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Full text of "Histoire critique des dogmes et des cultes, : bons & mauvais, qui ont été dans l'eglise depuis Adam jusqu'à Jesus-Christ, : où l'on trouve l'origine de toutes les idolatries de l'ancien paganisme, expliquées par rapport a celles des juifs"

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137.  JURIEU,  Pierre.   Histoire  Critique  ,des  Dogmes  et  des  Cultes, 
bons  §  mauvais,  qui  ont  ete  dans  l'Eglise  depuis  Adam 
jusqu'à  Jesus-Christ,  ou  l'on  trouve  l'origine  de  toutes 
les  Idolâtries  de  l'ancien  Paganisme,  expliquées  par 
rapport  a  Celles  des  Juifs.   A  Amsterdam:  Chez  François 
L'Honore,  1704.   First  édition. 


1 


Digitized  by  the  Internet  Archive 

in  2011  with  funding  from 

Boston  Public  Library 


http://www.archive.org/details/histoirecritiqueOOjuri 


HISTOIRE 

CRITiaUE 

DES 

DOGMES  ET  DES  CULTES, 

bons  &  mauvais ,  qui  ont  été  dans  lEglife 
depuis  Adam  jufqu  a  Jefus-Chrift^ 

où 

Von  tromje  ï^ origine  de  toutes  les  Idolâtries  de  r ancien 
Faganifme  y  expliquées  par  rapport 

A 

CELLES    DES     JUIFS. 


VI 


A    AMSTERDAM, 

Che^  FRANÇOIS  L'HONORE,  tâComj^agnk, 
derrière  la  CMaifon  de  Ville, 

M  D  C  C  I  V. 


Rfe    BL1s5''"3"B 


PREFACE. 


N  a  lieu  d'efperer  que  cet  ouvrage  ne  déplairâr 
pas  au  Public.  Puifoju'il  eil  fi  plein  de  cho- 
ies, que  je  ne  fçai  fi  dans  ce  fiecleon  a  publié 
un  livre  qui  en  contienne  autant  en  auiîî  peu 
d'efpace.  Car  encore  que  le  volume  foit  afTés 
gros  ,  on  le  trouvera  petit  pour  Pabon- 
dance  des  matières.  On  a  même  à  dellein 
épargné  les  paroles ,  afin  de  laifîer  plus  de  pla- 
ce aux  chofes  :  &  on  a  eu  pour  but  uniquement  de  fe  rendre  intel- 
ligible. L'Hiiloire  ne  demande  ni  la  pompe  ni  les  difcours  étu- 
diés. Elle  ne  veut  que  de  la  clarté  Se  de  la  fimplicité  ;  &  c'eftce 
qu'on  a  eiïàyé  de  répandre  par  tout. 

On  n*a  donc  pas  fort  étudié  l'arrangement  des^  paroles.  Mais  fï 
Ton  n'a  pas  été  fcrupuleux  dans  le  choix  des  mots,  on  l'a  été  beau- 
coup dans  celui  des  obfervations  :  Car  on  a  foigneufement  évité- 
celles  qui  font  capables  de  dégoûter  ceux  qui  n'aiment  pas  les 
chofes  communes  Se  triviales  :  Dans  des  fujets  qui  ont  été  û  fou- 
vent  maniés  il  n'eO:  pas  aife  de  dire  des  chofes  nouvelles  :  On  croie 
pourtant  l'avoir  fait  en  beaucoup  de  lieux  ;  car  fans  avoir  aucun 
defîein  d'afîèder  la  nouveauté  ,  on  a  fait  entrer  par  tout  de  nou- 
velles conjectures:  Le  titre  gênerai,  &  Pindice  des  trairtés  &des 
chapitres  fuffifent  pour  donner  une  idée  générale  du  deiïèin  de 
l'Auteur  Se  du  livre.  C'efl  pourquoy  il  n'eft  pas  néceilàirc  qu© 
nous  nous  y  étendions  beaucoup  ici. 

