfîa ^ ces jours devinrent /^T^i' , pour fa commodité
des plaideurs de la campagne. 'Or cette raifon paroît encore particulière
à la ville de Rome j car il n'étoit point apparent, que les autres villes d'I-
talie pulîent choifir les mêmes jours de plaids pour leurs païiàns, Enfiri'
le troifiéme ufage des Nundines , c'eft que dans ce jour on publioit Jes
Loix , ôc on les faifoit palfer par les voix du peuple : fur. tout k troifié-
me Nundine du mois écoit célèbre pour celaj elle s'apelloit TrinHndinumi
car c'étoit dans cet^ troifiéme Nundine que les Arrêts du peuple, appel-
iez/>/tf^//c/M , étoient confirmez. Cette dernière raifon étoit encore par-
ticulière aux Romains , dont le gouvernement étoit Démocratique.
Qiuadcefià Qi'and la ville pafia fous le gouvernement des Empereurs, il y a ap-
Nmjln" parence que les Nundines s'abolirent en peu de tems. Elles ceiîêrent^
^.oawiaeî., parce que la principale raifon de leur établiiTement cefla. Ce quimefaic
croire
ET DES CULTES DE L'EGLISE. Part.l. iif
croire que les Nundines ne duierent pas long-tems fous les Empereurs ,
c'eft qu'apparemment elles avoient été abolies long-tems devant Macro-
be, qui vivoit fous l'Empereur Theodofe: car fi elles n'avoient pas été abo-
lies long-tems devant luy, pourquoi fe feroit-il trompé ? pourquoy leur
auroit-il donné neuf jours, veu qu'elles n'en avoient que huit? & d'où
viendroit cette différence qui eft entre lui ôc Denys d'HalicarnalTe & Varron,
qui étoient plus anciens que luyj fi ce n'eft que du temsde Varron, qui
vivoit fous Augufte, les Nundines étoient encore enufage? Ilparoîtpar
tout ce que nous venons de dire, que les Nundines des Romains n'a-
voient rien de commun avec les Sabbats des Hébreux. Ce n'étoit pas
des fêtes Ôc des jours de repos 6c de dévotion : il n'y avoit dans ces Nun-
dines qu'une feule marque de fêtes i c'ell que le Flamen Dialis , ou le Sa-
<rificatcur de Jupiter, immoloit une brebis, & pendant qu'on égorgeoit
la viélime, il n'etoit pas permis de rien faire.
Ainfi ces Nundines pouvoient être contées entre ces jours que Macro- Saturnaî.Lïbi
be appelle intercifi^ entrecoupez; Illerum enim dierum qmbufdam horis ^ fas '"^' *
€rat^ qmbHfàam non fas erat jus dicere. Nam cum hofiia caditftrj fari nef as
eft: inter cdifa & porreSafari licet: rursus cpim adoletnr i non licH. Il appel-
le, inter c&fa & porre5ia^ le tems qui fe pafle depuis que la viétime eft
égorgée jufqu'à ce qu'on mette les parties qui doivent être brûlées fur
l'autel. Le mot de porre^a vient àeporricen^ mot confacré dans les fa-
orifices , ÔC qui fignifie porrigere.
-. ExtÀque falfoi InSkj,
'Porriciam in fiuSitts.
Varron dit, Intér cujus exta cafà é" porreSia., fiamen prorsm vinum legit. Varton Life.
Cette manière de conter les tems étant particulière à la ville de Rome, Ltint'"^''^
fl y en avoit une autre qui étoit plus étendue j c'eft celle qui partageoit DesCaien-
le mois en trois parties inégales, par les Calendes, les Nonesôcles Ides, nés', & dS
Les Calendes étoient le premier jour du mois. Les Nones éî:oient le ides,
cinquième, excepté dans ces quatre mois, May, Oétobre, Juillet 6c
Mars, dans lefquels les Nones étoient le fîxiéme après les Calendes, c'eft-
à-dire, le feptiéme de nôtre mois. Les Ides tomboientle treizième jour
du mois, excepté les quatre que nous venons de nommer, dans lesquels
les Ides fe rencontroient le quinzième. Les Calendes étoient confacrées
à Junon, parce que Junon éc la Lune étoient une même divinité. Or
le commencement du mois a toujours été conlacrè à la Lune , pai oe que
les premiers peuples du monde, & aufii les anciens Romains, fe ler-
voient du mois lunaire. Il eft vray que dans la fuite les Romains fe fer-
virent du mois folaire , & alors les Calendes ne tombèrent plus fur le pre-
mier jour de la Lune -, mais elles ne laiflerent pas d'être confacrées à k
Lune fous le nom de Junon. Les Ides étoient confacrées à Jupiter, par-
ce qu'il eft le père de la lumière j car c'eft le même Dieu que le Soleil.
Quand les mois lunaires étoient en ufdge , les Ides fe rencontroient tou-
jours autour de la pleine lune ; & c'eft le tems dans lequel Jupiter ou le
Soleil communique à la Lune une lumière, parfaite: & c'eft pourquoy les
Ides étoient confacrées au Soleil, parce qu'alors il illuminoit le monde,
le jour & la nuit, le jour par fes rayons & par fa propre lumière , & la
nuit par les rayons de la Lune, ôcpar une lumière refléchie. Et peut-être
P A - que
u& HISTOIRE DES DOGMES
que le mot /dus vient du Grec e'ISeiv qui lignifie voir, parce que la Lune
alors étoit très vifible^ comme le motC^/É'«<fl/<e,vientduGrec nuKeTv, fclon-
Mactobc le rapport de Macrobe.
Le^hom-^* Voilà un abrégé de ce que les Anciens nous apprennent de la divifion
mes n'ont des jours cntrc les Romains. Mon but ell de faire voir par là que les
te°îufagc°^ peuples, qui après la divifion des langues en Babel paflerent d'Orient en
des fcmai- Occident ,. n'emportèrent point avec elles l'ufage des femaines , ou bien
aeenocci- ^^^^ l'abandonnèrent d'abord. Car il n'y a pas d'apparence que Varron , ,
Ovide & Macrobe, qui ont écrit de la divifiondes tems, des mois, des
années, àes fêtes & des faites des Romains, eufi^ent oublié une divifion
auffi remarquable que celle des femaines. Il eil vray que Macrobe parle'
A. Geiî, ^ des yf/>^;>»^»<e 3 ôc Varron au rapport d'Aulu- Celle a fait un livre de Hebdo-
L^. j.^"'^' madibus^ vel de Jmaginibm. Mais par le mot defèmaifie Macrobe entend-
ïa^. ao. l'efpace depuis les Calendes jufques aux Nones d^ns les quatre mois ,
Mars, May, Juillet êcOdobre, dont les Nones étoient le feptiéme: &
Macrok- à cayfe de cela ces Nones s'appelloient A''o«^y^/'//?»^»<É, paroppofition aux-
_jtuina . Nones des huit autres mois , qui tombant fur le cinquième s'appelloient'
sap- !<• ^nintana. Le premier jour du mois le Souverain Pontife prononçoir- par-
cinq fois à haute voix le verbe: naKîû qui fignifie appeller , pour marquer
que les NcJnes dévoient être le cinquième : &: il crioit fept fois , quand
elles dévoient tomber fur le feptiéme. Pour ce qui eil du livre de Varron-
de Hebdomadtbus,Au\u'Gellenous apprend qu'il t^aitoit des avantages du',
nombre de fept, & non pas des femaines.
Qmnd l'ufa- Pour faire l'Hiftoife des femaines en abrégé , je croy que Ton peut
mainess'in- dire qu'elles ont commencé avec le monde 5 que dans l'Orient elles ont
Moduifit en- continué fans,, interruption , ôç qu'elles fe font infenfiblement introduites-
ma'ins. dans l'Occident. Cette coutume ne devint uni verfelle que quand les-
Empereurs devinrent Chrétiens. Il n'y a là-defliis rien- dé plus exprés que
Bj&ot. ÇQ que dit Dion Cafiius, qui vivoit fous Adrien & fous les Antonins : 0/»
""' ' croit ^ dit-il, cjue les. Egyptiens font les Auteurs de la coutume qui donne À chae^Hë-
planète fin Jour. Les Anciens Grecs , ajoûte-t-il, ne favoient rien de tout ce--
la-j & aujourd'huy freÇque toutes les nations reçoivent cet ufiage , 0* ils le regar^
dent même comme une coutume tris ancienne. Il paroît par ce paflage que
ifo. ans après Augufte , tou'te la terre contoit le tenis par femaines. La ,
difperfion des Juifs fervit fans, doute beaucoup à l'établiffement de- cet u(a-
ge: les Romains empruntèrent non feulement des- Orientaux l'ufage des
femaines , ils s'accoutumèrent même à.folemnifer le feptiéme jour paF
quelques dévotions faites à l'honneur de leurs Dieux. Il paroît par une
îpyi i>o. des Epitres de Seneque , qu'on allumoit des flambeaux à l'honneur des
Dieux tous les jours de Sabbat. iEiius Lampridhas, dans la vie d'Alexan-
dre Severe, dit que cet Empereur, quand il étoit à Rome, montoit au
Capitole chaque feptiéme jour , ôc vifitoit les Temples- des Dieux. Ter-
tullien , dans un palTage que nous avons ti-ré de fon Apologétique , dit
des Payens , Vos perte, eflîs qui in..laterc4ilumfeptem dierum^, ou feptem Deo~
rum (comme d'autres veulent qu'on life) filemreceptftis. Ce qui fait voir
que dés ce tems-là les Romains avoient ce qu'on appelle , laterculum fep^
iem dierum , ou Deorum : c'eft-à-dire , qu'il y avoit déjà une révolu-
îioQ d.e^ fept jour? 5 . ôc que ces fept. jours porcoient déjà. fept noms ds
Dieux
ET DES CULTES DE L'EGLISE. Tàrt,T. tif
Dieux ou de planètes -, & c'eft là preeifément ijptre femaine. Tertul-
iien remarque que même ils foicmnifoient le Samedi comme les
Juifs.
Au relie tout ce que nous venons dédire prouve bien l'antiquité àts Quand les
Romains
femaines ; mais cela ne fait rien pour l'antiquité du Sabbat. Ce fentiment commence-
de refpeâ que les Payens fembloient avoir pour le feptiéme jour, n'em- rcntrufagc
pêchoit pas que la plus grande partie des Grecs 6c des Romains ne re- nS n^n'a-
gardaflent cela comme une dévotion Judaïque., étrangère, Sîmêmeabo- voient aucun
minable. Tertullien dit bien que les Romains Gonfacroient le Sabbat or/o îc sabbar"*^
<^ viEini^ au repos 6c à la débauche : Mais il eft fort à remarquer que ce Apoioget,
n'étoit point par dévotion j au contraire ils fe repofoient.ee jour -là , 6c ^*^' " '
ne faifoient que boire 6c que manger, parce^qu'ils le confideroient com-
me un jour malheureux, ater ^..inomimlis y.inatifpicatHs ^ c'eû- à-dire , mal
propre à entreprendre quelque ouvrage. Cela paroît par les pafTages de
TibuUe 6c d'Ovide. Le dernier fait bien voir que le Sabbat n'étoit pas
une dévotion Romaine, .puis qu'il l'appelle une fuperftition étrangère.
Nec te tereinnA morentnr ■ 3>è Arta
amandi
et) w " ~ amandi
Jpvenal en fe raillant de là Religion à&s Juifs, dit d'eux ^
Quidam fortiti metuentem Sabbatha patrem-j, Sat. 14..
NtlpYAter nubesj &^ cœli ntimen adorant.
Enfin bien loin que les Payens euflent du refpeél pour la {andtification
du feptiéme jour , ils ont elîàyéde rendre cette inllitution abominable ,
dans le tems même que i'ufage des femaicics commençoit à. s'établir par
toute la terre. Jofephe réfute l'horrible fable d'Appion, qui dit que /es ub.z. cois*
^mfs ayant été. chaffez^ À"^ Egypte ■^.. comme tls cheminoi-em dans le defert ^ furent ^" ^^''
Attaejuez. d'^ulceres dans les aines , ce qui les obligea - de fe repqfer le feptiéme jour .
Cefi pourquoy depuis ils ont confacré le feptiéme jour au repos , .&. Pont appelle
Sabbat du, mot Egyptien, Sabbatofin , quifignifie un m(i,l dans les aines. Un ce- Tac. HiSi-
lebre Hillorien dit que les Juifs chaifez d'Egypte penferent périr de faim, ^*°*'
n'ayans pu -trouver à mangpr pendant fept jours : mais qu'enfin en ayant
trouvé le feptiéme, Moyie avoit confacré ce jour au jeûne, parce que leur
jeûne avoit cefîé dans ce jour-là^ 6c l'avoit appelle Sabbat. C'étoit une
grande ignorance dans cet Auteur, de croire qtie les Juifs jeûnoient le joui'
du Sabbat, car il n'y avoit rien de plus oppofé à.leurs loix. Il n'y avoit
que le feul jour des propitiations où ils. jeûnaflent , par obligation à la
Lo.ydeMoyfe:àGejeûneils-enavoient ajouté quelques autres. Qupy qu'il
en foit , il, paroît par ces ,deux paflages , que \ç.% Payens , bien loin d'à*-
voir du. refped. pour. le. feptiéme jour, avoient de l'abomination pour
lui.
Mais enfin, dit -on, pourquoy les anciens Poètes, Linus^ Homère , Quel feprta
Hefiode , ont-ils dit du feptiéme jour ce qui en. a été- rapporté ci-delTus ? Sok^'Scré
Pourquoy l'ont-ils appelle .faint 6c facré? Je m'étonne qu'on nefelafle ja- entre les ^
mais de nous redire la même chofe. Il y a long-,tems qu'Hofpinien a ré- toS" ^'^*
pondu àxette jdifEculté , 6c on devroit être content de fa réponfe , puisfF'cme
P 3 qu'el-'*"^'^"*-
fi8 HISTOÏREDES DOGMES
Lib.2. de qu'elle ell très véritable, & très folide. 11 a fait voir que le feptiéme jour,
;iscap, 5o qy- ^j-QJj. ç^ç.^,^ entre les Payens , n'étoit pas le feptiéme jour de la femai-
ÇcÛiscap,
ne, mais le feptiéme du mois. Ils difoient qu'Apollon étoit né dans ce
feptiéme jour du mois. Hefiode s'exprime là-defTus d'une manière qui ne
laifîê aucune difficulté ,
Kui ê^dofXVj -îêpOV VlfJ^ûiPj
Oeft-à-dire , le feptiéme jour efl facré , parce qu'en ce jour Latone en-
gendra Apollon. Le paflage d'Homère a peut être un peu plus de diffi-
culté : mais tout ce qu'il dit ne fe doit point rapporter au feptiéme jour ,
mais au nombre feptenaire , auquel les Payens ont donné le privilège d'ê-
tre un nombre de perfèétion , <^uo confummantur & perficiuntur omnia. Au
relte je ne voudrois pas nier que le refpeét qu'ils avoient pour le nombre
de lèpt ne vint originairement de ce que Dieu avoit confacré le nombre
de fept par la benediélion du feptiéme jour : mais c'étoit une tradition
obfcure, dont ils ne connoilToient pas la naifîance. Ils ne favoient pas Ja
véritable origine de cet avantage du feptenaire, &en la place de la vérité
ils mirent la fabuleufe naiflance d'Apollon dans le feptiéme jour du mois,
pour caufe de cette vertu & fainteté du nombre de fept.
Examen des Prefentement examinons le témoignage de Moyfe pour l'antiquité du
Moyfe pour Sabbat, 6c les raifons que l'on ajdfûte à ce témoignage. Pour ce qui efl
î'antiquitc dcs raifons, elles font très foibles: elles reviennent à ceci, qu'il n'eft pas
Sabiïat. apparent que les Patriarches fi dévots & fî pieux ne fe fbient point marquez
un jour pour s'exercer dans la pieté. Cette raifon ne peut être oppofée
au filence de Moyfe qui ne nous en parle point du tout. Outre cela je ne
voy pas que l'on puifîe accufer la Religion des Patriarches d'avoir été de-
feftueufe, parce qu'elle ne confacroit pas de jour particulier au fervicede
Dieu 5 puis qu'elle lui confacroit tous les jours également. De plus ces
jours foJemnels ne font neceffaires que quand on fait des afTemblées publi-
ques. Il eft aufîi certain qu'ils avoient leurs fêtes dans lefquelles ils fer-
voient Dieu extraordinairement. Mais le choix de ces jours étoit libre,
& les fêtes ne revenoient pas à certains jours réglez j fî ce n'efl que quel-
que famille pour des raifons particulières fe fût impoféela necefîité de fai-
re des dévotions extraordinaires à certains jours marquez. C'efl ce que
Job avoit fait : il avoit fept fils qui fe traitoient tour à tour j quand ils
avoient achevé leurs fellins,Job faifoit un facrifice tous les huit jours, pour
obtenir de Dieu le pardon des excès que fes enfans pouvoient avoir com»-
mis dans leurs réjouïffances. Cette Hiltoire m'efl une grande preuve que
ces Anciens n' avoient ni jour du Sabbat, ni aucun autre jour folemnelle-
ment defliné aux dévotions publiques ôc particuheres. Car fans doute Job
n'auroit pas choilî le huitième jour , mais fe feroit tenu au feptiéme félon
f« 7me l'ordonnance de Dieu.
dnéaufer-" H ne me rcflc plus qu'un mot à dire fur le :^meux paflage de Moyfe,
viccdivm qui dit; que Dieu fanétifîa le feptiéme jour incontinent après la création,
mencemcot, Ceux qui s'en fervent pour prouver l'antiquité du Sabbat, s'en font une
Sûfiîr P'^"^'^^^ invincible 5 ôc ceux qui veulent y répondre s'en font une grande
1"** diffi-
ET DES CULTES DE L'EGLISE. ParîA. 119
difficulté : mais les uns & les autres n'y penfent pas. Sans m'amufer à
rapporter pluiîeurs réponfes, je dirai q,ue ces paroles, Dteti fanEli^a & he*
nit le feptiéme joftr ^ fignifient precifément que Dieu deftina à fon fervicele
feptiéme jour qu'il avoit béni comme le jour de fon repos : Dieu deftina s
Ell-il necefîàire que les chofes foient employées à l'ufage auquel on les
delline dés le moment de leur deftiriation ? On deftine par exemple un
enfant à l'Eglife , au Barreau , à la Médecine , efl-il neceffaire , que
dans le moment qu'on le defline , il commence à s'occuper aux aélions-
des charges aufquelles on l'a delliné ? Il étoit jufte que Dieu lanétifiât ,
e'eft-à-dire, deftinâtà fon fervice un jour dés le commencement du mon-
de , & que Moyfe en parlât dans l'Hilloire de la création, parce que
cette deilination fe faifoit à l'ocçafion de la création du monde , ôc de
ce que Dieu s' étoit repofé au feptiéme jour. Je ne m'arrêterai pas à ré-
pondre à plufieurs traditions des Juifs contre ce fentiment, parce que ce
qu'ils difent n'eft fondé fur aucune raifon vray - femblable. Par exemple ^^P'* ^*,
ils difent qu'Adam ell Auteur du Pfeaume ç>z. 6c qu'il l'a compofé pour cap^y!
être chanté au jour du Sabbat: que ce que Dieu dit à Abraham, iiagar' Gcn.iif.y.
dé mes loix^ mes fiatuts & mes ordonnances ^ doit être enteiidu du Sabbat;
que Jacob s'arrêta auprès de Salem en revenant de Chaldée , 6c ne palîa Jfç"^^^^ ^^
|?as au delà de la ville àcaufe du Sabbat : que Jofeph donna ordre a (es piobkma g.
ièrviteurs d'égorger 6c de préparer des bêtes pour le lendemain qui étoit ^p"jg***
Sabbat : que Moyfe demanda un jour de repos pour le peuple , 6c que schcmot
l'ayant obtenu, il choilît le feptiéme jour à caufe du Sabbat. Tout cela "fj'ha^,*"
préfuppoiè que le jour du Sabbat étoit oblêrvé devant la forîiedu peuple
hors d'Egypte. Mais toutes ces^ petites traditions font plus que fufpeéies :
elles font fauflès 6c contraires à la tradition de leurs Anciens 6c de leurs
Savans,.qui difent que le commandement d'obferver le jour du repos fut
premièrement donné au defert de Mara. Je conclus donc que l'Eglife
avant le déluge n'a point eu de jours marquez dans la femaine pour (q$
dévotions.
Il eil certain ^ffi que dans ce premier âge l'Eglife n'avoir point de
fêtes folemneîles, publiques 6c communes à toute l'Eglife j mais chaque
famille avoit fes fêtes , 6c faifoit fes facrifices quand bon lui fembloit. Noé
fit un célèbre (àcrifice quand ilfortit de l'Arche j Abraham fit un grand fef- Gen.ai,,
tin ejjHand Ifaac fut fevré : c'eft-à-dire, qu'il fit un grand repas 6c un grand
facrifice , car jamais ces deux chofes ne fe féparoient dans leurs fêtes j
on y faifoit toujours des facrifices , 6c de la chair des victimes on y faifoit
àes repas. Jaeob ayant quitté fon beau-pere Laban fans l'en avertir, fut^
atteint 6cpaurfuivi par lui: ils eurent de grands démêlez enfemble, puis Gen.îtï,
fe réconcilièrent j & Jàcob, pour confirmer la reconciliation , fit un fa- ^" ^^
crifice dans la montiigne, 6c y convia fes é^res > c'eit- à-dire, qu'il nt un
fe.<lin après le facrifice. Qn< trouvera donc aflez d'exemples des facrifices
6c des fêtes des particuliers^, mais on ne trouvera pas des fêtes foiemrielles 6c
publiques. Ainfi voila déjà une-chofe confiderable, qui manquoit dans cet'-
te ancienne Egjife: ce font les jours réglez pour s'aîlciiibler afin de vac?--
qucr au fervice divin.
€ H A-
L20 m I s T G I R E D ES D O G ME S
C H A P I T R E XV IL
^e l^Eglife avant le déluge n'avoit point de lieu d'ajfemhleey point
d'ajjmblée Jolemnelle , point de confédération , pomt de difci^line^
pomt de cenfure , pint de Sacremens.
ïi n'yavoit ^ A fecoiide chofc quï très afiiirément ne Te trouvoit point dans cette
^î«!vande I j P^'cmiere Eglife, c'étoit les lieux d'afîèmblée que nous appelions des
déluge. Temples : c'eft une vérité qui n'efl point conteftée, & fur laquelle
par conféquent il n'efl: pas necelîaire que nous nous arrêtions beaucoup.
Car on convient que Tufagedes Temples efl; beaucoup plus nouveau que le
déluge. Les premières aiTemblées des hommes pour le fervice de Dieu
fe font faites fur les montagnes &: dans les bois. Les montagnes à caufe
de leur élévation femblerent plus propres à lier le commerce des hom,mes
avec Dieu -, on facrifia dans les hauts lieux , que les Hébreux appellent
Bamot: d'où vient le mot Grec Ba/xôç, autel. Les bois à caufe de leur lu-
mière fombre furent jugez plus propres à imprimer le refpeâ: , 6c à jetter
dans les efprits je ne fay quelle horreur qui difpofe les hommes à la dévo-
tion. C'efl: de là fans doute qu'efl; venue la fuperftition des Payens qui
avoient conlàcré le chêne 1 J upiter.
virg. Geot- ^^^ ^^^ magna fu-nis antiqm rehore quercm
gic. Lib. 5. Ingénies tendit ramos,
C'eft que les Anciens avoient accoutumé de fervir la divinité fous les chê-
nes. Dans les écrits des Prophètes , pre-fque à toutes les pages , on voie
des reproches faits aux Ifraëlites qui fe fouilloient , c'eft-à-dire comraet-
toient idolâtrie fous tout arbre verdoyant, & particuHerement fous det
chênes. Cela venoit de cette ancienne coutume d'adorer Dieu dans les
bois.
©ù Noéfit Dans tous les lieux oii les Patriarclies établiflbient leur demeure, ils y
|°ig^;"^" bâtiifoient des autels expofez à l'air. Quand Noé fut forti de l'Arche, il
Mtit un autel : il eft aifé de juger que ce ne fut pas fous un édifice 3 puis
jqu'il n'y en avoit point qui fût refté du déluge. Ifaac bkit un autel en
Beerfebaoù il étendit fes tabernacles. Jacob revenu de Paddan-Aram s'ha-
bitua dans Sichem, & y bâtit un autel. Quand il partit de Sichem pour
porter fes tabernacles en Bethel, il y établit auffi un lieu pour y faire fes
lacrifices. Ces exemples font voir que les fidèles de ce tems-là bâtifibient
des autels,, & choififibient des lieux pour y faire leurs dévotions. Mais
comme il n'eft point parlé de Temple , il eft certain que ces heux
n'avoient point d'autre abry que l'ombre des arbres & celle des ro-
chers,
îoint d'af- La troifiémc chofe qui fe trouve dans l'Eglife d'aujourd'huy , & qui
fSnmeUes. "'^^oit pas dans celle d'alors, ce font les affemblées publiques ôc folem-
nelles.
ET DES CULTES DE L'EGLISE. Part. Iv iir
nelles. C'efl: ici un endroit oii le favant Fagius s'eft trompé avec beau- Erreur ié
coup d'autres, en fe formant une idée de l'extérieur derEglifedecetems- ^'8'"*-
là, à peu prés femblable à celui del'Eglife de ce tems-ici. Et Cdin apporta^ Fag. m
dit-il, fm facrijîce an lieHoùton s'a^embloit pom la prière ^ comme le ait Ab en- ^^h^fj';,
Ezjrai car ils s^-ajfembloient dans un certain lieu , comme on le recueille de ce paf- cap.4.v. iL
J^^^î pour y faire le fervice divin , (ir pour y adorer 'Dieu , en écoutant la paro"
le , en priant & en facrifiant. Vous voycz^ donc que PEglijè a commencé avec le
monde, (^ que les fidèles ont toujours eu des ajfemblées folemnelles & publiques,
tyimji tous ceux qui négligent ces affemblées n'auront point de part aux promefifes
de Dieu. Il efl; certain que dans ces fiécles l'Eglile ne faifoit point encore
de corps; chaque famille faifoit {ç.s dévotions pour Iby.
Cela efl clair, i. Par toute l'Hiftoire de laGenefe, dans laquelle nous chaque ft»
voyons que les Patriarches fe bâtiffoient des autels dans tous les lieux où ^j"^/""
ils établilToient leur demeure : mais ces lieux de dévotion n'étoient que dévotions
pour eux > & il ne paroît pas que les étrangers y eulTent de part. On ne ^^^^ ^"^-^
doit pas dire que cela venoit de ce que les étrangers, au milieu defquels ils
habitoient,étoient tous idolâtres , & que l'Eglile n'étoit alors compoféc
que de la feule famille des Patriarches. Cela ell injurieux à la providence
de Dieu , ôc encore plus à fa mifericorde. Il n'y a pas d'apparence que
Dieu eût négligé toute la terre , & eût renfermé fa grâce entre une dou-
zaine de perfonnes. Les Saints font le fel de la terre, fans eux le mon-
de periroit i mais pour conferver un grand corps & le garentir de la cor-
ruption , il faut une quantité de fel raifonnable : fî peu de fel, c'efl -à-
dire fî peu de Saints au milieu d'un fl grand monde, n'auroit pas été capa-
ble d'empêcher fa totale ruine, ni prévenir un fécond déluge. Au refle j'ay
fait voir la fàufTeté de cette fuppoiition par les exemples de Job, deMel-
chifedec, de Balaam 6c d'Abimelec Roy des Philiflins. Il efl donc cer-
tain que dans la terre de Canaan , oii les Patriarches ont habité comme
étrangers , il y avoit quantité de jufles 6c de gens craignans Dieu. Ce-
pendant nous ne voyons pas que ces fidèles fe joignilfent avec les Patriar-
ches, pour compofer avec eux une même Eglife ; ce qui me perfuade qu'il
n'y avoit point alors d'affemblées folemnelles.
2,. La manière dontl'Eglife d'alors étoit compofée, ne fauroit permet-
tre que nous y concevions des afîemblées publiques : car dans ce tems-là
Dieu n'avoit pas encore diflingué fon Eglife par nations , comme il a fait
depuis. Dans la fuite le peuple Juif fe trouva feparé 6c diflingué de tous
les autres peuples de la terre , non feulement de Religion , mais de de-
meure 6c d'habitation : 6c aujourd'hui les Chrétiens font (eparez des in-
fidèles , 6c dillinguez par nations. Mais dans ce tcms-là l'Eglife étoit di-
vifée entre les familles j dans un même pais une famille étoit fainte , la
voifîne étoit idolâtre, 6c les familles faintes étoient éparfes deçà delà, de
forte qu'il étoit comme impofîible qu'elles convinffent d'un heu pour y
faire àts afîemblées communes. 3. Nous avons dit ci-defTusque les chefs
des familles 6c les aînez étoient les Sacrificateurs. Cet ordre fait encore
voir évidemment qu'il ne pouvoit y avoir d'affemblées publiques compo-
ik^t^ de plufieurs familles confédérées. Car fi elles fe fuffent afîemblées
dans un même lieu , chacune y auroit eu fon Sacrificateur , 6c je de-
mande, qui efl-ce qui auroit ofBcié pour tout le troupeau, puis que cha-
Tart-, /. Q^ que
t2% HISTOIRE DES DOGMES
que famille auroit eu le droit de facrifierparlamain de Ton Sacrificateur?
Au relie on ne voit aucune trace ni dans l'Ecriture, ni dans la tradition,
qui nous puifle faire foupçonner que plufieurs familles convinflent alors de
conférer la Sacrificature à un feul. La véritable raifon pourquoy chaque
chef de famille étoit né Sacrificateur , comme tout le monde en convient^,
c'efl; qu'il n'y avoit point d'Eglife confédérée, compofée de plufieurs fa-
milles, & que chaque famille compofoit une petite Eglife feparée ôc in-
dépendante de toutes les autres. Comme il n'y avoit point d'aflemblées
communes, il n'y avoit point aufîî deJViiniftre public, mais chaque chef
de famille étoit Miniflre des chofes faintcs pour fesenfansj.ôc pourfesfèr-
viteurs.
îjn'y avoifc ^ g'jf y eût gy ^^lors quelquc confédération entre les familles, pour corn-
fedeution pofer un fcul troupcau , les confédérations particulières apparemment en
geneiaie. autoient produit de générales j c'eft-à-dire que plufieurs troupeaux fe fe-
roient unis enfemble, comme on a fait depuis, ou fous un Souverain Pon-
tife , ou fous un Confeil, duquel auroit dépendu la ReKgion y comme cela
s'eft fait entre les Ifraëlites: ou fous des Synodes , comme dans la Reli-
gion Chrétienne. Or il eft clair que rien de tout cela ne fe faifoit de ce
tems-lài ils n'avoient ni Pontifes, ni Confeils Souverains, ni Synodes, 6c
par conféquent il n'y avait point de confédération ni générale ,. ni parti-
culière. Il eft vray que Melchifedec eft appelle Sacrificateur du Dieu Sou-
verain, mais il ne faut pas entendre qu'il fût Souverain Sacrificateur, com=
me s'il eût été Chef de la Religion, &que tous les autres Sacrificateurs
du païs des Cananéens euflènt été obligez de lui obeïr.
©n ne s'af- y. Enfin cette coutume de faire lès aflemblées publiques à deflein d'y
[g^gljj'/g" fervir Dieu , eft fi peu du tems qui a précédé Moyfe, que nous ne voyons
Sabbat, par pas même qu'elle fe foit établie entre le peuple d'Ifraëlqu'aflezlong-tems
pardfvoi? ^prés Icur entrée dans la terre de Canaan. C'eft alTûrément une chofe
aflez furprenante, que dans< toute laLoy de Moyfe nous ne voyons pas un
feul précepte de s'afièmbler le jour du Sabbat. Cette Loy commande
bien à tous les hommes de la nation , de fe trouver trois fois l'an devant
Dieu,, aux fêtes de Pâques, de la Pentecôte &:des Tabernacles i mais el-
le n'ordonne pas qu'on s'aflemble les jours de Sabbat en un même lieu,,
pour y faire le fervice divin : au contraire elle veut que chacun demeure
en fon lieu. L'Hiftoire du N. Teflament nous fait voir que l'ufage des
Juifs, peu de tems avant la venue de Nôtre Seigneur Jefus-Chrift, étoit
de s'aifembler dans leurs Synagogues pour y fervir Dieu chaque Sabbat..
*«""m de Mais il ne me paroît pas que cet ufage là fait fort ancien. Corneille Ber-
çai j". ' tram croit qu'il faut trouver l'établiflement des Synagogues & des aflêm-
blées qui fe faifoient dans chaque Sabbat dés l'entrée des Ifraëlites dans la
terre de Canaan. On rapporte à cela, les afîembléeS des Prophètes èc des
fils des Prophètes,, dont il eft quelquefois parlé dans les livres de Samuel,.
i,Sam.,c.ïo. Samuel dit à Saûl , a^ifflrtot que tviÇerM entré dans la ville , tu rencontrerai
' ^' une compagnie dû. Prophètes décendant^ dpt haut lien ^ ayant devant eux une mU"
fette ^ un taùourin.c^ une jimte. Il y avoit une aflëmblée de cette forte dans-
2iRoîsch.2. la ville de Jerico, comme il paroic par ces paroles 3 é" <juand les fils des
^3 si *^'^' Prophètes qm e'toient en ferico l'^eurent vâ^ ils dirent ^ l'efprit d'^Elie s'^efi pofe'Jur
Mlifée, Il y en avoit. auffi une pareille en Guii»gal : Elifée revint en Çutl-
ET DES CULTES DE L'EGLISE. Part.l. 125
gai y dr il y avait famine an pats , & les fils des ''Prophttes étoient ajjis devant
lui to. Dans la vérité ces aflemblées n'écoient pas des Synagogues , c'é-
toient des écoles, où ceux qui dévoient enfeigner le peuple alloient pren-
dre les leçons des Prophètes : On les appeiloit//f des Prophètes ^ c'eft-à-
dire Difciples ; ôc celui qui préfidoit fur ces alTemblées éroit appeljé leur
fere. Cela paroît par l'Hiltoire de Saiil, dont nous avons déjà parlé. Saiil
ayant été faifi de refprit de Prophétie , prophetifoit avec les autres > le
peuple voyant cela dit, quefi-il arrivé au fils de Kis f SaHl anfii efi.tl 'entre ^' ^a^-
les Prophètes? & quelqu'^un de la troupe dit ^ & qui efi leur père? c'ell-à-dire,
qui eft leur maître ÔC leur préfident? Ilfemble qu'on puifle conclurrede
l'Hiiloire de k Sunamite & d'Eliféc, qu'on avoit accoutumé de s'aflem-
bler auprès des Prophètes pour faire le fervice divin dans les jours de Sab-
bat 6c de nouvelles lunes : car cette Sunamite ayant fait embâter un âne
pour aller trouver Elifée, fon mary lui dit , pourquoi vas -tu vers lui au- z.Rois^f,
jourd^hui ^ ce n* eft pas la nouvelle lune y ni k Sahbat î Mais il ne paroît pas^'^*°
que ce fût une coutume de toute la nation : il fe peut faire que c'étoit la
pratique des dévots. Outre cela, comme il y avoit peu de Prophètes dans
le païs , cette coutume ne pouvoit pas être générale 5 6c toute la nation
ne pouvoit pas s'aflèmbler auprès des Prophètes , puis qu'il n'étoit pas
permis de marcher le jour du Sabbat au delà de ce qui s'appelloit le jour
lou le chemin d'un Sabbat, c'^ll-à-dire environ une demi -lieue. Ainfi il
n'y avoit que ceux qui étoient dans le voifînage des Prophètes qui pou-
voient former ces alîèmblées.
On peut ajouter à cela uncchofe qui me paroît très remarquable , c'efl si ons'at
que cette coutume de s'afîembler auprès des Prophètes le jour des Sabbats p^'Jljg ^'^
& des nouvelles lunes, ne,fe trouve que parmi les dix tribus qui s'étoient Prophètes
révoltées de l'obeiïTance de Dieujôc qui s'étoient feparées du Temple oii J°VJtvï°
le {ervice fe faifoit en Jerufalem. 11 fe peut donc faire, que Dieu pour em- dans les
pécher la révolte abfoluë de ces dix tribus , commandoit aux Prophètes ^^^\^J^
a'affembler chaque jour de Sabbat ceux qui étoient demeurez fidèles, &
qui ne prenoient point de part à l'idolâtrie, pour leur mettre fouvent leur
devoir devant les yeux , ôc les empêcher d'être emportez par le torrent
qui avoit gagné toute la nation. iVlais nous ne voyons rien de femblable
dans les deux tribus qui demeurèrent fous la domination de David , & qui
fervirent Dieu dans le Temple de Jerufalem.
Je trouve donc l'opinion de Sigonius plus vray- femblable j c'efl: que les sîgômusdé
Synagogues ne font que du tems de la captivité deBabylone,aprésquele Liï"ï'*-^"'^°
Temple fut détruit , car en effet nous ne voyons pas qu'il nous en foit fait cap.' «.*
aucune mention avant ce tems-là. 11 eil vray que l'Auteur du Pfeaume Jes^syna-
74- fe plaint qu'on a détruit les lieux Saints dans toute la terre : l'Hébreu gogues.
porte mahade eï , ce que l'on a interprété les Synagogues, ou les afiemblées hi^'>'W
du Dieu fort. Mais par ces lieux je croy qu'il faut entendre les divers
appartemens du Temple, les Parvis ôc le Sanétuairc. Et fi cela ne fe pou-
voit exphquer que des Synagogues, je foupçonnerois que ce Pfeaume n'a
^té compofé qu'afîêz Ipng-tems après la captivité de Babylone, du tems que
lt?nnemis des Juifs s'oppofoient à la réédification du Temple, & brû-
doïiUçj Synagogues leiquelles on bâtiflbit pour le fervice divin. Il y a
"ence que les Juifs fe voyant tranfportez dans le païs de Baby-
0,2, lone^
124 HISTOIRE DES DOGMES
lone, où ils n'avoient plus de Temple, s'aviferent de barir dans les lieux de
leurs demeures des édifices , qui furent depuis appeliez des Synagogues ,
pour y fervir Dieu chaque Sabbat -, 6c après leur retour de la captivité,
ils trouvèrent que ces Synagogues écoient d^une grande commodité , ôc
que les aflcmblées qui s'y faiibient étoient fort utiles pour nourrir la dévo-
tion. C'eft pourquoi ils en bâtirent dans la Terre Sainte, comme ils avoient
fait dans le lieu de leur exil : ce qui fut incontinent imité par tous les
Juifs de la difperfîon dans tous les lieux de la terre où ils habitoient. Je
ne voudrois pourtant pas nier que les fidèles du V. Teftament , avant la
captivité de Babylone , ne s'aflemblalfent pour le fervice divin le jour du
Sabbat j mais j'oferois alîurer que ces afiemblées étoient petites , rares 6c
abtblument libres, n'étant pas commandées par la Loy. Après cela jugez
û la coiâtume de compofer des troupeaux , ôc de s'alfembler à certains
jours pourfervir Dieu publiquement, doit être cherchée dans lesteras qui
ont précédé Moyfe , puis qu'elle n'étoit pas même encore établie long-
tems après que le Temple fut bâti. Jecroy pourtant bien que les Patriar-
ches 6c les fidèles invitoient leurs voifins à leurs fèces 6c à leurs facrifices,,
comme nous voyons que Jacob invita Laban 6c fes frères au facrifice qu'il
£t fur la montagne. Les Moabites invitèrent les JfraëHtes à leurs fêtes,
afin de les corrompre. Cette coutume s'eft confervée encore après que
la Loy de Moyfe fut établie. Saiil s'étant enquis du heu où il pourroit
îvSam. îo» trouver Samuel, on lui répondit , Il y a aujourd'^hui facrifice pour le peuple ^
^' ^'' vous le trouverez, avant qutl monte au haut lieu 'pour manger , car le peuple n&
mangera pas qu'ail ne fiit revenu , après cela ceux qui font conviez^ en mange'
ront. Quoy que ce fût un facrifice public , il paroît pourtant, qu'il n'y
avoit que ceux qui y étoient conviez, qui y enflent part. Cet ufage s'ell
répandu dans toutes les nations ^ chacun invitoit ks amis à Çts facrifices:
6c je ne doute pas que cela ne vienne de fort loin , 6c que les Patriarches
ne fiifent la même choie. Ainfi dans ces facrifices il fe faifoit des aflem^
blées qui étoient d'invitation , 6c non de convocation folemnelle 6c
réglée.
roint deSa- Voici cncorc une quatrième chofe qui manquoit dans cette Eglife an-
cremens cicnnc : cc font les Sactemcns. St. Auî^uftin eften doute, s'ils en avoient ^
eienneEgH- ou nou : l Ecriture ,Q\t'\\^ ne mt pas s'^ils avoient quelque jîgne corporel &'vifi-
Abiaham. ^le de régénération ^ tel que fut la Circoncifion ^ qui fut donnée k Abraham dans
Lib.is. de la fuite 3 ou s'' ils avoient quelque figne femhlaUe ^ ï* Ecriture ne dit point quel il
Sp.^ik^"* ^■^wV. Pour moy je tiens qu'ils n'en avoient pas, 6c j'eftime qu'il ell mo-
ralement impoffible , que s'ils avoient eu quelque Sacrement , cela eût
été ignoré de toute l'Eglife des fiécles fuivans. Or voici qui prouve en-
core invinciblement ce que je viens d'établir , c'eft qu'il n'y avoit alors
aucune confédération entre les familles , aucunes afiemblées folemnelles ,,
Contra aucuu corps d'EsHfe externe formé. Car le même St. Aueuftin a très
\9. c. ïî. Dien remarque, que les hommes ne jaurotent former un corps a Egltjejous le nom
de Religions, fi-it fau£è\, foit véritable^ s'ils ne font unis enfemhle par les liens ^
quelques fceaux & de quelques Sacremens vifibles. Ainfi ce qu'iJ'^'Oit
voient point de Sacremens, eft une preuve indubitable , qu'il "*^ au-
alors aucune ibcieté religieufe, fembiable à celles que nou^
jourd'huy.. il
ET DES CULTES DE UEGLISE. Tart.l. H'^
Il eft vray, qu'après le déluge. Dieu traitant alliance avec Noé, établit l'Ak-co-
l'Arc- en-ciel dans la nuée, pour un flgne de l'alliance qu'il faifoit avec "eiii'«„to»t
lui , 6c de la promelîe qu'il lui [aifoit de ne plus envoyer de déluge fur ciemem!"
la terre; mais ce feroit aflurément parler d'une manière fort impropre que
de dire que l'Arc-en-ciel étoit un Sacrement. Car dans tout Sacrement,
outre le ligne 6c la cliofe lignifiée^ il y doit avoir une application immé-
diate du figne à celui auquel il eit deltiné. J'avoue bien qu'il yavoit dans
l'établiiTement de cet Arc-en-ciel , pour ligne de l'alliance , quelque
chofe de myllerieux, 6c qui avoit fon rapport àJefus-Chrifl:} mais cela ne
f uffit pas pour en faire un Sacrement , c'étoit feulement un type. Tout
Sacrement eft une livrée que reçoivent ceux qui vivent fous les mêmes
loix, 6c qui font profeffion d'être les membres d'une même focieté : Or
il feroit ridicule de s'imaginer que l'Arc-en-ciel pût être une livrée p.our
diilinguer les hommes les uns àts autres. C'étoit un figne pour les ido-
lâtres auiîi bien que pour les Saints , que Dieu n'inonderoit plus la terre
par un nouveau déluge. Enfin les Sacremens font des moyens dont Dieu le
lêrt , non feulement pour nous fignifier , mais aufii pour nous conférer la
grâce falutaiie. Or i' Arc- en-ciel n'avoit alTûrément aucune vertu pour
conférer la grâce.
11 cil: vray que dans le fîécle des Patriarches, long-tems devant Moy- Lacirconcî-
fe, nous voyons paroître un. Sacrement, c'ell la Circoncifion, qui fut don- m°enceme!ît"
née à Abraham. Mais i. il faut remarquer que cette Circoncifion fut «'«o" pas
donnée plus de deux mille ans après la création du monde: Ainfii'Eglife men^de"
fut très long- tem5 fans Sacrement. De plus il faut favoir que laCirconci- toiMePE-^
fion , quand elle fut donnée à Abraham , n'ètoit pas le Sacrement de tou- ^ * ^'
te l'Egiife, mais celui de là famille. Car encore une fois, il faut bien fe
donner de garde de croire qu'alors tous les incirconcis, 6c ceux qui n'é'
toient pas de la famille d'xAbraham , fuflent hors de l'Egiife. Il eft vray
qu'à mefure que la famille d'Abraham devenoit une nation , la grâce le
retirait infenfiblement des autres nations. Et quand ce peuple fut devenu
un grand, peuple , la grâce fe renferma dans ce feul peuple , 6c abandon-
na tous les autres. Alors la Circoncifion, qui n'avoit été qu'un fceau de
famille, devint un Sacrement de l'EgHfe. Et parce qu'il faut deux témoins
pour faire une bonne preuve, 6c. deux Sacremens pour être les gages de
l'amour de Dieu , Dieu y -ajouta le Sacrement de la Pâque. Ainfi la
Circoncifion ne devint un Sacrement de i'Eglife, que quand Dieu y eut
ajouté un autre Sacrement. Quelqu'un dira peut-être, que les repas fa^
crez qui fe faifoient après les facrifices tenaient lieu de Sacrement dans
cette ancienne Eglife , 6c je ne voudrois pas nier que cela ne foit vray
en quelque forte. Le facrif ce 6c le Sacrement font fort differens, parce que
dans le Sacrement l'homme reçoit de Dieu , ôc dans le facrifice Dieu re-
çoit de l'homme. Mais dans les têtes des Anciens il y avoit 6c Sacrement
6c facyifice , car Dieu recevoir de l'homme, quaiid la victime ètoit égor-
gée, 6c les hommes recevoient de Dieu, quand une partie de la viélime,
qui avoit été confacrée toute entière , revenoit au facrifiant pour la man-
ger. J'avoue que cela fe peut dire en prenant le mot de Sacrement dans
une fignification étendue, pour toute cérémonie facrée,dans laquelle l'hom?-
îae reçoit quelque chofe de Dieu: mais dans le fens de l'Egiife, ces re^
0.3 p^
126 HISTOIRE DE S D OGMES
pas ne pouvoient être appeliez des Sacremens , parce que ce n'étoit pohlt
des Iceaux de l'Alliance j ce n'étoi: point des livrées, ni des fymboles d'une
focieté, Dieu n'y avoit point ajouté de promefles : enfin ils n'étoient point
deibnez à conférer la grâce. Et fur tout ils n'étoient Sacremens que d'une fa-
mille, & non de toute une Eglife, car comme les facrifices n'étoient que
pour les familles , les repas , qui venoient enfuite , ne pouvoient être que
pour les familles, 6c quelque peu de conviez. Ainfi je conclus que l'Egii-
fe des Patriarches n'avoit point de Sacremens,
îi n'y avoit li cil facile deconclurre, que cette ancienne Eglife n^ayant aucune con-
pas de difci- fédération, 6c n€ formant aucun corps, n'avoit auffi aucune loy générale,
îalè?*^"^" ni difcipline, nicenfure Ecclefiaftique, ni règle pour fon gouvernement.
Chaque Patriarche étoit le père , le maître , le do6teur , le prophète & le
facrificateur de fa famille 5 de il châtioit comme bon luy fembloit ceux qui
violoicnt les loix de fa petite focieté. Il faut avoir l'efpritbien prévenu ôc
rempli àcs idées du gouvernement des Eglifes d'aujourd'huy, pour trou-
ver dans ces premiers fiécles la grande & la petite excommunication, coili-
_ _ „ , , me a fait Corneille Bertram. // femble . dit-il , ^fie des ce tems-la il y ai/oit
judsor. cap. «tf^^jc excommumcattons ^ v excommunication JimpLe & l anameme. JSIohs avons
*• ce formulaire de ï' excommunie mon ftm^le dans le chap. ij. de U Gen. en cet
mots , & cette ame fera retranchée de fis peuples ; c^efi comme s'tl avoit Jit^ un tel
homme ne fera plus ejiimé du peuple de Dieu. Car par le nom de peuple , il faut
entendre Pafemblée de plufieurs hommes , (^ui vivent fous les mêmes Loix divi-
nes & humaines : Nous voyons un exemple de cette excommunication ^n (^a'm,
Enoch feptiéme homme après Adam, voyant que la poflerité de Cdin devemit de
plus en plus méchante , ^ que les enfans de Dieu abandonnotent leur ancienne pU'
reté , mit en avant la grande excommunication , & propofa cet anaihéme qut
mous lifons dans Ï^Ephre de St. fude. Toutes ces conjeétures font fauiTes j la
peine du retranchement, quieft apipellée Kereth ^ dont il eft parlé dans le
chap. 17. de la Gen. ôc en beaucoup d'autres lieux, félonie fentimentdes
juifs n'eft point l'excommunication. Ce n'étoit pas une cenfure adminif-
trée par les hommes , mais c'étoit une peine que Dieu infligeoiu luy-mê-
me, ou par la mort , ou par quelque chofe de femblable : c'eft ce que
nous prouverons , quand nous aurons à parler des peines de la Loy de Moyfe.
Mais de quelque nature que fût cette peine de retranchement , il eft cer-
tain qu'elle regardoit le tems de l'œconomie légale, & ne remontait pas
jufqu'aux fiécles des Patriarches, Les IfraëUtes durant leur voyage dans
le Défert ne furent pas circoncis, cependant la malediétion de Dieu ne
îomboit pas fur eux , & ils ne furent pas foûmis à la peine du retranche-
ment î 6c même l'opinion dudoâe Mafius eft trés-vray-femblablci c'eft
que les Ifraèlites avoient négligé la Circoncifion pendant qu'ils demeuroient
en Egypte : c'eft pourquoy Moyfe les obligea de le circoncire , quand il
Mafius in îcvint de Madian pour les tirer d'Egypte. Cela fe recueille de l'Hiftoi-
■^°J"j'"&^* ^^ ^^ Jofuéj il fit circoncire le peuple, quand il fut fur le point d'entrer
cap.* 4.' V. 5. dans la terre de Canaan j 6c Dieu luy dit ^ Circoncis encore pour une féconde fois
les enfans d'^/fraël. Fourquoy dit-il encore uneficonde fois ? C'eft par rapport à la
première fois, dans laquelle Moyfe les avoit fait circoncire en fortant d'E-
gypte. Ainfi cette Loy , Tout mâle incirconcis fera retranché d'entre ce peuple ^
fut donnée pour avoir vigueur, quand la famille d'Abraham feroit devenue
un
ET DES CUDTES DE L'EGLISE. iP^r^.I. 127
un peuple /eparé des autres peuples de la terre. Pour ce qui eft del'ana-
théme & de la grande excommunication qu'on dit avoir été introduite par
Enoch, c'eft une pure vilîon, qui n'a point de fondement dansl'Hiftoi-
re , ôc qui n'eft appuyée que fur ce que les Juifs, après le retour de la capti-
vité de BabylonCy en établiflant l'excommunication , compoférent un for-
mulaire d'anathéme, qui commençoit apparernment par ces paroles at-
tribuées à Enocb , qui fe lifent dans l'Ep. de St. Jude , roicy le Seigneur vient
avec des milliers d"* Anges ^ ëcc.
Bien que l'hypothefe que je viens de pofer paroifle étrange, cjue l'^Eglife L'Hiftoîrcde
des Patriarches n^avoit aptcuneforme d^Eglife^ je fuis pourtant afîïïré qu'on ne Meichifedec
fauroit faire contre cette vérité aucune difficulté confiderab le > fi ce n'eft pasi'hypo-
celle qui fe tire de l'Hiftoire de iVIelchifedec,qui vint au devant d'Abra- Jç^^g ^'^**^®*
ham, comme il revenoit de la défaite des Rois. Moyfe nous dit, qu'Abra-
ham donna la dime de tout à Meichifedec, qui étoit Sacrificateur du Dieu
Souverain. On peutconclurre, ce femblede là, qu'il y avoit déjà dés Sa-
crificateurs publics, établis du confenteinent de tous, & qu'on leur don-
noit les dîmes pour leur entretien. Mais cette conclufion feroit fauirejôc
dans le fond on ne peut rien trouver icy de femblable. Abraham prit une
partie des dépouilles de fes ennemis, êc les donna à Meichifedec : ce ne
fut pas pour fervir à l'entretien de ce Sacrificateur , qui étoit aufii Roy , c'é-
toit afin qu'illes confacrât à Dieu. Il avoit la même intention que Jacob
allant en Paddan- Aram ,<qui difoit,. De toutes chofes que ta m auras données ^ ^en. 28. ?,
je t'^en donnerai entièrement la dtme. De plus Abraham ne donna pas la dîme 2^2.
de fbn bien , mais celle du butin. Or on ne donnoit pas aux Sacrificateurs
la dîme des dépouilles qu'on remportoit fur les ennemis j c*étoit à Dieu ,
c'efl-à-dire qu'on les dévoiioit. Les Latins \ts appelloient , opimafpolia^
& les Grecs, mpo^lvia,. Thomas d'Aquin définit afiez bien cette queftion J^''^^^""^®'
de cette manière j Avant le tems de P ancienne Loyales Minijlres du fervice di-
vin n^e'toient pas precifément marquez. : mais on dit , que les premiers nez. des fa-
milles étoient Sacrificateurs ^ & qpp ils avaient une double part dans ^héritage -.c'^efi
pourquoy tln\ avoit pas de portion defi.inéepour les Minifires des chofes faintes. Quand
quelqu'^un les rencontrott , Pon leur donnait volontairement ce qu'ion jugeoit a prO"
pOK *C'efl ainfi qu* Abraham , par un mouvement prophétique^ donna les dîmes a-
Melchifedee Sacrificateur du Dieu fouvcrain : de même Jacob voua qu'ail donneroit
les dîmes: cependant il ne paraît pas qu'ail eut dejfein de les donner a quelque Sa"
crificaieur 3 c'était aufervice divin quil les defitncit ^ (^ il les voulait confirmer
dans fes Sacrifices. Après toutes cesremarques, je conclus , que le culte, les
©ffi'andes,. les heux, les tems, les jours du ièrvice divin étoient abfolu-
ment libres dans ces premiers fiécles , & dépendoient de la volonté des
chefs de famille, qui étoient les maîtres de la Religion.
Prefentement il ell évident que l'Eglife dont nous venons de parler, n n'y avoir
puis qu'elle n'avoitniaflemblées, ni Sacremens, ni difciplîne , ni trou- ni juges°£c-'
peaux, ni confédération, n^avoit point auffi de tribunaux Ecclefiaftiques, ciefwftiques,
point de juges de controverfe ,- point de Synodes, point de Confeils, point
de Pontifes. Ainfi pour donner en racourci Tétat del'Eghfe avant la Loy,
je dis, I. qu'elle étoit difperiee par toute la terre, une famille dans un en- ^^jj^fiel^e
droit, un autre dans un autre lieu. 2. Que ces familles fe connoiflbient cetteanciea-
bien, quand la proximité des heux le permettoit-, ôc qu'elles étoient unies ne^si^f^»
par
138 HISTOIRE DES DOGMES
par les liens externes d'un même culte. 3. Qu'elles étoient indépendantes
les unes des autres > que l'une n'avoit pas recours à l'autre pour être aidée
dans Ton culte. Quand Dieu illuminoitun de ces chefs de famille d'une fa-
çon extraordinaire, je ne doute pas qu'on ne s'addreffât à luy pour être
eclairci dans fes doutes: & il paroît par le Livre de Job, que cet hom-
me étoit devenu l'oracle de fon pays. Mais on les confultoic avec ujie fou-
veraine liberté , fans être obligé de fuivre leurs avis. 4. De ces dévotions
qui fe faifoient dans chaque famille, le chef de la famille étoit le Pereôc
le Do61:euri ôc à mefureque ces familles fe fubdiviibicnt, ces petites Egli-
. fes indépendantes fe multiplioient auffi, f . Chacune de^ces familles étoit
libre dans le choix des jours de fa dévotion , ôc les facrifices s'y faifoient
félon les évenemens , ôc félon les raifons de joye ou de deuil qui s'y ren-
controient. 6. Une famille n'étoit pas en droit de faire querelle à l'autre,
quand elle fe détournoit du véritable chemin de la pieté : chacune faifoit
ce qui luy fembloit bon ; c'eft pourquoy pendant qu'entre les décendans
de Tharé, Abraham s'attache au (êrvice du vrai Dieu, Laban devient ido-
lâtre. On n'avoit point d'autre voye pour ramener ceux qui s'égaroient,
que l'exhortation. 7. Bien que chaque famille fût maîtreflè de fon culte
& de fes facrifices, 6c ne les fît que pour fes utihtez, ôc félon fes befoins,
elle y convioit pourtant fes voifîns. Mais dans ces allemblées le chef de
la famille, qui faifoit le facrifice, 8c qui avoit invité les autres, étoit ce-
luy qui officioit. 8. Pendant que lesenfans étoient fous la conduite de leur
père , ils étoient obligez de fuivre {es ioix ôc fa Religion : mais quand ils
étoient mariez , 6c faifoient une famille à part , ils devenoient maîtres d'eux-
mêmes à tous égards, p. Toutes ces petites Eglifes feparées ne reconnoif-
foient aucun chef, auquel elles fe crufTent obligées d'obeïr : cependant
elles avoient une grande confîderation pour ceux qui étoient leurs Ancê-
tres. Cette confideration pourtant n'alloit pas jufques à fe foûmettre à
leur gouvernement dans les choies Ecciellaftiques , non plus que dans les
chofes civiles j autrement on n'auroitpas vu de fi grandes corruptions dans
ce premier monde avant le Déluge. Il n'y avoit que deux hommes depuis
la création, Adam ScMethufcela, Adam avoit appris de Dieu , 6c MethU'
fcela avoit appris d'Adam. Si les hommes qui étoient fortis de ces deux grands
Patriarches le fufient fournis à leurs Ioix , ils ne feroient fans doute pas
tombez dans un fi grand excez de corruption. Après le Déluge Noé vé-
cut 3fo. ans, 6c Sem vécut foo. ans. ll'idolatrie 6c toutes fortes de cri-
mes ne laiflerent pas de s'établir dans la poilerité de ces Patriarches , par-
ce qu'à mefure que les familles fe muitiplioient par divifion , elles deve-
noient indépendantes de la fource d'où elles étoient forties: éc cette indé-
pendance n'étoit pas contre l'intention de Dieu j car les familles danslef-
quelles la pieté regnoit , étoient dans cette indépendance comme les autres.
Il ne nous paroît pas que la famille d'x^braham eût plus de liaifon avec la
perfonne de Sem, quivivoit encore dutemsd'Ifaac, que toutes les autres
familles de la terre.
Ceux qui voudront lire fans préjugé le Livre de la Genefe , trouveront,
que c'eft-là véritablement l'idée de l'ancienne Eglife 6c de fon état. ^Et
Thiimud par là nous voyons clairement la raifon pourquoy les arlciens [uifsontap-
dïitn. pelle cette première Eglile Thoopt^ ceil-a-dire, le Chaos: Le monde doit
durer
ET DES CULTES DE L'EGLISE. PartA. 139
durer y^y mille ans , dit U maifon d'^E/ie j denx mille ans fous Thoou , da'us le
Chaos \ deux mille ans fous la Loj ; deux mille ans Cous leAîeJfie. Sur cette tra- Genebr. zé.
ditioii un certain Rabbi Jacob, fils de Salomon, dit, que ce tems s'appel- noî^i^dc**"
loit le Chaos , farce qn alors la Loy n*étott point encore donnée , & que le mon- cknfto.
de et oit a f égard de la Religion , comme vuide (fr fans forme. Il eft certain
qu'alors l'Eglife étoit encore informe, encomparaifoade ce qu'elle a été
depuis fous la Loyjôc de ce qu'elle eft aujourd'huy fous l'Evangile. Dieu
a voulu conduire fon Eglife à fa perfeétion par degrez, auffi bien, eu
égard à fon gouvernement ôc fon extérieur, qu'àl'égarddefa connoifTan-
ce Se de fon intérieur. 11 eft à remarquer, que pour conierver une Eglife
dans cette forme, ou pliitôt dans cette privation de forme externe ^ il -
falloit une beaucoup plus grande mefure de l'efprit : tellement que fi les
révélations n'étoient pas li amples ôc fi claires, elles étoient beaucoup plus
ordinaires; tous ces chefs de familles oii la pieté regnoit, que nous appel-
ions Patriarches, étoient Prophètes.
Ces faits qui femblent être purement hiftoriques , ne laifient pas d'être Erreurs des
de grand ufage pour l'éclaircilTement des Controverfes d'auiourd'huy. i . Ce- *^°f ""^^s.
ia nous tait voir combien iont vilionnaires les Auteurs , qui pour etabhr CoccemsSG
la neceftité d'un fouverain Chef vifibic de l'Eglife, veulent trouver dans ^"""°
l'Eglife du premier monde un fouverain Pontite , des Sacrificateurs éta-
blis fous eux, une Hiérarchie bien ordonnée, une Eglife dans toutes les
formes, des troupeaux , des Eglifes, des ccnfures& des excommunications;
on y trouveroit auffi-tôt les Ordres des Mendians, 6c routes les familles
des Moines, z. J'ay auffi quelque peine à pardonner à la négligence de nos
Savans, qui après avoir bien étudié l'état de cette Eglife ancienne, nous
la reprefentent comme ayant fes Alîemblées , fes Synodes & fes Cenfures.
Un Auteur moderne, qui ne manque pas d'habileté, & qui a travaillé tout Hddegge»
exprés fur l'Hiftoire des Patriarches, dit, iju-on ne fauroit bien déterminer ^^^^f^^f-
de <jtielle manière l"^ Eglife en agijjoit , quand darriv oit des cas dans lef(jHels il étoit Exercitac. r.
necejfaire qu'elle décidât. Quand par exemple il falloit faire quelque loy quiregar-
dat le bien de l"^ Eglife ^ le bon ordre j quand il falloit reprendra ou châtier quel~
qu^un ^ qui par fes aBions avait , ou fcandalifé toute P Eglife , ou quelqu'*un defes
frères , on ne peut favoir fi les Patriarches , & les plus anciens s'ajjèmbloient &
cenfur oient enfemble, ou s'ils commettaient ce foin a un petit nombre de aenschoi"
(is , fans renoncer pourtant aux devoirs qu'ils étoient obligez, de rendre a toute Taf.
femblée\ ou enfin^ s'ils commettaient le pouvoir de réprimer.^ k unfeul. Tout ce-
la fuppofe que du tems des Patriarches on faifoit des afi^emblées , qu'il y
avoit des troupeaux , qu'on faifoit des rcglemens , qu'on commettoit dts
gens pour veiller fur les fcandales , qu'il y avoit des cenfures , que les par-
ticuliers dépendoient du public dans les chofes Ecclefîaftiques : mais nous
avons vu que tout cela eft faux. 3. Nous apprenons auffi de là, quec'eft
une faufle imagination, que de fe perfuader que l'Eglife ne peut pas fab-
fifter fans avoir un fouverain Tribunal & un Juge des Controverfes qui ter-
mine tous les differens qui peuvent naître. Je ne doute pas que la paix ne ré-
gnât beaucoup plus dans cette ancienne Eglife, que dans celle d'aujour-
d'huy. Je ne croy pas qu'on y ait jamais parlé d'heretiques & d'herefies,
excepté celles qui font renfermées dans le culte idolatrique. 4. Nous
voyons combien eft faufié l'idée qu'on fe forme de TEgUie, de laquelle
l'art. I. R on
Nuai. I.
14X) H ï S T O I R E D E S D O G M E S
on étabjit l'eflence dans ce qu'elle a d'exEcrieur. Car on la définit dans
l'école Romaine, Uajfemblée de ceux ^ui ont étéap^^ellez. de Diept-^^m font liez,,
enfemble tar le lien d'une commune prof ejfion de foy^, par tufage des mêmes SacrC"
mens ^ par l'obeifjance atiTafieHr légitime fous un fonverain Pontife. Dans cette
définition il n'entre rien des qualitez, internes de rEglifcj. & félon cette
idée l'Eglife ancienne avant Moylé , n'étoit pas EglifCo. Cai* elle n'avoit au-
cun, de ces liens, externes , les membres n'étoient point unis par la profef^
fion extérieure d'une même toy> mais par les liens invifibles d'une même
créance : non par l'ufage des mêmes Sacremens,. mais par les liens d'une
charité ôc d'un même efprit. Et cela nous fait bien voir en quoi confille
l'eflence de l'Eglife : car ce qui eft efléntiel à l'Eglife, c'eil ce quiluy
convient dans tous les tems , & dans ïous les états, f . Nous apprenons
par cette même Hilloire , que les cenfures Ecciefialliques , qu'on appelle
la petite & la grande excommunication , ne font point de droit divin na-
turel, & qu'elles ne font point fi eflentiellesàrEglife, qu'on nes'enpuif"
fe paffer en certains tems. Car cette Eglife ancienne , qui étoit véritable-
ment Eglife, ne les avoit pas. 6. Enfin cela nous apprend, que la confé-
dération des familles pour faire des troupeaux , &: celle des troupeaux,
pour compofer des Eglifes provinciales & nationales, n'ell pas de l'eflen-
ce de l'Eglife, 6c que l'Eglife peut fubfifter, quoy que les familles demeu^
rent comme autant de petites Républiques feparées & Ecclefiaftiques.
Je fai bien que les Indépcndans d'Angleterre jSclesIndifferensd^s Pays-
Bas 5 verront avec plaifir cette conclufion &: cette Hilloire , & croiront
avoir trouvé dequoi foûtenir leur efpece de gouvernement. Car ils veulent
que chaque troupeau foit feparé & diftingué, & indépendant de tous les
autres , à peu. prés comme j'ay reprefenté qu'étoient les familles avant k:
Loy. Mais ils doivent fe fouvenir,, que ce qui étoit bon dans ce tems-là,. ne
le peut plus être aujourd'huy. i.. Parce que nous vivons fous les loix de
J. Ch. & àts Apôtres, qui nous ont donné une autre forme de gouver*
nement. 2. Parce que l'Eglife étoit moins nombreufe qu'elle n'eftaujour*
d'huy, 6c ainfi ellefe pouvoir mieux pafl^er des. liens qui font neeefliiires
pour les grandes, focietez. 5. Elle étoit alors beaucoup moins combattue,
&.e}îe avoit beaucoup moins d'ennemis fur les bras j car il étoit permis tl
chacun d'être fidèle & pieux, ôc on n'étoit point combattu dans cedef-
fein. Aujourd'huy le démon fe fert de mille moyens pour ruiner l'Eglife :;
c'efl: pourquoy elle doit être unie pour fubfiiler, par ces liens externes,,
qui lient fes membres extérieurs. 4. Outre cela dans ces premiers fiécles,
Tunion.externe , les Pafteurs, l'Ecriture, les Synodes, les Gonfukations,
&: autres chofes femblables, n^étoient pas necefiàirés pour laconfervation
de l'Eglife 5 parce que Dieu entroit immédiatement dans fon gouvernement
par des révélations continuelles, f . Enfin Dieu avoulu par fa profonde fa-
^q'^q^. que fon Eglife fût dans de certains tems dans un état bien moins
parfait que dans les autres. .Or il feroit ridicule aujourd'huy, que Dieu a
mis la dernifere main 3: l'Eglife, de la vouloir rendre encore informe , Sc
k vouloir ramener à l'état dans lequel elle étoit durant fon enfance, &dans
fon premier âge. Ainfi ceux qui veulent confondre tout ordre, & mettre
tout dans l'indifférence, doivent être confiderez comme les ennemis de
l'Eglife. G HA-
E T DES CULTES DE L'EGLISE. PartA. 141
CHAPITRE XVII L
^es mariages des Patriarches , de l'infiitution des mariages , &
des cérémonies avec leJqueUes on les contraBoit.
TOut ce que nous avons dit depuis le fîxiéme Chapitre jufques ici,
peut être confideré comme un Commentaire fur les deux premiers
préceptes des Noachides. Le troifiéme 6c le cinquième de ces pré-
ceptes regardent le meurtre & le vol, 6c doivent être rangez entre lesloix
civiles , plutôt qu'entre les loix Ecclefiaftiques. C'eft pourquoy nous ne
ferons aucunes obfervations fur ces deux commandemens , parce que nous
nous fommes obligez à ne rien dire fur ces loix civiles : outre cela je ne
fay rien de fort fmgulier ià-delTus , 6c qui foit fort digne d'être obfervé.
Il eft aiTez évident par i'Hiftoire de la Genefe, que l'un & l'autre de ces
crimes, je veux dire le meurtre 6c le vol, étoient connus, 6cque l'un 6c
Tautre ëtoit défendus. Le quatrième commandement, qui regarde le ma- '
riage, 6c que les Juifs appellent reveUùo.^uâenàoYum ^ a beaucoup plus de
liaifon avec les matières Ecclefiaftiques. Carie mariage eft confideré com-
me ayant une étroite liaifon avec la Religion, jufques-là même qu'aujour-
d'huy on en fait un Sacrement. Nous fommes donc obligez d'en parler.;
6c c'eftce que nous allons faire dans la fuite. Les mariages des Patriarches,
qui ont vécu avant Moyfe, étoient bien differens des nôtres , par quanti-
té de fingularitez qui méritent bien d'être obférvées : telles étoient U Po-
lygamie^ le Divorce ^ ta Loy du Levirat , le mariage avec les jcenn & les pro-
ches parens , le Concubinage, Mais avant que de parler de toutes ces chofes,
il faut examiner l'inftitution du mariage , 6c parler de îts droits félon l'inf-
titution divine, 6c dire quelque chofe de la manière dont on les contrac-
toit dans les premiers fiécles.
L'origine 6c l'inftitution du mariage fe trouve dans I'Hiftoire de la Créa- L'inftitutîoa
tion du monde, de l'homme 6c de la femme, aufquels Dieu dit, quand &"fes"S
il les eut créez. Croijfez. & multipliez.. Ces paroles, qui ont la forme d'un
commandement, font de la peine aux Interprètes. Car Çi c'étok un com-
mandement, il obligeroit tous les hommes: Ainfî l'état du célibat ne fe-
roit pas loiiable, puis qu'il feroit oppofé à un commandement de Dieu.
D'autre part, il femble que l'on faife tort au mariage , en difant , que ce n'eft
pas un commandement , que ce n'eft qu'une fimple permiffion j 6c qu'il
faut entendre ces paroles , CroiJfez.&fnultipliez. ^ comme celles-ci du qua-
trième Commandement, Tu travailleras jïx jours. Les permiftlons ne fe
donnent que pour les chofesquine font pas naturellement bonnes , 6c mê-
me qui font en quelque forte mauvaifes, Ils'enfuivradoncdelà que le ma-
riage n'eft pas bon , qu'il eft feulement tolerabîe j qu'il n'eft pas défendu,
mais qu'il n'eft pas commandé. En effet c'eft là le fens que Tertuiîien, i.^ad uxor.c'
St. Jérôme, 6c quelques autres Anciens ont voulu donner à ces paroles de ^•
Dieu , Croijjez. &, multipliez.. Mais c'eft un fens injurieux au mariage , duquel in jo^nia-^'
R z St.»»™-
Ï42 HISTOIRE DES DOGMES
HB^r. î3. Sl. Paul a dit , honorable eji le mariage entre tous , & la couche fans fouillu^
re. Outre cela ce ne pouvoir pas être une fimplc permiffion , puis qu'aflû-
rémcnt il étoic de l'intention de Dieu, que l'homme fe mariât pour li con-
iervation &c la multiplication de l'elpece ,. èc pour le meilleur état de k
confciencc de ceux qui n'auroient pas le don de continence. Les Juifs
prétendent, qoe c'eil un commandement qui oblige tous les mâles au def-
■ "lus de vingt ans , excepté ceux qui ne font pas propres à la génération ,
& ceux qui fe mortifient continuellement par une étude excefîive de la
Loy. Ils excufent aufli les femmes , ôc difent qu'elles ne font pas ne-
cellaircment obligées à pratiquer ce commandement. C'eft fans doute
parce que les loix delà bienfeance, 6c l'ufage de toutes les nations ne leur
permettent pas d'aller chercher des hommes , comme il ell permis aux
hommes d'aller chcTcher des femmes. Ainii comme il ne dépend point
d'elles de fe mettre en état d'obeïr à ce commandement , elles doivent
être difpenfées de la neceffité de l'obeiflance ; Selon la tradition des Hé-
breux, il n'étoit pas permis aux mâles de renoncer à la propagation del'ef-
]^ece 5 pendant qu'ils étoient en pouvoir àe Ce fervir d'une femme : ôc
Maîmon. voici commc l'un d'eux parle là-delTus j Encore que qtielc^u^un ait obe'i an
Hai.ka idiot co7m7îandement qui ordonne de mnltiplier le genre humain , en mettant au monde
^^' '^' à.es enf ans félon ^ordonnance de nos Sages , on ne doit point cejfer la multiplica-
tion pendant qu'on a le pouvoir dy travailler : car celui qui ajoute une ame a If-
raél édifie le monde. Il efl encore ordonné dans les loix des mêmes fages ^ qu'un
homme ne tienne jamais de maifon fans femme , de peur qu^il ne foiî travaillé
d?incontme:ice i ni que la femme ne vive fans mari , de peur que fa vertU'
ne foit foupçonnée , & qu^elle ne foit importunée par ceux qui la follicite"-
r oient.
hts He- Il eû certain que les Hébreux faifoient un très grand cas du mariage 5--,
fof"n^t^'a'nd^°"^ ^^^"^'^ Hvrcs font pleins de chofes qui fignifient cela. Par exemple,,
cas*jma- ils difcnt que la femme eft imparfaite fans le mari ; & même que l'homme quù
"23e. n^ a point de femme , n^eft pas homme ; que T)teu les appella ty^dam , c'^efi-'a-
dire homme y que celui qui néglige le précepte de la multiplication du genre hu-
main , doit être regardé comme un homicide. Il eft clair que c'eft là Feiprit dans
lequel étoient Ic^ hommes avant la venue de Nôtre Seigneur Jefus-Chrift,
êc tout cela paroîr par i'Hiftoire du Vieux Teftament, dans lequel nous
voyons que la fterihté eft confiderée comme honteufe, lors même qu'elle
Ghap. s6. éroit contrainte & involontaire. Le Prophète Ifaïe nous apprend 5 quelle
^•^■^- étoit la condition des Eunuques, ôc comment ils étoient conliderez 5 Que
Stérilité ï eunuque ne difè pas , je fuis un arbre fec ^c. Car je leur donnerai un nom
oTièufe meilleur que de fis & de files. Ailleurs il introduit fept femmes, qai difent
ciiap.-4. â un homme, que ton nom foit reclamé fur nous ^ ote nôtre opprobre. Elizabéth
Luc.i.v 25 fcnnime de Zachade père deJeanBaptifte, parle de fa fterihté, que Dieu
avoit fliit ceffer, comme d'une honte dont elle avoit été lavée ; Le Sei-
gneur m'^aainf fut ^ dit-elle, dans les jours aufquels il m^a regardée pour oter mon
î. Sam. opprobre d'entre les hommes. L'Hiftoire d'Helcana êc de fes deux femmesj
•^' ^' Peninna^Anne mère de Samuel, nous apprend encore combien la fterih-
té étoit fâcheufe aux femmes. Il eft évident auffi par I'Hiftoire de Sara ,
6c par celle àt^ deux femmes de Jacob, que les perfonnes de l'un & de
l'autre 'îcxç.Çt croyoient obligées de travailler à la multipHcation j que la fte-
. ~ rilité
ET DES CULTES DE L'EGLISE. TartA. 143
rilité volontaire étoit condamnée ; 6c que celle qui étoit involontaire r^e
laiObic pas d'être honteufe.
Quelques gens s'imaginent, que cette forte paffion d'avoir des enfanSjFauflepen-
laquelle on voit régner dans toutes les perfonnes qui vivoient fous l'an- ^^^/^^ ^«
cienne œconomie , venoit de refperance qu'avoit chaque famille , que fo"pprobre
d'elle pourroit fortir celui qui s'appelloit la femence Sainte, c'ell-à-dire, ?,"^^î^^^'*
le Meffie & le Roy d'Ifraèl. Mais cette penfée, à mon avis, n'eft pas
foûtenable , car cela n'auroit eu lieu que dans le peuple de Dieu. Or
il efl certain, que cela étoit commun à tous, de délirer fortement d'avoir
des enfans. De plus, quand Jacob eut déclaré parfon Te{lament,que le
Silo devoit naître de la tribu de Juda , toutes les autres familles fe voyant
exclufes, ôc n'efperant plus de voir naître parmi elles le Meffie , ne dé-
voient plus avoir le défir de produire des enfans dans cette vue. Cepen-
dant nous ne voyons point que cette paffion ait diminué depuis la mort
de Jacob. Ainjfil'on peut dire avec afiurance, que le grand défir que les
Anciens ont eu d'avoir des enfans &; d'être mariez , venoit de ce qu'ils
regardoient ces paroles , Croipz, & multipliez. , comme un commande-
ment abfolu, qui obligeoit tous les hommes, qui étoient en état de lui obéir,
ôc dont on ne pouvoit être difpenfé que par impofîibilité, de travailler à la
multiplication par des voyes légitimes. Aujourd'huy les Chrétiens regar-
dent ces paroles , Croi[fez^ & multipliez, y fort diverfement , félon la diver-
fîté de leurs intérêts, ôc du parti dans lequel ils font engagez. Ceux qui Beiiarm.
ont élevé la dignité du célibat fort audeffus du mariage, prétendent que L^b^l^""^
ce commandement n'obligeoit que dans les fiécles, dans lefqueis il étoit cap, 21.
neceflaire de peupler la terre : mais qu'aujourd'huy le monde étant rem-
pli d'habitans, ce précepte n'obhge plus. Les Proteflans , qui telliment
que le cehbat n'eft préférable au mariage que par accident, c'eft-à-dire,
quand il apporte plus de liberté pour fe conlacrer à la dévotion, croyent
que ce commandement oblige dans tous les tenisj mais fous ces deux con-
ditions , la première que l'homme ait befoin du mariage pour remède à fon
incontinence j la féconde que- la propagation foit necellaire & utile pour le
lien de la focieté.
Si nous avons l'inftitution du mariage dans ces paroles, Çroijjez. & mul- Des droits
tipltez., nous en avons les droits & les loix dans celles-ci d'Adam réveillé dS; marïg^'
' de fon dormir,, & plein de l'Efprit de Prophétie j & partant Phomme dé-
laijfera fin père & fa mère , & adhérera a fia femme , (^ ils fieront une même
chair. 11 eil certain que par ces paroles font défendues, i. Ce qu'on ap-^
pelle la fornication , & ce qu'on appelle vagi concubitus i Car celui qui
ordonne que chacun ait fa femme, & qu'il i"e joigne à elle , défend par
cela même de fe joindre à la femme d'autrui. li eil clair auffi que la Po-
lygamie eil contraire à cette déclaration d'Adam , car il ne parle point de
deux femmes aufquelles on puiiïe adhérer , ii*ne parie que d'une feule :.
Et ce qu'il dit que l'homme & la femme feront une même chair, fait voir'
que la multiphcation des femmes n'eft pas de l'intention de Dieu. Car
c'eft une eipece de monftre, d'avoir deux corps, & d'être une même chair
avec des perfonnes différentes. Enfin ces paroles d'Adam font afiez for-
melles contre le divorce \ & ce qu'il dit , Ils fieront une même chair , fait
voir évidemment que la feparation du mari & de la femme eft contraire
R 3 , àl'in-
Matth;
V. 6,
19.
tu HISTOIRE DES DOGMES
à rinftitution du mariage, puis que c'eil faire violence à la nature de fé-
parer en deux ce qui n'cfl qu'une feule chair. Cette conclufion ne peut
être doutcufe, puis qu'elle a été tirée par celui qui ne fe trompe jamais
dans fes raifonnemcns > c'eft le Seigneur Jefus-Chrift. Ils ne fout plus deux ,
dit-il, ffJ^is une chair:) donc ce que Dieu a conjoint , que l'homme ne le fepare
point. Pour ce qui eil des mariages dans les dégrez défendus , nous ne
pouvons pas voir >ciairement dans l'inftitution du mariage, que nous venons
d'expliquer , qu'elle a été l'intention du Legiflateur. Cependant les Doc-
teurs juifs prétendent, que les degrez défendus font fuffifamment defignez
dans les paroles d'Adam. Ils difent qu'il y a fix couches illégitimes , qui
font défendues dans ces paroles, i. avec la mère j z. avec la belle-merc,
la femme de ton père. 5. Avec la femme d'autrui. 4. Aveclafœurde la
mère. f. Avec un mâle. 6. Avec une bête. LeSt.E/prit, dit Salomon
Jarki fur ce palTage , a employé ces paroles pour défendre aux 7S(oa£hides des
turpitudes y c^ejl-k-dire , de découvrir les nuditez.. Ces mots, il abandonnera
fin père , fignifient , difent-ils , qu'un fils ne doit point approcher du lit
de fon père pour fe fouiller ^ ou avec fon père, ou avec la femme de fon
père. Ils difent que le mot de mère exclut formellement & défend le ma-
riage d'un fîls avec fa mère. Ils ajoutent que ces paroles, il adhérera a fia,
fiemme , défendent non feulement l'adultère , mais lapederaftie, & la bru-
talité. Il y a même des Chrétiens qui ont ainû expliqué ce paflage. Alexan-
dre de Haies ancien Scolaftique dit } des le .commencement ,' il a été défiendft
de £ouch-er avec fin père & fia mère dans ces paroles ^ Phomme abandonnera père
& mère pour fie joindre afiafiemme.
Dans la fuite nous aurons à parler plus amplement de ces mariages.
Prefentement il faut dire quelque choie de la manière dont les Anciens
contraéloient leurs mariages. Si l'on en croit Maimonides , ils ne faifoienc
pas gi-ande cérémonie , ou pour mieux dire , il^ n'en faifoient point du
tout. Car voici comme il s'exprime là-delTus j Devant que la Loy eut été
donnée ^ fi un homme rencontrait une fiemme dans la rué ^ ou fiur le chemin , &
qvPelle hii plût , pourvu qu'ails y confient ifient tous deux , il l"* amenait dans quelque
Hâiaka ichot ^/^^ ^^ y^ maifiuu , il couchait avec elle , ^ elle lui était a fiemme. Ce fenti-
ment eft allez ordinaire entre les Juifs. Ainfi deux chofes étoient feule-
ment neceffaires pour faire les mariages dans ces tems, le confentement
. des parties , & la copulation charnelle. Par le confentement il ne faut pas
entendre le fimple confentement d'entrer dans un même Ut , mais celui
de s'être mutuellement mari & femme, & celui d'accomplir toosles de-
voirs qui font les fuites de cette focieté. L'une de cts deux chofes étoic
infdiîifante 3 k copulation fans le confentement ne faifoit pas un maria-
ge : rnais auffi le confentement fans la copulation ne fuffifoit pas. Les
juifs difent, que cette coutume changea par la Loy de Moyfe j car ils
eiliment que depuis , le feul confentement pouvoit faire le mariage , fans
qu'il fût befoin de confommation. C'efl aufii le fentiment de tous nos
Jurifconfultes , &: la pratique de tous les Chrétiens j une femme ell répu-
tée mariée , quand elle a confenti , 6c qu'elle a reçu la benediélion nup-
tiale, encore que la confommation n'ait pas encore été faite. Ce que dît
Maimonides, que quand on rencontroit une femme dans la rue, pourvii
qu'elle y confentît , fans aucun myftere on l'amenoit chez foy , 6c on la
pre-
Summ.
Theol.
part. y.
qiaft, 27.
Art. j.
Les anciens
contrac-
toient leurs
mariages
fans aucune
cérémonie :
par le feul
confente-
ment des
parties.
ET DES CULTES DE LEGLISE. Tm.l. 14^
prenoit à femme , ne doit pas être pris à la lettre : Car fans doute l'on
©bfervoit alors les règles de la bienfeance, que les femmes gardent aujour-
d'huyi fans doute on eonfultoit les parens ; fur tout quand la fille étoit
encore fous puifFance de père & de mère, l'on s'adreffoit au père & à- k
mère, 6c c'écoit d'eux qu'on obtenoit la femme , Se enfuite on la faifoit
venir,, pour avoir fon confentement. Cela fe voit dans l'Hiiioiredu maria-
ge d'Ifaac avec Rebecca : Le ferviteur d'Abraham l'obtint de Bethuel qui
etoit le père, & de Laban qui étoit le frère : B Lahan & Bethuel répondi- Gen. 24;
rem difans , cette ajfaire efi procedee de l^ Eternel , nous ne poumons dire contre ^' ^®*
îoy m bien ,. ni mal. Voici Rebecca a ton commandement , prens la^ (^ t^en va i
& (fti^elle foit la femme du fils de ton Seigneur, En fuite on appella Rebecca
pour avoir fon confentement } Ils dirent, appelions la fille , & lui demandons
reponjè de fa boftche. Ils appellerent donc %ebecca, & lut dirent^ veux-tu aller
avec cet homme-la \ & elle répondit , firai. Il y a dans cette Hilloire une
circonftance qui nous donne lieu de croire qu'on avoit accoutumé de laif-
fèr les filles dans la maifon de leur père quelques jours après les fiançail-
les } Et le frère ^ la- mère dirent , qu'elle demeure avec nom des fours tout au.
moins dix. Onkelos Paraphralle Chaldée , au' mot de ^/a? , ajoute celui de-
mois-., qu'elle demeure avec nous dix mois. Mais il n'y a pas d'apparence, ni
que ce fût la coutume de laiiTer une fille dix mois dans la maifon de fon
père après les fiançailles , ni que la mère de Rebecca voulût obliger un
homme qui étoit venu de loin à attendre dix mois. C'eft pourquoy on
doit fuivre les feptante Iiiterpretes, qui ont tourné environ dix jours. Il y
a donc apparence, qu'on lailîbit une fille environ dix jours dans la maifon
de fon père , & que l'intention de la femme de Bethuel étoit. de dire au
ferviteur d'Abraham, au moins laifîe-la nous autant de tems quelcs filles
ont accoutumé de demeurer dans la maifon de leur père, après les fian,-
çaillesjufqu'à leur mai'iage, c'eft-à- dire dix jours. Si ce choix du nombre
de dix jours n'étoit fondé fur cette coutume, il feroit difficile de devinei"
pourquoy. les pai-ens de Rebecca i'auroient demandé preciiement, pour
dix jours, plutôt que pour douze ou quinze.
Les fiançailles fe faifoient alTûrément dans la maifon des parens de la
fille 5 ÔC la confommation le faifoit dans la maifon du mari. Gn la lui
mcnoit dans la chambre qu'il lui avoir deilinéc} 6c il n'approchoit point
d'elle qu'elle ne fût chez lui: Puis- après If aac amena Rebecca^uTahernacle de Gzn. 24.
Sarafr mere\ il la prit^ elle luhfut a femme , & il l'Emma. Il y a apparence que ^" ^^'
cette coutume s'étoit répandue en tous lieux. Quand U nouvelle époufe , Aiexandct-
dit un Savant Auteur, devoit aller trouver fon man ^ on ne lui permettoit pas *^ ^'^^^^'^
de pajjer le feuil de la porte toute feule , ^ comme- de fin bon gré , mais on Pm- geniaijum
levoit d^ la ravijfait , afin qu''il parut quhlle ne quittait fies parens que par- une ^'^' ^•
effcce de violence-.^ oh. qu'' elle n'' allait qu^à.regret facrifier la fieur de fa vJrginité.
C'ell ce qui fe faifoit entre les Romains 3 & le même Auteur ajoute ,
fîi^entre les Grecs c'^étoit la coutume , quand on menait Pépoufe a la maiion du
r/iarje\,pour pperdre fà vJrginné , de la placer fur un chariot nuptial entre P époux
& un de fe s parens ^ ou anns qu'ils appelhient zdpoxoç-, &' qttand le chariot étoit
arrivé devant la porte , on mettott le- feu a Pejfieu du chariot , pour fignfier que-
la femme devait toujours demeurer dans la maifon ou elle étoit entrée. 11 remar-
qiis aufii de llfle de Rhodes , qu'entre les %hodiens la nouvelle époufe étoit:
cap- s»
146 HÏSTOIREDESDOGMES
amenée dans la maifon du mari par un héraut , & qu'en Pintrcduifant dans la
.chambre nuptiale^ ilfaifottHne proclamation, C'efl de là fans doute qu'ell ve-
nue la phrale des Latins , ducere nxorem ^ mener une femme pour l'époufer ,,
parce qu'on l'amenoit chez le mari pour y être mile au lit avec fon époux.
Mais aujourd'huy les Chrétiens ont jugé qu'il ell plus honnête que la
confommation lé falfe dans la maifon de la mariée , afin que l'homme foie
regardé comme ayant fait toutes les avances. Les Turcs ont encore gardé
la coutume ancienne de mener la fille avant la confommation chez celui
qui doit être fon mari. Au refte il eft certain que dans le premier pério-
de du monde , on menoit l'époufe couverte d'un voile chez fon mari.
Tout auffi-tôt que Rebecca eut apperçû de loin Ilaac, elle prit un voile
& fe couvrit. Et c'efl la raifon pourquoy Jacob fut trompé j il reçût Lea
De velandis au licu de Rachci, parce qu'on la lui mena voilée. Tertulliennousaflure
virgin.c.ii. qjjg cette coutume s'étoit répandue entre les Payens de mener les femmes
voilées à leurs maris.
KéiouifTan- Sans doute que dans ces noces ils faifoient de grands repas ,& de grands
nôces"^'" feftins, car Laban fuivit la coutume de fon fiécle, quand il affembla tou-
Gen. 21. tes les gens du lieu, & fit un banquet pour les noces de fa fille avec Ja-
^'■'^^' cob. Les Interprètes Juifs ôc Chrétiens croyent, que cette fête duroitfept
jours , à caufe de ce que Laban dit à jacob , accompli la femaine de celle-
7.37. ci, & nous te donnerons auffi celle-là: Jacob donc fit ainfi, & accomplit
U femaine de Lea. Sur quoy Salomon Jarki dit , la femaine de celle-ci , ce
font les fept jours dufefiin^ amfî quilefi enfe igné dans le Talmud de ferufalem
dans le Traite Mogned. Les fêtes de la Loy de Moyfe duroient fept jours j
la fête de la conlecration des Sacrificateurs fe faifoit par fèpt jours : &
parce que ce nombre de fept de tout tems a été confideré comme celuy
qui donnoit la perfeétion à toutes chofes 5 dés avant la Loy on l'obièr-
voit dans les fêtes , & fur tout dans le mariage, pour lequel on defire un
heureux fuccés. Nous ne voyons pas clairement qu'on employât des cé-
rémonies facrées pour le mariage en le beniflànt. Cependant comme ils
ne faifoient pas de fête confiderable fans facrifice , je trouve fort à propos
de croire, que durant les fept jours on faifoit dts facrifices pour la prof-
perité des mariez. La benediélion que les frères de Rebecca lui donnè-
rent, n'ell pas une benediélion Ecclefiailique, qui fit partie des cerem.o-
nies du mariage. C'étoit un fimple vœu , pareil à ceux que nous faifons
en faveur de nos amis qui entrent dans une nouvelle condition , ou qui
Gen. 24. entreprennent une grande affaire ; Et ils bénirent Rebecca , & lui dirent tu
1?» <o. s$ notre fœur î fois fertile par mille millions ^ & quêta pofiertté pojfede la porte de
tes ennemis. Ces gens qui fe féparent pourne fe revoir jamais, ou pour ne
fe revoir de long-tems,ne manquent point à fe donner de pareilles bene-
diélions. Il ne faut donc point chercher ici d'autre myilere.
C H A-
ET DES CULTES DE L'EGLISE. Parî.l. i.
CHAPITRE XIX.
Des chofes contraires à iHnJîitution du mariage , que Von remarque
dans les mariages des Patriarches ; & premièrement de la
Jim^le farmcation , é^ de f adultère.
DAns rtïiftoire des mariages des Patriarches oil remarque diverfes
chofes très finguHeres, dont nous avons à parler prefemtement. Ces
fîngularitez étoient direétement oppofées aux droits établis de Dieu
dans le mariage, comme font la fornication, l'adultère, l'union dans les
degrez défendus, la polygamie, le divorce , & enfin le droit d'époufer '
la femme de fon frère aîné , quand il écoit mort fans enfans , ce qu'on ap-
pelle la Loy du Levirat. La première chofe qui fe prefenre à nous c'eft lasihfîmpïè
fimple fornication , fur laquelle il y a quelque difficulté. Car il femble qu'el- é°oh*^défeK-
le ne fût pas défendue dans les premiers fiécles,- l'Hiftoire de Thamar&duë avaat
de Juda paroît en être une preuve ;' car Juda, qui étoit grand Patriarche , ^°^ **
un homme d'un âge déjà aiïez avancé , & dans lequel les boiiillons de la
première jeunefle dévoient être éceiqts, paflant dans un chemin, vit une
femme voilée, qu'il prit pour une femme de mauvaife vie , il fe détourna
vers elle, 6c coucha avec elle. Il ne femble pas qu'un fi grand homme
eût pu fe laifier aller à une aétion fi baffe , fi outre la baffeffe il y eût eu
encore du crime. En effet les Hébreux fondent fur cette Hiftoire cette
étrange opinion qui eft ordinaire entr'eux , c'eft que la fimple fornication
n'étoit pas défendue avant la Loy de Moyfe. jQuand on rencommt , dit Maîmon,
i'un d'eux, une femme dans un chemin ., oh dans quelque lieu public , on pou- ??'^H^
'Voit coucher avec elle , pourvu qu'elle y conjentit ; & après lut avoir donne le
prix dont on étoit convenu , on en étoit quitte : & en appelloit une telle femme
Kedecha. fJPÏ/Cais après que la Loy fut donnée ^ cette efpece de femme fut défen- t-W"^
due ^ félon qu'ail efi écrit dans la Loy , qu'il vPy ait point de putains en Ifrdél. Le
même Auteur dit encore dans un autre lieu ; Par PHifioire de Thamar & de idem More
fuda , il paroît qu'' avant la Loy il étoit permis de coucher avec une proflituée , -^j^g ^^^ '
comme avec fa femme , ^ que ce n^ étoit pai un crime que l'on fut obligé d'éviter.
Le prix qu'ion donnait a cette profiituée étoit comme le douaire que Von donnait a
une femme quand on faifoit divorce avec elle ,• c"^ étoit un droit des femmes^ que
ceux qui avaient couché avec elles étoient obligez, de payer. Cette opinion
des Juifs eft impure & fauffe, car il eft clair que la fimple fornication eft
contraire aux loix de la première inftitution du mariage, qui dit. L'homme
^laiffera père & mère , & s'^ajoindra a fa femme. Outre cela il eft certain
que cette profeffion de vendre fa perfonne au premier venu , & de fe prof-
tituer à tout venant , étoit odieufe dans les premiers fiécles de l'Eglife,
comme elle l'a été depuis. Quand l'ami de Juda alla pour chercher Tha-
mar, & qu'il s'enquit s'il n'y avoit point de femme proftituée dans ce lieu ,
les gens aufquels il parla s'en défendirent comme d'une chofe honteufe à
toute la focieté; // n'y a pas ici de putains ^ dirent-ils. On fait affez com-
^art. L S biea
148 HIST O IRE D ES DOGMES
bien la concupilcence ell; enflâmce , 6c combien efl grand le dérègle-
ment des hommes là-defliis. Si la fimple fornication n'avoit été ni cri-
minelle, ni honteufe, fans doute on n'auroi-t pas manqué de profïituées,
& on n'auroit pu dire d'aucun lieu , // n'y a point ici de putains. Les en-
fans de Jacob, LeviôcSimeon, pour excufer la violence qu'ils avoient faite
Gen.î4. contre les Sichcmites à caufe de Dina leur fœur, difent, f«'o« eh fait de
notre fœnr comme d'aune putain l Ces paroles font bien voir que ces fortes
de perfonnes étoient infâmes j &s'il y avoit de l'infamie dans la proftitu-
tion, c'eft fans doute* qu'il y avoit du crime. Les hommes aiment trop
le plaifir, pour attacher de la honte à des aétions agréables, quand elles
font innocentes. Les paroles de Juda font bien voir que ce crime étoit
honteux aux hommes auffi bien qu'aux femmes. Son ami n'ayant pu trou-
ver cette femme avec qui Juda avait couché , il lui rapporta ion chevreau,^.
& ne pût lui rapporter fon cachet, fon mouchoir ôc fon bâton qu'il avoit
laifTez en gage. Sur cela Juda dit , Quelle retienne le gage , de peur que
mus ne [oyons expofez au mépris ? Maimonides fait là-delTus un Commentai-
re ; Ces paroles font voir , ^»V/ ne faut jamais parler fans pudeur des ckofej qui
regardent la copulation charnelle , encore qu'elle foit permife j & que même nom
femmes obligez, de les cacher , quand il j iroit de la perte de notre bien. Cette
obfervation eil bonne, mais elle efl fort mal appliquée. Juda veut qu'on
lailTe le gage fans le chercher , de peur qu'en cherchant trop exaélement
la perfonne avec laquelle il avoit commis le crime , fon aétion ne fût dé-
couverte. Or fi la fimple fornication étoit permife, 6c que le prix que
l'on donnoit aux proftituées fût légitime , je ne voy pas pourquoy Juda.
en auroit fait un myftere. Si la fornication n'eût pas été honteufe 6c cri-
minelle, fims doute Juda ne fe feroit point caché avec tant de foin.
La&npie II cft bien vray que la fimple fornication n'étoit fujetteà aucune peine
fornication civjie ^À Ecclcfiafliquc. Il en étoit de même entre les Grecs 6c les Ro-
ietteàaii- mains , qui pourtant étoient plus challes que les Orientaux. Entr'eux ce
luaegeme. pg^hé pafToit pour pcu confîderable, mais il ne laifToit pourtant pas d'être:
honteux. Il ne faut qu'avoir lu les Comédies de Piaute 6c de Terence ,.,
qui ont imité ApoUodore 6c Menandre , pour favoir que les femmes qui fe
proftituoient étoient regardées comme des femmes & des créatures infâ-
mes : 6c quoi qu'on eût de l'indulgence pour ces crimes dans les hommes ,,
cependant le^ lumières de la nature n'étoient pas fi fort éteintes, qu'on ne
reconnût que ce defordre étoit condamnable. Témoin le Micio àts Adel-
phes de Teience. Son frère le reprenant fort feverement de ce qu'il per-
mettoit à fon fils ces fortes de débauches, il dit,
Wenit ad me fipe clamitans , quidagis^ 2[diqo?
Cur perdis (kdolefcentem ? cur amat l
Demea lui-même dit à fon frère Micio,,
Hico y âico tihi ^ tu illum corrumpi finix
Et parce q;ue Micio lui avoit dit ^
ET DES CULTES DE L'EGLISE. Parti, 149
Non efl fiagitium ^mihi crede^ adolefcenUm JcortarÀ
Il s'emporte 5 ôcdit,
Proh fffpiter I îfi homo adigh me ad inÇmiam i
H^on efi jiagitmm facere hac adolefcentem .?
Pour ce qui eft de l'adultère, tout le inonde convient que dans les pre- îeine con-
miers fîécles il étoit réputé très crinîinel. L'Hiftoire de Thamarnous iaitjg^ç^"''^''^''
voir qu'on le croyoit digne de mort. Juda ayant appris que Thamar
etoit grofie d'adultère, il dit , faites-la ffrttr , & qu'elle foit hrulee. Il efl
vray qu'il y a des Doâieurs Juifs qui croyent que par ces paroles il faurTaimnd,
entendre quelle fait marquée d^ un fer chaud au front , afin qu'on U '>^^(^onnoijJe^^^°^^^_^
pour une femme publique. Mais il y a de l'apparence qu'on la vouloit con-^azara,
damner à la mort ; car prefque dans toutes les nations on a puni l'adulte- '^'^' '"
re du dernier fupplice. La Loy de Moyfe ordonne qu'on falîe mourir ^^vit. 20.
l'adultère, tant l'homme que la femme. Et les Juifs au 8. chap. de St.Ii.^aj.^^"'^
Jean nous apprenent que le genre de mort dont on les faifoit mourir, c'é-
toit la lapidation. Cependanc Juda ordonne qu'on brûlât Thamar. C'efl
ce qui fait dire à quelquesjuifs qu'elle étoit fille d'un Sacrificateur, parce
que félon la Loy de Moyfe , la fille du Sacrificateur qui fe foiiilloit par ^^f^- '*•
adukere ou par fornication devoit être brûlée. Il efl certain que Thamar
ne devoit pas être confiderée comme une fimple paillarde , bien qu'elle
fût veuve, & qu'elle n'eût point de mari, car elle étoit accordée à Scela
troifiéme fils de Juda. Outre cela, quand une femme devenoit veuve d'un
homme, qui avoit un frère , lequel frère pouvoit fulciter lignée au dé-
funt , elle étoit confiderée comme liée : car le frère étoit obligé de la pren-
dre V ôc cela étoit confidcré comme un mariage continué. Autrement Ci
Thamar eût été confiderée comme veuve abfolument, fon crime n'auroit
été qu'une fimple fornication, 6c elle n'auroit point été foûmife aux pei-
nes des adultères.
Il y a un peu plus de peine à favoir ce que l'on penfoit alors des aduî- Q."eîie pèl-
teres que les hommes commettoient, quand ils foiiilloient leur pi'opi'e lit "u/ho^°mcs
en couchant avec des femmes libres, êcquin'étoient à aucun mari. Pour mariez qui
ce qui eft des femmes qui étoient mariées , fans doute l'homme qui les cor- poicn"''a'îyc
rompoit étoit confideré comme un ravifieur, ôcpuni comme un criminel, d^sfiiî"-
Mais la difficulté tombe fur l'adultère commis avec les femmes qui n'a-
voient point d'engagement. Quelques-uns ont crû que cette efpece d'adul-
tère d'un homme marié avec une femme qui ne l'étoitpas, etoit permis
avant la Loy. C'eii: l'opinion de St. Ambroife, & l'Hifloirc d'Abraham , Amkof.
de Sara & d'Agar l'avoit porté dans ce fentimentj Quelque/m dira , peut- ^^'^jj'/*^
être ^ Comment Abraham nous ejî-il propofé pour exemple^ puis qu'il a eu un en-
fant de fa fer vante ? Ou comment fe peut-il faire qu'un fi grand homme foit tom~
bé dam une fi grande faute ? Il faut remarquer qu'Abraham vivait devant Ia
Loy (^ devant l'Evangile , dans un terni que l'adultère n étoit point encore défen-
du. La peine ne fuit un crime ^ que quand il a été défendu par U Loy ^ & aU"
cune aUion »Vy? condamnable avant qu'il y ait une Loy qui la défende. <tAbra-
ham donc n'a fait aucnne atiion contre la Loy , puis qu'il a précédé la Loy. En-
S 2, cor€
I50 H ISTD IRE DES DOGMES
core que Dieu ait lotie le mariage dans le paradis j cependant tl ne condamne p^S'
Padfiltere. Il y a bien des erreurs de fait & de droit dans ces paroles de
St. Ambroife. Les Pères ne font pas toujours des oracles infaillibles : Agar
ne doit point être confideréc comme une femme proflituée j c'eft une
femme légitime que Sara donna à fon mari , & dont elle vouloit adopter
les enfans. Abraham donc ne commet pas adultère , il ufe du privilège
de fon iîécle,. dans lequel la polygamie étoit permife. Ainfî nous devons
croire de k copulation d'un homme marié avec une femme qui ne l'étoit
pas , ce que nous avons dit de la fmiple fornication : c'ell qu'elle écoic
honteufe, qu'elle étoit réputée criminelle, mais qu'elle n'étoit point fu-
jette aux peines civiles. Et même les enfans qui naiflbient de ces fortes
d'accouplemens , palToient en quelque forte pour légitimes , 6c portoienc,
le nom de la famille- de leur père , & avoient part à fes biens.
CHAPITRE XX,
Des mariages dans les degrez défendus^
Feux cas "T L eft certain que dans les prem.iers fiécles du monde les fitres épon-
déSuf î oici'^t ^^^^^ fœurs , les oncles leurs nièces , êc les beaux-peres leurs
dansiesma- belles-fiUes j. Ics pcrcs pouvoient mêmeépoufer leurs propres filles. Ei>
mS"^"' un mot, fi nous en croyons les Hébreux, tout étoit permis dans ce gen-
re i excepté, de coucher avec fa mère , avec la femme de fon père , avec-
la femme d'autrui, avec les mâles , & avec les bêtes. Ils ajoutent auffi-^
qu'il n'étoit pas permis de coucher avec fa fœur uterme ^ c'ell-à-dire,
qui étoit fœur de mei-e, quoy qu'il fût permis d'époufer fa fœur fille de
fon père. Ainfi, félon, eux, Dieuajoûtafeize degrez défendus dans le i-S*
du Levir. qui n'avoicnt point été défendus dans les âges précedens. EE'
ces mariages défendus font \. di'un homme avec la fille de fa femme,
i. Avec fa.belle-mcre. \, Avec la mer.e de fa belle-merc. 4. Avec la-
mère de fon beau-pere. f. Avec fa propre fille. 6. Avec fa petite- fille du^
côté de fa fille. 7. hvtc fa petite-fille par fon fils. 8. Avec la petite fille
de fa femme par fa fille. 9. Avec la petite-fille de fa femme par fon fils.
1.0. Avec fa fœur de père. 1 1. Avec la fœur de fon père. i>z. K^to. la
fœur de fa mère. 13; Avec la fœur de fa, femme; 14. Avec la femsie dé
fon père. i^. Avec la femme de fon oncle. Tous ct^ degrez qui étoient
permis, difent-ils^ avant Moyfe,. font défendus par la Loy de Moylè.
L.e mamge Si l'oii cxceptc le mariage du père & de la fille , toutes les unions dé^
^^sp"^.^ fendues dans le 18. du Levitiquefemblent avoir été permifes avant la Loy,
permis parcc qu'ou en trouve des sxempks. Pour ce qui eft des mariages des'
iloîs. fi-eres avec les fœurs , cela ne peut-être contefté, puifque les enfans d' A- -
dam, qui étoient frères Se fœurs, enfans de même père & de mêmeme-
re, ont dû necefiairement s'allier enfemble pour la propagation du genre-
humain. Il femble que ces mariages fufîent permis même hors des cas de
nGceiTitéj, car Abiaharo, dans un fiécle. où il pouvoir preadre telle femme-
qulli
ET DES CULTES DE L'EGLISE. P^r/.I. i^i
qu'il lui eût plu, époufa fa focur. Il difoit au Roy de Guerar, Il efi vrayGtn.ic^
qu'elle ej} ma fœnr fille de mon père , hien quelle ne [oit pas fille de ma mère t"^' "'
cependant on me Va donnée a femme. C'ell fur ee texte que les Hébreux
ont fondé leur opinion, que dans c^s premiers Ç\éc\ts il étoit permis d'épou-
fer fa fœur fille de fon père , mais non pas fa fœur fille de fa mère , par-
ce qu'Abraham dit , que Sara n'étoit pas fiJle de fa mère , mais de fon-
père. Mais ce fondement ne fuffit pas pour établir cette opinion. Car y
a-t-il apparence que dans un fiécie oil il étoit permis, félon eux, d'épou-
fer fa propre fille, il n'eût pas été permis de prendre fa fœur de père 6c
de mère ? Car ils avouent qu'il n'étoit pas permis à un fils d'ëpoufer fa
mère j mais ils veulent qu'un père pût époufer fa fille. Il étoit permis
auffi d'époufer fa nièce , car Nachor époufa Milcha fille de Haran fon Gta.^t,-
frère. Il étoit permis d'époufer fa tantcj ôcMoyfe étoit né d'un fembla- ^" ^^
ble mariage : Amram époufa jokebed fa tante, fille de fon grand-pere,
& en eut Aaron, Moyfe, Amram 6c Marie leur fœur. Et afin qu'on ne
fe perfuade pas que par fille de Levi il faille fimpjement entendre décen-
dante de Levi, l'Ecriture fainte dit exprefiément. Or ^mram prù ^okel^ed T^^ode £,■
fa tante pour femme , laq^telle lui enfanta Aaron & eJ^ïojfe. Les feptante In- *'^***"
terpretes ont tourné , êv/urè^u tS àhxcpê t8 %ut;mç àvrsy la fille du frère
de fon père, c'ell-à-dire fa cousine germaine. C'eft une corruption du
texte; ils n'ont pu digérer une ferablable union. Craignant que ce ne fût
une tache à k Loy de Moyfe dans l'efprit des Grecs. Mais le mot Hébreu
ne peut fouffrir cet adoucillement : C'eft pourquoy Onkelos le Paraphraf-
te Chaldée tourne nettement la fœur de fin père. Ilelt clair encore qu'il étoit
permis d'époufer les deux fœurs. Cela eft évident par l'Hiftoire de Rà-
ehel & de Lea, toutes deux femmes de Jacob. Enfin il femble qu'il étoit
permis d'époufer fa belle-fille qui avoit été femme de fon fils; & cela fe:
prouve par l'Hiiloire de Juda qui époufa Thamar.
C'ell Fopinion la plus vray-fembkble que Juda époufa Thamar. Il y a Ju^a époufr
des Auteurs Chrétiens qui font dans ce fentiment-là. Seidenus nous cite un JJS5™"ljIj^
Paul General de FOrdre des Camaldules , qui dit, quHl étoit necejfaire dans s. de jure
ce myfiere que fuda corrigeât volontairement , &" bannit ce mouvement déréglé "^p" ^^"^* "
de concHpifctncs par un autre mouvement hofinête, [avoir le mariage , afin' que
"Thamar belle fille de ?tida fut honorée du légitime nom de mère , pour fèconfo 1er
de la trxfiejfie qu'^elle avoit. Et peu après il ajoute, fe fuis doncpèrfuadé^ que *
fudaj"^ époufa- au même moment que Thamar parut devant le Tribunal^ & que
Dieu lui infpira ce defein , comme PU eut été forcé par fa confidence a reparer l^'
honte quil lui avoit faite. Ce n'eft pas l'opinion courante des Interprètes:
au contraire ils fe perfuadent que Thamar ne fut jamais femme de Juda 5
à caufe de ce qu'a dit l'Hiftoire fainte, que- fuda ne la connut ylus: Mais ce
n'eft pas une preuve : tout au plus cela ne fauroit prouver autre chofe , fi;
non que ce fut une femme fequeftfée que Juda reconnut pour être fa fem-
me, & qu'il ne voulut plus toucher pour dts raifons que nous dirons tout
à l'heure. Il y a même des Hébreux qui inteypretent ces paroles , & il-
ne la connut plus ^ d'une manière toute oppoféev car ils tournent, & Une'-
sef[a pas de la connohre. On obferve que le verbe fafaph , qui fignifie con'- f]0>*
nnuer , fignifie auffi quelquesfois c^T/^r; comme par exemple, dans le livre
deg Nombres il eft dit ^ue l'Efprit de Prophétie tomba fur les feptante
1^2 H ISTO IRE DES DOGMES
Nombr.c.Ti. hommes que Moyfe avoit choifis par le commandement de Dieu, & qu'ils
^«D' i^Vl prophetiferent , & ne continuèrent pas -j mais 1a Vulgate a rendu, &noncef-'
fuvermt. Le Paraphralle Onkelos & Jonathan, tous deux Interprete^Ghal-
déesjont tourné de la même manière. Au contraire les Septante ont tour-
né , i'elon la première fîgnification du verbe fafaph^ & Us ne commuèrent
pas a propheiîz^er . Nos Interprètes ont fuivi la même interprétation. Selon
le fens que la Vulgate, Onkelos & Jonathan donnent au verbe fafaphd^ns
le chapitre ii. du Livre des Nombres, onpourroit tourner le paflagedu
Livre de la Genefe touchant Thamar, &non ccjjavit eam cognofcere^ il ne
ceiîa point de la connoître. Selon cette interprétation , il feroit clair que
Juda auroit époufé Thamar. Mais ceux qui d'entre les Hébreux tournent,
& U ne la connut plus \ ne laiflent pas de croire qu'il l'époufa , & qu'il ne
Rabbi Bekâi ^^^ ^^ ^^ connoîtrc , que parce qu'il le voulut ainfi. Il ne commua plus
apudSalom. de la connaître , dit un Juif, apre's avoir reçu le commanderaient , ( jciltcet de
^^^^^°'^^' propagatione.) Cependant cela luy eut été permis tous les jours de fa vie. Et même
ceux qui tournent ce p^Jfage , & il ne cejja plus de la connaître , ont eu inten-
tion de Jïgnifier i qu'ail luy fut permis de la toucher^ parce quelle était fa femme
légitime , & qu'il Pavoit aquife par une voye divine , dans laquelle Dieu était
entré d'aune fa<^on toute particulière. A toutes cts autorîtez j'ajoute une
raifonî c'eft fans doute que Dieu ne voulût point permettre que Tha-
mar, qui devoit être mère du MelTie par Tes décendans , demeu-
rât dans un état d'infamie, ne devenant point femme légitime. Jenecroy
pourtant pas que ce fût une choie ordinaire dans ce (î.écle-là, d'époufer
fa belie-fiile, femme de fon fils. Mais il ell apparent que Juda connut
par voye de révélation, que Dieu s'étoit mêlé là-dedans d'une f^çon ex-
traordinaire. Ce n'efl pas afîurémegt fans un grand myilere, que Dieu
a voiifu que le Melîie décendît d'une copulation auffiincedueulé que celle-
là. Il fe peut faire que Juda fut inftruit divinement d'une partie de ce
myftere, ôc que ce fut une raifon pour laquelle il ne voulut plus connoî-
tre Thamar. Il l'époufa afin que la mère du Mefiie fût une feoime légi-
time: mais il ne la connut plus, parce qu'il refpeéla une conduite de Dieu
fi impénétrable. Il ne voulut pas, que ce qui s'étoit fut une fois par une
Providence pleine de myftere, fe fît après cela par incontinence. C'eft à
târgnm quoy revient cette tradition des Juifs , que Juda & Thamar furent tous
eioo^yra. ç^^^^ avertis par une voix du Ciel, qu'ils n'avoient ni l'un ni l'autre au-
cun tort dans cette affaire: Fous épes tous deux purs en jugement ^ cette affaire
efi venue de la part du Seigneur.
Ces divers exemples de mariages dans àz^ dégrez , qui furent dans la fuite
cxprefiement défendus, donnent lieu defoupçonner,que la tradition des Juifs
à cet égard n'eft pas fans fondement, puisqu'il eft confiant par les maria-
ges des premiers hommes , parceluy d'Abraham, de Jacob, êtparcekiy
d'Amram, qu'on pouvoit époufer fa fœur, fa tante, ôclafoeur de la tante.
Sxces mark- Ainfi pourcequi-cft du fait il ne peut pas y avoir grande controverfe. Mais
dégrcTdé- les Théologiens trouvent beaucoup de difficulté fur la queftion de droit,-
fendus favoir par quelle efpece deloix ces mariases dans les délivrez défendus
etoientille- n -n --t /i ■ r ■
gitimesfe- loiu iJlegitimes. Les uns prétendent que ces mariages font contraires aux
n'atnref°^' loix dîvines qu'on appelle naturelles, qui font dans la morale, ce que les
eofitif, **^' veritez éternelles font dans la nature, c'eft- à-dire, qu'elles fo-nt éternelles,
ET DES CULTES DE UEGLISE. Tart.l. 153
& immuables, parce qu'elles ont leur fondement dans l'eiTenceôc dans la
pureté de Dieu. Ceux qui font de ce fentiment ont bien de la peine à expli-
quer comment les Patriarches ont pu toute kur vie perfeverer dans la vio-
lation de cts loix naturelles y ôc comment Dieu a pu difpenfer d'une loy
inviolable & éternelle. D'autres croyent que cts dégrez font défendus par
une loy divine, mais pofitive feulement , & non pas naturelle. Il n'efcpas
difficile de découvrir le fentiment des Juifs fur cette queftion, car il efl
clair par ce que nous avonis déjà rapporté de leur Théologie, que ces dé-
grez ne font défendus félon leur fentiment , que par des loix pofitives.
Mais pour mettre cette vérité dans une plus grande évidence , on peut fai-
re diverfes remarques.
I . La première ell que , ièlon leur penfée , les efclaves d'entre les Gen- Etrange opi-
tils qui s'étoient faits Juifs par le Bâtême, Scpar la Circoncillon , en de- f'°f"/^5
meurant pourtant efclaves, n'avoient aucune parenté entr'eux, qui les em- mariages des.
péchât de contraéler des mariages dans tous les dégrez défendus. Ils pouf f[f ^jç" ^^°*
fent cette rêverie fî loin, qu'ils difent que ces efclaves pouvoient époufer
leurs mères , leurs filles & leurs fceurs de mère. Leur raifon efl: , que ces
mariages inceftueux ne font défendus qu'à deux fortes de gens, auxNoa-
chides ôc aux IfraëHtes : auxNoachides dans les^ dégrez demere,debelle-
mere, & de fœur d'une même mère: aux Ifraëlites dans les dégrez fpeci-
fiez dans Te ï 8^. du Levitique. Ces gens , difent-ils , favoir les efclaves
Gentils qui ont fubi le joug de la Loy par la Circoncifîon , ne font plus Noa-
chides , & par conféquent ne font plus obligez aux loix qui ont été don-
nées aux enfans de Noé. D'autre part ils ne font pas encore Juifs , car
bien qu'ils foient circoncis , étant efclaves ôc ferfs , ils ne peuvent entrer
dans les droits d'une nation , qui efl: eflTentiellement libre : & par confé-
quent cette forte de gens n'étant , ni Noachides , ni Juifs , ne font fou- •
mis à aucune des Loix qui règlent les dégrez de confanguinité , ôc les ma-
riages illégitimes. Il efi permis kfefclave ^ di(ènt-ïhy de coaeher avecfamere& "l^]^^^ ^
avec fa fœur , car il a cejfe' à^être Çentil^ ç^ n'efi pas entré dans la focietéd''Ifraél sanhedrim^'
pour jouir de Ces droits. Un de leurs Doéleurs nous explique cela plus ample- ^- ^' '" ^^'
ment j // efi permis a un efclave de s"* accoupler avec fa mère ^ a plus forte raifon Maimonider
avec fa fille & avec fa fœur ,, & av^ec toutes fes parentes dans les dégrez^ inférieurs: ?-^ l^^ ^^""
Car il a abfolument cejjé d'être Çentil : c'efi pourquoj les couches incefiueufesy qui
étaient défendues aux Gentils appeliez. ISloachides , luy font permifes ^ n'étant point
fujet a ces Loix des Nations. Mais iln'^eji pas tellement pajfé dans la nation Ifraé-
lite ^ cjMs les couches incefiueufes ^quifont défendues aux Profelytes de la jufiice ^luj
foient défendues aujfi. Au refle il me femble qu'un tel efclave.^ qui couche avec un
m aie & avec une bête ^ doit être-puni^ parce que ces deux crimes brutaux regar-
dent tout le genre humain.
Pour mieux comprendre cela, il faut favoir que les Juifs pouvoient avoir Efclaves de
àt^ efclaves de quatre fortes. Premièrement des Ifraëlites nez d\Ifraëlites, Jje°e"j„ifg"'
de la race d'Ifniël : i. D'autres qui demeuroient Gentils, c'efl;- à-dire, pro-
pretfl^ent fans Religion extérieure , car il ne leur étoit pas permis de faire
aucun culte idolâtre étant efclaves d'un Juif, au moins dans la Terre Sainte;
3 . Et d'autres qui devenoient Profeîytes de la porte , qui renonçoient à l'ido-
iatrie , fans pourtant fe faire circoncire. Le quatrième ordre étoit de ceux
qui fe faifoient Juifs par la Circoncifion & par le Bâtême. Ceux du premier
ordre
1^4 HISTOIRE DES DOGMES
ordre , c'efl~à-dire , les Ifraëlices , n'étaient pas proprement efclavcs , 6c '
leur fervitude n'étoit qu'un engagement de leur liberté , jufqu'à l'année de
relâche qui venoit de fept ans en fept ans. Ceux-là étant Juifs naturels,
étoient aufîi fujets à toutes les Loix de Moyfe , 6c par conféquent à celles
qui défendent les dégrez inceftueux. Les eiclaves du fécond & du troifîé-
me ordre étoient , félon l'opinion des Juifs , fujets aux loix des Noachides ,
car ils n' étoient pas Ilraëlites. Ceux-ci donc étoient obligez à l'obfervation
ç- des loix données par Noé ; ôc par conféquent il ne leur étoit pas permis
d'époufer leur mère, leur belle-mere, 6c leur fœur de mère : mais hors
cela tout leur étoit permis. Enfin ceux du quatrième 6c dernier ordre,
n'étant plus Gentils 6c Noachides, parce qu'ils s'étoient faits circoncire,
6c n'étant pas encore Juifs à caufe du détàut de liberté , ils n'étoient , fé-
lon le featiment des Juifs, obligez à aucune des loix qui défendent l'in-
cefte 6c l'adultère : tellement que leurs couches étoient abfolument fem-
blables à celles des bêtes. Les maîtres les accouploient comme bon leur
fembloit , pour la multiplication de leurs domeftiques, comme on accou-
ple des cav ailes pour en avoir des poulains. Quand un maître avoit joint
enfemble deux efclaves des deux fexes, il lesfeparoit quand il vouloit, 6c
les unifToit à d'autres. Ainfi il n'y avoit entre ces fortes de gens aucun ve-
Taîmud ritablc mariage. Il etoit permis k un Seignenr ^d\(cnt-Hs , de donner fa ferve a
Bab^on. yj^ propre efciave, ou de la donner a l'^efclave d^amrny , ou de donner une feule
dufchim ia ferve à deux efcUves , ou deux ferves a un feul efclave j on nefaifoit aucune dif'
Geraara. ferencc à cet égard entre eux & les bêtes: l'^état & le droit d'aune femme efclave^
jointe a un homme efclave ^ rî' étoit point autre que celuy de celle qui n^ et oit pas join-
te i & il n'y avoit entre ces perfonnes conjointes aucune efpece de mariage , parce
que le mariage légitime ne fe peut contra5ler qu'^entre les Ijraèlites , ^ entre les Gen»
tils^ & non pas entre les Cerfs & les ferves. Cette opinion efl monftrueufe , 6c
tout à fait éloignée de la vray-femblance. Qui pourroit jamais croire que
des gens qui s'étoient faits ïfraëlites par la Circonciiion , qui font obligez
àobferverlaLoydans toutes fes cérémonies , feulement parce qu'ils n'é-
toient pas libres , feroient à l'égard de la Religion dans un état moins avanta-
geux , que ceux qui font encore Gentils 6c idolâtres : tellement que pendant
que ceux-cy font obligez à obferver les loix de l'honnêteté dans les ma-
riages, ceux-là qui font dans la véritable Religion, ayent la permiffionde
vivre dans un état de brutalité , 6c de coucher fans crime avec leurs mères
6c leurs filles , au moins jufqu'à leur affranchifleraent ? Je dis au moins
jufqu'à leur affranchiflement \ car il ne faut pas oublier que , félon la tra-
dition des Juifs, fi ces Gentils devenus Juifs cefix3ient d'être efclaves, ils
entroient dans tous les droits des Ifraëlices , 6c étoient foûmis à toutes leurs
Loix. On pourroit combattre cette opinion par plufieurs raifons, mais M
fuffit pour la détruire , que les Juifs ne puilîënt produire d'exemple d'u-
ne pratique fi étrange. Quoy qu'il en foit , cela nous fait voir ce que nous
cherchons , favoir quelle eft l'opinion des Hébreux touchant le mariage,
6c les dégrez défendus. Car il parôît, i. par là que, félon eux, le maria-
ge efl une affaire de pure inflitution, puifque naturellement toute femme
a le droit de fe mêler avec tout homme , & tout homme avec toute fem-
me i la pederafi:ie 6c la brutalité étant les fculs crimes contraires aux loix
de la nature, a. Il paroît encore que, félon les Juifs, toutes les Loix qui
. ont
ET DES CULTES DE UEGLISE. PartA. 15^
cnt défendu les mariages en certains dégrez de confanguinité , font à la
vérité divines & émanées de Dieu , nfiais purenîent pofitives. Cela eft clair,
puis qu'ils difent, qu'il peut y avoir certain genre d'hommes, qui ne font
point fujets aux Loix , qui défendent l'adultère & les inceftesj carlesloix
naturelles regardent tous les hommes en quelque état qu'ils foient.
2, Voicy .encore une de leurs opinions qui prouve cela même. Ils efti- ^^^ Juifs nt
1 r^ 7 11 j 1 • n' ■> n ^ ^^ reconnoif-
moient que \qs proielytes qu on appelle de la juitice, celt-a-dire, ceux fent pas d'aa-
qui fe faifoient Juifs abfolument par la Circoncilion , perdoient toutes les "0*/°^^°^"^
l'elations de fils, de père, de mère Se de fcsursj tellement que toutes les dans toute
perfonnes de la famille, dont ilsétoient fortis , leur devenoient étrangères ^'^^^^'^ '^^
à tel point , qu'ils pouvoient fe marier avec elles , quelque proximité de f?.ng
qu'il y eût entr'eux. OnandunTayen , d\ïçï\l-ih ^ devenait frofelyte , ou qu'un Mzmon.
efclave était mis en liberté . l^un & f autre devenait comme un enfant nouveau ne'. ^^!^^* ^^'^^'
C^ toute alliance & proximité de fang ejue ce Gentil avant fa converjîon , ^ cet
affranchi avant fan affranchi jfement , avaient avec (Quelque perfonne que ce fut ,
s" aneantiffoit abfolument . C^efl pourquoy tls pouvaient fe marier avec leurs plus pro-
ches parentes fans incefte.l^Q même Auteur dit encore ailleurs, que les étrangers Hahka jib-
^ui font devenus prafelytes ^ (jyles ferviteursqui ont obtenu leur liberté ^vî ont point de LevLatu. ^
confanguinité entr eux , mais font étrangers l' un a /'^^fre. Je n'examine pas main-
tenant fi cette opinion eft véritable ou vraifemblable-, j'en conclus feulement,
que félon ces hypothefes, les devrez de proximité qui rendent les mariages
inceftueux, ne font défendus que p^jrdes loix pofitivesj car les loix natu-
relles appartiennent â tous les hommes, ôc font immuables, & par con-
féquent ces profelytes qui le font Juifs , demeurant hommes, ils feroient aufïï
fujets aux loix naturelles,qui leur défendent d'époufer leurs proches parentes.
3. Ces mêmes Juifs ont encore une tradition, qui dépend de 1^ prece- Autre t«dï-
•dente, & qui prouve la même chofe. Ils difent qu'un homme de guer- ^j''" /^esju'fs
re ayant pris une captive, quoy qu elle tut étrangère ce non iiraelite, il ge,trés p«-
pouvoit l'époufer. Nous avons là-deiTus un règlement de Moyfe, qui fe ^^^°^^'
lit au 21. chap. du Deuteron. Quand tu feras farti en guerre contre tes ennemis^
& que Dieu les aura livrez, en ta main ^ que tu auras fait des prifonniers ^^ qu'^en-
îre eux tu voyes quelque belle femme que tu fouhaites d^époufer , tu la feras venir en
ta maifan , tu luy couperas les cheveux & les ongles , elle quittera fes habits dt
cat)tive , ^ durant un mois elle pleurera fon père Ô" fa mère ; après cela tu entrer
ras vers elle ^ & elle te fera pour femme. Mais Ji tu ne continués pas a Vaimer ^ tu
la renvoyer as libre ^ cjr ne la vendras pas pour de V^rgent^ tu ne P employer as a au-
cune occupation d* efclave ^ parce que tu P auras humiliée. Cette L-'y eft remar-
quable, parce qu'elle fait une exception à la Loy générale, que Dieu avoic
donnée aux Ifraëlites, de ne fe marier avec aucune étrangère. Les juifs
ajoutent, que celuy qui avoit ainfi pris une captive , pouvoit coucher avec
elle une feule fois, pendant qu'elle étoit encore Payenne, fans être légiti-
mement marié avec elle. Après cela, s'il vouloit approcher d'elle une fé-
conde fois pour l'époufer , il étoit obligé de la faire Ifraëlite , & de luy
faire embraftér la Rehgion de Moyfe. Si de cette première copulation qu'il
avoit eue avec cette femme, pendant qu'elle étoit Payenne, il en naiffoit
un enfant, ôc qu'après cette femme devenue Ifraëlite de Religion, enfan-
tât une féconde fois, ces deux enfans, l'un né durant lePaganifme de la
mère, l'autre né depuis fon admilîion au Judaïfme, n'étoient point efti-
Fart. L T mez
156 HIS TO IRE DE s D O G M ES
niez parcns , & pouvoient fe marier , s'ils étoient de différent fexe , bien
qu'ils fuflent tVere & fœur, de même père 6c de même mcre. Et c'ell: fé-
lon cette tradition qu'ils expliquent ce que Thamar fœur d'Abfçalomdifoit:
z. Sam. 13. à Amnon Ion trere : Amnon la veut violer , elle luy dit , Non monfre-
^5- re , }je me Viole point ^ paries-en , Je te prie , <iiH%oi , & iliiPempêcherapas ejuetpe
ne m'ajes k femme. Comment peut-elle avoir une telle penlee? Il eft vray
qu'ils étoient nez de deux femmes differentesj Thamar étoit fille de Mahaca,
Samj.j. ^ Amnon étoit fils d'Ahinoham: mais tous deux croient enfans de David,
ils étoient frère 6c fœur de père. Or dans ce degré le mariage ell expref-
fément défendu au 18. du Levitique. Les Hébreux difent là-defms, Tha-
mar étoit fille de Mahaca j cette Mahaca étoit fille de Talmaï Roy de Guef-
çur, elle avoit été prife en guerre, à ce qu'ils prétendent > David cou-
cha avec elle avant qu'elle fût profelyte^ il en eut cette fille appellée Tha-
mar : enluite il l'époufa, 6c la fit Ifraëlite, 6celle luy enfanta Abfçalom.
Cette Thamar n'avoit aucune liaifon de fang avec tous les autres enfans de
David, quoy qu'elle fût de la Religion de fon père , parce qu'elle étoit
née durant le Gentilifmcde fa mère. Ainfi elle pouvoit fe marier avec
Amnon, ôcmême avec x-^bfçalom. Cela fepeut voir dans \ç.s annotations
de Munfter fur cette Hilloire de Amnon &c de Thamar : 6c fi quelqu'un
veut voir cette obfervarion dans les originaux, il peut confulterMaimo-
nides dans le Traité intitulé Melalitm chap. 8. 6c Salomon jarki dans Ces
Commentaires fur Samuel.
L'enfant fuit Rabbi Lcvi Ben-Gcrfora dans fes Commentaires fur Samuel prend un
deia°mtre°'^^^^tre tourj il dit que Mahaca mère de Thamar étoit encore efclave quand
encertains David coucha avec elle, 6c qu'elle conçût Thamar. Or, félon le droit des
jy-fj^^^^^^^Hebret^, le fils fuit la condition de la mère: une mère efclave , bien qu'el-
le ait conçu d'un homme Ifraëlite , fait un efclave , 6c une perfonne
Traaat.de quj n'eft pas ^cnféc Ifraëlite. En effet Maimonides affûre la mêmechofe,
cap. I. sea. ^'^ enfant, dit-il, né d'Anne femme efclave , cjuoy <^ h'' engendré par un Ifraëlite^
3.4. 5c 5. eji efclave j & celuj c^ui eft né û'tme femme infdele ^ eji eftimé infidèle. Selon
cette ioy , Thamar devoit fuivre la condition dans laquelle étoit fa mère
Mahaca, quand elle conçût de David la première fois. Ainfi elle n'étoit
pas repurée fille de David félon la Loy j c'eft pourquoy elle pouvoit fe
marier à Amnon. Ni l'une'ni l'autre de ces explications n'eit bonne, à
mon fens, 6c nous ne les avons rapportées que pour confirmer ce que nous
établiffons, c'eft que dans le droit des Hébreux, cesdegrez deconfangui-
nité naturellement ne peuvent empêcher ces mariages. Ainfi les mariages
dans ces degrez ne font défendus que par des loix pofitives. Pour dire
en pafiant de quelle manière il faut fortir de cette difficulté, qui fe trouve
dans les paroles de Thamar, j'eftime que cette fiile ne parioit ainfiàfom
fpere Amnon, que pour fe débarraffer de luy, 6c fe tirc/r de ^cs mains.
Les femmes qui font dans de femblables extremitez, employent auffi fou-
vent de mauvaifes raifons, que de bonnes, pour fléchir leurs oppref-
feurs.
Les degrez Nous voicy fuffifamment inftruits de cette vérité, c'eft que les Juifs
' mkschrê'-oi^t regardé toutes les défenfes de fe marier avec mère, fille, fœur,tan-
tiensnefont^e 2c méce : corhme des loix pofitives; ^ par conféquent ils n'ont pas
que des loix j .^ . ._ r ir»'i ■' -/i r
pojltiyes. oe peme a rendre raiion, pourquoy les ratnarcJties ont epouie leurs lœurs
» Se
ET DES CULTES DE L'EGLISE. ParîA. l'^j
6c leurs tantes : c'eft, difent-ils, que ces loix pofîtives, qui défendent ces
mariages n'étoient pas encore données. Mais la difficulté demeure enco-
re en Ion entier à l'égard dts Chrétiens, ôc nous ne nous faifons pas une
neceffité de fiiivre le ientiment des Juifs. Il s'agit donc de favoir, iidans
le fond les mariages dans les dégrez de confanguinité ne font défendus
que par des loix pôiitives. La plupart des auteurs Chrétiens croyent
qu'ils font défendus par des loix naturelles. Mais il faut avouer qu'ils le
jectent par là dans de grandes difficultez. Ils ne peuvent nier que les
premiers enfans d'Adam n'ayent époufé leurs frères & leurs fœurs. C'é-
toit, dit-on, une neceffité, & la neceffité n'a point de loy. Maispour-
roit-on dire qu'il y a quelque neceffité de blafphémer Dieu êc de le des-
honorer ? Si les mariages entre les frères ÔC les fœurs font contre la loy
naturelle comme le blafphéme , je ne voy pas pourquoy Dieu pourrait dii-
penfer pour l'un dans les cas de neceffité , 5c ne pourroit dil'penfer pour
l'autre ? Dieu ne pouvoit-il pas remédier à ce mal, en créant d'abord deux
couples d'hommes, qui, étant deux tiges différentes, auroient eu des en-
fans qui auroient pu fe marier les uns avec les autres fans incefle ? Il n'y
avoit donc pas d'abfoluë neceffité. Outre cela, ri eft fort difficile à com-
prendre, comment les Patriarches ont pu vivre en bonne confcience dans
un état oppofé à la loy de îa nature, mariez avec leurs fœurs, leurs bei-
les-fœurs & leurs tantes. On objeéle, que Dieu déclare allez , que tous les
mariages inceftueux font contre la loy de nature, puis qu'après avoir fait
rénumeration de toutes les copulations illégitimes, il ajoute. Ne vous Levit. is,
fomllez. donc point en pas fine de ces chofès, car dans tomes ces chofesfe font fouillées ^^'
ces nations que je men vais de chaffer de devant vous , dont la terre a été polluée j ç^
je punis fur elle leur iniquité ^ ^ h terre vomit fe s habit ans. Ces Payens n'a-
voient pas d'autre loy que celle de la nature j s'ils avoient péché daiis
leurs mariages incefuueux , c'étoit donc contre les loix de nature qu'ils
avoient péché, & non contre des loix pofitives. On peut répondre que
ces impuretez, par lefqueiles Dieu fe plaint que les Cananéens avoient
fouillé le pays , ne fe doivent pas rapporter à tous ces degrez défendus
dans le i8. chap. du Levitique, mais fimplementà ceux qui avoient été
défendus avant la loy généralement à tous les hommes , comme font les
copulations avec fon père , fa mère & fa fille , avec des mâles ôc avec
des bêtes -, car ces abominations étoient ordinaires entre les nations Pa-
yennes. Mais, dit-on, ce mot d'abomination^ dont Dieu fe fert pour de-
fîgner cts couches illégitimes dans les degrez défendus, fignifie des pé-
chez contre la loy naturelle. Je répons que cela n'eft pas toujours vray,
car fouvent l'Ecriture Sainte appelle de ce mot d'abomination des péchez,
qui ne violent que des loix pofitives : Par exemple dans la loy de la dif-
tinélion des viandes le Legiflatenr dit fouvent, Fous ne mangerez^ rien d^ Levir. n.
ce qui efi fans nageoires & fans écaille &c. car cela ejl abomination. Il y a donc 3^*^°" ^^'
plufieurs Savans Théologiens qui eftiment que le mariage entre les frères sunuiî.
ëc les fœurs ne font pas oppofez aux loix de la nature, & qui ne fau~ JaJtT!'
roient fe refoudre à accufer les anciens Patriarches d'avoir paile toute leur quœit. 54.
vie dans un état inceftueux. Mais au moins tout le monde doifdemeu- Bonwenr.
rer d'accord, que ces loix qui défendent de fe marier en certains degrez 5 in l. 4. part.
ne font pas des loix humaines , comme quelques-uns l'ont eftimé j ÔC c'eit RiSi^'
T 2. , une ^bicj.
> 158 HISTOIRE DES DOGMES
qu.£fi. une des erreurs que Bellarmin reproche à Wiclef. On peut appeller les»
scotns loix naturelles du fécond ordre primordiales,, pofées dans le tcms de la pre-
qix{i.uiu- miere inlHtution ,. la défenle d'épouier la mère & la fille , petite-fille 6c-
Diuànd. in ï^Litres déccndans, me paroît aulfi, une ioy naturelle:, c'eii faire, remonter
lent Lib. 4. y^ ruifleau contre fa four ce.
qux.. um- ^^ relie Ton ne peut pas douter, que ces mariages du premier monde
Beitarm. avant la loy , dont les règles étoient beaucoup plus relâchées que celles'
mattinicap. dcs mariagcs des Juifs, ne foient caufe que dans TOrientles hommes ont
^^■^j^'^r toujours été moins fcrupuleux que dans l'Occident, pour ces unions inceù
excrdt! 4^ tucufcs. De tout tems il n'y a rien de plus commun dans l'Orient que
des mari-cipes de frères &. de fœurs, 6v il n'y, avoit rien de plus rare dans
iks occi- l'Occident. Chacun lait que depuis Cambyies ces mariages inceftueux
d^atnox étoicnt ordinaircs entre les Perles. Hérodote nous apprend comment' ce
iiêres que Princc étant amoureux de fa fœur , confulta les Sages de la nation , pour
n)'Lr!!?v tivoir s'il n'y avoit pa.s une Ioy qui permît d'époufer fa fœur. Ces Sages
luy répondirent par complaifance, qu'ils n'en favoiejit pas , mais qu'il y
Thaîia' Lib ^^'^^^^ uuG autrc îoy entre les Perfes, qui donnoit pouvoir au Roy de fai-
3. re tout ce que bon luy fembloir. La corruption alla même fi loin, qus
cette efpece de gens, qui. dans l'Orient s'appelloient des Mages, fe fai-
* . foient un honneur d'être nez de ces mariages "inceilueux. lisie marioient
Saydus Pa- avec Icurs fceurs , ôc même avec leurs mères. Un certain Auteur Ara-
"ni'd^eide- ^^ ^^ novi% avons déjà cité quelquefois après Seldenus, dit qm du tems-
niitnLib. 5. de Uimrod les tJ/l/CMes commencèrent a ado? er le fen^ & que le nom de ce luy que,
& Pentium Ni^rodovoit édbU pouT fervir le fen était <iy4ndscha,m. (omme ce Sacrificateur
tip. II. offcioit^ le démon Im parla,du milieu du feu , t^ lui dit , nulne feut fisrvir me&
autels ^ faire mes facrifices s'^il ne. couche au e a fa mère ^ avec fa fille & avec f^
f^iir. Andscham fit comme le diable lui avoit commandé.-,^ &. depuis ce tems-lk.
ceux qiù ont été Sacnficnteursentre les ■^yi'f âges , avaient accoutumé de s'^accou-
non^^Lib. }^^^ ^'"^^^ ^^^''•^ merej ^, leurs filles & leurs fœurs-. Le faux Clément Romain»
»,. dans fes Récognitions nous atlïïre, que cette coutume daroitencore de fou
tefns, & que les Mages épars dans la Chaldée, danslaPerfe & dans l'E-
gypte, & fur tout dans la Galatie & dans la Phrygie , fe marioient avec
leurs pluS; proches parentes. Les mariages des Grecs- ont été plus hon-
nêtes, ôc ceux des Romains l'ont encore été davantage. La tragédie
d'Oedipe dans Sophocle nous fait voir, que les Grecs avoient en horreur
ceux qui couchoient avec leur raere 3 ôc celle d'Hippolyte nous apprend,
qu'ils regardoient le mariage d'un homme avec fa belie-mere. comme un-
accouplement monftrueux: car en introduifant Phèdre furie théâtre, qui'
foUicite Hippolyte fon beau-fils à l'époufer, le Poëte a deflein de la re-
.., " prefenter comme un prodige de fureur. Il s'etl trouvé quelques exem-
Piobuç* pies de mariages entre le frère èc la fœur parmi les Grecs. Simon fils de:
Fkiratch.ih Miltiade époufi fa fœur Elpinice. Archetolis fils deThemiilocleépouia
Mari^pes Mnafiptolcmc fa fc^ur de pcre. Mais ces exemples étoient raves. Les'
des Ro- mariages des Romains ont encore été beaucoup plus purs: plus les pays-
etoientdans ^'éloignojent dc l'Orient, plus lés coutumes étoient épurées à cet égard. .
mideâftde Quand l'Empereur Claude voulut époufer fa nièce Agrippine, ilenfic irai-
ïSS/^"' re une- efpece d'excufe au Sçnat par Vkellius, ôc il n'ofoit amener fa fenr-
me chez luy à caufe, dc. la nouveauté du crime. Il chercha par tout desf
imi--
ET DES CULTES DE L'EGLISE. Part.l. 159
imitateurs de ion impureté, afin de s'aurorifer par la multitude ; maisiÎTicit.Annâ,
ne trouva qu'un milèrable Chevalier Romain nommé Titus Alledius Se-^^'^-^^-
verusj qui le voulut imiter. Piutarque nous apprend que les Romains pou f-
foient autrefois le fcrupale fi loin U-deiFus, qu'il ne leur étoit p;s pjnnis îi"t- Lib.(î.
1,/ r r ^ ^ r i /t ■ / rA ' , ^ , / quzft. Rom.
u epouier aucune femme de leur iang, quelque eioigne que fut le degré qu^a 6.
de parenté. Ils néponfoient , dit- il , ni leurs tantes ^ ni leurs fœurs , ô" ils ne vide ôc
permirent que fort tard cCépoufer les coujînes ; ce qui fe fit par cette occafion. Il
y eut ti-n homme qui , n'^iiyam pas de bien , mais âant fort honnête homme ,- &
pins- agréable au peuple qu aucun de ceux qui gouvernaient les affaires de la 'Ré-
publique, époufa fa confine germaine qui étoit héritière , ce* qui le rendit riche : il
en fut accufe devant le peuple-^ mais le peuple qui Paimoit ne voulut mas lui faire
fon. procès , tl fut abfous ^ (^ même on fit une ordonnance^ que déformais ton pour"
roit êpoufer fes parentes jufqii'k la coufine germaine & au deffous , mais non pas
an dejfus.
CHAPITRE XX L
■ l^e la Tolygamie.^
Oici une autre fingularité àcs mariages des Patriarches , c'efl la plu-
ralité des femmes, qui s'appelle polygamie. Lemec,run desdécen-
dans de Caïn,eft apparemment le premier qui ait eu plufieurs fem-
mes, au moins c'ell le premier, duquel cela nous foit remarqué , Et Lemec Gen.4. jf.
prit deux femmes ^ dont P-une avoit nom Aàa ^ & l'autre T fi lia. Après lui cette
coutume. devint très commune avant le déluge : mais je croy qu'elle fut
encore plus commune après le déluge..
La plupart des Patriarches ont vécu dans la polygamie , & Abraham Ledroitd-
prit A.gar avec Sara. Jacob eut quatre femmes, les deux filles de Laban ôc n/qï des°°
leurs deux fervantes. Cela fait de la peine à bien des gens, qui ne peu- juifs nemer
vent concevoir, comment de fi iaints hommes ont pu vivre dans un état, J'^^^J^^" g"'™*^ '
qui leur femble oppofé aux ioix de la- nature. Les Juifs, qui font grands lygaœie,
proteéleurs de la polygamie, v\ç.k forir aucune difficulté là-deiTusî car ils
prétendent que cet état elf permis par les Ioix de la- nature. Ils- ont' mê-
me fait une herefie aux Sadducéens , de ce que ceux-ci- difoient que la
plurahté des femmes eil défenduëdans la Loy dans -ces paroles du ■ Levi-
tique, uxorem ad fororem fuam non accipies ad affligendum eam y tu ne pren-
dras pas une-femme avec fa fœur pour l'affliger. G'efl; une maxme de^g^'^-^^-
leur droit 5. // efi permis a chacun d"* avoir autant de femmes qu''il en peut nour-
rir. Un de leurs plus grands Doéleurs le confirme par ces paroles -, Il cfi Taim.
permis a un homme d'' avoir cent femmes , ou les unes après les autres , ou toutes mot. c. 6,
ïn femble; (jy la première femme na pas le droit de s' oppofer a cela , pourvî^ que
le mari fait en pouvoir de- leur donner a toutes les vétemens , les habits ^ Ô' les
autres preuves de la bien-veillance conjugale , félon- qu^il appartient a chacune. Il
appuyé cette opinion des exemples de David ôc de Salomonj 6<.particu-
liereir.ent du dernier, uui avoit tantde femmes. II5 ajoutent quq devant & .
T 3:
i6o
HISTOIRE DES DOGMES
Salomon.
Jaiki in
Gencf c, 4
&iii job,
c. 24. 2T.
]ob24. 21.
inftitution
du mariage
après le àéluge cétoit la coutume à^ avoir deux femmes , l'une pour en avoir des
enfans , & f autre pour le pUiJir feulement. On faifoit boire a celle-ci un breu~
vaTe de fierilite' pour l'empêcher de concevoir , afin i^u' elle fut toujours belle. Celle'
ci étoit toujours ornée , ^ de toutes les fêtes , pendant que Vautre était toujours
renfermée dans la maifon comme une veuve ô' comme une perfonne en deuil. Ce
font à peu prés les termes du Rabin Salomon jarki, Ôcil avoit emprun-
té cela d'un ancien Commentaire fur la Genefe, appelle Berefchit Rabba qui .
dit la même chofe en autant de mots. C'ell félon cette obfervation qu'ils
expliquent ce que dit Job en parlant d'un méchant homme ; Lui qui don^
mit a manger à laflefile , & ne faifoit nul bien a la veuve. Le fentiment des
" Juifs étantitel, ils ne font pas propres à être Juges dans cette caufe. C'efl
pourquoi en les laiffant à part , nous dirons brièvement ce que nous croyons
de la polygamie en gênerai, 6c en particulier de celle à^s Anciens.
Lapoiyga- Il cll Certain que la polygamie eit contraire aux loix que Dieu pofà dés
mieeftcon- jg commencement du monde dans l'inftitution du mariage : L'homme dé'
première laijjera père & mere^ & s'ajoindm à fa femme ; l'Ecriture ne dit pas à {ç.s fem-
mes. Le mariage eft proprement le lien d'un avec une, & un lien indiP-
foluble, c'eft pourquoy 6c la polygamie, 6cle divorce font contre TinlH-
tution du mariage, & contre l'intention de l'inflituteur. 11 n'y eut pas
alors de plus expreffe défenfe de la polygamie 5 mais Dieu ajouta un
exemple à la Loy, c'eft qu'il ne créa qu'une feule femme a Adam, bien
que la neceflité de peupler le monde demandât, que Dieu lui' en donnât
pluiieurs. Les Anciens* avoient bien compris que les paroles de l'inftitu-
tion du mariage, 6c cet exemple, faifoient une Loy contre la polygamie.
C'eft pourquoi nous ne voyons aucune trace dans l'Hiftoire Sainte, que les
Saints avant le déluge ayent eu plufieurs femmes. Adam n'en eut qu'une,
6c Noé n'en eut qu'une auffi, fes trois fils n'en avoient que chacun une.
Cela eft clair, parce que. St. Pierre nous dit qu'il n'y eut que huit perfon-
nes fauvées par l'eau, c'eft-à-dire, que Noé 6c fes trois fils n'ayant qu'une
femme chacun, ne faifoient que huit perfonnes en tout. Il eft vray qu'a-
prés le déluge , la polygamie entra dans les familles des Patriarches : mais
il y;en eut beaucoup entr'eux qui s'en firent un fcrupule. Job n'avoit
qu'une femme ; Ifaac n'eut que Rebecca. Nous ne lifons pas qu'aucun
des enfans de Jacob en ait eu plufieurs. Depuis que la Loy fut donnée par
Moyfe, la polygamie devint encore plus rarej 6c fi l'oncxcepte les Rois
David, Salomon Se quelques-uns deleursdécendans, on aura de la peine
d'en trouver des exemples , fur tout entre les particuliers. ~ Nous avons
celui d'Helcana père de Samuel, qui avoit deux femmes. Jofephe nous dit
que Moyfe en a eu deux ; l'une qui s'appelloit Sephora fille de Jethro ,
6c l'autre appellée Tarbis fille du Roy d'Ethiopie. Cela eft fondé fur ce
que nous lifons dans le livre àts Nombres j. Alors Marie & Aar on parlèrent
contre Â4oyfe^ à caufe de la femme Ethiopienne qu'il avoit prife , parce qu'il avoit
pris une femme Ethiopienne. Mais cette Ethiopienne étoit Sephora même,
fiJle de Jethro, Prince Madianire : elle eft appellée Ethiopienne, de cette
Ethiopie qui faifoit partie de l'Arabie qui s'appelloit félon Drufius e^/^/o-
pia Ch^ifea. Je ne croy donc pas que la polygamie ait jamais été approu-
vée entre les fidèles. Je fuis même très perfuadé, qu'elle étoit défendue
dans ces paroles du Levitique, Tu ne prendras pas une femme avec, fa com-
pagne
La polyga-
mie n'a ja-
mais été
approuvée
entre les
fidèles.
Antiquir.
Jj^b. 2. c. s.
Nombr.
\%. 21. '
Drufius in
Numer.
c. 12. r.
La polyga-
mie défen-
due dans U
Loy.
ET DES CULTES DE L'EGLISE. Tart.l, i6i
pagne pour Caffiiger: c'elt aïoli qu'il faut tourner, & il n'y a aucune railbn Levit. iJi
de tourner autrement II elt vray que dans l'Hébreu il y a mot à mot, ^*-
Tfi ne prendras pas une femme avec ja [ceur. Mais fi le Legiilateur avoit eu
intention de défendre la fœur delà femme dans ce pallage, comme pré-
tendent tous les Juifs ôc beaucoup de Chrétiens, il n'auroit point change
de méthode & de ftyle, il auroit dit conformément au verfet précèdent.
Tu ne âécoHvnras pas la ntidite' de la fœur de ta femme. Au refte , ceux qui
ont la plus légère teinture de la langue Hébraïques favent que les mot n;^,
6c DkSni fignilicnt une choie qui en accompagne une autre, qui efl fituée
vis-à-vis : ils difent de deux colomnes fituées vis-à-vis l'une de l'autre ,
l'une répond a fa fœur , pour dire que l'une répond à l'autre. Ainfî tu ne
prendras pas de femme avec fa fœur, c'eft- à-dire, tu ne prendras pas de
femme, qui foit en degré égal & parallèle à la première. Les paroles qui
fuivent, font bien voir que c'ell là le fens, afn de l'affiger. Car fi Dieu
défendoit feulement d'époufer la fœur de fa femme en même tems, pour-
quoi diroit-il que cela atfligeroit la première femme? Une femme qui fait
qu'on lui peut donner une compagne, ne devroit- elle pas avoir de la joye
d'avoir fa fœur plutôt qu'une autre? Mais le fens de ces paroles efl clair,
en expliquant ce paflàge entier de la polygamie, car on fait affez qu'il n'y
a rien de plus chagrinant pour une femme , que de voir partager par une
autre la perfonne & l'amour qu'elle voudroit polTeder toute entière. Je ne
voudrois pas déterminer que l'ufage des concubines fût abfolument défen=
du dans ce palfage , car les mots hn* & nin^, frère ^ fœur ^ quand ils fe
prennent dans ce (ens où nous les prenons ici pour des choies , ou pour
des perfonnes pofées dans un même rang , fîgnifient proprement celles
qui font placées fous une même ligne, vis-à-vis l'une de l'autre , ôc abfo-
îument égales & parallèles. Or comme les concubines n'étoient que des demi-
femmes, & étoient fujettes aux vrayes femmes, on ne les peut pas appel-
1er des femmes parallèles ou égales. Mais quand l'iifage des concubines
auroit été permis , je fuis affûré que cela auroit été par pure tolérance.
Au relte le Seigneur Jefus-Chrift, nous fait aficz connoître que la poly-
gamie étoit contraire aux loix originales du mariage quand il fe fert des
paroles de l'inilitution du mariage pour condamner le divorce j Celui , st. Marc,
dit-il, qut abandonne fa fcnrme j ^ fe marie a^vec une autre ^ commet adultère.
Cela ne feroit pas ii la polygamie n'étoit pas défendue, fuppofé qu'il ibit
permis de prendre piuileurs femmes : quand même celle avec qui l'on a
fait divorce fcroit encore femme de celui quil'auroit renvoyée, cet hom-
me en prenant une autre femme ne commettroit point adultère ; il fe-
roit feulement dans l'état de polygamie, c'eft - à - dire , qu'il auroit une
femme avec laquelle il feroit dans le divorce , 5c une- autre à laquelle il
feroit uni.
Bien que cette Loy qui condamne la ]:^olygamie foit.aufii vieille que le JÇ^^ifons q»s
monde, & que Dieu l'ait établie pour être perpétuelle, je doute qu'on la hdéfenf?"*
doive mettre au rang àts loix de la nature : & fi l'on vouloit un peu fe <Je lapia^aii,
détaire des préjugez , je croy que l'on ne trouveroit pas grande difficulté mes'cftunê
dans la matière, i. Le mariage étant tout de pure inftitution, ilfemble^°^ pofmve.
que toutes les chofes qui le regardent font aulli d'inftitution , êc l'unité
des femmes par conféquent. 2.. Si la polygamie étoit contraire à la Loy
• " de
i62 HISTOIRE DES DOGMES
de la nature, les Patriarches auroient vécu toute leur vie dans la coulpe
d'un péché, qui rend les hommes fujetsà la damnation. L'on ne voit pas
que les Patriarches le foient jamais repentis de cela comme d'un crime :
& tout ce que les Th'eologiens dilent là-deflus pour juilifierôc pour excu-
fer les Anciens, en fuppolant que la polygamie eft contraire à la nature,
ne fatisiraiten façon du monde j ou s'ils difent quelque chofe de raifonna-
ble, 6c qui en effet diminue la faute des Anciens-, cela même détruit leur
propre principe, &: montre contre leur intention, que la polygamie, n'eft
défendue que par une Loy pofitive. ,
tes types ne ^. Sur tout il cû necelîàire d'obferver que le mariage eft un type de
«tachïz r l'union de nôtre Seigneur Jefus-Chrill , & de fon Eglife -, cela cil évident ,
des choies parce que St. Paul dit dans le f . de l'Epitre aux Ephef. oii après avoir
nature es, p^j-j^ ^gg devoirs mutuels du mariée de la femme, il cite les paroles d'A-
dam , Uhomme Uijfera père & mère , & fe joindra k fa femme ; & les deux fe-
ront mie même chair : Il conclut que dans ces paroles il y a un grand myfterç
qui regarde l'union de Jefus-Chrill:, ôcde fon Eghfe, Ce mi^fiere efi grandi
or je parle touchant Chrifi & PEjrltfe.
Notable Je ne fay même par quel hazard & par quelle providence, les Juifs ont
ÏÏi^Tuifs'^ * apperçû quelque chofe de ce myftcre: Leur Cabale, qui ell leur Theo-
dans leur logie mylliquc , pofe dix vertus fuperieures qu'ils appellent Sephiroth ,
. ptîutïr^v^'^^^*^"^^^"^^^^'^^"^'^^^"^'^^"^' ^'^ ^^^"^^ des Saphirs. Entreces Sephiroth,
nion myfti- il y en a une qu'ils appellent Malcouth^ le Royaume j 6c un autre qu'ils
J.'j^^j.f^J^'^^^ nomment 7l?)?/7É'ré'f,c'ell-à'dire, la beauté. Ce Tipheret eu mâle , 6c A<fai'-
dei'Egiife, couîh eft femelle J l'un eft l'époux, 6c l'autre l'époufe. Malcouth qui eft la
phitoth,^^' femelle eft interprété par eux-mêmes l'Eglife, ou l'aiîemblée d'Ifraëlj ôc
Jiphereth eft appelle l'Adam luperieur, paroppofition à l'Adanicréé dans
le paradis terreftre , qu'ils appellent l'Adam inférieur : 6c cet Adam infé-
rieur, difent-ils, eft l'image de l'Adam fuperieur. Un certain livre Ca-
Soj;9Lî> hû\Çdo^uemûtu\èl''EjfufQnd€Rofée^ rapporté par un Savant Anglois, nous
apprend ces myft ères: La Sephirath de Malcouth ^ dit- il, c'efi Cyeliequiefl ap^
pelle'e Paffemblée d' Ifrael i 6c peu après il ajoute, ces bonnes œuvres detouslét
Çufies ^ leurs bonnes intentions fpirituelles , ^ les prières faintes & pures montent
à la Sephirath appelle'e Malcouth , & elle s* en orne comme une e'poufe , & fe pre-
fenîe a 1 tphereth fon mari, le folli citant a ver fer fur elle fes influences. Il ajoute
encore , ^JM^alcouth s'^orne comme une époufe des bonnes œuvres <^es Jufles , er
piar ces œuvres elle follicite Tipheret h fon mari à verfer fur elle fes influences par
Elias Ger- le myflere des faces ^ Ces derniers mots, parle myftere des faces ^ fontalluiîon
T?sbna° aune autre Doctrine de la Cabale des Juifs, qui mérite d'être rapportée:
voce Pa- •c'^efi ^ difciU-ils , ^w ce Saint homme a été' créé avec deux corps & deux vif^^ges.
c'ei^à^dir"', Voici cc qu'cii dit un Savant Juif i Adam & Eve avoient été créez, comme un
les faces, fui homme , & ils étoient joints par le dos. Après cela Dieu les fepara , & il en
MoreNevo- ^'^^^^ ^^^ moitié qui fut £ve , laquelle fut amenée k ddam. Apprenez, donc com-
kitïiLib. 2. f^ent vous devez, entendre, qu'ails et oient un k certain égard , çfr qir'a un autre
'■ ■ égard ils étoient deux. Ilavoit tiré cela d'un ancien Commentaire Cab.iliiti-
Berefciiit ^^^ ^^r la Gcnefc , que nous avons déjà cité, intitulé Berefchit Rabba,
Rabba iii où OU lit CCS parolcs. Rabbi feremie dit , quand Dieu créa le premier hotn-
xs. ' ' "me il le créa Androgjnos ^ c'eji-a-dire ^ Hermaphrodite ayant les deux fexes , car
il eft écrit , il les créa maie & femelle. Mais on lui objeUoit , mais il eji écrit ^
que
ET DES CULTES DE L'EGLISE. Tart.l, 153
<jue Die fi prit fine des cotes ^Adam, & en forma Eve, Il répondit (jue cela Jigni'
fie que Dieu prit la moitié d^Adam , le mot de cote oh de côté Jîgnifiant cfueU
quefois cela^ comme dans ces paroles du 56. de C Exode v. Zf. Et au fécond cote
du Tabernacle , au coin du Septentrion ^ c^efl-a-dire a la moitié du Tabernacle.
Mais afin qu'on ne s'imagine pas, qu'il faille prendre cette fable à la lettre j
Maimonides ajoute, Il faudrait être bien fou pour ne tas 'voir qu'ail y a la de-
dans un fens caché. Or voici quel eft ce fens cache : C'eft que félon la
Cabale des Juifs, Dieu créa en effet le premier homme avec deux corps &
deux vifages, l'un d'homme & l'autre de femme j & que cet homme créé
double dans le paradis terreftre étoit l'image & le type de l'Adam fupe-
rieur, appelle Ttphereth , marié fpirituellement & uni infeparablemcnt à
MalcoHth , qui eil l'alTemblée d'Ifraël ou l'Eglife. C'étoit le myftere que
Maimonides veut qu'on trouve dans cette Hiiloire. Cette Malcout h s'orne
des jultices des Saints, 6c par ces juftices elle folHcite fon mari Tiphereth
à verfer fur elle fes influences ; Et c'eil ce qui étoit myfterieufement figni-
fié par l'homme ayant deux vifages ôc deux corps, & qui par cette moitié
de lui-même, qui étoit mâle, infpiroit la vie, ôcfaifoit la beauté de cette
autre partie de lui-même qui étoit femelle.
Si cette Théologie des Juifs efl plus nouvelle que St. Paul , il eft cer- LaTheoio-
tain que les idées en ont été empruntées de lui; car cet Apôtre nous parle f-'^ccorde^"
de l'union de Jefus-Chrift , & de l'Eglife fous l'emblème d'un époux & Jcy avec
d'une époufe: il appelle le Seigneur le fécond Adam, ou l'Adam celefte, cablie^ju-
<iar c'eil ce que fignifie ce qu'il dit , que le fécond Adam efl venu en laïque.
efprit vivifiant. Il l'oppofe au premier Adam qui étoit terreftre. Il appelle
nôtre Seigneur la gloire de l'Eglife; & il femble qu'il fafTe allufion à ce
nom de Tiphereth qui fignifie fplendeur, gloire & magnificence , lorfqu'il
dit , JSlous tous qui contemplons a face découverte , comme en un miroir , la 2. Cor. j.
gloire du Seigneur , femmes transformez, en la même image^ comme par P Efprit du
Seigneur. C'eft la penfée desCabaHftes tournée un peu différemment j car
c'eft comme s'il difoit , que nous regardons nôtre Tiphereth ^ nôtre mari ôc
nôtre gloire, ôcque nous lui demandons fes influences & fes ra.yons,pour
être faits femblables à lui , & pour lui être unis en un même efprit , comme
Adam ôc Eve éroient unis en un même corps.
St. Jean dans fon Apocalypfe a des defcriptions 6c des penfées qui ont s*t.jeana
aufii un très grand rapport avec celles des Juifs , car il dit, qu'ail vu l^Epou- ^effio"s^'
fée ornée pour fon Epoux, vétu'édefin lin, qui font les juftices des Saints. Il n'y a rien teintes de
de plus femblable à ce que dit la Cabale des Juifs, que Malcouth s'orne gie caba-"
des bonnes œuvres des juftes pour fe prefenter devant Tiphereth fon ma- li^iî^K,
ri. Si cette Théologie des Juifs étoit plus ancienne que St. Paul 6c St.
Jean, on ne pourroit nier, ce me femble , que ces deux Apôtres n'en
eulTent emprunté les idées 6c les termes,. car il eft impofîible que le ha-
zard fafle une fi parfaite refi'emblance ; 6c au refte il efl très certain, que
\ts Apôtres 6c le Seigneur Jefus-Chrift lui-même, ont fouvent emprunté
des Juifs, 6c leurs tours 6c leurs manières de dire les chofes. On en trouve
diverfes preuves 6c divers exemples dans le Spicilegium de Louïs Cappel
fur le f. 6c 6. de St. Matthieu.
Ce qui donne lieu de croire que St. Paul 6c St. Jean ont einprunté des riatonadk
Théologiens Cabaliftes, 6c non les Cabaliftes d'eux, c'eft que nous trou- ch^e'^qtc
Tart. 1, V vous les Cabalif-
î64 H I S T O I R E D E S D O G M E S
tes fur la VOUS uiic peniéc abiblumem: femblable dans Platon , qui vivoit quelques
"^îeâcde' ^'^^^^^5 avant la venue de nôtre Seigneur Jefus-Chrift. C'eft Eufebe qui
hiemciie. nous en avertit, & qui même l'a tranfcrite, un peu différente à la vérité
Eui, dePiï- ^Q ÇQ qui fe lit auiourd'huidans les œuvres de Platon-, mais revenant pour-
ijei Lib. 12. tant a la même choie. Voici le paliage. La nawre des hommes telle cjn elle
flat'^m ^fi afijourd'hui , rPefi'pas celle cju^ils avaient au commencement » car alors elle éi oit
ijmgo.Uco. maie & femelle ^ Qr d''efpece & de nom-, les deux fexes étoient mêlez., La forme
dePhomme tmt entier etoit ronde j ils avoientle dos & les cotés dam leur circuit , ejtia'
tre mains , autant de jar/ibcs , deux vifages fur un col bien tourné. Us avaient
fefprit élevé (jy fuperùe i 0" ils eJJ'ayerent de faire la guerre aux Dieux , & de
monter dans le ciel pour faire violence aux Dieux j. comme ont fait Ephialte dt
Otm au rapport d"^ Homère. Sur quoi les Dieux ayans pris confeil^ fupiter prit la,
refolutton de les couper par le milieu : (^ en effet il Les divifa en deux parties y
comme ceux qui coupent deux œufs durs pour les faler ; & de la vient l"^ amour
mutuelle que les hommes ont naturellement les uns pour les autres : (lAmour qui
ayant été le lien de ï* union de la nature, félon quelle était autrefois ^ ejfaie aujour-
dhui a rejoindre les deux parties ^ & a remédier à la plaie qui a été faite a la
nature des hommes :. ^ ainfi chacun de nous nefi que comme une portion (^ la.
moitié d'un homme, Eufebe rapporte ce paflhge de Platon, pour prouver
que ce Philofophe a puifé dans les livres de Moyfe j car il prétend que
cette fable a été formée fur l'Hiiloire de l'homme & de fa chute. Mais
il eft évident que cette Hiftoire a beaucoup plus de rapport avec la fable
des Cabaliftes qu'avec l'Hiiloire de Moyfe. Ainiî il eil clair que Platon,
avoit eu quelque commerce avec les Hébreux , ôc qu'il avoit appris dé
leurs" Doâ:eurs cette myflerieufe Théologie qui s'appelle la Cabale.
i^utreTheor Je veux pi'ouvcr cette veritépar un autre palTage du même Platon, tiré
^u^L'eu^' '^^ même livre > par lequel on voit qti'il avoit emprunté des Juifs la co&-
ton imitée tutiie d'ciwelopper la vérité fous des voiles myilerieux. Platon fe fait cet-
ludViqu^e"^^ te quellion , Quels font le père & la mère de l'amour^ Et il y répond ainfi.
liât, in Encore que cela fait un peu long a rapporter.^ je vous dirais pourtant qu'^a la naif-
lyrnpoUaco. p^fjçg ^^ ï^enui^^ on fftun grand fefltn ou tous les Dieux furent conviez^. Le Diew
duConfeil^ dr Parus le Dieu de P Abondance s\ trouvèrent. Quand on eut foupe
la Pauvreté vint a la porte demander quelque rejie du repas. Comme elle fe pro"
menait devant la porte , le 1)ieu Parus yvre de NeU-ar , car il n'*y. avait pas enco^
re de vin ^ entra dans le jardin de fupiter ^ & s' endormit fort profondément . La
Pauvreté fouh ai ta paffionnémentde concevoir un fils de ce Porta , Dieu de PAbon'
dance^ elle fe coucha tout doucement auprès de %i ^ <& campât de lui P Amour. De
la efi venu cet .dmour qui aime ^ qui cherche Venm , parce qu^il efi né aux.
ÀpudEufeb. «<?^É'-f de Fenm. Origene grand admirateur de Platon a bien reconnu il y
^'^En^ a long-temSjque cette fable n'eft rien autre chofe que l'Hiiloire déguifée
3^1*. c n. de la chute de l'homme , 6c de fon premier péché. La naiffanee de Venus
c'eft la création du monde, ôc la naiflancede la nature; car les Payens ont
adoré la nature fous le nom de Venus. Le feilin ce font- les délices dont.
■Dieu combla l'homme dans cette création durant le tems de fon innocen-
ce. Le Dieu de l'Abondance c'eft Adam, que Dieu avoit enrichi de tant
de biens. La Pauvreté, c'eft le démon qui par fa chute avoit perdutous
fe& biens.. Le-fommeil de Porus Dieu de l'Abondance,, c'eft l'oubli dans
kq^Liel Adam tomba au milieu de Tes profperitez. L'approche de k Pau-
vreté.
ET DES CULTES DE L'EGLISE. F^rj^.I. i6f
vreté qui fe joint au Dieu Porus, c'efl la tentation du Démon, qui s'ap-
procha de l'homme pour le feduire. L'Amour, qui cherche Venus, lequel
naît de cet accouplement, c'efl la concupifcence de la chair qui parut auffi-
tôt que l'homme fut tombé. Cette fable de Platon, fous laquelle la véri-
té de l'hidoire eft cachée avec tant d'adreffe, me perfuade qu'il avoit eu
grand commerce avec les Juifs , 6c me rend vrai-femblable la conjeéture
que nous avons avancée, c'eft qu'il avoit eu connoiflance de cette Théo-
logie myftique qui cnfeignoit, que le mariage d'Adam ôc Eveétoit le ty-
pe de l'union du Meffie avec l'Eglife. Les Juifs ont entrevu quelque cho-
ie de cette vérité j mais l'Evangile l'a mi fe dans une fi grande évidence,
<3u'à prefent perfonne n'en fauroit plus douter. Le fommeil d'Adam , 6c
la femm€ qui fut tirée de fon côté, font des figures fî parlantes, que les
plus fîmples Chrétiens les entendent, 6c comprennent que c'efl un excel-
lent type de k mort du fécond Adam, dontl'efïîcacea produit la naifTan-
ce de l'Eglife.
Je me fuis fort étendu à prouver cette vérité, que le mariage tel qu'il ï-caamge
fut inflituë dans le paradis terreflre, efl le type de l'union de Jefus-Ch mourdijê-
^ de fon Eglife, parce quedelà je prétens tirer une parfaite connoiffan- J'*p''".ft&
ce de la nature <du mariage, & une lumière qui décide, ce me femble, * ^'*-
abfolument la quellion fur laquelle nous fommes : c'eft de quelle nature
efl la loy qui défend la polygamie, fi c'eft une loy pofitive, ou une loy
naturelle. Je dis i . que cela nous apprend la nature du mariage , . car fi
le mariage dans la pureté de fon inftitution, étoit une figure de l'union
de Jefus-Chrift & de fon Eglife, afin que la vérité eût du rapport avec le
type, il falloit que le mariage fût un lien indiflbluble d'un feul avec une
feule. Car c'eft là le caraètere de l'union de J. C. Ôc de l'Eglife. Le
chef eft un feul, c'eft Jefus-Chrift, l'Eglife n'a pas plufieurs époux, 6c
n'a pas d'autre époux que luy. L'Epoufceft une feule, c'eft l'Eglife :J.C,
n'a pas plufieurs Eghfes, c'efl pourquoi elle eft appellée una & catholica^
une 6c univerfelle, répandue par tout le monde 5 6c dans tous les tems. Le
lien qui unit Jefus-Chrift 6c l'Eglife ne fe peut rompre , car l'EgHfe ne
fauroit périr , 6c le Seigneur ne fauroit faire avec elle un divorce éternel.
Quand il s'éloigne d'elle , c'eft pour un moment , mais il la recueille par
des compaffions éternelles. Afin que le mariage reffemble à cette union
fpirituelle dont il eft l'image, un homme ne doit avoir qu'une femn>e,unc
femme ne doit avoir qu'un mari, 6c ils doivent être unis d'une manière
infeparable. Ce qui fait voir que la polygamie 6c le divorce font abfolu-
ment contre l'inftitution du mariage. Mais nous apprenons auffi de là, de
quel ordre eft la loy qui défend le divorce 8c la polygamie.
Les types font des fignes d'inftitutioo 6c d'établifièment, cène font Ce qu'on
pas des fignes naturels. L'on n'a jamais vu un type établi dans une cho-J^P^''^'^*^*
le naturelle , par égard à ce qu'elle a de naturel : ce qu'on appelle ratio les types ^"*
typica , eft toujours d'inftitution , 6c toujours ajouté à la nature. Il eft d^inû"'""*
vray que le rocher du défèrt étoit une chofe naturelle, ôc l'eau qui ention.
fortoit avoit aulfi toute k nature des autres eaux , .ils étoient pourtant les
types de N. S. J. C. & de fes grâces, mais non pas à l'égard de ce qu'ils
avoient de naturel > c'eft-à-dire que le privilège 6c la vertu d'être les ty-
pes de N. S. J. C. ne leur venoit pas de leur nature , 6c ils reprefentoient
y z le
156 HISTOIRE DES DOGMES
le Seigneur principalement par les circonftances miraculeufes, qui avoient
été ajoutées à la nature. Il en eft de même de la manne , qui ne devint
le type des grâces de J. Ch. que par la volonté de Dieu, ôc par ce qui
tut ajouté à Ta nature. J'avoue bien que dans les Sacremens 6c dans les
types il peut y avoir quelque rapport fondé dans la nature de ce qui fert
de matière 6c de fujet au type ou au Sacrement , dans la manne & dans,
l'eau du delert, dans le pain & dans le vin de l'Euchariftie, il y a quel-
que choie qui reprefente les grâces de J. Ch. dans la nature 6c la matiè-
re même de ces types 6c de ces fîgnes. Mais il eft pourtant vray que tout
cela n'a rapport à la chofe reprefentéc par le type 6c par le figne , qu'en vertu
de l'inftitution. Je conclus de tout ceîa^ que ce lien indifloluble d'un feul avec
une feule, qu'on appelle mariage, étant le type de l'union de J.C. avec
l'Eglife , c'eft une affaire d'inilitution, 6c non de nature : èc par confé-
quent que la polygamie ne viole qu'une Loy polîtive, ôc non pasuneloy
naturelle,
^"fdence Aprés CCS éckirciflemens , je ne croi pas qu'il foit difficile de répondre
des Anciens à la queftioii qui fe fait fur l'état de la confcience des Anciens , qui ont
?'"amie^°" vécu daus la polygamie. L'on peut remarquer quatre fortes de gens qui
efpeces de ont vécu dans cet état. i. des méchans. i. desRoys. 3. des Prophètes,
polygames, c'eft-à-dire des hommes extraordinairement conduits par l'EfpritdeDieu.
4. des hommes ordinaires. Pour ce qui eft des méchans , décendans de
la race de Gain , qui commencèrent d'attenter contre la Loi fondamen-
tale du mariage, je ne fais pas difficulté de dire qu'ils ont péché, 6c qu'é-
tant morts dans l'état de polygamie , ils fe font trouvez engagez dans un
très grand defordre, 6c dans un crime fort grand. Pour ce qui eft des
Rois d'ifraël , je trouve que Dieu les a difpenfez de cette loy ; c'eft dans
le 17. chap. du Deuteron. f. 17. où le Legiflateur pariant du devoir du
Roy dit , // Ke prendra pas plujïenrs femTrtes , ou bien il ne multipliera pas fes^
îl n'etoit femm-es^ de peur qu'il ne [e àétomne. Ces paroles ne. défendent pas au Roy
ïix Roï ^i^ polygamie, comme il femblej au contraire elles la lui permettent, 6c
d'avoir plu- cela fignific que le Roy ne doit pas multiplier le nombre de ït?, femmes
■îc"? ^^' jufques à un excès femblablc à celui de Salomon. Cela eft clair par le
texte: car Dieu dit, il ne multipliera pas [es chevaux ^ de la même maniè-
re qu'il dit, il ne multipliera pas [es femmes. Or ce n'eft pas l'intention de
Dieu, d'obliger les Rois à n'avoir qu'un cheval, auffin'eft-ce pas fondée-
fpin, de leur défendre d'avoir plufieurs femmes. Il n'y a pas d'apparen-
ce , qu'un Prince auffi pieux que David eût voulu violer une loy qui pa-
roît fi exprefle. Les Juifs avoient donc compris, que celui qui défend d'a-
voir une grande multitude de femmes, par cela même permet d'en avoir
un petit nombre. Il femble que Dieu ait permis la polygamie aux Rois
d'ifraël, afin qu'ils ne fufiçnt pas moins magnifiques que les Rois d'O-
rient leurs voifins. Car cette mulî;itude de femmes a toujours fait dans
rOrient une partie de la magnificence des Rois. Cette coutume s'y
eonferve encore aujourd'huy: les Princes de Perfe, des Indes 6c de Tur-
quie ont des Serrails pleins de femmes. Quoi qu'il enfoit, quelle qu'ait
été la raifon quj a obligé Dieu à donner cette difpenfe aux Rois , puis
qu'il l'avoit donnée, il eft certain que ces Princes n'ofenfoient point Dieuj
car les loix pofîtives a'obligeiat qu'autant qu'on en exige l'obfei'vation,
&
ET DES CULTES DE L'EGLISE. Tart.l. 157
6c ceiuy qui les a établies, en peut difpenfer , quand il luy plaît. La^n^e
clafle de gens qui ont vécu dans la polygamie, c'ell celle de ces hommes
du premier ordre, quife font diil:inguez par des commerces frequens avec
la divinité : tels ont été Abraham & Jacob. J'ellime que ces hommes
n'ont point vécu dans cet état contraire à la loy originale du mariage fans
myltere, ou fans une difpenle de Dieu. Je dis fans myilere^ car il eft
certain que la polygamie d'Abraham étoit myflerieufe : S. Paul nous ap-
prend que fes deux femmes étoient des figures des deux alliances. La po-
lygamie de Jacob n'ell pas apparemment li pleine de myllere : mais je luis
periiiadé pourtant, que ce Patriarche ne s'engagea pas dans cet état fans
en avoir eu la permiiîion de Dieu. Il n'ell pas necefiaire que cette per-
miffion fût exprefle, il fuffiloit que Dieu, qui veJlloit fur la conduite de
ces grands Patriarches, ne les ait pas détournez de cette aélion, dans ces
révélations 6c infpirations, par lefquelles il fe communiquoit fi fouvent à
eux. Le dernier ordre de gens qui ont vécu dans la polygamie, c'eft ce-
iuy des hommes ordinaires j 6c je croy que Dieu a donné difpenfe àceux-
cy, 6c qu'il les a tolérez dans cet état, à caufe de la difpeniè qu'il a voit
donnée à ceux dont nous venons de parler, c'eil-à-dire , aux Rois 6c aux
grands Prophètes. Le vulgaire à trouvé dans ces exemples des Saints une
difpenfe tacite , 6c Dieu n'a pas voulu leur imputer à crime ce qu'il avoit
fouffert dans fes plus chers amis, afin de n'être pas accufé d'avoir égard
à l'apparence des perfonnes.
Nous avons prouvé .6c fuppofé que la polygamie eft non feulement con- Comment
traire aux loix fondamentales du mariage, mais qu'elle eft défendue dans ^o/jj^fe*,
le chap. 18. du Levitique par cts mois, Th ne prendras pas une femme avec du la poiy-
fa compagne pour l^affiger. Il peut fembler étrange à quelques-uns que Dieu fo^èndoiî!
' ayant défendu la polygamie dans la loy de Moyfe, il ait cependant dif- ne difpenfe
penfé 6c toléré dans la même loy cette polygamie. Mais ce n'eft pas la f" ^^'"^"^
feule fois que Dieu a fait de femblables choies, cardans le même chapi-
tre 18. Dieu défend d'époufer la femme de fon frère. Ta ne découvriras
point la nudité de la femme de ton frère ^ 6c cependant il a expreiiément dé-
rogé à cette loy par une autre loy, qui s'appelle du Levirat, par laquel-
le il ordonne, que le frère vivant prenne la femme de fon frère mort, pour
luy fufciter lignée. Cette difpenfe 6c cette tolérance qui a eu lieu dans
toute l'œconomie de Moyfe, n'en a point aujourd'huy. Le Seigneur J.
C. a rappelle le mariage à fon origine, 6c il n'y a point d'homme fur k
terré qui foit en droit de difpenfer de la loy qui défend la polygamie.
Il en eft arrivé de la polygamie , comme des mariages dans les dégrez i^ofygâmfe
défendus. Ces defordres qui font fi oppofez , 6c à la pureté 6c à l'infti- Grecs & ic$.
tution du mariage , ont prefque toûiours été renfermez dans l'Orient, ^^cmams.
L'Occident les a peu connus ; La polygamie étoit rare dans la Grèce : il
s'y en eft pourtant trouvé des exemples , ne fût-ce que celuy du Sage So-
crate, qui avoit deux femmes, Xantippe célèbre par fa mauvaife humeur,
6c Myrto fille d'Ariftide. Le Poète Euripide en avoit auflideu-x. Denys
le Tyran de Sicile époufa en même tems Doris de Locres, 6c Ariftoma-
que de Syracufe. La chofe étoit encore plus rare entre les Romains, .
AUxander ab Alexandro , rapporte que Jule Ceiâr fit une Loy , qui per- ^'^- '• "B^^
mettoit d'avoir deux femnies. Mais je ne fay fi cela eft bien certain. Il '
V i eft
i68 H I S TO I R E D E S DOGMES
«ocr. Hift. ell bien vray que Valentinien Empereur Chrétien 8c Orthodoxe, 'fit une *
^"ip^iV^' Eoy, par hiquelle il étoit permis a chacun d'époufer deux femmes legiti-
■ * mes, & la fit pubHer dans toutes les villes de l'Empire. La Princefle,
femme de cet Empereur, appellée Severe, aima tendrement Juftine, fille
d'un Gouverneur de Province appelle Juftus, que Conllantius avoît fait
mourir, parce qu'il avoit appris que ce Juftusavoit vûenfonge la pourpre
Impériale à fon côté droit, comme s'il en étoit accouché. Cette Juftine
étoit admirablement belle. L'Impératrice Severe ne pût s'empêcher de
parler à. l'Empereur de la beauté de cette fille, en luy difant, que toute
femme qu'elle étoit, elle -en étoit cependant touchée. Cela fit formera
Valentinien le deflein de l'époufer , ce qu'il fit fans répudier Severe. Ainfî
il eut deux femmes en même tems, & il eut de cette Judinê Valentinien
le Jeime, qui luy fuccedaavec Gratien fon fils aîné. Pour couvrir le dé-
règlement de ce mariage , il fit la Loy dont nous venons de parler pour
établir la polygamie. C'efi: ainfi que les Princes font des Loix félon leurs
îoanncs Aa- P^ffio^s. On dit qu'avant Cecrops, non feulement la polygamie étoit per-
tiochen. mifc entre les Grecs , mais même qu'il n'y avoit entr'eux aucune forme
i^Bibiim^' ^^ mariage. Une femme faifoit focieté a-vec un homme , ad concuèitHm -,
oxoniepfi quand ils étoient las l'un de l'autre, ils fe quittoientj la femme fedonnoit
seiïenTdc ^ Un autrc mari, & le mari prenoit une autre femme j & ils vivoient ainfi
jure nat. & à k manière des bêtes. Mais Cecrops ordonna que les femmes n'auroient
genL .5.C qy'j^jj^ mari: les habitans d'Attique luy fçûrent fî bon gré de cette Loy,
qu'ils l'appellerent depuis biformis^ double^ parce qu'il avoit accouplé les
hommes par le mariage, 6c de deux il en avoit fait un tout. Bien que la
même Loy n'imposât pas necefiité aux hommes de n'avoir qu'une femme,
cependant il efl: certain que l'état de la monogamie palîoit univerfellemenc
pour le plus honnête entre les Payens mêmes.
Des conçu- L'ufagc dcs concubines augmentoit encore la polygamie des Anciens : c'é-
bines. toîcnt des dcmi-femmcs. Le mot Hébreu plUgesch fignifie cela \ pile-
manVEx- g^^^^^ , dimidiata uxor , c'eft ainfi que l'expliquent les Rabbins. De là
plie, tadkiîtn f^ns doute vicut le mot Grec tt^aak^i^ , & le Latin fellex. Agar fut con-
kgesh! ^^ cabine d'Abraham , Se les deux lérvantes de Rachel & de Lea furent les
deux concubines de Jacob, Ces concubines font fouventappellées femmes;
De civit. ce que St. Auguftin a remarqué de Ketura , qui n' étoit que concubine
Dei. Lib. i6. d'Abraham, ÔC qui eft appellée fa femme, & Abraham -prit une autre femme
■** ejni avoit mm Ketura. Dans la fuite cette Ketura eft appellée concubine,
car Moyfe dit qu'Abraham donna tout fon bien à Ifaac, & fit des prefens
jug_<; i^ j, aux fils de {ç,s, concubines Agar & Ketura. La concubine du Lévite,
3' à qui les Benjamites firent tant d'outrages, eft appellée une femme con-
cubine , & le Lévite eft appelle fon mari ; & fin mari fe leva & s'*en alla
apre's elle.
Loisducon- Voicy la différence que les Juifs établirent entre les concubines, 6c les
cubinage. autres femmes depuis la Loy de Moyfe. C'eft que les mariages avec les
véritables femmes fe contraéioient par des conventions matrimoniales , 6c
par la folennité des fiançailles 6c des époufaiiles : mais l'on ne faiioit ni l'un
Gemara Tai.ni l'autre, quand on prenoit une femme pour concubine. Les femmes, di-
^"vm^'raa" ^^^^ ^^^ Talmudiftcs , fe prennent avec engagement de les doiier ^ & avec la fo-
Ktouyotc. y. lenniîé des nooes \ mais les concnbines fe prennent fans contrat & fans fiançailles.
Com-
E T DES CULTES DE UEGLI^E. Part.l. 169
Comme les juifs prétendent qu'avant la Loy de Moyfe, on ne faifoit au-
cun contradt ni fiançailles en prenant des femmes légitimes, je nevoypas
bien quelle différence ils peuvent trouver entre les vrayes femmes des Pa-
triarches & leurs concubines. Cependant il y en avoit: nous avons vu
par \ts mariages des filles de Laban avec Jacob, que Ton obferv oit quel-
que cérémonie, que l'on, faifoit des feilins, ùt^s ndces ôc des facrifices ,
& la fête duroit lëpt jours. Rien- de fembkblc ne fe faifoit dans le choix
d'une concubine 5 on la prenoit,, on la menoit chezfoy, & on s'en fer-
voitau lieu de femme, fans aucune cérémonie.. Outre cela je fuis trompé,,
fi les concubines ne demeuroient cfclaves, quand on les prenoit dans cette
condition. Agar la fervante de Sara demeura efclave, devenant la concu.-
bine d'Abraham. Cela paroit allez parla manière dont on enufaavec elle:
Et je croy de même, que les deux fervantes des filles de Laban, concu-
bines de Jacob, demeurèrent fujettes & fervantes y 6c même , fi l'on en croit
les Juifs, la chofe alloit bien plus loin, car une fille libre entroit dans une
efpece d'efclavage par le concubinage. Maimonides dit, (jutlétoit défendu Ti^etztvi
a^x parîiefiliers d'avoir des concubines ^finon une fervante Ifra'éliîe feulement ^ laquelle ^*='^*^'™^
il fè fiançoh par la 7Jente que le père de la fille en faifoit. Si le pereiavendoit,eile
devenoit donc ferve ou efclave , au moins à la manière que le pouvoient être
les naturels Ifraëlites, qui ne pouvoient jamais être fournis à un véritable
efclavage, & dont la fervitude n'étoit qu'un engagement de liberté pour
un tems. Pour le relie, les Loix du concubinage étoient abfolument fem-
blables à celles du mariage. Un homme étoit obligé d'entretenir fa con-
cubine dans fa maifon comme fa femme ,& la concubine étoit obligée d'ê-
tre fidèle à fon mari comme une femme légitime. Au lieu de concubines,,
les Grecs fe fervoient de courtifannes , avec lefquelles ils vivoient avec
beaucoup moins de gêne, que les Orientaux avec leurs concubines j car
ils n'entroient dans aucune efpece de traité &: de lien avec elles.
Outre cette polygamie, qui eil la véritable, il y en avoit une autre qu'on Delà poiy--
appeljoit fuccelîive, qui n'ell pas une véritable polygamie. C'eft quand ^ç^ig^*^*'
après la mort d'une première femme on en prend une féconde, 6c après
k mort de la féconde une tro-jfiémq. Les Pères, dont la morale étoit ex-
cefiivement fevére à certains égards, ont eu des fentimens fort injurieux
aux fécondes noces. Tertullien rapporte contre cette polygamie , amfi Lib.de mo*
injullcment appellée, toutes les preuves dont nous nous fervons contre la "°2ami&.
véritable polygamie : La dtfcif Une de la monogamie , dit- il, nefl ni nouvelle ^
ni étramere , c'^efl Pancienne difciplme des Chrétiens s tellement qne le Taraclet
en e(i plutôt le reftaurateur (^ue Pmventeur. ïl ajoute en fuite qu'elle eilauffi
ancienne que le mondes que Dieu ne créa au premier homme qu'une fem-
me, qu'il a dit, ils feront deuxen une chair jfaifonslny une aide y ÔCnonpasdes
aides. H obïerve que Noé6cfes fils n'avoient chacun qu'une femme. Tout
Gela leroit bon pour combattre la polygamie /«^Wr^^/^', s'ileft permis de
parler ainfi j mais cela ne vaut rien contre la polygamie fuccefiive. Ter-
tuHien pafle même jufqu'à cet excez, dédire, que les fécondes noces font
des adultères devant Dieu : nihil Deo intereji marito monuo vel vivo alteri
nubat ^ id t^mdcumque fiât efi adulterium.U Auteur des Conflitutions Apof- Co^ftîrtjn
toliques, fous le nom de St. Clément, eftun peu moins fevére que Ter- ^' .3. es;.
tulheui 6>: voicy comme ilregle la chofe. Les premières jjpces fontjuftes,
les.
i6o H I S T O I R E D E S D O G M E S
les fécondes permifes, les troifi.émes font une preuve d'incontinence, &les
quatrièmes font une \eritable fornication, & un fruit certain de Tintem-
perance. Ces paradoxes de morale n'ont point paflé } cependant ils n'ont
pas lailîe d'imprimer une tache aux fécondes noces j ôc même les loix hu-
maines en quelques lieux ont voulu qu'il y eût des marques publiques de
l'etlime qu'on doit faire des premières noces pardefllis les fécondes, par
les privilèges qu'ils ont accordez aux enfans nez de ces premières noces ;
& chacun fait là-defius ce qui en a été écrit par l'Auteur des droits de la
Reine , fur lefquels le Roy de France prétend que les fiefs , félon la cou-
tume d'une partie des Pays-Bas, appartiennent aux enfans de la première
femme à l'exclufion des autres. Nous n'avons aucun lieu de foupçonner,
qu'il y eût rien de femblable dans la première Eglife, avant Moyfe, &
il n'ell pas étonnant , que dans des llécles, où l'on fe difpenfoit d'obeïr aux
Loix originales de l'inftitution du mariage, on ne fît aucun fcrupule de
palTer à de fécondes noces, après la diffolution des premières. Nous avons
l'exemple d'Abraham, qui prit Ketura après la mort de Sara. Il y a pour-
tant des Auteurs qui croyent qu'il eut cette concubine dès la vie même de
Sara : 6c cela eft aflez apparent par la quantité d'enfans qu'il eut de cet-
te concubine > car étant vieux quand Sara fut morte , il n'y a guère d'ap-
parence, qu'il eût pu les voir naître , les élever , les voir grands , & les en-
voyer arrière d'Ifaac , comme il fit. Mais quand nous n'aurions pas d'exem-
ples des fécondes noces dans ce premier période de l' Eglife, nous ne fe-
rions pas moins affûrez qu'elles auroient été en ufage.
CHAPITRE XXII.
'Du Divorce.
Le vray di- TTE hc fay point d'exemples de diviorce dans ce premier période de l'E-
P?rea"'u1^ge 1 g^^^f 5 ^^ ^^ "'^^ ^^^ "o^^ regardions comme un divorce ce qu'Abraham
dans l' Eglife 4^ fit à Agar , quaud il l'envoya hors de fa maifon: Et Abraham fe leva
avant Moyfe ^^ ^^^ matm ^ & frit du fain & me bouteille décati , & les mit fur les épaules
Vides. Hie- ^\-^l^^ ^^^^ P enfant , & l'envoya. A propos de ce paflage, ce que Moyfe
ron. Lib. dit icy , qu'Abraham mit Ifmaël fur les épaules d'Agar , avec un* bou-
Zlî't^ïâ ^^'^^^ ^'^^" ^ ^^ P^^"» ^P^î'" aflez fingulier aux Interprètes. Ce petit en-
Genefim. fant quc l'on mettoit fur les épaules avoit dix-huit ans, félon le calcul des
Hébreux. Ifmaël avoit quatorze ans quand ïfaac vint au monde j cela eft
clair par le chap. 17. de la Genefe v. 24. & 2f. où il eft dit, qu'il avoit
treize ans, quand Dieu donna à Abraham le fceau de la Circoncifion , ôc
quand il luy promit la naiflance d'Ifaac, ce qui n'arriva qu'un an après.
Quel âge Ifmaël ne fut chafle de la maifon de fon père, qu'après qu'lfaac fut fevréj
qufndS ^ ^^^ Hébreux affignent le tems auquel on fevroit les enfans à cinq ans ,
chafle. ^ les autres le mettent même à douze ans. C'eft qu'on fuppofe qu'en ce
tems-là les hommes ne venoient pas auffi vîte comme aujourd'huy j & qu'ils
etoient beaucoi|p plus long-tems enfans. Je ne regarde pas cette fuppofi-
tion
ET DES CULTES DE L'EGLISE. TarLl. i6i
tion comme bien certaine j mais laiflbns la palTer pour le prefent. Selon
cela, on dit qu'il nous eft parlé d'Ifaac comme d'un petit garçon, quand
Abraham reçut le commandement de le facrifier. Cependant on tient qu'il
avoit alors quarante ans. Suppofons donc qu' Ifaac avoit cinq ans , Ifraaël en
ayant quatorze plus que luy, il falloitqu'limaël eut dix-huit ou dix-neuf ans.
Il efl certain qu' Ifaac devoit avoir déjà quelque âge, puisqu'il étoiten état
de recevoir desinfultesd'Ifmaël, ôc que ces infultes furent caufe qu'Ifmael
fut chaflé. S'il avoit cet âge-là, il n'eftpas bien aiféde comprendre com-
ment on le portoit encore fur les bras. Le dénouement de cette difficulté ne
dépend que de l'explication d'une petite ambiguitéqui eft dans ië texte Hé-
breu, ôc que St. Jérôme, & nos Interprètes après luy, ontfort bien dé*
veloppée. Il ne faut pas entendre qu'Abraham mit l'eau , le pain èc If-
maël fur les épaules d'Agar, mais qu'il luy donna feulement l'eau & le pain
à porter, & luy mit l'enfant en main.
Je reviens au divorce. Les Juifs eftiment qu'il efl: permis par le droit na- sdon les
turel comme la polygamie. Ils croyent que ce droit n'eft pas réciproque, Jorceïft^'ec-
c'ell-à~dire , que la femme ne peut pas , félon les loix de la nature , aban- mis par ic
donner fon mari, comme le mari peut envoyer fa femme. Onandefl-ce^ ïdtfeiïîJîes
dit Maimonides , <jHe la femme entre les T^oâchides fera mife en l'état ok font chrétiens il
celles aufquelles entre mus on donne la lettre de divorce ? Ce fera qttand le mari \^^^ îoi"xfoa-
la jettera hors de pi maifon , c^ rompra le lien qui étoiî entre eux j oh qudnd elle damentales
fortira d'elle-même , & abandonnera fon mari. Car on ne donne poim des lettres Tn'âf/Meh-
de divorce entre eux , cfr ce n*eji- pas comme entre nous une affaire dont les fuges klm c. s»,
ayent droit de connaître : mais ils pfeparent , félon que le mari & fa femme le
trouvent bon : C'eft une maxime du droit des Juifs , que les Noachides n'ont
ni fiançailles-, ni divorce , & que lenrs mariages fe font , oh fe peuvent difjoudre H^erofolym,
félon la volonté des parties. C'efl-à-dire , que les hommes dans les (îécles Traft. Kid-
ûts Patriarches, comme ils fe marioient fans aucune formalité , fe déma- ca^.^'îï
rioient 6c fe féparoient de même. A l'égard du mariage fans formalitez, cemara.
nous avons vu que ce quedifent là-deflus les Rabbins, n'ell pas tout à fait
vrai. Mais pour ce qui eft du divorce , comme nous n'avons point de
preuve contraire à ce qu'ils en dilënt , nous pouvons recevoir leur témoi-
gnagne comme allure.
Au refte le divorce n'eft pas moins oppofé aux loix fondamentales du Divorce per-
mariage que la polygamie. Nous n'avons pas befoin de preuves de cette ™* P" '*
vérité, puifque nous avons là-delTus le témoignage du Seigneur J. Ch. qui Moyfe.^
dit aux Juifs, que Moife a caufe de la dureté de leurs cœurs ^ leur avoit per-
mis de répudier leurs femmes , mais qu'eau commencement il n^en étoiî pas ainfi. ^^^tth, rs, ?,
Je ne faurois aflez m'étonner qu'il y ait des gens, qui pour faire les habi-
les foûtiennent après ces paroles de N. S. J. Ch. que Moyfe n'avoit pas
permis le divorce aux Juifs. Rien n'eft fi clair que ce texte de Moyië) Deut. 24. ï,
Quand quelqu'*un aura pris une femme , &Paura époufée , s'il arrive qu elle ne^^^^'^'
luy foit pas agréable ^ parce qu'il aura trouvé en elle quelque chofe de maUbonê-
te , il luy écrira une lettre de divorce , d^ la luy donnera en main , & l'' envoyer a
hors de fa maifon: c'eft-à-dire, que le mari donnoit à fa femme un aéle op-
pofé à celuy des fiançailles, & dans cet aéte on declaroit toute union ëc
toute communauté rompues entre les parties. Les maris avoient cet avan-
tage, qu'ils pouvoient faire divorce avec leurs femmes fans qu'elles y con-
Part. I, X fen-
iGz H I S T G 1 R E D E S D O G M E S
l'enuiflent -, mais les femmes ne pouvoient donner à leurs maris la lettre de
divorce , ni les abandonner fans leur confentement.
Il femble que la coutume de répudier , qui s'établit auflî entre les Payens ,
rendit le privilège réciproque , & donna à la femme auffi bien qu'au mari-
le droit de faire divorce. C'eft l'opinion de Jofeph Scaliger : Entre les
mad^eV il""- ^"'^'^'''•^ (^ Ics Cjrccs , dit- il, la femme & le mari fe pouvaient dire l'un a Pamre^
Cebht^xaum.res tuas tiùl habeto; c'étoit le formulaire de la féparation ou du divorce,
prens ce qui ell à toy, ou fay tes affaires en particulier. Dans Apulée au
Livre cinquième de iîi Metamorphofe, Cupidon irrité contre Pfyché, luy
dit. Tu cjHtàcm ob ifiud dirum facinus confefiimîhoro meo divorle\ tibicjtieres
tuas habeto. Et même il oblerve, (pjue dam l'' Attique chaijue fexeavoit fin ter-
me propre ^ pour fgni fier f^aB ion par lacjju elle ils fie fie'paroient : quand une fiemme
abandonnait fion mari , cela s'^appelloit ÙTCOhêi^/iç i abandon , defiertion : quand le
divorce venoit de la part du mari , on Pappelloit â%o%o(Ju%>i 5 envo^ , congé. Si
nous en croyons le Poète Satyrique,ces exemples des femmes qui répudioient:
leurs maris etoientfrequens.
Divorce en-
tw les Grecs
fit les Ro-
mains tilité.
1015.
|uYen, fàr.
6,
PermHtatqtte domos.
Seà mox hac régna relinquit ,
Lib. 3. de
keneHciis
c^p. lé.
Sic creficit numerus , fie fiunt o5io mariti
Quinque per autPimnos. Jitulo res digna fiepulchrL
Nous avons un autre témoin de cela même, qui efl: plus digne de foy,
c'eîl Seneque : IS^mquid jam ulla repudio erubeficit , pofiquam illnfires qua^
dam (^ nobiles fioemince. , non Confiulum numéro , fied maritorum annos fiuos com-
pHtant y & exeunt matrimonit causa ^ nubunt repudii? Elles content leurs an°
nées , non par les Confuis , mais par les maris qu'elles ont eu fuecefîive-
ment ; elles fe produifent pour être mariées, &: elles ne le marient que
pour avoir le plaifir de faire un divorce. Le Poète Martial dit , que
depuis que Doraitien eût renouvelle la Loy Julia contre les adultère^,
les Dames Romaines faifoient divorce à tous momens pour fe marier
à leurs amans -, & quand elles étoient lafles de l'un,, elles le- répudioient
pour en prendre un autre. De cette manière elles avoient le plaifir de
commettre des adultères fans crainte d'être expofées aux rigueurs de la
Loy. Ce Poëte dit , (|ue l'une d'elles avoit changé de dix maris ea un
mois.
Aut minus , aut certe non plus tricefima lux efi
Et nubit decimo jam Thelefina viro.
Puifque cette femme avoit changé de dix maris, il fallbit que les femmes
eulTent le droit de faire divorce auffi bien que les hommes.
Les femmes II n'en étoit pas ainfî dans la Loy des Juifs -, les maris avoient feu Is ce
juifves^ne privilcge de pouvoir répudier leurs femmes , ôc les femmes n'avoient pas
pouvoyent ccluy dc répudier Icurs maris. Mais dans la décadence du Judaïfme , les
kmïïedi- femmes Juifves fe voulurent donner cette liberté. Jofephe nous donne
vorc^ deux exemples de femmes Juifves, qui ont répudié leurs maris j la pre-
iadaïc!c!n. i^iere ell Salomé, fœur d'Herode le Grand, qui donna la lettre de di-
vorce à fon, mari Coilabarus. La féconde eft Herodias ,, qui époufa
prc-
î-ib. tf.Epigr.
7.
ET DES CULTES DE VEGLISE. Part.!. 163
premièrement Herode 5 fils d'Herode le Grand, & de Ja célèbre Ma-
riamné , 6c puis le répudia pour époufer un autre Herode , auffi fils du
Grand Herode , mais par une autre femme , & qui étoit frère de père
de fon mari. Mais Jofephe ajoute , qu'elle fit cela par un fouverain ï«ib. iB.c,r.
mépris des Loix. Ce qui fait voir qu'elle agiflbit contre la coutume
& contre le droit. En effet cette Cour d'Herode , ôc toute fa maifon,
étoit fouverainement corrompue, 6c faifoit profefîion de s'élever au def-
fus des Loix,
La coutume de répudier les femmes ne s'eft pas renfermée dans l'O-
rient, elle a pafle dans l'Occident. Cependant il eft certain que ce dé-
règlement , non plus que celuy de la polygamie , n'a pas été pouffé fi
loin entre les Grecs 6c les Romains, qu'entre les nations Orientales, dans
lefqueiles tous les defordres , qui font caufez par les péchez de la chair,
ont toujours paru plus grands: ce qui pouvoit venir de la chaleur du cli-
mat, 6c du tempérament des hommes. Le divorce ne s'eft même intro- Le dnrorce
duit qu'aifez tard entre les Romains j afin que c€ Uen conjugal ^ dit unfavant s'établit fore
homme , fm perpétuel & pins divorce , il n'était jamais permis a une femme d^a- Romains! ^
ha>ndonner fon mari, & un mari par les Loix de Romulus ne pouvoit répudier fa Ajexanderab
femme , <^He pot^r caufe d^ adultère , pour empoifinnement , pour avoir contrefait dier. geniaL
les clefs y (^ pùftr avoir bu du vin : & fi quelqu^un répudiait fa femme hors ces i-ib. 4.C.».
raiforts ^ fon bien appartenait a la femme répudiée. Plutarque nous apprend dans
fes queftions Romaines, que Publins Carvilius Ruga fit le premier exem- ^
pie de divorce plus de fgo. ans après la naiflance de Rome, ^ l'étaWif-
ièment des Loix de Romulus,
Après avoir pofé que le divorce eft contraire aux loix de rinftitution du Bicuadif-
mariage, il faud roi t faire l'apologie des Patriarches , 6c montrer comment f/iafchesd^e°
en bonne confcience ils ont pu répudier leurs femmes, contre ce que Dieu laioyquidé-
avoit au commencement inftitué. Mais j'eftime que c'eft une affaire faire forci^^^"
dans ce que nous avons dit au fujet de la polygamie. Nous avons fait
voir que ces loix du mariage, qui attachent par un henindilfoluble un feul Erafm.incr.
homme avec une femme, font des loix pofitives j 6c qu'ainfi Dieu en a cw.H^ft.'^dK
pu difpenfer. Au refte comme je fais une Hiftoire, 6c non pas une Somme condi.de
de Théologie, je ne toucheray pas aux grandes queftions qui fe font fur ^Epiph.^'^"
le divorce -, par exemple, s'il eft encore permis aujourd'huy de répudier hxref. ^g.sc
une femme en certains cas ; fi l'adultère diftbut Jp mariage ; 6c fi outre Decretum!'^
l'adultère il peut y avoir de légitime caufe dé féparation. Cette matière patt.2. cauf*
fe trouve amplement traitée en plufieurs Auteurs. Nous conclurrons Beiiam. de*
donc ce traita des niariages des Patriarches , par l'examen de la Loy du Matrimonio„
Levirat.
X 2. CHA-
i64 H I S T O I R E D E S D O G M E S
CHAPITRE XXIIL
2)^ la Loi du Levirat,
Etre Loy du Levirat étoit telle : Quand un homme mouroit fans
enfans, 6c laiflbit fa femme veuve, le frère du défunt étoit obligé
d'époufer cette veuve de fon frère, afin que le premier fils qui vien-
droit de cette jonâiion portât le nom du défunt , fût réputé fon fils , 6c
fût héritier de fon bien j c'eft ce que la loy appelle fufciter lignée à fon
Vy ^l^^' frère. Et c'eft ainfi qu'on doit entendre ce qui fe lit dans le if.duDeu-
vîay fens. teron. Qjiand il y aura des frères demenrant enfemble , & cjue l'un d'^entr'^eux
viendra a mourir fans enfans ^ la femme dn défunt ne fe mariera f as Or^rni étran-
ger , mais fon beau-frwe viendra vers elle , & la prendra a femme ,. & l'^épou-
fera comme étant fon beau-frere ^ & le premier-né qu'^elle enfantera fuccedera an
lieu du frère mort ^ & portera fon nom y afin cjue fon nom ne foit éfacé à^Ifraél,.
Calvin qui avoit peine à digérer ce mariage d'un beau- frère avec unebel-
le-fœur , veut que par les frères on entende ôits proches parens : mais
hors des degrez qui font défendus dans le i8. du Levitique , cette glo-
fe ne fe peut foûtenir : La loy eft exprelTe , elle les appelle beaux-frcres &
belles-fœurs. Les Sadducéens qui' tirent à J. Ch. une queftion captieufe
touchant ces fept frères qui avoient époufé une même femme fucceffive-
'' ment, montrent clairement que le terme de frère fe doit entendre des
vrais frères: toute la tradition des Juifs eft pour cela. Enfin le fait d'O-
nan fils de Juda en eft une preuve inconteftable. C'eft le feul exemple
de ce droit du Levirat que nous voyons dans ce période de l'Eglife dont
nous écrivons l'Hiftoire, Juda avoit trois fils, Her, Onan & Selah. ÏI
^onna Thamar pour femme à Her fon aîné: cet homme étant méchant
Dieu le fit mourir fans enfans. Juda obligea Onan fon fécond fils d'é-
poufer la femme de Her pour lui fufciter lignée. Onan chagrin de ce
qu'il favoit que l'enfant que Thamar pourroit avoir de l,ui ne feroit pas
pour lui , fe corrompok en terre y c'eft-à-dire répandoit fa femence, afin
de ne pas engendrer lignée a fon frère. Cela déplût à Dieu, ôc cet Onan
mourut comme iox\ frère fans laifîèr aucun enfant. Juda allarmé de la
mort de fes deux fils , ne voulut pas fe hâter de donner à Thamar Se-
lah qui étoit le troifiéme de {&^ enfans. Il prit prétexte de difïerer à
caufe de fa jeunefië , & obligea Thamai' à demeurer veuve en atten-
• j^çjgdant.
la loy du Nous n'avons rien de plus ancien fur l'obfervation de cette loy : c'eft
fmtobfaîte pourquoi il eft abfolument impolîible d'en marquer precifément l'origine.
& inconnue Cependant comme nous ne voyons aucune trace de cette coutume dans
^ens ^^^ ^^ toutes Ics uations. Payennes j il y a apparence que quand Dieu fit fortir le
Philo jud. Patriarche Abraham de la Chaldée, il lui donnacette loi pour lui oc pour
lib., 7ffp/ fa pofterité feulement. Je dis que cette loi étoit inconnue entre les au-
fivÏÏe '^^' ^^^^ nations,. Il eft vray quç Philon Juif femble infinuër que cette coû-
iiobiiititç» tume
ET DES CULTES DE L'EGLISE. Part.l. 165
tume étoit établie par le droit des Cananéens , car il dit que Thamar
fut condamnée à époufer Selah par fentence des Juges dts lieux. EtSe-
rarius croit avoir trouvé quelque chofe dans les loix de Selon qui» reiTem-
ble à cette loi. Diodore le Sicilien dit que la loy de Soloncommandoit Diodot,
que quand une fille demenroit unique & héritière du bien d'aune grande malfon ^^y°^' '
le plus proche parent eât le droit de U demander en mariage & de l'*obtenir , Q'
pareillement que la fille eât le droit d'obliger le plus proche parent a P époufer.
Mais ce que dit Philon Juif eft fans preuve ; il eft même contraire au
texte de Moyfe, qui dit, que ce fut Juda qui obligea Gnan à époufer
Thamar, ôc qui ne dit point que Selah eût été condamné par les Juges
è époufer Thamar après la mort d'Onan. Ce que rapporte Serarius des
loix de Solon n'a rien de commun avec la loy du Levirat : car il s'agit
dans cette loy d'une femme veuve que fon beau- frère doit époufer ; &
dans la loy de Solon c'eft une fille héritière d'une maifon qui a le droit de
choifir un mari entre fes proches parens.
Les raifons d'une fi étrange loy ne font peut-être gueres plus faciles à trou- h io°°du^
ver que. fon origine. Voici ce qu'on en peut dire. Premièrement , Dieu Levim.
dit dans le Deuteronome qu'il établilToit cette loy pour empêcher le nom
du défunt d'être éfacé du milieu d'IfraëU Car c'étoit une grande male-
diélion dans les deux premiers périodes de la durée de l'Eglilé de mourir
fans enfans. Le Pfeaume lop. qui eft un amas des malediélions les plus
terribles, dit au 15. ir. que leur W"/^ fiif éfacé dans la race qui fsdvra. Se-
condement , Dieu dit que fon but eft de donner un fuccefleur au défunt ,
c'eft à dire un homme qui héritât dé fes biens. Cette raifon commença
d'avoh" lieu principalement après le partage de la terre de Canaan. Dieu
avoit affigné à chacun (a part , & il voiiloit que cette part demeurât dans
les familles fans être aliénée j de forte que quand la pauvreté obligeoit les
familles à vendre leurs fonds , elles y rentroient dans l'année du Jubilé.
Ainfi Dieu , afin que le nombre des familles ne diminuât pas , vouloit
que chaque chef de famille eût un fucceffeur : Ce font la les deux raifons
qu'on peut appeller civiles. Mais il y en avoit fans doute de morales 5c
de myfterieufes qui étoicnt les plus importantes 5 & ce font celles qu'il eft
bien difficile de pénétrer. Qiielques-uns difent que Dieu avoit deifeiiî de
rendre par cette loy les généalogies trés-diftinéles , afin que l'on fût
precifément de quelle race le Meffie devoir naître. Mais il n'eft pas ai-
lé à comprendre pourquoi cette loy étoit neceffaire pour rendre les généa-
logies diftinélesj car elles ne l'étoient pas moins en marquant preciiément
dans l'arbre de généalogie ceux defquels on décendoit par la génération
naturelle. D'autres dilent que N. S. J. Ch. a voulu naître de ces cou-
ches, qui dans l'ordre de la nature, & félon l'inftitution du mariage font-
irregurieres , pour faii;e voir qu'il ne prenoit pas à honte de naître despe-
cheurs. Tertullien en rend une raifon que jenecomprens pas, quia peé- De Mono-
cata patrum de filiis exigebantur ; parce que Dieu punifibit fouvent jes pe- ^^'"'^"^-^^
chez, des pères fur les enfans : comme fi Dieu eût voulu qu'on fufcitât
lignée à un homme mort, tout exprés afin d'avoir un fujet fur lequel il
pût faire décendre les peines que le défunt avoit méritées. Il y en a
d'autres qui eftiment que cette femme veuve étoit la figure de l'EglifeJu-
daïq^ueXaloy eft le mari mort fans enfans , car elle n'a rien .produit que
X ^ h '
La défcnfe
à un beau-
frere d'é-
poufet fa
bclk foeur
ne peut être
virât le
prouve.
îé6 HISTOIRE DES DOGMES
la condamnation. L'Evangile ell venu en fuite , & c'elt le frère de la
Loy, parce qu'il fort de la même fource,& a le même Dieu pour auteur.
Ce frère a fufcité lignée à fon frère, c'eft-à-dire que l'Evangile a fait ce
que la loy n'avoit pu faire j il a vivifié les hommes ôc les a fau-
vez.
Mais quelle que foit la raifon qui ait obligé Dieu à faire cette loy, je
ne laurois comprendre que cette raifon foit aflèz puiflante pour obliger
Dieu à faire une loy qui viole la loy naturelle. C'ell pourquoi je ne lau-
rois allez admirer la prévention des Théologiens, qui veulent que la dé-
une^ioy d£ feufc qui fe trouvc dans le i8. du Levitique d'époufer la femme de fon
foy^duLe- fr^re foit une loy naturelle , & non pas une loy polîtive. Les loix natu-
relles font fondées fur la Sainteté de Dieu même & fur fon eifencci 6c
l'on ne fauroit.s'en écarter, qu'on ne s'éloigne de la Sainteté de Dieu.
Ainlî je tiens que cette loy, qui défend d'époufer la femme de fon frère ,
n'eil qu'une loy polîtive, non plus que celle qui défendoit les divorces
Se la polygamie. Ce qui a porté plulieurs de nos Théologiens à établir
que ces loix étoient des loix naturelles 6c non pas pofitives, a étéledef-
fein de combattre plus fortement la liberté que fe donne la Cour de Ro-
me de donner des difpenfes pour les mariages dans les degrez défendus.
Mais il n'eft point necelTaire pour combattre cet abus de nous jetter dans
des difficultez dont on ne fauroit fe tirer. Afin qu'aucun homme n'ait
droit de difpenfer de ces loix , il fuffit que ce foient des loix divines qui
lî'ayent point été abrogées y & il n'eil pas neceOaire que ce foient des loix
naturelles, car ni l'Eglifè, ni aucun homme vivant ne peut donner difpen-
fe des commandemens de Dieu.
Puis quenousfommesfurlaloydu Levirat, il fera bon de faire là-deflus
des objfervations qui fe tirent tant du texte de F Ecriture, que de la tradition
des Juifs. I . Quand un homme mort fans enfans avoit plufieurs frères ,
l'aîné de tousétoit obligé de prendre la femme du défunt, 6c il n'étoit pas
dans la liberté de la femme de choifir qui bon luy fembloit entre les frères
vivans. a. Si le fécond frère meuroit auffi fans enfans, le troifiéme de-
voit fuccederj le quatrième au troifiéme j 6c ainfi des autres. Mais la fe-
mence qui naifibit delafemme étoit réputée femence de l'aîné , 6c non des
autres, quoi qu'ils fujiènt morts auffi fans enfans. 5. Si le mort n'avoit
pas des frères , le plus proche parent , à qui appartenoit le droit de retrait
pour les héritages, étoit auffi obligé de fufciter lignée à fon proche parent , en
retirant les fondsdu défunt qui avoient été aliénez. Cela paroît par THiftoire
de RuthôcdeBooz. Les deux fils de Noëmi éteient morts fans enfans,
€lle n'avoit plus de fils pour fufciter lignée au défunt : elle avertit Ruth de
follicitcr Booz de lui faire office de plus proche parent. Boozyconfent:mais
parce qu'il y avoit un autre parent plus proche que lui , il s'enquiert de ce plus
proche parent pour favoir s'il veut retirer l'héritage du mari de Ruth, &en
même temsépouferlaveuve pour donner lignée au défunt. Le plus pro-
che parent le refufe , ôc Booz accepte à fon refus. Il époufe Ruth , 6c
de ce mariage vint Obed père d'Ifaï père de David. 4. Je ne trouve rien
fur ce que ce frère ou plus proche parent étoit obligé défaire au cas que lui-
même fût marié. Mais il mefemble qu'en ce cas il ne pouvoit être obligé
à fufciter lignée à un autre, puis qu'il avoit déjà époufé une femme pour
'■ tra-
ET DES CULTES DE L'É'dtlSE. ParLl. 167
travailler à édifier fa propre maifon. f. Les Juifs obfervent que cette loy
duLevirat n'avoit lieu qu'entre les frères de père. Il efl commandé ^ dilënt-
ils 5 fAr la loy qu'un homme f renne la veuve de fin frère mort pour luy fufitter lignée j MaimoniJeS
mais cela ne fe doit entendre que des frères défère ^ foit cjue ce défpintfut marù'oH^^J^^^^^-
feulement fancé ^ s^il étoit mort fans lignée ^ c'^étoit ajfez.^ ceux qui n^étoiem fre- 6.sc(^.'i.' 7^
res que du coté de la mère étaient re^tez^ comme n'étant pas frères ^ foit en matière ^'
de fucceffion , fiit dans le droit de prendre la femme de fin frère : mais ils font com-
me rien , car iln^y a defratermtéque du coté du père.
Cela eft très conltanti c'eft pourquoi ceux qui prétendent fe tirer de îa En vain veut
difficulté des deux généalogies de J. Chrifl, l'une faite par S. Luc, & J^ex^es^dS
l'autre par S. Matthieu, oc qui font 11 différentes par cette loy du Levirat, généalogies
ne fauroient réùlîir. Ils difentqu'Efla femme de Matthan grand-pere de chrKâr
Jofeph eut deux enfans, l'un de Matthan grand-pere naturel de Jofeph, &iaioyduu*r
un autre de Melki. Le fils qu'elle eut de Matthan s'appelloit Jacob , ôc ce- ^"^'^*
lui qu'elle eut de Melki s'appella Eli. Ces deux frères n'étoientque frères
merins. Eli, dilènt-ils , mourut fans enfans } fon frère Jacob époufa fa
veuve, 8c luyfufcita lignée, favoir Jofeph mari delà Vierge Marie. Ce
Jofeph eft appelle par S. Matthieu le fils de Jacob, parce que Jacob ctoit
fon vrai père naturel, 6c par cette génération naturelle Jofeph décendoit
de Saîomon. Mais dans la généalogie que fait S. Lue, Jofeph efl appelle
fils d'Eli, ôc fa race décend de Nathan autre fils de David. C'eft,' dit-on,,
parce qu-e Jofeph étoit fils d' Eli légalement, & q ue Jacob avoitfufci ce lignée
ièlon la loy duLeviratàfonfrereEh. C'eft ce qu'ont dit tous les Anciens Eufeb.
fondez fur l'autorité d'Africanus. Cela va le mieux du monde y mais par ^t^l'f^
inalheur un feul mot renverfe tout ce bel édifice. Si ces Anciens avoient ' ' ' "
été un peu plus favans qu'ils n'étoient en antiquitez Hébraïques, ilsauroient
fu qu'il n'étoit pas permis aux frères utérins d'époufer les femmes de leurs
frères pour leur fufciter lignée.
6. Si le défunt avoit une fille, ou des enfans d'une fille, la veuve n'étoit J^^^,^'^^^''
pas obligée de faire fufciter lignée au défunt, & fe pouvoit marier à qui fecund.'leg,
bon lui fembloit. Si même il avoit un bâtard, pourvu que ce fût d'une JJ^°'^*°^*
femme Ifraëlite,^ on ne lui fulcitoitpasdefemence,: parce que les bâtards
dans les fuccefîions paifoient pour enfans légitimes. Voicy ce que difent Maimonid.-
les Juifs ; „ Ce qui efl dit dans la loy , & qm n'ait pas de s fils , doit êtreenten^ biî^c^î''"
j^ tendu, qui n'hait ni fils ni fille ^ ni femence de fon fils , nifemencede fafille^c.^^^-i-^'^
,., S'il a desenfmsou de cette femme ou d'une autre , la femme efi libre ^ n'efi ^'
y^ pas obligée a fe marier afin beau-fr ère, ou a déchaujfer fin foulier , quand mi-
,, me le fils eu h fille qu'ail aur oit ne feroient pas enfans légitimes &c. Mais fi
„ Penfant qu'ail a laifie efi ne d'une femme eficlave , ou d'aune étrangère, la veuve
^ n'' efi pas dégagée delà loy. Car l'enfant nàd''unefemme efclave ejf eficlave yd^ E"0d.2i. 4,
,, ceux qui fiontnez.d'^uné femme Pajenne font reputez, Pajens ^ & font contez, pour
,, rten. C'efi ce que veut dire la loy dansle chapitrej.àu Deuteronome.^.ci. Elle
,, détournera ton fils arrière de moj ^ c efl-a^dire que la fimence dî-unlfraelite con^
,, ^ué par une étrangère ^ n'^eft pas contée pour être de l'afièmblée d^Ifrael s & en~
5., core que le/ils né de la fervante ail été affranchi , ou que d^étranger & d'^infidé-
,j le il fût devenu projclyte, cependant il efi encore repr-iié étranger ^ & il efi dans
j, Petat des autres efclaves afir.wchis. <sy€infi cela ne décharge pas ta femme de
„ la necejfiué de fmre fufitter lignée a fin mari. Voilà la tradition des Juifs:
je
i68 HISTOIRE DES DOGMES
je ne fai fî elle eft véritable , mais elle n'eft guère apparence en ce qu'ils
dirent que le fils d'une Ifraëlite né d'une Payenne étoit réputé Payen.
Cïf qui 7' Si le défunt en mourant avoit laiflé fils ou filles, & que ces enfans vinf-
€.vemptoient fgijt ^ mourir incontinent après le père, le frère n'étoit pas obligé d'épou-
Levuï " fer fa belle- fœur pour fufciter lignée à ion frère mort: & même les Juifs
Maimoui- difcut, ejjt/un homnee qHt en rmurant iaijfe fa femme grojje ^ fi elle fait unefauf-
tlcs ibidein. y^ couche après U mort de fin mari^, enfin e que le fils tPatt pas vie , le heau-frere
de la veuve eft oblige de finfctter lignée a fin frère j mats fi le fruit vient vivant au
monde , ^ efi^il voye la lumière du, jour , encore qu'il meure au même moment ,
la mère eft déchargée de laneceffté de femarier a fin b eau- frère ^ ou de luy déchaufi
fer lefoulter. 8. Quand le frère aîné ne vouloir pas fufciter lignée à (on frè-
re, on s'adreflbit au frère qui fuivoit ; mais fi le cadet refufoit de le faire,
on le mcnoit à l'aîné, & il falloit qu'il fe mariât à fa belle- fœur, ou qu'il
Maimonid. fouffrît qu'on luy déchauffât lefoulier félon la loy. Si le frère aîné étoit allé
^^^^^&V' '^^y'%'^'^ ^^^ ^" autre pays y le cadet ne pouvoit pas dire ^ cela regarde mon frère
aine , attendez, qti'il fait revenu s mais on l'^obligeoit a épouferfa belle- foeur ; ou a fiuf-
frit qu'on luy déchaujfât le foulier: ce font les paroles de Maimonides. 9.
Pour la confommation de ce fécond mariage on attendoit tout au moins
trois mois, de peur que la femme ne fût grofle du défunt, ce qui fe pou-
voit connoître dans /èet efpace de tems. 10. Celui qui prenoit ainfî la
belle-fœur pour fufciter lignée à fon frère, entroit en pofleflion de tout le
bien du défunt, mais feulement comme tuteur de l'enfent qui devoit naî-
tre. S'il avoit plufieurs enfans de cette femme l'aîné feul étoit réputé fils du
défunt, & étoit héritier de tout. Si ce premier fils mouroit, le plus âgé
de ceux qui fuivoient, entroit dans fes droits, & il étoit réputé femehce
& enfant du premier mari de fa mère. S'il ne naiflbit qu'un fils , il étoit
réputé fils de l'une ôc de l'autre, ôc du défunt, & du père vivant: il en
étoit de même des filles.
On ne pou- H- H eft à remarquer, qu'au moins depuis la loy de Moyfê on ne pou-
voitforeei yoit forccr Ics parties à CCS mariages. Car avant la loy il femble par l'Hif-
tioSdeiliôi toire de Thamar, de Judaôcde fes trois fils, qu'on pût forcer un homme
du célibat, à époufcr la vcuve de fon frère pour lui fufciter lignée. Depuis la loy de
de délier' le Moyfc la chofc n'alla pas ainfi: Il étoit permis & au frère vivant & à la
foHiiei. femme veuve du défunt derefufer le mariage, mais fous quelques peines.
Quand le refus venoit du côté de la femme , elle étoit traitée comme une
femme rebelle contre fon mari : dans cette qualité, on la mettoit hors de la
"tJbifuprâc. maifon làns douaire. Maimonides a remarqué , que fi de plufieurs frères que
â. Sea. 10. p^fi mari avoit Uijfé ^ elle ne voulait pas accepter l^amé des furvivans ^ & préten-
dait choi/irPun des cadets^ cela ne lui etoit pas permis ^ parce que la loy ordonnoit
que ce fut l^ frère aine qui prit la femme de fin frère mort. Siîe refus venoit du
Deut. 2î. 7. côté de l'homme. Dieu ordonne comment on en. devoit agir. „ 5V/ ne
8- 5. 10. ^^ plaît pas a cet homme-la de prendre f à belle-fœur^ alors elle montera &. parle-
„ ra aux anciens de la ville &c. Et les anciens l' appelleront j & s''il demeure
j, ferme ^ fa belle-fœur s"^ approchera de luy en la prefence des anciens ^ luy déchauf-
„ fera le foulier du pié , luy crachera au vifage ; & prenant la parole , elle di-
j, ra j il fera fait ainfi a Phommequi n'^ édifiera pas la maifon de [on frère ^ é'fin
Maimonid. ,) nom fera appelle en Ifra'él la maifon de celuy a qui on a oté le foulier. Sur cela
buofc ^^^' ^"'^^^ difent , qu'ion apportait un foulier de cuir qui avoit un talon j qu*on
âeft. (f. 7. 8. ^»
ET DES CULTES DE UEO LISE. Part.l. 169
en ehaujfoit le fié droit di^ frère du défunt: il en lieit la coptrroye fur fin pie\ er
fa belle- fœnr & luy fe tenaient debout en U prefence des Juges. Tendant e^ue
Phomme appuyait le pie fur le pavé , la femme fe jettoit à terre , elle étendoit
fa main , déliait la courroye , arrachait le foulier & le jettoit fur la terre.
Quand elle était relevée , elle crachait fur la poufftere en la prefence de fan beau-
frere , ^ ilfallo.it que cela fût vu des fuges , c'^efl - a -dire que les fuges pufknt
zioir le crachat fartant de Ça bouche \ & alors elle prononçait les paroles qui font
ordonnées par la Loj. Au lieu que la Loy commande que la femme crache
fur le vifage de fon beau-frere , cette tradition des Juifs It fait cracher à
terre.
Il eft clair que felan l'intention de la Loy de Moyfe , c'étoit une note d'in- Du tems it
famie fur un homme & fur toute fa poflerité , d'avoir fouffert qu'on luy dé-gvoitpiu/
e-hauffât les fouliers, plutôt que défaire naître lignée à fon frère. Cepen- d'infamie \
dant il paroît par le livre de Ruth , que la note d'infamie avoit celTé , ôc cLufîh )r
que cette coutume étoit devenue amplement ^un figne de la renonciation fouiiei.
que l'on faifoit au droit de retrait, & du tranfport que l'on faifoit de ce droit
au plus proche parent. Car le droit de retrait , qui eft encore demeuré en>-
tre les Chrétiens , & qui appartient au plus proche parent , étoit en ce tems-
là annexé à la necellité d'époufer la veuve du défunt pour luy fufciter li-
gnée. Cela eil clair pai'l'Hiftoire du livre de Ruth: Booz fit appeller de-
vant les anciens de la ville celui qui avoit le droit de retrait lignagcr, pour les
biens d'Helimelec 5 ôclui demanda s'il vouloit retirer l'héritage du défunt
qui avoit été engagé. Il le voulut bien; mais Booz ajouta, fâche qu''aujoKr
que tu rachèteras &retireras l'héritage d^Heîimelec ^ tu feras aujfi obligé de pr^ndn
fa veuve pour fufciter lignée -au défunt. Cette condition ne plût pas à ce pro-
che parent^ ÔC il dit , je nefaurois^ de peur de dtjfiper mon propre héritage. Sur
cela l'auteur ajoute : Or c'^étoit une coutume de tout temsenlfa'ei ^ qu'en cas de Rutli, 4.jp,
droit de retrait lignager ^ de fubrogation ^ pour confirmer la chofe, l'homme dé-
chaufoit fon foulier & le donnait a fon prochain ; & c^la étoit pour atteflation en
Ifraél. Ou cette coutume n'étoit pas la même, ou la cérémonie en étoit
fort changée: icicen'eft pas la femme qui déchauflè, c'efl celui qui a le
droit de retrait pour l'héritage, 6c le droit d'époufer la femme du défunt
qui fe déchaufle lui-même , 6c qui donne fon foulier à celui auquel il tranf^
porte fon droit : -dans ce lieu ce déchauflement efl un fimpk figne de confir-
mation, maisdanslaloyduDeuteronomec'étoit une aélion qui imprimoit
note d'infamie. Quoi qu'il en foit , quand cette cérémonie de déchaufier le
foulier étoit faite , le Juge en donnoit aéte aux parties , £c ia femme fe tour-
noit vers le plus proche parent du défunt après celui qui avoit refufé, & fi
tous refufoient, elle leurdéchauflbit le foulier à tous , ôc étoit libre de fe •
remarier à qui bon lui fembloit.
Il faut remarquer pourtant, que le beau-frere n'étoit pas obligé en toutes circonâan-
occafions de prendre la femme de fon frère , ou de fouftrir qu'on luy déchauf- qudterk^^'
sât le {bulier, par exemple, quand la veuve étoit vieille ôc hors d'âge d'à- loy du Lcvi-
voii' des enfans, quand elle étoit notoirement fterile, quand elle étoit im- J^jy^j^tp^"
pudique ou convaincue de quelque crime atroce , le beau-frere étoit en droit
de reprefenter cela aux Juges, 6c on le difpenfoit d'époufer fa belle-fceur
fans déchaufier fon foulier. Au refie il femble que du tems de Juda, de
Her 6c d'Onan, la coutume de déchaufier le foulier, quand on ne vouloit
Y pas
i-jo HISTOIRE DES DOGMES
pus lufciter lignée à fon frère , n'étoit pas encore établie -, car autrement
Onan,qui ne vouloir pas coucher avec (li bellc-fœur pour faire naître lignc'e
à fon frère, eiit pûs'en difpenfcrenfelailTantdéchaufîerparTharaar. On
pourroit dire peut-être que l'autorité de Juda, qui étoit le père, empêcha
Onandefefervir de ce privilège. Mais il y a plus d'apparence, qu'alors
Dieu n'avoit pas encore donné cette difpenfe. Les familles des Patriarches
n'étoient compofées que de peu de gens , afin qu'elles multipliaOent bien-tdr.
Dieu impofoit aux vivans la necefîité de faire naître lignée au défunt. Mais
quand le peuple fut multiplié , Dieu relâcha de cette rigueur , Se laiiîà la cho-
ie à peu prés dans la liberté de ceux qui y étoient intereflez. C*eft aflez, par-
lé du Levirat, & en gênerai des fingularitez des mariages des Patriarches.
CHAPITRE XXIV.
De la àefenfe de manger dufang. Examen de la queftion ^ favoir
fi on mangeoit la chair des animaupQ avant le dékge f
Gea. 9- 4.
Faux fcns
des Juifs
touchaRt la
J
E ne fai plus rien qui regarde la Religion du premier monde, que la
défenfe de manger du fang : elle fut donnée à Noé en ces termes , Fom
ne mangerez, pas de chair avec fon ame^mefi fon fang. La plupart des Hé-
breux expliquent ce commandement d'une façon aflez extraordinaire. Ils
prétendent queDieu ne défend aNoé autre chofe que de prendre un. membre
coupé de delTus un animal vivant pour le manger : c'efl pourquoi ils propo-
fent ce précepte dans cette forme, fftper membrum ^ ww, touchant le raem-
defcnfe de brc arraché OU co'jpé à un animal vivant. Ils difent donc que les Noachides
iTng.^^^ " pouvoient manger du fang impunément ôc fans crime , mais qu'il ne leur étoit
pas permis de manger ni de la chair , ni du fang d^un membre coupé d'un ani-
mal pendant qu'il efl vif. Entre les autres raifons que Maimonides donne de
MaiîTionid. ccttc défenfc , il rendcelle-cy, c'eft que les Rois des Payens avaient accoutu-
MoieNevo- mé de faire cela dans le fervice de leur idole \ ils convoient un membre deVanimaly
%^.\%? ^ ^^ mangeaient. Je ne fay où Maimonides avoit trouvé cela j mais cette tra-
dition n'eft pas venue jufqu'à nous. Bien que cette opinion foit la plus reçue
entre les Juifs, c'elf pourtant celle qui a le moins de vray-femblance ; aufli
y-a-t-il quelques Juifs qui ne la fuivent pas, 6c qui tiennent que cette défen-
îe donnée à Noé regarde toute forte de fang, dont l'ufage étoit défendu
dans ks repas. Cela eft clair par le décret du Concile des Apôtres, qui dé-
fend aux Noachides , c'eft- à-dire , aux Gentils,.de manger des chofes étouf-
fées , & qui leur commande de s'abftenir du fang. Qiiand même par le fang
il faudroit entendre la défenfc du meurtre, ce qui eft aflez apparent, le com-
mandement de s'abftenir des viandes étouflPées fait aflez voir, que le fang
étoit abfolument défendu par laloy des Noachides , à laquelle les Apôtres
veulent que les Payens convertis fe foûmettent.
On ne peut faire là-defllis qu'une difficulté, c'eft que fi cette défenfe de
manger du fang,donnée àNoé,ûoit être expliquée comme nous l'expliquons,
tous les hommes enfans de Noé ont été obligez à Tobfervation de cette loyj
Scparconfé^uent les Payens, t^ui n'ont fait aucun fcrupule de manger du
fang
ETD ES CULTES DE L'EGLISE. Parti. lyi
(âng, auroientencela commis un péché, ce qui n'eft pas vrai-femblable. si tous le»
Et même il paroît que cela n'eft pas : Dieu dit dans la Loy , P^ous ne marne- ^ecendans
/•(??. 0/ aucune chair morte a elle-même , mais tu la bailleras a l'étranger qm ejt de- été obliges
4ans tes fortes & H la mangera j ou tu la vendras a~f étranger. Par ces bêtes 4^ s'abfteaic
mortes d'elles-mêmes il ne faut pas entendre des bêtes mortes de maladie j Deut. ï*.
la chair n'en eft pas bonne à manger, on la jette à la voirie. LeLegiflateur *''
parle de ces bêtes qui avoient été étouffées par quelque accident , & dont
le fang n'avoit pas été épandu. Nous voyons donc qu'il permet icy aux
Payens , & même aux profelytes , de manger de la chair avec Ton fang,
C'eft ce paiîage qui a donné lieu aux Juifs d'interpréter la loy donnée à Noe
feulement du membre arraché à un animal vivant. Mais il vaut mieux dire
c[u'entre les Commandemens que Dieu avoit donnez à cette EgUfe , il y en
avoit quelques-uns de moraux, ëc d'autres ceremoniels. Les moraux ont
été donnez à Noé & à fes enfans , pour les obhger & eux ôc leur pof-
terité , afin qu'ils fuflent jugez félon ces commandemens. Mais pour
ce qui eft des commandemens ceremoniels , tel qu'eft la diftinétion
des animaux nets & fouillez , la Circoncifîon donnée à Abraham 6c la dé-
fenfe de manger du fang, ils n'ont pas été donnez aux Patriarches à def-
fein d'y obliger toute leur pofterité ; mais feulement pour être obfervez
par cette partie de leur pofterité que Dieu avoit choifie pour compofer foo
Eglife. C'étoit un commencement de diftinélion & un prélude de la loy
cereraonielle,que Dieu vouloit donner à (on peuple pour le diftinguer de tou-
tes les nations de la terre j ôc il voulut que cette diftinélion commençât à
paroître dés le tems des Patriarches. Ainft quand Dieu ordonna la Circonci-
iîon à Abraham, ce n'étoit pas à intention que toute la pofterité d'Ifmaël 8c
les enfans de Ketura gardaflent cette loy , comme fi pour l'avoir violée Dieu
voulût lesreputer criminels. C'étoit un fceaurefervé pour le peuple auquel
l'alliance étoit deftinée : 6c quoi que les Arabes, décendus d'Abraham par ^t^
concubines , ayent toujours confervé l'ufage de la Circoncifion , ils l'ont fait
fans y être obligez, Ôc ce n'étoit entr'eux qu'une cérémonie fans efficace'. li
faut dire la même chofe de la défenfe de manger du fang : elle fu t donnée à
Noé, non pour être commune à tous fes décendans, mais pour être parti- .
culiere à ceux qui fe voudroient diftinguer par la crainte de Dieu , ôc par l'ob-
fervation de fes loix.
Cette défenfe fut réitérée diverfes fois dans la Loy de Moy fe.Les Hébreux Levit. 7. cf.
font une obfef vation fur la manière dont Dieu défend de manger du fans: dans ^ ^*-
le chapitre 1 7. du Levitique : c'eft qu'il yjoint une menace de mettre la face Pourquoi
contre celui qui violeroit cette défenfe: Quiconque delà famille d'/fraèL ou pieu défend
j / w. • ^^ ^ j ' 1 r r ■ 1 ufage du
des étrangers jejournant farmt eux , aura mange de quelque Jang que ce jott , je fang fous Is
mettrai ma face contre la perfonne qui aura mangé du fang. Ils difentque cet- ™ême^pei-^
te menace de mettre fa face contre un homme ne Te trouve que dans une autre fend ridoii^
loy où Dieu défend d'offrir (es enfans àMoloch. Dieu dit , je mettmi m.i *"^-.
face contre celui qui mange le fang ^ comme il dit de celui qui immole fon fis a Mo- 10.
loch , je mettrai ma face contre cet homme-la : (fr cette fa^on de parler ne fe trou- ^^™*'"''
ve en aucun autre commandement que dans ces deux-ici touchant Pidcktrie & le fang . Nevokim
C^efi que cette aBion de manger du fang regar doit queUju'unedes efpéces d'idolâtrie ^^' ^'^' ^^'
& donnait occafîon au culte des démons. C'eft ce que dit Maimonides, qui
nous apprend dans le même lieu , que cette idolâtrie, à laquelle l'adion de
Y 2. mao» '
Là même.
iji H I S T O I R E D E S D O G M E S
manger du lang donnoit occafion , eft le culte des Sabiems ou anciens
Chaldcens , dont nous avons déjà touché quelque chofe dans le chapitre
des Sacrifices. Bien que les Sabiens , dit-il , regardent le fang comme une
chofe extrêmement, impure çjr fouille'e , cependant ils en mangeoient , a caufe
Le fa^ig eft ati'tls ejiimoient que c'était la zliande des Dieux ; & ils croyaient que celui
b viande (te^ ■ ^^^ mangeait avait quelque communie atian avec ces Dieux ^ & qu'ils luy
découvraient les chofes a venir. Il y avait entreux des gens aufquelsilfembloit
à.ur de manger du fang , parcf que la nature humaine abhorre naturellement
cela: & voici de quelle manière ceux-ci en usaient. Ils s*aj[éoient en rond
pour manger le fang , non qt^ eux-mêmes le mangeajfent , mais ils s'imagi-
naient que durant qu'ails mangeaient la chair , les Dieux, mangeaient le fang ^
dr que par ce moyen les hommes conîraUoient alliance avec eux ^ & entroient
en commerce Q^ familiarité en mangeant a la même table. & de la même vian-
de. C'ell la raifon, difent les Juifs , pourquoi Dieu défendit auxNoa-
chides de manger du lang. On fera, tel, cas que l'on voudra de cette tra-
dition : pour moi je n'en voudrois pas être garant ; & j'aime mieux croît-
re que la principale raifon pour laquelle Dieu défendit de manger du fang
eil celle que i'ay expliquée dans le chapitre des Sacrifices ; c'ell; que le
' fang eft l'ame, c'ell-à-dire le fiegc de la vie, êc que Dieu s'eft refervé
le lang pour la propitiation. Peut-être que cette raifon a quelque rap-
port avec la penfée que Maimonides attribue à ces anciens Chaldéens,
que le fang eft la viande des Dieux, c'eft- à-dire qu'ils en repaiftent leur
juftice 6c leur vengeance. Et c'eft auffi la. raifon pourquoi la Loy défend
le fang avec la même menace qu'il défend l'idolâtrie , c'eft qu'en déro-
bant à Dieu l'eftlifîondu fang on lui deroboit un culte qu'il s'étoit- ap-
proprié,
©brervations «Sur cett€ défsnfe de manger du fâng îès' Juifs- font un grand nombre
àiveifesdes de mcnuës obfervations que je. ne rapporterai pas ici. Ilsavoientunfoinex-
5ch/ch"u.^ trêrae d'égorger leurs bêtes,, 6c de les égorger en forte qu'il ne reftâc
point de lang entre, les chairs. On peut lire ces précautions dans un traité de
nPN'Tiî'. Maimonides intitulé Szhechita^ c'eft- à-dire maUatio vel modus maBandi-^
qui fait une partie de fon grand ouvrage, dans lequel il a abrégé le Tal-
mud, êc renfermé tout le droit civil & canon des Juifs. Il cherche du
myftcre dans ce que la Loy dit , car la vie de l'animal efi dans fon fang: ô£
diftingue deux fortes de fang?,. l'un, qui en fortant emporte avec foy la
vie: c'eft celui, qui, fe répand, ,^ 6c qui coule avec impetuofité quand on
égorge un animal: celui qui mange de ce fang , eft digne félon eux de
la penie de Kereth ou de retranchement. Mais celui qui boit du fàng qui
diftille après que la bête eft morte, ou de celui qui fort à la première ou-
verture de la pkye devant que l'animal rende l'ame , ou commence à
mourir, n'eft châtié que du. fouet. Ils entendoient que ce fang, qu'il
n'étoit pas permis d'avaler, devoir être feparéde l'aniraal^car ils ne vouloient
pas qu'.un homme fût criminel pour avoir avalé le fang diftillant de (es
gencives offenfées, parce que ce fang ne devoir pas être confideré comme ié>-
paréde l'homme. Si l'on.: veut voir de femblables obfervations , on les peut
trouver dans \ts commandemens affirmatifs & négatifs dans les livres d'un
Rabbin appelle Moyfe Micotfi , . defquels Genebrard nous a donné laver-
fiou à la lin de fa Chronologie..
Cette
ET DES CULTES DE L^EGLISE. Tart.l. iji
Cette défenfe de manger du fang reçût un grand crédit entre les Chrê- ^^r. i^,
tiens par le Concile des Apôtres, qui la mit entre les cérémonies aufquelles Raiionspoui-
ils voulurent que les Payens convertis fe foûmilTent. Il ne faut pas cher- «es'dant^""
cher la raifon de cela dans l'importance de la chofe^ car cette cérémonie ieu>: Condk
n'a rien de plus important que mille autres dont les Apôtres permirent l'uflge'JST'^
l'abrogation. Il n'en faut pas chercher non plus la raifon dans fon anti- ^^"S-
quité \ car les facrifices Ibnt encore plus anciens que la défenfe de man-
ger du fang : & par cette raifon il auroit fallu permettre aux Payens con-
vertis de conferver la coutume de facrifier. Il ne faut pas même attri-
buer cela à la grande horreur que les Juifs avoient pour le fangj & à la
condécendance que les Apôtres eurent pour eux: car ils n'en avoient pas
moins pour la chair de pourceau , dont pourtant l'ufage ne fut pas défen-
du aux premiers Chrétiens. Mais les Apôtres eurent égard fimplement
à cette tradition des Juifs , que cette défenfe de manger du fang faifant
partie de la Religion àts Noachides , ils eftimerent qu'on ne pouvoit
moins faire pour ne pas cabrer les Juifs, que d'obliger ces nouveaux con-
vertis à obferver, au moins durant quelque tems, ces préceptes qui fai-
foient la Religion des anciens Patriarches.
Quoi qu'il en foit, ce décret des Apôtres eft eaufe que tous les Chrê- gÊs'&m**
tiens durant un aflèz long-tems ont fait fcrupulede manger du fang 6c des hometans' '
chofes étoufées. L'Eglife d'Occident s'eft enfin délivrée de cette fuperf- "^"^rST
tition. Mais les Grecs n'ont pu s'en défaire \ 6c encore aujourd'hui ils fang.
ne mangent point de fang. De la Religion des Grecs cette coutume eft
paflee dans la Religion de Mahomet,, qui a fait un mélange du Judaïfme
'& du Chriftianifme.
La tradition des Juifs dit que ce commandement , qui eft le feptiéme Qûeftio!rfî_
de ceux qu'ils appellent préceptes des Noachides , ne fut donné qu'à Noé, dehSI^
oc que les iîx premiers avoient été donnez à Adam. Cela donne lieu à avant k dé-
une queftion qui fefait, fàvoir fi avant ie déluge il étoit permis de maiv "^^'
ger la chair des animaux. Les Hébreux difent que non , parce que Dieu
dit à l'homme dans le paradis terreftre, Voici je vous ay donné toute loerBe Gen. 21. 2g.
portant femence.^ &' tout arbre portant fruit ^ ce qui vous fera pour viande. Ne
parlant pas des animaux, on prefuppofe qu'il nepermettoit pas aux hom-
mes d'en manger: au- contraire Dieu dit à. Noé, Tout ce cfui fe meut ayant Gen.t». s,
vie, vous fera pour viande^ je vous ay donné le tout-comme l^herhe verte ic'tïk.
à dire , je vous accorde aujourd'hui tous les animaux pour vôtre nourriture,
comme au commencementj'avoisdonnéàvos pères les herbes 6c les fruits.
D'autre part il y a beaucoup de grands Auteurs 6cdetreshabil€sgens,qui
croyent que dés le commencement du monde il a été permis de manger la
chair des animaux Les Anciens 6c les Modernes font partagez fur cette
queftion. Il n'y a pas de Commentateur fur la Genefe, ni de Somme de
Théologie , o\i on ne trouve cette matière traitée : c'eft pourquoy je ne
m'y arrêterai pas long-tems > je dirai feulement en peu de mors ce que je
fQnÇç; là-deflus. i. Durant l'état d'innocence, il eft certain que l'hom- Adam inno-
me ne devoit vivre que des fruits de la- terre j la mort des animaux 6c l'ef- pafmaEgT'^
fufion dufâng avoient quelque chofe de répugnant à cet état. L'homme de viande,
ne dcvoit jamais mourir , aufii ne devoit-il jamais donner la mort à aucun
animal vivant. Il avoitété placé dansle jardin d'Eden, pour le cultiver,
Y? &
174 H I S T O I R E D E S D O G M E S
& pour y vivre de Tes plantes ôc de Tes fruits. Cela eft clair, ce me fem-
UâfiLîîomil. ble, 6c ne peut être difputéj 6c même l'opinion de S. Bufile, qui a été
hemeron"' cmbrafféc par Toftat , n'eil pas fans apparence de vérité : c'eft que dans
Toftat. in cet état d'innocence les animaux ne fe feroient point donnez la mort les
"Kf'r uns aux autres, ils ne fe feroient point déchirez , 6c n'auroient point vécu
de la chair des animaux foibles, comme font aujourd'hui les loups 6cles
lions, 6c les autres bêtes qui vivent de proye:ils auroient mangé de l'her-
be 6c des fruits, comme ils firent dans l'Arche de Noé.
Dieu jpiés 2. Je ne voi pas qu'il y ait lieu de croire, qu'après la chute de l'hom-
lachûicd'A- j)- ^ ^-^^ donué aux hommes qui ont précédé le délus^e lapermilïïon
dam ne don- , -.i-i • • i » r, '^ } ,
na pas de de manger la chau-dcs animaux, puis que cela ne leur eut pas ete permis,
«rSiSTe s'ils fuflênt demeurez dans l'état d'innocence. L'homme, au lieu d'avoir
manger de la perdu par fa cliûtc une partie delà domination que Dieu lui avoit donnée
ehâir. ç^^, j^g animaux, y auroit gagné quelque chofe, {es droits auroicnt été
'Dieu donna augmentez, 6c les privilèges amplifiez, ce qui n'ell pas apparent. 3. Ce-
une permif- pendant je ne trouve pas vrai-femblable que le monde ait été feize cens
mange'" df ans , c'eft-à-dirc depuis Adam jufqu au déluge, fans goûter la chair des
laviande, auimaux. Le vice des hommes du premier monde étoit la luxure, l'im-
wktmcl pieté 6c la débauche 5 6c c'eilTelprit de ce vice defe tourner de tous c©--
tez pour chercher des délices : c'eft pourquoi il n'eft pas apparent que ces
hommes voluptueux n'ayent pas tenté de goûter de la chair des animaux;
6c en ayant une fois goûté, 6c l'ayant trouvé bonne, il eft aftéz difficile
à croire qu'ils s'en foient abftenus. Je ne croi pas même que les enfans
de Dieu ayent été tout ce tems fans manger de la chair : le métier d'A-
bel , qui étoit berger , 6c qui vivoit apparemment de fon troupeau , 6c
les facrifices de bêtes que les Saints faifoient à Dieu, me perfuadent af-
fez qu'ils mangeoient la viande de ces bêtes. 11 eft certain qu'ils fe vé-
toient de leurs peaux , 6c Dieu leur en avoit donné l'exemple , en faifanc
à Eve 6c à Adam des habits de peaux. Or il n'y a pas d'apparence qu'a-
prés en avoir pris la peau , ils regardaient le relie comme étant de nul
ufage. 4. Je croi donc que Dieu ne donna aucune permifîion exprefte
aux hommes de manger la chair des animaux après la chute d'Adam.
Cela auroit fervi à confirmer l'homme dans le péché, 6c à lui perfuader
que fa faute étoit légère , puis que Dieu lui auroit donné un empire fur
les bêtes plus grand que -celui qu'il lui avoit accordé dans le tems de fon in-
nocence. Mais la providence de Dieu, qui n'avoit pas fait tant d'ani-
maux 6c tant de délices pour être inutiles, permit que l'homme fans per-
mifîion entreprît de manger de la chair des bêtes. Et je ne croi pas que
les hommes ayent rien fait en cela contre le commandement de Dieu:cai
Dieu ne leur avoit pas défendu de tuer les bêtes pour les manger, feule-
ment il ne leur en avoit pas donné une permiffion exprefiè. Mais-aprés le
déluge, parce qu'il traitoit avec Noé une nouvelle aUiance, il donna aux
hommes une permiffion expreffe 6c nette de faire ce qu'il avoit feulement
foufferc 6c toléré avant le déluge. Ceux qui croyent que les faints hom-
mes ne mangeoient point de la chair des animaux, en apportent pour preu-
ve divers palFages des Poètes 6c des auteurs Payens , qui difent ce que
dit quelque part Ovide.
ET DES CULTES DE L'EGLISE. PartA, ï/f
At vetHsilla atas, ctii fecimns amea nomm ,
Fœtibus. arboreis . & qfias humas eàucat herhit, P'vid.M€-
tort final a fuit , nec follmt or a crmre^
Heu ! quantum fcelus eji in vifcere vifcera condi !
Mais cela eft bien foible : car 11 cette tradition des Payens efl fondée fur
quelque vérité, cela doit être rapporté à l'état d'innocence, qui eflle vé-
ritable âge d'or des Poètes. Or il eft vrai que dans cet ét^t l'homme
n'auroit point tué les animaux pour les manger.
CHAPITRE XXV.
Combien a duré ce premier période de fEglife , dont nous venons de
faire fHiftoire.
Abrégé du Syftéme des Tre-Adamites. ^
DAns ce premier période de l'Eglife, dont nous venons de faire l'Hif^
loire Ecclefiaftique, c'eft- à-dire, l'Hifloire de fes cultes & de fes
dogmes, il y a quantité de chofes fort fingulieres, dont chacune
mériteroit d'avoir ion Chapitre: par exemple l'Hifloire de Caïn&d'Abel,
la longue vie des premiers hommes , qui vivoient prés de mille ans, les
geans nez de l'alliance àt^ fils de Dieu , avec les filles des hommes , Noé,
l'Arche, le Déluge, la Tour de Babel, la divifion des Langues, ladii^
perfion i^ç,^ familles dans toutes les parties de la terre , & plufieurs autres
chofes femblables. Mais pour bien des raifons nous n'en parlerons pas 5,
il faut fuivre fon deflein , & tendre à fon but fans s'écarter. Nous avions
deffein de parler des chofes Ecclefiaftiques de cette première Eglife , de
fes dogmes & de fon culte > nous en avons dit ce que nous en avons pu.
découvrir. Ainfi nous avons fait ce que nous avions deflein de faire 5
toutes ces fingularitez font hors des bornes de nôtre fujet, 6c apartiennent
proprement à l'Hiitoire civile du premier monde. Outre cela, on ne peut
plus dire là-deflus que des chofes que tout le monde fait, tant ces fujets
ont été remaniez de fois. Il n'y a point de Commentateur fur la Gène-
fe qui n'en parle , point de Sommiile qui n'en traite, fans conter tous
ceux qui ont écrit des matières de Critique facrée , qui n'ont pas ou^
blié celles-cy comme les principales. Il y a cependant une chofe que
nous ne faurions pafler.
La Chronologie eft l'ame de l'Hiiloire, tant Ecclefiaftique que Civi- DeiaChroi
le. Il faut donc pour donner de la lumière à nôtre Hiftoire Ecclefîafti- J^j^g'^sc
que du premier période de l'Eglife, dire quelque chofe d'une grande quef- des tems
tion de Chronologie, qui divife l'Occident de l'Orient, l'^life Latine ^^^^'P^^J^'e*
de l'Eglife Grecque 5 c'elt touchant la durée de ce premier période du
monde ôc de l'Eglife, depuis Adam julqu'à Moyfe. Les uns le font de
Hr4'
L'Auteur de
•la feue des
Ïrc-Adami-
tes.
Hiôohe
abrégée d'I-
faac la Pc-
176 HISTOIRE DES*DOGMES
24f4. ans ou environ , parce qu'ils fuivent le texte Hébreu : & les autres
en iuivant cette célèbre verfion Grecque , qu'on appelle des Septante,
font cet efpace plus long de 1440. ans; ôc ainli ils content depuis la Créa-
tion jufqu'à la fortie d'Egypte 5894. ans. La différence eftprodigieufe,
& mérite bien qu'on y fafle quelque reflexion.
Les Grecs font donc le monde plus ancien que les Latins de prés de
If 00. ans. Mais depuis if.ou 30. ans, un Auteur aflczpeu connu s'eft:
avifé d'avancer un paradoxe beaucoup plus grand ; c'eft que le monde eft
beaucoup plus ancien que tout cela , qu'Adam n'ell pas le premier hom-
me, & qu'avant luy il y en a eu une grande multitude d'auti-es. On pré-
tend que cet homme s'eft fait le chef d'une feébe , à laquelle on donne le
nom de Pre-Adamices , il a fait un Syfteme de Théologie pour immor-
talifer fon nom 6c fa mémoire: & peut-être ne fera- t-on pas fâché de trou-
ver icy l'abrégé de fon Hiftoire, ôc celuy de fon Syfteme.
Son Livre parut d'abord fans nom d'Auteur : mais depuis cet homme
s'eft découverJ: luy-même, & nous a appris par un petit écrit imprimé à
Francfort en l'an i6f8. ôc fon nom , & une partie de fes avantures. Il
s'appelloit Ifaac la Pereyre natif de Bordeaux j il étoit l'un des domefti-
ques de Monfîeur le Prince de Condé, durant fa retraite en Flandres; &
je^penfe qu'il étoit un de fes Secrétaires. Cet homme ayant mis fon Li-
vre au jour, l'ouvrage fit grand bruit dans les Pays-Bas ; on chercha l'Au-
teur, on le découvrit, 6c il fut arrêté à Bruxelles au mois de Février
16 f 6. en vertu du décret du grand Vicaire de l'Archevêque de Mali-
nes. On le mit en prifon, où il fut long-tems. Monfîeur le Prince ne
fe voulut pas mêler de fes affaires, pour ne pas offenfer le Pape. La
Pereyre, qui avoit fait jufques-là profefîion de la Religion Proteftante,
voyant que fes affaires alloient mal, 6c n'ayant d'ailleurs aucun amour pour
la vérité, changea de religion, 6c obligea Monfleur le Prince d'écrire au
Pape , qu'il fe remettoit entre fes mains , luy 6c fon Livre , 6c- qu'il luy
demandoit grâce. Il obtint la grâce qu'il demandoit par l'interceflion
du Prince Ion Maître; il fut élargi, 6c en fuite il mit au jour uneefpece
de manifefte, par lequel il rend raifon de fon changement de religion, 6c
de la raifon qui Favoit obligé à renoncer à fon hypothefe des Pre-Adami-
tes. Il joignit à cela une lettre au Pape Alexandre VII. où il luy fait
l'Hiftoire de fon Livre , 6c luy demande pardon de l'avoir mis au jour.
Apparemment il n' avoit avancé fon paradoxe, que pour fe divertir,
6c pour attirer contre luy les plumes de tant d'Auteurs , qui ne cherchent
que matière à écrire. Il eft arrivé à fon but. Il a eu le plaifir de voir qu'on
a refuté fon Livre dans toutes les formes, 6c qu'on a fait d'unfonge, qui
paflbit pour fonge dans l'efprit de fon Auteur , une affaire ferieufe 6c im-
portante. Il eft vrai, que s'il a eu delTein de tromper, 6c de perfuader
aux gens, qu'il étoit en effet dans le fentiment qu'il avançoit , iJ ne pou-
voit mieux s'y prendre ; car il paroît agir de la manière du monde la
plus ferieufe; il prouve, il réfute, il difpute, il s'appuye de l'autorité
des écrivains facrez 6c profanes ; 6c fur cette hypothefe il fonde même
un nouveau(^yfteme de Théologie. Je n'ay pas deflein de le réfuter, il
n'en vaut pas la peine. Ainfi je me contenterai de donner une courte
idée de fon hypothefe, en faveur de ceux qui n'ont jamais ]ù. fon Livre,
6c qui peut-être ne le liront jamais. i. Il
ET DES CULTES DE L^EGLISE. F^M. ^77
I. Il fuppofe donc premièrement, que le monde a été créé en fîx jours Att«çé(ta
jfèlon l'Hilloire de la Genefej que l'homme, c'eft-à-dire, refpece hu-^^^^j
mainc fut créée avec tous les autres animaux -, que dans le même jour Dieu des Pte Ada-
la ût à Ton image & femblance , & qu'il luy donna la domination fur ""^"*
toutes les bêtes : mais que cette efpece humaine n'étoit point renfermée
dans une perfonne linguliere, ou en deux, comme on fe l'imagine. Il dit,
f|U€ Dieu créa des hommes, par tout où il y avoit de la terre propre à
être habitée, de forte que bien loin que les hommes foicnt fortis d'une
même tige , il prétend qu'ils font venus de mille & mille fources dif-
ferentes.
z. Selon luy la création de l'homme, dont il efl parlé dans le fécond
chapitre de la Genefe , efl toute différente de celle dont il eft parlé dans
le premier chapitre du même Livre. Dans le premier chapitre Moyfe
parle de la création des hommes en gênerai, qui furent faits dans toutes
les parties du monde 5 ôc dans le fécond il recite la création d'Adam &
d'Eve, qui fiirent deuxperfonnesfingulieres ôc différentes de tous les au-
tres hommes.
^.11 fuppole qu'entre ces deux créations , Tune de Tefpece de l'homme,
qui fe fit au commencement par toute la terre 5 & l'autre qui efl celle d'A-
dam & d'Eve , qui fe fit dans l'Orient , & prés de la Chaldée , il y
a peut-être desfiécles innombrables : tellement que quand Adam fut créé,
il y avoit déjà un tems prodigieux que la terre étoit peuplée j il y avoit
déjà des Royaumes, des Etats, des Empires 6c des Loix, comme il y en
a eu depuis.
4. Dans la première création Dieu fit re{j:^ce du genre humain , non
feulement raifonnable, mais exempte de péché} ayant pourtant en elle un
principe de dérèglement & de defordre, c'efl la matière & la chair. Les
hommes ayant été créez en cet état , Dieu les laiiîà dans la main de leur
confeil : de forte qu'incontinent ils s'abandonnèrent au penchant où la
chair , & la matière les trainoit , & commirent toutes les adions crimi-
nelles que l'on commet dans le monde depuis tant de fiécles.
f . Dieu en les créant ne leur donna aucune Loy : or où il n'y a pas de
Loy , il n'y a pas à parler proprement de péché } de forte que bien que les
hommes, durant tout ce tems prefque infini, commiflènt toutes les aéèions
qui font aujourd'huy des crimes, ce n'étoit pourtant pas de vrais crimes. Il
yadans leurs aétions ce qui s'appelle dans l'école, materiale pectati^ & non
ce c^\ s' -à^^ûlt formate peccati.
6. Ils ne laiffoient pas de mourir ces hommes fans péché} mais la mort
ne leur étoit pas la peine du péché : c'étoit un mal naturel, «qui fuivoit
l'imperfeélion de la matière dont ces hommes étoient compofez. Ainfi
bien que la mort fût au monde, elle n'y regnoit pourtant pas} carie rè-
gne de la mort, félon luy, ne confifle que dans ce qu'elle eit le gage du
péché, ôc alors elle ne l'étoit pas.
7. Ces gens n'avoient pas d'autre lumière que celle de la nature, ni
d'autre loy que celle de la droite raifon : avec ces fecours ils connoiffoient
Dieu, mais non pas comme Legiflateur. Dieu ne parloit point à eux,
il ne fe manifelloit pas , il fe kiffoit ignorer , il demeuroit inconnu dans
le monde fous le voile des créatures : On ne laifîbit pourtant pas de diflin-
Tart, L 2, guei'
rr$i HISTOIRE DES DOGMES
1^ '-.f • mier le bien du mul. Durant tout ce teins les hommes fentoient bien qu'iî's-
' étoient déchus de cet état de perfedion dans lequel ils avoient été créez;,
ils en avoient de la honte 6c de la douleur. La confcience ne laifToit pas
de gêner les. criminels, 6c de leur reprocher leurs aétions : cette confcien-
ce n'étoit pourtant pas alors un lieutenant de Dieu y elle ne parloit qu'en.
faveur de la droite raifon -, elle ne difoit pas aux hommes , que Dieu fût en-
gagé dans les actions humaines 5 & qu'il prit aucun intérêt à leur bonne ou,
à leur mauvaife conduite.
8. îl y a voit donc une loy naturelle dans le cœur: mais outre cette loy
naturelle5 il y en avoir beaucoup d'autres j carilyavoit des Etats, desSo-
cietez 6c des Legiilateurs , qui pour le bien, du public pofoient des bor-
nes à la concupifcence par des bonnes Loix : mais tout cela fans rapport
à Dieu 6c. à la Loy, laquelle ils ne connoilToient pas. OnpunifToit ceux
qui violoieat ces Loix : cependant tous ces péchez défendus par des loix
humaines , 6c punis par les Magiftrats , n'étoient point imputez devant Dieu^
parce que quant à luy il n'avoit donné aucunes Loix , 6c n'étoit en droit
d'infliger aucune peine.
/ 9. Apres un temsconlîderable,. Dieu felafla de voi«r ainfî aller le monde,,
qui le corrompoit de plus en plus, 6c qui pom'tant n'étoit fujet à aucune
peine. Il vint, il fit une féconde création, il créa un homme fîngulier
nommé Adam , à qui il donna une femme nommée Eve : il les fit , nbn
par la voye de la. génération , comme il auroit pu faire , en les faifant naî-
tre de quelques-uns des hommes qui étoient fur la terre j il les fit par la
voye de la création, il tira Adam du limon, Eve de la côte d'Adam. Dieu
fit à cet homme ce qu'il n'avoit point encore fait, il fe manifefta à luy , il
parla à luy , 6c luy donna une Loy, qui fut de ne pas manger duii'uitde
i'arbre de fcience de bien 6c de mal.
Âd^m^quoy 10. Dieu traita alliance avec ce nouvel homme , lequel il avoir créé,
quenonie ^q^ p^j commc avcc uu particulier, mais il le regarda comme le Syndic.
PC te uC COUS 1/ . i ^ , -^ m ^ ^-^ , •'
les hommes, 6cieDeputede tout le genre humain, qui lubfilloit depuis un grand nom?-
chef S ^en- ^'^ ^^ liécles. Ainfi Adam ayant violé la Loy que Dieu luy avoir don^
le humain , uéc cu qualité dc Syndic des hommes , les reprefentant tous ^ là chute leur
pouïicms ^^^^ imputée à tous. De forte que tous ces hommes,, dont la terre étoit
les homnKs,peuplée, qui u'avoicnt aucune liaifou avcc Adam , 6c qui jufques-là avoient
monsayant Çté innocens à l'égard de Dieu, devinrent coupables devant luy par la voye-
îtiy. ;d'imputation.. Et ce même péché d'Adam fut auffi imputé à tous les hom-
mes des fiécles fuivansi même à ceux qui n'étoieat point fortis de fes reins:
de façon que ce péché d'Adam fut parfaitement femblable à la juftice de
Jefus-Chriil j à. cet égard, la juflice deJefus-Chrift a été envoyée dans les
derniers tems , pour être imputée à tous les hommes, tant à ceux qui
avoient précédé Jefus-Chrift, qu'à ceux qui l'ont fuivi. Ainfi ces deux,
hommes, Adam 6c Jefus-Chrift, ont foûmis tout l'univers à leur imputa--
tion. Adam a rangé tous les hommes fous l'imputation du.peché, 6c Je-
fus-Chrift fous l'imputation de la juftice.
II. La génération naturelle n'eft point neceffaire ni pour l'une, ni pour
l!autre de ces imputations, j. Chrift. n'a engendré aucun dc ceuxaufquels
il impute fà juftice y il n'eft pas neceflàire auffi qu'Adam ait engendré ceux
aufquels fon péché eft imputé. De chaque million d'hommes il n'y en a.
peut'
ET DES CULTES DE L'EGLISE. TartX 179
peut-être pas un qui foit décendu d'Adam > cependant fon péché ne lailîè
pas d'être imputé à tous : c'eft en quoi confîfte le péché originel. Car
quant à la corruption qui fe voit dans les hommes , & à leurs mauvaifes
inclinations, cela ne vient pas extraduc^, par propagation i c'eft la nature
de l'homme qui a été ainfi créée, 6c qui fe penche du côté de la chair &
de la matière, que le Créateur lui a donnée.
12. Cette imputation du péché d'Adam eft paflee par la volonté de
Dieu fur tous les hommes qui ont précédé la creatioad'Adam, & qui mê-
me étoicnt morts des fiécles innombrables avant qu'il fût au monde: C'eft
afin que Dieu les pût fauver, 6c les rendre participans de l'imputation de
la juilice de J. Chrift. Car ces hommes Pre-Adamites étoientbien pécheurs
'^fioad materiale feccati 5 mais ils n'étoient pas coupables, à caufe que Dieu
ne leur avoit donné aucune Loy. Or Dieu ne peut fauver par J. Chrifl
que ceux qui font reputez coupables : il falloit donc faire décendre une
coulpe fur eux, car Dieu voulait enfermer tous les hommes font péché pour fai-
re mifericorde a tons. La juilice de J. Chrift 6c fon imputation ne pouvoit
avoir plus d'étendue que l'imputation d'Adam, parce qu'Adam eft le type
de J. Chrift > 6c par conféquent il falloit que le péché d'Adam fût imputé à
tous , afin que la juftice de J. Chrift paflat fur tous.
13. Cet Adam, créé tant de fiécles après les autres hommes, eftlePa- Leshom-
triarche àts Juifs , l'origine 6c la fource de leur nation , mais point du ^j^J'amSt
tout dès Gentils : de forte que toutes les autres nations du monde (ont dé- & Pré-Ada-
tendues de la première création, 6c les Juifs ièuls de la féconde. Ainfi cet- '"^^'
te nation eft proprement la nation de Dieu , le peuple faint, dont Dieu eft
le père , l'époux 6c le Roy, tout autrement que des autres nations de la
terre. Moyfe dans fon livre ne fait la généalogie que du peuple Juif, 6C(ne
parle point des autres peuples. Cette famille d'Adam' fe multiplia jufques
à Noè, 6c devint fort nombreufe: mais elle fe corrompit, 6c les fils de
Dieu fe marièrent avec les filles des hommes , c'eft-à-dire que la famille
d'Adam s'allia avec les hommes Pré-Adamites , 6c fe corrompit avec eux.
C'eft pourquoi Dieu fit venir un déluge, non pas fur toute la terre , mais
Amplement fur la Paleftine, 6c fur le pais oij demeuroient lesJuifs,oules
hommes Adamites, car ce font les mêmes gens. Ce déluge les abîma,
Noé fut feul qui échappa: mais les Pre-Adamites, c'eft-à-dire les Gentils,
nefouffrirent aucun mal, 6c la terre demeura peuplée comme auparavant,
à l'exception de la Paleftine. Noé échappé feul avec fa famille fut le ref-
taurateur , non pas du genre humain, mais de la nation des Adamites :
c'eft pourquoi Jofephe en parlant de ce Noé, l'appelle ^<?«mj »g/?r;" /)r^«- Lîb. 2. cont.
ceps^ àc non p2.s generis humam prifîceps. '-^i -->vi.^ Appion.
14. Entre ces deux hommes, favoir Adam 6c J. Gh. Dieu eriafaîé un impiitatioa
troifîéme , c'eft Abraham, qui tient le milieu entre les deux , 6c qui a auffi SlSlieu entre
fon imputation, laquelle fe répand tant devant lui qu'après lui ; c'eft l'im- celle dupe-
putation de fa foy. Le péché d'Adam eft imputé à tous les hommes ; la dlm'sf celle
juftice de J, Ch. eft pareillement imputée à tout le genre humain ; mais deia juftice
on ne fauroit pafi'er d'un plein faut d'une extrémité à l'autre , c'eft- à-dirè chnft"c'eft
de cette imputation du péché d'Adam à la juftice falutaire de ^J. Chrift. rimputatioH
C'eft pourquoi il faut pafîer par une imputation moyenne , c'eft celle de d'Abiaham*
la foy d'Abraham , qui conduit à l'imputation de la juftice de J. Chrift j
Z 2. c'eft-
i8o HISTOIRE D E S D O G M E S
c'eil-à-dlre que ceux-là ont été Ikuvez par Jefus-Chrill, ôc delivreï^ de
k coulpe du péché d'Adam, aufquels Dieu a imputé la foy d'Abra-
ham.
If. Les Gentils Pre-Adamites etoient naturelkm^nt étrangers du béné-
fice du {iilut, ôck fui-ent jufqu'au tems d'Abraham. Mais ils commencè-
rent à être participans de la grâce , quand Abraham changea Ton nom
-d'Abram en celui d'Abraham, par le commandement de Dieu, qui lui dit,,
& tH fera4 père de f lutteurs- mt:oiu^ Ces plufiem-s nations font ces hommes
Pre-Adamites ,tant ceux qiii avoient précédé Adam , qjje ceux qui étoient
venus depuis: comme le péché d'Adam leur avoitété imputé à tous, aufil
la foy d'Abraham leur Rit imputée à tous, quoi qu'ils fuilent morts plur
lîeurs milliers d'années auparavant. Cette foy d'Abraham leur fut impu-
tée, afin qu'ils pulTent être participans de l'imputation de la grâce de J.
Chriftj parce que l'on ne palTe pas , comme nous l'avons dit, d'une ex-
trémité à l'autre fanspafler par le milieu: on ne va pas de la mort d'Adam
à la vie deJ.Chrill, fans palFer par la foy d'Abraham. Les Gentils furent
donc adoptez en Abraham , reputez fes enfans par la vertu de cette adop-
tion , 6c rendus, capables du falut..
1(5. Le falut de J. Chrift par ce mx^yeii eft arrivé fur tous les hommes ,
tant de ceux qui ont précédé Adam , que de ceux qui l'ont fuivi , aufîi
bien fuï les hommes Pré-Adamites qui font nés Gentils, que fur les Ada-
mites qui (but nés juifs. Ce n'eft pas que tous les hommes doivent être
{âuvez , mais feulement les élus que Dieu aura honoré de {es grâces-.
Mais (es grâces fe font répandues aulTi bien fur les Gentils que fur les
Juifs : les Socrates , les Ariftides ôc leurs femblables,, tant avant Adam que
depuis. Adam., font d.u nombre de ces élus. Ainfi tous ceux qui dans tous
les lîécles & dans tous les lieux auront vécu félon la droite raifon , font
des élus de Dieu , & feront délivrez de l'imputation du péché d'Adam
par l'imputation de la foy d'Abraham, oc de k juftice de Jefus - Chrift.j
encore qu'ils n'ayent connu ni ouï parler de Jefus-Chrifl ni d'Abraham.
Enfin il elH remarquer que cette imputation da péché d'Adam.n'aeuliea
que jufqu'à Jefus-Cliriil} car depuis ce tems-là le péché a été anéanti,
l'imputation n'eft plus, chacun porte fon propre fardeau, & chacun vit de
ia foy : C'eft pourquoi l'imputation de la foy d'Abraham eft. auffi aneaa-
tie,
^.Ï2.î3iï4,, Tout ce beau fyfteme eft appuyé, ace que dit cet Auteur,, for 5,. ver^
Fondemens fcts du f™^. Chapitre de l'Epître aux Romains : comme par un feul homme
î^''^^d'ir»'" ^^ f^^^^^^fi ^^tré ait monde , & par le péché la mort à _ ainjî la mort efi parvenais
h. :E«€yxe. p*y tous les homwes , d'hantant cjne tons ont péché. Car JHpjti'^a la Loy le péché
était ati monde s or le péché n efi pas imputé ^ c^nand il n'y a pas de Loji ^JPl€ais
la mort a régné depuis Adam jufcj n'a Moyfe ^ même fur ceux qui-n avoient point
péché a. la fa^on d' Adam. Voici ce que veut dire ce texte félon laglofe de
nôtre Auteur. Tar Adam le péché & la coulpe font entrez, au monde : car enr
core que le péché avant Adam fût dans le monde, il n'étoit pas imputé,
à caufe qu'il n'y avoit pas de Loy -, pareillement le règne de la mort eil
entré par Adam : car encore que la mort fût au monde avant Adam , ce-
pendant elle ne regnoit pas, parce qu'elle n'étoit pas la peine du péché.
Mais depuis ce temsrlà.cile "X régné., uon feulement fur ceux qui font ve-
nus.
ET DES CULTES DE L'EGLISE. TartA. i8i
nus depuis Adam , mais par une vertu retroa«5î:ive , le péché d'Adam a fait
régner Ja mort dans tous les tems paflez , ayant fait que la mort , qui ne
leur étoit durant leur vie qu^une chofe naturelle , a été confiderée de
Dieu, même en ceux qui n'étoient plus il y a long-tems, comme une pei-
ne du péché/ Car jup^u'a la Loy le péché étoit au monde \ c'eft-à-direjufqu'à
la Loy qui fut donnée à Adam, de ne pas manger du fruit de l'arbre de
fcience, 6c non pas jufqu'à la Loy qui fut donnée par Moyfe. Jufqu'à cet-
te Loy qui fut donnée à Adam, le péché éioit au monde (^uoad materiale,
parce que les hommes de la génération précédente, qui avoient coulé avant
la création d'Adam, avoient commis toutes les aétions que lesPayensont
faites du depuis : Mai^ le péché ne leur était pas imputé , a caufecjuPiln''y avait
pas de Loy. Ainfi donc l'empire de la mort a commencé à parokre depuis
Adam jufqu'à Moyfe, oc jufqu'à la Loy qui fut donnée fur la montagne
de Sinaïj & ce règne de la mort s'eil étendu même fur ceux (^m n* avaient
pas péché a la façon £Adam ,, c'eft- à-dire lur ceux qui avoient précédé Adam,
& qui n'avoient pas péché comme lui, contre une Loy donnée de Dieu >
parce que Dieu ne leur avoit jamais parlé , ni à eux , ni à aucun de leurs
ancêtres.
Voilà le fylleme de ce nouveau Théologien : comme Ton voit ,, c'elî
une- longue fuite de rêveries, ôc un véritable Roman en Théologie. La
manière dont il explique l'Apôtre St. Paul efl 6c violente & ridicule. Ce^-
pendant , fî on l'en croit , c'eft la caufe de fon changement de Religion^
parce, dit-il, qu'il n'a pu renoncer à une interprétation auffi claire & évi-
dente que la fienne, qu'en fe foûmettant à une Eglife qui feditla fouve-
raine maîtrelTe du fens de l'Ecriture. Mais fon changement de Religion
doit plutôt être imputé au caradere de fon efprit, qui paroît par tout fu^
perbe ôc téméraire, plein de mépris pour l'autorité' des Ecrivains facrez,.
ëc fans refpeét pour- les myfteres. Il n'eft pas difficile àcomprendre, com-
ment un homme de ce caraétere , qui ell retenu dans une cruelle 6c fâ:^
cheufe prifon en péril de perdre la vie, prend le parti de changer de Re-
ligion pour fe tirer d'affaires.
CHAPITRE XKVL
De la àifference qui eft entre le texte Hébreu & le texte Grec de la
verfion des Sentante y touchant la durée du pemier pé-
riode de l'Eglifè.
D Ans cette queftion , combien le. monde a duré'dèpuîs la création
jufqu'à la Loy, il faut d'abord pofer comme une chofe incontefta-
ble, que nous n'en pouvons rien apprendre que des livres de Moy-
fe. Car on. ne fauroit tirer là-delfus,- je ne dis pas. aucune lumière certai-
ne, mais en gênerai aucune efpece d'éçlairciffement des Hifloires profi-
nes. CesHiftoires font toutes modernes en comparaifon de cellede Moy-
fe, Nous n'avons point e^tre les Grecs de plus ancien Hiftorien qu'He-
Z 3, rodote^,
Diviûonde
Varron du
tems par
trois carac-
tères
Cenforinus
de die na-
Les années
félon Moyfè
e'toient des
années de
Î2. Mois.
Lib. 15. de
Civit. Dei.
s. 12.
îlin. Hift.
Mat. lib. 7.
cap. 48-
182 HISTOIRE DES DOGMES
rodote, qui vivoit du tems de Xerxes Roy de Perfe, c'eil-à-dire un peu
plus de 400. ans devant nôtre Seigneur Jefus-Chrift. Pour ce qui eft des
Orientaux , nous n'avons vu que des fragmens & des pièces douteufes ,
qui ne nous peuvent prefque rien apprendi^.
Varron le plus favant des Latins a divifé le tems en 3. périodes: il ap-
pelle le premier a^viXoçj le fécond /xuô/jtô; , Scie troifiéme îçoptnoç. Et voici
comme Cenforinus explique ces trois tems. JVftnc verh interijallnm temporis
tradabo , quod Hifioricon Farro appe/lat ; hic enim tria difcrimina temporam e/p
tradit : primum ah hominum principio ufque ad Catacljfmum 'j (^uod propter igna-
rantiam vocâtnr cidviXov : ficundum a Cataclyfmo priore ad Olympiadem primam j
quod, quia in eo mnlta fahnlofa referuntur^ [u^ÀfAh nominatur. Tertmm à pri-
ma Olympiade ad nos , qmd dicitur Hifioricon , quia in eo tes gefta veris Htfio-
riis contmentur: c'ell-à-dire, que le premier de ces trois tems eft couvert
d'un voile impénétrable. Le fécond eft rempli de fables , ôc n'a rien de
certain. Le troifiéme feul reçoit quelque lumière par l'Hiftoire. Tout le
tems qui s'eft écoulé depuis Je commencement du monde jufqu'au délu-
ge, eft renfermé dans le premier période, c'eft-à-dire qu'à l'égard des
Payens, il eft abfolumcnt inconnu. Le tems fabuleux eft celui qui a couru
depuis le déluge jufqu'à la première Olympiade. C'eft dans ce tems, qu'il
faut placer tous les Héros de la Grèce , les Hercules , les Jafons , les The-
fées, les Minos, les Achilles. Ceux qui ont fait ces Héros fabuleux les
plus anciens les placent dans le tems des Juges, peut-être même, s'ils ont
été, font- ils plus modernes. Ce qui eft certain, c'eft qu'on n'en peut rien
fa voir d'aftïïré : car ce qu'on en dit eft fondé fur le témoignage de la Chro-
nique d'Eufebe, 6c fur quelques autres Auteurs, qui eux-mêmes avoient
écrit fur des Annales douteufes , & fur des Relations peut-être faufles.
L'Hiftoire a été long-tems négligée dans le monde , mais la fcience de
la Chronologie eft encore bien plus nouvelle : Rien n'eft plus in-
exaéè pour l'ordre des tems que les anciennes Hiftoires j on n'y trouve
<^uoi que ce foit d'aflïiré, que depuis Cyrus le fondateur de l'Empire des
Perfes : 6c même jufqu'aux derniers fiêcles, la Chronologie a toujours été
très douteufe.
Il faut aufli fuppofer avec St. Auguftin , que les années dont Moyfe fc
fert pour conter la vie des premiers hommes, étoient des années comme
les nôtres, compofées de douze mois, excepté peut- être <]ue ces années
étoient plus courtes que les nôtres de quelques jours à caule des mois lu-
naires. // ne faut ajouter aucune' foy , dit St. Auguftin , k ceux qui eftiment
que dans ces premiers tems on contait les années autrement que nous faifons , &
qu^ elles étoient ft courtes ^ qu'une de nos années en valoit dix de celles-là. Oeft
pourquoi^ difent-ils ^ quand vouslifez. qu'un homme a vécu dam ces Jîécles deux
sens ans , il faut comprendre que cela fignifie qu'il a vécu 90. ans. Il ajoute
peu après ces paroles : Tour prouver qu'il n'^efi pas incroyable^ qu"" alors on con-
toit les années autrement qu'on ne fait aujourd'hui , ils ajoutent qu^on trouve écrit
en plufeurs Auteurs ^ que les Egyptiens avoient une année de 4. mois ^ les Acar-
nanes defix , & les Laviniens de treiz.e. Il eft vray que Pline a écrit, que
les Arcades avoient autresfois des années de trois mois 3 6c c'eft par là
qu'il prétend juftifier ce qui fe trouve écrit de la longue vie des Anciens :
Les uns , dit-il , contaient l'été pour un an, & Phyver pour un autre an : ainfî
îem
ET DES CULTES DE L'EGLISE. Part.l. 183
lenrs années étaient dejïx mois. Les antresfaifoient quMre années! des quatre faifons^
comme les Arcades , dont les ans étaient de trois mots. Nous n'avons pas befoin
de ce fecret pour abbréger le tems du premier période > il eft déjà bien
court pour la multitude des chofes que nous avons à y placer.
Cela étant poie, que c'eft de Moyle feul de qui nous devons apprendre Dehvcr-
k durée de ce tems qui a précédé laLoy, & que les années, danslafi.ip- ^^l^^ç^ '^^
putation de Moyfe , font de vrayes années j il faut voir combien il en con- amoiite,
te. Chacun fait qu'il y a une célèbre verfion Grecque , dont l'Eglifed'O-
riônt fe fert &; s'eft toujours fervie depuis N. S. J. Ch. Elle eil affûrement vé-
nérable pour fon antiquité. Ceux qui fefont entêtez dudelTein de la met-
tre, non feulement au deffus de toutes les autres verfions, mais du texte iJLVotCmsi^
original même,, difent à fon avantage des chofes qu'il feiioit difficile de verfionero^
prouver. On l'appelle la verfion des Septante, à caufe de la fable qui dit
qu'elle a été faite par 72. fages , que Ptolemée Philadelphe Roy d'E-
gypte fit venir de Judée, pour tourner les hvrqs facrez des Juifs, afin qu'il
en pût enrichir cette fameufe Bibliothèque d'Alexandrie, laquelle il vou-
loit compofer. Entre le texte Hébreu 6c cette verfion il y a une prodi-
gieufe différence pour la fupputation des tems depuis la création du mon-
de jufqu'au déluge , & depuis le déluge jufqu'à la naiflance d'Abraham.
11 eft neceffaire de reprefenter le calcul de l'un 6c de l'autre > &puis nous
verrons d'où peut venir cette différence , 6c lequel eft celui de ces deux livres
qu'on en doit croire. Voici don#le calcul de ces années félon l'Hébreu.
Adam a vécu 930. ans: quand il engendra Seth il avoit 130. ans. 1302
Seth a vécu 912,. ans: quand il engendra Enos il avoit lOf, ans. lof.
Enos avécu90f. ans: quand il engendra Caïnan il avoit po. ans. ço.
Caïnan a vécu pio. ans: quand Jl engendra Malaléel il avoit 70. anî^ 70.
Malaléel vécut 895*. ans : quana il engendra Jared il avoit 65. ans. 65'.
Jared vécut p(5o. ans : quand il engendra Enoc il avoit 161. ans'. 162.
Enoc fut fur la terre 365. ans: quand il engendra Methufcela il avoit
df. ans. f5.
Methufcela vécut pdç : quand, il engendra Lemec il avoit 187. ans, 187,
Lemec vécut 777. ans :. quand il engendra Noé il avoit 182. ans. 182,
Quand le déluge vint fur la terre Noé avoit 600. ans. 600.
Pour trouver le véritable nombre des années depuis Adam jufqu'au dé-~76f^
luge, il eft clair qu'il faut conter les années depuis une génération jufqu'à
Isautre, ainfi que nous venons de le marquer dans la table précédente. En
joignant enfemble toutes ces années,- on trouve que depuis la création juf-
qu'au. déluge ily a i6f 5. ans.
Voici d'autre part comme les Septante ont marqué les ans des Patriar-
ches.
Quand Adam engendra Seth ,, il avoit 230. ans, 230.
Quand Seth engendra Enos, il avoit 20 j:. ans. lof.
Quand Enos engendra Caïnan, il avoit rpo. ans. ipo.
Quand Caïnan engendra Malaléel , il avoit 170. ans. 170.
Quand Malaléel engendra Jared, il avoit i6f. ans. i<5f.
Quand Jared engendra Enoc, il avoit i(52, ans. . 162,
Quand Enoc engendra Methufcela, il avoit i(îf; ans. i6f.
Quand Methufcela engendra Lemec il avoit î 87, ans. 187.
Quand
i84 H I S T O I R E D E S t)0 G M E S
Quand Leracc engendra Noé, il avoit i88. ans. 188.
Qi-iand le déluge vint, Noé avoit 600. ans. 600,
zz6z
Si vous joignez enfemble toutes ces années à conter depuis une généra-
tion jufqu'à l'autre, vous trouverez 1 2 <îi. ans. Ainfi le calcul des Grecs
excède celui des Juifs de 606. ans. Il eft à remarquer que les Grecs n'ont
pas fait vivre les Patriarches plus long-tems que le texte Hébreu : mais il les
font engendrer cent ans plus vieux. Ils prennent cent ans de ceux qui ont
fuivi la naiflance du premier né , & les mettent devant la naifTance de ce pre-
mier né. Par exemple Adam vécut en tout pp. ans j l'Hébreu le fait engen-
drer Seth à 150. ans, & lé fait vivre 800. ans après avoir engendré Seth.
Mais le Grec lai fait engendrer Seth à 150. ans, ôcnele fait vivre que 700.
ans, après la naiflance de Seth. Il n'y a que Lemec , fur les années de la vie
duquel le Grec ôc l'Hébreu ne s'accordent pas. Selon l'Hébreu il vécut en
tout 777. ans i 6c félon le Grec il ne vécut que 75*^. ans: ce font 24. ans
de différence. Il ell aifé de remarquer auflj , que les Interprètes Grecs ont
juftement inféré cent ans à chaque génération , excepté celle de Jared & dç
Methufcela qui s'accordent avecjl'Hebreu, & celk de Lemec oii ils n'ont
ajouté que fixans, lefaifant vivre devant la génération de Noé 1,88. ans,
au lieu de 1 81. Voilà ce qui regarde les générations qui ont précédé le dé-
luge. Voyons prefentement celles qui ont fuivi le déluge : félon l'Hébreu
Sem engendra Arphaxad deux ans après le'délugc. z,
Arphaxad engendra Selah âgé de 3 y. ans, ^y .
Selâh engendra Heber âgé de 50. ans. 30»
Heber engendra Phaleg âgé de 34. ans. 34.
Phaleg engendra Reii âge de 30. a^. 30,
Reii engendra Serug âgé de 32. ans. 32,
Serug engendra Nachor âgé de 30. ans. 30.
Nachor engendra Tharé âgé de 29. ans. 2^.
Tharéengendra Abraham âgé de 70. ans. 70.
2p2
Toutes ces années prifes enfemble font depuis le déluge jufqu'à la naif-
fance d'Abraham 292. ans. fi on les ajoute à 16 f6. qui font les années d'avant
le déluge, depuis la création du mondejufqu'à Abraham, il y aura 1944. ans.
Voici comme les Grecs d'autre part content les années des Patriarches
depuis le déluge jufqu'à la naiflîince d'Abraham.
Sem engendra Arphaxad deux ans après le déluge. 2.
Arphaxad engendra Caïnan âgé de 13^. ans. i^f.
Caïnan engendra Selah âgé de 1 30. ans. 1 30.
Selah engendra Heber âge de 130. ans. 130.
Heber engendra Phaleg âgé de 1 34. ans. 1 34.
Phaleg engendra Ragau âgé de 1 30. ans. 1 50.
Ragau engendra Serug âgé de 132. ans. 132.
Serug engendra Nachor âgé de 130. ans. 1 30.
Nachor engendra Tharé âgé de 179. ans. 179.
Tharé engendra Abraham âgé de 70. ans. 70.
1T72
Tautes ces années jointes enfemble font 1172. ans. Le calcul des Hé-
breux
ET DES CULTES DE L'EGLISE. Pari.l. iSf
breux ne monte qu'à ipi. ans^ 6c par conféquent le calcul des Grecs,
depuis le déluge jufqu'à Abraham, excède celui des Hébreux de 880. ans.
Ajoutez ces i î jz. aux 2,262. qui félon les Grecs ont précédé le déluge,
vous trouverez depuis Adamjuiqu'à Abraham 3434. ans. Ainfiil y a de-
puis Adam jufques à Abraham , félon les Grecs, environ 1490, ans plus
que félon les Hébreux: c'ell-à-dire, que félon les Grecs, le monde eft
plus ancien de 1490. ans, que félon le calcul des Hébreux. Le favantifaac Câîcuid'i-
Voffius, fils du ce-lebre Gérard Volîius ne trouve que 1440. ans de dif- ^*^ voffiuê.
ference j parce que dans la génération de Nachor il ôte cent ans entiers ,
& au heu que les Septante Interprètes ont conté 17p. ans, il n'en con-
te que 79 : ce font cent ans qu'il perd en cet endroit. Mais il en regagne une indiflèrtai.
partie dans la génération d'Abraham j car il fait naître Abraham l'an ^un^?*^
130. de la vie de Tharé, au lieu que le Grec & l'Hébreu le font naître
l'an 70.
Dans cette dernière Supputation des générations depuis le déluge juf-
qu'à Abraham , les Grecs font ce qu'ils avoient fait dans les générations qui
ont précédé le déluge; ils ajoutent par tout cent ans aux années qui ont
précédé lanaillance du premier né, & les ôtent au tems qui a coulé de-
puis la naiflànce du premier né jufqu'à la mort du père 5 êc même dans la
génération de Nachor ils ajoutent ifo. ans j car l'Hébreu dit que Nachor
engendraTharéâgéde 2p. ans, & les Grecs difent qu'il l'engendra âgé de
17p. ans. Outre cela ils infèrent une génération entière de 1 55*. ans, qui
efl celle deCaïnan: car l'Hébreu fait Selahfils immédiat d'Arphaxadj &
Arphaxad engendra, Selah. Mais les Grecs font Selah petit-fils d'Arphaxad,
& fils d'un certain Caïnan, qui ne paroît point dans l'Hébreu , ôc que les
Grecs font fils immédiat d' Arphaxad.
Sur ces fupputations d'années qui font fi différentes , il y a deux gran- QuektcKte
des queftions, La première eft, à qui l'on doit ajouter foy , ou à l'Hébreu , Sus argne
ou au Grec ^ La féconde, d'oîi peut-être venue cette prodigieufe diffe- de foy que
rence? Pour ce qui eft de la première queftion , je dis qu'il ne faut pas Grccq^**
s'étonner fi l'Egliie Grecque tient pour fa verfion, &fait le monde d'en-
viron If 00. ans plus ancien qu'il n'eft félon les Juifeôc félon les Chrétiens
d'Occident) car l'EgHfe d'Orient eft fort ignorante , particulièrement dans
toutes les antiquitez Hébraïques. Etaurefte il n'eft pas furprenant qu'el-
le fuive une verfion qui eft entre fes mains depuis tant de fiécles. Mais
il eft étrange qu'entre les Chrétiens d'Occident, il s'en trouve de fa vans
& d'habiles qui tiennent pour le calcul des Grecs. Peut-être ne feroit-il
pas étonnant de voir défendre cette opinion à ceux qui ont intérêt à dé-
crier le texte Hébreu , parce qu'ils veulent établir en fa place la Verfion
Vulgateque le Concile de Trente déclare feule authentique. Ce n'eft pas
que la Vulgate Latine dans cet endroit ne foit abfolument conforme à l'Hé-
breu i mais le P.Morin, qui eft déchaîné contre le texte original , & qui Exercifat.
fait tout ce qu'il peut pour prouver qu'il eft corrompu , aimé mieux en cet ^ ^'*^'
endroit facrifier la Vulgate, que de favorifer l'Hébreu. Car après avoir paru
ne vouloir rien décider , il porte autant qu'il peut fes leéleurs à renoncer à la
fupputation des Hébreux pour fuivre celle des Grecs.
Si tous ceux qui font dans le même intérêt que le P. Morin , étoient
Part. L A a dans
i86 HISTOIRE DES DOGMES
zstfiiton- d.ins le mcme fcntiment, il n y ^"roit p^s lieu de le trouver étrange. Mais
uintqucdes :g ,-jg y^js pas pourquoi entre ccLix , dont l'intérêt eftde foûtcnir la pureté
Auteurs Re-J, lii -i?^ • i -rrr rr • •
formez pre- dii textc Hebreu , u s en trouve qui cnoililient un aulii mauvais parti que
r"'d^d' '-^^^^^ ^^ défendre le calcul des Grecs contre celui des Hcbreux, ç'eft-à-
fendre^a^' dire contrc celui de Moyfe. Je lay que le milieu ell tics difficile à confer-
veriion ygj. ^ y^^ Çç^ poitc toûjours aux extrêmes ; c'etl ce aue font ceiix qui dil^
contre le putcnt de la pureté du texte original &; de la bonté àcs verfions. Dire
b!eu! "^" ^"-^'^^ ^^^ ^°^^ coulé aucune faute dans le texte Hebieu 5. particulièrement
dans les nombres , c'eil dire une chofe infoûtenable; Je ne refuferois pas>
même de corriger en divers endroits le texte Hebreu par les verfions , fur
tout par celle qu'on appelle des Septante, Mais il faut une prévention 5^^
qui à mon fens n'efl pas concevable, pour préférer, à tout prendre, la ver-
ficn Grecque à rHebreu;, 6c fur tout pour s'imaginer, que dans ce calcuii
l'erreur eil du côté des originaux Hébreux.
L'opinioa Certainement St.Auguttin n'avoit pas tant de raifonque nousd'être fa-
*^uftin^ft voi able au texte Hebreu , puis qu'il en ignoroit la langue , & qu'il étoit,
%e. prévenu en faveur de la vejlion Grecque , qui paffoit alors pour un ori-
ginal, & que les Apôtres fembloient a^oir canohifée. Cependant il ne fe
porte pas à cet excès d'injuftice. U croyoit que les Septante interprètes*
avoient été conduits par l'Efprit de Dieu dans cette verfîon : c'eft pour-
quoy il n'ofe leur attribuer cette grande erreur de calcul , il- aime mieux
tib. ij. de choifîr un milieu: famais^ dit-il, il ne doit tomher dans Pefprit à'^ aucun hom~
Civit. Dei. fyiç Çdgs _^ que les Jmfs y cjuelcjues me'chans qu'ils [oient ^ ajent p A. introduire une
[grande corruption généralement dans tous les exemplaires épars dans tous lesi
lieux: ni apijfi que les Septante ayent fait conjuration de dérober cette vérité'. aux:
nations^ Il efi donc beaucoup plus probable , que ce changement a été fait dans Ui
première copie qui fut tirée fur ^original, lequel étoit confervé dans la Eibliothc'
que de Ttolemée : i^fur cette première copie , on aura fait toutes les autres qui [h
font épandués par toute la terre. Je ne trouve rien plus vray-femblable que
cette opinion de Saint Augullin, c'efl que ce changement a. été fait dés
la première copie. Mais je n'ay pas autant d'inclination que lui à. julfifier
les intentions des Auteurs de ce changement. QLioy qu'il en.foit, ce Pè-
re, tout adorateur qu'il étoit, de la veriion Grecque, tout ignorant qu'il
étoit de l'Hébreu & du texte original , prononce pourtant lans balancer
eu faveur de l'Hébreu.
CoBciofibn Après avoir cherché d'où pouvoit venir cette différente Chronologie,
cuft?ti^"" ^^ conclut ainfi. y De quelque manière que cela puiffe être arrivé , je ne doute.
icide». en fa^on du monde qu'on n'ait raifon d'ajouter plus de foy, a la langue originale^
fur laquelle les interprètes ont fait leur verfîon en une autre langue ; quand on
trouve entre la verfion ^ V original une fl grande diverjitéy que lun & l^ autre dt
se qui s'y lit ne peut pas être vray. en même tems. Dans le Chapitre fuivant il
dit encore , quand il y a une fi grande diverfîté , que Vun & l'autre ne puiffe
pas être véritable ^ pour avoir la vérité des chofes ainfi qu'elle efi ^ il faut mjotr
recours a la langue de laquelle a été faite la verfion. Il eft vray que lorfque le
texte Hebreu & le Grec fe peuvent accorder, en forte que, bien que les
(&Tis> foient tous differens , ils ne foient pourtant pasoppofez, il veut qu'on
ks reçoive tous deux , ^ qu'on fuppofe. que les interprètes Grecs
""' Dût
ET DES CULTES DE L'EGLISE. Tart.l. 1S7
ont choifî un autre fens par infpiration du Saint Efprit.
Pour ce qui efl de St. Jérôme, il eft abfolument pour la fupputation du opinion de
texte Hébreu, comme on peut voir dans le livre <ie fes Queftions furlaGe- ^^- >iàme:
r r -y r^t • ^t r^ ^ n a • /^ il tient poui
nele, iur le Chapitre 5™^. Cela eit peut-être moins étonnant, parce que le texte tic-
St. Jérôme fa voit l'Hébreu, ôc entendoit le texte dans la langue origina- ^'^"'
lej ce qui le dirtinguoit extrêmement alors que la langue Hébraïque étoit
prefque entièrement ignorée dans l'Eglile. Gr chacun eft idolâtre de Ton
lavoir, & le fait valoir autant qu'il peut: par cette raifon on pourroit di-
re que St. Jérôme a préféré le texte Hébreu à la verfion des Septante ,
pour faire valoir la connoiffance qu'il avoit dans cette langue. Mais cer-
tes c'eft le bon fens & l'évidence de la vérité qui l'ont conduit à cette
opinion. Il me femble que s'il falloit combattre par témoignage dans ce
démêlé, ces deux témoins que je viens de citer, St. Jérôme & St. Auguf-
îin, vaudroient bien la foule de ces petits Auteiirs, dont le P. Morin veut
accabler les gens en faveur de la fupputation du calcul des Grecs. Je les
appelle de petits Auteurs , quoy que ce foient de grands noms & de
grands hommes, comme un Eufebe , un Théophile d'Alexandrie , St.
Cyprien, St. Clément d'Alexandrie , & plufieurs autres : on peut dire,
fans leur faire tort , que ce font de petits Auteurs en Chronologie j 8c
aujourd'huy l'autorité d'un Petau ou d'un Scaliger, tout modernes qu'ils
font , prévaut fur l'autorité de tous cts grands hommes fi célèbres entre
les Anciens. Tous ces Pères, que le P. Morin cite pour lui, étoient Grecs j
ils n'entendoient point l'Hébreu j ils ne favoient de la Chronologie que ce
qu'ils en avoient appris des Grecs êc de la verfion des Septante, Depuis
quand s'eft. on donné la peine de chercher la véritable durée du monde?
Ceux qui ont écrit depuis la Chronique d' Eufebe , ne l'ont - ils pas fuivi
quafi aveuglément ? Dans une matière épineufe & defagreable on a été .
bien aife de trouver un chemin battu , l'on ne s'eft pas mis en peine d'en
chercher un autre, excepté depuis un fiécle. De forte que tous ces Doc-
teurs de l'Eglife, qui ont fuivi la Chronologie des Septante, doivent être
contez pour rien 5 ou ne peuvent être contez que pour une voix , puisqu'ils
-ont tous fuivi un feul & raêtpe Auteur.
Après tout il faut avoir une prévention inimaginable, pour préférer au
texte Hébreu une verfion comme celle des Septante , dont les fources
font plus obfcures que celles du Nil 5 pour la nailîance de laquelle on a
fait autant de fables, que les Grecs en avoient imaginées dans la généalogie
& dans la naiflance de leurs Héros.
Ptolemée Philadelphe, dit-on, ou un autre; car on n'eft pas plus af- JJ'^Jgf^*--
furé du nom du Roy qui fit faire cette verfion, que des autres circonftan- dciaveifioa
ces : Ptolemée, dis-je, envoya en Judée demander des gens qui fufient ^"70.
capables de tourner les livres facrez des Juifs ; ces gens font élus par le
Grand Confeiljonen élût fix pour chacune des douze Tribus d'Ifraël , ce
qui fait le nombre de 72, hommes. Ces hommes vinrent en Egypte, ©n Epip^an. de
les enferma en autant d€ cellules différentes , qu'ils étoient de perfonnes. Eiaiils.'
11 ne leur fut pas permis de conférer enfemble^ ôcfans avoir aucune com- TenuJi.
munication de ce qu'ils faifoient chacun à part , ils compoferent des ver- cap°uf
fions fi parfaitement femblables, qu'on n'y trouva pas un motdedifferen- J'fj,"^.^jjçp
ce. Juftin Martyr dit avoir vu le refte de ces cellules fur lé bord de la mer. ad Gej^"*^ ^*
Aa 2 En-
i88 H IST OIRE D ES DOG MES
Antiquit. Encore qu'Arifl^eus&Jofephe ne parlent pas de cette fable, ils difent des
i^-^*- chofes qui peut-être ne font pas plus véritables. Un favant Anglois a fait
adv.^Ap-'* depuis If. ou 20. ans une Diflertation fort doéte pour prouver que ce li-
fiQo., vre attribué à Ariftaeus eft l'ouvrage de quelque Juif Hellenifte, qui a com-
pofé ce Roman pour relever l'autorité de la verfion Grecque. Je n^ay pas
delîein de rapporter ici l'Hiftoire de cette verfion , il faudroit pour cela
ufïiims iib. feire un volume j ie renvoyé le leéleur au favant Uflerius Archevêque
De vciiione d'Armach, commc a celui qui en a parlé avec plus de pénétration, Scàla
'**' Diflertation de Huncfredus Fïody qui en a écrit avec plus d'étendue,
11 n'eft ni Je m'arrête à la chofe dont il s'agit ici ; & je dis qu'il n'y a aucun fujct de
poiObie m foupçonner que les fources Hébraïques ayent été altérées , ôc qu'on ne
aspparent que 13 . t . i . x , , . , ^ - r ' r • ^
le texte He- peut imaginer aucune raiion, qui auroit pu obliger les juirs a faire une cor-
^exJ" ^" ruption li infigne. Pourquoi auroient-ils retranché dts années dans leur
antiquité
aifes de fournir aux Payens des annales de cinq ou fix mille ans j & pour-
quoi \ts auroient-ils diminué de ifoo. ans tout à la fois? Cette altération
ne peut pasVêtre faite par hazard: de quelque côté que foit l'erreur, il
efl certain qu'on a changé le texte à delîein j ces loo. ans qui font ajou-
tez préeifément à l'âge de chaque Patriarche , font bien voir qu'on y a
penié en le faifant. Outre cela , il n'y a aucune preuve folide, qui làvorile la
Chronologie des Grecs. Et afin que cela foit plus vilible , je veux bien-
pafîer la vûë fur toutes ces preuves , qu'un favant homme de ce fiécle ap=
forte en faveur de cette Chronologie des Septante..
CHAPITRE X X V I L
E^onfe aux objeBions d'jfaac VbJJïus & du T. Morin , contre
le texte Bebreu. & j^onr la verfion des-jo.
ifeac vof- X L dit premièrement qtie dans l'Hébreu la proportion qui fê doit rea-
faude'Jltun JL*-°""*^^ ^"^^^ ^^^ années, qu'on appelle de pubeité, & la durée de la
di aetate. vic dcs bommcs , n'cft pas obfervee. Les hommes ne font aujourd'hui
îTiSioa. ^^"^ ^'%^ d'engendrer, qui eft ce qu'on appelle l'âge de puberté, que
quand ils ont atteint le quart ou la cinquième partie de ce que \e^ hom-
mes peuvent vivre naturellement. La vie des hommes elt aujourd'hui bor-
née à (5o. ou. 70. ans ; e'eft pourquoi les hommes ne font en âge de pu-
berté qu'entTe quinze oc vingt ans. Selon cette proportion, dans le com-
mencement du monde les hommes ne dévoient être en âge d'engendrer
qu'à 2.00. ou 300. ans, parce qu'ils avoient accoutumé de vivre poo. aiisou
1000. Or 2C0; ans c'eft la cinquième partie de looo. On ne fait quafi
lors qu'on trouve de femblables raifonnemens , fi les grands hommes qui
laifonnent ainfi parlent ferieufement , ou non j car rien ne paroît plus ri-
• diciile.. Seioa ce raifonnement ^s hommes du premier monde dévoient
être
ET DES CULTES DE L'EGLISE. Part.l. 189
être encore à la mamelle à l'âge de vingt ans : fi cela eft , c'éroit de jolis en-
fans à porter ftir les bras d'une nourrice. Mais cela n'eft guère apparent:
au contraire, il femble que dans un tems oii la nature toute jeune travailloit
avec vigueur , elle devoir avancer davantage Tes ouvrages. Les alimens
alors écoient pleins de fuc^ les principes de la vie étoient beaucoup plus vi-
goureux : Et ainli il femble que ces hommes dévoient croître avec plus de
promptitude & de facilité. La nature n'obferve pas toujours cette règle , que
les chofes qui durent long-tems font long- tems à fe faire. Les corbeaux, qui
vivent poo. ans , doivent-ils en avoir vécu 2,00. avant que d'être en état d'en-
gendrer^* Ceux qui nourrillent des cerfs 6c des biches domeftiques, ont-ils re-
marqué que ces animaux ne foient en état de travailler à la multiplication
de leurefpece qu'à fo. ou 60. ans, parce qu'un cerf vit deux ou trois cens
ans? Un cheval ne vit que 2f. ou ^o. ans, un cerfvitplufieursfiécles j ce-
pendant il eft certain qu'un cerfeitauffi-tôt fait qu'un cheval. Jecroydonc
que c^eft une grande erreur de s'imaginer, que les années de puberté
dans ces premiers hommes, fuifent plus reculées qu'elles ne font aujour-
d'huy.
Mais pourquoy, dira-t-on, ces hom-mes Ibnt-ils pères fi tard? Quand ^^eftappa.
Seth engendra Enos, il avoit lOf. ans: quand Methufcela engendra Le- pltrmche?
mec, il avoit 187. ans. Te croy qu'on pourroit conieflurer' que ces *!f°^'^"'^"
r» - 1 • 1, r ^ \ *■ • r ^•^ d'autres en-
ratriarches avoient eu d autres enians devant ceux qui iont la nommez, fans avant
Moyfe faifoitl'Hiftoire de l'Eelife, & la senealosie duMeffie.-iln'anom- «i«yi»i
eô
le
me que ceux defquels le Meffie eft décendu en droite ligne , & a negli- premier,
gé tous les autres, quoy qu'ils fuiïent les aînez. C'eft ce que St. Au- ï^ecivit.
guftin a trouvé de plus probable j aut enim tantoferior fuit proportione pu- c. iV '^
hertas , quant o.njitdi totim major annojitai : aut , quod magis video ejje creâibile ,
non hîc prîmogeniti fia commemorati [unt ^ pd quos fuccejflonis arda pofsebat ^ Ht
perveniretur ad Noé\ ,, Ou bien les années de puberté étoient reculées à pro-
,,. portion de k vie \ ou ce, quimeparoît plus vray-femblable , on ne fait
5, point mention des aînez , mais feulement de ceux qui étoient neceliài-»
u, res pour arriver à Noé.
2. On fe fert de l'autorité del'Hiftorien Jofephe pour appuyer ce]îe des seconde
Septante- > mais ce témoignage n'eft d'aucun poids dans cette affaire. °^^^^"^'
I . On pourroit apporter cent preuves , que Jofephe étoit moins favant
en Hébreu qu'en Grecj peut-être n'entendoit-il pas allez le dialeâe Hé-
breu, pour lire l'Ecriture Sainte dans Ton original. C'eit pourquoy il
s'eft prefque toûjoure fervi de la verfîon des Septante , & même en de
lieux dans lefquels cette verfion s'éloigne de l'original. Nous en avons
vu un exemple cy-deflùs, c'eft qu'il fait direàMoyfe, ttt ne maudiras pas
l(s Dieux des étrangers , parce que les Septante ont tourné ôf?V 8 xaKoAoyn-
etiç. Si Jofephe avoit entendu l'Hébreu , il aiirofit bien fçû que le mot
Elohim , qui eft dans l'Original , ne lîgnifie pas toujours des Dieux , &
qu'en cet endroit il fignifîe àçs Juges. De plus Joîèphe ne peut de rien:
fervir icy, car il eft contraire ai' Hébreu, contraire aux Septante , 6c con-
traire à foy-même. Il eft contraire à i^|-îebreu j car dans la généalogie
des Patriarches, depuis la création juf qu'au déluge, il fuit à peu; prés la
fupputation des Septante. Il eft contraire aux Septante j car dans la ge-
«leaiogie des-Patriacches,. depuis la création jufqu'au déluge, il conte en.
. A a 3' ' groS' ,
Antîqait.
L zo. c 9>
îroifiéme
cbjcâlon,
190 HISTOIRE DES DOGMES
gros z6f6. & ielon les Septante il n'y a qu'environ 2161. ans i & depuis
le déluge jufqu'à Abraham, il dit expreflement qu'il n'y a que ipz. ans>
ce qui eft conforme à l'Hébreu , & contraire aux Septante. Après cela
quand il entre dans le détail, il efl vray qu'il conte l'âge de ces Patriar-
ches d'une génération à l'autre , comme ont fliit les Septante, de forte
qu'il fait un dénombrement de plus d'onze cens ans, depuis le déluge
jufqu'à Abraham, après n'en avoir -conte en tout que ipi. & outre cela,
depuis la création julqu'au déluge en gros, il conte z6f6. ans, & en dé-
tail il en conte beaucoup moins, quand il fait l'énumeration des années de
chaque génération j n'ell-ce pas fe contredire à foy-même? Le P. Morin
fait là-defTus une conjeélure tort apparente j c'eflque Jofephe danslepai-
tage des générations , depuis le Déluge jufqu'à Abraham , avoit exaéte-
ment fuivi l'Hébreu: mais quelque demi-iavant a corrompu Jofcplie, en
ajoutant cent ans à chaque génération , pour accorder Jofephe avec les
Septante. J'ajoute à la remarqueduP.Morin, & je dis: SicetHiftorien
avoit fuivi l'Hébreu , depuis le Déluge jufqu'à Abraham , pourquoy ne
l'auroit-il'pas fuivi depuis la création julqu'au Déluge ? Et fi ce demi-favant,
dont parle le P. Morin, a bien ofé corrompre le calcul de Jofephe depuis
le Déluge jufqu'à Abraham, pour le rendre conforme aux Septante j pour-
quoy n'auroit-il pas ofé la même chofe dans la fupputation des années qui
ont coulé depuis la création jufqu'au Déluge? car auffi bien n'auroit-il rien
gagné 3 en rendant fon Jofephe conforme aux Septante en un endroit , 6c
ne lerendant pas conforme dans l'autre. Ainfiil ellclairquele calculde Jo-
fephe eil entièrement corrompu , & par conféquent qu'on n'en peut faire au-
cun bon ufage. Ce qui fortifie cette conjeébure, c'eft que cette Hiftoire
de Jofephe a été entièrement négligée par les Juifs 5 les Chrétiens l'ont
toujours eue entre les mains 3 ils en ont fait tout ce qu'il leur a plû j ils
y ont ajouté des paflages, ils en ont retranché d'autres j ils y ont inféré un
témoignage favorable au Seigneur J. Gh. & un autre pour St. Jean Baptifle.
Suppolez donc que Jofephe eût fuivi le calcul des Hébreux, il ne faut pas
douter que les Chrétiens n'ayent ôté ce calcul , pour y mettre en la place
celuy des Septante , afin de lever un Icandale, 'que les Payens auroient pu
prendre d'une fi grande diverfité. Ceux qui faventi'Hilloire des fraudes
pieufes des premiers Chrétiens, n'auront pas de peine à feperfuadercelaj
car on fait , que dans ces fiécles il y avoit quelques gens qui ne faifoient aucun
fcrupule de faire toutes fortes de fuppofitions , pourvu qu'elles fulTent fa-
vorables à la Religion, 6c la fimplicité des premiers fidèles leur faifoit re-
cevoir ces pièces faudes pour véritables , fans beaucoup d'examen. Enfin
l'on peut ajouter , que Jofephe n'ell; en rien d'accord avec luy-même fur cet-
te matière j cardans la préface de fes Antiquitez Judaïques , 6c dans fes Li-
vres contre Appion, il dit qu'il a écrit l'Hiftoirede f 000. ans : cependant
il efl certain , que s'il eût fuivi les Septante , il auroit dû dire qu'il avoit
écrit l'Hiftoire de plus de ff 00. ans. Car Nôtre Seigneur efl né environ l'an
ffoo.du monde, félon le calcul des Septante, 6c Jofephe a poufTé fonHif-
toire dans fes Antiquitez, jufquesautemsdeFlorus, dont la feverité fit ré-
volter les Juifs, c'efl-à-dire , comme il le dit dans le dernier chapitre , juf-
qu'à la douzième année de Néron.
3, Le P. Morin tire un argument, qu'il eflime bien fort pour le calcul
dei
ET DES CULTES DE L'EGLISE. Part. L 191
àes Septante, de ce que St. Luc a inféré dans la généalogie deJefus-Chriil
ee Caïnan iils d'Arphaxad, petit-fils de Sem , qui ne fe trouve que dans
le Grec , &: qui n'eil pas dans î'Hebreu , prétendant que St. Luc approuve
par là tout ce qui efl dans cette généalogie. Maisc'eft, à monfens, une
pitoyable raifon: comme s'il étoit necellàire en tirant une chofe d'un Livre,
qu'on approuvât tout eequi eildans ce Livre-là. i. Qui voudra prendre
la peine d'examiner ce que remarque là-deflus Samuel Bochart , demeu- ^^^^^g^-îb-
rera periuadé, que cette génération de Caïnan a été fourrée, Ôc dans les
Septante y & dans le texte de St. Lucj &: même que cette intrufion eft
allez nouvelle, puifque cette génération ne fe lifoit, ni dans St. Luc, ni
dans le Grec des Septante, du tems de Théophile d' Antioche , ni dans Phi- l^^^fl;^^*
Ion Juif, ni dans Irenée, qui conte 72.. générations félon StLuc, depuis lycum.
Adam jufqu'à Moyfey au lieu qu'il y en auroit 73. fi Caïnan étoit conté.
Les Septante Interprètes, eux-mefmes, dans les généalogies qui font au îj^°=^"^'^^..
premier Livre des Chroniques, ne parlent point de ce Caïnan. Sans tout 3. Vu.' '
cela,, il ne faut pas s'imaginer que les Apôtres ayent canonifétous les dé-
fauts de la verfion à^s Septante , lefquels ils n'ont point corrigez : c'étoient
des erreurs légères , dont il n'étoit point du tout important qu'ils avertilTent
les peuples , parce que cela auroit tait perdre le crédit à cette verfion , qui
étoit alors la feule dontl'Eglife Grecque fe pût fervir.
4. Le favant Ifaac Voffius trouve de grandes incommoditez à ne mettre Quattiem©-
que 2,90k ans entre le Déluge Se la naiffânce d'Abraham y c'efl pourquoy o^i^^'»»'^
il fuit le calcul des Grecs. Par exemple , feloii le calcul àts Hébreux,
Noé a. vécu j-S. ans depuis la naiflance d'Abraham, Sem afurvécu à Abra-
ham de 34,,ansi 6c là-delTus on dit, fi Noé eût été vivant du tems d'A-
braham 5c d'Ifaac, comment eft-ce que Moyfe n'auroit point parlédeluy
en faifant KHiftoirede ces deux grands Patriarches ? Cela fait de la peine,
je l'avoue j mais il faut toujours fe fouvenir, que Moyfe alloit à fon but,
qu'il faifoit l'Hiftoire des pères du Mefiie, c'eft-à-dire, fa généalogie. Quand
il avoit trouvé la tiged'oii étoient fortis ceux dont il vouloit parler dans la-
fuite, il laiflbit à part cette tige , ôc pafibit aux décendans j fi ce n'e il qu'il
eût quelque raifon particulière de s'y arrêter : C'efl: pourquoy il ne nous par-
le plus de Noé après le Déluge; mais il s'arrête beaucoup fur Abraham ^
Ifaac ÔC Jacob, parce que ce font les grandes fources d'oii eft fortiela na-
tion des Juifs j, &. c'efl; de cette nation dont il vouloit faire l'Hiflioire. Ce
fut dans ces trois perfonnes , que Dieu commença à diflinguefla famille quMl<
avoitchoifîe de toutes les autres familles de la terre: c'eit pourquoy il étoit
jufte que Moyfe les difl;inguât dans fon Hiftoire.
5". Voicy encore une autre objection que l'on fait extrêmement valoir. La 9"Ç^''"*"
divifion des langues ,, félon. le calcul des Hébreux , fe fit jufl:ement cent ans ^^ *^*
après le Déluge, dans le même tems que Phaleg vint au monde, qui tira
fon nom de cette divifion, 6c qui fut appelle P/?^/^^ du verbe PhaUg^ qui
fignifie divifer.. Depuis le Déluge jufqu'à la naifiance de ce Phaleg , il y a
plus de f 00. ans , félon la verfion des Septante. On croit qu'il ne faut pas
moins de tems pour peupler la terre , autant qu'elleétoit peuplée quand on
commença, à. bâtir la Tour de Babel , ôc que les langues furent divifées : l'o*
pinion commune des Juifs efl: , que les langues furent partagées en 72. En
effet pour peupler tous les pays de la terre, il ne falloit pas moins de na-
tions;
Ï92 HISTOIRE DES D O G MES
tions différentes. Or comment ell-ce qu'en cent ans de tems tant d'hom-
mes pourroient être fortis de trois tiges feulement, Sem , Cam&Japhetj
fur tout dans un tems où les hommes n'engendroient que fort tard, à cau-
fc que les années de puberté ne venoient que tard, à proportion de la lon-
gueur de la vie ? Selon le calcul des Hébreux , depuis le déluge jufqu'à
Phaleg, il n'y a que cent ans 6c trois générations. Ainfî Noé ne voyoit
que la troifiéme poflerité de Cts enfans, quand on bâtit la tour de Babel.
Jugez, dit-on, s'il pouvoît y avoir allez d'hommes fur la terre pour four-
nir 72. nations, i. Je dis que le nombre de 71. langues & de feptantc
deux nations, dans lefquelles la poflerité de Noé fut divifée, ellun fon-
ge des Juifs qui n'a pas de fondement. J'ajoute que quand il feroit vray
que les hommes auroient été divifez en 72,. langues, il ne faudroit pour
cela qu'autant de familles. Car il auroit pu fe faire que Dieu auroit donné
^ à chaque famille fa langue, &les auroit difperfées pour peupler lesdiyer-
fes parties de la terre.
Mais fur tout il faut remarquer que ce raifonnement , qui fuppofe que
le nombre des hommes étoit très petit cent ans après le déluge , eft fondé
fur ce que ces Meilleurs ont imaginé que les années de puberté propres à
la génération ne venoient que fort tard , & à proportion de la longueur de
la viej ce qui eft, à mon avis, la plus grande chimère du monde. Je fuis
perfuadé du contraire , c'eft que les hommes diins ces premiers fiécles
croient en état d'engendrer, peut-être plutôt qu'ils ne font aujourd'hui,
tant à caufe que Dieu avoit pour but de multiplier le genre humain bien-
tôt , que parce qu'alors la nature étoit bien plus forte ôc plus vigoureufe.
Ils engendroient ôcpouvoient engendrer à l'âge de 14. ou if. ans, ôcils
engendroient très long- tems. Encore une fois il ne faut pas s'imaginer que
les enfans, qui font nommez comme les premiers nez de ces Patriarches , le
fuffent en effet -y ils pouvoient avoir eu d'autres enfans devant ceux-là } ÔC
ce qu'on ne les nomme pas , c'eft parce qu'on n'avoit pas affaire d'eux dans
l'Hifloire, 6c dans la généalogie du Meftie.
Dans les Suppofon^ donc que Sem, Cam 6c Japhet ayent travaillé à la multipli-
ïoo. ans cation, incontinent après le déluge, 6c que Dieu ait fait naître dans ce lié-
rent*de"puis clc bcaucoup plus de fillcs que de garçons j que la mort n'ait enlevé aucu-
le déluge ne perfonne dans l'enfance j que les enfans ayent été en âge de fe marier
tpinde Ba- à 1 4. OU If. ans j que chaque mari ait eu pïufieurs femmes, felouque la
bdpiusd'un polygamie étoit alors permile. En faifant toutes ces fuppofitions , qui ne
d'hommes lout quc Qu cours orduiairc de la nature d alors , oC qui ne renrerment point
pouvoienc (jg miracle, dans l'efpace de cent ans on va compolèr un peuple de plus
de deux millions d âmes j encore qu on iuppolat qu u n y eut que trois ti-
^ ges , Sem , Gam 6c Japhet ; fuppofition qui n'ell pas même abfolument
neceflaire -, car Noé ayant vécu en tout pf o . ans , le déluge étant arrivé
l'an doo. de fonâge, il eft clair qu'il vécut ^yo. ans après le déluge. Or
il n'y a gueres d'apparence qu'il ait pafle tout ce tems fans travailler à la
génération ; il n'eft pas apparent non plus que fa femme fût hors d'âge
d'enfanter, quand même elle auroit été d'un âge approchant du lien j car
étant faite.de cette première pâte dont les hommes étoient compofez avant
le déluge , elle avoit fans doute confervé la vigueur des femmes du pre-
mier monde, quiportoient des enfans durant piufteurs fiécles. L'onpour-
roit
ET DES CULTES DE UEGLISE, Part.l. 193
roit donc fuppofer, fi l'on vouloit, qu'il y eût quatre tiges , Noé ôc lès
trois fils 5 d'où fortirent les hommes pour repeupler la terre après le déluge.
Mais nous n'avons pas befoin de toutes ces fuppofitions.
Il n'elt pas neceflàire de trouver plufieurs millions d'hommes fur la ter- 11 ne faut
re quand la Tour de Babel fut édifiée. Il n'y a pas d'apparence que tant qT'°v1ngt
de gens eufiènt pu convenir enfemble de bâtir une tour & une ville pour mille enfans
^y demeurer. Tous les hommes étoient aflemblez dans une feule plaine; ico. pre-
dans un tems oii ils pouvoient fi facilement s'écarter & prendre leurs li- '",'"^.V*'
1 Ti , n ■,^^rrrrr2 n ■ nées |ulqu'S
bertez j 11 n y a pas d apparence qu ils le mlient ien^z dans un ii petit ladivifion
efpace. Je renonce volontiers au million d'hommes que je .pourrois trou- ^^^ i^ng«es.
ver fur la terre cent ans après le déluge, ôc je fuppofe qu'il y avoit peut-
être quinze ou vingt mille perfonnes. Ce n'eft pas une fuppofition que
je fafleen l'air, car on pourroit en démontrer la poifibilité comme on dé-
montre une propofition de Géométrie -, & je foûtiens que ce nombre de
quinze ou vingt mille perfonnes étoit fuffiiant pour peupler toute la terre
félon Tintention de Dieu par la divifion des langues , Dieu en envoyant
cinq cens dans un lieu^&cinq cens dans un autre.
Au refte il ne faut pas s'imaginer que dans cette divifion des langues,
êc dans cette difperfion des peuples, toute la terre ait été d'abord occu-
pée. Les familles fe féparerent & s'écartèrent dans les provinces voifines,
c'eft-à-dire qu'elles demeurèrent dans l'Orient , dans laChaldée, dans la
Syrie, dans la Palefiine, dans l'Arabie j ôc quelques-unes à caufe du voi-
finage pafièrent dans l'Egypte.
6. Ce que nous venons de dire peut beaucoup fervir à difliper une au- sixième ofe-
tre objeélion 5 que l'on fait fur cette matière. On dit que du tems d' Abra- '«'^'^°«
ham il y avoit des Rois prefque par toutj qu'il eft clair parrHifi:oirede
la Genefe que la Chaldée, le païs de Canaan, laMefopotamie, l'Egyp-
te & l'Arabie, étoient pleines d'habitans. Or cela nefe peut faire, dit-on,
fi l'on pofe qu'il n'y a eu qu'environ 300. ans depuis Noé jufqu'à Abra-
ham. On n'y penfe pas quand on dit cela, ôc je foûtiens qu'en 500. ans il
pouvoit être nés plus d'hommes fortis de Sem , Cam&Japhet, quatre fois
qu'il n'y en a aujourd'hui fur la terre. On peut pofer comme une chofe
certaine , qu'il n'y a pas aujourd'huy quatre cens millions d'ames fur la ter-
re. L'opinion commune eft qu'en France il y a environ fept millions d'a-
mes, ou un peu plus. La France eft la partie la plus peuplée de l'Europe,
ôcTon peut fuppofer, avec certitude, que tf'elltout au moins la dixième
partie de l'Europe à l'égard du nombre deshabitans. Selon ce compte il
n'y auroit dans l'Europe qu'environ 70. millions d'ames. Les trois autres
parties du monde, l'Afie, l'Afrique 8c l'Amérique, ont fans doute chacune
beaucoup plus d^étenduë que n'en a l'Europe: mais il eft certain qu'elles
ont beaucoup moins d'habitans, l'Afrique 5c l'AmiCrique étant pleines de
vaftes deferts. Ainfi il eft certain qu'on ne peut pas concevoir qu'il y ait dans
le monde plus de trois à quatre cens millions d'hommes, quand même on
donneroit à chaque partie du monde autant d'hommes qu'il y^n a dans l'Eu-
rope. •
Or je foûtiens qu'il pouvoit y avoir plus de monde du tems d'Abraham, ^u tems
Reprenons nôtre première fuppofition; c'eft que du tems de la Tour de ji pouvoir
Babel il y avoit vingt mille perfonnes : faifons dix mille mariages de ces y ^^
Fart. I. ' B b vingt
■ avoir [
cent
194 H I S T G I R E D £ S D O G M E S
miHions Vingt mille peribnncs : fuppofons que les femmes ayent eu tous les ans ua
t«îa"terie. cH^^nt , Si que tous les enfans (oient venus en âge de maturité , nos dix -
mille mariages durant l'efpace de quarante ans nous produifant dix mille
enfans par an , au bout des quarante ans nous aurons quatre cent mille
perfonncs. De ces quatre cent mille il y en aura pour le moins deux cent
mille en âge d'être mariez. De ces deux cent mille perfonnes faifons cent
miile maviages j ces cent mille mariages durant quarante autres années
nous produiiont quatre millions d'ames, qui fe trouveront vivantes 80. ans
après le bâtiment de la Tour de Babel. Après cela reprenons les deux
cent mille perfonnes que nous avions laifiees quarante ans après le déluge
fans les marier , parce qu'elles n'étoient pas encore en âge de l'être : tai-
fons de ces deux cent mille perfonnes cent autres mille mariages durant
quarante ans, depuis fo. ans après la Tour de Babel, jufqu'àpo. ans. Du-
rant ces 40. ans ces cent mille mariages nous produiront encore quatre mil- •
lions d'ames. Ainfi environ 90. ans après la tour de Babel voilà plus de •
huit millions d'ames fur la terre , fans conter leurs pères Se grands-peres
qui étoient encore vivans. De ces huit millions d'ames faifons quatre mil-
lions de mariages, qui produiront tous les ans quatre millions d'enfans, au
bout de quarante ans cela fera huit vingt millions d'ames, c'efl-à-direcent
foixante millions. Pourfuivez vôt:e llipputation fur ce pied -là, en fai-
fant de ces cent foixante millions d'ames quatre-vingts millions de mariai
ges, qui produiront tous les ans quatre-vingts millions d'enfans, vous trou-
verez que devant que d'être arrivez jufqu'à l'année deux-centième après la
Tour de Babel ôc la divifion des langues, il pourroit y avoir eu fur la ter-
re infiniment plus d'hommes qu'il n'y en a prefentement, Ainfi il paroît
que l'argument qu'on veut tirer contre le texte Hébreu du grand nombre
d'hommes qui étoit fur la terre du tems d'Abraham ,, eft une pure vifion.
Au lieu de trois ou quatre mille millions d'hommes que nous pourrions,
trouver fur la terre du tems d'Abraham par nôtre fupputation précéden-
te , je réduis tout ce nombre prodigieux feulement à quarante millions
d'hommes ; je le réduis, fi l'on veut, à dix^ ôc je foûtiens que ces dix
millions fufiîfoient pour peupler tous les païs dont il nous ell parlé dans
l'Hidoire d'Abraham ôc de jacob.
Septième J- Ces Meffieurs qui combattent le texte Hébreu en faveur du calcul
«bjeaion (^qs Grccs , tirent divers argumens pour l'antiquité du monde , de la Chro-
deschsi- nique d'Eufebe, de ce qu'il dit que le/egne de Semiramis & de Ninus=
v""^&ch-' ^^^^^"'^ ^^^^' ^^s ^^^^ d'Abraham. Or, dit on, il eil clair que du tems de
H8is? Ninus 6c de Semiramis , & par confequent du tems d'Abraham toute la
terre étoit peuplée. Ils tirent aullides argumens pour le même but des an-
ciennes Annales des Rois de Babylone , des Egyptiens & des Chinois. Mais,
en vérité ces raifons font fi vaines ,, que je m'étonne comment des gens
d'efprit & de jugement ofent s'en fervir. Pour ce qui eil de la Chronique
d'Eufebe, tout ce qu'on y lit du règne de Semiramis ôc de Ninus efttoutà
fait douteux y ôc quand même il feroit certain que Ninus Se Semiramis au-
roient été contemporains d'Abraham , cela ne fait rien contre nous , puis
qu'il eft certain que, félon la fupputation que nous avons faite fans aban-
- donner le calcul des Hébreux, il pouvoit y avoir afiez d'hommes fur la
terre pour fonder de grands Empires. Pour ce qui eil des Annales des-
Payens ^
ET DES CULTES DE L'EGLISE. Tart.l. 19c
Payens, il n'y a rien de plus ridicule & de plus vain, que la preuve qu'on
en veut tirer. Les Chaldéens fe vantoient d'avoir des obrervations de qua-
tre cens foixante & dix mille ans. Les Egyptiens n'en contoient pas tout
à fait tant ; mais ils ne laiffoient pas de dire qu'avant les Ptolemées leur
Etatavoit duré plus de foixante ôc dix mille ans, fous diverfes formes de
gouvernement. Les Annales des Chinois ne difent pas des chofes moins
monflrueufes. Je m'étonne encore une fois , comment des gens d'efprit
veulent fe fervir de ces fortes de rêveries, pour appuyer le calcul des Grecs
contre celui d^s Hébreux. Car enfin quand il feroit vray que le monde
feroit plus vieux de quatorze ou quinze cens ans que les Hébreux ne le
font , à quoi cela ferviroit-il pour juftificr ces monflrueufes fupputations
des Chaldéens, qui font ie monde plus ancien de quatre ou cinq cent mille
ans.? Il faut donc tomber d'accord, que hors du texte de Moyfe, on ne peut
avoir aucune lumière fûre pour la Chronologie. Eufebe&Julius Africanus
ne font point dignes de foy. L'un & l'autre ont puifé dans Berofe Chal-
ééen^ dans Maneton Prêtre Egyptien , dans unAbydenus. Voilà des gens,
fur le témoignage defquels il y a grand lieu de faire fond , vu principa-
lement qu'ils ont écrit .des chofes arrivées plufieurs flécles devant eux 5 &
aujourd'hui nous ne faurions lavoir la vérité de ce qui fe fait prefque fous
nos yeux. Ainfi fans entrer dans le détail, je puis dire en vérité, que toas
ceux qui veulent tirer quelque lumière des Annales des Chaldéens , des
Egyptiens, ôc des Chinois, pour appuyer ou le calcul du texte Hébreu, ou
celui des Grecs , perdent miferablement leur tems , fe moquent du public
ôc des Leéteurs , & font feulement une vaine oilentation de leur leélu-
re. Pour favoir qui a raifon des Septante ou de THebreu, il faut donc
confiderer fîmplement lequel des deux mérite le plus de créance > ce
qui, cerne femble, ne doit pas être douteux, après les chofes que nous
avons dites.
Avant que définir, il faut dire un mot de la féconde queûion j c'eft d'où D'oùefi
peut-être née cette grande différence entre le Grec ôc l'Hébreu, fur la fup- g^fÂdVd^
putation des tems. St. Auguftin fait là-deffus une conjeélure allez ingé- verfité entre
nieufe, mais qui n'eft pourtant ni vraye, ni affez bien fondée. Il dit que rHêbreu^
ceux qui ont introduit cette corruption dans le texte Grec ne pouvoient ?enféeinge-
croire que les hommes vécuflént neuf cens & mille ans félon l'Hifloirede Auguftfn.^'^'
Moyfe; ils s'imaginoient qu'il falloir conter ces années felon.qu'ilsavoient Lib. ij. de
ouï dire qu'on les contoit autrefois, c'ell-à-dire qu'on ne faifoit l'année c.iT'u.^
que de trente fîx jours : enforte que dans nôtre année il y en avoit dix de
celles des Anciens. Ils contoient donc que celui qui avoit vécu neuf cens
ans ou mille ans des années de ce premier monde, devoit avoir vécu en-
viron po. ou 100. de nos années. Mais félon ce calcul , il rencontroit une
grande difficulté 5 c'efl que Moyfe fait engendrer les Patriarches à cent
ans, à po. à 67. en prenant cqs années pour des ans de 36. jours , il fe
îrouvoit que ces hommes en engendroient d'autres à 10. à p. à 8. & à 5.
ans. Comme cela ne leur paroifîbit pas vray-femblable , ils ajoutèrent cent
ans à chaque génération > lefquels cent ans de cetems-làne tàifant que dix
.de nos années , mettoient les Patriarches juftement dans l'âge d'engen-
drer, c'eft-à-dire à 20. à ip. à 18. & à 16. ans. Et c'eft pourquoi, fé-
lon le fentiment de St. Auguflin , dans les générations oiî ils ont trouvé
Bb 2, aile?'
196 HISTOIRE D E S D O G M E S
allez de ces années de ^6. jours pour faire l'âge de puberté, enlesredui-
lant à nos années communes, ils n'y ont rien ajoute j par ex-emple, dans
lu génération de Jared , de Methufcela, de LemeCjaufquels l'Hébreu don-
ne 162. ansôc 182. ans, quand ils commencèrent d'engendrer j parce que
ces années réduites à nos années, font les années de puberté depuis quinze
jufqu'à vingt, les Grecs n'ont rien ajouté.,
Dpinionck Pour moy je croy que celas'etl fait par une raifon toute oppofée. Ceux
j'Âu;ei«. qui ont fait cette corruption n'av oient pas intention d'abréger la durée du
monde, ni la vie des Patriarches: au contraire ils vouloient faire paroî-
tre le mande bien vieux j êcen voici la raifon. Ce font les Juifs d'Alexan-
drie, qui ont fait cette veriîon Grecque, apparemment dans le tems qu'O-
nias décendit en Egypte , êc qu'il y bâtit un temple dans le lieu appelle
BiibAftis agreftis, 6c y établit un culte femblable à celui qui fefaifoit enje-
rufalem. Afin que ce Temple 6c cette Eglife fchifmatique euflent la Loy
&■ les Prophètes, auffi bien que l' Eglife de la Judée, ils les tournèrent de
FHebreu en Grec , qui étoit la feule langue que les Juifs d'Egypte en-
tendiflent. Cette verfîon fe faifoit donc en Egypte , & dans le def-
fein de convertir au Judaïfme autant de Grecs ôc d'Egyptiens que
"VideSamuei. pgn pourroit. Ccux qui firent cette verfion favoient bien que les Grecs
Siones!* & Ics Egyptiens étoient pleins de cette opinion que le monde étoit très
?3P- -7. , ancien 5 la plupart même croyoient qu'il étoit éternel. Les Juifs craigni-
"° ^° ^ ' rent que cette grande nouveauté du monde, qui paroifibit dans leurs li-
vres,, ne fcandalilât les Payens,,ôc ne leur fût une pierre d'achoppement,
pour les empêcher d'ajouter foy au refte. Ils ejOTayerent de lever ou dimi-
nuer ce fcandale , en faifant le monde le plus vieux qu'ils purent : c'eil
pourquoi ils ajoutèrent cent ans à chaque génération, avant Abraham , dcr
vant la nailTance du premier enfant. Mais ils n'oferent pas ajouter ces cent
; ans à la vie des Patriarches, après la generationjparce que c'eût été, en levant
un fcandale , en augmenter un autre ^ car la longue vie des Patriarches,
étoit une autre chofe fort difficile à croire aux Payens. C'eft pourquoy
afin de ne pas augmenter le nombre des années de la vie des Patriarches,,
ils diminuèrent le tems, qui fuivoitla génération du premier né de cent ans,,
& mirent ces cent ans devant la naiflance de ce premier né. Enfin dans
• '*' les générations, oi^i ils voyoient que l'Hébreu avoit extrêmement reculé la
naiflance du premier né, ils n'oferent rien ajouter: par exemple dans la
génération de Jared,, qui n'eut Enoc qu'à 162.. ans i dans celle déMethu-
fcela, qui n'engendra Lemec qu'à 187. ansj 6c dans celle de Lemec, qui
n'engendra Noé qu'a 182. ans,: dans ces générations, dis -je, ils n'ofe-
rjent ajouter cent ans, comme ilsavoient fait dans les autres -, parce que
c'eût été augmenter une difficulté, qui étoit déjà afîèz mal-aifée à digérer
aux Payens > c'elt que des hommes eufl!ènt été. 2.00. ans fans engendrer.
Pour ce qui eft des générations d'après le déluge , ces, corrupteurs y ont
trouvé plus de facilité. L'Hébreu fait engendrer à 30. ans j les Grecs qui
firent cette altération crurent qu'il n'y avoit aucune difficulté à ajouter
cent ans par tout. Quant à la génération de Cainan-, quiefi: de ï\y. ans
entiers,, elle ne vient point de ces interprètes Grecs. Car où l'auroient-
ilsprifej puis qu'on n'en voit aucune trace dans les généalogies qui font
dans les livres des Chroniques 6c. ailleurs ? C'eil donc quelque homme
igno-
ET DES CULTES DE L'EGLISE. Part.l. 197
ignorant & hardi, qui, fans y bien penfer, a inféré cette génération , â
caufe que dans la première généalogie , depuis Adam jufqu'à Noé , il y
avoit un Caïnan, qui étoit ie quatrième homme après Adam. Il eft vray-
femblable, que ce même nom s'ell glifîe en partie par m'cgarde dans la lë-
Gonde généalogie, qui eft depuis ledélugejulqu'à Abraham. Ces honnête^;
gens, qui travaillèrent ainfî avec tant de foin à ôter de ces généalogies ce
qui pouvoit paroître incroyable aux Payens , n'avoient pourtant pas tout
à fait bien pris leurs mefures \ car ils faifoient vivre dans leur calcul Me-
thufcela 14. ans après le déluge: ce qui a bien exercé les efprits des An-
ciens, comme on le peut voir dans le livre if™^; de la Cité de Dieu de
St. Auguftrn. En effet il eft affezmal-aifé à concevoir comment Methu-
fcela, qui n'entra point dans l'Arche, pût fe fauver du déluge pour vivre
encore quelques années après. Il me femble que cette difficulté, quin'eit
pas petite , devroit un peu ouvrir les yeux de ceux qui<iéfendentaujour-
d'huy avec tant de zèle le calcul des Grecs contre celui des Hébreux. C'eii
ce quej'avois à dire far cette queftion,- 6c en gênerai f jr l'Hiftohe Ecclej-
liaftique du premier monde.
Fin de la première Partie.
€■
%
I s.
199
t^
STOI
DES DOGMES
E T D E s
CULTE
BONS ET MAUVAIS
DE LE G L I S E
Depuis Adam jufqu à Jefus-Chrift.
SECONDE PARTIE.
Du Culte Levitique,
L femblc que la nature de nôtre projet , îa
manière dont on a commencé de Fexecuter $
& nôtre titre demandent que nous mettions
à la tèiQ de cette féconde partie un eflay des
Dogmes & de la Théologie de rEglifelfraeli»
te, comme au commencement de la première
partie on a donné un efTay de la Théologie des-
Pères avant Moyfe.
Mais après y avoir trés-fouvent , & trés-ferieufement penfé>
on n'a rien trouvé à dire de nouveau > qui fût digne de la curio-
fité du public
Car
2GO HISTOIRE DESDOGMES
Car ou bien on s'en tiendroit aux anciens Juifs, oiil'onvien-
droir jufqu'aux Juifs qui ont fuivi Jefus-Chrid. Pour Tancienne
Eglife Ifraëlite 5 on ne pourroit rien donner de fa Théologie,
que 'celle qui fe trouve dans les écrits du Vieux Teiftament, tant
dcMoyie, que des Prophètes. On voit là dedans les penfées que
les anciens Juifs ont eu de Dieu, de (es attributs, de fon unité,
de fon éternité, defa pui'fiance , &c. & ce qu'on y pourroit ajouter
ne feroient que des efpeces de Commentaires , qui n'auroient rien
que de très-commun. Si Ton paflbit par defliis le fiecle du Sei-
gneur, pour venir à ceux qui fuivent, on ne trouveroit que des
rêveries Talmudiques , dont on ne fait nul cas. Ceux qui ont
du goût pour cette efpece de littérature peuvent s'en inftruire
par cent ouvrages de nos Savans en littérature Juifve, qui font
entre les mains de tout le monde. Il eft vray que parmi cela on
trouveroit à manier certaines queftions, qui paroifTent de quelque
importance : Par exemple on pourroit chercher quelle a été la
connoiflance des anciens Juifs fur nos Myfteres Chrétiens , de la
Trinité, de la Rédemption par Jefus-Chrift, delà Refurredion^
& autres femblables. Mais je ne croy pas qu'on pût trouver [rien
de feur , que ce qu'on trouve dans les Evangiles , 6c dans les Epi-
tres, qui font fouvent mention des dogmes des Juifs, fur la Re*
furredion, fur le Règne du Mefîie , fur la Juftification,&:c. Rit-
taogelius nous a donné un recueil de pafiages des anciens Juifs ,
&c particulièrement des Auteuts des Paraplirafes Chaldaïques , qui
prouvent que les Juifs de tout tems ont reconnu la pluralité des per-
îbnnes en Dieu, &: la divinité du Verbe. Et un favant homme de
ceiîécle a fait un Ouvrage exprés , pour foûtenir que les Juifs
ont connu le Myftere de la pluralité desPerfonnes en Dieu. Le
piïblic peut tirer des ufages confiderables de ces écrits : Mais n'ayant
rien de nouveau à dire là-deiTus, nous n'avons pas jugé neceffaire
de nous y arrêter. 'C'eH pourquoy nous paflbns fans delay à l'Hif-
toire du Culte de l'Eglife Mofaïque.
Apres avoir vu l'état de FEglife, c'eft-à-dire , fon culte, fon
fer vice, & fa Religion , dans fon premier période , qui a roulé depuis
Adam jufques à Moyfej il faut prefentement parler du fécond pério-
de , qui fe conte depuis Moyfe jufques à J. Ch. Et cette féconde
Partie fedivifera en quatre autres. Dans la première on verra le lieu
oii fe faifoit le fervice de la Loy , c'eft le Tabernacle , auquel fucceda
le Temple. La féconde parlera des VaifTeaux du Temple. La troi-
fiéme des Minifl:res du fervice > &: la quatrième du Service même ,
ou des Cérémonies de la Loy Mofaïque.
CHA-
ET DES CULTES DE UEGLÏsk TartAL loi
CHAPITRE!.
De l'antiquité des Temples,
ï. A Vant le Déluge il n'y a nul veflige 6c nulle apparence , qu'il y ait \f^^'^°^^^
/A eu des Temples. pas eu de,
2,. Depuis le Déluge, les peuples ont été long-tems fans en avoir. I^^f^^
Et même les Peifesen conferverent la coutume: Hérodote Lib. i.&Lib. temsdes
4. dit la même choie des Scythes : Ils eftimoient cela une folie & une impie- ^"^^*"
té, les anciens AUemans, ôcpludeurs autres nations, ont été dans les mê-
mes fentimens.
3. Il faut chercher l'origine de la Religion, du culte 6c du fervice di-
vin, dans l'Orient, d'oiifont venus les hommes. Dans toute l'antiquité
nous n'avons rien de feur là-defliis , que ce qui s'apprend de l'Ecriture.
Or nous en apprenons, que les premiers hommes bâtifToient leurs au- Les bocages
tels fous le ciel en plein air. AinfifitNoéi ainfi firent Abraham , Ifaac &. fontpiusaa-
Jacob. Et il n'y a pas d'apparence qu'il y eût de Temple dans tout lesTempiee»
le monde, durant ces fiécles, depuis le Déluge jufques à Moyle,nous
ne voyons pour Temples que des bocages , ëc la Loy en fait fouvent
mention : Moyfe commande qu'on renverfe les llatuës , les autels & \ts voyDeuter.
bocages d^s idolâtres, mais il ne dit rien des Temples. Il ne les auroit 7-4 s- & >
pas oiibnez , s il y en avoit eu. Je ne trouve pomt non plus dans i Hil-
toiie de jofué aucune mention de Temple d'Idole: cVft dans le Livre des
Juges, qu'on trouve le premier Temple Payen, c'eft celuy de Dagon que
Samfon renverfa, ÔC fous les ruines duquel il écrafa tant de Phiiiitins; c'efl
ce même Temple dont il ell parlé au chap. 5". du piemier Livre de Samuel
V. 1. Les Phiiifims amenèrent f Arche de PEternel en U matjon de Dagon. C'efl:
dans ce fîécle que je polè la première origine des Temples. Les bocages
étoient beaucoup plus anciens: 0.11 en trouve dans toutes lesHilloires, ôC
entre toutes les nations. Et de là eîl venu , que même quand on a commen-
céà bâtir des Temples, on les accompagnoit de bocages. C'eft pourquoy
le chêne a éié confacré à Jupiter. Sic ubt magna fovis amtquo %Qbore cjner- Lîb. î.
cfis.... ingénies tenàat ramos ^ parce que le chêne eft l'arbre le plus ordinai- <^«<"g-
re 5 8c de plus grande ombre dans les bocages , ÔC auffi le guy de chêne, qu'on Leguy de
appelle vxÇcm ^ a été facré entre les Anciens, parce qu'on s'imaginoit que ^"^^^^^^^^^
c'etoitune marque que l'arbre étoit bien chéri de Dieu, quand il produifoit pomquoy.
le guy.
4. J'eftimedonc qu'avant que le peuple fût forti d'Egypte , il n'y avoit V^^^yp^
aucun Temple. Les Egyptiens n'en avoient pas dans ce fîécle, & nous ne voient pas
voyons pasqu'nenfoit tait aucune mention dans toute l'Hiftoire de l'Exo ^y te^de*
de, ■quoy qu'il loit parlé des Dieux des Egyptiens, furlefquels la mamde Moyfe.
Dieu s'appeiantit. Il y a apparence qu'ils adoroient déjà les bêtes, caries
Ifraëlites ne voulurent pas iacrifîer rabominaiion,ou les dieux des Egyptiens
à leur vue. Mais ils ne leur avoient pas encore édifié de Temples ; on les
ïiournfioïc , ou dans des bocages , ou dans àt^ maifons particulières. 11 y
Fm. IL Ce a
202 H l^ T Q IRE DES D O G MES :
a apparence, que le premier modèle des Temples a été pris du Taberna-
cle de Moyfe, environ les tems deSamfonôcde Samuel, 'douze ou treize
cens ans après le Déluge , auquel tems on rapporte le iîic de Troye :
Cappel rattache Vl'an du monde 2816. fous Jephté , 6c prétend que
LîfaWcdu l'Hiiloire du lacrifice d'Iphigenie ell prife du facrifîce de Jephté : La
d'îp'hTgenie çonjcélurc cll bcUc , ingenieufe, & tout à fait vray-femblable. Jephté
à écé ern- étoit le Général des Ifraclites , en même tems qu' Agamemnon étoit Gene-
fSoL'^dc i"-d des Grecs au fiege de Troye -, Iphigenie n'eft autre chofe que fipkigeme^
lephté. qui dans la langue des Grecs iîgnifie la fille de Jephté : les Grecs aimant
le grand & le tragique : ils ne pouvoient pas manquer de s'accommoder
de cette HilloirepourembeUir la leur. Petau met le fiege de Troye fous
Jaïr, quelques années devant Jephté. Tout ce que difent les Grecs & les
Latins des premiers qui ont bâti des Temples , eil ou faux ou incertain , ou
plus nouveau que les fiécles dont nous parlons. Les uns veulent que Janus
ait le premier bâti des Temples en Italie , les autres que ce foit Fauiius j
d'où ils ont été appeliez Fana. Diogene Laërce lib. i . dit , qu'Epimeni-
des le premier a bâti des Temples. Strabon Hb. 1 7. attribue aux Egyp-
tiens l'honneur d'avoir les premiers bâti des autels 6c des Temples. Clé-
ment d'Alexandrie dans fon Protreptique a dit, que l'origine des Tem-
ples venoit des fepulchres, 6c que des monumens des Héros on en avoic
fait des Temples, en quoy il a été fuivi parEufebe, par Arnobe, 6c par
Ladance. Mais il faut di.{linguer : la première Idolâtrie n'a pas été celle
îoiydor.vir- qui a adoré les Héros. On a premièrement adoré le foleil 6c la lune j 6c on
deremm^ia- ^^^ ^ adorcz fur les montagues } enfuite on a choifi les bocages pour lieux
ventoribus de de votiou , 6c les bocages ont conduit les hommes à faire des Temples. Au
p-^-3nJJ;°^' relie je ne nie pas 5 qu'on n'ait converti les fepulchres des Héros en Tem-
Tempiis. pies, ^ Ics Heros en Dieux. Il en eft arrivé de ces Héros comme àcs
^*^' ^' Saints dans l'Eglife Romaine , au commencement on celebroit leur mémoi-
re dans des bocages , enfuite on les a invoquez.
L^
CHAPITRE IL
Du Tabernacle conftruit par Moyje,
E Temple de Jerufalem, n'eft pas le plus ancien Temple, car avant
jSalomon il y avoit des Temples entre les Payens , comme nous le
venons de voir. Mais je tiens que le Tabernacle de Moyfe peut pour-
tant être appelle le plus ancien Temple, parce qu'il a précédé tous les
Temples, 6c en a été le modèle. Il nous le faut reprefenter brièvement,
félon la defcription que nous en avons au 26. 6c ^6. de l'Exode,
dï pïemie? C'étoit proprement une grande tente , comme font celles des Princes 6c
Tabernacle, dcs Gencraux d'Armée à k Campagne. Voicy quelle étoit fa forme. i.Sa
longueur étoit tournée de l'Orient à l'Occident ; le derrière ou le fond
,du pavillon étoit vers l'Occident, la porte ou l'entrée vers l'Orient. On
ET DES CULTES DE V EGLISE. Part.U. 20^
a tourné les Temples des Chrétiens d'une manière oppofée , le fond où
cft l'autel eft vers l'Orient, 6c h porte à l'Occident. 1. Il étoit long de
30. coudées, c'eft-à-dire, d'environ quarante cinq de nos pieds, car cha-
cun de fes cotez, tant du Midi que du Septentrion,, avoitzo. ais debout,
de la largeur d'une coudée ÔC demie chacun j c'eft-à-dire, d'un peu plus de
deux pieds 5 ce qui méfait croire qu'il faut prendre icy la coudée, pour la
coudée communes car une planche de 2f. ou 26. pouces eft de la plus gran-
de largeur, 6c il n'y a guère d'arbre allez gros, pour pouvoir fournir cela de proportions
quarré, car il faudroit qu'un arbre eût plus de trois pieds de diamètre, 6c ^".f'J''"
plus de neuf de circonférence, ce qui eft rare. 3. Sa largeur étoit de quin^ nade, leur
ze pieds; car il y avoit dans le fond fixais, 6c deux ais d'encogneUre , c'é- l^^jy^^^""^ ^
toient huit -, ils étoient larges chacun d'une coudée 6c demie. C'étoient
douze coudées i ce qui fait trois denostoifes: î'opiiiion commune cepen-
dant eft , que fa largeur n'étoit que de i o. pieds, le tiers de fa longueur. Dans
le Temple de Salomon, on garda les mêmes proportions, la longueur
de 60. la largeur de 20. 4. Les côtezqui fa ifoient la largeur, étoient garnis
d'ais : il y en avoit quarante-huit en tout. Dans la longueur de chaque cô-
té, il y en avoit vingt, 6c dans le fond vers l'Occident, il y en avoit huit,
les planches n'étoient pas couchées félon leur longueur, comme dans la
Gonftruélion des navires. Mais elles étoient dreflées tout debout , comme
elles font ordinairement dans les cloifons. 5. Leur hauteur étoit de dix
coudées, c'eft-à-dire, quinze pieds: Joigne^; à cela les foubaflemens 56c l'é-
lévation des courtines, qui apparemment étoient en dos d'âne pour égou-
ter les eaux : cela pouvoit faire une hauteur d'environ 20. pieds , ce qui
étoit la hauteur du Tabernacle. 6. Ces planches avoient au bas deux tenons
Ces deux dents encroient
_J d'argent , qui fe pofoit , 6c
en manière de deux dents, en cette façon.
dans deux mortaifes d'un foubaftement
qui entroit en terre , apparemment dans ij ij quelque profondeur j c'èft
pourquoy il falloit qu'il y eût beaucoup d'argent dans le foubafiement. 7. Ces
ais étoient joints les uns aux autres dans leur longueur 6c hauteur , par f . bar-
res qui étoient pofées félon la longueur du Tabernacle , 6c qui regnoient
dei^^uis un boutjufques à l'autre, 6c entroient dans des boucles ou anneaux
avec force, de forte que cela tenoit les ais droits, ferrez 6c en état. Il y
avoit une barre au milieu, qui étoit par dedans, 6c ne fe voyôit point par
dehors 5 c'eft pourquoy nos Peintres n'en peignent que quatre, deux par
en haut, deux par en bas. Les barres étoient de bois deSittim, 6c lésais
auffi j le tout couvert d'or , mais les anneaux étoient de pur or. Les ais des
encogneures étoient joints avec des anneaux d'or.
8. Pour achever la defcription du dehors, il faut ajouter, que tout cela
étoit couvert par dehors de peaux de Taifibns avec le poil. Au deifoos -il
•y avoit une autre couverture de peaux de moutons avec leur laine teintes
en rouge : La première couverture fervoit à faire écouler les eaux , et la ic-
conde à retenir l'humidité, afin qu'elle ne pénétrât pas jufques ao voile.
p. Cet efpace par dedans étoit donc environ de la grandeur d'une ialfe ^^Pï^™''^^^
• "111 o 11 o ij5''i • tspitierie
quiauroit 4f . pieds de longueur, 6c if . de large, oc 20. pieds d élévation : iEteiienre
cela étoit enrichi deprecieufesétoftés-j la première chofe qui fe voyoit étoit "°J^""'
une riche tapiiferie faite de fin hn, le fond étoit de couleur d'or rembrunr, LnuHscehr
ou d'un jaune brun , c'eft la couleur du fin lin ; ce fond étoit 'enrichi d'où ^™',ou
' ■' ^ co'kur ee
K^C Z Vrages jjgged'œiîf.
204< HISTOIRE DES DOGMES
vniges de fleurs de pourpré, de cramoifi , d'écarlate ô£ d'or , Ôc tout plein de
figures de Chérubins en broderie de pourpre.
lo. La tapifl'erie étoit compofce de dix pièces, dont chaque pièce avoit en-
viron 40. pieds de longueur, ëc 6. pieds de largeur. Les pièces n'étoient pas
coufuës enfemble 5 mais accrochées: au bord d'une pièce il y avoit 50. bou-
cles de pourpre y à un pied ou environ un peu moins l'une de l'autre , àc-
puis le haut jurques au bas , 6c au bord de la pièce y qui dcvoit joindre , ily
avoit cinquante crochets d'or, qui entroient dans ces cmquante boucles y
toutes les pièces écoient de même, 6c les dix pièces de tapillerieainlî join-
tes cnfemble, étoient élevées en forme de tente, entre les planches, de-
puis le haut juiques au bas^^ 6c s'étendoient fur les cotez Ôc fur le haut du
Taberna:cle j les pièces ainfi accrochées les unes aux autres- r-egnoient depuis
im des cotez du Tabernacle ,jufques à l'autre, 6c dans k haut on les éten-^
doit en rondeur, ce qui faifoit une efpece de voûte.
Seconde ta- II. Mais par delllis cette tenture de tapiflerie fi riche , il y en avoit une:
pifliriede ^utre, qui n'étoitque de camelot, fait de poils de chèvres (ans ornement.
TICS. Elle etoit deitmee a arrêter 1 eau oC l humidité , qui auroit pu traverier les
peaux de taifTon Se de mouton. Cette tapiflerie ne fevoyoit point. Il y avoit
onze pièces de cette féconde tapiflerie , les pièces étoient de même largeur
que celles de la première -, mais elles avoient 50. coudées , c'eft environ
4f. pieds de longueur, au lieu que les autres n'avoient que 2,8. coudées. Mais
enrecompenfe,. Aies pièces n'avoient pas plus de largeur, ily en avoit on-
ze , au heu qu'il n'y en avoit que dix de la fine > 6c la; raifon pourquoi pette
tapiiTerie étoit plus ample, tant en hauteur qu'en largeur, que la premiè-
re, eft évidente j c'eil qu'elle la dcvoit erabrafièr. Ces pièces étoient atta^
chées comme les précédentes , avec des boucles ôc des crochets j mais les cro-
chets de cette dernière tapiflerie n'étoient que de cuivre, pour être plus
forts , 6c parce qu'on ne les voyoic pas. Ces deux tentures étoient en dedans
des planches. Mais fur tout cela , 6c fur les planches mêmes , éroient les deux
couvertures extérieures de peaux de mouton, 6c de peaux detaifibn.
îielieutrcs- f-z. Cet efpacc étoit divilé: en deux : le fond étoit de dix coudées, ou
Scmcîi* ^'5- pieds, l'autre efpace étoit de zq. coudées ou de 30. pieds: le premier
eft:le heu Très- Saint, ou étoit l'Arche 5 6cc. Le fécond étoit le lieu Saint oii
étoit l'Autel des parfums, la Table, leChaudelicr, 6cc. Le lieu Saint étoit fe-
paré du. lieu Très- Saint-, par un voile d'une riche tapiflerie de pourpre 6c dô
fin lin,parleméede Cheriibins en broderie:Sc le Voile étoit foûtenupar quatre
petites colomnes de bois précieux , couvertes de pur or , avec les chapiteaux, .
6c les couronnemens de même metail , 6c les bafes ou piedeftaux des ce*-
lomnes étoient d'argent : Sur ces quatre colomnes il y avoit quatre crochets -
d'or, oii étoit attaché le voile..
Le grand î ^ . Enfin à l'entrée de ce Tabernacle, il y avoit cinq petites colomnes :.
voile, ou !â (Jeux vis à-vis des planches qui regnoient dans le côté, 6c trois dans l'ou-
bermcic. vcrture. iLlles etoient de bois précieux , mais non cou vert d or, excepte les
chapiteaux, 6c les couronnemens àes colomnes. Les bafes n'étoient que
d'airain , à ces cinq colomnes étoit pendu le premier voile , qui fermoit l'ea-
trée de tout le Tabernacle d'afligna];ion,c'étoit^jne riche tapiflerie épaifle,
ouvrage de brodeur comme lesautres, de finhn 6c de pourpré. Nous ne
lifonspas qu'il y eût des figures de Chérubins. Il y a apparence qu'on n'y
voyoitr
ET DES CULTES DE L'EGLISE. Part, II. 2^5
voyoic que des figures de branches de feuillage ôc de verdure.
14. Tout à l'entour étoit cet efpace qu'on appelloit le Parvis. C'écoit Atrfum.
proprement une court, que l'on dit avoir été de 100. coudées de longueur, Jyp"j?|j°®
c'ett- à-dire de If 0. pieds, ôcfo. coudées 5 ou 75". pieds dekrgeur. Cet ef*
pace non couvert, étoit environné de petites colomnes de bois de lahau-
teur de dix pieds, couvertes de lames d'argent, avec des bafcs d'airain à
caufe de la pluye, à dillance de cinq coudées, ou de fept pi-eds &demi les
unes des autres , é!i^ cqs colomnes étoient pendues dts courtines d'un ouvra-
ge à clairvoye, comme de refeuil r parce qu'il étoit bien permis à tout
le monde de voir ce qui fe faifoit dans ce Parvis , mais non d'y entrer à toutes
les heures. A l'entrée il y avoit deux colomnes plus fortes que les autres , qui
foûtenoient un grand voile , ou tapiflerie d'ouvrageplus greffier que \cs pre-
cedens j ÔC c'étoit l'entrée du Parvis, car les panneaux à clairvoye , qui
croient tout à l'entour ne s'ouvroient point : ils étoient continus , on
n'entroit que par cette porte. De pilier en pilier il y avoit des cordages Exod.35.
pour foûtenir les courtines. Il devoit y avoir cinquante- lix de cts piliers , "**"
vingt à chaque longueur du côté du Midi & du Septentrion , & huit
à chaque largeur à l'Orient ôc à l'Occident, en les difpofant de cinq cou-
dées en cinq coudées. Cela fait f6. La largeur de cette court étant de fo.
coudées, ou 7f. pieds, ôc le Tabernacle n'ayant que ii. coudées, ou i8.
pieds de largeur, il devoit y avoir dix-neuf coudées , c'eft-à-dire environ
i8. pieds de largeur entre chaque côté du Parvis, & les parois du Taber-
nacle j,6c ce Parvis étant long de loo. coudées, ou de ifo. pieds, & la lon-
gueur du tabernacle n'étaiu que de 30. coudées, ou 4f. pieds, il devoit y
avoir depuis la porte du Parvis jufques au Tabernacle 3 f . coudées, f z. pieds
8c demi, & autant par derrière: mais il n'y a pas d'apparence que cet efpa-
ce fût partagé en deux parties égales. LeTabernacle étoit fans doute bien
enfoncé dans le Parvis vers l'Occident, parce qu'à la porte du Tabernacle
dans le Parvis, étoit l'Autel des holocaulîes , & le cuveau deslavemens , où
les Sacrificateurs étoient perpétuellement occupez, & avoient befoin d'un -
plus grand efpace que par le derrière du Tabernacle , qui ne fervoit qued^
décharge i je ne dirai rien icy de tout ce qui étoit dans ce Tabernacle, par-^-
ee que cela fe verra quand on aura parlé du Temple. Prefentement il faut
voir rabbregé de l'Hilloire de ce Tabernacle. On fait qu'il fut roulant dans
le Défertpar 40. ans, planté dans les diverfes maniions des Ifraëlites. On Jofué4. rp,^
croit que le Tabernacle fut premièrement fixé en Guilgal au fortir du Jour- ^^^^ ^'^'
dain, ôc que le Sanhédrin s'y arrêta avec un gros. Camp pour le garder, Joîîféch.îtf.
mais l'Arche marchoit avec eux en guerre. Divers '^^*
Le tabernacle demeura là fept ans, les autres difent quatorze , jufques à "«nfoorts
ce que U terre fût conquife , après quoy il fut tranfporté en Sifo de la nacie. ^
Tribu d' Ephraïm; C'ell- là que demeuroit Je Souverain Sacrifi'cateur , & ^^ ,
c'eflrlà qu'on Éiifoit les facrifices : Les Juifs difent, qu'en Silo on bâtit ip.51.
une muraiils de pierre , pour tenir le lieu qu'occupoienrles planches de boisj
feulement ils difent qu'on ne couvrit les murailles que des courtines du Ta-
bernacle. Le fondement de leur opinion eft cequi le lit au premier Livre de"i- samnei.ï.'
Samuel, où ce Sanétuaire ellappellé la maifon de l'Eterne] , ôc il eltdit , que'^' ^'^' ^^
Samuel en ouvrit les portes, ce qui conviendroit bien à' un Temple. Mais- il
eûplus apparent que ces portes que Samuel ouvrit étoient celles du Parvis,
Ce 3 il
V. IJV
îo6 HISTOIRE DES DOGMES
il le peut faire qu'au lieu de ces poteaux oii pendoient des reieuils, on y fit
quelque muraille à clairvoye , &: deux poteaux à l'entrée qui Ibûtenoient
txode les portes. Pour le nom de maifon de l'^Eternel cela ne conclut rien, car le
^^' ^*^' mcme nom eil donné au Tabernacle.
Le Tabernacle demeura en Silo 349. ans : Depuis le feptiéme an de
Joluc & de fon entrée dans la Terre Ibinte tout le tems desjugesiépafla.
Pendant quoi l'Arche fut fou vent errante, 6c le Tabernacle toujours fixe.
Dans le chap. 24. dcjofué v. 2,(5.27. il efl parlé du SanBuaire de l'Eternel
en Sichem, 011 Jofué traita alliance avec le peuple. 11 y a apparence que
£. SiiuueU- l'Arche repofoit alors en ce lieu là. Et dans le lieu où elle étoit , on lui fai-
foit un petit Tabernacle qui s'appelloit le Sanéluaire de l'Eternel. Dans
cette grande déroute qui caufa la mort d'Heli & de fes enfans , l'Ar-
che fut prife & ne rentra plus dans le Tabernacle : Se le Tabernacle fut
r es Juifs tranfporté en divers heux. Premièrement il fut tranfporté en Nob de la tribu
âïbétoi? tîe Ben jaminj ôc il y a bien apparence que Saul fît cela à l'honneur de fa tribu;
'^laveuëde £lle ell appcUéc ville de Sacrificateurs, & il paroît que là étoientleTa-
voyez^'^^' bernaclcjla Table, les Pains de propofition. Dans ce tems-là l'Arche étoit
r. Samuel en Kiriat feharim en la maifon d'Abinadab , au côtau : Et elle y fut jufques au
ôc^22.^^* tems de David. Enfuitede Nob le Tabernacle fut tendu en Gabaon , au-
voyez ^ {-i-e yiiie (je Benjamin, &y demeura jufques au tems de Salomon> quand
& slssm. 6*. il eut bâti le Temple , il y tranfporta 6c l'Arche 6c le Tabernacle.
Voyez le 2, Dcpuîs ce tcms là on ne fait pas bien ce qu'eft devenu le Tabernacle,
desciuoni- Lés Juifs difcut quc pendant que ce Tabernacle fut dans un lieu fixe, il
feTe 5/ '° n'étoit pas permis defacrifier ailleurs félon la Loy du Levitique 17.4. f.6.
î.B.oisg. n-|gjs que quand le Tabernacle 6c l'Arche n'eurent plus de lieu afi^gné ,
Voyez ce qui arriva depuis qu'ils furent tirez de Silo juiques à la conftruélion
vo^Tz g!o- du Temple, efpace qui fut d'environ 100. ans, il fut permis de facrifier par
dusinDeut, tout daus Ics hauts licux, mais qu'après la conltruélion du Temple, cela ne
Ra'ieba? ^^^^ P^"^ permis. Et auffi depuis l'arrivée du peuple en Guilgal, jufques à ce
î.Reg. 3.Î. que le Tabernacle fut pofé en Silo avec des parois de maflbnnerie, il fut
Rabbfuvl permis de facrifier par tout , félon la tradition des mêmes Juifs.
Bsn Geilon.
CHAPITRE ï IL
'Du Temple de Salomon.
a.chronic. ï- f^ E Temple étoit fitué fur la montagne deMorija, 011 Abraham
^i y avoir voulu facrifier fon fils, 6c 011 David facrifia pour arrêter la pef-
te, quand il acheta l'aire d'Oman Jebufien , que l'Ange lui montra.
z. Sara. 24. Les Rabbins écrivent que Adam, Abel56c Caïn avoient fait fur cette monta-
î.^cSn S^^^ l^uïs premiers facrifices, 6c que même Adam avoit été créé de la poudre
£1. ï8. de cette montagne imsa Dlpoa N'13:lî> rjmd créât us eji in loco expiait onis
ejus; cela eft rejette par CuniZHs-, Mais il a tort de mettre au rang de ces
fables,ce qu'on dit qu'Abraham voulut facrifier fon fils en ce lieu^ car cela ell
certain. Il y avoit dans cette montagne trois fommets qui fe joignoient, Sion,
Mo-
â. I.
ET PES CULTES DE L'^EGLISE. Tart.lL 207
Morija, le Calvaire. Une vieille tradition dit qu'Adam a été enterré fur
le Calvaire, dont la montagne a tiré Ton nom,6coi^i nôtre Seigneur mou-
rut. On peut voir cette opinion aiTez amplement rapportée dans nôtre Hif-
toire du premier période. Le Temple fut placé fur la montagne de Sion,
c'efb que leur proximité les faifoit confondre, ôc comme dans les tems an-
ciens cette lifiere de montagnes s'appelloit Morija, elle prit en fuite le nom
de Sion à caufe que David rendit fameux le fommet de Sion par lamaifon
qu'il y bâtit , & en y faifant habiter l'Arche.
z. Le Temple commença à être bâti le 4"^^. du Règne de Saîomon 480. ans Quand oa
commença
après la fortie d'Egypte. On fut fept ans à le bâtir, &Salomon y employa Je°^„^ç^j
pendant ce tems prés de deux cens raille ouvriers^ il avoit 80000. coupeurs du Tempie,
de bois au Liban, êc 70000. étrangers qui portoient les fardeaux, & outre ^•^^^•^' ^'
cela 30000. hommes Ifraëlites, qui travailloient tour à tour, dix mille cha-
que mois ÔC 3300. qui prelîdoient fur l'ouvrage.