L'Ouvrage  efl  divifé  en  quatre  parties  ;  la  première  parle  des^ 
dogmes  Se  des  cultes  de  l'Eglife  du  premier  monde  j  depuis  Adam° 
jufqu'à  Moyfe  :  Elle  a  paru  û  curieufe  aux  premiers  qui  l'ont  v4 
manufcrite,  que  quelques-uns  en  ont  fait  des  copies  de  leur  propre, 
siain.  L'Auteur  n'a  point  été  épouvanté  par  les  termes  de  Jxou^ 
'veattté  Se  de  Singularité,  On  a  cherché  le  vrai  Se  le  vrai-fem- 
blable ,  fans  fe  laiiler  captiver  par  Pautorité  de  ceux  qu'on  appelle 
des  grands  hommes  Se  qui  Pont  été  en  effet:  Mais  quand  il  s'agir 
défaire  des conje(^ures  j les  plus  fçavans  n'y  font  pas  toujours  les 
plus  heureux;  l'efprit  y  peutplus  quelafcience:  fi  quelques-unes 
3e  ces  conjectures  paroiffent  trop  hardies ,  ce  ne  fera  qu'à  la  pre- 
mière ledure  :  mais  une  féconde  leCture  Se  une  troifiémc  feront 


T    R    E    F    A    C    E. 

évanouir  cet  aîr  de  nouveauté  &  de  hardiefle ,  qu'on  y  trouvera 
d'abord  en  quelques  endroits. 

Beaucoup  de  leâ:eurs  ne  trouveront  pas  dans  cette  première 
Partie ,  ce  que  peut-être  ils  y  chercheront  »  c'eft  l'hifloire  des 
Patriarches;  c'efl-à-dire  un  amas  d'obfervations  fur  les  allions 
deCaïn&  d'Abelj  furlesavanturesdeNoé,  deSem,  deCham  & 
de  Japhet,  d'Abraham,  d'Ifaac,  de  Jacob  ,  &  de  leurs  enfans, 
comme  eft  leur  décente  &  leur  féjour  €n  Egypte.  Toutes 
ces  chofes  font  plus  propres  pour  un  commentaire  que  pour 
une  Hifloire  Critique.  On  a  donc  écarté  tout  ce  qui  pouvoir 
faire  un  gros  livre  de  chofes  ajGTés  connues,  &  qui  ont  été  di- 
tes bien  des  fois  :  On  a  mieux  aimé  dire  moins  de  chofes ,  & 
qu'elles  fuflent  plus  choifies:  On  s'efl  élevé  au  deiïus  des  opinions 
vulgaires  &  des  préjugés  du  commun.  C'eft  pourquoi  on  n'a  pas 
fait  de  difficulté  de  prouver  qu'on  n[apas  raifon  de  regarder  la  Nation 
Cananéenne,  comme  univcrfellement  idolâtre,  BakaniL comme 
un  faux  Prophète,  Cham ,  comme  un  homme  maudit  de  Dieu, 
&  Melchifedec  comme  un  fmiplc  Cananéen ,  ou  comme  un  per- 
fonnage  defcendu  du  ciel  :  On  croit  avoir  pouffé  l'explication  de 
ce  que  nous  appelions  péchés  typiques  beaucoup  plus  loin  qu'on 
n^avoit  fait  encore.  Mais  en  cela ,  comme  en  toute  autre  cho- 
fe ,  on  n'a  eu  aucun  deffein  de  furprendre  par  des  nouveautés 
inouies  :  on  a  fuivi  les  lumières  du  bon  fens ,  Si  l'on  s'en  eft  fer- 
vi  pour  augmenter  celle  de  l'hifloire  fainte ,  qui  dans  ces  endroits 
efl  plus  courte  que  nous  ne  voudrions  :  Dans  les  endroits  où  l'on 
ne  verra  rien  de  fort  nouveau ,  on  trouvera  pourtant  des  utili- 
tés qui  n'ont  pas  encore  été  découvertes  :  Par  exemple ,  dans  le 
traitté  des  préceptes  de  Noé  &  des  Noachides,  on  rencontre- 
ra des  obfervations  fur  les  profelytes  de  la  porte ,  qui  donneront 
beaucoup  de  lumière  à  l'hifloire  de  l'établiflèment  du  Chriflianif- 
me  entre  les  Payens  par  la  prédication  des  Apôtres.  Peut-être 
que  ceux  qui  aiment  à  trouver  par  tout  les  opinions  &  les  coutumes 
qui  régnent  dans  les  focietés  dont  ils  font  membres ,  ne  feront 
pas  contens  de  ne  trouver  dans  la  première  Eglife  du  monde  rien 
de  femblable  à  la  forme  &  à  l'extérieur  de  nôtre  Eglife  d'aujour- 
d'huy.  Mais  franchement  nous  n'avons  pu  mettre  dans  cette 
Eglife  que  ce  que  nous  y  avons  trouvé  :  Nous  n'y  avons  pu  dé- 
couvrir, ni  SacremenSj  nifedes,  ni  nouvelles  lunes ,  ni  Sabbaths  ; 
mais  feulement  beaucoup  de  pureté  dans  la  doclrine ,  &  dans  le 
culte,  avec  beaucoup  de  fimplicité.  Au  refte  nous  n'avons  pas 
deffein  de  prévenir  les  ledeurs,  nous  leur  voulons  laifTer  toute  la  li- 
feertéde  leur  iugemenr.  Peut- 


"PREFACE, 

Peut-être  que  quelques  perfonnes  s'étonneront  de  trouver  ici  le 
lyfteme  des  Pre-Adamites ,  qui  pafTe  pour  une  rêverie  toute  pure: 
Mais  plus  les  chofes  font  fingulieres  dans  leur  efpece ,  &  plus 
elles  méritent  qu'on  en  conferve  la  mémoire.  De  graves  Au- 
teurs ,  comme  St.  Irenée ,  Tertullien ,  Epiphane ,  fe  font  bien  donné 
la  peine  de  conferver  &  de  donner  à  la  poflerité  les  fyflemes 
des  Valentiniens ,  Marcionites ,  &  autres  rêveurs  appelles  Gnofti- 
ques,  qui  font  cent  fois  plus  ridicules  que  celuy  des  Pre-Adamites» 
En  parlant  de  ce  période ,  qui  commence  par  k  naifîance  du  mon- 
de &  par  le  premier  homme  ,  il  n'étoit  pas  poffible  qu'on  ne 
penfâc  à  la  rêverie  du  Juif  la  Peyrere  ,  qui  a  trouvé  dans  fon 
imagination  des  hommes  plus  anciens  qu'Adam ,  &  qui  a  voulu 
même  fbûtenir  fes  vifions  par  l'Ecriture  Sainte ,  peu  de  gens  ont 
vu  l'Ouvrage  de  cet  homme,  il  eft  mort  &  fa  feéle  etï  morte  avec 
luy  :  C'efl  pourquoi  on  s'eft  perfuadé  que  les  curieux  qui  font 
à  naître  ne  feroient  pas  fâchés  d'être  inftruits  d'une  affaire ,  donc 
la  poderité  ne  fera  peut-être  jamais  en  état  de  leur  donner  des 
nouvelles. 

Ce  n'eft  pas  là ,  il  eft  vray ,  une  afîàire  de  néceiTité.  Il  n'en  eft 
pas  de  même  de  la  queftion  qui  eft  entre  les  Grecs  6c  les  Latins  fur 
l'antiquité  du  monde.  Les  Grecs  font  le  monde  de  1400.  ou  1 5'oo, 
ans  plus  ancien  que  les  Latins.  On  doit  être  furpris  qu'il  puifle  y 
avoir  une  auftî  grande  différence  de  Chronologie  entre  les  cal« 
culs  de  gens  quifuivent  les  mêmes  originaux,  fçavoir  le  texte  Hé- 
breu ,  &  le  texte  Grec.  Apres  avoir  parlé  des  principales  chofes  qui 
fc  font  faites  dans  le  premier  période  du  monde ,  il  étoit  à  propos 
d'examiner  de  quelle  longueur  a  été  fa  durée:  En  répondant  aux 
objeâiions  d'Ifaac  VofTius  &  de  quelques  autres  fçavans  »  on  démon- 
tre que  quatre  ou  cinq  cens  ans  après  le  déluge  il  pouvoir  y  avoir 
fur  la  terre  un  grand  nombre  de  millions  d'hommes  ,  ce  qu'on 
prouve  par  des  réflexions  qui  peut-être  n'avoient  jamais  été  fai- 
tes. 