3. Nous parlerons premièrement du corps du Temple , que nous appel- Defcrîptîos
leronslanef Elle étoit divifée en trois parties, le Porche, le lieu Saint §c dïS'^^'
le lieu Très Saint : cela faifoit enfemble un édifice beaucoup plus long que ^^i"^ ^ des
large: la largeur étoit de zo. coudées qui faifoient environ 30. pieds , & la Ion- bâtks unit
gueur de 60. coudées ou 90. pieds : à quoi il faut ajouter la largeur du ^"^^"^ ^'»
Porche qui étoit de dix coudées ou de i f . pieds , au-delà des parois du heu ^^^ ^'
Saint: de foite qu'en tout, l'édifice avoit 70. coudées, ou lof. pieds de
long : La hauteur de la maifon étoit de 30. coudées ou 4f . pieds. iVIais le Por-
che étoit haut de 12.0. coudées ou 180. pieds qui font 30. toifes de hau-
teur : Ainfi c' étoit proprement une grande tour élevée llir la porte , ou
veflibule.
4. L'édifice, qui comprenoit le Porche & le corps du Temple , n'avoit
donc que 10. coudées ou 30. pieds de large , mais il étoit élargi de cinq
coudées ou 7. pieds ôC demi, par des chambres attachées tout au tour du
Temple aux trois faces, favoir les deux cotez qui avoient chacun 70. cou-
dées de longueur , ôc le derrière du Temple qui en avoit 20. & plus : car
ces 20. coudées qui font contées pour la largeur du Temple, doivent être
prifes par dedans, non comprife la largeur des murailles. Il eft expref- i.Roïsch,
fément dit,quelelieu très Saint par dedans avoit 20. coudées dans toutes ^' ^•'°*
fes dimenfions , largeur , longueur , & hauteur.
Ces corps de logis attachez au Temple avoient trois étages ^ c'ell-à-di-
re , trois chambres l'une fur l'autre : chacune de ces chambres avoit cinq
coudées de hauteur. Ainfi ces trois chambres l'une fur l'autre faifoient une
hauteur de quinze coudées: Le bâtiment en avoit 30. le haut de ces corps
de logis alloit donc jufques à la moitié de la hauteur du Temple. Et le
tout, favoir le corps du Temple, ôc les logis attachez, pouvoient faire en-
viron 44. ou 4f. coudées de largeur, en donnant aux murailles du Tem-
ple fix coudées, c'ell-à-dire 9. ou 10. pieds de fondement, 6c aux parois
des corps de logis une coudée :Jofephe dit que le nombre de ces chambres Amiquif,
alloit jufques à 30. Si cela étoit ainfi, il n'y avoit que dix corpsde logis at- ^it>-8-"E-3»
tachez, car dans chaque corps de logis, il y avoit trois chambres les unes
fur les autres . Il dit que ces corps de logis étoient feparez, Ôc qu'il pouvoit y
avoir environ p. ou 10. coudées entre chaque corps de logis: Les autres.
Arias Montanus , ôc nos Bibles , femblent fahx régner ces corps de logis
tout
2o8 HISTOIREDES DOGMES
©pinîonde touc à l'cntour fans intervalle: Ce que die Jolephe elt plus apparent, au-»
vS'êmbia- tremcnc le nombre de ces cabinets eût été tort grand , car ils n'avoient
biefuric que ibpt pieds ôc demi en quarré. llauroitpeu y avoir autour du Temple
îkuTtiïi* plus de 30. corps de logis, qui enflent fait po. cabinets. Il y avoit de l'iné-
dcs corps de galité dans ces cabinets , le deiTous étant plus étroit d'une coudée,
^°^'^' que celui du milieu, & celui du milieu plus étroit que le plus haut: ce qui
venoit de ce que Ton avoit fait des étrecifler^ens à la muraille du Tem-
ple, pour pofer les poutres de ces appentis: A f. coudées déterre les pa-
rois du Temple étoient retrecies d'une coudée : 6c à f . autres coudées
de hauteur la même muraille écoit encore retrecie d'une coudée j ôc en-
fin à If. coudées de hauteur, il y avoit encore un étrecifiement d'une cou-
dée pour le même but, c'ellpourypofer le plancher d'enhaut, oulaplatte-
forme de la troifiéme chambre. Mais depuis cette i^"**. coudée jufques
au haut, la muraille du Temple étoit tout d'une largeur, ôc épaifleur. Ces
i.Kcg. 6.4. étrecillémens avoient été faits pour appuyer les poutres des Chambrettcs,
afin qu'on n'entamât pas la muraille duTemple: pour cette même railbn ,
il y a apparence qu'on cntroit dans ces cabinets par dehors le Temple ,
car on n'avoit pas voulu percer la muraille, pour y mettre les poutres des
corps de logis attachez, beaucoup moins l'eût-onfait pour y faire des por-
tes. Il y avoit à chaque corps de logis un petit efcaher, qui montoitaux
chambres d'enhaut, 6c fur la platte-torme,
^^''a'*'°h- ^^ corps du Temple éuoit bâti de grandes pierres de marbre, parfai-
tefture dais tcmcnt poli ôc blancj les murailles s'élevoient à la hauteur de 30. coudées,
d ^T**^^ comme nous avons veu , & là-defius étoient appuyées des poutres de cèdre,
' qui traverfoient d'une muraille à l'autre, & qui dévoient être pour le moins
de zf. coudées de longueur, c'eil-à-dire plus de 36. pieds; le tout en
platte-forme par dehors, (elonl'Architeéturcdu tems: La figure du Tem-
ple étoit non ovale mais quarrée. C'étoient deux murailles de 70. cou-
dées ou po. pieds, bâties parallèles; jointes dans le fond par une autre
muraille de 10. coudées de largeur , ainli l'Architeéture n'en étoit pas
merveilleufe, ce n'étoit qu'un quarré long, égal par tout, fans colomnes, pour
foiitenù' le bâtiment & fans voûtes. Or ce font les voûtes Ôc les colomnes
qui tbnt la plus belle partie de l' Architeâure de nos Egliles.
Dans l'épaifieur de la muraille en entrant à côté droit , on avoit ména-
gé un eicalier pour monter fur la platte-forme de la maiion. Les dimen-
(îons du Temple étoient jullement le double de celles du Tabernacle , car
leTabernacle avoit 30. coudées de longueur &: 10. delargeur,& le Temple
en avoit 20. de largeur & 60. de longueur, fans conter le Veftibule ou
Porche, quifaifoit encore dix coudées de profondeur. Tout autour de ce
grand corps, il y avoit un couronnement de baiullrades , ôc des galeries
au deflùs de la tour ou Veftibule, de diftance en diftance : Voila le dehors,
il faut entrer dedans.
Defctiption i. Nous Commencerons par le Porche ou Veftibule: Il donnoitdansie
ûaveftibuie. ^o^^il levant, ôc le derrière de la mailbn regardoit ie foleil couchant. La
première chofe que l'on rencontroit dans le Veltibuie, c'étoit deux gran-
des colomnes d'airain ou de fonte, de la hauteur de 18. coudées, c'eft-àr
dire 2(5. ou 27. pieds; elles avoient iz. coudées de circonférence, c'eft
3-dire 18. pieds: II y avoit un chapiteau de cinq coudées, tellement que
les
ET DES CULTES DE L'EGLISE. Tart.lL 209
les colomnes avoient en tout 25. coudées de haut, c'eft environ 34. ou
3f . pieds. Il y a ici une contradi6tion apparente entre le texte du i. li- Reconciiia-
vre des Rois chap. 7. f.if. Se celui du z. des Chron. chap. 3. f.iy. Sois avec
Le livre des Chroniques dit, que ces colomnes étoient de 35". coudées. Et ceiiudes
le livre des Roys ne leur donne que 25. coudées. On dit que l'Auteur du ^rîagSîf/*
livre des Chroniques conte la hauteur des deux colomnes enfemble , n'y '^^"'^ des co-
joignant pas les chapiteaux. En y ajoutant une coudée pour le couronne- °"^'^"'
ment entrelafle, «Se pour les Grenades au deffus du chapiteau, cela faifoit
36. coudées, le chapiteau leul n'avoit que 4. coudées, & le relie et oit oc- i.Reg.7. 15.
cupé par un refeuil de chaînettes entreialTé. Ce qui donnoit en tout cinq
coudées au chapiteau. Ce porche étoit long de 20. coudées, ou 30. piedsi
car il avoit pour longueur la largeur de la maifon, & 10. coudées de
profondeur jufqu'à la porte du Temple. Ce Veftibule étoit ouvert ôc
n'avoit pas de porte : On y entroit par refpace qui étoit entre les colom-
nes. Nos Bibles ôc nos tailles-douces mettent devant le Veftibule une mu-
raille lemblable à celle qui enfermoitles courts, ou parvis , comme nous i. Rois 7,
verrons : mais le texte où l'on prétend trouver cela n'eft pas clair. Dans ce ^^'
porche on voyoit des trois côtés des murailles d'untrés beau marbre blanc.
2. De ce Veftibule ou porche, on entroit dans le Temple, êcle Vefti- Piemiere
bule étoit feparé du lieu Saint par un mur de marbre blanc de la longueur Swe^qui
de io. coudées, ce qui étoit la largeur de la maifon. Au milieu de la mu- feparoit le
raille il y avoit deux grands piliers de bois d'olivier , avec une porte à Reu'^salnt"
deux batans du même bois. La porte, qui avoit cinq coudées ou fept
pieds 6c demi de large , étoit travaillée avec beaucoup d'art , pleine de
demi-reliefsjde feftons, de palmes, de Cherubins5de branches entrelalTées, le
tout couvert de lames de pur or.
3 . Cette porte ouverte vous faifoit entrer dans un grand efpace de la L'entrée
profondeur de 40. coudées, ou 60. pieds de longueur, & de 20. coudées, saTnV^^&T^
ou 30. pieds de largeur: c'étoit le lieu Saint: cet efpace étoit lambrilTé ïiefcnptioa.
en voûte par le haut, & revêtu par les cotez de très-beaux lambris , de for-
te qu'on ne voyoit la muraille par aucun endroit: Le lambris étoit de bois
de cèdre & rempH défigures enboife, ou demi-reliefs, de Chérubins, de
palmes, de fleurs épanouies, de lacets, & de chaînettes entrelaffées j le tout •
étoit couvert d'or pur depuis le haut jufques au bas. Le fol fur lequel on
marchoit étoit d'un bois que nos Auteurs appellent du fapin : Arias Mon-
tanus dit que c'étoit du bouïs , & ce dernier eft plus apparent, parce que
le bouïs àcaufe de fa dureté eft plus propre à faire un plancher, fur le-
quel on marche : le fol étoit uni fans figures > mais couvert de lames d'or
comme le refte.
4. Au bout de cet efpace de 40. coudées ou 60. pieds, ontroiivoitunej^fo™e<îi5
feparation , au milieu de laquelle il y avoit une porte de 4. coudées ou 6. pieds sïi'w!"*
de large , foûtenuë par deux colomnes de bois d'olivier , toute entaillée com-
me les lambris 6c couverte d'or: Et des deux cotez de cette porte, il y Les juifs dî-
avoit un grand voile de tapilTerie, fait en broderie, d'un ouvrage très pre- dans ?e"^
cieux : le fond étoit de fin lin , ôc les figures de Chérubins étoient de Temple de
pourpre ôc d'écarlate , ce voile étoit attaché aux pilaftres de part 6c d'au- fav^^ïn^
tre avec des chaînes d'or : La porte étant ouverte on trouvoit un efpace muraille
de 20. coudées en tout fens : Car le lambris d'enhaut n'étoit porté dans dée"deïige,
Tan. II. Dd cette *i"^ divifoit
du lieu tiés
Saint ,ôc ils
appelloient
cette mu-
laille
*i.Rois. 6
V. 16,
Bâtimens
Se oine-
mcns au-
tour du
Teajple.
2IO HIST O IRE D ES DOGM ES
le lieu Sâûit cette partie qu'à la hauteur de zo. coudées, 6c dans le reftedela maifoo
il y a apparence que la voûte étoit plus haute, c'cfl dequoi quelques Au-
teurs ne demeurent pas d'accord -, cela n'eft pas bien clair. * Cet efpace
étoit comme les autres lambrilTé de cèdre , couvert d'or , 8c rempli de fi-
gures de Chérubins, de palmes, &C de fleurs. C'étoit le heu très Saint, &
le fond de la mailbn vers l'Occident. Enfuite il faut considérer ce qui
étoit autour du Temple.
f. Ce riche édifice étoit environné d'un grand enclos, qui avoit quatre
coins; mais d'une figure irreguliere, beaucoup plus étroite par un bout
que par l'autre: La partie la plus large étoit vers l'Orient ^ ôcla plus étroi-
te vers rOccident. Le Temple étoit placé dans le fond de ce grand en-
clos, dans la partie la plus étroite. Cet enclos pouvoit avoir du tems de
Salomon 300. à 400. coudées de largeur: dans le Temple d'Herode, il
étoit de foo. mais le haut de la montagne ne fut pas applani tout d'un coup,
ôc l'on ne gagna que peu à peu cet efpace fur les abîmes, qui l'environ-
noient, en les comblant avec unlong-tems: chaque côté pouvoit donc
avoir environ 80. ou 100. toifes de longueur, c'étoit environ 3. ou 4.
cens toifes de circuit. Cet enclos étoit environné d'une muraille de mar-
bre blanc, compofée de trois rangées de grofles pierres de marbre d'envi-
ron 4. ou f. coudées, c'eil- à-dire, 6. ou 7. pieds de hauteur. Et là-
deifus étoit élevé un rang de colomnes 6c de pilaftres de cèdre, en manière
de baluilrades fort prefiées.
6. Ce grand efpace étoit diviféen deux parvis , ou deux courts j le par-
vis de dedans , 6c le grand pai'vis , ou la court de dehors. Le parvis de-
dedans étoit celui qui environnoit immédiatement la maifon, 6c qui étoit
le plus proche du Temple. C'étoitle parvis des Sacrificateurs: Làétoient
à la porte du Temple, l'autel des hoîocaufies, les lavoirs 6c les cuveaux
des lavemens expofez à l'air , 6c non couverts. Avant ce parvis 6c plus
éloigné du Temple étoit le grand parvis, ou le parvis du peuple : C'eli:
le premier efpace qu'on trouvoit. Et c'étoit une grande court, oiiTon
entrait, en venant au Temple , 6c oij le peuple le devoit tenir n'ofant
?c"ptm7des P'^^^r plus avaut. Il étoit beaucoup plus grand 6c plus large que l'autre
parvis. Il en étoit feparé par une muraille de marbre, 6c des baluilrades
de cèdre comme l'enclos du Temple, 6c dans le miheu il y avoit une
porte vers l'Orient, qui étoit vis-à-vis celle du Temple. Et c'eft laque le
peuple venoit amener {es viélimes. Là dedans étoit le fiége duRoi, au
etoit appelle miheu , 6c le peuple étoit tout à l'entour.
e nouveau ^^ Autour de cc grand enclos , Arias Montanus prétend qu'il y avoit di-
vers logemens 6c corps de logis y mais je croi qu'il confond le Temple de
Salomon, avec celui d'Herode, dans les parvis duquel il y avoit diverfes
chambres, comme nous le verrons. Il fe peut bien faire que les Rois
fuccefieurs de Salomon y ayent de tems en tems ajouté quelques édifices.
Sous le règne de Jofaphat il eft parlé d'un nouveau parvis , 6c du tems
dejofias il femblequ'iiyfut ajouté quelque choie. Quoi qu'il n'y eût pas
iEequec'eft d'édificc daus le circuit des murailles j cependant il eft apparent qu'il y
que le cou- avoit quclques galeries pour mettre le peuple à couvert. Dans le fécond
bat, dontii livre des Rois ch. 16. f. 18, il eft dit d'x^chas, qu'il ôta le couvert du Sa-
B^e^'ch 1$ ^^^ qu'on avoitbâti au Temple , 6c l'entrée du Roi qui étoit en dehors : C'ell
T.. ifi.. " * appâ-
tes deux
parvis, oh
Ijigtfoot
prétend
femmes
auffi dans
celui de Sa-
lomon, &
que c'étoit
celui qui
pai;vis du
rems de
]ofaphat.
i. Chron,
3to. y. 5.
ET DES CULTES DE L'EGLISE. PanAI. m
apparemment quelque galerie couverte , de repos , ainfi appeîlée Sabbath ou
repos,à caufe qu'on s'y repofoit à couvert. Ligtfoot conjecture que c'étoit un
couvert, où la garde du Roi fe mettoit en attendant le jour du Sabat : d'autres
dirent5que c'étoit un lieu où les Sacrifïcateurs,qui fortoient de femaine le ven-
dredi au foir, fe tenoient jufques à ce que le Sabat fût paiïe : quoi qu'il en foit,
c'eil l'un de ces édifices, qui furent bâtis dans la fuite autour du Temple,
mais il Salomon les avoit bâtis, il y a apparence qu'il en feroit parlé. Il
n'y avoit point de fiége dans le parvis, car il n'étoit permis à aucun de
s'aiTeoir dans le Temple, qu'au Souverain Sacrificateur, §c au Roy.
Ce Temple fut diverfes fois profané , abandonné , pillé , ou par les étran-
gers ou par fes propres Rois : Ce qui fe lit dans les livres des Rois. Ce-
pendant l'édifice fubiida toujours : Il avoit été achevé l'an onzième de
Salomon. Mais l'onzième de Sedecias4io. après avoir été achevé, 417. combien u
félon Cappel, ou 410. félon les Rabbins, il fut brûlé ôc tous fes vaifleaux dw?^^ *
emportez en Babylone. Au relie que le Temple fût l'habitation de Dieu,
& qu'il l'eût choifi pour fa demeure , cela paroît par ces endroits, favoir,
Exod.2f.8. Nomb.f.3. i.RoisS.i^. Exod. if. 17, Ajoutez que tous
ceux qui venoicnt dans ce Temple étoient reputez feprefenter devant l'E-
ternel, d'où il paroît que c'étoit un vrai Temple & proprement dit , les
Juifs appelloient cette habitation ^^^^. C'ell parallufîonàcelaque nos
cœurs font appeliez. Temples du Saint Efprit.
RabbiSchemTob, furleMoreNevochimdeMairaonides part. 3. cap.
4f . remai-quc fort^bien , que Dieu fe fit conflruire un Palais prefque à la ma-
nière des Rois , où il y avoit tout ce qui fe voit dans leurs Palais , gardes , offi-
ciers, appartemens, tables, cuifines, mets,domefliques, 6cc. afin de faire com-
prendre, que Dieuhabitoit là d'une façon particulière, comme les Rois de
la terr€ dans leurs Palais,
C H A P I T R E I V.
T>M fécond Temple i & du Temple d'Herode.
LE Temple demeura renverfé félon Jofephe fo. ans^ Cappeî en conte i-^- ï. cas»
51. depuis l'an 3410. du monde jufques à l'an 3461. qui fut Fan premier "^ ^pp^®^»
deCyrus, c'ell-à-dire , l'an premier de fbn Empire univerièl , quand Efdïasï.j,
il eut pris Babylone, où les Juifs étoient captifs j car il y avoit déjà 20.
ans qu'il étoit Roi de Perfe: Dans cette première année, dis-je, il don-
na permiffion aux Juifs de retourner ôcde rebâtir le Temple.
Nous avons peu de chofe à dire de la flruélure de ce fécond Temple 5
feulement nous favons que l'édit de Cyrus ordonna qu'il feroit de foi-
xante coudées de haut, ôc d'autant de long, on ajoute qu'il avoit aufîifoi-
xante coudées de large. Ainfi il avoit le double de la largeur qu'avoit eu ce-
lui de Salomon, qui n'en avoit que 30. 11 efl vrai qu'il n'eli point parlé
de porche ou de Veftibule, dans le fécond Temple. Le Veftibule dans le
Temple de Salomon avoit i û. coudées de profondeur, ôc faifoit avec le corps
Dd a du
2 12 HISTOIREDE S DOGMES
du l'empie 70. coudées de longueurjôc ainli le fécond Temple dans Ton com-
mencement fut comme un parfait quatre : ayant <5o. coudées dans toutes fes
dimenfions. Du refte il étoit bâti félon le modèle de celui de Salomon ,
divifé en deux parties, le lieu Saint & le lieu très Saint, & des chambres
à trois étages àl'entour, avec fes courts & parvis comme l'autre. Mais il
cft diiïicile de le dépeindre, fî nous ne le prenons dans fon point fixe , c'eft-
à-dire dans l'état 011 le mit Herode furnommé le Grand, qui le rebâtit,,
l'augmenta, & le fit pour ainfi dire abfolument tout de nouveau 5 & avec
tant de magnificence, qu'on peut dire que, ce fut l'une des merveilles du
monde : fes prcdecclleurs i'avoient fort augmenté & embelli, depuis Zo-
robabel: mais il le porta bien plus avant.
I. Herode Nn 18. defon règne appella le peuple , lui communiqua
fon deiïein , & le fit refoudre à le trouver bon. Il rafa l'ancien Tem-
ple dés les fondemens, ôcenjetta de nouveaux. 11 fut fait en 8. ans,
quoi que félon Jofephe Herode n'y employât que 11 000. ouvriers: les Juifs
jofc'ph.Lib. difent: on a été ^6. ans à bâtir ce T'(?/»/?/f,c'e{l-à-dire, que depuis la dix-hui-
lohaî'z'** ^i^"^^ année d'Herode jufques à ce jour-là, il yavoit 46. ans jufte, &
Explication tous Ics jours ony augmentoit quelque chofe, comme on fait aux édifices
du texte, publics.
Par le Temple on entend ordinairement tout le corps de ces batimens,
porches, parvis, enceintes, murailles, &c. qui compofoient le lieu où fe
faifqit le fervice. Mais le Temple peut être pris dans un fens moins éten-
du, pour cet édifice, dans lequel étoit le lieu très Saint & le lieu Saint ,011
l'on pofoit la table, l'autel des parfums, ôc le grand chandelier. C'étoit
là proprement le corps du Temple, &; le refte en étoit comme les dépen-
dances, & les accompagnemens. 11 faut commencer par ladefcriptiondu
Temple même, Ôc premièrement confiderer fa ftruélure ôcfes dimenfions
par dehors, & enfuite on entrera dedans.
z. Il avoit par dehors cent coudées dans toutes fes dimenfions , cent
coudées de long , c'eft- à-dire, ifo. pieds, autant de hauteur , &' autant
de largeur. Mais il faut remarquer qu'il n'avoit les 100. coudées de lar-
geur que dans fon portique ou Veftibule, car le bâtiment qui étoit derriè-
re le Veftibule n'avoit que 60. coudées, les autres difent yo. Tellement
que le porche débordoit en forme de croix , de ly. ou de 20. coudées,
de chaque côté en cette manière.
iCe qcse fit
li^rode
pour bâciï
un nouveau
Temple.
Antiquit
ans a, bâtir ce
Temple.
Mefures ou
dimenlîons
du Temple
d'Herode.
lieu très
Saint.
lieu Saint
îoiche
lieu
faint
Porche
1^ hautent
à\x Temple.
Sa hauteur étoit de cent coudées. Mais non de droit pied, car les pre-
mières murailles de dehors, des cotez du Septentrion, & du Midi,mon-
toient à la hauteur de fo. coudées; Après quoi on trouvoit une plate-for-
me 5
ET DES CULTES DE. L'EGLISE. Part.JL 213
me, audefîus de laquelle s' élevoit le porche. Et cette plate-forme regnoit
de côté & d'autre du Temple tout à l'entour. Le reite du bâtiment du
porche s'éîevoit du milieu de cette plate-forme fo. autres coudées de hau-
teur, avec une largeur de ^z. coudées, & au haut de ces fo. coudées, (e
trouvoit une autre plate-forme moins plate pourtant que les toits ordinaires
d'alors. La plate-forme, d'enbas , qui regnoit tout autour du Temple , ' étoit
environnée d'une belle baluftrade, qui faifoit une efpece d'ariée,ou de coridor
autour du bâtiment, lequel s'éîevoit fo. coudées au deffiis : Au haut du bâti-
ment, il y avoit encore une autre baluftrade, l'une & l'autre étoit couver-
te d'or. Sur la haute plate- forme, on dit qu'il y avoit des lames de fer poin-
tues Retranchantes, pour empêcher les corbeaux & les autres oifeaux de
s'y venir loger ôc percher, ce qui y auroit amafte beaucoup de vilenies,
d'autres dilent que cet épouvantail étoit une peinture.
3. La longueur du Temple étoit divifée en trois parties, îeVeftibule,le La longueus
lieu Saint, 6c le lieu très Saint, cela faifoit de longueur loo. coudées ou du Temple.
ifo. pieds: Le Porche avec fa muraille de devant avoit 28. coudéeS par
dehors, d'un côté à l'autre, êc 20. coudées par dedans. Le lieu Saint avec Lieu faint,
la muraille qui le feparoit du Veftibule avoit 46. coudées de profondeur: jjg'^/''^""'
Au dedans il avoit 40. coudées de longueur,. &: 20. de largeur,non comprife
l'épaifléur des murs: C'eft la même proportion que celle duTcmple de Sa-
lomon. Le lieu très Saint avec la muraille du derrière du Temple étoit de Lieu très
23. coudées de profondeur & de largeur. C'étoitdoncun efpace quarré de [^j^coudJes
20. coudées en largeur ÔC en profondeur par dedans, fans y comprendre de profon-
l'épaiiTeur des murs, comme dans le Temple deSalomon. Mais outre ce- fanlVé-*^'"*"
la Ligtfoot pofe encore des chambres derrière, au bout du lieu très Saint paiiïeur ds§
avec une galerie: le tout emportant encore ip. ou 20. coudées : De for- ™""*'^^*'
te que, félon lui , il faut que ce Temple eût 120. coudées de longueur:
Cappel ne met point de chambres derrière, il n'en met que fur les cotez.
4. Refte fa largeur ; qui étoit à l'endroit du Veftibule de 1 00 . coudées, qui sa largeur,
font environ lyo. pieds : & tout le monde en convient. Mais le Porche n'a-
voit avec (es murailles qu'environ 20. coudées de profondeurjtendant vers le
lieu Saint, après quoi le refte du bâtiment dans fa profondeur n'avoit, félon
Cappel, que 60. coudées de largeur. Mais félon Ligtfoot il en avqjt 70. Et cet-
te largeur étoit ainfi divifée. Depuis le derrière du Porche tout autour de la
maifon , étoit attaché au corps du Temple, un grand corps de logis , ou plu-
fîeurs corps de logis qui fejoignoient, dans lefquelsétoient des chambres,
comme autour du Temple de Salomon. Ce corps de logis cft celui dont nous
avons dit, qu'il montoit jufques à la hauteur de fo. coudées: EtaudefTus
duquel étoit cette première plate-forme de 20. coudées de large tout à
l'entour. Au miHeu s'éîevoit le refte du bâtiment, qui étoit proprement
le corps du Temple, & dans lequel étoit le lieu Saint, ôcle lieu très Saint.
Cappel fait ce corps de logis régnant à l'entour du Temple de 60. cou-
dées de haut, Ligtfoot de fo. Ces cham.bresètoient bien d'une autre ma-
gnificence que celles qui environnoient le Temple de Salomon , comme ïious
î'allons voir, quand nous aurons achevé de parler de la largeur duTempie; ces
chambres avec les galeries qui étoient devant,& l'épaifteur de leurs murailles,
faifoient eiiviron'19. ou 20. coudées de large dechaquecôté duTemplï'e
Le Temple lui même , c'eft-à-dire 5 le heu Saint , ôc le lieu très Saint ^
Dd 5 âvoient
ii^ HISTOIRE DES DOGMES
avoient lo. coudées de largeur , leurs murailles en avoient fix d'épaifleur de
chaque côte i cela faifoit 32,. coudées de largeur pour la nef. Joignez-y
la Urgcur des chambres &: des galeries , attachées au corps du Temple
par les cotez du Non Se du Midi ; cela failbit en tout une largeur de 70.
coudées ou environ derrière le Porche : car pour le Porche, il raiibit une fa-
ce de cent coudées, parce qu'il débordoit de if. coudées de chaque côté.
s«. chm- ^, Prefentemeni il faut confiderer les chambres qui étoient autour du
aucour^d" Temple. Il y en avoit 38. on les avoit bâties trois l'une fur l'autre, quin-
Tempie ^.c du côté du Septentrion, en cinq corps de logis, 6c quinze du côté du
attac"ées*^au Midi pareillement en 5-. corps de logis , ôc 8, au fond dans le bout du
corps du Temple vers l'Occident en trois corps de logis i parce que dans letroifîé-
me étage, fur les trois corps de logis joints 1 un ai autre, il n y avoit que
deux chambres, de trois dans les étages de deflbus : Ce qui faifoit 8 . efpaces.
Premièrement il y avoit une muraille de la hauteur de fo. ou 60. coudées,
dont nous avons parlé , elle écoit ouverte par diverfes fenêtres, & par di-
verfes portes. On entroit dans une petite galerie large feulement de qua-
tre ou cinq pieds, qui regnoit tout autour du Temple: Le long de cette
galerie étoient bâties les chambres : Elles avoient 6. coudées , c'eft-à-di-
re, p. pieds de large, depuis la muraille qui les feparoitde la galerie,jur-
ques à la muraille du Temple, & elles étoient longues le double, favoir
de douze coudées ou 18. pieds, enfuivant la longueur du Temple. Entre
chaque chambre il y. avoit un efpace d'environ 7. coudées, c'e{l-à-dire,d'onze
ou douze pieds , qui étoit comme une manière de Veftibule , fervant à deux
chambres.Lors qu'on y étoit, aux deux côtezon trouvoit les portes des cham-
bres . Dans ce Veftibule j on trouvoit de part & d'autre de petits efcaliers en
vis , par lefquels on momoit aux chambres d'enhaut ; qui étoient difpofées de
même que celles d'enbas. Elles avoient une galerie, comme on voit dans
les cloîtres , où répondoient les cellules. Il y a apparence queLigtfoot
fe trompe en mettant icy deux murailles , la première déçoit être celle
de la galerie, qui répondoit dehors , 6c montoit à fo. coudées de hau-
teur, l'autre muraille devoit être celle des chambres mêmes, qui les fe-
paroit de la galerie : Si cela eût été ainfî, les chambres n'auroient eu que
de faux jours, .6c n'auroient pas eu d'ouverture, ni de vue fur les courts
qu'à travers cette galerie, ce qui n'eft pas apparent. Jofephe ne parle pas
de cette muraille entre les chambres ôc la galerie, tellement qu'il efl: plus
apparent que les galeries, qui regnoient le long de ces corps de logis, étoient
fufpenduès fur des colomnes , & non fermées de murailles. Cappel dit
que d'une chambre,c'eft-à-dire, d'un corps de logis, on entroit dans l'autre de
plein pied : cela n'eft pas apparent non plus. 11 eft plus vrai - femblable , que
les chofes étoient comme les dépeint Ligtfoot, à l'exception du mur de-
vant la galerie 5 c'eft-à-dire , que les chambres, ou corps de logis, étoient
feparées , Ôc environnées chacune de fon Veftibule en forme de galerie.
li cft appa- Le troilîéme étage étoit difpofé comme le fécond , 6c comme ces cham-
n'y avoit ^^'^^ montoieiit jufquesà fo. ou 40. coudées, il faloit qu'elles fuftent bien
que quaian- pl^j liautes quc ccllcs du Temple de Saiomon, qui n'avoient que 5. coudées
fur la " de hauteur chacune, if. coudées pour les trois étages: Audelïïis de ces
hauteur des édificcs de jo. coudées étoient dans la muraille les fenêtres du Sanéluai-
re, 6c par conféquent il faloit que ce heu fût fort fombre: car un jour
oui
ET DES CULTES DE L'EGLISE. Tart.lL ii^
qui vient de 80. ou po. pieds de haut ne donne pas grande lumière. Ou-
tre ces petits efcaliers qui conduifoient aux galeries & aux chambres d'en-
haut, il y avoit à main droite en entrant dans le Temple un grand efcalier,
par lequel on montoit dans toutes les galeries des chambres ôc auffi fur tou-
tes les piates-formes de la maifon. Voila quel étoit l'extérieur de ce
Temple. Il étoit tout bâti de marbre blanc j Jofephe dit que les pierres de E^eurde
marbre étoient de if. coudées de longueur, 11. dehauteur, 8. d'épailTeur, *'^^^'
ce qui n'ell pas croyable. Car il n'y avoit pas de machines qui puflent re-
muer d'auffi pefantes maffès : Il étoit couvert d'or par dehors , par tout
où l'or pouvoit être appliqué, fenêtrages, portes, baluftrades, galeries,
chevrons, poutres, de forte que cela produifoit le plus bel effet du mon-
de, & paroiiïbit ou comme un foleil, ou comme une montagne de nége.
Il efl: tems d'entrer dans le Temple en commençant par le Veftibule.
C H A P I T R E V.
Defcnftîon de l'intérieur du Jem^ko
LE Veftibule étoit profond de 20. coudées par dedans. Se long de Dcfcriptioa
quatre-vingt dix en débordant des deux cotez du Temple, comme ^"'^*^'^"^"-
nous avons dit : En entrant on voyoit au deffus de fa tête une gran-
de hauteur, parce qu'il n'y avoit pas de plancher qui arrêtât la vue. On
y montoit paru, degrez, dont chacun avoit demi-coudée. Au bout de
ces 12. degrez on trouvoit une ouverture de 40. coudées de hauteur &
de 20. de largeur, qui n'avoit pas de portes 6c ne fe fermoit pas. Jofephe
donne 70 . coudées de hauteur à cette ouverture^ mais fans doute il fe trompe,
ou il comprend tout le portail & fon Architedure, qui étoit faite de pou-
tres de cèdre 6ç de grandes pierres de marbre, ornées ôc bien travaillées,
enrichies de. demi- reliefs, qui montoient effeélivement jufques à cette hau-
teur de 70. coudées i cette ouverture étoit alTez grande pour laiffer voir
jufques dans le fond du Temple quand il étoit ouvert. Dans la longueur
de ce Veflibule par enbas les Juifs difent qu'on avoit gagné deux cham-
bres j une à chaque bout d'environ 20. coudées en quarré, autant que le
Vefcibule débordoit le relie du Temple. Dans ces chambres on avoit pra-
tiqué 24. cabinets pour y mettre les couteaux, bafîins 6c autres inllrumens
de boucherie des Sacrificateurs, pour égorger, écorcher, 6c couper en pie-
ces les viélimes. Il y en avoit 24. à caufe des 24. clafles de Sacrificateurs,
chaque ordre avoit le fîen.
Vis-à-vis de l'ouverture de ce Veftibule on voyoit la porte duSan61:uai-
re toute brillante d'or avec des figures en rehef. Et au deffus de cette ^^ ^-^^^^
grande porte Jofephe dit qu'il y avoit une vigne avec les pampres 6c icG merveiiieufe
raifins d'une fi prodigieufe grandeur, que les raifins étoient de la hauteur f^^yJ^^iJ^Jp
d'un homme. Les Juifs ajoutent qu'il y avoit auffi au deffus de la même Le chande-
porte un grand chandelier d'or, qui avoit été donné par Hélène Reine des Jj^^^^^'°^
Àdiabenes , Princeffe fort dévote 6c dont le nom en fameux dans THif- laKefne^es
LiK s.
Cip. 14-
de bcUo
Jud.
Defctiptiou
du lieu
Siint.
Nomb. s.
V. 17-
Befciiptioa
dulieu tiés
Saint.
Voyez Ligt
footdansh
defciiption
du Temple.
216 HISTOIRE DES DOGMES
toirede Jofephe&desjuirs. Ils difenj: enfin que dans le Veftibule de côté
& d'autre de l'entrée il y avoit deux tables, une de marbre au côté droit, •
2c l'autre d'or au côté gauche , lur la table de marbre ils mettoient les
pains de propofîtion quand ils les ôtoient du Temple , £<; fur la table d'or
on mettoit les mêmes pains de propofition, quand on les apportoit au
Temple.
z. De ce Porche on entroit dans le lieu Saint. Il étoit feparé du Porche
par une muraille de marbre, au milieu de laquelle il y avoit une porte, à la-
quelle Jofephe donne cinquante-cinq coudées de hauteur & i(5. de largeur :
Mais les Juifs ne lui en donnent que^o. de hauteur 6c dix de largeur: les
Juils difent qu'il y avoit double porte, l'une quis'ouvroit dans le San6luai-
re, l'autre qui s'ouvroit dans le Porche. Entre les deux portes il y avoit
un efpace de cinq coudées, parce que la muraille étoit épaiffe de fix ^ ôc
chaque porte à caufe de Ton épaifleur entroit danslemurdemL-xoudée. Il
y avoit deux guichets dans cette grande porte, mais celui du côté du mi-
di ne s'ouvroit point. Dans refpace de f. coudées entre les deux portes
il y avoit une pièce de marbre dans le marchepied qui ne tenoit pas , &
il y avoit un anneau dedans : on la levoit pour en avoir de la poudre qu'on
faifoit boire dans de L'eau , aux femmes dont on vouîoit éprouver la chaf^
teté félon la Loy. Devant la porte de ce Sanétuaire il y avoit un riche
voile de tapifierie en broderie de pourpre, d'écarlate & de fin lin, il étoit pen-
du entre les deux portes, dit Ligtfoot. Ces deux portes étant ouvertes,
on entroit dans le lieu Saint, qui avoit 40. coudées de profondeur ôc 2,0.
11 étoit plahcheié & lambriifé de cèdre jufqu'à la hauteur de
ou 60. coudées. Tout l'édifice en avoit 100. mais au defilis de ces6o.
coudées c'étoient des chambres ou des Galetas. Le Temple deSalomon,
ôc celui du retour de la captivité n'avoient rien au deillis de leur lambris
de dedans que leur toit} car la voûte alloit jufques au haut, ici à caufe de
la grande hauteur on l'a voit lambriifé à la hauteur de 60. ou 50. cou-
dées. Ce lambris étoit de bois de cèdre bien travaillé en figures de demi-
relief avec des feuillages, àcs branches, des fleurs épanoiiies, &des fruits
fufpendus, le tout couvert d'or par en haut, par enbas &par les cotez,
comme celui de Salomon. Dans les reliefs on ne voyoit pas défigures de
Chérubins. Car ils n'oferent les peindre dans le fécond Temple: foit qu'ils
en eufient oublié la figure, foit qu'ils n'ofiflent, à caufe qu'ils n'avoient plus
l'Arche & les Chérubins du lieu très Saint.
3 . De cet efpace appelle le lieu Saint on entroit dans le lieu très Saint ,
6c il étoit feparé du lieu Saint par deux voiles, l'un vers l'Orient, l'autre
vers l'Occident, qui faifoient comme deux murailles ou deuxfurfaces d'u-
ne même muraille, l'une répondant dans le lieu Saint, l'autre dans le lieu
très Saint. Entre les deux voiles il y avoit un efpace d'une coudée qu'ils
appelloient ^V?"^^ tharaxis^ c'eft-à-dire trouble ou doute, parce qu'ils ne
favoient 11 cet efpace appartenoit au lieu Saint ou au lieu très Saint :
Cet efpace étoit quarré, comme dans le Temple de Salomon, 20. coudées
en largeur & longueur: Mais dans le fécond Temple on n'avoit pas ob-
fervé de lui donner lo. coudées de hauteur, pour en faire un parlait cu-
be. Ses parois, fa voûte, Ion plancher, tout étoit couvert d'or, comme dans
le premier Temple. 11 faut prefentement fortir du Temple, 6c voir les c])ofes
qui Tenvironnoient, L'ef-
de largeur
fo.
,ET DES CULTES DE L'EGLISE. Part.U. iif
L'efpace le plus proche du Temple étoic le parvis des Sacrificateurs.
Enfuite on trouvoit le parvis des hommes : après étoit le parvis des fem-
mes : Autour de tout cela étoic cet efpace qu'ils appelloient S'-n la for-
tification. Arias Montanus tourne le mot par lien profane , du verbe Sin
qui fignifie profaner, mais il fe trompe, car ce Heu étoit faint. Mais nous
expliquerons tout cela en détail dans la fuite, & je fuis d'avis que nous
commencions par le plus grand enclos , ôc nous verrons tout ce qui
étoit dedans.
CHAPITRE VL
^efcriftian de la montagne du Temple appelle n^i m.
I . TT E Temple, dont nous faifons la defcription, étoit environné d'un
I j grand parc , ou enclos quarré fur la montagne ; chaque face du
quarre avoit 400. coudées Hébraïques, foo. Romaines, & félon Jo-
fêphe cela faifoit 600. pieds j c'ell-à-dire 100. Toifes de longueur. Le
long de ces quatre cotez regnoit une muraille de l'épaiffeur de 12. ou if.
pieds, bâtie de grandes pierres, dont quelques-unes avoient plus de 40. cou-
dées de longueur. Par dedans , le mur étoit haut de if . coudées; mais
par dehors en de certains endroits il étoit d'une prodigieufe hauteur, juf-
ques à 3C0. coudées j parce qu'il décendoit jufqu'au bas de la montagne
pour la revêtir j car à caufê que le fommet de la montagne n'étoit pas
afîez large ni affez plat, on avoit jette de grandes murailles d'une prodi-
gieufe épaiffeur , dont les- pierres étoient liées avec des liens de fer & de
plomb, & on avoit rem.pli de terre & de pierres les concavitez pour élargir
le haut de la montagne. Cet enclos avoit donc de circuit 2000. coudées,
quatre cens de nos Toifes, c'étoit 4. ftades ou un mille Hébraïque. Ce
grand enclos avoit 8. portes^ une à l'Orient qui étoit la grande porte, une
au Septentrion, & deux au Midi, &; quatre dans le mur qui regardoit l'Oc-
cident , derrière le corps du Temple ; les Talmudifles ne font mention
que d'une porte à l'Occident , mais Jofephe les conte toutes quatre.
Du côté de l'Orient il y avoit une porte qui regardoit tout droit la Première
montagne des Oliviers -, les Talmudifles lui donnent comme à toutes les oxicEt,
autres portes 20. coudées de haut 6c dix de large, Jofephe leur en donne
30. de hauteur ôc If. de largeur. Mais on les peut accorder, en difant que
Jofephe comprend le portail dans fa defcription, 6c que les Juifs ne parlent
que de l'ouverture. Les Juifs prétendent que cette porte n'étoit pas jufte-
ment au milieu de l'étendue de ce côté de muraille de joo. coudées de
longueur, en forte qu'il y eût de partSc d'autre 2^0. coudées ,■ parce que
cette porte devoit répondre au porche du Temple même, & à la porte dû
parvisj or le Temple Scie parvis n'étoient pas au milieu du grand efpace,
mais ils étoient plus proches du côté du Nord , 6c il y avoit un bien plus
grand efpace vuide du côté du Midi. Cappel n'a pas obfervé cela.- car
il pofe le Temple 6c les parvis au miheu du grand enclos. Sur cette porte
l'art. IL E e étoit
2i8 H IST OIRE D ES DOGCMES
étoit peinte la ville de Sufan , en mémoire de leur captivité , à ce que difent
les Juifs: ils l'appellent la porte de Sufan, on croit qu'elle efl appellce la
Antiq.is.4. porte Royale. Jofephe etl équivoque, il y a 'xvKa.i^u pluriel, les portes,,
mais ce mot '^vhai fignifie fouvent une feule porte,. 6c ce qu'il dit, qu'elle
étoit également diftante des deux extremitez , femble figni&r qu'il n'y en
avoit qu'une , comme Cappel l'entend.
Le côté du Midi avoit deux portes en égale diftance des coins &: d'elles-
mêmes : ainii elles partageoient l'efpace de foo. coudées en trois parties
égales. Cappel n'en conte qu'une > mais Jofephe y en met plufieurs. Les
Rabins y en pofent deux: cette face regardoit fur la principale partie delà.
Desjs porî€3 ville de Jeruiialem. Le Temple étoit au milieu,. Sctoutjerufalem étoit bâti
"4iMidi. ^ç^^^ ^ l'entour, en manière d'Amphithéâtre : Mais la plus belle ôc la plus
ample face de la ville étoit du coté du midi du Temple.
Ssàî'OcS-- ^^^^ ^^ l'Occident, ou le derrière dû Temple, avoit quatre per-
dent, tesj Tune conduifoit au Palais du Roy, qulétoit au milieu,, deux condui-
loient au faux- bourg de la ville, & la quatrième conduifoit à laCitéde Da-
vid, ou au Mont de Sion , du coté du Midi èc de l'Occident , c'eft le Sud-
I. chron. oueft . Ccs quatre portes dans les Livres des Chroniques font appellées de
^^■^■*' differens noms: l'une s'appelloit Schallecheth i c'étoit la porte du Palais j,
ubifupià. ^^"^^ autre, pofée vers le coin Nord^oueft, eftoit appellee Parhar. Les
deux autres portes s'appelloient, les portes dUA^upim^ c'eft- à-dire, des col-
lèges. Il y a apparence que dans cet endroit étoient les chambres du tréfor
du Temple, que Cappel loge derrière le Temple à. l'Occident.
au"sepKi^ JDn côté du Nord, il n'y avoit qu'une feule porte. Ligtfoot la. place ais
îiioo. milieu de l'efpace de 500. coudées , mais Cappel la place prés du coiiiv
Nord-oueft , elle conduilbit à la Forterefîe nommée Antonia , qui étoit édi-
fiée fur la même Montagne de Morija, au côté Septentrional du Temple,-
C'étoit le feul endroit où la montagne de Morija ne fûtpas coupée,, quafi-
à pied droit, pai'tout ailleurs la pente étoit roide j ici il y avoit un peu da
terrain uni. Cette Tour ou Fortereiîé avoit loOi coudées de tour , ou;
Zfo. c'eft- à-dire, deux ftades: Ainfi la Montagne de Morija avoit ûx fta.-
dçis de circuit, en contant deux lîades avec les quatre pour le circuit du^
Temple. On gardoit dans cette Tour la Robe du Sacrificateur, elle s'ap-
pelloit Baris, avant qu'Herode l'eût augmentée , embellie, ôc nommée:
du nom de fon grand ami Antoine. Les Romains y^mirent garnifon pour gar-
der le Temple.
d«"'a?eiîes ^' Voilà le dehoi's de ce grand circuit, au dedans tom. le long de cette;
couvertes grande muraille de foo. coudées de longueur à chaque face du quai-rére-
Tempie.* gnoit uuc longuc galerie couverte,, appellee Porche. Cette galerie étoit
appuyée du côté du Nord , de l'Orient , Se de l'Occident , de trois rangsx
de colomnes de marbre blanc,, elle étoit pavée de marbre, Recouverte de
bois de cèdre. Le premier rang de colomnes étoit apliqué contre le grand*
mur, ôc des deux autres, l'un etoit à 1.0. coudées du mur, Tautre àquar-
rante, & elles faifoient de magnifiques allées couvertes, comme les Arca,-
des de la Place Royale.
Jofephe An- Mais le quatrième de cts porches ou galeries , qui étoit le long de la-
^'3- 'î 4- muraille du Midi, étok fans comparaifon le plus magnifique. Il avoit
70. coudées , ou lof . pieds de large : il étoit foûtenu par quatre rangs de
colomnes.
ET DES CULTES DE UEGLÏSE. P-artlL 219
<colomnes de marbre, qui avoient trois braflès de circuit, & 17. pieds de Lamagnifi-
hauteur , d'ordre Corinthien , il y en avoit 1 6i . à ce que difent les Auteurs, g^rand poni-
niais cela me .paroît faux. Toute la longueur de ce porche n' avoit que 'î'^eaiii re-
ï 00. toifes. Si donc il y avoit eu 1 6i. colomnes, il n'y auroit pas eu une toifc wdT, & k-
d'une colomae à l'autre : ce qui eût été tout à fait difforme, vu l'épaiffeur de *^'*-
ces colomnes 5 avec leurs chapiteaux, les chapiteaux étoient d'un ouvrage ad- •
mirable. Ces4.rangsdecolomnesfairoient 5. allées: les i. des cotez, l'une
"plus proche du mur , & l'autre plus proche de la cour , étoient de la grandeur
^es autres gaâeries,bâties daas les cotez duNord,de l'Orient Se de l'Occident j
Mais l'allée du milieu de ce grand porche étoit le double plus large , ôc s'éle-
voit f 0. coudées de haut. Or la muraille n'en avoit que if .&les allées des
deux côtezJi'en avoient auffi que zf. de hauteur.La voûte ou dôme de l'allée
du milieu s'élevoit donc au deilus des deux autres de ly. coudées. Jofephc
capporte., que cette hauteur , jointe à celle de la vallée qui étoit fort profonde
en cet endroit , étoit fi prodigieufe , que la tête tournoit tout auffi-tôt qu'on
regardoit du haut en bas 5 les lambris 6c les planchers étoient d'une excel-
lente rculpture.jofephe dit, qu'entre le dernier rang de colomnes il y avoit
une muraille bâtie d'une coiomnc à l'autre j mais apparemment ce n'étoit
■qu'une muraille d'appui , car il n'y eût pas eu aflèz de lumière fous la grande •
voutede l'allée du miheu. Ce porche s'appelloit le portique Royal , Gappel .
le confond avec le porche de Salomon^ mais Ligtfoot prouve que leporr
tique de Salomon étoit fur l'Occident , par un paflage de Jofephe , qui fe
trouve au lo. de {es Antiquitez chap. 8.
Dans ces portiques étoient pendues les dépoiiilles des Barbares, que les
Rois des Juifs avoient vaincus, Herode y ajouta celles des Arabes. Ces
galeries étoient ouvertes à tout le monde , c'étoit le lieu d'aflembiée de tout
le peuple, & <ie toutes les nations , car le lieu n'étoit pas faint. Il s'appel-
loit Atrium gentium , le parvis des nations, parce que les Gentils y pouvoienC
entrer. Il étoit aulîi appelle f>»i ^n, la mon'|tagne du Temple: ôc il y a bien ap-
parence que c'eft de là que J.Ch.chaflà les Vendeurs 6c les Changeurs, 6c Da|«T«««^
même il y avoit autour de ces galeries des boutiques de gens qui vendoient du Temple
du vin , de l'huile , ôc de toute forte de chofes neceflaires pour le fervice du ^*°'^"* ^"
Temple: cet efpaceeft appelle par Jofephe, le premier Temple. &changeujs
Aiifortir de ces galeries, en avançant vers le Temple , ontrouvoit un ^^- ^*
efpace non couvert, pavé de marbre blanc comme tout le relie, cetefpa-
ce n'étoit pas égal dans tous les cotez: du côté- du Midi il étoit de 60. ou
70. coudées , du côté du couchant un peu moins, du côté de l'Orient en-
core un peu moins j mais du côté du Septentrion beaucoup moins, ainfi la
plus grande place fe trouvoit du côté du plus grand porche. Et c'z^-Va
que l'on vendoit les bœufs ôc les moutons,6cc. que nôtre Seigneur chafîa. Ces
cfpaces à découvert étoient du Parvis des nations , tout le monde y pou-
voit entrer.
A,u de là de cet efpace à découvert , on trouvoit une petite muraille, com-
me unç manière de cloifon de marbre, de la hauteur de trois coudées, dans
laquelle il y avoit de petites colomnes , fur lefquelles étoit écrit un
avertiffement aux Nations , aux foiiillez, aux Gentils ôc autres, de ne
pas approcher, parce que le lieu étoit faint, ôc c'eft à cette paroi que Quelle eft
St. Paul fait allufion, quand il dit, que la paroi eatremoyenne a été ^jj^^^?^^J^^
Ee z ôtée5 4o"î?rS
220 HISTOIREDESDOGMES
parle quel- ôiéc , car ce petit mur feparoit le porche des gentils des lieux Saints, où
qiiepatt. icsfeuls Juifs pouvoient entrer.
Lecom- Aprés cette petite muraille , on trouvoit 14. ouif. degrez qui avoient
^^^j"[i^^™^"* chacun demi-coudce ,' de forte que le terrain s'élevoic de 7. coudées,
saints.inac- c'cft-à-dirc, 10. OU II. picds , quaud onétoit monté ces degrez 5 on ren-
aulfee"tis controit un terrain uni de la largeur de i o. coudées, c'eft- à-dire if. pieds
& auxfouii- qui s'appelloit par les Juifs ""J^n , c'eft-à-dire , le rempart, ou la fortificatiori,
Lcciiaii. ce lieu comme le relte étoit pavé de marbre blanc. Cet efpace étant palTé ,
on trouvoit un fécond enclos quarré comme le premier, dont la muraille
avoir pareillement zf. coudées de hauteur par dedans. D'Orient enOc-
cidenf,cet enclos avoit de longueur environ 500. coudées, tellement qu'il
étoit de lôo. coudées moins long que le grand enclos : Du Septentrion
au Midi, fa largeur étoit d'environ 160. coudées , il étoit donc un peu
moins large que long, ÔC cela à caufe du grand Porche &;du grand Par-
vis, qui étoit du côté du Midi, dont la grande largeur diminuoitla lar-
geur de tous les. autres efpaces voifins.
Pour la même raifon, le fécond enclos n' étoit pas û prés de la murail-
le du grand enclos du côté du Midi que de celui du Nord, parce que l'ef-
pace entre le Parvis & le Porche Septentrional étoit plus étroit. La nef
du Temple , c'eil-à-dire , le Heu Saint & le lieu très Saint, étoit au milieu de
ce fécond enclos à l'égard de fa largeur. Ainli le Veftibule du Temple,,
qui avoit 100. coudées de front avoit de part Se d'autre environ 80. cou-
dées d'efpace jufques à la muraille du fécond enclos, tellement.que le Vef-
tibule occupoit à peu prés le tiers de cet efpace du fécond enclos. Mais
parce que le corps du Temple, félon Jofephe,n'avoit que foixante coudées
de largeur & félon les autres 70. il y avoit iio. ou 11 f. coudées depuis
le corps du Temple jufques à la muraille du i'econd enclos. Ce Temple
qui étoit au milieu de la largeur de l'enclos n'étoit pas au milieu à l'égard
de la longueur, car il étoit à dix coudées de la muraille de l'enclos du cô-
té du couchant. L'enclos étant long de 300. coudées, ôtez ces dix cou'-
àées, ajoûtez-les au 100. coudées que le Temple avoit de longueur, reftc
190. coudées : C'étoit l'efpace depuis leTeraple jufques à la muraille du fé-
cond enclos du côté de l'Orient. Cefecond enclos avoit neuf portes, 4. du
côté du Midi, quatre du Septentrion., point à l'Occident, &; une grande
à l'Orient au milieu , qui regardoit dans le Veftibule du Temple. Jofephe
en met deux du côté d'Orient, s'il dit vray, il faloit qu'outre la grande porte,il
y eût à côté quelque autre porte médiocre.
T>eicnption ^. Nous pouvous prefeutcment entrer daus le grand cnclos qui eft le
fécond, ôcy entrer par la porte d'Orient, qui étoit la grande porte. La
^Y'°"/b^i' P^'^nniere chofe qu'ony rencontroit, c'étoit cinq degrez, qui montoient à
k, dont iieft une portc magnifique toute couverte d'or avec Ion portique, ôcfes barres
tioiTiéme ^"l'^chics d'admirable fculpture , & c'eft cette porte qu'on appelloit , La
des Aftes. JB^lle , dont ileft parlé au 3"^. des Aébes. Elle introduifoit dans le parvis
iesSmmes ^^^ femmcs , quc Cappel &c Ligtfoot décrivent bien difFeremment : Cap-
Erreui de * pcl uc lui donuc quc 40. coudécs dc profondeur depuis la porte d'Orient
kHîmen- j^^'^ucs au parvis des hommes, & prés de trois cens coudées de longueur
fionsdupar- du Midi au Septentrion, car il lui fait occuper toute' la largeur du.fecond
8Ks" ^^"^' Çî^cloj. Mais Ligtfoot en fait un pai-faiu quarré de i^y. coudées en long,
ET DES CULTES DE L'E G L I S E. P^r/. IL 221
êc en large. Cet efpace quïrré étoic pavé de marbre blanc : Aux qua- i^^ns fe par-
tre coinsj félonie fentiment des Juifs, il y avoit quatre efpaces renfermez ni$ n^y"^*
fous quelque couvert. Dans celui de ces efpaces qui étoit vers le Midi, on ^V^'^^ <i"atte
faifoit boiiillir la viande des facrifices de profperité. Les Nazariensy fai- uWeTaux"
foient rafer leurs cheveux Se les brûloient fous le chaudron , félon la Loy qu«recoias.
du ch. 6. du livre des Nombr. Dans le coin du Nord-eft, on examinoitle onnn
bois de TâUEeljfavoir s'il étoit percé de vers: car iln'étoitpas permis de ri^^ij
brûler fur l'autel que du bois fort fain j dans le coin du Nord - ell les lépreux cs^J^yn
faifoient leurs purifications félon la Loy > le coin du Sud-oueft étoit appel- ^jîi»»^
lé la chambre du vin & de l'huile, dont on faifoit ufage félon la Loy. De- D'^^iim^
puis ces coins jufques aux portes dans les cotez de l'Orient du Midi & du Sep- ^>^
tentrion regnoient trois galeries, comme celle du parvis des Nations, ex- cD^j^^ii»
• cepté qu'elles étoient fîmples , & n'avoient qu'une alléej letout étoit de mar-
bre blanc. Se les voûtes, 6c; leslambri's étoient de cèdre. Là-delîbusil y
avoit des lièges pour ceux qui vouloient s'aifeoir , & au deîTus des galeries
bafîès, il y avoit d'autres galeries & des balcons couverts, dans iefqueîs
étoient les femmes feparéesdes hommes: Elles voyoientd'enhaut tout ce
qui fe faifoit dans le parvis.
Ce parvis étoit appelle des femmes , non qu'il fût deftiné aux femmes Çeîaivis
feules, car c'étoit le lieu ordinaire où tous , tant hommes que femmes, ve- mSnpoT'
noient prier. Mais il n'étoit pas permis aUx femmes, fous quelque pretex- les homme*
te que ce fût de pafler outre. Et les hommes pouvoientpafTer au delà ^ quand mesl^^wt-
iis apportoient des facrifices au Temple. quoiiipor-
Jofephe fait mention des threforeries dans la defcription de ces parvis, db Paiti" dïï
& dit que les galeries tom*noient le long de la muraille devant les ya^oOv ^'^T™"-
huma: Farces threforeries, on ne fauroit entendre les chambres du Thre- recevoi'r^de
for qui n'étoient point placées là , mais , c'étoient les coffres ou troncs, qlui ^'«seiK.
de part & d'autre étoient placez le long de ces galeries , pour recevoir les
aumônes : On dit qu'il y en avoit treize félon la diverfité des fins pourlef»
quelles on donnoit ; les uns pour la réparation du Temple , les autres pour
tel facrifice , les autres pour autre chofe. EnSt. Marc.chap. tz. 41.il elli
dit que Jefus-Chrift étoit affis vis-à-vis de la threforerie, & qu'il vit une ce que c'é-
veuve qui mit deux pittes dans le tronc. C'étoit affûrément dans ce par- ^«'^ 1"^ u
vis des femmes qu'il étoit afîis , car cette veuve n'eût afé aller ail- oJL veuJe
leurs : Outre cela Jefus eft dit être afîis j or dans le parvis des hommes nul ™" '^«"x
ne s'ofoit aHeoir que le Roy & le Souverain Sacrificateur félon la tradition £"10110!"^
des Juifs, ^ejiis dit ces chofes- étant en la threforerie enfeignant au Temple. C'efl: Jean. g.
alîurément ce même heu , car les chambres du Thref®r n'étoient pas un ^•^'''
lieu d'afièmblée pour le peuple. Les Juifs font mention de diverfes cham"
bres du Threfor, dont on pourra dire quelque chofe dans la fuite. Rappel n'y
4. En allant vers le corps du Temple on trouvoit une muraille qui fe- mwa^iTede
paroit le Parvis des femmes, de celui des Sacrificateurs , & d'Ifraël, qui ^eparation,ii
étoit haute de zf. coudées par dedans & de 31. & demi par dehors du cô- qd^u^^pg.
té du Parvis des femmes. Car le terrain de ce fécond Parvis étoit plus élevé "fejsarrieres,
de 7. coudées & demie que celui du Parvis des femmes , 6c on y montoit par qu'il i 101°*
z f. degrez de demi-coudée chacun. Ainfî ce Parvis étoit autant élevé au ^"^'" '^■^^-
deîîus de celui des femmes , que celui des femmes l'étoit au deffus de ce- sacn&a. ^*
lui des Nations; car da Parvis des Nations on montoit par ir, desrez à';^"^\<i"i „
■' T-, r i o eroit le mê-
222 HISTOIREDESDOGMES
H^n celui des femmes. Il eilvrai qu'après le Chail^ il y avoit encore 3 . degrez,
îourquoi à k portc du Parvis , c'étoit 2,0. On croit que les Pfeaumes de degrez ain-
^"^^""J"" fi appeliez depuis le 11 p. jufques au 154, écoieiit appeliez ai nfi de ces de-
119. juf- grezi les Lévites s'arrêtoient en chantant fur chacun de ces degrez : lede-
?ont%pei- g^'^ n'étoitpas quarré, mais rond , 6c aux deux cotez il y avoit deux petites
lez pfea<^mes chambres , où les Lévites mettoient leurs inrtrumens de mufique. Ces
dedegrez. ^QgyQ2. couduifoicnt à uné magnifique porte , à laquelle les HebretJX
Voyez 2. eitiment que l'Ecriture donne fept noms. Cette porte n'étoit pas dans le
fcâ'm^'z^i' pi'en^ier- Temple, ôc ainfi les noms qui font danscespafTages citez ne peu-
10. jeretn! vcut être Ics liens. Les Rabbins l'appellent la porte du milieu j Mais du
19.1. Ezech.
^ temps d'Herode , elle étoit plus ordinairement appeilée h porte de Nic^-
Rcg, II. 6. nor: ainfi appeilée, comme quelques-uns difent,à caufe de ce Nicanor qui
23^".*^'"°' fut défait, ôc qui vint au Temple menaçant de le rainer i d'autres di-
La poite de fcnt quc cc fut un dcvot i^DH qui fit la porte d'airain de ce portail j cet-
LMacTâbr ^^ portc étolt d'airain, & ne pouvoit être ouverte que par vingt homn^es.
"Von ' " C'efl celle dont Jofephe dit qu'elle s'ouvrit feule, & que ce fut un des pro-
àéea. ' dïges qui menacèrent le Temple de ruine. Lesjuifs rapportent ce prodige
àhfn l' ^ ^ ^'^^ 40"^*. devant la ruïne du fécond Templej c'eil à-dire environ le tems
LapoKedV de la mort de nôtre Seigneur, auquel teras ils remarquent aufîi , que le
Nicanor ne Sanhédrin quitta la chambre oii il s'afTembloit dans le Parvis des Sacrifi-
oumte qie catcurs, & viiit à la porte du premier Parvis, 6c fur tout ils obfeiventque
parzo hoœ- [q £| d'écarlatc du bouc des propitiations ne devint plus b-lanc. Tous ces
s'ouvrit prodiges étoient autant de marques que la grâce les avoit abandonnez,
loutefeuie, Pj-^g ^g ^ettc porte étoit logé le Sanhédrin des 53. Il y avoit trois Con-
aprésk m™rt fîftoii'es , le petit , Ic grand , 6c celui du milieu j le petit étoit de trois hom-
Du^sir'^ mes 6c fe trouvoit dans tous les bourgs j le grand de 35. n'étoit établi que
drinScde dans Ics bonncs villcs , où il y avoit au moins 120. hommes capables d'e-
tiff"*""^^ xercer les charges j 6c le grand de 70. étoit en Jerufalem , 6c avoit {es
feances dans la chambre pavée, le petit de 5. homir.es étoit à la premiè-
re porte du Temple, appeilée porte de Sufàn , 6c celui de 33. tenoit fes
feances à cette porte de Nicanor.
Le fécond Par cette porte on entroit dans un grand efpace qui avoit centquatre-
étohceiui vingt-fept coudées de profondeur 6c igf. de largeur; le Temple étoit juf-
des hona- tement au milieu de la largeur de cet enclos à i o. ou 1 1 . coudées du bouti le
^^^' corps du Temple étant dans fon frontifpice de 1 00. coudées de large , il ne
reftoit que 55. coudées à partager en deux , c'étoit 17. coudées 6c demi pour
chaque côté, Et où le Temple n'avoit que 60, coudées de largeur, ou fer
Iqn Ligtfoot 70. de part 6c d'autre il y avoit 32.. coudées 6c demie, 6c
au devant depuis la porte de Nicanor jufques au Veflibule du Tempic
■187- coudées. Otezen dix pour le derrière du Temple, 6c 100. pour la
longueur de ce Templejreftoit 77. coudées, de profondeur depuis la porte de
Nicanor jufqu'à la porte du Temple. Si vous joignez ces 1 8 7. coudées aux
1 3 f . qui faifoient la profondeur que Ligtfoot donne au Parvis des femmes, ii
y aura 32,8. coudées pour toute la longueur du fécond grand enclos hors du
parvis des nations. Cependant nous ne l'avons trouvé qu'environ de trois
cens, ou de ipo. félon Cappel. Ainfi Ligtfoot le fait plus long de 3 8. coudées.
Ce Parvis Ce grand efpace de 1 87. coudées de profondeur 6c de 1 3f . de largeur
cduldw^sa- l'enfermoit le parvis des Sacrificateurs 6c celui des hommes , qui n'étoit
Ciifîçiteius» qu'un
ET DES CULTES DE L'EGLISE. Fart.lL 22^ .
qu'un feul enclos. En entrant , après avoir pafTé la porte de Nicanor on
trouvoit trois rangs de colomnes de marbre qui foûtenoient une grande
galerie , comme toutes les précédentes dont nous avons parlé. Cette ga-
lerie ou portique avoit zi. coudées ou 33. pieds de large , ôc cet efpa-
ce faifoit deux allées comnae celles, des arcades de la. Place Royale. Ces-
deux allées avoient chacune onze coudées de large y & étoient feparées
par le rang de colomnes du milieu, & par des baluftrades d'appui qui
étoient entre les colomnes. La première ^lée5,la plus proche de la porte de
Nicanor,étoit le parvis des hommes, & regnoit tout à l'entour par trois cotez,.
Orient, Nordôc Midi. La féconde allée étoit élevée au delTus de la pre-
mière de deuxcoudéesôc demie, c'ell-à- dire prés de quatre pieds: ôc on y
montoit par 4. degrez, dont le premier avoit une coudée de haut , èc le»
trois autres chacun demi-coudée. Les deux allées étoient fous un même
toit, riche ôc fomptueux ; foutenu par ces trois rangs de colomnes, &
cette féconde allée d'onze coudées de largeur la plus proche du Temple étoit
le parvis des Sacrificateurs. Les Lévites y avoient leurs bancs, fur iefqueîs
ils jouoient des inftrumens , & ces bancs étoient pofez le long des colom-
nes & de la baluflrade, qui feparoit la première allée de la féconde: Ils'
avoient le dos tourné vers la porte de Nicanor 8c le vifage vers le Tem-
ple. Le lieu de leur flatiôn étoit une élévation de marbre blanc de la hau-
teur de 2. coudées & demie , par degrez: les trois premiers degrez étoient
d'une demi-coudée,- & le quatrième fur lequel ils fetenoient debout de la
hauteur & largeur d'une coudée. Mais ce dernier degré étoit au niveau du
terrain du pa^rvis- des Sacrificateurs,. & ces degrez étoient du cdté cki peu-
ple. Les Lévites fe tenoient debout en jouant des inflrumens..
Nous allons prefentement faire la revue de ce qui étoit autour des mu- Bitimers;
ra.illes de ce dernier enclos , outre les galeries & allées dont nous avons cukduPar-
parlé, foûteniies de trois rangs de colomnes. C'eft que dans les- cotez de visdcshojn-
eette muraille, qui avoit 1 87. coudées de longueur 6c i^f. de largeur, il y Saifiea^*
avoit plufieurs bâtimens ôc portes. Qiiant aux portes on en trouve feptj ^^«"*
les uns y en content plus, les autres moins y mais la plupart y en mettent
feptj l'une étoit à l'Orient , c'eft laporte de Nicanor dont nous avons par-
lé , trois au côté du Nord ôc autant au Midi. Il n'y en avoit point à l'Oc- Première
cident derrière le Temple. En entrant par la porte de Nicanor à main ^peS^
droite on trouvoit une chambre ou édifice qu'on appelloit la chambre de chambre de
Phinées ou du concierge de la garde-robe. On croit que c'eft dans ce ygïïdoit?^^
lieu qu'on gardoit les habits des Sacrificateui"s , & où ils fe revétoient & habits des
fè devétoient. A main gauche il y avoit une chambre de boulangerie, oijteBrs."'
l'on prenpit le foin de préparer les gâteaux que le Sacrificateur offioit jour- seconde
nellement j c'étoient les de0x feuls édifices attachez à la muraille du SpÏÏÎéeh
GÔté d'Orient. bouian-
Dans la muraille du côté du Midi , il y avoit premièrement" au coin ^"*^" .
Oriental la chambre pavée , n-in, où fe tenoit le grand Sanhédrin i elle r-\^h'
étoit toute bâtie de pierre de taille de tous les cotez èc par en haut^ c'eft ^""^'^
pourquoi elle étoit amfi appellée : Elle étoit proprement pofée fur la mu- Troifiéme"
raille de l'enclos, tellement que la moitié étoit dehors fur le Chail, &c ^l^^J^^'\
l'autre moitié dans le Parvis fous la galerie : A l'endroit où elle avançoit ,
die étreçiftbit la première allée d'autant qu'empoitoit la moitié de fa lar-
geur.
S>n
chambre
appelleela
chambre du
puas.
La chambre
d'Âbthiaés,
224. HISTOIRE DES DOGMES
geur. Elle avoit deux portes , l'une qui ouvmic fur le Chail , & l'autre fur
le Parvis d'Iiraël & des Sacrificateurs : il en ér.oitainlî de tous les autres bâ-
timens quiétoicntdanslemur, une partie étoit dehors du Parvis , & l'au-
tre dedans. On les appelle chez les Rabbins «"nDaK mot Grec déguile,
qui fignifîe Sièges, Excedrx,. Dans la moitié de cette chambre, (avoir dans
celle qui étoit dehors, le grand Sanhédrin prenoit fes léances j car il n'eût
ofé s'afleoir dans l'enclos du Parvis , à caufe que cela n'eft permis à perfonne,
excepté au Roy j encore faut-il qu'il foit de la Maifon de David , telle-
ment qu'Herode n'eût pûs'yfeoir, 6c les Rois de la famille des Macca-
bées non plus , fi on en croit la tradition des Juifs , qui ne me paroît pas trop
vray-femblable. La moitié de la chambre, quiavançoit dans le Parvis,
étoit employée à jetter le fort pour le fervice que les Sacrificateurs dévoient
partager entr'eux.
Au delà de cet édifice, en entrant de l'Orient à l'Occident, il y avoit
un efpace découvert, Se après on trouvoit un autre bel édifice , dans lequel
il y avoit un puits qui répondoit à de grands refervoirs d'eaux , qu'on avoit
faits dans la montagne , ôc d'oii par art , on faifoit venir une grande abon-
ce d'eaux par des canaux foûterrains : Ici il y avoit un grand puits couvert
d'un bel édifice , où les Sacrificateurs prenoient de l'eau pour laver leurs
viélimes. Il y avoit aulîi une grande roue, ou machine, qui tiroit perpé-
tuellement les eaux , & les diflribuoit dans toutes les parties où on en
vouloit avoir; jufques là même qu'il y avoit des eaux & des bains au defîus
de certaines portes.
Aflez prés de cette maifon du puits, étoit la porte appeîlée la porte de
Teau. Elle étoit vis à vis de l'Autel des holocauftes , environ à 45. cou-
dées du coin d'Orient. Au deflus de cette porte étoit un lieu appelle , ia
ch-àmbrc à' Ahthtné s. G'étoitun fameux compofiteur de parfums, quiavpit
donné le nom à cette chambre. L'on compofoit l'encens ou le parfum de
douze fimples odoriferans, & de plufieurs aromates, fur le toit de cette
chambre à^Abthinés^ il y avoit un bain dans lequel le Souverain Sacrifi-
cateur fe lavoit la première fois le jour des propitiations. Enfuite de la
porte de l'eau & de la chambre à'Abthines on trouvoit le quatrième édifi-
, c'étoit la chambre du bois. Le bois s'examinoit dans ia courdes &
ce,
tem-
mes, comme nous avons vu. Se puis quand il étoit trouvé f^ùn, on fap-
portoit en ce lieu, où les Sacrificateurs le prenoient. Au deflus de cette
chambre du bois étoit la maifon du Taredrm ; c'étoient les Confeillers , qui
avec le Souverain Sacrificateur ordonnoient de toutes les afiùires qui regar-
doient le fervice & la réparation du Temple 5 \q Sanhédrin étoit le grand
Sénat de la nation , ôc ce Taredrin étoit le Confeil du Temple & de fon
quelle étoit r- ^
le ïaredrin, lerVlCC.^
ou chambre Aprés cc Cinquième édifice venoit la porte des prémices, par laquelle
on les apportoit au Temple -, Les prémices d'entre les bêtes dévoient
être éeorgées au côté du Midi, ôc les autres vidinles au côté du Nord.
Elle etoit vis à vis le corps ou la nef du Temple. Enfin dans ce côté du
Midi il y avoit une porte qu'on appeiloit la porte de l'embrafement, ou de
l'allumement-du feu.
Le long du côté Septentrional , il y avoit aufli des édifices & trois
portes. Le premier édifice dans le coin I^ord-ouell , étoit appeîlée
n^3
Cin«|uiQme
chambre,
appeîlée du
bois au def-
lus de la-
des Direc-
teurs du
Temple.
Porte de
î'embrafe-
mect.
ET DES CULTES DE L'EGLISE. Tart.U. 225
npia n>3 la maifon du feu , ou du foyer. Elle étoit grande & fpatieufe, Ipi^ r-i*3
& s'étendoit jufques au quart de l'étendue de ce côté , favoir au quart de
iSy. coudées, c'efl-à-dire , 46. ou 47. coudées. Il y avoit quatre efpa-
ces aux quatre coins de cet édifice, i . au coin Sud-oueft il y avoit une
chambre, qu'on appelloit la chambre aux agneaux , oii il y avoit toujours
fix agneaux pour le Sacrifice continuel, car on ne les {acrifioit point qu'ils
n'euflent été quatre jours en fequellre. z. Dans le coin vis à vis étoit le
lieu oi^i on preparoit le pain depropofition: c'étoit une efpece de boulan-
gerie. 5. Danslecoin du Nord-ouell, les Juifs difent qu'on mit les pierres
de l'autel qui avoit été profané par Antiochus Epiphanes. 4. Et dans l'efpa-
ce oppofé , félon le ra^pport des mêmes Juifs , on alloit à un bain fecret fous le
Temple, fait pour ceux qui avoient eu des pollutions noélurnes. Au milieu de
cet efpace divifé en quatre coins , il y avoit un eipace voûté , ^ cela s'appel-
loit la maifon du feu, parce que les Sacrificateurs venoient fe chauffer là.
C'étoit une grande {allé, comme une falle.des gardes, il y avoit aufîi dans
ce bâtiment un lieu , où on gardoit les clefsde ce Parvis, z. Après cet édifice r^>2 ^w
on trouvoit une porte de même nom , la porte de la maifon du feu. La pro- "V^^
chaîne porte enfuite s'appelloit la porte des femmes, autrement îa porte du J;^^°^f^^ J^
Corban, & Lightfoot foupçonne, qu'entre ces deux portes étoit la cham- feu.
bre de la grande Tréforerie , ce qui cil affez apparent. Après il y avoit une femmS^Î^
chambre des Lévites, deftinez à faire la garde , Scpuis encore une fecon- duCQibaR,
de chambre de la Tréforerie. Cappel place ces chambres de la Tréforerie
tout au derrière du Temple à l'Occident. 5. Après ces trois édifices, deux
Tréforeries , 6c la chambre des Lévites dellinez à la garde , on trouvoit cette
porte que nous avons appellée du Corban. Enfuite il y avoit un édifice
qu'on zppeWoît la chambre dufel^ 6\x étoit refervé le fel pour les facrifices , r^yîh
èc la maffe de ce fel devoit être grande, puis qu'on ne prefentoit aucun làa^ifi- rhnn
ce fans fel. 4. Apres on trouvoit une chambre où fè mectoient les peaux
des bêtes, lelquelles appartenoient aux Sacrificateurs, & qu'ils divifoienc
cntr'eux quand leur femaine étoit achevée,on l'appelloit rms no , beth parva^
peut être deons , qui fignifie veaux. Mais les Juifs difent , qu'elle fut ainfi ap-
pellée du nom d'un Magicien qui avoit fait un trou ôc une voûte dans cet
endroit, pourvoir ce que le Souverain Sacrificateur faifoitdansîe jour des
propitiaiions. Au defTus de cette bethparva , il y avoit une chambre où étoit
un lavoir, où le Souverain Sacrificateur fe lavoit le jour des propitiations ,
toutes les autres fois 5 excepté la première qui fefaifoitaubaind'Abthinés^
f. Il y avoit enfuite la maifon appellée des laveurs, pnnan nsîi^S parce
qu'il y avoit là dedans un bain où on lavoit les inteftins des bêtes du facrifi-
ce. Ligtfoot nie qu'on les lavât au lavoir de Bethefda , dont il eft parlé Jean
f. comme c'eft l'opinion commune. 6. On trouvoit dans ce côté du Nord,
la porte appellée i^^ du cantique, autrement vira étincellement. Au defius
de cette porte il y avoit un édifice , qui étoit un corps de garde, où les Prêtres
faifoient garde, il y avoit de ces corps de garde à toutes les portes. Les Lévites
faifoient garde au bas de la porte, les Prêtres dans la chambre d'enhaut.
7. Enfin de ce côté du Nord , tout au coin de l'Orient , il y avoit une cham-
bre appellée la maifon de pierre, deflinée entr'autres chofes à mettre en^^'^of^e
fequeftre le Souverain Sacrificateur par fept jours, quand il devoit brûler f'onmeuoit
la vache rouge, ouceluy qui la devoit brûler en la place du Souverain Sa- ^^«^^ouveram
Tart. IL Ff Crifi- enfèqueûie.
226 HISTOIRE DE S* DOGME S
ciificateur. On l'appelloii là maifon de pierre, parce que tous les inlîru-
mens dont on fe fer voit là étoieiit de pierre.
L'cfpacc qui H ne Hous reftc à confiderer que l'efpace qui étoit renfermé au delà de la
étoit depuis galerie , appellée le Parvis des Sacrificateurs jufqu'au Temple. Devant
des'sTaifi- le Temple, depuis ce Parvis jufques au Vellibuîe du Temple, il y avoit
cateuisjuf. yj-j efpace de ^4. ou ff. coudées , occupé, premièrement par l'Autel
quau ^^™" jçs j^o](ij,j^u^^es^ qui avoit 51. coudées de largeur, 2°. par unefpace de
zz. coudées , entre T Autel & le Temple,
Aineides Qiiant à la largeur de cet efpace, comme le Parvis avoft en tout i^f..
hoiocauftes. ^oudécs de largeur, ôtez-enii. de chaque côté pour les galeries, quitai-
foient le Parvis des hommes, ôc celuy des Sacrificateurs à comertj reftoic
91. coudées à découvert. Au milieu duquel efpace , ou environ, étoit
l'Autel des holocauiles, qui avoit en quarré 31. coudées: AcotédePAu^
tel , vers le Septentrion , étoit le lieu où s'égorgeoient les viélimes , c'efb
La bouche- là proprement qu'étoit la boucherie. A 7. ou 8. coudées de L'Autel il y
lieduTeai: ^voit UH cfpace quatre, ou à peu prés 5 oùétoient attachez au pavé vingt-
quatre anneaux en quatre rangées de fix , où l'on attachoit les bêtes ; on<
leur approchoit la tête du pavé avec une corde pour les égorger. Tout
auprès de ces anneaux , il y. avoit des tables de marbre, fur leiquelles on met-
.tpi^lesviélimes après les avoir égorgées , pour leur arracher les entrailles à
deiîein de les laver. Et enfin en. allant encore au de là ,. toujours vers le;
Nord, il y avoit huit petits piliers de marbre,.quifoûtenoient des chevrons
de cèdres : dans les piliers &: dans les chevrons étoient plantez, des cro-
chets, oùronpendoit les bêtes pourlesécorcher, puis, on les remettoitfur
les tables de marbre , , pour les couper en pièces. Voilà ce qui étoit du
côté du Nord: du côté du Midi il n'y avoit rien qu'une pente infenfible qui
menoit au haut de l'Autel des holocauftes, comme une efpece de degré,
fans marches, cela étoit long de 31. coudées,, autant comme le quarré dc;
l'Autel
Entre l'Autel & le Temple étoit un efpace de vuide , occupé pourtant en
partie par douze dcgrez, de demi-coudée chacun 5,qui montoient au Vefti-
bule du Temple: cela faifoit fix coudées de hauteur, que le Temple avoit
au deflùs du pian du Parvis des Sacrificateurs. Ainfi l'Autel des holocauftes,-,
qui avoit auJTi fix coudées de hauteur, étoit au niveau du terrain du Tem-
ple. Entre le Temple & l'Autel , du côté du Midi, ily avoit un grand cu-
vier des- lavemens deftiné aux purifications. Le relie de l'efpace, le long;
des cotez du Temple , étoit découvert & vuidé 5. la largeur étoit environ^
de dix ou douze coudées.
Tout le monde fait Ja dernière deftinée de ce Temple-,- &c comme il fut
brûlé par Tite, fils de l'Empereur Vef^aficn dans le facdejerufalem. L^,
îerre perdit -alors l'un de fes plus beaux ornemens 3 car ce Temple pouvoit
^ffer pour Tune des merveilles du. monde..
ET DES CULTES DE L'EGLISE. Tart.ll. 22/
C H A P I T RE VIL
^es deux Temples Schifmatiques de Guerizim é- d'Onias,
PEu de gens ignorent rHiiloireduSchifme des dix Tribus: on en peut î.desRois
voir la fource & la naillance dans l'Hiftoire de la révolte de Jéroboam: sciufrae'dcj
dans ce Schifnîe il faut confîderer trois périodes. Le premier depuis samaritains
Jéroboam jufques au temps de la tranfportation des dix Tribus par Salma- trois^peik-
nafar. Le fécond depuis le tems de la tranfportation jufques au retour '^^^
de la captivité , & jufques à l'édification du Temple de Guerizim j & le
troifiéme depuis le retour de la captivité jufques à Jefus-Chrift, ou même
jufqu'à prefent. Jéroboam pofa premièrement le fiege de fon Royaume en
Sichem, après cela fes fuccefieurs le poferent en Samarie , ÔC de làleureft
veau le nom de Samaritains. Les lieux de leur culte furent en Dan & Betheî,
du. ils établirent des veaux d'or, avec un culte en quelque chofe femblabie
à celuy qui fe pratiquoit dans le Temple dejerufalem. Ce n'étoit pourtant
pas le même culte , car il étoit idolâtre & différent pour les cérémonies : aia-
fi ce n'étoit pas unfimple Schilme dans ce premier période, il y avoithe-
réfie & idolâtrie.
Le fécond période commence au tranfport des dix Tribus : Les Rois
d'Aflyrie mirent dans leur place des peuples qu'ils tirèrent d'autour de l'Eu-
phrate, Babel , Cuth, &c. Ces peuples idolâtres étoient dévorez par
des Lions que Dieu envoyoit , parce qu'ils n'adoroient pas le Dieu du pays,
ils s'en plaignirent, on leur envoya un Sacrificateur , qui leur enfeigna à
fervir Dieu : cependant ils n'abandonnèrent pas leurs idoles, L'Hiiloire
s'en lit au i. des Rois chap. 17. Ce culte mêlé d'idolâtrie dura jufques
après le retour de la captivité. Les Gouverneurs de Samarie traverferent
extrêmement les Juifs dans la réédification du Temple 3 ce qui donna com-
mencement à une immortelle haine qui dure encore aujourd'huy entre le
Juif & le Samaritain. Cependant les Juifs fe joignirent d'alliance & par
mariage avec les femmes des Samaritains j par ce mélange des deux peuples
k culte fe purifia , & les Samaritains cefferent d'être idolâtres. Entre
ceux qui avoient époufé des femmes Samaritaines , ilyenavoitunnommé
Manafle , que Jofephe dit avoir époufé la fille de Samballat j ce IVlanafTé Antiquît.
étoit frère de Jaddus , que Nehemie appelle fils de Jehojadah ; au moins ^\ ' "' "^
fi ce font les mêmes, car les tems ne s'accordent pas trop , ôcileft mal- ai- . ç.,
fé de reconcilier la relation de Jofephe, avec les autres Auteurs. Car Nehe- unedVffireH-
mie fut celuy qui fit réédifier le Temple au commencement de l'Empire cède plus de
desPerfes, depuis l'an du monde 3461. jufques à 3484. félon Cappel, ou trek narrai"
félonies autres 3 fOf, fe'^he^^&œîie
Mais le mariage deManafie avecla fille de Samballat Samaritain eflrap- 4e nos au-
porté par Jofephe à la fin de l'Empire desPerfes , environ l'an 3<5<5o. Quoy ^^■"[^["j'^J'*"
qu'il en foit, voicy comment Jofephe raconte la chofe. temple de
Ff i Manaffé G«««ini,
i28 HISTOIREDESDOGMES
Hiftoire de Manaffé s'étant retiré vers fon beau-pere Samballat lui dit , que l'amour
Tenfp'ie^de" ^^-^'^^ ^^oit pour fa fiUc Nicafo, qu'il avoit époufée, ne devoit pas l'obliger
Guetiziin à renoncer au droit qu'il avoit à la Souveraine Sacrificature, la première
ftphe?"" dignité de fon pais. Samballat lui dit de ne fe point mettre en- peine ^
que s'il le vouloit il le feroit bien-tôt Souverain Sacrificateur, & qu'il fe-
roit bâtir un Temple fur la montagne de Guerizim , femblable à celui de
Jerufalera. Manafle fur cette promefle demeura auprès de fon beau-pe-
fe i beaucoup de Juifs chaifez pour des mariages avec des étrangères fe
raflemblerent auprès de lui» ôc Samballat leur donna de l'argent ôc des hé-
ritages. Darius s'étant approché pour s'oppofer à Alexandre, Samballat
promit à Manafle qu'il obtiendroit de Darius le pouvoir de faire ce qu'il
lui avoit promis. Darius ayant été vaincu , Ôc Alexandre étant demeuré
Viétorieux , ce dernier envoya à Jaddus Souverain Pontife des Juifs lui
dire qu'il eût à lui rendre les hommages qu'il rendoit à Darius : Jaddus
s'en excufa , difant qu'il avait juré fidélité à Darius > ce qui irrita fort
Alexandre, qui alors étoit occupé au fiege de Tyr. Samballat jugiea le
îems propre pour fe déclarer en faveur d'Alexandre, & lui mena 8. mille
hommes. 11 en fut bien reçu, ôc obtint de lui la permilîion de bâtir un
Temple fur la montagne de Guerizim en faveur de Manafle, 6c des Juifs.
chaiTez. Cappel prétend que cela s'eil fait l'an 3668. Manafle fut établi
Grand Pontife de ce Temple environ 130. ans devant notre Seigneur. Il
dura 200. ans, ôc fut ruiné parHircan Roy des Juifè environ 130. ans de-
vant Jefus-Chrifl. Je ne fay Ci ce Temple a été rebâti du depuis , mais
les Samaritains adorèrent toujours dans cette montagne ; on fut cinq, ans à
le bâtir fur le modèle de celui de Jerufalem.
©tiginedu Environ l'an du monde 3837. 1^3. ans avant nôtre Seigneur Jelusr
d'ISus Chrifl:, les perfecutions d'Antiochus Epiphanes ayant écarte une bonne
Egyptien, partie des Juifs 5 ils décendirent en Egypte , ôc avec eux fe trouva un
nommé Onias , fils d'Onias Souverain Sacrificateur , auquel la Sacrifica-
ture appartenoit par droit de fucceflîon j Mais le Pontificat ayant été don-
né àun nomméAlcimus, Onias obtint permiflion de Ptolemée Pbilome-
tor de bâtir un Temple à la manière de celui de Jerufalem dans le terril
toire d'Heliopolis , en un lieu appeWé'agrefiis bubafies^ où étoit un vieu3C
Temple de l'Idole ruiné. Cet Onias prit pour prétexte une Prophétie
ïfaï« chïp. d'Efaïe^ oè le Prophète dit que cinq villes en Egypte parleroient le lan-
^' ^* **' gage de Canaan,, ôc dreflcroient un Autel à l'Eternel. Ptolemée Phiio-
mctor douta que Dieu approuvât cette entreprife j mais il en remit le pe«
ril fur Onias , lequel en effet acheva fon Temple , ôc Ptolemée lui donna»
des revenus pour fournir à la dépenfe des facrifîces ; Il le bâtit fur le mo-
delle de celui de Jerufalem. Il y établit des Lévites ÔC des Sacrificateurs j,
ce Temple Schifmatiqueaduré 23 j. ans. Par le commandement de Vei^
pafien, il fut ruiné peu de tems après celui de Jerufalem, Il commença
à peu prés dans le tems-, ou peu devant que celui de Guerizim fût ruiné.
Onias bârit même une ville en cet endroit qui fut appellée Oncion , il y a
joftphed^ erreur en ce que dit Jofephe , qu'il a duré 3.33. aus3. car il n'a duré que
Ub.°caV3o. 2-5^- ^"s. Onias fit cela pour fe venger des Juitsde Jerufalem, qui avoient
Àmiquitat. fait paix avec Alexandre fils d'Epiph^nes à fon préjudice.
H I S-
â2<
HISTOIRE
DU CULTE
L E V I T I Q U E.
SECONDE PARTIE.
Des Vaiflèaux du Temple , & des Inftrumens da
Culte Levitique.
CHAPITRE L
T>et Arche Qf des Chérubins .
(HJVJI ApipiniB JtiWmWM M'i l'tjtJ
^^M
W^A^
Ous allons déformais vifiter l'intérieur du Temple^
6c voir ce quiyeftjc'eft-à-dire les principaux Vaif-
feaaxôc Inftrumens du Culte Levitique. Nou? com-
mencerons par le lieu très Saint, dans lequel étoit
l'Arche , le plus augùfte inllrumentde la Religion
Mofaïque.
L'Arche étoit proprement un coffre ; fa longueur Defciiptioa
étoit de deux coudées & demie , c'eft-à-dire trois jArch?*^^
pieds neuf pouces , ôc fa largeur d'une coudée êc
demie ou de deux pieds trois pouces i fa profondeur étoit aulîi de deux
pieds trois pouces. Elle étoit faite de bois de Sittim* Il eft très douteux
ce quee'étoit queîeboisdeSittim. Le Syriaque tourne ce mot par î^j;*i3î^«
qui lignifie du bouïSi, le Latin £^^«»»? , les 70. ^ua« «o-vj^ra^ d'autres tour-
nent bois d'épine , comme Theodotion. St. Jérôme prétend que le stjt jo&î 5,
bois de Sittim étoit femblable en feuillage & en couleur à l'épi-
ae blanche ,, mais différent en grandeur, parce que c'étoit un grand ar-
bre- ,, qui croifîbit dans le defert de Sina. 6c dans les vallées de
Ff 3 Moak.
230 HISTO IRE DES DOGMES
Moab. Les Juifs tiennent que c'étoit une efpecede cèdre, 6c c'eftà quoi
je m'en tiens , quoiqu'il en foit, c'étoit un bois le plus capable de tous de
refifter à la corruption. Car cette Arche ctoit deltinée à durer dans tous
les âges des enfans d'Ifraël: elle étoit toute couverte de pur or par dedans
i& par dehors : par dehors l'or appliqué en lame débordoit en haut & fai-
foit un couronnement d'or tout à l'entour, entaillé par figures, dans lequel
4evoit entrer le propitiatoire, c'eft ainfique s'appelloit le couvercle de ce
coffre que nous appelions Arche. Ainfi le couronnement d'or avoit deux ufa-
ges, il iervoit d'ornement, èc de plus d'emboîtement au couvercle de l'Arche.
il y avoit quatre boucles aux quatre coins de l'Arche j c'eft- à-dire proche
âes quatre coins. Il y a apparence que ces quatre boucles étoient vers le
bas de l'Arche, parce qu'il eft vray-femblable que quand les Lévites por-
îx)ient l'Arche , elle étoit élevée au-defllis de leurs épaules. Ces 4. bou-
cles étoient de pur or , & dedans on paffoit deux barres de bois de Sittim
couvertes d'or. L'ufage étoit d'enlever par les barres palîées dans les bou-
cles l'Arche quand les Lévites k portoient. Cependant on n'ôtoit pas ces
barres, quand on laiffoit repofer l'Arche , elles demeuroient toujours dans
leurs boucles le long des deux cotez, de l'Arche. Il faloit que ces bou-
cles d'or fuflent grofles pour porter ce fardeau qui étoit allez grand.
Bimenfions On ne fait pas precifêrnént combien elle étoit large & longue 6c pro-
^^'d"?^ fonde par dedans , car la grandeur que nous avons décrite de deux cou-
dées &: demie de longueur 6c une coudée 6c demie de largeur 6c hauteur ,
c'étoit la mefure du dehors. Il y a apparence que les planches, quifai-
foient les parois de l'Arche, avoient quelque épaiffeur peut-être de deux à
trois pouces , un pouce 6c demi pour chaque paroi , ainfî le difent les
Voyez Talmudiftes. Elle pou voit donc avoir par dedans de longueur 41. pouces
dea'^°afoed ^ ^^ largeur à proportion. Ce qui prouve que cette mefure de 41. poo-
p.jT- ces eft celle du dehors , c'eft que la même mefure eft donnée au propi-
tiatoire ou couvercle. Or il faut que le couvercle foit tout au moins auftî
large que le dehors du coffre, autrement il entreroit dedans.
Nous ne lifons point qu'elle eût des pieds ni des foubaflèmens. Ainfî
elle étoit pofée tout plat fur la terre , 6c elle ne s'élevoit que deux pieds 6c
trois pouces au-deffus de terre : Il eft vray que quelques Rabins lui don-
Exode nent des pieds , à caufe de l'ambiguïté du mot vniDiJS que quelques-uns
interprètent par /j^V^j, à caufe que îzi^0i?s fignifie des pas. Cependant il eft
plus vray-femblable, qu'il faut expliquer cela par coins : aux cjuMre coins.
Mais il y a quelque doute fur l'endroit oii étoient les boucles 6c les barres.
Arias Montanus les met dans les deux cotez de la longueur de l'Arche :
Mais un palîàge du i. Rois 8. 8. femble faire voir, que les boucles 6c
les barres étoient aux deux bouts fur les cotez de la largeur, 6c que les barres
avançoient leurs bras devant 6c derrière le coffre : 6c par ce paffage i.Rois
8.- 8. il paroît qu'on retira les barres en avant du côté du lieu Saint , 6c
qu'elles avançoient vers l'Orient. Ainfi ceux qui approchoient de l'Arche
fe mettoient entre les barres. Cela eft plus vray-femblable auffi , parce
que quand les Lévites portoient l'Arche, il n'eft pas apparent que ledevarit
de l'Arche 6c les Chérubins fuffent en côté.
La plus importante partie de l'Arche c'étoit la couverture de ce coffre.
On rappcUoit Propitiatoire : il étoit de la même longueur 6c largeur que l'Ar-
ciic «
£{, 12.
ET DES CULTES D E L'E G L I S E. F^r/. IL 231
che, tout de pur or, Tans bois de tous cotez, & ilentroit fur.i'Arche, &
s'emboîtoit dans le couronnement qui montoitau-defTus des bords de TAr-
chei 6c même le couronnement débordoit encore par delîus le Propitia-
toire, quand le Propitiatoire étoit emboîté dedans.
Sur le Propitiatoire étoient les deux Chérubins, touchant la figure âef- Deschera*
quels il y a tant de difputes entre les Savans. La tradition commune des f^l^f^f^,
Juifs, embrafréeprefque par tous les Chrétiens, e'eft qu'ils avoient la figure toire ,& de
d'un jeune enfant. Ils dérivent le mot nn Cherub de î<^*>3-)3 qui en ^'^^' ^^""'
Chaldée Cign'iûc ^ _^cfit infans^ comni[e un enfant} ryns Kerab en Syriaque
iîgnifie labourer NSniiD un laboureur, ce qui fait foupçonner que la figure
dîU Chérubin étoit celle d'un bœuf,, qui eil proprement le laboureur, ce-
la femble être confirmé par le premier chap. d'Ezechieîv. lo. ôclechap.
10. V. 14. ou la face de bœuf & celle de Chérubin fe trouvent la même.
Nous ne pouvons rien avoir de plus certain fur cela que ce que nous ap-
prenons d'Ezechiel chap. I. & 10. d'Efaïe 6. ôcderApoGalypre4.7. Il
iàut remarquer là-deiTus diverfes chofes.
1. Que les quatre animaux des vifions d'Ezechiel 6c de St. Jean font Lesanîmaux^
les mêmes que les Séraphins de la vifion d'Efa're chap, 6. ôc la raifon de ceSa^S!'
ce nom o^sit^ qui (igniÇic brMms^ fe trouve dans le premier chap. d'Ezech. J^an, &ies
V. 13. En parlant des animaux le texte dit, leur regard étott de charbon de dSle.Tom:
fen ardent comme ejui verroit des lampef. la même
2. Que les animaux de la vifion d'Ezechiel font les Chérubins, comme *^*"^^^'
le Prophète l'explique 6c le dit £ nettement & tant de fois dans le 10.
chap.
9. Que les animaux d'Efaïe, d'Ezechiel êc de l'Apocalypfe nous font
dépeints fe tenant aux quatre coins du trône , fur lequel Dieu nous efl
reprefenté comme affis dans la gloire. Efaïe femble ne pofer que deux
Chérubins qu'il appelle Séraphins, car il dit (jh^Us fe répondoient l'un kl'^ au-
tre. C'eft parce qu'il n'y avoit que deux Chérubins fur l'Arche. Or ces
vifions d'Efaïe, d'Ezechiel &c de St. Jean font évidemment formées fur l.a
fituation ëc la difpofition du Temple.
4. Cette defcription de la gloire de Dieu 6c de fon Trône qui fe trouve
en ces trois lieux cy-defifiis citez a rapport au Temple, parce que Dieu dans
ces vifions nous efi reprefenté comme habitant dans fon Temple. Ainfi
il faut expliquer cette vifion, non par rapport ati ciel, mais par rapport à la
difpofition du Temple, ou plutôt du Tabernacle, autour duquel campoit le
peuple d'Ifraël.
^ Or tel étoit l'ordre de fon campement dans le defert. Le Tabernacle c>îdre £<
avec {es Parvis étoit placé au milieu du camp. Aux quatre coins du Parvis campemens^
étoi&nt campez les Lévites , 6c les Sacrificateurs, à un mille de diftance f^'^î^^ei danss
tout à l'entour, tant pour être les gardes du lieu Saint que pour faire le
fervice du Tabernacle, le peuple étoit campé en quarré, fuivant la figu^
re du camp des Lévites. Il étoit diviié en quatre corps fous quatre banniè-
res, 6c fous chaque bannière il y avoit trois tribus j à l'Orient étoit la tri-
bu de Juda, ayant pour enfeigne dans fa bannière un lion, 6c fous elle If-
facar éc Zabulon 3 à la partie oppofée, qui étoit celle d'Occident derrière
le Tabernacle, étoit Ephraïm,Chef du quartier Occidental, il avoit pour
ion. enfeigne un bœuf, 6c fous lui campoient Manafré6c Benjamin. Du^
QOX.L-
ïoeleir.
2^2 HISTOIRE DES DOGMES
côté du Midi étoitRuben, qui avoitpour Ton enfeigne un homme, & (bus
Voyez -foy Simcon & Giid. Dans le coté Septentrional étoit Dan Chef du der-
^^lî fïto' "''^^' quartier, il avoit pour fon enfeigne un Aigle, 6c fous lui Afcher &
cap. 2. &k Ncpthali. Ce font les mêmes figures qu'Ezechiel & St. Jean donnent à
MoHc**^ leurs animaux : d'où vient que quelques - uns penfent que par ces quatre
animaux il taut entendre toute la congrégation , parce qu'elle marchoit
autrefois fous ces enfeignes. Mais Ligttoot croit avec plus de vray-fem-
blance que ces quatre animaux reprefentent les Lévites , qui étoient cam-
pez aux quatre coins du parvis & de l'enclos du Tabernacle. Mais il eft
pourtant vray que ces animaux dans leurs figures myftiques avoicnt rap-
port à l'Aflemblée d'Ifraël : ainfi qu'il fera expliqué tout à l'heure.
Espiîcition Voici commc cet Auteuf explique la vifion d'Ezechiel , ôc celle de
dcsvifions Sf_ Jean. Le Trône fur lequel Dieu apparut étoit au milieu: aux quatre
de St. Jean, couis Qc cc 1 rouc ctoicnt Ics quatrc animaux dans la forme dépeinte par
dik^sc ^^ Prophète, ce que nous expliquerons tantôt : devant chaque animal plus
d'Efaïe loin du Tiônc que les animaux il y avoit une roue ou plutôt deux roues
foDt^'^^' ^^ croix entrant l'une dans l'autre, pour être toujours en état de rouler
de quelque côté que les animaux fe remuafient, car les roues d'Ezechiel
alloient félon l'Efprit qui étoit dans les animaux. Ligtfoot prétend que
les quatre animaux reprefentent les Miniftres du fervice qui (ont les pluf
proches du Trône, & par les roues il entend les tribus du peuple : entre
lequel 6c Dieu font les Mini ftres comme médiateurs j ces peuples vont fé-
lon que les mènent les animaux, c'eft- à-dire, félon que ks infpiî'ent les
Miniftres de la parole 6c du fervice. Dans l'Apocalypfe il prétend que
ks quatre animaux reprefentent femblablemcnt les Minillres du fervice , 6c
que les 24. anciens qui affiftent avec les animaux font au lieu des roues
d'Ezechiel 6c fignifient le peuple j Ces roues ne fe contournoient pas, quand
elles vouloient aller d'un autre côté, parce qu'elles avoient quatre faces fur
lefquelies elles pouvoient rouler , de même les animaux ne tournoient pas,
parce qu'ils avoient quatre vifages, 6c de quelque côté qu'ils marchaflènt ils
avoient une face qui alloit en avant.
Pour revenir aux Chérubins , Ezechiel nous dit expreflement que les
ligures qu'il a dépeintes dans le premier chap. font des figures de Chéru-
bins. Chap. 10. ir. 1.2. 5, Foict une étendue cjui étoit fur la tête des Cherft-
bins. z. Dans P entre- deux des roués au dejfous des Chérubins. 3. £t les Ché-
rubins fe tenaient a main droite. 4. Puis la gloire de l'Eternel s'éleva de dejfus les
Chérubins, f. Et on entendit le fon des ailes des Chérubins. 6. T^rens du feu
de Pentre-deux des roues & des Chérubins. Ainfi il n'efi: pas befoin de faire^
de conjedure là-deflus, il faut voir feulement comment il les dépeint, i . Ils
avoient quatre vifages , d'homme , de bœuf , de lion ôc d'aigle. La face
d'homme étoit celle de devant , à laquelle étoit oppofée celle d'aigle.
Par derrière à côté droit étoit celle de lion , à côté gauche 1î^ face de
bœuf. Il ell indécis fi ces quatre faces étaient fur quatre têtes , je ne le
croy pas, je trouve plus vray-femblable que c'étoit une même tête à di-
verfes faces , Ligtfoot croit que c'étoient quatre têtes fur un même
corps.
Ils avoient le corps d'un homme, fur leqiVel étoient fix aîles, de deux ils
couvioient leurs vifages, de deux ils couvroient leurs pieds 3 C'eft-à-dire,
comme
ET DES CULTES DE L'EGLISE. Part.ll. 2^^
comme a bien remarqué Ligtfoot, leurs parties fecretes. Les Hébreux di~
fent encore O^V^n »0D les eaux des pieds, pour fîgnifierles urines. Et enfin
(de deux autres ils voloient. Efaïe & St. Jean conviennent de ces fix ai-
les jEzechiel femblc ne leur en doimer que quatre, mais en examinant de
prés le V. 1 1. Sclei^. on en trouve tout autant avec le même ufage qiife
Jeur donne Efaïe. 1 . Les ailes droites étendîtes Pune vers Vautre , c'etoient
les ailes dont ils voloient , deux qui couvraient de cette part-ïk , c'étoient
les ailes qui couvroient leur face vers le Trône, & deux qui couvraient de
Vautre part leurs corps , c'étoient les deux qui couvroient les parties fecre-
tes. Leurs pieds étoient comme des pieds de bœuf, 6c de defibus leurs ailes
dans les quatre faces fortoierit des bras d'hommes. Ils ne fe tournoient
pas : Mais comme ils avoient 4. faces , chaque face alloit vers fon côté. *
Cette defcription , fi vive de fi expreflè que nous fait Ezechiel de la figu-
re des Chérubins, me perfuade que la raifon pourquoi les Juifs ne peignoient Ppurquoîii
pas de Chérubins dans le fécond Temple, n'eft pas qu'ils euflent oublié îe^fig'^'resde
leur forme, il n'eft pas polîible d'oublier une chofe auffi notable en fo. cheiubins
ou 60. ans , & s'ils l' avoient oubhée, Ezechiel leur en eût rafraîchi la me- cond Tem-
moire. Mais la vraye raifon eft l'averfion invincible qu'ils conçurent pie; cen'eft
or Ti • • 1 r» . /* • pas qu'oa
contre toute image oc ngure: Ils craignirent que les Payens , qui etoient èûtoubué
maîtres quand ils vouloient de leurs Sanétuaires, y trouvant ces figures ne jeuï veric»-
les cruflent idolâtres 5 ôc même ils eurent peur que ce ne fût un piegè pour
leurs peuples.
Après cela il ne faut plus demander quelle figure avoit le Chérubin, J/J^jcl©!
il en avoit quatre, d'homme, de lion, d'aigle, ôc de bœuf Ces figures mbins, ils
myftiques reprefentoient les caraéberes que doivent avoir les Miniftres de J^çj^^gj**"*"
DieUjtant celeftes qui fervent dans l'Eglife triomphante,que les terreftres qui
fervent à Dieu dans l'Eglife militante ; la face de l'homme dénote la rai- Myftere de
fon 6c l'intelligence, avec laquelle on doit fervir Dieu , le bœuf le tra- ^3*^^"^" ^
vail infatigable i la face de lion le courage 6c le zèle > l'aigle la promptitude aierubins:
& la diligence. De plus ces quatre figures fur un feul animal avoient rap- ^"tokmîes
porta ces quatre animaux, qui étoient dans les bannières, fous lefquelles le quaiitezdes
camp d'Ifraël marchoit. Pour comprendre le myftere il faut favoir que les J^ ^ku!*
Miniftres affiftent devant Dieu 6c reprefentent tout le peuple, non une
partie : c' eft pourquoi chaain de ces animaux, quifignifie les Miniftres, a
quatre faces, favoir de lion, d'homme , de bœuf, d'aigle, pour fignifier
que chaque Miniftre officiant devant Dieu comparoît pour 6c au nom de
toute l'aiGTemblée d'Ifraël , qui marchoit fous les fignes de ces quatre ani-
maux.
Il y a (ùr cela une difficultéi Ezechiel 10. 14. dit que chaque animal avoit 4. Pourquoi au
faces: la première étoit la face d'un Chérubin, la féconde étoit la face d'un d'E^cWeî*'
homme écc. Si les Chérubins avoient chacun 4. faces ; pourquoi la première [» tête de
eft-elle particulièrement appellée la face d'un Chérubin ? Ligtfoot pre- nommée
tend que cela vient de ce que quand le Souverain Sacrificateur entroit au chérubin,
lieu Saint, le Chérubin qui étoit à fa main droite lui montroit fa face de lioa.^ "^°^'
bœuf. La raifon me paroît foible, car celui qui étoit àl^a gauche lui mon-
troit la face de lion, fi l'autre lui montroit la tête de bœuf. J'aimerois
mieux dire que dans les figures des Chérubins, qui étoient ou en broderie
fur les voiles, ou dans la Iculpture 6c demi- reliefs fur les parois, comme
Part. If. G g on
Véritable
figure des
Ch^ubins
(i&rAiche.
DefcrrptioH
des deux
grands Chc
cubins que
Salomon fàt
faiie dans
le lieuTîéS'
Suint.
Voyez-
Saxtoif. de
Arca.
îoutquoi
«ette Ar-
c!ie.étoit d
veneiée.
234, H 1 S T O I R E D E S D O G M E S
on ne peut pas faire voir les quatre faces d'un quarré fur une chofe plate, Ta
figure du taureau étoit la plus vifible,, les autres étoient ou cachées ou en,
raccourci. Ainfi au 41. d'Ezechiel f. ip. dans la defcription de ce Tem-
ple myilerieux, il ell dit que le lambris étoit entaillé de Chérubins & de
palmes S>Cc. Et chaçjne Chérubin, avoit deux facei^la face d'Hnhamme ^ celle
d'^im Iknceau. C'eft parce qu'on ne pouvoit pas en reprefeufcer quatre, qu'il en
faloit laiflci* deux : Au lieu q,ue dans ce Temple d'Ezechiel , les faces pein-
tes étoient celles du lion 6c de l'homme, il fe peut faire que dans le premier
Temple dans les pavillons oc lambris lafacedu bceuf fût peinte, & celle du
lion oppofée étoit cachée.
Nous avons tout lieu de croire que les Chérubins de l'Arche étoient ain(î
faits. Mais comme ils étoient plein relief, les quatre: faces y étoient vili-
bles : l'un étoit placé à un bout de l'Arche, ôc l'autre à l'autre bout : de
deux ailes ils ombrageoient leurs vifages , 6c en les joignant enfemble
comme des bras, ils fe touchoient l'un à l'autre , Rejoignant leurs ailes ils
faifoient un ombrage fur le Propitiatoire , du milieu duquel Dieu rendoic
iz^ oracles. C'efl: pourquoi il ell dit que Dieu habitoic au milieu des Che*
rubins : de deux alitres ailes rabattues ils fe couvroienti le corps depuis les
épaules en bas, & des deux autres ils (èmbloient voler: Et au milieu de
ces ailes, leurs têtes & leurs corps fe penckoient fur le Propitiatoire. A
quoi fait allufion St. Pierre y quand il dit que les Anges regardent k tête baif-
fee dans nos mjfteres. Ils étoient faits d'or pur battu au marteau : il ne nous
efl pas preciiément marqué de quelle hauteur étoient ces figures : Il y a
bien apparence qu'elles étoient un peu au-delTus du naturel > l'Arche étoit
haute fur terre de 2. pieds trois pouces , les figures des Chérubins pou-
voient avoir f. ou 6. pieds. : Tout cela faifoit une hauteur de 6. ou fepc
pieds, qui ell la figure 6c la hauteur ordinaire d'un grand homme.Oubien
il faut prendre la proportion de cts Chérubins pofez fur l'Arche, de ces
autres grands Chérubins de Salomon , dont il efl parlé dans le premier
livre des Rois, ils avoient if . pieds de hauteur 6c leurs ailes le tiers cinq
pieds i ainfi leur hauteur étoit le triple de la longueur de leurs ailes ,
l'Arche avoit trois pieds neuf pouces de long. Cette longueur étoit occu-
- pée par lesaiîes des Chérubins qui fe joignoient au milieu:. Ainfi chaque
aîle avoit z%. pouces 6c demi de longueur, le corps du Chérubin avoic
le triple, c'ctoit 67. pouces.6c demi-,,ils.avoient donc f . pieds 7; pouces 6c
demi de hauteur.
Les Rabbins difent qu'ails étoient differens de fexe , l'un mâle 6c l'autre
femelle, pour fignifier l'Amour que Dieu a pour nous, qui efl comme ce-
lui d'un mari pour fa femme.:, c'efl une ridicule rêverie;.
NoU'3 verrons bien-tôt pourquoi le couvercle de l'Arche efl appelle le
Propitiatoire. Mais avant cela il faut voir pour quel ulàge cette Arche
a été faite , 6c pourquoi elle étoit vénérée comme, le plus augufle fymbole
de la divinité. Elle étoit la figure de l'Eglife y, iur laquelleles Chérubins,
c'efi-à-dire, Xts Miniflres de l'Evangile,. font comme courbez 6c étendent
leurs ailes pour la défendre du. diable,, de l'erreur,, 6c du vice : elle renfer-
moit les Tables de la Loy,c'efl-à-dire la parole de Dieu, de làDieuren-
doit fes oracles , c'eil-à-dire qu'il inftruit les peuples par la Loy> elle efl
eoiivei'te du Propitiatoire,, c'efl - à - diie du mérite de la juflice & de Ja
pro-
ET DES CULTES DE UEGLISE. Part. îï. 2^5
protedion du Seigneur Jefus-Chrift : ces raifons quoyque mylliques font
très {blides & font ians doute du nombre de celles, pour lelquelles Dieu
voulut , qu'on rendît tant de refpeâ: à l'Arche. Mais la railbn fenlible par
rapport aux Juifs c'eft celle qui fuit.
Elle avoit été faite proprement pour y pofer les Tables de la Loy, que ^ f 'gnit^
Dieu grava de fon propre doigt dans la mon*-agoe de Sinaï. Et les Théo- venojjt'dece
logiens n'ont pas aflez remarqué que c'ell de cet honneur qu'elle avoit de JJg';'"!^*'
renfermer la Loy ou autrement le Témoignage , que lui venoit toute fa Loy y
dignité & toute la vénération qu'on lui rendoit : Elle étoit appellée l' Ar- fejjg""^'*'
che d'alliance , parce que cette Loy étoit l'alliance , l'Arche du té-
moignage, & fîmplement mv le Témoignage, à caufe que la Loy eft tant Exod.
de fois appellée le Tétnoignage. Et même le nom de Dieu eft attribué à ^^'^l^ ,o
cette Arche, ^ue V Eternel fe leve^ encore que le nom de Dieu dans ces pafla- 3j. pf 24.
ges regarde Dieu dire<Stement 6c non l'Arche, cependant cela eft dit de Dieu l\^.,\
par égard à ce qu'il fe manifeftoit dans l'Arche i ôc c'eft parce que la parole
de Dieu, la Loy, étoit là dedans. Pourquoi fe profternoit-on devant cette Ar- ced doit
che? à caufe que la Loy étoit là-idedans. Il eft vray que cette Arche étoit auffi q"! JaSes"
la figure de Jcfus-Chrift, mais cela nefaifoitpas fa principale dignité: Cela Prédicateursi
lui étoit commun avec le ferpent d'airain ôc avec tous les facrificcs pro- Stif *
pitiatoireS. rexcellencô
Outre cela, pourquoi les Juifs dans le fécond Temple ne fîrent-iîs pas deOiSi?*
une Arche fclon le modèle de la première ^ fî non parce que les Tables de la vtaye râfou
Loy nefubfiftant plus,onn'avoit plus bcfoin de coffre pour les mettre? Et ne fit^pa°s' ***
les Tables de la Loy étant anéanties , toute la dignité mylîiaue de l'Arche n'y d'Arche
étoit plus: Au lieu que fi l'excellence^de cette Arche eût été dans fa figure «oid Tem-
myftique & dans fa compolition , on eût bien pu en faire une autre toute p^^-
femblable.
Pourquoi Dieu rendoit-il fes oracles du milieu de cette Arche? G'eft
parce que fa Loy eft laffource 011 nous devons puifer les lumières divines.
Pourquoi les Chérubins regardoient- ils à tête baiflce dans cette Arche ? C'é-
toit pour comprendre les myfteres de la Loy & de la révélation. Enfin
pourquoi le couvercle de cette Arche étoit-il appelle Propitiatoire ? G'eft pourquoi k
parce qu'il couvroit la Loy , en quoi il étoit figure de la mort 6c de la fatis- [^^^^ht^ ^^
faélion de Jefus-Chrift, qui couvre les péchez que nous commettons con- étoit jppeiié
trelaLoy, 6c c'eft pourquoi if s'appelloit le Propitiatoire. Par allufion àjç°P""'°^"
cela St. Paul dit que Dieu a misJefiis-Chrift pour Propitiatoire far fon fang. Kom. j. s*.
C'eft-à-dire qu'ill'a ordonné pour la couverture de nos péchez par fon fang.
Ce font les deux chofes que les Anges regardent à tête baiflee pour les
comprendre , la Loy ou la parole de Dieu, 6c les myfteres de la rédemption.
Tout cela peut fervir à relever la parole , 6c à faire connoître le grand rcfpeél
que nous devons à la parole de Dieu 6c à l'Ecriture Sainte.
.i
Gg & C H A-
2^6 HISTOÏREDESDOGMES
j'i. ...ni' ..» lil .1 l'i )*» -uji'." " I.
CHAPITRE IL
2)tf«J Pjirche il n'y avait que les deux Tables de la Loy.
Chap. 40.
V. 16. &
25. f6.
ON ne peut donc nullement douter que l'Arche n'ait été faite pour
es Tables de la Loy, & qu'elles n'y repofairent: Nous en- voyons
Le commandement dans PExode.Mais on met en quelHon favoir fî avec
les Tables il n'y avoit pas d'autres chofes. i . Quelques-uns veulent que les
i.'kois 8.1p. premières Tables que Moyfe rompit en décendant de la montagne y fufTent.
X ^T^ ^"^ ^^ fondent fur un paflage duDeutero. 10. 2. très mal interprété comme fi
Dieu Gommandoit de mettre les Tables rompues dans F Arche j'/mr<ï^yW" ca
TaUci-ïa les paroles ^m e'toientfwr les premières "Tables que tu as rompues ^& tu les
?nettr0s d^n s t^^rche. Mais il eft clair qu'il faut entendre ces paroles,?» /« mettras
dam P Arche ^dts nouvelles Tables entières & non des Tables rompues. Ainfî
quoy que cette opinion foit aflez commune entre les Juifs, je lacroi faufle.
2. On y met le livre de la Loy , à caufe qu'au Deuteron. '^i. 26. Dieu
dit aux Lévites, prenez^ le livre de la Loy^^ &> le mettez a coté de l"^ Arche au' Sei-
gneur votre Dieu. 3. On y met l'Urne pleine d'un orner de manne, prens
toy une urne ^é" y mets un orner plein de rnanne^ & la mets devant l' Eternel pour
être gardé en vas âgesy tout le monde entend ces mols^devant r Eternel , devant
l'Arche. 4. On y met la verge d'Aaron qui fleurit, raporte la verge d-Aarort
devant leTémoignage pour être gardée en Jîgne aux hommes adonnez ala rébellion.
Tout cela femble être confirmé par l' Apôtre aux Hebreuji, qui dit , ^/'r/.r
le fécond voile était le Tabernacle appelle le St, des Saints^ ayant i' encenfiir d'or ^
& l'Arche de Palliance toute couverte d'^or^ en lacfuelle étoit la cruche d'or ^
-^ayant la manne & la verge d^Aaron cjui avoit jleuri , &-^ les Tables de l''alLianc~e,
Rois. Cependant d'autre part il eft expreffé ment dit que dans l'Arche il n'y avoit
&?» 2'^d '" ^"^ les Tables de la Loy que Moyfe y avoit pofées.Et c'eft dequoi je ne doute
chronic. ' pas , Car toutes les chofes: qu'on y ajouta n'étoient pas d'afîez grande di-
J^gJ;^^'^*^ gnité pour être mifes avec les TaWes de la Loy.Si peut-êtix on excepte
dansi' Arche le rôUc de k Loy OU l' Autographc dc Moy fc. Au relie lî l'on examine les
qu'ek^xL <^™€nfîons de l'Arche & des Tables , on verra que dans l'Arche nepou-
bie d€ la voîeut pas tenir \ts chofes qui font exprimées dans le p^^^* chapitre des
^°y- Hébreux.
Les Rabbins difent que les Tables avoient fîx paumes de longueur ^^
autant de largeur, fix paumes font 24. doigts ou dix-huit pouces, car une
paume ne fait que 3. pouces , elles avoient un pied oc demi de longueur
Ôc autant de largeur ôc trois paumes j c'eft-à-dirc, neuf pouces d'épaifleur.
Quand ils difent qu'elles avoient fîx paumes de largeur, il faut entendre ce-
la de chacune, qui avoit fix paumes ou une coudée en quarré, elles étoient
couchées dans l'Arche l'une au bout de l'autre félon la longueur de FAr-
che.
Exod. i5v
Y. 3._
Nombres
17. 10.
Epître aux
Hébreux
chap. s. 34.
Au T
Voyez Bax-
toif. Arca
fœd. p. 57.
Ce qui eft
prouvé par
les dimen-
fions d«
ET DES CULTES DE UEGLISE. TartM. i7,y
çhe. Ainfi elles occupoient douze paumes, ou deux coudéeSjC'elt- à-dire, trois
pieus,dans la longueur de VAi-cht.L^yirehe avait ^ . pieds neuf pouces de longueur^
reftoient neuf pouces de longueur, dont trois étoient dans l'épaifleurdcs
cotez & des planches de l'Arche par dedans j & puis qu'elle avoit trois pieds
6c demi de longueur , il ne reftoit qu'un demi-pied trois pouces aux deux
extremitez des Tables. Et ï' Arche avoit deux pieds trois pouces de largeur
dehors^ les trois pouces pour les planches de l'Arche étant rabbatus: reitent
par dedans deux pieds. De ces deux pieds les Tables de la Loy, larges de fix
paumes ou d'une coudée, occupoient un pied 6c demi, & ainiî reftoit fix
pouces , qui faifoient trois pouces d'efpace , depuis les Tables de la Loy
jufques aux parois de l'Arche, de forte que tout à l'entour il y avoit un ef-
pace de trois pouces ou quatre doigts , qui regnoic depuis les Tables de la
Loy jufques aux parois du coffre. Et félon les apparences cet efpace étoit
vuide. KiiÛDj /es Tables avoient trois paumes^ c'cH-à. dire ^ demi-coudee d'^épaif-
fifir, c'efl: neuf pouces , & P Arche avoit deux pieds trois pouces de profondeur
p0r dehors: ôtez les trois pouces pour l'épaifteur des planches, reftoient
deux pieds de profondeur , dont neuf pouces étoit occupez par l'épaifieur
des Tables, ainfi il y avoit quinze pouces de vuide parle haut, dans lequel
efpace on auroit peut-être pu mettre l'Urne de lamanne, fi elle étoit mé-
diocre, &C. mais il n'y a point d'apparence qu'on eût voulu rien faire re-
pofer fur les Tables , qui étoient fi vénérables. Ainfi il eft apparent qu'il n'y
avoit rien dedans que les Tables delà Loy.
Sans l'autorité de l'EpjEtre aux Hébreux, je diroismême que dans le Heu-
trés-Saint, il n'y avoit rien du tout que l'Arche, 6c j'interpreterois , ce qui
eiï dit du volume de la Loy mis piN nvo à côté de l'Arche 6c de l'Urne de
la manne , 6c de la Verge d' Aaron pofées devant l'Eternel, 6c devant le Té-
moignage j je croirois, dis- je, qu'il faut entendre , que toutes ces chofes
étoient p-kcées dans le lieu Saint, proche du voile qui le feparoit du lieu
Trés-Saint, 6c qu'elles étoient pofées vis à vis de l'Arche contre le voile ^
6c le livre de la Loy à côté. Mais St. Paul eft exprés là-deflus, 6c il dit^
que ces chofes étoient dans le Saint des Saints avec l'Arche -, elles y étoieùt '
donc 5 mais à côté de l'Arche , ou au devant , ou dans quelque petit coffi^e ,
ou fur quelque efpece de repofoir , ou de table.
Pour concilier la contrariété apparente de l'Epître aux Hébreux chap. p.
& le j .:des Rois ch, 8.,il , il faut dire que h ^ de l'Apôtre fe doit rapporcer-
2i(r'iiv[vvi 6c non à K/3«T0Ç)qui e^ leplusvoifin , d'autiTs difent que l'fV des ^'^^ ^^\^
Grecs, 6c le ^ des Hébreux fignifient trés-fouveni , prés , proche. Cela eft k 3 des He-
VraV: breux.
Les Rabbins, principttleraentlesTalmudiftes,. difent qu'il y avoit deux aueftion
Arches , dont l'une ne bougeoit du lieu Trés-.Samt , 6c l'autre marchoit de- deùxArchw;
vaot îe Camp des Ifraëlites dans leurs voyages 6c dans leurs guerres.^ L^'une
renfermoit les tables entières, 6c ne bougeoit du hèu Trés-Saint 5 6c^voit
été faite par Betfaieel , 6c l'autre avoit été faite par Moyfe , 6c contenoit
les Tables rompues. Mais tout cela eft fans fondement , le i o. chap, du Deu-
teronome .ne parle que d'une feule 6c même Aixhe. Dans le Livre des
Nombres, il y a quelque contrariété, qui leur a donné lieu de faire ch 2.^7. &
cette conjdélure : car dans le premier endroit il eft dit , que le Taber- «h. 10.?^,
naele d'affignation. marchoit au milieu des Tribus , entre la bannière
Gg 5 de
23^ HIST OIRE DES DOGMES
bannière de Juda & de Ruben, qui alloient devant, & celles d'Ephraïtn
& de Dan , qui marchoient derrière \ & le camp des Lévites avec le Taberna-
cle étoit au milieu. Mais dans le lo. chap. v. 33. l'Arche marche devant
eux l'efpace de trois jours : il faloit donc, dit-on, qu'il y eût deux Arches,
car une ieule & même Arche ne pouvoit pas être en deux lieux tout à la
fois. La réponfe e-il, que dans le premier decampement, en partant de
Sinaï , ôc dans le dernier, quand ils traverferent le Jourdain, l'Arche mar-
cha devant eux , mais dans toutes les autres traittes elle étoit au milieu.
Ou bien difons qu'on tiroit l'Arche du Tabernacle dans les marches, on la
portoit devant- le Camp, comme pour guide, 6c le Tabernacle demeuroit
au milieu du Camp. 11 y a plu« de difficulté fur le paflage du premier Livre de
Samuel 14. 18. où Saiil trouvant de manque Jonathan &fon Ecuycr, &
voulant favoir où ils étoient, dit, faites approcher l'Arche de l'Ètemei.
Or dans ces jours-là l'Arche étoit en Kiriatjeharim, & non avec Saùl. Plu-
fieurs répondent, que par cette Arche il faut entendre le coffre où étoit
l'éphod urim 6c thummim, pour confulter l'Oracle : Les Septante ont tour-
né, apportez l'éphod. Il vaut mieux dire que l'Arche fut tirée de Kiriat-
jeharim, 6c y fut remife enfuite. Cette réponfe eil la feu'le véritable j car
il eftdit expreiïement, & P Arche de P Eternel etoit avec Ifra'él en ces jours-lk.
Cela nefutjamaisdit de ce coffre où étoit l'éphod.
Conte de Voilà donc ce qui étoit dans le lieu Trés-Saint. i . L'Arche dans laquelle
tout ce qui étoient les tables. 2. Le Volume de la Loy, ou l'autographe de Moyfe;
lieu Tics- mais je doutc qu u y ait toujours ete garde: Du tems d Holias Hilkia le
?Rois ch. t^'ouva dans la maifon de l'Eternel , mais il ne dit pas où : f'ay trouve' le Livre
22. V. 8. de U Loy en la maifon de ^ Eternel. 3 . L'Urne de la manne . 4. La Verge d' Aa-
ron qui avoit fleuri. St. Paul Hebr. 9. ajoute l'Encenfoir d'oE. Les Hé-
breux difent tout le contraire , que d'abord le Souverain Sacrificateur por-
toit. dans lejourdespropitiations unencenfoir d'or avec de l'encens pour le
faire fumer devant l'Arche j mais ils difent auffi , que le foir on l'empor-
toit. Villalpandus prétend qu'on le laiffoit là toute l'année jufques à la fui-
vante fête des propitiations: encore que les Hébreux ne nous en difent rien,
on le doit pourtant croire fur le témoignage de l'Apôtre, ou dire qu'il n'a
pas eu dellein de faire une exa61:e defcripcion du Tabernacle, comme il le
Savoir s'il dit luy-mêmc , ou félon la conjeéture de Buxtorf, que cet encenfoir or-
encenfoiT dinaircment étoit dans le Heu Trés-Saint, parce qu'il ne fervoit que dans
lepofant le Ucu Trés-Saiut le jour des ptopitiations.
Trés-s^ain " Au reftc cette Arche , quand il la falloit tranfporter de lieu en lieu , ne
fe portoit que fur \ts épaules j jamais fur un chariot, ou fur une bête de
2. Samuel charge. Ce que David ayant omis , brèche fut faite en la perfonne d'Huza:
I, ciu'oniq.-f^ fcmblc quc ce fût l'office des Kehatites. Les Sacrificateurs laportoient
15. Se II, aufîï, comme ilparoît par le chap. 8. du premier Livre des Rois, 6c par
bres7,?!°' le troifiéme chap. du Livre de jfofué.
1. chroniq. Outrctoutes CCS chofcs qui étoient dans le Tabernacle d'afîîgnation,6c
Lesdeux^* qui pafTerent dans le lieu Trés-Saint du Temple de Salomon, ce Prince
IJJ^^^^J^^-pofa aufîi dans le Temple, dans le lieu Trés-Saint, deux grands Chérubins
bois d'oii- de bois d'olivier , couverts de lames d'or j ils étoient hauts de i o. coudées,
pJ"^^J^^çjgC'efl-à'dire, if. pieds j c'étoit la moitié delà hauteur du lieu Trés-Saint,
Salomon. q'-ù avoit 20. çoudées de. haut. Ces deux Chérubins étendoient leurs ailes,
depuis
ET DES CULTES DE L'EGLISE. TmAl. 239
depuis Ja paroi où touchoic Tune de ces ailes, jufques au milieu del'efpa-
ceoù Jes ailes de l'autre Chérubin fevenoient j,oindre: if\infi chaque Ché-
rubin avoir de retendue, depuis un bout d'une ailejuiques à l'autre, dix cou-
dées, ôc en rejoignant ils faiibient une longueur de 20. coudées. C'eft-à-dire,
qu'ils occupoient toute la largeur de l'Oracle. Ils étoient drefTez tout droits
Ôc debout contre la paroi, qui faifoit le fond de l'Oracle, & au deflbus de
leurs ailes étoit poiée l'Arche dans le fond du Temple contre la murail-
le d'Occident.
On peut voir les diverfes avantures, voyages, tranfports, captivités,
rétours de cette Arche, dans toute i'Hifloire Sainte ,, deMoyfe, de Jofué,
des Juges, de Samuel, jufques au bâtiment du Temple de Saloraon 5 oii
on la Et demeurer jufques à la captivité du peuple, ôcàTembrafement du
Temple fous Sedecias.Ceque les Rabbins difent que l'Arche fut cachée
par Jofîas, ouparjeremie,; feloni'apocryphe fécond des Maccabées, font second db
des fables allez refutées, Ôcindjgnes de réfutation. Il ell: certain, de l'a- ^^"''^^^
veu de tous les Juifs, que l'Arche n'écoit pas dans le fécond Temple jc'efl
une des cinq chofes qui luy manquoient , qui avoient été dans le premier v
Temple. C'eft à la vérité une chofe furprenante qu'elle n'ait pas été con-
fervée, auiîi bien que les autres vailîèaux du Temple, qui furent confer-
vez &; rendus après, la captivité} Mais ily a apparence que les Babyloniens
la brûlèrent, parce qu'ils avoient oui dire que c'étoit un Dieu formidable
aux nations , ôc qui protcgeoit ce peuple.
Ainfi dans le lieu Très- Saint du fécond Temple, il n'y avoit riert du 11 n'yavoît
tout. Quelques Auteurs Chrétiens prétendent que l'Arche y étoit , 5c qu'el- JJèdanl'^iiê
le fut rendue aux Juifs, avec les autres vaifleaux facrez, au retour de la fécond
captivité. Ils ajoutent même, qu'elle fut prife par Titus & portée à Rome, '^^'"P^^^
où elle elt encore aujourd'huy dans le Temple de Lat'ran, dépoiiillée d'or,
6c avec le feul bois. Ainfi le prétend Adrichomius dans la defcription de
la Terre-Sainte. Ils produifent un certain arc triomphal de Titus, qui
cli aujourd'huy dans la rue facrée de Rome, où ils prétendent qu'eftpein-
t-e l'Arche d'alliance. Mais les- autres avoiient , que ce qu'on prétend'
être l'Arche, eft fi efîàcé, qu'on n'y connoît plus rien. Entre les Juifs-
R. AzariâS dans un Livre appelle M^or Snaiim foûtient la même choie ;.
mais tout ce qu'il y a d'Auteurs s'y oppofent , tant Juifs que Chrétiens. Au.
lieu de l'Arche quelques-uns croyent qu'ils avoient fait une efpece d'Autel,,
qui leur tenoit lieu de Propitiatoire. RabbiLevifurleLevitiquech. 16. v. 3.
dit même qu'ils avoient fait des Chérubins j ôcune efpece de Propitiatoire-,
mais cela eft faux, car par averfionpour l'idolâtrie , ils ne voulurent foufFrîr
aucune figure d'homme ou de quelque animal , 6c il n'y en avoit point de
peintes dans les voiles , & dans les parois, comme dans le premier Tem*-
ple. L'Hiftoire de la prife de Jerufalem par Pompée dit , [qu'étant entré
dans le Sanâuaire il n'y trouva rien j ce qui le furprit -, Ainfi il y a bien
apparence, qu'on avoit feulement marqué la place où devoit être l'Arche,
& qu'on faifoit dans cet efpace, ce qui fe faifoit autrefois en In prefence
de l'Arche. Saint Jérôme dit , que du tems d'Achas quand on pla- Quxfï.Heb.,
ça les idoles di|^ le Temple, l'Arche fut ôtée Ôc mife dans la maifon de ina.chio
Shallum, mari d'Olda oncle de Jeremie , & qu'elle y demeura jufques °''^'
au tems de J.ofias,, parce que l'Arche ne peut fubfifter avec le cuilte des
idoleSi
Ï4.0 HISTOIRE DESDOGMES
idoles introduit dans le Temple , Ôc quelques Auteurs Juifs croyent
même qu'elle £ut cachée du tems de Jofiasjàcaufe de ce qui fe lit au gf.
du 2. Chron. V. 3. mettez, P Arche au Temple de Salomon^ vous n'avez, plus aU
porter fur vos épaules. Ils difent qu'on n'avoit point remué l' Arche , & qu'on
ne l'avoit pas ôtée du Temple de Salomon,on n'avoit donc pas befoin,difcnt-
ils , de la remettre. Ainlî ils veulent que ce fût un Temple foûterrain que
Salamon lui avoit bâti pour la mettre en fureté en cas de pcril j C'ell une
viiion. Nôtre verfîon a très bien tourné, non, mittite ^ {tdi dimittite , laif-
fez la où elle eft. Il y a aufîi beaucoup d'Auteurs de l'Eglife Romaine qui
croyent fur l'autorité de l'Apocryphe 2. des Macabées qu'elle a été ca-
chée , Ôc qu'elle le ferajufqu'à la converfion des Juifs. Entre les au-
la Bibiioth. tres Sixtus Senenfis , Se Villalpandus fur Ezechiel font de ce (ènti-
Erreur de Hicnt. Je ne fay où Ligtfoot a trouvé que dans le fécond Temple ifs
Ligtfooi fut avoicnt une zArche de leur façon, il ne cite aucun Auteur, & je n'en ai
fécond " jamais vu citer fi ce n'eft qu'il prenne ce que ditLeviben Gerfompour lui.
Temple. Mais cncorc ce fentiment eft particulier à ce Levi ben Gerfom , & même
il ne dit pas qu'ils enflent fait une Arche, mais une efpece de Propitiatoi-
re & des Chérubins.
vn^Miy^i^^'^
Des Vaifleaux qui étoient dans le
' lieu Saint.
CHAPITRE III.
De l'Autel des Parfums, de k Table & du Chandelier.
Il
L y avoit trois chofes remarquables dans le fécond efpace du Temple,
le Chandelier , la Table , fur laquelle on pofoit les painss de propofition ^
ôc l'Autel des parfums.
Defcription Premièrement le Chandelier , dont voici k defcription , comme la don-
du grand ne Maimonidcs : 11 avoit trois coudées, c'elt-à-dire , quatre pieds &de-
duïeu *" mi de hauteur , il avoit fept branches, lîx qui fortoient des cotez, ôcunc
Saint. ' au milieu qui étoit le pied ou la tige même. Il repofoit fur la terre par
trois pieds , élevez de terre la hauteur de neuf pouces feulement. Il y avoit
au bas une efpece de plateau rond qui débordôit de la tige tout à l'entour,
& un ouvrage couronné & entaillé fort déhcatement, de la largeur d'une
paume. La tige s'élevoit au milieu > & à demi-pied plus haut , il y avoic
un plat, qui regnoit tout à l'entour, du milieu de ce plat s'élevoit la tige en
continuant de monter en haut 5 demi-pied encore plus haut , c'eft-à-dirç
à deux pieds de terre, il y avoit encore un plat de la langer de trois pou-
ces tout à Fentour. Des deux cotez duquel plat , fortoient deux bran-
ches, qui mont@ient par les cotez en fe courbant en manière d'arc, jufques
à ce
e
ET DES CULTES DE L'EGLISE. Part.ll. 24,1
à ce qu'elles fuflent montées à la hauteur de la tige : quatic doigts pJus
haut, ontrouvoit encore un balîin de la même largeur que les autres, &
deux autres branches fortoient , qui s'élevoient de la même manière que
les deux précédentes. Quatre doigts encore plus haut on trouvoit un troilié-
me petit baffin, ôc les deux dernières branches s'élcvoientdelàjufques au
haut. Toutes ces branches étoient fur la même ligne , & ne fortoient pas
en rondeur de tous les cotez de la tige , comme dans nos flambeaux d'Eglilcj
mais elles étoient plates comme on les dépeint; Chaque branche avoit trois
platelets, des boutons au deiîbus^ &des fleurs entaillées tout à l'entour,
ce au haut de la tige étoit pofée la principale Lampe. C'eftparallufion à ce ^P"'''' .'• *
Chandelier de feptjLampes , que l'Ecriture parle des fept Èlprits, qui par- 4. 'a.*
tentde devant Dieu. Car ces Lampes reprefentoient la lumière de la grâce,
& les dons du St. Efprît, qui viennent de la part de Dieu.
La branche du milieu s'appelloit ^aiyo 13 la Lampe Occidentale, parce La Lampe,
que le lumignon en étoit tourné du côté du lieu Trés-Sai»t vers l'Occi- ^'^^"^'^^
dent, 6c toutes les autres lampes étoient tournées en dedans, du côté de
celle du milieu ; il étoit d'or pur, tout d'une pièce , battu au marteau.
Ligtfoot dit, que ces Lampes brûloient nuit & jour, cependant à cela pa-
roiflènt contraires les textes que nous citons en marge. Jolephe dit qu'il yjoteOn
avoit ;. Lampes qui brûloient tout le jour, 6c que l'on allumoit les autres -^nuq.
for le foir. Si les paffages citez pouvoient être interprétez , de ce Exod. zj.
qu'on mettoit tous les foirs de nouvelle huile dans les Lampes , je tombe- *ï- ï-^»™'
rois fort volontiers dans l'opinion de Ligtfoot, parce qu'il me femblefort Làtoa,
vray-femblable , que les Lampes brûloient toujours, puis qu'elles étoient ^*'**'
le type de l'efprit 6c de la lumière de la grâce qui ne s'éteint pas j 6c il
femble que les feux 6c les Lampes immortelles qui brûloient dans les Tem-
ples des Payens venoient de là. Mais je ne (ay comment on peut accom-
moder à cela le paflàge de Samuel , oii il eft dit , ^«^ Dieu appella Samnel
avant cfue les Lampes fajfent éteintes , c'eft-à-dire , le matin avant jour : les Lam-
pes s'éteignoient donc quand le jour étoit venu. St. Jérôme furcepaflage, Q-"sfi. in
dit nettement , que les Lampes s'éteignoient le jour , 6c auffi Kimchi fur le ' '^°* ^^'
paflage cité par Ligtfoot, ne dit point que ces Lampes brûlaflent le jour ,
mais depuis le foir inp^ues an matin. Il eft vrai que la Loy ordonne d'allu- Exod. t-i-
mer les Lampes 6c de les faire luire continuellement i^on, mais c'eft au Sué^'î*
même fensquele facwfice journalier eft appelle aufli TDn le Çacnfice conté'
nneli parce qu'on le reïteroit tous les jours : car dans ces mêmes lieux
il efl: commandé de les allumer le foir pour la nuit. Ce Chandelier étoit
pofé dans le lieu Saint , du côté du Midi à la gauche en entrant. Salomon
au lieu d'un Chandelier en fit dix de pur or, qui étoient faits comme cer-
luy que nous venons de dépeindre. Il en mit cinq à droite 6c cinq à gauche ,
le long des parois du Sanâuaire , jufques à la feparation du lieu Tres-Saint.
Mais on ne mettoit point de lumières fur ces Chandeliers de Salomon , ils
n'étoient que pour l'ornement.
Le fécond meuble , c'eft la Table fur laquelle on mettoit les pains de pro- lj ^abie des
polition. Dieu commande à Moyfe de luy donner deux coudées de long, pains de
ou trois pieds, une coudée de largeur, 6c une coudée 6c demie de hauteur, ISS i^'?""
c'eft-à-dire, deux pieds trois pouces. Elle étoit faite de bois deSittim, ^î,
couverte de pur or: Elle avoit quatre pieds, 6c à chaque pied une boucle
rPart. IL H h d'or
241 HISTOIRE DES DOGMES
d'or , dans ces boucles où paffbient deux barres , pour la porter de Heu en lieu
fur les épaules des Lévites : Elle avoit à l'entour un couronnement d'or;
mais la queltion eft, û ce couronnement alloit du bas çn haut, & faifoit
une clôture autour de la Table comme un rebord , furmontant de la hau-
teur de quatre doigts : la plupart de ceux qui ont étudié la matière le con-
çoivent ainiij mais entre les Juifs beaucoup d'Auteurs veulent que le cou-
ronnement iortît de la Table, en manière de faillie ou de fraife, félon la
largeur, 6cc'ell-là mon fentiment. Car ce couronnement montant en haut
eût fait obllacle à Ta/rangement des pains de propofition. Je croy aufîî
qu'outre le couronnement, qui étoit autour de la Table, par le haut , il
y avoit par le bas une petite clôture tout à l'entour, de la hauteur de qua-
tre doigts, d'un ouvrage à jour 6c cifelé, avec des fleurs & desboutons^
Sxoaesî. car le texte cité en marge, parle de deux cooronnemens & d'une dorure.
V. Z4. & 25 . Cette Table fervoit à mettre les pains de propofition y que le texte He-
Bespainsde brcd appelle D'>22n ohS pants facteruf» , les pains des faces oudeprefence,
?°eS? ran- P^^'^'^ qu'on Ics mcttoit devant la face de Dieu. Les Juifs les dépeignent
él^ilVde ainûj on les fàifoit^ difent-ils, de la longueur de dix paumes , c'ell-à-
îeuïarrangfi- ^[yQ^ yj^g coudéc & quatrc pouccs > ccfout dcux picds & demii & cinq
paumes de large , c'eiî-à-dire, quinze pouces 6c fept doigts d'épaifleur. Ils di-
fent qu'on n'employoità cela q,ué 24. mefuresde bled, d'oii Ton tiroit 24.
omers de fine fleur , ôc il entroit dans chaque tourteau deux omers : Un orner
ExocîcTS. eft la dixième partie d'un epha , comme il eft dit dans l'Exode, & c'eft
36. Leviti- (.g que veut dire laLoy duLevitiquej chai]ifie tourteau fera de deux dixièmes.
De là ils tiroient deux ephas de farine, c'eft- à-dire , 20. ou 24. omers,
c'eft environ 10. ou 11. boifleaux de fleur,, qu'ils divifoient en douze pains
Erreur des ^c la forme que nous avons marquée. Mais il faut qu'il y ait erreur dans le
K-abinsfur rapport des Rabbins, car des pains de deux pieds ôc demi de long , de i f.
defpa?ns^de pouccs de large, & de 7. doigts d'épaifleur, contiendroient chacun plus de
ïtopofition. 2. boifléaux defarine5ce feroit la charge d'un homme : Selon la fupputation-
que nous venons de faire , chaque pain n'étoit pas d'un de nos boifieaux, dont
1 2 .faifoient ce que l'on appelle un feptier du poids d'environ i fo. ou i6o. li v.
Quoy qu'il en foit, ce pain fe cuifoit toutes les veilles de Sabbat, 6c le
lendemain jour du Sabbat, les Sacrificateurs venoient enlever le vieux pain,
& y en mettoient de nouveau. Car le Miniftere Se le Service du Temple
ne violoit pas le Sabbat, quoy que ce fuflent œuvres ferviles^. comme de
porter du pain , égorger des viélimes, ôcc. Et c'eft ce que marquoitjefus-
Chrift , quand il difoit que les Sacrificateurs continuellement violent le
De quelle Sabbat 5 éc n'en font pas coupables. Ces douze pains fe mettoient, comme
«iTngeoit l'ordonne la Loy du Levitique, en deux rangées les uns fur les autres,
lespainsde jviais îes juifs difcnt que l'on mettoit le premier pain à plat fur la table, êc
LT^a Table! qu'il débordoit la Table de demi-pied de chaque côté,, parce que la Table
^4. 6. n'avoit qu'un pied 6c demi de large , 6c le pain en avoit deux 6c demi de
long, on mettoit la longueur du pain félon la largeur de la Table, ce qui
fait voir que félon les Juits, la Table n'avoit pas de couronnement , qui re-
montât au deflus du bord j mais que c'étoit une fraife à l'entour. Ilsne.
mettoient pas fans efpace entre deux les pains les uns fur les autres : Mais afi»
qu'il y eût de l'air entre deux pains, ils mettoient trois petits rouleaux ou
bâions d'or fur le pain de deflbus , &; fur les trois bâtons ils appuyoient le
ET DES CULTES DE L'EGLISE. Tart.ll. 243
pain de defTus. Cela fervoit aufîî à faire que les parties du pain qui débor-
doient & qui n'appuyoient pas fur la Table ne portaflent aucun fardeau,
& ne vinflenc à fe rompre. Car les bâtons d'entre deux fe pofoient fur les
parties du pain qui appuyoient fur la Table.
Sur la plus haute rangée des pains , ils ne pofoient que deux cannes ou bâ-
tons d'or ; parce qu'elles ne portoient que deux painsj le tout étoit partagé
en deux piles: fur le haut de ces deux pilesilyavoitun plat d'or dans lequel on mettoit
on mettoit de l'encens. Ils obfervoient de mettre le nouveau pain au même"".piat
moment qu'on enlevoit le vieux afin que laTable ne fût jamais fans pain.C'efl cens" fur'*"
pourquoi il entroit huit Sacrificateurs en même temps, quatre pour ôter le >« pa'»'s <ie
Vieux pam, oc quatre pour poier le nouveau j les quatre qui dévoient poier le à chai^ue pi-
nouveau pain pafToient entre la muraille d'Occident & la Table, ôc avoient le *^'
vifage tourné vers le Midi , & les quatre qui dévoient enlever les vieux pains
«toient de l'autre côté de la Table, 6c avoient le vifage tourné vers le Nord.
Ceux-ci enlcvoient le vieux pain & les autres couloient deflbus leur nouveau
pain. De ces quatre Sacrificateurs, deux fe chargeoient des douze pains cha-
cun en prenant fix , & les deux autres prenoient les deux plats d'encens.
Deux hommes n'auroient pu porter chacun fix pains de la grofieur qu'on les
reprefente. Ce qui me perfuade que l'on fe trompe dans la raefure des pains de
propofition : Et que nous ne comprenons pas bien les mefures des Hébreux.
Des quatre qui apportoient le nouveau pain, deux apportoient Ôc pofoient
les pains, 6c les deux autres apportoient ôc pofoient les plats d'encens j car il
faloit changer d'encens 6c de plats toutes les femaines auflî bien que de pain.
Cette Table étoit pofée dans le lieu Saint du côté du Nord vis-à-vis du oùetoitpa-
Chandelierà la main droite de ceux qui entroient; Salomon fit dix Tables ^" ^^'^^''*^'
auflj bien que dix Chandeliers , 6c les rangea le long du Sanéluaire des deux
cotez comme les Chandeliers : quelques - uns tiennent , qu'ils étoient entre-
mêlez , une Table 6c puis un Chandelier. Ce dernier efi; alfez apparent. Cha-
cune de ces dix Tables, félon la mefure de celle du Tabernacle , avoit trois
pieds de longueur j cinq Tables de chaque côté n'occupoient donc que if.
pieds , le lieu Saint en avoit do. de longueurj cela n'eût pas fort garni l'efpace,
& ainfi il efl apparent que de difiance en diflance il y avoit un Chandelier 6c
une Table ; le pain de propofition ne fe mettoit pas fur ces dix Tables, mais
fur celle du Tabernacle feulement, qui étoit à la tête de toutes les a,utres , plus
proche du heu Trés-Saint. On peut recueillir cela du z Chr. i ^ . 1 1 .0« arratt'
ge, dit le Texte, les faim de propojîtion fur la Table pure , cette Table pure c'effc
la Sainte Table fanélifiée parMoyfe.Làmêmeildit, On ^Mume le Chandelier
d^or avec [es lampes , ce qui me perfuade que les dix Chandeliers que Salomon
fit ne furent aufli que pour l'ornement 6c non pour y mettre des lampes 6c de
la lumière. Ce pain qu'on enlevoit étoit pour Tufage des Sacrificateurs.
Le myfl;ere de ces douze pains étoit fans doute , que comme la lampe
fignifioit la lumière qui nous vient de Dieu , favoir fon elprit ; ainfi Dieu
nous fournit fa parole 6c fa grâce: 6cc'elllepain qui nourrit les douze tri-
bus d'Ifraël, à chacun fon painj c'efl:-à-dire,qu'ilyenapour toute l'Egiife.
Ces deux meubles, la Table 6c le Chandelier , étoient placez félon l'opi-
nion de Maimonides , en forte qu'ils n'occupoient qu'un tiers du Sanéluai-
re du côté de la porte,6c laifix)ient entr'eux 6c le voile du lieu Très Saint un
efpace de 40. pieds, 6^ n'occupoient que les 20. pieds les plus proches de
H h 2, la
244 HISTOIRE DES D OGMES
De l'Autel ^'^ poitc du Tcmple, les Tables Se les Chandeliers de Salomon étoient arran-
despatRimsigez poui* romemetit au deçà 6c au de là
fcdefcri- £i-ifiii il faut parler du troifiéme mei
des parfums. St. Augullin, 6c après lui Sigonius, ont crû que cet Autel
pti9n
Enfin il faut parler du troifiéme meuble de ce Sanétuaire , c'eft l'Autel
des parfums étoit placé derrière le fécond voile dans le lieu Très - Saint.
C'eit pourquoi l'un & l'autre ont compris que les Sacrificateurs entroient
tous les jours dans le lieu Trés-Saint pour , y faire le parfum. Cette erreur
n'elt point pardonnable à Sigonius. Car quoy qu'il y ait quelque ambiguité
voyo*- dans le v.6. du 30. de l'Exode, cependant tous conviennent , & il eft très
îup! faà. confiant , que cet Autel étoit au deçà du fécond voik dans le lieu Saint.
jib.z.cap.4. Il avoit une coudée en quarré, il étoit fait de bois de Sictim , tout cou-
*^ '" vert d'or , il avoit deux coudées , c'efl - à - dire , trois pieds de haut : c'é-
toit proprement un petit piher d'or quarré, fur lequel on mettoit l'encen-
foir , pour faire fumer l'encens tous les jours. Il étoit fitué dans le milieu
de la largeur du Sanétuaire, à égale difi:ance de la Table ôc du Chandelierj
mais un peu plus avancé vers le lieu Trés-Saint : ainfî il faifoit un triaa-
gle, avec les deux autres meubles. Il étoit vis-à-vis de l'Arche 6c du Pro-
pitiatoire, pofé peut-être à 10. pieds du voile dans le Temple de Salomon.
Il avoit quatre cornes comme quatre pommelettcs aux quatre coins, & il y
s-xpde 30, avoit un ouvrage delicat<jui faifoit une couronne tout à l'entour-Ce font-là les
*•'•** ehofes qui étoient dans le Temple de Salomon: Nous ne lifons pas que dans le
fécond Temple, ni dans le Temple d'Herode, ily eût dix Chandeliers & dix
Tables. Mais le feul Chandelier 6c la feule Table des pains de propofition.
Dans le porche de ce Temple d'Herode il y avoit diverfes ehofes qui ne fe
trouvoient pas dans le Temple de Salomon -, la vigne d'or , qui étoit au-deflîis
de la porte du Sanétuaire, fi grande que les raifins, comme le remarque
joreph^an- Jofephc, étoient de la hauteur d'un homme. Il y avoit auflî un grand
«ri' *'*''*' Chandelier d'or à diverfes branches qui étoit un prcfent d' Hélène , Reine
des Adiabenes, femme dont la dévotion envers les Juifs a été fort célè-
bre. Enfin il y avoit deux Tables à côté gauche & à côté droit , l'une
d'or & l'autre de marbre 5, fur ceile d'or ils mettoient le pain de propofi-
tion, qu'ils tiroient du Temple jufques à ce qu'on en eût difpofé , & fur
celle de marbre on mettoit le pain nouveau , jufques à ce queTheuie vînt
de le porter devant le Sanéluaire.
, , *
C H A P I T R E IV.
Des Vaifleaux du {èrviee qui étoient dans le Parvis des
Sacrificateurs, & i».
De V Autel des holocaujtes.
NOus, avons veu ce qui étoit dans le Temple, tant dans lè lieu Saint
que dans le lieu Très-Saint , Se dans le Porche. 11 faut prefente-
^ ment faire la revûëdes inftrumens & des vaifleaux dufervice, qui
«toient dans fe Parvis des Sacrificateurs , à l'air & à découvert.
JLeprcGoier &kplius noble de tous c' étoit l'AuteldesholocaulteSjdont
h.
ET DES CULTES DE L'EGLISE. Part.ïl. 245
la dimenfion & la grandeur, 6c même la matière ont été différentes dana le Defcrîpcion
Tabernacle, dans le Temple de Salomonôc dans celui d'Herode. Nous ilshoio-
avons la defcription de cet Autel dans le Tabernacle au ch. 27. de i'Exode, cauftesdans
mais fort abrégée > Ilavoit quatre cornes à Tes quatre coins, 6c avoitcinq Tabernacle!
coudées en quarré, c'efl-à-dire , fept pieds ôc demi: Il étoit couvert de
lames d'airain appliquées fur un fond de bois de Sittim. Il avoit trois
coudées, ou quatre pieds & demi de hauteur. Arias Montanus rcprefente
les cornes des quatre coins , comme quatre angles , qui failloient hors de
l'Autel à droite,&qui étoient parallèles au plan de l'autel.Mais les autres Au-
teurs les reprefentent comme montant en haut, au-deflbs de l'Autel, enfou-
rne ou de quatre petites Pyramides, ou de quatre colomnes torfes. Il étoit
un peu creux par deffus , & dans ce creux il y avoit une grille d'airain ,.
fur laquelle on arrangeoit le bois & les viâ:Jmes,ôc les cendres tomboienc
deflbus la grille , & même je croy qu'elles tQiftoient à terre, 6c que l'Au-
tel étoit tout creux, fait de planches de bois*^, couvert d'airain par dedans
& par dehors , 6c la grille décendoit jufques à la moitié de l'Autel envi-
ron deux pieds , ôc il y avoit à cette grille quatre anneaux aux quatre
coins, par lefquels on l'ôtoit quand on vouloit, afin de la portera part,
èc de t^anfpo^te^ plus aifément l'Autel feul. L'Autel avoit quatre grofîcs
boucles d'airain aux quatre coins, oti l'on paiToit deux barres de bois de
Sittim , couvertes d'airain pour le porter. Cet Autel fe mettoit devant la
porte du Tabernacle d'affignation dans l'enclos du Parvis , où les feuls
Sacrificateurs entroient.
Nous avons peu de chofes à dire de l'Autel du Temple de Salomon y y«^"'f ^''**^
parce que l'Hilloire Sainte en dit peu. L'Auteur du Livre des Chroni- dans le ^
ques dit feulement que Salomon fit un Autel d'airain , dont la largeur étoit Temple <k
de 2.0. coudées, c'eft-à-dire de 50. pieds, la longueur d'autant, ôclahau- ^°"*^^'
teur de dix coudées qui font if. pieds. Ainfi il avoit quatre fois plus de
largeur ôc de longueur que le premier , qui n'avoit que 5. coudées. Il avoit
i6. fois plus de fuperficie que celui de Moyfe. Étant haut de if . pieds
on ne pouvoit pas y faire les facrifices fans monter : Cependant félon la
Loy qui fe trouve dans le xo. de l'Exode f. 16. il n'étoit pas permis de
monter à l'Autel de Dieu par des degrez, de peur qu'on ne vînt à le dé»
couvrir a ceux qui feroient au deffous : c'cfl pourquoi on y montoit af-
fûrément comme à celui du fécond Temple par une montée infenfible fans
degrez. Du refte, hors la grandeur, il ell a croire qu'il étoit fait abfolu-
ment fur le modèle de celui de Moyfe: c'efl-à-dire, qu'il étoit creux par
Je milieu, qu'il avoit fes grilles, & fes cornes. Mais onefî: en doute fur
la matière dont il étoit fait. Il s'appelloit l'Autel d'airain , & Cun^eus Libr. s.
prétend qu'ail étoit de bois comme celui de Moyfe, couvert d'airain; Les l^epubuca*
autres comme Salomon Jarchi,ôc l'Auteur du premier livre des Machab. J"d.
prétend que cet Autel devoit être de pierres brutes & non polies , à eau- ^^* '^'
fe du commandement qui fe trouve dans rE;xode. 7» me feras un Atitel^^^h ^^Oi
àe terre &c. jQueJt tpt me fais un itAmel de Tiérres ^inne les tailleras pas 6cc, * ^^'
Et ainfi cet Autel félon ces Auteurs efl appelle l'Autel d'airain, ou à cau-
fe qu'il écoit couvert d'airain fur la pierre , o(i parce qu'il tenoit la place
de l'Autel de Moyfe, qui étoit appelle l'Autel d'airain. Ligtfoot veut
qu'U fûtd'aiiaia mailîf: la peniée deCun^us me paroît plus vray iembla-
Hh ^ bks,
246 HISTOIRE DES DOGMES
blc, à caufe de THilloire qui felit au 2. des R.oïs chap. 16. Le malheu-
reux Achaz, Roy de Juda , envoya à Urie le buuveram Sacrificateur le
modèle de l'autel de Damas, ÔC voulut qu'on fit reculer l'Autel d'airain
de devant laMaifon de l'Eternel , tellement qu'il ne fût plus entre Ton
Autel qu'il avoit fait bâtir ôcleTemplejôcle fit mettre vers le fepteatrion
du Temple à côté de l'Autel bâti fur le modèle de celui de Damas. Si
cet Autel eût été de pierre on n'auroitpû l'ôter fans le démolir, èc même
s'il eût été d'airain folidc & maffif, comment auroit-on pu enlever une fi
lourde mafîe de :^o. pieds de cuivre en quarré ? Outre que l'on ne con-
çoit pas comment on auroit pu fondre cet Autel fi valle èc le faire tout
d'une pièce : car il n'eût pas été permis de le faire de plufieurs mafi^es d'ai-
rain, ^aufe qu'on n'auroitpû les joindre fans marteau i ce qui ne fe. pou-
voit pasj puifqu'il étoit c^endu de faire monter le fisr fur l'Autel , parce ,
difent les Juifs, que le fefabbregela vie,ôc que l'Autel étoit deftiné à la
prolonger. Pour ce qui efl du commandement de l'Exode, qui ordonne
qu'on fafle l'Autel des holocauftes de terre , ou de pierres brutes , il y a
apparence qu'il le faut reftreindre à cestemsqui coulèrent jufques à ce
que Dieu eût fixé un lieu pour fon fervice. On facrifioit a Dieu en divers
lieux , particulièrement pour des cas extraordinaires, comme il paroît par
l'Hiftoire de Manoah & de Samfon, & par celle de Gedeon: dans ces oc-
cafions il faloit avoir égard à ce précepte, &ne bâtir l'Autel fur lequel on
vouloit facrifier que de terre ou de pierre brute.
Defcription Je vicns à l'Autcl des Holocaudes du fécond Temple, ou du Temple
desHoio- d'Herode, 6c nous allons voir comment les Juifs nous le dépeignent. C'é-
cauftesdans toit un parfait quarré de 32. coudées en longueur & largeur par la ba-
d'tieiodc^ fe , &: de 24. coudées de large & de long par le haut : Ainfi du bas en
haut il alloit en diminuant de 8. degrez, en cectte manière. La bafe qui
étoit de 32. coudées, c'eft- à-dire , de 48. pieds par chaque côté du quar-
ré , s'élevoit de terre une coudée de haut , & à cette hauteur le quarré di-
minuoit d'une coudée: ce qui faifoit un degré d'une coudée de large, qui
regnoit tout à l'entour, excepté au coin du Sud-eft, 011 il y avoit une
entaillure d'une coudée de profondeur dans le coin, au lieu d'y avoir un
L'Autel des angle commc dans les autres coins. La raifon qu'ils en apportent eft que
d^okêtt" ^^ montagne de Morija étant en partie de Benjamin , en partie de Juda,
furie parta-ce petit coin dc l'Autel Sud-efi: eût été fur le partage de Juda. Or par
gedeBen- ^^^ vieille tradition, ils tenoient que l'Autel des Holocauftes devoit être
poHrq'ioi. dans le partage de Benjamin tout entier jà caufe de cet oracle du 49. delà
Genefe f'. 27. Benjamin efi un loup qui dévorera , au matin tl dévorera lu proye , (^
ftir la vêprée il départira le butin. Ce qu'ils interprètent du facrifice con-
tinuel, du matin & du foir. Dés le tems de St. Jérôme les Juifs avoienc
cette tradition. Ce Père nous l'apprend dans fon hvre des queftions fur la
Genefe fur la fin, 6c les Juifs d'aujourd'huy ont confervé cette même tra-
dition.
Après cette bafe d'une coudée de haut , qui regnoit tout à l'entour , 6c
ce rétrecifièment d'une coudée 5 le quarré n'avoit plus que 30. coudées
d'épailleur, 6c il s'élevoit de cette grolïeur f. coudées qui font 7. pieds 6c
demi, 6c à 5. coudées de terre, il recevoit encore une diminution d'une
coudée de large , ce qui faifoit encore un fentier ou petite allée tout autour
dc
ET DES CULTES DE L'E G L I S E. P^^r/. IL 24.7
de r Autel d'un pied Se demi de large, il n'avoir donc plus en cet endroit
que 2,8, coudées d'épainèur. Une coudée plus haut, c'eft-à-dire , à 7»
coudées de terre, l'Autel fe rétreciflbit encore d'une coudée, tellement
qu'en cet endroit il n'a\oit plus que 2,<î. coudées en quarré. Aux quatre
coins de ce troifîéme rétreciirement , ily avoir 4. cornes, comme quatre
pyramides , d'une coudée de haut , qui n'empéchoient pas que les Sacri-
ficateurs ne pudcnt marcher toutài'entourdans ce rétreciflement , com-
me dans un ientier. Il efl incertain fî ces cornes reflembloient à celles
dont leP£ 1 18. parle, liez, la bête aux cornes de PAmel: les cornes n'étoient
pas apparemment allez fortes, fur tout dans l'Autel de Moyfe quifubfiftoit
encore fous le règne de David, pour arrêter la fougue d'une bête auffi forte
qu^un bœuf Ain(î j'aime mieux entendre cela des anneaux où on attachoit
les bêtes, & ces anneaux n'étoient pas loin des cornes de l'Autel. C'é- i. Reg. z.
toient les cornes qu'embralTa Joab comme un azyle. Il efl vray que du ^^*
tems de Joab on n'avoit encore que l'Autel de Moyfe, &du deièrt; mais
àk.s lors ily avoit des cornes à l'Autel des holocaulles, quoique petites ôc
à proportion du corps entier. Et prés de ces cornes, il y avoir fur le pa-
vé des anneaux d'airain où l'on attachoit les viélimes. Mais les Juifs re-
marquent qu'il fe trompa, ôc que les cornes ne poevoient fervir d'azyle
qu'à ceux qui avoient commis quelque meurtre fans deffein, comme \t%
villes dé refuge. Dieu commande qu'on arrache le meurtrier de fon Au- Exode. 21.
tel, & dans le vcrfet précèdent il dit qu'il ordonnera un heu pour s'enfuir ^^
à ceux qui auronr tué quelqu'un par mégardej ce lieu c'étoit \t^ cornes
de l'Autel, jufques à Tétabh^èment des villes de refuge. Cependant après Comment
cela l'Autel n'avoit pas lailTé d'être un azyle : lesjuifs difent que l'azyle n'etoit Hofôcauftes
pas dans Jescornes de l'Autel , mais dans l'Autel même , toujours fuppofé que ^f°" "■»
ceux qui avoient commis des meurtres de guet à pens ne pouvoient jouir du ^^^^'
privilège de cet azyle. Tel étoitjoab, qui avoit tué entrahifon Abner,
& Amafa, Généraux des Armées de Saùl & d'xAbfçalom.
Nous retournons à la defcription de nôtre Autel des Holocauftes. Le
troifiéme rétrccilTement fur lequel étoïent pofées les cornes étoit à 7. cou-
dées de terre: une coudée plus haut, à 8. coudées de terre fe trouvoit le
dernier rétreciffement, qui faifoit encore un petit chemin d'une coudée de
large , 6c c'étoit le lieu où les Sacrificateurs s'arrêtoient pour faire le tour
de l'Autel, & pour travailler delTus. Deux coudées au-defTusde ceder-
nier rétreciflement étoit la plate-forme de l'Autel même , large de 24. cou-
dées. Et toute la pile enfemble étoit élevée de dix coudées de terre. II
étoit bâti de pierres qui avoient été taillées avant que de les apporter là:
elles étoient fondées enfemble .avec du cuivre & du plomb fondu ^ du mor-
tier, de la chaux ou du ciment. Sur cet Autel ily avoit toujours trois ou
quatre piles de bois qui brûloit , que les Juifs appaéioient n-jai j?D. On n'y vid« Mifch^
montoic point par degrez, pour la raifon qui fe lit dans l'Exode 20. 26. «p. 4.°"*
mais par une montée mfenfîble de pierre de taille qui étoit du côté du Mi-
di & qui avoit 32,. coudées de longueur. Il y avoit à côté de cette montée
infenfiblede petites allées, qui conduifoient aux divers fentiers qui étoient
autour de l'Autel. Qiiand on étoit monté une coudée, de hauteur, on
trouvoit un petit chemin , qui menoit à la bafe ôc à fon rétreciflement.
Quand on étoit monté 6, coudées ^ on trouvoit un autre petit chemin qui
con-
24,S HISTOIRE DES DOGMES
conduifoit au fécond rétreciflement : & ainfi des autres jufques âu haut.
Ces petits chemins commençoient du côté Oriental de la montée infenfible,
ôc de l'Autel. , , , * «
Du côté Occidental entre le Temple & l'Autel, tout près de l'Autel,
il y avoitdeux Tables, l'une d'argent, fur laquelle on mettoit les plats,
& vaiffeaux du fervice & des facrifices, & l'autre de marbre, fur laquelle
l'on mettoit les pièces des viftimes pour les jetter fur l'Aufel. Cet Au^
tel eft appelle Ariel au45.d'Ezechiel S{<nî< Lion de l'Eternel, parce qu'il
devoroit incelTaniment les bêtes qui étoient ofïèrtes.
CHAPITRE V.
I>es Cuveaux de lavemens.
Esod«sB. ■*• A Loy de Moyfe ne parle que d'un Cuvcaude lavemens, elle en dit
«! *^'*' I ^peucjechofes, feulement qu'il étoit d'airain avec fon foubaffement ,
& qu'il étoit pofé entre le Temple & l'Autel des holocauftes , non pas
juftement entre la porte duTemple , ôc l'Autel qui étoit vis à vis de la porte ,
mais à côté de la porte 8c de l'Autel, du côté du Midi : il étoit deftiné
Esrodcîf.8. aux Sacrificateurs pour s'y laver. L'Hiftoire dit, qu'on le corapoladcs
miroirs des femmes qui venoient à la porte du Tabernacle, parce qu'alors
les miroirs étoient de cuivre j Ôc on en fait encore aujourd'huy de cette
matière , fur tout des miroirs concaves , & des miroirs ardens.
Salomon multiplia les Lavoirs jufques au nombre de dix, comme il
avoit fait de la Table 6c du Chandelier , & difpofa ces dix Cuveaux de
chaque côté du parvis des Sacrificateurs aux deux cotez duTemple, cinq
I. Rois 7. du côté du Nord, ôc cinq du côté du Midij cequi fait juger qu'il en ufa ainfi à
^^" l'égard des dix Tables 6c des dix Chandeliers , 6c qu'il ne mit pas tous
les Chandeliers d'un côté , 6c toutes les Tables de l'autre , comme quel-
ques Juifs eftiment. Ces Lavoirs de Salomon nous font décrits tres-am-
plement, mais tres-obfcurément dans le 7. chap. du premier des Rois.
Defaiption Voicy à peu prés ce que nous en avons pu deviner. Ces Lavoirs étoient
dcsdixCtt- compofez de deux pièces, la bafe 6c le Cuveau quife mettoit furlabafe.
lomon. Cette baie etoit magnifique , elle etoitdairam maint, quarree, de quatre
coudées, c'eft-à-dire , fix pieds en quarré, 6c de trois coudées de hauteur,
plus large que haute. Cette prodigieufe inafle d'airain étoit appuyée fur
quatre roues, 6c deux forts aiffieux. Ces quatre roues avoient chacune
la hauteur d'une coudée 6c demie, c'eft-à-dire, deux pieds trois pouces.
On demande fi ces deux pieds trois pouces fe doivent prendre pour toute
la hauteur de la roue, ou fe conter feulement depuis la terre jufques à
l'aiffieu, félon quoy la roiië avoit le double, c'eft-à-dire, quatre pieds 6c
demi. Ligtfoot eft de cette dernière opinion > mais je ne le fauroiscroi-
le 5 car les roues euflent été grandes comme celles de nos chariots , 6c
les Cuveaux extrêmement élevez , ce qui eût été , 6c embarraflant 6c dif-
forme. Ainfi je prens ces deux pieds trois pouces pour toute la hauteur
ET DES CULTES DE L'EGLISE. P^rt.ll. 249
des roues, ôc je mets les ailîieux environ à un pied de terre, c'eft afièz. Ce fou-
bafTementdu Cuveau étoit appuyé fur ces ailîïeux, ôcdevoitêtre bien àun^^
pied 6c demi de terre , car l'aiffieu ne pouvoit avoir moins de cinq ou (îx pou-
ces d'épaifTeur pour porter un fi grand fardeau. Ligtfoot place ces roues,
non comme celles de nos chariots, deux de chaque côcéj il les met aux
quatre faces du foubaiTement, à chaque face une roue, mais je necomprens
pas faraifouj car étant ainfipofées, quand deux roues auroient voulu mar-
cher, les deux autres roues qui étoient aux deux autres cotez, les auroienc
empêchées. Ainfî il les faut difpofer comme les roues de nos chariots.
Cette bafe d'airain s'élevoitde terre environ deux coudées, c'eft- à-dire,
trois pied^: & au deflus on rencontroit deux rangs de petits pilaîlres de Deuxr?ngs
cuivre de la hauteur d'une demi -coudée: La première rangée étoit fur le Jg^^jj'^'^^
bord du quarré delà bafe, & la féconde rangée étoit un peu plus en dedans, pourypofet
£ntre ces deux rangées de pilaftres on emboîtoit une planche d'airain j fur la- ^«^"veïu,
quelle étoient gravées des figures délions, de palmes, de Chérubins , 6cde
bœufs. Cela étoit ainli aux quatre faces du fbubaflement : AudeiTousde
cette rangée de pilaftres 6c de cette planche gravée 6c emboîtée dans les z.
rangées de pilaftres , étoit une autre planche aufli d'airain , qui avançoit
en manière d'avant-pluye pour faire égouter les eaux , 6c cela débordoit
peut-être demi-coudie tout à l'entour: là-defTus les Sacrificateurs lavoienc
ce qu'ils vouloient laver j 6c parce que cela alloit en penchant , les ordu-
res ne demeuroient pas, 6c la planche avançant au delà de la bafe, 6c mê-
me pardelTus les roues , cela les mettoit à couvert , afin que l'eau 6c l'or-
dure ne tombalTent pas delfus.
Au haut de ces petits pilaftres & de ces planches gravées, la balecom-
mençoit à s'étrecir, 6c on trouvoit un couronnement de demi- coudée tout
en rond, qui étoit gravé de mêmes figures que la planche d'airain qui
étoit au deflus, 6c au milieu ilyavoit comme une conche ou coquille aftez
large, où l'on devoit pofer le bas du Cuveau, qui étoit étroit par le
bas, 6c repofoit fur le milieu de la bafe : Autour de cette bafe , qui Description
5'étoit rétrecieen montant 6c où repofoit le Cuveau , il y avoit un rang i>on*^"e^-
de chaffis ou de planches d'airain , qui étoient aflez proches du quarré boîtoitie
de la bafe , 6c faifoient une elpece de baffin, car ils lailloient du vuide
tout autour de ce pilier rond, qui foûtenoit le fond du Cuveau. C'eft
ainfi que j'interprète le 31. verfet du chap. 7. Le piher fur lequel
repofoit le fond du Cuveau, que notre verfion appelle chapiteau^ étoit
d'une coudée de haut. La partie inférieure 6c étroite du Cuveau étoit
d'une coudée 6c demie de haut, puis allant en élargiflànt , le haut du
Cuveau fe trouvoit en largeur égal à la bafe , qui étoit plus prochaine
de terre. Tout cela faifoit une aflèz grande hauteur, car la bafe, en con-
tant les rouè's , fbn baffin au delîlis, 6cfon pilier du miliei^, contenoitfix
pieds de hauteur, la partie inférieure étroite du Cuveau étoit d'une cou-
dée 6c demie} ce font huit pieds > le refte ne pouvoit avoir moins de deux
pieds de hauteur, c'étoit dix pieds : pour tnxr de l'eau de ces lavoirs, il
faloit donc qu'ils fufîent percez par deflbus le baffin, 6c qu'on iaiilat tom-
ber l'eau par des robinets, w
Parce que ce baffin de cuivre à caufe de fa pefanteur 6c de fa largeur n'é-
toit pas foûtonu fuffifamment par le pied du milieu , des quatre coms de la
'J'art. II. li bafe
a5o HISTOIRE DES DOGMES
baie s'élevoienc quatre piliers qui ne fiùfoicnt qu'une malle avec la bafe,
Ligtfoot n'a pas raifon de dire, que ces quatre piliers fufient appuyez à
terre fur des planches d'airain: ils s'clevoientdu haut de labafe julques au
ballln du lavoir, & du haut de la bafe en bas, ces piliers ne fe voyoient
Voyez le V. pas , parce que c'étoient les coins de la bafe même. Chacun de ces Cu-
uèlla'^&îc ^^^^^ contenoit 40. baths, le bath contenoit 72. logs, le log contenoit
bath étoient ce que conteuoient fixoeufs, c'eftà peu prés un feptier mefure de Fran-
Sfe^Ez?-' ^^' ■^"''^ un bath écoit de dix-huit pintes Françoifes , grande mefure,.
cii'd45, 4.0. baths faifoient fept cens vingt pintes , c'eil- à-dire , que chaque Cuveau
îe'na!c"n" coutcnoit quatre tonnesd'eau,àdeuxcenspinL"es la tonne,
viron un Mais ccla u'écoit rien en comparaifon de ce grand Cuveau, appelle la Mer
dfnë'dh' d'airain, ou de fonte. L'Auteur du premier Livre des Rois chap. 7. dit,,
sddenùs. qu'il conteuoit deux mille baths , cent baths font environ vingt tonnes de
t'est dix" la mefure de ce pays, mille baths font deux cens de nos tonnes , 2000. baths=
ephas, quatre cens tonnes d'eau , & félon le Livre du 1. des Chr. chap. 4. f . fix cens-
Cuv?au"ap- toiincs d'cau > car l'Auteur dit, jn'eiie contenoit^. mille l^aths, un'ticrs dH'
pdiéhmer vantagc quc le premier Livre des Rois ne "lui en donne. Il eftincom- ,
Diverfité prchenfible comment cela pouvoit tenir dans un vaiHeau, dont les mefu-
enttc lèpre- res ne uous font pas reprefentées fuffilàntes pour contenir tant d'eau. Elle
des^koisrsc n'^avoitque cinq coudées de haut, ce font fept pieds ôc demi de nôtre mê-
le fécond fuj-e. C'efl la hauteur ordinaire des cuves à vin dans les vignobles 5 elle
qucsfuÏÏa" avoit dix coudées de diamètre, ce font if. pieds, & 30. coudées de circuir,,
grandeur qq font Af. pieds. îofephe la fait en forme de demi-lune, ou de cer-
dtlaMer , 7'' *.,.*'. ^ . ^ • ' t t -r i
d'airain. clecoupc, ce qui dimmueroit cncorc k capacitc. Les Juils pour lever
3ofeph. An- cette grande difficulté la fontquarréeparlebas, & ayant lo. coudées ou.
cap. î. " ' If. pieds fur chaque côté, c'eil 60. pieds de circuit j & par le haut ils pré-
tendent qu'elle alloit en étr£cii]ant , & en s'arrondiliant , tellement qu'au
haut elle n'avoit plus que 45. pieds de tour en rond , (Eomme le dit le î.
Efforts pour Rois J-Z^. Pour cc qui eil de la contradiétion qui fem.ble être entre le Livre
leco^nciiier ^çg Rois & ks Chrouiqucs. Lesjuil-s y répondent, en diiant, qu'elle con-
lietez, font tcuoit looo.baths dc cholcs fcchcs j.maisconime leschofcs liquides s'arran-
iflfufîifans. gpj^^ micLix & rcmpliiTcnt tous les vuides oi^i les choies lèches ne fauroient
entrer, elle contenoit 5000. baths de liqueur. Les autres difent qu'il-
y avoit un baiîin au deflbus qui tenoit loco.baths. Ligtfoot dit qu'elle pou-
J^apacitéde voit Contenir 3000. baths. Mais qu'on n'y en mettoit que deux millcj
"' afin que les Sacrificateurs s'y pulTent laver, autrement ils au roi ent été en
danger de fe noyer. Car elle étoit deilinée pour laver les Sacrificateurs,,
6c les Cuveaux pour laver les vidimes, comme il efl remarqué dans le z.
Chron. ch.4. Mais je doute que les Sacrificateurs fe plongealTenr entiers
dans ce grand Vaifibauj car il eâtfalu d'autre eau pour en baigner un autre,
6c: cette horrible malle d'eau ne fe pouvoit pas changer fouvent : Il eil vray
que Ligtfoot prétend que là dedans fe rendoit perpétuellement un ruifîeau
qui y étoit amené par des canaux de la fontaine d'Eta?n. Nonobftant
toutes ces conjeétures, la quantité d'eau qu'on donne à. ce VaifieaUyfi peu
^Proportionnée à la capacité qu'on Luy attribué, me iàit foupçonner que nous
n'entendoniUltten dans les mefures Hébraïques. Les Allemands ibntcurieux
de garder certains vaiiTeaux à vin d'une grandeur prodigieufe. On y en-
Ere comme dans une chambre pour les nettoyer : cependant, fi je m'en
fou-
la Mer d'ai-
lain.
ET DES CULTES DE UEGLïSE. Part.ll, 251
fouviens bien, le plus haut que je leur aye oui donner, e'eil 80. ou 100.
tonneaux de vin , ôc ce grand Cuveau de Salomon en contcnoir 4. ou y. fois
autant. Cependant on ne lui donne que fcptou huit pieds de hauteur, 6c
quinze de diamètre ; cela ne paroît pas pouvoir contenir plus que quatre
ou cinq de nos plus grandes cuves , dont la plus grande ne contient pas
plus de vingt tonnes d'eau. De forte que nous jugerions que dans le grand
Cuveau de Salomon, il nepouvoit y avoir plus décent tonnes d'eau j au
lieu de 400. ou 600. qu'on lui en donne: ce qui me fait croire que le B^uh
étoit beaucoup plus petit que les Juifs ne le font.
Cette Mer d'airain étoit foûtenuë par douze paires de bœufs, qui tour-
noient la croupe du côté du Cuveau, & le Cuveau étoit appuyé deil'us,
il y avoit trois de ces bœufs à chaque partie du monde, l'Orient , l'Oc-
cident, le Midi & le Septentrion. Elle étoit épaiffe de quatre doigts, &
fon bord étoit un peu rabatu, comme le bord d'une coupe entaillé en fleur
de lis. Elle étoit pofee à coté droit dn Temple ^ tirant vers l'Orient , du coté du z.Chroa, 4=
Midi. C'eft-à'dire, dans le coin Sud~ell du Parvis des Sacrificateurs, ré-
pondant à l'Orient ôc au Midi. Je ne fay pourquoy Ligtfoot la pofedans
un lieu tout opppfé , favoir au coin Nord-eft , répondant au Septentrion & à
l'Orient. Car le Livre ù.^^ Chroniques dit tout le contraire. Ce grand Vaif-
feaufut fondu dans la plaine du Jourdain, 6c de là amené au Temple. Il cil:
inconcevable, i. comment on a pu fondre un tel Vaiffeau ôc le taire tout
d'une pièce. 2. on ne conçoit pas par quelles machines on a pu le traî-
ner, car il faioit qu'il pefât plus de deux ou trois cens mille livres. Ilfaloit
que déjà les arts méchaniquesfufTent montez à une grande perfecb'on.
Dans le fécond Temple nous ne voyons pas qu'il y eût plus d'un Cu-
veau de lavemens, pofé oii étoit celuy de Moyfe, devant le Temple, du
côté du Nord. Il étoit élevé fur une bafe haute, & divers robinets fai-
foient tomber l'eau, on y faifoit inccfTamraent décendre de l'eau de la
maifondu puits dont nous avons parlé cy-devant. Au commencement il
n'y avoit que deux robinets : mais les Talmudiftes difent qu'un certain
Benksffin en fit douze.
CHAPITRE VI.
^e tous les autres moindres uftenfiles & *vaijjeaux du Temple , qui
éioient employez au Jervice, De la Table de 'Ttolemée.
CEs moindres vaifieaux étoient en fi grand nombrCjqu'on ne les (àuroit ni ^ ^^^^
conter, ni dépeindre, on peut aifément juger combien de vaiffeaux il nombre des
faioit pour tant de viélimes , & pour une ii grande tuerie j des baffins à ^^ftènfiies
recevoir le fang , des marmites , des havets, des grilles , des couteaux , des ra- fer^'ant au
cloirs, des chaudières, des mouchettes pour la Lampe, des plats , des en- '^^'^?^^"
cenfoirs , des phioles , des bouteilles, & autres vaifleaux à mettre les liqueurs
des ferpes , des tafies. On en peut voir un échantillon , i . Efdras , qui reçût
par ordre du Roy 30. baiîins d'or, mille baffins d'argent, vingt-neuf cou-
teaux, 30. plats d'or, 410. plats d'argent. Enfin le conte monta jufques
li i à
Dr- la Table
de Ptoîe-
•■mcc , nés
magnifique.
2.5Z HISTOIRE DESDOGMES
à cinq mille quatre cens: Et fans doute il y en avoit bien eu de difîîpez'y
tant par les Rois de Juda, que par les étrangers, qui avoient prisTor &c
l'argent du Temple. A chaque Fête, Ôc à chaque Sacrifice, il faloit des-
vaideaux differens , comme à la Fête des Propitiations , les Talmudif-
tcs difent, que pour le feul Sacrifice continuel il faloit ç>^ inllrumens dif-
ferens.
Dans le. fécond Temple il y avoit divers vaifTeaux, qui avoient été con-
■^°^Tr^u" ^°y ^^^ J*-'^^^ P^^^' la mettre dans fa Bibliothèque, mit en liberté fix-vingt
jTmp.V.' mille Juifs au> rapport de Jofephe Se d'Ariftée, & envoya en Jerufalemde
riches prefens pour le Temple. Entre ces dons, il y avoit une Table tou-
te de pur or 5c de pierres precieufes. Elle étoit longue de deux coudées
cC demie, c'elf-à-dire, prés de 4. pieds, large d'une coudée, c'efl-à-di--
re, un pied 6c demi , 6i de la hauteur d'une coudée & demie, ce qui fair
de nos mefures 2. pieds |. pouces. Tout à l'entour par le haut elle étoit
ceinte d'une couronne de la largeur 6c hauteur de quatre doigts. Sur'
ie haut de ee couronnement, il y avoit une bordure à trois faces quipou-
voit tourner fur (es trois cotez. Il faloit que cette bordure tour-
!iât fur des pivots qui fulTent aux quatre coins du couronnement.
Les trois faces de cette cime ou bordure étoient pleines d'une fculptu-
re admirable, c'étoient des lacets qui entroient comme deslaqs d'amour,.
& qui étoient comme tournez en demi-reiiefs. Et le tout à jour comme nôtre
fiiigramrae. Et entre les refeuils & lacets entortillez de diftanceen dif-
î^mce étoient enchaifécs des pierres precieufes. Elles étoient attachées dans
le filigramme avec des enchafléures & des crochets d'or. La partie inté-
rieure de cette couronne, par le dedans de la Table, étoit ornée d'une ex-
cellente graveure, iVïais le dehors de ce couronnement ^ qui étoit plus vi-
fîble, étoit de lu. dernière magnificence. Car audeflbus de cette bordu-
re, que nous venons de dépeindre , regnoit une ceinture tout àl'entourj
dans laquelle on voyoit un rang de pierres precieuies bien taillées & en-
cliafiees en forme d'œuf, ce qui formoit des demi-reliefs en ovale. En-
tre les pierres precieufes, il y avoit. une belle fculpture de branchages ôc
de feuillages s & au defibus de cela pendoit encore un autre couronne-
ment, oii étoient entaillez toutes fortes de fruits j, des raifins , des épis^.
des grenades, 6cc. Qui étoient compofées de pierres precieufes de la cou-
leur des fruits qu'on vouloit reprefenter j & tout de pièces rapportées fé-
lon lesdiverfes couleurs de ces fruits; cela n'étoit qu'attaché à la Table^
& pendoit tout à l'entour avec de petits crochets d'or,. Au deiTous de cet-
te couronne de fruits oiv.voyoit encore un autre couronne , dans laquelle il
y avoit un rang de pierres precieufes, taillées en' ovale avec des brancha-
ges & des; feuillages entre-deux 5 comme celle du deffus. Ainfi la couron-
ne de fruits étoit entre deux couronnemens femblables. Les pieds delà
Table étoient attachez' à la Table même, avec des crochets d'or, & quand
on vouloit on pouvoit mettre les pieds de la Table du haut en bas, fans
que cela apportât aucun changement ; parce qu'au bas, autour de la Table,,
^is avoient mis une lame d'or de 4; doigts, qui étoit toute femblable au plus
bas
FT DES CULTES DE L'EGLISE. Tart.U. 251
bas couronnement d'enhaut, car ce couronnement tenoit au haut des pi-
liers de la Table i &: le plus haut couronnement avec les fruits pendans,
tenoient à la Table même. Sur la Table, c'eft-à-dire, fur la partie pla-
te ,00 avoit entaillé avec un merveilleux art un Méandre, c'eft-à-dire, un
Fleuve qui ferpentoit ôc faifoit mille tours 6c retours, ÔC dans le milieu du
cours de ce Fleuve on avoit enchalTé des efcarboucles , êcdes émcrau-
desj ôc de toutes fortes d'autres pierres precicufes, ce qui jettoit une gran-
de lumière : dans les eipaces entre les tours de ce Fleuve , il y avoit des
lacis, des rets, des lozanges entaillées d'Ambre 6c deCryftal. Les pieds
de la Table étoient tout à fait beaux 6c curieux , c'étoient comme quatre
petites colomnes, dont les Chapiteaux, fur lefquels étoit poiée la Table,
étoient faits en forme de lis épanoui, dont les feuilles fe recourboient 6c
s'ouvroient au dellbusdela Table, & la tige en étoit droite comme la ti-
ge d'une plante de lis. La bafe du pilier étoit un efcarboucle d'une pro-
digieufe groflcur, ayant jufques à huit doigts de largeur à l'endroit oii la
Table venoit à repofer deiius, c'eft-à-dire, par le haut du petit pied ou
de la colomne , qui étoit épais de 4. doigts par le bas. Autour de ces
pieds en montant s'élevoient dts lierres- 6c des palmes en relief, mais tail-
lées avec tant de delicatefie, que les feuilles en branîoient au moindre vent,
comme fi elles eulTent été naturelles. L'épaifieur de la Table étoit de 9,
pouces en contant les deux couronnemens. Tout l'ouvrage étoit de trois
pièces,, la Table 5 les couronnemens , 6c les piliers. Mais cela étoit fî
parfaitement bien joint, qu'on ne voyoit point les jointures.
A cela il ajouta auffi, des taiTes, des bouteilles 6c des flacons d'un
grand prix-, 6c d'un ouvrage exquis, avec des pierres precieufes, 6c des
fculptures admirables. Ces riches pièces furent mifes dans le Temple,,
mais on ne fait pas bien précifemenf où 3 aiTûrément ce fut dans la thre-
forerie oij l'on mettoit les danaria 6c anathemata.
Les Rabbins nous parlent aufîi d'une Table dont Hélène Reine des Adia- Tàbie d'oi-
bcnes fît préfent. C'eil cette Reine des Arabes de laquelle nous avons hK^mclts
déjà parlé dans la defcription du Porche du fécond Temple, où elle avoit Adubencso
confacré un Chandelier d'or. Cette Table étoit fortiîm pie , carc'éïoit
une planche d'or fur laquelle étoit gi'avée la feétion de la Loy concer-
nant Pépfreuve de la femme foupçonnée d'infidélité. Elle étoit placée^
dans la muraille du Temple à l'Orient, de forre que les premiers rayons
du foleil levant donnoient deflus , 6c c'étoit en ce lieu qu'on alloit voir fi-
le foleit étoit levé, parce que le moindre rayon qui venoit adonner fur cet-
te planche y caufôit une grande reflexion , 6c un grand éclat. Cela don-
ne lieu de croire que cette planche étoit dans la muraille de dehors vers
la porte de Sufan. Au lieu que Ligtfoot foupçonne qu'elle étoit à la porte
de Nicanor, à l'entrée du Parvis des hommes, où fe: faifoit l'épreuve de
la femme fufpeéle d'adultère.
Villalpandus fait monter tous ces vaiflèaux du Tenlple à un nombrepro-
digieuxi II y avoit , dit-il , 60. mille taflcs , 30. mille chandeliers , i (5o . mille
pots 6c pintes , 200. mille Phioles , 160. mille plats , 12.0. mille cou-
pes , 60, mille mefures pour l'huile, le vin 6cles autres liqueurs, i ïo. mille /
encenloirs, loo. mille Trompettes, 400. mille Inflrumens de Mufique»
Et outre cek 20'. mille Robes de^ Sacrificateurs 6c de Chantres. Le Terï)-
li \. pie-
254 H I s T q I R E D E s D O G M E s
pie quelque grand qu'il fût n'auroit pu contenir tout cela. De tous ces
vaiilcauxjil en fait le tiers d'or, les deux autres tiers d'argent: tout ce cal-
cul eil fabuleux. En voici k ilipputation par ordre , avec la fomme du
total.
60. mille Tafies. <îo. m. Encenfoirs.
30. m. Chandeliers. . 60. m. Mefures de virf, huile, ôcc.
160. m. Pots & pintes. 110. m. Encenfoirs.
200. m. Phioles. aoo. m. Trompettes.
160. m. Plats. 400. mille ïnftrumens de Mullque,
lio. m. Coupes. 2,0. m. Robes de Sacrificateurs.
Un million trois cens mille trente fix.
CHAPITRE VU
Certaines Jingularitez du Temple , tirées de la tradition
des Juifs.
JUfques ici nous avons donné une defcription générale du Temple, 5c
de ce qui étoit dedans. Avant que de pafler outre , il faut ajouter
quelques fingularitez de ce Temple de Jerufalem , félon la tradition
des Juifs.
Du feufacté i . De cc rang font les miracles que les Hébreux dilênt avoir été dans
dgendudu jg Sanétuaite , qu^'ils font monter au nombre de 18. Entre ces miracles les
plus réels, & les plus confiderables, font ceux qui regardent le feu facré
qui brûloit fur l'Autel des Holocau des.
Premier mi- Et le premier de ces miracles, c'eft l'origine de ce feu, favoir quMl étoit
feu*uVoit ^écendu du ciel, parce qu'on l'appelle ^o«?rf»^^ è{j.'Kvpmiç , laquelle a toû-
décêndu du jours été eftimée une marque de l'acceptation des facrifices. C'eft ainQ qu'on
ad. prétend que Dieu fit voir qu'il avojt accepté le facrifice d'Abei. Voyez,
l'Htfioire de Gedeon fud. 6. & de Manoah ^ fud, chap. ig. de David en l^aire
d^Ârauna i. Paralipom. 21. 26. & celle d'Èiie i. Reg. iS. 32.
Levttîq.5. Dieu dans la confecration du Tabernacle, & dans le premier facrifice,
V. 2î. 24. gç décendre le feu du ciel fur l'Autel , & confuma les Holocauftes , la mê-
2. chron. me chofc fut faite dans la dédicace du Temple de Salomon. Ce feu fut
7. V. z3. religieufement confervé dans le premier Temple, 6c il étoit défendu d'y
Levit. 10. 1. apporter du feu étranger , comme ilparoîtparl'Hiftoire deNudab &;Abi-
hu. Outramus prétend que ce feu fut éteint du tems d'Achaz , quand il
ferma le Temple de jerufalem.
voj'erBux- L^g jQJfg q^-^^ (jgs fpeculations bien fubtiles fur ce feu , car ils preten-
iguc facro. deiit que c'efl le feu de la nuée du defert, un feu décendu du ciel mêmej
c' étoit auffi le feu & la lumière du premier jour & la première créature,
ou poui: mieux dire une émanation de la fplendeur divine que Dieu avoit
reti-
ET DES CULTES DE L'EGLISE. PartALi^^
retirée par diveries fois après la création, pour s'en fervir quand bon lui
fembieroit.
Ce feu une fois décendu du ciel fut entretenu foigneufement par les
alimens qu'on lui fourniilbit : Buxtorf dit qu'il fut confervé miraculeufe-inDifTerta-
ment fans autre aliment que les offrandes , 6c que le feu fur lequel on \^^nQ[tcio.
mettoit du bois le foir èc le matin étoit un autre feu matériel : Mais cela
n'a pas le moindre fondement : Il ne faut pas multiplier les miracles fans
neceffité. Maimonides dans le traité tamidim vcmofeiphim cap. 2. dit,
qu'encore cjue le feu de V Autel fut décendn du ciel .y cependant il e'toit commandé
À^y ajouter d'^auire feu- , comme tl efi écrit dans le Levtt. 1,7. & les enfamd'^Aa-
Ton mettront le feu fur P Autel.
On demande 11 ce feu facré fut fous le fécond Temple ? Il eil certain
^ue non : C'eilunedes cinq chofes que les Hébreux confeffoient manquer
dans le fécond Temple. Néanmoins il s'eft trouvé des Auteurs qufont
:Voulu perfuader que ce feu avoic été caché par les Sacrificateurs, & qu'au
retour de la capti^Hté on l'avoit trouvé comme de l'eau épailfe, lifezenla
feble au 2,. des Machabées i. 18. &c. La même fable fe trouve dans Jo-
feph Gorionides fur l'autorité de ce Livre du z. Machabées \ les inter-
prètes de l'Eglife R. admettent ce mauvais conte. Un certain RabbiCha- voyezBux*
naniah dans le Talmud. traité f orna cap. i. in Çemara , eft introduit di- Ig^'^facjp.
fent qu'il avoit vu le feu lacré dans le iecondTemple cul^ans ut canis ^ cou-
ché commue un chien , oc que dans le premier Temple on l'avoit vu recu-
bans Ht leo , fe repofant comme un lion. Les Rabbins , au moins quelques-uns ,
prenent cela à k lettre comme fi effeélivement une face de hon s'étoit
vûë dans le feu facré du premier Temple. D'autres l'interprètent de la voyez Fa*
vivacité & voracité de ce feu facré qui étoit beaucoup plus grande dans le S'"^ '"
premier Temple que fous le fécond. L' Autel des Holocauiles eft appelle cenefeos
*^Kn.X <tAriel le lion de Dieu , par cette raifon , c'ell qu'il confumoitles c,"îd^"^^
Holocauftes. 2. Le fécond miracle du feii facré c'eft que l'Autel des Ho- Ez«:hiei 43.
locauftes , dans le Tabernacle avant la conftruétion du Temple, n'étant second mi-
que de bois de cèdre couvert d'une l'ame d'airain, le bois ne fe brûloitja- feufaaé.
mais : c'étoit alîurément un vray miracle que ce grand feu brûlant conti-
nuellement & allumant l'airain n'allumât pas le bois. 3. Le troifiémemi- Troifiéme
racle c'eft que lapluyen'éteignoit jamais ce feu, quoique cet Autel des Ho- fe^fjcrs^"
locauftes fur lequel on le nourriffoit fût à découvert. Il eft vray qu'il pleut
rarement en ce païs-là. 4. Le quatrième miracle, c'eft que la colomnede dustriéme
k fumée de l'Autel montoit toujours, & quelque vent qu'il fit elle alloit ™"''^^*
tout droit en haut j fur tout quand l'obktion étoit agréable : Et s'il en ar-
rivoit autrement, on prenoit cela pour un mauvais prefige, il femble que
David faffe allufion à cela , jufqu' a toi parvienne la fumée de l'' encens. Ad
le nÇcfue perveniat fumus incenjt. Et c'étoit une marque que l'odeur du
facrifice n'alloit pas jufques à Dieu quand le vent la détournoit.
3. Outre CCS miracles qui lé faifoient dans le feu du Temple. Les Juifs Antres mî-
racontent beaucoup d'autres miracles qui fe faifoient dans le Temple, "oehcv^îi""*
Par exemple, que quoique l'on tuât une fi horrible quantité de bêtes dans faifoient
le Temple, jamais on n'y fentoit une mauvaife odeur 3 que jamais on n'y xTmpJe,.
voyoit de mouches & de ces infeâes volantes qui cherchent le fang& les
boucheries 3 que jamais femme ne s'étoit trouvée mal de l'odeur de la chair
256 HISTOIRE DE'S DOGME s
des vi6l:imcs qu'on brûloit continuellement-, que dans les grandes fêtes,
quand toute la nation étoit aflemblée , le Temple fc trouvoit afiez grand
pour la contenir, & pour laiffer à chacun un efpace fuâifant à l'entour pour
le prollerner.
4. Cela étoit caufe, joint avec la majefté du Dieu qui étoit fcrvi dans le
Temple, qu'on avoit un très grand refpeét pour ce lieu (acre. i. Premiè-
rement il n'étoit pas acceffible à toutes fortes de perfonncs en tous lieux.
Les Gentils n'en ofoient approcher, excepté dans ce qu on appeWok^ atrium
gentium , ou la montagne de ta maifon qui étoit la première clôture. Mais
les hommes ou femmes en fouillure légale n'en ofoient approcher, excep-
Ainfwothin té ccux qui étoient fouillez par un mort j car c'étoit la moindre des fouil-
Numems 5. i^-gs legalcs , 6c même on pouvoit, à ce que dit Maimonides , y mettre le
corps mort d'un grand perfonnage en aille contre la violence. Ils en ap-
portent l'exemple de Moyfe, qui prit les os de Jofeph en montant d'Egyp-
te & les retira au dedans du camp des Lévites 5 or ils prétendent que le
camp des Lévites répondoit à ■cette première enceinte du Temple.
Dans le fécond efpace qui s'appelloit le Sti KaU oh Pavantmur , les
Maimonides étrangers & les Payens n'y ofoient entrer , ni même les profelytes de la
to csp.^r. porte : car ils étoient traitez de même manière que les idolâtres pour la
défenfe d'entrer au Temple : c'eft de là que les Juifs ennemis de St. Paul
prirent occafîon d'exciter fedition contre lui , comme s'il eût amené Tro-
phime Ephefien dans le Temple.
Le Parvis des femmes avoit un degré de fainteté par ddTus le Kail ,
& ceux qui étoient fouillez, même des moindres fouillures comme étoient
celles pour lefquellesil ne falloit que fe laver ôc attendre le foleilcoucliant,
n'y pouvoient entrer.
Le Parvis d'Ifraël avoit encore un degré de fainteté par deffus 5 car ceux
qui étoient purifiez de leurs fouillures, mais dont l'expiation n'étoit pas enco-
re faite par facrifice, n'y pouvoient entrer, ni les femmes non plus en aucun
tems : ce que nous avons déjà remarqué ailleurs : Mais ici & là il faut excep-
ter au moins quand ceux qui dévoient s'expier, hommes ôc femmes , venoient
offrir l'holocaufte 6c le faa'ificede leur expiation , car la Loy ordonnoit qu'ils
miflent la main fur la tête de la bête,ce qui ne (c faifoit qu'aux pieds de l'Autel.
Le Parvis des Sacrificateurs étoit encore plus Saint, car les feuls Sacrifi-
cateurs y entroient: excepté quand les ïfraëlitesoffroient des viélimes, car
tous ôc même les femmes menoient leurs viélimes au pied de l'Autel.
L'efpace qui étoit entre l'Autel & le Temple étoit encore plus Saint, car
aucun Sacrificateur n'y pouvoit entrer qui eût quelque défaut corporel ;
Il faloit aufii qu'ils euffent un voile fur la tête , pour marquer une plus
grande dévotion.
Le Temple étoit encore plus Saint: car tous les Sacrificateurs n'y pou-
voient entrer , mais feulement ceux qui avoient été choifis par le fort pour
cela , après avoir lavé leurs pieds iSc leurs mains. Enfin le Saint des Saints
étoit encore plus Saint, puifque Le feul Souverain Sacrificateur y entroit
une feule journée par an. Or pour marquer la dévotion pour le Temple,
voici ce que les Juifs obfervoient.
. ï. Perfonne n'entroit, non pas même dans le premier Parvis, avec un
bâton ou autre arme àfraper, parce que c'étoit un lieu de paix; de là vient
peut-
Du rcTpeft
que l'on
avoit pour
le Temple
en prenant
chacune de
{es parties
par degtez.
Voyez
Ligtfoot
a puifé ce
qu'il dit fur
ce fujet.
Premie
efpace S.iinr.
Second
efpace plue
Saint.
Aftes
chap. 20.
Troifiéme
efpace ea-
core plus
Saiar.
Qyatiiértic
efpace plus
Sainr.
Cinquième
lieu plus
Saint.
Sixie'me
efpace plus
Saint.
Septième
lieu plus
Saint.
Huitième
lieu plus
Saint.
L'Officiant
qui eût pris
un vaiiTeau
ET DES CULTES DE UEGLÏSE. Tart.lL 257
peut-être que nôtre Seigneur chafla les vendeurs non avec un bâton mais facré «vec
avec un fouet de cordeletes qu'il fit. Seulement celui qui faifoit la ron- f"m^ïnco'îî
de pour voir û on faifoit bien la garde avoit un bâton , & en frapoit verte , fo^ii-
ceux qui dormoient. z. On n'ofoit non plus entrer dans le Temple avec fcîîice!^
des fouliers, en obfei'vation du commandement donné à Moyfe Exod 3.
on pouvoit pourtant porter des fandales dans le premier Parvis , mais
non des fouliers ; les Sacrificateurs dévoient être abfolument nuds pieds. Pythagoras
5.11 n'étoit pas permis d'y entrer avec fa bourfe & de l'argent dedans, on bîicumT'
Icportoit en fa main pour les offrandes 6c pour le troni:. 4. 11 faloit avoir àmzo's^r
les pieds fort nets 6c point de poudre, f. Il n'étoit pas permis de cracher en roc, èvei
aucun lieu du Tempie, il faloit avoir un mouchoir paur recevoir les cra- ^^-^ '^P'^"^"
chats. 6. On n'eût pasofé faire aucun gefle ouaétion d'irrévérence. 7. On ^Itth 5
n'ofoit palfer à travers le Temple pour abbreger fon chemin. 8. Il faloit Maimoni-
prier debout les Pharifiens fiant orantes in Synagogis. Cependant ils fai- HamSe-
foient dans leurs oraifons de tems en tcms de grandes inclinations, quel- dash. c.j.
quefois jufques en terre, p. Il n'étoit permis à perfonne des'afTeoir dans m/nXr^SiE
le Temple fînon au Souverain Sacrificateur 6c au Roy forti du fang de n\G. fiantîs
David. 10. En priant il faloit qu'ils euflent par humilité un voile fur leur ^nhà^dtnt
tête, fur tout les prêtres dans le fervice avoient toujours leur voile fur la oeuteron.
tête. II. Ils fe profternoient de 5. manières, en ployant le genouïl, en ianud^mi-
baiffant la tête, 6c en fe jettant le corps tout plat fur la terre , ce dernier niftrandum,
étoit moins en ufage : Ils courboient feulement la tête ôc le corps fort bas , ?g"'tuTfc.
comme nous faifons dans nos révérences. 11. Pendant qu'ils étoient à la dcnsmi-
vûë de l'Autel dans le Parvis des femmes, ils n'ofoient lui tourner le dos, fatJsîT"
ils alloient en reculant. Et dans le Parvis des nations étant entrez par une ""^"'{Jf/j"™
porte ils étoient obligez de fortir par une autre. ' da"Li°c&
Tart. IL Kk H I S'
HISTOIRE
D U C U L T E
L E V I T I Q UE.
TROISIEME PARTIE.
DesMiniftres du Temple, &:de leurs Vétemens.
CHAPITRE L
Du Grand Ponîife ou Souverain Sacrificateur. Ordre des
Souverains Sacrificateurs fous le fremier Qf le ^
fécond Temple.
L y avoit pojUr le fervice du Temple une grande
multitude de Miniftres , Sacrificateurs , Lévites 5
Chantres , ôce. defquels il nous faut prefentement
parler. Il eft raifonnable de commencer par le chef
de ce grand corps Ecclefiaftique , favoirle Souverain
Sacrificateur. Il fera parlé de Ces fonélions 6c de
fon Miniflere quand nous parlerons du fervice du
Temple 5 ici nous avons à parler de fa race , de fâ
charge , des qualités qui étoient requifes en lui , de
fon autorité, de fes ornemens, ôc de Ces prérogatives,
lesoure- Il faloit qu'il fût de la famille d'Aaron de la tribu de Levi. Cette char-
^c^i^Jj"t' K^ etoit attachée aux familles par droit de fuccefîion 6c non par eledion»
voit être de II appartcrioit à l'aîné de la maifon de fuccederau père : chacun faitqu'a-
ijSoa. ^^^^ ^^ L^y 9 ^ avant que la Sacrificature eût été attachée à une feule
famille j les. aiiiez des maifc^na ayoieat le droit de la Sacrifîcature. Non a
Ja
ET DES CULTES DE L'EGLISE, Tart.Jl. 259
,Ja vérité par exclufion des autres chefs de famille de la même maifon; Mais
au moins avec diftindion , ce que nous avons expliqué dans nôtre premiè-
re partie j c'étoit l'opinion des Juifs. Ce qu'on peut voir dansée Thargum
fur la Genefe, oii le Paraphralle fait ainfî parler Jacob chap.4p. v. 3. à
Ruben. Tu es mon pnmier ne\ & a toy appartiennent trois parts^ le droit d'aînejfe^
la Sacrifcature & le %ojaume. On trouve auffi la même chofe dans le Traité
du Talmud , intitulé a-'naî cap. 14. Dans le 24. chap. de l'Exode v. f .
on voit que Moyfe, après avoir bâti un Autel au pied de la montagne , en-
voya douze jeunes gens pour facrifier : Onkelos le Paraphrafte tourna,
*/ envoya les premiers ncK.. Quand St. Paul appelle l'Eglife l'aflemblée des Heb. i!.
premiers nez , & quand Saint Pierre & St. Jean appellent les élus 6c les Apocaiypfe
Saints, des Sacrificateurs , c'eft dans le même fens, parce que lesaînez
ou premiers nez étoient confacrez à Dieu , ôc naturellement revêtus de
l'honneur du Sacerdoce.
Aaron avoit quatre enfans. Nadab, Abihu,Eleazar, Ithamar> les deux
premiers périrent de la manière qu'il ell rapporté , Levit. 10. 2,. à caufe
qu'ils avoient mis du feu étrange dans l'encenfoir 5 c'efl-à-dire , d'autre
feu que le feu facré, qui étoit fur l'Autel, Eleazar comme l'aîné des deux Nombre
reftans fut facré Souverain Sacrificateur. ^^^^- ^®'
Cette branche d'Eleazar obtint la Sacrificature jufques à Heli Souve-
rain Sacrificateur du tems de Samuel , qui fut choifi de la race d'Ithamar.
Mais on ne fait pourquoy ce changement fe fit, ni comment , car la ra-
ce d'Eleazar ne manqua pas: Au contraire elle devint bien plusnombreu-
fe que celle d'Ithamar On ne fait pas même combien il y eut de Sacri-
ficateurs de la race d'Eleazar jufques à Heli : car les JuiFs font là-defilis
fi differens des Grecs 3 & dilènt des chofes fi peu raifonnables , qu'on ne ,
fait qu'en croire, & à quoy s'en tenir. Phinées fucceda à fon père Elea-
zar fur la fin du règne de Jofué, à Phinées fucceda Abiezer, félon l'Hé-
breu Abishua , à Abishua fucceda Bôxeiug félon Jofephe^ félon l'Hébreu ^"J^'liL-
Bukei 5 à Bukei, Vz.i^ appelle par Jofephe Oz.i. Ce font cinq depuis zar font
Aaron, félon Jofephe. A quoy s'accordent quelques Hébreux. Mais les ""qu^^
Chroniques des Juifs, ni le Livre des Juges ne font mention d'aucun Sa- 6. j.6.
crificateur , depuis Eleazar jufques à Heli , que de Phinées , êc ils font Heli Amiquit.
le quatrième Pontife, Aaron , Eleaz^ar ^ Chinées ^ Heli. Ce qui a caufé ^'^•^•"ï'-
cette erreur, c'eft que durant la guerre civile des Tribus contre Ben- conftificm
jamin , qui nous eft racontée au lo. des Juges , & qui fe trouve tout à la fin ceffiondes"^'
de ce Livre, il eftdit, qu'en ces jours- Ik-^hin^es fils d'^Eleaz.ar etoit Sacrifi- premiers
^atenr devant ï' Eternel'. Et on fuppofe que cette guerre des Behjamites ell: ^°Jj,'^^'J,y
arrivée 300. ans après la mort d'Eleazar , tellement que Phinées, feion Juges zo,
cette fupputation, avoit été déjà Sacrificateur trois cens ans, quand les ha- ^^,13^1^; ju,
bitans de Guibha violèrent la concubine d'un Lévite: ce qui fut l'occafion daïque^ cou-
de cette fanglante guerre civile, 011 pierirent tant d'Ifraëlites , & qui fit ^^^^lll^^t
périr toute la Tribu de Benjamin , excepté 600. hommes. Mais la fable paf- Phinées ss-
fe bien plus avant: car elle dit,que Phinées fut depofé, & que Heli de la bran- "' '"*"^'
che d'Ithamar fut mis en fa place, & que Phinées vécut encore après cela juf-
ques au bâtiment du Temple de Salomon , dans lequel il fut fait chef des por-
tiers: parce qu'au 2. Livre des Chroniques chap. 9.^.%o. on lit que Phi-
nées fils d'Eleazar fut établi chef des portiers. Mais il faut favoir, qu'il eîl
Kk X parlé
Notable
nfteron
proteron
dnns le Li-
vre des Ju-
ges.
Tradiciones
in Libios
Seuvetains
îoatifes
foujjefe-
aondTeiQ-
léo HISTOIRE DES DOGMES
parlé dans les Chroniques de celuy qui étoit chef des portiers dans le dcferr,
ôc non ife celuy qui étoit dans cette charge du tems de David 6c de Salomon.
Pour comble de rêverie, les Juifs difent , que ce Phinées 3 petit-fils
d'Aaron^ eftEliemême le Prophète, qui a été enlevé, & qui doit reve-
nir. Les Juifs debitoient déjà cette vifion du tems de St. Jérôme, qui
dit , que cet homme de Dieu, qui vint à Hehde la part de Dieii, étok
Phinées, fblon le fentiment des Juifs, lequel, difent-ils, ils eftiment être
Elle. Lacaufe de l'erreur, eft que l'Hiltoire de la guerre civile e-ntre la.
Tribu de JudaSc les autres Tribus, eft mal placée. Si l'affaire des Ben-
jamitcs fût arrivée à la fin du tems des Juges , comme elle eft recitée à
la fin du Livre des Juges , du tems de Saùl premier Roy qui fuivit les Ju-
ges, la Tribu de Benjamin n'eût pas été multipHée comme elle étoit, 6c il
n'y a pas d'apparence que Dieu eût voulu prendre un Roy de la Tribu^de
Benjamin, qui n'avoit prefque plus forme de Tribu. La feule difficulté
qui paroît réelle, c'eft cequife lit au Livre desjugeschap. i,o. dans l'Hif-
î-oire de la guerre civile. Mais il faut répondre , qu'évidemment il y a ici
ce que les Grammairiens appellent ujieron proteron , que cette affaire àts
Benjamites n'eft point mife dans fon lieu , parce qu'elle arriva, fans doute,
peu de tems après la mort de Jofué, Il eft certain que l'ordre àt^ tems
n'eft pas bien obfervé dans le Livre des Juges. Ce font des mémoires dC'
tachez 5 plutôt qu'une Hiftoire fuivie.
Le Souverain Sacerdoce ne demeura pas long-tems dans la famille-
d'Irhamar,^ il y entra dans la perfonned'HeH, ôcen fortit du tems de Sa-
lomon. Abiathai- de la race d'Heli ayant été participant de la conjura-
tion d'Adonia contre Salomon , ce Prince donna la dignité de Souverain
Sacrificateur à Tfadock, de la famille d'Eleazar ; or cette dignité de-
meura dans ia branche d'Eleazar , tant que le premier Temple fut
debout 5 jufques à la captivité : Et il y eut dix-huit Sacrificateurs , qui
fe fuccederent les uns aux autres : Mais il y a là-delfus de grandes diverfitez.
Les uns ne content que huit Pontifes ,, les autres douze. Une Chronologie
Juifve , appellée Seder olam l^imt, en conte dix-huit. Jofephe en met au-
tant , & ce dernier fentiment eft le plus vrai-femblable. Efdras dans le
chap. 7. de fon Livre, faifant fa propre généalogie, fe fait décendre d'Aa-
ron par Eleazar, Se par Tfadock premier Sacrificateur du Temple de Sa-
lomon, jufques à Seraja, qui fut Souverain Sacrificateur du tems de Je»
hojakim. Efras , bien que fils du Souverain Sacrificateur Seraja, neluy fucce-
da pas 5 n'étant pas l'aîné, ce fut Jofedee qui fucceda à fon père Seraja , com-
me fon fils aîné , du tems deSedecias. Joshua fils de Jofedee luy fucceda;
après la captivité , pendant qu'Efdras fut le chef de la grande Synagogue.
Dans cette généalogie d'Efdras on ne trouve depuis Tfadock,qui vivoit fous.
Salomon, jufques à Seraja, que quatre perfonnes, parce que les autres font
ômrfes, ce qui étoit tout ordinaire-dans les Généalogies des Juifs.
Après la captivité de Babylone , le Sacerdoce continua encore dans la mê-
me famille d'Eleazar,, refpaced'envi\;on4oo. ans,, depuis le premier an de
Cyrus, à conter depuis laprife de Babylone : jufqu'au tems d'Antiochus Epi-
phanes: Jofedee neveu d'Efdras,fils de fon frère aîné,aufli nommé Jehofedec,.
.occupa ia Souveraine Sacrificature avec fesdécendans,ufqu'au tems d'An-
îioclius Epiphanes, Alors ladigiiité Sacerdotale fortit de k branche de Tfa-
dock
Vôycï Sel-
denus de
&cceffione
in Pontifi-
cat u : ëc
Ligtfoot
dans la de-
fciiption dû lomôn ,
lempk ^
ET DES CULTES DE L'EGLISE. Part.U. 2&1
dock. Le malheureux Menelaiis entrant en querelle avec Ton frère Jefus ou
Jfalbn, ayant appelle Antiochus Epiphanes à Ton fecours,excita cette horrible
perfecution qui caufa la deftruélion & du peuple & de la Religion, ce Mene-
laiis fe fit lui-même Apoftat du Judaïfme. Matathias s'éleva avec Tes cinq
fils 6c tint bon pour le maintien de laLoy, & ayant relevé Tétat des Juifs,
la Souveraine Sacrificature pafla dans fa maifon, quoi qu'il ne fût pas de la
famille Pontificale. Ilétoit feulement de la race Sacerdotale décendu d'Aa-
ron.
Matathias' fortoit de la famille de Joarib , qui étoit la première des 14. J^« 1"^^'*
claiTes des fimples Sacrificateurs établies par David. Mais on ne fait pas tuent les
bien certainement de quelle branche décendoit la clafie de Joarib , d'E- Maccabees.
ieazar ou d'Ithamar, cependant on croit qu'il y a plus d'apparence qu'elle
étoit de la race d'Eleazar l'aîné d'Ithamar, car au i, des Maccab. chap.
2. ^4. Matathias dit à fes fils , Phinées nôtre père pour avoir été z.€Utem de
Dieu obtint alliance de SacrtficMme éternelle. Or ce Phinées qui tua l'ifraë-
lite avec la Moabite étoit fils d'Eleazar, 6c petit- fils d'Aaron. Si vous
confultez le premier livre des Çhron. chap. 24. il y aura pe^ de lieu de
douter que Joarib ne fût de la race d'Eleazar ^ car ce ne fut point le fort
feul qui lui donna cette place de primauté. On ne jettoit le fort que pour
une branche à la fois, non fur toutes les deux, favoir fur celle d'Eleazar 5
& celle d'Ithamar alternativement.
Cette famille appellée des Hafmonéens du mot o^^aa^n , ou des Macca-
bées 5 joignit la dignité Royale avec la Sacerdotale , 6c donna des
Princes à ce peuple prés de deux cens ans devant la- venue de n&tre
Seigneur Jefus - Chrift. Delà eft venue l'erreur de Trogus Pompeius,
6c de Juftin fon abbreviateur 6c de Diodore dans Photius. Ils di- juftînîîvis
fent qu'Aaron fucceda à Moyfe dans la dignité de Prince 6c de Sacrifi- pJotjjg;,
cateur, 6c que les Juifs n'avoient point de Roy qui ne fût Sacrificateur. bUothecL
Lorfque les Romains commencèrent à prendre connoifiance des aâTaires
des Juifs, ils trouvèrent la chofe ainfi, 6c fe perfuaderent qu'il en at^oit
toujours été de même ; favoir que tous les Rois des Juifs- avoient été Sa-
crificateurs. Ariilobule filsd'Hircan, le cinquième de la race des Macca-
bées, fut le premier qui prit le nom de Roy : le jeune Ariftobule frère de
Manarane fut l'onzième 6c dernier de fa race. Il fut noyé par ordre d'He-
rodej lequel tranfporta le Sacerdoce dans une autre ffmille , 6c depuis ce
tems-là jufques à la deftruélion du fécond Temple , c'ell- à-dire durant
f efpace de cent ans ou. un peu plus , il n'y eut plus d'ordre de fucceiîion ;
Mais le Pontificat fe donnoit lèlon la fantaifie d'Herode, 6c en fuite cel-
le des Romains, au plus offrant ou au plus fourbe qui favoit mieux captiver
la bonne grâce des tyrans. lis fe chaflx)ient du Pontificat les uns les au- <
très 6c n'y demeuroient gueres , de forte que depuis Ariilobule , le dernier
éts Hafmonéens, jufques à la deftruélion du Temple, il yen eut 30. ou
40. Il y-en eut vingt-cinq jufques au commencement de la guerre avec les
Romains, 6c depuis ce tems-là, ilsfe chaflbient du Pontificat d'un jour à
l'autre ,, felonque les fadions étoient les plus fortes.
Kk 5: C H à^
262
HISTOIRE DES DOGMES
Le Souve-
îainSacrifi-
catcut de-
voitêtredc
la famille
d'Aaron.
1Î
Chap. 18. 4.
ilnedevoit
y avoir au-
cune tache
dans la naif-
fance.
Levkique
21. 7.
tevitique
21. 13. une
vierge d'eu
tre fes peu-
ples.
Lib. z. de
Monaichia,
La Po-
lygamie
n'étoit pas
permife su
Souverain
Saciifîca-
teni.
CHAPITRE II.
1)cs qu^htez é^ conditions qtù etoient necejjaires pour entrer dans la
Souveraine Sacrificature.
LA première qualité c'étoit la nailTance ; il faloit être de la race d'Aa-
ron par les mâles de mâle en mâle , car la déceiidance par les fem-
mes n'y faifoit rien. Par l'étranger dont il efl parlé dans le Livre des
Nombres il faut entendre tous les Juifs qui n'étoient pas de la famille d'Aa-
ron, comme l'explique Maimonides. Tous les mâles de la race d'Aaron,
quelque bas Sacrificateurs qu'ils fuflent , étoient capables de recevoir la
Souveraine Sacrificature, en cas de necelîité. C'eil:-à-dire files branches
Pontificales fuflent venues à manquer , car on prenoit toujours félon la
Loy le fils, le frère, le neveu, le plus proche parent du défunt. Et on
avoit égard au droit d'aîneflè, à moins qu'il n'y eue quelque tâche ou em-
pêchement qui fît préjudice au droit de l'aîné.
La féconde condition étoit qu'il ne devoit y avoir aucune tache dans
la naifiance de celui qui étoit élevé à la Sacrificature. i . Un homme né
des mariages inceflueux , défendus à toute la nation en gênerai félon les loix
établies au 18. du Levitique, n'y pouvoit être reçu. 2. Les enfans nez
de fornication 6c de couche illégitime, quoique non inceiiueufe. 5. Des
enfans qui feroient nez de ces mariages défendus au Souverain Sacrifica-
teur. Caries Sacrificateurs en gênerai avoient des loix matrimoniales plus
étroites & plus feveres que le peuple : Il étoit défendu à tous les Sacrifi-
cateurs de prendre à femme ni proflituée , ni pollue, ni femme répudiée^
Pollue^ c'eft-à-dire félon quelques Auteurs, qui auroit été violée fansfon
confentement. Les autres entendent par une /'<?//^à', celle qui feroitnée,ou
d'une étrangère ou d'une bâtarde , ou de quelque mariage défendu par
la Loy, 6c dont la naifi^ance auroit une tache, 6c cela eft plus vray-fem-
blable. Les enfans venus de tels mariages eux 6c toute leur poilerité
étoient bannis de la Sacrificature. Il n'étoit pas défendu au relie du peu-
ple d'époufer de ces fortes de femmes. Mais, outre cela il étoit défendu
.au Souverain Sacrificateur d'époufer une veuve, il faloit qu'elle fût vier-
ge 5 6c de la race d'Ifraël ; G'ell - à- dire que ce ne pouvoit être ni une
captive, ni' une profelyte. Il y en a même qui eftiment qu'elle devoit être
de la race facerdotale j car la Vulgate tourne ces paroles du v. if. h*S
vopn v;;iî SVrr» , ne commifceat fiirpemgeneris fm. C'eil-à-dire qu'il ne doit pas
mêler le fang de fa famille avec le vulgaire de fa nation. Philon Juif eft de
cette opinion. Mais ni les Juifs ni Joiephe ne parlent pas de cela, 6c par
ces paroles, nonpollptatfemen funrnin popuUs fm^ : ils entendent qu'il ne doit
pas fe polluer en prenant une femme qui ne foit pas Ifraëlite.
Beaucoup d'interprètes croyent auffi que ia polygamie , permife mê-
me aux autres Sacrificateurs, lui étoit défendue, à caufe qu'il n'eil par-
le que d'une femme dans le chap. 21. du Levitique^ Seldenus femble
incli-
ET DES CULTES DE L'EGLISE. Pm.lL 265
incliner à croire le contraire à caufe du texte du 2.Chron. 14. 3. où, dit- il,
il eft parlé des deux femmes de Jehojadah Souverain Sacrificateur j C'eft
une bevûë de Seldenus , il efl dit qu'il prit deux femmes pour le
Roy Joas , mais non qu'il les ait prifes pour foi : il n'y a pas apparence
qu'un homme quiavoit plus de cent ans prit deux femmes. Tous lesenfans
nez de tels mariages,, défendus ou aux Sacrificateurs en gênerai ou au Sou-
verain Sacrificateur, étoient incapables de foûtenir cette dignité : Mais il
faut remarquer que le mariage poilu à un Souverain Sacrificateur , n'é-
toit pas poilu pour un fimple Sacrificateur. Et ainfi ce qui étoit pollu-
tion à la naifilmce du fils du Souverain Sacrificateur j n'en étoit pas une
au fils d'un fimple Sacrificateur ; C'eft pourquoi le fils d'une veuve ou
d'une profelyte , né du Souverain Sacrificateur , eût été incapable du
Souverain Sacerdoce, & même de l'honneur de la Sacrificature en gêne-
rai. Mais le fils d'une veuve ou d'une profelyte par un fimple Sacrifica-
teur eût été capable de la Souveraine Sacrificature ^ car fa naifl^ance n'é-
toit pas pollue.
La troifiéme condition étoit l'âge, les fils des Rois n'eulîent-ils queTroifîeme
deux jours, l'uccedent à leurs pères, Se font Rois. Il n'en étoit pas ainfi pâgl^^iquis,
des Souverains Sacrificateurs -, l'âge ordinaire pour les rendre capables de
fucceder c'étoit 20. ans , avant lequel âge les fîmples Sacrificateurs mê-
mes n'étoient pas appeliez au fervice. Cependant , les Auteurs Juifs difent
qu'à treize ans ils pouvoient être admis au Sacerdoce , pourvu qu'ils euf-
fent quelque marque de puberté , favoir au moins , duos pilos in pube. Car
les fonélions du Sacerdoce, qui eufl'ent été faites par un enfant au deflbus
de 13. ans, étoient pollues , & celles qui fe faifoient par un jeune homme
au delîus de 1 3 . ans étoient réputées légitimes félon les Juifs. L'âge de puber-
té civile Se ordinaire pour les fimples Sacrificateurs & pour le Souverain
Sacrificateur comme pour les autres étoit l'âge de 20. ans. A l'âge de 20.
ans le Sacrificateur étoit eflimé habile à exercer les offices du Sacerdoce ,
quoi qu'ordinairement ils n'entraflént en charge qu'à 30. ans j A 1 3 . ans un
fils pouvoit donc fucceder à fon père dans la charge de Souverain Sacrifica-
teur. Mais on demande fi un enfant au defibus de 1 3. ans recevoir com-
me par furvivance la charge de Souverain Sacrificateur, encore qu'il ne lui
fût pas permis de l'exercer ; tellement qu'il demeurât en tutele jufques
à l'âge de majorité : après quoi on lui rendoit la charge ; & en attendant
on demande s'ils avoit un Vicaire. Jofeph Scaliger détermine hardi- in Eiencha
meiu qu'oui. Mais Seldenus prouve très bien le contraire , le fils au «"'Jonis
delfous de 1^. ans demeuroit dechû de la Sacrificature , le plus proche gj-cJ'o!
parent y entroit & pofledoit le Pontificat jufques à fa mort , la naiflànce ^^jj'-
feule ne faifoit donc pas le Souverain Sacrificateur, il faloit qu'il fût in- cap. 4. de
auguré , or l'inauguration ne fe donnoit jamais au defibus de 1 3 . ans. ^%^^\°fi!
La quatrième condition eft la parfaite intégrité de corps dans toutes lès catum.
ehofes vifibies, non dans les parties internes ou non vifibles : cette Loy eft Qy«néme
,,,', A r ■ ■ A • •" -rv condition,
couchée dans le chap. 21. du Levitique ; A quoi on ajoute ce qui le lit l'intégrité
au 22. du Levitique v.22. & fuivans, touchant les défauts qui rendent la paJ't^ies^Jifi,
viétime impure : car tous ces défauts, à plus forte raifon , rendent le Sa- bks d*
crificateur irregulier. Mais les Juifs difent que ce qui fe lit dans ces en-^"^^*"^
droits , n'eft énoncé que pour fervir dexemple ôc d'échantillon 3 & ils
îïiulti-
264, HISTOIREDES DOGMES
Mainionid. mulLiplicnt CCS défauts corporels qui induifoient irrep;ularité, comme on
BiâthHam- iirr^j- • 'jcj r ^
mfkedash parle, c elt-a-dire mcapacicc ûu bacerdocc, julqucs a 141. en y contant
"P-*- i'epilepfîe, la furdité, la folie, & refprit immonde. Ils n'y mettent aucun
défaut de la langue, ce qui eft étonnant, car ils y mettent la furdité: leur
laifon efl que la langue ell contée entre les membres internes , & l'oreil-
le elT: externe. Si les fimples Sacrificateurs vitiez dans leurs membres ne
pouvoient officier, à plus forte raifon ne pouvoit on choifir un homme
yofeph vitié pour Souverain Sacrificateur. 11 yen a un notable exemple dans Jo-
f""cV'25 l'cphe,Antigonus fit couper l'oreille à Hircan qu'il avoit chafle du Pontifi-
ôc 21. cat , afin qu'on ne pût lui rendre la Souveraine Sacrificature.
Péchez qui Enfin il y avoit certains péchez qui excluoient de la Souveraine Sa-
exciuoient crificaturc, les uns iufques à ce qu'on eût fait pénitence devant le Sanhe-
rain Sacer- dou j les autrcs pour jamais. Du premier ordre etoit d avon* epoufe des
*^<'"' femmes étrangères , comme cela fe voit dans l'Hiiloire de Sanballat & de
ErdrasSc Manaflc. Mais cette irrégularité pouvoit ceffer en chaflant la femme étran-
â^ï^^v'^s §^^*^' -f^ y ^voit deux crimes qui excluoient pour jamais de la charge ,
Tidolatrie ôcle fchifme : avoir facrifié ou encenfe aux idoles, ou avoir
adhéré au culte d'un Temple fchifmatique 5 comme étoit celui d'Onias en
Egypte, ne fe pardonnoit point} tout Sacrificateur qui avoit fait le fervicc
dans ce Temple d'Onias ou dans celui de Guerizim ne pouvoit être reçu à
faire le fervice dans celui de Jerufalem. L'efFufion du fang n'efl pas re-
marquée par les Juifs comme une pollution permanente : Mais feulement fé-
lon eux le Sacrificateur qui avoit épandu le fang, même par mégarde,ne pou-
voit plus étendre les mainspour bénir le peuple, à caufe de ces paroles d'Efaie
I . i^iiand vous étendrez, ves mains , je ne vous répondrai pas , car vos mains font
Maimonides p/^/^^^ ^(f fanq;. Sur CCS défauts qui éloimioient delà Sacrificature tous les
Biath Hana- ,-, - ^ i K x • i
mikedash bacrihcateurs en gênerai, voyez Maymomdes,
cap. 9. 6. & Les Sacrificateurs en fervice étoient comme Nazariens. Ils ne beuvoient
ni vin ni cervoife. Les Juifs corrompoient cette Loy, comme on le peut
voir dans le Commentaire d'Ainfwôrth fur unpaflagedu lo.du Levitique.
Levitiq. 10. Q^ ^^. s'accordoit avec la Religion d'Egypte , félon Porphyre lib. z. de
ahftinentia-^ où on lit ces paroles, des Sacrificateurs Egyptiens^ lesunssabfte"^
noient entièrement de vin , ^ les amres en goiitoient peu , rendant pour raifon ,
que cela blejfoit les nerfs , chargemt la tête , empêchait l^invention , & excitûif
les cupidité;:;, vénériennes.
CHAPITRE III.
De l'autorité , des frmleges , & de la dignité du Souverain
Pontife.
LA première dignité du Souverain Sacriiicareiir, c'efl qu'il étoit le Chef
de tous les Sacrificateursjquifervoienr dans le Temple, comme aufii de
tous lesLevites Nethiniens,&: autres bas Officiers du Temple, ôc com-
me le nombre en étoit trés-'graod, il voyoit une grande multitude de gens au
delious
ET DES CULTES DE L'EGLISE. F^^r^.II. 26^
(deflbus de foy. Il étoit unique, & n'avoit pas d'égal ni d'afTocié, qui partageât QneftioH G
les honneurs. Quoi que cette vérité foit certaine , néanmoins il femble 5^^°"'"^'"
par quelques paflàges de l'Ecriture, qu'il en foit autrement. étoit uoi-
Premièrement du tems de David, Abiathar étoit Souverain Sacrificateur , *'"*'•
comme il femble conftant , parce qu'il fut dépoiiillé de la Sacrificature
Souveraine parSalomon, qui la donna à Tfadock. Cependant au i. Chr.
16. 3p. Tfadock efllaillé en Gabaon pour y facrifier fur l'Autel des Holo-
caufteS, ;pour offrir perpétuellement, félon la Loy, & pour faire le fer-
vice du Tabernacle , l'Arche n'y étant pas alors j parce que David l'avoit Tfadock &
tranfportée à Jerufalem , ôc logée fur la montagne de Sion , il faloit bi^n^îe*
avoir auprès d'elle un autre Souverain Sacrificateur. Dans le Livre 2. commez
de Samuel 8. 17. nous lifons cecy. Et Tfadock^fihâ'>Ahitub & ^himelec'^^^'^^^l
fils d' Abiathar ét-otenî les Sacrificateurs. C'eft-à-dire les Souverains Sacrifi- toientpom»
cateurs, autrement ils n'eufient rien eu de particulier plus que mille autres} "g"îi5."
la même chofe eft répétée en mémesmotsau i. Chron. i8. i6. Et auz.
Sam. If. oii eft recitée la fuite de David de devant Abfçalom, Tfadock &
Abiathar font introduits comme égaux, la aujfi étoit Tfadock^, & tous les Le- y^i^-**-
vites avec luy portant l'Arche , &c. & Abiathar monta pendant que tout le peu-
fie achevade fortir de la vtlle v. 27. Le Roy luy-méme dit à Tfadock nN"i nn{<
tu es le voyant. Ces paroles ainfi tournées, fignifieroient, quec'étoitluyqui
vétoit l'Ephod pour répondre par Urim 8c Thummim , 6c cela augmente-
roit la difficulté j car c'étoit le principal office du Souverain Sacrificateur.
Je tournerois donc ces mots par ne vois-tu pas ? Ou tu vois , (avoir qu'il
y a neceffité de s'en retourner: Dans le verfet 2. on Ht Tfadockjionc & Abiathar
reportèrent l'Arche de Dieu en ferufalem. Dans le f. 3^. derechef Tfadock 6c
Abiathar font nommez également Sacrificateurs , & même Tfadock eft
mis devant , ISl^auras tu pas la avec toi les SacrificateursTfàdockj^ Abiathar ?
Dans le ï. Chron. 24. 4. 6. il eft dit que David fit deux chefs des Sacrifi-
cateurs, Tfadock de la famille d'Eleazar & Ahimelecfils d' Abiathar de la
famille d'Ithamar fécond fils d'Aaron. La penfée de la plupart eft qu'en
effet en ce tems-là il y avoit deux Sacrificateurs égaux. Jofephe le dit
ainfi} // choifit Tfadock^ponr Grand Sacrificateur de la famille de Phinées avec Abia-
thar, Cependant nous ne voyons pas que cela foit conforme à la Loy, ni à la
pratique : Dans le premier Livre des Rois 2. 34. on lit que le %oy Salomon éta-
blit aufii TJàdoc^pour Sacrificateur en laplace d'' Abiathar. Cehù.il voir qu' AbliL"
thar étoit feul Souverain Sacrificateur, & que Tfadock fut mis en fa place.
Ainfi la réponfe à cette difficulté eft qu' Abiathar étoit feul SouvefàinLcSouve-
Sacrificateur, 6c qu'il avoit deux grands Vicaires fous lui, parce que le fer- "'° ^^"'^."
vice divin fe faifoit alors en deux lieux 5 en Gabaon où étoit le Taberna- deux gtan^
cle de Moyfe , avec l'Autel des holocauftes, 6c dans la cité de David en J^^JJ""^""'
Jerufalem, oii étoit i'Archej c'eft pourquoi il faloit deux prefidens du fervice. David.
Tfadock étoit établi pour être à la tête des Sacrificateurs qui faifoient le fervi-
ce dans l'ancien Tabernacle,^: Ahimelec fils d' Abiathar avoit la conduite du
fervice qui fe faifoit devant l'Arche. Mais Abiathar étoit au-deffus de tous.
On peut obferver la même chofe fur ce qui fe lit i . Sam. 7. v. i .
que l'Arche étant pofée en Kiriat- jeharim dans la maifon d'Abinadab
au côtau , ils établirent Eleazar , fils .d'Abinadab , 6c le confacrerent
pour garder l'Arche de l'Eternel , c'eft - à - dire pour faire le fervice
Tom, If. L 1 de-
266 HISTOIRE DES DOGMES
devant elle, quoi que nous ne voyons pas clairement qu'Abinadab fût de
la race des Sacrificateurs , ni que Kiriat- jeharim fût ville de Sacrificateurs ,
néanmoins il n'y a pas d'apparence que cet Eleazar ne fût pas Sacrifica-
teur 6c de la race des Sacrificateurs. Car on n'auroit jamais mis l'Arche en la
garde d'un fimple particulier i c'eft pourquoi je croy qu'Eleazar fils d'Abi-
nadab fut établi fécond Souverain Sacrificateur fous le Souverain Sacrifi-
cateur d'alors. Il y a apparence que du tems de la révolte d'Abfçalom, Ahi-
melec étoit mort ou étoit dans un autre emploi , car il n'efl point parlé de lui-,
& Tfàdock Se Abiathar font nommez comme les deux Sacrificateurs. Depuis
que le Temple de Saiomon fut bâti 6c confacré , il n'eft point parlé de
deux Sacrificateurs, parce que le fervice ne fe faifoit plus en deux lieux.
Qiieftion Voici une autre difficulté qui n'efl pas moins grande, dans les Evangi-
f/ilrii^rdc les il eil fouvent parlé de Souverains Sacrificateurs au pluriel. Mais lur
Souverains tout au ^. chapitre de St. Luc f. z. l'an if"*^. de Ttbere &c. fous Anns
teur's du <$' Catphe SoHverams Sacrificateurs &c. Il faut remarquer en gênerai que
seras de Je- ^e nom de Souverain Sacrificateur fe donnoit à diverfes gens i. au Segen
'*" " " pD dont nous parlerons tantôt , c'étoit le grand Vicaire y tels qu'étoienc
Tfadock & Ahimelec fous Abiathar. z. Ce titre fe donnoit aux chefs des
Z4- Clafles d&s Sacrificateurs qui fervoient par tour au Temple. 9.. Ce
nom fe donnoit auffi aux Sacrificateurs dépofez , comme on en dépofoit
fouvent fous le fécond Temple , fur tout après que la race des Afmonéens
fut éteinte. Et même le Pontificat devint prefque annuel, la Gemara du
traité du Talmud intitulé foma , le dit expreflement, qu'ils changeeient tom
les ans Le Pontificat comme on change les offices du palais. Or tous ceux qui
avoient été Souverains Sacrificateurs en confervoient toujours le nom êc
étoient en graïKÎe confideratiaa parmi le peuple j ôc il femble que c'eft
ch»p. 7 1,49. ainfi- qu'il faille eatendre ce que dit St. Jean que Caïphe étoit Souve-
&I8.S3. j-ain Sacrificateur de cette année-là. Il ell: vray qu'il y avoit déjà cinq
ans qu'il l'étoit,, & qu'il le fut encore fept autres années, mais il y a ap-
parence que tous les ans on en faifoit une nouvelle nomination , & que très
fouvent on confirmait ceux qui y étoient quand ils étoient agréables. Car
Anne, qui eil nommé avec Caïphe, eut cinq fils qui furent Pontifes les
Uns après les autres. 4. Enfin on donnoit ce nom de Souverains Sacrifi-
cateurs à tous ceux , qui étoient de la famille Pontificale , & d'entre lef-
quels on élifoit les Souverains Pontifes. C'eft ce que St. Luc appelle
Aaes4»v.&. 7^voe à^xiB^uTiwj. Mais cela ne fufiit pas pour le regard d'Anne ô£ Caïphe
qui font particulièrement nommez Souverains Sacrificateurs. Dans le Li-
vre des Aâ:es au paiîàge que nous venons de citer , St. Luc donne dere-
Chap. 4. chef le nom de Souverain Sacrificateur à Anne. Et Anne Souverain Sa-
crificateur & Caïphe , c^ Jean & Alexandre & tous ceux qui étoient de la li-
gnée Sacerdotale. Il y a apparence que Caïphe & Anne étoient l'un véri-
tablement Souverain Sacrificateur & l'autre Chef du grand Sanhédrin qui
étoit Gompofé , non de 72;. perfonnescommeon lecroit, maisdeji. par-
on obfervoit cc quc daus tous les Confcils des Juifs le nombre des Confeillers de voit être
confeuferl ^"^P^^^^* Aiufil'uu & l'autrc 6c Amie & Caïphe fout appellczSouverains Sa-
«n nombre crificateurs,à caufe qu'ils partageoient toute l'autorité. Ecclefiaifique dans les
îS confdis ^^°^^s faintes 6c jugeoient de toutes les affaires.
iasjui&. Quant aux droits des Souverains Sacrificateurs, ils ont été fort differens
feloo
ET DES CULTES DE L'EGLISE. F^r^. IL 267
félon lestems. Cette dignité a toujours été la féconde dans l'état des Juifs; Des dfoîtt'
Mais nous ne voyons pas qu'il eût de pouvoir dans les chofes civiles , 6c 11 ^^? ^°"^%
quelquefois les Souverains Sacrificateurs fe font mêlez des affaires de l'é- cateurs!
tatjça été durant la minorité des Princes, Ôc parce que les Reines régentes Le souve-
abufoient de leur pouvoir, comme fitjehojada qui fit tuer Athalia & réta-"'°^*<=t'^-
blit le Roy Joas. Mais après le retour de la captivité leur pouvoir aug- voit pa" de
menta infiniment 6c particulieremeut foUs les Almonéens quijoignirent la >."'''{'*''**?/*
dignité Royale avec la Sacerdotale. Du tems de Notre Seigneur 6c de-
puis le règne d'Herode le Grand , les Romains étant maîtres de la Ju-
dée , on avoit lailîe quelque ombre d'autorité au grand Sanhédrin, pour
juger ou du moins pour faire les informations des Jugemens capitaux j 6c
pour décider outre cela de tout ce qui regardoit; l'obfervation de la Loy ,
& le fervice du Temple. Il y a bien apparence que le Souverain Sacrifi-
cateur étoit prelque toujours le chef de ce Confeil,cela fevoit par l'Hif-
toire des Evangiles 6c des Aâ:es, oii le Seigneur 6c les Apôtres feprefentant
devant le Confeil , c'étoit le Souverain Sacrificateur qui portoit la parole
comme Prefîdent. Mais<:e n' étoit pas un droit annexé à la charge de Sou-
verain Sacrificateur 5 6c même le Souverain Sacrificateur , difent les Talmu-
diftes dans le traité intitulé Sanhédrin , étoit fujet non feulement au grand
Confeil mais aux autres Conièils inférieurs.
Il n'avoir donc proprement fur les Sacrificateurs, qui étoient au-deflbus Lesowc-
de lui, qu'un pouvoir de direélion 6c non pas de correélion. Le Sanhédrin ^^^^^ll^^f'
donnoit les ordres, jugeoit des affaires des Sacrificateurs 6c du Temple , 6c voit qu'un
le Souverain Sacrificateur faifoit exécuter: Tellement que par tout où l'on ^^^'[0^^^ '^^
voit les Souverains Sacrificateurs agir en Magiflrats, ce n'eft pas fous le point de jtt-
caradere de Souverains SacrificateurSjmais de chefs ou de principaux mem- "^'*^^*°"-
bres du Sanhédrin. Voici donc quels étoient les principaux droits du Sou-
verain Sacrificateur comme Souverain Sacrificateur.
I. Il avoit droit de conduire le fervice du Temple 6c de donner ordre LeSouve-
que toutes chofes s'y fiffent félon la Loy , en obligeant chacun à faire fon cajaf/avok
devoir. Quand ils'yrencontroitdesdifficultez ou des doutes, la chofe étoit droit de
rapportée au grand Confeil. ~Sced«
1. Il pouvoit tous les jours quand bon lui fembloit faire le fervice , 6c Tempicc
le parfum, en entrant dans le lieu Saint, au heu que cela n'étoit permis qu'aux
Sacrificateurs en. femaine. . ,^*i^
5. Il pouvoit feul entrer dans le lieu Trés-Saint 6c cela une fois l'an, c'é-
toit le jour des propitiations. Toutes les fois que le Souverain Sacrifica-
teur confultoit Dieu par Urim 6ç Thummim, il n'entroit pas dans le lieu
Trés-Saint, il fe tournoit du côté de l'Arche. Et cela fe pouvoit faire
dans toutes les parties du Temple. S. Auguflin 6c Sigoniusont donné le
même avantage aux autres Sacrificateurs, ôc même ils prétendent que l' Au-
tel des parfums , fur lequel les Sacrificateurs ordinaires offroient, étoit dans
le lieu Trés-Saint, au delà du fécond voile. Mais cela eft très faux, levoyCunseus
feul Souverain Sacrificateur entroitdonc dans ce lieu Saint une fois p^n, ^'''•^•"?-^-
cela fe voit au i6. duLevitiquei. dis k Aaron qt^U n"^ entre point en tomtems
au SanSlnaire aa dedans du voile devant le Propitiatoire^ de peur qu'il ne meure ^
§c en fuite on trouve la defcription de tout ce qui ie devoit faire le jour de
la fête des propitiations.
Ll 2 4. Il
Levitique
Voy Ainf-
woirh. io
locnm.
lie Souve»
Tain Saciifî*
cateurde-
voitêtie
oint necef-
faiiement.
Miimoni-:
des Kelei
Hàmmike-
dash cap. i.
Lcvîtîq.
4. 3. S.
36. & ail-
ku».
Tradition
iaceitaine,
a6S H 1 ST O I R E D E S D O GM E S
4. Il ne luy étoit pas permis de toucher les morts , ôcdefe fouiller pour
un mort , non pas même pour fon père , fa mère ou fa fœur. Or cela étoit
permis aux autres Sacrificateurs pour leurs proches parens , félon la Loy
iavoir perc, mère, fils, fille, frère & fœur, pourvu que la fœur fût vier-
ge j Mais il n'eft point parlé de la femme. Et nos Interprètes en expliquant,
le quatrième verfet de ce chapitre ii. fuppofent que le mari n'av oit pas la.
permiffion d'enterrer fa propre femme: Mais l'interprétation n'eft pas bon-
ne, il y a proprement dans le Texte, & pour \t Banl^feignem y.eu mari, ih
nt Ce contaminera point pour [on peuple : ils ont ajouté le mot de femme.
Car CCS mois ^ & pour fa femme ^ ne font pas dans l'Hébreu» Les Canons-
Hébreux content expreflement la femme entre ceux pour qui le Sacrifi-
cateur fepeut fouiller i mais cela n' étoit permis pour perfonneau Souve-
rain Sacrificateur, parce que ceux qui touchoient aux morts et oient repu-
tez foiiillez., £c parce qu'il étoit coafacré à Dieu d'une façon particulière,
il ne luy étoit pas permis de s'expofer volontairement à recevoir quelque
foiiillure légale..
f. Il avoit le privilège de k fainte onction , exclufîvement à tous les
autres Sacrificateurs. Il eft vray que les Rois étoient oints j mais non pas
tous. Et les Juifs Talmudiftes nous apprennent, que cela ne fefaifoit pour
les Rois , que quand la Couronne étoit donnée à- une nouvelle famille»-
C'eft pourquoi Saùl fut oiat par Samuel , & David enfuite comme nou^
veaux Rois. Et Jehu par le Prophète Elifée, comme Roy d'une nou-
velle race. L'onélion fe donnoit auiîi aux enfans des Rois , quand ils Çuc'
cedoient contre le droit ordinaire, 6c par un choix que Dieu en faifoit:
C'eft pourquoi Salomon fut oint, car il n'étoit pas l'aîné de David, 6£
Dieu le choifit extraordinairement j mais nous ne voyons pas que tous les
autres Rois d'ïfraël ayent été oints Cela eft confirmé dans la Gemara
au Traité dit Horajoth ,& cela eft vray j Maimonides prétend que Sa-
lomon fut oint à caufè de la difpute entre luy Ô£ Adonia. On n'oint pas
le Roy., cjtà ejifils de '^ojf , parce ejtte la dignité Ko f aie eft héréditaire , & va âe
f£T€ enfili a. la Mmfon a Jfraéi, félon ce qmeft écrit Deuteron. 17. 1.0. Imj ^ fes
fils au miliett. d'IJraël, Ji ce n'^efi e^H^il y ait dtjpute fur lafuscefîan au Royaume ,..
mr en ce cas, onoinîcelHy(^mgagnefacaHfe pour faire cejfer la difjmte , & faire,
connoitre a tout le monde ,ejue celny'la. efl le.vray. & légitime Roy , c^efi poarquoy
en oignit Salomon a captfe (^ Adonia ^ ejui iHjdifputoit la Couronne- y foas f Ht omtà
caftfe d'Athalia , ^ fehojachas à caufede fehojachim.
Mais pour le Souverain Sacrificateur il étoit ointdë la fainte Huile, ne-
ceflairement Ôc indifpenfabiement , encore que le fils fuccedât au Père,
C'eft pourquoi il eft appelle SacerdosunSim>. Il eft vray que lesfils d^Aa^
ron furent oints auffi bien que leur per£ > Exod. 40. 15. Mais là même il eft
fignifié, que cette onâionferoit pour tous les Sacrificateurs inférieurs à ve-
nir 5 & qu'elle ne devoit pas être réitérée , ou bien c'eft que tous les en-
fans d' Aaron ont exercé la Souveraine Sacrificature. Il y avoit un Sacrî-
ficateur qui s'appelloit nan'^a n^ym. unBm in bello^ qui n'étoit que pour
la guerre , mais étant dé retour , fon OiHce cefToit , Scil.retournoit au rang
des autres Sacrificateurs.
6. Il avoit le privilège ^.es .habits Pontificaux,; dontnous-feronsla dei^-
criptioa d^qs la fuite,.
. 7. Us.
ET DES CULTES DE L'EGLISE. Tart.ll. 269
7. Il étoit difpenfé de mener deiiilpour aucun mort : En figne de deuil, Levir. an
les Juift fe découvroient la tête , Ôc déchiroient leurs vétemens. Or cela étoit
défendu au Souverain Sacrificateur. Cependant nous lifons, que le Sou-5?-"- ,
verain Sacrificateur déchira fes vétemens. Les Juifs, félon le Talmud dans *' '^ ''
le Traité Horajot h, ydiCent^ cju'il leur étoit permis de déchirer les vétemens^ Au-
tour des pieds , non du corps eu de U poitrine.
8. Il avoit le droit, à l'exclufion de tous les autres, de revêtir le Pec-
toral où étoit Urim ScThummin, pour confulter Dieu touchant les cho-
fes futures ou cachées.
Nous avons \m paffage de St. Jean ch. ri. fi. qui femble fignifier,
que les Souverains Sacrificateurs avoient le don de prophétie, au moins
la première année de leur Pontificat. Or Une dit point cela de foy-même^
mais luj étant Souverain Sacrificateur decette année-la ,prophetizji que fefns devait
mourir pour la nation.
Il n'a rien été dit fur cette difficulté plus ingénieux , que ce qu'a dit Ori- Tom. 4. u
genc. Caïphe prophetiz.a, parce qu'il etoit Souverain Sacrificateur de cette an- ^^^^'
ication;
née-lk, favairde cette année 'la dans laquelle le Chnft devait mourir. Car encore ^^'^^^^^
qu^ilyeut eud^'autres Souverains Pontifes; cependant pas un ne p^ophetiz,a^ fi- f.^,^^}^^^^
non celtif qni fut Pontife dans Panné£ ^ q^ie fefus-Chrifi devoit fouffrir . Il veut
dire, que Dieu fit prophetizer cet homme , pour rendre témoignage à
la neceffité & à l'utilité de la mort de Jefus, dans la même année dans
laquelle Chriil: mourut: & le fens eft fimplement. Or Cdtphe , qui étoit Sa^
crificateur cette année-la ^ ne dit point cela de parfoy-mêmey. mais par infpiration
extraordinaire. \
p. Nous avons déjà vu qu'il y avoit quelque chofe de fingulier dans fês
Loix pour le mariage, & qu'il ne pouvoit époufer qu'une vierge Ifraëli-
te, non répudiée, non veuve, non étrangère, non de mauvaifevie, &i
dans la naiflance de laquelle il n'y eût rien du tout à reprendre. Et mê-
me il y a apparence qu'il ne pouvoit avoir qu'une femme à la fois.
10. H femble par la Loy du LevitiquCy qu'il ne luy fût pas permis de Uvit.sr.iâ^
fortir du Sanéluaire. Il ne firtira point du SanBuaire , & ne polluera point le
SanUuaire de t Eternel fon Dieu. Il eft vray qu'il avoit un appartement prés
du Temple, c'eft-à-dire, dans les parvis où il demeuroit durant le jour ,
mais il avoit fa maifon en Jerufalem j & les Juifs difent , qu'il ne pouvoit
l'avoir hors de Jerufalem. Cependant les paroles, du Levitique ne difent
rien décela, elles fignifient feulement, qu'il ne pouvoit fortir du Sanéluai^
re, c'eft-à-dire, s'en exclurre 5. & s'en fermer à luy-même l'entrée par au-
cune pollution légale volontaire, comme de toucher un mort, &c.
11. A celaJes Rabbins ajoutent des minuties, qui font oufaufles, ou'
qui n'ont été en ufage que dans les derniers tems: comme cecy, qu'il de-
voir toujours être dans un état contraire à toas les autres, fi les autres-
ctoient voilez , il dévoit être dévoilé. S'il étoit aflîs fur un,fiege , les au?-
rres dévoient être affis à terre.
El' f CHAK.
i/o
HISTOIRE DES DOGMES
CHAPITRE IV.
^es Fetemens du Souverain Sacrificateur,
Des tiabîts
Gommuni
4U Souve-
lâin Sacrifi-
cateur , &
aux autres
Sacrifica»
tcurs. _
Témoin
tificc, &
Jofeph. de
bdlo Jud.
Apocal. ch.
3.ôt7. V.i.
IL y avoit des Vétemens qui luy étoient communs avec les autres Sa-
crificateurs , 6c d'autres qui luy étoient particuliers, il faut première-
ment parler de ceux qui luy étoient communs avec les autres Sacrifica-
teurs.
I . Les Sacrificateurs dans les aâions de la vie civile étoient vêtus
comme les autres, ôc les habits Sacerdotaux ne fe prenoient que dans le
seiden. p. 4. tems qu'ils cutroient en femaine de fervice. Ils quittoient leurs habits or-
*' ^ dinaires , fe lavoient , Se prenoient les habits facrez , & même la nuit quand
ils dormoient , il faloit que cefufTent dans leurs habits ordinaires: auma-
Libr6."c.'i;.tin ils les quittoient, ils fe lavoient, 6c reprenoient les vétemens Sacerdo-
taux, peut-être que St. Paul fait allufion à ces habits 6c à ces coutumes,
quand il dit , depomllez le vieil homme , vous tms qui avez, étélavez^ & qui Avez,
revêtu Chrifi , il nous a lavez. , & nom a fatts Sacrificateurs. Les habits des Sa-
crificateurs étoient blancs 6c de lin , peut-être de là eft venue la comume de
vêtir les nouveaux bâtizez de blanc , 6c par allufion à la couleur de ces vé-
temens dans r Apocalypfe , il efl parlé de gens en vétemens blancs.
Ilsn'avoient ni fandales, ni fouliers dans leurs pieds, mais ils étoient nuds
pieds dans les parvis fur le marbre, à cauie de ce qui eft dit dans l'Exode à
Moy fe , de'chaujji tesfotiliers , car le lieu ou tu es efi terre fain te j ce qui pou voit
Cun$us de être en partie caufe des fréquentes maladies des Sacrificateurs , joint à ce
d'^^o^'^iib'^z' 9"'^^^ étoient trés-legerement habillez, fe dépoiiiîloient , fe lavoient fou-
csp. 14. ' * vent, 6c ne s'aifeoient jamais dans le Heu du fervice. Nous avons lade{^
cription de leurs habits dans le iS.chap. del'Exode.
rxemiet ha- Premièrement, proche de leur peau ils avoient des caleçons de hn , qui
bit sacerdo-ies couvroient depuis le hautdes reins jufqu es au bas des cuiffes , afin que
brayes^ou quand ils fc courberoicpt , oumonteroient en haut, leur nudité ne fût pas
caleçons de yûë par dcflous Icurs habits.
Exod.ig.4*. . 2,- Sur ces caleçons oamettoit une efpece de chemife OU furplis, quidé-
second habit cendoit depuis les épaules jufques en bas , aflez ferrée 5 que le texte appel-
lachemife' le pî^^H nSHS tunicaocellota. St. Jérôme f de vefie Sacerdotali, dit, que cela
ou dc*!"-^" ^^ P^^^ uppeWer camt/ia , c'étoit un vêtement militaire, ferré 6c joignant
feuii. à la peau. La chemife étoit faite d'enlaçure ou dienchaffure, c'eft-à-du"e,
qS^n"^ que l'ouvrage en étoit fait à l'éguille , comme une éfpece de lacis ou de bro-
in. Exod." derie. Les 70. ont tourne X/twv Koaup^liaToçyce que St. Auguftin a tour-
né, cum cornibus^ avec des cornes.
5. Cela étoit ceint d'une ceinture ou baudrier, qui les ceignoit tout à l'entour
pour les tenir fermes>&c pour les échauffer. Seldenus dit,que cette ceinture de
trois doigts de iarge,avoit ^i. coudées delong,6c faifoit plufieurs tours autour
du corps jcela n'elt pas trop aifé à comprendre: 31. coudées font 15. ou 16. aunes
de
Ttoifiéme
habit, la
ceintute ou
baudrier.
ET DES CULTES DE L'E G L I S E. P^r/. IL 271
deFi ance à trois doigts de largcjouvrage d'un tiflli épaisicomment pouvoient-
ils arranger une fî grande longueur d'étoffe ? J'ai peine à croire qu'il ne
leur fût pas permis de mettre d'autres vétemens par deflbus ces trois ha-
bits pour fe tenir chaudement dans l'hyver , car enfin ce n'étoit qu'une
chemife & un caleçonj qui pourroit fi légèrement vêtu pafTer à l'air des
journées d'hyver nuds pieds fur le marbre ?
4. Sur leurs têtes ils avoient une tiare ou mitre , quejofephe dépeint Jofeph.
d'une maniei^ alTez femblable aux Turbans des Orientaux, qui font faits yb'j^^clp.i.
de diverfes bandes entrelacées les unes dans les autres , excepté que les
Turbans font plus étroits par le haut 8c n'ont cet enlacement qu'autour du Quatrième
milieu de la tête , & l'enlacement de la tiare Mofaïque étoit par tout Sifu*'
fans diftinébion 6c faifoit comme le rond d'un gros bonnet, ou (èlon St. mitre.
Jérôme comme la moitié d'une boule coupée j Seldenus dit auffi que ces
bandes avoient feize coudées de longueur. Cet ornement étoit com-
mun au Souverain Sacrificateur ôc aux autres Sacrificateurs. Ce-
pendant il y avoit quelque différence , car la tiare ou mitre d'Aaron efl
appellée nMîfO & celles de fes fils font appellées mi^^a^o , il efl vray que
dans le ip. del'Exod.v. 9. il efl commandé de donner de ces n')j;3:iD à
Aaron & à fes fils. Nôtre verfion a tourné calottes^ prétendant que cette
calotte fe mettoit fous la mitre du Grand Sacrificateur , 6c que les autres
Sacrificateurs n'avoient que de ces calottes 6c point de mitre. Mais Jofephe
ôc les Juifi» ne nous difent pas qu'il y eût deux fortes de couverture de
tête : feulement il efl certain que la mitre du Souverain Sacrificateur étoit
tout autrement grande , riche ôc precieufe que celle des fimples Sacrifica-
teurs ;. comme auffi le baudrier ou ceinture qui étoit commun à tous les Sa^
crificateurs n'étoit pas de la même magnificence. La ceinture des fimples
Sacrificateurs n'étoit que de lin , mais celle du Souverain Sacrificateur étoic
de fin lin retors, de pourpre, de cramoifi & en broderie d'or. Cependant
Jofephe dépeint la ceinture des fimples Sacrificateurs , comme ayant le fond
de lin, mais brodée de fleurs 6c de feuilles de pourpre 6c d'hyacinthe , diffe- •
rente feulement de celle du Souverain Sacrificateur en ce que celle-ci étoit
relevée d'or. Il nous dit que ce baudrier étoit de la largeur de 4. doigts fait
en écailles de ferpent avec des fleurs de pourpre, de fin lin 6ce. le bout fuper-
flu de cette ceinture pendoit jufques aux pieds par devant , 6c afin qu'elle •
n'embarafîat pas, on la rejettoit fur l'épaule gauche.
Outre ces ornemens, le Souverain Sacrificateur en avoit 4. autres qui Habits parti-
lui étoient particuliers, i. Sur le bord inférieur de fa mitre étoit une ia-soÙmain
me d'or attachée avec des fils de pourpre, fur laquelli: étoient écrites ces pa-sacrifîca-
roles mn^Viî'ip Sainteté à l'Eternel, 6c cela fe lioit fur le front au devant {.^"J^j^jç, ^
de la mitre, on l'appelloit î^'îf. ment, la
1. Il avoit fur la chemife un furplis , ce que le texte Hébreu appelle 3^™*^'°*
"^"^V^ le manteau, que nôtre verfion tourne le roquet. C'étoit on habit aifezinftiiption.
femblable à.nos julle-au-corps. Il étoit entièrement de pourpre ou d'hya- bhdusoul
einthe, difent Philon 6c Jofeph , mais l'hyacinthe 6c le pourpre ne fontvwain sa-
pas la: même couleur. Hyacinthe efl plutôt le violet tirant fur le blanc k^mamSaû
eouleur d'air , ou d'Azur. La Loy ne dit pas qu'il entrât de l'or dans o" le b-q-
fon tiflu , on le vétoit par deffus la tête. Ligtfoot prétend qu'il n'avoir y "3. Ami-
pas de manches 6c qu'il étoit ouvert par les deux cotez, une pièce' devant, <!«". cap.»,
une
î;i histoire DES DOGMES
une derrière , non coufu fur les épaules , il avoic un ourlet de broderie tout
à l'entour aux ouvertures, afin de le rendre ferme , afin qu'il ne fe pût déchi-
rer. Jofeph le dit tout d'une pièce comme un voile , ayant une fente au
milieu par oij entroit la tête, & la fente, dit-il, fe rendoit au milieu du dos &
venoit jufques fur la poitrine, cet habit n'alloitpas jufques au basabfolu-
ment , mais un peu au deflbus du genou. ïl y avoit des figures de grena-
des faites de pourpre , d'écarlate èc de cramoifî, pendues au bas de cet ha-
bit, avec des clochettes d'or entremêlées , une grenade ôc une clochette
en fuittej de forte que le Souverain Sacrificateur ne marchoit point avec
cet habit fans grand bruit. Mais il ne fortoit point avec ces ornemens
hors du Temple que dans de grandes necefiîtez , comme fit jaddus pour
aller au devant d'Alexandre. Ainfi fouvent les Papes fe font revêtus de
leurs habits Pontificaux pour arrêter l'infolence des ennemis dans les mains
defquels ils alloient tomber : Dans le Temple même les Pontifes Juifs ne
portoient ces habits que pendant le fervice.
©efcriptioa 3- Aprés fuT le roquct de pourpre ou d'hyacinthe on mettoitrEphod,
dei'Epaod. (3ont la dcfcription eft fort diverfe félon les difFerens Auteurs. On
appelloit aufii Ephod les chemifettes ou chemifes dont nous avons parlé
T. Sam. ci-defTus , qui eft le fécond ornement des Sacrificateurs. Samuel étoit ceint
*• ^«- d'un Ephod de lin, ôcil eft dit que Saiil tua 80. enfans d'Ahimelec por-
I2. li.' tant l'Ephod de lin. C'étoit un ornement des fils des Sacrificateurs ôcdc
ceux qui fe confacroient à Dieu, femblable à l'Ephod de Moyfe, ou plu-
tôt c'étoit ce qui eft appelle n):n'2 tmk* les furplis ou chemifes. C'eft
j.chton. ce que David porta devant l'Arche : Ligtfoot dépeint ainfi l'Ephod du
ii-i7. Souverain Sacrificateurs c'étoit, dit -il , une efpece de grand vol-,
le de pourpre tilTu d'or , de cramoifi ôc de fin lin , qui pendoit par derriè-
re jufques au talon. Il occupoit la largeur depuis une épaule jufques à
l'autre ôc revenoit prendre par deffus les épaules, en fe partageant en deux
pièces, afin que la tête fût entre les deux , & cela pendoit par devant juf-
ques environ la moitié de la poitrine. Ce qui rend cette defcription vray-
femblable c'eft que le mot Tfiî< vient du verbe "»t? , couvrir. Ainfi l'E-
phod devoit être une couverture : Or véritablement comme les autres dé-
peignent l'Ephod, ce n'étoit pas une couverture.
Ces épaulieres félon Ligtfoot venoient s'attacher à la ceinture par de-
vant: fur chacune des épaulieres de l'Ephod ii y avoit une piaTC d'onyx
ou de beril, ôc fur chacune de ces pierres étoient écrits les noms des dou-
ze tribus , fix noms fur l'un & fix fur l'autre, cela faifoit vingt-cinq lettres
fur chaque pierre, ôc pour faire ce nombre jufteon ajoûtoit le nom de fofeph
qui y étoit écrit f]DXT à ce que difent les Juifs. Ces pierres étoient enchallees
dans de l'or fur les épauHeres. Jofephe lib. 5.12.. dit que la pierre qui écoit
fiir l'épaule droite brilloit d'une manière extraordinaire 6c commençoit à
fe faire voir aux plus éloignez, auffi-tôt que le Souverain Sacrificateur com-
mençoit le fervice, ce qui pourroitbien être faux. Cet Auteur a fes fables
aufîi bien que les autres Juifs : témoin le fleuve Sabbaticus du liv. 7. de
la guerre des Juifs.
A ces épaulieres il y avoit des crochets d'or, où venoient s'attacher des
chaînettes d'or, qui s'alloient rendre aux deux coins du Peéroral qui étoit fur
la poitrine. Les autres Auteurs , 6c même i'Exode, ne parient point de ce
voile
zz
ET DES CULTES DE L'EGLISE. PartAL 27^
voile derrière le dos, ôcne nous dépeignent l'Ephod, que comme deux
bandes & une ceinture, qui prenoient depuis les épaules jufques au milieu
du corps 5 c'eft ainfî que le dépeint jii^um Juif converti. Mais Jofephc l'a
comparé ^ritcamca epomiM, à une cafaque à la Grecque, & par conféquent c'é-
toit une couverture des épaules. 11 Tappelle %^x^Jciî'oç eubitalis d'un pied &
demi, il làloit donc que ce fût un vray manteau ; 6c là-même il dit qu'elle
étoit fournie de manches comme une tunique. Maimonides dit cela même
çnjîon '•Va cap. 8. fa defcription ell celle de Ligtfoot & s'accorde avec Jofephe.
4. Enfin le plus augufte ornement & le plus myftericux étoit ce qui
s'appelle pi'in en Hébreu , ce que Jofephe tourne hoyiov le Rmond^ les Jofephe .
nôtres le PeUord. C'étoit une pièce de quatre doigts en quarré feule- ^"jà'J; ^
ment , qui s'enchaflbit dans l'Ephod , lequel Jofephe i'Hiftorien nous re-
prefente comme un tiiTu continu, & qui laiflbit ouvert au milieu de la poi-
trine un efpace de quatre doigts de large , où s'enchafibit ce Peétoral ou
Rationalj ce Peéloral étoit double, tellement qu'il faloit qu'il eût deux pau-
mes de longueur, ce qui étant mis en double, lailbit un quarré d'une pau-
me ou de quatre doigts. Le fond étoit d'or , d'hyacinthe , de fin lin re-
tors & de pourpre tiflûs enfemble -, fur quoi étoient appliquez dans des
chatons d'^or douze pieiTes en quatre rangées, trois àchaquc rangée à con-
ter du haut en bas. Dans la première rangée ou la plus haute ^ etoient
I. une fardoine, une topaze, une émeraude. 2. A la féconde une efcarbou-
cle,, unjafpe, un (àpphir. \. A la troifiéme un ligure, une agathe , 6c
une amethifte. 4. Et à la quatrième une chryfolite , un onyx 6c un.
beril. Sur ces douze pierres étoient écrits les douze noms des tribus : les
Juifs ajoutent du leur que les noms des 3. Patriarches, Abraham, Ifaac 6c
Jacob , y étoient auffi , & outre cela ces mots X^^'W'^ ^Dau> , Tnbm fnfli ^
les tribus du Julie , ou les tribus d'Ifraël. Ce Peéloral étoit attaché aux épau-
lieres de l'Ephod par àts chaînettes qui tenoient par en haut à des agraffes
d'or, 6c par en bas à àcs boucles d'or attachées aux coins du Peéboral en
la partie fuperieure. Et dans la partie inférieure de cePcétoral il y avoit
encore deux autres boucles d'or, où entroient deux cordons tiiTus d'hya-
cinthe qui alloient prendre par deflbus les bras, pour fe lier 6c s'attacher à
l'Ephod parles cotez. Jofephe décrit un peu difcemment ces deux cor-
dons, car il fcmble que ces cordons, qu'ils appellent chaînes, remontalFent
tout droit vers le cou, la defcription en eft obfcure.
Voici donc tout rornement du Sacrificateur: premièrement il avoit la cecy favori^,
tiare ou mitre fur la tête faite comme nous l'avons dépeinte. lofepHe dit^f°" '^"*'"
que fur le bonnet ou mitre etojt une couronne a trois étages, ayant de pe- ncduPaBc
tits vafes faits félon la figure du fruit que porte l'herbe que les Grecs ap-
pellent voffvivaihoç. Ces fleurons en forme de coupe d'or étoient tout à l'en-
tour, excepté au devant, dit Jofephe, où étoit la lame fur laquelle étoit écrit
Exod. 29. 7. Sainteté â l'Eternel. On lit dans la Loy r» pofiras la couronne fn.-
crée fur la tiare ^ mais cette couronne fàcrée n'eft rien que la lame d'or qui;
paroillbit au devant comme un diadème. ïl n'eft point parlé de cela dans la.
Loy : Il faloit que cela eût été ajouté du tems des Afraonéens , quand la^
Royauté 6c la Sacrificature furent conjointes. Sur le corps îegrand Sacrifi-
cateur avoit les brayes ou caleçons depuis la ceinture en bas, fur les caleçons^
kchemife ou furplis étroit qui alloit jufques aux pieds: cette chemife étoit
Tan. Il Mm de
tu_ HISTOIRE DES D OG MES
te gtini de lin pur &c blanc. Sur cela il revétoit le S>];o le Roquet qui étoitd'hya-
jÎ"'^J""^ cinthcôcde pourpre , d'or &c. ilpendoit par devant 5c par derrière tout
wintmes. d'une piecenon coufu par les cotez: cc au basétoient les grenades Se les
• clochettes. Sur le toutétoitl'Ephod, petitmanteauàlaGrecque,quicou-
vroitle corps principalement par derrière. Au milieu de l'Ephod ^ur la poi-
trine étoit leRational., &: fur tout cela il y avoit une ceinture large de 4,.
doigts 5 6c dont lebout pendoit pardevantjufque en terre, c'eil ce que l'on
fS^oi-zg.?' â'ppQlle y le ceinturon exquis de l'^Èphod. Nos Interprètes le diltinguentdefci
ceinture 5 comme (î la ceinture ou baudrier eût été l'urlefurplis, & fous le
ch.zs.g. & Roquet oul'Ephod. Par le paflàgede l'Exod. il iembîe que le' ceinturon
exquis, &: le baudrier fufTent la même chofe. Ainfi le Grand Sacrifica-
teur n'auroit eu qu'une ceinture fur tous iks habits. Mais il paroit par
le Levic. que nos Interprètes ont raifon : car Moyfe en revêtant Aaron
luy ceint la camifole du baudrier, puis met le Roquet de pourpre 6c Î'E-
phod, êc fur tout cela le ceinturon exquis de l'Ephod. Ainii le Souve-
rain Sacrificateur avoit deux ceintures, la première ou celle de defibus ne
fe voyoit pas, Jl reile une pièce importante dans cet ornement du Sou-
verain Sacrificateur, qui fe mettoit dans le Pe£toral , & c'eil Urim 6c Thum-
.iS.îo. mim. T^ mettrai au ^eUord Vrim & Tht-iwmim.M&is.cela. mérite un cha-
pitre à part.
i9. s.
tevitiquc
çbap. 8. V. 7.
CHAPITRE
D^Urim & Thummim.
fttraittt
qaefiion
touchant l'u-
fage d'Urim
& Thuin-
î5«ift«îon,
?î. 8.
St.
Voyez î,
Sam-iî. V.
as.y. 2.Sam.
XI. 2. Chroi.
S. 19.
.1».
A feule chofe certaine en cette affaire , c'efi: qu'Urim ôcTîîummim
étoit un des moyens que le ciel avoit donné à ïfraël par lequel on
pouvoitconfulter l'oracle de Dieu, pour fa voir ce qu'on avoit à faire
dans les évenemens douteux. C'eft à mon fens la raifon po?jr laquelle
ce Pedoral eft appelle , le PeBoral de fugement KiSï'On , ÔC rVrim , c'ed-
à-dire , la règle ôc la lumière qu'ils dévoient confulter : Que ce fût
un moyen pour tirer réponfe de Dieu quand on vouloir être inilruit d'u-
ne aflfàire douteufe , cela fe voit par le chap. 2.7. 21 . des Nomb. Oui Dieu éta-
bliffant Jofué pour fuccefleur de Moyfe, dit. Et tl fe prefentera devant Siea*
zar le Sacrifie atmr , & rinterrogera^ éfi'-mn lùm^m ^ (tlon la règle d'Urim,
OU par le moyen d'Urim. On rapporte à cela même ce que dit Moyfè
en fon Cantique T'^lï^^ l'^f^ *î"i^Bn li'^K'? ifi^^^ & intégrités tua viro fan^otm^
c'eft-à-dire , pour le Sacrificateur qui eft coniâcré : C'efl de cette interroga-
tion par Vrim qu'il faut entendre le premier verfet des Juges. Les enfans d'If-
raël interrogèrent V%x.Qrnt\'!]piiefi'ce qui monter t^i^ au 20. du même livre dans
Talfaire de la guerre des enfans d'Ifruël contre les Benjamites. Dieufutcon-
fuite plufieursi'bi^ par Urim. David a plufieurs fois confulré Dieu de cette
maniere.Saul vouloit auffi confulter parUnm,quand il dit à Ahia ou Ahimelec,
approche l'Arche &c. Dans le i . Sam. ch. aS. f . 6. nous lifoas que Dieu ne
BT DES CULTES DE UEGLÎSE. Tart.U. ijf
répondit rien à Saul,ni par fonge!>,ni par UriiUjoi par les Prophètes. Il y a fuf-
lilàmment de preuves de cette vérité , dont tout le monde demeure d'accord.
Mais excepté cela tout eft incertain, i. On demande ce que c'étoit s«onde
que ces Urim & Thumrnim que Moyfe reçût ordre de mettre dans le J"^^J°".*-.
Pedoral. Les veriions ne nous donnent aucune lumière là-defllis : Les toit que c«w
70. ont tourné ^yjKmig nû ùK^èsia , èc dans le 3. d'Hoiee, ils ont mis ^^iXoT ^""''
fîmplement,c'eft qu'ils ont eu égard au fens plutôt qu'aux paroles : Et leur
{êns eil que c'étoit unmayende mettre au jour la vérité. Aquila a tourné
0a}ri(riJi,ûG v-uï rf^é^W/ç, c'eft mot à mot une verfion de l'Hébreu. LaVuIgate
&tourné,DoSrma & veritâs^ ces mots lignifient préciféraent lumière & perfec^
m/?. J'eilime quec'eft un èvlicilvoTv^^^sàtvc ^^.pi^Qddon^^^om parfaite Inmiere^
c'elt-à-dire parfaite veritéj parce que les oracles de Dieu font la vérité même,
2.. Il y a là-deiTus diverfes conjeélureS) la première c'eft que les Urim
étoient le nom (l&T>icu fehova ^ ou écrit en diverfes manières par la tranf-
polîtion de ces 4. lettres nin^' ou joint avec quelques autres noms de Dieu,
& que cela étoit mis dans la doublure du Pe61:oral. La féconde ell qu'on
n'en fait rien5.c'efl l'opinion de Rabbi Kimchi.
La 3™«. & la plus fauiîe, qui même eft fcandaleufe, c'efl celle deSpen- spencerHa.-
cerus, qui dit que PVrim étoit la même chofe que les Theraphims: quec'é- ^<=|^g'5ju*
toient des fimulacres dont on fe fervoit pour deviner ôc rendre des oracles; DifTemt! 7» ■
que ces fimulacres dans l'Urim dévoient être petits , parce que la doublure ^^^^"
du Peétoraî, où ces fimulacres dévoient être placez 5 étoit un petit efpaee
qui ne pouvoit pas contenir une fort grofie image. Ces images fatiMqties
étoient le moyen par Lecjuel Dieu^ ou un Ange pour lui^ répondait aux cjnefi ions
au Sacrificateur en lui apprenant ce qu^ïl àevoit faire ^ ou ne pas faire. Il n'y auroit
rien eu de plus payen& de plus magicien que celai Dieu, qui fous des pei-
nés fi exprefîes avoir défendu l'ufage des fimulacres , ôc particulièrement de
ceux par lefquels le démon rendoit fes oracles, auroit autorifé ces images,
en les introduifantdans fon Sa-nétuaire, & dans l'inflrument le plus facré qui
fût dans fon fervice. Ce font là des prodiges d'imagination, & des licences^ ,
qui font voir àquel point monte la hardiefie des écrivains d'aujourd'hui^Spen-
cerus, & Marshamus en ibnt deux notables exemples. Ils veulent que le cul-
te Mofdïque foit une imitation du culte des idolâtres prefque par tout. Cent
fois nous avons été tentez de réfuter dans les formes cette étrange Théologie,
mais des occupations & plus importantes ôc plus necefiaires nous en ont em-
pêché.
Je ne faurois pourtaiit m'empêcher de dire un mot ici en faveur du Hoféech. 1;
texte, qui eft le feul .fur lequel Spencerus s'appuye avec quelque om~ '*'^"
bre de probabilité. C'eft celui-ci, tiré du Prophète Hofée, Tu demeu-
reras t'' an en dama moi- pltifieur s jour s ^ & ne feras a aucun mari &c. Car les
erfans dVfrael demeureront plufeurs Jours fans Roy & fans gouverneur ^ fans fa-
€mfice (^ fans Jfaîti'é ^ fans Ephod & fans Theraphims. JUais après cela les enfans
dl/fraèlfe retourneront & chercheront PEternel leur Dien & David leur %£y. .
Spencerus prétend que l' Ephod ècles Theraphims font ici la même chofe, 6c
que le Prophète fignifie que cette nation feroit privée des oracles d^Vrim ■
&: Thummtm. Je ne fai combien de bonnes chofes onnepourroit pas di-
re pour réfuter cette méchante vifion : félon laquelle la nation des Juifs -
ne feroit pas hors d'efperance de revoir leur 'Urim-. puifque le Prophète ne
lésa menace de les en priver que durant quelques jours , ou plufimrs jours.
Mm- 2,-- li
ty6 HISTOIRE DESDOGMES
Il eft plus clair que le jour que ce texte eft une parfaite defcrip-
tion de l'état où eu. aujourd'hui cette nation depuis la deftm^on de leur
Temple. ¥jt\Q(tnstù: ^ ijohs demetirerez. comme fam Religion^ n'en ayant
ni de faufle ni de véritable, point de culte, ni idolâtre ni autre , point
L» ïLeligioQ d'oracles ni faux ni vrais : Car la Religion de Moyfe , à laquelle les
des juif» Juifs foat profeflion de fe tenir , n'eft point faufle puifqu'ellc a Dieu
d'iir^" pour Auteur. Elle n'eft point véritable , car Dieu l'a abolie i ÔC d'ail-
n'cft ni fauP- îe^j-g ^[ ayant plus ni Temple ni terre fainte , la Religion des juifs ne
taWe, peut pas être coniideree comme iubliltant encore. Car on ne lauroit plus
rexeraer puirqu'elle coniîftoit en cérémonies qui ne fauroient plus avoir de
t lieu. Vous demeurerez fans Roy &f>ms Gouverneur. Car les Juifs regardent
tous les Princes du monde fous lefquels ils vivent , comme des tyrans &
des ururpateurs: Sam fnaifices & fans fieums. Sansvray culte ni feux culte,
point dt facrifices : cxï les Juifs n'en font aujourd'hui ni n'en peuvent faire:
point défiâmes: point de culte idolâtre} car les Juifs ont en abomination
tous lesâmuîacres&les itatuës. En^n fans Sphod, fans Vrim^ fans vrais
oracles5mâis auffi fans Theraphims , fans images fatiài^nes ôc magiques , pour
deviner & rendre des oracles , parce qu'en effet les juifs privez de leurs ora-
clesj de PVrim^des viftons^ de l'efprit de Prophétie ,^ du Bat h koi^ demeurent
k cet égard dans une abfoluë privation de tout moyen d'être inftruits des
volootez de Dieu, que par les écrits des Prophètes ; on voit clairement ici
quatre antitkefes que fait le Prophète, i. De l'anarchie d'aujourd'hui où
font les Juifs, z. Du culte idolâtre , qu'ils abhorrent , ôc du vray culte
dont ils font privez. 5. Des Sacrifices qu'ils n'ofent plus pratiquer, oppo-
fez à ces criminels Sacrifices qu'on oifroit aux flatuës. 4. Des vrais ora-
cles rendus par i'EphodScpar^"L^'-/»2,oppofezà ces faux oracles quiiè ren-
doient par les figures magiques des Theraphims. Il n'y a qu'à produire la lu-
mière de la vérité pour mettre en fuite ce menfonge. Ainfl le véritable fens
du Prophète orée, mis au jour comme nous venons défaire, renverfe toute
cette vaine pompe de littérature humaine, que Spencerus étale avec tant
d'aîfeétation. J'efpere que le public trouvera nos conjedures fur les The-
raphims, telles que nous efperons les expliquer dans la troifiéme partie de cet
Ouvrage , beaucoup plus raifonoabics que celles de ce favant Anglois.
La 4""' & la plus vray-fèmblable , eilque Unm & Thummim n'étoient
rien autre chofe que les pierres precieufes du Peéloral. C'eft l'opinion at-
c«p.'s©. tribuée à Rabbi Hazarias in meor Enaim. Bi a Wuius prétend que Rabbi Ha-
zarias croit qu'effeétivement ces deux mots Vrim & Th%mmim mis dans le
Yoîicspâ- fac du Peétoralétoient l'Urim. Hazarias eft peu fuivi par les Hébreux, mais
fjgj^*' il l'eil beaucoup par les Chrétiens : C'eft aufîi à mon fens la penfée la plus
vray-ferablable» Brentius dans fbn Commentaire lur l'Exode l'a fuivic.
Vatable & Fagius rapportent les paroles de Brentius fans le nommer, ôcles
approuvent: leurs raifonsfont, que Moyfe en rapportant fidèlement la def-
cription des habits Pontificaux , comme elle avoit été ordonnée de Dieu Ex.
2.8. ne fait plus dans la fuite mention de Wnm^ que Dieu lui avoit com- '
mandé de mettre dans le Peéloral, il ne parie que des pi erres, preuve que
rUrim ôc le'ss pierres precieufes font la même chofe : car il n'auroit pas oublié
la principale pièce, favoir rUrim. 2,. Déplus Moyfe, qui eft il exaét à dé-
peindre les autres parties des vétemens facrez, bien moins importantes, ne
ET DES CULTES DE L'EGLISE. Part.ll. ijj
dit pas un mot de celle-cy. Il n'eft pas apparent qu'il l'eût négligées Ainlî
cet Vrim n'efl rien que le Pedoral même , dont il a fait la defcription.
3. On doit remarquer au ffi que fouvent Urim&Thuramim fontdefîgnez
par le nom d'£/>/7o^, Hoféej. Voidles jours viennent ^dyc, que les enfuma'* If'
raël demeureront fans Ephod& fans Theraphims. Et l.Sam. 50.7. David dit à
Abiathar, mets l'Ephod, pour dire, confulteUrim. Ce qui fait voir qu'U-
rim n'efl: rien que cette notable partie de l'Ephod, qu'on appeiloit lePeélo-
ral. 4. Les noms fX'Vrim & de Thummim font évidemment alluiîonàla
nature de ces pierres precieufes, dont le propre eft d'être lumineufes, />«-
res^ entières & faines ^ &c. Cette opinion eft celle de Jofêphe, qui nepar- Jo^^phe
le point d'Urim, mais feulement des pierres par lefquelleson connoiflbit cap/8l'84»*"
les chofes futures j comme Juif, comme ayant vécu fous le fécond Tem-
ple, comme Sacrificateur, ôc comme plus proche.de la tradition qu'au- ^.^
cun Auteur Juif, il ea doit être plus crû. C'eft auffi l'opinion de Phi- vita Mofis,
Ion, ScLib. a. de
__^ îi4on3rcciiir
On peut donc fbrtir alfez heureufement de la difficulté précédente, mais Troifiéme
en voici une plus grande : comment Dieu rendoit fes oracles par le Jo^°nè
moyen de ces pierres j Encore que tous ne conviennent pas , que les pierres Dieu ke-
& Vrim fufîènt la même chofe , cependant la plupart conviennent , que J°g ^*' °'^'
pat
les oracles fe rendoient par le moyen des pierres 6c des lettres gravées qui Urira.
étoient deflus. Quelques-uns veulent que Dieu fit entendre une voix au Sou-
verain Sacrificateur. Mais cela ne s'accorde pas avec ce que difent les au-
tres Doéleurs , ç^n'Vrim & Thummim tenoient le milieu entre Felprit de Pro-
phetie,& Sip m Bath kol, la fille de la voix,qui demeura dans le fécond Tem-
ple , car fi on eût ouï une voix , il femble que c'eût été la même chofe que
Slpna, La plus commune opinion eft, que les pierres fur lefqueiles étoient
gravées les noms des douze Tribus, avec les noms d'Abraham, d'IfaacSc
dejacobjôc les mots p'Tia'^ ♦D2Jf ajoûtezpour achever les 24. lettres de l'al-
phabet, fervoient à rendre^es oracles. Jofephe dit, que les douze pierres bril- jofepke &«
loient avec une force extraordinaire , quand les Ifraëlites devolenr gagner Liv-î-Aa-
la viâoire, Se que c'eft ainfi que l'on connoiflbit lefuccez àç.s affaires: La ^^'^
fplendeur fignifioit le bon fuccez , & l'obfcurciffement le mauvais fuc-
cez.
D'autres difent , que les lettres qui étoient neceflaires pour faire la réponfe,
fe levoient au deflus àts autres : comme quand les Ifraëlites demandent,
ainfi qu'il eft rapporté au premier chapitre des Juges, ^uiefl^ce ciui montera.
le premier ? L'oracle répond fuda montera, le mot min* écrit fur l'une des
pierres, feleva & brilla : cnfuite ces quatre lettres n, S, y, », fortirent des jud. le.
quatre autres pierres. Kimchi dit que l'efprit de Prophétie révétoit le Sou-
verain Sacrificateur. Et c'eft ce qu'il y a de plus apparent , quelquefois
on joignoit le fort avec 'L'r/V» pour plus de certitude: c'eft ainfi que félon la
tradition des Juifs la terre de Canaan fut partagée. On confultoitUrim,
il difoit, un tel lot pour une telle Tribu , eniuite on tir oit le fort; c'eft ainfi
que Sâul fut choifi par Samuel 3 c'eft de cettç manière que fut découvert
Achan.
Brawnius croit qu'on ne confultoit Urim que dans le lieu Saint -, mais ce- ^g^J'jJ'^j^
la n'eft pas apparent: Abiathar dans le défert confultoit pour David, 2. le 3n^intcrr<^
confukant fe tenoit derrière le Sacrificateur qui confultoit. Or un Laïque gco^Wç^
Mm 5 n'ofoiji
Cinquiems
queftion ,
quiavoitle
dioitde
confultcr
Dieu, Se de
îcvérir TE-
M î S T G î R E D E S D O G M E S
n'oloit entrer dans le lieu Saint, il elt donc plus vray-femblable, que Ton
confultoit cet oracle en tous lieux. . C'eil que par t©ut où l'on pouvoit avoir
FEphod & le Rational , on pouvoit auffi coniulter l'oracle j comme il pa-
roît parce que David, dans le defert,, confultoit l'oracle par le moyen d'A-
biathar : lequel en s'enfuyant de devant Saiil, quifàifoit tuer lesmâlesdc
îa maiion de Ton père, emporta l'Ephod avec foy dansledéfert. , Et nous
avons divers exemples dans l'Hiflon'e Sainte ,. comment au milieu des Ar-
mées 5 ils confultoient l'oracle par l'Ephod,. On peut demander ii on fe
preientoit devant l'Arche pour confulter cet oracle par Urim & Thum-
mioT? QLîsnd l'Arche étoit dans le lieu Trés-Saint, ileft certain qu'on
ïi'cn approchoit pas pour conftikerUrimôcThummim , car on n'y entroit
qu'une fois l'an, au jourdes Propiiiacions. Et même dans cette fête des
Propitiations , le Sacrificateur ne portoit pas l'Ephod Se le Pe6loral: Ce-
pendant li F Arche étoit dans le Tabernacle , il y a apparence qu'on fe
tournoit du côté de l'Arche. Mais quand l'Arche étoit cidiors à l'Armée,
r. Sam. 1^, il femble qu'on fe prefentât devant l'Arche même. Car Saùl voulant favoir ce
qu'é.toit devenu Jonathan jdit au Sacrificateur ^approche l'Arche de D/>//,ôcc.
Cekiy qui confultoit l'oracle & revétoit l'Ephod devoit toujours être Sou-
verain Sacrificateur , & non autre. C'eft l'opinion confiante de tous les Juifsj ,
ôc cela eft allez prouvé j parce que Dieu met le Rational ôc l'Ephod en-
tre les habits particuliers aufeul Souverain Sacrificateur. Aquin prétend
que Samuel a eu le privilège depouvoir vêtir l'Ephod ,& de confulter Dieu
par X^//»? j cela eft faux. Il eil vrai qu'on revêtit Samuel d'un Ephod^,
mais cet Ephodn'étoit qu'une velle à la manière des Sacrificateurs. C'efi:
auffi une grande erreur dans Cunjeus , de croire que lesRoiseufîêntle pour-
voir de vêtir rEphod,ôc de confulter eux-m.êmes roracle,^ cela fondé fur ce
que.David dit àAbiathar, donne moy l'Ephod. 1. La bevûeeil étrange poui%
un hom.me auffi favantqu'étoit Cunaeus j car David n'étoit pas encore Roi,
ÔC quand ç'auroit été le privilège des Rois,, il n'auroit pûenjoiiir. 2.Quelle
apparence qu'il ne fût pas permis aux Rois de mettre la main fur l'enGenloir, .
comme ilparoît par Hofias , qui fut frappé de lèpre pour l'avoir entrepris, &
qu'ilseuiîènt pu revêtir le Pectoral , ce qu'il y avoit de plus faint dans le culte
Leviîique ? Il faut donc interpréter comme a fait nôtre verfion ^prens l'Ephod^
confulte pour moy. Il y a plus de difficulté fur ce qu' Abiathar confultoit l'O-
racle pour David,, n'étant pas Souverain Sacrificateur, , On peut dire qu'il l'é- ■
toit, parce que fon père étoit mort, ,& qu'il étoit le feul reilé, ainfipar
droit de fucceffion il étoit revêtu de fa dignité.. Il eil vrai qu'on peut ob-
jeéler, que la feule naifiànce ne donnoitpas le droit de Sacrificature : Ou-
tre cela qu'il faloit être oint ^ôc inftallé j maison peut répondre, qu'A^
biathar étoit oint dés la viede.fon père , par furvivance , .& pour être fon
Vicaire , auiîî le Seigneur dit 3,. que David mangea les pains de Proppfition
fbus Abiatharj .cependant c'étoitifousAhimelec, comme cela fe voit i . Sam.
2, î . ï . Mais en cela il n'y a nulle faufieté, ni aucune inexaélitude , p^rce qu'A-
biathar étoit le grand.Vicaire de, fon père.
Les Juifs difent que cet oracle ne le confultoit que par le Roy, par
avoit droit celuy qui s'appelloitpi n^3 aï?,; c'eft-à-dire , le {hef de. Wfpiftke^ .&: par le
*^°Jlïï^^§^"^^^^^"'^^^i""^- C^^^ veut dire, que cet oracle divin ne fe mettoitpasà
tous les jours , & qu'on ncie confultoit pas.pour les affaires des particuliersi
mais
Jud.lib. î.
7, Sam, 3P
M«e= â., a(5>
Sisieme
queft!on,C|ul
€« Oîaclc,
ET DES CULTES DE VE G LISE, Part, IL 279
mais pour les affaires qui regardoient le public. David, qui du tems de
Saùl nétoit pas Roy, ne laifîbit pas de confulter l'oracle par Abiathar.
parce qu'il s'agiffoit d'affaires trés-impo'rtantespour la nation.
Lesjuifsditent, queles réponiesdccesVrimècThummim étoient irrevo- Septième
^^cablesjau lieu que les Prophéties fouvent le revoquoientjcomme il paroît par c« orTcîes^
-celle de Jonas contre les Ninivites, & celle d'Efaye fur la maladie d'E- etoicnt !«€■<
'Xechias. Au lo. des Juges , il femble que cet oracle ait deux fois abufë *°'^*''^®*^
les enfans d'Ifraël dans la guerre contre les Benjamites : Ils confukerent
'l'oracle par trois fois , n^nterai-je -pour combattre contre mon frère} l'oracle ré-
,pondic, monte ^ & cependant les deux premières fois ils furent battus. On
répond, qu'aux deux premières fois ils ne demandèrent point, les livrer as-
tu en ma main ? mais iimplement, ^ut efi-ce ^ni montera ie premier} 6c à la
féconde fois , monter ai-je contre mon frère ? Dieu leur répondit félon ce qu'ils
demandoient , fnda montera le premier , & à la féconde demande , monte.
Mais à la troifiéme fois Dieu leur promit ia- viéloire, ce qu'il n'avoit pas
fait les deux premières fois.
Voicy comme Maimonides dans le Traité îi'ipan^Vs cap.uk. décrit la Humemis
manière de confulter l'oracle par Urim. Le Sacrificateur revêtu de l'E- de hmaiW
phod, fe tournoit du côté de l'Arche fe tenant debout. Celuy pour quion ^^'^JJ'^?'^
confultoit l'oracle , fe tenoit juftement derrière le Sacrificateur, Se faifoit roracie.
les queflions à voix baffe , non pas mentalement } mais en parlant bas com-
me quand on prie tout feul. D'Aquin tout au contraire dit, que le con- ^jj^y^^o
fultant 5 au lieu d'être derrière le Prêtre , étoit devant luy , & le regardoit en
fàce,à caufe de ce qui efl dit à Moyfe & il fe tiendra devant Eleaaar^ &c. Ce- Nomb. *?.
îa n'eftpas apparent, autrement luy-même eût vu les lettres du Peéloral,
& la réponfe , cependant un Livre intitulé Jalekut femble favorifer d'Aquin.
Pour obtenir réponfe de cet oracle, il faloit que le Sacrificateur, 6c ce- seconde ofei
luy qui confultoit,f uffent in cafto , ne fuflent point en coulpe de péché mortel. "^ ^^^
Au regard deceluy qui confultoit , cela fe voit par deux exemples remarqua-
bles ; Le premier fe trouve dans le u Livre de Samuel . c. 1 4. v. 37. parce que
r Armée etoit en coulpe, à caufe que Jonathan5Contre le ferment d'exécration
de Ion perc , avoit mangé du miel, l'oracie ne rendit pas de réponfe, ôcSaiil
connut par là qu'il y avoit un péché dans l'Armée. Le fécond exemple fe trou-
ve dans le même Livre ch. 28 . 6. où il efl dit que Dieu ne voulut pas répon-
dre à Saiil par Urim , parce que Dien l'avott rejette a cauji de fa révolte. A l'é-
gard du Sacrificateur , cela étoit apparemment encore plus neceflaire , & les
juifsdifent que quand le Sacrificateur ne donnoit pas de réponfe par Urim,
on le dépofoit parce que c'étoit une marque que l'ei'prit de Prophétie ne re-
pofoit plus fur lui : ôcils concluent cela, je ne fai comment ,dui. Sam. ch.
îf. & de l'Hiftoire de la fuite de David de devant Abfçalom , parce
qu'onylit.qu'Abiatharvint le dernier après le peuple, & que David dit à
Tfadock, tft es le Foyant: ils difent qu' Abiathar n'ayant pu répondre par
Urim, fa charge fut donnée à Tfadock , parce qu'il fe trouva n'avoir plus '
refpric de Prophétie habitant en luy.
Au relie c'efl une afléz grande queflion, favoir fi ces Urim & Thum- Neuvième
mim étoit dans le fécond Temple: C'efl l'opinion univerfelîe des Juifs £s'^u'^®
qu'ils n'y étoient pas: Ils les content pour une des cinq chofésqui mao- duré cet
^uoient dans la féconde maifon, i. l'Arche 6c les Tables de la Loy, ^^^''^^
%, le
î8o HISTOIRE DES DOGMES
%. le feu facré, 3. l'huile d'on6lion, 4. Urim &Thummim, 5. refprie:
de Prophctie. Les autres ajoutent ™^^ laprefeneede L'EfpritdeDieuj,
mais c'ell la même chofe que refprit de Prophétie , c'efl pourquoi il vaut
mieux mettre l'huile d'onâiion pour une de ces cinq ehofes ,, qui manî-
quoientdans le fécond Temple, Difons plutôt que toute la vertu, de pro-
ïaod» 1 phetifer procedoit de l'Arche, Scdes Chérubins,, car Dieu avoit dit , /«
parlerai a toi an militU' des Chérubins. C'eft pourquoi ceux qui eonlul:-
toient Urim fe tournoient vers l'Arche. Ainfi l'Arche ayant été confur
mée, Urim n'avoit plus de vertu dans le fécond Teniple..
Les Juifs quieftiment que cet Urimétoit le nom de Jehova , mis dans le
double du Peétoral, croyent que le vrai nom de Jehova , & fa pronon-
tiation ayant été ignorée fous le fécond Temple , l'on ne pouvoit avoir
cet Urim& Thummim, dont toute la vertu divinatrice étoit dans la vraye
Cap. 1». pronontiation du mot de Jehova. L'opinion de Maimonides eft la feu»*
le véritable , il dit , ils firent fotts la féconde Maifon Vrim & Thummim j,
n^3 7n ^^/^ 11^ „g donnoient pas de réponfe. Cela même fe lit dans k Gemara du;
nTna premier chap.du God. Joma. Ils avoient ZJrim ç^ Ihummim , autrement
le SoHveratn Sacrificateur n'eut pas eu tous les vétemens facrez^, mais ils ne
donnoient pas de réponfe k ceux e]ui les confultoient.. Cet Urim n'étoit riei^
autre chofe que lePeétoral comme nous avons vu, or ils avoient ce Pec-
. •. •» toral , comme ïofephe le témoigne. Mais ce Peétoral ne donnoit plus l'efprit
Lib.j.cap.s». de Prophetic qui S co ctoit aile. L opmion a Outramus clt Imguliere, que
de^sàctif.'*" Ui*im 6c Thummim ne donna plus d'oracles depuis que le peuple ayanc
rejette la Théocratie ou le Règne de Dieu , la puifîance Royale fut atta-
chée à la maifon de David. Car encore qu'il n'en foit pas parlé danslafui^
te , ce n'eft pas une preuve certaine que la chofè ne fût plus,
ïjepuis I» On ne peut nier que ce ne foit une chofe étonnante ,.que depuis la mort de
™?" ^^, a Saiil il n'eft plus parlé de Urim Se Thummim dans l'Hifloire des Rois. Quioi^
plus fait ^ que tant de fois il foit parlé des Rois , qui ont confulté les Prophètes , pour far
mention yQJj. qq qu'ils avoient à faire: Peut-être negligea-t'on de le confulter, par-
Thu'rMnim. ce qu'on eut des Prophètes vivans durant tout ce tems-là. Ou bien com»»-
me cet oracle étoit le direéleur de la Théocratie, quand le gouvernement
devint Monarchique , Dieu voulut que le peuple fût gouverné félon là vo-
lonté des Rois. L'efprit de Prophétie cefTa dans le fécond Temple. Ce-
pendant il eft à remarquer que cet efprit de Prophétie demeura encore fur
les commencemens de la féconde Maifon après la captivité. Car Efdras ,,
Aggée, Zacharie, Malachie, étc^ent Prophètes. Et les Juifs difent que
cet efprit alla toujours en diminuant , ôc ne cefTa abfolument que du..
temps de Simeon le Jufte , qui étoit le dernier , ou le ii,"»*. de la.
grande Synagogue, i. Ce Simeon le Jufte étoit le deuxième après jaddua,
qui vivoit du temps d'Alexandre le Grand, ôc qui vint au devant de lui..
Ce Simeon eft placé par Cappel en l'an 3700; du monde environ 300.-
ans devant Nôtre Seigneur Jefus Chrift,prés de zoo. après le retour de
ia captivité. Il n'y a guère d'apparence qu'il peut y avoir un homme
fi vieux en ce tems-là. Car il eût falu qu'il eût eu prés de deux cens ans
pour avoir été de la grande Synagogue ,. dont Efdras avoit été , félon.
les Juifs, & Tinftituteur, oc le chef. Il y a apparence que c'eft ce
Simeon dont l'Ecclefiaftique fait l'éloge, Drufius au i f.Livre de fes obferva-
tions.
ET DES CULTES DE UEGLISE, Part.lL 281
tîons cap. i^. rapporte qu'Alexandre venant au devant de Jaddiia , il lui
demanda qu'il confultât pour lui fon Dieu, & que Jaddiia lui répondit,
que depuis que les vaifleaux du Temple avoi^nt été traniportez en Baby-
lône , on n'avoit plus Urim & Thummim. Il tient cela de Jofephe fils
de Gorion ; cch ne s'accorde pas avec ce que difent les autres Juifs, de
Simeon le jufte, qui fut félon eux petit- fils de ce Jaddiia : car fi on les
en croit, fous Simeon il y avoit encore quelque efprit de prophétie. Or
ce ne pouvoit être que par Urim -, car ils n'eurent plus de Prophètes après
Malachie. Le vrai Jofephe décend beaucoup plus bas, cardans le Livre Antiq.Lîb,
•quiactéplufieursfois cité, il dit, qu'il n'y avoit pas plus de deux cens ans, ^•*^^- *•
<jue les pierres du Rational avoient cefTé de jetter leur fplendeur pour ré-
pondre dek viâoircàceux qui confultoicnt l'oracle, c'eil-à-dire, que cela
auroit duré jufques à prés de ifo. ans avant la venue de Jefus-Chrift. Ce-
la n'elt pas vrai-femblable , ôc ce que je puis conjeélurei* eu. , que le privi-
lège de tirer des oracles par Urim ôc Thummim , fubfiila durant le tems des
Prophètes, Aggée, Zacharie 6c Malachie. Mais que Pefprit de prophé-
tie fut ét-eint avec eux. Que cet Urim fût encore du tems d'Efras , il
femble que cela eft bien prouvé par cgs paroles. Et Aitirçata , qui
eft Efras , leur dit , ^fi'ils ■ ne mangeajfent point des ihofes tre's-faintes , 'tm- Efr ascks,
dis ejtie le Sacrtficatefir affifieroit avec ZJrim & IhHmmim. Néanmoins on peut ^■^*°
dire que cela ne prouve rien, que ce que nous avons avoiié, c'eft que
rUrim étoit dans le fécond Temple, pour la matière feulement, ôcnon
pour la vertu, car Urim & Thummim ne fignifie rien autre ici, que
le Pedoral lui- même: Ce qui prouve encore tort bien nôtre opinion, que
CVrim n'étoit rien de différent du Pe^9:oral. Le fens eft , qu'Efras défend
aux Sacrificateurs-, dont la généalogie étoit douteufe 6c mal prouvée, de fe
trouver au Parvis , quand le Souverain Sacrificateur en habits Ponrificaux
y feroit poui* officier, &pour diftribuer la portion à chacun, lleftâfiûié-
-ment trés-rcmarquable , que dans un même âge, c'cft-à-'di e , depuis le
retour de la captivité de Babylone , jufques à Jefus-Chrilt , Dieu fit c-ffatmndÊ
cefîer tout oracle, auffi bien entre fon peuple qu'entre les Payens: c'eli clesVux°&°
que celui qui devoit accomplir & finir tous les oracles écoit Piêt a'^'^Mf*»
J . * ' *■ quand oc
venir. pourquoL
C H A P I T R E VL
^tux fingularitez remarquables touchant ks habitsFontifaaux^
NOus avons expliqué jufques ici quels étoient les habits du Grand J^;^*";*'!;^
Pontife. Il refte deux chofes à remarquer là-defius: Làpremieie léfo X?n
eft, que dans la plus folennelle journée du Miniftere de ce Souve- ^"- ■^'•^'5"£
ram Pontii-e, c eft le jour des Propitiations , il ne Imetoit pas permis de pas ha-
porter ces vétemens magnifiques, il n'officioit dans fes habits Pontificaux. J^'^J^^'^sni-
que dans le Parvis des Sacrificateurs, 6c dans le San6l:uaire, mais il n'en- jcer du
troit point avec ces habits dans le Lieu Très- Saint, êcainfiilneparoifibit ey^"*^ 1^'
'Pm. II, Nn jaîïiais
2$z H î S T O I R E D E S D O G MES
j&mais devant l'Arche avec VVrim &c Thummim: cependant cela remhloit
être bien i-aifonnable d'aller demander à DieuréponfeparUrimôcThum-
mim devant cette Arche , où il parloit à Moyfe du milieu des Chérubins.
S"aWio Et là-deirusCunaeus croit avoir remarqué une grande bevûë dans Joiephc:
juj.ïorum. Mais Scldenus le juftifie trés-bien,8c faitvon' que le texte de Jofephe a été mal
fiïïcSe ^ interprété par Cuna:us : Je le crois auffi, après avoir examiné l'Hillorien Juif.
adPomif. Cuni«us prétend , que félon Jofephe, le Souverain Sacrificateur ne mettoit
îo?bX\b. le Peéloral dans lequel étoient Vrim écThummim., que quand il entroit dans
> ap.is. le lieu Trés-Saint , ce qui n'arrivoit qu'une fois l'an , c'étoit dans le jour des
vlrSondu'" Propitiations. Or Jofephe dit feulement, que le Souverain Sacrificateur
Qxav portoitces magnifiques habits quand il officiait ,. les jours de Sabbat, 6c les
nouvelles lunes i mais qu'il en prenoit un plus limple dans le jour du Jiine ,
qui s'appelloit le jour des Propitiations: Ôc qu'il avoit fes plus beaux habits
pontificaux, toutes les fois qu'il entroit dans le lieu Saint pour y faire le par-
fum, èc c'ell: la vérité. Car dans le grand jour du Jûne 5. il avoit des
habits particuliers^ qui nous font marquez dans le feiziéme chap. du Levi-
tique: favoir, i. Les brayes de lin. 1. La chemifede lin. 3,. La tiare de
lin 5 Ôc la ceinture de Un., Ces véteraens étoient donc fort llmples,
6c de couleur blanche , c'ell pourquoi les Juifs les appelloient pS nji3,
les vétemens blancs , 6c les autres- qui étoient beaucoup plus magni-
fiques, s'appelloient 5ri? n.u, les vétemem d'or, Ainlî dans ce jour de
Jûne le Pontife offjcioit avec les habits quilui.étoient communs avec tous
}es autres Sacrificateurs, 6c même plus fimples 5, 6c plus blancs qu'à l'or-
dinaire. Sans doute cela n'étoitpas fans myliere,quedans ce jour, qui étoit
un jour d'humiliation, le Pontife ne fut pas revêtu d'habits magnifiques,
La tiare même dans ce jour étoit blanche, au Heu. que l'autre étoit d'hya-
cinthe, c'eft-à'dire,. bleue ou aaur.
Seconde fiQ- L'autre chofè remarquable cil , que fous le fécond Temple ces habits.
fesTabits Pontificaux étoicnt en fi grande coniideration^ qu'on leur avoit delliné
du Souverain, y île maifon particulière pour les garder ; c'étoit une tour horsdei'encein-
Sscriiicstcui I . ' cj
étoient gat- tc du Temple , au côte Septentrional , qui s'appelloit Baris fous \t.^ Prin-
c? deik"^ *"^^ Hafraonéens, 6c qui depuis fut appelle par Herode le Grand, Arx:
Anîon'm^ en faveur de fon grand ami Marc- Antoine, Les Souverains Sa-
voy Jofephe crificateurs avoient la garde de ces vétemens :, Mais enfuite Herodes , 6c
^miq. 18, p^-g les Romains s'en (aifîrent, il& mirent garnilbii- dans la for terelTe d'An-
toine , 6c gardaient la robe Sacerdotale : Depuis les Juifs obtinrent de
voyjofephe Claude qu'on la leur rendît 5. mais les Romains s'en emparèrent encore peu
îp""t?' ^ 'après.
Levitique Js croy que c'eft de cette robe qu'on doit entendre le précepte duLe-
îh.2Li,,i«.. vitique, le Sauver ain Sderificateur d'^&ntrefis frerss ^ fur le chef àticjml l'hmle
d'onRion a^ra été épandue, or cjui fefera confrcré pour vêtir Içs vétemens , , ne dé'
couvrira point fr.têie , c^ ne déchirera point fes véiemens, C'eil: pourquoy quand
nous lifons , que Caïphe déchira fes vétemens en jugeant le Seigneur , il
ne fit rien contre la Loyj car cela ne fe doit pas entendre des vétemens
ordinaires. Ce que difent les Juifs , qu'il, n'étoit permis au Sacrificateur
de déchirer {çs véemens qu'autour des pieds,, me paroît afiez incertain,.
ayant l'air de. fable. L'intention de la Loy efl , que le Sacrificateur en
officiant, ne donne jamais aucun figne de deUilj quelque trille nouvelle
qu'on luy puific, aj^porter. CHA-
ET DES CULTES DE L'EGLISE. Tart.U. 283
CHAPITRE VI L
^e VekEîion , in[iallaUon , é^ inauguration au Souverain Tontife.
De l'huile d'onHian.
Uoy que la dignité Pontificale s'obtint par le droit de fuccellîon,
cependant peribnne n'en pou voit être invefti , qee par l'autorité
du grand Sanhédrin : parce qu'outre le droit de la fuccefîion il fa-
loit beaucoup de qualitez de corps ôc d'efprit , pour l'examen defquel-
les il faloit des Juges: Ainfî c'étoit au Sanhédrin, qui s'aflembloit dans Ejraaen desE
la chambre de pierre détaille, auprès du Temple, qu'appartenoit le droit Jg^^^^^^jg
d'examiner, fi le Souverain Sacrificateur, ôc les autres Sacrificateurs in- gnnd coa»
ferieurs n'avoient pas de tache dans leur naiiTance , ou de défauts dans leurs ^**^'
corps. Quant aux Sacrificateurs inférieurs , ceux dont la naiflance fetrou- Maimonid«;
voit contraire aux ftatuts de la Loy, étoient revêtus d'un habit noir, ^^JJJ'fT"
on les faifoit fortir du Parvis, Ceux dont la naiiîance étoit droite, mais cap. «.
qui avoient quelque défaut dans le corps , on les établiflbit fur le bois
pour l'arranger en piles, & pour examiner s'il étoit propre aux Sacrifices,
& du refte ils avoient part aux offrandes comme les autres. Ceux enfin
qui fe trouvoient entiers, 6c fans tache, tant dans leur naiflance, que dans
leurs perfonnes, étoient revêtus de vétemens blancs, & on prononçoit fur
eux cette aétion de grâce. Béni fiit Dieu de ce qu'onn^a^astrcavé détache MifchRî
dans la jemence de Aaron ^ & de ce qn'ila choift Aaron & Ces enfans pour fe tenir Middosfe
'^n fa prefince , & pour faire le fervice devant tni. La même chofe s'obfer voit "^' ^*
pour celui qui afpiroit à la Souveraine Sacrificature.
Après l'examen de la perfonne de celui qui devoir fucceder à la Sacri- ceremenîés
ficature Souveraine, on procedoit aux cérémonies de fon inllallation par ^5 l'inftaih.
fept jours . Et vous nefortirez. defept jours de Nnîrée du Tabernacle d' ajfgnation , verain Le d-
jufcjues au tems que les jour s de vos confecrattons foient accomplis , car par fept jours ficateur.
on vous confacrera. Il y avoit trois principales cérémonies dans cette inau-
guration, elles nous font décrites avec tant d'exaâitude, & fi amplement
au zp. ch. de l'Exode , & au 8. du Levitique, que les Juifs ont eu peu tewique
de chofes à y ajouter. La première cérémonie, c'eft qu'en prefencedu ■^'°
peuple, on revétoit le Sacrificateur des habits Sacerdotaux, la féconde,
c'elî l'onélion, la troifiéme, c'eft: le Sacrifice. Ces cérémonies ibntfort
exaétement décrites dans les chapitres que nous venons d'indiquer.
Premièrement on faifoit venir le Souverain Sacrificateur, qui devoit rremiere
être inft:ailé , dans k Parvis des Sacrificateurs , prés de l'Autel des Holocauf- «remonie
tes, devant la porte du Temple j on lui faifoit ôter (ts vétemens ordinaires tron^ies ^
6c communs : On le lavoit de l'eau qui étoit dans le cuveau des lavemens. "^p^^^ns
Apres cela on le revétoit en la prelence du peuple, i . de fes brayes ou saaificafem;,
caleçons de lin, qui lui venoient depuis les reins jufques aux genoux. 2,. Puis
on meitoit deflus la longue vefte de lin ou furplis , qui prenoit depuis
les épaules jufques aux pieds. 3. Ici le Levitique dit^ que Moyfe mit à
Nn 2, ^'- Aaroii
z84f HISTOIRE DES DOGMES
Aaronla ceinture ou le baudrier fur la vefte ou furplis: Ce qui donne Hea
de croire qu'il y avoit deux ceintures. 4. Après on vétoit le roquet ou
le manteau de pourpre, où étoient pendues les 70. clochettes avec des gre-
nades, f . Enfuitc on lui mettoit l'Ephod fur les^ épaules : & le Leviti-
que dit qu'on ceignit l'Ephod d'un nouveau ceinturon. 6. Sur cela on*
mettoit le Peétoral qu'on attiîchoit à l'Ephod comme il a été dit ; Se ce
Pedoral ne fe détachoit point dans toute la vie du Sacrificateur, car l/E-
. ^ phod ôc lePeâoral dévoient être attachez l'un à. l'autre. Enfin pour le
dernier vêtement on lui mettoit la tiare fur la tête aveclaiame d'or, qui y
étoit- attachée avec à^s cordons bleus. G'eft la première cérémonie , far
voir l'impofition des vétemens..
Seconde La fecondq c'étoit i'onélion. Nous, ne voyons pas qu'Abiatharaîtété.
SS'ior' c>inc quand il s'enfuit vers David, cependant il fit ade de Souverain Sacri-
ficateur avec. David revêtant l'Ephod ,; c'ell pourquoi les Juifs difent que-
l'onêtion n'étoit pas efi^entielle: elle fe faifoit d'une huile facrée, dont la
Gompofitioii nous efi. décrite au livre de l'Exode chap.^a.ii^.ôCG. Moyfe-
eut ordre de prendre foo. ficles.de myrrhe , le ficle étoit précifémenr
une demi- once, il y a donc ^2. ficles dans nôtre livre, 6c foo. ficlesfont
1 5". de nos livres : 1.0.. onces de myrrhe : de cinnamome ifo . ficles : c'eft-à-
dire prés de huit livres , ôcfoo. ficles, ouif. hvres, de cafi^e : durofeau'
Aromatique if o. ficles ou prés de huitlivres^ & par defius tout cela i\ ou qua-
tre pintes d'huile d'Olive. La Loi dit.un hin qui étoit 1,2. logs,c'efl-à-dire
tout au plus douze petits fetiers de liqueur , c'étoit peu d'huile, dans une-
fi grande raafle.. Mais c'eft que l'huile d'Olive corrompt au lieu de con-
fèrver. Maimonides dans le Traité Kele Hammikedash a. une étrange ima-
gination, que par lia que nous tournons myrrhe il faut entendre du fang
congelé d'une certaine bête des Indes. Peut-être entend-il la civette, qui>
eil: une efpece de fang congelé. de l'animal qui porte ce nom. Mais iln'eft'
pas apparent qu'on eût fait entrer, du fang dans cette compofition,. fur tout,
du fang, d'une bête impure. Toutes ces drogues fe broyoient féparémenr,
enfuite on les méloit. ôc on les faifoit boiliUir, jufqucsà ce qu'elles fufiênt
en confiilance coulante : Toutes enfemble elles faifoient bien 48. ou
50. îivres^. Et.aprês la mixtion, parce que les huiles ne diminuent pas beau--
coupaufeu, la compcfitionpouvoit être de 40. ou4f. livres.
On n'a pas Cette mcdiocrc quantité, fut plus que fuffilante pour fournir à toutes les.
fait de_cette onâions. Il n'y a pas eu.de cette huile facrée fous. le fécond Temple, ce-
îîon uijç fe- qui m.e tait croira qu on n en a jamais tait qu une rois,. Abarbmdmx le chapi
cpiKiefois. gç5^ ^Q l'Exode dit exprefiement qu'on n'a point refait de cette huile fa-
crée, ôc le dit fur latradition confiante de tous les Rabbins. Quant au parfum-
on en refaifoit continuellement, Si.l'on eût pu faire d&noiivelle huile ,-quand>
iljî'yen eut plus, pourquoi après le retour deBabylone n'cn.euflent t'il pas
fait de femblable ? Ajoutez que 45^. livres d'onêlion vont bien loin. ïl eft vray -
que l'on oignit de cet. oignement tous les vaiiTeaux du fervice, mais onne-
faifoitqu'y en mettre, un peu au dedans , 6c au refte quand ils furent une fois-
Gonfacrez ce fut pour toujours j nous ne voyons pas que Salomon ait fait
L«aB.<)iS', oindre lesvaifleauxde fon Teinpie pour lesconiàcrer. Les Rois n'ont-
P^^okiw point été" oints de cette, huile j au moins cela, ne nous paroît pas. Ainfi ce-
îSieV ^^ refta.de cette grande quantité, d'oignement fut. plus que fuffifant-
a4*.^ * '"^ ^Qur*
ET DES CULTES 15E L'EGLISE. Part.ll, 28^
pour oindre environ 28. ou ^o. Souverains Sacrificateurs , qui furent de-
puis Aaron jufques à la captivité de Babylone.
De cette huile d'onétion on oignoit le Souverain Sacrificateur. Abar-
binel dit dans l'endroit cité , que l'ondiion fe devoir toujours faire par un
Prophète. Mais cela n'eft gueres apparent , car y avoit-ii toujours un:
Prophète en Ifraël, même fous Je premier Temple ? L'onâ;ion, dit-il , étoit
une marque de i'éJeélion de Dieu, par conféquent elle fe devoit faire par
un Minillre qui favoit par efprit de révélation celui que Dieu avoit élu.
Cette raifon n'eft pas bonne , puifque cette dignité étoit héréditaire , &
non pas éledive. Ainfî Dieu n'y entroit que par la providence générale.
Quant à la manière de i'onâion, la Loy dit ûmplement ytu pretidras l'huile Manière
</'<7«^/w,^/'^j?^Kâfr4j/»ry4/^^/:<?.Les Juifs ajoutent que ceiuiquifaifoit la co S'oS^"*
cration appliquoit fon doigt plein d'huile fur le milieu du front entre les deux tion fur le
yeux, ôc Gonduifoit ce doigt de part & d'autre aux quatre coins du front en sSIficateut-
figure de croix de St. André , les Juifs difent T~\'^W t)3 W3, de la figure
d'un Caph grec : les autres difent d'un- *3 Grec X. foit Cappafoitchi X.
c'étoit toujours en forme de croix. Ainfi le difent Mikotiî , Abarbinel,.
le Talmud ,, & autres. Cela nous fait comprendre comment fe pouvoit comment
taire, ce que dit le Pf 123. que l'oignement décendoit jufques à la bar- voit'd«en-
bc , & jufqu'au bord fuperieur du facré vêtement y fi' on eût verfé drejufqu'à'
l'huile fur les cheveux, il en eût falu une grande quantité pour couler juf- phi^î!"
ques à. la barbe. De plus comme les cheveux fbnt à côté & la barbe au:
milieu , il n'eft pas aifé de concevoir comment de l'huile jettée fur des
cheveux eût pu venir à la barbe. Mais l'huile étant mife fur le front il
ell: plus aifé de comprendre que pour petite que fût la quantité elle cou-
loit le long du nez jufques fur la barbe. Ceci me fait croire qu'on détrem-
poitcet oignement facré dans d'autre huile, car le tems épaifîit les oigne-
mens &. fait qu'ils ne font plus coulans. Les fils d' Aaron furent oints de
cette huile auiîi bien que leur père ,, mais dans la fuite on n'oignit que
les feuls Souverains Sacrificateurs >. ê€ c'eft ce qui rend vray-fembiable la
d'adition dt5 Juifs qu'on ne fit pas de cette huile facrée une féconde fois ::
Elle fut gardée dans tous leurs âges, &: pour l'épargner on n'en oignit qvie-
le Souverain Sacrificateur pour tous les autres. Moyfe ordonna qu'on mît.
la tiare fur la tête d'Aaron devant que de l'oindre, & cela rend très vray-
femblabîc la tradition des Juifs fur la manière de cette onélian, c'ell qu'élu
le fe fai foit fur le front. Car il n'y a pas d'apparence que l'on mît l'huils
Ibus la tiare qui couvroit les cheveux j cela l'eût gâtée Ôc auroit empê-
ché que llondion ne fût arrivée jufqu'à la tête , êc jufqu'à la bar- -
be.
La troifiéme cérémonie- étoit le facrifîcexotnpofé. 1. D'un bouveau Tioifiéme-
for. la, tête duquel le Souverain Sacrificateur qu'on inftalloit mettoit fa ^SnS?
main,, oul'égorgeoit, on enépandoit le fang au pied de l' Autel, & celui "?n,iefa-
qui faifoit l'office de la' confecration- prenoit dece fang au bout dé fon "fp^eWi'
doigt, & en.frottoit les cornes de l'Autel des holocauftes > on faifoit fumer ^acn&e
les grailles &les rognons fur; cet AuteL Et le refle, la peau, les entrail- po^fe^'^^'
les, les chairs, on les envoyoit brûler hors du camp dehors du Temple, peciw.
2.. Le fécond Sacrifice étoit de deux moutons, dont l'un étoit égorgé après Le fécond?
qpe le Prêtre, confacré. avoit mis fa main fur fa tête, ôc il étoit offert en «ojti'Hol©^-
î8.6
HISTOIRE DES DOGMES
Cetrolfié- ]i -lociufts. Aprés quoi oi> prcnoit Tautie moaton qui s'appelloit S\>î
me écoïc r3\N''7'3 Anes impletionum X c'eit -à- dire, par lequel fe faifoit lapiincipale
lin uaitke couiccrauon, parce que c etoit la -dernière cérémonie, ex aulli parce que Je
depivii'cii Sacrificateur étoit frotté du iang de ce fécond mouton j Or toute grande
cela le voit conlecracion fe faifojt par le fang : on oflrroitce fécond mouton en fa-
feTe!iesce- crificc de profpeiité , on épandoit fon fang non pas au pied de l'Autel
temcnies. comme cclui du bouveau , mais furTAutel comme celui du premier mou-
ton. Mciis avant que de le répandre fur l'Autel on le recevoit dans un
vaifTeau. Celui qui confacroit y trempoit fon doigt & en frottoit le bas de
l'oreille droite du confacré , c'ell cette chair molle qui eft au bas du car-
tilage. Il oignoit auiîi le pouce de la main droite f, 6c le gros orteil du
pied droit. En fuitte on détrempoit un peu de ce fang avec de l'huile de
l'ondlion 6c avec un brin d'hyfope, on en faifoit afperfion fur le Sacrifi-
cateur ôc fur fes vétemens facrez \ enfin on répandoit le refte du fang fur
l'Autel des liolocaufles tout à l'entaur. Aprés cela ou prenoit les graifies,
les roignons, la queue, 6c l'épaule droite, on ajoûtoità cela un pain fans
levain de la groffeur d"'un tourteau , avec un gâteau à l'huile, & un autre
petit gâteau comme un bignet oint d'huile feulement , & le Sacrificateur
confacré tendoit les paumes de fes mains : on mettoit toutes ces chofes
deflus, on les tournoyoit, en hauffant 6c baillant, on les reprenoitde ki
mains , on les pofoit fur l'Autel des holocauftes 6c on les faifoit confumer.
I^e confacrant prenoit pour lui la poitrine 6c en faifoit une offrande tofir^
mojée y c'eft-à-dire , élevée vers les cieux, comme difent quelques-uns,
en figure de croix aux quatre parties du monde. Le refte du mouton ap-
partenoit au Sacrificateur confacréjqui en mangeoit avec les autres Sacrifica-
teurs dans le Tabernacle ou dans le Temple, avec des pains fans levain 6c
des gâteaux à l'huile, dont on avoit préparé une pleine corbeille j delà-
quelle corbeille on avoit pris le pain 6c les gâteaux qu'on avoit fait fumer
fur l'Autel avec la graiflé , les roignons , la queue 6c l'épaule droite du
mouton , on faifoit bouillir la chair du mouton dans le Temple même,
c'eft-àdire, au parvis des Sacrificateurs, s'il en reftoit jufques au lende-
main 5 on le brûloit au feu.
Or cette confecration fe reïteroit fept jours durant : Il n'étoit pas per-
mis au Sacrificateur confacré de fortir du parvis ni jour ni nuit durant ces
fept jours. Tous les jours on lui revétoit les facrez habits dans le même or-
dre. Le Sacrificateur ^ui viendra & fnccedera en [on lieu les vêtira par fept
jours. On reïteroit, dis-je, toutes ces cérémonies 6c l'ondion 6c les fa-
crifices par fept jours ^ caria Loy dit. lu feras dom ainfî k Aaron & a fes
enfans félon tomes les chofes e^ue je t'^ai commandées par fept jours , tu les cori'
facreras , tu ficrifieras pour le pèche' tous les jours un bouveau.
Dans le fécond Temple on obfervoit les mêmes cérémonies, excepté
l'onélion, parce qu'on n'avoit plus d'huile facrée. C'eft pourquoi les Juifs
appellent les Sacrificateurs du premier Temple nn^ti»» n^no ou nanno ,
C'eft-à-dire, 6c ccux du fccond onjû rana : les fimples Sacrificateurs étoient confa-
l'olaion, ^^^^ ^v^c if s mêmes cérémonies excepté l'onétion.
élevë par les
habits,
Exode chap,
Exode
C H A"
ET DES CULTES DE L*E G L I S E. P^r^. H, 28;
CHAPITRE VIIL
Des Jim^les Sacrificateurs.
NOus aurons peu de chofes à dire d'eux à prefent, parce que prefque
toutes chofes leur étoient communes avec les Souverains Sacrifica-
teurs , à l'exception de certains Privilèges qui étoient particuliers
à la Souveraine Sacrificature. Ils étoient tous de la famille d'Àaron , & Tous les Sa-
de la Tribu de Levi. Dieu avoit pris pour Ton partage la Tribu de Levi defoS"^^
pour le fervice du Tabernacle, 6c enfuite pour le fervice du Temple. Le- ctiedeia
vi avoit trois enfans, Guerfchom, Kehath 6c Merari. Le fécond favoir ^^Xarok
Kehath eut quatre fils, dont l'un futHamram qui engendra Moyfe 6c Aa-
ron. Dieu choifit la famille d'Aaron de la branche des Kehatites pour
lui donner la Sacrificature à lui 6c à toute fa pofterité. On leur diilribua
13. villes dans les diverfes tribus d'Ifraël. Mais avec le tems, comme ils Jofuéar^
fe multiplièrent extrêmement, ils habitèrent par tout 6c particulièrement î.^chîon.
dans Jerufalem. Leur office étoit de faire les facrifices,. de prefiderà tou- ^' i'f
tes les purifications 6c fur tous les cultes qui fe faifoient félon la Loy. Sur
tout ils avoient le privilège de pouvoir entrer dans le lieu Saint, pour y
faire le parfum, ainfi que le Souverain Sacrificateur, qui feulentroit dans
le lieu Très- Saint, comme les Sacrificateurs feuls entroient dans le lieu Saint.
Mais comme le Souverain Sacrificateur n'entroit pas en tout tems dans le
lieu Trés-Saint, ainfi les Sacrificateurs n'cntroient pas tous, ni tous les
jours, dans le lieu Saint pour y faire le parfum. Mais feulement, quand ils
étoient de femaine, 6c que cet office leur écheoit par fort.
Ils furent rangez en diverfes clafles appellées ê0'/ip.spiai. Zacharic père de Luc, r,;
Jean Baptiite étoit de la clafle ou Ephemerie d'Abia.
Les Juifs ont par tradition que éés le tems de Moyfe ils furent divifez Divifion des
en clafles 5 les uns difent en huit, 4. d'Ëleazar 6c 4. d'Ithamar. Les au- Sursîn'z*,
très difens i^. 8. de l'un 6c 8. de l'autre. Mais nous n'en voyons rien que^miiks. '
fous le règne David : Nous apprenons que David les divifa en 24, clafles.
Mais que la famille d'Ëleazar fournit beaucoup plus de elafl^s que la bran- ï:Clircnfe
che d'Ithamar. Car d'Eleasar il y en eut feize,6c huit feulement d'Ithamar) le ^'^'
mafiâcre qu'en avoit fait Saiil , incité parDoëg, en étoit caufe, car ceux qu'il
tua étoient tous de la branche d'Ithamar. Chacune de ces 14. clafles avoit fon
ehef,que les Juifs appellent im^r\ î:'?^^ Capitaine de la garde,Ges chefs étoient
les plus confiderabies de l'Etat, auffi bien que de l'Eglife, 6c ordinairement ils
entroient dans le grand Sanhédrin, 6c portenttrésfouvent le nom de Sou-
verains Sacrificateurs dans le Nouveau Tefl:ament. Chaque famille avoit ^p^^^fp^^j^^
fa femaine pour le fervice alternativement. De forte que chaque famille
fervoit deux femaines par an. Après quoi ils s'en retournoient chez eux, luc.i.sj».
comme il paroîc par l'Hiftoire de Zacharie, qui dcmem'oit dans les mon- jemieJTi.
tagnes de Juda, 6c qui s'en retourna chez lui qwand il eut achevé le fer-^^™/""
me à. fon tour. Après la captivité , les 2,4. familles facerdotaks fê difli-tfyS.^*^^^'
ferent
288 HISTOIRE DES DOGMES
perent comme les autres. Jofephe dit pourtant que ces 24. familles re-
tournèrent de la captivité, 6c durèrent jufques à la ruine de Jerufalem.
La tradition des Juifs eil qu'il n'en remonta que quatre familles , favoir
celle de fcdajah , Harim^ Pash^r^ & fimmer. Pashur n'cll point conté
entre les familles des 24. dont il eft parlé i. Chron. 14. mais en Eiras
il efl conté entre ceux qui remontèrent de la captivité avec les Sacrifica-
teurs, tellement qu'il devint famille, ou chef de Sacrificateurs.
Tiras cil. z. En effet il n'y a que ces quatre dont il foit parlé dans Efras. Il eft vrai
*^' que dans la fuite des temps, il eft parlé d'autres familles, comme en St. Luc,
il eft dit queZacharie étoit de r£(|)i^jafp/ûf,de VEphemerie de Abia,qui dans le 1 ".
■chap. 1 . du premier livre des Chroniques eft contée pour la huitième. Mais
il n'eft point parlé dans le retour de la captivité de cette Êimiile. Les Juifs
répondent que ces quatre familles fediviferenten 24. ordres comme du tems
de David , ôc jetterent des lots pour l'oi-dre & pour les noms , prenant les an-
ciens noms des premières Ephemeries^ ôc l'ancien ordre: excepté que le nom
de Jo jarib , à qui appartenoit le premier rang félon l'ordre établi par David ,
devint le fécond , & F. céda le premier rang à Jedajah , parce qu'il étoit
■de la famille Pontificale de la maifon de jefchua fils de Jozedek Souve-
rain Sacrificateur du tems d'Ezechias. Ce Jedajah étoit fils de Jefchu-a,
ainfi qu'il eft marqué en Efras chap. 2. 3<5. Il n'étoit pas de la même famil-
le que celle de jedajah dont il eft parlé i. Chron. 24.7.
Ils entroient en charge ordinairement à l'âge de 30. ans félon la Loy
des Nomb. 4. 3. c'eft pourquoi nôtre Seigneur voulut entrer en oftice à
cet âge de 30. ans. Cependant les fervices qu'ils pouvoient faire au àtÇ-
fous de 30. ans n'étoient pas illégitimes ; mais ordinairement 6c fans de gran-
des raifons, on ne les recevoit pas avant cet âge de 30. ans. Chaque fa-
mille entroit en femaine au jour du Sabbat au matm &en fortuit le Ven-
dredi au foir fuivant , vaille de l'autre Sabbat. Ils jettoient le fort pour
que chacun eût fon ofîicV marqué, iàvon- qui devoit offrir le facrifice du
foir, ôcdu matin, qui devôit offrir le parfum, & ainfi de tous les autres
lue. 9. in offices. Jarchi dit qu'autrefois on ne donnoit point par fort la charge de
Maïechet '^^^^^ ^^ parftim j mais parce qu'on reconnur que celui qui avoit eu cet
n>on honneur réiiffiffoit dans tout ce qu'il entreprenoit, chacun voulut avoir part
cap. 3. vide à cet honneur.
spfaiegium Tous ceux qui étoicnt nez de la race Sacerdotale n'étoient pas pourtant nc-
Âaiuic.ï.5>.cefraii*ement admis au fervice ,mais feulement ceux qui y etoient nommé-
ment appeliez par éleétion. Quand un Sacrificateur étoit mort , on rera-
plifiôit la place vacante. Et cela fe faifoitparle Sanhédrin, devant lequel
i'afpirant devoit être examiné, ainfi qu'il a été dit. On le confacroir à peu
prés ^vec ies mêmes cérémonies que le Souverain Sacrificateur, & on
lui faifbit prendre les vétemcns lacrez , les brayes , la tunique ou iur-
plis , le bonnet & la ceinture. Ils partageoient entr'eux les offrandes qui
etoient offertes, & tout ce qui n'étoit pas offei-t en holocaufteéioitàeux,
à la referve de ce qui appartenoit à l'offrant.
■^ C H A'
ET DES CULTES DE L'EGLISE. Tart.ll. 289
CHAPITRE IX.
Des Lévites y Portiers ^ Chantres & Nethiniens ^ de la Muflquedu
Temple i é^ des ïnjlrumens de Mufique,
LEs Lévites, Portiers 6c Chantres étoient de la même tribu que les Sa-
«•ificateurs , enfans de Levi , que Dieu s'étoit refervé en la place des
premiers nez qui lui appartenoient, & qu'il avoit pris à lui , lorfqu'en
faveur des Ifraëlites il tua toqs les premières nez d'Egypte , & épargna Nombres
ceux d'ïfraël : outre que par une ancienne coutume, plus vieille que la Loy, '• **•
les premières nez avoient le droit de Sacrificature dans leur famille.
Leur charge étoit de faire tout le fervice du Temple fous la dire61:ion Quel etok
des Sacrificateurs, de qui ils recevoient les ordres pour faire toute œuvre L?v?el**"
inanuelle dans Je fervice du Temple , comme de le nettoyer, le garder,
tenir les viâimes , quand on les égorgeoit , & fouvent même les égorger ,
nettoyer l'Autel, ôter les cendres, pourvoir au bled nouveau en la place
de l'ancien , à l'huile, au fel , aux bêtes du facrifice continuel, 6c générale-
ment toute œuvre fer vile. Mais parce qu'il y a diverfes chofes très dignes
d'être remarquées dans le fervice que les Lévites rendoient au Temple , il
cftbon d'en mettre les remarques par ordre.
I. Du teds de Moyfe ils étoient naturellement divifez en trx^is faraillesi
lesKehatites enfans de Kchat, duquel étoit aufîi décenduë la branche d'Aa-
ron, les Guerfçonitcs, 6c lesMerarites. Ainfi nommez des trois fils de
Levi, Guerfçon étoit l'aîné , Kehat le fécond , 6c Merari le troifiéme:
Dieu leur diltribua leurs emplois dans le defertj 6ccomme le Tabernacle
étoit roulant, leur principal office étoit de garder le Tabernacle, 6c de cam-
per tout à l'entour quand il étoit arrêté, de porter toutes les parties 6c \ç.%
utenfiles de ce Tabernacle quand on étoit en marche.
Nous avons déjà veu l'ordre des campemens pour le peuple. APégard «^^^^reàes
des enfans de Levi voici comme ils étoient campez. Les enfans d'Aaron j "eTL^ftct
c'elt- à-dire, la famille Sacerdotale étoit à l'Orient du Tabernacle > à l'Oc-
cident, c'eil-à-dire, à la partie oppolée étoient étendus les pavillons des
Guerfçonites. Le long des courtines du Parvis du côté du midi étoient
campez les Kehatites , 6c à l'autre côté vers le Septentrion étoient cam-
pez les Merarites ; enfuite à ces quatre cotez à mille coudées de diilancc
étoit campée toute l'aflemblée du peuple fous quatre étendars du côté
derOrient, Juda avec fa bannière où étoit la figure du Lion, accompagné
d'Ifîacar 6c de Zabulon j à l'Occident Ephraïm avec fa bannière qui étoit
le Taureau, 6c Manaflë6c Benjamifi fur la même ligne. Au Midi étoit
Ruben ayant l'enfeigne de l'Homme dans fa bannière, accompagné de Si-,
raeon ^ de Cad fur la même ligne. Et enfin au Septentrion Dan ayant
une Ai^le dans fa bannière avec Asher 6c Nephthali, c'étoit là l'ordre de leur NomWs
campement. ^ ap-^-acio
Qiiand ils maf choient les Lévites avoient la charge de porter les pièces î-esKehad»
du Tabernacle 6cd'en avoir foin. Et parce que les Kehatites étoient plus toieaUes
Tom. IL O o • pro~
cieufes pie-
ces du Ta-
bcifuclc
Nombres,
chap. 4.
Nombres
7. S.
Les Gaeï-
i^onites
portoient
les tsnf es ,
les tapiffe-
lies Scies
courtines.
Nombres.
7.7.
290 HISTOIRE DESDOGMES
proches de la Sacrifîcature, comme étant de la famille de Kehat de kquel-
Ic étoit aulîî Aaron , Dieu leur commit la plus excellente pièce, c'étoic
le Tabernacle même avec tous Tes utenfiles, l'Arche, les Chérubins, la Ta-
ble, le Chandelier, l'Autel des parfums , les plats, gobelets , baffins ,.
encenfoirs , mouchettes , lampes , havets , racloirs , baffins , & géné-
ralement tous les utenfiles qui fervoient dans le Tabernacle , fur l'Autel
des parfums, fur la Table, ëc au Chandelier d'or. Mais iln'étoitpas per-
mis aux Lévites d'approcher de tous ces meubles facrez, ni de les toucher,,
ni même de les regarder , ni de les emporter qu'ils ne fuilènt couverts :
• car c'étoient les Sacrificateurs qui démontoient le Tabernacle : Ils enve-
loppoient l'Arche, le Chandelier, la Table 6c l'Autel des parfums avec
des couvertures de pourpre ôc de peaux de- tailîbns, &e. de manière que*
Ifcs Lcvkes n'y pouvoient rien voir: après quoi on les leur donnoit à por-
ter, & quand ils étoient arrivez où l'on vouloit camper, ils laiiToienttoua
cela au milieu du camp. Et les Sacrificateurs développoient ces facrez.
meubles & redreflbient le Tabernacle. Or les Lévites dévoient porter cela
fur leurs épaules ôc non fur des bêtes.
La féconde famille étoit celle des Guerfçonites , dont la charge étoit de
porter les tentes & kstapiièiiesdu pavillon, tant celles de dehors que cel-
les de dedans. Ils portoient auffi les courtines qui environfioient le Par-
vis ôc tous les cordages fui; lefquels ces courtines étoient tendues , avec
tous les utenfiles des facrifices, baffins,, plats, couteaux, ôcc. Ils pou-
voient fe fervir de chariots pour traufporter cela , 6c on leur donna 2.. cha-
riots traînez chacun par deux bœufs.
Les Meraii- Enfin Ics Merariics av oient en. charge le plus gros équipage, 6t le moins-
Snd°?"'' noble, toutes lesgroflès pièces, les planches du pavillon, les piliers tant du
piusgroffes Tabernacle que du Pai-vis, les cuveaux, l'Autel des holocaultes 6cc. auffi
Soi3).7. Ic^^'' donna- t'on quatre chariots & huit bœufs.
Quand le peuple fut en pofleffion. de la. terre de Caiïaan, le Tabernacle
fijt moins roulant, cependant il le fut encore 6c dans ks divers mouve-
mens ôc tranfports de l'Arche elle étoit portée fur les épaules des Lévi-
tes i C'eft pourquoi David l'ayant fait mettre fur un chariot neuf la piayc:
fut faite dans la perfoniie d'Uza. Du refte fans doute ils fervoient par tour
au Tabernacle : mais nous ne favons pas précifément quel ordre ils obfer-
verent jufques au tetTis de David, qui diftribua leurs charges & leurs offi-
ces avec une grande exaéfitude > comme cela nous ell rapporté au pre-
mier des Chronic. chap» 23. Il en fit quatre ordres principaux, i. Il en fie
des Juges & des Prévôts, favoir pour exercer juftice dans toutes les villes
aeapMi)»^ d'Ifraël, & ceux-là vaquoient à leurs charges, & ne fervoient pas au Ta-
'^^'- bernacle. 2. Il en établit un grand nombre pour être Portiers êtGardes
tout autour du Temple que Salomon devoit faire bâtir, 6c dont David lui
même avoit donné le projet. 3. M en^étabht une autre partie pour Chan-
tres 6c pour iVluficicns. 4. Enfin les autres furent commis pour fervir aux
Sacrificateurs dans toutes les chofes qui fe faifoient dans le Tabernacle,-
Nous ne dirons rien du premier ordre , lavoir des Juges 6c des Prevots> par-
ce que cela regarde le civil plutôt que Iç culte, divine dont nous parlons.
lr€lateîOï^ Nous Commencerons par Les Portiers..
die^ceiuide*: Ces Portkxs, OU. Càgitâisjei dcs portcs 5, étoienr proprement ceux qui;
avoienï
%îaireoï»
dres de Le'
fitesordott
ET DES CULTES DE L'EGLISE/^^r/.IÏ. 291
avoient la garde des portes & de l'enceinte du Parvis, c'eft-à-dire de ce
grand enclos qui environnoit le Temple tout à l'entour. Qn entroitdanj
cet enclos par divcrles portes , chacune <i'ell€s étoit gardée > & même
les Lévites avoient la garde des portes du Parvis des femmes 5 car poui*
les portes du Parvis des Sacrificateurs elles étoicnt gardées par les Sacrifi-
cateurs eux-mêmes. Leur foin dans cjgtte garde durant le jour étoit de
prendre garde que perfonne ne fît du defordre, qu'on n'entrât pas dans le-
Temple pour y taire du bruit , que les perfonnes aufquelles l'accez du
Temple etoit défendu félon la Loy, n'en approchaffent pas. Outre cela
durant la nuit ils fàifoient garde , & les Juifs nous difent que dans le fé-
cond Temple il y avoit jufques à 24. corps de garde pofez dans le Tem-
ple j 21. de Lévites & 3. de Sacrificateurs. L'on fàifoit la ronde toute la
nuiti & quand on trouvoit quelqu'un dormant il étoit permis de le battre
& de mettre le feu à (es habits.
Au rang des Poitiers Efdras met les Lévites commis fur les Threforeri es j ï-Ciironfë«
ce qui nous donne lieu de croire que les Chambres du Threfor du Tem- * ' "" **'
pie étoient aux portes : entr'autres il eft parlé là d'un Threfor où étoient
gardez ce qu'on appelle, Donana^ àva^ixaru, confâcrez par David , Sa-
muel, Saiil, Abner,Joab6cc. ôc autres Capitaines des dépouilles prifes fiir
les ennemis, & toute efpece de prefens faits au Temple.
Il y a apparence que les Portiers étoient divifez en 24. clafles aufîî biefl
que les Sacrificateurs & les Chantres , quoique cela ne ioit pas expri-
mé , cela doit être foufentendu , car il faloit qu'ils euflènt leur ordre
pour fervir toui* à tour, ainfi le croient les Hébreux. Et le chap. p. du
premier des Chroniques ne laifle aucun lieu d'en douter , car les Lévites en*
croient en fervicc de fept jours en fept jours, aufli bien pour la garde des
portes que pour les autres fervices.
Le fécond ordre de Lévites dans le Temple étoit celui des Chantres . Secend
Ils furent divifez en 24. ordres comme il eft rapporté i. Chronic. zf. à Levites?t5e=
chaque ordre douze } parce que félon la tradition des Juifs ils ne pouvoient '"^ '^^
être moins de douze , mais ils pouvoient être plus de douze , jufqu'à un *""^
nombre indéfini j chacune de ces clafles ou ordres fervoit par tour & par
femaine.
Il faut favoir qu'il y avoit diverfes fortes de Mufique dans le Temple : Nombre
Il y avoit des trompetes, des voix, & des inftrumens. Premièrement il y Divers inf-
avoit des trompettes d'argent , félon l'ordonnance de la Loy. Dieu n'en trumensde
ordonne que deux , & c'eft pourquoi il ne pouvoit y en avoir moins que duTcmpiï
deux. Mais dans la fuite ce nombre fut multiplié félon la volonté de ceux Picmieie-
qui prefidoient fur le fervice. Cependant les Rabbins difent qu'il ne poii î^ompctW
voit y en avoir plus de 120. à caufe que dans la dédicace du Tempie de ^ chron.
Salomonily en avoit autant. Pour l'ordinaire , au moins jufques au tems de ^' "*
David , il n'y en avoit que deux , car l'Auteur du Livre des Chroniques nous j- chronîc,
apprend queBenajaôcJahaziel Sacrificateurs étoient continuellement avec
des trompettes devant l'Arche d'Alliance , quand elle eût été pofée fous le
Tabernacle que David lui avoit drelTé à Jerufalem. S'il n'y avoit que deux Sa-
crificateurs , il n'y avoit aufii que deux trompettes j Mais quand elle mar-
choit ôc quand on la tranfporta de la maifon d'Obed Edom à Jerufalem , i. chroaîc,
il y avoit fept Sacrificateurs qui fonnoient de la trompette, ce qui n'étoit ^^'^*'
O o i pas
292 H I S T O ï R E D E S D O G M E S
» pas l'ordinaire. Et même fous le fécond Temple dans le fervice continuel 5t.
journalier , il n'y avoit que deux Sacrificateurs qui fonnoient de la trom-
Nombres pctte. Il ell à remarquer, que les feuls Sacrificateurs avoient la charge de
'*^- f • Ibnner de la trompette : Dieu l'ordonne ainfi , & cela fe prouve par tous-
I. Chroniq. , , a • r ^ r ■ i Ji • •• j-n
îs. 24. 8ci6. les exemples. Ainli les Lévites chantoient de la voix, jouoienc.des mitru-
6.&5.V.12. i;ïiens, mais ces trompettes étoient pour les Sacrificateurs.
Lesflûtesou II y avoit un autre inilrument que les Talmudiftos appellent **7>Sn , 6t
hîutbois. ij,^}; 'fpica un rofeau, un chalumeau, c'étoit une flûte? ou hautbois. Mais-
on ne jouoitpasde ce hautbois tous les jours dans le Temple, comme on
feifoit de la trompette & des autres inilrumens de Mufiquej onenjouoit
douze jours de l'année > comme à la fête de la Pâque , à celle de îa Pen-
tecôte , durant les 8. jours de la ïète des Tabernacles Ôc dans quelques
autres jours folennels, le hautbois étoit de rofeau.
Il y avoit trois fortes d'inftrumens dont il ell fouvent parlé dans les
Les cym- Pfeaumes , les Cymbales SsfSï, le violon i"iï3, Se la harpe S33. Les Cym-
^^''*- baies étoient de grandes & larges pièces d'airain creux fort refonnant, fu».
lefquels on frapoit à peu prés comme on fait far nos tambours,. Se fur ce
qu'on appelle aujourd'hui des tymbales 5 C'eil à ces Cymbales que fait
iaHarpe. allufion St. Paul, 1. Coi'. 13. I. nv[x,(ixKov èCKoCKoCfiM. Le Is^ahlmm oulaHarpe
jofeph. an- avoit quclque rapport avec nôtre épinette ou claveffin félon Jofephe. Il
tiq.iib.7. avoft douzc fons . à chaque fon étoit deftinée une corde ; ôc, cela.fe. tou?
choit avec les doigts,
Le violon. K/vupaj félon la définition, du même Jofephe étoit une efpece de viole^
TviçTSTiii TTÂviMTpw; on k touchoït avec l'archet, dit-il, il avoit dix cordes
& on faifoit differens tons avec les touches comme aujourd'hui dans nos
luts & nos violons. Mais le islablmm ou harpe avoit une corde pour cha-
que ton ôc une même corde ne faifoit pas differens tons félon la diverfité
Les Lévites des touches. Lgs Lcvitcs avoient la charge de jouer de ces inftrumcns ôc
Stï^*"^^ ne nous paroit pas que cela fût permis à d'autres qu'à eux. Il eft vray
jouer des qu'au 2. Sam. <5, f. nous hibns que David & tout Ifraël jouoit des inftru-
d°ans"iT"^ mens en conduifant l'Arche, mais nous ne voyons pas que la même chofe
Temple, fc foit.faite quand on conduifit l'Arche pour la féconde foiSjôc peut-être ce fut
î. chioniq. "^^ ^^'^ irrcgularitez qui furent caufe de la mort d' Huza. Au moins on peut di-
"^s- ' re que celaiVétoit permis qu'à la campagne, ou dans les maifons particulières,
mais que dans le Temple il faloit être Lévite ou fils de Lévite pour jouer
des inilrumens. Je dis enfans de Lévites, car les Rabbins nous difent que
les Lévites Chantres faifoient venir dans le Parvis des Sacrificateurs devant
eux entre leurs jambes leurs enfans pour tenir le deifus, quoi qu'ils n'euf-
fent pas encore atteint l'âge propre 6c neceflaire pour être admis en chef
à prendre part au fervice du Temple. Il y a auffi une tradition des Rab-*
bms qui dit que l'on pouvoit choifir dts. Chantres d'entre le peuple d'If-
raël, pourvu que par le côté des femmes ils fufîent alliez delà famille Sa-
cerdotale & que le parentage fût fort proche.
Les diveis> Il ièmble que les familles des Chantres avoient partagé cntr'elles lesdi^
inftfumens vers inftrumens: Les familles d'Eman, Afaph, Ethan, avoient la charge
tagez entre dc fonucr dcs cymbalcs' , en joignant, la cymbale avec la voix. Zacha-
chap"r'"""^^^» Haziel & autres nommez dans le premier Livre des Chroniques
^s>..z.l.^^,. ayoient, la charge 4e jouer des harpes , &: d'autres déjouer des violons*.
Et
ET DE S C U L T E S D E L'E G L I S E. Part. II. 293
Et voici de quelle manière & en quel tems cette Mufiquejouoit, félon J^^^'j'°^°'^J
Ik tradition des Juifs. Il femble d'abord que ces trompettes d'argent dont onVuoit"
nous avons parlé, félon la Loy n'étoient deftinées que pour les jours de^^^'*^"^*
retesj au tems de votre ltejje& de vosjetes-jolemneUes y & au commencement «Gdansk
vos. mois vous fonnereZr des trompettes fur vos holocaujles , ^ fur vos Jacnfices de 3^"^?'*''
frofperité. La même Loy leur ordonne de fonner ces trompettes dans leurs îo. v. io^
guerres pour fîgnal de la bataille, & de s'enfervir pour aflembler Ifraël,
^ pour lignai de leur marche dans le défert. Mais nous apprenons des
Juifs , qu'on fe fervoit- de la trompette tous les jours dans le Temple : 6c ce-
la fe recueille allez de ce qui eil: dit au premier des Chroniques 6. 6, que
deux Sacrificateurs étoient continuellement devant l'Arche avec des trom-
pettes. Le fon de ces trompettes commençoit par une tirade d'un Ion uni. Et t. deia
& continuoit par un fon coupé & compofé de fredons ôc Taratantara i 11 """"P^^^^
finiflbit comme il avoit commencé par un fon plein & uni , & chaque coup
de trompette étoit compofé de ces trois fons differens.
Les trompettes ouvroient la journée 3 on les fonnoit à l'ouverture des
portes des Parvis, ôc cela fervoit comme de cloche pour avertir le peu-
ple de Touverture du Temple, afin qu'on s'y acheminât. 2. On fonnoit
des trompettes au rems du fervice, ôc du facrifice continuel, qui fe fai-
foit le loir & le matin : les Sacrificateurs qui fonnoient de la trompette,
fe tenoient entre la porte du Temple & l'Autel àts Holoeaufles, & les
Lévites qui leur répondoient, & qui jouoient desinftrumens, étoient de
l'autre côté de l'Autel , tournant le vifage vers le Temple , ôc le dos au Par-
vis dans lequel étoit le peuple. Les trompettes commençoient la Mufi-
que, pour avertir le peuple du tems auquel on faifoit le facrifice du matin,
èc laMuiiquedes voix& des inilrumens, ne commençoit que dans le tems Les vofer
qu'onTailbit le Ubamen , ou l'effufion du vin , qui nefe faifoit qu'après que ^^^^^^ ^'^^
les membres de la béte étoient aiTangez fur l'Autel. Dans le concertde
voix ôc d'inftrumens , il ne pouvoit y avoir moins de douze voix j mais il
y en pouvoit avoir beaucoup davantage j- il n'y avoit qu'une cymbale, par- ufagedeîa
ce que ce fon éclatant eût tout englouti les voix & les inftrumensdoux; *^^"*''^^^*
pour les hai'pes-, il n'y en pouvoit avoir moins dedeux, & jamais P^i^sdeyf^ ^^^j^
fîx. Q[iant aux violes ,. on n'en pouvoit avoir moins de neuf, mais au àc(- harpe,
fus, tant qu'on vouloit , à caufe que ce font des inflrumens doux, & dont
le fon s'accorde admirablement avec la voix.
Ces voix & ces inilrumens chantoient certains Pfeaumes , félon les dif- Divetfité de
ferens jours de lafemaine, & les différentes fêres. Le premier jour de la Cantiques,
feraaine on chantoit le 24. Pfeaume, La terre auStigneur appartient^ 6cc. Soient ,'^Ju'
a caufe que c'étoit le jour de la création : Le fécond jour on chantoit le 48. ^V°"°'^"^
JLe troih-eme jour le 82. Le quatrième ]our le 94. Lecmquieme jour le 8i . &xeàs jouis.
Le fixiémejour le 93. Le jour du Sabbat le 92. avec une fixiéme partie
du Cantique de Moyfe, Deuteron. 3 2. au fervice du matin , 6c une fixié-
me partie du Cantique de l'Exode au facrificedu foir. Et il y a bicr ap-
parence queStJeanfaitallufion à ces Cantiquesde Moyfe, qui fecbantoicnt
le jour du Sabbat , quand.il dit , c^ueies Saints chantaient dans le ciel le Cantique de Apocaîypiê
Moyfe ^^poxiv fignifier qu'ils chantoient le Cantique du Sabbat, parce qu'on les ^s. 3.
reprefente comme étant dans leur éternel Sabbat. Les nouvelles lunes,
les fêtes 6c tous les jours extraordinaires avoient leuf j Pfeaumes 6c leurs
Oo 3 Can?
Î9+ HIST OIRE DES D OGMES
Cantiques particuliers, & même tous les Pfeaumes de David ont été don-
nez & compofez par David , ou par des faints hommes , 6c donnez au Maître
•Chantre pour être mis fur les intlrumens, comme cela fe voit par les ti-
tres de CCS Pfeaumes. Ces Maîtres Chantres étoient Afaph, Ethan , Jc-
duthun, Eman, dont il eft fouvent fait mention dans les titres dcsPfeau-
s. chioa. mes , & dont Efdras nous parle , difant , ^«'/7j prophetifoient par U commijfim
^i- dn Roy ,& cjh'iIs prophetifoiem av€c violons & mttfettes ^ cymbales ,^c. C'eft-
à-dire, qu'ils chantoient des Cantiques compofez par l'efprit prophétique.
EngueifcHs Ce qui peutfervir de Commentaire à ce que dit St Paul, queUfemmeqm
propheti-^ p^opheùfe fans avoir U tête couverte^ deshoyiore fon chef. C'eil-à-dire , qui
?;0'«nj.'*3ns chante les Pfeaumes compofez par efprit de Prophétie. Je ne doute pour-
i.côr!iî. tant pas qu' Afaph n'ait aulîi compoie divers Pfeaumes, qui portent fon
^' nom. Les infirumens de Mufique, & les voix fe joignoient j mais les
trompettes fe taifoient quand les inftrumens & les voix commençoient i
parce que le fonde la trompette eût englouti toute la Mufique. LesChan-
ti-es coupoient leurs Cantiques ou Pfeaumes en trois feâ:ions, ou paufes,
& s'arrêtoient alfez confiderablemcnt entre les paufes, & pendant que les
Chantres ceffoient, les trompettes donnoient trois coups. Chaque coup
étoitcompofé des trois fons dont nous avons parlé, un fon plein, unfredonj
& derechef un fon plein.
A chaque Et le même ordre s'obfervoit dans le facrificc du foir, on repetoit les
^îe fe îof." '^^^"^^s Pfeaumes , & les mêmes fons de trompettes. Outre cela chaque
tetnoit. fête avoit pluiîeurs fons de trompettes : La veille du Sabbat on fonnoit au
i.chron. foir la trompette pour avertir de l'heure à laquelle il faloitceflèr l'ouvra-
ge. Comme le fervice étoit plus long le jour du Sabbat, il y avoit auffi
divers coups de trompettes ajoutez : 11 en étoit ainfi des autres fête*, dont
on parlera dans U fui te.
TroiCéme Letroifiémc ordre de Lévites étoit celui qui étoit deftiné à faire les ou-
LevitelTôc vragcs du Temple , 6c à fervir les enfansd'Aaron, c'eft-à-dire, les Sacrifi-
icursfervi- catcurs. î. Ils étoicnt établis fur les parvis, 6c fur les chambres pour net-
"*' toyer toute chofe fainte. Mais il faut remarquer, qu'il ne leur étoit pour-
i.chron. ^aut pas permis d'cntrei" dans le Hcu Saint , 6c dans le lieuTrés-Saint pour
23. 2S. les nettoyer: les Sacrificateurs y entroient feuls, en ôtoient les ordures 6c
niques chap. l^s mcttoicnt entre les mains des Lévites j comme il paroît par l'Hiiloire
a». 16. d'Ezechias. Ils entroient donc feulement dans le parvis des Sacrificateurs,
dans les chambres,dans les logemens autour du Temple,6c dans tous les par-
te parfum vis , ils avoient le foin de nettoyer tout. 2. Ils étoient établis pour avoir foin
pofoit'^que" ^^ ^^ matière des facrifices 6c des offrandes, des bêtes du facrifice continuel,
paiiesSacri- du fel, del'huilc, des pains de propolition , de la farine pour faire les gâ-
voyl^^^.dii teaux, les Sacrificateurs pouvoient s'y employer, fi bon leur fembloit:
ï.chioiu Mais c'étoit proprement l'ouvrage des Lévites. Ils avoient en un mot le
'"' foin de faire toutes les provifions du Temple, de bois, de bled, de vin,
d'huile, 6cc. Ils avoient la garde, 6c la direétion de toutes ces chofes 6c
I. chron. (jes chambres , dans lefquelles on les confervoit. 3. Ils avoient le foin que
& 28.' Ils le Temple 6c les Sacrificateurs fulTent fournis de tous les infirumens 6c
rTahî"^ utenfiks du fervice, couteaux, baffins, plats, 6cc. Ils tenoient tout cela
p"conce!"* fort net, \ts ferroient dans les Heux deftinez à cet ufage-là, 6c les remet-
doient^dë ^^^^"^^ ciitre les mains des Sacrificateurs. 4. Ils avoient aufii quelque era-
ET DES CULTES DE L'E G L I S E. P^rA IL 2^5
ploi dans les holocaultes & dans les lacrifices j ce qui fe voit au i. Chron.
25. 31. Il n'eft pas exprimé quels étoient ces offices i mais nous le recueil-
lons d'ailleursv II eiï certain que ce n'étoit pas à eux de faire l'afperfion
du fang, ni àjetter, ou les graifîes , ou les membres de l'animal fur l'Au-
tel pour être confumez, car cela apparrenoit aux Sacrificateurs feuls.
Mais par la Pâque d'Ezechias , & par celle d'Efdras jilparoîtquelesLe-jo^v/^'gc
vites égorgeoient les agneaux de la Pâque, & par conféquent les autres 17-
victimes, car s'il était permis aux particuliers d'égorger foy-mêmelesvic-^ asô.i*,
times de leurs propres facrifices , à plus forte raifon cela étoit permis aux
Lévites. Or qu'il fût permis à chacun d'égorger luy-même fa bête à la
porte du parvis des Sacrificateurs 6c dans le parvis même , Codwark l'a
fort bien prouvé. Il femble qu'ils euflent auffi la charge d'égorger les j^ .
viétimes , & de les démembrer : voyeç la Pâque de Jofias. Il efl vrai qu'il 14 5. 5r ch.
s'agit-là des viélimes de la Pâque. Mais je croirois allez aifément , que »^ch,4.
les facrifices ordinaires étoient maniez, feulement par les Sacrificateurs, ôci. chroniqi
que les Lévites n'y étoient appeliez, que quand il y avoit beaucoup de'^*"'
viélimes, & peu de Sacrificateurs, f . Enfin il ne faut pas douter qu'ils
n'euirent foin des habits des Sacrificateurs pour les ferrer , les tenir nets ,
& les tirer dehors quand on en avoit befoin. Ils avoient foin des eaux, des
conduits èc des cuveaux,à ce que le tout fût en bon état. Ces Lévites étoient
fans doute divifez- en 2.4. ordres, auffi bien que les Sacrificateurs cc les Chan-
tres, ôc fervoient par tour. Du tems de David il y en avoit ^4. mille em-ï^chro»,.
ployez ordinairement à cet ouvrage, c'étoit mille par chaque femaine. 11*^" ^^'
n'en, faloit pas moins pour le fer vice d'une auffi grande maifon , & ces mille , chrosiq,
fervoient par jour, environ ij'a. Il y avoit 4000. PoFtieKS, divifez en 2,4. ^3- 4.
clafTes; cela faiibit prés de deux, cens , favoir environ t/o. pai* femaine en
ferviccj, il y avoit auffi 4000. Chantres.
Ces Lévites étoient reçus dans l'exercice de leurs emplois , félon la Lov, D'autres di-
à 20. ans. Cependant au Livre des Nombres chapitres, verfet 24. leur âeclf"^^"*^:^^'''
^ ^ ^ r ■ n ' ^ ; r • j • r ' j ^ puis zi.juf-
pour commcncer a icrvir clt marquc a ip ans, le LeviU depms l âge ^^ zj. quesàjo.
ans & an deffiis entrer-a en ferviee. Mais la réponfe eii qu'à l'âge de zz. ans ils !/f,^^''?'^°'
eoramençoicHt a avon* entrée dans le lempie, ce a raire quelque lervicejiexempie,
& non pas tout. Jufques à |o. ans ils fervoient aux anciens Lévites. Da- "uis^j'ï'^ifs*'"
vid même à la fin ôc dans fes dernières années les fit dénombrer ôc entrer ponoknt
en fervice dés l'âge de zo; ans, fi ce n'eft que par dénombrer, dans le pre- '®^ aidcaux..
mier Livre des Chroniques , on ne fignifie autre chofe , que mettre fur.
le regiftre, & non pas employer au fervice, c'eft-à-dire qu'on les fit met-
tre fur le rôle, pour s'en fervir au befoin,- Ils entroient donc régulière-
ment en fervice à 5p. ans, & ils en fortoient &; devcnoient ementià yo,
ans. Surquoi.la remarque d'Abarbineleft judicieufe,«ii^»/if«?fri(.f 8. ^'«^^^'jf'^*
vitAs inductt irreguUriîatem ittai^nonmacnU', contra int^r Sacerdotes macnU in- innumeios>
dncum irregHUritatem^ non anni. Entre les Levitesc' étoit Tâge qui rendoitin- !,• h-
capable du fervice , & non les taches y Au contraire entre les Sacrificateurs , lemonle'dè-
c'étoient les défauts corporels ,. Se non les années qui rendoient incapables J'.inaugura-
du fervice. En effet, il eil remarquable, que les Lévites n étoient vires, on '
point incapables de fervir pour leui-s défauts corporels , pourvu que '« la^oit &:
d'ailleurs ils fuffent forts , car un manchot & un boiteux alTurément voy^Nomu"
a^auroit. pas étd reçu. La raifon pourquoi à cinquante- ans ils étoient «• t;^^
de- 5L|. s>2^r
:Ëfdxas.t.zOo
196 HISTOIRE DES DOGMES
déchargez , ne venoic que des travaux aufquels ils étoient expoiez , & parce
qu'à fo. ans la voix des Chantres ell gâtée. Ilsn'avoient pas d'habits par-
ticuliers, ils étoient habillez comme le peuple: cela paroît , par ce que
Antiq. rapporre Joléphe, que fous le règne du Roy Agrippa, lesLcviresobtin-
^ib. ao. C31V j.gj^,- ^^ i^Qy ^ ^ju Sanhédrin , de porter la tunique de lin , comme les Sacri-
ficateurs : cela ne leur dura pas long-tems , car le Temple ne iijbrifta plus
gueres.
Tous les Lévites avoient leurs Chefs par deflus eux ; Chefs des Portiers,
Chefs des Chantres , & Chefs de ceux qui faifoient le fervice : ces Chefs
étoient Lévites, car le Chef de chaque clafle ou famille devoit être Lévi-
te, comme cela fe voit au 15. chap. du i.desChronic. 011 font contez fix
Chefs , appeliez les Chefs des Pères des Lévites , mais pardefTus ces Chefs ,
il y avoit un Sacrificateur commis» auquel ils obeiifoient tous. Du tems
de Moyfe ils étoient fous la conduite d'Eleazar,& d'Ithamar, les deux fik
-Chroniq. 9. d'Aaron : Eleazar étoit établi fur les Lévites qui faifoient le fervice dans
■j°j^f°"^''' le Templcj il ne faut pas douter qu'il m'eût le même pouvoir furies autres.
Sous eux ils avoient des valets appeliez 1>{ethiniens j Coupeurs de bois
cî«T- s- ÔC porteurs d'eau. Au commencement Jofué donna cet office aux Ga-
baonites. Enfuite David êc Salomon y en ajoutèrent d'autres à caufe
que la race des Gabaonites fut prefque détruite par le zèle indifcret de
Saiilj&auffi parce que le fervice du Temple étoit fort augmenté. Ils
furent appeliez D^:^n3 , c' étoient ou des captifs pris %n guerre , ou des gens
que David ôc Salomon donnèrent au Temple. Ils alloient couper le bois
dans les forêts, l'amenoientlpar charrois, & avoient foin àts fontaines &
des aqueducs en qualité de fonteniers. Ils faifoient l'ouvrage vil qui
regardoit le fervice du Temple. Ils apportoient le bois & l'eau juf-
qu'à l'entrée du Parvis des Sacrificateurs, où les Lévites les prenoiént
C H A P I T R E X.
Des autres Mmijîres du Temple ^ dont ilejlfait mention fous le fe^
cmd Temple.
E font là les Miniflres du Temple , defquels il nous efl parlé dans
le Vieux Teftament. Mais les écrits des Juifs nous parlent de di-
vers autres Officiers, quifemblent avoir été inftituez ou plus connus
fous le fécond Temple.
Dw grand Le plus confidctable de. tous c'étoit l€\:\D fegen OMpigm, c'étoit proprement
Souverain" ^^ grand Vicairc du Souverain Sacrificateur : C'eil: une vieille tradition des
saciificateur. Juifs que la vcillc du jour des Propitiations , on élifoit un fubilicut au Souve-
rain Sacrificateur, afin que fi par quelque pollution, il venoit à être incapable
Ainiquit. de faire le fervice, la Fête ne laiilat pas d'être célébrée. Jofephe recite un fait
jofeph.Lib. qui fert d'exemple, un nommé Matthias Souverain Sacrificateur fur la fin
î7.cap. . ^^ 1^ ^.^ d'Herode, ayant cru coucher la nuit avec fa femme, un nom-
mé Eiiem fit fon office. Mais fi cela étoit vrai au pied de la lettre, lé
Sagan
ET DES CULTES DE L'EGLISE. TartlL 297
Sagan n'auroit été Vicaire qu'un jour ou une fem aine dans l'année, au lieu
qu'il eft évident que cette charge étoit de durée. Si le nom n'étoit pas
connu fous le premier Temple, certainement la chofe l'étoit aflez. Je ne
doute pas qu'Eleazar ne fût grand Vicaire fous Aaron , Phinées & i.sam.s.Bc*.
Hophm étoient Vicaires de leur père Heli : Tfadocli étoit Vicaire fous
Abiarhar avec Ahimelcc du tems de David. Dans le fac de Jerufa-
lem fous Sedecias il eil parlé du fécond Prêtre. Le Prevot de VHôtd i.Rois-itî.
emmena anjfi Seraja le Souverain Sacrificateur, Ç^ Sophonie le fécond Sacrifixia' **'
teur , & les trois gardes des vaijfeaux. Ces mêmes mots font répétez en
Jeremie , & dans l'un & l'autre paflage , le Chaldée tourne ]iD Sagan. Il étoit jcrcmîe cap.
donc le fécond , il avoitla Surintendance fur tous les Prêtres, & dans l'ab- j*- *♦•
fence du premier Sacrificateur, il pouvoir faire tout ce que celui-ci fâifoit,juf-
qu'à vêtir l'Ephod , & entrer dans le Sanéluaire.
Au defTous de ce po Sagan, il y avoit deux Officiers que les Juifs ap- ®« intea-
pellent tantôt KathicoUn ^x^î^toi Kathtlokin , tantôt Katholikin. Quoi qu'il en nancesda
îbit, cela vient du mot Grec corrompu CathoUcus: nom dont on appelle Tempia
aujourd'hui le chef de la Religion àts Arméniens, Le Ca^hoUi^ue d^tÎAr mê-
me. Le Chaldée & les Talmudiftes cmployent ce mot fouvent pourfigni-
iier de grands Seigneurs. \h difent que la charge de ces deux
homînes etoit d'être Surintendans des Threfors du Temple, aufquels
tous les autres Receveurs & Threforiers avoient à rendre conte. Le Sou-
verain Prêtre & le Sagan avoient la Surintendance du fervice ,& ces deux
hommes avoient la Surintendance des finances.