On  s'eft  abftenu  de  toucher  à  toutes  les  autres  difficultés  chro- 
nologiques de  ce  période,  qui  fontenafles  grand  nombre , excepté 
celle  là  qui  eft  trop  confiderabie  pour  être  négligée.  Il  y  en  a 
pourtant  une  que  nous  devons  éclaircir ,  parce  qu'elle  feroit  trop 
fenfible  aux  lefteurs  un  peu  attentifs ,  fur  tout  à  ceux  qui  auront 
lu  un  petit  livre  intitulé ,  Hiftoire  de  la  Sainte  Ecriture  en  for- 
me  de  Qatechifme,  A  la  fin  de  ce  livre,  on  trouve  une  Chrono- 
logie qui  eft  tirée  de  bons  Auteurs  ,  mais  qui  n'eft  pas  jufte  & 
me  s'accorde  pas  avec  nôtre  calcul  :  par  exemple  ,  nous  faifons 

vi- 


T    R    E    F    A    Q    E. 

vivre  Scm  tout  Je  rems  d'Abraham  &  d'Ifaac.  Car  Sem  n^ef! 
mort  félon  le  texte  Hébreu  qu'environ  l^an  48.  ou  fo.  de  Jacob, 
Mais  la  Chronologie  de  ce  petit  livre  ne  prolonge  la  vie  de  Sem 
quejufques  à  l'an  1 5- 0""^  d'Abraham  &  le  50""^  d'Ifaac,  &  fait 
naître  Jacob  dix  ans  après  la  mort  de  Sem  :  Car  Jacob  ne  vint 
au  monde  que  l'an  60"''.  d'Ifaac  :  Ce  qui  fait  une  différence 
de  60.  ans.  Différence  qui  régnant  dans  toute  Phiftoire  des  Pa.- 
triarchcs  y  jette  un  confiderable  embarras,  dont  tous  les  fçavans 
ne  fe  font  pas  heureufement  tirés. 