Ces deux KathoUkins avoient fous eux fept autres Threforiers qu'ils appel-
loient pSdidx immarcalin ou amarcalin. On dit que leur office étoit de porter
les fept clefs àt^ fept portes du Parvis des Sacrificateurs, & les clc^h des Thre-
Toreries, poury mettre tout ce qui leur étoit mis en main par les Receveurs :
Ce mot eft fouvent employé dans la Paraphrafe Chaldaïque pour fignifierks
chefs desTribuSjPrinces du penple,comm€ dans les palîàges de la Paraphrafe, Numeror,
citez en marge. Ordinairement il fignifie les Prêtres gardes des clefs^leur offi- ^^}' ^; ^^^
ce étoit de garder les Vaifleaux par conte,ror,rargent, &: généralement tou- Levitiq. 4.
tes les richelfes du Temple. Ces charges auffi bien que les précédentes étoient {^j. î^Rég.
fixes & ne changeoient pas avec les ftations des Sacrificateurs. «*• »<»•
Enfin il y avoii trois pnaîji , ce mot fe lit dans le texte d'Efdras i . 8 . & dans
la Paraphrafe Chaldaïque d' Efdras 7. 2. i . Nous l'avons tourné Threforier. Ces
troJsThreibriers étoient proprement lesReceveurs duTemple,qui recevoient
■le ficle du Sanûuaire 6c l'argent du rachat de ce qui devoit être racheté,
parce qu'on ne le pouvoir mettre fur l'Autel. Ils gardoient auffi les
VaifTeaux qu'on dédioic au Temple, l'or, l'aigent, les habits, 6c toute au-
tre chofe qui revenoit au profit du Temple , foit par don , foit par ren-
te. Ce font peut- être ces trois gardes des VaifTeaux dont parlent l'Au-
teur du fécond livre des Rois 2f. 18. 6c Jeremie fi. 24.
Ce font- là tous les Miniftres du Temple. Mais il y avoit un autre or- Deshom*
dr€ d'hommes qui étoient obligez de fè trouver dans le Temple réglé- J?J* ^^^^
ment, -comme les Sacrificateurs 6c les Lévites. Ils étoient divifez com-
me eux en 24. cîafles : "chaque clafle étoit obligée de monter au Tem-
ple par femaine , comme les Sacrificateurs 6c les Lévites, 6c d'affifter au
fervice journalier qui fe faifoit 4an§ le Temple. Ces hommes n'étoient
'l'an, IL Pp ni
15^8 HISTOIRE DES DOGMES
ni Lévites ni Sacrificateurs. Ils étoient choi^ d'entre le peuple qui dc-
meuroit dans tout le pays : On les appelloit "lOi^on '<mii Firi Sationarii ^
parce que leur office étoit d'être ailîiftans au fervice q;ui fe faifoit dans le
Temple.
Trois lai- L'établiflemcnt de ces hommes étoit appuyé fur divers principes. Le
iSitulion pi'emier, c'efl que jamais on ne pou voit offrir de Sacrifices pour quelqu'ua
4es hommes qu'il ne fût prcfcnt , ou quelque autre pour lui quile reprefentât & qui agît
içj.'°^°"" en fon nom. Ainfi cts hommes afiîftoient aux Sacrifices par devoir afin
de comparoître pour les abfens.. La féconde raifon , c'ell qu'il y avoit
des Sacrifices qui s'offroient dans le Temple pour toute la nation: En-
tr'autres le Sacrifice continuel du foir ôcdu matin. Or toute la nation ne
pouvoit être convoquée deux fois par jour pour aflifter aux Sacrifices^
qui fe faifoient pour elle. Ainfi les hommes fiationnatrey. étoient propre-
ment établis pour reprefenter le peuple. La troifiéme raifon de cette
inftitution , c'efl qu'on ne doit faire aucun fervice public que dans une
affemblée. C'efl pourquoi les Juifs obfervent de ne faire aucun culte pu-
blic dans leurs Synagogues , s'il n'y a tout au moins dix perfonnes ; Sur
tout il eut été tout à fait mefféant que le fervice folennel , qui fe fai-
foit tous les jours dans le Temple, fe fût fait fans affiftans. On yfacri-
fioit au moins deux fois le jour, foir & matin, on y lifoit laLoy*deux
fois au matin ; ôc on y faifoit 4. fois des- prières. Or il feroit très fou-
vent arrivé que tout cela fe feroit fait,, fans un nombre compétent d'af^
fiflans , fi on n'avoit particulièrement donné commiffion à certaines
gens de s'y trouver au nom des autres. Et je ne doute pas que ce ne.
ïoit la vraye ôc principale raifon de cet éiablifTement, C'ieft pourquoy
ces hommes fiattionnaires étoient obligez de monter de toutes leurs demeu-
res en Jerufalem. Mais ceux qui ne pouvoient le faire à eaulc de lagran^
de diftance ,, ou de quelque maladie , ou quelque autre obilacle invinci-
ble, s'afTembloient durant leur femaine dans la Synagogue du lieu 011 ils
demeuroieut, & jûnoient, prioient, & faifoient laleéluredekLoy, diri?
géant leurs cœurs vers Jerufalem,, oia ils ne pouvoient être, ils jûnoient
le 1^^. le 3"^*. le 4'ne. le 5"*. jour àt cette femaine , c'efl-à-dire, le Lun-
di, le Mardi , le Jeudi & le Mecredi. Je ne fai fi \tî,Jiaîions , dont il elt tant
parié dans les Auteurs des premiers fiecles y entre les Chrét'iens,.n'ant pas
tiré leur origine de là. (^elqucs-uns ont penfé qu'un àts offices de ces
fiationnaires etoit de mettre leur main fur la tête du Sacrifice cantinuel
au nom de tout le peuple- Mais Maimonides nous apprend ^ que cette
coutume de mettre la main fur la tête delà viéfcime, n' étoit ufitée dans
\qs Sacrifices qui fe faifoient pour toute la congrégation, qu'en deux occa-
fions, la première dans le jour des Propitiations, la féconde, quand la con-
grégation avoit commis quelque faute par erreur. On dit que les ftation-
naires étoient obligez de prendre connoifTance de ceux de l'afiemblée qui'
avoient quelque feuillure , afin qu'ils fiflênt leur purification; Il ne leur étoit
pas permis durant leur femaine de faire monter fur euxlerafoir, & de laver
leur vêtement, ôc ils dcyoient. avoit fait, cela avant que d'entrer dans leur
femaine de fervice,. '
c:h:A:w-
ET DES CULTES DE L'EGLISE. Part.ll. 299
G H A P I T R E XL
De ['Entretien des Miniftres du Temple ^ c'efi-à-dire ^ desDtxmes.
Revenu du Temple lui-même y ou du Skie du S annuaire,
TOus les Miniftres du Temple de la maifon de Levi , tant Sacrifica-
teurs que Lévites, félon la Loy, ne dévoient pofTeder aucune terre ni
aucuns fonds, comme cela eft ordonné fort au long , dans les textes Dans le n,
citez en marge. Seulement on leur donm^it en chaque Tribu des villes Nombres
avec leurs fauxbourgs, pour y demeurer, c'eft- à-dire, dequoi faire des au ig. du'
Jardinages à Fentour j 6c point de champs & déterre à labourer. Mais S?,^^&°Tt!
Dieu avoit abondamment pouvû à l'entretien de tous les Miniftres du fué.'u, 14,
Temple.
î. On donnoit aux Sacrificateurs les premiers fruits avant que degoû- offrande deg
ter & recueillir aucun revenu de la terre, du bled, orge, figues, rai- fta^'"*
fins, olives, grenades, ÔC dates , on ne donnoit que de cts iept cho-
^s pour les premiers fruits. Et cela fe donnoit félon la volonté du pè-
re de famille fans autre règle. Mais c'étoit peu de cholè j c'étoit une
poignée de bled & d'épis des premiers mûrs qu'on pouvoit découvrir.
Il femble pai* la Loy du Levitique que les premiers fruits ne s'ofFroient Levtriquë.
qu'après iamoiftbn. Seldenus diftingue les prémices du bled, de l'huile, J^^f; **'■
du vin & des Toifons, qui font commandées par Moyfe dans lech. 14.
du Deuteronome, comme fi c'étoient des choies différentes, il prétend
que cts fécondes prémices ne fe donnoient que de ces quatre chofes , &
qu'on les appelloit nonn oblation élevée. Mais je ne faurois appercevoir
dans la Loy le fondement de cette diftinétion , tout cela s'appelloit
n'i^'Ni & dans le Levitique 23. 10. où il veut qu'il foit parlé de ces premiers
fruits, & dans le Deuteronome i8. 14. Ainfi Seldenus doit avoir pris ce-
la de la tradition des Juifs. Ce qui elï peu important, car tout le mon-
de avoue que les premiers fruits étoient peu de chofe. Voici les cé-
rémonies que les Juifs Talmudiftes & Maimonides dans le traité Biccft-
rim , difent qu'on obfervoit dans l'oblation des premiers fruits.
Toutes les bourgades qui étoient d'un certain reflbrt s'aflembloient dans
la ville de leur dépendance , & couchoient dans les rues , pour n'être
point fouillez par hazard. Le matin le conduéteur les éveilloit en di^
fant, mimons m Bion en l a montagne àe notre T)iei^. Ils marchoient ÔC fai-
foient marcher devant eux un taureau, dont les cornes étoient dorées , avec
une couronne de branches d'Olive fur fa tête ^ ils ne cheminoient que
les deux tiers du jour 5 Quand ils approchoientdejerufalem, ilsenvo-
yoient un meflàger pour donner avis de leur venue , & ornoient leurs
corbeilles de fleurs, & de leurs plus beaux fruits. Les Principaux d'en-
tre les Sacrificateurs venoient au devant d'eux jufques hors de la vil-
le. En arrivant à la ville , ils difoient en marchant dans les rues , nos
Pp 2 pe4$
IQo HISTOIREDES DOGMES
gieds fe tiendront en tes portes 0 ?erufaUm. Et les gens de la ville leur ré-
pondoient S ms frères venns aun tel lieu^jojez, les bien zienns. La flûte jouoit
devant eux comme dans toutlecheminj quand ils étoient arrivez au Tem-
ple , chacun prenoit fa corbeille fur fes épaules , fans excepter même le
Roi, difent-ilsjôc entroient dans le Parvis des femmes jufques à celui des
Sacrificateurs , 6c au pied de T Autel en chantant le Pf iif. Arriviez -dans
le Parvis dss Prêtres , ils chantoient le Pf. 30. & quand ils étoient aa
pied de l'Autel , ils difoient à haute voix, /« reconnais anj»ftrd'hui que je
Juis entre en pofjejfion de la. terre. Et ils continuoient par les paroles du 26.
du Deuter. 3. Mon père était un pauvre Syrien &c. juÇ^nesau i o. Ils ôtoienc
leur corbeille de delîus leur épaule , le Prêtre mettoit la main deflbus,.
ou la tournoyoit devant l'Autel en> pronon^nt les paroles fufdices, puis
on lapofoit auprès de l'Autel, 6c on s'en alioit. Onyjoignoit ordinaire-
ment quelques couples de pigeons ou de tourterelles , & c'étoit pour le^
facrifjce: les corbeilles appartenoient aux Sacrificateurs de tour, qui diflri-
Matmonides buoient entr'eux ces premiers fruits. L'on ne confondoit point ces
ca'p"î!'" prémices dans la même corbeille , mais chaque fruit avoit fon lieu à
part.
offande des Lcs prcmiccs commençoleut à être quelque chofede considérable, car
piemices^^ {^\q^ \^ tradition àt^ Rabbins ce devoit être tout au moins la 60°*®. par-
ia"foixantié- tie du tout : Cfiux qui vouloient être honorables donnoient la 4oni«. , ôc
mepaitie, jgj autrcs la 50™*. mais au moins ce devoit être la 6o«»«. de fix mille boif-
fcaux cent, 6c à proportion des moindres revenus, 6c cela appartenoit aux
Sacrificateurs feuls. Les LevfEes n'yavoient pas de part.
La grande z, Aprés on.fcparoit k grande dîme qui étoit la dixième partie dont
h dixième ^^ principal appartenoit aux Lévites. De 6000 boifleaux on en levoit fix
prtié defti- ccns. Elle fe prenoit du bled , du^ vin , de l'huile ^ qui faifoient le reve-
îkes*"* ^^' "'^ ^^ ^^ ^^^^^ ^" p^y^'
La dîme de 5. I>e Cette grande dîmc dcftinéc aux Lévites là dixième partie en
jgj^JJ'/jfgç"! étoit deftinée aux Sacrificateurs, 6c cela s'appelloit la dîme de la dimc.
teurs. Car les Sacrificateurs étoient autant au defl'us des Lévites, que les Le-
^«"'té!" "^^^^s étoient au deflus du peuple: C'eft pourquoi les Lévites dîmoient le
peuple, 6c les Sacrificateurs dîmoient les Lévites.
Seconde dî- 4, Outre Cette grande dîme qui appartenoit aux Lévites & aux Sacri-
B t^on. ^^^^^"ï's conjointement, le Père de famille étoit encore obligé de lever
une féconde dîme ou dixième partie du reftant , 6c cette féconde dîme
étoit employée, lo- à faire les voyages aux Fêtes folennelles , à célébrer
les Fêtes, 6c à faire de grands repas dans les Fêtes où étoient invitez
les Sacrificateurs, les Levites^ 6c autres. 2**. à faire des œuvres pieufes,
aumônes 6c liberalitez aux pauvres.'Le commandement s'en Ut au 14. du
Deuteronom, 15. 24. 6c tn manger-as devant l'Etemel ton Dieu ^c. Si Jç
lieu de la demeure n'étoit pas trop éloigné de Jerufalem , on y portoic
lé bled, le-vin, les bêtes de la dîme en efpece, mais fi le chemin étoit
trop long , on la convertiflbit en argent , 6c oh l'employoit à l'ulàge de la
deftination-^ c'eil qu'on en achetoit des vivres pour la Fête.
Il y a: au fujet de cette féconde dîme une aflèz grande difficulté. Il
«CMOD. 14,^'^^^^^^ par la Loy de Mbyfe que les dîmes ne fe levaflent que de trois ans
^«. ep trois ans- : ^ httt dg. troit éimtH tirsras tomes les dîmes, de ton rapport de
j;.'^'"- ««A
ET DES CULTES DE L'EGLISE. PartAl. 501
iffettc année- la <i &les mettra: dam tes portes. Lors le Lévite ^ d'autant ^»';7 n'a
pas de portion ni d'héritage avec toy , viendra , & aujji P étranger &c. l'orphelin çjr
la veuve. Scaliger interprète cela de la première & grande dîme, laquelle il Diatriba de
prétend n'avoir été levée que dctrojs ansen trois ans du revenu de l'année, **"'°*"'
mais fi cela étoit dequoi auroicnt vécu les JVliniftres du Temple dans les
deux autres années ? Ainfi Seldenus tient que cette grande dîme le levoit rè-
glement tous les ans.Et il interprète ces trois ans de la féconde dîme qui fe le-
voit aufîî tous les ans, &deux ans de fuite on la portoitàjerufalem pour
y être conlumée en aumônes & en repas devant le Seigneur v Mais chaque
troifîéme année,, dit-il, cette féconde dîmefeconfumoit dans les portes 5
c'efl-à-dire, dans la demeure du pcre de famille , & fe diliribuoit aux Lévites
des lieux voifîns & aux pauvres veuves 6c orphelins. Et Seldenus prétend que
e'efl ce qui s'appelle fouvent aufîî la troifîéme dîme 5 c'efl-à-dire , la dîme
de la troifîéme année, quoi que ce ne fût que la féconde dîme, différem-
ment confumée. Car deux ans durant on la cpnfumoit à Jerufalem, & la
troifîéme on la confumoit fur le lieu même. Tobie parle de cette troifiéme
dîme chap. t. 7. Quant à la troijîéme dtme Je la donnais à ceux anf^uels il étoit
convenable, félon qtte m'avait comraandé Deb or a la mère de mon père. La plupart
eftiment que cette dîme de la troifiéme année étoit toute difFerente des deux
autres & qu'elle étoit deftinée aux pauvres chaque troifîéme année.
4. Selon le conte de Seldenus 6c des Juifs la dîme aîloit à la cinquième Sommet»^
partie du revenu total 6c plus: par exemple de 6. mille boilTeaux de bled ^f^lj"
on en mettoitàpart pour les prémices loo. boiffeaux: lien reftoit fpoo, d* lee-
doncon prenoit pour la grande dîme fpo. refloit f 310. fur laquelle on ^°emiccsn
prenoit encore une dixième partie favoir 531. Ainfî de 5aoo. boif-fti®'.»"»^'
féaux on en ôtoit pour les trois dîmes , c'efl-à- dire , pour les prémices 6c ou^n'pea
pour deux dîmes, iiii. 6c il en refloit pour le maître 4771. fî les dî- pius.icftokf
mes eufient monte a ifoo. ce leroit le quart. 11 eit a remarquer que la dixième,
tribu de Levi n'étoit qu'une douzième tribu, mais qu'elle ne faifoitpas la^«^= ««•
40'°*;partie du peuple,cela fe peut voir par le Livre des Nombres.Les Tribus féconde
d'Ifraël fe trouvent monter à iix cens trente cinq mille 6c fO. hommes ^ï^*'^™^^""'^
portant les armes i 6c les Lévites depuis l'âge d'un mois ne furent que 22,. c'étoit en
mille, àconter depuis cet âge il y avoit peut-être alors plus d'un million de""*^"^"
perfonnes dans le refle d'iiraël. Du tcms de David on ne trouva de Le- cent,
vîtes qu'environ 28. mille hommes depuis îo. ans 6c au-defTus, 6c il pa-Nombr«
roit que le reite d lirael montoit a treize cens mille hommes dégainant chap. 3. 3^-
l'èpée, 6c félon le chap. r. des Ghronic. 21. f.. en trouva en tout Ifraël ]• ^'^^°"*
quinze cens foixante-dix mille hommes , fans tenir conte des femmes, des i.sam,
enfans 6c des jeunes gens incapables de porter le^ armes. Cependant cette par"*4. 9- -
tie du peuple qui étoit la moindre avoit la cinquième partie du revenu ,
outre le. profit qui revenoit des offrandes du Temple, des ficrifîces 6cc> ce
^ui nefe peut quafi nombrer. Ainfî il faloit que ceux qui faifoient le fer-
vice de Dieu fuifent très opulens-: les Sacrificateurs avoient pour eux feuls
la dîme de la grande dîme des premiers fruits qui étoit l'élite de tout : Et
de plus le profit qui revenoit de la<chair6cdes peaux des bêtes j 6c de tou-
tes les autres offrandes de fruits 6£ de liqueurs , en un mot tout ce qui ne fe
c-onfumoit pas dans le lervice leur appartenoit.Pour la féconde dîme il femble
îgi'-ii ç*i r€.venoit peu au profit des Miniflres du Temple, car elle fe con-
Pg, 3 fumoil'-
502 HISTOIRE DES DOGMES
Ibmoit en repas 6c aumônes ^ & les pauvres y avoieiu leur bonne part. A
38. mille mâles de l'âge de 50. ans &; audelTus (î l'on ajoute les femmes,
lesenfans, & les jeunes hommes audeflbus de 30. ans, il faloit qu'il y eût
plus de I f 0000. perfonnes dans la tribu de Levi , fans les familles des
Sacrificateurs . Le Temple nourrifibit tous ces gens-là, de force que fans
hyperbole c'étoit la plus riche maifon du monde , fans en excepter les do-
maines des plus grands Princes, ÔC des plus puiiTans Rois j car il n'y en a
point eu qui de fes revenus ôc de fon domaine pût entretenir deux cens mil-
le domeftiques. Et le fécond Temple devint encore beaucoup plus riche,
cardeladilperfionde la nation des Juifs vint fa multiplication: De toutes
les parties du monde les richefTes abordoient à ce Temple. ïl n'y avoit
pas de fête folennelle oij il ne fe trouvât à jerufalem pludeurs centaines
de milliers d'étranga-s ; ôc pas un n'y venoit les mains vuides , ceux qui
n'y pou voient venir y envoy oient leurs prefens.
f. Outre les dîmes du revenu de la terre il y avoit celles des troupeaux
qui revenoient immédiatement aux Sacrificateurs, i. Tous les premiers
nez du bétail qui écoient nez, des vaches, des brebis , ôc des chèvres, dévoient
Koœb. i«. être envoyez en efpece au Temple. Mais les premiers nez des hommes
Q'^^j-jjgjQujes dévoient être rachetez de cinq ficles d'argent, pour les mâles, & ^.ficles
«es dîmes il pour les femcUes. Les premiers nez des bêtes immondes, chevaux, ânes,
îcsp°em?ces chameaux , ècc. étoient rachetez félon le prix de l'eflimation. Mais ou-
des pâtes, trc Cela ils dîmoient le bétail de cette manière, difent les Juift, ils l'en-
Lent. 17. 5. fei-jnQieî^t dans un parc ou bergerie, d'où on ne les laiflbit fortir qu'un à
^Becou-^" ^^"^ ' ^ ^^^c une 'verge teinte d'une teinture rouge ils frapoient chaque
loth. cap. 7. dixième bête & elle en demeuroit marquée , foit qu'elles fuilènt bonnes
ou mauvaifes, faines ou malades, les marquées étoient la dîme & ne fè
Lev'ir, z7. pouvoient changer : c'efi ce qui fe peut recueillir en effet du 17. ch. du Levi^
81. & iî. tique, cela fe payoit au SacrificateurjComme on le voit dans l'endroit cité du
Levitique.
L'Ecriture ne nous dit rien de la manière dont ces dîmes étoient diftri-
buées, combien en avoit le Souverain Sacrificateur, 6c combien les autres Sa-
crificateurs. Il y a apparence qu'elles fe divifoient par têtes , depuis les
Nombres enfans d'un mois. Car Dieu fit enrôler tous les Lévites depuis l'âge d'un
î'**' mois, afin qu'ils fufTent au lieu des premiei-s nez d'Ifraël. Or puifqu'ils
étoient fur le rôle , 6c qu'ils avoient dés l'âge d'un mois le privilège de
reprefenter les aînez du peifpîe devant Dieu, il eft apparent qu'ils avoient
aufîi le privilège d'avoir part au bénéfice 5 Pour l'inégalité de la diftri^
bution , fans doute elle étoit félon les emplois 6c les dignitez , félon le
jugement du Prince & du Sanhédrin : la manière de lever ces dîmes
étoit de les aflembler dans des greniers 6c des granges en chaque Pro-
vince par le moyen des Lévites qui étoient députez à cet office, ce que
î.chron. vcut dire làns doute Efdras au 1. Chron.oii il parie de Lévites qui étoient
z6. v.io. employez dans les Provinces, pour tome affaire de f Eternel & pour le fervice
2°chrM. dn %py. Les affaires de l'Eternel c'étoit de lever les tribus 6c les dîmes
îi. ip. pour le Temple 6c pour la maifon de Levi.
Maimonidcs ^- H cft à remarquer que la tradition des Juifs nous apprend qu'on ne
mBiccurim devoit les dîmes que de la terre de Canaan j 6c les Rabbins ajoutent, de
^^' *' quelques terres adjacentes , comme Pcnnaar , Moab , pais de Hog 6c de
Si-
ET DES CULTES DE L^EGLISE. P^rf. IL 303
Sihon, de Hammon , d'Egypte. Je ne fay fur quel fondement on appuyé
cette tradition, puifque Maimonides dit, qu'on ne devoit pas tirer le profit Maîmon^dee
de la terre des Cuthéens ou Samaritains. Or le pa'ïs de Moab, Hammon Thctouma
Sihon, Egypte, étoient plus étrangers à l'égard de la terre faintc, que
le pais des Samaritains qui avoit été détaché du païs de Canaan. Après lar
difperfion les Juifs épars en diverfes parties du monde ne dévoient point
de dîmes aux Lévites. Mais ils payoiant au Temple des offi-andes volon-
taires 5 car il étoit défendu de fc prefenter devant l'Eternel les mains vui-
desi tellement que la nation des Juifs étant prodigjeufement multipliée le
revenu du Temple devint fort grand.
7. Ces dîmes furent rétablies après le retour de la captivité comme il MaUchie-
paroît par un pafTage du Prophète Malachie , mais il paroît aufîî par^'***'^'^
le même paffage de Malachie que ces dîmes fe payoient avec une
grande négligence. Particulièrement depuis la nouvelle dédicace du^
Temple faite par Machabée jufques à Hircan l'efpace de |o. ans , on
négligea fort de les payer : C'ell pourquoi le Sanhédrin ordonna qu'on^
étabhroit des commis plus fidèles & plus diligens , ÔC depuis ce teras - là
jufqu'à la ruine du fécond Temple elles furent aflez exaâement pa-
yées: Cela paroît par ce que le Seigneur dit desPharifiens qu'ils dîmoient
[ufqu'à la menthe & au cumin, & aux herbes de leurs Jardins. LaLoy &
leur tradition ne mettoit pas les herbes entre les chofes qui dûfTent être
dîméesj c'eft pourquoi en cela ils avoient deflein de faire des oeuvres de
fûrerogation. Pafchafe Ratbert Abbé de Corbie en fon Commentaire fur Erreur dr
St. Matth.liv. 10. fe met fort en peine comment les Pharifiens payoient la Rafber? its-
dîme, parce qu'ils étoient du rang des Sacrificateurs & Lévites, ôc qu'ils de- Pharifiens
voient recevoir les dîmes ôc non les payer. Mais il fe trompe fort quand plïJiSde
il croit qu'ils étoient tous de la race de Levi. Ils pouvoient être de toutes la «ibu d®
les Tribus, Sl Paul étoit BenjamitcSc pourtant Pharifien: Il en étoit de ^**'
même des Scribes &: des Doâeurs de la Loi.
Il fembie pourtant que les dîmes fe payoient d'une manière plus libre
& plus volontaire fous le fécond Temple i car au 18. deSt. Luc. v. 12. le
Seigneur introduit le Pharifien mettant entre ces œuvres de fûreroga-
tion aufquelJes il n'étoit pas obligé , Je donne la dime de tout ce qsie je foffe-
de. Quoi qu'il en foit Philon Juif dans fbn \\vxe %spi rS, r/W yip« twv /fpiwv,
des honneurs faits aux Sacrificateurs , nous dit que ces dîmes fe payoient vo-
lontairement ÔC abondamment. Ils pr-evemient , dit -il, ces Officiers cj ni les
demandoient ^ (JT les payotent devant qu'elles fujfent dttes par la Lof ^ (^ oommé'-
s'ils eHJfent reçu un bienfait , pltiîk qttils n'en faifoient , les perfonnes de l'un ^
de ramre fex€y dans la fat fan de chacun des premiers fruits y Us apport oient eux-
mêmes avec une promptitude volontaire & un foin qui ne fc peut exprimer. Au-
jourd'hui comme ils n'ont plus de Temple ni de Lévites ni de Sacrifica--
teurs, ils n'ont plus dédîmes, mais les plus dévots d'entr'eux au lieu des
dîmes mètrent à part une certaine partie de leur revenu pour les pauvres.
Et même Scaliger dit avoir demandé à un Juif , fi en cas qu'il leur fût
permis de bâtir un Temple, comme après la caprivité, ik rètabliroient les
dîmes. Il lui répondit qu'ils ne pourroientpas aujourd'hui rebâtir le Tem-
ple, ni par confèquent rétablir les dîmes , parce qu'ils n'ont pas de legiti»-
sue Sacrificature ^ à caufe que leurs généalogies font confufes , 6c qu'on
504 HI S TOIREDES DOGMES
ne doit admettre à la Sacrificatuie que cekii qui a bien prouvé qu'il eft
décendu d'Aaron.
Bes reveuus i\ eft naturel après avoir parlé des revenus Ecclefiaftiques deftincz à Tcn-
Jç^S- trctien des Miniftres du Temple, d'examiner quels étoient les revenus du
icm,ôcdii Templeenfoi, auquel les Sacrificateurs & Lévites n'avoicnt rien, Surquoi
tuairc" ^"'^' OIT prcnoit dequoi fournir à la dépenfe du Temple même, dépenfe qui fans
doute étoit trés-grandc. Elle ne fe prenoit pas fur les dîmes qui appar-
ie Temple tenoient aux Lévites, 6c aux Sacrificateurs. 11 eft certain que le Temple
de jerufaiem jg Terufalcm étoit la plus riche maifon de l'univers. Premièrement à caufe
etoitlaplus , "^ , r y • j o
îichc maifoa des grands preiensquon y envoyoït de toutes parts, en argent, or &
4oniondc. pierres precieufes de la part des Payens mêmes. Les Juifs fur tout faifoient de
grandes liberalitez. Vous voyez cela dans l'hiftoire de la pauvre veuve, & de
la pite. Il y avoit dans le Parvis des femmes plufieurs troncs difpofez, où
l'on mettoit les dons volontaires, & cela n'étoit que pour l'entretien ôc le fer-
vice du Temple. Mais outre cela,afin que le revenu du Temple ne fût pas ca-
fuel. Dieu au 30. de l'Exode v. 13. &c. ordonne un tribut par tête fur tous
les mâles, depuis 2^. ans & audelfus , favoir d'undemi-ficle : quelques-uns
difent,que ce tribut n'étoit que pour la conftruétion prefente du Tabernacle,
mais par le fécond des Chron. 2.4. f. ilparoîtque c'étoitun tribut perpétuel
qu'Athalia avoit détourné pour le culte de fesBahalins. Dans lech. io.de
Nehemie, le peuple ne fe charge que de la troifiéme partie d'un ficle,
Sic Aben mais-c'étoit outre le demi-ficle ordinaire, parce que le derni-ficle étoit infuf-
EfMinio- £fant, à caufe dupetit nombre de ceux de la captivité. Les Romains mê-
jofeph. lib. mes le firent payer au Capitole fous Vefpafien. C'étoit ce demi-ficle qu'on
debeiîo ^^^^ demander à Jefus-Ch.Matth. 17.6c pourquoi il fit donner au poiflbn un
jHd. ftatere , ou un ficle entier , pour Pierre 6c pour luy. Les femmes 6c les
enfans n'étoient pas obligez de le payer : cependant quand ils le vouloien»t
bienonlerecevoit de leur main. Tous les hommes, quelque pauvres qu'ils
fufient n'en pouvoient être difpenfez , non pas même ceux qui vivoient
Traftat. d'aumôue, à ce que dit Mairaonides. Ce ficle n'étoit pas comme les dî-
iiS'^ mes , qui ne fe payent que de la terre , car il fe payoit par tout , 6c par tous,
*^' *' Prêtres 6c Lévites, comme par les autres également.
Le 1* jour du mois d' Adar , on faifoit une proclamation , afin que chacun
feprcparâtaupayement,6cle if. du même mois les Receveurs fe tenoient
au Temple pour le recevoir. L'argent qui fe ramaïîbit dans les Provinces ,
s'envoyoit à Jerufaiem 3 ou fe payoit à la prochaine fête de Pâque. Au refte
pour lavoir comment cela étoit fuffifant, il fiiut favoir que le ficle valoit
quatre dragmes, l'once étoit de huitdragmes,c'eft-à-dire,quele ficle étoit
lademi-once. Il eft vrai que la plupart des Auteurs difenc, qu'ily avoit
un ficle commun, qui ne valoit que la moitié du ficle du Sanéluairej mais
VoyMîiuet,Petau, Huet, Villalpandus , Brerevood nient cela, 6c je ne goûte point
SSfu'i ïîo^ plus cette inégalité de poids 6c demefurcs du Temple 6c du commun,
origene EUc cftfort mal prouvcc } Quoi qu'il en foit ,ce demi-ficle qu'on payoit au
'^ ^^' Temple, étoit le ficle du Sanétuaire, & c'étoit un quart d'once d'argent;
l'once vaut au moins 3. 1. la demi-once 30. f. ainfi chacun payoit par tête,
EKod.i«. ei^viron ij.f 6. d. Dés le tcras de Moyfe, le peuple en fortant d'Egypte
*^.i^, ^^ trouva être defix cens trois millecinq cens cinquante Ipmmcs. Leurs
ubifuptîi. demi-ficlesmontoient à cinq cens mille francs. Quand David fit le dénom-
bre-
ET DES CULTES DE L'EGLISE. ParLll. 30^
brement du peuple, le nombre des hpmmes propres à la guerre fe trouva être i.ssiuucl
de 13. cens mille hommes , & peut-être autant d'autres, tellement que le*4-
revenu du Temple étoit de plus de deux millions. Et enfin quand le peuple
fut augmenté, comme il le fut dans la difperfion , cela n'eut quafi plus de
bornes. Le revenu du Temple , par le ficie du Sanduaire du tems de Notre
Seigneur, étoit peut-être de plus de jdix millions. Le ficleavoit 2,0. oboles,
ainfi chaque obole valoir environ deux carolus , quelque chofè plus.
De ce tribut , à ce que dit Maimonides , on achctoit les viâ:ime$,
le bois, l'encens, les pains de propofition, le Tel, les farines, l'huile^
&c.
'Part. IL
HIS«
3o6 .
^m^ - -— — -- -
STOIRE
DU CULTE
L E V I T I Q U E.
QUATRIEME PARTIE.
Des Sacrifices , Fêtes , & Cérémonies. Des peines qui
le decernoient contre les violateurs de la Loy.
Cinq fcïtfs
defâcrifces
l®us la Loy.
CKO'AUl-
Levitiq.
«haf . I.
C H A P I T R E L
De [ Holocaufle , appelle mb^v
L y avôit cinq fortes de Sacrifices, i. l'Holocaufle
appelle nSii; ou na'N, en Chaldéepvji,'?»SD, 2. L'o~
blation pour le péché n^?î5^. 5, Le Sacrifice pour le
délit îDi^N. 4. Les facrifices deprofperité a^oSiî',
f. Et les offrandes de ehofes fechesi& liquides ap-
pelées nn:D, Se *p3. La plus noble e(|)eee de tous
les facrifices5c'étoit l'Holoeaullej ainfi appelle par
les Septante , à caufe que toute la bête étoit confu-
mée fur l'Autel, & que rien n'en étoit refervé pour
le Sacrificateur & pour l'offrant. Sur ces holocaufles ,. voici à peu prés
ce que l'on peut obferver.
ï. On prenoit la bête du facrifice de ces dnqefpeces d'animaux, bœufs,
brebis, chèvres, pigeons & tourterelles, de trois fortes de bêtes à quatre
pieds, & de deux volatilles. Tous ks autres animaux , même ceux qu'on
mangeoit, ne pouvorent être facrifiez.
2. Il faloit que la bête de l'holocaufte fût un mâle, parce qu'à la plus
noble efpece de facrifice étoit dû le plus noble fexe. Ceux qui fc font
aujourd'hui un fi grand honneur de cette obfervation doivent penfer, que
cette
ET DES CULTES DE UEGLÎSE. Tart.U. 507
cette vérité n'efl ignorée de perfonne. Et cela ne mérite pas qu'on dé-
guife les verfions de l'Ecriture, en mettant taureau , par tout oii les an-
ciens ôc nouveaux Interprètes ont mis boeuf : quoi qu'ordinairement au-
jourd'huy le mot de bœuf fîgnifîc à la boucherie un animal coupé. Ce-
pendant il eft certain qu'origuiellement il (ignifie lovxeVdpccc âcshœuiSTYsme!,ufc
- foit coupez, foit entiers. • Et dans THilloire des fiicrifices, & des bêtes bœuifigni-
qui entroient dans le fervice divin, on trouve prefque toujours ^•<:?«/&;7^o/'^- ^xntSê
4on, & très-rarement tanreafi ^bélier. Le célèbre Apis, le plus noble des l'efpece.
fymboles de la Religion Egyptienne, ell prefque toujours appelle le ^«^^^cïaV ''^"j!
-^pis ^ & très- rarement le TauremAfh\ cependaiît on fctit, que ce devoit
être un mâle entier Les Hébreux appellent nvi» ce que nous appelions
bœuf ou taureau. Et nous ne voyons pas qu'ils faflent une grande diftinc-
tion entre nw & ip. Ces deux mots lignifient également l'efpece
du bœuf, entier ou coupé. Le mot à' Hécatombes fi célèbre entre les Auteurs
Grecs, & qui a pafle en tant de Langues, fait voir qu'on appelloit bœufs
6c non pas taureaux ^ les bétes pour le facrifice. Mais pourluivons les au-
tres cérémonies, & autres obfervations furies facrifices de la Loy.
3. Il faloit que la viétime n'eût aucun défaut , & ne fût ni boiteufe, ni
aveugle, ou rien de femblable , mêmes tares rendoient la bête ôc le Sa-
crificateur impropre pour le culte , comme nous l'avons remarqué cy-deiGIis.
On avoit auffi égard à l'âge , rien n'étoit réputé net pour l'Autel avant
le feptiéme jour. Maimonides difoit, Dieu défend de lui rien offrir qui n'ait ^^ô^'J^evo-
fept jours ^ depuis la naijjance ^ autrement cela eji méprifé comme imparfait en fon chimpaa. j.
genre ^ & abortif. Les viéèimes trop vieilles n'étoient pas bonnes 5 celles ^^^''*^'
de quatre & cinq années pouvoient être remués , mais on ne les préfentoit pas par
refpeB pour Dieu , à cauji qu'' elles commen^oient a être trop vieilles ^ dit l'Auteur
du Livre intitulé Siphra.
4. Il faloit que celui quioffroit Tholocaufte amenât fa bête à la porte du
Parvis des Sacrificateurs , & la bête avec celui qui l'oiTroit, étoient con-
duits par le Sacrificateur jufques à ces anneaux , qui étoient au côté Sep-
tentrional de l'Autel des Holocaufles. Et là , celui qui ofFroit , mettoit la
main fur fa tête pour confeffer fes péchez , à peu prés dans ces termes.
f^ay pechéy fay fait méchamment ^ je me fuis rebellé ^ & fayfait ainji & ainf^
&c. mais je retourne par repentance a toi ^ df préfente ceci pour expiation. Les
Juifs ne font pas d'accord , lî on y devoit pofer les deux mains , ou fi une
fuffifoit ; mais ils conviennent qu'on étoit obligé de prefier la tête de la
* bête de toute (a force. Si la viélime étoit une viétime publique , comme
celle du fervice journalier 6c des fêtes folemnelles , les hommes deilines .
à repréfenter le peuple qu'on appelloit noj?on *::*3N Jiationarit , pofoient leurs
mains fur la tête de la bête , ôc fi la vidime étoit offerte par plufieurs
particuliers, tous les particuliers mettoient leurs mains fur la tête. Quand
on égorgeoit la bête , elle avoit la tête tournée du côté du Midi , le corps
vers le Septentrion, la face tournée vers le Temple, ôc celuy qui pofoit
fa main fur fa tête fe tenoit auffi du côté de l'Orient , le vifageaulli tour-
né vers le Temple. '
f. La bête étoit ordinairement égorgée par le Sacrificateur, cependant
les particuliers avoient droit d'égorger chacun- leur viétime: nous avons
tourné, & on P égorger a-, mais 1© texte dit , & il dégorgera ^ par rapport à"Uvitiqne
Q^ z chacun ^•^'""
la confef-
fion du pé-
ché fur la
tête. Vo/
Levic. I. 4.
ÔCî.
Num. Î.7
L'office de
ïecevoir le
fans;
e
petft
508 H I S T O I R E D E S D O G ^#E S
chacun dcceuxquioffreac En effet les Hébreux ont par tradition, cjuc
chaque particulier pouvoit égorger fa vidime , particulièrement dans les
grandes iblemnitex, oià les Sacrificateurs étoient trop occupez.
6. Mais l'office de recevoir le fang dans un plat j ôcd'en faire afperfion
fur l'Autel, appartenoii au feul Sacrificateur. On recevoit le fang dans
un plat du Temple 6c du l'ervice , 6c non de quelque particulier, èc le
ans pour sacrificateur en faifoit afperfion autour de l'Autel en forme de Gamma
ietiion,ap*- Grcc F '• Cclavcut dire, que le Sacrificateur fe tenoit- au coin de rAuiel
Ftjeno'.t aajsfoj-^.el]-^ cu failîmt afperfion fur deux faces de l'Autel; celles qui regar-
doient l'Orient & le Nord -, puis paflant au coin Sud-oueft, il faiioit la mê-
me chofe, 5c chaque afperfion avoit en effet la forme d'un Gamma Grec,
un angle ôc deux faces ; ce qui reftoit du fang étoit répandu fur le pied
de l'Autel. Il y avoit au milieu de l'Autel une ligne rouge qui paît ageoit
l'Autel par le ip.ilieu dans fa hauteur, comme une ceinture tout à l'entour.
Certaines afperfions fe faifoient au dcflbus de la ligne, ôc d'autres au dcf-
fus. Au defius de la Hgne on faifoit afperfion du fang des oifeaux offerts
en holocaufte, ôc au deffous de la ligne on faifoit aiperfion du fang des
viâimespour le péché, 6c pour le dcht, comme aufiî de toutes les victi-
mes de bêtes à quatre pieds > le fang en étoit verfé fur le pied de l'Autel.
7. Après l'afperfion du lang, an prenoit la bête, 6c on la pendoit à ces
piliers, que nous avons dépeints , 6c on l'écorchoit jufqu'aux épaules j
puis 011 coupoit la tête 6c les quatre pieds, 6c on les metroit entre les mains
du Sacrificateur, après on achevoit de dépouiller la peau, on fendoit la
bête, on tiroit les entrailles qu'on alloit laver au lavoir. On coupoit le
cœur, on en faifoit for tir le fang qui étoit renfermé dans fes ventricules,
enfuite on coupoit les deux épaules, 6c on les donnoit aux Sacrificateurs:
chaque Sacrificateur avoit fon office par fort, l'un de porter la tête, l'au-
tre les épaules, 6c ainfi du refte. Ce qui eil: décrit tort au long dans le
Traité du Talmud appelle iudd, oudufacrifice coniinuel. On ialoit cha-
que pièce fur k montée de l'Autel, avant que de la pofcE fur le bois dl
fur le feu , du reile ils arrangeoient les membres fans grand ordre, com-
me ils fe rencontroientî d'autres difent qu'on les arrang-eoit ^ à peu prés
félon l'ordre où elles font pofées fur la bête vivante , la tête la première,
les épaules enfuite, Scainu du refte. Quand l'holocaufte étoit de pigeons
îyiaimoni-
dcs Maife
Korbia cap.
6..
On ne les divifoit point en plufîeurs
auprès des ailes,, 6c on les biûloit
Jonathan
êaiaphé in
les enlevoit le marin avec les cendres.
parties, feulement 00 les entamoit
entiers. .
Au refte kç Hébreux difent ^ que rholocaufîe étoit ofet ^ur effacer
les mauvaifes penfeesdu cœur, d'autres ajoutent pour la violationdêscom-
mandemens négatifs.. 11 y avoit diverfes foites d'holocauftes^ il y avoit
le facrifice continuel du foir 6c du matin, dont il fera parlé, les holo-
eauftes des Sabbats ,. qui étoient le double du facrifice continuel , les ho-
locauftes des noiiveiles lunes ^ 6c ceux des grandes fêtes. C'étoient \ç,s
holocauftes ordinaires. Les extraordinaires étoient ceux qui étoient offerts;
f ai- les particuliers quand, bon leur fcmbbir. On offrait des holocauftes
pour
ET DES CULTES DE L'EGLISE.F^^.IÎ. ^05^
pour toutes chofes, purifications,expiatioiis & actions de gracesiconfultez les ^ *^* ^- ^*'
textes ici marquez. Mais fur tout il me paroit vray-remblable,querholocaufte Nomb.%!'*'
létoit ofKirt pour le péché en gênerai, fans définir aucun péché en particulier, J^- j^*^*^-
& pour l'expiation de lacoulpe qui naît delà foiiillurejdans laquelle chaque cii.'iî!v,if.
homme eft engagé fans dirtinélion, au lieu que le facrifice pour le délit 6c ^*-*'*'
pour le péché, étoient offerts pour un certain péché commis par un particu-
lier, ou par une focieté. C'eft pourquoi on ne faifoit ni vœux ni offrandes vo-
lontaires des facrifîces pour le délit & pour le péché, parce qu'ils éroient
necelîaires pour l'expiation de ces péchez, précifément marquez. Mais pour
la corruption en gênerai , on pouvoit offrir plus ou moins , félon la dévo-
tion, Ôc félon que chacun étoit plus ou moins fenfible au malheur de fefen-
tir engagé dans la corruptioa. G'eil à quoi étoient delUnez les Iioio-
caufles.
CHAPITRE II.
Pu Sacrifice four le pèche, dit nsDn.
t'Eft le- fécond ordre de facrifices propitiatoires. 11 étoit pris des cinq nevir. 4. 3,.
îfpeces de bêtes cy-deffus nommées, bœufs, brebis, chèvres, pi-
geons, tourterelles. La manière de leprefenter, égorger, mettre
fa main fur la tête, étoit la même que dans les holocaufces. Mais ils n'é- pjufict,„
toient pourtant pas femblables en tout , ni avec les mêmes cérémonies, fortes de fat
Ily en avoit de plufieurs fortes. ^ ^lllt"^
I. La première efpeee étoit celui que le Sacrificateur mm^ c'eft-à-dire, Lapiemiere
le Souverain Sacrificateur offi-oit pour lui-même , & les Juifsdifcnt, qu'il sou^eS *
étoit obligé d'en offrir pour km.oins une fois tous les ans. La bête de- Çaptificateur^
•voit être un bouveau , c'ell- à-dire , un jeune mâle. Après qu'il ptoitégor- •
gé on prenoit le fang dans un vaifèau, ôc au lieu de faire afperfionfiiF
l'Autel des Holoeautles , le Souverain Sacrificateur lui - même prenoit
le (àng, 6c entroit dans le lieu Saint , & faifoit afperfîon par fept fois-
fur le voile, qui feparoit le lieu Saint du lieu Trés-Saint> & en même
tems du bout du doigt,, il oignoit les quatre cornes de- l'Autel d'or 5,.
ou de l'Autel des partums, qui étoit devant le voile, & puis il fortoit,.
Le relie du fang etoit répandu au bas de l'Autel àts Holocauffes fans
afperfîon. Cependant on prenoit toutes les graiffes , & on ks faifoit
brûler ftir l'Autel des Holocauiles. Et enfuite on prenoit les chairs ,.
k peau 5 la tête, les jambes, ôctout cela feportoit hors du camp., 6c étoit
brûlé au feu ,, dans le lieu où l'on portoit ks cendres , qu'on ôtoit tous
les matins de deflbus l'AuteL II eft à remarquer que ceux qui brûloient i-cvir, 4;-rr,-
les viâimes pour le péché étoient reputez fouillez. C'^ft une maxime
reçue entre l^s Juifs , que toute viétime dont le fo^ng étoit porté dans le
Sanâuuaire^foiiilloit tous ceux qui la. brûloient. Qn doit obferver aufii,
que le Souverain Sacrificateur officioit lui-même dans ce ficrifice fait pour
teméme: c'efl: pourq^iioi il étoit déj^ reputçpur & puri^é, autrement il
Qa 3 ^^
310 HISTOIRE DES DOGMES
ne luy eût pas été permis de fe mêler de. chofes faintes.
secondeef- 2. Il y avoit le lacrifice pour le péché de toute la Congrégation, c'é-'
fic?pïmi"" ^^'^^ "'■* Nouveau, fur la tête duquel les anciens députez pour cela mettoient
pcchc. leurs mains. Qiielquefois c'étoit le Sanhédrin, quand la faute conmiife
\oy uvit, ^^_^^, 1^ peuple venoit de quelque commandement injufle du Sanhédrin ,
& on y obfervoit abfolument les mêmes cérémonies que dans le précè-
dent. Le Souverain Sacrificateur lui-même portolt le fang dans le lieu
Saint, & faifoit rafperllon fur le voile 6ciur l'Autel. Ces iàcrifîces fem-
blent avoir été principalement les figures de celui deJefus-Chrift, plus que
les holocaulles , qui n'étoient point brûlez hors du camp, ôc dont le fang
n'étoit point porté dans le lieu Saint.
3. Il y avoit le facrificc pour le péché, qui étoit d'un bouc pour toute
la Congrégation dans le jour des Propitiations. Mais il en fera parlé ail-
leurs,
particuikr" 4" ^^^^^^'^ ^^^^ ^^ pirticulicr faifoient leur facrifice pour leurs péchez:
pouriepc- Et premièrement, fi c'étoit pour quelqu'un des principaux du peuple,
'^^'^ c'ell-à-dire , qui fût en charge ôc en office pubfic : Autrement chacun fe
fût efliffié aifez confiderable pour offrir en qualité d'un des principaux du
peuple : La viêlime devoit être un bouc : On l'amenoit & on l'égorgeoic
à^la manière accoutumée, mais on n'en portoit pas le fang dans îe Sanc-
tuaire. Seulement le Sacrificateur avec fon doigt en oignoit les quatre cor-
nes de l'Autel des Holocauftes, les Juifs difent qu'on montoit fur l'Autel
par la montée qui a été cy-devant dépeinte , qu'on commençoit par la main
droite , 6c qu'on faifoit le tour de l'Autel , en oignant premièrement le coin
Sud-efl , enfuite le Nord-eil, onalloitau Nord-ouefl, ôconfinifToit par
leSud-oueft. Etc'cft-là, difent-ils , le fang qui femettoit fur l'Autel des
Holocaufles, au deffus de la ligne rouge, qui faifoit le circuit de l'Autel.
Après cela on faifoit fumer les graifl^es du bouc } mais les chairs en appar-
vo Levit ^^^<^ici^t ^^x Sacrificateurs , c'ell pourquoi il efl: dk , qu'ils mangeoient
6. 26. Se lo. les péchez. du peuple. Ainfi il y a deux notables différences entre lefa-
^^' crifice pour le péché des particuliers notables, &les precedens, l'une eff,
que la viétime devoit être un bouc , ôc dans les precedens ce devoit être
un bouveau ; l'autre , que la chair pouvoit être mangée , & appartenoit aux
Sacrificateurs , mais des autres rien n'en appartenoit au Sacrificateur , tout
étoit brûlé hors du camp. La chair de ce dernier facrifice devoit être man-
gée dans le Parvis même j on ne la pouvoit manger ailleurs,
qu'ono" f • Enfin les perfonnes ordinaires prehoient une bête d'entre les chèvres
ftoitpour- ou brebis, mais ce devoit être une femelle: On en faifoit la même cho-
rAuiei. ^^ 9'^^ *^^ précèdent, les graiffes étoientconfumées fur l'Autel, 6c les Sa-
crificateurs en mangeoient la chair.
C'eft une queflion difïîçle à refoudre , pour quelle forte de péchez ces fa-
çrifices étoient offerts : Ce qu'en dit la Loy , c'eff que c'étoit pour les pé-
chez commis par ignorance. I. Quand quelqu'un faifoit une aélion mau-
vaife, fans favoir qu'elle fût mauvaife. z. Quand on fe trouvoit engagé
dans un péché involontaire, quand endormant, rêvant, ou penfantÈau-
voyLcvit.^ tre chofe, on faifoit quelque aêtion contre la Loy. Ces péchez font ap-
27*" ^" "* peliez péchez commis par erreur. Cependant il fcmble que le facrifice étoit
offert en gênerai pour toutes les fautes cachées, pour iefquelles prie Da-
vid ■
ET DES CULTES DE UEGLISE. Part.U. 7,11
vid au Pf. 19. Les Hébreux difent que cefacrifîce étoïc offert pour coût
péché commis par ignorance , lequel s'il eût été commis de guet à pens
meritoit la peine de mD retranchement , par la main des cmtx, comme
violer le Sabat : fi cela fe faifoit par malice, mais en iecret , le criminel
encouroit la peine de nns Kereth ou retranchement , s'il y avoit des té-
moins, il meritoit & encouroit le lapidement. .Mais s'il avoit violé le Sa-
bat fans defléin ôc par ignorance, il en étoit quitte pour une oblation ou
facrifice pour le péché. Ils content 45. péchez d'entre ceu^ qui font
contre les commandemens négatifs qui méritent niD Kereth^ Scpourlef-
quels par conféqucnt il faloit offi'ir le nNtan. I! y a certains facriiices pour
le péché qui femblent ne pouvoir être rapportez à des péchez par ignoran-
ce , comme celui du Souverain Sacrificateur à fon inauguration. Celui de ^^''"- 9.
la purification des femmes relevées découches, & celui de la purification Levitique
des lépreux. Mais il faut dire que ces facrifices 6c femblables étoientnon Leviti4.i5.
feulement pour les fautes cachées 6c ignorées 5 mais auflî étoient deflinez
à faire propitiation de lamafledes péchez en gênerai, comme la repentance
/quotidienne implicite (^ non explicite. Car le làcrificc pour le peehé ou
le Chataah ne s'offroit point pour les péchez particuliers, fi ce n'ell qu'ils
fuffent commis par erreur.
Les pauvres, qui ne pouvoient offrir de boucs ou de brebis , offi-oient des
pigeons 6c des tourterelles , 6c même ceux qui étoient affez pauvres pour
ne pouvoir offrir des pigeons apportoient la dixième partie d'un Epha de
farine, cela s'âppelloit nNwn nmo. Notez que dans ces offï-and es on n'y ver- LevU.î. u.
foit deffus, ni huile, ni encens. Les oifeauxfe tuoient comme dans l'ho- Ldit.s.n.
locaufte , le pigeon ou la tourterelle appartenoit au Sacrificateur ; les voy Levit.
oifeaux s'offroient par couples, il faloit deux pigeons ou deux tourtercl- ^'^'^'
les, 6c dans les oifeaux offerts pour le péché il n'y avoit que le fang qui '^»''«»'^
appartint à l'Autel , toute la chair étoit pour les Sacrificateurs. zevachhn.
Il eft à remarquer que i'holocaufte étoit peu différent de l'oblation pour Maafeccw.
le péché du Souverain Sacrificateur , 6c de la Congrégation, car tout fe brû- ^u'^^'i"
loit, mais dans ces derniers la chair fe brûloithors du campj ajoutez que des.
dans les facrifices , tout ce qui fe mettoit fur l'Autel étoit aflaifonné de
fel comme dans i'holocauffe/ Car la règle eft générale, toute ohlatian étm
falee de fel. ,^j .
CHAPITRE 1 1 ï.
Du Sacrifice pur le délit ^ dit rs^^ Asham.
LA différence entre ce facrifice 6c les precedens efîff déliée , qu'elle ell
prefque imperceptible. C'eil pourquoi cela ell extrêmement difputé
entre les Auteurs, i. Les noms font differens mKtsn 6c ïziîi'N*. 2. De voy Le-rite
plus Dieu femble Ifes diftinguer fort nettement, l'offrande pour le délit fera '^•^^'
toute fembUble a ^offrande pour le pèche'. Il y aura une même Loy.y on obfervera
les mêmes cérémonies, La différence entre ces deux facrifices pour les ce-
■ *. - remo-'
Diffcici\ces
entre l'obla-
tion pour le
péché, 8c
ccUc pour
le délit.
Powquels
péchez ou
oifioic le ^
Chataah.
Voy Levit.
i. I6. & 15
V. 18.
Evêqiie
(fAgobk).
Ils le tirent
du Levit.
J. 17. lî.
Chap. s.
V. ij. ôc
fuivanst
^n HISTOIRE DESDOGMES
reiïJonies, ell: i. que des facrifices ipouY le pèche Couvent le fang en étoit
porté par le Sacrificateur dans le San<51:uaire, 6c on en faifoit alperfion fur
le voile & fur les cornes de l'Autel : Or de ces facrifices dont le fang fc
portoit dans le Sanéluaire la chair en étoit toute brûlée hors du camp ,
n>éme la peau & les entrailles ,&: il n'étoit pas permis au Sacrificateur d'en
manger. Mais de ces Ashams ou facrifices pour le délit, on n'en portoit
jamais le fang dans le lieu Saint j c'eil pourquoi la chair de la viéti-
me appartenoit toujours aux Sacrificateurs aéluellement fervans j &
cela s'appelloit aufli bien que les facrifices pour le péché , ci^np >ii>T^
t??agrM facra^ qu'il n'étoit permis de manger qu'aux Sacrificateurs, à Tex-
clufion des Lévites 5c de tous les autres Miniilres du Temple. On les
mangeoit au dedans du Parvis des Sacrificateurs, non ailleurs. La tradition
dit qu'ils commençoient à les manger le foir , 6c qu'on en pouvoit man-
ger jufques à minuit. Apres cette heure il n'étoit plus permis d'en man-
ger, on brûloit le relie. Les facrifices qui s'appelloient a^Sp Q^iJ*")p levU
facra^ fe mangeoient par le peuple &: en tous lieux, z. Une autre diffé-
rence, c'efl que des offrandes pour le péché , celles-là mêmes dont le
(àng n'étoit pas porté dans le lieu Saint on en oignoit les cornes de l'Au-
tel des Holocaulles } mais des ofliandes pour le délit on en faifoit feu»le-
fnent afperfion au defîous de la ligne rouge en forme de Gamma , comme
nous avons expliqué dans le chapitre des holocaufles.
La différence entre les péchez pour iefqueîs on offroitle Chataah nNiDn
& l'Asham Cîîi>Kj ell encore plus déliée & plus mâlaifée à voir: St.Au-
guflin a crû que par n^?t5^ il faloit entendre les péchez de coramiflionôc
par cti'î^ les péchez d'omiffion. Il a été fuivi par Lyranus , Abulenfis &
plu fieurs autres, & même parle Savant Grotîusfurlej. ch. duLevitique.
■ Mais ils fe font trompez i car il eft évident que le délit fignifie de vrais
péchez de com million. Eugubinus veut c^e le pèche' Çoii dans l'aélion, /^ dé-
lit dam la penfée, cela eft aufîi faux.
Philon Juif fuivi par Sigonius dit que les péchez appeliez^ nKûn c'é-
toient les péchez commis par ignorance appeliez par les Grecs ttAvj/u,-
fxéKeiu. L'Asham , c'eft pour les péchez commis par infirmité , mais
fans ignorance^ comme fi un homme couche avec la femme d'aurrui, pen-
fant coucher avec la fienne, quand il fait fahiute, il doit le rmitùn Chataah.
C'efl péché par ignorance : mais s'il a couché avec la femme de Ton pro-
chain le fâchant, par infirmité pourtant èc par furprife, il doit ow, (M
l'offrande pour le délit.
Les Hébreux en font deux efpeces i . >hn^^ti deliSlum f/^fpenptm Sc
dfthium. Par exemple, fi quelqu'un couche avec fa fœur, il encourt la peine
de Kcreth rnD s'il le fait fciemment & volonta rement. S'il le fait par
mégarde penfant coucher avec fa femme , quand il a découvert que cer-
tainement il a couché avec fa fœur, il doit l'olfranJe du Chataah n^^ian.
Mais fi étant dans le même lit avec fa femme ôc fa fœur, ayant deffein de
coucher avec fa femme il a peur pourtant de n'avoir pris l'une pour l'au-
tre, il ell en fufpens, il doit "î^n a^a: Seïonceh le peche\ ^ le délit font
feulement differens en ce que l'un & l'autre ayant été commis par igno-
rance, dans l'un on ell affuré du fait, & dans l'autre on ne l'sftpas. Quoi
qu'il en Toit, il paroît par le Levitique que l'Asham Oi'i* eft encore con-
joint
4- '^^
ET DES CULTES DE L'E G L I S E. P^r/. IL 513
joint avec i^gnorance & erreur aufîï bien que le nNLjn , ôc que ce n'eft point
une aétion de malice délibérée. Ligtfoot prétend que les péchez faits vo-
lontairement par rébellion, fans ignorance ni infirmité 5n'âvoient point de
propitiation , & croit que St. Paul fait allufion à cela Heb. 10.11.7? not^
péchons volontairement après la connotjfance de la vérité^ il n'y a pins de remtjfion
pour Le péché. Mais je croi qu'il faut difvinguer les péchez commis par
fierté qui meritoient la mort, de ceux qui ne meritoient pas la mort. Il y a ap-
parence qu'on n'ofFroit pas pour les premiers,mais pour ceux qui ne meritoient
pas la mort. Je croy qu'on recevoit à propitiation ceux qui fe repentoient.
Cela paroît bien prouvé par les 7. premiers verfets du ch. 6. du Levitique.
L'autre efpece d'Asham félon les Hébreux s'appclloit -^kt! d^s^î confefTé,
averé,& il étoit de cinq fortes, félon les Juifs, i. Pour le dépôt retenu , Lcvit.
ou autre ?ol & tromperie, & pour injufte détention. 2. Pour facrilcge. J^J; f,-^^^_
3. Pour avoir couché avec une fille efclave. 4. Il y avoit l'Asham des wouh. in
Nazariens. f. Et celui des lépreux. Mais les Juifs ie trompent, & ilfo^cl"'""'*
eft évident par le chap. f. du Levit. v. 17. que le csîi't? s'offroit pour Levû. t. u.
toutes fortes de péchez. Il ferable par le même pafiage , qu'au lieu que Yj^\^^'
la viélime pour le péché étoit une brebis femelle , ou une chèvre, pour Nombies
le vulgaire, au contraire pour le délit ce devoit être un mouton ; Quoi- Lcvir.
que cesAshams s'ofFrifient pour toutes fortes de péchez , tant contre la Loi ^evit. 6.6
Ceremonieîle , que contre la Loi^Morale,il faloit pourtant, dit-on, qu'jl dicumur'
y eût ignorance ou infirmité dans celui qui commettoit ces péchez. Ce n'étoit àyvovr
pas pour les péchez commis par fierté, Elata marm. Ms.\moniàçs More Afe- 1^"'^^
vochim p. g. tf. 31. dit, félon l'averfion de Buxtorf. Elata manu peccat ///<? cata"pro'qiii-
qm fuperbtt ^ faciem fitam corroborât . & palampeccat. Qualis qui [que contra le- buserat
' / ■ \ ^ j 1 1 ■ \- r V J- -1 Cl propitiatio,
aem factt, non tantum quod Iwtdme \ua , pravtjque cuptdttatibus viUms m rem Qi^d f^
vetitam abripiatur , [edc^uiaÀegi fidem derogat ^eique plane repugnare vftlt. Cela P""re Ela-
reflemble afléz à ce que dnênt les Cafuilles rélâchez de la direélion d'inten- de'cî'oti'um
tion. Outramus croit qu'il y avoit propitiation pour les péchez commis , Num.as.
cum confc<enttafa5iiy pourvu que fans être convaincu par témoins on le contef- iib.de iaai-
fât, il le prouve par le texte du 6. ch. du Levitique,lequel nous venons de citer. ^"*^
G H A P 1 T R E IV.
^es Sacrifies de Trofperite □^aS:i».
"Ufques ici nous avons parlé des Sacrifices expiatoires & propitiatoires:
ceux-cy s'appellent pacifiques ou facrifices de paix , parce qu'ils regar-.
_ dent l'homme comme reconcilié avec Dieu. La conjeéture deRabbi RabbiLevi
Levi Ben Gerfon -nous paroît bonne , on la peut voir dans la marge. Ou bien fn"enlS"
ces facrifices étoient ainfî appeliez, parce qu'on les offroitpour^ la paix Levitic.vuk
8c profperité, ou que l'on demandoit, ou que l'on avoit déjà reçue: ce- q^J^'a^erân?'
toient des facrifices, ou vottfs . ou eHcharifliqms. Ilyen avoit de diverfes fig!î,3coiî-
eipeceS. offerentem,
I. Il y avoit un facrifice de profperité pour toute î'alîemblée, quis'of- sacerdotes
Iroit avec les prémices , a la Pentecôte, pour actions de grâces de la moiilon , qui eadem
c'étoient deux asneaux, dont toute la chair arpaitenoic au Sacrificateur , f"^"^^ "ff-
Fart. II. Kr " vCpaïsviôi-
3H HISTOIRE DES DOGMES
mstiititice- 5c le de voit manger dans le San6buaire , ce Sacrifice étoit unique en
saJeîS ^o» efpece , 6c ne fe faifoit qu'une fois par (an , à caufe dequoiil étoit con-
parsoffcrcn- te entre ni^c^'ip ^lif"^ magna facra. Tous les autres facrifices de profperitei,
diJ'eîferef- étoicut pouF les particuliers , & ils écoient appeliez cSp a'>u^y levU facra.
peces de fa- 2, De ccux qui étoient offerts par les particuliers , les uns s'ofîroient
Jîô^Veî'îez. pour adions de grâces, &. on y joignoit des pains ou tourteaux fans le-
Difti.dion vain, des bignets , oints d'huile. Se des tourteaux fricairez&riflblez al' hui-
fnaa, &je! le. A quoi 1 on joigpoit du pain levé, ce qui pamit extraordinaire, car
tevia fa:r.x. j^ levajn iic dcvoit piis monter fur rAutcl, ainli qu'il fera dit : Les fa-
^oy^z ev. ^j.j^j,gg jjg p^.Q{pej.ij;ez, qui s'offroient dans les trois grandes fêtes, s'of-
jaichi in fj-oient iàns pain, comme on verra dans la defcription des facrifices des
fèiçs particulières : ces facrifices eucharilliques s'offroient dans les deii-
©n off.oiî vrances notables. Salomon Jarchi prétend que ces délivrances font celles;:
^ioi!"^'* dont le Pfeaume 107. fait le dénombrement , parce que les prémices &:
dcsofffaiv les dîmes- {ervoienC d'aélions de grâces dans les bénédictions ordinaires.
ïSiquîs^ Mais cela n'elt pas , & fouvent on offroit des facrifices pour dss delivran-
E.wi. 1 î. ces moins notables , Se pour le fuccez des petites entreprifes.
ifv.rerp're- 3 • ^^ Y ^voit UQ fccond o-rdre de ces facrifices j ce font ceux qui étoient
sendoieut appcUez dc franchc volonté, qui fe faifoient par dévotion, fans aucune
dïcdjpar- '^iie d'intérêt 5 avenir ou prefent,fimplement pour marquer fon zèle pour
sequetous |a maifon de Dieu. Etenfinilyenavoituntroifiéraeordre,xjui étoient ap*
Sntà'"' pellc2; î/o/Zz'^. Quand on vouoit telles chofes Se tels facrifices, fionreuf-
l'Eternel, fifloit Cil unc tcUc ciitreprifc J Ceux du fécond ordre étoient les plus agrear
iin'yavou* blés 'iC'étoient ces obhiïons fpontanees nmj que Dieu témoigne avoir pour
qiieieprc- agréables. Au/Ii Dieu dans ce genre de facrifices ferelâchoit de fa feveritét-
âne"quj ^* car dans les facrifices f/i;f^(4r//?/^«^i Se dans les ffl?//i 5 la bête devoit être fans
dûjêirede- tare, aucune, ni déBiut, mais Dieu acccptoito^rle Çâcviûce fpontarjee , les
cheté. c'eft bêtcs qui avoicnt quelquc défaut dans les merrwes, dnrKmodo non ejfet mi-
dit Aben mdteflihmcontnîmn. Les juifs remarquent auffi^ que quand les bêtes defti-
Exûd 13. nées au facrifice voiïf^ étoient dérobées ou venoient à mourir,, l'offrant en
Tuifïïa" devoit rencire d'autres i mais pour les bêf es du facrifice volontaire, fi elles
voient en étoient dcrobécs , ou qu'elles mouruffent, on n'éioit pas obligé d'enmet-
ÎEgyp^e, tre d'autres en là place.
aichevâux Voicy les ccrcmonies qui s'obfêrvoient dans ces facrifices. i. Ce de-
ÎJJçjJj'jnjjj voient être des bœufs, béliers, agneaux, moutons, boucs ou chèvres,
feulement mâles OU fcmclles : Nous ne voyons pas qu'on reçût des pigeons Se des
voyezLev. tourterelIcs , comme dans les facrifices propitiatoires, x. L'offrant ame-
32. V. 23.8c noit la bête à la porte du Parvis des Sacrifi.cateurs, le Sacrificateur l'égor-
etremonies g^oiî^ 5 l'offiaiit mettoit fa main fur la tête de la viélime, fans pourtant
des facrifi- fi^ij-e confcffion de {e'^ péchez. On recevait îe fang , on en faifoit afper-
peritez.'" ' fioi^ furl'Autcl , en forme de Gamma, à là manière décwte dans le chapitre
Levit.j. 2. ^^^ holocauiîies. 3. La bête étant écorchée Se les entrailles ôtées , on
«. en prenoit les graiffés , (avoir celles qui couvrent les entrailles , le cœur, les
Exo.ip. j.Qg,-jçj^^^ k foye, Pomentttm ^ qu'on appelle la coëffe, la panne, & on les
Uvitiq.3. faiioit fumer devant l'Eternel fur l'Autel des Holocauftës j car il eft re-
*■ marquable, que de quelque facrifice que ce fût, lesgraiffes appartenoient à
Dieu. Ori doit auffi remarquer qu'il, n^étoic pas permis aux Ifraëlites
, .. de manger lagraifle des rognons. Se autres vifceres , non plus que du-fanff.
CI1.7.V.2J, A out cela etoit eihme coniacre a Dieu. iLt
ET DES CULTES DE L'EGLISE.^sr/.II. 315
Et même il y a apparence que l'on étoit obligé d'apporter au Tem- toutes lea
pie toutes les graifîes des bétes qui fe tuoient ordinairement dans les ctoiem coa-
Boucheries , au moins dans les lieux du ^voifinage du grand Autel des ^^"^^^ ^
Holocauftes 5 car la Loydit. Vous ne mangerez. aMcunegraiJfede bœuf ^ ni à? a- Lcvit. 7. zj.
^ean ^ ni de chèvre, LagraiJJe d'une bêle morte , oh d'une bête déchirée ^ fe
pourra ajouter four tout autre ufage , mais vous n^en mangerez, point. Il {èm-
ble donc que des bêtes qu'on égQrgeoit, on ne pouvoit en employer les graif-
fes à un autre ufage, non plus qu'à manger. Quand la bête étoit morte par
accidcnt on pouvoit s'en fervir à faire des onélions ôc des onguens . Or tout
cela fe doitentendre des graifles internes, car pour celles qui étoient atta-
chées à la chair, orî enmangeoit.
Ces graifles avant que d'être brûlées, étoicnr mifes fur la main de celuy Lesbatês
'quiofFroit; on y ajoûtoit la poitrine & l'épaule droite, & fur tout cela un gâ- Sfent
teau, dans les (âcrifices de profperitez , oià il y avoit du pain \ enfuite le Sacri- avo^ «e
iîcateur mettoit fa main fous celle de l'offrant, & ontournoyoit cette of- av^mque*'
frande en haut, en bas, à droite 6c à gauche, vers l'Orient & l'Occident j d être egor-
& cela s'appelloit l'ofrande tournoyée. Voyez les cérémonies obfervées Stiquc^*^
dans le facrifice delà confecration d'Aaron. il y avoit deux mouvemens ^'-^o.
pour l'oblation des viélimes, l'un pour la poitrine, & Fautrepour l'épaulej iz"™^/'^
l'épaule droite étoit agitée haut & bas , &: cela s'appelloit rn^'^VK oblation éle- '^^^^^ ^>-
•véej mais la poitrine étoit tournoyée, 6c s'appelloit nsi^n, agitât a oblatio^^Y'cçcymtapx^
-tournée vers les quatre coins du monde. Après cela le Sacrifîca- j,'^"°^^ ^
teur recevoit de la main àes ofïrans les graifles, 6c les portoit fur l'Au- repiuieSci»
•tel. Notez que les facrifices de profperitez , excepté ceux qui s'ofFroient P°'"'"e
pour toute la Congrégation , s egorgeoicnt ordmairement au cote du Midi tournoyée*
de l'Autel; au lieu que les autres viétimes étoient éeoreées au côté Septen- ^<=!cyées,6c
1 -.ni A / 1 , «■ ,. V r . , / ° I 1 , A ^ • r ainùe'etoit
trional > c eit de ce cote du Midi ou etoit la montée de 1 Autel: amh on rece- theroumaii
voit fans fe tourner les graifles de la main de celuy qui les ofFroit, on montoit ôc'SÎoÏ
à l'Autel, on les làloit, 6c on les jettoit au feu. Le Sacrificateur retenoit P''t,çj„-^
-pour fby l'épaule 6c la poitrine, c'étoit fon partage; le refteappartenoit voy Levit.
a l'offi-ant qui le pouvoit manger , lui, ^t% enfans, les amis, fes païens, vidYi^*'
^Ta femme 6c fes filles. Mais, i. il faloit que cela fût mangé, ou dans l'en- g'um ia
ceinte du Temple, ou au moins dans la ville de Jerufalemj de laquelle c'é- ^^^^^-"^^
toit le privilège qu'on ne pouvoit manger ailleurs des victimes facrées.
2. Ceux qui mangeoient nç dévoient être dans aucune pollution légale,
comme il efl; porté en divers lieux de laLoy , particulièrement Le viti que
7.2.0. 6c ailleurs. 3. Si la viande venoit à toucher à quelque chofe de fouil-
lé, il la faloit brûler au feu dans le même lieu. 4. Si le facrifice de profpe-
ritez étoit euchariftique , il falloit en manger la chair le jour même , 6c le
lendemain elle étoit impure. Si .c'étoit un facrifice de vœu ou â'offran-^
de volontaire , on en pouvoit manger encore le lendemain j mais ce qui reftoit
pour le|troifiéme jour étoit fouille , il faloit le brûler au feu. Les Payens ont
imité cç.% manières de manger de leurs facrifices , en faifant les feftins, même
dans les Temples de leuis idoles , à quoi fait aUufion St . Paul 1 . Cor. 8.10.
. R r a C H A=
i6
H^ÏSTOIRE DES DOGMES
CHAPITRE V.
T>es ohlaîions des chofes feches & liquides y apfeîlees ip^ é*
nnî^.
L
Levit. 7. 9.
Levitiqoe
23. 1».
A matière de ces ablations écoit de la farine, du pain , dts tour-
reanx , des bignets , de l'huile, du vin, de l'encens, & ç'étoient
prcfque toujours des dépendances des autres fîicrifices. i . C'étoit
vioy Levit. de la fine farine non pétrie r^D. 1. Ç'étoient des gâteaux pétris àThui-
le &; cuits au four. ^. Ç'étoient des gâteaux cuits fur la plaque ou fur le
gril r-i3no hp . 4. Ou bien ç'étoient des gâteaux cuits à la poêle nt^-mai..
f. Ou des bignets lagana csppl. 6. Des pains levez, cai" tous les pre-
cedens tourteaux étoient fans levain. 7. Du bled en épi donné eq of-
frande. C'étoit i'honîer des premiers fruits, outre cela on oifroit de l'ea-
cens, & du vin, pour les afperlions, ôc de l'huile.
1,. Il y avoir une offrande de fine farine pour le péché ,, favoir quand
celui qui avoir péché n'avoir pas le moyen d'acheter même deux pigeons^
ou deux tourterelles. Il apporcoit la dixième partie d'un Epha de fine fa-
rine j l'Epha étoit environ notre grand boiflèau contenant 18. pintes com-
me le bath. Le Sacrificateur en prenoit une poignée, la faifoit fumer fur
Levit. î.iî. l'Autel, le relie lui appartenoit : On n'y mettoit, ni huile ^ ni encens ^^
&i- î3- ixiais on y mettoit du (el, car touie oblaîion devoit être falée de fel,
2:, Tout holocaufte étoit accompagné de (es offrandes de gâteaux , qui
Exode dévoient être tout au moins de la dixième partie d'un Epha, appelle au-
Nomb.15.4. ti'cment homer, dont on faifoit un gâteau pétri à l'huile jmais la tradition des
Maimoni- Juifs fclon Maïmonidcs eit qu'on les feparoit en dix tourteaux ou galet-
corbanoL'" '^^^ » A chaquc dixième partie d'un Epha , il faloit pour la pétrir la qua-
trième partie d'un Hin d'huile j le Hin cantenoit 12.. logs , chaque lop?
contenoit 6. œufs, fi l'on oftroit un mouton enholocauite il faloit y join-
dre deux dixièmes i c'ell-à-dirc, la cinquième partie d'un Ephaj 6c l'on-
joignoit à cela la :^™*. partie d'un Hin, c'cll-à-ûire , 4. logs, ou une pin-
te d'huile pour la pétrir.
Proportions Pour un bouvÊau il faloit troîis dixièmes parties d'un Epha d© farine,
c'eft-à-dire, prefque le tiers d'un grand boiffeau , & chaque dixième par-
tie fe divifoit toujours en dix gâteaux. "Pour les trois dixièmes on ofÊoit
aufîi la moitié d'un Hin d'huile -, c'ell-à-dire, 6. logs ou une pinte &:
demie. La même proportion étoit obfervée dans les facrifices pour le dé-
fit, pour le péché, & dans les facrifices de profperitez, On oifroit auffi';
du vin pour l'afperfion jugement autant que d'huile, à proportion de la fa--
rine, pour un dixiégne de farine le quart d'un Hin de vin , pour deux
N:osTib. 15. dixièmes le tiers d'un iîin 4e vin, & pour trois dixièmes , un demi-Hin
de vin.
Pour les facrifices de profperitez il femble qu'il étoit necefiaire qu'il y
eût 4. fortes de pâtiflérie. i. Y^es tourteaux fans levain pétris à l'huile,
z.. Des bignets ians levain non pétris à l'kuile , mais oints d'huile pardef-
fus.
Nomb,
ïj. 4.
de i'huilc
&du Vin
qu'on of-
frait dans
les facrificef
ET DES CULTES DE L'EGLISE. Tm.U. ^if
fus, & les juif s diferit que cette onétion l'etailoit en forme deCuppa Grec,
c'eit-à dire, en croix de part & d'autre. 3. Des gâteaux rifiblez & cuits
à la poele, pétris à l'huile. 4. Et à tout cela on joignoit du pain levé. Mais Levïtique?.
ce pain levé ne fe mettoit point fur l'Autel, & on ne le faifoit pas fumer ^-^^-^î-
comme le refte , car il étoit expreilement défendu de faire fumey au- Levit. 2. 1 r,
eun pain ou gâteau, où il entrât du levain ou du miel. Ainii le pain le-Lesjnift
vé àts iacrifices de proiperitez n'étoit point ofFbrt dans les holocauÛes'^oifoient
ni dans les facri faces pour le péché, 6c il étoit pour Vulage des Sacrifice- 1" fes^
teurs. pour miel,
Voici la manière dont on offroit les gâteaux. L'offrant apportoit au quoi^^mâis
Temple l'huile , la farine, le vin , 6c l'encens feparez. On mettoit de °""^i"
rijjgiie dans le plat, enfuite on mettoit la fleur de farine, puis on verfoit furrAutT"
de i'huiie fur la fieur de farine, 6c on pétrifîbit l'un avec l'autre ; api es on
mettoit cette pâte dans un plat du fervicepour l'apporter àrAutei, pour
la troifiéme fois on verloit de l'huile fur la pâte> 6c fur le tout on jettoit
de l'encens , 6c on le mettoit fur le feu de l'Autel avec les graifîes, après
avoir falé la pâte : la même cérémonie étoit obfervée dans les gâteaux
cuits par feu, au four ou fur le gril , 6c dans les bignets frits à la poele;
On les pécrilToit avec l'huile, puis quand ilsétoient cuits, on verfoit de l'hui-
le dcfîus , 6c fur tout cela on jettoit de l'encens. Ces chofes étoient ar-
rangées en cet ordre fur l'Autel. On arrangeoit les chairs de la béte ,
fi c'étoit un holocaufte, oulesgraiiïes feulement, fi c'étoit un facrilîce pour
le péché 6c un façrifice de proiperité, fur les graiffes on arrangeoit les gâ-
tçaux, 6c fur tout cek on jettoit l'encens , comme il eft ordonné dans le i^j.
de l'Exode f. zi. 6cc. où tout efï mis fur la main de celui pour qui fe
faifoit le façrifice , puis on arrangeoit les chofes fur l'Autel. Je ne ^oy voyez k
point que fous la Loy les facrifices fe fiifent ordinairement fans pâtifle- f'^P-'- ^^''
ne. D autres conçoivent que 1 omande du gâteau le faiicit après Iholo- v. n. &12,-
Gaufle, mais cela n'ell pas apparent, car (buvent la chair du facrifiGe bru- ^^^^•^^'
loit route la nuit, 6c l'on en rrouvoit encore le matin j ainfi ilfaloit necef-
fairement que le gâteau fût mis fur la chair , 6c fur les graiffes , dans le
même tems , aulîi cela eft-il évident par les chapitres citez en mar-
ge.
A quoi l'on ajoûtoit les afperfions de vin commandées dans le livre des
Nombres 5. & tu feras au lien Smnt Pafperjîon de cervoife a PEtsrneL Ce qu'il Nombres-^
appelle cervoife il l'appelle vin dans le même lieu 6c par tout ailleurs, car ^ ''''
nous ne voyons pas qu'on lit aiperlion d'autre liqueur que de vin dans les
facrifices. Cette afperfion, à ce que difentJes Juifs, ne fe faifoit pas fui; le
feu ni fur l'oblation , mais au pied de l'Autel lijr la premieie élévation , ou
premier fondement. *
Ligtfoot dit que dan? tous les facrifices- où il y avoit efïufion de yii^
des aiperiions , le SacriScateur n avoit point de part aux gâteaux 6c àla
pâtifîerie. Cela lie peut être vray, car tous les facrifices félon la Loy c'eftiefen-r-
avoient leur afperfion de vin , ce qui eil évident par le iS. 6c zp. de^ ïâ^aluAlnf-
NorabreSjOÙ le dénombrement de tous les facrifîcescfl fait, 6c dans chacun won-h fur
il y a expreiie mention des ufperiions du vin. En il ajoute dans le ch, 29. i^j.^^jï;
25). Fom offrirez, îQutss ces chcfa-Li a PEterml en vos fêtes folennelles.omre -s/w n fa^'t obfer-
- "^ • -' Ts ., viît qu'outre i
3i8 HISTOIRE DES D G G M ES
qui accom- VŒUX , & vos offrandes volontatres , félon vos loolocaufies , vos gâteaux , vos afper'
pagiioient fons ^ CT VOS facrtfices de profpei'ttez,. Peut-être que les afper lions étoient par-
iSs^viau" ticulieies aux holocauiles, 6c qu'il ne s'en faifoit point dans les lacrifices
mes, il y en (je profpeiitcz : Car en effet tous les facrificesj dont le dénombrement eft
Sioleit fait dans ces chap, 2.8. 6c 19. font tous holocauiles j mais le 15. des Nom-
toutes feiiics[^j-es j-jc peQt permettre cette interprétation, car il ordonne à tout facrifice
^lervoy' mêmes de profperitez fon afperfion, voyez le verlet 3. 6c8. cela efl net-
Lcvit^ncz. fement e^cpriméi ainfil'on doit dire que dans lesfacrifices d'holocauftes le
Sacrificateur n'avoit aucune part au gâteau 6c à la pâtifîerie, non plus qu'à
la chair de la bête. Mais dans les autres facrifices on offroit de la pâtif-
ierie de chaque efpece une pièce fur l'Autel, &le refte demeuroit au Sa-
crificateur. *^
Les pains de propofition faits avec du levain étoient auffi des Min-
cha mn:^^ il en a été parlé ci-de(fus. S'il y a quelques autres offrandes
de choies feches qui ayent quelque chofe de particulier, cela fe verra dans
îa fuite en parlant des diverfes fêtes,, folennitez , 6c cérémonies 6cc.
C'eft là la defcription générale des facrifices. Il eft à obferver qu'on ne
pouvoit contraindre peribnne à ces lacrifices, non pas même à ceux pour
le péché ou pour le délit, félon qu'il eà déclaré dans le Levit. 1.5. c'é-
toient toutes offrandes en quelque forte volontairesi feulement on y pou-
voit procéder par voye d'exhortation, 6c en reprefentant que celui qui ne le
faifoit pas étoit foûmis à la peine des cieux nommée ma retranchement.
C3n n'étoit pas obligé fi -tôt qu'on avoit péché d'apporter fon offrande
quand on étoit éloigné : Mais on les refcrvoit pour les grandes fêtes folen-
ncUes , quand tout maie étoit obligé de fe prefenter devant Dieiï.
CHAPITRE VI.
^e ceux à qui il etoiî permis d'offrir ces facrifices.
AVant que dé paffer outre à l'explication du culte Levitique , il eff
bon de voir à qui il étoit permis d'offrir les facrifices qui viennent
d'être décrits. Premièrement il faut favoir que les Juifs feuls avoienc
LePayen le pdviJege d'offi'ir les facrifices félon la Loy; car un Payen n'eût pas ofc
?e" vé"ia*Loy o^ferver la Loy de Moyfe , un Payen qui fe feroit circoncis ou qui auroit
étoit digne mangé laPâque, auroit été digne de mo^t , félon le rapport de Maimo-
demoit. nides. Dieu dans le chap. if. des Nombres v. 14. 6cc. femble ôter toute
Maimonides ^ffêrence cutrc l'étranger 6c l'IfraëHte, mais par l'étranger il faut entendre
iakimcap.io. ^^ profclyte de la julHce, qui n'étant pas né Juif s'eft fait Juif abfolument.
Quant aux autres étrangers, ils étoient ou profely tes de la porte , comme
Naaman 6c Corneille , ayant renoncé à l'idolâtrie fans fe faire Juifs ^ ou
Exemples ils étoicut cucorc idolatrcs. Les uns 6c les autres pouvoient faire prefen-
pour lei- ter des facrifices dans le Temple , comme on le prouve par mille exem-
rScdHé P^^^' entr'autres par celui de Darius 6c de Cyrus Rois de Perfe, qui or-;
dans le donnèrent qu'on lacrifiât pour eux dans le Temple de Jerufalem, 6c aufll
Temple. p^j.
ET DES CULTES DE L'EGLISE. Part.lL 319
par l'exemple d'Alexandre le Grand, qui facri fia jc'cll-à- dire, fit Sacrifier jofgph ^nt.
dans le Temple. Le Temple de Jerufalem étoit plein des domria des Pa- i'b.ii.'cap,*
yens, avec ces dons'- ils y faifoient offrir des viâ:imes pour eux. Dieu au 12. *"
du Levitique femble pourtant le défendre v.Zf. f^offs ne prendrez, point anjfi
des mains de l' étranger toutes ces chofes-la ponr les offrir en viande a votre Dien^
CD'n '?àS onV Aî^, te pain de vôtre Dieu: fur ce pafiàge la plupart des Chré-
tiens ont conclu qu'il n'étoit pas permis de prendre aucune vi6time des
Payens, mais feulement de l'argent , que l'on convertiffoic à l'ufage du
Temple & même à Tachapt des victimes j les Hébreux à caufedumot
de an'? difent qu'onne recevoit aucun gâteau ni farine des étrangers.
Maimonides dans le Traité (^orùanot chap. 5. dit, que l'on ne recevoit que onnerece
des holocauftes des étrangers encore idolâtres. On ne recevoit d'eux , ni J'r^nojerqï
facrifices de profperitez, ni Minchah nnso , ni facrifice pour le péché ni des hoio-
pour le délit: c'ell-à-dire, que l'on ne mangeoit point de la bête offerte po"îf âé
par un Payen i elle étoit toute dévoilée à Dieu. Et quand le Pay en voiioit gâteaux,
un facrifice de profperitez, on le convertiifoit en holocaufte. JVlais il fa- huHc'''"'"'
loit que ce fuflént des ofri"andes de va ft &C d'offrande volontaire ^ furlefquel-
les laLoy ne donne aucune règle, 6c n'impofe aucune neceffité: car pour
les holocauftes dufoir 6c du matin , des Sabats 6c fêtes, marquez 6c comman-
dez par la Loy , un Payen n'y pouvoit avoirde part. Le même Maimoni-
des dit pourtant au même lieu, quefilePayen donnoitla viétime avec in-
tention qu'elle fût facrifiée, ou pour les Prêtres, ou pour le peuple , alor^
elle étoit coniiderée comme une offrande Ifraëlite, 6c l'on pouvoit en man-
ger. Mais d'un Juif apoftat, on n'en recevoit aucune , foit qu'il l'offrît
pour lui, foit que ce fût pour Ifraël. Comme il n'étoit permis qu'à ceux
qui n'étoient pas en fouillurc de manger de la viébime, il eil aufîi certain Les Payens
que les Payens ne pouvoient manger des bêtes qu'ils offroient , encore yoi^°""n,3„„
qu'ils les donnaffent à Ifraël, ou aux Prêtres pour être offertes pour Ifi-ael. gerdek
Et même dans les holocauftes qui étoient oft'erts pour la profperité des Ssyrai.
Gentils, if faldt qu'il manquât bien des chofes. Car, i. il n'étoit per- mes-
mis à un Payen d'entrer que dans le premier enclos du Temple, quis'ap- dldSs
pelloit la montagne de la matfon j ou étoit le Parvis des nations, 6c non dans manquoicns
le lieu où l'on égorgeoit la bête j ainfi il ne pouvoit mettre fa main fur la locaufS °*
tête de la viélime pour y confelTer Ces péchez, 6c on ne lit pas qu'ils éta- <^"^^^y^"»'
bliffent un procureur pour faire cette aélion pour eux , ni que cela fût
permis, i. Comme on ne recevoit aucune offrande feche de pain , à
caufedu paffage du Levitique , cy-deffus allégué , le Minchah nn3Q ' 6c l'af Levitique
perfion qui aecompagnoit les holocauftes des liraëlite3,ne s'yrencontroient "' ^' *'*
pas. Il y avoit dans le premier enclos , au milieu, hors des portiques, une
petite baluftrade de marbre de trois pieds de haut, qui étoit la borne du
lieu où les Payens pouvoient avancer.
Quant aux Jfraëlites, il eft ailé de favoir quelles gens pouvoient offi-ir Lesirraëii-
les iacrifices félon la Loy, 6c en quel tems. Car tous ceux- qui étoient îo^e^egaie '^
en fouiilure légale , qui avoient touché un mort, un lépreux , les hommes n^pou- ^
ayant gonorrhse, les femmes ayant leurs fleurs, 6ce. ne pouvoient entrer ggr/
dans le Temple ; encore moins dans le Parvis des Sacrificateurs , oùilfa-
loit aller porter fa bête, 6c mettre la main fur fa tête :. Et par conféquent
ils ne pouvoient facrifier que quand ils étoient purifiez. Ce que nous
verrons-
320 HISTOIRE DES DOGMES
verrons dans la fuice , en pariant des Ibuillures èc des purifications léga-
les.
CHAPITRE VI.
U ordre & la manière du fervice ordinaire , quife faifoit dans k
Jemple chaque jour.
r
L y avoir par femaine un certain nombre de Sacrificateurs qui entroient
'=^0 fervice dans le Temple, &logeoient la nuit en divers lieux qui leur
écoient afîignezj mais hors ceux qui étoient deltinez à la garde de cer-
tains bâtimens du Temple, ôc des portes du Parvis des Sacrificateurs , la
plupart paflbient la nuit dans ce grand édifice, que nous avons vu au cô-
té du Nord du Temple vers le cojn Nord-oueil , appelle npiD rr*i la
xes sacrig- maiTon du feu -, là les anciens 6c les chefs des familles des Sacrificateurs dor-
fS" k^" moient fur àts bancs, & les autres à terre, leurs habits Sacerdotaux mis
nuit fur des fous ieurs têtcs , & couvcrts de leurs habits ordinaires. Le lendemain rbrt
lepaîe^^" matin 6c avant jour ils fe lavoient tout le corps, &: fe revétoient de leurs
habits Sacerdotaux i Ainfi lavez, ils n'avoient plus befoin de fe laver tout
le jour, fi ce n'efl les pieds ôc les mains, à quoi le Seigneur femble
Joh, ij. 10, faire allufion. Celuj ^ dit-il, cjuie^ Itivé n^a befeiujimn de laver les pieds. L,e
PrefidentouchefSvicrificateurde l'ordre qui étoit en femaine, venoit frap-
per à la porte à la pointe du jour , quelquefois pliitôt , de forte qu'ils avoient
befoin de lumières. En fortant ils fe feparoient en deux bandes , dont
l'une faifoit le tour du Temple par un côté, 6c l'autre prenoit l'a-utrc
côté pour voir fi tout étoit en bon ordre. Et ils fe reiiniflbient dans la
Chambre de la boulangerie qui étoit à la main gaiiche de la porte de Ni-
canor en entrant » 6c delà après avoir donné à celui qui préfido.t fur la
boulangerie l'ordre d'y travailler, ils alloient fe rendre dans la chambre
, -a.^^pcWéc pavement rvu ^ dans une partie de laquelle le Sanhédrin tenoir ^qs
feances.
Gii diftri- Quand ils étoient venus là , ils commençoient à jetter le fort pour fâ-
buoit par yoir à qui apparticudroit dans ce jour- là de faire chaque office, comme de
vers offices «ettoycr l'Autel, d'égorger les vidimes , d'offrir Tenccns , 6cc. Mais le
de la joui- fort lie Icjcttoit pas une feule fois , cela fe faifoit à pluûeurs fois. A la pre-
mière fois on jettoit feulement le fort pour voir à qui il écherroit de net-
toyer l'Autel des Holocaufl:es,6c en ôter les cendres. Ce fort fe jettoit ainfi^le
Prefident 6c les autres convenoient combien ils conteroient , 6o. 8o. ou
100. Après cela il prenoit le voile d'un des affiilans, en lui difant, c'efi
par vous que je commencerai a conter. Enfuite il difoit à tous, lex'ez
vos doigts , chacun en levoit autant qu'il vouloit,un,deux,ou trois, 6cc.
6c le Prefident contoit les doigts, 6c celui fur lequel fe terminoit le nom-
bre convenu, c'étoit celui qui devoit nettoyer l'Autel,
officede Incontinent il femettoit en devoir de faire cet office, 6c laiiTant fesca-
n-"<^y" marades dans la chambre au pavement ^ il montoit fur l'Autel, fur lequel
Koiocauftes, A\itel il y avoit ordinairement trois feux, l'un pour la confomption des ia-
cr.fices
ET D^ s CULTES DE UEGLISE. Part, II. 521
• crihces qui étoit vers le côté Oriental de l'Autel , le plus éloigné du Temples Trois feusf
Le iecondoù l'on avoit accoutumé de prendre des charbons pour porter^"' ^'^"^^^
dans le Temple fur l'Autel des parfums, étoit fur le coin Sud-oueft de
TAutel proche le Temple i Le troifiéme étoit en un autre lieu, n'impor-
toit 011, car il n'étoit defiiné que pour la confervation du- feu facré , afin qu'il
ne mourût pas. Le Sacrificateur montoit fur l' Au-tel, écartoit les cendres û les
charbons, ôc rempliflbit un rechaut d'argent de charbons brûlans, Se les
■décendoit versle côté Oriental de l'Autel. Auffi-tôt les autres Sacrificateurs,
c^ui fe trouvoient le plus prés , montoient fur l'Auto! , & s'il y avoit de
-l'holocaufte du foir précèdent quelque chofe de relie , ils le mettoient à
^ôté 5 ôc balayoient les cendres éparfes fur tout l'Autel , 6c les aflemblant
.au milieu, ils les prenoient en divers vaifiéaux,ôc les tranfportoient hors
-de la ville, dans un lieu alTez calme, afin que le vent ne les épardît pas.
Ç'eil dans ce même lieu dans lequel on brûloit les viélimes du facrifice
;|)our le péché , tant du Sacrificateur , que de la Congrégation , comme
nous avons vu; 6c l'on ne fe fervoit de ces cendres à aucun ufage. Cela
fe faifeit ordinairement à la pointe du jour: mais dans les jours foîemnels
on le faifoit plus matin. Après avoir nettoyé l'Autel, on rétabliflbit les
-feux, l'un s'appelloit la grande pile n^^nj nDii^D- Le fécond feu, d'oii l'on Deiagrante
,prenoit le feu pour l'Autel des pa^rfums, ne fe faifoit que de bois de figuier, P'^e.
-à ce que difent les Juifs.
Quand le feu étoit arrangé, 6c le refte du facrifice du jour précèdent on jèttoitfe
remis defîus, ils retournoient dans la chambre appellée/?^w«^f;?/^, quiétoit c°"isfois.
comme leur chapelle, 6c jettoient le fort la féconde fois pourfavoiràqui
écherroit. i. De tuer la viélime. z. De faire afperfion du fang. ^. De
nettoyer l'Autel des parfums. 4. De drefiër les lampes 6c les chandeliers.
f. Et enfin d'aporter les divers membres delà bête flirle bord de l'Autel,
comme aufii les gâteaux, 6c de faire l'afperfiondu vin. Il y avoit jufques
à treize offices differens: Mais après ceux dont en vient de parler, ilref-
toit deux importans offices , l'un de prcfenter l'encens , l'autre d'arranger
4es parties dé la viélime fur le bois, 6c czs deux , qui étoient les deux
principaux , fe refervoient pour un troifiéme fort.
Le fécond fort fe jettoit comme le premier par le nombre, 8c par les
doigts, excepté qu'après avoir jette le fort pour le premier office, qui
ctoit d'égorger la viétime, on ne le jettoit plus pour les autres, mais on
affignoit les douze autres offices aux douze perfonnes fuivantes , félon qu'el-
.les étoient arrangées devant le Prefident en cercle , le refte des Sacrifica-
teurs, à qui rien n'étoit échu , fervoient les autres àce qui ferencoiui-oit
à faire. Alors commençoit le facrifice continuel, qui ell commande au ceremonreK
28. des Nombres. Il étoit de deux agneaux, ofi-eits en hoiocaufte réglé- ^"^Jf^^"^^^^
ment tous les jours, l'un le foir, l'autre le matin. Le Prefident comman-
doit qu'on allât voir s'il faifoit aflez de jour pour commencer le facrifice,
6c entr'autres fi le fommet d'Hebron étoit illuminé; car la lumière du jour
devoit être afiTez grande pour n'avoir pasbefoin de lampe auprès de l'Au-
tel.
Celuy qui avoit la charge de tuer l'agneau Fallôit chercher au lieu on
nous avons vu qu'on leslogeoit; On le vifitoit encore pour être plus afilû-
ré qu'il n'avoit pas de tare. On.l'amenoit au lieu où l'on tuoit les facrili*
^art. IJ. Ss C€S
322 H I S T O IRE DES DOGMES
ces, c'étoit le côté Septentrional de l'Autel, oiiilyavoic des anneaux auf-
quels on l'atcachoit ] on appoitoit les inllrumens , les plats &C. 6c tout
ce qui étoic neceilaire pour le fervice , on Failoit boire l'agneau , préten-
dant qu'il en étoit plus aifé à écorcher. Durant ce tems l'heure vcnoit
d'ouvrir les portes -du Temple, & on fonnoit lefon de la premiere-trom-
oiicedes pettc, Comme nous l'avons vu.: Les ftattonnatres entroient, on mettoit la
ftuioniiris jjj ^JQ ^"(jj. \ç^ j-^j-g ^ç. l'agneau , on le tuoit , on recevoit Ton lang dans un
balîin , & dans le même moment , autant qu'on le pouvoit , ceux qui avoienc
charge de nettoyer l'Autel des parfums 6c le Chandelier, entroient dans
le Sanâuaire , & failbient leur office : Tun prenoit un plat d'or Ôc y Failbit
couler les chc-ibons & les cendres, h. lailfant le plat à terre, il fortoit lans
l'emporter. Et celui qui devoit préparer la lampe monioit fur un marche-
pied de marbre de trois degrez, dans les lampes éteintes ilôtoit le vieux
lumignon & le relie de l'huile, & y mettoit tout nouveau: on la rallu-
moit à celles qui étoient encore ardentes, excepté la principale lampe, qui
^ étoit au milieu, & qui s'appelloit U lampe Occidentale: car quand elle étbit
éteinte, ilfaloitla rallumer au feu de l'Autel. Dans les lampes qui n'é-
toient pas éteintes, on fe contentoit d'y mettre d'autre huile, à cette pre-
mière fois on [ne preparoit que cinq lampes d.e fept. Pendant que
cela fe faifoit au dedans , dehors on égorgeoit la vidime , on l'écor-
choit, on la dépeçoit, on faifoit l'afperfion du fang, & l'on portoit les
nnji pièces fur le haut de l'Autel j on les laloit , & on les lailfoit-là , ôc tousfe
raifembloient dans la chambre du pavement.
Trôifierae Eà on faifoit Une prière à Dieu par la bouche du Prefident,par]aquel-
foit, Scj)rai- le on dcmaudoit le fecours de Dieu, fa protection, 6c la grâce d'ac-
k facrifice complir fa Loy. Elle fe lit toute entière dans le Talmud au Traité
coûtiauei. ']'^p,^ ^ (^-^^-^^ Maimonides fous le même titre : On y trouve auffi toutes les cé-
rémonies que nous avons décrites. Apréslapriere onrepetoit les dixCom-
mandemens de la Loy, & après les dix Commandcmens, on lifoit les
phylaéleres, fur lefquels étoient écrites quatre petites feélions de l'Ecritu-
re. La première tirée de l'Exode 13.V. 3. jufques au 10. La féconde du
même chapitre, depuis le 10. ver fet jufques au 16. La troifiéme tirée
du Deuteronome ch. 6. v. 4. jufques au p. C'étoit la principale, 6c qui
s'appelloit ]}w; rvii'^^. Elle eft encore aujourd'huy en grande vénération
entre les Juifs, parce qu'elle contient le commandement d'aimer. Dieu,
qui eft le fondement de tous les autres. A la fin de ces Oraifons , on jettoit
une troiiîéme fois le fort , pour favoir qui qifriroit l'encens , 6c qui arran-
geroit la chair fur l'Autel,
ponïîrs ^prés quoi on retournoit à l'Autel , on arrangeoit les pièces de l'agneau,
kiieusaint. qui fe trouvoient toutes portées fur le bord, 6c en même tems celui qui
étoit deftiné à porter l'encens, prenoit un grand plat d'argent, dans lequel
iouïs on ^^^''^ Tencenfoir plein d'encens, ôc il fe fàifoit accompagner d'un Prêtre,
demf 'r '^^ qui prenoit dans un rechaut des charbons de defllis l'Autel. Tous deux
d'cnccnlâu cntroicnt dans le Temple, 6c pour avertir qu'on alloit faire Fumer l'encens,
wtSiï'aïf ^" paîlant ils frappoient fur un certain inllrument d'airain en forme de
loir, les au- tyîïîbalc , qui étoit pofé cntrc le Temple 6c l'Autel, dont le fon étoit fi
irpoid?de S''^"^' ^"'^i pouvoit être entendu dans toute la ville de Jerufalem , les Juifs
îoo.deni«ïsJ'a.ppellent naniD. A ce fon tout Iç peuple qui rempliffoic les Parvis fe met-
toit
in Exodiim
cap. 30. 8.
Migerepha.
ET DES CULTES DE L'EGLISE. TartAl 323
toit en dévotion. Ces deux hommes montoient les dcgrez du Temple, &ïoo. dé-
portant l'un l'encens , & l'autre le feu -, ces deux hommes étoient précédez Jjjf^'^ ^^'
parles deux à qui il étoit échu de nettoyer l'Autel d'or, 6cleChandeheri& Ccies,&'
celui qui avoit drelFé & préparé cinq lampes à la première fois, en avoit ^^^'^."^^•'^'=
laiflé deux qu'il accommodoit à cette féconde fois : Après quoi il prenoit ceftà dire',
le vailfeau oii étoient les immondices , fe profternoit vers le lieu Très- p/us°dïnc
Saint, ôc s'en alloit. Et celui qui nettoyoït l'Autel d'or prenant pareille- livre & dé-
ment fon vaifleau où étoient les cendres, faifoit une révérence ôcferetiroit. Aiu("wo°4
Le troifiéme qui avoit apporté le feu dans un rechaut d'argent , l'ayant
lailîe là fe retiroit , ÔC lailîlôit feul celui qui devoit offrir l'encens. Ce-
lui-cy demeuroit là tranquille, en attendant que le fignal lui fût donnéj
car on faifoit fumer l'encens pendant que l'Holocauite brûloir. Et ea
même tems on faifoit trois ou quatre prières à haute voix, à quoi le
peuple prenoit fa part, & les fuivoit de la langue ôc du cœur. Com- ie"n°fbîlt'
me cela fe voit St Lucch. 10. Et lamtiltît$ide étott en prière dptrant le ter/is du ^^ansIeTal-
farfum. Après les prières les Sacrificateurs montez llir les marches du MaiiponLde*
Temple benilToient le peuple febn la formule dont nous ufons, ëc qi-sif^jù^^T
fe lit au Livre des Nombres ch.6.v.24. Après la benediètion on com-
mençoit la Mufîque ôc les Cantiques , en la forme que nous avons dé-
crite i car après le Ubamen & l'eifufion qui le faifoit fur le pied de l'Au-
tel , les trompettes des Sacrificateurs , qui étoient flir les marches du
Temple, commençoient par un fon compofé de trois fons, le premier
uni, le fécond un fredon, 6c le troifiéme encore uni. On chantoit les
Cantiques coupez en trois, & à chaque partie ons'arrêtoit, on faifoit
une paufe , pendant laquelle les trompettes recommençoient. A chaque
fon de trompette le peup=le fe proflernoit , & quand le dernier coup étoic
fonné, le peuple fe retiroit. On en faifoit autant au facrifîce du foir,
qui s'offroit entre les deux vêpres, c'eft-à-dire , depuis trois heures Abenj^jj
après midi, jufques à fix , à l'exception de quelques petites ceremo in^xod. 12.
nies , qui étoient un peu différentes. L'encens s'offroit au foir , un peu pluf fe° jeuTvé-
tard, c'eft- à-dire, après que la bête étoit pofée fur le feu, &commen- pr.er^i' pre-
. 's A r ' jniere de-
çoit a être conlumee. puis trois
hemes juf-
qu'au foleil couchant , la féconde depuis le foleil couché, jurquesàlanuicfeiméej maistouslesaïKies coctentla pteoiiete
depuis midi jufques à 3. Scia féconde depuis 3. jufques à fis.
Ss z CHA«
^H
H î S T O I R E DE S D Q G M E S
D
Nombres
ch. 18. II,
Solennité
des nouvel-
C H A PI T R E VIIL
^u fer vice du Sahbat é^. des nouvelles lunes.
Ans le jour du Sabbat aflurément le fcrviœ étok plus folennel par-
a grande afflueiice de peuple , mais au refte nous ne voyons pas
que l'appareil du. culce tût de beaucoup plus grandj failementau
lieu d'un agneau on en facrifioit deux au matin ,6c autant au foir, comme
on le lit dans le chap. iS. des Nombres- v, p. outre cela on chantoit des
Pfeaumes particuliers. , Qiiant à ce qui fe faifoit pour l'oblervation du Sab-
bat hors du, Temple, cela. viendra plus à-propos quand nous aurons ache--
vé de parler du fervice du Temple.
Mais les nouvelles lunes fe celebroient avec beaucoup plus- de pompe,
le facrifice étoit de deux bouveaux mâles , un mouton, fept agneaux d'ua
an offerts. en holocaufte avec leurs gâteaux, & leurs afperflons de vin, fé-
lon la proportion ordonnée. Pour chaque bouveau trois dixièmes par-
ties d'un Epha de fine tàrine^ c'efl:-à-dire,.le tiers d'un grand boiffeau,
ÔC la moitié d'un hin de vin pour l'iifperfion de chaque bouveau, c'efl-à*
dire ,{îx logs ou feptiers, qui faifoient la pinte 6c demie : pour le moutoii
deux dixièmes, c'eft-à-dire, la cinquième partie d'un grand boifTeau 3
avec quatre logs ou feptiers , c'e.d une pinte de. vin pour le mouton , 6c
pour chaque agneau une dixième de farine ôc trois logs ou feptiers de vin 5
& de l'huile même quantité pour pétrir les gâteaux. Il, y a apparence
que ces viéèimes étoient partagées entre le foir & le macin. Et durant
les facrifices les fons de trompettes j. les cantiques ôc les prières étoient
en beaucoup plus grand nombre , 6c ainlî le fervice étoit beaucoup
plus long. Et même outre ces viâimes on ofFroit un bouc pour le pe»
ché.
Il efl: bon de. fe reiïbuvenir que les mois fe contoient félon les lunes
entre les Hébreux , 6c que le jour de la nouvelle lune étoit le premier joul*
du mois : Oïils contoient la nouvelle lune, non pas du moment ôc du tems
qu'on appelle la conjonétion, des luminaires , mais de l'apparition de la
nouvelle lune.
^^<nç 4 Dans les derniers tems , fi-nous en croyons les Rabbins, ils fe donnoient
Xvvohç des peines extraordinaires, 6c avoienc une exaélitude incroyable, .afin qu'il
T^v (pwiT- n'y eût point d'erreur dans ces nouvelles lunes. Le Sanhédrin étoit maî-
^•ijpwv. ij-Q (je cette affaire 6c,fervoit d'Almanach à toute la nation. Pour cela il.
nourrifibiten Jerufalem des gens dont l'office étoit d'aller de toutes parts
fur toutes les montagnes chercher la première apparition de la lune. On les
envoyoit deux à deux , 6c quand ces diverfes couples de témoins reve-
noient, on les examinoù, 6c il faloit pour cet examen, tant dans la qua-
lité des témoins que dans leur rapport, examiner mille chofes vaines dont
leurs Auteurs ont fait de grands traitez 5 entr'autres Maimonides au trai-
te, intitulé.. renouvellement du mois ti'nn viyy 6c le traité duTalmud in-
titulé
ET DES CULTES DE L'EGLISE. Part.lL ^if
intulé premier jour de l'an n:z'r\u^^. Qj.)and parles enquêtes ils croyoïent
être afllirez du premier jour du mois , ils faifoient la nuit des feux de mon-
tagne en montagne^ & ainfi cela étoit incontinent (u dans tout le pais.
Mais ayant apperçû que les Samaritains les avoient trompez par cette voye,
ils en prirent une autre , c'eft d'envoyer des meflàgers par tout le païs qui
en portoient la nouvelle en diligence. Il faut remarquer qu'ils ne prenoient
pas la peine d'envoyer des meflagers tous les mois , feulement lèpt mois
de l'année dans lefquels il y avoit des fêtes , le mois de Ni fan , pour la
Pâque ; le mois de liar à caufe d'une féconde Pâque qu'ils y celebroient ;
le mois ii^'^^, à caufe de la fête duneuviémejourvle moisâ('£/;<'/,àcaufedu
premier jour de l'an qui venoit le mois fuivant favoir en Ttfri. Le mois
de Tifn, à caufe de la fête des Tabernacles & celle des Propitiations. Le
mois de Ki/left ,, à caufe de la fête de la Dédicace. L.emoi& d'^dar ^ à
caufe de Purim,
Depuis que le grand Sanhédrin a celle, les Juifs marquent 6c content le
premier de la lune dé la conjonélion des luminaires , félon le calcul des
Calendriers & non plus de l'apparition , parce qu'ils n'ont plus de mefla-
gers à envoyer, plus de Juges, plus de témoins, àc outre cela à caufe de
la d'ifperfion , la lune paroît bien plutôt en un païs qu'en un autre : Et voyez k
il y a là-delTus un grand procez entre les RabbaniteaSc les Karaïtes, car g^xfor.^
ces derniers continuent à conter de l'apparition , & accufent les Rabba- p^g- i*^
liites d'avoir violé la Loy, 6c d'anticiper d'un jour toutes les grandes fêtes.
G H A P IT R E IX.
^es Fêtes folennelles y & premièrement dé la Pâque,
L y avoit trois fêtes folennelles qu'ils appelloient D^5V:n dans lefquelles
; tous les mâles étoient obligez, de fe prefenter devant Dieu au lieu oii il
^ avoit étabM fon- fcrvice, comme la Loy le comniande expreflement:
Ces.trois fêtes folennelles étoient la Pâque, la- Pentecôte, la fête des T^^ Exode 21,-
bernacles. Dans le commandement, comme dans l'obeiflànce qui lui a été oeuter.
rendue, les Juifs remarquent divers miracles, i. Que jamais les frontières ^6- î«'
en tems de guerre n'ont été envahies ,, quoi qu'elles demeuraifent toutes
dégarnies. 2.. Jamais femme n'avorta par l'odeur de la multitude des fa-
crifices & des chairs- brûlées., z. Jamais homme ne broncha dans Jerufa-
lem dans ce tems. 4, Jamais homme ne le plaignit de n avoir pu. trouver a^i voient st
de feu pour rôtir fon agneau, p Ou de n'avoir pas trouvé délit en Je- ^^^'^^^l'-
rufalem. 6. Ou d'être trop; étroitement logé. Il n'y avoit d'exemptez du dahsks fê-
voyage que les malades, les vifeillards , les enfans , ôc ceux qui étoient ou '^g^^^""
fouillez , ou en païs lointain.
La première ôt la plus célèbre de ces fêtes étoit la Pâque. Nous voyons Nombres p,
au 12.. de l'Exode fon inftitution & fes Cérémonies félon qu'elles fe pra- ^■'°* "■'^'
tiquoient fous le premier Temple. Mais les Juifs y avoient ajouté un
grand nombre d'autres Cérémonies , comme on le voit dans leurs Livres :
Toyons premièrement ce que la Loy en ordonne. ;
Sf 3 , 1. Elle'-
326 HISTOIRE DES DOGMES
I . Elle tut inllituée pour mcmorial de ce grand bienfait de la délivran-
ce hors de l'Egypte ôcdupallage de l'Ange fur les maifons des Egyptiens,
fans nuire au5i premiers nez de Ifraëlites, à caufe du fang de l'agneau dont
les poteaux de leurs maifons étoicnt marquez, i. Le 14"^'. du mois de
Nilan qui éto-it le premier mois de l'an facré, & lefeptiéme de l'an civil.
Cette fête commençoit au foir après foleil couché félon que les Hébreux
contoient, non feulement leur jour de fêtes, mais tous leurs jours , depuis
un foleil couché jufques au foleil couché fuivant. Le jour de Pâque n'é-
toit pas toujours à même dillance de l'équinoxe vernal j car le premier du
mois de Nifan écoit toujours la plus prochaine nouvelle lune devant l'é-
quinoxe. Ainli quelquefois Nifan commençoit le 2f . de nôtre Février,
êc Pâque tomboit en ce cas environ fur le dixième de Mars. D'autre part
quelquefois il arrivoit que Nifan ne commençoit que vers le vingtième
de nôtre Mars , & Pâque étoit le^f. de nôtre Avril, ainii Pâque couroit
un mois devant oc après l'équinoxe , à peu près comme aujourd'hui il court
depuis le 15. de Mars jufques au zf. d'Avril.
3. L'agneau devoit êtrefeparé quatre jours du troupeau devant le 14™^.
c'ell-à-dire , le dixième de Nifan : les Juifs ne font pas bien d'accord fî
cela s'obferva dans les Pâques fuivantes , & plufieurs croyent que cela ne
fe fit que dans la Pâque de l'Egypte : En effet il étoit aflèz difficile à ceux
qui venoient de loin d'obferver cette Cérémonie : fi ce n'eil que ceux qui
vendoient les agneaux ne les euflent feparez eux-mêmes. 4. Il faloit que
ce fût un agneau d'un an , ou bien plutôt un agneau de l'année : c'eft
Exode 12. s- ^infi que j'interpretei;ois Moyfe , Pâques venoit dans le tems que les agneaux
naiiToient. Mais tout l'hyver , les brebis agneloient dans les païs chauds ,
ôc l'on pouvoit avoir dans l'équinoxe des agneaux de quatre mois : autrement
des agneaux d'un an font des moutons, f . A chaque famille il faloit un
agneau, fi ce n'efl qu'elle fût trop petite: auquel cas deux ou trois familles
s'alîembloient, £c cela s'appelloit rrcan , ibcieté, (pi^^rpia. 6. Cet agneau
devoit être égorgé ÔC écorché entre les denx vêpres \ c'efî: - à - dire , depuis
midi jufques au jour couchant : Drufius , in Numer. p. place les deux
vêpres une heure après foleil couché entre le crepufcule du foir & celui du
matin, mais fans raifonÔcfans autorité. 7. On devoit prendre du fang de
cet agneau Se en faire afperfion fur les poteaux de la maifon, mais cela fut
particuher à la Pâque d'Egypte que chacun égorgea dans fa maifon.
On ne-pou- 8. Daiis les autres Pâques les agneaux dévoient être égorgez dans le
[°ïâ"J,'J'^" Temple, cela paroît par le 16. du Deuteronome v. f . Tu ne pourras facri-
qu'enjera- per la Pâ^ne en aucun lieu de ta demeure &c. Car encore que cela puifTeêtre
^^^'"' interprété 5 qu'on ne pouvoit manger la Pâque hors de Jerufalem \ ce-
pendant il eft certain qu'on n'étoit obligé de venir manger la Pâque dans
Jeruialemqu'à caufe qu'il faloit égorger la^viélime dans le Temple ou dans
le Tabernacle. Cela même fe prouve par les mots defacrifier la Pâcfue , que
Moyfe employé là : ce qui fait voir que la Pâque étoit un vray facrifice : Or
il n'écoit pas permis de facrifier hors du Temple de Jerufalem, La même
z.cbion. chofe fe prouve par la Pâque d'Ezechias, oii les Lévites égorgeoient les
jo. 17. agneaux, Oc les Sacrificateurs faiioient l'afperfion du fuig , laquelle, afperfion
ne fe faifoit jamais que dans le Temple. La même chofe fe voie dans la Pâque
de Jofias,oLii'on trouve une nouvelle preuve que les agneaux de Pâque dé-
voient
ET DES CULTES DE L'EGLISE. PartAl 327
voient être égorgez 6c mangez d:ins Jcrufalem. A quoi Ton peur ajouter Je 2. chron.
témoignage des Rabbins, qui rendent conflamment témoignage à cette veri- '^' '^* "'
té,quc les agneaux de Pâque dévoient être égorgez dans le Temple.p. Chacun
égorgeoit fa Pâque. A caufè du grand nombre d'agneaux, les Sacrificateurs
n'auroient pu fournir à égorger tant de bêtes. Et même dans les autres
facrifîces chacun pouvoit égorger la bête qu'il prefentoit , ce qui paroît
par le chap. 1 . 5". 6c chap. 4. v. 4. du Levitique. Cela même eft évident
par la Pâque d'Ezechias, où les Lévites ne font l'office d'égorger les viéti-
mes , que parce que le peuple n'étoit pas purifié félon la Loy.
10. Onfaifoit afperfion du fang de l'agneau fur l'Autel comme il efidit^a Pâqoe
exprcilément dans les Pâques d'Ezechias & de Jofias, d'où il efi évident v^yV^ri-
que la Pâqueétoitunvra}^ facrifice; ceux qui ont nié cette vérité, comme ^ice.
font la plupart denos Auteurs, font dans l'erreur. Et on ne fauroit foûtenir
leur opinion après avoir lu le 16. du Deuter. où tant de fois & fi préci-
fément la Pâque eft appellée un facrifice. Dans tous les endroits citez en voy auis
marge la Pâque efi;aufiiappelléejQcr/^fe, & Dieu vouloit que le fang & la g.'^ôc 9^"
graiiFe fufient conilimez avant le matin, félon la Loy d£s facrifices. Exode 54.
11 eft vray que ce facrifice avoir quelque chofe de fingulier. i . En ce qu'on ^ '^^'
nemettoitpaslamainfur la têtedelaviélime. 2. En ce qu'on ne faifoit pas
une oftrande tournoyée de l'épaule &: de la poitrine , 6c le Sacrificateur n'y
avoit pas de part. 3 . Il ne s'y faifoit pas d'eftlifion de vin ni d'offi-ande de gâ-
teaux^mais on y trouvoit tout l'efientiel du facrifice, regorgement de la viéli-
me dans le Temple, l'afperfiondufang, 6c la confomption des grailles fur
l'Autel. Et pourquoi les Juifs ne mangeroient-ils pas aujourd'hui d'agneau
de Pâque, û ce n'étoit pas un facrifice, mais un fimple repas de fête ?
Il y avoit dans la Pâque Sacrement 6c facrifice. Le facrifice fe confommoit
dans le Temple. Et le Sacrement confiiloit en ce que le peuple mangeoit
l'agneau &z bûvoit la coupe Pafchale dans la maifon.
1 1 . L'agneau étant égorgé 6c écorché dans le Temple, on le faifoit rôtir Erreur gmp.
avec la tête, les jambes, les entrai>lles, tout entier j comme il paroît parce (Jg^^j g^i^e^J'
qu'il n'étoit pas permis d'en rompre aucun os. 12.. Il faloit qu'il fût man- c 568. que
gé la nuit julques au matin, 6c qu'il fût mangé tout entier afin qu'il n'en ét^Sm^angé
demeurât rien de relie. 13. On le mangea les reins ceints, le bâton à la avant que
main, 6c debout. Mais cela fut particulier à la Pâque d'Egypte, 6c co m- couché, voy
me nous verrons dans la fuite, on étoitaftis 6c même couché en le man- j'Hiftoiiede
géant. 14. Il faloit manger cet agneau avec du pain fans levain , 6c le nôtre sei-*
levain étoit banni des maifons par fept joursi ni l'elclave, ni l'étrangern'en £"«"'■•
pouvoient manger, ij. 11 devoit être m^angé avec des herbes ameres. v.V-48.'
1(5. Nul étranger n'en pouvoit manger qui ne fût circoncis. 17. Il n'é- Exodeiz.
toit pas permis d'en rien emporter hors de la maifon, ni de cafter aucun Jfomb. 6.s>^
defesos. 18. 11 y avoit fête par fept jours 3 mais le premier 6c le dernier
jours étoient jours de repos comme le Sabbat: les cinq jours entre les deux
s'appclloient pt^p ipio parvafe/hvitas. Ces cinq jours étoient des fêtes de ré-
joLiïftances , 6c l'on oflfi'oit des facrifices extraordinaires en chacun de ces
jours, ip. L'agneau ayant été mangé la nuit du 14. au if. la journée
du quinze étoit une grande fête, dans laquelle outre le facrifice continuel
on offroit deux bouveaux , un mouton 6c fept agneaux en holocaufte ,
comme dans les nouvelles lunes >6c aufti un bouc en offrande pour le péché.
Et
328 H I S T O 1 R E DE S D O G M E S
. Ec outre cela tous les particuliers offroicnt des facnfices de profperitci
fans nombre , du gros & du menu bétail. Cet holocaufte de fept bou-
^omb.e.it. veaux, un mouton, Icpt agneaux, 6c l'offrande d'un bouc pour le péché
s'offroit durant tous le:> fept jours. lO. Le fécond des fept jours favoir le
Lewtique i(5. du mois écoit le jour de l'offrande des premiers bleds en épi , dont
nous venons dans la fuiue les Cérémonies. Voila à peu prés ce que la Loi nous
apprend de la Pâque,voyons pretentement ce que la tradition y avoit ajouté.
\Xi.lO. II.
Snr l'Exode I
shap. 12.
CHAPITRE X.
Ctremonies ajoutées à la célébration de la Tâpie , par la tradition
des Juifs.
-«
POur la réparation de fagneau, Abai-binel dit que ceux qui le feparoient
du troupeau ledixiémejourdumoisjufqu'au 14. l'attachoient durant
ces quatre jours aux pieds de leur lit pour l'avoir toujours devant les
yeux, & que cela leur rafraîchît la mémoire de l'adion qu'ils dévoient faire.
z. Ils appoitoient une grande exaétitude à la recherche du levain. Cette
recherche fe commençoit le foir du 13. au 14. Ils cherchoient jufques
dans tous les trous où les fourispouvoient avoir porté du levain & du pain
levé , ÔC ils ferroient tout ce qui s'en trouvoit dans un vaiffeau. Devant
que de chercher le levain-, le père de famille failbit une courte oraifon,
henit fois tu ô Seigneur &c. qui nous as commandé à'^ur taut levain &c.
Après cette recherche on ajoûtoit ces paroles. Tout levain qui efl dans U
maifon , que je Vaje vu ou non , Çoit comme rien , .& réputé comm^ la poudre
Àe la terre. 3. Le quatorzième jour étant arrivé, onpouvoit encore tra-
vailler au moins jufques à midi , & manger du pain levé jufques à deux
ou trois heures après midi, & même jufques à fîx heures, mais cependant
afin qu'ils pullent manger fans dégoût le pain non levé , il leur étoit or-
Maiffionides donué dc s'abftenir de pain lev^é depuis les ,10. ou 1 1 . heures du matin , afin
.nàV^n . qu'ils euffent meilleur appétit. Ainii avant midi , le levain étoit brûlé , jette
dans l'eau ou au vent. 4. La Pâque s'égorgeoit après midi , & il faloit
que ce fût après l'agneau de l'holocaufte continuel ; pour l'un & pour
l'autre la même heure écoit afH'gnée entre les deux vêpres. Ainfî il fa-
loit que ce tems-là fût de quelque longueur; ordinairement on égorgeoit
l'agneau de l'holocaufle continuel environ à trois heures après midi, mais
le 14. veille de Pâque ou commençoit une heure plutôt, c'efl- à- dire en-
viron à deux heures. On égorgeoit l'agneau pafchal environ ^ . heures
durant jufques au foleil couchant, f. En formant les focietez pour man-
ger l'agneau de Pâque, on jugeoit combien de gens il faloit pour en venir
à bout, & onenprenoitplus ou moins félon qu'on les connoilîbit grands ou
petits mangeurs.
Ils ne permettoient pas que la compagnie fût ordinairement compoféc
voitpTsêHc de femmes & de ferviteurs feulement ,^ de peur qu'il ne s'y paffâc^quel-
de'feuie^^ quc chofe d'indcccnt, ou de ferviteurs ou d'enfans, de peur qu'on y man-
fcmmesjde quât de refped, ni de feuls profèlytes, parce qu'ils n'avoient pas de part
à la
Talraud.
Tiaa.
La compa-
gnie ne de-
ET DES CULTES DE L'EGLISE. Parai 329
à la délivrance dont on faifbit la commémoration. 1/s fouffi-oient pourtant ^euit fem-
quelquefbis des femmes (eules, oulesfervitcursfeuls. Mais prefque toujours Sispi^fe,*^
ralîembléeétoitcompofée des familles entières, père, mère, enfans,ferviteurs ^y^^*
& fervantes, & pour la bienfeance, & comme je le croy par neceflité, il faloit
^u'il y eût un hommcjcar je ne croi pas qu'il fût permis à une femme d'officier.
f . Il faloit que l'agneau fût tué dans le Temple en trois compagnies^
-car il n'étoit pas permis à chaque particulier d'aller feul au Temple faire cetemonies
'égorger fon agneau. Il faloit que chaque compagnie fût au moins de 30. ^°^\^^°'^'
hommes, mais au dcflus elle n'étoit point bornée. La première compagnie agneiu».
cqtroit dans le Parvis: les hommes de la première bande fe mettoient de
rang, égorgeoient leurs agfteaux, en faifoient palier le fang de main en main
jufques à l'Autel, oùralperfion s'enfaifoit. Ils mettoient fur les épaules de
deux hommes les agneaux fufpendus fur un Jbâton , ils les écorchoient
en cette manière. Pendant qu'ils égorgoicnt les agneaux , Ôc fai-
foient l'âfperfîon du fang, on chantoit des Cantiques, qui s'appelloient le
petit Hallel, & étoient tirez des Pfeaumes 114. iif. 116. 117. 6c 118. à
caufe des frequens alleluja qui font dans œs Pfeanmes, & qu'il y eft fou-
vent parlé de la fortie hors d'Egypte. Les trompettes fonnoient en même
tems, les Lévites chantoient , les inftrumens jouoient , & le peuple répon-
^ioit : quand les premiers avoient fait, on ouvroit la porte , ia fe<:onde com-
pagnie entroit, on fermoit la porte, & la même chofe recommençoit , &
ainfi de la troifîémej cependant la bande qui avoit le plutôt fait attendoit l'au-
tre.Le fondement de cette tradition de tuer l'agneau par bandes vient,difent-
ils, de ce commandement de la Loyj Toute l'ajfembUe ^Ifraélle tnera.
Si le 14. jour de Nifan, auquel on tuoit la Pâque, étoit Sabbat , on ne
rabattoit rien de l'ouvrage dans le Temple j c'ell pourquoi le Seigneur di- Mâtth.tto
fbit que les Sacrificateurs violent le Sabbat, & n'en font pas coupables,'^'
excepté , que fi c'étoit un Sabbat , les ofFrans ne pouvoient emporter
leurs agneaux hors du Temple que le Sabbat ne fût pafle, 6c que 6. heu-
res ne fuflènt venues. Obfervatio^i ridicule, car en foirant du Sabbat ils
entroient dans un autre Sabbat , qui eft celui de la Pâque, qui n'étoit pas
moins vénérable. Ici on pourroit inférer la célèbre queflion du jour auquel
le Seigneur célébra fa Pâque : les Latins veulent qu'il l'ait célébrée avec les
Juifs, êc le même jour. Et les Grecs veulent qu'il l'ait celcbrée un jour devant:
Ce qui fait le fondement de la différence de la pratique des Grecs & desLa-
tinsj ceux-ci célébrant dans les azymes^ les Grecs en pain levé. JVlais cet-
te queflion nous meneroit loin : on peut voir les Difîèrtations Epifloliques de
Cloppenburg ôc de Louïs Cappel fur la matière.
Il faut prefentement examiner le détail du repas de^ îa Pâque. Nos ^'"''''^p ^«
Auteurs l'ont rapporté avec grand foin pour faire un parallèle de la Pâque c^ïC
des Ju fsavec celle de Nôtre Seigneur, & pour voir en quel endroit ôcen
la place de quelle Cérémonie JNotae Seigneur a placé l'inflitution de fon
Sacrement. Sur quoi j'obferve quece travail eft fort inutile , parce qu'il efl in-
certain fîNôtreSeigneur s'efl allreint à l'oblérvation de cesCeremonies ajou-
tées par la tradition. Au contraire , comme la plupart étoient vaines, il les a
omifes apparemment j de plus il eft encore incertain fî cette defciiption des
Cérémonies du foupcrPalchal, qu'on tire de Maimonides 6c <îu Talmud-,
eft bien fidèle, ôc fî toutes ces Cérémonies étoient obferyéés du tems de Nô-
tre Seigneur. Voici l'ordre queLigtfoot rapporte, tiré de Maimonides.
Pm II. T t î . îls
Evang. de
St. Jean
cbap. I). zS
Se zi. ao.
ireux ma-
nieies de
laver les
3;o HISTOIRE DESDOGMES
i.Ils faifoient rôtir l'agneau dePâque dans une broche de bois de grenadier.
2. Le jour de l'immolation de l'agneau il ne leur étoit pas permis de
manger depuis le faerifice du foir, afin qu'ils puflent manger de l'agneau
avec appétit. Ils ne mangeoient que quand la nuit étoit venue ôc fermée,
3. lis mangeoient l'agneau couchez, & non aflis, car ils avoient deux
man res de s'adeoir à table piL^i^ & paiDO , feans ôc couchez, comme on
reprc ente la manière de s'afleoir des Anciens. Mais le jour de la Pâque
il fal:> t qu'ils fuffent couchez en cette manière : leurs lits étoient dref-
fez p es des tables, leurs jambes non pas étendues, maisployées deflbus
eux ; tellement que leurs pieds Ce voyoient par derrière : Ils étoient affis
deffu3,6c afin que leurs jambes en cette poilure ne travaillafient pas , ils
étoient penchez & appuyez du coude gauche fur la table, la tête appuyée
fur ia main gauche. Ils s'ailreignoient à manger dans cette pofture pour
lîg e de liberté, & parce que c'ell ainfique mangeoient les perfonnes li-
bres , car ce repas étoit le mémorial de leur affranchifl^ement. Tous les
importans avoient accoutumé d'être ainfi affis à table : en mangeant l'a-
gneau ils pouvoient de fi^is à autre, pour fe délafler, prendre une autre
pofture. Mais en mangeant le pain fans levain 6c buvant les coupes de
la Pâque, il faloit neceflairement qu'ils fufient dans cette pofture de Mf-
cubitus. Au moins eft-il certain qu'ils étoient ainfi affi^ dans la Pâque de Jcfus-
Chrift 5 car il eft dit que le foir venu ils fe mirent à table. Or qu'ils fuf-
fent affis demi-couchez âifcumhentes , cela eft évident par ce qui eft dit
de St. Jean , & il étoit couché dam le fein de fefus-y c'eft-à-dire, qu'il étoit
le plus proche : non pas que le plus proche eût la tête dans le fein de ce-
lui qui étoit auprès de lui, comme l'ont imaginé la plupart dts gensj mais
parce qu'étant appuyé fur fon coude gauche il tournoit la tête vers la poi-
trine de l'autie y car en appuyant le côté gauche fur la table on retiroit
le côté droit au dehors j ainfi on tournoit le dos à fon compagnon, en lui
laifiânt pourtant un efpace confiderable pour manger, & pour qu'il eût le
mouvement de la main droite libre.
4. Quand ils étoient à table, la premierechofe qu'on leur apportoit étoit
une coupe de vin , ils difoient qu'il étoit fi clfenuiel de boire du vin dans
la Pâque, que fi les pauvres ne pouvoient amafier afiéz d'aumônes, ils
étoient obHgez de vendre leur manteau ; ces, coupes dévoient être necef-
ûirement mêlées d'eau pour être plus délicieufes , difent-ils. Cette coupe
étoit la première des quatre coupes Pafchales. Non qu'ils ne bufient que
quatre fois, mais ils pouvoient boire entre-deux tant qu'il leur plaiibit à leur
foif} excepté entre la troifiéme & la quatrième coupe. Ainfi on appor-
toit d'abord k première coupe, le chef de famille, ou celui qui avoit été
choifi pour officier, la prenoit, la benifToit par la prière ordinaire , béni
fois'tM ejHi as fait le f mit de la vigne &c. Sccela avant que de fervir les mets
fur la table. Les principaux mets étoient l'agneau de Pâque rôti & les
tourteaux de pain fans levain que l'on fervoit dans un baffin , \ts uns di-
fent qu'il y avoit deux gâteaux, les autres difent trois.f. Après que cette coupe
étoit bûë, chacun lavoitfes mains pour la première fois, ôcj'officiant^ qu'on
appelloit r-n."in Mip ledeur de la fête , faifoit une prière ainfi conçue ,
k nifois-tn &c. cjui nom asfm^ifiez^ & nous as commandé de nous laver. Ils avoient
deux manières de laver les mains , l'une en plongeant les mains dans l'eau ,
i'autre ea- recevant l'eau fur les mains élevées en l'air, ou. plûtôi inclinées,
ea
ET DES CULTES DE UEGLISE.P^r^ir. 331
en forte que l'eau allât jufqu'au coude , fans • paiîer outre , ôcauffi fans
retourner fur la main , car cette eau les auroit fouillez ; Et c'ell ce que St.
Marc appelle wyixyi vli^ah
7. Apres qu'ils avoient lavé, on fervoit les mets fur la table 5 favoir, pre-
mièrement l'agneau de Pâque rôti. z. Les gâteaux de pain fans levain^
aunombrede deux ou trois. 3. Enfuice une lalade, c'efh-â-dire, unpl^t
oij il y avoit des endives, des chicorées domeftiqucs 6cfauvages, desla't-
tuës, des bettes , &c autres herbes ameres femblables. Auprès de cette
falade il y avoit une fauce de vinaigre différente du nonn dont il va être
parlé. Aben-Efra fur l'Exode ch. 11. rapporte le fentiment d'un Juif
qui dit que cette coiitume étoit imitée des Egyptiens, qui dans leurs re-
pas, pour corrompre l'humidité de leur air, dans lequel, à caufe qu'il n'y
a pas de pluyes, il y a toujours de grandes rofées& des vapeurs humides,
mangent à tous leurs repas des herbes ameres. Mais la vraye raifon eft , afin
que ce leur fût un mémorial de la dureté & de l'amertume deleurfervi-
tude : ces trois mets étoient commandez par la Loy. 4. Outre cela ils
avoient une manière de fauce Hée , qu'ils appelloient nDinn : Elle étoit charoufet.
faite de chofes douces & aigres, mêlées enfemble, comme figues, dates,
railins, vinaigre, ôcc. Le tout pilé au mortier, & faifant une compo-
fition hée &c épaiile , prétendant que c'étoit en mémoire du mortier ÔC
ciment qu'ils avoient fait en Egypte. Ils trempoient leur pain fans levain
là dedans, afin de le manger plus ailement , &;ily a apparence quec'eft
de là que le Seigneur prit le morceau trempé qu'il donna à Judas. Jean ij,
8. La table étant ainfi fournie, le Prefident prenoit d'abord un peu de
ces herbes de la falade, &; après avoir béni Dieu, qui avoit créé les fruits
de la terre, il trempbit les herbes dans le vinaigre. Les autres difent,
dans le nonn , 6c en mangeoit la grolfeur d'une olive. Ligtfooc pré-
tend , que cette première bouchée n'étoit que pour obéir au commande-
ment de manger des herbes ameres ; mais qu*ils pouvoient manger telle
herbe douce que bon leur fembloit , & que ce commencement fi extraor-
dinaire d'un repas étoit deftiné à exciter la curiofitédesenfans, ôclesobH-
ger à faire des que fiions fur cela. Et pouraugmenter davantage la curio-
fité, tout auffi-tôt que cette bouchée d'herbes ameres étoit avalée, on
deflervoit la table , 6c on apportoit la féconde coupe Pafchale qu'on benif.
foit, 6c on la bûvoit.
•p. Alors les enfans commençoient à faire leurs queftions , 6c Ci per(bn-
nc n'en faifoit, l'officiant ne laiffoit pas de prendre la parole , 6c recitoit
fort au long l'occafion de cette inftitution , les bienfaits de Dieu envers
leurs pères, leur décente en Egypte, leur fervitude, leur délivrance 5 fur
tout ils empruntoient les paroles du 2,6. du Deuteronome v. f , 6cc. Mon
père a été un pauvre miferaûle Syrien^ 6cc. Ce récit s'appelloit mjn decla- B.^gg'^àûu
ration , d'où fouvent toute la Pâque prenoit fon nom.
I o. Alors les plats qu'on avoit ôtez de deflus la table étoient refiervis.
Il efl bon de favoir , qu'outre les trois mets , le pain fans levain , la fala-
de d'herbes, 6c l'agneau, ils ajoûtoient du moins deux autres mets, qui
puflentrafiafier; car c'étoit leur maxime, qu'ils devoierlt manger l'agneau
de Pâque, jufques à être raflafiez: Ainfi avant que d'en manger ilsman-
geoient autre chofc, comme du ris 6c autres femblables mets j 6c fur tout
Tt 2, ils
Tefachina
Taiinud.
îfikomon.
Qaeîques
Juifs difetit
que Voa
mangeoit
les hetbes à
Tiaiti
3ïai îfôn
^jï HISTOIRE DES DOGMES
ils mangeoient des reftes des facrifices de prorperitez , qu'ils ofFroient or-^
dinairement le quatorzième du mois de Nifan.
1 1 . La table étant reflèrvic une féconde fois , & la féconde cou pc Paf-
chale étant bûë,on fepréparoitàfouper tout de bon5,aprés que l'officiant
auroit béni le repas, en difant ^ cV// ia la Pâcjue , lacjHeUc notts mangeons^ a
c'aftfe (jtte ^ Etemel a pajjé fur les maifans. de nos per€s en Egypte ^ècc. Endiite pre-
nant les herbes ameres , il difoit.. Ce font^iciles herbes ameres^ afin e^ue noup
tmjfions nous rejfutivenir , e^ne les Egyptiens ont rendu amere la vie de nos pères
en Egypte. Puis en prenant le pain fans levain, il difoit. (,*èfi ici le pam
fans levain , ejue nous mangeons , a.catife ^tte la pâte de nos pères en Egypte neut
pas le tems de lever ^uand il les délivra^ Sec. & pourtant rejouijfons nous , allelpija ,
6cc. Et là-defTus ils chantoient le Pfeaume L36. tout entier : Tout cela
fe faifoit avant que de manger.
li. Alors ils lavoient leurs mains- une féconde fois, en répétant la pre-
mière benediétion du lavement des mains, puis prenant les pains fans le-
vain , l'officiant en rompoit un en pièces , mettoit les pièces fur celui qui étoit
entier, ôc henlffoit Dieu/^ui a fait lepaia de laterre, Les Juife difent qu'on.en
refervoit une partie pour le deflert qu'on appelle p>p>3>î èirîvMiJ.ov. Mais
Ligtfoot montre fort bien , que cela, ne s'eit introduit que depuis que les»
Juifs n'ont plus d'agneau'ï*afchal àmangçr, car alors la dernière viande
devoit être l'agneau Pafchal, ôc ils ne mangeoient rien après. Pour der-
nier mets, dit Maimonides , ils mangeaient la groffeur d'une olive de Pagneati'
Bafchal^ après ils ne mangeoient plus rien -, mais prefentement Us mangent U groÇ.
feurd^ une olive de pain fans levain^ &>'ne mangent plu s rien e^ fuite, Ainfi cette,
referve d'une portion du pain fans levain pour tepicomon eft moderne.
1,3. Le pain fans levain- étant rompu,, le Prefident en prenoit une bou-
chée, l'enveloppoit d'herbes ameres, & letrempoit, ou dans le vinaigre,
ou dans le roiinj en.beniflanc Dieu de ce qu'il ieuravoit commande le
pain fans levain 5 puis le mangeoit., & les autres faifoient comme lui. J ufques
ici ils n'avoient encore maiigé que deux bouchées d'herbes,, ôC une de-
pain levé , ôc bû deux coupes.
14. Mais dans la. fuite ils fe met'joient enfin à fouper 5 Je Prefident
ayant béni Dieu , qm. km commandiit. de manger de ce facrifice , ils maa-
geoient premièrement de la. chair de leurs facrifices de profperitez, &
d'autres chofes. Après quoi ils mangeoient. l'agneau, le Prefident ayant
derechef béni Dieu ,. cjui les avost fan^itfiez^^ & leur avoit commandé de manger
UPàque. Le moins qu'on devoit manger de l'agneau, c'étoit la grof^
feur d'une olive ,, même les plus malades, ôc les plus dégoûtez: cen'ell;
pas que tousfullènt aftreints à n'en manger que la groileur d'une oHve.
Dans ce repas ils bûvoient & mangeoient largement }.mais leur dernier,
mets étoit l'agneau de Pâque.
If. Alors ils lavoient leurs mains pour la conclu fion du repas: Gnap-
portoit la troifiéme coupe Pafchale , le Prefident la beniflbit , tous les
affiftans la bià voient ,. 6c cette coupe étoit par eux appellée la coupe de'
benedeÛlon^, comme il paroit par le Glofiateur de Maimonides. Elle étoit
ainfi appellée, à caufe que fur cette coupe on rendoit l'aélion de grâces
-pour tout le repas. Et Ligtfoot prétend,, que c'eft dans cet endroit que
l'inftitution de la Cène a été placée , c'eft pourquoi Si. Paul appelle la
coupe de l'EucharilUe , , la coupe de benedidion. i.(5; ,
IT DES CULTES DE UEGLISE. Tart.U. 333
16. Enfin venoit la dernière coupe quî s'appeiioit ia coupe du CantJ- '^Sncib
que,au lieu que la précédente s'appelloit riDia D13 ,iur cette dernière coupe on duiblpex"
chantoit le Cantique compofé des Pfeaumes 114. iif. ii6. 117. 6c iiS.rarchai.
comme nous l'avons dit cy-devant ; ce oui s'appelloit le petit Hallel, ou le
Halicl Egyptien. C'eft ce que nos Evangelilles recitent que fit J. C. Il chan-
ra le Cantique avant que de fe retirer , 6c après avoir célébré le Souper. J^^^^ ^'^'
Après ce Cantique on ne faifoit plus rien, ce qui rend vray-femblable la voyez scaiî-
Gonjedure, que J. C. inftitua la Cène dans le temsdelatroifiéme coupe, de'Emenda-
lîon après la quatrième. Après le Cantique on faifoit une prière , qui tionexemp.
s'appelloit n^nnsin iabenedi^iondaCami^jHe; c'étoit une adion de grâces, dr"«Tb?p"oft
&une exhortation au peuple de louer à jamais l'Eternel. Ici finilfoit le "aaatumdc
repas vers le point du jour 5 ceux qui étoient plus dévots, aux 4. coupes brlSs."*'
en ajoûtoient une cinquième , fur laquelle ils recitoient le grand Hallel , c'é- cappeilus
toit depuis le Pfeaume 12,0, jufques mi i\j. exclafivement, d'autres di- SSbade
fent 5 que ee dernier Cantique ne contcnoit que le Pf. 1 36. D'autres depuis 1'"".'^^*-
le 1 3f . jufques au 1 37. excluiivement ; Cela elt une difpute dans la Gemara. comparez
Le lendemain de la Pâque étant arrivé , c'eit-a.dire le if. c'ètoit ie^"^'^"^»-
grand jour appelle auffi Sabbat au 2.3. du Levit. 11. Dans lequel tout mâle
étoit obligé de corn paroître devant Dieu au Temple. Cette comparition
s*appelloit n»î*i : Ils apportoient leurs ofïirandes à Dieu , car \\ n'etoit pas offiande
permis d'y paroître les mains vuides. Ligtfoot prétend que les Juifs cru- J^P^micrr
Giflèrent Noire Seigneur dans ce jour-là : mais cela eft tout à fait impro-
bable, Se cela feul me perfuade de la faufTeté de l'hypothefe de Ligtfoot,
6c de ceux qu'il fuit, que Nôtre Seigneur mangea la Pâque le même jour
que les Juifs : il la mangea un jour devant, St. Jean TËvangelifte ell clair
lâ-deilùs. On faifoit donc, 6c àts bolocauftes pour l'Eternel , 6c des fa-
criiices de profperitez, chacun pour foy : car les facrifices pour le public
étoient, ou bolocauftes, ou facrifices pour le péché 6c pour le délit. Une
fe faifoit point de facrifices de profperitez dans les gi-andes fêtes pour le
public : excepté deux agneaux qu'on ofîi oit à la Pentecôte : mais tous les au-
tres facrifices de profperitez fefaifoient pour des particuliers, excepté deux-
agneaux <]u'onoffr oit à la Pentecôte pour la Congrégation, en facrifice
de profperitez. Ces facrifices de profperitez s'appeiioient 'nx^yn fefitvitcis y.
parce qu'ils celebroient la fête en feflins avec les Sacrificateurs.
Le lendemain étoit defliné à l'offrande dts premiers fruits , ou de la
poignée des premiers grains. Lesjuifs difent, qu'on eavoyoit couper cette
poignée de grains par trois hommes en trois corbeilles , dans ia^vallce des cen-
dres , prés du torrent de Cedron> cette récolte fe faifoit, difent-ils, le premier
jour de la fête , au foir jour de Sabbat , comme il commcnçoit a faire un peu^
obfcur, il y avoit grande compagnie avec les trois hommes. Quand l'obicu--
rité étoit venue, l'un des trois prenoit la parole, 6c difoit par trois fois ; Ce jour
de Sahbat^ ce jour de Sabbat , ce jour de Sabbat , dans cettfi'Corbetlle , dans cette cor-
b^itle^ dans c£tte corbeille^ 6c les deux autres répondoient , 0///', om, oui y par trois--
fois ^ je moijjonnerar. Et ainfi ils moiifonnoienr une gerbe : quand cela étoiG.
fait, on l'appoTtoit dans les corbeilles, on la faifoit griller 6c rôtir. Le grain*
rôti étoit un mets ordinaire en ce tems-là^ On verfoit defîus de l'encens ôc de
l'huile, on le faifoit tournoyer devant l'Autel, on en prenoit une poignée,-.
qui fe Gonfumoit fur l'Autel , 6c le refle demeuroit aux Sacrificateurs.
Tt z. CH^
334
HISTOIRE DES DOGMES
CHAPITRE XI.
De la féconde Pâqtic,
ÎL efl à remarquer que quand quelqu'un n'étoit pas en état de célébrer
la Pâque avec les autres, Dieu lui permectoit d'en célébrer une fé-
conde dans le mois fuivant, appelle liar, juilement auffi le 14. de ce
mois aufoir. L'ordonnance s'en trouve dans le cbap. p. des Nombres, à
l'occafion de la feule Pâque que les Ifraëlites célébrèrent dans le défère
V. 6. après leur départ un an après la fortie d'Egypte. Il y eut certaines gens
fouillez pour un mort qui ne purent faire la Pâque; fur quoi ils s'adreflerent
à Moyle & demandèrent qu'il leur fût permis de manger la Pâque avec
T. lo.Sciï, leurs frères. Moyfe interrogea Dieu là-delTus qui lui répondit, quand ^ueU
qu^nn d'entre vous oh de votre ^ojlerité fera fouillé four quelque mort , ou fera en
voyage lointain^ il feraneanîmoins la Pâque a l'Eternel: ils la feront le quatorzième
Maimonidcsy'oAfr du fecotid mois &c. Sur cela les Rabbins à leur ordinaire font quantité
fach. chsp!/. d'obfervations. i - Si ceux qui étoient fouillez par un mort étoient la moindre
obferva- partie de l'alfemblée , on ]es remettoit à la féconde Pâque avec les autres
ficonde'^ ^ fouillez. 2. Mais 11 les fouillez par un mort étoient en plus grand nombre, ou
Pâque, Çi les Prétrcs ou les Lévites étoient fouillez par un mort, ou même les vaif-
féaux , on ne les differoit point , & les fouillez faifoicnt la Pâque comme
ceux qui étoient nets. Ainfi il n'y avoit que les particuliers qui fuifent dif-
férez pour fouillure d'un mort. 5. Si l'afTemblée étoit partagée moitié
nette moitié fouillée par un mort , tous celebroient la Pâque au même
jour, mais les nets à part 6c les fouillez à part. 4. Si les fouillez étoient
en plus grand nombre que les nets, ne fût-ce que d'un , les nets & les
fouillez celebroient conjointement & fans difiinélion. f. Si la plus gran-
de partie de l'afîémblée avoit des feuillures de flux de fang, gonorrhée,
lèpre &c. & que le refte fût fouillé par un mort, les fouillez par un mort
ne celebroient pas la Pâque le premier mois, ni le fécond auffi> non le pre-
mier mois, parce qu'ils étoient la plus petite partie: non le fécond, parce
. que nul ne celebroit la féconde Pâque, à moins que la première n'eut été
célébrée. 6. Ci la plus grande partie de l'aflémblée étoit en fouillure d'un
mort, ôc la plus petite en fouillure de lèpre, flux,&c. la partie fouillée
par mort celebroit la Pâque au premier mois, mais les autres fouillez quoi
que purifiez ne celebroient pas le fécond mois, parce qu'on ne celebroit
pas de féconde Pâque , à moins que la première n'eût été célébrée en
pureté légale par une bonne partie de l'afTemblée. 7. Si le tiers de l'af^
femblée etoit pur, le tiers fouillé par un corps mort , 6c le tiers fouillé
des grandes feuillures, lèpre, flux, 6cc. le tiers fouillé d'un corps mort ne
faifoit ni la première ni la féconde Pâque. Non la première, parce qu'il
étoit la moindre partie, comparéi||avec tout le relie de raflêmblée tant
fouillez que nets. Non la féconde , parce que la première n'avolt été cé-
lébrée que par la moindre partie de l'aflémblée, 8. Si un homme trouve
après
ET DES CULTES DE L'EGLISE. Pan.lL 335
après avoir écorché fou agneau quelque marque de fouillure dans la bête,
n'ayant pas le tenasd'en fandifier un autre, ileft remis à la féconde Pâque.
p. Si un enfant entre la féconde 6c la première Pâque atteint Tâge de
15. ans, auquel tems il eft appelle niif^a 12 JiHus mandat i -y c'eft-à-dire,
qu'il eft obligé à obferver tous les commandemens de la Loi : ou fi entre tems
un profelyce fe fait circoncire, on les remet à la féconde Pâque. 10. Si un
homme venant à Jerufalemen eft empêché par mort ou maladie de fes bê-
tes, ou que lui-même foit malade: ou fi par un empêchement infurmonta-
ble il fe trouve le 14. du mois à foleil levant plus de if. milles loin de Jc-
rufalem, il doit attendre la fe:onde Pâque j car s'il fe trou voit plus prés que
If. milles à foleil levant, il pouvoit aifément venir à pied en Jerufalem,
avant le tems du facrifice.
Au refte cette féconde Pâque devoit être obfervée avec les mêmes
Cérémonies que la première félon l'ordonnance de Dieu. Cependant les Nombres j.
Rabbins y mettent de la différence, i. Dans cette féconde Pâque on pou-
voit avoir du pain levé dans la maifon, pourviâ qu'on n'en mangeât pas.
2. On pouvoit porter de cette féconde Pâque en compagnie hors de la
maifon. Ce qui étoit défendu de la première. 3. Ils n'étoient pas obligez
de chanter le Cantique Hallel comme dans la première. 4. On ne man-
geoit point avec elle la chair des njun , ou des facrifices de profperitez.
f . On ne pouvoit jamais la manger en fouillure de mort. Ce qui fe pou-
voit quelquefois dans la première. Toutes ces obfervations paroiifentalTez ^"^^"p^f'^
vaincs , ne tombant que fur des cas prefque tous impoffibies. fach chip.
10.%. li.-.
CHAPITRE XIL
De la Tentecote.
C'Eft la féconde des fêtes folenneHes dans îefquelles tout mâle étoic
obligé de fe prefenter devant l'Eternel : le mot Grec irsvrsmç-^j fiit
aiïezvoir qu'elle fe celebroit 50. jours après Pâque. L'Ecriture l'ap- -^^"^J
pelle fouvent la fête de la moilîan , & auffi la fête des femaines , parce Deutcwa,
qu'elle fe celebroit immédiatement ap-és là moiiTon , & parce qu'on con- ï<s- î-
toit fept femaines depuis Pâ]ue, Les Juifs l'appellent fouvent ms];, quoi Leffgtç's
que ce nom fignifie en gênerai toute fête folennelie. Le premier ôcleder- foienndies
nier jour des grandes fêtes étoient particulièrement ainfi nommez ; Mais q^^^"J ^^^
pour la Pentecôte , elle n'avoit qu'un jour folenncl , êc c'eft peut-être
pourquoi les Juifs l'appellent niïî? par excellence , comme le feul jour
folennel j c^ft 4a remarque de St.Jeiôme, elle n'avoit donc pas d'^ÙcU-
ve comme les autres. On coramençoit a conter fept femaines du lendemain S^J^'j^^^
de Pâque , jour auquel fe faifoit l'offrande des premiers épis mûrs : En paraiipo-
contant fèpt femaines , les fept fois fept faifoient quarante- neuf , 6cle len-'^*"®^'
demain de ce quarante-neuvième étoit la Pentecôte , qui faifoit le cinquan-
tième jour. Ce fbnt ici les Cérémonies folennelles de cette fête,
I. Touî
Cérémonies
folennclles
de h Fente-
cère.
lîa'mioni-
des Traft.
Thamidim.
csp. a, 5.
Tradiatu'
cap. 8.
Sut le v.'ïp,
du i^ des
Nombres.
Fagius ia
locum.
Cetre for-
mule eft
dans Md-
monides
Traft.
Biccutim
c. j. §.ir.
Ubi fuprà.
TiHTumeb.
536 HISTOIRE DES DO GM ES
I. Tout mâle étoit obligé de fe prelenter devant Dieu pour faire la
commémoration de ce grand bienfait du don de la Loy fur la montagne
de Sinaï. Cette Loy fut donnée juftement fo. jours après la fortied'E-
gvpte. 2. Elle étoit aufli dellinée à offrir à Dieu les prémices des pâtes,
comme à Pâque on avoit offert les prémices des grains, chacun donc étoit
obligé d'appoîter ât chez foy deux pains levez pour en faire oftrande à
Dieu, non deux painsfans levain, mais levez-, parce que c'étoicnt les pré-
mices & les offrandes du pain , dont ils dévoient vivre à leur ordinaire.
Ces deux pains dévoient être de deux dixièmes > c'eft-à-dire , de la cin-
quième partie d'un Epha , c'étoit le grand boifieauj Ainli chaque pain
ou plutôt .chaque tourteau étoit de la dixième partie d'un boiffeau. Voici
ce qu'en dit Maimonidcs. On prenoit un Epha ou grand boifleau de bled
qu'on faiibit m©udre, qu'on broyoit Se prèparoit comme l'autre bled, on
le tamifoit, & on en prenoit lacmquiéme partie en fine fleur de farine, Je
relie de l'Epha on le rachetoit ; c'eft-à-dire , qu'on en donnoit la valeur
au Sanéluaire & on en faifoit tout ce qu'on vouloit. Enfuite on feparoit
cette fleur de farine en deux, on en cuifoit deux gâteaux feparément avec
du levain, la longueur de chaque gâteau étoit de lept travers de main , i8c
doigts ou zi . pouces, ce qui faifoit prés de deux pieds , la largeur étoir
de II. pouces 6c l'épailTeur de 3. pouces. On ne les faifoit que la veille,
dit Maimonides , excepté quand le Sabbat tomboit fur la veille de la fête j
ce qui fait voir qu'on apportoit le bled en Jerufalem 6c qu'on le boulan-
geoit là, autrement on n'eût pûdiflerer à pétrir ce pain jufqu'à la veille
de l'offrande. La Loy dit de toutes leurs hahit^Aions i mais Maimonides ob-
ferve fort bien que les habitations dévoient être de la terre de Canaan} car
Dieu ne demandoit ni dîmes ni prémices des terres étrangères. Cette of-
frande devoit être prifë du bled, orge, fègle, Scc. &: autres, dont on fait
du pain ordinairement, non du ris, millex & autres crains dont on feme
les champs.
Dans le if. àc^ Nombres v. îp. Dieu commande d'offiir un tourteau
en offrande élevée four fremice des pâtes y vous l'offrirez. ^'- la façon de V offrande
élevée prifi de Taire. Ceci ne ferable pas être la même chofe que les pains
de ia Pentecôte. Car 1. la quantité n'ell point marquée. 2. L'ofiiande
n'eft pas tourncyée, mais feulement élevée, ou plutôt , à la manière de
l'offrande élevée. 11 eii donc vray-femblableque c'étoic ce qui s'obièrve
encore aujourd'hui -entre les Jurifs., félon le témoignage de Fagius. 11 dit
que quand les femmes Juifves pétrilïent, elles mettent à part un petit tour-
teau qu'elles confacrent à Dieu avec ces paroles, henifois-tun^ite Dien^Roy
ÀH monde ^ de ce (^ne tu nous as fanBtficz..) & nous as commandé de tt [épater le tonr^
â.eau. Et comme il n'y a plus ni Temple, ni Lévite, à qu< donner cela,
ils le jettent dans le four ôc le brûlent. Ainfworth remarque même après
Maimonides, que cela fe donnoit aux Sacrificateurs Ôc Lévites dans les
lieux de leurs demeures, ôc ne le portoit pas en Jerufalem j ainfi le mot
de nonn elt pris dans ce pafl'age dans un lèns étendu pour toute offlan-
de donnée à Thonneur de Dieu. Car dans le veriet 2 1 . on ht Vous donne^
rez. k l"* Eternel la dime de vos pâtes -y c'eil - à- dire, aux ferviteurs de l'Eter-
nel , ainfi cela Ce peut mettre entre les dîmes > En effet toutes les dîmes
fcntappellées rv^inn.
Pour
ET DES CULTES DE L'EGLISE. TarLlL 337
Pour retourner à la Pentecôte, les deux pains étoient ofFerts en offiiui-
de tournoyéc,6c appartenoient l'un au Souverain Sacrificateur, &: Tautre aux*
autres Sacrificateurs; de forte que dans ce ten:îsils dévoient avoir une pro-
digieufe quantité de pains. Avec ces pains on ofFroit en facrifice de prof-
peritez deux agneaux, dont la chair appartenoit aufii aux Sacrificateurs.
G'é.toit le feul lacrifice de profperitez qui fe fit pour toute la Congrcg;ition,
Car il n'y a pas d'apparence qu'il en Hit des agneaux comme des pains,
ôc que l'on fût obligé de fournir chacun le fien. Comme la plupart en
parlent, on n'offroit à Dieu que deux pains en tout pour toute la Congré-
gation : C'efl la peniee de Ligtfoot. JVlais le texte de Moyfe ne peut s'y
accorder , il dit , vous apporterez, de vos demeures deiîx pains. Ni le tex-
te de Maimonides non plus > cependant je voy bien que c'e-ût été un terri- voy Ainf-
bîe embarras d'offi-ir tant de pains. Aiîifî il y a apparence qu'on en tour- Penuteu-
noyoit deux pour le tout > Ôc que le reite demeuroit aux Sacrifica- cHum Lcvit,
teurs. * ''^*'^'
On ofFroit ainfi ces deux agneaux, c'eft qu'on les tournoyoit tout vi-
vans , ce qui fie fe faifoit que dans cette offrande ; Après on les tuoit ,
on les égorgeoit , on les écorchoit , 6c on en pienoit l'épaule 6c la poitri-
ne comme des autres facrifices de profperitez, Se on les tournoyoit avec les
pains, puis on brîiloit les entrailles; c'eft-à-dire les grailles ; cette épaule
& la poitrine appartenoient au Sacrificateur officiant , ôc le relie de la chair
appartenoit aux autres Sacrificateurs.
Outre tout cela on ofFroit les facrifices ordinaires dans les nouvelles lu-
nes, 7. agneaux, 2.' moutons , un bouveaupourl'holocaufte, & un bouc
pour l'offrande pour le péché.
Dans ce jour on chantoit le Hallel, dont il a été parlé dans la 4"^«, cou-
pe de laPâque, favoir les Pfeaumes 1 14. i if . \\6. iij. 118. Mais cela
ne pouvoit être de la première inflitution, puifque ces Pfeaumes n'écoienc
pas encore compofez, quand on> célébra la première Pentecôte.
CHAPITRE XÎIL
. De la Fête des Trompettes,
Nomb. ZQ. I. Levir, 2,3. 24.
GEtte Fête fecelebroit le premier jour du mois de Tifri ,qui répond Trompettes
en partie à nôtre Septembre , &: la folennité confiftoit en ce que *"^''"'^^f^'
dans les lieux où haoitoît le peuple d'Ifraël on fcnnoit de la trom-
pette dans toutes leurs Synagogues , auilî bien qu'en Jeruf^ilem. Avec
cette différence que dans le pais, on ne fonnoit qu'avec un or de bélier,
qui s'appelloit en Hébreu Jobel shophar, isr^ Sav comme ail Jubilé.
Mais dans le Sanétuaire on y fonnoit auffi de la trompette jointe avec le cor,
êccela depuis le matin jufques au foir j Déplus on doubloit les Sacrifices -
Part. IL Y V des
238 HISTOIRE DES DOGMES
des au rcs nouvelles lunes, on offroit fept agneaux,- deux moutons, un
bouveau en holocaufte , & un boue pour l'offiande pour le péché : outre
l'Agneau cojitinuel, &les fept Agneaux &c. qui s'ofFroicnt dans les nou-
velles Lunes ordinaires. On chantoit dans le Sanéluaire le Pf.8i. Charte
tez, gayemem ^ 6c dans les Synagogues onfaifoit diverfes ledures propres au
jour. Les Juifs difent que cela fe faifoit en mémoire de la délivrance
d'Ifaac , en la place duquel Dieu mit un bélier ; mais cela n'eft pas apparcntj
& les deux vraies raifons de cette folennité font celles-cy : la première, que
ce jour étoit le premier de l'année, car bien que Tifri fût conté pour le
feptiéme mois dans la Loi , c'étoit à l'égard de l'an facré. Mais l'an civil, félon
lequel on fe regloit dans toutes les affaires hors du Temple, commençoit par
le mois de Tifri. Ainfi pour avertir tout le peuple de ce premier jour de l'an,
on fonnoii la trompette par tout Ifraël : Il eil certain auffi que ce fonde trom-
pette avoit quelque chofe de myfterieux,&que c'étoit l'emblème de la parole
de Dieu: hanjfe ta voix comme un cornet: Et c'eft pourquoi ^ans l'Apoea-
Efaye j8. i. .^^ ^^^ diverfcs révélations de la parole de Dieu font comparées à des
{bns de trompette , le fon de la féconde , troifîéme, trompette &c. Ainfi
Ainfworth a ce fon étoit delHné à reveiller les Peuples de leur affoupiflemenr. Et ce-
la dcffus de ci nous conduit au; (ècond ufage de ces trompettes. C'étoit pour prepa-
Tema^rques rcr Ics hommcs à cc grand jour des-Propitiations, ce Jeûne^ folennel de
fur leij. du foutc la natiou. Car nous verrons dans la fuite qu'ils publioient le Jeûne
& ksT& par le fon de la trompette. Il étoit <ionc jufte que le ]dinQ folennel fût:
lo.chap.des p^bjié , & qu'on préparât Içs cœurs & les efprits à cette grande journée,
qui fe devoit célébrer dix jours après , le dixième du mois de Tifri.
G H A P I T R E XIV.
Vu Jour des Trofitîations.
Levitique i5. tout entier.
Six jours f^ ^ i^"^ n'efl. pas proprement un jour de fête, carie mot de jn cl
Rêvant cette f qyj fignifie fête, emporte rcjouifTance, & en effet les Juifs ne jeû-
vo?$ peni- noient jamais dans leurs fêtas , ni même dan&leurs Sabbats qui étoient
F"" œ'n- ^^^ i^^^^ ordinai^rcs: De Jàétoitvenuëla^coûtutner-dans la primitive Eglife,
feffion de de ne jeûner point le Samedi, & fur tout le Dimanche, non pas même en
leurs péchez Carême. Ce jour étoit donc un jour de Jeûne, d'expiation & d'humi-
contre leurs liation , pour tout le peuple. La tradition des Juifs dit que la première
fa'^weTence °^*^^^°" de l'inftitution de cc jour fut le péché du Vea-u- d'or, que MtJyfc
de quelques avoit été trois fois 40. jours fur la Montagne,^ & tju'en renouv^llant la
ftiToTent'ilï ^y ^^ ^^'^^^ établi le Jeûne & cette expiation folennelle par l'ordre de
même tems Dieu. Lcs ceremonies de ce grand jour font décrites bien amplement:
dTtoi"°fait dans lechap. i5. du Levitique. Voici comme la tradition àt^ Juifs nous
aa prochain, apprend quc ce jour fe^paffoit i cela eft couché fort exaélement dans un
ftEîud'ie- ^^'^^^f ^" Talmud, fait exprès , ôc dans Maimonides dans le traité ap-
lofoj. pelle Jom hakippptmn, • . .
. I . Sept
ET DES CULTES DE L'EGLISE. Part.ll 339
I .Sept jour&[dcvant le jour de la propitiation oiimettoit te Souverain Sacn» Q^.^t ^^^
iîcateuren fequeftre dans la chambre appellée/'^rWn», de peur que fa fem- p cii« qui
me ne le polluât par Tes fleurs, i. Durant ces fept jours il faloit que le Sou- îomm's'^^
verain Sacrificateur fît lui-même le fervice journalier, il faifoit Tarperfion 9on"e oku
du fang, il offroit l'encens, il accommodoit les lampes. :^. On lui don- meTt,'*^^'
noit un Tubilitut appelle po 6>^^w pour faire le fervice , s'il tomboit enpol- ''homma
lution.. 4. Le troiiiéme jour on faifoit fur lui l'afperfion des cendres de gé demies ^
la Vache rouge ,f>ar précaution, de peur que par hazard il ne fût fouillé codfe/ret
par un mojt. f. On lui donnoit quelques anciens Membres du 5<î«Wr/'« feui! '^"
qui lifoîent devant lui .l'ordre ôc les cérémonies du fervice, pour lui en J^^'^^'f*:"-
rappeller la mémoire. 6. La veille du grand jour au matin," on le me- Lib/i!Vp?*
noit à la porte du Temple , c'eft-à-dire à la poite des Parvis , ôc on lui faifoit ^' P- ^^^- ^
voir les bouveaux, les agneaux & les boucs du Sacrifice, pour d'autant cerêmoniefi
plus lui rafraîchir la mémoire de l'adlion. 7. Enfuite les Anciens du San- J"J°"r<ies
hcdrin le mettoient entre les mams des Prêtres les plus anciens qui l'ame- tiow.
noient dans la chambre dite wl^dn d''Abthinés,o\i nous avons vu que fè com- '^
pofoit le parfum , afin qu'il apprît à manier l'encens 3 & là ils l'ajuroient , en
di fan t , mus femmes Adejfagers du grand Sanhédrin , & nous t ^ajurons par celui, ^ui 4
fait Imbiter fan nom ici^i^He tu ne changés rien de ce c^ui t'a été dit. Cela dit, ils
fortoienten pleurant, ou feignant de le faire. L'occafionde cette cérémo-
nie étoit venue, difent-ils, d'un certain Sacrificateur Sadducéen, qui avoit
allumé le parfum avant que d'entrer dans le Saint -des Saints , au lieu
qu'on ne doit l'offrir que dans le lieu même: &il en étoit mort trois jours
après. 8. Le foir de la veille étant venu, on ne lui permettbit démanger
que fort fobrement, & la nuit fe pafîbit dans l'explication & la leélure
de la Loy.
p. Le jour étant venu qui étoit un grand jour de Jeûne & de Sabbat le
Souverain Sacrificateur fe preparoit pour l'ouvrage. Il fe lavoit, il met-
toit ^ts riches habits appeliez habits d'or arjînjn,& il faifoit i'offiandedu
Sacrifice continuel. 11 offroit l'encens , il preparoit les lampes, ilofircit
le bouveau 6c le mouton àts lacrifices ordinaires 'dans les nouvelles Lunes,
mais point de bouc pour le péché , car on le refervoit pour être la principa-
le viélimc du jour.
10. Cela étant fait, on commençoitles cérémonies particulières au jour. LeSoure-
Le Souverain Sacrificateur quittoit Tes habits Pontificaux, fe lavoit pour la JjJeu/'dc?'
féconde fois , 6c prenoit I^^ *"U3 les habits blancs fimples de lin net , propres voit officier
pour un jour d'humiliation, c'étoit un emblème de lapuretédèJ.C. nôtre bLccutsie
vidime. 1 1 . Pour commencer le fervice du jour ,' il alloit trouver fon pro- jour dçs .
pre bouveau, qui devoit être offert premièrement pour lui 6c pour fa mai- tiS^""
Ion, 6c qui étoit lié entre le Temple 6c l'Autel: Il lui mettoit les deux
mains fur la tête, & faifoit une humble confeffion de ie^ péchez, faifeché
ê Seigneur^ foi fait méchamment moi & ma maifon^ je te f rie expie moi tous
ces fechez. commis par moi & m a maifon^ félon qu^tl e(t écrit dans la Loi de ton
ferviteur Mojfe 6cc. 1 2. Cela étant fait il lailîbii là fon bouveau , 6c alloit jetter le
fort fyr \t^ deux boucs deflinez à là Congrégation , dont l'un devoit être pour
l'Eternel, c'eft- à-dire pour l'Autel, 6c l'autre pour Hazazel,c'eft-à-dire,pour
•être envoyé au défert '7î«îj;. Le fort fe jettoit avec deux pièces d'or , fur lef-
queiles étoit écrit ^ponr l'Eternel , pour Haz.az.eL Ces deux boucs fe pofoient
V V 2, à la
34.0 H ï S T O 1 R E D E S D O G M E S
à la droite ôc à la gauche du Souverain Sacrificateur. On jettoit les deux
pièces d'or dans un vaiHeauj le Souverain Sacrificateur ymettoitles deux,
mains, prenant une pièce d'or d'une main, ôc l'autre de l'autre main, ÔC
les boucs avoient le ibrt qui étoit échu dans la main fous laquelle ils étoient,
le Segen étant à la droite, 6c le plus ancien des Prêtres à la gauche. C'é-
toit un bon augure quand le fort du bouc Hazazel tomboit en la main
TaiimiJ droite. Durant les 40. ans de Simeon le jufte cela arriva toujours.
Tnft. Joma ,^ Qq ijoit enfuitc un fil ou plutôt un ruban d'écarlate entre les cor-
'°^' ^' nés du bouc Hazazel. Sur le ruban d'écarlate , que les Juifs appel-
loient la langue d'écarlate , ils difent une chofe extrêmement remarqua-
Trad t!on blc. C'cll quc duraut le fervic.e il devenoit blanc , & ils autorifent cette tra-
fvotabiefui (j:tion du pallàgc d'Elaïe i. )8. i^nanâ v-os péchez, feroient rouges comme /V-
d'ecaïUtc, carlate^ ils feror-t blmchts comme la nége &c. Ce qui rend cela vray-femblable ,
c'ell la fincerité avec laquelle ils confcflent que les derniers 40. ans de la
durée du Temple , ce ruban ne changeoit plus de coukur,c'eft précifément
i?/i!Sft depuis la mort du Seigneur. Ils difent que fous Simeon .le Jufte il changea:
}>eut-ëcte eucorc de couleur i cela efk tout à fait exprés contr'eux, & pour la vérité du
embralra'îe ficrificc propitiatoirc deJefus-Chrift;. 14. Le Pontife ayant ainfi préparé les
Seigneur.^ boucs jufqucs à cc quc Icur tems vînt, il retournoit àfôn propre bouveau, & lui
d'Hind/ce mettant une féconde fois la main fur la tête, il fkifoit la même confefîion,
quieftre- y ajoutant uue confeffiou pour tous les -fils d'Aaron: puis il tuoit le bou-
qu"'\'bus^ veau , en donnoit !& fang à quelqu'un qui le remuoit incefiamment, afin
cebonper- c^n'ïi uc fc congclât pas. Cependant il prenoit un. eîicenfoh' d'or , y met-
avamjefus- toit du feUjprcnoit un plat d'encens, l'encenfoir dans la main droite, l'en-
chrift la qq^^ ^l^ns là gauche, il s'en alloit & entroit ppui; la première fois dans le lieu
ètmrbonne, Trés-Saint. 11 pofoit fon encenfoir à bas devant F Arche,il jettoit fon encens ,
Sfeikï^ lé laillbit fumer, &d=emeuroit là jufquesà ce que le lieu fût tout rempli de
k fut plus, fumée, jufques à ne pouvoir plus voir l'Arche , 6c alors fortant dans le
iieftbien ^itu Saint, ii difoit cette Prière. Qu'ail te plaife Seigneur nôtre Dteu'^qtiQ Jî
•meon ie Cette année eji çhâfide elle j oit aujjï humide ^ e^ue le fcepîrene fe de'parte point delà
jafte etoit j^j^iHç ^g Jiidx , ciue ton Peuple Ifra'él ne manqué pas de vivres ^ & c/ue lesprie-
synagogue, res des impies ne viennent point devant ta face. if. Alors il fortoit du lieu
l^v'^n^d? Saint, & reprcnoit le fang du bouveau qu'on avoit toujours remué , ren-
toiis. Mais troit pour la féconde fois dans le lieu Trés-Saint, faifant huitafperfions,
pêVvent une en haut, 6c 7. vers le Propitiatoire du côté des barres de l'Ârché, non
avoir pris pourtant pas fur r Arche,mais à terre. Enfuite il fortoit,laifiant le refte du fang
pmlïau*t"e, ^^'""s l^ Sanétuaire dans un baffin, 6c retournoit au Parvis des Sacrificateurs.
& peut-être 1 6. Là il tuolt le bouc fur lequel le fort étoit tombé /j^'^r rEttmel. Il pre-
cont"è k '""^'î^ ^c>i^ ^'^•'^g > le portoit , 6c rentroit pour la troifiéme fois dans le lieu Trés-
vidiiatd^ Saint: car s'il eil dit qu'il y entroit une fois l'an, cela fe doit entendre un
caiife qu'il fc^il jour de i'aunée ; mais il y entroit quatre fois dans le même jour } cela
avoh em- gf]- évident au moins de trois par le Levitique même. En fortailt il mar-
chrifi, choit en reculant, ce ne tournoit jamais le dos a 1 Arche cC aurropitia-
port? furie '■^^^^' "^^ ^^ ^^^"S ^" houe il cu faifoit afperfion prés de l'Arche, com-
simeondeia me il avoit fait de fon bouveau,£c paffoit du lieu Trés-Saint dans le lieu Saint:
.mA'^^'^u?" Et faifoit afperfion fur le voile de feparation par fept fois du fang du bou-
ce qui doit . VCaU
appartenir su Simeon fils d'Hillel. Vide B'JXt. abbrev. lit. "1. Les Talmudiftes in Joma cap.' 4. in Gemara „
difent que du tems de.ee Sinacon k Julie, la langue d'écaïlateblanchiSoit toujours j mais que depuis , tantôt elle
Wiachifleu, tJJ^tô^ »oa.
ET DES CULTES DE VEGLISE. ParfAl. 341
veau qu'il avoit laifTé premièrement 3 puis du fang du bouc. EUant ren-
tré daiis le lieu Saint il mêloit les deux ù.n^s cniemble , & en faifoit al-
perlîon fur l'Autel d'or, en tournant tout à l'enrour il en frottoit les qua-
tre cornes, & faifoit feptafper (ions, fur le fond de l'Autel, dont lui-même
ôtoît les cendres en les poullant fur les cotez. Le grand Sacrificateur fai- Levit. i«,
foit cela tout feul5pei-fonne ne rariîll:oit,6c n'ofoit entrer dans lel empie avec ^' '^'
lui. Quoi que d'ailleurs le lieu Saint fût acceffible aux autres Sacrificateurs.
17. Cela étant fait il fortojt, 6c alloit trouver le bouc Hazazcl, cv me*t- Appelle pat
toit fes mains fur fa tête, confeflbit les péchez du peuple, êc prioit Dieu ^.^^^"^^^t*^^
qu'il voulût faire expiation de ces péchez, en ce jour, félon qu'il étoit '^^.j^r] '
écrit dans la Loy de Moyfe. Car en ce jour il fera expiation pour vohs ^
afin de vous nettoyer de tous vos péchez.^ & (jt^c vous fcyez. nets devant fSier-
nel fehova. A ce mot de Jehova tout le peuple fe proilernoit, en difmt,
bem [oit le nom de ce glorieux Royaume k jamais. Après cela on commet-
toit un Sacrificateur pour mener cet animal dans le defert. Le fexte du
Leviiiq. i6. 21. dit hSlî^^ , & il l'envoira, pour aller oij bon lui ce que dc-
iemblera, il le laiilera aller. C'eftainfi que l'interprètent les Chrétiens, boùcHai^zef
Mais les Juifs difent que le bouc n'éioit pas appelle Hazazel, que c'étoit NotVbie tra-'
le nom d'une montagne. Ils appellent aufii ce mont pYïf. Il étoit appel- ^[.^^^° '^^
lé Hazazel tzs:; S*k î;? , parce , difent-ils, que le bouc s'en alloit-là , ôc cela fem- voyez
ble plus Conforme au texte Hébreu , l'un pour PEternel^ & l'autre pour Hazjiz. el ; f^ ^ÔVunf 6c
les Grecs attribuent ce nomi au bouc, 6c l'appellent rpayoç iTOTO/y.Tizroç. Quoi- Kimkiia
qu'il en foit, la traîiition eft que de cette montagne haute' 6c efcarpée, ^^'^''^^^"*'
on precipitoit le bouc, 6c qu'il febrifoit en pièces. Il y avoit depuis jeru-
falem jufqu'à cette montagne fituéeà 12. milles de Jerulalem dix Hôtelle-
ries à un m.ille l'une de l'autre. Deux hommes accompagnoient le con-
duéleurdu bouc jufques à la prochaine beuvette , 6c le laifloient entre les
mains de deux autres hommes qui s'y trouvoient, ^ qui le conduifoient
jufques à la prochaine beuvette, où il trouvoit derechef deux hommes^
qui le conduifoient à la fuivante , 6c ainfi des autres : parce que ce jour
étoit Sabbat, 6c il n'étoit permis que défaire le chemin d'un Sabbat, .qui
étoit un mille. Excepté le conduéleur du bouc, qui avoit difpenfepour
aller de l^Autel jufqu'à la montagne. A chaque beuvet1:e on lui deman-
doit s'il vouloit boire ou manger. De la dernière buvette à la Roche, il y
avoit deux milles ; Onn'accompagnoit pas leconduéteur jufques-là , mais on
demeuroit à quelque dillance, pour voir ce que l'homme feroit du bouc.
18. Quand le conducteur étoit arrivé au lieu où étoit la Roche ^ il prenoit
le ruban d'écarlate qui lioit les cornes du bouc^ 6c le rompoit. en deux.
Il en lioit la moitié fur le Rocher, 6c l'autre il la rattachoit à la corne du
bouc. La tradition des Juifs eft conftante 6c uniforme, que le ruban Quand & en
d'écarlate deveiioit blanc, comme nousl'avonsdit 3 mais on ne s'accorde ^1f^y'^,'^_^^
pas dans certaines circonftances , les ims difent que Técarlate blanchi!- cariattebian^
foit dans le Parvis même, 6c qu'on attendoit à l'envoyer que le fil fût de-*^ "'
venu blanc j d'autres difent qu'il y avoit un ruban d'écarlate à la porte
du Temple, 6c que ce ruban devenoit blanc, .fout auffi-tôt que le bouc
étoit arrivé au defert. D'autres enfin racontent lachôfe d'une autre ma-
nière. Et voici comme la recite Fagius. Les Hébreux difent que le bouc 'Etgwis la
envoyé' étoit précipité du haut du Rocher Haz.4K,el. Qhù qui k conàMtfoit /^.^-e/.c.is.y.s:^
Vv 5. nant
54Î HISTOIRE DES DOGME S
nant toujours en fa main le jîl ronge , qui était attache aux cornes du bouc. Que
Ji Dieu était app ai fe\ le fil devenait blanc comme nége. Mais s* d demeurait
rouge , cela Jignifioit ejue Dieu demeurait irrité. Or aujfi-tot cjue le fil étoit dc'
venu blanc , le conduEieur du bouc fonnait d'un cornet qu'il avait en main j &
des gens pofez. de difîmce en difiance , non feulement du côté- de ferufalem ,
mats par toute la fudée, formaient aujji da cor : ainfi en mains de rien on favoit
. que la propitiation était faite ^ & le bouc précipité j quejt le fil demeurait rou~
ge^ on ne fonnoit point du cor ^& durant toute Pannée la nation étoit endeiiil, en
prières & en jeunes.
Pendant -qu'on menoit le bouc Hazaizel , le Souverain Sacrificateur ache-
voit le fervice. On écorchoit le bouveau , & le bouc en offiande , pour
le péché , on en brûloit les graifTes fur l'Autel , oii portoit la peau , les
entrailles, la chair, hors de la ville , & on les brûloit dans le lieu où nous
avons dit ci-dcflus que les cendres fc raettoient, ce qui fe faifoit dans les fa-
crifices pour le péché ^ qui s'offiroient pour la Congrégation , &pour le
Sacrificateur. Dans le tems que le bouc étoit arrivé au dcfcrt , de-
quoi l'on étoit averti , ou par le Ton du cornet , comme rapporte Fa-
gius, ou par des hommes qui fur le chemin du defert étoient poftez de
diftance en dillance , Ôc fe donnoient un fignal avec des linges dans leurs
mains de deflus de hautes colomnes , le -Souverain Sacrificateur entroit
dans le Parvis àts hommes, ôc lifoit la Loy , entr'autres , le 6. chap. du
Levitique, oii il eil parlé desPropitiations. A ces lectures il ajoûtoit 8.
prier.es différentes , cependant celui qui avoit précipité le bouc re-^
tournoit à la prochaine buvette , ôc y demeuroit jufqu'à la nuit.
20. Cela étant fait, le Souverain Sacrificateur fur le foir , c'eft-à-di-
re environ à trois heures après midi, quittoit les habits blancs , revétoit
les habits Pontificaux les plus magnifiques jfelavoit derechef auparavant,
6c retournoit aux Sacrifices ordinaires , c'étoit un mouton pour lui , un
pour le peuple, & fept agneaux en holocaulle , outre le facrifice con-
tinuel du foir, qui ne s'interrompoit jamais.
21. Après cela il fe lavoit pour la quatrième fois tout le corps, &rc-
prenoic les habits blancs , Se pour la quatrième fois il entroit dans le
Saint des Saints, pour en rapporter l'enceflfoir, & le plat à l'encens qu'il
y avoit laiffé.
22. Puis il lavoit fes pieds & fes mains , fe baignoit une cinquième fois,
anî nji3 reprenoit les habits d'or , & entroit dans le lieu Saint pour y faire le par-
fum, 6c accommoder les lampes. Cela étant achevé, il lavoit fes mains
6c fes pieds, quittoit fes habits Sacerdotaux, s'en retournoit dans fa maifon
avec fes habits ordiriaires,accompagné de tout le peuple. Et ainfi fe concluoit
cette grande journée , obfervée avec un jûne fi exaél, que fi quelqu'un le vio-
loit en mangeant avant le foleil couché, il étoit fujet à la peine. du retran-
chement, il paroît évidemment par l'Hiiloire de cette journée, que Dieu
regarde le péché comme une grande fouillure:car celui qui avoit conduit
le bouc ne pouvoit rentrer au camp qu'après s'être lavé , 6c celui qui
avoit brûlé le bouyeau 6c l'autre bouc pareillement : Pour le Sacrifica-
teur, il fe lavoit jufques à fix ou fept fois, comme fi toutes les viélimes
cuflent été pleines d'impuretez. Car le Sacrificateur fe lavoit tout auflî
fouvent comme il changeoit d'habits. Et même les habits blancs, dans lef-
quels
ET DES CULTES DE L'EGLISE. TartAl. 34:3
quels il avoit officié, ne pouvoient fervir une féconde fois , ni être emplo-
yez à un autre ufage, comme étant polluez. Ainfi ledit Maimonides, Maimonidel
tout cela m arquoit une grande fouillure. J"^"-
D'autre part le peuple pour marque d'humiliation s'abflenoit de cinq m1ked«T*
choies , I . de manger & de boire,2 . de fe laver, 3 . de s'oindre, 4. de fouliers, "p- ^- "• J*
f. de coucher avec leurs femmes , félonie rapport de Maimonides. H Maimonides
n'y avoit que le* malades Se les enfans au deifous de neuf ans qui fuflent JabÊJhodc-
excmptei de ces mortifications. • cimidiei
' cap. i.
CHAPITRE XV. .
TJes autres Jeunes des Juifs.
C*Ecoit là le feul Jeûne foîennel 6c fixé qui fût entre les Ifraëlires.
Les autres Jeûnes s'indifoient félon les neccffitez j quand l'ennemi en-
croit dans le pays, quand il y avoit fechereflc, inondation, chenil-
les, hurbecs, fauterelles, & autres fléaux de Dieu qui afiligeoicnt la na- ^^^p. t,
tion. Maimonides en parle fort au long dans le Traité nioyn fejunU. l€ jûnefe
Voici ce qu'il en marque déplus eflentiel. 1, Le [eûne fepublioic au fon P"^iioit
j o j 1 ^ ^ ■ r \-, y au fon du
du cornet oc de la trompette par un certam fon d alarme, comme en guer- comet.
re, [mnez^ au cornet en Sion ^ publtez. le feune^^c. Cette publication au fon l^^l^;^ ^^'
du cornet ne fe faifoit pas feulement dans le Sartduaire , mais dans toutes chron. ch.
les habitations de la nation. Et même quelquefois une ville jeûnoit à eau- \l'^ ^^'
fe de fa détrefle, que les autres nejeûtioientpas. 2. Onnedécernoirpas obfeiva-
de jeûne, nidansles jours de Sabbats, ni dans les jours de fête, ni même ^j^^^^jjfj^
dans les jours ouvrables, qui étoient entre le premier ôc le dernier jour desfurie
d'une grande fête, comme étoit la Pâque. 3. Leurs Jeûnes n'étoient pas J^\"^iej^ j*
pour un jour ; mais ils jeûnoient jufques à ce que Dieu les eût délivr'ez. 4. On lecekbie?:,
necommençoit cejeûije que le deuxième jour de la femaine,c'eft- a-dire, JondScdu"
nôtre Lundi, êc le cinquième, c'eft-à-dire, nôtre Jeudi. Cela veut dire f'nquiéme
qu'ils jeûnoient deux fois la femaine, jufques à ce que Dieu les eût exau- femaihe!
cez> Et celar fe rapporte trés-bfcnàl'hilioirede nôtre PharTfîen, qui di-
foir 5 je jeune deux fois la femaine. Car les particuliers pouvoient faire pour
eux-mêmes ce que là Congrégation faifoit pour foi, comme le remarque
bien le même Maimonides. f. Dans une ville affiegée, 6c dans un vaif*-
feau prêt à périr, ils pouvoient affliger leurs âmes dians les jours de Sab-
bats 6c de fêtes : Hors de là 6c de lèmblabies cas preflans, ils ne le dé-
voient pas faire. 6. Quand on avoit ordonné uri Jeûne réglé pour fixmois^
ou pour un an, 6cc. jufques à ce que le mal fût paffé, fi une fête venoit
à tomber fur le deuxième 6c cinquième jour deftinez au Jeûne , on ne laif-
foit pas de confacrer cette fête , le Jeûne n'écoit pas interrompu j mais
on ne pouvoit commencer le Jeûne, ni par des fêtes, ni par des nouvel-
les lunes: files fêtes venoient à tomber dans le jour dujeûnejonlesconver-
tifibit en jours de deiiil. 7. Les femmes enceintes, celles qui allaitoient, .
lesenfans n'étoiçntpas obligez de jeûner. 8. Le jour du Jeûne dans les
Syna*-
344 H I S T G I R E D E S D O G M E S
bynagogues s'employoit à rechercher les crunes de chaque particuh!er , pour
les ccnlurer, les reprendre 6c les châtier, félon que chacun étoic trouvé le mé-
riter.
Lesquntic Outre Ics Jeûncs quis'obfervoîent feloH Ics occafions, les Juifs en avoient
î^'itUapti- établi quatre durant la captivité : ce font ceux dont nous parle Zacharie.
v". Le premier Jeûne étoit le dixième jour du dixième mois, qui eit nôtre
eh! 7! M y. Décembre , parce qu'à pareil jour Nabuchodonofor avoit afîiegé Jerufalem
fousSedecias, èc l'avoit prife, après neuf mois de (îcge.
Le fécond Jeûne étoit ledix-feptiémedu quatrième mois, qui répond
à nôtre mois de Juin. Les uns difent, que ce Jeûne étoit inftitué à caufede
la prife de Jerufilem par Nabuchodonofor : Les Juifs , qui obfervent encore
aujourd'hui ce Jeûne, difent que ce jour dix-fepti(éme du quatrième
mois leur a toujours été malheureux : Ce fut dans ce jour , difent-ils,
que les Tables de la Loy furent brifèes -, que le Sacrifice continuel
ceffii fous Antiochus , que le Livre de la Loy fut brûlé , qu'on établit une
Idole dans le Temple de Jerufalem , que Jerufalem fut affiegée une fécon-
de fois par Titus , qui la prit 5c la brûla. Enfin ils prétendent que toutes
fortes de malheurs leur font arrivez dans ce mois : c'ell prefque tout le
quatrième mois jufques au neuvième du mgis fuivant. Ainfi c'eft un mois
trille, dans lequel ils ne veulent rien entreprendre, l'on peut appellercc
tems, quieft de près d'un mois, le Carême des Juifs d'aujourd'hui 5 car
ils vivent de la manière du monde la plus auftere , fans vin ni viande :
Ainfi c'elt un mois trille.
Le troi fième Jeûne tomboit fur le neuvième du cinquième mois, quiell
nôtre Juillet, parce qu'en ce jour le Temple fut brûlé par Titus 6c réduit
en cendres : Ce jour fe pafle en deiiil , on y lit les Lamentations de Je-
Fêtèdes remie, 6c l'on £iit aufli des lamentations dans les cimetières fur les tom-
juifs fur les bcaux des morts.
^°"^' Le quatrième Jeûne tombe fur le troifiémejour du feptiéme mois, appelle
Tifri , à caufe que Godolias ayant été tué, le relie des Juifs fut difperfé
ÎMcmie 40. ^ décendit en Egypte contre la défenfc de Jeremie.
41. Il efl certain que ces 4. Jeûnes s'obferverent durant les 70. ans delà captivi-
J°nagog. té. Il ell: encore vrai que les Juifs les obfervent aujourd'hui: Maisilefi:
judsorura doutcux s'ils out été obfervcz depuis le retour de la captivité jufques à N. S.
zSariê II y a apparence qu'ils furent abolis, cïir Zacharie femble les improuver
^.?.v.ii?, gc les condamner, quand des Envoyez de la captivité confulterent les Sa-
crificateurs 6c les Prophètes de Jerufalem, favoir s'ils dévoient continuer
ces Jeûnes-là. Grotius eflime , que'par ordonnance du Prophète ils furent
convertis en jours de joye j ^ il y a apparence qu'il ell ainfi, carl'Hilloire
ne nous parle plus de l'obfervation de ces Jeûnes. Les Juifs d'aujourd'hui
ont encore cinq autres Jeûnes , car Shikardus en conte dix en tout, dans fon
Traité de Turim.
C H A-
ET DES CULTES DE L'EGLISE. Tart.ïl. 34^
CHAPITRE XVI.
Deîa Fête des Tabemacks. •
Levit, 15. ï6.Nomb, ip. 12. Scfuivans, NehemieS.
LE mois de Tifri étoit abondant en folennitez. Voici la troifiéme :
Tl y avoit deux railbns de l'inftitution de cette fête. La première
étoit pour rendre eraces à Dieu de la récolte , les grains alors étant g^od. 21.
tous mis à couvert. L autre, c'efl en mémoire de ce qu'ils avoient ha- i^-. .
bité dans le défert fous des tabernacles/ La cérémonie, dont toute la fête jj.'^,'.''"**
avoit tiré fon. nom, duroitdepuis le quinzième du mois de Tifri jufques au
25. exclusivement, ils quittoient leurs maifons, & bâtiflbiei:»: des tentes
de verdure ôc de branches d'arbres, 6c y habitoientjour & nuit, y man-
geant 6c dormant par fept jours : On exemptoit les enfans au deflbus de
neuf ans 6c les malades.
Nous apprenons de Neh. 8. if. que les cabanes fefaifoient principale- ^?'î"^*.
ment de rameaux de myrthe, d'olivier, de palme, d'arbres huileux j mais quei?ra-
en gênerai de tous bois branchus : Ils foifoicnt les tabernacles dans les rues, [?.""''/'*
furies toits de leurs maifons, dans leurs courts, mêmes dans le Parvis du Mbci'aacics»
Temple, & dans les places de la ville: Mais je croi que dans la fuite il
ne fut pas permis de les faire dans le Temple. La Lov dit ^ & an pre- ^evitique
■ I 1 r • 1-, Il r ^ • I 1 , t 25. T. 4*.
m ter jour vous prendrez, du jrmt dun bel arhre nanXT, des branches def Aimes ^
des rameaux d^ arbres branchus , & desfaules de rivières , & vous vous rejouirez,
par fept jours. Outre cela dans le Temple il fe faifoitdivess facrifices ex-
traordinaires j & dans aucune fête on n'égorgeoit autant de viélimes
qu'en celle-là. Le nombre & la manière en eil décrite fort au long au
2p. des Nombres ; cette fête duroit huit jours , le dernier oc le premier
étant lesgrandes fêtes. Voici comme la tradition des Juifs expliquele dé-
tail de cette fête ,' 6c des cérémonies qui s'y faifoient.
I. Les tentes fe bâtiflbient jde toutes fortes de branches de verdure, & Cmmottrae
fur tout de celles qui ont été nommées: On ne pouvoit couvrir les tentes f \^ijf,
d'aucun drap , étofe , ou chofe femblabîe , ni d'aucun branchage fcné , cie^, feio«
ou tombé ^eùl : la hauteur de la tente ne devoitpas être moindrequc de dix dc"juif],°"
travers demain , dit Maimonides, ce n'eft que trente pouces, ou deux
pîeds 6c demi : où eft l'homme qui eût pu loger dans une tente de 2. pieds
& demi de hauteur FAiiifi il y aerreur là dedans. Maimonides ajoute que la Ajnrworth
tenî
ûécs
tabc
Pour là largeur ils la faifoient telle qir'ils vouloient. Il faloit tju'elles fiif-
fent quarrées , 6c qu'elles euilent trois côtcz , outre celui de l'entrée : ils
ornoicnt ces tentes de tow ce qu'ils avoient de plus beau dans leurs maifons.
l'art. IL ' Xx Les
V, ^Q.
346. HISTOIRE. DES DOGMES
Les chaudrons & inllrumens ciecuifine étoient dehors : Quand il pleu-
voir?, ils pouvoicnt le mettre à couvert dans les maifons. Au reilccelane
le'pouvoit Faire qu'en Jerufalem > car ni le refte de la Paleiline , ni- les
Juifs hors du pays ne bâtifîbient pas de tentes : Les Juifs exceptent les
femmes, comme fi elles n'avoient pas été obligées à demeurer dans les
tentes.
Mttto'i- 1. Outre les branchages dont fis faifaient leurs tentes, ils Ce croyoient
quetsdc obligez par la Loy du Levitique , de porter durant toute la fête d'une
nppdkz main une pomme de citron j car c'eil ainfi qu'ils interprètent ce que dit
i"'fnnot" ^^ ^°y' ^^'^/'''^''^'^^^'^^'^^^^ ^''^^'^î'^uppofant qu'il n'y a pas de plus bel arbre
eap. 23. * & de plus beau fruit j Ainfi a tourné le Targum de Jonathan, & tous les
Juifs en conviennent : & de l'autre main ilsportoient un petit faiflèair
de branches cy-defîus nommées, de palme,, de myrthe .( car par l'arbre
branchu ils veulent entendre le myrthe ) de fauJe 8c d'ofier croilTant
le long des eaux: ce petit faiflcau ou bouquet étoit lié avec un fil d'or,.
d'argent ou de foye, ôc il s'appelloit -^bh InUb. Dans toute la fête on ne
les voyoit point fans leur branche de citron d'une main, & leur /«/^^ dans
l'autre: outre ce Inkl^^ tous les jours ils cueilloient unebranche de laule
d'une vallée auprès du torrent , êc avec cette branche tous les jours une
fois ils venoient au Temple., & pofoient la branche autour de l'Autel , &.
enfuite ayant leurs palmes dans leur main , ils crioient hofama , 6c cepen-
■ dant les Sacrificateurs fonnoient de la trompette : Sur tout au feptié-
me jour, ils faifoient cette ceremome avec plus d'éclat, êc plus de bruit>.
Ils faifoient le tour de l'Autel par fept fois, criant toujours hofanna^ ôc
cela s'appelloit le grand hofanna^ d'où \"'ient que leurs branchages s'appel-.
loient des hofmmt. Par cette coutume on peut éckircir l'hilloire de l'en*
trée de Jefus-Chrill; en Jerufalem, & c'efl par allufion à ces branches
Apocaiyp 7. ^^. palmcs, & à . CCS cris d'éjouïfiance , qu'a été formé le cri , qui
v.ii.&io. le fait autour de l'agneau, avec des palmes, comme le rapporte Saint
Jean,
eeremanie 3.- ïl^ avoientoutrcceladans cette fête une cérémonie fur laquelle ils fai-
notabie, foieut uuc rejouïilance extraordinaire j c'efl l'épancheraent de l'eau: Tous
men"de ' Ics jours à ccrtaincs heures on alloit quérir de reauauruiffeaudeSiloéj le
Keau. Sacrificateur l'apportoit par la porte, qui s'appelloit la porte de l'eau, dont
nous avons parlé: Le Prêtre montoit iur la montée de l'Autel, ytrouvoit
un baflin plein devin, 6c un autre bafiîn ^uide : Dans le vuide il verfoit
l'eau j & puis méloit l'eau ôc le vinenfemble: fur l'heure même, ôc prin-
cipalement la nuit, ils faifoientdes rejouïflàncesfurprenantesfurcet épan-
chement de l'eau, comme nous verrons- tantôt. ,
Sin<'uUritez 4' ^"^'^^ les facrificcs extraordinaires rcildoient cette fête célèbre ; Les
dâtlksia- Juifs remarquent, que les viélimes qu'on egorgeoit durant les huit jours de
Muefêfçi la fête, montoient à ri f. autant que les Ifraëiitesavoient été d'années cap^
tifs en Egypte. Ce qui fe doit entendre des Sacrifices commandez & or-
donnez pour le public : car autrement on egorgeoit beaucoup plus de
victimes dans les autres fêtes ; mais c'étoienc des offrandes volontaires,,
que les particuliers prefentoient pour eux.
. Il y avoit encore dans les facrifices de cette fête une fîngularité remar-
"pable. C'efl que les bouveaux qui fe fasrifîoient durant les fept jours al-
* loienî
ET DES CULTES DE L'EGLISE. Pêrt.ll. 34,7
Joient tQÛjours en diminuant d'un, & les autresvidimesétoicnt&demeu-
roient en nombre égal durant fix jours, car pour le huitième jour il avoit
fon Sacrifice tout différent des autres. Le premier jour on offroit en ho-
locaulle 13. bouveaux, 14. agneaux d'un an, deux moutons & un jeune .
,bouc pour l'offrande pour le péché. Le fécond jour ii. bouveaux. Le
.troifiéme n. bouveaux, & ainfi en diminuant jufques à fept bouveaux,
qui étoijt l'offrande du feptiéme jour. ^
Les Juifs cherchent la dedans de grands myfteres, les uns difent que lé voye*
nombre àcs bouveaux étoit de 70. parce qu'à la divifion des langues les ^'8"^^°"-
nations fe partagèrent 'en 70. ôc que cela allait en diminuant, pour fignifîer,
que les 70. nations. des Gentils iront toujours en diminuant, pendant que
le peuple d'Ifraël ira" toujours en augmentant : Les autres difent, que
cela a rapport aux feptante ans de la vie humaine, qui diminue tous lés
jours.
Une troifiéme fîngularité dans les facrifices de cette fête félon les Juifs,
c'eft que les 24. ordres de Prêtres dévoient officier tous les jours ^ au
lieu qu'ils fervoient par femaines feulement , 6c félon que le fort écheoit '
à chaque ordre. Après- ces remarques générales fur les cérémonies de
cette fête : Voicy Tordre & le détail. •
1. Quand les trompettes avoient fonnépour l'ouverture du Temple, le ordre des
matin tout le peuple fe rendoit dans les Paryis , pour affilier au facrifi- de?i"fê«!*
ce continuel du matin , chacun avec fon citron dans une main , à: fon faif-
feau débranches dans l'autre.
2. Quand les membres de l'agneau avoient été mis fur l'Autel, on ap-
portoit dans un vaiffeau d'or l'eau dont j'ay parlé, tirée de la fontaine de
Siloé, & on en faifoit l'épanchement , ou la libation , après avoir mêlé
l'eau & le vin. Le peuple durant cette effufîon, dans les derniers tems,
crioit, haujfe la mAin ^ à caufe d'un Prêtre Sadducéen, qui un jour faisant
le facrifice, preffé de quelque neceffité, avoit verfé l'eau &:»ie vin fur cérémonie
ïes fouliers, au lieu de la verfer fur le bord de l'Autel, & avoit été ac- ^ei'epan-
cablé par le peuple. Pendant cette effufion, qui fe faifoit lentement, ( car v^^^^^
la liqueur, dit Ainfworth, après JVIaimonides, n'étoit que de trois logs,^^iy^yonh
ou trois fêptiers,) la JVUifique chantoit avec les trompettes , 6ç l'onchan- ubifu^ià,
toit le petit Hallel, dont nous avons parlé 5 c'eil depuis le Pfeaumei 12.
jufqu'au iip. exclufivement , & au commencement du Pfeaurae 118.
toute l'affemblée fe mettoit en mouvement poiir fraper leurs branches
l'une contre l'autre j ôc ils faifoient la même chofe quand on venoit au
mot hofanna ^ qui eft dans ce Pfeaume, & quand on difok le dernier ver-
fet de ce même Pfeaumc.
.3. Quand le feryice continuel étoit achevé, on commençoit le facrifi-
ce extraordinaire des 13. bouveaux, 1. moutons, 14. agneaux, ^ du jeune
bouc : fur ces facrifices on chantoit divers Pfeaumes,qui font mai qiîez
<îans le Traité d^Maimonides, appelle 7/?^»?/^/^ chap. 10. Qîî).nd les fa-
crifices étoient finis, le peuple jettoit fes branches ^efâulespvés de r Au-
tel 5 ils chantoient leur hofanna, ainfi qu'il a été dit, 6c s'en alloieat dî-
ner.
4. Apres dînet'ils alloient aux écoles & autres lieux 011 on lifoit la Loy,
êc où on i'expliquoit i puis'-ils retourooient au Temple, au teins* du la-
Xx 2 crlfice
54S « 1 S T 6 1 R E D E S D O G M E S
crifice du foir , où l'on failbit i'épanchcment d'eau , 6c les autres cérémo-
nies qu'on avoit fliites le matin.
Gundeté- ^, Enfin quand la nuit étoit venue, ils commençoient la grande re-
po"ui îïp*an- jouïflance pour l'efïufion de l'eau , car il ne leur étoit pas pera.is ds faire
cheineni de ^^^^ bruitàl'heure qu'elle s'épanchoit, ils étoient en reljpeâ: & en filence.
*^ La nuit étant venue, tout le peuple s'aflembloit dans le Parvis des femmes,
les hommes en bas, les femmes fur des balcons, on pofoit dans le Par-
vis quatre grands ehandeliersi qui étoient plutôt quatre colonnes, puis^
qu'ils étoient plus hauts que les murailles du Parvis , fur ces colonnes il
y avoit un nombre incroyable de lampes , ÔC à la lumière de ces lam-
pes , les grands Seigneurs , Juges , Magiilr^ts , Do6teurs ^ fe mctcoienc à dan-
icr,à la vûë du peuple, car ie peuple n'étoit là que' fpedateurj 6c ces dan-
fes fe flu'ibient au fon du hautbois , de la trompette , de la; voix ,^ 6c de
tous les initrumens du Temple, ce qui compofoit une belle harmonie»
Enfin la nuit étant fort avancée, deux Prêtres paroiiïbient fur les degrez
de la porte de Nicanor, qui entre dans le Pai'vis^des Sacrificateurs écd'If-
• raël , 6c fonnoient de la' trompette j puis décendoient de dix degrez , 6c
fonnoient er^core. Apres ils s'avançoient dans'le Parvis des femmes quel-
que efpace, 6c fonnoient: Et ainli à diverfes paufes ils arrivoient en (bn-
nant à la grande porte du Parvis des nations j 6c étant parvenus là , ils fe.
tournoient vers le Temple, 6c difoient: Nos pé^es ont tourné- le doS' auTem-
ple , (^ le vifage vers, f Orient i mais nous tournons nos faces vers lui , e^ m^
yeux font fur Im. En danfant quelques uns difoient: B mie fois -ta o ma jeu-'
nejfe , ^»i n'a pas en honte de ma vieilleffe\ 6c d'autres , bénie fois - tn 9 ma vieil'
lejfe^ (jHi as Çurpafé ma jenneffe ^ 6c tous çnfemble difoient, b^eni fait celui
qm n'a pas péché ^ ou s'il a péché ^ il lui a été pardonné. Enfin las- de danfer ,,
accablez de fommeil , les uns ie rctiroient chez eux ,, les autres paflbient
la nuit où ils fe trouvoient, fe repofant, 6c s'appuyant iurtes épaules Iss-
uns des. aiitres. • .
Qiie!ie pou- Quand les Juifs cherchent k raifon de cette grande joye que leurs An-
raTfonTe^ cétrcs témoiguoient pour cet épanchement d'eau , ils ont afièz depei-
""V^" , ne à la ti-ouver. Les uns difent que cet épanchement d'eau fignifioitla
ewTîordi- pluic qui cfcvoit rendre Ja terre propre a portei' de nouveaux fruits , car
naiic. c'étoit le tems de la pluie de l'arriére- fuibn. Le Talmud ditquecet-
Taimud je- ^^ effulîon d'eau fignifioit l'épanchement du St. Efprit nn a^a^ii' aî^^atji"
lofoi. in \ir^pn^<^uod inde extrahantSpiraum SanQum , 6c félon qu'il eil écrit Efa.
IX. 3 . cum gaudw haurietis acjuam ex fonte Salvatoris. On ne fauroit quafî
douter que Jefus-Chrill n'ait eu égard à cette cérémonie , 6c à la raifon
rapportée, 6c tirée du paflâge. d'Efaye , cité par le Talmud, quand il
Johan. 7. v; CHoit daos ccttc Fétc : Si i^uelij[u^fin a fof èlc. or difpit-il cela de l' Bfprit
i'7. que dévoient recevoir &C. ceux qui croir oient en lui.
Tous les jours fuivans fe pafibient de même;, les Juifs revenoient tous
les matins avec de nouvelles- branches fraîches, 6c de nouveaux hofanna.
Seulement ces danCes noéiurnes ne fe faifoient pas la nuit qui étoit k
veilje du Sabbat,, 6c qui tomboit necefiaireraent fur l'un de& fept jours :
ni aufii dans la nuit, veille de la huitième journée qui étoit Sabbat auffi.
Dans cette huitième journée , on n'offroit que les facrifices ordinaires aux
noiiveiies lunes, outre le facrifiçe continuel ^ uiibouveau , uiimoutonj
1-
ET DES CULTES DE^L'EGLISE. Part.U,:^^^
7. agneaux, ôc un jeune bouc pour le péché. Au reite toute la Fête
ie paflbit, en fellins, en r6joui(îànces , 6c en banquets , après les devo-
rinn<!
tions.
CHAPITRE XVIL
De la Fête de Purim , & de celle de laT>edicace , de celle
de ivKo<p6(iix.
CETont là les Fêtes que la Loy avoit ordonnées; les Ju ifs d'aujour-î
d'huy y en ont ajouté* depuis alTez bon nombre d'autres. Mais entre
toutes, les plus anciennes font ces deux ici, établies depuis la cap-
tivité de Babylone. La première eft appellée onis, dont i'inilitution fepurim.
lit au livre d'Efther chap. 9. Perfonne n'ignore l'Hiftoire de la conjuration Eflher
d'Aman contre les Juifs, ôc le fuccés. En mémoire decettç grande dé- j^J^^^j^^"
livrance, Murdochée 6c la Reine Efther inftituerent cette Fête, 6c or-ftjivaps.
donnèrent qu'on la célébrât,- le 14. êc le if, du mois d'Adar, c'eft nôtre 'hskedi
mois de Février. Elle fut appellée Parim du mot «de "its qui (ignifie le i^^'^'
fort en langue Perie. Parce, dit ie Livre d^Ejfher^ <}h''U avait jette le fort pour
détruire les fuifs. Ce que les Juifs interprètent ainfi : qu'Amman fclon la
fuperitition des Chaldéens 6c des Perfes avoitconfuité les Magiciçns , pour
favoir quel mois étoit le plus favorable pour cette entreprife. îl tfbuva
que c'étoit le mois d'Adar , parce qu'il n'y avoit pas de Fête 3 ^ ayant
derechef jette le fort pour le jour, il rencontra le 13. d'Adar. Affuerus,
fous qui arriva ce grand événement, félon quelques-uns eil Artaxerxes, 6c
ils fuivent en cela l'Hillorien Jofephe : d'autres veulent que ce fût Xer- Antiquit;
xes la, terreur des Grecs : dont la femme s'appelloit Âmeilris , i^uaft^^^^^^^^''^"
"inoN o«: ^ater E^her. Qiioi qu'il en foit, il y a apparence , que ce futsiéshiicardus;
dans le tems , où Malachie, éc Zacharie , 6c Aggée vivoient encore. p"T"'^^*'*
Ainfi cette Fête établie par leur confentement n'ett pas deftituée d'au-
torité divine. Nous lîe favons pas fi l'on inilitua uii nouveau fervice dans
le Temple, ni quel il fut : ce qu'on lait, c'eil que durant les 1. jours ,14.
6c 15. d'Adar, -les Juifs faifoient tous les ans de grandes réjouifiances. Et
.ces jours font aujourd'huy convertis en Bacchanales entre les Juifs. Ces
deux jours de joye font précédez par un jour de jeûne très étroit.. Le
13. d'Adar ils s'afîëmblent ^ ils'lifent le Livre d'Efther dans leurs Syna-
gogues, il^ maudiifent Aman, ils beniifent Mardochée 6c Efther. En- Cette Eê te-
lùite quand le jour efl pafl'é , ils fe plongent en toutes fortes de débau- fectrnavaif
ehes, jufques-là, que par l'ordonnance du Talmud il eil permis de s'en- des juifs..
yvr-er à -tel degré qu'on ne puific diliinguer entre la maledidion d'A-
man , 6c la benediélion de Mardochée : ils fe déguifent en cts jour^ ,
comme on fait dans le Carnaval- , les hommes prennent des habits de
femmes, 6c les femmes ceux des hommeSs. quoi que cela foit exprelfémenc
défendu dans la Loy.
La Fêtfe de la Dédicace eft de plus nouvelle datte. On en. lit l'Hiftoi- origine se-
AX 5 re Dédicace*.
5Ç0 HISTOIRE DES D OGM ES
re au i. desMaccab. 4. yp. ôc dans Jofeph. Antiq. lib. ii.chap.«e,.Les
GrecsPappelleiu èvvLcifvia. , & les Hébreux nDin. ^lle eit auffi appellée la Fête,
des luminaires 911 des lampes, il en eil parlé au 10. de l'Evangile félon
S.Jehan, f. 2,i. Elle fe celebroic durant huic jours , depuis le zf. de
Kiileu , qui eft nôtre Décembre, jufques an trois oxrqnatriémc du moi^ fur-
vant. Elle fut inlHuée à l'occafion de la repurgation du Temple , qui
avoit été profané par- Tordre d'Antiochus Epiphanes , ôc qui fut repurgé
par Juda Maccabée. Les Gentils avoient mis fur l'Autel des Holocauftes
toutes fortes d'impuretez , ils avoient facrifié à Jupiter Olympien,
■ égorgé des pourceaux, & fait autres chofes fémblables. Les anciens en
tranfporterent les pierres hors de Jerufalem, & en bâtirent un de pierres
neuves, & après ils en firent la dédicace durant huit jours , ôc Juda Mac-
cabée ordonna que cette Fête fe celebreroit durant huit jours , tous
les ans. Il ne fe faifoit rien de fort particulier dans le Temple , finon
qu'on chantoit en ce jour le Hallel, qui ne fc chantoit qu'aux grandes
Fêtes de la Pentecôte, la Pâque , & là Fête des Tabernacles : ce qui
rendoit cette Fête plus remarquable , c'efl qu'on allumoit des chandel-
les ôc des lampes dans toutes les maifons. Et ces luminaires brûloient
• toute la nuit fur. les fenêtres , & éclairoient les rues. Non feulement on
en mettoit une pour chaque maifon: Mais fouvent on allumoit autant de lumi-
naires qu'il y avoit d«? perfonnes dans la famille : cette coutume , iî on
Miracle ar- en croit Ics Juifs, vcuoit d'uD miracle qui s'étoît fait dans la repurgation
jépurg^Son ^^ Temple. Les Juifs étant entrez pour rétablir les chofes faintes dans
du Temple l'ordre ©ù elles dévoient être, ne trouvèrent plus de l'huile fainte qu'u-
|"g. ^"*" ne Bouteille, où il n'y en avoit que pour entretenir les fcpt lampes une
nuit. Et cependant avec cette huile les lampes furent entretenues huit
jours j ce qui les obligea à confacrer ces jours en Fêtes, 6c à ordonner qu'en
mémoire de cela les Juifs dans toutes leurs demeures allumeroient des
lampes la nuit.
Il femble que les juifs eufTent établi auffi quelque Fête, au tems qu'on
portbit le «bois dans le Temple, pour entretenir le feu immoi^lfel del'Au-
^*'D"*h^i ^^^ ^^^ Holocaulles. Jofephe appelle cette Fête ivho<p6piu^ & il en fait
lojHdaiw. lïiention en ces termes. Cétoit dans le tems de la Fête e^ don appelle l^uXo^oçnUi
dans laquelle tout le monde <î de coutume de porter du bois au T'émule , ■ af,n que
le feu qui ne [e doit jamais éteindre ^ ne manque pas de nourriture. Le Talmud
dans le traité n'»3j;n chap. 4. marque neuf jours dans l'antiée ., dans lefquels
on apportoit le bois, i. le premier de Nifah, 2. le 20. de Tammus ou
Juillet, 5. le f. du mois 3«, 4. le 7"i«. du même mois, f. le io««. du
même mois, 6. le if""*. du même mois, 7. le ao. du même mois, 8.
ïe 20. d'Elul, p. le i«. du mois Thebheth. Et à chaque jour il y avoit
certaines familles d'Ifraël qui avoient cette commiffion, comme un privi-
lège de la maifon. Le bois étant apporté au Temple , on l'examinoitj
pour fîîvoir s'il n'y avoit pas de vers, car le bois piqué étoit réputé fouil-
lé pour le facriiice.
C H A-
ET DES CULTES DE L'EGLISE. Pir/. II 35I
CHAPITRE XVIII.
De h Circoncifan.
A Prés avoir parlé du Temple & du fervice, afin de ne rien laifTer qui -
regarde le culte Levitique, il faiît parler brièvement des autres cé-
rémonies que noiis n'avons pas touchées, & qui n'ont pu entrer dans
les chapitres precedens. i. Delà Circoncifion, qui étoitTentrée enl'E-
glife Judaïque , & avant laquelle il ell: certain que les Juifs ne regardoient
pas leurs enfans comme étant du peuple de Dieu. Nous ne nous arrécc-
rons pas à en déduire les cérémonies i particulièrement teller; que les Juifs
îcs obfervent aujourd'hui, on les peut. voir dans la Synagogue de Buxtorf,
Il faut feulement remarquer.-
1. La partie où elle fe faifoit c'eft le l^epuce nSiy, ce mot fîgnifîe en noth^ ,
Hébreu toute fuperfluité qui fait obllacle à la droite adion d'une partie j que^ieVre?
c'eft pourquoi Moïfe dit dans l'Exode 6. 30. qu'il avoit leprepuce de la Un- P"ce en gc-
gtte^ ou qu'il étoit incirconcis de lèvres^ & (î fouvent dans TEcriture il eft " ^^'
parlé du prépuce du cœur : & du prépuce des oreilles i mais particulie- Levitique
rement ce mot delîgne la fuperfluité é'^/Zj operientis glandem membri virilis: ^6. 41.
ce que Dieu voulut tju'on retranchât, 5c que ce fût le fîgne de l'Alliance, jeïemiéôr'
pour marquer la purification de la femence, ôc par cela toute la fané}:ifi-^°'
cation 6c la deflruâiion de la chair.
2. Ce ne pouyoit être que les mâles qu'on circoncifoit , les femmes voyez Anf-
étant des annexes de l'homme. On dcvoit circoncire tout mâle, tant celui cenefedi!*
qui étoit franc que l'efclave, né à la maifon ou acheté j Çl l'enfant. étpit ^7-
hermaphrodite, il faloit le circoncire in natma virili-, fî le prépuce man- juîftfur if
quoit, il faloit pourtant faire couler le fang de la circoncifion y fi l'enfant '^"«'"'=^^0°-
avoit 'deux prépuces, il les faloit couper tous deux. *
Au fujet des perfonnes libres ou efclaves Juifs, ou étrangerss, voici Mainjoni-
les canons des Juifs, i . Soit que l'efclave foit né d^ns la maiibn, ou ache- ffcircoifci-^
té desPayens, le maître cil obligé de le circonçirç. 2.. Celui qui eft néfion.
dans la maifon eil: circoncis le huitième jour , celui qui eft acheté-? elt
circoncis le jour qu'on l'acheté , quand même il feroit acheté le jour de
fa naiffance. 3. Si l'efclave acheté des, Payens eft grand ôc qu'il refufeVoy. dans
d'être circoncis, le Maître le gardera un an entier ëcnon davantage, mais fur lacenefe
il le revendra. 4. Si l'efclave a traité avec fdn Maître dans fa vente ^^- '" '^t^'-
qu on ne le contraindra pas a ecre circoncis, on le pourra garder dans la Pinitiation
maifon, pourvu qu'il s'obliee à obferver les 7. preceptes^des Noachides; '^^^ ?'^°^^'r
c'eit-a-dire qu'il foie profelyte de la porte, autrement s'il refuloit cela, leMaimoni-
Maître Iç pourroit tuer, à ce que* dit Maimonides ; fi cela fe faifoit c'é- des-
toit du tems que le Peuple d'Ifraël étoit maître chez loi: mais après la
captivité ils le revendoierit, à ce que dit Rabbi Abraham David fur Mai- "bi fupià.
monides,
j^ Les»>enfaas dévoient être circoncis le huitième jour , parce que le
Sabbat
55* HISTOIRE DES DOGMES
Sabbat devoit pafler defliis: parce, difent les Juifs, que rien ne peut être
fanélifié que le Sabbat n'ait coulé deflus , avant cela ils étoient reputez
Atift.1.7. trop foibles : Ariftote. dans l'hiftoire des animaux dit e^ue la plupart des
enfans meurent avant le feptieme jour : c'efl fourcjuoi alors on leur intpofoit des
mnts les regardant comme échapez.. Dieu avoit attaché le nombre de fept aux
purifications, l'enfant étant fouillé de fon fang & de celui de fà mère, il
faloit fept jours de purification, comme pour les nouvelles accouchées & les
taCirconci- pcrfonncs découlantes &c. Quoi qu'on ne dût pas laifler écouler le 8™«.
^^i^iU J^'^^'j cependant cela s'entendoit s'ils étoient en état & enfanté, car Mai-
nuit, on monides conte toutes les maladies qui empêchoient la Circoncifion , com-
'p"Je jj/Z^j me fièvre 5 mal d'yeux, pâleur de vifage, rougeur exceflive. Et même
poudre. quand une femme, après avoir perdu fes deux enfans premiers nez par l'o-
pération de la Circoncifion , acouchoit d'un troifiéme , il lui étoit permis
dediffereiik Circoncifion de ce troifiéme jufques à ce qu'il eiit plus de
force: Du rcfle le huitième jour étoit fi précifcment marqué, s'il n'y
avoit pas d*empêchement , que le Sabbat même ne retardoiï pas cette opé-
ration manuelle.
Gtotîus in 4. Le Miniftre de ce SacreniiEnt étoit le père pour fès enfans, îe inaî-
Gcflc 17- j.^g pour* fes ferviteurs , le Juge pour ceux que les pères ou les maîtres ne-
MaimonU gligoient de circoncire, & pour les adultes qui negligeoient de fe faire cirr
des traité de concire. Les Lévites faifoientfouvent ce Miniftere de la Circoncifion, les
£on.'"°°"' femmes auffi ; mais non des enfans des Payens , qu'on n'eût pas voulu cir-
concire.
CHAPITRE XIX.
Du Sabbat,
LeSabbiteft ^^ 'E-ft Ic Tcptiémc jouî à conter depuis la création du Monde. Il y
le 7. jour à I^ aunc grande queftion fur l'origine du Sabbat. Les Hébreux veu-
^uîïc la - icnt qu'il ait tiré fon orig;ine de Sinaï. Cdl pourquoi ils préten-
«caiion. dent que ce Commandement leur appartient, à l'exclufion de toutes les au-
tres Nations. Ils n'obligent pas leurs Profelytesà l'obiérvation de laLoii
6c par P étranger qui efi dedans tes pertes ^ dont il ell parié dans le quatrié-
Maîmoni- lïic Commandement, Maimonides entend le Profelyte circoncis, & dit
desTrafta- que rincirconcis, qui ne garde quelesCommandemensde Noé, eftcom-
ifeo*cap!'z*r *"^ l'étranger iëjournant dans le Pays, 6c peut faire fon œuvre en tout
' tems. Ils s'appuyent fur ce qui eft dit dans l'Exode ch. 31. 15. 6c 16. ^»
feptieme jour c'efl le Sabbat &c. Q^^ un figne enîrt moi & les enfws dlfraél
&€. ôc au 16."^. ip. Vojtz. que P Eternel nous a donné le repos i & cependant il
eft bien plus vraifemblable que Dieu fanftifia ce même feptieme jour, 6C
marqua les femaines dés le commencement du Monde, comme le dit
Moyfe. On en voit des veftiges dans l'hiftoire de Noé j De fept en fept jours,
c'eft-à-dire toutes les femaines, il enyoyoit un Meflagcr hors de l'Arche
pour favoir fi les eaux étoient abbaifiees. Maisiln'eft pas pourtant certain
que ce jour fût confacré au fervice divin par l'ufage de l'Eglilé d'alors : Nous
a^'ons éclairci cette queftion dans la première Partie de cet ouvragé cb, i<ç.
a. Cette
ET DES CULTES DE L'EGLISE. Part.ll. 353
2. Cette obfervation du Sabbat confiitoit entre les Juifs dans une rigi- Canons it
de abftinence de toute œuvre fervile. Par exemple i. vendre & acheter Jion'dTsïb-
desMarchandifes. 2. Porter des fardeaux. 3. Embaumer des morts. 4. Ap- f*"-
î^rêter à manger, f . Faire voyage. Faire aucune œuvre tendant auplai- f^^''^"*^**^
iir. 6. Aller à cheval. 7. Juger desprocez. 8. Se marierjContraéler. p. Se- J^'«™»« «r^
parer les dîmes. 10. Apprécier des chofes. 11. Ne point parler avec aucun uU.n.s^^
de vente & d'achat pour le lendemain. 12. Ni de bâtir une maifon, ou cho- Exod.j6.i7.
iè lembiable. i ^. Vilîter les jardins & héritages pour voir ce qui y manque, Efaïcig!'ÎÎ!
^ comment ils profitent 6c croisent ;car c'ell-là dit Maimonides le plai-
iir défendu en Efaïe. ^^"« cJ'sp.
Cependant on pou voit tuer , égorger, laver des vi<5l:imes, arranger du £xodc ji.
bois ëcc. dans le Temple pour le fervice de l'Autel. Les Juifs ont auffice Jc^j^j^.
proverbe: Le pertl de U vie chafje le fabbat. C'eft pourquoi ils fe défendent 2î.îr."'^'
ôc fe forti^ent dans une ville afîiegée au jour du Sabbat. Parce que la vio- ^^l'r^:,\lç^
lation des Sabbats ieur avoit caulé ce terrible châtimeht de la captivité peuvent dé-
de Babylone , ils devinrent à leur retour fuperflitieux fur ces obfervations : foS^dVsab-
jufques à ne vouloir pas fe défendre: Mais Mathathias Se fes enfans rom- bat.
pirent cette fuperllition , & ordonnèrent qu'on fe défendroitaujour du ^^3^'^"^;
Sabbat. Ils étendirent auiïi cette maxime fuperflitieufe jufques à toutes
les chofes , qui font neceiraircs pour conferver la vie àts malades, hors le
|)eril de mort. Ileft défendu auchap. i5. de l'Exode #. 2p. de fortir de
fa place au jourdu Sabbat :LesJuitsEiréens fur tout obfciToient cet ar-
ticle du commandement avec une rigueur ridicule , jufques à ne vouloir
pas partir du lieu où le coucher du Soleil les furprenort.L'Hi.^îoireeft con-
nue de ce Juif, qui étant tombé dans les latrines, n'en voulut pas être tiré le
jour du Sabbat. Cependant il étoit permis de faire le chemin d'un Sabbat, '*^•^•"•
dont il eft parlé au livre des A6î:es, fur quoi on peut voir les obfervations qucirchè?
de nos Savans : C'étoit environ un mille, ou une demi-lieuë, ou deux "»'« <**"»
mille condées j parce que c'étoit l'efpace qui fe trouvoit entre le Camp ^ '
d'ifraèl & l'Arche ou le Tabernacle dans le Défert. Or chacun dcvoit
avoir la liberté d'aller au Tabernacle ce jour-là , ou au Temple , ou aux Sy-
nagogues j qui dévoient par conféquent être ainfi difpofées, qu'elles ne fuf^
fenr pas plus éloignées que de 2000. coudées des habitations des gens qui
s'y dévoient rendre. L'étendue des villes & des bourgades , n'étoit pas
contée dans les deux mille coudées : car les Juifs pouvoient s'écarter juf-
ques à un mille loin de la porte, & revenir chez eux j c'étoit deux milles
qu'on pouvoit faire le jour du Sabbat : Mais ils dévoient y comprendre l'é- ^fT°^''^^^
tendue du faux-bourg: car cette étendue de 2D00. coudées eftprifepourlesabbato <ap.
faux-bourg 6c banlieue de la ville. ^7-
La Loy , qui eil fort exaéte à commander le repos du Sabbat, ne dit pas
nettement qu'on fe dût aflèmbler en ce jour dans les Synagogues , ôc l'ori-
gine de ces Synagogues eft douteufe. Seulement le Levit. 23. 3. commande
unefainte convocation ,mais cela ne regardoit que le Temple. Il n'eft pas
certain , ni clair , comment on en ufoit ibus le premier Temple. Mais dans
le dernier, celaparoît hors de doute. Il eft clair par l'Hiftoire des A6tes if.
21 . qu'on s'aftèmbloitau Sabbat dans les Synagogues pour y lire la Loi j Ce
qui fe voit en plufieurs endroits de ce même hvre. L'Hiftoire de la Shuna-
mite femble fignifier , que la même chofe fe faifoit fous le premier Temple,
'Pm.IA Y y Car
354- H I S T O I R E D E S D O G M E S
a.noisch. Car voulant aller vers le Prophète , Ton mari lui dit, pourquoi vas-tu vers
'*'^'^'' lui , voici il n'eft point nouvelle Lune, ni Sabbat. Cela fait voir qu'on
s'aflembloit auprès des Prophètes dans les jours de Sabbat; Mais cela ne
prouve pas que ce fût une règle ôc un ordinaire.
CHAPITRE XXI.
^u Sabbat d'années nta?:}:'..
Exode 2,5. 10. &:c. Levit. 25. 3. Deuteronom. if. r.
Ans chaque feptiéme année à conter depuis la paifible pofTeffion dus
pays de Canaan , Dieu avoit commandé que la terre demeurât
ians culture ôc fans moiflbns j 6c que les dettes fufient relâchées aux
débiteurs. C'eft pourquoi cette année s'appelloit niùfin:? le Relâche. Jofué
fut fept ans à conquérir la terre, à la huitième, on commença à conter
jolulch.%. les fept années: Cela fe recueille de l'Hiifoire de Caleb^ qui avoit été 58.,
v^i. 2. 10. j^j^g ^^j défert avec Moyfe , 6c avoit 40. ans quand il fut envoyé épie, 6c étoit
âgé de 85, ans quand le partage de la terre le fit,
Quxft. 8P. I. Les champs, les vignes, les arbres les oliviers demeuroient fans cul*
in Exodum. ^^j-^ g Auguftin eftimc qu'il étoit permis de femer , 6c de cultiver ,. mais.
Shemittah i°/-vj/ ^ • ■ ■ j r ■
vejovei cap. quc la rccoltc etoit abandonnée aux pauvres j mais cette opinion delaint:
^°' ^ Auguftiît eft faulTe , car Dieu dit expreflément dans le Levitique ,,
Maimoni- Tu ne femer as pas ton champ , & ne tailleras pas ta vigne. Surquoi les Juifs
queceitne'' ^^i^^nt , I. qu'il u'étoit pas permis de labourer un champ j 2,. ni d'en ôter
commença les pierrcs, ni d'y faire des hayes. 3.. Il n'étoit pas permis de planter un ar-
?orz!éme^" ^^'^ 5 ^^^ P^^ même un arbre infertile. 4. ni d'ôter à un arbre les bran-
année, par- ches inutiles, f. ni de recueiUir les feuilles: 6, ni de faire de la fumée pour
fix'^^ns" f"^ tuer les chenilles: 7. ni de couvrir une plante, ni de garentir les fruits
conquérir la dcs oifcaux qui Ics vculeiit maugcr. 8. ni de les défendre du froid, p. IL
"i"pârt3g7r! n'étoit pas permis de labourer la terre, ni de la fumer, en vûë de laren-^
Pouriacui- dre meilleure 6c plus fertile , quand la feptiéme année feroit paffée, ni
Matmoni- d'en arracher les épines 6c les ronces. Enfin la terre devoit être abfolu-
dcstraa. ment abandonnée a elle-même.
Schemittha /^ - -ji ri i-a \
vejobei. I. Le GUI pi'ovenoit de la terre Ians culture, devoit être commun a:
Canons X.OUS Ics habitaus du pays , on le voit dans l'Exode. Il femble même-
pour l'an- ^ • ■ ■> '^ l \ • j • j j
née de reiâ- quc le propriétaire n eut pas le pouvoir de rien prendre de ce qui ve-
Pour î' ^^^^ ^""'^ ^°^ héritage , 6c que cela devoit être entièrement abandonné aux.
turc. pauvres, 6c le refte aux bêtes. Mais par le Levitique il paroît que cha-
rcco?te'^'* cun en pouvoit ufer,c««r la Loy dit ce (]ui proviendra delà terre te feraenvtan'
Exod, de &c.
^;p'^"' 2. Mais il n'étoit pas permis de moifibnner ni de vendanger , 6c là- def-
fus les Rabins difent , qu'il n'étoit pas permis de fermer la porte du clos
de fa vigne, ni de faire une haye à fon champ j que le propriétaire pou-
voit recueillir des fruits venus fur fon héritage, mais que tous les autres
J avoient autant de droit que lui..
5. II
ET DES CULTES DE PEGLISE. Tart.U. 3^5
3. Il ne pouvoit amafTer chez foi des fruits de fon héritage, qu'au-
tant qu'un homme en prend ordinairement de l'héritage d'autrui, comme
une poignée ou deux.
4;. De ces fruits dont on fait quelquefois des remèdes , êc des em-
plâtres , comme figues , raifins , olives , on ne s'en pouvoit fervir , difent les ~
Juifs , à cet ufage , à caufe que la Loi dit , cela te fera pour viande : 6c non
pour médecine.
f . On ne pouvoit pas faire marchandife des fruits provenus de cette
feptiéme année , mais fi on en vendoit quelque peu il fàloit employer
l'argent qui en provenoit à acheter d'autres vivres, à caufe de cela mê-
me que.la Loi dit, cela te fera pour viande.
6. On ne pouvoit pas vendre les fruits par mefure & poids, de peur que
cela ne parût marchandife.
7. Il n'étoit pas permis deramafl'erla paille ,ôclefoin de cette année-là,
cela de voit être laiffé aux bétes.
8. On ne pouvoit pas tranfporter des fruits de la terre dans cette an-
née, ni en faire part aux étrangers, excepté ceux qui étoient dans le pays.
p. Ils ne pouvoient donner aux bêtes les fruits qui font deflinez pro-
prement à la nourriture de l'homme, à caufe de ce <^ui efl dit, &ilte fe^
ra pour viande.
10. On n'eût pas ofé recueillir le fruit de la feptiéme année avant fa ma-»
turité pour l'apporter à la maifon , on en pouvoit manger fur le champ en
maturité.
1 1 . On ne pouvoit garder dans les maifons des fruits de la feptiéme an-
née qu'autant de tems que les mêmes fruits fe pouvoient trouver fur les
arbres ôc fur la terre , & quand il n'y en avoit plus aux champs , il faloit
jetter dehors ce qui s'en trouvoit dans la maifon. Il n'étoit plus permis
d'en manger , ni à pauvre ni à riche, quand les bêtes n'en trouvoienr plus
à manger de la même efpece. Toutes ces règles fe trouvent dans le Trai-
té de Maimonides appelle ^3>i rw2\i^ , du Relâche & du fubilé. Laquef-
tion efi; , fi tout cela efl du fens de la Loy, 5c de l'intention du Legif-
lateur.
3. Voici une autre chofe très - confiderable , qui diftingnoit cette an-^" reiâche-
née, c'étoit le relâche des dettes, il efl commandé dans leDeute-denes. "
ronome. Il ell alFez douteux fi le texte fignifie qu'on relâchât abfolu-^^-^^ "^-ï»
ment \es dettes pour ne les exiger jamais, ou fi c'étoit un fimple re-
lâche de délai pour l'année , parce que la terre neproduifant rien, le peu-
ple ne pouvoit payer ce qu'il devoit: Les Juifs fe déterminent pour le pre-
mier, & prétendent que l'amortiflcment des dettes fe faifoit abfolument :
le mot de hl^dij' fembîe fignifier cela, les 'jo. le rendent par a0.e(jiç^ mot
dont le Nouveau Tellament fe fert pour fignifier î'abfoluë remife s^icnitths,
des péchez, de quoi cette année étoit la figure. Et c'efl par allufion à
■ces années de relâche, que les tems du Nouveau Teflament font appeliez
Tan acceptable du Seigneur , c'efl-à-dire l'an de relâche ou de remife-, par-
ce que Dieu avoit agréable la remife que l'on faifoit aux pauvres , & re-
gardoit cela comme un facrifice, la faveur n'eût pas été bien grande de ne
donner qu'un fimple délai d'un an. '
Mais lès Rabbins apportent là-defTus diverfes règles ôc exceptions. î,
• Yy 2. C«
356 HISTOIRE DES D O G MES
Ginonspoui Ce rclâche ne regïirdoit que les chofes empruntées , & non les cho*
d uT'***^" ^^s dérobées ou données en dépôt, z. On ne pouvoit obliger à jurer de-
vant le Magillrat fur un fait de dettes, excepté que ce fût un dépôt nié'^,
ou. une partie de fuccefîïon ou d'héritage détenu injuilement. 3. Ils
difent que quand les terres étoient hypothéquées aux dettes, Tan de relâ-
che ne les anéantiflbit pas : ôc cela, eil affeZ' vrai-femblable : car c'eft une
efpece d'achat de la terre: Or en cas de vente de fonds,- le propriétaire
ne rentroit en pofieflion que Tan dujubilé, comme onle verra d-aprés 34..
quand le prêt n'ctoit hypothéqué que fur les biens meubles, l'an de relâche "
ranéantiltoit. f. L'argent dû pour un fonds vendu ou ahené ne feperdoit
point dans l'an de relâche. 6. Celui qui en prêtant alîignoit terme de
dix ans à fon débiteur,, ne perdoit point fa dette par Tan de relâche, c'ell-
à-dire que tout argent prêté à terme marqué, foit de deux ans, (bit de dix,,
ne fe perdoit pas. 7. Si on traitoit à condition qu'une telle dette nefe-
roit pas perdue Tan de relâche, on ne la perdoit pas: car encore que la-
Loi ne liât point le débiteur, fa promefie le lioit. 8. Les crimes n*étoient
point relâchez 9. Celui qui prêtoit fur gage n'étoit pas obligé de r>en-
dre Ife gage, mais fi fon prêt valoir mieux que le gage , ce qui étoit de
plus étoit perdu. 10. Si le Juge avoit prononcé lentencefur une dette ^r
& que cela fût écrit, l'an de relâche n'y faifoit rien: car cela ne tenoit plus
nature de prêt, mais-depropie. Les Juifs, qui déjà n'aimoient pasàperdre,
avoient pris quantité de précautions de cette nature, quifervoient propre-
ment à anéantir la Loi, ôc à fruilrer JeLegiilateurdu fruit de fon inten-
tion , qui étoit le foulagement du pauvre.
F»p.,.-,«„ Aben-Efra entend ce texte du Deuteronome de la feptjémc année de-
11Î.V.12. puis le prer:ç eit-ardire qp au boutdelept ans un homme devort être quitte
^rti. ^^ ^^ dette: tout de même que des ferviteurs dont il eft parié là-même.
Comme, ce. relâche. des ferviteurs eil conliderable ,, il en, faut dire quel-
que, chofe.
Du relâche- I- ^^ rclâchc ne fc faifoit pas feulement Tàn dé relâche , comme efli-
ment des ment Quelques-uns : mais au bout de fept ans depuis l'achat. de l'efclave.
ferviteurs au r^t n - j- :3 ■ vi i' • j i • * l- >-i • r r
boutde fept L eit a dire depuis qu il s etoit vendu lu^meme, ou bien qu il avoit ete-
3^*- livré par le Magiib-at, pour un vol qu'il n'auroit pas eu moyen de refti-
cc relâche tucr,. Car autrement il n'étoit pas permis de vendre un Ifraëlite à-un autre-^
desfervi- pour cfclavc : Mais ils fe pouvoient vendre eux-mêmes^,. & ils nedevoienc-
Exod. Z2.3. p-is être traitez comme les autres efdaves, on les traitoit; feulement com-
me les mercenaires.
Lcvit. i5. 2, Au bout des fept ans l'efclave Hébreu devoit être mis en li-
berté >, non avant , (î ce n'eii que l'an du Jubilé arrivât j<juand il n'auroitété"
vendu que depuis un an,, il étoit libre j mais pour l'an de relâche il n'en
étoit pas de même,, il faloit que celui qui s'étoit vendu achevât fes 7.ans..
Et Maimonides remarque même qu'ils fe pouvoient vendre pour plus àzj..
Exode iï. années. 3. Qtiand l'efclave avoit.fa femme avant, que d''entrer en fervitude
^ il fortoit libre avec fa femme, & les enfans nez-, d'elle. Mais la Loi dit
que fi le maître avoit donné au ferviteur une femme, la femme 8c lesen-»-
fans ne dévoient pas être affranchis dans lafeptiéme année, le mari ior^-
toit feul.
Ce. qtie les Juifs reftreignoient. aux femmes Payennes & étrangères,.
.qjue.-
ET DES CULTES DE UEGLISE. PartM. 357
que les maîtres donnoient à leurs e/claves, afin de leur procréer d'autres
cfclaves. Car encore qu'un maître eût donné à fon ferviteur Ifraëlkc ,-
une femme Ifraclite, & qu'il en eût des enfàns, le maître n'eût pas été
en droit de retenir la femme, & les enfans. Cette remarque eft folide,
car des Ifraëlites naturels, de quelque condition, &: fexe qu'ils fuflentjne
pouvoient être retenus efclaves au delà des 7. ans. Mais les entàns d'un Juif
nez d'une efclave Cananéenne, étoient reputez Cananéens, & pouvoient
être efclaves à perpétuité. Au refte fur ce qu'on peut dire qu'un Juif ne
pouvoic félon les Loix époufer une étrangère, quoi qu'il tût ferfj on peut
répondre que les femmes Cananéennes , que les maîtres Juifs donnoient à
leurs ierviteurs Juifs, étoient Profelytes de la porte par converfion,& non ido-
lâtres} car nous ayons vu ci-devant qu'un Ifraëiice ne pouvoir retenir un
ibrf idolâtre chez- lui:
3. Et même les Juifs difent qu'un maître ne pouvoir donnera femme, ^xodc
une Cananéenne à un ferviteur Juif, à moins qu'il n'eût une autre fem-
me Ifraëlite, afin que tous ks enfàns ne fufTent pas étrangers & efclaves. ,
Cependant fî au bout des fept ans , le ferviteur ne vouloir pas fortir, cefcr^itenz'
on lui perçoit l'oreille au poteau. Les Tuifs difent que ce devoir être i'o- ^y^^t^'o- ,
reille droite, oc que le maître en perlonne, devoir faire cet ofnce. Mais fervoit à
Maimonides excepte le Sacrificateur, c'efî-à-dire, le ferviteur de lara- c°eft-Tdiîe
ce des Sacrificateurs, àcaufe qu'en lui perçant l'oreille, on lui auroitim- iofquesau *
primé une tache, qui l'auroit rendu incapable de retourner à fa première /uWs'à°ia
dignité- ,. parce que le. Sacrificateur devoit être entier dans tous {es mort du
membres.- ' a maître, cas-
_ , ilnedemcu-
4. Il y avoit une quatrième chofe fort remarquable j c'eft qu'en cette roit point
année de relâche , à la Fête des Tabernacles , on relifoit la Loy toute kiotiflls--
entiere , ainfi qu'il eft commandé dans le Deuteronome; C'étoit fans dou- dj^ion des
te l'intention du Legiflateur. Mais dans la fuite àts tems , cela dege- parcrquèu
nera en une leâure de pompe , & d'apparat, plutôt que d'édification. Loy difoit.
Cette leéturc fefaifbit. par le Roy même, on lui bâtiflbiE une efpece de ^ira, ôcnon^
tribune de bois au milieu de la com- des femmes, où tour iepeuples'af- P"? l'-^'r""
fembloit. Un des Miniitres de l'aiTemblée, prenoit lehvre, ôcle don- Matmonides-
noit au chef de la Congrégation? le chef de la Congrégation le donnoit ^g^^^^'^'g,
au Sagan , le Sagan au Souverain Sacrificateur, qui le donnoit au Roy. s. " " '
Le Roy faifoit une prière avant que de lire, èc lifoit, ou alîîs, fi bon lui ,^^"?"/'
lembloît, ou debout } oc ce dernier etoit de plus grand mente. 11 Loi.
lifoit depuis le commencement du Deuteronome , jufques au f. lo. du f^^^'^\
chap. 6. il paflbit le 13. f. de l'ii. ch. & lifoit jufqu'au 11"^. v. du
même chap. puis il travcrfoit jufques au 21. v. du 14'. chap., ôt~lifoit
jufquesau z^^. v. du iç> chap. Ils croïoient que cela fufîifoit, pour leur
remettre Ja Loy dans l'efprit. Les Talmudiftes difent qu'Agrippa lifant
ces paroles du Deuter. T^ choifras an Roy d'entre tes frères , fe mit à pieu- Deuter.ch.*
rer, parcequ'ilétoit étranger, & le peuple cria , ne crains pas Agrippa, ■^■'^'
tu es nôtre frère. Le texte devoit êtrelû en Hébreu, encore qu'alors cette ugifoof.-
langue ne fût plus vulgaire.
Cet an de relâche commençoit au mois de Tifii^ au jour desPropitia-
îions. Maimonides dit que les dettes n'étoient relâchées , qu'au
dernier jour de cette année , cela n'eft pas vraifembiabie, le relâchement des
Y y. 3, dec-
358 HISTOIREDESDOGMES
dettes Te faifoit apparemment au même jour que le relâchement des fer-
viteurs, dans le Jubile , favoirle .10. de Tifri, jour des Propitiations. Ce
Sabbat d'années s'eil encore obfervé après le retour de la captivité, com-
Antlq. lib. me il paroît par Nehemie. 10. 31. 6c par ce que rapporte Jofephe , que
*"' Ton demanda à j^lexandre le Grand pour privilège, d'être exemptsde tri-
buts dans Tannée de relâche. Mais il s'abolit peu à peu •■, apparemment
à caufe des impôts , ôc parce que le peuple le trouva chargé de beau-
coup de dépenlés publiques. De forte qu'il n'y en eut plus lur la fin de
l'Etat des Juifs.
CHAPITRE XXI L
T>u grand Sahhat d' années ^ ou Jubilé Vai^
Levit. if. 8. ad finem ufque.
£.e Jubilé
étoit l'an
•cinquantiè-
me , & non
Fanquarrii-
te-neuvié-
me.
Levit. 25.
g.
Chap. ïo,
duTraice
Shemittha
vejobel.
LEs Juifs contoient fept feiHaijnes d'années , après lefquelles venoit le
grand Jubilé. Sept fois fept font 49. & là-defilis il y a une queftion
entre les Auteurs modernes, fa voir (î le Jubilé étoit le quarante-neu-
vième an, ou le cinquantième. Voici ce que la Loyen dit, tu conteras
fept femaines damnées ^ favoir fipt fois fipt ans^ & les jours des fept femaineste
reviendront a /\^. ans. v. 10. Et th fanclifieras fan cinquantième ^ &c. v. 1 1 . Cet
an cinquantième vous fera le fubile'. Cela fignifîe clairement, que l'an du Ju-
bilé étoit diftinèl de l'an 49. Auffi eiî-cele fentiment des Juifs, qui doi-
vent êtrciplus crûs en cette matière que les Modernes. Maimonides dit
expreffément : Uan du fubile' n"" entre point dans le contedes^g.maisle^ç^^efi
fan de relâche , & le JOme ^fi Is fubile\ & le fl. eii le premier an des fept fui -
vans: & Rabbi Menachem fur le Levitique, dit auffi, le 49»"^ efl l'an de
relâche ^ & le fo™^ ejl l'an du fubile. Ce n'eft pas fatisfaire à la difficulté,
que de dire, que par la cinquantième année il faut entendre inclufive-
ment l'an du prefent Jubilé, & celui du dernier, comme on dit, que les
Olympiades fe celebroient de cinq ans en cinq ans, quoi qu'elles ne com-
priffent que quatre années j & comme nous difons une huitaine pour une
femaine, en contant inclulîvement les deux jours, celui qui précède la
fcmaine, & celui qui la ferme, i. L'Ecriture, c'eft-à-dire, la Loy ne
parle pas ainiî dans fes fupputations , par exemple dans les fêtes folennel-
les , quand elle dit, le huitième Jour vous fera fête folennelle, .ellen'c.ntcndTpiiS
le iêptiéme, 2. La Loy du Levitique contoit le premier Jubilé, qui
n'ayant pas de Jubilé devant foy , on ne po.uvoit pas le renfermer dans la
fuppuration, & ainfi en aucun fens l'année de ce premier Jubilé ne peut
être la ciiiquantiéme , fi c'étoit la quarante- neuvième. 3. Enfin les Hé-
breux, qui ont toujours conté par ces Jubilez font incompai-ablement
plus dignes de foy. Joint, que comme les Jubilez & les Relâches étoient
aux Juifs, ce que les Olympiades & les Lufires étoient aux Grecs & aux
Romains, c'eil-à-dire , des époques & moiens defupputer leurs années, il
y a bien plus d'apparence, que Dieu divifa le fiecle, qui eil de cent ans,
en
ET DES CULTES DE L'EGLISE. F^n.lL ^^9
eft deux parties égales de fo. Auffi Cunaeus , qui fuit l'opinion des 4p. ans
contre Maimonides, n'apporte aucun fondement de fon opinion.
Le nom de ^^ikle vient de Sai"» . C'écoit un cor ou cornet avec lequel d'où vient
on fonnoit dans tout le pais 5 Qiielques Juifs veulent que ce mot '7nv figni- lenomde
fie en Arabe , car il n'eft pas Hébreu, une corne de bélier, àcaufeque **'
Ton fonnoit du cor dans cette folennité, &dans l^ourdesPropitiations: jofuéfi.ij.
En effet Dieu commande que fept Prêtres fonnent devant l'Arche aveclept
cSsi'', cors ou cornes de bélier. Mais un nommé Marbachius , au rap-
port de Goodwin, dit, que cela vient de Jubal, dont il eft dit qu'il fut Gen.4.2r,
l'auteur, & l'inventeur des inftrumens de Mufique: RabbiMenachem J"^"^-^?.*'
fur le Levitique , & le favant Ainfworth croient , que ce mot vient de
bl'' qui fîgnifie produire , 6c de Snv , qui fîgnifie un fleuve , un courant,
parce que le fon du cor fait une tirade, ex eo <]Piod protrahitur fonm tuba:
Quoi qu'il en foit cela vient de Snr , cor ou trompette.
1. Premièrement donc le Jubile fe publioit le dixième de Tifri , jour J;^J"^'Jé
propre des Propitiations , 6c fe proclamoit au fon du cor & de la trom- mJ!tTe%uî
pette, non feulement en Jerufalem , mais par toute la Terre Sainte^ l'or- desPropitia-
dres'endonnoitparle Sanhédrin, ôc devoit être exécuté par tous les par- huompe"
ticuliers 5 c'eft-à-dirCjque chaque particulier, comme dit Maimonides chap. "•
10. devoit fonner du cor, & cela durant tout le jour des Propitiations,
de forte que l'on entendoit un beau bruit durant ce jour-là dans toute la
terre de Canaan.
2. Cet an dti Jubilé avoit cela de commun avec l'an de relâche, c'efi ^'^^^ «^on-
qu'on n'y labouroit , femoit , ni cultivoit la terre, &onne recueilloit rien iSiie^année
femblablement , 6c à cet égard tout ce qui étoit permis dans le relâche , "'"^ ^^^^"."
étoit permis dans le Jubilé, 6c tout ce qui étoit défendu dans le relâche, ans!'^"*'"
étoit auffi défendu dans le Jubilé; c'eft ce que dit exprellement Maimo- Traité she-
nides. Ainfi il y avoit deux années de ceflation pour la terre tout de fui- .^beTa^'
te, c'eftla difficulté de Cunceus. Cela eût été incommode , dit-on > ouï, lo.
mais Dieu avoit promis d'y pourvoir, en leur donnant la fîxiéme année ^^^^^''^q!^
du revenu pour trois ans : Ainfi dans la 49. ils mangeoient le revenu de 21. î^.
la 48. 6c encore l'an fo. 6c encore l'an fi. auquel ils femoient 6c recueil-
loient.
3. Mais le relâchement des dettes nefe faifoit pas, à ce que dit Mai-
monides, dans l'an du Jubilé, comme dans l'an de relâche. La raifon eft
évidente , e'eft qu'il avoit été fait l'an 49. on ne le pouvoit pas faire
deux ans de fuite, car on étoit quitte dés l'an précèdent. Maimonides
trouve encore cette différence en,tre le jubilé 6c le relâche , c'efl que
dans le relâche les dettes s'aquittoient le dernier de l'an , 6c dans le Ju-
bilé les ferviteurs étoient affranchis au commencement de l'année, mais
ey-deffus nous avons dit, que cela n'eil pas apparent, 6c que les dettes
s'aquittoient auffi à l'entrée de l'année de relâche. Deuxgrands
4. Les deuxgrands bénéfices de cette année , qui la faifoient être l'an de p^JJ^^^^jJ^^^®
joye, ran acceptable^ comme parlent les Prophètes, 6c qui la rendoient kbiié,Paf-
figure de ce grand Salut, arrivé par le Mefîîe, c'étoit la délivrance àts me"n?d2"
ferviteurs j 6c le recour des héritages à leurs anciens maîtres. Première- ferviteurs,
ment tous les ferviteurs étoient rais en liberté, favoir les Hébreux, hom- desheîkT-"^
mes 6c femmes : car pour les efclaves étrangers, ils fervoient fans efpe- g"
r ance 44. ôjfuiy^ '
56o HIST OIRE DES DOGMES
rance de rachat : Ceux là-mêmes, qui après la feptiéme année , n'avoient
pas voulu être affranchis , 6c s'étoient liez pour toujours, étoient mis en
liberté, eux , leurs femmes, & leurs enfans , excepté les enfans nez d'une Ca-
nanéenne ; car ils étoient reputcz étrangers, ôc comme tels dcmeuroient
fcrfs à perpétuité: Et ainfi il n'y avoit aucune referve dans l'afFranchifTe-
■ment qui Ce faifoit au bout des Tept ans. Lors qu'un homme , qui s'étoit
vendu pour fept ans, Évoit été malade quatre ou cinq ans, ce tems de
maladie ne lui étoit conté pour rien dans l'an de relâche ; il devoit repa-
rer le tort par autant d'autres années de fer vice. Mais ici quand un iervi-
teur auroit été toute fa vie hors d'état derendre fervicc à fon maître, néan-
moins il Ibrtoit libre au Jubilé.
Maîmoni- Cet affranchiffement des ferviteurs fe faifoit jugement le jour des Pro-
d"slrvis' pitiations , ou le dixième de Tifri : Mais la liberté commençoit pourtant
x.j.i.&fui- dés le premier jour de Tifri, fête àes trompettes: car durant ces rieuf
'*"*' premiers jours du mois, les ferviteurs faifoient des efpeces de Bacchanales,
mangeoient, bû voient, s'enyvroient, marchoientéccouroiait couronnez
de fleurs. Et ceux là fe trompent, quidifent que ces fêtes des ferviteurs
Macrôb. ^^ faifoient tous les ans à la fête des Tabernacles. Les Grecs avoient une
saturn.iib. fête appelléc âvùsçyipia^ qui reflembloit fort à la fête des ferviteurs au Ju-
vih.l.ci2.7. ^^^^ '• ^^^ durant cette fête les efclaves étoient libres , couroient les rues,
dloient 6c mangeoient avec leurs maîtres j 6c quand la fête étoit £nie on
leur difoit, Ite foras canes, non amplius anthefieria.
àzshlikl- 5- L'autregrand bénéfice du Jubilé écoic le retour des fonds 6c des he^
ges. ritages à leurs anciens maîtres , euffent-ils changé de maîtres cent fois,
foit qu'ils euffènt été aliénez par vente, ou par don, comme remarque
Maimonides chap. 1 1 . Dieu étoit demeuré propriétaire du pays , 6c ea
avoit donné feulement Pufufruit aux Ifraëlites, ainfi ils ne pouvoient ven-
dre que l'ufufruit , 6c cela à proportion de ce qu'on étoit éloigné du Ju-
bilé. Il faut obferver que cela doit être entendu des aliénations dufondsj,
qui fe faifoient fans marquer aucun tems: car en ce cas la vente étant pu-
re 6c fimple, on foufenrendoit le retour dans l'an de Jubilé. Mais fi on
exprimoit le nombre des années, quoi que ce nombre iillât plus loin que le
Jubilé, le marché étoit valable, 6c devoit être obfervé. Par exemple,
fi un homme vendoit pour 6o. ans, l'héritage ae retournoit pas au Jubi-
lé, il faloit que les do. ans s'accomplifient ; c'eft ce que remarque expref-
Maîmoni- fément Maimonidcs ch. lo. du Traité du Relâche 6c du Jubilé., (^elui (jui
If^^'^^vT!*' ^snàoît Çon champ pour 6o. ans ne le retirait pas an Jubilé , car il n'y avoit que Ut
c. 12. chofes vendues par vente pure & fimple ^ qm retomnajfent. Comme ils neven-
doient proprement que \cs revenus, on ne tenoit point conte au vendeur
d^s'ia'îobei ^^^ aniiées de relâche, dans lefquelles il n'y avoit pas de revenu : Ainfi quand
Jp. M. on vendoit pour i jT. ans , on ne payoit au vendeur qu'à raifon de 1 3 . ce
qui ed conforaie à la Loy duLevit. ch. 25*. if . qui dit, félon les années dti
"Ltnu 2j. fapfort. Du v.zf. oii la Loy dit, fi ton frère efi: appauvri ^^c. ils concluent
qu'un Ifraëlite ne pouvoit vendre fon héritage que pour vivre, 6c non pour
avoir de l'argent, pour le trafic ou autre chofe, comme pour acheter des
efclaves, des bêtes, éts meubles, 6cc. s'il vendoit pour autre chofe que
fn^lobd'*^^* P°^^ vivre, la vente ne laifibit pas d'être confirmée, à ce que dit Mai-
cîtj. uj monides chaj^. 11. Cependant ce droit ne s'étendoit que fur les champs,
car
ET DES CULTES DE L'EGLISE. Tart.ll, 361
car lesmaifons en villes murées n'avoient qu'un an pour le rachat, après
^uoi elles demeuroient abfolument à l'acheteur, & ne retournoient pas
dans l'année du Jubilé. Les Juifs ajoutent les jardins, les bains, les la- ^^''''*- *i^'
voirs , les colombiers, qui étoient dans les villes murées , ils n'étoient pas *'*'
fujets au retour ; mais les champs , quoi que dans l'enceinte des murail-
les des viiles , retournoient au Jubile comme les champs hors des villes.
Ils ajoutent que lesmaifons delavilledejerufalem avoient auffi le privilè-
ge de ne pouvoir être vendues abfolument, mais qu'elles retournoient au
Jubilé, & de même les maifons en toute autre ville bâties fur la muraille
de la ville, comme la maifon de Raabenjerico, avoient le privilège de
ne pouvoir être vendues abfolument. Quant aux édifices de campagne , des
villages & des bourgs, ils étoient reputez comme des-champs, ôc regar-
dez comme leurs dépendances, parce qu'on y logeoit le revenu des terres:
Hc'eft pourquoi la Loi ordonne qu'elles reviennent au Jubilé. A quoi les ^«vit. tu
Juifs ajoutent, que les villages, qui depuis Jofué étoient devenus villes, '^*
étoient ellimez villages pour le privilège du rachat & du retour au Jubilé.
Ainfi les maifons n'y pouvoimit être vendues abfolument, & fans retour.
Et cela dura, difent-ils, jufqu'au temsd'Efdras après la captivité de Ba- Maîm. ubi
bylone : car toutes les villes deviîirent faintes. Mais cette obfèrvation eft fupr^.cap.
de nul ulàge; car après le retour de la captivité il n'y eut plus de Jubilez. LeVit. zf.
Les maifons des villes murées, qui appartenoient aux Lévites , avoient en- ^-s*-
core le même privilège , elles pouvoient être toujours retirées , 6c retour-
noient au Jubilé.
Sur cela eft fondée la înaxime du droit Canon d'aujourd'hui i l'^EgUfe efi
toujours mineure-, quant aux faux-bourgs des villes des Lévites, la Loy dit, ^»it zj.
^ue les champs défaits fatix-bourgs ne, pourront être vendus. Maimonides expli- j^Aïoioal-
que cela, qu'ils ne pourront être altérez 6c changez, fàvoir qu'on ne pour- «^«'^•.ïî-
ra faire du faux-bourg la ville, ni de la ville le faux-bourg, ni d'un champ vejSS,*
^n faire le faux-bourg , ni du faux-bourg un champ.
Au refte par cettcLoy du Jubilé, tous les fo. ans Dieu faifoit revenir la
terre de Canaan à fon premier partage , félonies familles 6c les Tribus j
Mais comme les partages s" étoient iubdivifez par la multiplication des fa-
milles, chaque famille avoitfon lot j 6c un héritage vendu 50. ans aupara-
vant jTevenant à l'ancienne famille, devoit être fubdivifé à tous les héri-
tiers de celui quil'avoit vendu. Cela ne dura quejufques à la captivité de Ba- q„3„jJ cep.
bylone : car après les familles étant difperfées , 6c peu étant rétablies dans la fêtent ks
Terre Sainte, ce ret-our des héritages aux familles parut impoflibie. Le droit ce S'aptés
de l'affi-anchiflement des ferviteurs n'eut plus de lieu non plus, 6c cet an leictourde
de Jubilé ne fut plus an de relâche pour la terre. Ainfi il demeura feulement "P"v««<i
pour Tufagede la fupputation; c'eil-à-dire, que l'on contoit iêpt femai-
nes d'années , ou fept relâches , après le feptiéme relâche on contoit
le cinquantième an. Et api es le cinquantième an, on recommençoit à con-
ter par un, jufques à fept , car quoi que les Jubilez fufient abolis, les ans
de relâche fubfifterent toujours , comme le dit Maimonides , encore que les ans „, . ,
de 'Jubilé ayent ceffé depuis le fécond 1 emple ^' cependant on les contoit a caufe des ve}obei.
Années de relâche qui J^ebfervoient félon la Loy, cap. 19,
Tm. Il %% CHA-
3éi H I S T O I R E D E S D O G M E S
CHAPITRE XXIII.
Des fouillures Légales ^ & de leurs purifications , é^ premier emenl
de l'eau defeparation , O' de la vache rouffe.
Nombres chap. 19.
^e la vache
louife, 8c
des eaux de
fepirarion,ôi _
de la puri- ^j-jg grande affaire c'eft pourquoi ils obfervoient là-deffus une multitu-
de de cérémonies,, outre celles qui fe lifent au 19. ch. des Nombres,
cetetionie I. Cette vachc roufle devoit être fans tache, route roufîe, fans un poil
de l'immo- j^qjj. q^ blânc 2. Non arrachée du ventre de fa mère. 3.. Non troquée
cette vaehe OU achetée en échange d'un chien. 4- Non le prix d'une paillarde, f. N'a-
xouOs. y^^^ jamais porté, le joug, il n'importoit pas qu'elle eût travaillé à fouler
le grain , ou à un autre ouvrage femblable. Mais fî elle avoit porté le
joug encore qu'elle n'eût pas travaillé, elleétoit eflimée impure :. C'eflce
In Traft ^^^^ ^^^ Maimonidcs.
rr.s 6. Il n'importoit pas qui fit la cérémonie de l'égorger , ou de la tuer,
''^' '' pourvu que ce fût le Souverain Sacrificateur , ou un autre Sacrificateui;.
Nomb. 19, Êleazar le fils d'Aaron brûla la première vache : Mais quelque Sacrifi-
cateur que ce fût , il étoit mis en fequeilre dans une chambre du Tem-
ple qu'on appelloit la chambre de pierre, dont nous avons parlé ci-devants
Taimud j. Il étoit retenu- là durant 7. jours, afin qu'on fût alîûré qu'il étoit
"n'-iî) faas fouillure.
"P- 3- 8. Le Prêtre n'étoit revêtu que des quatre vétemens Sacerdotaux-
ordinaires,, lors même que le Souverain Sacrificateur officioit.
Maimonides p. On menoit ccttc vachc hors du Camp un peu loin du Temple, &
cap. i.js.M.^^^^ les derniers rems, c'étoit fur le mont des Oliviers , vis-à-vis la
grande porte du Temple, en forte que de là on pouvoit voir la porte du
Sanêtuaire. On y conduifoit le Sacrificateur, qui devoit officier en gran-
de pompe, accompagné d'un grand nombre de gens , les anciens du peuple
marchant devant. On traverfoit la vallée du torrent de Cedron , fur des
îfcimonides ^'^''^hes de pierres OU chauffée, qui traverfoient toute la vallée, afin qu'on fût
ubi fuprà aflûré de ne point paffer fur aucun tombeau qui pût fouiller le Sacrifica-
^'^•'- teur.
Ce qui fe ^ O- Qpand on étoit fur la montagne des Oliviers , le Sacrificateur fe la-
faifoit fur la voit tout le corps & s'éffuïoit j il trouvoit là une grande pile de bois de
desoïmeis. cedre, de chêne, & de figuier, dont on faifoit le bûcher. On lioit les
pieds de la vache, on la couchoit fur la pile ou bûcher > la face tournée
veis le Temple du côté du couchant, la tête tournée au Midi, la queue
Saiomon au Nord. Alors le Sacrificateur, ou un autre félon quelques Auteurs,
Mumerôs. égorgeoit la bête étant du côté de l'Orient , 6c fe penchant fur la vache dui
'^l' li- côté de l'Occident , il la tuoit de la main droite^ ôc de la main gauche
il recevoit le fang dans un vaiffeau. ^
Ui. Apres
ET DES CULTES DE L'EGLISE. Part.ll. 363
11. Apres cclaii demeuioit fur le bûcher, prcnoit le fang, en faifoic
afperfion avec fes doigts par fept fois en l'air, du côté du Temple. A
chaque afperfion il trempoit fa main dans le fang, ôcce qui reftoit à fes
doigts, il ne lui étoit pas permis de le fecouerj mais il refluïoit fur le poil
de la vache roufle.
12. Les afper fions étant faites, il décendoit de deflusle bûcher, y met- comment
toit le feu; & le feu étant allumé , le Sacrificateur attendoit que la va- \^^^^!^"'
chefûtàdemi-confurriéejôc que fes entrailles crevaflent. Alors le Sacrifi- roHûè.
cateur prenoit une poignée de bois de cèdre , autant d'hyfope , ôcle poi'cls
de cinq ficles, c'eft-^-dire, deux onces & demie, de laine teinte en écar-
late. Il lioit le cèdre avec l'hyfope , avec une bandé d'écarlate , & jet-
toit tout cçla dans le ventre de la bête, puis il laifix)it confumer kbêtc
ôc le bois eiifemble.
13. Quand cela étoit fait, on raflembloit les cendres de ce bûcher,
on battoit le tout avec des bâtons, pour réduire le charbon en poudre, &
les os de la bête auffi. Onpaflbitle tout dans un tamis , on laifibit ce
-qui ne fe pouvoit réduire en poudre , & on prenoit tout ce qui avoit
pu être puiverifé.
14. On feparoit cette poadre en trois parties ; l'une étoit laifîee fijr
le mont des Oliviers pour l'ufage du peuple, quand ilferoit fouillé, une
autre partie étoit donnée en garde aux Sacrificateurs pour leur purifica-
tion, & la troifiéme partie étoit mife en refervc dans le V*n,c'ell-à-dire,
-q.uelque édifice qui étoit dans l'avant-mur de la féconde clôture du Tem-
ple. Tout cela fe trouve dans Maimonides au traité parah adammah ,
h. vache roufle, au chap. 3. A lÊki'i il ajoute là-même qu'il y a eu neuf Nombres
vaches ainfi brûlées pour les purifications , l'une par Moyfe, la féconde ^^^Jg^J^^
par Eldras , deux par Simeon le Jufte , deux par jochanan , ôcc. & En tout _
que la dixième fera brûlée fous le Règne du Meffie. Chofe étrange que aepu-s*^'^*'^
dans toute la durée du premier Tabernacle , & du Temple de Salomon, dtas.
€'ell- à-dire, dans l'efpace de prés de mille ans, on n'ait confumé qu'une
vache, & que depuis le retour de la captivité il en ait falu huit. Ce
qui pouvoit venir, ou de la multipHcation du peuple, ou de ce que les
Juifs devinrent plus fcrupuleux fur les fouillures Légales. On gardoit cet-
te cendre, & on en diiinbuoit à ceux qui en avoit affaire. Pour avoir la
garde de cette poudre, c'efl-à- dire, pour en avoir chez foi , il n'étoit
pas neccflaire d'être ni Lévite, ni Sacrificateur > chacun la pouvoit gar-
der pourvu qu'il fût Ifraëlite.
Quand on vouloit faire de l'eau de feparation ou de purification, 00
prenoit de l'eau de fource, foit de fontaine, foit de rivière. L'eau d'é»
rang, de pluie, de citerne ôc de mer, n'y valoir rien.On lamettoitdans
un vaifieau fort net, de bois, de pierre, où d'argent-, 'Ôcc. On verfoit
premièrement l'eau dans le vaiffeau , puis on jettoit k cendre defiûs.
Mais la Loy du Livre des Nombr. ip. 17. femble figniéier le contraire.
On prendra de la poudre , dit la Loy , on la mettra dans m vaijfeau ^ & de
l'^eau vive pardefius. Cela ne fignifie, difent les Rabbins, autre chofe finoiî
qu'il faut mêler l'une avec l'autre avec les mains. Oo ne devoit jamais
faire cette mixtion qu'avec intention de s'enfervir, pour telle ou telle per-
fonne, à teL& tel ufage, car il n'étoit pas permis de feire de cette eau
Zz z de
3^4 HISTOIREDESDOGMES
de refervc, pour les occanons, comme on fait de Teau bénite. Toute
perfonne qui n'étoit pas en fouillure Légale pouvoit faire cette mixtion,
excepté les muets, les fous & les enfans, difent-ils. Voila quelle étoit
iBNujn. 15. l'eau Luftrale des Hébreux. Ce que dit R. Menachem elt remarquable, que
les cendres de la genifle feules fouilloient ceux qui les touchoient , &
ne purifioient, que quand elles étoient mêlées avec l'eau, cela paroîten
VoyAiof- effet par le lo.f. du 29. chap. des Nombres. L'eau fignifioit le St. Eprit.
woith. Les purifications fe faifoient en plongeant un bouquet d'hyfope dans cette
cau,&: en faifantafperfion, fur les tentes, fur les habits 5 furies vaifTeauxj ôc
fur les hommes qu'on vouloit purifier. Lesvaifîeaux quipouvoient fouffrirk
On appel- feu dcvoicnt y être jettez.CependantjOn les nettoioit aufïï par l'eau de fepara-
^°" "d"fe- tion. Cette afperiion fe faifoit par tout hom.me, moyennant qu'il fût netj car la
paration, Loy dit : PhIs HYi homme qui fera net prendra, ^c. Mais félon l'efprit des
etoUdeftJ-'^ Juifs , ils avoicnt outré ce précepte ,. ôcils vouloient que l'afperfionfe fît
née aux fe- par dcs gcns qui n'eufTent jamais été fouillez par l'attouchement des corps
fe^nVttoyer. morts, pout ccla ils bâtiffoient des demeures dans le roc, où ils faifoient
accoucher des femmes , & y nourrifïbient leurs enfans , & les y ayaat
élevez, quand il faloit faire afperfion fur des chofes fouillées , il les al-
loient quérir là> 6c les faifoient monter fur ledos d'un bœuf , ils les me-
noient au lavoir de Siloé , oii ils puifoient de l'eau : Ils montoient fiir le
mont des Oliviers , oii étoit le Camp des fequeftrez ôc la poudre , ils fai*
foient leur afperiion ôc retournoient dans le même équipage à leur cellu-
le. Et parce qu'un homme n'eût pas voulu être enfermé là toute favie^
quand un enfant étoit afïez grand pour être tiré de là , ils lui en fubfti-
tuoient un autre élevé de même manient Cette afperfion félon leurs ca-
nons ne fe pouvoit faire de nuit,, ni pom* de l'argent , on pouvoit payer
la peine d'aller quérir de l'eau vive, mais la mixtion de l'eau & de k
Maîmomdes poudre & i'afpcrfîon fe dévoient faire pour rien.
sibi fupEà
£ap. ï. ^ _^__^^__«_— — '
CHAPITRE XXIV^.
La Purification de la îefre.
Levitique chap. 14.
La fepîe T L eft temps de parler des feuillures Légales ; les unes étoient gran-
ëont h Loy J^dcs, & mcttoicnt les fouillez en feparation hors du Camp,, les autres
miacdSfe. moindres & fe purifioient fans eau de feparation. La plus grande de tou-
tes les fouillures, c'étoit la lèpre tant des hommes que des habits & des
maifons. Sans entrer dans la difcuflion de cette difficile queflion de la
lèpre, dont il eft parlé dans la Loy: J'eftime que tout étoit extraordi-
naire & miraculeux , particulièrement la lèpre des maifons & des véte-
mens. Dieu dans cette difpenfâtion vouloit exprimer la laideur , & la
fouillure du péché , qui s'attache & qui pénètre le corps ôc l'ame , les
afFeélions êc les pafîions : les bornes que nous nous fommes prefcrites ne
nous permettent pas de nous étendre ià-defîus. La purification des lé-
preux
ET DES CULTES DE VEGLISE. Part.lL ^éf
preux nous eft expliquée au chap. 14. du Levitique fort au long, & ce
n'eft pas la peine de le tranfcrire ici, il fuffira de faire les obfcrvations
fuivantes.
1. Qiie les Cérémonies de la purification du lépreux ne fc faifoientpas
toutes en même lieu, ôcbien moins dans le Tefxiple, comme Ligtfootre-
connoît l'avoir mal à propos avancé fur lez. de St. Jean v. 15. Elle fcfai-
foit en trois lieux, i. hors du Camp, z. dans le Camp, ou dans la ville, ^.
& enfin dans le Temple.
2. La purification du lépreux ne doit pas être confondue avec fa gue- Dieu feui
rifon , car le Sacrificateur ne le purifioit que quand il étoit guéri, ôc les "SelfroJ**!
Hébreux remarquent qu'il n'étoit pas permis de fe fervir des remèdes de leptcux.
la Médecine pour guérir les lépreux, & qu'on en laifibitla guerifon à Dieu j
C'eft la remarque de Rabbi Menachem fur leLevit. 15. ce qui fignifioit
que c'^e^ Dieu feul qui nous purifie par la grâce de la lèpre du péché ,
que l'homme n'y contribue rien.
5. La première partie de la purification du lépreux fe faifoit hors du Premier a«c
Camp, OU: de la ville de Jerufalem. Et voici ce qui fe faifoit, le Sacrifica- 03^0^!?'
teur prenôit un vaifieau plein d'eau de iburce , y égorgeoit un paOèreau. lépreux.
Les Hébreux difent qu'on pouvoit prendre tout oifeau net. Le texte de
la Loy dit deux oifeaux vifs ôc nets 3 mais il faloit que ce fullent des oi-
fcaux hbres , 6c non de ceux qui font fujets aux hommes , 6c qui fe nour-
riflent dans leurs maifons. Après cela le Sacrificateur lioit enfemble du bois
de cèdre, del'hyfope, de la laine cramoifie ,& trempoit toutes ces chofes
avec les ailes 6c la queue de l'oifeau vivant , & en faifoit afperfion par fept
fois fur le lépreux : Nombre qui fignifie une parfaite purification. Enfcute
on laiflbit aller l'autre oifeau libre dans les airs : Kaskuni en rend une rai-
fon ingenieufe , c'eft que le lépreux , après avoir vécu folitaire & feparé,
revenoit avec les fiens , comme l'oifeau relâché s'en retournoit avec les
oifeaux de fon efpece. Les mêmes Cérémonies étoient obfcrvées pour h
purification de la raaifon fouillée de lèpre 5 Après cela le lépreux fe lavoit Levit.14.
. ëc (e faifoit rafer depuis les pieds jufques à la tête, ôc c'étoit làle premier
aâ:e delà purification.
4. Le fécond fe faifoit dans la ville ou dans le Camp -, car il lui étoir second aa©
permis d'y rentrer, mais non en fa maifon, ni de coucher avec fa femme ^cltila^'
durant fept jours. Il demeuroit donc encore/, jours fequeftrè; mais dans
la ville ou dans le Camp : Puis le Sacrificateur le rafoit derechef depuis
les pieds jufques à la tête , même jufqu'aux fourcils , ôc après cela il en-
troit chez lui & y logeoit la nuit du fept au huitième. C'efl: la féconde
purification.
La troifiéme fe faifoit dans le Temple j c'efl: qu^au huitième jour il mon- Troifi^me
toit au Temple avec lesoffi-andes commandées dans le Lev.ch. 14. faroir l^l^il^l^f^
deux agneaux , ôc une brebis d'un an pour l'holocaufte, pour l'offrande
pour le péché Ôc pour le délit, avec du vin^ de l'huile,, 6c des gâteaux pour
les offrandes & pour les afperfions. Trois chofes fe faifoient qui n'étoient
pas ordinaires dans les autres facrifices.
I . Avec le fang de la vidime pour le péché, on mouilîoit avec le doigt certmpnîw
le mou de l'oreille droite, le pouce de la main droite , ôc ie gros orteil du c«io\r"
pied droit du lépreux.
Zz 3 z. Oa
566 HISTOIRE DES DOGMES
2. On Eiifoit une afperfion d'huile par lèpt fois vers ie Sanéluaire avec
le doigt , 6c puis on faifoit une on6tion d'huile fur les mêmes parties tou-
chées avec le fang, favoir l'oreille, le pouce & l'orteil. Et ce c]u.irefloit
de l'huile dans la paume de la main du Sacrificateur, il le verlbic fur la
tête du lépreux.
^. Le lépreux logeoit dans une chambre qui étoit dans le coin Nord-
eft du Parvis des femmes, & à l'heure du facrifice , il venoit à la porte
de Nicanor qui conduit au Parvis d'Ifraël, ôc des Sacrificateurs j ôc de-
meuroit là n'ofant entrer > car il n'étoit pas permis d'entrer dans ce Parvis
à celui qui n'étoit pas expié & nettoyé , ni d'approcher de l'Autel j mais
on lui amenoit la viélime à la porte, afin qu'il pût mettre fa main fur la
tête, ôc quand il faloit faire les onétions, il avançoit la tête, les pieds 6c
les mains dans le Parvis d'Ifraël, Sccela, parce que d'une part on n'ofoic
Àmàvoith porter le fang de la vi(5lime hors du Parvis d'Ifraël , ôc de l'autre il n'ofoil;
c"^ i4"ij. entrer dans le Parvis.
VoycE
CHAPITRE XXV.
Delà Gemrrhee ou flux defemence, de la Pollution, far ks
m^nftmés: fouillure par un mort.
Levitique ïi. &. If. 2.
A féconde grande fouillure étoit la Gonorrhée; c'eft ce que laLoy
appelle la fouillure de fon flux, tout homme a cjui la chatr décotde fera
' fomile d canfe de fon flux , c'eft un "flux de femence involontaire qui
eft une efpece de maladie, lî l'accident n'arrivoit qu'une fois, cela ne fai-
foit qu'une petite fouillure j on fe lavoit & on étoit net après le foieii cou-
ché 5 fi l'accident arrivoit deux fois , on devoit conter fept jours & fépu-
rifierj mais fans offrande; ficela arrivoit trois fois, alors l'homme étoit
Çcftççquc tout à fait fouillé, ÔC il faloit qu'il fe fît traiter. Quand le malade étoit
BioiiS'. S"^^^5 ^^ faloit qu'il fût feparé par fept jours ; c'eft-à-dire , iàns conter les
jours de fa maladie , durant laquelle il étoit fequeftré hors du Camp j du-
rant les fept jours il fe purifioit, il fe lavoit d'eau vive le feptiéme, ôcau
huitième jour, il prenoit deux pigeons, ou deux tourterelles, 6c les portoit
à l'entrée du Tabernacle , n'ofant entrer , fe tenant à la porte de Nica-
nor , la tête 5c les mains avancées pour les pouvoir repofer fur la tête de
la bête , car pour d'afperfion de fang , on n'en faifoit pas , comme fur le
fouillé de lepre. Cependant il n'ofoit entrer dans le Parvis d'Ifraël, avant
que fa purification & fon expiation fût achevée par le facrifice.
Tîoifiéme La troifiéme grande fouillure, étoit le fang menftrual découlant aux
fbuuîute f*^J^^es, foit ordinaire, foit extraordinaire, & par une maladie qu'on ap-
le fang ' pelle pcrtc de fang, La femme demeuroit en feparation, 6c fon expia-
lEcoftwai. xion fe faifoit avec les mêmes Cérémonies que celles de l'homme travaillé
de Gonorrhée. ■ '
La
ET DES CULTES DE L'EGLISE. Tart.ll. ^6r
La quatrième grande fouillure qui emportoit leparation, écoic l'enfante- QHatnéme
ment; Q^iajnd la femme avoit accouché d'un mâle, elle étoit.7. P^^'^ en Sflnie-
grande fouillure, c'eft-à-dire, qu'elle fouilloit tout ce qu'elle touchoitou «^ent.
approchoit: Après cela elle étoit 33. jours nette, c'eft-à-dire, qu'elle ne
fouilloit pas ce qu'elle tôuchoit , & un mari après ces fept jours pouvoit
approcher de (à femme fans fouillure. Mais neantmoins elle étoit enco-
re en feparation durant ces 33. jours n'ofant aller au Temple. Si el-
le avoit accouché d'une fille, elle étoit ledouble, quatorze jours fouillée >
èc66. en feparation, éloignée de la maifon de Dieu: c'étoit en tout 80.
jours, ou prés de trois mois. Quand elle accouchoit de gémeaux mâleôc
femelle, elle obfervoit les 80. jours de feparation j fi l'enfant étoit Herma-
phrodite, la même chofe. On ne voit pas que la Loy lui ordonne des la- voyez
vemens durant les fept jours comme à la feiPime fouillée de fon flux, c'eft ^'"^™^'^'
à caufe du péril oi^i eût été fa vie. Cependant les Hébreux difent que la voyez
femme accouchée fe devoit laver au bout de5 fept jours > cela n'eftgueres A'^rworth
apparent, car le bain eil mortel aux femmes dans cet état. Ces fept jours '12.^4]"^*
qui font deftinez à faire la purification ,, ne doivent pas être contez fans
doute du moment de l'accouchement , mais du tems que les décharges Levhique
des femmes qui accouchent font achevées. Pour l'expiation Moyfe or-*^^' ^^■^*
donne un agneau d'uji an, un pigeonneau ou une tourterelle , ou bien deux serviusad
pigeonneaux ou deux tourterelles. La nouvelle accouchée venoit à l'en- ^"'r"'j
trée du Tabernacle , toujours avec la même précaution , c'eft qu'elle Romana
n'entroit point dans le Parvis d'iiraël ou des Sacrificateurs,, on lui amenoit Jj^J ^^f°l'
h. viétime à la porte, & elle écendoit fa main deffus. minime fa-
La cinquième grande fouillure qui obligeoit à la feparation, c'étoit l'at- S SSÏ ''
touchement d'un mort, d'un fepulchre ou de quelques oficmens. L'hom- Moris ro-°
me étoit fouillé par fept jours , la purification s'en faifoit avec l'eau de î^mi!m"u!
feparation par aif)eriion,6c l'afperfion fe faifoit en deux jours,le troifiérne Se le P'^effi ante
feptiéme. Après l'afperfion il le lavoit d'eau lui & fes vétemens, 6e étoit net neftaïToo-
quand le foleil étoit couché : cette dernière efpece de fouillure, comme "'> «equif-
moindre que les autres, ne requeroitpas de facrifice, mais feulement l'af îlfèrper"'
perfion de l'eau de la cendre de la vache rouflé. On peut demander fi ignorantîam
dans toutes les fouillures ici mentionnées, il faloit employer l'eau de fepa- ErgreffiK."^
ration. Je réponds que la Loy n'en parle exprefiementque dans la purifica- Poiphyrius
*;ion de l'homme fouillé par un mort j Mais les Juifs le tiennent ainfige- ^^P- ^'^^^'.
neralement. Tous ceux qui. font fouillez, doivent recevoir l'afperpon , & tous î^r' ^' r.
■ r r II r ■ ! r^ I ' A ■■ ipfotum f«-
ceuk qui jont iouillez.Jou par les morts^ ou par (jonorrhee^ oh menjfrue^ ou accou- licet dx-
chement^ étaient purifiei. par afperjjon le troifiérne & le feptiéme jour, dit Maimoni- ^^°a^'^^ ^
des. Et cela eft aflez apparent , ca-r fi on n'eût purifié par l'eau de feparation, arufpices
que ceux qui éioient fouillez par un mort, cela n'eût pas valu la peine de gJ^J^'i^j^^."'^
préparer la cendre de la genifle avec tant d'appareil. Joint que l'Apôtre tipi'mt ut à
Heb. 9. dit, cjue la cendre de la genijfe ne peut purifier la confidence , ce qui âbftînesnr
prouve q-j'on s'en fervoit en toute puiificarion. Cela rend incroyable la Nomb.
tradition des Juifs, que depuis Moyié jufques à Efdrason n'a brûlé qu'une TrLa!'pa-
vache. Il eft vray que le bais & le charbon du bûcher étoientaufiimisen "i^ ^dum*
poudre, cela en pouvoit faire une affez grande quantité , mais aufii cts Ti! j.'^à!^"
fouillures légales étoient en grand nombre, ôc confumoient beaucoup ^°y ^'n^""
cie cette poudre, elle n auroit jam.ais pu durer mille ans. «Numéros-
Ce font là les grandes fouillures Légales , fur lefquelies il reftedeuxob- "i^-^?.
ferva^
36S HISTOIRE DES DOGMES
te» fouillez lervations à faire-, Tune que ceux qui étoient ainfi fouillez , fouilloient tout
fo\jiiioicnt j,g qyj 1^,5 touchoit, hommes, habits, meubles, fieges , lits , vaifTeaux
toichemcnt &c. particulièrement les fouiliurcs quivenoient du dedans, qui étoient qua-
bT"Sts ^^^ en nombre, i. la lèpre, z. la gonorrhée. 3. l'accouchement. 4. le
Sec.
Talmud
Traité Za-
bim. Ainf-
woith ia
Levit. ch,
15. 10,
Camp
Tradition
des trois
Camps.
fang menftrualj tout ce qui fortoit de ces fouillez , crachat, urine,
femence, fang, étoit fouillé. Et celui qui touchoit à toutes ces chofes
contraétoit fouillure. Les Talmudiftes difent même, ^^e celui qui étoit ajfu
dans un hatteau, ou fur un banc^ où étoit ajjis un homme ou femme ayant flux de
femence oh d'urine ^ étoit fouillé, quoi cjutl ne touchât f as les vétemens delà fer-
fonne fouillée. L'autre obfervation eil que la Loi ordonne que tous les fouil-
Nomb. I. 2. lez foient mis hors du Camp , qu'on mette hors du Camp tout lépreux , touthom-
devoicBt^^" ^^ découlant, & tout homipe fouillé pour un mort. Et par conféquent aufîî la
être hors du femme ayant fes ordinaires, car ces fouillures étoient plus grandes que
celles qui venoient de l'attouchement d'un mort, puis qu'elles requeroient
des offrandes ôc des purifications par le fang , 6c que la fouillure par un
mort n'en requeroit pas. Si cela eût été il eût falu que prefque la nipitié
àes gens, & fouvent plus, eufiènt toujours été hors du Camp : c'efl-à-dire
hors de jerufalem, car félon la confiante tradition des Juifs, après le bâ-
timent du Tempic,Jerufâlem étant devenu ce que le Camp étoit au Taberna-
cle , il eût fallu que les femmes grolFes 6c les malades de flux, euiient été
fous dts tentes hors de Jerufalem : Or cela n'a pas d'apparence. C'eft
pourquoi c'eil fort à propos que les Juifs remarquent qu'il y avoit trois Camp*.
I. Le Camp des Sacrificateurs oij étoit le Tabernacle. 2. Celui des Lé-
vites qui étoit tout autour de celui des Sacrificateurs. 5. Et enfin celui du
Peuple. Après que le Temple fut bâti , le Parvis d'Ifraël 6c des femmes
répondoit au premier Camp. Le Parvis des nations ou la Montagne de
la Maifon étoit le fécond , 6c Jerufalem étoit le troifîéme.
I. Les lépreux étoient bannis hors de tous les Camps, cela eft certain,
on leur faifoit des tentes à la campagne. 2. Celui qui avoir un flux de
femence, pouvoit être dans le Camp du peuple, mais ne pouvoit appro-
.cher des deux autres; pareillement les femmes ayant leurs mois, 6c après l'ac-
rouchement: car elles fouilloient tout ce qu'elles touchoient. ^. Mais
\celui qui étoit fouillé par un mort n'étoit banni que du premier Camp, il
pouvoir être dans le Camp des Lévites, 6c dans le premier Parvis appelle
,des nations _j mais il ne pouvoit entrer dans le S^n chail. Il y a bien ap-
rence qu'en ^et toute la rigueur de la Loi s'obfervoit durant le féjour
.des Ifraelites dans le défert: car tentes pour tentes , ils étoient aufîî bien
fous des tentes hors dix Camp que dans Je Camp : Mais quand ils fu-
rent arrivez dans lu terre de Canaan, il eil alTûré que cela fe pratiquoit
•félon ce que nous en apprenons de la tradition des Juiis , 6c qui vient
d'être expliqué par les trois Camps.
Outre les grandes fouillures Légales qu'on peut appellerclTentielles, il y
en a d'autres accidentelles, 6c la première de celles-là efi d'avoir touché
un mort. Nous l'avons mife dans le Catalogue des grandes fouillures,
parce qu'elle tenoit en feparation fept jours du Parvis d'Ifraël: cepen-
dant elle ne doir être contée que pour une fouillure accidentelle , par-
ce que celles qui viennent du dedans font fales , réputées internes 6c ef-
featieiles , telles font la lèpre , la gonorrhée , l'accouchement 6c le flux
de
Des founlu-
rcs Légales
accidentel-
les.
ET DES CULTES DE L'EGLISE. Part.ll 369
<îe fang menilrual. z. La féconde fouillure accidentelle, c'ell d'avoir ^"'f- ï^
couché avec une femnae ayant ics mois, ce qui mettoit en feparation hors ^'*"
au Parvis des Sacrificateurs par fept jours, comme l'attouchement d'un
mort, mais ne feparoit pas du camp des Lévites, g. La troilîcme fouil- Lev.xî.v.y,
Jure accidentelle eft ceîle du flux de femence, qui s'appelle pollution en
fonge de nuit, ou par échaufFement d'imagination. Cette fouiliure ne
mettoit pas en feparation : il n'y avoit qu'à fe laver, on n'étoit fouillé *
que jufques au Soleil couché > c'eft de cette feuillure dont on veut qu'il
foit parlé dans le Deuteronome chap. 23. v. 10. 5'//^ a cjiHel(^ii'un d'entre
vous qui ne foit pas net, pour quel^jue accident qui lui foit arrive de nuit , lors il
fortira hors du Camp ÔCjc. 4. Il y a même apparence que tout flux de fe-
mence fouilioit l'homme , même dans les couches permifes , cela fe re-
cueille. I. du Levitique ch. If. 18. 2,. du commandement donné auPeu-
pleauch. i^.f. if. de l'Exod. Le Peuple étant prêt àentendrela Loyque
. Dieu vouloit prononcer de deflus la Montagne,il lui ordonne des'abflenir des 5
femmes. Celafe prouve auflî de la précaution du Sacrificateur qui difoit à 4.
David5avant que de lui permettre de prendre les pains de yro^oÇiûoii^les jeunes J'^""^ i'*'
gens au moins fe font- tls ah ftenus des femmes f La même penfée fe trouve chez les jiivenai
Payens, voyez Tibulle&Jùvenal. f.Laj''"^ fouiliure accidentelle arrivoit ^"'*'
quand on touchoit une bête morte, ce qui fans doute devoit être entendu ^^^-^ ^^
de la chair'd'un animal immonde, ou d'une bête morte d'elle même jdont le
fangn'avoit pas été tiré. Autrement les hommes, à qui la chair étoit permife,
cuflent été dans une fouiliure perpétuelle. Pour cette Ibuillure, on n'étoic
fouillé qu'un jour, & unfimple lavement en faifoit la purification. Mais
pour avoir touché un homme mort on étoit fouillé par fept jours.
6. Les autres feuillures accidentelles arrivoient, quand on touchoit à un i^vït. cj.
lépreux, ou à quelqu'un à(^s autres fouillez à qui la feparation étoit corn- ^°"^ ^''
mandée, même à celui qui étoit fouillé par un mort. Tout ce que ces
gens touchoient étoit fouillé , 6c celui qui venoit à toucher ce qu'ils avoienC
touché étoit fouillé pour un jour, & fe devoit laver avec de l'eau pure.
Quant aux vailfeaux, ceux de terre dévoient être caflèz & non puri-
fiez. Ceux de métal paflbient par le feu, ceux de bois étoient lavez > ôc
on faifoit afperfion fur ces deux dernières fortes de vaifleaux. Ces pol-
lutions légales paflbient d'un fujet à l'autre: un mort polluoit un homme
par fèpt jours , & les vaifleaux que cet homme touchoit étoient aufll im-
purs par fept jours, & l'homme qui touchoit ces vaifleaux étoit fouillé un
jour, & Cl un autre homme touchoit ce dernier homme, il étoit aufli fouil- Ainfwottiî
lé; & ainfi la pollution paflx)it de fuiet en fuief.cequireprefentoitlacon- '? Numéros
t.agiondu pèche: Ainh il ne taut pas s econnerli les Phànfiens quiecoient v. dernier,
grands obfervateurs des cérémonies, fe lavoient tous les jours quand ils
revenoient du marché ôc de la ville , ôc s'ils lavoient fi fouvent leurs vaif-
feaux , car il étoit comme impoflible que quelque fouiliure légale ne fût
arrivée jufques à eux: puilqitç le ieul attouchement des habits des touillez pro- '
duifoit la fouiliure. Ce qui n'étoit pourtant pas univerfellement vrai, caria
Loi de Dieu n'ordonne pas de poufler le fcrupule fi loin, ôc n'impofe la
neceflité de fe laver, qu'à ceux qui fans égard à la Loi avaient touché
une chofe fouillée. Ainfi un attouchement involontaire , mêm.e ians
s'en appercevoir, ne faifoiti pas fouiliure Légale: le péché confilloi:; pro-
prement dans le mépris de k Loy.
Tart. IL Aaa C H 4"
570 HISTOIRE DES DOGMES
CHAPITRE XXVL
^e l'Eau de jalonjie.
Nomb, y. 12. &c..
c
'Eft une trop grande affaire pour la pafler (ans en dire nn mot.
Les cérémonies pour la femme fufpe^le d'adukere font très am
long décrites au ch. 5:. des Nombres v. 12.. 6c fuivans. Il fuf-
$ra d'y faire ces obfervations.
I. Cette épi-euve ne fe pouvoit pas faire fur un fimple foupçon^
il faloit qu'il y eut des témoins qui euffent vu entrer la femme avec un hom-
me en lecret, & y demeurer affez long-tems pour être fouillée, & mê-
me il faloit qu'il y eût eu auparavant jaloufie. 5 & que le mari lui eiit dé-
fendu de parler à un tel, 6c de le voir en particulier, auquel cas bien
que fon père ou fon frère fuflent délateurs,elle étoit obligée de boire. Si le ma-
ri l'avoit vûë fêul , ou qu'il n'y eût qu'un témoin, il pouvoit lui donner
la lettre de divorce, mais non lui faire boire les eaux ameres. Il y a»
diversL canons dans la Tradition des Jtiifs là-deflus, oaîes trouve dans-
Ainfworîh, fur le Livre des Nombres f. 13. 6c dans Maimonides , dans
le traité Sotah chap. I . Et même (î une femme fe conduifoit mal, 6c que le
mari n'en fut pas jaloux, 6c ne s'en fût pas apperçû, 6c qu'après il en
fût averti, il pouvoit, difent les Juifs, lui donner la lettre de divorce,
mais non lui faire boire des eaux ameres.
eeremonies z. En quelque lieu que fût la demeure du mari ,. il amenoit fa femme
feTvoient ' ^^ J^g^î ^"^ aprés l'avoir ouï lui donnoit deux difciples de l'école, pour
quand on Ics accompagncr jufques à Jerufalem devant le gi-and Sanhédrin. On les»
drek's^eaux ^ccompagnoit ainfi, afin que le mari ne couchât pas avec elle-, car cela;:
îU jaloufie. n'écoit plus permis depuis le procez intenté.
3 . Arrivée qu'elle étoit au Sanhédrin , on lui faifoit dé terribles me-
naces 6c des conjurations de dire la vérité j' £ elle confeflbit y elle ne bû-r
voit pas, 6c, on rompoit le contraâ: de mariage. Si elle nioit 6c protef-
toit être prête à boire les eaux, on l'amenoit à, la porte de Nicanor 011^
du Parvis d'Ifraëlj fi die étoit vétuë de blanc , on la révétoit de noir,,
on lui Qtoit Ces anneaux 6c fes ornernens. On affembloit une grande^
compagnie de femmes i 6c même, fi les hommes y vouloient venir, ils le
pouvoienc 5 excepté les ferviteurs de cette femme. Le Sacrificateur lui
ôtoit fon voile , ôc lui déchiroit fès habits fur la gorge 6c fur la poitrine,,
jufques à l'endroit du cœur , on defarrangeoit fachevelure, afin que fes
che«'cux pendiflent fur fes épauks.
Nombres 4. Cette cau qu'on lui failbit boire efl appelléc faintc. Puis le- Sacri»
i'*i7 ^' fcateur prendra de f^eau fainte dans un vaijjeau de terre. Par. l'eau fainte les
Juifs entendent de l'eau prife du lavoir qui étoit dans le Parvis* On
en prenoit un demi-log contenant trois œufs. On y mêloit. de la coudre prife
di^
ET DES CUITES DE L'EGLISE. PartU. 371
dg dejfus le pavé du pavillon y Dans la fuice, après que le Temple fut bâti , le
fond étoit, ou de cèdre doré, ou de marbre j ils avoient laifléune pierre ,
de marbre, qui fe levoitavec un anneau, dans le lieu que nousavonsmar-
qué cy-deflus, favoir entre les deux portes qui fermoicnt l'entrée du Tem-
ple: Et delîbus cette pierre onprenoitdelapoudre, onla jejtoitfurrcau,
-& elle nageoit defllis: On ne laremuoit point, il faloit mettre la poudre
fur l'eau, non l'eau fur la poudre. Celaeft îi^^cWé eanx ameres ^ apparem-
ment parce qu'elles mettoient en amertume le ventre dé la femme, car au-
trement il n'y a rien d'amer dans la compoficion que nous venons de voir. Il
ell vrai que les Hébreux difent , que le Sacrificateur y mêloit de l'abfînthe,
du fiel, ou quelque autre drogue amerej mais la Loy n'en dit rien, on
fyrononçoit fur ce breuvage de grandes malediélions, & des conjurations ,
telles qu'elles fe lifent dans la Loy au lieu cité.
Si la femme étoit coupable, les Juifs difent ^qu'incontinent fon vifage de- Evenemew:
venoit jaune & pâle, fes yeux mouransj on la portoit hors du Parvis des mkacuieuic
icmmes , fon ventre s'enfloic , fa cuifle tomboit , & elle mouroit j & à l'heu- voit'àiï
Te même l'adultère mouroit auffi. Si elle étoit innocente, le vifage lui rêve- ^mmcquî
noit bon , fes yeux étoient brillans j G elle avoir quelque maladie, elle en étoit eaui ametcs,
guérie, elle concevoit facilement, ôc (î les travaux pour enfanter étoient
d'ordinaire grands, dans la fuite elle accouchoit facilement 6c fans peine,
'Il elle n'avoic eu que des filles , elle accouchoit de mâles. Si fon ventre Maïmoni-^
n'enfloit pas, 6c qu'elle ne mourût pas fur le champ, le mari étoit obligé desTtadt
de la reprendre, fût-il Sacrificateur, 6c encore qu'elle devînt malade d'u-ca°p.V
ne autre maladie , cependant elle n'étoit pas réputée coopable. Ligtfoot
fa|)porte pourtant, que, félon les Rabbins, l'efïèt de ces eaux ne
fuivoit pas toujours incontinent après les avoir prifèsi mais que cela venoit
quelquefois deux ou trois ans après j ce qui n'eft pas apparent. Ligtfoot
prétend qu'on forçoit à boire celles qui ne vouloient pas boire. Mais Ainf- Aînfworth
worth fur les Nomb. f . xo. cite les paroles des fuifs.qui difent, que quand une P'"- ''.*'''}.=
temrae nioit , oC cependant nevouloit pas bone, on ne la contraignojt point j eniûtera-
mais il étoit permis au mari de lui donner la lettre de divorce. Et fi fon mari t"i€.juif?€.
avoit couché avec elle depuis qu'elle avoit été furpriîêavec un autre, il
ne la pouvoit plus forcer à boire j En prenant fon doiiaire elle pouvoit fe
retirer , au lieu que fi le mari ne i'avoit pas touchée depuis qu'elle avoit été
iurprife avec un autre , cWq étoit renvoyée fans douaire, fi elle ne vou-
ioitpas boire les eaux de ialoufie. Il y avoit pourtant , difent-ils, desfem-„. , . ,
^ • ■,' ■ /JL-! \ r Singularité
mes quin etoient pas en état de boire les eaux ameres, encore que la fem- dansULof
me ôc le mari le vouluflènt j favoir, fi la femme ou le mari étoient, ou **"""*
aveugles, ou fourds, ou manchots j je ne fàurois deviner la raifon décela.
Ils difent encore , que fi une femme avoit été une fois jufli fiée parles eaux
dejaloufie, & que le mari devînt une féconde fois jaloux du même homme,
il ne pouvoit pas l'obliger à boire une féconde foisj mais il pouvoit lui
donner la lettre de divorce, ôcrenvoyer fans doiiaire. Mais s'il étoit ja-
loux d'un autre homme, il pouvoit l'obliger à boire jufques à plufieurs
fois pour differens hommes. ïls ajoutent, que quand le mari n'étoit pas
exempt du crime dont i4 accufoit fa femme , 6c qu'il fe fût fouillé de paillar-
di(è ou d'adultère, kseauxde jaloufie n'avoient pas de force fur la femme,
^ il ne devoit pas l'obliger à les boire.
t Au
j7i H I S T O I R E DES DOGMES
Au refte dans les iermens par lefquels on ajuroit la femme , on la faifoit ju-
rer, lavoir, fi elle n'avoit point connu d'autre homme étant en fiançailles,,
ou après être mariée , 6c en demeurant avec Ton mari : mais il ne pou voit pas
îb"[u''"'* l'^i'-i''^'' d^ Gonfefler fi elle avoit commis de crime devant Tes fiançailles,
ou après avoir été feparée de lui par divorce, & enluite reprife.
Cette ajuration s'écrivoit fur un parchemin vierge, mot après mot >
lettre après lettre. Elle devoitêtre écrite non par un liiaèlite ordinaire , ou
par un jeune Sacrificateur , mais par le Sacrificateur officiant , ôc avec une
cipece d'encre quiic pût effacer avec de l'eau, ainfi que la Loy porte, fans
laiifer aucune imprefiîon du caractère fur le parchemin. Cela fignifioit , (|ue
ces caraèleres eû'àcez entreroient en elle par malediètion , ôc que fon nona<
fëroit effacé d'Ifraël avec infamie, &au contraire, que fi elle étoit inno^
tente, toutes ces malediètions ne lui feroient pas de ihaL
#
CHAPITRE XXVIL
Des Cultes volontaires félon la Lojf^
Levit. 7. 16. 6c z 2,. 18. &c.
y
'Ufques ici nous avons parlé des fcrvices ordonnez par la Loy de Moyfcf
& aufquels tous les Ifraëlites étoient obligez. Avant que de finir il
faut dire quelque chofe de ces fervices que la Loy appelle volontaires,
nn"î3, 6c q^ue Saint Paul au fécond ch. de l'Epître aux Coloffiens appelle
©rifîne des Q^^ fervices Volontaires ètoient ceux aufquels on n'étoit point obligé
&des Pha- par la Loy ,^ oc que Dieu cependant acceptoit, oC trouvoit bon qu on lui-
ijfiens. rendît. Le ferviee qu'on rendoit à la Loy par obligation, s'appelloit chez
Ghijoub. les Juifs 3rJn debkmn , 6c celui qui le rendoit volontairement , a été nom-
mé par les Rabbins rrv\rh nui auBarmn legis : C'efl proprement cequ'on^
appelle aujourd'hui les oeuvres de [nrerogatim. Et ce iërvice volontaire
fous le fécond Temple donna lieu à uneConfrairie de dévots, qui fe for-
ma environ- le tem« àes Maccabées, ôc qui furent nommez, Hafiidéens,.
on^DH, frii^mifericord^s'^ 6c de ces Halfidéens fur la fin du fécond Tem-
chap, 2. pie vint la feâ:e des Pharifiens. Le premier Livre des Maccabées parle-
«-42. de ces Haffidéens , en ces termes , alors une (Compagnie d' Hajfidéens , cjPiifatfoient
profejfion de s'^ attacher au ferviee volontaire de la Loy , s'ajjemblerent vers eux,-
C'eft ainfi qu'il faut tourner ,^ 6c non comme nos Interprètes : Alors s''af-
fsmhla vers eux une Compagnie de 'juifs y les pins puijfuns d^Ifra£li^T.\iayay^ rZv
Kcrilulav) Tous ceux qui avoient volonté de tenir la. Loy. Il y a dans le Grec
£Kt(r/;^Ço7x^vo/ rœ vo>cf) y c'ell-à-dire, qui rendoient ce ferviee à Dieu, qui s'ap-
Ti Maccabées pelloit felon la Loy inào-zov, n3i3, volontaire5.6c qui ne fe concentoient pas de
2* des Mac- ^c qui étoit Commande. 11 eft parlé de ces mêmes. Haffidéens en d'autres-
aabéesch. lieux des mêmcs Livrcs. Ce font ces gens qui ont commencé d'établir le
corps decesceremoB!es5 6c.des traditions qu'on. a ajoutées a la Loy de Dieu^
doat:
ET DES CULTES DE L'EGLISE. Tart.U. 373
dont le culte Mofaïque fe trouva comme accablé,quand N. S, vint au mon-
de j car dans la fuite on entreprit d'enchérir fur la dévotion voloUairede
ces Haiîidéens j Et au lieu que dans leur Confrairie ils s'étoient chargez de
certaines dévotions particulières, qui confiftojent partie en oraifons , par-
tie en offi-andes pour les facrificcs, 6c pour l'entretien du Temple, on y
ajouta un grand nombre d'ordonnances, qui regardoient leslavemensdes
pots des châlits , ôcc. les dîmes des Jardins , réiargiffement des phy-
la6teres, ôc mille autres obfervations ruperllitieules que le Seigneur leur re-
proche, fans conter celles dont il ne parle pas, & que l'on lit aujourd'hui
dans leur Talmud. Outre cela, au lieu que ces obfervations au commen-
cement étoient arbitraires , on en fit des Canons 6c des Règles , on les
écrivit , 6c on s'obligea par engagement à les obferver.
Et de la fe forma la feéte des Pharifiens , qui s'appellerent o^nisj /è- voy scaliger
parati; parce qu'ils fe diftinguerent du relie de la Nation par un fervi- "'"^ i»x-
ce volontaire que la Loy ne commandoit pas y 6c ils portèrent ce fervi- llp'^Tz.
ce volontaire à ua fi grand excès de fuperflition, qu'il excéda de beaucoup oàginedcs
les cultes commandez par la Loy. Et en même tems ils attachoient un & Joiuq"uôi
fi grand mérite à ce fervice volontaire, qu'ils contoient pour rien le fer- les.j.ch.
vice qui fe rendoit à la Loy par obeilfance, 6c regardoient tous ceux qui tSe.^"^^"'^
fè contentoient de ce fervice dû à la Loy , comme la lie de la terre. Et
c'efi: à caufe de ce terrible orgueil, 6c de cette opinion de mérite, que
Jefus-Chrift prend à tâche de les foudroyer partant de maledidions > car
il ell bien vrai qu'il y avait entre leurs traditions des opinions 6c des maxi-
mes qui ruinoient la Loy, mais il eft vrai pourtant que la plupart de leurs
obfervations étoient indifférentes, 6c n'étoient mauvaiies que par l'opinion
du mérite qu'ils y attachoient , par le mépris qu'ils avoient pour la Loy,
en comparaifon de leurs obfervations volontaires, 6c pai- l'efprit d'hypocri-
fie dont ils étoient rejïiplis. Ce qui doit être foigneufement remarque pour
faire voir qu'il n'y a rien qiie Dieu regarde avec plus d'horreur dans les hom-
mes, que cet orgueil quUeur perfiiade que l'homme peur mériter de Dieu.
Mais quoi que ces fervices volontaires des Pharifiens 6c dés hypocrttes ^'^." ^^^^
fuffent defagréables à Dieu , cependant il eft certain que tout fervice vo- Ss Svi-
lontaire ne lui déplaifoit pas : Au contraire toute la Loy nous apprend que ces voiontai-
Dieu l'acceptoit, quand il étoit fait fuivant les règles qu'il ordonne.
Ce fervice volontaire fe divifoit félon la Loy en deuxeipeces générales: Etmêmes
L'une s'appeîloit offrande volontaire j 6c l'autre s'appelloit vœ^. Nous 5-°"'" °j^'
voyons ces deux efpeces diftinguées dans le ch. y. du Levit. v. 1 6./ lefacri- celles qui
^ce de fin offrande efi un vati ^ ou une offrande volontaire ^ 6cc. Ce fonciciles f!|?''^"^P""
différences du vœu 6c de l'offrande volontaire. toute raf-
I. Le vœu étoit toujours joint avec ferment 6c exécration, tellement ^f^]"^^^'
que rien ne pouvoit diipenier celui qui avoit tait un vœu légitime de s a- lontsiresjon
quitter de ce vœu ; mais pour l'offrande volontaire, c'étoit une fimple "]y^^°"'^^^_^"
promeffe,. ou plutôt une fimple intention de donner à Dieu 6c au Tcm- Tonne,
pie certaine chofe, ce qui fê faifoit fans exécration, 6c fans ferment, ^^^^^f^^
Tellement que l'on pouvoit changer de deffein fans crime, pourvu que&i'o
l'on en eût de bonnes rai Tons. Jenedoute.pasqu'il n'eût été permis de don- ^°^°^
ner à un pauvre fort necefliteux ce que l'on auroit deilinépourune offran-
de volonraire.au Temple, mais cela n'eût pas été permis d'une chofe vouée.
' ^ Aaa 2 C'eft
374 HISTOIRE DES DOGMES
Mâimonidcs C'cil poiH'quoi Ics Juifs difciit que celui qui avoit deftiné certaines bêtei,
''""*• /^ r ou ceriilne fomme d'argent pour une offrande volontaire , (î ces chofes
«p. t4. vendent a être dérobées, n etoit pas oblige de les remplacer , comme il
seft. 4- S' ^^^^i^ obligé de faire quand les chofes vouées avoieiit été prifcs , ou
perdues.
2. Les offrandes volontaires ne fe faifoient ordinairement à autre but
que pour témoigner une dévotion extraordinaire. Mais les vœux étoient
joints avec des prières , pour le fuccez d'un deiîëin que ron for-
moi t.
De quoi fe Ccs offiandcs volontaires fe faifoient de toutes chofes, argent, bêtes,
ftifoient les pofleffions , maifous 6cc. & fi c'étoient des bêtes, elles dévoient être fa-
voiootaires. crilïécs en holocaufte 5 fi elles étoient nettes & fans défaut, comme laLoy
les demandoit -, mais fi elles avoient des défauts , on les vendoit au profit
du Temple & des Sacrificateurs, c'eft félon cette diftinéti on qu'il faut en-
Levkique tendre ce que dit la Loy. Tft pourras bien faire offrande volontaire du bœpff
»i. v.-^^ ^^ ^^ ^^ menue bête ^ (Ufant fuperfimté ou défaut en fes membres. tJPKais ils ne
feront pas recevables pour le vœu. Cela paroit formellement oppofé à ce qui
fe lit dans le même chap. deux verfets auparavant, en parlant des offran-
v.^o. des volontaires , votis n'offrirez, aucune chofe qui ait tache, car cela ne feroh
pas recevable pour vous. Ce dernier paffage doit être entendu de ce qui (e
mettoit fur l'Autel j ces bêres ne dévoient avoir aucune tache. Le pre-
mier paflàge doit être entendu de celles qui avoient des défauts , qu'on
pouvoit donner pour être vendues au profit du Temple. Ainfi l'enten-
Maimonidcs dent Ics Hebrcux avec raifon j ainfi l'explique Maimonides , 6c il ajoute
^" "" 9'^'il n'étoit pas permis de vendre une bête entière provenuc d'oblatioa^
cap. s- volontaire, au profit du Temple, mais qu'elle devoit être facrifiée.
sea. 6. ■ Ces offrandes volontaires de bêtes nettes ne pou voient être offertes qu'en
holocaufte , 6c en facrifices de profperitez , Ôc non en ficrifice pour le
délit ou pour le péché : parce que ces deux efpeces de faciifices ne s'of-
froient que par ceux qui fe trouvoient engagez» dans quelques crimes.
Auquel cas leur offrande ne pouvoit plus être une oblation volontaire i
puisqu'ils y étoient obligez par. leur engagement dans quelque péché. Ces of-
frandes volontaires étoient offertes félon la dévotion des particuliers j mais
elles étoient en beaucoup plus grand nombre que celles du fervice ordinairCj
& du fervice commandé. Car aucun homme ne montoit en Jerufalem dans les
fêtes , qui n'offrît de ces offrandes , & outre cela on en offroit en mille occa-
fions particulières : cette grande multitude d'offrandes , que Salomon ÔC
les particuliers offrirent à la dédicace du Te:6ïple , étoient des oblations
volontaires, ôc qui n'éroient pas commandées par la Loy; car on n'étoit
obligé par la Loy précifément qu'aux offrandes que la Loy ordonnoit de
faire dans les Sabbats, nouvelles lunes, & fêtes, outre le facrifice continuel,
■& aux offrandes pour le délit , 6c pour le péché, félon les crimes que l'on
commettoit. On ne pouvoit pas même contraindre aux obiations pour le
. délit 6c pour le péché.
(■btaJier Mais il eftà remarquer que ces fervices volontaires n' étoient libres qu'à
SWient l'égard de la matière des offrandes 6c àcs fervices , 6c non de la manière
. l'égard delà OU de la forme J c'eft-à-dire, que Dieu ne permettoijc pas aux Juifs de lui
mJu deia^ rciidrc aucuH fervice qui ne fût ou commandé, ou permis dans la Loy. Par
foime. €Xem-
ET DES CULTES DE UEGLISE. P^^^.II.375
fxemple il n'étoit pas permis d'imaginer de nouveaux iacrifices, ni de nou-
velles cérémonies pour lervir Dieu j feulement Dieu trouvoit bon que
dans les lervices qu'il avoir ordonnez, on allât plus loin que les autres,
quand on y étoit porté par dévotion : Par exemple au lieu que l'ordinai-
re du peuple n'offi-oit des holocauftes & des Iacrifices de profperitez qu'en
certainstemsficen certaine quantité. Dieu agréoit la dévotion de ceux qui
ofFroiem des holocauftes & des facrificesde profperitez, & plus fouvent &. en
plus grand nombre que les autres. C'eil pourquoi le Seigneur Jefus-Chrilt
blâme fi fort les Pbarifiens, 6c condamne leurs fervices volontaires, parce
qu'ils prétendoient fervir Dieu par des cultes inouïs y, 6c que la Loy ne per-
mettoic 6c ne commandoit pas.
Cette obfervation eft importante pour difiinguer aujourd'hui le culte Qi'ei fevke
qui peut être agréable à Dieu, de celui qui ne lui fauroit pkire. Dans l'E- S agréable
glife Romaine on parle extrêmement des œuvres de furerogation , qui font J ^'«" '^J"*'
propremeat le fervice volontaire,6c l'on l'appelle è^eKo^pvia^iis-ic?, 11 ne faut pour- chiêtieos,
tant pas condamner abfolument toute ièeKoèpvf/.êia , comme lî Dieu abhorroit
tout fervice volontaire. Mais- il y faut pofer cette condition , que ce culte ne
foit pasinventé, inouï, non commandé de Dieu. Lors que le culte que l'on
pratique eil conforme aux loix divines , fi par dévotion on en fait plu&
que ce que Dieu commande précifément , cela ne lui peut déplaire. Par
exemple, Dieu commande la prière, fi par dévotion une perlonne donne à
ce faint exercice la plus grande partie de fon tems , c'eil un fervice vo-
lontaire. Car quand an ne prieroit Dieu qu'à des heures réglées, comme
les autres, on ne laiflèroit pas d'être dans la voye de falut ,. 6c de fatisfaire
au commandement de piùerj cependant ce fervice volontaire eft très agréa-
ble à Dieu. Donner l'aumône eft un devoir de necefiité. Mais donner .
tout fon bien aux pauvres eft un fervice volontaire, fans lequel on peut être
fauve, 6c qui cependant plaît à Dieu, quand la prudence accompagne la
charité. Mais celui qui de fon gré , 6c par un fervice volontaire fe
déchireroit le corps avec des lancettes , par mortification , 6c pour fajr.c
pénitence, comme faifoient les Sacrificateurs de Bahal 6c de Bellone, ne
feroit rien du tout d'agréable à Dieu , parce que ce culte n'eft ni com-
mandé, ni permis. En un mot tout fervice volontaire légitime fe doit te-
nir dans les règles 6c dans les bornes des parties du culte que Dieu auto*
rife, feulement il peut aller plus loin dans la pratique que ne fontles au'^
très hommes, 6c plus loin que Dieu neco m mande pour être fauve. Selon
cette règle, nous pouvons conclurre que tous les cultes volontaires de l'E-
glife Romaine font illégitimes , parce qu'ils font dans la matière , non^
commandez,; 6c même défendus pour laplûp^t, 6c irréguiiers dans la for-
me..
d tt A=
3-6
HISTOIRE DESDOGMES
CHAPITRE XXVIII.
*Des Feux.
I
SLechabitcs.
V. I. ôc foi
vans.
De la matie-
îe des fim-
ples vœux
5e de leur
■foîmc.
Le vit. vj, 6c Nombres p.
L eft fouvent parlé des vœux ^ans la Loy , fur tout dans les endrotts
citez dans le titre de ce Chapitre. On les peut divileren diverfes efpe-
ces, les uns regardoient rabilinence de certaines chofes, comme de vin,
d'une telle viande, d'un tel fruit ^cc. Tel-étoit l'abilinenceôc le vœu des
Y>u vœu des Nazariens dont nous aurons a parler dans un chap, à part. Tel étoit le
vœu des Rechabices qui avôient voué de ne boire jamais de vin , & d'ha^
biner toujours dans des tentes hors des villes: Il paroît par la manière dont
Jeremie parle des Rechabites, que ces fortes de vœux, quoi que ce fufîent
àts fervices purement volontaires, n'étoient pas defagreables à Dieu. La
plupart des vœux confiitoient en offrandes & en dons que l'on faifoit
a Dieu.
La matière àts vœux fe prenoit de toutes chofes , des liommes , des
bêtes, des fruits, des champs, maifons &c. comme il paroît par le vj,
chap. du Levitique. Les vœux qui confiifoient en dons 6c en confecra-
tions à Dieu, étoient encore de deux efpeces, la première efpeces'appcl-
loitfimplement vœu tî3, dont il eft parlé dans le chap. du Levitique que
nous venons de citer, depuis le verfet premier jufques au 27. la féconde
cfpece s'appelloit Cherem C3in,vœu par interdit, dont il eft parlé dans \c^
verfetsiS. ôcip. du même chapitre.
,La première efpece de vœu s'appelloit donc m3 vœi* {împlement,par lequel
on confacroit certaine chofe pour être fainte à Dieu, ôc pour être emplo-
yée à fon fervice. Et cela fe failoit encore de deux manières à l'égard àes
perfonnes 5 car ou bien on confacroit la perfonne pour la dévouer abfolu-
ment au fervice de Dieu , ou on la devouoit feulement pour en donner
au Temple le prix, félon l'eftimation qui en étoit faite par la Loy. La
mère de Samuel voua de la première manière. Elle dévoua le fils qu'el-
le demandoit à Dieu à fon fervice pour toute fa vie, ;r le donnerai a l Eter-
nel four tous les jour i ^u'il vivra. Mais le plus fouvent on vouoit feulement
les perfonnes, pour en payer l'eftimation félon qu'elle eft taxée au 2.7. du
Levitique. Un homme pouvoit fe vouer foi- même, fa femme, fesenfans,
6c (t.s ferviteurs en difant , le prix de ce e^ue je vaus , 0^ le prix de ce ^ut
ma. femm-e , mon fils (jr* mon [ervtteur valent , [oit fur moi. Après cela il étoit
obligé de payer aux Sacrificateurs , le prix félon l'eftimation de la
Loy.
Un homme pouvoit même en vouer un autrc, 6c dire, le prix d'huit tel
homme Çoit fur moy\ 6c il étoit obligé de payer l'eftimation de cç,x. homme
au Sanéluaire. On pouvoit vouer un Payen, en difant , le prix de cf Payen
mëmVua'' P'^^ f^^ ^°^- ^^^^s il n'étolt pas permis à un Payen de fe vouer foi-même
Payen.. pour
Vcy Mai.
m en ides
Traft.
cap. I. S. (5.
On pouvoit
vouer un
homme qui
n'écoit
ET DES CULTES DE L'EGLISE. Part.lL i-ji
pour payer le prix de Ton ellimation au Temple, encore moins étoit-il
permis au Payen de vouer un Ifraëlite.
Les perfonnes ne pouvoient être vouées avant l'âge d'un mois : car la
Loy ne met pas d'eflimatipn ni fur les mâles ni fur les femelles, que de-
puis l'âge d'un mois & au defl'us. Elle ne met d'eflimation non plus que
fur les mâles 6c les femelles , d'où les Rabbins concluent que les herma-
phrodites , ou les monftres, dont le fexe ell douteux , ne pouvoient être
vouez. Les perfonnes fe divilbient en quatre clalTes à l'égard de l'âge;
lo. depuis un mois jufques à cinq ans. 2o. depuis f. ansjufquesàzo. ^o- de-
puis 20. jufques à foixante. 4o. depuis foixante & au deffus. L'eflimation
de la première clafle étoit de cinq ficles pour les mâles, 6c de trois pour
les femelles; c'e(l-à-dire, de fîx ou fept livres pour les mâles, 6c de quatre
francs pour les femelles ; depuis l'âge de cinq ans jufques à 20. le prix
étoit de vingt ficles pour le mâle , 6c dix pour la femelle , un fîcle c'efl
environ un demi-écu, ce font dix écus pour les hommes, éccinq pour les
femmes. Depuis l'âge de 20. ans jufques à 60. le prix étoit cinquante ficles,
c'eil- à-dire 2f. écus pour les hommes , 6c la moitié, pour les femmes.
Enfin depuis 60. ans 6c au deflus, 15". ficles pour les hommes , c'ell-à-
dire,de -f à 8 écus, 6c 10. ficles, cinq écus pour les femmes. Il eil à re- Lcvit. 27.5.
marquer que fi les perfonnes qui s'étoient dévouées n'avoient pas cela d'ar-
gent, le Sacrificateur les taxoit félon leur bien. On peut obferver que Dieu Q«andics
ne met pas l'homme à haut prix; fans doute c'eftpour l'anéantir 6c l'hu- dévouée?
milier. Cependant les Rabbins difent qu'il faut diftinguer , entre efti- venoient 1
^nation 6c valeur ou prix , 6c que fi quelqu'un vouoit en difant , mon efii- Tuwûrpû
mation foit fur moi^ il n'étoit obhgé à donner que l'argent que Dieu or- lesprefentet
donne dans le Levitique. Mais que s'il difoit m»n prix fait fur moi , alore onnedcvok
il étoit obligé de payer ce qu'il auroit pu être vendu , dans le tems où l'on lienpomci-
vendoit les hommes à proportion de ce qu'ils pouvoient faire , 6c du fer- q"'onne fait
vice qu'ils euflent pu rendre. aucune efti-
Quant aux bêtes dévouées. Si c'étoient des animaux nets 6c propres homnwT*
pour le Sacrifice, on les facrifioit, c'eft- à-dire, qu'on les mettoit entre "o"- ..
les mams des Dacnncateurs , qui en diipoioient après cela pour les lacri- pany
fices du Temple, on les vendoient pour l'entretien du Temple , en cas "^* *' ^' *'
qu'elles n'eufient pas été vouées particulièrement pour l'Autel, mais fim-
plement en gênerai vouées à l'Eternel 6c au Temple. On ne pouvoit
pourtant pas offrir, c'eft-à-dire, vouer les premiers nez des bêtes nettes,
parce que fans vœu elles appartenoient à Dieu.
Pour ce qui eft des bêtes fouillées , elles étoient fujettcs au rachat , fé-
lon l'eftimation du Sacrificateur, excepté le chien, dont Dieu ne vou-
loit pas recevoir le prix. Tft n'apporteras point ennton San 6iu aire pour vœu^le Deatet.zu
. filaire de la paillarde , ni le prix d'^un chien. Sans doute à caufc de l'impudence ^^'
de cet animal. Il eft à remarquer que les bêtes fouillées , qu'on offroit
par vœu étoient abfolument aux Sacrificateurs pour en faire ce qui leur
fembleroit bon, c'eft-à-dire, pour les vendre au profit du Temple.
Mais fi celui qui avoit fait le vœu fe répentoit de s'être deiîaifi d'une Le vouant
bête qui lui pouvoit être utile , comme d'un bon cheval , ou d'un cha f^erfa Vê^ê
meau qui lui pouvoit être de fervice, il pouvoit racheter la bête , de la ouiamaifoiî
main du Sacrificateur; mais en payant le cinquième de l'eftimation qui ^nti^^J*"
Fart. II, B b b en q«iéme au
378 HISTOIRE DES DOGMES
idàdeia en avoir été faite par le Sacrificateur, au delà du prix entier de la bête,
juftc valeur, gj j^ ^^j-g ^toit eitimcc cinq piilolcs, il faloit qu'il payât les cinq piito-
les, êc encore une pillole de plus, pour punition de ia légèreté,^ de fou
reavis. •
Il en étoit de même des maifons & des champs, celui qui les vouoità
Dieu éioit oblige de s'en deflaiiàr au profit des Sacrificateurs ; mais s'il
avoit de l'aficâiion pour fa maiibn,. ou pour fon champ , il pouvoit les
retirer en donnant le cinquième du prix au delà de la valeur. Et même
fi les enians de celui qui avoit \oué vouloient retirer l'héritage, ils le
pouvoient faire iniques au jubilé, en payantà proportioiu de ce qu'il y avoit
d'années jui'ques -au Jubilé.
%. ECUS. Par exemple, fi un champ de l'éteixluë d'un orner de femcnce étoit
retiré l'année du jubilé même, il faloit donner fo. iicies pour le rachat,,
oc clix ficlcs pour le cinquième > mais fi celui qui vouoit, ou Tes enfans
pour lui , vouloient retirer cet héritage , la vingt-cinquiéme année après
un Jubilé, qui étoit if. ans devant le fuivant Jubilé , il faloit donner
pour le rachat zf.^ ficles,&:f. ficles pour le cinquième. Selon ce conte
dans l'année qui précedoit le Jubilé , on n'eût éxé obfigé de donner
qu'un ficle pour le rachat. Mais les Rabbins prétendent que le rachat
n'étoit pas permis qu'il n'y eût deux ans, de là jufques au Jubilé. AinS
il faloit tout au moins deux ficles pour le rachat d'un champ d'un bo-
rner, c'ell-à-dire , d'environ un aipeat &: demi de terre. Si ce champ
n'étoit pas retiré par le propriétaire qui avoit voué , le Threforiêr du
Temple le vciidoit à un étranger, foit qu'il fût parent, ou ne le fût pasj
même la fille, ou la fœur de celui qui avoit voué fon champ, étoit ré-
putée étrangère, parce que les femmes ne confervent pas le nom de leurs
tamilles.
Des mains de cet étranger le propriétaire le pouvoit encore retirer , pour
le prix de l'eilimation jufques au Jubilé. Mais fi le proptietaire laifiibit paf-
^. fer le Jubilé, il n'étoit plus reçu à retirer fon champ. Au Jubilé le champ
^ retournoit au Sacrificateur tans- rachat „comrae tous les autres fonds: Les
Sacrificateurs le poi^edoient en propre ,.fans que perionne fût en droit de
le retirer. Ils exceptent les Lévites ôc les Sacrificateurs > car celui d'en-
tr'eux qui avoit voué un champ, étoit toujours en droit de le retirer,
quoique le Jubilé fût paflc. 11 femble que delà fbit. venue la maxime du
droit canon d'aujourd'huy , ^ffe F Eglife tft toujours mineure. Les Rabbins
difent , que le champ revenoit au Sacrificateur , qui étoit en office la
dernière ieraaine de l'an du jubilé j en payant cependant y carie Tem-
ple ne perdoit rien j II ne pouvoit pofleder des fonds, comme aujourd'hui
les Eglites 6c les Monalleres en pofiédent.
te Temple Mais il faloit que les fonds confacrez demeuraient en propre à quel-
ne pouvoit qye Sacrificatcur, qui en payoït la valeur pour l'entretien du Temple,,
fonds en ^ & pour être mis au Threfôr. Si le champ confacré par un vœu n'étoit
fiopic. pji5 Jli fonds, & du Patrimoine de celui qui faifoit le vœu, mais un
champ acheté,, il n'en pouvoirvouèr que le revenu jufques au prochain.
Jubilé j parce que toutes les ventes de fonds , n'écoient que des engage-
mens qui ne duroient q^ie jilfques au prochain Jubilé. On ne pouvoit
■^ouër que ce qui étoit à foi,, c'elt pourquoi on.eftimoit ce que pouvoient
va*-
ET DES CULTES DE L'EGLISE. Tart.ll. 379
"valoir les recokes jufques au Jubilé, en cas qu'on le voulût racheter. Si-
non les Sacrificateurs en jouïflbient, ou en faifoient jouir un autre ,
au profit du Temple, & dans l'année du Jubilé l'héritage retournoit à
fon ancien maître, qui l'avoit aliéné. C'eft ce que difent les Rabbins pour
l'explication de ce que dit le chap. 27. du Levitiqu€,de la ran<5i:ificatioiï
des champs , donc le texte elt alFez oblcur.
CHAPITRE XXIX.
Des Vœux far Cherem ou far interdit: Vu Vœu de
Jephte,
L faut prefentement confiderer la féconde efpece de vœux, qui s'ap-
pelloit ain anathéme, interdit , 6c fur lequel la Loi du vingt-feptié-
me chap. du Levitique v. 28.29. ^^^- ^'' mulmerdit^ que quelque' un au^
ra dévoué a l'Eternel par interdit.^ de tout ce qui e]i a Im^ foit hemme , fait bè^
te , foit champ de fa pojfejfion^ ne fe vendra^ ni ne fe rachètera. Tout interdit fe-
ra îrés-faint a l'' Eternel. Nul interdit^ dedté par interdit d'entre les hommes^ ne
fe rachètera^ mais on le fera mourir de mort , ôc au v. 21. Et ce champ-lk
ayant pajfé le fubile\fera faint a P Eternel comme un champ d'aimer dit , il ne je
rachètera plus.
Premièrement cela fait voir que la matière des vœux d'interdit, ou d'a-
nathéme étoit abfolument la même que celle des fimples vœux j on pou-
voit vouer les hommes , les bêtes, les pofleffions, & les champs.
2,. Mais la grande différence entre ce grand vœu , & le fimplevœu,
étoit que la chofe vouée par anathéme, ne fe pouvoit racheter en aucu-
ne manière que ce fût. Si c'étoit une bête nette , il faloit qu'elle fût
facrifiée, fi c'étoit une bête fouillée, on lui coupoit la tête, fi c'étoit un
homme, on le faifoit mourir , fi c'étoit un champ, il demeuroit aux Sa-
crificateurs, fans pouvoir retourner au propriétaire ^ui l'avoit dé-
voué.
5. Ce qu'il y a de plus remarquable dans ce vœu , c'efl ce qui re-
garde les hommes , qu'on mettoit à m«rt fans mifericorde, quand ils
étoiènt dévouez par interdit. Ils ufoient particulièrement de ce vœu d'in-
terdit contre leurs ennemis: Lefquels ils vouoicnt de détruire par tznnà
l'interdit , fi Dieu les livroit entre leurs mains. Voyez-en des exem-
ples Nomb.2i.i2. Jofué. 6. 17. i.Sam.if.3.
Mais il eit à remarquer qu'ils pouvoient vouer de cette manière, tou-
tes les perfonnes qui leur appartenoient , femmes , enfans , ferviteurs , efcla-
ves, excepté les ferviteurs Hébreux, parce que cette fervitude n'étoit
pas un vrai efclavage , mais un fimple engagement de la liberté, jufques
au Jubilé. Et cet engagement ne donnoit pas aux maîtres pouvoir de vie
&: de mort fur leurs frères, qui étoient à leur fervice. Ce dernier arti-
cle, regardant le pouvoir qu'un père de famille avoitde dévouera l'interdit,
* ■ Bbb 2, ceux
;8o
HISTOIRE DES DOGMES
Du voeu de
Jephté.
Livre des
Juges chaf .
31.
Jephté fit
mouiii fa
fille.
Cberem.
ceux qui lui écoient fournis , en forte qu'il faloit qu'ils mouruflent fans
mifericorde, ell contcllc par les do6les. Mais nous en avons dans l'Hif-
toire de Jephté une preuve certaine. Jephté voua de facrifier la pre-
mière chofe qui fortiroit de fa maifon au devant de lui, (i Dieu luidon-
noit vidoire de fes ennemis, C'étoit un vœu d'^interdit : Sa fille fortit
malbeureufement pour lui. Il en fut vivement touché -, mais ne pouvant fe
relever de fon vœu, tl la i fit félon fon 'z/œ^,dit letexte. Jofepheau livre5. des
Antiquitez Judaïques chup. p. la Paraphrafe Chaldaïque , 6c les plus anciens
Doreurs Juifs, conviennent que Jephté fit mourir la fille, mais tous convien-
nent auffi qu'il fit mal, pour n'avoir pasbien entendu la Loy.Et un Commen-
taire Cabbalillique fur laGenefe , appelle Bereshtt Rabba , dit que Jephté 6c
Phinécs le Souverain Sacrificateur fe piquèrent de jaloufie l'un contre l'autre:
que Jepthé ne voulut pas aller trouver Phinées pour le confulter , parce qu'il
étoitéiû Prince du peuple. Et que Phinées fe fentant êt/e de la race Sa-
cerdotale êc Souverain Sacrificateur, crût qu'il fe feroit tort d'aller trou-
ver Jepthé, dont la naifiance n'étoit rien moins qu'illufi:re> & que cette
ridicule jaloufie coûta la vie à cette pauvre fille j parce que le Souve-
rain Sacrificateur, qui favoit l'efprit de la Loy, lui auroit appris qu'il n'é-
toit pas obligé à facrifier f^ fille. Mais tout cela eft fabuleux , cariln'eft
pas apparent que Phinées, par un faux point d'honneur, eût voulu laifler
périr une fille qu'il eût pu fi facilement fauver. Et en examinant le texte
de la Loy , nous ne pouvons pas trouver qu'il y ait aucun fens félon
lequel on ppuvoit {iiuver la fille de Jepthé.
La plupart des Interprètes ne pouvant fouffrir cette cruelle penfée
que Jepthé ait fait mourir fa fille unique, ni accorder cela avec ce que
l'Auteur de l'Epître aux Hébreux le met entre les grands faints , croient
qu'il ne la fit pas mourir; mais feulement qu il la confacra à une perpé-
tuelle virginité. Mais ces Auteurs n'ont pas afîez confideré, ni les circonftan-
ces du texte du livre des Juges , ni aflez bien compris la Loy du
C3-)n , par laquelle il eft évident ielon le texte ci-defius rapporté,! . qu'un hom-
me pouvoir vouer par anathéme, Din , de tont ce ^ui était a lui^fott homme^fott bê-
te, z. queîa chofe dévouée, foit homme, foit hèlc^ne fe pouvait racheter. 7^,
& enfin que fi une perfonne avoit été dévouée par interdit par un hom-
me en ayant 1^ droit , il faim cjue cet interdit d^entre les hommes fût mis a.
mon. Quant au texte du livre des Juges, il dit expreflement. i . Que Jeph-
té avoit voué de facrifier en holocaufte ce qui. viendroit au devant de
lui. Or confacrer à une virginité perpétuelle n'eft pas facrifier. Il eft
vrai que Jephté ne fit pas monter fur l'Autel le corps de fa fille, mais
en l'égorgeant pour l'accomplifiement de fon vœu , il en fit une efpece
de facrifice. 2. Le texte dit que \t% filles d'ifraël alloient tous les ans
pour lamenter la fille de Jephté. Pourquoi lamenter pour elle, fi elle étoit
feulement fequeftrée & non morte.'' ^. Le texte rapporte que Jephté
fut outré de douleur, quand il rencontra fa fille, & lui dit: Tum^ashn^
mtlie', tff es du nombre de ceux cjfti me troublent. Pourquoi une fi grande dou-
leur , s'il ne s'agifibit que d'une firaple fequeftration pour n'être pas ma-
iiée? Vu fur tout que la lignée du côté àt^ femmes n'étoit pour rien
contée chez les Juifs, ôc que Jephté ne pouvoit efperer de foûtenh' fai
maifon par les enfans de fa fille. 4. Le texte dit qu'elle demanda deux
mois
ET DES CULTES DE UEGLISE. Tart.ll, 381
mois pour aller pleurer fa virginité. Pourquoi pleurer fa virginité, lî el-
le étoit feulement condamnée à la garder éternellement fans fe marier ?
5*. Au refte c'eft une cliofe fans exemple que ces fequeftrations , èc ces
filles reclufes, la Loy n'en parle en fîiçon du monde , &: ce n'eft pas ainfi
que les perfonnes étoient fanâifiées à l'Eternel. 6. La fable d'Iphi-
genie, quiétoit deftinée à être facrifiée par foq père Agamemnon , efl
un^ autre preuve que cette fille a été véritablement facrifiée par Jephté. .
• Le nom 6c le tems s'y accordent, Iphigenie cil Veq^^iysveia-, fille de Jephté,
prefque fans aucun changement : Au refte nos Savans en Chronologie font
d'accord que Jephté & Agamemnon vivoienten même tems. LePoëte
pour l'embelliflement de fon ouvrage a emprunté ce grand événement
' de l'Hiftoiredes Juifs, & pour amollir la dureté de l'aéfcion il a feint un
enlèvement de la fille par Diane, comme les Interprètes ont imaginé ici une
fimple fequeftration.
Il refte à dire quelque chofe de ce qui étoit neceflaire pour la validi-
té de tous ces vœux, foit fîmples, foit par Dnn,foitd'abftinence,foit d'ac-
tion. C'efl le confentement ou exprés ou tacite des perfonnes fous la puif-
fance defquelles on étoit , les pères de famille étoient reputez maîtres
d'eux-mêmes, mais les femmes, ôc les enfans , encore moins les efclaves,
ne pouvoient exécuter un vœu que par le confentement de leurs fuperieurs.
Cela eil expofé fort au long dans le chap. 30. des Nombres. Mais fi le
maître, le mari, & le père ayant fu le vœu , n'en difoit rien, & ne le defa-
youoit pas exprcfiement, il faloit que le vœu s'accomplît. Les Rabbins
difent pourtant qu'un mari n'avoit pouvoir de rendre nuls , les vœux de
fa femme, qu'à l'égard de ce qui pouvoit affliger la perfonneôcla mortifier,
comme les jeûnes & les abftinences, & non pour autre chofe. Et ils ap-
puyent cela fur le v. 14. de ce chapitre. Mais cela n'a pas d'apparence, le
pouvoir du mari dans la maifon étoit trop grand, pour q-ue la femme eue
pouvoir fans fon confentement de difpofer de quoi que ce foit.
C H A P 1 T R E XXX.
Du Vœu au Nazareat.
Nombres 6.
CE voeu mérite un chapitre à part, puifqu'il fe faifoit avec plus de
pompe, & beaucoup plus de Cérémonies. Naz.Hrien fignifie fepare\
Jan5it/ie\ du verbe niJ , parce que ceux qui fe coniacroient par ce vœu^
étoient obligez à une très particulière àbftinence de tout ce qui eût été
capable de les fouiller.
Il faut voir premièrement de quel le Nazarien étoit obligé de s'abfte-
nir , puis nous parlerons de ce qu'il étoit obligé de faire. Car ce vœu con-
fiftoit, partie en abitinence, partie en aétions.
Durant tout le tems du Nazareat, l'homme ou la femme qui avoit fait chofes dons
Bbb 5 çgkNazaum
382 HISTOIRE DES DOGMES
fedcvoit ce vœu, dcvoit s'abftenir de tout ce qui provenoit de ia vigne , non feu-
îïatTeTœiI Icment du vin , mais du raifin cru ou cuit, & de toute liqueur dans
laquelle il entroit du raifin, de quelque manière ^que ce tût. La Loi
du livre des Nombres ordonne auffi qu'il s'abftienne decervoife ix^yqui
fignifie tout brûvage qui enyvre, comme l'hydromel, le cidre, & le jus
de fruits qui font capables d'enyvrer. Et le but de ce précepte femble
exiger cela , favoir que le Nazarien s'abftînt de tout ce qui eût pu trou-
Maimonides bler fa raifort, &: lui être en piège. Cependant les Rabbins définiflent la
té^Nlzi-"'^ chofe autrement, & difent que ièlon la Tradition , le Nazarien n'étoit
routhchap. pas obligé de s'allcnir de tout brûvage fort, comme de celui qui eft fait
s. seft. I. j^ dattes, & d'autres fruits j foit que le brûvage fût fimple ou compofé,
mais feulement de vin •& de toute liqueur, où il eptroitduvin ou des rai-
fins. Ils eftimoient même qu'il n'étoit pas permis au Nazarien d'être
en compagnie avec des gens qui bûvoient du vin , ni de paflèr auprès
d'une vigne.
, La féconde abflinence à laquelle il étoit obligé, c'eft qu'il ne lui étoit
pas permis de faire paflèr le rafoir fur fa tête, pendant tous les jours de
Ion Nazareat. Il devoit être rafé après avoir achevé fon vœu , comme
nous le verrons. Mais durant les jours du vœu , les Rabbins difent,
en expliquant la Loi, qu'il ne lui étoit permis de couper fes cheveux, ni
avec un rafoir , ni avec des cifeauîf , ni d'en arracher un feul. Les Rab-
bins exceptent quand il étoit neceffaire de fe rafer fuivant la Loi. Par
exemple il un Nazarien devient lépreux, & qu'il gueriffe de fa lèpre dans
les jours du Nazareat, il doit fe faire rafer le poil, félon que l'ordonne la
Loy de la purification de la lèpre. En gênerai ils difent, que les com-
mandemens afïirmatifs, qui ordonnent une aélion, anéantiflènt les préceptes
négatifs, qui n'ordonnent qu'une abftinence. Car fi le commandement né-
gatif eft contraire au précepte affirmatif , il faut faire le commandement
affirmatif , & négliger celui qui n'ordonne que l'abiHnence.
Levit, 14. La troifiéme choie dont il fe devoit abftenir, étoit de toucher un mort.
C'étoit une fouillure pour tout Ifraëlite, que de toucher les morts. Mais
cependant on n'étoit pas obligé de s'abftenir de rendre fes offices de cha-
^ rite aux morts. Seulement on en étoit quitte pour les purifications qui
fe faifoient félon la Loy. Mais pour le Nazarien, il ne devoit jamais pour au-
cune occafion s'approcher des morts, non plus que le Souverain Sacrificateur.
Et même les Juifs ajoutent qu'il ne devoit point mener deiiil fur les pcrfonnes
que la mort lui ravi{îbit,non pas même fur fôn père, ou fa mère. Cependant les
Rabbins apportent ici quelques exceptions, ils difent qu'ils ont appris delà
tradition , que fi un Nazarien en chemin rencontroit un mort, & qfu'il n'y eût
perfonnc pour l'enfevelir , il le devoit faire -, & que fi deux Nazariens , l'un
de 30. l'autre de 100. jours, (e rencontroient auprès de ce mort fansfe-
pulture, celui de ^o. jours fe devoit fouiller pour le mort, &que l'autre
en devoit être difpenfé. Quand le Nazarien fe fouilloit poitr un mort,
il étoit obligé de recommencer les jours & les cérémonies d'un autre
Nazareat , 6c tout ce qui étoit écoulé de jours , ne lui étoit pas mis en
conte. Il efl certain que le Nazarien devoit autant qu'il lui étoit pofiible
fe garentirde toute fouillure. Cependant il eft remarquable que la Loi
ne donne à aucune des autres fouilîures Légales, la vertu d'anéantir abfo-
kiment
ET DES CULTES DE L'EGLISE. Tart.ll. 3S3
lument les jours du Nazareat , qu'on pouvoir avoir accomplis , qu'à la fouil-
lure par un mort. Car elle ordonnoit que fi quelqu'un venoit à mourir Nomb. s,
fubicement auprès duNazarien, il recommençât lesjours de fa purification, '"
& quand même il n'auroit manqué qu'une heure, pour l'accomplifiement de
foH vœu de Nazareat,s'il venoit à être fouillé , il faloit recommencer tout de
nouveau , même qi|ind le Nazareat auroit étéd'unanjSilafouillure arrivoit
dans le jour auquel il apportoit les oblations de fa dernière purification , il fa-
loit au moins qu'il recommençât un Nazareat de ^o. jours , à ce que dit Mai-
monides. Mais dans les autres fouillures,il faloit que le Nazarien, durant qu'il
fe purifioit de fa fouillure , paiTât les fept jours de purification , qui ne lui
étoient pas mis en conte fur les jours de Ion Nazareat, &n'étoient contez
pour rien. Là Loi ne commande pas la même chofe pour les autres fouillures
Légales, que pour la fouillure pour un mort^ fans doute parce que la plu-
part ^toient mvolontaires, comme la lèpre,, le Hux de fang menftrual,
l'accouchement; Car par exemple quand une femme avoit fait un vœu de
Nazateat de huit mois, il étoit impoffible qu'elle n'eût fouvent lès mois, *
.& il étoit trés-dlificile que pendant ce tems elle ne devint grollè , 6c n'accou-
chât. Pour les autres fouillures , elles étoient trop j>eu confiderables pour
anéantir les jours du Nazareat. Cependant le Nazarien étoit obligé de fe
purifier de toutes ks fouillures gratides êc petites, comme les autres If-
raëlites félon la Loi. Seulement cela n'anéantiilbit pas les jours de fon
Nazareat, & il n'étoit pas obligé de recommencer tout de nouveau, com-
me quand il avoit été fouillé par un mort.
Ce font là les ahliinences impofées au Nazarien, & nous n'en lifons
pas ^d'autres. On ne lui impofoit pas la néceiîité du Célibat, l'abllinencedu chap. «.#,1^.
mariage n'était pas impoféeaux Nazariens, ni l'abllinence de la couche con-
jugale. Cependant c'étoit la. plus grande pureté que la Loi ordonnât, que
celle qui ell ici ordonnée aux Nazariens. .
Pour les chofes qu'il devoit faire , les voici, i . Il y a apparence qu'en
entrant dans le Nazareat il ufoit de quelques purifications, & même qu'il
fe rafoit, quoi que la Loi ne le dife pas exprefiéraent , & que les Rabbins ne
nous l'ayent pas remarqué. Néanmoins je tiens que cela paroît évidem-
ment par le ch.21 . des Âéles f. 24.011 il cft certain que les fr?res confeillerent
à 3. Paul de fe joindre à quatre perfonnes qui avoient fait vœu. Pren les
Ô" te fmtjïe ^ comrtba'é avec eux^ afin. eju*ib fe rafentlatàe , é'' ^ti£totisfacheHt
tjppil n*efi rien de ce dont ili ont été informez, de toi Ç^c. ^tAlors- Tant ayant ■
pris ces hommes avec foi, & Je jour fuivani s^ étant furifé avec eux .^ il en-
tra aft Tery7ple , denonç^.nî l'accon-'piifement des jo-ars de la parificaîtôn , juf
c^ues a. ce qt4e Poblation fut prefentée pour un chacun à^enx \ Et comme les
fept jours fe dévoient accomplir ^ certains fuifs d' Afte &c. Et au chap. 18-.
18. *du même Livre S* Luc dit que Paul fe fit rafer en Cenchrée , car U
avait un vœH. .
La purification de ces quatre hommes,. qui. fe font rafer Se qui offrent Kunèorr
des facrifices,&fe purifient par fept jours, eft la purification de l'entrée fç^"^"^^"*^
dans leur Nazareaiy ôc non de la fin; parce que le Nazarien ayant bien riin.scnen'
gardé fon vœu n'avoit pas befoin d'être purifié, puif(]u'ilétoit,pur. Auffi ]eur\'œf"^
Maimonides appelle les offrandes que le Nazarien offroit en fortantduNa- eroientobii-
zareat. !es offrandes de pureté, & celles qu'il offroit quand il étoit fouillé, |cano^!""°
ks offi-andes de purification , outre que la Loi du Livre des Nombres a"^ ficrifi-
*^ '' ^ , ces, & aie:
nor-ïâicr,.
384 H I s T O I R E D E s D O G MES
n'ordonne point de purification par lept jours à la fin du Nazareat, mais
feulement quand il etoit arrivé au Nazarien de toucher un . mort, il Re-
voit fe rafer &: fe purifier par fepc jours, ôc recommencer ainfi un nou-
veau Nazareat. Ce qui eil 'encore une preuve évidente que les Nazariens
dévoient entrer dans leur vœu par la rafure de leur poil , par une purifi-
cation de fept jours , 6c par le facrifice de êkux tourterelles ,
ou de deux pigeonneaux, l'un pour l'holocaufte, l'autre pour le pé-
ché : parce que les Juifs étoient comme neceflairement dans quelque fouil-
lure Légale j mêm» fans lefavoir, àcaufedes événemens inévitables. C'efl
pourquoi en entrant dans le Nazareat, ils dévoient commencer parla pu-
rification , afin d'être fûrement nets de toute fouillure. Ajoutez à cela
que la fouillure par un mort ne pouvoit pas mettre le Nazarien en plus
mauvais état, que celui auquel il étoit avant fon vœu, & proprement tout
ce que cette louillure Légale produifoit, c'eft qu'elle rendoic inutiïfctout
ce qui avoit été fait, & obligeoit à recommencer toutes les cérémonies
qui avoient été obfervées. Ainfi il eil évident que les cérémonies au Na-
zareat renouvelle, après la fouillure par un mort, étoient les mêmes qui
fe faifoient à la première entrée dans le Nazareat, 6c par Conféquent que -
le Nazarien des l'entrée étoit obligé de fe rafer.
La fouillure ou la fainteté du Nazarien fembloit être principalement
dans les cheveux. • C'eft pourquoi durant fon vœu il ne fe rafoit point ,
6c après fon vœu fes cheveux fe brûloient dans le Temple , comme étant
faints 6c confacrez à Dieu. C'eft pourquoi il n'y a pas d'apparence que
des cheveux, qui étoient crûs avant le vœu, fuffenteftimeznets. Comme
' on rafoit les cheveux au lépreux qui fe purifioit, aufii y a-t-il apparence
qu'on les rafoit au Nazarien au commencement de fon vceu , afin qu'il
ne lui reftât rien de la fouillure du monde. Mais ce que S. Luc dit, que
Aa. ï8.v. S. Pauly^jï^ rajer en Cenchrée^ parce quil avait fait un vœu, me paroît fans
^^" réponfe. Ce vœu ne pouvoit être autre que celui du Nazareat, il n'y
en avoit pas d'autre dans lequel on fe fit rafer, 6c l'opinion de Diodati
que ce vœu étoit difterenc de celui du Nazareat , 6c tiroit fon origine
de quelque traiJition Judaïque , n'eft point du tout vrai-femblable. Il n'y
a pas d'apparence que S. Paul eût fuivi des pratiques qui n'euflent pas
eu de fondement dans la Loi, lui qui travailloit fi puifiamment à abolir
l'ufage des cérémonies Légales. Cette rafure ne pouvoit pas être celle qui
fe faifoit à la fin du -Nazareat , car celle-cy fe devoit faire dans le Tem-
ple, comme nous verrons : 6c c^lle de S. Paul fe fit à Cenehrée , le Port
de la ville de Corinthe. C'étoit donc cette rafure qui fe faifoit au com-
mencement du vœu du Nazareat: 6c on. pouvoit la faire par tout,puifque
les cheveux ne dévoient point être brûlez au Temple, mais ent^Tez,
comme les Rabbins reconnoiflent qu'on enterroit les cheveux de celui ,
qui par l'attouchement d'un mort avoit interrompu fon Nazareat , de for-
te qu'il étoit obligé de le recommencer: le premier vœu de S. Paul n'eft
pas le même que celui dont il nous eft parlé au 21. des Aéles, qui lui fut
Aa. 18. confeillé par S. Jaques. Car dans le même chap. 18. il eft dit que faint
Paul la même année fe trouva à la Fête à Jerufalem, où il accomplit fans
doute les cérémonies de fon vœu , ce qu'il n'avoit pu faire à Cenchrée^
C'eft qu'il oftrit alors les viétimes qui étoient neceflâires pour la purifi-
cation dans fon entrée au Nazareat. Car en entrant dans le vœu , il n'é-
toit
Et DES CULTES DE VEGLl SE. Part AL ^8f
toit pas néceilaire de fe faire rafer à Jerufalem , & on pouvoir même
4ifferer les Sacrifices de la purification jufqu'à ce qu'on fût à Jerufalem.
Ainfi je conte que les cérémonies, que la Loi commande au 6. des Nom-
bres V. p. 10. II. 12. pour la fouillure par un mort, font les mêmes qui s'ob-
fervoient aufîi dans l'entrée du Nazareat , favoir i . qu'on fe purifioit par fcpt
jours. 2 , Qu'au huitième jour on apportoit deux tourterelles, dont l'une étoit
•offerte en holocaulie , & l'autre pour le péché. 5 . Que le premier de ces fept
jours de la purification on fe fa'ifoit rafer. 4. Qu'on venoit déclarer au Sacri-
ficateur le nombre des jours pour lefquels on fe vouoit , & ilfeparera k l" Eter-
nel les jours de [on Naziareat. v. 12. f . Enfin il offroit pour le délit un agneau
d'un an. C'étoient là les chofes qui s'obfervoient quand on recommençoit
le Nazareat, après une pollution qui en avoit anéanti tous les jours déjà ac-
complis. Orileftplus que vrai-femblablc, que c'étoient les cérémonies ne-
ceiraires pour commencer, aufii bien que pour recommencer le Nazareat.
Cela doit être remarqué à caufe du filence des Auteurs ôc des Commen-
tateurs là-deflus.
Pour ce quieftdela conclufion de ce vœu, les cérémonies nous en font
cxpreflement recitées dans le 6. ch. du Livre des Nombres ^. 13.& fuivans.
On amenoit le Nazarien à la porte du Tabernacle. Quand le Temple fut
bâti , les Rabbins difent que les cérémonies fe faifoient dans le Parvis àts
femmes, dans une chambre qui s'appelloit des Nazariens, bâtie au coin
Sud-Eft de ce Parvis j où l'on faifoit bouillir la chair du Sacrifice de
prolperitez du Nazarien. Là dedans on le rafbit fans lui laifier un feul
^cheveu , car les Juifs dilênt que fi on oublioit feulement deux poils, il fa-
loit laiiîer recroître tout le refte des cheveux & les recouper. Mais
avant qu'on rafat le Nazarien, il devoit amener Ces victimes à l' Autel, &
les faire facrifier , favoir un agneau d'un an fans tare pour l'Holocaufte ,
un agneau femelle d'un an aufîi pour le péché, & un mouton pour le fa-
crificc de profperitez, avec leurs gâteaux ôc leurs afperfions ordinaires-, fé-
lon les Loix des facrifices. Après cela, pendant^qu'on faifoit bouillir la chair
"du facrifice de profperitez dans la chambre des Nazariens, on rafoit ce-
lui qui fortoit de fon vœu, ôc on jettoit fes cheveux dans le feu, 011 bouil-
loit la viande, comme étant fanétifiez à Dieu: Après CQg facrifices le Na-
zarien étoit délié, & pouvoit boire du vin. Au relie toutes ces cérémo-
nies de la fortie du Nazareat fe faifoient en un feul jour, & non en feptj
c'eft pourquoi les fept jours de la purification de S.Paul au 17*»^. des Ac-
tes, ne peuvent être entendus de la fortie du Nazareat , & par confèquent
c'eft de l'entrée.
La Loi ne nous marque pas précifèment, quelles étoient les peines de -"^^ P^'^^^
ceux qui violoient quelques-unes de ces ordonnances du Nazareat. Mais étoient fou-
les Rabbins v ont fuppléé. Nous avons vu que quand il venoità fe fouil- misceuxqw
1er par un mort, il devoit commencer tout de nouveau: même peifte ne ks Loix de
lui étoit pasimpofée, quand il manquoit à obeïr aux deux autres comipan- "
démens d'abflinence qui lui étoient impofez, favoir de s'abftenir de vin,
& de ne fe pas faire râler. S'il lui arrivoit de boire du vin nonobftant
la dèfenfe, il devoit être châtié de coups de verges par le Magiflrat, mais
il n'anéantifîbit pas les jours de fon Nazareat: on lui tenoit conte de tous
ceux qui étoient palTez. S'il coupoit des cheveux de là tête, il n'a-
néantiiToit pas les jours de fon Nazareat. On lui tenok conte de ceux
Fart. II. * Ccc qui
leur Naza-
teat.
^U HISTOIRE DES DOGMES
qui étoient écoulez: Mais il Hitoit qu'il laiflat palier :5Q. jours, dont on
ne lui tenoit pas coate -, jufques à ce que les cheveux t'uficnt revenus , ôc
alors il rentroit dans l'accompliUenient de Ton vœu, en contant les jours
• écoulez avant qu'il eût violé la déFcnle de ne pas couper Tes cheveux, &
durant ces 30. jours, qui ne lui étoient pas contez, il étoit cependant obli-
gé à garder les loix du Nazi'reat,& outre cela il étoit battu de verges par
le Magiltrat, pour avoir violé Ton vœu en coupant Tes cheveux.
Direrfcs eu- Le nombre des jours de ce vœu ne nous eil pas marqué par la Loy.
riofuezti- Alîurément il étoit remis à la liberté de chacun de s'ailreindre aux obier-
tradition vations du Nazareat , pour autant de tems qu'il lui plaifoit. Voici ce
des Rabbins q^ic nous apprcuons des Rabbins là-deflus. C'ell que le Nazareat éroic
touchant le « . f i . .... . '
Njzârear. Ordinairement de 30. jours, amh celui. qui- vouoit en gênerai cevœu, lans
Maimonidcs détînir le nombre, étoit obligé à ce nombre de 3p. mais il ne pou voit en-
N^ïre'*" prendre moins. Car c'étoit le terme le plus court, & û par ignorance il-
ship. 3. ' ne fe fût voué que pour un jour, ilialoit pourtant qu'il accomplît fes 50. jours*
Mais il lui étoit libre de faire ce vœu pour plus de tems > pour 40. fo,
60. 100. 1000. jours. Si quelqu'un s'obligeoit à obferver de fuite deux Na-
zareats, trois Nazareats,, ou plus, fans définir le nombre de chacun , il
n'étoit obhgé de donner à chaque Nazareat que 50. jours , &: au bout de
chaque trente jours, il fe faifoit râler & purifier i 6c offroit les facrifices
tout de nouveau^ jufques à ce que le nombre de fes Nazareats fût accom-
pli. Au lieu que celui qui ne vouoit qu'un feul Nazareat , mais de cent
ou de deux cens jours, n'étoit obligé qu'à une feule offrande &; à une feu-
le purification, pourvu qu'il ne fe fouillât pas durant fon Nazareat. On ^
pouvoit même être Nazarien toute fa vie, 6c vouer l'obfervation des règles
pour le relie de fesjpurs. Celui qui vouoit d'être Nazarien un jour de-
vant fa mort, ne pouvoit plus boire de vin,, ni toucher les morts, ni
couper fes cheveux le relie de fa vie.
Ily-avoit, difent-ils, cetre différence entre celui qui étoit Nazarien pour
toute fa vie, & celui quinel'étoit que pour un tems déterminé, c'ell que
celui qui ne l'étoit que pour un tems déterminé n'avoit pas la permiffion
de couper fes cheveux , quand même le tems de fon Nazareat auroitété
de 10. & de 3p.^ans. Mais celui qui étoit Nazarien à perpétuité pouvoit
faire décharger fa tête tous les ans une fois , en offrant au. Temple trois
bêtes pour fi rafure, félon la Loy.
Ils djfent avoir appris de la tradition qu'Abfçalom étoit Nazarien a per^
petuité,, ÔC que c'eit pour cette raifon qu'il fe faifoit tondre tous les ans,,
comme nous le lifons dans fon Hiftoire. Il y a bien apparence qu'ils di-
fent vray à l'égard de la liberté que le Nazarien perpétuel avoit de fe faire
râler une fois l'an. Mais ce qu'ils ajoutent qu'Abfçalom étoit Nazarien
perpétuel n'efl point apparent.
De* ces Nazariens perpétuels quelgues-uns fe devouoient eux-mêmes ,
les autres y étoient dévouez par leurs pères & mères , Se les autres enfin y
étoient extraordinairement appellez.de Dieu dés la naiffance. Il yen avoit
du premier ordre affûrément en alfez grand nombre entre les Juifs: Sa-
muel étoit du fécond, fa mère l'avoit voué avant qu'il tût conçu. Et enfin.
Samibn étoit du troifiéme ordre, appelle extraordinairement de Dieu au-
Nazareat perpétuel. Cependant les Rabbins difent , par je ne fai quelle
tiaditior^, que Samfon n'étoit pas abfoiument Nazarien. attaché à tous les-
de-
2: Samuel"
ph, 14. 26.
T. Samuel'
Il II.
ET DES CULTES DE UEGLISE. TartAl. 3S7
«ievoirs du Nazareat. Il étoit aftreint à ne point boire de vin , 6c à ne pas
laifTer monter le rafoir fur fa têtCi mais il pouvoit fe fouiller , difent-ils,
|)our un mort. C'eil pourquoi ceux qui vouoient & qui difoient, je veux être
Nazarien comme Samfon, n'étoient aftreints qu'à l'abftinence du vin, & à
ne fe pas laiffer couper les cheveux. Cette tradition n'eft pas à méprifcr, un
homme de guerre comme Samfon, ne pouvoit être aftreint à ne pas toucher
aux morts. Cependant les Juifs difent que quand le Nazarien à perpé-
tuité tomboit en quelque fouillure involontaire , il étoit obligé de
faire pour fa purification tout ce que nous avons dit que les autres fai-
foient. Par exemple, fi un homme mouroit auprès de lui, ou qu'un Paycn
par contrainte le fouillât par l'attouchement d'un mort, il falbit qu'il fe
fît rafer & purifier tout de nouveau , félon la Loy donnée au fixiéme des
Nombres.
CHAPITRE XXXI.
^£S Teines aufquelles étoient fournis les Violateurs de la Loy.
LEs peines font le foûtien des loix, min^ ji^D, la haye de la Loy,
difent les Juifs ; c'eft pourquoi pour mettre la dernière main à ce trai-
té, il y faut dire quelque chofc des peines dont on puniflbit les vio-
lateurs des précédentes ordonnances. Comme nous n'avons point parlé
des loix morales & civiles , il ne s'agit pas ici des peines que meritoient &
recevoient ceux qui les violoient^ mais feulement des pemes dont on châ-
tioit ceu"x qui pechoient contre la Loy ceremonielle.
La première étoit la feparation , ou l'abftention des chofes facrées , qui La repa»-
à proprement parler n'étoit pas une peine. Car toute peine prefuppofe témion *^°
un crime j mais la fimple feparation ne fuppofoitpas un crime, commt première
nous allons voir. Il n'étoit pas permis à tout le monde d'entrer dans le fj^ ^^'
Temple , ni de participer aux facrifices , ni de célébrer la Pâque. Pre-
mièrement en gênerai tout incirconcis ne pouvoit avoir part au Culte
divin, foit qu'il tût Payen, foit qu'il fût Juif. Secondement toute perfoniie
qui étoit dans les ibuillures légales félon la Loy des Nombres chap. 5. 2.
Tout lépreux.) tout homme découUnt^toHt homme fomllé par un mort ^ foit mis hors
du camp j & il ne leur étoit permis de prefenter leur facrifice , qu'après
leur purification félon la Loy, ainfi que nous l'avons expliqué ci-def-
fus.
Mais ce qu'il y a de furprenant, c'eft que la Loy n'ordonnoit pas pour Les crimcl
les crimes ôc pour les foui Hures morales, cette feparation ôc abftention des ^e'at^™s"
chofes facrées, qu'elle ordonnoit pour \e.s fouillures légales, qui n'étoient pas ne foûmet-
mêmedes crimes. Car avoir touché un mort, être lépreux, aune femme "s coupables
avoir fes ordinaires, 6c accoucher, ne font rien de criminel : Il faut donc bien à lapeinede
diftinguer entre. les fouillures légales , & les fouillures criminelles. Les ^^^"*'^°"'
feuillures légales n'étoient pas criminelles -, & tout péché contre la Loy
ceremonielle, même le plus grief, n'emportoit pas fouillure légale. Caries
violateurs de la Loy, tant morale que ceremonielle, n'étoient pas mis en
feparation: Il leur étoit permis devenir au Temple, apporter leurs offran-
Ccc a, des
388 H I S T O I R E D E S D O G M E S
des pour l'expiation de leurs péchez. Comme cela le voit dans le 5. êc le
6. cbap très du Levitique, où Dieu ordonne à ceint qui aura jnré témérairement ,
k celni cjtti aura retenu quelque chofe fainîe , & ne Paura pas donnée au Tem-
tle ^ a celut qui aura me un dépôt , d'apporter leur offrande pour fexpiation de leur
crime. Entre ceux qui dévoient s'abllenir de manger l'agneau de Pâque y
les Juifs content ceux qui étoient fouillez de diverlesibuillures légales, ainfî
Comment qu'il a Clé expliqué dans le chapitre de la Pâque } mais ils n'y content pas
Se pourquoi les hommcs qui étoient coupables des crimes les plus énormes , par la
bi«de^cii- violation de la Loy Ceremonielle, ou delà Loy Morale. C'eft une cir-
mes n'é- conikoce , doHt les parrifans d'Éralle , qui nient que l'Eglife foit en
fïjm fuT pouvoir^'éloigner les pécheurs des Sacremens, tirent un grand avantage.
peines Le- Qj-^ j-j^ |eur doit pas nier cette vérité, que la Loy n'ordonnoit aucune peine
gales, eu Ec- ,^,. fnvi- ' C - inr i ^ r r •
skiiaftiques. Eccleiîaftique, c elt-a dire, aucune lepai-ation del ulage des choies laintes,
à ceux qui étoient coupables de crimes. Mais il faut leur nier la eonféquen^
ce qu'ils en tirent, c'efl qu'il ne foit pas permis à l'EgUfe Chrétienne , d'é-
loigner les impies des Sacremens. Voici nos raifons.
La Loy n'ordonnoit aucune peine Eccleiîaftique aux prévaricateurs ,,8c
aux violateurs de la Loy, parce qu'alors la Repubhqueôc l'Eglife étoient
confondues , & Dieu avoit ordonné des peines corporelles pour les cri-
minels. C'eft pourquoi, afin de ne pas violer la règle ne bts in tdem , Dieu
vouloit qu'on les regardât comme fufïifamment châtiez par ces peines cor-
porelles. Après tout , pendant que ces gens coupables de grands crimes^
étoient in reatu , on n'avoit pas befoin de les éloigner du Temple 6c des
ehofes facrées, puis qu'étant ou fugitifs pour éviter les peines qu'ils euftent
dû recevoir, ou prifonniers entre les mains des Juges, ils étoient neceflai-
rement fequeftrez du commerce des hommes , & privez de la participa^
tion aux ehofes faintes. Au refte, comme toutes ehofes étoient typiques
fous cette alliance y ce que les iouillurcs légales éloignoient les hommes de
la participation aux ehofes faintes , cela nous apprend que fous le Nou-
veau Teilament, nous devons éloigner de la participation, ceux qui fonE
dans les fouillures morales , dont les fouillures kgales étoient les ty-
pes.
3ous k pre- Quoi qu'il en foit il eft certain , que fous le premier Temple, c'eft-à-
^'"elTi" ^'^^ ' jufques à la captivité de Babylone, les violateurs de la Loy,. tant Ce-
nesétoient remonielle que Morale, étoient punis de peines adminiftréesparleMagif-
mbSrée's ^'^^ ' ^ ^^^ pcincs étoicnt ou pécuniaires ou corporelles. Nous avons quan-
par le Ma- tité dc loix qui Ordonnent dts amendes pécuniaires aux violateurs de la
D?s"amen- ^^Y' ^^^ exemple la Loy ordonne dans le 22. chap. v. ip. du Deute-
despecu- roHomc, quc cclui qui aura fauflcmcnt accuféla femme de n'être pas vier-
aiaiies. g^ quand il la prife, foit condamné à cent pièces d'argent au profit du père
de la fille. Celui qui avoit retenu les choies fanéi:ifiées, foit les dîmes de
{on. revenu, foit les ofti-andes volontaires, & qui en avoit fait profit, de quel-
que manière que ce fût, étoit obligé de reftituer le principal , & pour
amende pécuniaire d'y ajouter la cinquième partie du tout , comme l'or-
donne le ch. f. du Levitique V. if . i5. Ces deux exemples fuffifent5pris
Tun de la Loy Morale , & l'autre de la Loy Ceremonielle..
Des peines Quant aux pcincs corporelles, la Loy ordonne le fouet & la mort, félon
quiuTiHp^* diverfité des péchez. Il y a.voit quatre efpeces de fupplices capitaux,
ufitez
ET DES CULTES DE UEGLISE.P^rMI. 389
ufitez entre les juits, i. le lapidemenr, z. l'occiiion par l'épée, 3. bru- piîcescjpî-
Icr au feu , 4. & étrangler avec une ferviette. Car pour la crucifixion, par pa"m"^ic\^
laquelle Nôrre Seigneur fut mis à mort, c'étoit un fupplice des Romains. Juifs.
Il ell vray que les Hébreux pendoient au bois j mais c'ctoit une dépen-
dance du fupplice de lapidation principalement. Quand un homme avoit '^°y ^*'"
' '1 .j' *^ / if/ / -1 1 • 1- ■ 1 1 • r I t 1 monides
ete lapide, ou tue avec 1 epee, ils lui lioientles deux mains enlemble, plan- Sanhediio
toient un bois tout droit, d'où fortoit un autre bois de traverfe j ils paf- f^^'^^'
foient ce bois traverlant entre les deux mains du mort , & le laiiToient pen-
dre là jufques au foir. Car laLoy défend delailTer paflerla nuit à un corps Deuteron.
pendu ; elle ordonne de l'enfevelir le même jour 5 fi l'on eût pendu lè '^•^^- ^'^ *»»
patient à un arbre vif, il eût falu couper l'arbre, & l'enterrer avec le mort,
c'eft pourquoi ils plantoient un bois mort en terre. Et même pour cou-
vrir abfolument le péché du défunt, & comme pour en abolir la mémoire,
on enfevelifîbit, à ce que dit Maimonidcs, l'épée avec laquelle on l'avoir
mis à mort, la pierre avec laquelle il avoit été lapidé, ou la ferviette avec
laquelle il avoit été étranglé.
Comme les fupplices capitaux ne tomboient que fur ceux qui violoient
k Loy morale, 6c qui étoient coupables de blafphéme , d'idolâtrie , d'adul-
tère, de meurtre, d'avoir maudit père ou mere,6cauffi pour la violation du
Sabbat, il ell moins necelTaire que nous pariions plus amplement de ces
fupplices. Mais il y en avoit un dont il étoit fort ordinaire de châtier ^°y Matth,
ceux qui violoient les Cérémonies ; c'eft de les battre de verges. La Loy 2°Cor.' «. s,
au Deuteronome ordonne ce fopplice contre celui qui fera jugé avoir ol- ^^-^s-
fenlé fon frère, ôC qui fera déclaré méchant en Juflice. Si le méchant a Jîf fo^-'"*,
mérité d'être battu^ le fuge le fera, jett^r par terre^ & battre de verges devant foy ,^ ' ■
félon l' exigence du cas^ par certain nombre de coups ^il le fera battre de ^o. coups, Chzj^.ij.z.j.
^ non plusy de peur que s'' il continue a le faire battre de plus de coups , la playe ne
fiit excejjive, & que ton frère ne devienne vil devant tes yeux. En exécution,
& en interprétant cette Loy, les Juifs difoient que tout homme qui vio-
loit un Commandement négatif ou prohibitif, & que de là s'enfuivît une
aélion ôc violation d'un Commandement, meritoit d'être ainfi battu. Par
exemple celui qui violoit la défenfe de ne point manger du fang , de la
graiiTe, 6c du pain fevé à la fête de Pâque, meritoit d'être battu,àcaufe
qu'en violant C€S défenfes, il faifoit une aétion pofîtive qui violoir la Loy,
Pareillement celui qui mangeoit des premiers fruits 5 ou quand un Prêtre
dans la fouillure mangeoit des offiandes, <]ui n'étoient que pour ceux qui
étoient en pureté j ou lors qu'un homme mangeoit le chevreau bouilli dans
le lait de fa mère. En un mot toute tranlgreffion d'une défenfe qui fe fai-
foit par une aélion , & non par fimple omiffion. Mais la violation des
Commandemens négatifs qui fe faifoit fans agir & en ne faifantrien, com-
me d'écouter une médifance ôc de la recevoir, ne meritoit pas la peine du
fouet.
Ils difoient auffique l'on ne battoir pas de verges les coupables, pour des
crimes qui dévoient être punis par la mort, ni ceux qui dévoient être re-
parez par argent y comme le vol.
Quand il y avoit plufieurs ehofes diftinftes défendues dans un même
Commandement , & qu'on violoit le Commandement, on étoit fujet à
être battu, autant defois qu'il y avoit de ehofes défendues, quoi que cène
Ccc X fût
590 HISTOIRE D E S D O GM E S
tût qu'une feule dcfcnfe. Par exemple il étoit défendu de manger avant
LeTit.ij. l'offrande des premiers fruits, qui fe faifoit à Pâque, ni pain ^ mgrainrêtiy
»4' ni graim en épi ^ quoi que ce fût une feule défenfe, elle comprenoit trois
choies, 6c qui mangeoit Tune de ces chofes mcritoit d'être battu. Ils
ajoutent que l'onencouroit le châtiment du fouet pour les péchez, qui de-
vant Dieu mentoient la peine de ni3 , ou de retranchement , fans mériter la
mort par le Magiltrat. Et ils en content de cet ordre ii . ÔC auffi pour
tous les péchez qui meritoient ce qu'ils appelloient, Umort par la main des
Cieux^ fans mériter le retranchement de la part de Dieu , ni la mort delà
part du Magiftrat, 6c ils en contoient de cet ordre jufques à i68. En
tout il y avoit i8p. péchez , pour lefquels ils battoient de coups de
fouet.
Manière Voici la manière dont cela fe faifoit; on lioit les deux tnains du coupa-
dont oa blc à un pôteuu prés de terre , on déchiroit (es vétemens jufques à ce que fon
les'coupa- cftomac tût découvcrt i l'Exécuteur étoit monté fur une pierre derriè-
res, re lui, ayant en main un fouet d'efcourgées ou de cuir, ayant trois bandes,
chacune de quatre doigfs de large, ôc aflez longues pour faire le to-ur &
_ pour toucher le ventre, d'une main il levoit le fouèr, &frappoit de tou-
te fa force 5 trois Juges afîiftoient. Le principal des trois, pendant qu'on
frapoit, hfoit du çh.zS. du Deuteronome les verfets iS.&fuivans. Si m
ne prens garde a faire j ècc. Dieu rendra tes plajes mêrveillenfes^ &c. Le fé-
cond des Juges contoit les coups, ôc le troifiéme difoit à l'Exécuteur,
frape.
Des 39. Il n'étoit pas permis de donner plus de 40. coups, ôc^ils n'endonnoicnt
étorpermis Ordinairement que 39. afin de ne pas aller au delà du commandement.
de donner, St. Paul 2. Cor. II. dit, que par Cinq fois il a reçu 40. coups moins un.
aon°p"us"°^ Les Commentateurs diient, qu'ils n'en donnoient que 39. afin de ne pas
excéder, ôc d'être fûrs qu'ils n'avoient pas été au delà de ce que la Loy
permet: Mais il y a plus d'apparence, que cela venoitdela forme de leur
îbuët, qui avoit trois efcourgées, c'efl pourquoi chaque coup étoit conté
pour trois. Ainfi en frapant 15. fois, ils donnoient 3p. coups, ôc s'ils
euiî'ent frapé 14. fois ils auroient donné 42,. coups, ôcauroient été au delà de
ce que la Loy permet. Ils nepouvoient condamnei"*à plus de 40. coups,
mais ils .pouvoient condamner à moins, à proportion des forces du patient,
& félon la nature de fon crime. Dans les rechûtes , à la première ,
on fouëttoit une féconde fois celui qui étoit tombé après la repentance :
•comme celui qui avoit mangé du fang après avoir éré battu, mais s'il re-
tomboit une troifiéme fois , on ne le battoit plus , on le renfermoit dans
un lieu 011 il ne pouvoit fe tenir debout, ôc on le nourrifibit-là du pain
ôc de l'eau d'afHiétion. Au refte ce iupplicc n'entraînoit après foi aucune
infamie ni diminution de dignité, ôc celui qui avoit été battu étoit réta-
bli dans fon premier état. Tout le monde y étoit fournis jufques au Sou-
verain Sacrificateur , & au Prefident du Sanhédrin j mais cela étant fait,
ils rentroient en charge, excepté, d:fent-ils, le Chef du Sanhédrin, qui
décendoit de quelques degrez entre les Confeillers, mais n'étoit pourtant
pas des derniers. Tout cela fe Ht dans le Traité du Talmud intitulé^^»-
hedrin^ ÔC dans celui de Maimonides du même Titre. Les Juifs parient
d'un autre châtiment tumukuaire, qui le faifoit fans forme deprocez, ôc
par
ET "DES CULTES DE L'EGLISE. Part.ll. 391
par le peuple, dans les Synagogues, quand quelqu'un violoit la Loy.
Ec ils appellent cela, batture , oh playe des rebelles^ qui alloit quelque-
fois juiqucs à la moi t. Il femble quecelbitde Jette manière que Nôtre
Seigneur Jefus-Chrift penfa tant de fois être lapidé par le peuple.
Nous avons parlé- en paflant de la peine appellée nnDn"û,ou mnn^jdc
retranchement j rnais elle mérite que nous y faffions une attention parti-
culière. Il efttrés-fouvent parlé dans la Loy de cette peine. Dans le ch. 17. voy Rivet
de la Genefe , il eft dit , <jt^^ celm ^^tii- ne fera pas circoncis , fera retranché d'entre fes cap. 17.
peuples. Ceux qui mangeoient du (àng, delà graille, du pain levé dans
la tête de Pâque , étoient fournis à cette peine. Les Talmudilfes dans le
Traité intitulé Keritouth chap. i. content jufques à 56. péchez, pour
lefquels Dieu menace de la peine de niD. Entre ceux-là il y en a de très-
grands, comme le blafphéme, l'idolâtrie, la forcelleric, donner {ts en-
Fans à Moloch , coucher avec (à mère , avec fa fœur , avec un mâle , avec
une bête, ôcc. Et il y en a d'autres aiTcz légers, comme d'entrer dans
le Sanduaire étant enlbuillure, manger du fang, de la graiffe, du pain le-
vé à Pâque, manger de la. viande des lacrihcesau delàdu temsmarqué,&c.
Cela fait de la peine, & apporte de la difficulté à comprendre quelle
eft cette peine dont Dieumenace des coupables de li differens ordres. Il
y a beaucoup d'Interprètes Chrétiens, qui après Ljranus^ veulent, que ce
retranchement fignifie la mort par ordre du Magillrat j d'autres veulent
avec Dènys le Chartreux,, que cela fe doive entendre de l'excommunica- oionyfius'-
tion. Le premier n'eft point apparent -, il n'eft pas vrai-femblable que l'on in Gen.
fît mourir un homme pour avoir mangé de la graiflê ou du fang. Le fécond '^^" *^*
eft faux: car il n'y avoit pas d'excommunication, avant la captivité de Ba"
bylone. IL n'eft pas fur non plus d'embraifer le fentiment des Juifs, qui e^ ^^
tout d'une voix difent^- que cette peine de ma étoit refervée à Dieu, & cetteopi-
\t^ uns expliquent cette peine par mourir devant 50. ans. Rabbi Salomon "eueàbcaîl
Jarchifur la Genefe 17, dit, que c'eft mourir fansenfans, h mourir avant ccupd'in-
fon tems. Les Hébreux parlent fouvent d'une autre efpece de châtiment quîurcn-^'
fort femblable à celui- la, {avoir, mourir par la main des Cieux ou de Dieu, dentdou-
Et ce châtiment encore eft, félon, eux, refervé à Dieu (èul, & il eft un de- Hcidegge?^
gré au deftbus du Retranchement, car celui qui mérite le Retranchement rusHiftoiia.
eft eftimé plus coupable, que celui qui mérite lèulement /^ worr/^^r /<.^ ?^?^î« ^un"^^*^""
des Qeax. Grotius ilir le chap. 11. de la première Epitre aux Corinthiens exercit.
rapporte à cette peine de Retranchement ^ ce que l'Apôtre dit, qu'en- ^■^^•'^'
Cre les Corinthiens pluiîeurs dormoient ,, ou étoient morts , à caufe de la
profanation du Sacrement de l'Euchariftie. On peut voirla. deillisSelden^
qui traire fort amplement de cette peine de mD, J'ajouterai feulement, nb i^.'de
que felop les Hébreux, il y a deux fortes de tranfgreflions de la Loy, synedni$.
qui meritoient la peine de Kereib-^ les unes meritoient en même tems la*^"^'
mort par la fentence du Magiftrat, comme le blafphéme, l'idolâtrie, ôcc.
D'autres ne meritoient que le fouet par le Magiftrat , comme de manger de
la graidé&dufang^ ainft. cette peine de Kereth n'empêchoit pas les aur
&es peines..
CHAr-
392 HISTOIRE DES DOGMES
•' ♦ """
CHAPITRE XXXII.
Z)« l'Excommunication.
\^1
Ettc peine eft extrêmement célèbre dans les écrits des Juifs, c'cft
pourquoi elle mérite avoir Ton chapitre à part. C'eft une adlion
par laquelle ils feparoient de la communion du refle du peuple ,
ceux qui avoient contrevenu aux ordres de la Republique & de l'Eglife.
Troisefpe- Chacun fait la célèbre divifion de cette cenfurc en trois efpeces , Nid-
ces d'ex- ^ ^oui ^ Kerem ^ Sc Shammata. La première chofe qui doit être confîderée^
commum ^,^^ l'origine de cettc cenfurc : Enfuite nous verrons fes efpeces, puisfes
De l'origine effets , & enfin de quelle manière on en étoit abfous. A l'égard de Fori-
dei'Scom-*^ S"^^» il ne faut pas trop s'en arrêter au jugement des Juifs, qui font tout
muaication. autant qu'il leur cft pofîible déccndrc toutes leurs Coutumes de.Moyfe, 6c
de Dieu même. Ils prétendent que l'excommunication étoit en ufage dés
le commencement du monde , & ceux d'entre les nôtres , qui font dans
le mêmefentiment, difent qu'Adam s'en fervit, quand il diftingua ceux
de fes enfans qui furent appeliez enfans de Dieu , & les fepara des autreè
comme s'il eût excommunié toute la race de Caïn^ quelques-uns veulent
queCaïn lui-même ait été excommunié de Dieu. D'autres, comme Zan-
chius,cherchent l'excommunication dans la feparation de Marie , pour avoir
parlé contre Moyfe. Les Rabbins croient la trouver dans le Cantique
Juges j. 13. de Barach 6c de Debora, mmditfoit Meroz^^ècc. en préfuppofant, que ce
Meroz étoit quelque homme qui avoit rcfufé de donner lëcours à Barach.
Mais il faut avouer que tout cela efttrop foible pour appuyer l'antiquité de
l'excommunication. Ainfi il eft meilleur de tomber d'accord , qu'elle fut
établie après le retour de la captivité de Babylone par Efiras , éc par ces
hommes , que l'on appelle de la Grande Synagogue. On en voit la pre-
mière pratique dans Efdras chap. 10. v. 7. 8. On publia, que tom ceux qui
et oient retournez, de la captivité euffent a s'ajfembler en ferufalem , • ^ qne quiconque
n'y feroit venu dans trois jours , félon les avis des Anciens & des principaux , tout
fon bim feroit mis en interdit ^ ou an athe me de Hiirt , & lui feroit feparé de U
Congrégation d'/fraei La première partie de cette Sentence femble être une
peine Civile. Mais la feparation eft une peine Ecclefîaftique. On peut
auiïi voir le i^. ch.de Nehemièv. Zf. où Neliemie prononce un anathémc
ou exécration, contre ceux qui épouferoient des femmes étrangères. Sel-
Lib. 1. de dcuus citc un paflage fort remarquable d'un Karaïte , dont l'ouvrage n'eft
c^^^fiT que manufcrit , qui avoue que l'excommunication fut établie après la
captivité, 6c qu'elle fut introduite dans la Republique des Juifs, quand ils
ceflerent d'avoir en main l'autorité civile pour châtier les coupables, c'eft-
a-dire, que ce fut fous la domination des Princes étrangers, aufquels ils
tinrent fournis après la captivité.
Il
ET DES CULTES DE L'EGLISE. Part.U. 393
II ell certain que l'excommunication fut aufîR en ufage entre les Pàyens. L'excom-
Céfàr au fixiéme Livre de la guerre des , Gaules dit , que les Druides "i"n'"tioii
puniilbient ceux qui ne vouloient pas fubir leurs jugemens , en leur inter- les Payeû*.
difant d'aflifter aux Sacrifices , ôc que ceux qui étoient fous cet interdit ,
étoient l'exécration du peuple 5 tellement qu'on ne vouloitpas approcher
d'eux. Cornélius Nepos dans la vie d'Alcibiades dit , qu'Alcibiades
ayant été accufé de célébrer les myfteres dans famaifon, cequin'étoitpas
permis, les Sacrificateurs Eumolpides l'anai^ematiferent & le dévouèrent,
êc gravèrent la fentence d'anathéme fur un marbre pour en conferver la
mémoire. Enfin il n'y a rien plus connu que ieprocul efle profani^ ufité
dans les facrifices dts Payens. Mais il ne s'enfuit pas que les Juifs ayent
emprunté cela des Payens, les Payens peuvent l'avoir emprunté des Juifs.
Et quand les Juifs, c'efl-à-dire, Efdras &les autres derniers Prophètes,
■auroient par l'autorité de Dieu introduit cette louable coutume dans
l'E-glife , cela n'attacheroit pas à l'excommunication un caraétere d'in-
famie, d'avoir été ufitée entre les Payens. Depuis le tems de la captivi-
té, il en eft fouvent parlé, 6c c'eft ce que les Evangeliftes appellent , voyez st.
■être jette hors de U Synagogue. Il eil à remarquer que par être jette hors &^chap.^i»
de la Synagogue, il ne faut entendre dans tous ces paflages que la pe- bc"- 42.8c
tite excommunication. Car on n'excommunia les difciples de Jefus-Chrift Jf; \^c^"^
par onn Cherem , qu'après la refurre^Sèion du Seigneur, comme Pa bien **• '
obfevé Grotius dans Çç:s notes fur ces palîàges.
Z)« efpeces (^excommunication.
Tout le monde fait la diftindion dts trois degrez , ou àts trois efpeces Deux efpe-
d'excommunication, dont la première s'appelle Niddoui ^i3, la féconde ^J,nicatroa'
Cherem onn 5 & la troifiéme Shammatha î>tro:'. I^ddoui étoit une fepa- shammatha
jation de peu de jours. Mais ceux d'entre les Chrétiens qui ont crû que ^ cherem.
Niddoui fignifioit la feparation de ceux qui étoient dans les fouiliures
Légales, comme ks femmes ayant leurs ordinaires, le font fort trompez,
car c'étoit une peine impofée pour les fouiliures morales & non Légales,
Cherem étoit une feparation avec exécration , £c malediétion j & Shamma-
îha étoit la grande ôc dernière excommunication. Cette divifion a été
empruntée d'Elie Rabbin Alleman, dans fon Diétionnaire intitulé Thishités ,
Ôc tous nos Auteurs l'ont fui vi. Mais Seldenus a fait voir que cette diftinc- voy Cappei
îion elî: fauiïè, &que Niddoui & Shammaiha font la même, chofe, ainfi ce T^i^^''^^j"
degré qu'on elHmoit le dernier efl le premier. Cela même eft évident par Busto/fin
les paflages des Rabbins 6c des Talmudiftes, que citeBuxtorf dans fon grand ^^o^umot
Lexicon fur lemotShammacha. LemotdeShammathacft un mot gênerai •>'hx
qui fignifie toute excommunication, d'oùaété formé le verbe nai£',Shim- ?*:H^""^
met excommunier j mais comme il efl: ordinaire de donner le nom du genre jure natMi
à la plus imparfaite des efpeces , le 1S(iddoHi a été appelle du nom gênerai ^ ^^"ij'jj?
5;^<«»?w2^//7^ excommunication j cela n'empêche pas que ktolj» ne pujflè i.de'fyne-*
être compofé, comme le croient beaucoup de Doéles, de mhn &:cîJ',c'efl: d^iscap.r.
à dire le Seigneur vient , comme maranatha. Et il y a bien apparence que ,
ce mot étoit le premier du formulaire de la grande excommunication, qui
commençoit par un paflagedela Prophétie d'Enoch, qui fe trouve dans
l'EpîtredeSt.Jude. Mais il ne s'enfuit pas que 5/^^i^^^/^4fignifiât la grande
excommunication : Car l'ufage l'avoit appliqué à lignifier toute excommu-
nication en gênerai.
Tm. IL Ddd . Ain-
$94 H I S T O I R E D E S DOGME S
Aiafi il n'y avoit que deux excommunications entre les Juifs, non plusv
qu'entre les Chrétiens, la p<^te ôc la grande, la moindre appellée Sham^
matha, ôc la grande appellée C3in Chcrem,jointe avec maledidion & exé-
cration. On en peut voir des preuves dans les ouvrages de Seldenus, aux
endroits que j'ai citez en marge.
Divctf^sob- ^-^'"^ trouvera aufîi là quantité deremaj-ques curieufes touclitmt l'cxcom-
fcrv.nions munication , dont je touclicrai quelques-unes.
iil'jISSï* ï- Non feulement Les Juges pouvoient excommunier, mais chaque par-
judaïque, ticulier en converfation en pbuvoit excommunier un autre , &: l'excom-
munication étoit valable } fi elle étoit bien fondée v car autrement fi> ce
r particulier excommimiolt fans raifoa,. lui-même étoit excommunié. Et
Lesicon ks tobunaux établis par les Juits, pour juger des caufes civiles & crimi-
3^/i^ ""^^ nelles, étoient Juges de cela, lafentence deain ne pouvoit être prononcée
par un particulier. ïl faloit au moins une aflemblée de dix hommes.
t. Il eft fort i remarquer, que fi un homme fongeoit en dormant avoir
été excommunié par foi-même, ou par un autre , il étoit tenu pour excom»»
munie, parce que ce fonge étoit confideré comme envoyé de Dieu.
5. Un homme pouvoit non feulement excommunier les autres , raiaisfoi-"'
îpême , & ordinairement un partfculier,s'il étoit Dodeur ouDifciple, en ex«
communiant un autre Do61;eur,,s'excommunioit lui-même.. Mais il s'ab~
fblvoit auffi lui-même ,, tout auffi-tôt qu'il étoit de retour chez foi. Quoi
qu'il en foit , il eu clair que l'excomm-unication ne fe faifoit point par les>
Sacrificateurs entant que SacriEcateurs , puifqu'il étoit permis à tout le
mond^ d'excommunier , ainfi ce n'étoit pas une ccnfui-e qui fur précifé-
ment Ecclefiaftique. ^
4. Il y avoit deux fortes d'excommunication , l'une totale 6c univerfel-
Te , par laquelle un homme étoit excommunié à l'égard de tous les hom-
mes , & une autre partiale , par laquelle un homme étoit, excommunié
dans une ville, ou à l'égard de certaines perfonnes,ôc ne l'étoit pasjàl'é-
' gard des autres. Et cela fe faifoit félon la volonté, de l'excommuniant,
f. Celui qui étoit excommunié pour un mois, c'étoit le terme ordi-
naire de Itxcommunication de Ntâdoptii Si, dans le mois il ne recherchoit
Pabfolution,, on l'excommunioit encore par T^iddotti pour un autre mois.
S'il negligeoit encore de fe £iire abfoudre, on rexcommunioit par-
■ ♦ Cherem, tziin. '
6. On foanoit dé la trompette quand on. exGommunioit de la grande
excommunication ,^ & lorfque les J uifs excommunioient les Samaritains
fdlenneilement , il y avoit trois cens trompettes qui fonnoient d'un toa^
hjgubre; Aulieu de cela dans les Conciles del'Eglife Romaine onéteint
des torches,, chaque Prélat en ayant une dans la main.
7. Celui qui étoit mort excommunié fans abfolution^ îbitpar Din,foft
)^ par ■'inj , on mettoit fur fon tombeau une pierre,pourmarquerqu'il avoiti
mérité d'être lapidé à caufe de fon- impenitence finale.
8. La formule de la petite excommunication étoit facile. 6c courte,
car elle ae confiftoit qu'à dire un teloa un tel, foit enexcommunicatian-. Mais
le formulaire du ann étoit long, 6c chargé d'épouvantables maled lésions ,
par le nom de Dieu, par le ciel, par la terre, par tous les Anges, lefquels
ils difoient prefider fur les mois, ^ 6c fur les jours , 6c fur les figues du.
Zo"-
E T DE s C U L T E s DE L» E G L I S E. Part. IL 39f
Zodiaque. Il eft dans Seldenus lib. 4. cap. 7. de Jure naturali &c.
Quant aux effets de l'excommunication Judaïque , on ne demeure pas
tout-à-fait d'accord quels ils étoient. On convient que celui qui étoit
excommunié par iV/df^(7/if«fîrnplement, étoit exclus de la focieté des hom-
mes, c'eft-à-dire , qu'il n'ofoit les approcher plus presque de 4. coirdées,
même fa femme, fes enfans , 6c (es domeftiques. Seldenus excepte la fem-
me & les en^ns, Lib. 4. de Jure naturali cap. 8. Buxtorf ne les ex-
cepte, pas. Mais celui qui étoit excommunié par CDin , étoit abfolument
iêqueôré de la converfation avec les autres, & même quelquefois onFen-
fefî^oit dans une petite chambre ou prifon, où il vivoit feul. Il nepou-
voit enfeigner ni être enfeigné, au lieu que celui qui étoit firaplement en Nid-
^/fl///,\)ouvoit entrer en commerce & en converfation, 6c faire tout ce qui
fe poùvoit faire a^vec les autres, à la diftancede ô.pieds, on pouvoit pour-
tant donnera manger à celui qui étoit excommunié par onn, car on n'a-
voit pus deflei-n de le faire mourir de faim. C'eft à cela qu'a égard St.
•Paul, I. Cor. f. II. 2\(tf mangez. pas même avec un tel ^ c'eil- à-dire , n-
.^ardezrte comme excommunie'.
Mais la, grande queftion eft, favoir fî ces excommuniez étoient exclus Queftion, fi
-de Tufa^edes 'chofes faintes. Baronius Tom. i. de fes Annales Ann. fj. nfg''/°r"""'
§. 12.. B^ze de Excommunie atione , & plufieurs autres le prétendent ainfi, duoitde"'
comme on peut voir dans les Commentateurs , fur le p. de St Jean. f. J'hoflsfî**,
21. Ils difent tous que dans ks grands crimes les excommuniez étoient tes.
chaflez du Temple 6c des Synagogues, Ôc par conféquent des facrifices,
car pour facrifier il faloit -entrer au Temple. Seldenus au contraire pré- Erreur de
tend que non , ôc que rexcommunié par Cherem avoit part aux facrifi- ^'^^'*^'""*
ces, pouvoit entrer dans le Temple, aflifter aux prières dans les Synago-
gues , manger la Taque & ^omparoitre devant i'* Eternel. Il avoit part , iè-
lon le mênM, à l'efficace du jour des Propitiations, dans lequel fe faifoit
l'expiation des péchez de la nation j mais quoique tous (es péchez fuffenr
alors effacez, en cas qu'il fe fût repenti devant Dieu , il demeuroit pourtant
excommunié devant les hommes, jufques à ce qu'il fe fût fait abfoudre.
A l'égard de la Pâque, il eft aifé de convaincre Seldenus de faux. Car
la Pâque ne fe mangeok qu'en compagnie à table en feftin. Or il n'étoit pas
permis à un excommunié par Cherem de manger avec les autres. Pour ce qui
cft d'entrer dans le Temple , il eft vrai que cela lui étoit permis. Bux-
torf dans le mot m: rapporte du traité du Talmud , intitulé Middot,
que ceux qui entroient au Temple, y venoient par un chemin à droite ,
& s'en retournoient par la gauche , ôc que les excommuniez entroient par la
gauche , comme auffi les gensendeiiil. Mais qui fait s'ils paflbient au delà du
Parvis des nations , dans lequel tous les Gentils mêmes pouvoient entrer?
Seldenus prétend donc qu'il ne faut pas prendre à'Koavvâycoyog ^ pour exclus
du lieu où s'aflembloit le peuple pour prier^ mais feuleiT>ent exclus de l'af.
femblée , ainiî il faudroit entendTe par o-uv^vwyvj .^ceetta , c'cfl-à-dire , l'afîem-
blée, ou les perfonnes qui compofent l'alfemblée. Mais cela ne peut fub-
fifter avec ce que nous apprenons des Rabbins, au rapport de Seldenus
lui-même -, qu'un excommunié ne pouvoit approcher des autres que de
6. pieds, comment eût-il pûctre dans une Synagogue , toujours à 6 pieds
de diftance des autres ? Déplus celui qui étoit excommunié par cfîn,-
D d d i étoit
396 HISTOIRE D ES DOGME S
étoit banni abfolument de la Société, & n'ofoit approcher des autres à aa-
CLiiie diilance,. & fouvent même il étoit enfermé, comme le remarque Sel-
denus. Comment donc eût- il pu fe trouver aux fêtes, n'ayant pas la liberté-
de fortir? Savoir s'ils pouvoient y allifter par procureur & avoir part à
la vertu des Sacrifices, c'ell: ce qui eft malaifé à définir. Quoi qu'il en
foit, nous ne nous fommes pas obligez de former nôtre excommunication
fur le modèle de celle des Juifs ,. 6c encore que l'on eût bien prouvé ,
que cette excommunication Judaïque étoit une peine purement civile,
& point du tout Ecclelîaftique , une tradition conlknte depuis les Apo^
ta-esnous apprend, que l'excommunication des Chrétiens, doit exclurreles
excommuniez, de la participation des chofes faintes. Nous a.vons dans
Seldenus lib.4. de Jure naturah ôcc. cap. 8. les 2.4. caufes pour lefquelles
on excommunioit, & auffi dans le Diélionnaire de Buxtorf fur le mot
Niddom^ tirées de Maimonides. Mais il y avoit bien plus de 14. caufes d'ex-
communication, car ils excommunioicnt pour tout crime envers Dieu, 3c
même pour toute ofFenfe envers les hommes. Il eft fort étonnant que les
Juifs dans leur fureur n'ayent pas excommunié le Seigneur , puifqu'ils
excommunioicnt ceux qui le confefîbient. Cela peut venir de cequ*en^
gênerai ils ne fe portoient gueres à excommunier ceux qu'ils appelloient
taim.Traft. D^dDn,Sages. Et un paffage du Talmud dit, qu'on les fouëttoit dans la Pa-
MoedKaton leftincplutôt que de les anathematifer. Or ils ne fe pouvoient pas empê*
**^' ^* cher de regarder Jefus Chrift comme un homme très extraordinaire , &
du nombre de ceux qu'ils appelloient Sages ou Savans.
Dei'abfolu- Il rcftc à dire quclque chofc de l'abfolution qui fe donnoit aux excom-
"°co*^^* . lïiuniezi ce que nous en apprenons fe réduit à ces articles.
aiez. I. Il faloit faire pénitence, c'eft- à-dire, tout au moins reconnoître foii
tort, en demander pardon, & promettre de mieux faire à l'avenir.
z.. Le formulaire de l'abfolution étoit tek Reçoi l'abfolutioi^oi tel ou tel,
• ^. Ceux-là mêmes qui avoient le pouvoir d'excommunier, avoient celui
d'abfoudrc,foit que ce fufl'ent des particuliers ou des Juges, foit en con*-
verfation, foit aïîèmblez en confeil , Ôc quelque part que fe fît l'abfolutionj,
on fomioit du cornet, comme dans l'excommunication.
Les Juifs 4- On pouvoit abfoudre un moment après avoir excommunié, {îlepc"
dirent cheur venoit à. repentance , excepté dans les grands crimes commis conr
■^"^-nlrT* - ^^^ Dieu, dont on ne donnoit l'abfolution qu'après un tems d'épreuve,,
u^h^'ù le moins étoit un mois , ôc fur tout le Cherem ne fe levoit pas facilement,
l'excom- <ç. Si l'excommunié fe vouloit faire abfoudre devant lesjuges^illepour
pSiSfous voit eo montrant fon innocence, celui qui l'avoit injuftement excoi»mu-
avant jo.. nié étoït lui-même excommunié.
JOUIS. ^ Celui qui avoit été. excommunié lui prefent, devoit aufîî être abfous
en prefence \ celui qui avoit été excommunié dans fon abfence, pouvoit.
être abfous- prefent ôc abfent.
7. Celui qui avoit été excommunié, foit par un. particulier, foit par les-
Juges,pouvoit choiiîr du peuple trois hommes , comme bon luifembioit,
devant lefquelsen amenant des témoins ôc Mes preuves de fa repentance,
il écoit abfous, ou bien même un feul, pourvu qu'il eiat caraélere déjuge
dans la Republique.
8. Les Sages, c'eft -à- dire, les Do^urs & les étudians, qu'ils appel-
aient
ET DES CULTES DE UEGLISE. Part.U. 397
loienta^sn n^'fihnj Te pouvoientabfoudre eux-mêmes, quand ils s'étoient
eux-mêmes excommuniez j mais pour les autres ils ne Te pouvoient ab-
foudr^ eux- mêmes, quand ils s'étoient eux-mêmes excommuniez , au lieu de
trois hommes pour être abibus il faloit qu'ils en choiflITent dix.
p. Ordinairement un particulier en cxcommunioit un autre pour répa-
ration 6<: fatisfadion d'une ofiienfe qu'il venoic de recevoir de lui , ôc en
€e cas l'excommunié n'étoit abfous que du confentement de fii partie, 6c
qu'il n'eût fatisfait à l'ofFenfe, ou à fa mémoire s'il étoit mort.
10. Celui qui avoit été excommunié par un inconnu, étoic abfous parie
Chef du Grand Sanhédrin.
11. Celui qui avoit été excommunié en fonge ne.pouvoit être abfous
que par dix hommes Savans dans la Do6i:rine Talmudiquc, c'eft-à-dire,
dans les traditions -y s'il n'en pouvoit trouver de tels , il pouvoit prendre
des perfonnes capables de lire la Loy , s'il ne les trouvoir pa5,il pouvoit
fe faire abfoudrc par dix hommes, quoi qu'ils ne iTiffent pas lire la Loy ,
êc s'il ne pouvoit en. trouver dix, il fe pouvoit faire abfoudre par trois hom-
mes, comme dans les autres excommunications. Parce qu'on prétcndoit
que ces excommunications par fonge étoient faites par Dieu lui - même , on
apportoit beaucoup plus de précaution à l'abfolution. Il y auroit fans dou-
te de la. folie à croire que toutes ces obfervations & ces cérémonies fuf-
fênt auffi vieilles que l'excommunication, c'eft-à-dire, qu'elles euilent été
étabhes par Efdras. Il en eft arrivé* ici comme dans tous les autres chapi-
tres des traditions, ils fe font groffis* avec le tems, & fefont enflez de vaines
cérémonies.. Mais les Erailiens ont tort de prendre de là.occafion de re-
jetter entièrement l'ufage de l'excommunication , comme lî fon origine
étoit toute Payenne , ou née dans le période le plus corrompu du ju-
daïfme^..
Fm de la Seconde. Partie,.
Ddd 5 • H I S-
39
HISTOIRE
ES DOGMES
E T D E s
CULTES
B O N S E T M A U V A I S
D E LE G LISE
Dans les deux premiers Périodes ,
TROISIEME PARTIE.
Divifée en plufîeurs Traitez 3.
Ou font explique:^ tous les faux Cultes Qf les Idolâtries y
dont il eft fait mention dans l"* Ecriture Sainte,
PREMIER TRAITÉ
De t Idolâtrie en gênerai ^ de la T^heolagie Fajenne,
Prés avoir jiifques ici rapporté quelle a été
la Religion que les Anciens ont fui vie, ielon;=
les ordres de Dieu > dans les deux premiers
périodes de TEglife avant Moïfe, 6c depuis
Moife, ce fera une chofe digne de nôtre cu-
riofité, d'examiner quels font les faux Cuî-
its &: les Idolâtries, aufquelks le peuple de
Dieu s'eft laifle aller durant tous ces fîecles. Nôtre deflein de-
mande cela, car puifque nous nous fommes propofez de rappor-
ter quelle a. été la Religion du Peuple de Dieu , il eu; néceffai^
41150 HISTOIREDESDOGMES
rd'de parlerdes faufles Religions que ce Peuple a fouvent fuî-
vies & adoptées , quand il s'eft détourné de fa véritable Reli-
gion. Tous ceux qui fontrHiftoire d'une Religion , ne manquent
pas de rapporter fes erreurs & fes fau^ cultes. C'eft pourquoi les
AUteurs de l'Hsftoire Ecclefiaftique , ie font (i fort étendus fur
les erreurs & les hérefles des Anciens. Ainfi c'eft ici une partiecon-
fiderable del'Hiftoire Ecclefiaftique des Juifs. Cette dernière Par-
tie doit être la plus riche , parce que nous ferons obligez de pénétrer
dans les myfteres de laTheologiePayennCjCe qui eft un vafte champ.
Nous verrons l'origine des Religions qui ont eu vogue durant un fi
long-tems,&: qui ont été fuivies par les Grecs Se par les Romains.
Nous chercherons dans les divinitez des Orientaux, des Sy^
riens , èc des Phéniciens , les Dieux des Grecs ôc des Ro-
mains, oc nous les y trouverons peut-être avec plus de fuccez
que ceux qui ont travaillé fur cette matière jufqu'ici. On peut ré-
pondre que les conjedutes qu'on trouvera dans ces derniers Traitez
font heureufes. Mais fur tout on peut dire qu'on y en trouvera un
très-grand nombre de nouvelles, & la plupart ont eu déjà le bonheur
de plaire aux habiles gens qui les ont vues, de forte qu'on fe
hazarde de les donner au public avec moins d'inquiétude. Avant
que d'entrer dans l'examen particulier de tous les faux Dieux
dont l'Ecriture Sainte nous parle, il eft bon de dire quelque
chofe de l'Idolâtrie en gênerai.
C H A P î T R E L
Du nom d'Idok & de celui d' Idolâtrie.
L n'y a perfonne qui ne fâche que le mot d'Idolâtrie ell Grec, & qu'il
eft compofé de deux autres , dont l'un lignifie une Ifr/a^e , ou une
reprefentation, & l'autre fignifie /d'rwr^ , tellement que ce morfignific
le Culte ou le fevvice des images & des reprefentations. Le mot e\'SiûXo-j
eft le diminutif de celui à^elm qui lignifie image, comme l'a fort bien
Lib. deido- remarqué Tertullien. zy^d hoc necejfarta efi voçabult interprétation elho; <3r£~
lûhtcCâp. -a. çg j^QYf^am fofiat: ab eo per âimintiîiontm eUiàhav deduclum àique apud nos for-
muUm fecit . Igitur omnis formula vel forma I^-olmn fe dici expofcit. L'Au-
teur de ces Mythoîogies' qui font attribuées à S. Fulgence, compofe le
mot Si s oo'Kov au mot ôôvv\j qui'fîgnifie douleur, ÔC de celui dCelSoç qui fignifie
image^comme qui diroit eïSo^bVi^, ceqmiigniRevoïitmagede douleur. Cette
Etymologie auroitbien du rapport avec le mot Hebrèu D»3yj;, hatfahbiw, qui
fignifie idoles &; douleurs, pour faire comprendre que les Idoles font les
iburces delà douleur, 6c lacaufedes châtimens que Dieu fait tomber fur
les hommes. Cependant cette. dernière- Etymologie du mot sfSichoveU un
pur jeu d'efprit, car la yentable origine eft celle que Tertullien adefi-
gnée.
ET DES CULTES DE L'EGLISE. Tari. IIL 4.01
s;nce. Ce mot eft le diminutif d'e^'^o;, & fignifie une petite forme. Le
.iavant Raynoldus dans (on livre de Idololatria n'en veut pas demeurer d'ac- ^'*'- *•
cord, ôcfoûtient que le mot éiSuKov n'eft pas un diminutif de celui d'^icioç^ "^' ^'
mais qu'il fignifie toutes fortes de formes & de figures, même les plus
grandes. li cil vrai que le mot etSi^Kov figniiîe toute figure, même celle
des Colofîes. Mais il faut favoir que le mot £Ïhç fignifie la forme cifen-
tielle, interne & véritable d'une chofe, & au contraire le mot HdoûXov û-
gnifîoit la forme externe, apparente, peinte, non véritable d'une chofe.
Ainû èi^uKov eik diminutif d'fi'à'or, non pas par rapport à l'êrenduë & à la
grandeur, mais par rapport à la perfe<5tion 6c à la vérité, & {îgnifioit une
forme d'une moindre perfection , & non pas d'une moindre étendue. La
forme ÔC l'étendue réelle & véritable d'un corps humain conliâant dans
l'affemblage de fa chair, de fcs os, & de fa peau, s'appelloit sUoç^ mais
îa reprefentation de ce corps humain dans fon ombre, quand il eft oppo-
fé à un corps lumineux, fon portrait en toile, faftatuë en bronze, ou en
marbre, tout cela s'appelloit fVâwAov, petite forme, forme faufle, imparfai-
te & apparente.
Au telle que le mot f/^wXcv fignifiât toutes fortes de reprefentations, d'i- ^01^^^-'
îïiâges^ de ftatuës,& de tableaux dans fa première origine , c'eft une chofe fie toute
certaine.- Nos Auteurs l'ont prouvé dans leurs difputes contre l'EgHfeprefem!-'^*^
Romaine fur le culte des images, & les habiles gens de l'Eglife Romai- tions.
ne ne le nient pas. Denys d'Halicarnafle dit que tous les ans les Romains ^oMu^^dê
précipitoient dans le Tibre trente idoles qui reprefentoient des hommes ï^ioioiar.
iiSuKci €iç (Mop(py,y àv(^paTcav émuai^évu. Plutarque dans la vie de Sylla dit que Apudkuieb!!
l'on fit pour Sylla une idole d'une grandeur extraordinaire sî^mXov £V[xsyéè£i. de pr^p.
Hérodote dit que Ci:éfus envoya au Temple de Delphes une idole de c/îe.^' * ^
femme qui étoit d'or, de la grandeur de trois coudées ,c'eft-à-dire une fta-i"Ciio^
tue qui reprefentoit une femme. Et ailleurs le même Auteur dit que les
Lacedemoniens portoient en pompe au tombeau l'idole de leurs Rois
morts à -la guerre, c'cft-à-dire leur ftatuë ou leur image. Le mot Latin
Simulacmm eft de même fignification que rffôwAov des Grecs. Il fi-
gnifie toute reprefentation: 11 eft dérivé de JïmuUre , comme lavacrum
vient de Uvare , ambi^lacntm d^ambulare , & [ïmulare ne fignifie pas feule-
ment feindre, il fignifie auflS peindre ôc reprefenter, comme il paroît par
ces vers de Virgile & d'Horace.
Parvam Trojam JimulaîAque magnis n 1 • i.
Pergama,
Fartajfe exprejfum fuis Jîmulare. Horat. in
"Si donc l'on regarde l'origine des mots, iàole , image ^ Jîmnldcre , reprefen- ""^^ ro"!^*»
tation figoifient la même chofe. Mais il faut pourtant avouer, que les Au-
teurs Ecciefiaftiques ont mis quelque différence enuc Image & 'Idole : quel-
ques-uns ont dit que le mot idole fignifioit la reprefentation d'une chofe
qui n'eft point, & qui n'eft qu'une fiélion , comme font les Sirènes ôc les
Tritons que les Poètes ont mis dans la Mer. Et que le mot d'image fi-
gnifioit la reprefentation d'une chofe qui eft véritablement , comme font les
hommes, les chiens, les arbres, les aftres. C'eft ainfi que Suidas défi-
nifibit l'idole. Les idoles font des imitations & reprefentations des chofes qui
ne font point , comme font les Tritons^ les Sphinx & les Centaures. On lit la
Part. III. . Eee même
fatt, 4-C.Î8.
Autre fignv
fication da
root d'ido
le ; poiii
tout ce à
quoi on
tranfpoitc
les hon-
seuis divins
i.Cor. 8. 4
7. Çhion.
401 HISTOIRE D ES D O G MES
même chofe dans la huitième homélie d'Origene fur l'Exode. Et dans
Theodoret dans la 38"»^. queition fur le même livre. Mais il n'y eut ja-
mais rien de moins julle que cette obfervation : Car ces mêmes Auteurs
la dérruifent par le continuel ufage qu'ils font du mot d'Idole. Ils appeU
lent Idoles tous les (imulacres que les Payens adqroient, quoi que ces fi-
mulacres reprefentallent fouvent des chofes qui étoient véritablement , ou
qui avoient été : telles étoient les images des Aftres, celles des CefarsSc
des autres hommes, qu'ils avoient placez au nombre des Dieux. La véri-
table différence, félon le ftyle de l'Eglife, qui ell entre l'Image 6c P Idole,
c'eft que l'Image efl une reprefentation qui neft point faite pour le culte
Se l'adoration, & l'Idole efl: faite pour être adorée. Le livre de Char-
lemagne contre les Images ôc contre le 2,. Concile de Nicée exprime fort
bien cette différence f lS(on enim noi imagines in bajilicis pojttas idoUnfine^pa"
mjii , fed ne. idola tinnctipentur adorare eas ^ colère recufamus.
De cette fignification en efl: venue une autre plus étendue , c'efl que le
mot Idole fignifie tout ce que l^efprit humain met en la place de Dieu
pour recevoir des honneurs divins , foit que ce foient des ouvrages de
mains d'homme , foit que ce Ibient des créatures, & des ouvrages de Dieu
ôc de la nature. C'eft fans doute le fens auquel le prenoit S. Paul- quand
il difoit, nous [avons que l'Idole rî'efi rien au monde, & qu'il nSa antre Die»
\ qu^HnfeuL C'eft- à-dire que toutes les faulfes divinitez que les Kiyensado-
roient, ne font pas Dieux, & qu'il n'y a qu'un feul Dieu: C'eft le fens
auquel le prend la Bible Grecque, quand elle dit 0/ èsoï tZv Iôvwv USuha. Les
Dieux des nations font des Idoles. Il y a dans l'Hebre^ D^^^W . C'eft
donc la fignifîcation du mot d'Idole la plus établie par l'ufage : quand nous
avons un amour exceffif pour une chofe , l'on ^it que nous en faifbns une
idole : Et c'eft de cette (îgnifîcation qu'eft venu le mot d'idolâtrie. Ca^
ce dernier mot ne fignifie pas feulement le culte des fimulacres^ il fignifie:
tout culte des créatures, les Hébreux l'appellent mî mD^r , Culte étran-
ger , & S. Grégoire de Nazianze l'a parfaitement bien définie, une a^ion^
far latjtielle on tranjporte l'adoration du'è an feul Créateur a la créature. Ainfi il
y a deux efpeces d'idolâtrie. Par l'une on adore les œuvres de Dieu j c'eft
l'idolâtrie de ceux qui ont adoré le Soleil , la Lune, les Aftres, les Anges,.
les Démons, les Hommes & les Animaux. Par l'autre les hommes ont adoré;
les ouvrages de leurs mains, ce font les Simulacres. A ces deux efpeces
d'idolâtrie on en peut ajouter une troifiéme , c'eft celle par laquelle les-
îïommes ont quelquefois adoré le vrai Dieu fous des figures fenfibles. Les
îfraëlites adorèrent le Dieu qui les avoit tirez d'Egypte, fous la figure d'un,
veau , 6c les dix Tribus fous leregne de Jéroboam 6c de fes fucceifeurs,tom-
berent dans le même crime, 6c voulurent adorer Dieu fous la figure d.^sJ
^eaux qu'on avoit placez en Dan 6c en Bethel. *
^.m A.
ET DES CULTES DE UEGLISE. PartAlL 405
CHAPITRE II.
De l'Origine ér de l'Antiquité de l'Idolâtrie.
LA plupart des Auteurs font l'idolâtrie plus ancienne que le déluge , ipfwpMj-
Sc croient qu'elle coraraença du tems d'Enos,à caufe de ce qui fe lit nie"verfer'
dans le 4. ch. de la Genefe. n')iy> aiî>3 ayh Snin îx: paroles que ^^^J'^'^'-
plufieurs Interpretes,comme les ParaphraiesChaldaïques,Maimonides & Sa-cenefè.
lomon Jarchi,&: Seldenus^tournent par celles-ci : Alors on commenta de profaner
le nom de t^ Eternel-^ c'efl- à-dire félon eux, qu'alors on commença de fouil-
ler le fervice divin par l'idolâtrie , 6c voici comme en parle Maimonides. ^rS**"'^
La première origine de Pidolatrie doit être rapportée au tems d^Enos , cjuand les n^iî rna^
hommes commencèrent a étudier le mouvement des étoiles ^ d^ des Sphères celefles ^ ' ' *'
& reconnurent que Dieu les avoit créées pour le gouvernement du monde. Us s'^i-
maginerent que Dieu les avoit placées dans ce lien éminenî pour les faire entrer
en partage de fa gloire ^ (^ pour lui fervir comme de Alimfires ^ & d''Officiers ^
& conclurent qu'il étoit de leur devoir de les louer , de les élever , ^ de les
■honorer , C^ ils enfeigneYent aux peuples que c^éioit la volonté de Dieu , qu*oh
adorât les corps celefies , & les Aftres que lui-même avoit élevez^ danj des placer
fi eminentes ; leur Àifam qu^en cela , ils f croient honneur a Dieu qui vouloit qu'on
rendit honneur afes Officiers.
Sur €e fondement ils commencèrent a bâtir des Temples aux étoiles , kkurfk'-
erifier , & à fe profierner devant elles y pour obtenir des faveurs de Dieu par es
moyen , (^ c'efl la la première origirte de Pidolatrie. Ce n'^ejl pas qu'ils ejiimaf
fent alors qu'il n^y eut pas d^auire Dieu que les Afires , mais ils fi perfuadoient
qu'yen adorant les Afires^ ilsfaifoient la volonté de Dieu. Avec le tems certains faux
Prophètes s' élevèrent ^ prétendant être envoyez^ de Dieu^ qui difoient avoir des révé-
lations pour faire adorer tel ou tel Afire , même pour faire facrifier a toute Par-
wée des deux ^ & ils en firent des figures^ qu'ils firent adorer par les femmes ^pav
les enfans & par les autres hommes , & difoient que Dieu leur avoit révélé quel'-
les dévoient être ces figures d'AJlres que Pon devait adorer. La-deffns les hommei
commencèrent a faire des images dans les Temples , fous les arbres & fur le font-
met des montagnes , (^ tous les hommes s' affemblerent pour Us adorer^ fi perfuadant
que toute leur profperité venoit du Culte qu'ils rendotent a ces images &c. iprét
tela il vint à'' autres impofleurs qui ajfûroient qu'une telle Etoile^ ou une telle Sphè-
re^ ou un tel Ange , s' étoit apparu a eux & leur avoit révélé la manière dont il
vouloit être firvi , de cette façon l'opinion fe répandit dans tout le monde qu'il
faloit^ adorer les images , chacune par certaine ejpece de frcnfice , & le nom
de Dieu fut entièrement banni (^ de la bouche & des efprits dis hommes.
Il y a bien des erreurs de fait dans tout ce grand dîicours. Non feule-
ment Maimonides veut que l'idolâtrie ait été avant le déluge , mais mê-
me qu'on ait fait des images & des Temples avant le déluge. Cependant,
il eft certain que les premiers Temples ont été bâtis long rems après le
déluge. L'origine de cette erreur vient du n.ot bouclai '^mn qui peut
€ire dérivé de SSn, qui fignifie profaner, feio'n quoi ie icm ieroit ^ ■&
« Eee 2, dor^
40+ HISTOIRE DES DOGMES "
Alors on profana le nom de l' Eternel , favoir par l'idolâtrie. Mais d'autres ont
remarqué qu'il le faut dériver de Srr, qui fignific commencer \ & en efFec
c'clt Je fens , &; le texte porte mot à mot., & l'on commença a. être appelle
du nom de l'Eternel) c'ell-à-dire , que Ton commença à dillinguer les en-
fans de la race de Scth, de ceux de la race de Caïa , par le nom d'enfans.
de r Eternel 5 q:ui fut donné aux enfans deSeth, par oppoiition aux enfans
de Caïn. Et ce ibnt ceux qui dans le 6. ch. font appeliez les fils de Dieu,.
ôc defquelsileftciit qu'ils fe marièrent avec les Elles des hommes.
L'idolâtrie Ce fondcnjcnt de l'opinion de ceux , qui font l'idolâtrie plus ancienne
"•ecé^e"! ^^^ ^^ déluge, étant ruïné, je n'en vois aucun autre, lleil vraïqueTertul-
dduge. lien, qui eil de la même opinion jQjr l'antiquité de Pidolatrie, la prouve par
deTdoloL^' ^^ ^'^''^ d'Enoch , ce qui fuppofe qu'elle étoit en uiîige dés ce tems-là.
Mia, Mais nous avons vu dans la première partie de cet ouvrage, que ce livre
eft faux & fuppofe, c'eft pourquoi il ne fait aucune preuve. Je trouve donc
beaucoup plus vrai-femblable que l'idolâtrie ne commença qu'après le dé-
Cyriii. luge j c'eft l'opinion de Cyrille d'Alexandrie, qui eftime qu'avant le délu^
j. r^adverC g^ ^^ ^'y avoit pas d'idolâtres , mais que l'idolâtrie prit nai/Tance en Ba-
juiiaimm. bylouc , où l'ou commcuça à rendre les honneurs divins à Jupiter Belus.
Il y a apparence que le crime des hommes avant le déluge étoit l'impiété
&rAtheifme. Cette difpoûtion d'efpnt à l'égard de Dieu eft le fou-
verain crime; ear les Athées font beaucoup plus odieux à la Divinité que
les idolâtres. De plus ce fentiment eft plus propre à porter les hommes à
cette exceiïîve corruption, dans laquelle le monde tomba devant le délu-
ge. La connoifîance d'un Dieu, de quelque nature qu'on le conçoive, ÔC
le Culte de la Divinité eft de foi propre à fervir de bride aux hommes 5.
c'eft pourquoi l'idolâtrie a'a pas été inutile au monde pour en arrêter la
corruption. Il y a donc apparence que les excès horribles , où tombèrent
les hommes avant le déluge, nevenoient que de ce qu'ils ne connoiftbient
point Dieu, & ne le fervoient pas. Je crois m.êmeque l'idolâtrie & lePo-
lytheifme après le déluge, dra fon origine de l'impiété 6c de l'Atfieifraej
qui avoit régné avant le déluge.
L^idoiatrie C'eft là l'efprit des hommes , quand ils ont été feverement punis
luge^èft'^née P*^^^^' quclquc crimc , ils fe jettent dans une autre extrémité., Nous,
de l'impiété voyons Cela dans le peuple d'Ifraël , ce peuple avant la captivité de
i"nt*î™di-* Babylone avoit un penchant étrange à l'idolâtrie , ce crime & la pro-
iuge. fanation des Sabbats , font ceux que les Prophètes lui reprochent le
plus. La juftice de Dieu pour les punir de ces crimes fit tomber fur
eux cette horrible calamité , dans laquelle leurs villes furent détruites, leur
Eiat entièrement ruïné,6<; toutes leurs familles tranfportées en captivité,.
Ce coup fit fur leurs efprits une fi grande impueilion „ qu'ils en conçurent
une horreur extrême contre l'idolâtrie , Se la profanation des Sabbats^ &
de la eft venu qu'après le retour de la captivité de Babylorie, ilsfe font
portez à des extremitez tout oppofées à ces deux crimes, ils ont été dans
un éloignement fi grand de l'idolâtrie, que même ils n'ont pu fouffrir d'i-
j«reph. mages Ôc de figures dans tout leur païs. Nous apprenons de Jofephe,
<^!^i^'èl' ^"^s quand Herode ou les Gouverneurs Romains, ont voulu arborer les
Liv.i8.c.4. Aigles, qui étoient les enfeignes désarmées Romaines, ou les images des,
'Empereurs dans la Judée , ils ont mieux aimé mourir (^ue de le fouffrir.
A.
ET DES CULTES DE L'EGLISE. TarLlU. 405
A l'égard de i'obtervatioia des Sabbats, pour éviter le crime qui les avoit
réduits à de û grandes extremitez, lis ont poufTé fi loin la fuperftition, que
jufqu'au tems des Maccabées ils ne-fe vouloient pas défendre au jour du
Sabbat, & aimoicnt mieux lelaifTer égorger, & cette impreffion a été S
puiflante, qu'elle dure encore aujourd'hui. Et bien que la grâce ait enrie-
rement abandonné ce peuple , cependant il continue à avoir une telle hor-
reur pour l'idolâtrie, qu'il ne peutibuffrir d'images. Et l'on tueroit plutôt
un Juif, que de lui &ive faire quelque chofe dans le Sabbat , qui violât la
dignité du jour.
Je conjeélure qu'il eft arrivé quelque cHofe de femblable aux hommes Le châtî-
qui font venus après le déluge. Ils avoienfremarqué que cet horrible ju- ^sTildliu^e
geraent,qui portoitun caractère fi évident de la colère de Dieu, étoit ve- fut occafion
nu pour la punition de i'impieté & de l'Atheifme de leurs pères y cela fit hommeïà^'
dans leurs efprits uneimpreÂion fi forte, qu'ils Te jeiterent dans l'extrémi- i'"ioiatrie.
té oppofée j ëc l'ignorance les ayant furpris , ne fâchant oià prendre le vrai
Dieu, ils fe jetterent fur toutes les créatures, Ôcles adorèrent comme des
Dieux. De peur de retomber dans l'Atl^eifme, qui avoit une fois perdu le
monde, ils le firent une infinité de Dieux.
Je fuppofe donc que l'idolâtrie n'efl née qu'après le déluge 5.maisi! efl
inalaifé de marquer précifément le point de fa naifiance. Je crois pour-
tant qu'on le doit pofer après la divifion des langues , èc la difperfion des
peuples. Il n'y a pas d'apparence que durant le tems que les enfags de
Noé ne compofoient qu'une famille , 6c n'étoient qu'un peuple, & mê-
me un petit peuple, l'idolâtrie s'y fûtglillée. Noévivoit encore, il étoit
le Chef de ce peuple. Sem, Cham, & Japhetjqui avoient vu ledélu-
ge,6cqui fans doute étoient de grands Saints, vivant au milieu de leurs fa-
milles, je lie crois pas qu'ik eullent permis à leurs enfans d'être idolâtres.
Auffi ne lifons-nous rien nulle part qui nous puiflè faire foupçonner cela.
Il y a donc apparence, que quand Dieu difperfa les peuples, en divifant
les langues, il divifa auffi fon efprit,. qui ne repofant plus iur tous les peu-
ples , & fur toutes les familles , pour les conduire , plufieurs de ces fa-
milles fe corrompirent. Lu crainte de Dieu demeura en quelques-unes, Sc
les autres étant tombées dans l'ignorance^ tombèrent autî'î dans la fuperf-
tition & dans l'idolâtrie. La conjeéiure de ceux qui croient que la fa-
mille de Nimrod, 6c les habitans de la Chaldée^ èc de Babel, furent les
premiers idolâtres, efl aiTez vray- femblable,maisje n'aprouve point ce que d.t
St. Cyrille, que le premieif objet de l'idolâtrie fut Jupiter Belus j. car je
fuis afiïïré que les Ailres ont été les premiers Dieux des idolâtres.
C'elLlefentiment de Maimonidcs danslepaflage que nous avons cité de Les Aflr»
lui : dans l'ignorance oii ils fe font trouvez de la nature du vray Dicu, nen n'a °"'j^"^jj^*
dû les toucher davantage que la viië du Soleil 6c des autres Aillées. Les faux Dkuxv.
hommes confervent ce principe ,que la Divinité doit être'infiniment belle,
6c n'ayant pas afTez de lumière pour s'élever jufques à la penfée d'une
fubftance immatérielle 6c invifible , ils n'ont rien trouvé de plus beau
dans les chofes fenfibles que les Cieux 6c le« Aftres. i°. La reconnoif an-
ce les a fortifiez dans cette erreur j car voyant fenfiblement que les Aftres.
font les caufes de la fertilité de la terre, 6c de la produétion de fes arbres,
de fés plantes ôc de fes fruits , ils ont pris les corps celcftes pour les pre-
Eee ^. miereSî
.riato
in Epime-
nide.
Lib. de
fomniis.
Lib. II. de
Geneli ad
litceiam cap.
ultim.
Enchiridion
cap. 58.
Recrad. c. 7.
Lib. 2. de
Cœlo con-
-tcxtu 13. &
61. lib. II.
Metaphy.
eext. 35.1. g.
Acroa. &
Metaphy.12.
Ticlio Biahé
Epifto. ad
Rotnaa-
Lib. ï. Bi-
fcliothecs.
Plato in
Ciatilo,
Apud Eufeb,
1. I. de pras-
paiat.Evang,
406 HISTOIRE DES DOGMES
mieres caufes qui leur produifoicnt tant de biens , & par reconnoiflance
ils le font trouvez engagez à les fervir. 3®. Les révolutions & les mouve-
mens admirables des Allres leur ont perfuadé qu'ils étoient animez. Ce
n'a pas été feulement l'opinion du vulgaire : c'étoit le feniàment des Sa-
vans , c'étoit celui de Platon & des Platoniciens , c'eft de cette Philofo-
phie , que Philonjuif avoit puifé le Dogme , ojue les offres font des âmes in-
corruptibles & immortelles. C'eft de la même Ecole qu'Origene a puifé cet-
te opmion , qu'il eflaye d'établir dans fes livres %epi àp%m. St. Auguftin
en certain tems n'a pas été bien refolu là-deflus -, quelquefois il tombe dans
le fentiment d'Origene : Il eft vray qu'il a retraâé ce qu'il avoit dit là-
deffus. Il y a bien de l'apparence que c'étoit auffi l'opinion d'Ariftote.
On lui attribue ordinairement d'avoir donné aux Sphères celeftes des in-
telligences affiliantes -, mais d'autres prétendent qu'il a conçu ces intelli-
gences comme les formes internes des Aftrcs , & l'on peut voir là-defTus
les lieux citez en marge.
Ce fentiment a même paUe jufqu'à nos ficelés, 6c fans- conter les Scho-
laftiques qui l'ont défendu, comme Capreolus, Scotus, Cajetan 5 le célè-
bre Ticho Brahé l'a renouvelle dans ce fiecle. Cette penféeque les Aftres
étoient animez , a bien pu porter des hommes dans lés ténèbres de l'igno-
rance, à regarder ces Allres comme des Dieux. De toutes les erreurs il n'y
en a pas une qui foit plus fupportable, que celle de ceux qui ont pris le
Soleil pour un Dieu } car cet Aftre eft lî beau , fi plein des traits de la
Divinité , qu'on a bien pu facilement prendre la copie pour l'Origi-
nal.
Je voi que fes Savans, Anciens Se Modernes, conviennent aflez de cet-
te vérité, que les Aftres ont été les premiers Dieux des idolâtres. Dio-
dore Sicilien dit que les premiers hommes , ayant jette les yeux fur cette partie
du monde qui efl au âejjus de leur tête^ furent remplis d"^ admiration ^ (^ prirent
les AJires pour les Dieux Eternels^ & entre i^ous ils adorèrent le Soleil & la Lune ^
appeliant celui-là Ofns, & celle r ci Ijîs. Platon eft du même fentiment, les
premiers hommes ,- dit- il , ejui habitèrent la Grèce , félon ma conjeUure^ ne reron-
fioijfoient point d'autres Dieux , (^ue ceux (jjui font encore aujourd'hui les
Dieux des l^ari^ares , favcir le Soleil ^ la Lune , la Terre , les Ajlres^ (^ le
Ciel.
Sanchoniaehon, dont Eufebe nous a donné un fragment de la Traduiflioti
■ de Philo Biblius, allure la même chofe j Que les Egyptiens les plus an-
" ciens des mortels avoient adoré premièrement \t Soleil, & la Lune, (ans fta-
luës & fans Démons , mais il avoue que ces mêmes gens font auffi les
premiers qui ont deïfié des hoijimes. L'es Phéniciens, dit -il, & les Egyp-
tiens font les plus anciens d' entre les Barbares , & ceux de qui tous les autres peuples
ont enfuitA tire' la coutume de mettre au nombre des grands Dieux^ tous ceux qui
avoient invente' des chofès utiles pour la vie humaine , Ô" Us ont applique' a cet
■ujage les Temples qui étoient déjà auparavant bâtis. Us leur érigèrent des Jla-
tues , leur élevèrent des colomnes ^ leur dédièrent des jours de fête , & donnè-
rent les noms de leurs Rois a toutes les parties de l'Univers ^ & mêmes a quelques^
uns de ceux qu'ils avoient déifiez^.
J'eftime que les Chaldéens font encore plus anciens, que les Egypt.iensj
parce que ce fut dans la Chaldée que fe fit la difperfion des langues , &
Noé
ET DES CULTES DE L'EGLISE. Part. III. 4,07- .
Noé avec (es enfans demeura dans le lieu de la difperfion. Or il eft cer-
tain auffi, que le plus ancien cuite des Chaldéens , c'étoit celui du Soleil &
du Feu 5 qui) étoit le fymbole du Soleil. Les Juifs ont une fable , qui fer- S^^^^
-viroit bien à confirmer cette vérité. Ils difent , qu'Abram habitant en Chal-
dée,refufant d'adorer le Feu , qui étoit le Dieu du Pays, fut jette dans le
feu, &: qu'il en fortit par miracle. C'eft ainïï qu'ils interprètent ce que
Moyfe dit , qh^Abram fortit d'Vr des Chaldéens. Vr fignifie le feu dans la
Langue Chaldaïque : Il fortit âCl/^r^s?»?/ (Chaldéens ^ c'efl- à-dire, du feu des
Chaldéens. Au moins eft-il apparent., que le Heu de la Chaldée, quis'ap-
pelloit Ur^ étoit ainfi appelle, parce que le Feu faoré , le Dieu de la na-
tion, étoit gardé là. Et ce Feu des Chaldéens étoit le fymbole du Soleil..
Les Perfes, qui étoient voidns des Chaldéens, & qui avoient fans doute
emprunté leur Religion d'eux , n'adoroient non plus que le Soleil, les Aftres
& le Feu. C'efl; ce qu'orrpeut voir dans Hérodote, dans Diodore Sicilien ,
dans Ammian Marcellin , dans Strabon, 6c dans plufieurs autres, & nous
ajufons lieu de le prouver dans la fuite. Enfin le très-ancien Livre de Job
elt une preuve de cette vérité, c'elt que le Soleil 6c laLuné font les premiers
Dieux des idolâtres ; Job fe juftifie de tous les crimes dont on auroitpû
l'accufer, 6c entr' autres de l'idolatiie. fe n^aj pas regarde /e Soleil lmfant,jo\,^^^^ ^^^
0" la Lune cheminant en fa clarte\. mon cœur n'^a pas été fédnit en fecret , ^ ma, 27.
main n'a pas baifé ma bouche. C'étoit donc là l'idolâtrie de Ion fiécle , 6c
s'il y en eût eu d'autres , il s'en feroit jufîifié , auffi bien que de celle-cy.
CHAPITRE III.
De la Théologie des "Payens.
«
Icn au monde n'eft fi monflrueux que la Théologie Fayennc. Celle La Theoic^
des Grecs 6c àts Romains efl connue de tout le monde ..parce qu'on Sf Payena?
. j 1 r • ■» 1 . I ' ' p J eft monf-
la trouve dans les Livres qu on met entre les mams des enians pour tiueufe.
apprendre les Langues Grecque 6c Latine. On y voit, i . une multitude
incroyable de Dieux, Van on, félon le rapport de St. Auguflin , en con- ^^gjj"^'^®
te jufqu'à trente mille. Tout avoit fes Dieux y les villes, les champs, les Deihb.^,-
maifbns , les familles, les édifices, les pprtes, les chambres nuptiales, les ^•—^''
noces, la naifiance, la mort, les fepulchres, les bleds, les arbres 6c les
jardins, les cieux, la terre, les montagnes, les rivières , les fontaines,
les bois, la mer 6c l'enfer, tout étoit plein deDieux, pour les bleds ieu!«
il y avoit treize divinitez, Segetia ^. Sea ^Tmilina^ Proferpna ^'Isljjdotm^Fo-
lutina^ Patilena , Flora , Hofitlina , LaBurtia , Matma , Runcina^ Robigus. Pour,
la porte de la maifon trois, Forculus^ Cardea^ Limentinus. Outre ce que
l'on en trouve dans les Poètes. Si l'on veut s'inftruirc de cela, on peut
lire le quatrième 6c le fixiéme livre de la Cité de Dieu de St. Auguâin»
2. On y voit des Dieux qui commettent des aélions abomina-
bles, des adultères, des fodomies, àts rapts, 6c toutes fortes de débau-
ches. Ciceron a ramafle en peu de paroles tous, ces crimes , que les Pcëtes.
onc
4^8 HISTOIRE DES DOGMES
Nât."co^ °^^ attribuez aux Dieux. Nec enim wulto abftirdiorafHnt ea c^ha Po'étarum
. rum. vocibns fr-ifa tpfa fitavitate nacuerant , tjm & ira inflammatos , & libiàine fur entes
indiixerunt Deos ^ fecerHntcjue uteorumbelU^ pfi^nas^pralia^vtilnera vider émus.
Odtit praterea, dijjidia^difcordtas^ ortns ^intentas ^(^t4erelas ^ Umentationes; ejfft-'
fas in omni tntemperantialibidines ^ aduUeria^vincuU cHtn humano génère conçu-
bitus , mortakfcjtie ex tmmortalibus procréâtes.
3. lIsTuppcfoient ces Dieux éternels & immortels, 8c cependant il n'y
en avoit pas un dont on ne marquât le père & la mère , la naiflance , &:
toutes les circonftances de leur vie, depuis leur enfance. Jupiter le Sou-
verain des Dieux, éaoit fils de Saturne, 6c Saturne étoit fils de Cœlus.
On trouvoit mêmes les tombeaux de la plupart de ces Dieux. Les An-
ciens nous parlent d'un certain Euhemerus de la ville deMeffine en Sici-
le , qui avoit fait l'Hilloire de la naifiance ôc de la mort de tous les Dieux,
tirée des infcriptions authentiques qu'il avoit trouvées dans les Temples.
L'Hiiloire de cet Euhemerus, qui a fait la vie des Dieux Payens, fe trouve
Fragment dans Eufcbe, 6c fe trouvoit autrefois beaucoup plus ample dans le fixiéme
d°s''Di'fu°x^^ Livre de la Bibliothèque de Diodore de Sicile i mais ce Livre nefe trouve
par Euheme- plus dans la Bibliothèque de Diodore. Et peut-être que les Prétres,jaloux de
"**• l'honneur de leursDieuXjOnt fait éclipfer cette pièce de l'ouvrage deDiodorc,
6c pour mieux cacher leur fourbe ils ont en même tems fait difparoître les
quatre Livres fuivans, depuis le cinquième jufqu'à l'onzième : quoi qu'il en
Eufebius (bir,voici ce qu'Eufcbe cn avoit tiré. Tlafieurs , tant Hiftoriemcjne Poètes &
Evaug.iib.2. ^^^^^^s de fables , ont écrit de ces Dieux terrefires. Entre les Hifloriens Euhe-
«ap..2, merns a écrit là-dejfus ^ & entre ies Poètes Hejtode & Homère; & quelejnes an-
tres , qui fe font divertis a la fable , ont inventé de ces Dieux des fables prodigieH'
fes dr monjlrueufes j nous effayerons de parcourir brièvement., cenjue nous avons ti-
ré de ces deux efpeces d"^ Auteurs. Euhemerus étoit ami du '^i Cajfander ^ il avoit
de beaux emplois fous lui , & entreprenoit de longs voyages parfon ordre. Il dit
cjue dans fes voyages étant un jour parti de l' Arabie heureufe , il tendit vers PO -
■cean , c^ ayant vogué plufieurs jours dans cet Océan , tl aborda a certaines
Jfles^ dont la figure étoit }tor tue ^ irrégulier e , ^ la principale de ces I [le s
"^ s''appelloit Panchaïa. Il dit (^u^ il y trouva des hommes trés-devots ^ dr cj ut ado m
r oient & honoraient leurs Dieux par des fAcrifices fomptueux., d^ de magnifiques
prefns d'or C^ d'argent i II reconnut donc que cett^ Ifle étoit eonfacree aux
Dieux. On y voyait quantité de chofcs qui attiraient l'admiratieh des fpeStaîeurs.^
dr pour leur vénérable antiquité ^ & pour leur beauté & leur prix. EnfP autres
fur une montagne extrérnement élevée , // y avait un Temple de fupiter Jriphy-
Iten ^ lequel il avait lui-même bâti durant fa vie^ ,^ pendant qu il régnait fur-
la terre. DansceTemple étoit une colomned'' or j^ur Ltquelle étaient gr^îvees en lettres
Panchaïques toutes les aBions de (^œlus , de Saturne ô" de Jupiter. La étoit écrit
que Cœlus avoit le premier régné .^ (jy que c'était un Prince d'une grande équité ^ &
d'une bonté extraordinaire envers tout le monde , qu'^tlconnoiffoit fort bitn les mou-
vemens & lei révolutions des deux ^ dr qu'' il étoit le premier qui ent facrifé aux di'
vimtez, celefies i drqu'^a càufede cela on C avoit appelle Coeltts. Ce Cœlus eut deux
fils de Fe fia , Pan & Saturne, & autunt de filles .^ Rhea & Cerés\ que Saturne
luifucceda au Royaume -, que ce Saturne époufa Rhea , (JT eut d'acné Jupiter , Junon
&TS[eptune\ que Jupiter par droit d' hérédité .^ ayant fuccedé a fon père Saturne ^
époufa Junon^ Cerés^^Themis : 'De Junon H eut les Curetés: De Cerés tl eutPro-
ferpine
ET DES CULTES DE L'EGLISE. TartAlL 409
ferpine ^ & de Themis il eut P allas , il vint en Babylone , & de Ik étant décendupar
P Océan dans l'Ijlede Panchaïa^ il éleva un antel a Cœlns fon grand Père. En-
fpfite pajjjint par la Syrie il vint vers un certain Prince nommé Cajfius , dHquel le
montCajfiHs a tiré fon nom: Puis venant en Cilicie ^ il vainquit en guerre le Prin-
ce de CUicie y & qH*il avait été eonfacré commeDieu après fa mort , par toutes les
nations qu'il avoit vifitées ^ lefquelles étaient en grand nombre. Voilà ce que
Diodore & Eufebe ont écrit de cet Euhemeius.
Les Pères de l'Eglife n*ont pas manqué de ^^t\\ fervir comme d'un bon Aug. iib.4.
témoin pour prouver, que les Dieux des Payens écoienr. des hommes morts. ^^^^^-^^^
Si les Chrétiens lui ont iu du gré de fon travail , \ç;^ Payens lui en ont vou- Laftan. de
lu beaucoup de mal. ^ ^ if'flt'
Sextus Êmpiricus iVappellé impie 6c athée, 6c l'a mis au nombre des Jugcmcas
Diagores & des Theodores. Plutarque dans fon Livre d'Ifis & d'Ofiris, pjycnftou-
en dilant du mal de lui, nous apprend quel étoit le deflein de fon ouvra- ctiamEuiie-
ge. Il dit, qu"* Eiihemerus Meffmien a lui même inventé les fables qu'ail a debi' ^^^^^'
tées ^ lefquelles n'ont aucune vraifemblance , & qu'ail a répandu fon impieté dans
tout le monde ^ changeant tous ceux que nous eftimons Dieux ^ en Capitaines^ '^is
& Amiraux ^ qiii auraient été dans le tems pajfé ^ félon ce qu'ail avoit trouvé écrit ^
dit-il, en lettres d^ or ^ en lavillede Panchon , ville qui n'efl en aucun lieu de la
terre , & qu* aucun homme , ni Grec ni Barbare n'^a jamais vue , non plus que le
Temple defupiter Triphillien , d'où il dit avoir tiré fon Hifloire. C'efl ainlî
que Plutarque eflaye de ruiner le crédit de cet Euhemerus. Cicéron ne lui ciccror,
eft guère moins injude dans le premier de (es Livres de TS^atma Deorum, ^ Ratura
oîi il dit de lui , Qua, ratio maxime tra6lata ab Euhemero eft , qusm &
interpretatus & Jequutus e(i Ennius nofier , ab Euhemero autem & mortes &
fepultum demonflrantur Deorum. Vtrum igitur hic confirmajfe religionem vide- De f°'ra
tur , autpenitus totamfufiultjje ? Mais Ennius lui fut plus équitable , puis qu'il ^-eiig- '• r.
prit bien la peine de tourner en Langue Latine fon Hi iloire des Dieux, ÔCLa'Vaifoa
qu'il embralîa fon opinion, comme nous l'apprenons de Ciceron , & de^^iadiffe-
Laétancc. Hanc Hifioriam interpretatus & fequutfts efi.
C'ell une chofe étrange qu'on fe fbit mis fi fort en colère contre Euhemerus. E^^e""
pour avoir donné l'Hiltoiredelavie des Dieux, comme ayant été des hom- tes, c'eft
mes , puiique laTheogonie d'Hefiode, les œuvres d'Homère, & tous les J"^ ^^"^"
ouvrages de la Théologie des Grecs ôcdes Latins nous donnent l'Hifloire feflio;fà^'°"
de leur nailîlmce, de leur vie, ôc de leur généalogie ,. ce qui ne peut con- *J^""Ï' ^„
venir qu'à des hommes. Ciceron lui-même, qui maltraite fi/ort Euhe- quedesfa-"
merus, n'avoue- t'il pas que le ciel eft peuplé des habitans de la terre .^jQ/W^'^J^^^^^^'
totum prope ccelur/i, ne plures perfequar, nonne génère humano cempletum efi ? &c. adonnéfoa
illi qui maiorum aentium Dit habeniur hinc a nobis profe^t repenuntur . Roman
u 11'^ j 1 nni 1 • T> j • I !■ ^ 11 comme une
Jbntre les horreurs de la Iheoiogie PayennCjOn ne doit pas oublier ,qu elle hiftoueve-
attribuok aux Dieux des aiflions falesSc impures. Ilslesfervoientpardes ^ubkj
cultes horribles. Il y a un Dieu Mutinus, autrement appelle Priapus,y«- plus fage«
percujm immantjfmum & turpijfimum fafctnum fédère novanHpta jubeb^itm^mo- ^Jq^^^^^
re honefiijfm-io cisr religioffimo matronarum; dit St Auguftin : Ils avoient une eu de leurs'
Yeiwjis P^'indemos ^ ou Babylonienne, qui préfidoit fur toutes les aélions ,^eo"pin'ioa"
impures de la chair j Ils avoient: desmyileres fales & honteux , quiétoient qu'fiuhemc-
couverts fous le manteau du (ilence, 6c qui rie fe celebroient que durant tuÏcuI. ci.
\qs ténèbres de la nuit , parce qu'ils mentoient d'être enfevelis dans des iii>-»-
P^rt. lU. Fff tene- civit*!be1.
rcHce qu'on
a mis entre
erus
Poë-
410 HISTOIRE DES DO GMɧ' ''^'^
ténèbres éternelles. L'Hiftoire de leurs Dieux avoit quelque chofe de
monihueux, car c'éroient des Allres pour la plupart. Apollon étoit le So-
leil, Jupiter étoit l'étoile qui porte ce nom, Diane étoit la Lune, Scainfî
des autres : Et cependant dans l'Hifloire de ces Dieux on les voit naître ,
Kgir comme des hommes, & faire toutes les aélions des hommes.
Ce feroit une grande affaire de rapporter toutes les abfurditez de la
Théologie & de la Religion Payenne. C'eft un chapitre fur lequel il cil
fort aile de s'inliruire , quand on y veut être fort favant , car il n'y a rien
fur quoi les Pères fe foient davantage étendus, qu'en étalant les horreurs
duPaganifme, & il n'y a rien fur quoi ils ayentété fi éloquens, ôcméme
fi farans. L'on peut voir là-deffus /^^/jo/<?^<?/'/^»^ de Tertullien, l'une des-
plus excellentes pièces que nous ayons de l'Antiquité , le Protrepticon ad Çen-
r<'i de Clément Alexandrin , POSavim de MinuÙHs Félix, les fix Livres
d'Arnobe contre les Payens, Laélance de la faulTe Religion, les Livres
d'Eufebe, de Praparatipne Evangelica^ ÔCcet excellent ouvrage de St.Au-
guitin de la Cité de Dieu,, qui efl le tréfor de la littérature de cet An-
cien.
La Thcologiedes Egyptiens, & celle des Phéniciens ,, eft aflurément
lu. fource de la Théologie des Grecs 6c des Romains. Il faut tenir pour
un principe alTûréj que les Religions font venues de l'Orient, comme les
hommes , ôc dans la fuite de cet ouvrage nous ferons voir clairement , que
les Dieux' des Syriens ôc des Phéniciens, font les mêmes que ceux des
Grecs & des Romains. Cette Théologie des Phéniciens ôc celle des
Egyptiens, n'eft pas moins abfurde que celles des Grecs & des Romains.
On verra un échantillon de la Théologie des Phéniciens, dans le Frag-
ment que nous tirerons d'Eufebe, d'un certain Htftorien Phénicien ,
nommé Sauchoniathon , qui a fait l'Hiftoire des Dieux , & de la Religion
des Cananéens & Phéniciens, tirée des monumens anciens , qu'il avoit
trouvez dans les- Temples. On peut lire Hérodote, mais fur tout le
Traité d'Ifis & d'Ofiris dansPlutarque, pour voir la Théologie prodigieu-
fe des Egyptiens, qui eli compofée de tant d'énormes imaginations, qu'il
eft quafi incroyable, qu'il y ait eu des efprits humains capables de concevoir,
d'auffi grands monftres.
ïîjcofes Les Sages Payens en ont eu honte j. êc ils ont imaginé là-delîus divers
FeThonems ^^^ cxcufes; Premièrement ils ont dit , qu'il y avoit trois fortes de Theo-
d4 la Théo- logie |u,u6ii<^, CputT/nj^, TToAiT/KV), cc Quc faint Auguftin tourne , fahtiUris 9.
^°i^^^^i^^ nataralis^vtl philojophica , civilis. La première étoit la Théologie des
,' Poètes i la féconde celle des Phiîofophes , & la troifiéme celle des Prê-
3,! DeNa-. trcs. Vari'on a fort appuyé fur cette diftinélion , & on l'attribue à.
t/S fortes Quintus Seevok , qui vivoit du tems de Marius , & qui mourut de la main
deTheoio- d'uii des mcuttriers de ce parti, duquel Cicerondit, temperamia pruden-
làyen"^ ^* ti'^'jfiefpecimen; ante fimuUcrum Fefla Tontifex maximus eft QuinîHS Scevola nti" -
i.ctiiQdts ddatus. La première de ces Théologies, c'étoit celle des Poètes, lafe-
*'""* conde celle des Philofophes , ôc la troifiéme étoit celle des Prêtres,
qui étoit autorifée par les Loix, & par le Magiftrat. La première eil
monftrueufe , elle eft rejettée par tous lés Sages. Varron avoue qu'elle
fait faire aux Dieux des chofes qu'on ne voudroit pas attribuer au dernier
ApndAug, (Je tous Ics homiïies, Demqne.inhncomnm DiisattribHHnttir ^ qtiéi non modo
E T D E s C U L TE S DE L'E G L I SE. Paru III. 411^
in hominem , [eà etiam in contempiffimum hominem cadere pojfknt .
La féconde efpece de Théologie eft celle des Philofophes , que Varron La féconde,
ï\Q défaprouve pasj mais qu'il eftime pourtant dangereufe, c'eil pourquoi^^jj^^jj^^^ ^
il veut qu'elle foit renfermée dans les écoles, parce qu'elle prend la liber-'
té de difcourir de la nature des Dieux, & de réfuter plulieurs chofes, qui'
font pourtant felon le fentiment du vulgaire. "
La troifiéme efpece de Théologie faifoit la Religion des peuples, 6c
La troifiéme
_ _ _ _ celle
étoit le fondement du culte qui le faifoit dans les Temples, Les Sages des Prêtres
Payens vouloient rejetter tout ce qu'il y avoit de honteux dans leur Re- ^Jç^^P*^*'
ligion fur la Théologie des Poètes, qui fe font donné de tout tems la li-
berté de feindre ce qu'ils ont voulu, ^a res gênait, difoit Ci ceron, /<?/-' cicer. de
fas opiniottss erroréfque turbulentes , c^ Çuferfiitioms pêne miles ;- foTm& enim jjj^"" "*"'
nobis 'Deorum & atates^ & vefiitui , & ornatus noti funt. Gênera prdterea^
eonjfigia^ cognationes^ omniaque traduUii ad fimilituàinem imbecillitatis humanas
nam & perturbât^ animis mducHntHr: Accipimas enim Deorum cupiditates , Agri^
tudines^iracundias. ISlec vere ^utfabuUferHnt^ DU bellis prdiifcjHé carHernnt , nec
filum^ut apud Homerum^cum contra duos exercitus contrarias alii DU defcenderunf, ' ' -
fid etiam , ut cHm Jitanis, (tt cum (^igantibus propria bella gefferunt. Hdtcdi-
cuntnr y & creduntur ftultijfime ^ & plena funt fntilitatis , & fumma levitatis.
Et ailleurs , nec Homerum audio , qai Ganymedem a Dits raptnm ait propter Tufcul.i.
formant , ut fovi pocula adminifiraret , non JHjla caufa cnr Laomedonti tanta fie-
ret injuria^ fingebathizc Homertis y df humana ad Deos transfère bat , divinamal-
lem ad nos. On peut auffi revoir le beau paflage, que nous avons tiré ci-defTus
du premier Livre de TS^atma Deorum , oîi Ciceron fe plaint de l'infolence des
Poètes, quiont ofé attribuer aux Dieux tant de chofes indignes de la di-
vinité. C'eilune des excufesdes Anciens, qui ont voulu déguifer les lai-
deurs de leurRehgion.
Mais St. Auguftin leur fait bien voir que cette excufe ne vaut rien, & Aug.iib.de-
que la Théologie des Poètes n'étoit pas différente de la Théologie civile, ^^^^g^^" ^"
Car les Dieux des Poètes étoient les mêmes Dieux aufquels les Temples
étoient bâtis , & tous leiH^s cultes , leurs fervices, leurs myfteres, leurs jeux
appcjJez fceniques, qui fe celebroient à leur honneur, toutes leurs fêtes,
tout cela, dis-je, étoit fondé fur les fables des Poètes , & fur ce qu'ils
avoient dit des Dieux. Les myfteres de Cerés , par exemple, aufquels
ne pouvoient aflîfter que àts femmes , étoient fondez fur ce que les Pqë-=
tes difoient du rapt de Prolerpine par Pluton. La Déeffe Cybelé avoit
pour Çt% Prêtres des Eunuques, à caufedes amours de Cybelé pour Atisj
& de l'accident qui arriva à cemiferable garçon, à qui la Déeflè, par ja-
loufîe coupa les parties naturelles. Par cent exemples de cet ordre St. Au-
guftin leur fait voir 5 que cette Théologie des Poètes, laquelle ils aban-
donnoient au jufte reifentiment des Chrétiens, étoit la Théologie des
Temples & de la Religion.
Ils avoient une autre excufe pour défendre les horreurs de leur Theolo-Seconde ex-
gie. Ils difoient 5 que toute la Phyfiologie, ou la fcience naturelle, etoirJgJfs'^Payens
cachée fous cette Théologie pioëtique & civile , êc queleurs premiers Théo- poiuieshor-
logiens, Orphée , Linus , Hefiode , Homère , avoient été de grands P'iiilo- jJJeoJgiç"*
fophes, qui fous des énigmes avoient exprimé toutes les veritez naturelles. De
cette manière Plutàrque explique fort ingenreufement tout ce -qui paroît
Fff 2, affreux
411 H 1 S T O I R E D E S DO G M E S
aiïieiîx dans la Théologie des Egyptiens. Il prétend qu'Oiiris eft le Nil,'
qii'Iiîs eil la terre , que Typhon ell la mer , que l'union & le mariage
d'Oiiris 6c d'ifis, c'eil l'épanchement du Nil qui couvre la terre d'Egyp-
le. Qi-ie Typhon eil l'ennemi d'Ofîris , parce que la mer engloutit ce
fleuve, & arrête fbn cours. Tout le monde fait que par les douze travaux
d'Hercule, on entend le paiTage du folcil par les douze fignes du Zodia-
que i que Venus c'eft la nature generative, ou le principe de la généra-
tion-, qu'elle ell née de l'écume de la mer, 6c delà lemence du ciel, par-
ée que toute génération fe fait par l'humidité Se par les intiuences celef-
tes, que Neptune fignifie la mer , que Vulcain eft le feu , Jupiter le
ciel, Junon l'air. Et que tout ce qui fe lit dans les Poètes ôc dans la
Théologie Payenne de ces divinitez eft expliqué même entre les Chré-
tiens, par rapport à la nature du monde ôcdefcs diverfes parties. Toutes
les Mythologies font pleines de femblables explications , Porphyre fur
tout, grand ennemi des Chrétiens, a eflayé de tirer de cette manière fa Re-
ligion de deflbus cet horrible amas d'abfurditez.
Les anciens Do<5leurs ont extrêmement combattu cette défaite. Et fur
tout Eufebe dans le troifîéme Livre de la Prep. Evang. ^ mais je croi
qu'ils n'ont pas eu raifon en toutes chofes. Et je fuis plutôt du fenti-
11 eft teitain ^lent de Clément d'Alexandrie, qui reconnoît que les Payens ont eu def-
Sensontaf- fcin dc cachcr les myfteres de leur Philofophie, fous les fables de leur Théo-
fefté de ca- ^ogic. Tous cefix , dit-il, i^«/ ont traité des chofes divines^ tant Çrecs c^fte Bar-
Philofophie, hares^ ont caché les principes des chofes ^& vi^ont donné la, vérité c^u'envelopèefom
des énigmes , fous des figures , des Symboles , des Allégories , & des Métaphores.
Il en apporte pour exemple les Egyptiens, qui dans leur Théologie repré-
fentoient les Âftrespar desferpens, à caufc de la révolution des Aftres. On
ne peut pas nier à mon avis qu'il n'y ait de la Phyfique, & de la Phi-
lofophie cachée fous \e^ fables dans la Théologie, & dans l'Hiftoire des
Dieux Payens. L'on y trouve mille chofes qui s'exphquent parfaitement
' bien 6c heureufement, par les chofes qui fe voyent dans la nature , 6c qui
s'accordent très-bien avec ce que les Philofophes nous difent. Or jl n'y a
pas d'apparence que ce foit le hazard qui les ait fait rencontrer ft juile.
Par exemple dans laTheologie Egyptienne Ifîs qui pleure l'abfence ôc la per-
te d'OlIris, qui le retrouve, 6c qui fe réjouît de l'avoir retrouvé , fignific
évidemment la nature, qui durant l'hiver eft couverte comme de deiiil
durant l'abfence du foleil , 6c qui réprend une nouvelle face quand le fo-
leil retourne. Saturne qui dévore fes enfans eft clairement un emblè-
me du tems , qui dévore 6c qui confume ce qu'il produit. Dans la fui-
te de cet ouvrage nous découvrirons cent chofes de cette nature, que le
hazard alTûrémcnt n'a point faites. Outre cela il eft très conftant que fous
\ç.^ noms des divinitez Payennes étoit caché le monde avec toutes les
parties du monde. On ne peut nier que fous Bahal on n'adorât le foleil,
que Neptune ne fût la mer, 6c que Plutonne fût la partie foûtcrraine du
monde.
Or il eft fort apparent qu'en adorant les parties du monde comme des
divinitez, ils faifoient entrer dans l'Hiftoire de ces Dieux toutes les vertus,
6c les opérations du monde , 6c de fes parties, fous les énigmes de
In Epiftois leur Théologie. Porphyre nous apprend que Cherem&n, Scribe 6c Pré-
La."'' ' tre
lufeb. de
îrsep. Evang.
lib. î.cap. 9,
& fequ.
& même
leui Morale
fous des éni-
gmes.
Lib. j.
Strom. p.
5 S 6. Edit.
PsriC
ET DES CULTES DE L'EGLISE F^r^.III. 413
ire Egyptien, 6c plufieurs autres Egyptiens, ne reconnoijfoient dans les an-
tiens livres de lenrs Théologiens ^ dî^auîres Dieux cjue les Planètes ^ les SeEiions Jes
'Decans y & les Horofcopes , cjmfont appelleK,les pmjfans GoHverneurs ^ & dont les
noms font écrits dans les Almanachs. Il reconnoiiîbit que ceux qui difoient ,
^ue le Soleil et oit V ^ytrchiteile dn monde ^ rapportaient partie aux étoiles^ a lenrs
révolutions^ leurs éloignemensy leurs approches ^partie a la Lune & a Ces dive/fes pha^
fes y partie au Soleil (fj" a [on cours ^ tant de jour c^ue de nuit^ partie au fleuve du
5\(z/, non feulement ce (}ui fe difoit d"* Ifis ^ & d'Ofiris , mats toutes leurs fa~
hles facre'es , & ne rapportaient rien aux natures incorporelles ^ vivantes.
Enfin c'étoit l'eiprit de ces iîeclcs, de propofer leur Philofophie d'une
manière énigmatique. Et les Anciens ont eu extrêmement de la peine à
revenir de là. On fait que les Pythagoriciens ne s'exprimoient que par J^,°"'* ?^"
énigmes , même dans leur Phiîolophie morale. Par exemple ils difoient, c/ens^^toîic
I. Il ne faut pas attifer le feu avec l'épée. 2. Il ne faut point outrepaf- ^"'g^a"-
fer la balance. 3, Il ne faut point manger le cœur. 4. Une faut point ckmcnt
s'alîeoir fur le boilTeau. f . Il faut confondre les traces du pot dans les ^•«^j^strom.
cendres. 6. I) ne faut pas décharger les urines en regardant le Soleil, chus paffin^
Pour dire, i. Il ne faut point refifter à la colère àt.^ emportez. 2. Il faut
avoir égard à la juflice ÔC à l'équité. 5. Il faut avoir foin de l'avenir. 4.
Il ne faut point vivre dans la parefTe. f. Il ne faut point réveiller les tra-
ces de la colère paflee. 6. H ne faut pas méprifer Dieu. iVîais fur tout
dans leur Philofophie naturelle, ilsavoient unli grand amour pour l'obf^
curité, qu'ils ne parloient que par énigmes. Ils appelloient le principe de
toutes chofes l'unité, l'entendement, le ternaire. Le Timée de Platon, où
ce Philofophe raifonne de l'ame du monde, eft une pièce fi obicure, qu'el-
le paroît impénétrable. Ce Philofophe eiitout plem d'apologues, de fa-
bles & de paraboles, fous lefquelles il cache fa morale. Heraclite aimoit fi
fort cette manière de dire les chofes, qu'il en a acquis leiiirnomdefl-KOTfJvô^-,
ténébreux. Et Ariftote, qui ne s'eii pas fait une néceflité d'imiter fes maî-
tres, a pourtant confervé ce caraâere d'obfcurité, ce qui fait qu'il eil en-
core aujourd'hui la croix de fes Interprètes.
Une faut donc pas s'éconner que les Poètes &les premiers Philofoph es, Cette excafé
ayent débité leur Philofophie fous les fables de leurs Dieux,mais cela ne fuffit menSuffi-
pas pour jullifier les monllres de la Théologie Payenne. Car ^\i y a une chofe fante pour
où Ton puifTe trouver du bon fens,en l'apphquant à quelqu'une des chofes na Théologie
turelles » il y en a cent où l'on ne trouvera rien de tel. Par exemple je vou- p»yennc.
drois bien qu'on m'allegorisât tout ce que les Poètes ont dit des Généalo-
gies de leurs Dieux , de leurs adultères , leurs concubinages, leurs fodomies,
enlevemens de filles, ivrogneries, infolences, oc autres femblables chofes."
Il faut voir quelle peine fe donne Jamblique pour trouver àç.^ myîîeres janibnchu»
dans l'horrible cérémonie de l'érection àç.^ PhalJi, ou membres virils, qu; de Myflefii»
ctoient fi ordinaires dans les fêtes des Payens, ôc dans }q.s paroles ob feu- ^''^•^•'^'^*'
resque l'on employoit dans le fervice des Dieux. Ces membres virils, dit-
il, fignifioientla vertu generative de la divinité que l'on follicitoit, & ces
paroles fales fignifioient la matière dcftituée de formes. Outre cela cts la-
ies cérémonies étoicnt, félon lui, deilinées à donner de l'air à la fureur de
la concupifcence, laquellefeferôit irritée & augmentée, fi elle avoit été
toujours renfermée. Ainfi, à fon conte, c'étoit des.médecines & des pur- ' ,
Fff 3 gâtions *
414 H I S T 0 1 R E D E S D O G M E S
gâtions de l'ame. Rien n'eft plus abfurde que de telles Mythologies. H
y a donc des chofes qui ont été tirées de la nature &: de lés niyfteres ,
ôc il y a d'autres chofes qui font prifes de l'Hiftoire des hommes, ôc voici
l'origine de cette confufion, c'ell qu'il n'y a point de divinité, fous laquelle
les Payens n'ayent adoré en mêmetems, une partie du monde, un corps
naturel Se un homme. Par exemple le Bahal des Phéniciens, ôc le Ju-
piter des Grecs 5c des Romains, étoient afiûrément le Soleil, mais il
efl certain que fous le même nom, 6c fous la même divinité, ils. ado-
soient un certain homme qui félon toutes les apparences étoit Cham.
C'ell pourquoi dans la Théologie de ce Dieu, Prince des autres Dieux,
ils confondoient les proprietez ôc les aélions du Soleil, qu'ils exprimoient
énigraatiquement , avec les aventures d'un homme qui étoit adoré fous
la même divinité. Apollon étoit le Soleil entre les Grecs : on voit pour-
tant cet Aftre ,qui naît, qui efl appelle fils de Latone, qui paît les trou-
peaux du Roi Admete, qui devient amoureux des femmes, qui couche
avec elles, 6c qui en a des enfims, qui entre en lice avec Marfias pour
la flûte , à qui en jouera le mieux , 6c qui fait cent aélions humaines j ce-
la paroit tout-à-fait ridicule j cela venoit de ce que fous Je nom d'Apol-
lon on adoroit quelque Roi, à qui pareilles aventures étoient arrivées , ou
à qui elles avoient été attribuées.
Dernière Enfin pour juflificr cette Théologie , on dit que dans le fond
excufe pour les Paycns ne croioient qu'un Dieu , 6c que toutes ces différentes di-
gie^p!yèn' vinitcz n'étoicnt que les attributs ôc les aélions d'un feul ôc même Dieuj
ne. Les fa- que le vulgaire concevoit comme plufieurs Dieux, à caufe des divers
n^nfcrT noms qui fe donnoient à ce Dieu unique, connu fous differens égards. Cet-
qu'un Dieu, iq vcrtu divinc répauduë par tout , dans le Ciel s'appelloit Jupiter ,• dans
cm"t. Def l'air Junon , Neptune dans la mer , Cybelé fur la terre , ôc Pluton dans
lib. 4. cap. les entrailles de la terre. Il eil vrai qu'il y a des pafTages extrêmement
p.'* 603. beaux 6c forts dans les auteurs Payens, pour prouver qu'ils ne reconnoif^
Edir. Par. foient qu'un Dieu. Clément d'Alexandrie dans le cinquième de fcs Stro-
vidc'ôcpa- mates, rapporte entr'autres des vers de Sophocle, cité par Hecateus Abde-
reneticon j.j^g q^^j ^ ^^j-jj. pHifloire dcs juifs, dans lefquels l'unité d'un Dieu ell ex-
genws. primée en termes bien torts. Voici comme on le fait parler.
X^ertainement ilrPy a qu'un Dieu, qui a fait le ciel ^ la terre ^ lamer enflée^
dr la violence des vents , mais nom miferables mortels , nom égarant de cœur ,
nom avons fait des flatu'ès des Dieux^de pierre & d^airain ^ d'or ou dy voire ,
nous leur facrifons , nous leur confacrons des fêtes, ^ c^efi en cela que notts
ibid. f at fins conjtfier notre pieté. Dans le même livre Clément cite un palTagc
d'un Xenophan€ Colophonien, qui dit que le fouverain Dieu des hommes^
^ des habit ans des deux efi unique ^ dr qu'il n'efi femblable aux hommes^ ni de
corps ni d'efprit. C'efl ce Xenophanes qui difoit fi agréablement, pour fai-
re comprendre aux hommes la faute qu'ils font de peindre Dieu en figure
humaine ^ que fî les bœufs ^ les lions avoient des mains ^ O' favoient peindre ,df
qu'ils voulurent peindre les 'Dieux j ils leur donneroient la figure de Lion, ou de
Sœuf. L'on prétend que Platon a formellement enteigné l'unité, d'un
Dieu , ôc qu'il l'avoit apprife de Pythagore , qui appelloit Dieu /xova; , l'uni-
té, ôc vSç, l'entendement. ?y thagor Ai unum Deum confit etur ^ dit Laélance,
apVi:°** ^w».f ïW(7(?r^(?M/<?«; fj^ ?»«;/ff»^. £t le même Laélance rapporte cette dé-
% fini-
ET DES CULTES DE L'E G L I S E. P^r^. III. 4^^
définition de la divinité, donnée par le même Pychagore. Deus eïl ammuj L3.etmt.
fer ftniverpis mundi fartes omnémque mtHram commems atqne dijfnfus^ ^•'^^flf kf*-
^Ho omnia ejtt<x. nafcuntur ànimalia vitam capiunt, U eft malaifé qu'un hom» cap. j.
me qui a conçu la divinité fous cette idée, n'ait parfaitement connu Ton
unité. Et c'eÛ aflurément, de cette définition dont Virgile a voulu nous
donner la paraphrafe dans ces magnifiques vers.
Spirittis intus dit totamque infufa per artus /Cneid. tf,
t^lfens agitât molem ; & magno fe corpore mifcet,
Inde homiriHmpecudmnque genm y.vit<x,qHe...>.
Et dans ceux-ci
Dèumnamque ire per omm$
TerraÇque , traUufque maris , cdumque profundum-,
Hinc pecades^ arment a^ viros ^genm omne fer arum ,
Quemque fibi tenues-nafcentem arcejjere vitas.
Ciceron définit auffi la divinité à peu prés de même , nec vero Deus ipfe^ qui
întelltgitur a mbis^ alio modo intelligi potefl nifi mens folnta quidam , & libéra^ DeConfola-
figregatA ab omni concretione mortali, omnia fentiens ^ movens. Il eft impoffi-
ble que ceux qui ont ainfi conçu la divinité ne la conçoivent pas unique.
Car fi Dieu eft un efprit répandu par tout, & qui fait toutes chofes, il^'ji^Jg**
n'y en peut avoir plufieurs. Le to ov de Platon eft trop célèbre pour prcepàr.
être oubHé: c'eft ainfi qu'il appelloit Dieu, celui qui efi^ c'eft celui qu'il "^■^•^*®'
appelloit auffi ^vîypf/-/ yôç. le Créateur du monde : 6c il n'en faifoit qu'un qui .. .
félon lui,étoifmaître de tous les hommes,&: le fouverain de ceux qu'il appelle menidc , *ôc
Dieux inférieurs, qui ne font dans la vérité autre chofe que \ts Anges. I"J™^°'.^
Quand il parle de la divinité, il en parle prefque toujours au nombre fin- deSic,
gulier ce qu'ail plaira à Dieu, avec t^aide de 'Dieu ^ comme pourroit parler un
Chrétien. Eufebe apporte plufieurs preuves de ce fentiment de Platon^ ^"'^^- ^''*'
Mais il n'y en a pas une plus remarquable que celle-ci, c'eft que Platon
écrivant à l'un de fes amis , lui dit , quand nous écrivons des chofes importan-
tes nous commentons par un feul Dieu^soç àpx^^j Quand la lettre n'^efi pas im-
portante nous la commentons par les 'Dieux. Certainement Socrate le maître
de Platon, fut condamné à la mort pour avoir méprifé les Dieux des Pa-
yens. Il juroit par un bouc , par un chêne, 6c par un chien, par-
ce qu'il croioit qu'il y avoit aufii peu de divinité dans les chofes qu'il vo-
yoit adorer. Il n'écoit pourtant pas athée, 6c l'Oracle de Delphes l'a re-
connu pour le plus fage de tous les hommes. Cette connoinance de l'u-
nité d'un Dieu, paroïc encore plus grande dans les Platoniciens des pre-
miers fiecles del'Eglife, Porphyre, Proclus, Jamblichus 6cc. Maison
peut foupçonner qu'ils ont puile ce qu'ils en ont dit, des livres des Chré-
tiens. On peut dire la même chofe de.Seneque le Philofophe, qu'il avoit
appris une partie de fa Théologie 6c de fa Morale des Chrétiens: car il vi-
voit du tems de Néron 6c de S. Paul , auquel tems les Chrétiens étoient dé-
jà fort répandus. Quoi qu'il en foit , il dit expreflément , que les divers noms
que l'on donne à la divinité , font de difierens noms d'un même Dieu , Omnia benefecap.y,
ejfe ejafdem Deinomina varie mentis fia poteftate, Maxime de Tyr pafi^eplus •
avant 5
4i6 HISTOIRE DES DOGMES
E ift d avant , il traite de fous ceux qui nient l'unité d'un Dieu. Qui eft ajfez.f ourdit'
Auguft. H«c il ^qma?efprh ajpz, perdu ^fOHrrevoojtter endoHteqn'il n'y a qu'un [enl Dieu fm-
Epiflola ijeratn & magnificjuc ? C'efl celui duquel nous exp/-imoy}s les vertus^ répandues dans
hodic hune tout l'Vnivers^par divers noms. Mais ce Philofophe Platonicien eft plus modcr-
Vv^batTub "^- ^' ^^ l'undc ccux qui travaiUoicnt à jurtifier la Religion Payennc des ac-
coinmodo. cufations des Chrétiens. On prétend que les Egyptiens, entre lefquels la
multitude des Dieux étoit fort établie , îk qui adoroient leurs bœufs,
leurs brebis, Scieur chats, ne reconnoiflbient pourtant qu'une feule di-
vinité. Ils avoient une Idole appellée Kneph , de la bouche de laquelle
' Eufeb. lib. fortoit un œuf, 8c qu'ils appelloient le grand Dieu. ïl eft clair que cet
3. Pixp. Q£^f {ignifioit le monde, & que ce que cet œuf fortoir de la bouche de
x""cx"or- ce Dieu , fignifioit que Dieu avoit créé toutes chofes par fa parole ,& par
Anebonem ^^ ^^""^ ^^ ^^ boUchc.
Traftatudé Certainement ce que Plutarque rapporte de Thebes ville d'Egypte eft
lli ôcofiti. remarquable, que tous les habitans d' £gypte payoïevt un tribut , qui leur étoit
tmpofe par leurs Prêtres ^pour faire la dépenfe des Images des animaux qu'ion ado-
rait dans leurs Temples ^ mais que les Thebains refufoient de payer ce tribut ^ par-
ce qu'ails efiimoient que rien de mortel n'efi Dieu ^ (^ qu"* ils ne vouloient ado-
rer que celui quils appelloient Kneph ^ qui ne devait jamais mourir^comme Un'' e-
Plùtarq.ibid. toit jamais né. L'infcription de laMiverve de Sais efl encore digne d'ê-
tre remarquée. Elle avoit une ftatuë , fur laquelle étoit écrit, fe fuis tout
ce qui a été , tout ce qui efl ^ & qui fera a jamais. Cela détruit la multitu-
de des Dieux: Car fillisell tout, comment eft-ce qu'il y auroit d'autres
Dieux ? Enfin cette unité d'un Dieu étoit un fentiment fi naturel , &
fi gênerai, que le vulgaire même, en parlant de la divinité , s'en expri-
Lib z de ^°^'' ^^ fingulicr, & non au pluriel , comme l'a remarqua Tertullien
veikate dans le Livre de Teftimonio animse, 6c Laélancequi dit, cum jurant & op-
B.elig.cag.1. ^^^^^^ »c« Deos ^ fed Denm nommant.
Après tant de preuves, aufquelles on en pourroit ajouter beaucoup d'au-
tres , l'on ne doit pas révoquer en doute , que les Payens n'ayent connu
quelque chofe de l'Unité de Dieu, & cela fait extrêmement à la confir-
mation de nôtre Religion. C'eft la vérité qui fortoit & qui brilloit du
milieu des ténèbres. Mais cela ne fiiit rien pour juftifier la Théologie
du Paganifme. Premièrement c'étoit la Théologie d'un petit nombre de
Sages, qui faifbient un meilleur ufage de leur raifon que le vulgaire. Se
qui, pour avoir plus étudié la nature des choies, avoient compris l'abfur-
dité de la pluralité des Dieux. Mais la dévotion des peuples de bonne
foi, fc répandoit fur toutes les faulTes divinitez qu'on leurpropofoit, com-
me fi c'euflént été de vrais Dieux. Déplus, puiiqu'ilspolbient pour Dieux
le monde, ôc les diveries parties du monde, le loleil, la lune, la terre,
6c les élemens, il faloit bien qu'ils difient que c'étoient de différentes di-
vinitez: Car le (bleil n'eft pas la lune, ni la lune n'elt pas la terre. Or
les Platoniciens, mêmes les modernes, qui avoient moins d'erreurs ôc plus
de lumière, à caufe de leur commtrce avec les Chrétiens, tenoient que
les corps celeftes étoient des Dieux. Cela paroît par cette queftion de
Lib. deMy Porphyre dans fa lettre à Anebon. Les Dieux & Us Démons fe difiinguent-
fieriis Jam- Us par l'être corporel^ ^ incorporel? Car fî les Dieux n* ont pas de corps, comme
ont le foleil , la lune & les autres habitans des deux vif blés ^ fer ont-tls des Dieux?
Et
ET DES CULTES DE L'EGLISE. Part.lU. 417
Et enfin ceux-là même, qui ont enfeigné l'unité d'un Dieu ne peuvent
être excufcz, puifqu'au ibrtir de leur école, après avoir magnifiquement
difcouru du demiourgos , & du to o'vj s'enalloient dans les l'emples ado-
rer la ftatuë de Vulcain ou de Venus.. Et Socrate, après avoir parlé fi di-
vinement de l'immortalité de l'ame, avant que de mourir, conclut tout ce
beau difcours par un ordre de payer à Efculape un coq, qu'on lui avoit
promis, 6c qui ne lui avoit pas été payé, c'ell ce qu'Éurebe,& Orige-
ne, leur reprochent quelque part fort à propos. Et le même Platon,
qui a dit dans Ton Timée, des chofes fi grandes & fi belles de la, divini-
té, nelaifîepasdediredans le même livre, que les aftres font animez , que
ce font àf^ Dieux, ôc qu'on les doit adorer. Il efi: vrai que là-même
il enfeigné que ce font des Dieux, naturellement corruptibles & mortels.
Car il introduit dans le même lieu le demiourgos .^ déclarant aux autres
Dieux, que de leur nature ils font mortels, Ôc qu'ils ne demeureront
immortels, que parce qu'il le veut ainfi. ^JMIa volonté ^ dit-il^ eflun lien
pins pnijfant pour continuer vôtre être, t^ue les principes dont vous avez, été corn-
pofez.^ quand vous avez, été faits^ ne font pm-ffans pour vous faire cejfer d''ê-
Pré.
Enfin les Platoniciens modernes, des trois premiers fiecles dg l'Eglile,
Porphyre, Jamblichus, Proclus, &c. qui dévoient plus connoître l'unité
d'un Dieu que les autres, parlent pourtant prefque toujours au pluriel des
Dieux , & rarement d'un Dieu ; c'efi; ce qu'on peut voir dans l'ouvrage
de Jamblique de Mjfteriis ^ oiï fe trouve aufli la lettre de Porphyre à Ane-
bon. Et même il y avoit des Philofophes , qui croioient que cz^ Dé-
mons ou Dieux inférieurs, étoient demeurez mortels. On peut voir là-
deflus le traité de Plutarque de Defe^iu oraculorum , oii l'on trouve entr'au-
tres la fameufe Hiftoire de ce Pilote Egyptien, qui pafiant le long des cô-
tes d'Italie, fut appelle par fon nom du milieu des îles , ÔC la voix lui
cria que le grand Pan étoit mort, & qu'il en allât apprendre les nouvel-
les à Rome , c'étoit du tems de Tibère. Et Proclus dans le cinquième
livre fur le Timée, foûtient que les Dieux mondains font tous mortels ,
ÔC immortels, félon Platon^ c'eft-à dire, mortels deleur nature, immor-
tels feulement par faveur.
Mais c'eft afïéz de ces confiderations , parce que nous n'avons pas dt(-
fein de combattre la Théologie Payenne,nous enfaifons feulement l'Hif-
toire, ce n'eil pas la matière d'un traité qui tient lieu de Préface , car
on encorapoferoit un gros volume, & il y en a déjà de tout compofez,
où on lit i'HiftoJre,lanaifiance, les faits & les aétions, de tous les Dieux
du Paganifmf , 6c outre cela, leur culte, & lesfervices, parlefquels on
les adoroit. Il nousfnfiîra de dire ici quelque chofede ces differens Dieux,
en les rangeant en diverfes clafles.
^m. m. - . Ggg CHA-
4.t8
HISTOIRE DES DOGMES
CHAPITRE IV.
ïncroysble
nombre de
Dieux entie
les Pjyens.
In Pfotre-
pticoad gén-
ies.
L
Lqs Vieux des Payens âivijez en diverfes Clajfes.
E nombre des divinitez Pavcnnes étoit prodigieux , c'eft pourquoi
il cil ' " ' "
Divifion en
Dieux na-
turels, &
Dieux ani-
maux..
In tertium
iEncidos.
difficile de les réduire en certaines ClaiTes. On dit que Var-
ron en a contelîe trente raille. Clément d'Alexandrie les réduit à
lépt Clafles. La première eft celle des Aftres. La deuziéme des fruits,
comme Cerés & Fomone , Bacchus , Priape. La troifiéme des peines, com-
me font les Furies. La quatrième des Pallions , comme font l'Amour ,
& la Pudeur. La cinquième des Vertus , comme font la Concorde, la
Paix. La fixiémeed de ceux qu'ils ont appeliez , Z)/V majorant gentinm, Tfils
étoient Jupiter, Mars, Junon. La feptiéme étoit des bienfaits de Dieu
q.i'ils canonifoient j la vertu Médicinale étoit deïfiée fous le nom d'Efcula-
pe , les Sauveurs fous ceux de Caftor & de Pollux.
11 n'y a pas de divifîon plus commode & plus générale , que celle par
laquelle on divife les Dieux du Paganifme, en Dieux animaux , & en
Dieux naturels, Dit animales , & Dii natmales. On en trouve l'origine
dans Servius, qui rapporte les paroles de Labeo. Labeoin Librisqm ap-
pellamur de T)tts quihus origo animalis eft^ ait ejfe cjH&àâm facra^ quibus awma
humana, vertuntur in Dees , <jHi appeiiantar animales^ qmdde animis fanî.
Les Dieux animaux ce font donc les hommes deïfiez. Et les Dieux natu-
rels, ce font les parties de la nature , les aftres, les élemens, les monta-
gnes , les fleuves 5& autres chofes fembiables , dont on a fait des Dieux,
.11 faut remarquer pour l'intelligence de nôtre Hiftoire, qu'il n'y a point
de divinité Pay enne, fous laquelle ne foient cachées ces deuxefpeccsde
Dieux, Dieux naturels ÔC Dieux animaux, c'eft:-à-dire, qu'il n'y a point
de nom de fauX' Dieu , qui ne fignifie ou un ailre ou un élément , & eo
même tems quelque homme, qui a été mis au nombre des Dieux. Les
Payens, comme nous l'avons déjà remarqué, ont confondu l' Hiftoire
de la nature avec celle des hommes , c'eft une vérité que l'on ne fau-
roit révoquer en doute, pour peu qu'on ait étudié cette matière avec at-
tention. C'eft pourquoi dans toute la fuite de nôtre ouvrage , nous ob-
ferverons cet ordre, c'eft que nous rapporterons tout ce que l'E-
criture Sainte dit de la divinité , dont on aura à traiter. Enfuite nous
chercherons quelle divinité Grecque & Romaine, eft cachée fous le nom
du Dieu Phénicien , Cananéen ou Syrien. Enfuppofant aufîî ce princi-
pe très certain, c'eft que la Religion eft venue du même pais, d'où font
venus les hommes , que les Dieux des Payens de l'Occident, ne font pas
autres que ceux de l'Orient. Et après cela nous chercherons quels font Içs
Dieux naturels, ou quelles parties du monde on a adorez fous ces noms, 6c
enfin nous verrons quels Dieux animaux, ou quels hommes, on a joint aux
Dieux naturels, pour les adorer fous le même nom. Sur cela il faut obfer-
ver,
ET DES CULTES DE L'EGLISE. Tart.lU. 419
ver, que le premier de tous les Dieux naturels, c'efl le Soleil, & qu'il eit ^
caché prefque Tous tous les noms des Dieux. Macrobe dans le premier Macrob. 1 1.
livre de fes Saturnales, a entrepris de le prouver il y a long-tems. Il croit ^^t"^"^^^^^'
qu'Apollon, Jupiter, Bacchus, Mars, Mercure , Efculape, Hercule,
Ifis & Serapis, Adonis, Atis, Ofiris, Horus, Nemelis, ôcTAdaddes
Afîyriens, font le Soleil. Bien qu'il y ait dans Tes conje6lures beaucoup de
chofes faufles, cependant il y a beaucoup de veritez, & de recherches très
curieufes. Entre les Modernes , il y en a beaucoup qui ont travaillé à videVof"-
cela, c'eft-à-dire, à faire voir que la plupart des divinitez Payennés, Te lôîaTrfaVb.ï
rapportent aCi Soleil. Au moins eft-il certain que le Soleil, la Lune, la
Terre, & la nature en gênerai, ibnt les principales chofes, qui font cachées
fous les Dieux naturels des Payens. Pour ce qui eil des Dieux animaux ,
il eft codifiant de l'aveu même des favans Payens , que fous les noms des
divinitez Payennés, font cachez des hommes. Ciceron n'en fait point de
myflere. Dans le 2«. Livre de la Nature 4es Dieux, il nous fait l'énumeration
de plufieurs divinitez , & parlant en Tfieologien , & non plus en Poète ,
il nous en fait la généalogie, ôcreconnoît qu'ils ont été des hommes. Dans
le premier Livre des Tufculanes il'confeffe de même, que les Dieux Souve-
rains 6c du premier ordre, ont été des hommes. Hérodote ne difîimule Herodot.
point, que les Grecs avoientpris leurs Dieux d'entre les hommes. Les Fer- ^'^ ^^^°''
fes ^ dit- il, n'ont ni fiatuésj ni temples.^ ni antels , (^ croient c^ae c'^efi une folie
d'en bâtir', la raifon eji , comme je crois^ ^^^jls ne font pas dans le fentiment des
Çrecs , lefcjuels efliment que les Dieux ont tire' leur origine des hommes. Mais
alfûrément les Grecs ne font pas les premiers Auteurs de cette folie j
cela leur efl venu d'Orient , & l'on ne peut pas douter que les Patriar-
ches , & les anciennes tiges du monde, n'ayent été adorées par leurs dé-
cendans, fous les mêmes noms que les Dieux de la nature. Adam , Eve,
Noé, Sem, Cham,6cjaphet, font les hommes dont on a fait des idoles.
Un favant homme de ce fïecle, a voulu trouver Moïie dans toutes les di- «"«t dc-
vinitez Payennés. Mais j'ai peine à croire que les Savans puiilènt goûter Ev'^angèiica,
cette partie de fofi ouvrage. Elle eft pleine d'une grande litteratu*l-e , mais
l'érudition y eft ranuffée fans choix, ôc avec peu de jugement. Il eft donc
plus fur de ne fe pas tant reflerrer , ôc de chercher dans les divinitez
Payennés, les principaux Patriarches , & l'on ne manquera pas de les y
trouver. Selon cette méthode , nous trouverons fous le Molok des Phé-
niciens, qui eft le Saturne des Grecs & des Romains , nous y trouve-
rons, dis-je, le Soleil pour Dieu naturel, Noé pour Dieu animal. C'eft la
méthode que nous fuivrons par tout, mais il eft bon de donner ici les di-
vifions principales, &de parler des différentes claflés, fous Jefquelles les
Grecs & les Romains ont rangé leurs Dieux j parce que dans la fuite en
parlant des Dieux des Cananéens, & des Syriens, & y cherchant deflbus ' '
les Dieux des Grecs & des Romains , il ne fe pourra pas faire, qu'on ne
parle fouvent de ces divers ordres de Dieux Grecs &; Romains. Il en
faut favoir quelque chofe.
Les Philofophes, & les maîtres des grands myfteres de la Théologie
Payenne, divifoient autrefois les Dieux autrement que les Poètes & les
Prêtres, Jamblique Philofophe Platonicien, favant dans cette efpece de J^mfciicb.de
magie, qu'ils appelloient Theurgie, fait huit ordres de Dieux. Dans lèpre- ^Jj ""^
Ggg z mier"p. I.&2.
420 HISTOIREDESDOGMES
Divifiondesmier il metrolc les grands Dieux , qui font invifibles , 6c qui font par tour >
faShqueT <J^"s ^^ deuxième les Archanges , dans le troifiéme les Anges, dans le
&ics piâto- quatrième les Démons. Dans le cinquième les Archontes Majeurs , c'c-
deincs.'""' toient ceux qui préfidoient fur le monde fublunaire , ôc fur les Elemens.
Dans le fixiéme les Archontes Mineurs, qui préfidoient fur la matière.
Dans le feptiéme les Héros, oc dans le dernier les Ames. Mercure Trif-
megifte divifoic les Dieux en trois Claflcs, les premiers s'appelloient cc-
Jinibiiq. deiefj-es f^yp^iv/o/, dont il avoit compofé mille volumes, les Dieux empyrées
Sea.scap.j. iy.iivptoi , fur lefqucls il avoit écrit cent volumes, ôc les Dieux ii6epiOi,Êthe-
Aicib'-V" ^"^^% ^Lir lefquels il avoit écrit aufii cent volumes. Les Pktoniens divifoient
piatonis." * leurs Dieux, ou leurs Démons, en à'uAo/, & ÙA«rû<,ii?"jmateiiels ôc matériels,
J'^'^jJ.^'^'^^'*.^ en t-yxc(7/x/ j/ & Ù7f pHoV/o(.iOi , mondains & lupramondains, ce font ceux qui
sea. 3. cap" font dans le monde , & qui préfident fur chacune de les parties. Ils d'i-
4- &. . . foient que ces Dieux étoient fujets à la dellinée -,. & même il y en avoit
d'entre ces Dieux matériels, de fi cralTes ôc de il brutes , que les hommes
jambiich. les menaçolcnt , ôc les traitoient comme leurs inférieurs. Jamblique les
8.^7.^"' i^ppelle av.pi'Koi^à'kôyiçQt. Ils avoient tiré cette Théologie desChaldéens,. ôc
Idem ibid. dcs oraclcs appeliez Chaldaïques, qu'on attribuoit à Zoroaftre. Cette Theo-
& j' * logie Chaldaïque raifonnoit ainfi des Dieux. Les Cha/d/ens pofoient un fenl
ifeiius in ^ uniijHe Principe de toutes chofes, <jMi eji bon , puis ils adoraient une certaine fra^
Chaldaïca. fondeur paternelle ^compofée de trois Trinitezi^ & chaque Tnnite' ayant le père, la
ftiijfance & l'^ entendement. (tAprés cela vient Piunx comprehenfible a ^entende.'
ment , a celle-là immédiatement font joints les 'l\e5ieurs du monde , Cigne'e, Pe'-
therien, & le matériel-^ puis viennent les ReUeurs ou Princes des Cérémonies^ c^efi'
a- dire ceux qui préfident fur les Cérémonies Atagiques , & qui peuvent être e'va-
qucz, par la Theurgie. A ceux-là fuccedoient les Pères des fontaines eternellesy
qu''on appelle conducteurs du monde ^defquels le premier a été une fois nommé. Après,
lui vient Hecaîé , puis celui que nota avons nommé deux fois. zy4prés viennent
trois implacables , 0" le dernier appelle vTre^ayoç , fuccm5lor. Ils adorent aujfi une
Trinité de fources,^ la foi , la vérité ^ & Pamour. Ils pofent aujji le Soleil pour F Em-
pereur Archi:ingeliqHe , forti d.e la four ce de la mature , i^ 'qui efl lut - même la
fource du fentiment , du jugement^ des foudres^ des miroirs , dr des caraUeres y
toujours occupée fur des fymboles inconnus 5cc. Ils ont auffi des Dieux qit^ils ap"
fellsnt c/Xcûvoi-) qui n'ont point de Zones., ou de ceintures 6cc. les. Dieux ut^cùvotfont
Serapis , Diomfus ., & la chaire d'^Gfifis & d'Apollon. Ils font appeliez. Dieux
fans Zones , parce qu'ils ufent librement de leur pouvoir dans les Zones , & font
placez, au dejfm des Dieux vtfibles , comme font le Soleil, & la Lune, aucoiu
Ce font les traire tlj a des T>ieux ^mzTot^ qui font attachez, aux Zones du Ciel^ roulant libre-
marcha"nt à f'^^'nt amour de ces Zones y ils ont la charge de gouverner le monde. Car Us
h fuite de Chaldésns ont une efpece de Dieux appeliez, ^(wvmoiy. qui habitent dans les parties du
Dka^Cela monde fenfbk.^ ■& qui font attachez, aux parties de U matière qui leur font échues
s'appelle en partage. L'on voit dans ces énigmes les Dieux des Platoniciens j mais
(Tmk'^ on y voit aufîi la Théologie des premiers hérétiques , Valenriniens, Gnofti-
la chdne ques, & même des Manichéens. On voit là-dedans des traces bien {zW"
Dî'e" '^voi ^^^^^ ^^^ TËones des Valentiniens ,. dont ils compofoient une Théologie
Jumbiique. impénétrable & abfurde. Manés é.toit Perfe , Se les anciens nous diient,
qu'il avoit puifé fa Théologie dans les livres attribuez à Zoroaftre. En
effet ce que difoit cet héretiqLie de zt5 deux principes, l'un du bien , Se
L'autre
ET DES CULTES DE L'EGLISE. Part.UL 421
l'aucie du mal, a un très grand rapport avec l'Oromafes , & l'Arimanius
de Zoroaftre, dont le premier étoit le principe du bien , & le fécond le
principe du mal. Et cette Théologie n'ctoitpas feulement celle des Chal-
déens , c'étoit celle des Grecs, d'Empedocle, d'Heraclite, de Pytha-
gore éc de Platon , comme on le peut voir prouvé dans Plutar- riut»r<î.
Il nous eft moins important de favoir quels étoient les Dieux Orien- d'ofuis.
taux, ôc leurs divers ordres, félon cette Théologie myftique, parce que nous
faifons proprement l'Hiftoire de la Théologie, ôc de la Religion des Oc-
cidentaux, qui n'entroient gueres dans ces myfleres. C'ert pourquoi nous
nous contenterons de voir brièvement, fous quelles clafles les Grecs ôc les
Romains rangeoient leurs Dieux.
Il y a une divifion fort célèbre des Dieux, en Dieux A:fajorum gentmm j'^'^^^^o-
& Mworum gentifim ^ qu'on a tirée de la première des Tufculanes de Ci- dumf^^'
ceron, Jï ver 0 fer ut art vettra , ^ ex his ea quA ScriptoresÇrdcia, prodiderunt ^
efnere eoner , ipfi illi qui Majorum gentium Dit habentur , hmc a nobis profeSi
in Cœbim reperientur. Les Dieux Majorum gentium^ font donc les Dieux an-
ciens,fortis des vieilles tiges, reconnus pour Dieux par touty & fur tout entre
les Grecs 6c les Romains : les Dieux Mmorum gentium^ font ceux qui ont été
ajoutez & aflbciez aux anciens»Dieux , oc ces Dieux font particuliers à cer-
tain peuple, tel était le Quirinus des Romains,. le SemoSancus des Tof-
cans. Ciceron a divifé ainfi les Dieux par allufion à ce que Et Tarquin
l'Ancien, cinquième Roi de Rome. Au corps des anciens Sénateurs
il en ajouta cent autres , les anciens Sénateurs s'appelloient Patres Ma-
jorum gentium ^ & les nouveaux Patres Mtnorum gentium.
Les grands Dieux portoient divers noms. Ils s'appelloient Dii confentes dh confeur
& Dii eleBi. Mais les Dieux clefti étoient en plus grand nombre que les "iVa?'^
cotifentes. Car tous les confentes étoient bien deïli ; mais tous les ele^i n'é-
toient pas confentes. Il y avoit il. Dieux appeliez confentes^ compris dans
ces deux vers d'Ennius»
funo , Vejïa , Minerva , Ceres , Diana , Fenus , Âfars ,,
Mercurius , fovis , Neptunus , Fulcanus , yipollo.
On les- appciîoit confentes , quaft confentientes , c'étoient les con(eilJers Vàrro nb. t.
& aiTefléurs de [upiter, quos dicunt m confilium fovis adhiberi. Les Tofcans **^^^^"^'*^^'
les appelloient aufiî, Dit complices.^ félon le témoignage d' Arnobe, qui don- Augufl. ).4,
ne une autre raifon pour laquelle on les appelloit confentes, c'eil qu'ils fe cfjirbd
lèvent 6c fe couchent enfemble. Hos conjèntes & complices Etrufci aium # Arnoi>ius '
nommant , qtiod una oriantur & occidant y fex mares & totidtm fœminas nomi- ge^,"s"*
nibii6^ ignotis , & miferationis parcijfimdi , fed eos fîirsmi 'fovis confliarios ,. ç^r Lib. 3.
Principes exîjl'imari. Arnobe dans un autre lieu les appelle trow/frf^Vfj. Sed^"^- '^^'
Deos coîjferentes pari modo & diffmulatione taceamus. Leurs itatuës dorées, Lib. j.
étoient ibr la grande place appellée Forpim Romanum ,. où fe tenoient les ^ ^^^"
grandes aflemblées du- peuple , & 011 l'on rendoit les jugemens. Ce fut
à i'iraiîation de ce confeU des Dieux, ou'Auguile fit en fecret ce célèbre fou-
per, qui s'appella Ccena da^sud^scg ^ le fouper des douze Dieux , dont on
lui ht une fi grande affaire. Augufie choifit douze perfcnnes, fix hommes,
4iî HISTOIRE DES DOGMES
Sueton. 1.2. 5c fix femmes, qui repréfentoient par leurs ornemens fix Dieux , 6c flx
tap. 7. Décfles, èc lui-même y étoit fous le perfonnage d'Apollon. A ces douze
Dieux Coyifentes^ ils en avoient ajouté huit autres, qui faifoient en tout 2,0.
Dieux SeleUi. Ces Dieux ajoutez éroient Janus, le Génie, le Soleil, l'En-
fer, Bacchus, la Terre, la" Lune, & Saturne: La Terre & la Lune paf-
foient pour Déell es, jointes avec les Hx premières. C'étoit en tout huit
Déciles 6c douze Dieux , & c'étoient les Dieux que Ciceron appelloit Ma-
joYum gentinm.
DiiSamo- Il y avoit d'autrcs Dieux qui s'appelloient DU Samothraces ^ & Cabbiri.
Cabbiti'. ^ ïls étoient du nombre dts Confentes^ mais tous les Confentes^ n'étoient pas
Lib. 4. de Dicux Samothraces. Varron dit que c'étoient le Ciel 6c la Terre, Terra &
tina^"^^^' Cœlum^uî Samothracum tnttis docent , funt Dit magni ^ & hi c^uos dixi multit
nominibus : Nam necjHe quM ante portas fiât uit daas fpeciei aheneoi Dei magni ^
■N neque^ ut vulgw putat , ht Samothraces DU , cjui Cajior , & Pollftx , fed hi
mas & fœminajô" hi quos Augurum libn fcrtptos habent fic^ Divi Potes^ ô'fant
pro tllis qui in Samothrace (^soi ^vvaroi. Dans l'opinion du vulgaire les Dieux
Samothraccs,c'étoient Caftor ôc Pollux, mais félon Varron, c'étoient le Cieî
ôc la Terre, deux divinitez, l'une mâle 6c l'autre femelle, que les Augures
Lib. î. Sa- appclloient les Puijfam Dieux. Mais Macrobe prétend que ces Dîvi Potes
turn. cap.4. ^çg Augures, appeliez aufii Cabïres, étoient Jupiter, Junon ôc Minerve.
In primo D'autrcs en font quatre, & les nomment Cerés, Proferpinc , Pluton & Mer-
corum^""' cure. Voici ce qu'en dit le Scholiafte d'Apollonius. On appelle Cabires j
Apoiio- les Dieux de la Samothrace, dont Mnafias a donné les noms, il y en a qua-
Ludov. vi- tre , AxieruSj Axiokerfa, Axiokerft^s. Axterus^ c^efl Cerés , Axiokerfa, c^efi Pro-
vem in Au- Çerpine , Axiokerfus , ç'efl Plnton j &a ces trois on en a ajouté un cjaatriéme pom
de civit." Minifire , c'^efi Mercure appelle Kafmiltis , comme le rapporte Dionyfodore. Mais
Dei cap. 28. ^i^g^iion eflime^ que ces Dieux Samothraces font fajïon & Dardanus ^ Enfansde
Jupiter & d^Eletira , (^ on ejHme qu'ils font appeliez. Cabires^ des montagnes de
Phrjgie^ qui portent ce nom j par ce qu'ion les avoit tranfporiez, de la. M.ais d'autres
di[ent qu'il nj a que deux Cabires^ le Premier ou r Ancien^ c'^efi fupiter^ le feUne
ç'efl Bacchus^ ou Dtonyjïus.
Cette diverfité de fentimens, nous aprend que les Prêtres faifoient un
myftere, des noms de ces Dieux Samothraces, ôc qu'on les tenoit cachez
Lrb.j. Adv. fous le fcau du fecret. En effet Arnobe dit qu'on ignoroit leurs noms, &
Gent.p.iaj. pj-ouvc par là qu'il étoit impoiîible de les bien invoquer,/ Curetas pro La-
ribus invocavero^ quos îndïgetes Samothracios pars veflrorum ajfeverat , qpiemadrtto~
dum his potero auxtliatoribus & propittis uti^ cum neque his fua^ & aliéna tllis ^ im-
pofuero nomina. Il y a encore une autre opinion, qui confond les C<«^/rfj avec
les Curetés, ou Creteins. Les Curetés étoient ceux qui avoient nourri Jupiter
dans l'Ile de Crète, ôc l'avoient fauve de la fureur de fon père Saturne, qui
mangeoit fes Enfans, ce qui fait voir d'autant plus que leur nomeft igno-
Juniusin ^é. Et c'^H cc qui a donné lieu àjunius de dériver le nom de Samothrace,
Tm d" ^^ l'Hébreu nno fathar, cacher , d'oii il a fait Samethar, par l'interpofîtjon
speaac.c. s. d-un 0. Mais il y a plus d'apparence que ces Dieux avoient tiré leur nom
de l'Ile de Samos, qui dans la fuite prit le nom de Samothrace.
virg. 7. Thréiciamque Samon , quA nunc Samothracia fertur.
Car l'Ile de Samos avoir été fameufe par ^ts dévotions , comme il pa-
roît
ET DES CULTES DE L'EGLISE. PartAU.4,2^
roît par ce partage d'Hérodote. Les Çrecsn'avoient pas emprunte des Egyptiens ^^^•''■•^^
U coutume de repréfenter Mercure^ cum pudendo ereâro, mais des Pelufgiens^ p ^^f^
(^ de tous Us Çrecs. Les Athéniens tirèrent cela des Pelafgiens^ ^ les autres Grecs
te prirent des Athéniens. Car les Telafgiens habitertnt avec les Athéniens , ejui
alors étaient reputez. Grecs. C'eft pourquoi les Pelafgiens commencèrent aujfi à
être conjiderez. comme Grecs. Ceux qui [ont initiez^aux myfteres des Cabires ^que
les Samothraces célèbrent , les ayant pris des Telajgiens , entendent bien ce que je
veux dire , car autrefois les T^&lafgiens avaient habite' la Samothrace , & ce fut
d'eux que les Samothraces prirent les Orgies ^ou lesmyfleres. C'eft-à-dire, que
les Samothraces avoienc pris leur Religion des Pelafgiens , & que les Sa-
mothraces l'ayant communiquée à d'autres, ceux qui avoient emporté ces
Dieux de Samos, leur avoientlaifle le nom de Dieux Samothraces. Ce-
partage d'Hérodote nous apprend aurti , que les Cabires ôc les Dieux Sa-
mothraces étoient les mêmes. Nos Savans croient avec aflez de vrai-
femblance, que le nom de Cabires ^xcnl de l'Hébreu Cabbir n^as , 6c Cabbinm,
qui CigniRe grand j parce que c'étoient les grands Dieux. Il y a apparen-
ce qu'Enée avoit apporté cette Religion en Italie, 6cque les Troyens,
voifinsdePi^rchipel, i'avoient eue de l'Ifle de Samos, l'une des Mes de
cet Archipel fur la côte de l'Afie. Strabon rapporte divers fentimens strab.iib.m
touchant les Dieux Cabires & Samothraces. Il dit , que quelques-uns ^
les conf ondoient avec les Corybantes ^ O" fdifoient ces Corybantes certains Dé'
mons^ fils de Minerve & du Soleil. D'' autres Us faifotent fils de S'atur^
ne ^ d'autres fis de Jupiter & de Calliopé. Les Corybantes appeliez. Cabires^
s'en allèrent en Samothrace^ qui s'appelloit auparavant Melita ^ & y injli-
tuerent leurs Myfleres. IJn autre <îyiuteur , appelle Siphus, dit , l^e dans la
Samothrace le nom de Cabires efi inconnu ^ & que les Cabires , qui établirent leurs
myfteres dans la Samothrace , avoient tiré leur nom d'aune montagne app-ellée Ca^
birm , qui étoit dans la Région de Berecynthia , d^c. ZJn autre <iy4uteur dit ,
que Camillus étoit fils de t'^ulcam , d^ de Cabira , & que ce Camille eut trois fil-
les, qui s^appellerent les JSlymphes Caberides. Pherecides dit ^ que d"^ Apollon &
de '^hifiî naquirent neuf Corybantes , qui demeurèrent en Samothrace. Que de
Çabera^ fille de Protêt & de Vulcain^ naquirent trois Cabires ^ & autant de Nym-
phes Caberides , aufquels on bâtit des Temples , qu^on les honora dans Lemnos , (fr
dans les villes de la Troade , & que leurs noms font myfiiques & cachez.. Ce paf-
fage confirme que les Cabires ôc les Samothraces, font les mêmes Dieux ,.
que les noms de ces Dieux étoient myrtiques & cachez , que les Troyens
avoient cette dévotion , d'oii Enée l'avoit prife pour l'apporter en
Italie.
Il y avoit d'autres Dieux célèbres chez les Romains, qu'ils appelloienr dj; Yknztt^.
Menâtes-, Et c'étoient ces Dieux qu'Enée avoit apportez en Italie, qu'on
regardoit comme les Dieux Tutelaires de l'Empire. C'eil pourquoi St. Au-
guitin les poufi^e , fur ce que ces Pénates n'avoient pu garder la ville de Troye,-
6c on leur confie la ville de ILomc, it an e if is Penatibusvi^lis Romamynevin'-
ceretur.prudentes commendare debuerunt?
- Virgile fait voir que les Dieux Pénates avoient été apportez de Troye.
Car il fait ainiî parler Junon ,,
^enS'
424 HISTOIRE DES DOGMES
^ncid.i. Gens inimica mihiTyrrhenum navigat dejuor^
llmm in Itdiam port ans ^ vi^ofjHc Pénates.
Et ailleurs Hedor apparoiflant en fongc , dit à Enée ,
VirgU. /En. Sacra fnos tibi commendat Troja Tenates^
T.âsj. ^"^ cape fat or um comités , hls mœnia ejHizre.
Dieux Sa- Or je lie doute point que ces T^enates ne fuiïent les Dieux Samothraces,
&*iesPena- '^^^^ "*^^s vcnons de parler. Deux chofes le prouvent : La première, c'elt
tes. que les Dieux Samothraces étoient les Dieux des Troyens, conitme nous
venons de le voir, ôc l'on croit même que ces Dieux avoient le nom de
Castres, d'une montagne de ce nom, qui étoit dans le pays deTroye: La
féconde, c'eft que les noms de ces Dieux Samothraces, étoient cachez, &
qu'il n'étoit pas permis de les révéler > la même choie s'obfervoit pour les
Pénates des Romains , leurs nom's étoient inconnus. Macrobe attribue cela à
la politique des Romains, qui cachoient le nom du Dieu Tutelàire de l'Em-
pire , afin qu'en des cas de fîege , on ne le pût pas évoquer par des charmes &
prières j comme eux-mêmes avoient accoutumé de faire quand ils aiïie-
Saturn. 1. 3. geoicut dcs villes. Morémque arcanum ^ '& multis ignotumfmjje , ut cum
obfiâerent Hrbemhoflmm^eâmque jamcapi po^e confiàerent , certo carminé eyoca-
. rem Deos Tmelares , ÔCC. Propterea ipjt %ommi , & Deum in cujtis Tfitela urbs
Roma efi, & ipfim urbis Latinum nomen ignoinm e^e voluerunt j mais il efl plus
apparent, que cette coutume de cacher les noms des Dieux Tutelaires de
Rome, ve«oit des myfleres de Samothrace. Car il paroît par le même
chapitre de Macrobe, que l'ignorance du nom du Dieu Tutelaire d'une
ville , n'empêchoit pas qu'on ne l'évoquât, puis que dans la formule d'é-
vocation, qui elr là propofée par Macrobe, on ne le nommoit point par
fon nom , ôc l'on fuppofoit que ce pouvoit être , ou un Dieu , ou une Déeife,
Si Deas , Jî Dea efl ^ cm Topulm civitafqae Carthaginenjîs efl in Tutela,^ &c.
Au relie Varron, le plus favant des Latins, a été de ce fentiment, que
les Pénates des Romains étoient les mêmes que les Dieux Samothraces ,
Macrok V^rro rerum hummarumfecHncù refert-Dardanum Deos Pénates ex Samothrace
Satuinal.1.3. in Phrjgiam , & ^Alneam ex l^hrygiain Italiam dettdtlfe j ce que les noms
de ces Dieux Pénates étoient gardez fous le feau du fecret , ell caufe qu'il
Dion. Haii-y a uuc fi grande divcrfité d'opuiions fur ces Dieux : Denys d'Halicarnafie
Romt""'^' '^^'" avoir vu à Rome, prés du marché, un Temple bas ôc obfcur, dans le-
quel il y avoit deux itatuës de Dieux Troyens, en habit de gueriT, ayant
la pique à la main avec cette infcription ùi'''jcireç. L'on croit qu'au lieu de
DenateSj il faut lire Tenates, & quelques-uns de nos Savans croient, que
c'étoient les images de Cailor & dePoliux, les Pénates &lesDieuxTu-
telaires de l'Empire. Mais cela, ne peut être , fi ce que nous avons
rapporté de Macrobe & de Varron eil véritable , comme il eft plus
. vrai-femblable 5 c'eft que les Dieux Tcnates , & les Dieux Sa-
Aguft. mothrates font beaucoup plus anciens que Caftor ôc Pollux , qui vivoient
GviVd ■ ^^^ ^^^^ de la guerre de Troye, puifqu'iis étoient frères d'Helene, fem-
cap./. me de Paris. 11 efl vrai que le voyage d'Enée en Italie eft fort douteux^
vofiîusidoi. comme l'a fait voir le fayant Bochart, dans une DiiTertation qu'on ami-
IJB. I. cap. ' T -
12. le
ET DES CULTES DE L'EGLISE. TarLlU. 425
Te à la tête du Virgile de Segrais. Mais quand même il feroit faux que
les Dieux Samothraces auroient été apportez en Italie par Enée, ils
peuvent y avoir été amenez par un autre, car il eft certain que les nations
voifînes des côtes de l'Aiie, le long de la mer Méditerranée, ont couru
toute cette mer jufqu'au détroit de Gadesj èc que les Religions de l'Oc-
cident font venues de l'Orient par cette voye. Et fans cela Macrobe
nous montre par quel chemin les Dieux Samothraces peuvent être venus
en Italie, c'ell par le moyen de Tarquin le vieux qui étoit Corinthien.
TarqmntHS^ Demarati (orinthii filim , Samotkraciis Religionibm myflice im-\^^ j sa-
bnifiSy uno Templo ac fub eodem teUo numinA memorata conjungit. Si les Ro- '^"^^' "p-p.
mains ont connu les Dieux Samothraces , il y a bien plus d'apparence
qu'ils ont mis leur Empire fpus la proteélion de ces Dieux, qui étoient les
Souveraines divinitez du monde , que fous la proteélionde Caftor ôc de
Pollux, qui n'étoicnt que des Héros. D'autres ont crû que la Déefle Vcfta
étoit la divinité Tuteîaire de l'Empire Romain, parce que Virgile api es
avoir fait dire à Heétor,
SAcra fu6fyne tibi commendat Troja Tenates.
Il ajoute,
Sic ait & manibus vlttoi Veflâmque petentem,
^/£ternHmqHe ^dytis eff'ert penetralibns ignem.
Il femble que Ciccron (bit à peu prés dans ce fentiment, Ckr après ^^ Natua
avoir parlé de Vefla, ôc avoir dit qu'elle préfide fur les Autels, & fur les j^^'"™ * '
Foyers, vu ejm .ad aroi & focos pertinet. Il ajoute, nec longe abfptnt ab hac
'ui DU Pénates , five a Penu duElo nomme , eft enim omne quo vefcuntur homi"
nés penns ^ Jtve ab eo qmd penitm injtdentj exqtto etiam Pénétrâtes a Toetù vo-
cantur. D'autres ont crû que ces Pénates étoient Mercure & Apollon,
qui avoient bâti les murailles de Troye, ôc Macrobe croit que Virgile fa- M^crokiib.
^ T ■ • VI j- i " 3. Satiun.
■ vonie cette opmion , parce qu il dit, cap. 4.
Sic fatus méritas arts maHabat honores^ wEneid.Iib.5>
Taurum Neptum , îaurum tibi Pulcher Apollo.
Mais comme il efi: plus apparent que les Dieux Pénates^ & les Dieux
Samothraces^ font les mêmes , il y a auffi plus d'apparence que ces Dieux
étoient les grands Dieux, qui font nommez par Macrobe : favoir Jupi-
ter, Junon & Minerve. Caffius Hemina , cité dans le même lieu par
Macrobe affiire, que l'on appelloit les Tenates^ les grands 'Dieux ^ les Dieux
"Bénins, les Dieux Puijfms; noms qui ne pou voient convenir qu'aux di-
vinitez Souveraines.
Pour ce qui eft du nom de Pénates , l'origine en eft obfcure aufïï. Le °of 'JeJ"
paflage de Ciceron que nous venons de rapporter le fait venir de Penus^ tes.
qui fignifie & la viande dont les hommes fe nourriftent , & principale-
ment le lieu retiré 6c fecret, oii l'on ferre les viandes, c'eft-à-dire, un
garde-mangerj ou de penttHs^ eo quod penitm injîdenf, d'où vient le mot de T^-
Part.Iir. Hhh ne-
426 HISTOIRE DES DOGMES
netralia. Microbe dit que Tenates font les Dieux, per ^mos penuHsfpiramm^
^. ver ams habemns corpm , per cjhos rationem mtmi pojfidemHs. D'autres veu-
moLuivoce leiic quc Ics Peiiates Ibient aind appeliez, (jhaJî pênes nos nati , les Dieux
ïauis. Jli Pais, originaires du lieu dont la garde leur ell commife. Quelques-
uns veulent qu'ils ayent été appeliez Tenates ^ c^na.ft denates Jîve denati ,
c'ell-à-dire, des hommes morts, parce que les T^^^r^j étoient en effet des
hommes morts , qui avoient autrefois travaillé' à la confervation du Païs
durant leur vie,. & aufquels on en donnoit la proteélion après leur mort.
La véritable origine ell celle qu'en a donné Ciceron , Pénates wicnl de Pènm ,
comme de m^gnHsvxtnimagnates^àc ftimmns fummates , ô^optimus optimates.
Non parce que Pfw^j figniiie dans le Vulgaire le garde - manger , mais
parce que Penus fignifiele lieu le plus fecretde la maifon, d'où yienzPene-
f eftijs ijb. trale^ un cabinet retiré. Penetralta , dit Feilus ,fHnt Deorum Penatium facraria.
borum vei"- ^^ ^^^ ^out cc quc Feftus nous apprend eft remarquable,c'eft que le lieu le plus
jumfignifi- fecretdu Temple de Vefta,s'appelloitPenus. Pentis vocatur Iochs intimtts in
"''°"^' ty£de rejh îegetibfisfeptHs.]t ne doute point que dans ce lieu fecret du Temple
de Veiia, appelle Penns^ ne repofafient les Pénates. Ainli ils ont tiré leur nom
du lieu de leur féjour. Veila elle-même pou voit être l'un de ces Pénates: Le
feu qui étoit fon fymbole, fait foupçonner qu'on adoroit Junon dans ce lieu ,
fous le nom de Veîta. Car Junon dans leurs myfteres, c'étoit l'air prochain
Macrab. ubi de la terre : fumnem vsro unmn aéra cnm terra. Or le feu & la lumière ,,
fuprà. ç.-'ç^^ ce qui donne la vie à- la terre, & qui fait la beauté de l'air.
Outre les Pénates de l'Empire, chaque ville 6c même chaque famille,
avoit fes Pénates, car c'eft ainfi que l'on nommoit les Dieux Tutelaires ,
parce que chaque ville & chaque maifon avoit {ts Penetralia. Les Dieux
qui étoient adorez ôc fervis dans ces Tenetralia s'appelloient Pénates, /'f-
netralia , dit Fci\uSj. fknt Deori^mPenatmm facraria. Mais ces Dieux par-
ticuliers s'app'-rlloient ainfi, par imitation du nom des Dieux publics de
l'Empire 5 auîquels la protection de l'Etat étoit commife. Ainfi à l'égard
des particuliers, les Pénates de chaque maifon étoient les mêmes que les
sefvîHsad ^-^^^-<"5 quï écoicnt auffi appeliez Du vides. C'efl: pourquoi Servius confond'
tertinm les DiCux Peuatcs avec les Dti viales. Hi amem [unt Dii Pénates & viales.
•nei »*• Q,- comme nous verrons, les Dit vi aies ï\' kxdxawi pas des divinitez fort im-
portantes. Selon le fentiment de Labeo, comme le rapporte Servius au
même lieu, c'étoient des âmes d'hommes dont on avoit fait des Dieux.
Cela doit être foigneufement remarqué afin de ne pas confondre dans la
Içélure des Anciens, les Pénates de l'Empire , qui étoient les grands Dieux,
avec les Pénates des familles, qui n'étoicnt la plupart du tems, que les ames'
des Ancêtres de la maifon.
iïnindigc- Il y avoit un ordre de divinitez inférieures aux Penatçs de l'Empire,
»«• c'étoient ceux qu'ils appelloient DU Indigetes. C'étoient les-Dieux parti-
culiers de chaque Païs, qui avoient été hommes nez dans le Pa'is , & qui
après leur mort en prenoient foin. Ou tout au moins c'étoient des Hé-
ros déifiez après leur mort , fous la proteélion defquels on fe mettoit,
comme aujourd'hui on fe met fous la proteélion d'un Saint, qu'on appelle
Patron. Enée étoit adoré entre \ç:$ Romains fous le nom de fapiter In--
diges. Il avoit fon Temple fur le Fleuve Nuraicus, ôc fur le Frontifpice
STn-îq* ^' ^'^ Chapelle étoit écrit , Patri Dço Indtgeti^qm1s(Hmici amnis mdas tem^
Ub. ,u. ' per aï.
ET DES CULTES DE L'EGLISE. Paft.lU. 427
perat. Ce fut Afcanius Ton fils qui lui donna ce nom en le déifiant. /«- Apud fcI-
digetîs mmine ty£neai ab y^fcanio appellatus^ckm ptignanscum Meffentionufcjuam *"""•
Apparuijfet ^ in cujus namine etiam 1 emplum conflrnxit. Ovide fait l'Hiltoire
de la manière dont Enée fiât reçu au nombre des Dieu;K, à la prière de
Venus fous le nom à'Jndiges.
Contigitos, fecitijue Deum , tjuem Turba Qairini Mctamorph.
ISluncapat Indigetem^Templôque artfque recepit. * .i-t-v-n.
Romulus efl: auflî l'un de ces Dieux 7»^/^^?^/ des Romains, adoré fous
le nom de Quirinm. Les Grecs avoient aulîî leurs Dieux Indigetes, fous
le nom de èeoi Trurpuioi viui éyx'^P^o'' E,t de'ce nombre étoient ceux qu'ils
appeîloient vifiièsoi Kvp^Tsç. . Les demi- Dieux Curetés, qui élevèrent Ju-
piter. Peut-être font- ce les mêmes que la fable appelle Corybames^ Prêtres Corybantes
de Cybelé , qui étant venus en Crète fauverent Jupiter encore enfant, de ^ cmetcs.
la fureur de fon père Saturne , parce qu'avec leurs cymbales, ils faifoient
continuellement dans l'Ile un fi grand bruit, que Jupiter enfant ne pût
être découvert par l'es cris, au moins l'Auteurde l'Hercule Oetseus, entre
les Tragédies de Seneque, les confond :
l^rnla Crète ^ magnotellm ^ ^'J'/Xs
Clara tonante , centum fopuli ' Oewas.
Brachïa pulfent.
iSlunc Curetés ^ nunc Corybmtes
tÀrniA Haa qHaJJate manu.
Strabon dit , qne dans l^Hifloire de Crète ceux qtti avoient élevé & gardé "^^^ to. ^
Jupiter s"* appeîloient Curetés^ envoyez, de Phrygie par la Déefe Rhea , qui furent '*^"
nommez. Curetés^ acaufedu fotn qu'ils avotent pris d'élever fuptter '^qu'ils avaient
pajjé par l'Ile de Rhodes^ & que l'un d'yeux nommé Corybas^ Prêtre de la ville de
Pidna^ avait donné lieu aux Rhodiens de divulguer ^ qu'il y avait de certains
Corybantes , fils de zJA^inerve & du Soleil. Il y a apparence que c'étoient
les mêmes Dieux que les Grecs appeîloient DaUyli Id&i^ les doigts du Djôyiiidai,
Mont Ida: Touchant lefquels la fable & la Théologie Payenne efl ex-
trêmement diverfe. Les Creteins les adoroient, comme les nourriciers
de Jupiter, c'efl: pourquoi il paroît que c'étoient les mêmes que les Co-
rybantes èc les Curetés. Cependant Strabon les fait differens , & dit que s^"^° ^'^•
la tradition en Phrygie , étoit que les Curetés , & les Corybantes étoient dé~ ^^'
cendus de DaSijlt Idai i qu^ily a tu premièrement dans Pile cent hommes qu'ion
appelloit Daêlylildaiy defquels étoient nez. nœuf Curetés , & que chacun de ces
nœuf avait engendré dix hommes ^ autant qu'il y a de doigts dans lesdeuxr/îains,
^ que c''efi ce qui avait donné le nom aux Ancêtres de Dacîyli Iddi , doigts
du Mont Ida. Il rapporte une autre opinion , c'eft qu'il n'y avoit que
cinq Daétyli Idaei, qui feion le fentiment de Sophocle, turent les premiers
qui inventèrent l'ufage du fer , que ces cinq frères avoient cinq fœurs ,
& que de ce nombre fut pris le nom de doigts du Mont Ida, parce qu'ils
étoient dix en nombre, Ôc qu'ils travailloient au pied de cette montagne.
Diodore de Sicile rapporte la chofe un peu autrement. Et dit „ que y^- ?■ éi-
Hhhz ■ „les''"-^*"^
#
428 l^fHISTOIRE DES DOGMES
„ les premiers habitans de l'Ile de Crète furent les Daélyli Idi^jii, qui avoient
„ leur demeure dans le Mont Ida, non pas de Phrygie, mais de l'Ile,
„ que les uns difent qu'ils étoient cent, les autres feulement cinq , en
„ nombre égal aux doigts de la main, ce qui leur donna le nomdeDa-
„ étyli , que les Grecs étant Magiciens & faifeurs d'enchantemens , s'é-
,, toient adonnez aux cérémonies myftiques & magiques , qu'ayant paf-
5, fé en Samothrace , ils avoient rempli d'étonnement tous les habitans
„ de l'Ile. Qu'Orphée avoit été leur difciple, ôc qu'il avoit le premier
,, apporté les cérémonies myftiques , 6c les myfteres dans la Grèce. Que
TsKêTccç. „ les Daélyles Ideéns avoient inventé l'ufage du fer Ôc du feu , 6c qu'ils
„ avoient été rémunérez des honneurs divins , à caufe des grands biens
,, qu'ils avoient faits au genre humain: qu'Hercule étoit inftituteur des jeux
„ Olympiques, ce que la Pollerité avoit attribué par ignorance à Hercu-
„ le fils d'Alcmene, èc qu'après les Daélyles Idéens étoient venus nœuf
„ Curetés, que les uns difent être nez de la terre , 6c les autres être les
„ enfans des Daélyles.,, Les noms de cesDaétyles Idéens étoient myftiques &
iiutarq. lib. cachcz , & Plutarquc nous dit^ que pour ceux qui favoient leurs noms, c'é-
P?ofeauc3p. toit un remède dans les frayeurs fubites, & qu'on les invoqUoit dans ces
15. occafions. Quoi qu'il en foit, les Dieux Curetés ôc les j Dieux Daélyles
Aniobe lib. Idéens,ér,oient contez entre lesDieux Indigetes des Grecs & des Romains. /^«if
Jî Çmet^ pro Laribns invocâro , qms Indigetes Samothracios pars vefiror^m af-
feverat auBorum. Ceux-ci mettoient aufli entre les Dieux Indigetes^ Her-
Cicero de culc, Bacchus , Efculape , Caftor & Pollux. Columo & illos qms in cœ- ,
tegib. 3. /jjj^ mérita vocAverint , Herculem , Ltheram , iy£fcuUpium , Caftorem , TollU'
cem, Quirintim . De ce nombre étoit le Semo Sancm des Tofcans qui fut tranf-
. r porté à Rome , où l'on mit cette infcription au pied de fa ftatuë. Semoni Sanco
crip.p, 96. Deo Fidio facrum : Ce qui trompa Jultin Martyr, celui nt croire que 1 on
A oio^a^*2 ^voit érigé une ftatuë à Simon le iVIagicien, parce qu'il lût Simoni San^o^
au lieu de lire Semoni Sanco.
Faunus étoit mis aufti entre les Dieux Indigetes.
siiius lib, 9^ IndigetéfqHe DU FaunftSf fat orque Quirinns.
de BelloPu-
Je croi qu'en gênerai tous les Dieux qui étoient pris d'entre les hom-
mes s'appelloient Indigetes entre les Romains.
serv. in 12, Lcs fentimcus font partagez fur la ruifon du nom j Servius rapporte di-
Saei^. vers fentimens là-deftlis. Indigetes dtiplici ratione dicuntur ^ vel fecHndum Lu-
sretÎHm qpibd nnllius rei egeant.
Ipfa fuis pollens optbfts , nihil indiga nojlri.
Vel quod nos eorum indigeamus , Hnde quidam omnes Deos Indigetes ap-
peltari volunt. Alii Tatrios "Deos Indigetes dici debers tradnnt , alii ab invo-
catione Indigetes dtUos volnnt , q^od indigito efl preeor & invoco , vel certe
Indigetes funt DU ex hominibns fa5îi , & Dii Indigetes^ quaft in Diis agen-
tes. Chacun peut choilîr celle de ces opinions qui lui plaira plus.
Je choifis celle qui appelle les Indigetes 'Du Patri ; ôc je ne fai com-
ment nos Savans n'ont pas vu, que félon toutes les apparences, le mot
indiges eft de même origine & de même (ignification qu'/«^/^£'«^ , &,que
ces Dieux Indigetes, étoient ces Dieux nez au Paï§,dc Tutelaires du Pa'is,où
ils
#
ET DES CULTES DE UEGLISE.F^rMII. 429
iî$ avoient vécu. C'eft pourquoi, félon le témoignage de Servius, on les
appelloit DU Patrii, Dieux nez au Pa'ïs.
La plus bafle claffe de divinitez, ctoit celle qu'ils appelloient Lares, Du i^aUtes.
^^«fi , Dieux domefliques, gardiens de lamaifon. Scaliger dans Tes notes
fur Properce, nous apprend que Lar eilunmoi Tofcan, qui fignifie Prince.
D'autres ont dérivé Lares de }^uvpx, mot qui fignifie une ru'é^ une place ^ un
chemin : parce que les Lares étoient gardiens des chemins êc des places ,
ainfique nous le verrons en parlant des Teraphims., Ces Lares étoient les
divinitez particulières de chaque maifon aaroinihci ôfo/, dit un Ancien Gram- PrifchBBs..
mairien, qui vivoit environ l'an 440. félon l'opinion de l'Abbé Tritheme.
Il y avoit un lieu dans chaque maifon qui s'appelloit larariam, oii étoitce
qu'ils appelloient /of^j, le foyer, le heu facré, où l'on adoroit \ts Lares,
Il y avoic \c focus ptiblicHs de la Republique 6c de l'Empire, qui s'appel-
loit Jç/c: autrement Velta: c'étoitle feu facré entretenu par les Vierges Vef-
tales. Mais outre cela chaque maifon particulière avoit fon focus parti-
culier. In foribus vero & atriis àornorum , (iy^ra. focus & lar familiaris erant. Alexand. ah
Ces Lares étoient les mânes des défunts, 6c des Ancêtres de la maifon , qui 5. cap^z'^.'
avoient paru dans le monde avec éclat, & qui avoient été vertueux. Ma- oierum gè-
nes vient de J^^w/V, vieux mot qui fignifie bon.- Bien qu'ils ne déïfiafiént ^^"™'
pas dans les formes tous les morts, cependant ils fe perfuadoient que
toutes les âmes des honêtes gens devenoient Dieux , c'eft pourquoi on
lifoit fur leurs tombeaux ces trois lettres capitales D. M.S : qui vouloient
dirCjDiw Manihus Çacrum , confacré aux Dieux Man.es, Apulée dans le li-
vre de Deo Socratis , explique amplement cette matière, dilànt que l'eiprit
de l'homme, aprés être forti du corps, devient une efpece de démon , que
les Anciens Latins appelloient Lémures, que ceux d'entre les défunts, qui
étaient bons, & prenaient foin de leurs de'cendans, s" appelloient lares familiares. Mais
^ue ceux ijui étoient inquiets , tUrbulens , nutfans , ^ qui épouvantaient les hom-
mes, par des apparitiofis nodurnes, s' appelloient Larv£ , & que quand il était in-
certain qit'étoit devenue Pâme d'un défunt , f elle avait été faite lar ou lar-
va , on l' appelloit le 'Dieu Mane. Comme nous aurons à reparler des Lares
dans le Traité des Teraphims , nous n'en dirons rien davantage pour le
préfent.
Les Dieux, qu'on appelloit Génies, avoient une Surintendance de moin- Les Génies,
dre étendue que les Lares ^ car ceux-ci étoient Dieux Tutelaires de toute ^^^'"jj""^ ._
une famille. Mais les Génies ne gouvernoient qu'une feule perfonne,c'eil cièns furies-
que les Payens prétendoient que chacun avoit fon démon, qui préfidoit fur JS^s]^*
la conduite de la perfonne qui lui avoit été commife. De ce nombre étoit
le fameux Démon de Socrate, fur lequel Plutarque ôc Apulée ont fait
des livres, d'où l'on peut puifer ce que les Payens croioient touchant ces
Génies ou Démons afïiftants. Cela avpi't été puifé fur tout de la Philofo-
phie Platonicienne. Voici comme Apulée décrit ces Génies, félon le fen- ^p«iée de
timent de Platon. „ Ce font des efprits -qui n'ont jamais été engagez fJs° ^°^"*
5, dans la matière, qui ont toiijours été purs efprits, & jamais âmes join-^
„ tes à àe^s corps. De ces Démons Platon eftime que chacun des hommes
„ a le fien, qui le garde, 6c qui eft ler,téri>oin5npnfelilementde fesaélions,
3, mais aufli de fespenfées, 6c quand cet homme meurt, ce Génie mène en^
Hhh 3 . , „ ju-
430 HISTOIRE DES DOGMES
„ jugepKnc l'ame qui lui avoitété commire,&:afîîlleau jugement: fi l'ac-
cuie^Tjent, le Génie le redarguë: s'il dit la vérité , il la confirme, &c'efl:
,„ iur Ton témoignage que l'on prononce la fentence. Car ce Génie fait
„ tout ce qui fe pailè dans l'homme, jufqu'aux plus fecretespenfées: Ileft
Scft. j. 5î dans la conlcicnce. „ Jamblique dans le livre de Mjfients, difpute am-
plement de CCS Génies & Démons particuliers, & prouve que ce Démon
n'ell point diftribué par la vertu de l'Horofcope , par la pofition des Aftres,
6c par ce que les Allrobgues appellent les Dominateurs de lamaifon. Que
et; y&\ii' quand l'ame vient pour être unie au corps,union qu'ils appellent la génération,
^^"' c'eil le Démon qui doit préfider fur la vie de l'homme , qui conduit
cette ame, & qui l'unit au corps . Après quoi il préfide fur ces parties qu'il a
unies,
doi
V. 74Î-
pat"
fe en la conduite de Diea même. Alors ce Démon s'en va , ou s'il de-
meure, il eft fournis à la divinité qui a pris polTeffion de l'ame. Les Pla-
toniciens ne donnoient qu'un Démon à chaque homme & le difoient bon
Démon. Mais d'autres lui en donnoient deu^, l'un bon & l'autre mau-
vais. Voici ce que dit Servius fur ces paroles du6.de l'Êneïde,
QuifqMe [nos patimHr mânes.
Volnnt unlcmque Genium apfoftum D&monem lonum & malfim , hoc efi m-
tjonem quai admeliorafemper hortatur ^ & libidinem eju& adfejora, hic eji Larva
& Genius mains, ille bonus Genius & Lar. Par ce paflage il paroît que quel-
quefois on confondoit les Génies avec les Dieux Lares. En effet c'eliro-
De Dco So- pii^io^"^ d'Apulée,, qui confond le Grw/W avec LarfamtUaris. Nous pourrons
crati*. dans la fuite trouver quelque occafîon, qui nous obligera à parler encore
de ces Génies ou Démons. Nous n'en dirons pas davantage en ce lieu.
CHAPITRE \r.
Abrégé de la Théologie des Théniciens, ou Cananéens » tirée du Fra-
gment de Sanchoniathon.
Eufeb. Lib. i. de Prjepar. Evang. cap. p. & îo-
TOutes \q,s diVinitez & les fuperftitions , dont nous aurons à parler
dans la fuite, pour l'explication de ce que dit l'Ecriture fainte àts
cultes idolâtres, aufqucls le peuple de Dieus'eft laifle aller, (ont ti-
rées de la Religion des Phéniciens, ou Cananéens, 6c de celle des Egyp-
tiens, peuples au milieu defquels ils vivoient, ou avec lefquels ilsavoient
grand commerce. C'eft pourquoi nous avons befoin de favoir un peu,
quelle a été la Théologie & la Religion de qç.^ peuples. Nous donne-
rons un échantillon de la Religion des Egyptiens dans le traité du veau
d'or.
ET DES CULTES DE L'EGLISE. PartllL^^^i
d'or. Préfentement nous ferons un abrégé de la Théologie â(^s Phéni-
ciens, félon que nous le trouvons dans Eufebe, tiré d'une verfion que
Philo Biblius avoit faite, de l'Ouvrage d'un nommé Sanchoniathon, qui écoit
Syrien ôc Phénicien de nation.
11 faut donc favoir premièrement que ces peuples, voifins des habitations
des Juifs ,, les Philiftins, Tyr & Sidon , & toute la côte de la mer s'ap-
pelloit Phénicie, & ce font cts gens-là, dont les Ilraëlites ont fi fouvent
adopté les Dieux, en adorant Bahal , Altoreth, Molok, Bclzebub, Da-
gon , Behel-Berith , & les autres faux Dieux.
Un fort ancien Auteur, qu'on appelle ordinairement Sanchoniathon, a DcSancha-
fait l'Hifloire de la Relieion des Phéniciens, & nous en avons un Fra- j'^r^°"3
gment dans le premier hvre de 1 ouvrage d liuiebe, qui porte le titre de toirc.
TrAparatione Evmigdica. Rt il eft bon de dire quelque chofe en paiïant de
ce Sanchoniathon, parce que non feulement nous en allons tirer ce cha-
pitre, mais dans la fuite il nous fervira fouvent, pour éclaircir les difficul-
tez, qui fe rencontreront dans le deflein que nous avons, de trouver Its
divinitez Romaines 6c Grecques, fous les divinitez Phéniciennes. Cet Au-
teur appelle Sanchoniathon, 6c par d'autres Sumethon5étoit Phénicien,
de la ville de Berith , en Phénicie , ou bien de la ville de Tyr.
Voici ce qu'en dit Porphyre. „ Sanchoniathon Berithien, a écri t avec une .^°'^P''y-.
3, fouveraine fîdéHté l'Hiffoire des Juifs 3 car ce qu'il en dit, s'accorde fort ve/r.^chrifî,
5, bien avec les lieux &, les noms qui font encore aujourd'hui. Et il a jjJJ"'^ ^"^^'*
j, emprunté la plupart des chofes qu'il a rapportées d'un certain Jerom- Hiftoire de
„ balus Sacrificateur du Dieu Jevi. Il dédia fon livre à Abibalus Roi âuntre^d*^
„ des Berithiens, Se le Roi 6c tous ceux, qui auprès de lui, étoient capa- Sanchonia-
„ blés déjuger de la vérité de l'Hiftoire, approuvèrent fon ouvrage. Ces ^'^°""
5, gçns ont vécu devant la guerre de Troye, 6c étoient peu après Mo'iïe,
3, comme on le peut recueillii^de la hfte des Rois de Phénicie. Ainli
,j ce SanchoniathoiVqui a compoie fon Hiftoire avec beaucoup de fidcli-
y, té, en la tirant en partie des Archives dts villes, en partie des monu-
„ mens 6c infcriptions, qui fe trouvent dans les Temples, a vécu dans
,5 le tems que Semiramis , laquelle eil plus ancienne, ou aulîi ancienne
,-, que la guewe de Troye, regnoit fur les Aflyriens, 6c Philo Biblius a
„ tourné fes ouvrages en Grec,,. Ce Philon qui a tourné les ouvrages
de Sanchoniathon , étoit lui-même Syrien ou Phénicien, de la ville
de Biblis, qui iféîoit j^as loin des racines du Mont Liban. Il vivoit du
tems de l'Empereur Adrien. Voici le témo'gnage que ce Philo Biblius
rend à Sanchoniathon, dont il a été le traduéleur. Cet homme étoit très- fa- ApudEufek
vmit, er ajmt étu.dté' àtverfes chofes ^ il s"* attacha, fur tout a connoitre Ptlifioire
de tous les Peuples ^ depuis la naijfmce du monde ^ & il étudia avec un grand ,
foin les livres de Taamm ^ ce(i Mercure Trifmegijie cjui avoit été t inventeur des
lettres , & qui le premier avoit écrit des livres, (^e Taautusy que les Cjrecs appel-
lètit sçi^.yiç^fut donc r Auteur fur lequel tl jetta le fondement de fon ouvrage d^cH^
Cet homme ayant rencontré certains livres cachez., des Amm^néens^qu^on avait tirez,
des lieux les plus fecrets des Temples , il examina tout avec une grande exacti-
tude .^ (^ vint heureufement a hout de fon ouvrage. Cet ouvrage ^ a ce que dit
Porphyre.^ étoit divifé en 8. livres^ dont Philo Biblius en fit neuf, 6c de ces
neuf il ne nous en refie que ce qu'Eufebe nous en a confervé.
L'on
SCâliget in-
terprète
par Hiram ,
Jialulcdun
nom des
6. V. 3 2-.
Vid. Bo-
chart Phal.
part. 1. 1.2,,
C. 17-
452 HISTOIRE DES DOGMES
L'on croit que cet homme-là vivoit du tems de Gedeon , ôc que Gedeon
eft le Jemmbahai Sacrificateur du Dieu Jevi, duquel Sanchoniathon avoit
tiré une partie de les mémoires. Gedeon fut appelle ferMahat, comme
nous l'apprenons de l'Hirtoire Sainte, ^nivcfemmbahal ^& fembbahal^ il
koisdeTyr. y a unc convcnaiice aulli grande qu'elle peut être. Ainfi ces noms (è rap-
gwcha^p.''" portent Fort bien, le tems Te rencontre aulîi , car ce Sanchoniathon vivoit
avant la guerre de Troye, & Gedeon délivra fon peuple du joug des
Madianites 85. ans avant la guerre deTroye, & vécut jufqu'aux premiè-
res années du Règne de Priam, fous lequel Troye fut prife 6c détruite.
Le Dieu pvl , dont Jerumbahal étoit Sacrificateur , c'eft làns doute le Dieu
fovay ou Jehova, des Hébreux. Il eft vrai que Gedeon n'étoit pas Sacrifi-
cateur , parce qu'il étoit de la Tribu de Manafle. Mais ce n'eft pas une
grande erreur à un Pkyen, d'avoir regardé comme le Souverain Sacrifica*
teur des Juifs, celui qui étoit alors le Prince de leur Nation. Caries
Princes ordinairement étoient auffi Souverains in facris : Outre que par
l'Hiftoire des Juges , il paroît qu'il fit office de Sacrificateur par le com-
mandement de Dieu. Il bâtit iin Autel , & facrifia delTus un bouveau.
Ces monumens, ÔC les Livres cachez des Ammonéens ^ c'étoient les Ar-
chives, qui étoient confervées dans les Temples du Soleil, C2i\' Ammonim
vient aflûrément de T9::in zy^yan Hammanim, nom qui fignifie les Tem-
ples du Soleil , comme nous verrons dans la fuite. Il eft apparent que c-e
Sanchoniathon eft le plus ancien des Auteurs Payens, dont il nous refte quel-
que chofe : Cependant je ne croipas qu'il foit auffi ancien qu'on ledit, ni
qu'il fût de Tâge de Gedeon. Ou tout au moins fon ouvrage a été Cor-
rompu , &; on y a ajouté des chofes , qui ne Ibnt point de l'âge de Ge-
deon, car nous y verrons des choies qui font arrivées du tems de Samuel
& des derniers Juges, long tems après Samuel-, c'eftdecethomme, ôcde
fon Traduéleur Philon BibHus, que nou#tirons la connoiflance de la
Théologie Phénicienne.
Selon le rapport de cet homme, les Théniciens pofoient pour principe de
toutes chofes^ un certain air ténébreux & plein d^efprits , ou lefoujjle d'^un air téné-
breux^ &" un chaos confus (^ environné de ténèbres . (^es chofes étoient infinies ^ (^
en pajfant par une longue fuite de Jiécles ^ on n'y trouve point de bornts. Dans Cts
paroles nous voyons une defcription du Chaos , qui eft évidemment em-
pruntée des Livres de Moïfe, dont cet homme avoit eu la communica-
tion. Cet air ténébreux & plein d'^efprits , c'eft ce que dit Moïfe , &
PEfpritfe mouvait au dejfusdes eaux , &les lenebres e'toient fur le de(Jus de Pabîme ,
Cet amas de ténèbres eft Icprincipe de toutes chofes, parce que Moïfe
dit, in principio , au commencement, dans le principe; & c'eft de la mê-
me tradition qu'avoient puifé les Grecs & les Romains, qui difent, que
le Chaos eft le principe de tout , & quil fut avant tout, i\roi fjJv T^piança
Xdûç, au commencement fut le Chaos ^ êc que du Chaos vint l'Erebeôc lanoi-
#e nuit, <jue de la nuit & de fErebe ^ joints par l'' amour ^ furent engendrez.l^air
& le jour , (jue la terre engendra le ciel pour la couvrir tout a Pentour. C'eft la
defcription que nous donne Hefiode des premiers principes de toutes cho-
fes. Et Ciceron dans le troifiérae Livre de la nature des Dieux dit, que
félon la tradition des Poètes, d'Erebus & de la nuit font nées la plupart
àts chofes. Amor j dolm^ motus, labor^ invidentia ^ fatum ^ feneBus ^ mors,
une-
Tixte de
Sanchonia-
thou.
Genefe i.
Hcfiode
V. 1 1 7.
i. de Nât.
Dior, circa
médium.
ET DES CULTES J>E L'EGLISE. PartAU. 435
îenebra , mijèria, ejnereU , fraus , peninacia , Parc a , Hefperides , fomnia , ^«w
^»z«w JErÉ-^c c^ Hoâe natosfernm. Et un ancien Hymne attribué à Orphée
dit,
Ttf cdnimtis nox aima paretjs hominumi^ue Deumque.
Ce que Sanchoniathon ajoute, que ce mélange confus n'avoit point de
bornes , & qu'on n'en pouvoit trouver le commencement , en remontant par
une longue fuite de fiécles, nous apprend,que félon les Phéniciens, la m atierc
étoit éternelle: ce qui venoitde ce queMoïfenenousditpasprécifément,
quand cette matière fut créée. Il dit bien, qne Dieu créa. an. commencement
le Ciel & la Terre , 6c par cette Terre , il ell clair qu'il entend le Chaos, LeCha«$ &
car il ajoute, ^ne cette T erre e'toit fans forme & vmde ^ c'eft la defcription du ô^t'é^faëcz
Chaos. Il dit bien auffi, que cette Terre, ou ce Chaos fut créé au com- avant le
mencement; mais il ne marque pas en quel point on doit prendre cecom- cem^tdâ
mencement. Il me paroît certain, que la création de cette matière confu- monde
fe, ne fejfït point dans l'efpace des fix jours j car Moïfe dit , que le premier ^"^^^*'
ouvrage, créé dans les fix jours, fut la lumière. Il n'eft pas même impro-
bable , que cette matière a fublîflé un grand nombre de fîecles, avant la
Création du Monde j car il y a de l'apparence , que les Anges furent créez
long-tems devant le Monde feniîble. Que la chute des Anges étoit arri-
vée long-tems avant la Création , ôc que les Démons avoient été préci-
pitez dans le Chaos, lieu plein de ténèbres , propre pour être le fejour
de ces cfprits,qui étoient devenus Icntbïts.Sex millianec dummflri orhis implen- Hîeronym.
tur annij d^ ejuantasprifis aternitates , quanta tempora , ^ quant as [Aenlorum origi- Ij^-.^- ^^
ncsfuijfe arhitrandum eji ? in qmbus^ Angeli^hroni^Dominationes^ceterdque virtu- Titum.
tejfervierint Deo^ dr abfque temporum vicibus^ & abfque menfuris Deo jubente fub-
ftiterint. Ces paroles de St. Jérôme femblentfignifier,que les Anges ont été
de toute éternité avec Dieu. Mais au moins elles (îgnifient, que les Anges
ont fubfillé àç.s, lîecles innombrables devant le monde. Or il eft apparent
qu'au moment que Dieu créa le Monde intelligible, il fit les femences
du Monde fenfible, car il n'eil pas neceîTaire de fuppofer deux créations.
11 n'y en a qu'une, ce fut celle dans laquelle Dieu créa les Efprits & la
matière j 6c ce que nous appelions aujourd'hui la Création^ n'eil pas une
véritable création, c'eil (implemcnc, adornatio. Dieu ne tira rien du néant
dans les fix jours de la Création , fi ce n'eft l'ame de l'homme. Il ne fit
qu'arranger ce qu'il avoit créé long-tems auparavant, & le mettre dans
un autre ordre.
Sanchoniathon continue ainfi. „Mais quand l'Efprit commença à devc- Te»tc de
„ nir amoureux de {es propres principes , & qu'il commença à fe mêler fhoa!""'*"
,, avec eux, cette union fut appellée defir. Ec c'eft-là le principe, ou la ttoôoç.
5, Création de toutes chofes. Or l'Efprit ne connoifl'oit point fa propre
„ création,& de cette conjonélion de i' Efprit fe forma ihùç^vciot que quelques- /At'j.
„ uns difent être le limon, & les autres difent , que c'eft une certaine mix-
„ tion aqueufe,qui s'akere , fe change , & d'où viennent les femences de tou-
5, tes les créatures, & la génération de tous les corps. Cet Efpiitqui aimela
matière, eft ailûrément tiré de ce que Moïfe dit , & Spiritus incubabat -, le mot
Hébreu fignifie, que l'Efprit embrailoit le Chaos, le couvoit, l'échauffoit,
Part. lîl. lii comme
454 HISTOIRE DES DOGMES
comme une poule fait Ces œufs,pour les rendre féconds. L' Efprit fe mêla avecfes
pyincifes , c'eil-à-uirc , que l'Eiprit de Dieu pénétra cette matière de tou-
tes parts, l'ngita, Scia remua. Cette union derEfprit avec la matière///^
appeilee defr ou cupidité y c'eil-à-dire , que cette a6lion que l'Eiprit dé-
ploya dans la matière, pour la rendre féconde, y verfa les premières difpo-
iîrions, femblables à celles que l'amour, ou la cupidité introduit dans la
matière , d'où eniuite fe fait la génération. L'Efprit ne comoijfyit point la
création oh fa créature; c'eftà-dn-e, qu'il ne voyoit rien encoie de parfait,
car fon aâion -n'avoit encore produit que des difpofitions dans -la matière,
de cette conjonélion fe forma Mwr. Ce Mot ne vient pas du t^rJ des He-
De vetit. breux, qui iîgnifie mouvement, comme l'a crû Groiius. J'aimerois mieux le
lÎsS."! dériver d'un mot Egyptien Ma^ quifignifie dt% eaux j c'eft - à - dire , que
in Annota- Ja première difpofition, que l'Efprit imprima dans cette matière, produi-
*'*' fit un corps aqueux 6c limoneux. Cela ell clair, car il interprète Mwt par
ihvç , qui {ignifîe du limon : 11 a tiré cela de Moïfe, qui ayant donné au
Chaos le nom de terre, & la terre et oit fans forme & vuide , dit (^ue l''Ef-
prnfe mouvoit y couvoit^incubabat^ puis il appelle, après l'opération de l'Ef-
prit, cette maffe, eaux^^ l'Efprit fe mouvoit fur les eaux^ de cette mixtion
aqueufe qu'il appelle ^tf/, ou /aO;, il dit que toutes chofes ont été créées, ou
, engendrées , parce que Moïfe incontinent après avoir appelle le Chaos
des eaux , entre dans le détail de la création , Se dit comment chacune
des créatures fut tirée du Chaos , ou de cette matière aqueufe & limo-
neufe. Il eft certain que dans la Théologie des Egyptiens /aOs eft un grand
DeMyfte- principe de toutcs chofcs. Voici comme en parle Jamblique. Il faut eri'
iiisSea.7. tendre par ixvg, ou le limon , & toutes les chofes corporelles ct' matérielles , & la
faculté génératrice & nutritive , comme auff toute partie de la nature ^<jm efi
matérielle^ & cjui roule avec les flux incertains de la matière ^ en un mot tout
ce <jui reçoit le fleuve de la génération & cjui fe mêle avec lui. Enfin cela fgni-
fe la caufe pretniere i^^ fondamentale des vertus des Elemens ^ dr de tant ce qtà
Epift. ad efi autour des Elemens. Porphyre dit que les ¥j^'pûç:V\s invot^uoient^ dans leurs
Anebon«m. p^^^^es^ le Soleil fortant du limon. Cela fignifioit que félon eux les ailres avoient
pris leur naiiîance de cet /xùç, de ce limon la terre avoit premièrement,
tiré fa naiOance , félon les Phéniciens , & félon les Egyptiens» Ce qui
avoit palTé jufqu'aux Grecs. Apollonius dit i
Lib. 4. At- é^ lKl8é€KdçV}(T6
gonautica- ^g^^y «ÔtW
wm.
Du limon étoit fortie la terre elle-même^ & fur cela îe Scholiafîe ajoute. Zt-
non difoit que le Chaos, dont parle Hejîode^ étoit de Peau , d'où fe font tomes cho-
fes; que Peau s"^ étant rajffe^le limon en étott venu^ & que le Itmon s* étant affer-
mi^ la terre avoit été faite.
Texte de Au r^f", dit Sanchoniathon, r7^<ît/wV des animaax qui n"^ avoient pas àefenti^
th»a. "'** ''^^^h f*' après cela produisent des animaux ^ ayant des fen s qu'ion appelU Tfopha
femim , c'efi. a- dire , contemplateurs du Ciel, qui avoient la figure d'un œuf ^ (fr
incontinent Mwt, le Soleil & la Lune , les Ajlres dr les Etoiles parurent. Voici
un énigme qu'il n'eft pas aifé de débrouiller. C'eft apparemment la manière,
dont
ET DES CULTES DE VEGLJSE.Tart.Ul. 435
donc les animaux ont éré formez, que cet Auteur veut expliquer. G'eit-à-
diiCjque dans ce grand efpace appelle le Chaos, & qu'il appelle auffi ;AÙr,dans
le lieu où font prélèntement les Globes de la terre 6c de l'eaujfe formèrent d'a-
bord des Globes informes , qu'ils appellerent animaux dejîttaez. de fefjSypgLVCC
qu'ils reflcmbloient à ces boules, qui fe forment dans le fein des Mères
qui n'ont point de fentiment. Après cela de ces mafles informes, fe for-
mèrent peu à peu d'autres mafles, qui commencèrent à avoir des fens, & el-
les étoient comme des œufs 5 c'eft-à-dire, que c'étoient des animaux en-
core imparfaits, comme les œufs font des animaux qui ne font pas encore
formez, ou plutôt comme les oifeaux fe forment dans leurs coquilles, tout
parfaits, devant que de paroître au jour. Pareillement ces premiers ani-
maux furent formez d'abord peu à peu , envelopez de tegumens Se d'en-
velopesi c'eft-à-dire, qu'il veut qu'ils ayent été formez alors dans le fein
de la terre, à peu prés comme ils font formez aujourd'hui dans le fein de
leurs mères. Ces animaux imparfaits furent appeliez Tfophttfemim. C'eft
un mot Hébreu, qui en effet (îgnifie contemplateurs du Ciel: & ils ob-
tinrent ce nom , parce que ces animaux étoient deftinez à contempler les
cieux j fur tout les hommes, defquels le Poëte dit :
Os homini [nblime dédit Cœlumque tueri.
Oïîd. Mc-
tam. lib. r.
Outre cela ces animaux imparfaits avoient des yeux à demi-ouverts, par
lefquels ils entrevoioient la lumière.
L'air ayant jeu é une Jplende^r de feu , de Pinflàmation de la mer & de la Texte de
terre furent formez, les vents , les nuées & les pluies du Ciel , <^m tombèrent en Sanchoaû-
grande abondance^ & les chofes^ qui auparavant avoient e'te' mifes en des lieux
differens , furent derechef confondues par l^ ardeur du Soleil. Elles furent de'ta-
chees de leur lieu propre , ^ fe mêlèrent dans Pair. Elles eurent combat Pune
contre Pautre^ de la vinrent les tonnerres^ les éclairs , au bruit du tonnerre les ani-
maux douez. d'^intelUgence^ dont il a été parlé^fe réveillèrent comme d"* un femme il ^
^ commencèrent a fe mouvoir maies & femelles fur la terre & dans la mer. Il
• achevé l'Hiftoire de la création des animaux: C'eft qu'après que ces bou-
les, avoient été quelque tems à devenir animées , l'ame y étant entrée, la
matière venant à fe débrouiller , le Soleil pénétra l'air par {es raïons. Il
excita des pluies. Se les pluies tombèrent. Il échauffa ces maffes informes, qui
devinrent parfaits animaux, rompirent les envelopes qui les renfermoient,
comme autant de matrices, ôc parurent au jour mâles Se femelles. Nous
apprenons de Diodore de Sicile, que les Egyptiens avoient une tradition
toute femblable, touchant la première procréation des animaux du limon de
la terre. „ Dans la première origine des chofes, le ciel & la terre étoient Diodor.
5, confus, rien n'étoitdiftingué. Enfuite les corps fe féparerent, le monde £[' ,f^
^5, fe difpofa dans l'ordre où nous le voyons, 6c l'air fe mit dans un mou- "p.z.
5, vement qu'il ne quitta plus. Les parties, les plus fubtiles montèrent en
„ haut ôc formèrent les Aftres , Se la région JÊtherée. Le Spleil ,Se les
„ Aftres furent dans un mouvement continuel , la partie craffe Se limo-
5, neufe tomba par là pefanteur dans le Centre. Mais cette matière étant
„ auffi en mouvement continuel , les pt^rties les plus humides fe fépare-
„ rent ôc compoferent la mer 5 Les piu^ groiiieres demeurèrent terre ,
lii z ,5 mais
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55
55
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3)
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5«
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55
55
55
Suite d»
Texte de
Satichonia-
thon.
Vide Huer.
Demonûr.
Evang.
Piop. 4- cap.
4. Seft. z.
In fragmen-
tura Beiofi
Blat. in Phi-
lebo. Cicer.
Jib.s.deNar.
Deoitim.
Texte de
Saraehonia-
4.36 HISTOIRE DES DOGMES
„ mais une terre molle, limoneufe 6c bourbeufe. Quand le Soleil vint à don-
„ ner fur ce limon , il commença à fe lier, 6c s'étant fait une fermenta^
tion fur la fuperficie , il fe forma des bofles 6c des amas, comme des
matières pourries, envelopées dans des peaux délicates. Ce que l'on
voit encore aujourd'hui arriver dans les marais , où la terre a été ref-
froidie , quand le Soleil vient à échauffer tout d'un coup l'air , 6c ne
réchauffe pas par degrez,. La chialeur ayant donc produit ces Embryons,
la nuit ils fe nourrifibient de la rofée qui tomboit delTus , 6c le jour,
quand le Soleil venoit à donner defîlis, ils acqueroient de la folidité.
Enfances animaux s'étnnt tout à fait formez,, les envelopes 6c les mem-
branes qui les environnoient, le rompirent , 6c l'on vit paroître toute
forte d'animaux. Ceux qui avoient une plus grande portion de chaleur
s'envolèrent en l'air , 6c devinrent oifeauxj ceux qui étoient plus ter- -
rellres furent les reptiles , 6c les autres animaux qui vivent fur la terre,.
6c les plus humid£s furent portez dans les lieux les plus propres pour
eux, où ils nagent. Enfin la terre ayant acquis fa naturelle dureté, devint
incapable d'engendrer de nouveaux animaux ; C'efl pourquoi ils fe.
multiplièrent par la voye de la génération.
Sanchoniathon dit qu'il ^trouvé as antic^uitez. dans ki Livres deTaautf ton-
chant l"^ Origine du monde ^ dans lefquels il fait paroître la pénétration de [on efprit^
par les preuves ^ les conje^ures (^uil a imaginées , par lef^nelles tl nous a donné
de grandes lumières. 11 y a toute apparence que ce Taaut ell Moifci c'efl
là le Livre dont il peut avoir eu communication, parjerubbahal, ouGe-
deon. C'efl lui qui a écrit l'Hiftoire de la naiffance du monde , c'eft lui
qui a été ellimé l'inventeur des lettres, 6c c'ell le plus Ancien desHiffo-
riens, ce que Sanchoniathon attribue à fon Taaut.. D'où il a pris le nom
de Taaut , 6c pourquoi il a donné ce nom à Moïfe j cela ell allez, incer-
tain. Scaliger ellime que ce nom efl pris de imnjtohou, l'un des premiers
mots du Livre de'Ia Geijefé , dont Moïfe fe fert pour décrire le Chaos ,
comme on a donné aux cinq premiers Livres de Moïfe , des noms pris
des premiers mots du Livre. C'efl pom^quoi les Hébreux appellent la Ge-
ncfe, Bereshit^ mot Hébreu qui fîgnifîe au commencement. Ainfîily a
apparence que ce Sanchoniathon, qui avoit deflein de gâter , 6c de dégui^
fer tout ce qu'il avoit trouvé dans les Livres de Moïie, a voulu altérer
jufqu'à (on nomjôc luien a donné un, pris des premières lignes de fbn premier
Livre, 6c non du premier mot. Outre cela,comme il vouloit attribuer à Moï-
fe des fables monflrueufes, dont on ne trouve rien dans les vrais Livres de
Moïfe, il a dû déguifer fon nom, afin de n'être pas incontinent convainca
d'irapodure. 11 n'y a guère lieu de douter que ceT<?<î^/P^énicien,nefoitle
Thoth^ ou leJhoiihdcs Egyptiens , que les Grecs ont appelle Mercure Trif^
megiflcj comme il efl dit dans la fuite de ce fragment j 6c duquel Jam-
blique rapporte qu'il a écrit vi^gt mille volumes de Livres, félon Seleucus,
6c félon Manethon 36. mille cinq cens vingt-u:inq volumes, lis le font
auffi le plus ancien des écrivains , 6c l'inventeur des lettres , 6c de tou-
tes les Cciencesj ce qui convient, fort bien à Moïfe. Les Grecs , 6c les La-
tins parlent fouvent de ce Thoth ou de ce Mercure des Egyptiens.
Ce furent les premiers, qui canfacrerent pour Dietix\ les plantes de la terre , Ô"
les adorèrent i&mme. des divinitez^yparce qu'eux # leurs Ancèires , entretenoi$nt
^-
ET DES CULTES DE L»EGLISE.P^r/.III. 437
^ confervoient leur vie de ces alimens ^ ils les fervirent & leur firent des encen-
fèmetîs , & ces penfe'es îomhant le fer vice divin , s"^ accordaient bien avec leur foi~
hleffe , & avec la petttcp de leur efprit. Il femble que Sanehoniathon attri-
bue aux premiers hommes, d'avoir adoré les plantes, parce qu'ils tiroicnt
leur vie & leurs alimens de ces plantes. Cette rêverie a pris fa naiflancc
de ce que dit Moiïe , que Dieu pofa l'homme dans le jardin d'Eden ,
pour le cultiver, dans i'Hebreu il y a , & Dieu mit Adam dans ce jardin
may^, pour le fervir. Or ce mot ell le même qu'on employé quand il s'a^ Gen. 2,
git d'adoration , de forte qu'on auroit pu tourner pour l'adorer, aulîi bien
que pour le cultiver. Les deux arbres de fcience & de vie , pour lefqueîs
Dieu commanda aux hommes d'avoir un grand refped:, & ce que Dieu
avoit dit, fe vous donne toute herbe portant femence , & tout arbre portant fruit^
& cela vous fera pour aliment , cfl le fondement de ce qu'il ajoute, que les
hommes adorèrent les plantes, parce qu'ils s'en nourriflbient. Dans le pre-
mier âge, dans lequel les hommes vivoient de fruits , ôc adoroient les plan-
tes, il dit que ces hommes étoient fimples & avoient peu d'efprit. C'eft
l'état de l'innocence de l'homme qu'il a conçu ainfi , parce que MoiTe
dit qu'il leur étoit défendu de manger de l'arbre de fcience de bien ôc de
mal. Il a pris cela allegoriquement,, comme fi Dieu lès eût iiourris alors
dans une privation de fcience ôc de connoiflance. Il s'eil confirmé dans
cette imagination , parce qu'il a lu qu'Adam & Eve ne s'appercevoient
pas qu'ils étoient nus , & que leurs yeux ne furent ouverts , que quand ils
eurent mangé du fruit de l'arbre de fcience. Enfin MoiTe dit que le Ser-
pent étoit plus rufé ôc plus intelligent que les hommes, ce qui a faitcon-
clurre à Sanehoniathon, qu'ils étoient dans une grande fimpiicité ôcbêti-
fe , & ce font aulîi les fondemens de rHereiie Socinienne fur l'état d'ia-
nocence.
„ Du vent Colpia 6c de fa femme Baau, que les Grecs appellent la nuit. Texte de
5, ils difent qu'yEon,c'eft-à-dire,le Siècle, & Protogonus , c'eft-à-dire, lef^^^''""^'
„ premier néj furent procréez tous deux mortels, & qu'-'Ëon fut le pre- oudc phi'-
„ mier qui enfeigna aux autres de chercher leurs aliiuens dans les arbres. °"''«^'Wi£,.
„ Ceux qui naquirent de ce Protogonus oc d'^on, furent appeliez gen- v^r"^°^°"
„ re & génération , ôc habitèrent la Phénicie , 6c comme la vehemen-
„ te chaleur du Soleil les incomraodoit, ils levèrent les mains au Ciel vers
„ le Soleil. Car ils le cro'ioient l'unique Dominateur du Ciel, l'appellant
j, dans la langue des Phéniciens, Bcel Samen, c'efl- à-dire Seigneur du
„ Ciel, & c'eft celui que les Grecs appellent v^kioç. „. Voilà l'Hiftoire de
la création de l'homme, de fa chute, ôc de fonexpuifion hors du Paradis,
bien abrégée ôc' bien corrompue. Elle y eft pourtant tirée de MoïTe.
Le. vent Colpia êc fa femme Baau créèrent les deux premiers hommes.
Colpia fans aucun changement fignifie en Hébreu , voix de la bouche de ^T'^A's-
Diefi, "Baau, c'eft le Chaosj & tous ceux qui ont la moindre teinture de la lan-
gue fainte, voyent bienx|uece mot eft celui dont Moïie fefert pour figni-
fier le Chaos, d"/^i terre appellee tohou c^ bohou ^étoit confufe & t^iffreufe .-Auffi,
dit -il, que les Grecs l'appellent la nuit. Car ce bohou ^ ou Chaos, étoit
couvert de ténèbres. Le favant Bochartdévive Baau de *"ni3 , mot Hébreu
qui fignifie pafter la nuit : il donne à Baau une lettre à la fin, hfant Baautj
& voulant ^q^ue ce îirot fignifie la nuit : Mais cette cofijedure n'eft point
iii 3, bojfe-
43^ HISTOIRE DES DOGM ES
bonne: il cfl: clair que Baau vient de ùohou^ qui eft dans le texte de Moi-
fe. Par parenthefcilell bon de remarquer, que Sanchoniathon n'a pu parler,
ni Grec 5 ni des Grecs dans fon ouvrage, parce qu'il ne les a point connus.
Mais ce fragment eil le texte de Philon dcBiblis qui a écrit en Grec, &
qui apparemment a corrompu le texte de Sanchoniathonenletraduifanti
comme Sanchoniathon a corrompu le texte de Moïlc.
Qtioi qu'il en (bit , cet énigme fignifie que Colpia , la voix de la bou-
che de Dieu, a créé toutes chofes de ia [enime Baau , c'ell- à -dire , de Ton
union avec le Chaos ou la matière. On voit bien d'où cela ell pris. Moi-
le rapporte que Dieu par fa parole créoit les chofes dans le Chaos , Se les
faifoit fortir du Chaos, en difant t^u'uKe telle choje feit^ que la lumière foit,
& la lumière fut. C'eft donc la voix de la bouche de Dieu , qui créoit les
chofes , ôc qui les engendroit du Baau, du Chaos. Il fait de ce Colpù, un
vent , Du vem Colpia , pour plufieurs raifons toutes tirées de Moïie. La
première , c'eft que Moïfe dit que l'efprit ou le vent, Je mot Hébreu,
auffibien que le mot Grec, fignifie l'un & l'autre, fe mouvoit furlcdeflus
du Chaos, {uvBaaUt ut mas jupra fœminam ad eamfœcundandam. L'efprit
ou le vent, qui partoit de la voix de la bouche de Dieu, couvoit la matiè-
re. Je ne doute pas que Sanchoniathon n'ait auffi eu égard, à ce qui efi: dit
dans le chapitre 5. de la Genefe, qu'après le péché d'Adam, Dieu vint
Dvn niiS. parler à lui au vent du jourrVu^ vent 6c la voix de Dieu font la conjoints,
& de cette jonétion cet Auteur a fait fon vent appelle Colpia , ou voix
de la bouche de Dieu. Les Deux premières créatures raifonnables , .^î!,on
& Protogonus ont été procréez de ce Colpia, , 6c de Baau fa femme , par-
ce qu'Adam ta Eve, comme les autres créatures, furent tirez de la matière
& de la terre par la voix de Dieu, c'eft-à-dirc , par fon ordre & par fa
puifiance. T^rotogonus le premier né ^ c'eft fans doute Adam, le premier de
tous \ts vivans , la fouche du genre humain. 6x£<?» ou le fiecle c'eft Eve.
Pourquoi Pourquoi donnc -t-il à Eve le nom de fiecle? C'eft peut-être, parce que
sanchonia- youlant doDncr deux noms à ces deux premiers hommes, qui marquafient
thon appelle . . , „ . ^ .^ ^, vi r i j ^ i^ •
Adsm Pro- leur actiquitc, cC qui lignihalient qu ils lont les pères du genre humamj
^S'^lkfn ^y^"t donné au mari le nom de Protogonus^ qui fignifie le premier engen-
dré, il a voulu donner à la femme, pour diverfifier, un nom qui fignifiât
la même chofe fous un autre mot. Car IVwv dts Grecs, ôc le aSiy des
Hébreux, fignifie l'éternité, une grande antiquité, une longue durée. Mais
je fais une autre conjcâure, qui me paroît beaucoup plus vrai-femblable,
c'eft que Sanchoniathon avoit appelle la femme d'Adam Alemah , qui fignifie
fille ou femme vierge , & qui s'écrit avec les mêmes lettres, ôc vient de la mê-
me racine queO/rf»î, qui fignifie fiecle dans la langue Phénicienne, ôc Hé-
braïque, "ohv Racine commune de OUm ÛGc\e,èCy4lemah vierge, fignifie
cacher, parce que les Jtecles font cachez, ou dans le pafle ou dans l'avenir.
Et les vierges furent appellées Alemah cachées: parce qu'elles étoientre-
clufes , Ôc paroiflbient peu en public. Or le nom d'Alemah^ que Sancho-
niathon avoit donné à Eve, étoit fort bien imaginé, il ne peut pas avoir
appelle Eve oh)p , car c'eft un nom mafculin , qui n'a pu être donné à
une femme , il l'a donc appellée Alemah r^r^hv , qui eft le féminin de
Oiam. Ni le mot de Trficorôywoç', ni celui d'u' wv , n'éroient pas alTûrément dans
le texte de Sanchoniathon, qui a écrit en Phénicien ôc en Hébreu. Sans
doute
ET DES CULTES DE L'EGLISE. Tart.Ul. 439
doute Sanchoniathon donna à Adam le nom de 1133 éxcor, qui Hgnifie en
Hébreu premier né , & à Eve il donna le nom d'Âlemah v.erge , parce
que ce fut la première femme ôc la première vierge. II y a apparence que
les Gnoftiques avoient pris de la leurs ey£ones.C'c{ï ainli qu'ils appelloient cer-
taines intelligences,plus vieilles que le monde. Ces gens habiterenCjdit-il^dans
la Phénicie j c'efi: pour donner l'honneur à ion pais d'avoir porté les prcmieis
hommes. Mais la vérité ell que le Paradis terreftreétoit iur les rives de
l'Euphrate, & que les premiers hofnmes ont habité làdTentour. Le chaud
les Ayant extrêmement incomjnodez^^ ils levèrent les mains au Ciel , vers le Soleil
qu'ils regardoient comme le Çepil Seigneur des cieux^ ôc c'eii pourquoi ils l'ap-
pelloientBelfamenjen (iSti Belfamen ^ {îgnifie Seigneur des cieux, dans la
langue Hébraïque & Phénicienne, 6c je comprens fort bien pourquoi il
attribue aux premiers hommes, de l'avoir regardé comme le Dominateur
dit?, cieux j c'eil parce que Moïfe dans l'Hiitoire de la création dit , que
Dieu fit un grand luminaire four dominer fur le jour .^ favoir le Soleil. Il eft
vrai que Moïfe dit au même endroit, que Dieu fit la Lune pour dominer
fur la nuit. Mais l'empire de la nuit eil conté pour rien, ôcla Lune vifi-
blement tirant toute (à lumière du Soleil, il ne faut pas s'étonner fi le So-
leil eft çonfidcré comme le feul Dominateur du Ciel. Mais que veut- il di-
re que la chaleur étant arrivée ^ils fe tournèrent vers le Ciel ? Je fuis perfuadé
que cela eft tiré de ce que Moïfe dit que Dieu ayant chafle Adam du Pa- .
radis, il mit à la porte une flamme , ou une épée flamboyante, du côté
d'Orient : cela veut dire, félon Sanchoniathon, que Dieu alluma une grande
flamme ardente, qui brûloit ceux qui vouloit approcher de là. C'eft une ima-
gination fort femblable à celle de Tertullien,qui croit que le Paradis tcrreilre Apoiogat,
ell feparé de nôtre monde habitable, par la Zone torride inhabitée. Si Pa- "P;4^-
IX • i-- ■''. . . . ,. ^ -, _..., Et Thomas
radtjHm nomtnemm locum dtvmA amœmtaiu recifienavs Santtorum Spînîthm zs.
dejlmatum^ maceria quadam ignea illim Zona knotitia or bis fegregatum. Ou Qi'^ft- ^^7.
bien c'efb l'opinion de Lyra, deToilat & d'autres, qui expliquent cela par timo.'
un torrent de feu, quirouloit autour du Paradis terreftre. Enfin qui s'é- J^^^H'J^*'
tonnera que Sanchoniathon ait expHqué cela d'un feu ôc d'une chaleur ex- Genefim
cefiive, puifque St. Ambroife y a trouvé le feu, à travers lequel, félon îtii , ^^'^^'^c j„
les âmes doivent pafler au dernier jour du jugement, ôc Rupert y a trou: pf.np. v.i/.
vêle feu du Purgatoire? Les hommes, dit S-M^chom^ihon^ fentam ceite grande -SM^^Comm,
chaleur. levèrent les mains vers le Soleil . c'eft-à-dire , qu'ils allèrent habiter '^^ <^^"^'-
vers l'Orient du Soleil, & cela eft clair par le texte de Moïfe. Car il dit & j,. *
que Dieu mit les Chérubins, 6c l'épée flamboyante, pour défendre l'entrée
du Paradis du côté de TQiient. C'eft une preuve que les hommes avoient
^ choifi leur demeure de ce côté là. Voyons comment Sanchoniathon cori-
tinuë de corrompre l'Hiftoire S^*. ôc de l'enveloper fous fes fables.
Ç H A-
44.0 HISTOIREDESDOGMES
CHAPITRE VI.
*
Suite de la 7 heologie Phénicienne.
,5T~XE la race d'^on & de Protogonus vinrent des enfans , qui étoieot
Textede )5 it jaonels comme eux, & on les appella des noms de Lumière, de
sanchonia- ^^ Feu & de Flamme, lefquels ayant trouvé le Feu, en frappant des
„ bois les uns contre les autres , en enfeignerent l'ufage aux hommes. Ces
„ gens engendrèrent des fils, qui furpaflbient l'ordinaire des hommes en
„ grandeur de corps , ôc leurs noms furent donnez aux montagnes , dans
„lefquclles ils habitèrent, & dont ils prirent la pofieffion. C'eft d'eux
„ qu'ont tiré leurs noms le Mont Cafîius , le Mont Liban , Antiliban Ôc
-„Brathi. De c-es Geans vinrent Memrumus,6c Hypfuranius, lefquels
„ tirèrent leurs noms de leurs mères, qui étoient des femmes , qui fans
„ honte fe méloient avec les premiers qu'elles rencontroient i^uis que
Protogonus ôCvEon, font Adam & Eve, on ne peut doutef que les enfans
de Trotogonui & d'ex£<7« ne foient Caïn, Abel,ôc Seth. Il dit qu'ils furent
créez »?c?r/É'/j, comme leurs pères, à caufe que l'Hiftoire Sainte dit, qu'A-
dam engendra Seth à fon image & femblancci Et peut-être auffi que cet
Auteur fait mention de la mortalité des enfans d'yEon ôc de Protogonus,
à caufe qu'Abel fut mis à mort par fon frère Caïn. Ces enfans d'Adam,
dit-il, furent appeliez du nom de Feu, de Lumière & de Flamme, par-
ce qu'ils trouvèrent le Feu, en frorant les corps les uns contre \ç.% autres ,
& qu'ils en apprirent l'ufage aux hommes. Cela ell; corrompu de ce que
Moïfe dit, que Tubalcaïn , l'un des décendans de Caïn, fut forgeur, &
inventa l'ufage du Feu, pour former des inftrumens de fer.
De ces gens nommez Fen , Lumière & Flamme^ naquirent les Geans.
En effet de la race de Caïn 6c de Tubalcaïn, vinrent cts gens que Moïfe
appelle Geans , gens de renom fur la Terre. Il ajoute , que ces Geans
oideiTus donnèrent le nom aux montagnes qu'ils occupèrent. Le Fragment du Li-
mierepame. ^^^ attribué à Enoch dit, (]iie les Geans monte-rent fur la montagne de Hermo^
nim , & cjjH'ds lui donnèrent ce nom^ a caufe du ferment d^ exécrât ion , & de fallian'
ce ejju' ils avaient faite entr'eux. En effet Cherem & Charemd, (îgnifient en Phé-
nicien & en Hebreu,ferment avec exécration, S3nchoniathon ajoute, que de
cette race de Geans , naquirent Memrumus & Hypfuranius. Bochart a fait*
ici une correction qu'on doit recevoir fans difficulté. Ce Memrumus^èc
cet HypfuraniHs ^ ne font point deux hommes, comme l'édition & laver-
fion de Vigerus de 161^. le dit. EVfv!'i6vî(r«v /;(.vîvp2/xoç, vial 0 v^yspavioç.
' Il y a dans l'édition de Robert Etienne, ô ml v-l>spcivioç,ÙMemrHmHs , qui
efl aufîi appelle Hypfuranius , au heu d' f/ev^ôvîT^v fxt^vpSju-oç, il faut ailûré-
ment lire , èy£vyiè\^ (rcciJ.v^'jpH[.ioç ^ naquit Samenrumus , qui eil aufîî appelle
Hypfuranius. Le premier de cq.s noms efl pur Hébreu, ou Phénicien,
r^ 311 P?:lî>, ôc (ignifie élevé comme le Ciel, ou élevé aux Cieux, & le mot
Bjffurmim efl Grec, & fignifie la même chofc. G'ell Philo Biblius qui
.l'a
ET DES CULTES DE VEGLISE. PartAll 4.4,1
Ta ajouté pour l'explication dumotSamef)rumusydoms''é\ioitkrvi Sancho-
niathon. Cet Auteur confond toutjSc défigure pitoyablement l'Hiftoire Sain-
te. Ce Samenrumm^t^ rapporté dans cette genealogie,comme étant de la race
desGeans. Cependant je fuis trompé, fi ce n'eflAbel ou Enoch, il appelle
Enoch , SamenrHmm élevé aux Cieux , à caufe de ce que Mo'iTe dit , que Dieu
le prit , & qu'on ne le trouva plus. Si c'eft Abel , il l'appelle Saimmumus
élevé dans les Cieux , à caufe qu'il fut agréable à Dieu plus que Caïn , & qu'il
fortit du monde par une mort avancée. Et cette dernière conjeélure me
paroît plus vrai-femblable 5 à caufe de ce que nous allons voir éç.^ inimi-
tiez que Memrumus eut avec fon frère VÇous. Il ajoute, que les enfans des
Geansf renoient leurs noms de ces femmes ^qmfeproft'itHoient a tom venant. Je ne
faurois douter que cela ne foit tiré de ce que l'Hifloire Sainte dit , que
les fils de Dieu fe mêlèrent avec les filles des hommes, & que dccesac-
couplemens vinrent les Geans. Ces femmes qui fe proflituerent à tout
venant , c'étoient les femmes de la race de Caïn , que Moïfe appelle les fil- cener*.
les des hommes, La plupart des Anciens ont crû, que ces fils de Dieu Î^^^P^'-Anf.
étoient les Anges, qui fe corrompirent avec les femmes, ôc ainfi ils ont AHg.'i.^de
compris, que ces femmes étoient des filles perdues & des proftituées , & f'^"&f
c'eft pour cela que Sanchoniathon dit d'elles , qu'elles fe mêloient avec le '^^i-
premier venu. _ uSc^l
„ Or * Hypfuranius pofa fon habitation dans l'Ile de Tyr,& inventa l'art Texte de
„ de faire des Tabernacles avec des rofeaux de jonc, & des écorces d'ar- sanchoaii-
„ bres, ôcileut de grandes inimitiez avec fon frère Ufous. Ce fqt cet "AtKremeBt
„ Ufous,qui trouva le premier l'invention de fe vêtir de peaux de bêtes, qu'il JPP«"é mc-
„ avoit prifes à la chalîe. Une grande tempête étant arrivée dans Plie
„ de Tyr , qui fit choquer violemment les arbres les uns contre les autres,
,, cela fit fortir du feu qui embrafa une forêt qui étoit-là. Un arbre duquel
„ il avoit auparavant coupé les branches étant refté, il s'en fervit com-
„ me de navire, & fut le premier qui ofa fe confier à la mer. Il éleva
,, auffi deux colomnes à l'honneur du Feu & des Vents. Il leur rendit
,, le culte de l'adoration, ôc leur facrifia les bêtes qu'il avoit prifes.
„ Quand cts de-ux frères Hypfuranius & Ulbus furent morts, leurs dé-
„ cendans leur confacrerent des bâtons ou verges, ou des colomnes, ils les
„ adorèrent , & leur confacrerent des fêtes annuelles. Or plufieurs fic-
„ clés après, de la race d'Hypfuranius naquirent Agreus & Aiieus, donc
„ l'un fignifieChalTeur, ôc l'autre Pêcheur, qui furent Patriarches des Pê-
„ cheurs ôcdesChalleurs. De ceux-là naquirent deux frères, qui trouve-
„ rent le fer êc fcs ufages. L'un s'appelloit Chryfon , qu'on dit être Vul-
„ cain, lequel s'adonna à l'éloquence, aux enchantemens, &àrartdede-
„ viner. Il inventa aufii l'hameçon, l'appât 6c la ligne, &lcs barques,
„ & fut le premier qui trouva l'art de la navigation. C'efl: pourquoi ils
„ l'adorèrent comme Dieu après fa mort, ils lui donnèrent le nom deDia-
„ michus. Il y en a qui veulent que l'art de bâtir des murailles de brique ait
„ été invente par ces frères. De ces enfans vinrent deux jeunes gens, donc
„ l'un fut appelle l'ArtifanjSc l'autre fut appelle le Terreftre, né du lieu,
„ & ce furent ceux qui inventèrent l'art de faire des briques avec delà ter-
„ re , & de les faire lécher au foleil , & de faire dts toits.
Il n'v a rien de fain là dedans. Car cet Auteur fe contredit lui-même,
Fart. III. Kkk &
442 HISTOIRE DES DOGMES
& contredit tous les autres. Il fait Vfons inventeur de l'art de la navi-
gation, ÔC cependant il attribue cette invention à Chiyion, qui ell Vul-
cain, l'un des décendans d'UfousÔc d'Hypiuranius. Il iait Vulcain Dieu
des Forgerons, & en même teras de l'éloquence 6c de l'art de deviner,
quoi que' les Grecs ne Payent fait que Dieu des Forgerons. Cependant
au milieu de tout ce chaos de fables, on voit quelques vclliges de l'Hif-
toire Sacrée. Cet Ufous efh apparemment Gain, qui eut de grandes ini-
mitiez avec Ton frère Hypfuranius. G'eil Abel qui fut tué par fon frère
Gain. Uibus ou Gain inventa l'art de faire des habits des bêtes, qu'il
avoit tuées à la chalTe, parce qu'il étoit apparemment homme de chafle,
étant laboureur & homme de campagne, & outre cela, cruel, farouche,
& aimant le iàng, comme il parut par le meurtre d'Abel, & après ce cri-
me Dieu s'étant retiré de lui, il ne faut pas douter que fa férocité n'ait au-
gmenté. Il lui attribue d'avoir adoré le feu Scies vents. Gela ne peut
convenir à Gain : car je tiens qu'avant le déluge , l'idolâtrie n'étoit pas
. connue, 6c que le péché, qui amena le déluge, fut l'impiété êc l'Atheif-
me. De la race dC Hypfuranius ^ vinrent les premiers Forgerons, 6c ceux
qui bâtirent des maifons. Il devoit dire de la race d'Uiousi car Ufous
.eft Gaïni &: Moïfe nous apprend, que Gain lui-même fut inventeur de
l'art de bâtir des villes, que Tubal fit des Tabernacles, & fut le Patriar-
che des Pafteurs. G'ell celui que Sanchoniathon appelle àypeùgA' ccypoç -tO^ui
fignifie champ, plutôt que à'âypu, qui iîgnifiechaiTe ou capture. Tubal-
caïn des décendans du même Caïn, fut le Patriarche des Forgerons des
inllrumens de fer ou d'airain , ôc c'efl celui que Sanchoniathon appelle
Chrjfon.
Tubal fut inventeur de la i^JMt'ifque , & le père de tous ceux qui touchent le
violon, & les orgues, félon Moïfe, 6c c'eft celui auquel Sanchoniathon at-
EVû3j«/. tribuë d'avoir inventé l'éloquence, les chants, ou enchantemens, 5c l'art
de deviner, lequel il confond avec Vulcain. Pour ce qui eft de yn^og^
KÙro;<;ôwi', Mr. Bochart veut que ce foit Adam: En effet ce nom lui con-
vient fort bien. Il eil appelle terreftre, parce qu'Adam étoit fils de la
terre , êc procréé de la terre , ôc né du lieu , parce qu'il avoit été pris de
la même terre fur laquelle il habita. Mais hors le nom, rien ne convient
à Adam. Nous l'avons trouvé dans le Protogonus, dont il a été parlé. Il
n'y a pas d'apparence qu'il le faffe revenir une féconde foisj au refte il fe-
roit bien difficile de deviner, qui eft cet «ùto^ôwv , Indigena.
Dans la fuite du texte de SancJioniathon, ilyaunelongueHiftoire, 6c
Généalogie des Dieux Phéniciens, qui eft aflez différente de la Généalogie
& de l'Hiftoire, que les Théologiens Grecs,qui font les Poètes , ont don-
née de leurs Dieux, mais qui cependant paroît évidemment avoir étépui-
féedansla même fource. C'eil-à-dire, qu'il paroît afléz que lesGrecsont
puifé leur Hiftoire des Dieux, de celle des Phéniciens. Nous en touche-
rons les principaux endroits , afin de voir en quoi les Phéniciens 6c les
Grecs, s'accordent ou s'éloignent.
Texte de ^^^ deux derniers, dont il a été parlé ^ jQz'o/V Technites , d" Indigena, ï7<?»
sandioaia- vint deux autres -y dont Pun fut appelle Agros ^ & Pautre Agvotes , Sadai , le
champ (jr le champêtre. A ce dernier , favoir Agrotes, on confacra unjimulacre
très vénérable , avec un peut Temple portatif , qui fe traînait par des bœufs
6cc.
ET DES CULTES DE L'E G L I S E. P^r/. III. 443
Sec. ceux-là furent aujfi. appeliez^ Titans^ & ce furent eux cfui enfeignerent a bâ-
tir des palais, (fr des enceintes^ autour desmaifons. Ils Uifferent pour enfans Amy-
nus & Magus , de ceux-ci vinrent Mifor^ c'^efi-k-dire facile a délter ^(^ Sydyk^^
c^efi-k-dire ^ jufte. Aîifor eut pour fils Taautus , (jui fut le premier inven-
teur des lettres^ que les Egyptiens appellent Thoth , les Alexandrins Thoyth^ & lat
Çrecs »J>Hercure. De Sydyk^viment les Diofcures, autrement cppdlez, les Caùi- àiôias-
resy ou les Corjbantes ^ ou les Dieux Samothraces. Tout cela ell gâté par le P'''*
Tradudreur Philo Biblius,qui affûrément n'entendoit pas Sanchoniaton.
Et Scaliger a très-bien remarqué qu'il y a ici une méprife de ce Philo Bi- Comment,
blius, qui a. pris Shaddai,^ouY Sadai. Le premier eft un des noms qiifr l'E- i^Jnenca"
criture Sainte donne à Dieu, que nous tournons tout-puijfant ^ ou frjjifunt k^. > •'.
foi-même. Le fécond fignifie champ ou champêtre, 6c c'efl de cette mé-
prife, & du mélange de ces deux noms,qu'a été fait le Dieu Agrotes, ou cham-
pêtre. Shaddai , mal à propos eft tourné Agrotes, par Philo Biblius, qui n'en-
tendoit l'Hébreu, ou Phénicienjquetrés-médiocrement. Ce vénérable Simu-
lacre duViitu Shaddai ^qu\ étoit dans un Temple que des Bœufs traînoient ,
c'eft affûrément l'Arche de Dieu , qui étoit fon Symbole, &dontontranf-
portoit le Temple, ou le Tabernacle, de lieu en heu. Ce qu'il dit que ce
Temple, ou ce Tabernacle, fe traînoit par des Bœufs, eft une ignorance.
Car'c'étoient les Lévites qui devoient-porter l'Arche 6c le Tabernacle. Mais
c'eft une petite faute dans un Auteur fi plein de fables monftrueufes, &
nous allons voir la fource de cette erreur, & de quelle manière il confond
les Titans avec e^rwjêc <tAgrot€s ^ 6c les fait enfans du terreftre Indigena.
Les Grecs font les Titans, enfans du Ciel ôc de la Terre.
'TiTViVsç yulyjç rs nui oùpavS àyKak réavci' Orpheus
in Hymais»
Cet Auteur ne conte que deux Titans, 6c les Grecs en font beaucoup
davantage. De ce nombre font Prometheus , Crius, Pallas , Amytus,
yEgason à cent mains, autrement appelle Briareus, 6c Ç)ges , qui étoit eiiimé
fils de la Mer 6c de la Terre. 'Ce que Sanchoniathon t^k Shaddai, l'un des
Titans, ne vient-il point de ce que le Dieu des Hébreux, qui s'appeiloit
Sh.'iddai^çi fait la guerre à toutes les autres divinitez? Car les faufiés divi-
nitez du P^ganiime fe font bien accordées, mais le Dieu d'ifi-aël leur a
déclaré à toutes une guérie mortelle. C'eft apparemment la fource de la fable
des Titans , qui ont lait la guerre aux Dieux. Le Shaddai des Hébreux, a été
en eiïèt le ^<rand ennemi des Dieux Payens,. 6c par conféquent le premier
des Titans. L'Auteur, fivoir Sanchoniathon, remarque que les Phéniciens
l'appclloient ôîSvo/xiy/çoç, le plus grand des Dieux, c'eft le Dieu des Hé-
breux 5 auquel les Phéniciens donnèrent ce nom, quand ils prirent l'Arche , &C
que Dagon leur Dieu tomba en fa prefence, 6c qu'ils furent afHigez de fouris,
éc d'hemorrhoïdes : Ce qui leur fit dire , P Arche du Dieu d'^Ifra'elne demeureraSitaud. s.
pas entre nous , car fa main efi rude Jurnous ^dr fur Dagon notre Dieu. Et ilsla,^'^*
renvoyèrent fijr un chariot, traîné par déjeunes vaches , d'où fans doute a été
pris ce que dit Sanchoniathon, que le Dieu Shaddai , eflimé par les Phéniciens le
plusgranddes Dieux , avoit un Temple qui fe traînoit par quelques couples de
bœufs. Ce Dieu Af//or, qu'il interprète délié, ne feroit-ce point encore le
même Dieu des Hébreux , ainfi appelle par rapport à la même Hiftoire , félon
laquelle le Dieud'Ifraël fut délié 6c renvoyé libre, après une captivité de
Kkk i fept
444 HISTOIREDES DOGMES
i'cpt mois ? 11 efl vrai quc'^1L^'0 , ou aiy^^D , en Chaldéc fignifie dcliéjou déliant,
peut-être que les Cananéens donnèrent ce nom au Dieu d'ifraël, parce qu'il
avoic délié fon peuple du joug des Egyptiens. Je ne faurois m'empêcher
^ de croire que tout cela a été tiré de ce qui ell arrivé aux Phéniciens, dans
les dernières années d'Heli , 6c au commencement de la Judicature de
Samuel i & c'eft ce qui m'a fait dire,que ce Sanchoniathon ne pouvoit être du
teras de Gedeon, ou que cet ouvrage n'ell pas de lui. Nous avons dé-
jà remarqué que le Taafttus, fils du DieUîJ^//or, ou délié, eft félon toutes
les apparences Moïfe, le premier inventeur des lettres. Chacun fait com-
bien 4p commerce Moïfe eut avec Dieu, parlant à lui tête à tête, comme
un arqj parle à un intime ami i Se c'eft ce qui a donné lieu à la fable de
le faire fils du grand Dieu. Je fuis trompé fi le Sydjk^^jn/^e .n'eik pris du
Melchifedek de la Genefe, qui, félon maconje61;ure,étoit un Patriarche
des Phéniciens, dont ils avoient fait leur grand Dieu , & qui depuis fut
appelle Bahal par les Phéniciens, & Jupiter par les Romains. Je l'ai
prouvé dans la première partie de cet ouvrage , parce que ce ^^^ eft, fé-
lon nôtre Auteur, perc des Diofiomoi. C'eft ainfi qu'on appelloit en Grec
les enfans de Jupiter. Or fi les enfans dt Sydyk^^^onx. les enfans de Jupiter,
il faut que ce Sydyl^ foi t Jupiter même. Cet Auteur confond les Diof-
cmr@i^ les Corybantes ^ \qs Cabires^ & les Dienx Samothraces ^ cependant
nous avons vu dans les chapitres précedens , que dans la Théologie des
Grecs, c'étoit quelque chofe de fort différent. Car les Diofcouroi, c'é-
toient Cailor 6c Pollux, qui n'étoient que des Héros. Les Cabires ôcles
Samothraces, étoient les plus grands Dieux. Les Corybantes étoient fou-
vent confondus avec les C^rtf/^-j, qui avoient nourri 6c élevé Jupiter, ôcce
n'étoient encore que d^s demi-Dieux. Mais ici , comme par tout ailleurs,
il y a uneaffreufe confufion dans l'Hiftoire des Dieux des Payens. Pour-
fuivons cette Hiftoire félon Sanchoniathon.
Texte de „ Environ le même tems , dit-tl^ naquit un certain Elion , ce qui fî-
thoï""'*' »"» gnifie le Très-haut , 6c une femme nommée Beruth. Ils engendrèrent
„ un ïndigena, qui fut depuis appelle Cœlus , à caufc duquel aufii ce
„ noble élément, qui roule au-deflus de nos têtes, fut appelle Cœlum. Il eut
,5 une fœur née des mêmes perfonnes , qui fut appellée la Terre, lequel nom
„ l'on donna enfuite à cet élément ainfi appelle 6cc. Leur père appelle
v^ 5, le Très-haut, fut tué par des bêtes farouches, & après fa mort il fut
5, mis au nombre des Dieux. Cœlus après la mort de fon père prit l'Em-
„ pire , & fe maria avec fa fœur la Terre, & eut d'elle quatre enfans \ Ilus qui
,, eft appelle Saturne, Betilus, Dagon qui eft le Dieu du froment , &
„ Atlas. Il eut auffi quantité d'enfans des autres femmes, ce qui fâcha
„ fi fort la Terre fa première femme, qu'elle fit divorce avec lui, après l'a-
„ voir chargé d'injures. Cœlus, quoi qu'il fût feparé d'elle, venoit coucher
„ avec elle quand bon lui fembloit, 6c après l'avoir prife par force, il fe
5, retiroit. Mais parce que ce Cœlus vouloit tuer les enfans, que la Terre
\ „ avoit eu de lui, elle alTembloit fes forces, 6c le repoufloit. Cependant
„ Saturne ayant atteint l'âge d'homme, par les confeils de iVîercure Trif-
5, megiiie, qui étoit fon Secrétaire & fon Confeiller , il entreprit de ven-
5, ger ks outrages que Cœlus avoit fait à fa Mère. Il s'oppofa vigou-
,5 reufement à fon père Cœlus. Ce Saturne eut aulîl des enfans , favoir
Pra-
>5
ET DES CULTES DE L'EGLISE. Part.Ul. 4,^^
Proferpine& Minerve. La première, fdvoir Proferpine , mourut vierge.
Et Minerve aidée de Mercure, inventa la faux tranchante , & la Haie-
barde. Mercure par des enchantemens Mggiques, embrafa le courage
de.s afTociez de Saturne, pour faire la guerre à Cœlus, en faveur de la
Terre. Saturne donc aflèmbla fes troupes, donna la bataille à fon pè-
re Cœlus, le chaiîa de fon Throne, & fe faifit de l'Empire. Dans ce
combat il prit la concubine de fon père Cœlus, qui étoit grofle,6c la
donna à fon frère Dagon, chez lequel elle accoucha d'un fils, qui fut
nommé Demaroon. Puis* Saturne bâtit la ville de B,blis , & l'envi-
ronna de murailles. Il tua ôc enterra fon frère Atlas, qui lui étoit fuf-
„ peél &c. Les Affociez dV/^^j, qui ell Saturne, furent appeliez £/<?/;/>»,
„ comme qui diroit Saturniens, Saturne tua auffi fon fils S^did, de fon
„ propre fer, de forte que tous les Dieux s'étonnoient de cette étrange
„ conduite de Saturne. Pendant cela Cœlus, qui étoit en exil, envoya Af-
„ tarte, fa fille aînée avec deux autres fœurs, Rhea& Dione, pour fe dé-
faire de Saturne , mais Saturne les gagna par les carefles , Se les prit tou-
tes deux à femmes. Cœlus ayant appris cela, ordonna que la Deftinée
ôc la Beauté, filîent la guerre à Saturne , mais il les gagna encore tou^
tes deux , & les retint chez foi. Outre cela Cœlus trouva les Be-
tulia, qui font des pierres animées, qu'il inventa. Au refte Aftarté en-
gendra à Saturne fept filles Titanides, ou Dianes, & Rhea lui donna
autant de fils, dont le dernier fut confacré dés qu'il fut né. Il eut auffi
de Dione des filles, & d'Aftarté deux mâles, Cupidon & l'Amour.
Pour ce qui eil de Dagon, quand il eut trouvé la charrue , & le fro-
ment, on l'appella fupîer çyiratrarius. L'une des Titanides engendra à
Sjfdykun fils, qui fut appelle Efculape. Saturne eut encore trois fils,
l'un appelle Saturne, du même nom que Jupiter fon père , Belus &
Apollon. Pontus , Typho, & Nereus, père de Pontus, écoient-à peu
prés en même tems. De Pontus naquirent Neptune & Sidon 6vc. De-
maroon fut père de Meiicarthus, qui eil auffi appelle Hercule &c. Au
refte Saturne, aprésavoir occupé le Royaume trente- un an , furpritibn
père dans un certain détroit de terre, lui coupa les parties naturelles,
auprès des Fleuves 6c des Fontaines. Alors tous ^cs efprits fe diffipe-
rent. , êc le fang coulant de la playe , diftila dans les eaux des
Fontaines & des Rivières voifines , l'on montre encore le lieu &c.
Aftarté, quis'appelloitla très-grande, Jupiter, Demaroon , &: Adodus
le Roi des Dieux , regnoient dans le Pais , par le confentement de Sa-
turne. Aftarté mit fur fa tête la tête d'un Taureau, comme la marque
de la domination. Et comme elle faifoit la revûë du monde, elle trou- ^u lieu de
„ va une étoile qui tomboit du Ciel , qu'elle tua , & la confiera dans jj'^^^/if/
„ l'Ile de Tyr. Au refte les Phéniciens difent que c'eft Venus, Sa^- ù-spiuv^
,, turne vifitant le monde, donna à fa fille Minerve pour Domaine, tout qpî eft uac
„ le Pais d'Athènes , oc touché des défolations que faifoit une cruelle gir,\ «t
„ pefte, pour appaifer fon pcre.il luifacrifiafon fils unique, 6c fe coupa ^igie de-
f , • % y ^^ . ' n c^ . • V .. V cendoit des
,, a lui-même les parties naturelles, ce contraignit tous les compagnons cieux. Af-
„ à faire la même chofe. Peu de tems après il déifia tJHmh fon fils, "^^é le tua,
,, qu'il avoit eu de %hea^ & ce font ceux que les Phéniciens appellent, cra.^vîde^'
„ tantôt Piuion Après cela Saturne donna auffi à la DéefiTe Baaltis, ^ochan.
îvkk 3 quipâ«.u.c.î>.
44.^ HIST DIRE DES D OGMES
„ qui s'appelle aufîî Diom, la ville de Biblis , & à Neptune , aux Cabi-
„ res, aux Agrotes, 6c aux Pêcheurs, il donna la ville de Bemth, où
., ils conlacrercnt les reliques de Pontus. Saturne étant venu vers le Mi-
„ di, il établit Taamus Roi de toute l'Egypte , 6c c'eft ce que les fept
,, frères CabireSjCnfans de 5;<fl^fc, avecEfculape le huitième, ont lailîé par
„ écrit dans leurs monumens , par le commandement de Taautus lui-
„ même.
Ce Ibnt'Iàles principaux Chefs delà Théologie des Phéniciens, ou Ca-
nanéens, & les veritaî>les origines des Dieux, félon Philon de Biblis jqiii
ajoute que les Grecs, les plus poiis& les plus ingénieux de tous les peu-
ples, fe fout appropriez toutes ces chofes , mais que pour divertir les
oreilles ôc les efprits, ils ont ajouté à cela une multitude incroïable de
fables, qui fervent d'ornement à l'Hiftoire. C'efc de ce fonds 6c de cet
efprit fibuleux, qu'Heliode & les autres Poètes ont puifé toutes les fa-
bles, dont ils ont rempli le monde, comme font les combats des Titans,
& des Geans, 6c autres contes, par lefquelsils ont opprimé ôc enfeveli
la vérité. En effet il eil: clair que les Grecs ont travaillé fur ce fonds fabuleux ,
qui leur étoit venu des Phéniciens 6c des Cananéens , ôc qu'ils y ont ajouté du
leur un nombre infini de fables. Mais il eft faux que la fable des Geans , 6c du
combat des Titans, foit du cru des Grecs, comme l'ont dit quelques gens. II
eft conilant que cela leur eft venu de l'Orient; car cela ell puifé de l'Hif-
toire des Geans du déluge , & de la Tour de Babel. Cette Généalo-
gie eft aiïez différente de celle des Grecs. Heliode s'accorde avec les
Cananéens, à faire Saturne fils deCœlus&deia Terre.Mais Platon, dans
le Timée, fait Saturne fils de l'Océan ôc de Thetis, ôc petit - fils de Cœ-
lus & de la Terre. L'Océan (^ Thetis, dit-il, furent enfans de Cœltts &
de la Terre, & P Océan & Thetis engendrèrent Phorcis , Saturne & Rhen ^
^ plufieurs atitres avec eux. De Saturne & de %hea vinrent fnfiter ^ fn~
non , c^ tous ceux que nous [avons être leurs frères. Au lieu que nôtre Phé-
nicien fait Profer pi ne & Miner ve, filles de Saturne immédiatement, au
contraire les Grecs les font filles de Jupiter. Dans la Théologie des
Grecs, ordinairement Cupidon ou l'Amour, eft fils de Venus 6c de Mars,
les autres lui donnent d'autres Parens. Hcfiode dans fi Théogonie, le
fait naître du Chaos 6c de la Terre, comme le plus ancien des Dieux.
In avibus. Ariftophanc dit fur la naiffance de Cupidon : jI y avait un Chaos & uns
nuit profonde , & Erehus noir & obfcur ^ un Enfer large & profond. Il n'y avoit
ni terre .y ni air , ni ciel, alors la nuit aux ailes noires, produtjtt d'^ abord dans le
fein de PErebe un œuf , duquel on vit eclorre , par le fecours des heures , le defira--
ble amour. D'autres le font fils de Venus, 6c de Cœlus, mais nôtre Au-
teur Phénicien le fait fils de Saturne, 6c de Dione , laquelle Dione eil
. Venus. Il y a ainfi plufieurs différences entre les Phéniciens 6c les Grecs,
qui peuvent être remarquées par ceux qui favent médiocrement la fable.
C'eft pourquoi nous ne nous arrêterons pas davantage là-dellus, ces dif-
férences n'empêchent pourtant pas que ce ne foit la même Théologie,
car Sanchoniathon 6c Philon de Biblis, ne font pas plus differens des Grecs,
que les Grecs le font entr'eux. Il n'efi: rien de fi oppofé 6c de fi di-
vers, que ce que les Payens racontent des mêmes divinitez: Il n'y en a
pas une qui n'ait àz^ pères 6c mères toutes différentes , félon les diffe-
rens
ET DES CULTES DE L'EGLISE. P^r/^.ÎII. 447
rens Auteurs. Et ils ne s'accordent pas mieux, dans la plupart des aven-
tures, qu'ils kur attribuent. Ce principe eft important à retenir, c'eft que
la Théologie des Phéniciens & Cananéens, eft la même que celle des
Grecs, pour Faire comprendre que les peines que nous nous donnerons
dans la fuite , pour trouver tous les Dieux des Grecs ôc des Romains,
dans k$ faufles divinitez, dont l'Ecriture nous parle, ne font pas vaines
& Inutiles. Au refte ce texte de Sanchoniarhon mçritoit bien un grand Com-
mentaire : Maison le trouvera répandu dans tout cet Ouvrage, quand
nous parlerons de chacune des fauffes divinitez des Phéniciens. C'eft
pourquoi, afin de n'être pas obligez à la répétition , nous n'expliquerons
point ici cette longue fuite de fables. Seulement avant que de finir , il
faut remarquer , <jue les noms de Saturne , de fupiter , de Proferpine , de Mi-
nerve, Herctile , Neptune^ d^ autres femblables noms des fanx T)ieux , c'efl-
à dire , les noms Grecs de ces faux Dieux, dont Sanchoniathon fait le dénom-
brement, n'étoient pas connus entre les Phéniciens. Mais Philon de Biblis le
traduâeur de Sanchoniathon, a traduit ces nems des Dieux, ôc en la place des
noms Phéniciens, qui euflent été barbares aux Grecs, pour lefquels il tradui-
foit , il a mis des noms Grecs. Celui que Sanchoniathon avoir appelle Molok,
il l'appelle Saturne, ouKpdvoc- Celui qu'il avoit appelle ^^W, Philon de Bi-
blis l'appelle Jupiter ou Z^Oc, ôc ainfi de la pliapart des autres : Car il n'a con-
fervé dans fa Généalogie des Dieux, que peu de noms Phéniciens , com-
me ceXmàcDagon ^ celui d^^fîarte , celui deBaaltis, èc quelques autres
plus connus des Grecs que les autres. Il faut aulîi obferver qu'on ne doit
pas croire, que les Grecs n'ayent emprunté de la Théologie des Phéni-
ciens & Cananéens, que ce que nous en lifons dans ce Fragment. ïleltconf-
tant qu'ils en ont tiré beaucoup d'autres chofes, qui fe trouvent dans leur
Théologie, comme il paroîtra évidemment dans la fuite.
D E
i)
& des Idolâtries
T> E s
SYRIENS & des HEBREUX.
SECOND TRAITE
Des Theraphims.
CHAPITRE I.
PaJJages du Vieux ^eflament , ou il efi fait mention des
Therafhims,
Ous allons déformais entrer dans l'examen particu-
lier de ces idolâtries , aufquelles le peuple de Dieu
s'eft laifle aller , & dont la terre que Dieu s'étoit
fanâiifiée a été fouillée. Bien que nous n'ayons pas
deflèin de fuivre par tout l'ordre, dans lequel l'Ecri-
ture nous parle de ces idolâtries , nous ne pouvons
rien faire ici de mieux que de parler, avant toutes
choies, de la première idolâtrie , dont l'Ecriture Sain-
te nous parle , c'eft celle desTheraphims. C'efl le
premier nom d idcrle, qui fe trouve dans le Vieux Teflament. Car on le
trouve dans le premier Livre de Moïfc, appelle la Genefe , dans l'Hiftoire
de la feparation de Jacob d'avec fon beaufrere Laban. Nous obferve-
rons ici la méthode, que nous voulons obferver dans toute la fuite , qui eft
de rapporter tous les textes , où il eft parié de l'idole que nous voudrons
faire connoître , parce que cette rcvûë générale de tous les pafTages , où
il eft parlé d'mie même idole , ôc la comparaifon qu'on en fera entr'eux,
feryira beaucoup à faire trouver ce qu'on chsrche.
Jacob
f^^^si
B ^^b^^^^*.^^ i
ET DES CULTES DE L'EGLISE. Tart.Ul. 449
Jacob quittant la maiibnde fon beau-pereLaban, fans prendre congé de Textes oH
lui, Rachel voulut emporter les Dieux deLaban,qui étoient les Thera- ^^j"^^
phims. Il n'eH: pas aifé de conjecturer quel deflèin elle avoit en faifant ce- phims.
la, fi c'étoit pour adorer les faux Dieux, du Culte defqucls elle n'étoit pas
encore bien revenue, ou fi c'étoit pour fe venger de Ion père, de qui elle
croïoic avoir été maltraitée. Ce dernier eft le plus vrai-femblable. Quoi Gea, 31,15.
qu'il en roit,MoiTe dit que Laban étant allé tondre [es brebis , %achel dérobm
lesTheraphimsde fon père. Laban pomTuivant Jacob, qui fe retiroit, lui dit,
pourquoi as-tu dérobé mes Dieux ? Laban faifant vifite des meubles de Ja- v. ^o■
cob , Rachel prit les Theraphims, & les mit dam le bat d'^un chameau , puis v- h-
s'affit deflus. Dans le Livre des Juges, nous avons THiftoire de Mica, jug.17.4. y.
qui étoit de la montagne d'Ephraïm, où il nous eft parlé de cette efpece
d'idole. La mère de cet homme 6c lui, firent faire une image taillée , é" une
de fonte , & elles furent en la mai fon de Mica s ainji cet homme appelle Mica,
eût une maifon Ue Dieux , &fit un Ephod&des Theraphims , & conJàcraPunde
fis fils, ofui lui fervit de Sacrificateur. Dans le chapitre fuivant il eft encore
parlé de ces Theraphims. Les Danitesqui vouloient furprendreLaïs &
s'en faifîr , envoyèrent cinq hommes pour l'épier, ces cinq hommes dans
leur voyage paiïerenc chez Mica, y trouvèrent le Lévite que JMica s'étoic
établi pour Sacrificateur desTheraphims.Ils le prient de confulterDieu,c'eft-
à-dire fes Theraphims , fur le fuccez de leur entreprife. Isl^m te prions que tu cfa. u.j.
interroges Dieu , afin que nous Cachions, fi le voyage que nous entreprenons profperera.
Ces cinq hommes étant retournez vers leur peuple , 6c toute la tribu de Dan
montant pour fe faifir de Laïs , ils parlèrent à leurs frères 6c dirent , fa-
vez.-vous que dans cette maifon ici , il y a un Ephod & des Theraphims ,
une image taillée & une de fonte ? Voyez donc ce que vous avez à faire, v. 14.
De concert avec le refte de la troupe des Danites , ces cinq hommes entrèrent
dans la maifon de Mica , prirent fimage taillée, P Ephod, les Theraphims , & l'i-
mage de fonte , 6c débauchèrent le Sacrificateur qui s'en alla avec eux.
Mica courut après, comme Laban avoit couru après Jacob , 6c leur dit
auffi. Vous avez, enlevé mes \Dieux qne favois faits , avec le Sacrificateur , ^
vous' vous en êtes allez,. Dans le premier Livre de Samuel , comme Saiil
fe vouloit excufer de ce qu'il avoit épargné le meilleur du bétail des Ha-
malekites , contre le commandement de Dieu, qui lui avoit ordomé de fai-
re pafler les hommes, les femmes , 6c les bêtes par le tranchanWe l'épée,
le Prophète lui dit la défobéijfance efh comme le péché de devinement , & la re- r.Sam. ïj.
bellion eji comme les idoles & les Theraphims, Saiil pouriliivant 6c faifant cher- ^''
cher David pour le perdre, Mical femme de David le fit décendre par la i.sam,!^^
fenêtre. Puis après ^SKical prit un Theraphim^ & U mit au lit, & mit' à fin a-
chevet une hure de poils de chèvre , & le couvrit d'un habillement. Dans la vie ^^^°'^^3*
de Jofias l'Hiftoire Sainte dit, que ce bon Prince racla du Pais les efprits de
Python^ les difeurs de bonne- aventure , & les Theraphims.
Le Prophète Ezechiel dit au 21. de fon Livre, le %qI deBabylone /'^v.-^*
arrêté au chemin fourchu, au commencement de deux chemins, pour s"* en quérir des
devins. Il avott poli les flèches. Il a interrogé les Theraphims, il a regar-
dé au foye. Le Prophète Ofée dans le troifiemechap.de (ts révélations, en ofée3.4.
faifant la defcription du trifte état , où dévoient être réduits les Ifraëli-
tes, dit. Les enfans d'^/fiaèl demeureront plufieurs jours fans %pi, & fanrGou-
Part. IIL LU ver-
450 H I S T O I R E D E S D O G M E S
•vetneur ^ fam facrifice & fans fiatue, fans Ephod & fatis Theraphims. Enfin le
lach. 10. i. Prof hère Zacharie parle de ces idoles en ces termes. Les Theraphims ont dtt
fmnetéi & tet devins ont v» menfonge, & ont proféré des fo--oges vains, & ont propoje
des confoUtions de vanité. Ce font les palfages du Vieux Teilament , où il
ell parlé des l'heraphims. Les Paraphrailcs Chaldées ont prefque toujours
rendu ce mot, par celui de ^yi^;^^^ qui lignifie images , ou par celui de
f\son, qui fignilïe reflemblan'cé.* Une fois Jonathan l'a expliqué par le
mon MnijiM , qui lignifie idoles. C'elt au quinzième chapitre du premier
de Samuel. Apparemment c'eft pour imiter les Paraphrailcs Chaldées ,
que les Interprètes de Genève , ont interprété ce mot par celui de Mar-
moufets. Les Interprètes Grecs, qu'on appelle les 70. ont fouvent retenu ce
mot de Ô5p«(î)^/>, le prenant quelquefois pour un nom fingulier, comme dans^
k 17. du Livre des Juges, tantôt comme un nom pluriel, comme au chap.
if. du premier Livre de Samuel. Dans l'Hiftoire de Laban,ils ont rendu
ce mot par celui d'^fôwAa. Mais dans l'Hiftoire de Mical, qui mit un The-
raphim dans le lit , en la place de David fon mari, ils ont tourné d'aune ma-
nière allez finguliere, rendant ce mot par celui de vLsvoTûi.(pia , qui fignifîe-
vain tombeau, ou un tombeau vuide-. Dans le 21. d'Ezechiel, ils ont
tourné Theraphim par yivicrà,. en Ofée par ^^oi^qm fignifie manifefta-
leurs ou declarateurs , e'eft à-dire, difeurs d'oracles, 6c dans Zachariepac
âiçcCpkyyéixsvoi , ceux qui parlent.
Avant que de tirer de tous ces paflages, toutes les lumières que nousefpe-
rons en tirer , pour connokre ce que c'eft que les Theraphims , je croi
qu'on fera bien aifé devoir ici uue Hiftoire abrégée,, des difïerens fenii-
mens des Auieurs là-deflus.
CHAPITRE I L
Uîjlén des différentes opinions , des Juifs é' des Chrétiens y des An--
ciens & des Modernes yjur ces 'Theraphims.
Birckci B.ab- If. Es fecicns Juifs dîfoient que c'étoit une efpece de Nécromance cffro-
bi Eliea "' --- — _
cap; 36.
^l^^lf^^ 1 A T^'^^'i ^"^^ l'un de leurs Docteurs dépeint ainfî.Z/j tuoient le premier néd'^a-'
Opinion ne famille ^ils iHi-coupoient la tête , l^embatimoient avec de Phutlt & du fely (ft
deEubbt écrivaient le nom de quelcfue efprit malin Çur une lame ^or^^fj" mettoient cette la-
me fins la Ungtte de la tête coupé ç^ ^ mettoient lit tête dans la muraille \^ s'ap--
prochoisnt d^elle avec des lampes^ & l* invo^uoient, (^ elle par loit k eux. De la
"vient c^ne les Theraphims ont parlé ^ félon qu'il efi écrit ^ les Theraphims ont par^
lé faujfement. £t ce fut lia caufe^pour<juoi Rachel les aéroba^depeur qu'ils n'^ap-
prijfem à.Laban le chemin par lequel 9ucobfe retirait , & auffi afin d'extirper Pi'
dolatrie de la maifon de fon père, faeob qui nefavoit rien de cela ^ dit , quiconque
a dérobé tes 7 heraphims m^ ure fans-délai; Ce qui fort de la bouche d^unjufie^ ef^
comme ce qui fort de la bouche d'un Ange. C^èfi- pourquoi %^chel mourut en couche
quelque tems après .^ ainji qu'il eft écrit , & comme fon ame fortoit ^ elle mourut.
GaiFarei attribue, à ce Rabbi EUej^er un tout. auu:e fcntiment 3 ce qui fait
voir
ET DES CULTES DE ^EGLISE. TartMl. 451
voir qu'il ne h point lu. Un Ancien ParaphrafteChaldée, dans fa Paraphraib
fur la Genefe, eft de la même opinionjComme aufli Elias Germanus entre les Elias Ih
Juifs modernes. Mais cette opinion n'ell point du tout vrai-femblable. Et il vo^e*ïu°
n'eft pas apparent, que Jacob eût voulu demeurer dans la maifbn de La- ïaphha,
ban , Cl on y avoit exercé une magie aufli noire 6c aulîi décellable.
Il y a d'autres Juifs qui croient que cesThcrapbims, ctoicnt des maniè-
res de tables d'airain, Allrologiques6c'M.igiques,cn même tems, fcmbla-
bles à des Cadrans folaires. D^ins ces tables on voyoit les momens, qui
étoicnt propres à la divination. On donne cette opinion à un Rabbin, nom-
mé M )ïre Ben Nachraan, 6c à un autre appelle Rabbi Bêchai, dans fes
Commentaires fur la Genefe. Gaffarel l'attribue à Aben-Efra, mais fauf-
fement. Ce Rabbin fur la Genefe la rapporte, mais il la rejette. Cette
opinion eft fauiTe d'une faufleté notoire j car il eft clair que les Thera-
phjms, étoient des figures de relief, ou des ftatuës, 6c non pas des ta-
bles.
L'opinion la plus commune entre les Juifs , eft que les Thefaphims op'nioH
étoient des figures humaines, ou peut-être myftiques, 6c mêlées de la figu- «^«"^^^j™*
rc de quelques animaux, taites fous certaines conitellations , par les in- juifs.
fluences defquelles conflellations , ces figures ou ftatuës recevoient la ver-
tu de parler, quand elles étoient confultées fur les chofes obfcures. C'eft
l'opinion que Gaffarel attribue à Rabbi Eliezer , mais qui n'eft point de
lui. C'eft celle de la plupart des Juife modernes, de Salomon Jarchi
fur Ofée 6c fur la Genefe, ôc particulièrement, d'Aben-Efra, dont voici
les paroles, tirées de fon Commentaire ftir le 3 1 . de la Genefe. Jlj a des
gens qui dirent que les Theraphims ^ font des inflrHmens d^airain, faits pour connoi-
ire les parties des heures. U* autres difent que les Aftrelogues favent l'art de faire
des figures^ qui ont la vertu de parler k certaines heures , éf Us s'appujent du té-
moignage du texte de Zacharie^ qui dit^ les Theraphims ont parle çfr ont proféré
chofes vaines, z^i^ais et n'*efi pas le vrai fens , d* fejlime que les Theraphims
étoient des figures humaines ^ faites pour recevoir la vertu des corps fuperiectrs. Aîms
pour le refie^je ne faurois dire de quelle manière on s"* en fervoit. Aurefle quelei
Theraphi?ns euffent la figure humaine^ cela efl clair par fHifioirede Mical,fille de
Saul^qui mit un Theraphim dans le lit de Davtd^ pour tromper les gardes qui
croioient garder David dans le lit. Rabbi David Kimchi furie i . Sam. ch.^19. Cetoîent
rapporte ces paroles d'Aben-Efra, 6c femble s'en tenir là, comme à ce qui ^"ns"de*
fe peut dire de plus vrai-femblable. La plupart de nos Chrétiens moder- magie imt-
nes, fe font rangez à ce fentimerit , 6c voici comme Toftat répréfente ces chrêtieas.
figures. C étoient des t êtes faites de métal ^ en certains tems marquez, fous certains
afpeBs de conflellations , & certaines conjon^ions de Planètes , afin que la ver- Toftat. ia
tu des corps celefl:es tombât fur ces tètes , & qu'aèdes devinjfent capables de répon- ^.^^ jg_
dre a ceux qui les confultoient . Et cela fe faifoit en partie par fAfl^rologie , en
partie par la Nécromance. Albert le Grandy qui étoit de Pordre des "jacobins , &
Frères Prjcheurs ^ avoit fait une de cestêtes^maisSt.Thomoê, fonDfciple^labrifa
un jour.
Guillaume de Malmesburi, Hiftorien Anglois, rapporte que Gerbert , qui c^lùi!. Mai-
fut Archevêque de Rheims,puis deRavenne, 6c qui devint Pape fous lefis^deGeftis
nom .de Silveftre II, 6c non pas fous le nom de Jean xv. comme le dit cet Au- Regnm ait-
teur,// une tête de font e^ comme d''umfiatuë, fous certaines étoiles & confie llaticm^ cap* i<^.'
LU 2 au
inouïes c. }.
452 HISTQÎP^EDESDOGMES
ait tcms tjue toutes les Planètes recommencm leur eour^^ Cette tète ne parîoit que
quand elle etoit interrogée^ mds elle ne manquoit pas a dire la vérité ^ par de
jimfk: négations d^ affirmations. Par exemple , quand Gerbert Ini demandait ,
ferai- je Tape , elle répondait , «ni. Quand il lui demanda , mourrai-je avant que
d^ avoir pu chanter MeJJe dans ferufalem , la tête répondit .^non. Ce bon Pape,
qui ne croyoit mourir qu'après qu'il auroit chanté Meflc dans Jerufalem ,
n'avoit pas hâte d'y aller i mais il fut trompé par Ton Démon j car il y
avoic une Chapelle à Rome, qui s'appelloit Jerufalem : ce Pape y chanta
Mefle, ôc mourut incontinent après. Ces (ortesde têtes avoient un grand
rapport avec les Talifmans des Arabes , bien que cette opinion ait d'af-
iéz grands Auteurs, & que Seldenus femble pencher de ce côté-là, ce-
pendant nous la rejettons , ne trouvant rien que d'aflez moderne, pour ap-
puyer cette conjed:ure, car les divers textes, où il eft parlé de ces Thera-
phims, ne la favorifent pas.
Gaiiarel entre les Modernes, ne veut pas que ces TheraphinsfufTentdes
idoles. 11 prétend que c'étoient des images lacrées , qui appartenoient
au Sacerdoce, Se que c'étoient ces mêmes figures, qui font appelléesC^^-
rubins ôc Séraphins^ de forte que les figures, qui faifoient ombre à l'Ar-
che, ôc qui répréfentoient myftiquement des Anges , félon lui, étoient
tantôt appeliez Chérubins^ tantôt Séraphins , à:ta.ntôt Theraphims. Il eft
vrai que le Schin , fe change fort fouvent dans la langue Chaldaïque en
Thau. Les Chaldées appellent "nn thor, ce que les Hébreux appellent nii:',
un bœuf, félon cela, on dit, que les Chaldéens appcUoientTheraphims,
ce que les Hébreux appelloient Séraphins. Gaffarel a emprunté ce fenti-
Moncsusde ment dcMoncceus, qui prétend que les Theraphims de Mica étoient des
reo'î.°!'i! figures de Chérubins , & que les Chérubins étoient des figures de veaux,
*o* ou de bœufs, 6c qu'ainfi les Theraphims n'étoient point de figures d'i-
• doles,dont l'ufage fût défendu par la Loi. L'autorité de ces deux Ecri-
vains, ne me paroit pas de grand poids , Gaffarel eft deftitué de jugemenj;.
C'eft un conteur plein de citations faufles.
Carafteie Moncasus eft un grand parleur , qui avoit quelque pénétration ^ & quelque
de Monc^us, connoiilknce de l'Ecriture Ste.Mais il étoit deftitué de la plijpart des (ecours.
Traité du "" qui font neceflaircs pour bien écrire de la Critique Sacrée : fur tout il n'avoit
Veaud'ot. auoune littérature Juifve,& ne favoit pas même lire l'Hebreux'étoit au refte
un grand difeur de chofcs inutiles. Ainfi je trouve que les Compilateurs An-
glois, lui ont fait beaucoup d'honneur d'avoir mis fon Traité du Veau d'or,
dans leur Recueil d'Auteurs Critiques j mais ces deux hommes, dont le
fentiraent ne mérite pas grand refpeél:, à caufe d'eux-mêmes, s'appuyent du
Hieron. in témoignage d'un grand Auteur, c'eft Saint Jérôme, qui femble dire la
même chofe qu'eux, dans fon Commentaire fur Ofée , où le Prophète
dit, qu'^Jfra'él fera fans Ephod & fans Theraphims. Il prétend, que par les
Theraphims il faut entendre, ou les Chérubins, ouUrim 6c Thummim.
Theraphim proprie appellantur '^op(pMixciTu , id eft figurA , & fimulacra^ quA nos
poffumus in pruiÇenti dumtaxat loco^ Cherubini & Seraphini , Jive aliA quA in Tem-
plt ornamenta fieri jujfa [unt^ dicere. Et peu après il ajoute. Sine Ephod é^
Theraphim , idefl , inftrumentis Sacerdotalis habitus. Premièrement il eft à
remarquer que St. Jérôme avoue, que le mot de Theraphim ne fe prend
en boixne part, que dans le feul paOage d'Oiée, in prAfentf dumtaxat loco ^
dit-ii
ET DES CULTES DE UEGLISE. Part.lW. ^^^
dit-il. Cardans Tes Queftions fur la Genefe, il avoue que les Thera-
phims font des idoles. Vbi nuncidola legimus^T herafhtm in Hebr(Zo fcriptum
eft 5 ijuéi, <iy4(jHil(;i MùpCpéixecTCi , id <?/?, figuras , vel imagines interpretatttr. Et
ce qui a porté Saint Jérôme à croire, que dans cepaiTage d'Olee, ilfaloit
prendre les Therapbims en bonne part, c'eil l'autorité des Septante,
qui dans cet endroit ont tourné S^xoi, raot dont ces mêmes Interprètes fc
font auffi fervis, pour rendre le nom d'Urim Se Thiimmim , de forte que fé-
lon l'intention des Interprètes Grecs, il faut expliquer ainfi ce paffage
d'Ofée. Ils Jàrom fans Ephod, qui efl l'ornement du Grand Sacrificateur , ç^
fins TJrim & Thiimmim , cjui efi cet inftrument qui fe met dans PS'phod^ pour
rendre des oracles ^ c'efl-à-dire , qu'ils feront diftituez de l'efpritdeProphe-
tre. A caufe de cette autorité des Septante , Saint Jérôme a crû , qu'ici les
Therapbims defignoient cet Urim èc Thummim. Ferùm quia 70. Ji^xaçincap.j.
interprétait funt , pro quibus Aquila & Theodotio (pwT;c-p,8^ tranfiulerunt , &
hac ipfa funt in Koysi'aa , id ^fi in Rationali. Hoc intelltgimus quod in peUore , &
corde Pontifias àXyi&£iciiicii0cari(T[j.oç^ id efi veritas & do^rina inejje debeat.
Mais fur tout il faut obferver, que Saint Jérôme ne dit point, que les
Therapbims fùlTentdes figures des Chérubins. Il faut lire, pour favoir
■fon fentiment là-deiTus, Ion Epître à Marcella. Pour ne copier pas tout Tom j.f. 24,
un grand paflage, que chacun peut confulter, je me contenterai de rap- ^jj^jf jj
porterie fommaire de ce qu'il en dit. i. Il dit, qu'Aquila,atournéce
mot par celui de y^opC^âiiurà'. z. Que dans Ofée les Septante ont rendu.
ce mot par celui de Jîï?vo/ , qui fignifie manifeftations , par ariufionàUrim
6c Thummim , qui étoient dans l'Ephod du Souverain Sacrificateur.
3- Que ce mot de Theraphim figniûe figurattones , vel figuras ^& varia opé-
ra^ c'ell-à-dire , des ouvrages de lacis, de broderie, & figurez, qui étoient
dans l'habit du Souverain Sacrificateur, & dans fon Peéloral , 011 étoient
Urim 6c Thummim. 4. Et c'eft ainfi qu'il faut comprendre V Ephod 6c les The-
raphims , comme joints enfemble dans l'Hiflioire de Mica, au Livre des Juges,
6cau{îi dans le pafiage d'Ofée, où par l'Ephod, il faut entendre un ouvrage
figuré 6c fait en broderie. Mica fit un Ephod 6c àcs Theraphims, c'eft-à- dire,
il fit un Ephod fait d'ouvrage de Theraphims, lacé, brodé , 6c figuré. Les If-
raëlites feront lans Ephod, c'eft- à-dire, ils n'auront plus de vêtement Sa-
cerdotal, fait d'ouvrage exquis , comme étoient Urim 6c Thummim. f . En-
fin Saint Jérôme dit, que le mot de Theraphim^ figni£e la même choie, que
le mot c>ni")3 , non pas quand le mot Kerubim fignifie des animaux , mais
quand il fignifie Tlumarta arte contexta j car il prétend que le mot jU^^.
écrit fans ^^ , fignifie , non un animal myfl:ique , mais opus varium atque
dèpiEîum^un ouvrage peint & varie:èc avec le vau il fignifie un animal myfiique ,
6c alors Theraphim ne fignifie pas la même chofe , que Kerubim. Je me fuis
donné la peine de déchiffrer ce paffage de S. Jérôme , non pas à caufe de Gaf-,
farel , mais du favant Grotius, qui dit, Cherubinorum habuijjeformaml heraphim crotius in
cenfet Hieronymus ad Aîarcellam ^ & in Sam. 22. & 2. Sam. 6. 24. Je fuis per- ^'t'- j"d.is.
fuadé que Grotius cite S. Jérôme en cet endroit, fur la foi de Galfarel , 6c' Faute de
cela d'une manière fi peuexaéle, qu'il cite de Saint Jérôme des Çommen- ^^jj}*''"* '^®"
taires fur les deux premiers Livres de Samuel, qui n'ont jamais été, feu-
lement parce qu'il les a trouvez citez à la marge de Gafiàrel j ce qui nous fait
voir que les gj-ands hommes ne font pas toujours originaux , 6c qu'ils copient
LU 3 fouvent
45+ HISTOIRE DES DOGMES
louvent avec bien de l'imprudence, de très méchans Auteurs. Au reftc
qu'on examine ce pafTage même de S. Jérôme , 6c l'on verra qu'il ne dit
rien, que ce que je viens d'expliquer.
spenccriis, Speuccrus, uii favanc Anglois, a une opinion fort approchante de celle-
Diflettatio \^ Il cfoil quc Ics Thcraphims , ôc Urim ôcThummin, font la même
de Urim Se , ^ ,-- ■ j ■ ■ r t ■■ r
Thummim. cnoie , que c etoient de petites images en ngure humaine, qui le mettoient
dans le Peéloral du Souverain Sacrificateur, par lequel Dieu, ou les An-
ges par commiiîion reçue de Dieu, rendoient des oracles. Il avoue que les
plus anciens Theraphims, ont été compofez par des Payens , c'ell-a-dire par
les Chaldéens ou Egyptiens, & que c'étoient des inftrumens de magk,
& de petites images d'homme , qui leur rendoient des oracles , par le mo-
yen des Démons , mais il prétend que Moyfe a tiré cela des Payens, com-
me la plupart des autres cérémonies de la Loy , ôc qu'à l'imitation de ces
Theraphims des Chaldéens , il fit de petites images d'homme, que l'on
fourroit dans le Pe<5i:oral du Souverain Sacrificateur, quand il vouioit con-
fulter Dieu. Moïreappella,dit-il,ces images Urim 6c Thummim, d'un nou-
veau nom qu'il leur impofaj mais cependant il croit que l'ancien nom de The-
raphims, leur demeura avec leur nouveau nom, que leur avoit donné MoiTe.
Sa principale preuve eft tirée d'Ofée , où le Prophète dit des Kraëlites , ils'
feront fans Ephod & fans Theraphims. Il veut que les Theraphims, foient
une annexe de l'Ephod, & qu'ici Ofée ait intention de dire , ils perdront l'O-
racle d^Vrim & de Thummim ^^ n'auront plus l'Ephod facré, fait par Mo'ï-
fe, dans lequel eft cet Urim 8c Thummin,autrement appelle Theraphim.En-
fin il dit<]uc l'Ephod & les Theraphims de Mica,éîoient faits à l'imitation de
rEphod,&de i'Urim ôcThummin de Moïfe.C'eft- à-dire que ce fut un habit
Sacerdotal, dans le Peétoral duquel on avoit fourré ces petites images , qui
rendoient des Oracles. Ce paflage d'Olée mal interprété eft caufe de l'erreur
de Gaftarel, de Moncseus, de Spencerus, ôc de celle de S. Jérôme. Et la
fource commune de leur erreur, c'eft qu'ils veulent que dans Oiét^lhe-
raphim fe prenne en bonne part ; parce que le deffein de Dieu , félon eux,
eft de prédire que les Ifi-aëlites feroient un long -tems, fans le culte de Moï-
fe. Mais la vérité eft que Dieu veut dépeindre précifément, l'état où font
aujourd'hui les Juifs, fans Dieu, ni vrai, ni faux, fans idolâtrie, mais fans
vrai culte. Pourtant d'un coté il âitf non ip/îsem Ephod, ne^ fie nh^facrifcinm.
C'eft-à-dire point de vrai culte Mofaïque, & félon la Loi. Mais d'autre
part,ils n'auront point de nn^, Batua^ ni delTheraphims, point de fiatu'è & de
Theraphims. Ç'eft-à-dire qu'ils ne feront pas idolâtres, ni Payens adon-
nez à la magie. Or que les Theraphims ne fe puiftent prendre en bonne
part , il par, ît par le m.ot de Matfeva^fiatii'é, qui ne fe prend jamais en bonne
part, quand ils'agit d'une chofe qui eft adorée : Ainfi le fens du pafiage eft ,
'Un tems viendra dans le i^ ne l vous ferez, plnJteHrs Jjecles ^ fans adorer les Jiatu'és ^
mais aufftfans vrai Dieu : fans confklfer les faux Oracles des Theraphims , mats
Auffi fans pouvoir confulter L)ieft, par ZJrtm dr Thummim, <jm font dans l'^ Ephod,
C'êft l'explication de Kimchi , dont nous rapporterons tout à l'heure les
paroles.
Ces trois opinions de Moncseus, de Gaffarel , & de Spencerus, ne me
paroiflent point foûtenables. Et celle de Spencerus eft en quelque forte
impie, nous en avons parlé dans la féconde partie de cet Ouvrage/, en
par-
ET DES CULTES DE UEGUSE. Part.m. 455
parlant de l'Arche 6c des Chérubins. Monc^us 6c Gaffarel difent que ces
Theraphims, étoientdes figures de Chérubins, femblables à ce queMoife
6c Aaron 6c les Anciens d'Ifraël avoient vu, quand la gloire de Dieu leur
apparut, ainfi que cela eft rapporté au 24. ch. de l'Exode. Tuis Moife
C^ Aaron y Isladah^ & Ahihu^ & [otxmte & dix des enfans d' Ifraël montèrent, & vi-
xent le Dien d'Ifraël^ & deJfoHS fes pieds il j avoit comme un ouvraae de car-
reâffx de Saphirs^ & comme font les cieptx dans an tems ferein. L'on prétend
que Dieu leur apparut, juftement dans la même forme , qu'il apparut à
Èzechiel, environne de 4. Animaux,qui avoient des têtes c^e Bœuf,de Lion,
d'Aigle, 6c d'Homme, 6c qu'au-defîus de tout cela Dieu*étoit affis fur unr
Trône de Saphir, ainfi qu' Ezechiel le répréfente. Et au-dejfm- de cette Ch.z,y.i9»
étendue qui étoit fur les têtes des Animaux , il y avait la femb lance d'un Trône^
comme qui verrott une Pierre de Saphir , & fur la femblance d'^un Trône , il y
avait comme U femblance d^un Homme. Je trouve allez apparent, que Dieu
apparut alors à Moïfe , 6c aux Anciens d'Ifraël, dans une forme à peu prés<
fembkble, à ce que vit Ezechiel. Mais il n'eft du tout point vrai-fembla-
ble,, comme le prétend Monca^us, que la figure du Bœuf, fous laquelle Aa-
ron fit adorer Dieu aux Ifraëlitcs , fut tirée de là. Et il eft enco-
re bien moins vrai-femblable ,, que les Theraphims ayent tiré de là leur
'origine. D'oii eft- ce que Laban auroit appris à faire des Theraphims, fur
le modèle d'une vifion, qui ne devoit paroître que trois ou quatre cens ans
après lui. Ce que ces Auteurs fuppolent, que les Theraphims étoient des -
emblèmes du vrai Dieu, 6cque le Dieu Créateur du Ciel 6cde la Terre,:
étoit adoré fous ces emblèmes, eft convaincu de faux par tous les textes ,
©il il eft parlé des Theraphims > car il paroît que c'étoient des idoles , 6c "
mêmes àç.^ idoles abominables, par lefquelles on exerçoit les Arts Magi-
ques. Auiîî le bonRoiJofias les extermina du pa'is, comme l'une des abo-
minations Payennes. Et Samuel pour dépeindre à Saiil fon crime , 6c lui:
faire connoître, combien Dieu étoit en colère de fa défobéïfiance , com-^
pare foa crime à l'iidoration des Theraphims ,,<s/ej^^w, âefi: comme les The"
raphims.
Quanta ee que Spencerus fuppofe, que les Theraphims étoient de pe-
tites images humaines, qui rendoient des oracles entre les Payens,cela eft;
allez apparent,.comme je le ferai voir tout à l'heure. Mais dire-que Dieu ait
itniié c^tte abomination , 6c (\\CVrim ^ Thummim , fufiènt des images des
Theraphims, qu'on mît dans le Peéloral du Sacrificateur , cela eft tout à
fait impie. S'il y a dans les Theraphims du Paganifme, quelque chofe qui-
aiiLiîu rapport, avec ee qui fc pratique dans la Loi de Dieu , il eft plus-
jufte de croire, que le Démon a été l'imitateur de Dieu, que de fuppofer
que Dieu fe rendît imitateur du Démon. Et je ne fai comment on pour--
mix. s'empêcher de concevoir , que Dieu auroit autorifé par là les abomi-
nables magies des Payens, qui ont toujours fait un fi grand ufage de ces-
petites imagées dans leurs forcelleries*-
^. jaî A^
4,56 H I s T O I R E D E s D O G M E s
CHAPITRE 1 1 r.
Les premiers Jherafhims'n^ctoient que de /impies Idoles fans -Magie;
de là font venus les Lares ^ ou Dieux domejliques. Noéé^
Sem ont été les Jheraphims de Laban.
*^
A
Prés avoir rejette tout ce que Ton a dit des Theraphims , voyons fi
nous pourrons être plus heureux en conjeétures. Premièrement,
'Je fuppofe avec Aben-Efi-a, qu'il e(l bien prouvé parl'Hiftoîre de
Mical, qui mit un Theraphim dans le lit de David, que les Theraphims
avoient la figure humaine : car il eût été ridicule de mettre une autre fi-
gure dans un lit , pour tromper des gens qui gardoient la chambre 6c le
lit. Il faloit qu'au moins en regardant de loin, ils viflcnt dans ce lit une
figure d'homme, qu'ils prenoient [pour David,
tes Thetâ- En fecond lieu , il eft très certain , 6c très clair par l'Ecriture, que les Thc-
phims raphims étoient des inftrumens de magie , pour fa voir l'avenir , 6c les chofes
fnftïimens" obfcures. Cela ell évident par le texte du 2 i.d'Ezechiel ,011 le Roi de Ba-
de magie & bylone ell introduit, faifantdiverfes fortes de forcelleries.// j-'^w^^/^r/^fw ?)?-
lion/^^'^^" "^^^^ î ilcenfuhe lefoye défis m^imes, ilinterroge lesTheraphims . Cela efl: clair auflî
par le Prophète Zacharie, qui dit , les Theraphims ont prononce' menfinge. Ils ont
donne' de fanx oracles. Ils rendoient donc des oracles. 3. Cela ie prou-
ve encore par le paflàge d'Ofée. Ils feront plufieurs jours fans Ephod 6c
fans Theraphitns: c'eil- à-dire qu'ils feront fans aucun oracle àconfulter,
ni faux , ni vrai , ni diabolique , ni divin , point d'Ephod , pour confulter
Urim éc Thummim , point de Theraphims, pour deviner par les Démons ,
' êc apprendre par leur moyen quelque chofe de leur deftinée. Rien n'eft
Ratw P^^^ '-^^^^^ ^ P^^^ "^^ ^"^ Commentaire de David Kimchi , fur ce paflàge.
D. Kimchi Le Prophète , dit-il, dépeint les jours de la captivité' , dans laejuelk nous fimmes
in ofeam préféntement. Nohs n'avons point de Roi ^ car nous fimmes fius la Domination
des Rois des Nations ^ & de leurs Princes. T^ous n'avons point de facrijîce, ^ue
nous offrions au vrai Dieu^ mais auffî n'avons-nous^point de /latue ^ ni d'Idole e'ie-
vée à Phonneur des faux Dieux. Nous n"" avons point d' Ephod fiicre'^qui nous ap-
prenne les chofes futures ^ par ZJrim & Thummim , mais nous n'avons point aujji
de Theraphims confierez, aux Idoles , e^ui prédifent les chofes à venir \ félon Vopi'
nion de ceux qui croient en eux. Voilà notre état dans notre captivité. 4. L'Hif-
toire de Mica 6c de fes Theraphims, nous fait voir auffi que ces Thera-
phims étoient des inftrumens de divination. Car \z^ cinq Efpions des Da-
nites , difent au Sacrificateur , qui fervoit les Theraphims , nom te prions que
tu interroges Dieu, afin que nous fâchions fi notre voyage profperera. Interroge
Dieu 5 c'eft- à-dire, interroge les Theraphims, interroge l'oracle. Samuel
en reprenant Saiil , compare fon péché au devinement , 6c aux Theraphims.
Cela fait bien voir encore, que les Theraphims étoient une efpece de ma-
gie, pour deviner i 6c enfin quand l'Hiiloire fainte nous rapporte ce que
ntjofias, pour repurger la terre des abominations Prennes, les Thera-
phims
I
ET DES CULTES DE rEGLISE.F^f/.III 45;^
jîliims ne font pas mis au nombre des Idoles, mais ils font rangez entre
les forcclleries , ^ entre les inftrumens & les Arts magiques. Et Jofias
racla dft pais les elfrits de Python^ les difeftrs de bonrw aventure , & les Thera-
phims. Et ainfî voilà déjà deux chofes qui font confiantes & claires; la
première que les Theraphims étoient des figures humaines, la féconde que
ces figures fcrvoient à deviner , & que c'étoient des inftrumens de ma-
gie.
9. Mais voici une troifiéme chofe, qui, félon moi, n'efl pas moins ^" coi»-
•certaine que les deux précédentes , c'eft que les Theraphims n'ont pas été klTThcM'*''
des inftrumens de magie dés leur origine. Par exemple , je ne me per- p^""»? ?'o«t
fuaderai jamais, que les Theraphims de LabanfialTent des inftrumens pour fnLumcnr
exercer la magie. Car je ne faurois croire que Jacob, fipieux&fîfàinr, '** ^*s»*"
eût voulu demeuixr dans une maifon, où l'on eût exerce une aufîî, noi-
re Nécromance. Et je ne faurois croire non plus , que Rachel eut
voulu fe charger des inftrumens d'une abominable magie. Je croi que
les Theraphims étoient au commencement de fimples fimulacres, des ima-
ges que l'on adoroit, comme les Payens ont adoré leurs autres fimu-
lacres. C'eft-à-dire , comme les reffemblances , ou \qs emblèmes d'un
Dieu invifible, abfent ou éloigné, qu'ils avoient choifi pour l'objet de
leur adoration. C'eft pourquoi Laban les appelle fîmplement y^j- /^/é-^A; ,
Tomqmi as-tu dérobé mes Dieux? Je ne faurois douter que le mot Grec
&spK%£V£iv , therapeuin , qui ûgnidefervir & adorer , ne vienne du mot The-
raphim. Et cela me perfuade , qu'au commencement ces Theraphims ,
n' étoient fimplement que des objets d'adoration.
4. Cela étant pofé, que les Theraphims étoient de fimples fimulacres, LcsThera-
il faut voir de quoi ils peuvent avoir été les répréfentations. Il n'y \o^\ " uê
a point d'apparence que ce fût de leurs grands Dieux, de leur Bahal, ^i" images
qui eft le Jupiter des Occidentaux , de leur Moloch , de leur Aftarté , fiS,^^^*"
êc des autres fembkbles : qui étoient les emblèmes du Soleil, de la
Lune, & de toute l'armée des Cieux, comme parle le faint Eiprit.
En un mot ce n'étoient pas les images de ces Dieux , que nous avons
zppdle'L Diinaturales, qui étoient le monde, ou quelqu'une de fes parties,
comme le Ciel, la Terre, les Elemens, & les Aftres. Car nous avons
remarqué , que nos Theraphims étoientf des figures humaines. Or il eft
conftant que les Orientaux n'ont point adoré leurs grands Dieux,
fous des figures purement humaines. Ils employoient des figures myfl
tiques & mêlées. Moloch tenoit du Taureau. Aftaroth avoit des cor-
nes fur la tête. Dagon étoit demi-poiffon , comme nous le verrons
dans la fuite. Ainfi ces Theraphims, qui étoient des figures humaines
toutes pures , étoient fans doute les images de quelques hommes , qu'on
avoit confacrez pour Dieux.
Après avoir prouvé que ces Theraphims n'étoient ni les fimulacres, ni LesTheia-
les emblèmes des grands Dieux , je tiens que nous ne faurions dire rien ^JU^nt les
de plus vrai-femblable que ceci ; c'eft que c'étoient des Dieux domefti- Lares ou
ques, que les Latins ont depuis appelle Lares, les Dieux Tutelaires de t-hiJesI d'i-
la maifon. i. Il paroît par l'Hiftoire de Laban, que c'étoient des Dieux vcrfcspicu-
particuliers 6c domeftiques, car fi ces Dieux avoient été des divinitezpu- ^"'
bliques, dont la garde eût été donnée à Laban, tout le peuple du pais
Fart. III. M m m fc
458 HISTOIRE DES DOGM ES
Le$ThcT3- *^ reroit émû du vol, qui en avoit été fait. Tout le monde auroit cou-
i»i»ims de ru pour Ics recourie : mais Laban cft le feul qui les demande , ôc aufîi
toientliuc ^^ '^^^i Pourçjuoi as-tH derohé mes Dief4x ? 11 ne dit pas nos Dieux. ,
des Dieux 2, Le uom de Theraphim , & Ion origine , nous eft une très bonne preuve
qu^!^*" de cette vérité, que lesTheraphimsétoientdes Dieux Tutckires.Jurquesid
c'eden vain qu'on a cherché l'origine de ce nom : On ne l'a pas trouvée.
Qiielques- uns croient que Theraphim vient de o^sj-it:'. Séraphins: mais nous
Véritable avous déjà rejette cette étymologic. Ordinairement on le dérive de pj"'/!,
dn"mcK^'° Tharaph, qu'ËhasGermanus, à-àns fin Thisi;i ^inierpreiej waifin de wrpita-
Theiaphiitv ^^^ c'cft-à-dire, mai fin d' idolâtrie. Le Thargum , dit-il, s'ejt firvt decemot
dans le Tfiaume 4.4. oh il y a dérijïon & mocjuirte. Les parties naturelles d'Anne
femme s'happe lient aujji , ùeth tourpa , ^ dans la langue Latine pareillement ce-
la s'^appelle turpttudo. Mais qui ne voit que ce mot de tourfa , 6c tourpata , font
des mots queleParaphraile Chaldée, ôc les Ecrivains Talmudi{les,ont em-
prunté du Latin, comme mille autres, qui fe trouvent dans la langue
Chaldaïqueôc Syriaque j On y trouve les mois àcfikoulator, de /ymphonia,
de Categoros , & un grand nombre d'autres , que les Chaldéens ont emprun-
tez des langues étrangères , dans la décadence de leur propre langage. Ainfî
le mot de Tharaph , ôc de Tourpa , qui font entrez dans la langue des Rab-
bins, pour fignifier maifon d'idolâtrie, bien long-tems depuis le mot de The-
raphims,ne peuvent pas être la fource de ce nom .D'autres le dérivent de rs*i,
quilignîfie relâcher, parce que les Idoles relâchent la pieté. Mais c'e II avec
aufli peu de luccez. il ell; certain que le nom de Theraphims ^ eil: celui que
les Payens eux-mêmes donnoient à cette efpece d'Idole. ,Or ils ne leur
eufTent pas donné des noms infâmes, tirez de mots qui (ignifient turpitu-
■ de , 6c relâchement. Il eft clair que les Theraphims viennent de Ksn, Rapha^
qui dans les langues Orientales fignifie, conferver, guérir. Je foupçon-
ne qu'au commencement ces Dieux s'appelloient d^siq , Meraphims, c'eft-
à-dire Sanatoresj DU Sofpitatores , Dieux Tuteiaires, Dieux confervateurs,
parce que le Thau , ÔC le Ment des Hébreux , ont pu être facilement chan-
gez de l'un à l'autre. Mais fans cela, le nom de Theraphim feradérivé
du futur du Pihel, dans la féconde perfonne nstn, therappe', qui iîgnifie r«
guériras , & c'eft la forme de l'invocation , dont les idolâtres fe fervoient,
pour invoquer ces Dieux Tuteiaires. Enfuite de ce verbe therappe\ on
a fait un nom pluriel, Therapim ^ qui ûgniûe Dieux confirvateurs^ &
guerilleurs. Ceux qui entendent un peu la langue Hébraïque, auront pei-
ne à nier ia vérité de cette origine , & de cette étymologie. Le mot
GrecôfpaTfî^'f/v, qui fignifie guérir, m'ell une nouvelle preuve que les
Theraphims étoient les Dieux Tuteiaires , Dit firvatores & Sofittatorcs^
Il jne femble que l'on ne peut nier que le Grec ôfpftTTfu^.v, ne vien-
ne de Theraj:^im , car il n'y a point de changement. Et pourquoi les
Grecs auroient-ils emprunté le verbe, qui fignifie guérir, de ces Idoles,
il ce n'eft parce que ces Dieux étoient eftimez les confervateurs de la fan-
té, & de la profperité de la famille?
comparsi- 3" ^^^^ micux prouvcf quc Ics Theraphims des Orientaux, étoient les
ion à^f-Tht- Lares des Occidentaux, comparons les anciens Theraphims avec les L^-
!ks Laies. ^^^- ^' Les L^ïr^j des anciens Romains étoient dellincz à la confeivation
de k maifon. C'ed pourquoi on les plaçoit à l'entrée des maiibns -y In
fortbiii
ET DES CULTES DE L'EGLISE. TartAlL 459
foribus vero & (tAtriis domornm , Ara ^ focns & Lar familiaris erant ^ dit ^/r- Werum ge-
xmderah Alexandro. LesTheraphims pareillement étoient des Dieux Do- "'*''"'"%
meftiques 5 comme cela paroît par THilloire de Laban , qui les appelle ^' "^' ^^
k^ Dieux, les Dieux de fa maifon : Cela paroît aufîl par rHillonc de
Mica, qui fît des Theraphims, pour attirer la benedi6tion du Ciel furfa
maifon, c'eli-à-dire, pour avoir des Dieux 7'utelaires. Ces L^r^j étoient
eftimez, non feulement les Dieux des mailons particulières, mais ils pré-
fidoient fur Jes chemins, ôc s'appclîoient Du vides ^Dii comptâtes. Nous,
l'apprenons de Servius, fur le troifiéme de TEneide. Labeo m hhris ^^^scrvius m
app e liant Hr de Dits , cjuibni origo animalts eft , ait ejie quidam facr a , f'^^^'^J' Acsldoe.
anim<£. lonmanA vertantur in Deos ^ qui appelUntur animales , quod de animts
fiam^hiat^tem fum DU Pénates^ am 'r//W^i.Et d'Ovide, qui dit en parlant de
la Nymphe Larunda, mère des Lares^
Fttqt^e gravis , geminofcjue parit ^ qm compila fervMt j p/, I^^B^
Et vigilant no[tra Çemper in ^/^de Lares. ^^^
Or cela s'accorde fort bien , avec ce que nous lifons dans Ezechiel des
Theraphims. Le "^oi de Babylone s'^eji arrêté au cherain fourchu , au commen-
cement des deux chemins^ & a interrogé les Theraphims. C'ell: que les The-
raphims étoient pofez dans dts niches, dans les carrefours des grands che-
mins, parce qu'ils en étoient les Dieux Tutelaires.
Ce que nous dit Servius, que les Dii viales^ 6c compitales ^ étoient àts
Dieux Animaux, c'eft-à-dire, des âmes confacrées ôc canonifées , nous
mené à l'origine & à la connoifTance des Theraphims. Il efl certain que
CCS Theraphims étoient des hommes , qui avoient été déifiez , ôc qui
étoient reconnus pour avoir été des hommes j car nous avons obiervé que ces
Theraphims étoient des figures humaines , & que les Orientaux ne ré-
préfentoient jamais les grands Dieux , fous des figures purement humaines.
Il faut ajouter, que les Z^^r^-j étoient les images des Ancêtres, 6c des illuftres
de la famille , que l'on confacroit par un culte particulier , 6c que l'on
addîoit comme Dieux. Voici ce qu'en dit Alexander ab Alexandre : In Airxandar
foribus vero 0" atriis Domorum , ara , focus , & lar familiaris , érant. T^^am- dro^Gen""i
que focfiS erat ara Deorum Penatium, quem injiar nmnims habebant. In qmbus Dier. lib. j^
non Deorum modo fîmulacra^ quos Jîngulis (^dibus , in Larario colehiam ^ fed ^^^' **'
ima^nes & exprejfos vultus ^ qui ftumilia decusfHere,& ornamenium .^ acPrm-
cipum , ac Tatronorum , quos quifque colebat , habere alJueverant. jQuare Lu~
cms Fitellius Vitellii Pater ^ Narctjfi & 'Tallantis imagines inter Lares coluife fe-
runtm.Yj.àiZW% un autre endroit le même Auteur dit , que devant les Loix
des 12.. Tables, les Romains enfeveliiîbient leurs morts dans leurs mai-
fons , dans des Tonneaux , 6c dans des VaifTeaux , ce qui avoit donné
lieu aux Dieux Laves, qua ex caufa Lares , quos Domejitcos vovent Deos ^ ceniaiium
colère cœperfint. Tout cela me perfuade que les Theraphims de Laban , Dierum lib.
étoient ceux de les Ancêtres, qui avoient été les plus illuftres , dont il *' "^" ^' ^
avoit fait les Dieux Tutelaires. Kircherus dérive le motdeTheraphim,
d'une origine qui pourroit confirmer cette conjeélure , fi cette étymo-
logie écoit véritable. Il dit que le mot de Theraphim , vient de Se-
Mmm a ra-
4^0 H I S T O î R E D E S D O G M E S
rapis; 6c que les Theraphims ou Serapinsen Egypte, étoient des images
avec une tête humaine , fur un corps fans bras 6c fans membres , à la mode
des Egyptiens , qui ne donnoient point de membres à leurs flatuès , ne
aliquià ex illis membris décider et collijtone aut pmrefa^ione , tjmd illis magnum
■piacultim erat. Serapis vient de ''l^'sii:^ , le Prinee mon père. Et ce feroit un
nom fort convenable a un Dieu Tutelaire , pris d'entre les Ancêtres de
la maifon. Mais nous donnerons dans le chap. de Belzebub une éty-
mologie du nom Serapis beaucoup plus vrai-femblable.
Si j'ofe pouffer la conjedure plus avant , je dirai que ces ^Theraphims
deLaban étoient les images de Noé & de Sem : de Noe\ parce que c'é-
toit le père commun du monde , oc de Sem , parce que c'étoit le Patriar-
che de la famille de Laban. Qu'il y eût plufîeurs images, dans Toratoi-
re deLaban cela eil clair par le nom de Theraphims , qui eft un nom plu-
^^^ riel 5 6c parce que Laban les appelloit/f j Diei^x , 6c non pas fon Dieu. D'au-
'^&h| trepart, qu'il n'y en eût pas plus de deux, cela me paroît vrai- fembla-
^^ ble , parce que Rachel trouva moyen de les cacher fous le bât d'un cha-
meau. Il eût été difficile qu'un grand nombre de flatuës eût été con-
tenu dans un fi petit efpace. Et c'eft dans cette conjeélure que je trouve-
Tonrquoi la raifon , pourquoi Ov'idc parle des Dieux L^r^j- , comme n'étant que deux
Ovide ne £|s ^q j^ Nymphe Larunda, que Mercure viola, en l'a menant aux enfers,
deuxTSleux oii elle fut rclcguée par l'ordre de Jupiter , dont elle avoit révélé les amours.
Lares, y
Fîtque grâvis , geminofque parit , ÔCC,
laftor. 2. V.
*^^* Car encore que depuis on ait multiplié les Lares , ôc qu'on ait adoré
dans le Lararinm , tous les illullres morts de la famille , 6c même les Pa-
trons vivans , cependant ce paifage d'Ovide nous apprend , qu'originel-
lement il n'y avoir que deux Lares. Ce qui vient apparemment , de ce
qu'originellement il n'y avoit pas plus de deux Theraphims dans la mai-
fon. Tout à l'heure, quand nous parlerons des Theraphims de Mica, nous
verrons une nouvelle preuve de cela même, favoir qu'il n'y avoit que deux
Theraphims. Or fî Laban n'avoit que deux Theraphims, 6c que les The-
raphims fuflent les Dieux Mânes, 6c les Ancêtres de la maifon, il n'y a
pas lieu de douter que ce ne fulfent Noé 6c Sem j car il n'y en avoit
point qui dût emporter cet honneur fur eux. Je croi même que l'un de
ces Theraphims, Dieux Tutelaires de la maifon, fut étabh pour le con-
fervateur à&s jardins ^ 6c des fruits des champs. Ce fut Noé le pre-
mier des Theraphims,.à qui l'on donna cet office , 6c depuis on l'a appelle
Priape, 6c on a mis fa llatuë dans les jardins, cardans le chapitre de Ba-
hal-Pehor, nous ferons voir que le Priape des Romains 6c des Grecs,
étoit Noé.
Voilà ce qu'étoient les Theraphims dans leur origine , c'étoient les flatuës
des principaux Ancêtres de la famille qu'on adoroit, 6c aufquels on recom-
înandoit le falut de la maifon. Cela étant, il n'efl pas difficile decom-
prendre, où Mical, femme de David, pouvoit avoir pris un Theraphim,
pour le mettre dans le lit, en la place de David. Il fe peut faire que
-les Ifraëlites, qui. avoient rejette les idolâtries des peuples voifms, 6c qui
-«l'adoroient pkis les Theraphims , . ne laifîbient pas de faire pourtant des
ima-
ET DES CULTES DE L'EGLISE. Part, lit 462^
images & des flatuës de leurs Ancêtres, qu'ils gardoient dans leurs mai-
fons, pour conferver leur mémoire. Ou bien ce Theraphim , qui le trou-
va dans la mailbn de David, pouvoit être venu du fiécle, dans lequel les
Ifraëlites s'étoient corrompus , & avoient emprunté cette efpece de culte,
des peuples idolâtres. Ce fiécle n'étoit point éloigné, car c'étoit celui
des Juges, comme il paroît par l'Hiftoire de Mica,ôcderesTheraphims.
Saiil, qui avoit Tuccedé immédiatement aux Juges, n'avoit peut-être pas
pris un affez grand foin de repurger le païs d'idolâtrie. Et quand il y
auroit fait fon devoir, il eil fort poffible que fans crime quelqu'une de
ces flatuës , qui avoient autrefois fervi à l'idolâtrie , fût demeurée dans
quelque cohi négligée , d'oîi Mical la tira pour la mettre dans le lit de
David.
CHAPITRE IV.
^es Theraphims devenus infirumens de Magie : Ils ont été imitez de
i' oracle des Chérubins, De la Nécromance des Syriens.
IL faut fc fouvcnir de ce que nous avons dit, i. que cts Theraphims
étoient des flatuës confacrées aux morts &: aux Ancêtres de la famil-
le j 2,. qu'au commencement ces flatuës furent faites pour conferver
la mémoire de ces morts 5 3. que peu de tems après , elles devinrent des
tnflrumens de Magie 5 c'efl- à-dire , de JNécromance. Au commence- .
menton fe contentoit d'invoquer les Dieux Mânes, confervateurs de la
maifoîi , 6c de les adorer dans ces flatuës. Mais peu de tems après , on
vint à les interroger, pour favoir leschofes futures. Les Chaldéens, entre
lefquels ces Theraphims avoient pris nailfance, avoient une merveilleufe
inclination pour les Sciences curieufes , & pour les Arts magiques , 6c
ayant inventé la Nécromance, ou l'art de confulter les morts, ils ne trou-
vèrent rien de plus jufle, que de confulter chacun les morts, qu'ils ado-
roicnt dans leurs maiibns , qui en étant les Patriarches , étoient les plus
intéreffez à leur confervation. C'efl cet art que l'Ecriture appelle
crnon t^'m , interroger les morts.
11 efl remarquable que par tout,oii l'Ecriture fait l'énumeration des forccl- confuiterks
leries , quand elle parle des Theraphims , elle ne fait pas mention de ceux qui & l^H. ^"^^
s'enqueroient des morts , 6c où elle parle de s'enquérir des morts, elle ne parle q"e"ï d«
pas des Theraphims. Ce qui fait voir que l'un 6c l'autre font la même^chofe, àc ^ même
que le texte,quand il fait mention de l'un, ne juge pas necefîàire de faire men- «i">f«'
tion de l'autre , pour éviter la répétition. Dans le fécond Livre des Rois , où
il efl rapporté que Jofias racla du Païs les forcelleries , ilell dit, tjtt'ildé-
trmfit les efprits de Python , les difems de bonne aventure , & kslheraphims. Et il
n'efl point parlé de ceux qui s'enqueroient des morts. Au contraire dans
le chapitre 18. du Deut. où Dieu défend toute efpece de Mugie, il veut
qn^on chajfe tons ceux qui tifent de devinement , les Trognojiiq^ienrs , celui qui
M mm 3 u[î
4^i HISTOIRE DES DOGM ES
ufe de prédirions y les Sorciers ^ les Enchanteurs , les efprits de Python ^ les Di-
Jears de bonne aventure , & enfin , ce^ix cjui s'^entjuierent des morts. Mais il
ne parle point des Theraphims. Or il n'y a point du tout d'apparence,
que dans une énumeration aufîi exafte, il eût oublié cette fameufe efpe-
ce de Magie, qui s'exerçoit par les Theraphims. C'eil pourquoi je con-
clus que s^ enquérir des morts ^ ëc interroger les Theraphims , c'eil la même
chofe.
La forme de Or voici Comment je conçois qu'étoit compofé cet oracle des Thera-
rotâdedes phims , que l'on confultoit. Les Orientaux avoient dans une partie fc-
*"""*' crête de leur mai Ton, les reliques de leurs Ancêtres, ou s'ils n'avoient
pas des reliques de leurs pères, ôc des anciens Patriarches deia maifon,
parce que ks décendans, étant en grand nombre, chacun d'eux nepou-
Ke'jor '- ^°^^ P^^ avoir les corps de leurs Patriarches , ils faifoient de vains torn-
Ç;^. beaux , c'eft-à-drie , des tombeaux vuides , foit que ces tombeaux fuflent
de gazon, foit qu'ils fulTent de bois ou de pierre. Après cela je conçois
qu'ils érigeoient ces Theraphims, images de leurs Ancêtres , fur les deux
extrémitez de ces tombeaux. En un! mot, je me figure une parfaite con-
formité entre l'oracle des Theraphims , &; celui des Chérubins, pour la for-
me extérieure. L'Arche étoit une manière de coffre, qui avoit juftementla
forme d'un tombeau , ôc aux deux extrémitez de cet Arche étoient les deux
Chérubins , du milieu defquels Dieu fe manifeftoit à fon peuple , par les
oracles. Pareillement le tombeau des défunts entre les Payens, étoit au
milieu , comme l'Arche des I fr a élites , & fur les deux extrémitez étoient
les deux Theraphims. Et fur cette machine ils exerçoient la Nécroman-
ce , ôc évoquoient les âmes des morts. En concevant la chofe ainfi , je
loutquoi trouve la raifon, pourquoi les 70. dansl'Hilloire de Mical, qui mit un
Mke^'dî'^' Theraphim dans le lit, ont, tourné K£vcTa<pi«:, un vain tombeau. Ils
Theraphim appellent le Thcraphim , un vain tombeau , parce qu'on avoit accoûtu-
yo^ï^roilt- ^^ ^^ ^^^ ériger fur de vains tombeaux.
né un vain 2,. Nous avoHS aufli là dedans la raifon, pourquoi les mêmes Interp. Grecs ,
dans FHiftoire de jofias, qui détruifit les Devins & les Theraphims, en rete-
nant le nom deô^p^^î^^V? y ont ajouté celui de ôcAvjrdiç.J'avo'jè que je lirois çv>«ç ,
avec quelques exemplaires : Ce mot fignifie des colomnes , des llatuës , &: au-
tres monumens fepuicraux. Et cela s'accorderoit bien avec la manière , dont
nous avons conçu la conftruécion de l'oracle dès Theraphims. Car il faudroic
tourner le texte des 70. Eal détrmfit les Theraphims , & les tombeaux , c'ell-à-
dire, les tombeaux , ôc les Theraphims, qui étoient defliis. Mais quand on
retiendroit le mot de èsKviràç, ce mot y viendroit fort bien, car il fignifie ceux
qui évoquoient les efprits, par certaines ceremoriics myftiques , & c'efi:
ce qui fe faifoit fur les Theraphims. En concevant de cette manière
l'oracle des Theraphims, on y trouve aufiila raiibn, pourquoi Ofée met
l'Ephod 6c les Theraphims en parallèle, ou plutôt en oppofition. Les
enfans d'/pael feront plufieurs jours , fans Ephod & fans Theraphims.
Par l'Ephod il fi\ut entendre l'oracle entier d'Urim&Thummim, qui
étoit dans l'Ephod , & même il y faut joindre l'Arche & les Ché-
rubins , du milieu defquels fortoient les oracles. Oiée compare les
Theraphims à cet oracle, à caufe qu'il étoit conflruit de mcmc , ayant
une image de coffre, ou de tombeau, fur les extrémitez duquel étoient
po- .
tombeau.
ET DES CULTES DE VEGLlSE.Tart.Ul. 4^3
pofées deux figures. Car autrement fi l'oracle des Theraphims n'avoit
rien eu de reflbmblantà l'oracle des Chérubins , je ne vois pas pourquoi
orée n'auroit pas pris les autres manières de deviner, dont les Payens fe
fervoient, pour les mettre en parallèle, ou enoppofition, avecl'Ephod.
Je ne fuis donc point du fentiment de Moncseus, de GafFarel, &de
Spencerus, qui ont confondu les Chérubins, ôc les Theraphims. Je fuis
perfuadé que les Theraphims étoient de fimples figures humaines , ôc
que les Chérubins au contraire étoient des figures compofées de quatre
animaux, de l'Homme, du Lion, du Bœuf, êc de l'Aigle , ainfiqueles
dépeint Ezechiel. Mais je croi pourtant, que les Theraphims étoient
aux idolâtres, ce que les Chérubins étoient dans le Sanéluaire des Ifraë*
lites. Et c'eft pourquoi il n'y a^oit que deux Chérubins , comme nous
avons vu , qu'il n'y avoit auiîi que deux Theraphims. Au commence-
ment ce nombre de deux Theraphims, venoit de ce que Laban ne recon-
noiiToit que deux grands Patriarches, Noé & Sem, dont il voulut faire
des Dieux: Et alors ces Theraphims n'étoient que deux fimples figures hu-
maines, fans tombeau & fans oracle.Mais quand les Theraphims furent deve-
nus des inftrumens de Nécromance, on confervace nombre dé deux , parce
qu'on le jugea propre , ôc fuffifant pour les opérations magiques. Car fur un
tombeau , il fuffit qu'il y ait deux ftatuës , l'une au pied , & l'autre à la tête. La
coutume de mettre des ftatuës fur les tombeaux eft apparemment venue de
là, elle eft arrivée jufqu'à nous. Et nous favons aulfi que c'éioit la cou-
tume des Payens, d'évoquer les Mânes des défunts fur leurs tombeaux.
Quand ils ne pouvoient avoir leurs reliques, ils drefibient de vains tom-
beaux , fur lefquels ils faifoient leurs évocations. Virgile introduit , félon
cette coutume , Andromaque évoquant les Mânes de fon mari Heétaj*,
fur un vain tombeau , qu'elle lui avoit dreffé.
Ltbahat cineri Andromache^ manéfcjtie vocabat Eneïd. 3.
HeUoreum ad Tunmîtim ^ viridi qpiem cejpite inanem v. joj.
Sacrarat
De la manière que nous venons de dépeindre l'oracle des Theraphims, L'oracle des
il eft clair qu'ii y avoit une grande conformité , pour la figure & la conf- Theraphims
tpjction , entre cet oracle oc celui Aes Chérubins. Maison peutdeman^ de celui des
der, lequel des deux eft le plus ancien, ôc lequel des deux eft forméfur ^^""'^^"**
l'autre. Ceux qui veulent que Moïfc ait emprunté fes cérémonies des Egyp- Marsham ,
tiens, & des autres Nations Payennes , ne font pas de difiiculté de di- |?^n«t«s
re, que l'oracle àes Theraphims eft plus ancien , que celui des Chéru-
bins 5 ôc que celui-ci a été imité de celui-là. En faveur de cette opinion,
ils difent , que Dieu poi}r accoutumer plus aiiément (on peuple , à fuivre
le nouveau culte, qi^lui vouloit donner , s'eft affujetti à imiter les ^
cérémonies, qui étoient ~ établies dans les Religions Payennes, que les
Juifs connoiflbient déjà, ôc qui leur étoient familières. Et que Dieu en
adoptant ces cérémonies, les a fanétifiées. Mais après tout , cela eft dur
à dire, Se il n'y a pas d'apparence que Dieu ibit l'imitateur du Démon,
au contraire le Démon eft l'imitateur de Dieu. Avant iVloïle , je croi
que les Religions Payennes étoient encore très informes , & qu'elles
avoient peu de cérémonies. La multitude s'en eft augmentée peu à peu. Il
vaut donc mieux dire, que l'oracle des Theraphims a été formé fur celui des
Chérubins. Il
464 H ï s T O I R E D E s D O G M E s
Il eft vrai que les Theraphims font plus anciens que les Chérubins.
Mais j'ai déjà dit , qu'il n'eft point apparent que les Theraphims , des
le commencement de leur origine , ayent fervi à la Magie. J'eftime
que ce font les premiers fîmulacres , confacrez aux défunts , feulement
pour les honorer, & non pour les confulter. Il fe peut donc faire , qu'a-
prés que Dieu eut commande à Moïfe, de faire l'oracle de l'Arche ôc
des Chérubins, le Démon prit occafion de bâtir l'oracle des Theraphims,
à l'imitation de celui de l'iVrche. C'eft-à-dire , que peu de tems après
l'entrée des IfraëHtcs dans la terre de Canaan , les idolâtres fe fervirent
des Theraphims , pour un inftrument de Magic 6c de Nécromance , ôc
que l'on difpola ces Theraphims fur les tombeaux, dans la fîtuation, ou
les Chérubins étoient pofez fur l'Arche. * Le plus ancien oracle de The-
Juges chap. r'.iphim paroîtêtre celui de Mica, car les Danites confulterent cet oracle.
ï7. Mais alors il y avoit déjà long-tems que l'oracle de l'Arche étoit conftruit.
Ainfi les Payens avoient eu afléz de moyen, & allez de tems, pour conftruire
un oracle de 7" W<3/?W;;, furie modèle de celui des Chérubins. S'il y avoit
des preuves que l'oracle des Theraphims, fût plus ancien que celui des Ché-
rubins, ilfaudroit croire pourtant que Dieu n'auroiteu aucun deflein d'i-
miter l'oracle des Theraphims, en faifant celui des Chérubins ,& que ce-
la fe feroit rencontré par hazard. Dieu n'auroit pas voulu faire fon oracle
fous une autre forme , encore que cette forme eût été profanée par la
Nécromance des Payens, parce que cette forme étoit la plus propre àré-
préfenterlesmyfteresfignifiez par l'Arche, & par les Chérubins.
On pourroit peut-être adopter la conjeélure de Moncaeus , c'eft que
Melchifedek, long-tems avant Jacob, dans l'Hiftoire duquel il nous eft
parlé des Theraphims, avoit établi un Sanétuaire , prés de là ville de Si-
chem , dans un fameux bocage , & que là il fervoit 6c facrifioit au
vrai Dieu : A quoi il faudroit ajouter , que Dieu dés lors y rendoit
Ces oracles , entre les Chérubins , comme il faifoit dans le Sanéluai-
re de Mo'iïè. Alors on diroit que les Theraphims de Laban ont été
imitez des Chérubins de Melchifedek. Mais cela ne fc peut di-^
re. Les Chérubins n'ont affûrément point été connus aux fidèles , que
depuis le tems de Moïfe, 6c n'ont pu l'être. Car félon l'explication , que
nous avons donnée de la vifîon d'Ezechiel , dans la Seconde Partie de cet
Ouvrage , les aniiinaux appeliez Chérubins 6c Séraphins , qui entroient
dans les vifions des Prophètes , quand Dieu fe faifoit voir à eux dans fa
gloire , répréfentoient les MiniUres de l'Eglife Judaïque. - Or ces Minif-
tres n'ont pu être connus 6c répréfentez , qu'après l'établilTement de cet-
te Eglife. C'eft pourquoi ilen faudroit revenir-là, que l'oracle des Thera-
phims auroit été imité de Dieu comme par hazàrd , 6c fans aucune vue
d'imitation. Mais il eft beaucoup plus fur de s'en tenir à nôtre première fup-
pofitionj c'eft que les Theraphims ont bien été de tout tems des objets
d'adoration, mais qu'ils n'ont été des inftrumens de Nécromance, qu'un
fiécle après Moïfe. Et qu'ainfi l'oracle des Theraphims a été imité, par le
Démon , 6c formé fur celui des Chérubins de Moïfe. .
Ce que nous venons de dire , fait bien voir que ceux-là fc
font fort trompez, qui ont crû que les Theraphims étoient confacrez au
vrai
ET DES CULTES DE L'EGLISE. Tart.lll.
vrai Dieu. Car origineliement ils étoient confacrez aux morts. Il eli:
Vrai que les Thcraphims ont eu quelque chofe de particulier. Cet hom-
me croit lervir Dieu , il fait une image de fonte, une autre image taillée,
& des Theraphims, & ilditfurladépenfe, qu'il vouloit faire pour tout ce-
la : f'^avois entièrement âédié cet argent à l* Eternel , ^our en faire une imcive
taillée^ & une de fonte. Je dirai quelque chofe fur cette Hiftoire. Pre-
mièrement , d'abord il femble qu'il y ait ici, tout au moins, quatre figu-
res, une image taillée, une de fonte, &: deux Theraphims. C'eft ce
que foûtient St. Jérôme , dans fon Epître à Marcelk', que nous avons
cirée ci-deflùs: Lyra, Grotius, & les autres Interprètes, prétendent que
ces flatuës étoient des Theraphims, 6c des figures d'Anges j mais que
ce qui eil tourne par images taillées^ & de fonte , fignifie des chandeliers
plats , ôc autres inilrumens de pierre , de taille , & de fonte , pour l'ufa-
gc de l'Autel. Ce fentime;nt de Grotius eil faux aflurément. Ces ou-
vrages de taille, & de fonte, font des images, aufli bien que les The-
raphims. Mais je conjeélure que toutes ces figures feréduifent aux deux
Theraphims , dont l'un étoit de fonte , & l'autre étoit une image taillée,
& faite avec le cifeau ôc le burin. En effet dans le cinquième verfet le
texte dit : Lui donc rendant cet argent à fa mère , elle en prit deux cens pie-
ces ^ (^ les donna au fondeur ^ qui en fit une image taillée ^ & une de fonte ^
&. elle s furent en la maifon de zS\€ica. Il ne parle que de deux pièces,
c'eil- à-dire , de deux fiatues , puis il ajoute. fiAinJi cet homme , favoir Mi-
sa , eut une maifon de Dieux , &^, fit un Ephod , (^ des Theraphims , ^ eon-
facra Pun de fes fils, qui lui fervit de Sacrificateur. Ici il ne parle plus d'ima-
ge de fonte , ni d'image taillée. Il ne parle que des Theraphims , ce qui
fait voir que les Theraphims, & les images, dont il a ét^parlé, font la
même chofe , c'ell pourquoi dans le chapitre fuivant , quand les efpions
àt^ Danites difent : Savez,- vous que dans cette maifon ici il y a un Ephod , (^
des Theraphims , une image taillée , & une de fonte ? Il faut entendre cela
ainfî: Savez-vous qu'il y a ici deux Theraphims, donti'un eil une ima-
ge de fonte, ôc l'autre de taille? Et la raifon , pourquoi l'image de fon-
te, & de taille, font ici diftinguées des Theraphims, quoi que ce fût la
mêaie chofe, c'eft que toute image de taille , ou de fonte , n'étoit pas
Theraphims. Il faloit pour confiruire un oracle des Theraphims , que
les images fuiTent fituées, & placées de certaine manière j c'eil-à-dire,
qu'elles fufîènt pofées fur les deux extrémitez d'une figure de tombeau.
Il e(l bien vrai qu'au commencement toutes les images de fonte ou de
taille, pofées dans la maifon, pour en être les Dieux Tutelaires , s'ap-
peiloient Theraphims, Mais quand on vint à fe fervir de ces images,
pour la Nécromance, on tranfporta le nom de Theraphims à l'oracle en-
tier, qui étoit compofé d'une figure de tombeau, plus long que large,
& de deux ftatuës pofées far les extrémitez : de forte que ce texte de
l'Hiftoire de Mica , pour être expliqué félon fon vrai fcns , doit être pa-
raphrafé ainfi. Et fJ^i/Cica fit faire deux images: une image de fonte , P autre
de taille , & il en compoÇa un oracle des Theraphims , fur lequel il établit fon
fils pour Sacrificateur , éc il lui fit un Ephod , c'efl-à-dire , un vêtement
facré, fans lequel on ne confultoit jamais Dieu. Il me femble que cet-
te Paraphrafe découvre le vrai fens du texte, ôc enmêmetems elle nous
"■lart. III. Nnn ' con-
466 HISTOIREDES DOGMES
confirme cette conjcdurc que nous avons tantôt avancée , c'efl qu'il n'y
avoit que deux Theraphims en chaque oracle, & dans chaque maifon.
î.csThMa- Après cela il faut obferver, qu'alTûrémcnt Mica confacra Tes Thera-
phims de phims à Dieu , 6c que fon intention fut de confulter le vrai Dieu par ce
Sntcon- moyen. Ce qui paroît par ce que difcnt les Efpions des Danites, auSa-
facrcz au crificatcur dc Mica. Nom te prions ^ue tu interroges Dieu pour nous. Ils
TmDieu. j,j.QyQJejjj. (JQj^c que j^Iqu étoit confulté par ces Theraphims. Comment
cela fe peut-il? Cela n'eft point difficile à comprendre, les Ifiaelites ayant
un grand penchant à la fuperftition, 6c étant grands imitateurs des ido-
lâtries de leurs voifins, confervoicnt pourtant, parmi tout cela, un grand
refpeéb pour leur véritable Dieu , 6c fouvent pour accorder leur perver-
fe inclination , 6c la fuperftition avec leur devoir , ils empruntoient des-
cultes des nations étrangères, 6c les confacroient à leur Dieu. Cela fe
verra quand nous parlerons du Veau d'or , 6c des Veaux de Jéroboam 5,
6c je ne doute pas même que dans la plupart de leurs cultes, empruntez
des Rehgions Payennes, ils n'eulTent intention de les pratiquer, en vue
de fervir leur véritable Dieu.
Les Theraphims de Mica font de cet ordre. Cet homme avoît vu de ces
oracles de Theraphims. Il n'en comprit pas bien l'abomination , ou il crût
qu'on les pourroit fanéli fier, en dédiant à Dieu ces Theraphims, que les
idolâtres deftinoient à confulter les morts: il jugea cela innocent, d'autant
plus aifément , qu'il reconnut une très grande conformité , pour l'extérieur^
entre l'oracle de l'Arche 6c celui des Chérubins. Il fit donc un cofïre , une
image de Tombeau fur les deux extrémitez, il y mit deux figures humai-
nes, 6c il fit invoquer, 6c confulter le vrai Dieu, au lieu de confulter les
morts. Pour tendre plus grande la conformité , entre fon oracle 6c celui
du Sanftuaire de Moïfe, il voulut que fon Sacrificateur eût unEphodfur
k corps , comme le Souverain Sacrificateur , quand il confukoit Dieu.
Gomment Au refte il n'eft pas aifé de dire précifément, de quelle cérémonie fc
©n confui- fervoicnt ceux qui confultoient les Theraphims: ils y employoient fans
iraphûns. doutc Ics facrificcs, Ics parfums, les oraifons, les évocations, 6c les au-
tres cérémonies, dont on fe Icrvoit dans les évocations des Démons, 6^
• des efprits. Quant à ceux des Ifraëlites qui faifoient des Theraphims , pour
confulter le vrai Dieu, comme Mica , il y a apparence qu'ils ne fe fer-
_, voient pas de cérémonies magiques, 6c que cela fe failbit par de fimples
invocations, adreflées à Dieu^
i^s Thcn- C'eft aflez parlé de la conftruétion de cet oracle , 6c de la manière dont;
po'im^padé on confultoit les Thcraphims. Mais voici une queftion encore plusobf-
parkuisfia- curc. On demande comment les Theraphims rendaient leurs oracles,.
6c donnoient leurs réponlès?. Il eft malailé de répondre précifément à
cette queftion. Mais il eft fort aifé de prouver, qu'il n'a rien été dit de
De Ecciefia plus improbable là-^delTus, que ce que dit Bellarmin. 11 veut que les fta^
îe "ib^ 2? tues , appellées Theraphims parlafient y 6c rendiflent leurs réponfes , . par
cap.ïj.seft. une voix intelligible, qui fortoit des ftatuè's. Cela n'eft appuvé d'aucu-
îaendacium. ne vraMemblance, m d aucune autorité. Par la lecture des livres anciens,,
nous vo'ions qu'il y avoit diverfes voycs, par lefquelles ils tiroient des ora-
cles des Démons. Mais jamais on n'a ouï dire, que letus ftatuès ayent
parlé,- pour prononcer lem-s oracles. Premièrement, la plus ordinaire
façon
ET DES CULTES DE L'EGLISE. Part.lll. 467
façon de recevoir les oracles, étoit par la voye des Prêtres, ou Prêtrei-
fes, de ces Dieux , dans les Temples defquels les oracles étoient établis , ^
comme à Delphes, dans l'oracle des Branchides, & ailleurs, z. Quel-
quefois c'étoit par le moyen des fonges , comme dans l'Antre de Tro-
phonius, ainfî que le remarque Plutarque, dans le livre qui traite delà cau-
le de la ceflàtion des oracles. ^ . Quelquefois on entendoit des voix qui
fbrtoient des Cavernes , oii rcpofoit l'efprit qui rendoit les oracles , com-
, me It remarque Paufanias de l'Antre d'Amphiaraus. 4. D'autrefois c'é- îiïœodcis.
toit par de certains mouvemens, que l'on remarquoir, dans les flatuës.
C'eft ce que Macrobe remarque y apudAntium promoverijiw^/acra Fortum- saturnsLiik
rftm addenda refponfa. f. En d'autres lieux, les oracles fe rendoient par **"^' ***
le fort, qui décidoit de ce que l'on vouloi* favoir. Dans cette efpece de
divination, les fortes Praneflina, étoient les plus célèbres. 6. On confultoit
les oracles par écrit , dans des tablettes féelées & fermées , & ks réponfes •
rcvenoient écrites dans les mêmes tablettes , fans qu'il parût qu'elles euf»
fent été ouvertes. C'eft ainû que Macrobe dit que Trajan confulta la
Déeiîc de Syrie , dont l'oracle étoit à Hierapolis. Enfin on peut voir
les livres de Divinatiene de Ciceron , où il parle fort exaéèement de tou-
tes les manières de Divination , par lefquelles on penctroit dans l'avenir,
& on verra qu'il ne dit point , que l'on confultât des ftatuës , & que ces
ftatuës parlafTent.
*Bellarmm produit quelques exemples de ftatuè's, qui ont parlé : entre statues
les autres celui de la Junon de Veïes, à qui, dans le fac de la ville de J"'?°*^^^,
Veïes, on demanda: F'ifne tranjtre Romam? & elle ijijpondit , Volo. Celui
delaftatuë de la Fortune féminine, qui fut confacrée a l'honneur des fem-
mes, Ôc fur tout de la mère de Coriolan, parce qu'à là prière il avoit levé le
fîége de devant Rome. On dit que cette ftatuë de la Fortune féminine^ Fortuna
w«//>^m, parla deux fois: la première fois, eWeàit^reEle me Matrone vidi<.
fiisy & la féconde fois, rite me dicaflis. Pour aider Bellarmin, nous lui
pourrions fournir d'autres exemples feniblables , qu'il n'a pas fû , ou aux-
quels il n'a pas penfé. Ovide dit que quand les Romairis demandèrent à
Attalus la ftatuë de Cybelé, Attalus l'ayant rcfufée, la ftatuë parla, &
déclara qu'elle vouloit être à Rome. ^
eJ^f>4 canam , longo tremuit cum murmure tellus'^ Owd.Faftor.
Et Jtc efi adytis Diva lo^uuta fuis. , .4.v.2«i.
Ipfa peti valut : nejitmora^ mitte volentem \
D ignus Roma loats , quo Deus omnis eat.
Nous pourrions lui fournir aufîi ce que dit Suétone , dans la vie de Cali-
gula, que peu de jours avant la mort de ce Tyran, le lîmulacre de Ju-
piter Olympien , qu'il faifoit démonter , pour Je tranfporter à Rome ,
fe mit à rire avec tant de force, que les machines, fur lefquelles il étoit
foûtenu , en furent ébranlées , & tou s les ouvriers mis en fuite. Futura sucten. î.
trais multa prodigia exfitterunt. Olympii Jtmulacrum fovis , (^uod difoîvi ^ î- *^' *7.
transferri Romam placuerat , tantum cachinnum repente edidit , ut machinis
labefaciatis , opifices dijfugerint.. Mais tous ces exemples ne font rien, pour
prouver le fcntiment de Bellarmin : Car la plupart de ces Hiftoires font
Nnn i . recon-
#
468 HISTOIRE DESDOGMES^
reconnues fabuleufes, par ceux-là mêmes qui les rapportent. L'Hiftorie»
Tite-Live , dit nettement , touchant la Junon des Veïens , qui s'appel-
loit j'mo Moneta^ que le bruit quicouroit, qu'elle avoit parlé étoit taux^
ûHfim qiitdam r/filttum ^ vtfne ire Romam ^nm? dixijfet ^ conclamaJJ'e ceteros,
jDeam annidtjfe^ inde fabnU adjeBam ejjè vocem quoc^ue dtcentis velle auditam.
Pour ce qui efl de la Fortune féminine, dédiée par les Dames Romaines^
Plutarque , dans la vie de Coriolan , fait des reftéxians très judicieufes ,.
pour en prouver la faulTcté, il dit qu'il eil: bien poffible, que les ftâtuës
paroiilént fuer , ou pleurer , parce que le bois 6c la pierre renferment des
humiditcz, qui peuvent quelquefois fortir dehors, par des caufes natu-
relles-, qu'il peut arriver auffi , que des llatuës fortent des efpeces de
foupirs , & .des Tons inarticule* , par quelque rupture violente , qui fe fera
faite dans leurs parties internes. Mais qu'il eïi abjolnment impjjii/le , qug
des fiat»'és prononcent des voix articulées , parce que cela n'appartient qu^aux^
corps ^ qui font animez,^ & remuer par des âmes: Et il ajoute que Dieu mê-
me, & les efprits, ne fauroient parler, que par l'entremife de certains
Lib. 4. de corps , qu'ils empruntent. S. Auguftin fait fur cette Hilloire cette agréa-
civ. Dei blc rcfléxion , que fi l'*on voulait faire parler la fiât ue de la Fortune ^ au moins
^2- ^9' il faloit faire parler la fortune virile ) & non pas la féminine ^ parce qu'ail y a,
lieu de croire , que celles qui avaient dédié la fiatue de la Fortune féminine ,,
avaient feint cette aventure extraordinaire ^ & ce grand miracle^ pour fùivre
l'inclination naturelle , que les femmes ont a parler & à feindre. Pour ce qui
ell de la Cybelé d'Afie, qui parla pour aller à Rome, ii fautfe fouvenir
que c'eil ml Poëtei*|lii la fait parler, 5c que les fiétions font permifesaux
Poètes. Et outre cela Ovide ne dit pas nettement , que ce fut la flatuë
qui parla, mais que la voixfortit du fond du Temple.
Et fie efl aâytis T)iva loquuta fuis.
Mais quand même ces Fîiftoires feroient aulîi eertaines , comme elles font
faufles, elles ne prouveroient pas que les Theraphirasauroient parlé. Car
ces flatuës n'ont rien de commun avec les Oracles éz% Theraphims. Ces
ftasuës parlantes font rares, on n'en trouve que trois ou quatre exemples
dans THiftoire, ou dans k Fdbie. Mais il eût falu que les Theraphims
eufient parlé tous les jours, ÔC toutes les fois qu'on les auroit confultez.
Ces Theraphims auroient parlé, pour rendre des Oracles, mais ces lla-
tuës n'ont parlé, que par prodige, & fans être eonfultées.
B^bà éft II y a peut-être quelque chofe, qui pourroit appuyer cette opinion, que
fSirq^i ^^^ Theraphims ont parlé, dans l'Hiftoire que faifoient les Prêtres de Do-
deux pi- done, que. deux pigeons noirs ayant pris leur vol, forcis de la ville de The-
Es' d'E^*^ î^^s en Egypte, l'un s'écoit retiré dans la Forêt, oij fut depuis le Temple
gypte 6c rOracie de Jupiter Hamraon,^ 6c que l'autre s'étoit venu pofer fur un;
avoientpar- (3;j^^|-,g ^g ij^ Forêt de Dodone, où il avoit parlé 6c dit, qu'il faîoit éca^-
blir là un Oracle. Cela, dis-je, pourroit rendre un peu vrai-ièmblablc,.
que le Démon a parlé, par les Theraphims, puifqu'il a parlé par desoi-
feaux, qui ne font gucres plus propres à rendre des voix articulées , que
Herod-. in. des ftatuës. Mais Hérodote nous apprend, d'où cette fable avoit tiré fa
^"'^■^^' ^* naifTancej, c'efl q^ue deux femmes j. de celles que l'on appellc/rfï/rsf/Vrf , étant
par-
ET DES CULTES DE L'E G L I S E. P^r^. III. 46 o
parties de Thebes en Egypte, l'une étoit allée dans la Libye , oià elle
avoit établi l'Oracle de Jupiter Hammon , & l'autre s'en étoit' allée en
Epire,^ où elle avoit établi l'Oracle de Jupiter deDodone. Qu'on avoit
appelle ces femmes , des colombes , parce qu'elles venoient de loin
& qu'elles fembloient avoir volé, & noires, parce qu'effeélivement el-
les étoient noires, ôc avoient la couleur 6c le teint d'Egypte. Qu'on ajoû-
toit que ces colombes avoient parlé en voix humaine, parce qu'étant au
commencement barbares, elles avoient appris à parler (fi-ec. Tout ce-
la me fait conclurre , qu'il n'y a point du tout d'apparence , que les The-
raphims rendiffent leurs Oracles, par une voix articulée, qui fortît de leurs
flatuès. Mais comme là-dedans, on évoquoit les iVIanes des morts, il
eft apparent que le Démon parloit , comme du milieu de la terre , qui
ell eilimée la demeure des morts. Ou bien l'imagination de celui, qui
confultoitles Theraphims, étoit agitée 6c brouillée par l'opération de
l'efprit malin, pour prononcer les Oracles, que le Démon lui diéloit.
C H A P I T R E V.
^^unè autre partie de la Necromance des Syriens ; des Efirits de
Fython , Engajirimuthes parlant du ventre ^ & de
l'Ob des Orientaux.
L Es Theraphims nous ont donné occalîon de parler de la Necroman-
ce des Orientaux, ou Syriens. N'ayant pas delTein de revenir une
autrefois, à parler de la Magie des Anciens, nous jugeons à propos,
de donner ici un chapitre à l'Hiitoire d'une autre Necromance, quin'ell;
. pas moins célèbre que celle des Theraphims. C'ell ce que les Hébreux
ont appelle 316{, oh: mot qu'on n'a point entendu jufqu'ici . 6c fur lequel
\ç.s Interprètes ont befoin d'être redreflez. A mon fens l'ignorance n'efl
pas fi excufable fur ce fujet, que fur le précédent. Car il me femble qu'il
y a un peu de négligence , 6c nous verrons qu'avec aflez peu de peine,
on pouvoit fe garentir de l'erreur, où l'on eft tombé , 6c trouver la vraye
fignihcation du mot 3W , oh.
Par tout où nos Interprètes ont trouvé ce mot , ils l'ont tourné par
efprit de Python^ 6c cependant je fuis afluré, que l'efprit de Python^ & 3^K , oh^
n'ont rien de commun.
Par l'efprit de Python , nos Doéles entendent c-fes gcîis , qui fembîent
avoir un Démon dans les entrailles , 6c qui font fortir une voix de leur
ellomac, laquelle on entend , comme fî elle venoit d'extrêmement loin,
Maimonides , Moïfe Mikotfi , 6c les Doâeurs Talmudiques , dans le
"traité de Sanhédrin, exphquent ainfi sin*,^^, 6c le dé|îniflent, un efprit im-
par , (jui fait fortir une voix des aines ^ & dei parties honteufss , comme d'un
ouaire. Enfin cette opinion a été extrêmement confirmée par les 70.
qui dans la plupart -des lieux tournent le mot 21K, oh^ par celui àUly-yct-'
ç-p/jau6o?, niot quifignifiejàce que difent nos Savans, un homme qui par-
Nnn 5 le
470 HISTOIREDES DOGMES
le du ventre. En cela il y a deux fautes , l'une eft en ce que l'on confond
l'efprit de Python , avec le ventriloijHus , comme (i c'étoit la même cho-
fe i l'autre en ce qu'on veut qu'aïs foit l'efprit de Python , ôc le ventri-
loqHtis', & ce n'étoit ni l'un ni l'autre.
I. Je ne fai donc pas bien pourquoi on veut que l'efprit de Python,'
foit abfolument la même chofe que èyyuqpliixj^oç. Nous ne pouvons mieux
Gequec'eft favoir, ce me femble, ce que c'eft qu'un efprit de Python^ que par l'Hif-
dcVthon' ^^'^^ 9"^ nous4ifons au i6*"«. des Aftes, de cette fervante dans la ville
^ ^ ^"^ ' (Je Philippes en Macédoine , qui avoit l'efprit de Python. Elle n'étoit
pas i<yyaç()îiJ.vèoç , elle ne faifoit pas entendre une voix murmurante, qui
fortît de (es parties naturelles, ou de fon cftomac, car elle crioit à hau-
te voix dans les rues , après les Apôtres , ces gens font ferviteurs du Di^tt
SoHverain. Il me femble que l'efprit de Python , cil proprement l'efprit
de devinement , ainfi appelle, comme on croit, à cauie d'Apollon qui
rcndoit les oracles , & qui eft appelle Pythius, du ferpent qu'il tua, ou
plutôt du verbe xyvôavoixa; , qui tire tous (es tems de i:ev^oyjai , s'enquérir,
demander, parce qu'Apollon étoit celui que l'on confultoit. Et cet ef-
prit de Python faifiilbit ceux qui le pofledoient, comme un accez de phré-
nefîe , ou de haut mal , les faifoit tomber en des efpeces d'extafes , & par-
loit par leur bouche clairement , & fouvent avec une voix haute , c'eft
par cet efprit que la Pythie de Delphes rcndoit fes oracles , 6c ces gcns-
ià étoient appeliez Msoi. Cela n'a rien de commun avec les vemrilocjHi.
Je pourrois là-deflus apporter diverfes preuves tirées des Anciens , pour faire
voir que l'efprit de Python , ne fîgnifioit pas toujours ce que nous enten-
dons par éyyxçpîiMv^oç. Je pourrois même montrer , que le mot èyyuqplihv^oç^
ne fignifie pas toujours chez les Anciens, ces gens qui parloient du ven-
tre. Mais cela nous meneroit trop loin , puifque je n'ai pas d'autre def^
fein que de dire ce que fignifie l'nw des Hébreux, 6c des Syriens. J'a-
jouterai feulement ce mot , que ces gens qui parloient du ventre , pou-
voient avoir un efprit de Python , mais que tous ceux qui avoient un ef-
prit de Python, ne parloient pas du ventre : L'efprit de Python eft le
genre , 6c le ventriloc^um\ eft î'efpece. Et qu'ainfi on n'a pas raifonile croi-
re, que par tout, oij l'Ecriture parle d'efprit de Python, il faille enten-
dre cela , de ceux qui parloient du ventre- Je fuis même fort afluré , 6c
je le ferai voir tantôt , que par tout ^ où les Septante fe font fervis du
mot éyytiçpIiLvèoç ^ pour interpréter celui d'aiï?, d?oh^'ûs n'ont point penfé
à ces ventriioqui^ dont on nous parle.
Les msîtîcs 2 . Si les mgaflrimHthes, èyyuçpiyuv^Qi îi' étoient pas toûj ours les mcm es, que
ïoiem Ma- ^^^ veniriloejHi^iX eft encore bien plus certain, que les gens, que les Hébreux
giciens Né- appelloicut ait? 'hjj^ , n'avoient rien de commun avec les efprits de Python ,
cromsn- j^^ ^^^^ ^.^^^ qui parloicut du ventre, fînon que les uns 6cles autres , exer-
çoient des arts diaboliques pour deviner. Ces aïs "hyi , domini oh , étoient
proprement des Nécromanciens , qui feignoient avoir la puifîance d'évo-
quer les mânes des défunts , 6c de les faire parler , 6c qui faifoient paroîtrc
les formes de ceux , qu'on vouloit évoquer , dans un grand vaifleau plein
d'eau, 6c en même tems, une voix fombre 6c obfcure fortoit de la terre,
comme fi elle fût venue du creux de l'abîme , où repofent les morts. Je
donnerai tout à l'heure des preuves inconteftables de cette vérité. Mais
avant
ciens.
ET DES CULTES DE L'EGLISE. F^r^.III. 471
avant cela, nous remarquerons qu'il y avoit diverles efpeces de Nécro- Diverfes
mance. i. Qiielquefois , ôc en certains lieux , les Nécromanciens s'en- ^^"0^^*.
dormoient auprès des tombeaux des morts, afin d'avoir des fonges pro-ce.
phetiques, & des révélations, par l'entremife des mânes, ou des âmes efp^ê"(?e
des défunts. Defquelles ils croyoient, qu'elles erroient autour des repul-Néaoman-
cres, 6c autour de leurs corps. Hérodote dans Melpomene, dit des"*
Nafamons , peuple d'Afrique 5 ^a^ils juroiem par ceux , c^m avaient été
jnfles c^ honêtes gens , qu'ils devinaient en touchant leurs tombeaux^ & qu'en
{"^approchant de leurs fepulcres , après avoir fait quelques prières , ils ï* endormaient ,
€^ étaient infiruits en fange ^ de ce qu'ails voulotentfavoir. z. Quelquefois les seconde ef-
Nécromanciens 5 p^r la force de leurs charmes, imitoient la re- pecedcNé-
furreélion , & par des conjurations magiques , ils faifoient parler des ca- *^'**""""°
davres. Nous en avons un exemple dans le iîxiéme Livre de laPharfa-
le de Lucain, où le Poète dit, que le jeune Pompée employa une Ma- ^
gicienne de Thefîàlie, pour obliger un cadavre à fe relever, Ôc à parler,
pour lui apprendre le fuccez de la guerre , qu'il avoit fur les bras. Nous
.poumons joindre plufieurs autres exemples à celui-ci, ôc faire quantité de
citations, qui ne lerviroient de rien ici, où il ne s'agit pas de faire para^
de de littérature. 3. D'autres fois ils évoquoient, purement & fîmple- Troifieme
ment les mânes des morts, (ans les obliger à paroître, fous des figures vi- Néaoman-
fibles , ni à rentrer dans un corps , ils les exhortoient feulement à parler, ce,
& à leur répondre, fur ce qu'ils vouloient favoir,. ôc ces évocations-là,,
ne fe faifoient pas de toutes fortes de morts indifféremment. C'étoienc
les Dieux ^^«<?j', ou les Lares, qu'on interrogeoit ainfi. Et c'eft là cet-
te'efpece de Nécromance , qui s'appelloit deviner par les Tkeraphims ,
nous en avons parlé fuffifamment. 4. Enfin il y avoit une efpece de Né- Quatrième
cromance, qui faifoit paroître les morts en forme vifible, ôc qui les fai-^crom^a-
foit parler en voix intelligible. Et cette Nécromance a eu divers noms, ce, à laqaci^
félon les divers inftrumens, dont les Magiciens fe fervoient pour l'évoca- poîtefS^
tion des morts. Elle s'appelloit Gatoptromance y quand on faifoit ap. des He-
paroître \ts figures dans les miroirs. Elle s'appelloit Gafiromance , ^^^^'
yuqpoy.uvTéiU'i quand les morts paroiflbient dans uBvaifîeau profond, dont
nous parle Hcrmolaus Barbarus, ôc Budée, dansfon grand Lexicon , fur
le mot èyyaqpl^v^Qi. Car ce dernier prétend que ce mot èyyxqptixv^oiy fî-
gnifie quelquefois ceux qui devinoient par ce grand vaifîeau, qui s'appel-
le yàçp^t qui femble avoir été bien femblable à Tnix des Hébreux, ôc en-
fin elle s'appelloit hydromance, quand les âmes montoient en figure hu-
maine dans l'eau. Or nôtre 3lN,o^,efi:juftcméne cette dernière Nécro-
mance. Les images paroifloient dans de Peau pure ôc claire , on y entcn-
doit quelque bruit confus, ôc en même tems une voix fortoit de terre,
qui paroillbit venir d'extrêmement loin, ôc déclaroit ce qu'on voujoitfa--
voir. Ce ne font pas là de ces Gonjeâ:ures fansfondement, c'efl une vé-
rité claire, ôc je m'en vais donner des preuves, qui fâtisferont les Savans,
I. Premièrement, le mot Hébreu 35^ , fignifie un ouaire, un tonneau, Le mot «r
un vaifTeau de quelque profondeur. Je vous prie , qu'effc-ce que l'efprit de ^S'-Z^^ ^^
Python , Ôc le veninloqtms 1, ont de commun avec un ouaire, ou un vaifîeau
plein d'eau? C'eft, difent-ils, que la voix des z'^wm/c'^^w , fortoit com-
me d'un ouaire. , Voilà uneplaiiànte origine. Ne paroifibit-elle pas plû-
472 HISTOIRE DES DOGMES
tôt fovtir de leur eftomac, ou comme d'autres di'fcnt, ex axtUis & ptiden-
dis^ & par conféquent, il faloit, comme les Grecs, tirer les noms, de ces
fortes de Magiciens, des lieux, & des parties , d'où leur voix fembloit for-
tir. Mais il ell aifé de rendre raifon, pourquoi la Nécromance, & l'évo-
cation des morts, s'appelle niN,*?^. C'efl que cette évocation fetàifoitdans
un vailfeaa plein d'eau, qui s'appelloit 3i«, & entre les Grecs yiçpsj. C'é-
toit un vaifieau large & profond , 6c pour ainU dire ventru , comme un
ouaire. Et le mot Latin oùha^ qui n'eft rien autre chofe que le mot 3\H
Chaldaifé, efl un vieux mot Tofcan, qui fignifie un vaifieau, avec le-
quel on faifoit des efFufîons fur les tombeaux des morts. Ce qui vient
fans doute, de ce que Poh des Hébreux étoit un vailfeau , pour exercer la
Nécromance, & dans lequel on évoquoit les mortï. Pfeîlus , dans fon
■peut LjWvc de Damoniù fis y appelle cet art heHavoij^avrefa , lecammar.ce^ du
mot Aéjtavv] , qui fignifie un bafiin. Il dit qu'on jettoit quelque pièce d'or
dans le bafiin, & puis qu'on y verfoit beaucoup d'eau, & après on faifoit
des facrifices, & des invoca;:ions de Démons, enfuite on entendoit un
bruit fourd, comme un fremilfement, dans le fond du vaifieau, Ie*Dé-«
mon y apparoiflbit en forme vifible, &:enfinilyparloitàvoixbafie&obf-
cure. Cet art s'efl continué jufques à nôtre tems : J'en fai un exemple,
1j cato- ^°^^^ i^ P*^^^ ^"^ ^^ j^ ^^^^ quafi témoin oculaire , parce qu'il efi: arrivé
piroraance. daus un Hcu OU je dcmcurois, & pendant le tems que j'y demeurois. Une
fille étant malade, dans le foupçon qu'on lui avoit donné un fort, fespa-
rens firent venir un autre Sorcier , qui leur fit voir dans un verre plein d'eau,
l'image de celui qu'ils foupçonnoient. Mais auparavant il les obligea à jetter
doucement dans le verre plufieurs pièces d'argent , jufques à ce que l'eau du
verre prît une figure convexe parle haut, après quoi l'image parut : c'eftlà
proprement l'hydromance. Mais aujourd'hui nos Magiciens fe fervent beau-
coup plus fouvent du m-iroir, qui fait abfolument le m.erae effet que l'eau. Car
les perfonnages y paroiiTent, mais nous n'apprenons pas qu'ils y parlent. Nous
avons un exemple de cette Catoptromance ion remarquable, dans la célèbre
^^Jj>j« ^0- Hiftoire de l'Ambafl^adeur d'Henri VIL Roi d'Angleterre, qui étant à
rrvii. Roi Rome en converfuion avec le Pape , lui difoir , qu'il eût bien voulu trouver
d'Angietei- quelqu'un, qui lui pût apprendre ce qui devoit naître du mariage , par lequel
s'étoit faite la reunion de ces deux Maifons fi ennemies , la Maifon de Lan-
caftre, ÔC celle d'York. Le Pape lui répondit, qu'il y avoit dans Rome un
Devin , qui lui avoit prédit qu'il viendroit au Pontificat j l'Ambafiadeur i'al-
la trouver, & lui dit ce qu'il defiroit favoir > le Devin le fit entrer daqs
une grande falle, oià il trouva un grand miroir fur la table, & il lui ordon-
na d'obferver tout ce qui fe pafleroit dans le miroir , fans rien dire. II
y vit entrer, du côté droit du miroir, deux hommes Se deux femmes , Hen-
ri Vy I. Edoiiard VI. Marie êc Elizabeth, non tous enfemble, mais
féparément ôc l'un après l'autre: Ces perfonnes faifoient des aâions, èc
pornoient fur eux des écriteaux , qui fignifioient ce qu'ils dévoient faire , &
ce qu'ils dévoient être. Après cela, du côté gauche, parurent deux per-
fonnes, Jaques I. 6c Charles!, dont le premier poitoit écrit fur une écharpe,
infeltx pacis amaior , malheureux amateur àe U paix ^ èc le fécond , Anglorum Rex
ultimus Imper ator ^ Roi de s Anglais & dernier Empereur. Si l'on fa voit d'où nous
avons tiré cette Hiftoire^on ne la mettroit pas au nombre des contes fabuleux,
comme font ordinairement ces fortes d'Hiitoires. Mais la fâchant véritable,
j'en
)
ET DES CULTES DE L'EGLISE. Partm.4,7^
j'en ai fait une digrelîîon , que je ne me pardonnerois pas , fi mon Hiiloire
étoit une fable.
Pour venir à nôtre fujet, je difoisque nos Devins fe fervent aujourd'hui
plus du miroir pour la Nécromance , 6c pour l'évocation de leurs Démons,
mais autrefois, que l'ufage des miroirs étoit plus rare, ils fc fervoient de
Teau , pour produire ces apparitions. Saint Âuguftin eiiime, que Numa NumaPom-
étoit Nécromancien , & qu'il fe fervoit de l'eau , pour évoquer les Dieux P''^"s etoit
ou Démons, avec lefqueîs il feignoit d'avoir commerce. Ntima , dit-il, icien?'&*^"
qui aucun ^ ni Prophète ^ ni faim ify4nge^ n'avait été envoyé ^ fut obligé (^exercer exerçoic
l"^ Hydromance ^four voir dans L'eau les images defes Dieux ^ouf lut ot les illuRons de [es mancie. '
Démons , pour apprendre d'eux ,, (quelles cérémonies tl devoit établir , & quelle efpecè ^|^-. 7- dç
de fervice divin il devoit introduire. Et cette efpece de divination, au rapport de c. zî.
Varron, a été apportée de ^erfe , & Numa&Tythagore s''enf)ntfervis i parce
moyen après avoir épandu dufang , tls interrogeoient les habit ans des enfers , (^ les
Grecs appellent cet art TSlJcromance. Et foit qu'on P appelle Nécromance ^ou HydrO'
mancé^jâeflla même chofe, parce que les morts femblent y prédire les chofes futures .
z. Nous avons déjà, comme on peut voir, uneafléz bonne preuve de
ce que j'ai avancé, furlafignihcationdumot 21X, ob.
Mais je ne fai comment on pourroit douter de ce que j'ai dit, après la
leéture de l'Hiftoire de Saiil, & du fantôme de Samuel. Au premier Li-
vre de Samuel chap. z8. Saùl demande une femme llt^ rhv^, maztrelJe de
Pob. 11 la trouve, 6c il lui dit, devine-moi par 2'\iijob , & fais monter vers
moi celui que je te dirai. Saiil avoit deflein de parler à Samuel. A quoi lui
eût fervi tout cela, de chercher une femme qui eût un efprit de Python,
6c pourquoi auroit-il dit à cette femme, fais-moi monter qui je voudrai , puis
que les efprits de Python, 6c les ventriloques ^ ne femêloient point d'évo-
quer les manes,ni les Démons, 6c leur métier n'étoit quedeprophetiferpar
eux-mêmes, 6c par l'efprit qui les pofledoit ? Et de plus ce que Saûl dit à ctt-
tcïemme^devine-moi par 3W,dr mefais monter qui je voudrai; fait voir évidem-
mcnt,que cet niiSjtf^, étoit proprement l'art de faire monter les morts. Et
en effet cette femme, appellée maîtrellé de Pob^ 31N nbpi , par la vertu de fon
art, fît monter Samuel de la terrCjôc je ne doute pas qu'elle ne l'ait fait monter
dans l'eau, dans un mx, ou un ouaire, c'efl-à-dire, ungrandbaffin pro-
fond plein d'eau. Le nom du lieu oii demeuroit cette femme, ne m'eft
pas une petite preuve, que fa profefîion étoit la Nécromance, &]'Hydro-
mance, carlelieus'appelloit//(?Wor, m p^, qui i]gnifie/(?wj-/?£'r^;;K/j-, fon-
taine éternelle. Sans doute parce qu'il y avoit en ce lieu , des eaux trés-vi-
ves 6c trés-claires. Or nous favons, que le Démon affeéte la pureté, 6c il
elt certain, que les Nécromanciens évoquent les mânes, 6c les Démons,
dans des eaux de fontaine trés-claires 6c très pures. A propos de cette
pureté, que le Démon afféde , je mefouviens bien d'avoir obfervé qu'en-
core aujourd'huijles Nécromanciens fe fervent d'un enfant vierge, pour voir
les apparitions qu'ils font monter dans l'eau, ou dans les miroirs , 6c pour
entendre les voix. Et cela fe rapporte parfaitement , avec ce qu'Apulée , Apuk'edç
dans fon Apologie de Magia , raconte comme l'ayant appris de Varron. ^^"'
favoir qu'une Nécromancienne avoit fait voir à un petit garçon , îefimu-
iacre de Mercure dans l'eau, 6c que cet enfant avoit ouï reciter à ce fmtô-
me i6o. vers, qui contenoient une prédiélion , de tout ce qui devoit arri-
ver dans la guerre contre Mithridate,
PmAU. Ooo 3. Voici
474 HISTOIRE DES DOGMES
:? . Voici une autre preuve , que Voh n'étoit point refprit de PyrBorï^.
mais un art, par lequel on faifoit fortir une voix de terre, comme fi les^
Mânes, que l'on évoquoit, euflent parlé. Elle fe trouve dans le 2p. d'E-
Defcription laïc V. 4. oii le Prophète nous dépeint parfaitement, d'oii fortoit la voix
de l'ob pat j^p^T^^ Et tH fems âhaijfée ^ & parleras comme de dedans la terre ,& ta parole
Vieux Tef- fera bijfe , comme fi elle fortoit de la potijjiere , dr ta voix s'entendra comme de
îameiu. dedanS' la terre , iîCUt 3W , comme une voix de tJM^anes , évoquez, par an iV/-
cromancien , & ta parole mnrmurera , comme fort ant de la poujfiere. Cela efl:
clair, il paroît par là, que la voix de Taii^, fortoit, non pas du ventre,.
neijue e pudendri^ mais comme de dedans la terre. Et je trouve le com-
Notrbiepaf- mentairc de Kimchi, très confîderable fur cepalTage. 7« parleras de la
lîgedeRim- terre avts une voîx ba(fe & obfcme , comme fi la voix fortoit de défions la terre ^
''"'' ^ ûK même fen$ il dàî ^ tn feras abaiffée ^ comme fi tu for tois de la terre. C^efi^
ûîte félon fa coàtame , il répète la même chofs m differens termes. Et il redit
encore la même chofi, <]uand il ajoute DIND, ficut ob , parce que ceux q4ii fonP
lU? hv^i , font fortir une voix bajfe des entrailles de la terre.
Vous voyez qu'il oe dit pas, que ces gens-Là fiffent fortir une voix baf-
fe de leur ventre, mais dts entrailles de la terre. Quoi, que la plupart
des Interprètes modernes Juifs , ayent fuivi le ton-ent des Interprètes
Grecs êc Latins, & ayent pris l'aw , pour les ventriloques , cependant
ils nous apprenent, que les anciens Juifs Tentendoient comme moi. Car
voici ce que j'en trouve, dans le Commentaire de Rabbi Levi BenGer-
iteffige de ^oi^? ^^r le I . de Sam. 28. 7. Il faut ^ dit-il, que vous fâchiez^ , que Part
aakbag, de répondre par 315^, étoit defiiné à exciter ^imagination.^ afin qu elle fut touchée
de Pune des efpeces de divination. C^efi pourquoi la voix n étoit entendue^ que-
de celui qui confult&it , & qui demandait , & il èntendoit une voix baffe. ^ com'
me qui dirait une voix fort ant d'un ouaire , & de la terre. Ou bien, comme ont
dit nos maîtres d''heureufe mémoire^ f affaire de /'aiiS efi telle: favoir que celui
qpii fait monter le mort .^ n'entend pas la voix ^ il voit feulement la figura, du mort ^.
^ au contraire celui qui confulîe & interroge , ne voit point la figure.^ mais en^-
tend feulement la votx , qui répond a fes demandes. Ainfi en ce lip4^-y.la ferri'
me voit bien la fgure de- Samuel , mais elle n"* entend pas fa voix ^ dr d^ autre
part^ S^ul ne vit pas la forme de Samuel^ mais il entendit fa voix. i
Nous voyons que dans la defcription , que cet Auteur nous Fait de
1'|3^^*, félon les anciens Rabbins, il nous dépeint très bien la Nécroman-
ce, mais cela ne regarde point du tout les ventriloques. Aben-Efra furie
L<evitiq; ip. 31. ditfurn'jnêiîn, c ela vient du mot ys^, qui fignifie ouaire ^ eom"
me il fe lit Job 7^%. 20. ouaires neufs ^ parce que les ouaires étaient le. fonde"
ment de r.opcration ^ favoir des Nécromanciens. Une dit pas,^ que lavoix
s'entendît fortant d'un ouaire ^ mais que les ouaires , c'ell-à-dirc , les
vaifTeaux pleins d'eau, étoient le fondement de cette opération Magique,
parce que les Mânes s'évoquoient dans l'eau , ôc dans des vaifTeaux , faits
comme des ouaires.
a^Jf" ^ï Préfentement joignons la defcription de l'3W , que nous avons vu dans^
«b,. le 2p. d'Efaïe v.4.avec celle, que nous avons dans PHifloirc du Fantôme
de Samuel, & nous aurons une parfaite defcription , de la manière de
deviner par 3iïî. Par l'Hiftoire de Samuel, il paroît que la Sorcière évo»
^oit. gar S"5ê«3 ks Mânes, des. défunts 3. dans un vaifTeau plein d'eau y ÔC
far
ET DES CULTES DE L'EGLISE. P^^.ÎÏI.475
par Efaïe , il paroîu qu'après l'évocation du mort , une voix obfcure éc
fombre fortoit , non des entrailles de la Sorcière , mais des entrailles de
la terre.
Nous trouvons dans le même Efaïe un autre pafîage, au 8. chap.^.
Ip. qui nous peut aufîî donner beaucoup de lumière, (jues^tls musdifent^
enquerez.'Vom , & interrogez. ni3Kn fiN* , les haovoth , les 1S(Jcrowanciens , 0*
les Devins^ qui grommelent ^ 0" qui murmurent ^ dites ^ le peuple ne s'^enquer-
ra-t^il pas de fon Dieu? Ira-t'il pour les vivans aux morts? Il eft évident
que ces paroles , aller pour les vivans aux morts , fignifient confulter les Né-
cromanciens 5 & évoquer les çjPKanes par leur arc , 6c il eft auffi évident,
que CCS murmures , grommelemens , ^ aller pour les vivans aux morts , font
des explications des haovoth^ n\2^r\ , dont il a parlé : & parconféquent,
l'aiî? elt la vraie Nécromance, & l'évocation des morts.
Mais la difficulté refte , pourquoi donc les 70. ont tourné 31N par routquoilcs
éyyctçpiiMv&Gç , qui fignifie un ventriloque. Il eft vrai que le mox.à^èyyuçpi- né°è"°"''
.(xv^oç, & la defcription, que les Anciens nous en font, nous apprennent èyym-
^ue ces engaftrimmhes ^ parloient du venfre, ou de l'eftomac, c'eft pour- r^/iwèog.
^uoi on les appelloit auÂi c-rêpvoi/.dvr£iç. Cela fc prouve par des paflages
d'Hippocrate 5 dans le f. & 6"**. Livre, De morbis popularibus^ .^^vàcs
paflages d'Ariftophane , & de fes Scholiaftes , dans la Comédie , qui a
pour titre FefpA. On dit que ces gens étoient auffi appeliez èvpvKXsrrai ,
d'un certain èvpvnhviç, qui fut le premier devin de cet ordre.
Mais il faut favoir qu'on appelloit iyyaarpii^v^oii généralement tous ces
devins , qui faifoient entendre des voix fombres & qbfcures , comme ve-
nant de loin , foit que ces voix fortifient de leur ventre , foit qu'elles for-
tiflent de la terre. Je pourrois prouver cela par piufieurs paflages
des Anciens. Mais il me fuffira de faire voir , que les 70. Inter-
prètes l'ont ainfî pris , ôc que par éyyci(Trpl(jivèoç , ils entendent non un ven-
triloque 5 mais un Nécromancien , qui fait fortir une voix creufe , ôc pro-
fonde de la terre. Cela eft clair, parce que le mot aiN% qu'ils tournent
par éyyciçp([xvèoç , eft auflî tourné par eux-mêmes p^ir (pcovëreg êa rujç y^g ^
ceux qui crient de la terre. Au 8. d'Efaïe v. ip. ils ont ainfl expliqué
le Prophète. S^ ils vous difent , interrogez, le s êyyacrrpi^vèsg , & ceux qui
parlent de la terre ^ ceux qui gaz.ouillent , ceux qui parlent de leur ventre. II
eft certain que ces mots , ceux qui parlent de U terre , & ceux qui par-
lent de leur ventre , font des explications du mot èyya.(Trpiy.v^oç. Et ainiî
il paroît, que ce mot fignifîe auflî bien les Nécromanciens , qui font for-
tir une voix de la terre , que les ventriloques , qui la font fortir de leur
ventre. Ils ont donc reconnu dans le huitième d'Efaïe , que ce mot pou-
voit fignifier l'un ôc l'autre j mais il eft évident qu'en rendant, 3iJ^, ob, par
£yycc(rTplfj.vèoç , ils l'ont pris, non au fens de ventriloquus , mais pour celui
qui fait fortir une voix de deflbus terre. . Cela paroît par deux paflages
d'Efaïe, le premier eft au chap. 14. v. 3. Us ont interrogé les Idoles ^
& les Enchanteurs, & les maN» , & les Devins, les 70. rendent mia^t,
par (^uvHTSQ èyi TÎ^ç yviç, qui parlent de la terre , & le ^3^^ ? 9"i ^"it,
ils l'expliquent par f yy«(r7-p;|7.uÔ8ç : l'autre paffage tout femblable, eft ce-
lui du chap. 2p. 4. oii l'Hébreu dit , tu parleras de la terre comme
3>N, les 70. ont tourné : Et ta voix fera comme de ceux ^ qui crient de
O 0 o Z def
476 HISTOIRE DES DOGMES .
deJJoHS terre : d'où il eft évident , que par èyyaarpi'ixvf^oç, ilsontdefi-
gné, non les Fentrilo^ues j mais les Nécromanciens , qui font parler
les morts de deflbus la terre. Ainfi je conclus, que par tout où
l'on trouve DIN* 6c r^\l^ , il faut tourner ISlécromaince 6c TSlécroman-
cien ^ comme au premier Livre de Samuel 28. "Devine -moi far U
'Nécromancie , & "me fais monter celui cjue je demanderai.
D E
ET DES CULTES DE UEGLISE. Tart.Ul. 477
E L' O R I G I N E
V E s
SIMULACRES.
TROISIEME TRAITÉ.
deflus.
CHAPITRE I.
k l' origine des Simulacres: il l'a faut chercher dans
(Orient,
OU S avons dit en paflant, que les Theraphims
font les plus anciens des fîmulacresj cela eft vé-
ritable. C'eft pourquoi cet endrost permet que
nous traitions de l'antiquité , & de l'origine des fi-
gnes facrez, ÔC des fimulacres. Le mot àcSimuia-
crum vient àz fimulare ^ comme ambuUcrum ^ vient
^ambHlare^ comme lavacrum ^ vient de lavare^ 6c
c'efl ce que les Grecs ont appelle ê^wAsv , diminu-
tif du mot elhç : nous l'avons dit 6c remarqué ci-
II faut donc favoir que le culte des fimulacrcsôc ùqs images, n'eflpas
âufî] ancien que l'idolatrre : c'eft-un fî grand abaifîement de la fierté hu- Les ftnuià-
maine, de la voir profternée devant le bois & la pierre, qu'elle a eu JJ" ^"^^
quelque peine à en venir là. Le bon fens & la raifon ont tenu bon quel- veaux que
que temsi) pendant que les hommes n'ont adoré que le Soleil, la Lune, i'^'îoî*"*«'
les AftreSj&lesElemenSjils n'ont point eu d'images, & les fimulacresont
commencé, lors que l'on a commencé à fervir, ëc à adorer des hommes.
On a voulu les rendre préfens , par des répréfentations , parce qu'on ne
pouvoit pas les rendre préfens en pcvfonne, à caufe que la mort les avoit
ravis. Enfuite les hommes ont trouvé cela fî commode , d'avoic dans
les Temples des objets qui arrêtaflent les fens , &c qui attiralTent l'adora-
tion 5 qu'ils ont fait des images pour tous leurs Dieux , fion feulement pour
Ooo 3 les
478 HISTOIRE DES DOGMES
les Dieux animaux, c'e(l-à-diie pour les hommes qu'ils adoraient, mais
audi pour les Dieux naturels, c'ell-à-dire , pour les Aftres ôc pour les
Elemens.
Au relie , que le culte des fîmulacres foit beaucoup plus nouveau , qu^
celui des parties de la nature, tout le monde en convient, &c tous les an-
ciens Auteurs nous en affûrent. Les Perfes, les Chaîdéens, les Egyp-
tiens, font les auteurs de l'idolâtrie. Or l'on nous allure que leur ancien-
ne Religion n' avoir point de fmiulacres. Eufebe prouve, par le té-
moignage de Porphyre , de Platon , ôc de plufieurs autres , que ni les
anciens Egyptiens , ni les Phéniciens , ni même les Grecs , n'avoient point
£iifel>iu5 eu au commencement de fimulacres 6c d'idoles. Les premiers & les ancient
^"^*'^^j^g*" hommes, ne s' occuf oient point k faire des Temples ^ ni des Simulacres , parce que
cap. s, les Arts de la Teinture & de la Sculpture , & même celui de bâtir des maifons ,
nètoientpas encore inventez. &c. Entre lesplus anciens hommes ^ d'entre les Grecs ,
dr d'' entre les Barbares , on ne parloit point de Théogonie , ^ de Généalogie des
Dieux, (^ l'on ne favoit ce que cétoit , que d'ériger des fimulacres en F honneur
des Dieux mâles , & des Dieux femelles ^ comme la vanité' du Taganifme fait
aujourd'hui.
A l'égard des Grecs, cela eft moins certain , qu'ils ayent été autrefois
fans fîmulacres. Eufebe le veut prouver par un paflage de Platon , que
Hous avons déjà vu, & qui dit que les premiers hommes y qui habitèrent U
Grèce ^ n'avoient pas d'autres Dieux, que ceux qui font les Dieux des Barbares^
. favoir le Soleil , la Terre, & la Lune. Mais il y a plus d'apparence, que
quand la Grèce fut peuplée par quelques colonies des Peuples Orientaux ,
ces Peuples apportèrent avec eux, le culte des Dieux animaux , & l'ufa-
ge des fimulacres, ce qui n'arriva qu'aflez long-tems après la première nai{^
fance de l'idolâtrie. Quant aux Perfes , il eft certain qu'ils ont confcrvé
, long-tems l'ufage d'adorer fans fîmulacres. Hérodote nous en efî: témoin,
6z. ' * -^ ait que les Ter fe S n'avoient ni Autels y ni Temples, nifiatuës'y qu'ils fe mo-
qmient de ceux qui adoraient les Dieux de cette manière » Qu'ils montaient fur
les hauteurs des Aiontagnès , ^ que de là ils facrifioient au Roi du Qel, qu'ils
appelaient fupiter , ce qui vient , dit-il , de ce qu'ils n'ont pas tiré leurs Dieux
d'entre les hommes , comme les Çrecs. Ils ont confervé cette pui'eté dans leur
Religion, tout au moins jufqu'au tems d'Alexandre. Car Quinte Curfe,
dans THiftoire de la conquête d' A fîe par ce Prince , dépeignant l'état & l'or-
dre de l'Armée des Perfes, y parle d'un Feu qu'ils faifoient porter devant
eux, 6c des chevaux facrez au Soleil, mais ii ne parle poiat de ftatuës,
ni d'images. Pour ce qui eft des Egyptiens , quoi que l'ufâge des fî.mula-
cres y foit très-ancien, cependant Lucien, dans laDéefî!e de Syrie, nous
aflure qu anciennement les Temples des Egyptiens e'toient fans fi atu'és.
Enfuppofant que les Theraphims font les plus anciens fimulacres, Se que
ces Theraphims ont pris naifiànce dans le païs àt Laban , qui étoit la Chal-
dée , ou la Mefopotamie , nous fuppofons auffi , que ces Chaîdéens ont pres-
que de tout tems eu des fimulacres. Cependant il y a apparence que du tems
de Job, ils n'en avoient pas. Job étoit contemporain d'Abraham, 6c
félon nôtre conjeélure, il étoit originaire de laChaldée, 6c de même fa-
mille qu'Abraham. Or il y a apparence que de ion tems , onn'adoroiipas
encore les fîmulacres , ou que du moins , ce culte en étoit encore particu-
lier,
ET DES CULTES DE L'EGLISE. Tart.UL 479
lier, & non gênerai , comme celui des Aflres. Car dans le 31. de (on zs.zj.
Livre, il fe juftifie d'idolâtrie, & dit cfiHl n'a pas adoré le Soleil & U Lune.
Sans doute , (î le culte des lîmukcres eût été alors en ufage, dans la
Chaldée, & d'une manière fort générale, il n'auroit pas manqué de s'en
juftifier auffi. C'eft ce qui fait, que j'ajoute moins de foi à l'Hifloire, que
font les "Juifs, dont nous parlerons tantôt, d'oii l'on recueille que Serug
&:Tharé,les pères d'Abraham, adoroient les ftatuës. Ce faux Culte s'intro-
duilit beaucoup plus tard , dans l'Occident. Varron alTûre, félon le rapport
de St. Auguftin , que la ville de Rome a été cent foixante Se dix ans,
fans fimulacres. Dicit etïam antiques T^manos , plmpjHam annos centftm ^ Aug. de
[eptuaginta ^ Deosjtne Jtmukcro colmj]e. Et même ils s'abftenoient de faire ^K. ?3i.
des fimulacres , par un principe de Religion , félon les principes , que
Numa avoit appris de Pythagore. Pythagore , dit Plutarque, foûtenoit l'iutarch. ia
que la divinité eil invifible , pure , incorruptible ôc inintelligible} c'ell'^"™^"
pourquoi Numa, fuivant les fentimensde Pythagore, défendit aux Ro-
mains 5 de faire à la divinité , des images en figure humaine , ou qui
eufl^ent la forme de quelque animal , ou d'avoir quelque répréfentatioa
de la divinité : ce qui continua durant l'efpace de 178. ans > durant
lesquels ils n'eurent aucune ilatuë , qui portât figure. iJenys d'Hali-
carnafle dit la même ckofc, dans le premier Livre de fes Antiquitez.
Ce fut Tarquinius Prifcus , qui apporta cette idolâtrie de la Grèce , &-
qui la fit recevoir dans Rome, fur la fin de fon Règne ; car il commença
à régner l'an 147. de la Ville, & mourut environ l'an i8f. Pline nous dit
que la prem.iere flatuë , qu'il a pu découvrir par Çts recherches , comme
la plus ancienne dans Rome , ce fut une flatuë de cuivre , dédiée à Ce-
rés, laquelle fut faite du bien confifqué furSpurius Caffius, que fon pè-
re fit mourir, parce qu'il avoit effayé de fe rendre Souverain dans Rome.
^JRomA jimulacTHm ex <zre faUum , Cereri primHm reperio , ex peculio Spurii Lib. 24. c, a.
Cajfii , cjHem regnum affecîÊhtem pater ip(ît4s interemerat. Cela le doit
entendre des ftatuës de métal, car autrement il eft certain , qu'il y avoit
à Rome des ftatuës, avant eelles-là, mais elles étoient de bois. Bien des
ficelés après l'établiffement des fimulacres, dans k Religion des Romains,
il s'eft pourtant trouvé des gens qui ont condamné cet ufage, ôcqoi euf-
fent bien voulu , que Rome eût confervé fon ancienne Religion. Varron
eft de ceux-là, félon que le rapporte St. Auguftin. Car il dit de cette
coutume d'adorer les Dieux fans image- QMod f adiopw manfijfeî caflm^uy^. de
Dti obfervarentîir 6cc. qM^i pHmi Jimulacra Deomm popuUs pofiîerunt , ii ci- cs^^'s'r ^°
vitatîbm é^ metum dempferunt , & srrorem addideranî. Et le même Sî. Au-
guftin, cite un paftage d'un Livre de Seneque, qui s'eil perdu, intitulé
de fuperJhtiGne , qui blâme cette coutume , en ces termes , fieras immorta.- Lib. «. de.
les , inviolabîUfijm Dea^ in materia viltjfima atque immobili dedÀcant , hcihitu4 ^'^- ^^^
illis hominum jtrarmnque &■ pifiium. Quidam vero mixto fenfu ^ diverjis cor-
poribus inducunt 3-. numina vocant , cjma Jt fpiritu accepta fuhito occurrerent y
monftra habcrenîur. Il femble auffi que les Nations Occidentales , les Gau-
lois, les Bretons, îesAllemans, n'ayent p©int eu de ftatuës. Au moins
cela eft-il certain des Allemans. Car Tacite, dans fa Germanie , dit ex- TacitiGes-
preOement, cohïbere parietibus Deos^ aîqm tillam humani oris jpeciem ajJïmiU- ^'^'^^^'^^^
r^ mfas exijlimanu Que les Allemans i?ff renferment point leurs 1)ic^x dans
d§>S'
48o HISTOIRE DES DOGMES
des Temples ^ & ne croient pas (ju'U [oit permis , de leur donner une figure hit»
maine , mais quils Ce contentent de leur confacrer des bois , dont le plus cache' ,
efi ce ^utls adorent , & e^u'ils ne voient que de la penfée. Cependant il y a des
choies, dans le même Livre, qui ne s'accordent pas trop avec cela. Car
il dit dans le même lieu , qu^une partie des Sueves adore IJis , (ous la figure
d^un vaijfeau , ce qui montre que c'eft une Religion étrangère. Une page aupa-
ravant il dit, qu''ils croient que les Dieux préfident aux batailles. Cefl pourquoi
ils enlèvent de certaines figures , de leurs bois facrez. , qpPUs portent à la guerre.
Et fur la fin du Livre, il dit que les AUemans, qui habitoient le long de
la mer Baltique , adoraient la mère des Dieux , fi)us des figures de fanglters , qui
rendent même ceux qui les portent , -inviolables à leurs ennemis. C'eft pourquoi
je croi que le fens de Tacite ell , que les anciens Allemans ne peignoient
point leurs Dieux , en forme humaine , mais en autre forme, comme Ifis,
dont il parle ici, qu'ils adoroient, fous la figure d'un vaifieau, ôc la mère
des Dieux qu'ils fervoient , fous la figure de fanglier. Ce qui fait voir
que les Allemans , ne regardoient pas leurs fimulacres , comme des ima-
ges de la divinité , mais feulement comme àz?> emblèmes. Car l'on ne
s'eft jamais imaginé, qu'une Déeire fût femblable à un vaiiTeau. Mais ils
avoient confacré pour emblème de cette Déeffe, une cfpece de Navire,
appelle Libuma , pour fignifier , dit Tacite , qu'elle avoit été amenée de
Antiquîtez ioin. Et peut-être que c'étoit de l'ancienne fuperftition des Allemans , qui
de ¥auchct. n'ofoicnt dotiner à Dieu la figure humaine , que tira fon origine l'idole
p.444. ^hmenfiuld^ Dieu des Saxons, que Charlemagne fit abbatre. A la véri-
té , cette figure approchoit de la figure humaine. Cependant il lui fortoit
un Ours de l'eftomac. Elle avoit un Lion, peint fur fon bouclier , 6c dans
la main gauche, des balances, tout cela fait voir que ce n'étoit pas une
image , mais un emblème de la divinité , félon l'ancienne Religion àt%
Allemans. Cet Irmenfi^ld étoit apparemment le Dieu Mars, car le lieu,
où étoit cette idole , s'appelle encore aujourd'hui Marfpurg , ville dé
Mars,
iinefautpas Mais pour revenir à l'origine dcs fimukcres , il nous faut voir dans quel-
ri^nedes^' ^^ NatioD Oïl la doit chcrcher. L'orgueil des Grecs les porte à fe faire hon-
fimuiacres neur de tout. Un certain Epicadus, félon le rapport de Macrobc, attri-
Greoî/ni t)tië la première invention des ilatuës à Hercule, difant , qu'après qu'il
entre les eut vaincu Gcrion enEipagne, il fit des ftaruës de Tes compagnons, qui
avoient été tuez, & qu'il les jetta dans le Tibre, afin qu'ils décendilfent
saturnai. dans la mer , & qu'ils allafiènt flotter fur les rivages de leur pati-ie , ce
iib. I. qu'il jQt pour confoler les parens des défunts , en leur rendant au moins ,
Penfanias les images de ceux que la mort leur avoit ravis. Paufanias parle d'un cer-
niads!^^" tain Bompalus , grand Satuaire, qui fit un beau fimulacre de la Fortune ,
pour les Smyrniens , & il prétend que ce fimulacre ell des plus anciens.
D'autres rapportent l'origine des ftatuës,aux Athéniens. Quelques-uns
LiK 4, veulent qu'elles ayent été inventées par Cecrops. Hérodote veut que les
Bibiioc. 1.4. Egypcjens en foient les inventeurs. Diodore dit que ce font les Ethiopiens.
Et fi l'on veut voir un plus grand nombre de ces conjeélures , on les peut
Lib. 2. trouver daiis Pline. Peut-être que ce qu'a dit Laélance eit le plus vrai-
fcmblable: c'eft que Promethée a été le premier inventeur des fimulacres,
5c que de là eft venue la fable , qu'il a^t fait des hommes. Mais la
queftioa
iiiftitiir.
ET DES CULTES DE UEGLISE. TarLlîl. 48r
^ueflion eft, qui étoitce Promethée, où il a vécu, & quand ? Car ce
que les Grecs en difcnt eft tout fabuleux : Si ce Promethée eft l'un des
prochains décendans de Noé , fils de Japhet , comme il eft appelle Pa-
fetigenus-y il n'eft pas hors d'apparencç , que la Sculpture ôc \c^ fimula-
cres ayent été inventez de fon tems.
Quoi qu'il en foit , tous ceux qui veulent trouver l'origine des fîmula-
cres , dans l'Occident , fe trompent. Les hommes , les Religions , & les
Arts font venus de l'Orient. Et les Theraphims de Laban me perfua-
dent , quQ. les ftatuës ont été premièrement inventées dans la Chaldée.
C'ell le fentiment des meilleurs 6c des plus graves Auteurs. St. Cyrille l*. î«.
d'Alexandrie dit , que cette efpece d'idolâtrie a tiré fon origine de Nim- fuiLnu"'
rod, qui fit drefler une ftatuë à l'honneur de (on fils, qui s'appelloit ?^-
fiter Bdm. St. Epiphane prétend, que l'Art de peindre, eft né du tems Pra;fation€
de Serug, 6c que ce Serug a été l'un des premiers Peintres. l\{ç. trompe ^° ^^°*'
làns doute , en ce qu'il fait l'Art de peindre plus ancien que la Sculpture ,
l'invention des Arts a commencé par ce qu'il y a de plus facile. Il eft
beaucoup plus aile d'imaginer, de tailler un bois , félon la figure humai-
ne, que de placer des couleurs fur une Table dans un tel ordre, que par le
mélange de la lumière , ôc des ombres , on en fafîe'des répréfentations,
& des apparences de relief Mais il ne s'éloigne pas de la vérité , pour le
tems , dans lequel les fimulacres ont commencé. Car il y a apparence,
que leur origine doit être placée dans le fiecle de Serug , ou un peu avant.
Car Serug etoit bifaycul d'Abraham , ÔC petit-fils de Phaleg , durant la
vie duquel fe forma le règne de Babel & de Nimrod,,
Les Juifs veulent que les Ancêtres d'Abraham fuflent non feulement
idolâtres, mais faifeurs d'idoles. Peu de gens Savans ignorent, ce qu'ils
font faire à Abraham, que Dieu retira de l'idolâtrie , par une vocation par-
ticulière. Ils difent que Tharé , père d'Abraham, vendoit des idoles , 8c Hiftoîre de
qu'un jour il arriva que Tharé, étant allé en voyage, Abraham demeura J^b«h?m*
à la maifon , pour avoir foin des affaires. Plufieurs perfonnes vinrent , & des fcs
pour acheter des images : Abraham leur demandoit à tous quel âge ils ^"*"^*"w,
avoient, l'un difoit j'ai4o. .ans, l'autre difoit j'en ai 50. Après cela il leur
répréfentoit , qu'ils dévoient avoir bien de la honte , eux qui étoient dé-
jà fi âgez , d'adorer une ftatuë qui n'avoit qu'un jour. Entr'autres vint Bercfchit
une femme, qui apporta une petite offrande de farine, dans un plat, qu'el-^^*'''*'^-^'*
le apportoit , difoit-elle , pour l'offrir à ces. idoles. Abraham , quand la
femme fut fortie, prit une hache, brifa toutes ces idoles," êc mit la hache
dans la main de la plus grande de ces idoles , qu'il n'avoit pas voulu bri-
fer , & laiffa le plat de farine auprès. Quand Tharé fut revenu , voyant
tout ce defordre, il en demanda raifon à fon filsj Abraham lui dit qu'u-
ne querelle s'étoit émue entre les images , à qui auroit le plat de farine ,
qu'une femme avoit apporté. Qu'elles s'étoient battues , 6c que la plus
grande s'étant faifie de la hache, qu'elle avoit encore en main, avoit mis
toutes les autres dans l'état , où on les voïoit. Là-deffus le père prenant
la parole, lui dit en colère ; vous nous en feriez bien accroire , que des
images , qui n'ont point de fentiment , ni de mouvement , fe foient mifes
en colère , 6c fe foient battues ? Sur quoi Abraham répondit : prenez bien
garde à ce que vous venez de dire. Car fi ces ftatuës n'ont ni mouve-
?m, m, PpP ment,
482 HISTOIRE DÈS DOGMES
ment, ni fenriment, vous avez grand toit de les adorer. Tharé indigné
de cette adion , & de cette rcponfe , alla déférer fon fils au Roi N im-
rod, qui le fit jetter dans le feu^ d'oii il fut tiré, & fauve, par la main
de Dieu. Oeû pourquoi le Seigneur lui dit : ^e fuis le Seigneur cjui t^ai re^
tin d'Vr des ChMéens ; c'eil-à-dire, félon ces Meflieurs , du/^«desChal-
déens, parce qu'en effet Vr^ fignifie feu dans la langue Chaldaïque. Je croi
dor.c que c'elt à peu prés à cela, qu'on s'en doit tenir, ôc que les premiers
fîmulacres ont été faits quelque tems après la divifion à^s langues, dans
ce fiecle, &fous ceNimrod , entre les Babyloniens , envirou lanaiflan-
ce de l'Empire des AfTyrienSjôc de Ninive: félon quoi, les Theraphimsde
Laban ne font pas les premiers fimulacres , mais ils ont été faits à l'imi-
tation des premiers. C'eft dans la famille de Nimrod , que cette idolâ-
trie a pris fa nailTance. La famille de Sem , qui avoit fes demeures mêlées
avec celles de la race de Cham, & de Chus, emprunta d'elles cette fu-
perftition. Ces deux Thcraphims étoient , félon nôtre conjecture, les
images de Noé, &de Sem. On nefît les images de ces Patriarches, dans
., y • // ♦ /-v? ^' leur famille , qu'après leur mort.'T'Noé mourut_d&x a$>s a^aS la.naif-r
V qm a'
jjalmmV'preu,^'qift'avoii/fëtne Abraham de la famille de Tharé, en avoit
auffi retiré fon cfprit, tellement que Nacojr fon fils, Bethuel, ôc Laban
fon petit-fils, demeurèrent idolâtres, & à l'imitation des enfans de Cham,
ils firent les images de leurs Patriarches Sem 6c Noé^ & les placèrent dans
leur maifon , comme Dieux Tutelaires.