Cela  vient  de  la  confufion  qui  fe  trouve  dans  l'hiftoire  de 
la  génération  de  Tharé.  Le  texte  de  Moyfe  dit  expréffemenc 
que  Tharé  père  d^i^braham  étant  âgé  de  70.  ans  engendra 
Kyibram  &c.  Et  dans  le  dernier  verfet  de  ce  Chapitre  XL  de  la 
Genefe ,  on  fait  dire  à  Moyfe  ,  &  les  jours  de  Tharé  furent 
10^.  ans  ^  il  mourut  en  Carran  :  St.  Eftienne  dans  le  7""^ 
Chap.  des  Ades  f.  4.  dit  :  ^^t^braham  étant  forti  du  pays 
des  Caldéens  il  demeura  en  Carran ,  ^  de  là,  après  que  fin 
^Fere  fut  mort ,  1)ieu  le  transporta  dans  le  pays  où  vous  ha^ 
hkés  prefentement:  Or  cek  paroît  contraire  à  l'hiftoire  de  Moy- 
fe,  fî  Abraham  efl  venu  au  monde  Tan  70.  de  la  vie  de  fon  Pè- 
re Tharé j  que  le  Père  ait  vécu  zof.  ans  ,  &  qu'Abraham  ne 
foit  forti  de  Carran  qu'après  la  mort  de  Tharé  ,  il  eft  clair  qu'A- 
braham devoir  avoir  135.  ans  quand  Tharé  mourut,  &  que  ce 
fut  à  cet  âge  de  laf.  qu'il  dût  entrer  dans  la  terre  de  Ca- 
naan ;  Or  cela  eft  certainement  faux  ,  car  Moyfe  dit  expreffe- 
ment,  qu^{_Abraham  avoit  75.  ans  quand  il  laiffaQ^inSin  èi.  vint 
dans  la  terre  de  Canaan.  Si  Abraham  avoit  eu  135.  ans  ,  quand 
il  vint  en  Canaan ,  fon  fils  îfaac  auroic  eu  alors  35.  ans,  &  feroit 
né  en  Carran  durant  la  vie  de  fon  Grand-pere  Tharé.  Au  lieu  qu'il 
eft  certain ,  êcconftamment  reconnu  de  tous  les  Auteurs ,  qu'Abra- 
ham à  l'âge  de  75.  ans ,  quand  il  vint  en  Canaan ,  n'avoir  point  d'cn- 
fans,  &  qu'il  étoit  âgé  de  cent  ans  quand  Jfaac  luy  fut  donné  en. 
Canaan,  &  non  en  Carran.  Je  ne  m'arrefterai  pas  à  rapporter  les  di- 
verfes  voyes  dont  on  s'eft  fervi  pour  fortir  de  là  ;  je  dirai  feule^ 
ment  celle  que  je  croi  certainement  la  bonne ,  &  la  feule  bonne.. 
C'eft  qu'il  y  a  \cj  une  faute  de  copifte  dans  le  conte  des  années^ 
de  la  vie  de  Tharé.  Tous  les  critiques  &  les.  commentateurs  a^. 
vouent, que  dans  les  Uvres  facrës  hiftoriques  il  s'eft  gliffe  des  er- 
reurs de  calcul  fur  le  nombre  des  années  ,  &  fur  les  autres  chofès 
qui  fe  content ,  comme  font  les  poids  &  les  mefures  :  ce  qui  fait 
desHiiScuitez  doac  on  m  f^auroic  fortir  heureufement  qu'en  0^  j 

vouans:  * 


T    R    E    F    A    C    E. 

vouant  qu'il  y  a  faute  de  copîfte  dans  les  nombres.  La  difliciîi- 
té  fur  les  années  de  la  vie  de  Tharé  eft  de  celles  là  :  C'efï; 
en  vain  que  les  interprètes  fe  donnent  la  gêne  pour  foûtenir  l'in- 
faillibilité descopiftes,qui  ont  travaillé  fur  les  originaux  de  Moy- 
fe  &  des  Prophètes  ;  Mais  nous  trouvons  un  très  bon  guide  pour 
nous  tirer  de  cet  embarras,  C'eft  le  code  Samaritain.  On 
doit  être  averti  que  ce  code  Samaritain  eil  le  vray  code  de 
Moyfe;  &  fi  on  en  croit  plufieurs  de  nos  Savans ,  il  eil  écrit  dans 
les  mêmes  caractères  que  l'original  de  la  main  de  Moyfe  :  Car 
ils  prétendent  que  ce  que  nous  appelions  aujourd'huy  caraderes 
Samaritains ,  font  les  vrais  cara6leres  dont  fe  font  fervis  Moyfe 
«8c  les  Prophètes;  &  que  ce  qui  s'appelle  aujourd'huy  le  caractè- 
re Hébreu ,  eft  véritablement  le  caraŒere  Chaldéen ,  que  les  Juifs 
rapportèrent  de  leur  captivité  ,  &  qu'ils  firent  pafler  dans  i'u- 
fâge  ordinaire  du  temple  &  du  peuple  :  en  partie  parce  que 
lèursjeunesgensneconnoiflbientquece  caraâ:ere ,  dont  ils  s'étoient 
fervis  en  Chaldée  ,  en  partie  parce  que  les  Samaritains  s'étant 
faifis  de  l'ancien  caracftere  de  la  langue  Hébraïque ,  les  Juifs  a- 
bandonnerent  cet  ancien  caraélere  Hébreu  j  par  haine  pour  les 
Samaritains.  Il  y  a  apparence  qu'ils  ont  raifon.  Mais  cette  que- 
llion  eft  trop  grande  ,  pour  être  traittée  dans  une  Préface.  Louis 
Cappel  en  a  fait  un  traitté  fort  doéle. 