Selon cette conjeélure , \ts Theraphims & les fîmulacres , n'étoient
point encore dans la famille de Sem , quand Abraham fe retira en Ca-
ran, 6c enfuite dans la terre de Canaan. Car je ne faurois être du fenti-
Vidc Vof-
flum de
idolohtiia
cap. 3. lib. 9.
ment de ceux , qui veulent qui Serug & Tharé , foient \t^ premiers in-
venteurs , & adorateurs des fimulacres. Il efl bien vrai que Jofué met
Tharé, père d'Abraham, au nombre àt^ idolâtres. Fos pères ont habité ait
delà du fleuve , favoir Tharé , père d'^ Abraham & de 1S(acor , & ont fervi à
d'autres Dieux, Mais par les autres Dieux j'entens le Soleil 6c la Lune ,
qui étoient généralement adorez de tous les idolâtres , aa lieu que les
Theraphims, étoient une dévotion particuHere, &;qiii n'étoit qu'en cer-
taines maifons.
Après avoir trouvé l'origine des fimulacres , dans la famille de Nim-
rod, 6c dans la Chaldée , il n'cft pas mal-aifé de comprendre, comment
de là ils font pafTez au delà du fleuve Euphrate , font parvenus dans la
Phénicie, 6c de là dans l'Egypte, de l'Egypte dans la Grèce , 6c enfin
dans toutes les parties de la terre. Car les hommes allant chercher des de-
meures de heu en lieu dans ce tems-là , par tout où ils alloient , ils por-
toient les Religipns de leur pais.
G H A^
ET DES CULTES DE L'EGLISE. ParLllL 483
CHAPITRE IL
^elle a été l'intention des premiers faifeurs d^ Images , le progrez de
cette Idolatne.
A Propos de l'origine des fîmulacres, on demande quelle a été la pre-
mière intention àcs hommes , quand ils ont drefTé des ftatuës aux
défunts ? Si d'abord c'a été fimplement , pour conferver leur mé-
moire 5 ou fi c'a été pour les adorer ? Chacun fait les conjeétures du
Livre de la Sapience la-deifus : c'ell que quelque père, fort touché de la chap. i^.
mort de Ton fils, lui fit faire une ftatuë, & la fit honorer. Ou bien cela "f-^k^
eft venu de ce que les Rois , qui ne pouvoient être préfens dans toutes
leurs Provinces, fe font fait faire des llatuës, par lefquelles les peuples, qui
ne pouvoient pofTeder leur Prince en perfonne , ont imité & réprefenté le
vifage de leur Roi, qui étoit loin d'eux, pour lui rendre leurs hommages ,
auffi bien dans fon abfence , que dans fa préfence. Il eft apparent que les
fimulacres ont été faits d'abord , pour la fimple commémoration , ôc
non pour l'adoration : félon le mot du Poète, Nemo repente fit tHrpiffimus
on a commencé par le moins , on eft venu enfuite au plus.
Une ehofe me paroît -certaine, c'ell que les premières ftatuës ont été faites Par quels
à l'honneur des hommes , ôc non de ceux que les premiers idolâtres ont re- eft^JenuJ
gardé comme des Dieux, c'étoient les Altres. Jenecroipasqu'ilpût venir donnerune.
dans l'efprit , de plein faut , de faire des flatuës en figure d'homme , ou Jgj^e à des
d'autres animaux, pour répréfenter le Soleil & la Lune, car c'eft une trop Aftres.
grande extravagance, mais voici comment cela s'eft fait. D'abord les hom-
mes ont adoré les Aftres , 6c les Elemens , en eux-mêmes , ôc fans images.
Enfuite il s'eft fait des images d'hommes morts , qu'ils ont adorées. Et
enfin- pour honorer leurs Dieux morts, qu'ils adoroient, ils ont donné à
leurs anciens Dieux , qui font les Aftres , les noms de leurs Rois. Ik ont
appelle l'un Bahal, ou Jupiter, l'autre Aftaroth , ou Junon , 6c ont con-
facré des images, qui font devenues communes aux Aftres 6c aux hom-
mes. Outre cela , trouvant qu'il y avoit quelque chofe de fort commode
pour la Religion, d'avoir toujours devant les yeux les objets de fon cul-
te 5 ils ont imaginé , finon de faire des images , au moins des emblèmes
des Dieux celeftes. Et c'eft pour cela qu'ils ont fait des figures de bœufs,
de brebis, 6c d'autres animaux, 6c prefque toujours des figures mêlées,
pour adorer les Dieux celeftes , fous ces emblèmes. Nous verrons dans
le Traité du Veau d'or, comme les Egyptiens, s'eftimant plus fages que
les autres hommes , ont pris les animaux mêmes , plutôt que les images
de ces animaux , pour emblèmes de leurs Dieux.
Il eft neceftaire de remarquer aufli, fur cette antiquité des fimulacres, ce cuite
que ce culte n'eft pas fi-tôt devenu public , mais qu'il a commencé par pu^S^^u^
un culte domeftique. Car dans la Chaldée , d'où les fimulacres ont tiré commen-
leur origine , il n'y avoit pas d'autre Religion publique , que celle du ^^^^"■^°
Ppp X Soleil?
H I s T O I R E D E s D O G M E s
Soleil, ôc du Feu , parce qu'ils étoient de la Religion des Perfes , dont
ils étoient voifins. Il eft vrai que dans la fuite, ils ont dégénéré de cet-
te pureté , & ont adoré publiquement les fimulacres , beaucoup plutôt
que les Perfes. Cependant le Feu , l'emblème du Soleil, étoit toujours
leur grande divinité , jufques dans les derniers tems, comme il paroît par
RuffinHif- le récit, qui fe lit dans Ruffin , d'une chofe arrivée fous le Règne de
cïïfit{Hque, Conftantin. C'ell: que les Chaldéens, pour la gloire du Feu facre , qui
Livic 2. ' étoit leur Dieu , le portoient par toute la terre , & le faiibient combattre
avec tous les autrçs Dieux , qu'il furraontoit infailliblement , les fondant
s'ils étoient de métal , les calcinant s'ils étoient de pierre , les brûlant s'ils
étoient de bois. Mais enfin il fut vaincu en Egypte, par la fraude des Sa-
crificateurs , qui firent une grande ilatuë confacrée au Nil. La flatuë
étoit vafte ÔC creufe , & percée de tous cotez , mais les trous en étoient
refermez avec de la cire , avec tant d'art qu'on ne les voyoit point. La
flatuë étoit pleine d^eau , 6c fi-tôt qu'elle s'échauffa fous le Feu facré des>
Chaldéens, la cire fe fondit, les trous s'ouvrirent » l'eau coula de toutes
parts en abondance , ôc le Dieu des Chaldéens fut étoufé.
Nous avons déjà remarqué, que Laban appellojt les Thcraphiras fes Dieux
en particulier, & que perfonne ne fe joignit à lui pour les recourre, ce qui fait
voir que le culte des fimulacres, en ce tem.s-là, étoit encore particulier, 6c
non public. Quand eft-ce donc que ce culte devint public ? Ce fut fans doute,,
quand on commença à bâtir des Temples entre les Payens. Car ils n'ont ja-
mais eu de Temples fans idoles, ôc fans fimulacres. Or les Temples ont fans,
doute tiré leur origine des fepulcres. On peut lire ce qu'ont écrit les an-
£ufebius ciens Pères là- deiîlis , & entr' autres Eufebe. Ils foûtiennent aux Payens, <^ue
SiatpMat.Ev. /^^^j Temples ne font rien efue des feppilcres^ aufqueh on a donne' le beau nom de Tem-
ples. Et le prouvent, parce que même en ce tems-là, ily avoit plufieursde
leurs Temples , qui fervoient de fepulcres. Acrifius étoit enfeveli dans le
Temple de la Minerve de Larifle, Gecrops dans le Temple de la Minerve
d'Athènes, ÔcErichtonius dans le Temple de Poliasjlfmarus dans le Temple
de Cerés Eleufine , & ainfi de plufieurs autres , dont ils font le dénombre-
. mente. Si nous retournons à ce que nous avons dit des Theraphims , nous
verrons comment infenfibleraent les Temples fe font faits , & fe font
remplis de fimulacres. D'abord on fervoit les Mânes des morts , fous
les images des Theraphims , dans quelques parties fecretes de la mai^
fon , qui étoit comme la chapelle , où l'on faifoit repofer les reliques
des Ancêtres. Et comme la pompe , le luxe , & la fuperftition , vont
toujours en croiiîànt, on fit enfuite des chapelles féparées, & plus magni-
fiques, ôc enfin on bâtit des Temples fur ces morts , c'elî-à-dire , des-
lieux publics , où chacun fe rangea pour la dévotion. Et alors les fimu-
lacres des morts , qu'on n^àvoit adorez qu'en particulier , furent publique-
Dchmatiê- ment adorez.
cîensfimû- ^^ "'Y ^ P^^ ^^^^ ^^ doutcr, quc CCS fimulacres ne fuflent d'une matière
iacres:ies fort fimplc. Et commc l'ou étoit alors fort peu habile dans la Sculpture ^
Slmuilcies o^ choififibit fans doute les matières, qui fe laifToient plus facilement ma-
ctoient Tins nier , ÔC qui prenoient la figure qu'on leur vouloit donner. C'eft pour-
ornemenT, quoi il y a apparence ,que les premières flatuës furent de terre cuite. Et
faits de tetrc ce q^ui fortifie cette conjeéture , c'efl ce que nous avons remarqué , que
BiisoaUes» les
ET DES CULTES DE L'EGLISE. P^r/. III. 485
les ftatuës ont commencé dans le pais de Babylone, où Ton fait que les
hommes acquirent l'Art de figurer la terre , & de la cuire au feu , com-
me il paroît par la tour de Babel, qui étoit bâtie de brique, &:parlesfa-
meufes murailles de Babylone , qu'on a appellées Mûri co^tles. Mais afin
que ces Dieux de terre cuite , eufTent quelque beauté , on les fardoit,
& on y mettoit du vermillon. Nous apprenons de Pline, que Tarquinius
Prifcus fit venir un certain Turianus de Tofcane , qui lui fit la ftatuè de
Jupiter Capitolin , lequel étoit de terre , au rapport de Varron'j fiUilem riin.(.î(5.
ftiijfe , & ideb miniari foîitum. Cela fe faifoit fur tout , quand leurs idoles "P-"*
dévoient paroître en public , 6c être adorées folennellement , c'efl-à-dire
dans les grandes fêtes. Jovis if fins ftmtiUcri fasiem àiehm feflis minio illtm fo- piin.l.j.
iitam. "P-7-
Après cela le bois , qui cède facilement au cifèau, & au fer , fut la Aptes on ea
plus commune matière, dont on fe fervit pour faire des fimulacres. Cela ^^ ''^ ^°'®'
parok par les graves reprehenfions , que les Prophètes faifoient aux ido- Efaïe 44.
iatres, aufquek ils difbient : l'homme fe coupe des cèdres , il prend un^'^' ^^'
cyprez , &: un chêne. Il en prend une partie pour brûler , 6c pour fe chau-
fer. Sur l'autre moitié il mange fa chair, il en fait un fiege, 6c du refte il
en fait un Dieu , devant lequel il fe profterne.
Mais les Orientaux ne demeurèrent gueres dans cette fimpHcité. Ils Enfin on les
voulurent que leurs idoles fuffent vénérables , par la richeffe de la matic- dvgenf',
re. Nous voyons que les Ifraëlites firent leur Veau, du plus précieux ded^nsi'o-
tous les métaux. Toute l'Ecriture reproche aux Payens , leurs Dieux d'or "*"^*
& d'argent , 6c cette magnificence avoit plus de lieu dans l'Orient, que
dans l'Occident. Lucien, dans fon Jupiter Tragique, introduit Mercure Plaifanteiie
contredifant Jupiter , fur ce que celui-ci avoit ordonné, que les Dieux J^^f'gj'jj^J^jj
d'or 5 dans le confeil des Dieux , feroient placez au-deffus de ceux de d'or & d'a-
bois, ou de cuivre. C'eft faire juflement, dit Mercure, comme dans les 2^"^'
Etats corrompus, où l'on préfère les richefies au mérite. Fera-t-il beau voir
Minerve , Apollon , Venus y 6c tous cts autres Dieux de la Grèce , paf-
fcr après ceux des Barbares ? Car les premiers n'ont , tout au plus , qu'u-
ne feuille d'or maffif. Par le même ouvrage de Lucien , il paroît que le
Neptune de Corinthe , n'étoit que de bois , 6c que la Venus de Knide ,
étoit de marbre blanc.
Plutarque dans un Ouvrage y qui eft péri, ^ dontEufebe nous acon- Eufeb.Pî»'
fervé un Fragment , dit que l'on ne faifoit autrefois les fimulacres , que p^"^- ^"^^^s-
de bois. Le premier JîmtiUcre ^ ^tii fm confacré a <iy4pollon par Er€jîB:hon dans
rile de DeloSy e'toit de bois ^ & on le faifoit voir dans les fêtes folennelks. Ce-
lui de Minerve de U ville e'toit de bois aujjl. Et les Samiens avaient anjfi: leur
fnnon de bois. Et même l'Auteur prétend, que les Grecs avoient fait ce
choix par raiibn , 6c par Religion , difant que Por & ^argent étaient des cou-
leurs malades , jaunes & pâles ^ d'aune terre que le Soleil avoit brûlée ; Q^'on
tmplojoit quelquefois de Pyvoire, mais que c^ étoit comme par extraordinaire ^ &'
pour faire quelque montre de magnificence. La matière ordinaire des fimula-
cres étoit le cuivre, l'argent 6c l'or, entre les métaux.
Il étoit rare d'en voir de fer, cependant Paufanias nous parle d'un Paufan.î.ie,
Hercule, répréfenté combattant avec l'Hydre, 6c il remarque en même^^®^'^*"
iems, que ces fortes d'où vragesétoient rares, parce qu'il étoit difficile de
Ppp 3 tra=-
486 HISTOIRE DES DOGMES
travailler du fer , pour en faire des figures. L'yvoire étoit fort eflimé
pour cela. Dentihus inge^is pretinm ^ & Deorum Jimnlacris laadatijfima ex m
tnateries. Entre les bois, il y avoit du choix pour les Simulacres, ôcde
là elt venu le Proverbe: Non e cfuovis Ugno fit MercHrms. Erafme dans Tes
Adages, explique cela de ces ftatucs de Mercure, dont on fe Tervoit dans
la magie , parce que les Magiciens ont leurs obfervations , & leurs opé-
rations ne le font qu'avec certaines plantes, aufquelles ils attachent la for-
Apul. Apo- ce de leurs charmes. Apulée fut accufé de forcellerie, parce qu'il avoit
log. I. f^^j. f^jj.g ^J^ Mercure de bois. Il rapporte l'origine de ce proverbe «à Py-
thagore.
Lib. «. in Paufanias écrit que les Anciens avoient accoutumé de choifir, pour les
Arcadicis. ftatuës , CCS fortcs de bois , l'Ebene, le Cyprez, le Cèdre, le Chêne, le
^**^°* Bouïs, du bois de l'Arbre Lotos , 6c celui de l'If, que les Grecs appel-
lent (Tixi\ai, & qui s'appelloit aufli Lierre de Cilîcie. Le Prophète Efaïc
en marque trois , le Chêne , le Cèdre 6c le Cyprez \ le Cyprez à caufe qu'il
refifle à la corruption , le Cèdre à caufe de là bonne odeur , 6c le Chêne
à caufe de fa force. Mais je croi qu'on s'eft donné la liberté dans la fui-
te, de prendre de. tout bois. Le plus précieux étoit fans doute le meil-
leur. Paufanias même dit que la ftatuë de Mercure Cyllenius, étoit de
ibid. in Ar- bois de Citron. Mais les ftatuës de Priape , étoient ordinairement de
eadicis. j^Q-^ jg Figuier, comme il femble qu'on le puifle conclurre de ces vers
d'Horace ,
Satyr. lib. i. Olim truncus eram ficulnm y inutile Ugnum ,
Cftm faber incertHs fcamnum, facerétne Priapnm ^
Mduit ejfe Deum
Lib, 14. CI. Pline rapporte qu'il fe trouvoit même des flatuës, faites de bois de vigne.
^ovis fimuUcrum , in arbe Topulania , ex uva confpicimus , 6c il ajoute que l'on
montoit fur le toit du Temple de la Diane d'Ephefe, par un efcalier,qui
étoit fait d'un feul tronc de vigne. Cela efl alfez difficile à concevoir,
car la vigne efl: un arbriffeau , qui mal-aifement peut devenir un arbre d'u-
ne aflez grande force, pour fournir de matière à de femblables ouvra-
Pour achever ce que nous avons à dire de ces anciens fimulacres , il efl:
aifé de juger que ce n'étoient pas des chefs-d'œuvres de l'art , 6c que ces
ouvrages étoient aflez brutes. Car tous les Arts, dans leurs commence-
mens, ont été fort imparfaits. Je ne faurois pourtant tomber dans la pen-
fée de Tertuîlien , qui s'eft imaginé que les premiers idolâtres ont adoré
des mafles de bois , ou de pierre , fans figure , 6c comme il les appelle ,
Illumina caudicaria^ des troncs devenus Dieux : à caufe qu'ils nefavoient
pas encore cet Art, que les Grecs appellent 'Khccqim. Car il ne faut pas
grand art, pour donner à une pièce de bois, quelque figure humaine, ou
pour donner à une maffe de boue , une forme approchante de celle de
l'homme. Il efl vrai que quelques Nations ont eu pour objets de leurs
dévotions , certaines chofes qui n'avoient aucune figure d'hommes , ou d'a-
Arnob.ifi, nimaux. Clément d'Alexandrie, 6c Arnobe nous difent, que les Arabes
p- i5>û. adoroiem une pierre. Maxime de *Vyï ait que c étoit une pierre quarrée-^ que les
. - an-
ET DES CULTES DE L'E G L I S E. P^r^. III. 487
anciens Romains ont adoré tSKars^ fous la figure cCune demi-peiue^ que les Sn^
thés ador oient un poignard ^ que les Thtfptens adoraient ttn rameau ^ pour U Déeffe
Juno Cynthia. Les Icâriens un bois brute ^ pour la Déejfe Diane. Ceux de
Pejfinunte , un caillou , pour la tJH^ere des Dieux. Et les Samiens une plan-
che, pour Junon. Mais afîûrément , ce n'étoit point par ignorance de
la Sculpture, que ces Religions adoroient ces objets informes. C'étoit
pour quelque myftére, ou à caufe d'un long ufage. Cen'étoicnt pas des
fimulacres des Dieux , mais des emblèmes , cela efl: clair par la demi-pi-
que , & le poignard , fous lefquels les Romains & les Scythes , ont ado-
ré le Dieu de la guerre. Et nous voyons que dans lesfiecles, où la Sculp-
ture 6c la Peinture, étoient venues à leur perfedion, cependant on ado-
roit encore ces Dieux informes. Le Dieu Eliogabale , la grande divini- HetodUn,
té des Syriens , du tems de l'Empereur de ce nom , étoit adoré fous la "* *^*"*'^®'
figure d'une pierre pyramidale. C'eft aflez parlé de l'antiquité des fimu-
lacres.
CHAPITRE III.
De l'opnion que les idolâtres ont eu de leurs fmulacres ^ & du cul-
te qu^tls leur ont rendu,
C'Efl: une queftion, qui dans ce fiécîe eft devenue importante , à cau-
fe du fervice , que rendent aux images , une partie des Chrétiens.
Ceux qui rejettent ce culte , accufent les autres de conformité avec
les Payens, 6c difent que Dieu a condamné les hommes , qui ont adoré la divi-
nité, fous des fimuiacres 6c des images. Ceux-ci, pour mettre une très-
grande différence entr'eux ÔC les Payens, difent que les idolâtres Gentils
ont adoré leurs fimulacres , comme des Dieux , 6c qu'ils ont regardé les
llatuës, comme des divinitez, ce qui met, dit-on, une prodigicufe diffé-
rence entre eux 6c les Chrétiens, qui fervent 6c adorent les images : par-
ce que les Chrétiens ne rendent à leurs images, qu'un culte relatif. Ils
ne les regardent que comme des relTembiances , &c ne les confondent pas"
avec les originaux,
Calvin foûtient au contraire, que jamais les Payens n'ont regardé leurs infl't"t- 3»
ftatuës, comme des Dieux, 6c il le prouve par diverfes raifons. Bellar- Num.9>
min lui fait là-delîus un procez, l'accufe de menfoiige, réfute fes raifons,
& entreprend de prouver, que les Payens ont regardé leurs images, com-
me de véritables Dieux. Grégoire de Valence ibûtient la même thefe.
Il efl bon fans prévention, de confiderer un peu la ehofe en elle-même,
& de voir ce qu'ont dit là-deifus les Payens eux-mêmes. Car je croique
nous ne fau rions mieux apprendre ce qu'ils ont penfé, que par leur pro-
pre bouche.
Ils n'ont pas tous parlé de la même manière. C'ed pourquoi il faiît
îiécefîkirement les partager en diverfes cialiçs»
3. La
4S8 H I ST G I R E DE S D O G M ES
Queicsfa- I- La première eft de ceux , dont les penfées ont été les plusraifonm-
gcs, Scies bies, ôc les plus épurées , qui n'ont regardé les fimulacres , que comme de
nïnfîegar-fimplesréprefentations, & des figures, qui dévoient être deftinées à rap-
dé les fimu- peier dans l'efprit, la mémoire des Dieux. L'on ne peut pas douter que
iacrcs,que^ cc ne fût l'opinion de Varron. Nous l'avons ouï ci-delTus cité par Saint
comme
images 8c Auguftin , difant , (jfte les %pmains eujfent adore les Dieux , d'une manière plus
mesTs " chafie , s'ils efijfent continue' de les adorer fansfiatues : Et que ceux cjui ont in'
Dieux, & traduit entre les peuples cet ufaçe , ont diminue' la révérence , que Pon doit avoir pour
non comme . _ . , ' ' '^n i> "nt j j
de viais les Dieux , d* ont ouvert unefource a erreur. JN ous ne devons pas douter non
De^avir plus, quc cc ne fût le fcntiment de Sencquc, après avoir ouï ce que Saint
Dci/"'' Auguftin en rapporte, tiré du Livre de la Superftition , qui ne fubfiftc
I.4.C. 18. rylus^où il blâme la folie de ceux, qui ont confacré des matières viles, pour
ïrcuvcs par r ' J i r ■ ri i ■ i j ' j iif
Varron. repTcfenter les Dieux immortels , & tnvijwles, qm leur ont donne des corps d'hom'
laïScneque. ^^^ ^ ^ ^^ bètes ^ & d'autres figures mixtes ^ compofe'es de dtfferentes ^/peces , ap-
Lib. 7. c. 7. pellant Dieux des corps , qui pajjeroient pour des monjlres , & des prodiges , s'ils ve-
naient fubttement a être animez. & à marcher. Si Ton veut voir plus ample-
ment la penfée de Varron là-defllis, on la trouvera bien expliquée dans le
Cap. 7. feptiéme Livre de la Cité de Dieu de Saint Auguftin. Il dit , que les Anciens^
Vairon. 1^^ "^^ inventé les ftatu'é s & les fimulacres , avec les ornemens dont on les accompa-
gne ^ ont eu pour but défaire voir à l^e/prit y Pâme du monde, &fes parties -, c'e/f'»
à dire , les vrais Dieux. Et que ceux qui ont donné aux Dieux la for me humaine^
ont eu en penfée .y que les âmes des hommes, qui font dans les corps ^ font très- femm
blahlesÀ ces intelligences fèparées , qui font les Dieux immortels. Et qu'ainfi on A
pofé l'image d*un corps humain., comme on met devant les yeux un vaijfsau , qui efi
le contenant , pour faire fauvenir de la liqueur , qui ejl le contenu j comme Jî l'on
mettait dans le Temple de Bacchus , une pinte , pourjignifier le vin , qui pour ^ordi-
naire efi contenu dans la pinte. Pareillement par le Jtmulacre , qui a une forme hu-
^ maine , onjignifie une intelligence (j; un efprit raifonnable , parce que la figure hu^
maine efi le vatfeau ordinaire , qui contient cette ame raifonnable , (^ cette intel-
Maximus Hgence. L'on cite aufîî fur ce même fujet , Maxime de Tyr , Philofophe
Tyrius Platonicicu. En effet il n'efl rien de plus exprés pour ce fentiment , que les
»nQ.imzÇia.t fi^^^^^^^i^^ ^^ fi^^ ^^spour Pufage de la commémoration ^ parce que l'ejfence de Dieu^
Diis ponen- dit-il , efi au dejjus de nos fins , nous tirons dufecours des paroles des hommes , des
* "^'^ ■ animaux^ des figures d'or , d'argent & d'y voire , pour parvenir ^ par le moyen de
ces chofes , à la connoifiance de la divinité. Et beaucoup plus fortement, dans
la même DifTertation j que comme les Lettres ont été inventées , pour peindre &
répréfenter les paroles, tellement que par le fecours des Lettres , onfupplée à la foi bief
fi de la mémoire des hommes, zyiinfi les Images des Dieux , ont été fait es pour ai-
der les infirmitez. des hommes , parce que lei hommes Attachent a ces images les noms
des Dieux , & les idées des chofes mémorables, qui ont été faites par eux , que ce
font des aides (^ des fecours , pour fi refiouvenir d'eux j Que ce font des fymboles de
P honneur y qu'on rend aux Dieux, & comme des trophées, pour immortaltfer U
mémoire de leurs grandes aUions. Ainfi quoi que Dieu fait invifible , cependant ,
par rapport à notre infirmité , & a la nature de t amour , qui veut voir ce qu'il ai*
me, il ne fauroit être inutile , de fi firvir des chofes ^ qui nous peuvent rappeller
la divinité dans la mémoire , pourvu que rien ne fe termine à Pimage ; & que
P amour , le refpeîi , la mémoire , P adoration fait rendue uniquement à Dieu. Ils
n'y a jamais eu de ChrétienSjentre ceux qui fervent les images, qui ayent par-
lé
ET DES CULTES DE VEGLlSKTar^m. 489
lé avec autant de précaution , deleurufage, & de la manière dont il s'en ,
fautfervir dans la Religion. Car cet Auteur ne leur veut rendre aucun hon-
neur- Il veut que tout fe rapporte aux Dieux. On pourroit dire , que ce
témoignage n'efl pas d'aflez grand poids dans cette controverfe , parce que
■ce Maxime deTyr vivoit fort avant dans les fiecles du Chriftianirmei car il
vivoit du tems de l'Empereur Commode. 11 avoit grand commerce avec
les Chrétiens, Se pouvoit avoir épuré fes fentimens , par les lumières qu'il
avoit empruntées du Chriftianifme. Mais il eftbondefavoir, qu'il avoit
pliifé cela dans Ton Platon : Dans Platon , dis-je, qui vivoit au milieu des
idolâtres, dans un fiecle, ôc dans un lieu, où rien ne le pouvoit indruire,
•que Ton bon (èns, ôclaraifon. Voici comme il parle, /ly a entre tofttes les tixieutoa.
nations deux manières defervir les Dieux. Car il y a certains Dieux . que nous ^^ ^-egibus
.. , ,-', ^ j» ^ ^ lib. ïi.p.
vofons , & quenoHs adorons en les voyant , 0" a attires que nom ne voyons pas , & s/y.
dont nous faifons les images, lepjuelles images noHS honorons , cjHoi ^d'elles foient
inanimées , farce qne par là , nous efperons nous rendre favorables les Dieux mê-
mes, qui font vivans ^ &c. Il ajoute peu après. Celui donc qui a dans fa mai-
fon fon père , fa mère , ou fes ajeuls dans la dernière vieille fje , les doit regarder com^
meuntréfor ^ & doit être perfuadé ^ qu^iln^ a point dejîmulacre de Dieux , qui
fajfe autant d'honneur ^ & autant de profit a fa m ai fon qu'yeux , pourvu qu'il le s ho-
nore comme il doit , &c. C^efi pourquoi tl faut tenir pour ajjure\ comme je le viens
de dire , qu'il n^ a point dejîmulacres de Dieux , que nous devions plus honorer , que
nos pères , nosmeresy & nos ayeuls accablez^ devieilleffe. Car Dieu prend plaifr à
l'honneur y que notu rendons à nos vieux pères & mères y & fans cela il ne nous
exaucerait pas. Certainement nos pères & nos mères , nous doivent tenir lieu de ^
Jtmulacres j pins admirables ^ plus vénérables ^ qu'aucunes images inanimées:
Car les chofes animées , quand nous les honorons , prient pour nous , & nous
favorifent tous les jour s. Au contraire ^ quand nous les mépr'tfons^ elles nom peu-
veut procurer des maux. Afais lesfîmulacres , qui n'ont point à'*ame , ne peuvent
faire ni l^un , m l'autre. C'eft- à-dire, qu'ils ne peuvent faire ni bien , ni mal.
Il paroît par ces belles paroles de Platon 5 i. que, félon lui, les fimulacres
font inanimez & par conféquent n'ont aucune divinité, l. Qu'ils ne peu-
vent faire aucun bien , quand on les honore , ni aucun mal, quand on les mé-
prife. 3. Que tout l'honneur , qu'on leur rend, c'efl: par rapport aux Dieux^
que l'on efpere par là fe rendre favorables. 4. Que l'honneur , qu'on doit
aux images , à les regarder en elles-mêmes , efl beaucoup inférieur à celui
qu'on doit aux pères & aux mères. 5. Que par cet hona-^ur qu'on rend
aux pères & aux mères, les Dieux fe trouvent plus honorez, que par celui
qu'on rend aux fimulacres inanimez, parce que les Dieux confidérent les
vieillards, comme leurs fimulacres vivans. C'étoit-là, fans doute la Reli-
gion, non feulement des Philofophes, mais des honétes gens. Car (i Platon
ne fe fût fenti appuyé du plus grand nombre , ôc du plus fort , 1 1 n'eûr pas ofé,
fans doute, fe déclarer fi ouvertement, après le malheur, qui venoit d'arriver à
fon maître Socrate,pour avoir parlé un peu librement des divinitez Payennes.
Après cela, il n'efl plus neceffaire, de chercher dans le Chrillianifme la
fource de ces fentimens modérez, fur le culte des fimulacres , quon re-
marque dans les Platoniciens modernes. Il ne faut pas s'étonner, fiCel- ParCeifus.,
fus dit avec tant de force: Qut pourrait s^ imaginer , s^il n'efl fou ^ que ces fta-^^^^^l^^
tues font des Dieux , & non pas desfîmptlacres , & des dom faits aux Dteux ? Jam- contra c«i.
Tart. III. Q^qq blique^'™"
490 HISTOIRE DES DOGMES
«ta.î.ciy. blique, dans fon Livre desMyfteres, difcourt fur les idoles, ou images,
d'une manière qu'il femble en condamner entièrement Tufage. Il dit , ^tie
r homme , ejHt fait les images^ eft metUeur cjPt'^clles y cju^ilttre fon origine d'Anne meil-
kure caufe ^ <^H^ainfi Vhomme s^oublie^ en fe confiant à ces images ^ (jui ne [ont
foint animées , & cjui n'^ont qn^une affarence de 'vie. Mais quand on exami-
ne l'Auteur de prés , on voit qu'il ne parle pas des images, c'ell-à-dire,
desllatuës, ou des fimulacres, mais de certaines images, que les Magi-
ciens, par leur art, élèvent, ou dans l'air, ou dans la fumée, pour deviner
ParD'ton par CCS images , qui ne font que des fantômes. Dion Chryfoftome cite,
chryfofto- d'uu nommé Phidias, des paroles qui font extrêmement à nôtre fujet. Oh
^^'^^^^'^^' ne doit pas croire ^ dit cet AuttUY y<]uhl ferott metll ur ^ eju il n'^yem entre les hom-
mes amènes Jiat M'es , ni images ^ comme s'^tl ne faloit tourner les yeux ^ i^he vers les-
chofes celefies. Car tous cepix c^ui ont cjnel^ue goût de la véritable intelligence ./vé-
nèrent toutes ces chofes^ conjîdermt qw'Us voyent les Dieux enx-mêmes de loitf,
tJ^ais le fentiment ^ cjue les hommts ont de la divinité , & le véhément amour ^
qu'ails ont four elle , les forte à les honorer ^& lesfervir de prés , en s^èn approchant^ .
& en les touchant. On ne peut pas diftinguer plus nettement les Dieux,
de leurs fimulacres, ni dire plus clairement, que cts fimulacres ne font
établis,que pour confoler les hommes^^Sc de l'abfence ôc de i'éloignement de^
Dieux, afin qu'on puiiTe adorer ces Dieux dans leurs fimulacres, comme
unamantcareffe fa maîtrefîe, en baifant fon portrait. Les Pères, qui ont
difputé contre les Payens, ont admis cela, comme étant une opinion re-
îar Ainob. çûë , & l'out rcfutéc. zy^nnum ijuid dîcitis, diibït Amohcj forte prafen-
te-s"libi* ' ttam vùbis (jnamdam ^ his numinum fubexhiberi fimulacris. 8t cjuia Deosvtdere
p-i$»5. non datum esi .y eosjtccoli ^ iis & oJfciofamHniaprizflari^ (^c. Deos^ incjuitis ^per
Jimnlacra-veneramur. Et peu après. ZJnde novijfime fcitis ^ an fmtilacra h^c
omnia , ijiiA Diis immorîaltbus , vicaria fubfiitutione.^formaîis , fimilitudinem re* *'
ferant habeantqus- divinam ? Comment favezvous, dit-il, que tous ces fi-
mulacres, que vous mettez, pour répréfenter les Dieux immortels, ont
quelque refiémblance avec la divinité ? Il reconnoifibit donc , que, fé-
lon les Payens , leurs fimulacres n'étoient pas des Dieux , mais qu'ils étoient
pofez, pour les répréfenter. Origene, difpuiant contre Celfus, reçoit
cette réponfe, l'admet, la réfute, & ^^çx\ moque, bien qu'il la recon--
noiflé, pour être l'une de celles dont les Payens- fe fer voient, pour excufer
Pai Orige- Icur idolâtrie. Qui efi l'homme de bon fens ^ à\t-i\., cjui ne Ce moquera d^ un fagù
ne l'b. 7. Payen ^ qui^ après avoir magnifiquement dtfcouru de Dieu ^ jette les yeux fur les fî-
fum.. mulacres .y leur adrejfe fes vœux, ou s'^imagine qu'il fe faut fervir de ces images ^.
four s"^ élever aux originaux , de ces objets vifibles ^ pour monter auxinvifibles ^(fr
de ces [îgnes & jymboles , pour monter aux chofes , quifontfignifiéespar ces emblèmes?
' Il reconnoîtdonc, que félon les Payens, les fimulacres n'étoientque des
refiemblances 5 6c même des emblèmes, pour élever i'efpritàla contem-
plation des véritables Dieux. S. Auguflin difputant contre Varron, aufij-
jet de cette penfée ingenieufe , que nous avons raportée, dans laquelle
Varrondit, que l'on répréfenteles Dieux en forme humaine, pour rappel-
1er dans l'efpnt les Dieux Celé{l:es,nes'infcritpoinren faux contre la répon-
fe de Varron, & ne hai dit pas , vous déguifez les fentimensde vôtre Religion.
Ce n'eil point ià i'efprit, dans lequel vous adorez les fimulacres, car vous
Jes regardez , comme de véritables diviniieZi Seulement il le combat
pair
ET DES CULTES DE L'EGLISE. PartJll^^i
par Tes propres paroles-, que nous avons rapportées. Qii'on eût bien
mieux fait d'adorer les Dieux , fans fimulacres , & qu'ils ont diminué
la crainte, & augmenté l'erreur. En effet St. Auguftin , dans un au- Auguft. m
tre lieu , reconnoît que c'efl-là le fentiment des plus fages Payens , & ^^^^^"J-
qu'ils adoroient , ôc fervoient leurs fimulacres feulement , comme des
mémoriaux de là divinité. Ftdentiir autem fibi purgaticrts ejfe ReUgionïs , par st. Au-
^w âicunt^nec fimnlacrum ., nec Dinmonium colo , fed pe'r ejfîgtem corporalem ^^^^'
Jignum rei intueer , cjpsam colère àebeo. Ita vero inîerpretaniHr Rmulacra , ut
allô dicant fignificûre terrant , & alto mare ^ jtcut Nepinni jlmulacro. Enfin
Laélance reconnoît ^ que c'étoit là l'une àç:% couleurs , dont les Payens
couvraient le culte des fimulacres. iSlon ipfa , inqmnnt , timemas fmuU- Ladisnce.
tra ^ fedeoSyad quorum imaginern fiUa , & quorum nominibus confecrata funt, ^"^''"'•1'^''
Un Chrétien de la communion de Rome,ne pourroit pas dire plus fortement,
nous n'adorons pas les imagesj mais nôtre adoration fe rapporte aux objets ,
dont les images portent les noms , ôc dont elles font les répréfentations.
Après tant de témoins, Payens, & Chrétiens, qui nous afiïïrent que
le cuite, que les idolâtres rencoîent à leiiis fimulacres, étoit pure-
ment relatif, & qu'ils n oiit janniis adoré les llatuès , que comme de«
refi^emblanccs des Dieux , eit-ii jullr de leur attribuer un autre fenti-
ment? Je fuis afliiré (^li'on peut mér.-es aller p'US avant, ôc dire avec cer-
titude, que les idolâtres, en faifint des fimulacres de leurs Dieux , n'ont
point eu intention , de réprél.enter ]qs Dieux , fous leurs véritables for-
mes, au moins les Dieux naturels. Cétoient feulement àcs emblèmes,
& des figures myftiques, pour leur rappeller la mémoire des Dieux. Ce
qui paroitra par les railons fuivantes.
Premièrement leurs Philofophes faifoient profeffion de croire , que les Les Payens
Dieux immortels étoient fpirituels , fans matière, fans corps, & fans fi ^°^^J^^^c'
gure. Et par conféquent, ils ne pouvoient regarder les fimulacres, corn- muiacres,
me de véritables images des Dieux. Pour ce qui eft du Vulgaire, qui ^"j^^^^"^™*
favoit que l'image d'Apollon étoit confacrée au Soleil , celle de Cybelé naux,
à la terre , celle de Neptune à la mer, celle de Diane à la lune, au-
roit-il bien été aflez brutal, pour s'imaginer qu'une itatuë, en figure hu-
maine, d'un jeune homme fans barbe, eût quelque relTemblanceavecle
Soleil? Que la ftatuë d'une femme, qui étoit couronnée de tours, fût
•femblableà la terre? QLi'une figure d'homme , portant un trident à la
main , fût la véritable image de la mer ? A moins que d'être de la der-
nière iliupi^ité, ils voyoient bien, que ce n'étoient que des emblèmes.
Nous avons. encore une preuve très fenfiblc de cela , dans les figures
extravagantes, qu'ils donnoient fouvent à leurs fimulacres. Quelques-uns
avoient la forme d'un lion. Inter Deos videmus Leones , tenuijfima facie, Arnob. îik
dit Arnobe. D'autres avoient la figure de bœuf, d'autres de brebis, d'au- *• P- ^'^^■
très avoient àcs figures, compofées de plufieurs animaux , du chien ,
du loup, du hon, comme la ftatuë prodigieufe de Serapis, que Ma-
crobc nous décrit dans le premier Livre de fes Saturnales. D'autres n'a-
voient aucune figure d'animaux , c'étoit une pierre quarrée , comme
entre les Arabes, ou une pierre pyramidale , comme dans le Temple
d'Eliogabale. Dans le chapitre précédent, nous avons vu, que les Ro-
mains ont adoré une demi-pique, à l'honneur de Mars , les Thefpiens
Q^qq 2, une
492 HISTOIREDESDOGMES
une branche de citronnier , pour Junon. Sommes- nous obligez de croi-
re, que ces gens-là étoient aflez deftituez de bon fens, pour croire qu'il
y avoit des Dieux , faits comme des bœufs , comme des béliers , qui
porraffent des cornes, & des ongles j qui fuflent en partie lion , en par-
tie io'jp , £c en partie chien -, qui fuÂent faits comme des pierres , des
branches, des demi-piques, des poignards, & des troncs? N'eft-il pas
clair qu'ils ne propofoient ces objets, que comme des emblèmes de la
divinité? Et ainfi il demeure confiant, que tous les Payens, qui étoient
dans l'opinion, que nous venons de propofer, n'ont point adoré les fimu-
lacres , comme des Dieux. Et par conféquent les Papiftes ne feroientpas
plus purs que les Payens, quand ils ne regarderoient leurs images que com-
me des mémoriaux.
M
CHAPITRE IV.
Seconde opinion des Payens far leurs Jimulacr es. Ils croymnt qtit
les Dieux y étoient attirez , far la vertu di la confecration.
Les Tafijies ont la même opinion de leurs images,
Ais voici une féconde opinion , qui fembîe plus favorable , &
plus conforme aux fentimens que Bellarmin,& Grégoire de Va-
lence atti'ibuent aux Payens. C'eft que la plupart des Payens fe per-
fuadoient , que parla vertu de la confecration , les Dieux étoient évoquez 5.
pour venir habiter dans leurs ftatuës. C'étoit un des retranchemens , dans le-
quel les Payens fe fauvoientjquand les Chrétiens les preflbientfur l'adora^
tion de leurs images. Nous n'adorons pas le bois, l'argent & l'or, di-
foient-ils, comme fi ces métaux étoient des Dieux, mais nous adorons les
Dieux , que la vertu de la confecration a rendus préfens à ces images.
Araob. 1. «. £rras^incjuiîis , & l^iberis ^ nam neque nos ara, neejne ami argentti^fie materias^
ne que alias , quibvts figna conficiunt , eas ejfe per fe Deos ^ & Religiofa decerni"
mus numina : Sed eos in bis colimHS , eo^cjue veneramnr , e^ms dedicaiio in-
fert facra , & fabrilibus facit inhabitare Jimptlacris. C'efl: ce que difbit Ar-
nobe, en répréfentant la manière dont les Payens fe défendoient. Il ré-
fute cette mauvaîfe raifon , par des paroles, qui méritent d'être rapportées
dans nôtre Langue, afin que tout le monde les puifi^e entendre. Vnfeul &
même 'Dieu , dilbit-il, ne peut pas être , en même tems , d^ns plujîeurs Jimulacres ^
& il ne peut pas non plus être coupé, & partage' en plkjteur s parties. Suppofins <^u^il
y eut daml'Vniversdix mille ftatuës de Fulcain , un feul Vulcainpourra-t'^il être
tout entier , en même tems ^ dans ces dix mille ftatuës? fe neîecroi pas. Pour-
quoi ? parce que les chaifès , qui font unes & jtngulieres , ne peuvent pas être multi-
^lie'es ^ en confervant entière leur Hnite\c^ leur fimplicité. Et les Dieux le peu-
vent dî' autant moins , que, félon vous , ils ont la, forme des hommes.
Arnobe ne favoit pas les myfteres de l'ubiquité d'un corps, & de fa
prélence réelle, en plufieurs lieux, diftinéls&féparez tout à la fois ,ceque
l'on a découvert du depuis. Il combat par cent bonnes raifons cette vaine
imagination, •que les Dieux immortels viennent habiter réellement dans
les
ET DES CULTES DE L'EGLISE. Part.UL 493
hs ftatuës. Et entr'autres il leur demande, fi ainfiéîlqueparla forcede
la confecrationj les Dieux fuflent comme attachez à leurs ftatucs, pourquoi il
les faifoient garder avec tant de foin. Si apertum vobis & Uquidum efl infignorum
vifcerjbtis Deos vivere (itejue habitare cœlites, cur eosfub validijfimis cUvibus, tnçen-
tibîiÇque fub clauflris'^ fub repagulis aiii^que ejufmoài , cufioditis , confervatis , attjne
habetis inclafos , acné forte fm aliquis , aat noBurnus irrepat Utro , &dituis mille pro-
tegitis , atijHe excHbitoribns mille ? Cnr canes in capitoliis pafcitts? Cur anfertbus
vitium alimoniÀmque pr&betts? Quinirno ^ Jî fiditis Deosijiic cjje ^ nec a fwnis
ufpiam JtmHÎacrtfejue difcedere , permittite illis curam fui. Referata fînt ataue
aperta femper delubra. Si les Dieux font toujours prés de leurs fimula-
cres, pourquoi gardez - vous ces fimulacres précieux avec tant de foin?
Le Dieu qui efl préfent, ne gardera-t'il pas Tes ftatuës, de la main des
larrons & des brigans ? LaCtance rapporte cette même vifion , 6c la
combat à peu prés , avec les mêmes armes. Atenim prAfentes non nifi ad
fuas imagines adfunt. C'eft ce que difent les Payens , fur quoi Laélance
fait ces réflexions. Ita plane cfuemadmodum vulgus txifiimat , mortuorum Laaan.inft.
animas circa tumuks corporum juorum , & reliquias oberrare. Sed tamen pofi- ^' ^' ^' *•
quam Deus ille pnzfens effe cœpit, jam Jimulacro ejusnonopuseji-, Quaro enim,
fiijms imaginem hominis peregre conjlituti contempletur f&pim , ut e,x ea folatium
capiat abfentis , num idem fanrn effe videatur ^ fi eo rêver fo at<jue pr&fente , in
contemplanda imagine perfeveret ? Si les Dieux font préfens par la vertu de
la confecration 5 quand le Dieu cil venu, qu'avez- vous plus affaire de fi-
mulacres? Ai-je affaire du portrait de mon ami, quand je tiens mon ami
lui-même? Dei autem, eujus fpirims ac numen ubicjue diffuÇum ^ abef^e num- idem ibid,
i^Ham poteft , femper uticjue imago fupervacua efl. Sed verentur ne cmnis eo-
TPtm "JR^ehgio tnaniffima fît & vana , f nihil in pr<tfenti videant <^uod adorent.
Dieu qui efl unefprit préfent en tous lieux, n'a pas befoin qu'on fjpplée
à fon abfenec par des images.
Il efl clair auffi que , félon la Religion des Prêtres , 6c des peuples,
ks Dieux étoient eflimez habiter ou dans leurs images, ou prés de leurs
images. On le voit par la coutume qu' ils avoient,d'enchaÎ!-i€r leurs Dieux,
quand ils craignoient d'en être abandonnez, Ainfi les Tyriens enchaînè-
rent leur Apollon, quand ils fe virent preffez par Alexandre. Et les Athé-
niens enchaîncient l'image de la Viéloire, afin qu'elle ne les abandonnât
pas. Ce qui fait voir qu'ils étoient perfuadez 5 que les Dieux éroient com-
me attachez à leurs fimulacres , en forte que l'on ne pouvoit tranfporter
le fimulacre, qiie le Dieu ne fuivît.
Ils croyoient aufii, que quand on rumoit, 6c qu'on détruifoit les fimu-
lacres, la divinité s'envoloît, 8c fe retiroit dans les Cieux. C'eft ce que
le Sophifte Olympias répréfentoit aux Egyptiens , pour les retenir dans ,
leur Religion, 6c les empêcher de fe faire Chrétiens. Lors que Theodo-
fe fit abbatrc le Temple de Serapis, 6c ceux des autres idoles, 6c fit fon-
dre les fimulacres, il leur difoit : Qjfil ne faloit pas abandmmr la ^'°%^<?» sozomene L
de leurs pires j quilfaloit plutôt mourir , & parce cju^il les vci'oit covflernez.^ 7. cap. 15.
de ce que les fiât Pi'és de leurs Dieux étoient jettées hors de leurs Temples ^ hrifées
df réduites en poujficre , il leur difoit , qu^il nefaloit pourtant pas qu'ils aban-
^onnafjent leur 'Religion ^ que les images & les fiât ue s n' étaient qu^pme matie^
re corruptibie 3 qu'on les pouvoit réduire en poudre ^ maïs que Us vertus & les
494 H I ST O I R E DE S D O G M E S
divinitcx,, (^Hi y étoient , s' envolaient dans les deux. C'étoit donc là pro-
prement la Religion du peuple, &; celle dont les Prêtres faifoient profef-
fion. Et l'opinion précédente étoit celle des Phiiorophes , des Sages, Sc
des gens, qui fuifoient un meilleur ufiige de leur raifon. Jugement com-
me aujourd'hui, les mieux fenfez des Papilles , croient que les images ,
ne font que de pures relTemblances , pour aider la mémoire, pendant que
d'autres croient de bonne foi , que Dieu attache quelque vertu à l'ima-
ge. Les Paycns à caufe de cette prélënce de la divinité , qui rempliflbit, felort
eux, les iîmulacres,trouvoientbon que l'onappellât Dieux, les iimulacres
des Dieux. Et ne pouvoient foufFrir qu'on niât que ce fufîent des divi-
Diogen, nitez. Diogene Laërce nous rapporte , que Stilpon de Megare, en par-
Laerc.hb. z. ^^^x. à quelqu'un de la Minerve de Phidias, lui difoit : ^JM^inerve ^ fille de
fiipiîer ^ nefi -elle pas Dien? L'^Athenten ayant répondu ^ ^hohÏ', Sttlpon lui dit ^
celle-ci n°'e[l pas fille de imiter , mais de Phidias y ce que l'antre ayant accordé^
il conclut ^ elle n*eB donc pas Dieu. Il fut acculé de cela devant l'Aréopa-
ge. Il fe voulut jufti fier, en difant qu'il avoit dit que Minerve n'étoit pas
un Dieu , mais une Déelîe , ce qui n'empêcha pas qu'on ne le fît fortir
de la ville.
Mais ce n'efl pas un fondement fuffifanr^ pour accufer les Payens , d'a-
voir adoré leurs fimulacres, comme des Dieux , & d'avoir crû que c'é-
toient véritablement des Dieux. Car fi cela étoit, on pourroit imputer la
même opinion , à ceux qui fervent aujourd'hui les images. Ils croient de
bonne foi, que quand une image eft confacrée, il y a quelque vertu, qui
s'y répand , &: qui s'y attache. De là vient que l'on y frotte des chape-
lets, des linges, & d'autres chofes.
Parfaite con- L'on croit que le Saint, auquel l'image efl: dédiée, préfide auprès de fon
Sntiraenï ï'^^g^î d'une ûçon particulière, pour y faire dts miracles : c'eft pour-
emreiePa- quoi l'on v;i cu pèlerinage, vers une image, plutôt qu'à une autre. L'on
pf'^nifae*^ ^^ perfuadé auili, que le fecours du Ciel, & la vertu du Saint ,elt fi fort at-
fur la veitu tachéc à cettc image facrée, que fi elle n'étoit plus , le Saint ceflèroit de faire
desimages. ^^^ miraclcs , en ce lieu-là. Cette penfée n'empêchoit donc pas, que les
Payens ne regard afl^ent les fimulacres en eux-mêmes , comme de fimpies
répréfentations des Dieux. Mais ils croioient , que les Dieux faifoient
l'honneur à ces fimulacres confacrez , de répandre leur vertu , ôc d'excer-
cer leur puilîancc, en la préfence de ces images. Ils eilimoient, que les
Dieux ne commençojent à déployer leur vertu , dans de ces fimulacres ,
qu'après la confecration. On croit la même choie des images dans le Pa-
pifme, & avant qu'elles ayent été bénites & confacrées, félonie Rituel,
• il n'ell pas permis de les fervir , & l'on ne croit pas qu'elles ayent aucune
Mininius vertu. EcceftinditHY. fabricatur: Nonditm Dens efi. Ecce plumbatur ^ conflrtti-
oTtavio" ^^'^ ^ erigituY : Nec aâhnc T)eHS. Ecce ornatur^ confecratur ^ oratur , tum po~
firemo De:is efl , qnum homo ille voluit & dedicavit. Je fuis trompé , Ci l'on
ne pourroit faire application de ces paroles , airx images d'aujourd'hui ,
en ôtant le mot de Dens^ &; y mettant celui de San^tts. On fond l'ima-
ge, on la bat fous le marteau, ce n'eft pas encore un Saint. On la plom-
be, on la drefie, on la pofe : ce n'eft pas encore un Saint. On l'orne,
on la confacre 5 on la dédie, on la fert. Alors voilà un Saint. Après tout,
fur cette féconde opinion , il ne faut point attribuer aux Payens autre cho-
ET DES CULTES DE L'EGLISE. !P^rU IL 495
re,que cequedifoit Jamblique,c'c{]; que quand une divinité a reçu en partage ^.^^yj*«-
quelque partie de l'Univers, Toit le Ciel, foit la Terre , foit des Villes «p.s.
faintes , foit des bocages, foit des Temples, foit des liatuèsfacrées, el-
le verfe une irradiation fur toutes ces chofes intérieurement , comme le
Soleil remplit extérieurement toutes chofes de fes rayons; c'eft- à-dire que
cette préfence de la divinité , que les Payens attachoient à leurs ima-
ges , étoic une préfence de vertu , plutôt qu'une préfence de fubf-
tance.
G H A P I T R E V.
Qpnion du faux Trifmegifte , que les Jimulacres âcvenoienî le vrai
corps des T>ieMX.
3. é^'^\ N trouve une troifiéme opinion , touchant la divinité des firiiu-
\t lacres, qui paroît plus forte que les précédentes. C'eft qu'il fem-
ble , que certains Payens ayent crû que la divinité , évoquée
par la vertu de la confecration , venoit s^ incorporer avec le (Imulacre ,
lui tcnoit lieu d'ame , Ôc faifoit avec la flatuë un tout, femblable à
l'homme , qui eft compofé de corps 6c d'ame. C'efl ainlî que St. Au-
gullin a expHqué le fentiment de Trifmegifte , félon que nous le lifons
encore aujourd'hui , dans un Dialogue , qui porte le nom d'EfcuIape^ donillf
nous avons une verfion faite par Apulée, ^t ille vifibilia,', & contre6iabilia De Civit.
fimulacra., velnt ccrpora Deomm ejje ajjerit : tnejfe autem his cjuo[dani Spiritas f. ^j.'
invitâtes , <^ui valeant altcjmd, Jive ad nocendum ^ fve ad dejïderia eorum com^
■plenda , à (^uibm eis divmi honores , & cukus ohfei^ma deferuntur. Hos ergo
fpiriî}is invifbiles , per artem ijuamdam , vifibtlibus rébus corporali materia co-
pnlare ^ ut fnt cjuafi corpora animata, illis fpirttibus dicata & fubdita Jimnlacra.
Hoc ejjè dicit Deos facere , eamqfie magnam & mirabilem Deos faciendi acce-
ptée hommes poteftatem. C'eft ce que dit St. Auguftin, & en effet les pa-
roles de Trifmegiile fcmblent fignifier cela , que les llatuës font animées,
qu'elles font pleines de fcns & d'efprit , qu'elles favent, & qu'elles con-
noiifent l'avenir. Dominm & T^ater^ vel cjuod fummum eft'Deus^ ut ejfe^
Bor ejl D eorum cœlejîium; ita homo effetior Deorum^ cjui in Templts funt ^ hu-
mana proximitate contenti. Comme le Souverain Dieu, dit-il , eft celui qui
fait les Dieux celeftes, pareillement l'homme a lapuiiîance 5 de faire les
Dieux vifibles, qui font dans les Temples. Et il ajoure: fpecies vero Deo-
rum , e^t4as c^fiformat humanitas , ex natura uîraque conformata eji ^ ex divina,
^u£ pnor eft mulio<:jue divinior ^ & ex ea cju& intra homines eft ^ id eft ex mate'-
ria^ quâ fnerint fabrtcatA. Et non folum i:apitibus , fed membrts omnthus .^ totO"
cjue corpore cmfigHrantur. C'eft- à-dire, que ces efpeces de Dieux que les
hommes font, font compofez de deux natures: l'une eft divine & celef-
te» c'eft le Démon qu'on évoque, & que l'on invoque , l'autre c'eft îa-^
matière,,, dont les fimulacres font faits. Enfin il dit : ftatuas Jfclepi videf.
49^ HISTOIREDES DOGMES
ne cjuatenus m tpfe dijfidas Jiattias , ammatas ,fenft & fpirttfi plenas^ tanta&t4'
lia facientes futuromm pr<i,jciai ?
Cepetitii- Sur tout ccU il tiuit remarquer , premièrement que cet ouvrage n'eft
vrc intitulé p(^ipi; ^q Trilmegiftc , dont il porte le nom. Ce Mercure Trilmegifle
où*^ l'on ' étoit un Egyptien , qui a eu une grande réputation de flivoir. Il vivoit
trouve cette lopp-.tems avaut qu'on parlât des Grecs dans le monde , il a été appelle
opinion, q 1 . ^ r .^ • r • j vi ' i i-» •
n'étoitpas Tnjmegijte ^ .mot qui Iignme trois tois grand , parce qu il etO)t grand Roi,
Mercure giaud Sacrîlîcateur ,& grand Propheic. Et il y a bien apparence , que
Triftncgifte. ce cclebrc Egyptien , eft le Moïfe des Juifs. Les Grecs l'appellent T/?^//?;
6c Platon en parle aflez fouvent. Sous le nom de ce Mercure , on a fait
DeMyfte- Une infinité de volumes de Livres. Jamblique lui en attribue jufqu'à
riisseft. 8. treiite-fix mille cinq cens. Nous n'avons plus fous le nom de cet Auteur,
'^'^'^' que deux Dialogues , dont runs*appelleT/>»4»<fi^^r, & l'autre -^/c/^/^m , ou
ii/£fctiUpiHs ^ tous deux fauxôc fuppofez, ôc tous deux compofez par des
Chrétiens. Quant au premier, le titre feulle découvre. P/»?<3«dl^#" le berger
des hommes, ou l'homme berger i cequidéfigneJefus-Chrifl,qui s'appel-
le le berger des hommes, fe fms le bon berger. Là dedans il difcourt de
-Dieu , des efprits , des attributs de Dieu , d'une manière Chrétienne &
Platonicienne , en même-tems. Il y parle de la génération éternelle du
Fils de Dieu , & la fuppofition eft fi groffiere , que l'on y trouve le mot
O'pLOB' de conftibfiantiel^ qui ell particulier àl'Eglife, pour exprimer la Divinité
cm. de Jefus-Chrift, ce motn'eft né que fur la fin du troifiéme fiecle. 11 faut
dire la même chofe du fécond Dialogue, appelle ^yc/<?/?/W. C'cft l'ouvra-
ge d'un Chrétien, qui fait parler ici un Payen , qui lui fait dire de cho-
{cs très raifonnables , quand il le fait pai'ler de Dieu , mais qui tout ex- .
)rés , pour rendre la Religion Payenne ridicule, ôc l'idolâtrie odieu/e,
lui fait débiter cette ridicule Théologie , qui n'eft point la Théologie des
Paycns , favoir que les ftatuës font animées , qu'elles font pleines de fens ,
ôc d'intelligence. Car il eft à remarquer, qu'on ne trouvera rien de fem-
bîable, dans aucun Auteur Payen , & on ne lit pas même, que les anciens
Pères , dans leurs écrits contre les Payens, leur ayent attribué cette opi-
nion abfiirde , comme une opinion commune 6c générale.
Ou c'eft ^^ cette pièce n'avoit pas été compofée par un Chrétien, ce feroitl'ou-
l'ouvrage vtage d'un Phïlofophc Platonicien , & Magicien en même tems. Cardans
nicknMl-' les derniers ûecles, dans lefquels la Philofophie Platonicienne a été en.vo-
gicien, tels gue , qui font îcs trois premiers fiécles de l'Eglife, il eft certain, que
?es°phtoni- ^^ plupart àts Philofophes Platoniciens célèbres, ont été Magiciens: ce-
ciens mo- la fe peut voir par le livre de famblichus , de Mjjterhs , & par là vie , faite
par Eunapius , oii il paroît qu'il fe mêloit d'évoquer les efprits, de
faire des miracles , ôc de prédire les chofes futures. Il eft clair encore,
que Proclus , autre célèbre Platonicien , étoit Magicien , on le prouve
Vide Eufeh. P*^^" ^^s livrcs qu'on a de lui de Sacrifices , & de Magia : Photin , Porphyre , 6c
1. 5 c. 8. de les autres Platoniciens de ces fiecles-là,entendoient aulîiles Arts magiques,
taep. vang. Qj. ji ^1^ Vrai, quc Ics Magicicns s'imaginoient évoquer \ç.s Démons,
& s'en rendre les maîtres , en les enfermant dans de certaines ftatuës , qui
n'étoient pas d'une matière fimple ôc ordinaire , mais compofée de diver-
fes chofes. Et par un art diabolique, ils évoquoient le Démon là dedans.
Proclus dans le livre , dont nous venons de parler , dit exprefl'ément qu'on
fai-
ET DES CULTES DE TEGLISE. Tarf.Ul ^<^'j
fàifoit des llatuë.s, mêlées de plufieurs matières, que par ce mélange,
on attiroit les influences celeftes, & que par la compofition, qui fe fai-
foit depluficurs chofes, dont on j&ifoit un feul tout, l'on faifoit quelque
chofe de femblabie à Dieu, qui étant feul, eil élevé fur toutes chofes.
L'on peut voir la compofition de l'une de ces ftatuës magiques, dans Por- l. j.Pfsp.
phyre, rapportée par Eufebe, Ôc ordonnée par Hécate. Elle devoitêtre ^^''^nfi-ci'.
compofée , félon l'ordonnance de cette infernale Déeflë , de i^ë fauvage,
qu'on appeiloit Moli , de Myrrhe, d'Encens d'Arabie , deStj^rax, 6c de
certains animaux, que l'oracle appelle àmuKoc^wTui , ce que les uns tour-
nent des. lezars, les autres des rats , les autres des taupes. On reduifoit vide opus
tout cela en poudre , puis on en faifoit une pâte , à laquelle on donnoit la ^«^"«f^ <*<=
ngure d Hécate. Quoi qu il en foit, il eitcertamque ce dogme, que les
ftatuës fuflent animées , n'étoit point ordinaire entre les Payens , 6c qu'on
ne leur doit pas attribuer cette penfée , pour fôûtenir qu'ils ont adoré leurs
Simulacres, comme de vrais Dieux.
CHAPITRE VL
^^atrieme opinion. Ceji celle du bas peuple é- du vulgaire.
4. XL refte que nous parlions du fentiment, que le vulgaire pouvoir avoir
I de ces fimulacres, car la Religion des ftupides 6c àçis ignorans, eft
prefque toujours trés-difFerente de la Religion des habiles gens. Je
ne voudrois pas nier, que dans le vulgaire, il ne s'y foit trouvédes hom-
mes aflez ftupides , pour avoir adoré de bonne foi les fimulacres , com-
me des Dieux. C'eft à eux qu'il faut appliquer ce quedifoitS. Auguftin.
JIoc enim facit^ ^ qHodammoào extorqmt illa figura membrorum ^ Ht animHS j^ pf^j^j
vivens in fenfibm cor ports magis arbitretur fentir» corpus, quoà jko corpori Jt- îu-
mtïlimum videt ^ ^uàm rotundum fokm undaf:jue dijfufas. C'eft-à-dire, que
le vulgaire en regardant les fimulacres , 6c leur voyant '•des organes ex-
térieurs, tout femblablesàceux de nos fens , fe trouve porté à croire , qu'il
y a là dedans un efprit, qui voit, 6c quifent, beaucoup plutôt que dans
le Soleil, 6c dans la Mer, dont la figure ne leur paroît pas propre au fen°
timent. C'eft un raifonnement , qu'on ne peut attribuer qu'à àts ftupi-
des. Car ce feroit faire tort à la raifon humaine, que de faire railbnner
ainfi un homme, qui auroit un peu de fens commun. Le même S, Au-
, guftin nous apprend allez à quelles gens il attribuoit ces penfées , quand
il dit ailleurs. Verum tamen cum his locdntur fedibm ^ honorubilt fubîimitate [, Epift 49,
ut a precantihus , atcjtie. immolantibus attendantur , ipfa (îrmlitudir.e animatoram ^'^ *'
membrorum, atcjH-e fenfnum , quamvis infenfata ér exmima, ajficiunt infirmos
animos , ut vivere ac fpirare videantur y accedente pr^fertim veneratione multitu-
dinis ^ t^uâtanms eis ctdimimpenditur. Cela fignifie que l'élévation, 6c les
lieux honorables , où l'on plaçoit les fimulacres, les hommages qu'on
leur rendoit, 6c la figure humaine, qu'on leur donnoitji, induiibit les ef-
pdts infirmes, à croire, que véritablement ils étoient animez. Nous vo-
Part. IIL Rrr yons
Lih. I. c. 3.
Inftitut.
Âpod La-
De rerum
tnvêntori-
bus. L 6. c.
4cr8 H I s T O I R E D E s D O G M E S
yons qu'il n'attribue cette penfée qu'aux grofliers cfprits infirmes Se bas,
c'eft-à-dire , aux flupidcs. Aufli ceux d'entre les Payens,qui avoientun
peu de bon fens, fe moquoient eux-mêmes de la fottife de ces ignorans.
Nous avons entendu Horace, qui difoit des ftatuës de Priape. 0/im
trnncus ermm. fe n étais ^u un tronc de figuier ^ inutile a toutes chofes. Le^
Menuifier a été long-tems en doute ^ s'^ il en ferait un/iege ^ ou un Dieu , mais en-
fin il s'efl d^erminé a me faire un Dieu , la terreur de ceux équivalent les jardins.
ImfugnAtAfunt , dit La6tance , a prudentionbusfalfe. ReUgtones. Les plus xi-
ges le font moquez de la Religion des fots. Et pour le prouver, il rap-
porte les paroles de Seneque, qui d'it,fmulacra 'Deorum venerantur , illii
fuppUcant , genu fojito , illa adorant , /'//// ajfident fer totum diem , aut afiant il'
lis , fl-iper/i jaciunt , vi^imas cddunt , & cum h<tc tantopere fufpiciant , fahrot ,
^ui ilUfecere contemnunt. Ils adorent les fimulacres, comme des Dieux.
Ils s'agenouillent devant eux , ils leur facrifient des viâimes , & ayant
une fi haute vénération pour les fimulacres, ils méprifent les ouvriers,
qui les ont faits. Le Poète Lucile appelle enfàns , ceux qui s'imaginoien-t
qu'il y avoit de la vie , & de la connoifiànce , dans les fimulacres. Vtpuc
ri infantes creâunt Jigna omnia aliéna vivere & ejfe homines. Enfin s'il y a eu
dts gens affez ftupides entre les Payens , pour croire que les fimulacres
étoient de vrais Dieux , il ne faut pas en faire un crime à la Religion :
car elle"n'enfeignoit rien de pareil. . II y a bien apparence, qu'entre les
Chrétiens , qui adorent les images , il y en a dWez bêtes pour les ado-
rer , comme s'il y avoit en eux quelque divinité. Polydore Virgile en
d'ignorans
qui
images qui
Ludoviais
Vi^'ez in
lib. 8. cap.
ï7. de Civit.
Conful-
tatio de
ùnaginibus.
demeure d'accord, llja, dit^il, beaucoup de fiuptdes
adorent tes flatu'és de bois , de pierre, de r^ arbre ^ d'' airain^ & les
font peintes fur les murailles , comme fi elles avaient quelque fentiment^ & non
comme des images , & qui s'^y fient davantage^ qua fefus-(Jhri(l , ou aux autres
Saints aufquels elles jont dédiées. Ludovicus Vivez difoit aufii , touchant le
culte des SaiîitSj que plufems Chrétiens pèchent ^ en faifant mal une banne cho-
i>éi Augufl. fe , parce qu'ails ne mettent pas de la différence , entre l'honneur qu'ils rendent k.
DieUf & celui qu'ails rendent aux Saints. Je ne vais pas ^ dit- il, quelle diffé-
rence d j a , entre le fentiment , que les Payens avaient de leurs Dieux , & ce-
lui qu^on a des Smnts. L'on peut voir des chofes toutes {èmblables dans
Cafiander. A eau fe de cela cette Eglife, qui fait fervir les images , trou-
veroit-elle bon, qu'on l'accuiat de faire adorer ces images,, comme des
Dieux , ou comme des Saints ? •
Abrégé (fes Aprés ce quc nous venons de voir , il eft difficile de n'être pas perfiia-
démonu^K ^^ ' ^^^^ ^'^^ ""^ témérité àRellarmin , de démentir d'un ton fi ferme,,
que ks Fa- Calvin , dftHs une chofe, dont là vérité efl: fi évidente. Les preuves de
pas^^egardé ^alvin demeurent en leur entier. Ces preuves font premièrement , que.
les Payens fouvent détruifoient eûx-mêmesleursfimulacres, ôclesfaiibicnt
fondre pour en faire d'autres. Et l'on pourroit rapporter de cela cent
exemples-. Or il feroit abfurde de s'imaginer , que les Payens auroient
été afiez impies, contre leur propre Religion, pour détruire leurs pro-
pres Dieux. Sa féconde preuve, c'eft qu'un feul^ieu, avoit un nom-
bre infini de fimulacres. Et qu'il ne faut point fans necefi!ïté at-
tribuer aux honMues des erreurs folles. Or ce feroit une erreur folle,
leuïs fimu-
lacres , com-
me des
DieuE.
Tiâ. Plin. 1.
î4- c. 7x ôc
ET DES CULTES DE L'EGLISE. P^r/. III. 499
de croire que touS les fimulacres de Jupiter, auroient été autant de Dieux, Paufan. in
& autant de Jupirers. La troifiéme raifon de Calvin, c'eft que les Pa- ■'^tticis pho-
yens faifoient tous les jours, de nouveaux fimulacres. Or ils ne croyoient cls' &^'par-
pas pouvoir faire tous les jours, de nouveaux Dieux. Enfin fa quatrié- fî»»-
me raifon, eft prife de l'autorité de S. Auguftin, qui dit fur le^Pf 115.
que le Payen difoit , fe non vifibtls illud colère , feà. numcn (^uod ibi invifibt- Conci onc
liter habit abat. C'étoit la réponfe des moins habiles, qu'ils n'adoroient ^"
pas la matière vifible, mais la divinité invifible, qui habitoit là. Mais
S. Auguftin ajoute dans le paflage, que nous avons cité du même lieu,
que ceux qui fe piquoient d'une dévotion plus épurée, diibient qu'ils n'a-
doroient, ni le fimulacre, ni le Démon, mais qu'ils fe fervoient de ces
objets vifibles, pour s'élever à la divinité invifible.
Bellarmin nous apporte quatre, caufes , pour lefquelles il veut , que \ts Fauflèté des
Payens ayent regardé leurs fimulacres, comme de vrais Dieux. La pi"e-q^iî°n\
miere, c'ell que leurs Prêtres, ôc leurs Pontifes, leleurdifoient. Cela ell: porte au
faux, & l'on ne trouvera aucun lieu, qui prouve que \ts Prêtres enfei- *=*'"""'*•
gnafl^ent à leurs Peuples, que les fimulacres étoient de vrais Dieux, au-
trement ils n'auroient pas ofé enfeigner tout le contraire, comnie ils ont
fait. Et les Sages Payens , ne fe font jamais plaints de cela. Ils ont at-
tribué cette grolfiere penfée , à leur petit peuple , & non pas à leurs Prê-
tres. La féconde caufe , félon Bellarmin, c'eft qu'ils voyoient que tout
le monde croyoit cela, que les fimulacres étoient animez, & que c'é-
•toiént de véritables Dieux. Toijtes les obfervations , que nous avons fai-
tes , oc les pafl^ages que nous avons rapportez , prouvent bien le contrai-
re. La troifiéme caufe, c'eft que ces fimulacres parloient, par le mo-
yen du Démon, ce qui leur perfuadoit que c'étoient de vrais Dreux. Il
prouve que les fimulacres parloient , par l'exemple des Tîjieraphims , qui
ont parlé. Les Therafkims ont parlé menfinge. Mais nous avons fait voir, zachar. lo.
que-cette fuppofition eft fauiTe , qu'il n'y a jam.ais eu de fimulacres , qui ^- ^•
ayent parlé , pour rendre des oracles , & que la ftatuë de Memnon , qui par-
loit quand elle rece voit les rayons du Soleil, la Fortume féminine, & la
Junon des Veïentes , qui ont parlé , ne font que des fables , aufquelles
\ts Payens eux-mêmes n'ont ajouté aucune foi. 4. Enfin la quatrième
raifon , eft celle de S. Auguftin, que les idolâtres voyant leurs fimula-
cres avoir des membres, & àts organes, fèmblables aux corps animez,
les croyoient animez auiîi. Nous avons expliqués. Auguftin, ocfait voir
qu'il n'attribue ce fentiment, qu'aux ftupides, & aux efprits bas.
Les raifons, que ces Meilleurs apportent, pour, prou ver que les Pa- RcfiKatms
yens ont regardé les fimulacres, comme de vrais Dieux , n'ont aucun '^^ '^^'^°ns>
poids. Premièrement ils difent, que les Payens eux-mêmes appelloient DoSurs^
leurs fimulacres, Dieux. J'avoue que les Payens, 6c même les Savans^'P^^"
d'entr'eux , appelloient leurs fimulacres , Dieux. Ciceron contre Verres, que les
introduit les Siciliens, qui difoient qu'ils n'avoient plus de Dieux, par- ^^J^^^^. ""J^
ce que Verres les avoir emportez, c'eft-à-dire, qu'il avoir enlevé leurs fmiukcres,
fimulacres i fefejam-, nec Deos in fms urhibMs ^ sd cjuos confugerint , habere ^^°'''^'^^.^^_
c^md eorumfimulacra fanW.{[ma Ferres^ ex delubris religiojijjtmis , frfiulijfet.cïctio'm
f. Les Ambraciens font la même plainte , devant le Sénat , contre ¥.A- ^^"^^iV
yius Nobilior. Templa toM firbefpôlJata. omamemiî, Bimnldcra Deâm ^\^\,^ ^z/
Rrr a ' J^m
500 HISTOIREDESDOGMES
■ Deosdewftm ipfos cmvulfosexfedibHsfttis , abhtosfmjje^ parietes pofie/^ue nuda"
tos , (jKos adorent , adejHos precentHr ^ &fHpplicent , Ambrachienjtbus nonfùperejfe.
Ils n'ont plus de Dieux , ils ne favent à qui s'adrelîer , ni à qui le tour-
ner, pour prier &: pour adorer. Quand Fabius Maximus prit Tarente , il ne
voulut pas qu'on enlevât les ftatuës, des Temples de leurs Dieux. Et il
Tit.LiT.lib. répondit à celui qui lui demandoit, ce qu'on en feroit, Deos trntosTaren^
*7* tims relinejuatnus. Laiflbns aux Tarentins, des Dieux, qui leur font fi peu
favorables. Mais qui ne voit le fens de ces expreffions ? Cette figure n'eft-
elle pas en ufage encore aujourd'hui j on dit qu'on place un Saint en un tel
lieu, pour dire qu'on y place fon image. On a enlevé un tel Saint, on^ por-
te en pompe , & en proceffiou un tel Saint , l'Eglife efl: environnée de
Saints. Cela ne fe dit- il pas , & n?cntend-t-on pas bien ce que cela veut
dire ?
Ils ajoutent que l'Ecrittire, 6c les Pères, difputent contre les Payens ^
6c les reprenent , comme ruppofant qu'ils eftiraoicnt , que les fimulacrcs
étoient cie vrais Dieux. C'ell pourquoi ils leur reprochoient leur ftupidi-
té , de regarder comme dts Dieux , des pierres brutes , des ftatuës mor-
tes, 6c des corps lans ame ,
7ei(rus O cftrva in terras mim& , c^ cœlejlmm inanes l
Sityia t
Ladtinftitiit ^^"-'^ ^^^ Laélance. Je répons que l'Ecriture , Se les Pères , contré lesp
Lib.2. c. I. Payens, ont parlé par raport, non pas à leurs penfées , mais à leurs ac-
tions. Ils ne croyoient pas que les fimulacres fufîènt dts Dieux , mais ils
les adoroient, 6c en cela ils en faifoienc de vrais Dieux: Car il n'y a que
Dieu, que l'on doive adorer. C'eft le culte qui fait i'îdole, 6c qui de l'i-
dole fait un Dieu, fel-on le mot fi- connu de Martial} Ce n'eft pas celui:
qui fait le fimuîacre , qui fait le Dieu } c'eft celui qui Tadore ; qui cotitillefacit.
* C'eft pourquoi les Payens, en adorant leurs fimulacres , en faifoient des
sr.ir4. Dieux. Les Prophètes, 6c les Pères, dit -on, réprcfentent aux idola-
^^ "■ '**" très , que leurs idoles n'ont point d'yeux , ne voyent rien , ne fentent
rien} à quoi bon cela, s'ils ont crû, que ce n'étoicnt que de firpples ré*
préfèntations, 6c non, d^s Dieux ? Les plus brutaux favent bien,, que les-
idoles n'ont pas de fentimcnt. Jeremie rapporte expi-effément des idola-
I«rein.a.i7. tres, qu'ils dilent apt- bois, tu es mon Père ^ & à U pierre, tn rn^as engendrée
Ils. croyoient donc que cette pierre, 6c ce bois , étoient de vrais Dieux.
St. Paul travaille à perfuader aux Payens , que ceux-là ne font point Dieux ^
qui font f au s de main. Ils eroyoiertt donc , que leurs fimulacres étoient
Dieux.
A cela je dis premièrement, que cela s'adreflbic au vulgaire , 6c aux
ôupides d'entre les Payens, qui n'étoient peut-être pas en petit nombre.
Nous avons dit qu'il n'eft pas impofiible, que ce vulgaire ftupide 6c igno-
rant, conçûr de la divinité dans ces fimulacres. z. Cela derruifoit auffi
le fentiment, de ceux d'entre les Payens, qui s'imaginoicnr, que les Dieux
étoient venus habiter dans ces fimulacres. Car ces gens difoient aux idoles,
tu es mon Père , & tu m'as engendré ^ prétendant parler , non au bois, 6c à la
/ pierre, mais aux Dieux renfe.raez dans ce bois, 6c cette pierre, ielon leuf
imiiioent. 3.. j 'ajoute que ces graves reprehenfions , av-oient aulli pour but de
GOU.-
TE DES CULTES DE L'EGLISE. PartAll. i^oi
couvrir de confufion ceux qui fe garentiflbient des erreurs du vulgaire , qui
étoknt purioris %eligionis, comme parle St. Auguftin,&; qui croyoient que ces
(imulacres n'étoient que de purs mémoriaux : Car c'ccoit un profond aveu-
glcmcnnm eux, de confeflêr que les (imulacres, n'étoient pas des Dieux,
& d'en faire cependant des Dieux, par Tadoration^ On leur peut appli-
quer ces belles paroles de La6lance. Nec intelligtint homines ineptijfimi, auod, Laâ^intius
fi fentire Jïmtilacra , & movere pojfent , ultro adoratara homines fmfent , A figionei^'^'
qaibtis furit expolita: qti*. ejfent am incultHS ^ aut horridtts lapis ,, aut materia *• <^'*«
informis & rud/s , mfifmjjent aê homine formata f Homo igitttr illorum Quafi
parens putandtts efi , per chjhs mantis nata fitm , per qmm fpectem , figuram ,
pukhritudinem , hahcre cœpemnt , & ideo melior qui fecit , quàm cjha fa^a
funt. Fous & brutaux , quineconfiderezpas, que dans vos propres princi-
pes , fl les (imulacres avoient du fcntiment, ôc de la vie , ils n'attendroient
pas de l'adoration àes hommes , mais ils leur en rendroient , puifque ce
font les hommes, qui les ont tirez de leur néant , & qui de matières bru-
tes en ont fait des figures , belles & polies. 4. Enfin il faut remarquer ,
que les Pères ont fait tout ce qu'ils ont pu, pour rendre ridicule 6c odieux,
ce culte des fimulacres. Et pour cela, ils ont fouvent difputé contre les
(imulacres , plutôt félon les principes des Chrétiens , que félon ceux des
Payens mêmes. Quelquefois auffi ils ont outré les chofes : Par exemple
quand Tertulliendifoit. Quantptmatitem de fimnlacris^^c. Tour moi ^ quand je Apolog; ai-
confidere vos fimulacres , je n*y vois rien , que des matieres^^ qnon peut appeller ^*'*'"°
les foeurs de nos chaudrons-^ & de nos vaijfeaux. Celaeft bon danS'les princi-
pes des Chrétiens-, qui ne conçoivent dans les fimulacres, rien autre cho-
fe que la matière. Mais cela ne vaut rien dans les principes des Payens ,
qui concevoient une divinité afîiftante , dans les fimulacres , ou proche
d'eux. Le même Auteur dit , dans le même Livre. Deos (^entiltum pîura pa^
îi- , dum fiutit ab Artificibus , quàm patiuntnr Chrifiiani , dum occidiintur ,
quod eos nolint adorare. Que les Dieux des Payens fouf&ent plus , pendant
que les ouvriers , & les Sculpteurs les font , que ne foufFrent les Chré-
tiens , quand on les tue , parce qu'ils ne veulent pas adorer ces Dieux.
On voit bien que cela eft outré. Qir même dans les principes des Payens,
ces lèatuës ne font pas encore des Dieux , pendant qu'elles' font dans les
mains de l'ouvrier. Ainfi les Dieux nefouffrentrien, fous le cifeau, fous
la Jime ,& fous le marteau. Pareillement quand les Percs ont fuppofé ,^
dans leurs difputes , que \ts fimulacres étoicnt de vrai» Dieux , dans le
fentiment des Payens , c'étoit afin de les tourner en ridicules plus fa-
cilement.
Mais après tout, ils n'ont pas laiiTé de reconnoître , quels étoient les"
veiitables fentimens des Payens , touchant leurs fimulacres , comme je l'atî
foitvoir partant depaffages, de St. Auguftin, de La6î:ance, d'Arnobejs
âc d'Origene, aufx^uels j'enpourrois ajouter pluneurs autres.
>-rr 3, TR A %
502
HISTOIRE DESDOGMES
T R AI T E
'daines excu-
fes des Juifs
poui dimi-
iluer le cri-
me de leurs
peies.
Talmudici
ia Tiaftatu
de Sabbatho
cap. 9.
Tanchuma.
D U
VEAU D Ô R
^c les Ifraëlïtes firent &* adorèrent dans
le Défert.
i
PRES r Idole des Theraphims , nous rencontrons
dans l'Hiftoire de l'Ancienne Eglife , le Veau d'or,
que les Ifraëlites fondirent , ôc adorèrent dans le
défert, en fortant d'Egypte, au pied de la monta-
gne d'Horcb , fur laquellcj peu de jours auparavant,
ils avoient entendu la voix terrible de Dieu , qui leur
défendoit de faire des images taillées , pour les
adorer.
Ce péché étoit horrible , flir tout à caufe des cir-
conflances , & découvre bien le fond de la brutalité de ce peuple. Les
Juifs en demeurent d'accord, & cela paroît aflez par ce Proverbe, qûieft
demeuré dans la Nation , (^ue toutes les calamitez^ , (^ui leur arrivent ,. font
des morceAux du Veau d'^or. Cependant ils font fout ce qu'ils peuvent ,
pour diminuer le crime de leurs Ancêtres, en les excuiânt.
1. Premièrement, ils difcnt que Moïfe tarda, & demeura dans la mon-
tagne , fix heures' plus qu'il n'avoit prédit. Durant cet efpi;ce , Satan
s'approcha des Principaux del'Afremblée, Se leur dit,oii eft Moïfe, vô-
tre Doâeur ? Ils répondirent, il eft monté en haut. Mais il a pafle de
fix heures, le tems qu'il avoit marqué pour fon retour. Sur quoi le Dia-
ble leur dit, Moïfe eft mort. Ils ne firent pas d'attention à ces paroles;
alors le Diable leur fit ^paroître un cercueil. Ils fuccomberent à cette
tentation, & dirent à h.2ccovi^quMt à cet homme tSHoife^nous ne [avons ceqni
lui €Ïi arrivé ^ fais nous des Dieux ÔCC.
2. Ils difent que ce ne furent pas les Ifi-aëlites, qui firent cette deman-
de à Aaron, mais que ce furent des Egyptiens, qui étoient montez, avec
les Ifraëlites, ayant à leur tête deux célèbres Magiciens , Jannes & Jam-
brcs. •
3. Pour
ET DES CULTES DE VECLISE, Tart.lU. 503
j. Pour excufer Aaron, ils difent qu*il n'ofa refilter au peuple , parce î^a"» niiau»
qu'il avoit maflacré en fa préfence Hur , qui vouloir refilter à leur vo- LlpS
Ion té. Chaldée»,
4. Ils difent encore, qu' Aaron ne fit pas le Veau d'or, mais que quand Tanchuma-
Tor fut jette dans le feu, Satan y entra, & donna à l'or la forme du veau, J'^''jf' "" '**
ôcque les Magiciens le façonnèrent. C'eft ce qu'ils ont imaginé de plus"" '"'
fpecieux, pour excufer leurs pères. Mais cela ne l'efl point du tout ,
non pas même félon leur goût , ce qui paroît par ce Proverbe que nous
avons rapporté, t^f^e toute calamité, qui^arnve à Jfra'él, efiune once dn F eau
CHAPITRE I.
.Première Q^u e s t i 0 n.
^elle étoit h figmre de cette Idole.
•
CE qui fait douter de la figure de cette Idole, c'eft qu'on lui don-
ne divers nomsi^le plus ordinaire , c'eft celui de h:^V-i'veaH. Mai*
il eft quelquefois appelle bœuf, y^. Et les Pères l'ont fouvent ap-
pelle capm bubulum^ tête de bœuf. Ainfi l'ont appelle Laâ:ance, St. Je- Laftanceiî,
rôme,Tertullien, St. Cyprien, St. Ambroife, Optât de Miléve, & St. J^S't.^'"' .
Auguftin. On ne fait donc fi l'Idole avoit la figure d'un veau, ou jeune Hieronymus
taureau , ou celle d'un bœuf , ou feulement celle d'une tête de tau- [^p^^\
reau. Le Pfeaume 106. dit. Ils ont fait un Veau en Horeb. Ils ont adoré une Tcrtuii.ad-
image de fonte ^ & ont changé celui qui f ai fait leur gloire ^ enlaformed''unbœuf'àxoTc3^'T.
qui broute Pherbe. Cyprian.de
Il s'en faut tenir au terme de bœuf , il eft plus vrai -femblable que c'é- AmE^de
toit la figure d'un bœuf, ayant toute fa grandeur, plutôt que celle d'un pœnitentia,
veau. Le prodigieux poids que les Juifs donnent à cette Idole , de deux cpiîib.î"
cens quintaux, mettroit là chofe hors de doute , fi elle étoit véritable, p"!"^^"*^"
mais je la croi faiifle. ûm aiibi, '
Il eft certain que ^ette idoktrie venoit àes Egyptiens. Or en Egypte
on adoroit plufieurs bœufs , comme nous le verrons dans la fuite. Ce n'é-
toient. pas feulement des veaux. Au refte le mot de S^iy , entre les Hé-
breux, qui fignifie un veau, peut très bien fignifier un bœuf, comme
le mot de Fitula, qui fignifie proprement une jeune bête, qui n'a point
encore porté , fe prend auffi pour une vache qui alaitte.
Bis venit ad mulBram •) bis alit ubere fœtus Edlg 3
Vttula.
Quand les Pères l'ont appelle caput bovis , ou capu bubulum , ce n'eft pas
qu'ils vouluiïent fignifier , que la figure n' avoit" que la tête du bœuf.
Mais c'eft au fens que Virgile difoit,.
504. HISTOIRE DES DOGMES
Bina boum capita vobis Trojâ gêner atns Acejles ,
Dat munera. . . .
BinA boum capita, pour bîftos boves. Il faut bien qiiie les Juifs ayent con-
çu cette figure comme celle d'un bœuf, 6c même d'un bœuf d'une pro-
digieufe groflcur, puifqu'ils le font pefer i2.f. quintaux, qui font plus de
5rO. mille hvres.
C'étoit donc un bœuf > mais non pas un bœuf animé, mugiflant. Se
ayant apparence de vie, parla vertu magique qui lui avoit donné l'être.
Rabbk Elie- Lc Rabbi Eliczcr dit, qne le Démon Samael entra dans le Veati ^ ^ cju^ilU
Siscip^'ls'. fi^ ^^l^^ ^^^ /^rMwf <s/« /^^ , poftr fedfiire Jfrael. L'impofteur Mahomet ,
dans fon Alcoran, adopte cette fable , & ajoute qu'Aaron Auteur de ce
Veau étoit Alchamer ^ c'eft-à-dire Samaritain. Et fa raifon , eft que
les Samaritains fe firent des Veaux , pour les adorer , dans le Schifme de
- Jéroboam. Ce qu'ils firent à l'imitation d'Aaron , qui étoit de leur
race.
Les Juifs débitent beaucoup de fables fur ce Veau d'or , dont nous ne
dirons rien , parce que la plupart font impertinentes , ■& qu'elles ne font
îSxod.3.T.4. p^5 demeurées dans les bornes delà vrai-femblance. Par exemple, ce qu'ils
sic Rabbi difênt du poids de for , qui entroit dans ce Veau. Il pefoit , difent-
Tanchum»; ils, dcux ccns quiutaux d'or , c'eft-à-dire, z.2f. talens, ce qui feroit bien
ï&at ' vingt mille livres d'or ; & le fondement de cela , c'eft que le mot de
Hatthuiim. nsDD, qui cft employé pour fignificr ce Veau de fonte , félon le mode
cabalillique , qu'ils appellent gematria , contient le nombre de deux cens
vint-cinq.
I
CHAPITRE IL
Deuxième Q^uestion.
2)V/^ cette idolâtrie a tiré fon origine.
L eft très confiant , que les Ifraelites ne tirèrent point cette idolâtrie
de leur propre fonds , ils furent imitateurs. Nos Savans ont 'fiiit de
grands traitez , fort pleins d'érudition, fur ce &jet , pourfavoir d'où
les Ifraelites avoient puifé cette abominable Religion. Pour faire feule-
ment l'Hiftoire des divers fentimens de nos Auteurs , il faudroit un affez gros
ouvrage. C'eft pourquoi laifTant à part ces différentes conjeâures , nous
nous arrêterons à ce qui nous paroît le plus vrai-femblable.
iToTchoi- Qy^^9,"es-uns ont dit , qu'Aaron avoit choifi la figure de bœuf , pour
fit\r4u°e' lïïoins s'éloigner àz% inclinations de Dieu: parce que Dieu femble aimer
d'wi bœuf. \zs bœufs , à caufe qu'il les reçoit dans les Sacrifices , qu'on mettoit fur
^&% Autels. D'autres au contraire difent , qu'Aaron choifit cette figure,
comme
ET DES CULTES DE L'EGLlSE.F^r/.ÎI[. 505
comme la plus ridicule , ôc la moins propre à répréfenter Dieu , afin
d'éloigner les Ifraëlites du deflein de devenir idolâtres. Monc«:us ^raftaw it
précend qu'Aaron prit cette figure de veau , parce que c'étoit celle , rco"
fous laquelle Dieu étoit apparu aux anciens du peuple, parce qu'ils le vi- ^*'^^*^"'
rent aiîîs fur un Chérubin, qui avoit la figure de bœuf. Mais il n'y a Moncxiis
rien de cela dans THiftoire. C'eft une pure vifion de Monca^us, qu'il "jê^- '''=^'"
a voulu fonder fur ce qui fe lit dans le v. 10. du chap. 24. de l'Exo-
de, ^uis tJ^oifè , Aaron , T^adah, & foixante & dix des anciens d'Ijraël^
montèrent & vtrem le 1)ieH d'Ifrael^ & deJJoHs fes pieds y il y avoit comme
un ottvrage de carrenHX de faphir , & comme jont proprement les deux en
îems ferem. Il n'y a là-dedans, ni Chérubin, ni figure de Chérubin, ni
figure de bœuf, ou de Veau.
La plus vrai-femblable des opinions , & la plus généralement reçue , 9«!a étoît
c'eft que cette Religion des Ifraëlites , leur venoit d'Egypte , oii ilf Sgion *
avoient fait un fi long féjour, & dont ils avoient fans doute imité , ôc ^^^Hvi-
adopté les abominations. Il eft vrai que THiftoire de leur captivité , tel-
le que nous lH^onnée Moïfe , dans les premiers chapitres de l'Exode,
n'en dit rien. ^«jMâis les autres Ecrivains facrez nous l'apprennent fi
précifèment , qifil eft impofiible d'en douter. Jofué difoit à ce peupîe:
êtet. du milieu de vous ces Dieux ^ aufe^uels nos pères vnt fervi en (J^efopo- jofué. i^
tamie , & en Egypte. Et le Prophète Ezechiel reproche aux deux "- ^^•
maifons de Juda & d'Ifraël , qu'elles avoient paillarde en Egypte , dans Ezechiel
leur jeunejfe , & cjh elles n'avaient pas renoncé à ces paillardifes , qu^elles j/è^fûi^^
^voient apporté d'Egypte. Saint Etienne , dunslefeptiémechap. àts Aébes, ifem chap.
dit aux Juifs, que leurs pères avoient détourné leurs cœurs , vers l'Egypte ^ *** *'
■é" avaient fait un Veau. Ce qui fignifie aflez clairement qu'ils avoient
fait le Veau , en imitant les Egyptiens. C'eft ce qu' avoit fort bien
apperçû Eufebe qui dit : Que e^Kaife fut le premier Chef du peuple des Demonfirat.
^uifs f '& que les ayant trouvez^ plongez^ dans les fuperjiitions Egyptiennes ^^^^-i'^^f-
^ engagez, dans le cuite de plujieurs Dieux , fut le premier qui retira
les adorateurs des fîmulacres ^ de ce faux^ culte ^ par des fuppUces & des
peines très feveres. Laélance reconnoît aufii la même choie , en par- ^"^'^^ ^' ^
iant des Ifraëlites. Ils fe détournèrent , dit-il , après les profanes ceremo- ' ' '
mes des fuifs. Et parce que Moife , leur Chef , monta en la montagne ,
& y demeura 40. jours , ils fe firent la figure , de la tête de ce boeufs
fu^on appelloit en -Egjfpte ey^pis , pour le faire marcher devant eux.
fan.Wl/ Sff CHA-
5o6
HISTOIRE DES DOGMES
CHAPITRE III.
Ll
Voyez Plu-
Mela , &c
Diôdorus
Siculus
lib. t. Bi-
bliothecx.
Les Egyptiens aâoroient pîufieurs animaux.
Es Egyptiens, tenus pour les plus fagcs & les plus habiles des peuples
Payens , fembloienc avoir renoncé aux plus (impies lumières du lens
commun, dans le culte religieux qu'ils rendoient aux bêtes. Mais il
cft apparent que ce culte brutal étoit un voile , qui cachoit les myfleres
de leur Religion , comme leurs Hiéroglyphiques cachoient les myfteres de
Igur Théologie, & de leur Morale. On en pourra voir des preuves dans
la fuite.
Préfentement il faut remarquer, qu'ils adoroient les brebis, les chats, les
& d'onSI* chiensjles ibis , efpece de cicogne, les finges,les oifeaux de pï||^e , les loups,
pomponius & tout Ics taurcaux & les bœufs. Et ce que les anciens Autaiirs nous difcnt
là- deflus , ell: prefque incroyable , fur tout ce que nous ràpfîorte Diodore de
Sicile. Il nous dit , par exemple , qu'un Soldat Romain penfa être déchi-
ré par le peuple, pour avoir tué un chat par mégarde, & que quand un
chien venoit à mourir dans la maifon , il y avoit un grand deuil. Dans les
famines, qui \ts portoient quelquefois à manger de la chair humaine, ils
s'abllenoient fcrupuleufement de manger la chair de leurs animaux fi-
erez.
Cambylès Roi dePerfe, fàifant la guerre aux Egyptiens , Scafliegeant
Pelufe , les Egyptiens incommodant fort les Soldats Perfes par leurs flè-
ches , ce Roi s'avifa d'aflembler des troupeaux de chiens , de brebis, d'ibis,,
dont il couvroit fes combattans : Ce qui lui reuffit fort bien , car les Egyp-
tiens n'oferent plus tirer fur les Perfes.
Bien que toute la nation fût plongée dans cette étrange fuperftition y
tion, ou (3u culte des animaux, cependant chaque ville Ôc canton de l'Egypte, avoit
rçgypte une particulière dévotion pour certaine bête, à laquelle ils bâtifîbient des
îa°°'b"' Temples. LavilledeLeontopolis adoroit le lion, la ville de Mendes le
' bouc, auquel ils donnoient le nova à' Apis ^ quoi que ce nom fûtconfacré
à un bœuf, qui étoit le principal objet de l'idolâtrie de rEg,ypte. La.
ville de Mire adoroit le crocodile. Et c&s animaux étoient nourris dans
les Temples , ou à l'entoury ils leur préparoient des lits , & àcs tables déli-
cates: Quand ils venoient à mgurir, ils menoient un grand deuil fur eux 5,.
ils leur faifoient des funérailles fomptueufes, ôcde magnifiques tombeaux.
On peut voir cela dans Diodore, & dans Hérodote.
Cette fuperftition étoit déjà établie en Egypte, du tems de Moïfe &
des Patriarches , car fur la propolîtion que leur fit Pharaon , de permet-
tre aux ifraëlites de facrifier dans le païs, Moïfe répondit , finonsfacrifiionS'
devant Us Egyptiens leurs abominations , ne nous lapideroient^ilspas ? Dans le lly-
le des Ecrivains Sacrez du Vieux Teftament, les abominations des nations
fignifient leurs Idoles. Ainfi Moïfe veut dire, fï nons facrifiïons en Egypte
Ui, hœufs & les hrebis , ^mfont l&s Dieux des égyptiens ^ ils nous majjkcrerotent.
'' C'étoit
Polyœnus
litK 5. de
Stiagemat
Chaque na-
Dio(î*ms
BibliothecsB
|ib. I. &
lleiodotus
in lib. 2.
quidicitui
Snterpe.
te culte des
bêtes étoit
en Egypte
4a tcms de
l^oiTe.
ÏJCOd, 8.a«,
ET DES CULTES DE L'EGLISE. PartAll. 507
C'étoit la raifon de ce que dit Moïfe : <jue/es Egyptiens avoient en abomination Gencfe4«,
les 'Bergers. C'eft parce que les Bergers ne failoient pas de difficulté d'é-
gorger , & de manger les bêtes , qui compofent leurs troupeaux.
Hérodote reftreint cette haine des Egyptiens aux feulsgardeursdcpour- Hetodotus
ceaux. Les Egyptiens ^ dit-il, déteftent le pourceau ^ comme ttne hête impure ^^'^'^^^"^^
& jt cjttel^fi'Hn toHchoit unpomceau , mèmeenpajfant , il f doit qn^il lavât , c^ lui &
fes vétemens , dans le fleuve j (^uffi les [euh garàeurs de pourceaux étoient exclus
de l' entrée desTemples y & leur race e' toit Jî odieufe ^ eju^on ne fe mariait jamais avec
eux. Cependant nous allons voir tout à l'heure , que les pourceaux chez
les Egyptiens , n'étoient fouillez , ni pour les Autels , ni pour les tables , car
ils les iacrifioient , & les man^eoient.
En effet , que les Bergers en gênerai ne fuflent pas l'abomination des Les Egy-
Egyptiens, cela paroît par ce que Pharaon dit à Jofeph. Si tu cannois en ptiensn'a-
tre tes frères , des gens robuftes & vaillans , tu les établiras maîtres de mon bétail, de' l'îiorreuï
Cela ne fut pas exécuté, fans doute. Caries enfans de Jacob n'auroient po""" 'O"*
pas voulu prendre le foin des animaux , dont on faifoit des Idoles: mais au " "^"^''
moins cetexte fait voir, que les Egyptiens avoient des Bergers, & des trou-
peaux. Et nous apprenons de Diodore Sicilien , que les Egyptiens ti-
roient ufage de la lame, du lait 6c du fromage àts brebis, 6c qu'ils fai-
foient cas des brebis, qui apportoient deux agneaux par an. S'ils n'euf^
Cent fait aucun ulâge de la laine, 6c du lait de leurs troupeaux , ils ne les
euffent pas tant eftimez. C'eft pourquoi je ne doute pas que Pignorius ne
fe foit trompé , quand il dit , <^ue les Egyptiens haijjoient jufquà la laine des pignorius
troupeaux , & la regardoient comme un trés-méprifable excrément , ne la voulant expofitione
pas employer dans les habits des Sacrificateurs , & dans les langes ^ dont ils enve- ex. Fauffe
lopoient leurs corps morts, pour les enterrer. Il cite là-deiîus Apulée dans Ibn peofc*.
Apologie, 6c fait dire ces paroles à Hérodote, force un Egyptien à manger
du lait de brebis.
Puis que les Egyptiens adoroient tant d'animaux, on a raifon d'être en Quels uni-
peine, dequoi donc ils vivoient, 6c quelles viétimes ils mettoient furlcuiS î^icntul
Autels. Plutarque répond, cju'ilsnefacrifioient à leurs Dieux ^ que les animaux «ourritutc
^ue les Dieux ha'i/Jiient : or il y avoitfortpeudecesanimaux haïs des Dieux. ftL^^^'
La difficulté augmente, fi ce que dit Hérodote eft vrai. L'Egypte voifmede Traité d'ifis
la Libye w abonde pas en animaux y & tous ceux qui s y trouvent jonteJttmez.jAcrez.^ Hérodote in
tant les animaux domeftiques que ceux de la campagne. Eutcrpep.
Cependant Hérodote ne s'accorde pas avec lui-même. Car dans le même p'îzr.
UiVïtW dit.) il n était permis aux Egyptiens d'immoler aucune bête ( 6c par confé-
quent de la manger) excepté les pour ceaux, les oyes ,ies veaux .^ & les maies d'entre
les boeufs^ qui étoîcnt purs. Nous verrons dans la fuite quelle étoit cette pure-
té, qui rendoit les bœufs proprel^ pour l'Autel. A préfent nous ne citons
ce pafîage, que pour faire voir, que les Egyptiens n'étoient pas obligez à
s'abftenir de la chair de tous les animaux , comme Hérodote ferable l'affir-
mer. Ce même paffage fait voir, que les Egyptiens n' avoient pas tant
d'horreur pour les pourceaux , qu'Hérodote nous le dit , puis qu'ils \t^
mettoient fur leurs tables, 6c fur leurs Autels. Il avance même que les
Prêtres mangeoient de la chair des animaux , tant qu'ils vouloient. C^Pag. n^.
leur fert à table tous les jours , dit- il, des viandes facrées ^ fur tout on leur four.-
fîit abondamment de la chair de boeufs & de celle d^oifon. il dit auiïï, que tous ^^g- us.
Sss 2, les
5û8 HISTOIRE DES DOGMES
i£s£gipùefis immolaient hs hœ^fs mkles ^ mais U ne leur efi pas fermisd'immofer
Us fentelks , farce (qu'elles font confacréts à IJ>s.
Htiodote ^ais il n'ell pas étonnant qu'Hei'odote fe foit contred'it , car il n'étoit
ignorant en pas favant dans les antiquitez Egyptiennes : Manethus nous en avertit,
ï^ypiien- Hérodote^ dit- il, a beaucMp fait de fant es par ignorance , en rapportant ht af^
«es- f Aires d"* Egypte. Et Ci nous en voulons croire Porphyre , Hérodote ne lâ-
apud^ofé'- voit rien d'original fur l'Hiiloire de la Religion des Egyptiensj il avoit tout
?dJSî's''"'" P"^ d'Hecata'us Milefien.
Appionem. H Tembloit n'avoir pas bien compris quelles bêtes on facriiîoit aux
Porphyrius Dicux, ôc qu'on mangcoit. U appelle les bœufs propres à manger & à
Prx'^Evan^ facrifier , des bœpifspurs. Et au contraire on mangeoit, & on iacrifioit
lib. 10. 3. * les bœufs eftimez impurs. C'étoient ceux de couleur roulTc, ou rouge,
xaôapo/. qui étoient odieux aux Dieux d'Egypte, à caufe que cette couleur étoit
d'Hkrodote ^^^^^ '^^ Typhon, le grand ennemi des Dieux Egyptiens : S'il y avoit fur
fur ks vie- un bœuf quelques poils noirs , il n'étoit plus impur , on ne le tuoit pas, à
"1^"^^^°' plus forte raifon, quand le bœuf étoit ou noir, ou marqué de taches noi-
l'AuteL res. Comme la couleur roulîé, ou rouge, eft la couleur ordinaire des
bœufs , cette exception de ne point manger, ni fàcrifrer de bœufs noirs^.
ne diminuoit pas beaucoup le nombre des bêtes , que les Egyptiens pou-
voient manger. On facrifioitSc on mangeoit fans fcrupule,tous les bœufs
roux, parce que les Dieux les haïïîbienr. Mais tous les bœufs noirs, ou
ayant du noir éàws leur peau, étoient confacrez à Oiiris. Les bœufs mk-
les , dit Hérodote , étoient confacrez^ k Epaphus ; cJeji pourquoi ils les exa-
minent ainjt, c'^efi (fie fi dans leur ex^.men ,. tls trouvent fur le bœuf feu lemeni.
un poil noir ^ ils ne Pefiiment plus net. Epaphus c'efl Ofiris, auquel les
bœufs étoient confacrez. Il paroît qu'Hérodote ne fe tiompe que dans
l'application du mot pftr. Car il eft vrai, qu'ils ne facrifioient pas de
bœufs, ou noirs,, ou qui euiïent quelques poils noirs, non qu'ils lesefti-
mallént immondes.^ mais parce qu'ils les adoroient, comme des animaux
lierez & airacz des Dieux, car nous venons d'apprendre de Plutarque,^»^
les Egyptiens ne facrifioient que les animaux h^ïs des Dieux.
Entre les autres animaux,, les Egyptiens avoient une grande devotiorï^
pour le chien.
Oppida tota Canem venerantur , nemo Dianam.
Jiivenal fr
Tr7a. de M^is fi nous en croyons Plutarque, le chien étoit déchii de l'honneur des
Mde & oii- Temples, 6c de l'adoration, parce que durant laiguer.re,qusCambyfes avoit
fait aux Egyptiens, il avoir, en haine d'eux & de leur Religion, tué leur
Les Egyp. bœuf Apis , l'avoit jette à k voirie , oti les chiens l'avoient mangé. Ce
îiensado- qyj fajfoit que Ics Egyptiens avoient cc^ d'adorer les chiens. Cela n'eft
quï"oiueV pas trop vrai-femblable. Carjuvenal, qui étoit bien pofterieur à Camby-
ks bêtes, j^s^ nous vient de dire, que de ion tems, on adoroit le chien dans toutes-
les villes d'Egypte. C'efi peut- ênx pour confer ver les honneurs divins au'
chien, qu'ils feignirent que les Prêtres d'O (iris avoient fecretement enlevé le:
HîroJotc bœuf Apis, que Carabyfes avoir tué, & l'avoient enfcveli,. afin qu'on ne
m tuterpc. f^t pas Gourir par le monde ce bruit , que les chiens avoient mangé l'un.
de leurs principaux Dieux, v&quik.n£ fuifent pas obligez à dégrader le
chien de fa divuiité...
Non.
ET DES CULTES DE L'EGLISE. TartJU. 509
Non feulement les Egyptiens adoroient les bctes, mais ils adoroient les ^^*|f^°«>«»«
images & les fimukcres de ces bêtes >/«» E^^ptiensydiCoit Pamponius Mela,^<io- Sacr« de
rr^m Us images de flufieiirs animaux^ à pbts forte raifon les Animaux eHxmêm^s. "sl»''».
Et Strabon autre ancien Géographe difoit , (jue les Egyptiens n'ont dans i. ^«p. ^.
ie/irs Temples , aucun ftmuUcre en forme humaine , c*étoit toujours V image de ^"^''o*
quelque heie. En effet les Egyptiens n'avoient dans leurs Temples, que lib.^f?!
îles monltres, ou figures de bétes, ou mêlées de la figure humaine ôc de
la figure des bêtes. Nous verrons dans le traité de Beclzebub , ôc dans celui-
ci, que leur Serapis étoit la plus horrible figure , qui eût jamais été ima- Hérodote
ginée. Et leur grande divinité Ifîs avoit ibn fimulacre en figure de fem- '"^"'"P««
ni€, avec le fexe, mais elle avoit des cornes fur la tête.
En cherchant l'origine de Fidolatrie des Ifraëlites , pour leur Veau d'or,
dans la Religion des Egyptiens, nous y avons trouvé le culte de tous les
animaux, & de leurs lîmulacres. Mais pour approcher de plus prés le cul-
te du Veau d'or^ il faut voir le culte très fîngulier, ôctrés extraordinai-
re , qu'on rendoit aux bœufs : Car il n'y avoit pas de bête , pour laquelle
ils eufenc autant de dévotion, que pour l'efpece des taureaux, des vaches
& des \eaux.
C H A P I T R E IV.
^îs BMufsfâcrez et ad&rtz entre les Egyptiens , afpellez le bœuf
Apis & le bœuf Mnevts,
LEs Egyptiens avoienlî une dévotion générale pour toute Fefpece des tagrandè
bœufs. Mais il y ayoit fur tout deux bœufs très célèbres, dans cet- pouj^jej"
te Religion Ifiaqùe. Le premier s'appelloit le hç&ui Apis ,. & avoit Bceuft Apis
fon principal Temple, & même fa demeure, dans la ville de Memphis, *^^"*^"°
que les Hébreux appelloient f]W, Muph. Le fécond s^appeiloit Mnevis ^ Gen«fe4ïi
éc demeuroit en Heliopolis, ville du Soleil ,, que les Hébreux appelloient ' *^*
{UN*, (Q«,.&: dont Potipherah , du temsde Jofeph, étoit non pas Gouver- pa
neur ou Prince y comme l'a crû Vofîius , à caufe de l'équivoque du mot
Hébreu, qui (îgiii fie Sacrificateur 8c Gouverneur , mais Sacrificateur:
Car comme cette ville étoit confacrée au bœuf i^Knevis , Se au Soleil,
à ell apparent que Potipherah y beau-pere de Jofeph, étoit Sacrificateur
du Dieu Mnevis. Ce qui lui donnoit aufH rang de Gouverneur & de Prin-
ee. Car en Egypte les Prêtres étoientles maîtres du Pais. Ecoutons pre-
mièrement ce que les differens Auteurs nous difent de ces deux bœufs ,*
qui étoient les principales divinitez des Egyptiens.
Voici ce qu'en dit Pomponius Mêla, ^yipis étoit le Dieu de tous tés- peu- Lit. r. c. y.-.
ples^fîvoir de l'^Egypte, c^étûit un bceuft dmt le fond de la peau e'ioit noir^ dif Ce_ quVtoir
tmgue par des taches forP extraordinaires. Il avoit la langue (^ la queue tomes Apis, feloai
différentes des autres bœufs. Il en naijfoit rarement , & il ne venait pas de la l'oniponias..
copulation des animaux de fon ejpece : Adais fa conception etoit toute divine ^ &
tl étott con^H par le feu celefie : le jour de fa natjjance étoit un^ grande pte dans la^
nation^,
Sff 3, Pline:
510 HISTOIRE D ES DOGMES
piiBiusiib. P'Vme rapporte avec plus d'étendue la defcription de ce bœuf. Le Bœuf
9. cap. 46. ^pis ^ dit-il, eft adoré comme un Dieften Egypte. Il devott avoir une marine
conjiderable dans le côté gauche ^ c'*étoit une Lune dans fan croijfant , ayant fes
Ce qu'on cornes de couleur blanche. Il avoit un nœud fous la langue , ^u'^ib appellent
fcfnbïus cantharus. Il n'efi pas permis de le laijjer vivre au delà d'*un certain nombre
dmsiebxuf ^'^fjfjg'fj ^ Wi;<«/J' ^uand les années marcjuées font écoulées, ils le plongent (Ir le no'
' yent dans une fontaine , e^u^ils appellent la Fontaine des Sacrificateurs ; Et ils en
cherchent un autre pour le mettre en fa place. Ils mènent dcutl fur fa mort , (^
rafent leurs cheveux , jufqu'^à ce qu^ils en ayent trouvé un autre. Ils ne font pat
long-Hms fans en trouver un '. Et lors e^ti* ils Pont trouvé, les Prêtres le mènent à
Memphis. Il a deux Temples ou deux Sales nuptiales , qui fervent de préfages
pour Us peuples. Quand il entre de lui-même dans l'une decesfales , c*efi union
augure , mais s^il entre dans l'autre y c'^efl un mauvais préfage. Pour les particu-^
liefs il leur rend réponfe , en prenant fa viande de la main de ceux qui le conful-
tent. Il refufa de prendre de la main de Germanicus , ce quillui offrait k man-
ger ^ aujf mourut-il bientôt après. Au refle ^ quand il fe dérobe , &pajjedans
la foule ^ il y a des Huijfiers qui font faire large , & écartent le peuple ^ &il
ejl accompagné d'une multitude d*enfans , qui chantent un Po'ème fait à fin hon-
Lymphati. neur. Et incontinent ces enfans tranfportez, & faijîs^prédifent les chofes à venir. On
lui préfente une vache , tous les ans une fois , & cette vache doit auffi avoir fes
marques ftngulieres , mais différentes de celles du bœuf. zA ty^/Cemphis il y
A un certain lieu dans le Nil , qu'ils appellent phiole , acaufe de fa figure.
On plonge une coupe d^ argent dans cette phiole, durant les j.jours , ^u^on célèbre
pour la naiffance du bœuf Apis s & l'on obferve comme un miracle^ que durant
ces fept jours perfonne n'^efl atteint par les crocodiles. Mais le huitième jour ^ à
lajtxiéme heure du jour , la bête réprend toute fa férocité.
Hérodote Hcrodote , qui en dit moins , nous rapporte pourtant plus d^cts mar-
in Thaiia. ques , dont cette bête devoit être diftinguée. Ce bœuf Apis , àït~ï\^ efi
^' ^^^' le même qu'Epaphus. Il doit être engendré d'aune vache , qui ne pouvant con-
cevoir d'autre veau, efl f râpée d^un éclair^ & elle en conçoit le bœuf ^Apis.
Et le veau , qui eïi appelle Apis , efi ainft marqué : il efl noir , (^ il a dans
le front une figure blanche quarrée , fur le dos la figure d'un aigle , un can-
îharus dans le 'Palais, d^ des poils doubles , c^/l-â dire , allant à rebours.
.«lian.Hifto- Elian nous rapporte , avec plus d'exaétitude que tous les précédens ,
iiumîib. II. comment le bœuf Apis devoit être formé, i. Il nous dit que ce devoit
eap 10. être un taureau, & non pas un bœuf coupé. 2. Il devoit être conçu
de^ia"manic- d'Un écîair, dans le ventre d'une vache fterile. 3. Il nous apprend une
h **f A ^\ ^^^^^^ certaine. C'eft que les Grecs fe font trompez , en prenant le
dSoit êtie veau Apis pour Epaphus , le fils d'Io , parce que cette lo fut convertie
fait- en vache , par la colère Ôc la jaloufie de Junon. Mais Voiîîus a fort bien
prouvé , que le bœuf Apis 6c fon culte font plus anciens que les fables
d'Epaphus&d'Io. 4. Elian prétend que les Egyptiens ne tombent pas d'ac-
cord de ce que dit Hérodote , touchant les marques que le bœuf doit
porter. Car au lieu de quatre ou cinq marques , ils en pofent , dit-il jjuf^
qu'à vingt-neuf Ce qui rend fa peau comme toute couverte de fleurs,
6c ils prétendent que chacune de ces marques a fon rapport à la nature de
quelque étoile, ils veulent même qu'entre ces marques, il y en ait une
qui indique l'afcenfion du Nil , ôcnine autre la Lune naiflante , ôc qui
com-
ET DES CULTES DE L'EGLISE. F^rMII. 511
commence à prendre Tes cornes, f. Quand le veau eft trouvé , on le
nourrit quatre mois de lait, dans une maifon bâtie vers l'Orient du Soleil.
6. Après cela, les Secrétaires facrez viennent avec un navire, & le mènent
à Memphis. 7. La^ dit Elian , on Im prepare'toutes les délices qui fe peuvent
imaginer^ & des lieux faits exprés pour la volupté ^ ou l'on trouve des carrières ^
Avec un fable fort délié ^ pour l'exercer a la courfe ^ des vaches d''uîie beauté ra-
re , des maifons comme des chambres nuptiales , ou il entre quand il déjîre de
jouir de celle qu'il aime.
8. On ne lui permet pas de boire de l'eau du Nil,de peur qu'il ne devien- fiotarque
ne trop gras, lis ont une Fontaine deftinée à abbreuver ce bœuf , ^ks Sdf&^ofi-
Prêtres. Ce que dit aufîi Plutarque : celui entre les troupeaux duquel ^^^- "p- ?■
Apis avoitpris naiflance, étoit ellimé trés-heureux, 6c devenoit l'objet de
l'admiration des hommes, p. Ce bœuf a le don de prédire l'avenir, ^^
ce qu'il fait par des enfans qui chantent & qui danfent autour du bœuf, le bœuf
Et Plutarque dit que les enfans ont reçu ce privilège de prophetifer , par- /Jf/f. "^"n!"
ce qu'ils révélèrent à lus où étoit le- corps d'Ofîris.
10. Le même Auteur, favoir Elian, dit que les Egyptiens comparent
le bœuf Apis au Dieu Horus, qu'ils difoient être l'Auteur de la fertilité.
11.11 nous dit auffi qu'un certain Roi d'Egypte s'étoit enquis quel animal
étoit le plus agréable aux Dieux, ôc qu'il avoit choilî le bœuf Le hixu^Mne-
v^avoitauffi fes marques de diftinélionj mais en plus petit nombre que le
bœuf Apis^. Au moins eft-il certain qu'il devoit être noir "comme Apis.
Ammian Marcellin, après avoir dit, comment Julien l'Apoftat, pour Marceiiin.
renouveller & rétablir toutes les idolâtries, avoit fait chercher un bœuf ^^''- ^^'
Apis, à cette occafion il nous rapporte de cqs bœufs facrez, à peu prés
les mêmes chofes que Pline , & voici ce qu'il dit. Entre les animaux^ que
les Anciens ont confacré par le culte , les plus célèbres font Ainevis & Apis.
Adnevis efl confacré au Soleil, & jene voi pas qu'ion en dife rien de fort mémo-
yrable. Apis efi eonfacré à la Lune^ & il efi remarquable par les diver fes figu-
res , qu^il devoit avoir remues de fa naifance : fur tout il devoit avoir une Lune
en /on croijfant , dans h coté droit : quand il avoit vécu le nombre des années ,
marqué dans Its fecrets des livres myHiques ^ on le faifoit mourir dans Peau de
la Fontaine facrée ^ on lui préfentmt la vache lo, fille d'^Inachus^ qui devoit aujfi
avoir fes marques fngulier es. Quand il étott mort , on en cherihoit un autre,.
Rech'^rche qui fe fatfott avec un deuil public. Et fi on en pouvoit avoir un , qui
portât toutes les marques quil devoit avoir ^ on le menait a Memphis .^ belle viU
le , célèbre par la préfence du Dieu Efculape. Et le bœuf., accompagné de cent
Trêiresy étoit confacré y & introduit dans fa chambre nuptiale y & alors ilcom"
mençoit a être fier é. Il révélait ks chofes à venir ^ par des fignes ^ fur lefquels on
pouvoit fonder des conjeBures certaines ; tl paroijjoit fe détourner de quelques-uni
de ceux qui le confultoient , comme il en arriva à Çermanicus , duquel il Ce dé-
tourna , Q- refufa ce quil lui voulait donner a manger , ce qui préfageoit les maux-
qui lui dévoient bien^tôt arriver.
De tous les Auteurs précédens , on peut recueillir la defcription de ces-
deux bœufs facrfcz,. & fî l'on veut, on peut confulter de plus Strabon ,
lib. \j. Lucien, Itb. de facnficiis y Suidas fur le mot Serapis , & fur tout
Plutarque, dans le livre d-Ifis & d'Ofiris. Ce dernier nous apprend quel-
qjUC choie de la fepulture d'Apis, que les autres ont omife. C'eli pour-
quoi
512 HISTOIREDES DOGMES
Lib.deifid. quoi il eft bon de l'emprunter de lui, nom laijfons, dit- il, a part les chofes
êc ofiii. fecretes. tJ^^'S ce que les Tr êtres font en public^ ^u And Ht enterrent Apis ^ ne
^^' ^^' diffère point des cérémonies de Bacchffs. Ils apportent le corps d"* Apis far ttn bat»
teoH i ils font vêtus de peaux cle Ctrf^ ils portent en leurs mains des javelines ,
ils crient de toute leur force ^ & font des mouvemens tjiolens ^ tout comme ceux
cjuifont plems de UfHreur de Bacchas. Ce qu'il rapporte pour appuyer Ton
opinion, que le Dieu des Egyptiens Oiiris, elt le même que le Bacchus
des Grecs.
Par voye de recapitulation, voici à quoi revient <:c que nousdifent les
Auteurs que nous avons rapportez. i . Qut ces deux bœufs Apis &
ïlutnque Mnevis , dévoient être noirs , particulièrement Mnevis, qu'on choifiiToit
c^A^«^'^ toujours d'entre les plus forts taureaux. Le bœuf qui ef^ nourri à Helto*
is- ' ' polis ^ aux dépens du public , eioiî appelle Wlnevis ^ & confacré à OJtris ^ & fé-
lon le fentiment de <juel<^ues-uns , il étoitpere d^Ofirti : fon poil dev oit être tout-
à- fait noir , & H avait les féconds honneurs divins après le bœuf Apis. C'efl
ce que dit Plutarque. 2. Que le bœuf Apis étoic noir , mais avec
beaucoup de taches blanches} une quarrée dans le front, un aigle fur
le dos, une Lune dans fon croiiTant, fur le côté droit} un fcarabseus
fous la langue, des poils à rebours à la queue, 6c outre cela plufieurs
autres marques très - fîngulieres , jufqu'au nombre de 29. Il devoit
être conçu par un éclair: on le tranfportoit à Memphis, il étoit mis dans
un Temple, qui étoit lane efpece de Palais; on ne le pouvoit abreuver de
l'eau du Nil} on ne le laiiïbit pas vivre autant que la nature l'eût permis,
maison lenoyoitdans le Nil: enfuiteon l'enfeveliflbit en grande pompe,
& de grands hurlemens. Tous les ans on celebroit fept jours à la mémoi-
re de la naiflance , & durant les fept jours ks crocodiles ne pouvoient fai-
re de mal dans le Fleuve. Il pouvoit prédire l'avenir pa.r des fignea, par
fes regards ou fâcheux ou doux.
D'où pou- Au fujet de ces marques fî extraordinaires, qui fe trouvoient dans le
«s m«qu^ b<^"f^ Apis , on pcut demander. i.Ce qu'on en doit croire? 2. D'oÇi cela
extraordi- pouvoît vcnir ? Pour cc qu'on en doit croirc , je ne trouve pas qu'il foitjuftc
fe"îoû-''"* <ie démentir tant d'Hifloriens, & tant de témoins. Mais pour la caufe,
voient dans elle eil fort équivoquc. La nature fe divertit quelquefois à faire de ces
^pi"" fortes d'ouvrages , qu'on appelle auffi des jeux de la nature. Il fe peut
donc faire , qu'une fois il foit né un bœuf marqué , comme devoir être
ce bœuf Apis. Mais il n'eft nullement vrai- femblable que cela puiffe ar-
-- river plufîeurs fois. Et fur tout, fi ce que dit Pline eft vrai , que quand Apis
étoit mort,onnetardoitpaslong-tems àentrouverun femblabie. Aujour-
d'hui on cherçheroit dans toute la terre, {ans en trouver un pareil.
seniimcnt Rien n'cft plus vrai-femblable que l'opinion de St. Auguftin , qu'il y
de St. Au- avoit là-dedans de la Magie. Car tous les Prêtres Egyptiens étoienc
lÀb. 18. de Magiciens. Ce n'*étoit pas une fî grande affaire , aux Démons , pour tront-
Cjvit, Del ^^Y içj Egyptiens , de mettre dans iHmagination de la vache , qui devait conce-
voir le veau y Cimprejjlon & ï^image d'un bœuf ^ tel qu'on le voulait avoir : Ce
qui imprimait dans le fruit conçu par la vache ^ les marques corporelles: Par un
événement à peu prés femblable , à ce que faifoit facob , pour faire agneler aux
brebis de Labm , des agneaux tachetez. & marquetez..
Durant le Règne du Diable, on peut dire qu'il faifoit dans le monde,
&
ET DES CULTES DE L'EGLISE.F^r^.IIL 515
& dans la nature, à peu prés tout ce qu'il vouloir. IVÎais il n'en fut pas
de même , quand par la mort de Jefus Chriil, l'Empire du Démon fut rétréci.
Alors on ne pouvoit plus trouver de Dieu Apis , parce que le vrai' Dieu
avoit fait cefler les oracles des Démons , 6c arrêté la force de leur prefti-
ges. Spartianus, dans la vie d'Adrian, dit ^ue cet Empereur ayant mis or-
dre AUX affaires de la grande Bretagne , & qu'étant pajfé dans les ■ Gaules , //
y eut avis d'aune grande fédition émue à Alexandrie ^ à l'^occaJîond'^Apis^ qu^on
avoit trouvé ^ après t avoir cherché inutilement durant plufîeurs années. Chacun
des peuples d"* Egypte voulut avoir ce Dieu , pour le placer chez. foi. Ce récit
fait voir que la Religion d'Apis étoit à peu prés mife en oubli, puifqu'ils
étoient en difpute où le placer. Car autrement il eût été indubitable que
fon fiége devoit être à Memphis. Lorfque Julien l'Apoftat voulut réta-
blir cette fuperftition Egyptienne , Ammian Marceliin ne nous dit pas
qu'il y ait réùffi, 6c qu'il ait trouvé le bœuf Apis. Ainfi cette Religion Quand u
fut abolie long-tems devant les autres Religions du Paganifme, faute de J'Apfjcefr
pouvoir trouver un bœuf marqué, comme il devoit être.
Pendant que le bœuf i^is a pu être trouvé, 6c placé à Memphis , la dé- Adontioa
votion des peuples pour mi étoit extrême. Nous ne favons pas précifé- bœuf Apis.
ment quelles étoient les cérémonies de fon culte. On fait feulement ,
qu'on facrifioit des viélimes en fon honneur. Et fur tout des bœufs roux ,
parce que les Dieux d'Egypte avoient de l'horreur pour le roux, à cau-
fe que c'étoit la couleur de Typhon , qui étoit leur grand ennemi. Si
l'on en croit Diodore de Sicile-, à l'avènement de ce Dieu, quand il avoit Diodomssi-
été nouvellement trouvé, il étoit amené à Memphis, on le plaçoit dans thecifiKi
le Temple de Vulcain , oij \qs femmes alloient lui rendre un hommage
infâme, 6c plein de turpitude , c'efl qu'elles fe découvroient en fà pré-
fence.
L'attachement que les Egyptiens avoient pour cet abominable culte ,
paroît par la fureur oh ils ont été , quand on a donné des atteintes à cette
fuperftition. Les Rois de Perfe étoient fouvent en guerre avec les Egyp-
tiens , 6c il femble qu'ils en vouloient principalement aux Dieux d'Egyp-
te. Cambyfes fe fit amener le bœuf Apis , 6c le tranfperça de fon ja- omrageque
velot dans la cuifle. Playe dont il fecha 6c mourut. Ce que ce Roi ht, S'^^^âus
dit-on, pour fe venger de ce qu'en revenant d'une guerre, oij les cho- Egyptiens,
{ts n'étoient pas bien tournées pour lui , il trouva la ville de Memphis feur'bœuf
en grande réjouïflance , parce qu'on avoit trouvé le bœuf Apis. Ce Apis.
bœuf ainfî blelfé fut enfeveli par les Prêtres , félon Hérodote. in xhaiia.
Mais , félon Plutarque , il ftit jette à la voirie , 6c mangé des chiens , Piutarque in
ce qui fit dégrader le chien, 6c le bannir du nombre des Dieux, comme & ofiri.^^'
nous l'avons remarqué ci-deffus. Quoi qu'il en foit , il eft certain que*
cet accident caufa une grande affliélion aux Egyptiens.
Darius Ochus, autre Roi de Perfe, leur fit encore un plus grand affront.
Les Egyptiens Pavoient appelle âne , Darius leur fit dire que cet âne mangeroit Plufarq. lib.
leur bœuf; ce qu'ail ne manqua pas de faire , & mit Vâne en fa place. Si l'on ofîr! cap ^
en croit Elian, ils en prirent une cruelle vengeance. Un Eunuque Egyp- &cap. 14.
tien , nommé Bagoas , affaffina Darius Ochus , 6c le fit manger aux ^Hi \\\,[
chats. - 6. cap. 8. âc
Au refte, je ne faurois douter qu'outre ces bœufs vivans 6c réels, qu'ils ^y^°-"?"
V art. ni. Ttt ado-
Ils adoioient
lesHniuIa-
cxes d'Apis.
MelaLib, i.
cap, s>.
Sttabolib.
Ï7.
514 HISTOIRE DES D OGMES
adoroient dans leurs Temples , ils n'euflent aufîi les images ôc les fimula
cres de ces bœufs, dans leurs chapelles. C'efl: ce que nous avons ci-deflus
aoris, de Pomponius Mêla, ÔC de Strabon.
* On ne doit pas douter non plus que le bœuf Apis , avec routes les mar-
ques requifes , ne fût fouvent difficile à trouver , parce qu'ils étoient
obligez de faire étouffer Apis, après un nombre d'années dévie. En fui-
te ils dévoient chercher long tems, avant que d'en trouver un tout fem-
blable. Et dans cet interrègne, il eft apparent que la figure du bœuf
.^pis, leur tcnoit lieu du bœuf lui-même. Cette image d'Apis étoit
jfans doute enrichie par la gravure de toutes les marques, qu'Apis devoit
avoir fur la peau. Et cela fervoit, premièrement à confoler les peuples, qui
étoient toujours en deuil, jufqu'à ce qu'on eût trouvé un autre Apis. Se-
condement cela confervoit la mémoire des caraéleres,. qu'on devoit trou-
ver dans un Apis vivant. Enfin, comme ce bœuf étoit le principal ob-
jet de l'adoration de tous les Egyptiens, il n'elt pas apparent qu'ils n'eu{^
fent pas le fimulacre dans leurs Sanctuaires du plus grand de leurs Dieux ,
ne pouvant avoir Apis lui-même, qui ne partqk jamais deMemphis. Et
nous trouvons dans cette obfervation deux choies , qui font à nôtre fujer,
ia première eft la réponfe à la queftion, pourquoi les Ifraëlites , imitateurs
des fuperftitions d'Egypte , adoroient un Veau de fonte, & non pas un
Veau vivant. C'eft parce qu'en empruntant les fuperftitions d'Egypte,
ils vouloient pourtant paroître s'en éloigner. Adorer un bœuf vivant leur
parut une idolâtrie trop groffiere, au lieu qu'il étoit de l'ufage de tous les
peuples de l'Orient, d'avoir dans leurs Temples des iimulacres, avec des
figures de bête, ou tenant quelque partie de la bête
L'autre chofe que nous pouvons apprendre d'ici , e'eft le fens de ces
paroles de Moïie, dans l'Hiftoire du Veau d'or , ttinainiK ns^^i, & il k
forma avec le burin. On demande, comment Aaron forma fon Veau d'or
avec le burin, puifqu'il le jetta en moule, & en fit une Idole de fonte.'*
Selon ce que nous venons de fuppofer , que les Egyptiens avoient dans
leurs Temples l'image d'Apis , gravée ôc caraélerilée de toutes les mar-
ques , dont Apis lui-même devoit être enrichi , il eft apparent qu' Aaron
• fit graver fur le Veau des Ifraëlites , les principaux caraéleres du bœuf
Apis, ou peut-être de quelques Aftres. Cela eft plus apparent que lacon-
jcéiure de l'illuftre ôc favant Bochart , qui tourne, & Aaron ramaffa l^er
Du DicB dans une bourfe. Cette même conjeélure fe confirme par les paroles d'A-
parï Amos! "^*^^ ' chap. f . v.*2f . citécs par St. Etienne, Aâeschap.y. Fous avez.for-
te le Tabernacle de votre Adoloeh , er Kijoun , vos images^ ^ l'hernie de vos
Dieux. Kijoun , c'eft Saturne , comme on s'en eft affûré depuis qucl-
*ques années , par l'Alphabet des Egyptiens , que Kirkerus a donné au
public, dans (on Prodromus Copius. Déjà Aben-Efra nous avoit appris que
Kijoun fignifie Saturne , ôc que dans la langue des Arabes cette étoile
s'appelle Keivan, |NPD, ce qui fans doute eft la même chofe que le Kijoun,
po , dts Hébreux. On ne fa voit pas trop d'oii venoit le lQ)ephan ,• ou
'^mpham , du feptiéme des Aébes. Mais Kirkerus ôc Saumailë nous ont
appris que c'eft le nom , que les Egyptiens donnent à Saturne. Ainfi Ki-
jotin ÔC Remphan , fignifiant Saturne , c'eft l'étoile ôc l'image , dont Amos
Exode. 3o>
reproche l'ador ation aux Ifraëlites du Délërt ,
Veau d'or.
ôc qui fut gravée fur le
G H A-
ET DES CULTES DE L»E G L I S E. P^r/. III. 51^
CHAPITRE V.
€e que pouvoitfignifïer cette ajfreuje Idolâtrie des Egyptiens , qui ado-
rment des bêtes y & entf autres les bœufs Apts & Mnevis :
t oient desfymboles des grands Dieux,
c'é-
CEtte Religion des Egyptiens a paru affreufe & ridicule aux Payens
mêmes : comme il paroît par la quatrième Satyre de Juvenal. Mais Diverfcs
plufîeurs Auteurs prévenus par la grande réputation, qu'avoienf les Egyp- 'Stm^A^
tiens de fcience ôc de fagefTe , & par conféquent de bon fens , ont imaginé égyptiens.
diverfes chofes pour les excufer. Par exemple Plutarque dans Ton Livre
d'Ifîs & d^Ofirisc. 37. Diodore de Sicile dans le premier Livre de fà Biblio-
thèque 5 Porphyre , & plufieurs autres , ont travaillé à peindre de belles
couleurs ces horribles fuperftitions.
I. Les Egyptiens eux-mêmes , honteux de cette affreufe Religion, inven-
toient des febles pour la colorer. Ils difoient qu'un certain Typhon, ^['^^iT'"
grand ennemi d'Ofiris , avoit fait une fl cruelle guerre aux Dieux , qu'ils dcTfi.&'ofi-
avoient été obligez de fe cacher dans les corps des animaux , l'un dans "• "^-J^.
le corps d'un bœuf, l'autre dans celui de l'épervier, &c. Cette fable ca-
che une Hiftoire, que nous déveloperons dans la fuite.
2,. D'autres en vont chercher la caufe dans l'opinion de la Metempfy- Porphyrius.
chofe , qui étoit généralement tenue entre les Egyptiens. Ils difoient que
les âmes, 6c mêmes les Dieux, paflbient dans les corps des bêtes, c'efl
pourquoi ils les adoroient.
3 . Quelques-uns difent qu^Ofiris Roi d'Egypte , faifoit porter à Tes trou- Coûn;me
pes dans leurs enfeisnes militaires, les fîsures de ces animaux, qu'on \ts j' "î""^
• ° 1 /o,r- 1 -l'^i desfigures
avoit au commencement honorées , & qu enluite on les avoit placées dans d'animaux
les Temples, pour les adorer. Ce qui donne quelque efpece de couleur ^^n^iesen-
a cette conjecture ; c eit que Dieu fît a peu près la même choie quand il Hiûks.
forma les camps des Ifraèlites, & les divifa en bandes. Il partagea les
douze Tribus en bandes , favoir en quatre corps , trois Tribus dans cha-
que corps, & une des trois Tribus portoit l'enfèigne, qui étoit une figure
d'animal. La troupe de Ruben avoit l'Homme pour enfeigne ; Celle d^
Juda avoit un Lion, celle de Dan l'Aigle, & celle d'Ephraïm le Bœuf
Pareillement les Egyptiens mirent dans leurs enfeignes militaires, les fi-
gures de dilferens animaux, qui demeurèrent dans leur Religion, écpaffe-
rent dans leurs Temples. On croit même que la politique de leurs Rois,
contribua à cela. Ils furent bien aifes de voir leurs fujets fe partager en
plufieurs Seétes , afin de les affoiblir , & les contenir dans l'obéïfîànce par
cette divilîon , félon la maxime dtvide & impera. En effet , tous les peu-
ples de l'Egypte n' adoroient pas les mêmes animaux. Tous à la vérité
adoroient Apisj mais ils étoient divifez, dans le culte des autres animaux.
Les Lycopolites, par exemple , adoroient le loup , & mangeoient la bre-
bis , dont le loup ell l'ennemi. Auffi Diodore rapporte , qu'il y avoit fou-
Ttt z vent
Les Egyp-
tiens ont
adore les
bêtes , à
caufe des
utilitezqiii
leur en re-
venaient.
PIut.de Uî.
& Ofici. c.
39. Diodo-
relib. i.
Bibliothecx.
La vraie rai-
ion , c'efl:
que ces ani-
maux fuient
établispour
fynVoyles
des grands
Dieux.
In Euterpe
Irotreptic
aivcifiis
Gjntes.
C-.p.38.îff.
îtoeesdes
P. 1 pi fie s
dans celui
des Lgyp-
tiCHS.
516 HISTOIRE DES DOGMES
vent guerre entre les peuples d'Egypte, pour les diflPerenccs bêtes qu'ils
iidoroient.
4. C'cil une opinion très-commune, qu'on a adoré en Egypte les bêces,
à caufe dès utilitez qu'on entiroic: Les bœufs ^ caufe de l'agriculture, les
brebis à caufe des laines, les ibis à caufe de la Médecine, &: parce qu'ils
mang.eoient les ferpens , Tichneumon, efpecederat, parce qu'il tuoit les
crocodiles : les crocodiles eux-mêiiies, parce qu'étant trés-dangereux pour
ceux qui voyageoient fur le Nil, ils emjîêchoient les brigands deCyrene,
de traverfer le fleuve , pour venir pilier le pa'ïs: On peut lire ces chofes,
ôc autres femblables, dans PlutarqueôcDiodore de Sicile, dans les endroits
qui ont été citez.
f . ^'iais la feule opinion véritable, c'eft que les animaux adorez en Egypte
étoient les fymboles des Dieux. Car tout le monde fait que chacun des Dieux
Pay ens , avoit fon animal , qui lui étoit confacré , ëc même qu'il avoit fon ar-
bre & ia plante. La colombe étoit confacrée à Venus , le dragon & la
chouërte à Minerve, les paonsàjunon , l'aigle à Jupiter, le coqàEfcu-
lape ôc au Soleil, &c. C'eft là l'origine de Fidolatrie Egyptienne. Les
Egyptiens aflignerent à leurs Dieux certains animaux, comme leurs fym-
boles. Ils furent introduits dans lesTemples , comme furent les images dans
les Eglifes des Chrétiens, ôc enfuite on vint à les adorer. Hérodote dit en
parlant de ces animaux facrez , que les Egyptiens fe font un grand honneur àe les
nmrrir ^ (jr de les élever , &''c]ue dMis cet honneur le fils fuc ce de apt fere ^ tous
les h.ibuans des villes payent lems vœux à ces anim.itix , ér par là ils rendent"
hommage au Dieu , à qui celte hête efi coûfacrée. Ces dernières paroles font
voir que la bête n'étoit pas adorée comme le Dieu, mais comme le fym-
bole du Dieu à qui elle étoit confacrée. Clément d'Alexandrie dit, ^ne
les Egyptiens regardaient l'tbis & l^ichneHmon^çommelesJlames des T)ieHx. C'eft-
à-dire comme leurs fymboles. 1
Plutarque dans fon Livre d'Ifîs 6c d'Oilris dit, que les Egyptiens avoient
conlàcré certaines bêtes à certaines divinitez, à caufe de quelque relTcm-
blance , ôc quelques légères ombres de divinité qui étoient en elles. Et
e'eil là le propre de ce que nous appelions des fymboles \ lis n'ont pas
l'effence &: la nature de ce dont ils iont les fymboles , mais ils ont quelque
rapport 6c quelque efpece de reffemblance : Ceux qui ont étudié la matière
des Sacremens doivent comprendre cela. Car c'eft de cette manière que
les fymboles facrez font regardez Se honorez entre les vrais Chrétiens.
Les faux Chrétiens , non ieuiement adorent les fymboles dans les Sa-
crentens : ils adorent les images mêmes ôc les ilmulacres de leurs Saints :
Oiiand nous les preifons, ils répondent, qu'ilya bien de la différence en>
tje les idolâtres Payens «Se eux> parce que les Payens adoroient leurs lîmu-
lacres, comme des Dieux. Nous avons convaincu cette excufe 6c de fauf-
feté 6c de vanité, dans nôtre Traité des Theraphims, 6c dans celui de
Torigine des fimulacres. Nous les prelTons, 6c nous leur dilbns j des
animaux vivans feroient bien plus propres à être les fymboles de la di-
vinité, 6< à être adorez comme tels : Car au moins ils ont la vie, le
mouvement 6c le feniiment , en quoi ils fymbolifent avec la divinité ,
6^ en font une efpece d'image. Cependant vous voyez, comment les
Egyptiens font devenus l'horreur 6c le mépris de tous les peuples,
pour
ET DES CULTES DE L'EGLISE. Tart.Ul, 517
pour avoir adoré les bœufs Apis ScMnevis 56c plufieurs autres bêtes, com-
me des fymboles des grands Dieux.
Nos Fapiftes répondent , que les Egyptiens n'ont pas adoré les animaux
brutes, comme des Tymboles, mais comme de vrais Dieux. ^ypz.f ,ditBcl- Extravâ-
larmin , a été le grand Dieu des Egyptiens , & les Ifraelttes ont cru cjue le Veau , ^^^^^ '^9
cjH'ils avoient vu adorer en Egypte, éioitle Dieu du Ciel. Et c^juc même les Ifra'ê- Lib.z.c.ij.
lites crurent , qu'ils avoient été délivrez. , & qu'ils avoient recule bienfait de leur ^^i™agini-
delivrance ^ non du Dieu de Aloife ^ mais d'Apis leT^ieu des Egyptiens. Celaefl; Lib.fecundo
bien étrange, que pour juftifier une faulTe Religion, on transforme tous^'"'^°'
les autres hommes en brutes, ôc en fous à lier. Car il eût falu que les If-
raëlites eulTent été plus que fous , pour fe perfuader que leur bœuf les avoir
délivrez.
Cet endroit efl: afîez important pournous y arrêter un peu; Il faut prou- LesEgy-
ver que les Egyptiens n'ont pas adoré les animaux facrez , comme des pas*adorè°ies
Dieux, mais feulement comme des images & des fymboles des Dieux, animaux,
Mais avant cela on doitfavoir que nous ne cherchons que lefentimentdes "àfs^Dieux
Maîtres de cette Religion, c'ell-à-dire , des Prêtres, ôcdesSavans Egyp- niais com- '
tiens.. Car pour le peuple, il nous importe peu comment ils ont adoré bSeî^^''^'
Apis , 6c les autres bêtes facrées. Il n'y a gueres d'excez en matière de
culte, dont les brutaux & les {impies ne foient capables. Encore à pré-
fent on trouveroit entre lesPapiites, mille & mille ignorans , qui ne dif-
tinguent point l'adoration qu'ils doivent à Dieu , de celle qu'ils rendent
à leurs images.
1. Au relie que les fages Egyptiens n'ayent adoré les animaux, quecom- Preuves que
me les fymboles de leurs grands Dieux, cela doit être évident par leca- J^u^^J!?"
raétere de la Nacion. On tombe d'accord , que les Egyptiens ont pafTé , adoré les
ÔC pour les plus favans, &; les plus éclairez de tous ceux qui fe fontappli- cjg™^"^^*"
quez aux fciences 5 ils ont été habiles, même dans la Théologie naturelle, comme les
Or il auroit falu qu'isls euifent été , éc les plus ignorans, & les plus bru- dcT^îds
taux de tous les hommes, pour adorer des bœufs , des chiens 6c des ehats^ oicuii.
comme de vrais Dieux. LesEgyp-
2. Toute leur Théologie , 6c ir.ême leur Philofophie étoit couverte iJ-^Û^tezks"^
d'ombres myiliques: Ce qu'autrefois nous avons piouvédans des Thefes Fi"£ii^b;i€s,
de Cabbda. Leurs Hiéroglyphiques en font foi. C'étoient àcs figures fages^de"*
myfterieufes , qui couvroient de belles ëc grandes veritez. Un fceptre, *°"s^"
au haut duquel étoit un œil, répréfentoit le Souverain des Dieux , ou scrande"
pour mieux dire une divinité unique , qui gouverne le monde, avec une?^^"^^-
connoiiTance générale, êc une profonde fagellTe. Le grand Dieu qu'ils ap- Pnlîofophie,
pelloient Kneph ^ ou Knejjphis , étoit répréfenté faifant forttr un œuf de fa b ou- ^l^^^^'-^' •
c^<?,& ils appeiioient cet œiif le Monde : C'eft une figure tout à tait parlante Blypii^ns ,
de la Création du Monde. Le Monde fort de la bouche de Dieu , c'eii. f^^f j;^^^^*
parce qu'il le créa par fa parole, ôc par le fouffle de fa bouche, comme fymboics.
parle David. LvaS"?""^'
On pourroit trouver dans les œuvres dePlutarque, dansEufebe, dans en.''' '
les Livres de Jamblichus, cent & cent emblèmes Egyptiens, qui décou-^^- ^*'
vrent la profonde fcience d£S Egyptiens , dans les choies fàcrées , & j'y ren-
voyé les Ledeurs curieux.
Mais je ne puis omettre la Minerve Egyptienne, ou la Déeiîé Ifis,
l'tt 3 adorée
5^8 HISTOIRE DES DOGMES
La Minerve adorée daiis la ville de Sais. Elle avoit un lîmulacre, fur lequel étoient
dcSaïscft écrites ces paroles, je fms celle cjui etois ^ qui fuis y & cjui ferai ^ & cjuifmi
fcmtion. ' ^oHte chofe. C'ell précifément l'explication du mot de febova^ & la défini-
^'"a?'r ^^o^"^ q"^^ Dieu donne de lui-même. Je ne croirai jamais qu'une Nation,
&.oiiri. qui a poufle les connoiirances jufques-là, ait adoré des bœufs , comme des
Apocai. I. Dieux-
Troifiémc 3 . Tous Ics Auteurs anciens , foit Payens , foit Chrétiens , avouent que
preuve. jgj animaux, qu'on adoroit en Egypte , étoient confacrez aux Dieux.
^-^///spyôj. Porphyre , dans les Livres d'Eufebe, ci-deflus citez, aflure que la tfrebis
étoit confacrée au grand Dieu Créateur, que les bœufs Apis, & Mnevis,
étoient confacrez au Soleil & à la Lune. Or fi c&s animaux étoient confa-
crez aux Dieux, ils n'étoient donc pas repuiez Dieux eux-mêmes ; car il
ne fut jamais dit, que l'on aitconfacré des Dieux aux Dieux. MaisPor-
EufcbePrasp. phyre, rapporté par Eufebe, ell exprés là-deflus: Or que les Sgjptieni( ne
SliÎ!^ I. jrgg^f^^jpjjf p^j fgj animaux brutes ^ comme des Dieux , ilparozt, parce quedans
la plupart des lieux ^ ils facrifioient les bœufs confacrez. dans leurs fêtes folemnelles.
La preuve eft évidente , fi le fait eft bien certain , fa voir qu'ils facrifioient
aux Dieux les animaux confacrez, car on ne lacrifie pas un Dieu à un
autre Dieu.
Lib.de ifi.- 4. Plutarquc nous apprend un fait notable , c'eft qu'en tems de guerre,
^p jg de pefte, de famine, ou de quelque grande calamité , les Prêtres Egyp-
LesEgyp- ticus prcnoicnt une de leurs bêtes facrées , & durant la nuit ils lui faK
Stoient Soient de terribles menaces , fi elle manquoit à leur donner du fecours : fi le
leurs Dieux, mal contiuuoit, ils fouettoient la bête jufqu'au fang. Et enfin fi le mal ne
tuoknr.* " ceflbit pas, ils la tuoient pour la punir : Qui croira que des hommes, qui
Quatrième ne font pas fous , vouluflcut tucr leurs Dieux ? La même obfervation fc
Fe"aniBuux P^'^'^ faire, fur ce qui a été remarqué ci-deflus, qu'ils étoufFoient le bœuf
facrez n'é- Apis , daus l'cau du Nil, après l'avoir adoré plufieurs années. Nos Pa-
desfyinbS- piites brûlent leurs vieux Saints, quand la pourriture, & la vermoulure
^"' \ts a défigurez : c'eft parce qu'ils ne croient pas que ce ,foient de vrais
Saints.
Diodorus ^. Enfin tous les Auteurs confentent, que le bœuf Apis étoit l'image,
iibiloî'"''*' les uns difent de Serapis, les autres d'Ofiris. Le feul Lucien a dit, qu'A-
Aueuftinus P'^ ^^oïi le grand Dieu des Egyptiens. Mais qui ne voit que c'eft pour
de civitate rendre ridicule la Religion d'Egypte? Comme il avoit dcflein de fe mo-
reihb. 18. jjyçj. en gênerai, de toutes les Religions Payennes, il ne pouvoit pas
manquer de prendre la Religion d'Egypte par fon plus mauvais côté. Au
piutarque rcftc nous nc nions pas ce que nous avons dit ci-defilis, ôcque Plutarquc
*ufeb^d^ê ^voit déjà remarqué, (^ue ce culte des animaux br Ht es rendoit le fervice divin
Praep. Ey. ridicuîe & ahfurde , & que cela induifoit les ftmples , d" fouvent lesfages , k des
''• penfees folles & impies. Mais en pénétrant dans l'efpritde cette Religion,
facdficîis ^^ ^ ^ ^^^ auteurs , nous foûtcnons qu'ils n'ont jamais regardé ces animaux ,
iQdis&ofi- que comme des fymboles&des images des Dieux. Et que dans le fond,
lis. cap. 37. Y^^^ Religion étoit moins abfurde que celle des autres Payens, qui pofoient
des ftatuës brutes & mortes, pour fymboles de leurs Dieux. Il efivrai pour-
tant que les apparences étoient contr'eux. C^eft pourquoi toutes les autres
Religions fe font moquées de celle-là.
CHAP,
ET DES CULTES DE L'EGLISE. Part.UL 519
CHAPITRE VL
S^e le bœuf t^pis n' et oit pas le fymhole du Dieu Serapis: gf/^/vojcz k
eioit le T>îeu Serapis des Egyptiens ; que Jofeph n"a Bee&bab
pomt de part en tout cela. ^^^^- ^'^'
C'Etoitune opinion, à peu prés confiante & univerfelle entre les an- Fable de$
ciens , que le bœuf Apis étoit confacré à la mémoire d'un Roi de ^"^«^ ^ou-
même nom. Les Grecs tenoient que cet Apis Egyptien , étoit le &£?'»?&
même que celui , qu'ils appelloient Epaphus , petit-fils d'Inachus Roi
d'Argos. Et voici comme ils en compofent la fable. Inachus Roi d'Ar-
gos eut une fille, dont Jupiter devint amoureux. Junon en fut jaloufe,
& la metamorphofa en vache. Cette vache piquée du taon , devint fu-
ricufe, &: courut toute la terre. Enfin elle arriva fur les bords du Nil.
Et ce fut là que Jupiter lui rendit fa première forme, & continuant dans îp°/J*o"L
{es amours, il coucha avec elle: Elle en devint grofîè, Serait au monde ^^uguft.
Epaphus, qui bâtit la ville de Memphis. Cet Epaphus, après fa mort, De clvit.
fut mis au nombre des Dieux , & adoré fous le fymbole du bœuf, par- ^^'^- «• f *
ce que fa mère lo avoit été vache. Cet Epaphus, petit -fils d'Inachus, piïpam.Er.
Roi d'Argos , vivoit du tems de Moïfe , fi on en croit Appion d'Ale- ^'^- ^°- "p°
xandrie. Appion a été fuivi par plufieurs Auteurs Chrétiens , comme Juf- Herôdot/S
tin Martyr, Clément d'Alexandrie, Théophile d' Antioche , 6c plufieurs '^''^'"' *c
autres. cîem£
Mais les Egyptiens ne conviennent pas de cela, que leur Apis foit Epa- ^^l^^n. Jib„
phus. Ce feroit un Dieu étranger , & Grec d'origine, puifqu'il feroit petit- jùiiusTir-*
fils d'un Roi d'Argos. Ce qui ne s'accorderoi* pas avec la vanité àQs J^j*^"* *J»-
Egyptiens , qui prétendent être les Doéteurs de toute la terre , & que de Enore*
leur Religion eft la plus ancienne de toutes les Religions. Ils veulent donc J'^^^^".^^^'
que ce Roi Apis, à qui le bœuf étoit confacré , fût beaucoup plus an- opinion des
citn au' Epaphus ^ & Inachus: comme nous l'apprend Elian. Voici ce qu'en f^^,^"„^'^
j • o ■ 1 ri • ■« ^ • f ' r ■ I i lur le Roi
ait buidas. Il y en a qm rapportent (^u^ay^pis a tte autrefois un homme fort n- Apis.
che ^ & %pi de Memphis ^ ville d'Egypte ^ ^ui dams une année ^ oit le bled étoit ^^^l^^. .
rare, nourrit les peuples d'* Alexandrie à fès dépens, y^ prés fh mort en lui con- miliam nh.
facra un Temple , dans lequel on nourrijfoit un bœuf, en mémoire de ce Roi , suid^s^"'^'
qui avott exercé Pagrieulture. On lit la même chofe dans Ruffin , que le^oceserapis.
Roi Apis avoit nourri les habitans d'Alexandrie: Qu'à caufe de cela on EcSiib'?"
lui avoit affigné le bœuf, pour fymbole, ôc on l'avoit adoré fous le nom cap. zj.
j»A„:„ Les Anciens
" ^PIS. _ ^ ne font p^^
Les Anciens ne font point exaéls dans leur Chronologie. Apis ne peut ^^^^^ «Jans
pas avoir nourri les Alexandrins. Car Alexandrie fut bâtie par Alexan- nofo|re^°Le
dre, après qu'il eut conquis l'Egypte. Et le Roi Apis, foit que ce fût^°iÂpis,
Epaphus , ou un autre, étoit beaucoup plus ancien qu'Alexandre, puif- Lup pS*
que l'on fait vivre Apis, ou Epaphus , dans le fiécle de Moïfe, • ''"f ^p
- Undxie.
520 HISTOIRE DES DOGM ES
Eufcb.Trsep. Un Certain Ptolemée Mendefien , qui avoit écrit THiftoire des Rois
Evang. Hb. (j'£gypte, prétend que Moïfe débaucha le peuple d'Ifraël, & le fit for-
tir d'Egypte fous le Roy Amojîs. Ces deux noms, de Mofes & à'AmoJts^
font fi voifins , qu'il n'eil pas poffible de ne pas voir qu'ils ont été faits
l'un fur l'autre : Ce Mendefius étoit Egyptien d'cxtraélion j & Prêtre
de la ville de Mendcs : Mais il étoit devenu Grec , fous la domination
^'o'^vifnt (jes Grecs , ôc il y a bien apparence que fon Amofis^ qui efl: le Pharaon
mofisîc'é- de Moïfe, eft compofé de l'Alpha privatif des Grecs, èc de Mofât. Ainfî
d*' Roi'd'î;- ^^ "°"^ fignifieroit éloigné de Moïlè , ou ennemi de Moïfe : nous n'ap-
gypte, du prenons donc rien de nouveau de cet Auteur , touchant le Roi d'Egyp-
ucï[^^ te, fous lequel le peuple d'Ifraël fortit.
Apisn'étoit L'opinion qui a eu le plus de cours entre les anciens Auteurs, fur tout
au d'^SS-^ ^'^^re les Chrétiens j c'eft que le bœuf Apis étoit confacré au Dieu Sera-
rapis. pis. Ce Scrapis étoit en effet une des fameufes divinitez des Egyptiens,
Mais il n'a rien de commun avec le bœuf Apis : Une fauffe étymologic
a trompé les Anciens. Ils veulent que Serapis ne foit rien autre chofe, que,
Soros Apts , paroles, qui dans la langue Grecque, fîgnifîent le tombeau^ ou
le cerctieil d'Apis. Comme fi ce Roi , nommé (iApis^ après fa mort avoit
pris un nom compofé de fon vrai nom Apis ^ & du mot qui fignifîoit cer-
cueil : Soros ttApis , eft un nom Grec > par conféquent il n'a pas pris fa
naiflance en Egypte. Gérard Vofîius a rejette cette étymologie , en re-
tenant pourtant ce principe , qu'Apis étoit confacré à Serapis.
H y a eu H y a bien apparence qu'il y a eu àtuxApis^ l'un Egyptien, & l'autre
daisKois ^^.gjgjj. Qç. cjernier étoit Roi d'Argos, fils de Phoroneus, petit- fils d'T-
nachus , & tous prédecefleurs d'Agamemnon : cet Apis n'a jamais été
en Egypte: l'autre Apis étoit Egyptien, il a bâti Memphis: ôc fut ado-
ré en Egypte. Mais ni l'un ni l'autre, n'ont rien de commun avec le Dieu
cicmens Serapis , on a confondu ces deux Apis. Clément d'Alexandrie dit <jti'*Apis
Akx.strom. ^'^^^^ r^^- ^•'^lyg^^^ comme l'écrit aAriflippe , dans le premier livre de VHiftoire
d'Arcadie. Ce fut lui qui bâtit Memphis : & Ariftceus dit que c'eji le même ,
quon appella Serapis , & que c'^-efl celui que les Egyptiens adorent. Mais Nym-
phiodorusd'Amphipolis,dans fon troiiiéme livre des mœurs d'Aûe^ditquecet
Apis étoit un boeufs qu'ion avoit faU & embaumé .^ & qu'on l' avoit enfeveli dans
le Temple du principal Démon ^ ou Efprit , qu'ils adoraient î qu'ion le mit dans un
cercueil appelle Soros , & que de là efi venu le nom de Soros Apis ^ Sorapis ^ &
enfin Serapis. Il n'y a nulle raiibn de tranfporter ce Roi , d'Argos en
Egypte , pour le compofer avec le bœuf Apis , ôc en faire un même
Dieu. -Qiiant à la conjeéture de Nymphiodorus , que le culte d'ax^^f y
auffi bien que le nom de Serapis^ viennent de ce bœuf, qu'on avoit falé,
& enfeveli dans le Temple du principal Dieu d'Egypte , elle ne me pa-
roît ni véritable , ni vrai-fcmblabîe.
Cette étymologie du nom de Serapis, tirée de Soros Apis, aparuvrai-
femblable à je ne fai combien de Savans , Anciens & Modernes ; à St.
Auguftin, Suidas, Rufîin,Apollodore, Clément d'Alexandrie, Ariftasus
Deicllioia- Argien. Entre les Modernes , Raynoldus veut au (îi qu'Apis ait été le
41Ï G*in'rd' fymbolc de Serapis. Enfin le favant Gérard Vofîius , prétend qu'Apis
vofùus de gr Serapis, noms de Dieux Egyptiens, fo*nt la même choie, Se que fous
ôc?.rib!i? ces deux nonas efl caché le Patriarche Jofeph qu'on appella Apis , nom
i.^9• dérivé
ET DES CULTES DE L'EGLISE. Partm.fii
dérivé de l'Hébreu au Se aùi , qui fignifîe père & mon père -j Et que \qs
Rois d'Egypte, 6c la nation , lui donnèrent ce nom , à caufe qu'il leur
avoit fauve la vie : On y ajouta la fyllabe Sar , qui en toute langue fîgni- Etymoiogie
iîe Prince. Car de là eft venu nôtre Sire. du nom de
Sue.
On lui donna pour fymbole le bœuf , à caufe de l'Agriculture , & du
froment, par lequel Jofeph fauva les Egyptiens. Un Auteur ancien, fous
le nom de St. Auguftin , dit (jue les Egyptiens poferent un bœuf prés Au tent- Lib. de mn
beau de fofeph , à caufe du bénéfice <jHe Jofeph procura à la nation , par l'Agri- "''f''''"*
culture: ér ^ue le bœuf fert à V Agriculture. Et cela fut auffi caufe , ^ue truand 1 1. ap^if.
les enfans d^Ifra'él voulurent adorer une idole , dans le defert , ils ne choifrrent
pas d? autre figure ^ que celle du veau i c^efi-à-dire , qu'ails firent un bœuf
pfrincipalement , piwce qu'ails avaient vu cette figure adorée prés du fepulcre de
Jofeph.
On a remarqué aufîi que Pharaon vît en fonge fcpt vaches grafles , ôc
fept maigres , qui lui préfageoient les fept années d'abondance ., &; les
fcpt années de difette 3 que Jofeph interpréta ce fonge , & reçût de Pha-
raon la eommifîîon d'avoir foin des bleds : ce qui fut caufe qu'on lui don-
na pour enfeigne le bœuf ,<x^ue ce peut être là l'origine du nom de Sera-
pis ^ qui fut donné à Jofeph, ^axnïLî' Shoravi , le bœuf mon père. On
appuyé cela d'un exemple tiré de l'Hilloire Romaine de Titc-Live. Lu-
eius Mînutius fut honoréd'un bœuf doré , qui fut pofé hors la porte ,
appellée Tergemina, parce qu'il avoit heureufement conduit les affaires,
dans une année de rareté, ôc de cherté de bled. La tradition eft, que ^
l'idole de Serapis avoit fur la tête un boiffeau : ce qui rend encore vrai-
femblaMe que c'étoit Jofeph , à qui on donnoit le fymbole du bœuf , &
que l'on coiffoit d'un boifleau , parce qu'il avoit ramafle tant de bled , 6c
qu'il le diftribuoit par mefure.
On veut auffi que le nom de bœuf (dit donné à Jofeph , dans les paro-
les du 33. chap. -ir. 17. du Deuteronome , fa beauté efl comme celle d^un
premier né des taurtaux. ''Enfin on ne trouve rien plus commode , pour
rendre raifon du choix que fit Aaron de la figure de veau , pour l'idole
que les Ifraëlites lui demandèrent.
Il eft vrai qu'il jy a là dedans quelques circonftances , qui fe font heu-
reufement rencontrées, pour appuyer cette conjeéture que le bœuf Apis,
& le Dieu Serapis ont été canonifez, & confacrez à la gloire de Jofeph.
Mais dans le fond , cette conjeéture de Voffius n'a point dé folidité.
I. Il n'y a nulle apparence que les Egyptiens, qui avoient tant de hai- iin'eft pai
ne, ôc tant de mépris pour la nation Ifraëlite, eulfent voulu déifier fon fephfût le
Patriarche. Dieu Sera-
2,. Cela ne fe peut accorder avec ce qui fe lit au premier chapitre de EJ^^f^L^J;^
l'Exode ir. 8. qu'un T\pi fe leva qui n^ avoit pas connu Jofeph. S'il l'adoroit
fous l'emblème du bœuf, ôc fous le nom de Serapis , il ne pouvoit pas
lui être inconnu.
3. Les Ifraëlites en fortant emportèrent les os de Jofeph avec eux.
Les Egyptiens n'auroient pas fouffert cela, fi Jofeph eût été adoré entre
leurs grands Dieux.
4. 11 n'y a gueres d'apparence , que Dieu eût voulu permettre qu'on
eût fait une idole de ce grand Patriarche Jofeph.
l'art, ni, Vvv f. L'ado-
522 H I S T O I R E D E S D O G MES
f. L'adonition'du bœuf entre les Egyptiens, étoit plus anciehne que
Joi'eph: Car l'Hiftoire de la Genefe, 6c celle de l'Exode, font voir que
les Egyptiens avoient en horreur les Bergers, fans doute parce qu'ils man-
geoient la chair des Dieux d'Egypte : & comme parle Moiïe , Les ah'
Mottvicvo- ffjinatiom des B<;yptiens\ C'eft- à-dire leurs Dieux,, lèion la sloie de Mai-
cap. 46. monides.
6. Il n'eft pas vrai que Serapis vienne ni de Soros zy4pis , ni de Sarafvi^,
ni de Soravi , ni qu'il ait pu être Jofeph : Car le Serapis des Egyptiens
étoit le Dieu Pluton des Grecs, Ôc le Beelzebub des Phéniciens. Et Ton
nom jfîgnifie le Prince desfauterelles, comme Beelzebub iïgnifie le Dieu
des mouches. C'eft une conjeâure nouvelle , mais dont nous préten-
dons faire voir la folidité , quand nous parlerons de Beelzebub , Dieu:
d'Hekron.
7. Serapis ne peut *pas être Jofeph j Car c'efl: une divinité moderne en*
tre les Egyptiens, inconnue avant le règne des Ptolemées. Ce fut Pto-
lemée Lagus , ou félon d'autres Ptolemée Soter, qui le fit apporter du
Tacit. Hif- Royaume de Pont, ôc de la ville de Synope. On, en voit l'Hiftoire dans
ciemens'^' Tacitc , dans Clcmcnt d' Alexandrie , 6c dans Piutarque. Ptolemée averti
co^'pi"?""^" fonge d'envoyer quérir cette idole, l'obtint avec beaucoup de peine,,
que dans le pour l'apportcr cu Egypte,
'«"'i.l^''^'* 8. Ce Dieu Serapis eut fon Temple à Alexandrie. Mais le bœuf Apis-
& d Oluis. r ■ 1 '• - A /i 1 • ,- A • ' • 1 r I 1 j O • M
ch3p. ij. etoit adore a Memphis, h Apis etoit le lyrabole deberapis, il y a appa-
rence que le fymbole auroit été placé dans le même lieu, que la divini-
• té, dont il étoit le fymbole : Ce n'étoit donc pas un Dieu de l'ancienne
piutatque Egypte. IL cft vrai que, félon le rapport de Piutarque & deTâfiite, il
ioûci.^ fe trouva que ce Dieu Serapis n'étoit pas inconnu. aux Egyptiens, carl'i-
«p-i3f dole que Ptolemée fît apporter de Pont, ne portoit pas le nom de Sera--
pis à Synope. Ce furent, dit -on, les Egyptiens qui lui donnèrent ce
nom, quand ils le virent , ôc le reconnurent pour être le Dieu Serapis^
qui de tout tems, avoit. eu un Temple dans- le lieu appelle Rhacotis,
Et félon Plutarque, c'éfoit je nom que les Egyptiens donnoient à Plu-
ton.
S'il y a quelque chofe de vrai dans ce récit, c'efl: que l'orgueil des
Egyptiens, qui vouloient que tous les Dieux tiralTent leur origine de leur
Puis, les porta, à feindre que ce Dieu étranger étoit forti d'Egypte. Mais
le fîlence de tous lesHiiloriens, qui ont parié des anciens Dieux d'Egyp-
te, prouve aflézque c'efl une fable: Hérodote ne parle point de ce Dieu
Serapis. Et Plutarque, & Diodore Sicilien , qui parlent de Serapis , veu-
lent que ce foit le même qu'Ofîris. Or Jofeph le Patriarche n'a rien, de
commun avec Ofiris, non plus qu'avec Serapis^.
■ • 9. Enfin la. figure monflrueufe , qu'on avoit donnée à Serapis , qui
convenoit fort bien au Prince des Démons Beelzebub , ne peut convenir-
à Jofeph , les Ifraëlites n'auroient pas manqué de fê^pîaindre , dece qu'on:
auroit donné une, figure affreufe , à un fi faint Ôc fi excellent Patriar-
che. ..■.,.. .-V
ïjgiue de Macrobe, qui a voulu trouver le Soleil par tout ,. nous, dépeint ainfî.lç-
Macrobius fîniulacrc de Serapis. Il y a^ dit-il , ajfez. de preuves (jue l' Egypte ^fotis ce nom
SaturnaUib. 4ii Serapis ^ rend.tome..fon.(idQrAtton.afi.S.9hUy ce<^Hiparoit ^ lam en ce qn^tls ont
i*.cap;.ip.,. ^^^,
ET DES CULTES DE L'EGLISE. TartML^i^
mis un boijjeaH , ou panier fur U tète daJimuUcre , ejne parce cju'^ils lui ont donné trots
tètes .^ de trois Ai jferens animaux ^ la tète dn milteii & la plusgrande-^ efl celle dn
lion , à coté droit on voit fortir une tèt-e de chien , avec fa mine douct & carejjaviey
Cr la tète delcjpk la gauche. Sur tout cela s^entortrlleune figvire de dragon ^cjpn
tourne tout autour de ces trois ah' très figures ^ & les unit enfemblc-y là tète du dra-
çon vient fe rendre :à la mam droite du monfire. '
Je ne Gii s'il y eÛLt jamais rien de plus monftmeux, que cette figure.
En je ne Tai comment on en pourroit faire la figure fymbolique de Jo-
feph. Puis que le boeuf Apis n'étoit ni Serapis, nijofeph, il faut voir
à qui ce bœuf étoit véritablement confacré.
C H A P I T R E VIL
Lit Bœuf Apis éteit le fymbole de la Veejfe IJis ; à- le Bœuf Mne-
"vis étoit le fymbole du Dieu OJÎris. Typhon étoit ennemi mortel
Slfis & d'OJiris. Celles parties delà nature ont été déifiées pat
les Egyptiens i fous ces trois noms. IJïs n'étoit f as la Lune, mais
la nature univerfelk,
IL eft certain que fous les fymfboles des deux bœufs facrez en Egypte , lcj ^g _.
il faut chercher les Dieux des Egyptiens. Il cil pareillement certain, tiens ont unr
que les Egyptiens, comme tous les autres Payens , fous leurs emblèmes, Natureîs^"*
& fous leurs fimulacres , ont adoré les Aftres & les Elemens , & qu'ils y avec leurs _
ont joint l'Hiftoire des premiers hommes du monde , qu'ils ont confacrez, ^a^iJi* ^'^'
èc adorez conjointement, dans les mêmes Temples, fous les mêmes
noms. Et c'eft ce qui a produit une fi monftrueufe Théologie chez les
Payens. On les voit attribuer à des Aftres, à des étoiles ôc à desélemsns,
des aélions qui ne peuvent convenir qu'à des hommes , 6c fouvent qu'à
des hommes trés-méchans, ainfi qu'il a été déjà remarqué cy-defllis. Il
faut donc chercher dans la Théologie Egyptienne , & les fecrets dç leur
Philofophie naturelle, &c l'Hiftoire de leurs Ancêtres. C'eft ce qui fait
ces deux efpeces de Dieux ^ Dieux Naturels , é" Dieux Animaux , dont nous
avons donné la diftindion cy-devant. Les Dieux Naturels font les Aftres ,
les Elemens ôc les principales parties de l'Univers: les Dieux Animaux
font les hommes, c'eft-à-dire les Ancêtres, que les Payens ont placé dans
les cieux, afin de ne plus manquer de divinitez, & ne plus tomber dans
l'atheifrae de l'âge, qui avoit précédé le déluge. Ainfi confiderons Ifis
fie Ofiris comme Dieux Naturels , & comme parties de l'Univers , ôc après
nous y chercherons l'Hiftoire des fondateurs du premier monde.
Il faut tomber d'accord qu'Ofiris eft le Soleil. Plutarque le prouve ôruise'aïc
très- évidemment 5 dans fon livre d'Ifis fie d'Ofiris , petit ouvrage qu'on Preuves
ne fauroit trop relire , fi l'on veut favoir quelque choie dans la Religion qu'en ap-
des Egyptiens. Voici le fondement de la conjeéture de Plutarque. i. Sque."*
Les fimulacres d'Ofirisfont revêtus de vétemensbrillans, pourrépréfen-
ter les rayons 6c la lumière du Soleil, z. Membrum virile eji ipfi arreïium , JJ^^^'^J*
c'efbpour marquer la vertu generative du Soleil, eftimé père de tout ce orùis.
Vvv 2 qui
524 HISTOIRE DES DOGMES
qui vit, foit plantes , foit animaux. Sol & homo générant hominem. 3. Dans
leurs hymnes compofez à l'honneur d'Oliris, ils prient celui qui repofe
dans le fein du Soleil. C'ell-à.dire l'intelligence, qui conduit cet Ailrc.
4. Après réquinoxe de l'Automne, tirant vers le Solllice d'Hiver, ils
célèbrent en grand deuil une fête qu'ils appellent ùCpavia-iJ^og Ofiridis ,
la difparution d'Ofiris : par où ils défignent évidemment l'abfence 6c
réloignement du Soleil, f. Dans le même tems, autour du Solftice
d'Hiver , dans le mois de Novembre , ils cherchent Ofiris , ôc font
faire à une vache, fept fois le tour du Temple d'Ofiris, par cela ils veu-
lent fignifier , que dans fépt mois^ ou fept révolutions^ de. ILune,. k Soleil
reviendra au Solftice d'Eté. 6^ Dans le mois de Paophi, qui eliaprés^
réjq.uinoxe d'Automne , tendant à l'Hiver , ils célèbrent une fête qu'Hs
appellent /<? ^^?o» «aTO/m : c'cfl parce qu'alors le Soleil, étant très avan-
cé dans les lignes décendans , a perdu à peu prés toute fa force , & il
a befoin de bâton, comme un vieillard, dont la vertu & la force dé-
Satumai. clinent. Si l'on veut voir ce parallèle poufie plus loin, il faut lire le premier
jib. I. cap. ijvi^ des Saturnales de Macrobe, & l'on ne pourra pas douter de cette ve-
Diod. sicui. rite ,. qu'Ofiris ne foit le Soleil. Diodore dit que le mot O/w, dans la langue
hb.i.Bibho- Egyptienne, ûgmûe %oKv6<^^ciKp.c g ^ ayant beaucoup d'yeux : Rien ne peut
fignifier plus dillindement le Soleil: félon la définition qu'en donne Ho-
mère.
thecar.
0,dyfl«Ei , H'fA/OÇ ôV TrdvT i(Popp^-, KUl 'XUVT i'ïïdHCVSl.
vide Plut. Il eft fort apparent qu'on- a donné le nom de Sirius à la canicule, parce
cap. iT' qu'elle redouble 6c la chaleur 6c l'ardeur d'Ofiris ,, c'eft-à-dire du Soleil.
ofiris^figtii- Il ne faut pas oppofer Piutarqug à lui-même, parce que dans le même
goit auffi le-jjyj-e^ il interprète, Qfiris par le Fleuve du Nilj, car il efl tout ordinaire
aux Poètes ,. &, aux Prêtres Payens , de cacher plufieurs chofes fort dif-
férentes fous un m.ême. nom 5, & fous un feul emblème. Le Nil, dans la
langue du VieuxTeftamentv s'appelloit Sichor^ d'où avec une très-peti-
te tranfpofition de lettres, on peut faire Qfms,. Le nom deT^tl^s, vient
PompoBius auffi de l'Hébreu Nachal\, qin figiiifie Fleuve-. Pomponius Mêla nous ap-
fitp.'s.' ^° prend que les Ethiopiens l'appellent lsluchuï\,c.e. qui évidemment vient
de Nackd: car dans \cs étymologies , les voyelles font contées pour
rien, à caufe qu'on les change facilement. Les hommes., qcii n'aiment qu'eux-
mêmes, font des Dieux, par reconnoilTancc de tout ce qui leur, efl uti-
le: le Nil nourrit l'Egypte, c'eil aflèz pour en faire un Dieu. Le Soleil
6c le Nil, font les caufes vifibles de la fertilitç de l'Egypte : unis enfem-
•ble par un même bienfait, on les unit fous un même nom. Le Nil efl
ZfOs A;- îippellé dans Athénée, par un Parmenon Bizantin^ le Jupiter Egyptien.
yv^noij» Cette vérité, qu'Ofins efl le S.oliel, me paroît afîez ioûtenuë du con-
"Dipnofo- fentement de tous nos Savans, félon quoi, du même confentement , IJts^
^" ' '^" à ce que l'on croit, doit être la Lune. Car ces deux Aflres, fi unis dans
la nature , 6c qui s'unifient tous les mois , par une efpece de mariage , auquel
on attribue toutes les générations , partageoient chez les Payens tous les hon-
neurs des Autels , 6c étoient comme inléparables. Et pour cette raifon^il faut
pardonner ce fentiment à. nos Doéles, qui trouvent Ifis dans la Lune j
civ
ET DES CULTES DE UEGLISE.P^r/.III. 525
car il y a de la vrai-femblance : c'eftlefentiment de quelques Egyptiens ,
félon Plutarque , & celui de Diodore, dans les lieux cy-deflus rapportez.^'^'j.'î^^^-
C'efi pour cela, dit Diodore, ^ti'on donne des cornes à IJis'. car elle paraît fous lAh.i.'
gette forme , dans ies premiers jom s de [on apparition : Et anjji parce que lebœuf^^^^^^'
lui efi confacré'. ce cjni donna lieu de croire e^ue c''efi la vache (^ non le bœuf.
Hérodote dans Euterpe , dit qu'Ifis en la langue des Grecs , eft Ce*
rés, Mm^'A'!^ , les autres l'interprètent par Vefla : nous verrons tout à l'heu-
re, que les derniers n'ont pas mauvaife raifon. Mais auparavant il faut
entièrement, tirer le voile, de delTus nôtre Ifîs Egyptienne \, pour voir ce
que c'eft.
Certainement ce n'étoit point la Lune, ou quelque autre Aftre, ni un ifis n'eroît
clément particulier, c'étoit la nature univerfelle: ce qui paroitratrés-évi- p^i^L""*:.
j\* • r • \ c'eton la 11;!-
dent a ceux qui feront attention a nos preuves. ture umver-
I. Premièrement il efl certain, qu'Ifis &: Ofiris ont été univerfelle- îf'^^-.
ment les Dieux de toute l'Egypte: chacun des Peuples de l'Egypte avoit preuvequ'f-
fes Dieux particuliers. Tous les Egyptiens , dit Hérodote , n''adorent pas les^^^J^'^^J^"'
mêmes Dieux ^ excepté Ifs & Ofiris ^ qu'ils difent être Dtonyjrus oh Bacchus. fclle. ifis
Tous les Peuples d'^Eiypte adorent ces deux-là. Ofiris, comme nous l'avons l'^^f^J^^^^
prouve, etoit le boleil; or iiis ctoit la compagne dOlins, ex gouvernoir gypte.
le monde avec lui. Ainfices deux divini[ez doivent être les Souverains, inLutape,
6c les gouverneurs du monde , & les principes de toutes les générations.
Ce qui ne peut convenir à la Lune, mais cela convient très-bien à la natu-
re univerfelle: car le Soleil eft le plus noble agent de la nature univerfelle,
ilUmipreigne, pourainfi dire, & la rend féconde: fans le Soleil lanature
e^^orte, Se inféconde. Aufii le Soleil ne produit rien fans la nature :
Mais la Lune n'eft d'aucune fécondité, elle reçoit la lumière du Soleil,
mais elle n'en reçoit aucune vertu fructifiante. Ce n'eft point la mère des
générations j, comme le Soleil en eft le père. Il n'y auroit donc aucune rai-
Ion de marieria Lune a-vecle Soleil ,, comme ont fait les Egyptiens , ainfi
qu'on le fuppofe.
z. Il eft très notable , que dans cette Théologie Egyptienne, Ofinis & seconde ,
Ifis étant l'époux & l'époufe, Ifis doit être regardée comme inférieure quorqJe'î
à Ofiris, Car c'eft une loi de la nature , queia femme foi t fourni fe au pf>"'e, rem-
mari, & fon inférieure. Cependant il eft certain j qu'Ifis eft confiderée fJ^p^rfo'î'kJ
comme la grande divinité-des Egyptiens. Et Ofiris femble être conté pour ^"'f. Gfms,
rien, en comparailon. Jls Pefhmotent la plus grande Déejfe^& lui confacroient répoîix!'
laplusgrandefête, que je m^en vai rapporter , dit Hérodote. Dans le même in Eurejpe
lieu , il dit que toutes les vaches étoient les plus vénérées de. tous les ani- P' ''^'
siaux, parce qu'elles étoient confacrées à Ifis, la grande Déefie. Toute
la Religion. Egyptienne tiroit d'elle fon nom, elle s'appelloit , cultus îfi.i-
cus , facra ifiaca ^ Sacer dotes Ifiacii tout étoit confacré à Ifis, ôc non à
Ofiris.
Jfacos agitant Mareotica fflra tumultut, Aûrsajas. -
Dans l'explication menfA Ifac<z^ de Laurentius Pignorius , Ifis eft au mi- p. io=
lieu de la table, & commelaReine fur unthrône . mais toutes les autres
divinitez Egyptiennes n'y font aucune figure.Des deux principaux fy mboles,
Vvv 3 . ado-
526 H I S T O I R E D E S p Ô G M E S
adorez dans la Religion des Egyptiens, Apis étoitlcplus noble. Scie plus
adoré. Or ilctoit confacréà Uis, & le fécond, qui n'étoit rien en comparai-
Ibn, ôc s'appelloiti^^/w^t/n-, étoit conflicréà 0(iris. Le bœuf Apis & Ifîs
avoient leur iiege 6c leur Temple à Memphis, ville capitale: mais Oîîris
ôcle bœuf Mncvîsétoient fur tout adorez àHeliopolis , ville d\in lècond
ordre. C'étoitàh; Décile Ifis qu'on attribuoit la vertu de faire des miracles.
Diodorus 8lle etoit adorée pref^ue par toute la terre ^ difoit Diodore de Sicile, dcaufe des
Sicuius Bi- npiériCom q tP elle fui fait , car ondit qfPelle paroifloit en fon^e aux malades, & lenr
apportait laguenfon. Rien deiemblable ne le diloitd (Jiiris: Audi toute la
dévotion, & des Egyptiens , & des peuples étrangers, fe tournoit du côté
d'Ifis. Ses images étoient répandues par toute la terre , & il nyavoit pas
une dévote qui n'en voulût avoir.
Jiivenal. PiElores qms nefcit ab Ifide pafci ?
§at. ïz.
Onpourroit apporter beaucoup plus de preuves de la fuperiorité de la
DéelfelfisfurOiins, {îcelaétoitnécefTaire, 6c que cela fût contefté : mais
tout le monde en demeure d'accord. On peut voir à ce propos la pompe
Ifiaque, qui eft dépeinte dans Apulée, dans le livre 1 1™«- de fa Métamor-
pholé. Or de là on doit tirerun argument invincible, qu'Ifis n'eft point la
Lune 5 ni aucune partie de nôtre monde fenfîble : Car quelle créature pour-
roit être placée au deffiis du Soleil ? En aucun lieu du monde on n'a adoré la
Lune plus que le Soleil. Au contraire , fi nous interprétons Ifis par la nature
univerfeile, il eft clair qu'elle doit être fuperieure au Soleil , puis q^MÔli-
ris , ou le Soleil , ne font que des parties , 6c des miniftres de la na-
ture.
D'ifis, «c Auffi eft-ce à ce fentiment que s'arrête Plutarque^ après en avoir rap-
ofiiischap. porté beaucoup d'autres : JJîs , dit -il , efi la partie féminine de la nature 5
propre à recevoir tonte génération , pour cette raifon elle efl appellée par Tlaton ,
tà-AW. nourrice & recevant tout. Tar plufieurs elle efi appellée tJMyrionymos ^ c'^eJl-A-
'Kuvls'xyi. dire^ ayant mille noms , ou ayant des noms infinie , parce (qu'elle reçoit toute forte
Lib.2. de déformes. Voiîius dit qu'elle eft ainfi appellée, à caufe des noms 6c épi-
idoioiatria thctcs , commc iufinis , qu'on lui donne dans fes myftercs : étant appel-
caput 24. 2^g 1^ viUorieufe , la Reine , la triomphante , tantôt frugifera , tantôt pela-
gia , tantôt d'un autre nom. Et cet Auteur avoue que dans ct^ noms,
Ifisn'écoit pas confiderée feulement comme la Lune, mais comme la na-
ture univerfeile. Car pas un de q^^ noms ne convient à la Lune: Mais
tous conviennent parfaitement à la nature univerfeile.
Troifîéme g. Nous pouiTious avoir de cela même une grande preuve, dans le
vientienom '^^"^ d'i^^j, Il Hous pouvions bien favoir fa fignification , 6c fon origine.
d'ifis: c'eft Diodore dit que c'eft un nom Egyptien, qui (îgnifie antiquité. Ce qui
b^eîpSpîe" "^ conviendroit pas mal à la nature univerfeile , qui ell très ancienne ,
àfignifieria 6c que tous Ics Paycus ont fait éternelle. Plutarque tire le nom d'^/,
vcrfeUe."^' ^^ ^'^^'^ Grec <o-v]|x/, je lài, îcr/oç 6cc. Ce qui conviendroit auflî allez bien
au génie de la nature univerfeile, qui efl Dieu lui-même, 6c qui fait tout.
' Mais voici , fi je ne me trompe , la véritable origine du nom d'ifis. Il la faut
chercher dans la langue Hébraïque , ou Chaldaïque , qui efl la même
que la langue Phénicienne : Car il faut fe refibuvenir de ce principe, que
nous
ET DES CULTES DE L'EGLISE. TartAll. 527
nous avons pofe quelque pan, que les Religions viennent du lieu, d'où
font venus les hommes.
QLiand la Tour de Babel fut bâtie , tous les hommes avoicnt un mê-
ine langage, 6c ce langage étoit la langue d'Adam , la langue de Noé,
& de tous les Patriarches. Quand les langues furent divifees , & que la
difperfion fe fit, chaque famille emporta Ces my 11 ères , & fa Religion , &c re-
tint prefque tous les anciens termes co.nfacrez dans les- myfteres. Particu-
lièrement les peuples voi fins de laPhénicie, comme étoient les Egyptiens.
Dans ce qu'on pourroit rafiembler de fragmens, de l'ancienne langue des
Egyptiens 5 on y verroit beaucoup de relies de la langue Phénicienne, ou
Hébraïque. Nous verrons dans le Traité de Beelzebub , que Serapis^ fi cé-
lèbre en Egypte, eft un mot prefque pur Hébreu, & quafi fans change-
ment. Je croi la même chofe d'Ifis. C'eft un mot Hébreu , î^siii'' ,
f,efchi ^ ce qui fignifie ipfa e(i- ^ elle eft. Entre I[is ôc fefchi^ il n'y a aucune
différence qui puifîe déguifer, & obfcurcir l'étymologie. Et fi l'on veut
une origine Hébraïque du mot Ifs , fans le moindre changement , on la
peut trouver dans la répétition du mot, 1:" jcfi: , tî'vc''» ,?>, ts^ lifant fans points
voyelles ,. comme faifoient les anciens , c'efi: Ifts^ toute pure , elle efi.
Ceci nous apprend, d'où les Grecs avoient pris le célèbre mot sïy tU' ^
ffi, qu'ils avoient gravé fur lefrontifpice du Temple d'Apollon Delphien:
îH ei-, c'eft précifément le nom à^Ifis^ elle efl. Et le Commentaire de ce
rfierveilleux nom fe trouvoit au pied de la (latuë d'Ifis, adorée dans la
ville de Saïs en Egypte, fous le nom de Minerve; fe fuis tout cecjmaàe\ Piùtarqrre
tout- ce qui efB, & toptt ce cfui fera. Ce qui convient à l'infcription, qu'on q^'?* ^'^•^'
dit qui fe lit à Capouë: Te tibi jura qiiA es omnia Ifs, C'eft le vrai nom
de jehova, (jui eft, o^ui et oit .^ & qui efl à venir. Je fuis celui qui fuis. Ce
fint-là; difoit Platon, dans fon Timée , les parties du tems^ être .^ a e'te\ d' Apud Eufe-
fera ^ c]ue nous attribuoriT, fans y penfer^ à la nature éternelle. Car nous par- b-umPrxp. ■
Ions d? elle de cette forte. Elle e'toit ^ elle efl ^ elle fera : Qjfoi ^ h'' à proprement ii_^c%. If
p'irler ^ k-feultlefl^ lui convienne. Gn feroit beaucoup plus furpris de ces
conformités avec la révélation divine , fi nous n'étions pas avertis , que
\ts Giecs ont tout emprunté des Hébreux, & fur tout Platon, qu'on a
appelle iJ^ofes atticifans-.^ le Moïfe Athénien y. & qui étoit bien verfé dans
la Religion d'Egypte. Quoi qu'il en foit, toutes ces obfervations nous
font voir ,. que r^i" des Egyptiens,, n'étoit dans le fond que la nature
univerfelle, priiicipe de 'toute chofe, £c que l'on a fait infinie ^aufii bien
qu'éternelle, ce qui revient à l'erreur de nos Spinofiftes , 6c des autres
Athées. Et ceci me fait conjeélurer que les Egyptiens, dans le fond de
leurs myfteres, ne connoiflxDient autre Dieu, que le monde & la nature
univerfelle. C'eft cela même que les Mendefiens d'Egypte adoroient
fous le nom de Tan ,. qui fignifie VVnivers-.
4. Ees fimulacres faits pour la Déefie Ifis fignifient- évidemment ce Qyatfieme;
que nous dilbns, qu'Ifis étoit la nature univerfelle. Nous en trouvons derfimuS^
un très notable , dans Y ëxplicatio GemmA Auguftdi , du favant Mr. Cu- "esd'uîs.
perus. Il a été emprunté de Leonardus Auguitinus. Et Mr. Cuperus cuperusKo=>
nous en a donné l'Eftampe. C'eft un fimulacre Egyptien.- Cela eft clair meii Apo-
par les bandelettes 5 dont la Déefie eft enveloppée, depuis la têce juf- eSiiVtio
qu'aux pieds ..précifément comme ces mumies, qu'on a tirées des tom- GemmsAK-
beaux
îfZ»
528 HISTOIRE DES DOGMES
beaux d'Egypte. Elle a une tour fur la tête, ôc à Tes deux cotez deux
têtes d'animaux , à demi-corps , qui fe tournent en haut avec effort ,
pour regarder la Décile. Je prendrois ces deux têtes pour le chien Anu-
bis, n'étoit qu'elles ont le pied fourchu, comme la vache , ou la biche.
Elle a dans fes mains deux rofcaux , qui ont trois pieds, 6c du creux def-
quels fort une flâme ; & autour de fa poitrine , on voit un collier de ma-
melles, qui pendent fur tout le devant de la .figure.
Il iiîe femble que c'eft le parfait emblème deJa nature univerfelle. ILa
tour fur la tête fignifie la terre , les deux rofeaux-, dont les pieds forment
des tridens, font l'emblème de la mer, autre partie de la nature. Les
fiâmes, qui fortent du creux de ces rofeaux, & qui forment comme deux
lampes, ibnt l'air ôc le feu. Car le feu ne peut vivre fans air. La tour
qui eft fur la tête de l'Idole, femble répréfenterCybele, ou Cerés. Car
c'eft là fon emblème. Les mamelles, qui font à l'entour, font aufîî très
propres à dépeindre Cerés , la Décile des bleds, parce qu'elle nourrit les^
hommes 6c les animaux. Et on ne fe trompera pas en difant cela. Car
ifîs , Cere'fe , Ijis , Cerés , Vefia , Cybele , la Mère des Dieux , font une feule 6c même di-
MciVdès vinité, 6c toutes fignifient la nature univerfelle, qui produit les hommes
Dieux cy- ^ les animaux , 6c les nourrit. Cette Cerés efl appellée Cerés mammofa ,
une^même ^^^^'^ ^'^ mameluë. Pareillement Ifis eft ici dépeinte , avec des mamelles
divinité. autour dc la poitrine , 6c une tour fur la tête , comme Cybele. Cette
Cybele écoit réputée la Mère des Dieux. C'eft que la nature univerfel-
le eft compofée du Soleil, de la Lune, des étoiles, 6c des élemens, qui
font les Dieux du Paganifme. Nous avons un paftage de Macrobe , ad-
mirable pourfervir de Commentaire à tout ceci, je le mets ici dans fa lan-
Sâturnal. lib. guc naturelle. I/ts cuntla Rehgione celebratur , quA eft vel terra , vel natma
I. cap. 20. fgYum , [uhjacçm Soli. Htnc eft cjMod continuatis uberibus , cor fus Dca
omne denfetnr , ^^^ l'.el terra ., vel rerum natur^ff altu ^ nutniur univcr-
fit as.
Voici nôtre Ifis , <jm eft , ou la terre , ou la nature univerfelle. Macrobe
n'avoit pas befoin de la particule disjonâ:ive,z/^/ , parce qu'Ifis n'eft pas
là terre feule. C'eft la nature univerfelle, 6c la terre par conféquent , 6c
qui dans les générations, fait une partie fi confidérable de la nature uni-
■verfelle. Son corps ^ dit l'Auteur, eft environvié de mamelles. C'clt préci-
fément ce que l'on voit dans l'Eftampe de Mr. Cuperus , 6c pour la rai-
ibn qui eft fî bien exprimée dans Macrobe, parce ^ dit-il, (]ue toutes châ-
p s font nourries par la terre , & par la nature univerfelle. C'eft ainfi qu'on
peignoit partout \x Déefte Ifis, pour répréfenter la nature. Et aflïïré-
jnent on ne la pouvoit mieux .dépeindre,
lus cxpref- .Si Mr. Cuperus eût fait atteiition à cela, il n'auroît pas regardé com-
^^ n^" i/L ^^ ^"^ chofe extraordinaire, qu'entre les Antiques.dont Boilfard nous a don-
pellee la na- , , ^ ^ ^T -iit^/z^t/-
lure univer- ne its li,liampes, OU en trouve quelques-unes de la Deefie Ilis , avec ces
leiic , & mamelles , & cette infcription (p^^V/j Tarva/sAa?, la nature univerfelle. Car c'eft le
So Joc^' véritable myftere , 6c le véritable nom d'Ifis. Et le marbre de Boifîîird vient
&poaiqiîoi. tres a propos, peur confirmer nôtre conjcéture. Mr. Cuperus n'auroit pas dû
rïpann'^' ^^'^ P^'"'^ ^'^^ en peine , pourquoi dans un paiïage d'Eufebe , la DéefTe
rappelle Vefta eft appellée Ms-iirùéC^cpoç. Ce fa vaut homme dit, Ita tamen ut rnihiàu'
Cuperus p. ^^^'^ f^ i ^Hid tlLi cum ceniYQ utiiverfi héeat commme. C'eft qu'iç/^, Vef-
*J4- ta.
ET DES CULTES DE UEGLISE. Part.lU. 529
ta, Cybele, 6c Cerés, qui font la même qu'I/is , lignifient la nature uni-
verfelle, qui refide dans le centre du monde, comme dans fa partie prin-
-cipale. %
Au reâe , fî l'on fouhaite être inftruit fui- cette vérité , que nôtre Ifis
eft la même que Cerés , ôc Cybele , on peut voir Gérard VofTius , dans
fon Livre de Idololatria. On verra que toutes les cérémonies du culte d'Ifis Lib.i.cip.
avoient été transférées par les Grecs, dans la Religion de Cerés , ôc de ^*'
Cybele. Mais ce que nous venons de dire , fuffit pour prouver nôtre
conjeélure, c'eft qulfis efl la nature univerfelle, comme Macrobe le re-
connok. - *
Dans ces fimulacres d'ifîsjdont nous venons de voir ladefcription,on igs étoit
n'y trouve pas les cornes, que lui attribue Diodore de Sicile , dans le paf- Peinte avec
fagq^uenousen avons cité ci-deflus. Mais les Payens n'ont pas toujours été maVnJn^'
uniformes dans la defcription, qu'ils faifoient de leurs Dieux. Ils ne lespei- partout;
gnoient pas toiijours fous la même forme. Il n'y a pas lieu de douter, d" PayeL
que ce que dit Diodore ne foit vrai , que la plupart des plus anciens fî- ^^o'^«' «o^-
mulacres d'Ifîs , n'euITent des cornes fur la tête. Mais il n'en faut pas "^*
tirer la conclufion, qu'en tire Diodore, que qette Déefîe étoit la Lune.
Prefque tous les Dieux des Orientaux portoient dts cornes. Le bœuf
Apis avoit ks cornes, & Mnevis auffi : Les habitans de Mendes ado-
roicnt un bouc , qu'ils nommoient auffi Apis , qui avoient ics cornes.
Jupiter Hammon avoit la tête d'un bélier. Le Moloch desHammoni-
tes avoit la figure du taureau. Et de là eft venu , que dans le ftyle figuré
des Orientaux, la corne eft l'emblème de la puiflànce. C'eft dansccfens
^ue l'Ecriture parle de la corne des méchans, qui a été élevée, ou qui
a été rompue , 6c de la corne du peuple de Dieu. C'eft la fource des Dansies vî-
figures des prophéties de Daniel , 6c de l'Apocalypfe, où tous les Rois ^^p^^^ei^»-
du monde font répréfentez , comme des animaux, la plupart ayant dts ma^x fyra-"
cornes. . defrr"**"^
Bien que cette fuperftition de donner des cornes aux fimulacres dts
Dieux , n'ait pas été fî générale dans l'Occident. Cependant nous
avons afi^ez de preuves , que la corne étoit l'emblème de la puifiance
fbuveraine. Valere Maxime rapporte que le Prêteur Genitius Cippirs ,
fortant de la porte de Rome fubitement , il lui vint des cornes à la tê-
te. Et ayant confulté l'oracle , fur un événement fi extraordinaire, il Notafcktiif-
lui fut répondu , ^ue s'' il rentrait dans Rome , il en deviendrait le Roi , cea^i vaiere Mm.
t obligea à s'^en bannir Ini-même fonr jamais. îib.j. cap.5,
f. Nous avons trouvé dansies noms delaDéeflèi^^j, 6c dans fes images, cinquième
afl^ez de chofes propres à appuyer nôtre conjeéture, c{\i'ljïs étoit la Rature dertymS^
univerfelle. Nous n'en trouvons pas moins dans fesfymboles, dont le plus icsd'uïs, &
noble, 6c le plus célèbre, étoit le bœuf Apis. C'étoit-certainement leTOSaù"*^
fymbole d'Ifis, 6c non d'Ofirisj car le plus veneré des animaux fymboli» bœufApis.
ques des Egyptiens, a dû fans doute appartenir à la principale des divini-
tez, qui étoit Ifis. Tous les Auteurs confentent que le Bœuf Mnevis ^
étoit le fymbole dédié au Soleil, aùffi étoit-il adoré à Heliopolis, ville du
Soleil ; Or il n'y a pas d'apparence qu'Ofiris , ou le Soleil , eût deux bœufs
facrez , 6c qu'Ifis n'en eût aucun. C'eft auffi de quoi conviennent alTez tous
les Hiftoriens, qui ont parlé de la Religion Egyptienne.
* Van. m, Xxx Qr
♦
rWtarquc
de Uî.ôc Ofv
li. C. 22.
^3«
530 H I S T O I R E D E S DOGMES
Dansie Or dans cet emblème nous voyons tous lestraits delanature univeiTelIe.
kœuf Apis Dans le fexe , c'eft le bœuf,. 6C non la vache , qui fembloit avoir par
tous les ca- Ton lexe plus de rapport a la Ueelie: Mais cela iignihoit la rorce virile delà
hnatïre**^ nature ,. qui fait toutes les générations. Ce n'eit pas que les vaches n'euflent
Huivcrfeiic. aufli Icur relation à la Décile Ifis. CarlaDéefleétoiteftimce Hermaphro-^
dite^ àp^evoôïjAu? ,. parce qu'engendrant de toutes manières, comme faiioit la-
nature, elle devoit avoir la vertu generarive des deuxfexes. Et bien que
Plutarque dans cet endroit «applique cela à la Lune, cependant cette vertu
generative ne peut convenir qu'à la nature j car la Lune iVengendre rien,
éc ne mérite pas d'être mife entre les principes de la génération.
2. Le nom d'Apis feul fait bien voir qu'il étoitconlàcréàla nature uni-
verfelle. Car ce mot fîgnilîe per^ , ou , mm père , nom qui ne peut être don-
né qu'au principe gênerai de lageneration , qui efl Ifis. •
3. LaDéelle Ifis^ ou lanature univerfelle,. ell la nourrice de tous les ani-
maux, comme Plutarque l'appelle t/Ô/jvvi5 c'eft pouixjuoi on lui a donné le
bœuf pour fymbolc,, animal qui a tant de part à.la nourriture des hommes,
parce que c'eft le grand inftrument de l'Agriculture. II. eft vrai que vouf-
lant donner à Ifis, un emblème d'entre les animaux,, on- ne pouvoir pas lui
en donner un qui lui convînt mieux , car il portoit dans Ces marques , tous les
fymboles des pai'ties, qui compofent le monde & la nature univerfelle.
Quant au bœuf Mnevis ,. iL n'avoit les fignes que du Soleil. Il étoit tout
noir, c'eft la couleur que le Soleil imprime. Ses poils alloient à rebours, à
caufe qu'étant l'emblème du Soleil , il devoit répréfcnter le mouvement
annuel ,, par lequel cet Aftre va d'Occident en Orient, qui eft.icrebours'
du mouvement de l'Univers, qui va d'Orient. eii Occident.
4. Mais quant au bœuf Apis,, il portoit les marques delà iiature univer-
felle. I . Il avoit une lune au côté droit , pour montrer, que la Déefte Ifts'
renferme ce que la Lune peut avoir. devenu generative. Il portoit une
figure d'aigle fur le dos. C'eft l'oifeau de Jupiter, ôcle fyrabole du cieL
Il avoit un efcarbot dans, la langue j or l'èfcarbot étoit l'un-des fymboles
du Soleil. Enfin Elian conte jufqu'à zç. marques différentes, dont- cha-
Hiftor.Anî- q^^q avoit fon rapport fvmboHque, ou a quelque Aftre, ou à-quelque par-
u.c. 9. tie de notre monde élémentaire. Ce qui lignine clairement , que cet ani-
mal étoit le fy.mbole du monde en gênerai, & delanature.
. .^^ 5. Toutes ces conjeélures donnent tant de jour au célèbre paftage du
preuve tirés, cinquième d'Amos, qu'il peut (êrvir d'une nouvelle preuve , quelaDéefîè
Ifis eft la nature univerfelle. P^ousavezporte, àit\eVîophet€,. le 7. aùerna'
de de.vêtre Roi , [avoir Kijoun , vos images ^dr Pet ode de vos Dieux ^ q ne vous
vous élis faits. C'eft ainfi que le Prophète dépeint l'idolâtrie du Veau dans-
iedéfert, le Tahrnacie de votre Roi. Ainfieft appelle le bœuf Apis, qui. Cer-
tainement étoit le Roi dans la Religion des Egyptiens. Savoir Ar//a^«, c'eft
la diviniié , à laquelle ce Veau étoit confacré. Kijoun eft le génie de la na-
ture. Les Syriens appellent la nature K3D, or /C(?/(j»on'eft point autre que
KijoMn^^^ avec la. forme Chàldée & Syriaque. Il eft, vrai que les Juifs
prétendent que {VD eft Saturne.. Et* ils peuvent avoir quelque raifon,
parce que Saturne eft ellimé le génie de la nature univerfelle. Saturne , dit
Denys d'Haiicarnafi^", qHelcjnemmcjn^on Itiidonne , comprend toutela nature ^
€'èjî;itii qui dmne tome fcli^ité-^ &. ^.^ireod tout parfait. Ls génie de la natare
ïic bœuf
Apis avoit
les marques
de toutcja
i^ture.
,^ltan.
éj ch. 5.
d'Amos.
l>eny<; d'Ha-
ifcîrnalk .
ET DES CULTES DE L'EGLISE. Partlll^^t
pofTede les deux fexes j c'eft pourquoi, par rapport au rexemafculin, il cil
appelle Samrne. Et par rapport aufexe féminin, il s'appelle Jfîs chez les
Egyptiens, Cerés , ou h\^y^<\rv\p entre les Grecs , Cybele , 6c Fejla entre les Ro-
mains.
Et l'étoile de vos Dieux , ejfisvomvoHi êtes faits. C'eft que le bœuf Apis ne
répréfentoit pas une feule divinité particulière , mais il étoit confacréàla
nature, qui comprend &: embraffe toutes les -étoiles, & apparemment la
plupart des principaux aftres étoient gravez delTus. Ce qui fait dire à Saint
Etienne dans le feptiéme des Aéles, cju^th avaient ferma P armée des deux y
c'eft-à-dire, à tous hs Aftres gravez fur le -bœuf Apis.
On neiàuroit pas fortir du chapitre d'Ifis&d'Ohris, fans dire quelque De Typho»,
chofe de Typhon, qui occupe unepartie fi confidérable, dans l'Hifloire bîe^Jdtl?*
fàbuleufe de la Religion des Egj'ptiens. Ce Typhon étoit frère d'Ifis Se riutaïque.
d'Ofiris, tous trois enfans de Rhea, 5c du Ciel. Ifis avoitépoufé Ofiris
fon frère; Typhon, parjaloufie, leur fit une cruelle guerre à l'un & à l'au-
tre, il battit Ofiris, ôcledéfit en bataille, il tua Ofiris, il Je coupa, les
uns difent en ii. ou 15. pièces, Plutarque dit en 40. &: les répandit par
toute l'Egypte > liir tom il luicoupa les parties naturelles, qu'il jetta dans
le fleuve, oii elles furenif mangées parunpoiflbn nommé Oxjrinchus. Ifis
fit une recherche exaétedes pièces du corps d'Ofiris, elle eut le bonheur
de les -retrouver^ 6c de les raflem'bler, excepté la partie mangée par le
poiflbn Oxyrinchus. L'Hiiloire eft longue, 6c pleine d'imaginations 6c.^°y^^Çj%_
de fiétions monfirueufes , en comparaifon defquelles , les Metamorpho- téd'iiis.dc-
fes d'Ovide , 6c les fixions d'Homère , font fages éc raifonnables. El ^"-u/^u.^û
quoi qu'il en foit, Ifis, laDéefi^e, ou la Reine d'Egypte, conçût une telle «j.
horreur pour Typhon, qu'il eft devenu à toute la nation, dans tous les
fiecles , un objet de mortelle avcrfion. Parce qu'il étoit roufieau de poil,
la Déefi^e , 6c tous les Egyptiens , maudiflent 6c haïflent tous les animaux
de ce poil, même les bœufs roux, quoi que l'efpece des bœufs chez eux
fût facrée. Mais les bœufs facrez dévoient être noirs , en tout ou en
partie j car les bœufs rouges, fans un poil noir, étoient deftinezàla bou-
cherie, 6c à fervirdeviétimes pour les Dieux, aufquelson ne facrifioit que
des animaux odieux à la divinité.
C'étoit apparemment en -haine de Typhon, que les Egyptiens prati- Goûtume
quloient une coutume fort finguliere, quand ils avoient facrifié un bœuf f^j^g^'"!
rouge , ils coupoient la tête de la bête , après avoir fait de grandes imprécations fur tiens , d'a-
cettetête. Ils laportoient au. marché ^ &s^ilfètrouvoit un Marchand Grec ^ ai^i "^^^^"Y^'-'
la voulut acheter , on La lui vendoit. Mats s il ne s en trouvait point , on lajettoii dubœuf.
dans le fleuve , après avoir prononcé une exécration ^ a peu prés en ces terrées: -j'?^/ Euterpe^oa^
*i quelque mal qui menace , ou toute l'Egypte , ouceux qui ont ojfert cette vi^it>r,e^ Livrez,
qntl pmffe retourner fur cette tète. Or cette tête étant d'un bœuf rouge,
étoit le fymbolc de Typhon, comme les bœufs noirs étoient les fymboks
d'Ifis 6c d'Ofiris.
Quand nous chercherons les Dieux Animaux, cachez fous Ifis, Ofiris,
6c Typhon, nous verrons quelque chofe des myfteres hiftoriques, cachez
fous ces fables. Aujourd'hui nous cherchons les myfteres Theologiques,
ou Philofophiques , car entre les Egyptiens, la Philofophie étoit envelop-
pée de ces emblèmes. Je ne croi pas que nous ayons riçn à obferver là-
Xxx 2, deffusj
532 H ISTOI RE DES DOGMES
delRis, qiie ce que nous en a dit Plutarque. II croit que dans la Théologie
Egyptienne , Typhon lignifie tout principe ennemi d'Iiîs 6c d'Ofiris , c'ell-
ù-direjenncmi de la nature. Tantôt ils diient que e'efl la mer,tantôt la fcche-
refle, qui empêche les générations , tantôt l'ombre de la terre , dans laquelle
liisou la Lune perd fa lumiererquoi qu'il eh foit , ce qu'il dit efl fort apparent,
i^sEgyp- ^'-•^ ^^^ Egyptiens , auffi bien que les Perles , adoroientdeux principes , l'un
tiraste- mauvais ëc l'autre bon. Les Ferfes , félon la Théologie de Zoroaftre,
priacipes!"^ appclloient le bon Oromazes, ôc le mauvais Arimmins^. Au Dieu bon, ils
unbonj'ju- facrifioicnt pour obtenir fa faveur , au mauvais, pour détourner fes méchans
re mauvai.. j^n^jj^g^ Plutarque prétend que cette opinion des deux principes , n'efl
dcsde"i!x" point particulière aux Egyptiens & aux Perles -, mais qu'elle efl comme
aoïc?"' t g*^"^^^^^ entre les Philofophes,ôc les Théologiens. Ce font ces deuxprio'-
fcnernie ' cipcs que Ics Egyptiens appcUoient FJtSj & Typhon. Les Siraoaiens , Mar-
Theoiï-' cionites, ôc Manichéens , adaptèrent cette folle Théologie.
gtensda
Pagaulfaie. — — — — ___________^____^__________„__^
Fiut. ubi ""^ — =-= •=«==____=. _=—=
fiiprà. cap
C H A P I T R E ,V 1 1 L
■B'I/iSy d'Ofiris & de Typhon, hijloriquement , & confiderez comme
Dieux Animattx..
a
N ne doit pas douter qu'î fis , Ofiiis, qui font le Soleil, la na»
'tare , ou le bon génie de la nature ,, & Typhon le mauvais
génie , n'ayent été des hommes j car nous avons fuppofé, que fous
les noms de toutes les divinitez Payennes , étoient cachées quelques^par-
ties de la nature, 6c en même tems quelques hommes. C'efl: ce querap-
Ljb 1 B"bi poi"'^^ Diodore de Sicile bien expreflement. Les Egyptiens^ à'il-W, ont beau-'
t. a, * coHp de traditions touchant les 'Diefix celejiesy mais omrs' ces Dieux y ils en con^
noijfent d? autres , favoir des Dieux terreflres , e^ui avaient été mortels j mais à
caufe de la fublimité de leur intelligence:^ & a caufe des bienfaits que les hommes
avoiemre^ûs d'yeux ,, tls avaient été mtsenpojfejjion de l'immortalité. Queli^ues-
ttnsde ces Dieux avaient régné en Egypte , & avaient porté les mêmes noms que les
Dieux cekfies , & ils avaient eu aujji des noms particulier s.
Entre ces Dieux autrefois mortels , il conte le Soleil, Saturne, Jupi»
ter, appelle H'ammon,, par quelques-uns, J'unon, Vulcain, Vella, ôc
Mercure 3 II ajoute que le Soleil, fous fon propre nom de Soleil, avoit
été le premier Roi des Egyptiens. Que félon d'autres , c'çiï Vulcain, qui-
a été le premier Roi. Que Saturne avoit eu plufieurs enfans de fa fem^
me Rhea, 6c entre- les autres, liis 6c Ofiris „ qui.avoi^nt régné en Egyp-
te.
L€s?àtriar- On ne peut douter que ces premiers Dieux des nations , pris d'entre
Na"iol?oiit ^^^ hommes, n'ayent* été les Patriarches, 6c les fondateurs de ces Etats,
étéieurs oii ils étoicut adorcz. Et il efl raifonnable de préfumer, que ce font
'^"*" les premiers pères du genre humain depuis Noé. Car la mémoire de ce
qui s'étoit palîe avant le déluge étoit prefque entièrement perie^ L'idola-
tiic n'étoit pas le crime du premier monde, c'était l'impiété, 6c ratheif"
ma.
ET DES CULTES DE L'EGLISE. Tart.Ul 533
me. Les hommes n'avoient garde de déifier les creacuresj car ils ne 1er-
voient aucun Dieu, 6c c'ell pourquoi Dieu abîma ce premier monde j mais'
après le déluge, les hommes, pour éviter un excez tombèrent dans un au-
tre, & fe firent des Dieux, des principaux de leurs Ancêtres, 6c de toutes
les créatures , de peur d'en manquer.
On peut croire que dans l'Hifloirc, les Patriarches des Egyptiens fu-
rent leurs premiers Dieux. Nos Savans ont trouvé dans Noé, ôc dans voyez bo-
{cs trois enfans , les quatre principales divinitez , Saturne , Jupiter , p^^" '"^j ^
Neptune, 6c Pluton, Cham fut appelle Jupiter , Japliet fiât Neptune, ^*^'"^'
êcSemfiit appelle Pluton, le Di'eu des Enfers.
Selon ce principe, il eft vrai-femblable que les Dieux des Egyptiens,
ont été Noé, Cham, 6c Mitfi-aïm, fon fils. Et cela eft plus que vrai-
femblable, puifqu'il paroît certain , que la pofterité de Cham pofTeda l'Egyp-
te. Car elle ellappellée dans l'Ecriture, /^?É'rr(?d^/é'/?^ij- de Cham. Ifrael^d'it
le Pf lOf. 13. efi entré en Egypte, Jacob a été étranger dans la terre de Cham.
Et dans le Pfeaume 1 06. v. 22. // a fait des merveilles dans la terre de (ham . Et
dans le Pf. 78. 51. Ilfrapa le s premiers nez. dam les 7 abernacles de Cham. Ce
Patriarche donna fon nom à toute l'Egypte , laquelle , félon le témoigna-
ge de Plutarque fut appellée Chemia.. Plutarque veut que ce nom ait été
donné à l'Egypte, à caufe de la couleur noire de la terre dupais , le noir , cap. it.
9H la prunelle de l' œil ^ dit-il, s^appelle du. même nom de chemia. Mais il eft Traftat. de
beaucoup plus vrai-femblable, qu'ellefutainfiappelléedunomdeCham.ih ^
Etienne de Bizance dit, que l'Egypte fut appellée ipi^o%U|a/oç, ou ipp'^o^i^jy./o?, ?^^ïh"'
du même nom de Cham compofé avec ipf^vj^, l'un des enfans de Cham, in voce "^
qui, félon toutes les apparences, eft le même queMitfraïm , quieftcon- Af/i^Tr-
té dans le ro. ch. du Livre de la Genefe, pour le fécond des enfans de '^^'^•
(ham. Chus, Mit fraïm^ Pm & Cî«^^«. Athanafe Kirkerus nous dit, que les in prodro-
Cophtes appellent encore aujourd'hui l'Egypte , Xî^/u./ , 6c il y a plufieurs '"° ^°i^<>'
noms de ville en Egypte , qui portent les marques de la même origine ,
comme '^smik 6c '■^a%e^{x'ïç , 6cc. Ce n'eft pas que, félon mon fentiment,
Cham ait jamais été en Egypte. Il lui étoit libre de choifir fa demeure
entre fes décendans j 6c nous avons vu qu'il eft trés-vrai-femblable qu'il
s'arrêta dans la Terre de Canaan , fous le nom de Melchifedec , c'eft ce
que nous avons fuppofé dans nôtre première Partie.
Apres Cham, il eft clair que Mitfraïm a été celui, dont la race a peu-
plé l'Egypte. Au moins eft-il certain , que les HebiCux l'ont ainfi crû ,
car Moïfe 6c les Prophètes n'appellent point autrement l'Egypte, que
Mitfraïm : or il n'y a nulle apparence que Moïfe ait ignoré le vrai nom
du fondateur de l'Etat Egyptien.
L'Egypte eft appellée 1W2 Mat for ^ les fleuves de Mat for feront fechez.. On
viendra à toi depuis Matfor jufcjH* au fleuve: Et le Prophète Eûiïe fait dire à Efaï9. s.
Sancherib , fai tari tous lesrwjjeaux de Matfor; Les Interprètes tournent le ^^'<^^^^ ''•
mot Matfor, gar forterelle; car en effet c'eft la fignification de ce mot 2.koisip.
Hébreu. Mais je ne doute nullement qu'on ne doive adopter la conjeélu- ^*'
re de Bocharti c'eft que Matfor fignifie l'Egypte, 6c que yî-f///r^i>« eft le pj,,]e„i.^,
même nom que tJM^atfor^ dans ce qu'on appelle 2\(^«»?i?r«j- Dualis. Matfor, 0.24."
d'où l'on a fait Matforaïm , fignifiant les deux Egyptes,àcaufe de l'Egyp-
te Supérieure, qui reçoit le Nil venant d'Ethiopie, 6c f Egypte Inférieure,
Xxx 3 dans-
m
53+ HISTOIRE DES DOGMES
dans laquelle le Nil fc va rendre à la mer, par plulieurs canaux. C'clî
, aurti Torigine du mot Mefon^ qui efl; le nom du premier mois àts Egyp-
tiens. Au relie l'Egypte a été appcUce MaiÇor , ibrtereJTe , à cauie de
fa'fituation, qui la rend prefque inaccefliblé par les fleuves.
cJumaété \\ y a bien apparence que les Egyptiens , ont adoré leur Patriarche
Ïg7pnem." Cliam , Sc cn ont fait leur Jupiter , comme firent les Phéniciens. Ils
l'appellerent fuptter Hammon : C'eft le nom dcCham, fans autre -déguife-
ment que Taddition de la forme Chaldaïque, en , him. Jupiter Ham-
Heïodote.in mon a été appelle le Jupiter Egyptien , reconnu Dieu dans toute TAfri-
Eutupe. qyç^ parce que Cham a peuplé , non feulement l'Egypte , mais toutes
les Côtes maritimes de l'Afrique. 11 a été fameux par ics oracles , comme
chacun fait.
Noéfctrou- Dans cet affreux chaos de Théologie Egyptienne , on voit aufîî quel-
i'dohtrie's" ^"^ tracc dc Noé. I . On a confacré Apis , comme le fymbole du plus
Scies fables grand des Dieux j c'étoit Noé , le père des hommes & des Dieax. Car cer-
xSas^^^' vainement de lui font décendus tous cts hommes, dont on a fait des Dieux.
Noé eft appelle l'homme de la terre , riDiNn c>N , c'eft- à-dire, cultivant la
terre. Rien n'étoit plus naturel que dc lui confacrer le bceuf , le grand
inftrument de l'Agriculture.
2. Le nomd'^/j/V, qui fignifie mon père ^ convient parfaitement à Noé,
qui eft le père àts pères du monde. 3. La fable d'ifis & d'Ofiris , dans
Piutarque , félon laquelle les parties naturelles d'Olîris fe trouvent per-
jduës, de forte qu'il en falut faire un de terre , ou de plâtre , fans vertu
par conféquent , a bien du rapport avec l'Hiftoire de Cham , qui regar-
^ da les parties de fon père, yvre ôc endormi : les fables des Rabbins ajou-
tent que Cham toucha ces parties, dans le deffein de rendre fon père in-
capable de la génération.
Noé.chatn, Jl eft donc appaiTiit que Noé, Cham, ScMitfraïm, ont été les Dieux
£ffii?paT' naturels des Egyptiens , mais couverts d'un manteau, 6c enveloppez de
ks Egyp- tant de fables affreufes , qu'il çft impoffible d'y voir rien de diftinét.
Ki.?îîs. L'alTcmblage de ces deux divinitez, Ifis & Olîris, avec Typhon leur
fi'ere , 6c pourtant leur ennemi mortel , donneroit lieu de croire que cç:s
Dieux Égyptiens ont vécu fur la terre, long-tems après Noé , Cham,
& Mitfraïm. Car ce Typhon a de grands caraéleres, qui le rendent fem-
voyez Bo- blablc à Moïfe: lequel vivoit bien des ftecles après Noé. Si ce n'eft que
f"f"'*^A.ni- nous adoptions la conjeélure , de ceux qui difent qu'0/?m a fîgnifié tout
de'vituio l'Empire Egyptien, ëc comprend tous les Rois d'Egypte, que l'Ecritu-
£meo. j.g Sainte appelle tous du nom de Pharaon. Ainfi Moïfe fe pourra placer
par tout où l'on voudra, dans cette hypothefe.
Moïfe eft le Ce fcroit aîTûrément une chofe furprenante , que dans l'Hiftoire fa-
Egyptiens" buleufc de la Théologie d'Egypte , on ne trouvât rien qui eut fon rap-
Aft. 7. g. poit à Moïfe 5 qui, dans l'Hiftoire véritable des Egyptiens , eft un per-
preiives de fonnagc d'une (î grande diftinétion j Se ce que les Egyptiens fouffrirent
par fon moyen, eft fî extraordinaire , qu'il en a dû relier iibs traces dans
leur Théologie fabuleufe. Auffi en trouve-t-on de conlldérables.
r. Typhon I • Typhon étoit roux & roufleau, Moïfe , félon les apparences , étoit
S'^mot'^' ^^"^î"^^' couleur voiftnedu rouffeau : C'eft pourquoi il eft dit de Moï(e,
etoii blond, qu'il étoit divimment b.em: le blond dans le poil, ^le blanc dans le teint,
étoient
ET DES CULTES DE L'EGLISE. P^r/.III. 535
étoient des couleurs très rares , ôc par conféquent très eihmées en Egyp-
te 5 & dans toute l'Afrique.
z. ILe nom de Typhon figni fie inondation, dans la langue des Hébreux, 2. Typhon
& des Phéniciens, t)i£2 fignifie inonder, & îs^isit: thouphono ,, inondation. fn^o"ndrtion.
G'ell un nom odieux qu'ils donnèrent à Moiïe , à caulè qu'il avoit fait Thouph.
périr leur nation, &: leur Roi, par inondation : Les Prêtres, dit Plutar- ^lu^rq^^ .
que , ont en abomination la. mer , & appellent le fel écume de Typhon s & chap. 15."'^*
c'f/? une des chofes c^uon leur défend de mettre fur la table: Ils ne falnent jamais
les uUoîeSy ^ les gens de marine^ parce c^h"* ils font ordinairement fur la mer. Ils
ont aujfi en horreur le poiffon , quand ils veulent en hieYogljphi<jues répréfenter la
haine ^ & P abomination ^ tls peignent un poijfon. C'eil pour témoigner l'abo-
mination qu'ils ont pour l'adion de Moïfe, qiii les fit fubmerger dans la
mer.
5. Typhon étoit réputé le grand ennemi de leurs Dieux , & celui qui î. Typhon
leur failoic une cruelle guerre, ôc telle que les Dieux furent obligez de fe fe^gr/nleT-
cachery dans le corps des bêtes : L'un dans le corps d'uti bœuf , un au- nemides
tre dans le corps d'une brebis, un autre dans quelque autre animal. Ce- Egyptiens
.ci femble avoir égard à ce que Dieu fit en Egypte , où il exerça jugement 'S\nt3tt{uz
fur tous les Dieux WEgjpte s parce qu'il fit mourir leurs animaux- iacrez , IpoUod. Li.
comme les autres. Hyginus
4. Typhon s'alîbcia 72. hommes, avec le fecours defquels il malîacra E^soi^û. la.
fon frère OfiriSi C'eli Moïfe, qui tira le peuple hors d'Egypte , & le Nombres
conduifit dans le défert aidé par les 70. hommes, qu'il s'aiîbcia dans le "'confor-
gouvernement ,. félon le confeil de (on beau-pere Jethro. "^"é: Ty-
f. Typhon étoit frère d'Ofiris Roi de l'Egypte. Moïfe fut eftimé fils m^MoTre*'
de la fille de Pharaon, frère par conféquent du Roi d'Egypte. s'aiTodeyi.
6. La fable dit que Typhon eut pour aide, & pour adjoint, la Reine 5°T^hon
d'Ethiopie, c'eil que Sephora, femme de Moïle étoit Ethiopienne, oti^^^y^P"'?'
Arabe. Autrefois l'i^rabie, voifinede lamer rouge, portoit le nomd'E- d'Egypte:
thiopie. ^JIjI""^
7. Typhon vint en Egypte pour faire k^ guerre à Ifis& Ollris, mon- 6. Typhon
té fur ua âne: G'eil pour cela qu'ils ont l'âne en abomination, & ils ap- f^jJ^'J^^"
pellerent âne, ce Roi de Perfe, qui tua leur bœuf Apis. C'eft parce que d'bthiopie;
Moïfe ayant fa commiffion de Dieu , pour forcer Pharaon à laîfler aller ^oïTeTtiât'
fon peuple , tl' mit fa femme & fe s fils fur un âne-^ &- retourna- au Fais d'^E- Ethiopien-
gyp'te. Et c'eft ce qui a donné lieu à la fable, que Typhon, monté lur un "\„p|j(j„.
âne, vint conquérir l'Egypte. vient en
8: Mais- dans ce parallèle de Typhon Su de Moïfe, rien n'eft fi remaV- KqS
quable que ce que dit Plutarque, ^^ue Typhon y après avoir perdu la bataille^ raomé fur
s'^enjuit par fept jours fur un âne- , &. qu après s'être fauve , thengendra deux ^"o^dT 2©
fils^ ferofolymus & ^udéius-. A cela Plutarque ajoute fa réflexion. Ileflclatr, ». Paff^:
die -il , <^ue ceux qui dfent cela , veulent faire entrer L'^Htfioire des fuifs dans pl^uç^aïque!
cette fable. Cela eft vrai y la fuite de Typhon durant i'ept jours , ell fon- quifiit voir
dée fur le feptiémejour , ou le Sabbat, que Moïtéinlîitua. dans le dé- t"yp"ens
fert , ôc.fit obferver aux Ifraëlites. Comme fi la caufede cette inilitution ont fait de:
étoit la fuite de Moïfe, Se de fon peuple, qui fe fit par 7. jours, avant yypjjon^"'^
qu'ils fe crufiTent en lieu de fureté. Mais la nailiance de Jerofcljn^us &: de "p h- ib--
ffUus^^ qdi naquirent à Typhon ; après qu'il eut étéxhafi'é d' Egypte- îorJii
cit-
5^6 HIST OIRE DES DOG MES
elt encore plus parlante. Et fait voir que ce Typhon n'eft pas autre que
Moïfe , qui fut le Patriarche , & le fondateur de l'Etat des Juifs , dont
Jcrufalem dans la fuite fut la capitale.
C H A P I T R E IX.
Quellion. Si les Ifra'élites dans le Veau d'or , ont eu intention d'à*
dorer les Dteux d'Egjfte Apis , IJis & Ofris , ou s'ils ont vou.
lu adorer le vrai Dieu , dans cefymkok Egyptien.
c
'Eft une queftion de quelque importance , de favoir quelle a été
l'intention des Ifraëlites , quand ils firent 6c adorèrent le Veau d'or.
Nous avons vu que cette fuperflition étoit montée hors d'Egypte
avec eux. Que le Veau d'or devoit naturellement être confacré au bœuf
Apis, à Ifis Ôc àOfiris. Mais eft-il pofîîble qu'ils eufTent intention d'ado- •
rer ces faufles divinitez , les Dieux du Pais de leur efclavage ? Les ido-
lâtres d'entre les Chrétiens, le prétendent ainfi, afin d'éluder la preuve,
dont nous nous (ervons contr'eux. Ils adorent des crucifix , des images
de la Trinité, des Saints, des Saintes, & des Anges. Nous combattons
ce malheureux culte , par l'indignation que le vrai Dieu conçût , lors que
les Ifraëlites le voulurent adorer , fous la figure d'un bœuf. Nous ado-
rons , nous dit-on , le vrai Dieu , Créateur du Ciel & de la Terre , dans
les images de la Trinité. Nous adorons le Sauveur du monde , crucifié
pour nôtre falut , dans les images du crucifix. Ce ne font pas de faux
Dieux. Nous les adorons , en rendant feulement un culte relatif à leurs
images : cela ne fauroit déplaire à Dieu. Nous oppofons à cela l'exemple
des Ifraëlites, qui voulurent adorer leur Dieu, le vrai Dieu, quilesavoit
tirez d'Egypte , fous l'emblème d'un bœuf : ce qui excita tellement la
Exode colère de Dieu , qu'il fut tout prêt de les détruire fur le champ. Laijfe moi fat-
3 z. 1 o. Y^e ^ difoit- il à Moïfe , &je con fumer ai ce peuple ,*& je te ferai devenir une grande
nation. Les Papilles répondent à cela, qu'il n'eft pas vrai que les Ifraëlites
ayent eu intention d'adorer le vrai Dieu. Ils foûtiennent qu'ils adorèrent,
dans ce Veau, le bœuf Apis, ôc les divinitez Egyptiennes , aufquelles ce
Veau étoit confacré. C'ell ce qu'ont voulu établir Bellarmin & Grégoire
Lib.2. de de Valence. Bellarmin ditj que les Ifraëlites ont eftimé , que le bœuf <iy4pis
Triumphan- /^<,/; /^ Dim dit Ciel i c*efi pourquoi ils lui drefferent cette image du Veaud'^or ^
cap. n. " & crurent que de ce bœuf (fApis ils avaient re^â le bienfait de leur fortie hors
Qregor. de (i'> Egypte , gT non pas du Dieu de Moïfe.
idoioiatiia. Le Jefuitc Grégoire de Valence poufîe re:#travagance , jufqu'à foûte-
"P- J. nir , que jamais les Ifraëlites n'ont eu defîein d'adorer le vrai Dieu , dans
les fimulàcres, en fe prollernant devant eux. Au contraire, nôtre Cal-
vin prétend que les Ifraëlites n'ont pas adoré les Dieux d'Egypte , mais
que fous la figure de ce Veau , ils ont voulu fervir Je vrai Dieu, qui les
avoit tirez d'Egypte. Cette opinion s'accorde mieux avec le bon fens,&r
avec les termes de l'I^ftoire.
Sans
ET DES CULTES DE L'EGLISE. Part.llL 537
Sans neceilîté on ne doit pas attribuer des fentimens brutaux à des hom- Les in-scii-
Tïies , qui ne font pas reputez pour intenfez : 11 n'eil pas iufte d'attribuer aux '"^"^ ^°"-
i j • I- • ^ 1 • r^ ■> • / r lu adorer le
hommes des erreurs qui ne loient pas humaines. Orç auroiteteuneerreui vrai Dieu,
felle aux liVaèlites, <icCc perfuader que ce bœuf, qu'ils venoient de fondre, ^°"^'^ ^'"^
étoit le Dieu Créateur du ciel & de la terre. Et vu les inih-uétions , qu'ils
iivoient déjà reçues d' Aaron ôc de Moiife , ils ne pouvoient s'imaginer que le
bœuf Apis, ou la Déelîe Ilis, les eût délivrez d'Egypte, puifqu'au con-
traire ces Dieux étoient reputez leurs ennemis, étant les Dieux prote<5leurs
des Egyptiens , leurs oppreileurs.
2,. Aaron , quoi qu'il eût fait paroître infiniment de foiblefTe , favoit pour-
tant bien ce qu'il faifoit , & ce qu'il avoit intention de faire ; Il difoit aux If-
raëlites,., en parlant de la confecration de l'Idole, quifedevoit faire le len-
demain, demain c^esiU fête a P Eternel^ àfehova. Et on ne trouvera pas d'e-
xemple, que ce nom de JEHO VA, incommunicable à toute créature, ait
jamais été donné à aucune Idole, fehova étoit le nom propre du Dieu des
Ifraëlires, comtrte Moloch étoit le nom propre du Dieu des Hammonites.
L'Arche de MoiTe eft quelquefois appelléejehova , parce quec'étoit le fym-
fbole de fa préfence. Ainfi on peut conjecturer que cet auguftc nom dcje-
hova eft imprudemment donné par Aaron au Veau d'or , parce qu'il le re-
gardoit, comme on regarda du depuis les figures des Chérubins dans le Sanc-
tuaire, qui reçurent, au moins quelquefois, le nom de Jehova, parce que
Dieu étoit réputé habiter entre les Chérubins, ôcqu'ilyrendoit fes oracles.
Aaron voulut auffife perfuader, que le vrai Dieu honoreroit le Veau d'or,
qui lui étoit confacré, de fa préfence : àcaufe dequoi il crût qu'on lui pouvoic
donner fon nom.
5. Qç.^oxxlicitei'DkMX ^ olfra'él, cfm t'ont tiré hors d'Egypte. Ce font les Exode a t.
parolef des Ifraëlites, quand ils virent le Veau d'or. Aaron pour reâifier ^•
cts paroles , qui avoient l'air infenfé,& pour ramener ce peuple à quelque ef-
pécederaifon, fit ce qui fuit. Ce cfu* Aaron ajAnt vu ^ il bktit un Autel devant v. i.
ce Feau ^ cria , difznt ^ demain ily aura fête folennelle à P Eternel^ c'étoit pour
leur faire comprendre que le Dieu, qui les avoit tirez d'Egypte, étoit leur
Jehova , ôc que ce Veau n'étoit que fon fymbole. Quelques brutaux que
fuflent les Ifraëlites , il n'eft pas raifonnable de leur attribuer d'autre penfée,
que celle-là, c'eftque le Veau d'or étoit l'emblème du Jehova, auquel il
étoit confacré. Et comme ils avoient obfervé, que les Egyptiens adoroient
Ifis, leur Souveraine divinité, dans l'emblème d'un bœuf vivant, jIs crû-
rent auffi qu'ils pouvoient adorer leur grand Dieu fous le fîmulacre d'un
veau.
4. Nous pouvons tirer une nouvelle preuve de la vérité, que nous foû te-
nons, de Phiftoire des Veaux de Jéroboam , qu'il établit , & fit adorer en Dan
& en Betbel j Dans la fête de la confecration de ces Veaux , on employa les
mêmes paroks , dont on fe fervit dans la confecration du Veau du défeit. Ce Rois, iz.it
fint là tes Dieux ^ qui t^ont tiré hors d'^ Egypte : Or il eft certain, autant qu'une
çhofe le peut être , que dans l'intention de Jéroboam , ces Veaux en Dan 6c
çn Bethel furent pofez à l'honneur du Dieu des Ifraëlites , Créateur du ciel
§c de la terre, & libérateur de fon peuple. Il ne faut donc pas attribuer auy -
Ifraëlites du défert d'autre penfée, que celle qu'eurent Jéroboam , & fes Prê-
tres , puifqu'ils n'employent que les mêmes termes.
Part III. Yyy f. Au
538 HISTOIRE DES DOGMES
Lesiftaëii- f. Au relie, cen'étoit pas une chofe extraordinaire entre les Ifraëlites,
"*j°"yYai°' d'adorer Dieu , je dis le vrai Dieu, fous des images 6c des Idoles: nous en
Dieu , fous avons un notable exemple , dans le livre des Juges , 6c dans le fait de Mica : la
luEcs* i?"? ^^^^ confacra une bonne fomme d'argent , pour faire une image taillée ajeho-
va. Après cela ayant rencontré un Lévite , ellefe l'établie pour Sacrifica-
teur des Theraphims , ou Marmoufett , qu'elle avoit fait faire , 6c dit, main^
tenant je cannois ^tiefehova^ l'Eternel y meferadtt bien, parce que j'ai un Lé-
vite pour Sacrificateur -, elle avoit donc intention d'adorer fon fehova , fon
Dieu Souverain fous les images de ces Theraphims. Lors que les Danites lui
enlevèrent, 6c fon Lévite, 6c fon Dieu, il ell aulfi très-certain qu'ils n'a-
voient pas deflein , de renoncer au vrai Dieu de la nation , mais de l'adorer
fous ces fymboles.
6. Les défenfes fi exprefies , 6c tant de fois réitérées , aux Ifraëlites , de
ne point adorer le vrai Dieu fous des formes vifibles , font bien voir que ce
Peuple, dans fes idolâtries , avoit fouvent intention d'adorer le vrai Dieu,
fous des figures corporelles, d'hommes 6c de bêtes. C'eft pourquoi Moïfe
Cent. chap. Ics avertit en termes fi forts , ^M*ils prijjint garde k ïeun ames^ & quHls n'avaient
"♦•'*' V H Çur la montagne aucune reffemblance^ ni d^ homme, ni de femme ^ ni de maie ^
ni de femelle, nid'^aucune bete, ni d' aucun aifeau , ni d^aucun reptile, ni d'aucun
poijfon. Il leur donna cet avis, prévoyant bien, que comme les Egyptiens
adoroient leurs Dieux , fous toutes ces images , ainfi les Ifraëlites , imbus de
leurs fuperllitions , pourroient , en les imitant , non pas adorer les Dieux
d'Egypte, mais le vrai Dieu, fous ces emblèmes Egyptiens.
Efaïe4o. 18. j. Efaïedifoit, a ijuoiferez.'VousreJfembler le Dieu fort? & truelle refjembloft^
^"i^-^S' ce lui approprierez'vous ? Ces paroles fignifient clairement, que les Ifraëlites
avoient eu deffein derépréfenter, 6c d'adorer le vrai Dieu, dans des ima-
ges. Pourquoi donc les Ifraëlites du défert ne pourroient- ils pas avoir eu;
la même intention?
Les ïayens 8.. Il y abicu plus j c'cfî qu'il n'cll pas improbable , que les Payens eux-
wa^^Dieu^* mêmes n'ayent eu dellëin d'adorer le vrai Dieu, dans leurs images. S.
dans leurs' Paul étant dans la ville d'Athènes , en vifitant les lieux de dévotion , il y dé-
fimuiacres. couvrit unautcl, {ui' Icquélézoïtécrk OU Die u in connui cet Autel n'étoit pas-
Aâes 17. fans ilatuë , ou image, car lors qu'ils érigeoient un Autel à quelque divinité ,
âuffi-tôt ils y pofoient ley&w«/<ïc-r^ du Dieu» C'étoit la coutume conftante
In Attîcis, des Grecs, on le peut voir dans Paufanias, dans la defcriptipn de k Grèce:
dsr"& pâf- Silaftatuën'étoit pas fur l'Autel même, au moins elle étoit pofée enquel-
6tn. que lieu éminent, d'oii elle pouvoit être vue par ceux qui facrifioient à
l'honneur du Dieu , 6c qui le vouloient invoquer. Nous l'apprenons de ces
paroles de S. Augullin , fur le Pf. 49. Perfonne^ dit-il , ne doute que les Idoles
ne [oientprive'es de tout fentiment > cependant tjuandon les voit honorablement placées-
dans un lieu élevé j où elles peuvent être vues par ceux cjm facrifient , &i}ui les
invocjuent avec des membres figurez, commeji elles étoient animées , encore qt^ elles
Ççien tfans ame y & deflituées de fentiment , elles ne laijfent pas d^ induire a erreur les
Xmmhaàtefprit s faibles. Les fimulacres étoient fituez. à l'Occident de l'Autel, qui
^'Jj/^^* étoit à rOrient, Or le Dieu inconnu des Athéniens, étoit le vrai Dieu.
Maïuna. 1. 4. Car S. Paul leur dit , é^efl. celui que nous vous annonçons.- Il ne faut pas croire ,
dit-il, que la divinité fbitfemblabk a.or , ou â argent. Il y avoit donc fur cet Au-
tel milimulacred'or 3, oud'argent : 6c dans ce fimulacre , les Athéniens pré-"
ET DES CULTES DE L'EGLISE.P^r/.IIL 539
tendoient adorer le vrai Dieu , & St. Paul leur avoue que c'eft le Créa-
teur du Ciel & de la Terre.
Et même le Jupiter des Payens , dans le fond , étoit le Dieu Sou-
verain, îe père des hommes & des Dieux. Ce qui eft la définition du vrai
Dieu , qui a créé les hommes , & les Anges , qu'ils appelloient Dieux ,
ou Démons. Il n'y a donc aucune difficulté à fuppofer , que les Ifraèlites fi-
rent une figure de Veau d'or , à l'honneur du vrai Dieu, Créateur du
Ciel & de la Terre.
Mais , dit-on , ils n'adorèrent pas le vrai Dieu , encore qu'ils en éuP-
fent intention. Il eft vrai: Dieu n'accepte point les cultes , qui lui font
rendus en des manières , & des formes , qui font défendues. C'eft pour-
quoi les Ifraèlites furent traitez d'idolâtres , fans avoir égard à leur in-
tention. On dit encore, q^'\\^ ox\x. adoré d'^autres Dieux ^ dans ce Veauj i. Sam, 1.7.
ce font les paroles du Livre de Samuel qui ne regardent pas précifément l'i-
dolatrie du Veau d'or. Mais il eft pourtant vrai qu'on peut dire , qu'ils
ont fervi d'autres Dieux, dans le Veau d'or, parce qu'un tel culte défen-
du par la Loi, & rejette de Dieu, eft adopté par le Démon. Et ce Veau
d'or du défert , étoit véritablement un faux Dieu , & par conféquent un
Dieu étranger.
Les Ifraëlites difent à Aaron , fais-nous des Dieux qui marchent devant
mus. Et ils crièrent en voyant ce Veau, voila tes Dieux : Le Dieu dei
Ifraëlites étoit unique. Ainlî ces D/^«a:, en nombre pluriel , doivent être,
dit-on, d'autres Dieux que le Dieu d'Ifraël. Mais cela fignifie feulement,
fais-nous les images de notre Dieu , afin que nous voyons nôtre Dieu , dans
les images fenfîbles, comme toutes les autres nations. Aurefte les Idoles font
appellées des D/>«.v. i . Par une figure très commune, qui donne à l'image
lenomdel'original. i.Et aulîi parce que c'eft proprement le culte qui fait
un Dieu: Outre que le mot de l'original Elohim^ convient au vrai Dieu,
qui eft unique, comme aux faufles divinitez , qui font en grand nombre.
G H A P I T R E X.
. De la Fête célébrée pour la dédicace du Feau dam le
Défert.
CE qui refte d'obfervations à faire fur l'Hiftoire du Veau d'or, font
peu importantes : La plus importante regarde la Fête de la dédi-
cace.
L'Hiftoire nous dit qu'ils célébrèrent une fête pour laconfecrationde
cette Idole. Ce qu* Aaron ayant vu , il hâtit là un Autel devant le Veau , é" Exode. 32.
fit crier ^ demain fera la fête V Eternel , & le lendemain au matin , ils fe levé- ^' *°
rent ^ ^ immolèrent des facrifices de frofperitez., St le -peuple s'affit pour man-'
ger & pour ioire^ ô" fe leva pour jouer , Il ne faut pas douter que ce ne fût
la Fête de la dédicace : puifque ce fut le premier jour du culte rendu à
cette Idole. On immola des vp^imes ^ dr des facrifces de projperitez.. Moïfe
Yyy 2, n'a-
1
540 HISTOIRE DES DOGMES
n'avoit pas eiicore donné les Loix des laciiflces. C'ell pourquoi il efl
apparent qu'on fliivit en cette Fête les cérémonies des nations. Et peut-
être celles là-même , qui étoient obiervécs en Egypte.
Cérémonies Herodotc tait la dcfcription d'uQC Fccc folennelle, qui fe célcbroit ,
ri?nfS'ns ^'^^^ ^^ ^'^" appelle BubalHs , à l'honneur de la Décile Kls, qui avoit la
)eurs grands ]e principal dc ics Tcraplcs. Et voici ce qui s'y faifoit de plus confide-
ï. On facrifioit un bœuf roux, dans lequel il ne devoit pas y avoir un
feul poil noir. Car un Tcul poil auroit fauve le bœuf.
2. Ils aîlumoîént un grand bûcher. Ils faifoient un grand épanche-
raent de vin fur la vi6i:imc. A*pi'ésavoir invoqué la Déefle, onégorgeoit
ia bête.
3. Enfuite on lui 'coupoit la tête 5 8c on faifoit fur elle les imprécations,
que nous avons ci-dellus rapportées : qui ont affez de rapport avec la cé-
rémonie ordonnée par la Loi , qui étoit de charger la viélime du Sacri-
- iîce Propitiatoire de tous les péchez, en les confeffànt fur fa tête. Car
^ssind- cette têie , chez les Egyptiens , étoit une expiation pour toute la na-
i..?u.x.- lion.
4. Ils prenoicnt les reins 6c les graiflesdé la bête immolée, ôcles brû-
loient à l'honneur de la divinité.
f. lis coupoient les jambes, les cuiiîës , les reins , les épaules de la vic-
time, & lui rempliffoient le corps de pain purifié, de raifins fecs,de miel,, À
d'encens , de myrrhe , 6c d'autres choies odoriférantes. \
6. z^prés avoir farci le corps de la viâime , ils y verfoient du vin 8c
de l'huile, 6c la jettoient au feu.
7. Pendant que la viétime brûloit , ils fe frapoient les uns les au-
tres.
8. Après tout cela, des reftes de la vi(5î;ime, 8c des parties qu'ils avoient
retranchées , ils faifoient un grand repas , 8c bûvoient largement. Hé-
rodote affûre que dans cette fête d'iiîs, on confumoit plus de vin, que
dans tout le reile de l'année. Il'faloit que la débauche fût ex ceiîive. Athe-
i£th«nzus néearailbn de dériver le verbe /x£ÔL/av,qui ilgnifies'enyvrer, dc/xerà ôuf^v,.
qui lignifie après avoir fâcrifié. C'efî qu'en effet les débauches étoient
àts fuites des facrifices. Il fe commettoit auiîi beaucoup d'obfcénitez.
Hérodote l'inlinuë aflez , en difant que durant le lacrifiee, ils s'entre-
frapoient dans des endroits , ^«V/ n^ étoit pas permis de nommer. C'eil: pour-
quoi les Rabbins n'ont pas mauvaife raifon d'interpréter ces jeux des If-
ïnTanchu- raëlitcs, daus la fêtc du Vcau, ^a.Y,revelatiopudendorum^ (^ ejfujïo fangm'-
nis, A ces obfcénitez prés, les cérémonies Egyptiennes , oblêrvéesdans
leurs facrifices , avoient aflez de rapport avec les iàcriiices Mofaï"
ques.
lête des îf- Sans doutc c'ell à cette fête qu'on doit rapporter ce que dit Amos ,,
laëlitespoui ^^^j- avez. porté le TaberuMle de votre "^oi^ oh de vôtre tSKoloch: Car c'e-
fdonAmos! toit la coûtume dés Payens, de porter en pompe leurs Idoles , dans leurs
grands jours de fête , fous des Tabernacles portatifs , qui s'appellent aut-
jourd'hui U CkaJJt du Samt^èc qui s'appelloit à Rome ThenfaflU Tkenfe^vehic^-
lo^Euteige. /<« Deortim. Hérodote nous apprend que cela fe faifoit auffi, dans les fê-
tes Egyptiennes. lU mettoient^, dit- il, Us.fmuUcres. dans un petit Temple de-
bois
ma.
ET DES CULTES DE VEGLlSE/FartAll. 541
his (dore, & on fatfoit promener ce petit Temple portatifs dans tous les Temples^
ou maifons facrées. Le char e'îoit trahie par les Prêtres ^ dr fur le char on met-
iott la chapelle , & le Jtmulacre étoit dedans. C'efl: la vraie defcription de la
fête, que célébrèrent les ïfraëlites dans ledéfert.
Buliinger & Louis de Dieu croyent que le Tabernacle , dont parle sniîingcï,
Amos , étoit le Tabernacle fait par Moïie, dont les Ïfraëlites abuferent oie^Tn^'^*^
à idolâtrie. Ce font de qç.% éblouiffemens , qui arrivent quelquefois aux cap. Aft.
Savans, & qu'on ne, fauroit comprendre. Moife étoit au fomrnet de la éwange de
montagne , q>\x Dieu lui donnoit le tableau , & le devis de ce myllerieux suiiinger ,
Tabernacle. Ce devis ne fut exécuté qu'affez de tems après le retour de Dieu°"liï
de Moïfe, 6c les ïfraëlites cependant portoient, dit -on, ce Tabernacle '^''"a'"^f"»^
à l'honneur de Moloch , ou d'Apis, dans le fait du Veau d'or. Cette fête d'or„"
pouvoir avoir auffi quelque choie de femblable à celle, dont parle Plutar-
que: Environ le Solfiiee d'^ Hiver ^ dit- il, dans la fête ^ c^ui s'^appelîe recherche De kl «ç
d'OJtris ^ on menott une vache , ou la femelle d'un hœnf , & on lui faifoit faire ^"•"P-^'^^
fépt fois le tour du Temple ^ & cette Cérémonie s'appellott, la recouverte d^Ofiris ^
eu la révolution du Soleil : comme fi la Déejfe eut alors fouhaité les eaux à^ Hi-
ver j d^ on faifoît ces fept tours , ou circuits , parce que la courfe du Soleil , de-
puis le Solfiiee d'' Hiver juj^u^â celui d' Eté ^ étoit de fept mois.
Entre les Egyptiens c'étoit une grande rejouïllance , ôc une grande
fête, que celle, dans laquelle on folennifoit la mémoire d'Ofiris retrouvé.
Comme aufîi celle à^ Apis , quand on avoit découvert un bœuf, qui en
avoit toutes les marques. Les ïfraëlites , félon toutes les apparences , fi-
rent de femblables rejouïiîances , comme ayant retrouvé dans leur Veau
d'or , & le bœuf Apis qu'ils avoient abandonné , & leur Dieu conduc-
teur , qui leur avoit paru comme perdu , depuis le départ de Moï-
fe.
Dans le lo'"^. verfet du chapitre de l'Exode , qui contient cette Hif- <^e.^"«,
toire du Veau d'or, ileftdit, cjue tJMoïfe prit ce Veau.^ & le hruU au feu , de'ieVeau,
îl le fit moudre, & réduire en poudre , & le jetta dans l'eau , pour le faire boi-
re aux ïfraëlites. On demande^comment on peut brûler de l'or , qui ne
peut être confumé par le feu ? Le ïuif Aben-Efra dit que cela fe lit, xr^r Aben-Efe
la vertu de certame matière , qui étant jettee lur 1 or, le conlume ce le
réduit en poudre. Mais coirame il ne dit pas ce que c'efl: : on n'eil pas
obligé de le croire. 11 vaut mieux entendre qu'il fondit le veau d'or, Se
le calcina, autant que l'or peut être réduit en poudre, &ieita cette pou- .
dre dans l'eau , en figne de malediélion : Afin que les ïfraëlites bu (lent
leur |5eché, & en portallent la peine.
Lors que Moïfe reprocha au Prêtre Aaron , fon crime &r fa lâcheté,
en s'exGufant il dit, f ai jette Por dans le feu , & il enefi fini tm Fean. Ces
paroles font demander ce qu'a voulu dire Aaron. Le Rabbin Salomon saîomon
Jarchi prétend, qu'Aaron avoit voulu dire pour s'excufer j fans mauvaii'e^^^^,^' ^"
intention j'ai jette l'or dans le feu, ôcfans que je m'en fois autrement mê-
lé ,11 en eil forti un Veau. Et les Juifs veulent que le Démon ibit ioter- vkie Lucam
venu là dedans, & qu'il ait formé ce Veau, pour induire le peuple à ido- fn"^^og"p™
latrie. Le fens le plus fimple eft , qu'Aaron interdit & n'ayant rien à
répondre à Moïfe , pour fortir plutôt de fa confulion , lui confefla en
deux mors fon péché, 6c lui dit, il ell vrai, prejîé par le peuple je leur
Yyy i ai
542 HISTOIRE DES DOGMES
ai fait ce Veau d'or. Et ainfi les paroles d'Aaron ne fîgnifient rien autre
chofe, finon, iieft vrai que j'ai pris l'or qu'ils m'ont donné , ôc j'en ai
foimé le Veau.
CHAPITRE XI.
7)es Veaux de Jéroboam, fofez en "Dan ér en Btthel.
L
Es Veaux que Jerobbam éleva en Dan & en Bethel , ont trop de
, rapport avec celui du défert , pour les mettre dans un traité à part.
C'eft la même idolâtrie pour la forme , & pour la matière , quoi que
la fource en foit apparemment différente. Tout le monde en fait l'Hif-
toire : Dieu pour punir Salomon, de ce qu'il s'étoit lâchement détourné
après les idoles de (es femmes étrangères , permit que ce florilîànt Etat ,
à la tête duquel il avoit été mis fût déchiré fous le commencement du
règne de Roboam 5 fon fils. Jéroboam, l'un de fes ferviteurs , lui déta^-
cha par la révolte dix Tribus , qui demeurèrent toujours féparées , ]\xÇ~
qu'à la deftrudion du Païs , par les Rois d'Afîyrie & de Chaldée. Ce
Prince révolté comprit, que fi. ces peuples, la Tribu de Juda, & les dix
Tribus d'Ifraël, fe trouvoient en même lieu, au moins trois fois l'année,
comme la Loi l'ordonne , incontinent la mailbn de David travailleroit à
débaucher fes fujets , & à refermer la brèche, qui avoit été faite au Royau-
me. Ceft pourquoi Jéroboam défendit à fes fujets , d'aller à Jerufalem
pour le fervice divin , & il leur établit deux Sanéluaires , l'un en Dan,
du côté du Septentrion , & l'autre en Bethel , au Midi , fur les frontiè-
res du Royaume de Juda. Et dans ces Sanéluaires il pofa deux Veaux
s. Rois d'or , très célèbres dans l'Hiftoire des Rois. Ce fut là qu'il ordonna aux
fo^i^i!" Ifraëlites des dix Tribus , de porter leurs offrandes , & de faire leurs dé-
votions.
Le traité du Veau d'or , d'oii nous venons de fortir , nous épargnera
du tems & de la peine, dans le fujet préfent.
Jéroboam La première queflion que l'on fait, c'eft d'où Jéroboam a pris ce faux
fiux culte culte, ôcqu'ell-cequi J'a porté à confacrer des Veaux à fon Dieu. Mon-
d'Egypte, c^cus , qui a voulu croire que le Veau du Défert, étoit la figure d'unChe-
Sîïg-temr l'Libin i & cela dans un tems , où les Chérubins étoient encore inconnus
demeuré, aux Ifraëlites, ne peut pas manquer de dire, que les Veaux de Jéroboam
étoient des figures de Chérubins; Car alors, les Chérubins étoient con-
nus en Ifraël , & il n'eft pas hors de vrai-femblance , que ces Chérubins
eufTent en partie la figure d'un veau. Car les animaux, dont Ezechiel nous
donne la defcription, dans le premier & le dixième chapitres de fes Révéla-
tions, comme de Cherubinsjavoient une tête d'homme, une d'aigle, une tête
de lion, ôc une de bœuf. Or la tête de bœuf étoit la plus eminente, & la plus
vifible, dans les figures qu'on en donnoit. On peut revoir là-defîus, ce
que nous en avons dit , dans la Seconde Partie de cet Ouvrage j où nous
avons parlé de l'Arche ôc de fes Chérubins. Quoi que cette conjeélure
de
ET DES CULTES DE L'EGLISE. Part.lU. 543
de Moncaeus foit un peu plus vrai-femblable en cet endroit,que dans le Veau
du défert , cependant nous ne faurions l'accepter. Et nous trouvons beaucoup
plus vrai-femblable , de tirer cette idolâtrie de Jéroboam, de la même
Iburcc que le Veau d*or. C'eft de l'Egypte : Jéroboam y avoit fait un
long fejour, chez 5<?/2i^>w Roi d'Egypte. Et ce fut-là qu'il pafla tout le
tems de fa difgrace, quand il fut obligé de quitter la Cour de Salomon,
Se fa patrie. Au refte, les paroles delà confecration de l'Idole furent les
mêmes, que celles qu'on employa dans la confecration du Veau du défert.
Ce font-ici tes Dietix , ô fjraè'l, (jui î^ont thé hors dupais d'Egypte. Il y a toute
apparence, qu'il n'employa cette formule, dans la dédicace de fes Veaux,
que pour infinuer à fon peuple, qu'il n'étoit pas nouveau à la nation d'a-
dorer leur divinité fous ces emblèmes.
Il eft remarquable que les Veaux dejeroboam font appeliez ^w^iyw/Z/^j-, Dufcxede
eu dejemesvaches. La Bible des Grecs dit , que Jeroboam.fit deux Genifles *^" ^""*"
d'or , Ivo SctixxKstç xpacLç. Ainfî le dit Jofephe , f «<? feroboam fit deux Çenijfes -,
d'^er , & leur confacra deux Temples. Le Livre de Tobie, en parlant de la re- i. Rois ill
volte ôc dufchifme de Jéroboam, àiit^quetoutesksl ribm révoltées facrifierem ^'•. ...
àBahal^ la je une vache. La plupart des anciens Interprètes difent, que les t^cX
Hiftoriens fe font fervis de ce terme, fîgnifiant une femelle, pour abailler , *^°^^ *=• ^'
& pour attirer du mépris fur ce culte établi par Jéroboam : Mais beaucoup Queftion fî
plus fouventjon donne à ces deux Idoles le nom de Veaux. Et il n'efl pas fans ]" oboam'^*^
vrai-femblance, que comme il y avoit deux Veaux, les Ifraëlites idolâtres croient de
avoient obfervé de leur donner les deux fexes , c'eft- à- dire , que l'un répré- Amélie"" ^^
fentoit le mâle , & l'autre la femelle: ce qui ne s'étoit pas fait peut-être par
hazard} mais par l'infpiration deceux, qui avoient fuggeré à Jéroboam la
figure de ces Idoles. La Religion d'Ifis, d'où ce culte de Jéroboam étoit
apparemment décendu, faifoit la Déeife mâle 6c femelle ,.aulîi avons-nous
vu qu'elle portoit les deux fexes , & même nous apprenons d'Arnobe, que Arnob. con»
dans les hymnes, ôc célèbres invocations des faux Dieux , on fefêrvoitde i"îï"e^;
ce formulaire , five tu Deus , five tu Dea , foit que tu fois un Dieu , ou une
Déeffe. Et dans les hymnes d'Orphée , â l'honneur de Minerve , on ehan-
toit «po-viv y.èv Kdi ôî^Auç sCpvg, tu es mâle 6c femelle.
La principale queftion qui fe fait ici , c'eft à quelle divinité ces Veaux de LesVeius
Jéroboam étoient confacrez , ou aux Dieux d'Egypte, ou à quelqu'un des ^^3^"°*
Bahalins, des Phihftins, & Phéniciens. La queftion doit être répondue, «oient
félon les preuves que nous avons données ci-deffus, que le Veau du défert H^J^T^
étoit confacré au vrai Dieu : Car toutes ces preuves donnent toute leur Dieu.
force au culte de Jéroboam , pour montrer que les Veaux de Dan 6c' de
Bethel étoient confacrez au vrai Dieu j 6c outre ces preuves jl'Hiftoire des
Rois en fournit d'autres, 6c plus fortes.
1. Jéroboam, aulTi bien que les idolâtres du défert, fait crier devant
les Veaux,, dans la fête de leur dédicace : Ce fi^nt-fà tes Dieux , ê îfi\^ëi,cjut
t'ont tiréhorsdupaïs d'Egypte. C'étoit donc au Dieu de Moïfe que les Veaux
étoient confacrez. Car ils ne pouvoient pas être aiîêz infenfez pour croi-
re, que des Idoles, qui fortoient du fourneau dans le moment, leseufient
délivrez tant de fiecles auparavant.
2. Il eft clair que ce culte àts Veaux, n'eft pas regardé mr lesHifto- L'aaionde
riins bacrez , 6c par les Prophètes , comme une idoiatrie purement payen- «e fut Eas>
ne.
54+ H I S T O I R E D E S p O G M E S
ifgiidîc, lie. Ils y mctretu une extrême diiîerence. L'a6biondeJeroboara futcon-
ipoSe""*^ fidcrce comme un rchifme, très- criminel, à la vérité, mais non pas corn-
totale. me une apoilalic totale. L'Hiiloire de la révolte deii dix Tribus, fait par-
ler jéroboam ,de manière qu'il paroît qu'elle ne comprend pas ce Jéroboam,
Tofeph. Ant. commc ayant fait changer de Religion aJes peuples. 11 leur répréiènte
hb.g. C.3. ^^ç. |g yj..^- j^jçj^j ^^^ p,^^, tout, qu'il n'eil attaché à aucun lieu, èc qu'on
le peut auiîi bien adorer en Dan & en Bethel qu'à Jeruialem.
Tous les Princes iuccefieurs de Jéroboam , qui n'ont adoré, dc fait ado-
rer que les Veaux , font confiderez comme bien moins coupables , que ceux
quiadoroient , & iraifoient adorer lesBahalins. Achab fut le premier des
fuccefleurs de Jéroboam , qui adora les Bahahns , à la perfuafion de la
malheureufe Jezabel, fille du Roi des Sidoniens. Surquoi l'Hilloire Sainte
dit , que ce Prince ne fe contenta pas de fuivre le péché de Jéroboam ,en
i,R.oist(î. adorant fes Veaux 5 ^c. mats cjhiI fervit à Bahal, &fe pro/lerna devant Imi^
V. 3 1.32.3 j.y^^^^^ (jQf-^gg^ ^ If^j dre£a tm Autel, dans unTemple , cjh'iI lui bâtit enSama-
rie , & cjii^tlfit plus que tous les Rois d'*Ifra'él , . qui avaient été devant lui , pour ir-
riter PEternel.
Au contraire, les Rois de Saraarie , qui fans renoncer au fchifmede Jé-
roboam, Ôc fans quitter le culte des Veaux, s'appliquoient à la deftruc-
tion des Temples & des Sacrificateurs de Bahal, étoient regardez com-
me ayant du zélé pour la gloire du vrai Dieu.
Elle n'a pas Lors quc le Prophctc Elie provoqua les ferviteurs de Bahal, & qu'il en
Tux°d[x^ fit égorger quatre cens tout à la fois , il fe plaignit à Dieu , que les dix
TiibusTa- Tribus avoicot démoli les Autels du vrai'Dieu, qu'ils avoient tué fes Pro-
veaïx°"mals phctcs , 6c qu'il étoit dcmcuré lui feul. Il ne fe plaint point des Kraèli-
ceiic des tcs , qui adoroienD Igs Veaux : & ce fiîence fait voir , que le culte des Veaux
pourquoi n'étoit pas regardé comme tout à fait abominable. Il difoit aux Ifraëlites,
"la- . jufcjues à quand clocherez»- vous des deux cotez.? JîP Etemel efl Dieu, fuivezrlet
é.zi. ' Mais fie' efi Bahal, Çuivez^-le. Il ne parle pas contre les adorateurs des
Veaux, & il fuppofe qu'ils étoient encore. dans les intérêts du vmiDieu.
Lors qu'il fe plaignit 'é\ douloureufement à Dieu, de ce qu'il étoit demeu-
chap. 19, ré feul , il lui fut répondu , je me fuis refervé fept mille hommes , qui n'^ont pas
T. 18. ployé le genou devante ah al ^ & dont la bouche ne Papas batje. Il ne dit pas,
qui n'ont pas ployé le genou devant les Veaux. Dieu favoit bien que l'on
adoroit ces Veaux à fon honneur, &C quoi que cela lui fût infiniment dela-
gréable , cependant il y mettoit une grande différence.
Lors que Jehu détruifit la maifon d' Achab , il anéantit auffi dans tou-
te l'étendue du Royaume d'Ifraël, le culte des Bahalins. Il difoit à Jo-
a. des Rois nadab Rechabite 5 fon ami : vi€n& voile zélé que j'^aipourV Eternel. En effet
10. t«. fon 2,éle le porta à détruire la maifon de Bahal, qui étoit en Samarie, &
à mettre à mort tous les Sacrificateurs; ce qui fut agréé de Dieu. Il en fut
loué. Mais l'Hiftoire ajoute, que fehu ne fe détourna point des péchez. deferO'
boam , fils de TSlébat , favoir des Veaux d'^or , qui étaient en Bethel & en Dan.
La même obfervation fe peut faire fur l'Hiftoire des Rois fuivans, quand
il eft dit qu'ils avoient toujours adhéré au Dieu de leurs pères , c'eft toujours
avec cette claufe,fo«^^/o/.f il ne fedétaurna pas ^des péchez, de feroboam,fils de Nébat,
Si ces Veaux d'or de Bethel ôc de Dan , avoient été confacrez aux faux
Dieux, ou aux Dieux d'Egypte, ou 3 comme d'autres veulent, à Moloch,
Dieu
25.
ET DES CULTES DE L'EGLISE. Part.lU. 54^
Dieu des Hammonites, qui avoit aufîi la figure d'un bœuf, Dieu auroïc
abominé ce culte, comme la plus groffiere idolâtrie. Ce qui fait voir, que
ces Veaux étoient véritablement confâcrez au Dieud'Ifraël.
5. Apres cela on veut favoir, par quel culte les Rois de Samarie ado-.Jctoboam
rerent Dieu dans les Veaux de Dan 6c deBethel, fi ce fut par des cere- [^oJdônaé"
monies imitées des Payens , ou félonies Loix de Moïfe. Nous répondons par ulol
fans hefiter, que ks dix Tribus, dans leur révolte, fuivirent les Loix de
Moïfe.
I. Si cela n'étoit pas, Dieu n'auroit pas manqué de le leur reprocher
par fes Prophètes , ce qui ne fe trouve nulle part. Seulement il eft remar-
qué, que Jéroboam changea le jour de la fête du feptiéme mois, c'étoic
la fête des Tabernacles, ëc au lieu qu'elle fe devoit célébrer le quinzième
jour du feptiéme mois , qui répond à nôtre mois de Septembre, il la remit
au quinzième du mois fuivant. Or le qmnz^iéme du hmtiéme mois ^ favoir au \, Roisit,
mois qtî^il avoit inventé de Im-mème , il offrit fur PAatel (^u^il avoit fait en Bethel^ ^' ^ ^'
& il y célébra lafète folmnelle atix enfansd^Ifrael s &mème il ojfrttfur l'' Autel^
eny faifmt des encenfemens. S'il avoit apporté d'autre changement , l'Hif-
toire n'auroit pas manqué de le remarquer. L'Hiftoire Sacrée dit , au mois
que feroboam avoit inventé. . Il ne dit pas que Jéroboam eût inventé lafè-
te, ou les cérémonies de la fête, mais feulement le mois: pourquoi il fit
ce changement, il n'eft pas aifé de le deviner.
z. Mais il me fembife que nous avons une évidente preuve de cette véri-
té, qu'il ne fe fit aucun changement dans le culte, par l'Hiftoire, qui fe
lit au fécond des Rois chap. 17. Salmanafar Roi d'Afiyrie tranfporta les^
dix Tribus hors de leur terre, ôc y fit habiter des peuples, qu'il avoit ti-
rez d'Afiyrie &de Chaldée : ces peuples idolâtres emportèrent avec eux
leurs Idoles, & les fervirent. Mais il fut rapporté à Salmanafar que des
lions les mangeoient, parce qu'ils n'adof oient & ne fervoientpas le Dieu
du pais. Et le Roi d''AJJjrie donna ordre ^ qu'on envoyât encepaïs-làun des Sa- ^ Rois Vf.
crificateurs ^ qu'on avoit tranfportez. de Samarie^ & il demeura en Bethelj & les ^'^
enfeigna àfervir le Dieudupaïs. Le remède réufîit , & l'on n'a pas appris^
que depuis cetems, les lions ayent dévoré ces nouveaux habitans: Or ce-
ci fait voir clairement, que les Sainaritains adoroient le vl'ai Dieu, qui les
avoit mis en pofieffion de ce païs-lâ, & que le culte, qu'ils lui rendoient,
étoit celui-là même que Moïfe leur avoit commandé , autrement ce culte
n'auroit pu être agréable à Dieu, ni l'obliger à retirer les lions qu'il avoit
envoyez.
Depuis ce tcms-là, la Religion de ces nouveaux peuples devint mixte.
Ils adorèrent le vrai Dieu dans le Sanduaire de Bethel, ôciln'y agueres
lieu de douter que ce ne fût encore fous la figure du Veau dejeroboam jcar
ce Sacrificateur ne pouvoitenfeigner que ce qu'il avoit pratiqué j mais cha-
cun de ces peuples retint aufii fes faux Dieux. Auffi ils adorèrent en
même tems le Dieu d'îfraèl, Ôc leurs Idoles. Dans la fuite nous aurons
lieu de parler de ces Dieux des Afiyriens, tranfportez en Samarie.
On doit attribuer à la haine immortelle,que lesjuifs ont toujours eu contre n efl faux
les SamaritainSjl'accufation qu'on leur fait, d'avoir facrifié des hommes à l'î- |".^Jj^'^|^jj
dolé. C'eft fur un paflage d'Ofée mal entendu que cette calomnie eft fondée : faâifié^des
ppi:'> c^S.iy DIX ^n3i?, ce que l'on peut traduire , f^^.v qmfacrifient m homme, \°^^^l^^^
Fart. IIÎ. %!% bai- o[<e3i.z.
546 HISTOIRE DES DOGMES
baiferont les F(aftx;^de^ ainfi que l'ont entendu les 70 Interpretcs,qui .ont lu'
inlocum. ^x\^\ ^ facrifiez. y^Vlm^tï^ù?^ facrifîtz. des hommes . S. Cyrille d'Alexandrie,
Thcodoret , & St. Jérôme l'ont aufîi interprété des facrifices d'hommes ,
comme fi les idolâtres cuiïènt eu deflcin de dire , eelai qui portera fa dévo-
tion juf^u'â jàcrifer fin fis , aura l*honneur de haiÇer les Veaux. LeTalmud
dans le Traité Sanhédrin , Salomon Jarchi , & plu fleurs autres, fuivent
cette interprétation. Aben Efra interprète ce paflage du meurtre desin-
nocens , & le Chaldée traduit , ceux (^ni facrifient aux œuvres des mains de
l'homme. Mais l'interprétation la plus naturelle , eft celle que lui donne le
Rabbin Kimchi , celui d'^entre les hommes qui voudra facrifier, baifira les Veaux.
C'eft une phrafe fort ordinaire dans la Langue Sainte ; on éclipfe la lettre
3 , qui lignifie la prépofition^» , & entre. Le Prophète Efaïe dit, mK >Tmf<,
les pauvres hommes ^ ipour les pauvres d'entre les hommes.
Ortbaifoît, Ainfi tout cc qu'on peut recueillir de ce paflage d'Ofée touchant le
ou'hnwinî ^"^^^ ^^^ Vcaux de Jéroboam , c'eft que leurs adorateurs les baifoient ,
i'honneuï OU baifoicnt la main à leur honneur : C* qui fe trouve généralement
dçi'idolc. pratiqué par tous les idolâtres, fe me fuis referve' fept mille hommes^
qui nom pas fléchi le genou devant Bahal , & dont la bouche ne l'a pas
baifé. Quand on ne pouvoit approcher l'Idole pour la baifer, ou que
le Dieu qu'on adoroit étoit im Àllre, on baifoit la main pour lui faire
Job 31. %6. honneur. Job difoit qu'en regardant le Soleil & la Lune, fon cœur n'a-
voit pas été feduit, &: qu'il n'avoit pas baifé fa m*n : On voit que cet-
te coutume eft bien ancienne , 6c qu'elle a pris naiflance dans l'Orient;,
mais elle a pafl^é dans l'Occident, 6c a duré jufques dans les derniers fic-
elés du Paganifme, d'oij elle eftaufli pafl^ée entre nos Chrétiens idolâ-
tres, qui baifent leurs images par dévotion. Minutius Félix dans fon Oéta-
vius dit que, C^cilius ayant apper^u un Jtmulkcrede Serapis^ avoit enfetour°
Apol^. r. ^^^^ "^^^^ V Idole approché fa main de fa bouche , & Pavoit baifée. Apulée di-
foit de quelqu'un , que s'^il pajfoit auprès du Temple de quelque Dieu ^ il fe-
faifoitun fcrupule d'*'approcher fa main de fa bouche pour adorer,
D'oujero- Il ne me refl:e plus qu'une obfervation à faire fur cette Hifloire des
çp!fSaîfeih Veaux de Jéroboam : Elle regarde le choix qu'il fit, pour établir des
t<urs. - Miniftres des Autels de fes Veaux..
3. Chronit Tous les Sacrificatcurs de la famille d'Aaron , h. tous les enfàns de Lcvi ,
i3.i4.&ii. qui avoient leurs villes, Ôc leurs habitations entre les dix Tribus révoltées j
ne voulurent pas adhei^r au fchifme de Jéroboam, & fe retirèrent dans les
terres de la domination des Rois de Juda 5 ce que firent aufli beaucoup de
^ familles , qui craignoient Dieu ; ce qui fortifia beaucoup la Maifon de Da-
vid, ôcréduifit Jéroboam à la,neceflité de fe faire d.es Sacrificateurs d'une
autre famille, & d'une autre Tribu. L'Hiftoire de fon fchifmedit, qu'il
i,Reg.ii. fe fit des Sacrificateurs pour fes hauts lieux , Pî?n /Tî^po, ce qui peut être
^^' tomnéy des extremitez. du peuple. y & que les Auteurs de nôtre Vulgate ont
rendu d^s dernier s, du peuple. L'interprétation n'eft pas bonne,, mais c'efl
une petite bevûe: Jéroboam, qui vouloit matre fa nouvelle Religion en
crédit, n'auroit pas voulu l'expofer au mépris de là Nation, en lui donnant
pour- Mini flires,^ dQS gens de laJie dU peuple. Ainfi ce. mot, doit être tour-
né, d'mtre le peuple ^, ou du.milieu du peuple'. Et c'efl: ce qu'il fignifie en
JJjJ^^^ beaucoup d'autres paflàges. Jofèph choiftdes hommes d'£ntre fes frères ^ pour
ET DES CULTES DE L'EGLISE. Tan.lU. 547
lesprefenter à Tharaon. Le texte Hébreu dit, de l* extrémité de [es frères.
David dit, que la voix des deux va, & fi répand dans les extrémités, de la terre ^ PH ij.4.
c'eft-à-dire, dans tonte la terre. Dans l'Hilloirc delà tranfportation des dix
Tribus, le Texte dit, que les peuples , que le Roi d'Aflyrietranfporta en
Samarie, fe firent des Sacrificateurs aniv^":!0, de leurs extrémitez.^ c'eft-à- voi lec».
dire, duiailieu d'eux. Ainfi l'Hiftoire des Rois d'Ifraël veut dire, que p^emiM"
Jéroboam choifit des Sacrificateurs d'entre le peuple. Ce furent tgus J«vrcde«
ceux qui le voulurent êtrej ce qui eft aflèz nettement expliqué dans la ^°"'
fuite.
Au i-efte on ne doit tirer de cette Hiftoire aucune conclufion favorable,
ni à Jéroboam , ni à nos Chrétiens idolâtres , qui v/culent introduire les
images Se leur culte, dans le fervice divin. Le péché àcs Rois de Sama-
rie, qui adorèrent le vrai Dieu, dans des Veaux d'or, étoit moindre que
celui de ceux, qui, par une apoftafie entière, fe livroient entre les mains
des Prêtres Payens ,& adoroient les Bahalins. Mais cela n'empêche pas
que le peéhé de Jéroboam, fils de Nébat, qui adora, & fit adorer àts
Veaux en Bethel & en Dan , ne foit marqué comme un crime atroce, qui
attira la malediétion de Dieu fur les dix Tribus.
Il eil remarquable , je l'avoue, qu'Elie & Elifée, les plus grands fàifeurs Pourquoî
de miracles qui ayent été entre les Prophètes , depuis Moïfejufqu'àJefus-^ç^J^g^"
Chrift, ayent vécu jufqu'à la fin, au milieu de ce peuple idolâtre & fchif- grands aro-
matique. Elie jufqu'à fon tranfport au ciel, Elifée jufques à fa mort, ^^^^^^^j,^^*
Dans l'Hiftoire de ces deux Prophètes, outre les grands miracles qu'ils fi- leur vie eu-
rent, il y a deux fingularitez remarquables. La première , que le Pro- mjtl^J^*^'
phete Elie fut tranfporté au Ciel en corps & en ame , ce qui n'a été fait en
faveur d'aucun autre, non pasmêmedeMoïfe. L'autre fingularité, c'eft
qu'Elifée fit des miracles après famoiti fon corps reffufcita un mort, qu'on
avoit mis par hazard dans fon tombeau; ce qui n'a aucun exemple dans
l'Hiftoire Sainte, ni du Vieux, ni du Nouveau Teftament. Dieu voulut
que tout cela fe fît, pour empêcher la véritable Religion de périr entiè-
rement entre les dix Tribus : car félon que cette Nation étoit encline à
l'idolâtrie 5 elle feroit tombée dans une entière apoftafie , fi Dieu ne les avoit
foûtenus par ces deux hommes fi extraordinaires. Elifée fut même en gran-
de faveur dans la Cour des Rois d'Ifraël: ce que Dieu voulut, afin de main-
tenir & conferver le refte de Çgs vrais adorateurs , qui étoient demeurez
entre les fchifmatiques. C'eft ce que nous avions à dire au Veau d'or , Ôc
des Veaux de Jéroboam.
Mnà la tmjiémt PartiCo
z^zi % eïs^
HISTOIR
E S D O G M E S
ET DES
C U L T E
BONS ET M AU V A IS
D E V E G L I S
Dans les deux premiers Périodes. -
Q^UÂTRIEME PARTIE
Divifée en plufieurs Traitez.
PREMIER TRAITE.
JD>j Dieux des Cananéens on Sjriens. De t idolâtrie de
Bahal'Pehor^Dieudes jVIoabiteSj deKemos, autre Dieu
des Moabites 3 de Mifheletfeth deMaasa^ de Naba.y
Qfc, Beth-B^haUMehon.^
€ H A P t T RE E
71?:^/^^ y ok il eff ^arlé de BahaUTehor, ■
E troifîéme faux culte, dans lequel nous lifons , que îè peu- -
pie, de Dieu ibit tombé, c'eft celui de Bahal-Pehor , Dieu des
Moabites-, &: des Madianites. On en liii l'Hiftoire dans
'le Livre des Nombres, aJor^ IJrael demeuroh en Sittim^ ^chap. 2j^,
le peuple fommença^ a paillarder avec les filles de Jkîàab , car elles can- ^' *• ^^^■
vUrentle peuple aux façrifices de leurs Dieux ^ & le peuple mangea ^ &fe projler-
Zzz Z n^'
Ffeaume
lo6. 2.?.
Ofée 9-19.
Nombres,
ji. 15.16.
Diuûus in
:î^um.c.25.
-Nomb. -23.
Voi îîomb.
:âî.l8.ÔC3I
ï 6 Jofué
.a, 17.
ApoUinatis
Catena in
Ifalmos, in
Ifal. 105.
DcDiis^-
lis Syntag.
ÏSîlOCUEQ.
550 HISTOIREDESDOGMES
na devant leurs Dieux. Et Ifrael s"* accoupla a Bahal- Pehor , dont la colère de Biea
s^£mhafa contre Jfraël. Il eft bon de répréfenter ici les autres paflàges , où
ilell parléde ce Bahal-Pehor,que les Septante appellent BeeXCî)fiyc'p,Beel-Phe-
gor.De ces textes on pourra tirer quelque lumière pour connoatre quelle étoit
.cette divinké. Us s"* accouplèrent à Bdhal-Pehor^^ mangèrent les facrificcy des mdrts.
Giee dïijlls font entrez a Bahal- Pebcr , &fefont détournez, a une chofe hontêufe. Et
Maïfe leur dit, ■navez.-vouspas garde' -en vie toutes les femmes? F'oicice font el-
les , ejui^ k la parolede Balaam , ont donné occajîon aux enfans d' Ifrael de pécher contre
PSternel , au fait de Pehor , dont avint laplaye en l'aJJemUée. Quelques-uns de nos
Interprètes prétendent , quece Dieu des Moûbites étoit le grand Bahal des
Orientaux, ëc le Jupiter des Grecs, 6c des Romains^ & qu'il étoit appelle
Phegor^c^uÇe de la inontagne,dans laquelle il étoit adoré ; comme Jupiter étoit
appelle Olympius , de la montagne de l'Olympe , ^Hodonaus^ dôla forêt de
Dodone. En effet il y avoit dans le pais des Moabites , une montagne
appellée Pehor, comme il paroît par l'Hiftoire de Balak ôcde Balaam. Et
Balak^ conduijît Balaam fur lefommet de Pehor , ^ui regarde vers le défert. Cepen-
dant il y a plus d'apparence, que k montsignea tiré Ton nom du Dieu, &
que le Dieu n'a point pris Ton nom jde la montagne j, car ce Dieu eft JCqu-
vent appelle Pehor fîraplement. Ce qui fait voir que d*étoit fon nom pro-
' pre, & qui lediftinguoit dçs autres Bahals,c'eft- à-dire, des autres Dieux
des nations voifines.
Pour {avoir quel étoit ce Dieu desMoabites, il faut que nous ayons re-
cours à ce principe, que nous avons pofé comme très-certain^ dés le com-
mencement. C'eft que toutes les divinitez des Grecs, & des Romains,
font venues d'Orient, en changeant feulement de nom. Ainfî fous les noms
des Dieux des Payens d'Orient, nous devons trouver les divinitez de l'Oc-
cident. Il faut favoir comment s'appellpit ce Bahal-Pehor entre les Grecs.
Plufieurs Auteurs Grecs ont crû , que c'étoit le Saturne des Payens. Left-
mulacre àe Bahal ejt placé dans le lieu appelle Phegor 4 Les Grecs expliijuent Bahat
par B élus , &difent^ quecefi Saturne. Cette opinion pourra nous fervir dans
ia fuite, pour reconnoître la vérité.
Seldenus a crû que ce Beel-Phegor étoit Pluton, à caufedu pafTage du
Pfeaume 10(5. Etcopulatifunt cum Bahal-Pehor ^ & comederunt facrijicia mor^
tuQr^m. Ils fe font Mcouplez. à "Bal-^Pehor , &its ont mangé les facrifices des
morts. Par ces facrifices des morts , il entend les facrifices qui fe fai-
foient aux Dieux Infernaux. Mais il n'eft point du tout neceffaire d'expli-
quer ces paroles aiiîfî. Par les morts il faut entendre tous les Dieux qui
étoient pris d'entre les hommes. C'eft-à-dire tous les Dieux Payens, qui dans
la vérité étoient t^us des hommes morts. C'^ft ainfî que l'explique Saint Au-
guftin Mortuishominihus^ tamquamDiis^facrificarknt. Ils facrifioient aux hom-
mes morts, comme à des Dieux. Cela étoit connu, & cpnfefle même des
Payens, qui avouaient que la plupart de leurs Dieux ayoientété des hommes.
Euhenverus avoit fait l'Hiftoirc de leur naiflance , de leur vie, & de leur mojx,
x'-cft ce que nous avons prouvé, enparlant de l'Idolâtrie en gênerai.
C'eft une tradition conftante, entre les Hébreux anciens ôc modernes,
que cette Idole étoit un Dieu obfcéne, une Idole de turpitude, c'éfl^à-
dire 5 dont la figure étoit (aie , & la manière de le fervir aufïï , céla&racau-
fe qu'en décrivant l'Hiftoire de <:ettqfale divinité, nous ferons obligez de
rap-
ET DES CULTES DE L'EGLISE. P^r/.lV.ffr
rapporteï beaucoup de chpfes , qui ont fait beaucoup de peine à nôtre ima^
gination. On les a couvertes du voile d'une langue étrangère , ou de mots
honêtes , On ne s'eft pourtant pas Tatisfait là-defîus. Ce font des écueils
qu'on ne peut éviter quelquefois, mais il n'y faut pas revenir fouvent. Ap-
paremment les Juifs ont tiré cette opinion des paroles d'Ofée. Ils font entrez,
àBahal-Pehor f d^ Je font détournez D^y^h eîç ûktxûwiV , vers une chofe honteu/è.
Origene l'avoit appris des Do6leurs Juifs. Beel-Phegor , Idoli nomen efi , quod ofëe c ^.r».
ftfud Madianitai t prafèrtim. à muUeribus colebatur . ^f^l^f^Jf^i^^go Idoli mjfierits^^^^^.^°^°
€onfecratus efi Ifra'êl'.interpretationemnominis ipjïus cum requireremus attentius\
inter Hebr^a namina hoc tantum invenimus fcriptum ^ ejuodBeel-ThegorJîtfpicies
turpitudinis, Nolkit tamen declarare tjua^ vel (jualis fpeciet ^ vet cujus effet
turpitudinis. Hmefiati credo conjulens^ <]ui 'mterpretatus eji ^ uti ne auditum
polluer et audientium. Igitur ckm multA Jtnt turpitudinum fpeaies ^ Beel-Phegor
appelUtur nna quidam expluribut. Les Juifs modernes font paflez plus avant ,
& fe font imaginez que l'on fervoit ce Dieu par une a£bion falc. Maimonides woreNc.
dit, qu'on fe déeouvroit devant ce Dieu, pour l'adorer. Lecultequonren- p°K.'î!cip.
doit a cette Idole , qt^on appeUtitTehor ^ c'^efi qHonfed^'couvroitlespartiesfales de- ^^'
vantlui, Cefl pourquoi la Loi commandoit aux Sacrificateurs , qu'ils euffent des
caleçons dans les heures du facrifice^ & leur défendait démonter k P Autel par degrez^^
afin quHlne leur arrivât pas defe découvrir, Salomon Jarchi nous en apprend da- 1 ©s >c. 25. %i.
vantage. On Tappelloit B/ïW-*P^Aor , dit-il, eoqHoddifiendebantcorameo
foramen podicis ^ & fiercus off^erebant. C'eft une ridicule imagination, qui n'a
pas de fondement. Car il n'ya pas d'apparence que le Démon, quiaffec'-
toit les honneurs divinsjfe fût fait fcrvir par un hommage fi honteux 6c lî fale.-
CHAPITRE rL
Mahal'Thegor eft: kPriape des Grecs, é^des Ramains, Dr^Mtphe-^
lètfeîk'de Mauca.-
s
Aint Jérôme avoitappris de la tradition des anciensjuifs, que ce Bahal- Libï.î.k
PeHor étoit le Priape des Grecs,. & des Romains, Phegorinlingua He- Jov»"-
br&a Priapus appelktun Et'dans fon Commentaire fur Ofée. Jpjî amem edu-cl^^ '
9.V.ή»
[ii ex t/£gyptofornicatifum cum Madianitis , & ingrejfifunt ad Bahal- Phegor , Ido-
îiim Moabitarum^ quemnosPRIAPVMpojJumus appellàre. Denique inter-
pretatur Beel-Phegor idolum tentiginem habens , id efi infummitatepellem , ut tur-
pitudinem membri virilii ofienderet. On lit dans le Commentaire du mê-
me Saint Jérôme , furie quatrième chapitre du Prophète Ofée, un
paflage fort do6ï:e fur le même fujet, queje rapporterai, quoi qu'il foit un
peu long» C'eft à propos de ces paroles de Dieu , qui dit par le Prophète,
Je ne punirai point vos filles, quand elles auront commis fornication, ni
les femmes de vos enfans, quand elles auront commis adultère, 6cg. car
dles facrtfieni avec lès putains^ nnti'p CJ?, fur quoi ildit , P^ocem nwip y q^od ç^^^^^ ^ j^,
Affilia iwiXXuyixévccv, Symrftachus êra/pav ^, "jo.rêTëXeqxévm, Iheodotion yi-s%M-
^jlj.ivuvi interprctati fmt ^ mseffeminaîosvertimm^ ni fsnfum verbi nofirorum
auribm
552 HISTOIRE DES DOGMES^
aurihfis panderewfii. Ht funt ^ cjHos hodle Matri ^ non deornm , fed damoni»"
rum fervientes , Gallos vacant ,* eo ^md de hac gente truncatos Ubidine %9'
tnani in honorem Atys {quem Eunuchum Deat^eretrix fecerat) facerdotes tî-
lius manciparint. 'Tropterea mtem Gdlomm gentis hommes ejfeminamur , ut
qui urhem Romanam ceperant hac feriantur ignominia, IJitufmodi idololatria erat
in JJrael , cohmibm maxime faiminis Beel - Fhegor , ob obfcœni magnitudmem ,
quem nos Priapum pojfumus appellare. IJnde & Afa 'B^ex tulit excelfa de popu~
la : & hujufcemodi facerdotes , & matrem de ^^gptjio depofuit imperio , jïciu
Scriptura tejlatur^ dicens , & fecit z^fa réiium ante confpeUum Domini , Jtcut
David pater ejus , & abJÎHlit effeminatos de terra , purgavitque omnes fardes ido-
lormn , cjuéf/fecerant patres eJHS. Infuper & »yK<^acam matrem Çnam •Amovit^ fie
ejfet prince p s in facris Priapi^& in luca ejus quem confecraverat -.[ubverthque fpe-
cum eJHS ^ & conf régit jimulâcrpim turpijfimum y & combujjit in torrente Cedron.
'Excelfa autem no:i abfiuUt &c. fciendum autem quod in pr&fenîi niti'np, mere-
irices^ leçis.Tç idefi facerdotes ^ Priapa mancipatasvocet. zÀliis auîem in locis vi'
vos exeÛos Ubidine D^ùi'lp ^Kedeshtm ^ legimus ^Efaia dicente , nai àixirciluTui Ma-
Taiivpi£V8(Ti^ âvTÏZv , id efi , illufores dominabuntur eorum » pro quo in Hebrdtù
• fcriptum efi , & CJ'lî'np dominabuntur eorum , qmd nos in effeminatos verti-
mus, Aqmla autem èvi^XKayiiêvsç if^ierpretans ^ ideji matatos y hoc ojiendere vo-
luit ^ qmd fnam nataram mtttaverint , & de viris faUi Jïnt fœmina. Sym^
machus èrai'paç propriè meretrices appellavit , 70. TST£Xe(rp.6V8ç ^ id efi confecra-
tos , & iniîiatos , ut cuit or es idolorum ofienderent , Theodotion ^sx^Pk^ij-s^sç ,
îd eji à populo feparatos , qui fihi videbantur à vulgo plus aliquid ha-
here.
On ne fauroit s'empêcher d'admirer en paflant^ d'au St. Jérôme peut
avoir tiré cette étrange étymologie du nom de (falli , que portoient les
Prêtres de Cybele, c'eft, dit-il, que les Romains les prenoient de la na-
tion des Gaulois , Se leur ôtoient les parties-de la génération , en ven-
"rite-Live gcance de ce que les Gaulois av oient autrefois" furpris la ville de Rome.
iib. zp. Comme fi ce nom de ^/âwoi n'avoit pas été donné aux Prêtres de Cy-
bele, du tems qu'elle étoit encore en Phrygie , & avant qu'elle eût
été tranfportée à Rome. Ovide tire ce nom du fleuve Gallus, qui étok
en Phrygie, êcqui rendoit fous ceux qui en bûvoient.
Faft. 4. Chy îgitur Galîps qui fe excidère , vocamm. , . , -
vide^ & C^w tanto à Phrygia G allia diflet humus t
Feftum. Inter , ait ^ virtdem Cjbelem^ altâfque CeUnas ^
Amnis it inÇana nomine (jallus Aqua.
Qui bibtt inde furit. . . . ..;, «.„: ii^- . .
■ • * ■ '"^ *
Mais pour ce qui regarde nôtre fujet, il paroît par ce pafiage de St. Jé-
rôme. i.Que félon lui Bahal-Phegor eft le Priape des Grecs, & des Ro-
mains. 2. C^e les niLî'np , dont parlé Oféc, dans lepaflàge, lequel il
explique, félon les Juifs, étoient les Prêtrefles de Priape, & que cette di-
vinité obfcéne étoit principalement adorée & fervie, par les femmes, ob
obfcœni magnitudinem. 5. QueMaaca, Mered'z4.fa, étoit la grande Prê-
treiTe de ce Dieu Bahal-Pehor, ou Priape. Le paflàge, que St. Jérôme
cite entier, fe lit au^premier des Rois, chap. if. 1 1. ^ %, Chron. chap.
ij*. II
ET DES CULTES DE L'EGLISE. Tart.lY. 553
If. Il y a félon l'Hébreu , yifn ota à Maaca , fa Mère , la domination , par- Ce .quec'ctt
ce (Qu'elle avott fait MipheletÇeth\ dans un bocage. Il brifa (on KJHtpheletfeih, é' *^hekne^'
le brâla pre's du torrent de (edron. Mais la Vulgate Latine a tourné, nyffà deMaaca,
éloigna fa vJM^ere Aiaacd , afin^ cjuelle ne fttt pins grande Prêtrejfe , dans les fa- ^H^f^
crifices de 'Triape , & dans le bocage cjpp'eUe lui avait confacre\ & il renverfafa
caverne ^ & brûla ce fale Jîmulacre d.ans le torrent de Cedron. Les G/ecs ont
aujourd'hui, félon l'exemplaire du Vatican. Et A fa éloigna fa Mcre.,parce ejH^elle
avoitfait uneaffembUe dans fon bocage^& A[a retrancha fes cavernes^ onfes cachet- T.vvo^o\i-
îes^é'les brûla au torrent de Cedron. Ce mot de cruvoJoç , que nous tournons af x^raJ-J-
rembléej6c qui peut fignifier coïtum^ & celui de y^urucvasiç^ qui fignifie appa- «rf/ç.
remment des retraites pour des actions inipures , donnent lieu de croire que
l'Interprète Grec, auffi bien que l'Interprète Latin, a compris que ccMiphe- £e Miphe-
letfeth de Maaca , étoit une divinité fàle & obfcéne , qui fe plaifoit à être ^"^eth de
fêrvie par les fales adions de la chair. Le mot nsfSso, Mipheletfeth , Beeiphegot
fîgnifie proprement tsrreur 6c épouvantement y ^\ts Juifs Modernes croient j ^ ^'^'^pe-
que c'eft un nom général pour les idoles, rnaiyS n^ï^ ntî»^!; Nt'>nc',/)^r-j(.abbiLevi,
ce qnil donne de la frayenr à ceux qui les fervent. Mais il y a plus d'appa- ^ Kîmchi
rence , que c'étoit le nom d'une idole particulière , car nous ne voyons
• pas que -ce nom foit donné à aucune autre idele qu'à celle de Maaca.
Les Talmudifles difent que c'étoit une figure fale, imago vinUs ff^entbri y nimui.
cui ejuotidie inequitabat. Qeft aflïïrément de cette tradition ,' que Tinter- T"^'™^.
prête Latin a pris fon Priape, 6c les 70. leurs mrcc^va-eig. Certainement tna!«p°/.
l'origine du mot n3f'?30, Miphelctféth, femble fàvoriferla conjecture de
l'Interprète Latin , car il fignifie précifément terriculamentum , un épou-
vantailj or on fait que c'étoit l'office de Priape dans les Jardins 5
Womofîfque ruber cufto^t ponatur in hortis , Tjbulle,
Terreat us fava falce Priapus aves . ' Eieg. lib. «.
■' ^ Eleg.r.
Olim Truncus eram &c. Horat.Satyr.
Maluit ^ effe Deum. DemindeegofHYHmj-viumqus Lib.i.Sat.t.
Maxima formido. ......
Selon cela le Mipheletfeth àt Maaca , & le Bahal-Tehor des Moabitès ,
étoient la même divinité.* Car enfin je ne trouve pas de conjeébure plus
vrai-femblable que celle de St. Jérôme j c'eft que ce Bahal - Pehcr étoic
Priape. Aufii la plupart de nos Doétes l'ont embrafiee. Le mot de Ba-
hal-Pehor , *ii;^9 S;?i , fignifie précifément un Dieu découvert , 'De^s aper- MaCus ia
tm , or c'eft ^a définition de Priape, que l'on peignoit nuJtm'^ apertùs ^ ^^-{^^"zS^ "^'
nens Uva pudendum fuum intentum. Et les Poètes, Auteurs de ces infâmes èiarius fn
Epigrammes , qu'on intitule Priapaa , ou /»/»/ in Priapum ^ s'eKprimdit f^""^""^
ainfi* Suidas in Vg
' cePiiapus»
Tan, IF, Aaaa Sim-
554 H I S T O I R E D E S D O G M E S
^ j jj Simpliciîer tibi mç qmàcumqHe efl dicere oporteî ^
Natura eft qmniam femper aperta mihi.
Epig. 14. 2^os vapp^i fitmiis , & pujilla mlti
%iiris numina : 2.{os pudore puljb
'StaTrms fnh fove coUis apertis.
Epvg. 9. JVec mihijît crimen quad metjtula fe?nper aperta efi.
Qn peut ajouter, que ce que ce Dieu des Moabites avoit donné le nom
à l'une de leurs montagnes , qui s'appeîîoit T^hor^ de ion nom, prouve
qu'il étoit adoré dans cette montagne , ôc qu'aînlî c'étoit un Dieu cham-
pêtre & ruftiquç. Et tel étoit auffi Priape, que TibuUe ôc Ovide appel-
lent agricoU^
i,î^i. Lihatum az'i^içolam ponimr ante Dmmi
Enfin il eft clair par le jLivre des Nombres, que la fornication étoit com-»
me çonfacrée à ce Dieu "Bed-Phegor 3 car les Ifraëlites s'accouplèrent à
BahaUPehor, & aux filles Moabites en même-tems. Et cela convient aufli
bien à Priape j Car l'on n'avoit fait ce Dieu memhofor aquo^ que pour
fignifier fa lafciveté j c'ell pourquoi ils l' appelaient Dem faUx , '
Epigr, 14. Une hue quifqfih es in Dei falaçi^
^Diverti grave ne pHta facelhm.
Là même il le répréfente comme trouvant bon , que l'on fe fouillât du
crime d'impureté , avant que d'entrer dans fes Temples j cai' il ajoute
Et Ji noSle fuit puella tecum^ ~
" • Hac re , quod mettHU adiré non efi.
CHAPITRE III.
Le BesLPbegor des CMoahitesy & le Triafe des Romains ^ étoit ^
le Tatriarche Noé.
Ais je croi que les remarques , qui me refient à faire, donneront
encore beaucoup plus de vrai-femblance à cette conjedure. En
fuppofant donb que Beel-Phegor, Dieu des Moabites, efl le mê-
me que Priape, il faut chercher l'origine de cette divinité, oc qui ell ce-
lui des anciens Patriarches, qui a été adoré fous ce nom^là. Car je poie .
encore comme une chofe certaine, que toutes lej idolâtries des Payens
ont tiré leur origine de l'Orient , ôc que ko Orieataux ont fait des Dieux
des
ET DES CULTES DE L'EGLISE. Part.YV. fff
des Patriarches , & de ceux que la tradition leur apprenoit avoir été les
fources de leur race. C'eft ainil que dans la fuite nous verrons , *qae le
Saturne des Payens étoit Noé , Ôc que Jupiter , Neptune, & Pluton,
étoient les trois enfans de Noé , Sem , Cham , ôc Japhet.
M. Huet 5 félon la refolution qu*il avoft prife , de trouver , à quelque Etrange ii-
prix que ce fût, dans fon Moïfe toutes les divinitc2Payenne3,y veutaxiffi M^nljet,
trouver Priape. Mais en vérité il y a lieu de s'étonner , qu'un homme ^^^ ^^"'
d'une fi grande érudition, ait voulu produire une conjeélure appuyée fur PriapedaHs
des preuves fî foibles, &{i peu fenfées. S'il faut trouver Priape 6c Beel- ^^'^^^«•
Phegor dans quelqu'un des Patriarches, je {liis trompé fi l'on ne peut fai-Huet de-
re des conjeélures plus raifonnables, Ev°ngîprop,
La première penfée qui m'eft venue , c'eft que les Moabites, fous leur 4. c s. v. ù
Beel-Phegor , adoroient celui qui a été le Patriarche de leur nation j C'eft
Lot : car Moïfe nous apprend , qu'après la deftruâion de Sodome , les cenefe r^.
Jilks de Lot , croyant que toute la terre avoit été embrafée avec Sodo- Le Priape
me, & ne voyant point d'homme qui peut approcher d'elles, enyvrerent fe"p^uvoît
leur père , couct^erent avec lui , & conçurent, 6c l'aînée enfanta un fils être Lot
qu'elle appella Moab , 3Na , ejuafi 3K0 , • à pâtre: parce qu'elle l'avoit con- [.^"g ^amai-
çû de fon propre père. Et c'efi le père des t^Koahites jnf^iies à ce jour. Et
cette conjeélure me paroiffoit vrai-femblable , parce que ce "ii^s '^V'^ ,
Dem apertHs , revelatns , Dieu découvert , me»»paroiilbit avoir allez de
rapport avec ce Lot', dont les filles découvrirent la nudité. Ce Dieu ,
que l'on répréfente avoir renoncé à toute honte, 6c le découvrir à la vue
des hommes , me fembloit répréfenter Lot, qui le fouilla avec (es fil-
les, 6c qui fe découvrit aux yeux de celles , qui dans fa folitude , 6c félon
leur penfée, lui tenoient heu de toute la terre. » '
Mais après y avoir bien penfé, je ne faurois quafi douter, que le Beel-
Phegor des Moabites , 6c le Priape des Payens , ne foit Noé. Premie- Genefej,
rement Bahal-Pehor , comme nous avons vu, fîgnifie un Maître , ou un "*^''
Dieu découvert. 11 eft clair que cela convient admirablement à Noé, qui
de fon tems étoit le Père, le Maître, 6c le Roi du genre humain, &qui u eft plus
fe découvrit aux yeux de fes enfans , s'étant cnyvré. Et Noé , lahurear de ^'^p'^^i^^^^K
Ja terre , commenta de planter la vigne , & but du vin , & s'enyvra , & fe àé^ -^^l^ \ *'*'
couvrit an milieu de fm Tabermcle. Ce texte contient quatre circonftances,
qui font autant de caraéteres , par lefquels nous pourrons connoître fî
nôtre conjecture eft bien fondée, i . Noé eft laboureur de la terre.
2.- Et particulièrement c'eft lui qui cultive la vigne. 3. Il s'enyvre , 6c
fe découvre au milieu de fon Tabernacle. 4. Ajoûtons-y un quatrième'
caractère , c'eft qu'il a été le réparateur du genre humain , & le Père'
de tous les hommes d'aujourd'hui. Nous .verrons que tout cela fe rencon-
tre très bien avec le Priape des Payens. Voyons donc ce qu'ils nous ont *
appris de cette divinité, i . Ils le peignoient genitalibus apertis , c'eft pour
la raifon que nous avons dite , ^oé fe découvrit ^ç. z. llsle faifoientfans
oreilles , ce que perfonne n'a remarqué , 6c qui fe voit pourtant dans cet-
te Epigramme deTheocrite, où il envoyé un chevrier prier Priape pour Theocme'
lui , afin qu'il puifTe perdre l'amour qu'il avoir pour Daphnis , 6c voici ^^'^' "*"
comme il décrit fa ftatuë , tu trouveras nnefiatuë de figuier, nouvellement fai-
te , aymt trois jambes^ le bois m efi brute, & couvert de fon écorce^ & n'ayant
Aaaa z point
556 HISTOIRE DES DOGME S
• fomt ^oreilles , âvs'urôv. C'eft apparemment pour répréfenter l'état , 6cle
profond {ommeil , où le vin avoir jette Noé , qui l'avoit rendu fourd , 6c
lui ayant ôté le fentiment , expofa fa nudité à la vue des hommes. 5. On
fait que l'on donnoit à Priape des parties monftrueufes , c'eft cette troi-
lîéme jambe que lui donne Théocriten, à caufe de fa grandeur : Horace
l'appelle un pau , . ^ • .
satyr. 8. Obfcœnoqm mber forreBus ab in^uine païm. .
Tl eut difpute avec un des ânes de Bacchus là-defius.
liftanf. Inter eum T^riapumaue orîum efi certamen.
jib. 1. cap, C'étoit pour reprefenter la vertu générât] ve de Noe , qui fut le pe-
-î P-5»- re'de tous les hommes , futor totins gemris hummi. 4. Cela fe confirme
par les titres qui font donnez à Priape , & qui conviennent propre-
ment à Noé- Orphée dans un hymne, fait à l'honneu^de Priape, l'ap-
pelle TrpwToyovoç, Primogenittts ^ le premier né, parce que Noé eil le pre-
mier homme du fécond monde. Là même Orphée appelle Priape tto-
^uo-TTopo; , abondant en femence. Pour la même raifon on lui donna les-
parties naturelles, d'un^ fi prodigieufe grandeur , favoir à caufe de b.
multitude- d'enfans qui font fortis de lui. Theocrite dans l'Epigramme,
que nous avons citée , l'appelle %(iidéyovoç. Noé. eft véritablement tel, car-
« il eft le père de tous les hommes. Parce qu'en qualité de premier hom-
me, & de père commun j il eft regardé comme la fource de la fertilité, les
femmes, afin de n'être pas fteriles, injîdebant ipflus membro.
Atnob*. in Mutinus & Priapc étoient le même Dieu. Et Arnobedit de ce Dieu,
Gentes. ■ ■^- ^j;:|^^^/y^j ^ cMJus tmmanibus fuàenàis , honentique fa[cino vefiras inequitars^.
Laa. de matrofias , & aufpicabtle diciîis & optatis. Laêlance n'a pas oublié cette im-
• lib.^^c.'fo. pureté, & Mutinns ^ in cujus Jlnu pudendo'nubentes prajtdent , ut illarumpH'-
diciîiam prior Dcus delibajje videatun Ce -qu'ils difent de Mutinus , St. Àu-
DeCivit. guftin le dit de Priape. Triapus nimis mafculpts ^ fttper cujus immaniffimum
f 3P. s>. ' ° ^ tHTpijJimMm fafciniim fédère nova nupta JHbebatur , more honefiijfimo & reii'
giojifimo matronarttm. Cela s'appelloit/fi/c-/«/!f?», parce qu'il détournoit le-
charme, qui eût pu empêcher la copulation, ôc. la génération, Ôc com-
Comment. me dit Vives ; SicHt ergo in agris, fie & in nuptiis Priapm feminttm Deus co-
Auguftîni kbattir 5 ne fœçanditas femintim impedirettir. Il n'eft pas étonnant qu'ils euf^
«tatwn. fent choifi pour rompre la force du charme , , qui empêche la génération , ,
ce Noé qui étoit le père du genre humain.
Noé étoit laboureur, jardinier 6c vigneron. Voila les titres de Priape.
Nous avons vu comme Tibulle l'appelle. D^-^/y^'^nf^/^. Paufanias, au rap-
Bebiii port de Lilius Gyraldus , aflure qu'il étoit honoré par les paiïàns , dans
sywagma.8. î^s licux OU il y avoit des parcs de brebis , 6c de chèvres , 6c des eflàins
d'abeilles. Et lelon les Mythologjftcs , on, ne lui donnoit cette prodigieu-^
fe grandeur dans les parties de la ^génération , que pour répréfenter la
in lib. de vcrtu geucrative de la terre.
r^m^d ¥°" ^^ ^^ réprçfentoit ayant le fein rempli de toutes fortes de fruits , 6c
»e, du Dieu unc come d'abondance , ^ pour fignifier cela même-, c'eft qu'il eft le Dieu
***' ' ~ ' d.e.
I
n
ET DES CULTES DE L'EGLISE.P^r/.IV. 557
de la fertilité. Or Noé ed celui , qui par une culture plus parfaite , a
Goiiimencé à rendre la terre plus fertile. Il avoit auprès de lui un plat ,
ou un difque , difcus, pour répréfenter , dit Suidas, la rondeur de la ter- la voce
re,' dont il fait la ifécondité. On fait aulîî iju'il étoit.le Dieu des Jar- 7rp;«xo?.
dins y
^ Sèd mber hortomm cttfios membrojîor Aquo, Priipïs
Epig. r.
Enfin Lilius Gyraldus nous dit , que les Romains peignoient Priape , in
fpeciem arreSht agricoU , comme un laboureur. C'efl: donc nôtf e Noé, la-
boureur de la terre, vir terra. ^ comme l'appelle Moïfe. ^''K,
Noé eft le premier qui a cultivé la vigne. C'eft pourquoi Priape a une '""^^ '^'
intendance particulière fur les vignes. Sa ftatuë tenoit une ferpe dans la
main . droite. Tibulle nous dit que c'étoit pour chalîèr les oifeaux.
Terreat fit fh^afalce PriapHS aves. Tibulie
ty4rmatmctirvaJïtmihifalce'Deiis^- hb. i. 8c
Mais cela eft ridicule, on les chaiîe mieux avec une perche. C'ell pour-
quoi il eft clair que Phurnutus a bien plus de raifon^ qui dit, quod ea adY\mm\xias
pfttandas vites mamur y c'efi-parce e^ne c^efi l'infirumem , avec lequel on taille les^^^ ^^^^^'
1/^ignes. Ce qui fait voir qu'il ne faut pas interpréter faix , par une faux à
faucher, mais par une ferpe, car on ne coupe pas les vignes avec une fauxs ^
Theocrite , en dépeignant le Temple de Priape , dit qu'il y. avoit une
vigne àj'entourj. ''
"E'-vèx 'TtêpKTi'JxvTaf^OTÇivéTcaiç eKmi â[iT£Koç^-
Zlbi cirmmfufa efi racemofa cum cafreolis vitis.
Et Strabon , en nous apprenant que la ville de Lampfaqae , êc le Pais
voifîn , adoroient Priape , nous apprend âuffi quer c'étoit à caufe des
vignes , don^le Païs étoit plein. 'PfofeBo homines ad enm colendHm^}^^^^-
moti funt : IS^m &. %egio & finitima Pariana , & Lampfacena vineii ^on Vrocnl,
ahfmdat^ unde Xerxes Lampfacum Themijiocli in vintim 'dedtt , - Cela fait voir abi«itio,
clairement que Priape étoit le Dieu des vignes , auffi bien que celui des
champs. Ce qui convient très bien à N8é. L'étymologie, que quelques
gens ont donnée du nom de Priapus , eft connue de tout le monde^
DNns , Priab , en Hébreu fîgnifie Père des fruits. Si cela convient bien
à Priape., Dieu des Jardins, cela ne convient pas moins bien à Noé, qui
a cultivé la terre : 6c cela convient à l'un & à l'autre parfaitement , par-
rapport au raiîîn ôc à la vigne. Car le rai fin mérite d'être appelle le fruit
par excellence, 6c celui qui le cultive , a^ns ^ le pêne du fruit. C'dl
d'ici apparemment que nous pouvons tirer la raifon , pourquoi ordinaire^
ment on faifoit la ftatuë de Priape de figuier.
Aaaa ^ Olïm
558 HISTOIRE DES DOGMES
Hotit. Olim tmncus emm ficulnm , inutile Ugnum y.
s«yt. 8» Cfim faher incerttis fiammm faceretne ■ Priapum y
Malfiit ejfe Denm y% '
Theocr. Zvmvcv evpvi^iç âpTi')'Kv(P6ç iôuvov.
Epig. 4. •
C'eft parce que le figuier 6c la vigne, dans la Syrie, étoient plantez en
même lieu , èi leur culture appartenoit aux mêmes gens , & à la même
i.B.ois4.zî. divinité. Aufîi l'Ecriture Sainte ne les fépare prefque jamais. Et fuda &
2. Rois Ijra'él habitaient en ajfârance , chacun dans fa vigne & fousfonfigmer. Faites.
Efaie 34. 4. accoïd avec moi^ & que chacun mange de fa vigne & de fin figuier. Toute leur
}ctem.s.i7.^arm£e tombera , comme tombe la femlle deHa vigne & celle du figuier. Elle
' "■ mangera les fruits de tes vignes & de tes figuiers. Je gâterai fies vignes <é^ fies
"^^ '^'^°' figptters^ defcjuels elle a dit ^ ce font mes fialatres. En ce jour-là, dit L'Eternel des
armées , chacun de vous appellera fin prochain fous fà vigne & fious fion figuier.
H étoit raifonnable qu'on fît à Priape des lîmulacres àts bois , fur lef-
quels il préiîdoit. Il ne prélîdoit point dans les forêts , mais fur les Jar-
dins , & fur les champs qui fe fement. Dans les champs la vigne & le fi-
guier étoient les deux principales plantes j la vigne ne pouvoir pas fervir
à faire une ftatuë, on ne pouvoit donc prendre que le figuier. Les of-
frandes qu'on faifoit à Priape, étoient aulîi d'une divinité champêtre ; c'é-
toit du lait ôc des gâteaux.
, Virg.Eclog. Sinmn laUis , dr hactibi iiba , Priape , qmtannis
^' ^•^^* -Exfieùiare fiât efi, cufios es pauperis horti.
• Nunc te marmoreum pro tempore fecimus , attu^
Si fiœtura gregem fuppleverit f aureus efto.
Ces deux derniers vers font voir que.Virgile croïoit, qu'on pouvoit faire
des Priapes d'or 6c de marbre. Mais après l'autorité d'Horace ôc de
Theocrite , je ne fal fi l'on ne peut pas foupçonner qu'il s'eft trompé,
car Priape étoit une divinité du bas ordre, ruftique, 6c cha,mpêtre.
îriapxa T^^os vappA fiumus , ^ pufitlU culti
^^^^' ^^' "Ruris numina.
■ *
Or il n'y a pas d'apparence que des païfans fe filTent des Dieux de mar-
bre, encore moins d'or.
Enfin Noé efi; lefauveur du monde, 6c fon refiaurateiir, 6c nous voyons
des traces de cela dans les titres, qui font donnez à Priape. Il eft appel-
lé crpcoToyovot; , & 'KaiUyovoi-t comme nous avons déjà vu , par rapport à ce
Apud Lii. q|£ Noé a rétabli k mond«. Cornutus,ou Phurnutus, dit que Priape étoit ap-
?/nug! 8. P^^^ rB%viTv^(; 6c (rwrvjp , i'artifan, le fauveur. Le premier de ces titres nous
déiigne la fabrique de l'Arche. Le fécond le monde que Noé a fauve du
nautVage, par le moyen de l'Arche. Le même Phurnutus dit que c'efï:
un bon Démon , genius. Certainement ce nom convient très bien à Noé ,
qui a confervé le monde 36c qui en eft le Père. Ne feroit»ce point d'ici
qu'il
DES CULTES DE L'EGLISE. îP^r/.IV. 559
idroit tirer la raifon, pour laquelle on lui donnoit des ailes: Suidas
ET
qu'il faudî
BOUS dit, que c'étoit à caufe dé la vïtefîe du mouvement du Soleil, donc
il croit que Priapeétoit l'emblème, cequi eftaflezvraî-femblable, car le
Soleil étoit caché fous toutes les Idoles des Orientaux.
Mais dans l'ordre des Dieux Animaux, fuppofant que Priape ell nôtre Noé apprit
Noé, on peut dire qu'on lui a donné des ailes, à caulede la vîtefleavec deh navig"
laquelle il gliiîbit fur les eaux, dansfon Arche. Et il y a lieu de croire que ^'«n.
Noé apprit de Dieu Part de la navigation, 6c qu'à l'imitation de ce grand
vaifleau , qui l'avoit porté fur les eaux du déluge , il en fit de moindres pour
naviger fur la mer 5 & fur les rivières, &qu'àcaufede la légèreté, avec la-
quelle ces vaifTeaux étoient pouffez fur l'eau , on donna des ailes à celui qui
les avoit inventez.
J'ai remarqué que les fables font entrer l'âne dans la plupart des aven- L'âne entre
tures de Priape, Premièrement on dit, qu'un âne un jour fut caufe qu'il leTiSures
ne pût fatisfeire fa pafîîon butale. Ovide. nous en fait l'hiftoire fort am.- depriape,
plement. Les Dieux s'étoient aiTembkz à une fête deBacchus. Après la FdaXntde
chaleur de la débauche chacun s'endormit , 6c avec les autres la Nymphe l'ânefle de
Lotis, dont Priape étoit amoureux. Le Dieu s'étoit gliffé auprès d'elle, ^^^""'
& étoit prêt à fe fatisfaire, qiaand râne''de Silène, qui étoit de la fête, fe
init à braire.
Bcce ruderis raacoSilem veBor afelîm q^jj p^^
Intempejîïvor edidit ore fonos. Lib. i,
Territa confugit Nympha^ ÔCc. v.438.
Priape en colère de l'affront qui! reçût, tua ce miferablcâne : depuis on
a facrifié un âne à Priape ,
^ Caditftr &rigido cujJodi ruris afellm. ' fopl'à
Laélance dit , que c'étoit la Déefle Vefta , à la pudicité de laquelle Priape La^^- de
dreffoit embûche, & non la Nymphe Lotis. C'ell pourquoi il dit, qu'à Lib!i^^'^
Rome les Veiiaies.couronnoient l'âne, pendant qu'on le facrifioit à Lamp-
faque, fur les Côtes de l'Hellefpont. LemêmeLaétance, dans le même
lieu , dit 5 que les deux étoiles , qu'on voit dans le figne du Cancer , ôc qu'on
appelle les deux ânons, font les deux ânes quifervirent au pereBacchus, à
traverfer un fleuve , qu'il n'auroit pu paffer fans eux, dansfon voyage des
Indes , & que Bacchus, pour recompenfe,-donna à l'un d'eux le pouvoir de
parler. Et qu'en fuite Priape entra en difpute avec cet âne.parlant, de ab~
fioeni wagmtukine , & que Priape ayant été vaincu, de dépit il tua le vain-
queur. 11 me femble que dans ce chaos informe & impur, j'ei^trevoi quel-
que chofe emprunté del'Hifloirede Noé, Scde celle deBalaam, & de
Balak, qui me confirme dans la penfée , que Baal-Pehor eft Priape, &
que l'un & l'autre font Noé. Cetrs fête, dans laquelle les Dieux s'enyvrent
& s'endorment, me femble être tirée de l'aétion de Noé, qui dans l'une
de fes fêies abufa du fruit de la vigne , qu'il avoit plantée , & s'cny vra :
cette violence, que Priape fepréparoit de faire à la DéeffeVêfta, quieftla
terrCjComme chacun fait, ][îgnifie,ce me (em\)ie.compreJfionemterr<x,^ &ejfiijto^
mmfemims, utfokm ehkf vm&fervenî^s effitndere. Et enfin-cetâne , qui vient ,
C.2K
5^o HISTOIRE DES DOGM ES
& qui trouble Priape, mefemble tiré de l'aôuondeCham envers Ton père
Noé, dont il troubla le fommeilôcle repos. par ion imprudence. Peut-être
que le voifmage d'u mot de nwn, chamor, qui fîgnifie âne en Hébreu,
& du nom de Cham , eil caufe qu'on a changé Cham en un ânç. L'autre
fabie reOemble en quelque chofe à l'Hiiloire de Balaam ôc de Balak , l'ânef-
fcde Balaam eil dans THidoirele feulâne qui ait parlé. Et je ne fai fi dans
la fable 3 il y en a d'autre que celui de Bacchus à qui il donna la parole, pour
le recompenfer de ce qu'il l'avoit bienlèrvi dans le trajet d'un fleuve. La
4ilpute que Priape eut avec cet âne, reflemble à la querelle de Balaam contre
Ion ânelTe , laquelle il voulut tuer. Le fujet as la difpute , qui félon la fable,
étoit de oùfcœm r^nigmtfiiiine , peut âYo'w été pris du fujet ^ qui obligea Balak ,
Roi de Moab , ôc dont le Dieu étoit Priape , .à vouloir détruire Ifraèl. O^-
Jcœni ntagnimdo.^ dans là Mythologie , fignifie lafertihté de la terre, &la
Nombtes vertu qui produit les fruits. Balak elt en peine des fruits de fa terre, en
-i-.4. voyant la multitude des Ifraëhtes, & il dit aux Anciens de Madian , w^ï/»-
îenant cette mrdtitude léchera tont ce efui efl aj.'^entotir de nous ^ comme le bœu^'lé-
the Pherh dm champ. Kniuïte Moab donne autorité par fon Dieu Pwape, ou
Beel-Phegor, à Balaam pour maudire le peuple. Balaam parfavec une inten-
tion fecrette de maudire Ifraël en faveur de Beel-Phegor ,qui eft Priape. L'â-
nefle fur laquelle il eft monté s'y oppofe , cpmriîc ne voulant pas fuivre les in-
tentions de Priape , ni favorifer fes inf erêts. Elle refifte , elle parle, Balaam
tenant leparti de Priape, & des Moabites ,1a veut tuer.Je pourrois ajouter que
.Bacchus e{lNoé,felontoutes les apparences,puis qu'il dû le Dieu du vin 6c de
la débauche.Or Priape 8c Bacchus font affûrément la mêmedivinité,xomme
on pourroit le prouver facilement, entr'autres parles Priapes appeliez Thaiïi
ècJrhyphallf , qui étoientdesfîgures obfcénes, qui feportoient en pompe dans
les fêtes de Bacchus. J'abandonne ces conjectures au jugement des Savans.
Vois. Aug. -A" r^^^^ P^^' toutes ces raifons, qui meperfuadent que Priape 6c Beel-
dcciv. Dei. Phcgor foftt Noé , je ne veux point faire de préjudice à la penféedeceuX
Liîium^Gy- qui difcnt,, que Priape efl: le Soleil, j'avoue que toutes chofes fe ren-
i*id. syntag. contrcnt fort bienavec cette conjeéture. L'étymologie du mot ^t^^is^Priaif^
iûGentes. P^^e dcs fruits , convient bien au Soleil j cette eflProyable obfcénité, qu'on
ne veut pas repeter, peut être un emblème de la vertu génératrice de cet
Ailre, qui engendre toutes chofes: Pour la même raifon les titres de Trpw-
réyovoç, de icoXva'Ko^oç , de Traidoyo'jog ^ conviennent auffi très-bien au Soleil,
Les ailes qu'on donnoit à Priape , 6c la rondeur du difque , qu'on lui met-
toit en main , fignifioit, félon Suidas , la vîtefle du mouvement du Soleil , 6c
la rondeur de fbn orbej le fceptre , que les Egyptiens lui mettoient en main ,
fîgnifîoit que le Soleil eil le Roi du monde 6c des Aitres. Ce qu'on faifoit
Pf iape Dieu des jardins , des champs , 6c des vignes , ce qu'on lui donnoit
une corne d'abondance , ce qu'il étoit appelle ùonus ddmon , genius , tout
cela, dis-je, convient très-bien ^u Soleil. Mais l'un n'empêche point l'au-
tre. Il eit très-certain que chaque nom de divinité Payennedéfigne quel-
qu'un de ces Dieux , que l'on appelle Di? Animales , qui ont été des hom-
mes, 6c en même tems quelqu'un.de ces Dieux , qui s'appellent 2)« iV^/»-
r.ales^ qui font ou des allres, ou des élemens, ou quelqu' autre partie du
monde. De là eft venue la confufion de la Théologie Payenne. L'idoîa-
trie a commencé par les Aftres, enfuite on eft venu à adorer des hom-
mes
ET DES CULTES DE L'EGLISE.P^r/.lV. 561
mes morts , on a donné à ces hommes les noms des Aftrcs , Se l'on
a confondu dans la Fable , les aventures des hommes avec les vertus
& les proprietez de l'Aftrc , & de là ell: venu cet embarras , êc cet-
te confudon ,' qui fait ?a croix des Mythologiftes. Ainfi rien n'empê-
che , que fous le nom de Beel-Phegor , ôc de Priape , ne foient ca-
che-z Noé d'entre les Dieux Animaux , ôc le Soleil d'entre les Dieux
Naturels. Nous verrons régner la même confufîon dans toutes les au-
tres divinitez Payennes.
C H A P I T R E IV.
jD// Dieu KemoSi c'eji le même que Beel-Phegor. VeNabo^de l'o-
racle de Baal-Thegor,
NOus trouvons un autre Dieu des Moabites, ou le même Dieu fous
un autre nom. C'eft celui deKeraos. Malheur fur toi Moab ^ peu- Nomb,
pie de Kemos ^ tu es perdu. Alors Salomon bâtit un haut heu à Kemos , ^\^''
Vahomination des Moabites. Et le T^oi profana les hauts lieux &c, que Salomon 2. Rois
avoit bâtis à Kemos ^ V abomination des Moabites. Jeremie en prophetifant la feremie %
deftruélion de Moab , dit , Kemos fera tranfporté. Et Moab fera honteux à 7. & u.
caufe de Kemos. Ce Kemos eft aufli appelle Dieu des Hammonites. Car juges
Jephté en parlant au Roi de Hamraon, lui d't , n'^aur ois-tu pas ce que ton "•^♦•
Dieu Kemos t''auroit donné? ^
St. Jérôme eftime que ce Kemos efl le même que Beel - Phegor. In Hieron, in
7\[abo erat Chamos idolum confecratum , quod alio nomine appelUtur Beel-Phegor^ Efajxcap,
êc les Interprètes, qui font venus depuis, font entrez danscefentiment. Et
je ne doute pas que cela ne foit vrai, parce que dans toute l'Hiftoire Sain-
te , il ne nous eft plus parlé de Beel-Phegor , excepté quand ileft fait
mention du péché des Ifraëiites avec les filles de Moab , (i ce n'eft une
feule fois au 34. ch. du Deuteronomev.6. L'Idole des Moabites toujours
depuis eft appellée Kemos. Or il n'y a pas d'apparence, que les Moabites
ayent changé de Dieu, après le fait de Pehor. Ainfi c'eft un autre nom
de la même divinité. Et en effet fi nous y regardons bien, nous verrons
les mêmes perfonnes fous Chamos, que nous avons trouvées fous Baal-
Pehor, favoir Priape & Noé: li^i^D, ce mot Hébreu fignifie manié , ou cis, pai-
comme manié, co;jtre^atus , c'eft ainfi qu'il eft interprété par Philonjuif f/J^'^'j.ç"'
ùiç 4/v]^«(2)vi,'xci. Certainement cela fe rapporte fort bien à Priape, Pater con- Lib. 2. aiie-
treVtationum noBurnarum. Lui-même étoit répréfenté contreèians membrum g°''- ^^g'^. .,
fuum virile ^ ohfcœnum Uva tenens. Cela ne tombe pas moins jufte fur Noé, ' '
cujus pudenda à Chamo contre5lata dicuntur, unde enervatus efl , comme le rap-
porte le faux Berofe , d'Annius de Viterbe. La conjeélure du favant vofliusde
Voiîius eft aufîi très vrai-femblable , que ce Chamos des Moabites eft le °jjf '".I^Jf
Dieu YLaTy^oç des Grecs , qui étoit le Dieu des banquets. Et j'y trouve liK. c.%. '
tant plus aifément nôtre Noé , qui par fa débauche ôc fon yvrefle , a
Part, IF. Bbbb donné
ç6i HISTOIREDES DOGMES
donné lieu à fa pofterité de le faire Dieu des banquets , & des fef-
tins.
Nebocftic Nous ti'ouvons cncorc un autre nom , que St. Jérôme croit être le nom
lieucùBeci- ^i'unc Idole des Moabites , 6cla même Idole que Beel-Phegor&Chamos.
doKora- C'eft Ncbo , dont il elt parlé en Eiaïe. Bel efi tombé fur [es genoux. Nebo
^'"- efi chnfur le nez.. Et dans un autre lieu , la charge de ^^[/Coab &c. t^i/Coah
'^ '^' hurlera fitr Nebo &fur Medeba. Il y avoit aufîi une montagne ainfi nom-
Deuterono- ï^^éc. Monte , dit Dieu à Moïfe, fur cette montagne de Habarim^ en la mon-
me 32. 49- ti.mie de Nebo , ^tù efi an Pais de Moab &c. & tu mourrm en la montagne &C.
chap. 3.4, ^t Aioïfe. monta des campagnes de Moab fvr la montagne de Nebo &c. & Mop-
'' î' *' Ce ferviteur de l Eternel mourut au Vais de Moab , & Dieu l'enfevelit en la val-
lée , vis-à-vii de Beth-Pehor , ou du Temple de Pelior , car n^l, beth^
en Hébreu fignifie maifon , ou Temple. La comparaifon de ces lieux
enfemble fait voir. 1. Qu'il y avoit une montagne dans lePaïsde Moab,
qui s'appelloit Nebo. 2. Que fur cette montagne , ou prés d'elle, il y
avoit une ville du même nom. 3. Il elt vrai-femblable qu'il y avoit là
quelque célèbre Temple de l'Idole , pour laquelle Idole les Babyloniens
curent depuis de la dévotion , Se la joignirent à leur Dieu Bel. C'eft
pourquoi Efaïe les conjoint: Bel efi tombé fur [es genoux ^ TSljbo efi chu fur
is nez.. 4. Cette montagne de Nebo, & le Temple qui étoit bâtideflus,
n'étoit pas abfolument le même , que celui de la montagne de Phegor,
llir laquelle étoit bâti le Temple de Bcel-Phegor. Car le Deuteronome
dit , que le lieu où mourut & fut enfeveli Moïlë , étoit vis-à-vis de Beel-
Phegor ; or il mourut & fut enfeveli dans la montagne de Nebo. f . Il
eft apparent que ce Temple, & cette montagne de Nebo , étoit le lieu
où le Dieu des Moabites rendoit fes pracles. Car Nebo fignifie Prophé-
tie, n«i23 , l'Idole s'écrit 133, en retranchant le HeScV^leph. Or il n'y a
rien fi ordinaire dans cette langue, que de retrancher quelques-unes de
ces lettres qu'ils appellent (jmefcentes , quand il y en a plufieurs à la fin.
6. Enfin il n'eft pas néceffaire de dire que ce Nebo fût autre que Bahal-»
Pehor , mais ce mot fignifiant Voracle^ il y a apparence que c' étoit l'o-
racle de Pehor, ôcdeKemos, félon le fentiment de St. Jérôme , qui dit
fur le If. d'Efaïe v. 2. in l^abo erat Kamos Idolum confecratum , cjuod alio
nomine appellatur Beel-Phegor ^ ôcfur le 46. d'Efaïe v. i. 'X<(abê& ipfunt Ido'
lum (^uodinterpretatur Prophetia^ divinatio.
V. ï7. Nous hfons dans le 13. chapitre de Jofué , les noms de certaines vil-
les , qui furent données à la Tribu de Ruben j qui femblent être les
noms de certains Dieux des Moabites. Bamoth Baal, ^ Beth-^aal-Mehon^
pî;a Sj;d n>2 , le premier nom fignifie les hauts lieux de Bahal , & le
Chap. 32. fccond le Temple de Baal'Mehon. Au Livre des Nombres , ôc dans Eze-
ïz.zi.9. chiel, le même lieu eft appelle BaaUMehon , en ôtant le mot de Bethou
]eï.i^.2}, <je Temple. Et dans Jeremie U eft appelle Beth-Mehon ^ en ôtant le mot
de Bahal : Il eft apparent que dans ce lieu il y avoit eu quelque Temple, fa-
meux par les oracles du Bahal des Moabites , car ces villes avoient
appartenu à Moab. Et ce Bahal ne peut être autre que ce Bahal-Pehor :
le mot de pyo, Mehon , fignifie habitation. Ainfi 'Beth-Bahal-Mehon ^.
jfignifierait biea le Temple de Bahal habitant , ou l'habitation de Bahal :
comme
PET DES CULTES DE L'EGLISE. Part.lV. 563
comme les Romains appelloient un de leurs Dieux ^npiter Stator. Mm
j'aimerois mieux le dériver de pi^D, mehonen^ qui fignifie devin, obferva-
teur des tems ou des faifons j c'eft-à-dire qu'il y avoit là un Collège de
faux Prophètes , & de devins , qui prophetifoient fous la conduite , ôc
par les infpirations 4® Bahal-Pehor.
1
IL TRAI-
04
HISTOIRE DES DOGMES
II. T R A I T E
E MOLO CH
jyim desHammonïtes , de Anamekch^
AdrammekchiDïeux de Sepharvaim.de
Kijoim : des Dieux des Gaulois Tauta--
tes 3 Tharanes , Hefus &c.
c H A P I T P^ E L
Revue des textes , où. il eji^arlé de ^Âolocb,
^^^^^^^il Es Hammonites étoicnt frères àz^ Moabites , ' en-^
fans de Lot , décendus de i'incellueux accouple-
ment avec fes deux filles. Moab étoit le fils de Taî^
née , ôc Hammon celui de la cadette. C'efl pour-
quoi il efl raifonnable 5 après avoir parlé dts Dieux
àts Moabites , de parler de ceux des enfans de
Hammon, puifquc le peuple de Dieu s'efl laifie al-
ler à adorer ces faux Dieux , auffi bien que les autres.
Je croi qu'il faut commencer par faire la revue de
tous les pafiages, dans lefquels il nous eft parlé de ce Moloch, Dieu des
Hammonites. Th diras aujfi aux enfans d'/fr^.el , cjuicovKjHe des enfans d'^If
rael , oh des étrangers qui fejoHrnent en /(ra'él , donviera de fa lignée k Moloch ,
i.Rois II.5. oji le fera rrsomir de moxî, le feu fie Paffommera^ de pierres. Et Salomon chemi-
na après Milcom , l"* abomination des Hammonites &c. Et il bâtit un haut liea
a Kemos ^ t abomination des ^JTKoabites ^ & à A-folach ^ ^abomination des en-
fans de Hammon. fojtas profana Topheth , ^«/ était dofis la vallée du fils de
Hinncm , ^^fn qu'il ne fey vît plus àancun , ponr y faire pajjer fon fils ou fa fille
Jeremie par le fêK à Jldoloch. Mi ont édjfé Us hauts lieux de Topheth , qui eji en la val-
7.31. //,
Levitiqiie
i.Ro's
î3. io.
ET DES CULTES DEVEGLlSE.TartAV, ^65
lee du fils de Hinnom , ponr brûler leurs fils & leurs filles aufieu, ce cj%e je n'ai
"pas commandé. Pomtant voici lesjours vimnent^ dit V Eternel^ ^u'^elle ne fiera
fins appellée Topheth ^ ni la vallée du fils de Hinnom ^ mais U vallée deiuerie ^ .
& on enfevelira en Topheth^â caufie cju^il li^y aura plus a'^antre lieu. Sors vers U Jeremîe i^.
vallée du fi/s de Hinnom t>CC. & crie les paroles que je te dirai, Di donc, Roi de ^'^'
'juda , & vous habitans de ferupilem , écoutez, la parole de l'Eternel, ay^infi a
Ait l'^JE-ternflJi^s e,rwfie^ ^dfi 'X)i(iid'^:(fr(iefi^ :itmci j^jn[tp- Vi^isfi0ire. ,V,enir.miM^l
fur ce lieu , tel que quiconque V entendra les oreilles lui [corneront , .parce q-u'i'h
m'^ont déiaiffié'^ & ont rendu ^e lieu ici étrange Scç. & hnt rempii, ceJiùudufiang
des mnocens , & ont bâti ies hauts lieux de Bi^iha^l ,- pour brûler au fie u leurs fils
four holocaufies à B<,.hal 6cc. Tourtant les jours viennent que ce lieu ne fiera plus
dppellé Topkeih , ni la vallée du fils de Hiv^nom , mais :la vallée d^ tuerie,
ii^uhas .étojt .âgé de zo . Jins .quand li-conitmençû â .^régner :^c. M fit .aufii des en- z.Chion.
\<cènfemens en U vallée Au fils de Mimmm , & fit brMer^ défies fils au fieu , félon ^^' ^'^'^'
les itribaminaticuj des .nations. Xane donneras point de ta lignée ,. pourlafiairepafi ^evmqut
fer devant Mùloch.
Il ell: clair par ces paflàges , que cette Idole s'appelloit quelquefois
Miilkom^ cQC\m s'écricen Hébreu jzjdVq, lefquelles lettres fans points ou
fans voyelles , fe peuvent prononcer tJM^aleki^m^ on "Milkcm , ie premier
û^xïs^^lemfiRoi^ & 'le fécond ell le nom proprede 'l'Idole : deilà \^ient
.qu'en certains palTages , oîj le mot ^±112 fe trouve , quelques Interprè-
tes le lifent Meîkom , & le prenent pour l'Idole des Hanimonites. Par
exemple i. Ghron. 10.2. où il eft parlé delà prife de Rabba, capitale des
enfans de Hammon , «par ©avid , nous lifons.. Et David prit laxom^onne .de
Mur 'Roi ;a:ho Malé'^im , de.dejfus j!k tête , ii^ trouva qr-i'cUe o-voitie poids
à^un taUnt dhr. Mais les Grecs ont tourné m»; J/\<5ibé àu^l^rov çs0xvov Msi-
•'-%oiL , rrë SaiTihécoç âvTtàv. Et ^la verfî'on iLatine, -ôC'St. Jérôme. 7"»/// tî^/<fî^
David coronam fi4slchom de capite ejus.
Jl y a encore un paflage conlidérabîe dans Amos, où nous lifons félon '*'""' ^^^^''
VMchveUj l^oU'S avez.porté le Tabern^îcle de votre Roi & les -/mages de lOjpun ^
& P.étoik de 7jos Dieux , -quevou^s mous Jtesfiaits. Mais -k: Vulgate Latincca
tourné, portafiis 1 ahcrnaculum Mdioch veftri , -& imaginem Idalorum vefir:0'
74im. Sidus Dei vefiri Rempham^ fiçuras. quas fecifiis vobis adorare cas. C'eft
ce célèbre paiTage que St. Etienne a rapporté , dans fon difcours aux
Juifs , .& que St. Luc cite ainfî. Fous avez^ porté leTabernacie de Âdoloch^ Aaesy.^î,-
<& Piétoik de Z'ôtr-£ Dieu 'R^emj hum , lefquelles figures vousavez.. faites pour les
^adorer. De tous ces paflàges on recueille facilement fans le fecours à^s
Conimentaires , ï» 'QLîe les Harnmonites avoient une Idole , qui s'appel-
loit t^iUiQi Moloch ^ tantôt Milkom ^ & même quelquefois 'Si.hal, comme
cela fe voit par le palfage du chap. ip. de Jeremie, parce que le nom de
Bàbâleïoiîup'nom'Commun à toutes les Idoles, i. Qiie le fervice, qui
fe rendoit à cette Idole , étoit de faire paffer leurs enfans par le feu en
fon'honneuf 5 ou de'îes lui fàcri£er , &'les brûler en fa^préfence. 3>Que
les ifraëjites -adoptèrent cet abominable culte5"&Iui établirent un lieu dans
une vallée, prés de Jerufalem, qui s'appelloit la vallée du fils de Hinnom , èc
autrement Topheih. 4. Que le bon Roi Jofias détruifit cette Idole , & pro-
fana, cette vallée, en enfaifant une tuerie 6c un fepulcre, c'eit-à-direune
voirie, félon la 'prédiélion du Propbete Jeremie.
B-bbb 3_, C H A'
566
HISTOIRE DES DOGMES
CHAPITRE II.
Defcription de l'Idole de tMoloch félon les Rabbins : on brâhit des
enfans à fin honneur. D^j^drammekch,ér jinamelech,
^ieux de Se^harvaim.
V
Oici ce que nous apprenons de cette idolâtrie , par le Re-
cours des Commentateurs , & des Auteurs Juifs. Nous n'avons rien
de plus remarquable là-deflus , q«e le paflage d'un certain Rabbi
Simeon, dans un Commentaire Cabaliftique fur toute la Bible , intitule
D^pS^j mot qui fignifie bonrfe ^ efcarcelle , parce que ce Commentaire eft
un ramas de toutes fortes de pièces. Voici ce qu'il dit lur le chap. 7"*.
de Jeremie. „ Encore que toutes les maifons des Idoles fuflent dans la
„ ville de Jerufalem, celle deMoloch étoit hors de la ville, dans un lieu
5, féparé. Comment étoit faite l'Idole de Moloch ? C'étoit une ftatuë
55 qui avoit une tête de bœuf, ôcles mains étendues, comme celles d'un
^ homme , qui ouvre les mains pour recevoir d'un autre : l'Idole écoit
„ creufe par dedans. Il y avoit fept chapelles bâties, au devant defqucl-
„ les étoit élevée cette Idole. Celui qui ofFroit un oifeau, ouunpigeon-
5, neau , entroit dans la première chapelle. Celui qui ofFroit une brebis ,
„ ou un agneau , entroit dans la féconde. Celui qui prélentoit un mou-
3, ton, dans la troifiéme. Celui qui offroit un veau, dans la quatrième,
5, Celui qui ofFroit un bouveau , entroit dans la cinquième. Celui qui of-
3, froit un bœuf, dans la fîxiéme. Et enfin celui qui ofFroit fon propre
„ fîls, entroit dans la feptiéme. Et baifoit l'Idole de Moloch, félon ce
„ qui eft écrit en Ofée 13. 2. ant? »n3î 5 vitttlum ofcnlamur ., ceux qui
„ facrifiem un homme baifent le veau. L'enfant étoit pofé devant Mo-
„ loch. On mettoit le feu fous l'Idole, 6c on le faifoit rougir, jufquesà
„ ce qu'il fût brillant comme de la lumière. Et alors les Sacrificateurs
3, prenoient l'enfant , & le mettoient dans les mains rouges & embrafées
„ de Moloch , 6c afin que les pères 6c mères n'entcndifîcnt pas les cris de
5, leur enfant , on fonnoit du tambour , 6c c'efl pourquoi le lieu a été
„ appelle Topheth, qui vient du mot c)in, thoph, D>9n, thuppim, qui
5, fignifie tambours. On appelloit aufîi ce lieu Hinnom, à caufe du ru-
„ giflement des enfans , du mot oro , naham , qui fignifie rugir , ou
„ bien parce que les Sacrificateurs de Moloch difoient aux pères, "|*? mi»,
5, jehené lak , cela vous fera profitable.
8.abbiBekai Sclon un autrc Rabbin , l'utilité qu'on leur promettoit , c'étoit la
i^^zT"' confervation de tous leurs autres enfans. Les pères & mères étaient perfia"
dez. , dit-il , ^ue par la vertu de ce facrifice , tous leurs autres enfans e'chaper oient
U mort , & que par eux ils auraient une vie toujours heureufe. L'Hiftoirc
de ce Commentateur eft vrai femblable : excepté dans ce qu'il dit , que
la vallée s'appelioit Hinnom de nfiham , qui fignifie rugir, car il eft clair,
par
ET DES CULTES DE L'EGLISE. P^r^.IV. 567
par les paflages de Jeremie & des Chroniques , que ce lieu avoit tiré (on
nom de quelque particulier, à qui elle avoit appartenu, ôcqui s'appelloit
Hinnom, & le fils de Hinnom. En Hébreu tzunK^J, gehemon , ou ge-
henna 5 d'oii vient le mot célèbre de yssvva rë Trvpog , par lequel Nôtre Matth. j.
Seigneur a defigné l'enfer , & le feu éternel. Il avoit emprunté ce mot "' **•
des Hébreux , qui appelloient , ôc qui appellent encore ainfî , le lieu du
tourment des damnez. Et nous apprenons d'eux pourquoi ils ont em-
prunté, pour fignifier l'enfer, le nom de cette vallée , oîi l'on'brûloitles
enfans à l'honneur de Moloch. Gehinnom^ difent-ils, efi un lieu proche de Rabbi Kim-
ferHjalem , très méprife\ dont on avoit fait une voirie: on y jettoit les immondi- ^^' *" ^^^^"
ces ^ & les cadavres des fuppliciezi , & pour confumer toutes ces impur etez^ <"* J ♦
entretenait un feu perpétuel. Et de là ejl venu enfuite que le jugement des im-
pies ^ & le lieu dans lequel ils foujfriront des peines éternelles , s''efi appelle ge-
hennam.
II y a ici de la diverfité entre les Auteurs Hébreux, touchant le culte Queflionfî
qu'on rendoit à cette Idole. 11 y en a beaucoup , qui , apparemment pour fimpîiment
diminuer le crime de leur nation , foûtiennent qu'on ne brûloit pas les P^flèr les
enfans à l'honneur de Moloch , mais feulement qu'on les paflbit à tra- fe'^feu^, o» fi
vers du feu, en préfence de l'Idole, pour les purifier. Etla Vulgate La- Ç"!" bru-
tine femble favorifer ce fentiment , dans le chap. 18. du Deuteronome, °''
V. 10. non inveniatur in te qui lufiret filium fuum ^ aut filiam fuantper ignem.
Et les Grecs, au même lieu , fe font fervis du mot Tef^imèalpcav , purifiant.
// nefe trouvera point entre toi d'homme qui purifie fon fis , ou fa file , par le
feu. Au lieu qu'il y a dans l'Hébreu n^npo, qui fafle pafîer, comme dans
le Levi tique. Rabbi Salomon Jarchi dit , que Pon allumait deux grands Jatchi in
bûchers , & que les pères donnoiem leurs enfans aux Sacrifcateurs de Moloch^ qui c^j^jr'"
faifoient pajfer ces enfans au milieu des deux bûchers enflammez.. Mais Rabbi
Levi Ben Gerfom prétend , que c'étoient les pères eux-mêmes , qui fai-
foient pafier leurs enfans au milieu de ces deux feux allumez , en préfen-
ce de ridole , & par permiffion de fes Sacrificateurs. Moloch étoit une Raiebag.m
Idole , dans laquelle on adoroit le feu. Et le père donnoit une partie de fes enfans i%V-^^^
aux Sacrificateurs de cette Idole , pour les faire pajfer lui-même par le milieu du
feu , avec la permijfion des Sacrificateurs, Et tl femble que dans ce fervice , il
faifoit alliance avec l* Idole ^ en lui donnant de fa femence. Et de là ilparoh qu'ils
ne faifoient pajfer par le feu , qu'aune partie de leurs enfans. fefiime qu'ils
avaient intention d'' adorer dans cette Idole la Planète de Mars , qui cft appellee
DnNO rougijfant^ à caufe de fa rougeur. Car il domine fur le feu brûlant >
comme cela fe voit dans les fugemens des Planètes. Or ilfe peut faire que ce faux
culte ait été emprunté des Égyptiens , ou des Cananéens. C.'ell auflî le fenti-
ment du fameux Maimonides, dans cetems-là, dit- il, les adorateurs du feu MoreN^-
faifoient favoir aux hommes y que tous les enfans^ fils & filles , que Pon ne fe- j°/c!'^.' '
roit point pajjer par le feu ^ mourraient , d^fans doute parce qu'on leur perfuadoit
cela , /'// fe hâtaient de le faire , car ils craignaient pour la vie de leurs enfans.
çyiu refle la chofe étoit aifée , car ils ne faifoient que pajfer leurs enfans à travers
le feu ^ & ne les brûlaient pas. Mais Aben-Efra eft dans un fentiment con- Aben-Efts
traire i il croit qu'on les brûloit, & verbum ad traducendum valet ad^mn- 18,^1?"^
burendum ^ dit-il. jÉHl
Cette opinion d' Aben-Eïf a eft non feulement la plus vrai-femoBire , Preuves
mais
568 H I S T O I R E D E S D a G M E S
loit les en- mais je la croi la feule véritable, le mot *i^n;>n , dont rEcriture Sainte fe fert en
àM^toch^" quelques endroits, n'exclut point du tout la combuftïon. Au contraire on
dit d'une chofe qu'on brûle, autant qu'elle peut être brûlée, qu'on la fait
paffer par le feu. C'etl ainfi qu'on parle des Métaux, Scdes Minéraux,
& quand on dit d'une ville, qu'un vainqueur l'a fait paiTer par le feu, cela
ne fignifie-t-il pas qu'il la brûlée 5c embrafée? Mais cela ne peut pas fouf-
frir de difficulté, puifque l'Ecriture s'explique là-deflus fi nettement elle-
chap. \6. même. 11 n'y a qu'à lire ce que Dieu dit par Ezechiel. Tu as fris tes ba-
17.20. zi. çf^g^ magnifiijues ^ faites de mon or & de mon argent^ que je Cavois données^ xt"
en as fait des images d'' hommes mâles , & commis fornication avec elles 6cc.
^ Tu as pris auff tes fis & tes files , que tu m'avais enfantez., & les as facrifiez.
four être confumez.. Efi-ce peu de chofe de tes fornications ^ que tu ayes ofe égor-
ger mes fils ^ & les ayes livrez, pour les faire pajjer par le feu à Phonneur de tes
images ? Ici nbi, facrifier, Six, manger ou confumer, i^nii», égorger g
& ")i3j;n faire paflei* par le feu , évidemment fe prennent pour la même
:chofe. -'
Dieu par le. même Prophète âât^elles ont fait pajfer leurs enfans par lefeu,
pour les confumer , ou l'on voit que faire pajfer par le feu, ôc confumer^ fi-
gnifient la même chofe. Auffi le Pfeaumeio6. dit, ils ont facrlfié leurs fils
0 leurs filles aux Démons,
Vide vof- Les textes d'Ezechiel , que nous venons de produire , ne làuroient fouf-
orr^& ^'^'' ^^ fentiment de ceux, qui, pour reconcilier ces paflages, qui leur fem-
progiidoio- blent oppofez, difcntque i'onfaifoit l'un 6c l'autre: qu'ordinairement on
ht.iib.2. faifoit paffer fimpîement les enfans par le feu, fans les brûler, 4<5f/^^r»<«//5-
nem ^ c'eft-à-dire, pour expiation 6c purification. Mais que dans les cas
extraordinaires, & dans les grandes calamitez , ils brûloient quelques-uns
de leurs plus chers enfans à l'honneur de l'Idole. Je ne fai fi on pour-
roit trouver des preuves, & des exemples de ces purifications des enfans
Grotius par le feu. Le favant Grotius croit que les Syriens , pour corriger cette
Denreron. crucllc coûtumc dc facrificr dcs cnfans , voulurent dans la fuite prendre ce
cig. 10. mot '-\^'2VT\ Jaire pafer ^ dans unfens plus commode, & l'expliquer, par,
faire paffer par le feu fimpîement, fans brûler. Mais il croit que cet adou-
ciffement n'a été invente qu'afléz long- tems après l'origine de ce culte j car
il tient pour afiuréque la Loi faite par les Auteurs de cette idolâtrie, vou-
loit que les enfans fufient brûlez. Et il n'apporte point de preuves de cet
adouciflément apporté à la Loi des idolâtres , par une bénigne interpréta-
tion au mot '^'>^pr\ faire paJJer. Ainfi j'ai peine à croire que jamais cette
Detafête coûtume ait été connue dans la Syrie. La coutume des anciens païfans
lîua^ckez^^" d'itaîie, de paffer à travers du feu pourfe purifier, dans cette fête qu'ils
les Latins. appcUoient 'P^/z7/«« , peut être venue de là. Pahliatamprivataquampublica
^hoUaften fi^"^ apud Rufiicos ^ utcumfanoconjeUisfiipuUsignemmagnumtranfiUat^hisTd-
Horatii, Itlihus fefe cxpiari credentes.
Ovid.Faft. Âdoxque per ardcntcs flipulds crepitantis acervos
lik 4.779. Trajicias céleri jlrenua membra pede.
l)ÉÉ|fcIe qu'il y avoit trois feux, difpofez par ordre, au travers defquels il
Faî^rTauter : car le Poète dit
l _
Certe
ET DES CULTES DE L'EGLISE. SP^r/.IV. 569
Certè ego trAnfilii pojitas ter in ordine flammas, Ity, v."7»î;
Mais il n'eft pas aifé de prouver que cette coutume ait été dans laPateftine,
précifémenc comme en Italie. Ovide rend cette raifon de cette cérémonie,
pmnUpurgM edax ignis , vitmmqus metdli
Excoqpfit,
Mais quand cette coutume feroit venue des Phéniciens , il ne s'enfuivroit
pas qu'elle auroit été empruntée fans changement. Il fe petit faire que de
ce que les Phéniciens faifoient brûler des hommes à l'honneur de Moloch,
pour purifier, & expier les crimes d'une nation, ou d'une famille , les Ro-
mains ayent tiré la coutume de pafler au travers du feu, dans la fête de Pa-
ies,^ pour expiation. Mais on fait allez que lès Occidentaux en emprun-
tant'les coutumes de l'Orient ^ les ont changées ôc altérées j particulière- .
ment celles qui étoient , ou fales ou cruelles; Peut-être peut-on rapporter
auffi à ce culte de Moloch, auquel on brûloit des hommes pour expiation,
la coutume qui a été autrefois de fe purger des crimes dont on étoit foupçon-
néjpar l'épreuve du feu. Coutume qui a été en ufage même entre nos Chré-
tiens d'Occident. Car nous apprenons d'Aventin,- dans fes Annales de Ba- Aventinas
viere, que dans les accufations dont on! ne pouvoitfavoir la vérité, la per- Bi?i"oruf^ *
fonne accufée plongeoit fa main dans de l'eau chaude, oucmpoignoit un ^^^•'^
fer chaud. Et il rapporte les paroles de la confecration de l'eau chaude,
ôc du fer chaud , qu'il a tirées de quelques vieux Ceremoniels. Ce font
des prières à Dieu & à Jefus-Chrift , pour obtenir de lui , que la perfon-
ne innocente ne foit point offeiîjfée par l'eau bouillante , ôc par le fer embra-
fé : cela eft fort ancien. Car Sophocle dans fon Antigone introduit les sophocies
gardes, aufquels leRoiCreon avoic donné à garderie corps mort de Poly- ^''^"''S^^®*
nice , 6c qui s'en étoient mal acquitez , qui offrent de prouver leur inno-
cence en paflant par le feu , ce qu'ils appellent xDp Up%siv. Mais pour en
revenir à nôtre MoloCjh, il eft certain que l'on brûloit les enfans à fon hon-
neur, ôc qu'on ne les faifoit pas fimplement pafler par le feu, puis qu'E-
Zechiel expliqu e tairç palTer par le feu , par con fumer , hrûler & facrifler.
Au relie il n'y a ^iicun lieu de douter que les Dieux des Scpharvaïtes , Js|^î«"s
Adrammelech & Hanamelech, ne fuflent la même divinité que Moloch. v%m, ^^'
Mais ceux de Sepharvmm bruloient leurs vnfansaufeuÀ Adrammelech & Hmams" ■^^^l*^^"
lech , les Dieux de Sepharvaïm. Le nom 6c le culte prouvent clairement qfUe Haname-
c'étoit la même divinité. Car Melec, Molech , Milcom , Sec. Signifient ^f^J*.
Roi, dans les langues Orientales, 6c les additions de ^dar $c SeHana^ jj, ^^*'^*
ne font quedesfurnoms ajoutez à Meiech , pour exprimer quelques-uns des
attributs de ce Dieu. Adrammelech fignifie Roi magnifique & puiflant,
du mot Tiî^, & Hanamelech fignifie Roi répondant, ou exauçant, flexible
aux vteux & aux prières, du verbe 7W Af^»<«^, qui fignifie répondre, dans
les langues de l'Orient.
P^rt.lV. Ce ce CHA-
5f«
HISTOIRE DES DOGMES
C H A P I T R E IIL
Molôch e/l le Saturne des Grecs é' des Remains. Le Ihautates
des Gaulois e(t aujjï Saturne, 'De Hefas & Jaranesy autres^
Dieux Gaulois,
de Idolo}.
Ralebag in
Levhic. it.
J^îrcheins
ProJrom.
Coptus. Co
u'î.p. 366.
L eft tems de voir qui efl: ce Moloch , êc (bus quel nom il a étc connu
^ fervi des autres Payens. Il eft tout à fait apparent que c'cftlcSaturna
des Grecs &: des Romains : que les Grecs ont appelle Kpovo«. Voffius
cite un Antonius Fonfeca , qui veut que ce fût Priape : & nous venons de
voir un texte de RabbiLevi Ben Gerfom, qui tient que c'étoit Mar^j le
fondement de fon opinion , c^eft que Moloch fembloit être le Dieu du fcu^
à caufe qu'on brûloitles hommes en fon honneur: Or Mars, à caufe dcl*
couleur rouge , femble être le Dieu du feu. Mais ces conjeâurcs n'ont au-
cune vrai- femblance, quoi qu'on les puiflè appuyer de l'autorité desAftro-
îogues Egyptiens , qui dans la Table des Planètes donnent à Mars le nom de
Moloch . Il eft certain que tous les Modernes avouent que Moloch eft Sa-
turne. La chofe eft claire par elle-même. i. Le nom de Moloch fignifie
Roi : Les Maftbrethes ont ponétué Molec, qui fignifie régnant , & les 70.
Interprètes 5 au dix-huitiéme 6c vingtième du Levitique , ont tourne (^p^wv^;
ta ne donneras pas de tafemence pourfervir , t(^ âpx'^vri , af^ Prince ,au Domina'
teur. Or il eft clair que ce nom convient très-bien à Saturne , chacun fait
que la Théologie des Payens le faifoitlePère des Dieux, 6c au commen-
cement leur Roi, avant qu'il eût étéchafl'é du trône par fon fils Jupiter.
Onomacrite dans {q.^ hymnes , attribuez à Orphée, Tàppelle 0fwv7r«T)^p.
^Vë ncii «y Jpwv , le pet e des hommes d" des Dieux, Et il eft certain que Xf^ anciens-
ont donné à la Planète de Saturne, une Sur- Intendance générale fur tou|
. rUnivers. Tacite s'imagine que les Juifs avoientconfacrélefeptiémejou^
à l'honneur de Saturne, duquel il dit, c^uode feptem fiderihm^ apteismortam
les regmttir ^ aktffimo orbe & pracipuapotentia fiella Satwniferatur. jQ^tede^
fept Planètes ^ui gouvernent lemonde,celle de Satmne efi la plus élevée & la-pius pftifi
veays à^Ba- fante. Et voici commc parle Denys d'Halicarnaiîe de.Saturne. Iln'efi
hc. Antiq. / , .* n- > n • i> w i- r ' ^ o
Rom. lib. 7. f <*' ^'^^^'^^ (^t'-e les anciens ayentejrtme cette terre^ f avoir t Italie ^ conjacree aiso^
tfirne ^ parce ^ue ce Çenie efi l'^aMeur , la fonrce é" la perfeBion de toute fdiciie-^
foit qu'on Psppeileie Tems , comme les Grecs , [oit qt^on P appelle Saturne , comme Ui
'^maim , quelque nom qu^on lui donne ^ ilrenferme toute lanature du monde,. Le
îiomdeKpovof que lui ont donnples Grecs, ne vient point , comme on l'efti-
me de x'^i^QQ,^ qui fignifie le tems, ces deux mots ne s'écrivent pas par les
mêmes caractères , quoi qu'ils fe prononcent à peu prés de même.
Pour moi je fbupçoone queKpovoç vient de i^"^ , cornu , wnp-, karno,.
e^^'^** cjf^^ t cornutus. Et ce nom eft venu de la figure, que les Phéniciens,
iannéàsa- donnoknt à Moloch , c'étoit une tête de bœuf chargée de cornes. Eze-
k$ Gi«s, ^^^^^ ^"^^ ^^^ paroles ytu as fait desjiatués d'^hommes maies , &c. & asprts. tes fils.
& tes^lles que tu m'^avQisenfanttK»,^^ les leur asfafri/iezinous apprend que cette
Idole
in hymno
SaturnL
Tacîte4ib,
Hift. non
longe ab
Initio.
©*oQ vient
k mot
K.pdvoç
ET DES CULTES DE L'EGLISE. P^r^.IV. 571
Idole de Moloch , auquel ils facrifioient leurs enfans, écoit une figure
d'homme mâle , mais cela n'empêche pas que fur cette figure d'homme,
ils n'cuflênt mis la tête d'un bœuf. Car nous verrons dans la fuite, que
les Orientaux n'avoicnt gueres d'Idoles, dont la figure fût purement hu-
maine. Ils y méloient quelque chofe des autres animaux, afin de rendre
ia figure plus terrible , & imprimer de la frayeur dans l'cfprit du vulgai-
re. Sur tout il y en avoit peu à qtii ils ne. donnaflenr dts rornes , parce
qu'eptre les Orientaux , la corne étoit l'emblème de la puiflànce , ôc de la
domination , ainfi que nous l'avons obfervé dans le Traité du Veau
d'or.
z. Sur tout il eft clair que le Moloch des Syriens, étoit le Saturne des vide Dcn^
Grecs 6c des Romains, par la reflemblance du culte, ce font les facrifices d'Haiiear-
^e viâimes humaines. Varron recite que les Pelafgiens chaflèz de leur &EufS'.*°
païs, ôc ne fâchant où aller, reçurent ordre de l'oracle qu'ils confulterent, J^^.^.f?-
de fe retirer en Italie, & quand ils y feroient arrivez, de fàcrifier des hom- il" ' "'**
mes à Pluton ôc à Saturne. ^ «obf s^°
Kec^ neQ)a.Ky,v 4^i^, nui tô^ 'î"«Tp» Tréix^ers <ps>ru. facrifiez. des têtes a Vluton^ & eft' aal. ùb. i. '
voyexi un homme an Père Saturne. Ce mot (pwT<x ell ambigu, & fignifieun ^-J-
homme ^ & des lumières. Hercule fc rencontrant en Italie perfuada, dit lib.i.c.V.
Varron, aux habitans du païs de renoncer à ces horribles facrifices, 6c
d'offrir à Pluton des images en forme humaine , 6c à Saturne des lumiè-
res. Suajît ^ 6cc. mfauftis fucrificiis infaufia mutarent: inftrentes ditinonho-
minum capita^ fed ofcHU ad humanam ejjigiem arte (îmulata , & aras Saturnias
mn maBando viros^ fed accents Inmimbus excolentes ^ quia non fol km virum
fed & lumina (pîarufgnificat. Latium. L'ancien nom de cette partie de l'Italie,
qui eft auprès de Rome, vient évidemment de /^f^r^. C'eft la même ori-
gine que celle du mot de Saturne, quifignifie précifément, caché, y^/»r,
"iino en Hébreu , d'oîi il efl apparent que ce païs étoit confacré à Saturne,
6c de là toute l'Italie efl: appellée 5rf/«m4. Et ainfî cela rend encore plus
probable, que les facrifices des Latins, ou Saturniens ^ fe faiibient à Satjjr-
ne, 6cà Moloch.
On fait aufîi que les Gaulois facrifioient des victimes humaines à leur ciceto in
Thautates : Quis ignorât ^àil Ciceron, Gallos ufque adhmc diem retinere illam tm^ ^If^^^^ç^^
manem ac barbaramconfuetudinem hominum immoUr.dorum. Laélance dit, Çalli Laftsnce de '
Hefu7n & Thautatem^ruore hnmano pUcabant^t fai bien que l'opinion conîœu- \^!^l'^^^^^;
ne eft que Thautates efl Mercure. Mais il efl beaucoup plus vrai-fem- x{.
èlable,que le Thautates des Gaulois étoit Saturne, i. Car c'étoit entr'eux SmVfvL
la grande divinité. Deum maxime Mercurium colunt , hujus fum plurima [i- inir.c r^
mulacra , é'c. Or il n'y a pas de raifon pourquoi ils eufient placé Mercu- ^^f;^\i
re au defîWde tous les autres Dieux : Quant à Saturne, la raifon en efl vifi- ca:far de
blej carfeion lefentiment commun, il étoit le Père ^ le Prince de tous f^".''^'""
les Dieux. 2. Ce Thautates efl apparemment le Thaauius des Phéniciens , vencabîe
dont parle Eufebe, fur le rapport de Sanchoniathon, que les Grecs ont ÎEalJ^
appelle Mercure Trifmegifle , que Platon appelle 0£uô. Voici ce qu'en dit g^^ami T>\m
Sanchoniathon, Saturne étant venu vers le tSKtdi^etablit le DieuThaamtus Roi fur Eufâbî-i f*
^fl«rf/'£^^^^^.CeThaautus ou Thautates Egyptien étoit donc contemporain PrjpETaa&-
de Saturne, il étoit fon ami 6c fon Miniftre , il n' efl donc pas étonnant que le in°]
Dieu Saturne, enpalîant la mer de la Côte d'Afrique dans les Gaules, ait
é Ce ce 2, changé
î.C.rr.
in Phiiîsfc
572 HISTOIRE DES DOGMES
LeThaiitî- changé de nom, & que les Gaulois ayant donné à Saturne le nom de Mer-
tes des Gau- cure, OU de Tliautates fon Minière. II me femble que cette étymologie eft
tume?& p'ôur le moins auffi vrai-femblable , que celle que donne Camden, S que
noiiMercu- MonficurHuet a adoptée , d'eu, q\ie7hautatesûgmûc Dieu des chemins <^ par-
on'ircmk^ ce que Diii/ fignifie Dieu en vieux Breton, Ôç 7 aithûgniûe chemins. Denys
Camden d'Halicamafle-aÛtire que les Celtes adorent Saturne , ôcCice^onditexpref-
J.I6. ' * féïDcntj S.<itm-tf»^ ■^^^igo^'^'^viKoe /lAOccidentemcolunt. Remarquez ces deux
Huct De- mots, vulgo 6c mAxim'é , où eflnl ce Dieu qu'on adoroit le plus ficen'efl
EvâV^top- 7 haut Aies l Volîius dit , qu'il ne fait comment les Gaulois appelloient Satur-
4. c. 7.§. 3. i^e. On ne Te trompera pas , (1 l'on veut croire comme nous , qu'ils Tappel-
cS ' ^' lo'ient 7 haatat es.: Les propres Remarques de M. Huet ferviront à foûtenir
Sem' n" iiôtre fentiment contre le fîen. '
iib. 3. I . Depuis quelques années on a trouvé à Tournay, dans le tombeau de
Chilperic, une tête de bœuf d'or , avec une image du Soleil dans le
fi'ont. On tient que c'étoit l'image de quelqu'une des divinitez des Gaulois:
Cela peut être , ëc (i cela ell ainfi , 6c que ce fût l'image de leur Dieu 7hau'
tates^ c'eft une preuve de la vérité de nôtre conjecture , que leThaatates des
Gaulois étoit le Moloch des Syriens, 6c le Saturne des Romains 6c des
Grecs , car il eft certain que Moloch avoit la tête de bœuf, 6c l'on peut bien
lui avoir peint le Soleil dans le front , car il efl certain auffi que Satur-
ne , comme, la plupart des autres Dieux , fe rapportoit au So-
leil.,
fiutaïquc in 2. Plutarque nous apprend que les Cimbres,qui étoicnt Celto-Scythes3
Mario». Scdécendus des Gaulois, apportèrent avec eux en Italie un taureau d'ai-
rain, qu'ils adorpient , 6c par lequel ils juroient. Or il eft certain que
Tes ftatuës de Moloch étoient d'airain , 6c qu'elles avoient la figure de
bœuf, au moins dans la plus confidérable partie, qui eft la tête. Car au
refte il feroit difficile de rendre raifon, pourquoi les Gaulois auroient fa»
crifié des hommes à Mercure, qui a toujours été conçu comme une di-
vinité bénigne, 6c fort éloignée de la cruauté.
Hcfus &tz Pour ce qui eft de leur Hefus 6c de leur Taranes , il eft moins difficile
au "e" Dieux de concevoir pourquoLils leur facrifioient des hommes 5,
des Gauloiso .
Liicaii.iib.2i. HorrénpjHe feris altaribus Hejks ^
dium.™^° ^^ TT^r^w/; , Scythic^ non mitior Ara Dian^^
Saturne tote Car Hcfus étoit le Dieu Mars , le Dieu de la guerre, qui aime le fang~
P^pur un" humain. Et Taranes fîgnifioit /^ Dien Tonnant, c'e^ le Jupiter des Grecs 5,
bieufaroH^ qui, comme il eft terrible dans fa colère, veut du fang humain pourfe fa-
p/lLTfj«I,Vtisfaire. De Taranes s'eft fait Tanares, d'où les Latins ont fait Tonare ,
mUr.choiKusi^^x Q^ demeuré aux hWem^ins Donderi II ne feroit pas ai fé de compren-
\wnjiZflih> dre pourquoi ils auroient tellement renverfé l'ordre de la Théologie Pa-
htir^Ams de. yennc, Quc de donner à Mercure le degré au deftlis de Tùpi[er Tonnanto
YideVoC-T Ce quc Ceiar allure pourtant qu us tailoient. Deum maxtme tyvlercHnfim.
d"'ut'f° ^^^^^t ' htiJHsfpint flurima fimnlacra ^ hnnc omjjifim inventorem artinm fernnt ,
Pi- 481; hune viaram atcjMe ttinernm ducem : hune ad quix.fi us fecuniA mercaturaÇque
b^o^G^il hibere vim maxirnara arbitrant ur. At certis diebus , humants quoqite hofiiis
'ii.>.i. ' litAre f^is hdct. Au relie le ièiuiraent de Denys d'Halicarnafiè eft confor-
me.
ET DES CULTES DE VEGLISE. Part.lV, <^7^
me au nôtre, favoir que le Dieu , auquel les Gaulois facrifioient des hom-
mes , étoit Saturne. On dit que les anciens immolaient des hommes à Saturne Lib. t.''Aa-
ce qui fe faifoit auffi àCarthage , quand elle fuhfîfl oit -^ ^ ce qui ^e fait encore ^3' ^°'"-
Aujourà^hui entre les Gaulois , & quelques peuples de f Occident. febuim lib"
Deux chofes peuvent avoir trompé Céfar, 6r ceux qui le fuivent , la ^''^^'
première ce que les Gaulois faifoicnt leur Satumcjou leur Thautates, Dieu des
chemins & de la marchandife, ce qui convient au Mercure des Grecs j la
féconde que le nom de Thautates femble être le même que Theut h, ouïe
Thaautus des Egyptiens. Et c'eft le nom que les Grecs donnoient à Mer-
cure Trifmegifte: Ce qui n'a rien de commun dans le fond avec le Mer-
cure yMeflàger des Dieux, que le nom : lequel j'eftime qu'on a confon-
du avec Saturne, Au refte il n'y a rien d'éloigné de la vrai-femblance que
ce Dieu Thautates ait tiré fon nom d'Egypte , & que les Gaulois ayent
emprunté des Carthaginois les viélimes humaines , puifque Tacite trouve
vrai-femblable que le culte de la DéefTe Ifis étoit palTé de l'Egypte juf-
que.s dans la Germanie. ^Fars Suevorum & IJidi facrificat , unde caufa & origo Tacite de
pereqrino facro non comperi î niji quod Jianum ipCum in modnm Lihurna lîç-ura- *ioï«bus
tum doc&t aavectam Reltgîonem. Noniongè
Nous ne trouverons gueres de lieux , où l'on ait adoré Saturne , oii ^^ ^°^"°-
l'on ne lui ait aufîi facrifîé des hommes. Athenagoras aflûre qu'il étoit Athenagoras-
fervi de cette manière dans l'Ile de Crète, (poivMsç y.al KpîjTfç tJv Kpovov £v aS&fmh
TuTç TSKVoCpov/uiç éèpyi(Tytevov , dit- il , ijle etiam auEloreft in eo quod de Cretenjîum t p ,
facrificiis edidit , puer os olim Saturne immolari àCmeiibus folitos fuijjè. Les ginois ont"
Rhodiens lui facrifioient auffi un homme tous les ans , le 6. du mois de ^^^^% \^^?^-
-r M, ^ ■' ne, &lui
Juillet. omfacrifié
Mais ce fera fur tout des Carthaginois que nous apprendrons certaine- ^^""«^f^^s.
ment, que leMoloch des Orientaux , auquel on facrifioit des enfans, étoit l'oiphyrius
Saturne, i. Les Carthaginois étoient une Colonie des Phéniciens , fortis bfum Hb.^
de la ville de Tyr, qui eft fur les Côtes maritimes de la Paleftine. Qui ^•^^'
veut être inftruit de cette vérité peut lire ceux qui en ont écrit , 6c entre
tous les autres M.Bochart, où 1 on verra que la langue Punique ou Car- îarsz
thaginoife eft la langue Tyrienne , Hébraïque & Cananéenne. On le^^ft
prouve par l'explication des vers en langue Punique, quifetrouveutdans^î.
le Pœnulus de Plante , ôc qui font de l'Hébreu très peu altéré. rars %.
1. Les Carthaginois, en fortant de Canaan, emportèrent les cultes ^nb^S's.^^'
les Dieux de leurPaïs, entr'auties cette horrible coutume de brûler leurs
enfans à l'honneur de leur Idole. C'eft un f-iit conftant, & qu'on leur a
reproché de tout tems. Platon le di: en ces termes. 2^ous n'' avons pas /^^inDîaiop^
smtume de facrtfier des hommes , & cela pajjè entre nous pour une exécration. ^^^^
Jldais cela efi ujtté entre les Carthaginois.
3. Il eft clair que les Carthaginois, en fortant du Païs des Cananéens,
ne purent emporter aucune autre divinité, à laquelle on facrifiât des hom-
mes, que ce Moloch , qui eft quelquefois appelle Bahal. Car iln'yavoit^
point d'autre divinité, à laquelle on offiit des viél:imes humaines.