Qiioi  qu'il  en  foit ,  le  code  Samaritain  corrige  en  cet  endroit  celui 
que  nous  appelions  le  code  Maforetique ,  parce  que  les  Maforethes 
l'ont  réveu  &  corrigé.  Car  au  lieu  de  lire  comme  nôtre  texte  ordi- 
naire ,  ^  les  ans  de  Tharé  furent  deux  cens  cinq  ans  j  le 
Samaritain  dit ,  ^  les  jours  de  Tharé  furent  cent  quarante 
cinq  ans  ,puis  il  mourut  en  Carran.  Cela  levé  abfolument  tou- 
tes les  diiîicultés  ,  8c  nous  dehvre  des  foixante  ans  fuperflus 
dans  la  vie  de  Tharé ,  dont  on  ne  fçavoit  que  faire  &  qui  brouil- 
loient  toute  la  chronologie  de  ce  premier  période  du  monde  &  de 
FEglife.  Car  de  105'.  ans  qui  font  attribués  à  Tharé  dans  nôtre 
texte  j  ôtez  en  60.  ans,  il  en  reftera  145".  félon  le  texte  Samari- 
tain, ce  qui  eft  juftemént  le  vrai  nombre  des  années  de  la  vie  de 
Tharé. 

Il  n'eft  pas  aifé  de  marquer,  quand  cette  erreur  de  calcul  s'eft 
gliftee  dans  nôtre  texte  Hébreu.  Elle  y  étoit  fans  doute  du  tems 
que  les  Maforethes  ont  travaillé  à  revoir  h  corriger  leur  code  ; 
C'eft-à-dire ,  trois  ou  quatre  cens  ans  après  nôtre  Seigneur.  Mais 
elle  n'y  étoit  pas  fans  doute  du  tems  de  St.  Etienne,  qui  dit, 
qu^t^braham  étant  forti  du  fais  des  Chaldéen  s  ^   il  habita 

*  *  -  eu 


T    R    E    F    J    C    E. 