4. Ce Dieu, auquel les Carthaginois ikcrifioient des hommes, eft ex-
preflement appelle Saturne partons les Auteurs, excepté par Pline, qui
eftime fauftement que ces faciifices fe faifoient: en l'honneur d'FIercule.
Les Carthaginois t dit Lactaoce, facrifant a Saturne des vi^imes humaines, & '^^ [^i'^^-*^
Ce ce 3 quand
C. 2Î.
574 HISTOIRE DES DOGMES
auatjd ils furent vaincus par Âgathocles , Roi de Sicile , fe perftiadant que Dieu
étott irrité contr^etix , tls immolèrent tout a la fois deux cens enfans de maifons
nobles ^ afin de mieux appaifer la divinité. Platvon, dans le partage que nous
venons de citer de lui , dit auffi expreflement que les Carthaginois facri-
fioient leurs enfans à Saturne- Chacun d'eux^ dit-il, facrificKt leurs enfans à
Saturne , comme apparemment vous le favez.. Si Ton veut avoir plus de té-
Lib. de Ci- moignagcs de la vérité de ce fait, on peut confulter St. Augufiin & les
„;. n.; lik j^^-^-gs CÛ2. n'cft pas contcfté. Et afin qu'on ne puilTe pas dire que les
Carthaginois ont imité leurs Ancêtres , & la Religion du Païs dont ils
font fortis , en immolant à Saturne des victimes humaines , comme il$
avoient vu qu'on en immoloit dans le Païs des Phéniciens à Moloch , fans
qu'il foit néceflaire de dire que Moloch & Saturne foient le même Dieu.
Il eft à remarquer ^ue les Anciens nous difent expreffément que les Phé-
niciens adoroieflt SaturiK , & lui immoloient leurs enfans. Les Phéniciens^
dit Porphyre , dam Us gra^s dangers de guerre , de pejie , oh de famine ,
choifjfoient a la pluralité des voix ^ t^fnslqu^nn de ceux qui leur éoient les plus
chers , & Pimmoloient à SaWrns,
vit. Dei lib.
7. cap. 19.
Tettullien ,
Apologéti-
que cap. 9.
Minutius
Félix dans
fon Ofta-
vius.
St. Jei ôme
in cap. 7.
Jeremiae.
lib. z. de
Abftinent.
ab animali-
bus apud
Ëufebium
libr. 4. c. \6.
iPrscp.Evang.
CHAPITRE IV.
Conformité du culte des Théniciens à leur tJHoloch , ^ celui des
Carthaginois à leur Saturne.
Lib. 18.
MAis nous verrons encore mieux que Saturne eil Moloch , par la
conformité des Cérémonies , avec lefquelles on leur lâcrifioit des
hommes, i. On offroit des enfans à Moloch, & nous ne lifons
pas qu'on lui facrifiât des hommes, ou des femmes. L'on facrifioit aufîî
des enfans à Saturne. Juftin, l'abbreviateur deTrogue Pompée , appelle
ces viélimes impubères. En parlant des Carthaginois , il dit , que quand
ils étoient travaillez de pefte entr'autres maux , ils fefervoient pour re-
mède d'un culte fanglant 6c abominable, quippe hominesut viBimai imrno^
lahant , (^ impubères , qu& &îas etiam mifericordiam provocat , aris éidmo~
t'ebanf.
Silius Itali»
eus. Bell.
Punie,
TertuîL
Apolog. C.p.
DeCivit.
Dei lib. 7.
Alosfuit in p&pulis , quos cendidit advena Didû\ .
Pefcere c&àe Deos veniam , ac flagranttbus arts
Infandum di5îu , parvos imponere natos.
Tertuîlien. Cum propriis filiis Saturnus non pepercit , extrkneis u-tique non par"
cendo perfeverabat ^ ejuos quidem ipjî parentes fui ojferebant. St. Auguftin les
appelle ^^^ri7j-. Ideo à quibufdam pueri Saturno foliti funt immoUn ^ ut à Tœ-
nis. 2. Afin que les viéèimes humaines fulTent agréables à la divinité ,
on vouloit que ce fuilènt les pères & mères eux-mêmes, qui les offrifTent,
& cela fans paroirre affligez ., ôc fans verfer des larmes. C'étoit à cette
intention que 4'on jouoit des inftrumens dans ces déteflables fêtes , pour
char-
ET DES CULTES DE VE G Ll S E, Pan, JV.^^
charmer la douleur de ces mifèrables mères. C'eii ce que nous difenc
les Hébreux du fervice de Moloch. Et c'ell précilémcni ce que les an-
ciens nous apprenent auffi, du fervice de Saturne encre les Curchaginois.
Plutarque, en parlant de ces déteftables facrifices, die que dans Cartha- De ufuper-
ge , ceux ^fii n avaient pas d^enfam poffr les Jacnjîer , en achetaient des pau- vide Sc^"''^
vresy comme on acheté des agneaux & des chevreaftx. Et qiiiLfalon cjue la me- Diodorum
re qui les avott vendus , ajfifiât au fier ifice fans donner aucune marque d'emo- ^.j^^^'°''^^f^
tion^ fans pleurer nifoupirer^ autrement elle perdait le prix ds fin fils , qui ne
laijfiit pas d'hêtre facrifie. Il n'y a rien plus remarquable que ce qu'il ajou-
te j outre cela autour de lafiatuë, à quifiefaifoit ce facrifice , tout était plein de
joueurs d'i,nfirumens ^ de tambours y de fiâtes ^ & de hautbois , afin qn^onn en-
tendit pat le cri de t enfant. C'eft précifément ce que les Hébreux iwus di-
fent diu fcrviee de Molocb, oeil femble que Pktarque les ait copier dans
cet endroit. Il fkloit même faire en forte , que devant le facrifice l'en-
fant ne pleurât pas. Saturno in nonmllis Afric& partibus à parentibus infantes Mlnutius ia
immolabantur , blanditiis & ofculo comprimenu vagitum^ ne fiebilts hofiia im- °^'^'<'*
moletur, Tertullien dit la même chofe. Jnfantibus klandiebantur , ne Ucry- ubifuprî.
mmîe^ immolitrcntur. 5.. Enfin fi l'on compare la defci-iption , que Dio-
dore de Sicile nous donne de la ilatuë du Saturne , auquel les Carthagi-
nois facrifioient leurs enfàns ,- on voit qu'elle reflemblc bien à celle du
Moloch. des Phéniciens. Oétoit^ dit-ilj une grande fiatuë d^ airain ^ ^«^Bibiioth.
s'tendoit les mains en les inclinant vers la terre ^ en forte que t enfant qu^on met- ^f^^' ^'^°
toit dejfus'y tombait dans une fojfe où il y avoit du feu. C'eft. là -même que Edic Henri-
Diodorc- raconte l'horrible facrifice, que firent les Carthaginois de deux"^'^^^'
cens de leurs enfans tout à la fois , pour appaifer Saturne , qui leur fem-
bloit irrité contr'eux , par la bataille q.u'ils avoient perdue contre Aga-
thocles. Au relie il ell évident , que c'eft de cette horrible coutume de
facrifîer des enfans à Molochv qu'eil venue la fable des Poètes , qui di- Origine de
fent que Saturne- dévora fes enfans, comme Diodore le remarque au mê- s»fume'd6
me lieu. Et cela même nous efl une nouvelle preuve , que Moloch & vo5:oit fes
Saturne font le même Dieu. Louis Vives nous raconte que de (on tems iJÏV. de
les Efpagnols découvrirent une Ile dans l'Amérique , qu'ils nommèrent ^^^'f- ^s*
Caroline , dans laquelle ils trouvèrent de grandes flatuës d'airain creufes ^' ^^'
par dedans , les mains jointes & étendues , dans lefquelles ils mettoient
les enfans (p'ils immoloient à ces Dieux, & qu'ils brûloient cruellement,,
en mettant le feu fous la flatuë d'airain. Certainement c'eft là propre*
ment la; defcription que les Juifs nous donnent d» l'image de Moloch. Et
il y a apparence que de Carthage ce culte s'efl répandu jufques fur les
Côtes de l'Afrique, & qu'en fuite les Africains ont porté leur culte aux
Côtes de l'Amérique, qui font oppofées^
Mais fî les preuves que rtous en avons apportées jufques ici, neparoif-
fbient pa&fuffifantes, il me femble que nous en avons une dans- le pafTage
d'Amos , dont il a déjà été parlé , qui ne peut plus laifTer de difficulté,
î^ous avez^ porté le Tabernacle de votre Rai CS3D\'0 , ou de votre %SHoloch j.^ç^ Amos î,2.c.
les images de Ktjoun , ^ l* étoile de vos Dieux , que vous vous êtes faits, i. Il
eft à remarquer que ce Roi eft afiïïrément Moloch : & en effet ces let-
tres , CD^jSn , que les Maflbrcthes ont ponétué oJWalke.kem , vôtre Roi ,
poucroieiit auffi bien être lues par Molkeksm , vôtre Moloch, Et en eiFec
c'eft
que
57^ H I ST G I R E DE S D O G M E S
c'efl ainli qu'ont lu les Interprètes Grecs, l'ancien Interprète Latin, 8c
St. Jérôme. Mais de quelque manière qu'on life, il efl: certain quec'eftlà
même chofej car il n'y avoit que cette Idole des Hammonites , que les
Phéniciens appellalTent Molec, Moloch, Milcom, Melec, tous noms
qui fignifient Roi & Dominateur.
2. En fuite le Prophète, pour faire comprendre qui efl: ce Moloch „
l'explique par jva , Kijoun. On a été affez iong-tems en p^ine de lavoir
lûiocHtn. qui étoit ce Kijoun. Dn foupçonnoit que c'étoitsSaturne« Aben-Efra
nous l'a voit dit j i^t^enlangHe Perfem^-^^y^^ HgniÇi^ù SatUrnt ^ ôcqueKijoutï
c'eft le Keivan des Perfes. Mais on n'en avoit pas eu de certitude juf-
ques à nôtre fiecle. La Verfîon des 70. avoit verfé de l'obfcurité fur cç.
pallage, plutôt que de la lumicrje,car ils avoient tourné Kijoun par Rhe-
phan , ou Rempham. Vous avez, porté le Tabernacle de Moloch , & V étoile
de votre Dieu Rempham. L'on ne favoit ce que c'étoit que ce Dieu Rem-
pham, & je ne m'amuferai pas à rapporter les divers fentimens desDoétes
là-dclTus. Mais enfin nous avons l'obligation à Monfieur de Saumaife, de
nous avoir appris que Rhephan ou %empham , dans la langue des Egyp-
tiens , fignifie la Planète de Saturne , ce qu'il prouve par un Alphabet
de la langue Egyptienne, qui lui a été envoyé de Rome, oii l'on trou-
ve les noms des fept Planètes, que Kircherus nous a auffi donné dans fon
Prodromus Coptus.
Cela étant connu , il n'y a pas lieu de s'étonner que les Juifs , Auteurs
delà Verfion qu'on appelle des 70. ayent tourné Idjonn^T^^v Rhephan^ par-
ce qu'ils écrivoient en Egypte , 6c qu'ils dévoient nommer cette Idole
d'un nom , qui fût connu de ceux au milieu defquels ils écrivoient. Ils
vivoient dans un fiecle , & dans un lieu ^ oii ils ne pouvoient pas igno-
rer„ comment on appelloit Saturne , dans la langue des Cananéens. Ainfî
je conte pour certain que nous avons le témoignage d'Amos, pour prou-
ver que Moloch , efl Saturne 5 appelle Rhepham par les Egyptiens , 6c
videVof. Kijoun par les Phéniciens^ Car je ne doute pas que Moloch 6c Kijoun,
p.Ts?! dans ce pafiage d'Amos, ne foient le même Dieu. F'om avez, porté le Ta-
J?i'^? kernacle de votre Moloch. C'étoient ce que les Latins appelloient Thenfa^
naflè Anti- vehicuU Deorum , des pavillons , des dais , fous lefquels ils portoient leurs
v^deieftH divinitez en Procefiîon : & :ks images de Kijoun , c'étoient les images de
dignaapud Moloch , qui éioieBt fous le Tabernacle portatif. U fera bon de dire un
dfe facrificrs "^^^ ^^^ piiflant , de ces traofportations , parce que cela nous apprendra
p. 113. quelque chofe du culte qu'on rendoit à Moloch, 6c en même tems nous
naTiuml!^" ^^^^'^'^''^s l'origine des Px occffions des Papilles , qui femblent avoir emprun-
Eufcb.saa- té des Payens cette coutume de porter en pompe les reliques & les ima-
mrrat^^ïib? ê^^ ^^ Icurs Saints. Elles écoient ordinaires entre les Romains ces tranf-
I. c. 10. portations des divinitez , particulièrement dans ces jeux, qu'ils appelloient
mo°diao' C^rcenfes. Les Pontifes ,& tous les Prêtres de leur Religion, marchoient
àyp:V^î5 en pompc. Extremum pompa agmen claudebmt deorum fimulacr a ^ i^fita hume-
adificatum risJjaj^Ubantur à viris , eamqpte pr/^ferebiV'H formam , cjua finguntùr nfud GrA'
■ (7)-,L/_ ^^^i ^'^' Tumpipplicia dits hdîqtie magnï à Senatu dtcemuntitr, cfptos Pomifices^ (^
ihevQv h -^'-^i^^-yes^ & Quindecimviri^ Septernvins fimt^l iiji bodaUbm AHgufialibm edcrent ,
Ç)o/y.''^Vi , dit Tacite. Et le même Auteur nous ap|î'rend qu'après la morr de Ger-
TemJkira ïïi^i'ûcus 5 cntr'autrcs honneurs qu'on lui ordonna , on voulut que fa fta-
tuë
Tsaiplura.
, %gT DES CULTES DE VEGLÏSE.PartAV,<çj7
tuc-allât devant celles de tous les Dieux, dans les Jeux Circenfes. Hono- TtcU. Aa-
rejy ut quii amore m (jermmicHm , ant tngenio valijitis , reperti decreitque &C. "*'' ^'
Ludos Circenfes ebtirnea effgies prairet . Vehitur enimjîmulacrum Dei Heliopolitani Macrob.
ferculo^ veht in pompa Circenjîtim vehnntur Deorum Jîmulaîra. Suétone nous suê/"^'*^''
apprend que Titus fit le même honneur à Britannicus , avec lequelil avoit tùo.
eu une grande liaifon dans Ion enfance , fiatuam ei nurtam in paiatio pofmty
& alteram 4X ehore equeflrem ^ quA Circenjî pompa hodiécjue prAfertur , dedica-
vit. Cette coutume eft décenduè des Egyptiens , comme on le peut voir
dans des paiTages, que nous avons citez d'Hérodote , ôc elle étoit appa-
remment venue des Phéniciens en Egypte.
Il faut retourner à nôtre Moloch ôc à nôtre Kijotin , qui font la même Traa. de
<^iviiîité , ^voir Saturne. Nous les avons trouvez tous deux entre les Phé- «0"^°^'*'
niciens d'Orient^ par le paflage d'Amos. Je croi les avoir rencontrez aufîi Quelques.
joints enfemble entre les Phéniciens de TOccident , qui font \qs Cartha- S°gin^?s"dB
ginois, par un paflage du Pœnulus de Plante. Milphio demande au Car- l'^nuius de
thaginois ,T« qm zjinam non habes , qtiid hanc venifii. in urbem , aut ^nid qtidt,- pi^quez^*
ritis^ Que viens-tu faire en cette ville ^ toi^qui n^as point d^ argent ou des cein- P^"*^ ^? <=o°-
tures^ & que cherchez.~vous? L,^ Romain fait une équivoque fur z.ona^ quifî- nosconjec-*^
gnifie bourfe & ceinture. Les Carthaginois ne portoient pas de ceinture. '"'^"•
Le Carthaginois répond Muphurfa mo in lechi ana j où il me femble qu'on ^^'^'^•^'^'
trouve ces mots Chaldées, Meparnefa Molech Kiana, Nî30 'fjri î^diso,
qui fîgnifîent ^ àelui qui domine la nature me nourrit^ voulant dire quefoas^
la proteétion de Saturne, qui nourrit toute la nature, il n'avoit pas be-
foin d'argent. On ne peut pas répondre plus à propos , aux railleries d'un ^
îiomme qui vous demande , que venez vous faire ici fans argent ?
Au refte dans le mot Molech kiana, nous avons nôtre Moloch ^ 6c nôtre
Kijotin , & nous y avons en même tems la raifon , pourquoi Saturne efl
appelle Kijoun, c'efl: que , comme a bien remarqué Louis de Dieu , la inAft,cap.
nature en Syriaque eft appellée M3''3 Kijana , or Saturne eft eftimé le ^"^^'
Maître & le direéleur de la nature , comme il paroit par le paflage de De-
' nys d'Halicarnafle , que nous avons cité ci-defllis. Ainfi c'efl comme G.
le Carthaginois répondoit j Molec Kijaun , qui efl: le Maître de la nature ,
me nourrit, & tu n'as pas befoin de t'enquerir ce que je viens faiie ici •
(ans argent. Il paroît que le caraéteredes Carthaginois étoit d'être fuperf-
titieux, & d'avoir à tout propos les noms de leurs Dieux dans la bouche,.
Ainiî dans la même Scène un peu plus bas , on y lit ces mots du Cartha-
ginois , Çnnebel Balfamen rafan , qui font apparemment une impréca-
tion contre Milphio , qui fe moquoit de lui, que je<léchifre ainiî,
:|l^'^?^ paii'Sj^a *~?a3', f en ab bal Balfamen roshan, qui fignifient : que Jupiter ren-
de abominable leur perfonne, ou leur tête. Le mot de Baalfamen y eft fans cor-
ruption , & nous apprenons de Sanchoniathon , que les Phéniciens ap- ApudEcfe
pelloient le Soleil, qui étoit leur Jupiter, Beelfamen, Ce qui eftprefque le.p.'^Eyjjjg^
pur Hébreu, a^aii' Si?i Bahal Shamaim , le Seigneur des cieux. Aurelle lib.^. c.io,
il y a lieu de croire que c'eft laeonclufion du difcours du Carthaginois,
duquel on s'étoit fi long-tems moqué. Et c'efl; l'ordinaire des gens, après
qu'ils ont long-tems foufFert la raillerie , de fe venger par quelque im-
précation. Les vers Puniques , qui font dans la Scène précédente , &
que M. Bochart a fi heureufement déchifrez , font voir la vérité deBochatr. în
Part. IK Dddd > ^Q^Mcgn,
.Slfei-
578 HISTOIRE DES DOGMES '?^
ce que nous avons dit, que les Carthaginois avoient tin flyle dévot ,'
foient fouvent entrer les Pieux dans leurs difcoursj car /7^««o commence
par une action de grâces aux Dieux de ce qu'il étoit heureufement arrivé,
& il dit qu'il avoir l'image de Ton Dieu gravée dans ce qu'il appelle tejfe-
ra hofpitalis , Deum hofpitalem ac tejjeram memm fero. Ou comme a tour-
né M. Bochart , jlgillum hofpkii efi tabula fculpta , ^U£ fcn/ptura ejl Dens mem.
Ce qui me confirme dans la penfée que le Afolechiana eft le nom de Ton
Dieu, dont il difoit avoir la fcuîpture , oc qui étoit fans doute le
Dieu de Ton Pais , c'^eft (JHoleck^ Kijonn , le Roi , ou le Dieu Sa-
turne.
CHAPITRE V.
Saturne & Moloch femhlent être la Planète de Saturne :
c'ejl h Soleil.
ÙHais
D'où vient
la fable de
Saturne de'-
throné par
Jupiter, &
coupé par
k même.
Ici il y a
aae grande
confufion
dans la fable:
quelques-
uns difent
que ce fut
Saturne qui
coupa les
genitoires
de ion £$ïe
L ne nous relie plus qu'à voir quels Dieux Naturels, & quels Dieux
Animaux font cachez fous les noms de Moloch &' de Saturne. Pour
ce qui eil des Dieux Naturels, il femble qu'il eft difficile de croire que
"ces noms défignafient un autre Aftre , que la Planète qui porte le nom
de Saturne, qui eft placée dans l'orbe le plus élevé, au deiîbus des étoi-
les fixes. Le nom de Moloch , qui fignifie Roi, femble lui avoir été
donné à caufe de fon élévation. Et par \cs pafiages de Denys d'Halicar-
naflè dans le premier Livre de Tes Antiquitez Romaines, & de Tacite dans
fa Germanie, il paroît, que l'on eftimoit que cette Planète, qui eft fiipe-
rieure par fa fituationjavoit auffi une domination univeifeile fur tout l'U-
nivers , & fur toute la nature. C'étoit la penfée des anciens Aftrologues^
Mais ceux qui font venus depuis, étant revenus de cette opinion ,• ont re-
connu qu'il y avoit de l'injullice adonner à la Planète de Saturne la domi-
nation (ur la nature, laquelle appartient fi évidemment au Soleil , dont
les influences font incomparablement plus fenfibles , c'eft pourquoi ils
ont déîhrôné la Planète de Saturne , pour placer le Soleil fur le thrô-
ne.
Et c'eft apparemment de là qu'eft venue la fable , qui dit que Jupi-
ter, qui certainement eft le Soleil, a déthrôné Saturne. C'eft peut- être auflî
de ce même changement d'opinion des Philofophes , qu'eft venue cette
autre fable, que Jupiter coupa les parties deftinées à la génération de Sa-
turne, êc les jetta dans la mer, d'où naquit Venus. Car cela peut figni-
fier que les premiers Philofophes avoient attribué à Saturne la préfidence
fur \ts générations, que les Philofophes fuivans la lui ont ôtée, qu'ils l'ont
donnée au Soleil, ôC'à la mer, c'eft-à.dfrc à l'eau , car ils ont fait deux
principes de génération i la chaleur du Soleil & l'humidité de la mer.
De la jonélion defquels deux principes eft née Venus, c'eft-à-dire la ver-
tu produélive ôc générative, qui fait toutes les générations, & toutes les
corruptions, qui fe font au monde,
fc r Pour
ET DES CULTES DE L'EGLISE. Tart.lV. 579
Pour prouver que le Saturne des Grecs n'eft autre que la Planète qui Cœius.d'da
porte ce nom , on pourroit ajouter que le nom de Saturne , qui figniiïe nus"'d*au^
caché ^ convient bien à la Planète ainfi nommée, qui eft oblcure Se fom- très que ce
bre, plombée, & qui ne fait pas grande figure dans l'armée descieux. On q"i^ies"oii.
peut dire auffi que la Planète de Saturne a toujours été eftimée melancho- paàsatumc,
lique, noire ôc trifte , & les Aftrologues difent que les enfans, qui naif- îfé;"cFui-"
fent fous la domination de cette Planète, font envieux , malins, fuper- gentius ia
bes , avares , ôc cruels. Et ce peut être la raifon pourquoi les Payens , &ctmu-°
prefque en tous lieux, lui ontfacrifié ces noirs, triftes ôc cruels facrifices 'us- vide
lie vidimes humaines. .. _ _ «iS^c
' Cependant après tout cela , j'en reviens à dire qu'il efl beaucoup plus satumo.
apparent que Moloch ou Saturne: eft le Soleil. Ce nom de Moloch nous cornSî"^ '^
fîgnifie cela. Il n'y a que le Soleil qui mérite ce beau liom du Roi des l'b-^.c.z.
Aftres : & fî l'on a donné la Royauté à Saturne , cela ne peut pas avoir été Moiochsc
fait par le vulgaire, qui peut-être n'a jamais obfervé, ni diflingué Satur- font'^autt"^
ne dans la foule des étoiles. Or fans doute l'idolâtrie des étoiles a pris queieso-
fon origine du peuple, & non des Savans, 6cpar conféquent il eft certain ^"'*
que la Royauté & la Souveraineté attribuée aux Aftres, félon le fentiment
des idolâtres ,doit convenir à l' Aftre , qui a toujours paffé dans l'efprit du
vulgaire pour l'Aftre dominant. Saturne eft eftimé fils du Ciel , par la "
Théologie des Occidentaux , auffî bien que par celle d^s Orientaux.
Sanchoniathon , Hiftorien qui étoit avant le fac de Troye , & que l'on vide Bo-
croit avoir été du tems de Jerubbahal, qui eft Gedeon , nous a dit que w'^ar?^.
Cœlus , après avoir pris pojfejfion de f empire , époufa UTerre, qui étoit fa fœnr , cap. uit.
& qnil en eut quatre enfans , llus qui eft appelle Saturne , Betylus^ Dagon , qpti p^^" ^^ '
préjîde fur le froment , é" Atlas. Selon cela Saturne eft conté , pour le fils aîné ^'b. ï. c.'io»,
du Ciel. Ce qui ne peut convenir qu'au Soleil. Car fi le Ciel peut être con-
çu comme le père commun de tous les Aftres , dont il eft femé , la pri-
mauté & l'aînefTe , fans conteftation ; doit appartenir au Soleil , & non à
une Planète obfcure , & inconnue du peuple.
Mais ce nom di'llus , que Sanchoniathon donne à Saturne , eft remar-
quable. Il eft certain que ce mot vient de l'Hébreu S.^ , qui fignifie
£)/>«, ôcle grand Dieu, le Dieu fort. Or il eft clair que ce nom de Dieu
fort, & de grand Dieu, a toujours été refervé au Soleil. Le même San-
choniathon, dans le même lieu , nous dit que l'on donnoit quatre ailes à
Saturne. Le DieuThaautus^ àit-W, ayant déjà fait l'^tmage du Cief fît auffi
les images de Saturne , de 'Dagen ^ & des autres Dieux , Et même il imagina
de donner à Saturne ces marques de fa dignité %oyale. C eft. qu'il lui mit deux
yeux dans le derrière de la tète , .& deux autres devant , & deux de ces yeux
fe fermaient à demi , d'aune manière douce. Il ïm donna auffdeux atles fur cha-
que épaule , dont deux étaient, étendues , & 'deux ;étoient:abbat n'es (fj-refferrées.
Je ne m'arrête point à la penfée de Sanchoniathon, qui veut que cet em-
blème fignifie les qualitez d'un bon Roi , la prudence &: la vigilance.
Mais je croi que c'eft l'emblème du Soleil , qui a des yeux devant & der-
rière , c'eft-à-dire , qui éclaire , oc qui verfe des rayons de toutes parts.
De ces yeux il y en a deux à demi- fermez, qui jettent des regards doux,
c'eft l'Orient Se l'Occideni, dans lefquels le Soleil ne darde que des ra-
yons foibles 6c languilTans , ôc les deux autres; font les rayons'llu'il darde
Dddd i avant
580
HISTOIRE D E S D O G M E S
1. 11.
Saturne
étoit Je
Dieu qui
feic le teœs.
Oni.
Faftorum
lib. I.
In libris
mipti^um
Phiiolog. fie
Meicuiii.
Liv. des
Queftions
Rom. queft.
12.
Grpheus
hymnô
Sïtiirni
oç IwKa.-
v5.ç (xèv
ciTUvra ,
àurôç.
Qui confu-
ntiis omnia,
5c rurfus ea
producis
ipfe.
Sopiiocles
in Eledra.
yàp £v-
Geoç,
tetnpus
enim facilis
eft Deus.
Laftantius
lib. 1. divin.
Inftitut.
Cl 12.
Cicero
de Lib. 2;
Natura Deo-
jom.
Voir de
Idolol.
avant midi ôc après, qui fon^t des rayons fort vigoureux, & doht on ne
fauroit fupporter l'éclat. Les quatre ailes dé Saturne , dont deux étoient
étendues, 6c les autres étoient reflerrées», c'efl-à-dire , fe repofoient, ré-
préfentent la vîtefîe infatigable du Soleil , qui vole toujours , êc qui a
toujours deux ailes qui fe repofent, pendant que les autres travaillent , de
forte qu'il vole toujours fur des ailes fraîches , ôc nouvellement repo-
fées. ;
En paffant je remarquerai que ces quatre ailes du Saturne des Phéni-
ciens, dont deux voloient, & deux étoient ferrées, & pai* conféquent le
couvroient , me femblent avoir été empruntées des ailes des Chérubins^
de deux defquelles ils voloient, 6c des autres ils fe couvroient. Mais fur
tout il me paroît clair que Saturne étoit le Soleil , parce que l'image de
Saturne étoit aifûî-ément l'emblème du tems.
Cette faux qu'il avoit en main, fignifioit que le tems moiÛbnne toutes
chofes. C'eft pourquoi il eft apipdlé falciger y
tAnte perenato falciger orbe D^us:» -
Marti anus Capella dit qu'on lui mettoit dans Pime des mains un Dragon,,
qui vomiflbit des fiâmes, & qui fe mordoit la queue. C'eft l'emblème de
l'année, dont la fin fe joint au commencement, ôc qui eft compofée de
jours pleins de fiâmes ôc de lumière. Chacun fait qu'on a attribué à Sa-
turne de dévorer fes enfans. Cela eft auffi Tembieme du tems, qui s'ap-
pelle temptis edax rerumyèc qui Gpnfume' tout ce qu'il nous produit j^ c'eft^
pourquoi on lui facrifioit des enfans.
Plutarque rapporte à cela ce que l'on dilQit,que Saturne eft le père de-
la vérité, parce que le tems découvre toutes chofes. Le Saturne des Phé-
niciens, félon Sanchoniathon , peutauffi fort bien être expliqué du tems*
Il avoit deux yeux devant, ôcdeux derrière. C'eft le tems pafié, qui re-
garde derrière , & le tems futur qui regarde au devant. Il avoir des»
ailes, c'étoit pour fignifier la vitefîe du tems. Enfin chacun fait que c'é-^
toit le fentiment général des Grecs , que Saturne étoit le tems. C'eft
pourquoi ils prétendoient que Kpovoç venoit de Xpo voç.Ainfi le dit Laélancc-
jQuid e^md ipjï Saturno non divinum modo fènjkm , fid humanttm ^uo^ue adi'
munt , cum affirmant eum effe Saturnum , qui curfum & converjtonem fpatio-
YHm d^ tempomm continet , eumque Çracè idipfum. nomen haberey Kpûvoç lenim-
dicitur, qmd efi idem qmd yi^^^ôsioq. Ce font les paroles deCiccron que Lac-
tance emprunte. Le mot de Saturne, qui fignifiec^iït/;/, nous exprime bien la*
nature du tems , qui eft caché tout entier dans le pafle ôc dans l'avenir,,
& dont le préfent n'eft rien. C'eft pourquoijes Hébreux appellent Xtfie^
de , ou le tems, dW, hah^m-y du, verbe oSy , halanty qui fîgnifie «■<«-
cher.
Cela pofé que Saturne eft rèrableme du tems, il eft clair qu'il eft beau*
coup plus raifonnable de chercher fous ce nom le Soleil , que la Planète
de Saturne j car jamais cette Planète n'a été confiderée comme la mefurc
du tems.
La conjeéture de Voflîus eft aflez probable, que ces fept chapelles, qui,
félon les Hébreux, étoient prés de. la ftatuè de Moloch,répréfentoient les
fept.
ET DES CULTES DE L'EGLISE. Part.lY. fSi
fept Planètes , au milieu defquelles le Soleil eft le Moloch, ou le Roi.
On peut ajouter que Saturne étoit eftimé père de l'Agriculture. Simula. Macrob.
çXftm eJHs indicio eft. Huic Deo injttiones furculomm , pmoïâmqHe eàncatio- nb?!,"?,
nés ,, & omnium ejtifcemodi fertilium tribaimus difciplinas; & le même Auteur
ajoute. Cyrenenfes etiam^cum rem divinam eifacium^ ficis recentibus coronati"
tur,plAcentÀf(^ue mm ho mijfuant^melUs (^ frud:tium repertorem Saturnum exijii-
mantes. Orphée dans l'hymne de Saturne, Rappelle ytm^%vfi^ Prince de la
génération > Virgile l'appelle , Vitifator ,
Vitifator fervatis curvam ft*b imagine falcem iEaeid.7,
Satunmf^fie fenex , Jan/^fie bifrontis imago y
Keftibnlo afiabant.
L'on voit bien comment tout cela peut venir de ce que Saturne eft le
Soleil : lequel Soleil eft le Prince de la génération, celui qui produit les
fruits, & fait croître les bleds. Mais la chofe me paroît afTez claire pour
n'avoir pas befoin de plus de preuves, C'eft aflez des Dieux Naturels ca-
che?, fous Moloch & Saturne.
Il faut donc préfentement voir quels Dieux Animaux, c'eft-à-dire, quels
hommes , on adoroit fous le nom de Moloch ôc de Saturne.
CHAPITRE Vh
^is Dieux Animaux, ou des hommes adorez fous les noms dt Sa^
turne & de Moloch. Adam ô* -Noe' s'y trouvent: .
LA voye que l'on doit fuivre pour découvrir de femblables chofes 5^
eft d'examiner les circonftances de l'Hiftoire Fabuleufe , & en faire
comparaifon avec les circonftances qui fe lifent dans l'Hiftoire Sain-
te , voir par exemple de quels père 6c mère on fait naître ces Dieux, quels-
enfans on leur donner quels mariages on leur attribue, quelles a6tions on
leur fait faire. Ici dans l'Hiftoire Fabuleufe de Saturne la confufioneft
terrible,Gar les Anciens ne s'accordent prefque dans aucune des circonf"
tances.
Par exemple Platon donne à Saturne l'Océan & Thetis pour Père ôc ^V'^f^-
pour Mère , & les autres le font naître de Cœlus ôc de la Terre ; fenv iibro de '"
blablement fur le nombre de fes enfans , ôc fur leurs noms , il y a une univerfitate,
grande diverfité d'opinions dans la Fable. Mais nous fui vrons les opinions
les plus communes. Au refte je ne croi pas que nous devions chercher un
feul homme dans le Dieu Moloch , ou Saturne. Je fuis comme aftïïré
qu'il n'y a point de divinité Payenne , dans l'Hiftoire de laquelle les Poè-
tes 6c les Théologiens du Paganifme n'ayent fait entrer les aventures de
plufîeurs perfônnes, qu'ils ont confondues enfemble. Les Grecs ont ajoûié -
aux inventions- des Phéniciens ^ Egyptiens, d'oîi ils ont tiré leur Theo-
Dddd 3, logieo
582 HIST OIRE DES DOG MES
logie. Et les Romains ont encore ajouté leurs fi6tions à celles des Grecs ,
& de là efl: venue la prodigieufe confuïîon de l'Hiftoire Fabuleufe des Dieux.
Je ne faurois douter que les Payens n'ayent confondu plufieurs perfonnes,
dans celle de Saturne & de Moloch. Mais entre les autres on y voit Ici
aventures d'Adam , de Noé & d'Abraham.
Adam eft Premièrement il eft certain qu'il eft impofîible de n'y pas reconnoître
•achéfous Adam. I. La naifTance de Saturne, que les Poètes difent être fils de la
ou Moloch Terre ôc du Ciel, eft évidemment tirée de la création d'Adam, qui eft fils
des Anciens. ^yQçl^ c'eft-à-dirc, dcDieu, 8c de la Terre, parce que Dieu forma foit
corps de terre. C'eft pourquoi il a été appelle Adam , an« , ex nom ,
terra. ''^
z. Il £iut ayouëi' auffi que ces jours heureux du Règne de Saturne,
que les Poètes nous dépeignent avec tant d'élégance , ont bien du rap-
port à ce que les Théologiens nous apprenent de l'état d'innocence d'A-;
dam. Car on peut dire de l'un Se de l'autre.
Ovid, Me- f'^er erat aternum , flacidique tcpentibns auris
^^^''^- "f- JUtilcebant z,ephiri natos Jîne ferftine flores.
A4ox etiam fruges tellus marata ferebat ,
Isljc renovatus ager gravidis cmebat arifl^is.
Flfimina jam la5iis , jam fiumina neElaris ibant ,
FUvdque de viridi flilUbmt ilice mella.
suptàdiaus 3. Saturne eft conté par \cs Poètes, 6c pour le premier des Rois, &
yevâ.^x'^ç^ pour le plus ancien des hommes,
ab Onoma- ' * ,
critofubno- .
P^ei\?mne Tip<JiTi(TaQç /xèv uvuqsv hi'X^ovlm Kpovoç hd(>!jyj ,
de Saturne.
Saturne le premier a règne' fnr les hommes ^ dit Orphée. Ante SatHrnum Deus
Âpologet. pênes vos ncmo efl- j diloit Tertullien. Ab illo cenfasvel potioris ^ velnotioris
cap. 10. divinitatis. Itaque qmd de origine cenfliterit , id & de pofleritate eonveniet. Sa".
tHrham itaque neque'Diodorus Gruicus ^ aut Thdlus ^ neque C<^jfii^s Severus ^ aut
Cornélius 2\(epos , neque ullus Commentator ejufmodi antiquitaîum , aliud quàm
hominem promulgaverunt^ Or il eft certain qu'Adam a été le premier hom-
me 6c le premier Roi , car il étoit né le Maître de tous les hommes, puif^
qu'il étoit leur père commun. 4. Saturne fut chafle de ion thrône , 6c
incontinent l'âge d'or cefîg.
Ovid. Aie- ■ Tofiquam Saturm tembrofa in T art ara mijfo
**'"• ï' Sub fove iSHundm çrat s fubiltque argentea proies
Amo deterior.
Adam fut chafle du Paradis Terreftre, il cefla de régner fur fcspaffions,
& l'âge d'or 5 ce bienheureux état d'innocence, difparut. f. Peut-être
que ce nom de Saturne vient de ce qu'Adam fe cacha de devant Dieu,
qitand Dieu l'appella après fa chute. Car nous avons vu que Satur veut
dire caché. 6. D^ns le liecle de Saturne la fervitude étoit inconnue, &
la contrainte auffi.
A»
ET DES CULTES DE L'EGLISE. TartAY, 583
e^ttrea prima fit a efl £tas , ^u<& vindice nuUo Ovid. lîb. i.
Sponte Çho, fine Uge fidem reUHmque colebat.
Posna metftfypte aberant,
%egni ejus t empara felicijfima feriintur : cum propter rerum copiam , tum etîam Macrob.
qptod numquam aiiifcjHam ferviîio , vel Ubertate difcrimmabatur , atini, l'es infel- ^'^' ^'.•^*'
■ï. , /i •' V ; r- !•/ r • /• • ^- ,, turnalium.
ligfpoteji qma SaturnalwHs tota Jervis Itcentta permittitur , dit Macro-
be.
Dans ces Saturnales les èfclaves fe mettoient à table avec leurs maîtres,
& même fouvent les maîtres fervoient leurs èfclaves , félon le témoigna*
ge du Poète Accius , que Macrobe cite au même lieu.
""; Cumejue àiem célébrant per agros urbefque fere omnes Vofl: li&<
Exercent epulii Uti , famulofi^ue procurant ^' *'•
QuifcjHe [nos : Noflrtfque itidem & moi traditfis illinc
Jfie 5 ut cftm dominis famnli tune epulentur.
^P Juftin, l'abbreviateur de Trogue Pompée, dit la même chofe enprofe5au
43. livre de fon abbregé. Sans doute cela ne s'accorde pas mal avec \ç,^
premiers fiecles du monde fous Adam ; dans lefquels tous les hommes
étoient égaux , parce qu'ils étoient tous frères. Juftin dans le même lieu
dit que tout étoit conmiun, tanta jtifiritia fmjfe fertur, ut neque [ervierit Çub
illo qmfcfuam ^ neqtte cjtiia^uam privata rei habuerit. Cela s'accorde encore
avec l'état d'innocence, 7. Nous avons vu que Saturne étoit laboureur ,
qu'il eft appelle rtt tfat or ^qu^ on l'avoit établi Dieu des arbres ôc de leur
culture. Cela convient admirablement à. Adam 5 qui fut mis dans le Pa- »
radis Terreftre pour en cultiver les arbres. Et rufiicttatis hic cnhor fuit, Cyprianus
inde falcem ferens fenex pingitar ^ dit St. Cyprien. v^nitateT"'''^
CHAPITRE VII.
Il y a flus de caractères de Noé que d'Adam dans Saturne é^ Mo-
loch. Noé ejî aujjî caché fous. le Dieu Saturne,
\Jo\ que l'on rencontre dans Saturne beaucoup dechofes d'Adam,
cependant il s'y en trouve beaucoup davantage de Noé , parce
que Noé étoit moins éloigné du fiecle des fables , & qu'il n'eft
point arrivé de déluge qui ait englouti fes eiifans, & aboli h mémoire de
ics aâ:ions. Outre que tout ce qui fe lit dans les fables , a été imité ou
corrompu des livres de Moïfe, ou du moins eft venu de la même tradi-
tion, dans laquelle Moïfe a puifé , fous la direûion du St. Efprit. Et
ainfi plus les fables font prés d'e cette fource de la tradition, ôc plus l'on y
rencontre de traces de la vérité.
î . Toutes les chofes qui fe trouvent dans Saturne , qui con^ennent à
Adam
584 HISTOIRE DES DOGMES
Adam -en qualité de premier homme èc de Prince du genre humain, r>ea-
vent auffi convenir à Noé en qualité de Réparateur du genre humain. C'efl
pourquoi il e(l peut-être appelle fils du Ciel, le premier des Rois, le père
des Dieux, yevdpx^Q : il peut être appelle fils du Ciel comme Adam : car en-
core qu'il fût né, & non pas créé, cependant le déluge , qui avoit inondé la
terrcjavoit comme aboli la mémoire de toutes les chofes quiavoient précé-
dé. La pofterité n'a pointconnu les Ancêtres de Noé, elle l'a regardé com-
me le premier homme, & comme l'ouvrage delà main de Dieu. Nous
pouvons ajouter la remarque deTertullien,6cde Laélance, qui vient foit
Lafibnt. à nôtre fujet. £hearamus ergo quid veritatis fulf hac figura lateat. Minatius
inftiïï!"*. FœliXy ineolihro qui O^avim infcribitur, ftc argumentatmefi: Saturnum cùm
71. * fHgams ejfet à fiîio^ in Italiarnque veniffit, Cœlifilmm àiBum , quodjoleamm eos^
cap""lo, quorum virtutem mir.emur , mt qui repentim advenerint^ de cœlo decidijfe dicere:
ApolQf . terra autem^ quod ignotisparentibui natos , terra filios vocamm. De repentinit
U hominibus dicitur^e cœlo cecidit ^ 6cc. Terra filios vulgus dicitquortfm genus in^
.certum. On appelloit fils du Ciel les grands hommes , dont l'origine étoit
inconnue, 6c fils de la Terre , les hommes, qui d'une bafie naiiîance s'é-
Jevent par les faveurs de la fortune. Gela peut être appliqué. à Noé, qui
itoit fils du Ciel de cette manière. 4,
z. Les Poètes difent que Saturne étoit fils de la Terre, le texte deMoïfe
appelle Noé nonj^n i:'»!^ , vir terra, l'homme de la terre. Le premier peut
être venu du fécond: Les Mythologiftes peuvent avoir ouï dire, que Noé
étoit homme de la terre ,ce qui, félon l'intention de MoiTe,fignifie qu'il étoit
laboureur,, & qu'il eultivoit la terre; mais il leur a plû de prendre cela^ "
comme fi Moïfe avoit voulu dire qu'il étoit fils de la Terre , comme en ef-
fet le mot t^^'N fignifie quelquefois fils , rrinvj li'^N ^nsp f ai acquis un homme de
Bochart in pdrT Etemel jà\(oïi Eve,c'efl-à-dire,j'ai acquis un fils. M. Bochart aime mieux
phaieg pars croire, que les fables ont pris le mot ti"'K, pour mari, homme de h terre ^
l.cap. I. c'eft-à-dire, mari de la terre : car il eft Certain que l'on fait Saturne mari
de Rhea, qui dans la vérité eft la terre. Mais auffi d'autre part on le fait
iils du Ciel ôcde la Terre; Il mefemble donc qu'il v^ut mieux le prendre
dans le premier (ens , ôc entendre que Noé dans la Mythologie eft fils de
la Terre , parce que quoi que Rhea foit la terre dans la Mythologie, cepen-
dant dans la fable on la diftingue de la TeiTe , que l'on fait mère de Saturne,
-^ non fa femme.
3. Il eft bien aifé de comprendre pourquoi Noé eft appelle le Prince de
la génération , yfvap^y? , puis qu'il eft le fécond Adam , d'où font fortis
tous les hommes,
4. Peut- être que fon nom de Saturne , qui fignifie €aché, vient d^ce qu'il
a été renferme un an entier dans l'Arche. Si nous ne favions bien que ce
mot eft Hébreu d'origine, & non Latin, nous pourrions adopter l'étymo-
cicctolib.2. logie des Latins. SaturnusmtemefiappelUtus^ quodfaturetur mnis, &cela
Deorum, s'accorderoit bien avec l'Hiftoire Sainte, parce que Noé eft le dernier des'
dSm*"^* f^a^tpoA'o/, gen* de longue vie qui ont précédé le déluge, car il vécut neuf"
cens cinquante ans, & fon fils Sem ne vécut que fix cens ans.Si nous voulions
Genefes..& tirer Saturnus de ^^for. Semeur, comme fait-entr'autresMartianusCapella,
*'' il eft clair que Noé eft le vrai Sator , & à l'égard des hommes , dont il eft
le père, ëi à l'égard des plantes, qu'il a cultivées. Les noms de Moloch
&de Kijoun, que les Orientaux ont donné à Saturne, conviennent auiïï
très-
ET DES CULTES DE L'EGLISE. TartlY. 585
très-bien à Noé. Le premier figniiie Roi 5 Noé étoit , & le père ôc ie
Roi des hommes. • Le fécond vient du verbe Koun, pi, qui fignifîe dans
la Langue Sainte , firmare ^ reparare^ affermir ^refiouyer. AinfiKijounj fî-
gnifie précifément le Reftaurateur , qui eft le vrai nom de Noé.
f . Nous avons vu que l'on donnoit à Saturne l'équipage d'un Labou- ^'"'"■•
reur; On lui mettoit une faux à lamain, ôco|idit, qn^Uprefide fur laver- i^. "^^''
tH des fruits, & fur l'Agriculture^ & c^eji ce cjue fignifie fa faux, 11 ell" clair
que cela convient à Noé, qui étoit Laboureur, naiKHiî'W, vir terra ^
qui a le premier cultivé la vigne , & connu la vertu de fon fruit.
6. Ce que l'on dit de l'âge d'or, êc de la félicité du règne de Saturne,
durant lequel la fervitude étoit inconnue, peut aufîi s'accorder très-bien
avec ce que nous pouvons imaginçr de Noé après le déluge. Première-
ment fon nom mj, Noé figniiie, cela, repos, tranquillité, paix. Ainlî ie
règne de iV(?/ fignifie, à prendre fon nom pour un nom ^/•/?é'//^?^, comme
parlent les Grammairiens , un règne paifible & tranquille. Outre cela ï\
eft apparent, que pendant que la famille de Noé fut petite, la pieté y fut
bien cultivée, &: la paix grande. Il n'eftpas vrai-femblable que dts gens
nouvellement fortis des eaux du déluge fufiént méchans, après avoir vu
un fî terrible effet de la vengeance de Dieu contre les crimes. Il ne
pouvoit alors y avoir des efclaves j car ils étoient tous pères Ôc en-
fans.
7. La fable dit, que Saturne dévora fes enfans, cela eft tiré de ceqiSe HeCodeia
Noé par le déluge, lequel il prédit, & en quelque manière fit venir ftir ^^°J°'*^ •
la terre , conluma tous les hommes. Saturne dévora (ts enfans , ex- J^J ^^ri-
cepté ces trois, Cham, Sem & Japhet, qui furent cachez dans l'Arche, ^^y^ p^.^y
ce font ces trois enfans , Jupiter, Piutonôc Neptune, que leur mère Rhea kê%si
déroba à la fureur de leur père. têvôoç
8. Saturne coupa les parties de fon pe*re Cœlus , & les jetta dans la mer, «^«'Tov.
& de là naquit Venus. Cela ne vient-il point de la même fource, favoir fii°os,*ie
de l'Hiftoire du déluge? Noé coupa les parties de la génération du Ciel ^ R-heaiugc-
parce qu'il fit venir un déluge , qui étouffa tous les animaux que le ciel
avoit produits. Mais Venus qui eft la vertu générative, emerfit ex illts
undisy elle fortit de ces ondes, elle fe cpnferva dans ce déluge, & repara
les ravages que le déluge avoit caufez.
- p. Nous avons vu que les Phéniciens , félon le rapport de Sanchionia-
thon , donnent deux yeux à Saturne , dans le derrière de la tête , & autant
devant, c'eft- à-dire, qu'ils le faifoient /'i/rowj. Ce qui fait voir que ce Sa-
turne des Phéniciens, étoit le Janus des Latins, 6c que l'un ôc l'autre écoit
Noé^ On a déjà bien remarqué que ce nom de Janus vient évidemment
de l'Hébreu Jain , avec la terminaifon Latine ajoutée. Ce mot j^ain fi-
gnifie vin, ScFon fait allez pourquoi on a pu donner un tel nom à Noé,
Quoi qu'il en foit, ce Saturne à deux faces eft évidemment Noé, qui a
vu les deux mondes, l'un devant , & l'autre derrière lui,
10. Si nous examinons la defcription que Martianus Capella nous fiit
de la ftatuë cie Saturne , nous verrons encore trés-elairement , que Noé
ctoit caché fous cette divinité. P^erùm Sator {Satoris enim nomine Saturnus ApudLî-
quocjue efi appellatus) grejfibus tardis acremoratorincedit^glaucôque amiclHteUus î>"m^GyraI-
tapHt pr&tendebat ûammivomumqusmdam draconem caudd f^a ultima devoran- t3gm,4.de
Tm. IF, Eeee Je?n, s^'»^"°-
}anus t05)i3
■ieax font
Moé.
Voyage de
Satume en
SitQrnal.
lib. I. c. ï
Lib. I.
586 HISTOIRE DES DOGMES
tem^i^tiem credebant anninomine numerumperdocere ^ipJtMs autem caniciesprHwojfs
mvibm cmdicabdit. C'étoit donc la figure d'un vieillard tout blanc, dont
la tête étoit couverte d'un capuchon de couleur de veid de mer , ayant en
la main une faux , Se un dragon , dont le corps faifoit un cercle , & fe ve-
noit mordre la queue. C'étoit un vieillard tout blanc, parce queNoéeft
le plus ancien de tous les hommes depuis le déluge. "Il étoit couvert d'un
capuchon , dont la couleur étoit femblable à celle de l'eau de la mer , c'étoit
pour, répréfenter comme Noé étoit forti des eaux du déluge , la tête com-
me toute baignée deceseauxdel'Oeean. Ce dragon qui faifoit un cercle,
6c dont la queue fe joignoit avec la tête, répréfentoit les deux mondes ,
avant le déluge & après, la queue, c*eft-à-dire, la fin du premier monde,
fe joignoit à la tête, c'eft- à-dire, au commencement de l'autre. Et cet-
te union fe faifoit en Noé.
II. Tout le monde fût l'Hiftoire du voyage de Saturne en Italie, où
il fut reçu par Janus, 6c demeura cachépour fe mettre à couvert des per-
fecutions de Jupiter, qui l'avoit chalfé du ciel , ôc lui avoitôté le thrône.
Le païs eh prit le nom àc Latmm^k htendo. Il apprit à Janus, qui regnoit
alors en Italie , l'art de cultiver les hommes , & les champs. Car il ci^
vilifa les peuples, 6c leurenfeignal'Agriculture. Etjanus, enreconnoifTan-
ee des obligations qu'il avoit à Saturne , lui fit part de (on Royaume , &
fit battre une monnoye, d'un côté de laquelle étoit la tête de Janus à dou-
ble vifage , & fur le revers un Navire , en mémoire du navire qui avoit ap-
porté Saturne en Italie. On en lit FHiftoireenprofedafisMaerobe, ôc en.
vers dans les Fafles d'Ovide.
Caufa ratis piperefi ^ Tufcum rate venit mamnem
Ante pererrato falcifer orbe Detis.
Hae ego SaturnHm memini tellure receptum ^
Cœliiibus réunis à fove pulfm erat.
Inde àiu genti manfit Saimnia nomen.
Di^a ejjuoijHe efi Latium terra y latente De&.
At bona pofteritas puppim formavit in ^e ^
Hofpitis adventum tefiificata Del.
acldoloium
Taaitate.
Apologet.
fap. tfr.
I
Monaeye
Komaine.
Comtneni
elle étoit
maïqnécSc
(Otittjuoi.
Et même Macrobe remarque, que quoi que îamoiînoye ne fut pîusarinfî
marquée , cependant les cnfans, en faifant tourner une pièce de monnoye
en l'air , difoient , capita ant navim. *y£s ita fmjfe fgnatunt hodiéque inteU
ligitur in de& Infu , mmpHeri denaries infublimej;aciantes^ capita attt navim , lufH
telle veritatis y exclamant. C'eftjuftemenf comme nos enfens, qui deman-
dent aujourd'hui croix oh pile. Et la remarque de Macrobe peut donner
oceafion à nos curieux, de rechercher d'où vient quenosenfans appellent
aujourd'hui ;)/7f , la face dans laquelle efV imprimé l'écu avec les armes, &
croix , la face fur laquelle ell marquée la tête. Les Anciens veulent mê-
me que Saturne ait appris à Janus l'art de graver des lettres , 6c de faire de
la monnc^e. Hic littéral imprimer e^ hic (ignare nammos in Italiaprimus inftttmt^
ttnde Ararium Saturni vocatur. Tertullien dit la même chofe. Ab ipfoprimum y
tabula, & imagine fignatus nummus y & inde étrario pr<zjîdet. En eftetlesRo-
B^ijis avoient mis le Tbréfor de la Republique dans le Temple de Saturne.
PltL"-^
ET DES CULTES DE L'E G L I S E. y^r^. I V. 587
Plutarque nous en rend une raifon plus vrai-femblable que celle-là. Ils y pla- Q."eftioaj
çoient non feulement leur argent, mais auffi leurs Archives, leurs Titres qS. 4*.
Se leurs Rcgiftres. Les livres appeliez Elephamini ^ oià étoient écrites les
2f. Tribusde la ville, étoicnt auffi tardez dans ce Temple de Saturne. Plu- LesArchi-
:: • 17 • • j • JT .. 1 • j 1 vesdeRome
tarque rejette 1 opinion de ceux quidilent que cela venoit, de ce que du étoient gâ-
teras de Saturne la iuflice reenoit , &c que l'avarice & le vol n'avoient pas de <i^"«if"sifi
,. 1 r / • 11 -1 -^'i. Temple de
lieu 5 parce que toutes choies etoient communes. 11 croit plus vrai-lembla- saturqe arec
ble que cela venoitde ce que Saturne, comme Dieu de T Agriculture, efl: 'li^'"^^"*^
le Dieu de l'abondance 6c dts richefîes ; c'eil pourquoi d'autres difent qu^on
donne à Saturne Oyj- pour femme , d'oii vient Opes^ richeflès. Il efl cer-
tain que parmi tout cela on y voit quelque ombre des aventures de Noé.
Ce Navire qui ëtoit marqué d'un côté fur la monnoye Romaine, avectine
tête à double vifage de l'autre, répréfentoit d'un côté Noé voyant les
deux mondes , 6c de l'autre l'Arche , ce grand vaifléau , à la faveur duquel
il échapa des eaux du déluge. Ce que le Temple de Saturne ell: choifi-pour
le lieu oii l'on conferve les Archives , 6c particulièrement les Regiftres des
Tribus 5 c'efl: parce que Noé eft communis fatorgenerjs hummi. C'efl le père
commun , qui tient le Regiftre de la naiffance de ^t^ enfans. Ce qu'on lui
donne le thréfor en garde, parce qu'il eft le Dieu de l'abondance , en qua-
lité de Dieu de l'Agriculture 3 c'efl: parce que Noé étoit Laboureur de la
terre. A la veritéjc n'ai encore pu découvrir par quelle machine on fait ve-
nir Noé en Italie, car le lieu oij Tondit ^ue l'Arche s'arrêta, 6c oii
Noé débarqua, ne meparoîtpas-avoir rien decommun avec l'Italie. Moïfe
l'appelle Ararm. Jofephe prétend que c'eft rArmenie,6c que la montagne ^^-ukA-^
for laquelle elle s'arrêta s'appelle /ïfoK/Kwpîuà/ftJî/. licite un Nicolas de Da- ^'*'' '^' ^'
mas, qui appelle cette Montagne j5^m. Il dit, que ce lieu en Arménie a
long-teras été appelle àrotccrvipiov, la décente ou la fbrtie, parce que Noé
fbrtit de l'Arche en cet endroit. Je foupçonne donc que cette fable du 11 y a dans le
voyage de Saturne en Italie vient de l'orgueil des Romains, qui fe fai: voyage de
foient honneur de tout, 6c qui n'oublioient rien pour relever la gloire de liurqu^ef-
leur pais 6c de leur nation. Non contens d'être venus deTroye , décen- «suerappoit
, ., • J ^ 3VCC Ipq
dus d'Enée, 6c*du fang des Dieux , ils ont ete bien aifes de perfuader que, aventures
leur païs avoit eu l'honneur d'avoir pour Rois, le père des Dieux 6c des ^^n°«-
hommes, 6c la plus ancienne divinité du monde. Il y aune vieille Tradi-
tion, qui fe lit dans Epiphane , êc dans la Chronique d'Eufebe, 9^1 dit, j.. j^^^^
que Noé auprès de Rhinocorura , dans les confins de l'Egypte 6c de l'A- hsreCâ^,
rabie', avoit partagé le monde à fes trois enfans par foit, donnant a Cham ^ÔukT'
îa Libye, à Sem i'Afie, à Japhet l'Europe , quelques-uns ajoutent que Eufebii'
Noé s'embarqua , 6c alla mener fes enfans fur les rivages dés terres qu'il leur.JJ^^°""^°*^
avoit données. Si l'onpouvoit être affûré de l'antiquité de cette fable, on
diroit que l'Hiftoire du voyage de Saturne , ou de Noé en Italie, auroit
tiré fon origine de là. Mais je crains fort que cettefabledeladivifîondela
terre par Noé, ne foit plus nouvelle, 6c ne foit née dans le premier ou le
fécond fîécle de l'Eglife, puifqu' Africanus , Auteur fort connu à ceux qui
ontlûEufebe, eft le plus ancien de ceux qui en ont parlé ; 6c c'efl de lui ap-
paremment qu'Eufebe l'a emprunté.
12. Mais il faut pourfuivre nôtre parallèle de Saturne 6c de Noé. On Lestmis
fait bien que la fable donne trois enfans à Saturne, Jupiter, Neptune, 6c ^^'^nscie
E e e e i rlutoo: cham & '
588 H 1 S T O I R E D E S D O G M E S
japhet.ont Pluton. Ccs trois enfiins partagèrent le monde entr'eux, Jupiter eut l'em-
fait trois «j^g ^^ Cicl , Ncptunc cclui de la mer,. &; Pluton celui des dïifers. Le
entre les lavaut M. Bochart nous prouve^tres bien que les trois entans de Saturne
phSèpS- ^o"^ ^^s ^^^^^ ^^^ ^^ Noé, Cham, Sem, & Japhet. Que Cham ell le
ne.sïpiu- Jupiter des Payens, Japhet leur Neptune, ôc Sem leur Pluton. Le par-
Bo"iiart in ^^S^ *^^^ ^^'^^^ cnBins de Saturne paroît tiré du partage de la terre entre
riuieg. les trois fils deNoe.
CHAPITRE VIII.
D'où vient la fable y que Jupiter coufa les parues. -de Saturne.
vîdeLnium 1 3. f"^ E CCS trols fils de Saturne , Jupiter lui coupa les parties de la
f ^^a'f^^d \Jf génération. Les fables font un peu cohfufes ici : car on dit la
Âuimo.' même chofe de Saturne , qu'il fe révolta contre fon père Cœ-
lus , & le coupa. Cependant Fulgentius in A4yîhologicis ^ 6c Gornutus dans
fon livre de T^at^tra Deôrum ^diCcnt que ce fut Jupiter qui fit cette violen"
ce à Satui-ne, nous l'avons déjà ci-defiiis remarqué. Quoi qu'il en foit5ilefi;
certain que cette fable eft tirée de l'aélion que Cham fifà fon père Noé ,
& ceci confirme la conjeélure que Saturne eft Noé, Cham vit la nudité'
de fon père, il ne la cacha pas, mais il en avertit fés frères. Voila le tex-
te, 6c l'on a glofé làdefîus d'une étrange manière. Quidam dicnrit <jHod
In Gène- cdfiravit e^m- ^ alii quod coivit cum ipfo , dit Salomon Jarchi , èc avec lui
{un. 9. plufieurs autres Rabbins. C'eft de là que le faux Berofe d'Anniusde Vi-
terbe a tiré fa fable, que Cham mania les parties de fon père, & par la
force des charmes le rendit impuilîànt. Bochartfait une conjeâure tout à
fait ingcnieufe, c'ell que dans le texte Hébreu, il y a i.m^ vejagged , qui
fignifie & il le révéla ^ ou rannon^a. En confervant les mêmes lettres, -
fubilituant d'autres points, on peut lire iJi''! , vajaggody(\m fignifie d" refetavit,^
dr il le coupa. Cela iroit bien, n'étoit les mots qui fuivent , *& il le reveU
k [es deux frerei^ qui eîoiem dehors. Il n'y auroit pas de f^ns, à dire ,. & il
le coupa à fes deux frères, qui étoient dehors, Ainfi je ne doute nulle-
ment que cette fable ne vienne 5 de ce que Cham eft le plus jeune àzs
Moé n'en- fils dcNoé, ôcquc dcpujs la nai^ance de ce fils il n'engendra point. Im^
geiidra pas pofuit finem virtHti^generativiZpatris^ ideo exfecui^e cenfetur. Et eneftetnous-
luge. ne lifons point de Noé, comme des autres Patriarches, qu'après la nai^-
fance de fon premier né il ait engendré fils & filles, ni devant ni après Ig^-
6eiiei;5.33. déluge. Et Noé âgé de cinq cens ans engendra Sem, Cham 6c Japhet.
Cham cft nommé le fécond , mais tout le monde convient qu'il étoit le
plus jeune, &: par conféquent étant venu le dernier, il eft aufïï la der-
rière produélion de la vertu génèrative de fon père. Il eft vrai que fur la fin-
de nôtre première Partie page ipi. on trouvera une fuppofition qui ne s'ac-
corde pas avec cette dernière conjeéture :» on y fuppofe que Noé ôc fa femme
purent avoir de nouveaux enfans après le déluge. Mais c'èft ce qu'on appelle
une fauire pofition, avancée pour montrer la loiblefie de l'argument d'ifaac
Voffius, qui veut fuivre le calcul des 76. pourruinèrl'autorité du texte He^
breu.
Noé chaïïe jA. Ce SatuTiie fut chaîTé par Tes enfans, pa^îiculierement par Jupiter.
ET DES CULTES DE L'E G L î S E. P^^r^. IV. 589
On lai ôta l'Empire , & Tes trois enfans le partagèrent entreux. Il çit fans,coraîne
clair que cela eft encore de l'Hifloire de nôtre Noé , ôcde la divifion des ^""''*^-
langues. Pendant que la famille de Noé après le déluge ne fut pas nom-
breufc, il en demeura fans doute 8c le Maître 6c le Roi. Par fon autori-
té il y -fit régner la pieté & la paix, ramena une efpece d'état d'innocen-
ce, écun âge de tranquillité, qui adonné lieu à l'âge d'or, cj^^on donne
à Saturne. Mais quand Tes enfans furent devenus grands , ils fe révoltè-
rent 6c partagèrent l'Empire, C'efl-à-dire, que quand les enfans des fils
de Noé furent multipliez-, ce qui fe fit en peu de tems, ils ne reconnu-
rent plus l'empire de leur ayeul, ils s'écartèrent en divers lieux , 6c fur
tout depuis la divifion des langues, chaque famille prit fon quartier dans
la terre , 6c Noé fut entièrement oublié , 6c vécut en particulier dans
quelque coin de la terre.
If: Saturne eft jette en prifon par Jupiter, 6c envoyé mêmes dans ces Que figniSe
demeures fombres qu'ils appelloienc Tartara. l'cxii de Sa-
turne aux
KiLuTç n ^^-KuTç TupTupov &e. ^"^"'•
Tar mes confeils le vieux Smuyyig efi cmhé >Efchiîus. m
Dans P enfer avec Ces alluz. 6cc. * ''^"S- l''^^-
"Pour moi je fuis le plus troriipé du monde, fi cette fable ne vient de cet siience
étonnant filence, dans lequel eft enfevelie la mémoire de Noé depuis fa ^/onnant de
fortie de l'Arche. H éroit encore vivant quand Abraham vint au monde. iuiNoT
Car il vécut trois cens ans après le déluge, 6c Abraham naquit ipz. ans
après le même déluge. Cependant il n'eft non plus parlé de lui qoe s'il
eût été abîmé -fous terre, 6c renfermé dans une caverne profonde, feparé
du commerce de tout le genre humain.
i5. Entre les preuves que Noé eft le Saturne des Payens, Bochart en satumefiit'
apporte une très curieufe. C'eft que Saturne, félon les Poètes, avoitfait qi/aucui
une Loi que perfonne ne vît, fans être châtié, la nudité des Dieux. C'eft morte! ne ^
pourquoi A6teon fut changé en cerf, 6c déchiré par (qs chiens, pour avoir dis DieîxT
vu Diane toute nuë. Et Minerve rendant raifon pourquoi elle avoit aveu- fans être
glè Tirefias, qui l'avoit tûë dans le bain, s'excufe ainfî à la mère de ce ^""'*
Tirefias , ce n efi pas moi qui fai prive' de U vue , c'^efi la Loi de Saturne , Cailimachus
laquelle ordonrie cjue fi quelque mortel entreprend d.e regarder les Dieux , /'/ fait *° "y™"-
puni. Et effet il y a toute apparence que cela eft emprunté de la male-
diéèion, que Noé prononça contre k famille de Cham, parce qu'il avoir
vu fa nudité, 6c ne l'avoit pas couverte.
17. Dans les livres de la Préparation Evangelique d'Eufebe , entre la
multitude de rares 6c de curieufes pièces,- qu'il nous a fauvées du naufrage,
nous avons un fragment de l'Hiftoire d'Âbydenus Allyrien , dans lequel Notd^iie
cet Auteur rapporte l'Hiftoire du déluge , d'une manière remarquable J'^SJj^j
pour nptre fujet. C'eft pourquoi je rapporterai ce fragment ici entier, touchant
tî>4 celui-ci fiu£cederent plufieur s autres dans V Empire , & entre les autres »« pHift'o^edu
nom?Ké Seifithrus. Auquel Seîfirhrus Saturne donna avis qu'ail y aurait d,ans peu déluge.
une pluye terrible , . (j; qui inonder oit tout s II commanda qu'on ferrât tous les Eufeb. de
écrits dans Hehopolis ^ ville des Sippariens. Lui ^ ayant obe'ï aux commandemens^'^"- .
du Dteu, entreprit une navigation du côté de P Arménie ^ durant laquelle tl fut $>. c. \Zi
Eeee ^5 fur-
590 HISTOIRE DES DOGMES
ptrprts par ces pluyes , ^ui lui avaient été prédites. Or trots joun après que la
t-empete eut commencé h fe relâcher , il laiffa aller des oijeaux, pour voir y ils
ponrroient trouver (Quelque terre découverte. tJPK^is ces oifcaux ne voyant par
tout cfu'^une va/h mer , & ne trouvant aucun lieu àajjeoir le pted ^ retournèrent
a Setjithrus , (27" les oife^-iux qu'ail cnvoj>i en fuite firent la même choje. eJPKais
après avot^jf ait cela par trois fois^ il obtint ce (juHl fouhaitoit^ car enfin les oifeaux
revinrent avec du limon à leurs plumes. Incontinent les Dieux le tranfporterent
du milieu des hommes ^ & il ne fut plus vu. Cependant f on vaiffeau s'' alla ren^
dre dans P Arménie , & fournit aux habit ans du lieu du bois ., dont ils font des
préfervatifs , .& des remèdes que l'on pend au cou. Il eft clair que c'eft là
rHilloire du déluge de Noé , 6c on ne fauroit du tout la méconnoître,
-Antiquit. fi l'on ajoûtc ce que Jofephe en dit, à ce que Mo'iTe en avoit écrit. Or
liUi. c. 5. Qi;, yoit ici que l'Hiftorien a coupé en deux une feule perfonne. Il ap-
pelle celui qui donna l'avis aux hommes d'alors , du déluge qui devoit
' venir, Saturne, 6c il appelle Seifithrus celui qui fe fauva en Arménie dans
un vaifléau. Cependant il eft certain que celui qui prédit le déluge , eft
le jriême qui fe fauva dans l'Arche, ôc s'en alla en Arménie, ou en Ara-
rat. Ainfi en rejoignant ce que cet Auteur a féparé , on voit que Satur-
ne, Seifithrus ,' & Noé, font le même homme. En pafiant je remarque-
Libro de rai quc la circonftance de l'enlèvement de Noé eft empruntée de l'Hif-
judsis, toire d'Enoch. Je fuis afîuré que fi l'on vouloit examiner avec exactitude
l'Hiftoire fabuleufe de Saturne , on j trouveroit beaucoup plus de vefti-
ges de l'Hiftoire de Noé.
Hifttoire Mais j'en fuis las > feulement pour fatisfaire à la promefle que j'ai faite ,
fice^S- ^^ prouver que les Payens ont caché plufîeurs de nos Patriarches, Ibus la
btahamdé- même Idolc, j'ajoûtcrai un pafTagc de Porphyre , qui nous apprend que
a" u?ÉHfè- ^^^ Phéniciens avoient renfermé fous leur Saturne , Abraham le grand Pa-
biumPrx- triarchc des Juifs. Cé-^a:, dit-il, qui étoient dévouez, au facrifice ^ étoient égor-
par. Eyang. g^^ ^^^ç quelques Cérémonies myftiques. (far Saturne, que les T^héniciens ap"
& iib. 4. pelknt Ifrael , & qu'ails cenfacrermt après fa mort , ^ qu'ils adorèrent fous Vétoi-
Anob tl ^^ ^^^ porte fon nom , régnant en ces lieux , ^ ayant un fils unique d'aune Nym-
—,^2» jn P^^ ^^ pais , nommée Anobreth , (^ qui à caufe qu'ail étoit unique ^ fe nommoit
gmh conci- j^ehoud , mot qui fignifie unique en langue Phénicienne , une cruelle & dange-
picns, qui ^^^j^ guerre étant furvenue contre le pais, tl immola ce fils unique fur un Autel ^
grace.M.Bo- quâ avoit bâti. Et Sanchoniathon peu devant avoit aufti dit de Saturne,
" uldm '^pha- ^^'^^ avoit offert fon fils unique en holocaufle , qu'il s^ étoit coupé Us parties de la,
leg. génération^ & qu'il avoit obligé fies compagnons à faire la même chofe. C'eft ainiî
Prïpaî." " ^^ ^^ ^^^ Hilloriens fabuleux ont défiguré l'Hiftoire Sainte. Quoi qu'il en
Evang. de foit, d.aus ccttc confufion , on y voit que Saturne étoit Abraham ^ félon les
ihoÎT^' P^éi^iciens. Car ce qu'ils l'appellent Ifrael^ c'eft une eiTCur qui a confon-
du le grand-pere Ôc le petit-fils , Abraham & Jacob , le nom d'Anobreth ,
qu'il donne à la mère de ce fils unique , ne doit pas empêcher qu'on ne
reconnoifle Sara. Car enfin ce facrificc de ce fils unique a trop de rap-
port avec le facrifice d'Ifaac, pour n'être pas le même, ôcaflurémentce
n'eft pas fans vrai-femblance, qu'on dit que \ç>^ Phéniciens peuvent avoir
emprunté de là la coutume de facrifier des enfans. Il eft vrai que le mot
Jehoud, nin», fignifie unique dans la langue Phénicienne, mais cepen-
dant
ET DES CULTES DE UEGLISE. TmAY, <oi
dant je fuis trompe, ficenom n'eft donné à Ifaac par une autre erreur,
qui confond Ifaac avec l'un de î^s décendans, favoir ;./;W^ , d'où ]a na-
tion a pris le nom de Jehouàei , \ts Juifs. Ce que Saturne fe coupe les
parties de la génération , & oblige ^ts alliez <ru^^«';^«ç à- faire la même
chofe, eft. apparemment pris de ce qu'Abraham fe circoncit, & obligea toii^
les maies de fa maifon a faire le femblable.
lïL TRA!^
59*
HISTOIRE DES DOGMES
h ^l?i ^Yo # ^i ^h 'fâ 'f^ ^^'^ ^i. % • % ^fi^i % • ^ % ^3t % i^ ^ '^ ^J^ •''.'?( -"^ ^i> ^
III. TRAITE
DE B A H A L
Et des Bahaïms 7 de Belus^ Belenus, Elio^
^balus &^c. de J^upiter Hammon ,
de Nimrod^ Cham &c.
Nomb.
CHAPITRE L
textes dû t Ecriture ^ ou-il eft parlé de Bahal^des Baha-
Im ^ Qf des Bahdhws,
L n*yapas de faulTe divinité- plus célèbre dans l'E-
criture Sainte que Bahal, ôc nous ne faurions mieux
la placer qu'apalis Moloch , puifque, félon toutes les
•apparences, Moloch 6c Bahal font le père 6c le fils.
Les paflagqg du Vieux Teflament , où il nous eft
parlé de Bahal, font en fi grand nombre, qu'il feroit
difficile de les répréfenter tous. Cependant il faut
rapporter ici les principaux , pour voir fi nous en
pourrons tirer quelque lumière , qui nous appren-
ne quelle étoit cette divinité. Entré les Moabites il y avoit des hauts
lieux , qui s'appelloient les hauts lieux de Bahal. Et quand le matin fut
venu .
, Balakjprit Balaam , & le fit monter atix hauts lieux de Bahal ^ d'où il
Juges j. g^. vit le bout du peuple. Dans l'Hilloire de Gedeon , il nous eit extrêmement
parlé de ce Bahal. Gedeon démolit fon Autel ., & coupa le bocage qui
étoit auprès ': les' gens du lieu s'en mirent en colère , & voulurent faire
mourir Gedeon. Mais Joas père de Gedeon le défendit, & dit, fi Bahal
e£: Dieu^ cju^il prene la caufe pour lui-même , de ce ^ue Pan a démoli pin Autel.
Et ïï appella le nom de fon fils ferubb(éd , qui fignifie que Bahal prene
^ querelle
ET DES CULTES DE L'EGLISE. F^r^.IV. 593
querelle , ou cju'il plaide ôc difpute , favoir contre ceux qui ont démoli
Ton Autel , 6c coupé Ton bocage. C'ell: apparemment là le Jerombahd ,
duquel le fameux Sanchoniarhon dit avoir emprunté une partie des cho-
fes, qu'il a fait entrer dans fon Hiftoire 7r«pà toO îe^o\i.^uKov lepéaç rou ô^ct/ Eufebe
leva y OU comme a Porphyre Uu , fur quoi l'on peut voir entr'autres M. Ev^S"'iit>
Bochart dans fon Phaleg, dans le dernier chapitre de la féconde Partie. i.^cTp^'iô.sc
Mais il ne nous eft parlé de ce Bahal en aucun lieu davantage, que dans^^'^^v'^^V*
l'Hiftoire d' Achab , de Jezabel fa femme , & du Prophète Elie. y4chab I^''^-?.^
fils de Homrifit ce- qui eft defagréable à Dien^ plus c^ne tous ceux cjm avaient été i.koïsi*.
devant lui. Comme jî ce lui eut été feu de chofe de cheminer dans tous les péchez. *°' * '• **•
de feroboam , ftls de IS^ébat ^ il prit a femme fez.abel, fille d^Ethbahal, Roi des
Sidotîiens , pMÏs s'en alla & fervit à 'Bahal ^ & fe profterna devant lut , & dref-
pi un ayfutel à Bahal en la maifin de Bahal , çjui eft en Samarie,
Dans le i8*"«. chapitre du même livre , qui eft le premier des Rois,
nous avons cette admirable Hiftoire du procez d'Elie , & des Prophètes
de Bahal , pour favoir qui étoit le vrai Dieu , l'Eternel ou Bahal. Elie
demande qu'on aflemble les 400. Prophètes de Bahal, & leur propofe
de facrifier Ao^s viâimes fans feu , lui fur un Autel qu'il bâtiroit à fon '
Dieu , eux fur l'Autel de Bahal , & que celui qui feroit brûler (ts viéli-
mes 5 en faifant tomber le feu du Ciel pour les confumer , feroit eftimé
le vcrirable Dieu. Ils "acceptèrent cette propofition. Ils prirent un bouveau i.roîs
^û'on leur donna ^ & V apprêtèrent .^ ^invoquèrent le nom de "Bahal ^ depuis /e'**^^-'*-
ma/tinjufcjues a midi , dijant^ Bahal exauce nous. Mais il n'y avait ni voix ni
réponfe , & ils fautoient d'outre en outre pardejfus P Autel qu'ion avoit fait ôcc.
Ils criaient donc à haute voix , & fefaifoient des incifîons avec des couteaux ^
des lancettes , félon leur coutume ^ tant que le fang en coulait. Elie fe moquait
d^eux , dr difoity criez, â haute voix ^ car il efl Dieu^ mais il penfe à quelque
chofe , ou il eft occupé à quelque ajfaire , ou il eft en voyage , peut-être qu'il dort,
& il s"^ éveillera.
Le même Prophète dans le chap. fuivant, fe plaignant qu'il étoit de- Châp,fj>.tg.
meure feul dans les dix Tribus , qui n'eût point participé à l'idolâtrie ?
Dieu lui répondit, ^e me fuis refervé fept mille. hommes en Ifra'èl^ favoir tous
les genoux qui n'ont pas ployé devant ^ahal , & toute bouche qui ne Pa point
baifé. Nous avons dans l'Hiftoire de Jehu le récit de la manière dont a.p.oîs£o.
ce Prince détruifit le Temple de Bahal & ^ts ftatuës, tua tous fes Sacri-
ficateurs, & fit de fa maifon un lieu de retraits, & brûla (es images.
La malheureufe Hathalia avoit établi dans Jerufalem le culte du mê-
me Dieu. Et Joas fous la conduite 8c par l'ordre du Souverain Sacrifi-
cateur Jehojada, détruifit cette Idole. Et tout le peuple du païs entra dans t.R.oi«rr.
la maifon de Bahal, & la démolirent , enfembk les autels , & briferent tntiere- '
ment les images. Ils tuèrent auffl Mattan Sacrificateur de Bahal devant fes Au-
tels, Il eft dit des dix Tribus, qu'ayant déUtftéies commandemens de Dieu , z.RoîsxfK
ils fe firent des images de fonte , favoir des deux Veaux ^ & fe firent des boca- *^*
ges ^ & fi profternerent devant toute l'armée des deux , & fervirent à Bahal. .
Et de Manafie , qu'il redrejfa les isy^uteL de Bahal , 6cc. fe profterna devant t.Ko\sii.i,
toute l'armée des cicux ^ & leur firvit. Dans l'Hiftoire delà reformation de
l'Eglife que Jofias fit, nous lifons qu'il ordonna à ceux qui avoient la gar-
de des vaifleaux , qu'ils tiraffent hors du Temple de f Eternel , tous les vaif- zB-o-ssî,
Part. ir. Ffff ' féaux "^-^^
594 H I S T O I R E D E S D O G M E S
* ^Tnl^•^î feanx <jHi avaient été faits pour Baal^ * four les bocages ^ & pour toute l'armée
lifcr pour ^^.j- çicux , & (^ti*il les brâla hors de ferufalem dans la campagne de Cedron j ^«V/
Les bocages abolit les Camars, ou Sacrificateurs i^ue les Rois de Juda avotent établis , quanà
ne v'5"nÇ'" on faifoit des encenfemens ftir les hauts lieux. Il abolit aujfi ceux cjui fatfoient
puifquec'eft des encenfemens à Bahal , au ^oleil ^ à la Lune ^ aux Afires , bref à toute l'ar^
une énume- j^/^ ^^^ cieUX.
faux Dieux, Il y a plufieurs autres paHages , particulièrement dans les Prophètes ,
vafflëaix"* OLi il ell parlé de Bahal, mais je ne croi pas qu'ils nous pulTent donner
ctoientcon- plus de lumière, pour arriyfràla connoiiTance de cette divinité, que ceux-
nondêkurs ^^ ' ^'^^ pourquoi uous n'en rapporterons pas davantage. Il y a feulement
Autels & deux choies importantes à remarquer: la première , c'efl que l'Ecriture
bocages. p^j.jg fouvent des Bahals au pluriel , ou Bahalins , a^^yi . Les enfam d'^If^
Des Bahals raël firent ce c^ui efl désagréable â l'Eternel , & fer virent aux Bahalins. Et
«ipfutfeT ^^'"'^ ^^ chap. fuivant : Ils oublièrent l'Eternel leur Dieu , & fervirent aux
Juges. 2.11. Bahaltns, & aux bocages. Et au premier livre de Samuel. Ils crièrent à PE^
Vû1"a'ns^ie ^^^^i^~j ^ dirent ^ nous avons délaijjé P Eternel ^ & avons fervi aux Bahalins. Il
même livre y a mille autres endroits, où il eil parlé des Bahals au pluriel : Ce qui faif
8.33. 8c4o. ^Qj^. ^^y^^ y avoit plufieurs divinitez qui étoient ainfi appellées. Ou bien
T.Sam. 12,. CQS mots au pluriel lignifient la pluralité des ftatuës conl'acrécs au même
^^' Dieu , 6c qui avoient divers noms , félon la diverfité des lieux j comme
autrefois les Payens donnoient au même Jupiter divers furnoms , comme
d'Olympien, de Dodonéen &c. félon les lieux oi^i il étoi: adoré. Ainfî
aujourd'hui la même Nôtre Dame, félon les Papilles, s'appelle en un heu
deMonferrat, en un autre de Liefle , en unautredeLprette , en un au-
tre des Ardillieres. C'eft pourquoi on pourroit dire les Nôtres Dames en.
général. Mais nous verrons dans la fuite qu'il ell: plus apparent, ou plu-
tôt qu'il ell certain, que plulieurs Dieux differens portaient le nom de Ba-
jferem.îs». hal. Nous avons déjà, vu. comme le nom de Bahal étoit quelquefois
^- *• donné à Moloch.
Les 70,.. ont- L'autre choie remarquable^ c'efl que Ce Dieu Bahal, par les 70^ In-
padé^dt^Ba*- tcrpretcs cll fouvent defigné. comm.e une Déelîe, aulH bien que comme
hai comme uu Dicu 3: Car fouvcnt ils cojillruifent ce mot avec àts articles féminins,
^^uiie ee- domine au i.Sam. 7. 4. ^spiaKov .ràg BsîaAz/x,. Us détruiftrent les fiatues de
jerem. z x3. Lî Désjfe Bahal , ou ils détruifirent les Bahaiines. K«/ itov elcuv oî ùeoi a-a
"'^'* êcc. eèvQV ri^ BxaK. Ils ont facrifié à la 'Déefe Bahal. èTci^urs /Swjaàs ^vfiicl'j
TVi BpcaK. Vous avex. établi des ^Autels pour fair^ des parfums à, la Déeff&'
JtKm,i9.s..Bahal: Kai cjjKûîo/xviû-av v-^^lu t^BuocK^ 6cc. Et ils ont édifié des hauts lieux
à^ la Déejfe Baal , pour br filer Imrs fils par le feu , ce que je n^ai pas com^
Iferem. 3*.. mandé:. K«/ 4^o^ôi^vi(rav -raV B.w|u,s^'$ tvÏ BuxA h (pdpayyi vtov 6vvo[jl,, & Us oni
©ieea.s. édifié des iAutels en la vallée de Hinnom ^ à la Déefii Bahal. Et en Ofée
ciiirvj ^£ è'Koivfs XP^<^^' î<â:/\ àpyvçSt t^ BccuKy. & elle a confacréfon or^ # fin ar-
cent, à la. Déefie Bahal. Et enfin St. Paul en i'onziéixie de l'Epître aux
Kom. V. 4. dit in huy^^uv yovv Ty B««A. 3s n'ont pas fiéchi le genou devant:
Bahals Voila ce que l' Ecriture nous apprend de cette divinité, &fur quoi-
îituis ayons préfentemen^ àfairenos réflexions & nos remarques,
■'^.. M; Ol'
ET DES CULTES DE L'EGLISE. TartAY, 595
CHAPITRE IL
Vu nom de Bahal, comment il s'ejl répandu par tout ; noms j)r après
dans lefquels il efl entré. D'EUogabalus,
CE nom de Bahal , Vi , (îgnifie Seigneur , Maître & Mari 5 8c c'étoit
uns doute le nom qu'ils' donnoient à leur Dieu Souverain, à celui
qu'ils conce voient Maître des hommes, des Dieux, & de toute la
nature. Ce nom a tiré Ion origine de la Phénicie , car Bahal eft
un Dieu des Phéniciens. 11 eft clair que Jezabel , fille d'Ethbahal,
Roi des Sidoniens , en entrant dans la maifon d'Achab apporta cette divi-
nité de la ville de Sidon. C'étoit donc le Dieu de Tyr 6c de Sidon, ôc le
principal de leurs Dieux. Mais ce Dieu étoit connu fous ce même nom
dans toute l'x^fie. C'eft le même Dieu que le Bel des Babyloniens, dontle
Vieux Teftament parle allez fouvent. Bel efi tombé fur fes genoMx : Neboefi ^^^^^ ^ ^
chàfur le nez. Dites ^ Babylone a étéprife , Bêla été rendu honteux, fe punirai aujfi Jeiem. 50.L
'Bel en Babylone. Car '?j;i & bv^ , Bahal 6c Behel, ne différent qu'en dia- ^^^"* ^'■'^^'
leéle. Ce même nom êc ce même Dieu a pafle chez les Carthaginois, qui
étoient une Colonie des PhéniciensiTémoins les noms d^Annibal^d: Asdrubat^
d'Adherbal^ tous noms, dans la compofîtion defquels on faifoit entrer le
Belou leBaaly qui étoit le nom de la divinité du Pais, félon la coiitume des
Orientaux, entre lefquels les Rois , ôc les importans d'un Etat, faifoient
entrer dans leurs noms le nom de leurs Dieux. Le Père dejezabel , femme
d'Achab, s'appelloit Ethbaal, ou comme les Grecs Vappellcnt /thobalus ,
parce que le Dieu des Sidoniens , dontifétoit Roi, s'appelloit Baal. Ce
Roi, auquel Sanchoniathon dédia fonOuvrage,s'appelloitAbibalus, com-
me l'afiûrc Porphyre lib. 4. contra Chrijlianoj', A'/3;/3^Aû» Bv,pvriccv rt^v îçopletv
à-jcfMi:^ Entre les Rois de Tyr il y en a auffi un qui porte le même nom
Abibaîus, félon que le rapporte Jofephe lib. i contre Appion, d'un Hiftorien
des Phéniciens appelle Dius. Ce nom eft le même qu' Abimelech, le Roi mon
pcre, d'autres l'interprètent Bêlas ou Bahal^ eft mon père , parce que les Rois
des Phéniciens fe diloient décendus de Jupiter Belus. Nebucadnetfar eft com-
pote de'T^ebo, l'un des Dieux de Babylone, comme ilparoît par ces paroles
d'Efaïe, Bdefi tombé fur fes genoux, Neboefi chû far le nez,. Et ce nom Nebu-
cadnetfar , lyh'nDinD , me femble fîgnifîer ferviteur , ou efclave du Dieu
Nebo. Car psnx en Syriaque fîgnifie être mis en fervitude. Les noms
qu'on impofa à Daniel, 6c à fes trois compagnons, étoient compofez de
la même manieie, Daniel fut appelle Beltshatfar,c'e{ï-a-du-e , Thréforier
du Dieu .Si? ^. Ananias fut nommé ^/^aîr^^c/;, qui ûgniûc démon doux. Msfael
fut nommé Mifach y de la Déeffe Sac ^ ou Sefach, qui étoit une divinité
Babylonienne. Et enfin Hazarias fut appelle oyfbed 2\[ego .^ qui fignifîc
ferviteur de Nego, 'autre divinité de Babylone, qui femble avoir été l'é-
toile que l'on appelle CpuaC^ô^oi^^ lucifcr; de ma, qui lignifie luire. LePa-
raphrafte Chaidée appelle cette étoile 5 «n.i3 , dans le 14. ch. d'Efaïe v. 1 1 .
Ffff â Les
r. Rois t^
î 30.
596 HISTOIRE DES DOGMES
Les Hébreux avoient la même coutume , prefque dans tous leurs noms
ils foifoienc entrer l'un des noms de Dieu , feho, fah , El. Jehonaihan,
Jefchanjah , Ezechiel , Sedekiah. Les Carthaginois , décendus des Phéni-
^^^ ciens , avoient confervé cette coutume de leurs Ancêtres, ^nmbal figni-
derive Af- fie cxaucé , OU favorîfé , par Bahalj a^fârabal, de di , fignifie , recherché
^ya 'ins* P^^ Bahal j ^y^dherbal fignifie aidé par le Dieu Bahal. D'oià il eil clair que les
Domiaus ' Carthaginois avoicnt unDieuquis'appelloit Bahal. Nous apprenons d'un
ccinaus. ancien Géographe , qu'il y avoit dans la Libye une ville appellée Balis^ prés
Stephanws dcCyrenc, ainf nommée, ô.\X.-'\\^ d^un certain Balis, qtd a là [on Temple. Ce
deuibibus. ^^^^.^ ^^ apurement le Baal des Carthaginois.
Le nom de Comme dans le Traité précédent nous avons vu que leThaut, ouïe
Bahal vient Thaautus dcs Egyptiens , a traverfé la mer , ôc eft paffé dans la Gaule ,
&s'efltï-"^' oî^i ila été adore fous le nom de Thmtates ^ il en eft arrivé de même au
panduen j)iey Bahal & Bel. Il eft pafle en Gaule,& y a été connu fous le nom de Belenm,
de l'Occ'i- C'étoit l'une des quatre principales divinkez des Gaulois , Thauîates , Hefasy
dent. T'^r^^^jSc >5^/i?«»j". Le premier c'eft Mercure, félon l'opinion commune, de.
Gaulois. félon moi, Saturne, le fécond Mars, le troifiéme Jupiter, ôcle quatrième
Apollon. Ce Dieu Belenusétoitmême pafféen Italie avec les Gaulois, qui
s'y étoient habituez, & c'étoit le Dieu de la villed'Aquilée ,jufques dans les
derniers tems de l'Empire. Comme il paroît par Julius Capitolinus, &
Juiius Capi- par Herodien, dont le premier dit, i]fue iJHaximin ajfiegeam A^mUefansla.
Maximinis. po'Avoir prendre , envoya fis AmbajfadeHrs four perfi^ader au peuple de fi rendre ,
cjue le peuple était à peu prés perfitadé , mais que Menophilus & fin Collègue s*y oppo-
jerent , en dtfitnt , q^e^'le Dieu BELENVS avoit promis par les Devins^ que
Lib. 8. Maxiwin firoit vaincu. Herodien l'appelle fîf//j, ôcdit qu'ils avoient une
Gnuerus particulière dévotion pourlui , & qu'ils eftimoient que c'étoit Apollon. On
ve^t."^' ^^^ auffidansGruterusdiverfes Infcriptions, trouvées dans la ville d'Aqui-
lée, à ce Dieu Belenus. APOLLINI BELENO , in honorem C. Petti,
APOLLINI BELENO C. Aquileienf. Fœlix. Ce nom de Beknus
Seid. syn- fcmblc être pur Hébreu, ou Chaldée, :i'i3î< ^i?3 Beelenos, c'eft-à-dire,
tagma 2. le Maître àts hommes. Seldenus &; Voftîus foupçonnent avec aflcz de
voiïïiis lib. vrai-femblance que le Belatucadrus , 6c VAbelUo des Aiicicns Bretons 6c
z.deidoioi. Gaulois, vicnt encore delà. Car on Ht dans Gruterus,& dans Camdènus,
"^*^'^* ces Infcriptions, trouvées dans la Gaule ôc dans l'Angleterre. DEO
SANCTO BELATUCADRO Aurehus , &c. Item BELATU-
CADRO JUL. CÏVILIS, ôcc. DEO ABELLIONl TAURINUS,
ôcc. Puifque ce Dieu Bahal, avec auffi peu de changement, eft demeu-
ré il long-tems dans l'Occident , il ne faut pas s'étonner qu'il fe foit auflî
confervé dans l'Orient, qui eft le lieu de fa naiflance. On le trouve en-
tre les Dieux des Paimyreniens > afîez connus par la fameufe Zenobie.
Cette partie de la Syrie adoroit entre fes Dieux ^gUbelus 6c Malach^
bdus^ comme il parok par une grande table, qui fut enlevée du Temple
infeîpt. ^"^ Soleil , quand Aurelien prit la ville de Palmyre , & une longue ïnfcrip-
&6. tion, qui fe lit. toute entière dans Gruteru^. Malachbelus fignifie le Rot
Bel ou Bahal, ôc ^^/z^^/^î/j, révélation ou oracle de Bel, du verbe n^4, qui
lignifie révéler. Enfin je croi que nous devons chercher la même divini-
té dans ce Dieu des Syriens, dont Antoninus Varius, cemonftre fi con-
nu dans THiftoii-e Romaine , prit le nom, parce qu'il en avoit été Sacri-
ficateur.
ET DES CULTES DE VEGLlSE/Fart.lV. ^^^7
fîcateur. On l'écrit fort diverfement, ks uns ^ y4Iaga^a/fis,ks autres E/a-^^.
gaé>aius, qudqucs-uns Heldogaifaifts ; mais les Grecs & les Latins récrivent dianus ^
Iq plus (buvent Helio^al^alus^ E'KioycîliccXoç, non i^^ioyd{iciXoç. èKctiaya,-
îl efl: certain, premièrement que ce mot eft tout pur d'origine Syria- ^.'^^^'•.
que, Se qu'il n'y faut pas chercher le mot i^Kiog Soleil, qui efl Grec. Se- i/nusfiir
condement qu'il eil compofé. Mais nos Doéles font extrêmement par- ^^'"P^''^''?'>
tagez fur l'origine, èi la fignifîcation de ce nom. La plupart le lifent csui àxu'
Alagahalus^ 6c quelques-uns veulent que cela fignifie , le Dieu créateur, de ^j''"° ^^'
El 5c EU , qui iignifîe Dieu dans les Langues Orientales , &; de V3j, qui vide Fuiier.
chez les Syriens lignifie créer , former. C'elt l'opinion de Fullerus , éc de J^'^"^'- 'J^*
Volîius. D'autres , comme Seldenus , le dérivent de Vav & hv^ , Agal & saimâflum ^
Baaljle premier mot fignifie rond, & le mot entier fignifieroit, Dem rotnndus, hiïS*^*-.
Z5Ù$ èi:i'/.vA.Ulioi , nom qui ne conviendroit pas mal au Soleil , qui étoit ^'"m-
adoré entre les Syriens fous ce nom d'EUogabaltis. Outre que cela fe idof iit*
pourroit bien rapporter à l'image de ce Dieu, telle qu'Herodien nous la ^•^- s.'sûi,
répréfente. Oétoit une pierre notre ronde par le bas ^ dr cjtti jînijjoit en pointe par i^^^^^' ^\
lehafii, c'eft- à-dire, proprement que c'étoit une' pyramide fur laquelle ^"Èiiogab.
étoient gravées diverfes figures myftiques, & qu'on ellimoit décenduë f no'niongè
du Ciel. Cette conjeélure de Seldenus efi; aflurémeut allez belle & vrai- abinuio.
femblable: Mais cependant j'aime mieux retenir la leçon la plus ordinai-
re de ce mot Eliogabalus , éKioyalinÀDj ^ 6c dire que ce nom eft compoféde
trois mots Hébreux p>'7j75n."i3 & hi}^, le premier fignifie élevé, haut, fu-
preme, le fécond luire Ôc luifant ,& le troifiéme efl le nom du Dieu. Les
tiois mots compofez feroient Elionagabalus , qui fignifie le Dtea élevé luifum ,
qui efi: la vraye définition du Soleil. T)^£lionagabiîlus\& temsafait Elionga^
bains ^ ^ tnÇiu Eliogabalns , fins aucun changement confiderable.
C H A P I T R E I I L
Baal eft à'nnfexe amhigu. Dieu éf ^éejjeyauffi bien que Venus é'
la Lune.
7.. A Prés avoir parlé des divers noms que ce Dieu a portez dans les diver-
/A^fes nations, où il eft pafîe , il me femble qu'il eft bon de parler de
ion fexe. Et la difficulté eft fondée fur ce que les Septante le
font trés-fouvent féminin, & en font une Déefle, comme il paroît par tous les
pafiages que nous avons citez. Je n'ai découvert dans le texte Hébreu
aucune raifon de cette penfée des Juifs Grecs, car il me femble que Ba-
hal dans le texte Hébreu, eft toujours mafculin. Mais fans doute ils
avoient appris de la tradition des Phéniciens qu'il y avoit une Déefie Ba-
hal, aufii bien qu'un Dieu du même nom. Nous la trouvons exprefle-
ment cette Déelfe, fous le nom de la Déefte Baaltîs^ dans ce mémorable
Fragment qu'Eufebe nous a confervé de Sanchoniathon , ôcde Philo Bi- ^"^eb. de
blius fon Interprète, touchant la Théologie des Phéniciens. Enfuite Sa- \S^i^^^\f^
ttirne , dit Sanchoniathon , donna à la JDéefe Baaltis , qui s'^ appelle aujjî
Ffff 5 Dione^
59^ ''^^ - H I S T O I R E DE S D O G M E S
^^^■^^ione'.'U ville de 'Biblm. Dans la fuite nous verrons que ce Bahaj étoiti
iu.in\\ç, Soleil^ & cette Baaltis étoit aflurément la Lune. On doit remarquer
-■ que Moïfe , dans l'Hiftoire de la Création du Monde , dit que Dieu, fit
\t^ deux grands Luminaires , le Soleil & la Lune , ppu.r 4o-
■y\ < ■•.'. miner Xur le jour & fur la nuit. De là fam doute , elt venu que ces deux
'"^"v^'VpTAftres ont été appeliez Bahalins^ les àommatmrs, Et la Lune ayant toû-
*-ix; jours été conçue i, par la plupart à.tz Théologiens Payens , comme une
''^' divinité féminine , à caufede fon humidité, de là froideur, &de la foiblcf-
fe de {t% rayons, il ne fe faut pas étonner lî les juifs Grecs ont parlé de
"^ ■ ^, jdeux Bahals, l'un mâle & l'autre femelle. Ils faifoient même Venus mâ-
fctflïftiafijife'le ôc femelle. Macrobe dit , qu'un Poëte nommé Cœlius. l'a-
' voit ^pfeWée polkmem^fee Deum Fenerem , nonDeam: ôc que dans l'Ile de
Cypre, on la peignoit avec de la barbe. Et pmam eamdsm marem m fcs'
ntinam ejfe. ^Arifiophânei eam à(i)fiôdirov appellat. Et Levinus eftcité làmê^'
Ibidem vide me5difant, Vencrem igitur almum. adorant ^Jive fœmina Jive mas efi ^ita ut al'
^^^ mano^i'lHca efi.\ ^ • vj /,•., .■ '. ' . , ,
-'": On petit diïe auffi que l'oà fait Bahal , tantôt Dieu 6c tantôt: Déefle,.
à caufe de l'incertitude où ils étoient de fon fexe. Car Arnobe remarque
que dans leurs invocations ils avoient accoutumé de dire , Jtve tu Dem
Amob. c^v^-jtve tH Dea. TS^j^m confuefiis in precibm dicere , Jtve tu Deasjlv^ tu Dea^qu*
tra Gentes di^bitatiortis cxceptio dare vos dits fexum disjftn5lione ex ipfa déclarât.
procui'ab Et même ccu-x qui étoient les plus favans dans leurs myfleres , faifoient
vidT'st A ^^^ Dieux hermaphrodites, ayant les deuxfexes , pour exprimer la vertu gé-
Geiiiumiiiî. nérativc 6c féconde de la divinité. Ils l'appelloient «ppevoôîiAuv , 6c dans les
Vide forma- hy^^es attribucz à Oi'phée, ils parlent ainfi à Minerve, apa^v i^èv nul Ôîj-
lasBiiffoaii. Auc è'Ovç ,■ tu es maie & ferfielle. Plutarque in Traélat. de Illde 6c Oiîride,
' : a tire delà fa penfee, d ^s vovç ô èsog ^ppfvoôvjAu? wv Çwi^ yiai 0i2? àTrsHvvia-s Kôyov
srs'pùvvovv ^yiixtspyôv. Or Dieu^ fuiefi- u-ne-intdltgence maie (S' fenulle , étant la
vie & la lumière , a enfante' un autre verbe ^ qui efi l"^ intelligence créatrice du
monde. >' j^
Tout le monde fait que les Orientaux adoroient la Lune comme Dieu
St. Auguftin Se DéeîTe, 6c qu'on difoit Lunus Deus , & Lima Dea. Ils ejiiment , dit
*°^D 'c^' P'iLi'^''iî'9'JC 5 ^^<? l'^ Lune efi la mère du monde , & lui donnent une vertu de
Dei. nous 'wale & de femelle ^ (^mi't) ^p<rêvûôi^.Auy-
Kf^lvoit Enfin il y en a qui s'imaginent que dans les lieux, où les yo.Interpre-
un hymne, tcs mettent Bahal au genre féminin, il n'y faut pas chercher tant de myf-
on"difoir^ tere, mais qu'il faut foufentendre quelque mot comme e/Kwv, image, rii Bi-
ju^Mr Cm- ah., pour Tk) cJ-yiovi rov Ba«A, à l'in^agede Baal. L'Auteur du Livre- de To-
gitT/gZ- ^'^ femble •fav.orifer cette conjeéture; car en parlant de Tapoilafiedes dix
tnx'^Ke. Tribus, qui fe retirèrent de delîous la domination de lamaifondeDavid,
l^éSqTe ^^t qu'elles iacrifierent r^ BxaK t^Ï dx^âhsi ,. à la vache Baal , il met Baal
c'etoit parce au féminin, parce qu'il le conllruit avec ^diJ^ccKig^ qui eft féminin , & ils
CgmE"e appellent les Veaux de Dan 6c de Bethel , des vaches par opprobre WjS,
monde, dans /^^^,î««^?, comme difent les Rabbins.
lequel eft *?
enfermée • '
toute vertu '
générativfc.
Vide.Jocum.
Vide Fulier.
MifcelL Ub» '"^ r- U 4
J>. C, 7^ Kjtl Ao
ET DES CULTES DE L*E G L ï S Ev P^r^. IV. f^^
G HA P I T R E IV.
^// fervice qiCon rendoit a Babaî : des danfes des Anciens dans
kurs facnfices y du baifer de la main à l'honneur des
Idoles.
3. "¥* T Oyons préfênrement le fervice qu'on î-endoit à ce t)iéu BahaL •
\/ Je laifle à part les facviftceS', les Temples , les Autels , les in-
vocations, 6c les génuflexions -, parce que ce font dès eultes qu'on
a rendus à toutes les divinitez. Mais il y en a trois ou quatre pour Bahal,
qui font remarquables entre les autres: Le premier, qu'on lui immoloit de^ -ci:j;;^cO
enfaais. Us ont bâti des hauts lieux de Bahaly pôfir hrâlêr mu fen leurs fils en G.'i^. y.*^"^
loolocaufieaBAkal; dit Jeremie. Le 2. c'eft qu'on fau toit à rëntôiîr, 6c fur
l'Autel de BahaL Et ils fautoient pardejfas i^ Autel loutre en outre , eft-il i. roîsi?,.
dit des Sacrificateurs de Bahal. Le 3*^^. c'eft que ces Sacrificateurs de Ba- ibidem,
hal Ce faifoient des incijions avec des couteaux & des lancettes , tant me le fang
en coulait. Et le 4™^. c'eft qu'ils le balfbient^ d* tôitte Ifotickè fM he Pa potnt ck,j9.
haife'. .,,... /..,>v,:.; i . .'. ■ -\_ ^ïv .•. -. > ^ :i
Pour ce qui efi: du premier culte, c'efï-à-dirc^, du facrifice des enfans,
nous en avons parlé dans le cliApitre précèdent ,. âC nous avons: fait voir
que ce Bahal de Jeremie ^ en cet endroit,- efl: le Moloch desHammonites.
La féconde chofe qu'ils faifoient , c'eft qu'ils palîbient pardefius l'Autel, Danfes des
il y a dans THebreu, irics> , c'eft Un mot qui fignifie paffer à la vérité , d"nîk fer-
mais il fignifi^e aufîi clocher. Et le Prophète Ehe s'en fert en ce fens vke divin,
dans le même ciiap. fuÇcjHtSA quand ^ dit-il, elocherezj-vous des deux cotez y
il y a dans l'Hébreu C>nc3 on.s* ^n^J li?, ufyue dum clandicahitis ^ -^m^ Sj? "^ ^ ■
c:'»3];Dn , fuper duos ramos, fur deux branches. J'explique donc cela des Céqueveat;
danfes que faifoient ces Sacrificateurs autour de l'Autel > car enfin dânsj^]^^^^'^'
les danfes on cloche , c'eft-à-dire , on fe penche tantôt fur un côté , §C ^mUchché-,
tantôt fur l'autre, en paftant, c'eft- à-dire, en faifant âts paiïades. Or ^««''«^îî.a
que ce fût la coutume de danfcr dans les facrifices , cela eft fi connu qu'à
peine a-t'il befoin de preuve. Cela fembloit fi efi^entiel aux fêtes , que
le mot de m^ qui fignifie fête , en a tiré fon origine , car il vient de
j-in, qui fignifie danfer. Dans fa f^te du Veau d'or, û tH dit c/ne le peu- Exode jz.rf,
pie. s'aj/ît pour manger ^ pour hoiré'^ ^ fu^lfè leva pour jouer j c'ell- à-dire ,
pour danlèr. Et JVÎoïfe déeendant de la montagne dit, qu'ail entendait une
•ûpix d^ chanterie. Dieu même s'étoit accommodé à cette coutume , il la
fouffl"oit dans les fêtes qui fe faifoient pour lui: David danfe devant l'Ar- 2. Samuel**-
che, 6c s'en fait un honneur. Et le Pfalmifte nous dépeignant une" fainte i-^'v-'
fête, dit, O Dieu ils ont vAtesdér^ArGhes\ Us démarches de mon Dieu , ^^/ i'^<f '•*''*"
ift mon '^oi^ allant au lieu Saint. > Lès ehafïïrés aUcient devant , puis itpre's les ^'^ "
joueurs d'itifirumens , & les jeunes filles fônnàik du.tahmrin. Il y avoit même
entre les iVliniftres des chofes facrées , chez les Romains, des Prêtres de.
Mars,,
6oo HIST OIRE DES D O GMES
Féftus in Mars , appeliez Salit , à faltando & faliendo. Sdios à faliendo & faltandâ
voccSalii. diôhs ejfe ^ /juamvis dubitart non debeat ^ tamen PaUmon ait Arcada cjHemdam
fitijfe nomine Salium , (juem zy£neai à ^JM^antinAA in Italiam deduxerat , e^ui
jHvenes Italtcos iv6T?^iov fiiltationem docuerit._ At Critolaum , Saonem ex Samo-
thrace cum iy^^nsa Deos Pénates , cjtù Lavinium tranfinlerit , faliare genns fal-
Aatiquit. tandi infiimijje ^ a quo appellatos Salios. Et Denys d'Halicarnafle les définit
^""' ^" faltatores , & laudaiores Deomm^ belli prafidum. De là vient que Tufage
de la flûte , de la trompette , êc des autres inftrumens de mufique , qui
font deftinez à conduire & animer la danfe , étoit ordinaire dans lesfa-
crifices.
o/i3eiib. I, Cantabat facris ^ cantabat tibia ludis "" 1-
de Ponto. ^nte Deum Matrem cornn tibicen adunco.
Cum cMiit y exiguA qiiis flipis Atanegist^
Contra Geû- Et de là Amobc prend occadon de parler ainfi aux Payens. Etiamne dii
tes, lib.7. ^^is tinnitibdi ^ ^ t^HaJfationibtiS cymbalorum ajficittntHr ? Etiamne tympanis ^
Vide piura etiamne jjfmphomis ? qtiid ejjicium crepitm fcabillornm ? Le Poète Calphur-
'iiuTmo^' "^"5» S^^ vivoit du tems de Diocletien, rapporte l'origine de cette coû"
bii. in tume à Numa,
Stuckio de
facrificiis « . . - , ;. ri -t >
Gentiliutn Pacts opus docuit j jtiptc^He^JiientwHs àrmfs,
NataUCo- Inter facra tubas ^ non inter bella, Jonare.
mitep.jf.
Le Siflmm d'Ifîs efl connu de tout le monde 5 & le bruit des cymbales
qui fc faifoit à Ton fervice.
La troifiéme Cérémonie de ce culte de Baha;l5 c'efi qu'ils fe dé.chique-
toient la peau avec des canifs, & des lancettes , & fe couvroicnt de leur
propre fang. Jeremie fait mention de cette furieufe fuperilition. Mais il
en parle comme d'une Cérémonie , qui fe pratiquoit daos le deuil qu'on
ï6, «. menoit fur les morts. On ne les lamentera point , & on ne fefer^ amcune in^
peuteton. cifion^ ffi on ne Je rafera point pour eux. C'eft ce' que la Loi défend,.»^ vous f ai-
V''\ tes aucune inçifion pour un mort. Mais il eft certain aui3S que ces incifions
xs.i7. 8c fe faifoient en faveur des Dieux , 6c comme pour faire de foi-même un
*'^"^' facrifice fanglant. Chacun fait que cela fe pratiquoit dans les facrifices de
Bellone, & de la mère des Dieux.
Luwn.Ub.1. Tum e]uos feclis ^ellona lacertis
ulwa me- SAva movet^cecinere Deos i criném^ue rotantcf
^'""*' . Sanguinei populis ulularunt triflia GalU,
Et Martial, & Statiusi
Sutius «^'^ Thr^ga terrifias genitrix Idaa cruentum
Thd». X».... Elîcit ex Adytis confumtaque brachia ferro.
•*- -' Alba minus jAvis lacer antur brachia cultris ,
Cumfurit ad Phrygios Enthea turba modes.
Seneque
ET DES CULTES DE L'EaLISE. PmlY.Goi
Seneque dans la Medée Ad. 4. Scen, i.
71?^*' nudato
TeBore M/ntioi facro feriam
Brachia cnltro ,
tj^tanet nofier fanguis ad aras.
La quatrième Gercmonie 5 c'efl: le haifar^ & tonte hottche qui ne Pu point La coutume
èaife. Certainement le baifer étpit réputé entre les Anciens pour un a6fce ''^.''"^"**
d'adoration. C'eft pourquoi David dit du fils de Dieu, baifez. le fils^c'Q^- SofeUe»
à-dire, adorez le. Les idolâtres Jeroboamites , pour adorer les Veaux de ^^°'"*
Jéroboam, les baifoient. Sacrificantes ex hominibas vitHltim ofculantur. Où^L**
St. Jérôme a tourné vitttlum adorantes , 6c Aquila HarxCliikouvTsç. Dans le *^" *****
culte de Moloch nous avons vu que , félon les Do6fceurs Juifs , ceux qui
oflFroient leurs enfans baifoient l'Idole. Cependant il y a lieu de douter (î
les idolâtres baifoient l'idole même de Bahaî , ou bien baifoient feulement
leur main en fon honneur. Ce dernier me paroît plus vrai^femblable, ppe-
mierement parce que la ftatuë du Dieu étoit poféc in Sacrario , in Adytis^
dans les lieux les plus vénérables des Temples , où il n'étoit pas permis à
tous d'approcher. 2. On les pofoit au deffiis des Autels , qui n'étoient
pas acceffibles à tout le monde. 5 . On les pofoit en lieu élevé , & com-
me parle Saint Auguftin , locantnr fedibm honorabili fublimitate , ut à precan- tom. %.
tibus atijffte immolantibm attendantur , ôc par conféquent on ne les pouvoit ^^^' ***
atteindre pour les baifer. 4. Enfin nous ne voyons point par les monu-
mens des Anciens , que ce fût la coutume de baifer les Dieux pour les
adorer. Mais nous voyons que les idolâtres baifoient leurs mains , pour
rendre hommage à leurs divinitez. Minutius Félix dans fon Oâravius , Cad-
îim fmulacro Serapidis denotato , ut vfilgHS fuperfiitiofus folet , manum ori ad^ -^
movens ofcfilftm labiés prejjit. Je ne faurois m'empêcher de remarquer e^
pafîant , que d'Ablancourt dans fa tradu6fcion a gâté ce texte , car
il tourne que Cecihus baifi l'Idole de Serapis , & cependant Minu-
tius Fclix dit feulement, qu'il baifa fa main. Apulée dans fa première Apo-
logie. Si fanum aliqHod pratereat ^ nefas habet adorandi gratia ^ mmum la-
bris admovere. In adorando dextrans ad ofculumrtferimHS^ totum corpus circHm- îîinelib.m,
agimm. Lucien dans le livre Tr^p/ dp^Jio-fwçj en comparant la manière d'à- ^' ^
-dorer des Indiens à celle des autres Payens, dit rv5o< fVf/^àv IsjO^v m&q&M-
7eç 'jrpoaevxovTsii rou v^Klom , ov wcTTrep v[[Le7ç nûffeivreç ï^ycO/xsôcj evTeX^ ^ptSv eïvxi ry,v
ivx'^v. C'eft-à-dire que les Indiens dés le matin prient le Soleil, mais que
les autres fe contentent de baifer la main en fon honneur. Vieille coutu-
me des idolâtres, dont Job fait mention dans fon livre , Ji j*ai regarde le Cap.î!t.â<s,
Sokil en fa fplendenr , & la lune cheminant glorieafement ^ & fi mon cœptr a été
trompé enfecret , & fi ma -bouche a haifé ma main. Enfin St. Jérôme fe juf- Apoiog. ?.
tifiant de ce qu'il avoit tourné le paflage du 13. d'Ofée, pzrvitulftm ado- gny^^;^*'
rat^y 6c non ofcptlemini ^ fe défend ainfi, ^"îU'a , nashekott ^ verbam e verbofi
interpreteris, deofcalamini dicitur : quod ego nolens tr ans ferre putide , fenfum ma"
gis feqHfitus fam , ut dic^rem Adorate^ qai enim adorant foUnt deofcttlari ma-
Part, JF\ ^ggg nnm^
éoi HISTOIREDESDOGMES
num , & eapita fubmittere , qnod fe 'Beams fob elementis ac Idolis fecijfe
negat.
B'où vient C'eft apparemment de cette coutume qu'eft venu le mot Latin , ado-
i'adorarcdes yg . ^pi^jî ad OS admoveo. Car de toutes les étymologies qu'on donne du
^*''"*' verbe adorare, je n'en trouve pas de plus apparente. Et même le verbe
Grec Trpoo-vtuverv 5 qui fignifie adorer, pourroit bienvenir de la même cou-
tume , car le mot wu fignifie baifer. Quoi que ce verbe puifie avoir été
formé à%Q rov muvàç, parce que les chiens fe couchent , & fe profternent
devant leurs Maîtres. Toutes ces raifons me perfuadent qu'il faut inter-
préter ces paroles , & toute bouche qm ne fa pomt baifé^non du baifer de
l'Idole 5 mais de celui de la main pour rendre hommage à l'I-
dole, bb ai!>'i>i^4 ;
Xe Bahai Je pcnfc quc c'eft à peu prés là toute la lumière que nous pouvons ti-
des Phéni- ^^j. ^g l'Ecriturc Sainte , touchant cette faufle divinité. Mais afin de la
paTfeDieu micux counoîtrc , il faut voir quel nom elle a porté quand elle a pafTé de
o'c?d'^" l'Orient dans l'Occident, entre les Grecs & les Romains. Il y a des Au*-
taux. teurs qui croyent que c'eft le Mars des Grecs 6c des Latins : les Sacrifi-
cateurs de Mars s'appelloient Salii^ àefultare^ d>€ ceux de Bellone fedé-
chiquetoient la peau. Cela eft conforme à ce que l'on faifoit à l'honneur
de Bahal, ôc pourroit confirmer cette conjedure, que Mars eft Bahal ,fi^
la Nini fuc- d'aillcurs elle n'étoit combattue par plufieurs raifons. Cedrenus die , les
«flore Tbu- ^ïïyyjgfj^ dréjferent cette première fiatue à Mars, & l'adorèrent comme Dieu ^
fappelUnt Baal^ mot cjui Jîgnifie Mars , le Dieu de la guerre: fans doute cet-
te opinion eil venue de ce qu'ils dérivoient le nom de Bal , ou de Bel^
du Grec Bixoç, qui fignifie un trait ^ un dard^ comme fi les Aflyriens euf-
fent fû le Grec, & eufiènt emprunté les noms de leurs Dieux de la lan-
gue Grecque. C'eft ce qu'a voulu infinuer l'Auteur d'uneChronique Grec-
que , qu'on appelle la Chronicjue d'' Alexandrie , parce que l'Auteur prend
le nom de Pierre d'Alexandrie , & qu'on le croit avoir été Patriarche
d'Alexandrie dans le quatrième fiecle. Cet Auteur dit que fupiter eut un
fis de J-unon , cju^il appella Bclus , parce que V enfant étoit très aigu , Zlc(. to shas.
êivTccTov TovTcciT^a ; ou comme dit Cedrenus ^^à to oi^vn/vyjrov ehui , parce
qu'il étoit fort vif, & qu'il avoit le mouvement prompt. Cela s'appelle
Graculorum nuga nugacifima : ils y font tombez par ignorance des langues
Orientales.
Mais cette mauvaife étymologie mife à part , afilârément ils ne font
pas fi ridicules qu'on le croit , de dire que Baal étoit le Dieu Mars, par-
ce que parlant là du Baal, ou du Bel des Babyloniens, ils n'ont pas tant
de tort dédire que c'étoitMars: car le Bel des Babyloniens c'eft le Nim^
rod de l'Ecriture, qui fut un pu ijjant chajjeur devant P Eternel ^ c* eil-Ti-dive ,
un grand Conquérant , 6c le premier qui a fâ ôc pratiqué le métier de la
guerre. C'eft pourquoi il n'eft pas hors d'apparence que de cet homme
ils en ayent fait le Dieu de la guerre. Cependant il eft certain que les
Grecs &les Latins ont crii que le Bel des Babyloniens étoit leur Jupiter,
car ils ne parlent point de ce Dieu des Chaldéens , que fous le nom de
Jupiter Belus. Et même Sanchoniathon Phénicien l'appelle ainfi, difant
que Saturne eut trois enfans , dans un lier4 appelle Perea. L'aine' appelle Satur-
ne comme [on père y le fécond Jupiter "Belus^ ©' le troijieme Apollon» Sur tout
com-
ET DES CULTES DE L'EGLISE. Tart.lY, 603
comme nous parlons ici du Bahal des Sidonicns & des Tyriens , qui n'a
rien de commun avec Nimrod, nous pouvons affûrer que Bahal n'eft pas
le Dieu Mars. Ce n'eft pas non plus Saturne, quoi que Servius l'ait ainll
crû. AJJjrios confiât ^ dit-il, Saturnum^ciHem eumdem & Solem dtcant ^ fit- in primum
mnémqMe colmjfe : qu£ numina etiam apud Afros pofiea culta funt , unde & lin~ •'^eid.
gna Punica Bal Deus dicitur. Apud AJJjrios autem "Xd dkitur qitadam facrorum
rations & Satumm & Sol.
Certainement Saturne & Moloch font quelquefois appeliez Bahal, par-
ticulièrement dans le 10. de Jeremie. Mais dans ce lieu le mot de Bahal ubifogià,
eft un nom général , comme celui de Dieu , 6c défigne toute forte de
divinitez. Car il eft vrai que les Phéniciens appelloient Dieu Bahal. Mais
entre leurs Dieux il y en avoit un qui portoit particulièrement ce nom.
Et c'eft celui dont nous parlons.
Le Bahal àts Tyriens & des Sidoniens étoit afTûrément.le ZfO; des Bahai eft le
Grecs , Se le Jupiter des Latins. Perfonne n'eft plus en état de nous oucmaur
inftruire là-defllis, que le fameux Sanchoniathon , lui-même Phénicien,
de la ville de Beruth. Il étoit du tems que ce Bahal étoit fervi avec le '
plus de zèle. Car il vivoit du tems de Gedeon, à ce que l'on croit. Dans voi Bochart
le fragment que nous avons de Sanchoniathon , ôc qu'Eufebe nous a con- 2!^^ ^?"'
fervé,. il nous dit expreflement que ce Dieu des Phéniciens étoit appel-
lé Bad-famein , ou Beel-femein , nom qui lignifie Seigneuries Cieux, 6c
que le Beel-lcmein eft le Zîuç des Grecs. Quand la chalem- efl excejjive , Eufeb.lib.r.
dit-il , Us Phéniciens lèvent les mains vers le Soleil. Car ceft lui qu'ils recon- Ev^g^c i©
noijfent pour être Punique modérateur des deux ^ & pourtant ils l'appellent BeeU
Samen , c'efi-à-dire , en la langue Thénicienne , le Seigneur du Ciel , & entre
les Çrecs il s"* appelle Zsuç, Jupiter. Après Sanchoniathon, qui peut mieux Bien que ees
nous en inftruire que St. Auguftin , voifin de Carthage & des Carthagi- J^oj'ej^g
nois, qui étoient Colonie des Phéniciens? Voyez un grand paflage, qui puiflentêtte
-eft dans \t /\.Tom. qu&fi. in Judiccs , qu&fi, 16. où Jupiter eft appelle ^f^fjj"^'^""
. Baal-famen. En effet le nom de Bahal, de Seigneur ôc de Maître , qui maisde foB
emporte une Sur-Intendance fur toutes chofes, convient bien à ce Jupiter, "yion^^e
que les Payens ont fait le Père & le Maître des hommes & des Dieux. eMs, eiics
- C'eft le même Dieu, qui dans l|||Lîérae lieu eft appelle êX/oùv, 6c qui eft in- paVdè^^rou-
terpreté v-^çog. C'eft un mot tout pur Hébreu jvS;;, Elion, qui en ef- ver ce que
-fet fignifie très haut, nom qui convient bien à ce Souverain des Dieux. "g^JoS.*'
Il eft vrai que comme il y a plufieurs Jupiters dans la Théologie Payen-
; ne, il n'eft pas aifé de démêler lequel étoit adoré entre les Phéniciens ,
fous le nom de Bahal. Mais cela ne nous eft pas fort néceflàire pour le
préfent , ôc nous confîderons ici Jupiter , caché fous le Bahal des Phéni-
ciens , comme un nom , par lequel les Payens ont voulu fignifier le plus
grand des Dieux : dans la faite nous examinerons quel eft l'homme , ou
plutôt quels font les hommes, qu'on a déifiez fous ce nom.
Cepend&nt il y a quelque lieu de s'étonner que le Dieu Bahal, enpaf-
fant dans l'Occident , n'ait pas confervé dans {es noms des marques de
fon origine. Car enfin on ne voit pas bien ce que le nom de ZeO? , &
. celui de Jupiter, ont de commun avec celui de Bahal, qui fignifie Maî-
tre & Seigneur. Z.-Oç femble venir de Çviv, vivre, parce que ce Dieu eft le
grand principe de la vie, le père des hommes & des Dieux.. Les Latins
604 HISTOIRE DES DOGMES
cieeto 4c ont dcrivé Jupiter de ;«w : Sed ipfe Jupiter y id efi juvans Pater ^ <](iem ton-
Natuta Deo- ygyj^j cajtbus appcllamus à JHvando Jovem , à Po'ètts Fater divumque hominitm-
*""*' ' ' aue dicitur. A Majortbm AUtem nojiris Optimus tJHaximHs : ér quidem ante
QptimHS^ id eft bentfîcentijfimHS ^ ejiiàm tJHaximtis , <^uia majus e(i certécfne
gratifts prodejfe omnibus , <juâm opes maxtmas habere. Je laiiTe là le ZfDç des
Grecs, dont nous parlerons tantôt. Mais le Jupiter des Latins a plus de
liaifon pour le nom , avec le Bahal des Phéniciens , que l'on ne
penfe.
Le jupiteï Premiercnfient il ne faut point s'embarrafler du nominatif /«/>>> ^r, car ce
<j« Latins j^'gj^ qu'un abbregé de Jovifpiter. Ce nom de Pater eft l'épithete cora-
jéhova des mune lie tous les Dieux, Diefpiter , Marfpiter. Aind il faut chercher le vrai
«îbreia. x\ovs\ écctU'itu^incaJibus converfs^commfÇ)2iï\t Giceron. Jovis^Jovi^ Jovem,
Jove. En effet Ennius dans le Diftique , où il a ralTemblé tous les Dieux
qu'ils appelloienc SeleUi^ ou Confentes^ l'appelle ^ovi.
Vidie Fulk- Or il
MinervA^ Ceres^ "Diana ^ Venus ^ Mars ^
''---' '^^eptunuSf Fulcanusy <tApollo.
Jum^ Vefia^ Aiinervay Ceres^
tS^ercurius <y Jovi^ l^eptunus^
clair, & tous nos Savans en demeurent d'accord , queîe/tfv^Sc
car* Mif.* ^^ ^'^'^^ ^^^ Latins vient du Jehova, 8c Jehovi des Hébreux. G'eft le nom
cciï. seiden. du grand Dieu mn> , que le Démon a emprunté prefque iàns déguife-
Syntagm
c. I.
.Les noms
Latins des
Dieux font
plus recon-
noilTables,
pour être
venus des
Orientaux
que les
ment.
A propos de cela je ne (aurois m'empécher de remarquer que les noms,
que les Romains donnoient aux Dieux , confervoient oeaucoup plus de
marques de leur origine , que ceux des Grées. Je veux dire que leur ori-
gine , décenduë de la langue Phénicienne & Hébraïque, eft beaucoup
plus reconnoiflable que dans les noms des Dieux de la Grèce.
En voici des exemples, le Zeùç des Grecs ne paroît pas avoir été tiré des
noms Crées, noms Pbéniciensy Mais Xejovis des Romains vient évidemment de la Palefti-;
Etymoio- ne, & du nom de Jehova. Luna^ une autre divinité des Romains, vient de p> ,
loun, qui fignifie pafler la nuit, ou de naV, qui fignifie blaiiche ou luifante.
Mars vient de po , marats, qui fîgnifie être violent, fort, &robufte, ce
qui cc^vient bien au Dieu de la guerrfi^ Mercurius vient de IDO , ma-
car , qui fîgnifie vendre , parce que Mercure eft le Dieu des marchands»
^alUs vient de l^tSs , pale , qui fignifie admirable ^ à caufe de la mervcil-
leufe naiflance de Pallas , du cerveau de fon père. Et qui fait fi le Démon
fbrî'oHgine n'a pas emprunté, &la fable, &le nom de cette Déefle , du fils de Dieu,
du nom qyj gfl- j^ Sagefle éternelle de Dieu, la pfoduélion de fon cerveau, c'eft-
à-dire de fon intelligence ? Fils auquel le Prophète Efaïe donne le nom
de NtVa, pelé , ou pàla. Son mm fera appelle t»^Q , ^admirable. Fenus
fans changement , vient de n^33 , venoth , fuccoth venoth. C'eft ainfî
qu'on appelloit le Temple de Venus dans l'Orient. Ceres vient de y^^ ,
cerets, comme la terre. Or on fait que Cerés, Cybele, la Terre, font la
même divinité. Fejta fans changement vient de Mnw'KT veshtah, &ignis^
parce qu'entre les Romains elle palîbit pour Dea focorum. Fis autem ejus
ad aras ^ focos pertinet. Jtacfue in ea Dea , ^ud eji rerum cufios infimarum ,
omnis 0' precatio & facrificMio extrema efi. C^elicerta , que les Grecs ont
appelle Polcmon , vient de t<mp ^Sa MeUc K^retha , qui fignifie Roi de
la
gies des
noms des
Dieux; de
Jovis.
Luna.
Mars.
Mercuihis.
Pallas.
Conjeâure
Pallas.
Efaïe 5. J.
Venus.
Cerés.
Veftj.
Cieeto de
Mat. Deor
lib. 2.
àleliccita.
7ubalcain<r
ET DES CULTES DE L'EGLISE. PartAVéof
la ville , parce que c'écoit le même que l'Hercule Tyrien , le Démon
Tutelaire de la ville deTyr. MfX/WpÔoç ô ml H'p«xXvjç, dit Sanchoniathon,
pour Hercule nous verrons tantôt que c'efl: un nom tout pur Hébreu &
Phénicien. On prétend que Belbna vient deBellum ; Mais qui fait fi Belkm ne
vient pas de Belîona^ ôc Bellma de l'Hébreu ^3j; S;?n Beelhom, qui ligni-
fie Dieu d'oppreflion ? Nepttmm vient de nnsj, ôcau pluriel J*re:, éten-
du , à caufe de la vafte étendue de la mer.
Et ce n'efl pas feulement dans les noms des Dieux , c'eft en général
dans toute la langue Latine , que l'on voit de coniîderables veftiges de
la langue Phénicienne , ou Hébraïque. Le motus des Latins vient évi- vuicanus de
demment du ttio des Hébreux. Rete de r^\2n- reicht. Sc^ptmm^ quifem-
ble pur Grec , vient pourtant de ta^antî', farbit, ou fahit-, car par une
fimple tranfpolîtion de confones vous en hitesfaptri^ ou fahri. De j^i^s
pécha ^ vient peccare. De Soo, /^«R?/, qui fignifie reflemblancc , vient
Jimilis. De pp & de I3ip , Keren^ Karno, vient cornu, de nio, mouth,
vient mors^ oltm vient de a7>y , olam , d'où fe fait D^];o , meoUm ^ qui ligni-
fie précifément Votim des Latins. On en trouveroit mille ôc mille au*-
Ères y pour peu de peine qu'on fe voulût donner de les chercher. Le
P. Simon prétend que le Latin vient du GreCy& le Grec du Chaldaïque : au
contraire on peut montrer, par cent 6c cent étymologies, que le Latin vient
de l'Hébreu. Et cela fans doute vient, de ce que les côtes d'Italie avoient
an grand commerce avec les Côtes de la Libye , qui étoient prefque tou-
tes peuplées,, ou de Colonies des Phéniciens , telle qu'étoit Carthage, ou-
de fugitifs qui s'étoient fauvez de la Paleftine , quand les Ifraèiites la
conquirent fous la conduite de Jofué. Aufli lit-on dans Procopius , dans
l'Hilloire de l'expédition de Belifaire en Afrique, contre Gelimer, Roi
des Vandales , que Ton avoit trouvé une colonne vers les Côtes , fur la-
quelle étoient écrites ces paroles en langue Piiénicienne, *»a a^mi. wn3«
D^riDN^n yiLfS'rn , mus fommes ceux qui nous-fimmes tnfuii de devant Jofué le
brigand.
Après cette digreffion je reviens à mon Jovi , qui a tiré fon origine du
Jehova des Hébreux Et je dis qu'on ne doit pas s'étonner fi te Bahal des
Phéniciens, en pafiant la mer pour venir en Italie, a pris le nom du Ba-
hal, & du grand Dieu des Ifraëlites. Ils étoient en même pais, en mê-
me province, ôc fouvent en même ville. Car ce malheureux culte de Ba-
hal a été fouvent établi jufques dan^ Jerufalem. Les Phéniciens, ôc fou-
vent les Ifraëlites , appelloient le Dieu Souverain de l'Univers Bahal ^
d'autres dans le même lieu l'appelloient Jehova & fehovi. Il ne faut donc
pas trouver étrange qu'on ait confondu ces deux noms , puis qu'ils figni-
fioient la même cho/e. Ec ainfi il ne faut pas que la diverfité des noms
Kous empêche de reeonnoître le Bahal des Phéniciens , dans le Jupiter des
Ladns..
Gggg I C HA-
6oé HISTOIRE DES DOGMES
CHAPITRE V.
Les ^ieux Naturels cachez fous Bahal, c^ejî le Soleil, le Jupiter
des Grecs. De l'Hercnle Jjrien.
L faut préfentement que nous voyons quelles créatures on a déifiées
fous ces noms de Bahal, dejovi, de Jupiter. Nous fuppofons tou-
jours comme un principe, que fous chaque nom de Dieu font cachez
des Dieux Naturels , DU ISlatmdes , & des Dieux Animaux , DU Anima-
les. Il fiiut commencer par les Dieux Naturels. On ne peut douter enfa-
jçon du monde, que le Dieu Naturel, caché fous le nom de^^W,ne (oit
le Soleil. Sanchoniathon , qu'on peut appelîer le Théologien àt^ Phéni-
ciens, nous le vient de dire nettement, que les Phéniciens , c'eft-à-dire,
Tyr, Sidon, & toute la Côte , regardoit le Soleil comme l'unique mo-
dérateur du Ciel, hc qu'ils l'appellent 'Beel-famein^ ou BmUfamen, qui li-
gnifie Seigneur dts Cieux.
2. Cela même eft clair , parce que prefque jamais l'Ecritui'e ne parle
de cette Idole Bahal, qu'elle n'y joigne Aftoreth , & toute l'armée des
* Juges 2. 13. cieux. Us fervirent à Bahal & a Aftaroth. Ils firent ce qtii efl âéfaoréahle à
lugts 10.6. P Eternel , & fervirent aux Bahalins ^ & à ^Aflaroth. Jofias commande qu'on
^.Rois 23. tire les vaijfeaux , cjui avaient été faits four ^ahd^ four les bocages ^ (^ pour
toute r armée des cteux ^ pour les brûler. // abolit au ff ceux qui faifoient des
encenfemens à Bahal , au Soleil ^ à la Lune ^ (jr aux Aftres^ bref a toute Var-
mée des deux. Cette Aftoreth ell affûrément la Lune , comme on le prou-
vera dans la fuite. Et cette artnée àc^ cieux , ce font les Planètes Bc les
étoiles, que les idolâtres adoroient. Ainfi Bahal, Aftoreth, & Tarmée
des cieux, qui font mis erifemble , fignifient le Soleil , la Lune ôc les
étpiles.
g. Servius , fur le premier de l'Enéide , nous a dit la même chofe ,
que le Bal des Aflyriens eft le Soleil. Lingua Punica Deus dicitur "Bal;
apud zy^jjjnos autem Bel dicitur quadam facrorum ration e & Saturnus (jr
Sol.
4. Les divers noms , que ce même Dieu a portez dans la Syrie , font
voir que c'eft le Soleil. Les Alîyriens Palmyrcniens i'appelloient Agltbe-
lus , c'eft-à dire, Deus revehns. C'eft à caufe dq la lumière de fes rayons,
qui découvrent tout. Ils I'appelloient aufîi Aidachelus ^ compofé de Ba-
hal &: du mot Aîekkjy qui iignifie Roi , parce qu'il eft le Roi des Aftres,
ôc qu'il paroît le Roi de l'Univers. Mais fur tout le nom d* Eliogabalus ^
qu'il portoit dans la Syrie , voifine de la ville d'Emefe , eft une defcrip-
tion du Soleil, fcloii que nous l'avons déchifré , car il fignifie. Dieu fu"
premejuifant.
Et même dans l'Occident , en traversant tant de mers, ce nom a por-
té la même divinité , qu'on adoroit à Tyr & Sidon. L.e Eelenus des
Gaulo'S, & des AqMileïens, écoit, iclon eux, Apollon. Les infcriptions
le
ET DES CULTES. DE VEG LISE. Part AV. 607
le poitcnt, zApollim Beleno. Julius CapitolinuB 6c Herodien nous Je difent
dans Ja vie des Maximins. Or on fait bien qu'Apollon étoit le So-
leil.
f. Ce que les Phéniciens feiToient le Dieu Bahal, tantôt mâle tantôt
femelle, prouve cela même. Car, félon la remarque de Seldenus, cela
fe faiibit pour lignifier la vertu générative des Dieux , qui font mâle &
femelle, c'eft-à-dire, qui renferment en eux tout ce qui efl nécelTaire à
Ja génération. Or il ell connu que le Soleil a toujours été conlideré 5
comme la fource & la caufe de toutes les générations , qui le font au
monde. •
<î. En un mot il eft certain que le 'Soleil étoit le grand Dieu des Sy-
riens ôc des Ailyjriens. Entre tant de témoignages, on peut conter celui
de Macrobe , Accise qnià <iy4[jyrii de Solis potenjia opinent^ir . Deoenim , qpum Saturnal.iib,
[ummum maximu^nque venerantHr .f Adad nomen dederunt. Ejpts nomims in^^'^""^'^^'
terpretatio Jtgmficat unm. Par l'Ecriture il ell clair que ce grand Dieu chez
eux étoit Bahal, d'oià je conclus que Bahal çÇi le Soleil, appelle l'unique
ôc le Souverain des Dieux.
7. Il n'y a perfonne qui ne fâche que la ville de Tyr étoit confacrée à
Hercule, & que c'étoit la grande divinité , Se le Patron de la ville. Or
il ell malaifé de douter que cet Hercule Tyrien ne fût Bahal , & ne fût
le Soleil même. Hérodote dit s'être tranfporté à Tyr tout ex- „ ,
r A TT ii'^5-1 • /rrT-i 111 Hérodote
près, pour connoitre cet Hercule, v^ il y avoit trouve ion lempled u- lib. z.p.izo.
ne grande magnificence, & rempli de riches dons. Entr'autresùne co- '
lonne d'émeraude, qui brilloit la nuit, ôcjettoit une grande lumière, ap-
paremment parce que les Sacrificateurs mettoient dans cette colonne , qui
étoit creufe , un flambeau. Quoi qu'il en foit, cela étoit deiliné à répré-
fenter la lumière du Soleil , qui brille en tout tems. Hérodote ajoute que
par les entretiens qu'il eut avec les Sacrificateurs , il fut perfuadé que cet
Hercule Tyrien étoit infiniment plus ancien , que l'Hercule àç.% Grecs.
Que c'étoit un des grands Dieux , 6c que l'Hercule Grec n'étoit qu'un
Héros , ou demi-Dieu.
Au relie le nom prouve que c'étoit le Soleil. //^rf«/(f ell pur Phénicien, d'où Bahai
•^ID ^^KH Heir coul^ fignifie dans cette langue , illuminât omnia , il éclaire d'aeiaiï'™
toutes chofes. Je ne lai pas fi jamais le Soleil a porté à Tyr , ou à Cartha-
ge le nom à"* Hercule, je croi même que non,onrappelloit ou Bahal ^ ou
ojMoloch. Mais il y a apparence qu'entre les éloges de Bahal, ils {net-
toient celui-ci, "713 T«n Hetr cul, qui dans leur langue, fignifie illuminant
toutes chofes.
Les Romains , dans le commerce qu'ils avoient .avec Carthage , ont
pris connoilfance de leur Théologie, &; ont vu qu'ils donnoient à leur Ba-
hal , le titre 6c l'éloge de Hcir cul. ils en ont fait premièrement leur ms
Hercle , 6c me Hercule. Et même leur Hercule : Et de là efl venu que
celui que les Tyriens, & leurs enfans les Carthaginois , appelloient Ba-
hal , les Latins l'ont appelle Hercules.
Quoi que cette étymologie ne foit pas fi fenfible dans le nom Grec d'Her-
cule, R'paxKytÇ, cependant les Anciens Grecs Se Latins , fms avoir con-E„reh.-pr3;ji,
noilfance des langues Orientales, n'ont pas laiiTé de lentir cette vérité, e-îï^- 3-'
Porphyre dérive H'p«kAî^^ , ài;o tov nKuaèai jpog âépa, ex eo qmd frângatur <ï<^ ManobsStc,
fit'
6o8 HISTOIRE DES DOGMES
Aérem , parce que les rayon? du Soleil , fe rompent dans Tair. Macrobe
Satum.lib.i, dit: Et rcvcra Herculem Solem ejfe ^ vd res nomine claret. Héraclès enimqmi
"^' *°' almd e[i mjî,heras , idefla'éris^ cleos^ idefi^loria? A cette raifon il en ajoute
plufieurs autres pour prouver cela même, qu'Hercule ^ft le Soleil. Cer-
tainement les douze travaux d'Hercule, femblent avoir été inventez fur
les douze fignes , que le Soleil vifite tous les ans. Si l'on veut voir cette
énigme développée , 6c Hercule dévoilé , pour y voir le Soleil , on peut con-
Lib. i.dc fulter, entre les Anciens, Macrobe, & entre les Modernes, Voffius. Ce
idoioLcap. q.jg j-jQ^g ç^^ avons dit fuffit pour nôtre fujetj & pour faire voir que le
grand Dieu de Tyr&de Sidon eftleSoleiL
8. Il femble que ce que nous avons dit , que Babal eft le Jupiter des
Grecs 6c des Romains , 6c le Soleil, ne s'accorde pas avec l'opinioncommu-
St. Auguftm i^e. Car les Mythologifles anciens 6c modernes crt^ent- que Jupiter, eft
sprés Vairon cet air pur qui environne les Aftres , qui s'appelle <j£ther , 6c que Junon
jupkeiffic fignifie l'air qui environne la terre , 6c qui s'étend jufques aux globes de
monde iib. la LuHC. Ecoutons Ciccron pour tous les autres. Huncjovim Emius. ta
7. de Civit. n \ i- ■ ^ -^ j-
Dei cap. 76. ff^pra diKt , tirmcupatf tta dicens.
De Natuia^
îib. a. AJpice hoc fiblirue cMdens y quem invocant omnes fovem^
Plmmpjtie alto in loco idem :
Cfti quod in me eft execrabnr hac^ qm lacet ^ qmcquià ep.
Hanc etiam augures mfiri^ CHmdicuntfovefulgente, tenante , dicunt enim caS'
lo fulgeme , tonant£. Euripides autem , ut multa praclare , fc hoc hre-
viter ,
F'ides fubîime fufum immoderaîum ^jhera^
Qui tenero terram circumveElu ampleEiitur^
Hune fummum habeto divum , hune perhtbeto Jovem,
Aèr autem ,' ut Stdici difputant , interjeBus intermare & cœlum , Juntnis no-
mme confexratur.
N'en dépiaife à Ciceron , à fon Euripide , jSc à fes Stoïciens , nous di-
rons que Macrobe eft beaucoup plus raifonnable , quand il dit. 'l^ec ip-
Satornai.iib. fe Jupiter Deorum %€x Solis naturam videtur ^xc^dere. Il en apporte divcr-
3. c. a. |£5 belles preuves , qu'on peut lire dans la fource. Et fur tout, ce qui
fait davantage à nôtre ftijet, il prouve que le Jupiter des Afly riens eft le
Soleil , par la forme fous laquelle ils le répréfentoient. Simulacrum erat
aureunt^fpecie imberbi^ dextr^ elevata cum fiagro , in aurigdi. modum. Lava
tenet fulmen & fpicas , qu£ cuniia Jovis Soltfque confociatam potentiam démon-
trant. Hujus Templi Religio etiam divinatione prapollet , qua ad Apollinis pO'
tejiaîem refertur , qui idem atque Sol eft. Le Simulacre e'toit d'or. C'eft le mé-
tal 6c la couleur du Soleil: // n'avait point de barbe ^ parce que le Soleil eft
toujours jeune. // avait en main un fouet ^ on attribue au Soleil un char 6c
de^ chevaux, ôc un fouet par conféquent. Dans fa main gauchcilyavoit
U
ET DES CULTES DE L'EGLISE. Tart.lY. 609
'la foudre & des épies, ha/ofidre eft pour Jupiter, & les /pics pour Je So-
leil. Ce qui fait voir que c'eil une feule & même divinité. En effet )f
:a-t'il apparence qu on eût donné à V<ty£iher le nom du plus grand dts
Dieux, au préjudice du Soleil, dont la domination eft fî fenfible?
Au refte les autoritez, que Ciceron tire d'Ennius ,font contre lui. Car Les çrcas
ce [ublime candens ^ & ce <^uo lucet^ cjjiiic<^md eH ^ ne peuvent êtrerappor- i'o",^àériv«
tez qu'au Soleil. Pour lejupiter des Libyens, qui s'appelloit Jupf'cer Ham- quiTntfie'
mon, il eft impoffible de douter que ce ne fût le Soleil, Son nom nous ^^^}^- vide
l'apprend non, kamma^ en langue Phénicienne,ôc Hebraïque,fignifie le Soleil, & i'ijjum^
ÔC □'Jan, dit Aben-Efta , étoient des maifons , ou des chapelles , faites en voh- Gyraldum
tes , comme des chariots^ pour adorer le Soleil. La figure de fon Simulacre p! "ô^qua^/
fembloit fignifier la même choie, car il avoit des cornesde bélier, quel- 'P^ "i^uant
ques-uns difent de bœuf, ce qui répréfentoit 5c la domination du Soleil AbTn-Efra
iùr \t?. autres Aftres (^ la force de fos rayons, Ideo & Ammonem ^ quem ^«^faï- 17.
■Deum Solem occidentem Lihyes exiflimmt ^ artetinis cormbus fingunt .qmbus ma- 23. v! 12°'*
xime id animal valet , Jtcut radiis Sol. Nam & aptiid Gréicos olvo rS aépaç Y®^ i^^to-
Kpioç appellatftr. Enfin le lieu , où le Temple de ce Jupiter étoit bâti , en ^Tl^] ' *"
eft encore une preuve: c'étoit dans le milieu des déferts de la Libye, qu'on ,^^"°^-sat.
peut veritablemaïc appeller l'empire du Soleil , pujfqu'il y darde fes ra- iièft'én^a-
yons les plus brûlans. On peut ajouter ce que remarque Quinte- Curce, §^'^"^-
que dans une forêt, proche du Temple de ce Jupiter Hammon , il y avoit ceTb.%.'"^'
une Fontaine miraculeufe, qu'on appelloit la Fontaine du Soleil. C'cft ^'^^^j^ ^^
aftez pour montrer que le Jupiter des Grecs ôc des Latins , auffi bien que l'idoie de
le Bahaî des Phéniciens, eft le Soleil. Et fi ces preuves ne fuffifoient pas, ■^™.'"o«'
. . „. . ' V . • . , ^ ' ; .. _ r ""î ctoit com
on peut voir le Chapitre oii nous traiterons du culte du Soleil ôcc. me un nom-
bril d'éme-
-' raude,ôcde
-. — - — ■ ■ ^ pierre pré-
ckufe.,
C H A P I T R E Vï.
Les Dieux Animaux cachez fous Bel & Babal, font Mimroà é^
Cham , des trois Enfans de Noé.
MAis il faut voir prëfentement quels Dieux Animaux , ou quels Hom-
mes, on a confacrez fous les noms de Jupiter, & de Bahai, S'il
n'y avoit eu qu'un Jupiter, cela feioit plus aifé à découvrir. Mais
il y en a un très grand nombre. Cicerod en reconnoît trois ; deux nez
en Arcadie, dont l'un avoit Aither pour Père , qui engendra Proferpine, ^.^^^^ ^^
Cerés, Liber: l'autre engendré par Cœlys , qui fut Père de Minerve. j.'ïeNat/
Le troifiéme Jupiter étoit de Crète, fils de Saturne, enfeveii dans lamé- J^^^jg^^,""^"
me Ile de Crète, oi^i l'on montre fon tombeau. Mais Liiius Gyraldus syn/agrâ™*,
nous aflure qu'on ajoute jufques à trois cens Jupiters. Chaque peuple ^^^[^i*^^ ^^
avoit fon Jupiter, 6c il y a bien apparence que toutes les Nations avoient
déïfié leurs grands hommes, aufquels ils étoient redevables de leur origi-
ne, de rétablifîèment de leur état, ou defqueîs ilsavoient reçu quelque
bien confiderable. Si donc on vouloit débrouiller toute PHiltoire fabu- vide vof-
ieufe des Jupiters, pour la confronter avec les évenemens desgrands hom- fii^m i'^. *•
,-^ tr-r ' '^ TTtii cap, 1 4. de
^m. IIL Hhhh mes 14S101,
^la HISTOIRE DES DOGMES
mes de l'Hiftoire, ce feroit une grande affaire , & peut-être qu*on n*en
•fortiroit pas à fon honneur, parce qu'à caufe de l'antiquité , l'Hiftoire eft
û fort confondue avec la Fable , que l'une fouvent n'ell pas plus véritable
que l'autre.
Mais nous ne cherchons ici que celui qui étoit caché fous le Bahal ,
ou Jupiter des Phéniciens , ou tout au plus fous leBeel des Babyloniens.
Que fous ces noms fufîent cachez de vrais hommes, on n'en peut douter
en façon du monde , car on leur attribue des pères , des mères , des en-
fans , des mariages , des guerres , des enlevemens , des adultères &c.
èc mille autres allions, qu'on ne fauroit rapporter à la Phyfiologie, com-
me ont efîayé de fiire quelques- uns,& entre les autres PoTphyre, Savant
lui Chryfippe, dans le fécond livre de NatHra Deomm , ôc un nommé Dio-
genes Babylonius , comme nous l'apprend Ciceron.
ApudEufc- Eufebe s'infcrit en faux contre toutes les interprétations Mythologiques
c'"Td?prx- ^^s anciens Sages 6^ Philofophes Payens. Et afin que la Religion Payen-
par. Évang. ne demeurât auffi ridicule qu'elle paroît , il prétend que l'on doit pren-
dre au pied de la lettre les fables des Poètes. Lefquels Poètes, comme
I De^Nltu- ^'^ reconnu Ciceron , ira inflammatos , & Ubidîr.e f mentes indtixerHm Deos^
ra motam. fecermncjHe ^ ut eorum bella ^ pugnas ^ pr^elia, vulnera viàeremus: odia prater-
eHy dtjjidia^ difcordias ^ ortas y interitm ^ querelas ^ lamentationes ^ ejfafas^in
. . omrà intemperantialibidines ^ adulteria ^ vincula , cnm hpimMo génère concubi"
tHs ^ 77iort(Hléf^iie ex immortali procréâtes. Les Payens, qui ont voulu jufti-
fier leur Théologie , trouvent dans toutes les fables de grands myfteres de
Phyfiologie, pour l'explication de la nature, 6c des chofes qui s'y font.
i.zàs'èiiùs' ^Pf^ 'J^oijue vnlgmris faperditio communis idololatrm j dit Tertullien, cumin
Marcionem yjy»«/ cris denominibusK^'fabulisveterHmmQrtîiorumpudet, adinterpretationem
naturaltum refugit , & dedecus fuum ingenio obumbrat \ figurans fovem in fub-
ftantiam fervidam , c^ Junonem in a'érem , Çecundum fonum (jr&corum vocabti'
leram. Item Ve[iam in ignem ^ & Jl4agnam Alatrem in terram feminalia de-
mejj^im ^ lacertis aratam , lavacrii rigatam.
Mais Euiebe réfute ces explications , & c'eft à cela qu'il employé la
plus grande partie du fécond, 6c du troillérae Livre de Prdp. Evang, Je
penfe que ni les uns ni les autres n'ont raifon. Car il ell impofliblede rap-
porter tout ce que les Payens ont dit de leurs faux Dieux, à laPhylique.
Mais auffi il y a beaucoup de chofes, qui peuvent y être rapportées. Et ce-
la n'eilpas étonnant, car puifqu'ileft certain que fous les mêmes noms,
ils ont confacré, & adoré des Hommes, des Aftres, & des Elemens, il
eft clair que dans leur Théologie, ils ont dû confondre les aélions des hom-
mes , avec les vertus àes Aftr^s & des Elemens. Ainfî après avoir trouve
le Soleil fous nôtre Jupiter Phénicien, 6c Babylonien, il faut y chercher
des hommes.
Pour ce qui eft du Bd des Babyloniens , jevoique -tous les Hiftoriens
conviennent , que c'étoit un des fondateurs de la ville , & de l'Empire
des Babyloniens. Servius, fur ces paroles xie l'Eneïde lib. i.
Cx-
ET DES CULTES DE VEGLlSKTart.lV. 6ii
(^(zlataejue in auro
Fortia faBa pat rum , ferles loftgiffima rerum
^er tôt dff^a viros antiqua ab origine gentis.
S€rvius,dis- je,confond le Belus Aflyrien ,ou Chaldéen,avec le Beîusjou Bahaî '
Tyrien , prétendant qu'entre les Ancêtres , dont Didon avoit fait graver les
^its & rHifloire,étoit ce Belus Aflyrien , fondateur de Babylone. Si Didon a
eu un Bel , ou Belus, entre fes Ancêtres, il a dû être Phénicien & Ty
rien , & il n'a rien de commun avec le Belus des Babyloniens. C'eft pour-
quoi cette généalogie de Didon qu'on trouve dans Servius, efl trés-faufle.,
II conte pour Ancêtres de Didon , fupiter , Epaphus , Belus prifcus , yîge*
mr , T^hœnix , BcIm-s minor , <jm & Mètres , ÀloXy Dido & ^ygmalion.
Le Belus des Babyloniens eft le fondateur de Babylone, le Père de Ni-
nus , mari de Semiramis: Cyrille d'Alexandrie nous dit, que ce Belus ^ibros.
s'appclloit aufîi Arbelus, & que c'eft le premier homme qui ait été cïial"'"*"
confacré, ôc adoré comme Dieu , après fa mort. Que les Aflyriens & leurs itemEufo»
voifins l'adorèrent , ôc lui offrirent des Sacrifices. Ce Belus efl: ou Nim- chîôîîico.
rod, ouïe fils de Nimrod : Selon le fentiment d'Aventin c'ell le fils de Annal
Nimrod, Anm regni Tmfconis centejîmo duodevicejîmà ^ Behs fnpiter ^ fi^it*^ lib. i.g.iu
Nimbroti , Rex Babyloniorum fecundm nature fatôque coricejjït ^ Nmns films Ta-
tri in Regno fuccedens ^ [en m divina Jiirpe natus vider et ur^ feu pietate motus ui
memoriam defun^tgenitoris coleret , feu^ quod magis credam, infiinBu maligenii^
farentem confecrat ^ pro Deo ab omnibus coït prdicipit ^ eidem divinos defert hono-
res , & ab omnibus deferri ediBo jub et ,
Mais Eufebe, Saint Jérôme, Saint Auguftin, & la plupart des Moder- Eufeb. m
nés après eux, mettent Nimrod pour le premier fondateur de l'Empire ^!^^'^°J^''^°-
des AfTyriens, & le font Père deNinus, d'où Ninive tira fon nom, de cap. 2."ia *
forte que félon leur fentiment , Belus eft Nimrod , & en effet cette conjec- 2^""^^
ture s'accorde bien avec ce qui eft dit de ce Nimrod , dans lech. lo. de la civi't.Deî
Genefe ^ Et Chi-ts engendra Nimrod , qui commenta a, être puiffant fm la terre. Il ^^' ^*' ^^°
fut unpmjjant chajfeur devant l'' Eternel, c''efi pourquoi en dit , comme Nimrod lé
putjfant chafem devant t^ Eternel ^ & le commencement de fon Règne fut Bahel^ Srec,
Accad^Calné^ aupdis deScinhar. Decepaïs-làfortit Afur , qm bâtit 7\[inive ^df
les rues de la ville, & Calah , ^ %efen entre Ninive & Calah , qui efiunegraft^
de ville. Cela fignifie bien clairement que ce Nimrod fut le premier Con-
quérant, ôc qu'il bâtit des villes, ôcaffujettit tous fes voifins. SesparensÔc
ks amis lui donnèrent le nom de Bel , qui fignifie Seigneur 6c Maîrre,
mais ceux qu'il avoit vaincus 6c foûmis, lui donnèrent le nom de iV/wr£i<^5
qui fignifie rebelle , parce qu'il fut le premier qui ufurpa la domination fur
fes frères, qui étoicnt libres comme lui: Moïfe lui â confervé fon nom de
Nimrod, parce que la famille de Sem , d'où étoitdéGenduMo'ife, fup-
porta impatiemment fa domination. Mais les Affyriens , pour fe faire hon-
neur de ce Conquérant , lui ont confervé le nom de ^el ^ ou de Bal^ que
'-lui-même s'étoit donné. Les paroles de Moïfe, de cepaïs-lkfortit AJJur^
doivent être tournées, & de cepaïs-là il fortit en AJfur ^ & s'' emparant d'^AJfyrie
il bâtit Ninive ^ &c. Car Affur eft un des décendans de Sem, & il n'y a
point du tout d'apparence, qu'au milieu du récit ^ que Moïfe fait de i'é-
Hhhh i tablif-
Ch. î. 6.
LeBahal des
Phéniciens,
e'eft Cham,
>eur grand
îiîîiarchc.
6i2 HISTOIRE DES DOGMES
tabliflement de l'Empire de Nimrod , ôc dans la Table Généalogique des»
enfans de Cham , il falTe mention d'Aflur , qui ell des enfans de Sem. Et
en effet le Prophète Michée appelle l'Aflyrie le Païs de Nimrod 5 //;<:o«-
Soï hochet- fumeront la terre d''yJ(^rie avec Pé^ee, & le païs de Nimrod avec lettrs lances. Ce
pa!spïilia ^"-'t ^"^"^ ce Nimrod, Fondateuï de l'Empire d'Aflyrie , dont on a fait le
îib.4. c. 12 Jupiter Bclus, & que les Babyloniens ont adoré fous le nomde'Sf/.
Mais pour leBahaldes Phéniciens, il y a apparence que c'eft Cham , le
grand Patriarche des Phéniciens 6c des Cananéens. Celui-là même que-
nous avons prouvé , dans la première Partie de cet ouvrage , être Melchi-
fedec, le grand Pontife de la Nation, le Chef de la Religion, qui avoit éta-
bli fon fîege dans le païs de Canaan, dans la Paleftine, & dans la Phénicie
même,, puifqae cela eftfîvoilîn, ôc renfermé dans une fi petite étendue^
qu'elles peuvent pafTer pour un même païs : car la Phénicie occupant les Co-
tes maritimes de la. Palelline, renfermoit le mont Liban , & les villes de Tyr
6c de Sidoiî.
Au refte je trouve dans SancHoniathon , ou Philo Biblius , un Sydyd
ou Sydek , qu'il interprète Julie , que je croi être nôtre Melchiledec
Roi de Jullice , comme nous ti" avons déjà ci-defilis remarqué. Par
ce Fragment de Sanchoniathon , que nous avons ci-deiîus rapporté
tout entier, il paroît que Sjdik^^- ou Sjdek.^ qui eft nôtre, Melchifedec 5
eft le Père des Càhhirej, c'eil-à-dire , des grands Dieux. Il faut donc
que ce foit le Jupiter des Payens, fî fouvent appelle le Père àes^
Dieux. Le Jupiter des Phéniciens étoit Cham, 6c ce Cham eft le même
Melchifedec. 11 n'y a donc rien de plus vrai-femblable que cela , c'eft
, ou leur Bahal 5.
qui etoit lerere ae toute leur race, leur'
Patriarche, 6c qui avoit durant plufieurs ficelés tenu les rênes de l'Etat ^
6c manié les affaires de la Religion dans laPaleftine, auquel Abraham lui-
même avoit rendu hommage , 6c avoit donné les dîmes du butin. Ce qui
peut encore avoir été une occafîon aux Cananéens de faire de Cham , ou
de Melchifedec, un Dieu. Car on fait bien que de tout tems , la coutu-
me a été de confacrer la dîme des dépouilles des ennemis aux Dieux, 6c
principalement à Jupiter.. Témoin le Jupiter Feretrim des Romains , au-
quel ils offroient ce qu'ils appelloient o/)/w<i fpolia 5 c'eft-à-dire, les dé-
pouilles du Général de l'Armée ennemie, à l'exemple de Romulus^ qui
confacra à Jupiter les dépouilles du Général des Sabins.
Supiter^ hdcmdie tibi viBima corruet Acron,
Voverat & [polmm^corruit ille Jovi,
Ajoutez à cela les remarques de nos Savans, qui prouvent que Noéefl
le Saturne des Payens, que ces trois fils de Noé , Sem, Cham 6c Japhet ,
font les trois fils de Saturne , Jupiter, Neptune 6c Pluton , 6c que Chamefl
Jupiter, ce que l'on prouve, i. Par lenomdeHammon, qui eft demeuré à
Jupiter, 6c fous lequel il a été adoré dans l'Egypte 6c dans la Libye , comme
nous en afîûre Hérodote. Les Egyptiens ydÀt-W ^donnent à fupiter lenom deHam-
mon. Ham 6c Hammon viennent l'un de l'autre, 6c il ne faut pas trouver
étrange que nous dérivions ici le Jupiter Hammon de Cham , après l'avoir
dérivé
que les Phéniciens 6c Cananéens , ont fait leur grand Dieu ,
le Père des autres Dieux , celui qui étoit le Père de tout
Stopert.lib.
4i Eleg.ïo,
ET DES CULTES DE VEGLlSE.ParLlV.6ii
dérivé de rvzn, chammah qui (îgnifie le Soleil. Car comme fous un mê-
me nom on adoroit des Aftres & des Hommes, iln'eft pas étonnant qu'un
même nom ait deux origines. De ce C^i^w^, ou Ham^ quifignifie chand ^brû-
lant ^ on a judicieufement remarqué, que le ZîOçdes Grecs pourroit bierr
êtrç dérivé de Çew, ferveo. Mais quand il le faudroit dériver de Ç>iv, vivre^
cela n'empêclieroit pas que le nom de Zîù? n'eût été donné à Jupiter, à
caiife de la fignification de celui de Ham , ou £ham^ qui fignifie brûlant,
chaud i car la chaleur eft le principe de la vie. 2. L'aétion de Cham qui
vit la nudité de fon père, a donné lieu à la fable, que Jupiter le coupa,
ôc c'eft un autre indice que Chameft Jupiter.
3. Ce que l'on a donné à Cham la- fouveraineté fur les Dieux 6c fur les
hommes, au préjudice de Sem, Se de Japhet, qui étoient fes aînez, vient
de ce que la pofterité de (ham obtint la première domination, ôcla pre-
mière Monarchie par Babylone, êc par Ninive. Etlesenfans de Sem 6c
de Japhet leur furent foûmis. Or il eft naturel à ceux qui dominent defe
prévaloir de leurs avantages, 6c de s'attirer toute la vénération qu'ils-
croyent néceiTaire pour affermir leur domination , à quoi ne fert pas peu
l'opinion que ceux qui dominent font décendus des Dieux. On peut ajou-
ter à cela y que les vertus militaires étant les plus brillantes aux yeux des •
hommes , ce font auffi elles qui induifent plus facilement à donner de la
divinité aux mortels. C'ell pourquoi la plupart des Héros, que l'antiqui-
té Payenne a confacrez , ont été de grands Capitaines. Pour Gham, je
ne croi pas qu'il ait jamais fait de guerres de grand éclat: Mais fon pe-
tit-fils Nimrod,: 6c fes décendans , s'étant érigez en Conquerans, 6c eii'
maîtres de l'Univers ^ de leur Patriarche ils ont fait un Dieu, 6c ils firent
Gham leur Père le fouveràin des Dieux 6c des hommes.
4. Si nous cherchons le chemin, par où le Bahal des Phéniciens a palTé,'
6c en Egypte 6c dans la Libye , fous le nom de fupiter^ Cham , Ham , oti fn^
puer Hammon , nous n'aurons pas beaucoup de peine à le trouver. Quant
à l'Egypte,, il y a été porté par Mitfraim, le fécond fils de Cham, qui cer-
tainement a été le Père des Egyptiens. C'eft pourquoi dans la langue Sainte
l'Egypte s'appelle de ce nom on^o, Mitfraim. Et même nous appre-
nons de Plutarque, que les anciens Egyptiens appelloientleurpaïsXvijLcï::^, în Trahira
à caufe de la noirceur de la terre, dit-il. Mais il eft beaucoup plus appa- oruide.
rent que le nom de Chemia^i^uï a été donné à l'Egypte , vient de Cham père
de Mttfraim. Auffi l'Ecriture appelle fouvent l'Egypte, la terre de Cham. l'f-js-^Ji-
Le mot de Cham fignifiant brûlé, chaud , fignifie auffi noir 6c roux de
brûlure. C'eft pourquoi fi Tétymologie, que Plutarque donne du nom
Xh]u,/«, que l'Egypte a porté, n'éft pastoutàfaitjufte, au moins n'eft-el*
. le pas tout à fait mauvaife.
Pour la Libye , il eft encore aifé de comprendre comment Cham y îhaieg Pars;
a été adoré, fous le nom de Jupiter Hammon. Je ne dirois pas, com- Jg^'^J* '•
me Bochart , qu'il a été relégué dans les arides fablons d'Afrique ,
ou parce qu'il a été le plus jeune de fes frères , ou parce qu'il a
été maudit., de fon Père. Premièrement il eft certain que l'Afrique
eft tombée en partage aux enfans de Cham , 6c que fa pofterité l'a oc-
cupée, âc c'eft pourquoi elle a été appellée Ammonis^ ^Ammonia^ Ki^Cv^
Z^?i( %oKvwvu[j.oç j, 6cc. dit Stephanus ancien Chorographe 5 La Libye, «'^de^tïus,:
Hhhh 3 Afrique^
éïi. HÏSTOIREDES DOGMES
yjfrtijue , efl mr pais <jm porte divers noms , témoin Polyhiflor , elle s'*appell0 terre
Olympienne^ Oceanie^ Efihatie,Koryphie, Hefperie , Ortjgiù , Ammonis. Elle
is'appelle terre Olymptenne ^ c'efi: parce qu'elle a été occupée parlesenfansdc
celui dont on a l'ait le Jupiter Olympien , ou comme parloient les Phéni-
ciens Beelfamen. Elle a été nommée Ammonis , à caufe que ce Jupiter
Olympien, à qui elle efUombée en partage , s''âppdloitA??mfo», ou Hant.
Mais iansceîa, au moins favons nous que l'Egypte a été occupée par le fils
de Cham, & il y a apparence, comme nous venons de le dire, queCham
y a été adoré dans la ville de Diofpolis , que l'Ecriture Sainte appelle m poj>î,
videBo. Amon no ^ ouT^eammon. On ne doit pas fe faire une difficulté de ce que le
fupîi'" nom de Cham , ou Ham 5 s'écrit avec une aipiration forte, par un Cheth, au
jetem, 4«. lieu que le Amonno des Prophètes s'écrit fans afpiration , par Aleph. Il
Jo' f r*^ " ne faut pas, dis-je 9 conclurre que H^am , & Amon , foient differens , car il
nàifum-hA. n'eli rien il ordinaire que de voir perdre à un mot Ton afpiration. Cham étant
donc adoré en Egypte , il n'ell pas di^içile de comprendre comment il a pu
paHer de l'Egypte dans la Libye.
Mais enfin, 6c c'eft ce que je trouve le plus vrai-femblable, il y peut
ètr& pafTé de Carthage. LesTyriens, quand ils partirent de chez eux,
emportèrent avec eux leur Bahal, avec cette tradition, que ceBahals'ap-
pelloit Chan?^ ouHam. Et quand ils eurent bâti Carthage, leur commer-
ce fut grand avec les Libyens , de forte qu'il fut trés-aifé au Dieu /f4îK?, on
H'-mmoiî ^dç s'établir dans la Libye : fur tout parce que les Libyens virent
que fous lesaufpices de ce Dieu Tyrien, les Carthaginois avoient établi
um Cl liori fiante Repobliqae, ils adoptèrent facilement un Dieu^ dans le-
quel ils ÇA'ûixnt recomioîtrc tant de pouvoir.
IV. TRAI.
ET DES CULTES DE L'EGLISE, Part.lV.6ii
IV. TRAITE
DESAUTRES
B A H A L I N S
T)eBahalS[fe-phon^ de BahaliBerîth\ de Beel-Zehub^ de
Dagon, Ô^c, De Nergaly Nibechasy Tartach^Ashima ,
Aretfd^ Diemde Sehir: Adrammelech^ Anamelech,
Nîfrochy Rimmon.
CHAPITRE I.
BahaLBerith , Dieu ou Déejje des Sichemites. Tremiere con-
jecture 5 que feft le Jupiter Fœderalis. Seconde conjeditire , que
BûhaLBeriîh j qui aprisfen nom de la ville appelkeen Phénicien
Beruthj étoiî ajfûrement une Véejj'e^ cJ" non pas un Dieu.
'xAppelle Bahalins tous les faux Dieux de la Palefli-
ne, & des Nations voifines, entre lefquelles le nom
de Bahal Çignifioïi Dieft en général, ^Bahalimjjgni-
fioit les Dieux. Ainfî après avoir parlé de Bahal, ou
du Dieu qui étoit ainfi appelle abfolument, ôc fans
épithete , il faut dire quelque chofe des ancres Ra-
bais, dont le. nom étoit compofé de quelque naot,
qui étoit ajouté à celui _de Bahal. Tel étoit, félon
le fentiment ^ts Rabbins, Bahal - Tfephon , Baal-
Berith, Baal-Pehor, Baal-Zebub. Pour ce qui eft de Bahal-Pehor , nous
en avons fait un chapitre à part , en parlant des Dieux des Moabites.
Quant à Baal-Tfephon , comme félon le fentiment des Juifs , c'étoit plu-
tôt une figure magique , qu'une divinité diftinfte des autres , nous n'en
dirons rien , n'ayant pas deffein de dire de la Magie des Syriens autre cho-
fe , que ce que nous en avons dit dans le Traité des Theraphims, ôc dans
le chap. de TOb.
Il faut tionc commencer par B^ai-Berith. Je ne fai qu^un feul lieu , où Bf^aîBe-
II
6i6 HISTOIRE DES DOGMES
il nous foit parlé de cette divinité. C^c(l dans le 8. & le 9. chap. du îi--
Jugeschap. vre des Juges. Et il ai/int après ^ue Gcdeonfut mort ^ que les enfaris d'Ifraëï
^' ''■ fe de'toHrnerent ^ & paillarderent après les BahuUns ^ & s'établirent Baal-Berith
Chap, p. 4. pour Dieu. Et dans le chap. Suivant , il eftdit queleshabitansdeSichem
tirèrent foixante &c dix pièces de la maifon de Baal-Berith , & les don-
nèrent à Abimelech , l'un des enfans de Gedeon , & qu'il ^'en fer-
vit pour lever à.çs> foldats , 6c tuer tous les frères. Ce même Dieu étoic
appelle Berith tout fimplement , car dans le même chapitre il eil dit,
V. 45. qite les Stchemiîes fe retirèrent dans le fort de la maifon^ ou du Temple du Dieu
Benih , r~in3 Hn no , c'eft-à-dire , que ce Temple de Berith étoit en
même tems la citadelle, le fort, l'arfenal, & le Thréfor des Sichemites.
Qusft.Rom. Plutarque nous apprend que les Romains mettoient auffi , leurs Archives,
^^' 6c le Thréfor public , dans un Temple , c'eft celui de Saturne. Nous n'a-
vons prefque point d'autre fource , d'oii nous puiflions tirer quelque lu-
mière pour connoîu'e cette ÊaulTe divinité, .que fon nom. Et là-defllis il y
a divers fentimens.
prcmkrc Premièrement le mot de rr'ii , Berith , en langue Phénicienne &
B°hi!-teîtth î^ebraïque fignilie alliance. Ainiî le Dieu Baal-Berith peut être inter-
ctï le Jupiter prêté 5 par le Dieu des traitez^ & des alliances. Et en effet c'eft ainfi que
de^Lattns '^ comprcneut la plupart des Auteurs. Le Paraphrafte Chaldée tourne
Munfter in C3Vp S^3 , Deus juramenti , aut fœderis. Erant olim ^ dit Munfter , apud
s.Jud.v.4. CmanAos multi dit, qui communi nomme vocabanturBahd^ quodDominum-&
Maoiflrum foncit , feà habuit quilibet Bahal nomen proprium , ut Baal-Zebub ,
id efi, Deus mufcarum ; Baal-Pehor , id efi Deus voracitatis ; Baal Berith, Do'
In Jud. minus fœderis. Drufius dit auffi, Baal-Berith , fie vocabatur numen Sichemi-
^•33' tarum, & valet m Jî dicas fupiter fœderis ^ id efi fœderatus. Les 70. Inter-
prètes, & la Vulgate Latine de St. Jérôme, n'ont pas pris le mot de B^-
rith , pour un nom propre , mais pour un nom appellatif. Car les Grecs
,ont dans leur Bible , £Ôv)J<û;v aùroïq Ti$ BduK ^/«ôi^kvjv , rë eïvxi avroTç hvtov elç
èeov. Et là Vulgate , percujferunt cum Baalfœdus ut effet eis in T>eum. Les
Grecs & les Latins ont donc pris Berith , pour alliance, ayant tourné &
ils firent alliance avec Bahal , afin qu'il fut leur. Dieu. Il y a mê-
me des Juifs qui l'ont ainiî entendu : Entre les autres un certain Rab-
înjudiccs bi Efaïe, que Buxtorf a mis à la marge de fa Bible, izin \"]h r\'^^^ hv^ *'3
4:ap, s. mioan iTÙ , Pinterpretativn efi , que les Sacrificateurs des hauts lieux entrèrent
en alliance avec l'^Idole. Mais Ralebag & Rachi eftiment que c'ell un
nom propre, ioîJ' -js, tel efi fon nom , dit Rachi, Sya cu^nVî^S anS idb'
ïnjudices T~i'»^3 hv'2 n%T lûU'îi' "iHî^ , & Hs choifirent pour leur Dieu un Bahal , dont le
*^^' *• mn} étoit Bahal- Berith , dit Ralebag. Il eft bien vrai que , félon la
Phr^fe Hébraïque, nni Si^a, lignifie un homme avec qui on eft en al-
liance. Ainfi on pourroitinterpreter ce Dieu , p^r Jupiter Fœderatus, c'cûr
ià-dire , le Dieu avec lequel on auroit traité alliance^ que l'on auroit
choifi pour fon Dieu. Mais il feroit beaucoup plus raifonnable de l'in-
terpréter , par Jupiter Fœderalis , le Dieu préfidant fur les alliances. On
peut donc conjeâiurer que ce Jupiter , que les Sichemites choifirent pour
leur Dieu, eft le Bahal, ou lé Jupiter, de toute la Phénicie. Mais que
dans ce lieu-là il portoit le titre de Jupiter des alliances , parce que c'é-
toit celui que les hommes prévoient à témoin de leur fidélité, ÔC par le-
quel ils juroient pour la confirmation de leurs alliances.
Et
ET DES CULTES DE L'EGLISE. Tariiy. 617
Et ce qui confirme cette conjedbure, c'eft qu'efFedivement le Jupiter
des Payens avoit divers titres , félon la diverfité des nations. Et il étoit i
adoré en un lieu fous un éloge, &dans un autre lieu fous un autre titre.
Ainfi ilsavoient un Jupiter appelle héaioç ôc hsTy^cioç^ deprecabilts^ exora-
ble, qui fe laifle fléchir. Et au rapport de julius Pollux , c'étoit l'un des PoJiux On*-
trois Dieux , par lefquels Solon permettoit de jurer , héaio;^ ncMpc-iog ôc ["^'J'^^J'
é^ciH3çy,iiioç > fHpiter exorahle ^ pHrifiant^ & chaj]ant les maux. Les Lacede- Pauianias is
môniens avoient un Jupiter qu'ils appelloient Cofmetas^ c'eft-à-dire, Sou- ^«o^iciï.
veraindu monde. Dans l'Ile d'Eubée, aujourd'hui de Negrepont, Ju-
piter avoit un Temple fous le nom, de 7.eùç èiriyixp^iQQ ^ Jupiter fruclifiant. Hefydiios.
Il y en avoit cent autres de cette nature, comme è%itvii^ioç ZîO?, Jupiter
feant fur le Tribunal, I^^oq Xsùç, év(Jiy,ixoç ZïOç &c.
2. Mais ce qui augmente & fortifie cette conjeélure, c'eft que Jupiter
a été connu entre les Grecs & les Latins , fous ce même nom de Jupiter
Fœderatm ^ on Fœderalis. Colehamr , dit Lilius Gyraldus , & in fœderihfis Hiftot.&c«-
fanciendis apud Cr&cos évépuiog Z?ù;, à JHramento videlicet appellatus. En ef- J"^ ^^'^"
fet Paufanias dit cxprelîément que dans le lieu , oîà fe celebroient les jeux Paufanias #
Olympiques, le Sénat, ou le Confeil s'aflembloit dans un efpace, où étoit ^°^^""*-
le fîmulacre de Jupiter , fornommé opaiog, qui tenoit des foudres dansfes
deux mains, pour fîgnifier qu'il puniroitde toutes fes foudres les violateurs
des fermens. Les Romains avoient un femblable Jupiter , qu'ils appel-
loient J^^^p/V^r Z,/«;7/>, ou Lapideus ^ Jupiter la Pierre, ou Jupiter de Pierre.
^uid igitur jmabo per fovem Lapidem %^mmo 'vetujiiffimo more ? dit Apu- lalibrode
lée. Et ce nom étoit venu d'une Cérémonie , qu'ils obfervoient en con- JJ/° *°"*'
firmant leurs traitez> ils prenoient une Pierre enmain,ôcdifoient, fifaens
falUm^ me Diefpiter falva urbe ar<:é^m bonis ejiviat y ut ego hune Upidem. Po- Feftus.
lybe dans fon Hiftoire , & Tite - Live dans la fienne , nous remarquent vide Eraf-
cette cérémonie , dans^ la paix qui fut conclue entre les Romains à les chiïîad??'
Carthaginois , après la première guerre Punique. Et voila la forme du centuiias.
ferment , comme Polybe dit qu'il fut exprimé ôc conçu par celui qu'ils poiy^.lfb.,.
appelloient Fœcialis. & qui fut auffi eravé dans une table. Si je fais cette Tite Li?e
n ^ r i r r ■ ^ F ■ • J r Decad i,
aliiance & ce Jerment de bonne foi, & jans intention de tromper^ que toute prof- iib_i.
perité me puijfe arriver de la part des Dieux. tJM^ais s'il en efi autrement , cjue
tous les autres demeurent fains & faufs^ & que je puijfe pe. i- jeul au milieu des
loix de ma patrie , dans ma propre maifon , & dans mes fepulcres ^ comme cette
pierre tombera de ma main j & fans rien ajouter , incontinent iljetta la pierre
hors de fa main. Je foupçonne que le Jupiter Arbitrator des Romains étoit
encore le même Dieu , & qu'il étoit appelle Arbitrator , quafi tefiis &
arbiter^ qui in fœderibus & juramentis invocabiUtur. Il avoit un Temple ap-
pelle icevrciiîvXo)) t dans la région Palatine, comme le rapporte P. Viélor in
lîb. de urbis RomAregionibus. Si quelqu'un avoit de l'amoiïr pour cette con-
jeélure , il pourroit encore l'appuyer par fétymologie du mot Berith^
qu'on peut dériver deî*<in, qui ^entr' autres fignifications,fignifie couper.
On fait que les Hébreux, auffi bien que les Latins , ÔAÇent ferire foedus ;
nnn ry\'-\'2 , à caufe de la cérémonie de tuer, &; d'immoler une viélime
pour la confirmation des traitez. De forte qu'on pourroit interpréter Ba-
hal-Berith , Deus percujfionis ^ fcilicet ^ fœderis & vitiimA. Voila ce que l'on
'Fart. IF. liii peut
6i8 HISTOIRE PES DOGMES
peut imaginer pour le fentiment de ceux, qui croyenc que Bulial-Berith
étoit le fnpiter Fœderalii des Payens.
ucor^ic On peut encore faire une conjeéture , qui n'a gueres moins de vrai-
r"'^^"de ' rembLmce. C'eft que le Bahal des Sichemites avoit emprunté ion nom.
B^aSrydi de la ville de Beryth , Berythos. Il y avoit plufieurs villes de ce nom : Il
'ïdeBe- y^'"* ^''°^'- ""^ entre les villes des Gabaonites, qui s'appelloit en Hébreu.
i)thenïhé- rm«3 , Bcroth, ou Beruth , qui tomba dans le partage des Bcnjamites.
ToflSp 17 ^^ y^'"* ^voit une autre de même nom dans l'Arabie, *lelon le témoignage
&!?. i>. de Stephanus ancien Géographe. Mais il eil certain qu'il y en avoit une-
DeUibibu.'. dans la Phénicie, qui étoit fituée entre la mer & le mont Liban, au dei*
fus de Sidon , en tirant du. cdté d'x^ntioclie , 6c aujourd'hui elle s'appel-
le encore Baruth.
Lemnius AnûquÀmque TfTon , Beryti & mœma grata,.
Simon es
Afro"7'° 'Stephanus nous dit que cette vilte étoit ainli appellée , S/à ro ew^m, ^y,p.
^ ' yàp 70 (ppsap TTCip avToTç ^ à eaufe de l'humidité de fa fituation , parce que
Ber^ dans leur îajngue , (ignifie puits. Cela eil vrai , càx Berotk^ ou Be-
ruth , (ignifie en Phénicien, ôc en Hébreu , des puits. C'eil de cette vil-
le de Beruth, ou Beryth, qu'étoit le fameux Sanchoniathon, Hiilorien
êc Théologien des Phéniciens j. qui dit de cette ville de. Beryth , félon
ApudEufeb. la vcrtion. de Philo Bibîius, que Saturne dbnna U ville de Beryth , à T^lèptu^
Bnep.Evang. ^^^ ^ ^^^.^^ Cabires-, aux laboureurs & pêcheurs^ qui j confacrerent les reliques de
Pontt-is^ le père de 1S[eptune..
ExPorphy. Ce fut à Ablbalus , Roi de cette ville de Beryth, que Sanchoniathon
Hoiib.^.. dédia fon ouvrage, comme nous l'avons v.û ci-devant. A'/3/|3aAw- Bi^pu-i^jy^
rv^v 'iqoçiiuv àvu^i'. .Les Sicbemites très aflïïrément avoient emprunté leur
Bahal Berith des Phéniciens , dans le voifmage defqucls ils étoient. Et
il fe peut taire que ce Bahal fût le Bahal de la ville de Beryth , Jupiter
B^rythius.. Car tout le monde fait que les Dieux des Payens fe dillinguoient
par les noms des lieux, dans lefquels ils étoient adorez. Ainli il y avoit
\e Jupiter Capitolinus ^ Dodonttus , Idaus , &C. Ce qui rend vrai- femblable
cette conjeélure, c'eil que, félon le fentiment des Doébes , J,crubbahal\j.
qui eil Gedeon, eil le ferombahal ^ Sacrificateur du Dieu Jao, avec le-
quel ferombahal Sanchoniathon dit avoir eu commerce , 6c avoir eu de
lui des mémoires, d'où il a tiré fon Hiiloire 6c fa Théologie. Ce Sancho-
niathon étoii Berytien , comme nous l'avons vu: , 6c par conféquent il
avoir pour Dieu Jupiter Berytien , le Dieu de fa ville. Il eut grand com-
merce avec Jerubbahal, qui demeuroit fouvent en Sichem , oij il avoit
une concubine. Il fe peut faire que ce Berytien , venant voir Jerubbahal
en Sichem, ait corrompu le peuple , 6c lui ait appris. le culte de ce faux
Dieu Baal- Beryth , ou fupiter Berytien.
îhaîeg îart Tout ccla a de la: vrai-femblance. Mais cependant fans balancer , je
& çap^uUim, jT^g range dans le fentiment de l'illultre Bochart , qui tient que ce Dieu.
n'écoit pas le Bahal des Tyriens & Sidoniens. Que c'étoit à la vérité un-
des Dieux des Phéniciens , mais un Dieu, différent des autres Bahahns.
Il n'avoit pas tiré fon nom de la ville de Beryth , mais il avoit donné
ET DES CULTES DE L'EGLISE. Part.lY. 619
îe nom à la ville. Ce faux Dieu s'appelloit proprement Beryth , ou Be-
Yiiih , & le nom de Bdod , qui efl mis devant , dans le cornpoié Bahal-
Benihy ne fait point partie du nom propre j c'eit un nom appellatif, com-
me parlent les Grammairiens : C'eft ie nom du 2)/>« , ôc c'eft tout de
même, comme fi l'on difoit , le Dieu Berith. Cela eft clair par le texte
du livre des Juges. Car celui qui efl appelle Bahal-Benth dans le S"^*^.
chapitre, eft appelle El-Berith dans le neuvième, ce qui fignifle le Dieu v. ^&.
Berith. Bahal ôc El font deux mots Hébreux, ou Phéniciens, qui figni-
iient tous deux Dieu, ou Seigneur. Le premier, (avoir B^ïW, étoitlemot
des idolâtres , "& celui d'£/ étoit employé par les ïfraëlites , pour figni-
iier Dieu j ainiî ce que le Livre des Juges appelle ce Dieu Berith , tan-
tôt Bahal-Berith , 6c tantôt El-Berith , eft une preuve que les mots B^hal
& €1 font des noms appellatifs , qui ne fignifîent autre chofe que le
Dieu. Voyons préfent€ment quel eft ce Dieu Beryth. Bochart croit que
c'eft une Déefîè , appel iée B(?r<?É'' par les Grecs , dont le Poète Nonnus inDioKyfia*
parle très fouvent , qu'il dit avoir été demandée en mariageparBacchus.'Jj^ j^'^-^^'
Ajoutant qu'elle lui fut refufée, Se en fuite mariée à Neptune. Il la fait
iîlle de Venus & d'Adonis. Et dit que c'étoit la DéefTe de la ville de Be-
ryth, à laquelle elle avoit donné le nom.
Il ne faut pas que l'on foit furpris fi Baal-Berith^ dont le Livre des Ju- Bahai-Berkk
ges parle comme d'un Dieu, fe transforme fubitement en une Déefle. Il ^\^l
eft vrai <]u'il l'appelle El , Elohim , Bahal^ qui font des noms mafculins.
Mais la raifon en eft claire , c'eft que le diale6le des Hébreux n'a point
de nom qiri fîgnifie Déejfe , à caufe que les ïfraëlites ne reconnoifToient
point de fexe dans la divinité. Les Phéniciens dans leur diale^Sle avoient
leur Bahalaiij qui fignifie ma Dame , ou tna De'ejje , d'où les Grecs ont Commeîcs
fait la Déefle Baaltis. Mais les Juifs ne connoifTant pas de Péeflè, &n'en \llf^]t^f^
voulant pas reconnoître , appelloient tous les Dieux des Paycns Baalim , Dame.
6c Elohim. Ainfi quoi qu'entre les Dieux des Syriens, dont les Pi-ophe-
tes, & les Auteurs des Livres du Vieux Teftament , parlent fî fouvent, La Langue
il y eût des Déeflës auflibien que des Dieux, cependant jamais ils ne par- sainte n'a
:]ent deDéeflés, & ils appellent cts Déeps , Dieux ^ d'un nom maiculin. deD/#r&
Ainfi Aftoreth , ou Aftarté, qui certainement étoit une Décile , eft ap pourquoi,
^pellée Dieu des Sidoniens , 6c non Déefle. Et Salomon fe détourna après i. Roîsrr.
Aftoreth, Dieu des Sidoniens , & ils adorèrent Aftoreth , Dieu des Sidoraens.'^-^'^^-'^^'
Mais après ce que nous en dit Sanchoniathon , il n'y a plus de lieu df
douter que Beryth ne fût une Déefle. Car il étoit Phénicien, il étoit Be-
rytien, & de la même ville oii cette Divinité s'adoroit. Et voici, ce qu'il
dit dans On pafl'age, que nous avons déjà cité , de la généalogie qu'il a
faite àQ^ Dieux Phéniciens, -auto!, tûvtovç ylvBTul tlç èKiovv ucchoCp-evog v'^yçcg^
nai ^Kfià' T^'sypijJvyiBvjp'évè''. ' Dans le meme'tems cjue ceux-là naquirent.^ uncn-
iain nommé èlion , (îppeîlé le Souverain^ c^r une femme e^ui s'' appelle Beruth
^c. On peut ajourer à cela^ pour ceux qui favent un peu d'Hébreu, que
les terminaiibns en ri>, ni, ithèzenuth, font des terminaifons toûjouiis
féminines, fur tout dans les noms propres niaSo , nnin"». Am(i Berith, o\i
Beruth, eu afliirément une femme.
ïiii z G H A«
éio H I s T O I R E D E s D O G M E s
CHAPITRE II.
Notables conjeEîures fur le nom de la T)éejfe Berith 3 que c'eji la
Cybele des Grecs: qu'elle a tiré jon nom é;' fon origine de l'^Hifloi"
re de la création 3 &du Ferbe qui créa le (Monde,
p
Our favoir quelle étoit cette divinité, 6c quels font les Dieux Ani-
maux, & Nctturels, cachez là-defTous, il faut écouter ce même
Sanchoniathon , qui dit avoir eu des Mémoires d'un des Sacrifica-
teurs du Dieujao, c'eft-à-dire, du Dieu d'Ifraël , quis'appelloitjehova.
ApudEufeb. Dans le même tems naquirent un nommé Elien ^ appelle' le Souverain , &unefe'
sitao. ^* * ^slls''i^mme'e Bermh. Ces deux perfonnes occupèrent le Païs voijin de Bihlos,
& engendrèrent un fils terreflre & ne' de la terre mème^ «ûro^ôwv, lequel enfuit^
ils appellerent Cœlus^ duquel aujji le noble élément , qui roule au dejfus de nousy
fut appelle Cixlum, a cauje de ja beauté. Ce Ccelus eut une fœurnée aujfi desmê^
mes Père ^ Mère , favoir Elion , & Beruth , qui fut appellee la Terre , nom que ,
P on donnât depuis , à caufe de fa beauté ^ a ce noble corps que nous appelions ain-^
Jï.. Or leur Père appelle Elion , ou le Souverain^ fut tué par des betes, ^ après
fa mortfes enfans le mirent au nombre des Dieux , & lui firent des Sacrifices & des
encenfemens^ Ccelus ayant, fuceedé ^ & pris P Empire après luij époufa la Terre ,
fa fœur^ & il eut d'aède quatre fils 3 Ilus^ qui efi Saturne y Betjlus 3 Dagon ^ au^
trement appelle Sito 3 cefi-a-dtre ^ celui quipréfidefur le froment ^. & Allas.
Seroit-ii poffihle de retirer quelque vérité de deflbiis cet amas cons»
fus de fables? Nous avons déjà vii ce texte de Sanchoniathon j mais
fans en avoir fait grand ufage. Voyons fi nous y pourrions comprendre
quelque chofe. Voici ce que j'en penfe. 1. Cet Slion 3 qu'il interpre.-
te par v^içog j le Souverain, & le Très-haut, eft un mot tout pur Phéni-
cien >. & tout pur Hébreu rvSi?, Elion, mot qui en effet lignifie le 5o«-
verain3 & c'eil un des noms de Dieu,, Créateur du ciel &: de la terre. Ce
€«n^e. 14. fut le nom , fous lequel expreffément Melchifedee bénit Abraham , heni
foît Abrani de par le Dieu fort Elion. Or Abraham jura au Roi de Sodome,
qu'il ne prendroit rien du butin ,, par le même Elion ,.Sauverain, Créateur
du ciel &de la terre. Ainlîcet Elion de nôtre fabuleux Théologien, qui
a engendré un fils, nommé Cœlus, &une fille qui a porté le nom de Ter-
re , eft clairement le vrai & le grand Dieu.
2.. Quelle doit donc être cette Beryth ,. avec laquelle il engendra Cce-
lus & la Terre? Une dit pas que c'eil fa femme, ni qu'il l'époufa; ce
que dans la fuite il dit expreffément des autres Dieux ôc Déeflcs,- dans
cette- monftrueufe généalogie des Dieux i II dit fimplement qu'ils engen-
drèrent Cœlus. Par cette Baruth , ou Beruth, eft défignée la venu créati-
ve d'£//o», du Dieu Souverain:, t^na, ^^r^, dans lalangye des Phéniciens 5
fîgnifie créer, & Kfini, beiruth , & berttha, «fignifie la création en Chai-
daïque ôcen Syriaque. Cette vertu créative de Dieu, en bonne Mytho-
logie,.
ET DES CULTES DE VEGLISE. Part.lV. 621
îogie, me paroît être fa parole; & Dieu dit ejtte la Inmiere foit (^ la lu-
mière fut \ de forte que dans la Théologie de Sanchoniathon, félon nôtre
conjecture 5 cette Berith, ou Bermh, elH'intelligence divine , 6clafagef-
fe du Père , qui a créé le ciel & la terre , & que la révélation nous fait
connoitre comme une perfonne diflinéhe , dans l'adorable divinité. Oi-
Elion n'eft point appelle le mari de Berith^ parce que dans la véritable Théo-
logie, que Sanchoniathon a corrompue, la vertu créative du Dieu Sou-
verain n'eft point repréfentée comme la femme d'Ilus , mais comme Ja
vertu émanée de lui.
5. Cet Elion, & Beruth , engendrèrent un homme, qu'il appelle
eV/yf/oc, «ÛTop^ôwy, indigena ^ a îenanatus. Il eft clair quec'eft Adam, qui
efl l'homme créé de la terre même qu'il habita: cette fille fœur de cet
homme , avec laquelle il fut marié , ôc par laquelle il devint Père des
Dieux, Saturne ôcc. c'eft Eve la mère de tous lesvivans, & de tous les
hommes, dont \ç.s Payens ont fait des Dieux. Mais ce fils ôl Elion ^ ou du
Souverain , ' eil auflî appelle le Ciel. C'eû parce que fi Adam par fon corps
étoit èTîlyeioç^ terreftre , il étoit eelefte, à caufedel'amequeDieuluiavoic
infpirée: fa femme efl appellée /<;! 7>rrf feulement , parce qu'il n'efl pas dit
que Dieu lui foufHa infpàation dévie, comme il ell dit d'Adam: il n'efl
parlé que de la formation de fon corps , comme fî elle eût été toute terre &
toute matière. Mais fur tout Adam & Eve font appeliez le Ciel êc la Terre , à
caufe que ce font les deux premiers hommes du monde j comme le Ciel
êc la Terre font les deux premières 6c principales parties de l'Univers :
Et parce que le Ciel & la Terre font conçus , comme les deux principes
de la génération de tous les animaux, le Ciel comme le mâle, & la Ter-
re comme celle qui efl empreignée par la vertu du Ciel, ainfî Adam &
Eve ont été la iburce de tous les autres hommes : Et enfin parce qu'il efl
familier aux Théologiens du Paganifme de confondre les Dieux Naturels
avec les Dieux Animaux, il ne faut pas s'étonner fi celui-ci confond le
Ciel & la Terre, qui font les Dieux Naturels, avec Adam & Eve, qui
font les Dieux Animaux. Mais que veut dire ce qu'il ajoute qu'Elion ,,
le Souverain & le Très-haut, mourut i-/. au/xé'oAîïi^ ôv)p/wv , ex congrejfn fera^
Yum. Pour moi je foupçonne que c'efl encore ici un mélange des aven-
tures du Dieu £lion^ avec celles de fon fils «l/to'^ôwv, qui eft Adam. C'ell
le combat du Serpent avec Adam 6c Eve, dans lequel ils font furmontez
par cet animal, qui leur caufa la mort en les engageant dans la révolte.
Pour revenir à nôtre Beryth , Déefîë des Berytiens , félon Sanchonia-
thon, le Théologien des Phéniciens, ce feroit la vertu créative de Dieu :
Mais je ne penfe pas que les Sacrificateurs , 6c XtsAijflagogiàit cette Déef-
fe, rcmontaiTent fi avant. Et je fuis le plus trompé du monde, fi dans
leur intention, cette Eerjth Vi kxo\t la terre même, ou la vertu générati-
ve de la terre. C'efl ce que nous pouvons recueillir de Nonnus, qui, dans
fes Dionyfiaques, fait cette Berith^ qu'il appelle Beroé^ fille d'Adonis 6c
de Venus. Nous verrons dans la fuite comme Adonis efl le Soleil , ôc
Venus efh la vertu générative du Ciel , & de la nature en général. Or
cette vertu générative de ia terre vient de ces deux principes : d'Adonis ,
ou du Soleil, de Venus ôc de cet efprit génératif , qui ell répandu dans
toute la nature, 6c qui a fa fource dans le Ciel. Le nom fignifie cela-
même,. . liii ^ Saa-
622 H I S T O I R E D ES DOGMES
Sanchoniatbon.a pu croire que Bermb venoit de Bara^ créer. Mais H
y a plus d'apparence que les derniers Phéniciens l'ont dérivé, oudenns,,
parah, qui figniiié fruétifier, ou de ni3 .^barah ^ qui fignifie manger, le
nourrir. Ainii nnnVys, baal-berith^ ou nnsSj;a , ùaal-pc-riih, fignifîe la
DéelVc frudtilrante, ou la Déefle nourrilllante, & c'ell la defcription de
la terre. Et c'eil à mon fens laDéefie Cybele des Grecs 6c des Romains.
Il y a apparence que cette Beryth eft la Déefle Syrienne, dont Lucien
nous a laiflë un livre. Lucien ne lui donne point de nom. C'eltquelenogi
de Déefle lui demeura par excellence, parce qu'étant Cybele Mère des
Dieux, elle nieritoit être appellée la Déefle Amplement, comme étant
la Mère de toutes les autres Dée&s. Et c'efl: pour cela même que Ton
culte l'emporta fl fort fur celui de toutes les autres divinitez. Car Lucien
dit , <^«'z7 ny avoit rien de plus augufle , ^ de plus beau , <:^ue [on Temple.
Qu' outre les ouvrages de grand prix ^ ^ les ojfrandes qui y font en tréi- grand
mombre , il y avoit des marcjues d'aune divinité préfente '^ qu^ony voyait le s fiât ues
fuer , fe mouvoir , rsndre des oracles , & Pon j entcndoit fouvent du bruit , les
porta étant fermées. Au rcftc il répréfente que le concours des dévots, ÔC
les folemnitez de cette DéeflTe étoient furprenantes. C'efl; parce qu'étant
la Mère des Dieux, on la conflderoit plus que îDutes les autres Déeflés,
Tout ce que nous dit Lucien de cette Déefle Syrienne convient bien à Cy-
bele , quoi qu'il eflime que c'efl; Junon. Laftatue , dit-il ,-^/? fur un char tiré
par des lions , elle tient un tambour à la main , & elle esî coiffée de tours , comme les
Lydiens la dépeignent. Il efl vrai qu'il dit dans la lùite qu'elle a quelque chofe
des autres Déefiès. Car elle tient , dit-il , unfceptre dans une main , c^ dam l'' autre
une quenomlle , ^lle a la tête couronnée de rayons ^elle efl coiffée de tours , ellexfi cein--
te d'aune échjîrpe ^ comme Fenus Vranie. Je ne croi pas que cela fait capable
de rendre Cybele méconnoiflable. Ce Sceptre convient très -bien à la Mè-
re des Dieux, qui doit être la Reine. Cette quenouille montre qu'elle
eft femme , ^ qu'elle domine fur (on fexe. Ses rayons répréfentent la
lumière du Soleil, qui couronne la terre, & qui la rend fertile: l'échar-
pe eft un ornement de toutes les femmes, qui peut être donné à Cybele,
ciaiid. \ib. comme à toutes les autres. Au refle les lions, les tours fur la tête, &le
Proferplns.* tambour , foHt reconiloître Cybele clairement, Bland/jue Leones Submifereju-
Lib. I. (;as , adyî/fcjuegavifa Cybele ^ Exilit ,&pronasmtendit ad ofculaturres. Et poul-
ies tambouts voici le témoignage de Lucrèce. Tympana tanta fonant pal-
•lib. z. mis ^& cymhaUcircum:Concavaraucifonominantur cornuacantu. St phrygiofli-
mulat numéro cava tibia mentes. Et Catulle in Carminé de Berecynthia cr Aiy.Se^
qmfnir.î Phrygiam ad Dommn Cy bêles ^ Phrygia ad nemora 'Dca ubi cymbalumfonat^
vox ubi tympana rehoat. Ajoutons à cela ce que Lucien dit, que les Sacrifica-
teurs de la Déefl^e de Syrie étoient coupez , & même ils portoient l'habit de
femmes, & n'ont point, dit-il, d'autres occupations que celles des fem-
mes. Il dit encore que dans les fêtes folemnelles de cette Décnè, quel-
ques-uns pour lui faire honneur .entrant en fureur au fondes tambours, (c
coupent les parties naturelles, puis courent tous nuds par la ville, te!i.tnt
leurs parties dans la main, ^ la première maifon où ils les jettent , eft
obligée de leur fournir un habit de femme. Evidemrnént cela le fait en
l'honneur delà. Déefl'e, qui coupa Atys. Aufli Lucien avouë-t-i! -y^V/^
ojfii dire à une perfonne.dîgne de foi ^ que C€ Templea été confacré à Rhea^ ou
Çybe^
ET DES CULTES DE L^EGLÏSE. P^r^r. IV. 623
Cybele^ par Atys^ cfui a le premier enfeigné anx hommes fesmy[}eres. Car tout
ce cju'en favent les Lydiens ^ la Phrygiens , & les Samcthraces ^ vient de lui qui
étott Lydien, Depuis qpte Rhe a Veut fait Eunuque ^ il vécut en femme ^ il en
prit l'habit ^ & en cet état il courut le monde ^ ou il divulga- fes cerenionies & .
fis my fier es. Et lors qu'il fut arrivé en Syrie ^ & qu'il vit qt^e les Peuples de
delà PEuphrate ne le voulaient pas recevoir ^ il s''y arrêta & y hâtit un Temple à
la Déejfe , comme plufeurs chofès le témoignent.
C'eit pourquoi je fuis furpris que Lucien abandonne ce fentiment (îbien
fondé, pour lliivre une tradition fort incertaine, & qui n'a aucun fonde-
ment, que' ce Temple étoit dédiéàjunon. Cette DéeOe Syrienne eft
donc notre Beryth, & Tonne fe doit pas faire une difficulté de ce que la
ville de Beryth, où fut premièrement adorée la Décile Cybele,en: à quel-
que diftance de la ville de Hierapolis, oii étoit le Temple de cette fa-
meufe Déelle Syrienne, Beryth étant vers la JMer, Se Hierapolis du côté
du fleuve Euphrate. Car il eft bien aifé de concevoir comment une
divinité ,. dans une même Province , peut palfer d'une ville à l'au*--
rre.
Au refte Apulée eft abfolumentde ce fentiment, que la T>ç,t^ç^ Syrien-
ne efl: Cybele, la Mère des Dieux , qui per plateas & oppida crmhalis &
crotalis perfonantes , Deamque Syriam circumfer entes , mendicare compellent Dekm
Matrem. lib. 8. Il parle de ces impolleurs, qui portant l'image de Cy-
bele de lieu en lieu, demandoient en fon nom, 6c maudiilbient ceux qui
refufoient de donner. Et cependant Apulée ailleurs confond la Déeffe
de Syrie avec Junon, comme Lucien, car voici comme il introduit Pfy-
€hé invoquant Junon , quam cunclus Oriens Syria veneratur , & omnis Occi-
dens Lucinam appelUt. Meta. lib. 6.
Perfonne n'a mieux pénétré dans les myftercs de cette Religion de Cy-
bele, que Macrobe,- il dit qu'Atys , eft le Soleil , & Cybele la Terre, saturmi-
Et il nous apprend qu'il y avoit entre les cérémonies du culte de cette ^^''' ^'
Déeffe , un deuil femblable à- celui qui fe faifoit dans les myfreres d'Ifis,
& de la Venus Syrienne , fur la mortd'Ofiris, 6c d'Adonis, qui ilgnifioit
le deuil, où fetrouvoit la terre dans i'abfence du Soleil, Pr&cipuam au-
ter» Solis in his> ceremoniis vert-i ration em hinc etiam pot efl inteîltgi , quod ri-
tu eoruni' 'Aurci(icc<rci finita ^. ftmulation é^ue luEius peralla , celebratur Utitia exor-
dium ad o^avum Calendas Aprilis^quemT)iem HUarium appellant,qua primùm
tempore , Sol diem longiorem no^e profundit.
Ainfi la Berith des Phéniciens ^•c't^ cette divinité que les Grecs 6c
les Romains ont appeliéc Rhea, Ops, Cybele. Cette Cybele eft cette
T)étÇ\Q Phrygienne, qui fut apportée à Rome par Scipion Nafica, après LivîiMk
la féconde guerre Punique. Elle porte divei's noms. On l'appelle ^^'
Dyndymene , Peffinuntia , Àîygdonia Mater , Mater Phrygia-^ Mater Deorum ,
Berecynthia. Ce dernier nom me paroît tout pur Phénicien ou Hébreu,
Oi> veut qu'elle ait été ainfi appellée de la ville de Berecynihus. Mais il
eft bien plus raifonnable de croire que la ville atiré fon nom dcîaDéefle,
car Berecynth fignifie , demeure, de la Déefe Bere ^ ou Berith^ ny^yy^'^ , Bf-
Y£:sklnat. Le nom de Cybeie eft encore Phénicien , comme nous allons
voir tout à l'heure, quand nous rendrons raifon pourquoi ce nom lui a été
donné,.
Oir
ta. Hefy-
chiusinvocc
Jib. 2»
624 HISTOIREDESDOGMES
Or il n'cll pas mal-aifé de concevoir , comment cette Déefle desPhé-
niciens a pafîe en Phrygie, car elle n'a eu qu'à couler le long de .la Côte
de l'Afie , qui s'étend depuis le Liban ÔC la Syrie , jufques aux Côtes de
l'Afie Mineure , le trafic des Tyriens 6c des Sidoniens étant extrême-
ment grand dans toutes ces Côtes. Sur tout fi l'on confidere que la Déef-
fc Bertth étoit la terre, comme nous venons de le montrer, il fera diffi-
cile de douter que Cyhele 6c 'Berith ne foient la même Déefie. Or que
Cybele fût la terre , ôc la vertu générative de la terre , cela n'a pas be-
foin de preuves , puifque cela efl; confefle & reconnu de tous les Mytho-
logifles.
1 . C'efi pourquoi cette Déefle a été appellée Cybete , non pas d'une
montagne, ou de quelque place de Phrygie , comme l'ont eftimé Stra-
bon, Stephanus, & Hefychius. Mais du mot Hébreu Sip , Kibbely qui
fignifie recevoir , parce que la terre reçoit les femences pour les rendre avec
ulure , comme les Latins l'ont appellée Ops , ab opibns , parce qu'elle pro-
duit les richefles 5 ou bien de Sno , Sabal , qui fignifie porter , à caufe qu'elle
porte les hommes, les animaux, & les plantes.
2. C'eft pour cela même qu'on lui mettoit des tours fi.n' la tête , &
qu'on l'appeiloit Turrigera j parce que la terre porte les villes-
Muraliqm caput [ummum cinxere corona,
Eximiis munitA locis ÔCc.
C'eft pourquoi elle" eft appellée Aima parens quap alamna.
^.ncid, lik Aima paretts IAm Deum. .
5^"- TunigerAque mbes bijugiqtie ad fr£naleones.
Les Grecs l'appelloient MuTu^ comme il paroît par ces paroles de Proclus
fur le Timée de Platon, MuTu 0f wv ùxarv) &c. Maïa la Souveraine des Dieux.
C'eft un mot Chaldée Nl^ss , maia, qui fignifie l'eau, parce que la mer
fait un même Globe avec la terre, ôc que la fécondité de k terre vient de
fon humidité.
5. Pour la même raifon on lui mettoit dans la main droite àts épies de
,' bled, & une poignée de miîlet , comme cela iê voit dans une antique,
qui fubfifle encore aujourd'hui , & dont nous parle Gruterus dans fon
Recueil d'Infcriptions. Cela répréfenfoic la terre, quife charge de bleds
& de. grains.
41 4. L'on fait que les Prêtres de Cybele fe déchiroient la ^chair &
la peau , jufques à fe-mettre tout en fang , à Thonneur de cette Déef-
fe.
<pyvd. Fafto.
mva iib. 4.
AloUefjue minijîri
Cadmt jaEiatis vtUa membra comis.
?>.ois. ï8. Nous avons vu que la même chofe fe faifoit dans les facrifices du Bahal
des Sidoniens. Et il y a bien apparence que cela fe faifoit aufii dans les
fcf vices de la Déelfô des Berythiens , 2c que par là ils vouloient répréfen-
ter
ET DES CULTES DE L'EGLISE. F^yt.lV. 625
ter la 'terre , dont on déchire la fuperiicie pour la rendre fertile.
f. Enfin le nom de Mère des Dieux, qui elt donné à Cybele , fait
voir que c'eiï la Berkh , ou Beruth , des Phéniciens. Car Sanchoniathon nous
a dit ci'devant que cette Beruth, s'accouplant avec EUon eut de lui Cœlns^
& la Terre, defquels naquirent enfuite Ilus, ou Saturne , Betylus , Da-
gon , 6c Atlas , Ôc tous les autres Dieux. Il ell vrai que les Poètes &
les Mythologiftcs font Cybele femme de Saturne, ôc non pas fa Grand-
Mere, comme Sanchoniathon. Mais ce n'eft rien que d'avoir confondu
la mère 6c la fille , à des gens qui ont confondu le Ciel avec la Terre,
l'Hiftoire & la Fable , 6c qui font des généalogies des Dieux monftrueu-
Çes , 6c où tout efl rempli de confufion 6c de défordre.
Voilà ce que nous avions à dire àts Dieux Naturels cachet fous la Déefie
Éerith. Quant aux Dieux Animaux,il eft difficile de trouver fous cette Berich,
la Cybele des Phéniciens , autre femme qu'Eve , la Mère de tous les
hommes, 6c par conféquent Mère des Dieux Payens , qui oiit été des hom-
mes. Il eft vrai que lafable attache à cette Cybele mille aventures, dont
il efl impoffible de découvrir les traces dans l'Hilloire d'Eve, 6c il eft ap-
parent que , félon leur 'ordinaire , ils ont affemblé les évenemens de
plufieurs vies , 6c les aventures de pluficurs femmes, pour en compo-
fer leur Cybele. Mais quoi qu'il en < foit , l'ancienne Cybele doit
être Eve.
1. Il n'eft pas étonnant qu'on ait donné un même nom à la première
des femmes, Mère de tous les hommes, 6c à la terre la mère de tous les
animaux.
2 . Cet Atys , fi célèbre dans la fable de Cybele dont elle étoit amou- c. lib. n
reufe 5c jaloufe, qui fut tué, auquel on coupa les parties de la génération, 5*^' "^^ *^*
fur lequel elle mena un fi grand deuil , me paroît être Abel , qui fut tué
par fon frère. Et ce qu'il fut tué avant qu'il eût eu des enfans, de forte
qu'il mourut fans laifler de pofterité , eft fignifié , ce me femble , per ca-
firationem ^ttinis. Car il eft certain que les Poètes , dans leurs fiélions,
ont fouvent répréfenté la fterilité , 6c la privation de pofterité , par cet
emblème 3 c'eft ce qui paroît par la ^ble de Saturne, coupé par fon
fils, ce qui vient de ce que Noé n'eut plus d'enfans après Cham. ;.
3 . Les fables difent que cet Atys fut tué aux champs. Cela peut ve-
nir de ce que Caïn dit à fon frère, dans le deflein de le tuer, miî'an2''A:,
Allons aux champs. Car encore que ces mots ne fe lifent pas dans l'Hé-
breu 5 ils fe trouvent dans l'Exemplaire Samaritain , 6c dans le Grec
des 70.
4. De plus quoi qu'il y ait une prodigieufe diverfité entre les Auteurs,
fur la table de Cybele 6c d' Atys, ils conviennent aftez que cet Atys étoit
berger, excepté Servius, qui le fait Prêtre de Cybele. Ter tullicn l'appel- J '^PJ™'»'
le FajhdioJMS Pafior , Cj/hele Pajîoremffifpiratfafiidiofum. Abel étoit aufti ber- Apologer. r.
ger, connne nous l'apprend Moïfe. ^^■
f . La Déefie devint amoureufe d'Atys , dans fa vieillefte. La Déejfs Libro de s^
iQoea^ d if Lucien, ne fatt-elle pas une chofe homeufe , étant déjà vieille^ '^^^^'
& Âierc de tant de Dieux , de s'^abandonner a P amour des jeunes gardons , d"
d?en ctre jdouÇe ? C'eft parce qu'Eve étoit déjà âgée. Mère de plufieurs
hommes , quand Abel , qu'elle aimoit , lui fut ravi.
P^m. IF, Kkkk «J. Or
626 H I ST G I H E DE S D O G M E S
vidcAmob. 6, On fait la jaloufie caufe de la morcd'Atys. Ileil vrai que ce fut la
lib. i. jaloufie de la Déefle même, parce qu'elle ne le pouvoit induire à l'aimer.
Mais à des Poètes, en genre de fidlions, il n'a pas été difficile de tranf-
pofer la jaloufie fur la Déefie. Car dans le fond il eft vrai que ce fut la
jaloufie de Gain, qui fut caufe de la mort d'Abel.
7. Enfin le grand deuil que meneGybele fur fon Atys, me femble avoir
tiré fon origine du nom d'Abel, car S3N, Ebel^ ou Âbel^ fignifie deuil dans
la Langue Sainte. Il eil vrai que le fils d'Eve s'écrit h^n^beM^ qui figni-
fie vanité , mais rien n'efl: fi aifé que de confondre ces deux noms , qui fe
prononcent de même. Les Grecs n'ont-ils point formé Atys d'^iVv] , mxa,
par allufion à Abel , dont le nom fignifie deuil, ou vanité , & qui fut tué
par fon frère? _
Au refte toutes ces aventures amoureufes, dont on a enfeveli cette Hif-
toire , ne viennent que du tour de l'êfprit , fi du cœur humain , qui fe
plaît à des fidlons fales. C'eft pourquoi ils ou converti la tendrefle d'u-
ne mère, en l'amour d'une amante , la jaloufie d'un frère en la jaloufie
d'une femme pofledée par une pafiion impure, & la privation de la pof-
terité en la privation des parties qui la produifent.
C HA PITRE IIL
Ve BeeUZebub. Toutes les conjeSfures de nos Savans font toutes fauf-
fes fur le Dieu Beel-Zebub. Ce n^ep pint le Bahaly ou le Jttpter
des Syriens. Ceft le Fluton des Grecs : le Prince des mauvais
Démons: Notables conjectures la-dejfus.
V
Oici un autre Bahal , dont il eft peu parlé dans le Vieux Tefia-
ment, mais dont le nom fe lit fort fouvent dans les Evangiles. G'efi:
Beel'Zehaby que les Hébreux prononcent Bnal-Zsbub ^ & les Grecs
Beel-Zebfil. Il en eft parJé au commencement du fécond Livre des Rois,
2.Roisi.z. dans THiftoire de la mort d'Ach-Azia , Roi d'ifraël , fils d'Achab. Et
Achazja, tomba par les treillis de la chambre haute , cjui e'toit en Samarie , dont
il devint malade. Et envoya des mejjagers , & leur dit , Allez. , enquereTirVOUs
deBahal-Zebub^Dieft deHekron , oh d'Accaron , fi je relèverai de cette mata-
V. 3. die. Cts meflagers furent rencontrez par le Prophète Elie, qui leur dit,
N'y ■a-t'^ il point de Dieu en Ifrael, que vous alliez, pour vous enquérir de Baal"
f Zebub , Dieu deHekron ? Et le Prophète étant allé vers Achazia lui-mê-
, V. 15. me, lui dit, Ainfi a dit le Seigneur , parce que tu as envoyé des meJfagerSypour
î'^enquerir de Baal-Zebub , Dieu de Hekron , comme s'il n'y avait point de Dieu
en Ifra'êl ^ tu ne décendras pas du lit , fur lequel tu es monte'. G'eft ce Beel-
Zebuljdont il eft afl^ez fouvent parlé dans les EvangeHftes, fous le nom
de Prince des Diables , & par la vertu duquel les Juifs difoient queNô-
Matth. 10. tre Seigneur Jefus-Chnft, jettoit hors les Démons. S'ils ont appelle le père
Qtîap,i2.a4, ^^ famille Bed^Zebul, combien plus fes. Domefiques? Et les Tharifiens ayant en--
ten-
ET DES CULTES DE UEGLISE. ParLiy.Gij
tendu cela difoient , cet homme ne jette hors les Dtables , ejne par Beel-Ze-
hnly Trince des Diables.
Je ne trouve point de fujet , où les lumières de nos Savans demeurent LesCrîti-
Çi couites^ , & ou leurs conjedures foient fî peu vrai-lemblables. Il ell J^^/o^f^i
vrai qu'on trouve peu de fecours chez les Anciens, pour la connoiflànce reuffi,dans
■de cette divinité. Cependant fi on eût voulu fe fervir de ce qu'on y trou- nionst^tôu-
ve, je croique l'on auroit été plus loin qu'on n'a été, & c'eft ce que nous chant BeeV
ell'ayerons de faire. Les 70. ont tourné les paroles du fécond Livre des ^ " •
Rois, par celles - ci, £V<Ç^îT;^<^«ré èv tc^ BduK (xvTav ôfèv A'undpav. Enquêtez.-
-vous de Bahal Mouche , Dieu d^Âccaron. St. Grégoire de Nazianze fem-
ble avoir pris ici le mot à'Accaron , pour le nom du Dieu , & non de la
"ville, oh. il étoit adoré. Car il dit , Ils ne chercheront plus la Mouche Dieu in JuHaanni
Accaron , ou s'^il y a quelque chofe de plus ridicule. Jofepbe , qui a fuivi les °"'" ^'
70. tourne aufli ôfôç [i^vra^ le Dieu JPKourhe^ Il envoya, dit-il d'Achazia ,
îrpoç Tov A'îi'/apwv ôsov |xu?«v. C'eft l'interprétation dumot Bahal- Zebub ^ car
Zebub en Hébreu Cigniûe Mouche^'^ahalZebub fignifie donc le Dieu Mou-
che, ou le Dieu des mouches. Le nom de Baal-Zebul^ avec une L, à là
fin, au lieu du B, fignifie ou le Dieu de fumier & de fiente, ou le Dieu
de l'habitation. CarenChaldée î>{'73t fignifie fumier, & Si3î en Hébreu
fignifie demeure, habitation.
Nos plus grands hommes croyent que ce Bahal- Zebub eft le grand Ba-
hal des Sidoniens ôc des Tyriens , qui eft le Jupiter des Latins & des
Grecs. Drufius foupçonne qu'il fut appelle Baal-Zebub , Dieu Mouche, Dtufiusa«â
parce qiie fa ftatuë avoit la figure d'une mouche , c'eft- à- dire , que fur ?e"^rând^'
un corps humain il avoit une tête, qui tenoit quelque chofe de la mou- Bahai des
die , lëîon la coutume des Syriens , qui compofoient ainfi \cs figures de "^y"^**®*
leurs Idoles , mêlées de la forme humaine , Ôc de celle de quelque ani-
mal. Et pour le nom de Beel-Zebul , qui fignifie Dieu de fiente , il fe Drufius in
perfuade qu'il lui a été donné par les Juifs, par derifionêc par opprobre, ^^^^' "*
au même (èns que l'Ecriture fainte appelle fouvent les Idoles a^'S^'^x, Se
C3»'7i\':i , des néants , & des Dieux de fiente. Le grand Scaliger efti- in lib. de
me que l'un & l'autre de ces noms, êc Beel- Zebub, Dieu Mouche , & ^T'cmpÏT
Beel-Zebul^ Dieu de fumier, font des noms infâmes , que ce n'étoient pas ^um in .
les véritables noms de cette Idole. Mais que les Juifs l'appelloient aiWfi paJTr^"
par raillerie, x^svcicUcaç ., qu'autrement fon vrai nom étoit -SW-Ze^<«c/? , ou
Bahal- Zebachim^ qui fignifie Dieu des facrifices. Volîius adopte cette con- De idoloiat.
jeélure, &; la trouve la meilleure, nam verijîmilis, dit-il, mihi femper vi- '•*•*'•'*•
fa ejî conjeUura ingenio doBrindque eximii Scaligeri , qui Bahal- Zebub per ^oh-
temptum ejjè faSnm putabat , ex 'Babal-Zebachim , quod Jtgnificat facrificiorum
■fve v.'^iimarum Dominum, Le favant Grotius eft de la même opinion. Il
croit aufii que ce Beel-Zebub eft celui que les Phéniciens appelloient
Beelfamen le Dieu des Cieux. Mihi valde p lacet ^ dit- il, quod à viris optime inMatth.
de Sacra Hijloria meritis efi annotatum. Solitos gentium Deos ab Hebr&is appel-
lari' nominibm in conîumeltam mutatis. En efïèt cela anive quelquefois aux
Prophètes, de changer des noms honorables, qui fe donnoient à certains
lieux , ôc à de certaines chofes , & de leur donner des noms infâmes , à
caufe qu'elles avoient été fouillées par l'idolâtrie. Les Prophètes ont chan-
gé le nom de Bethel, qui fignifie mai/oit de Dieu , en celui de Bethaven ,
Kkkk i qui
Horar He-
hia'icx in
Macfii- c. u.
V. 24,
In Talmiid.
Traft. San-
hcdiin.
R.aîfon fauf-
fe de Scali-
ger , & de
gerum, &
Grotium ,
ubi fupià.
628 H I S T 0 1 R Eï P E S D O G M E S
qui fignifie maifon d'imcjuité^ à caufe de ridolairie de Jcroboam5quî avoit
placé l'un de fcs Veaux dans ce lieu de Bethel. Sur cet exemple les Juifs
ont pris cette coutume 5 6c Ligtfoot en rapporte plufîeurs exemples. Ils
s'en étoient même fait une efpece de Loi , & c'étoit une de leurs maxi-
mes , ^He toute raillerie efi défendue , excepté celles ^ui contribuent a tourner
Pidolatrie en ridicule. C'eft pourquoi quand un impofteur , un faux Pro-
phète , une Idole , un lieu profané par l'idolâtrie, porte un beau nom,
& d'une pieufe (îgnification, ils le changent, iis le tronquent, ils l'altè-
rent, pour en faire un nom infâme. C'eit ainli que ces malheureux, pour
dérober à Notre Seigneur ce beau nom de fefus , yw^ , qui fignifie Sau-
veur 5 l'ont changé en celui de Jeshu , w*^ qui ne fignifie rien,'
Après cela , quand on demande pourquoi les Ecrivains facrez ont par
mépris appelle le Dieu à^Accaron^ Diea des mouches. Onditquec'eftpour
Groti^s Jur l'oppofer au Dieu d'ifraël, dans le Temple duquel on ne voyoit pas une
^'°î!f de '^" mouche. En efïèt c'eft une des merveilles-, que les juifs nous racontent
Beei-zebub, du Tcmplc i La multitude des viétimes, qu'on égorgtoit, faifoit de ce
îîieu^des li^u uuc vraye boucherie. Ainfî le fang&la chair de ces viélimes, qu'on
îhiliftins. égorgeoit en fi grande abondance , devoit attirer une grande multitude
ïirke Avoth de CCS falcs animaux. Cependant fi on en croit la tradition des Juifs, on
cap.j.§.6.7. n'y en voyoit jamais aucune. Au contraire dans les Temples àts faux
Vide scaii- Dicux , les moùches y abondoient , qui faliflbient toutes les viétimes, de
forte que par mépris ils appelloient le Bahal des Phéniciens , le Dieu 6c le
Bahal des mouches. Ce font là des conjeélures , à mon fens , bien faul^
(cs^ 6cbien peu fondées, quelque bien imaginées qu'elles paroifient. Car
enfin cela n'efl appuyé que fur le nom de ce Dieu , 6c fur une tradition
des Juifs, qu'il n'y avoit pas de mouche dans le Temple de Jerufalem, qui
n'eft peut-être pas fort certaine.
n devoit 7 I. Outre cela , quand cela feroit vrai , pourquoi le Dieu d'Accaron
avoir moins auroit-il plûtôt été appelle le Dieu des mouches , que le Bahal des Sido-
de mouches . r , . , '■Â-^ ■ ia/tiijtt • -,1^7-
dans le niens , quc celui des iyriens, que le iVioloch des Hammonites ? Yavoit-
DieîÏAc- ^^ moins de viélimes égorgées dans leurs Temples , 6c devoit-il y avoir
caron que moins de mouches ? Au contraire, le Dieu d'Accaron étoit des moins cé-
lèbres. L'honneur que lui fit Achazia cfl peut-être le feul hommage ,
qui lui ait été rendu par le peuple de Dieu. Au moins c'eil le feul , dont
l'Ecriture nous parle. Au lieu que nous voyons. à tous coups les IfraëHtes
retomber dans l'idolâtrie des autres BahaHns. Ainfi fon Temple, étant
moins fréquenté, devoit avoir auffî , 6c moins de viétimes, 6c moins de
mouches.
2. De plus ce que l'on dit, que les Ecrivains facrez ont accoutumé de
changer les noms honorables des faux Dieux, en des noms d'ignominie,
n'eft pas véritable. Il cfl vrai qu'ils donnent aux faux Dieux des noms
jgj j^Qjjjj généraux , qui font infâmes , ils les appellent les y^^o?»/»^f/o»/, les Dieux
des Idoles, de néant ^ les Dieux de fiente. Maison ne voit pas qu'ils changent les noms
propres des Idoles, en autres noms , qui foient des noms d'ignominie. Ils
les appellent par leurs noms , Bahal , Moloch , Bahal - Pehor , Dagon ,
Aftoreth , 6cc. Il eft vrai que le nom de Bethel eft quelquefois changé
en celui de Bethaven ; Mais c'étoit le nom d'un lieu , 6c non d^une
Idole.
* * 3- c
dans les au-
Les Ecri-
vains facrez
du Vieux
Teftamejit
ne changent
ET DES CULTES DE VEGLISE. Parf.W. 629
3. Il faut remarquer encore que ce font les Prophètes , qui dans leurs Les Hifto-
graves repreheniions, & dans leurs difcours pleins de figures , changent Jj^SéSilnt
■arnli les noms honorables , en noms infâmes. Comme Jeremie , en par- point les
lanc de la vallée du fils de Hinnora, dit qu'elle ne feroit plusainfi appel- KeSdef
lée, mais qu'on rappelleroit vallée de tuerie. Mais dans les livres Hillo- idoles,
riques cela ne fe fait point, les chofes &les lieux y font toujours appeliez Cap. ip. «.
par leurs noms. QLioi que Bethel fût profané par l'un des Veaux de Je- '
roboam , & qu'Ofée l'eût appelle Bethaven , par opprobre , cependant \ts
Livres des Rois, & des Chroniques, ne l'appellent jamais autrement que
Bethel II n'y a donc nulle apparence que l'Auteur du premier chapitre
du fécond Livre des Rois, en raifant une Hiftoire dans un llyle firnple,
nous aille parler d'un Dieu, dont jamais il ne nous a été parlé ailleurs , fous
un nom faux, 6c fait à plaifîr.
4. Mais fur tout il faut remarquer que ces noms ignominieux , donnez aux Les noms
faufles divinitez , n'ont jamais été employez, que par ceux qui avoient cts Jfj""'"',''.
faux Dieux en abomination. Ici ce nomefl donné au Dieu d'Accaron par toient ja-
Achazia, qui vauloit en faire fon Dieu , qui croyoit en lui , &<3ui avoitde jJ^^J'^J^^^yj
la foi en fes oracles. C'eft lui qui parle , & qui dit à ^es Serviteurs , Allez, con- Dieux par
fulter pour moi Bahal-Zehub , Dieu d'Accaron. vodolei/^*
'^\ f. Enfin il ne faut pas s'imaginer que ce titre. Dieu des mouches, ou honorer.
Chajfe-mouches , fut un nom de mépris & d'infamie. Carileft certain que Dieu des
les Payens ont donné à leurs Dieux de femblables épithetes , fans avoir ^"ë'îJ'o" '^j
<ieirein de les tourner en ridicules. Ils avoient un Hercule, qu'ils appel- chaCe-mou-
loient %opvftï7r/wv, Locufiarius^ à caufc qu'il avoit chafie les fauterelles. Un pj^'yjj'^jj^''^
Apollon , qu'ils appelloient u^vioarévoç , tueur de rats, dont fait mention Euf- de mépris.
tache, le fameux Commentateur d'Homère (ur l'Iliade, Sec. Un Dieu
qu'ils appelloient y^viéova ., Mafcarms ^ Dieu Mouche, & des mouches , pihie lib,-
dont parle Pline, c'eft celui-là même qu'il appelle ii.vîy.ypoç. Les Romains ^.p.ô.ub.i©,
avoient anfîî leur Hercule [i^vlay^oç .jChajfe-mouches ^ comme nous l'apprend
Clément Alexandrin. Duquel Hercule Solin dit, facellum Hercnks in Fo- in Protrc-
ro Boario efi y in ijm argumenta convivnUta majefiatis ipjtus rémanent . Nam ^^^^.°-
Àivinitus illo neque canibus necjue mufcii ingrejfus efi. Etenim cum vifceratio- zo. ubi de
nem facricoUs daret , Myagrum 'Deum dicitur imprecatus^ clavam vero in aditu re- '"ft^fV^ione
liqmjfe^ cHjui olfatlu refugerent canes. Si cela eft, le Temple d'Hercule du & Pinario-
Marché aux bœufs de Rome avoit encore plus de privilège que le Tera- '"^*
pie de Jerufalem , puis qu'il n'y entroit ni chiens , ni mouches.
Au refte Grotius n'y penfe pas, quand il dit que ct% titres de ^vlaypog, De jupîtei:
de o-jx/iôeùç, (xvioyirôvoç j ne fe donnoient qu'à de petites div'mitez ^minorum chL^"^"^'
numinum funt vocabula. Mais qu'ici le Dieu , dont il eft queftion , eft le grand "^i %rà.
Dieu des Phéniciens. Il n'a pas penfé que Jupiter lui-même eft appelle
ÂTo^v/oç, ChaJ^e-mouches , 6c qu'au commencement des Jeux Olympiques,
Jeux facrez à Jupiter, on facrifioit à ce Jupiter Chaffe- mouches, à l'imita- LiiiWcîy-
tion _d'Hercule, qui en facrifiant,fe trouvant incommodé des mouches, "''^"s sya-
facrifia à Jupiter «Trojxuioç, & incontinent toutes les mouches s'envolèrent pau&nïas' m
au delà du fleuve Alphée. Ce n'eft pas que je croye que ce Jupiter Chaf- ^'^",'f'"^»
fe-mouches, fût le Jupiter fouverain des Dieux, comme je m'en explique- primo,
rai tantôt. Mais tout au moins c'étoit un des grands Dieux, car le nom
de Jupiter ne fe donnoit pas à ceux que Grotius appelle , minora numina,
Kkkk 3 . OuU'C
630 HISTOIRE DES DOGMES
Outre cela, Apollon n'étoit pas un petit Dieu, qui s'appelloit pourtant
ffixivèeoç, de (T/x/vôoç , qui fignifie un rat , èc fx^vionTÔvog, tueurderats. Noms.
qui ne font pas plus grands que {''Apomyos des Grecs, oc XtBahal Zebnb
Syntagm, 2. des Phéniciens. Il eft donc fans doute que Seldenus a raifonde dire que
de Dus sy- Beel-Zebub ctoit le vrai nom de l'Idole des Accaronites, ôcnous verrons
dans la fuite qu'ils avoient de bonnes raifons de l'appcller ainfi.
Seldenus n'a Scldcnus a cu raifou d'abandonner Scaliger ôc Grotius, dans ce qui rc-
rencontre p.x\(\ç, )e nom dc Cette Idolc. Mais il n'en a pas eu de le fuivre, en ce
Qu une pât" o _ 1 '
tie de la ve- qu'il a crû quc XtBahal-Zebnb des Accaronites , eioit le Beelfamen , le Dieu
"'^' des Cieux, 6c le grand Jupiter des Payens. Le foible de cette opinion
paroît, quand ces grands hommes font obligez de rendre raifon, pour-
Ponrquoi 9^^^^ ^^ Bahal dcs Accaronites eft appelle le Prince des Diables. Selde-
Beei zebub nus confelTc ingenucmcnt qu'il n'en fait rien. Atqui cjuamobrem ad princi'
le Frincedes P^^ d<zmoniorHm àenotiindum nfurpeturBeel Zebnb ^aut heel'Zibul,fateoYoriginem
Diables. me omnino latere. J'ai autrefois crii que le Prince des Démons étoit appel-
Lococitato. 1^ ^-j^p^ Beel-Zebub^ Prince des mouches, parce que les Démons font ap-
peliez les Princes de k puiiTance de l'air , ôc nous font répréfentez re-
gnans 6c volans dans les airs, comme ces falesinleéles, qui fe trouvent par
tout pour incommoder les hommes.
In Matth. Grotius dit là-defTus ce qui fe peut imaginer de mieux , félon fon opi-
op. lo. 24. j^Jq,-,^ C'ell que les Juifs inftruits par les Prophètes , croyant que tous les
faux Dieux étoient de mauvais Démons, avoient appelle le Prince de ces
Démons par opprobre du même nom, dont les Payens appelloient le Prin-
ce de leurs Dieux , pour leur faire comprendre , que tous leurs grands
Dieux n'étoient que de mauvais Démons". Quelque bien imaginé que ce-
la paroiiTe. cela ne fatisfait pas. Qu- i. fi pour faire honte aux Payens,
les Juifs vouloient donner au Prince des mauvais Démons lenom'du Prin-
ce des Dieux du Paganifme, ils dévoient choiiir un des noms illuilresque
les Payens ont donnez à leurs grands Dieux,comme Bahal,Moloch, ou quel-
que autre femblable , 6c non pas choifir un nomobl'cur, peu connu, peu
ufité, 6c qui portoit un caraéiére de baifeife, qui ne le rendoit pas véné-
rable aux Payens mêmes, comme eft le nom de Beel-Zebub, Dieu des
mouches.
Les Juifs Oucre cela, nous ne voyons pas que ce nom de Beel-Zebub fût celui que
îïmce^deV^ Ics Juifs , daus Icur Théologie, donnoient ordinairement au Prince des
Diables Af- Diables. Ils l'appellent tantôt Afmodéc , 6c tantôt Sbamael. Le Para-
shatnad. phtaftc Gftaldée, fur le premier chapitre del'Ecclefiafte, l'appelle ainfî,
inThisbi ^^ rapport d'Elias Germanus, o^TU'i NiîSa n^ii'N , Afmodieus,/'r/>7c^;7j^^
voce ^ moniorum. Et dans le même endroit , cet Elias Germanus dit qu'il s'ap-
nai^'bî pgjig Shamael , □'Jtaîi'n ^a ifi»Kn, le chef de tous les Satans. Dans un
In caput «it. Commentaire Cabahftique, intitulé Rabboth , ils difent q^& cet ^Ange
Deuteio- Shamael, Trince de tous les Démons , parlait à tons momens de la mort de
iJA€oi[e , & difoit^ quand viendra le moment auquel MoïÇe mourra , afin que
je décende , & que je ravijfe fon ame'î Ainfi Afmodée, ou Shamael, eft
le nom de ce Prince des Démons^ dans la Théologie des Hébreux, 6c
Beel-Zebub eft 4e nom du même Démon, dans la Théologie des
Capei in iP^iyeiis. C'cil pourquoi ce n'eft pas la peine de foupçonner, comme faiu
îpicUcgio. Louis Gipel, que les Juifs ont changé le aom du Pnace des-Diables , de-
puis
ET DES CULTES DE L'EGLISE. Tart.lY, 631
puis Nôtre Seigneur Jefus-Chrift. Mais il eft clair que les Evangelilles , Matth. n.
écri'^atîc pour initruire les Payens , ont donné au Prince des Démons , le ^^
nom que leur Théologie lui donnoit.
Quel ell: donc ce Prince des Démons, c'eft-à-dire, le Prince des Dieux Beci-zebub
Mânes, àç,s Dieux dts enfers? G'eft Pluton. Ec je ne faurois douter que &°nonTu-"'
ce Beel-Zebub ne foit ce Pluton. Car i. ce nom de Prince des Démons piter; preu-
lui convient parfaitement. Il cil vrai que dans la Théologie Payenne, ^^^'*^'^^^*-
Je nom de Démon fe prend fou vent en bonne part. Et les Philofophes Le nom de
Platoniciens appelloient ainfi les efprits, qui, félon eux, occupoient le Démona-
milieu entre les Dieux celeftes & les hommes. Ils les plaçoient dans l'air femun^""
entre le ciel & la terre, ôc les faifoient médiateurs. Ita ejfe mediosDa- bon génie.
mones i'nter Deos ^ homines^ tamc^ttam intemuncios & interprètes ,<jm hincferantpe- ^"de Civïf
titiortes nofiras ^ inde référant beoram fuppetias. G'étoit la Philofophie d'A- Deicap, 2z.
pulée,de Plotin, de Porphyre, de Jamblique, & des autres Platoniciens, êSsocra-*'
contre lefquels St. Augullin difpute d'une manière fl do61:e,dans les 7. 8. tïs.
p. 10. Livres de la Cité de Dieu.
Cependant il ell certain que le nom de Démon fignifioit dés ce tems- Mais il fi-
la, entre le$ Payens, les efprits malins, qui font fous la domination du foùventun*
Roi des enfers. Et même Apulée, grand Philofophe Platonicien, &ap- efpritmaiia.
paremmenc grand Magicien, reconnoitque les Démons, mêmes ceux dont
il a fait des médiateurs font fujets aux mêmes vices , que les hommes :
Car voici comme il les dépeint , T)£mones funt génère anim.ilia, animo pajfiva ubi fupri.
mente rationalia ^ corpore a'érea^ tempore Merna. Et fur tout il eil à remar-
quer, qu'ils confeflbient qu'il y avoit quelques-uns de ces Démons, par-
ticulièrement ennemis des hommes, ofores homtnum. Ex hoc ferme D&mo-
num numéro , dit Apulée , 'To'èt<& folent , haudproculà veritate^ ofores & amn- 1° ^'^- ^^
tores (^tiorumdam hominum Deos fingere \ hosprofperaric^evehere^tllos contra ad- tis.
verfari , ^ affligere. Igitur dr mifereri c^ indignan , & angi & htari , em'
némcfue humant animi faciem pati, ac fîmilt motu cor dis & falo mentis ^ perom-
nes cogîtationum afiusflu^iuare. Nous apprenons même de St. Augullin que
le vulgaire des Payens prenoit le nom de Démons en mauvaife part.
Qu'on s'en fervoit pour injurier les gens, comme au jourd'hui,& que c'é-
toit un outrage de dire à quelqu'un, tu as le Démon. Et hanclo^uendicon-
fuetudinem in tantum populi ufquequacjtte fequuti funt , ut eorum etiam , qui
^agani appellantur^ & Deojmultosae Damones colendos ejfecontendunt^ nullus
fere fît tam litteratus & doftus , qui audeat in laude , vel fervo fuo dicere ,
^D&monem habes^ fed quiUbet hoc dicere voluerit , non fe aliter acctpt quàm maie-
dicere voluijfe dubitari nonpojjit.
Porphyre va plus avant , quoi que grand ennemi de la Théologie des PorphyriuS'
Chrétiens , il avoue qu'il y a un grand nombre de Démons méfaifans , & '^^^^rf^
tout à fait méchans. Les Démons de cette efpece , dit- il, demeurent ordtnai- nem.
rement , & roulent dans les lieux les plus voifins de la terre , à dejfein de faîis-
faire leurs cupiditez, , & il n'y a aucunes fortes de crimes qu'ails ne tentent. II
ajoute , que ces efprits malheureux font tout ce qu'ails peuvent pour nous déta-
cher de la connoijfance des Dieux ^ pour nous engager à les fervir. Qîfîls pren-
nent la forme des grands Dieux , pour féduire les hommes ; qu'ils travaillent à
enflammer la concupifcence des hommes ^ voulant fe mettre eux-mêmes dans la
place des grands Dimx, Cela fait voir que les Démons étoient méchans,
même
632 HISTOIRE DES DOGMES
même félon les Payens. Ec même c'étoità ces mauvais Démons , que
quelques-uns attribuoient les enthoufiafmes , ôc les infpirations de leurs
Prophètes, comme il paroît par un pafiage de la même lettre de Por-
phyre à Anebon,que nous rapporterons ailleurs. Celui qu'ils ont appel-
le le Prince des Démons, n'eil donc point leur Bahal , leur Jupiter, qui
ell un Dieu celefte & bon. Mais Pluton Dieu malin , méfaifant , qui
avoit fous lui les efprits, qu'ils appelloient Larv<z ^ Lémures , les Furies ,
Proferpine, les Harpyes, ôc autres efprits malins, connus dans les écrits
viJeScLud. des Poctcs, 6c même dans ceux des Philoiophes. Entr'autres d'Apulée,
ubium aIik". ^'J^ P^^"^^ ^^^^ amplement de ces Lémures, Larva, genii , dans le Traité
de civit. du Dieu de Socrate. Car il ell: à remarquer qu'ils établilToient un Prin'-
Dcj.cap.ii. ^g £jj, ^^^^ jgg efprits méfaifans. *
Libro de Porphyre prétend qu'il s'appelloit SERA PIS. Ce tPefi pas fam raifon ,
oracuiis, dit-il, e^ue nous foHpcotmons que les Démons font fuj et s à SE\R^Â7IS. Car nous
1^ 4^Prxp'. tombons dans cette penfe'e , non feulement par fes fymboles & fes figures , fous lef-
Evang. cap. quelles on le répré fente , mais auffi parce que toutes les chofes , qui ont la vertu , opi.
*^' àJ'appmfer ^ ou de réprimer^ la malice de ces Démons, Je rapportent â Pluton. Et
le Dieu SE RAT /S efi le même que Pluton^ qui commande aux Démons , c^
qut donne des fymboles & des figures , p^ar lefquelles on les peut détourner , (^
chajfer.
C'ell apparemment fur ce principe connu entre les Payens , que Pla-
ton enfeigne les manières de chafler les mauvais Démons , que les Juifs
accufoient N. S. J. C. de chafier les Diables par le Prince des Diables.
TUitarch de Pltitarque dit , SERAPIS n'efi autre chofe que Tluton , & Ifis que Proferpi-
îfid. c. 13. ne , comme le dit itArchemaçhus de Plie de ISlegrepont , ^ Heraclite de Pont
efijme que l'oracle , qui était en la ville de Campus , étoit V oracle de Plu"
ton.
Tat le livre -^^ ^^^^ l'opiniott de Porphyre Se de Plutarque, qui croyent que SE-
dc jambii- RAPIScft Pluton , le Prince des Démons, ell: très confîderable , Scnous
S,ii pa^oît y trouverons de quoi foûtenir nôtre conjeétiure touchant Beel-Zebub , Dieu
que les Dé- Je Hckron.
mons
étoient pref-
que tous
inéchans. ' ' "'■-—' ■ ■ • . . ' '
VoiSeâr. z.
cap. 2. 3.4.
^'^'''- CHAPITRE IV.
Serapis efi Thton : preuve par fa Jiatuë ^ par la Jïgnification
àii nom de Serapis , qui veut dire T^ieu des fauterelles ,
' ou des Harpyes, Origine de la fable é' du nom des Har»
pyes.
Voi d-ieî-
fjs le Trai-
té du Veau Tp E Dieu Serapis eft connu pour avoir été l'une des fâmeufes divinitez
L
videH:fto-' I j d'Egypte. Mais fon origine eft un peu incertaine. Il y en a qui croyent
ïiutlrcrtb ^""^^ ^^ Dieu a de touttems été connu aux Egyptiens. Mais d'autres
de ifide'sc' croycnt que c'eft un Dieu étranger, que Ptolemée Lagus, félon Tacite,
T3du]i ^ ^^ Ptolemée Soter ^ félon Plutarque , firent venir d'Allé , du pais de
Hiftok " Pont,
ET DES CULTES DE L'ÉGLISE. Part.lY,eii
Pont , de la ville de Synope , ou comme dit Tacite , de Seieucic. De
quelque lieu que Ptolemée l'ait amené, je le tiens Phénicien d'origine,
comme tous les, autres Dieux, & fon ncm nous l'apprendra tantôt, c'eft
nôtre Beel-Zebub , quis'appelloit aufli Serapis. Porphyre fou pçonne au f- Macrobe.
fi la même chofe, peut-être à caufe de Tes fymboles, bk rdv (tv[xÇ,ôKu<j , c'eft ^"cJp.'Vô?'
à dire, par la figure de fonfimuiacre. C'eft qu'on lui donnoit trois têtes,
au milieu, U tête d'^un lion y à côté droit, celle d^un chien , à gauche, celle
d'*m loup. En effet cette monftrueufe figure ne peut convenir qu'au Prin-
ce des Démons. Elle a bien du rapport à ces ftatuës, que les , Indiens
dreftènt à l'honneur du Diable, dans leurs Pagodes, ou Temples. O^y^
tre cela on peut remarquer, qu'il leur étoit ordinaire derépréfenterlesdi-
vinitez infernales, fous trois têtes. Hécate, Reine des enfers , avoit trois Libro de
têtes : peut-être eft-ceàcaufe de cela que les Latins V^ppcWoiem tr if ormis , ESÏi). 4.
plutôt que pour les trois noms qu'elle portoit, s'appellant la Lune dans les c. î3.
cieux , Diane dans les bois , Hécate dans les enfers. Au moins eft-il certain
qu'elle même fe donnoit trois têtes : Dans un oracle fameux , qui fe lit dan*^
Porphyre , elle fe dépeint ainfi ,
Face de bœnf ^ ayant trois têtes , cruelle , & portant des javelots d*or. Tout
le monde fait auffi que le Cerbère , le chien qui gardoit le veftibule du Pa-
lais de Pluton , avoit trois têtes. virgfî.
Cerherus h&c ingens latratu régna trifauci Trakéd'îfii.
Ferfenat , adverfo recubms immanis in antro. eu. té-
moigue le
Il eft donc apparent que , félon la conjeâ:ure de Porphyre , on avoit ^f^Jr^^
nné trois têtes à Serapis, pour marquer qu'il étoit Prince du même heu, tuëfm^ppl
ippor-
dont Hécate étoit la Reine, & Cerbère le gardien. A quoi onpeutajoû- '^l2if%.
ter que le même Auteur nous apprend , qu'auprès de Serapis on peignoit ««^/e A/- "
le chien à trois têtes. ^ Eîw'/
Car voici ce qu'il dit dans le même livre deOracuUs-, ceux-ci^ c'eft- à- séime,con-
dire , ces mauvais Démons , font ceux far lefquels domine Serapis , ô" ils font ^c't'l'rufiA-
Jîgnifiez. par le chien à trois têtes. Parce que le mauvais Démon fe trouve dans tvidePimon,-
ees trots élemens ^ l'^eau ^ la terre ^ Pair. ^Î/^S'aT*
Mais que SERAPIS foit Pluton , le Prince des Démons, qu'eft-ceque /""^^ '«'»
cela a de commun avec nôtre Beel-Zebuh ? Voici ce que c'eft. Beel Zebub ^fL\oi^^
fignifie Prince des mouches. SERAPIS fignifie , comme je croi le pou- c'êtoitscmp,,,
voir prouver, Prince des fauterelles. Il n'y a pcrfonne fi peu verfédans IZI»"1au-'
les Langues Orientales, qui ne voie d'abord que le nom de SERAPIS, ^/^f^'^'.
eft d'origine Hébreu, & Phénicien. Cette fyllabe Sar^ qui fignifie Prin-:^/f:««/^^/;,^!
ce, dans la lan<ïue Phénicienne , & d'oii vient nôtre Sire,, le fait voir. ?' '^^yf
Les (jrecs 1 ont dérive de o-cpoç«d7r/;, le cercueil d Apis, ce que nous avons r^pis, qui 4
refuté, dans le Traité du Veau d'or. Mais les Modernes le dérivait de ^l^ZâT
Sarabi^ i3N"ii:', qui fignifie en Phénicien, ou en Hébreu , le Prince mon tie^ appdicm
père. Pour moi, je le dérive de Sararbi, ^n^nj:', qui fignifie Prince des NotSie
fauterelles , ou Prince des Harpyes j ayirbeh , Arbim , en Hébreu fignifie conjeaure
des fauterelles. ^ 1?„"*|„°;,,
Premièrement j'eftime 5 que le nom d'àp7rui« vient de là, Les Harpyes, "oni> & de
fm. ir. LUI ' î^^^A^",^"'
634 HISTOIRE DE S DOGMES
fclon les Poètes, font des monilres dévorans, qui fortent des enfers , ôc
qui confument tout.
Virgile Trifiius hatidillis monjirtim ^ nec favior tilU
MiKià. î. Pejiis & ira Deptm ^ fiyg'^^ f^f^ extalit undis ^
yirginei volncrum vhUus , fœdijfima ventris
hghivies ^ '^ric^que mmt4S ^& pallida fem^er
Ora fume.
C'efl: une defcription poétique des fauterelles.
: ; Les fauterelles Ibnt la terreur de l'Afrique éc de l'Afie, où elles font des
dégâts épouvantables, rongent les bleds , non feulement jufqu'aux racines,
Matthiok mais elles mangent les racines mêmes. Et l'on dit qu'il y en a de trois
ruîe°ùb.^T. P^^'^s de longueur dans les Indes, des jambes defquelles on fait des fcies,
c.4"$. ces animaux font affreux, outre qu'ils font des dégâts horribles. Ain-fiiî
ne faut pas s'étonner (î leur nom efl devenu abominable , ôc fî les Poètes,
qui transforment toutes chofes , en ont fait des furies montées des enfers.
Et qui fait fi ce n'eft point à caufè de cette idée-, que les Poètes avoient
Apocaiypfe donné dcs fauterelles , qu'ils avoient transformées en Harpyes , que St.
*' Jean a tiré ces images , fous lefquelles il nous répréfente les playes , qui
fuivent la cinquième trompette. Ce font des fauterelles, qui avoient des
, faces d'homme, qui avoient des ailes, &: qui montoient avec la fumée du
tatfaitecon- puits de l'abîme, c'eil - à - dire , de l'enfer. Certes cela reïTernble bien à
ne'k'sHaï' ^^^ Harpycs de Virgile, qui avoient des faces de femme , qui étôient ai-
pyesduPoë- lécs , 6c qui fortoicnt des enfers , Jijgiis fefe ejfemnt undis. Et pour faire
SiIrSue- voir que cen'ell pas le hazard, qui a faitcetté rencontre, on pourroit mon-
reiiesdesc. trer quc St. Jean, '^^i^.s fes vidons Apocalyptiques, a pris fes images 6c les
•""* figures des longes Ôc des vifions, non feulement des Prophetesj.mais aufli
dts images, félon lefquelles les Payens'èxpliquoient leurs vifions Scieurs
fonges. Comme. cela fe peut voir en comparant les OneirocriticjHes ^ ou
^Apotelefmata infomnior^m d'Apomafar Arabe , avec \ts vifions de St.
Jean. , •. . . , ^
Au refte, le mot Hébreu '>l1^<, àrbi,, a tant ^e, rapport à celui d'«p7ri;/a,
qu'il ne peut pas y en avoir davantagef Car ceux qui favent un peu la
fcience des étymologies , favent .que le èc pe ne font qu'une même let-
tre, c'efi;-à-dire,qu'el1esfe mettent l'une pour l'autre.
Ainfi pour revenir à nôtre Beel-Zebub , qui efl Pluton,on ne peut rien
voir de plus voifin du nomBeel-Zebub, qui fignifie Dieu des mouches, que
Sararhi, d'où , en ôtant an r à caufè de la rudefFe, on a fait Sarabi-^ & Sa-
rapis, qui fignifie Dieu des fauterelles ,^ ou dps Harpyes. Or nous ver-
rons tantôt pourquoi on a appelle Plutoii^ Pieu des mouches, ôc Prince
des fauterelles.
G H A-
ET DES CULTES Qt VEQLlSE.Part.lY, 6if
if ,»3nuri
C H A P I T R É V.
Véritable origine du mm d'Acheron^ le fleuve des enfers y ô' de
CharonleBatteiier d'enfer: Tlùton a traîné par tout avec lui le
mm d'Acheron. Et far tout on exerçoit la Nécromance dans/es
Temples,
z. ~Ë% Our le préfent , je pafle à une féconde preuve que Beel-Ze6ub efl:
wT^ Pluton. C'eft le nom â'Acheron, ôc d'y^ccaron^ qui font fi fort le
même nom , 6c fi peu dégùifez , qu'on ne faurok , ce me femble,
le meconnoître. <iAcvaron eft le nom attaché au Dieu 'Beel- Zebub , 6t
Acheron eft attaché îrîfeparablement à Pluton. Et Achazia , dit l'Ecri-
ture, envoya des meflagers à Baal-Zebub , Dieu d*Accaron<y ou méméj^
lèlon le Grec dts 70. au Dien aAccaron , on ne peut pas s'empêcher de
voir ici l'origine du Dem Acherontis des Pa^yens , du Dieu de rAcheron.
Chacun fait que c'eft ainfi que s'appelloit le fleuve infernal , affez préss
duquel étoit bâti le Palais de Pluton. Et je ne faurois douter que cela ne
vienne de ce que Beel-Zebub, ou Pluton, a été fervi & adoré dans (ix/c-
caron^ &y avoit un Temple fuperbe. Par ce nom-d'Accaron, oud'Ache-
ron, les Poètes expriment quelquefois la divinité même de Pluton .: té-
moin la Junon de Virgile 5
Fle^ere Jl nequéo Superos ^ zAcheronta moveho.. - vEKeid.7,
C'eft-à-dire j'appellerai Pluton & fes Furies à mon fecours. Nous appre-
nons de Pline que les Cyreniens connoiflbient ce Dieu , fous ce même
nom, CyrenÀïci^ dit-il, Achorem Deum invocant ^ mufcarum mnltitudme pe- ^^^'''■°' '^^0
fiilentiam ajferente : qu<z protinus intereunt i^quam litatum eft ilU Deo. Il mefem- -
ble qu'on ne fauroit pas meconnoître le Dieu d'Accaron , qui s'appelloit
Beel-Zebub, & Dieu des mouches, parce qu'il les chaflbit. Il eft vrai
qu'il y a variété de leçon dans Pline, &: que d'autres lifent Elei Myagron
Deum invocant ^c. Mais pour moi , il me femble qu'il eft clair qu'on doit
joindre ces deux leçons Gn(ç.mh\e.\invoemtCyrendïci Achorem, & Elei Deum CotndtioaJ.,
(JAJiciypov^c. les Cyreniens & les Eliens invoquent <i^thorem , le Dienqui chuÇ" ^j'pr^^f^'
fe les mouches. Au refte il eft facile de comprendre , d'oii les Cyreniens " ' '"^
ont tiré le Dieu Chafle-mouches. Car ^ccaron^ ou Achorem^ eft Beel-
Zebub, l'un des Dieux des Phéniciens. Or les Carthaginois étoient une
de leurs colonies, qui avoient emporté avec eux tous les Dieux de Tyr.
Les Carthaginois, 6c les Cyreniens, çtoient fur la même Côte de rAfri-:
que, en tirant vers le Détroit de Gades'. Outre que les Phéniciens avoient*
un très grand commerce fur toute cette Côte-là , de forte qu'il a été trés'
aifé aux Cyreniens, d'emprunter des Phéniciens leur Dieu zAccaron^ ou
t^chorem , qui eft Beel-Zéub,
LUI 2 g. Pour
L'oracle de
Beel-Zebub,
qu'Achazia
envoya con-
fulter , étoit
Hoe Necio-
oiance , lieu
où l'on évo-
quoit les
Mânes.
Keroiote
in Tcipli-
ckoie.
Fauffes éty-
mologies
d'Acheion,
Les Phéni-
ciens ont
certaine-
ment connu
& adoré
Pliiton: Et
eela fous fon
vrai nom
qui eft celai
de Beel-
|?îebùb.
Eufeb. lib.T.
Praep.Evang,
cap. 10.
^36 HISTOIRE DES P O G M ES
5. Pour rendre cette preuve plus claire,j'en ajoute une autre, qui me pa-
roît bien remarquable. Je fuppofe que cet oracle , qu'Achazia envoyoit
confulter, pour lavoir s'il releveroit de fa maladie, étoit un de ces Tem-
ples confacrez à Pluton , & aux Dieux des enfers , qu'ils appeljoient
Uéwo^jiccvrsixj que Çiceron appelle quelque part , ■i^vxoiJ'Oivrsiu , & dont
nous avons parlé dans le chapitre d'Ob. C'eft là qu'on exercoit la Né-
cromance, 6c en invoquant Pluton , le Dieu des Mânes , ils évoquoient
les Mânes, pour favoir d'eux l'avenir: Or il faut remarquer que dans les
lieux, ori l'on a bâti de ces N£xuO|àavTf/a , Temples de Nccromance, con-
facrez à Pluton , ce- Démon y traînoit avec lui le nom d'Acheron , ou
d'Accaron , lieu dans lequel il avoit été premièrement honoré. Nous ap-
prenons d'Hérodote que dans l'Epire , proche d'un lieu appelle 71?^/^
pm/s, 'il y- avôit un fameux Temple de Pluton, l'un de ces Nsuvoi^ccvrem y
011 l'ame d'Euridice fut évoquée par Orphée fon mari, & que de là eft ve-
nue la table des Poètes , qui difent qu'Orphée tira fa femme des enfers.
Et que da,ns le même heu Periandre , Tyran de Corinthe , fit évoquer
l'ame de fa femme Melifle, à l'imitation d'Orphée. Or ce Temple étoit
fitué prés d'un fleuve, nommé Acheron. Et voila encore nôtre Accaron joint
avec Pluton, ôc avec un oracle de Nécromance. Là-même étoit un ma-
rais, appelle Achemfia Palus,[d''on fortoit ce fleuve Acheron, qui traverfoit
l'Epire , 6c arrofoit Ja ville de T^îw^o/^i.
C'eft fans doute la véritable origine du mot Acheron, que quelques-uns -
dérivent de l'Alpha privatif des Grecs, & de %«/pwv, comme qui diroit,,
fans joye 5 d'autres d'âxoç & pswv , qui roule des chagrins. Les autres le
dérivent de l'Hebrcu (nn«, akaron , qui fignifie , pofiremus , extremus,
parce que c'eft la fin des aventures de l'homme j mais toutes ces éty-
mologies tombent d'elles-mêmes devant la nôtre. Ne voit-on pas aufiî
dans le Charon des Poètes , qui eft le Battelier des enfers, V Accaron des
Phéniciens? Ainfi il eil clair que toute la Théologie Plutonique a tiré fon
origine du Dieu d'Accaron, ville des Phéniciens , 6c fi nous avions plus de
monumens de cette Théologie des Phéniciens , nous en pourrions ap-
porter beaucoup plus de preuves.
4, Nous en apporterons pourtant une , tirée de ce qui nousreftede
cette Théologie Phénicienne , qu'Eufebe nous a confervé dans ce frag-
ment de Philon de Biblis, 6c de Sanchoniathon , que nous avons cité plu-
fieurs fois. Il paroît par ce fragment que Pluton , 6c le culte de Pluton ,
n'étoit pas inconnu aux Phéniciens. En effet il n'y a point eu de grands
Dieux dans l'Europe, entre les Grecs 6c les Romains, qui n'ait été con-
nu 6c fervi dans la Phénicie , 6c qui ne foit pafté de là dans l'Occident.
Philo Biblius nous dit donc , que Saturne fe coupa , 6c obligea tous (es^
compagnons à faire le ièmblable. Et (juepen de tems après il mit an nombre
des Dieux fon fils ^y^fith , ^»';7 avoit en de 'Mjoea. Et c^eft celui que les 'Phé-
niciens ^ dit Philo Biblius, appellent tantôt la mort & tantôt Platon. eyK»th^
en langue Phénicienne , ou Hébraïque , fign:«fie précifément la mort. Il
n'eft pas étonnant qu'ils appellaflènt Muth, la mort^ celui qu'ils conce-
voient comme le Prince de la mort, 6c de l'enfer. Mais que veut-il di-
re , que tantôt ils l'appelloient Pluton ? Certainement Pluton n'eft point,
ttn nom Phénicien. Philonjfelon fa coûtumcja rendu le nom de ce Dieu Phé-
nicien
ET DES CULTES DE L'EGLISE. Tart.lV. 637
nicien en Grec. ïi veut donc dire que tantôt ils l'appelloient Mmh , la moit
du nom de fon Empire, & tantôt de Ton nom propre, qui répond à celui
de Pluton entre les Grecs: Et ce nom eft apparemment Beel-Zebub ^ &
Sararhi^ Dieu des mouches, ou des fauterelks: cela étant pofé, que \qs
Phéniciens connoiiîbient Pluton , & le contoicnt entre leurs Dieux , fous
quel nom le trouverons-nous d'entre ceux, dont l'Ecriture parle? Ce ne
fera pas fous celui de Moloch, de Bahal, de Bahal-Pehor, ni dts autres
dont nous avons trouvé la lignification : ce ne peut être donc que fous le
Beel-Zebub, Dieu d'Accaron.
Au refte le nom de Bahal ^ qui efl mis devant celui de Zehub , & qui !-« ocd-
femble être Jupiter , ne doit pas empêcher que l'on ne reconnoiHè Plu- donne" à "'^^
ton dans Beel-Zebub ^ parce que Bahal ell un nom général, comme nous ^'"to» 'e
l'avons remarqué plufieurs fois , qui fe donne à tous les Dieux, Outre ph?/^-^"^
cela, quand Bahal fignifieroit Jupiter, il faut favoir que les Occidentaux
ont donné ce nom dejupiter à Pluton, auflî bien que les Orientaux. Vir-
gile l'appelle fHpiter Stygius ^
Sacra fovi Stygio quétrite incepta par an, j£a&ià 4,
Et le Poète Silius l'appelle le noir Jupiter,
T^igro forte fovi^ cm tertia régna laborant. Lii,. «.^
Ils l'ont auflî appelle infemus fufiter , & le nom de Dis , qui ell un àt%
noms dont les Latins appellent Pluton, eft le nominatif du hk des Grecs ,
qui lignifie Jupiter. AulH eft-il appelle F&jovis^ c'eft- à-dire , Jupiter fi-
nillre, à qui on facrifioit, non pour en avoir du bien, mais afin qu'il ne
fît pas de mal. Oi-phée , dans l'hymne des Eumenides , l'appelle Zbùq
%ôowoç, Jupiter terreftre, àyviz/ ôuy^rip^ç jatyaAo/a ^;ôç ;^ô(;v/(j;(j 5 dit-ilj des
Furies , les filles pitres du grand "Jupiter terrefire.
Il ell tems de voir pourquoi on a donné à Pluton, le nom de Dieu des pourquoi oas
mouches, ôc de Prince des fauterelles. i. Il faut favoir que les mouches ^ f^" ^^"toe
ôc les fauterelles , étoient deux des plus grands fléaux de l'Orient & du mou"che7&:
Midi , de l'Afrique & de l'Afie. Les fauterelles palîent à travers ces pa"îs- **« ^^"'«*
là comme des nuées. Elles ne lailfent aucune verdure après elles, ni fur ^^ "°
la terre, ni fur les arbres , 6c elles volent de lieu en lieu avec une telle
vkeffc, qu'en moins de rien elles ont dévoré des Provinces entières. De
forte que les orages , les grêles , les vents , & autres fléaux de Dieu , ne
font rien en comparaifon. C'ell pourquoi Pline les appelle Deornm ira yb. n,
pefiis. Et là-même il dit qu'elles brillent même les plantes à \ts toucher, "p.zi»,
qu'elles palfent les mers , & immmfis traSins dira meffibus contegunt nube.
C'ell dans le même endroit qu'il dit , qu'il y en a aux Indes de trois pieds
de longueur. Et dans u<n autre endroit il dit , qu'il y en a de quatre cou-
dées, c'ell- à -dire, de fix pieds. Enfin elles font Ç\ grandes , qu'on en
mange, ôcSt.JeanBaptilleenvivoit dans le défert.
Les mouches ne font pas un moindre fléau. On fait alTez quel dégit
elles peuvent faire aux fruits , même dans nos climats , qui ne font pas
excellîvement chauds. A plus forte railbn dans le Midi, & l'Orient, où
les fruits , dont on tire le plus grand profit , font les figues & les rai-
fins , à quoi les mouches s'attachent le plus. Enfin Pline nous dit que la
multitude des mouches ell fi grande dans le païs des Cyreniens ,
LUI 3 qu'elles
Lib. 2.
cap. 4$.
De Natura
Deoium.
lib, z.
In Potphy-
rio de Ora-
culis.
Ubi fupià.
638 HISTOIRE DES DOGMES
qu'elles y caufent la pelle , iSHt^fcamm multituàine pefiikntiam afférente.
C'eft lui-même qui nous dit que ces Cyreniens fi fort tourmentez des fau-
terelles avoient entr'eux une Loi , qui ordonnoit de leur faire la guerre
trois fois par an. i.En caflant leurs œufs, avant qu'ils foient éclos. z.En
tuant leurs petits. 3. Et enfin en les tuant toutes grandes. Matthiole fur
Diofcoride nous dit, qu'en l'Ile de Lemnos il y a auiîî une Loi, qui im-
pofe à chaque famille une certaine mefure de fauterelles , qu'ils doivent
apporter, &:en prendre quittance d'un Officier public établi pourcela}6c
que dans la Syrie, les garnifons contraignent le peuple à faire la guerre à
ces animaux. Il ne faut donc pas trouver étrange que les Phéniciens, Cy-
reniens, & autres peuples fi fatiguez de cesinfeéles, euflent un Dieu <it'^?'?'//«-
cator^ tout exprés contr'eux.
2. Or il eft clair que, félon leur Théologie, ils dévoient choifir Pluton.
Car c'eft lui qui étoit eftimé le Maître 6c l'Auteur de tous ces fleaux,qui fai-
foient tant de mal aux hommes,parce que c'étoit lui à qui étoit attribuéerin-
tendance fur la nature inférieure, l'eau, la terre & l'air. Plutonem Sapien-
tes antii^m vim ac namram ejfe terr(X. credidemm, dit Natalis Cornes. En ef-
fet Ciceron le dit expreflement , Terrena autem vis atque natura Diti patri
dedicata efi , qui dives , m apud Cjr&cos TrAa'rwv, quod recidant omnia in ter"
ram^ &oriantHr à terris. Orphem in Hymno^ 'K\i'rm êç aaréxstg ya/vjç xXvjiSaç
aTtûdvfii Pluton qui tiens les clefs de toute la terre, c'eft-à-dire, la domi-
nation. Comme donc tous ces infectes naifi^ent de la terre, ôc de fa cor-
ruption , ils étoient compris fous la domination de Pluton.
Outre cela, les Payens fe perfuadoient que les nuées de ces animaux ,
qui dégâtoient leur Païs , ne leur venoient pas fans quelque fort, & par le
mauvais office que leur rendoit quelque mauvais Démon. Or nous avons
vu que, félon la Philofophie Platonicienne , ôc félon celle du vulgaire,
Serapis ^ ou Pluton, eft eftimé le Prince des Démons, «ç yiuru%uvEi à èeoç
e^-jiv \)%o %sïpy, <) dit- il, lefquels mauvais Démons font reprimez, par ce Dieu, qui
les tient fous fa puijfance. Particulièrement pour être délivrez des mouches,
ils avoient befoin du fecours de ce Dieu , parce qu'ils pouvoient s'aider
tontre les fauterelles , & leur faire la guerre. Mais pour les mouches ,
rien ne les en pouvoit délivrer que celui qui les envoyoit.
3 . Enfin il faut remarquer que les Dieux des enfers étoient eftimez cau-
fes de tous les maux , & on leur facrifioit , non pour obtenir d'eux quel-
que bien , mais afin qu'ils ne fifl^ent pas de mal , ou qu'ils cefTaflént d'en
faire. C'eft pourquoi dans ces facrificcs tout étoit noir & fombre.
i. Ils ne fe faifoient que la nuit. *
Virgile
^neid. 6.
Idetn.
Tum Régi Stygio noBurnas inchoat aras.
2. Les ^iétimes étoieni noires.
Hue cafia Sibylla
ISQgrarum pecudum te fanguine ducet.
5. On égorgeoit les viélinies dans des fofl^es , afin que le lieu fût plus fombre
Se plus proche des enfers j ôc l'on faifoit afperfîon du fan^ de la vidime dans
la fofte.
~ At0
ET DES CULTES DE L%GLlSE,Tart,lV, 639
Aut proctil egejla , fcrohihHS tellure âuahus , OvW. Mc-
Sacra f(\cit ^cnlirôÇque in gHttura velleris atri ^^^' 7.
Conjicit ^ & fatnlas ferfnndit fanguine fojfas.
Et même pour fîgni fier qu'ils n'attendoient aucun bien de ces Dieux in-
fernaux , ils leur facrifioient des animaux fteriles.
iy£neas matri Eummîdum inagn£(jue forori Mnt\à. 6
Enfe ferit ^ fierilémque ttbi Proferpina vaccAm. v. ij©-
Comme ils n'attendoient aucun bien de ces Dieux , ils craignoient de -
leur part t-oute'fortede maux , en cas qu'ils ne les appaifallent pas5& fur tout
ces armées de mouches ôc de fauterelles , qui couvroient la terre , leur
paroifîbient venues des enfers : C'eft pourquoi félon leurs principes , ils ne
pouvoient s\idrefler à d'autres qu'à Pluton,& aux Dieux des enfers, pour
en être délivrez. Sur tout parce que c'étoit une maxime de leur Théo-
logie, que les arrêts, .qui avoient été prononcez, & les fléaux envoyez,
par un de leurs Dieux, ne pouvoient être révoquez par un autre. Tout le
monde fait là-deflus la fable de Tirelias,
At pater omnipotens {vfeque enim licet irrita cuiquam Cvîde'
FaUa Dei fectjfe Deo)pro lumineadempto^ ET^^'
Scire fittura dédit ^ p<znamque levavit honore. jus,
Ainfî les Dieux infernaux étant confiderez comme les Rois de ces armées
d'infeéles, on ne pouvoit s'adrefler qu'à eux pour en être délivré. On ne
doit donc plus trouver étrange que Pluton fût appelle Prince des mouches
& des fauterelles, puifque c'étoit lui qui les envoyoit, 6c lui qui lesre-
tiroit, félon leur fentiment. Et il ne faut pas croire que ce fût un nom
d'opprobre: Au contraire ce nom fignifioit un Empire. Je ncdoutepas
au refis que ce Jupiter â7ro|xu/oç, ou ^wo^viç , auquel Hercule avoit
facrifié , ëc auquel on facrifioit ordinairement , au commencement des
Jeux Olympiques, pour être délivré des mouches, ne fût ce même Pluton,
pour toutes les railons que je viens dédire, & principalement, parce que
les mouches font fous la domination de Pluton.
. Quant au nom de Beel-Zebul,avecuneL, àlafîn, j'efHmequec'eftune
corruption introduite par les Grecs, qui ont trouvé que la prononciation
à^ deux Beta. dans la dernière fyllabe de Beel-Zebub étoit rude. Et les
r.atins y ont apporté un autre changement, mettant leD, à la fin Beei-
Zebud, au lieu de rL,&; du B, Autrement fî nous étions affûrez que les
Phéniciens eux-mêmes eufîent donné à ce Prince àts enfers le nom de
Beel-Zebul, aufîi bien que celui de '5^ ^/-Zf ^^^ , il feroit fort aiféde conce-
voir pourquoi ils auroient donné à Plutop,lenom de Beel-Zebul. Si l'on
vouloit le tirer du Chaldée nSdî, qui fignifie fumier, on pourroit foup*
çonner, félon la conjedure de Seldenus , qu'ils l'ont appelle ainfi, au
même fens qu'Orphée difoit de Jupiter.
64,0 H I S T O I R E D E S D O G M E S
rianzcnum
inv^eaiva""' '-^'^^ excelkm fiipiter^ le plus grand des Dieux ^ enveloppé de fumier.
I- C'eft- à-dire, qui remplis la terre, qui pénètres la poudre, §c qui es le
principe de toutes les générations , félon la Philofophie des Poètes.
&mi. 5. Spiritus iritus alit , totâmque ttrfufa per art m
eJ^ens agitât mole.m , df magno Ce corpore mi/cet.
Inde hommum pecudumque genus , vitAqm volantum ,
Et quA marmoreo fert monjira fub aquore Pontus. ,
Comme Pluton eft le Dieu qui préfide dans les entrailles de la terre, qu*il
fîgnifie la vertu, qui la pénètre 6c qui l'agite, on pourroitfoupçonner que
les Payens Pauroient ainfî appelle "Beel-Zebul^ pour fignifier qu'il préfide
fur la terre êc dans la pouffiére.
Mais il vaudroit beaucoup mieux le dériver de S^aî , mot Hébreu &
Phénicien, qui lignifie habitation. Beel-Zebul, Dieu de l'habitation kajt
ëzfixk"^ > c'eft-à-dire , de l'habitation , d'oij l'on ne revient jamais , irremea-
bilisunda^ comme l'appelle le Poète.
-'Siaeid, 6. Evad/tque celer ripam irremeabilis unda.
En effet il n'e/1 point éloigné de la vrai- femblance , que les Phéniciens ,
ayant honte de ce nom de Beel-Zebub , Dieu des mouches , qui donne une
idée fi bafle de cette divinité , l'ont avec le tems changé en 'Beel-'Zebnl , Dieu
de l'habitation éternelle. Ce qui ne convient pas moins bien à Pluton que
l'autre, & qui le fait concevoir fous des images plus honêtes. Mais après
tout, le plus fur eft de retenir l'étymologie du Dien des mouches^ comme
k feule véritable.
Il faudroit préfentement voir , fuivant la méthode que nous obfer-
vons , quels font les Dieux Animaux & Naturels , cachez fous le Pluton
des Grecs , 6c le Beel - Zebub des Phéniciens. Mais je ne fai fi nous
Beei-zebub. pourrons donner de grandes lumières là-defius. Pour ce qui eft des
Dieux Naturels, il eftmal-aiféd'y en trouver d'autres, quecelle que nous
avons apprife de Ciceron , c'eft que Pluton eft Terrena vis atque natura
6cc. Comme Cybele, Cerés 6cc. fignifientla fuperficie de la terre, qui
produit, 6c qui porte les moiflbns 6c les fruits, pareillement Pluton figni-
.fie cettavertu , qui eft répandue dans les entrailles de la terre. Et c'eft peut-
être pourquoi les Poètes ont marié Proferpine , fille de Cerés , avec Pki-
ton , pour fignifier que cette vertu interne de la terre fe marie 6c s'unit
avec k vertu , qui fort de la fuperficie de cette même terre. C'eft aufiî
delà fans doute, qu'eft venu ce que les Poètes 6c les Théologiens du Pa-
gamfme ont confondu Tluton^ 2i\tcPlutHs^ irhërog^ Dieu des richefies.
Parce que les biens , dont les hommes font les plus idolâtres , 6c par lef-
quels ils s'eftiment riches, c'eft l'or 6c l'argent, 6c les autres métaux , qui
font dans le Royaume 6c fous la domination de Pluton: car autrement je
tombe dans le fentiment de Lilius Gyraldus, que Pluton 6c Piutus font
deux divinitez dift'ereïites. Et k confufion que l'on a fait de ces deux
divi-
Pes Dieux
Naturels a
chez fous
Pluton 8c
ET DES CULTES DE UEGLISE. Part.lV.64,1
divinitez efl caufe qu'on attribue à Plucon, Roi des enfers , des chofes qui
ne lui doivent point convenir: Par exemple qu'il avoit habité en Efpa- ceograph.
gne, comme le dit Strabon : ceil parce qu'autrefois l'Eipagne étoit aux ^•
Orientaux de la Méditerranée, ce que nous font aujourd'hui les Indes Occi-
dentales, c'eft-à-dire,le lieu des mines , 6c d'où venoit l'argent & l'or. Ce qui
convient mieux à Plutus 5 qu'à Pluton. Ils difent encore que ce Dieu étoit Atiftoph»-
aveugle, ôc que Jupiter lui ôta les yeux par envie, parce qu'il favorifoic °«-
toujours les bons, & Jupiter vouloit que les richelles fuflent données à
i'aventure. Cela convient bien à Plutus , Dieu des richefles , qui dillri-
buë Tes biens fans confiderer le mérite, mais ne convient pointa Pluton.
Pour les Dieux Animaux , c'eft- à-dire les hommes , que l'on a confa- Dieux Anî-
crez fous le nom de Beel-Zebubj&de Pluton, il y a apparence qu'il y en Suspfutor
a pîufieurs. L'IUuftre Mr. Bochart prétend que c'eft Sem , que les Ido- & Beei-ze-'
lâtres eurent en abomination , à caufe qu'il étoit Patriarche de cette famille, phajeg pait.
qui fe diftingua des autres par fon adhérence au vrai Dieu, ôcquifutenne- ^- ''b- i.
mie de l'idolâtrie. Que pour cette raifon ayant donné l'Empire du Ciel à fon opinion de
Frère Cham , fous le nom de Bahal & de Jupiter, 6c celui de la Mer à fon bochart que
irere j^aphet , fous le nom de T^eptune , ils firent celui-ci Dieu des enfers : to™,^ &
Que par le même principe de haine 6c d'envie ils formèrent de fon nom po"iq«oi-
aii*, Sem , noQii' , qui fignifie défolation , i^pciv/a-foès , d'où enfuite eft ve-
nu le mot Grec cc^yis, l'un des noms de Pluton , qui fignifie invifible.
Je nefauroisrien prononcer là-defTus, finon que fi les Payens ont fait de ccéSviÇ'
Sem Pluton , Roi des enfers , je ne crois pas que ce foit pour fe venger
de ce que Sem étoit ennemi des idolâtres. Car je luis perfuadé que Cham 6c
Japhet n'ont pas été plus idolâtres que Sern. Et ce que la race de ces deux
Patriarches fe donna incontinent à l'idolâtrie, n'eft pas une preuve que
le chef de la maifon fût idolâtre. Car la même conclufion pourroit être
tirée contre Sem: puifque la plus grande partie de fa pofterité devint ido-
lâtre durant fa vie. Et même les juifs , qui font afiez jaloux delà gloire
& de l'honneur de leurs Ancêtres, difent que ce fut Serug de la famille
de Sem, le grand-pere d'Abraham, qui inventa l'ufage des fimulacres. Jofiié chap.
Et certainement Tharé , père d'Abraham , étoit idolâtre. '"*'
Si donc la haine a fait les enfers le partage de Sem , ily a plus d'apparence n eft pius
que cela fe fit, après que lesenfans d'Ifraél eurent conquis la terre de Ca- apparent que
îiaan, 6c chaflé fes habitans, qui étoient Phéniciens. Ces gens, pourfe né€ns&*"
venger de la race de Sem , qui leur étoit venu enlever leur païs , firent phéniciens ,
de leur Père le Dieu des Enfers, 6c le premier des mauvais Démons. Eufebe pa/îes^dé-
prétend que le Pluton des Gr^cs étoit bien plus nouveau que cela : car il dit cendans de
^u'OrcHS , autrement appelU Aïàoneus^ quiefi Pluton ^étoit Roi des Mohjjes Qu'il rentle Piin-
avoît un grand chien ^ appelle Cerbère'. queThefée & Pirithor4s firent dejfem d^en- ce desmsu-
lever ^ & de le lui ravir. Que ce chien dévora 1?irithous ^ & allô it faire la me- mons.
me choje â Thefée , n''e'toit qu'Hercule arriva , qui le délivra. Que de la eft ^"^^'"s in
ne'e la fable , qui feint qu'Hercule tira le Cerbère des Enfers. Et il fait vivre cet chronico
Orcus après Moïfe, du tems des Juges. Cyrille d'Alexandrie dit qu'il J^ J^"^^"^-
vivoit 19 f. ans après Moïfe. S'il y a quelque vérité dans cette opinion
d'Eufebe cela fortifie nôtre conjeêlure, que la transformation de Sem en Lib. i. coa-
Dieu des enfers , ne s'eft faite qu'après l'expulfion àts Cananéens hors de "um'!"^^^'
kur terre par Jofué. Je ne fai fi dans la fable de Pluîon, du rapt de.Gen. 34,
"Pm.lN, Mmmm Pro-
642 HISTOIRE DES DOGMES
Piorerpine,6<: de Ton retour aux enfers , il n'y entre point quelque chofe de
l'Hilloirc du rapt de Dina , par Sichcm,fils d'Hemor , qui après cette aâion
fut envoyé aux enfers , lui & tous fes fujcts , par les enfans de Jacob , qui
les firent tous pafler par l'cpce.
CHAPITRE V.
'De Dagon. Il vient de T>ag , foijfon en Thénicien. Et non
de Vagan^ froment ^ comme fa crû Thdon de Btblis. Diverfès
erreurs de ce Thilon: Dagonéîoit Neptune, DerceiO) Deejfede
la Mer , elle avoit la figure de piffon.
Oici encore l'un desBahalins, ou des grands Dieux des Phéniciens,
c'eft Dagon : Et nous ne pouvons pas douter que les Ifraelites ne
fe foient fouillez de cette idolâtrie, comme des autres, puifqu'ils
font accufez d'avoir adoré les Bahalins en général. Ce Dagon étoit le
Dieu d'yîfdod^ que les Grecs appellent (t^z.ot^ ou Az^otus^ lieu aflez con-
nu par l'Hiftoire fainte. Il fubfiftoit encore, 6c portoit le même nom,
du tems des Apôtres. Car l'Hiftoire àts Aétes nous dit que Philippe ,
Aftes 8.40. après avoir baptifé l'Eunuque de Candace, Reine des Ethiopiens, fut en-
levé par î'Efprit de Dieu , 6c tranfporté en Azote.
Le premier endroit , où il nous eft parlé de ce Dieu Dagon , c'eft au
livre des juges. Qiiand les Philiftins fe furent rendus maîtres de Samfon,
par le moyen de Dalila, ils lui crevèrent les yeux, le menèrent à Afdod.
Et les Gouverneurs des Philifims s'' ajfemblerent pour faire un grand facrifice à
Dagon leur Dieu , & four fe réjouir , & ils dirent^ noire Dieu a livré entre nos
mains Samfon nôtre ennemi ■&€. Et comme ils avaient h cœur enjoye ils dirent^
fattes venir Samfon, afin eju'il nous fa(fe rire.
L'Hiftoire de ce qui arriva à ce Dagon, en la préfence de l'Arche,
eft célèbre, 6c fe lit au premier livre de Samuel. Les Philiftins ayant rem-
Ghap. 5. porté une grande viéloire fur les Hébreux , dans les derniers jours de la
vie d'Heli Souverain Sacrificateur, ils emmenèrent l'Arche de Dieu, qui
fe trouva dans le Cainp des Ifraelites, 6c la confacrerent comme une ri-
che dépouille à Dagon, Dieu d'Afdod. i. Les Philtflins donc prirent
P Arche de Dteu^ & la menerept dans la mai fin de Dagon .^ & h poferent aH'
prés de Dagon. 2. Le lendemain , quand les Afdo dien s fe furent levez. .^ voici
'Dagon éroirfombé fur fa face en terre j devant P Arche de l'Eternel: Mais ils
prirent Dagon , ç^ le remirent dans fin lieu. g. Derechef ils fe levèrent le len-
demain de bon matin ^ Ô" voici Dagon étoit tombé fur fa face en terre ^ devant
r Arche de l'' Eternel, Sa tête (f^ les deux paumes défies mains étoient coupées
finr le fiuil ^ feulement Dagon étoit demeuré prés d^elle , c^efl-à-dire de l'Arche.
4, Pour cette cauÇe les Sacrificateurs de Dagon ,^ & tous ceux c^ui entrent dans
fin Temple , ne marchent point fur le fieuil de Dagon en Afdod Jufques a ce jour-'
d''hui.
Les
ET DES CULTES DE L'EGLISE. Part.lY. 64,5
Les Ifraèlites ayant été battus une autrefois par les mêmes Philiflins,
fur la fin du règne de Saul, qui fe tua le jour de cette bataille, pour ne pas
tomber vif entre les mains de (ts ennemis, les Philiftins lui coupèrent la
tête 5 & après l'avoir promenée dans toutes leurs villes , & préfentée à
tous leurs faux Dieux , enfin ils l'attachèrent dans le Temple de Dagon. Ce i. chtoa.
Dieu continua d'avoir fon Temple en Afdod, ou Azot, durant tous les fie- ^°- "•
clés, dans lefquels régna l'idolâtrie, jufques au temsdes Maccabées. Car
l'Auteur du premier dts livres, qui portent leur nom , dit ^hc Jonathan ,. Maccab
/'^« des Maccabées ^ ayant battu l'armée â^ Apollonius (Jénér al deBemetrius ^ ils »«>• «3-
s^ enfuirent en Aut , & entrèrent en Beth- Dagon ^ qui étoit le Temple de leur
Idole , pour j^e fauver là : nui e/trvjAÔov sîg B^iô^aywv , ro sI^coKeTov uvrm.
Mais Jonathan mit lefen en Az.ot , & brûla le Temple de Dagon ^dr tous ceux
qui sy étaient réfugiez..
Nous n'avons prefque point de plus fûre lumière pour connoître les Deux et^
anciennes divinitez, que leurs noms. C'ell pourquoi il faut bien confi- «^^oicgiesdu
derer le nom de celle-ci. Dagon peut être tiré de ;n, dag, qui fignifie quTfo?t°*^'
poifTon dans la langue Phénicienne, ou de pn , dagan , qui fignifie bk\ nfonsTri
^froment dans la même langue. En effet il y a deux opinions fur Da- DieuDagon.
gon félon ces deux étymologies. Les uns veulent que ce Dagon ait pris
Ion nom de dagan , froment, 6c qu'il fignifie le Dieu, qui préfidoit fur-
la culture des champs. C'eft l'opinion même de Philo Bibhus, le Tra-
duâeur de Sanchoniathon Phénicien. Cœlus ^ dit Sanchoniathon, épou-
fa laTerre fa fœur , & il eut quatre enfans d'elle^ Saturne qui fut au (fi appelle
Ilus , Betylus ^ & Dagon <y oçiçia-lruv^ qui eft le Dieu du froment. Et peu
après; Or Dagon, parce qu'il avoit trouvé l'art de femer le blé & Tufa-
ge de la charrue , fut appelle Jupiter Aratrius, ZfOç âpôrpioç. C'efl: une Eufeb.Prsp.
vifion & une méprife de Philo Bibhus. Dans ce confiderable frag- ^^ang. lib.
ment de Sanchoniathon , que nous avons dans Eufebe, il faut bien difiin-
guer ce qui eil de Sanchoniathon, & ce qui eft de fon Traduéèeur. Car
Philo Biblius ne fe tient pas toujours dans les ter-mes d'un iunple Traduc-
teur, il eft fouvent Commentateur ôc Paraphrafte. Et il n'entend pas
toujours le texte qu'il veut paraphrafer. Sanchoniathon avoit dit fimple-
ment que Dagon étoit l'un des fils de Saturne, Philo Biblius, quifavoit
que dag an fignifie froment, s'eft imaginé qu'il faloit dériver de là le Dieu
Dagon, & du fien il a ajouté que ce nom fignifie o-/ra)v, Se qu'il lui fut
donné parce qu'il avoit trouvé le froment & la chârruë. Au reftenosSa-
vans ont remarqué plufieurs femblables bevûës deceTradu6]:eur,dans ce
petit fragment , ce qui fait qu'on ne fe doit pas trop fier en lui , èc qu'il
fe faut fervir de fon propre jugement pour reconnoître les lieux , où il
s'eft trompé & lesdiftinguerde ceux, où il a fidèlement rapporté les ehofes,
comme elles étoient dans le texte de Sanchoniathon. -,
Scaliger avoit déjà remarqué que Philo Biblius s'étoit trom.pé dans la Dîverfesbe^
verfion du nsi», fchaddai , le confondant âvecfchadai , le premier fignifie j'ûësdePhi-
le Dieu fort & puiflànt, &le fécond fignifie les champs. Sanchoniathon Hi", dansU
àvoit mis entre les plus anciens Dieux ni^^N, Elfchaddai , qui dans la g^'''"" ^^
langue Phénicienne fignifie le Dieu^^rand, .puifiant, & pofiédant tout Âon.
en foi-même. Mais fon Traduéteu^ifant nt^' h^ , £1 fchadai , en a fait
Ô£Ôî«ypoTV]ç,. un Dieu ruftique, ou un Dieu dés champs,
Mmmm 2. Mais
6l4> HISTOIRE DES DO GM E S
phaiegparr. Mais Mr. Bochai'C y a remarqué une bcvûë beaucoup plus confidera-
^.h .2.cap, i^j^^ C'ell que Sanchoniathon avoir, dit que le Dieu Cœlus avoir inventé
Origine des & tfouvé àts picnes ointes , qu'on appeiloit Betjilta. Les Phéniciens avoient
pimes vo- un grand refpeâ: pour cette pierre, fur laquelle Jacob dormit en s'enal-
ijntesdes ]ant en Chaldée , ôc fur laquelle durant l'on fommeil il eut cette admirable
ctatk'it. viiion de l'échelle. A fon réveil il oignit cette pierre d'huile, & appel^-
^*' la le lieu Bethel^ qui lignifie maifon de Dieu. Les Cananéens firent en-
iuite de cette pierre une [dole, au moins les Juifs le difent ainfi , 8c il y
a beaucoup d'apparence, parce qu'il eft certain qu'à l'imitation de Jacob,
ils oignirent dans la fuite des pierres confacrées à leurs Dieux , & ils les
appelierent Betjlia ^ du nom de Bethel, oii Jacob avoit oint cette premie-
rs 1047. re pierre. Photius rapporte de Damafcius, que prés d'^HliolopoUs , ville de
Syrie pr'oche du Mont Liban , zyiÇclepiaàes monta fur le Liban , & y vit plu-
ftears de ces pierres ^ qu'ion appelle Bety-lia^ oh 'Betylion ^ dont on dit des merveil-
les étranges. L'une de ces merveilles , qu'ils raeontoient de ces pierres
ointes , c'eil que quelquefois elles s'éle voient en l'air. Car ce même
Damulbius dit, au rapport de Photius, e^ii il avoit va l'une de ces pierres fe
mouvant en l'air. Philo Biblius , qui. avoit ouï parler de ces merveilles ,
a jugé que de ces pierres ointes il faloit fiiire des pierres vivantes. Et au
Entreprife ^^^^ 9^^ Sanchoniathon avoit dit. Et le Dim Cœlus inventa ces pierres Qin\
de Philo Bi- tes , cju on appelle Betylia , Philo Biblius a dit. Et le Dieu (^œlus inventa par-
tabk'aitera- ^'^ ^^^ extraordinaire ces pierres animées^ qu^on appelle Betylia. Mr. Bocharc
tioii du tex- foupçonne que cela vient de ce que Sanchoniathon avoit écrit o^a»!:, n&^-
choahtïon. shaphim ^ qui lignifie ointes, ÔC que Philo Biblius a lu Cli'sa., nephashim^
qui fignifie les âmes. Mais fans cela il y 'a apparence que Philo Biblius,,
ayant oui dire que ces pierres voloient, Ô£ qu'elles étoient animées, a vou-
lu faire dire cela à Sanchoni.athon , très ancien Auteur , afin de mieux ap-
puyer la fuperltîtion de fon teras.
Au refte pour la juftificaîion de Philo Biblius , ri ne faut pas dire quer
Sanchoniathon peut lui-même avoir avancé^cette fable , que ces pierres
appelléesBetyha voloient. Car il eft certain que ce conte eft moderne , né;
depuis la mort de Sanchoniathon, & qu'on n'en trouve rien dans les plus an-
ciens. Entre les bevûës de Philon de Biblis on pourroit conter ce que Mr. Bo-
chart remarque aufii. Sanchoniathoiiavoit dit qu'Aftarté rencontrant une es-
pèce d'aigle, appelle içfp/«,qui tomboit du\Ciel , elle latua 6c laconfacra.
On lit aujourd'hui dans le texte de Philon, qu'elle trouva une étoile volante >
qu'elle tuaj6c la confacra.Mais c'eft plutôt une faute desCopifteSîque de Phi-
lon , qui fans doute avoit écrit àçspla -, efpece d'aigle , au lieu qu'on lit, àçipa*
Vide Dtu- H étoit neccftaire d'appuyer un. peu fur les bevûës de Philon de Biblij,,
H^b^Tb^' P°"'* ^°^^ délivrer du joug de fon autorité , fous lequel Samuel Bochart
quïft. 8*. ' nous veut aflèrvir. Comme s'il n'y avoit aucuiTe raifonde révoquer end oii-
Si^?Ani- ^^ ^^ q^fun ancien Hiftorien^ tel qu'eft Sanchoniathon , qui eft Phéni-
maiibus Par. cieu, nous dit de la Religion des Phéniciens. C'eft pourquoi il veut que Da-
quî^cSà*'" S°'^ vienne de dagm froment, 6c fignifie le Dieu du froment. Quant à moi né-
fentiunt. gligcant l'autorïté des Grecs , je me range , fans balancer , au fentiment
dem° w' des Hébreux, qui eftiment que DAGON , vient de.D^9^,poiflbn, Ôcque
me ôc demi- Cette idolc avoit la forme, que les roëtes donnent aux Tritons , qu'il étoit
J^'^Q* demi- homme 6c demi-poiflbo.
From-
ET DES CULTES DE L'E G L I S E. P^r^. IV. 64,5
Frons hom'mem fréifert , in pîfcem dejînit alvus , y :.
SfumeA femtfero fub pérore murmmat unda. ^Eneid. la.
On dit que DAGON ^ depuis le nombril en bt^s , avoit laform^ de poiffon y T<-imchï in z.,
Ô' que pour cette caufe on Pappelioit DACJON^ & depuis le nombril en hautil^^"^'^' ^' ^'
avoit la forme ^homme^ ainjî qu'ail efi écrit , & les deux paumes de [es mains
furent trouvées coupées fur le feuily & c'^efi Pinterpretatton de ce qui e(i dit^ pjT
I'''7i? nNlî'J, & Dagon refiafeul^ c' efi- à- dire, qutl ne refla que laformede poif-
fon. Ce font les paroles deKimchi, aufquelles on peut ajouter celles d'A-
barbinel fur le même lieu. Nos Doreurs mus ont appris que Dagon , depuis
le nombril en haut (^en bas, avoit la forme de poijfon. Jldais il avoit des pieds
& des mains félon la forme humaine. EtR. S. Jarchi Jl TMcni ^'«^'y dSî: .Rale-
bag eft d'un avis contraire, car il dit » un^ fimiy Sv D^v tzinn n^iti» cnW j"y.
Leur Idole était une image en forme humaine. Les Rabbins ne s'accordent pas
exaétement, car Abarbinel & Jarchi 5 femblent vouloir dire, que toute la
ilatuë de Dagon étoitune figure de poifîbn, excepté qu'elle avoit des pieds
& des mains d'homme. Mais l'opinion de Kimchi eft beaucoup plusvrai-
femblable , c'eft quç lehautétoit de l'homme, ôc le bas dupoiflbn.
Et il faut avouer qu'il appuyé fa conjeâure par une interprétation du ^
texte trçs ingenieufe 6c très apparente. Car le texte dit , que Dagon avoit ta fof.
étant tombé devant l'Arche une féconde fois , fa tête & Çç.^ deux mains '"^ ^'^'"^^
turent coupées fur le feuil de la porte , & Dagon toutfeul re(ia fur foi. Le
Paraphrafte Chaldée a tourné Ws^v ")Nn!:*N \\rr\ rT"»siJ ninS , 6c le corps de
Dagon refla feul fur foi. Ce que nos Interprètes , 6c tous les Modernes
ont fuivi. Mais il ell: beaucoup plus apparent qu'il le faut entendre com-
me Kimchi , que la tête 6c les mains , ce qu'il avoit de la forme humai-
ne, lui fut ôté, 6c que Dagon refla feul, c'efl- à-dire , qu'il ne refla que
ce qu'il y avoit de poifTon. Car il n'y a pas de raifon pourquoi le tronc
de Dagon , privé de tête 6c de mains , qui font les principales parties , vide piura
auroit confervé le nom de Dazon^ par oppofîtion à la tête 6c aux mains, apudKirchc-
n etoit que ce tronc etoit le vrai Dagon, ceit-a-dire , le vrai poif- ^gypt. sya-
fon. tm^.^. ^
On dit que de delTous la queue de ce poifîbn nailToient deux pieds, fur
lefquels il étoit appuyé , 6c c'étoit l'opinion des 70. qui ont ajouté à^L-
(poTspa Tx /%vvî t£v toiJ'wv uiiTH ù(pVjÇiV.ix.éMU^ & les deux plantes de fe s pieds étoient
emportées. Cependant l'édition de Londres idfijl faite fur l'exemplaire
du Vatican y au lieu du mot ttoJwv, les pieds, met xsip^v, les mains , félon
l'Hébreu, «^
AfTûrément la conjeélure de Seldenus efl fort vrai-fembkble, C'eft que Le Dieu
le Dieu Oannesj que les Babyloniens adoroient, étoit le même que leDa- Oannes.-coîî-,
gon des Phéniciens. Car il efl certain que les Chaldéens ont adoré lessddenusde
mêmes Dieux, 6cfouvent fous les mêmes noms. Berofe rapporté par Eu- ^"^^y"^»
febe dit que cet Oannes avoit le corps de poijfon, & au devons de la tète ^ po- in chroni^
fée fur ce corps , une autre tète humaine ^ qui fortuit de dejjous la tète de poijjbn^ ^°'
qui pareillement avoit les pieds d'un homme .^ fartant de dejfous une queue de poif-
fin , & ayant une voix humaine. Berofe ajoute que ce monflre fortoit tous
les matins de la mer rouge , venoit" en Babylone , 6c retournoit le foir
Mmmm 5 dans
6+6 HISTOIRE DES DOGMES
dans la mer. Et qu'il avoic enfeigné aux hommes les fciences & les Arts.
; Seldenus cite encore Apollodore, qui, fur le rapport du même Berofe ,-
dit que du tems d'-^dorachus, Roi des Chaldéens, qui, félon Berofe, étoit
long-tems avant le déluge , il fortit de la mer un monllrc demi-homme
ôcdemi-poiffon, qui avoit nom Odacon , QMwj^ aflïïrément cet Odacon ^
a bien du rapport en toutes chofes avec nôtre Dagon, le nom y ell entier
fans altération.
Dâgon étoit Mais voici ce qui me perfuade le plus que DAGON avoit la forme de
DieÏÏe h^ poiffou, coutre le fentiment de Druîius , de Bochart, de Ralebag , &
Mer. autres.
I . C'eft que , félon coûtes les apparences , ce Dieu Dagon étoit
Neptune. Car après avoir pofé , & prouvé plufieurs fois , que tous les
Dieux des Grecs 6c des Latins , font venus de l'Orient , ôc particulière-
ment des Phéniciens j il cil clair qu'entre les Dieux des Phéniciens , il
faut que nous y trouvions au moins les principaux Dieux des Grecs 6c des
Latins. C'eft- à-dire Saturne & fes trois fils, Jupiter, Neptune, & Plu-
ton. Nous avons trouvé Saturne dans le Moloch des Phéniciens , Ju-
piter dans leur Baal , Pluton dans leur Baal-Zebub. Il faut trouver Nep-
tune, Scnous ne le {aurions rencontrer que dans nôtre Dagon. Certaine-
ment il n'y a pas d'apparence que les Phéniciens , qui étoient fur le bord
de la Mer, qui tiroient de cet 'élément de fi grands ufages, par le grand
commerce , & qui fi fouvent faifoient des voyages fur la Mer , n'eulfent
pas un Dieu préfidant fur la Mer. Aufiî Philo Biblius nous apprend ex-
prefiement, que la divinité de Neptune leur étoit connue, car il dit que
Ubi fuprà. Satîime ^ félon la Théologie des Phéniciens, donna la ville de Berythiï Nep-
tune^ & aux Cabires^ laboureurs & pêchems , qm J confacrerent les reliqueida
Dieu Tontm, Ils connoiffoient Neptune, mais ils ne le connoiflx)ient pas
fous le nom de Toast^ihv-, dont fe fert Philo Biblius. Car c'eft un nom qui
n'a été connu qu'aux Grecs , ce n'eit point fon nom Phénicien. Or il eft.
raifonnable de croire qu'entre les Phénicien* Neptune avoit tiré fon nom,
ou de la mer , ou des poilTons , for lefquels il avoic la domination , èc
qu'il en avoit la figure, félon la coutume des Syriens, dont toutes les Ido-
les étoient mêlées de figures d'homme & de bête,
î. DeNa- 1. Je voi quc Ciceron nous dit que les Syriens adorent les poifibns,
rum.°^°" p^fi^^ Sy^^ veneranttir. Xenophon nous afiure la même chofe, en parlant
Lib. de Cyti du fleuve Chalus. Il étoit rempli ^ dit-ii , de grands poijfons apprivoifez , que
expe itio- ^^^ Syriens adoraient co^Kfl^e des Dieux , & ne foHjfroient pas qn'on lem fit ait'
cun mal^ non plus qu'eaux pigeons.
inPtotre- ^ Clément d'Alexandrie nous le dit auffi, les Syro- Phéniciens n"" adorent pas
P^co. ^^g^ moins dé zjle les coiffons , que les Eliens adorent fupiter. Eft-il apparent
que ceux qui adoroient les poiflbns n'eufient pas dans leur Temple quel-
que Idole , où la figure du poilfon entrât ? Et où la trouverions-nous cette
Idole que dans nôtre Dagon ?
LaDéeffe II eit vrai qu'il y avoit une Déefl^e entr'eux, qui étoit répréfentée fous
^ïkhfigu- ^^ niême figure, partie d'homme, partie de poifibn. Mais c'eft cela mé-
le de poif- me qui me perfuade que Dagon avoit la même figure : car cela ne. leur
'*^*' étant pas extraordinaire , 6c ce mélange de la figure du poiflbn , 6c de
l'homme, leur étant familier , il y a bien apparence qu'ils la donnèrent à
celui
ET DES CULTES DE L'EGLISE.SP^r^IV. 647
celui qui étoit leur Neptune. Cette Déeiïe, qui étoit en partie poiflbn,
en partie femme , s'âppclhit Derceto^ ou Derce , Mère deSemiramis, ôc
c'ell aflurément la même Déeflè , qui eft auffi appellée Atergatis , ainfi
nommée quaii Ji "in^ , addir dag, qui fîgnifie poiflbn magnifique, félon
Voflius 6c Seldenus. Strabon Vap^dleAtargata, au delà dnfieuve eft: Bam- Lib.ifi.
bjca, appellée autrement Edefe ^&, la ville facrée ^ ou l'on fert Atargata la Déef-
fe Syrle-me, & fur la fin du même livre, en parlant du changement, que
l'on apporte dans les noms, il en donne pour exemple Atargata^ qm s'ap-
pelle Atharas^ & que Ctejîas appelle Derceto.
Diodore le Sicilien nous rapporte l'origine de cette Déefle 6c de fon
culte. Le paflage mérite d'être répréfenté ici entier. C'eft dans l'Hiftoire
de la naiflance deSemiramis. Il y a en Syrie um ville nommée A fcalon , prés de 'Diodotc
laquelle efi kn lac profond , & fort abondant en poijfons; dans le voifmage de ce lac \^^i^'
eji le Temple de Pillufire Déejfe , que les Syriens appellent Derceto^ qui a un vi-
fage de femme , & le refte du corps de poijfon. Et les plus habiles du pais en
rendent cette raifon ici. Ils difent que Venus ayant du chagrin contre cette Déef-
fe, la rendit amour eu fe d"^ un jeune homme Syrien ^ ajfez. bienfait, d"^ entre ceux
qui facrif oient , que Décrète ayant couché avec ce jeune homme , en conçut me
file ^ mais qu'étant confufe du crime qu''elle avait commis^ elle tua le jeune hom-
me , expofa Penfant qu'elle avait mis au monde dans un lieu dé fert, ^ fe précipi-
ta dans le lac , ou elle fut changée en poiffon. Et delà eflvènu que les Syriens
encore aujourd'hui ne mangent pas les poijjons^ mais les adorent comme des'Dieux.
En fuite il raconte comment cette petite fille expofée, qui fut depuis la
Reine Semiramis,fut nourrie par des pigeons, ce qui fait que les Syriens
adorent auffi les pigeons comme des divinitez.
Ovide l'appelle Dioné , & fait l'Hiitoire autrement. Il dit, qu'étant
pourfuîvie par Typhon , elle s'enfuit dans la Paleftine, fe trouva fur les
bords de l'Euphrate, tenant Cupidon entre {ç,s bras. Qu'entendant du
bruit ellefe jetta dans l'eau, & fut reçue par deux poifTons, lefquels orït
enfuite été placez dans les cieux.
Nec mora , profiluit , prfces fuhiere gemeïli , - i-'^- ^•
Tro quo nunc cerms ftdera numen habent, v. 471.
Inde nef as ducunt genus hoc imponere menfîs ,
TSle violent timtdi pifcibus ara Syri.
L'un & l'autre conviennent que les Syriens ne mangent point de poiflbn ,
perfuadez que le ventre & les pieds leurenfleroient. Porphyre rapporte des Porphyrii»
vers de Menandre là-deflus , dont c'efl: ici le fens , regarde l'exemple des ^f° ^
Syriens , quand ils mangent du poifon par intempérance , le ventre & les pieds -Lv^mv
leur enflent , c'ck à cela qu'on croit que Martial faifoit aliulion , quand àiïox^ç,
il difoit ,
furo per Sjrios tibi tumares-. Lib. 4.
Ep. 43,
Les Tyriens habitans en Jerufalem vendoient du poiflbn aux Ifraëlites,
Neh. 13. 16. Il faloit, ou qu'ils ne fufi^ent pas infcétez de cette fuperfli-
tioD , ou que n'en voulant pas manger , ils ne fiffent pas confcience de les
vea^
648 H I s T O î R E D E s D O G M E s
vendre, ou enfin que le commerce avec les juifs leur eue tiiii, perdre une
partie de leur iuperlHtion. Tous les Syriens ne s'abilenoient pas de poif-
fon, mais feulement les Sidoniens, & ceux qui avec eux adoroient A (tar-
te: Artemidorus dv^/poKp/T/viwv lit). ï. C.9. /%0'J«ç vravr^ç ^VÔ/bo-;, tài^v avpov n-
vwvt£v''Sîv h''qccprvi'j (Ts^Dixivm^ tous les Syriens mangent du poiffon , excepté
quelques-uns qui adorent Aftarté.
Mais pour revenir à i'Hiftoire de Diodore, il dit i. que cette Déefle
étoit adorée à Askalon, or Askalon étoit toute voinne d'Azot, où étoit
adoré DAGON. CarAfdod, ou Azot, &.i\skalon ctoient deux des cinq
Gouvernemens des Philiftins. GazajAfdod, ou Azot, Askalon, Gath,
& Hekron , étoient les cinq Gouvernemens. 2 . Il dit que cette Déefle
avoit le vifage d'une femme, Ôcle corps de poiflbn: c&s deux chofes ren-
dent vrai-fembiable la conjedure de ceux qui croyent que Dagon eft une
Déefle , & que c'efl: cette Derceto , que les Syriens fervoient. Ce qui
augmente la vrai - femblance , c'efl: que les Auteurs Grecs nous parlent
fort fouvent de cette Déefle Syrienne, demi-femme & demi-poiflbn. Lu-
cien nous en rend conte comme témoin oculaire, f'^ai vh^ dit-il, Pimage
Lucian. de àe D^Yceto , ^mfait un étrange fpeEiacle , elle efi femme par la moitié du corps.
oJMiais depuis les cuijjes jufques aux extrémités des pieds , s'' étend une longue
queue de poijfon. Pline en parle auflï , ôc à caufe de cette figure extraordi-
naire , il l'appelle prodigiofk. Ibi auîem prodigiofa tyftergatis , Gracis autem
Derceto di£la , colitur. Or de DAGON , on ne voit pas qu'il en foit par-
lé mille part , de forte qu'il y a lieu de foupçonner que cette Derceto
d'Afcalon, qui étoit auflîi adorée à Emefc, ell nôtre Dagon.
Je ne faurois pourtant me ranger dans ce fentiment. i, Dagon efl: un
nom mâle , & une terminaifon mafculine. 2. Non feulement les Hé-
breux, 6c le Texte facré l'appellent toujours Dieu, mais les Grecs, qui ont
quelquefois fait Bahal féminin , font toujours Dagon mafculin. Ajoutez
que Sanchoniathon le fait aufl^ mâle, & le conte entre les quatre fils de
Cœlus, Saturne, Betylus, Dagon, Atlas. 3. Rien n'empêche qu'il n'y
ait eu deux divinitez , l'une mâle & l'autre femelle , qui ayent été ado-
rées dans la même contrée, fous la même forme, mêlée de l'homme ôc
du poiflbn. Au contraire il efl apparent que les Phéniciens ont donné à
la mer , deux divinitez fouveraines, l'une femelle 6c l'autre mâle , auflî
bien que les Grecs. Car il efl à remarquer , que comme la Théologie
Payenne donnoit à Jupiterjunon, pour compagne du règne du Ciel, à Plu-
ton 5 pour compagne 6c Dame des enfers , Proferpine 3 ainfi ils ont don-
t. Sam
6. 17.
Conjeaure
que Dagon
& Derceto
font la mê-
me divinité'.
DcaSyiia.
Lib. 5.C. 2î
de Cœle-
Syria.
Amphitrite
eft fille de
Doris. En
Phénicien
on diroit
dorhatha, fille
de Doris. Je . . „
f'?D^^"' ^^^ ^ Neptune , Amphitrite pour femme 6c Reine, dans l'Empire de la
to, oiiDor- nier. Selon cela nôtre Dagon d'Afdod efl Neptune, & Derceto d'Afcalon ,
ceta.ne ^ pcu de licuës de là, efl Amphitrite, fille de Doris 6c de l'Océan. 4. En-
pourioif pas ^ ^ ., ^ r ■ i a^ t>- r i , . ^, ,
être venu hu û ic pcut lairc quc le memeDieu,regnant lur toutcla mcr, ctoit rcprc-
tantSuf^" fente en un lieu comme un mâle, favoir en Afdod , 6c en un autre lieu
dansieca- commc uue femelle, favoir en Aicalon, pourfignifier la fécondité de cet
fcr?u"ï^' éle^^'C^tî c["i produit 6c qui nourrit tant d'animaux. Nous avons remar-
chaidée, & que cu parlant de Baal^ que les Dieux font fouvent appelfez mâle 6c fe-
Sth°ftpar- ^^^^^^* Aux témoignages, que nous en avons apportez dans cet endroit,
iaitement OD pcut aioûtei cc vers d'Orphée,
femblablesu r J r »
caph, 2, . .
Zevç
ET DES CULTES DE L'EGLISE. TarilY. 649
Y.svç upavjv yivero , 'Zsùg xy^^poTog sitrero vv}x,(pvj ,.
qu'Apulée a ainli tournez,
fnpter & mas efl , & femina nefiia mon. Lib. de
Mundo.
Au refte fî les Grecs n'ont point parlé de Dagon , c'eft parce qu'appa-
remment le culte de Derceto l'a fî fort emporté fur celui de Dagon, qu'on
a négligé celui-là, à caufe de celle-ci. Ce qui peut venir de ce qu'avec
le tems on efl: venu à confondre Atergatis, & Derceto, avec la Venus Sy-
rienne : laquelle Venus Syrienne eft enfin venue à effacer le culte , &
quafî la mémoire des Bahals, des Molochs, êc des autres Dieux Phéni-
ciens & Syriens , tant elle efl devenue célèbre. Que Derceto ait été con-
fondue avec la Venus Syrienne , cela paroît par le paflage d'Ovide , que
nous avons rapporté, qui l'appelle Dione 5 c'efl un des noms de Venus,
& il lui met Cupidon entre les bras. Strabonla confond aufïï avec la Déef-
fe Syrienne dans les paroles, que nous avons citées de lui. Et M.Bochart
la confond avec Aftarté, Sed meo judicio potior eft Feterum Sentent ia , ^«^ De Animag-
*Dagon , & Atergatis , velAftarte , plane diverfa funt numina. Nous verrons \^^ ^^^' ^'
ailleurs fî l'on a raifon. Quoi qu'il en foit , je ne doute pas que cette
confufîon , qui eft ancienne , ne foit caufe que Derceto a effacé la mé-
moire de Dagon. Je foupçonne aufîî que les Syriens , quand ils ont eu
commerce avec les Grecs, ont reélifié les figures de leurs Idoles, &; les
ont ramenées, au moins la pliâpart, à la figure humaine. Car au commen-
cement il eft certain qu'ils n'avoient quafi pas d'Idoles, dont la figure ne
fût mutée de l'homme ôc de quelque bête , comme nous avons plufieurs
fois remarqué. Or il n'y a pas d'apparence que du tems de Pline , 6c de
Lucien , les Syriens euffent d'autre Divinité biformis , ou tnformis , que
Derceto , autrement ils n'auroient pas remarqué ce mélange de formes
dans Derceto , comme quelque chofe de prodigieux & d'étrange , fi cela
avoit été ordinaire. Je croi donc que la divinité de Dagon , ayant tou-
jours été en Phénicie , fa ftatuë a été reétifiée êc ramenée à la figure hu-
maine , ôc que c'eft la raifon pourquoi les derniers Auteurs ne par-
lent point de la figure extrordinaire de Dagon, Se ne remarquent que Der^
ceta
*lAruVf, Nnnn C H A.
650 H I s T O I R E D E s D O G M E s
C H A P I T R E VII.
^es Vieux Naturels & Animaux cachez fous Dagon : les T>ieiix
Naturels c'eji la CMer , & l'Efpnt répandu dans cet élément ,
qui lui donne fes mouvemens. Les Dieux Animaux font Japhet
deuxième fis de Noé.
Dagon eft le "rjRéfentement en fuivant l'ordre, que nous avons obfervé jufquesici,
DieuNeptu- l"^ il faut voir quclle divinité Grecque 6c Latine eft cachée fous- ce Da-
^^* -*" gon des Phéniciens. Mais j'ai déjà dit mon fentinent ià-defîlis , c'eil
que je ne me faurois perfuader que ce fût autre que Neptune , le Dieu
de la Mer: fa figure de poiflbn le prouve 5 car il n'y a aucune raifon pour-
quoi ils eullent donné une figure de poifibn à un Dieu celefte. Le nom
fonnable de préfumer que les Phéniciens avoient un Neptune, auffi bien
qu'un Saturne, un Jupiter , & un Pluton , nous ne le faurions trouver
fous autre nom, que celui de Dagon. Il eft vrai qu'il y avoit d'autres Dieux
Marins , qu'on pouvoit auffi répréfenter fous la même foi-me. Mais ce
Dagon femble être le Roi de tous les autres, car nous voyons par i'Hif-
toire de Samfon, qu'il étoit confideré par les Philiilins, comme le grand
Dieu, & qu'ils croyoient que c'étoit lui qui leur avoit livré Samfon. Ainfi
dans l'Hiftoirede l'Arche êcde Dagon, il eft appelle fimplement le Dieu
dts Philiilins , Dagon notre Dieu. Il n'y a pas d'apparence qu'ils lui euf-
fent fait tant d'honneur, fi c'eût été l'un àts Dieux inférieurs.
Les divini- Je remarquerai ici en pafiant , que les divinitez Phéniciennes ont eu
neVn'ont ^^urs rcgncs , fclou les differens tems. Il y a apparence que du tems des
pas unijours Jugcs cc Dagon étoit celui, pour lequel ils avoient le plus de dévotion,
ment en Moloch cut fou tcms , quand la fureur les pofiedoit de faire pafler leurs
voguccom -nhuis par le feu. Du tems d'Achab & des Rois d'Ifraël, l'on ne parloit
àwY^'.inlt, que de Bahal, qui étoit le Dieu àzs Sidonicns. Cela eft toujours arrivé
r&ba'r^ aina. Selon que le Démon par de faux mn-acles attiroit la dévotion, tan-
tôt en un lieu , tantôt en un autre , les Idoles perdoient leur crédit , ou
l'augmentoient. Si Dagon eft Neptune, nous avons auffi lieu de croire
que Derceto'^étoit la Reine de la Mer, la femme de Dagon, c'eft pour-
quoi on lui donnoit une figure compofée, comme celle de Dagon j fice-
la eft, Derceto étoit l'Amphitrite des Poètes Latins & Grecs. Les Egyp-
tiens appelloienr la Mer Typhon , ôc l'avoient en horreur, c'eft pour-
quoi les Prêtres ne mangeoient point de fel, & ne faluoient jamais les gens de
piutarch. Marine. La raifon eit que la Mer englouriflbit le JNii , qui eft leur
a , cap. 17. y Q^Q^g préfentement quelles parties du monde , ôc quels hommes on
avoit
ET DES CULTES DE L'EGLISE. P^r/.IV. 651
V oit déifiez fous ces noms. Quant aux Dieux Naturels , ou parties du
inonde, cachées fous Dagon & Neptune, je croi qu'il n'y faut chercher
que ce que les autres y ont déjà trouvé. Ce qui ell clair & reconnu de tout
le monde. C'eft que Neptune eft la Mer, Ôc Tefprit qui conduit cet élé-
ment 5 & qui y caufe tant de differens mouvemcns , & tant de généra-
tions. Et comme tout le monde fait cela, il n'eft pas befoin que nous ap-
puyons davantage là-deîfus.
Pour ce qui eft des Dieux Animaux, c'efl- à-dire des hommes, Bochart
croit que c'ell Japhet. Et que la divinité de la Mer lui a été donnée , à
caufe que fon partage, 6c celui de (es décendans,a été dans les Iles,Pe-
ninfules, 6c terres au delà de la Mer, c'eil-à-dire, dans l'Europe, félon
ce que remarque Laétance, Neptuno maritime omnia cum infulis obvenerunt, DeFalfaRe-
„Ce qu'il appuyé du témoignage de Euhemerus Mefîinien, quia faitPHif- cap.Tit^"''
toire des Dieux , tirée des inlcriptions 6c des monumens des Temples ,
pour montrer qu'ils avoient tous été hommes , 6c qu'ils étoient morts.
Ennius, qui a tourné cet Auteur, 6c qui l'a fuivi , dit, Jupiter hnperium
Neptuno dat maris , ut infulis omnibus , & <juiz fecundum mare loca fmit omni-
bus ^regnaret. Bochart prétend que le nom Grec de Neptune, Tocrf/Jwv, eft
Phénicien, 6c fignific étendu, de {i3'»Li'9 , qui fignifie cela miémej à eau- PesMtan,
fe de la vafte étendue de la Mer. Le Latin Neptunus peut venir d'uae
même origine. Japhet , ou Japhté , ou Jipheté , vient de la racine nns ,
qui fignifie élargir, Niphete ^ Niphetin , d'oii vient en fuite TS^eptunus ^ fi- orîginedu
gnifie large 6c étendu. Et le mot v£<?ôt;v, par lequel les Egyptiens figni- "«"^ ^^
fioient les extremitez de la terre, les Promontoires, 6c tout ce qui tou- ^^'"''^'
choit la Mer , peut être la fource immédiate d'oii eft venu le ^eptutius
des Latins. Mais vicpôuv peut venir du nom de Japhet , ou de-t?iphete\ .
étendu, 6c ainfi ils auront toujours une même origine. Cette Nephthys
eft aufti appeliée Nephthé par Plutarque deliid.chap.7. 6c Nephthys au piutarquede
chap. 18. où il dit qu'elle fut mariée à Typhon, 6c qu'elle fignifie les con- ifi&ofiti
fins de la Mer ; 6c quand le Nil débordé fe mêle avec les rivages 5c Pro- *^ ^^''^' ^^'
montoires de la Mer, il appelle cela l'adultère d'Ofiris ,6c de Nephthys,
vé(D8v'j. Evidemment de là vient Neptunus^cav il n'y a aucun changement 5 ni
différence entre le Nephtan des Egyptiens, 6c le Neptunus des Romains, que la
terminaifon en us , que les Latins ont ajoutée. Il eft vrai que Japhet eft pafle
entre les Grecs avec moins de changement, car on ne peut pas douter que
le japetus des Grecs ne foit le Japhet des Hébreux , 6c en effet les Grecs font
décendus de Japhet par Promethée,qui eut E'a^vjv de Pyrrha, l'une de fes
femmes, d'oij font venus E"aav)V£ç, les Grecs. Mais cela n'empêche pas que le
même perfonnage n'eiit pafté chez eux fous un autre nom , c'eft celui de
TtcaeLàm^ 6c fous une autre idée, c'eft celle de Dieu de la Mer : à caufe
des differens évenemens & circonftances , dans lefquelles une même pei'- •
fonne s'eft rencontrée, qui ont donné lieu à multiplier les perfonnes.
Japetus eft dans la fable l'un desGeans, qui firent la guerre à Jupiter,
en accumulant montagne fur montagne. Cette guerre des Geans contre
le ciel eft venue de l'Hiftoire de la conftruétion de la tour de Babel: 6c
Japhet, fils deNoé, étoit fans doute du nombre de ceux, qui formèrent
le dclTein de bâtir cette tour. D'autre part, dans la Théologie des mê- •
mes Grecs, la même perfonne eft ^^p^eWée Neptune^ Dieu de la Mer,
Nnnn i parce
652 HISTOIRE DES DOGMES
parce que peu de tems après , dans le partage de k terre , Japhet eut le
pais au delà de la Mer. Et comme ces pais leur étoient inconnus , &
qu'ils avoient vu partir la race de Japhet fur des vaifleaux, les ayant vu
fur la Mer , &C ne fâchant ce qu'ils ccoient devenus , cela donna occafion
Origine de à la fable de Neptune , & des Tritons , 6c autres divinitez maritimes ,
T-^^'^n h" ^'•^'^^s difoient habiter dans la Mer. Ce font là les conje6lures les plus
bi'tansdeU vrai-fcmblablcs , qui fe puiflent faire là-deflus, fi ce n'ell qu'on peutajoû-
*'^"' ter que Noé me lemble auiîi caché fous ce Dieu Dagon , ou Neptune j
car enfin cet Empire de la Mer , me paroît convenir parfaitement ,à ce-
lui , qui s'ell rendu Maître de la Mer , qui a flotté plufieurs mois fur les
eaux du Déluge, & qui efl: échapé lui feul des eaux, qui ont détruit tous
les autres. Il efl ordinaire, 6c même cela efl perpétuel, aux fables, de
confondre le père avec le fils.
Pour ce qui efl de Derceto, que nous efHmons être Amphitrite , fem-
me de Neptune , les Hifloriens la font mère de Semiramis. Ils difent
qu'elle étoit Phénicienne , du pais d'Afcalon. Ainfi il y a apparence que
c'eft quelqu'une des femmes de la race de Canaan , que Semiramis , qui
devint Reine de Babylone , fit mettre au nombre des divinitez après fa
mort : afin de rendre fa naifTance plus illuflre , èc fe pouvoir dire fille
^'une Déeiîe , & pour cacher la honte de fa naifîànce ; car , félon l'Hifl
Diodore Si- toirc de Diodore , Semiramis vint d'une couche de fornication. C'étoit
Bibiiothei l'ordinaire des grands hommcs, dont la naifîànce étoit obfcure , ou tachée
de quelque infamie , de la couvrir du voile de quelque belle fable , où il
Coutume entroit toujours quelque Dieu. C'efl ainfi que Romulus , pour couvrir
eSr??e"s'^^ fa uaiffànce hontcufe par le crime de fa mère %hea Sylvia , voulut faire
Payens, de ciwe qu'il étoit fils de Mars. Alexandre, dont la Mère Olympie n'é-
DKuïeïue ï<^i^ F'^^ apparemment fort fage , fut bien aife de cacher l'infamie de fà
leiuîAn- mère, & fa honte, fous la fable de Jupiter , qui vint coucHer avec el-
le , dans la forme d'un ferpent. Il y en a cent exemples de cette na-
ture dans l'Hifioire. On peut ajouter aufïï que c'étoit la folie des grands
entre les Anciens, de vouloir décendre de quelque Dieu , ou de quelque
Héros. Les Rois de Macédoine fe difoient décendus d'Hercule , Olym-
pie Mère. d'Alexandre difoit qu'elle étoit du fang d'Achille. Ainfî pour
avoir des Dieux dans leur maiicn , ils déifioient leurs parens. Et c'efl
peut-être encore pourquoi Semiramis fit de fa mère , la DéefTe Derceto,
ou Atergatis,
cate«.
CHAPITRE VIII.
Les Vieux des Orientaux îranfportez en Samarie. Nergaly Ashima^
ce font divers noms du Soleil.
E font là les priifcipaux Dieux de la Palefline. Avant que de pafler
aux Déefles , il faut dire quelque chofe de quelques autres divini-
tez , dont le culte a fouillé la Terre Sainte , mais dont nous ne fa-
yons rien que les noms. Ce font cts fliux Dieux, qui furent appor-
tez dans la Samarie , après que Salmanafîàr en eut enlevé les dix Tri-
bus.
ET DES CULTES DE L'EGLISE. TartW. 655
bus. Il y envoya des peuples qu'il tira de l'Orient. Et le Rdi des Affy- z.R^îs.ir.
riens fit venir des gens de Babel ^ de Cuth , de Hava, , de Hamath , ç^r de Se- *'♦•
pharvaim , & les fit habiter dans les villes de Samarie , en la place des cnfans d'Ifra'èl.
Tous ces peuples apportèrent avec eux leurs Idoles. Les gens de Babel
firent Succoth-Benoth ^ ceux de Cuth firent Nergal^ceux de Hamath firent Ashi-
ma ^ les Haviens firent TSljbk^s & 7 arîak^ Mais ceux de Sepharvaim bruloi&nt
_ leurs enfans a zAdrammelech & Anamelech. Pour ce qui eftde Succoth-Be-
noth , nous la renvoyons au chapitre desDéeffes, &ron aura quelque cho-
fe de coniîderable à en dire. Quant aux autres, ce font des divinitez in-
connues. Excepté Adrammelech & Anamelech , dont nous avons parlé
dans le chapitre de Moloch , & qui , félon toutes les aparences , font le
même Dieu que ce Moloch. Les Grecs ont fort déguifé ces divinitez
dansjeur Verfion. Ils appellent la DéefTe de Babel SwKwôBev/ô, la divini-
té de Cuth E'pyà?^, celle de Hamath AV;/xàô, celle de Hava E'|3AaÇfp, nom fort
éloigné àe T^ibchaz. Ils ont confervé les noms de T^^r^^^, » d^Adramme-^
leih & (^Anamelech. Mais il leur a plû de faire de tous ces Dieux des
Déciles, excepté Adrammelech ôc Anamelech, car ils ont mis devant tous
ces noms l'article féminin, rviv. Il ne feroit pas aifé de deviner pourquoi,
car il y a plus d'apparence, qu'excepté Succoth-Benoth, c'étoient tous
des Dieux mâles.
Le premier de ces faux Dieux, c'eft Nergal Sjn''3,Dieu des habitans oeNergii,
derKuth. Les Juifs veulent que Succoth-Benoth , fût une poule avec (es ^a^^^^f~
pouffins, 6c que 1S[ergal fût un coq. Voici le paflage du Talmud , d'oià Juifs contre
en fuite tous les autres ont puifé. '^abbi fuda a dit, fitr le rapport d'^un Jranfpox"/
autre Eabbin^ les hommes de 'Babel firent Succoth-'Benoth. jQu'efi-ce que ce- enSamarie.
lai c''efi une T ouïe. Les habitans de Kuth firent Nergal. Qu'efi-cecjuecelé?
c^efi un coq , SlJii'in. Ceux de Hava firent Ashirna : c''€ft un boucfauvage. Ceux xaimud
de Hava firent Nibel^as & Tartak^^ cefi- à-dire ^ un chien & un me. ^eux de ^^^i^.Sinbe-
Sepharvaim brûlèrent leurs fils & leurs filles à <iyidrar/imelech ^ zy^namelech. ^^'
-dUtoit le mulet & lecheval^dontlepremiers^appelloit Adrammelech ^fi^voir le mu-
let ,parce qu'ail contribue à la magnificence de fon maître ^& le chevals' appelle Ana-
melech^ parce qu^il efi doux &obéïJfant à fon maître au jour de la bataille. C'efl: i" Com-
de là qu'ont puifé RachijKimchi ,& Abarbinel. Ce dernier , (iivoir Abar """'.
binel , conte cette idolâtrie pour la ilxiéme. La fixiéme efpece d"* idolâtrie ^ 2.. Reg.
dit-il , efî celle dans laquelle les Payens ont adore' quelque animal , s''imaginant
qu'il y avait en lui quelque vertu fpirituelle , qui lui avait été' in^.primée par les
chofes fupérieures. Tels ont été Afiaroth & Dagon.^ Idole des Thihfiins. Telle
aufii a été Pidolatrie du ^'Dragon , ou de la grande baleine , que nos pères difeni avoir
éiétué par Daniel, Atnfi les Chaldéens , qui vinrent pour habiter la terre à^ If-
raël ^ firent Succoih-Bmoth , qui fignifie des poules avec leurs poufilns Çy-'c.
Mais ce font de pures viiions des Rabbins , ou plutôt de malignes ca-
lomnies des Juifs, inventées par la haine qu'ils avoient contre les Sama-
ritains. Ces Samaritains , contre lefquels les Juifs confervent~"encore au-
jourd'hui une haine immortelle , étoient décendus de ces Peuples , que
SalmanaOar avoit tranfoortez enSamarie. Pour rendre les enfans odieux,
ils ont Voulu exaggerer l'idolâtrie des Pères, ôc les rendre exécrables ôc
ridicules, par les vils anini aux , qu'ils leur imputoient d'avoir adoré. Car
Cl on examine quel cfl le fondement de ces opinions des Juifs ^ on veri^
Nnnn 5 qu'il
mentariis ixs
cap. 17.
654 HISTOIRE DES DOGMES
qu'il n'y en a aucun j ou que cela n'ell Fondé que fur defaulfes ctymolo-
gies. Far exemple Succoth-Benoth , félon eux , c'ell une poule avec les pouf-
fins, à caufe que ^idlj» lignifie un coq, & licmih fignifie des filles & des
enfans, V.r3 elt un coq, à cauie de quetque rellemblance qu'il y a entre
Sj-)i , ncrg:il , ôc S*).i:in, tarnegol, qui lignifie coq. Nibekas, c'eft un
chien abboyanc avec véhémence, à caufe que nn: fignifie abboyer. Ce
font Kl des impertinences, qui ne font pas dignes d'être refutées. C'ell
pourquoi je fuis allez lurpris que le fivant Grotius en ait adopté une partie.
Annot. in 'NerqaL dit-il, était une'Déeèe. qu'ion adorait fms la forme d'une poule Chh-
2. Reg. 17. ^ ^ Z .1 I ■ r u J' / c- • '^ i -,
31. vage., & Ashtma jatis celle a un voue, b imaginant que ces D>Tj;iii', dont il
cap.H-M. ell: parlé en Efaïe, font ces boucs , ou Satyres, que les Samaritains ado-
roient. Pour nous en laiflant ces étymologies malignes, nous tirei'onsjdes
noms de ces faux Dieux toute la lumière que nous pourrons.
Quant à la lignification de Nergal^ elle me paroît fort aifée à trouver,
Ta , ou 13, dans la langue Cananéenne & Chaldaïque, fignifie un feu, un
VoiProverb.'fliimbeau , uuc lauipc. D'i^/îi'"! 13 Proverb. 14. 20. La lanipe desméchans. hn
53^/2°. 29. vient, oudcSS."!, galal, ou de nSj , gala: le premier fignifie rouler, 6c
Exod. 3p. , le fécond fignifie découvTir, manifeiler, 6c par conféquent 1S[ergalûgni-
^^' Çic flAn'ibean roulant^ ou flambeau éclairant. Et il n'eft pas malaifé de de-
viner que c'eft le Soleil, qui eft indiqué par ce nom, & qui étoit adoré
par les Peuples de Cuth. Chacun fait au refteque les Perfes ôclesChal-
déens adoroient le Soleil. Et nous parlerons de cette idolâtrie en fonlreu.
Ashima. Ashima eil le nom de l'Idole du Peuple de Hamath. Kî3''îi'ï^, c'cik. celui
cequïndit qtie les Juifs difènt avoir eulaforme de bouc. Il eft bien vrai que lesPa-
s. jciôme, yens ont eu des Dieux champêtres, aufquelsilsdonnoient cette forme , tel
étoit Pan, & les Satyres, les divinitez des bois, que l'on peignoit avec
dzs oreilles hautes & pointues, 5c des pieds de bouc.
Horat. Ub. Bacchum in remotis carmina rupihus
n -v\"^^'"* l^'^idt docentem. Crédite pollen ,
NjmphÀfqiie difcentes-j & aures
Capripedum Saîjrorum acutas,
îaEutcrpe. Pan eft appelle par Hérodote fô<7C7rpoVwToc. Les Peintres, dit-il, répré-
[entent Pan ^ comvne font les Grecs ^ avec un vtfage de chèvre & des jambes de
bouc. Ce n'efi pas cjuHts crojent cjfiilfoiî ainjtfait : car ilsfavent bien qutlefi
fimblMe aux autres Dieux. C'ell- à-dire, que c'ell fimpLement une figu-
re fymbolique. Les Juifs prétendent que ce font ces Dieux boucs & chè-
vres , que l'Ecriture appelle n'<^)'^V^, Shehirim\ comme au Le v. 1 7. 7. c^ quih
nefacrifient plus Dn^j;!^ , Vashehirim , aux Démons , avec lefquels ils ont pat!-
%rdé. Et en Efaïe chap, 34. 14. en faifant la defcription d'une extrê-
me défolat ion, dans laquelle feroient réduites les habitations des hom-
mes , il dit que le luiton , i^j/Lî' , criera à fon compagnon , êc qu'ils
'-s'entr'apelleront. Maimonides après avoir parlé des Egyptiens , qui
adoroient les brebis , & avoient en abomination les Bergers , dit quily en
a d'^autrej ^ui adorent les Démons , efiimam qu^iU avaient la forme de boucs ^
Cefi pourquoi ils appelloient les Démons ^'^'y^y^ .^ c'^eft-à-dtre ^ boucs. Laquelle
fipmii>n^ d:i tenu de Moïfe , étoit déjà fort étendre. C'efi pourquoi il dit au chap,
17-
ET DES, CULTES DE L'EGLISE. P^rMV. 655
17. dfi Levhiqtie'f ."j . ils ne facrifieront plus mx. D^l^^/ti^j aux boHCS^^; ou aux
Démons , fins la forme de boucs. Et de là veiwit:. cju'' entre ces gens il était défen-
du de mmgerdeU chair de bouc. Parce que ce mot Tj?'^ figiiifie velu , plein
de poil comme un bouc, on croit que le Saint Efp rit dé (igné les Démon?
fous cette figure des Satyres, fous laquelle les Payens les iéi'voient , & la-
quelle même on dit qu'ils ont empruntée quelquefois, pour apparoîcre aux:
hommes. Si l'on en croit S. Jérôme, dans la vie de Paul Herraite, S.
Antoine en trouva un en traverfant les déferts de l'Afrique, pour aller
chercher Paul. IS^ec mora inter faxofam convallem , haud grandemhommi~
culum videt , aduncis naribus^ fronte cornibus afperata^ cujus extrema pan
corporis in caprarum pedes dejînebat. Ce Satyre préfenta à S. Antoine des
dattes , & S. Antoine lui demanda qui il étoit, à quoi ce monflre lui ré-
pondit. Mortalis ego fum , d" unus ex aceolis Eremi , qms vario deluja
erroregentilitas , Faunos ^Satjropjue ^ & Incubas vQcans^ colit. Legatione fungor
Gregis mei. T^recamur ut pro nobis communem Deum depreceris , c^uem pro
falute mundi venijfe cognovimus ; & in univerfam tervam exiit fonus ejus.
Peut-on s'empêcher de remarquer en paiîant le caraétere inféparable Efprit des-
des Légendaires, & de ceux qui fe font mêlez d'écrire les vies des Saints, ^^°Jg"^j|.^'Jg^
c'eft d'aimer à forger des fables, quelque habiles, ôc quelque honêtesgens fables,
qu'ils ayent été d'ailleurs. Car enfin, il n'y a rien dans les Légendes mo- '
dernes, qui forte plus de la vrai-femblance , que les deux vies de Paul 5c s_ jeiôme a
d'Hilarion, qui ont été compofées par S. Jérôme. Elles font rempHesd'Hil- e^i lapande
toires de la force de celle-ci. *^" ^ ^"''
Pour retourner à nos Satyres , ce qu'ajoute S. Jérôme eft encore plus
furprenant. C'eft que pour empêcher qu'on ne doute de la vérité de cet-
.te apparition, il raconte que du tems de Conftantin, onprit dans ledé-
fert l'un de ces Satyres vif, qu'on 1 amena à Alexandrie, ou il mourut,
& qu'on embauma fon corps, pour le conduire à Antioche ,oià étoit alors
l'Empereur. On peut ajouter à tout cela les dépofitions des Sorciers, &
leurs confeffions, qui pofent que dans leurs alîembiées noéturnes, le Dé-
mon leur apparoît en forme de boue. Tout cela peut fervir à prouver
qu'il n'eft pas impoflible quelaconje6î:ure des Juifs, fur le Dieu Ashima,
foit véritable. Mais ce n'eft pas allez pour prouver qu'une chofe eft
vraye , d'avoir prouvé qu'elle eft pofhble. Ainfi je n'en fuis pas plus per-
fuadé, que le Dieu Ashima fût un Dieu Pan, un Faune, un Satyre > en
forme de bouc.
Elias Germanus veut que ce fût un finge, fmia. Il veut que le mot inThisbi,
Ashemai vienne d'Ashima. // me femble beaucoup plus fur .^ dit-il, de dire '"J^^.»
<^ue ce mot vient de ce qui efidit^ & ils firent Ashima^ qm tfi un finge ^ lequel
en effet en langue vuli^aire s^ap pelle fimia. Et de la vient qu'on appelle un vieilUrd
nsOL^N, Ashemai .f comme qm dir oit fait comme un finge. Je ne vois pas d'autre
fondement de cette conjecture que la reflemblance-, qui eft entre le mot
latin fimia , cc le nom Ashima. Ce qui eft un peu ridicule de dériver le
nom d'une Idole de l'Orient, d'un mot latin.
S'il m'eft permis de faire ma conjecture, je dirai qu'il eft vrai-fembla- Notasie
ble que h^wn vient deh'^o Nti> , Esh maia , il, n'y a du tout qu'une pe îu"']e^Dku
tite tranfpofition d'une feule lettre, mettant le;W après le me7n^ au lieu Ashima,
que dans Ashima, îvê^^Ji^N, il eft devant le rnsm. Et avec ce petit chan- Haaïth,^
gement
656 HISTOIREDESDOGMES "
cernent ce mot fignifie Ufeu des deux ^ «r2Li'!:'«. Veut-on même ne point
fairedetranfpofitionjlilezNO' ^^,€sh\om(i^€zÇt-'^-^\xc^igniidïmnus^ç,içx!i\oyjiX'
nalier, ou le feu perpétuel , ouïe feu qui fait le jour, ôc tout cela figni-
fie le Soleil, 6c le feu fon emblème. Or on fait, & nous prouverons dans
la fuite , que le Soleil & le feu étoient les Dieux des païs , d'où ces Na-
tions avoient été tranfportées.
CHAPITRE V 1 1 L
'De Nibechaz.
Lib. I. Bi-
bliothecae
pag.is. 6c
16.
LEs Haviens firent îna3 , 8c pmn, Nibecliaz ScTarthak , le premier,fêîon
les Rabbins, étoit un chien vehementer latrans ^commc dit Abarbineljpar-
ce qu'il le dérive de n33 , nabach^ qui fignifie abboyer. Certainement il y
avoit un Dieu en Egypte , auquel on donnoit en hiéroglyphique la for-
me d'un chien. Il s'appelloit Anubis,
OmnigenumqHe Deâm monïira & Uîrator Anubis.
Sur ce paflage Ser vius dit , Anubis dicitur latrator , e^uia capite canino pingi"
tur. Et il ajoute , in larario etiam conÇecrahmtm ea figura , & lares vefiie-
bantur pellibus caninis,Ht Jtgnificaretur eos ejfe domus cu/î-odes..Ejt Diodorele Si-*
cilien dit , qu' OJiris , allant à la conquête du monde , fut accompagné de deux
grands hommes , Anubis & Aiacedo , qui empruntèrent leurs armes , ou enfei-
mes^ d&s animaux y avec le [quels leur courage avoit du. rapport , qu Anubis fè-
vêtit d'aune peau de chien ^ (^ Aîacedo d'aune peau de loup. Oeft pourquoi ces bêtes^
font adorées par les Egyptiens. Quant au chien, Juvenal nous l'a déjà dit plus d'u-
ne fois. . . •
Jaycnaîi*.
Satyia. ïJ.
Libro de
îûde.c. 6.
Loco fapïà
«iuto.
Oppida tôt a çanem veneranîur , tjems Dianam.
Minutius Félix , dans fon Oélavius , l'appelle K.vvo^i(JiuUç , IJîs peràitumft"
lium cum Cynoce^halo fuo ^(jr aliis facerdotibus luget ^plangit , inquirit. Le mot
Anubis femble être Hébreu nnin, Hanoubeh , latrator. Selon le fentiment
de Plutarque, cet Anubis étoit Mercure , répréfenté hieroglyphiquement
par cet animal , qui eft le lymbole de la vigilance. Une preuve de cela,
c'efi: qu'il était principalement adoré à Hermopolis , ville d'Egypte , qui
étoit confacrée à Mercure. Hune volunt eife Mercurium , quia canenihileji
fagacius i dit Ser vius.
Mais je doute que cette fuperftition foit jamais pafl!ee du Midi d^ns
l'Orient. Toutes les autres Nations avoient en abomination cette monf-
trueufe idolâtrie des Egyptiens..
ET DES CULTES DE L'E G L I S E. /V^. I V. 6f7
jQuis nefcit , Voîujt Bhhjnice , qtialia demevs Juvenal. Sat,
z/i,^ptfis portenta colatf &c. *^
G'eft pourquoi le culte qui a été rendu au chien dans l'Egypte , ne
^peut en façon du monde rendre vrai-femblable la conjedure des Juife.
ISQbchas n'eft donc pas cela, mais il eft bien difficile de dire cequec'eft.
■pna, behach, fignilEïe /«/><? dans le dialeéte Chaldaïque, pni3,«/'^/;^y^,qui
-approche fort de ?na3 , nihchas, fîgnifieroit luifant, c'eft-à-dire , que ce
ieroit le Soleil. Kimchi nous aflûre qu'il y en a qui lifentjni], nibchan^^^t-'^^'
au lieu de nibchas. Ce moiÇ\gmÇLQro\texplorator , perfcrutator. Et ce nom "^' *^'*''
conviendroit auffi fort bien au Soleil , qui pénétre toutes chofes. Mais
' i'étymologie à laquelle je m'arrête , c'eft celle-ci, fns , fignifie rapide ,
dans la langue Hébraïque , îns en Chaldaïque fignifie fauter, courir, fe
^hâter. De là s'eft formé rns3 , niphchas , qui eft abfolument le même
que Tn33, nivechas. Dn fait que le B. 8c le I?. en toute langue , fe chan-
gent facilement, parce qu'il y a une très grande reflemblance entre leurs
Ions. Selon quoi ce nom fignifie rapidm^ fefiinans ^ fubflîem ^àc c'eftl'un
des noms du Soleil. Car enfin je tiens qu'on peut affûrer que les Chal-
déens, & les Perfans, adorant fur tout, & prefque dans toutes leurs Ido-
les , le Soleil & le Feu , nos conjeâures fe doivent toujours tourner de
ce cote-la.
C H A P I T R E Xe
Le VieuTJRTJK n'efl paint Vâne. Nous tf avons pas âpprà
qu'on ait ador^ V âne nulle, part. D^Adrammelech , & ^Aname^
iech , àes Dieux de Sebir^ du Dieu Aretfa^ du Dieu Rimmon, ài^
vinité adorée chez les Syriens de Damas ^du Dieu Ntfrochi Dieu de
Sennacherik
TArtak eft l'autre Dieu des Haviens , pmn , c'eft l'âne, difent Ladant. de
les Hébreux. Il eft vrai que l'âne eft fort entré dans la Fable & FaifaReiig.
dans la Théologie des Payens. Chacun connoît l'âne de Silène, 6c ' '^•'^^2'^^-
les deux ânes, qui aidèrent Bacchus à^paft'er un fleuve , dans fon expé-
dition aux Indes. Ce qui leur mérita la place dans les cieux entre hs
étoiles , dans la confteMation du Cancer , où les Aftronomes obfervent
deux étoiles nebuîeufes , que les Anciens ont appelle AfelU , \qs ânons.
Dans la Théologie myftique 6c fabuleufe des Egyptiens \ il y étoit aufli
fort pailé de l'âne. C'étoit le (ymbole de Typhon. Mais bien loin qu'ils
Tadoraflent, ils l'avoient en abomination, ils précipitent les ânes roux y par- Deifid.c.rÀ
rtf, dit Plutarque, que Typhon a été rouge ^ (^ de la couleur â^ un âne rouge. Et
les habitans des villes de Bujiris & de Lycopolis , font fcrupule de former de Ia
trompette , parce que ce fon rejfemble au cri de Pane. En un mot ils efiiment
que Pane ejîr un animal fouillé. Au lieu d'en faire un Dieu ils en faifoient
une vidime à leurs Dieux. Les Grecs le facrifioient à Priape.
fàït. IV. Oooo C&di-'
658 HISTOIREDESDOGMES
o»id. Faft. C^ditHr & rtgido cufiodi ruris afelltts.
lib. 1.V.440.
In Protre- ^^^ Scythcs le facrifioient au Dieu Mars, félon le témoignage de Clément
piico. d'Alexandrie. Cofmas de Prague , dans la Chronique de Bohême , nous
Bohîmi?ô^° apprend que les Bohémiens facrifioient l'âne à Jupiter , à Mars , à Bello-
non longé ne, & à PlutOU.
mitiu y[^is je n'ai lu nulle part qu*on ait adoré l'âne. Ainfî c'eft une pure
fiélion des Juifs, qui n'a pas de fondement. Et c'eft fe moquer des Lec-
teurs que d'aller chercher des raifons , comme ont fait quelques gens ,
pour Icfquelles on a adoré l'âne. *]n"),Rathak,enChaldaïquefignifieun chariot:
peut-être poun oit-on dériver pmn de là, &dire que ce mot fignifie le
chariot du Soleil , ou le Soleil monté fur un char. On fait bien que c'efl:
l'idée , fous laquelle les Poètes , ôc les Théologiens Payens , ont conçu
cet alire, c'eit celle d'un homme qui conduit un char. Ils ont dit de
Phaëcon:
Ovide Me- Chyths petit ille patemos^
tamorph. Inque diem alipediim jfts & modèramen equarHm,
Le caph au lieu du coph ne doit pas faire de la peine à ceux qui fâvent
la fcience des étymologies , car on ne peut pas faire un plus petit chan-
gement.
Adram- Adrammclech & Anamelech font le mulet & le cheval, félon ces me-
Anameicch. ^^^ Rabbins. Il y en a d'autres qui difent, comme le rapporte Kimchi,
qu'Adrammeîech étoit répréfenté fous l'image d'un paon, & Anamelech
fous celle d'un phaifan; Ces fables font auffi peu fondées les unes que
les autres. Il efl vrai que le cheval entre les Perfes , étoit confacré au
Soleil, entre les Grecs à Mars, & à Neptune. Le paon étoit l'oifeau
de Junon. Mais pour le mulet ôc le phaifan , je ne me fouviens pas qu'ils
foient entrez dans la Théologie, & dans le culte des Payens , pour être
/brvis ôc adorez. Adrammelech fignifie Roi magnifique, & Anamelech
Roi débonnaire. Sous l'un ôc l'autre nom étoit caché Saturne , 6c l'un
ôc l'autre fe rapportoit au Soleil , qui ell Roi , parce qu'il femble régner
■ fur l'Univers, donnant aux Aftres leur lumière , & à la terre la vertu de
produire. 11 eft Roi magnifique , à caufe de fon admirable beauté, ôc
il eft Roi débonnaire , parce qu'il fait tant de bien à la terre ôc à {qs ha-
bitans.
Dieuat de Tous CCS Dieux , dout uous venons de parler , nous font peu connus.
Mais ceux, dont parle le fécond Livre des Chroniques , dans l'Hiftoire
%. chioniq. d'Amatfia , nous font encore beaucoup plus inconnus. Quand Amatjia,
i5. ï4. eut défait les lâuméens , il apporta les Dieux des enfans de Sehir , & fe les éta'
bliî poHY Dieux ^ & fe projierna devant enx^&lenr fît des encenfemens. Nous
ne favons rien de ces Dieux de Sehir. Les Iduméens étoient enfànsd'E-
iâii, & il y a apparence qu'ils avoient confacré leurs Ancêtres , c'eft- à-
dire , Abraham ôc Ifaac , félon la coutume des Orientaux. Mais nous
ne favons pas fous quels noms. Il n'y a pas d'apparence que ces Dieux
<des Iduméens, fuflent les mêmes que ceux des Phéniciens , dont nous avons
pajf-
ET DES CULTES DE L'EGLISE. TarLlY. 6^9
parlé, ou dont nous parlerons. Car l'Hiftoire Sainte ne diroit pasqu'A-
matfia les amena à Jerufalem , & les adora. Par ces paroles il fignifk?
que ce faux culte étoit auparavant inconnu à Jerufalem. Mais le'cuke
des Bahalins de la Paleftine , ne pouvoit être ni nouveau , ni inconnu
dans la Judée, où fouvent il avoit été établi, fous les règnes précedens. j4fa
et a les Aruels des Dieux des étrangers^ & les hauts lieux ^ Q-brifa les fiât ues, *• Chroajq.
& coHpa les bocages. Et il paroît par l'Hiftoire, que fouvent les Rois de ^'^' ^'
Juda fe font joints à l'idolâtrie des dix Tribus, qui outre leurs Veaux, ado-
r oient les Bahalins.
Je voi que quelques gens veulent trouver une Idole appellée Aretfa, Lesieu
dans le feiziéme chapitre du premier Livre des Rois. Et Zimri fon fervi- ^'^"^^•
tsur y Capitaine de la moitié' de fes chariots fit une confpiration contre Ela, lors Enchiridio"*
qn'il étoit en Tiretfa^ buvant & s'enyvrant en la maifon d''iyîretfa. Le Para- '°'^°'^"™
phrafte Chaldée tourne , lors qu'ail buvoit & s^enjvroit dans le Temple d^A- nium. v. 9,
jretfii , Idole qui étoit proche du Valais en Tiretfa. Cela eft venu de l'ambi- ^"*ocei<io-
guité du mot n>a, qui en effet fe prend fouvent pour Temple, Beth Da-
gon , Beth Pehor , Beth Bahal. Si c'étoit une divinité , ce feroit la ter-
re j^ que les Payens ont appellée Cybele , car mïi.s fignifie précifément
h. terre. Mais l'opinion des Juifs eft plus vrai-femblable , qu'Aretfa eft
ici le nom d'un homme , duquel il eft dit , Quod erat piper domum in
Tiretfa. Le Chaldée a crû que ces paroles fignifioient que cette Idole
étoit jointe au Palais du Roi Ela en Tiretfa , mais elles fignijSent que cet
Arctfa étoit chef de la maifon, ou maître d'hôtel du Roi d'ifraël en Ti-
retfa ; c'eft pourquoi le Roi bûvoit Ôc s'enyvroit chez lui.
Enfin entre les Dieux qui nous font peu connus , & dont par confé- Rimmon.
quent nous avons peu de chofes à dire ,, nous pouvons conter Rimmon,
pieu des Syriens, qui étoit adoré à Damas, 5c Nifroch, Dieu deNini-
ve, dans le Temple duquel Sennacherib fut tué par fes enfans. Il eft par- :
lé du premier dans l'Hiftoire de Naaman Se d'Elifée. Et Naaman dit a Ehfée^ 3.. Roisj^
V Eternel veuille pardonner cette chofe ici à f>n Serviteur y c'efi que quand mon ***
Maître entrera en la maifon de %immon , pour fe profierner là ^ & qu'il s*ap-
pmera fur ma main , je me profierner ai en la maifon de "^RJmmon. L Eternel me
veuille pardonner cette chofe ici , truand je me profiernerai en la maifon de %im'
mon. Ce Dieu ne paroît plus dans l'Hiftoire fainte , & ne fe rencontre
point ailleurs. C'eft pourquoi il eft abandonné aux conjedures. Serarius
prétend que c'eft Venus, parce que pan fîgnifîe une grenade , & que les pom-
mes de cet arbre étoient confacrées à Venus. Scaliger veut que ce foit Jupiter .Animadmi:
tonnant. Seidenusabienjugéquece nom p^i vient de p>T, ou pan, qui E™^"""*
fignifie être haut. Et qu'ainfi ce Dieu eft le même que les Phéniciens ap- sanchoni*-
pelioient Elion , c'eft -à- dire C'-sP,çoç, comme l'interprète Philo Biblius. JuSm
Ce Souverain , cet élevé, c'eft le Soleil même, qu'ils appelloiçnt ^(»/ Hb. r. c. io„
fimm, ;Evâng.
Oooo % C H A-
66o HISTOIRE DES DOGME S
CHAPITRE XI. -
NISjROCH leT>ieu de Senmchtrib , avoit la figure de J^ aigle.
Ofinion de Kirkerus que c^ et oit nnepece de l'Arche.
jfnt 3?., fit "l^T C)us n'en favons gueres davantage de Nifroch , Dieu de Ninivc.
i Roisip. 1^^ C'étoit le Dieu de ce Sennacherib, qui vint infolemment infulter
Ezechias , en fe moquant de la confiance, qu'il avoit en Ton Dieu.
Qjie ton DieH m t'abHfe j>oint ^ dit- il j auquel m te confies ^difant^ fer ufalem ne
fera point livrée en la main du %pi des AJfyriens. Mais Dieu ayant combattu
pour Ezechias , & détruit en une feule nuit cent quatre-vingt-cinq mille
hommes de fon armée , il fut obligé de fe retirer avec précipitation, ôc
en grand defordre. EtSancherib Roi des AJJyriens partit de là^ s''enalU\ fien
teteurna , & fe tint en 7\(jnive. Et il arriva que comme il e'toit projlerné en la
Maifon de l^ifroch fon Dieu , qu^Adrammelech & Sharetfer fes fils le tuèrent
avec Pépée. Nous lifons dans Hérodote une Hiftoire extrêmement pro-
pre à confirmer ce que l'Ecriture nous dit de ce Sennacherib. Il n'y eut
jamais un plus infolent bkfphemateur contre tous les Dieux, ©ufont less
Dieux des Nations que mes pères ont de' truites? De Gozjtn, de Car an ^ de Ret-
feph, des en fans d'^Hedein^ qui font en Tel a far l ces Dieux- là lés ont-ils déli-
vrez, ? Où font les Dieux de Hamath , d^Arpad, de Sepharvaim ^ de Henah,.
& de Hiva? Pour confondre ce monftre , & lui prouver qu'il y avoit un^
Dieu plus puiffant que lui , & que fon Dieu , le Seigneur ne voulut pas
'< que les hommes entrafient dans la vengeance , qu'il vouloit prendre de
cet impie. Il envoya un> Ange, qui frapa de pelle, comme dit Jofephe,,
iSf. mille hommes en une nuit, dans fon armée , & mit le refte en dé-
înEuterpe route : Dicu lui fît encore une femblable chofe en Egypte. Hérodote
îib.z.p.i63. j^Q^jg g^ ç^^^ THiftoire, comme je m'en vais la rapporter. Apres celui-ci:
Ces gens de un Prêtre de f^ulcain, nomme' Sethon, monta fur le trône de l^ Egypte. Il febrouil-
lypte^" ^^ ^"^^^ ^^^ &^^^ d'e'pe'e Egyptiens. Il les méprifa comme n'en ayant pas befoin.
étoient un Et entr'*autres injures qu'il leur fit , il leur ôta les douz.e journaux de terre ^ que
partViîs ne /^-^ préde'cejfeurs leur avaient donnez, à chacun. Cela fut caufe que Sancherib^
fe m^ioient %oi des Arabes & des AjJ^riens, étant entré en Egypte avec une grande armée ^,
ksautiest& '^^ abandonnèrent ce Sethon , & ne voulurent pas le fecourir. Alors ce Roi ^'^-
n'avoient gypxe Sacrificateur , ne fâchant quel confeil prendre , entra dans une foie , & fi
tre'métkr p'>^ofiernant devant lefimulacre de fon Dieu , fe mit à déplorer les maux , auf"
qpe la guer- quels il allait être expofé. Il s'' endormit au milieu de fes lamentations.^ ^ duranf
fin fammeil\ le Dieu lui apparut ^ Pajjurant qu'ail ne fouffr irait aucun mal, qu'il
Notable iroit au devant des Arahes^&lui envoyeroit du fscours. Le Prêtre rafjuré par ce
ce qui arriva y^'^^^î ayant pns avec lut ceux des Egyptiens^ qui le voulurent jmvre , poja fon
aSennxhe- ^^mp à Pelufe , car c'^étoit par là qu^on voulait entrer en Eçypte. Il ne fut Çuivi
u, que ae gens de ville & de métier , marchands , regrateurs , artijans , or gens de
trafic. Quand, les ennemis furent venus jufques au lieu^ oft était campée l^ar-
nïée
ET DES CULTES DE L'EGLISE.P^r^.lV. 66r
mée de SET HO N , ils fe trouvèrent attaquez, par une horrible mnltitude de
rats fauvages ^ qui la nuit rongèrent tous leun harnais , leurs troujfes^ leurs arcs^
^ les courrojes de leurs boucliers. Et le matin fe voyant fans armes , la terreur
les faift^& ils fe retirèrent avec grande perte de leurs gens. €t dans ce tems-làon
pofa une fiatuë de pierre , re'prefentam ce Sennacherib dans le Temple de Fulcain^
où elle efl encore aujourd'hui , tenant en fa main un rat avec cette infcription ,
ES EME TIS OPEQN EïSEBHS ESTQ. , qui me regarde apprene à crain-
dre les Dieux >
Certainement Sethon , Roi d'Egypte , ne fe fût jamais avifé de met-
tre cette célèbre infcription fur la llatuë de Sennacherib , fî cet infolent
ne fe fût moqué des Dieux d'Egypte , comme il avoit fait de ceux des
autres Nations. Et Dieu n'eût pas pris la caufe de Sethon, & des Dieux
d'Egypte en domtant Sennacherib par des rats , fî lui-même n'eût été
interefïe dans les blafphémes de ce fuperbe tyran. C'eft pourquoi la main du
€iel , en pourfuivant fa propre vengeance , lui ôta la vie aux pieds de
fon Dieu Nifrœh , qu'il avoit voulu élever fur tous les Dieux de la
terre.
J'ai trouvé cette Hiftoire eonfiderable , 6c, digne que nous fifîions une Gonformîté
petit© digreffîon pour elle, tant à caufe qu'elle donne beaucoup de jottr à fa^c!é?'a^e?*
celle des démêlez qu'eut Ezechias avec ce Prince , que parce qu'il efl rare la profane
à l'Hiftoire profane , de fe rencontrer avec l'Hiftoire fainte. Et je dirai ^ft"«""^*
cela en paflant en faveur d'Hérodote , dont tant de gens ont voulu dé-
crier la bonne foi ôc le jugement , qu'il n'y a gueres d'Hiftorien , qui
dans les chofes anciennes , s'accorde mieux avec l'Hiftoire facrée. Par Euterpeia.
exemple dans le même livre, nous y voyons l'Hiftoire deNecus,ou Ne- ^■^^^'
eo, Roi d'Egypte , la guerre qu'il fit aux Syriens , & la viéloire qu'il
remporta fur eux en Magueddo, ou Ma^olo, félon Hérodote, confor-
me à. ce que nous en trouvons écrit au fécond Livre des Rois , chap.
23.
. Pour revenir à Nifroch , les 70. î'appellenr Mfo-^pà^, ou Mfô-opà% , en »-ois cbap.
58.
un lieu, ôc Naê^pà^, bu A'^apà^jdans un autre lieu: les Juifs ont fur ce Efàïe'jy!,
Dieu une affez étrange vifion. Voici les paroles de Salomon Jarchi , inEfaïam
maSs» im^n^jnD:!: vnbN inDl n^a, lamaifon de Nifroch fon Dieu , c^efi-à- "P.37.V.J8.
dire une planche de P Arche de Noé. Dans la langue Chaldaïque , ou Afly-
rienne tdî, nefer , fignifie une planche. Ils veulent que le nom de Nif-
roch {oix. compofé de ce iNZ^jf^r, & A/bÂ, ou A?i?/, commequidiroit, nia id3, *'
Is^efarnoch^, la planche de Noé. C'eft fur cela que Kircherus a établi fa opînionde
conjeélure, que ce ISlJfroch étoit une petite figure de coffre , qui répré- iw\n&^'^
fentoit l'Arche de Noé, ôc fous laquelle on adoroit Noé, ou Janus. Il fondée Noé
dit que cette petite Arche etoit adorée par les AfTy riens, fous le nom de rim"ge d\i.
T^froch. Cette conjeâure paroît établie fur de très foibles fondemensr ^ ?""®
0n dit que le déluge 6c" l'Arche de Noé ont été connus aux Payens ,
particulièrement aux Orientaux : cela eft vrai , l'Arche s'arrêta fur les
montagnes d'Ararat. Tous les Savans reconnoiffent cette Ararat pour être ^^^' ^•
l'Arménie. Il n'y a que la fauife Sibylle, qui fe dit fille deNoé, laquelle Edit.^ PaiC
veut que cette montagne d'Ararat foit en Phrygie , proche de la fourcc ^^^^'
du fleuve Marly as,.
Oooo 9 ^ffir"
602
HISTOIRE DES DOGMES
Vcrfioti
Latine du
paflTage de U
Sibylle.
Genefe t. 4.
z, Roîsip.
Jofephe
Antiq. lib. i,
e.4.
Eurebe lib.
9. cap. 12.
Prsp.
EvangeL
Apud Jofe-
phum.
Ubifiipià.
^Jfurgit PhrnU mous (^uidam in finibns atr£ ,
Arduus , ait a petens , Ararat quem nomine àtcunt ,
Qtiod fatale fmt illic evaiere cunUis^
OptatÀcjue frui tandem chard^ue falate s
Fltiminis ftnde alit Marjy<& manat'origo.
Mais rinterprete Latin au lieu des montagnes d'Ararat , dit que l'Arche
s'arrêta fur les montagnes d'Arménie, fuppofant qu' Ararat eft l'Arménie.
Les Grecs, dans l'Hiltoire de Sennacherib , difent que fes fils, après l'a-
voir tué j s'enfuirent en Arménie, tournant ainfi l' Ararat du texte Hébreu.
Jofephe cite deux Hiftoriens célèbres , Berofe Chaldécn , & Nicolas de
Damas , Syrien , qui tous deux difent que l'Arche s'arrêta dans l'Armé-
nie. Berofe appelle la montagne Mons Ko[>huluv^ des Kordyens. Nicolas
de Damas appelle cette montagne Baris.
Et je ne fai fi ce n'efl point de là que les Egyptiens ont appelle la Bar-
que , dans laquelle on pafibit les âmes aux enfers , Baris , empruntant lé
nom de la montagne , où s'étoit arrêtée cette fameufe Barque , dans la-
quelle les hommes fe fauverent dss eaux du déluge. Eufebe nous rap-
porte auiîi un fragment d'Abydenus , que nous avons vu ci-deflus , qui
afllire que ce fut dans l'Arménie que s'arrêta l'Arche. Tous ces Hiftoriens,
Berofe, Nicolas de Damas, Abydenus, étoient Payens ; aufquek Jofe-
phe ajoute Jérôme l'Egyptien, éc Mnafias, 6c plu fieurs autres : cela fait
bien voir que l'Arche de Noé, & l'Hiftoire du déluge étoient fort bien
connues dans l'Orient , & dans les Hiftoires des Payens , & que c'étoic
une tradition conftante entre les Payens, que l'Arche de Noé s'étoit ar-
rêtée dans l'Arménie. On peut ajouter que l'Arménie étoit voifine de
l'Afiyrie, comme il paroît aflez parce qu'Efaïe & l'Hiftoire facrée récif
tent, que les enfans de Sennacherib, Roi d'Aflyrie, ayant tué leur père
à Ninive , fe fauverent en Ararat , ou en Arménie , comme dans un lieu
de fureté, prochain de Ninive. Et ainfi s'il y avoir quelque fuperftition
dans P Arménie à l'égard de cette Arche de Noé, cette fuperftition pou-
voit aifément, je l'avoue, être paflTée de l'Arménie à Ninive, pour y fai-
re le Dieu Nifroch. Cependant chacun voit aftez que cela ne fuffit pas.,
pour prouver que dans l'Armenie'on adorât Noé, fous la figure d'u-
ne Arche, 6c fous le nom de Nifroch. S'il y avoit quelque fuperftition
dans les païs Orientaux, qui eût l'Arche pour objet, il y a plus d'appa-
rence que c'eft celle que les Juifs nous infinuent., favoir qu'ils difoient
avoir quelque planche de l'Arche de Noé , qu'ils confervoient comme une
précieufe relique, 6c pour laquelle ils avoient une grande vénération. Car en
effet c'eft ce que nous apprend Berofe , qui rapporte que même de fon tetns,
On difojt que Pon avoit encore dans V Arménie , préi de la montagne des (jor-
dycns^ une flanche de P Arche de Noe\ du bitume de laquelle les habttans du païs
rafoient un peu^ & le portaient fur eux comme un pui(fant pré fervatif contre tou-
tes fortes de maux. Si l'on avoit adoré la figure de cette Arche , en ijne-
moii-e de ce ^îerveilleux événement du déluge, il y a bien apparence que
ce .Berofe nous en auroit aufli dit quelque chofe.
Mais à propos de ce 3erofe, ôc de ce Dieu Nifroch , Jofephe nous en
rap-
ET DES CULTES DE VE G Ll S KTart.lV, 66^
rapporte un fragment de Berofe , qui contient l'Hiitoire de la défaite de Sen- jofeohe
nacherib ôc de ia mort , remarquable parce qu'il eft abfolument femblable à ^miq. lib.
ce que l'Hiftoire Sainte nous en dit: qu'il aiîiegea Jerufalem^ ôc que dés "' "^'**
la première nuit du fiegc, une pelle envoyée extraordinairement du Ciel,
lui enleva iSf. mille hommes. Et Berofe pourfuivant l'Hiftoire de la mort
de ce Roi, dit qu'il s'en retourna à grandes journées dans fes Etats^qui éroient
appelle le Royaume de Ninus, & qu'après y avoir fait très peu defejour,
il fut tué par les deux plus âgez de {es fils, nui àvsTé&vj r^ ivîuivu^ A'pdaHV]
heyo[x.hai. Gelenius a tourné, occifas efi in ipfi Templo Arafci , cjuem pY&ci'
puo ctiltH digmbatur. Il fut tué dans le Temple d'Arafcus , pour lequel il
avoit une particulière dévotion. On croiroit par cette verfion de Gele-
nius que félon Berofe, le Dieu , dans le Temple duquel il fut tué, s'ap-
pelloit uirafcus. Mais ce n'efl pas cela. Car les paroles du texte Grec
iîgnifient, & il fut confacré comme un don, ou comme une vitîime , dans fon
propre Temple, appelle i/irafcus. Ainfi, félon Berofe, il femble, félon 1^
conttruélion , que ce ne fût pas le nom de l'Idole , mais le nom du Tem-
ple. Maisje trouve pourtant plus vrai-femblable que cet Arafcus eft nôtre
Nifroch. Ce nom d'AmfcHstïk corrompu de celui de Nifroch , 6c fe rappor-
te bien à celui d'Afarach, que lui donnent \ts 70. dans le 28. chapitre
d'Efaïe. , . •
Pour moi je croi qu'au lieu ôî'h.^poicKvi > il faut lire A'pao-jis. A'vfiriôv] tw idlcpvcofi
A'p«(rj<8 hsyoy.é\'ai^ Il fut dévoue' comme une vi^ime dans fin propre Temple ^
^ui était appelle le Temple d'Ara fi us.
Certainement Nifroch , oif plutôt Nifrach , po:! , car les Anciens y Nifroch
mettoient toujours un «, ôc non pas un o,& lïihicnt Me for ac h ^ Meferach^ fcmWefi-
^'tapâx. Ce Nifrach, dis- je, fignifie aigle ^ ou aiglon fàe *ît -hj*: , A/"*?/ iîgion.""
cher rac , qui fignifie un aigle tendre , un jeune aigle. Cela me feroft
fbupçonner que Jupiter Belus a été adoré entre les AlTyriens fous la figu-
re ^e l'aigle 6c fous le nom de Nifroch. Il eft certain premièrement que
\es Rois Chaldéens, Aflyriens, 6c même les Rois Perfes, ont toujours
eu une particulière dévotion pour la mémoire de Belus, duquel ils pré-
tendoient être décendus. Comme il paroîfpar cette belle correélion de
Scaliger. Dans la defcriptîon que Quinte-Curfe avoit donnée du char de
Darius on lit, Dijiinguebant intemitemes gemma jugum , ex ejuo eminebant dm^^^y^'^^'-
éiurea Jimulacra cubitalia^ quorum alterum in alterum belli gère bat ejfigiem.
Scaliger nous avertit, qu'il faut lire, quorum alterum Nim^ aherpim Beli .^^ Emcn-
gerebat efigiem. Il y avoit deux figures , dont lune répréfemoit ISljnus &~l'au- dat. temp.
tre Belus. Cela fait voir que Belus 6c Ninus étoient les Dieux 6c ^^^' ^'
les Héros ûes Rois de l'Orient. Ainfi il n'y a pas d'apparence que Stn-
nacherib eût une particulière dévotion pour une autre divinité , que pour
Jupiter Belus. C'eft pourquoi j'eftime que Nifroch eil'Behs. On lui don-
na pour fymbole l'aigle, la raifon n'en eft pas difficile à comprendre. Cet
oiièau eft unoifeaude chafie6cde proye, Nimrod,qui eft Belus, comme
r>ous l'avons vu ci-deftùs, eft appelle dans l'Ecriture puiflàntchaiTeur de-
vant l'Eternel. L'Aigle eft eftimé le Roi des oifeaux, il n'eft pas éton-
nant qu'on l'ait donné pour fymbole à celui, qui s'eft rendu maître, ôcqui
s'eft fait Roi des nations; Surtout Sennacherib, voulaiu faire le conqué-
rant, 6c reoiplilTant l'Afie 6c l'Afrique de Ja terreur de fes armes, dévoie
avoir
66+ HISTOIRE DES DOGMES
avoir une particulière dévotion pour fou Belus , fous le fymbole de l'ai-
gle, qui ell unoileaude conquête,
Si nous confiderons que fous le même nom de Jirpiter Belus , les Orien-
taux ont adoré & Nimrod, qui s'eil fait Roi des hommes, 6c le Soleil,
qui eft le Roi des Aftres , cela nous rendra cette conjeâure encore plus
vrai - femblable j que Nifroch, qui fignifie un jeune aigle, a été le Dieu
d'Aflurrépréfenté par un aigle, car l'aigle eflFoifeau du Soleil, tantàcaufe
de ion vol, qu'il prend extrêmement haut, de forte qu'il femble s'appro-
cher de cet Altre, que pour la bonté de fes yeux, qui peuvent, à ce que
l'on dit , regarder le Soleil fixement. A quoi l'on peut ajouter l'Hiftoire ou
la fable des Naturalifles , qu'il éprouve fes petits aux rayons du Soleil.
Liicânus lib. IJtque fovis volucer calido ct^m protfilit ovo
^' -* Implames natos , Solis convertit in or tus ,
jQui potuerepati radios ^ & lumine reUo
Sujiinmre diem cœli , fervantur in ^ff^s.^
jQjii Phœbo cejfere , Jacent.
Et même l'Ecriture Sainte prend l'aigle pour le fymbole des Rois Chaî-
Ezechiei. décns , fuccefleurs de ce Belus. Ezechiel , qui étoitdu nombre des tranfportez
*7-y''j enBabylone, dit au 17.de fon livre en prophétifant la ruine de Jerufalemc
Ainfi a dit le Seignenr ^ un grand aigle k grandes ailes , & de long plumage ^
plein de plumes de diverfes couleurs , comme en façon de broderie , ejt venu au
V. îî. Liban ^ & en a enlevé la cime d'*un cedre^ Puis enfuite expliquant cela en
termes moins figurez, il dit_, Di maintenant à la Maifon rebelle , ne favez.'
'VOUS pas que veulent dire ces chofes-là! Di^%oici le '^oi de Babylone efivenuen
'Jérusalem ^ & a pris le Roi & fes Princes ^ & les a emmenez, avec foi en Baby-
lone. Le Prophète a peut-être égard à ce que l'aigle étoit l'emblème de
l'Empire des Affyriens, & de Belus leur Dieu, Enfin tout le monde faic
que l'aigle étoit l'oifeau de Jupiter.