ji£îes  en  Carraîi ,  ^  de  là,  après  que  fin  7 ère  fut  mort ,  Ty'ieu  le 
v^r.l'.  tranfporta  dans  ce  pays  auquel  vous  habités  maintenant: 
Cela  ne  peut  être  vrai  félon  le  texte  Hébreu  des  Maforethes , 
Gemfe  ii.  ^^  donnc  lo^.ans  de  vieàTliaré.  Abram  vint  en  Canaan  à Pd- 
'verf.^.  ge  de  'j'),ans:  C^eft  Moyfe  qui  le  dit;  Or  ilauroit  eu  135-.  ans, 
fi  le  texte  des  Maforethes  étoit  jufle  &  correâ:^  dans  l'article  de 
la  mort  de  T  haré.  Mais  tout  efl  exadement  vrai  &  fans  diffi- 
culté félon  le  code  Samaritain,  Abram ,  fils  aîné  de  Tharé ,  vint 
au  monde  ,  lors  que  Tharé  avoir  70.  ans.  C'efl  le  texte  de 
Geneje  1 1.  Moyfe.  Tharé  mourut  7  5 .  ans  après  la  naifîance  d'Abraham ,  âgé  de 
'i>trf.i6.  j^^^  ^j^g  Incontinent  après  cette  mort  Abram  entra  dans  la  ter- 
re de  Canaan ,  à  l'âge  de  7  5".  ans  félon  le  rapport  de  Moyfe ,  8c  vê* 
eut  dans  ce  pays  25'.  ans  fans  enfans.  Quand  il  eut  atteint  l'âge  de 
cent  ans ,  Dieu  luy  donna  Ifaac,  Au  refle  rien  ne  doit  rendre 
fufpe^te  l'autorité  du  code  Samaritain  ;  car  c'ell  le  texte  de 
Moyfe  en  pur  Hébreu  :  6c  il  n'y  a  aucune  difîèrence  efîentielle  en- 
tre ces  deux  codes ,  celuy  que  nous  appelions  Maforethique  &  le 
Samaritain  -,  ladifîèrence  ducara^fteren'y  fait  rien:  &  même  il  y  â 
apparence,  que  le  Pentateuque  Samaritain  eftplus  ancien,  8c  par 
confequent  doit  avoir  plus  d'autorité.  Il  faut  appliquer  cette  cor- 
resflion  dans  tous  les  endroit  où  par  mégarde  ou  autrement  onafuivi 
Ferreur  de  nos  interprètes  :  Par  exemple  dans  la  page  48  x.  on  trou- 
vera que  Noé  mourut  deux  ans  avant  la  naijfance  d' Abraham^ 
Sem  1 50.  ans  après.  C'elt  une  erreur  de  calcul  qu'il  faut  corriger  ain- 
fl  :  Noé  mourut  5  8 ,  ans  après  la  naijfance  d^  Abraham  :  Et  Sem  i  fo. 
ans  après.  AuJJl  Sem  fut  vivant  tout  le  tems  d^  Abraham  ^  ^33. 
ans  par  de  là. 
ç  Cela  étant  ainfî  expliqué,  on  ne  doit  apporter  aucune  altération 
dans  la  4'"''.  page  de  nôtre  première  Partie  ,  où  on  lit  qu^ entre 
Abraham  ^  Adam  ihv'y  avoit  que  deux  hommes ,  fçavoir  Methu- 
fcelaïê  Noè ;  Et qu^ entre  Jacob^  le  déluge  i l n'y  eut  qu'un  fèul 
homme ,  ^  trois  hommes  entre  le  même  'jacob  &  la  création. 
Ce  qui  eft  très  vrai ,  &  cela  étant  accordé ,  il  efl  clair ,  qu^on  ne 
peut  tirer  aucune  preuve  pour  montrer  que  la  tradition  peut 
fuffire  aujourd'huy  iàns  Ecriture,  pour  conduire  PEglife  ,  de 
ce  que  durant  environ  deux  mille  deux  ou  trois  cens  ans  l'Eglife 
n'a  été  inftruite  que  par  la  tradition  defcendue  des  Pères.  Car  u- 
ne  tradition ,  qui  ne  paffequepar  les  mains  de  deux  ou  trois  hom- 
mes ,  ne  court  pas  grande  rifque  d'être  corrompue  ,  quand  ces 
^trois  hommes  n'auroient  pas  été  Prophètes. 

La  féconde  Parties  de  nôtre  Ouvrage  contient  PHiftoire  du  Culte 


T    R    E    F    A    C    E. 

Judaïque,  fclon  qu'il  étoit  commandé  parla  loy  de  Dieu,  ou  augmen- 
té  par  la  tradition  des  Juifs.  Il  fembk  qu^on  ait  dii  trouver  de  plus 
grandes  facilités  dans  cette  féconde  Partie ,  que  dans  les  autres  ^  à 
caufe^que  nous  avons  la  révélation,  &  les  livres  de  Moyfe,  quicom- 
prencnt  toutes  les  loix  &  les  préceptes  de  ce  culte  ^  que  Dieu  a- 
voit  ordonné  de  propofer  à  ce  peuple:  Et  auïïi  parce  que  Ton 
trouve  beaucoup  de  fecours  dans  les  commenraire,s ,  &  dans  les 
ouvrages  des  modernes ,  car  nous  n'avons  prefque  point  de  fça- 
vans ,  qui  n'ayent  écrit  là  deiïlis  ;  fans  conter  les  écrits  des  Do- 
âeurs  Talmudiflês  &  des  autres  Juifs  qui  ont  fait  de  cela  le 
fort  de  leur  fcience.  Cependant  la  vérité  eft ,  qu'on  a  eu  plus 
de  peine  à  fortir  de  cet  endroit,  que  d'aucun  autre:  on  a  bien 
eu  de  la  peine  à  démêler  les  fentimens  des  anciens  &  des  moder- 
nes. Il  a  falu  fouvent  travailler  beaucoup ,  pour  choifir ,  &  pour 
trouver  la  vérité  dans  un  fi  grand  embarras  :  les  defcriptions  des 
Temples  de  Salomon  &  d'Herode  ,&des  vaifleaux  faits  pour  l'u- 
fage  de  ces  temples  ,  demandent  une  très-grande  attention  :  de 
il  efl  mal  aifè  de  fe  fatisfaire  tellement ,  qu'on  demeure  perfuadé 
qu'on  a  bien  rencontré.  On  croit  pourtant  avoir  reu/Ti  dans  le 
deiïein  de  donner  une  idée  nette  de  ce  culte,  &  l'on  s'imagine  n'a- 
voir rien  oublié  d'efTentiel,  regardant  le  fervice  Levitique. 