Qualem miniflrum fulminis alitem ^
^ibToâ*. CuiRex deorum regnum in aves vagas
Permifit.
C'étoit le plus fidèle interprète des deftinées, dont Jupiter étoit eflimé
le maître: car entre les tugures quife tiroient du vol des oifeaux, onob-
fervoit fur tout celui de l'aigle , comme préfageant les évenemens les
plus importans , dit Seneque. Cùm aquildi hic honor datus e\} , m magna-
senecâ yum rerum facereî aufpicia. Nous avons vu que le Jupiter des Grecs & des
îibî^ictz. Latins leur efi: venu de l'Orient, 6c il y a bien apparence que l'aigle,
Eufebe nous fyjjiijole de Jupiter,, étoit venu du même lieu, & par conféquent il eft
mem^que^ aflez apparent que les AfTyriens avaient adoré leur Jupiter , fous la forme
lesEgyp- de l'aigle. Au refte ce qu'ils lui donnoient le nomd'^zW<?«, ou de jeune
tiens ont . - *3 . ' /h \i ' • ^ j tn- ■ n • •
adoié l'ai- aigle , c etoit pour repreienter J éternité de Dieu , qui elt toujours jeu-
^^'ii a^"'^i- ^^ ' ^ ^'■" ^^ vieillit jamais.
quechofede On pcut obfcrvcr quc les Egyptiens avoientj un pareil emblème
royal hb. ^g Yçxxx Dicu Souvcrain , c'eft l'épervier , autre oifeau de proye , qui eft
2. dePrœp. ... ^^-r ,, * ' ^ , . i , •
Ev. cap. I. un petit aigle. INous 1 apprenons par ce fameux hiéroglyphique , qui
P- '^'' étoit fur le veftibule de la Minerve de Sais en Egypte. // y avoit , dit
Traftatu de Plutarquc , UH petit enfant , un vieillard , un epervter , un poijfon ^ & à la.
'fin un çhjËvaï de rivière , ou hippopotame. Et cet emblème fîgnifioit , 0 vous
ET DES CULTES DE L'EGLISE. Tart.lY. 66^
(jfui Arrivezi^ i^ vous qui vous retirez,, "vous tous pajjans ^ jeunes & vieux ^
Dieu hait tonte violence & injufiice. Car par i'épervier ils répréfentoient
Dieu, par le poiflbn la haine, & par l'hippopotame, l'injufticeÔc la vio-
lence , parce qu'on tient qu'il tue ion père , & par violence s'accouple à '
fa mère.
Ilyavoit, dit-on, des peuples en Egypte , appeliez Tenty rites, qui
adoroient I'épervier. Les Tentyrites , dit Elian, adorent les ép,erviers. IlyHift. natur.
avoit auffi des peuples en Egypte, qui adoroient les aigles i les 7hei>awsj^'^°'^' ^*'
dit Diodore Sicilien, adorent l'aigle, parce e^ue cet animal leur pa.r oh royal ^
é" digne de la majeflé de fupiter. Ainfi pour toutes ces raifons, il melèm- ,,
ble queNifroch étoit Jupiter Belus , adoré fous l'emblème d'un aigle. ^ * ^'
Je ne Taurois m'empêcher de faire reflbuvenir que ce Jupiter Belus , des
Babyloniens , fondateur de leur Empire , eft le Nimrod de Moïfe. Et en
même tems je remarque que 7^/roch , 6c Nimroà font fort voifins , & en
voulant honorer la mémoire de ce fondateur, ils ont changé fon nom de
iVîf>»r<?^, .qui fignifie rebelg^nceluj-,_^e Nijrochj qui fignifie un jeune
aigle. aJàe^ jji^-yv , ^/i^^fi-'Tî^^^»^ Hl^ F' ^'^ '
Je ne fai plus qu'une divinité mfefeulitfc , dont il nous foit parlé dans
l'Ecriture , ôc dont nous n'ayons rien dit. C'efl: Thammus , dont nous
parle Ezechiel quelque part. Mais comme on eftime que ce Thammus
eft Adonis, l'amant de Venus , je voi qu'il efl inféparable de cette Déefîe.
Ceft pourquoi il faut le réferver pour le chapitre d' A iloreth, & de Suc-
coth Benoth , oîi nous aurons à parler de la Venus Syrienne.
^an IV. Pppp V. TRAÎ--
V
666
HISTOIRE DES DOGMES
V. TRAITE
DES DIVINITEZ
I N I N E S,
D^^^ftaroth^ Asherah y Smcoth - Benoth , la DéeJJe Sj-
riemie 5 l/enm Uranie , Derceto , Atergatis Qfc.
CHAPITRE I.
De k BeeJJe Ajlarolhy defes divers noms. Que c* et oit une T>éeJJe^.
^ non un Dieu: du mm ^'Asherah., quatre autres
noms de la même Déeffe.
s^^^^^^^^^^^2||' Otis avons parlé de la Mère des Dieux ^ que les La^
iWsiL-.f^&^'^i^Âl^faPi.-Mm |-ij^g 5j; }çg Grecs ont appellée Cybele. Nous l'avons
trouvée fous le nom de T^aal Berith. Parée que lea
Auteurs l'ont prife pour un Dieu, nous avons bien
voulu la laifTer entre les divinitez mafculines. Mais
on doit être averti que cette Bahal-Berith ^ étant la
vraye^é'j't?/ des Grecs5& JaC)'/'Ê'/-e,Mere des Dieux.Elle
devroit être à la tête de ce Traité des divinitez fé-
minines. C\^ la Mère : parlons des Filles & des-
autres Déefles. La première ôc la plus célèbre que nous rencontrons eft
^fiarothj Déefle des Sidoniens, qui eft prefque inféparable de Bahal>
car où ii nous eft parlé du culte de Bahal , il nous y eft auffi prefque
toujours parlé d'Aftaroth. Par exemple dans le livre des Juges il eft
dit, chap. 2. If que les enfans d^Ifra'él abandonnèrent l'Eternel^ & fer~^
virent a Bahal & a Jîfiaroth. Au cinquième chapitre du même Livre
f. 7. l'Auteur Sacré dit encore , & ils firent ce qui e^ déplaifmt à
P Eternel. Ils oublièrent P Eternel leur Dien , (^ fervirent aux "Bahalins &
k Aflaroth. C'eft ainfî, qu'il y a dans le Latin de la Vulgate. Mais
dans FHebreu , & dans le Grec des 70. on lit , ils fervirent aux Baha-
lins & aux bocages. Dans le dixième chapitre f. 6. Tuis les enfans d^ïf-
mél rsiçmmencerent à faire ce qtfi de'pkit k t^ Eternel 5 & fervirgm mjf Baha-
Um
ET DES CULTES DE L'EGLISE. Part.lY.GSf
lins dr à AJiaroih ^ favoir aux Dieux de Syrie ^ aux Dieux de Stdon ,
aux Dkux de tSHoab , aux Dieux des enfans de Hammon j ^ aux Dieux
des PhiUfiins. 11 nous ell auffii parlé de cette divinité au premier de
Samuel, chap. i. f. ■^. Si vous vous retournez, de tout votre cœur à l'E~
tcrnely ôtez. d'' entre vous les Dieux des étrangers , & Afiaroth &c. Alors
ks enfans d'ijraël êterent les Bahaltns & Afiaroth , & fervirent à ï*Eternel.
au chap, 12. 7, du même livre ¥. 10. Ils crièrent à l'Eternel & dirent, i-esTcont
nous avons péché , nous avons fervi aux Bahalins ^ & à Afiaroth. l'Hif- à.cc.ii^re'iost
toire fainte dit, qu'après la défaite de Saul , les Philiftins , «z/- i. samuei
renî fis armes au Temple à^<tAftaroth. Ce fut l'une des fauffes divini- ^^' ^' ^'''
tez, que Salomon fervit par l'indu^lion de Ces femmes, & Salomon ^Koischs^,
chemina après Afioreth, Dieu des Sidoniens. Et les hauts lieux qu'il lui bâ- "* ^^'
tit durèrent jufques au t€ms de Joas , duquel il eft dit (juil profana les 2 Rois 2î>.
hauts lieux qui étoient vis à vis de ferufalem .^ à la main droite de la mon- ^^'
tagne des Oliviers , que Salomon avott bâtis a Afiu)reth , V abomination des Si-
doniens. Dans les premiers de ces pafiages , ce mot s'écrit n^nii^i; ,
Aftaroth 5 ôc dans les deux derniers il s'écrit mn^p , Aftoreth. Cette pe-
tite différence, qui n'eil que dans la ponéiuation , ne fauroit empêcher
qu'on ne reconnoilTe la même divinité dans ces deux noms. Il ell certain
qu'on l'a prononcé encore d'une troifiéme manière Pnnii^pyAfiereth.'Nous
verrons tantôt quelle eft celle qui doit être préférée.
La première chofe que nous avons à établir, touchant cette divinité, Aftaroth .
c'eft que c'étoit une Déeffe, & non pas un Dieu. Le texte Hébreu l'ap- Déeffe""8c
pelle bien un Dieu: Salomon, dit-il, chemina après Aftaroth, Don'ï \iV»s*, «on pas «a
Dieu des Sidoniens. Mais cela ne fait pas une difficulté, parce que nous °'^"°
avons déjà plufieurs fois remarqué que le dialeéte Hébreu n'a pas de nom,
pour fignifier les divinitez féminines , les Prophètes appelloient les Dieux
& les DéeJJçs des Payens indifféremment du nom de Dieux. JVÎais an
refte tous les Savans tombentd'accordqu' Aftaroth ,ou Afturethjétoitune
DéeîTe, & cela ne peut pas être révoqué en doute le moins du monde.
Car il n'en eft pas de cette divinité, comme des autres de l'Orient, dont
le nom a été très- peu connu dans POccident. Le nom de celle-ci eft
très connu entre les Grecs & les Latins, qui l'appellent Afiarta^ ou Af.
t-arté , 6c la reconnoiilént pour être l'une des Déciles des Phéniciens. Ci-
ceron en parle dans letroiiiéme Livre de T^tura Deorum. D.ins lepaflage
oii il conte quatre Venus, la première fille du Ciel & du Jour, la fécon-
de née de l'écume delà Mer. La troifiémefîiîe de Jupiter & de Dioné, '
qui fut mariée à Vulcain , ôc qui eut Anteros de fon adultère avec Mars. "^
La quatrième eft nôtre Aftarté , quarta Sjria , lyrique concept a , quiz Ajlarte
vocatur , quam Adonidi nupfifie traâitum efi. Saint Auguftin étoit voifîn"
des Carthaginois, qui étoient une colonie des Phéniciens , & nousappre-'
nons de lui qu' Aftarté étoit une Décfte des Carthaginois , qui étoit venue
d'Orient avec eux. Et fervirent 'Bahal & les Afiartés. Solet dici Bahal q^^^q^^ i-^
mmenejjè apud gentesillarum partium fovis^ Aftarté autem funonis^ quod Im- '^^-'^['j^^
gua Punica putat-ur oftendere &c. funo autem fine dubitatione ab illts Afiarte
vocatur. Lucien, dans le Livre de la DéeiTe Syrienne, dit, qu'/Zj (^Lucien de
aujfi un grand Jemple en Phémcie ^ entre les Sidoniens ^ qui eft dédié à Afiar- ^^^ ^>'^'*-'
té, que feftime être la Lme.. Fiiilo Biblïus, dans le Fragment qu'^El^fe-:'
Pppp a be
668 H I S T O I R E D E S D O G M E S
be nous a confervé, & qui efttiré de Sanchoniathon, parle fouvent de
cette Ailarté, comme d'une des Dcefles des Phéniciens, qui efl: fille de
Cœlus. Durant ce tems-la^ comme Cœlus était exilé , ilenvoya, fa fille Afiarté^
qai et oit vierge , avec fes deux Cœurs Diane & Rhea , c^ et oient fes trois filles ,
pour tuer frauduletifement Saturne. Mais Saturne gagna ces deux filles ,
coucha avec Altarté, en eut fept filles 6c deux mâles, Cupidon 5c l'Amour.
Enfin les 70. Interprètes expliquent toujours l'Aftarothjl'Afioreclijdu Tex-
te Hébreu , par h^âprvi , d'un nom féminin, excepté au lo. chap. des
Juges , où confervant le mot comme il eft dans l'Hébreu , ils ont mis
A ç«pàô,avec l'article tcuç^ qui efl; pluriel & Féminin, comme fi ce mot figni-
fioit plufieurs Déefîes. Si l'on avoit befoin d'autres preuves que cette Ailarté
eit une Déeiîe, on en trouveroit quantité. L'Auteur de ces deux fcenes,
qui avoient été ajoutées à la Comédie de Plaute , appeilée Mercator, dans
le quatrième A6ie, l'appelle Diva^
Diva Afiarte hominum Deordmque vis , vita , falus.
Puifque le fexe de cette divinité n'efl: pas conteflé, il n'efl: pas neceflairc
d'en apporter plus de preuves. Il faut examiner Ton nom,& voir fi nous en
tirerons quelque lumière. J'ai remarqué déjà que les Hébreux le pronon-
cent de deux manières. En certains lieux ils difent nnnii'y , Allaroth,
&en d'autres r^'^rwv ^ Aflioreth. J'ai dit auffi que les Phéniciens l'ont ap-
peilée, rDTWV . Cela efl: clair, parce que les Grecs ôc les Latins ont ap-
pelle cette DétÏÏQ Aftarté , êvçâpTyi. Ce qui faifoit voir que les Orien-
taux 5 dans le dialeéte Chaldaïque, rappelloient l^îmnsi'j; , Afl;arta. Or
Afl:arta vient d'Ailereth, &non pas d'Afl:aroth,ou d'Aftoreth. Car ceux
qui ont quelque connoifl^ance de ces langues Orientales , favent que
Knim'i?, efl: la forme emphatique , comme parlent les Grammairiens,
du mot im.ni^y . Je ne doute pas que le plus ancien de ces trois noms, 6c
le vrai nom de cette divinité, ne loit ay^ftaroth. Et les autres ont été for-
mez de celui-ci par quelque corruption. C'efl: celui dont le texte fe fert
le plus fouvent , car il n'écrit que deux fois <iyifioreth , ôc jamais <t/^fis'
reth.
jofués». 10, La capitale ville de Hog, Roi de Bafçan , s'appelloit Aftaroth, 6c non
&13.U. 31. pas Aflioreth. Elle étoit firuée au delà du Jourdain , ôc fut du partage
de Manafle. Dans le 14'"*. chap. de la Genefe , il nous ell parlé d'un
lieu appelle Aftharoth , où Kedor - lahomer battit les Rephaïms. Ce
peut être le même lieu , où depuis Hog , Roi de Bafçan , habita : Quoi
qu'il en foit , cette ville avoit apparemment tiré fon nom de cette Déefl'e ,
adorée dans le païs. Car on fait bien qu'il étoit ordinaire de donner aux
villes & aux hommes,les noms des Dieux 6c des Déefl^es, 6c cela me confirme
dans la penfée que le nom de la Déefie étoit Aftaroth , d'où la ville avoit pris
fon nom. Les Hébreux croyent qu'elle étoit ainfi appeilée, à caufe que fes
images 6c fes fl:atuës avoient la forme d'une brebis , 6c le fondement de
cette conjeélure , c'efl: que le mot ry^rw}} , Aftaroth^ dans la Langue Sain-
te fignifie des brebis , 6c des troupeaux. Il fe trouve en ce fens-là dans le
7. du Deuteronome v. 13. 6c dans le chap. 28. 4. dans l'un 6c l'autre
endto^ il ell conilruit avec le mot |N2f , qui fignifie troupeau.de brebis,
ET DES CULTES DE L'EGLISE. PartAY. 669
"|3Ny rrnni^v , les brebis de ton troupeau. G'ell: le lentiment de Kim-
chi, [N2fn ni3p3 ani rsnn^v n-)W3 n^^iti*!; cj^o'^ïj c'étoient des images
faites en forme de brebis, qui font les femelles du troupeau.
C'ell une conjedure, que j'ai paffionnément fouhaité de pouvoir con- La Déeffe
iîrmer par quelque bonne autorité, parce que cela s'accorderoit très bien ^tnt^T
avec la figure , qu'ils avoient donnée à leur Jupiter , ou Bahal , c'étoit d'Aflaioth,
une tête de bélier. Et toi fupiier , foujfriras tu toujours^ difoit Moraus, Luckn.
e^Hon te donne des cornes ^ & c[H*on t'adore fo h s h figure (X'un bélier ? Comme L'afiemblèe
je tiens pour certain qu'Aftaroth efl Junon, je trouve qu'il n'y avoitrien**"^^^"^'
de mieux penfé, en répréfentant le mari comme un bélier, de répréfen-
ter la femme comme une brebis. Mais par malheur nous ne trouvons
rien , qui favorife cette conjecture. Au contraire on trouve plutôt des
chofes, qui la détruifent.
Il y en a d'autres, qui avouent que laDéefTe Aftaroth a pris fon nom
d'Aftaroth, qui fignifie brebis, ou troupeau, à caufe que cette Déefle efl
Venus, laquelle préfidefur la génération de toutes chofes, & particuliè-
rement des animaux, félon ce que difoit Lucrèce,
—-"•►—- Per te omne genus animantttm
Comiptur ^ vifiî^ue exortum lumina foUs .
C'eft le fentiment de Bochart. Mais cette raifon me paroît tirée de fort peAnîma-
loin , outre qu'Aftarté n'eft pas Venus. Mr. Huet , qui veut trouver lîb! 2."c.' 43.
par tout fon Moïfe , 6c fa femme Sephora , veut que la Déefîe Allarté
fût la femme de Moïfe , 6c qu'elle ait été appellée Aftaroth , à caufe
qu'elle étoit bergère, ou mariée à un berger. Aftartenomen habet ab Afta- Demon-
roth^ cjHod grèges fonat , utpote Hxor ^J^ofis viri fecuarim rei dediti ^ de génère Prôp.4^*"^*
Ifraëlitarum, qui erant viri pafiores oviurrt. Je laiffe à juger aux Savansde cap. 10, 5. 5.
la folidité de cette conjeélure.
Il y a dans l'Hiftoire Sainte, favoir dans l'original Hébreu , un mot -'^^f"*''*'
qui approche fort de celui d'Aftaroth. C'eft Asheroth , niiD'^î , qui quenws'
fe lit entr'autres dans le troifiéme chap. du Livre des Juges, v. 7. Et ils ^vonstour-
fervirent aux Bahalins , izj^^;;3n nN , 6c aux bocages , ^-l'n^:'^*^ nNi , & S cSnè-
Haasherot. Les 70. Interprètes ont tourné iKârpsvc-av t^ Bûcuh, nci toTç âKa-eiri , ""^ntun des
coherunt Bahal & Lucos. Grotius veut croire qu'Asherot , 6c Aftaroth, taité,
font deux noms d'une même divinité , que l'un vient de l'autre , ou plu-
tôt que c'eft un même nom prononcé un peu différemment. Et qu'ainii Gfotius in
Aftaroth n'a point pris fon nom des brebis, mais des forêts 6c des boca- c^.l"i3.
ges 5 dont elle eft la mère. Car il veut qu'Aftaroth, ou Aftarté , foit
la terre, ou la Déefle Cybele. Cette opinion eft vrai-femblable , à caufe
de la conftruclion de ces mots, ils fervirem les Bahalms dr asheroth. Car
Aftaroth eft ordinairement jointe avec lesBahaHns, ainfîl'un fembleêtre
ici mis pour l'autre. Outre que l'on ne dit gueres fervir des bocages, pour
dire fervir dans des bocages. Cette conjeélure eft encore fortifiée par
l'Hiftoire d' Achab , 6c par celle de ManafTé. Celle d'Achab dit que ce !■ R«g. î^-
malheureux Prince prit à femme Izebel, fille d'Ethbaal, ou comme l'ap- ^''
pelle Jofephe Ithobalus , Roi de Sidon, Cette Sidonienne amena avec
elle fes Dieux 6c fa Religion , 6c corrompit Achab 6c tout Ifraëî. De
forte qu' Achab fsrvit à Bahal & fe projferna devant lui. Il drejfa un Antel à y. 31. 5532 .
Bahal dam le Temple qu'il lui bâtit en Samarie. L'Hiftoire ajoute qu' Achab
Pppp 5 fit
670 HISTOIRE DES DOGMES
filAsherA^ nitJ'N* , nous avons tourné uné>ocage. Mais il y a bien appa-
rence que cette Ashera , ell nôtre Aftarté. Car Aftarté étoit la grande
DéelTedes Sidoniens, comme Bahal en etoit le grand Dieu. Et il n'y a pas
d'apparence que cette fuperiîitieufe Jezabel eût amené Bahal avec elle ,
ôc eut négligé Altarté, divinité qui marchoit toujours côte à côte avec Ba-
hal, & qui de plus étoit de même fexe qu'elle , pour laquelle par con-
féqueut elle devoit avoir plus de dévotion. C'eil le fentiment d'Abarbi-
nel. Il tient (\vCAshera étoit une Déefle , & la Déefle Aftarté. Car dans
fes Commentaires fur Jeremie , parlant de la Reine des cieux , dont le
'r Prophète par)'; au 44. de Tes Révélations v. 18. il dit: fe vof4s ai déjà dit
: mon fentiment ^c eji <jHe Baal^ qu^tls ont adore\ ejl le Soleil^ qt^ils appeUoientauiJl
Aïûloch , cefi'à-dire Roi^ parce (^u*il étoit Roi fur tous les enfans dP orgueil. Et
Asherah , a Uquelle ils fervoient auffî^ étoit la Lune, <^ui étoit appellée la Reine de^
deux , comme rScriture appelle le Soleil le %oi Moloch. Ainfi elle appelle la
Lune "'Rjine du Ciel. Et comme le Soleil à P égard de la, Lune efi appelle Baaly
parce ejuau regard de la Lune il efi comme un Seigneur & un mari , cjui com-
munique a fa femme de fa gloire , & d,e fa fpknàem , amji la Lune efi appelles
Ashera^ qui efi un nom du genre féminin^ comme fi elle étoit la femme du Soleil^
laquelle il aime & qu'il défire.
ï,R.ôis2i,3. L'Hiftoire Sainte nous dit que Manaiïe redreffa les Autels de 'Sahalj
& fit zAsherah ^ comms av oit fait Achab "R^i d'Jfraël^ ce que nous avons
tourné , & ft un bocage. Mais il ell beaucoup plus naturel de tournefj
// redreffa les <iAntels de Bahal & fit zAfiaroth , comme avoit fait Achab 6cc.
Car Bahal & Aftaroth vont toujours enfemble. Sur tout, cela eft clair
a. Rois 31. P^i' ^^ ^"i eft ajouté dans l'Hiftoire de Manafle. llpofaaufji Plmage d'^A-
v-. 7. shera qu'ail avait faite dans la maifon^ de laquelle Dietj avoit dit A David & , à
I Ko" g ^^l'O'^on , je mettrai mon nom à perpétuité dans cette maifon. Nous avons
îs. tourné , Vtmage du bocage qu'' il avoit faite &c. cela n'a pas de fens. Cela
€0 pourroit avoir en nôtre langue, 6c lignifier l'image tirée du bocage. Mais
ceux qui ont tant foit peu de connoiflànce du génie de la langue Hé-
braïque, voyent bien que les mots du texte fignifient , la fiatue qui répré-
fentoit Ashera , r~n!i'«n Sds. Car fi le l'ens étoit qu'il ôta la llatuë qu'il avoit
pofée dans le bocage, pour la mettre dans le Temple de Jerufaîem, il yau-
roit dans le texte niLî'Knp'7D3 .^fiatuamehco. Eliedità Achab, aiîem-
ble moi les 4fo. Prophètes de Bahal, & les 400. Prophètes n'^^^^d'Af-
hera , c'eft-à-dire, d'Aftarté, que Jczabel avoit apportée de Sidon avec
Ton Bahal. C'eft encore ainfi qu'il faut expliquer le pafiage des Juges
ehap. 6. if. 28. Gedeon détruifit l'Autel de Bahal 6c coupa Ashera,
mi^Kn, nousavonstournélebocage, qui étoit auprès de lui. On lit aufii
quelque part que les femmes fàifoicnt des courtines ^ouy Ashera, m{^'« ,c'eft-
à-dire, pour la Déefte Aftarté, car on ne fait pas des courtines pour revê-
tir dts bocages.
vieiez.Rois. ♦ Procopius de Gaza , ancien Commentateur , eft abfolument de. cette
procop. opinion, çaroîiles70. Interprètes ont mis «Ao-oç, mot qui fignifie bocage^
Gaz. in C3p. \\ obfervc q["ue les autres Interprètes tournent Asheroth, ou Afiaroth , 6c
2,3.7.2.. eg. ^^,.^^ entendent par ce nom Aftarté, qui eft Venus. To Ss uKa-og oî homoi
hhv ÊÇ'^cr^v fv Tï^ Ôe/û3 v£$. Il dit la même chofe fur le jy.ch. du fécond des
Rois.
ET DES CULTES DE L'EGLISE. TartlY. 6jî
Rois. C'eft pourquoi fur le verfet 4. du 7. chap. du premier de Samuel,
oii il y a félon l'Hébreu , & ils oterent les Bahalins & Afiaroth , & félon les
Grecs, & ils oterent les Bahalins , & les bocages d'^Aftaroth^ TàaAo-j^ A'ç^pwô.. i. Sam.7. ^
Il obferve qu'Aquila a tourné tî]? Nçâpr^çàyâKiiuTa , les ftatuës d'Aftarté.
Et même il y a apparence que les 70. ont lu Asheroth dans l'Hébreu , au
lieu d'Aftaroth. Car dans le troifiéme verfet ils ont rendu Aftaroth par
a?i(rvj,/«; rk uKcv\^ êc dans le verfet fuivant , oij Aftaroth fe trouve enco-
re, ils ont tourné, comme nous venons de voir. Ta «Ao-vî A'ç«pwô Jes boca-
ges d'Aftaroth. Quoiqu'il en foit, il eft clair que les 70?*^ont/œn^ns corr^
qu" Asheroth & A/laroth, étoient des noms qui fe rapportoient à la même
divinité, lavoir à la Déeft^e des Sidoniens.
Aflurément ils ne fe font pas trompez , & celui qui prendra la peine
d'examiner les paftiiges oii ce mot Asheroth fe rencontre, en fera perfuadé.
Par exemple quand il eft dit que Jofias ordonna, qu'on tirât hors de la
maifon de Dieu les vaijfeanx qui ^voient été faits four 'Baal^ pour Asheroth , ^fKoTs 2|j
& fonr toute l'armée des deux , n'eft-il pas clair que Bahal eft le Soleil, '^' *'
Asheroth la Lune,qui s'appelloit auftî Aftarté,& l'armée des cieux,c'eft-à-di-
re, les étoiles.'* Et deux verfets après, il eft dit, que fojïasfit emporter de
la maifon de P^Eîernel Asberah , ce que nous avons tourné le bocage ^ ^ te
fit porter au torrent de Cedron , & le brûla dans la vallée de Cedron^ eju^il la
reduifit en poudre , & la jetta fur le fepulcre des enfans du peuple. Qui ne
voit que dans le Temple de Jerufalem , il ne pouvoit pas y avoir de bo-
cage, de la manière que ce Temple étoit fait? Ainli il eft clair que cette
Asherah étoit une Idole.
Je fuis donc perfuadé qu'Aftaroth , & Ashera au fingulier, ou Ashe-
rot aupluriel^ font deux noms de la même Déeft^e Aftarté. Mais -je ne
croi point avec Seldenus , o^ Ashera & Asheroth ftgniliât les fimulacres de
bois de cette Déefle , car ce favant homme s'imagine , que les Hébreux 2. Rois i%,
avoient appelle les ftatuës d'Aftarté par opprobre Asherah êc Asheroth, corn- ^' ^'
me qui diroit Dieux de bois & de -bocage. Simulacra, dit-il, igitur li- y^j ^
gnea Ajiarte , feu r^ Afioreth dicata Ashertm & Asheroth ^ feu lucos di5iafen- Selden. synr-
îio , ut & ad nomen fîmul alluderetur , & tam impari divtmtati materia con- de^Aftoieth'
tumelia ipfo vocabulo exprobraretur.
Je ne donne point non plus dans la conjeéï:ure de Grotius, quia crû
qu'Aftaroth ôcAsht^roth, eft un même nom prononcé un peu différem-
ment. Je fuis perfuadé que ce font deux noms d'une même Déelîè, auf-
fî differens que Luna 6c Diana. Et nous verrons tout à l'heure ce que
fîgnifient ces deux noms, 6c pourquoi les Sidoniens les ont donnez à leur
Déefle , quand nous aurons dit un mot de l'erreur des GrecSjau fujet de nôtre
Afiaroth & AJiarté.
Les Grecs ne font jamais heureux en étymologies, parce que ne fâchant que in voce
le Grec , ou croyant cette langue plus ancienne que toutes les autres,ils y veu- A'çpo^p-
lent trouver l'origine de tous les noms. C'a été l'erreur de Suidas, qui dit X^-
qu' Aftarté a tire fon nom du mot Afire , exsi à%Q nroù AVpa è'jçmvix.luv. Et itlé^ts^
c'eft apparemment de là qu'eft venue, l'erreur d'Herodien, dans la vie d'An- °^^ appelle
toninus Bafilianus, autrement appelle Heliogabale. En décrivant les ex- "yrL^ÎL.
travagances de ce Prince, il dit qu'il voulut marier fon Dieu Heliogaba- ^iie n'a )V
le avec Pallas , qu'il fit arracher le Palladium, ou la ftatuë de Pallas que les STom S
ex
é72 HISTOIREDESDOGMES
Romains adoroicnt dans un lieu fecret, 6c qui n'avoit pas été remuée de-
puis qu'elle avoit été apportée de Troye : qu'il fit apporter ces deux fi-
niulacres dans fa chambre pour les marier enfemble. Mais que pafîant
de folie en folie , & ayant penfé que cela ne pouvoit plaire à cette Déef-
Herodian. fe, qui étoit polTcdée de l'amour pour la guerre , // envoja quérir , dit-il ,
Hifto.hb, 5. Iq jlfj^iilacre d?Vranle^ pour laqftelle les Carthaginois^ & toute l' Afrique avaient
une particulière dévotion. On dit que ce fut Didon la Phénicienne^ qui l* appor-
ta 5 quand elle bâtit f ancienne Carthage , & quelle coupa le cuir d^un bœuf. Les
africains Rappellent Vranie , & les Phéniciens , Aftroarche , eflimant que
c'èfi la Lune. Apurement Herodian s'ell trompé, quand il a dit que les
Phéniciens appelloient leur Déefle Afiroarche. C'eft d'Aftarté dont il par-
le, & parce que cette Aftarté eft effeébivement la Lune, qui eft la Reine
des AilreSjil a crû qu'ils dévoient l'appeller Aftroarche , àito tî^ç rm uarpm
«P^vJÇî de l'Empire qu'elle a fur les Ailres, comme fi les Phéniciens euf-
fent parlé Grec. Si donc en rapportant Aftarté à la Lune on trouve quel-
que raifon dans cette étymologie , parce que la Lune peut à jufte titre
être appellée AVTpo«p%j^ , c'eft purement par hazard.
Laiiîant donc là toutes ces taulTes étymologies , je viens à celle que jç
croi véritable , & que Ton n'a point encore rencontrée. Pofons que le
vrai 6c l'ancien nom de cette Déefle , c'eft Afiaroth , c'eft ainfî que l'E-
criture l'appelle le plus fou vent , 6c dans les livres qui font les plus an-
vetîtabk cieus , commc font le Livre àts Juges 6c ceux de Samuel. Aftaroth pref-
d'AftSoth'! ^^^^ ^"^^^ aucun changement, vient de i-int? r\rwv , Afta orot,qui fignifie
fe&.-'k-àiil, facit lumina ^ qui fait ou rend des lumières. Certainement ôc évidemment
Èferes^" Aftarté, c'eft la Lune, 6c il eft clair qu'elle a pu juftement tirer fonnoni
c'eftiaLu- de la lumière, puifque de tous les Aftres noélurnes c'eft le plus lumineux.
°^' Le nom de Diane , qui eft un dts noms de la Lune , me paroît ve-
nir d'une femblable origine, car je le dérive de Dies qui fignifie jourj
parce que la Lune , fait une efpece de jour, quand elle eft dans fon
plein,
îomquoiia Les Phéuicicns ne l'appelloient pas feulement fource de lumière, au fin-
défignéepar g^licr , mais des lumières au pluriel, à caufe des trois lumières différentes
àts lumières que la Luuc donne, celle du foir, quand elle eft dans fa première quadra-
&no""L-' ture, celle du matin, quand elle eft dans la féconde, 6c celle de toute la nuit,
miere au fin- quand elle eft dans fon plein. Ainfî les 70. Interprètes fe font trompez
quand ils ont pris ce mot pour un pluriel ; s'imaginant que cela fignifioit
plufîeurs Idoles de la même DéefTe, 6c ils ont tourné ruTç AVT<s;pwô, aux
Aftaroths. Et l'Auteur de la verfion que St. Auguftin a fuivie dans fes
queftions fur les Juges a tourné, & fervierunt Mhal & Afiartibus. Il eft
vrai que c'eft une terminaifon pluriele , mais la pluralité ne fe rapporte
pas à la Déefle i c'eft aux lumières 5 c'eft-à-dire , aux diverfes phafes de
la Lune , qui étoit adorée fous le nom de cette Déefl^e.
vctitîbie Je viens à l'autre nom d'Aftarté, c'eft Ashera 6c Asheroth. II eftcer-
du mo°^^* tain que ce mot fignifie des bois 6c des bocages. Et il n'eft pas mal-aifé
Ashera ôc de Comprendre pourquoi la Lune a eu ce nom. Car on fait que Diane
A^heïor. ^^ j^ j^^^^g ^^^ j^^.^^ -^^ ^^^ ^,ç^ auflî laLune.
H-
ET DES CULTES DE L'EGLÏSE. Tart,lV.6ji
Sufpiciens altam Lmam jic voce precatnr , Virga.
TTfi Dea , tu prafens mjiro fttcctirre labori , , /Eneid, 9. ,
AflroYPtm decHs (^ nemorum Latonia endos. v.+oj.
Aind Asheroth répond au nom de Diane, comme Aftaroth à celui de
k Lune. Je trouve même que Diane a porté le nom d'Aftarté dans l'Oc-
cident. Les Tjrrichiens , dit Paufanias , ont dam leur pais le Temple de Dia- v^mus ia
ne ^firate'e ^ & lacanfe pour laquelle ils Pont atnjt nommée , efl qH^ilsdifentqHe ^^conicis.
t armée des Amazj)nes s'^arrêta dans ce Iten-la^ & nepajïa pas pins avant. Il dé-
rive ce nom de l'alpha privatif des Grecs, & du mot arpâToçy armée. Et moi
j'eftime que cette Diane fut nommée Aftrat^a d'Aftarté, la Déti^Q des Phé-
niciens , qui étoit Diane.
Les Romains avoient leur Diane Nemorenjis , qui étoit aufîi appellée Suetone iib,
Erycindy du bois d'Aricia , qui étoit dans le voilinage de 'Rome. Le Sa- ^•
Crificateur de la DéefTe étoit appelle T^morenfis Rex. IS^jmorenJt. Régi quoà
muliis jam annis potiretur facerdotio , validiorem adverfarittm fnbornavit
dit Suétone de Caligula. C'efl un nom tout femblable à celui à' Asheroth^
que les Phéniciens donnoieht à leur Décile.
^ lU
CHAPITRE IL
D'Afiarté ér de trois autres T>éeJJes y qu^on a confondues en Sy^
ne. Des quatre VéeJJes Syriennes 3 qu'il faut démêler , Afiarté^
"DercetOy Venus 'Uranie^ & la Véejfe Syrienne.
POur connoître cette Déefîe Aflarté , il fauteflaïerde la démêler des
autres avec lefquelles on Ta confondue. La Syrie avoit quatre Dé-
efles, dont l'Hiftoire eft: à la vérité un peu confufe , c'eft pourquoi
il faut quelque peine pour les diitinguer. La première étoit nox.xc.All art é.
La féconde s'appelloit Derceto ou Ater'gatis. La troifiéme étoit la F'enus
Vranie^ qui étoit adorée au Mont Laban. La quatrième étoit la DéelTe .
Syrienne, dont Lucien, ou un autre Auteur ancien, a laifTé un petit liyre
fous le titre he Dea Sjria. Mr. Huet les a confondues toutes quatre en hu« bem.
une. Evang.p.
Premièrement pour Atergatis ou Derceto, la plupart des gens veulent voyez bo-
que ce foit la même qu'Aftarté. Vofîius attribue à Ailarté d'avoir été re- charrdeAnî-
préfentée par une figure partie poiflbn, partie femme, êcparconféquent iib. f.caplg]
il la confond avec Atergatis ou Derceto. idoH.b'^^
Mais' cette con;;'6i:ure n'eft pas apparente. Aftarté étoit adorée chez cap.zr."^'
les Sidoniens. G'étoit leurDéefle, l'Hiftoire de Salomon nous le dit, 6c Aftartén'eft
Lucien plus de mille ans après le confirme, comme témoin oculaire. P^s Derceto, ,
Il y a (^ujfi^ dit-il, tin grand Temple en Phénicie entre les Sidoniens^^jui-ejl dé-
dié a Aftarts. Mais le Temple de Derceto étoit à Afcalon, ce que nous
Fart. IV. QH^9 -avons
674 HIST OIRE DES D OGMES
avons appris ci- delÎLis de Diodorc Sicilien dans le chapitre de Dagon.
C'étoit donc la DéelTe des Afcalonires, qui étoient l'un des cinq Gouver*
nemens des Phiîiftins. De plus, il eft certain que la ftatuë de Derceto
ou d'Atergatis étoit demi- femme & dcmi-poiiTon. Or celle d'Aftarté étoit
toute femme , excepté qu'elle avoit ou une tête de bœufjou au moins des cor-
VA\Çeh, de ncs de bœuf iur la tête. Car Philo Bibiius dit , c^vCÂfiarté mit fnr fa pro-
l-^-^''^^^' pre tête ia tête d'un taureau, comme le fgne & lamarcjmde l"^ Empire. Et
''* Lucien, qui nous parle d'Aftarté, Ôc du Temple qu'elle avoit entre les Si-
doniens , ne nous dit point qu'elle eût la figure de poiflbn. Au contraire
il diftingue fort nettement A ftarté de Derceto, 6c ne donne la figure de
poiilbn qu'à cette dernière. Derceto enfin eft la mère deSemiramis, rien
de femblâble ne fe dit d'Aftarté. D'oij je conclus que nôtre Déeffe Af^
tarte , & Derceto ne font point la même.-
Ucfceto. Hérodote confond auffi Venus Uranie avec Dfcrceto, car il dit,
nifsunnle* ^/^É" les Scythes^ éîmt àms U Valefiine dans la ville à^/4fcalon , la plupart nu
yA:z\Kd'tLi- jirent point de mal, mais ^PielqHes-uns pillèrent le Temple de Fenus ZJranie ,
^*^'^'''*' mi ejl le Temple de cette DeeJJê le pins ancien , parce que le Temple que cet*
te DéeJJè a dans P lie de Cypre <y efi venu de celui-là , comme l'^ avancent les Cy^
priûts. Et même ce [ont les Phéniciens fortis de Syrie ^ qui ont b^âti le Ttmpk
de Cythere.
C'étoit la Déefle Derceto qui avoit fon Templeà Afcalon , 8c non pas la-
Venus Syrienne , qui étoit adorée à Biblis , 6c fur le Mont-Liban. Mais
les Grecs ont confondu toutes les divinitez Afîâtiques.
Aftâité n'eft On confond encore Aftarté avec la Venus Syrienne , qui avoit unTem-
gasia Venus p]e famcux vcrs les racines du Liban., Mais parce que nous devons un
kD^ffeSyr chap. à cette Venus Syrienne, à caufe du Thammus d'Ezechiel,nous re»
lienne de fervons ce que nous avons à dire là-deflus, que nous puifîions en parler à
iiiKicn, r j
L'on veut de plus que nôtre Aftartê foit la célèbre DéefTe Syrienne ,
dont a écrit Lucien. Mais je croi qu'on a tort. Car Aftarté avoit fon
Temple entre les Sidoniens fur le bord de la Mer Méditerranée , 6c la
Déelîè Syrienne avoit le fien fort loin de là à Hierapolis , prés du Fleuve Eu-
phrate -, Aftarté avoit des cornes de bœuf fur laj tête , 6c la Déefle Sy-
rienne,, félon le rapport de Lucien, avoit des tours fur la tête. C'é-
toit Cybele', comme nous l'avons fait voir dans le chapitre de Bahal-Berith s
ôc Aftarté eft Junon , comme nous le ferons voir,
A«"sa"s On a pareillement tort de confondre Atergatis , avec la Dcefle Syrien-
Déeffe^y* ne, quî étoit adorée à Hierapolis. Pline 6c Strabon font les Auteurs, ou
"^""!"\^r les occafions de cette bevûë. Le premier dit, qu' Atergatis étoit adorée
ne & de dans la Ville appellée Bambyce ^ autrement Hierapolis ^& par les Syriens Ma^
gog. Le fécond, favoir Strabon, dit, qu'eau delà du jfleuve esî Bamhyca , ap
' pelle e autrement Edejfe , ^ la ville facrse Vepuwohtg , ou l^on fert zAtergata h
Strabon
Pline lib,
1:^2; 'Deejfe Syrienne,
la
Pline dit la même chofe que Strabon. Et parce que l'un 8c l'autre
ont dit qu'on adoroit Atergatis à Vepuitohg on a conclu que cet Ater-
gatis eft la même Déefle, que Lucien appelle la Déefle Syrienne , parce
que celle-ci étoitadoréeà tepccitoT^g. Mais c'eft une bevûë de Strabon. Il
a £ris tepci'!tohç pour Afcalon , car c'étoit dans ce. dernier lieu qu'on ado-
roit;
ET DES CULTES DE LVEGLÎSE. PartlY.Gj^
-'roît Atergatis. Ce qu'il ajoute eft faux aulîi, que cette Atergatafût laDé-
>elîe Syrienne.
Enfin nous ne faurions fuivre dans ces Antiquitez obfcures un guide Le véritable
plus fur, que l'Auteur du petit livre de la Déejfe Syrienne , qui efl entre YwTde%n
les œuvres de Lucien. Je ne croi pas que l'Auteur foit Lucien lui-même j syri^nyx.
car cet Auteur efl: fuperftitieux & rapporte de bonne foi , comme veri- P"^""^^-
tables, tous les faux miracles , que l'ondifoit qui fe faifoient dans le Tern-
ie de cette Déeffe. Et Lucien efl: un profane, qui fe moque de toutes
des Religions. Mais je croi cet Auteur plus digne de foi que Lucien , il
efl: ancien fans doute-, il efl: judicieux, il étoit Syrien de Nation, il étoit
initié aux myfl:eres de Venus de Biblis , 6c par conféquent il étoit très
inftruit des myfl:eres de la Religion des Syriens. Cet Auteur diflinguc
nettement, comme témoin oculaire, ces quatre Déeflès que l'on confond.
ID' Afl:arté il dit,qu'elle avoit un grand Temple dans le païs àcs Sidoniens. De
Derceto, que fa figure étoit derni-poiflbn & demi-femme. De la Venus de
^.Biblis, qu'elle a dans cette ville un grand Temple , oii l'on célèbre tous»
.les ans, les myflreres d'Adonis, aHfqmls^ dit-ii, je fuis initié. Et enfin de
la Dédie Syrienne il dit , qu'elle avoit fon Temple à Hierapolis, & que
fa fl;atuë répréfente une figure de femme fins mélange de figure de bête
ou de poiffon, comme celle de Derceto. Et c'efl: par cela que cet Auteur
réfute la penfée de ceux qui croyent que ce Temple d'Hierapolis étoit
confacré à Derceto, autrement appellée Atergatis , félon l'erreur de Strabon,
fur laquelle Pline a encoi'e enchéri. Car Strabon a fimpiement dit que
la Déefle Syrienne, qu'on adoroit à rfip«7roAiç, étoit Atei^ata. Mais il n'a
point dit qu'elle y fût adorée fous la figure d'une femme ôc d'un poif.
fon. Pline, qui favoit .d'une part qu'Atergatis étoit répréfentée comme
une femme demi-poiflbn, ôc de l'autre trompé par Strabon, croyant:
qu'Atergatis étoit adorée à ï'fpiToA/ç , il a joint ces deux cbofes énfembleç.
'& a dit qu'à XepiX7roA/$5 on adoroit la prodigieufe Atergatis^ c'efl:.à-dire cet-
te figure prodigieufe de demi-femme ôc demi-poifibn. Ce qui efl: faux.
: _ -.C H A P r T R E IIL
'^il nom Aftarté a porté dans l'Occident , parmi les Grecs o" les
Romains. Si c'ejl Cybele^ Venus ^ oujimon.
PRéfcntement il faut voir quelle efl: celle des DIvinitez Romaines & Afiatté
Grecquc-s , qui a porté ce nom d'Aflarté entre les Phéniciens , ou ^g^'f^;
quel nom Aftarté a pris en paflant dans l'Occident. -Grotius veut Grecs sc des
que ce foit Cybele , & il efl: fuivi de Mr. Huet. La penfée de Grotius ^^""^•
eft fondée fur le mot Jshera^ qui fignifieun bocage, parce que Cybele étoit " ■■*"^" ^'
adorée dans des bocages, felmi ce témoignage d'Ovide Meramorph. 7.
676 HISTOIRE DES DOGMES
Templa Deum Matri , qU(Z c^uotidam clams Echion
Fecerat ex voto nemorojïs abditafilvis,
C'eft un fondement qui me paroît aflez fragile. L'opinion de Monfieur
Huet eft appuyée fur ce que Seldenus 6c lui , confondent nôtre Aftarté
avec la Déelfe Syrienne de Lucien , laquelle eft affûrément Cybele , la
Mère dzs Dieux. Mais je fuis afluré que ces habiles gens fe trom-
pent.
L'opinion la plus courante , c'eft qu' Aftarté eft la Venus des Grecs
£c àts Latins. Les Modernes font en cela foûtenus du témoignage des
DeNatcra Ançicns. Ciccron conte nôtre Aftarté pour la quatrième Venus, quarta
Deoriim 3. ^yy^^ Tjrôque concerta , qti& <iyîjiar.te vocatur , quant AUvnidi nupjijfe aiunt.
Philo Biblius , dans le fragment deSanchoniathon, dit aufli tj^v $è A'çap-
rviv cpomaeç t^^v A'(|)po^/TV]v eivai héyaci. Les T^hémciens difent qu Aftarté ejl
*FenHs. Procopius de Gaze fe range dans ce fentiment , après avoir inter-.
prêté le Ta uKgv\ AVrapwô, des 70. par uyah^LaTa. A'crrapTviç , félon ïa verfion
d'Aquila, il ajoute que cette Aftarté eft Venus. Ce(i- ainjt^ dit-il, qu'ib
appellent Venus , ht ayant donne' fin nom du mot K(jt^ov. Suidas eft dans"
la même penfée , & nous donne la même étymologie du nom d' Aftarté,
Aflarxé ^ dit-il , qui eft app elle e par les Grecs Ven^s, Car ils difint dans leurs
. fahhs , que c'eft P étoile du jour.
Mais quelque exprés que foient ces témoignages, je ne faiirois m'y ren-
dre 5 & je ne doute pas que cette erreur ne vienne , de ce que l'on a
confondu mal à propos nôtre Aftarté , avec la Venus Syrienne. Je fai
bien qu'il y a une grande confufion dans -la Théologie Payenne , & que
Junon, Diane, Venus, Aftarté 6cc. font peut-être dans le fond la même
Apulée chofe, qui a été adorée fous tous ces difïerens noms, Apulée dans Pon-
lib. II. Me- 2iéme de fa Metamorphofe veut que Diane , Venus , Junon , Miner-
samorp ». ^^ ^ j^ Mcrc des Dieux , Proferpine , Gérés , Beilone , Hécate , Rham-
nuiia , Ifis , foient une feule & même Déefte. Cujus numen unicum mut-
fiformi fpecie ^ ritu varia , nomine multijugo ^ toius veneratur orbis. Et que
cette divinité à diverfes formes , eft rerum naiura , parens , elementorum
omnium domina , f&calorum progentes initialis , regina manium , prima c£li-
tum^i Deorum Dearumque faciès uniformis , qua cœli luminofa culmina ^ maris
faUibria fiumina^ inferorum deplorata flemia^ nutibus fuis difpenfat. Mais quoi
qu'il en foit , bien que ce fût la nature univerfelle, cependant parce qu'el-
le étoit adorée en des lieux diftérens , fous des images dift^erentes, avec
des cérémonies ôc des dévotions différentes , & que le Vulgaire les pre-
noit pour des divinitez différentes, on ne les doit pas confondre.
Je fuis abfolument dans le fentiment de ceux qui tiennent qu' Aftarté
c'eft junon. i. Nous en avons un témoin, qui me femble au defllis de
tous reproches, a caufe qu'il étoit voifin de Garthage , c'eft St.Auguftin.
il faut favoir que les Carthaginois, Colonie des Phéniciens , avoient em-
porté avec eux tous les Dieux de la Phéhicie. Nous y avons trouvé Mo-
loch & Bahai. Il eft certain qu'ils avoiei% auffi emporté Aftarté , qui y
avoit retenu fon nom , 6c qui s'appelloit encore ainfi , même du tems de
St. Augullin. Et il nous aflûre que, cette Aftarté eft Junon. Nous
avons
ET DES CULTES DE L'EGLISE. F^r^. IV. ^17
avons {ts paroles, funo autem fine dubitatione ah illis li^^fiarte vocatur. Sans Quift. i«.
aucun doute Junoii eft appellée par eux Aftarté. On ne fauroit narlèr '"^"'^'"'*
d'un ton plus ferme. Je ne croi pas qu'i- eût voulu parler ainfi, s'il n'eût
été bien informé , & fi ce n'eût été l'opinion conilante des Africains.
Aufîî c'étoit un fentiment reçu de tout le monde , que Carthage étoit
fous la proteélion de Junon.
Quam fanofertur terris magis omnibns unam * virgii.
^ofthabita coluijfe Samo. "*"• ^•
jFufjo , & Deorum cimfquis amkior Hoiat.
Afris , inulta cejferat impotent •
Tellure.
Or cette Junon , la Patrone des Carthaginois , ne pouvoit être une au-
tre Déefle que l'Aftarté des Phéniciens. 2. L'extravagance d'Eliogaba-
le , qui envoya chercher cette Déefle Carthaginoife , pour la marier avec
fon Dieu , dont Herodien nous a parlé , eft une preuve de cela même.
Car le Dieu d'Eliogabale étoit le Jupiter des Phéniciens, ou Syriens, com-
me nous l'avons remarqué après tous nos Maîtres. Or il eft apparent que
cet emporté , dans les accez de fa folie, conferva encore cette efpece de
raifon. C'eft qu'il jugea qu'il étoit raifonnable de marier fur la terre , ceux
qui étoient mariez dans les cieux , félon leur Théologie. Et feion cela ,
la Déefle qu'il fit venir d'Afrique de voit être la Junon Phénicienne , j'é-
poufe de Bahal, ou de Jupiter.
3. Cette union perpetueMe, que nous avons remarquée dans l'Ecriture
Sainte de Bahal avec Aftaroth , ou avec Asherah , qui eft nôtre Déefle
Aftarté, me perfuade aufli que c'étoit le mari & la femme, dans la Théo-
logie des Phéniciens. Prefque jamais l'Hiftoire Sainte ne parle de Bahal ,
êc des Bahalins , qu'elle n'y joigne Afiaroth. Et même le Livre des ju-
ges 5 dans l'Hiftoire de Gedeon , dit c\\JiAihera , niu>«n , étoit deÎTus
r Autel de Bahal : car c'eft peut-être ainfi qu'il faut tourner le texte, & voici Juges s. ^^.
PApitel de Bahal avait été démoli^ & Asherah, l'image d' A ftarothjf iï? étoit deJptSj
V^i? 5 étoit coupé. Bahal & Aftaroth étoient l'un 6c l'autre les grandes divinitez
desSidoniens. Je ne m'oppoferois pourtant pas que dans cet endroit des Ju-
ges, on laifl'ât la fignification àç. bocage au mot ^jW^, parce qu'il convient
mieux à l'Hiftoire , & qu'on dit , couper un bocage, & non pas, cou-
per une Idole. L'infâme Jezabel femme d'Achab , &; fille du Roi
de Sidon , les apporta en Samarie toutes deux. Elle avoit quatre cens
"cinquante Prophètes de Bahal, 6c 400. iXAihera^ c'eft-à-dired'Aftaroth.
Car il n'y a nulle raifon de tourner ici, comme on Ï2àx.^Trophetes de boca-
ges. Je vous prie quels étoient ces Prophètes du bucage. Pourquoi les eût-
on diftinguez àts Prophètes de Bahal, puifqu'il m. certain que Bahal étoit
fervi dans les bocages ? Or nous avons vu que le Bahal des Sjdoniens
croit le Jupiter des Phéniciens, & par conféquent il y a toute forte de rai-
fon de croire que cette Aftaroth, ou Asheroth, qui en eft inféparable^ eft
la Junon des Phéniciens, mariée avec leur Jupiter.
4. C'eft pour cette raifon que cette Aftarté eft nommée lu-^y/çv) , maxi-
ma, la plus grande, par Sanchoniathon Phénicien. Afiarté cjtù efi appel- Enfebeda
lée la très grande ^ Jupiter ^ Demaroon ^ & le Roi des Dieux , Adodus ^ ^^^'^t'" lib^i! cap."ill
ïent dans ce pais par le confentemenî de Saimne. Et Afiar té mit fur fa propre tê-
Q.qqq 3 te
Jerem.7. ï J,
Jerem. ^.
Iq rébus
Aflyriacis.
Apud Con-
feranos in
Novempo-
pulonio re-
peiituihcec
infaiptio^
678 HISTOIRE DE S D O G ME S
te la tête arm taureau , pour marcjue de la dignitc Impériale, Elle cil appellée
la très grande ôc la Reine , parce qu'elle étoit la Reine des Dieux , étant
mariée à Jupiter le Roi des Dievx.
5". Je ne doute point aufîi que ce ne foit la même , que le Phénicien
Sanchoniatlîou , dans le même endroit , appelle Baaltis. Car ceux qui fa-
vent un peu d'Hébreu , favent aufîi que Baaltis eft un fubftantif fémini-n,
formé de Baal , comme qui diroit la Baale , ou la femme de B^hal 3 de
n'7V3, BahalatjOuBahelet, qui fîgnifie Dame ou Maîtrefîe, kïdikBaaU
ti 5 qui fignifie oSÏ€adame , ou notre Dame. 11 eft vrai que ce Sanchonia-
thon diftinguc Baaltis d'Aftarté, Il les fait fœurs, 6c dit que Baaltis s'ap-
pelloit aufîi Dioné. Mais on ne doit pas s'arrêter à cet Auteur , quand
il eft évidemment contraire à ceux: qui ont écrit avec plus d'exaditude.
Car il eft plein de confufîon 6c de contradidions , dans cette petite Hil»
toire qu'il a faite des Dieux Phéniciens.
6. Ileftclairaufîiquec'eft celle que Jeremie appelle la Reine des Cieux.
Les fils amajfent le bois ^ les feres allument le fea^ & les femmes pétrijfent la pa*
te ^ pour faire des gâteaux à la Reine des Cieux. Et ailleurs les Juifs fe plai-
gnent ainfî. Depuis le tems qm nous avons ceffe de faire des encenfemens à la
Reine des cieux, & de lui faire des afperfions , nous.avons manqué de tout. Aftar-
té étoit appellée Reine des cieux, parce qu'elle étoit la femme de Bahal.
.Qr nous avons vu que ce Bahal, félon les Phéniciens, étoit appelle Bal-
famen^ qui fîgnifie Roi des cieux. Ainfî il eft clair que celle qui s'appelloit
"Bahalat-famen ^ ou félon le dialecte Hébreu., Malecath-famen .^ Reine àcs
cieux, étoit Junon, qui partageoit avec Jupiter l'Empire du Ciel. C'eft
la même qu'Abydenus appelloit Beltis , qui vient de Baaltis. Et Selde-
nus nous parle d'une 'Beli-fama , dont on trouve le nom dans une infcrip-
tion. MINERVE BELI-SAM^ (^ VALERIÙS MONUM. Se-
lon fa conjeélure , c'eft nôtre Aftarté, Ôc nôtre Reine des deux, car-^É*-
li-fama^ c'eft le mot Hébreu ^^/^, onBelti-famaim.
CHAPITRE IV.
Afiarté c'éîoit la Lune, De la l^éejje AlUat entre les Arabes*
D^Uraniê.
s
Elon nôtre méthode , voyons à préfent quel Dieu Naturel, c'eft-à-
1 dire , quelle partie de la nature étoit adorée fous le nom â? Aftarté^
entre les Phéniciens, & de Junon 6c d'H'pfij entre les Grecs , & les La-
Cicer02.de tins. Les Stoïciens prétendoient que Junon fignifioit l'air. A'êr autem, ut
NjtuiaDeo- Stoïci difputant , interjeBus inter mare & cœlum , funonis nomine confecratur.
Cette opinion s'eft fort répandue entre les Théologiens du Paganifme.
Mais il eft certain qu'originellement lajunon de l'Occident, 6c l'Ailartéde
l'Orient , c' étoit la Lune. Je fuis trompé même fi le nom de Juno ne
vieat de Luna , car ;on difoit Lunus 6c Luna. L.. 6c ï. dans les caraûerjes
Ro-
ET. DES CULTES DE VEGLISE. Part.lV. 67^
Romains font fi voifins , qu'ils ont pu être facilement changez l'un j„ p^j g
pour l'autre. ï. Lucien nous apprend que c'étoit la tradition des Sido- ùa.
niens qu'Aftarté étoit la Lune, //j 4, dit-il, un grand Temple en Fhénu
cie parmi les Sidoniens ^ qui efi dédié a Afiarté^ que je croi être U Lune ^ en-
core qtÛPin Trètre dn Temple m'ait dit que c^eft Europe , la fœur de Cadmus , ^
la fille d'*Agenor . z. Le nom d'Aftaroth , dont nous avons trouvé l'origi-
ne dans FHebreu niiN nnti'i? , A fêta orot , fecit lumina , nous aflûre de la mê-
me chofcj que c'eft la Lune, qui a trois phafes» ou trois lumières diffé-
rentes. 3. L'autre nom que lui donne l'Ecriture, Asherah , ou Ashe-
roth, qui répond au nom de Diane, comme nous l'avons vu, nous ap-
prend auÏÏi que cette Aftarté étoit la Lune , puifque Diane étoit la Lu-
ne. Selon ce mot fî connu, Diana in fihis, Luna in cœlis. 4. Il ell njujincnc-
certain que Baha-l 5^ ou Jupiter yr étoit le Soleil, il eft donc raifonna- !«> D'ans
ble de croire que la divinité, que Ton donnoit pour compagne à Ju~ iÊieca\e"iiî
piter, étoit la Lune, qui partage avec lui l'Empire du Ciel, & qui re- in^"?»
gne fur la nuit, comme il règne fur le jour. f. Par la Reine descieux,
dont parle Jeremie, on ne peut douter qu'il n'entende la Lune. Or cet-
te Reine dts Cieux étoit l'Aftarté des Phéniciens , & par conféquent
Aftarté eft laLune. 6. Il n'eft pas moins évident q«e la Junon des Oc-
cidentaux étoit la Lune , qu'ils appelloient Juno Lucina. Luna a lucen-Gxtïo s. de
do nominata^ eademenim Lucina. Itaque^ut apud Gràcos Dianam , eÀmquelu- Ratura Deo-
ciferam ^ficapudnoflroiJummmLucinam in pariendo in'UQcant^ ' .
fmoLucinaferopemsfiyvameohfecro^- ' terent îa
Andria. AâC
Et Catulle.
3. Se. I.
Tft Lucina dolentihus' , Carm. in
Jitno ditla puerperis,: uiSjuuiT
C'eft pour cette raifbn que les Calendes étoienrconfaçréésàjunon, parce
que Junon eft la Lune , qui fâifoit autrefois le commencement des mois lunai-
res, quand elle étoit nouvelle. Vt omnes idus fovi , ita omnes Calendas funoni tri»
butas j& Farronis (^ Tontificalis confirmât auHoritas , quodetiam Laurenfes patriis j^ja^rob
religionibm fermant ^ quiô' cognomen De£, ex cdremoniis addiderunt ^ Calendarem Satum.iib».
funonem vacantes, Sed^ omnibus Calendisamenfe Martio ad Decemhem huicDea •' ^^'
fupplicant,. %^m(& quoque Calendis omntbus , pr&ter quod Tomifex minorin Ca-
na calata rem divinam facit funoni. Etiam regma facrorum , id efl régis uxor^,
porcam vel agnam in regia funoni immolât. Aqua etiam fanum funonium co"
gnominatum diximus^quod illi Deo omnis ingrejfus ^huic Deàcuniii Calendarùm
dtes videntur afcripti. Cùm enim initium mmjïum majores noftri ab exortu Lu»
na fervavmnt^ inde lunoni Calendas addix^runt^ Lunam & funonem eamdem pU'
tantes.
Si les Grecs ont crû que leur hV fîgnifie l'air , je crois qu'ils ont écé
trompez par la relTemblance des noms j cai- i^V vient d'«îip, par une lïmple
tranfpofition de lettres. 7. A\i refte comme la Lune eft la grande divini-
té des Orientaux, il n'y a pas lieu de douter que ce ne foit celleàlaquel-
k.iis ont donné le nom de Reine^ Hérodote nous apprend que les Ara- lî,. j.'^J]^
bes
68o HISTOIREDESDOGMES
bes l'ont adorée fous le nomd'Alilat, &d'Alitta. 11 dit en parlant des
Arabes. Us ne reconnoijfent & n'adorent comme Dieu , cjue Dionyjïus ^ <jails
appellem Vrouilt,^ & Vranie , (ju" ils appellent Alilat. Et ailleurs en parlant
In Tl)aU? de la Religion des Perfes. Ils facnfient , dit-il, aa Soleil & à la Lme ^ à,
fivchb. j.p. i^ terre ^ aCian^aufen &aux vents ^ & anciennement ils ne faifoient desfèr-
* ^* vices cjH'^a ces chofes. tSM^ais ils ont appris des AJfynens & des Arabes a facri"
fier à Vranie. Or lesAJfyriens appellent Wenus Militta ^ les Arabes rappellent
Alitta^ & les Perfes Mithra. 11 ell claii" que cette Alilat ou Alitta, vient
de i'Hebreu thhry ounV^n], halilah, ou haleilaf, qui fîgnifie la nuit parce que la
Lune , qui étoit adorée fous ce nom , brille la nuit, & en eil la Reine.
J'entre tout à fait dans la penfée de ceux, qui ont dit que les Mahome-
tans Arabes ont pris le CroifTant , qu'ils mettent fur les hauts des Tours ,
comme les Chrétiens y mettent des Croix , de l'ancienne Religion des
Arabes , qui adoroient la Lune , 6c non pas de la fuite de Mahomet , qui fe
fauva de Medine à la Mecque , dans la nouvelle Lune.
Mais à propos de ces paflages d'Herodore, voici un autre nom de nô-
tre Aftarté, fous lequel elle eft connue entre les Anciens. C'ell celui
à''Vranie. Et ce nom fait bien voir encore que cette DéefTc eft la. Lune.
Les Grecs fe font perfuadez que ce nom f gnifioit la celefte , parce qu'en
— effet ov;)civoç, en Grec fîgnifie le Ciel, &covpuvioç Ôc ovpcivU fîgnifie celefte.
voff. ub, Voflius_ s'imagine que ce n'eft pas que les Afly riens appellaflent cette Déef-
i. cap. 21. fe Vranie ^ dans leur langue. Mais qu'ils lui donnoient un nom qui figni-
uxani^rqul fioit cclcfte , & que les Grecs ont rendu par celui d'Uranie. Mais je fuis
ne vient pas abfolumcnt dans le fentimcut de Fullerus, qui tient que le nom d'Vrame eu
oXu°n' Phcnicien, de la même fignification que celui , que les Syriens donnoient
mot Syrien, à nôtre Aftarté. 11 ne faut donc pas le dériver du Grec apavwç. Mais de
sddeï^^"" l'Hébreu pi« ^^ii^î , ouran , & ourani , qui fîgnifie lumineux , & le nom
N^3"!l« ^urania, fignifie fans changement lumineuiè & luifante. Ainfî Aftarté ,
c'eftprécifémentlaJunoLucinaà lucendo des Latins. Mais ici furxrenom
d'Uranie , il faut remarquer une erreur de Paufanias , & apparemiuent^es
autres Grecs, qui ont trompé nos Savans, ôc leur ont perfuadé que ce
nom d'Uranie étoit un des titres de Venus, & qu'ainfi Uranie étoit la
inAttieis Vcuus Syrienne, qui depuis étoit pafTée en Grèce. Paufanias dit. Tlusloin
?: 14. du ^g i^ gjj. lejg}^ple de Venus Vranie ^ oudelaVenus celefte ^cjue les AJJyriens ont
adorée les premiers ; enfmtcles habitans de Taphos , dans lUle de Cypre , ceux d'^Afca.-
, lon^ dans la Pakftine , apprirent d'eux fin culte. Apres cela les Cjtheriens l'ap-
prirent des T^he'niciens. Enfin ce fiut ^ABge'e y qui apporta dans Athènes cette dé-
votion ^ quand il crut que ce qu'il n^avoitpas d^enfans, & les calamiteZi qui
arrivèrent à fies fœurs ^ venaient de la colère de Venus. Et peu après il ajoute
que fiur cette Venus Vranie il y avoit une inficriptton , qui fiaifioit voir qWelle
Lib. î. c. 4. étoit Paznée des Parques. Sozomene dit la même chofe que la Venus Syrien-
ne s'appclloit Uranie, Apulée eft tombé'dans la même erreur. 11 con-
P- ^?- fond la Lune, Venus Uranie, & Cerés. Regina cœlt s five tu Ceres alu-
ma firugum parens originalis , quin reperta Utatafilia vetuftiz glandes &c. Mais j'o-
pdée" fe aiTûrer que les Grecs & le^ Latins fe font trompez , quand ils ont crû
Lib. I. cap. qu'Uranie étoit un titre de la Venus Syrienne. C'étoit le nomdejunon.
morpb.* Cela eft clair par le paffage d'Herodien,que nous avons cité, 011 il dit
expreilément , que celle que les Phéniciens appelloient Aftroarche , ou
Aftar--
ET DES CULTES DE L'EGLISE. Part.W, 68i
Aftarté, Vranie^ cfiimam que c'efi la Lune. Au refte Hérodote ne favo-
rife point du tour cette confufîon de la Déefle Uranie avec la Venus Sy- Fwrt« rcmou
rienne : au contraire il les diflingue fort nettement." Il dit bienqu'Uranie^ll"'^'!'
s'appelloit Alitta chez les Arabes, mais une dit pas que Adylitta^ quicer- ^'<^'', ««'«
tainemeiît étoit la Venus Syrienne, s'appellât Uranie: Ainfi comme ov) ^l'^"^^^^
a tort de confondre Aftarté 6c la Venus Syrienne, on a tortaufîidecon- '"•/'« '«
fondre leurs épithetes. Le titre à'Vranie^ qui fignifieluifante, convient ^'11/;!;^'"''''
très-bien à Altarté, qui étoit la Lune. Mais il ne convient pointa la Venus ^^^"-"^ '>""-
yriisnne, qui etoit la nature en gênerai, comme je le ferai voir. div/rfiiaiem
Apres avoir vu quelle partie de la nature étoit adorée fous le nom d' Af- <?"^''''" .
tarte, il faudroit voir quelle femme étoit cachée là-deflbus. C'eft la fem-^Tr^"'^
me de Moïfo-, Sephora, (î l'on en croit Monfieur Huet. Je ne m'op- ^P"'^^ ...
poferois pas à cette conjedure , mais j'avoue que je ne la goûte pas 3 u.
& je ne la voi appuyée d'aucun fondement. . Puifque Bahal eft Ju-
piter , 6c que l'un ôc l'autre eft Gham , je croirois plutôt qu' Aftarté
6c Junon, étoit l'une des femmes de Cham, la Mère des Cananéens de
des Phéniciens. Mais c'efl: une conjedure dont nous ne (aurions ap-
porter aucune preuve , parce que l'Ecriture ne nous ayant rien dit
des aétions 6c des aventures des femmes de Cham, deSem,6cdeJaphet,
nous ne faurions comparer ces aventures avec celles des DéeftesdelaFable,
pour en tirer des lumières. Lucien, dans la DéefTe Syrienne , nous ap-
prend qu'il y avoit une vieille tradition entre les Prêtres du Temple d'Af-
tarté, que cette DéelTe étoit Europe, fille d'Agenor, 6c foeur de Cad-
mus : cela ppuiToit être 5 n'étoit qu' Aftaroth , ou Aftarté, eft apparem- '^"'<'"'
iment plus vieille que Cadmus. Le Jefuite Petau met Cadmus dans hc.». part.i.'
commencement des Juges. Mais il y a apparence qu'Aftaroth étoit con-
nue entre les Phéniciens , avant que le Peuple d'Ifraël fortlt d'Egypte.
CHAPITRE VL
De la Fenus Syrienne ô- de Thammus.
JE viens à une autre DéejTe Syrienne , c'eft leur Venus. L'Ecriture ne
nous en parle pas , que je fâche. Mais elle nous parle d'Adonis fous
le nom de Thammm. Et cet Adonis eft inféparable de Venus. C'é-
toit une même dévotion, un même Temple, 6cles mêmes myfteres.
C'eft Ezechiel , qui nous parle de ce Thammus. // me fit donc entrer par Cap. 8.VVÎ4
le guichet delà porte de Umaifon de PStemel^ Cjui efi vers Aquilon ^ & voici il
y avoit la des femmes ^ qui et oient ^ffifes en pleurant Thammus. Nous ne ti-
rerons aucune lumière fur ce Thammus, des monumens à&s Rabbins j
comme ils n'avoient aucune teinture de la littérature d^s Payens , par le
fecours defquels il faut connoître leurs divinitez , ils ne fauroient nous en
rien apprendre. Ce qu'ils endifent font des fables. Par exemple, Kim- ï" îocutr!
chi dit , que c'étoit une image, dans le creux des yeux de laquelle on ver- ^^^ "^^^^°
foit du plomb, 6c quand on yappliquoit du feu, die pleurois. Maimo-
Part. IV. Rrrr mdcs
*
682 HISTOIREDESDOGMES
r Ne- "i^^s dit cjHfThiimmus était un faux Prophète ^qui vouloil perfuader un certain Trin^
Tothim. ce d'^adorer les fept planètes , & les douze ftgnes : Surquoi ce Prtnce avott commandé
qu'ion le jh mourir d'aune mort cruelle. La nuit même de cette exécution toutes
les Idoles de toutes les parties de la terre s^uffemblerent dans le Temple de "Baby-
loae^ autour de la grande image d'or, qui étoit Pimage du SoUtl fufpendue en-
tre le ciel& la terre. Cette Idole fe jetta fur le pa'r^é duTemple .^ & tomes les au-
tres Idoles étaient à Pentour^ pendant que 1 hammus leur récitait fis aventures.
Et toutes ces Idoles à ce récit pleurèrent , & lamentèrent toute la mut. Et quand
le matin fut venu elles s^envolerenî toutes , & retournèrent chacune dans leursTem-
pies. C'cit, dit-il, de là qu'eil venue la coutume de pleurer Thammus.
Cette fable eft fans fondement. Il faut poferpour principe que cette ido-
lâtrie étoit empruntée de quelqu'un des peuples' voifms delajudée, com-
me toutes les autres. C'eft pourquoi il faut voir fi dans le voifinage de la
Judée nous verrons quelque chofede femblable.
Là-defllis il n'y a rien de plus apparent quecequ'a dit S. Jérôme, dans
fes Commentaires fur Ezechiel en expliquant le paflage de Thammus.
în s.Ezecb. Le tcxtc de S. Jérôme ell long, je neletranfcrirai pas ici, mais il revient
de"s'Teiô- ^ ^'^^'' ^^ ^^\on la fable des Payens, Adonis étoit le mignon de Venus,
nvîkni un très beau garçon, qui fut tué par un fanglier au mois de Juin, 6c qui
opïorTé^&^pî'^s' étoit reiiufcité, Ôc que le mois dejuinavoit emprunté fon nom de
approuvé, lui. Quc daus cc mois les femmes avoient accoutumé deluicelebrerune
fête foiemnelle , dans laquelle premièrement on le pleuroit comme mort,
Enfuite onle chantoit, & onle louoit comme reflufcitc, ôc comme vi-
vant. Il ajoute que les fages Payens interpretoient cette fable d'Adonis
mourant & relTufcitant, des femences qui tombent enterre, quis'ypour-
rillént, & qui regerment. C'étoit donc Adonis le mignon de Venus,
que les femmes de Jerufaîem pleuroient. Il me femble qu'on ne peut pas
douter de cela, quand on a lu ce que nous apprenons des Hiftoriens , tou-
chant cette Venus Syrienne.
In DeaSyria I .C'eft cellc que l'Auteurjfous Ic nom de Lucien5appeIlelaVenusdeBibIis,
^°"nK"' & ce qu'il en dit eft trop remarquable pour être négligé, quoi qu'il foit un peu
long, f'ai vu , dit-il , à 'Biblis le grand Temple de Fenus , ok Von célèbre tous les
^QtihU^zÇ- ans les mifleres d'Adonis ^aufquels je fuis initie. Car on dit que ce fût en cepais-là
îendu^ Lu-^ '^^'^^ ^^^ '^''^^ P^^ ^^ j'^?7^AVr , & en mémoire de cette aventure an lui fait tous
cien fur les ans un deuil public , ou Pan fe bat (^ fe lamente , puis on lui drefje desfune'
amante d\A- ^^'^^^'^■' comme à un mort , bien que le lendemain on célèbre fa refurreùlton , car
doaiï. on dit quil s'^efl envolé dans le Ciel. Et Pan fe rafe la tête , comme font les.
Egyptiens à la mort du bœuf Apis. Les femmes qui ne veulent pas être ra-
fées , font contraintes de fe profiituer tout un jour aux étrangers , & P argent
qui vient de là eft confacré à la Dée^e. Mais il y a des Bibliens qui di-
fent que c''efi pour Ofiris , que fe font toutes ces cérémonies ^ & qu'ail eft enter-
ré en leur pais , (^ non en Sgypte. Et pour marque de cela , il arrive tous
les ans une têie faite de Papyrus.^ qui eft portée par mer d"* Egypte à BibliSy
en tejpace de fept jours. Et je Pai vue moi-même. Il y a encore une autre
merveille dam ce pais-la. C'eft qpPune rivière qui porte le nom d"^ Adonis .^
t & q^-i couls du Liban dans la mer , change à,e couleur en certain tems , c^
teint la mer comme de fang. Ce que Pon regarde comme un miracle ^ Ô" c'eft
U îsms quon prend pour célébrer lei myfteres d'Adonis^ parce qu'on croit que ce
fut
ET DES CULTES DE L'EGLISE.P^r/.IV. 683
fut alors ijuilfiit blejfé dans hforèc du L?'^4«. L'Auteur ajoute peu après.
Du refle je fais monté de Biblis fur le Liban , le chemin d^k-ue journée , mur
voir un Temple de Venus fort ancien , cjui a été bâti par Cynire. C'eft cette
Venus, qui eft appellée auflî Jphacis, ou Aphacitis , dont parle Sozome- Hift. EccieC
ne. Conflantin^ dit-il j détruift le Temple de Venus ^ quiefl en Aphacus ^ <?«. Iib.2.csp.4,
tour du Mont Liban , & prés du fieuve Adoras ^c. Ils difent qu'^à certain
jour de Vannée ^ après une invocation à la Déeffe ^ on y voyait comme une étoi"
/(?, cjui fe levait du fommet du Mont Liban ^ & i]ui en courant s'^alloit précipi-
ter dans le fleuve, & ils difoient que cette étoile était Vranie , car âejl ainft qu'ils
fippelloien^ Fmus. Socrate place auffi en Aphacus ce Temple de Venus, socrates Ub.
lequel Conftantin détruifit. Pareillement ^ dit-il, il démolit le Temple de Ve- ^j^' '^^^jg.
nus , qui était en Aphacus , & abolit toutes les cérémonies impures & honteujes fiaft.
qui fe faifoient en ce lieu-là. Eufebe, dans la vie de Conftantin , pofe ce
Temple de la Venus d' Aphacus au fommet du Mont Liban, êc dit qu'il
étoit bâti hors du chemin, dans un lieu écarté au milieu du bois. Et il
nous répréfente les abominations qui s'y faifoient , en ces termes. C^étoit
comme une école d^* impureté à ceux qui étaient adonnez, à la luxure , ^ qui avaient
amolli & énervé leurs corps par leurs débauches. La certains hommes , lafcifs &
efjéminez^ , & qu'ion ne peut appeller des hommes , fe fouillant dans une. infâme
prof it ut 2 on j appaifoient le Démon ^ & lui fer voient. Outre cela dans ce Iteù-là
on fe fouillait avec les femmes d'aune manière abominable ^ ^ fous le nom d'un
faux m^.riage , ils s'' accouplaient clande(rinement ,& Ton commettait dans se Tem-
pie les plus fales allions , comme dans-un lieu impur. Et il n'y avait perfanne qui
châtiât ces crimes ^ au qui les connut , parce que les gens braves & honêtes n^o-
foient pas approcher de là.
Macrobe l'appelle la Venus Architidis. Seldenus veut que nous liiîons samm. iik
Aphactttdis. Il a fans doute plus de raifon que Voffius , qui lit Feneris J;„"J;/'^'
Atergatis , ou Dêrûetidis 5 car ce que cette leçon de Voffius fuppofe eft de Mactobe
faux, que Dercetô, ou Atergatis, eft la même DéeiTe.que la Venus Sy- yenus"^
rienne. Macrobe nous dit que le fimulacre de cette Déefle répréfemoit
une femme en deuil, couverte d'un voile, le vifage trifte , Ôc dont les
larmes paroiiToient couler fur fon vifage. Simulacrum hujus 'Dca , in mon-
te Libano , fngitur capite obnupto , Jpecie triBi^ faciem manu Uvaimra annUum.
fuftinens, lachryma vifoneconfpicientium manare credimtur .
Il y a quelque différence entre les Auteurs pour la (ituation de ce Tem-oi^erenccs
pie & du iimulacre de cette Venus. Car les uns la mettent dans la ville ^'^"ç^u/^r
.de Bibios, les autres fur le (ômmet du Mont Liban, 6c les autres dans un le lieu où
lieu nomjné Aphacus. Biblis, ou Bibios, étoit une ville (ituée aflezprés 5!°^' 1^^^
des racines du Mont Liban. Zoilme nous apprend la fituationd' Aphacus. la venus sy-
Aphaca eji un lieu entre Heliopolis & Biblus , où il y a un Temple de Venus, fon^ rêcon-
Je fuis trom|^ fi on ne les peut accorder ain(î par Lucien. C'eft que le Lucien^"
Temple de venus Biblienne étoit dans la ville de Biblus. Maisilyavoit
un autre Temple de la même Déefle , ôc pour la même dévotion fur la
montagne du Liban. Car Lucien dit qu'il étoit monté une journée de
chemin fur le Liban, pour voir un Temple de Venus fort ancien , qui a
été bâti par Cynire. C'eft fans doute le Temple d'Aphacus , £<; c'eft là
où fe ceiebroient principalement les myfteres delà Déefie. Le boisôcla,
Rrrr z» foli-
684 HIST OIRE DES DOGMES
folitude, oïl il étolt bâti, étant propre pour les myllercs , fur tout pour
des myfteres infâmes.
De la fêre De touT ccla il paroît qu'à certain tcms de l'année les Phéniciens avoicnt*
d* Adonis, j^jj^g îèie, dans laquelle les femmes menoient deuil Ôcpleuroient avec leur
Venus, affligée de la perte de fon Adonis. Et comme Biblus , & Apha-
cus, étoientvoilines de la Judée, il n'eil rien de plus vrai- femblable que
cecij c'eft que les femmes Juifves , dans le Temple de Jerufalem, cele-
in schoiiîftc broient la fête dcVenus,6c de cet Adonis.Cette fête s'appelloit chez les Grecs
Anftophi-^ A'5wv/«fl-ap? , & ils l'interpretoient d£7r/TcSî A"Jwv/ ôpîjvoç, deuil fur Adonis ^d\\.
ais,i..pa£x. i^g^^i^jyg Et il y a apparence que les Hébreux celebroient cette fête, à
l'imitation de leurs voifîns, dans le mois de Juin, environ le Solfticed'E-
• té : car les Juifs appelloient le mois de Juin Thami^uz , & le Solftice d'Eté ,
mVi ns»pn ^revohiîioThammuz., Mais d'oii vient ce nom de Th^mmus,ôc
quel rapport avoit-il avec Adonis? C*eft dequoi l'on ne trouve rien dans
les Anciens. Pour moi je croi que c'eft une des épithetes d'Adonîs, &
qui vient de ifôn , lham[u\ en changeant de (îtuation les deux dernières
lettres; Thamfu Çigmûe perfeBus ipfe, un homme parfait, ce qui con-
vient parfaitement à celui qu'on faifoit le mignon de Venus.
Lsfêted'o- ^^ ^^^^ '^ ^"^ remarquer que ce deuil de Venus pour Adonis , eftab-
firisperduSc folumcnt fcmblablc à celui d'Ifis en Egypte, pour la perte d'Ofiris. Car
éftTa"même ^^^^ ^^ même qu'en Egypte cette fête avoit deux parties, dont l'une s'appel-
que celle loit «cpûw/fT/^oç OJiridîs , dans laquelle les femmes pleuroient la perte d'Ofiris,
ion°&" ef- ^ l'autre s'appelloit £vp£(Tiç , fon retour, dans laquelle les femmes fe ré-
fafcité. jouilToient , parce qu'Ofii'is étoit retrouvé. Pareillement dans cette fête
d'Adonis, Lucien nous apprend qu'il y avoit deux parties , premièrement
on pleuroit Adonis mort & perdu. Puis on le celebroit comme reflufci-
té. Auffi Lucien nous remarque-t'ilque c'étoitle fentimentdesBibliens,
que cette fête étoit confacrée à Ofiris. Et la preuvônqu'il en apporte ,
comme témoin oculaire, eft forte. C'eft que tous les ans on envoyoit
d'Egypte à Biblos un vaifleau , comme une tête de bois flottante, qui
fans guide paftbit la Mer en fept jours. Ce que Procopius nous explique plus
inifaïan. amplement, en difant: que tous les ans l^ hahitam à'^ Alexandrie préparent
ï«. X. un pot ^ QT y renferment une lettre ^ adreffée aux femmes de Biblos^ ejui leur
apprend qu^ Adonis efi retrouve'. Enfuit e féellant ce pot ils le mettent fur la Mer^
ils font fur lui ijuelques cérémonies^ ils lui commandent de partir. Et ce pot
part incontinent tout feul, & s*en va à Bihlus , ou il fait cejjer le deuil des
femmes.
:Pâffagc du C'eft par cette coutume que Procopius explique le commencement du
J^Éfaï^^ê - ^^' ^^^P* des Révélations du Prophète Efaïe, oîi nous lifons , félon l'He-
jliqHé. breu. tyKalheur au pa'ù , qui fait ombre de fes ailes ^ qui efi par delà les fleu-
ves de Cus^ qui envoyé des Amba^'adeur s par %^A^er ^ dans desvaiffeaux dejonc^
difant , allez, meffagers de viteffe. Les Grecs ont tourné , qui énvoyent desga^
ges , ou des otages , par la Mer , & des lettres de papier^ ou dejonc, értço7\.à,ç Bi'^hivaç»
Le mot cn>ï , que nous avons tourné Ambafadeurs,èc que les Grecs oçt tour-
né dy^v]pa , gages^ou oV^^w,fignifie auftî des Images,ou des Idoles^de forte qu'on
pourroit tourner , Malheur au peuple , qui envoyé des Idoles par Mer^ dans des vaif
féaux dejonc^& qui difent ^allez. vzte.Ceh conviendroit encore mieux auxEgyp-
liens, qui envoy oient par Mer tous les ans le nom d'Adonis , ou d'Ofiris , re-
trou-
ET DES CULTES DE L' E G L I S E. P^r/f. IV. 68f
trouvé. Je tiens donc que la Venus Syrienne étoit la même que l'Ifis
des Egyptiens, & qu'Adonis eft Ofiris. Stephanus de Urbibus les prend
pour les mêmes, 6c dit. Amathus efî une ville de (jpre fort amienne ^ dam
laquelle on adoroit Adonis OJîris , quiefl Egyptien , c^ que les Cypriots , & les Phe'-.
niciens s'attribnent. Mais cela me paroîf clair parce que le Prophète Eze-»
chiel, dans le chap. où il parle deThammus, dit, qu'ail entra & regarda ,
& voici toute figure de reptiles ^ & de bêtes ^ chofes abominables. Et tous les
Dieux de fiente de la maifon d^Ifiaël étaient peints fi^r la muraille ^ tout à f en-
tour. C'eft le culte d'Iûs^cultus Ifiacus, que les Ifraëlites avoient adopté,
6c joint avec la Venus de Biblis, qui eft î'Ifîs des Egyptiens. Or l'on fait
bien que dans cette Religion d'ifis , on adoroit prefque toutes fortes de
reptiles 6c de bêtes , les ferpens , les crocodiles, les chiens, les chats,
les bœufs , les moutons , les loups , les fînges , l'ibis :
crocodilon adorât Juvenal.Sat
^ars hac: illa pavet faturam ferpentibus ibint ïj.
Effigies facri nitet aurea cercopitheci.
lUtc ctzruleos^ hic pifi:em fluminis^ illic
Oppida tota canem venerantur^ nemoT^ianam ècc.
Ainfî Ifis 6c la Venus Syrienne font la même Déefle. Mais cette Ve-
nus n'eft pas la même qu'Aftarté, comme nous l'avons déjà remarqué
ci'devant.
Je ne fai pourquoi l'on veut que la Syrie n'eût qu'une Déefle , fous dif-
ferens noms , pendant que toute la terre en avoit tant. Il me femble que
nous ne faurions lui en donner moins que les quatre , que Lucien diftin-
gue (î nettement, Derceto, Aftarté , la Venus Syrienne , 6c la Déefle
Syrienne. L'autorité de Ciceron , qui nous a dit , qu'Aftarté tfi la Venus j-jp g^ j»^
Syrienne , née de la ville de Tyr , ejui a été mariée à Adonis , ne me paroît pas
d'aflez grand poids , pour nous faire renoncer aux preuves , que nous
avons du contraire. Afl:arté étoit la DéeflTe des Sidoniens , 6c la Venus
Syrienne étoit adorée à Biblis. La première étoit Junon, 6c la féconde
eft: appellée Venus par tous les Auteurs. Venus eft: jointe avec Adonis ,
dans la Religion , 6c dans les myfi:eres. Il n'y a que ie feul Ciceron , qui
ait marié Afl:arté avec Adonis. Nous ne lifons rien dans les Auteurs , qui.
nous puifle faire foupçonner que dans les fêtes d'Afl:arté , on pleurât la
perte de fon amant, & qu'en fuite on fe réjouît de fa refurredion, comme
on faifoit dans celle de Venus.
Rrrr 3 CHA'
686 HISTOIRE DES DOGMES
CHAPITRE VIL
Dietîx Naturels cachez fous Venus ér Aàonis , c'^efi Ifis , la m-
'^ ture univerfelle , & le Soleil,
IL me femble qu'il ne nous fera pas difficile ,de pénétrer dans les myf-
teres de Philofophie , qui étoient cachez fous Venus 6c Adonis , ôc
voi vomus quels Dieux Naturels on adoroit là-deflbus. Je ne fuis point du fenti-
Jib.2. c.zr. jj^gj^j. jjg j,g^^j^ q^^ veulent que Venus fût la Lune. Pour Adonis, i'avx)uë
que c'eft le Soleil. Le nom d'Adonis convient très-bien à cet Aftre, car
ce nom fignifie Seigneur, dans la langue Phénicienne, nnx jAdoni, com-
me prononcent les Hébreux , c'eft-à-dire , Monfeigneur, comme Bahali. Le
nom de Thammuz. , ou 7 amÇn , qui fignifie perfedion & beauté , convient
aufîi très bien au Soleil.
Ce quec'eft Mais quant à la Venus Syrienne , je ne doute point que ce ne foit la
que laDéef- naturc univerfelle , & la vertu générative qui y efi: répandue par tout.
Comment." C'cll pour Cela que cette Déefl^e , félon le témoignage d'Hérodote , eft
inFragm. appcllée par les Allyriens Mylitta. C'efl: un mot Afiyrien qui fignifie gc
neratriXj mdtSw , Mulidta. Scaliger l'a bien vu, & cela n'étoitpasdif-
ee quec'eft ficile à reconnoître. Hefychius nous dit que chez les Chaldéens & Ba-
pim^»nï' byloniens Venus s'appelloit èsisQdr'y ce nom peut venir de e]S"T, dalaph,
Hefychius. qui dans Laugue Sainte fignifie y?ï7/<îr^j dégoûter. Non pas, comme a crû
sym^gm. a. Seldenus, par aliufion àcc que difent les Grecs,que Venus s'appelloit A'cppoh'-
c. ^4- Tvj àro tS àcppb, qtiajî ex (tilUme fpfima. Mais parce que c'efc la nature,
qui diftille, &qui fait tomber les pluy es fur la terre, pour la rendre féoon-
DehDéefîè de. Elle s'appelloiL auffi Salambo. EUus Lampridius nous ditqu'Eliogaba--
viu"£iiôA" ^^ n'oubliant aucune des fuperllitions de fon païs, CdY il étoit Syrien, fit
baii,apud° celcbrcr la fête de cette Venus Syrienne , avec les lamentations , ôc les
dfunf"" ^^^^ dejoye, qui expient ordinaires dans cette fuperflicion. Sdambonem
etiam ojn/ii plan^n , & jaaatlone Syriaci calm-s exhihmt, Hefychius nous ap-
prend que cette SaUmbo^ cefi Fenus entre les Babyloniens. Ce nom peut fi-
gniûer pax in ipfo, ii nh'^^ il y a paix en lui. Et cela ne conviendra pas
mal à la nature, dont les parties font fi admirablement liées, 6c s'entre-
tiennent dans une perpetqelle union. Cette étymologie me paroît plus
Vofr.iib.2. vrai - femblable , que celle que yoffius a adoptée , ôc tirée
^' ^- du grand Etymologicum. C'eft que Sdan^bo vient de o-^Aoç, qui fignifie mou-
vement , & aufii ia Mer , à caufe que Venus tient l'ame dans un mou-
vement ôc dans une agitation perpétuelle , par les défirs & par les
foins. ^
s/nt.a.c. 4. Seldenus nous apprend que Venus entre les Arabes étoit appellée Cabiir
ou Cuhar. Et il nous cite un paflage d'une Catechefe , compofée pour
l'inilruâion des Sarrazins, dans laquelle on leur fait abjurer leurs fuperf-
titions, 6c entr'autres on leur fait dire. f'anmhematifeceHx qui adorent l' af-
tre
ET DES CULTES DE L'EGLISE. Tart.lV. 6S7
tre du matin , ou l^ étoile du jour èmO^'y^oc, , i^ Venus cjtte les Arabes appellent
dans leur langue (^abar. Vous voyez que cette Catechefe diftingue Venus 5
de rétoile du mktin. Aiafi cette étoile appellée fW^opoç, Lucifer , n'eft
pas la même chofe que (^abar , mot qui Çignikt grand ^ dans les langues Orien-
tales T33. Or ce nom convient à la nature mieux qu'à quoi que cefoit;
car la nature eft le grand principe de toutes chofes.
Dans le Traité du Veau d'or, je penfe avoir prouvé très évidemment
qu'Ifis eft la nature univerfelle. Or il eft clair que la Venus Syrienne eft
la même qu'Ifis, tant par le rapport qu'il y a entre leur culte, que parce
que \qs femmes Egyptiennes j quand elles avoient cefle de pleurer Ofiris,
donnoient avis aux femmes de Biblis , qu'elles cefîaifent de pleurer Ado-
nis. C'eft pourquoi il eft clair aufti que nôtre Venus Syrienne eft, comme
I/is , la nature univerfelle.
Nous trouvons dans les notes de Grotius , fur fon livre de la Vérité de Page 40.
la Religion Chrétienne , une tradition touchant la Venus Syrienne, qui ^^'"«"i"
me paroit divme pour prouver mon lentmient , que Venus eft k nature
univerfelle. C'eft que Venus eft venue d'un œuf couvé par des pigeons.
Il cite un paflage de Nigidius , tiréduSchoîiafte de Germanicus , en ces
termes. Ibi ovum invenijfs mira magnitudinis , ejt^od volventes , in terram eje- Libro ad
c^unt , at(^He ita coj^mbam infedijje , & pojîr alicjiiot aies exclupjfe, Deam Sy- ^*<="'i"™-
m, (^titz vocatur Venus. Et un autre d'Ampelius : Dicitur & tn Euphratis
fluvio ovum pifcis columbam adfedijfe dies plurimos , rj exclHpjJe Deam béni-
gnam ^ & mifericordem homintbus , ad bonam vitam. Cet œuf couvé, d'oii
eft née Venus, évidemment eft le Chaos , fur lequel l'Efprit couvoit ,
nsmD , Merachephet , incubabat. C'eft la vraye figni/îcation du mot, qui
exprime , félon le fentiment de tous les Hébreux , l'aélion d'un oiîèau ,
qui couve fes œufs. Or quelle eft cette Venus , qui eft fortie de ce
Chaos , de cqi œuf couvé.'* il eft clair que c'eft la nature univerfelle. Et
par conféquent la Venus Syrienne eft la nature Univerfelle. De cette fa-
ble fans doute eft venu le refpeél que les Syriens avoient pour les' pigeons^
ÔC que les Poètes Grecs ont aiellé dts pigeons au char de Venus.
Perfonne n'a approché plus prés de cette vérité que Macrobe. ^do- Satum.ub.i,
mm^ dit- il , cjuoqMe Solemejfe non dubitatur^ infpeUa Rcligione <t/4ffjriorum , "P-
apud cjuos Veneris ^^rchitidis & Adonis maxima olim veneratio viguit , qnam
nunc î^hosnices tenent. Nam HPhyfici ternz fuperius HemtfphdriHm , cujus par-
tem incolimus ^ Veneris appellatione coluerunt , inferius vero Hemifphi&rium terra
Projerpinam vocaverunt. Ergp apud AJJjrtos , five Phœnices^ lugens inducitur
Dea, ^uàd Sol annuogrefuper duodecttn Jignorum ordinem pergens ^ partemijuo-
que tnferions Hemifpht&rii ingreditur ^ quia de duodecim Jignis Zodiaci ^ fex fu-
periora , fex inferiora cenfentur. Et cum e[i in infcrioribus , C^ ide'o dies bre»
vicres facit ^ lugere creditur Dea ^ tamquam Sole raptu mortis îemporalis amijjo ^
^ à Proferpina retento , quam nuwen terra inferioris circuli , <& Antipodum dixi-
mus. Rurfâmque Adonim redditum Ver.eri credunt ^ cum Sol evi5tis fex Jignis
annuis inferioris ordinis , incipit noflri circuli lujtrare Hemifph&rium cum tncre^
mento luminis ^ & dierum. Ab apro autem interemptum Adonim tr-idunt ^ hie-
mis imaginera in hoc animait frgent es ^ quod aper htfpidus ô" (vfper gaadet lacis
humtdis c^ lutojts , pruinâque conteBis , propriéque hîtrrïali frutiu paicttur glan-
de. Eniuite*il nous dépeint leûmulacre de la Venus Syrienne, comme
nèus
21.
688 HISTOIRE DES DOGMES
nous avons vu, ceft- à-dire, d'une femme en deuil, qui eft voilée, qui
appuyé fa tête fur fa main gauche, 6c qui pleure. Puis il ajoute , cjjua ima^
go , prAterojtiam tjHod Ingentis ejîr ^ {ut dixtmus , ) ,De& , t^irréi quocjne hiemalis
efl , ojtio tempore obnnpta nubibus , foie vidnata , fiupet , fontépjue velml terra
vchU uberius man/mt : agricjHe iterum fuo cultu vidai mœfiam fuifaciem mon-
firant. Sed cum Sol emerfertt ab inferioribus partibtts terrât^vernalifc^ue (zqmnoïlii
tr(tfi(greditftr fines , aagendo diem , tune (^ f^enus Uta^ ^ pulchira virent arva
fegetibus , prata herbis , arbores folUs. Ideo Majores nofiri Apnlem men[em Ve^
mri dicaverunt.
ï.î Mytho- Tout celaalloit le mieux du monde, fî Macrobe n'eût pas tant refler-
M^robe ^^ ^^ Mythologie 5 & n'eiit pas reftreint la Venus Syrienne à cet hemif-
teaifiçe. phere de la terre , qui nous eil connu , ôc qui eft échauffé par les rayons
du Soleil , quand il eft dans nôtre Solftice. Il eft vrai que la Fable dit
qu'Adonis ayant été tué par un fanglier , Venus ne pouvant fouffrir d'en
être privée, décendit aux enfers pour le ramener, que Proferpine en étant
. Stt îiiumuto devenue amoureufe, ne vouloit point le rendre à Venus. Mais qu'enfin
UafkTheo- ^^ compofition fut faite par l'entremife de Pluton, 8c qu'il fut arrêté qu'A-
ctiti , in donis feroit llx mois à Proferpifie , ôc fix mois à Venus. Mais je voudrois que
ixijii î. Macrobe eût interprété un peu autrement cette fable,ôc qu'il eût dit que Ve-
nus eft, non feulement cefhemifphere de la terre, qui^ft fous nos yeuî^
mais cette partie de la nature univcrfell^e , qui nous eft connue. Que Pro-
ferpine fîgnifie cette autre moitié de la nature, qui eft dérobée à nôtre
vûë. Et que ce deuil de Venus répréfente le trifte état , où la nature eft
réduite dans l'abfence du Soleil. Car ce n'eft pas la terre feule, qui lan-
guit durant l*Hiver, c'eft toute la nature. Ildevoit dire que la joye, que
l'on fait paroître dans la célébration des myfteres de Venus, quand Ado-
nis eft retrouvé , fignifie la joye de la nature en général , au retour du
Soleil. Et de cette manière toutes chofes s'accorderoient le mieux du
monde avec nôtre conjeébure, & la Venus Syrienne ne feroit pas reftrein-
te à la terre feule.
Car je ne voi pas pourquoi les Syriens , qui adoroient la terre fous le
nom de Berith , ou de Déefle limplement , l'euiTcnt encore adorée fous
le nom de Venus. Il vaut mieux dire que fous les noms de leurs quatre
Déeiïès , ils adoroient quatre chofes différentes. Sous le nom d'Afiarte\
la Lune , la Reine des cieux : fous le nom de Déejfe Syrienne, Cybele ou
la terre : fous le nom d'Atergatis , ou Derceto , qui avoit la figure de
poiflbn , depuis la ceinture en bas , la Mer , que les Grecs appelloient
Amphitrite : ôc enfin fous le nom de Venns , la nature univerfelle , qui
mariée avec Adonis , qui eft le Soleil , eft le principe de toutes les géné-
rations du monde,
nyasppa- Voila quels font les Dieux Naturels, qui étoient enveloppez , fous les
ve"& Abd' voiles de la Venus Syrienne , & de fon Adonis. Mais pour les Dieux Ani-
foni^chez maux , c'eft-à-dirc, les hommes adorez fous ces noms , je ne les connois
*' ^ ^^' point. Si ce n'eft que je trouve vrai-femblable que fous le nom de Ve-
nus, les Syriens ont confacré Eve , la Mère de tous les vi vans. C'eft
pourquoi ils lui ont donné le nom dç. Mylitta , qui Çignide. genitrix ^ parce
qu'elle eft la Mère de tous les hommes. Ils l'ont appellée Cabar , la gran-
de, parce qu'elle eft la Mère, & comme la tige univerfelle detoutlegen-
* re
ET DES CULTES DE L'EGLISE. TartAV. 6%j
dre humain. La mort d'Adonis, le deuil de Venus fur cette mort , Se fa joyc
furie retour à la vie de ce garçon qu'elle aimoit,peut avoir été tiré de \%
mort d'Abel , de la douleur qu'en eut Eve , & de la joyc qu'elle eut ,
quand elle vit en quelque forte reflufciter ce fils, dans un autre que Dieu
lui donnai ce qui lui fit dire, Dieu m'a donné une mtre femenc^ en la place
d'Ahel, J'abandonne ces conjedures auxSavans.
CHAPITRE VIL
De Succoth'Benpth y ou Venus Babylonienne,
Voici Venus (bus un autre nom, ou peut-être une autre Venus, mais
félon moi c'eft la même. C'eft la Venus des Babyloniens. Je ne fai
qu'un lieu oii il i^ous foit parlé de cette Venus , oii elle efl appellée
Sticcoth 'Benoth. C'eil'dans l'Hiltoire du tranfpert des Tribus par Salma-
naflàr Roi d'Aflyrie. Ce Prince fit venir de l'Orient divers peuples pour
habiter en Samarie : favoir des gens de Babel, de Kuth, de Hava, de Ka-
math &: de Sepharvaïm. Chaque nation fit Ces Dieux ^ & les mirent dans les 2. Rois t?^
maifons des hauts lieux qu^avoient faits les Samaritains. Chaque nation les tnie '^'
dans les villes dans lefquelles ils habitoient. Car les gens de Babel firent Succoth"
Benoth. Les Hébreux difent que cette Succoth-Benoth , étoit une poule
avec (ts pouffins : C'eft une vifion que nous ayons déjà rejettée dans le
chapitre de Nergal. Ils veulent que >wd , fignifie un coq, àcaufe d'un NotaWe er-
paflage de Job, oî^i il y a n:>a ^ix''? \rù >o, ce que la Vulgate Latine a ^^l^^'l\f^
tourné, quis dédit ga lia intelligent iam ? qui a donne' intelligence au coq ? Cefi Jobchap.j».
une vieille tradition des "^R^abbins^ que leurs maîtres^ n"" entendant point le mot de *' ^^'
^id::', run d^eux appelle' Rabbi Simeon voyageant en Afrique , il entendit qu'ails Talmud.
appelloient une époufée ^£3:3 , une Nymphe y & un coq , MDty , d" que cela lui ap- \ll^^°^^'
prit le fins de ce pajfage', il a donné intelligence ^ ^IDîi'S . De ce finguiier maf- cap. 3.
culin vient , félon eux , Succoth , qui doit ngnifier la femelle d'un coq } ^py Abar-
une poule ou des poules. En y ajoutant Benoth, qui fignifie des filles ou zlReg."^
des enfans,c€]a fera une poule avec fes filles. Cela eft digne de Tefprit de
ces grands maîtres. Cependant il y a des Chrétiens qui y ont voulu trou-
ver du fens. Si je m'en Ibuviens bien, Kircher veut que fous cette poule ,
6c fous ces poLiffins, les Babyloniens adoraflènt, comme fous un emblème, ^F^^ms.
quelques-unes de ces conllellations , où les étoiles font preflees , & corn- oedip!"
me amoncelées, telles que peuvent être les Pléiades, les Hyades, ou celles '^^sypr. syn-
. qu'on appelle Vergiliac. «gi"-4-
Il y en a d'autres qui veulent que cette poule fût l'emblème de Venus 5 Tradition
parce qu'il y avoit une tradition entre les Babyloniens , qu'un grand c^ui ^esBJbyUi-
avoit été rencontré fur le bord du fleuve, que les pigeons l'avoient couvé, "içjjs furja
& qu'après quelques jours il en étoit forti une Déelî'e , qui eft la Déefié venus"'^^ *
de Syrie , qui s'appelle Venus. On croit que cela pouvoit être v€nu de V'^^ Gro-
i>r-»-n ■ j 1 /^ •' V -1 n î- \ir^r • • ■ tium de Ve»
1 Hiitoire de la Création , ou il elt dit que 1 Elprit couYOït nsnirj , incu-iit, Reiig
Furt. IV. ■ Siff ^^k/chiift.
690 HISTOIRE DES DOGMES
Chrift. in babdt m^dlina , comme une poule fur le monde , 6c de làeft éclofe la na-
ub^i P40. ^wre, que les Payens ont adorée fous le nom de Venus.
. Mais après tout, je penfe que les peines que l'on fe donne pour embel-
lir ôcpour éckircir la penfée des Doéteurs Juifs eft aflez inutile. On les
fait plus habiles qu'ils ne font. Et je croi qu'ils n'ont jamais penfé à Ve-
nus,& à la manière dont les Babyloniens difoient qu'elle étoit née. Au refte
comme cela n'eft foiitenu d'aucun témoignage des anciens , je croi que
SeHcn. Syn- nous dcvous le laiflcr là 5 & nous tenir à la penfée de Seldenus , de Vof-
cal!"^?!' fi^s , de Grotius Se d'autres habiles Auteurs , qui croyent que c'eft ici
Voir, de 1^ Venus Babylonienne, adorée fous fes images , Ôc fes emblèmes ordi-
!ib. z. c. 21. naires.
ïîrotivis in Ji^remicrement il efl certain que c'eft ici une divinité Babylonienne ,
car ce font les gens de Babel , qui la font dans le p.us de Samarie. De
plus c'eft une divinité féminine, car la fignification du nom le montre. Le
mot fi'gnifiej Tentoria filiarum , les Tabernacles des jdles, C'étoit donc aflu-
rément îe Temple de quelque Déede , autrement on ne l'auroit pas ap-
pelle le Tabernacle des filles. Ce n'étoit donc pas proprement le nom
de la divinité, c'étoit le nom de fon Temple. Et ceux de Babel firent le
veîitabk Tabewack j c'eft-à-dire, le Temple de Venus. Je ne doute pas que le nom
dJ^Stn de ^^ Venus ne foit venu de là> Benoth^ ou Fenoth^ ôc Venus ^ font trop voi-
Ycws. fins pour en douter j ceux qui lavent les langues Orientales, ôclafcience
des étymologies , ne peuvent raifonnablement rejetter celle-ci. Elle eft
beaucoup plus raifonnable , que celle de ceux qui veulent que Feneris
vienne ^V-^mU^ par quelque tranfpofttion de lettres. Car outre qu"L^-
rmie n'étoit point Venus , mais fanon , il y auroit beaucoup plus de
changement à faire pour tirer Veneris d'Ui'anie , que pour tirer Venus , de
Affteufe Venons. Car c'eft ainfi que les Hébreux lifent le mot nm . Au refte
3edeîa^" uous allons apprendre d'Hérodote, de Strabon^ & du Livre de Baruch,
Venus Baby- pourquoi le Tcmplc de Venus a été apj>ellé, le Tabernacle des filles. Voi-
lonienae. ^. ^^ ^^.^^ ^j,. ^ej-odote.
inCHo „ Il y a une fale coutume entre les Babyloniens, c'eft quetoutes leurs
Lib. I. p.$>2. ^^ femmes font obligées une fois en leur vie de s'expofer dans le Temple
„ de Venus, ôcfe proftituer à quelque étranger. Celles qui font riches,
„ & qui ne veulent pas coucher avec des étrangers , fe tiennent devant
„ le Temple de la Déefte, dans leurs chariots, fous des lieux voûtez. , &
* i-jy.a[Kd- „ leurs domeftiques font derrière elles. Mais la plupart font ceci. C'eft
f vî^/. 5, qu'elles font affifeS dans le Temple de Venus , ayant le* temples cou-
„ ronnées de bouquets, 6c de guirlandes, les unes s'en vont, & les autres
„ viennent. Il y a des allées qui font diftinguées par des cordeaux , 6c
„ qui vont de tous cotez , où les étrangers fe promènent pour vifîter ces
3, femmes , 6c choifir celles qui leur plaifent. Au refte quand une fois
„ elles ont pris place dans le Temple , elles n'oferoient plus retourner
„ chez elles que quelque étranger ne leur ait jette une pièce d'argent
^5 dans le giron, & ne les ait emmenées avec lui hors du Temple , pour
.,, coucher avec elles. Or il faut que cet étranger en donnant l'argent di-
„ fe. J'invoque la DéelTc Mylitta pour toi i car les Aflyriens appellent
5, Venus Mylitta. Et il n'eft pas permis de rejetter cet argent , quelque
,5 petite que foit la fomme , parce qu'on le dcftine à un ufage facré. Il
» n'efj
ET DES CULTES DE L*E G L I S E. î'^rA I V. 691
5, n'ed pas permis non plus à une femme de ref'ufer un étranger , il faut
5, qu'elle fuive fans choix celui qui le premier lui préfente de l'argent.
5, Enfin quand une femme a couché avec un étranger , elle ell réputée
„ avoir fait ce qu'il fàloit pour fe rendre la DéQ(re favorable, & elle s'en
. „ retourne chez elle. Après cela elle eft chafte, & pour rien du monde
. 5, on n'obtiendroit d'elle une femblable faveur. Celles qui font belles ne
. jj demeurent pas long - tems dans le Temple, Mais les laides font obli- ^
5j gées d'y faire un long féjour , avant que de pouvoir fatisfaire à h
5j Loi 5 6c quelquefois il faut que ces pauvres créatures attendent là
„ jufqu'à trois ou quatre ans. Dans l'Ile de Cypre il y a une Loi fort
„ femblable. „ Straboit raj^forte la, même chofe en moim de termes. „ C'eit Strabon. iç,
„ la coutume de toutes les femmes Babyloniennes , d'avoir affaire avec
5, quelque étranger , elles viennent, ou plutôt fe préfentent à lui en foule,
„ ôc fort ornées, chacune étant couronnée d'une cordelette ou guirlande, q^^j^^,^-,;
5, ÔC celui des étrangers qui veut en jouir lui jette de l'argent dans le gi-
„ ron , 6c couche avec elle l'emmenant hors du Temple , 6c cet argent
,5, eft confacré à Venus. „
C'eft de ces pafîàges qu'on tire des lumières pour expliquer ce qui fe Expiicatioa
' lit dans le Livre de Baruch , oii décrivant les idolâtries des Chaldéens, Sarïcï^*'
6c Babyloniens , il dit , que les femmes environnées de cordes font ajffes par les au chap. 5*.
chemïns, èvy.t'ïiacii rà TrtTvpx^ faifant feft de paille , (ont tourné les Interpre- ^'^^"^^^
tes de Genève <i) & quand quelqvî'Hne d!^ elles attirée par quelque paffant a cou- La Vuigate
ché avec lui, elle reproche a fa voijîne^ qu'ion ne lui a pas fait le même honneur ^H'^^^^
qu^à elle ^ (^ que fa corde n^a pas été rompue. Il eft clair que c'eft la mê- oiimum.
me coutume dont ont parlé Hérodote 6c Strabon. Ce qui femble être "ii^^aiô-.
différent , c'eft qu'Hérodote dit que les femmes étoient aflifes dans le cum-
Temple, 6c Baruch, qu'elles étoient aftifes dans les chemins. Mais par
les chemins il faut entendre les petits fentiei s qui étoient formez par \t$
-cordeaux qui divifoient les Rangées des femmes. Baruch dit que l'on rom-
poit la corde quand on vouloit avoir l'une de ces femmes. Ce qui a fait Jide vôC
croire à quelques InterpreteSy^qu'fe par cette corde il faloit entendre une cein- \{h.t%.
i:ure,ou écharpe, qui leur couvroit feulement les parties honteufes, laifîànt *'''.
voir le refte , afin d'enflâmer la concupifcence àts paflans. M.u's il y a
plus d'apparence qu'on les faifoit fortir de deflbus la corde, 6c que cette
corde étoit le cordeau, derrière lequel elles étoient rangées. Buruch par-
le d'une cérémonie, dont Hérodote 6c Strabon ne difent rien, c'eft que
cts femmes faifiient fumer du fin , ou de la farine. C'eft ainfi qu'on peut -
tourner plutôt que , faifoieht feu de paille. Ce que dit Hérodote peut don- Ub. r.p.^;,
ner de la lumière à cela. Oefi que toutes les fois qu^un Bahj/lonien couchait
^vec fa femme , // mettait un parfum fur le feu , & la femme *de fin coté en fai^
foit autant. Le lendemain au matin^ ils fe lavent tous deux , & ne touchent à
rien avant que de s'' être lavez..
Cela femble lignifier qu'ils regardoient cet acbe comme une pollution, ^
que par le parfum ils la vouloient expier, 6c s'en purifier le lendemain en
fe lavant. Ainfi ces femmes qui étoient rangées au cordeau , en attendait
un étranger qui les emmenât pour coucher avec elles, faifoient leur par-
fum de préparation, afin que rien n'arrêtât la confommation de leur vœu.
Mais, pourquoi faifoient-ils fumer rà Tr/rupa ? c'étoient des gâteaux faits de
" ' "Sfff 2, fâi>
g9i HISTOIRE DES DOGMES
fanne, où l'on avoit laifTéle un. Theocrite, dans h Pharm^ceutria , in-
troduit fà Sorcière, qui dit vuv èva-u rà 'Kirvpa. Je m>en vais ficrifier du fort.
C'e(l-à-dire, je m'en vais jetter au feu des pains de farine avec le Ton: Ap-
paremment c'étoit quelque chofe de femblable à ce que les Latins appel-
loient, MoLi filfa, c'étoit de la farine, -quifc builoit au feu dans les ikcri-
ficcs : Theocrite dans le même lieu , dit KhCPiru to rpStrov %vpi tcLustch, Pre-
11^ mierement la mole fe confume au feu. Mais nous aurons occasion ailleurs de
parler de cette cérémonie : quoi qu'il en foit, cela eft plusvrai-femblable
que ce que dit Grotius, que7r«Ti/p« n'eft pas Grec, que c'eft le mot He-
Grot. !n brcu HiL^s , qui fignifie ouverture, rimam, êcquele fenseft que ces fem-
Baruc. c. 6. ^^^ ^^ attendant des amans fe parfumoient, fuffHmigahant naturam.
La' Venus Au refte je ne doute point que cette Venus Babylonienne ne fût la mé-
nSh'mï me que la Venus Phénicienne, que l'on adoroità Biblis,6c fur le mont Li-
me quek ban, c'eft-à-dire, une Venus impure, la 'Dk.t^zàç, la débauche, 6c des
nkicnne.^ dércglcmcns Vénériens. Ainfii les Grecs n'ont pas euraifon de donner le
r\^dtVenHi Vrame2i la Venus Aflyrienrie, car c'étoit véritablement la
Venus 7rav5vi|xoç, volgivaga.
Pour éclaircir ce fait, il faut remarquer que les Grecs avoient deux Ve-
nus, l'une qui étoit chafte, qui préfidoit furies amitiez honétes, & l'au-
tre étoit la Venus impudique, & la patronne âts femmes qui fe profti-
Apniée par- tuoieut. La première s'appelloit Vranie, ou celeftcî 6c l'autre s'appel-
Jit'^^vTus- ^°^^ Tixv^vîfxoç. Platon parle de ces deux Venus dans fon banquet.
Apoiog. I. Comme il y a .^ dit - il , deux Venus ^ il y a aujfi deux amours: cjui peut nier
non longe ^^'^/ ^Py ^^^ glg^ix F'enus ? T^Cj en a- 1- il pas une plus ancienne que Pautre ^ qui
vCa, poim de mère , & qui efl fille du Ciel , que nous appelions Venus Uranie , otk
celefle r Et C autre qui eïlplus jeune, fille de Jupiter ^ de Dioné , que nous ap-
pelions pandemos , âefl-à dire publique & commune &c. L'amour de la Venus
panâemos efl auff un amour commun. Il fe jette fur toutes chofes indifféremment^
c'^ejl celui que tes mécham aiment: les gens n''ui?4ànt pas moins les femmes que les
garçons , & .de ceux qu'ils aiment , tls en aiment les corps bien plus que les âmes.
ElUc'ov. Pauîanias nous dépeint l'une 6c l'autre , au derrière ^ dit-il , efi u^ portique^
qui a été bâti des dépouilles des Corcjréens^ la cour qui efi attachée auTemple^ &
c^ui ejî à découvert ,n''efl pas loin de là. La Venus qui efi adorée dans ce lieu , s'' appel-
le P^enus Z/ranie^ le fimulacre ej} de ^ouvrage de Phidias ^ d'or & di'jvoire.^O' la
Dée[fe efi répréfentée appuyant Pun de fes pieds fur une tortue. Et cette tor-
inTraft. de tuë, fcîon k glofc dc Plutarquc , (îgnifioit, que les femmes mariées dévoient
d.cap.+o. ^^^./^^^ i^ maifon , & le filence. C'elt pourquoi elle s'appelloit Venus oly.a-
f>oç , la Venus garde- maifon. Incontinent Pauiànias ajoute. LacourduTem-
le efi environnée d'aune muraille , fur laquelle il y a un rebord , & fur le rebord
efi placée une fiatu'é d'airain , eonfacrée k Venus xav^^jxoc , populaire & publi-
que ^ qui efi montée fur an bouc fait d* airain, comme la Venus ^ Pouvrage e[i
de Scopas. fe Uiffe^ dit-il, a ceux qui fe font une affaire de cette forte de fcien-
ce , à rechercher ce que fignifioit cette tortue & ce bouc. Cela n'efl pas diffi-
cile à deviner: la tortue étoit l'emblème de la chafteté, 6c des femmes
qui fe tiennent chez elles. Et le bouc e(l l'emblème de la lafciveté. C'eft
L-iins Gy pourqiioi l'on ne pouvoit mieux choifir pour répréfenterles impuretezde
itf de^Dm ^^"^te Venus populaire, publique, 6<:quileprofl:ituëàtoutlemonde. C'eft
gcotium. elle que les habitans d'Abydos appelloient Venus raeretrix, à(^po'^ir^%6pv.vi ,
. 6c
ET DES CULTES DE L'EGLISE. Part.lY. 6^3
Se qu'ils veneroîent fous ce nom 5 Se les Athéniens, fous celui de haipa
A'CPpoh'rvi.
. Or il faut remarquer que cette Venus publique & populaire n'étoit Venus Ura-
pas la même divinité que renus Vranie^ ou celefle. Car Venus Uranie mÊnTe^iLi*
c'étoit Junon : cela eft clair, parce que c'cft elle qui préfîdoit furies ma- Junon.
riages, 6c fur les accouplemens honêtes , c'eft pourquoi on i'appelloit Py-o-
niiha funo.
Prohuha ^nid fum , qnid ad hf.c HymlenAd venitis ^^Uç j^^.
Sacrât tam. p. V, 7,
Spelnncam Dido , dpix & Trojanns eamdem ^^'
Deveniunt ^ prima ^ TelÎHs^ & from4ba fnm - Virg.<£neW
Dant jigrmm^ 4-v. 165.
C'eft elle qu'on avoir établie fur tout ce qui regardoit le mariage.
tSKaBant leSîas de more hidentes ,
Légiféra Cereri ^ Phoeboe^ae^ Tatrtque LyAo. ^a?*'^ "*'
funoni ante omnes , ç'^i viticla jugalia cura.
C'eft elle qui préfidoit fur les aceouchemens , 6c qu'on appeîloit Juno
Lucina^ 6c à laquelle les femmes en travail difoient, fer opem. Il eft clair
que tous ct^ offices appartiennent à Venus, qui eft la X^tç.'&t de la géné-
ration, 6c par conféquent cette Junon doit être Venus. Cen'cftpasune
fimple conjeélure , les Grecs appelloient cette Junon , pronuba Venus 'fu-
m. C'eft Paufanias qui nous l'apprend. „ Pour ce qui eft du Temple in LacQsû-
„ de Junon ùxfp%c/p/«ç;, il a été bâti par le commandement de l'Gracle, *^i«'
„ quand le fleuve Eurotas fe déborda extraordinairement fur tous les
,, champs d'alentour. La ftatuë qui eft de bois eft antique , 6c ils l'ap-
„ pellent Venus Junon. Quand les mères marient leurs filles , elles font
55 des facrificcs à cette Déefle. „
Cela s'accorde fort bien avec ce que nous avons prouvé dans le cha- ^^^^^ ^^^_
pitre d'Aftarté, que le nom d'Uranic n'étoit pas celui de la Venus nie étoit h
Syrienne , mais celui de la Junon Syrienne. Car quoi que les Grecs Jj^^°°^J^j.
fe foient trompez, 6c ayent fouvent confondu Uranie avec Venus 3 voir Aftaitc,
cependant on trouve que dans le fond leur Uranie n'étoit point Ve-yeîuTsy-
nus, c'étoit Junon. Et leur erreur vient de ce qu'ayant tiré. de la Sy- nciine.
rie ce nom à^Vrmie^ ils n'ont pas apperçû que c'étoit le titre d'Aftar-
té, Déefle des Sidoniens, 6c ont crû que c'étoit celui de la Déefle
de Biblis, qui véritablement étoit Venus. Ils ont trouvé chez eux le nom
à'Vrame ^ bien qu'il tût Syrien d'origine, 6c qu'il fîgnifiât luifante, qui
eft le titre de la Lune, ils ont crû qu'il étoit Grec, 6c qu'il fîgnifioit ce^
lefte^ 8c l'ont appliqué à leur Venus chafte. Et parce qu'en voyageant dans
la Phénicie ils y ont enfuite trouvé une Vrmie , ils ont crû que c'étoit le titre
de Venus en ce païs-là, comme dans le leur, quoi que dans la vérité ce fût
le titre de Junon. Mais que la DéeîTe de Biblis ne fut point la Venus Ura-
nie des Grecs, il eft clair,parce que Wrmie des GrecSjétoit une Déefle , dans
le culte de laqueilêvil n'y avoit rien d'impur, 6c qui préftdoit furies ma-
Sfff 3 riageâ
694 HISTOIRE DES DOGMES
riagcs honêces. Au lieu que la Venus du Mont Liban étoit une impu-
re divinicc, à l'honneur de laquelle les femmes le proftituoient , comme
nous l'a dit Lucien. Et dans le Temple de laquelle fe commettoient.
d'horribles abominations , comme nous l'a dit ci-deflus Eufebe. C'cft
pourquoi je conclus que la Venus Babylonienne, à l'honneur de laquelle
fut bâti le Temple , appelle Smcoth - Bemth , 6c la Venus Phénicienne,
étoient abfolument la même DéelTc , fi ce n'eft que la Venus Babylonien-
ne étoit encore plus débauchée , 6c plus infâme, que la Venus Phénicien-
ne du Mont Liban. C'ell: cette DeefTe, qui avoit un Temple fur les ri-
Vaiere vages de l'Afrique, dans un lieu appelle Siccdt^ dont parle Valere Maxi-
MâKime ^le. SiccA efi fanum F'eneris ^ in i^md fe mdtrondi, conferebant ^ atc^ne itide fro^
**■''' * rident es ad qu^fium dotes corporis injuria contrahebant. Du tems de Procopc
ce lieu s'appelloit Sicca Feneria , 6c il le met à trois journées de Cartha-
Lib.2. de ge. La conjeélure de Seldenus eft pleine de vrai-femblance , que ce SiccA
Beiio Van- y^cneïis ^ eft venu de la Phénicie. Il y a du rapport entre S^ccoth di Sicca ,
' "^' ^'^' & entre Fenffs & Benoth. Et il eft aifé de concevoir comment cette Déef-
fe eft paffée d'Afie en Afrique. Toute la Côte de Carthage étoit pleine
de colonies, venues de la Paleftine. Ce que dit Valere Maxime, que les
femmes fe proftituoient dans ce Temple pour gagner de l'argent , eft ii
femblable à ce qu'Hérodote dit de la Venus Babylonienne, qu'il eft im-
poffible que ce ne foit pas la même. Cette fale divinité pafla première-
ment dans- nie de Chypre , qui étoit voifine du continent del'Afie. Car
Hérodote nous apprend que les femmes fe proftituoient dans le Temple
de la Déefle , dans cette Ile. De là ce culte abominable fe répandit dans
toute la Grèce.
strabon Tout le mottdc fait ce qui fe faifoit à Corinthe. C'eft qu'il y avoit .un
Temple de Venus , oii les Corinthiens avoient confacré plus de mille
Courtifanes, qui fe vendoient, mais fort chèrement. D'où eft né le Pro-
verbe , non licet omnibus adiré Corinthum , tous ne font pas aflez riches
pour jouir <ie^ plaifirs de Corinthe. Tout cela venpit originellement du
Succoth-Benoth àes, Babyloniens.
Au refte nous n'avons pas befoin de nous étendre à expliquer, quelle
partie de la nature étoit adorée fous cette Venus Babylonienne. Pmf-
que c'eft la Venus 'kû.vI'a^^loq , impure & volgivaga , c'étoit l'amour fale,
charnel, brutal, c'eft-à-dire, la concupifcence, qu'ils avoient déifiée. Il
n'eft pas malaifé de comprendre comment fous la même Déefle ils ado-
^oien-t toute la nature , ôc en même tems la brutale concupifcence , qui
eft la fource de l'amour charnel. Car fous la Déefle Venus , qu'ils ap-
pelloient Mylitta^ Genitrix^ ils adoroient la nature, en tant qu'elle eft le
{■ priîidpe de toutes les générations. Et parce que de toutes les générations
qui fe font au monde, ia plus confiderable c'eft celle de l'homme, ils ont
donné particulièrement le nom de Venus à la vertu , qui préfide fur cet-
te génération , & qui en eft la çaufe , c'eft l'amour de la copulation , &
h chair, qui le révolte contre l'efprir.
VL TRAÎ-
ET DES CULTES DE L"EGLISE. Tm.lY. 69?
VI. T R A I T E
DE Q^UELQ^UES AUTRES
D I V I N I T E Z
Moins connues , & dont les noms font moins
fréquens dans
LÈCRITURE,
Comme font G ad , Ment , Sefach , Mahu^m , BahaU
^fe^houp Adargemah.
CHAPITRE I.
De Gady & de Meni du Si), ch. d'Efaïe.
;^^&&i£me^ifsf^
ïài£^St^^sB71^fiSSf^^Sl^^
chofe.
Ufques ici nous avons parlé de ces divinitez , qui
font reconnues i c'eft-à-dire de ces noms, dont tout
le monde convient, & dont l'Ecriture Sainte fe fert
pour dédgner quelqu'une des faufles divinitez des
Payens. 11 refte à parler de quelques autres noms,
de la fignification defquels tout le monde n'efl: pas
d'accord. Parce que quelques-uns veulent que ce
foient des noms de Dieux , & les autres croyent
que ce font des mots , qui lignifient toute autre
Les premiers de cçs Dieux inconnus font ceux dont parle Efaïe dans
le 6f . de fon Livre au Verfet il. St vous qui ahmàonnez^ le Seignem^ & qui
cubltez. la montagne de ma fainteté , qui drejjez. la table à Cad, IJiV , & qui
faites des afperjtons à Meniy ^3oS . Voici deux noms , Cad & Mmi , qui fem-
blent
Paflage
d'Abaibinel
Gad eft la
Conftella-
tion , & le
Génie qui
préfide à la
^aifTance.
Rabbi
Kimchi ia
Efaïam 6j,
II.
Selon I*an-
cienne rra-
dttjon des
696 HISTOIRE DES DOGMES
blent être deux noms de faux Dieux , à l'honneur defquels on faifoit des
facrificcs ôc des afperfions. Les Théologiens de Genève ont tourné.
Aïais vous deferteurs de t Eternel , & qui oubliez, la, montagne de ma fainteté ^
qui drefjez. la tahle à P armée des deux , & fourni ffez. afperjîon à autant qu'on en
peut conter. Les Grecs ont interprété ce paflage ainli. yous qui m'^a-vtz.
aùandonne\ & avez^ oublié ma fainte montagne , vous préparez, une table au Dé'
mon, & emplijfcz. la mixtion pour la Fortune. La Vulgate Latine tourne un
peu différemment , qui ponitis Fortuna menjam , &hb<!itis fuper eam. Il y en
a d'entre les Hébreux, qui ne veulent pas trouver ici de divinité, mais qui
croyent que Dieu reproche ici fimplement aux Ifraëlites leurs débauches.
Par Cad ils entendent une troupe de gens , parce que "n:i , gadad^ en
Hébreu, flgniiîe venir en troupe, ou en foule. Par Meni , ils entendent
un nombre , parce que le verbe manah en Hébreu lignifie nombrer , ou
conter: G'eft l'interprétation d'Abarbinel, dans fon Commentaire fur ce
paflage. „ Il veut dire qu'ils ne fe Ibucient pas de la défolation de Je-
„ rufalem, & qu'ils dreOéntla table aune multitude , à Gad , c'eft-à-
„ dire à une aflcmblée, félon la fignification de ces mots i3-ii;i> nnj , Ge-
„ nefe 45?. qui fignifienr, une troupe courra fur lui,&: Meni regarde, ÔC
fignifieîe nombre, °]Dî3)3,mimefach,fignifie le vin mixtionnéôcc. Ildir,,
vous abandonnez le Seigneur, parce qu'ils ne croyoient point à lui , Ôc
ne le prioient pas pour la délivrance dejerufalem. Et il ajoute, vous
oubliez la montagne de ma-faintetéi parce que cette montagne étoit
défolée, ôc vous ne menez pas deuil fur elle. Vous n'avez pas d'autre
foin que celui de boire Ôc de manger dans vos afl'emblées , de tuer des
bêtes pour en manger la chair, 6c d'inventer des mixtions & des liqueurs
de vin compofé, parce que vous dreflez la table à Gad-, c'eft-à-,dire,
que vous dreflez à vôtre focieté une table , pour leur donner à man-
ger, jufques à les fouler , Se vous empliflez des brûvages mixtionnez
à ^Meni. G'eft comme s'il difoit , vous préfentez des coupes de ce
vin délicieux en quantité , félon le nombre des conviez , qui font dans
la compagnie. „
Mais je voi que la plupart des Interprètes , tant Juifs que Chrétiens ,
tiennent que ce font ici des noms de fâufles divinitez , au moins Gad,
êc que le Prophète reproche au peuple leur idolâtrie. Le Paraphrafte
Çhaldée tourne , ils drejjent des tables aux faux Dieux , & mêlent des cou-
pes a leurs Idoles. Les Grecs ont entendu que ces tables lé drefibient au
Pémon, Se à la Fortune. Kimchi dit fur c^ paflage d'Efaïe, que ce Gad
flgnifîe quelque étoile heurcufe y qui préfîde à la naifllance des hommes,
„ (Jady dit -il, fignifîe quelque étoile , ou conftellation favorable i car
5, c'efl: comme file Prophète difoit, ils offrent ôc facrifient à quelqu'une
5, des étoiles. Rabbi Moïfe, le Sacrificateur, dit que c'eft l'étoile de
3, la Juflice , qui eft Jupiter , parce qu'on l'appelle ainfi dans la langue
5, des Arabes. Ces paroles, ôc ils empliflént le vin mixtionné à tJHeni^
5, fignifient des afperfions qu'ils faifoient à Meni-, "c'elt le nom d'une étoi-
„ le : Il y a des Interprètes , qui difent que ce mot fignifie des étoiles,
„ dont le nombre eft défini ôc conté, ÔC que ce font lesfept Planètes, „
C'eft une tradition fort ancienne entre les Hébreux , que Gad fignifîe
la bonne fortune, c'eft- à-dire, l'Aftre, ôc le Génie, qui préfidefur les
oaiflànce
5>
5>
ET DES CULTES* DE L'EGLISE. Part.lY.G^j
îiaiflances heuî'euiès. Et ilsdifent que ce m%t leur ell venu des Chaldéens, juifs, caj
& des Arabes, qui de tout tems ont fort aimé l'Aftroloffie. G'efb félon J'g"'^'^ '»
fi•,- . ' ... . • / • - I- I Y » • bonne fot-
gnihcation qu'ils ont interprète ce (^ui le lit dans le chapitre neu- cuac.
viéme de la Genefe v. ii. Lea ayant donné à Jacob fa fervante Zilpa,
cette fille conçût , & mit au monde un fils , fur lequel Lea dit en fa lan-
gue nj3, bagad. Les Modernes tournent venit turma^ troupe eft arrivée,
tkj'ai bien du penchant à croire que c'eil le vrai fens de ce paflage, parl-
ée que ce nouveau fils , qui lui étoit né , augmentoit la troupe de teux
qu'elle avoit déjà. Mais les Anciens tournent, la bonne fortune eft arri-
vée, xyù M^îQï^înN, c'eijjiainfi qu'a tourné un ancien Paraphrafte , qui
s'appelle Jonathan > &: Onkelos "iJi Mnx, ïbenreufe étoile^ on U bonne for -
tnrne eji arrivée. Autrefois les Juifs fuperftitieux dreffoient un lit magni- VoiLexkoa
fique dans la maifon , qui ne fervoit à perfonne qu'à celui qu'ils appel- ^If ?"y'^
loient rrinn ic' , le Prince de la maifon. Et ils l'appelloient aufii çj^tajfal^ ce Gad.
c'eft-à-dire , L'étoile ^ la conftellaîion^ qui règne dans la naiifance , la bonne
fortune. Ils appelloient ce lit t<in ND-iy , le Ut de Cad. Salomon Jar-
chi nous apprend auffi qu'ils avoient un Proverbe N;? pu^'Oi nji ^j , donne
lui une bonne fortune Cad , & que jamais il ne fe lajfe. Ils s'en lèrvoienC
quand ils vouloient bénir quelqu'un, Ainfi, félon les Hébreux, GadeH
un Aftre , ou une conftellation jointe avec le génie , qui préfide , & qui
fait les naiflances heureufes. J'avoue que cela me paroît vrai-femblable ,
auffi bien qu'à beaucoup d'autres. Car les Juifs avoient emprunté toutes
les fuperftitions des nations voifines, auffi bien que leurs idolâtries. Et il
eft certain qu'ils étoient fort attachez aux vanitez de l'Aftrologie. Com-
me donc ils préparoieiit un lit dans la inaifon à cet heureux génie de la
nailTance , il y a apparence qu'ils lui dreflbient une table chargée de mets.
St. Jérôme a encore trouvé en Egypte les reftcs de cette fuperftition ;
car il nous aflure que tous les derniers jours de l'année on drelfoit une ta-
ble *à la bonne fortune de cette année-là. Efi autem in cun^is mbibm^ & Hieronymus
maxime in st/£gjpto ^ & in zyilexandria ^ idololatris, vêtus confuctudo ^ ut f^ld- l'^J^^^^"^
m.o die anni y & menjis eorum ^ quiextremin efi , ponant menfam refertam varii
gêner is epulis^ QT poculum muflo mixtum^ vd fr&tenti anni , vel futuri , fclici-
tatem aufpicantes. Hoc autem faciebant & Ifraelit a ^omnium fimidacrormnpor-
tenta vénérantes , Q' nequaquam altari viUimas , fed hujufcemodi meyifr libafpm-
debant.
Quant ^Meni^es Hébreux ne font pas fi bien d'accord entr'eux ce que c'eft. ce que cVâ
Nous avons vu par le rapport de Kimçhi, que , félonie fentiment de plu- '^"^ ^^^^' ■
fieurs , Meni dérivé du verbe m'anab , qui fignifie conter , defigne ua
nombre d'étoiles conté & défini, c'eft- à -dire, les fept étoiles errantes.
Et lui-même eftime que c'elt le nom d'une étoile. Salomon jarchi, qui
eftime que Gad eïk une conftellation , croit que f^Usni fignifie nombre.
Cad , dit- il , eft le nom à? une Idole ^ qui éî oit faite à Pintention de P Aftre , ofù
de la conftellation , qui préfide aux naiftances heureufis ^ félon cet ancien Tro-
verbe , que Cad le rende heureux , & qu'ail n'y ait pas de laftitude pour lui.
Vous empliftiz. des bruvages compofez^ à Meni ^ c'^efl-à-dire , filon le no^nbre des
Sacrificateurs de l'Idole , vous empliftez. des coupes de vin mixtionné. Ixlais il y
a plus d'apparence que ce Mem^ auffi bien que (fjid, eft une des étoiles ,
que les Aftrologues font préfider àla naiftance. Et que par l'un &rautr£
Tm. lY. _ Tttt de
698 H î S T O î R E D E S D O G M E S
de ces noms , font aufîi ententius les génies attachez à ces étoiles , qui
continuent de conduire la vie de ceux , à la naiflance defquels ils ont
Mactol», préfidé. Ainfî c'eil ce que les Latins ont z^pdlé DuTutelares ^lesDicux
^at^i . î. r^m-gj^jj-gg ^ ^ igg Grecs âeo/ xp^^oi, c'efl: de là qu'efl venue l'opinion des
Mahometans , qui donnent à chaque homme deux génies aflilîans , qui
l'accompagnent jufques au jour du Jugement. Mahomet, avoit puifé cela
des Arabes Tes Ancêtres.
Des Aftxes Ill'eile de voir quelles font ces deux étoiles, qui prcfîdoient àî-anaif-
qui piéfi- fance des hommes. Si l'AHrologie ancienne étoit ablblument femblable
naîirancedes à l' Afliologic modcme 5 il feroît ailé de le devine* Car depuis long-tems les
hommes, ^ftrologues appellent Jwpïicr fort me majeure , parce qu'il eft médiocrement
chaud & humide. Venus fortune mineure , parce qu'elle eft auffi chaude
5c humide, mais non pas dans la jufteiîe du tempérament de Jupiter. Sa-
turne au contraire eft très malin , & s'appelle infortune majeure. , parce
qu'il eft froid 6c {te. Mars , qui eft médiocrement mahn , s'appelle infor-
tune mineure^ parce qu'il eft fec & fouverainement chaud. Le Soleil ôc
Mercure font indifferens, bénins , ou mahns , félon qu'ils fe rencontrent fi-
gurez avec les autres Aftres. C'eft pourquoi jls ne s'appellent, ni fortu-
ne, ni infortune. Enfin parce que la Lune a peu de chaleur, & beau-
coup d'humidité, elle s'appelle fimplemént fortune^ fans ajouter bonne,,
ou mauvaife. Selon ces principes, il femble que ce Gad^ CQsJHeni de-
vroient être les Planètes de Jupiter & de Venus, qui font les deux Aftres
les plus fortunez , ôc d'où les Aftrologues tirent les plus heureux préfa-
ges. En effet, félon la tradition de ce Rabbi Moïfe , le Sacrificateur 5
dont Kimchi rapporte le fentimen^, (jM eft Pétoile de fujitce. C'eft ain-
fi que les Rabbins appellent Jupiter. Et dans leur Aftrologie , auffi bien
M iifterus ^l'j'^^^ ^^^^^ ^^^ Grecs, Jupiter eft un Aftre très fortuné. Munfter nous af-
in cenefim. fûre que c'eft ce qu'ils appelloient niu 'hxo , Maz^z^altoh ^ la bonne étoile,.
^"'' "• Cad exponunt pro pnï , fovePlanetay quem dio nomine vocant 3W h\Ô , fortU"
tunam bonam ^ quod in liberorum procreatione falubrem immittat infiuentiam ,
unde puelU defponfata traditur mnulus , in quo fcriptum eji n.lD 7!î2 , Mazr
mahob.
?srerîusin Je vol de nos Chrétiens 9 qui par Gad entendent la Planète de Marsj,.
Efaiam cap. g^ pat Meni la Pîanctc de Mercure , auquel ils facrifioient pour être heu-
reux dans leur commerce, parce que Mercure eft le Dieu des Marchands,
Mais je croi qu'il vaut mieux chercher l'explication de ce myftere dans
Lib. 6. ad- r Aftrologie des Anciens. Jean Pie Comte de la Mirande, dit que , félon-
veisùs Af- lâ diftribution d'un ancien Hermès Egyptien , dans un livre intitulé Tra-
uoiog.c.18. y^pg'^^^ j£3 Cgpç Planètes portoient des noms, qui exprimoient leurs quàli-
tezêc leurs influences, le Soleil s'appelloit ây^ôoç ^c//y.wv, le bon démon ^
Jupiter s'appelloit vïkv], z/i^ïo/V^, Mercure àvâym-) né£effite\V enus epug .iPa"
G3d dans ^''^^j Mars ToA/.i.«j la hardieJfe^Siiturne vsfj^sa-tÇ', laven^eance.Uâputequcçet
Efaïe fem- Hermes avoit donné ces noms aux Planètes , en imitant les Aftrologues,.
S Lunef"" '^^^ l'avoient précédé j lefquels avoient appelle, la Lune rvxvi , la fortune.
Cela fe rappporte afi^ez bien à ce que dit Macrobe, qui en prouvant que
Mercure étoit le Soleil, & que fon caducée fignifioit la vertu du Soleil,
qui préfide fur les générations , dit que les Egyptiens mettoient quatre
Dieux, ou quatre Planètes j pom^ préfider fur la naiflance des hommes,,
le.
ET DES CULTES DE VEGLISE. Part. IV. 699
le Soleil, qu'ils appelloient 5«^>wv 5 la Lune, qu'ils appelloient tvz^-, la for-
tune. Venus, qu'ils appelloient epws , l'amour , ôc Mercure , qu'ils appelloient
â'jdyyivi^lz nécelîité. Argumentum cadmei adgenituram qHoque hominHm^qudigene- Saturnal,
Jts appelUtur ^ i^gjptii protendunt : Deos prafiites hominlnafienii qnatHor adefe ^ ' ^'
memorantes ^ SafiMovciy tv%v]V, sçnara, mâyAyçj. Et duos priores Solem ^ Ltt-
nam intelUgi volunt , quod Sol au^or fpiritus , caloris , ac Inminis , hummA
'vita genitar & cujîos.efi. Et ideo nafcentis damon^ ide[i Deus, cred,itur ^ LH"
na rvxy].^ qma corpomm praful efi ^ qtédifortHitor^m varietate ja^antnr.
Il paroît par là que par tu^v], ils entendoient la Lune , qu'ils appel-
loitni fortum. Et en effet ce nom lui efl encore demeuré dans l'Aflrolo-
gie moderne , car on appelle la Lune , fortune. Seldenus nous cite un Af- syntag. t.
trologue, appelle Vettius 5 qu'il a vu manufcrit, & qu'il croit êtreauffi"^"/'
ancien que Ptolomée , dont il rapporte les paroles. Les partages , ou les
lots ^ KAîjpo/, de la fortune^ '^vx^?^ & du démon , datiji^ovog, Jtgnifient le Soleil
^ la Lune. Car la Lune qui s"^ appelle fortune^ étant & ï égard du monde , corps
& efprit , voijlne de la terre , ^ envoyant [es influences fur nous , fait la mê-
me chofe ayant domination fur notre corps. Et le Soleil a l'égard du monde ,
étant Inintelligence & le Démon, il excite les âmes des hommes aux entreprijès^
& il eft caufe & principe des aBions & des mouvemens^ par fa propre effcace ^
^ par fa nature douce ^ & qui attire l^ amour.
Tous ces pafîàges font voir que ce que les anciens ont appelle tû%vj, c'é-
tok la Lune , ôc par conféquent cela femble prouver que le i:i , Gad, des
Orientaux, qu'ils expliquent par fortuna , 6c tu%vî, efl la Lune aufîi. Et
cela nous ouvre le chemin pour nous mener à la connoiffance de Meni, M«nic'ca
qui efl l'affocié de Gad , dans Efaïe. Il y a lieu de croire que c'efl ce- le bon^Dé-
loi, que les Aflrologues ont appelle S««//,wv, qu'ils joignoient toujours à"^°"*
Tu%v] , en matière de nativitez. Aufîi les 70. Interprètes ont tourné Sai-
fj.6viov , préparant la table rîxt laipjjViiA^ au Démon. Il y a quelque change-
ment dans l'ordre. Car au lieu que dans l'Hébreu, Gad, qui fîgnifie,/^/'-
tuné ., efl devant Meni^ qui figniiie Démon, il efl après dans le Gi'Qc^
& o«//xcov efl devant , & 'J'i^^n 5 fortune ^ efl enfuite. Mais on prétend que le
changement dans l'ordre , ne doit pas empêcher qu'on ne ibit affûré
qu'ils ont rendu Meni, par laiiJÀvicv ^ ôc gad , par tu^i^, fortune. Selon
cesfuppofitionsjle Sccl^^oûv fera le Soleil , que l'on ne fepare gueres de Ija
Lune. Et il n'efl pas étonnant que les anciens Aflrologues , trouvant
que les influences du Soleil & de la Lune , font les plus fenfibles dans
les corps , les ayent fait préîider fur les nativitez , & leur ayent donné la
principale domination fur la conduite des hommes , comme aux deux prin-
cipaux génies.
Au refle Grotius, pour la confirmation de cette conjeélure, nous ap- 1» Efaï. e^..
prend que Meni étoic l'un des noms du Soleil entre les Orientaux. Et ""
Monfîesîr Huet a fort nettement étendu , dans fes notes furie 14^^. T'o- orSnern"
me d'Origene fur St. Jean , ce que Grotius n'avoit dit qu'en peu de li- Tom. 14, m
gnes. Il prétend que Miiv chez les Grecs fignifie^mi?^ & que de là efl Meiuft'uffi
venu le Latin Mânes ^ les eiprits, ou les génies. Et que le Soleil efl lege- des noms
nie , ou celui qui préfîde fur le génie , parce que c'efl lui qui excite l'ac- ^" '^^"^°
tion ôc le mouvement. Entre les Phrygiens &: les Arméniens , Meni fi-
gnifioit le Soleil. ^Armeni^ le nom du pais, fignifioit montagne du So-
Ttîc a, leil.
700 H I S T O I R E D E S D O G M E S
leil, parce que ce Royaume étoit montueux,6<;conracréau Soleil. Stra-
Geograph. bon, apiés avoir parlé de Cabira capitale d'Arménie, ajoute „ qu'il y a
strab.iib.i2. ^ ^^^ TcmpIc qu'ou appelle le Temple de Mcnis Pharnaces, auquel ap-
„ partient un bourg, nommé Armeie, qui eft une efpece de ville, dans
9) laquelle il y a beaucoup d'efclaves, 6c d'où dépend un territoire confacré
„ au Temple, dont le Prêtre du Temple touche le revenu. Et les Rois
„ ont une il grande dévotion pour ce Temple , que leur ferment le plus in-
5, violable, c'eft par la fortune du Roi, 6c la table de Pharnaces. C'eilun
,, Temple de h Lune, comme celui qui eft dans l'Albanie, 6c ceux qui font
,, dans iaPhrygie, fous lemêmenomdeTempkde Menis, dans un lieu
^5 qui porte auilï ce nom. ^
11 eft certain qu'il y a bien des chofes dans ce pafTage de Strabon, qui
peuvent beaucoup fervir à éclaircir ce que c'eft que leMem d'Efaïe. lOn croit
que Strabon s'elt trompé jquand il a crû que ce Temple étoit dédié à la Lu-
ce ieule, êc qu'il a été trompé par le nom de Men , qu'il a dérivé dep^yy
qui (ïgiTiûe mois , 6c de Mvvi , qui fignifie la ISune , dans la langue Grecque.
]e ne conviens pas tropquecefoit une erreur de Strabon. Grotius araifon
de croire que ce Menis des Arméniens 6c des Phrygiens, eft le Meni d'Efaïe,
mais je ne fai s'il a raifon quand il dit que ce Meni eft le Soleil, i. Au
moins il eft apparent que ce Temple dédié au Soleil , étoit auffi dédié à
kLune, comme à l'autre génie préfidant ftir les nativitez. g. Ce qu'il
dit que le ferment le plus laint, que l'on faifoit dans cette nation, c'étoit
par la fortune , 6c par la table de Pharnaces , me paroît avoir un grand rap-
port avec ce que dit Efaïe, vofis drefez. la table kÇnd^ ou a h fortune. Ce-
la fignifie donc, félon ma conjeârure , que ce Temple de Menis enArmenie
étoit dédié à la fortune, c'eft-à- dire , à (J^iâ^ 6c principalement à lafor-
tune du Roi. Que dans ce Temple il yavoit une table dreftee, qui étoit
fî facrée, que l'on ne pouvoit jurer par unechofe plusfainte. Sur cette ta-
ble étoient fans doute des viandes facrées, qu'on préfentoit aux génies
qui étoient fervis dans ce Temple, c'étoit le Soleil 6c la Lune. Je' ne
faurois même m'empêcher de foupçonner que la table du Soleil, fî célè-
bre entre les Ethiopiens, a pris ion origine de là. Voici comme Héro-
dote la dépeint. On dit que U table du Soleil eft ainft faite. Il y a, dans le
fduxbomg un Pré , que les Magiftraîs de chaque ville chargent la nuit de toutes
La table du fortes de bêtes à quatre pieds rôties, & quand le Soleil eft levé il eft permis atout
ks^Ethio-^ /£> monde de venir manger la. Les habit ans du païs difent que {:''eft ta terre ^
piens. qui produit & qui donne cela continuellement. Cela vient de ce que dans les
hbro\^''^ Temples confacrez au premier des génies, qui eft le Soleil, il y avoir
jambiichus toûjours unc table dreiîée, 6c des vins délicieux préparez: c'eft ce que
«ôiL^^ ^' veut dire le Prophète, vêus drejjèz. une table À Gad, & préparez, des vins à
Meni. Et cela fignifioit que ce génie de la nature eft le père de l'abon-
dance, 6c celui qui nourrit les hommes. Enfin pour prouver que ce Me-
1^, ,^ ni eft le Soleil , on cite Jamblichus , dans la vie de Pythagore. Il dit que
Pythagore ne voulait pas manger de coq , parc^ que cet animal eft confacré [iv^^i.
Cela devroit fe tourner, au mois. Mais cela n'auroit pas de fens : il faut
que ce Meni fût le Soleil , car en eftet le coq eft l'oifeau du Soleil , com-
EUa£on 4. me nous l'apprend Paufanias. Certainement ^ dit-il, ils difent que le coq eft
façré au Soleil , k i^aufe qu'ail annonce fin retour. Suidas dit la même chofe , que
Pytha-
ET DES CULTES DE L'EGLISE. F^r/.ÎV. 701
Pythagore ne vouloit pas manger de coq , parce qu'ail étoit [acre au, So- Suidas
^^^^- ^ ^ _ thagoras.
Après avoir rapporté de bonne foi tout ce qui peut prouver, que Gad
ctoit la Lune, & Àîeni le Soleiljjenelliurois m'empêcher de dire .ma con- ^oi^fi^^
jeâ-ure. Je trouve fort apparent que Gnd 6c Meni font les deux génies Meni la li?-
qui prélident fur la génération , ôc les deux Ailres, qui régnent fur lesnati- ^^'
vitez. Je trouve aufîi fort vrai-femblable que ces deux Aftres font le So-
leil & la Lune. Mais j'avoue que j'ai du penchant à croire que Cad efl
le Soleil, ôc que Ment efl la Lune. i. Parce que quand ces tieux Aftres
font joints enfemble , le Soleil marche toujours devant la Lune. Ici Gad
eft devant, Meni vient après, vom dreJJèzU table a Gad ^ & préparez, des
afperjîons^ ou des vins mixtionnez^à Meni. 2. Il me femble encore qu'il efl
clair que le Soleil efl le grand principe des générations , 6c que la Lune n'efl
que le fécond. Ainfi dans l'enumeration de ces génies , qui préfîdent fur
la génération , on a dû mettre le Soleil devant , 6c par conféquent Gad
efl le Soleil. 3 . Il efl encore vrai que de cts deux Ailres, le Soleil efl le plus
bénin , 6c celui duquel on reçoit des influences 6c plus fenlibles 6c plus
falutaires 5 6c par conféquent on l'a dû mettre pour la formne majeure. Ainfi
je croirois que c'efl celui que les premiers Aflrologues ont appelle Gad ,
ou bonne fortune. Je croi que les raffinemens d'Aflrologie , qui ont
donné le nom de fortune, ou à la Planète de Jupiter, oii àîa Lune, font
plus nouveaux : 6c que les premiers Aflrologues , qui n'avoient pas enco-
re perfeélionné cette fcience, ont crûquel'Allrele plus fortuné étoit ce-
lui duquel ils recevoient des biens plus fenfjbles. 4. Par ce moyen nous
n'aurions pas befoin de fuppofer un changement d'ordre dans la Verfîoii
des Septante. Car le mot de Démon ^ qui efl le Soleil, félon les remar-
ques qui ont été faites, y répond au Cad des Hébreux, 6c le mot ^%l,»
que les Grecs eftimoient être la Lune, répond à'ce Meni du texte d'Efaïe.
Ainfi bien qu'ils ayent fuivi l'opinion , qui avoit déjà prévalu entre les Af-
trologues de leur tems, que la Lunemeritoit d'être appellée la bonne for-
tune plutôt que le Soleil , néanmoins on voit qu'ils ont crû que Gad figni-
fioit le Soleil, 6c que A/^h? iîgnifîoit la Lune. f. Outre tout cela, j'avoue
que je trouve tant de rapport entre la table, que les Ethiopiens drefToient
au Soleil, 6c ces paroles d'Efaïe, vous drejfez. la table à Gad^qu^je nefau-
rois m'empêcher de foupçonner que Cad eu le Soleil. 6. Enfin il e.fl fî
apparent, ce me femble, que Mi^vi^, Mené ^ qui fîgnifîe la Lune , entre •
les Grecs, 6c Mi^v , qui fîgnilie mois , vient de Meni^ que je ne faurois
m'empêcher de croire que zJMem 6c Mvivv] fignifîent un même A lire. Et _
qu'ainfî le Mewid'Eiaïeefl la Lune, 6c le Mjivii des Grecs. 7.Jepourrois
encore m'appuyer de l'autorité de Strabon, qui nous a dit exprefféraentî
que le Temple de Meni^ dans l'Arménie, efl un Temple de la Lune, 6c il
ne parle pas du Soleil. Ce n'efl pas queje ne trouve apparent que ce Tem-
'ple ne fut confacré 6c au Soleil 6c à la Lune. Mais il portoit le nom de
Temple de la Lune feule 5 fi nous en croyons Strabon,
Tttt i CHA-
yoï H I S T O I R E D E S D O G M E S
CHAPITRE II.
^e Sefacby divinité des Babyloniens , & des Perfes ; de la fêteap-
pellée Sakea & de laDéeJJeAnaitis.
V
Oici une autre divinité , fi c'en eft une , dont l'Ecriture ne parle
que peu , 6c dont nous ne dirons auili que peu de chofe : G'eft la
Déefle Sach^ ou Sefakc Ce mot fe trouve en deux endroits de Jere-
Chap.a5. V. lïiie. Ainjï ma ait le Seignenr , le Dieu d'^If^ael^ prende ma main la coupe de
^^' ce vin, de cette fureur ici , & en fai boire à toutes les nations ÔCc. c^ tous
V. 26. les Rois ^Aquilon aujfi , tant prochains , que lointains , à tous les "Royaumes ,
qui font fur le deffus de la terre. Et le '^oi Sefac en boira après eux. Et dans
Châp. il. un autre lieu du même Prophète. Comment a étéprife Sefac , & comment
*^» a été fai fe la louange de toute la terre? comment Babylone a-t^eïle été réduite en
étonnement parmi les nations. Tous les Interprètes tombent d'accord que
cette Sçefçac , c'efl: Babylone , êc que le Roi de Sçefçac c'eft le Roi de
Babylone. Mais on demande pourquoi Babylone eil ainfi appel-
lée.
scfach in- Les Hcbrcux veulent que ce nom lui foit donné par un de leurs modes Ca-
un^dermo- balifliques.Ils appellent ainfi certaines manières d'expliquer l'EçritureSainte^
des cabaiif- poury trouvcr tout ce que bon leur femble.Ilsenont treize, dont les trois
3"*^^* principaux font 6'^;»^m<« , Themoura, Notaricon. Themoura, qui fignifie
changement, comprend diverfes manières , ôc l'une des plus célèbres c'efl
celle qu'ils appellent w^T)'^ , Atbash. C'eft un renverfement des lettres
de l'alphabet , par lequel la figure deftinée à fignifier la première lettre
eft employée , difent-ils, pour fignifier la dernière j la figure de la fé-
conde lettre fignifie la pénultième, & ainfi de toutes les autres , en ré-
trogradant. Par exemple dans leur langue cette figure «, qu'ils appellent
aleph , felqn ce mode Cabaliftique, doit fignifier ie n, thau, qui eft la
dernière lettre de leur alphabet, le tî', fchin , qui eft la pénultième let-
tre, doic fignifier le beth , qui eft la féconde , ôc au contraire le beth
doit fignifier le fchin. En un mot c'eft une manière d'écrire en chif-
fre, qui donne aux caraélcres une autre fignificationque celle qui leur eft
ordinaire. Selon ce mode, dans 'y^^ , Sheshah^ les deux fchm lignifient deux
Hierony- beths , Sc le caph fignifie le lamed. Ainfi ce mot déchiffré fignifie S33,
rai^ m lo- gj-|3g|_ St. Jérôme, qui avoit appris cela de fes Maîtres Hébreux, nous le
donne comme une conjeélure qu'il approuve.
sefak étoit Mais nos Savans Modernes ne l'approuvent pas , 6c je croi qu'ils ont
viniterd*^^" raifon.^Car je croi que le Saint Efprit n'a jamais pratiqué ces modes Ca-
Babjio- baliftiques. Ils foupçonnent donc que cette Sefac étoit quelque divinité
des Babyloniens , & que le Prophète a voulu defigner Babylone par Ip
nom de l'une de fes Idoles par opprobre , ce qui eft afl^ez ordinaire auk
Prophètes. Bel efi tombé [ur fes genoux ^ IS^ebo eft tombé fur le nez. , dit le
Pro-
niens.
ET DES CULTES DE L'EGLISE. P^^.lV. 70 ^
Prophète Efaïe, pour fignifier que Babel ik Moab dévoient périr. Gro- Eù'ic^$. ï.
tius conje6î:ure que Mefihak^^ nom qui avoit été donné à l'un des compa-
gnons de Daniel, étoit compofé du nom de cette divinité 3 félon la cou-
tume 5- qui étoit ordinaire aux Orientaux , de donner aux hommes des
noms tirez, êccompofez de ceux de leurs «Dieux. Daniel, qui a nom Bel- ^^nici 4,»,
tefiharfar, félon k nom de mon Dieu. Et même les Hébreux en ufoient de
mêmejprefque dans tous leurs noms entroit le nom de Dieu £/, /^^Z?, & une
partie du nom de Jehova. fehonathan ^ fehofaphat ^ feshagmah ^ Ez.echieL
Mais la difficulté c'efl qu'on ne trouve rien de ce Dieu , ou de cette on ne twu-
"Déc^e: Shac j ou Sheshac. Seulement on trouve qu'entre les Babyloniens, pJ/tJnd?*^^
êcies Perfesjil y avoit une fé'te, qui s'appelloit SiZM£«, Sacea, ou cwn^/^cfju,^'^^^^ ou
qui duroit cinq jours, & durant laquelle, les .Maîtres fervoient leurs ef- £ Auteuis'
claves. Ainli c'étoit des efpeces de Saturnales. C'ell Athénée fur tout Anciens.
qui en parle, 6c qui dit, que Berofe, dans le premier livre de l' Hifioire de Ba- |?ypnofoph.
èjlone , rapporte que le Çsizjéme du mois de Lom on célèbre à Bahjlone la fête de 635, ^'
Sakea p^ar cinq jours. Durant îefquels la coutume efi que les Maîtres obéïjfent à La fête ap-
leurs Serviteurs^ é" /'^^» d'yeux efl Aiaitre de la maifon, 'étant revêtu d'un vê- chez les Per-
tement %ojal. Ils P appellent Zoganez.: Cte/tas parle aufjl de cette fête ^ dans /^ ^«.' «toit de
fecondlivre de P Hifioire Terjique. C'effc apparemment la même fête , dont naies.
parle Dion Chryfoilome , & qu'il appelle o-«>{xwv «prvj. Ne vous fouvenez.- ^'"' '♦• ^'^
vous pas y dit-il, de la fête des Sacs ^ que les Perfes célèbrent, dans laquelle ils
prenent quelqu'un de ceux qui font condamnez à la mort , ^ qui doivent être Exemple"
expofez, au fupplice? Ils le mettent fur le trône du %oi^ & lui donnent un vête- câtafttoph^
ment Royal ^ & durant l'es jours de la fête lui font goûter toutes fort es de délices^ dans cette
jufques à lui permettre de coucher avec les concubines du "^Roi^ perfonne ne l'em- s^a,'^^
pêche de faire tout ce qu'ail veut. Et quand la fête efl finie , ils le dépouillent ^^
le fouettent & le pendent.
Mais perfonne ne nous en fauroit apprendre davantage là-defîus quc^affagede
Strabon. C'eft pourquoi je ne ferai pas difficulté de copier ce qu'il en i'oilSne^"ds
3, dit. Il dit donc qu'il y avoit vers la merCafpie, certains peuples Noma- «"s'fêre,
,j des,&; Scythes, qui s'appelloient auOi Sak^^lts Saques. Ces Saques fai- p^Jfls.^^'
„ foient des courfes fur la Perfe , 6c même fouvent perçoient tout le pais ,
„ jufques-là , qu'ils occupèrent la Baâriane , 6c la meilleure partie de l'Ar- strabon lib,-
„ menie, qu'ils nommèrent Sakafene, de leur nom. Et s'avancèrent juf-^^'
3, ques à la Cappadoce, qui eft proche du pont Euxm , que l'on appelle
„ le pais de Pont, Mais un jour qu'ils faifoient une fête, en confumanc
3, le pillage 5 qu'ils avoient fait, les Empereurs de Perfe les ayant atta-
5, quezla nuit, les défireat abfolument. Après cette viéloire les Perfes char-
„ gèrent de terre une grande pierre, qui étoit au milieu de la campagne ^
„ 6c en firent une^fpece de montagne , qu'ils environnèrent d'une mu-
„ raille , 6c y ayant bâti un Temple , confacré à la DéelTe Anaitis , &>
5, aux Dieux Araanus 6c Anaudatus, qui font les Dieux des Perfes , ils éta-
„ blirent une fête appellée Saca, qui fe célèbre encore par ceux quiha-
5, bitent dans le païs de Zela. Car c'ell ainfî qu'ils appellent ce lieu. ,5,
Peu de lignes après il raconte un peu autrement l'Hiftoire , fur le rap-
port de quelques gens. „ Il y en a quelques-uns, qui difent que Cyrus^^
„ ayant mené fon armée contre ces Saques, il fut battu 6c s'enfuit. Et
3, qu'ayant campé dans le lieu , oit il avoit laiffé fon bagage, il'fe retira.
5-5.
Vol Voir.
lib. 1, cap.
DelaDécffe
Aaaitis.
704 HISTOIRE DES DOGMES
„ de Ton camp, ôc le laifla rempli de toutes fortes de biens, ôcprincipa-
5, lement de vin , ^'éloignant un peu , & autant qu'il le jugea à propos
„ pour ion cieilein, les Saques venant attaquer ce camp, ôcle rencontrant
„ iàns dérenic, & plein de vivres délicieux, en prirent avec excez. Cy-
5, rus revint du lieu , oîi il s'^toit caché , &C les ayant furpris , les uns
„ profondément endormis , & les autres danfant , 6c fans armes , il les
„ attaqua 6c les défit , de forte qu'ils périrent tous. Cyrus croyant qu'un
5, fi heureux fuccez ne lui pouvoit venir que de la divinité , il confacra
„ ce jour à la Déefle du pais. 11 appella la fête Sacxa. Ainfi l'on célèbre
„ cette fête dans tous les lieux, oia cette Déelfe a des Temples. Et du-
„ rant les jours de la fête on fait des Bacchanales , les hommes &c les fem-
„ mes boivent enfemble, le jour 6c la nuit , jufques à ce qu'ils tombent
5, abbatus par le vin ôc par le fommeil. „ Il n'eil pas apparent que cet-
te fête ait été inftituée par Cyrus, parce que fi elle étoit déjadutemsde
Jeremie, 6c des Rois de Babylone, elle étoit avant Cyrus, qui n'efi venu
que depuis. Et même il y a apparence qu'elle fut célébrée premièrement
entre les Babyloniens , avant que de palTer aux Perfes. Mais le fond de
l'Hiftoire eft apparemment véritable, c'ell que cette fête fut inflituée par
les Rois de Babylone , ou de Perfe , après qu'ils fe furent délivrez des
Saqties : que cette fête étoit de vrais Saturnales , 6c des Bacchanales, 6c qu'elle
étoit dédiée à l'honneur de la Déefie Anaitis.
Or cette Déefle Anaitis , l'une des divinitez des Perfes , étoit appa-
remment Diane 6c la Lune. Plutarque le croit ainfi , car il dit , dans la
vie d'Artaxerxes , qu'Artaxerxes appelle Mnem-on fit A^afie ^ Ça, coffcubi-
Prêtrejfe de la Diane â'èchatme ^ qu^ils appellent ^''-jcariç, afin qi^elle pa^at
ne
în Laconi-
cis.
55
h refie de [es jours en chafiete'. Et Paulànias dit que les Lydtens avaient un Tem
pie de Diane ^ Cous le nom. d* Anaitis. Il eft vrai que Strabon dit des chofes
de cette Déeife Anaitis , qui donnent lieu de croire que c'étoit Venus
straboniib. plutôt que Diane. Voici comme il parle. „ Les Medes 6c les Arméniens ont
une grande dévotion pour les divinitez des Perles. Et fur tout les Ar-
méniens font fort dévots pour Anaitis, à laquelle ils ont bâti un Tem-
ple en Acilifene 6c en d'autres lieux. Et là ils ont établi beaucoup de
fcrviteurs 6c de fervantes, ce qui n'eft pas étonnant. Mais ce qui l'ell
„ davantage , c'efi que les plus importans de la nation lui confacrent
„ leurs filles vierges^ 6cc'efi: la coutume, qu'après qu'elles ont étélong-
5, tems expofées dans le Temple de la Déefie , 6c qu'elles fe font prolti-
5, tuées , on les marie , 6c il n'y a perfonne qui fafie difficulté de \es
„ époufer. „ Cette profiitution des filles dans fe Temple d'Anaitis , a
bien du rapport avec ce qui fe faifoit dans le Temple de la Venus Baby-
lonienne, ^i donc l'on pofe que cette Anaitis efi une des divinitez de
Babel , il ne fera pas diflîcile de comprendre pourquoi Jeremie l'a ap-
pellée Sefach. Les fêtes prennent fouvent les noms des Dieux, aufquels
elles font confacrées. Mais il n'efl: pourtant pas étonnant que Ton donne à
une divinité le nom de fa fête. C'ell pourquoi, comme la fête deSacea
étoit dédiée à Anaitis, Jeremie a bien pii défigner la divinité par le nom
de fa fêuej fur tout parce qu'il avoit deflein de parler myfierieufement,
6c en fiyle de Prophète. Comme je n'ai point de conjeéture plus vrai-
femblable que celle-là, je m'y arrête fort volontiers.
C H A^
3>
ET DES CULTES DE L'E G L I S E. P^r^, 1 V. fo^
C H A P I T R E JIÎ.
T>u 7}ieu Mahuzzim. Ce font les Romains adorez &fervisfar ÂH"
tiochus Epîfhanes. ' '
Oici une autre divinité , qui a bien donné de l'exercice aux Inter-
prètes. C'eft le Dieu Mahuzzim, dont parle Daniel dans le cha-
pitre onzième de Tes Révélations. Toutefois il honorera en fon Jkge V. î*. ^
le Dieu Mahuzjzjry^ ^ il honorerai ,■ dis-j* , le Diea que [es pères n'ont point con-
nu^ par des pre'fens d'or^ d'argent^ de pierres pr^'cieufes , & de chofes défit Mes.
On demande qui eft ce Dieu Mahuzzim ? Et là-delTus il y a tout autatift'
de penfées que de têtes, i^eldenus n'en veut rien dire , comme d'une
chofc abfolument inconnue. Mais je ne croi pas qu'il foit auffi difficile de
découvrir ce que c'eft , comme il ie l'efl: itaaginé. Le texte Grec, qui efl
de la v-erfion de Theodotion, a confervé le mot Maozim, '-ta} èév Maa-
Çf/V 6cG. la Vulgate a fait la même chofe, Def^m antem tJlfaoz.rm venera-
bitur. Mais d'autres ont tourné, le Dieu des forces^ ou des fortifications. Ec
en effet nDn;)^ , fîgnifie forces, munitions, & fortereiïes. Les uns ap-
pliquent ces paroles à l'Antechrift , 6c les autres à Antiochus Nlluflre, le
.grand ennemi des Juifs , êc de leur Religion. Nicolas de Lyra, Bellar- "
min-, & quelques autres 5 difent que c'eft le nom propre de l'Idole, & du
Démon , auquel l'Antechrift fervira. Car encore qu'il doive faire pro-
feffion , félon eux, de méprifer tous les Dieux, cependant en fecret il au-
ra un Démon , en la prote6î:ion duquel il fe mettra , & qu'il adorera,
Theodoret croit que ce fera le nom que l'Antechriil fe donnera à lui- ,
même: Il s'appellera le Dieu des forces. Quelques-uns entendant ces pa-
roles d'AHtiochus Epiphanes , difent que par ce Dieu Maozim , ou le
Dieu des forces , il faut entendre le vrai Dieu , qu'Antiochus fut con--'
traint de rcconnoître & de confefTer , félon i'Hiftoîre , qui s'Qn lit au
chap. p. du 1^^. livre des Maccabées. Mais on nelït point là qu'il ait envoyé
des préfens d'or & d'argent, ôc de pierres précieufes, au Temple de}c-
rufalem. Grotius eftime que le Dieu des forrerelTes, c'eil Mars, que les^HOanieîeïE
Poètes font Dieu de la guerre, & que les Phéniciens appelloient Â''X<^?5 jiuaaus'^n
du mot pîir, Aziz, qui lignifie fort, 6c qui vient d'une mecie racme que ^^y^ao lo-
Maozjm.
De ce mot il tire fort ingenieufement celui de Mitgazjn. Cela cit fort origine an
vrai-femblable , parce que le v des Hébreux eil fouvent changé en ^,21^'^"^^"
•comme dans le mot Gomorre , qui fe lit dans l'Hébreu Omorrha^ avec-
un ];> & Beth-Phegor 5 que les Hébreux lifent Beth - Pehor , par haïn.
Grotius ajoute auffi que le Dieu inconnu, dont il eil parlé dans le même Coniedure
verfet, c'eft le BaalSamen , ou le Jupiter Olympien des Tyricns , & p^oSS'"''*
qu'Antiochus Epiphanes ordonna qu'on adorât cette Idole. 11 dit de ^auflè.
plus que les Hébreux appellent encore aujourd'hui la Planète de Mars ,.
Fan. IV, Vvvv Moàim^
Voi Pf 27
& 28.SC3I
& 37.
706 HISTOIRE DES DOGMES
Modtm , □""IND , qu'il dérive de Maozj^im , en changeant le Z, en D, Mmâim.
Mais ce grand homme fe trompe évidemment, ou bien il veut tromper les au-
tres. Car il fa voit bien fiins doute que les Juifs ne lifcnt pas les lettres onNO,
par Moàim , mais par Maadim , ôc qu'ils le dérivent d'^tdam , être rou-
ge, à caufe de la couleur rougeâtre & enflâmée de la Planète de Mars.
11 Te trompe encore quand il dit que le Bal-Samen des Tyriens étoit un
Dieu inconnu aux Macédoniens, prédecefleurs d'Antiochus : car le Bal'
Samen des Tyriens étoit aflurément le Jupiter Olympien des Grecs. Ce-
la ne fe peut pas dire non plus de Mars que ce fût un Dieu inconnu à
Antiochus , car îl n'y a voit pas de divinité plus connue entre les
Grecs.
Il y en a qui interprètent a^î'i;?^ , par 5«/jxov;« , ôc prétendent que ce
font ces efprits médiateurs entre Dieu 6c les hommes , que les Platoniciens
appelloient J^^ixovfç, parce que le mot de W^ , Maos^ d'oti vient le plu-
riel Maozzim, fignifie fouvent dans les Pleaumes protecteur, défenèur.
C'eli un des noms que David donne fouvent à Dieu , >?yo , Maoxzi,
mon défenfeur, mon protedeUr. Et les Grecs ont fouvent rendu ce mot
par celui de v%£pci(î%iqi]ç^ qui fignifie protecteur. Ainfi l'on s'eft imaginé
que ces Maozzim , étoient les efprits proteéleurs , \j%spci<smqcil ^ qui font
médiateurs des hommes devant Dieu. Cette dernière conjecture efttrés
belle, mais on la doit renvoyer au fens myflique, qu'on trouve expUqué
dans nôtre accomplifTement des Prophéties.
C'ell allez parler des fentimens d'autrui, il faudroit tout un jour pour
les rapporter tous. Ceit pourquoi je me contenterai de dire ce que j'en pen-
fe. je croi donc que celui, dont il ell ici parlé, c'eft Antiochus l'illuf-
tre, ou Epiphanes. Tout le monde en convient aflez, 6c cela eft clair.
Ce Dieu JVIaozzim , qu'il devoit glorifier , par dts hommages , 6c des
préfens, ce font les Aigles Romaines , c'efl l'Empire Romain. Dieu dit,
cet orgueilleux eOayera de s'élever fur tous les peuples, il mépriferatous
les Rois, il les foulera aux pieds, 6c travaillera à fe les rendre tributaires.
C'eft ce que fîgnifîent affûrément les paroles de cette Prophétie. ^<? Roi
fera félon fa, volonté ^ & fe magnifier a par dejffts toHî fort , & proférera des cho-
fes étranges contre le fort dès forts , & profperera jtifcfHes a, ce qne ^indignation
ait pris fin ^ & ne fe fondera pas dti Dieu de fe s pères 6cc. Une [e fondera d'an-
C\un Dieu , car il fe magnifiera p^r deffus tous.
Cela ne fe doit point expliquer de la Divinité, car on ne lit point que
cet Antiochus ait été impie dans la Religion. Au contraire la cruelle per-
Athéè^ou"' ^ecution qu'il excita contre les Juifs, ne vint que d'un faux zèle qu'il avoit
impie, com- pour {ç.s Dicux , doiit il vouloit établir le culte par toute la terre. Cela
eil allez clair par les Livres des Maccabées. Les Dieux , fur lefquels An-
tiochus s'élève , font des Rois, 6c il ell ordinaire de concevoir les Rois
couîme des Dieux , 6c d'en-'parler en ces termes ; fai dit^ vms êtes
Dieux.
[ncontinent après le Prophète ^outtfrofitesfois il honorera enfonfegeMahoz.'
z,im le Di en des forces^ il honorera le Diene^ue fes pères n'ont point connn ^ par or ^
argent, pierres précieufes ^ or chofes déftrahles. C'ell -à-dire , ce Prince fu-
perbe, qui s'cievera fur tous fes voifins, fera contraint de rendre hom-
liiage aux Aigîes Romaines, de payer tribut aux Romains, 6c4efecon-
fer-
Le Dieu
Maozzim ,
ce font les
Aigles B.0-
mjiaes.
Daniel ii.
36.37.
Antiochus
Epiphanes
me on
luppoft
ET DES CULTES DE L'EGLISE. Tart.lY, 767
{êrver dans leur faveur par de riches préfens. Il me femble qu'il fera dif-
ficile de douter de la vérité de cette interprétation, quand on auracon-
fîderé ce que je m'en vais dire.
1. Que le Prophète ne dit pas , il adorera , ou il fervira , qui font \ç% .
termes qui expriment le culte religieux, mais il fe fert du verbe naD», il
glorifiera. C'eft le terme, dont l'Ecriture fe fert ordinairement pour ex-
primer les hommages civils. Et il dit de plus, qu'il le glorifiera par des
préfens d'or, 6c d'argent, 6c de pierres précieufes. Ce font les tributs,,
ëc les dons, par lefquels on rend hommage à des fuperieurs. Si ceMaoK.'
z.im étoit une divinité, il auroit plutôt dit , qu'il le glorifieroit par de^
facrifices 6c des offrandes. Ce n'eftdonc pas d'un Dieu , dont il s'agit dans
le fens Littéral, c'eft d'un Empire, ou d'un Empereur.
2. Ce mot de Maozzim, quifignifie force 6c puilîance,eft abfolument
le même que le nom de Rome,Pwjxvî, fîgnifieforce,6cjenefauroism'em-
pêcher de croire que le Prophète fait allufion à ce nom , 6c à fa fîgnifi-
cation. Si nous voulions tourner le nom de Tw\i.am, 6c de Romam^^n Hé-
breu, on ne le pourroit tourner autrement que pzr Alahos^zim, qui figniûè
précifémenr la même choie.
3. De plus il faut remarquer que les Aigles Romaines étoient des ef- videcta»
peces de divinitez , devant lefquelles les foldats fe profternoient. Aufîî Jj*™ '"
Tacite les ^p'peWe propria legionum numina. Exclamat^irent ^ fe^uerentnr Ro- y^^^^j
manas aves propria legionum numina. Suétone raconte qu'Artaban adora \es ^poi \l
Enfeignes Romaines. Artabanm tranfgrejfm Ettphratent aquilas & fgna Ro-
mana ^ Cafarumque imagines adoravit. Et Tertullien dit: Religio Romanorum
tota caftrenjts y Jtgna venerattir , pgnajnrat , Jigna omnibus Dits praponit. Ain-
fi il ne faut pas s'étonner lî le Prophète les appelle nni^o nn^î<, le Dieit
des forces.
4. Enfin tout cela s'accorde admirablement avec l'Hiftoire. Car en
effet Antiochus, qui étoit la terreur de toute l'Afie, étoit lui-même tri-
butaire des Romains. Ils avoient eu affaire avec fon père , environ l'an
f<î2. de la ville de Rome. Antiochus le Grand devenant redoutable aux Appua ia
Romains, ils firent delTein de l'abailTer. La guerre dura trois ans ; An- x^îè^LlV
tiochus fut battu, la paix fe fit, à condition qu'Antiochus cederoit aux Hv. î».
Romains toutes les Provinces de l'Afie, qui font au deçà du MontTatf-
rus, 6c qu'il payeroit une fomme de cinq cens talens contant , pour les
frais de la guerre , deux mille cinq cens talens , quand le Sénat auroit ra-
tifié le Traité , 6c dix mille cinq cens à payer en diverfes parties , durant
î'efpace de douze ans. Et ce tribut ne fut pas éteint au bout des douze
ans. Antiochus Epiphanes le continua pour acheter la paix , 6c n'avoir
pas fur les bras de fi redoutables ennemis. Cela fe voit dans l'Hiftoire du
î'econd Livre des Maccabées, qui dit que ^Nicanor ordonna un tribut m Lib.z.c.î,
Roi Antiochus Epiphanes , t^ui devoit revenir aux Romains , [avoir deux mille ^^'
talens , & que ce tribut fui fourni de l^ argent provenant de la vente des prifon'
mers Juifs , qu'on vendott pour efdaves. 11 paroît donc qu' Antiochus pâyoit
un tribut annuel de deux mille talens aux Romains. De plus il ne faut
pas douter qu'il ne leur fît quantité de préfens de pierreries , 6c de cho-
fes précieufes , comme le Prophète le marque.
Peut-être dira- t'on que cela ne s'accorde pas avec les paroles deX)anieI,
y vv v 2, qui
t^.p. I. "II,
708 HISTOIRE DES DOGMES
qui dit que ce Dieu, qu'Antiochus devoir glorifier par des préfenSjétoit in*
connu à fes pères. Or ce fut Antiochus le Grand , père d'AntiochusEpi-
phanes , qui eut affaire avec les Romains , qui fut battu .par eux , &: qui
leur paya tribut. Je répons, que l'on ne doit pas diftinguer ici Antiochus
Epiphanes de fon père Antiochus le Grand , parce qpe les affaires , qu'eut
Antiochus le Grand avec les Romains , furent du tems même d'Ando-
chus Vllàtfire, fon fils, & lui-même dans cette guerrefut donné pour ota-
ge aux Romains, comme nous l'apprenons du premier Livre des Macca-f
bées. D^ eux fort it cette méchmte racine Antiochns l'^Illuftre , fils du Roi Art"
tlochm: lequel Ayitiochpts ï^lllufire àvoit été donné en otage a %pme. Il efttoûr
jours vrai que ce Dieu, c'eft-à-dire,. les Aigles & la puiflance Romaines,
ne furent point connues des pères d' Antiochus. Il honorera un Dieu^ que
fes pères n^auront point connu. Car par les pères il faut entendre les Ancê-
tres, Et il eâ certain que les Ancêtres d' Antiochus n'avoient pas fenti
les forces Romaines , lui 6c fon père les avoient fenties en même tems»
Mais pour donner plus de lumière à cette interprétation, eflayons d'en-
tendre le verfet fuivant , qui alîurément eft très difficile. Il y a. mot à
mot, félon FHebreu, & faciet munitionihus eJ^Cabuzzim eum Deoextra-»
neo^ quem a^.ofcere multipliçabit gloriam ^ & dominari faciet eos fuper multos,
(^ terram dtvidet in preîio. Les Théologiens de Genève ont tourné , Et
il exploitera dans les plus fortes forterefes , tenant le parti du Dieu inconnu ,
qu'ail aura connu , & leur multipliera la gloire , & les fera dominer furpluflears^
& leur partagera le pais pour loyer. Je croi qy'on peut mieux tourner la pre-
mière partie de ce verfet, en difant, Il fervira de forterejfe à (JM^aoz.im ^&,
àonnera gloire à ce Dieu étranger^ qu!il s''ejforcera de reconmitre & d^honOf^
rer. -
Voila une féconde fois nôtre eJ^4i?2;.?W , c'èfl Rome , 6c lès Aigles Row
maines. Le Prophète dit qu'Antiochus leur fervoit de rempart 6c de for-
tereffe, parce qu'il mit le Mont Taurus entre les Romains 6c lui, leur don-»
nant toutes les Provinces au deçà du Mont Taurus. Il ajoute qu'il s'ef-
forcera de reconnoître 6c d'honorer ce Diea inconnu, c'eft-à-dire,. ce puii^
fant Erat 5 dont les. Princes dsl'Afie avant lui , n'avoient pas connu. la
puilTance. C'eft ce qu'il avoit déjà dit,. qu'Antiochus feroit tributaire des
ï^omains. Il dit enfin, qu'il les fera dominer fur plufieurs , & leur parta-
gera le païs. C'eft parce qu'Antiochus céda aux Romains ces belles Pro-
vinces, qui font au. deçà du Mont Taurus, 6c il acheta d'eux la paix, ea
partageant avec eux fon. Empire.
Au refte nous ne prétendons pas par cette interprétation littérale faire
aucun préjudice à l'inferpretation myftique , qui regarde l'Antechrift. Il
faut hre là-delfus le quatorzième chapitre de la première partie de nôtre.
accompUlTement dçjs Prophetie^s.
CHAV
ET DES CULTES DE L*EGLISE,P^r^.iy. 709
CHAPITRE IV.
Baal'Tfephon. Cetoit le nom d'un lieu , non d'un T>ieu : de CMar^
gemah ,, & des iMonceaux appeliez CMomeaux
de-zMercurê.
E n'ai qu'un mot à dire de Baal-Tfephon. On lui fait bien de l'hon-
neur de le mettre au nombre des Dieux, car c'étoit le nom d'un lieu.
Mais il aplû aux Rabbins, qui révent quafi toujours , de dire que
c'étoit le nom d'une Idole. Dieu dit à Moïie , ^arle aux enfans d'Ifra'él ^ Exod. 14.-
cjH ils fe détournent ^ & t^n'ihfe campent devant Tihahiroth , entre Migdol ^ ^' *'
la Mer , vis-k-vis de Bahal-Tpphon &c. Lors Pharaon dira des enfans d' Jfraelj
ils font embarraffez. & enlacez^dans le pais , le defert les a enfermez.^
Selon la glofe des Juifs, le Bahal-Tfephon étoit une Idole Magique,
que les Magiciens de Pharaon avoient formée fous certaines conftellations,
6c qu'on avoit placée proche la Mer rouge, pour obferver les enfans d'If-
raël, pour les enlacer & les empêcher de pafier outre. C'eft pourquoi
la Paraphrafe de Jonathan ^ 6c le Targum de Jerufalem , tournent D^iijn [S!^,
l'Idole Tfaphon, Aben-Efra , dans fes Commentaires fur ce palTage ,
étend cette Fable. Et je croi que tout le fondement de cette imagination,
c'efl que dans la Langue Sainte 77^//7^^,c'eft-à-dire, obferver, aguetter.
Tfaphon fignifie donc obfervation , fpeculation , & ainfi Bahal-Tfephon
doit fîgnifier le Dieu obfervant 3, ou aguettant. C'eft aflez en dire là-
deflus.
Pour ne rien oublier de ce qui a paffé pour nom de divinité, il faut di- Margemah/
reun mot de Margemah-^ naxi'û , que l'Interprète Latin a tourné v^tfrs/^j
Mercurii , le monceau de Mercure. Sicut qui mittit lapidem in acervtim p,^@veib.
JHercmii y ita ^ui tribait infpienîi honorem. Celui t^ui fait honneur au fou eft ^^' s-
fembUble a celui qui jette une pierre dans le monceau de Aiercure. Il feroit
aflez difficile de deviner pourquoi la Vulgate a ainiî tourné , car entre
Moprgemah, & Mercurius-^ il y a une fi petite reffemblance , qu'il n'y a
point d'apparence que ce foit la même chofe , bien que Goropius Be-
canus les dérive tous deux d'un même mot de la langue Teutonique.
Mais fon ouvrage eft rempli de ces fortes de rêveries. 11 y en a qui tour- Aben-E&â,
nent ce Margemah, par un monceau de pierres, parce que C3:n, fignifie
lapider , & qui traduifent ainll le paflage de Salomon , donner de l'honneur
à'un fou^ c''efl comme qui jetteroit une pierre dans un monceau de pierres ^ c^eii-
à-dire, que c'eft faire une chofe inutile.
Les Anciens entendent par ce mot une fronde. Les Grecs ont tourné vide scaii-
iv (7(pev^6v^^ & le Chaldée î^p^ps, qui met une pierre dans une fronde ^ & |"- ^^
qm fait honneur à un fou ^ c''efl tout un, c'eft-à-dire, que l'un & l'autie ne temp,ç,cap,
dure eueres. Et que cet honneur rendu à un fou pafîe vîte.romme la pierre qui ^ ^- f^^"',
iort de la honde. vouant a la coutume , a laqueile l'Ancien Interprète Latm gir».
à eu égard , elle eft très- connue. Mercure étoit eftimé le Dieu des che-
Vvvv 3 minsj.
710 HISTOIRE DES DOGMES
Et Diufîum mins, fa ftatuë étoit dans les carrefours. Et en fon honneur on faifoitdc
Deorum gi'''ir»<^s monceaux de pierres , dans lefquels les paflàns fe faifoient une dévo-
Proveib. Z4- tiott de jetter une pierre. Les Commentateurs d'Homère rapportent
v^deLUiutn l'oHgine de cette coutume à la fable, qui dit, que Mercure étant accufé
Gytaid.syn- par Junon du meurtre d'Argus, il fut jugé par les Dieux , & abfous à la
sddenura foUicitation de Jupiter. Mais que pour faire paroître à Junon qu'ils
syntagtn. 2. détcftoient pourtant l'aftion de Mercure , ils jetterent à (es pieds cha-
voff lib. 2. cun fa pierre. Ef de là efi venu , félon Didyme, c^tte les hommes f^nt da
c. î2. ubi monceaux de pierres le long des grands chemins y a l'honneur de Mercnre , farcd
Didymus quil préfide [uY les chemins^ en imitant les Dieux qui l^avoieut abfous ^ & ils
Euftathius appellent ces monceaux les butes de Mercure , êpfJ^aioKoCPot.
ïno y eam j^ ^^ femblc quc le fens du partage des Proverbes n'eft;autre que ceci^
De illo litu Celui qui rend de Phonneur a un fou, n^efi pas plus fage que celui qui s'*amufe à
m?nidfsïb. ^f^^lj^^ ^^^ pierres dans un chemin, ce qui ne firtqu^a faire trébucher lespajjam,
de IdoloU'
ma,
VII. TRAI.
ET DES CULTES DE L'EGLISE. P«rMV. 711
VIL TRAITE
pu CULTE
DU SOLEIL,
X>e la Lune , des Planètes Qf des Etoiles , dti Feu , des
chevaux con/acre^ au Soleil , détruits far Jojias ,
Ô^ des Chammanim.
C H A P I T R E I.
Erreur de quelques Anciens , qui ont crû que les AJlres' avaient été
donnez àe Uieu aux nattons pur divimtez. On a crâ que les
/îfires étaient animez. Le Soleil adoré par les Ter/es fans Tem-
ples ni Chapelles. Coutume d'adorer en je tournant ver s l'Orient,
Des Chammanim entre les Juifs.
L eft: certain que tous les Dieux, dont nous venons de
parler , font le Soleil , la Lune , ôc les étoiles. Ce-
pendant il faut faire un chapitre à part de l'adoration
du Soleil & de la Lune, 5c des autres Aftres, parce
qu'effedivement il efl appaa-ent , qu'outre le culte
qu'on rendoit aux Aftres, fous les noms ôc fous les
iimulacres de Moloch, de Bahal, 6c d'Aftarté, on
les adoroit eux - mêmes fans déguifement de nomâj
Car la plupart des hommes , fur tout du vulgaire, ne
favoient pas diftinétement ce qu'ils adoroient fous les noms de Moloch, de
Bahal, & d'Aftaroth. Le Soleil Scia Lune étoient cachez fous ces noms
allûrément. Mais outre cela il y a apparence que Ton adoroit expreiTé-
mentle Soleil ôc la Lune fans images, en fe profternant devant eux, ou
devant la lumière 6clefeu, qui font leurs emblèmes. C'eft pourquoi en
beau-
#
712 H I s T O ï RE DES DOGMES
beaucoup de lieux du Vieux Tcftament il nous eft parlé de ce culte du So»
leil, ôc de la Lune, ôc des autres Aftres. Dieu, qui prévoyoit que fon
Peuple fe laifleroit aller à cette efpece d'idolâtrie, l'adéfenduë exprcfîement.
Deutero- De peur cjii^élevdnî tes ymx vers le Ciel ^ & q.H* ayant vu le Soleil^ ^ la Lnne^
' '** ' C^' les e'toiks , <^Mi eji toute Parmée des Cietfx , t/4 ne fois poujfe k te profierner
devunt eux ^ & ne lesferves, vu qne û Eternel ton Dien les adonnez^ en partage
à tOMS les peuples j c^uifontfoHsleCieli
Opinion de Les dernières paroles de ceLpaflage ent donnéilieu à unC' opinion étran-
Mi">*"- ge, qui mérite bien d'être examinée. Onavoit bien remarqué que Juftin
ment d'A- Martyr, dans fon Dialogue àTryphon, difoit que Dieu avoit donné le
\"*"^"^>^ Soleil pour être adoré. Dieu, dit- il, avcit bien donné ait commencement le
que les Af- Sôiêil pour être adore ^ amji qtiiL ejt écrit. tJ/vlMs jamms on na vu perfonne
très ont été yguidy mourir pour la foi an Soleil . an lietd, que tous les ionrs on voit descende
donnez xcx. ' \ •> y i n r /-» n. ^ r ^ ■
fiycas^oui tomes fortes <^m Tftefirent poftr le nof!^ de fejHS-Lhrijr ^ & pour r.eJe pas remer.
Dieux"" Clément- d'Alexandrie depuis a dit la même chofê plus clairement; ÔC plus
-Stroaijï. 5« expreflement encore ; Dieu a donné le Soleil & U Lune pour être adore?^ , com-
me dit la Loi ^ afin que les j09mm.es ne ftiffent pas tout a fait Athées, "D'-abord
l'on ne comprenoit pas bien où ils avoient pris cette étrange opinion, ôc
fur tout l'on ne fa voit pourquoi ils attribuoient cela à l'Ecriture 6c à la
Loi. Comrae il efl écrit ^ dit S.Juftin. Comme dit la Loi ^ dit Clcment d'A-
lexandrie. On foupçonnoit que cela pouvoit venir de ce que MoiTe dit,
que Dieu créa au commencement deux grands luminaires, pour dominer
fur le jour 6c fur la nuit. 'On avoit lieu de croire que les Anciens s'étoierit
perfuadez que dans l'intention de Dieu, le Soleil & la Lune avoient été
* établis pour être conîiderGS pac les nations, comme les Dieux de la nuit ôc
du jour, 6c pour les maîtres du monde. Mais on a trouvé le dénouement
Tom.2. p. de ce myftéte dans l'ouvrage d'Origeneiur S. Jean , que nous a donné
*^' Monfieur Huet , qui nous apprend que les Anciens fondoicnt .cette opinion
fur les paroles du paflage , que nous avons rapporte. Dieu Usa difinbuées,
OH données en partage k tous les Peuples qui font fou sic Ciel. Ils fe font imagi-
nez que Moïfe vouloit dire que Dieu avoit diftribué le Soleil, la Lune, 6c
les étoiles, aux Gentils, pour être.leurs .Dieux , afin qu'ils les adoraflent,
& qu'il s'étoitrefervé pour lui le peuple d'ifraël. Jl eft vrai que les paro-
les de Moïfe font capables de recevoir ce fens-là. Mais il eft fi oppofé au
fens commun, à laraifoB, êc à la Religion , qu'il eft furprenant
que des Chrétiens ayentpû y tomber. Et cela nous doit apprendre deux
chofes , la première qu'il n'eft pas toujours fur de prendre pour fens de
l'Ecriture ce qui faute d'abord aux yeux 5 l'autre, qu'il ne s'en faut pas toû*
jours tenir aux" interprétations des Anciens,
Mais je voique Juftin Martyr, &: Clément d'Alexandrie, ne font pas
lesfeuls qui ont bronché fur cette pierre. S. Auguftin a de bien prés-ap-
Qiisftionnm proché de leur erreur. Car voici ce qu'il dit fur ce paOage. ISlonitaki-
Deuteiono- &^^ ^^ tâmquam Dempr&ceperit ea colik gentibus ceteris^ à populo fuo non co''
miiim. li i fed quod prafcivit gentej ipfs honorem exhibituras , O tamen prafciens crea^.
s.^Anguai-î vit j populum ver 0 fuum futur um effe qui talia non coleret. Ce n'eftpas, dit-
apptoche de il ^ que Dieu ait commandé aux peuples , d'adorer le Soleil ôc la Lune.
c.HC .a, J^ais il a prévu que les nations les adoreroient, ôç il n'a pas laifle de les
crées
ET DES CULTES DE L'EGLISE. TartlY. 713
créer daijs cette vue. Je voi i^ême qu'il y en a entre les Hébreux , qui ""-^
font tombez dans une penféej^peu prés femblable ilir ce texte.
Un Rabbin appelle Merïle Gerundenfis, Efpagnol, dit ^<^He tons les peM-
pies de U terre ont um étoile , c''efi-a-dir» , une Tlanete ^ & un Aflre dominant^
AH dejfns def(j fiels les Anges de Dieu font e'tablis. Oefi ce (jue jîgnifie dans le Li-
vre de Daniel ^ le Trince de Terfe ^ & leTrince du Royaume de favan. Cejl
pourquoi les nations fe font de ces Asîres des Dieux, aufojuels ils fervent. Mais
Dieu dit aux enfans d'ifraél , le Seigneur vous a {:hoiJis , car vous êtes fan
héritage, vous n"^ établirez, fur vous aucun Prince que lui. G'eft-à-dire , félon Lucas bm-
l'interpretation de Luc, Evêque de Burgos , que ce Juif & quelques au- f^^^ "»
très croyent que Dieu a établi fur chaque nation le Soleil , la Lune , ou une
autre Planète, pour dominer fur elle, 6c quec'eft la raiîbn pourquoi les
peuples les ont adorées.
La Vulgate d'aujourd'hui , pour lever l'équivoque , a ajouté le mot de
Miniflerium ^ qutz creavit Dominus in mînijlerium cunSlis gentibus , quafub ca-
lo funt. • Et en effet c'efl laie vrai fens, &; c'eft la raifon pourquoi Dieu
défend qu'on les adore. Vous n'adorerez pas le Soleil 8c la Lune , car bien
loin d'être les Dieux de la terre : ils ne font que les miniftres 8c les fervi-
teurs des hommes. La Verfîon des Septante a laiffé toute Tambiguité,
car elle a tourné conformément à l'Hébreu , Dieu les a difiribuez^ k toutes
ies nations qui font fous le Ciel.
Il eft tems de retourner à nôtre fujet , c'eft l'adoration du Soleil , de Que le so-^
la Lune, ôc des étoiles. Et il faut voir premierement.les paffages, où leii Jui-mê-
il nous en eft parlé. Ce culte eft une féconde fois défendu dans le chap. adorlpref-
17. du même Livre du Deuteronome, où Dieu commande que l'on faite quepartoa-
mourir par lapidation, celui qui aura ete convaincu d avoir fervi a d autres
Dieux y & de s^ être projlerné devant eux^ foit devant le Soleil, Çoit devant la chap. 17. j.
Lune , ou devant quelque chofe que ce foit de P armée des Cieux. Dans l'Hif-
toire de Jofias, l'Hiftoire Sainte nous dit que ce Prince abolit les Camars^ 2. Rois 2*,
^u Sacrificateurs ^ que les Rois de fuda avaient établis quandon faifoit des encen- s- ".
fimens aux hauts lieux ^ parles villes de fudi , & autour de fer ufalem. Il abo-
lit auffi ceux qui faifoient des encenfemens à Bahal^ au Soleil , a la Lune , aux
Afires & à toute V armée des Cteux &c. Il ota aujjl les chevaux^ que les %pis
de fuda avaient placez, à Vhonneur du Soleil, de Pentree delà »yKatfon de l'E-
ternel, vers le logis de Nethammelec Eunuque^ f tué en Parvarim y& brûla au
Jeu les chariots du Soleil. Ce culte OU adoration du Soleil avoit paffé juf-
ques en Egypte. Car Jeremie prédifant la ruine de ce païs dit , que Ne-
bucanetfar brûlera les Dieux d'Egypte , // brifera auffi les fiatu'és de la maifon
du Soleil, laquelle efl au païs d^ Egypte. Il n'y a pas d'apparence que ce fût
Ofiris, ni Ilis, quoi qu'Ofiris fût le Soleil. Mais je croi que c'étoientdes •
ftatuës coTifacrées à l'honneur du Soleil , fous le nom de Soleil. Enfin
l'on ne peut pas douter que le Soleil n'ait été adoré immédiatement Ôc fans
voiles, en lui-même par les Syriens, & enfuite par les Hébreux, après
le témoignage d'EzechieL // me fit entrer au Parvis de la Maifon de PE-
ternel, ^ voici -à t entrée du Temple^ entre le porche & P autel, environ vingt
£zech. S.tC
cinq hommes^ ayant leur derrière contre le Temple du Seigneur, & ils avoient
les vifages tournez, du coté de POrient, & ils fe profiernoienî vers POrimt ^
■devant le Soleil.
Part. IV. Xxxx II
714, H I ST G I R E D E S. D O G M E S
les PiYcns 11 eft certain que c'eft la plus ancienne de toutes les idolâtries. I^es hom-
ont crû que ^^^ aprés Ic déluge, ayant perdu la connoiflance du vrai Dieu , & leur
e^toiianimé. confciencc les prellànt dechercherSc d'adorer une Divinité, leur ame plon-
gée dans lesfens, & dans la matière,, n'a rien trouvé qui Fût plus digne de
leur admiration, & de leur adoration, que ce grand Aftre. En voyant
les mouvemens réglez de ce grand corps , & les utilitcz que TUnivers en
reçoit, ils n'ont pas crû que ces merveilles pufient être produites, fans
qu'il y eût là-dedans quelque vaile intelligence. Et ce n'étoit pas feule-
ment l'opinion du vulgaire, que le Soleil étoit animé , c'étoit le fentiment
desiliges Payens. Ciceron l'attribue aux Stoïciens, 6c les fait parler ai n-
2. Dénatura {] , //dera Athereum locumobtinent , (^ui ijf^oniam îenuijfmus efi , (^ femper agi-
Deoiwin. t^tnr & vigct , necejfe efi ejuod animal in eo gignatur y idem «jmcjue fenfn acer-^
rimo, & mobîlitate celerrima ejfe. Et en effet Zenon parle ainfi dans Sto-
b'.rus , (j^e le Soleil , U Lune , ^& les étoiles , font des feux huUns , pleins de
pigejfe & d'intelligence, G'étoit le fentiment de l'Ecole de Platon , & de
Platon lui-même , comme il paroît parle Dialogue intitulé Spinomis.^t c'efl
îhiio Ju- ^^ Platon que Philon Juif avoit emprunté cette Philofophie. // a pltt,,
dsus iibro dit- il , a l'Antetir de l'Univers de remplir toutes fes parties d"* animaux ^ c'*eji
e boiuniis. p^j^y^^fji jI ^ ^/j igf animaux terresîres fur la terre , les poijjons dans la
mer & dans les eaux , & dans le Ciel les étoiles. Car chacune (belles efi
non feulement un animal^ mais une intelligence trés-pure, C'eft de cette mê-
me fource qu'Origene a puifélamême opinion, qui a été condamnée com-
me l'une de les herefies. C'eft qu'il croyoitque les i\ftrcs étoient animez.
Mais au lieu d'en faire des Dieux , il en faifoit des créatures criminelles.
Lib. u Puifque la r ai fon prouve ^ dit- il, ^ue toutes les chofis du monde font créées , ^
Tïtpi ip- q^ entre les chofes créées Un y a rien qui nefoit fujet à changement ^& c]ui ne fait
Xm c. y. ^^n^^yig de bien & de mal ^ les nôtres riront pas raifon de dire que les Cieux
eïiune que ne peuv^it changer , & que le Soleil^ la Lune ^ & les étoiles ne font pas
^^^ ^f^^^^^^^ capables de recevoir le mal ^ ècc. 7\(ous efiimons que ce font des animaux^
an'imau-v. parce que l' Ecriture dit qu'ils reçoivent les commandemens de Dieu ^ ce qui
ne fe ptut dire que des animaux raifommbhs. fat donné commandement à
toutes les étoiles.
Lib. 2. de Mais ce qui eftplus étrange, c'eft que S. Auguftin n'a pas ofé définir
Geneli ad "}e Contraire. Sokt qu^ri^ dit-il, utrùm cœh lumtnaria ifia confpicua Jtnt fo-
imeiam. y.^ ^^ habcant reclores quofdam fpiritus fuos ^& Jt habent^ utrùmab eis vit aliter
infpirenîur ^ ftcut animantur carnes per animas animalium ^ an fola pr&fentia fine
ulla permixttone. Et là-defîlîs'il répond, fervata femper moderatione piagra-
vitatis nihil crederedere obfcuratemere debemus . Enfin il y a des Scholailiques,
ôc des Auteurs modernes, à qui ce fentiment n'a pas déplu. Et entre les
autres Tycho Brahé, ce fameux Aftronome, dans une lettre écrite l'an
demiei" ^ 59'-'- àRbotmaunus, parle ainH, Mais tous ces mouvemens fk font dant
fificies Ty- les corps c€le[res , d'aune manière bien plus vive & plus excellente , que dans
a eu k mt ^^^ animaux îerrefires & aquatiques : Car U divine Philofophie des ^Platoniciens
me ftuti- n''a pas eu mauvaife raiÇon d'enfeigner ^ que tout le Qel efi animé ^ & que les
"**="*• Gorps celefies font des efpeces d'animaux rempfis d'^un efprit de vie. Il ne faut
donc pas s'étonner que le vulgaire , £c des hommes greffiers , comme
étoicnt ies premiers hommes , ayent crû que le Soleil & la Lune étoient
animez, 6c que c'étoient les Dieux qui gouvernoient le monde.
ET DES CULTES DE L'EGLISE.y^r/.ÎV. 7K
II eft certain que l'idolâtrie a commencé par là. Le Livre de Job, qui ^^s pfus a»-
eft aflurément très-ancien, nous l'apprend , quand il introduit Job fejuf- hSeeftfv
tifiant du crime d'idolâtrie , & difïmt , /'e n'atpoint regardé le Soleil cjUAnd doration du
il brille , ni U Lune qui chemine en fa lumière: mon cœur n^ a point ét>é feduit u^Lune' "^^
en fecret , ni ma bouche n^a point batfé ma main , car feut été une initjuité toute Cap. j i. 2«.
évidente^ & feujfe renié le Dieu fort , cjtù efi là haut. S'il y avoit eu dans ^^'
fon fiécle, & dans fon pais, d'autre idolâtrie en ufage, il y a apparence
qu'il s'en ieroit juftifié , comme de celle-là. C'eft ce que nous avons
d'éja: obfervé ci-detant. Platon même a crû que le Soleil & la Lune
avoient été les premiers Dieux des Grecs , 6c qu'ils n'en avoient
pas adoré d'autres. îlmefemble^ dit -il, que ceux qui ont les prefniers laCmyio.
habité la Grèce n^ adoraient comme Dieux , que ceux lefquels la plupart des
Barbares reconnoijfent pour des divinités, , ce font le Soleil , la Lune , la terre ,
& Us étoiles. Diodore Sicilien eft dans le même fentiment. Les plus an- Lib- 1- bî-
ciem des hommes ^ dit-il, contemplant l'^Vniv ers avec admiration^ &jettaf]tles ^ "''
yeux fur le (fiel avec etonnement , ils ont efiimé que le Soleil & la Lune étoient
ks Dieux éternels & principaux , & ils ont appelle Pun Opris , & l"^ autre Ifis.
Et ils les adorèrent d'abord fans Temples 5 fans ftatuè's, &fàns images, fur
le haut des montagnes, fous des arbres, & dans des bocages. C'eft d'oii
les hauts lieux & les bocages , dont l'Hiftoire Sainte parle fi fouvent , ont
pris leur origine. Les Perfes & les Chaldéens font aflurément les plus
anciens des hommes, parce que ce fut fur les rivages de l'Euphrate, que
les hommes commencèrent \ former un corps de Republique après le dé-
luge , quand ils bâtirent la tour de Babel , au lieu où depuis fut bâtie la
ville de Babylone. Gr ces plus anciens des hommes n'adoroient que les
Aftres & les Elemens. Voici ce que nous en dit Hérodote. CV/? ici la Lib. i, cii©,
'^ligion des Perfes. Ils ne batijjent pas de Temples, ils ne font point de ftatu'és^ ^' ^^'
& n'' élèvent point d^ Autels, & même ils accufent de folie ceux qui le font. CPeJl
à mon avis, parce qu'ails n'efliment pas, comme font les Grecs .^que les Dieux ayent
pris naijfance des hommes. Ils ont de coutume de monter fur le fommet des mon-
tagnes les plus élevées , & ils y immolent deshojlies à Jupiter. Cejl ainjîqu^ils
Appellent la rondeur du Ciel. Ils facrifient au Soleil & à la Lune , a la terre ,
m feu , k Peau , & aux vents , & de toute antiquité ils ne facrifient qu'a ces
chojes. Eufebe , après avoir rapporté \qs paroles de Diodore Sicilien , pour
prouver que les Egyptiens n'adoroient autrefois que le Soleil & la Lune,
nous dit que les anciens Phéniciens, ou Cananéens, n'adoroient aufti que
les Aftres & les Elemens. Cela étant ainjt a Pegard des Egyptiens , on trou- Lib. i. de
ve que les phéniciens ont été dans le même fentiment , &tls enfeignent .dans leur cap.%f^'
Théologie que leurs premiers DoEies ^qui ont étudié les Sciences naturelles, n^ont
reconnu pour divinitez, que le Soleil, la Lune, les autres Planètes, & les ele-
mens, & les chofes qui leur font conjointes. En effet ^ns le même chapi-
tre il prouve cela par les paroles de Sanchoniathon, ^ de Philo Biblius,
tous deux Phéniciens, ou Cananéens. Il dit âuCCi que ces premiers hommes n'a-
voient pas bâti de Temples , ni fait àe fîmulacres , & que Part de peindre ^de graver,
de faire des fiatu'és^ ni même ^elui de bâtir des maifins, n'' et oit pas encore inventé.
11 fe trompe fans doute en ce qu'il dit que Part de bâtir des maifonsn'é- LesaitsTom
toit pas encore inventé, dans letemsque les hommes adoroientja divini- qu"eie"dda-
té fans Temples & fans fîmulacres. , Car la plupart des arts font plus an- gç,
Xxxx 2, "ciens
7i6 HISTOIREDES DOGMES
ciens que le déluge, principalement celui de bâtir desmaifons. La pofte-
• rite de Gain bâtit des villes, 6c lui-même en bâtit une qu'il appella He-
noc. Jubal inventa la Mulîque , 6c les inflrumens. Tubalcaïn fut in-
venteur des arts qui forgent toutes fortes d'inftrumens de fer, ôc tout ce-
la avant le déluge. Au lieu queridoluirie, les Temples, 6c les (îmula-
cres, ne font venus au monde qu'après le déluge. Si l'on en croit Por-
phyre, non feulement les premiers hommes n'adoroient que les Dieux
naturels, qui font le Soleil, la Lune^ les Aftres, 6c les élemens, ils ne
tib. 2. leur {acrifioieni même que des herbes èc des fruits. » Les arbres , dit-il ,
%epi jv\ç font devant les anmaax-f & ia terre prodaifoù annuellement les plantes ^ devant
Twv f^- cjH^il y eût des bêtes. Et les anciens prenant les racines^ les feuilles , & les
■A/v%uv plantes entières ^ les brûlaient^ & par cette efpece de facrtfice ^ ils fe rendaient
' '* favorables les Dienx celefies^ & confacr oient k. Ploonmear de ces divimtez. des
feux immortels.
C'eft une erreur de Porphyre : car il n'ell pas vrai que les premiers
hommes n'ofFrilTent à Dieu que des racines, des feuilles, 6c des fruits.
Le f.icrifice d'Abel nous apprend bien que dés le commencement du mon-
de on a ofïert à Dieu des animaux. Mais ce qu'il établit que les hom-
mes n'adoroient au commencement que les Dieux celeftes j, c'eft-à-dire ,
le Soleil, la Lune 6c les étoiles, efltrés vei'itable. Les Phéniciens 6c les
Egyptiens furent apparemment les premiers, qui gâtèrent cette Théolo-
gie, où l'on voyoit quelque efpece. de pureté. 6c de raifon , 6c mêlant les
hommes avec les Aftres , ils firent une monflrueufe Théologie , 6c con-
fondirent enfin le culte des Héros avec celui des Dieux celeftes. Cepen-
dant ils retinrent toujours le culte du Soleil, 6c de la Lune, non feule-
ment enveloppé fous les noms de Bahal & d'Aftaroth ,6c autres , mais fans
voile 6c fans déguifement fous leurs vrais noms. C'eiî pourquoi ils avoient
certains lieux, où le Soleil étoit particulièrement fervi.
Je croi par exemple que les eaux 6c le lieu , qui font appeliez dans îe
livre de Jofué \m^ py, hen shemesh , c'efl-à-dire, la fontaine du Soleil,
J6fiifcï5.7-fur les frontières de Juda , avoient tiré leur nom de là. Tuis cette fr on fie-
re pajfera par les eaux de la fontaine du- Soleil , & fes iffues Ce rendront à lof on'
taine de Roguel. Cette fontaine, dis-je, 6c le lieu , qui étoit auprès , avoient
autrefois été confacrez au Soleil. Il y avoit auffi dans le partage des en-
fans de Dan une ville, qui s'appelloit v^m^ "^''^^hir shemesh^.c'eÛ-à'dire y
la ville du Soleil. Et il y a apparence que ce lieu étoit auffi confacré à
l'honneur, du Soleil. Outre ces lieux , dans, leiquels on adoroitle Soleil ,
fans doute ils l'adoroient dans tous leurs Temples, 6c dans toutes leurs
demeures, lors qu'il fbrtoit de deiTus l'Horizon , félon ce que nous lifons
D'ûoeft en Ezcchiel, que les hommes.de Juda adoroient le Soleil levant. Et de
Sume là efl venue la coûtmne de fe tourner toujours du côté de l'Orient ^ dans
d'adorer datous ks fàcrificcs, qui fc faifoicnt aux Dieux celeftes.
coté de l'O-. ' ^ '
lient. ,
viigii. JlliadfftrgentemconverJîMmtnafolem,
^jjf ^^"^ D^nt fruges manihm falfas ^ & temporaferro
Summa rtotant pecudum ^ paterif^ne altartalibant.
. Gar pour les Dieux infernaux, on leur facrifioit quand le Soleil fe couthe.
ET DES CULTES DE L'EGLISE. PartAY. 71/
& l'on fe tournoit vers l'Occident. C'eft apparemment pourquoi r3ieu On adoroir
voulut que fon Sanduaire fût au couchant du Soleil, 6c que ceux qui l'a- inf^'^"*
doroient en Jerufalem fe tournalTent du côté de l'Occident, pour prendre le en fc tom-
contre- pied du culte dts Payens.Pour faire revenir les Juifs de cette adoration [Îq* Y"
du Soleil, il voulut qu'en facrifiant, les Ifraëlites lui tournaflent le dos.
Ce furent apparemment les Payens, qui apportèrent dans l'Eglife Chré-
tienne la coutume d'adorer vers l'Orient , ce que le Pape Léon I. con-
damne comme une fuperftition , qui ne doit pas être foufferte. Quodfieri^ scrmo.7:
dit- il, partim ignorant i<z vitio , partim Paganitatis fpiritu , multum taie fcimus fj^g^"'^'^'
#• dolemns. Quia et fi quidam forte creatorem potim pulchri ÎUminii cjuàm ip^
fitm lumen ^ quod efi creatura^ venerantur ^ abfiinenàum tamen eft:- ab ipfa hu-
jufmodi officii fpecie : quam cum in nojiris invertit qui Deorum culium reliquit^
nonne hane fecum partem opinionis vetufid^ tamquamprobabilem^retentabit^quam
Chrifiianié & impiis viderit ejfe communem ?
Le Soleil fut donc long^tems adoré entre les Orientaux , fans Temples
ôcfans autels. Et les Perfes furent ceux qui conferverent le pluslong-tems
cette coutume , puifqu'ils Tavoient encore du tems d'Hérodote. Mais
en fuite on vint à bâtir des Temples àl'honneur du Soleil, ehczles Chai-
déens & les Phéniciens, & après cela chez les Perfes. Car Strabon nous
recite, dans un paflage que nous avons cité de l'onzième livre, que
les Perfês, après une vi6loire remportée fur les Saques^ bâtirent un Temple
à Anaitis , ^ aux Dieux^ Amanus & Anaudatus , qui font les Dieux des T^er-
fes. Cet Amanus étoit le Soleil, ou fon fymbole, comme nous le dirons
dans la fuite.
Les Hébreux empruntèrent cette fuperftition des Syriens Ôc des Phéni- DescîiaBî.^
eiens. Us bâtirent des Temples à l'honneur du Soleil, 6c ce font les Tem- Sebieux'^f&
pies qu'ils appelloient Jyi2»?»?<i»^»?, ou Chammanim ^ CD^SOn . Il nous en « que c*é-
cft fort fou vent parlé dans le Vieux Teflament. Dieu dans le Levitique chap.zô.jG,
dit, 9e détruirai vos hauts lieux ^ & exterminerai vos Hammamm. Le fécond 2. dcsChro-
livre àt^ Chroniques dit, que Jofias fît démolir les autels des Eahalinsy & Jiiqueschap,
les Hammanim , qui e'toient pardejfus eux. Le Prophète Efaïe en parle aufti. tfaïe chapo
Il dit en un lieu , on ne regardera plus aux autels , qui font les ouvrages des ^^* ^°
mains des hommes ^ni aux bocages, ni aux Chammanim,- Et dans un autre lieu, le
Prophète dit que quand Dieu fera l'expiation des péchez de J^coh^les pierres Edj. 5?.
de l' autel feront broyées Cr pilées^ comme fi elles et oient de plâtre^ & que les au-
tels & les Chammanim ne fubfifieront plus. Ezechiel dit au lixiéme de fon li-
vre. F'os autels feront defolez^ , (fr vos Chammanim feront brifez,. Lesinter- v= 4,
prêtes ne font pas bien d'accord de ce que c'étoit que ces Chammanim.
RabbiSalomonJarchi, 6c l'Auteur d'un livre intitulé Befichta^ difentque
e'étoient des images , qu'on adoroit en la préfence du Soleil. Cétoient^ i" Leviiv
dit Jarchi , des Idoles , lef^uelles ils pofoient fur les tours , & parce qu'' elles ^ '^ '
étoient expo fées- au Soleil^ ils les apvelloient Chammanim. Il eft certain que c'é-
toit quelque chofe, qui regard oit le culte du Soleil, car ce mot figniiie
folaria. Hamma, dans la langue des Juifs , fignifie le Soleil, non, de là
vient évidemment Chamman , 6c au pluriel Chammanim , qui fignifie ou
des ftatuës , ou des Temples du Soleil. Mais qui examinera de prés les
lieux que nous venons de citer, verra évidemment que ce font les lieux,
où l'on adoroit , 6c non les fimulacres que l'on adoroit. L'Ecriture les
Xxxx 3 joint
p% HISTO IRE DES D OG MES
joint avec les bocages , je détruirai vos bocages , & vos Hammanim. Il eft
clair que les bocages font les lieux, où étoient pofées les Idoles , & les
Chammanim auffi. En d'autres lieux les autels font joints aux Hammanim.
Les autels & les Hammanim ne fubjijlerom plus. Ce font donc les lieux fous
iefquels étoient bâtis les autels. Mais cela eft clair par ce que dit le fé-
cond des Chroniques , fofids fit démolir les autels , & les Hammanim , qui
étoient pardejjus eux. Les Hammanim étoient donc pardelïïi^ les autels, ÔC
les couvroient comme des Tabernacles. Il eft vrai que les 70. tournent
ce mot fort différemment. Dans le Levitique ils ont tourné ivKiMx xstpo-
îTo/viTft;, des Iimulacres de bois faits de main. Ailleurs ils tournent eUuKci^
ailleurs BhKv'yiJ.xra. Dans le livre des Chroniques ils tournent v-i^viKu. Jo'fias
fit démolir les autels des Bahalins , 6c les hauts lieux , qui étoient au def-
fus des autels. Déjà ils reconnoiffent qu'en cet endroit les Chammanim
font les lieux de l'idolâtrie, &non les Idoles. Mais ils n'ont en nul lieufî
î7. s. bien rencontré , que dans le paflage d'Ezechiel, où ils tournent rs^évYi^
^^^*'* les Temples. St. Jérôme a auffî tourné ce mot dans Efaïe, par celui de
Levit.26.30. 'Delubra , Temples. Ce que fait auffi la Vulgate Latine, bien que par tout
34*^4.'°°* ailleurs elle touYnz Jimulacra. C'cft le fentiment d'Aben-Efra. Cétoient ^
Ezech. 6.4- dit-il, des maifons voûtées^ faites à l'honneur du Soleil , en forme de chariot ^
inEfaï.i7?8. ^^ ^^^ reffembUnc^s de chariot , faites à l'honneur du Soleil, comme il efi écrh
' dans V ouvrage de Manaffé.
i^esOiamma- Aflurément ce Juif a très bien rencontré , & l'on n*en peut pas dou-
dïchapd- ^^^i ^ ^'o" examine l'Hiftoire dejofias, félon qu'elle eftau fécond Livre
îes voûtées, dcs Rois , ôc dans le fécond des Chroniques. Dans le premier endroit
cHmSk**" l'Auteur dit , que Jofas brûla au feu les (Chariots du Soleil. Il ne parle point
couverts, des Chammanim, Au contraire dans le Livre des Chroniques, il dit que
Jo^as fît démolir les Chammanim .^ qui étoient fur les autels de Bahal, 6c
il ne parle point des chariots du Soleil. Or il n'y a pas d'apparence , ni
que le fécond Livre des Rois eût oublié de parler des Chammanim , qui
étoient fi confîderables , ni que le fécond des Chroniques eût oublié de
parler des chariots du Soleil^ qui font fi finguliers. D'olî il eft clair que" les
Chammanim^ ôcles chariots du Soleil, font la même chofe. Et le mot de
Chammanim fîgnifie précilément des lieux deftinez à loger le Soleil. Voi-
ci donc ce que c'eft. Ils faifoient auprès des bocages, fur les hauts lieux,
des chapelles voûtées, ayant la figure d'un char, 6c dans ces chapelles ils
bâtifTpient des autels , fur Iefquels , ils mettoient l'Idole de Balial , qui
étoit le Soleil, & auprès de lui ils plaçoient le fymbole du Soleil, c'eft-
à-dire, un feu immortel, qui étoit entretenu au dépens du public Cela
répréientoit le Soleil, que les Poètes, ^ les Théologiens du Paganifme,
ont conçu comme étant porté dans un char, ôc le feu, qui étoit auprès,
répréfentoit fa lumière. Il eft clair que les images de Bahal étoient dans
cts Chammanim V par lepafl^age des Chroniques , qui dit que ^ofias dé^
îruijît hs autels des Tiahalins , & les Chammanim , qui éf oient pardeffus.
C H A-
ET DES CULTES DE L'EGLISE. Part.lV.71^
CHAPITRE II.
jD« culte que les Terfes rendoient au Feu é- au Soleil, Du Dieu
Amanus ^ defes Temples: des Chammanim y &des chevaux
du Soleil,
^ ^^ Es Chammanim des Syriens avoient tiré leur origine de k Reli-
^f .gion des Perfes, & des Chaldéens , qui adoroient ie Feu, comme
le fymbole du Soleil. Il y avoit un Dieu dans la Perfe , appelle
Amanus^ dont Strabon nous parle dans l'onzième 6c dans le if™*. Livre
de fa Géographie. Je tombe dans la penfée de Grotiusôc de Voiîîus, qui
croyenc que cet //^î^^-^»»^ vient de même Iburcequenos Hammanim^ parce
que les Hammanim étoient les voûtes & les chariots faits à l'honneur du Soleil,
& cet AmatîHs femble tirer (on nom de Hammah^ qui fignifie le Soleil. Cepen-
dant cet Amanus entre les Perfes avoit , félon le rapport de Strabon , ôc
des Temples oc des itatuës. En quoi Strabon ne s'accorde pas trop bien
avec lui-même. Car il dit après Hérodote , dont je croi qu'il a copié
\ts paroles, que les Terfes ne font ni autels ^ ni fimu'és , qu^ils facrifient en des Lib. ir
lietix élevez^ , qHtls efliment que le ciel efl ftifiter , qnils adorent le Soleil ^ Geogr^
lequel ils appellent Mithra : qu'ails adorent au jfi la Lune ^ Venus ^ le feu , la ter-
re , les vents , & Peau. Mais peu de lignes après il ajoute. 11^ a de grands
enclos , qu^îls appellent itvpcièeTa , au milieu defquels il y a un autel , fkir lequel
les Adages gardent un feu immortel , au milieu de beaucoup de cendres. Ils en-
trent tous les jours dans ce lieu ^ pour y faire de certaines oraifons ^ qui durent bien
une heure. Là ils fe tiennent devant le feu, ayant en leurs mains un faifceau de
verges , ^ fur leur tête une mitre , dont les cordons leur pendent par devant &
par derrière , cjy ceux de devant viennent jufques fur leurs lèvres. C'eji ce qui
Ce fait dans les Temples d'Anaitts & d''Amanus , car ces divinitez ont là leurs
jemples , & on porte la (latu'é d''Amanus en pompe , c'efl ce que J'ai vu moi-
même.
Ce qu'il dit du Temple d'Amanus, d'Anaitis, des autels, fur îefquels
on nourrit ie feu , & de la flatuë du Dieu Amanus, ne s'accorde pas trop .
bien avec ce qu'il venoit de dire, que les Perfes ne drefîëntni autels, ni
llatuës. Mais je croi qu'il avoit pris cela d'Hérodote , & i'avolt inféré
dans fon Hilloire , fans prendre garde que cela ne s'accordoit pas avec ce
qu'il avoit vii lui-même. Quoi qu'il en foit, on l'en doit croire fur ce qu'il
dit avoir vu. C'eft qu'il y avoit des enclos , où l'on nourriflbit le feu
immortel fur un autel, que ces enclos s'appelloient %vpci^eiu^ c'eli- à-dire,
les Temples du feu , que le Dieu Amanus , dans le même lieu avoit fon
Temple, auffibien que la Déeflë Anaitis. Et cela s'accorde fort bien
avec nos Chammanim , dans Iefquels îa ftatuëdeBahal, qui eil véritable-
ment l'Amanus des Perfes , écoit pôfée , avec un feu immortel au-
près.
Ce
I
720 HISTOIRE DES DOGMES
Ce paflàge de Strabon nous apprend que les Pcrfes adoroient le feu.,
& cela nous eft auffi confirmé par tous les Auteurs, Ôc Profanes 6c Eccle-
fîaftiques. Quinte Curce,décrivant l'ordre de la marche de l'armée de Darius,
ilb. 3. dit, cjn'on portoit du feu fur des antehà'^ argent, en grande cérémonie ^ils f avaient
en JingPtliere 7/eneration , l^appeliant lefeti éternel & f^cre' , & les eJ^ages ve'
noient après chantant des hymnes à la façon du pais. Le même Auteur nous in-
troduit Darius, conjurant fes foldats par le feu, comme par l'une de Tes
,Lib. 4. divinitez. Je vous prie donc par les Dienx Tmelaires de cette Couronne , par
le feu éternel , que l'on porte fur les autels , par la fplendeur dn Soleil , tjm nait
.^Strâbo ubi dans Venceinte de mon %pyaume. Ils avoient tant de refpe6l: pour Je feu ,
.foprà. Que ft queli^u'un avoit fouffle' dejfus -, y avoit jette quelque chofe de mort , ou de
la boue ^ on le punijfoit du dernier fupplice. Les, Auteurs de l'Hiftoire Eccle-^
;lîaftique nous parlent auffi de ce culte , à propos du zèle indifcret d'un™
certain Evêque de Perfe, appelle Audas , qui brûla l'un de ces Temples
dédiez au feu , qu'ils appelloient 'Kvpeïa., & 'Kvpci^eïci, Ifdigerdes , Roi de
Perfe, lui ordonna feulement de le faire rebâtir , ce qu'il refufà, 8c cela
^heodoret caufa une cruelle perfecution contre les Chrétiens dans la Perfe. Elle dju-
Hift. Eccief, J.JJ p ^i^s^ ^ \\ y périt un nombre incroyable de perfonnes. Et Socrate
1 .5. C.39. ^^^^^ recite une fourbe que firent les Mages, qui cachèrent fous la voûte
socïâtes. du Temple dédié au feu , au le Roi de Perfe venoit faire ïts dévotions ,
■lih. 7. cfp. 8. un homme qui lui crioit qu'il fê donnât bien de garde d'écouter Maru-
thas , Eveque de Mefopotamie ., que Conftantin lui avoit envoyé , par-
ce que c'étoit l'ennemi de fes Dieux. Fourbe qui fut découverte par
l'adrefle de Maruthas, & feverement punie.
Les Chai- Pour nous approcher plus prés de la Syrie, 6c de la Judée, 6c pour voir
ïoSu ajffi comment le culte du feu a palle dans jces Chammanim , dont nous par-
k feu. Ions -, nous pouvons remarquer que les Chaldéens adoroient au/îi le feu.
Il y avoit une ville dans laChaldée , qui s'appelloit Vr des Chaldéens.
-Genefe C'étoit la patrie d'Abraham. Et Tharé prit fon fils Abraham^ & Lot fils de
^^ ^^' fon fils .^ qui était de Har an ^ & Sarài fa belle-fille ^ femme d? Abraham ^ &for'-
Uktonymvis tirent enfemble d'Vr des Chaldéem. Ce mot Vr^ T15<, fignifie le feu, 6cune
2"aïc i?^" vieille tradition des Juifs dit , que Tharé 6c Abraham furent chalTez de
.Genefimin Chaldée , parce qu'ils ne voulurent pas adorer le feu, & mémequ'Abra-
^^^' "° hamyfut jette dedans, 6cque c'ell ce que Moïfe veut dire, qu'Abraham
fortit âCVr^ c'ell-à-dire du feu des Chaldéens, dans lequel il avoit été jette.
Les Juifs d'aujourd'hui ont encore cette tradition dans leurs Gommentai-
. res. Au moins eft-il apparent que et lieu s'appelloit ainfi , parce qu'il
Eufeb.ub.9. y avoit une dévotion célèbre pour l'adoration du feu. Eufebe rapporte
rSp.Evang. "" palfi^ge d'Eupoîemus , Hiftorien , qui parle de cette ville fous le nom
de Ka|x«p/vv] , Camarine efi une ville de Babylone , que quelques-uns apptllent
inGenef, Vrie ^ ce qui fignifii la ville des Chaldéens. Drufîus conjeélure" qu'elle fut ap-
^■^^' pellée Camarine , à caufe que les Sacrificateurs du feu y demeuroient. Or
les Sacrificateurs des Idoles dans le Vieux Teftament, s'appellent anm,
Kemarim. Cette conjecture eli: bonne 6c bien pleine de vrai-fem-
blance.
d* cM^^" ^\y^ peu de gens qui n'ayent ouï parler de l'Hiftoire , que nous avons déjà
déens fut racontée,6c que Ruffin 6c Suidas rapportent des ChaldéenSjqui fous l'Empire
TlfDkux^"^" grand Conftantin, voulant prouver que leur Dieu étoit plus puifTantque
^ d'Egyptç, tous
ET DES CULTES DE L'EGLISE. T^rtW, 721
tous les Dieux de la terre, parcoururent le monde en portant le feu, qui conr Ruffin Hift-
fumoit ou fondoit tous les fimulacres des Dieux , 6c demeuroit ainfi vido- ^"^^^" ^^^'
rieux. Mais enfin il fut opprimé par la fraude des Sacrificateurs d'Egypte ,suidasin
qui firent une grande ilatuë du Nil,toute percée, mais dont les trous n'étoient pu,.*"'^'"^'
fermez que de cire. Ils la remplirent d'eau , & tout aufli-tôt que la cire
fentit le feu du Dieu des Chaldéens, les trous s'ouvrirent , & l'eau cou-
lant de toutes parts éteignit 6c furmonta le feu. Cela fait voir que les
Chaldéens adoroient le feu. Et comme la Chaldée étoit voifine de la Sy-
rie, 6c la Syrie de la Judée, il n'eft pas difficile à comprendre commeiit
iQsChammamm^ où l'on adoroit le feu 6c le Soleil js'introdui firent dans le
culte des Juifs idolâtres.
Les chevaux confacre^ au Soleil , que Jofias ôta de la porte du Tem- J>« chevaux
pie, ont une grande liaifon avec nos Chammanim, ou chariots du Soleil. jofiasôV^"^
// Ota aujfi les chevmx , ^ue les Rois de fuda avaient pojèz. à r honneur du. So"
leil , de l'*entrée de la mdifon de Dieu , ven le logis de V Eunuque Nethamme-'
lec , .& bmla.au feu les. chariots du Soleil. Il ne faut pas s'imaginer que ces
che^vaux du Soleil fufl'ent deftinez à tirer les chariots du Soleil , comme
il femble d'abord. Car cts chariots étoient des voûtes fondées en terre ,
faites ou de pierre, ou de bois, dans lefquelles on nourrifibit le feu confa-
çré au Soleil ; cela ne fe traînoit pas. Mais 6c ces chariots du Soleil ap-
peliez Chammanim , ^ct^ chevaux confacrez au Soleil , venoient d'un
même lieu , c'étoit de la Perfe. Nous y avons déjà trouvé nos Cham-
manim, dans leurs Tyrées^ ou Pyrathées. Nous y trouverons aufiî i'ado- >
ration du.Soleil, 6c les chevaux qui lui étoient conlàcrez.
Premièrement donc il efl; certain quelesPerfes adoroient le Soleil j^esPerfes
qu'ils appelloient Mithra., Strabon nous le dit dans le paîTage , que nous soîeu foîs
avons cité de lui. Ils adorent le Soleil^ lequel ils appellent Âitthra^ 6c dans le le nom de
livre onzième , ils n^ adorent comme Dieu que le Soleil , & lui facrifient des Lib, ij.
chevaux. Hérodote l'avoit dit avant lui. Des Dieux ils n^adorent que le So- ^°^\
leil , & lui facrifient des chevaux. Mais il s'eft trompé fur le nom de lib. i. •
Mithra, ou de Mithres. Les tyJffyriens^ dit-il, appellent Kenus tS\€ylitta^
les Arabes Alftta , & les Perfes Mithra. Ce n'eiî pas Venus que les Perfes
appellent Mithra, c'eftle Soleil. Trcfgue Pompée, 6c Juftin,fon Abbre- Hiflor.
viateur, difènt la même chofe , Soler^ unum Deum Perfe. effe credunt , & ^ '^
e^uos eidem Deo facratos ferunt. Mais il faut entendre les textes d'Hérodo-
te, de Strabon, 6c de Jullin , quand ils difent que les Perfes n'adorent
pas d'autre Dieu que le Soleil, félon ce que dit Hefychius Ml^p'/jÇ è %?Zroç
ëv Uéçtcaiç èsoç^ Aîithres efi le premier des Dieux entre les Perfes. Car il efl cer-
tain, par le rapport d'Hérodote même , 6c de Strabon, qu'ils adoroient
d'autres Dieux que Mithra, qui eft le Soleil. Piutarque nous apprend
qu'il y avoit, félon leur Théologie, trois génies dominans , l'un ti'és bon
& bienfeifant, 6c l'autre malin 6c méfaifanr, 6c un troifiéme qui tient le
milieu entre \<is deux, qui eft Mithra^ ou Mithres. AinCi Mithra n'eft pas
le feul Dieu des Perfes, 6c même il femble que ce n'étoit pas le ,plus grand
.de leurs Dieux , comme le difent Heiychius 6c tous les autres Auteurs,
puifqu'Oromazes étoit au deflus de lui
La plupart des anciens Sages , dit Plutarqise, efliment qu'ail y a deux Dieux ^ Traité d'ifis
dant l'emploi eji oppofe\ Pun ejl Auteur de tous les biens , & l'autre de tous les <.. j^.
Part. IF, Yyyy maux.
712 H ISTO IRE DES DOGM ES
maux. îis aj>pellent celai qui produit les biem , 'Dieu , & celm qui produit les-
maux Démon. "Cefi ainfi que les appe/loit Zoroafire , te Adage , qui a vém^
a ce que Pon dit^ cinq cens ans avant la guerre de Iroye. Il appeÛoit le Dieu-
bienfaifant Oromaz.es ^ ç!^ le méfaifant Arimanius. Il difoit a^jjiquè f^un reffem-^
bloit a la lumière plus qu'à aucune autre chofe fenfibk , & l'autre aux ténèbres
& à V Ignorance ^ & qu'ail y en avait un entre les deux ^ qui s'appelloit Aiithres.
Ceft pourmoi les Perfes appellent encore aujourd'^hui ce Médiateur . Mithres. Il
L'Hetefiar- Quand je conlidere cette Théologie Perfienne, 6c que je me fouviens
que Mwés que l'Herctique Manés, qui pofoit deux principes j comme Zoroailre,
heref/des étoic Perfati , jenefaurois m'empêcher dé croire qu'il avoit emprunté foa
Peifes,ôcdes opinion des Mages de Perfe. Et celui qui comparera -la Théologie de cet
Se" ^ Hérétique , félon qu'elle nous eft rapportée par les Anciens ,. avec celle
de Zoroaftre, que Pluîarque nous rapporte ici, n'en pourra pas douter.
Il paroît même par St. Augullin que les Manichéens avoient une grande
vénération pour le Soleil , ^ (c tournoient vers lui pour prier , ad Solis^
Lib 20 con- cD'^^'^ ve^ra oratio circumvolvitur^ leurdit cet Ancien. C'étoitunede leurs
waFauftiim rêveries, que Jefus-Chrill montant- au Ciel avoit laiiîe fon corps dans le
«a^ u Soleil, 6c ils fondoient cela fur ces paroles du Pfeaume ip. félon l'Inter-
prète Latin , poÇuit Tabernaculum fuum in Sole i au lieu qu'il y a , félon l'Hé-
breu , pofuit 1 ahernaculum Soli in eis^
Au refte ce que Mithres , ou le Soleil, qui n'étoit que le médiateur
entre ces deux principes, étoit pourtant adoré par les Perfes, comme le
plus grand des Dieux, vient apparemment de la Religion du vulgaire.
Ces deux principes, Oromaaes & Arimanius , n'étoient connus que des^
Mages, qui étoient les dépofîtaires des fecrets de la Théologie. Mais
le vulgaire ne reconnoilToit pour divinité fenlîble que le Soleil , fous le
nom de Mithra, Ce Mithra avoit les myileres , à peu prés comme Cé«
* rés. TertuUien nous apprend que l'on y étoit initié par une cérémonie 5,
mo.«p.V. femblable à nôtre Baptême. Pour entrer dans la confrairie de Mithra,,
il faloit faire une efpéce de Noviciat , ôc paiTer par quatre-vingts épreu-
De "* No- ves de peines & de douleur , afin d'acquérir une habitude de force , ôc
kurs épreu- uuc efpccc d'infcnfibilité, ou. d'apathie, La fére de ce Dieu s'appelloit
v€s, voi ^yi/fithriaca. Athénée nous rapporte une fingularité de cette fête, c'eft
Spencerus ,., ,/ - . t» • j 1 • • r v » 1
fiu le pre- qu il n ctoit pas permis au Roi de boire julques a s enyvrer , que dans ce
îorVeïe ^^""'^ ^^^^' ^^''^^ > ^^^ Athcnée, dans le f&ptiéme livrede fes Hijioires en parle-
contre Cel* airjji. De tottt&s les fêtes^ il n?y a que celle que les Perfes célèbrent à Phonneur
^*°- de Mithra^ dans laquelle ii foit permis au Roi de s' enyvrer ^ & celan^efi permis^
qu'à lui. Il danfè à la manière des Perfes , & aucun des habit ans de V Afe ne
lib. 10. cap. Pofe faire , ils s'^abfiiennent toui de dan fer en ce jour. Les chevaux étoient
19. p. -»4. confacrez à ce Dieu Mithra, ^rce que c'eft le Soleil , & que le cheval
étant le plus vite de tous les animaux, il>étoit le plus propre à.répréfen-
ter la rapidité de cet Aâre, felonJa penfée d'Ovide.
'BUcat'i
ET DES CULTES DE L'EGLISE. Part.lY, yi^
Plaçât eqiio Perjîs radiis hyperioyia cinBftm , Ov\d, nh t *
TsledetPir céleri vi^iima tarda Deo. _ Fiftorum.
Mais afin qu'ils fymbolifaflent mieux avec la lumière du Soleil , il faloit
que c€s chevaux facrez fuflent blancs. Quinte-Curce en nous racontant
l'ordre de la marche de l'armée de Darius, dit eju^afrés k Soleil venoit un ^^
■ohar , confacré à Jupiter , tiré far des chevaux blancs , & fuivi d^nn Cour fier ' -
d'extraordinaire grandeur ^ cju^ds afpelloient le cheval du Soleil. Ceux ^ui con-
duifoient les chevaux étoient vêtus de blanc , & avaient des baguettes d''or à la
main. La même chofe fe voit dans la vie d'Apollonius par Philoftrate. Lib. r.
Dans la fête de Mithra les chevaux en faifoient la principale pompe. Et i" Athe-
CafaCîbon nous rapporte que Strabon dit quelque part, que du Royaume ".^j™^'*'*^'
-des Medes on envoyoit tous les ans au Roi de Perfe , plus de 2,0. mille
de ces chevaux célèbres, qu'on appeiloit ^^'«r i^/ii , pourlafolemnitéde
cette fête de Mithra.
Mais on peut demander fî ces chevaux , confacrez au Soleil , étoient
tous deftinez à être des vi<5times 5 ou s'il y en avoit quelques-uns qu'on
nourrît à l'honneur du Soleil, pour être fon fymbole , comme on nour- Le cheval
dflbit le bœuf Apis en Egypte à l'honneur d'Ifis. Les Auteurs ne s'ex- fes"!oi/iT
priment pas nettement là-deilus. fymboiedi
On ne peut pas nier, après k témoignage de Juftin, d'Hérodote, de ^^^^^^'
Strabon, de Philoftrate, d'Ovide, qu'ils ne facriiialîènt des chevaux au
Soleil. Cependant je ne doute pas qu'ils n'euftent de ces chevaux con-
sacrez, qui n'étoient pas dellinez à fervirdeviétimes, mais que l'onnour-
Tiflbit exprés , ou pour tirer les chariots du feu & du Soleil , ou pour fer-
vir d'emblèmes à cet Aftre. Tel étoit fans doute ce Courfier d'une ex--
îraordinaire grandeur, dont nous parle Quinte-Curce, qui s'appelloit le
cheval du Soleil. Je croi auiîi que le cheval , pour lequel Cyrus fe mit
fi fort en colère contre le Fleuve Guindez , étoit du nombre de ceux que
l'on ne tuoit pas. Car fi le Fleuve ne lui eût enlevé qu'une des victimes
de fon Dieu, il n'y avoit pas Ifeu de s'en mettre fi fort en colère , puis-
qu'il étoit fort aifé d'en retrouver d'autres. C'eft pourqi^i il y a apparence
que c'étoitun fymbole de la divinité,
L'Hiftoire en eft fi finguliere, que je ne faurois m 'empêcher de la rap- Hiftoîredc
porter ici , comme Hérodote nous l'a donnée. Cyrus alloit faire la guer- cyîusRoidc
re aux Babyloniens. Il fut arrêté par le Fleuve Guindez, qui fe vajctter J'erre, con
dans le Tigre. „ L'un des chevaux blancs , qui étoient confacrez , fort cuinTez!
5, fringant , ayant entrepris de pafler ce Fleuve , il fut englouti dans un Lib. i.
., des tournans, & décendit dans le eouffre. Cyrus fouffrant impatiem- p- 1^.
,, ' 1 •T'i 1 • ■ r • 1 j 1 J ^ Le Fleuve
3, ment 1 outrage que le l'ieuve lui avoit tait, le menaça de le rendre 11 Guindez
^, petit que les femmes le pourroient .pafler à pied , fans avoir de l'eau juf-*^°"P^^"
„ ques au genou. Ayant fait cette menace , il la voulut exécuter. IlparCyiu»,
„ remit rexped;tion de Babylone à un autre tems, il divifafes troupes en
,5 deux corps, dont l'un fut deçà, Se l'autre delà le Fleuve , & les oc-
„ cupa à faire cent quatre-vii gis canaux , de chacun des côrez de la ri-
vière, ôc il y fit couler les eaux du Fleuve. Quoi qu'une irés-grande
,, multitude de gens fût employée à cet ouvrage, cependant l'armée y
Yyyy a „ fus
contre
ieuve
m
714 H I.S TOI RE DES DOGMES
tut occupée tout l'Eté. Ainlî Cyrus , après avoir châtié le Fleuve Guin-
„ dez , en le divifant en trois cens foixante branches , pourfuivit Ton
„ dellein contre Babylone le Printems fuivant.
Voila ce me femble un notable cxemple.de la vanité , & de la folie
. des Grands , Se qui mérite bien d'être comparée aux extravagances de
Xei-xes, qui faifoit fouetter la Mer, parce qu'elle brifoit le pont de bat-
tcaux qu'il vouloit jetter fur le Détroit de la Thrace.
Les chevaux Mais pout revenir à nos chevaux du Soleil , on ne doit plus être en
femïèn! P^'^''^ ^'<^^ étoicut vcttus Ics chcvaux confacrez à l'honneur du Soleil, que
avoir été in- les Rois dc Juda avoient pofcz à l'entrée du Temple. Je croi que l'ori-
MaiaîS.^" gine de cela doit être rapportée à Manafle. Car il n'y a point eu de Prin-
ce fur le throne de Juda, qui ait porté la rébellion contre Dieu auflîloin.
Il alla chercher quafi jufques au bout du monde des abominations^ pour
en remphr Ifraël , 6c il ne faut pas s'étonner s'il emprunta des Perfes cet-
te fuperftition. Je ne doute pas que ces chevaux confacrez au Soleil par
les Rois , ne fuflent le fymbole de cet Aftre. Ils n'étoient pas defli-
nez à être des viftimes. Car le texte dit qu'ils étoient confacrez & don"
nez au Soleil. On ne j)arle pas ainfi des bêtes qu'on offre fur l'AuteJ.
On dit qu'on les facrifie à l'honneur de la divinité. Mais on dit des Tem-
ples, des ftatuës , & des fymboles , qu'ils fontpofez, ou élevez à l'hon-
%» neur de quelque Dieu.
Tradition Cela clî faus doute plus vrai-femblable que ce que dilênt les Hébreux,,
ce"dïvaS* & une partie de nos plus favans Interprètes modernes. Les Juifs veulent
du Soleil que ces chevaux du Soleil fuflent ainfi appeliez, parce qu'on s'^en fervoit
qu'Sôp?é*e' pc>ur courir au devant du Soleil. Voici comme Kimchi rapporte cette
par des Si- ti"aditîon de fes maîtres, fojïas fit cejfer aujji ce (jh avaient accoutumé de fai'
au^filois 11. ^^ ^^^ ^^" '^^ fuda^ qm fervoient au Soleil. Oesî cjuHls donnaient des chevaux-
qui étaient tout frets four l^ idolâtrie ; on montait dejfus , & on alloit au de-
'vmt du Soleil , au matin ijuand tl Ce levé , depuis h tieu ou était t entrée de
la maifon de Dieu , juÇques à la chambre de Tslethammelec. Salomon
Jarchi dit la même chofe. Ceux qui adoraient le Soleil avoient des che-
vaux tout prêts four aller au devant du Soleil au matin^ Pour ce qui eft
des chariots du |^îeil , dont il eft parlé au même lieu , ils s'^imaginenc
que c'étoient les chariots, aufqueîs on atteloit les chevaux pour aller au
devant du Soleil. C'étaient les chariots dés chevaux , dit Kimchi, avec lef
qHel's on alloit au devant du Soleil. Le Rabbin LeviBen Gerfom dit la mê-
me chofe, ôc je ne fai perfonne qui ne le croye. Même le lavant Grotius.
croit que les chariots étoient du nombre de ces attelages confacrez au So-
leil y dont 'parle Heliodore , au dixième livre de fon Hilloire Ethiopi-
que.
les chevaux Nous avons fuppofé ci-devant, que ces chariots du Soleil n'étoient
dusoieiin'é- pj^g ^^^ yj-^^jg chariots , mais des chapelles voûtées en forme de chariots,
d£s ftatuës, félon le fentiment d'Aben-Efra: Selon quoi il ne faut pas croire que ces
^^"j°"jj[* chevaux du Soleil fuifent de vrais chevaux, c'étoient des figures de che-
vaux, vaux de bronze, ou de marbre, confacrez & pôfez à l'honneur du So-
leil. Le texte de l'Hiftoire Sainte le démontre. 11 dit que les Rois d'c
Juda avaient pofé les chevaux &c. C'eft le terme propre , dont on fe
icn pour les llatuës. Jamais cela ne s'eil dit des animaux vivans. Il eft
■■ . - - ■ dit
ET DES CULTES DE L'EGLISE.P^r/. IV. 725
dit que Jofias èta ces chevaux^ c'eft encore le terme propre pour fi unifier
qu'on enlevé des Itatuës , & qu'on les renverfe.
CHAPITRE III.
De l'adoration de la Lune^ desTlanetesy & des Etoiles fixes. Du
culte de Fenus ; l'adoration de Mercure , ^ l'origine dejes
divers noms.
QUant à la Lune, il eft encore certain qu'outre qu'elle étoit adorée
fous la ftatuë d'Aftoreth , Déefle des Sidoniens , & fous le nom
de Reine des cieux , on l'adoroit aufîi elle-même fous le nom
de Lune. Sur tout Xts Magiciens la reconnoiflbient pour leur principa-
le divinité, & pour celle qui préfidoit aux enchantemens , comme il pa-
roît par la Pharmaceutria de Theocritc , où ce vers eft iî fouyent re-
péré,
(ppdi^SO /XW TOV epUi^^ oèsv IK670 ToVvâS CShdvCi^^
dis moi, vénérable Lune , d'où vient mon amour. Je croi que dans les
Hammanim, qui étoient des chapelles voûtées en forme de chariot, on
mettoit les ftatuës, non feulement de'Bahal, maisd'Aftoreth, & qu'on
y entretenoit un feu facré à l'honneur de la Lune, auffibien que du So-
leil. Car le fécond livre des Chroniques dit exprefTément , que les Ham-^
manim étoient bâtis au defllis des Autels des Bahalins. Or par XcsBaha"
Ims il faut entendre le Soleil ôc la Lune, dont l'un étoit appelle Bat -fa-
men^ le Roi des cieux , d^ V autre Bahalat-Jkmen ^ou iJ^aiecat h- famm, la
Reine des cieux.
Après la Lune viennent les étoiles , & les Planètes , aufquelîes il eft
indubitable que les idolâtres de la Syrie ont auffi fervi , 8c par imitation les ha-
bitans de la Judée. Les Planètes font appellées rvh^o , ^JP'/fazz.alothy&c
les étoiles fixes font défignées par ce nom général , arwee des cieux. Le
Roi Jofias abolit les Sacrificateurs , qui faifoient des encenfemetis à Ba-
hal, au Soleil, à la Lune, aux Mazzaîoth, mot qui lignifie les Planè-
tes, ôc à toute l'armée des cieux, c'eft-à-dire, aux étoiles fixes.
Je ne croi pas que du tems des Rois dejuda les Planètes fufTent adorées Lesnom«
fous les noms, qu'on leur a donné du depuis. Les Grecs ont donné à ''H* ^^fu^"*
la plus haute de toutes les Planètes le nom de- Saturne , & l'ont ado- les Eanetes,.
rée fous ce nom. A la fui vante , ils ont donné le nom de Jupiter, à la ^^^^ °'" ^^^
troifiéme le nom de Mars, 6c aux deux inférieures les noms de Venus & les gjccs!^
de Mercure. Mais le Moloch des Syriens , qui très alTûrément étoit le
Saturne àt^ Romains 6c des Grecs , étoit le Soleil. Le Jupiter de la Sy-
rie, qui étoit leur Bahal, n'étoit point la Planète, qui porte cenomjC'é-
toit encore le Soleil. La Venus de Biblis , 6c celle de Babylone ^ n'é-
Yyyy 3 toir
TiG HISTOIRE DES DOGMES ?
toit point TAlbe du point du jour, c'ctoit la nature générative de toutes
. chofes. De forte que ce font les Grecs qui ont fait ce partage, & qui
ont afligné les noms à chacune de ces Planètes, pour les fervir diftindlc-
ment.
Les riane- Quant aux Syriens, il ne nousparoît point, parce que nous avons de
adoiScon- ^îonumcns de leurs antiquitez , qu'ils ayent adoré les Planètes , & les
jointen^nt étoiles, d'un cultc fcparé , & dans des Temples, qui fuffent particulie-
leuViaïu- lement dédiez à chacune d'elles. Autrement il leur auroit falu un pro-
ae. digieux nombre de Temples & d'Autels. L'Auteur du livre delaDéefîe
de Syrie , entre les Oeuvres de Lucien , n'a trouvé éts Temples corifa-
crez qu'à la Terre, au Soleil, à la Lune, & à la Nature. Mais il ne
nous parle d'aucun qui fût confacré à quelque Planète , ou à quelque étoile
fixe. Je croi donc que les Juifs idolâtres, ôc les Syriens, dont ils imitoient
l'idolâtrie , regardoient les Planètes Se les étoiles fixes , comme des dépen-
dances du Soleil & de la Lune. En effet ils appelloient ces deux Aifres le
Roi & la Reine des Cieux, ôc les étoiles ils les appelloient les Armées
' des cieux, c'eft- à-dire les ferviteurs, & comme les gens qui formoientla
Cour, 6c la fuite de ces deux Majeftez celeftes. Ainfî je croi qu'ils ado-
roient les Planètes , & les étoiles , non par unculte diftingué , mais con-
jointement avec le Soleil Ôc la Lune, dans les mêmes Temples, parles
mêmes dévotions , 6c par les mêmes facrifices. Je ne doute pourtant pas
que dans leurs hymnes, Ôc leurs prières, ils n'euflent quelques formules
pour invoquer les Planètes, 6c: cette Armée des Cieux , après qu'ils avoient
invoqué le Soleil ôc la Lune, il y a aufîi apparence que les fept Planè-
tes, 6c les principales étoiles fixes, avoient leurs noms,6c qu'elles étoient
Efawchap. învoquécs lous ces noms. Les Hébreux appelloient Venus H^lel^ SVm
54- 13. yr[\i^ \y\ ^ Heki fils àe V^Aurore ^ dit Efaïe. ïl y avoit une conftellation
qu'ils appelloient '^^Di, que quelques-uns croyent être celle qu'on appelle
rOrion. Mais il n'y a pas d'apparence qu'ils euflent donné des noms a
toutes les étoiles fixes. Ainfi elles étoient adorées pour, la plupart en
gros, 6c fous ce nom général d'Armée des cieux.
Du cidte de Comme l'étoile de Venus eftla plus brillante de toutes, auffi eft-cecel-
ksTrXs. le dont le culte a été le plus diftingué. Les Arabes, 6c les Sarrazinsl'a-
Le Moine doroient avec la Luiïç. Euthymius Zigabenus rapporte que les anciens
duia.'^ie- Ifraaëlites, 6c lesSarrazins, qui fontdécendus d'eux , avoient une grande
de inPaao-^jéyotion pour Une pierre, fous laquelle ils difoient qu'Abraham avoit con-
nu Ag^', leur mère, 6c à laquelle il avoit attaché fon âne dans le facri-
fice d'Ifaac- Et ils appelloient cette pierre la tête de V^enus. ftifijHesaH
làido Vioo- fcf^s de r Empereur Hemclifts , les Sarraz.if}s cm fervi hs Idoles^ adorent lé"
pli^ toile dn jour ^ & Venus ^ cju* ils appellent Chabar en leur langue ^ mot qui fignifie
grand. Ce fondes paroles d' Euthymius, oîî^l diftingué Venus de l'étoi-
le du jour, entendant par Venus la Lune, qui aflïirément étoit la gran-
de divinité des Arabes. C'eft pourquoi ils l'appelloient C^<^2^<«r. Mais à
ce culte de Venus, il joint celui de l'étoile du jour, 6c il n'eft pas éton-
nant que les Juifs voi fins des Arabes, ayent emprunté d'eux cette idola-
învitaHi- trie. S. jcrôme nous alfûre auffi quc c'étoit Une idolâtrie Arabe , quecel-
jationis. j^^^ l'étoile du jour, en parlant de S. Hilarion fameux folitaire de Syrie.
Vadens in defirtum Cadt'sad unamde dtfcipulis fms vtfe?2dtim^ cum infinno ag-
minê
ET DES CULTES DE L'EGLISE. PartlY.yiy
mifieMomchomm pervertît Elufam.^o forte aie qm anniverfaria folemnitas om-
tjem oppidi populum in Temptum Venerii congregaverat. Colunt autem illam ob
LtHoiferum , cujtts cultai Saracenornm natiG dedita efi.
Je ne doute pas non plus que le culte, & la Théologie de Mercure, ne De Mercure,
foit venue de l'Orient. Les Babyloniens i'appelloient 2f%fç, fi nous en cro- ^^ ^^f^^^A
yonsHefychius. Et c'eiT: peut-être de ce ^syjq qu'eft venu Sarfekim dans gineVe°fès
Jeremie. Car fi l'on examine tous les noms de ces Princes, on trouvera qu'ils """""^ ^'^^'
font compofez de noms de faux Dieux. Les Juifs l'appellent D>"7ipirj , je uouve
Markolis. Voffius dérive ce nom deS^n, racal, qui fignifie ncgotier, ^^"'Tçy^t-
parce que Mercure étoit le Dieu des Marchands. On l'a fait aufli le Melfager un àSvûn-
de Jupiter. • fo^^^^'^^"
Il eft clair que cette Théologie vient des Afironomes,& par conféquent s'î)Vei?e^
des Chaldéens, qui font les premiers auteurs de rAflrologie. C'eil: qu'ils LiK'a
ont obfervé que Mercure fuit toujours le Soleil ^ jamais il ne s'en éloigne 3a."'
de plus de trente degrez. Le Jupiter des Orientaux e'efl le Soleil, 6c nkL^ffc
parce que Mercure ne s'éloigne jamais de cet Aftre, ils ont pris occafion s'appeiie
de feindre qu'il eft toujours là pour attendre (qs ordres. Mais ils dévoient n!$l^àa
aufiî remarquer qu'il n'en part jamais pour les exécuter. C'eft décela mé- ^i«" Ser-
ine qu'eft venue la Théologie, qui fait ce Mercure Dieu du difcours 6c fres'appeïé
de l'éloquence, car s'il eft ie Mefiager de Jupiter, pour aller porter les ^^'^'g'^^ ^^t^o,
ordres 6c déclarer fes volontés, il faut qu'il fâche parler, 6c qu'il s'expri- autre^Dku
me noblemertt, 6c d'une manière digne de la Majefté eelefte qui l'envo- j"^*'^^'
ye. C'eft paer cette raifon que les Lycaoniens prenant Paul 6c Barnabas Poiuquoi
pour des Dieux, qui éroient décendus du Ciel, appellaient Barnabas Ju- Mercure efi
piter, 6c Paul Mercure, parée que Paul avoitledondela parole, 6c qu'il riioquence,.
parloit au nom de tous deux. C'eft à mon fens de là qu'eft venu le nom de
Cafmtlus, ou de Cam il fus , qui a ét€ donné à Mercure. Macrobe nous dit
que les Tofcans I'appelloient Camillus. Statius Tullianus de vocabuiis re- Mkrobe Sa-
THm ïib. I. ait dixijfe (^aUimachHm 1 ufcos-CamillumappeHare MercHrium ^cjuo t";"'
vocabulo fîgmf.cant pramimfi'mm Deùm. Inde Virgilius ht Metabmn CamiUam ^ "^' ^' ^''
AppellaJJefiltam , Diana fctlket pr(Wtinijiram, Nam Qr PacuvifiS- mm de Me'
dea loqueretur ,
CœlittimCamiîU expeBatit advenir^ fahe ho/pita.'
'B^omani ijHoôiHe pueros & puellas mbiles & invefhs camillos & camiîlas appela ft"
lant y flaminicariim & flaminum pri&mim[iros. Mais il femble que les Grecs
rappelloient viâuix.iKoç ; Au moins le Scholiafted'Appollonius le nomme ainfi,
dans le pafiàge que nous avons cité au chapitre de Bahal, il dit qu'il y a in r. Argo*
quatre Dieux appeliez Cabires entre les Samothraces, Axieros, Axioker- nautic^H.
fbs, Axiokerfa, 6cCafmilusi qu' Axieros eft Cerés , Axiokerfa , Profer-
pine, Axiokerfos, Pluton, & Gafmilus , Mercure, Miniftre des Dieux.
Varron écrit aufii Cafmtlus. Cajmilu-s ndminatHr inSamothraces myft^eriis Deus Lib. *, de
quidam , adrhtmfier Dtis magms. Mais- les Bœotiens l'écrivoient Cadmilus. J"^* ^"^'
Cadmus rPefi ^pas feulement un nom propre^ cefi auf[ï une des epitheîes de Mer~
cme , d'^opi vient Cadmilus dans Lycophron. G'eft ce que dit un Auteur an-
cien, cité par Phavorinus. En effet Lycophron , danslaCafiàndre,par- invoceCacî-
lc de ce Cadmilus, 6c le Scholiafte dit^ Cadmilus^ c^e/l le Mercure des ^û?*?- "'j^^;
ùens^ qui fut père de Mjrttlus^ le cocher d Oemmaus. je croi que les vrais ceoeraph
»oms font Cadmilus y 6c Cafmtlus. Bochart le dérive de onn, chadama^ Patt.z.
7î8 HISTOIRE DES DOGMES
LiK 2.C. 57. S'-ii fignifie-fervir en Arabe, ÔcdW, qui fignifie Dieu.- Voffius veut qu'il
2.R.ois a. vienne des Kcmarim , onoD. C'ell ainfique les Syriens ôc Phéniciens ap-
cii.-fstuckius peUoient les minillrcs des Sacrificateurs de leurs Dieux. De Kamarim
lib. deSacri- il fait CnfmArtm ^ comme âc pœna on ^iakpœfna ^deCamenayCame/na. En
dctSpdo- ^^^^^ on a fait dcKamar, Camillus, par duninution, comtiïe on a fait la-
ïiefoi. 67. pillus, de lapij. C'elt auffi la conjedure de Grotius. Cette étymolo-
gie elt un peu violente. Pour moi je tire ce nom de Mercure , de O/w//-
la^ ou. Cafmiihim ^ qui fignifie en Hébreu ^<^/(fr/w/?4r<?/(?j, \hn\£?n. On ne
peut pas mieux nommer celui qui étoit le Dieu de la parole ,■& l'Ambaflà-
deur des Dieux j Cadmil^ s vient de Cadem milUy nSoDip , qui fignifie fai-
re aller les paroles devant. Ce qui convient encore parfaitement à ce-
lui qui parle au nom des Dieux. De^cenom qu'on donnoit à Mercure fans
doute eft venu celui.de Camillm èc Camilla. C'étoitainfique les Romains
appcUoient déjeunes garçons & de jeunes filles de maifons^oblcs, quifèr-
voient les Sacrificateurs dans les facrifices, jufques à ce qu'ils eufient at-
©cnis d'Ha- teint l'âge de puberté. On en voit la figure fur la colomne de Tmjan que
iKaï.hv.2. pQj^ montre à Rome^ Un petit garçon ayant la tête couronnée d'une ban-
delette facrée , tient en fa main un petit feau , ôc verfe du vin , ou quelque
autre liqueur, dans la coupe que Traj an préfentoitdansle facrificc.
On a feit Mercure Dieu des chemins. C'efl de là même que cela vient,
parce qu'ils avoient obfervé qu'il étoit toujours proche du Soleil , . 6c lui
donnant le titre de Miniilre affiliant toujours devant Jupiter, pour aller
où Jupiter le veut envoyer. Il faut que celui quia la chaMp d'aller por^
ter des ordres par tout , fache les chemins , 6c le Dieu Méfier des Dieux
naturellement doit être le Dieu des chemins. Comme ©n va de l'un à l'autre,
ce peut être la raifon pour laquelle on l'a fait auffi le Dieu des Marchands ,
à caufe des longs voyages aufquels oblige le Commerce. Ainfi toute la Théo-
logie de Mercure tire fon origine du voifinage de la Planète de ce nom
.avec le SoleiL Au refle c^eflunDicu qui n'a pas tiré fon origine, du vul-
gaire, comme le Soreilôc la Lune. Car comme ces deux Aflresfe diftinr-
guent entre tous les autres, &: que le vulgaire même fent leurs influences,
je ne doute pas que cenefoitle vulgaire, qui les ait déifiez. MaislaPla<-
nete de Mercure n'efl point connue du peuple,, elle eft petite,, & préc-
is que toujours invifibleà ceux qui n'entendent rien dans l'Aflronomie, par-
ée qu'elle eft prefque toujours enfevelie dans les rayons du Soleil.
îLcs 3» Pia- t)^s trois Planètes fuperieures la plus belle & la plus brillante c'eft Jupi-
iietesfupe- ter, à laquelle Ics Aftronomes ontlaifie le nomdeftiné au Roi des Dieux
s^SrnV, 6c des hommes. Nous avons dit plufieurs fois que ce nom de Jupiter ori-
^^'^^rsScju- ginellement appartenoit au Soleil; Mais les Aftrologues ont j-ugé à propos
!>:&:' ir de laifier au Soleil le nom , fous lequel il étoit connu du vulgaire, & de
wji culte, tranfporter à la plus brillante des Planètes fuperieures le nom que Ja Re-
.iduavec ligiou avoit anciennement donné au Soleil. Comme cette FI ariette eft très
J^'" 'J" ^"" remarquable , il n'y a pas d'apparence que les Orientaux l'ayent oubliée
' ' dans leurs fervices. Et puifque les Payens de l'Occident l'ont h fort dif-
tinguée, 6c l'ont adorée, il eft vrai-femblable que cette fuperftition leur
eft venue d'Orient , comme toutes les autres. Mais je n'ai rien de parti*-
culier à dire de ce culte , non plus que de celui de Saturne , 6c de Mars, qui
font les deux autres Planètes fuperieure§. Je ne dirai rien davantage non
ET DES CULTES DE VEGLISE, TartAV. 729
plus de l'adoration des étoiles fixes, fi ce n'efi: qu'il eft certain que les
conftellations ont eu leurs noms , âés le tems des premières obfervations
Allrologiques, au moins la plupart. Outre le S^ds, dont nous avons par-
lé, qui le trouve dans le très-ancien livre de Job, on y trouve encore,
dans le même lieu , ti'j; & nooj dont le premier eft la Conflellation de
la grande Ourfe, 6c le fécond celle des Pléiades, félon le fentiment des
Interprètes. Il eft certain encore que ces étoiles fixes étoient adorées
dans l'Orient comme des Dieux, aufli bien que les Planètes. Outre le
témoignage de l'Ecriture , qui dit qu'ils adoroient toute l'armée des
cieux, nous en avons une preuve dans un paffage d'unanciea Aftrologue
d'Antioche, nommé Vettius Valens, que Seldenus nous rapporte , où
cet Aftrologue conjure fes Difciples de garder le filence, par toutes les
étoiles, comme par autant de Dieux. ^ conjure ceux qui liront ceci far SeWenus
Vorhe [acre du Soleil , fmr les cour fes inégales de la Lune , & par les vertus des if ""p i.
autres <t/fjires , de tenir ceci cachée & de ne le pas révéler aux ignorans , ^ à
€eux quine font pas initiez à nos myfteres'. qu^ ils fe Conviennent de leur Maître ^
& qu'ails lui rendent honneur. Que toute profperité arrive à ceux qui feront ce
ferment , & qui le garderont religieufement > que les Dieux ci-deffus nommez,
leur foient propices. Mais que tout mal puiffe arriver à ceux qui feront le cor,"
tréiire.
Tart. IV, Zzzz VIII. TRAI-
yjo
HISTOIRE DES DOGMES
VIII. TRAITE
D E U X.l DOLATRIES
Particulières au
PEUPLE D ISRAËL,
VE^hod de Gedeon , ^ le Serpent d'^airain , du Dra^
gon des Babyloniens, Idolâtries dont les Juifs ont
été faujjement accufe^.
Juges î. 21.
jufques au
a?.
CHAPITRE I.
Bijîoire de l'Ephod de Gedeon : Céîoit apparemment une enfe/gne
militaire ) que ce Capitaine fit pour être le monument defes
'ui^oireSi o^ le Jignal de f es Combats.
Ufques ici nous avons parlé des Idolâtries, que les
Juifs ont empruntées , & imitées de leurs voifins.
Mais en voici deux , dont ils femblent avoir été les
Auteurs , 6c qui leur ont été particulières. La pre-
mière c'eft l'Éphod de Gedeon , dont voici l'Hif-
toire , comme nous l'avons dans le livre des Juges.
Après que Gedeon eut détruit les Madianites , &
remis les Ifraëlites en liberté : „ -Ils lui dirent tous
„ d'un accord, Domine fur nous , toi & ton fils,
& le fils de ton fils, car tu nous as délivrez de la main deMadian. Et
Gedeon leur répondit, je ne ferai point votre Roi, ni mon fils après moi,
mais ce fera l'Eiernel qui dominera fur vous. Mais Gedeon leur dit,
je vous ferai une requête, c'eft que chacun de vous me donne les bagues
qu'il a remportées pour butin. Car les ennemis avoient des bagues d'or,
„ parce
59
33
ET DES CULTES DE L'EGLISE. TartAV/i^t
.,, parce qu'ils étoient ïfmaëlites. Et ils répondirent nous les donnerons
„ très volontiers, & étendant un manteau, chacun d'eux jettadeflus les
5, bagues qu'ils avoient butinées, ôcle poids des bagues d'or, qu'il avoit;
55 demandées fut de mille fept cens ficle§ d'or , fans les colliers , bagues
5, de fenteur , ôc vétemens d'écarlate , qui étoient fur les Rois de Ma-
55 dian, & fans les chaînes qui étoient au cou de leurs chameaux. Puis
•59 Gedeon en fit un Ephod 5 6c le pofa en fa ville , qui étoit Ophra , &
,5 tout Ifraël paillarda après lui 5 en ce lieu - là , ce qui tourna en laqs à
,5 Gedeon & à fa maifon. 55
Il n'y a rien qui ne foit difficile dans cette Hiftoire. Il eft mal-aifé de Cequ'étoît
favoirce que c'ell que cet Ephod de Gedeon 5 & comment il devint e^^eol'*^
l'objet de l'idolâtrie de ce peuple.
L' Ephod eft l'un des habits du Sacrificateur. La defcription nous en
cft faite dans le 28. de l'Exode, & nous avons étendu cette defcription
'dans la féconde Partie de cet Ouvrage, félon ce que nous en avons appris
des DoâeuTS Juifs 5 &de Jofephe l'Hillorien. C'étoit une efpecede pe-
tit manteau à la Grecque, £pomis Gracamca. USpomis écoit un ornement juiius Poi-
des femmes, qu'elles mettoient fur leurs épaules. L' Ephod, félon que le J^jft^^JJ*'
décrit Maimonides 5 étoit un grand voile, qui déccndoit par derrière juf-
-ques aux talons, j&finifibit par devant au droit de l'eftomac. Et de part
& d'autre on mettoit deux épaulieres , qui attachoient ce voile au Peéto-
ral 5 que le Souverain Sacrificateur portoit fur fon eftomac. Mais je ne
trouve pas de vrai-femblance que l' Ephod de Gedeon fût ainfi fait ; car
cette figure d'Ephod étoit faite pour yenchafler l'Oracle, c'eft-à -dire, le
Pe6î:oral, oui étoient Urira & Thummim.
Il faut donc remarquer que k verbe "Bt^, dans la Langue Sainte, (îgni-
£e fimplement couvrir, & qu'un Ephod fignifie un vêtement. En effet un L'Ephoi
Ephod fignifie fouvent dans l'Ecriture une chemife de lin , qui couvroit Jon facré ^
le corps entier, depuis les pieds jufques à la tête, par devant & par der- étoit com-
riere , & de tous cotez , aflèz femblable à cet habit des Sacrificateurs , ^ande^cfee-
<jue l'Ecriture appelle nanD, la tunique, & que St. Jérôme appelle Cami-*mï{é.
Jta. Cette féconde efpece d'Ephod n'étoit pourtant pas un habit de Sacri-
ficateur 5 ou tout au moins il n'étoit pas pour les feuls Sacrificateurs ,
chacun en pouvoit porter. Car l'Ephod Sacerdotal étoit particulier au
Souveram Sacrificateur. Mais nous avons vu que Samuel , petit garçon^
êc qui n'étoit pas dcîlarace Sacerdotale, en portoit uni que les Sacrifica-
teurs ordinaires en portoient, ôc que David, quand il fit tranfporter l'Ar-
che fous le Tabernacle , qu'il lui avoit fait dreflèr en Jerufalem , étoit
revêtu d'un Ephod de lin. C'étoit, à mon fens , une grande chemife,
& un long furplis, qui fe mettoit fur tous les autres habits.
Et j'eibme que c'étoit la forme de l'Ephod de Gedeon , c'eïï-à-dire, Laformede
tju'il fit faire comme une grande vefle , qu'il appella Eph&d ; première- G^Seo^ ■**
ment parce qu'elle étoit tilluë & compofée à peu prés,, comme l'Ephod
du Souverain Sacrificateur, de pourpre, d'or , de cramoifi , & de fin
lin, 6c enrichi de pierreries. Et de plus, parce qu'elle avoit la figure de ces
vétemens longs , que Ton appelloit un Ephod. Voila ce que je croi
^e la figure, & ce que nous dirons de fon ufage confirmera ce que nous
venons de dire de fa forme,
Zzt% 2, A
Quxft. lib.7.
Quïft. 4t.
Opinion de
St. Augiiftin
furl'ufige
de cet
mphod n'eft
pas vrai-
semblable.
îî efî appa-
rent que cet
Tîphod fut
deî^iné à
ëcre un
monument
<Jc la viftoi-
le de Ge-
«kon.
Jarchi in
UKum.
la locnm.
732 H IST 01 RE DES DOGMES
A quelulage donc fît -il cet Ephod ? St. Augudin croit qu'il le fît à
rimitation de l'Ephod du Souverain Sacrificateur, & que par l'Ephod il
faut ici entendre tous les vaifleaux du San6luaire, comme fil' Hilloiredi-
foit , Gedeon fit l'Ephod , & toute fa fuite, c'eil-à-dire , un Taberna-
cle, & tous les vaifl'eaux du fefvice. Tellement que Gedeon, fa maifon,
& tout le peuple d'Ifraël ficrifierent dans Ophra , prés du Tabernacle
qu'avoit bâti Gedeon, 6c laiflant le Tabernacle de Moïfe , & les habits
Sacerdotaux d' Aaron , que Moïfe avoit faits , ils fe fervirent de ceux qu'a-
voit faits Gedeon. Ainn ils n'adorèrent pas les Idoles , mais ils adorèrent
Dieu dans un autre lieu , &; dans un autre Tabernacle ^ & firent fon fer-
vice avec d'autres vaifleaux , que les vaifleaux facrez. Ce qui étoit une
rébellion évidente. Mais cette opinion de St. Auguflin eil finguliere, èi
je trouve que celle des Juifs eft beaucoup plus vrai-femblable. C'eft que
Gedeon fit cet Ephod pour un monument de fa viâoire fur les Madiani-
tes. Ce fut , dit Salomon Jarchi , poftr être nn monument de la grande déli'
vrance qti'il avoit faite , & four faire vair combien e't oit grande la force des en-
nemis vaincus , puifjue des ferds pendans d'oretUes des captifs on avoit amajje
cette grande maffe d^or , qui étoit dans cet Ephod. Rabbi Levi Ben Gerfom
dit aufli que Gedeon de cet or fit tin Ephod , cefl-a-dire^ une efpece de ceinture
pour conferver la mémoire de cette miraculeufe viBoire. Et enfin David Kim-
chi eil: dans le même fentiment. Oeji que Gedeon des dépouilles des Madsa"
nites fit une efpece de ceinture , ou de vêtement d''or , ^ le pofa en fa ville pour
être un monument de cette grande délivrance. Il h fit avec bonne intention^ mais
après fa mon les enfans 'd'/jrael fe corrompirent après cet Ephod , ^ s'' en firent un
T)ieu. Cependant nos Rabbins , d^heureufe mémoire , difent que (Je de on fa cet
Ephod pour fe profier ner lui-même devant y félon ce qui eft dit dans le texte y &
Gedeon en fit un Ephod. Cela efl; beaucoup plus apparent. Et il n'eft rieiî
fi naturel que ce defir de conferver la mémoire de fes aétions, peut-être
même que Gedeon avoit une vûë pieiife & dévote , c'étoit de confacrer
cet ouvrage à Dieu , en mémoire du miracle qu'il avoit fait de détruire
deux cç:\-\^ mille hommes, avec trois cens hommes armez de cruches de
terre , & de flambeaux.
Gedeon
n'employa
pas tout
l'or du bu-
tin, dans
cet £phod.
De quel
poids étoit
cet Ephod ,
ou l'or des
dépouilles.
Pour ce qui eft de la penfée de Rabbi Salomon, que nous venons de
citer, je ne fai fi elle eftjufte.. Il prétend que Gedeon fit entrer dans cet
Ephod tout l'or de la dépouille des Madianites, pour faire voir combien
avoit été grande la multitude des ennemis défaits,, puifque de leurs bagues
feules on avoit fait un fi grand ouvrage. Le poids de ces bagues étoit de
mille fept cens ficles. Le ficle Hébreu pefoit quatre dragmes , félon le
fentiment de ceux qui ont mieux examiné les poids des Anciens, c'eft-à-
dire, qu'il pefoit une demi-once. Si vous partagez mille fept cens demi-
onces en livres , donnant \6. onces à chaque livre, vous ferez quarante
deux ou 40. trois livres d'or. Or il n'eft pas aifé à comprendre comment on a
pu faire entrer autant d'or dans un feul vêtement , dont le fond étoit af-
fïirément d'écarlatte, de pourpre, 6c de fin lin. Il eft vrai que, félon la
(uppofition de ceux qui veulent qu'il y eût deux efpeces de ficles , l'un
f'acré, 6c l'autre commun , que le facré pefât quatre dragmes , 6c le com-
mun deux dragmes feulement, on pourroit rabattre la moitié toute entière,,
& réduire les 41. livres d'orazi. Mais il faut remarquer qu'outre l'or des,
bagues
ET DES CULTES DE L'EGLISE. F^rMV. 733
bagues d'oreilles, qui montoit à 1700. fîcles, il y avoit encore d'autres
bagues, des boëtes de fenteur, des colliers, 6c des carquans, qui étoient
auffi d'or,ôc qui montoient peut-être à bien plus que les bagues d'oreilles. Et
il eft dit de tout cela que Gedeon en fît un Ephod , aufli bien que des ba-
gues. St. Auguflin ruppofe qu'il étoit d'or maffif. Et que c'ell ce que figni'
fie ce que dit le texte, qu'Aie pofa^ c'eft-à-dire, que ce vêtement fc loû-
tenoit tout feul , parce que ce n'étoit pas une étoffe, mais une mafle fon-
due , en forme de vêtement & de manteau. Mais cela ne s'accorde pas
bien avec fon fentiment. Car il n'eft pas aifé de concevoir, comment un
Sacrificateur auroit pu foûtenir fur fes épaules , en faifant le fervice, un
fî grand poids. Ainîî je trouve fort apparent qu'on doit interpréter le tex-
te de cette manière , c'eft que Gedeon prit une partie de ces dépouil-
les, &: en compofa cet Ephod , pour conferver le fouvenir de fa viétoi-
re , &: referva le refte pour l'ufage de fa maifon , qui depuis ce tems-là
fut riche & confîderable en Ifraël , jufques à ce qu'elle prit fin en Abi-
melcch.
Mais il refte une grande difficulté fur cet habit , pourquoi Gedeon rour<iuoi
choifit-il une forme de vêtement pour un monument.^ N'étoit-il pas plus J^'^^°°
naturel d'élever quelque colomne , quelque flatuë , quelque pyramide, forme de
obelifque, arc de triomphe, ou quelque autre édifice femblable, comme [00*^^0"'
on a fait du depuis? Je ne fai fi ces fortes de monumens étoient en ufage mcmr
du tems de Gedeon. Au moins eft-il certain que les arcs de triomphe,
les obelifques , 6c autres femblables pièces d' Architeâ:ure, n'étoient point
connues, dansées fiecles. Les bâtimens y étoient groffiers , 6c l'Archi-
teélure fort fimple. Cela paroît par le devis du Temple dé Salomon ,
dans lequel il n'y avoit point du tout d'Axchiteéture. Ce n'étoit que qua-
tre murailles, fur lefquelles on avoit pofé un plat- fond, 6c au deflus du
plat- fond une plate-forme. Si cet édifice, au refle fi beau 6c fi magnifique, '
étoit d'une ltruâ:ure fi fimple , il n'y a pas d'apparence qu'alors on eût
inventé ces chefs - d'oeuvres d'Architeéèure, que les Conquerans ont fait '
élever pour immortalifer leurs viéèoires. Qiiant aux fiatuës , nous ne
voyons pas que les Princes, 6c les Rois du peuple d'Ifraël, en ayent érigé
pour fe: vir de monument , de peur que le vulgaire ne vint à en abufer par
idolâtrie.
Tout au moins Gedeon auroit pu élever quelque mafie énorme de pier- Cnéicvoïc
re, qui, fans être faite félon les règles de l'Architecture, auroit pu con- meit^des
ferver la mémoire de la défaite des iVladianites. Cela étoit affez de l'ufa- montioyes,
ge de ces premiers tems. Quand Jacob 6c Laban traitèrent alliance en- dSi'pTenest
fcmble , le Patriarche prit une pierre, 6c la dreffa pour enfeigne , 6c dit po'« ^onu-
à fes frères , amalfez des pierres 6c en faites une pile. Ce qu'ils firent, ™^"^'
6c mangèrent fur cette pile de pierres. Laban en fa langue l'appella/^^^r Genefe
Sahadmha , 6c Jacob en la fienne l'appella Galh'ed , l'un 6c l'autre nom ^^•'*^°
fignifie, la pile du témoignage. Les Rubenites 6c les Gadites, 6c la de-
mi-Tribu de Manaffé , après avoir reçu leur partage au deçà du Jour-
dain , le travericrent pour aider leurs frères dans la conquête du refte du
païs. Quand la terre fut partagée , ils s'en retournèrent chez eux , 6c Jofué^i.ie.
bâtirent un grand Autel, prés du rivage du Jourdain, du côté de la terre
de Canaan. Cela épouvanta les autres Tribus, 6c ils crûrent que leurs
Zzzz 3 frères
734. H I S T O I R E D E S DO G M E S
frères vouloient bâtir Autel contre Autel, & fe feparer du fervicedeDicu.
Mais la chofe étant éclaircie , on trouva que cela ne fut bâti que pour être
un tHonument à la pofterité , & pour apprendre aux enfans de ceux qui
avoient leur demeure au deçà du Jourdain , qu'ils avoient leur part au
Tabernacle 6c à l'Autel de Dieu, quoi que le Jourdain fût entr'eux & le
Tabernacle.
CctEphod, Gcdcon pouvoit imaginer quelque chofe de femblable. Et en un mot il
ou vête- femble qu'il ne pouvoit rien faire de moins bien penfé , <3ue de faire une
ment, etoit i ^ i j r • cv • t i- • iv i rr-
apparcm- robe pour être un monument de les victones. Je dn-ai la-dellus ce que
Si'Hr j^ penfe. Je croi que cet Ephod , ou cette robe de Gedeon , étoit l'en-
ou érea-' feigne des armées , le figne militaire , fous lequel s'aflembloient les Sol-
hgaeKe" ^^'^^ > ^ ^^ fîgnal du Combat. Si cela eft ainfi,iilnefautpas s'étonner que
Gedeon ait choifî , pour conferver la mémoire de la défaite des Madia-
nites, ce qui étoit le lignai, & l'étendart , fous lequel les Soldats avoient
combatu.
rufagcdes Pour éclaircir cette conjeâure j 6c pour la confirmer, il efl: neceflaire
nii'iltmS '^^ f^i^^ quelques remarques. Et premièrement il faut fe fouvenir que l'u-
cfi fortan- fage des étendarts, & des enfeignes militaires, eft d'une très grande an-
^'^"' tiquité. Nous en avons un remarquable exemple dans la defcriptiondek
^, marche du peuple d'Ifraël , qui marchoit dans le defert , dans un ordre
Nomb.2.2. de guerre. Les enfans d'*ljraël fe camperont un chacun fous fa bannière , félon les
enfeignes des maifons de leurs pères. Et une vieille tradition d&s Juifs dit, que
dans ces quatres bannières générales, dont Moïfe marque diftinâement
l'ufage, il y avoit la figure de quatre animaux. Dans celle de Juda, fous
laquelle marchoient trois Tribus , étoit peinte l'image d'un Lion ; dans
celle d'Ephraïm, la figure d'un Taureau j dans celle deRuben, l'image ■
d'un Homme j Ôc enfin dans l'étendart de Dan , il y avoit une Aigle.
Dans ces enfeignes on mettoit quelques emblèmes, C'eft ce que fignifient
Chap. t. 4. ces paroles du Cantique de Salomon, oùl'Epoufe dit, fin enfiigne, ou fa
bannière , quil étend fur mui^ c^efi l'amour. Et dans le même livre l'Epou-
fe dit encore , mon bien-aimé eft un p,orîe-enfeigne choifî entre dix mille , parce
que pour porter les enfeignes , on choifiiîbic toujours àz^ gens bienfaits,
robuftes , & forts.
La forme Aprés celâ GO peut remarquer que la forme ordinaire des enfeignes mi-
défcnfei- lïtaires étoit celle d'un grand voile étendu. Et déjà cela ne fe rappor-
gnes miii- tcroit pas mal avec la figure de l'Ephod Sacerdotal , fi nous fuppoiions
commed'ua ^^ l'Èphod de Gcdeon eût précifément la forme de celui du Souverain
grand voii€. Sacrificateur. Car il eft certain que félon la defcription des Hébreux, ce
n'étoit qu'un grand voile, qui couvroit le Souverain Sacrificateur , de-
puis la tête julques aux pieds par derrière, ôcqui tenoit par devant à deux
épaulieres. Pareillement auftî les enfeignes militaires étoient de grands voi-
les, qui tenoient à un bois traverfant par deux cordons, comme par deux
épaulieres. Mais il femble que fi l'enfeigne militaire, que Gedeon vou-
lut élever & conferver , eût été de cette forme , l'Auteur du livre des
L'Ephod de Juges auroit dû i'appeller fimplement un voile. C'eft pourquoi je croi que
^^^ç^fj/gnj cette enfeigne militaire eft appellée Ephod , ou vêtement, parce qu'elle
miiicaite, étoït fcmblable au Labarum des Romains. C'étoient deux bois, qui fe
fg^v.!jJJej,^ traverfoient en forme de croix. Celui qui croifoit l'autre étoit tout au
haut ,
ET DES CULTES DE L'EGLISE. P^r^.IV. 73^
haut, & un voile d'or éc de pourpre, fait comme la calaque du Général jLabarumdes
étoit fufpendu à ce bois traverfant, qui entroit dedans , & faifoit comme mdn"^<r"f
deux épaules , qui foûcenoient cette cafaque , qu'ils appelloient Paluda- cijptionde'
mentHm. C'eft ainfî que le dépeint Jofeph Scaliger , & cette defcrip- " ^^bamm.
tion fe rapporte aflez bien à celle d'Eufebe, quand il dépeint l'enfeigne, c^^^;
que Conftantin fit faire, pour être portée à la tête de fes armées. Or ce Jn sexuîra
ne fut pas Conftantin, qui fut le premier inventeur de cq Labamm^zom- \1^\'q
me Eulëbe femble le vouloir fignifier. Cette enfeigne étoit ancienne en- Eufeb/ub.
tre les Romains. Sozomene nous l'apprend aflez quand il dit, que Conf- Je vita
tantin admirant les Propheites touchant feftis-Chnfi , cjfti lui avaient été expli- Conft.
^nées par les Prêtres , donna ordre à des gens habiles & entendm , de chan- ^^™'^^'^* "
ger Péîendart^ (jne les "B^mains appelloient Lab arum ^ c^ de le mettre en forme
de croix ^ enrichie di or & de pierres precieiifes. Cette enfeigne militaire étoit en
beaucoup plus grande conjideration , ^«^ les autres , parce qu'on avoit accoutumé
de la porter immédiatement devant V Empereur , & les Soldats fe projîernoiem de-
vant elle.
Le Labarum avoit toujours eu une forme fort approchante de la croix,
& Conftantin ordonna qu'on fît en forte que la figure de la croix à l'ave-
nir y fût plus diftinde. Quoi qu'il en foit , il eft certain que l'on éle-
voit dans les Camps un voile, qui avoit la forme de cafaque, ou de clie-
mife j pour fignal du Combat , 6c que la coutume en étoit ancienne. Plu-
tarque dans la vie de Fabius dit , que pom fignal du Combat^ on élevait au
dejfus de la tente du Çénéral une cafaque d'*écariate. Car les Aigles Romai-
nes étoient bien à la vérité des fignes militaires, qui marchoientà la tête
des armées; mais ce n'étoicnt pas les feules enfeignes. Car avant Marins Enfeîgnes
il y en avoit quatre autres avec l'Aigle, le Minotaure , le Sanglier , leo^S'Aigie
Loup, le Cheval. Il eft vrai que Marins , dans fon fécond Confulat re- aj'ant ^a-
trancha ces quatre enfeignes , 6c ne iaifla, que TAigle. Mais outre ces Ai- pSe iib.
gles, dont chaque légion avoit la fienne, il y avoit une bannière généra- '°-'*'
le , qui n'abandonnoit point la tente du Général , & qu'on élevoit feule-
ment, quand on vouloit donner le fignal du Combat. Vexillum^ ôîïiQq,'
Çzx ^proponebatur-i quod erat injïgne cum ad arma concurri oporteret. Les Aigles
étoient toujours dreflees. La figure de ï* Aigle étoit dW , elle étoit fous un petit Dion chry-
couvert , comme une efpece de petite chapelle , cela étoit attaché au haut d'aune ijvre'de '**''
médiocre haleharde ^ dont le bout d^embas étoit aiguifé. On la fichait en terre ^ l'Hiftoire
quand les troupes entroient en quartier d'hiver , & on ne l'arrachait point que ™'
toute l^armée ne marchât. Chaque légion avoit fon Aigle, êc ces Aigles des
légions étt)ient toiijours élevées, particulièrement quand l'armée murchoir.
Mais pour l'étendart de pourpre, ou d'écarlate, il ne s'élevoit que quand
il faloit combattre.
Au refte, afin qu'on ne dife pas qu'il y a trop loin de Gedcon auxRo- L'ufagedes
mains, &: de la Paieftine à l'Italie , pour comparer le Labarum àcs ar- miiS"cn
mées Romaines avec l'Ephod de Gedeon , il eft bon de remarquer que fo™e de
les autres nations , & même quelques-unes de celles qui étoient voifines aufljVnt%°'
de la Judél^, ont eu la même coutume. les autres
Suidas nous apprend que les Scythes pour étendarts militaires àvoient des ^î^uô.vfà
linges ^ ou dés voiles .y peints de diverfes couleurs , fur lefqueis on vojoit des figu^ tT^iKsTci.
Vf s , ^ fur tout de ferpens , & que ces linges étoient pendus au haut d'aune me-
diocre
]imius in
OeneC g. p,
ôcNot. in
Apologet.
ïcuulL
QaxÇt, ij,
736 HISTOIRE DES DOGMES
(diocre perche , ou pertuifane. Quelques-uns croyenc que les Pcrfcs auffi por-
• toient pour étendart une robe Royale , qui étoit de pourpre, qu'ils ap-
pelloient Candjs. Enfin pour me recueillir, j'eilime que Gedeon imagi-
na cetEphod, ou pour être l'image de fes enfeignes militaires, fousJef-
quelies il avoit vaincu le5 Madianites , ou bien comme une efpece de
Trophée, car c'étoit la coutume d'attacher après la vidoire les dépouil-
les des ennemis, 6c principalement les habits de leur Chef, à quelque bois
élevé, afin que cela fût vu de tout le monde. Les Litins appelloient cela
Oftm-a fpolia. Plutarque, dans la vie de Romulus, dit, que Romulus les
arracha au Chef des ennemis, Scjes confacra à Jupiter Feretr'u.s. Et dans
{es Queflions Romaines , il nous dit , que l'on étoit obligé de conferver
précieufemcnt les choies confacrées aux Dieux, 6c de les garentir de la
ruine qui leur eft inévitable par le tems. tJPKais que pour les dépouilles pri~
fes fur les ennemis ^ on les laijjott périr dans les Temples fans les refaire , quand
elles commençoient à périr de vieiUeffe. Il fe peut faire que Gedeon , des ro-
bes d'écarlate 6c de l'or des Madianites, fit une efpece de robe , ou de
cafaque, précieufe, qu'il éleva comme un Trophée, pour être le monu-
ment de fa viéloire , 6c fon enfeigne militaire.
CHAPITRE IL
Comment les Ifra'élites adorèrent l'Ephod de Gedeon.
PRéfentement il faut voir de quelle manière le peuple d'Ifraël fe cor-
rompit après cet¥jphoà ^ & paillarda après lui., pour me fervir des pa-
roles du texte. On ne doute pas que ce terme ne fignifie ici une
fornication fpirituelle. C'efl ainfi que toute l'Ecriture appelle Tidolatrie.
Il s'agit donc de favoir comment les Ifraëlites firent une idole del'Ephod
de Gedeon. Comme nous n'avons aucun fecours là-defiiis, il faut fe con-
tenter de nos conjeélures.
Premièrement il n'y auroit pas d'abfurdité à dire que les Ifraëlites ado-
rèrent ce Trophée. Cela étoit brillant, compofé d'or, de pierreries , 6c
d'écarlate. Le vulgaire fe conduit par les fensj cet éclat l'éblouifibit , 6c
facilement il pût pafler de l'admiration à l'idolâtrie. Au refte ce que cet
Ephod n'avoit aucune forme, ni d'homme, ni de bête , fous lefqueîles
figures on adoroit les faux Dieux , ne doit pas faire de difficulté. Car
il eft certain que les Payens ont fouvent adoré des Idoles , qui n'avoient
la figure d'aucuns animaux. TertuUien nous dit que les hommes ont ado-
ré au commencement des troncs d'arbres fans forme , Deos Caudicaj-ios ,
comme il les appelle élégamment. Et Arnobe reproche cette brutaHté
Atnob.lib.<î. aux Paycns , Informem Arabes lapident , Acinacem Scythi& natioms , ramum
pervincA Thefpios , lignur/} Acarnes pro Diana indolatum^ Pejfinuntios Jdtcem
pro Deum ^JA/Catre , pro Marte "^manos haftam , Varronis ut indicat mufa.
L'on peut voir cela plus amplement prouvé, 6c expliqué dans le chapitre,
Dieux in
fjJimes ado-
rez par les
laycQS.
Lîb.
de Idol. «. 3.
p. ip<s.
ET DES CULTES DE L'EGLISE. F^r^. IV. Jij
où nous avons traité des flmuîacres. Sur tout les Hébreux pouvoient fa-
cileraent fe porter à adorer cts Dieux informes,, parce qu'ils étoient ac-
coutumez à le proilerner devant l'Arche, qui n'àvoit que la forme d'utt
coffre, Ôc dont ils ne voyoient jamais même la figure , parce qu'elle ne
fortciit point en public qu'elle ne fût couverte d'un voile. On pourroit
donc fuppofer, que Gedeon ayant élevé ce monument, ou comme uneen-
ièigne militaire, ou comme un Trophée remporté furies ennemis, & l'a-
yant confacré à Dieu, le peuple l'avoit adoré. Car en effet les Anciens
rend oient une efpece d'adoration aux Trophées. Cruces adorutis^ quando TertirHian«î
vtSlorias adoratis^ cum irop^is. Cruces imeftina [nnt trof£.orHm. C'eft ce que ^^P^'^S-''
difoit élegamrhent Tertullien. Cependant je ne faurois me perfuader que
l'idolâtrie formelle de l'Ephod, ait commencé dans le cem5 même de Ge-
deon, parce que le texte fignifie clairement que Gedeon & fa famille com-
mirent a l'égard de cet Ephod , le même crime que tout le peuple. Car
il efl dit, que ceU fut en laqs a Gedeon^ ^ à toute fa mmfon. Si donc
k peuple commis idolâtrie fur cet Ephod , Gedeon fut auffî idolâtre.
Gr je ne faurois croire que Gedeon lui-même foit tombé dans l'i-
dolatrie, ce fut lui qui abattit l'Autel de Bahal, & reforma l'Eglife de
. fon tems. Eti'Hiiloire dit cxpreffément que le peuple ne devint idolâ-
tre, & n'oublia îe Seigneur qu'après la mort de Gedeon. Et il avmt , ^
^rés ejue Gedeon fut mort^ que les enfans d^lfrd'êl fe détournèrent^ & paillarde^
rem après les Bahaltns, & s^ établirent Bahal-Berith pour Dieu. Amjt les sn-
fans d'Ifraël n^urent point de fouvenance de V Eternel leur Dieu.
Je croi donc que Gedeon conlàcra à Dieu cet Ephod, qu'il avoit fait Gedeonéw-
pour monument de fa viéîroire. Sa Rehgion vouloit, que cette pièce confa- viiedeD^êu
crée à Dieu fût pofée dans le Tabernacle, félon la coutume générale, dans fa ville
qui pendoit dans les Temples des Dieux, les prefens qu'on leur faifoit. fon Ephod,
L'épée de Goliath, qui fut confacrée à Dieu par David, fut mife dans le ^g^f/^^f'
Tabernacle : & c'eil où David la trouva. Le Sacrificateur lui dît , voici viaoïre.
Pépéede Goliath Je Philtjhn^ que tu as tué dans la vdlee du Chêne ^ elle efl en ^* ^^^'^^^
veloppée d'un drap dtrnere VEphod. L'Ephod de Gedeon devoit donc être
en Silo, où étoit alors établi le fervice de Dieu. Mais par vanité il mit
cet Ephod confacré dans fa ville. Cependant il regarda toujours, & lui
6c tout le peuple, cette pièce comme une précieuie rehque , dédiée à ce
Dieu, qui les avoit miraculeulement délivrez de la main de Madian.
Tous les peuples avoient une grande confideration pour lespréfens, qu'on
faifoit aux Temples de leurs Dieux, &; les Juifs entre tous les autres. Et
cette vénération alla fi loin, qu'avec le tems elle dégénéra en fuperilition,
julqués^là , que les Juifs du tems de Nôtre Seigtieur Jefus Ch. mettoient ces
dons au delTus du Temple même. Celui qui jure par le Temple, ce n^ejirien^
difoient-ils , ratais celui qui jure par l'or dti Temple ^ il efl coupable. Fou & aveu-
çW^lequel efl plfis grand^ ou Por , qui efl fanUifié par le Temple , ou le Temple
qui fan^ifie l'or. Ils difoient encore, que quand un homme avoit dit à
fon père, tout ce que je pourrois vous donner elt confacré au Temple, il
n'étoit plus obligé de rien donner à fon père. C'eil le fens de ces paro-
les de Nôtre Seigneur : Fous dites, tout don qui efl de par moi fera à ton profit.
Il faut tourner, Tout ce qui pourroit être à ton profit de ma part ^ efl un don f ai i J^^Jf^'^j^"
Part. IF. Aaaaa «i/^ M,aûh.v.5.*
73^ HISTOIRE DES D p G M E S
(M Temple. Bien que peut-être les chofes n'allaflent pas encore jufques à
cet excez du tems de Gedeon, cependant, il ne faut pas douter que l'on
ne conGderâî, comme des chofes très faintes , tout ce qui étoit confacré
à. Dieu. Cet Ephod , entre toutes les chofes, qui étoientconfacrées à*
la divinité, étant la plus remarquable, le peuple conçût une grande vé-
nération pour lui. Gedeon lui-même le regardant comme un mémorial
important de la viéloire , que Dieu lui avoit fait remporter , voulut apparem-
ment célébrer dans le lieu , où il avoit mis cet Ephod , quelque fête-
folennelîe , pour aélion de grâces de la viét-oire, dont il étoit le monu-^
ment , fans doute il lui bâtit un Tabernacle , ou un Temple. Car l'Hif-
toire dit, qu'il le mit en fa ville, elle ne dit pas qu'il le mit en fa maifon..
Il le mit en fa ville, c'eft-à-dire, qu'il lui éleva un édifice pour le loger j,
il y bâtit un Autel, il y fit des facnfices, il y célébra des fêtes. Je croi
même qu'il le regardoit comme im fymbole de lapréfencede Dieu, à peu
prés femblable à l'Arche, ou al' Ephod du. Souverain Sacrificateur. Et le
peuple s'y alfembloit, non feulement le jour de ces fêtes, mais dans les au-
tres jours, pour y faire fes dévotions. Ces dévotions fe faifoient à l'hon-
neur de Dieu, je n'en doute pas. Car il n'ell pas apparent que Gedeon
eût commis 6c fouffert une telle brutalité, c'eft d'adorer untiflu d'écar-
îate & d'or, qu'il avoit fait faire.. Cependant ce culte ne laifïa pas d'ê-
tre défagréable à Dieu, parce que c'étolt un culte fchifmatique , fi ce.
n*étoit pas un culte abioluraent idolâtre. Car Dieu avoit marqué le lieu
où il vouloit être a4oré, les. facrifices ôcles fêtes, qu'ort faifoit par tout
ailleurs, ne lui pouvoient être agréables , & tout au plus Dieu lestoîeroit.
Les Samaritains , du tems de nôtre Seigneur Jefus Chrifl:,,avoîent repurgé
leur culte, & fervoient Dieu félon la Loi , comme les Juifs. Néantmoins
parce qu'ils étoient dans le Schifme, & qu'ils adoroient dans la montagne
Sr. îcanch. ^^ Guerizim , Jefus Chrift leur dit , Voi^s adorez, ce cjhc vous ne conmijfez^
4- foint , nous adorons ce que nous connoijfons , car le fa/ut eft des fttifs.
Pourquoi, & ^^^ P^^t objcéler ce que l'Hiftoire dit , que les enfans d'Ifraël paillar-
commeatAe derent aprés cet Ephod, &que ce terme fignifie non pas le Schifme, mais.
deon^.Scdes l'idolatric. Je répons que ce mot fignifie tout ce que les Rabbins ontap-
ifraëiites pelle, n^î m^y , avodaz.ara. C'elt-à-dire, le culte étranger, tout fer-
phod,eftV ^^^^ oppofé à celui de la Loij foit que ce culte fe rapportât au vrai Dieu,.
f elle paijiar- f^lon l'intcntion de celui qui le faifoit , foit qu'il fe rapportât à une faufle
ajeikf" divinité. Quand le peuple d'Ifraël fit un Veau d'or, & l'adora , il avoit
intention d'adorer Dieu, fon intention ne le garent it pas du crime d'ido-
lâtrie. Et il eft certain, que fi les Ifraëlitcs, fans abandonner Dieu , &fans
fe faire des images , avoient voulu fervir Dieu par des cérémonies tout
oppofées à celles deMoïfe, leur culte auroit été une abomination. Et le
St. Efprit auroit dit, qu'ils auroient />^/7/<îr^/ aprés d'autres Dieux. Car
il faut favoir, qu'afin qu'un culte fe puilTe terminer à Dieu , il faut que Dieu-
le veuille, & qu'il l'accepte. Un culte ne fe termine point à Dieu mal»
gré qu'il en ait. Ainfi il eft conftant que toute fuperftition eft une ef-
pece d'idolâtrie. Les fuperftitieux ont beau dire qu'ils ont intention d'a-
dorer le vrai Dieu. La divinité, qui rejette 6c qui repouffc, pour ainfi dire,.
ce faux culte, empêche qu'il ne le termine àelle. Cependant il faut qu'ua-
culte fe termine à quelque chofe ,, ôc com-me le culte fuperftitieux ne fe
peut
IT DES CULTES DE VÊGLlSE.Ta/LlV. 739
peut terminer au vrai Dieu , que d'ailleurs il ne fe termine point à aucu-
ne Idole connue , il refte qu'il fe termine à la vanité des imaginations du
fuperllitieux. Et c'eft proprement cette vanité de Ton imagination , qui
eft Ton Idole. Pour appliquer tout cela à Gedeon, parce que lui, & fa
maifon, & fon peuple, établirent un nouveau fervice de'Dieu, ôc avec de
nouvelles cérémonies , auprès de fon Ephod , il efl certain qu'il fe rendit
coupable -d'une efpece d'idolâtrie.
On peut encore faire une difficulté là-deflus, c'eft qu'alors Dieu tôle- Pourquoi
Toit les façrifîces, qui lui étoient faits dans les hauts lieux, quoi qu'il eût ^a'Jpunqué
établi fon nom, fon fervice, Se fon Tabernacle en Silo. Ce n'eft pas une l'on laai-
chofe qui pmfTe être conteftée, que l'on ne facrifiât dans les hauts lieux , JautsfSux^
& que ces façrifîces ne fuflent agréables à Dieu. Manoah^pere de Sawfûn^ J"ges u.
prit un chevreaH de lait , & un gâteau , & les offrit à l* Eternel fur le rocher, ^^'
Et Dieu, ou fon Ange, remonta au Ciel aveclaflâme du lâcrifice , pour
-faire voir qu'il l'agréoit.
Samuel faifoit un facrifice fur un haut lieu en Rama, quand il vit pour i- sat». 9.
la première fois Saiil, & l'oignit pour Roi. Il facrifia aufîî fur un haut heu i. sam. is,
en Bethlehem , quand il oignit David pour fucceder à Saiil. Sur cela
l'on peut dire, pourquoi ce qui fe faifoit. alors innocemment pour les autres,
€fl-il imputé à crime à Gedeon ? Si l'on pouvoit facriiier dans les hauts
lieux, 011 le Tabernacle n'étoit pas, pourquoi Gedeon auroit-il péché en
facrifiant dans fa ville , auprès de fon Ephod ? Je répons , que de la ma- w
niere que je conçoi l'aétion de Gedeon, je trouve une grande différence
entre cette aélion, & les facrifices, qui fe faifoient dans les hauts lieux.
Ces façrifîces fe faifoient avec toutes les cérémonies ordonnées parla Loi.
On ne bâtiflbit pas de Tabernacle dans ces hauts lieux , on n'y établif-
foit pas un nouveau fervice , on n'y pofoit aucun objet feniîble , qui fût
regardé comme le fymbole de la préfence de Dieu, on n'y celebroit point
de fêtes folennelles pour la nation. C'étoit des cultes de particuliers ,
faits pour une famille, ou tout au plus pour une ville. Mais Gedeon^
félon ma fuppofition , bâtit un nouveau Tabernacle pour fon Ephod , lui
confàcra un Autel, fit célébrer des fêtes folennelles de toute la nation,
auprès de cet Ephod. Il regardoit lui-même cette pièce comme un fignc
fenfible de la préfence de Dieu dans ce lieu- Tout cela fans doute étoit
fuperllitieux, ôc contraire à la Loi de Dieu. Outre tout cela, je ne voudrois
pas nier que ce peuple, qui étoit naturellement porté à l'idolâtrie, n'ait ren-
du une vénération excefîive à cet Ephod. Non pas en le regardant com-
me une divinité, mais en leconfidèrant par rapport à Dieu, auquel il étoit
confacré. Et par rapport à cette grande viéloire, que Dieu leur avoir don-
née, dont il étoit le monument. Et ainfîily avoit quelques dégrez de vé-
ritable idolâtrie, dans le refpeét qu'ils avoienr pour lui. C'eft ce que j'ai
pu imaginer de plus vrai-femblable fur cette Hiftoire. Il faut paiferàcelk
Â^à Serpent d'airain.
lAaaaa %
740 HISTOIRE DES DOGMES
CHAPITRE III.
Vu Serpent £ airain , entant qu^iï devint un objet à'tdolaîrie. Le
Viable s'eji fait adorer frefqne par tout fous la figure d'un
ferpent. Efculape adoré fous un ferpent. Serpens adorez en
Egypte : des Ophites contez entre les Se^fes du Chnfita'
mjme.
o
NT peut conGderer dans le Serpent d'airain, oul'Hifl:oire& rescir-
conliances, qui donnèrent occafion à Moiïe de l'élever dans le dé-
fert 5 ou le myftere , 6c ce qu'il avoit de typique , par rapport à Nôtre
Seigneur Jefus-Chrid, 6a bien enfin, entant que pour les Ifraëlites^
il devint un objet d'idolâtrie , ôc fut brifé par Ezechias. C'efî
fous ce dernier égard que nous le eonfiderons ici ,. 6c nous ne dirons
Exercitatio'" ''i^" '^^^ ^^^^ autrcs,. Fcnvoyantles Leéteurs au Traité que Buxtorf a fait
nesaiHifto- îà-deffus , au livre de Mr. Bochait de Animalibiis , 6c aux Commenta-
fœTetts&c. teurs, qui ont écrit fur le Pentateuque. Ainfi , félon nôtre defîèin, nous
Exercir. 6. ne dcvons nous attacher qu'à l'examea de ce que nous lifons au fécond
Anîa"nbns. Livre à^s Rois, dans l'Hiltoire d'Ezechias. Cefl qu'il ôra les kantsUeux^
pirt.2.ub.3. /■/ brifa les ft-atti'ês ^ coupa les boc<:iges , d" hrojia le Serpent d'airain , parce c^ue
îIroJs 18.4. /^y^«^-f ^ ces jours- là les enfans W/fraël Itti fatfoient des encenfemens , ^ // Pap"
pella Nechiifian.
Qimnd a C'cil Ic fcul cndroit où il nous foit parlé de l'adoration, qui a étéren-
«°?T^"" due à ce Serpent. Mais il eft clair par le texte qu'écrie a duré long-tems.
du Serpent C'eft cc quc lignifient ces paroles , fup^ms à. ces jeurs-la les enfi^ns d'If-
d'aïuia. raël lui faifoiem des encenfemens. C'ett-à-dire , depuis les jours qu'Ifraël
commença à devenir idolâtre, jufques aux jours d'Ezechias, Maisiln'efl:
p\s aifé de marquer précifément le tems , auquel cette idolâtrie a com-
Ratbi Kim- mencé. David Kimchi ef f«ne que ce ne fijt que fous les Rois de Juda.
chi in lo- Après cjH^Ezjchias eut va , dit-il , (^ue les enfans d^ffraël s'^égaroient après lui ,
Opinion de il- f l^'^'^ & ^^ brifa ,. parce que les erfans d'^lfrael Ini faifotent des encenfemens.
ce Ribbin, jnfqiiei à ces joHrs-là. Cefi-a-dire , depms le tems que les Rois de fuda s'é^
commença totenî corYompus , & que les enfans d' Ifràel s^éloient adonnez, a l'idolâtrie , les
que '^o^^^^'à Jfraëhtes lui faifoient des encenfemens. A caufe qu'ail ejl écrit quiconque l'aura
da.. regardé vivra , ils s"^ imaginèrent qu'ail étoit propre a être leur médiateur , ^
qu'il était digne iCêtre adoré.
/prarem- Miis je trouve plus d'apparcncc qu'il a été adoré par les Ifraèlites,,
ment cette même du tcms dcs Jugcs, ôc dés qu'ils ont commencé à êire idolâtres. Car
cûmn"nça jc uc conçoi pas, Comment ils auroient adoré des Idoles étrangères, de la
désietems vertu dclquelles ils ne pouvoient avoir aucune preuve , 6c ne fe fuilent
pas portez a lervu- une figure, qui d ailleurs avoir tous les caractères , qui
peuvent rendre une figure vénérable. Elle avoit étéfaite par le comman-
dement.
ET DES CULTES DE L'EGLISE. Pm.lY. 741
clément de Dieu , 6c par leur Souverain legiflateur Moïfe , dont ils ref-
peéloient toujours la mémoire. Elle éroit ancienne , elle avoit fait de
grands miracles. Ainfi il n'eft pas étonnant que leur fuperftition fe foit
tournée de ce côté-là. Il fcroit étonnant au contraire qu'elle ne s'y fût pas
tournée.
Il eft vrai que la figure deferpent,odieu'e aux hommes, les devoit éloi- Pourquoi la
gnerde cette idolatriej mais cela ne les arrêta pas^ c'eft parce qu'ils voyoient r*^""^^ ^^
adorer des Dieux,, fous des formes prodigieufes , Moloch fous celle d'un o"fei!ft,
taureau , qui avoit des mains ; Dagon fous la figure d'un homme demi- "'«'^"'g"a
poiflbn } Baal-Berith fous la forme d'une femme , qui portoit des tours de%efte"^
jur fa tête , Beel-Zebub, Dieu d'Accaron, dans une llatue, qui avoit ^'*°^"^^' '
une tête de chien, une de loup, 6c une autre de lion.
Mais outre cela M me femble que c'eft une remarque digne d'être fai- Le Demon
te. C'eft que le Démon , pour confiicrer la forme , fous laquelle il avoit fcf^ier'W-
paru à Eve , l'avoit feduite , 6c fous laquelle il avoit été maudit , 6c 9"e par
comme pour rendre faux cet oracle de Dieu , je mettrai inimitié ^»- iaTgure°d!f
tre le ferpent & la femme^ , & entre la femence de la femme c^ celle du fer^ feipent,
pnt , viiîblement a fait tous fes efforts pour tourner la fuperftition
des îiommes , 6c leur idolâtrie , du côté de cette affreufe bête. Telle-
ment que malgré l'averfion naturelle , que les hommes ont pour cet ef-
froyable animal, 6c dont ils ne fe peuvent défaire, cependant il n'y en a point
qu'on ait autant adoré, ni en qui on ait plus mis de divinité. Chacun fait
qu'il étoit confacré à Efculape , 6c qu'on adoroit ce Dieu dans le corps
d'un grand ferpent. L'Hiftoire Romaine nous apprend , i^ue durant x/wé- Titus Liviu*^
fefie 5 qui ravageait la ville de "^ûme , les '^mains envoyèrent des Ambajfa- Epitome"*
deurs ^ pour apporter d'Epidaure à Rome ^ l^ fig^^ d^EfcuLipe. C étoit un g? and ^icuhpe
ferpent , qui entra volontairement dans leur vaifeau. Ils apportèrent ce ferpent , fansh^figure^
dans lequel il ejl certain que le Dieu habitait , c^ quand le vaiffeau eut abordé ^'^^ fe^-
Plle du Tibre , le Dieu étant décendu volontairement dans le même lieu , on con[oint* ■
conJAcra^n Temple à Efculape. Et même dans les lieux , oii Efculape étoit ^^^'^ ""«
adlJHfbus des ftatuës de figure humaine, on lui mettoir en main un bâ- fcrpilt.*^
ton 5" autour duquel étoit un ferpent. Et voici comme Ovide le dépeint,
tel qu'il étoit dans les Temples ,
Qualis in dde
- Efe folet , baculumque tenens agrefle finifiray Aîetam. i:- ,
(^Afanem longA dextra deducere barba. ^'^' \^'^^^ ''
Après quoi Efculape parle, 6c dit,
^one metus^ veniam, Jîmulacrdque noflra relinquam ,
Hune modo ferpent em ^ baculum qui nexibus ambit ^
Perfpice ^ & ufque nota^ vifum ut cogna fcer e poffls..
L'Hiftoire du Dragon dts Babyloniens eft connue de tout le monde. . .
Mais je n'oferois la produire comme une preuve , que les hommes ont
adoré les fei'pens , car elle eft trop apocryphe. Aucun ancien Hiftorien Kfio'atif
ne nous dit que les Babylonips ayent adoré un Dragon. Un certain Juil" olg^/"'
affez moderne, nommé Joféph Ben Gorion , eft le feul Auteur qui en apoaypJie,-
parle^maisil eft clair quecejuif apuifé ce qu'il en dit de l'Hiftoire apo-
Aaaaa i cryphe^ . ^
JofephBcn
Gorion
lib, MO.
5)
,îï
»
95
3>
jElian.Hif-
tor. Anim.
iib. lo.
C. 3-1.
Culte que
les Egyp-
tiens ren-
doient au
ferpent
Theimutis.
Le ferpent
^toit Tun
des plus
vénérables
fymboles
de la Reîi- 35
gion d'E- „
gypte.
Lib. I. c. ïo. 55
Prspar.
"ïivangclicK.
55
55
741 HISTOIREDES DO G M ES
cryphe de Bel 6c du Dragon, que les Grecs avoient ajoutée au texte de
Daniel. Voici ce qu'il en dit : „ Daniel forçant de la préfence du Roi^
prépara des inftrumens de fer, faits comme les dents des peignes, avec
lefquelles on apprête le lin, & les joignit par dedans, po-fant tête con-
tre tête, 6c les pointes étoient tout à fentour , bien limées 6c bien ai-
guës. En fuite il couvrit les pointes de diverfes fortes de viandes, prin-
cipalement de graille, de fuif, 6cd'autres chofes graffes. Il y mit aufli une
couche de foufre 6c de poix. Et de cette manière les dents aiguës
étoient cachées. Le tout avoit la figure d'un des pains , que l'on met
fur l'autel. Daniel l'ayant jette dans la gueule du Dragon , cette bête
avalla ce tourteau , 6c le dévora avec avidité. Mais quand cela fut dé-
cendu dans fes entrailles, la chaleur -fit fondre la graifle 6c le fuif. Les
pointes d'acier fe développèrent, elles percèrent 6c déchirèrent les en-
trailles du Dragon. Cet animal commença à fentir de grandes dou-
leurs , 6c mourut le lendemain. „ Cette fable eft un peu différente de
celle de l'apocryphe, qui ne fait entrer dans le tourteau, quedelapoix,
de la graiffe 6c de la bourre, 6c point de fer. C'efl; le caractère du men-
fonge d'être différent de foi-même. Mais fî le Démon ne s'eft pas fait
adorer entre les Babyloniens , fous la même forme , fous laquelle il fè-
duifit Eve, il l'a fait en bien d'autres lieux. L'Egypte, fi célèbre par les
monftres , dont elle a fait ûqs Dieux , n'a pas oublié le ferpent.
Il y avoit une certaine efpece d'afpic, appelle Thermutts^ pour laquelle
ils avoient une fînguliere vénération. C'eft Eîien qui nous l'apprend, 6c ce
qu'il en dit n'étant pas long, eft allez curieux pour être rapporté -tout en-
tier , 6c dans Çqs termes. „ Il y a une certaine efpece d'afpic que les
Egyptiens appellent Thermutis. Ils difent qu'il eO; faint , 6c ils ont
pour lui une fouveraine dévotion. C'ell pourquoi ils en couronnent les
fîmulacres d'Ifîs, comme d'un diadème Royal. Ils foûtiennent qu'il n'efl
point ennemi du genre humain , qu'il ne fait jamais de mal aux honê-
tes gens, 6c ne tue que les méchans. Si cela efl ainfi, on pourroit di-
re, que la vengeance 6c la juftice , qui préfîde fur l'Univers, auralSHu
refpeéî; pour cet afpic , qui feroit fi clairvoyant pour voir les crimes,
6c fi fevere pour les punir. Il y en a d'autres qui difent que c'efl Ifis ,
5, qui l'envoyé punir les malfaiéteurs. Les Egyptiens content jufques à
.5, feize efpeces d'afpics , mais ils croyent qu'il n'y a que celui-ci qui foit
5, immortel. C'cft pourquoi dans tous les coins de leurs Temples, ils bâ-
.55 tilTent de petites voûtes foûterraines , comme des chapelles, dans lef-»
,5 quelles ils nourriffent le Thermutis, avec de la graille de bœuf, qu'ils
5, lui donnent à manger de tems en tems. „ •
Le ferpent étoit l'un des plus vénérables de tous les fymboles de la Religion
des Egyptiens. Eufebe nous en fait l'Hiftoire allez au' long, tirée de Philo Bi-
blius , Traduâeur de Sanchoniathon en ces termes. 5,^ Thaautus attribuoit
35 quelque divinité à la nature du Dragon, 6c des ferpens, 6c les Phéniciens,
5, 6c les Egyptiens, ont approuvé fon fentiment. Car en effet ces animaux
font beaucoup plus abondans en efprits que les autres reptiles. Ils ont
une nature de feu, 6c une vîteffe qu'on ne fauroit exaggerer 6cc. C'ell
pourquoi cet animal eft eftimé facré, 6c il entre dans les myfteres 6cc.
55
55
55
li eft immortel , 6c il fe refout en lui-même
car il ne fauroit mourir
„ natu-
ET DES CULTES DE L'EGLISE. TartlY, 743
5, naturellement. Il faut qu'il meure par la violence de quelque coup.
j. Les Phéniciens l'appellent bon Démon , & les Egyptiens l'appellent
93 Kneph, Kvvj(î), & lui donnent une tête d'épervier ôcc. quand ils répré-
j, Tentent le monde, ils peignent un cercle, dont le fondeft d'azur, par-
j, femé défiâmes, ôcau milieu du cercle s'étend un ferpent, qui a la té-
55 te d'épervier, le tout ell fort femblable à la figure du 0, thêta Grec.
53 Leur intention eft: de répréfenter le monde par ce cercle , ôc le bon
}). Démon par le ferpent, qui s'étend au milieu du cercle. ,,
Il eft clair, que puifque ce ferpent répréfentoit le génie du monde , 6c audace Ju
i'efprit qui l'anime , il faloit que ce fût le fymbole du Dieu confervateur î!)lTd*onna
& créateur de l'Univers , en quoi l'audace du Démon paroît horrible , ^'^^P^t q"i
d'avoir donné à Dieu la figure que lui-même a\^oit empruntée pour faire moli^^mt
la guerre à Dieu. Outre cela les Egyptiens répréfentoienc l'année par un jp^ge,' le
ièrpent, qui faifoit un cercle, ôc qui fe mordoit la queue. erpenr.
il y a bien apparence qu'une partie de cette Théologie Egyptienne, L'Hiftoîre
venoit de l'Hiftoire de nôtre Serpent d'airain, fait parMoïfe. Le Thaau- JaiS?*^ -
tus , dont Sanchoniathon parle fi fouvent , pourroit bien être Moïfe. ^«nné lieu
G'efl une des conjedures les plus vrai-femblables deMonfieur Huet. Car gk 16^/°^°*
les Phéniciens difoient de leur Thaautm , qu'il fut le premier inventeur égyptiens,
éti caraéteres 6c des lettres. Que Saturne le fit Roi de toute l'Egypte j peni? ^""
que c'eft lui qui a écrit l'Hiftoire des Dieux. Cela peut convenir à Moi- JnDemon-
fe ,. qui eft eftimé le plus ancien dt tous les Ecrivains , qui domina fur EvangeiL.
l'Egypte, par la verge qui la domtoit, 6c qui écrivit l'Hiftoire de Dieu,
ôc de Çts enfans. Ce que dit Sanchoniathon , dans le paftage que nous
venons de voir , que Thaautus attribuoit quelque divinité au ferpent y
vient apparemment de ce que Moïfe, éleva le Serpent au defert, 6c obli-
gea le peuple à le regarder, pour être guéri. De là même apparemment
eft venu le ferpent d'Efculape , le Dieu de la Médecine. C'eft par-
ce que par le regard de ce Serpent d'airain les Ifraëlites avoient été
guéris.
Les Génies proteéleurs des villes , 6c des autres lieux , qu'on appelloit ifidore
Dieux Tutelaires , étoicnt adorez fous le fymbole des ferpens , félon ig ^J^'g-'ib-ii^,
témoignage d'Ifîdore. Et deux ferpens peints à l'entrée d'un lieu, étoient
une marque, que le lieu étoit confacré à quelque Héros , ou à quelque
Dieu». C'eft ce que veut direPerfe dans (on ftyle obfcur,,
Pinge dms angpta : pueri ^ fic&r efi locfis^ extra , Satyis r.
Mette. vcif:ii4.
Allez.y enfans^ ne faites pas vos ordures la dedans ^ c'ejf un lien faint , on y voit
la peinture de deux ferpens. Ariftophane , dans la Comédie intitulée Plu-
tus, dit, deux Dragons fortirent du Temple, 6cfonScholiafte ajoute qu'er^/-
nairement on pofoit deux Dragons auprès des Héros. Virgile raconte qu'Enée,.
en facrifiant aux mânes de (on père Anchife, vit un ferpent fortir de fon
tombeau, & fut en doute fi c'étoit le Génie ou le Dieu Tutelairedu lieùj,
ou celui de fon père.
Dixira$
74f HISTOIRE DES DOGMES
.Cneid. |. DixerAt htec : adytis cum luhricHS angms ab imij
Sepiem iyigens gjros , fiptena volumtna traxit ,
Amplexui placide tum'ilum (JTC,
Ohjlup'ut v^fï^ çyEneas s tlle agmlne longo
Tandem inter pMeras ^ C^ lerna poculaferpenSy
Libavitcff^e dapes , rurfHfcjtie innoxins imo
Shccejfùi: tumtilo , & depafia ait aria licfHÎt.
Hoc magis inceptos genitori infiaurat honores ,
Incertulque genmmns loci , famulumne parentis
Ejfe pmet,
serpenssdo- Enfin il n'y a point de lieux Ci cachez , 6c fi reculez, dans le monde,
j5''«"^'^"f- où le Démon n'ait porté cette idolâtrie monftrueufe. Erafmus Stella dans les
Lib. I. An- autiquitcz de Borulîie , ou de Pruffèjdit que les habitans de ce païs, barbares
ruffi''^' d°" ^^ fouverain degré, n'ayant autrefois aucune Religion, commencèrent par
VuiSsl l'adoration des ferpens. Sigifmond Baron de Herberllein, dans les Rela-
tions de Molcovie , dit que dans la Samogitie , de Ion tems, les hommes
adoroient encore un ferpent pour divinité. Le même fe faifoit dans la
Lithuanie. Et il y a des païs dans les Indes, où l'on adore encore au-
jourd'hui les ferpens.
Je ne regarde pas ce que nous'avGns dit de l'adoration des ferpens y
abfolument comme une digreflicn. Car je croi que le culte du ferpent ti-
re fon origine , en partie du miracle , que le ferpent d'airain fit dans le
defert fur les enfans d'Ifraëî , en partie de THiftoiie de la tentation du pre-
mier homme , dans laquelle le Démon fe cacha fous la forme d'un fer-
pent, duquel Moïfe difoit , ejfi^il étoit le pins avife' de tous les animaux des
champs. Les. chofes s'obfcurciiTent, & fe grollifient en même tems , en
s'éloignant de leur fource. Cette tradition qu'un ferpent avoir parlé , 6c
qu'il avoit été jugé le plus fin des animaux, s'eft enflée jufques-là que l'on
eft venu à donner de la divinité au ferpcnr. Il eil: certain qu'il y a eu
des hérétiques dans l'antiquité , qu'on a appeliez Ophites^ qui ont adoré
îrensUib. I. le ferpcut, 8c qui l'ont adoré par rapport à la tentation. Ils difoient, fe-
refes'"'' ^' ^^^^ ^'•- ^^"Cnée , que la Sagejfe s' étoit fait ferpent , & qu'elle s' était oppofée att
cap. 34. ad créateur d^Ada^n \ quelle avoit donné la connoifance à l'homme , & qu à caufe
^""'' de cela il avoit été dit , qne le ferpent étoit le plus fage de tous les animaux. St
que la fiiuation des intefiins dans P homme , q ni font pliez. & replie:^ , comme les
ferpens , montre qu'il y a en mofis une fnhjîance cachée , qui engendre la figure
Origenes des ferpens, Origeiîc cuntre Celfus en dit des chofes fort curieufes. Cel-
fum,"?!' ^^^^ reprochoit aux Chrétiens , qu'il avoit vu un certain diagramme, fait
p. 292. 8c par eux , qui fentoit fort la magie. Il étoit compofé de dix cercles, dé-
uivantes. ^.^.-^^^^ j^^ uos daus Ics aUtrcs , fur un même centre, le plus petit étant ren-
Theoiogie fermé dans un plus grand , chacun de ces cercles ayant fon nom. Le plus
fcmSïbie?' g''""d s'appelloit Leviathan , ou l'ame univerfeile , le plus petit s'appel-
cesk des loit Bebemoth , & fur le tout étoit marquée une greffe ligne , large 6c
•gypticns. i;j(5ij-e^ en forme de diamètre, qui coupoit tous les cercles par la moitié,
qui s'appelloit îa geeiiie. Origene expliquant ce diagramme, montre que
c'elt celui desOphites, ôcdit que dans ces cercles étoient écrits les noms
de
ET DES CULTES DE UEGLISE. P^r^.IV.74^
de fept Démons , que ces gens adoroient. Et entr'autres chofes il confir-
me ce qu'avoit dit îrenée , qu'ils foûtenoienc que le ferpent étoit bon,
qu'il avoit été le Do6teur d'Adam 6c d'Eve , ôc qu'il leur avoit appris à
- connoitre le bien &; le mal.
J'ai rapporté cela, parce qu'il me paroît avoir un très grand rapport avec
la Théologie des Egyptiens , dont nous avons parlé. Ces cercles des
Ophites , & le culte du ferpent , approche de cet emblème célèbre des
Egyptiens , qui peignoient un cercle parfemé de traits d'azur & de fiâ-
mes , au milieu defquels étoit un ferpent.
Les Ophites étoient proprement des Magiciens , à qui l'on fait bien de ophiresmâi
l'honneur en les mettant entre les fe<5tes du Chriflianifme. Car fi ce mS^not».
qu'Origene nous dit au même lieu efl: véritable, ils n'a voient pas labredeshe-
moindre teinture du Chriftianifme j puifque perfonne n'étoit reçu à leurs c3fanif-
myfi:eres , qui n'eût auparavant maudit ôc renié Jefus-Chrift. Je croi donc me.
que ces gens étoient une branche de la Religion Egyptienne , plutôt que
de la Religion Chrétienne.
Pour achever ce que nous avions à dire du Serpent d'airain , il ne nous
refl:e plus qu'un mot à ajouter, touchant fa dernière defl:inée. C'eft qu'E-
Zechias le brifa, 6c l'appella par mépris Nechafian^ c'efl:-à-dire, une pie-
ce d'aiî-ain. Il n'y a là- deflus qu'une difficulté confiderable. C'eft que l'on comment
demande, pourquoi les Princes dévots & religieux , qui ont vécu ^vant ^pjj'^^J°^
Ezechias, comme Afa ÔC Jofaphat, en repurgeant l'EgUfe de Juda d'ido- épargné ri-
latrie , n'avoient pas aboli cette Idole avec les autres. Je ne croi pas pei^d'âf"'
qu'on puifle dire que du tems d'Afa oc de Jofaphat, le Serpent d'airain n'a- rda,
voit pas été adoré. Car j'ai déjà dit que cela ne me paroît pas vrai-fem-
blable , 6c les paroles du texte difent que jufques aux jours d' Ezechias
les enfans d'Ifraël lui faifoient des encenfemens. Ce qui fignifie qu'ils
l'avoient adoré de tout tems.
Buxtorf nous rapporte le fentiment d'un certain Rabbin, nommé La- Buxtorf
viedo , qui croit que les Rois pieux , qui avoient précédé Ezechias , SlÊpeL"
avoient épargné le Serpent d'airain , bien que de leur tems les enfans tis ^nei.
d'Ifraël lui filfent des encenfemens , parce que ce n'étoit pas une idolâtrie, *^' **
à caufe que ces encenfemens , qui fe faifoient au Serpent, ne fe faifoienr opinîon.du
pas à l'honneur du Serpent, mais à l'honneur de Dieu , 6c en niemoire J^'^^^Jç^g
du miracle, que Dieu avoit fait par ce Serpent. Mais qu'Ezechias voyant cuite n'étoit
que cela avoit l'apparence d'idolâtrie , à: qu'à l'avenir ce Serpent pour-^""*"^**^^"
roit être en achoppement , parce que la fuperltition augmente toujours ,
il le brifa. Ce fentiment n'a pas de vrai-femblance. L'Eglife Judaïque ne
favoit pas les diftinûions , qui font aujourd'hui fi célèbres dans l'Eglife
Latine , d'adoration relative 6c abfolH'è. Et l'on ne favoit pas encore en ce
tems , qu'il fût permis de faire des encenfemens à des llatuës, 6c à des
images , à l'honneur de Dieu.
L'opinion de Kimchi n'eft pas vrai-fembîable non plus. <tAfa & fofa-^
phat , dit-il , n'ont pas détruit k Serpent d'airain , quand ds abolirent f idolâ-
trie^ parce ^hUs ne s'étaient pas apperçfts ejft'on l'adorât , ou qit'on lu/fzt des en-'
cenfemens durant leur tems. Cefi pourquoi ils le con fer voient comme un monn* ■
ment du miracle. Ce Serpent étoit fans doute conlervé dans un lieu public,
ôc ij n'y a pas d'apparence qu'on ait pu lui faire des encenfemens , fans
Pan, /r. Bbbbb ' que
74.6 HISTOIREDES DOGMES
que cela foit venu à la coniioifTance des Rois. Ainfi l'on ne peut dire au-
tre chofe , finon qu'Alii 6c Jofaphat conferverent un grand refpeâ: pour
cette relique , qu'ils firent confcience de détruire une pièce vénérable
pour fa grande antiquité, ÔC par les miracles que Dieu avoit faits par el-
le > qu'ils le contentèrent de défendre au peuple de l'adorer. Mais qu'E-
voyant que les foins , qu'on avoit pris pour empêcher 1'
fevpent, n'avoient pasreiifli, il avoit paiîepardeifus les ce
zecnias ,
tion de ce
adora-
confide-
rations, qui avoient retenu fes Ancêtres. Et pour faire revenir le peuple
de la grande vénération, qu'ils avoient pour cette pièce antique , "— ■-
Voi Mas-
sham Chio-
nicii Canon-
itcî defeiti
ftation. 3J.
l'avoit
traité par mépris de Gmiplc pièce d^airain^ ôc enfin l'avoit brifé, pourôter
abfolument cette pierre de fcandale , fur laquelle ce peuple avoit bronché.
Bien que j'aye déclaré dés le commencement , que je ne veux point par-
ler de la guerifon miraculeufe , que Moïlè procura par ce Serpent d'ai-
rain, cependant je ne faurois m'empêcher de donner avis qu'on doit être
en garde do côté de l'erreur de Marsham, Gentilhomme Anglois très
favant , mais trop hardi en eonjedures. Selon lui , ce Serpent fut une
efpece de Talifman, ou figure magique,imitée des Egyptiens, qui avoit la
vertu de guérir la morfure du ferpent. Et il infinuë que c'efl de là que
les Hébreux avoient pris la coutume d'enchanter les lerpens. Ce qu'on
peut voir Pf. f8. & Jeremie 8. 17. C'eli transformer MoiTe en un Magi-
cien d'Egypte. Cette guerifon fut toute miraculeufe 6c typique.
CHAPITRE I
îympofia-
Ktov
Lîb, 4. C; 5»
Tiemierc
calomnie
d'avoir ado-
xé- le poui-
ceaiv
Idolâtries dont les Juifs ont été faujjement accu fez»
Prés avoir parlé des idolâtries, dont les Juifs fe font véritablement
rendus coupables, il n'y a pas moyen de finir, fans dire àleurjufti-
fication au moins un mot de celles , dont on les a accufez. On
les a accufez d'adorer l'âne, le pourceau, le ciel & Bacchus. Il n'eftrien
de plus injufle, & de plus faux. Les Grecs 6c les Romains, qui ont for-
naé contr'eux ces accufations , n'ont eu connoifTance de leur Religion ,
que depuis la captivité de ce peuple en Babylone : depuis lequel tems il
efl certain qu'ils ont eu une averfion épouvantable pour l'idolâtrie , 6c
n'ont trempé en aucun culte des Idoles des Payens , bien éloignez d'a-
voir adoré le pourceau.
L'accufation d'avoir honoré le pourceau fe trouve dans Plutarque ,
dans fes propos de table. Ou il introduit un Callillrate , difant que les
juifs ne mangeoient pas de la chair de pourceau, par refpeér qu'ils avoient
pour cet animal, à caufe qu'en fouillant avec le mufeau il avoit appris
aux hommes l'art du labourage. Il appuyé cette conjeélure, que les Juifs
ne s'abilenoient pas de la chair de pourceau par abomination , fur ceci,,
c'eft que s'ils avoient de l'horreur pour le pourceau ils le tueroient, com-
me les Magiciens tuent les fouris j aujieu qu'il leur efi; défendu de tuer
^t^ pourceaux 3 aulîi bien que d'en manger. Mais ces gens- là nefavoient
pas
ET DES CULTES DE L'EGLISE. Part.lY.-j^j
pas que, félon la Religion des Juifs , un homme étoit fouillé auffi bien
en touchant une bête louiilée , qu'en la mangeant. Et c'eft pourquoi
ils n'ofoient la tuer , parce qu'en la tuant il eût falu la toucher. Cette
abilinence de la chair de pourceau , commandée au Juif, ell allurément
le fondement de cette accufation , & ce qui a fait dire à PetroniusAr-
biter
^uàdus licet & porcinum numen aâoret , in Frag-
Et cœli fummas advocet amtculas , mentis.
ISli tamen & ferro facciderit inguinis oram. 6cc.
Dans le même lieu Plutarque accufe auffi les Juifs d'adorer l'âne. Ils seconde
Js'abfiiennent , dit-il , ^^ lièvre & le hâïjjènt , comme une bête impure , à caufe comTies
de la rejfemhlance qu'il a avec Pane , lequel ils révèrent myjiiquement. Tous Juifs^d'avoir
les Savans favent la fable de Tacite. C'eil que les Juifs adoroient l'âne, "^°" ^'^°^-
parce qu'en fortant d'Egypte ils étoient prêts à mourir de foif dans le de- Hiftor.iib.?.
fert, quand ils rencontrèrent une grande troupe d'ânes fauvages , qui les
conduifirent à une fontaine. Ce qui leur fit avoir tant de reconnoifîance
pour cet animal , qu'ils en confacrerent la figure dans leur Sanétuaire.
Ceci a tiré fon origine d'Appion, Grammairien, qui vivoit du tems de
Tibère, de Caïus, & de Claude, & qui a été refuté par Jofephe. C'efî: Apudjofe-
lui qui dit que le Sanftuaire ayant été ouvert du tems d'Antiochus l'illuf- admfaf'^"
tre, on y trouva une tête d'or, qui avoit la figure de celle d'un âne. Et Appionem.
c'eftdelà, dit-on, qu'eft venue l'accufation , qui a été faite aux Chré-
tiens d'adorer l'âne. TertuUien dit qu'un de ces calomniateurs avoit fait "^"taii.
peindre le Dieu des Chrétiens avec des oreilles d'âne, revéïu d'une Ion- Apoioger.
gue robe, tenant un livre en fa main , le pied avec une corne , comme
les chevaux & les ânes en ont, avec cette infcription, Deus ChriJI-ianorumJ'^^^p^^'^^ .
Ononychites. Dans ce tems -là les Payens ne diftinguoient point les Juifs chart. De
des Chrétiens , à caufe qu'ils adoroient le même Dieu créateur du mon pg'Jj'^/^jl,'''^
de , & étoient également ennemis de tous les faux Dieux du Paga- cap.rs.
nifme.
Nos Savans demanderit quel peut être le fondement de cette calomnie.
Quelques-uns croyent que cela eil venu de ce que èpavoc^ qui figiiifie îe
ciel, s'écrivoit par abbreviation àvoç^ mot qui approche fort de celui qui
fignifie âne , & que les Payens ayant lu quelque part que les }u\Çs ado-
roient 8V0V, le ciel j lifant , ou par ignorance, ou par malice, &voç, qui
lignifie un âne , ils ont débité cette fable § que les Juifs ont adoré
l'âne.
Le Févre de Saumur, Régent de la féconde Cîafle , très heureux en Notate
conjeârures , en fait une ici qui eil ingenieufe. Il obferve que celui qui de Tana"
bâtit le Temple Schifraatique , que les juifs avoient en Egypte, s'appel- J^j^j^'^ ^^^
lokOniasy que tout le Canton en prit le nom. C'étoit dans la Province i^critK^*^
d'Heliopohs, que le Temple fut appelle OVs vxoç: &0'vifn?v, la ville bâricg*^^^'^^ ,
par Onias. Sur quoi les Payens inventèrent la fable , que VznQ , appelle chab'ro-'
onos en Grec , étoit adoré dans ce lieu-là. Monfieur Bochart foupçonné ^^^'^^'
que cela vient de ce que le mot pieo en langue Egyptienne fignifie un
âne , ôc que les Egyptiens ayant fouvenfouï dire aux Juifs ces mots ,
Bbbbb z •'i
748 HISTOIRE DES DOGMES
mn'' >9, qui fe prononcent /?«<^o , ôc qui fignifient la bouche, ou la parole
dejehova, l'avoient malignement confondu, avec leur^^^o, pour avoir
lieu d'accufer les Juifs d'adorer l'âne. Dans toutes ces conje6lures il pa-
roît de l'érudition & de l'efprit.
Mais je croi que, quand on aura examiné ce que j'ai dit des Chérubins,
on ne doutera point que ma conjeâure ne foit préférable à toutes les
autres. J'ai prouvé que les Chérubins avoient quatre faces, i . d'homme , 2. de
lion, g. d'aigle, ÔC4. de bœuf. 11 n'eft pas difficile de prendre l'une de
ces têtes 6c d'eo faire la tête d'un âne, fur tout celle de bœuf, fi vous en
changez les cornes en grandes oreilles , elle ne revient pas mal à celle d'un
âne. Dans le delîein qu'avoient les Payens de rendre ridicule & odieu-
fe la Religion des Juifs , il n'eft pas étonnant qu'ils ayent fait cette petite
metamorphofe. Ils auroient pu les accufer d'adorer un bœuf, mais cela
ne les eût pas rendus odieux , parce que les Egyptiens avoient cette fu-
perfticion. Ils ne les ont pas accu fez non plus d'avoir adoré l'aigle & le
lion, parce que ces animaux ont quelque chofe de noble & de grand. Ayant
donc oui dire que les Juifs dans leur Sanétuaire avoient eu [autrefois des
iîgures extraordinaires , qui étoient d'or , 6c en effet les Chérubins qui
couvroient l'Arche étoient d'or , ils en ont fait cette tête d'âne de pur
or, dont parle Appion. Il eft vrai que du temsd'Antiochus Epiphanes,
auquel tems Appion attache fa fable de la tête d'âne, trouvée dans le Sanc-
tuaire, il n'y avoit plus d'Arche, ni de figures de Chérubins: mais Ap-
pion pouvoit avoir appris par tradition comment étoient faits les Chéru-
bins , 6c ce qu'en avoit écrit Ezechiel.
s. Calomnie Qiiant à la troifiéme accufation , d'avoir adoré le ciel , que leur font Ju-
^'ïëid & vénal ôc Pétrone ,
te
les nuées.
/«»»(*' 2\(/7 prêter tinhes & cœli numen adorant,
£t cœli fummas advocet auricuUs.
ïl n'eft pas difficile de deviner pourquoi c*eft que les Juifs faifoient pro-
feffion de n'adorer que le Dieu des cieux. Ils n'avoient point d'images ,
ni de ftatuës , ils appelloient Dieu à témoin de leur innocence , en levant les
yeux & les mains au ciel, & vers les nues. En effet les Juifs n'adoroient
que ce qu'ils appelloient cceli numen , le Dieu du ciel , mais ils n'adoroient
pas cœhm numen^ le ciel comme un Dieu. Cependant c'eft ce que Juve-
nal veut infinuer, difant que les Juifs adorent les nuées, & la divinité du ciel,
©eiaeran- Je viens à la dernière accufation , c'eft d'avoir adoré Bacchus. C'eft
de accufa- ccUc fur laquelle Plutarque appuyé davantage , & il prétend les en con-
dvoi/ïck.- vaincre par bien des preuves. Il ne fera pas fans doute defagréable, ni inu-
lé Bacchus. tile, quc nous faffions une revue de ces preuves. Il dit que cela fe prou-
ve par le tems de leur plus grande fête , qui fe celebroit dans l'Autonne.
ïlutatque, Hs ï' Appellent ^ dit- il , le feme^ & le célèbrent dans le terni des vendanges'. Ils
Ubifupia. dreffent des tables au milieu des mes y chargées de toutes fortes de fruits ^ & font
affis fous des feuillages , & fous des tijftts de branches , principalement de vigne
& de lierre , & ils appellent le jour de devant le jour des Tabernacles. Peu de
jours après ils célèbrent une autre fête , où les myjleres de Bacchus paroijjent a
découvert. Ils portent des rameaux en une main & desThjrJès^ & entrent ainjl
dans
ET DES CULTES DE L'EGLISE. Part.lV.y^c^
dans leur Temple. Nous ne [avons pas ce qu^ ils y font. Mais il efl apparent
qu'ils y célèbrent les Bacchanales ^ car ils je fervent àe trompettes & de clairons
dans les hymnes qu'ails chantent a leur Diett.
Dans le mois de Tifri les Hébreux avoient trois jours folennels, lèpre- ^^"^<^ f^*"
mier étoit le premier jour du mois de Tifri , qui s'appelloit la fête des trom- cer'emoni^
pettes. Le fécond étoit le dixième du même mois , c'étoicje Jeûne, ou le ^^ ^^ ^"*=
jour des expiations. Et le troifîéme étoit le if.du même mois, qui corn- ^mdti^^^'
mençoit la fête des Tabernacles, laquelle duroit jufques au zz. dans la-
quelle les Juifs en effet dreffoient des cabinets de verdure, & des bran-
ches, fous lefquelles ils mangeoient. La plupart des chofes que Plutar-
que remarque fe faifoient en effet dans ces fêtes. Mais s'il eût étéinflruit
des myfleres de leur Religion , il auroit fû que le premier jour étoit fo-
lennel , à caufe que c'étoit le premier jour de Tan j que le fécond étoit
une humiliation & un jeûne, Se non pas une fête de Bacchusj & que la
troifîéme fête étoit à la vérité une fête , ôc une réjouïfTance , mais qu'elle
étoit établie à l'honneur du Dieu des cieux , & non pas de Bacchus, que
ces Tabernacles de verdure, fous lefquels ils logeoient,étoient les images
de leur pèlerinage dans le défert.
Cette fête étoit deflinée à rendre à Dieu grâces des fruits de la terre, &
c'eil pourquoi on la celebroit après la vendange, au mois de Tifri,qui répond
à^ôtre Septembre. Les clairons ôc les trompettes , dont il parle, entroient
à la vérité dans la Mufique des hymnes, quifechantoient dans le Temple.
Mais cela ne fîgnifioit point le Dieu Bacchus, puifque cela étoit commun
à toutes les Religions, de chanter les hymnes à leurs Dieux avec des inf-
trumens de Mufique.
*Pacis opus docuit , jufttque fîlentihus armis j Calphurnius
Inter facra tubas , non inter bella [onare. prima*
Plutarque tire une autre preuve du nom de Lévites : ce font, dit-il, 2. Fauflè
ceux qui jouent des inflrumens , comme de luts ôc de harpes. En eiFct J[^"^*' ^^
c'étoit un des offices des Lévites. Il dérive ce nomd''Evius, qui étoit l'un thée^Junê
des noms de Bacchus. Et ce nomd'Evius étoit donné à Bacchus, à eau- J^^ j^'^J^
fe du mot E'voT^ que les Bacchantes repetoient perpétuellement dans les nom de u~
fêtes de Bacchus. Cela efl fi froid, qu'il ne mérite pas qu'on le réfute. '^""'
Il ajoute que le mot de Sabbat , qui fignifieles fêtes ordinaires des Juifs, ^ p^^g-^
peut venir de a3or, mot que les Bacchantes joignoient à celui d'E'vor, & pieuve,tiré«
c'efl delà que Bacchus fut appelle .5^^^?,^.^^. Cela n'eft pas mal imaginé. ^«1"°^ ^^'°'
Mais il auroit appris des Juifs, s'il avoit voulu s'en enquérir, que le mot
Sabbat fîgnifie repos , & qu'ils appellent ainfi lefeptiéme jour delafemai-
ne, parce qu'ils cefient toute œuvre en ce jour-là.
Il ajoute que dans ce jour-là les Juifs s'enyvroient, 6c fe traitoient les 4. Fauflc
uns les autres. Je croi que cela eft fondé fur ce que le Sabbat chez eux , n'é- Pf^"''^*
toit jamais un jour de jeûne. Ce que les anciens Chrétiens obfervoient
aufîi. C'eft une pure calomnie, car ils n'ofoient même préparer à man-
ger dans leur Sabbat , & chacun fe tenoit chez foi.
Il croit avoir une preuve invincible , dans ce qu'il y avoit des clochettes
attachées au bas de la robe du Souverain Sacrificateur des Juifs, qui fon-
Bbbbb 5 noient
Souverain
.'^actifica'
tcur.
6. Fauflc
Joreph. 1
E. 14.
7fo HISTOIRE DES DOGMES
y. Faufle n icnt avec un grand bruit, quand il marchoit, parce que ce bruit avoit
preuve, tti^e jj^, vapporL rivcc celui qui fetaifoit dans les facrificesnoéturnesdeBaccbus,
Js^aJlache's qu^'U -dp-pdloix Njiclelia. 11 elt vrai qu'il y avoit des clochettes au bas de
à l'Habit du^.j j-oi^e (JLj Sacrihcatcur , mais ce n'étoit pas à deflèin d'imiter les iacri-
ficcs , & les teces de Bacchus. Les Juits & les Chrétiens cherchent le
myiiere de cela,& la plupart des derniers croyent que ces clochettes Ton-
nantes fignifioient la voix de l'Evangile , que les Prédicateurs doivent
faire retentir en entrant dans le Sanéluaire.
Plutarque obferve auffi, qu'il y avoit fur les murailles de leur Temple
^'^"^'uief '^^^ figures de tambours, & de Javelots, ou de Thyrfes: c'ellquedansla
de vignes 5c dcfcription du Tcmplc de Salomon , il avoit lu que les murailles étoientcou-
de pampres, y^j-t^s ^^.^ lambris doré,fur lequel il y avoit des branches de Palmes en de-
QUI et 01 eue 1 / -x 11
au veftibuie mi-reliefjentrelacces Ics unes dans les autres,Peut-etre^ue par ces Thyrfes,
ïseiodef^i^ entend cette vigne, ôc ces pampres, avec les railîAs, qui étoient d'or
en relief, fur la muraille du vfllibule du Temple, & cette vigne étoit d'ur-
ne fi prodigieufe grandeur, que les raifins étoient de la hauteur d'un hom-
me: pour les tambours, je nefai où il les a pris , fi ce n'efl: qu'il prenne des
fleurs épanouies , pour des figures de tambours. Mais comme cette er-
reur ne pouvoit naître que delavûë,&quePlutarquen'a jamais vu le Tem-
ple deSalomon, ni même celui d'Herode, il n'ellpas aiféde deviner qui
lui adit qu'il y avoit des tambours, taillez fur les murailles du Temple de
Jerufalem : Apparemment il a imaginé cela , afin de trouver plus aifement
le culte de Bacchus dans le iervice des Juifs.
Il avoit remarqué que dans la Loi de Moïfe il ell défendu de mettre du
miel fur l'Autel, il trouve encore Bacchus là dedans: c'eft, dit-il, parce
que le miel gâte le vin. C'ell plutôt parce qu'il jette une fort mauvaife
odeur, & que Dieu ne vouloit point de fumée fur fon autel, qui ne fut
de bonne odeur. Enfin il prouve que Bacchus e(l le Dieu des Juifs, par-
ce qu^ entre flufeurs fortes de pHnitions qu'ails ont , la plus honteufe c'efi celle ,
far laquelle on défend le vin a ceux qui font punis de ce châtiment , pcnr autant
de tems qtî'il plah à celai qui aie pouvoir d''imp9fer les peines. Je croi qu'il a
pris cela delà Loi du Nazareat, par laquelle celui qui faifoit vœu d'être
Nazarien, s'aftreignoit à ne pas boire du/ vin. Et parce que leNazadenal-
loit couper fes cheveux au Temple , 6c y faire les autres cérémonies du
vœu, en prefence des Sacrificateurs, Plutarque s'ell imaginé que c'étoic
le Sacrificateur, qui impofoit cette neceffité de ne point boire du vin. Ou
bien ceia vient de ce qu'il avoit oui dire des excommuniez, parce que l'ex-
communié étoit feparé du commerce de ïç.'& frei-es, & ne pouv^oit être à
même table avec eux, tout le tems queduroit le lien de fon excommunica-
tion, on s'efl perfuadé qu'étant éloigné des tables communes, on lui avoit
défendu l'ufage du vin. Quoi qu'il y ait bien des fautes dans tout ce dif-
coursde Plutarque, il paroît pourtant qu'il avoit plus pris de connoiflan-
ce des cérémonies des Juifs , que les autres Payens qui en ont parlé.
7. Faufle
preuve.
8. Fauffe
preuve.
IX. TRAî.
ET DES CULTES DE L'EGLISE. TartAY, 751
DES HAUTS LIEUX,
Des Bocages, &des Temples
E LI D O L Ei
T>es Sacrificateurs , des Sacrifices , Qf des Cérémonies de
leur Culte.
CHAPITRE L
Des hauts lieux & des bocages. Ce font les plus anciens Temples,
^lujieurs nations n'en ont pas eu d'autres. Les Hébreux en ont
fait grand ufage : le chêne & le guy de chêne ont été facrez :.
fameux bocage dans le fauxbourg d'Antioche.
Our avoir une connoiÏÏance un peu raifonnabîe du
cuke idolatrique des Syriens & des Hébreux, après
avoir examiné les noms de leurs Idoles , il faudroit
parler des lieux , dans lefquels ils les adoroient , des-
Miniftres de l'idolâtrie , & des Cérémonies de ces
faulles Religions. Et ce feroit un champ, qui nefe-
roit pas moins grand, que celui d'où nousfortons^
fi nous voulions entrer bien avant dans ce fujet.
Mais comme ce que nous écrivons eft deftiné à
éclaircir l'Hiftoire du Vieux Teftament, il n'eli pas befoin de nous éten-
dre, que fur les chofes qui fervent à l'intelligence de cette Hiftoire. G'efî
pourquoi, fans nous engager à rapporter tout ce que nous favons des fu-
perftitions Payennes , qui avoient cours entre les Grecs ÔC Jes Romains,.
nous
7fi HISTOIRE DES DOGMES
nous rapporterons feulement ce qui fera le plus pour rintelligence de cel-
les , dont l'Ecriturc Sainte nous parle.
Des hauts Premièrement il faut parler des lieux , où fe faifoient ces dévotions
boTf *^" criminelles. L'Ecriture les défigne par trois noms, les hauts lieux, niD3,
bamoth , les bocages , asherim , □niî'k^ , & les Temples , qu'ils appel-
loient n''3, Maifon. Il eft certain que les hauts lieux , & les bocages,
font avant les Temples , 6c que ce font les plus anciens oratoires , oii les
hommes ont fait leurs dévotions. Il eft parlé très fouvent de ces hauts
lieux , & de ces bocages , dans le Vieux Teftament. Je croi que le pre-
V. 13. mier lieu, où il nous foit parlé de bocages, c'ell le 34. de l'Exode. F'ous
démolirez, leurs Autels , vous bri ferez, leurs fiât u'és , CT couperez, leurs bocages,
V. jo- Et le chapitre z6. du Levitique eft le premier endroit, où il foit parlé de
hauts lieus. fe détruirai vos hauts lieux, & exterminerai vos chapelles confacrées
au Soletl. Le premier bocage, dont l'Ecriture parle , c'eft celui de Ba-
Juges hal, qui fut coupé par Gedeon. Et dans cette nuit-là P Eternel dit à Çedeon ,
' *^* prens le bouveau d^entrc les bœufs , ejui font à ton père , favoir le deuxième bon-
veau âgé de fept ans , efr démoli ï Autel de Bahal ^ qui efi à ton père , & coupe
le bocage , qui efi dejjus. ^t le premier haut lieu , dont l'Ecriture fafle
mention, c'eft celui , fur lequel Samuel facrifidit , quand Saùl le vint
1. Samuel rencontrer , pour avoir des nouvelles di?s ânefles de fon père Kis. Hâte
*■ '*' toi maintenant , car aujourd'hui il efi venu m la ville , parce qu^il y a aujour-
d'hui un facrifice pour le peuple^ fur le haut lieu. Ce n'eft pas que les boca-
ges, &ies hauts lieux, ne foient beaucoup plus anciens que Gedeon, &
que Samuel. Car je ne doute pas que ce n'ayent été les premiers Tem-
ples des hommes. C'eft une vérité fort reconnue.
Uufagedes Dans les premiers fiecles du monde, les hommes n'étoient pas habiles
derhauts ^ ^^ Archîteâurc. La plupart n'habitoient que fous des tentes ; ôc outre
Heux,eftauffi cck, jc croi qu'ils fe perfuadoient que la divinité ne pouvoit être fervie
k monde.* plus à fon gré, que dans les lieux d'où l'on découvroit l'Univers, qui eft
le grand Temple de la divinité. Cette coutume de facrifier à Dieu en
des lieux découverts , & particulièrement fur des lieux élevez , fe voit
dans le Livre de la Genefe , qui contient l'Hiftoire du premier monde.
Aufîî-tQt que Noé fut forti de l'Arche , il bâtit un Autel & facrifia def-
fus. Par tout où les Patriarches fe tranfportoient , ils dreflbient des Au-
tels , prés de leurs tentes. Jacob en revenant de chez La;ban , facrifia fur
la montagne. Abraham par le commandement de Dieu , facrifia fur la
montagne de Moria. Ce ne font donc pas les idolâtres , qui ont les pre-
miers choifi ces fortes de heux pour y fervir la divinité. La coutume en
eft venue fans doute de l'ancienne Eglife avant Moïfe. Pour donner à ces
lieux deftinez à la dévotion tout l'ornement , & toute la beauté, dont la
nature fans art eft capable , ou bien ils choififibient des coupeaux de
montagnes, fur lefquels ilyavoit des arbres &de l'ombrage, ou ils plan-
toient eux-mêmes de grands arbres , qui faifoient de grandes voûtes de
verdure au deîTus de leurs Autels , & c'eft ce qu'ils appelloient des boca-
ges. Sans doute cela fe faifoit au commencement fans fuperftition , mais
en fuite on vint à fe faire une necelîîté, ÔC une dévotion, du choix de ct^
lieux. On fe perfuada que Dieu youloit être fervi en des lieux Hbres , ôc
qui n'étant point bornez par des murailles , répréfentaflent mieux l'infi-
nité
ET DES CULTES DE LTGL I S E. P^r/. IV. 753
^nité de Dieu, & fa connoifiance , qui ne peut être empêchée par aucun
iVoile.
Hérodote nous dit que les Perfes accufoient de folie la coutume dé\)â- Nations qm
tir des Temples à la divinité. Ils ne drejfent point de fi Mues a l'honneur des ^"L'^'^J''
Dieux , ils ne leur hâtijfent ni Temples , nt Autek , & regardent cela , d'ms fans Tem-
cetîX qui le font . comme une folie. CV/? parce que , feUn mon fentiment , ils Ç'"^ ^',"*
* ■' r I ,-, / T^ ■ • / f •' . . ' I Autels , les
ne croyent pas ^ comme j ont les Grecs , e^ue les Dieux ayent tire- leur onime des Perfes.
hommes. Ils ont de coutume ^quand ils immolent des viUimes a fupiter , démon- ciTo'l'ib' '^
ter fur le fommet des montagnes. Le même Auteur nous apprend que les p- 62.
Scythes non plus, ne bâtifToient pas de Temples à leurs Dieux, excep-
té à Mars. Tacite en fa Germanie nous dit la même chofe des anciens
Allemans. Ils ne croyent pas qu^il Çoit de ht grandeur des Dieux de les pein- Les anciens
dre comme des hommes , ou de les renfermer dans les Temples , mais ils fe con- <2ermains.
tentent de leur confacrer des bois & des hoc âges ^ dans le fond defcjuels il y a un
lieu fecret , auquel ils donnent le nom de là divinité , & n''ofent l^ approcher par
-refpeB. Alexander ab Alexandre rapporte la même chofe àt^ anciens ha- ceniai oie-
bitans de Bithynie, que pour adorer Jupiter , ils montaient fur les fommets des mmAiexaa-
mentagnes^ & fans Temples adorount le Dteu, en le faluant fous le nom de Pap- xandro iib'
f^, & les Scythes fous celui de Pappaus. 2. cap. 22,
Cette dévotion pour les bocages , ôc les hauts lieux , étoit gravée fi Biîhyn^e &
avant dans le c<Eur des hommes , qu'on ne pût y renoncer même après '^^ scytiùe.
qu'on eût bâti des Temples. De forte que dans toute l'étendue, 6C des
lieux, ôc des tems, dans lefquels le Paganifme a régné , rien n'eft plus
fameux que la -dévotion des bocages. Et même je ne voi pas que les Hé-
breux, quand ils fe font kiflez aller à l'idolatiie , ayent fouvent adoré les
faux Dieux ailleurs que fîir les hauts lieux , êc dans les bocages. C'eft
pourquoi les Prophètes leur reprochent fi'fouvent , qu'ils s'étoient fouillez
' fous tout arbre verdoyant. Le Prophète Efaïe leur dit , Fous lous échauf- Efaîe. 17,
J'ez.. après les chênes , ^ fous tout arbre verdoyant y égorgeant les enfans par les
vallées, & fom'les quartiers des Rochers. Et Jeremie, Tu as trotté pailUrdant jejen, ^ ^^
fur toute haute colline , & fous tout arbre, verdoyant. Et dans le chapitre fui-
vant, Ain fi m'a dit P Eternel^ dans les jours de fofias. N'^ as-tu pas vu ce que 5c j. «,
'€ette rebelle d^Ifraël a fait^ (far elle s"^ en efl allée fur toute haute montagne ^ CT
^fous tout arbre verdoyant ^- &y a paillarde. Je ne voi que deux ou trois Tem-
ples bâtis à l'honneur de l'Idole dans la Terre Sainte. Le plusconfiderable
c'eft celui qu'Achab fit bâtir dans la ville de Samarie à l'honneur de Ba-
hal, qui fut rafé par Jehu , 6c qui ne fut point relevé du depuis. Carc'eft
ce que fignilient aflez clairement cts paroles. /// tirèrent <tujjï lesfiatues 2, R.ois
hors de la m ai fin de Bahal , & les brûlèrent, & démolirent Uflatue de Bah al. ^7'
Ils démolirent auff la maifon de Bahal , & en firent des retraits , jufques à ce
jourd'^hui. La malheureufe Hathalia, fœur d'Achab, imitant les (iiperf-
titions de fa belle-fœur Jezabel, fit aufii bâtir un Temple à l'honneur de
Bahal , dans la ville de Jerufalem , car le 23. chapitre du fécond Livre
des Chroniques dit, qu'après la mortd'Hathalia tout le peuple entra dans
la maifon de Bahal, & la démolirent, & briferent Çqs Autels & fes ima- ,
ges , ils tuèrent auffi Mattan Sacrificateur de Bahal devant les Autels.
On ne lit pas que les autres Rois de Juda ayent bâti de Temples à l'hon-
neur de l'Idole. Mais du tems des Juges les habitans de Sichem bâtirent
Part. IF. Ccccc ua
10,
754 HISTOIRE DES DOGMES
2. Rois un Temple à l'honneur de Bahal-Berith. //; facrifioient , & faifoiem des
^^' ^ encenfemens, fur les hauts lieux ^ & fur les coteaux , & fous tout arbre ver-
^ A K , ^dojant. Il ellvraiqu'Achaz , oere d'Ezcchias , fit bâtir à Jerufalenci, à
Grand Autel ./ ^ i i* irtiii^ i- îi-i • a»
fait par la portc du Temple, un grand Autel iemblable a celui qu il avoit vu a
miuTioVdc I^'^f^'^s, & fit reculer l'Autel des holocauttes , qui étoit à la porte du
celui de Da- Tciiiple , 6c Ic tranfporta vers le Septentrion , pour y mettre fon Autel
SIs^Àutcr* en la place j refervant l'Autel des holocauftes pour confulter le Seigneur.
profane, Mais cct Autcl n'étoit pas confacré à l'honneur de l'Idole.
J^s'aSa- Manafie poufla plus avant la profanation: Car il eft dit , t^u'tl bâtit des Aur
trie. tels à toute Parwe'e des deux , dam les deux Parvis de la mai fon de l^ Eternel^
'■ Rois 16. ^ (^H^il dofa riry/age d^Ashera, ou d'Afiaroth ^ daas cette maifon , dont Dieu
5. 7.°'^ "'' A'^oit dit a David & à Salomon fon fils , je mettrai mon nom a perpétuité dans
Mamffé a cette matfon. Ce fut lui, qui porta l'abomination- de l'idolâtrie le plus-loin.
JriSÏ^d'1- Car hors lui il n'y a point eu de Roi à Jerufalem , qui ait fait adorer les
doiatrie plus Idoles dans le Temple. Ils fe contentoient de leur confacrer des boca-
ïucêtr«.^" ges , Se des hauts lieux à k campagne , ou de leur bâtir des Temples fé-
parez, fans que pour cela on difcontinuât le fervice continuel du Tem-
ple à l'honneur du vrai Dieu. Ainfi ils faifoient un méknge de la. Reli-
gion Mofaïque , avec la Religion Payenne , adorant les faux Dieux à la
campagne, & le Seigneur iîans fon Temple.
te chêne Entre les arbres, dont étoi^nt compofez ces bocages , Efaïe nomme
"éïfalfe" ^^ chêne, vous vous échauffez, après les chênes. Ce n'eft pas feulement par-
des bocages ce quc c'cft de tous les arbres des forêts celui , qui étend le plus loin Tes
di'jup"iîer"' branches , qui donne le plus d'ombrage , & qui par conféquent eft le plus
propre à faire des bocages. Mais c'étoit principalement parce que cet ar-
bre étoit confacré à Bahal, qui étoit le Jupiter des Orientaux. La fu-
perflion en pafTa d'Orient en Occident. Car en tous lieux le chêne a été
un arbre facré. Particulièrement entre nos Gaulois , defquels Maxime
Seim. 38. de Tyrdit, qu'ails ador oient fupiter ^ & qu'au lieu de fiatue ils l'adoroient fous,
un grand chêne. C'eft pourquoi leurs Sages, ÔC les Maîtres- de leur Reli-
gion , & des chofes faintes , s'appelloicnt Druides ,. du mot Drus , qui fî-
gnffie chêne dans la- langue Grecque.
Lib. î«.44. C'eft delà fans doute que venoît le refpeâ: extraordinaire qu'ils a voient
Kefpeft pour le Guy , qui croît fur les chênes. Pline nous apprend qiue quand
de chêne: ce- ^/j avoient trouve le chêne ^ jur lequel etott cru le (juy, jacre, ils Jacrtjiotent fius:
lemonies p arbre , & fatfoient de grands repas. €n(uite on amenoit deux taureaux blancs^
quelles on qui avoient les cornes liées. Le Sacrificateur vêtu d'un habit blanc montait fur
k recueil- p arbre , coupoit le Guy avec une ferpe d'or ^ & le laiffoit tomber fur un linge blanc^
qu'ion, tenoit au deffous. Après cela on immoloit encore une viUime , en priant la
divinité de rendre heureux le préfent du Çuy a.ceux ^ au fquels elle Pavait fait . Ce
qui étant, fait , ih fe perfuadoient que ce Guy mis & infufé dans le breuvage ,,
guerijfoit toutes fortes d'^animaux. defierilité,. & étoit un remède Jouverain con-
tre les venins.
Apparemment ces bocages, qu'on avoit plantez à l'honneur de quel-
que Dieu , étoient compofez principalement des arbres confacrez à la
divinité , qu'on vouloit adorer en ce lieu-là. Et comme les bocages de
Jupiter étoient de chêne , ceux d'Apollon par exemple étoient de lau*
riex, parce que cet. arbre étoit confacré. à Apollon..
ez
m-
ET DES CULTES DE L'EGLISE.P^r/.IV. 7ff
C'eft fans doute de là qu'avoit tiré (on nom ce fameux bocage d'A- ^^^^e"» *>»,
pollon, qui étoic dans le fauxbourg de la ville d'Antioche, & qui s'ap- "IVapoÎ-
pelloit Daphné, c'eil-à-dire, le laurier, ou le bocage de laurier. So- 1°" J*°^ ^*
zomene, dans fon Hiftoire Ecclefiaftique , nous le dépeint comme le vrai d'AntSe,
Palais de la volupté , ôc comme un lieu enchanté, oh. tous les objets fol- ^'"P"/^'^'
licitoient la concupifcence, 6c reveilioient les fiâmes de la chair. Auffi raeuoient,
remarque-t'il que les honêtes gens , ôc les perfonnes graves, fe faifoient J'ozomTé
une honte d'approcher de ce lieu, qui étoit deltiné à fatisfaire les plus^îb. j. i».'
brutales paflîons. Car on ne venoit en ce lieu que pour y chercher les
plaifîrs de la chair , 6c lî quelqu'un y étoit fans faire l'amour, ilpalToic
pour un ftupide , 6c l'on le regardoit même comme un impie, qui profa-
noit ce lieu deftiné auxplaifirs6c à la volupté. Et cela me fait penferque
c'eft une des raifons , pourquoi le Démon a pris plaifir d'être fervi dans
les bocages, c'eft que les bois font des lieux propres aux plaifîrs impurs,,
que le Diable a prefqae toujours afFeété de faire entrer dans fon culte , 6c
qu'il a favorifez, le plus qu'il a pu. Nous avons vu dans le chapitre de
Thammijs , 6c de la Venus Syrienne , la defcription qu'Eufebe nous fait,
dans la vie de Conftantin, des abominations horribles , qui fe commec-
toient dans le célèbre bocage de la Venus d'Aphacis , fur le Mont Liban.
Ces deux exemples 5 le bocage d'Apollon au fauxbourg d'Antioche, 6c
celui de Venus Aphacite j'nous font voir que la coutume de confacrer des bo-
cages aux faux Dieux , a duré autant que le Paganifme. Pline nous affû-
re que cette fuperftition étoit autant en vogue de fon tems , qu'elle avoit
été autrefois. Il dit en parlant des arbres, Hacfuere n^mifjftmTempia^mnAib.iz^
prifcoque ritu fmpUcia , rnra etiam nttnc Deo prdcellentem arborem àiamt , nec ^' *'
magis anro fnlgentia atijue ebore fimnlacra ^ (^uàm lucos ^ & in Us filent itt ado-
ramm. C'eft-àdire, que non feulement lès arbres avoient été les pre-
miers Temples des Dieux , mais qu'alors même les PaïTans confa-
croient à la divinité quelque arbre d^une grandeur extraordinaire, 6c que
l'on refpeétoit ces bocages , oij regnoient le filence 6c les ombres , plus
que les limulacres brillans d'or 6c d'ivoire. Les Loix Romaines , qu'on
appelloit des 12. Tables, ordonnoient c]ii*a la campagne on édifiât des boca- %. Leg. de
ges a Phonneur des Dieux. Et cela leur paroiifoit (i elfentiel au fervice cii-R--i'S~io*ûe.
•vin, qu'ils en faifoient même au milieu des villes, comme il paroît par
ce vers de Virgile,
Lucm in urbe fuit média ^ hti^imus umbra.
yEaeid. i.
^ V. 44J,
Et même ils ne bâtilToient pas de Temple , auprès duquel il n*y eût un
bocage. Virgile dit que Didon bâtit un Temple dans le bocage , qui
étoit au milieu de la ville de Carthage.
Hzc Templum funmi ingens Sidonia Dido
Condebatjdonis optflentum ^ CS^^umine Diva.
Le fameux Temple de Jupiter Dodonien en Epire, écoit accompagné
Ce ce 2, à'un
756 HISTOIRE DES DOGMES
d'un bois de chênes, .où logepient, à ce qu'ils difcient , deux pigeons,,
qui rendoicnt des oracles.
piiaci6.<»+. Pline nous apprend qu'à Rome , dans le lieu appelle ExcjuiHa ^ il y
avoit un Temple de Lucine,. accompagné d'un bocagç, dans lequel il y.
avoit un arbre de lotos, d'une vieillcfTe extraordinaire , car il lui donne
plus de fco. ans. QiLielques Latins ont crû que la Deeire.Lucine avoit tiré
ion nom de ce bocage , Lucma à luco.
OvHius in Gratta Lucin£ dédit hdc tibi nomina lucus ,
^^^"S- yd qfiia prtncipinm ttir'Dea lncn habes.
Enfin les hauts lieux 5c les bocages étoient-eftimez fi fort necefiaircs
au fervice à^^ Dieux, que les Grecs ont tiré de là le nom qu'il^sont don-
né aux Autels. Car il eft clair que le /Swjoiôf, bomos ^fies Grecs, qui figni»
fie Autel, vient de l'Hébreu miisa, bamos, qui fignifie les hauts lieux.
Comme toute la Religion & les Dieux des Grecs 6c d^s Romains font ve-
nus de la Syrie , il ne faut pas s'étonner fi l'on trouve auflrdansce païs-
là l'origine des hauts lieux 6c des bocages.
Qi-iand il n'y avoit pas de Temples, il eft certain que Dieu trouvort
bon , qu'on lui facrifiât dans les hauts lieuX; ôc dans les bocages; Mais
parce que les Payens avoient rendu abominables ces lieux , par la multi-
tude des idolâtries:, 6c des impuretez, qu'ils y avoienf commifes , Dieu
déiéndit l'ufage de ces hauts lieux. Il fit conflruire le Tabernacle, 6c ne
voulut point qu'on lui facrifiât ailleurs. Cependant la fuperftition des bo-
cages avoit pénétré fi avant , qu'elle ne pût être arrachée des efprits des
peuples. Et depuis que le Temple de Salomon fut- Mti , quoi que les-
Rois Afa , Amatfia, 6c Jofaphat, eulîent fait tous leurs efforts pour ex--
tirper les racines de l'idolâtrie,, on continua pourtant à facrifier au vrai
Dieu, dans les bocages, 6c fur les hauts lieux. Et même Dieu toléra ce
culte, 6cfouvent l'agréa, particulièrement avant que le Temple fût bâti.
Car nous voyons que de faints hommes, comme Samuel, Manoah, père
% de Samfon, Gedeon, 6c plufieurs autres, ont facrifié fur les hauts lieux 5.
ôçn'en ont pas été répris: ôcmême fouvent ïk l'ont fait par lecomman-*-
dtnjent de Dieu , comme. Gedeon .6c Manoalïi
G H A-
ET DES CULTES DE L'EGLISE. TartlY, 757
C H A P I T R E I L
^es Temples de l'idolâtrie : qui en font les premiers inventeurs : le
fameux Temple d' Hierapolis y des cellules des Dieux y des
Autels y des tables y des feuxfacrez.
Prés avoir parlé des Hauts lieux, il faut parler des Temples. Il eu
^ certain que les Dieux des Syriens ont eu les leurs , même devant
que Dieu eût le fien. Dans le 9*"^ du Livre des Juges il nous eft
parlé de la maifon du Dieu Berith. Et dans le feiziéme chapitre du mê-
me livie , il efl parlé du Temple de Dagon , où l'on faifoit jouer Sam-
fon en prefence du peuple ^ & que Samfon renverfa fur lui ôc furlesfpec-
tateurs. Dans le cinquième chapitre du premier de Samuel, nous avons
la célèbre f-liftoire des maux ^ que l'Arche prife par les Philiftins leur fit
durant fa Captivité; par laquelle il paroît que ce Dagon avoit un Temple
en Afdod, ou Azot. Car l'Arche fut mife dans ce Temple auprès de Da-
gon, & l'Idole fut renverfée êchriféco . Les armes de Saiil , après fà dé- 1. Sam.
faite & fa mort, furent mifes dans le Temple d'Aftaroth. Enfin comme ^^•^°*
la.chofe eft fanscontefte, elle n'a pas befoin de preuves-.
La première queftioH que l'on peut faire fur ces Temples, regarde leur Des in?en-
antiquité ; îi e:^ malaifé de définir de quel âge ils font , & quand ils ont Tempksdes
commencé. Les Grecs, qui eflayent de s'attirer la gloire de toutes les in- Pajens,
ventions , difent qu'Epimenides de Crète fut le premier qui bâtit des
Temple. Il.hAùt un Temple à .Athènes à Phomear des Dieux vénérables^ eont'
me le rapporte Lobon de U ville d'^Jrgos ^ dans [on livre des Poètes ; on dit mè'
me que c'efl le premier qui a expié & purifie' les matfons & les champs^ & qui'
a bâti des Temples. Ce font les paroles de Diogene Laërce , dans la vie
d'Epimenides. Mais Epimenides eft trop jeune pour avoir été le premier Epimenides:
invenMur des Temples» Diogene le place environ la 47^=. Olympiade, "'^po'if'e
ceit-a-aire , près de lix cens ans devant JNotre beigneur, tous les règnes des Temples
des derniers Rois de Juda. Or alors le monde etoit plein de Tem- ^^ ^^^"^•
pies. , ^ ,
Hérodote 8c Strabon demeurent d'accord que les Egyptiens font les Herodor.
premiers 5. .qui- ont élevé des Autels, àcs fimulacres , 6c des Temples , à io^^ii,^"^".
î'ibonneur des Dieux. Pour moi je ne doute point qu'il n'en fiille cher-
cher l'origine dans la Phénicie. Et que les Chaldéens, 6c après eux les Leschaj-
Gananéens, n'ayent été les premiers inventeurs de ces édifices pieux. Mais cSnéens
je croi qu'il eft impolfible de marquer précifément le tems de leur ori- rbntkspre-
gine. Il y a apparence que du tems de Jacob àdàe Laban, on commen-^ij^er'^'
çoit à avoir, finon des Temples, au moins des chapelles, 6c àes oratoi- '^^^^^h
res. Car je croi que les Theraphims deLïiban, qui lui furent dérobez par
fa fille Rachel, ètoieotfes Dieux Tutelaircs 6c dnmeftiques, quiavoient
leur oratoire dans fa maifon même. Nous ne faurions deviner par l'Hif-
Ccccc 3 toire
Heradoi. i.
In Corin-
tJiiacis.
3Lib. 16. 49.
Melalib.i.
17. Ibi
Ephefi eft
Dianx cla-
îiffimum
Templum
quod Ama-
zones Afiï
potentes fa-
cxaffe tra-
duntnr.
Faufanias in
758 H I S T O I R E D E S D O G M E S
toire de Mo'iTe , fi du temps de la captivité des Ifraëlites en Egypte, les
Egyptiens avoient des Temples ou non. Les plus anciens de tous les Tcm-
Î>les de ridole, dont l'Ecriture parle, c'eft celui de Bcrith , qu'Abime-
ech brûla: .& celui de Dagon, que Samfon renverfa. Or Abimelech ju-
geoit Ilraël ijn peu plus de 1200. ans devant Nôtre Seigneur Jeflis-Chri^l,
& Samfon jugea Ifraèl environ 60. ans après Abimelech , trois cens cin-
quante ans après la fortie du peuple hors de TEgypte , prés de quatre
cens ans devant la première Olympiade. Je regarde donc ces deux Tem-
ples, celui de Baal-Berith , & celui de Dagon , comme étant des plus
anciens.
Hérodote nous parle d'un autre Temple très ancien dans le même païs.
C'étoit celui de Fenm Vrmie , de la ville d'Afcalon , lequel fut pillé par
les Scythes. Tous les Temples, de l'antiquité defquels les Grecs nous ont
parlé, font à mon avis plus modernes. Faufanias dit que le Temple d'A-
pollon Theatius , fur k territoire des Trezeniens , cil le plus ancien d^s
Temples.de la Grèce-, & qu'il fût bâti par Pytheus, rayeul Enaternelde
Thefée. Cela tomberoit dans le tems des Juges , car Eufebe , dans fa
Chronique, place Thefée environ le tems de Xl^ola, qui fuccedaà Abi-
melech fils de Gedeon.
Pline nous dit qu'il y avoit à Sagunre un Temple de Diane , bâti par
Zacinthus deux cens ans avant lefac de Troye,& que la même Déefie, avoit
dans l'Aulidc un Tetnple j qui étoit aufiî bâti quelques fiecles devant la
guerre de Troye. Or on place la guerre de Troye environ le tems de
Jaïr Juge d'Ifraël, 30Ô. ans après la fortie des enfans d'Ifraël , environ
1200. devant Nôtre Seigneur Jefus - Chrift. Selon quoi les Temples de
Diane auroient été bâtis du tems des premiers Juges d'Ifraël.
Eufebe, dans fa Chronique., rapporte au tems de Samfon l'embrale-
ment du Temple d'Ephefe par les Amazones. Il faloit que ce Tem-
ple fût bâti long- tems devant. Au contraire Solin, 6c Mêla, difent que
ce furent les Amazones , qui bâtirent le Temple de Diane. Mais Pau-
(ânias prétend qu'il*efl beaucoup plus ancien que les Amazones. Quoi
qu'il en foit , nous ne faurions rien tirer de certain de tout cela , parce
que ce période de l'Hifloire Grecque eft celui que Cenfbrinus a juftemenc
appelle jxt;6i>îov5 fabuleux, C'eft l'âge des Hercules, des Thefées, 4^ des
autres Héros de la Grèce , dont l'Hiftoire eft fi remplie de fables , qu'il
eft comme impoffible d'y démêler aucune vérité. Et tout ce que l'on en
peut tirer fur nôtre fujet, en y joignant les lumières de l'Hiftoire Sainte,
c'eft que Ton a commencé à bâtir les Temples dans le période , qui s'efl
écoule depuis ia fortie du peuple d'Ifraël hors d'Egypte , jufques aux
Rois d'Ifraël. Je foupçonne que le Tabernacle , qui fut conflruit par
le commandement de Dieu , a donné occafion aux Payens de bâtir des
Temples à leurs Idoles. Car le Tabernacle étoit véritablement un Tem-
ple portatif, les Temples àç.s Grecs femblent être du fiecle de leurs Hé-
ros. Car Hérodote nous infinuë que l'origine des Temples entre les Grecs
vient de ce que , félon eux , le5 Dieux , c'eft-à-dîre , leurs Héros, avoient
tiré leur origine des hommes. Ainfi les premiers Temples des Grecs fu-
rent les fepulchres de leurs grands hommes. C'eft ce qu'ont prouvé les
anciens Chrétiens , Laj5lance , Eufebe , & avant eux Clément d'Alexan-
drie,
ET DES CULTES DE L'ÉGLISE. P^r^. IV. 759
drie , dans le difcours , qui poite pour titre Trotrepticon ad Gentes U
leur fait voir que les Temples de leurs Dieux n'étoient que des fepulchres
d'hommes morts. Il le prouve par le Temple de Minerve de LariiTe^
dans lequel Acrifiusétoit enfevelij par le Temple de la citadelle d'Athè-
nes, qui étoit le fepulchre deCecrops. Ils difent qu'Erichthonius étoit en»
feveli dans le Temple de Polias j qu'Hyperoche ôc Laodice font enfeve-
lies dans Pile de Delos, dans le Temple d'Apollon. Et ainfi de plu.fieurs
autres. Eufebe a pris la peine d'extraire ce fragment de Clément d'A-
lexandrie , & de l'inférer dans le fécond livre de la Préparation Evange-
lique, dans le chap. 6.
Pour ce qui eflde k figure 6c de la forme de ces premiers Temples des Les anciens.
Syriens , il efl malaifé d'en rien dire d'aflîiréj ce que l'on peut croire, c'eft JoS "
qu'iljn'y avoit pas grande Architeéture. Et fi je ne me trompe, ils étoient wnds.
ronds , c'eft-à-dire , que c'étoient dts tours. Premièrement cela paroît
iparce qu'ils faifoient des Temples de leurs Idoles leurs forterefTes. Ce qui
paroît par i'Hiftoire d'Abimelech y les habitans de Sichem étant prefîèz
par Abimelech , leur ville étant prife, Tom les Seigneurs de la Tour de Si- J"S« 5.45»
ehem fe retirèrent dans le fort , ^m étoit la maifon dn ^Dieu Baal-Berith. Or on
fait que k forme ronde eft celle qu'on a donnée aux premières forteref-
fes 5 & il n'y a pas même bien longtems qu'on n'avoit que àts tours ,
autour des murailles des villes y pour les rendre fortes. J 'appuyé encore
cette conjeélure par l'Hiftoire de Samfon. La maifon de Dagon étoitap- I"sesi5,
puyée fur deux piliers, Samfon fe fit mettre entre ces deux piliers, il les
embraflli , 6c en les renverfant il fit tomber tout l'édifice. Il eft clair
qu'il faloit que cet édifice fût rond y car les piliers étoient fort proches
l'un de l'autre , puifque Samfon les pût embrafler. Tout l'édifice étoit
appuyé fur ces deux colomnes. Et cela ne fe peut rencontrer que dans
un bâtiment d'une forme ronde. Et même dans les fiecîes fuivans je trou-
ve que c'étoit k forme , qu'on donnoit le plus ordinairement aux Tem-
ples. Lilius Gyraldus rapporte de Vitruve & de Varron ,. que les Tem- Liiius Gy-
ples de Jupiter Foudroyant, du Ciel, du Soleil j. ôc de la Lune, étoient "^"^"^ ^^^'
bâtis fans couverture, expofer à l'air ^ & en forme ronde, parce que le vftmviu's
mouvement Aç,s Afti-es étoit circulaire, 6c qu'ils regardent tout l'Univers. ^^^' ''^•^''
Il dit que le Temple de Vefta étoit auffi rond, à caufe que cette DéefTe
eft la terre, dont la figure eft ronde , 6c que les Temples de .Bacchus
avoient k même figure. Enfin tout le monde fait que le célèbre Pan-
théon de Rome étoit de figure ronde. Il fubfifte encore aujourd'hui, 6c
on en a fait une Eglife confacrée à Nôtre Dame, qu'on appelle la Ro-
tonde. A quoi l'on peut ajouter que le Temple de la Déeife Vefta étoit
rond, fitué dans la vallée entre le Mont Capitolin 6c le Palatin, où il fe
voit encore aujourd'hui fous le nom de Sainte Marie de Grâce , Plutar-
que dans la vie deNuma. Dit que Nnma bâtit un Temple à Fejlapour la gar-
de du feu éternel. Il le fit rond , non pas pour répréfenter la terre, comme fi Ve(la
étoit la terre^ mais afin qutl eut la figure de rZ^nivers, au milieu due^f^el le
feu efi placé , félon le fentiment des Pythagoriciens , qui l appellent Ve^a , ^
runiîé.
Sans doute, k ftrudure des Temples étoit fîmple au commencement s
jGo HISTOIRE DES DOGMES
& fans magnificence. Ovide dit quelque part qu'ils ctoient fi petits , qu'à
peine Jupiter y pouvoit tenir.
Fiftorum I. fuppiter mgufla vix totus fiabat in ade.
InijHe fovis dextra fiUile fnlmen erat.
Quand les Dieux n'étoient que, de bois, & qu'à peine les ftatucs avoient
quelque figure humaine , les DU Cattdicarii , comme les appelle Tertul-
licn, ne meritoient pas d'être magnifiquement logez. Mais la ruperftidon
ôc le luxe augmentant en mêmetems, les Dieux font, devenus d'or , &
les Temples Ibperbes.
Les Payens les bâtirent à peu prés fur le modèle du Temple de Jeru-
Liideodeh fa«lem , dans lequel il y avoit divers appartemens. Lucien nous dépeint
s''!!?'^^ ainfi celui de la Déeflé Syrienne, c'eft- à-dire, de Cybele, qui étoit à
Hierapolis, Il étoit ceint de deux murs, c'eil-à-dire, qu'il y avoit deuî|
parvis, l'un dans lequel on entroit d'abord , .êc quand on l'avoit traver-
sé , on rencontroit une autre muraille , qui failbit l'enceinte d'un nou-
veau Parvis , ÔC ce. dernier Parvis étoit de cent toifes de diamètre. Le
Temple étoit au milieu de ce dernier P-arvi5 , il étoit tourné vers l'Orientj
c'eft-à-dire que le cœur du Temple regardoit l'Orient , 6c la porte étoit
tournée vers l'Occident, &'i;'étoit ainfi qu'étoient fituez la plupart des
Befcription Tcmplcs dcs Paycns , parce qu'ils adoroient le Soleil Levant. Et Dieu
pks àS' tout au contraire voulut que Ton Temple fût tourné vers POccidcnt, afin
îayens, & qye les JuiFs ne fuflent point tentez d^adorer le Soleil levant . & qu'ils
celui de la lui toumaflent le dos danis leurs adorations. L'on montoit à ce Temple
Déeflede ^jg Cybele, par des degrez, car le fol étoit élevé hors de terre de douze
^ ^' pieds. Et cela parce que c'étoîent des Dieux celeftes, qui étoient ado-
LiiiusGy- rez dans ce Temple. Car les Temples des Dieux infernaux étoient foû-
vtaone^o- terrains: le fol de ceux des Dieux terreftres étoit au niveau delà terre,
co fuprà 6c ceux des Dieux celeftes étoient élevez de terre.
.eitâtQ. L'on montoit donc au Temple de la T^éoi^Q de Syrie par de petits de-
grez de pierre, qui conduifoient àunPortique d'une ftTudure admirable;
\^s portes du Temple étoient d'or, 6c il en étoit tout couvert par dedans
6c par dehors. Le Temple étoit divifé en deux parties, dont l'une étoit
le Sanétuaire , où l'on montoit par degrez > il eft vrai que le Sanéluaire
étoit tout ouvert , cependant il n'étoit permis qu'aux principaux Prêtres
d'y monter. Et dans le Sanétuaire étoient les images des Dieux j dehors
étoit un grand Autel d'airain , autour duquel il y avoit grand nombre
L€ Temple de ftatuës. Il eft clair que tout cela eft imité de la forme du Temple de
ét?if iS^ J^J'ufalem i dans lequel il y avoit plufieurs Parvis , un Temple divifé en
de celui de deux parties, dont l'une etoit le Sanéluaire, oi^i le feul Souverain Sacrifi-
jei aem. ^,^^^^^. entroit, 6cdeliors le grand Autel, appelle l'Autel d'airain, ou l'Au-
tel des holocauftes.
iiy avoit Pourfuivons la dcfcription des Temples des Payens. Il y avoit à la
deîiaîoirS P°^te dcs Tcmples des lieux, oi^i l'on fe la voit, 6c quand la commodité
la porte des du licu le pouvoit fouftHr , il y avoit des lacs , c'eft-à-dire, des baffins
kuTufasê?' pleins d'cau de fource 6c de fontaine, oii l'on fe lavoit , avant que d'en-
trer dans le Temple. Et il y en a qui croyent que ces lavoirs s'appelloient
Delubra^
"ET DES CULTES DE L*E G L I S E. P^r^. IV. 761
■Delptbra , nom qui iignifie fouvent les Temples tout entiers. Deluymm *
di5îum propter lacum^ in qno manui ablnumur ^ ditServius, fur le 4. deTE-
«eide. Mais d'autres veulent que Dehbrum , fût le lieu , oii l'on pofoit
le fimulacrede la divinité, qui étoit comme un parquet environné de ba-
luftrades. Ils dérivoient Delnbrfimydt Deus yCovcm\Q (^andeUbrum vient de d»où yie^it
cmdeU.y & fignifie le lieu oii l'on pofe k chandelle. C'eft une opinion, '^^ot de
qui eit avancée par Varron, félon Macrobe. Dêtubrum dii œfiimant in ^"'^"'"*
^tto^ prAter adem , Jtt are a adfumpta Deûm caufâ ^nt eflin Circo FUminio fo- ^"° 'q.* ^
vis Statoris. Altiin cjuo loco jimuUerum dedicatum efi ^ fient locus in cj no fige- narum.
rem candelam Candelabrnm appellatur ^ ita in cffio Deum ponerent nvminatum ^J^^.^^^'^'-
De/abmm. La première opinion a quelque chofe de plus apparent, fi l'on Laftantius
a égard à l'étymologie. Car comme de Lavo {c hit Labrtim , ainfide Di- £? 'apid ' '^'^
.Ifio ie pourroit faire aifément Delnbrum. Mais quoiqu'il en foir, ileft cer- Maaôbiuia
tain qu'autant qu^ilspouvoient, ils bâtiflbient leurs Temples prés des eaux. siLnS!'^'
Et; ceux qui alloient à leurs dévotions fe kvoient dedans. St. Juftin di- lib.j. c.4.
fbit , €eHX qui entrent dans les Temples fiont faire ^ur eux des afperfions , j[?»/'/ MinMat-
iis offrent de Penuns & des gâteaux aux Dieux : d'autres fie lavent tout entiers ^^ ^°'^
. avant que d'entrer dans les Chapelles des Dieux,
- Et.pour cet ufage ils avoient des Officiers à k poite de leurs Temples,
t|ui faifoient afperiion fur ceux qui y entroienc. Cela paroît par la célè-
bre Hiftoire de Valentinien, qui fut depuis Empereur. Il fuivoit Julien Theodoret.
au Temple de la Fortune, & les portiers lui ayant jette de l'eau luftrale, ^^^•^•"P'^^=
il donna un foufflet à celui. qui Tavoit pollué par cette afperfion. Quand
il n'y avoit pas de fontaine prés des Tetnples, on apportoit de l'eau d'ail-
leurs , que l'on puifoit en de certaines fontaines kcrées. A 'Rome c'étoic
la fontaine de Juturne , . à Athènes celle de Callirhoé , à Trézene celle
d'Hippocrene. Et il ne faloit pas que les vaifleaux^ dans lefquels on met-
toit cette eau facrée , fuflent pofez à terre. Il faloit que les Minières ,
qui faifoient cette afperfion , îestinfîent toujours en l'air , c'efl: pourquoi
ct% vaifTeaux étaient fi pointus par le bas , qu'ils ne pouvoient du tout y
repofer fans tomber fur le côté , & fans répandre l'eau qui étoit dedans, sic servttfs
à caufe de cela on appelloitces vaifîcaux /«r?//^ àfmdendo. oonatus.
En entrant dans le Temple on rencontroit , comme aujourd'hui dans ïi y avoit ua
les Eglifes des Chrétiens, un grand efpacc , qu'ils appelioient Tpo^^pojaov , fe!"oùl'oï
qui étoit. profane, -c'ell-à-dire., dans lequel on fe promenoit, on parloit, po"*'"'' ^e
on vendoit, à peu prés comme dans un marché. Les Grecs rappelloient &c,'"^"^° .
i^ôvuov^ qui figniSe le devant du Temple 5 Ôcpéut- être que le mot de
pïofiafium vient de là , 'cjuafi-Antefanum. Plus. avant il y avoit cette partie
du Ternpkc, qui s'appeiloit Cella,cGÛ ce que l'on appelle aujourd'hui le
Chœur, oii étoit placée l'image de la divinité. Vitruveen fait k defcrip-
tion dans le 4. Livre de fon ouvrage fur l'Archite-âure. Et Tite Live
parle de la Cellule de Jupiter. Cafiigatum enim ab en populum ait , quod eum^^^- ^^•
.perpetuo Coyifulem , ^ DiUatorem veUet facere : 'prohibnijfe fiatuas fibi in Qi'
-mitio ^ in Koftris ^ tn Curia , in Capitolio , in Cella ^ovis poni.
Ces Cellules fe fermoient -, & étoient environnées au moins de grands cdfulefol^
baluilres, car Aulu-Gelle dit que Scipion l'Africain fe faifoît ouvrir, tous l'o" pofpit
les matins avant jour , la Cellule de Jupiter , & qu'il y demeuroit long- d^sDieS.
liems, comme pour délibérer avec le Dieu , fur les affaires de k Repu- ^"'o^^":
Tart, W. Ddddd blique. auzic"^!'!^
762 H I s T O I R E D E s DO G M E S
» blique. Litteris mandaverunt Scipionem hune zAfricainHm Çolitttm ejje noBis'
extrento , prinfijuam dilucnlaret , in Cdpitolium ventitare , &juhere apertri Cel-
Um 'jovîs ^ atcjue ibi fohtm dm demorari ^ ejuafi conÇultantem de^epublica cum
]ove. Il y avoit plulîeurs de ces Cellules dans un Temple. Mais dans-cha'
que Cellule on ne pouvoir mettre qu'une feule divinité;
Le Livre de la Déefie de Syrie , entre les œuvres de Lucien , nous
apprend le premier , Ib'eil que dans un Temple il y avoit plufieurs fimu-
lacres, & plufieurs Cellules, car dans le Temple d'Hierapolis , qui ell.
dcciit dans ce Livre, il y avoit des ftatu es de Jupiter , de Cybcle, d'A-
pollon, d'Atlas, de Mercure, de Lucine,, & une Cellule pour le Soleil ,.
dans laquelle il n'y avoit pas de llatuë, parce, dit cet Auteur, qu'ils ne
font point de répréfentation du Soleil ôc de k Lune, àcaufe que ce font
des Dieux aflez vifibles-par eux-mêmes.
yaier. Max. Valere Maxinae nous apprend la féconde chofë , c'efï qu*on ne pofoit
lib.r.cap.i. p^^ dcux fîmulacres dans une même Cellule. Ciim Marcdlm quintum Von^
ftilatttm gerens , Templmn Homri & Vinuîi , Cla[tidia prim , dtinde SyracH"
fiipotitus ^ nt^ncHpaîïS.votis ^^ debitum Deo confecrare vellet , à Collegio hontifi"
mm impediws efi , negantc nnam Cellam duobfts 1)iis n^e dicari. Futurum-
enim fi quid prodigii in ea accidiffet , ne dignafceretptr utrirsm divinam fieri opoT"
ter et: nec dnabus nifi aertis. Diii nnà fucrifieari folere. Cette règle fouffroit.
^xitRona. des exceptions , car Plutarque nous apprend qu'il y avoit un même Autels
^,. . ~ , dédié à Hercule & aux Mufes. Paulânias dit qu'Apollon ôc Mercure
avoient un Autel commun, pai-ce que Mercure avoit mvente la Lyre, ^.
cicero in «-Apollon la guitarrc. Et Cicerondit que Bacchus, & fon fils Arilleus, qui'
et oit l'inventeur de l'huile', avoient un Autel conimun à Syracufe. Ce
font ces Cellules qu'Arnobc appelle Tuguriola^ ÇoncUvia. Itanon prim^
Lib, «. ad & maximac&nttimdia efi habttattone Deas habere difiriUos f TtigurioU Mis.
Gcnita, dare^ Conclavia & CdlMas fabricart ?'
Je ne doute pas que de ces Cf//<ene{bitvenuIemot dcpiceUtim^^f^cellÀ^-^,
qtiafi Citera celU^ des Chapelles } carenefïet ces Cellules étoient, non ce
qu'on appelle des niches, mais ce que l'on appelle aujourd'hui des Cha-
pelles.
Derrière ces Chapelles & Cellules,, étoient cette parties du Temple,,
qu'on appelloit oV<o-6o Jcf^ev j le derrière du Temple. Et ainfî il y avoit trois
iiridcTuine- principales parties des Temples, la première étoit XQpronaon^ ou la par--
iib"\^c,^7] tie de devant, qui comprenoit le veitibule,, les portiques,, ôc les prome-
êtPubiium noirs. La féconde comprenoit les C^/Z^/é-x des Dieux,, qui y étoient r enfer-
Si^'ieV races j la troifîéme. étoit le derrière duj Temple,, appelle a/z/W^j^fW. Il
gionibus eft aifédc connoître préfêntement d^où les Chrétiens ont emprunté la îoï^
ïorme de* înc dc Icurs Eglifcs. Il cfl clair que c'eft des Temples dts Payens, car
ftfuiuée'ckï ^^^^^ font fèmbkblcs àces defcriptions, que nous venons de faire,
Jaycati
ET DES CULTES DE L'EGLISE. Part.lV. je)
CHAPITRE III.
Dts tneuMes des Temples , des tyiuteîs , des Tables , & des Lam-
fes ardentes i des procejfions y des torches éf des feux Jacrez.
OUtre les ftatuës, qui feifoieilt les ornemcns de ces Temples, on y Des Aweu
voyoit trois principales pie<:es, les Autels, les Tables & les Lampes, ^"/f^?'^'
Il efl: afTez connu que tous les Temples avoient leurs Autels, car corn- matière , &
me les facrifices étoient les principales parties du culte, il cft clair qu'un ^«^^w»^*-
Temple ne :pou voit pas être làns Autel , & chaque Autel avoit fa ftatuë, qui
fignifioit à quelle divinité l'Autel étoit confacré , ^od nttmen haùeant,& Tom.î*,
pro fiumine accipiant ilUm fiamam ^ aratefiamr, dit S. Auguftin. Lama- S""-^*
tiere^n étoit fort diverfe. Athénée dit qu'il y avoit un Autel d'orâ Ba- Lib. ♦.
bylone, fur lequel onn'immoloit que des animaux de lait, ^ quitettoient ^''^
encore. Gn en faifoit de gazon ,
In medioque focos^ .& Dlis commmihus arttt Virgîi.
graminm. f^ctip.
Mais la matière Ja plus ordinaire étoit la pierre , &prmcipaletftent le mar-
bre.
çyi4^4Ymoreas fiam fuhii canum Jtmulacrapir arMo
C'eft à quoi Martial fait allufîon.
Et cum thure merôcjHe ^viElimÀqtfe - 1«artîal ï »
Libetm tibi , candidas ad aras. ' " Epig. 92.
Je n'ai pu bien devioer où feplaçoient les Autels. Dieuâvoîtcomman- oàfepia-
dé que l'Autel , fur lequel on devoit facrifier, fût dehors fans autre cou-'J^^J^^ *^
verture quele ciel. Il femble que les Paycns doivent avoir imité cela.
Autrement fi les Autels avoient été dans les Temples, la fîimée des fa-
crifices auroit inceflam ment rempli ces lieux d'un air ténébreux 5 & d'une
odeur puante. En effet l'Auteur du livre de la Déefie de Syrie dans Lu-
cien , dit que le grand Autel des facrifices étoit hors du Temple. Gar après
avoir décrit le dedans du Temple, il ajoute, Dehors il y a un grand Ameî
^airain^ avec plnfiefirs ftatues y tant de %QisqHs de Sacrificateftrs. Ces Au- DequaîTe
tels étoient ordinairement couronnez de verdure , félon le Dieu auquel Jùteir' ^^
l'Autel étoit confacré. Ceux d'Apollon étoient couronnez de laurier , ceux
de Minerve de branches d'Olivier, ceux du Dieu Pan de branches de
Pin, ceux de Jupiter de l'arbre appelle Efcuîm. Ils y mettoienc même- on faifoit
du ^azon, 6c c'eft la raifon pourquoi l'on veut qve les Poëtès ayent ap- J^^ ^^^^
f elle hsAu.teh ^raminea & herbojk, »
Ddddd % '€r^'-
764 HISTOIRE DES t) O G M E S>
sîHuslib. 4. Gramineas undis firavit focialibus aras.
ovid. Plaçât odoratis herbofas ignibns aras.
JMet. ij.
Mais il y a plus d^apparence que les A\Xich gr aminée étoient des Autels de
gazon.
Outre l'Autel àt^ holocauftes , qui étoit hors du Saneluaire, Moïfe avoît
i.esTiyens lur lequel on taiiojtiumeri.enQeqs devant JJieu. je.neaoute pas que,
r° Autels''^ Payens n'euflent de ces Autels , qui nefervifleiit qu'aux parfums. Cepen-
pour les dant il eft certaiq queles Autels des facrifices feryoient aufîi à faire.i)rûler
pafums. l'encens , c'eil pourquQi Properce dit ,
j^ij,, 3_ Inde coronatas i^i thiire piaverls aras^.,
Pcxir la même raifon , les Autels 5 fur lefquels 011 facrifijôit!) font, appelles-,
thfiricrema.
VitgiL, Thuricremis chm do'na imponeret artsU
j?";j'*"_ Sape Deos ftipplex ^ ut tu fcelerate valerep^
Epift. 2. , Sum prece jhuncremis deveneratafocis...
Dido ad
n'y avoît des L^s Tables étoient auffi un meuble, fort ordinaire dans tous leurs Tém-> .
Tables dans p|es , & CCS trois' chofes vont quafî toûjours eufembic , ara^foci^ ^mm-.
leur uflgc"'/^- Deorum ignés ^ folemnes met^d f abditi & pénétrâtes foci ^ dit Ciceron.
In oiatione ^^^ Tablcs leur fervoient à pofer leurs mets facrez, leurs liqueurs , donc
«k Arufpi- l'effafîon fe devoit faire à l'honneur des Dieux, ,6c leurs offrandes. Nous
wmrefpon- ^yons fur Cela un patTagc de Macrobe, qui mérite d'être rapporté entier^
parce qu'il nous inftruit parfaitement bien, non feulement de l'ufage des
Tables dans les Temples y mais ayiifi des autres meubles ,, dont les Tem-
3atHinal.J.s..p]es étoient remplis. In fanis alia vaforum. Jimt ^ &:facra fupellé^lis^ alla
■sâp'*»> ornamentorum. Q^a vaforum funt ^ infiar habent cjuibus femper facrificiacon"
f,cmntur ^ , quorum re-KunH' principem locum obtinet menfa ^ in qua epuU libationef'
^ue & fiipes reponuntur: ornameKita verjo funt clypeii coronA^ 0" hujufeemodi:
dçnaria. Neqae enim donaxiA dedi-CAntur eo^tempone ^ cjuo delftbra facrantur.
^t vero menfa aruUque eodem die quo &des ipfa dedicari folent. Z^nde menfa,
hoc ritu dediçata in Templo^ ara ufum ^ religipnemobtinet pulvinaris . Ergo apud:>
Èvandrum quidem. fit jujia libatio ^quippe apud eam menfinm^isiuA çum ara ma".-
xima more utique Religionis fuerat dedkata, & m locaftcrato é" inter ipfafi'^
cra, in quibus epulabanjur, C'eftce quedit Mgcjobie.àpropos.deGevsrs.'
de Virgile. '
££1^.9. ..... . c . . . omnes =
ÏH' menpi ÎAti UbÀnt f DjvQfque precantur. ,
'^ .
ï>ans ce paflage Màcrobe diftingue ces trois cho^QS -ar4 maxéma , arula^
&: mçpfii Le grand Autel , les petits Autels , , ôç lesTahles. Je. conjedu-
FT D-E S CULTES DE VE G Ll SE. Tart AV. 76'^
re que le grand Auuel étoit dehors à la porte du Temple, que les petits Au-
tels étoient dans le Temple, 6c fervoient à faire brûler des parfums, pour
remplir le lieu de bonne odeur. Lucien dit du Temple delà Décfle de Sy-
rie, On y fem une odet^r^ telle qu^on dit qiiilyadans l'Arabie PHenreufe ^ qui
dure fort long-tems^ & qui fe fait fèntir de fort loin ^ de forte qu'on s' en fouvient
toute fa vie.
C'étoit fur ces Tables que fe faifoientles repas, qui fuivoient lesTac^s*- Des «pas
^Qts^ 6c dont S. Paul parle aflez fouvent dans fes Épîtres, quand il dé- îeTxabîes
fend aux fidèles de s^afleoir dans le Temple de l'idole pour manger. Si . .
quelqti^m-te voit , toi qui as de la connoijfance , être à table au Temple dePido- %', jo"° '
le^ laconfcience de celui qui efi foible^ ne fera-t^elle pas induite à manger des
ehpfes faarifie'es aux Idoles"? Macrobe-, dans le lieu que nous venons de citer
Q.]ome^quia , quad retl'e fieri noverat ^ ab omnibus fîmul in Templo epulantibus ^
id nifî facratt& afftdentibus menfk fa6ium ejfe memoravit. Il y avoit quelques-
unes de ces Tables, qui n'étoient que pour l'ornement 6c la magnificen-
ce, parexemple celles d'or. Denys, Tyran de Syracufe , fit ôter du Tem-
ple d' A jîollon ces Tables d'or; Et parce qm fur ces tables ^felon la coutume des
Grecs , on Itfoit ces paroles Bonorum Deorum^ aux Dieux bons , je veux , dit-
il, tirer quelque tffage de leur bonté. C'efteeque Ciceron' rapporte de ce ty^- Lib.3. de
ygn - - - NaturaDeo*"
Les Tablés qui étoient pour l'iifàge étoient dé bois. Denys d'Halicar-
nafle dit, qu'il avoit vu dans les Temples les repas facrez.^préparez. aux Dieux fur
des Tables de bois, fftr lefquelles ^ dans des plats de terre , ilj aveit de Fvrge
cfiite i des gâte^ux-^ quelques fruits ^ Ç^T autres chofes femblahies\ de fort petit
eout^ & d^hn très médiocre appret\ On voit évidemment que cela étoit imi-
té de la Table, qui étoit dans le Temple de Jerufalem, fur laquelle on ne
pofoit que des pains', appeliez de propontion,c'£Û- à-dire y des mets fort
iîmples.
Les lampes, lés flambeaux, 6c lés torchés, étoient encore un autre or- l'es tam-
nemént ordinaire dans les Temples des Payens, fur tout dans leurs fêtes:^,"'ent"daES
Tertullïen leur parle ainfi, Cur dieUto nec laureis poflesobumbramus, «é-f les Temples,
lucernis dtem infringimus f Quis Philofophumjacrifkare^aut dejerare ^ aut la^- inApoIoge-
cernas meridie vanas proferre compellet-f *"^°*
Laétance s'étend davantage contre l'inutilité, 6c la vanité de cette cé-
rémonie, d'allumer en plein jour des flambeaux, , dans les fêtes, 6c dans
Îês Temples de la divinité. Si cœlefie lumen , quod diamus folem , contemplari infiitut; -
velim , jam fentiam quod non indigeat lucernis eormn Deus ^ qui ipfe in ufum ' ' ■"^'*'
hàminis tam claram^ tam^candidam lucem- dédit &c . 'I^m igitur mentis fu»
campos putandus efi , qui auBori & datori luminis candelarum & cerarum offert
fro muneref'QQ n'étoir pas encore^la coutume des Chrétiens encetems-ià,
d'allumer des torches dans les Temples , durant le jour , autrement les An-
ciens n'eneuflent pas fait une afi^aireaux Payens.
Sur tout^ans leurs procefliôns folennelles , ils portoient dés flambeaux •
&" des torches allumées: Par exemple, dans la fête de cette Diane, que-
les Romains appelloient T^emoralis^ ou Nemorenfs^ dont le Temple étoit
dans la forêt Aricine, prés de Rome, ils alloient depuis la ville jufques
à-cettÊ' forêt portant des flambeaux allumez dans leurs mains.
Ddddd 3 ç»mi
jS6 HISTOIRE DES DOGMES
lïopctt. t> Cùm vidct accenjts dévot am cmrere tadis
In nemus , & trivU numina ferre Dea.
Otfidius in Sccpè potens voti frontem redimita coronis
^••^^S' Fœmma Incentes portât ab urhe faces.
vfage des Les Grecs avoient une fête à rhonneur de Promethée , dans laquelle ils per-
Sc'des^toi" ' toient des flambeaux, en courant depuis l'Académie, oii Promethée avoit
chcs. un Autel , jufques à la ville. Dans l* Académie il y a nn Autel , confacréa Pra-
methée , ok les hommes allument des flambeaux ^ & cornent de toute leur force
vers la, ville. Car c^ejl une efpece de jen , dans lequel , pour gagner , en doit
£onferver fo9 flambeau allumé en courant. Celui ^ dont la torche s'* éteint pendant
qu'il court ^ doit céder fa place à celui qui marche après lui, dont la torche efi
encore ardente , (jr fl celui qui a pris la place , laijje aujjî mourir fa torche , il ce'
de à un troifléme, & ainfl des autres. Et fl aucun ne peut conferver fa torche al-
fauTïniasia lumée ^ la pdme ne fe donne k perfonm. C'cft Paufanias qui nous rapporte
^""** cela. Mais fur tout, cette coutume d'allumer des flambeaux à l'hon-
neur des Dieux, fe remarque dans la Religion d'Ifîs en Egypte. Héro-
dote nous dit, que tous les ansonfaifoit unlacriêce dans la ville de Sais.
HcroJotc Et quand on efi arrivé dans cette ville pour facrifier ^ tout le monde allume des
^^'^- "S- ^'!' lampes , pleines d'^huile ^ où ils mettent du fei , avec une fort grojji mèche , & U
Origine des laiffent brukr toute la nuit À l'aw- s c'^efi pourquoi cette fête efi appelles hux^oT^cci»,
toiciiesar- allumement des lampes. Ceux â^ entre les Egyptiens ^ qui ne fe trouvent pas a cet»
ies procef- te fête ^ font obligez, d'allumer au(fl ces lampes, la nuit que fe fait de facriflce,.
fiops. Et ainfi ces lampes luifent & fint allumées dans cette. . nuit ^ non feulement dans
la ville de Sais , mais dans toute l'Egypte. Apulée dans l'onzième de fa Mc-
tamorphofe, en décrivant une proceflionfoiennelle, qui fc faifoit à l'hon-
neur d'Ifis, pour le bon fuccezd&lanavigation, dit que le Souverain Pon-
tife , ôc les femmes , ôc les hommes , portoient des torches ardentes dans
leurs mains. MagnuspratereafexusHtriufquenumeruslucernis^tAdis^certis^
& alio génère facium lumine fiderum cœleBium flirpem propitiantes ^c. quorur»
• primus lucernam pr<tmicnntem çlaro ponigebat lumine. La DéelTe Gei'és efi
appellée 7 adifera, ,
.©vid.ï;ift.î. Q^^^ ^^^ Ti&difera nunc habetJlle Dea.
Il efl; clair que les Chrétiens ont emprunté d'ici la coutume de porter des
flambeaux & des cierges , dans les dévotions , qu'ils appellent des procef-
fîons. Les torches étoient employées dans les myfteres de Cerés^ auifî
bien que dans ceux d'Ifis.
« vid. îaft.4, Hlic accendit géminés pre tampade pinus.
Hinc Cereris facris , nunc quoque tada Âatur^
De la Religion & du culte des Dieux , on les a fait pafler dans les céré-
monies, par lefquelles on a voulu honorer les hommes. Suétone, dans
la vie de Caligula,dit qu'il entra dans Rome, inur altaria ,& wflimas ,ar'
âentéf
ET DES CULTES DE L'EGLISE. TartlY. j^y
dentéfcfue tAdas ^ entre les ^tels , les viâimes, & les torches ardentes.
Servius fur le cinquième de l'Eneïde, dit qu'on alloit au devant des Rois
avec des torches. In honorem %egHm cum facibns fracedebatur à populo. Et
Plutarque dépeignant la manière, dont Pompée fut reçu, dit cjue le lieu inPomfcia
ne pouvait contenir la foule du peuple^ <^Me les places étaient pleines de gens y aui
fatfoiem des fefiins ^ & ^f^e plttjîeurs couronnez, de fleurs ^ & portant des torches
ardentes y le reçurent ^ & l^accompagnerent. Herodien dépeignant la pompeufe
entrée de Caracalla dans Alexandrie,' dit auffi que toute la foule & des fol-
dats 6c du Peuple portoient des flambeaux.
Les feux facrez ont trop deliaifon avec ces Lampes, pour n'en pas dire î>" fcuxTa-
un mot , avant que de quitter les Temples. Nous avons parlé du culte, "'^
que les Orientaux rendoient au feu, car il étoit adoré par les Perfes, par „ ^ ^ ^
ks Chaldéens , & par les Syriens , dans leurs Chammanim. Hérodote nous
apprend que les Perfes ne vouloient pas brûler leurs corps morts , à caufe
de cela, parce qu'ih jugeoieat qu'iln'étoit pas convenable de donner de la
ehair morte à mangera celui qu'ils adoroient comme un Dieu. Et Maxi-
me de Tyr dit, que quand ils facrifîoient au feu, en jettantlaviélime de-
dans, ils difoient, Ede Domine ignis ^ mange Seigneur le feu. Mais outre
€es feux j qui étoient adorez, il y av oit des feux fâcrez, que l'on nourri!^
Ibit dans les Temples , dans les lieux, qu'ils appelloient/o«, des foyers,
qui étoient des elpeces d'Autels , pofez dans le lieu le plus fecret du Tem-
ple, qu'ils appelloienty^cr^//^;». Le feu facré de Veila ell connu de tout
le monde. A la garde duquel feu Numa avoit établi ces Vierges, quis'ap-
pelloient Veftales: Il y a apparence qu'il y avoit de ces feux (acrez dansJaic
plupart des Temples, quoi qu'on ne lesconfervât pas avec tant de foin 6c
de vénération. Car Ciceron dans le paflage, que nous avons tiré de TO-
raifon de AruÇpicum re[pmfis i dit en gênerai D&^rum ignés: , fakmnes menfa^.
ahditi &penetraleifoci. Ce qui donne lieu de croire que tous les Dieux avoienc
leurs feux facrez. Plutarque dit que Numa , à. l'imitation des Grecs y
înit dans un Temple rond un feu perpétuel, & établit des Vierges pour le
conferver. Si ce fut à l'imitation des Grecs, les autres nations, 6c les au-
tres Dieux , avoient donc auffi des feus facrez 6c des foyers.
Il y avoit des endroits où les feux facrez femblent avoir été confervez lîyâvoitdes
chez les Prêtres. Feftusdit, ignem ex domo Flaminisejf'err'tncn licehat ^mji ret cheziesPxê-;
divina gratia. S'il n'étoitpas permis de tirer du feu de la maifon du F]^ ""•
men, que pour les facrifîces, il femble que le feu facré étoit gardé dans Auiu-ceife
fe maifon j car il ne me paroîc pas vrai-femblable qu'on mk fur les Autels cap. i^.
du feu commun. Quoi qu'il en foit, ce paflage nous fait voir que tous les
leux, dont on fe fervoit pour les facrifîces, n'étoient pas tirez du feu
de Vefta.. Je ne fai même fi l'on trouve des paflages , qui prouvent que ce
feu de Vefta fervît aux facrifîces , quoiquecefoitlefentiment de quelques
Modernes. Il me femble que ce feu étoit feulement confervé, comme
pour être l'emblème de la divinité. Veila , félon les Pythagoriciens , étoit
rUriivers, 6c le feu étoit placé au milieu de l'Univers. C'eft pourquoi
Numa, qui étoit Pythagoricien, bâtit le Temple de VeHa rond , 6c y
plaça le feu au milieu. Comme nous l'apprenons par un paflage de Plu-
tarque , que nous avons cité au commencement du chapitre. Denys d'Ha-
JicarnaiTe traite fort au long de ce feu,, dans Ici, defes Antiquités Romai*
ECS,-
768 HISTOIRE DES DOGMES
nés. Mais je nevoi pas qu'il ydife que ce feufervît à quelque chofe. Plu'
tarque , dans la vie de Camille, dit que ce feu fervoit à faire des purificatio ns :
Les attires croyent qu*à l'imitation des Grecs , le feu brûle dam le veflibule du
Temple y pour faire les purifications. Mais que les autres meubles facrez, font
cachez, dans les lieux les plus fecrets du Temple ^ & que perfonne ne les voit , &
ne les connaît , que les f^efiales^
CHAPITRE IV.
T>es Sacrificateurs e^ tJHmifires des /autels chez les Payens.
Les femmes - ne pwvoient être UHiniJires du fervice , félon
la Loi. <Jiiais certaines- nations Pajennes ont m leurs Tri-
trejfes.
'Eft aflez parle des Temples, il faut dire quelque cliofe des Sacri-
ficateurs & des Miniftres des Autels de l'idolâtrie. L'Ecriture leuf
donne deux noms, leprerniereltceluide fî>3n3, cohanim^ qui figni-
fie en général Sacrificateurs. Le fécond c'efi: celui de Qi'-tD^ ^Kemarim, &
ce nom fignifie proprement les Sacrificateurs de l'Idole, & apparem-
ment les Sacrificateurs du feu. Car ce mot vient de "ras , "iods, mkemar^
qui fignifie être brûlé , échauffé. Il eft dit de ]q|las qu^ilfit ceffer les Ke^
marim , que les Rois de fuda avaient: établis-^ & là même on ajoute qu'il fit
cefier ceux qui faifoient des encenfemens au Soleil, à la Lune, & à l'ar-
mée descieux. îl eft clair que ces Kemarim étoient les mêmes, que ces
gens qui faifoient des encenfemens au Soleil , & au feu, qui écoit fon em-
blème ici bas.
©es Kamaîs Nous avons ci-dcflus remarqué qu'il y avoit dans le pais de Babylone
^earï"^"' Une ville, appcliéc C2;;2<în;2^, qui, félon la conje6lure deDrufius, étoit la
demeure principale de-ces Sacrificateurs du feu. Mais ce mot de Kema-
rim s'eft étendu plus loin, & l'Hifloire Sainte déilgne par ce nom tous les
Sacrificateurs des idoles. Ofée appelle ainfi les Sacrificateurs,, que Jéro-
boam avoit établis pour le fervice des Veaux deBethel. L^s habitons de Sa^
marie craindront, a canfe des jeunes vaches de Bethuven ^ car fon peuple mènera
deuil fur elles , & aujji les Kemarim pleureront , â caufe qu^an aura enlevé' fa^loi-
re. Nous ne pouvons tirer aucune lumière de l'Ecriture âjr \t% ordres de
ces Sacrificateurs. Il pai-oît feulement qu'il y en avoir un grand nombre,
puifque pour le feul Bahalil y avoit quatre cens cinquante Sacrificateurs,
êc pour Allarté quatre cens. Ce qui parqît par l'Hiftoire de l'aâjiond'E-
jRois. 18. lie^ q^ji les fit tous égorgei% Encore qu'ils foient appeliez Prophètes,
cependant il paroît qu'ils ëtoient aulîi Sacrificateui^s , car ce furent eux qui
firent lefacrificeàBahal.
Quand Jehu détruifit ôc la maifon d' Aéhab, & le Temple de Bahal , l'Hif-
2 Rois 10, toire dit qu^ijl envoya par tout Ifruel^'^ir tous lesferviteurs deJBahal vinrent. Il
^^- ^i^n demeura pas.m, qui n'y vint , 0" ils entrèrent en la maifm de Bahal ^ & la
' <maifa^
ET DES CULTES DE L'EGLISE. Tart.YSf. 769
■maifbn de Bah d. fut remplie depuis fin bout jiifques à P autre. Pur les fervi-
teurs de Bahal je n'entens pas ceux , qui avoient de la dévotion pour
cette Idole, j'entens fes Sacrificateurs, car le peuple n'entroir point ain-
£ dans les Temples pour y {acrifier,c'étoit le privilège des Sacrificateurs.
I?aifque la maifon en étoit remplie, il faloit qu'ils fufîent en grand nom-
bre.-
L'Ecriture ne nous difant rien de ces Sacrificateurs, il faut chercher
ailleurs, afin que ce chapitre ne foit pas tout à fait vuide. Mais je ne
m'y étendrai point, & ne dirai que des chofes générales. Car ce ièroit
une grande affaire , Ç\ nous voulions parler des Sacrificateurs des Grecs
6c en fuite de ceux des Romains, à^ç,^ Totitiens^ Pinariens^ des Tomifes^
des Augures , des Prêtres , ou Fkmines de Jupiter , de Mars , de Qi-iirinus^
àts Saliens, àts Veftales , ôcc. Je renvoyé nos Leélcurs à ceux, qui ont
■fait des traitez exprés fur ces matières. Ce que je veux dire du Sacer-
.doce du Paganifme, c'efl principalement par rapport à celui de la Loi de
Moïle , pour voir ce que le Démon a tiiré , & a imité , de la Loi de
■Dieu.
Avant que de confiderer les ordres àccts Sacrificateurs, je parlerai de du fexe des
leur fexe. La Loi de Moïfe ne donnoit aucune part aux femmes dans Piètres,
ile fervice du Temple, 6c dans les chofes du Sanéluaire, non pas même ^,^3 femmes
■dans les emplois les moins impor^ans. Il faloit moudre , pétrir , cuire , iaver , Se 7ar?aS*'
Ôcc. dans le Tempje, tout cela fe faifoit par les Sacrificateurs , ^ Levi- Jacerdoce ^
tes. Mais le Paganifme a donné l'honneur du Sacerdoce aux femmes, (k Moïfe!*
;Le fameux Temple de la Diane d'Ephefe étoit fervi par une Prêrrelle, ^^''^ ^^^^^
qui devoir être vierge , ce me lemble , puiique Diane etoit vierge , & être Prêtref-
grande amatrice de la virginité. C'eft pourquoi je ne compr^ns pas trop ^«dansks
bien, ce que dit Plutarque de Camme-, femme de Sinatus Galatien, divinkez "
qu'elle étoit Préureflè de Diane en Galatie, Payennes.
Il me femble qu'on peut conclurre que laPrêtreiTe deDiane devo'têrre fj^s^eJ!*
vierge, par i'Hi (loir e d'Antiochus IIÏ. qui ayant vu l'une de ces Prétrcf- meuxdes
fes admirablement belle , fortit du Temple, de peur d'en devenir amoa- ^^"™"-
reux. Si cette Prêtrefie n'eût pas été obligée à une virginité perpétuel- dij's nSies
le, il auroit pii l'époufer. - <^es Anciens
Dans le Temple de Diane il y avoît un Collège de vierges , & il efl; '^'
apparentque celle qui préfidoit fur ce Collège, devoit être vierge auffi.
C'eft pourquoi quand Plutarque dit que Camme étoit Prêtrefie de Diane,
cela fignifie feulement qu'elle étoit de la confrairie des femmes , qui fe confa-
croient àDiane,mais ces confrères n'étoient pasSacrificateurs^à parler propre-
rhent. Seulement ayant une particulière dévotion pour la Déeflé, ilsaf-
fiiloient foigneufement à fes fervices. Et en effet Plutarque prouve que
Camme étoit Prêtreffe de Diane, p^rce c^u^on la voyait' fouvmt ma.griîficfi4e-. -
ment ornée dans les facrifices publics ^ é" dmsJes procejjiom folennelles de U
Déejfe.
Les facrifices de Cerés, 8c fes mylleres , étoient entre les mains des fem-
mes, ôc les hommes n'y avoient pas de part. Jufques-là que dans la cé-
lébration de fes myfteres, il faloit chafl'er du Temple tous les animaux
mâles, de quelque efpece qu'ils fuffent. Ciceron reproche à Clodius qu'il
^voit violé par un adultère les fecrets inviolables , éc inacceffibles
J^m, IF, - Eeeee mix
V. 3Î0.
7/0 H I S T O I R E D E S D O G M E S
inOrit.de aux liommcs, 0ccf4ta, & ntaribus mn invifafolùm, fed etiam maudit a ^ fa-
''IrînS™ ^^'^1 i^f'^p^^^^^^ fi^^^^^ pervertit. Et dans un autre lieu , en accufant Ver-
Inô.Veriina. l'és dc facrilcge , il dit, SacrariumCererii efi apud Catiuetifes eademT^eltgio-
ne , c^Hi Rom£ ^ qua in ceteris locis , qua prope in toto orbe terrarum. In eo [a-
crario intimo fmt Jîgnum Cereris peranti^utim , e^uod viri non modo cujufmodi
ejfet ^ fcd ne ejje q^iidem fciebant. Aditus enim in id facrariam non efi viris ^
fiera pur rfJHlieres a^c virgines confia filent : hoc fignum noBu clam ifiius fiervi^
ex illo rellgio/jffimo ^ at<^He antiqfiifiimo fiuno^ [uftHlerum. Si l'on en croit ce
qu'en dit Juvcnnl, c'étoient de terribles myllere.< , & une étrange chaf-
teté, que celle de ces Prêtrefles de la bonne Dééfle. Elles nevouloicnt
pas fouffrir un rat mâle , ni regarder la figure de quelque animal
mâle.
Conficimundefugitmm.,
S.nyia. . ^ Jntulerit , uhi velari pi^tura jubetttr
Q^Acumque alterins fexus imitaîa figuram efi.
riirtar. ^"^ fetilement elles mettent les hommes hors des Temples de U De'efiê , qtiAnd U
Qu«ft. 20. fervice fie fait ^ mais elles en chafient tout ce qui eH du fiexe maficulin.
Et cependant au milieu de leurs myfleres, elles faifoient ouvrir les por-
tes à leurs adultères , recevoient toutes fortes d'hommes, & s'il ne Tetrou-
voit point d'hommes, elles couchoient avec des ânes.
f,im fias efi j admitte viros , jam dormit adultère 6cc.
QuAritur , & défunt homines , mora nulla per ipjam^
Quo minus impofito clunem fummittat afello.
CHAPITRE V.
Ce n^eîoient pas la coutume de donner ordinairement des femmes
pour Trêtreffes. Ni la ^éejje de Syrie , ni les autres ^éejfes
n' avaient point de Vrêtrejfes. Elles étaient fervies par des hom.
mes , fur tout far des hommes coupez.
MAis cette coutume de donner aux femmes l'honneur du Sacerdo-
ce, n'a pas été en ufage entre les anciens Orientaux , ni même
entre les Romains. C'eft la molefle à^tz Grecs qui l'a établie.
L'Hiftoire du Vieux Teftament nous parle fouvent des Prêtres de l'Ido-
le , mais jamais des Prêtrefles. Nous avons vu qu'il y avoit dans la Sy-
rie plulîeurs Déefles, Aftarté, Derceto, Venus, & Cybele, quieft la
même que Cerés, & la bonne Déefle des Romains.
Mais pas une de ces Déefles n'étoit fervie par des femmes. Lucien ,
dans
ET DES CULTES DE ^EGLISE. PartAY.jji
dans k Décile de Syrie, nouspirle fort des Sacrificateurs de cette ijécl^
Te, mais il ne dit pas qu^il y eût de Prêtreiles. Il n'y avoit pas de culit?
plus fale 6c plus efïcminé, que celui de cette fauiiè divinité. Cependant
elle étoit lervie feulement par des hommes , que l'on avoit rendus fem-
mes , autant qu'on le peut , en leur coupant \t% parties naturel-
les.
Lucien tire l'origine de cette coutume de ce que fit Combabe, jeune Lucien dan-
Seigneur d'une beauté rare. ^ La Reine Stratonice^en devint amoureufe. ^^ V^-^ï^'ic
Le Roi fon mari avoit donné à Combabe la conduite de cette Princefiè ^^■"^'•
pourra mener à Hierapolis accomplir un vœu, qu'elle avoit fait dy bâtir Smbb/&
un Temple à l'honneur de Junon. Ce jeune Seigneur fe douta bien de ce ^^ -"'O"»-.
qui 4rriva , c'efl que la Reine deviendroit amoureufe de lui, 6c le fclli-r v
citefoit de commettre avec elle une infidéhté contre fon Prince. Pour t ^S"^^'
fe^ mettre à couvert d'une tdle tentation il fe coupa. Ce qu'il avoit pré-
vu arriva, il fut obligé de fiiire connoître à Stratonice ce qu'il étoit. Cet-
te Princefîe n'exigea plus rien de lui, mais elle vécut avec lui dans une
familiarité, qui éclatta , qui vint jufques aux oreilles du Prince, 6c qui
obligea Combabe à retourner à la Cour , rendre conte de là con-
duite.
Il fe juftifia en faifant l'Hiftoire de fon aventure , le Prince touché de
l'adion de ce jeune homme , le combla de bienfaits , 6c le renvoya au-
près de la Reine. Elle bâtit un Temple, félon fon vœu. Combabe enfun
le Souverain Sacrificateur, 6c lui, 6c tous les Sacrificateurs, quiéioienc
fous lui, étant coupez, prirent des habits de femmes. Mais aucune fem-
me ne fut reçue au Sacerdoce. L'Auteur dit bien, qu^rl y avoit une autre
multitude de gens ^ cjui fervoient ntux cérémonies ^ comme jonem s de flûtes ^
de chalumeaux , & Tr êtres courez. , fans conter des femmes éprifes de fureur
prophétique. Mais ces femmes ne fervoient pas aux facrifices. L'Egypte
étoit encore un autre règne de la fuperftition. Cependant on n'y voit point
de Prêtrefles. Rien n'eil plus commun dans THifloire, que les Sacrifi-
cateurs Ifaques, Sacerdotes ijïaci. Mais on ne parle point de PrêtreiTes.
Apulée, dans la defcription de cette Pompe Ifiaque, dont nous avons dé-
jà parlé , fait fouvent mention des Prêtres , mais jamais dts Prêtref-
les.
11 e il: vrai qu'Hérodote, en faifant l'Hifioire de l'origine de l'oriicle de
Dodone, 6c de celui de Jupiter Hammon , raconte que deux femmes
félon la tradition des Egyptiens , furent enlevées parles Phéniciens, dé
la ville de Thebes en Egypte , 6c que l'une fut menée dans la Libye,
oiî elle établit l'oracle de Jupiter Hammonjêc l'autre dans i'Epire,où elle éta-
blit l'oracle de Jupiter Dodonéen, Et que delà efl venue la fable des
Grecs, qui difent, que deux colombes noires avoient établi ces oracles
6c que l'une d'elles parla fur un des chênes de la forêt de Dodone. Il die
que ces deux femmes étoient Prêtrefles de Jupiter , dans la ville de The-
bes, d'oi^i il femble qu'on pourroitconclurreque \ts Egyptiens donnoient
le Sacerdoce à àes femmes. Mais Hérodote s'eil trompé , ou par Prê-
trefles il entend Prophetefl'es, telles qu'étoient cts femmes fat idtcs , qui
refidoient dans les Temples des Dieux, pour prophetifer. Telle étoit k
Pythie de Delphes, qui étoit la Propheteflc, 6c non la Piêa-eflèd'Apol-
Eeeee a loii.
772 HISTOIRE DESDOGMES^
Ion. Nous avons déjà vu que le nom de Sacrificateur, ôc celui dePro--
phcte le confondant, fouvent les Sacrificateurs de Bahal , & d'Ailartc^^
l'ont appeliez Prophètes , dans les livres des Rois. C'eft ainii qu'on doic
interpréter Hérodote, afin qu'il ne fe contredife pas lui-même. Carau-
pi us. tremcnt il dit cxprcfitmcnt dans le même livre, qn'^entre les Egyptiens les
femmes ne font Prêîrejfes ^ ni des DéeJJes ^ ni des Dienx , qne ce font le s hommes^
qui font le firvice des DiCiiX, & des Dsejfss.
Enfin je fuis perfuldé que les Romains n'ont point conféré non plus
le Sacerdoce aux feram^es. Leurs Veil;aîcs n'étoient point àts Prétreiîcs,
c'étoicnt des Vierges facrées, femblables à celles, qu'on appelle aujour-
d'hui Rcligicufes. Leur office n'étoit pas de facrifier , mais de garder le.
feu facré, &, les reliques de la Religion.
Ces femmes, qui celebroient les myfteres de la bonne Déefl'e, fouslc
fceau d'un inviolable fecret, n'étoient pas non plus les Frétrefles de cet-
te divinité. Car ilefl certain que les Sacrificateurs de cette Décile étoient
des hommes coupez, qu'ils appdîoien.t Galli , non pas cju'ils fuflent Gau-
lois de Nation , comme s'eft imaginé St. Jérôme , mais pour la raifon ,
que nous en ayo.ns.donnée,dans.le chapitre.de 'Bahal-Tehor ^. tirée. àesFsi£->
tes d'Ovide,
oxigîne des Aiufi ces femmes étoient juflement ce que font aujourdliui , celles qui-
confrairies ç^y^^ mcmbrcs dc ccs confrairics , qui font confacrées à quelque Sainte ,
îBc. ^^^ qui vivent fous certaines Loix , & qui célèbrent des fêtes , qui leur font
particulières. Et de là , par parenthefe , on peut voir d'où ces confrai-
rics ont été imitées. En un mot dans tout ce que les Anciens & lesJVÏo-
dernes, nous difent du Sacerdoce des Romains, on ne voit point que cet .
honneur entj-'eux eût été conféré à aucune femme. S'il y en a eu, c'é-
toknt des dévotions Grecques, & étrangères.
Telles étoient les dévotions, qui fe faifoient par des femmes, àPhon»-
neur de Cerés. Car Ciceron appelle expreffément ce culte , un culte Grec,
Qrat. pro. & CCS Prêtrcfics dcs Prêtrcffcs Grecqucs. Sacerdos illa , ^te Gracum il^
^rneho UidfacTum (Jereris monftïareî ^ &faceret. Sacra Cereris per Çracas fewper cu-
rât a frnt Sacer dotes. J'ai lu quelque part que, les fenimes faifoient à Ro-
me, des facrifices à l'honneur de Carmenta, mq-e d'Evandre , & on en
apportoit Plutarque pour témoin, dans la cinquante-fixiéme des Queftions
Romaines. Mais il ne dit rien de femblable. ïl dit feulement que les
Dames Romaines avoient fondé le Temple de Carmenta , & qu'elles le
reveroient beaucoup. On trouve dans le même livre de Plutarque, dans
la Qiîefuon cinquantième, quelque chofe j^qui paroît plus fort. C'eft en
cherchant la raifon pourquoi le Sacrificateur de Jupiter,, qu'ils appelloient
Fhimen Diulis ^ étoit obligé de renoncer au Sacerdoce, quand fa femme
mouroit. Entr'autres raifons il rend celle-ci., Ceji que h femme de ce
Prêtre s'^emplojoiî avec fon mari au fervice des Dieux , parce qu'il y avoit plai-
deurs ceremontes qu'il ne pouvait faire ^eul, il faloiî que fa femme fut préfente.
Ce n'eft pas que la, femme mît la. main à l'œuvre, en qualité de Prêtref-
■ fe. Mais la première partie.de cette raifon doit être expliquée par la fé-
conde, elle s'employoit avec fon mari au fervice des Dieux. C'eft- à-di-
re, que leurs myfteres vouloierit qu'elle fût préfente. Je foupçonneque
s^léioit.pour répréfenter l'union conjugale. de Jupiter .6c de Junon. Il eft
vrai-
ET DES CULTES DE L'EGLISE. Part.lY. jj^
Vrai encore qu'il y avoit à Rome un Temple de Diane, oij les homme.- fintarch.
ne pouvoient pas même entrer , bien loin qu'ils pullent en être Prê- rJ^?"}.
très.
Mais il eft certain aufl] j qae c'étoit encore une dévotion étrangère.
Les Grecs avoient tant de confideration pour le fexe féminin, que dans
rile de Go, le Prêtre d'Hercule ne pouvant être femme, étoit habille en
femme. Au contraire les Romains gardoient en cela fi fort la bienfean-
ce, que les femmes ne goûtoient pas même, ce qui venoit de defllis le
grand Autel d'Hercule 5 parce que ce Héros n'avoit rien eu de féminin.
Il cW vrai auffi que les Veftales étoient quelquefois appellées- Prêtrefles , voi piu-
Saeer dotes , témoin la Loi, Sacerdos cafia e cafiis ^ pura h puns. Mais fou- tarque.
vent le mot de Sacerdos , fe prend pour une perfonne conilicrée à l'hon- RSm.^q"^©.
neur,& au fervice d'une ciivinité,aufens que Plutarque appelle Gamme , la ^ q-Gr«q.
ferfîme de Sinatus,Prêtre{îé de Diane, comme nous venons deîe voir. Des re- *^"' ^
ligieufes en ce fens peuvent être appellées Sncerdotes. Mais nous prenons
ici ce mot de Sacerdos , pour celui qui immole les vi ai m es , & fait ]^
fer vice public. Aulu-Gelle rapporte la formule dont le Souverain Pon-
tife fe lervoit , quand il prenoit une fille pour être Veftale , Sacerdotem
Kefialem quA facra faciat. Qux, ÇOTJSJtet Sacerdotem Veflalem facere pro
popnlo Romana QHiritibHS. q. %2tei quA opîuma lege fovit. 4. Ita te amata ca-
pio, .
îl eft vrai que dans cette formule la Veftale eft cxpreiTément appci-
lée Prêtrefle , & il eft dit qu'elle eft prife pour faire le fervice divin.
Mais par le fervice divin il faut entendre des prières, & quelques autres
cérémonies, qui fe faifoient à l'honneur de la DêefTe. Mais nous ne H-
fons pas que les Veftales milfent la main au fang des facrifices.
Après le lêxe des Sacrificateurs , je viens à leurs ordres. La" Loi de
Moïie avoir fon Pontife , fon Souverain Sacrificateur , qai étoit Maître de
tous les autres. Les- Romains avoient auffi leur Souverain Sacrificateur 5 .
le Chef de tous ceux qui approchoient deschofes faintes, les Veftales mê-
mes lui étoient foûmifes. Quand elles laifix^ient éteindre le feu facré , il
Içur donnoit le fouet. Il gar^oittous les livres facrez , dans lefquels étoient
écrits les rites , & les cérémonies, qui dévoient être obfen'ées dans le fer-
vice des Dieux. G'eft lui que l'on confultoit j- pour favoir quelles viéli-
mes on dévoie offrir, à quels jours, 6c dans quels Temples, & c'étoit
lui, qui avoit le foin de fournir l'argent pour la dépenfe, on le tiroit du
tréfor public. 11 étoit même le dépofitaire de ces Tables , & de ces Faftes , qui
refiêmbloient à nos Alm-anachs,& à nos Ephemerides,oii l'on voyoit les mou- ■
vemens du Soleil & de la Lune , leurs cîaangemens , leurs éclipfes , 6c les fêtes
marquées en divers mois. Mais je ne croipas qu'il mît lui-même la main
aux facrifices. Il yavoit encore entre lesRomainsun aurreSouverain Sacrifica-
teur, qui s'appello!t Rex Sacroram^ le Roi des facrifices. Il fut établi
quand Rome chafia fes Rois , & établit des Gonfuls Les Rois étoient
Pontifss, on crût que la Religion fouffriroit un notable préjudice , Se
que- ce feroit quelque chofe de mauvais augure, inaufpkatHm ^ fi les facri-
fices ne fe faifoient plus, fous la direélion d'un Roi. G'eil pourquoi ils
, établirent cette charge, prur répréfenter le Roi dans les facrifices. Ge-
pendant ils. le fournirent au Souverain Pontife , de peur q^ue s'il eût été
Eeeee 3 leur-
774. H I ST G I RE DES DO GM E S
leur Souverain , ce ne fût une efpecc de Roi , dignité, dont ils crai-
gnoient jufques aux ombres. Au relie ce Roi des iacrificcsne fut qu'un
vain nom ; car on ne voit pas quel emploi il avoit. Les Romains
avoient doncuniiommc, qui avoit la furintendance générale de toutes les
chofcs faintcs, dans leur ville, mais non pas dans leur Empire.
Je ne trouve point que la même chofe le foit oblérvée dans les autres
.villes, èc dans les autres Etats. Nous ne voyons pas que les Syriens euf-
fent un Souverain Pontife de leur Religion , ni les Babyloniens , ni les
Gvccs auflî. Chaque divinité avoit fon Temple , & chaque Temple
fon Souverain Pontife. Mais ce Pontife n'avoit point Je puiflance, fur
les Sacrificateurs , qui fervoient les autres divinitez , 6c dans les autres
Lib. 2. p. Temples. Il femble pourtant que la Religion d'Ilis eût fon Pontife,
ii^« car Hérodote dit , ^^^e chaque Prêtre n' et oit pas affeBé ati fervice d'^n feul
Dieu^ mais de tous ^ & qn ils avoient leurT^ontife Souverain^ auquel le filf fuc"
cedoit , quand le père étoit mort. Apulée dans l'onzième de la Metaraor-
phofe , nous parle fouvent du Souverain Pontife, qui l'initia aux myf-
teres d'Ilîs. Il lui donne le titre , de Sacerdos M^xîmus , de Summus
Sacerdos , de PrimariuS Sacerdos , de Pr&cipuus Sacerdos , de ^/^ntijfitu7n pri'
mus. Mais peut-être ce Pontife n'étoit pas le Souverain de toute la Re-
ligion Egyptienne, ni dans tous les lieux,, où le Culte Iliaque pouvoit
être établi. Il étoit feulement Pontife de ce Temple d'Iiis, qui étoit dans
le lieu , oh. fe trouva Apulée.
L'Auteur du Livre de la Déefie de Syrie, nous parle auiîî du Souve-
rain Pontife du Temple de la Déellè, qu'on adoroit à Hierapolis. Ilya,
dit-il, plujteurs Prêtres , dont les uns font emplcytz^ à égorger les vi^limes , les__
autres a faire des effi-ifons .ceux-là à porter le feu^ ceux-ci à fervir à l'Autel. H
y en avcit de mon îems plus de trois cens feulement occupez, aux facrifces. Ils
font tous habilUz. de blanc ^ & portent un chapeau fur la tête. Mais le SouvC'
rain Tcntife cjl ve'tu de pourpre , avec une tiare d^or , & s'élit tous les ans. Il
cil clair que chaque Temple au moins avoit fon Souverain Sacrificateur,
êc fans doute le Démon avoit imité cela des ordres, que Dieu avoit don-
nez pour le Temple de Jerufalem , où il y avoit un Sacrificateur au def-
fus de tous les autres.
La Loi de Moïfe avoit ordonné pour le Sacerdoce une certaine famille,
c'étoit la Tribu de Levi, 8c la famille d'Aaron , dont l'on prenoit tou-
jours ceux qui ctoient deilinez à faire le fervice divin. Je ne fai com-
ment les Syriens, & les Phéniciens, en ufoient à cet égard. Je croi que
leurs Sacrificateurs fe prenoient indifféremment de toutes les familles.
T. Ro's Jéroboam , qui fe détourna après les fu perditions étrangères , établit
des Sacrificateurs d'^cntre le peuple , qui n'^étoient pas de UiTribn de Levi. Mais
il n'eil pas d't qu'il ait delliné certaines familles particulièrement à cela.
Entre les Romains il ell certain que les d;gnitez de Pontifes, d'Augu-
res, de Sacrificateurs, de Veitales , n'étoient attachées à aucune fiimil-
le, tout le monde y pouvoit prétendre, 6c y pouvoit arriver.
Au commencement le Collège des Pontifes n'étoit compofé que de
quatre pcrfbnnes , qui dévoient être des familles Patriciennes , ^dt Sc-
.nateurs. Mais quand le peuple eût obtenu d'avoir part à toutes lesdigni-
rez de la République -^ fou,3^1e Confukt de M. Valerius 5c de Q. Apii-
leiusj
.Ï2. 31.
ET DES CULTES DE L'EGLISE. FartAY.jj:^
leius , on y en ajouta quatre autres , qui étoient créez d'entre le peu-
ple- .
Mais les Egyptiens avoient imite les Hébreux , ils avoienr leurs famil- Lesprofef-
Ics Sacerdotales , êc jamais la dignité de Piètre ne padbir en d'autres fa~ linlhéTs^^
milles j feulement le Roi , de quelque maifon qu'il fût, devoir être admii ^^^ ^'^'^-^i"
dans le Collège des Sacrificateurs. Hérodote dit qutl y avott fept ordres ^^ ^^^^^"
d'hommes dms l'Egypte. Le premier étoit celui des Sucïijica'.eHrs ^ h [econd des ï" ^uterpe
gens de guerre , le troijiéme des Bergers, le quatrième des porchers , le ancjuié-
me des marchands ^ le Jixiéme des Interprètes ^ Ôr le feptié,ne des gens de zJ^Cer.
Et CCS gens - là ne s'allioient jamais enfemble. On ne paijoit pas d'une
profeffion à l'autre. C'eft pourquoi les Sacrificateurs étoient toujours dç.
même famille 5 6c les marchands toujours fils de marchands.
Selon la Loi de Moïfe , les Sacrificateurs avoient des habits particu-
liers, qui les dillinguoient du peuple, au moins durant le tems qu'ils fer-
voient a l'Autel. Et ces habits étoient blancs , 6c fimples , faits de Im,
excepté ceux du Souverain Sacrificateur , où il entroit de l'or 6c de la
pourpre. Les Syriens , qui étoient voifins de la Judée , avoient emprun-
té cela des Juifs. Leurs Sacrificateurs étoient tout habillez de blanc, 6c
portoient un chapeau fur leur tête, c'eft-à-dire , un bonnet , ou une
toque.
Lucien vient de nous le dire , dans la Déefle de Syrie. Le Souverain
Pontife , félon le rapport du même Auteur, étoit habillé d'or 6c de pour-
pre, aulîi bien que celui des Juifs.
CHAPITRE VL
Beau far aliele dufervice de la T>éeJJ'e de Syrie , ér de celui du
Temple de Jerufalem.
IL eft clair que le fervice de cette Dée.^e de Syrie avoit été prefquc
tout entier emprunté des cérémonies de la Religion Judaïque. Et je
ne faurois m'empêcher d'en faire ici un petit parallèle , avant que de
pafler outre-
1. Nous avons déjà vu que le Temple de la Déefle d'Hierapolis étoit
environné de deux Parvis, comme celui de Jerufalem.
2. Qu'il y avoit à la porte de ce Temple un grand Autel d'airain. C'eft
ainî) précifément que s'appelloit l'Autel des holocauftes , qui étoit à la
porte du Temple , l Autel d'^airain. Il eft vrai qu'il n'étoit plus d'airain
dans le Temple de Salomon, ni dans celui d'Herode, mais il en coiifer-
voit toujours le nom.
■3. Ce Temple de la Déefle de Syrie étoit divifé en deux parties , dont
Vune étoit le San^uatre , où il n'étoit permis d^entrer qu'aux principaux W^enire
les Prêtres. Cela étoit imité du Temple de Jerufalem, qui écoit divifé en
deux parties , le lieu Saint , 6c le Heu Trés-Saint.' ■ Les feuls Sacrifica-
teurs
778 HISTOIRE DES DOGMES
tcurs entroient dans le premier , èi le ieul Souverain Sacrificateur dans le
fécond.
4. Les Sacrificateurs de la Déefle de Syrie écoient divifez en deux
■ordres, 11 y avoit le Souverain Pontife du Temple, ôc les Sacrificateurs,
qui étoient au deilbus de lui. C'ctoit la même chofe dans la Religion
des Juifs. Nous venons de voir que les habits de ces Sacrificateurs
-étoient femblables à ceux des Sacrificateurs, du Temple de -Dieu.
f. Outre les Sacrificateurs , iij avoit une. autre multitude de gens , cful
fer voient aux cérémonies^ comme [ont les joueurs de flûtes (^ d^infirumens. Ce-
toient les Lévites de la Loi de Moïfe , qui (ervoient les Sacrificateurs ,
dont l'office étoit déchanter, de fonner de, la trompette, & de jouer àç^
inltrumens, dans les facrifices.
6. On facrifioit deux fois le jour dans le Temple d'Hierapdlis , le foir
êc le matin. C'eft le facrifice continuel, qui fe faifoit auÛi deux fois le
jour , dans le Temple de Jerufalem.
7. Il y avoit une fête , <ians laquelle on apportoit dé l'eau de la mer., '
êc on en faifoit efRifion dans le Temple à l'honneur de la divinité. C'é- ,
toit une imitation de cette effufion d'eau , qui le faifoit dans la fête des
Tabernacles , avec tant de réjoyïfiance.
8. Les bêtes qu"" on immoloit dam leTewple ^ étoient le hœuf^ la brebis^ & la
chèvre , mais on n'y facrifioit jamais de purceau. Il eft clair que cela eil
imité de la Loi de Moïfe, félon laquelle on n'offroit fur l'Autel que ce«
trois fortes de bêtes à quatre pieds , le bœuf, la brebis, la chèvre. Et
le pourceau étoit de tous les animaux le plus impur , pour le facri-
iîce.
p. La plus grande fête , qui fe célébrât dans ce Temple , c'étoit au
Printems. On l'appelloit la fête du bûcher , ou de la torche. Ceux cjui
vendent à cette fête facrifioient une brebis^ Paprêtoient ^ & îa. mangeaient. On
Me la facrifioit pas dans le Temple , mais après avoir amené la viclimeà P Autel ^
& fait les effinfions ^ on la ramenoit chez^ foi , où Ton faifoit fes prières , & fou
facrifice. 11 eil clair que tout cela eft emprunté de la fête de Pâque^ qui
fe cclebroit au Printems ^ dans laquelle chaque famille immoloit un
agneau , l'on menoit l'agneau au Temple , il y étoit égorgé , on faifoit
l'afpcrfion du fang. Mais on lerapportoit à la maifon , oii l'on faifoit
les prières, les hbat ions des coupes , .& le repas , qui font les fuites du
facrifice.
10. 11 y avoit à Hierapolis une autre forte de facrifice , qui fe faifoit
en cette façon. On couronnoit la viétime, puis on la lâchoit de la porte
du Temple , d'oi^i elle fe précipitoit en bas du roc , fur lequel il étoit-
bâti , & fe rompoit le cou. Qui ne voit que cela étoit pris de la cérémo-
nie du jour des Propitiations, dans lequel on envoyoit le bouc Azazel au de- ^
fertj couronné d'une bande d'écarlatte, Se on le précipitoit du haut d'un
rocher?
1 i. Quand les Prêtres eunuques.de la Déefle étoient morts, leurs com-
pagnons les portoient fur leurs épaules, hors de la ville. Mais ils demeu-
roient fouillez par fept jours , & n'bfoie.nt rentrer dans le Temple qu'ils
Jie fe fuiTent purifiez. Et même quand ilsavoient vu un corps mort, ils
■jétoicnt fouillez jufques au lendemain, 6c n'entroient point dans le Tera-
,pk..
ET DES CULTES DE L'EGLISE. Part. lY.'^ 7 y
;ple. Les païens du mort demeuroient fouillez durant trente jours, ôcdans
tout ce tems l'entrée du Temple leur étoit interdite. Les Romains avoienc
auffi établi la même Loi pour le Prêtre , qui s'appelloit , Flamen 'JDiaîis ,
Locum in quo bujium efi numquam ingreâitur , mortuum nn^quam attin- Aulu-Gell.
.git^funmtamen exfequition religio. Evidemment cela eft tiré de la Loi de Moï- ^'''' "• '*'
fe. Ce font les feuillures légales, dont l'une étoit l'attouchement d'un mort,
après laquelle il faloit fe purifier par fept jours, avant que d'entrer au Temple.
12. C'étoit une partie de la dévotion de ceux qui adoroient cet-
te Déefle dans le Temple , de fe faire rafer , ôc de confîicrer leurs
cheveux à la Déeffe. Ils pratiquoient une coutume , qui étoit de laijfer^itohs At
croître les cheveux aux enfans , jufques à ce qu'ails fujfent grands , puis de lej fôu''^'"^"'
couper dans le Temple^ & de les confacrer à Dieu , dans un vafe d'or^ oud'^ar- de Lucie»,
^ent, fur lequel ils écrivaient leur nom. Cela étoit pris du vœu, 6c dts cé-
rémonies du Nazareat, dans lequel on commençoit par faire couper les
■cheveux -5 Puis dans toute la durée du vœu, on laiffoit croître ces che-
veux, & à la fin on les rafoit dans le Temple , 6c on les jettoit dans le
feu, fur lequel bouilloit la chair du facrifice. Des gens dans les principes
de Spencerus ôc de Marsham, ne manqueront pas de dire que Moïfe a
tiré toutes ces cérémonies des Syriens. Mais le bon fens & la foi nous
obligent à croire que ces eeremoniesavoient été empruntées de la Loi de
Moïfe, par les Payens,
13. Je reviens aux habits des Sacriiîcateurs, dont j'àvois commencé dei'«i'ie«Ês
parler. Nous venons de voir que ceux de Syrie, à l'imitation des Prêtres du éSknt ha-
Temple de Dieu, s'hatbilioient de lin, & de blanc. Ceux d'Egypte fai- ^.J'^ez de
foient la même chofe, ils s'habilloient de lin blanc. Apulée , dans la ^'" ^^^^^'
Pompe Ifiaque, décrit ainfi l'ornement des Prêtres d'Ifis, & de ceux qui
étoient initiez à fes myfteres. Tune influum turbtz facris divinis initiât a , Metamorpfi,
viri feminAque omnis dignitatis, '^ omnis Atatis , linteA vejlis candore puro lu- ' ^^'
minojt. Sed ay^ntiflites Sacrorum proceres illi , qui candido linteamme cinUi ,
pe^orale ad ujque vefligia JtriElim inve5li poîentijfimofum Deûm proferebant in-
Jfgnes exuvias. C'eft pourquoi le Collège des Sacrificateurs d'ifîs eft il
fou vent appelle iiniger, porte-lin , par les Poètes Latins.
Cum areie liniaero circtimdatus ^ & çre^e càlv^. , Juvenal,
à> & O ^ ^ <i> 5atyr.<î.
Munc Dea linigera colitur cêleberrima turba. Ovid. r,
Metam.
Nec tu linigeram fieri quid pojfit ad Jfim ovidc
QuAfieris. \ ^™|;;f'
- Linigeri fuginm Câlvi , fijirataqpis turbâ. Martialis.
Ce n' étoit pas un ufàge nouveau, ni qui fût du tems des Auteurs, que
nous venons de citer. Car Hérodote, beaucoup plus ancien qu'eux , nous
dit que tous les Sacrificateurs Egyptiens étoient vêtus d^habits de lin , qui fe la- Euterpis
voient tous les Jours , c'eft- à- dire, qu'ils nemettoient jamais cesfurplis deux ^"^ '
jours 4e fuite. Ils ne portent ^ dit-il, qfic des habits de lin, & des fandales de
bois de papyrus ^ dr il ne leur ejl pas permis d^en porter d'aatres. En cela ils
étoient differens des Prêtres Juifs, qui ne portoient les habits blancs que'
dans le Temple , lors qu'ils étoient en femaine pour le fervice. Ce n'é-
Parl IV. Fffff toient
Lipfe in
Les Trêtres
Payens la
plûpait
avoient h
tête couver-
te, dans le
fervice di-
vin.
Aul i-Gell.
lib. I o. I j .
Quxft.
Rom. 40.
Plaute ifl
Curculione.
Ancienne
coû,tumè
de couvrir
fa tête par
lefped.
Quïft. 10.
f : I r.
Seneca
Epift, 64.
Sailuftius
apud .Non-
Les Prêtres-
«t'iflS
e'toient
lafez-, Si-
décou verts,
dans le ier-
Yke divin.
Gap, 6. 3 o.
778 HISTOIRE DES DOGMES
toient pas les Syriens , 6c les Egyptiens feuls , dont les Prêtres fuflcnt
habillez de blanc. Bien que les Sacrificateurs entre les Grecs , 6c les Rou-
mains, fuflent divcrferaent vêtus, félon les diverfes divinitcz, au fervice
defquelles ils étoient attachez, cependant il y en avoit beaucoup qui por-
toient le blanc. Tertullien, dans Ion Pdlmm^ nous apprend quelesFrc-
trefles de Céres, &ceux qui étoient initiez à fes myfteres , etoient vê-
tus de blanc, ceux de Saturne étoient vêtus de pourpre , ceux de Bello-
ne de noir. Lipfe nous dit , que les Prêtres Romains étoient auffi vê-
tus de blanc, dans les grandes fêtes. On facrifioit à Junon en habit blana
Les Vellales étoient auffi habillées de blanc , quand elles faifoient le fer-
vice à lu Déeiïc,.&; l'on facrifioit à Céres au mois d'Avril, en bar
bit blanc, avec des lampes , quand on 'lui facrifioit une truya.
Je trouve encore ceci de commun entre les Sacrificateurs Payens ,. &
ceux du Temple de Jerufalem , c'eft leur ornement de tête. Outre qu'il
étoit blanc, il ne partoit point de defllis leur tête, dans le fervice divin,
excepté ceux d'Ifis, non plus que celui des Sacrificateurs Hébreux,, qui
faifoient le fervice ayant la tête couverte. h,cFlamen Dialis enixe les Ro-
mains portoit le bonnet blanc, Albogalems. Mais il, étoit le feul. Is folùm
habet Galerum , vel (juod iJM^aximm , vel qmâ fom immolât a hofiia alha fîeri.
oporteat. Et Plutarque nous apprend , -^h^ il- ne pouvait être jamais plus de.
trois nuits hors de %pme , & que jamais ilnotoit l'ornement de Ça tète.^ pour Ce.
découvrir. Le même Auteur ftous dit que l'on facrifioit aux Dieux , 6s_
qu'on les adproit la tête couverte,
^^is hic eji\ qjii opertocapite ^y^fculàpium^
Salut at^ id eji adorM ac veneratur.
Ce qui paroît étrange, parce que dés ce tems-là ce'toit la coutume^ quanS^
on renconiroit d^ s gens de refpetî , Jt en avoit la tête couverte de Ça robe , de la
découvrir. En efet Seneque met cette cérémonie entre les aétions , par
lefquelle.s on témoignoit fa foûmiffion. Si ConÇulem vtdero^ aut Pratorem,
omnia , qutbus honor haberi JoJet ^.faciam ,. equo dejïliam ,. caput aperiam , Çe^
mit à eedam. Et Sallufte, quibus de caujïs Syllam in viBorta Di5iatorem Jibi
equo deÇcendsre^ Çurgere de Çella , caput aperire folitum. Cette coutume des
Prêtres Payens,, de fe tenir la tête couverte dans le lèrvice , venoit ap-
paremment des Juifs , qui adoroient la tête couverte , & entre lefquels
couvrir fa tête étoit un aâe de foûmifiion, ôc une marque de ilijettion,
C'eiî; la raifon pourquoi St. Paul veut que les femmes ayent la tête
couverte , pour marque d'obéïfllmce. Non feulement en adorant les
Dieux , ils laillbient fur leur tête la couverture ordinaire , mais ils fe
couvroie.nt d'un voile,, pour marquer leur humilité. C'eft, ce qui fe peut
voir dans cet endroit de Plutarque , lequel nous venons de citer. Jç ne
fài pourtant fi- cela s'eft obfervé par tout. Car dans le Livre de Baruc,
cette Epître , qui eft attribuée à Jeremie , répréfente les Sacrificateurs
Babyloniens ayant la tête nue.. Les Sacrificateurs Ce tiennent, dans leurs Tem-
ples^ avec leurs robes déchirées ^ la tête- & la barbe raÇe-^ & portant les têtes
découvertes. Ce qui pou voit être une marque de deiiil, & non de réf.
^eét. Les Sacrificateurs Egyptiens avoient la tête , rafe, , 6c tous les
troii.
ET DES CULTES DE L'EGLISE. TartAY. jj<y
trois jours ils fe Faifoient rafer tout le corps, nous dit Hérodote, afin de inEutwpR
n'avoir aucun poil , & qu'aucune ordure ne s'y pût an-étcr. C'cfl pour-
quoi ce Collège des Sacrificateurs d'Ifis eft appelle cahHs,^ chauve,, aufîi
bien que Itniger^
Linigerifugiunt cdvi fflratâqut tftrba.
Tar tOHt ailleHrs , dit Hérodote , les Prêtres portent de longues chevelures-
mais en Egypte ils font rafex..
II y a de plus apparence que fur cette tête , parfaitement rafe , il n'y
avoit aucune couverture. Car Apulée , dans la defcription de la Pompe
Ifiaque , dont nous avons parlé , dit des femmes initiées aux myfteres ,
ilU limfiâo tegmine crines madidos ehvoluta , que leurs cheveux mouillez
étoient couverts d'un linge blanc. Mais des hommes il dit , hi capHlum
deraf fnnditus vertice prmitentes. Que leurs cheveux coupez , 6c rafez juf-
ques aux racines , laiflbient voir une tête, & une peau luifante. Ce qui
lignifie que ces têtes rafées n'étaient pas couvertes.
CHAPITRE VIL
€>h/ervations de la Religion Payenne , tirées de la Loi de Dieu , fotir
les Mimjires des Autels,
A Loï dans fes Sacrificateurs demandoit une grande pureté corpo- LesTrêwes
relie. Il faloit qu'ils fuflent entiers , 6c qu'aucun de leur membre ne ^^^l^l ^^^
fût difforme , ou ne leur manquât. A l'égard de la perFe6bi on du entiers ea
corps-, les Payens ne fe faifoient pas toujours une necefiité , cfue leurs ^"'^^°''^^-
Sacrificateurs l'euflent entière. Au contraire il foloit que les Prêtres de
Cybele fiiflent coupez. Et dans l'Orient la plupart des Temples des Déef^
fes étoient lervis par des Eunuques. Ce .qui fait une brèche au parallèle,
que' nous avons trouvé-entre les Sacrificateurs de la Déelfe de Syne , ôc
ceux du Temple dejerufalem. Mais à cela prés, ils exigeoient pourtant
que leurs Prêtres fulfent entiers de corps. Gdui que les Romains appel-
loient Flamm .Dialis,ne pouvoit exercer fbn Sacerdoce , s'il n'ét-oit marié ,
Se en état de l'être. Il eft certain que les loix Romaines demandoient l'in-
tcgrité du corps, dans les Miniftres des chofes faintes , témoin la Loi,
facerdos integer Jît. Sur quoi on lit dans les Controverfes de Seneque. Me- Lib. 4.
tellus 'Tomifex , cum arderet f'^efla, Temphm ^ dum TdUdium rapit^ oculos^^^^'^- ^^
perdit, SacerdoîiumilU negatur. MetoUus Souverain Pontife, dans un em-
brafement du Temple de Vefta , fe jetta dans les fiâmes pour fauver Le
Palladium, il y perdit la vûë , & on refufa de lui continuer la dignité du
Sacerdoce. Sur quoi l'iVuteur des Controverfes, en explication de la Loi,
dit, Sacerdos non integri corporis~~^qua[t mali ominisresvitanda eji. Hoc in vicii-
^s notatur y quanîo m^.gjs in Sacerdotibus ? Une autre Loi difoit, Sacerdos
Ff f f f Z, €^fia
780 HISTOIRE DES DOGMES
Seneca c>ijtii e cafiis , pura e puris. Sur quoi Seneque dit, Ambitiofa lex efl ^ ad Sa-
contr. cerdotium notas non fanBitatis tantum , fed felicitatis admittit , in(]uirit in mo^
Hes vefta- rei , in corpus, in vitam. La Loi efticrupuleufe, elle examine non feule-
^**- ment la famtcté de la vie , mais l'heurcufe naiflance , elle examine les
Qiixft. mœurs , le corps , ^ la vie. Plutarque nous dit t^tiH étott défendu aux .
Rom. 73- Prêtres d'aller confalter ^ & obferver le vol des oifeaux-^ quand ils avaient
quelcfue ulcère fur leur corps.
Parce que s'il n'eft pas permis de préfenter aux Dieux aucune viétime
défectueufe, àp^us forte raifon les Miniftres des chofes faintes ne doivent
point faire leur office, qu'ils ne foient eux-mêmes bien fains, & bien nets.
Or ï^nkere efi une efpece de mutilation. Ces dernières paroles lîgni-
iient aflez clairement , que les homrnes mutilez étoient exclus du facer-
doce. Et je ne doute pas que cette Loi ne fût généralement obfervée
dans toutes les Religions.
Il efti- fiez clair parce que nous dit Hérodote, du grand foin , que les
Sacrificateurs Egyptiens prenoient de la pureté de leur corps , que les
défauts naturels les auroient rendus incapables d'adminiftrer les chofes
fàintes. Us fe rafoienttout le corps de trois jours en trots jours: Ils fe lavaient
tous les jours trois fois , dans de Peau, froide^ & deux fois la nuit; ils lavaient '
leurs habits tous les jours :^ ils n^ofoiem même regarder des fèves , parce que ce
légume éîoit réputé fouillé entre- les Egyptiens, Pour une plus grande pureté ils fe
ctrconcifoient , ayant plm d'égard à la netteté, qu'^à la bienfeance. Il eft clair que
dts gens , qui avoient tant d'av©rfion pour àés^ fouillures , qui. ne font,
qu'adhérentes, n'auroie,nt pas fouffert des défauts de corps , qui font des
déformitez inhérentes. C'êfl ainll que le Démon afïeéte une pureté ap-
parente,.pendant qu'il plonge les-hommes dans des fouillures fpiritu elles ^
ëc corporelles , qui ne fe peuvent jamais laver.
obfervances La Loi de Moïfc foûmcttoitlesMiniftres des chofes faintes à des loix-
[^^^^Y^P?^"^ plus rigourcufes & plus feveres , que le commun des hommes. Les Sa-
îresdu fei- crificateurs ne pouvpient époufèr une répudiée , ni une fijle fbupçonnée -
te'S paries ^^ mauvaifç vie, ni une, étrangère , il. leur étoit défendu d'affilier aux
Payens. funcrailles de qui que ce foit , que de leurs proches. Il ne leur étoit pas-
Levitique pei-jjjjs d'arrachcr leurs cheveux dans le deuil. Le Souverain Sacrifica-
teur n'ofoit découvrir fa tête ,.ni déchirer Çts vétemens. Ils ne lui étoit
pas permis de rendre les honneurs de la fepulture à perfonne , non pas^
même à fon père, ou à fa mère. Il ne pouvoit époufer qu'une vierge,.
Les Payens ont encore imité cela, ils ont chargé leurs Sacrificateurs d'u-
ne multitude d'obfervances 5 pour les diftinguer du peuple & du vul-
gaire.
Les Prêtres Egyptiens n'ofoient manger de poîflbn , ils fe fouëttoient
durant les facrifices, ils fe lavoient fou vent, ils fedéchiquetoisntlapeaUj,
Heroiete ils obfervoient mille cérémonies pénibles. Les Prêtres Romains étoient.
inEuterpe. ^uffi fujcts à divcrfcs-chofes, aufquelles le vulgaire n'étoit pas fournis, par-
Grandes & ticulieremerrt le Prêtre de Jupiter , appeWé Fiamen Dialis. Il ne lui étoit.
oSvatToS P^s permis démonter à cheval, ni de regarder une armée en bataille, ni
êt?t'ob" ^^'^^* ' "^ ^^ porter un anneau qui ne fût caffé , ni de fouffrir qu'on,
rigé le Fia- cnlcvât du feu defamaifon, que pour le facrifice, ni de porter un nœud.'
Seeîle'^ fa tête j ou à fa ceinture, nide fairerafer Recouper fon ppilpar un efcla-
ve,..,
ET DES CULTES DE L'E G L I S E. P^^r/. I V. 781
ve, ou un affranchi, il faloitque fon barbier fût une perfonne libre. II Noa. Attî-
îfofoit manger de fèves, ni de la chair de chèvre, ni même regarder de "rumiib.
la chair crue, 6c du lierre, ni toucher de la farine éc du levain, foit qu'ils lîàtl'tch.'
fuflent mêlez oufeparez, ni faire le fervice divin, quand ilavoit perdu fa ^"^^•
femme, ni fe dépouiller nudàla vue du Soleil, 6c du ciel, ni découvrir fa 40°™"^*?;
tête , ..ni coucher trois nuits hors de fa maifon, ni monter dans une échel- ^°^- "°-
le, plus haut que trois degrez, ni répudier fa femme, ni toucher un mort, ULo'i'dé-
ni faire des funérailles, ni encrer dans un lieu où ilyavoit un bûcher. Il ^^'^^°'^^ a«
faloit queles pieds de fon lit fuflent couverts d'une petite boue, que per- de"lfe"ïfas'
fonneque lui ne couchât dans ce Ht, qu'il cachât ce que l'on coupoit de {ï'^^ter à
fa barbe, de fes ongles, 6c de fes cheveux, fous quelque arbre heureux, degïez.^"
Il n'ofoit même nommer les noms du chien 6c de la chèvre, ni pafler par 5'/"^^'
un chemin , au deflus duquel il y eût une treille , 6c des branches de vigne, cek^ même
Il ne pouvoit exercer aucune Magiftrature. La femme de ce Prêtre, qui IS^"^"^
s'appelloit Flaminka-, étoit aufli obligée aux mêmes obfervances. î.UneVou-
11 avoit d'autre part ces privilèges , de ne pouvoir être contraint à u°g ^po"fei
jurer en jugement, 6c le Préteur en entrant en charge promettoit entr'- diee.^ "
autres cîiofes folennellement , dé ne point exiger de ferment àts Vierges thS^uT'
Veftales,.6c du Sacrificateur de Jupiter. Saceràotem Veftalem , & FUmi- ^oit.
mm Dialem ^.momni mea-^furifâidione jnrare non cogam. Un Maflîermar- dereffamea
choit devant Jui 5 avec un faifleau de verges j il fefaifoit traîner dans l'un oiaiis.
dé ces équipages de Magiftrat, qu'on ^Tppelhiz Sedes Cfirulis , qui étoit une AuiumCel-
chaire roulante. Si un prifonnier,entroit dans fa maifon, il faloit le dé- ^i"™»
lier, 6c faire décendre les liens parle toit de la maifon, dans la rue: liun
homme condamné au fouet fe jettoit à Ces pieds j on ne pouvoit exécuter la
fentence ce jour-làv
Les Veftales avoient aufli de femblables privilèges-, on né pouvoit les cranj prb-
obliger à jurer, 6c fi un criminel condamné rencontroit par hazard une ^^'^s^ ''"-
Veilale-, en allant au fupplice, onfaifoit affirmera la Veftale, que le ha- AiexaSex
z-ard l'avoit conduit là, 6c en fuite on donnoit grâce au criminel. Les Vef- f ^ÎP^°"
taies entroient dans cette Religion, depuis fix ans jufques à dix. Nonobf- cap. iz! ^'
tant la jeunefl^e, tout aufli-tôt qu'elle avoit mis le pied dans la maifon de
Vefta , elle étoit en liberté 6c dégagée de l'autorité de fon père , fans éman- ^uiu Geii.
cipation,& elle pouvoit teiler. Leur crédit étoit fi grand dans la Répu-
blique , que quand il naiflbit des differens , 6cdes guerres civiles , entre les Pomponius
citoyens, on fe fervoit de l'intercefl^on des Veftales, pour les appaifer. •^^'"^'■
Elles étoientles dépofitaires des teftamens, 6c de tous les fecrets , qu'on
ne vouloit mettre au jour qu'en certain tems. Elles étoient crues en témoi-
gnage fur leur fimple parole. On portoit devant elle les faiflèaux, qui
etoient les marques delà Magiftrature. Elles pouvoient mettre chez el-
les en fureté les efcîaves fugitifs, 6c leur.doiiner la liberté. D'autre part
elles avoient leurs règles de feverité. Elles ne fe pouvoient marier , ni
fortir de cette Rehgion, qu'à 30. ans. Car depuis dix ans jufques à 20.
elles étoient fous la difcipline des anciennes, pour être inflruites. Depuis
20. jufques à 30. elles faifoient le fervice, 6c inftruifoient les jeunes, après
cela elles pouvoient fe marier. Mais fi elles étoient furprifès en crime
d'itnpudicité, durant leur tems de Religion, on les enterroit toutes vivesj -
fi elles laifToient éteindre le feu facré , on leur donnoit le fouet : fi elles vou-
Fff ff 5 loient:
. ^^i HISTOIRE DES DOGMES
loient foitir , elles étoient toujours fous la garde d'une des vieilles Rèîi-
gieufes de la maifon, qui les accompagnoit. Il faloit qu'elles euflent le
corps fans défaut , la langue point empêchée , l'oreille point pelante , qu'el-
les fulîént de père Se mère libres , & même qui n'eufîènt exercé aucun
art fordide. On les pouvoir mettre malgré elles dans cette Religion , car
elles dépendoient du Souverain Pontife, qui choififfoit 2,0. jeunes filles,
ôc puis on jettoitle fort. Celle fur laquelle le fort tomboit, étoit con-
trainte d'entrer dans la maifon de Verta, même malgré le père & la me-
origine des TC. On pcut voit cn tout cck l'origine des coûlumes 6c des ufages des
LoixMonaf- p^piftes , daus les loix Monaltiques.
Papiftes." La Loi deJVloïfe, outre -les principaux Minières des chofes faintes,
qu'elle appelloit des Sacrificateurs , avoit ordonné dons le Temple plu-
fieurs autres Officiers , pour le tenir net, pour couper, ôc pour appor-
ter le bois, pour garder le Temple, pour chanter dans le fervice, pour
.^préparer les viâiimes 6cc. Les Religions Payennes ont obfeiTe ce mê-
me ordre. Ils avoient établi au deflbus de leurs Sacrificateurs beaucoup
de Miniflres inférieurs.
:Destibiciiies, Premièrement il y en avoit qu'ils appélloient //^/V^m , ^Uticmes. Car
ceque'c'é- nous avons vû pluficurs fois dans Gcc Ouvrage , que la flûte, ôcles au-
u)itque le ^j-es Inllrumens de Mufique, étoient ordinaires .dans les facrifices. C'eft
lesRoitiins. à quoi Ovide a égard quand il dit , #
Faft. <î, ' QuiX,ntUY m fcena ciiva tma , qudintur ans.
'/■=>
Qtj2eft,E.om. Plutarqu€ nous dit, que -Nama Imr donna de grands & de confderdUes prh.
^^' leges de fin tems , à caufe de la grande dévotion qu'il avoit foar les Dieux. Et
-farce que les Tribus militaires leur voulurent oter ces privilèges , ils Je retirèrent^
& fortirent de Rome. Le Peuple ne put fiujfrir cela ^ & fe fit une affaire
de confidence de les rappûler-y parce qu^on ne joueit plus de la fiât e dans les
fiacrifices.
Ceux qu'ils appelloient //V/V/«^j jouoient d'un certain inlîrument , que
les Latins appelloient Ittuus: C'eft ainfi qu'ils appelloient aufii la mar-
Âuiu-Geiie que de la dignité des Augures. C'étoit un bâton court , menu par un
hb.s-c. 8. i^QLit, gros par l'autre, .& courbe. par le gros bout, félon la defcription
d'Aulu-Gelle, Avec <;e bâton les Augures obfervoient le vol des oi-
feaux, &: marquoient les efpaces , qu'ils appelloient ^^/?^/^/*i. Cicerondit
que cette crofiè Augurale ^'appelloit Ittuus , à caufe qu'elle reflembloit à
Lib. î. de cet inftrument de Mufique qui portoit le même nom. Lituus id efi in-
Pivinat, curvum fsr .leviter à fiummo infiexum bacillum ^ quod ab illius litui , quo cani-
îur, mmen habet . Ainfi ce motiignifioit auffi un inflrument aflez fem-
blable à nos trompettes, étroit par un bout , large par l'autre, ^courbé
par le bout large. C'étoit un inflrument de guerre.
^FAi^id 6 ^^ ^^^^° pugnas infignis obibat & hafia. ■
Ovid. Pift, fam lituus pugnafigna daturus erat,
JMâis on s'en feryoit auffi dans les facrifices, comme félon la Loi deDieu
les
ET DES CULTES DE L^EGLISE. P^r/.IV. 'j^i
les Juifs fonnoient de latrompette , dans tous leurs facrifices ordinaires 5c
extraordinau'es.
II y avoit une autre forte de Minières At^ chofes faintes , dons nous avons Des umim-
déja parlé, que les Latins appelloient Camilli &;Camillas. C'étoient de J.^^uel"^^'
jeunes garçons 6c déjeunes filles, habillez de vétemens Sacerdotaux , étoit km
couronnez de guirlandes, ôc de bouquets de fleurs, Ils étoient fortfem- vS*Denys
blables à ce que l'on appelle aujourd'hui des enfans de chœur. Leuroffi- d'Haiicar-
€e étoit de donner les coupes, de verfèr le vin pour faire les effufions, Sf^jobof'
de donner les plats, les couteaux, 6c de rendre de femblables fervi- «•
ces.
Il y avoit des gens, qu'ils appelloient P<?/4!, dont on dit que l'office Des Popa:,8c
étoit. d'amener les victimes à l'Autel, de les lier ôc de les éeorser. deiems '
& & • offices.
S-HccinBl-que cdent ad nova fiera popa'. Pïopcit.'4,
Ils étoient demi- nus, les bras retroullfez, §C leur habit ceint ôc ferré,
afin d'être moins embarraffez en égorgeant la viâime. Suétone, en ré-
préfentant la cruauté de Caligula, qui tuoit des hommes comme en jouant,
dit qu'il aflbmma l'un de ces Miniftres auprès des Autels. Admota alta- Lib.4.c.3^r
ribus vi^ima fuccin^us pop arum habim , elaîo alte mdleo cultrarium maUavit.
Caligula habillé en pop a^ tua celui qui devoit tuer la viâ:ime. Ce font ces
mêmes gens, qui font appeliez ^«/rr-^w , èct^i^imariù
Enfin il y avoit d'autres Officiers, qu'on appelloit des Hérauts, 6tdes
Huiffiers-, Fracones , Li^ores , dont l'office étoit d'écarter le peuple dans
les grandes foules, d'impofer filence à ceux qui menoient du bruit, ôcde-
chaifer dehors ceux quine pouvoient alîifteraux myfleres, en àïhnx.pro--
€Ul efie profani.
Exefto ^ pour <?A:fM efto^ c'étoit le mot, dont on fe fèrvoit dans ces for- Apud Fê-
tes de proclamations, ,//oy?/x> vin^us , mtilier ^ virgo^ É'.v<?/?t?, que l'ennemi,.^""*'
que les: captifs , que \ç,% femmes , que les filles, fortent.
CHAPITRE VIÎL
'^es facrifces des Tayens. Les holocaujies feu en ufage entre Us:
'Tajens. Cérémonies âes Grecs dans leurs facrifices ^ar
Homère. Celles des Egypicns^av Hérodote.
A Prés avoir parlé des Temples, & des Sacrificateurs, iînousrefteà
dire quelque chofe des facrifices , 6c dès cérémonies des Payens. C'eft
là le plus vafte champ de la littérature humaine , 6c la matière de
plufieurs volumes , que nous n'avons pas deffein de tranfcrire ici ; Nous rap-
porterons feulement ce qu'il y a de plus conlîderable , par rapport aux facrifi-
ces 6c aux cérémonies ordonnées dans la Loi de Moïfe, pour voir en quoi \q:
Démon ■
784 HISTOIRE DES DOGMES
Démon a été rimitateur de la divinité, Ôc en quoi il s'en eft éloigné. Et
nous réduirons le tout à ces trois chofes , les efpeces des facrifices, , la ma-
tière des facrifices, & les cérémonies des iacrifices.
La première chofe qui doit être confidérée, ce font les diverfes efpe-
ces de facrifices. La Loi de Dieu en connoifloitcinq. La première étoic
l'holocaufte , la deuxième le facrifice pour le délit, la troifiéme l'obla-
tion pour le péché, la quatrième le facrifice de profperitcz, la cinqtïié-
fiie étoit l'offrande des chofes mortes, des fruits, des Hqueurs ôcdes gâ-
teaux. Les trois premiers facrifices étoient des^facrifices de propitiation
ôc d'expiation , le quatrième étoit d'adion de grâces , 6c le cinquième
étoit prefque une dépendance des autres. L'on ne fauroit fuivre cette divi-
fîon dans l'examen des efpeces de facrifices, qui étoient en ufage entre
XcsPayens les Payens. Premièrement ils n'avoicnt point d'holocaultes : car c'é-
<'ep"'*j^°js- toient des facrifices dans lefquels la bête étoit confumée toute entière^ il
pas eu l'ufa- n'en demeuroit rien, ni pour le Sacrificateur, ni pouf celui 4]ui faifoit
Fauft'^^' ^^^^^ ^^ facrifice. Dans tout ce que nous avons de monumensde l^Anti^
quité Grecque ôc Romaine , nous n'y trouvons rien de femblàble. Dans
tous les facrifices des Payens on n'offroit àia divinité qu'une partie de la bê-
te, & l'on retenoit l'autre pour la manger. Entre Jes Juifs il n'y avoir
que les facrifices, qu'ils appelloient de profperitez, dont il fût permis de
manger à celui qui prifentoit laviélime.Lesljolocaufles,, & les facrifices
pour le péché , & pour le Sacrificateur , pour l'aflemblée du peuple , étoient
abfolument confumez par le feu. Dans les facrifices pour le péché, qui
étoient pour les particuliers , 6c dans ceux, qu'ils appelloient ..pour le ^5/-
Mt, on ne faifoit fumer fur l'Autel que les grailTes , les rognons, 6c la-
queuë de la bête , le relie appartenoit aux Sacrificateurs., mais celui qui
avoit amené la viélime n'y avoit pas de part. Enfin dans les facrifices^,
qui s'appelloient de profperitez,, on ne faifoit fumer fur l'Autel que les
grailTes, la chair appartenoit au Sacrificateur , 6c aufacrifiant. Et c'eft
avec ces feuls facrifices que ceux des Payens .avoient quelque rap-
port.
Il y a lieu de croire que les holocauiles étoient en ufage entre les Pa-
mSesho-yens dans la naiflàncc de l'idolâtrie. Car avant la Loi de Moïfe ileflcer-
locauftes ^^[y^ ^ qu'cntrc ceux que les Juifs appellent les Noachides-, les holocauftes
lSg& entre ètoicnt fort Ordinaires. Le Livre de la Genefe , qu'on peut appcller
lesjayens. l'Hiftoire des Noachides, en parle fort fou vent. Et même, fi l'on en
croitf les Juifs , dans ces fiecles-là l'on n'ofiroit que des holocaulles. C'efi:
pourquoi dans le Temple de Jerufalem , ils ne vouloient recevoir aucune
viélîme des étrangers, 6c des Payens^ que pour l'holocaufle , prétendant
que c'eft le fcul facrifice, qui, félon les anciennes loix, fût permis aux
décendans de Noé. Il paroit mênie par l'Hiftoire Sainte , que du tems
des fuccefleurs de Salomoii^ '6c de Jéroboam , la coutume n'en étoit pas
sRois ta'. ci"'Core abolie. Car le 2. Livre des Rois dit que Jehu fit aîTembler tous
les Sacrificateurs de Bahal , fous prétexte de lui faire un facrifice folen-
nel. Et que ces Sacrificateurs entrèrent dans le Temple de Bahal ^ pom
faire des facrifiees & des hdocanfies. L'Hiftoire ajoute qu'après qu'on eut
achevé de faire Vholocaftfie à Bahal, Jehu fit entrer quatre vingts Archers^
^ui tuèrent tous les Sacrificateurs.
L'on
ET DES CULTES DE V EG LISE. Part.lV. 785
L'on ne peut pas bien favoir quand cette coutume cefili. On dit que
■ce fut du teins de Promethée. Et voici ce qu'en rapporte un Auteur Pa-
yen, qui vivoit du tems d'Augufte , & qui étoit i'un de Tes Affranchis,
c'eil Hveinus. Quand les Anciens faifoient des facrifîces aîix T>itPix immcr- ^ygious in
^ ; j • -/ ■ "^ -^ A , j r 1 CT Adrouomi-
sels^ en grande cérémonie , tls avotent accoutiime de conjamcr les vicitmcs tou- co voéùco,
tes entières dans le fea. Mais corfîme -les pauvres fonv oient a peine foutenir cet- ^?"^ Ltiium
Gyrald.
If.
•7^ de'penfe , on dit que l^romethée , a qui Pon attribue d"* avoir fait les hommes , Syutag,
^ k canfe de l'admirable excellence de Pe/prit , oi^tmt de fupiter qu'ion ne jet-
' Serait dans le feu qu'aune partie de la viUime , c^ qtt'on reti endroit l'autre pour
fin ufage^ & la coutume a confirmé cela du. depuiu II ajoute que Prome- ^romethée
thçe, pour fe mettre en poflefîîon de cette grâce , que Jupiter lui avoit pjxSr ^'^^
■ accordée , offrit deux taureaux , dont il mit premièrement les foyes fur l' Au -
tel, en fuite il fépara la chair des os, il mitla chair dans l'unedes peaux
de bœuf, les os dans l'autre peau bien couverts , 6c donna le choix à Ju-
piter. Lequel croyant qu'il y avoit de la chair dans l'une ôc dans l'au-
tre peau, fut trompé , & prit celle où il n'y avoit que des os. Et de-
rpuis cela.^ dït-ii, dans ' les facrifices folennels ^ & qui fe font à l'honneur des
y-Dieux y on mange une partie de la chair ^ & Pon confume l'autre par le feu. Le
relâchement des Payens devint même fi grand à cet égard, que Tertul- sordideav*.^
lien leur reproche qu'ils ne donnoient plus à leurs Dieux, que ce qu'il y [âSfices!^^
-avoit de moindre dans la viélime. fe ne m'^arrête pas , dit-il, k la qualité' k^oiog^û-
>de vos facrifices ^ où je fai que les bêtes ^ que vous immolez font les plus vieilles ^ ^^^ ' * ^^
^ les plus gÀte'es , que vous puiffiez trouver. Quand les hojiies font bonnes &'
grojfes , vous en retenez ce qu elles ont de meilleur^ & vous nojfrez à vos di-
vinitez que les extsremitez mutilées , que vous coupez de chaque pièce , qui eft ce
que vous avez accoutumé de d,onner ^ quand vous êtes dans vos maifins , avoschiens^
r^ a vos valets.
Il y avoit de certaines viétimes , qu'on appeiloit prodigua hoflia, , qui fe ^"^f^^^^*^
çonfiamoient tout entières , prodiguts, koflm vocantur^ qu<tconÇumuntur:un-
de homines luxuriofi ^ prodigi. Mais nous ne favons comment on les confu-
moit entières. Il y a^ pourtant apparence que c'étoit par le feu , & ain-
iî c'étoient à^s holocauftes. Mais il faloit que cette efpece de facrifice
fût peu en ufage, puifqu'il nous en eft fi ppu parlé dans les Auteurs an-
ciens. Il y avoit une autre efpece de viétime, qu'on appelloit /?ro?frw'^ , Autres Hc-
que quelques-uns ont pris aufii pour des holocauftes. Voici comme en î^^s^J.'JJ?"
parie Macrobe. Sacnficium apud Vet ères fuit , quod vocabatur protervia^ invu.
eo mos erat ut fquid ex epùlis ftiperfuijfet , igné -confumeretur, Htnc Catonis jo- Saturnal.Jib»
eus. Namque Albidiiwi quidam , qui fua bona comedijfet , & novifflmè ^' "^° ^'
domum , qua ei reliqua erat , incendia perdidijjet , Protervtamfecife dtctb^'il ,
quod comeffe non potuerit^ id combujfife. C'ell-à-dire , Il y avait une efpece de
facrifice entre les Anciens y qui s'' appelhit Protervia, La coutume etoit , que (i -
■quelque chofe refloiî du repas ^ qui fe faifoit après le facrifice ^ on le c on fumait au
feu. Par alluf on a cette coutume Caton-dit un jour un bon mot. IJn certain- -
homme .^ nommé Albidms .^ après avoir confumé tout fon bien .y perdit par un ent-
brafeme,nt fa maifon , la feule chajè qui lui refait. Il a fait te facrifice , appelle
jProtervia, dit Caîon , ce qu'ail n* a pu manger , il l^a brûlé.
Mais ileft clair parce pafiage même , que ces Protervi<z n'étoient pas
des holocauftes. Car on faifoit un repas, on mangeoit , ôc l'on ne jet-
Tan, IK Qgggg toit
786 HISTOIRE DES DOGMES
toit mcme au t'en , que ce qui demeurcit de refte du repas. Je fuis trom*
pé, fi les ProdigA hofliA^ de Feflus ^ & les ProtervU deMacrobc, n'étoicnt:
la même chof-, & la penfée de Caton va là, puifqu'il compare la con-
duire d'un pro 'igue, aux cérémonies dece facrifice, cii l'on confumoit
tout, ou par la bouche , ou par le feu. C'eft cette efpece de facrifice ,
que Fcltus appelle propter viam , que l'on faifoit à Hercule , ou au Dieu
Fcftus. SuKus, quand on vouloir entreprendre un voyage, propter vJam fit facrift-
cmm , cjHod efi projicifcendi gratia^ Herculi , aut Sanco , ejui fcthcet viarum efl
I>eHs. La raiibn pourquoi on brûloir ce qui refloit du repas , eft claire,
c'eit parce que ce facrifice fe faifoit pour la profperité d'un voyage. Or
un voyageur ne referve rien pour le lendemain.
Eliaîtôjv Paufanias parle d'un facrifice d'un mouton noir , que les Ma^
3. p. i6o. gj(].j.j^ç5 faifoient tous les ans dans l'Elide , dont fls ne donnoient
rien au Sacrificateur , mais feulement ils en donnoient le cou , à celui
qui fournifibit le bois , il femble que ce fût donc un holocaufte. Mais
quoi qu'on ne donnât aucune partie de la viftime au Sacrificateur , il
ne s'enfuit pas qu'on la confumât tout entière par le feu , les offrans la man-
geoient. Enfin on trouve de certains facrifices, faits à l'honneur de Vuîcain ,
dans lefquels on dit que la viflime étoit' donnée tout entière au feu, dont Vuî-
cain étoit le Dieu . Mais outre que cela n'eft pas bien confiant , Vulcain étoit
l'un de ces Dieux, quin'étoient pas beaucoup fêtez, de forte que le culte-
qu'on lui rendoit, & les facrifices qu'on lui faifoit, étoient fi rares, qu'ils
. ne tenoient aucune place ùonfiderable , dans les cérémonies de la Reli-
gion;
lies facrifices II n'y a quc Ics feuls facrificcs d'hotïïmes , qui fu fient dés hoîocauftes;
Mofenrdes ^^^ ^^^ Natious , qui ont été affez barbares pour facrifier des hommes,,
hoiocauftes. ne l'ont pas été aflez pour en manger la chair. C'eft pourquoi ils la fai-
foient confumer tout entière par le feu. Mais je ne croi pas que cela doi-
ve faire une exception à nôtre règle, qu'il n'y avoit pas d'holocauftes en-
tre les Payens, parce que nous parlons des facrifices de bêteis. Il y avoif
fansdouteaufiî quelques facrifices de bêtes , dont on ne mangeoit pas,
comme ceux, dans lefquels on facrifioit un chien, un âne , ou un che-
val. Mais fi l'on ne mangeojt pas de la chair de ces facrifices , c'étoir
par accident, |)arce que les bêtes facrifiées n' étoient- pas bonnes à man*
ger.
Pour prouver que l'ufâge de confumer les viéèimes tout entières-
fur les Autels, étoit inconnu aux Payens, je veux feulement rapporter la
manière, dont fe faifoient les facrifices, tir^e du plus ancien des Poètes,
Se du plus ancien des Hiftoricns Grecs , dont nous ayons les ouvrages.
Le Poète c'eft. Homère , qui nous décrit ainfi un facrifice folennel, que
les Grecs firent pour appifer Apollon , qui avoit envoyé la pefte dans
leur armée, à caufe du rapt de Chiyfeïde , qu'on avoit enlevée à Chry-
fes, fon père,. Sacrificateur d'Apollon : on la lui renvoya. Ulyfl^e en lui
Iliade iib.i. remettant fa fille, dit,- „ 0Chryfes, Agamemnon, le Roi des hommes,
•*'^' „ m'a envoyé pour t'aménef ta fille, & pour facrifier à Phœbus unehe^
„ catombe facrée,. afin d'appaifer envers les Grecs le Dieu , qui leur a
y, fait fentir tant de maux. Après qu'il eut ainfi parlé, il remit la fille
3Ç. entre les. mains de Chryfes, qui la reçût avec joye. Et tout aufiî-tdt
. " ,, ils.
ET DES CULTES DE VEGLlSE.PartAV.7^r
„ ils fe préparèrent au facrifice , & mirent î'hecatombe en bon ordre ,
3, autour de l'Autel. Ils fe lavèrent les mains, ôc prirent la farine d'or-
5, ge avec le Tel, ôc Chryfes, ayant levé les mains vers le ciel, proiK)nça
), cette prière à haute voix. Exauce moi, Apollon, qui portes un arc
„ d'argent, protedeur de Chryfes , qui règnes dans Cilla , ÔcdansTene-
3, dos. Tu m'as exaucé autrefois, quand. je t'ai prié , ôc tu m'as fait grand
i^ honneur. Car à ma prière tu as bien fait du mal aux Grecs, exauce
„ moi encore aujoui-d'hui 5 6c les délivre de la pefte qui les défoie. Il
5, conçût ainfi fa prière, 6c Apollon l'exauça. Mais après qu'ils eurer^t
s, prié , 6c répandu la farine falée , ils prirent la tête de la viétime , 6c la
55 retirèrent fur le dos, puis ils regorgèrent, ils Técorcherent , coupe-
5, rent les cuifles, les couvrirent des graifles , en faifant deux lots , fur
„ lefquels ils mirent les petits morceaux , 6c le vieillard de Sacrificateur
55 les mit fur le feu, 6c verfa defîus du vin. Les jeunes gens, qui étoient
5, auprès de lui, avoient des broches dans leurs mains. Quand les cuifTes
5, furent confumées 5 6c qu'ils eurent man^é les entrailles, ils coupèrent
5, le refte par morceaux, 6c les mirent dans les broches. Ils les firent
y, fért bien rôtir, puis les tirèrent. Quand ils eurent achevé le facrifi-
,5 -cé 5 ils préparèrent le repas. Ils mangèrent enfemble , autant qu'il
5 leur plût. Mais après qu'ils eurent bû 6c mangé fuffifamment , dejeu-
5, nés gens couronnèrent les coupes pleines de vin , 6c les diftribue"
5, rent à tous , ainfi chacun recommença à boire. Et toute la jeuneflè
^, de la Grèce chantoit cependant Aes Cantiques à l'honneur d'ApoI-
,5 Ion.
Par cette defcription il cft clair que Vôn ne confùmbît fur l'Autel, que
les cuilTes de la viélimej on enveloppoit les cuifles avec les graifles, 6c
on y joignoit de petites pièces, que l'on coupoit de diverfes autres par-
ties de la -bête. Et c'efl;ce que Tertullien veut <dire, qu'ils coupoient les
extremitez. des pièces, pour les donner à leui-s Dieux. Mais le refle Te
rôtiflbit, 6c fe bouiiioit, 6c l'on en faifoit un repas. Cela même paroît voi ci-dèfi
dans la defcription, qu'Hérodote nous fait des facrifices des Egyptiens'.^lfVeàu'^^
,5 Voici la manière dont ils facrifient, dit-il, on amené la v.^élime , qui d'or^, cha-
5, eft marquée d'un fceau, au pied de l'Autel , oii elle doit êrte immo [^"^J'
5, lée. 'On met le feu au bois , puis on fait une efFufion de vin fur la five lib. z.
j5 viélime, vis à vis du Temple, 6c après avoir invoqué la divinité, on cérémonies
,5 égorge la bête, on lui coupe la tête , 6c on va la vendre au marché ,2^^ ^^'^^^^f^
5, fi l'on y rencontre quelques marchands Grecs^ que fi l'on n'en trouve tiens.
,5 pas 5 on la jette dans l'eau. Mais avant tout-, on prononce une maie-- voyez ci-
„ diéiion avec exécration fur cette tète ^ conçue en ces paroles ; que fi du^'eaîi""
5, quelque mal menace 5 ou ceux qui immolent, ou toute l'Egypte, il d'or, chaj,
.5, puifle tomber fur cette tête. Et les Egyptiens .généralement dans tous^°'
.„ leurs facrifices, 6c dans tous leurs Temples, obiervent ces deux cho-
,5 ks , lefFufion du vin fur la viélime , 6c la malediélion de la tête 6cc.
,5 Après qu'ils fe font préparez par le jeûne la veille d-e la fête , &c qu'ils
5, ont dormi, ils immolent un boeuf, ils l'écorchént, ils vuident le ven-
5,. tre, puis ils y remettent les entrailles , 6c les graifles, coupent lescuif-
„ fes, les reins, les filets des reins, les épaules, 6c ic cou. Cela fait, ils
environnent la carcafié du boeuf ainfi décharnée de pain net^ de miel,
Ggggg a ^e
53
788 HI ST OÏRE D ES D OG ME S
de l'a'.fins l'ecs , de figues , d'encens , de myrrhe , 6<; d'autres aromates, .
L'iwam rempli 6c farci de toutes ces chofes, ils le brûlent, en y ver-
, fant beaucoup de vin &: d'huile deflus , &: ils font ce facrifice à jeun.
„ Pendant que le facrifice brute, ils fe fouettent, 6c après qu'ils fe font
„ fouettez , K<!:^réparent le fellin de ce qui ell refté du facrifice. Ils
», facrifient les bœufs mâles, qui font nets, 6c les veaux, mais ils ne fa-
5, crificnt point de vaches, parce qu'elles font confacrées à Ifis. „
11 paroît que les Egyptiens ôtoient à leurs victimes ce qu'il y avoit de
meilleur, 6c de plus charnu , les cuifles, les épaules, les filets desrein-s,.
6c le cou , 6c en faifoient un grand repas après le facrifice. Ainfi il elt
î.îb.4. confiant que les Payens nefailoient point d'holocaufles. Hérodote nous
^! ^7<^- dépeint aufli dans un autre lieu la manière , dont ks Scythes facrifioient.
Elle a quelque chofe d'aflèz, particulier , mais elle convient avec ks au-
tres en ceci , c'eft quils prenoient une partie de la vidime pour la man-
ger. Ainfi il n'y avoit pas d'holocaufle , dans la Religion Pa-î-
yenne.
CHAPITRE IX,
Sacrifice f des ^^ayens divifez en diverfes clajfesy félon les fins qu'uni
s'y frofofoit ; les facnfîces profiUatoires ; les impetratoires j,,
les MicioariJUques y è" ^^^ divinatoires,
'Efl pourquoi ne pouvant ranger les facrifices du Paganifrne^ fous
les mêm€s clafles , que ceux des Juifs y pour en faire la comparai-
ibn , il faut divifer les facrifices de la Loi en diverlês efpeces , par
r ipport aux diverfes fins , pour lefquelles on les offroit. Selon quoi je
trauve trois efpeces de facrifices entre les Hébreux.
I. Ceux qui s'appelloient propitiatoires, fimplement deflinez: à appai-
fer la divinité , juilerrient irritée pour les péchez des hommes. De ce
nombre étoient les holocaulles , les facrifices pour le péché , 6c les facri-
fices pour le délit.
z. La féconde efpece efl de ceux que l'on me permettra d'appeîler /'«?-
fetratotres. Ils étoient deftinez à obtenir de Dieu les biens, dont on avoit
befoin. La Loi en parle dans le chap. y^^. du Levitique. Elle les appel-
le y^É'r/)?(r(f/.4f l'tr» 5 ou offrandes^ volontaires j car c'efl pour obtenir quel-
que grâce du ciel, que l'on fait des vœux. C'étoit des facrifices de prof^
peritez. Mais ils avoient cela de différent des autres, c'eft qu'il faloit que
H chair des autres facrifices de profperitez fût confumée , 6c mangée le.
jour même du facrifice 5, mais il étoit permis de manger la chair de ces
facrifices impetratoires , deux jours de fuite.
3. La troifiéme efpece de facrifices c'étoit ceux qu'on appelle eurha-^
njîlqties , deftinez à rendre des adions de grâces. La Loi en parle dans k
lie.u>
ET DES CULTES DE L'EGLISE. TarilY. 789
lieu, que nous venons de citer. Oefi ici U Loi du facrijîc& de profperitez^^ Jt -Ltvh.j:
quelqu'un l^ offre four rendre grâces , il offrira avec le fkcrifice des tourteaux fans "• ^^•
levain , pétris à Phuile. Les Payons avoient ces trois efpeces de facri- Trois èrpe-
fi ces. ^^s defacri-
L Ils avaient des facrifices de pr-opitiation , pour appaifer la colère de icTp^ycis,
leurs Dieux, de cet ordre étoit celui des Grecs , dont nous avons vii la ^" i?'7°'^
defcription par les paroles d'Homère. Apollon irrité par l'enlèvement Sifice. ^
de Chryfeïde , fille de Ton Sacrificateur , envoya la pefle dans l'armée îremiere
des Grecs. On eflayad'appaifer la divinité parce iacrifice. Tous les Auteurs fices'^V'"^
Latins nous parlent de ces facrifices deftinez à appaifer la colère des Dieux, tiatoues. ^"
AD. Egone in (zdem Vmeris? ut Venerem Plaû^is in ^
'fyopiïièm, ÀG.^ Bio^anirata efi? AD. propitia hercle-ej^, îfcudoîo.
Sèx agnosimmolavi ^ nec potui tamen lnP«nul©i'
^ropitiam Venerefn facere , ut effet mihi j ,.
Quoniam Ittare nequeo ^ ahii illinc illico.
Bîine , en parlant àts utilitez qu'on reçoit des brebis , dit , Magna & pe- Lib. 8. c. ^y;-
côri gratia , vel in placamentis Deorum^ vel in ufu vellerum, Ciceron, en
parlant des facrifices. Numquam civïtas mji'ra , fine placatione 'Deorum im- Lib. deDi-
wcrtalium^ îmta èffepctuiffet. C'étoit ce deiîein d'appaifer la divinité , qui ^^""^°"^'
\qs a obligez à mettre fur les Autels jufques à des viétiraes huihaîties.
II. Ils avoient auffi les facrifices impetratoires-, c'eft-à-dire qu'ils -fà- secoude
c^rifioient à leurs Dieux , pour faire profperer leurs deflèins. Enée, en faScésim-^
quittant la Sicile , où la tempête Tavoit jette , pour aller chercher l'I- petiatohe*.
îalie , facrifie aux Dieux de la mer , afin d'obtenir d'eux un heureux
voyage.
Très Eryci viîulos ^ ^tempejlatihmagnam Mndà.Vi]3.f.;-
Citdere deinde jubet folvique ex ordine funes, y-z/a.
Jpfe capHt tonft foltîs €vin^us oliv& ,
Stans procul in prora , pateram tenet , extaque falfos
Porrictt in jinUas ^ ac vina liquentiafundiî.
Et dans le même livre, afin d€ fe rendre les mêmes Dieux favorables, il *
conçoit ainfi fon vœu & fa prière,
DU qtiihus imper imn Pelagi^ qnoruin £qmra cHrdS ^ . Y.zi$<,
Hoc vobis htus candtntem in Uttore taurum . . '
ConJlitUÀm 4'nte aras , voti rêUs extaque falfos Scc.
Didon , pour obtenir du ciel le fuccez du deffein qu'elle ayoit d'arrêter
Eriée à Carthage, ôc de. l'époufer, préfente fes facrifices,
Trincipîo~'delubra ddeunt ^ pacémqae per aras IJb.4. v. jV-
Èxquirtifft ,'maUdnt le 51 as de moreMdéntes.
ogggg ^, m. Ils
Troific'me
efpecc, les
facrifices
euchàtifti-
qaes.
D'où vien-
nent les
mots de
viftima 6c
hoftia.
Ovid.Faft.r,.
790 H I S T 01 R E D E S D O G M E S
III. Ils avoient leurs facrifices d'a6tions de gnicesi 6c celaeil: fi con-
nu , qu'il ell inutile d'en rapporter des preuves , & des exemples. C'elli:
de cet ufage des iacrifices qu'on prétend que viennent les mots de vifti-
me, &:d'hofi:ie, vtLÎima à vincendo^ hojlia ab hofljbus. Parce qu'on ofiroit
des viébimes pour aflion de grâces , de ce que l'on avoit vaincu les en-
nemis.
ViUtjna cjUA cecidit dextra vi^rice vocatur,
Hoflibus à vi^is hofiia nomen habet.
Les Grecs appelloient ces vi£limes ^vdlut xupiçvipioi ^ ^valu-j xa.piqv]pm ro^
Ub. 10. èso7ç eTirsKsv to Iviiiociof. , dit Denys d'Halicarnafiè , en parlant des adions
de grâces , que les Romains rendirent , ^piés avoir < été délivrez d'une
pefte.
prefagcsque Lcs Paycns avoient une quatrième, fin dans leurs facrifices,, . qui étoic
des^flcrï'^ incounuë aux Hébreux. C'étoit de conlûlter la deftinée fur l'avenir, , 6c
âces. fur le fuccez de leurs defleins. Tels étoient ces facrifices, que les Gêné'
raux d'armée faiibient avant que de donner des- batailles. Ils n'étoient pas
tant deftinets à fc rendre les Dieux favorables , qu'à chercher 6c décou-
vrir quelle étoit leur volonté., touchant le fuccez de ce ^ue l'on entre-
prenoit. Ils tiroient dotîc des préfages de tout. Par exemple c'étoit un
jpauvais augure , quand la viétime fe faifoit traîner à l'Autel, 6c ne s'y laif-
foit pas conduire facilement : quand elle échapoit des mains du viélimai-
re, quand elle détournoit la tête pour éviter le coup, quand après avoir
été frapée elle bondiflbit , 6c faifoit quelque mugiflcment épouvantable :
quand elle tomboit fur le dos,, au lieu de tomber fur le nez. Lucain en-
tre les figues 5 qui. précédèrent la triile journée de Pharfale , conte ee-»
lui-ci.
VidePIi-
ïiium lib. .?.
■4i.
Tamus: ^
.Difiujfa f^git ah ar^
Suétone raconte de Cefar , que la viétlme lui étant échapée comme il
facrifioit, il négligea ce mauvais augure, 6c ne laifTa pas d'aller combat-
tre Scipion6c Juba.
i£neid. 2.
W, 223,
Cldmores Jtmul horr endos ad Jtdera tolht:
jQjfales mtigitus ftigit cum faucius ad aram
Tarn-us ^ & ipcertam excuffit çervice fe^urim.
Une viélime, pour être d'heureux prélâge, devoit fe laifler offrir com-
me volontairement. G'eft pourquoi ils éprouvoient fa patience de diverfes
manières. Ils lui arrachoient du .|3oil lur le front, ils lui verfoient du vin
entre \cs cornes, ils lui paA^oient le couteau couché 6c de travers, depuis
la tête jufques à la queue, le long de l'épine du dos. Et même pour met-
tre fa patience à toute forte d'épreuves, ils lui verfoient de l'eau dans l'o-
reille , wî è-i:i-jsv\^ rciiç TsKsraTç , afin qu'elle 'donnât un figne de confente-
sient au facrifice , dit un ancien Auteur , appelle Myrtilus, cité par le
Sch©-
ET DES CULTES DE L»EG LISE. P^r/.IV. 791
Scholiafte d'Apollonius, au fécond des Argonautiques. Si elle foufïroit tout
cela fans regimber , & fans relilknce, on efperoit que le facrificc feroit
heureux. Quand elle étoit tombée après le coup de marteau , fi elle (e
débattoit à terre violemment , c'étoit encore un mauvais préfage. On ti-
roit aufîi des préfages defes mugiffemens. Car il faloit qu'après avoir re-
çu le couteau , elle mourût doucement, engemiflànt, en foufl3ant, ôc en
pouffant fortement fon fang à gros bouillons. On approche la victime ^^Librodefi-
P Autel \ (dit Lucien, en fe moquant des facrifices) on V égorge en U pré- "ificiis,
fence dtDieu^ elle jette des cris UngmJJans ^ & trifies^ ^ui font comme V augure
dufacrifice. En fuite elle poujfe des accens , qui deviennent toujours de pins faibles
en plus foibles , ^ qui par leurs changemens répondent au fon des flûtes. Qui
fourroit douter que cela ne foit très agréable aux Dieux ?
Mais fur tout les augures fe tiroient de l'infpedion des entraillés , que
Pon examinoit avec un grand foin, avant que de paffer plus avant. On
mettoit la viélime fur une table , qui s'appelloit Anclabris , & là les Au-
gures examinoient exadement les entrailles , ôc fui- tout le cœur, le foyc,
&.les poumons»
Infl aurai que dkm donis^pecudmnque rtchpfo ^ ^^g-,^ .
TeUoribus inhians fpirantia conjulit exta. Vs «4.
Heu vatum ignarA mentes^ quid vota fur entem^.
j^id delubrajuvanî? ~
Si ces parties éfoient belles , faines , & telles qu'elles doivent être, dé-
toit un heureux préfage. Au contraire , fi ces parties manquoient , ou
étoient gâtées , ou mal formées , l'éfroi fe répandoit fur le vifage des af-
fîftans. U femble que Dieu ait quelquefois permis que ces épreuves ayent
réiifîî, pour donner efficace à cette erreur. Cefar, peu de jours avant fa ciceron dé-
mort, faifant immoler. une viétime. lé premier jour qu'il parut en public, as!uh^°'
dans unechaife dorée , & un vêtement de pourpre , on ne trouva point
de cœur à la bête , le lendemain on ne trouva point de tête au foye de la -
viélime. Mais Ciceron réfute folidement ces fuperflitions , dans le fc-
co'nà livre de Divination e. Gaput jecoris^ dit -il, ex omni parte diligentijjimè
conjiderant , Jt vero id non efi inventum ^ nil putant accidere potuijfe trifiiuÈ^
H&c obfervari certs- non potuerunt , ut fuprà docui , funt igitur artis inventa non
vetufiatis y fi efi ars ulla rerum incognitarum , cum rerum autem natura quam
cognationem habent"^ Peu de gens ignorent le bon mot d'Annibal , que le
même Ciceron rapporte dans le même livre. %,ex Prufias cum ay^nnibali
apud eum exulànti pugnare placer et ,, negabat fe audere quoÀ exta prohibèrent.
An tu^ inqùtt , caruncuU vitulina m avis quàm veteri Iniperatori credere ? Au-
nibal étoit d'avis que Prufias donnât la bataille , Prufias difoit qu'il n'o-
fôit, parce que les entrailles de laviélimene lui promcttoientriendebon.
Aimes- tu mieux , lui répondit Annibal , croire le cœur d'un veau , que les
cmfeils d^un vieux (Capitaine y confimmé dans la fcience dé. la guerre? l^es Grecs
appelloient cet art ait'Kuyx^oiJ^uMrsîu , Se ^TruroaHOTrlei , devinement par les-
entrailles , infpedion du foye. Plutarque , dans le traité des Oracles,
dit que la figure des entrailles , & leurs diverfes qualitez. prçfagent aux hommes^
ilavenir. Ai i'^l rwv (TTrAay^vwv ^t^o^^aî p ytal zoiQTVjrêç , ^podyiKçiKTiv «vôpwTo;ç ro.
fuiAAov».
792 HISTOIRE DES DOG MES
p,'sKh.ov. Jamblichus , qui a écrit un volume des myileres des Egyptiens.,
Se particulièrement de la divination , n'a pas oublie celle-ci, en partictiUer^
dit-il, l^ame des animaux , oh le Démon qui préjjde fur eux ^ oh le mouve-
ment de fair^ ou les influences du ciel ejui les environnent ^ changent les entratl-
les des vitiimes , filon c^tî'il plah aux Dieux. ZJ ne preuve de cela , c'f/? cjue
fiuvent on les trouve fans coeur ^ ou privées de quelques-unes de leurs principales,
parties^ fans le [quelle s les animaux ne pourraient vivre.
Ce font là les principales efpeces de facrifîces , aufquelles toutes les au-
tres peuvent être rapportées. Et ces efpeces de facrifîces n'étoient pas
différentes en cérémonies 5 car on les faifoit de la même minière , ôc el-
les n'étoient diftinguées que par l'intention de ceux qui facrifioient. Et
même dans unfeul facrifice, on fe propoibit fouvent plufieurs de ces fins
©nfemble, l'on facrifioit pour appaifer les Dieux, pour obtenir d'eux des
faveurs, ôç pour apprendre quel devoit être le fuccez d'un deiTem,, que
l'on avoit formé, ou que l'on vouloit former.
CHAPITRE X.
r
Des victimes i é^ de la matière des offrandes y viEiimes humaines:^
vi^imes prifes prefque de toutes les b et es y le pourceau ^ le chien ^ le
cheval 3 des oifeaux. ^ejîion ^ Jï onfacrifoit des pot£o7is, Offran^
des de chofes mortes.
A
Prés avoir parlé des différentes efpeces de facrifîces des Payens, en
les comparant à ceux des Hébreux, nous parlerons de la rpatiere,
c'eft-à-dire, des bêtes, ôc des chofes, que l'on préfêntoitenfacri-
fîce. La Loi de Moife n' avoit établi que trois efpeces de bêtes à quatre
pieds, ôcdeuxd'oifeaux, pour les facrifîces , le bœuf, fous lequel étoient
contenus le veau & la jeune vache ; le mouton , fous lequel il faut ren-
fermer la brebis 6c l'agneau : la chèvre , fous laquelle il faut comprendre
le bouc & le chevreau. Les deux efpeces d'oifeaux nets pour le facrifîce,
étoient le pigeon 6c la tourterelle. Les Payens ne fe font pas referrez en
des bornes fi étroites. Il n'j a guère de chofe vivante, qui ne pût être la
matière de leurs facrifices. 11 eft vrai qu'ils n'offroient pas toutes fortes
d'animaux à tous les Dieux. Ce qui étoit propre pour les facrifices d'un
de leurs Diexix, n'eût pas été reçu fur les Autels de l'autre.
Sacuhces de Premièrement il» ont immolé des hommes , ôc nous en avons déjà rap-
huÏÏinesen V^^'^^ "" grand ucmbre de preuves, 6c d'exemples, dans le chapitre de
ufige autre- Moloch , qui cft le Satumc des Occidentaux , aufquels on peut ajouter 5
lemonde"'^ fi l'on vcut , ccux-ci. 11 y a pcu de gens qui ne coniioiffent la cruelle
Diane des Scythes, à laquelle ils facrifioient des étrangers , 6c ceux que
Lib.T. de le naufrage avoit jettez fur leurs bords. Erat lex apud Tauros , ditLaéèan-
FaiiaReh^. ^g^ ^^^ Dian<x. hofpites im.melarentur , & id facrificium muitis tempori^m ceU-
x:ap. il,
bratum eft.
Br
ET DES CULTES DE VEGhJSE.Tart.lV, 793
Et Tarants Scythica non mitior ara Diana > Lucân.iib.T«
Le même La£î:ance nous dit que Teucrus immola une hoflie humaine
à Jupiter , dans Salamine de l'Ile de Cypre , qu'il laifîa cette horri-
ble Religion à fa poflerité , & qu'elle y lUt retenue jufques au tems de
l'Empereur Adrien , qui l'abolit. Il rapporte un horrible exemple dts A Catthag^
Carthaginois, qui ayant été contraints par Agatocles, Roi de Sicile, de
Geiîèr ces horribles facrifices de vi6time* humaines , furent long -tems
fans en offrir, & imputèrent une grande calamité, qui leur arriva , à la
colère des Dieux pour l'interruption de cts facrifices d'hommes. Et pour ^«^«nnius
expier leur négligence , ils facrifierent pour une feule fois deux cens en - SlaniTum
fans des plus nobles familles de la ville. ubifuprà.
Porphyre, dans fes livres , où il prouve qu'on ne devroit point man- a sahminc.
ger, ni facrifier d'animaux, en rapporte aufîi d'effroyables exemples. Il ^orphyr.
dit , en parlant de ce facrifice des Salaminiens , dont Laitance nous a dé- ^Î-^J'^'
ja parlé , qu'on offroit une viâime humaine à Agraulus , fils de Ce- -^Ju^Sv
crops , & de la Nymphe Agraulide , Se qu'enfuite ce facrifice fe fit à «xo^î^c.
l'honneur de Diomede. On faifoit faire trois fois le tour de P Autel an jeune
homme ^ qui devait être immolé , après cela le Sacrificateur lui donnait d'une
■pique dans l'efiomac , fuis on le bruloit fur nn bûcher . Dans la ville d'^Heliopolis idem ibî-
en Eçypte, on fkcriftoit des hommes à ?unûn. On choififfoit les hommes^ & on les 'l^™.- ^,.
'V^ . , /^ ■ ^ ^ ri I i I ■ •> I r Hehopohs
exammott avec les mêmes cérémonies , c^ \elon les mêmes règles qu'on ohfervoit , d'Egypte.
quand on choijtjfoit des veaux four le facrifice , afin d^y trouver les mêmes mar-
ques, qui dévoient être dans les bêtes propres pour t^ Autel: on en immolait trois
en un jour. Mais Manethon dit que le Roi Amofis ord.onna qu'on mettroiten la
place trois images de cire , # qu'ion ne facrifieroit plus d'hommes. Peut-être
cela eff-il moins étonnant de ces nations barbares. Mais il eft furpre-
nant que les Grecs, qui fe font toujours piquez de politeffe, foient tom-
bez dans une fi horrible barbarie. Dans les lies de Chios ^ & de Tenedos , ibidem âpod
on de'ehiroit un homme à l'honneur de Bacchus Omadius , comme le rapporte ^. c. lé/ '
Svelpis Caryflius s & Apollodore dit qu''à Lacedemone on facrifoit un homme à îJ'^p-Evaag,
Mars. C'eil le même Porphyre qui nous l'apprend. Etmêraeilailu.re,fur Dansiesnes
le témoignage de PaI]asHiii:orien,f«tf jufques au tems de P Empereur Adrien ^ deSiSaî
les facrifices d'hommes étaient or dÀn air es par toute la terre, fufqms à ce tems-là^
on facrifion à Laodicée de Syrie une vierge à l'honneur de Minerve j les Duiva-
tiens , peuples d"^ Arabie , facrifioienî tous les^ans un jeune gardon fitr l'Autsl ,
qui leur tenait lieu de fimulacre , & V enfeveli foient après P avoir immolé ^ ^
même les Grecs , quand ils allaient combattre^ efayoient d'appaifer les Dieux par
du faitg humain. Ce fut Adrien qui abolit tous ces facrifices.
- Les Romains font ceux chez qui l'on en a moins vu. Cependant -on j
en trouve des exemples. Plutarque nous en rapporte un confiderable. Une Qusfiîoneç,
Vierge Velbile allant à cheval fut frapée d'un coup de foudre &romba,en ^°'"^'-Qt^*'-
-tombant {es parties naturelles furent découvertes. Les devins confuîtez ré- a Rome
pondirent que bien-tôt quelque chofe paroîtroit , qui feroit honteux au™^'^'^*
corps ôc à la Rel'gion des Veiiales. En effet on découvrit bien-tôt trois
Vellales , qui avoient violé les loix de l'honneur , & de leur Religion,
On châtia les Veftales du fupplice ordin;ifre: l'on confulta'en fuite iesli-
^art. IV. Hhhhh Yies
794. HISTOIRE DES DOGM ES
vres des Sibylles fur cet accident, qu'on regardoit comme un proJige y
& l'on trouva dans ces livres qu'il faloit facrifier aux Malins efprits deux
hommes de nation Grecque, ôc deux Gaulois , & les enterrer vifs fur le
lieu, où l'accident étoii; arrivé , ce qui fut fait.
jj^nskPc- Enfin Jofeph Acolla , dans fon Hilloire naturelle des Indes, nous ap-
iou,& dans prend que le Démon avoit infpiré cette fureur aux peuples de l'Amérique,.
leMexique. g^ même l'avoit pouflee à un.excez épouvantable. Dans les maladies de
Hiftoire des l'Inqua, Roi du Perou , dans les guerres, & pour le fuccez de fesaffai-
indesiib. s. res, les Pcruvicns fiicrifîoient ju^ques à dix entàns, de quatre à fîx i.ns,
& dans le jour de la cérémonie du couronnement de ce Prince, ilsfacri-
fioient jufques à deux cens enfans , de quatre à dix ans : quand lîn père
étoit.rralade, ils facri£oient fon fils au Soleil',, ou au Firaçocha, en le
priant qu'il fe contentât du fils, & qu'il épargnât le père. Les Mexi-
quains ont fLirpalTé toutes les autres nations dans cette barbarie.
Sacrifices H ^^ vrai ^u'ils ne facrifioient que les prifonniers de guerre , qu'ils
des Mexi- avoicut pris , êc non leurs propres enfans , comme les Péruviens. Ilsfai-
^^^""" foient coucher cts miferables viétimes fur le dos , fur une pierre aiguë 6c
tranchante, ils leur ouvroient l'eftoraac, leur arrachoient le cœur, ôcle
montroient au Soleil tout fumant, ôc rouloient le corps le long des de-
grez du Temple. Ils y revenoient fouvent, 6c ne facrifioient jamais moins
que quarante & cinquante de ces miferables , & fbuvent cela alloit juf-
ques à pkdleurs centaines. Les Efpagnols ont reflenti quelquefois les
efrets de cette fureur. Ils virent de leurs yeux un foir facrifier foixante,
& dix de leurs foldats prifonniers de guerre. Et ils trouvèrent écrits dan^
vh\ fuprà. une chambre ces mots. Ici fut prifonmer un tel malheureux avec [es corn-
^^P; ^2- pagnons , e^ue ceux de Tercufco orit Jasnfie. Jofeph Acofta rapporte un fait
étrange, qu'jl dit pourtant être véritable, qu'un de ces prifonniers Efpa-
gnols, ayant l'eflomac ouvert, & le cœur arraché, le corps fajis cœur
roula en bas aux pieds d'autres Efpagnols, qui étoient fpeâ:ateurs, fic
prononça en mourant ces paroles , Chevaliers , ils m'ont tue'. Les Efpa-
gnols le leur ont bien rendu avec ufure , par les cruautez inouïes , qu'ils
ont exercées fur ces miferables peuples. En quoi ils font plus inexcufà-
bles que les Indiens ,, qui faifoient ces barbares facrifices d'hommes , par
necefiité , par Religion , 6c pour obéir à une tyrannie du Démon , de la-
quelle eux-mêmes avpient horreur, & dont ils étoient las. Mais c'eft
une chofc prodigieufe que des Chrétiens, contre les principes de leur
Religion, puifieiit de gayeté de cœur facrifier tant de miUions d'hommes
à leur avarice , Ôc à leur barbarie. Celui qui veut être inflruit du détail
de ces~ cruautez , n'a qu'à lire le livre de Bartholomeo de las Cafas, qui
en, doit bien être crû, puifqu'ilétoit EvêqueEfpagnolkii-même, Jecon-
clus cet article du facrifice de viétimes humaines , par ces belles paroles ^
que Sihus fait dire à Arailce, femme d'Annibal, comme on alloit facri"
£er fon fils Afpar..
Qm-
ET DES CULTES DE L'EGLISE. Tart.lY. 795
Qm(& porrb h^c pietas delnha cifpergere tabe? Siliu$
Heu prima fcekrftm cauÇa mortalibus Agris corum ^alf '"
TSlaturam nefcire Deum \ f^fla ite precart cakera.
Thnrepioj didif^ue feros avertite ritPts.
Mite & cognatum efi hommi T>em.
Après les hommes viennent les bêtes, 6c entre les bêtes les bœufs, les ^" bœufs,
agneaux ôc les moutons. Encore que l'on offrît toutes .fortes de vid:i- tons.b^ïï'
mes aux faux Dieux , il eft pourtant vrai que ces trois fortes de bêtes ,^ chèvres,
que Dieu avoit choifies pour foi, le bœuf, le mouton, & la chèvre, fexts aux '
étoient prefque les feules que l'on ofFroit ordinairement aux Idoles : nous ^^"* Cieux,
avons vu qu'on n'offroit point d'autres victimes dans le Temple de la
Déefl'e de Syrie, dont Lucien nous parle. Les bêtes qu^on immole^ dit-il,
font des taureaux ^ des vaches, des brebis ^ & des chèvres ^ mais on n'y facri-
fie jamais de pourceau ^ (^mi-que quelques-uns crojent que ce n'efl point par abo-
mination,^ mais par refpeU, Pline appelle les hœuisopima & lamijjîma Deo- Lib.g. 4. j^
rum placatio , parce que c'étoit la plus ordinaire viétime, Homère a ex-
trêmement aimé les defcriptions des facrifices, ce qui fait qu'Ariilophane ^" vefpis,
lui a donné le nom de Cp/Aoôurvjç, amateur de facrifices ^ on en voit dans le
premier, dans le fécond, dans le huitième de l'Iliade, dans letroinéme,
,ôc le neuvième del'Odyffée, dedans plufieurs autres lieux: Mais par tout
il fait facrijfier des bœufs , ou des moutons. On facrifioit le bœuf prefque
.à tous les Dieux.
TaurumlSJ^ptHm^tamnnttibiiptïlcheTApolls, ^neid, vk,
gil. 3. y. 15.
<On offroit une vacheà Proferpinc^
Enfe ferit fierilémque tibi Trofer^inii vaccant. .«neid.r.
Après le bœuf^ il n'y avoit gueres de bêtes, qu'ils facrifiaOent davan- onfjcnfioit
îage que le pourceau, qui étoit l'abomination des Juifs , ôc de leurs Au- foute"bête!
tels. On facrifioit une truye àCerés, à caufe que cet animai efi; enne- Le pour-
CC3H.
mi des bleds.
Prima Ceres avid<zgamfa efi fanguinepor ex. OvideFâft
On facrifioit un pourceau à la Terre ,
Tellmem porco ^ Sfivanumla5îepiabant. lib. ^z.
îl y en a qui veulent que dans ce paflage d'Horace on iife porca, & qui
diiënt que c'étoit une truye qu'on offroit à la Terre. En efiet Arnobe
le dit ; Telluri matri ingens immolatur fcropha fœta. Ce paflage d'Horace
•dit qu'on offi-oit du kit aux Sylvains, mais on leur facrifioit auiîi des pour-
ceaux.
Hhhhh & C^dë"
Epift. I,
796 H I S T O I R E D E S D O G M E S
juvciwl. Cddere Syhano forcHm quadrante lavari.
Satyr. 6. V.
On offioit le même animal à celle que les Romains appellbient la bonne
Décile.
juvenai. Aî(^He boMm tenerA pUcant abdomine porcA,]
^tyt. 3. V.
1». , «
Il y avoiE des Temples^ & àts Dieux, qui n'euflent pu fouffrir ces
offirandes. Lucien nous a dit qu'on n'offroit point de pourceau à la Déef-
fe àe Syrie. Ce qui fans doute leur venoit àcs Juifs leurs voifins. Il y
avoit un Temple de Jupiter dans la Myfie , oii il n'étoit pas permis de
tuer, ni de manger du pourceau.
11 femble que le Démon ait quelquefois imité k divinité , & d'autrefois
Le Akii, qy'ji ^ii; pj-js à tâche de lui être contraire. Le chien n'étoit pas moins en
abomination pour les facrifices des Juifs, que le pourceau. Et Dieu le
dit en termes qui expriment un même degré d'horreur, pour ces deux ani-
maux. Celui qui facrifie une brebis , efi comme celui e^ni couperait le cou à un
chien j & celui cjui offre un gâteau ^. comme celui qui offrirait le fang d'un pour-
ceau. Cependant le chien, auffi bien que le pourceau, étoit une viélime
affez ordinaire fur les Autels du Démon.
Plutarque nous apprend qu'on fàcrifioit un chien à la DéefTe Gcnita
Mana , qui avoit la furintendance des enfantemens , que les Argiens fa.-
Qpcift. crifîoient la même bête j à la DéefTe Ilithya , qui préfidoit aufîî fur. les ac'
Eom. 52. couchemens > 6c que les Grecs facrifioient un chien à Proferpine. Les
Romains en facrifioient auffi dans les Lupercales. C'étoit une fête qui-
fe celebroit au mois de Février, pour la purification de la ville. Dans cet-
te fête des hommes nus , 'comme des infenfez, courericnt dans les rues,
frapoient de courroyes , qu'ils portoient dans leurs mains , tous ceux qui
fe rencontroient. Durant douze joui-s on faifoit des facrifices propitia-
toires pour les morts , âc l'on repurgeoit la ville de Rome , par des facri-
fices, par le feu, & par l'eau, & l'un de ces facrifices [de purification
Tiut Quift. c'étoit celui du chien. On peut trouver étrange ce que Plutarque nous
apprend à ce fujet. Le chien eft un des plus fales des animaux, 6c il, a
toujours été Pembleme de l'impureté. Cependant cet Auteur nous dit ,
prefque tous les Grecs univerfellement immolent un chien , dans leurs facrifices de
purification , jufquâ ce jourd'hui s Ils portent à Troferpine , entr' autres facrifices
de purification , de petits chiens. Et ils effuyent tout à Pentour avec de petits
chiens , les hommes qui ont befoin d'hêtre purifiez.
în Lâconi- Paufanias nous apprend que les Lacedemoniens làcrifioient au Diea
Mars un petit chien, ettimant que cette bête, qui ell privée, & cepen-
dant très courageufe, devoit être agréable à ce Dieu delaguerre. Enfia
les Sabéens , 6c les Thraces , facrifioient des chiens à Hécate»
©^ Exta canum Trivia vidi libare Sabacs ^
Et quicumque tuas accolit iy£me niveSo
j^âsjç^ L'âJie eft auffi un animal, qui paroit bien peu propre au facrifice. Ce.-
R,9m. 6g.
as,
ET DES CU.LTES DE L'EGLISE. Part, IV. 797
pendant nous avons vu dans le chapitre de Bahal-Pehor, qu'on le facri-
£oit à Priape pour une fort fale raifon.
Ct&ditttr & rigido cufiodl rmis afellus. O^de Faft
I. V. 34a.
Pindare dit que les Hyperboréens ofFroiffnt à Apollon des hécatombes Hndarus ia
d'ânes. - ^'y^^"*-
ù^mikHt'' fceAÔwv v'h.ki ràç ovwu k^ciTÔiJ:Ç>ciç%
Pour ce qui eft du cheval ,Sil y a une raifon évidente pourquoi on lefacri- Le cheval,
fioit à Mars. Le cheval eft ranimai de la guerre ,& Mars en eftleDieu,
On peut voir là-deffus Plutarque dans fes Queflions Romaines. Il nous Q.u«ft. ?7,
dit que tous les ans le 13. de Décembre on facrifioit à Mars un cheval,
auquel on coupoit la queue , on la portoit au Temple , appelle %egia.
Et deux troupes de gens, l'une qui venoit de la Rue facrée , l'autre de
la Rue Sahuria , combattoient à qui en auroit la tête. Les Perfes facri-
fioient auffi le cheval au Soleil.
, Plaçât equo- Perjîi radiis hyperiona cinEinm,^ Ovid;
Les Scythes , les Maflàgetes , faifoient auffi la même chofe, félon cessraboiib;
qu'en rapportent Strabon ôc Hérodote. C'étoit à Mars que les Scy- "Herodoti.
thés imraoloient le cheval , & ils adoroient ce Dieu fous la figure d'un 276.''^' ^'
poignard , comme nous l'apprend Hérodote dans le même lieu.
Le bouc étoit principalement deftiné pour les facrifices de Bacchus. Le bouc.
\' . . . Baccho capsr omnibHS aris virgiL_
Ctzditur , & V et ère s ineunt profcenia Indi. mm^^'^
Ergo rite fuum Baccho dicemus honorem'
Carminihus patriis UncéÇque dr liba fer émus ^
Et duUm cornu ftabit facer hircus ad aram".
On en offiioit pourtant aux autres Dieux. Les Lacedemqniens avoient une Pauranîas iE>
Junon qu'ils appelloient sy£gophaga , mange-chevre, à laquelle ils facri fioient trcheviS
des chèvres. On offioit auffi une chèvre à Efculape, Dieu des Méde-
cins, & delafants.
Pour ce qui eft du bélier, du mouton, Ssdela brebis, nons avons dé-
jà dit que c'étoit les viélimes les plus ordinaires fur les Autels. Il y en a
même qui croyent que le mot ariesy qui fignifie bélier, vient d'<^m , Au- ifi«îor- 1*-
tels, ^ries matlaî^r ad aroa.
L'on ofFroit auffi des oi féaux aux Dieux. La célèbre Hiftoire de laphtoîn
mort de Socrate, nous apprendroit que l'on facrifioit un coq à Efculape, P^^idone.
quand nous ne l'apprendrions pas d'ailleurs. Ce Philofophe, prêt à ren- piifeV d'en-
dre l'ame , après avoir bu la ciguë , s'avifa de dire à fon ami qu'il fe fou- "^ ^" oi-
vint de payer un coq à Efculape.
On facrifioit auffi le coq à l'honneur de la Déefle de la nuit, félon ces Lecoqi-
¥er& d'Ovide ,
Hhhhh i 'J^Bi
798 HISTOIRE DES DOGMES
NoUi DciC noBis cr/flatus uclitur aies ,
Qi^ad tipidnm vigili provocat ore diem.
piutarqr.e. I. Lcs Egyptiens fâcrifioient à Anubis un coq blanc, bzï Hermanubis un
om"^"^^ ^ ^°^ couleur de lafran. *
incoiin- Paufanias nous apprend que les Trezeniens appaifoient par le facrifice
Uiiaçis. d'un coq, le vent AtVicus , qui gâtoit leurs vignes,. Scieurs bleds. Cela
fe faiioit avec cette cérémonie. Deux hommes prenaient un coq ^ dont Us ai-
les étaient blanches ^ & chacun le prenant par une aile ^ ils le déchiraient. '^Puis
chacun d'eux tenant en fa main la partie ducoq ^qui lai était demeurée ^ ilsfai-
foient le tour des vignes en courant^ puis étant revenus au lieu d^où tls étaient
partis ^ tls enterr oient le coq.
Les Egyptiens fâcrifioient des oyes à l'honneur d'Ifis , à ce que dit
în Euierpc. f^gj-odote. Athénée dit que les Phéniciens fâcrifioient àfs, cailles à Her-
cule. ^ ,
ç^Lisftion, Il efl fort incertain fi l'on a facrifié des poifibns. Plutarque le nîe ab-
touchant les folument , & dit qu'il n'y a aucun poilfon, qui [oit propre au facrifice y ni
qui put être préjente aux Dieux.
sympofiâ- Cependant Athénée dit quelque part, que les Bœtiens fâcrifioient* aux
Màv Dieux certaines anguilles, qu'ils appelloient .^t'/^/^^.f, du Lac Copaïs.f
<Juxft. 8. qu'ils les couronnoient comme des viétimes, & les couvroient de cette
Athenxus. farine falée , que les Latins appelloient mola falfa. Et il rapporte d'An-
1 • 7'C. 13. j.jgQj-^,^j5 Caryftius, que les pêcheurs ont accoutumé de facrifier "à Nep-
tune le plus grand des Thons qu'ils prenent, ôc appellent ce facrifice
Thjmea.
il eft certain qu'ils offroient aufiî à leurs Dieux des chofes inaaiméeSj
tantféches, que liquides. ]Par exemple du lait ,
. . . Sjlvoiîum laBe piabant.
-du bled êcde la farine. Deos fruge coU & mola fdfa fuppîicariinfihuit Numa
iA).u.c.2, Tompilius^ dit Pline. Cette Mole falée cil une chofe bien célèbre dans
les facrifices des Payens: les Grecs l'appelîoients'Aâ:/ ^ Homère 8 ao^utû;/-
c'étoit de la farine d'orge mêlée avec du fel, dont on faifoit afperfion fur
la viélime. Mais nous en parlerons bien-tôt. Ils offroient du vin , de l'hui-
le , de l'encens , des fleurs , des fruits , c'eil - à - dire que toutes chofes
Vide vof- avoient leur ufage dans les facrifices. Ils offroient auflî des gâteaux de
^f^J'^'^'^^diverfes efpeces, les Grecs lés appelloient Tfô-^ava ^ 6c il n'y avoit guère de
49. &" Stuc- facrifices (ans ces gâteaux , que les Romains appelloient liba: Ils en of-
Akxîncfer fr^ï^nt uue partie aux Dieux, &; le refte fe imingeoit dans le feftin, qui
ab Aiexan- fuivoit le facrifice.
dro. lib, a,
C. 22, ^ ■
.. . . . Et adorea liba
Ter herbam fubjieiunt epulis.
* ^ Voici comme Caton dépeint la compofition de ces gâteaux. Cafeum be-
ne ters in mort aria , tibi bene-triveris farin& fUgincA libram admifceto ^ aut fl
voies
ET DES CULTES DE UEGLISE. P^r^.IV. 799
voles tenerius effe ^ felibram jimihginis folum eodem tndito permiCcetéc^He cum
eafeo hene , in de favum faciîo , & folia fubdito in fur no calido , ea co^jhiîo leviter.
Trenez^ dn fromage , & le broyez^ bien dans un mortier , mêlez..y me livre de
farine de fegle ^ on Ji vous le voulez^ pins délicat , ajoutez^ une demi ~ livre de fî~
ne fleur de farine de froment , & les pétriffez bien enfemble, faites vos gâteaux,
mettez, des feuilles defous , & les faites cuire doucement dans un four chaud. Ou-
tre le fromage il femble qu'on y mettoitdumiel, au moins dans ceux que
l'on ofFroit à Bacchus , car Ovide dit
1s(omine ab auUoris ducunt libamina nomen : Faft. \,
LibÀcjue quod fanBis pars datur inde focis :
Liba Deo fiunt fuccis quia dulcibus idem.
Gaudet ^ & a Baccho mella reperta ferunt.
Il prétend que Bacchuseft le premier qui a enfeigné aux hommes à facrifier.
Antetniïsortus ar&fine honore fuerunt . Et de là vient que les //^^, ou libami-
»^, ont tiré leur nom, deZ/^fy, l'un des noms de Bacchus. Et parce que Bac-
chus avoit auffi découvert le miel, on en mêloit dans les gâteaux des fa-
crifices. Mais cela efl affez connu, outre que nous avons encore à en
dire quelque chofe en parlant des cérémonies des facrifices. C'eft pour-
quoi nous finirons ici l'article de la matière des facrifices , pour parler des
cérémonies qu'on y obfervoit.
CHAPITRE XL
jyes ceremenics ohfervées dans les facrifices >
LA première de ces cérémonies, c'étoit le choix des viélimes. On
les choififibit entre toutes,' ôc il faloit^que ce fuflent les plus belles
bêtes du troupeau. Il eft vrai ,que Tertullien leur reproche , que
s'il y avoit quelque bête rogneufè , 8c malade , c'étoit celle qu'ils ofFroient
aux Dieux'. Mais c'étoit une corruption, qui n'étoit pas autorifée parla
Religion , au contraire elle vouloit qu'on offiît ce que Ton avoit de
meilleur*
•yKaBant kUas de more bidentes , ^"f$. "^' '
Légifère Cereri.
Feftus dît qu'on les appelloit egregia^ tamquam agrège fekSf a.
Après avoir choifi les viétimes, on les amenoit à l'Autel , &: il femble que
cela fe faifoit par ces gens , qui s'appelloient p^pte , & viBimarii , dont
nous avons parlé. Cependant Ciceron èc Pline difènt, qu'on choififlbit
des gens, qui étoient particulièrement deflinez à cela, 6c qu'on les éli-
foit à la pluralité des voix, quand le Cenfeur faifoit la revûë du peuple.
Cùm cenfor populum luftraret bonis ominibus , ijui hochas ducerent eligebantur, cicero s.
C^r publicis Infiris etiam nomina ducentium vi^imas projpera eligemus,^^''^'^^,^^^'
Dan8c3g"V '*•'
/^
800 H I s T O I R E D E s D O G M E s
Dans les facri'fices folennels on'accompagnoit la viétime juiques à l'Au-
tel, avec des flûtes, des hautbois, & divers autres inftrumens de mufi-
que. La vidiine étoit couronnée de fleurs , avoit le front 6c les cor-
^ nés dorées.
virc.'Encid. Et ftattiam ant€ aras curvata froiîte JHvenctim.
C'eft pourquoi Juvenal dit qu'elles avoient le front brillant^
Sîtyi. 12, s. gcd procul extenfnm petulam cjptath hoïiia funem ^
Tarpeio fervata fovi , fromémqtie cornfcat.
Et ailleurs,
Tarpemm limen adora,
Sâtyr. 6, 47' Tronus & auratam fumni c&âe juvencam.^
Si tihi contigertt capitis matrona pudici.
Lib. i6«
c. 43.
On peignoit auffi les cornes de diverfes couleurs. Car Pline , en parlant
.du luxe de fon tems, parle de cette coutume : Tingi animdium comua^
Àmtes fecari , fgntim ebore diflinguL Encore qu'il ne dife pas précifément^j
que ces cornes peintes fufîent des animaux , qu'on alloitlacrifîer, cela efi
pourtant apparent. On couronnoit l&s vidimes de verdure , Se de bran-
■ches prifes des arbres confàcrez au Dieu , auquel on les vouloit facrifier.
Quand la vi6time étoit à l'Autel , les facrifians , avant que de la toucherj
lavoient leurs mains.
Homère» %ép-vrsi/«VTû Is ezaTCi.-^ au! êho^vraç âvsKovTO.
iliad. 4. • ■
lis lavèrent leurs fnains ^ & prirent la mole faUe . Il y avoit une -eau facrëe,
^^^' '** qui étoit particulièrement deftinée à cette cérémonie. Car Thucydide
parle d'une eau , dont il n' étoit pas permis de puifer ^ que pour s'' en laver les
mains , dans les facrifices. Et particulièrement ceux qui avoient trempé
leurs mains dans le fang humain , ne pouvoient approcher des chofes fain-
tes , avant que de s'être lavez. C'efl pourquoi Virgile fait dire à Enée par-
lant à fon père.
z-v!?!?. Tu genitor cape facra manu ^ patriofque pénates^
tJH^e bello ex tanto digrejfum , & aede recsnti^
AttreUare nefas ^ donec meflumine vivo
Ahluero , ,
Lavemens
avant que
facrifier
s Ceux qui dévoient faire les facrifices , non feulement étoient obligez de
facrifier. ^^ ^^ lavcr , mais auffi de s'y préparer, en s'abflcnanc de certaines viandes , ôc
Abftinence fouvcot de vin , par l'cfpacc de plufieurs jours. Ordinairemenf c'étoit dix
^de'cer- jours , ÔC quelqucfois wenlt ■) puri menft-ruo ejie'dicumur , qui facrorum caufa
ti\nts w'ua.- toto menfe in c.eren^oniis fynt , ideft, puri funt certis rébus carendo^ dit Fef-
tg" «^ica- j.^^^ £^ quelques-uns veulent que le mot de cérémonie .vienne de là , «i
carendo;
ET DES CULTES DE TEGLISE. ParLlY.îoi
carendo. Pour être admis aux mylleres d'Ifis, il s'y faloit préparer par
une abftinence de vin, de chair, ÔC de viandes délicates, durant dix jours.
Il/fid plane cun^is arbitris prxciptt decem contmms iltis diehus cibariam volHpt^- apu!. Me-
tem coercerem, neque ullptm animal epm ç^ invinim ejjem. Ils s'abftenoient ^^«lo^phofc.
aufîi des femmes. ^'''* "'
Vos qmque ahejje jt^heo , difcedito ah arts Tibulfc
Cm tulit hefierna gaudia no6le Venus, O" s'abfte-
Cafiaplacmfipms^c. î«femS„.
Jlie petit veniam , qmties non ab'fiinet uxor TuvenaL
■Concfibim [acris obfervmdifqm diebtis. sat. 6,
Et cela s'apelloit dans la langue des Latins vivere in cafio^ àyveveahxi , dans
celle des Grecs.
Avant que de commencer les cérémonies du facrifice , on faifoit l'ex- l'cxcom^
communication, c'cfl-à-dire, que l'on chafîbit les profanes , 6c ceux qui '"'^"i^^io"
étoient dans quelque état, ou dans quelque coulpe , ou d'un fexe, qui faSfîce!' ^*
les rcndoit incapables d'affifter au fervice du Dieu , ou de la DéefTe à la-
quelle on alloit facrifier. Feftus dit qu'il y avoit de certains facrifices , oii
rhuiffier crioit à haute voix, Uoflis^ vin^m^mulier^virgo ^exefto^ que tout Qi-îcft.Rom,
ennemi, tout captif, toute femme, 6c toute fille, forte. î-
Plutarque ilous apprend qu'il y avoit à Rome un Temple de Diane , ' ^^
où les femmes n'entroient point , 6c un autre de la Déeflè Leucothea , oii
l'on ne laifîbit point entrer de fervantes. Que les femmes ne goûtoient
point de ce qui venoit de deiTus le grand Autel d'Hercule. Enfin cha-
cun fait que le héraut crioit avant la cérémonie , procul efls prof mi.
ProcHl ô procul efie profam, * Virg.^nêid,
vates, toîoque abjijiite lnca, '6.
Et l'on ne doit pas douter que les Chrétiens des premiers fîecles, n'euf- DePufage
fent pris de là leur coutume de faire fortir les Pénitens , les Catechume- ^es prie-
nes, 6c les Energumeoes , quand ils vouloient célébrer le myftere de l'Eu- fhcrifîccs/*
chariftie. • . ^îïsKnc
Quand Texcommunication étoit faite , il femble que l'on pourfuivoit de myfteàis
par une prière adreffée à la divinité, que l'on fevouloit rendre favorable. -^•
Au moins c'eil ainfî qu'Homère nous décrit les cérémonies du facrifice ,
qu'Agamemnon fit faire par Chryfes , pour appaifer Apollon. Exauce nja i. vi^jg
moi ^ Apollon .f qui portes un arc d'argent ^o. On voit la même cérémonie ^^P"-
obfervée dans le troifiéme livre de la même Iliade, 6c prefquepar tout,
oii ce Poète fait l'Hilloire de quelque facrifice.
: Il y avoit une cérémonie importante , 6ç confiderable , dans les facrifi- on ne met-
ces des Juifs j que je ne trouve point dans ceux àt^ Payens. C'elt qu'en- n°fm fur^î
tre les Juifs avant qu'on égorgeât la viélime , celui qui la préfentoit met- tête de u
toit fa main fur la tête de l'animal, ^ confeflbit fes péchez , en difant, mSs'fut
fai péché ^' f ai fait méchamment , je me fuis rebellé , j'ai commis tels & tels l' Autel.
srimes y mais je reviens par la repentmce y & f offre ce-fte bête pour expiation.
Part, IV, liiii ~ Par
8o2 H 1 ST O L,R E DES DO GM E S
Par cette aélion la tête de la viftime demeuroit chargée des péchez de ce-
lui, pour qui l'on facrifioit. Je nevoi pas, dis-je , que Ton fît la même
choie entre les Payens. 11 eft vrai qu'Alexander ab Alexandre nous dit
que le Prêtre, avant que de iâcrifier, fe confelToit coupable , témoignoit
Biei.Genia. iîi repentance, & demandoit pardon. Quin etiam obfervatum invenimus-,
iib.4.cap.5 7. f^^ ^j,fi Y^y^ àïvlnAm faUnrus erat , ad fuam levandam culpam , fe imprimis
renm âicere cUbeat , er nox& pœn'itere , & fats-ri admijfnm , VHltumcjHe fummït'
tere ^ & ad omnem modeïi'mm fngere. Mais il ne marque pas que cette con-^
feiîion fe fît par celui , pour qui on égorgeoit la vi6lime.
Nous avons rapporté une coutume des Egyptiens , tirée d'Hérodote , .
qui me paroît avoir bien plus de rapport avec, la cérémonie des Juifs.
G'eft que de toute viâime la tête étoit exécrable , non feulement ils ne
la mettoient pas fur l'Autel, ils ne vouloientpas même la manger. Après
l'avoir coupée, ou ils la vendoient à des étrangers, ou Jls la jettoient dans
la mer. Il me femble que cela pouvoit venir de ce qu'ils regardoient k
tête de la viélime , comme, chargée des péchez de la nation , ce qui don-
ne lieu de croire qu'ils faifoient quelque confeffion fur cette tête, ou tout
au moins, ils croy oient que fans confeflion. ,, tous les péchez du peuple^
décendoient fur cette tête,
jofeph Jofeph Acofta, dans fon Hifloire naturelle des Indes, dit que les ha-
Âcofta , Hif- 5jt;ans du Pérou fe confeiïbient , avant que de faire leurs facrifices. Mais
îOire natu- , , r m ■ r i y i r
îeiie. Livre que l IncjHci ^ OU L Empereur , ne confejjott Jes péchez, a aucun homme , mais feu-"
j.-xbap.^ 2s. y^e^i ^^ Soleil^ afin que le Soleil les rapportât au grand Dieu Firacocha , d*
11 V avoit '^^'^^ ^^^ ^^^^ pardonnât. Apres fa confejfion V. inqua fs- lavait dans une eaucou^
auiïî confef- rante , en difmt ces paroles ^ f'ai dit mes péchez^, an Soleil^ toi rivière^ re^oi"-
chez avam:^" ^^"^ î & Igs porte a la mer ^ afin qu'ils ne reparoijfent jamais.
Au Ijeu de la cérémonie de mettre fa main fur la tête de laviélimejUs^
avoient celle de mettre la main fur l'Autel , en invoquant la divinité.
MaCI-obe nous l'apprend fort difi:in6leme(nr. Multifariam enim legimut
qmd lit are fol a non poffit oratio , nifi & is^ qui Deos precatur ^ eîiam Aran»mA'^-
nibus appréhendât. Et là-deflus il cite ces vers de Virgile.
le facrifice,
entre les
Péruviens-
iSneid. 4».
Talibus oranîem àiBis ^ arafque tenentem
Audtit Omnipotens, . . ,. ,.
Item,
. j ^ Talibus orabat diUis , art^fque tenebat:
Et encore ailleurs, pour prendre les Dieux à témoins ^
/Eneld. 12.
3.ib, «=,
Tango aras , medios ignés , & numina teïior.
Il rapporte que, félon le fentiment de Varron , lemot^r^ vient d'a^ft;
parce que les Autels avoient des efpeces d'<«»/fi- qu'on empoignoit. Apu-
lée confirme cette coutume. Car en dépeignant Pfyché, qui cherche un
afyle contre les fureurs de Venus , il la fait arriver à un Temple de Ju»
non, de laquelle elle empoigne les Autels. Tune genibm nixa y & manl
bm-
C.7.
ET DES CULTES D'EVE GLISE. Part.lV. 803
eus aram tepentem atnplexa , deterjis ante lachrymis , fie adprecatrtr : tJH'a'rm
fovis germana & conjuga &c. C'étoit quelque chofe de femblable aux cor-
nes de l'Autel des holocauftes, que l'on prenoit quand on cherchoit un
afyle.
Quand les oraifons étoient faites, on prenoit la mole falée, c'étoit, au
rapport d'Eulkthius , Commentateur d'Homerc, fur le troifiéme de'l'I-
liade, de la farine eP orge , mêlée avec du fel ^ dont on fatfoit afperfton fur les
vlUimes confacréts. Cette farine étoit légèrement détrempée d'eau , non
:pas jufques à en compofer une pâte, mais feulement pour donner quelque
liaiion à la farine, & au fel. De cette farine falée on faifoit afperfion fur
la bête , ôc fur tout le corps. Cette cérémonie étoit (î ellèntielle aux
facrificels, qu'on n'en faifoit jamais fans cela. tSHaxime in facris intelli- Lib
gitur falis auBoritas , ejuando nulla conficiuntttr fine mola falfa ^ dit Pline. Il
ell clair que cela ell imité de la Loi de Dieu , qui difoit , toute ablation ^^ la mole
fera faUe de fel . 11 n'eft rien plus connu que cette mole falée, & à pei- Smpofition
ne eft-il parlé de facrifice quelque i^art, qu'il ne foit fait mention de cet- ^ ^°" "^3-
^Sparge molam , & fragili incenàe hitumine virg. Eclog.
.Lauros» ' , «.
■Ipfa mola ^ manihufque piis altaria juxî'A^ .«neid. «?..
ZJnum exuta pedem ^ vinclis in V£sie recin^a
Telîatur &c. ' ■
31s l'appelloient aufîî /^//^ /r/^^fx.
famcjue dies infanda aderat , mihifacra parari^ Yîfg.jEneii
Et falfa fruges j ^ circum t empara vitt<z,
Homère , qui efl exaét dans les defcriptions des facrifîces , n'en fait vide ii^d.a
•point, où* il ne marque l'efrufion de cette farine falée. Fcitus dit que le ^ ^'^^i'^-
mot d'immolatio, qui iîgnifie toute l'aélion du facrifice , vient de l'efFu-
fîon de la mole falée , tant cette cérémonie étoit effentielle, puifqa'eile
a donné le nom à tout le facrifice.
Il y a voit de certains Prêtres entre les Romains , qui n'ofoient manier
delà farine, comme étoit leFlamen Dialis. On dit que celui-là. faifoit l'af-
perfion avec du fel , & <ie l'orge en grain , qui n'étoit point moulue. Ce-
la ne laifToit pas de s'appeller mola à molendo , la mbulu'è falée.
Ovide dit que cette cérémonie avoit une vertu particulière , pour rea-
jdre les Dieux favorables aux hommes.
^nte Deos homini quod conciliare valerët 'Paftot. \.
Far erat ^ & puri lucida mica falis ,
Parce que c'étoit le facrifice que les Anciens offroient aux Dieux, avant
gue l'on eût l'ufage de leur immoler des vi6times.
Après que la mole falée avoit été répandue fur la vidirae vivante , oxa
liiii 2i iai-
go4 H I S T O I R E D E S D O G M E S
faifoit auffi une effufion de vin fur le front de la même bêce , entre les
deux cornes,
o/id.i-îc- Admoti quotïei 1 emplis âum vota facerdos
'^"^' 7- Concipit , & fundit purum inter cornu a vinum,
jEaeid. ^. QuattHOY hîc pùmum nigrmtei terga jnvencos,,.
Confiitfiit^ fronts jue infpergitvina facerdos.
On faifoit ]7^ aillcurs le même Poëtc dit,
aaffi des li-
bations de
vin fur I4
viftime,
Ipfa tenens dextra pâteram pulcherrima Did&^
MazU. ^. CandentisvaccA média inter corntiaffindit.
Sur quoiServius obferve, que l'on penclioit la coupe pour faire cette e^
fufion, en tenant toujours la paume de la main vers le ciel, quand on fa--
crifioit aux Dieux Celefles. Mais qu'on renverfok abfolument ôcla tafle^
& la main , quand on-facrifioit aux Dieux des enfers.
Cérémonie Quand le viu avoit été verfé fur la tête de la vidime, oiilui arrachoit
du potrâe du poil du front,, 6c on le jettoit dans le feu.
la victime,
pour le biû- , , . -
ier.> Et fummas carpens média mter cornua fetass
^•c&xi, 6, Ignibus imp.onit y facra libamina prima^
C'étoit la coiitumc des Grecs , auffi bien que des Romains j car Hômc-^
re, dans le troifiéme de l'Iliade , décrivant un facrifice, dit, Atrides tit-
rant le couteai4^ qu'il avoit toujours pendu au fourreau de fon épe'e ^ arracha des
poils de dejfus la tête des agneaux. Er dans un autre lieu , il dit, queNeftor,
ajant commence' par la. prière , arracha du poil de la tête de la viUime. , d^ le.
jet ta dans le feu,
U vifôme Enfin l'on venoit à, égorger la viélime. Il faloit qu'elle fût debout en,
2|oîgéf'dl- recevant le coup.
bout. .
virg.iEaeid. -^^ flatuAm ante aras aurata fronte juvencum, ,
i--
îckm Gtcsr Et'duElm cornu jlahit facer hircuj ad^aram. .
Les viétimaires , à qui appartenoit la charge d'égorger , attendoient îe
lignai , & n'ofoient frapper , qu'ils n'en reçuflènt l'ordre. C'eft pourquoi
ils difoient , en regardant celui qui préfidoit fur le facrifice, agon , ou ,.
Ayuncer- agone ? pour agamne? fraperai-je ? Gvide, en parlant d'une fête appellée
que îr vie- ^^^'^'^^^^ 5 foupçonne qu'elle a pris fon nom de Vagon des viâimai^
timaire at- rCS.
îen^Qit. .
ET DES CULTES DE L'EGLISE. PartlY.lof
Nominis efe potefi piccinBus cAufa itSHinifier , Faft. j^
Hofiia cœlitihus ^uo feriente cadit,
^Ht calido jlri^ios tinclarHS fangnine cultros
Serrer agatne rogat ^ nec niji JHJfm agit,
C^uaiid on facrifîoit aux Dieux du ciel, on rebrouflbit la tête de la vidi-
me fur le dos , aiîn qu'elle regardât le ciel , pendant qu'on l'égorgeoit.
Mais fi le facrifice étoit pour les Dieux des enfers, on lui baifîbit la tête
vers k terre, comme le rapporte le Scholiafle d'Apollonius, fur le pre-
mier des Argonautica , ôc Euflache , Commentateur d'Homère , fur le
premier de l'Iliade, en ces mots. Quand ils facnfioient aux Dieux Celefies\^. '
ils tir oient le cou de la bête en arrière ^ afin quelle regardât les deux. Et So'
fhoclefemhle établir c^la.^ quanà,il àit^ il l' égorgea en le tirant en haut . Mais,
quand tlsfacrifiolentaux-Heros^ ùu à quelques morts que ce fut , on tour mit la,
tête de la vi5iirKe en bas-y pour Pe'gorger.
» Nous en fommes préfentement à l'effufjon 6c à l'afperjfîon du fang. C'é-
toit une grande affaire entre les Juifs , 6c l'on peut dire que l'efïufion &
l'afperfîon du fang, étoit k principale partie du facrifice. C'étoit la céré-
monie la plus propitiatoire,, le fang fera, propitiation pour Pâme , dit le Le-
giflareur.. G'eft pourquoi , pendant que l'un des Minillres égorgeoit k
vidime, un autre préfentoit un vailfeau , dans lequel on recueilloit foi-
gneufement le fang , , pour en fuite en faire afperfion fur l'Autel , ôc fur les
chofes qu'on vouloir purifier.
Je ne. voi pas que les Payens, dans la plupart de leurs facriiîces, iifTent Nataiis Co»
une fort grande confideration du fang des vidimes. Il y a même des Au- Soijubii
teurs qui prétendent que quand on facrifîoit aux Dieux Celefles , l'on n'a- cap- lo-
voit aucun égard au fang, on le laifîbit couler à terre fans cérémonie, on ^'«^ufion
ne le recueilloit point ,- on n'en faifoit pas d'afperfîon. En effet dans la l'afpeifiô?
plupart des defcriptions de facrifîces , que \ts Auteurs Grecs ôc Latins, ^^ fefairou
tant Poètes qu'Hiftoriens, nous ont laiffées,on ne trouve point qu'il y foit fou'siesVa-^
parlé du fang, ni d'aucune afperfion du fang. Outre celles que nous avons "ifiees,
tirées d'Hérodote, & d'Homère, en voici encore deux. La première ell
tirée du 7, Livre des Antiquitez Romaines de Denys d'Halicarnafîe.
5, Quand k pompe étoit paflee, les Confuls immoloient incontinent \ç.s
5, bœufs, avec les Sacrificateurs, ôc avec ceux qui étoient Gonfacrezau
5, Minifiere des Autels. Et cela fe fait avec les mêmes cérémonies ,
5, qu'entre nous, Gar premièrement ils lavent leurs mains , 6c purifient
5, la viétime avec une afperfion d'eaux luftrales. Ils répandent fur fa tête
5, k mole falée, ils font une prière , puis ils ordonnent aux viétimaires
„ d'égorger la viétime. Pendant cela quelques-uns de ceux qui étoient
55 préfens , frapoient k viélime encore vivante par les temples , avec de^
5, mafTuës ,. les autres mettoi^nt deffous la bête des féaux , afin qu'el-
„ le tombât delTus , puis on l'écorchoit , on la coupoit en pièces , 6c l'on
3, prenoit les prémices des inteftins, 6c des autres membres. Oncouyroic
5, ces particules choifies de farine d'orge ,. ou de kmole falée, 6c on i'ap-
,, portoit à ceux qui fervoient à l'Autel. Lefquels allumant le feu met-
55 toient ces particules choifies fur l'Autel, 6c faifoient fur le feu, 6c fur
liiii 5 55 1©
5Î
crifice
55
55
55
55
55
8o6 HISTOIRE DES DOGMES
le Hiciifice une eflFufion de vin.,, Voici une autre defcription d'un fa-
ifice 5 tirée d'Apollonius au 8. de Ces Argonautiques. „ Alors Ancce
frapa d'une hache de cuivre le cou de l'autre bœuf , ôc lui coupa les nerfs.
La bête tomba à terre fur fesdeux cornes. Ses compagnons incontinent
regorgèrent, l'écorcherent, la coupèrent par quartiers, &par pièces,
6c fur tout les cuifles facrées , 6c les ayant couvertes de grailles, ils les
mirent dans le feu s ôc Jafon fit delTus l'afperflon de la mole fa-
lée. 5,
Ni dans l'une, ni dans l'autre de ces defcriptions , il n'eft point parlé
du Gmg, ni de l'afperlion du fang. Cependant il y a d'autres paflagesdes
Anciens, par lefquels il femble qu'on recueilloit le fang des vidimes , 6c
qu'on en faifoit afperfion fur l'Autel. Par exemple Lucien en fe raillant
Lîb. de fa- des facrifices , les dépeint ainfi. Enfmte le Sacrificateur ouvre l'efiomac de
crificiis. i^ viâime , & lui arrachant les entrailles^ comme un Cyclope , il en tire le cœur.
Puis il arrofe du fang le tour de P Autel. Kui to uly^a r^ jSw^at^ 7r6p/%6wv. C'eft
juftement la cérémonie, que les Juifs obfervoient dans leurs facrifices. Ils
faifoient afperfion du fang tout autour.de l'Autel. Il femblc auffi que Vir-
gile fait allufion à cette cérémonie., quand il dit..
iiclog.Y. . . • ' ' îllius (tran^
S&fe tener nofiris ab ovtUbus imbmt agnm,
Euftache fur Homère dit la même chofe , qu'ils appelîoient le vaifleau^
. ' où l'on recevoit le fang , u\'^om à%b rs uiilutoç. Et qu'en fuite on verfoit
le fang deflus l'Autel, heira TrpwTOi/ «//xa ley^o^evoi tw /Swju,» è'i^é%so'\i.
@a faifoit Pour ce qui eft des Dieux Mânes, 6c.de ceux des enfers , la chofe efl
fioTdufang, ^^"^ difficulté. On recevoit le fang de la vidime dans un vaifleau , 6c oa
• en facrifiant en faifoit cfiTufion, ou fur l'Autel, ou dans la mer. Apollonius décrivant
^f naux^ "^ facrifice des Argonautes à Neptune , dit, ayant fatt la prière il
7 or
Lib. 4. Ar-
gonaut.
£Beid. 6.
De l'exeo-
ïiation de
la bête.
la viSlime au dejjus de la mer^ & fit jaillir le fang de dejfus la poupe. Et Virgi
le , dans la defcription d'« facrifice , que fit JEnée aux Dieux infernaux.,
pour décendre dans les enfers , dit que l'on reçût le fang de la viâimje
dans des coupes , .c'étoit fans doute pour en faire l'efFufion ,
Supponunt alii cultros ^ tepidumque crmrem
Sufcipiunt pateris..
Je trouve fort vrai-femblable que cette afperfion du fang ne fe faifoit point
dans les facrifices , faits aux Dieux Celeftes;. Car je ne fai comment Ho-
mère, fi exa6t dans fes defcriptions ^ -6c les autres Auteurs, auroient ou-
bhé de parler de cette cérémonie fi importante. Ceux qui ont dit que l'on
faifoit afperfion du fang fur l'Autel, avoient vu faire cette cérémonie dans
quelques facrifices , 6c ils ont oublié de aous dire que cela ne fe faifoit
pas dans tous.
Après l'efFufion du fang vient l'excoriation de la bête , 6c la difieélion ,
fur lefquelles 'û n'y a rien de particulier à remarquer. Les Juifs arran-
geoient les parties de la bête fur l'Autel, dans le même ordre , oîj elles
font .dans l'animal vivant. Mais les Payens n'obfervoient rien de fembla-
ble.
ET DES CULTES DE VEGLlSE.PartAV. 807
-ble. Car ils ne mettoient point d'animaux entiers fur les Autels. Ils le
contentoient d'en prendre certaines parties , de les envelopper de graif-
fe, & de les jetterfur l'Autel. Il paroît par les dcfcriptions , qu'Apollo-
nius & Homère font des facrifîces , que la co{itume des Grecs étoit de
confacrer les cuifles à l'Autel , de couper des autres membres des particu-
les, de les envelopper fur les cuifTes avec les membranes gralTes , êc en fuite
de les brûler. Mais les Romains trouvèrent moyen d'épargner, Se de mé- Q."ci>es p«'
nager ces cuiflès , ôc ils fe contentoient de couper de petites parcelles, noïïrAuI
dans les entrailles , 6c fur les chairs , qu'ils enveloppoient de graiffe , ôc '^'•
on les mettoit fur le feu de l'Autel. Cela paroît parla defcription , que
nous avons rapportée de Denys d'Halicarnafle , qui appelle les particu-
les deilinées aux Dieux à7r«p%^/, les prcmices. Et en effet ils fe perfua-
doient que ces prémices étant données à là divinité, toute la mafle étoit
fanélifiée, de forte qu'ils en mangeoient comme d'une viande fainte. Ces
particules étoient apparemment prifes des parties les plus délicates , ôc.
fur tout des filets des reins , c'eft ce que femble fignifier Ovide ^ quand:
iî dit 5,
C£forum^ue hoHmfihris de more crematîs, Mètamorph,-
lib. 13*
ÀVant que de mettre ces particules au feu, otifaifoit deflus une féconde
afperfion de la farine avec le fel, appellée U mole falée. La première fc
faifoit fur la béte, pendant qu'elle étoit vivante , mais la féconde fe fai-
foit fur les parties de la bête, que l'on mettoit fur l'Autel. On peut ob-
ferver cela , fi l'on veut relire les deux dcfcriptions , que nous avons rap-
portées de Denys d'Halicarnafle, & d'Apollonius, oàces deux afperfîons
font très diftinélement marquées.
Quand la chair étoit fur l'Autel y. dans le feu , ils jettoient defius de EffuTion. dé
l'encens, & faifoient ce qu'ils appelloient Itbationes ^ effufions de vin , ^vf^^dV*"
d'huile , & cela aidoit à augmenter le feu ,. & àconfumer la vic-i'^uiie.
timCo
7 hure dato fiammis . vinoque in thura profufo. ovidcMe-
Et cette effufion fe faifoit ordinairement par trois fois, parce que le nom-
bre de trois étoit fort obfervé dans les cérémonies facrées ,
Ter lii^Hido ardentem prfudit neUare flammam, eeùrgîc.4>
Ter Jïammt ad fummum- teUi fubjeUa rehc^i, ^^'<**
Us verfoient aufii de l'huile,
Et folida imponît tamortim vifcerâ flammii^: ^neid. ^
Pingue fupe'rque olcHm fnndens ardent ib-us extis.
En cela les facrifices des Payens étoient differens de ceux de la Loi
de Moïfe,, car les effufions de vin nefe faifoient pas fur la vidime, ni fur
lé-
8o.8 HISTOIRE DES DOGMES
le feu , mais feulement fur le pied de l'Autel , 6c l'on ne faifoit pas d'al^
perfion d'huile. Il elt vrai que la Loi ordonnoit une portion d'huile pour
chaque facrifice, mais c'étoit pour faire les gâteaux du facrifice.
Afpctfions II y avoit des facrifices, dans lefquels, au lieu de vin., on fe fcrvoitdc
fiii^ii""^'^'^^'^» pour les effufions. Entr'autres dans les facrifices de la Déeffe Ru-
avec du îait mina. Plutatquc nous dit que les femmes, qui facrifient à la Déejje Rumina^
,& de l'eau. Yé^anàent dn lait fur leur facrifice ^ Qy ny apportent & n'y boivent pas de vin.
C'elt parce que cette Déelfe Rumina écoit la Déeffe des nourrices , de
%Hma , qui fignifie mamelle. Sur tout les afperfions de lait étoicnt en ufa-
ge dans les facrifices aux Dieux champêtres, les Sylvains,Pan, 6c la Déeffe
Pales. Servius dit qu'il y avoit des fêtes 5 dans lefquelles on faifoit les
afperfions à l'honneur de la Décile Vella , fans vin, avec des- eaux du
■Tdiuvm poï»' fleuve Numicus. Et Suidas allure que les Afmeniens, dans les facrifices
"àat'^ubZu qu'ils faifoient à l'Aurore, à la Lune, au Soleil, àUranie,6cauxJNrym-
Horar. phes, faifoicnt leurs effufions avec de l'eau, où l'on avoit détrempé du
Tibuile ér miel. Il fcmblc même que dans les facrifices, on faifoit des efïufions de
^vto"fPgnê lait, & de miel avec celles du vin, car Silius Italicus dit au ij.desguer^
laaepaim, res Puuiqucs ,
£orpora lanigerum procumhmt leEia hidentum^
• ftindmt mella fuper 'Bacchique & laStis honoremi
Encens au- £jj même tcms , afin de rendre îa fumée du facrifice de bonne odeur, on
connu aux' jcttoit fur Ic fcu abondancc d'aromates, outre l'encens. Autrefois avant
anciens Pa - _ . -^ . „ . . .
yens de
que l'Orient fût connu aux nations Occidentales , elles fe contentoient de
i'occidenr. brûler ce qu'il y avoit de plus odoriférant, dans leur climat
^Ovid.Fafl:, i, Thura nec Euphrates , n^c miferat India cofium 5
Nec fuerant nohis cognitafila croci.
^y^ra dabat fumos herbis contenta fabinis ,
Et non exïguo laurus adujia fono.
De la ver- La vcrvenc étoit une herbe facrée entre toutes les autres. On en ccwi-
k fab'iiS/^ ronnoit Jes Autels, les vidiraes, 6c les Sacrificateurs, 6c on la faifoit mê-
heibesfa- mc fumcr dans le facrifice.
crées,
ïropertitis.
îlinelib.aj Flore facella tego , ver béni s compita v^eU'y
S'il» Et crepat ad veteres herba fabinafocos. ^
Pline dit que cette herbe fabine étoît fèmblable de feuillage au tJtma-
ris, 6c au cyprez, qu'on s'en fervoit au lieu d'encens , dans les facrifices.
On la cueilloit avec la main droite fans fer , on faifoit un facrifice avant
que de la cueillir ; celui qui la cueilloit étoit vêtu de blanc, 6c devoit être
nus pieds, mais les pieds lavez.
Divers bois Oi'i obfervoit même de confumer le facrifice , dans dts bois de bonne
j'rûiezfur odeur, comme font le laurier, l'olivier, 6c le myrthe. Il n'étoit pas
félonies ' permis de mettre toute forte de bois fur les Autels. Chaque Dieu avoic
DicHx, une efpece de bois , qui lui étoit confacré , 6c on s'en fervoit dans les fa-
crifices
ET DES CULTES DE L'EGLISE. TartTV. 809
crifices. Le myrthe pour V'enus, le chénc pour Jupiter, le fi eue pour i" ''Mo Je
Mars, le peuplier blanc pour Hercule, ou le cormier. Cela varioltmé-^*"''^"'^ "'*
;me fclon les païs. Les Sicyoniens ne brûloient que du genièvre , dans
leurs facrifices. Dans le Temple de Delphes , Plutarque nous apprend
qu'on n'entretenoit le feu facré , & immortel , que du bois de laurier.
Qiiand on avoit donné aux Dieux ce qui leur appartenoic, alors on Des feftîni
préparoit les viandes pour le repas , on en rôtifToit , on en faifoit bouil- ^^j^^^ ^'^/^;
îir, l'on fe mettoit à table. Mais je ne m'arrêterai point à. rapporter les ceremôniei
cérémonies de cqs repas. Car il y en avoit un trés-erand nombre, onvl^'T *^"
chantoit, on y danloit, on y jouoit desinltrumens de Muiique, iurtout bre.
de la flûte , Se de la trompette, on y faifoit de nouvelles effulions de vin
à l'honneur des Dieux, on y chantoit des hymnes, on brûloit les langues
des vidimes à l'honneur de Mercure, parce qu'il étoit le Dieu de l'élo-
quçnce, on fe lavoir plufieurs fois. Mais je ne veux point m'étendrefur
toutes ces cérémonies. Ceux qui liront Homère, Apollonius dans fes
Argonautiques , les Poètes , & les Hiftoriens Grecs &; Latins , pourront
remarquer tout cela. Apres que le facrifice , ôc le feftin étoîent ache-
vez , on congedioit l'aflemblée.
Apulée, dans la defcriptipn d'une pompe d'Ifis, dit que quand la ce- Meramoiph,
remonie fut achevée, l'un des Sacriiîcateurs qu'on appelle Scribe, Çramma- "•
teus^ monta fur une chaire, fit des vœux pour la profperité de l'Empe- de°ces"a?"
reur, du Sénat, des Chevaliers, 6c de tout le peuple Romain, 6c qu'enfin Semblées
ri congédia l'aflemblée par ces paroles "Kciolç ^(^sciç , envoi & congé pour la on*ks co«°
pHples. C'eli ce quel'Eglife Latine a imité, 6c d'où elle a tiré fon ite ge^ioit.
mijfa efl. Le Héraut difoit aufii ilicet^xnoz, par lequel on fignifioit qu'il
étoit tems de fe retirer, ire licet^ 6c l'on s'en fervoit dans les aflemblées
de Juftice, 6c dans les funérailles, aufiî bien que dans les facrifices ,pour
congédier les affiilans. C'eft ce que j'avois à dire de la Religion des Pa-
jeiis.
F I N.
Fm.m, Kkkkk TA^LE
X jLjl À-} Â~/ X-jj
DES
T I E R E S
A
ÂB E » N E G o. Signification de ce nom > $ 5 ^
Abel. LesPayensen ontfait^eur Atys,^z5
jdhelliû. Quelle divinité c'étoitj 591^
Abîmslech. Koi de Guerar n'étoit pas idolâtre,
^5 . . .
uihimelech. Signification de ce nom , 595
Ah'aham. Depuis Adam jufqu'à Abraham il n'y
a eu que deux hommes, 5
tAhraham. Pourquoi il donna la dîme de toutd
Mekhifedcc, 117. liavoitKeturapourfem-
me dés la vie même de Sara, kîo. Sur quelle
Montagne il voulut facrifier fon fils , zo6.
Comment les Juifs interprètent ce que Moï(e
dit , qu'Abram fortit d'JJr des ChaldéenSj407.
481. 481. 720
Ahr{tham. SonHiftoiredéguifée, 590
Abfçdom. S'il étoit Nazarien, 3 8(î
Ab'^denus. Notable Fragment de cet Auteur tou-
chant Noé, &i'Hilt"oire du déluge, 589
Accaron. Dieu d'Aecaron , quelle divinité c'é-
toit, (Î27, 61%. ^35
Acheron. Véritable origine du nom d'Acheron ,
^35. Pluton a traîné par tout avec lui le nom
d'Acheron, 636. Fauiles étymologies de ce
nom, iUà.
'Adam. QLielie étoit la fcience d'Adam , 3. De-
puis Adam jufqu'à Abraham il n'y a eu que
deux hommes, 3. 11 étoit Prophète, 24, Tra-
ditions & fables fur le lieu delà fepulture d'A-
dam ^ 9>4.9 5. En quel lieu il fut créé, 94. 9^.
Dieu ne lui donna qu'un feul commandement
pofitif, 108
Adam. Cequelesjuifsdifent fur la création du
premier homme , 15a. Ce qu'en dit Platpn,
153. 154. Platon décrit la chute du premier
homme par une Fable, 154
Adam. Il efl caché, fous Saturne ou Moioch. $ Si
Adanti Si Adam a été le premier homme , Vo'je%> :
Pre-Adamites.
Adonis. Explication de fon Hiftoire fabuleufe ,
^82.1^87.^88. C'efiThammus, 68z. Def-
cription de la fête qu'on cclebroit à fon hon-
neur , îbid. 684. C'efl la même que celle .
d'Olîris perdu & retrouvé , ibid. C'eft Ofî-
ris, <î8 5. C'eft le Soleil, ^21. ^8^
Adorare. Etymologie de ce mot, 6oz
Adoration. D'où elt venue lacoûtunie d'adorer-
du coté de l'Orient, 716.717-
Adrammelech. Quelle divinité c'étoit, 5^9. ^$g_
zAdullen. Peines contre les adultères, 139..
Quelle peine écheoit aux hommes mariez qui-
fe corrompoient avec des filles, 139.,
Afrique. Pourquoi appellée Ammonis , 613-.
6i/\. & Olympienne, 614. Divers noms
qu'elle a portez, zï"//^.
Aglibelids. Qiielle divinité c'étoit, 59^.^0^.
Agonalia. D'où cette fête a pris fon nom, 804,
^graulus. On lui facrifioit des hommes, 793
Aigle, De quelle manier£j^l éprouve fes petits,
66^. Cet oifeau étoit le fyrabole des Rois
Chaldéens, 66^. Il étoit adoré des Egyp-
tiens, 6(^4. 66 <^ ■
Aigles Romaines. Defignées par Mahuzzim; 7060 ..
Honneurs qu'on leur rendoit, 707
Ainez. Quatre privilèges attribuez aux aînés,
avant Mo'ife, 5^. Ce que c'étoit que labé-
nédidion de l'aîné dans ks familles àes Pa-
triarches, 57. Les aînez des familles des Pa-
triarches enétoient les Sacrificateurs nez, <^6.
57. S'ils avoient feulsleidroit de Sacrificatu-
re, 57. 58. D'où eft venue la coutume de
fandifier tous les aînez à Dieu, ^8. Dieu mie
les Lévites à leur place, 58. En quel fens
les aînez avoient le droit de la Sacnficaturc,
. 59-
DES MA
P Ç9. Les aînez avoientledroitdeSacrificatu-
re cOmme par excellence, mais fans ruiner le
droit des autres, 6"!
Alagflb-filHs. Quelle divinité c'écoit, 597
Alilat. Quelle divinité c'cit, 6ÏÏ0
yllhia. Quelle divinité c'eft , 6^80
Allemans. Ils n'avoient pas de Temples, zoi.
De quelle manière ils répréfentoient leurs
DieKX, 479. 480
Amanus. Quelle divinité c'étoit, 719
Amende, Des amendes pécuniaires fous la Loi,
-388 ^
■Ammn. PourqBpi fa foeur lui dit qu'il pourroit
l'époufer, 14^
Amojis, Roi d'Egypte, pourquoi ainfî appelle,
520
Amour. Origine de l'amour félon Platon, 154
Amphitrîte. Quelle divinité c'étoit, ^48
Anaitis, Quelle divinité c'étoit, 704. 719
^«^;»»e/ec^. Quelle divinité c'étoit, 6^3.^58
Ane. II étoit en abomination entre les Egyp-
tiens, 555. ^57. Les Veflales couronnoient
cet animal , pourquoi , 559. On le facri-
fioit à Priape , /^/^. ^57. Placé entre les étoi-
les, 6^57. on le facritioit à Mars, & à quel-
ques autres divinitez , ^59. 79^. Aucune
nation ne Pa adoré , ihid. On a accufé \t$
Juifs d'avoir adoré Pane , 747. Et lès
Clifétiens , îbîd. Origiiie de cette calomnie ,
îbïd.
-congés. Ils ont été créez avant le commencement
du monde fenfible^ 435
^^mnttux, La diflinftion des animaux nets &
non nets eft plus ancienne que le déluge, 98.
99. Si l'ufage de la chair des animaux étoit per-
mis avant le déluge, 99. Si on en mangeoir,
173. 174. D'où venoit la difiindion des ani-
maux nets & non nets , •^9. Pourquoi Dieu
déclare certainsanimauximpurs, 99
.^nnêe de reldchc. Voyez.ïé'ichQ.
^^nnées. Les années félon Moïfe étoieilt de dou-
ze mois, jSz
zAnnihal, Signification de ce nom , 59^
t^nnîhd. Réponfe qu'il fit à Prufias , Tj r
■Annoche. Impuretez qui fe commettoient dans
un fameux bocage dans le fauxbourg de cet-
te ville, ' ' 755
Antîochm Epi(>hiines ,. n'étoit point Athée,, ou
impie, comme on le fuppcfe, 70^
Anubis, Sous quelle forme il étoit adoré en Egyp-
te, 6-^)6. C'étoicMerciwe, félon Plutarque,
ibid. Quelles bêtes on lui facrifioit, 798
-Aphacus. Situation de cette ville, 68,3
ApS' Le bœuf Apis , adoré par les Egyptiens ,
.50.9. Où il faifoit fa demeure, li^ii^. 5Z(î Ce
qu'é,Loit le bœuf Apis félon Poniponius Mêla ,
ibid. félon Pline , 510. de quelle maniereil
rendoit fesréponfes, 510 511. Defcriptiou
de la manière dont le bœui Apis devoit être
T I E R E S.
fait, ibid. çii. Cérémonies qu'oaobfervoic
à fa mort, 510, 511. èc quand on en avoit
trouvé un autre, 510. 511. 513. SafepuJtu-
re, 5ii. D'où pouvoient venir ces marques
extraordinaires qui fe trouvoientdans le bœuf
Apis, 512,. Quand la Religion d'Apis ce/Ta ,
Ç13, Adoration rendue au bœufApis, 513.
Il eft tué & mangé par un Roi de Pcrfe , 508 .
513. On adoroit aulTi fon fimulacre, 514.
Ce bœuf étoit difficile à trouver, 513. 514
Apis. Fable desGrccs touchant Apis & Epaphus,
519. En quel tems a vécu le Roi Apis, 519.
Apis n'e'toit pas confacré au Dieu Serapis,
520.522. IlyaeudeuxRois Apis, 520. Si le
bœuf Apis elt Jofeph , 520. 521. Le bœuf
Apis étoitcoufacréà Ifis, 52^. 529. Dans le
bœuf Apis on trouve tous les carafteres de ta
nature uni ver felle, ^30. Ce que fignifie le
nom d'Apis, 530. C'eft Noé, 534
Apollon. ExpUcation de fes aventures, 414, Mots
gravez fur le frontifpice du Temple d'Apol-
ion Delphien , 527. Appelle tueur de rats,'
6z$. De quels arbres étoient compofez fes
.bocages, 754. Impuretez qui fe commettoient
dans celui qu'il avoit àAntioche, 755
Apôtres. Ils ne préchoient ordinairement que
dans les Synagogues , /^6. Pourquoi ils trou-
vèrent tant de facilité à faire de nombreufes
converfîons, 47. Pourquoi ils affcmblerenc
un Concile à Jerufalem, 48 Leur décret con-
tenoit les préceptes des Noachides , 44, 49^;
Addition notable dans ce décret , félon plu-
lîeurs anciens exemplaires , 49 Pourquoi ils
yontomis deux préceptes desNoachides,49o
50. Pourquoi ils aftreignent leurs Profelytes
à l'obfervation d'un commandement purement
ceremoniel, 50. Pourquoi ils joignent la dé-
fenfe de manger du fang avec ladéftnfe delà
paillardife, 50
A^a. Etymologiedecemot , S02
. /^r<a!^e5. Quoi que décen.ius d'Abraham, ils ont
toujours porté un caraâere de ma'edifti'on ^
77. Ils adoroient une pierre, 48^, LeurcuU
te pour Vertus, 726"
^rc-en-cîèl. Cen'étoitpas Un Sacrement, 125
A^rche d'Alliance. Defcription du corps de l'Ar-
che, 229. Ç5'/«/i'. De fon Propitiatoire, 2 30.'
2 3.5, D„e fes Chérubins, 231. 232. 233. 234,
Pourquoi cette Arche étoit fi vénérée, 134.
2 3 5.Diversnomsqu'elleavoit,235, Pourquoi
on ne fit pas d'Arche dans le fécond Temple,
Z35, 2,39. Pourquoi Dieu rendoit fes Ora-
cles .du milieu de cette Arche, ibid. Dans
l'Arche il, n'y avoit que les deux Tables de la
Loi î ^^è- S'il y avoit deux Arches , 237,
Elle fe portoit fur les épaules, 238
tA'-etfa. Ce que c'étoit, Ê59
Aries. Etymojogie decenom , 797
^Arimanius. Quelle divinité c'étoit ^ 72?.
AnfWJÎe. Signification de ce nom, . 6^$
arméniens. Comment on appelle le Chef de leur
Religion, i??
Arnobe. l^aflage d'Arnobe , où il combat l'ubi-
quité d'un corps & la préfence réelle , 49i'
Ans. Ils font plus anciens que le Déluge, 715
AJaph,' h. cosnpofc divers Pfeaumes, 294
Afdrubaî. Signification de ce nom , 59^
Asherah. Cequec'étoitjôiJj. ^fuh. Etymo-
logie de ce nom, 671
Asherot. Ce que c'étoit , 66^. ^ Juîv. Ecy-
mologie dece nom, 67 z, C'eft Diane , 67 j
Ashlma. Qiieile divinité c'étoit , 655. ^54.
^55 Notable conjedure fur cette divimté,
655. ^56^
Afmodée. C'étoit le Prince des Diables, 630
AjJ'sinblées. Dinsqueh lieux fe faiioient les pre-
«li^reidllemb ce des iiomincf pour le fervice
divin. lio 11 n'y avoit point d'aflemblces
publiques avant .Vloife, no. lii. Quand s'eft
établie la coûumc du s'airembler le jour du
Sabbat^ izz. Des airembiees qui le taifoient
auprès des Prophètes, izz. 12.5
Ajfiierus, dontilefl parlé dans l'Hiftoire Sainte,
quel Roi c'étoit, . H^
Aji^roth. Sous quelle figure étoit repréfentée cet-
te divinité ,457. Elleell prefque toûjoursin-
féparablc de Bahal , 666. divers noms qu'on
lui a donnez, 667. 66%. 66<j. C'étoit une
DéefTe, & non pas un Dieu , 66y. C'eft la
même qu'Aftarté, 667.66'i Pourquoi ainfi
nommée , 66^. 669. 671. C'eft la Lune,
67 z. 67-^
Ajlurté. Elle n'eft pas Derceto , ^75 , Ni la Ve-
nus Syrienne , ni la D'elïc Syrienne de Lu-
cien , (Î74. Quel nom elle a porté dans l'Oc-
cident, (Î75. C'eft la Junon des Grecs & des
Romains ,^75. ï^ fulv. & la Baaltis des Phé-
niciens, <j78. Ellecftappcllce Uranie, pour-
qaoi, 680. Quelle femme étoit cachée fous
ce nom , ^Si
Afiarté. Quelle divinîté c'étoit, 667. 66%. ^
fulv. Origine de ce nom, félon les Grecs, 67 1 .
Véritable origine de ce nom, 67Z. C'eft la
Lune , ibîd. 67^
Afiereth. Voyet Aftaroth.
Afioreth. Voyez. Aftaroth.
Aflres. Les Aftres ont été les premiers faux
Dieux, 405. Sentiment de quelques Philo-
fophes que les Aftres font animez, ^06
Aftres. Repréfentez par des ferpcns , pourquoi ,
41 ^. Par quels degrez on eft venu à donner
une figure humaine à des Aftres ,483. Aftres
qui préfident à la naiflance des hommes, ^98.
Erreur de quelques Anciens , que les Aftres
ent été donnez aux Payens pour être leurs
Dieux, 711. & qu'ils étoient animez, 7x4
Atargiita. Quelle divinité c'étoit , 6'47
Jtter^Aîh. Quelle divimté c'étoit , ^47, Elle
BLE
n'eft pas la Déefle Syrienne, €7^
Athéniens. Quel étoit le Dieu inconnu des Athé-
niens, ^ 538
Alîs. Aimé par la Déefle 'T^ybele, malheur qui
lui arrive à caufe de cela, 411. SonHiftoiie
fabuleufe, 6zi. expliquée, ^15. C'eftAbel,
îbid.
Augure. D'où \qs Anciens tiroient les augures,
790 791
. Augufte. Son fouper des douze Dieux, 421
Autel. Antiquité des Autels, loo. izq. Ilsfer-
voient d'azyle, 801. 805
Autel des Holocauftes. Defcrrptron de celui qui
étoit dans le Tabernacle, 245. de celui qui
étoit dans le Temple de Salomon , îbid. de
celui qui étoit dans le Temple d'Herode ,
24^. Pourquoi il devoir être fur le partage
deBenjarain,' 241s'. Commentil étoit unazy-
le, 247. Il y avoit ordinairement trois feux».
320. 32 r. Comment le Sacrificateur nettoyoic
cet Autel , îbid.
Autel des Parfums. Sa defcriptron , 24^
A^uel. Dqs Autels du Paganifme, de leur ma-
tière, & de leur ufage ,763. Où ils fe pla-
coient , ibid. de quoi on les faifoit , ibîd^
Lt$ Payens avoient aufTi des Autels pour les
parfums , 76^4. 11 n'y avoit point d'Autel fans-
fimulacre parmi les Payens, 538. Divers bois
brûlez fur les Autels félon les Dieux , SoS'
Aaltis. Quelle divinité c'étoit, ^^7,
C'eft la même qu'Aftarté, 678
Babyloniens. AftVeufes impuretez qu'ils commet-
toient dans le Temple de Venus, 6$i. Cé-
rémonies qu'ils obfervoient quand ils cou-
choient avec leurs femmes, 6^x
Bdcchus. Conformité de fon âne avec l'Hiftoi-
redeBalaam, 559. ^^o. Bacchus& Priape
font la même divinité, 560. C'eft Noé ,
ibîd. On a accufé les Juifs de Pavoir adoré,
pourquoi , 748. ^ fuiv. On lui facrifioit
des hommes, 793. Quelles bêtes on lui fa-
crifioit , 797. Chofes qu'il a inventées ,
799
Bahal Quelle partie du monde on adoroit fous
ce nom , 412. 414. Quel homme c'a été,
444. C'eft Jupiter, 457. 603. 605
Bahal. C'étoit un nom commun à toutes les Ido-
les , 5(î5. ^03. 616
Bahal. Textes de l'Ecriture où il eft parlé de
Bahal, 592. ^ fuiv Ce que fignifient les
Bahals ou Bahalins, 594. Les Septante par-
lent quelquefois de Bahal comme d'une Déef-
fe, $94. pourquoi, ^^7
Bahal. Signification & origine de ce nom, 59^.
Par quels peuples ce Dieu ctoiî adoré , ihid^
C'eft
DES MATIÈRES.
C'efi le même que le Bel des Babyloniens,
ilrid. que le Balis des Carthaginois , ^9^.
Que le Belenus des Gaulois , ibid. Le nom
de Bahat vient de l'Orient, & s'eil répandu
en divers lieux de l'Occident, ibid.
Bahal. Il eft d'un fexe ambigu. Dieu &: Déefle ,
597. Du fervice qu'on lui rendoit, 599. ^5*
fuiv. Le Bahal des Phéniciens n'eli pas le
Mars des Occidentaux, 602,
Bahal, Le Dieu naturel caché fous le nom de Ba-
hal efl le Soleil , 60S. C'efl l'Hercule Ty-
rien, 607
JBahaî, Le Bahal des Phéniciens , c'efl Cham
leur grand Patriarche , 6iz
Bnhal Berîth. Conjedure que c'étoit le Jupiter
Fœderalis des Latins, 616, Autre conjefture
que lé nom de Bahal-Berith vient de la ville
deBerith, 61%. C'étoit une Décffe , ^19.
Quelle étoit cette divinité , 6zo, ÎS" fwv.
C'eil la Terre, 6zi. &laCybele des Grecs,
ézi. C'eft Eve, 625
^a'^^al-Pekor. Textes où il eft parlé de Bahat-
Pehor, 549. ij (aîv. appelle aufTiBeel-Phe-
gor , 5 50. Quel Dieu c'étoit , ibîd. Pour-
quoi appelle Phegor , ibld. 551. C'eft le
Priape des Grecs & des Romains , 551. C5'
fuîv. Cette divinité étoit principalement fer-
vie par les femmes , 552. Ce Dieu pouvoit
être Lot, Patriarche des Moabites , 555. Il
eft plus apparent que c'eft Noé , ibld. 559.
5^0. Bahal- Pehor eft le Soleil , <^6o. 11 eft
aulfi appelle Kemos , $5l. En quel lieu il
rendoit (q% oracles, 5.^i
Bahd-Tfephon, Qtielle divinité c'étoit , ^15.
709
Bahal- Zebach. Quelle divinité c'étoit, ézy
Bahal Zebub. C'eft le même que Beel Zebub,
6z6. Que iïgnihe cenom, ^i?* F^^^eA^Beel-
Zebub.
JBahal-Zebul. Foye^ Beel-Zebul.
Baifer. On baifoit les Idoles, ou la main à l'hon-
neur de l'Idole , <^^6. Coutume de baifer la
main pour adorer les Idoles, ^01
Balaam. Il n'étoit pas un faux Prophète, mais
un très méchant homme , 53. Marques in-,
dubjtabies que Balaam prophecifoit au nom
dru vrai Dieu, & n'adoroit que le vrai Dieu,
54. Pourquoi Dieu lui ayant permis d'aller
trouver le Roi de Moab s'y oppofa enfuite,
54. Dieu parle à Balaam face à face comme
avecMoïfe, 35. Jamais l'efprit de Prophétie
fl'a dit de plus belles chofes que par la bou-
che de Balaam , 51Î. Sa Prophétie touchant
ieMelTie, ibid. Il s' étoit aquis la réputation
d'infaillible, jiî. Balaam pechoit contre le
St. Efprit, 16. 57. Pourquoi Balaam eft ap-
pelle Devin d'un nom odieux, 57. î^t. Pier-
re n'a point appelle Balaam faux Prophète,
37. Ce quefjgnifiç ce qui eft diîqueBakam
alloit chercher des enchantemens , ^j, 3 S.
La patrie de Balaam, j8. Il a été le dcrmer
des Prophètes 'entre les nations , 39. Con-
formité de fonHiftoire avec la Fable de l'âne
de Bacchus, a^co
Baptême. L'inftitution du Baptême attribuée à
Jacob, lûo. D'où étoit venue la coutume de
la primitive Eglife, de dépouiller ceux qu'on
baptifoit, & de leur donner des habits nou-
veaux, 103. Les Juifs baptifent les femmes
étrangères qui fe marient à des Juifs , 103.
D'où eft venue la coutume de vêtir de blanc
les nouveaux baptifez, 270
Baruch. Explication du chap. VI. v. 42.43. de
fon Livre , 6$ i
Bath. Quelle efpece demefure c'étoit, 250
Beel Phegcr. Voyez Bahal- Pehor.
Beel-Samen. Si c'eft la même divinité queBeeî-
Zebub, ^27. 630
Beel-Zebuh. C'eft le même que Beel- Zebul, 6z6,
Que ftgnifie ce nom, 522. ^27. Les Criti-
ques ont mal reufti dans leurs opinions tou-
chant Beel- Zebub, ibid. Pourquoi ainfi ap-
pelle , ibld. 628. Quelle divinité c'étoit,
^27. i^ fuiv. Ce nom n'étoit pas un nom
de mépris , 6z^. Pourquoi Beel-Zebub eft
appelle le Prince des Diables , (Î30. C'étoic"
Pluton , & non Jupiter , preuves de cela ,
631. ^ fuiv. C'eft le même que Serapis, ^33.
L'Oracle de Beel- Zebub, qu'Achazia envoya
confulcer , c'étoit une Necromance , 6^6.
Des Dieux Naturels cachez fous Beel-Zebub,
^40. Dieux animaux cachez fous Beel- Ze-
bub, (Î41. C'eftSem, fclon Bochart , ibid.
Bsel-Zeb:d. C'efi le même que Beel-Zebub , 6z6.
^39. Qiie lignifie ce nom , 1Î27. ^39. (^40.
Pourquoi ainfi appelle , ^17. ^28. Quelle
divinité c'étoit, ^27
Bel. C'eft le même que Bahal, 595. Quel hom-
me étoit caché fous le Bel des Babyloniens,
^10. ^11. C'eft Nimrod , ^02. Le Jupiter
des Grecs, ibîd.
Bel Hiftoire de Bei & du Dragon apocryphe,
741
Belentis. Quelle divinité c'étoit, 59^.(^0^
Bellarmîn. Faulfeté des raifons par lefquelles il
vouloit prouver que les Payens ont regardé
leurs iîmulacres comme de vrais Dieux ,
499
Bellone. Cérémonies qui fe pratiquoient dans fes
facrtfices, 600
Bellone. Etymoîogie de ce nom, ^04
Beltshatjar. Signification de ce nom, 595
Belus Sous quel nom adoré des AlFyriens, 665.
Behitacadrus. Quel Dieu c'etok, 5 9<?
Eetiir en quelqu'un. Ce que cette exprefTion li-
gnifie dans l'Ecriture, 6. 7
Bsnedîèîîon. Ce que c'étoit que la Benjtdiâion
Kkkkk 3 ~ ' ^s
T A B
de l'aîiic dans les familles des Patriarches , .
Bergers. Pourquoi les Egyptiens les avoient en
abomination, 507. Ils n'avoient pas de l'hor-
reur pour tous les' Bergers , ïbîd.
Berlth. Voyez. Bahai-Berith.
Beryth. Villes qui ont porté ce nom, 6iS
Beroc. Quelle Déeile c'étoit , 61^. 6zi
Betes. Il yavoit du myitere dans l'occifion ordi-
naire des bëtes, 87. Bêtes dont il étoit per-
mis démanger, 97. Quelles écoient les bëtes
nettes pour les facrifices, ihid.
Betylia,. Origine àe$ Betylia , ^44
Bibk.Dt la Veriîion des Septante, 183. L'Hébreu
eft plus digne de foi que la Verfion des Sep-
tante, 18$. ï^ ftûv. Opinion de S. Augullin
fur cette Verfîon , i%6. Opinion de S. Jérô-
me , 187. Hiftoire de la naiflance de cette
Vcrfion, 187. Réponfe aux objedions con-
tre le Texte Hébreu & pour la Verfîon des
Septante, 188. ^ fuiv. D'où eft venue la
p rande diverfité qu'il y a entre l'Hébreu & cet-
te Verfîon fur la durée de la vie dès Patriar-
ches, .155. 19^
Biblh. Situation de cette ville j 68 3
Sccages. Ils font plus anciens que les Temples-,
• 201. Des bocages où l'on adoroit , 751.
Leur ufage eit aulTi ancien que le monde,
ibîd,
■Bœuf. IlétoitadoréenEgypte, soé". 509. Pour-
quoi, 51^. Il étoit confacré à Ofirisj 508.
Onlefacrifîoità touslesDieux, 79^
Bois. Les premières aiTemblées des hommes fe
faifoient dans les bois, izo
Bouc. Il étoit adoré en Egypte, .50(1. A quels
Dieuxonlefacriiioit, 797
brebis. Adorées en Egypte , 50^, Pourquoi,
hritamilcHs. Honneurs qu'on lui rendu après fa
mort, .577
A B A t, E. Des modes Cabalilliques des
_ Juifs , yoi
■Cabale. Théologie Myflique des Juifs. Voye?:.
, Juifs.
C^^zVff. Des deux Cabires, ,^xz, 4^5
Cadmtis. En quel tems il a vécu, 68 r
Cdin. Du péché de Gain , 74
■Cdiphe. Si en déchirant fesvétemens, il.tranf-
,. greffa la Loi, 2.8i
•Caievdes. Ce que c'étoit , 115
Calvaire. Pourquoi ainfî appelle, 95
Calvin. Ses raifons pour prouver que les Payens
n'ont pas regardé leurs fîmulacres comme des
Dieux, 458. 499
■Cambyfes. AdreiTe dont Cambyfes fe fervit pour
Vaincre les Egyptiens , 50 5. Il tue le bœuf
L E
Apis, ^ 508. ^ij
CamiUes. Ce que c'étoit entrcles Romains, 718.
Origine de ce nom, ji.7, 728. Quel étoit
leur office, 785
Camp, Tradition des trois Camps, 3(^8
Canaan. La maledidion prononcée contre Ca-
naan ne regardoit pas le premier âge , 67
Camcde. Pourquoi elle elt appellée Sirius , 524
Carême des Juils , 344
Carnaval des Juifs, ^^.^
Carthaginois Ils étoient Une Golonic de Phéni-
ciens, 575. Ils facrifioient leurs enfans à Sa-
turne, 573 . 574. Conformité du culte des Car-
thaginois à leur Saturne , & de celui des Phé-
niciens à leur Moloch, ^74. ^ fuiv. Ils étoient
.naturellement fortfuperiiitieux, 577. Ilsado-
ToientBahal , 595- Ç9<J
Caton. Bon mot qu'il dit furun homme qui avoit
confumé tout fon bien, ■ 78.^
Catoptromance. Cequec'eft, 38. 471. 471
Cecrops. Pourquoi il fut appelle double, 1^8
iCelfus. Son opinion touchant les fîmulacres ,
489
Cerbère. Comment on le répréfentoit, tfjj
Cérémonie. Etymologie decenom, 8o3
Cerés. Ses myfteres , 41 x. 76^. Cerési Ifîj,
Vefta , & Cybele , font une même divinité ,
fignifiant la nature univerfelle, 528. 519
Cerés. Etymologie de ce nom, /So^i^. Quelles bêtes
onlui facrifioit., yç)^
Chair. Si l'ufage de la chair des animaux étoit
permis avant le déluge , 99. & fî on en man-
geoit, ^ ^ _ 17 ^. 174
Chaldéens. Ils ont donné aux fept jours de la fe-
maine les noms des fept Planètes, 107. Quelle
étoit leur Théologie, 420, Ils.adoroient le
Soleil & le feu , 484
Cham. Quel fut fon partage dans la divifîon de la
terre, 68. C'eft Mekhifedec ,7^. Reflexions
fur les endroits odieux de la vie de Cham, 71.
Atroces accufations dont on charge fa mé-
moire , ibîd. Pluficursle confondent avec Zo-
l'oaftre, 72. 73. Les Afriqaains en ont fait
leur Jupiter Hammon, 73. 533 534. 588. 613^
Quel fut le péché de Chîyii, 74. 76. Dequoi
il étoit type, 76. Cham n'a pas été maudit
par fon pcre, mais Canaan fonfils, pourquoi,
77» Les décendans de Çham n'ont aucune
marque de maledidion particuhere, 77. La
.maiedidion prononcée contre lui é-toit typi-
que, 7^. Pourquoi Dieu changea le nom 4je
Cham^ 80. Pourquoi les Payens en ont fait leur
Jupiter , 80. Dernière preuve que Cham elt
Mekhifedec, 80. Il étoit le Sidec des Phéni-
ciens, 80
Cham. Quel Dieu les Payens en ont fait, 414.
Il étoit adoré par les Égyptiens , ilîd. 534.
Les Phéniciens en ont fait leurBahal, "612.
Les Egyptiens & les Libyens leur Jupiter ,615
e-ham-
DES MATIERES.
GhammanÎM. Ce que c'étoit , 717. C'étoient
des Chapelles voûtées , comme des chariots
couverts, 718. 719. Comment ils s'intro-
duifirent parmi l.es Juifs, jzx
CharMniens. Il n'elt pas vrai que les Chananéens
du tems d'Abraham fuflent généralement
idolâtres, 6^. Preuves Je cela , 6'^. 6 S
Chandelier. Defcription du grand Chandelier
du lieu Saint j 240. Que fignifioient fes lam-
pes s- 241
Chantres, Quel étok leur office , 291. ^ fuiv.
Qui étoient les maîtres Chantres dont il eft
parlé dans le Livre des Pfeaumes, 254
Ghaos. Les Payens avoient emprunté la defcrip-
tion qu'ils font du Chaos des Livres de
Moïfe , 4J2. Le Chaos a été créé avant le
commencement du monde fenGbIe , 433
Charon. D'où il a tiré fon origine ^■. 6^6
■Chat. Il étoit adoré en Egypte, 50e
Chêne. Pourquoi il étoit confàcré à Jupiter,.
120. 201 . 7 54. Refpeâ: pour le Guy de chêne ;
cérémonies avec lefquelles on le recueilloitj
Ghrubîn. Quelle figure avoient les Chérubins
du Propitiatoire, 231. 232. 233. Pourquoi
il n'y avoit pas de figures de Chérubins dans
le fécond Temple, 233. Myfterc des quatre-
faces des Chérubins , ibid. Pourquoi dans
Ezechiel la tête de bœuf eft nommée Ché-
rubin par difiindion, 233. Véritable figure
des Chérubins de l'Arche , 234. Pourquoi
Dieu eft dit habiter au milieu des Chérubins,
ibid. Des deux grands Chérubins que Salo-
mon fit faire dans le lieu Très- Saint ,234.
238. Pourquoi les Qherubias regardoient
tête baiiTée, 2^4. 235
Chérubins. Conformifé à<:s Chérubins & des
Theraphims 5 4^2. En quoi ils difteroienr,
453. L'Oracle des Theraphims a été imité
de celui des Chérubins, 46^3.
Chevd. A quelles divinitez il étoit confacré,
^58. 7i2. 723. 797
Chèvre. A quels Dieux on la facrifioit,- 797'
Chîen. Il étoit adoré en Egypte, 50^. 598.
^5^. Pourquoi on ceffa de l'adorer , 508.
^13. A quelles divinitez on l'ofFroit en fa-
crifice . 79^
chrétiens. Les premiers Chrétiens recevaient
trop facilement tout ce qui favorifoit leChrif-
tianifme, 25. 28
Ciceron. Comment il définit la divinité , 41 1
Ciel. On a accufé les Juifs de l'avoir adoré,
pourquoi , 748
Circenfes. (Jeux) Cérémonies obfervées dans
les Jeux Circenfes, 571J
drconcifion, La Circoncifion au commence-
ment n'étoit pas un Sacrement de toute l'E-
glife, 125. Dans quel tems elle devint un
Sacrement de l'Eglife , ibid. Elle ne fut pas
obfervée dans le défert, 12^,
Circoncifion. De la circoncifion, 3'ji. Canons
des Juifs fur la circoncifion, 351. Pourquoi
elle fc faifoit le huitième jour, 3^1. 351.
Qui étoit le Minifire de ce Sacrement, 3151
Ccdus. Il étoit Roi dans l'Ile de Panchaia,4o3.
Ses enfans, ibid.
Combabe, Hiftoire de Corababe & de Stratoni-
ce, _ 771
Commandement. La diâerence des commande-
mens moraux & des ceremoniels, 171
C(7»a7e aflemblé à Jerufalem parles Apôtres.
Voyez Apôtres.
Concubines. La différence qu'il y avoit entre les
Concubines & les autres femmes, 158
Confrairies, Origine des confrairies du Papif-
me, 772,
Coq. Il étoit confacré au Soleil , 700. Pythagore
n'en vouloit pas manger , pourquoi , ibid,
A quels Dieux on le facrifioit , 797
Corneille y le Centenier, étoit Profeiyte de la
porte, 4ç,
Cornes. Les Dieux des Orientaux portoient
prefque tous des cornes , ^29. C'eft l'em-
blème de la puiflance, ibid. Hiftoire d'un
homme , à qui il vint fubitement des cornes
à la tête, 529
Corybantes. Ce que. c'étoit, 423. 427
Crocodile. Il étoit adoré en Egypte, 50(î. pour-
quoi, 5i(j-
Cruciflxion. Elle n'étoit pas en vfage parmi les
Juifs, 389
Culte. Ce que c'eft, 2. Deux fortes de culte,
Cîtlte volontaire félon la Loi , en quoi il confif-
toit , 372, Dieu acceptoit certains fervices
volontaires, 373. divihon générale du culte ;
volontaire, i^zW. Les fervices volontaires n'é-
toient libres qu'à l'égard de la matière, &
non de la forme , 374. 375» Quel fervice "
volontaire eft agréable à Dieu dans le culte des
Chrétiens, 375
Cupidon. Sa naiflance félon AriftopKane, 446"
Curetés. Quels Dieux c'étoient, 422, 427
Cybele. Cybele , Ifis , Vefla:& Cerés, font une
même divinité , fignifiant la nature univer-
felle, 528. 529
Cybele. Par quels Prêtres elle étoit fervie ,
772
Cybele. Pourquoi fes Prêtres étoient appeliez
Galli, ... 51^
Cybde. Pourquoi on lui mettoit des tours fur
la tête, 6\i. Pourquoi appeilée Maia , ibid.
Pourquoi on lui mettoit dans la main des épis
de blé & une poignée de millet, ibid. Sts
Prêtres fe déchiroient la chair , pourquoi,
^24. ^25
Cybele. C'eft Eve, ^25. C'eft la Déefle Berith
~ dçs Sichemites, ^22. & la Déefle Syrienne,
ibid.
T A B
Clid. Ses divers noms, ^zj. C'ell la Terre,
6^4. Pourquoi appeliée Cybele, ^ Ops, îi>id.
Sous quelle tigure elle étoit adorée. 487
Cymbde. De: Cymbales dont on fefervoitdans
Je Temple, zsz. 293
Cyrus. En quel temsil vivoit , z. Sa colcre con-
tre le fleuve Gumdez , 72,3
D
A c T Y L I I D ^ I. Quels Dieux c'étoient.
. 4^7
'■Dagon. Sous quelle figure il école repréfenté ,
457. Textes où il eil parlé deDagon, 641.
Ea quel lieu étoit fon Temple, 6â^%. 6^^.
Deux étymologies du mot Dagon, qui font
deux opinions fur le Dieu Dagon , ^43. Il
étoit demi-homme & demi.poiflon , (Î44. 645 .
Cette Idole avoit la forme humaine, ^45.
C'eft le même que l'Oanes des Babyloniens,
ïbîcL C'écoit Neptune, 646. ^48. 6<^o. Con-
jedure que Dagon & Derceto font la même
divinité , (Î48. Pourquoi les Grecs n'ont
point parlé de Dagon , (^49^ Japhet eft caché
fous ce nom, 6^\. &Noé, 6<^z
Danfe, Des daafes des Anciens dans le fervice di-
vin, 599
David. Ce que (îgnifioit l'aftion de David ,qui
répandit l'eau que fes preux avoicnt été cher-
cher au péril de leur vie , 85
jyéuicace. (Fête de la) Origine de cette Fête ,
349. 3-50. On aliumoic des lampes dans tou-
tes les maifons, pourquoi, 350
Déejfe. La Langue Sainte n'a point le mot de
Déeffe ,& pourquoi , 619
Délit. Sacrifice pour le Délit. Voyez, facrifi-
ce.
Délit. En quoi il diffère du péché, -311
Delubrmn, D'où vient ce mot, 760. 'j6i
Déluge. Grandes lumières que la génération de
Noé a pu tirer de l'Hiftoire du déluge, 5.
Comment on peut concevoir qu'il y eut un
fi grand nombre d'hommes fur la terre cent
ans après le déluge, 191. 193. Quels étoient
les crimes des hommes avant le déluge, 404.
Notable Fragment d' Abydenus touchant l'Hif-
toire du déluge, 589
Dhnons. Quels Dieux c'étoient entre les Payens,
419. 430 Ce nom fe prend fouvent en bon-
ne part entre les Payens,^3i. Mais plus fou-
vent en mauvaife part , ibid. Qui étoit le
Prince des Démons, 630. G^z
Dercé, Quelle divinité c' étoit, ^47
Derceto. Quelle divinité c'étoit , 6^S. 6/\7.
Origine du culte qu'on lui rendoit , (Î47.
Gonjedure que Dagon & Derceto font la
même divinité , 648. C'eft Amphitrite,i^W.
li^o, On l'a confondue avecla Venus Syrien-
L E
ne, (j49- avec Aftarté, ihîd. Quels Dieux
Animaux font cachez fous cette divinité,
651. Elle n'eft pas Aliarté, (J73. ni Venus
Uranie, 674
Dettes. Du relâchement des dettes , qui fe fai-
foit Tannée de relâche, 3^5- Canons pour
la remife des dettes , 35^
Deviner. Le mot de deviner ne fè prend pas tou-
jours en mauvaife part, 38
Dévots, Caradere des faux dévots, $4
Diable. Qui étoit le Prince des Diables, feloii
les Payens , (Î30 S^z. Selon les Juifs ,
îb'id.
Diable. Il s'eft fait prefque adorer par tout fous
la figure du ferpent, 741. i^ fuiv.
Diane. Efcalier fort remarquable du Temple de
Diane à Ephcfe , 48^. Sous quelle figure elle
étoit adorée, 487, Appellée Allratée ,pour-
<juoi, (Î73. Et Erycine, îbid. Sa Prêtrefle
devoit être vierge, 76^9
Diane. Origine dé ce nom, 671. OnluioftVoit
des vidimes humaines, ' 791
Didon. Ses Ancêtres , félon Servius , ^11
Dieu. Ses fréquentes apparitions ont rendu fon
exiftence & fon eflence très fenfibles aux Pa-
triarches , ,7. Jacob n'a pas ignoré fa toute-
prefence, 7
Dieu. Pailages tirez des écrits de quelques fages
Payens , d'où il paroît qu'ils ont reconnu
l'Unité d'un Dieu, 414. ^ fuîv.
Dieu. Définition de la Divinité par quelques fa-
ges Payens , 41^
Dieu. En quelle forme il ap|>arut à Moife & aux
anciens d'Ifraël , 45^. Les Ifraëlites ont ado-
ré le vrai Dieu fous des Idoles, ^38. Les Pa-
yens ont eu le même deffein, ibid.
jyieux. Opinion des Juifs touchant les mefures
qu'on doit garder avec les faux Dieux, 54,
eft refutée, 54. ^^. Le nom des Dieux em-
ployé pour les Magiftrats dans l'Ecriture,
If
Dieux. Les Aftres ont été les premiers faux
Dieux, 405. Généalogie des Dieux, 408.
Sous les noms des divinitez Payennes étoit
caché le monde avec toutes fes parties, 412.
Les Payens adoroient fous une même divini-
té, une partie du monde, un corps naturel,
& un homme, 414 418
Dieux. Incroyable nombre de Dieux entre les
Payens, 418. Divifez en Dieux Naturels, &
Dieux Animaux, ïl^iâ^. Quels ont été les hom-
mes dont les Payens ont tait des Dieux, 419.
Divifion des Dieux félon Jamblique& les Pla-
toniciens modernes, 419. 420. Claffcs fous
îefquelles les Grecs & les Romains rangeoient
leurs Dieux, 421. (3" fuiv. Des Dieux Ma-
jorum ^ Minonim Gentîum ,411. Des Dieux
confentes (5" ele^i , ibid. Des Dieux feledi ,
412, Des Dieux Sampthraces & Cabires
fbidi
D E s M A
i^z'i. "Des Dieux Pénates , 415. ^ fuiv. Des
D'itwyiVîdes ,^z6. 459. Des Dieux iwi/gere;,
:<i^z6. Dqs DaHyli Idâi , 417. Des Lares, 429.
457. ^ Juîv. Des Génies, 419
■'Dieux. Généalogie des Dieux félon la Théolo-
gie des Phéniciens , 44i. ^ fuiv. (don cqWq
des Grecs , 44(3. Plaifanterie de L ucien fur \qs
Dieux d'or Se d'argent, 48<. Les Payens ré-
préfentoicnt leurs Dieux fous des figures ex-
travagantes , 49 1
'Dîeisx. Q&s Dieux Naturels te Animaux, 52 j.
Les Dieux des Orientaux portoient prefque
aous des cornes, 52p. Les Patriarches des
Nations ont été leurs Dieux, ^jz. De quelle
manière fe taifoi^nt kstranrportationsdes di-
vinitez, 576. Aucunmortel nepouvoit voir
-la nudité des^Dieux fans être puni, 5 89. La
plupart étoient Hermaphrodites , 558. 648.
■Dieux. Les noms Latins des Dieux font plus re-
connoiiTables pour être venus des Orientaux,
que les noms Grecs , ^04. Les divinitez Pe-
yennes n'ont pas toujours été' également en vo-
gue, é^o. Coiatume des grands entre les Pa-
yens de mettre des Dieux entre leurs Ancê-
tres, ^ 652,
Dieux Celefies. On fetournoit vers l'Orient dans
\ts facrifices qu'on leur offroit , 71 S
Dieux. Dieux informes adorez par les Payens,
73<S
'Dragon. Hiftoire du Dragon àç% Babyloniens
Apocryphe, 741
Dme. De la grande dime, 300. Seconde dîme,
&fadefi«nation , ibid. Quelle jétoit la dim€
deiatroifiéme année, 300. 301. Sammete-
tale des dîmes , 301. De la dîme des trou-
peaux, 5 02.De quelle manière ces dîmes étoient
difiribuées, 302, Ce que les Juifs donnent
aujourd'hui au lieu de dîmes, 303
-DïmedQ la pâte s'obferve encore entre les Juifs,
Diodoreàe Sicile. Ce que les Prêtres Payens ont
retranchéjie fon livre , 408
Dîoné. Son Hiftoire, félon Ovide, 6^47
Di'vorce. Il eft défeitdu par l'inftitution du maria-
ge, 133. 150. lêi. Le vrai divorce n'étoic
pas en ufage dans l'Eglife avant Moïle , 1 60.
Sentimens des Juifs & des Chrétiens fur le di-
vorce, ii»i. IlétoitpertnisparlaLoide Moï-
fe , ibid. Divorce entre les Grecs & les Ro-
mains étoit fort ufilé, 16 z. Les femmesentre
les Juifs ne pou voient donner la lettre de di-
vorce, 1^2. Deuxexemples de femmes Juif-
ves , qui ont répudié leurs maris, î6z. Le
divorce s'établit fort tard errre les Romains,
ï^5 . Dieu a difpenfé les Patriarches de la Loi
qui défend le divorce, 16^3
pppne. Gequec'eftj a
Part. IV.
T î E R E S,
EAu de Jaloufie. Voyez, JalouRs.
Eaux Ameres, c'étoit l'eau de Jalbufe,
371. Voyez, Jaloufie.
Egli/e. Sa durée divifée en trois grands périodes^
I. De fes Dogmes avant la Loi , 2. ^ fuiv.
L'Eglife avant le déluge a été aufli favante que
celle quia fuivi le déluge, 4. Articles de Foi
qu'elle a crvn& connus, i^. 17. 20. De quelle
manière Dieu infrruiloit (on Eglile avant Moi.
fe, 21. 32. Elle étoit instruite par des com-
merces fenlibles avec la divinité, 2ï,
Egli/e, L'Eghfe avant Mo)fc n'avoit point d'af-
femblées publiques, 120.121, Elle n'étoic
pas alors diflinguée par nations , mais par fa-
milles, 12-Ï. Eglife avant Abraham n'avoic
point de Sacremens, 1 24. L^Eglife avant Mbï-
fe n'avoit point de difcipiine générale, ii.60
Abrégé des-caraderes de cette ancienne Egli-
fe, 127. iz8. Pourquoi les Juifs appellent
cette ancienne Eglife Chaos, 128. 129. Dé-
finition de l'Eglife , félon les Catholiques
Romains,! ^3^
eglife. FormedesEglifes empruntée des Payens,
762.
Egypte, Appellée Chemia, & pourquoi ,533.^15;.
& Matfor, <^yi. Son Dieu engloutit les au-
tres Dieux, 721
égyptiens. Leur Théologie eftla fourcede celle
des Grecs & des Romains, 410. Exphcation
de ce qui paroît affreux dans leur Théolo-
gie, 411. 412. 413. SoUs la multitude de
leurs Dieux ils reconnoiffoient l'unité d'un
►Dieu, 4i<5. Ils ne donnoient point de mem-
bres à leurs ftatuës, pourquoi, 4^0
Egyptiens, Ils adoroientplufieurs animaux, 506'.
Ils cachoient les rayfieres de leur Religion
fous des Hiéroglyphiques , ibid.<,i'j. Moyeii
dontCambyfes fcfervit pour les vaincre, ï'^/V. -
Chaque Province de l'Egypte adoroit certaines
bêtes , ibid. 51^. Le culte des bêtes étoit ea
Egypte dutemsde Moïfe j ié'/io
Egyptien!. Pourquoi ils avoient en âbominatioiî
Iqs Bergers-, -^07. Ils deteftoient les pour-
ceaux & le?, gardeurs des pourceaux, félon
Hérodote, -ibid. Ils n*â'aient pas d'horreur-
pour tous les Bergers, ibid> Quels anjrpaux
lervoient à la nourriture des Egyptiens , ihîd»
Quels boeufs ils facrifioient , $08. 531. Ils
adoroient auffi les fimtilacresdes bêtes , 509
Egyptiens. La grande dévotion qu'ils avoient
pour les. bceufs Apis &Mnevis, 509. ^fuîv,
Diverfès excufes en faveur des Egyptiens fur
Je culte qu'ils rendoient aux bêtes, 515. Ils
ont adoré les bêtes, à caufedesutilitez qu'ils
en retiroient , 51^. La vraie rai fon , c'éft
^ue ces animaux étoienf. établis pour fy;mb.io=.
v^ iï^ À B
îes des grands Dieux, fJ6. Procès des Pa-
pittes dans celui des Egyptiens, ihid. Preu-
ves que les Egyptiens n'ont adoré les animaux
facrez, que comme 'es fymboles des grands
Dieux, 517. 518. Ils fcbuëttoient leurs Dieux,
& même les tuoient. 51?. Ils ont uni leurs
Dieux Naturels avec leurs Dieux Animaux.,
Egyptiens. Ils ne connomoienî d''a'utre Dieuj
que le monde & la nature univerfelle , 517'
coutume finguliere des Egyptiens d'anathe-
matifer latête du bœuf, 531. Les Egyptiens
tenoient deux Principes, l'un bon & l'autre
mauvais , ^32.. Qui étoientles hommes dont
ils ont fait leurs Dieux, '^^■^. 554
Egyptiens. Ccremonie d-es Egyptiens dans leurs
grands facrifices, 540. Les Prêtres Egyptiens
ne mangeoient point de fcl , pourquoi, 650.
Cérémonies de leurs facrificss-, 787
Elie. En aueKcns Eîifés peut avoir demandéla
double portion de fan efpric, 57- Pourquoi
• Eiien'a pas reproché aux dix Tribus l'adora-
. t'ion des Veaux j mais celledes Bahalins,544.
Pourquoi Elie, wnli grand Prophète, a vé-
-cu toutefa vie entre ces fchifmatiques , ^47.
EMoga.bde. Sous quelle figure iléEoit adoré, 487.
Quelle divinité c'étoit , 597.6015^.
lUifée En quel fens Elifée peut avoir demandé
le double de l'efprit d'Elie , 5,7. Pourqvîoi
Elifée, un fi grand Prophète, a vécu^ toute
fa vie entre des fchifmatiques, 547
Emblème. Différence des Emblèmes Se des Types,
E-ncem. Combien d'^enceas on brûloit tous Ifes
jours dans le Temple , jzi. Cérémonies qu'on
oBfervoit> quand on le portoit dans le lieu
Saint, 3Z2,. Quand on le faifoit fumer, 325
Eïiée. Son voyage en Italie elt fort douteux, 424,
Sous quel nors il étoiî adore' par les Romains,
4Z 6.
Enjantemtnî. Cérémonies de la purification de
l'enfa-ntement ,. 3^7-
Enfers.. Coaiment en répr«fentoit les Dieux des.
Enfers, (Î53. Pourquoi onfacrifioit aux Dieux
éts Enfers , 6 3 8, De quelle manière on faifoit:
. .ces fasrifices ,. ^38. ^39. 716-* 71-7?
Eng-^JkimHthes. VoyeZi Ventriloques,.
Ewchi lî aétéleplus illyftre àts Prophètes àur
> premier monde , z'4. Livre q.u'onluia attri-
. tîuç, z.x, Z'f^ Sragtnens du Livre d'Enoch ,.
i^v Ce Livre éteic d'un impolieur,. 28,, Qiii
a vécu après .la naiiîance de Hôtre Seigneur j,
- ihid. Preuves décela^ zj. Il étoit Chiétien,.
2-9- CJ fmv. D'GÙ;c'eii qu'il â pds. QccaGon
de forger cet Ou Visage.,. ' 31
Enjeign^,^ Coutume de -: mettre dies Sgor-es. d'ari-
maij'-i dans Les enfeignes militai re5> 51 <^i II^-.
fage. des enfÊJgfitîs njilitaires "îâ fort anciea ,.
• ^3,4^ Leur forme. ordinaire>. ikiâ». 2±%
LE
Epaphits. Si c'efi la même chofe qu'Apîs, ^ro^
' ^19. Fable des Grecs touchant Apis & Epa-
phus, ^ 519
Epha. Quelle. efpeee de mefurc c'ctoit, z^a
Epervier. Adoré en Egypte , 664^. 66<^'
Ephod. Sa.defcription, 272.731. Qui avoir droit
de revêtir l'Ephod, 2.78.
Ephod de Gedeon. Voi Gedeon.
Efdie. Explication des Scrapbims d'Efaïe , 231.,.
232. Explication du XVIIL. Chapitre de fon
Livra, (Î84
Ejm La maledidSion prononcée contre Efaii ne
regardoit que fes derniers décendans, 67. Le
péché d'Efaii n'eft point ce qu'on lui attribué" j,
75. Pourquoi il eft appelle profane, 58.75. Il y
a de la témérité à dire qu'Efaù ait été datnné, .
78. 79. Il' ne paroîc pas être d'un méchant
. caradere dans l'Hiftoire Sainte, 79.
Efclaves. Etrange opinion des Juifs fur les ma--
riages à-es Efclaves Profelytes , 14-3. 144;
Efclaves de quatre fortes entre les Juits, 143».
Du relâchement des Efclaves entre les Juifs,
35<î. 359. Canons iim ce relâchement ^^
ihid.
Efculape. l\ étoit adoré fous la figure d-'un fer-
pent , 741. Quelles bëces on lui.facrifioit^
Efdras. Le Quatrième Livre d'Efdras a été com-
pofé par un Chrétien , iS
Efpagnols. Cruaucez qu'ils exercèrent dans les In-
des, ^ ■ ^ 794.
St^ Ejpm. Caraderes du péché contre le St'. Ef-
prit, j7-
E^'éej^s. Ils obfervoient le. Sabbat avec une ri-
gueur ridicule, 3fj.
Ephiopiens. Peniée ridicule d'im Auteur Moder-
ne fur l'origin* de la noirceur des Ethio-
pien*, _ 7|.;
Etoiles. De l'adoration deS' Etoiles 3 72. f.
72^
Etranger qui'efi dedans tes prtss , qui il faut
entendre par ces mots , 4 3 • 5 5 s»-
Evangile. Pourquoi le tems d-e i'Evangile efi:
appelle l'an acceptable du Seigneur , 35$v
Euchariftie. En quel tems Jefus - Chrift l'inâi-
tua, 332. 533. Paflage d'Arnobeoùilcom-.
bat l'ubiquité d'un corps & la pr-efenee réel-
le, 49t.
E've. Les Phéniciens en ont fait leur Berith, &
les Grecs leur Cybele,^ 6^2 ç
Euhemerus. Fragment de l'Hifloire des Dieux
par Euhemerus, 40&. Hiftoire de cet Euhe-
, merus., ibid. Jugement des fages Payens tou-
chant Eu heraerus , 409
Excommunication. Quelle peine c^étoit entre les
- Jaifs, 392. Des etpe^es d'Excommunication,
■ihid.. 393;;. De l'origine de l'fiKcommanica—
îioajf^ 391. 332, Exconamunication ufitée
DES MATIERES.
«titre lesPajfens, 355. Diverfesobfervaciôns
fur l'Exconuyunicacion Judaïque, 394. Des
eftets de cette Excommunicanon , 3.5)5. Si
rfixcommunicatiotî excluoic de l'ufage des
cliofesfaintes, 395. Caufespouriefqueiles on
excemmuniok , ^96. De rabfoktion des ex-
communiez , ^9(î
Excommunication des Chrétiens, 391^
Ez.echieL Explication des animaux d'Ezechael,
251. 231
FAbius Maxim us. Ce qu'ilfitàla prifc
de Tarente, 500
Ifible, D'où vient la prodigieufe confufion <5ui
e{t dans Ja Fable, 581, 58a. Ce que l'on
/doit penfer des interprétations que les Phi-
lofophes Payens donnoient à leurs Fables ,
610
Marine. Offrande de fine farine pour le péché,
"Femmes. En quel fens les femmes prophetifoient
dans l'Eglife, 294. Elles avoient part au fa-
cerdoce entre lès Payens, 769. Quels peu-
ples ont introduit cet ufage, 770 77i
Feu. Du feu décendu du Ciel, 254. Si ce feu
fut faus le fécond Temple, 255. Divers mi-
racJes de ce feu , 254. 2 55.Cétoitle fym-
bûle du Soleil , & ri étoit adoré de divers
peuples , 407. 720. 767. Dieu des Chal-
déçns , comment il fut vaincu en Egypte,
484. 720
Feu. Coutume d'examiner les criminels par le
feu, 5()9
Feu. Feux facrez dans les Temples, 76^7
Fêtes, S'il y avoit des Fêtes folennelles& publi-
ques avant Moïfe , 119. Fëtcs folennelles,
325. Miracles qui arrivoient dans les Fêtes
folennelles, ibid. Les Juifs ne jeûnoient ja-
mais dans leurs Fêtes, ^^
Fête. Les Payens portoient dans leurs Fêtes \qs
fîmulacres de leurs Dieux fous des Tabernacles
portatifs, 540. 541
Flambeau. Origine des flambeaux dans lespro-
cefTions, 76^^, 766
Fiamen Dialis. Il'renonçoit au Sacerdoce, quand
fa femme mouroit, 772. Qualité requife en
, lui, 779. Scrupuleufesobfervationsaufquel-
les il étoit obligé , 780. Privilèges qu'il
avoit, 781
ForvîcAîion. Si la fimple fornication étoit défen-
due avant Moïfe , 157. Elle n'étoit fujet-
te à aucune peine, 138. De quelle maniè-
re la regardoient les Grecs & les Romains,
Fortune. Les anciens donnoient ce nom à la
Lune, <Î9 9
Fouet, De 1« peine du fouet, 389. Pour quels
péchez on ordonnoit cette peine, 5J9. 350.
Manière dont on foucctoit les coupables,
390. Des trente-neuf coups qu'il étoit per-
mis de donner, & pourquoi non plus, 390.
Ce fupplice n'cntrainoit après loi aucune in-
famie, ni diminution de dignité, ibld.
G
GAeaoniteî, Ils ctoient les valets dc«
Lévites, 29,5
Cad. Ce qu'entend Efaïe par ce nom, lîg^. iS
fuîv. C'eft la conflellation 6i le génie qui pré-
fideàlanaidance, ()96'. Selon les Juifs , c'eft la
bonnefortuiie,^9^.iS97. Cenomfémble défi»
gnerlaLune, i^Z. C'eiUe Soleil félon l'Au-
teur, 70 ï
Gaffarel. Soncaraderè , 454
Gaflromance. Ce que c'eft, 471
Gâteaux. Offraitdesdesgareaux, 31^. comment
elles fe f^ifoient , 317
Gâteaux. Compofition des gâteaux qu'on offroit
aux Dieux, 798. 799
Gaulois.Quds ctoient leurs principaux Dieux^ 5 9(>
Gedeon. Hiiloire de fon Ephod , 730. Ce qu«
c'ctoit , 7^1. Sa forme, 731. Sou ufage,
732. Gedeon n'employa pas tout l'or du bu-
tin dans cet Ephod, 7 31. De quel poids étoit
cet Ephod , ibid. Pourquoi Gedeon donna
une forme de vêtement à fon monument ,
733. C'étoit une enfeigne militaire, 734.
fort femblable au Labarum des Romains,
ibid. Comment ks Ifraëlites adorèrent cet
Ephod, 73^. C5'y«'i'. Gedeon établit un fer-
vice de Dieu dans fa ville en faveur de foa
Ephod, 717. Pourquoi le péché de. Gedeon
bc des Ifraëlites eft appelle paillardife , 738.
Pourquoi Gedeon pèche, puifqu'onfacrifioic
dans les hauts lieux, 7$^
Gehennu fignifie l'Enter, pourquoi, 5^7
Génies. Ce qu'étoient les Dieux qu'on appelloit
Génies, 419. 430
Genita Mana. Quelle divinité c'étoit, 7<jS.
Genitius Cippas. Il lui vint fubitement des cor-
nes à la tête, 529
Germanicus. Le bœuf Apis refufa de prendre
ce qu'il lui préfentoit, 510. 5 11. Honneurs
qu'on lui rendit après fa mort, 57^. ^77
Gonorrhée. Comment fe faifoit la purificationdc
cette maladie, i6S
Grains. De quelle manière oncoupoit une poi-
gnée des premiers grains, 333
Gratjfes. Explication du commandement de brû-
ler les grailTes,. 87,. différence entre la dé-
fenfe de manger du fang , & celle de man-
ger de la graille, 87. Il n'étoit pas permis
aux Ifraëlites d'en manger. 314. Toutes Igs
grailfes étoient confacrées à Dieu, -jjj-
Grecs. Comment ils dj.Yifçi6,at leurs mois, 11$
Luu 2 y^,
T A
lis ont tiré leur Théologie de celle des Egyp-
tiens & <les Phéniciens, 410. ^^6. 447. De
qui ils font décendus, ^51
Grecs. L'Eglife Grecque ne mange pasdefang,
17.^
Grenade. Ce fruit étoit confacré à Venus, ^5»
Grotius. Ses Livres fur l'Ecriture Saintcdoivent
être lus avec précaution , 1^
Guerfçonltes Quel étoit leur office , 250
Guindez, Fleuve , coupé en 360. canaux ,
H-
H A Al M AN I M. Ceque c'étoît , 717^ 7i§;
719
Hmamelech. Quelle divinité c' étoit, ^ifj
Harpye. Notable conjedure touchant l'origine
du nom & de la fable des Harpye^ , 6^35.(^34.
Leur defcription, ^34. Parfaite conformité
entre les Harpyes de Virgile , & les faute-
relles de S. Jean, Hfid,
Hajfidéens. Leur origine-,. 37*
Haut lien. Des Hauts lieux, où l'on adoroit,
751. Leur ufage eft auflî ancien que le mon-
de, 75*
Hazazel. Cérémonies du Bouc Hazazel , 339^
340. 341. Tradition notable fur le fil d'écar-
late , -qu'on lioit entre (qs cornes , 340. 341
Hécate. Defcription d'une ftatuë magique, or-
donnée par Hécate, 497- Elle étoit appelîée
Triformis , pourquoi ,633. Quelles bêtes on
lui facrifioit, 796
Hélène Reine des Adiabenes , magnifique pre-
fent qu'elle fait au Temple de Jerufalem,
tieliegabalus. Quelle divinité c'etoit , 597. ^0(>
Heraclite. Pourquoi appelle ténébreux, 413
Henri VIL Roi d'Angleterre, Hiftoire notable
4e ce Roi , 472
Hercule. Que flgnifient fes trayaiux, 412. 6qZ.
L'Hercule Tyrien efi le mênae que Bahal ,
^07. Etymologie de. ce nom , 6oj. 60%,
Surnommé Locuftarius , pourquoi, ^29.
ChafTe- mouches, ibid. D'où eft venue la fa-
ble qu'Hercule tira Cerbère des Enfers,
^41. San Prêtre étoit habillé en femme ,
773. Les femmes negoûtoientpasde ce qui
avoit été fur fon Aut^l , îbid.
Héritage, Du retour des Hefitagefr Pan du Ju-
bilé, 160
Merodias répudia fon. mari 5 cç- qîti étoitcontre
les Loix, \^z
Hérodote. Il étoit ignorant en antiqurtez Egyp-
tiennes, 508. Ses hiftoires s'accordent fouvent
avec l'Hiftoire facrée, " G61
ÏÏe/Hs. <^el Dieu c' étoit p 57-2. 55^
BLE
Hierapolis. Defcription du Temple d'Hierapoliîy
7^0. Parallèle du fervice de ce Temple, ^
de celui de Jerufalem , 775, (3" fuiv.
Hifioire. L'Hiltoire du Monde avant Cyrus efl.
toute remplie de fables , 2. Conformité de
l'Hiftoire facrée avec la profane eft très ra-
re, 66 l
Holocapffle. Quel facrifice c'étoit, 89. Les ho-
locauftes étoient plus ordinaires au commen-
cement du monde que les autres facrificcs 5,
91. Pourquoi il eft plus fouvent fait men-
tion des holocauftes que des autres facrifi-f
ces, 96, On n'y facrifioit que des animaus
mâles, 98
Eokcaujle. Del'Holocaufte, 50^. ^ fulv.Qn^-
litez que devoit avoir la bête qui étoit of-
ferte en holocaufte , 30e. 307. Cérémonies
qu'on obfervoit en offrant l'Holocaufie j
307. 308. Pourquoi il étoit offert, 308..
309. Diverfes fortes d'Holocauftes , ibid. Il
étoit acompagné des offrandes des gâteaux j
316, Un Payen pouvoit offrir des Holocauf-
tes dans le Temple de Jerufalem , 89. 319,
Beaucoup de chofes manquoient dans ces ho-
locauftes,. ibid,
HoloccMfîe, Les Payens depuis long-tems n'ont,
pas eu l'ufage des holocauftes , 784. Mais
anciennement ils étoient en ufage entr'euxj.,
ibid. Pourquoi les Juifs ne recevoient aucu-
ne victime des étrangers que pour l'holocauf-
te , ibîd' Preuves que les Payens n'avoient-
point d'holocauftes , 78$. ^ fmv«
Homme. Création & chute de l'homme , feloa
la Théologie àQ^ Phéniciens, 437"
Homme. Sacrifices de vidimes humaines en
ufage autrefois par tout le monde , 792,
C5' fah..
HoJHe. Des Hofties Prodigae , 78^. De celles
qu'on appclloit Proterviae., ibid,.
Hoftie. Etymologie de ce mot , 790
Hiits. En quel endroit étoit fitué ce pays, 11
Hydromancet Ce quec'eft, 38, 471.
J
47^-
A c 0 Bi II a connu la toute préfence de Dieu,
7. Explication de fon Oracle fur le Mef-
fie, 8. Comment il faut entendre ce qui eft.:
dit, qu'il acheva fa femaine, 115/
yaloufie. Eau de Jalouiîe. Dans quels cas on
faifoit boire l'eau de Jaloufie, 370. Céré-
monies qui s'obfervoient quand on lîlâifoiî
boire, iUd. Compofition de cette eau, 37O0.
571. On l'appelloit eaux ameres, pourquoi,
371. Evénement miraculeux qui ai^rivoitàla
femme qui avoit pris les eaux ameres , ibid,
fîngularité dans la Loi des eaux ameres g
ibid.
'm, %Qrx opinion teuchant îes fîraula»:
sres.
D E s M A
cres, 489. 490. Il étoit Magicien, 49^
^itnus. C'étoit le Saturne des Phéniciens, 585.
C'ctoit Noé j ibîd. Il reçoit Saturne daac
fon Royaume, 58^. Monnoye qu'il fait bat-
tre , ibïd.
Japet. Lejapet des Poètes eftjaphet fécond fils
deNoé, 9Z. 6<,i
Japhet. Quel fut fon partage dans la divifion de
ia terre, ^8. 71. C'dt Neptune, 53 3.588«
Il efl caché fous le nom de Dagon & de Nep-
tune , 6ji. Origine du nom de Japhet ,
• il>id. C'eit le Japetus des Grecs , 52..
6.^1
Ibis, II étoit adore en Egypte, 50^. Pourquoi,
Ides. Ce que c'éîoît , 1 1 ^
Idolâtrie. Origine de ce mot , 400^ 404. Ce
qu'il fignifie, 4,0a. Quels peuples ont été les
premiers Idolâtres, ^06. 407
idolâtrie. Deux efpeces d'Idolâtrie , 401. De
l'Origine & de l'antiquité de l'Idolâtrie ,403.
Elle n'a point précédé le déluge, 404. Elle
eft née de l'impiété des hommes avant le dé-
luge, 404. En quel tems elle a commencé,
405. Quel a été le premier objet de l'Idolâ-
trie, 40/. (3" fulv, La plus ancienne Idolâ-
trie, eft l'adoration du Soleil & de la Lune,
715
Jdoîe, Origine de ce mot, 400. Le mot d'Ido-
le fignifie toute forte de répréfentations ,
401. Différence entre image & Idole, 401.
401. Autre fîgnification du mot d'Idole ,
401
^cle. Les Ifraëlites ont adoré le vrai Dieu fous
des Idoles, 538. On baifoit, oulesldoles,
ou la main à l'honneur de l'Idole, 54^. Cou-
tume de baifer U main pour adorer les Ido-
les, 60 L
Idole. Si les Ecrivains facrez. changent les noms
des Idoles, ^27.^28. 6t.^
St.Jecm. H a emprunté les idées & les termes
de la Cabale Judaïque, 153. Explication des
animaux de St. Jean, 2.31. 232. D'où il a.-
pris les images de fesvifions Apocalyptiques,'
Jehova. La prononciation dece nom e'toit igno-
rée fous le fécond Temple, 280
J-ephté. La fable du facrifice d'Iphigenie a été
empruntée de Jephté , 20t. 581. De fon
Vœu, 380. S'il fit mourir fa fille , zHd.
jferoboatn. Des Veaux qu'il pofa en Dan & en
Bethel, 542. ^ fitîv. D'où il avoit pris ce
faux culte , ïbid. Du fexe de ces Veaux , 543.
Ces Veaux étoient confacrez au vrai Dieu ,
537. 543. L'adion de Jéroboam ne fut pas
regardée comme une Apollafie totale , 543.
544. Pourquoi Elie n'a pas reproché aux dix
Tribus l'adoration des Veaux, mais celle des
Bâhalins , 544. Jéroboam fuivic le culte or-
T I E R E S.
donné par la Loi, 54^. Il eft faux que les
dix Tribus ayent facrifié des hommes à ces
Veaux, $45. 54^. D'où Jéroboam tira fes
Sacrificateurs, 54^
Jefus-Chrifi. Le mariage eft un type de fon union
avec l'Eglife , 152. La Cabale Judaïque fem-
ble avoir connu ce myftere , 152. irj. En
vain veut- on reconcilier les deux généalogies
de Jefus-Chrift par la Loi duLevjrat , 167,
Pourquoi il n'entra en office qu'à l'âge de
trente ans , 288. En quel jour il célébra fa
Pâque, 329.533. Pourquoi les Juifs ne l'ex-
communièrent pas , puifqu'ils excommu-
nioient ceux qui le confelToient , 3 ^è
Jefns - Chrifi, App<;llé Jeshu par les Juifs j
6zZ " ,
Jethro. Il étoit Paycn, félon Iès Juifs, 42
J-eme. Les Juifs ne jeûnoient jamais dans leurs-
Fêtes, 338. 343. Ni les Chrétiens, le fa-
medi , &ledimanche, 338, Jeûne folennel
entre les Juifs, 338. 343, Obfervations fur
les Jeûnes des Juifs, & la manière de ks cé-
lébrer, 343. Quatre Jeûnes établis durant la
captivité , 3 44
lUith^n. Quelle divinité c*e'îoitj 795
llus. Ce que c'eft dans la Théologie des Egyp-
tiens, 433. 434
Image. Différence entre image & Idole, 401.
402. Horreur que lesjuifs ont pour les ima«
ges, 405. Quelle a été l'intention des pre-
miers faifeurs d'Images, 483. Du culte que
hs Idolâtres ont rendu à leurs Images, 487.
iS" Juiv. Parfaite conformité de fentimens
entre le Papifme & li Paganifme , fur la vertu-
des images, 494. 498
Indigetes, Des Dieux îndigetes, 42 (î. K3 ftûv,.
Pourquoi ainfi appeliez, 418:
j?o^. De fon Livre, & de fa Théologie, 8. ^
fuîv. Opinion profane de ceux qui fontjidê
J'Hiftoire de Job une fidion, 8. Preuves de
la vérité de cette Hiftoire, 9. 10. Son Livre
eft écrit envers, 10. Job a vécu avant Moi-
fe, 10. II. Pourquoi Jofephe n'a fait aucu-
ne mention de Job , 10. Job a ignoré ks
miracles que Dieu fit en Egypte, 11. De la
patrie & de la famille de Job, 12. Il étoit fils
de lîuts neveu d'Abraham, 12. Il a été con-
temporain d'Ifaac, 13. Qui eft l'Auteur de
fon Livre, 13. Moïfe n'en eft pas l'Auteur,
33, lly a apparence que Salomon en a été le
traducteur, 14. L'Original dece Livre étoit
Arabe , 14 Ce Livre eft admirable pour la
providence divine , 15. lia connu la refur-
redion, 16. Preuves de cela , ibîd. La Mo-
rale du Livre de Job eft excellente, 17-
Job. Explication du XXXVIil. Chap. v. 3?.
^89
Jofeph. Ce que c'eft queledevinementdugobe-'
let dejofeph, 38. Si le Patriarcliejofeph a»
UIH 3 été
T A B
Ici. LePayen quieûtobfervélaLoiétoit digne
de mort, 518. Ou relifoit la Loi toute eii-
liere l'année de Relâche , 557. Des Peines
aul'quelles étoient fournis les Violateurs de la
Loi, 387. (^fuiv.
Lot, Reflexions fur le changement de fa temme
en une ftatuë de fel, 6. Le péché de la fem-
me de Lot eft un péché typique , 76. Sous
quelle divinité les Moabites l'ont adore ,
loup. Il étoit adoré en Egypte, 50e. 515
Lucien. Plaifanterie qu'ail fait fur les Dieux d'or
& d'argent, 4^5
Zucîle , fentiment de ce Poëte touchant les fimu-
lacres, 49 8
Lucina Jum. Voyez !}um LUcïna. Origine de
fon nom, 75^
tucîus Mîmitm, On lui fait prefent d'un bœuf ,
pourquoi, 5^1
Zme. Solennité des nouvelles Lunes , 324.
Comment on contoic les nouvelles Lunes ,
ibîd. Comment on faifoit favoir les nouvel-
les Lunes par tout Ifraël , 51$. De quelle
manière les Juifs les content aujourd'hui ,
ibîd,
Zme. Elle a été l'objet de l'adoration des pi-e-
miers Idolâtres ,401?. 407. Quel nom elle
avoit entre les Phéniciens , 597. 598. Selon
les Orientaux la Lune étoit mâle.ScfenielLes
^tme. Etymologle de ce nom , '^04
,£«22^. De l'adoration de la Lune, -7t^. Onl'ap-
pelloit fortune, (J 9 9. C'eftlamcmequ'Aftar-
téjé7z.679. Pourquoi la Lune eft defignée
par des lumières au pluriel , 672,: C'eît la
même que Jnnon , 679. Origine de ce nom,
ihid. Sous quel nom elle a été adorée par les
Arabes, 6'79. ^80. La plus ancienne idolâ-
trie eft l'adoration du Soleil & de la Lune,
715
Zuftratîon. Comment les Payens faifoient leurs
iuftrations, loi
M
MAaca, Mère du Roi Afa. Elle étoit la
grande Prêtrefle de Bahal-Pehor, 55i.
Cequec'eft que fon Miphletfeth , 555
'Maccabées. De quelle brancheils fortoient, z6i.
Ils joignoient la dignité Royale avec la Sacer-
dotale, z6i
Mages. Leurs mariages étoient inceftueux, r48
Magiciens, De quelle manière ils évoquoientles
Démons, 49^
Magazi». Origine de ce mot , 705
Màhometans. Confacrcnc le Vendredi à leurs dé-
votions , 1Q4. Ils ne mangent pas d.e fang ,
173
Mahm^x^lm^ Quelle divinité c'ctoit , 705. Ce
L E
font les Aigles Romaines ,' joS
Main. Deux manières dé laveries mains entre les
Juifs, 350. Les lavemens des mains uficez de-
vant les facrifices, lOi. C'étoit une marque
d'innocence, îbid.
Malachbelus. Quelle divinité c'étoit, 59(5.606
ManaJJ'é. Il a pouffé le crime d'idolâtrie plus loin
que fes Ancêtres, 7^-^
Mânes. Opinion des Anciens touchant les Mânes,
419. Gomment on les confultoit, 471
Manés. D'où il avoit puife fon herefie , 410.
42,1. 71^
Margemah. Ce que c'étoit, 709
Mariage. Des mariages des Patriarches ,131. i^
faiv. L'inftitutiondu mariage, 131. 133. Le
commandement de fe marier obligeoit les
hommes & non les femmes, félon les Juifs,
aji. Les Hébreux faifoient grand casdu ma-
riage, 131. Des droits & des loix du mariage,
,133,144. De quelle manière les Anciens con-
traâoient leurs mariages, 134. ^ fuiv. 'Dtè
.mariages dans les degrez détendus, 140, ^
fiiiv. Deux cas feulement défendus dans les
mariages avant Moïfe , 140. 141. Si ces ma-
riages dans les dégrez défendus étoient illé-
gitimes félon le droit naturel ou pofitif, 141,
Etrange opinion des juifs fur les mariages des
Efdaves Profelytes,\i43. 144. Les Juifs ne
reconnoilToient pas d'autres loix que pofitiveî
.dans toute l'affaire du mariage, 145. Autre
tradition des Juifs fur le mariage très para-
doxe, 145. Si- les degrez défendus entre les
Chrétiens font des loix pofitives ou naturel-
les, 14^. 147. Les mariages des Occidentaux
étoient plus honëtes que ceux des Orientaux,
.148. Les mariages des Romains étoient dans
un degré de grande honéteté , 148. 149.
■La Polygamie 8c le divorce font contraires à
l'inftitution du mariage, 150.155. 161. Le
mariage eft un type de l'union de Notre Sei-
gneur Jefus- Chrift 8c de fon Eglife , 1 5Z.
155. Si les féconds mariages font permis,
159. La défenfe à un beau-frere d'époufer fa
belle- fœur ne peut être une Loi de nature,
.166
Mars. Sous quelle figure les Romains & les
Scythes l'adoroient, 487. C'étoit l'Hefus des
Gaulois, 572,. De fes Prêtres , 599.^^0
Mars. Etymoiogie de ce nom , ^04. Il n'eft
point le Bahal des Phéniciens, 601. On lui
îacri&oit des hommes , 793. Quelles bêtes
on lui facrifioit, 79^. 797
Marshamus. Il eft trop hardi dans l'explication
de l'Ecriture, ^4^- ^75
Matthieu. Explication du v. 5. du Chap. 15. de
St. Matthieu, 737
Maxime de Tyr, Il a reconnu l'unité d'un Dieu,
415. 41^. Son fentiment touchant les fîmula-
cres, 488
Mdchi^
DES MATIERES.
464
^04
499
^95.
Mekhîfedec, De Melch'ifcdeç & de fon Sacer-
doce, 61. (jf fuiv. Ce n'écoic point Jefus
..Chvill, 6z. C'étoit un véritable homme,
6^. Ou étoit cette Salem dont il étoit Roi,
jhïd. Il étoit l'un des trois Patriarches fils
de Noé, 6j. Opinion des Juifs que Mel-
chifedec étoit Sera n'eft nullement à mépri-
fer, (fji. 71. Pourquoi Melchifedec eft dit
fans père & fans mère, 69. Difficultez con-
iîderables contre k fuppofition que Melchi-
fedec étoit Sem , 71. 71, Melchifedec etoi't
Cham, 7i. Melchifedec dans le fentiment
commun eH. un Prince Cananéen , 80. Pour-
quoi Dieu changea le nom de Cham en ce-
lui de Melchifedec , 80. Dernière preuve que
Cham étoit Melchifedec , 8q. Melchifedec
étoit le même que le Sidec des Phéniciens,
80
Melchifedec. Du facrihce de Melchifedec, 55/
Fable des Orientaux fur ce fujet, 93. 94.
Il a véritablement facrifié,96. Pourquoi Abra-
ham lui donna la dîme de tout , 117. Quel
Dieu les Payens en ont fait , 444. Il avoit
établi un Sanduaire prés de Sichem , félon
quelques-uns,
Melîcerte. Etymologie de ce nom ,
Memnon. Fable touchant fa fiatuë ,
Mens. Ce qu'entend Efaïe par ce nom
^ fmv. C'eft le Soleil & le bon Démon'.
699. C'eft la Lune, félon l'Auteur, 701
Men/îrual. (le fang) Comment l'expiation s'en
faifoit, ^66
Mer. Les Egyptiens l'avoient en horreur ,
Mer d'airain. Sa defcription , z^o
Merarites. Quel étoit leur office, z^o
Mercure Trifinegl(le. Quel homme c'étoit, 43a'.
Opinion qu'on, lui attribue que les fimulacres
devenoient le vrai corps des Dieux,455. Le
Livre intitulé Afdepius, qui lui efl attribué,
n'eft pas de lui , 49^. En quel tems il vi-
voit , îhid. Pourquoi il a été appelle Trif"
ii)egifte,î^/^.Les Livres qu'on lui attribue font
fuppofez i ibîd.
Mercure. De quelle manière les Grecs le répré-
fentoient, 4i5
Mercure, Explication du Proverbe, Kon è qm-
fvis ligna fit Mercurias^ 48 lî
Mercure. Ce n'eft pas le Thautates des Gaulois,
571. 571,575. Etymologie de ce nom , ^04.
C'étoit l'Anubis des Egyptiens , félon Plu-
tarque, ^^5^. Que lignifioit fon Caducée,
C^%. Il étoit Dieu des chemins, 709» De les
monceaux, 710
Mercure. De ion culte» & de l'origine de fes
divers noms, 727. Pourquoi on l'a fait Dieu
de l'éloquence, îbid. des chemins, 7z8. Et
des Marchands , îb'id.
Utjfie. Explication du premier Oracle qui prédit
Part, IV,
la venue , 4. Il a été bien connu du tems
d'Abraham; 6.^7. Explication de l'Oracle d«
Jacob, g
Mexiquaivs. Cérémonies de leurs facrifices ,
794
Mica. Remarques fur l'Hiftoire de Mica, dont
il eft parlé dans le Livredes Juges, 41Î5. Les
Theraphims de Mica étoient confacrez au vrai
Dieu , ^66. Des Theraphims de Mica
MicaL D'où elle avoit pris le Theraphim qu'el-
le mit à la place de David , 4<)0.4^i. Pour-
quoi dans cette Hiftoire les Septante ont tour-
né un vain tombeau, 4^4
Milkom. C'eft la même divinité que Moîoch ,
5(^5. VoY^ Moîoch.
Minerve. Elle étoit mâle Se femelle , 598. Fa-
meux Hiéroglyphique fur le Veftibule de la
Min&rve de Sais, 66/^ On lui facrifioit une
vierge, 79 j
Mîphel-tfeth. Ce que c'eft <juc le Mipheletfeth de
Maaca, y-.
Miroir. Les devins s'en fervent pour deviner,
471. 47i^ Hiftoire notable fur ce fujet,
472
Mithra. Quelle divinité c'étoit, 721. Culte
qu'on lui rendoit , 722,
Mitfrdïm. Il a été adoré par les Egyptiens, 533.
Mnevis, Il étoit confacré à Oiîris , 52^. 52^."
5 3 o. Le Bœuf Mnevis adoré par les Egyptiens ,
5©9. Oùilfaifoit fademeure,?^/i. 52^. De
quelle manière H devoit être fait, 511. 512.
On adoroit aufti fon fimùlacre, 514
Mois. Comment les Grecs & les Romains divi-
foient leurs Mois , 113. Ils fe contoient félon
les Lunes entre les Hébreux , 324
Mole falée. Ce quec'étoit, 798.803. Son ufa-
ge dans les facrifices , . 80 ?
Moîoch. Textes où il eft parlé de Moîoch, ^^6^,
(^fuiv. Noms qu'on lui donnoit, 5(15. Cul-
te qu'on lui rendoit , 5^5. Dsfcription de
l'Idole de Moîoch, félon les Rabbins, 56^6^.
On brûloit des enfans à fon honneur , ibid.
Queftion fî on faifoit fimplement pafler les
enfans parle feu, ou fî on les brûloit, 5^7,
5^8. 5^9
Moîoch. C'eft le Saturne des Grecs 8c des Rq.*
mains, 570. Ç5'/«^'o. t^elle figureles Phé-
niciens donnoient à cette Idole , 457. 570.
C'eft le Thautates des Gaulois , 571. 571.
Conformité du culte des Phéniciens à leur
Moîoch, & celui des Carthaginois à leur Sa-
' turne,574. ^ fuiv. Quelques mots Cartha-
ginois du Pœnulus de Plaute expliquez, pour
confirmer que leur Saturne étoit Moîoch ,
?77
Moîoch. C'eft le Soleil, 579" i^fuiv. Que fî-
gnifioient les Chapelles ^ui étoient prés de
Mramrana fs»
T A B
h ftatuë , ^30. 581. Adam eft caché fous
cette divinité, 581. & Njé, 419.583. tST
fuh,
MoncAHs. SoiiCara£lere,45i. Fauffe conjeftu-
re de Moncxus fur le Veau d'or, $05
Monde. Combien il a duré depuis la Création
jufqu'àlaLoi, 175. I7<>. 181. ^ julv. Opi-
jaions de plufieurs narions fur l'antiquité du
monde, 194. 19$. Comment le monde a
été crée félonies Phéniciens, 43i. 'i^ fuiv.
Si le monde intelligible , &: le monde fen-
fible, furent créez en même tems, 453
Monnaye Romame, Comment elle était mar-
quée, & pourquoi , 585
Montagnes, Les premières affemblées des hom-
mes pour le fervice divin fe faifoient fur les
montagnes, 120
Monumem^ Comment on les faifoit ancienne-
ment, 73 5
Mort. Cérémonies de purification pour l'attou-
chement d'un mort, 5^7. Attouchement d'u-
ne bete morte, fouilleure légale, iG<)
Morts. S'enquérir des morts, ce que c'eft dans
l'Ecriture , 46:1. Diverfjïs manières de les
confulter , 471
Mouche. Dieu des mouches, à quelles divinitez
on a donné ce nom , ^tf. 6zs). ^34. 639.
Cenomn'étoit pas un nom de mépris, ^19.
•^39
Meïfe. îl n'a pas été le premier învenfeur des
Lettres, 21. i^fuïv. Il a exercé le Sacerdo-
ce, 59. S'il a eu deux femmes, 150. Il eft
appelle Tâaur par Saachoniathon, 436.443.
444. En quelle forme Dieu lui apparut,. 45 5.
Il cille Typhon des Egyptiens, 534. 535.
C'eft le Thaautus des Egyptiens , 743
Mtififde Dis ers inftrumens de la Mufîque du
Temple, 291. Diverfité de Cantiques qui fe.
chantoient , ou fe jouoient, félon Its diffe-
ren5 jours, 293. De l'ordre dans lequel on
jouoit de ces inftrumens, z^^
Muth. Quelle divinité c'étoit, C^6
MmjîMs, Dieu des Payens, 409, Quelle divi-
nité c'étoit, 55^
Myliita. Quelle divinité c'étoit , 680. 62^6.
ésa.
N
NAhaman. II étoit Profelyrede laPor.
te, 43. Explication des paroles d'Elizée à
Nahaman, 53
Naijjance. G^nie <}ui prélîdoità la naiflancedes
hommes, félon les Juifs , 696. Des Aftres
qui préfident à la naifîance des hommes,
698
Sature. La nature univerfelîe répréfentée par
Iffs, 525. ^ fuîv. Dans le bœuf Apis oa
trouve tous les çaraftçres de U nature uni-
verfelîe, 530. Répréfentée parvenus. 6 g(î.
687
Naz^areat. Du Vœu du Nazarcat, 581. Ç3'j'uivi
ChofesdontleNazarien étoit obligé de s'abf-
tenir, 381. 38Z, Il n'y avoit que la fouillu-
re pour un mort , qui anéantit les jours du
Nazareat , 382,. 383. j8$. Chofes que le
Nazarien devoît faire, 383. (^ fuiv. Preu-
ves q.ueles Nazariens, en entrant dans leur
Vœu, étoient obligez à la purification, aux
facrifices, &àferafer, ihid. La fouillure ou
la fainteté du Nazarien étoit principalement
dans les cheveux , 384. Cérémonies de la
conclufion de ce Vœu , 385. Des peines
aufquelles étoient foûmis ceux qui violoient
la Loi du Nazareat , 385. Diverfes curiofi-
tez tirées de la tradition des Rabbins toti-
chani le Nazareat, 386. Samfon n'étoit pas
abfolu ment Nazarien , 58(î. 387
Neho. C'eft le lieu où Beel-Phegor rendoit fes
oracles, ^^t,
NtBucadnetfar. Signification de ce nom , 595
Necromance. De la Necromance des Syriens,
464. Diverfes efpeces de Necromance, 471.
Temples où l'on exer^oit la Necromance j,
Nego, Quelle divinité c*étoït, 595^
Nephthys. Quelle divinité c'eft, ^'51
Neptune. Cç qu'il lignifie, 412. C'eft Japhet ,.
533. 5S8.. 651. Etyraologie dccenom, 604»
6^1. C'eft le Dagon des Phéni-ciens , 64^(i^
^48. 650. Noé eft. aufti caché fouscenom,
6<i,i. Quelles betes on lui facrifioit , 79$
Nergd. Quelle divinité c'étoit , (,53. <J^4.
Nethinlens. Quel étoit leur office, z<)&.
Nimrod.Les Babyloniens en ont fait leur Bel,^oz<,
^11. Pourquoi appelle Nirarod ; j^'^. Pour-
quoi Bel , md^
Nihechas. Qaelle divinité c'étoit , 6^53. 6^4.
Nil. Réppéfenté par Ofîris, 51-4
Nifroch. Quelle divinité c'étoit, è&o. Opinion
de Kirkerus, 66 1. Ce nom femble fignifier
un aiglon, 663. C'étoit Belus, îb'id»
Noachides. Origine des fept Préceptes appelhz
desNoachides,59.Enumeration&:explicatio«
de ces fept Préceptes , 40. Ils contiennent
l'abrégé du Decalogue, ibid. Dieu donna ces
commandemens à Adam-dans le Paradis ter-
reftre , félon les Juifs , 39. Comment ils
prouvent cela , 41. Trois chofes remarqua-
bles dans leientiment des Juifs fur ces Pré-
ceptes , 41. 42. Ils les regardent comme le
'Jus Naturale , qui oblige toutes les Nationsj.
41. 42. Ces Pr-éceptes faifoient toute la Reliv.
gion des Fidèles avant Abraham , félon les
Juifs , 42. Ils croyent qu'ils font fuffifans.
pour fauver les hommes, ihid.
Noachides. Les Payens (^ui obfer voient les Pré-
ceptes.
DES MATIERES.
-ceptesdes Noacliides étoieac iauvez , félon
le$ Juifs, 4a
Noachides. Le décret des Apôtres contient les
Préceptes des Noachides, 44. 49. La i^^eli-
gibn des Noachides étoit tort approchante de
la Religion Chrétienne, 5z. Des deux pre-
miers l^réceptes des Noachides, 52. i^/mv.
En quoi contîfioit le cuJte externe des Noa-
chides j 55. i^ Juïv. Ils avoienc l'ufage des
facrifices , 55. Qui étoienc les Sacrihcateurj
parmi eux, 5^, ^ fuiv.
Hoces. Si [gs fécondes noces font permifes ,
Noé. H étoit Prophète , 3Z. Il reçût une réité-
ration du commandement de lacrifier , 83.
84. Da facrihce de Noé en fortant de l'Ar-
che, ^ 97. 58
Noé. Qii^Dieu les Phéniciens en ont fait, 419.
Il étoit un des Theraphims de Laban, 4^0.
LesPayens en ont fait leur Dieu Priape, ihid.
C'eli Saturne, 535. Il a été adoré par les
Egyptiens, 533. 534. C'elt Apis. 534. C'efl:
Bahal-Pehor ou le Priape desMoabites, 555.
- ï^ fitlv. ^(îi. Il aprit de Dieu l'art de la na-
vigation, 559. Les Payens en ont fait leur
Bacchus, 5^0
'Roé. Conformitez de Noé avec Saturne, 583.
.^ fulv. Avec Moloch &: Kijoun , 584.585.
Qye fignifie fon nom, 585. Les Pa)ens en
ont fait leur Janus, 585. Le partage du mon-
de qu'on dit qu'il fit à fes enfans , eit fabu-
leux , ibid. Les Payens ont fait trois divinicez
defes trois enfans, 587.588
îfloé. Il n'engendra pas après le. déluge , 588.
Silence étonnant Je l'Ecriture fur Noé 589.
Notable fragment d'Abydenus touchant Noé,
&rHiftoire du déluge, 589
Noé. C'eft le DagoH & le Neptune des Payens ,
Noé. Sur quelle montagne s'arrêta fon Arche ,
<^87.66i.66z. Si les Payens avoient quelque
connoillance de cette Arche, ibid.
Nones. Ce que c'étoit, 115
Nuées. On aaccuféles Juifs de les avoir adorées,
pourquoi , 748
Ntimk PompUus. Il étoit Nécromancien , &
excrçoit l'Hydromancie, 475
Nmdines. Origine des Nundines Romaines ,
■113. Eiles n'étoient que pour la ville de Ro-
me 114. Trois raifons de leur établiflement,
ibîd. Quand cefla l'ufage des Nundines ,
Ï14. 115
O
Anes. Qiielle divinité c'étoit , 6'4^
Ob Ce que c'étoit entre les Orientaux ,
46'9.47o, 473. Ce qu'étoient les Maîtres de
l'Ob, 470. 471. 473. Defcription de l'Ob
par riicrituie du Vieux Teflamenr, 474. Ma-
nière de deviner par Cfb , 474. 475. Pour-
quoi les Septante ont tourné Ob par Ventri-
loque , 47 c
Ochus , Roi de Perfe , affront qu'il fait auic
Egyptiens, ^ 51 j
O^raiides des chofes féches & liquides, i,i6.
l^ fptiv, des pixmiers fruits , Z99. 300.
Ojfrande volontaire. Différence entre le Vœu &
l'offrande volontaire , 373. De quoi fe fai-,
foient les offrandes volontaires , 374. Elles
étoient en beaucoup plus grand nombre que
celles du fervice ordinaire , 374
0|^;ïWi^^; des chofes inanimées, 798
Olympiade. Combien d'années comprenoit une
Olympiade, 114
OfKer. Qi-elleefpece de mefure c'étoit, z5o
0?2ilion. Compofition de l'huile avec laquelle fe
faifoit Tondion du Souverain Sacrificateur,
z84. Manière dont on faifoit l'ondion ,
z85
0???i«j. Il bâtit un Temple en Egypte, zzî
Ophites. Leur Théologie femblable à celle des
Egyptiens , 744. De leur Diagramme , ibid..
Mis mal à propos au aombre des Hérétiques du
Chriltianifme, 745
Ops. Pourquoi on la fait femme de Saturne,
587
Oracle, Ceflation de tous les oracles faux & vé-
ritables, quand &' pourquoi , i8i. Divcrfes
manières dont le Démon fe fervoit pour ren-
dre fes oracles , 4^7
Orcus. C'eft le mcme que Pluton , 6/\i. Ex-
plication de fon Kiftoire fabuleufe, félon Eu-
febe , ibid.
Orient D'où eft venue la coutume d'adorer du
côté de l'Orient 71^.717
Oromaz.es. Qn lie divinité c'''toit , 721
Orphée. Orit;ine de la fable qu'Orphée tira fa
femme des enfers , 6i,&
Ofée, Explication des Verf 3.4. 5. du Chap.
3. d'Ofce , 175. 27^- 455- 454- 4$^»
Ojiris. Ce que ceDieu fignifioit , 412 415, Le
Bœuf lui ctoit confacré, 50S. C'dl iv. So-
leil, 523. 525. Preuves qu'en apporte Pîu-
tarque, 523. 524. Il fignifioit aulTi le Nil,
524. Il étoit adoré dans toute l'Egypte 525.
Ifis quoi que l'époufe avoit a fuperiorité fur
Ofîri.s qui étoit répoux, 525. LebocufMne-
vis lui étoit confacré, 52^ 529 539
Ojiris. T-ué par Typhon , 531. D;; quiil étoic
fils , ibid. Defcription de la fête , qui ^'ap-
pelloit recherche d'Ofiris, 541, Lafêted'O-
lîris perdu 8e retrouvé eft la même que celle
d'Adonis mort & reflTufcité ,684. C'eii Ado-
nis, ^Sf
Mmmmm £
Oeuvres
T A
Oeuvres de feirerogatlon , «e cjue c'eii , J7i.
57S.
PAiiLARDisE Spirituelle. Ce que
l'Ecriture entend par la, . 738
:§ams de propofition. De leur grandeur & de leur
arrangement , 24a. Ce que fignifioienj ces
pains, i4J
P/ïïV;. Le pain levé ne fe mettoit point fur l'Au-
tel, ^ ^ 317
Palilia. Quelle Fête c'étott, 1<î8
PalUs. Etymologie de ce nonij 604
Pan. Voix qui cria, le Grand Pan eft mort ,
4i(J
^>ï;7. Quelle divinité c'étoit , <ff4.
Tàqtie. Dans la Pâque tous les Chefs de famille
exerçoient la Sacrificature, ^o. Pourquoi Dieu
ajoura le Sacrement de la Pâque à la Circonci-
fion, - 12^
p.ique. Pourquoi elle fut inftituée, }25. Quel
jour elle fe celebroit, îhîd. Qualitezque de-
voit avoir l'Agneau Pafchal y jiiî. On ne
pouvoit célébrer la Pâque qu'en Jerufalem ,
}Z6. La Fdque étoic un vrai facrifice , ^z6.
527. Chacun égorgeoit fa Pâque , 527- Hy
avoit dans la Pâque Sacrement & facrifice,
327. De quelle manière on mangeoit l'A-
gneau, . . , 32'7
Pâ^ue, Cérémonies ajoutées â la célébration de
la Pàque par la tradition des Juifs, 528. £5*
fulv. Touchant l'Agneau , 328. Exaditude
àes Juifs à la recherche du levain , ibîd. De
quelles perfonnes étoit compofée la Compa-
gnie, 328. 329. Cérémonies pour égorger
ÏQs agneaux, 329. Eii quel jour le Seigneur
célébra fa Pâque, ibîd. 333. Ordre du re-
pas Pafchal, 329. ^ fu'iv. Dans quelle lî-
tuation ils mangeoient la Pâque, 330 Con-
clufion du fouper Pafchal , 333. Ce qu'oa
faifoit !e lendemain de Pâque, 353;
pâque. Seconde Pâque, 334. Obfervationsfur
ia'^conde Pâque , îhïd. Différence entre cet-
te Pâque & la première , félon les Rabbins ,
335:
Paradu terrefirSi Ea quel Ikmiil étoit GtUe ,
5 5-439'
Paredrîn, ce que c^etoit^ 224
farfum. Il ne fecompofoitqueparles Sacrifica-
teurs , 294. Cérémonies qu'on obfervoit
«juand on portait le parfum dans le lieu
Saint,, * 32Z.
fâte. La dime de la pâte s'^obferveeacore entre
les Juifs, 33(5'
Patriarches. Leur connoifTance fur la Religion
n'a pas été auffi bornée qu'on nous la repré-
sente , z. Ayant Adam pour précepteur ils
Be gouvoient pas être ignorans , 3. lis ont.
BLE
été comme témoins èculairesde lacreatrojî^
ihîd. Ils avoient la tradition fûre & facile ,
ibid. Prmcipales veritez qu'ils ont connues ,
4. (3' Mv. L'exiftence & l'elTence de Dieu
leur ont été très fenfibles, 7
Patriarches. Abrégé de leur Théologie avant
Mt'ife , 15. 17. S'ils ont connu le myllere
de la Trinité, 17. (^ fuiv. Leur Reh'gioa
approchoit plus de la Religion Chrétienne
que la Juifve, 20. 52. Leur Religion étoit
fortlimple, 52. De leur culte, 52. ^fuiv.
En quoi confiftoit le culte externe des anciens
Patriarches, 55. ^ fuiv.
Patriarches. Grande diverfité qu'il y a fur la du-
rée de la vie des Patriarches , entre le Texte,
Hébreu & laVerlïon des Septante, 183. iS
fmv. D'où eft venue cette div^té j 19 5»
Patriarches. Si les hommes du premier monde
n'étoient pas fi tôt en âge de puberté, que les
hommes d'aujourd'hui , 188.189. I92k
St. Paul. Il a emprunté les idées & ks termes
de la Cabale Judaïque, i$3. Du Vœu qu'il
fit à Cenchrée, 384
Payen. Le Payen qui eût obfervé la Loi étois
digne de mort , 318. Il pouvoit offrir des
Holocauftes dans le Temple de Jerufalem ,
319. Beaucoup de chofes qui manquoient à
ces Holocauftes des Payens, 315
Payent. De leur Théologie, 407. ^ftiîv. El-
le eft monfirueufe, 407. Elle attribuoit aux
Dieux desadions fales & impures, 409
Payens. Ilsfemblent avoir reconnu l'unité d'un
Dieu , 414. 415. Excufes pour couvrir les
horreurs de la Théologie Payenne, 410. 411.
Refutées , 411. Trois fortes de Théologie:
entre les Payens , ibid. Seconde excule des
Payens, 41 1.412. Refutée, 413. Leur der-
nière excufe, 414;.
payens. Ils cachoient leur Philofophie fous des
énigmes & des fables, 412. Ils adoroient fous
une même divinité , une partie du monde,
un corps naturel, & un homme, 414.418:
Péché. Sacrifice pour le péché. Voyez, facri-
fice.
Péchés Péchez commis par erreur , 310. 312.^
Péchez qui meritoient la peine de retranche-
ment, 311. En quoi il diffère du délit j,
312
Péché contre le St. Efprit. Caraderes de ce pè-
che, . , . 37
Péché. Partie des péchez des Anciens étoient ty-
piques , 74. La plupart des péchez typi-
ques font légers confîderez en eux-mêgieS;,
75
Peclord. Defcription du Peâoral du Souvcraîa
Sacrificateur, 273
Pehor. Voyez. Bahal-Pehor.
Peines légales. Des peines auxquelles étoient fou-
rnis
D E s M A
mis les violateurs de la Loi Ceremonielle,
387. (3" fuiv.
Peines le^aleu Les coupables n'étoient pas fou-
rnis aux peine légales j 387. Pourquoi, 388.
Sous le premier Temp.e les peines étoient
toutes adminiflrées par le Magiitrar, 388
Peines corporelles entre les Juifs, 388
Teinture. Origine de cet Art, 481
Pénates. Des Dieux Pénates des Romains, 423.
^ [uiv. Leurs noms étoient inconnus, pour-
quoi , 4'-4. Origine du mot Pénates, 425.
Deux fortes de Dieux Pénates, ^zG
Pentecôte, Divers ncms qu'on luidonnoit, 335.
En quel tems elle fe celebroit , ihid. Céré-
monies folennelles de cette Fête, i\G
Pere'jre, (Ifaacla) Auteur de la fede des Pré-
Adamites. Hiftoire abrégée de fa vie&defon
Livre , 176. Abrégé de fon fyfteme , 177.
-i^ fulv. Fondemens fur lefquels il a appuyé
fon fyfieme, 180
Perfes. Ils n'avoient pas de Temples ni de Ci-
mulacres , "zox. 478. Quels Dieux ils ado-
roient , 407. ^3 1. Ils adoroient deux prin-
cipes, l'un mauvais & l'autre bon, 53a
'Péruviens. Cérémonies de leurs facrifices, 794.
80a
Phdlï. Comment Jamblique explique l'horrible
cérémonie de l'éredion des Phalli dans les
Fêtes des Payens, 415
Pharifiens. Ils n'étoient pas tous de la Tribu de
Levi, 303. Pourquoi ils fe lavoient fï fou-
vent, 3^9, Leur origine, 372. 373- Pour-
quoi ils furent ainfî appeliez , 373. Pour-
quoi Jefus Chrifl leur en veut tant, ibid.
575,
Phéniciens. Ils ont été les inventeurs des let-
tres , 2 1. Leur Théologie ell: la fource de
celle des Grecs &: des Romains, 4ra
Phéniciens. Abrégé de leur Théologie tirée du
Fragment de Sanchoniathon , 430. iS f«iv.
Quels peuples étoient compris fous le nom de
Phéniciens, 431. Les Grecs ont tire leur
Théologie de celle des Phéniciens, 446'.
447_-
Phéniciens. D'où ils ont emprunté la coutume
de facrifier des enfans, 590
Thldion. Son fentiment touchant les Gmula-
cres, . 490
Philon. Il n'étoit pas favant dans les antiquitez
Judaïques , 6^0
Phîlo Bibiius , Tradudeur du li re de Sancho-
niathon , 431. Diverfes bevûës de cet Au-
teur , dans la verfîon de Sanchoniathon ,
Ph'ûofophie. Les Anciens cachoient leur Phi!o-
fophie fous des énigmes & des fables, 412»
>4^3
Phinées , Souverain Sacrificateur. Fables Judaï-
ques touchant fa longue vie, 25?
T I E R E S.
Photin. Il ctoit Magicien, 49^
Pierre. Les Arabes adoroient une pierre, 48^
pierre. Origine des pierres volantes des Sy=.
riens, 644
pigeon. D'où fcfl venue la Fable que deux pigeons
noirs fortis d'Egypte avoient parle, 4(^8
pigeons. Les Syriens le's adoroient , pourquoi 3
^47. 687
Planète, De l'adoration des Planètes, 72 5. 728.
Les noms qu'elles portent aujourd'hui leur
ont été donnez parles Grecs, 725. Elles
ont été adorées conjointement avec le Soleil
& la Lune, 72^
Platon. Il femble qu'il a eu quelque connoiflan-
ce du myfiere de la Trinité, 19. Il a imité
la Cabale Judaïque, fur la création du mâle
& de la femelle, 153. 154. Il décrit la chu-
te du premier homme par une fable, 154J
Son Timce eft inintelligible, 413. Il a en-
seigné l'unité d'un Dieu , 414. 415. Son
fentiment touchant les fimulacres, 48 9. Pour-
quoi appelle le Moïfe Athénien , 527
Platonicien. La plupart des Platoniciens moder-
nes ont été Magiciens , 49^
Pluton. C'eft le même que Beel-Zebub, (S 3 1.
^ fuiv. & que Serapis feloij Porphyre 3
Plut on appelle Dieu des mouches & des faute-
relles, 6^^. pourquoi, ^37. Il a traîné par
tout avec lui le nom d'Acheron, 6^6. Les
Phéniciens ont certainement connu & adoré
Pluton, ihid. Il a été auïïl appelle Jupiter,
^■37. Des Dieux Naturels cachez fous Plu-
ton, 6'40. Pourquoi les Poètes ont marié
Proferpine avec Pluton, ^40
pluton. Confondu avec Plutus > ^40. Dieux Ani-
maux cachez fous Pluton, 6^1. C'efl Sem,
félon Bochart , ^33. ^88. 641. Explication
de l'Hifloire fabuleufe de Pluton ^ felôn Eu-
febe, ibid.
plutus. Dieu des richeffes , confondu avec Plu-
ton , (Î40. On a dit qu'il habitoit en Efpa-
gne, pourquoi 3(^41. Jupiter lui ôta lesyeuXj
pourquoi, ibid.
poijfons. Les Syriens les adoroient , 6^6. Si
l'on a facrifié des poiffons, 798
Polygamie. Elle eft défendue parl'infiitution du
mariage, 133. 150. De la Polygamie , 149.
(S' fuiv. Qui eft le premier qui a eu p!u-
fîeur s femmes, 149. Le droit Civil & Cano-
nique des Juifs ne met aucun crime dans la
Polygamie, i^/i. La Polygamie n'a jamais
été aprouvée entre les fidèles, 1 50. Elle eft
défendue dans la Loi, ibid. Raifons qui font
voir que la dsfenfe de la pluralité des fem-
mes eft une Loipofîtive, 151. 155. 15^»
Etat de Uconfcience des Anciens dans la Po-
lygamie, i^ô. Quatre efpeces de Polygames
ibid. Il n'étoit pas défendu aux Rois d'avoir
M mm m m ? plu-
B
pluficurs femmes, i$*J
Polygamie. Comment Dieu après avoir défen-
du la Polygamie par la Loi en donne dirpcu- ■
fe par la même Loi , 157. La Polygamie
étoit rare entre les Grecs & les Romains ,
157. L'Empereur Valeniinien fit une Loi par
laquelle il permit à chacun d'cpoufer deux
femmes, 158. Delà Polygamie fuccefTive,
Pop£. Quel ctoit leur office, 785
Porphyre. Il fembie qu'il a eu quelque connoif-
fance du my^ere de la Trinité, 19. Ilécoïc
Magicien, ^9^
Portiers. Que! croit leur office, 290. 291
Po^tit'herah y beau père de Jofeph, quelle charge
il a''oit, 509
Poune.'îii. Il étoit en abomination parmi les
Egyptiens, feion Hérodote, 507. On a ca-
lomnié le; Juifs d'avoir adoré le pourceau ,
746
Tré.Adawites. Qui eft l'Auteur de cette Sefte,
176. Abrégé du Syfteme Theologique des
Pré-Adamices , , 177^ &" fuiv. Fondemens
fur lefquels ce Syfteme eft apuyé, 180
Prèdejîmmon. Types qui la répréfentent , 78.
79 . , .
Prémices. En quoi confiftoit l'ofirande des Pré-
mices, 2.59. 500. Cérémonies qu'on obfer-
voit, ^ 299-333
Prépuce. Ce que c'eft que le Prépuce en géné-
rai, 351
Préfizge. Pféfages que l'on tiroit des facrifîces,
75)0
fiaps , Dieu des Pàyens j 409, C'efl Noé ,
450. De quel bois étcieuc faites fes fxatuës,
Pm-î/ie. C'eft Bahal-Pehor , 5^1. De quelle
manière l'on peignoic ce Dieu, 553. 554.
555. Illuuon de Mr. Huet qui veut trouver
Priape dans Moïfe , 5 -5 5. Le Priape des M oa-
bires pou v oit erre Lot, leur Patriarche ?wW.
Il cft plus apparent que c'eft Noé , ibid. ^5"
fuîv. 561. II eft auffi appelle Mutinus, ^56'.
Pourquoi il tenjuit une ferpe à la main, 557.
Pourquoi on faifoit ordinairement fa ftatuë
de figuier, 557. 558
Prîape. Qi^ielles offrandes on lui oft'roit, 558.
Pourquoi on lui donnait des aîJes 5 559. L'â-
ne entre dans toutes les aventures de Pria-
pe, pourquoi, 559. Bacchus & Priapefont
la même divinité, 5<îo. Priape eft le Soleil,
56^0. On lui facrifioic l'âne, ^57. Quelles
bêtes on lui offroit, 797
Prière, Pourquoi Moïle ne parle que parocca-
fîon de la prière , 55. Les Juifs faifoient
leurs prières debout , 257. De Pufage 8c
multitude des prières dans les facrifices ,
8si
Principe. L'opinion des deux principes ctoit
L E
comme générale entrcles Théologiens du Pa-
ganilme, U^
Proc'efion. Origine des proccfllons , 575. 765.
Troclus. Il étoit Magicien, 49;;
Promethée. Il écoit hlsde Japhet , 92. LcsGrecs
lui attribuent l'origine de la coutume de man-
ger la chair des vidimes, 92. Exphcatiunde
la Fable, qu'il avoit fait des hommes, 480.
Quel homme c'étoit , 481. Il trompe Jupi-
ter, ^ ^ 785,
Promethée, Fête à l'honneur de Promethée,
766
Prophètes. Caraderes des faux Prophètes , 35.
L'extrême corruption du cœur n'eft pas une
preuve de la fauftcté des infpi rations, 37
Prophètes. Ce qu'étoient les aflemblées des Pro-
phètes, dont il eft parlé 4ans le Vieux Tefta-
ment, 122. 12 j
Prophétie. L'efprit de Prophétie étoit héréditai-
re dans les lat^il les des Patriarches, 25. 32.
Il fe trouvoit.auffi entre toutes-les nations , 3 3.
L'efprit de Prophétie ne fut renfermé dans
une feule nation qu'après Moïfe, i'}. Quand
a cefîe l'efprit de Prophétie, 280
Prophétie. Deux fortes de Prophéties , 70. En
quel fens les femmes prophctifoient dans i'E-
glife, ^ 294
Propitiations. La veille du jour des propitiations
on élifoitun fwbftitut au Souverain SacriHca-
ceur, 296. Le Souverain Sacrificateur ne por-
toit pas fes habits magnifiques le jour "des
propitiations, 281. Pour quelle occafion ce
jour fut inftirué , 358. Cérémonies de ce
jour, 359. f^ fuîv. Cérémonies des deux
Boucs, 339- 340. Pendant ce jour le peuple
s'abftenoit de cinq chofes, 340
Profelytes. Lesjuihen faifoient de deux fortes,
42. Des Profclyces de la juflice , ibid. Des
Profelytes de la porte, 43. En quel fens ils
étoient légalement fouillez , ibid. 44. Un
Juif u'ofoit manger â la table d'un Prufelyte
de la porte, mais il le pouvoit recevoir à fa
table, 43. Les Efclâveî des Juifs étoient Pro-
felytes de la porre , 4.3.44. Les Profelytes
éroient reputez être dans la voye de falut ,
44. Les dévots dont il eft parlé aux Ades à^s
Apôtres étoient des Profelytes de la porte, 44.
47. Troisremarquesimportantes touchant les
Profelytes de la porte, 45
Profelytes. Les Profelytes delaporteavoient un
lieu feparé dans les Synagogues des Juifs
difperfez, 4.6'. Quoi qu'ils euifent abjure le
Paganifme , ils étoient cependant appeliez
Grecs & Gentils , 47. Il ne leur étoit pas
permis de pratiquer les cérémonies Juifves,
47. Il étoit aifé de les convertir au Chriflia-
nifme, 48. La plus grande partie des pre-
miers Gentils convertis étoient des Profelytes
ds
DES MATIEP^ES.
de la porte , 48. Quand on a ceffé de rece-
voir les Profelytes avec folennité , 51. Opi-
nion terrible des Juifs, que les Profelytes de
Ja porte n'étoicnt pas obligez à (andifier le
nom du vrai Dieu, ni àTadorer, 53
Trofelytes. On lavoit les Profelytes de la porte,
103. Etrange opinion des Juifs fur lesmaria-
ges des Profelytes de lajultice, 145. Et fur
ceux des efdaves Profelytes de la porte ,
143. 144
Projelyies. Cérémonies de l'initiation des Pro-
felytes , ' 351
Projerpine. C'efl la même qu'Ilîs , félon Por-
phyre, 61%. Pourquoi les Poètes l'ont ma-
riée avec Pluton, 640. Quelles bêtes on lui
facrifioit, 795. 75^
'ïl^Q(T'i^\jv6Tv. Etymologiedecemot, 602,
Prof^erité, Sacrifice de Profperitez, Foyj^ Sacri-
fice.
Projlernatîon, fe faifoit,de trois manières entre les
Juifs, 2,57
Tfemme. Pourquoi quelques Pfeàumes font ap-
peliez Pfeaumes de degrez, zzz
Pfemme, Diverfitè des Pfeaumes qui fe chan-
toient, oufe Jouoient, dans le Temple, félon
les differens jours , Z9 3. De quelle manière
on les chantoit, 294
Ptolemée Vhiladelphe. Prefens qu'il fait aux Juifs,
T/urifications. Elles étoient en ufage avant Moïfe ,
100. Le lavement étoit une cérémonie de
purification, loi. Ufitées parmi les Payens,
ICI. Avec quoi & comment ces purifications
fe faifoient, ihid. 3^4. tS fiiîv.
Purifications. Le changement d'habits , cérémo-
nie de purification fort ancienne & fort géné-
rale, 103
Purification. Eau de purification, comment on la
faifoit, 3^3. Sifon fe fervoit del'eau de pu-
rification dans toutes les fouilleures, 367
Purim. De la Fête de Purim, 349. Originede
cette Fête, îl^id. Elle eit devenue le Carnaval
des Juifs, 34?
Pythagore. Sa morale étoit énigmatique , ex-
plication de quelques-uns de fes énigmes ,
413. Il reconnoiffoit l'unité d'un Dieu 5 414.
Comment il définifToit la divinité,4i5 Sen-
timens qu'il avoit de la divinité, . 479
Pythie, Quelle femme c' étoit , 772
Python. Efprit de Python, ce que c'eft , 4^9.
470.
Q
UiRiNUS. Quel Dieu c' étoit, 427
R
RA c H E L.- Pourquoi elle déroba les Dieux
de fon père, 449. 450. Ce que c'étoit
que ces Dieux, 457.458. 459. 4(^0.484
Rehecca. A qui elle s'âdrefla pour s'enquérir de
rEterncl, 66
Rechahites. Leur Vœu, 375
Relâche. Année de relâche, 354. Canons pour
l'année de relâche , 354. 355. Du relâche-
ment des dettes, 355. Canons pour la remife
des dettes, 356^. Du relâchement des Servi-
teurs, 35^. La répétition de la Loi fe faifoit
cette année, 357. En quel tems cette année a
été abolie, 358
Religion. De quoi elle eftcompofée, 2. Lacon-
noiflance des Anciens fur la Religion n'a pas
été aufli bornée qu'on nous la répréfente, zi
i3^ fuiv.
Religions. Elles font venues de l'Orient , 410^
418
Réprobation. La réprobation de quelques an-
ciens Patriarches étoit typique, & ne regar-
doit que leurs décendans, 78. 79
Retranchement. Peine de retranchement, ce que
c'elî , 12^. 39 t. Péchez qui meritoient la
peine de retranchement, 511. 391
Remphan. Quelle divinité c'étoit, 514. 571?
Rimmon. Quelle divinité c'étoit, ^59
Rois. On ne les oignoit pas tous, z6%. Ilsn'é-
toient pas oints avec de l'huile facrée, 284
Romains. Comment ils divifoient leurs mois,
113. 115. Les mariages des Romains étoient
dans un degré de grande honéteté , 148.
149. Quels étoient les Dieux Tutclaires de
leur Empire , 42'3- 42-4. 425. Leur Empire
défigné par Mahuzzim, 701?
RcrmiUis. Sous quel nom il étoit adore par les
Romains, 427
Rumina. Quelle divinité c'c'toitj 808
S A EBAT. Le jour du Sabbat ne fe fanâi-
fioit point avant Moïfe , 40. Si l'obfer-
vation du Sabbat cft de tout tems, 104, Rai-
fons de ceux qui tiennent pour l'antiquité du
Sabbat, 10 5. Le Sabbat connu & révéré de tou-
tes les nations Payennes , 105. io6'. 116.
Les Romains regardoieni le jour du Sabbat
comme uniour malheureux, 107. 117. Rai-
fons de ceux qui nient l'antiquité du Sab-
bat, 107. Le commandement du Sabbat ne
fut pas donné à Adam, 108. Dieu donna aux
Ifraëlites le Sabbat pour des raifons qui n'é-
toient bonnes que pour eux, 108.109. Au-
toritez & témoignages contre l'antiquité du
Sabbat, 109, 113, Le premier Sabbat fe cé-
lébra
T A B L
lebra dans le defert , i lo. Si lejour du Sab- Sacrificauurs
bateft le fepticme jour delà creacion du mon-
de, iio- m
Sabhdt. Examen des paroles de Moïfepourran-
iic|uité du Sabbac, Ii8. 119
Subbat. Ce que c'eft que le couvert du Sabbat,
dnnt il elt parlé dans le Livre des Rois ,
Sabbat. De quelle manière on avertiflbit le peu-
ple la veille du Sabbac qu'il faloic ceffer l'ou-
vrage . 2,94
Sabbat. Du fervice du Sabbat , 32.4
Sabbat. De l'origine du Sabbat; j^a. Canonsdc
rcbfervadon du Sabbat , 3-55. Les Juifs peu-
Vent fe défendre le jour du Sabbat, 353. Ce
que c'eft que le chemin d'un Sabbat, îé'/«ff Des
aflemblèes quife faifoientce jour-là, 353
Sabbat d'années , 3 54
Sabbat. Di^ grand Sabbat d'années, 358. £5*
fuïv.
Sabine. Ufage que les Payens fàifoient de cette
plante, 808
Sac. Quelle divinité c'étoit, 59$
Sacelkm. Etymologie de ce mot, 7^^
Sacerdoce. Les femmes avoient part au Sacerdo-
ce entre les Payens, 769. Quels peuples ont
introduit cet ufage, 770. 772.
Sach. Ce que c'eft, 702.
Sacrement. L'Eglife avant Abraham n'avoit point
■ de Sacremens, 124. Ce qui eft requis dans
tout Sacrement, ii<5. Pourquqi il y a deux
Sacremens, 12-5. Quelle différence il y a en-
tre les Sacremens & les facrifices , 125. Si
l'E^life eft en droit d'éloigner les pécheurs des
Sacremens, 388
Sacrificateur. Des Sacrificateurs de l'ancienne
Egîife avant Moyfe, <,6. ^ fuiv. Les aîiiez
des familles en étoient les Sacrificateurs nez,
56'. Parmi les Anciens les Rois étoient Sa-
crificateurs, $8. Si les aînez avoient feulsle
droit. de Sacrihcature, ^7. ^8. EnqueHens
les aînez avoient le droit de la Sacrificature,
59. Tous les Chefs de famille l'exerçoient ,
59. Ce droit fe conferva même après Moï-
fé, ^o. Les particuliers faifoient l'office de
■Sacrificateurs, même durant la Loi deMoï-
fe, ^o. ^i'. Pendant que les enfans étoient
encore dans la maifon paternelle , ils n'a-
voient pas droit de facrifier, 61, Les aînez
^ivoient le droit de Sacrificature comme par
• excellence , mais fans ruiner le droit des au-
tres , 6i. Apres le déluge il y eut trois
Grands Sacrificateurs dans le monde, ^8
Sacrificateur. Pourquoi chaque Chef de famille
étoit né Sacrificateur , 122, Les Sacrifitcateurs
en fervice étoient comme Nazariens, 2^4
Samficmeur. De leurs vctemens, 270
Sacrifi.caieur, En quoi confiftçient leurs reve-
nus, at)9. ^ fuiv.
E
Ils étoient examinez par le grand
Sanhédrin, 283. 288. De quelle manière fe
faifoit cet examen, ibid. Cérémonies de leur
confecration , 283. ^ futv. 288. Tous les
Sacrificateurs dévoient être de la famille d'Aa-
ron, 287. Quel étoit leur office, ibid. zSS,
Ils furent divifez en plufieurs clalîes , ibîd.
Qiie devinrent les familles Sacerdotales apré«
la captivité, 287. 288. A quel âge ils en-
troient en charge, 288. Ils avoient lachar-
ge de fonner de la trompette , 291. lis
compofoient le parfum , 294
Sacrificateur. L'ordre & la manière, qu'ils ob-
fcrvoient dans le fervice ordinaire du Tem-
ple, 520. (^ fuiv.
Sacrificateur. Du Souverain Sacrificateur, 2^8.
(S' Juiv. Il faloit qu'il fût de la famille d'Aa-
ron, 258. 2^2. Lifte des Souverains Sacri-
ficateurs, 259. CS?" fuiv- Cette dignité fut
jointe à la Rojale fous les Maccabées ,
26^1
Sacrificateur. (Souverain ) Desqualitez requifes
pour obtenir cette charge , z6z. ÏS fuiv.
Il ne devoit y avoir aucune tache dans fa
naiflance, 2^2. Si la Polygamie lui étoit per-
mife, 2^2. 2^3. Il devoit avoir l'âge re-
quis, 21Î3. 6f l'intégrité dans les parties vi-
fîbles du corps , zCt,. Péchez qui exduoient
du Souverain Sacerdoce, 2(f4
Sacrificateur, (Souverain) De fon autorité ,
26^4. Si le Souverain Sacrificateur étoit unique,
2^5. S'il y avoit pluralité de Souverains Sa-
crificateurs du tems de Jefus Chritt , z66»
Ce titre étoit donné a plufieurs perfonnes
qui n'étoient pas Souverains Sacrificateurs,
ibid. Des droits du Souverain Sacrifica-
teur, z66. Z67. ^ fuiv. Il dîvoit être oint
neceffairement , 2^8. S'il avoit le don de
Prophétie, , 2^9
Sacrificateur. ( Souverain ) De (qs vétemens , 270.
^ fuiv. De fa mitre, 271. Du roquet, i^^.
de i'Ephod , 272. du Pecloral , 173. Le
Souverain Sacrificateur ne portoit pas fes ha-
bits magnifiques le jour du grand Jubilé ,
281. Ses habits étoient gardez dans une Ci-
tadelle,282. Il ne lui étoit pas permis de dé-
chirer fes vécemens, 282
Sacrificateur. (Souverain) De quelle manière &
par qui il étoit élu , 283. Cérémonies de
l'inftallation du Souverain Sacrificateur, 283.
^ fuiv. Compofition de l'huile avec laquelle
il étoit oint , 284. Manière dont on faifoit
l'ondlion, 285
Sacrificateur. ( Souverain) Du grand Vicaire du
Souverain Sacrificateur, 29^
Sacrificateur. (Souverain ) Sacrifice pourle pé-
ché qu'il offroit pour lui-même, 309. Com-
ment il fe préparoit pour le jour des Propi-
tiations, 539. Il devoit officier ce jour- là
ca
DES MATIERES.
-«n habit bfatic , î^id. Comment on doit en-
tendre qu'il ejlcroit une fois'l'au dans le lieu
Trcs-Saint, 540
SacrificAteur, Des Sacrificateurs des Payens,76 8.
^ juiv. Du Sexe des Sacrificateurs, 769.
De leurs ordres , 77 j
SAcrïficMeur. Quel étoit l'office du Souverain Sa-
• crificâteur parmi les Romains, 773. du Roi
<ies facrifices, ibîd. Les autres nations n'ont
pas eu de Souverains Sacrificateurs, 774
-Sacrificateur. Des habits des Sacrificateurs Pa-
yens, 775. 777. 780. Ils avoient la plupart
4a tête couverte dans le fervice divin, 780.
Les Egyptiens avoient la tête rafe , 778
■ Sacnficateurs. ( Payens ) Ih dévoient être en-
tiers en leur corps, 779. Obfervances feve-
res pour les Miniftres du fervice, imitées par
les Payens , 780
.Se,crîfices. Les adorateurs du vrai Dieu u-foient
-du nombre de fept dans leurs facrifices, 34,
Les Idolâtres du nombre de trois, 3^. Quel-
quefois aulTi de celui de fept 6c de cinq,
ibîd.
'Sacrifices. La Loi des facrifices étoit conteneë
. fous le commandement d'épandre le fang , 5^.
L'ufage des facrifices étoit établi dans la Re-
ligiondes Noachides,, 55
Sacrifices. Pourquoi appeliez Propitiatoires, 75
■ S/ïcr^^cef. 'De Porigine des facrifices, 81. ^
fuîv. La Loi des facrifices n'eft pas une Loi
naturelle, 81. Ils font d'infiitution divine ,
8z. Les facrifices étoient destypes, 83. Gro-
tius , qui les croit d'invention humaine, re-
futé, 83. Noé reçûtune réitération du com-
luandement-de facrifier, 8,3. Preuves de cet-
' te vérité , 84. Ç5f piv. Toute eflufion de
. fang des bêtes eft un facrifice , 84. (^ Juiv,
87. 83. .Dans le défert toute bëte égorgée
étoit un facrifice, 85. Le commandement
• de brûler lesgraifles Srladéfenfede les man-
ger , étoit auffi un facrifice , 86". Le com-
. mandement de facrifier ayoit étéauffi don-
.^é à PEglife avant le déluge , 88. Pour-
quoi ce Culte s'cft répandu dans toutes les
nations, 88. 89
: Sacrifices. Des dîïFerentesefpeces de -facrifices,
89. ^ fuiv. Si l'Eglife avant Moife avoit
toutes ces efpeces de facrifices, 89. (Jfuw.
Preuve qu'avant Moïfe il y avoit d'autres fa-
crifices que des holocaufles , 91. 9Z. Cou-
tume de manger la chair des vidimes , 91»
$z. Si avant Moïfe on n'oftroit pas à Dieu
des chofes feches, 91. Du facrifice deMej-
,chifedec, 93. Trois efpeces de facrifices ufï-
tez avant Moïfe , 96. Pourquoi il ett plu«
fouvent fait mention des holocaufles que des
autres facrifices, 9^
■Sacrifices. Quelle étoit la matière des anciens
facrifices avant la Loi 5 97. ^ Julv. Quel-
Part. ÎV.
les étoient ks bctes nettes pour les facrifiJ
ces, ^y,
Sacrifices. Les cérémonies des anciens facrifices
ont été les mêmes que Moïfe établit du de-
puis, 9.9. Si ces facrifices fefaifoient fur dej
Autels , 100. Les lavemens des mains
étoient fouvent employez devant les facrifi-^
ces, iQj
Sacrifice. Quelle différence il y a entre les fa-
cremens bc les facrifices , 12,^
Sacrifice. Il étoit permis aux particuliers d'égor-
ger ks vidimes de leurs propres facrifices,
295. ioj. Une partie des Loix des facrifices-
que Dieu donna à Moïfe n'étoient que des
Loix renouvellées, 98. Dans quels lieux on
pouvoit facrifier, zo6.-z^6. En quelles oc-
cafions on mettoit la main fur la tête de la
viftime, ^^s
Sacrifice. Cinq fortes de facrifices , 30^. De
l'Holocaulte , Voyez. Holocaufte^ Des offran-
des qui étoient des dépendances des facri-
fices, jj5
Sacrifice. On ne pouvoit facrifier ni manger
des viâimes facrées hors de Jerufalem , 31 i
3i(f. Proportion de l'huile & du vin qu'on
offroit dans les facrifices , .31^. Tous les fa-
crifices avoient leur afperfion de vin, 3-17.
On ne pcuvoit contraindre perfonne â facri-
fier, ^ 3,8
Sacrifice. A qui il étoit permis de faire des facrifi-
■ces,3 1 8. Exemples d'étrangers pour lefquels on
a facrihé , 318. 319. Quels facrifices on
(pouvoit recevoir des étrangers, 319. Les
Ifraëlites en fouillure légale ne pouvoient fa-
crifier, 3 r 9
Sacrifices. Les Anciens danfoienf daiTS leurs fa-
crifices, 599. Pourquoi Dieu ordonna aux
Juifs de fe tourner du côté de l'Occident,
quand ils facrifioient, 717
Sacrifice. Trois efpeces de facrifices entre les
Hébreux, 785
Sacrifice. De la matière des facrifices 791. t.T
,/uiv. Sacrifices de viftimes humaines en ufa-
, ge autrefois par tout - le monde , 792. F^
fuiv,
Sa,crifice. Des cérémonies obfervées dans les fa-
crifices, 791. Gr/«/v.
Sacrifice continuel. Cérémonies de ce facrifi-
ce, , . . ■ 5^f
Sacrifice pour le délit. Différences entre le fa-
crifice pour le péché, &: celui pour le délits
511. 51a. Diverfes fortes de ces facrifi-
ces, • 3 1 j
Sacrifice pour le péché. Quelles bêtes on y im»
nioloit , 509. Plufieurs fortes de facrifices
pour le péché, 309. Four le Souverain Sa-
crificateur, 309. Pour toute la Congréga-
tion, 310. Pour les parnculiers, ihid. Pour
quelle forte de péchez ces facrifices étoieiic
N n n n n ci»
T A B
oflTe'tts,' •■. ■■• ::•• • ■ ^' ■■■ _- ■■ -310
Smifices de Profperitez, pourquoi ainfi appel-
iez, ji?» Dtverfes forces de ces facrifices ,
J13, 314. Cérémonies des facrilîces de prof-
peritez, 514. 31$. Il y avoic quatre fortes de
pâtiircrie,, 31^
Sacrifice. Des facrifices des Payens, 78 3 . ^ fulv.
Diverfes efpeces de facrifices , 784. Quels
étoienc en ufage entre les Payens , îbid. Ils
ie font vantez d'avoir vii décendre le feu du
ciel fur leurs facrifices, 51. Ils offraient aux
Dieux des chofes fsches , 53.
Sacrifice. De quel Jàth fe tournoient les Payens
quand ils (a^rifioient, 7Ï1J. 717. Sordideava-
. rice dans les facrifices des Payens, 785. Des
{dicx'i'nce.sprûpîer vïam .j 7^61 La manière dont
, fe(aifoient les facrifices, félon Homère , 7^6.
Cérémonies des facrifices des Egyptiens , 787
Sacrifice. Trois efpeces dfe lacrifices entre [qs
^ Payenspar rapport aux fins du facrifice, 78$.
„j750. De« propitiatoires , 789. Des impetra-
•;^\Q\rts , ibid. Des euchariftiques, 790
Sacrifice. Quelles bëces on facrifioit aux faux
Dieux, 795. <^ juiv. Préfages que les Payens
i tiroient des facrifices, 790
Sacrifice^ L'excommunication précedoit le facri-'
fice, 801. De l'ufageSi multitude des prières
dans les facrifices , îbid. Les Payens ne mec-
• toient pas la main fur la tête de la vidime ,
comme les Juifs, 801. Mais ils mettoient la
main fur l'Autel , 8oi. L'eliufion & l'afper-
lîon du fang nefefaifoientpas dans les facri-
fices des Payens, 805,. Defcription d'un fa-
crificeparDenysd'Halicarnaife, 805. Et par
.Ancée, 3ofî. On faifoit pourtant l'afperfion
du fang en facrifiant aiix Dieux internaux,8o^.
- Des afperiîons qui fe faifoienc dans les facri-
fices, 808
Sagan. Qiiel étoit fon office, ^97
SÀea, Fête chez les Perfes, étoit de vrais Sâr
ti4rnales, 705. Cérémonies & origine de cet-
te Fête, ibido
Salambo. Quelle divinité c' étoit j. 686
Salem. Où étoit cette Salem dont Melchifedec
étoit Roi, ^3-
Sfiliens. Quel étoit leur office,. • 600. 602,
Saiomé répudia fon mari, ce qui étoit contre
les loix, i6z-
Salomon. S'il •a été damné, 76
S(imnrîta,im. Schifme des Samaritains diviféiveii^
, trois périodes, 117.. Ridicule accufacion des
Juifs contre les Samaritains, é'^j
Samothraces, Des Dieux Samothraces , 411.
4Z3
Samfon. Il n'étoit pas abfolument Nazariefi ,
iU. 387
Samuel. S'il a eu le privilège de confulter Dieu
par Urim , 178
^m^ml. Remarques fur l'appaçjtion du fantôme-
LE
de Samuel, ' 475-,
Sanchoniathon. Quel homme c'étoît, 431.432.
Fragment tiré de fon Hiftoire, 432, i^ jutv,
Diverfes bévues de fon Traducteur , ^45
Sang. De la défenle de manger du fang-, 170.
Faux fens des Juifs touchant cette dctenfe ,
îbid. Si tous les dccendans de Noé ont été
obligez des'ablleniidufang , 171, Pourquoi
Dieu défend l'ufage du fang fous la m^me
peine qu'il défend l'idolatne, 171. Divtrfes
obfervations des Juifs fur cette défenfe , 172.
Pourquoi lesApo'.ies dans lejr Concile dé-
fendirent l'ufage du fang , 173. Le»; Grecs
& les Mahomexans ne mangent pas de. fang 3.
Sang. Explication du commandement d'épandr©:
le fang , 84. Toute.effufion de fang des bêres
eftunfacrificej. 84. ^ fuîv. 87. 88:
Smg. Différence entre k' défenfe de manger du
fang, & celle de manger de la graille > 87.
Cérémonies pour couvrir le fang répandu j
88. Que fignifioit cette cérémonie, ibid^
Sanhédrin. Il étoit divifé en trois Confiftoires;
De combien d'hommes chacun étoit compofé,
2.22. Dans quelle chambre le Grand Sanhé-
drin prenoit fes feances , 224. De combien
deperfonnesil étoit compofé, z66. fon Au-
torité, Z67, Il éxarainoit les Sacrificateurs ,
285
Sattsrnales. Privilèges qu'avoient les efdaves
pendant ces fêtes , 585;
Saturne. Il étoit Roi dans l'Iîe dé Pânchaïa j
408. SesEnfans, îbid. 532. G'eft Noé, 4190.
533. Sous quels noms il étoit adoré en Egyp-
te, 5-14, C'elt le génie de la nature univer-
felle, ■ 5.30
Saturne. C'eft la même divinité- que Mblochs
■ 570» CST fuîvé D'où vient le mot Kpovoç
- donné à Saturne par les Grecs, ^70. On lui
facrifioit des hommes , 571.573. Il a donné
fon nom à l'Italie, 571. Saturne eft le Thau-
tates des Gaulois, 571. Conformité du culte.
des Carthaginois à leur Saturne, & celui des
Phéniciens à leur Moloch, 574. {^5* /«/-y. Ori-
gine de la fable, que Saturne dévoroit fes en-
fans, 57s, Quelques mots Carthaginois du
Pœnulus de Plante expliquez, pour confirmer
• que leur Saturne étoit Moloch, 577=
Saturne. Pourquoi il eft appelle Kijpun , 577.
- D'où, vient la fable de Saturne détrôné p'ar
Jupiter, & coupé par le même, 578.588. Le
Saturne des Grecs n'eft pas la Planète qui por-
te ce nom, 578. 579. Mais le Soleil , 579.'
^ fuiv. Pourquoi on lui attribue quatre
yeux, 579. 585. Et quatre ailes, 580. Pour-
quoi il tenoit une faux àla main, 580. C'efi
le Dieu qui fait le tems , ibîd. Pourquoi il
tenoit dans l'ufte de fes mains Im dragon 3
ibîd. Il étou eltimé Père 4e l'Agriculture ,
ES MATIERES.
S&itime. Il y a une, grande contukon dans (on
Hitloire, 581. Adam cil caché fous cette di-
vinité , 581. Conformitez de Saturne avec
Noé , j8j. ^~ fuiv. Origine du nom de Sa-
turne , 584. Ce que lîgmiie ce qu'on dit
qu'il dévoroic fes entans , 585. Et qu'il cou-
pa les parties de fon père, ibîd. 588. Le Sa-
turne des Phéniciens étoit le Janus des Latins,
58;-. Defcription de la flatuë de Saturne, 585.
58(). Son voyage en Italie, 586. Il enfeigna
l'art de graver des lettres, & de faire de la
monnoye, 586. Les Romains avoient mis le
Tréfor public & les Archives dans fon Tem-
ple, pourquoi , 58^.587. Pourquoi on don-
ne à Saturne Ops pour femme , ^87.
Saturne. Que fignifie l'eîtil de Saturne aux en-
fers , 589. Il fait une Loi qu'aucun mortel
ne vît la nudité des Dieux fans être puni ,
589. Abraham <:aclié fous le Saturne des Phé-
niciens, 550
Saturne. Sa Planète. Vertus que les Anciens Af-
trologues lui attribuoient, 57 S
Satyres. Qiielles divinicez c'étoient , ^ 54. ^ 5 5
Sauterelles. De quelle manière les Cyreniens leur
faifoient la guerre , ^38. Dégâts qu'elles
font, 634.637. Parfaite conformité entre
\ts Harpyes de Virgile , ^ los Sauterelles de
St. Jean , iUd.
-Sauterelles. Prince des Sauterelles , quelle divi-
nité c'étoit, 633. 634. 638
Sceba. DelaReincdeSceba, dequelPaïs,&de
quelle Religion elle étoit, 43
-Scipïon l'Africain. Il s'enfermoit tous les matins
dans la Cellule de Jupiter, 761
Scythes. Ils a'avoient.pas de Temples 5 zoi
I^e^éiJ.êvoij dont il eft parle' dans les A-des des
Apôtres, quelles gens c'étoient, -44. 47
5(?;^;V. Des Dieux de Sehir, 658
Seifithrus. La Fable lui att-ribuë^e que l'Ecriture
raconte de Noé, -589. 590
Sel. Les Prêtres Egyptiens ^ri^en-mangeoient pas ,
pourquoi, 650
Sem. H habita long-tems dans la Chaldée, ^^■.
•Opinion des Juifs que Melchifedec étoit Sem
n'eix nullement à méprifer, 69.71. Difficul-
tez confiderables contre cette opinion , 71.
Quel fut fcn partage dans la divifion de la
t^rre, C% ■
Sem. Il étoit undesTheraphimsdeLaban,4io.
. C'eft Pluton , 553. 588. C'eft Pluton &:
Beel-Zebub, félon Bochart, 641
Semaines. Les Anciens divifoient leurs jours par
, femaines , 107. Qui a donné les noms des
fept Planètes aux fept jours de la femaine-,
107
Semaines, De l'origine & de l'antiquité des fe-
maines, III. iS" ftiî'^. Les Patriarches divi-
foient le tems par femaines, même avant l'ob-
fervâtion du Sabbat, m. Preuves que Tu-
fage de divifet: les mois en femaines a été de
toute ancienneté dans rOrient, 112. Ladi-
vilîon du tems en femaines eft plus ancienne
que la diviiion en mois & en années , 113.
Quand l'ufage des femaines s'introduilît entre
\qs Romains, iitf
Setniramis. HiftoiredefanaifTance, 647. 6<,i.
Semence. Flux de femence , fouilleure légale «
comment ^'qvi. faifoit la pur jfication , 369
SemoSancus^ Dieu des Tofcans, tranfporté à
Rome, 42,8
Seneque. Il a reconnu l'unité d'un Dieui 415".
fon fentiment touchant les fimuiacres, 488,
498
Sennacherib. Notable Hiftoirede ce qui lui ar-
riva en Egypte, 660. Hiftoire de fa mort,
félon Berofe, 665
Séparation. Eau de feparation, comment on la fai-
foit, 363. Pourquoi elle étoit ainfi appellée ,
364. De quelle manière on fefervoit de cette
eau , 364. n l'on s'en fervoitdans toutes les
fouilleures, 367
Séparation. Quellepeine c'étoit, 387. Pour quels
péchez on ordonnoit la feparation , ibicL
Sept. Le nombre de fept employé par les adora-
teurs du vrai Dieu dans les cérémonies fa»
crées, 54. D'où eft venu le refped que tou-
tes les nations ont eu pour le nombre de fept,
10-5. II S. C'eft un nombre de perfection.
Septième jour. Voyez Sabbat.
Septième. Quel feptiéme jour étoit facré entre
les Payens, il7
Serapis. Quelledivinité c'étoit» 5io. ^21, Si c'eft
Jofeph , 520. <ii. 522. Ce que fignifie .ce
•nom, 522. Par qui cet:e Idole fut apportée ea
Egypte, ibid. Figure de Serapis, 522. 523.
Le Bœuf Apis ne lui étoit pas confacré, 520,
522. 523
Serapis. C'eft le mÇme que Pluton , félon Por-
phyre, 632. Origiaede cette divinité, 6 ^t,
^33. C'eft le même que Beel-Zebub, 633,
Comment on le r^épr éfentoita ibid. Que figni -
fie ce nom , i^i^-
Serpent., Il étoit un des plus vénérables fymbo-
ies de la Religion d'Egypte, 742. Ce qui a
"donné lieu à cette Théologie, 743' Origine
•du culte des ferpens, 744. Le Démon s'eft
fait prefque adorer par tout fous la figure du
ferpent, 7^1.(3'' fuiv. Il étoit confacré i
Efculape , ibid.
^Serpent d'airain. Quand a commencé l'idolâtrie
■du Serpent d'airain , 740. Pourquoi la figure
•du ferpent odieufe ri'éloigna pas le peuple da
'Cette idolâtrie, 741 Comment Afa & jofa-
phac ont épargné ceïte Idole, 74^-. Erreur de
Marsham fur ce Serpent, 74<î
Service volontaire. Voyet Culte, volontaire.
Sefaçh. Quelle divinité c'étoit, $95.. 702. îii-
N an an 2. ' tS'f^
TA B
tcrpreté par un des modes Cabaliftiques des
]uifsj 70i. C'ccoic une des divinicez des Ba-
byloniens j il^id.
Shamafl. C'ctoic le Prince des Diables, 1^30
Sichem. Ce qu'étoit le Sanâuaire qui étoit en
' SJchem, 6^. 6^
Sicle.Qnd poids c'etoit parmi les Hébreux, 731.
♦ Du lîcle du SanCcuaire , 304-
Sidec entre Its Phéniciens étoit Melchifedec, 80
Sidrac'h. Signihcation de C8 nom, 595
Sili/efire II. Pape. Une tête de ibnte lui prédit
qu'il feroi: un jour Pape, & le tems de fa
mort, ^ 451.452,
àisneon le Jufte. Qiiel homme c'étoit , a 80.
340
SimuLacre. Cequec'eft, 401.401. De l'origine
des {îmulacres;, 477- tS [ulv. Lesfîmulacres
font plus nouveaux que l'Idolâtrie, 477. 478.
En quel tems s'introduifit l'ufage des (îmula-
cres d Rome, 479. Il ne faut pas chercher
- rorigine des fimulacres entre les Grecs , ni en-
tre les Romains , 480. Mais dans la Chal-
dée , 481. Quelle a été l'intention des pre-
miers faifeurs des fimulacres, 483, Le cuite
èitî. fimulacres n'étoit pas public au commen-
cement, 483. En quel terni il devint public,
484
simulacre. De quelle matière les anciens fimula-
< cres étoient faits , 484.485. Plaifanterie de
Lucien fur le,s Dieux d'or & d'argent, 485.
Quelle opinion les Idolâtres. ont eu>de leurs-
fimulacres, & quel culte ils leur ont rendu ,
487. ^ fuîv. Que les fages& les plus fenfez
n'ont regardé les fimulacres ,. que comme
des images & des emblèmes des Dieux , Se
non comme de vrais Dieux, 488. ^ fuiv.
498. Les Payens n'ont regardé leurs fimula-
cres , que comme des mémoriaux , 49 1
ShnuUcre. Les Payens croyoient que les Dieux
étoient attirez fur les fimulacres par la ver-
tu-de la confecration, 491. (^ fuïv. Pour-
quoi ils enchaînoient leurs Dieux, 493. Opi-
nion qu'ils avoient que les Dieux fe reti-
roient dans les cieux , lors qu'on décruifoit
leurs fimulacres , 493. Conformitède fenti-
inens entre, le Papifme&cle Paganifme fur la
vertu des images, 494. 498. De quelle ma-
nière les Payens expliquoient la préfence des
Dieux prés de leurs fimulacres, 495
Sîmdaere. Opinion- du faux Trifmegifte , que
les finiulaeres devenoient le vrai corps àQS
Dieux, 495. ^ fuiv^- Opinion du bas peu-
ple & du vulgaire touchant les fimulacres,49'7.
(3' fuiv. Abrégé des preuves qui démontrent
que les Payens n'ont pas regardé leurs fimu-
lacres comme des Dieux , 498. Réfutation des
raifons , par où les Dodeurs Papiftes prou-
vent que les Payens ont regardé Iqs fimulacres
«pmpie de vrais Di^ux, 493 •
L E
simulacre. Les Payens ont adoré le vrai Diett*
dans leurs fimulacres , 538. Les fimulacres
étoient,pofez à l'Occident de l'Autel, 5 3 8. Les
Payens portoient dans leurs fêtes les fir^iula-
cres de leurs Dieux fous des Tabernacles por»
tatifs, 540. 541. Onbaifoitou les fimulacres,
ou la main à l'honneur du fimulacre , 54e
Singe, Il étoit adoré en Egypte , 50^
Sire. Etymologie de ce nom , <^i i
Sittim. Ce que c'étoit que le bois de Sittim,
2Z9
Socmte. Il avoit deux femmes, x^j. Condamné
à la mort pour avoir meprifè les Dieux, 415.
Ce qu'il fit en mourant , 417
Socmte. Cequ'étoitleDémondeSocrate, 419
Sodome; Combien PHifioire deSodome pouvoie'
apprendre de chofes aux anciens Fidèles , 6
Soleil. Il a été un des premiers faux Dieux , 40^,
407. Il eft caché prefque fous tous les noms
des Dieux, 4^9. Répréfentépar OfiriSj 525.
11 a été le premier Roi des Egyptiens , felon-
Diodore, 532. Répréfenté parPahal-Pehor
& par Priape, i^jso
Sdeil. C'eft le Saturne dés Grecs, &le.Moloch:
des Phéniciens, 579. ^ Juiv. Les Idolâtres
baifoient la main en fon honneur , 60 1 . Il étoic
adoré par les Phéniciens fous le nom de Ba-
hal , 606. Répréfenté par Adonis, 6zi,
ûZ6, Appelle Meni entre les Orientaux, 699.
Defcription de la Table du Soleil , 700. Le
Coq lui efl confacré , 70a'
Soleil. Il a été adoré prefque par toute la terre ,
7x3. Les Payens ont crû que le Soleil étoic
animé , 714. La plus ancienne Idolâtrie eft
l'adoration du Soleil & de la Lune, 715. Il a'
été adoré long-teros fans Temples, 717. De*»
Chariots du Soleil, 718. De fes Chevaux,
dont parle l'Ecriture , 72.x. Les Perfes l'a-
doroient fous le nom deMithra, jz r. Pour-
quoi las chevaux lui étoient confacrez, yzz,.
7'2'3. Si on les lui facrifioit, ou s'ils en étoienf
feulement le Symbole , 723. Ces chevaux-
femblent avoir été introduits parmi les Juifr
par Manaffc, 'jz^. Tradition fauffe des Juifs
fur. ces chevaux, ibid. Ce n'étoit pas de vrais
chevaux, mais des llatué's, 724. 72^:
Soleil. Quelles bêtes on lui facrifioit, 79 7
Sophocle. Paflage de Sophocle, où il femble re-
connoître l'unité d'un Dieu , 414'
Souilleure. Les- fouillcures légales étoient dôdi-
verfes fortes , 3 6^. Des grandes fouilleures
légales;, & de leurs purifications , 3^4. .^~
fuiv. Les fouillez fouilloient tout c* qui les
touchoit , 368. Ils dévoient être hors du
Camp , ihid. Des fouilleures accidentelles,
3éf8.3(î9. Comment ces fouilleures paflbieat-
d'un fujet à l'autre, 16^. Ce qui faifoit pro-
prement une fouilleure légale , 31^5).;
SeiiiUem, Différence entre les fouilkures legaJes, .
D E s M A
Bi les criminelles, 387
Spencertts. U e(l trop hardi dans l'explication
de l'Ecriture, ^ 275
Staiionaire. Des hommes ftationalres , ^57. Quel
écojt leur office, 298
Stutiié. Les flatuës des Egyptiens n'avoient point
de membres, pourquoi, 460
Sfatu'é. Satuës qu'on dit avoir parlé, 451.45a.
467. 4.99.
Statué. De l'origine des ftatues, 480. 481.
Quelle a été l'intention de ceux qui ont ks
premiers dreiié des flatuës auxdétunts,48 5.
De quelle matière étoient faites les premières
fhcuës , 484. 485. De quelle manière les
Magiciens prétendoient y évoquer les Dé-
mons, 4^6
Sttrllité. Elle étoit odieufe fous l'Ancien Tefta-
ment, 152. Raifon de cela , 135
Stflpon de Megare. Raillerie qu'il fait fur une
fiatuë de Minerve, 494
Stratomce. Hiûoire de Combabe & de Strato-
nice , 771
Sitccûth-Benoth. Quelle, divinité c'étoit , ^53,
689. ÏS fui'U'
Supplice. Supplices capitaux, ufîtez entre l'es Juifs,
388. 389.
Sjlvmns-. Quelles offrandes on leur ofFroit, 795
Synagogues. Il y avoit un lieu feparé pour les
Profelytes de la porte , 4<î. De l'âge des Sy-
nagogues, 123. Il ne s'y fait aucun culte pu-
blic, s'il n'y a au moins disperfonnes, 298.
leur origine,- 353
Synagegue. Ce que c'eft, être jette Hors de la
Synagogue, 393
Syriens, Ils adoroient les poiiTons , 6^^. & les
pigeons-, 647. Ils ne mangeoint point de
poiffon, ibid
Syrie. Quelle étoit la Déefïb Syrienne, 6ii..
Defcription de fa fiatuë & du culte qu'on
lui rendoit, ibid. Son Temple, <3'22. ^23.76^0
Syrie Diftindion des quatre Déefies qu'on ado-
roit en Syrie, 673. La D.éefïe Syrienne de
Lucien n'eft pas Derceto, ^74. Lucien n'eft
pas Auteur du Traité de la Déeffe Syrienne,
«74. Par quels Prêtres elle étoit fervie, 771
Parallèle du fervice de la Déefle de Syrie &
de celui du Temple de Jerufalem , 775.
TA AU T. Ce que c'étoit entre les Phéni-
ciens, ^ 436. 443 M44
Tabernacle. Le premier modèle des Temples a
été pris du Tabernacle,- zcz. Defcription du
premier Tabernacle , 201. ÏS fuiv. Divers
tranfports du Tabernacle, 205
Tabernacle. DeTcripîion du Parvis du Taber-
nacle,, ÉÊjL 205
T I E R E S.
Tabernacles. Fête des Tabernacles , pourquoi
elle fut infiicuée, 345. Cérémonies de cette
Fête, 345. (S" J»i'^' Cérémonie nctab'e ,
l'épanchement de l'eau, 346. 347. Grande
rcjouifiance pour l'épanchement de l'eau,
348. Raifons de cette réjouillance , ibid.
Singularitez dans les facrifices de cette Fête,
34(î. 347. Ordre des cérémonies de la Fê-
te, ^ 348
Table. Des Tables qui étoient dans les Temples,
7^4. Des repas facrez qui fe faifoient fur
ces Tables, 7^^
Table delà Reine des Adiabenes, qui étoit dans
le Temple d'Herode , zi5. 153
Tables de la Loi. Dimenfionde ces Tables,2 35
Table des pains de propofition , fa defcription ,
241. 242. De quelle manière on arrangeoit-
les pains de propofition fur la Table , 242.
Où étoit pofée la Table, 243
T'able de Ptolemée , qui étoit dans le Temple
d'Herode.. Sa defcription j. ~ 252
Tàranes. Quel Dieu c'étoit, 572. 59^
Tartak. Quelle divinité c'étoit, ^53. ^57
Taureau. Il étoit adoré en Egypte , 50^
Temples. Il n'y avoit pas de Tem-ples avant le
déluge, 120. De l'antiquité des Temples,
201. 102. Les Idolâtres n'ont pas eu de
Temples avant le tems des Juges, 201. Peu-
ples qui n'en, ont jamais eu , ibid. Le pre-
mier modèle des Temples a été pris du Ta-
bernacle de- Moïfe , 202. qui a le premier
bâti àts Temples, 202. Les Temples ont ti-
ré leur origine desfepulcres, 484. Nations
qui ont adoré fans Temples, 753
Temple de Jerufalem étoit la plus riche maifon
du monde , 304. De certaines fingularitez
du Temple,, tirées de la tradition des Juifs,
254. Miracles qui fe faifoient dans lé Tem-
ple , 254. 255. z^6. Du refped que l'on
avoit pour le Temple en prenant chacune de
its parties par degrez, 255. De quelle ma-
nière il faloit entrer dans le Temple , 25^.
2^7
Temple. Le grand nombre des inftrumens &
uftenfiles fervant au Temple , 251.253.2 54.
Divers inftrumens dé lamufîquedu Temple,
291. De l'ordre dans lequel onjouoitdeces
inftrumens, 293
Temple. De fon revenu, 302. 303. 504.
Tmiplè. L^brdre & la manière du fervice ordi-
naire , qui fe faifoit dans le Temple chaque
jpur, 320. i^ Juiv.. Combien d°èncens orv
brûloit tous les jours dans le Temple , 322
En quel tems on portoit le bois dansleTem-
ple , 3 50. Le Temple ne pouvoit pofleder
de fonds en propre , 378. Il n'y avoit pas
de mouches, félon les Juifs, ^28. Vénéra-
tion qu'avoient les Juifs pour l^î préfens
«qu'on taifbit au Temple, 757
Nnnnn 3, Ten%'
T A B
Tef^^pîe. Parallclc du fervice du Temple de Je-
rufalem , & de celui de la Déefle de Syrie,
77 5 • ^M'»'
Temple de Salotmn. Sa Situation, 20^. Sa def-
" ciiptioii, 107. i^fuîv, Defcription du Por-
che, io8. Du lieuSaiat, 205. Du lieu très
Saint, ibîd. Ce cju'il y avoit , -2-37' 2,38.
Bitimetis&ornemens autour du Temple ,210.
Les deux parvi:, ibid. Ce que c'eft que le
couvert du Sabbat , dont il eft parlé dans le
livre des Rois, 210. Combien le Temple a
duré, ^ïi
Temple. (Second) Sa de<"cription , zii. Il n'y
avoît point d'Arche, 23';. 239. Chofesqui
y manquoicnt;, 279.280. Des Miniltres dont
il eft fait mei tion fous le fécond Temple ^ 2 5 ^.
Des Intendans des finances du Temple , 297
Temple d'Hehode. Ce que fit Herode pour bâ-
tir un nouveau Tem;^le,zi2. Defcription de
ce Temple , 2 1 2 . CJ faiv. Defcription de l'in-
térieur du Temple , zi^. ^fdv. duVelii-
bule, 21^. Du lieu Saint, 2 i(f. Du lieu très
Saint, ibid, Defcription de la Montagne du
Temple, 217. (S" Jkîv. Des portes du Tem-
ple, 217. 218. Des Galeries autour du Tem-
ple, 2i3. En quel endroit du Temple étoient
les Marchands que Je{us-Chriftch.aira,2i9.
Quelle étoit la paroi entre-moyenne dont
S. Paul parle ,219. Defcription des parvis,
Z20. 221. De la porte de Nicanor, 222,
Desbâtimèns dans le circuit des hommes, 8c
des Sacrificateurs, 223. De la boucherie du
Temple, 22^. De l'Autel des Holocauftes,
ibid. Z/\6
Temple de Guerîdm. Hiftoire de l'origine de ce
Temple, 2-18
Temple d'Onias. O rigi ne de ce Temple , 228
Temple. Des Temples de l'idolâtrie, 757. ^
^iiiv. Des inventeurs des Temples des Payens,
757. Figure des anciens Temples, 7^9. Leur
defcription, 'j6o. ÏS /«w. Imitée de celui
de Jerufalem , ibld^ Des meubles des Tem-
ples, 7<î9'C5^ ('■ti'<J'
Tems. Il fe divife naturellement en années , en
mois, & en femaines, 112. La divifion du
tems en femaines elt plus ancienne que la di-
vifion en mois 8c en années, 113. Manière
de divifer le tems chez les Grecs & les Ro-
mains, ■ IÎ-.5
Terre. Divifion de la T^rre entre les enfans dg
Noé, 68. Comment on peut concevoir que
!a terre fût (î fort peuplée cent ans après le dé-
luge, & du tems d'Abraham , 192.193. 194
Jerre. C'efi la Déede Berith des Sichemitcs^ 61 1 .
LaCybele des Grecs, 624. Quelles bêres on
lui facrifioit , 795
Tsrtullïet}. Il étoit fort crédule , 31
Tefianient. Pluueurs faits citez dans le Nouveau
Teftament comme tirez du Vieux, qui ne s'y
trouvent pas, 31
L E
Tête. Quelle marque c'étoic entre les Juifs d'à-
voir la tête couverte, ^ 778
Thaautas. C'efi Moïfe, 74 j
Thamar. Si Judal'cpoufa, 141. 142
Thamar, Sœur d'Abfçalom , pourquoi elle dit à
fon frère Amnon, qu'il pourroitl'époufer, 14^
Thammus. Quelle divinité c'étoit, 681. ^ Juiv,
6'84. Sentiment de S. Jérôme approuvé, 682.
Il y a apparence que c'eft Abel, 688
Thmtates. Véritable origine de Thautates grand
Dieu des "Gaulois , 571. C'ctoit le Moloch
àts Syriens, &le Saturne des Romains, 571.
572. D'où étoit venue la coutume de lui fa-
o-ifier des hommes , 573. Quelle divinité
c'étoit, 1J56
Tharé, père d'Abraham. SonHiftoire, & de
fes fimulacres, .481
Théologie. La Théologie des Anciens contenoit
cequ'il y a d'efl'entiel dans la Religion , 17
TheologîePayenne, Voyez Payens.
Theraphîm. Palfages du Vieux Teftament, où il
eft fait mention des Theraphims , ^^%.^ fuiv»
Hifioire des différentes opinions des Juifs &
des Chrétiens fur les Theraphims, 450. ^
fuïv. Opinion de l'Auteur, 456. Ils avoient
la figure humaine, ibîd. G'étoientdesinltru-
mens de magie & de divination , ibid. Mais au
commencement ils n'ont pas été des inftru-
mens de magie , 457. Les Theraphims n'é-
toient que \qs images des Ancêtres , ibid. $c
les Dieux Lares, ibid. des Theraphims de La-
ban , 457. 458. 459. 460. 482. Véritable
origine du mot Theraphim , -41^8. Comparai-
fon des Theraphims & des Lares, 458. 459,
Originellement il n'y avoit que deux Thera-
phims dans lamaifon, -^^o. 465
Jheraphim. Comm.ent ils devinrent de'; inftru-
mens de magie,, 461. 464. Conlulter les
Theraphims & s'enquérir des morts , c'eft la
même cbo[Q , ibjd. La forme de l'oracle des
Theraphims, 46.2. Conformité entre l'oracle
■des Chérubins, & celui des Theraphims 5/^/^.
L'oracle des The'raphims a été imité de celui
des Chérubins, 463
Theraphims. A qui étoient confacrez les The-
raphims, 464. 465. Les Theraphims de Mi-
ca étoient confacrez au vrai Djeu ,466. Com-
ment on confultoit les Theraphims, ^66./\ti
-Comment ils rendoient leurs oracles , 466.
^ fuiv. Les Theraphims n'ont point parlé
|)ar leurs ftatuës, 466. Les Theraphims font
les plus anciens des Simulacres, 477
Thermuùs. Culte que les Egyptiens rendoient
au ferpent Thermutis , 742
Ti^o/^ des Egptiens. Ce que c'eft , 436
Thammîm. Voyez Urim.
Tombeau. D'où eft venue la coutume de mettre
des ftatuës fur les Tombeaux, 465
Tréforier. Des Tr^^iers du Temple, 297
Trinité. SilesAtW^s Patriarches ont connu le
myftere
DES MAT 1ERE S.
re de la Trinité , 17. ^ fuh. Si Jes
Paycns l'oi)t connu, 19^ Vtglife avant le dé-
luge l'a connu , . ,.v, 20
Trhon-f. Orignie de la fable des Tritons, 652
Trois..- lUes.ktoIarres uf oient du nombre de Trois
, "'dans leurs cérémonies, If
.Trompette: Eetè des Trompettes , 557. En quoi
coiilùtr/it cette Eëte, ibid. Raifoas de cette
fokniiice,. . ' ■,...■ 338
^^rompétte Des Trompettes .dont on -fe fervoit
dans le, i emple , 291. Leisfeuis Sacrificateurs
avoient la charge de loaner de la trompette,
292. Dans quelles occaiions oii fonnôit de la
Jrompette 293. 294
Tro<je, En quel tems elle a été détruite , 202
Turcs. Origine de leur Croiflanî, 680
Tycho Brahé. Il croyoit que les Afires étoient
animez,, 714
Type.. Cequec'eft, 7^. 76. Différence des Ty-
pes & des emblèmes , 83. Ce qu'on appelle
ratio typica. dans les Types eft toujours d'inf-
. titmionr, • 15^
Typhon. Ce qu'il lîgnifioït,4î;2-. 532. D'où ve-
noit la haine que les Egypriens avoient con-
tre lui , 531. De qui il etoit fils,?^/û/. C'eft
Moïfe , 534. 53,5. Ce-que fîgnifie le nom
- de Typhon, 535
Tyr. Cette ville étoit confacrée à Hercule, ^07
V
¥
A c irE. Entre tous les animaux c'étoit ce-
lui que hs Egyptiens honoroient Je pins ,
Vache roujfe. Cérémonies de l'immolation de
cette Vache, 36a. Nombre des Vaches brû-
• léss., 3153. On engardoiflacendre, ibid>
yalentinien. il ht une Loi , par laquelle il permit
à chacun d'époufer deux femmes, 158
Valentinîens. D'où, ils avoient tiré leurs iEones ,
420. 439 "
T^arronK Son fentj'menî toucbant les fimùlacre&j
488
\yeaif. Des Veaux que Jéroboam établit en Dan
&enBetheI, 537. 542. ^ Juiv. Dufexede
ces Veaux, 543. A qui ils ctoientconfacrez,
543. Pourquoi Elle n'a pas reproc^ïl aux dix
Tribus l'adoration des Veaux,, mais celle des
Bahalins, 544. Par quel cultt-' Jéroboam ado-
ra ces Veaux , 545. 11 ell faux que les dix
Tribus ayent facrilîé des hommes à leurs
Veaux, ^45. 541?
'Wem d'or. Proverbe des Juifs tiré du Veau d'or,
502. 503. Vaines excufes des Juifs pour di-
minuer le crime de leurs Pères , ihid. Quel'
le étoit la figure de cette Idole, 503. Quel
poids les Juifs lui donnent, 503. 504. D'où
cette Idolatiie a tiré fon origine, 503. 504.
^ JhIv. Pourquoi Aaron choifit la figure
d'un bœuf, 504. Cela étoit imité dé la Reli-
gion de Egyptiens y ^o<
Veati d'or. Pourquoi les Ifraëlites adorèrent ua
Veau de fonte, &:non pas un Veau vivant,
514. Comment Aaron forma le Veau d'or
avec le burin, ibid. Quelle a été l'intention
des Ifkëlites, quand ils firent & adorèrent le
Veaud'or, 53^. Çj'/wf-' Us ont voulu ado-
rer le vrai Dieu fous le Veaud'oF, 537. De
la fête célébrée pour la dédicace de ce Veau,
539. ^ fuiv. Ils imitèrent les cérémonies des
Egyptiens, -540. ^41. Fête des Ifraëlites
pour le Veau d'or félon Amos , 5-40. 541.
Ce que Moïfe' fit de ce Veau, 541. Ce qUe
lignifient hs paroles d'Aaron, parlefquelles
il prétend s'excufer, 541
Ventriloques. Quelles gens c'étoient , 4(19.470,
■475
Venus. Ce qu'elle fîgnifie, 4-12» ^21. Que fîgni-
fie fa naiffance de la mer, 578.579.585. Elle
étoit mâle & femelle, 598. On lui conlacroit
les pommes de grenade, ^^5
Venus, Quatre Déefies qui portoient ce nom,
66j. Etymologie de ce nom , ^04. ^90. Pour-
quoi on attelloit des pigeons à fon char, 6Bj,
Explication de fon Hiftoire fabuîeufe , 6S7.
688. Deujf Venus i l'une chafte^ & l'autre
impudique, ^9i. 695. 6^4^ Impuretez qui
fe commettoient dans'foa Temple à Corin-
the , ^94
Venus. Du culte de Venus par les Arabes , 72^.
Ce qu'ils entendoient par la tête de Venus ,
• ibid.'
Venus. Delà Venus Babylonienne, ^89. Tradi-
tion fînguliere des Babyloniens fur la naiflan-
ce de Venus, 689. Aftreufe impureté qui fe
commettoit dans fon Temple , 6^0. Quelle
partie de la nature étoit adorée fous cette
Venuî, -v 694
Venus pandemos. Quelle Déefle c'étoit, 409
Venus. De la Venus Syrienne , ^81. ^ fuiv.
Notable pafTage de Lucien fur cette Venus,
^82. Abominations qui fe falfoicntdans fon,
Temple , 683. Sentiment de Macrobe fur
cette Venus, ibîd. Différences entre les Au-
teurs furie lieu où étoit fon Temple j recon-
-ciliées '/izV/. C'eft Ifîî, ^85. ^87, C'eft la
nature univcrfelle , 685.^87. Appellée My-
litta, pourquoi,^8^. Et Salambo, pourquoi ,
ibid. Sous quel nom connue par les Arabes ,
C^6. Hiftoire de fa nailTance 5 6^7. Ily a ap-
parence que c'eft Eve j^ é'8S'
Venus. Pourquoi appellée Aphrodite, C8S
Venus Urame.. Cen'eftp"asDercet03^74. Quelle
divinité c'étoit, 692. C'elllamêmeque Ju-
non, 6^}. C'étoit laJunoaSyrienne,& non
la Venus Syrienne, ^93
Verwne. Ufage que les Paycns faifoient de cette:
plante; ' 808
T A B LE DES
Vefin. Si elle étoit la divinité tutelaire de l'Em-
pire Romain , 42-5. 4i<î. ^'^^\ Vefta, Ilis,
Cybeie , & Ceres, ionc une même divinité,
fîgaifîant la .nature univerfelle , ^iS. ^529.
.Du tèu lacré.de Vella , &defonufage, 767.
768
Vefia,. Etymologie de ce nom , ^04
Vétewens. Le changement de vétemens, céré-
monie de purincacjon fort ancienne & tort
gevieralcj 105. Et quand on vouloit fe pré-
fenter devant Dieu , ibid. Le changement
d'habits étoit en ul'age dans le .Baptême de la
primitive Eglife, 105
Vejlales. Quel étoit leyr office ,772" Formule
dont on le fervoit quand on les recevoit, 773.,
Privilèges des Veftales, 781. Leurs Règles,
ibidc
Vîùlîme. La coutume de manger la chair clés vic-
times étoitavantMoife, .9^1.5?" LssPayens
l'avoient auiU j 9^^
Viélime. D'où vient ce mot, 790
Vi^Hme. Elle dévoie fe laifler offrir volontaire-
ment, 790. De quelle manière on éprouvoit
fa patience,. ffe"^. Vidimes hum.aines autre-
fois en ufage par tout le monde , -792. CS*
fuiv, Viâ;imes.prifesd'entreiesoifeauXj7i97.
Si l'on afacrifié des poiflbns, 758 ., Du choix
desvidinjes, 799. Et de quelle manière on
les menoit à l'Aufceî , :799' 800
.yîHlme. Les Payens ne mettoient pas la main fur
la tête de la vidime, comme les Juifs, 8or.
Cérémonie d'arracher du poil de la vidi me
pour la brûler, 804. Cérémonies qu'on ob-
fervoit quand on l'égorgeoit, 8.04. Quelles
parties de la vidinje on corifacroitirAuçel,
807
.Vigne. Un efcalier J&it d'ju» feultroncjde vigne,
48^
Vœu. Ufagedes Vœux dans l'Eglifedes^Patriar-
ches,^ 5. Différence entre le Vœu & l'Offrande
volontaire, 373. Diverfes fortes de Vœux,
.^76. Vœu des Rechabites, 37^. Delà ma-
nière des lïmples Vœux & de leuriprme , ibid.
M A T 1 £, XV '^ .
Oa pouvoic vouer un homme qui nctom
point à loi , même un Payen , ihid. à quel
âge les perforines pouvoient être vouées, 8c
de leur eitimationfuivant leur âge, 377. Ob-
iervations iur les bêtes dévouées , 377. Sur
les maifons & les champs dévouez, 378
.Vœu. Des Vœux par Cherem ou par interdit-»
379. Différences encre ces Vœux , & les
limples Vœux, ibid. Les hommes vouez par
interdit étoient mis à more fansmifericorde,
.ibid. Le Vœa de JepKté étoicde cette efpe-
, ce , 3 8a
iVœu. Ce qui étoittieceffaire pour la validité des
Vœux, «, 5S1
Vœu du Nrizare/Xt, Voyez, Nizitest.
JJrame. Quelle diviqiré. c'étoit , .680. Origine
de..eeaoiiL, ibid*
Urim. Ce qu'ilya'de certain touchant U ri m &
Thumjnim,274. Ce que,c'étoit,a7<). Urim
& Thuramim font fouvent défignez par le
nom d'Ephod, 2,77. Comment Dieu rendoit
fes oracles par Urim , Z77. Où on interro-
geoitDieu , 277. Qui avoit droit de coaful-
terDieu, 278. Qui avoit droit de confulter
cet oracle, 278. Si ces oracles étoient irré-
vocables, 279. pe la manière dont on con-
fultoit cet oracle jï^/W. Du tems qu'^ duré cet
oracle, •275. iS®
Urotdt. Quelle divinité c'eft , 689
Vulcdn. Ce qu'il fignifie, 412. II a été le pre-
mier Roi des Egyptiens, félon quelques-uns,
.c5f2. On lui facrifioit rarement, ,1%%
%
XEn o P HA N E. De quelle manière i^feirso-
quoit de ceux qui répréfentoienf Dieu
-luus une figure Humaine, 414
z
Oroastre. Qtù il-étoit, 71.^^.
Fin (Je la Tabk.