Les  Auteurs  qu'on  a  confultés&  fui  vis  dans  les  chofes  douteufes , 
font  les  Juifs  Talmudiflês ,  &  les  Rabbins ,  qui  leur  fervent  de  com- 
mentateurs :  L'hîftorien  Jofephe  n'a  pas  été  négligée ,  on  en  a  tiré 
toutes  les  lumières  qui  s'y  peuvent  trouver.  Entre  les  modernes , 
Villalpandus ,  Arias  Montanus ,  Cappel  &  Ligtfoot ,  ont  été  ceux 
donton  a  tiré  le  plus  de  fecours  :  Mais  ces  habiles  gens  nelaifïèntpas 
de  mettre  les  curieux  dans  un  aiïes  grand  embarras  ,  par  leurs 
variétés,  &ladiverfité  de  leurs  fentimens.  Ligtfoot  efl  fansdou- 
-ce  celuy  qui  a  le  plus  heureufement  travaillé  fur  la  matière:  mais 
il^fl  trop  long,  &  il  a  falu  neceffairement  l'abréger,  fans  conter, 
qu'on  a  fouvent  été  obligé  de  le  corriger.  Mais  afin  de  rendre 
juflice  à  tout  le  monde ,  il  faut  avouer,  que  nous  n'avons  été 
aidez  de  nul  Auteur,  autant  que  d'un  Théologien  Anglois,  nom- 
moHemiAmimmtli.^^^  antiquité:  carilécri- 

Vojt  au  commencement  du  {îecle  pafTé.  Il  a  fait  en  fa  langue  un  com- 
mentaire fur  les  cinq  livres  de  Moyfe  en  deux  volumes  quarto: 
Ce  livre  efl  plein  d'une  belle  littérature  Juive  ,  expofée  avec  un 
très-grand  jugement  :  Et  je  me  fuis  cent  fois  étonné ,  que  Ligt- 
foot, qui  luy  a  tant  d'obligation,  ne  nous  ait  pas  dit  un  mot  de 
iâ  reconnoifTance.     Au  moins ,  je  n'ay  pas  lu  le  nom  d'i^ins- 

*  *  2  worth 


T    R    E    F    A    C    E. 

wortb  dans  aucun  des  ouvrages  de  Ligtfoor.  Ce  livre  étoit  peu  connu 
en  A  ngieterre ,  où  cette  efpece  de  littérature  n'eft  fort  en  vogue  quç. 
depuis  jO.  ou  50.  ans  :  C  eft  pourquoi  Ligtfoota  cru  le  pou  voir  piller 
impunément  :  Les  mauvais  exemples  ne  doivent  jamais  être  fuivis , 
bien  qu'ils  fuyent  appuyés  de  la  pratique  des  grands  Auteurs. 
C'eft  pourquoy  je  ne  veux  pas  diÏÏimuler ,  que  cefçavanthommç 
nous  a  fourni^  de  grands  kcours  dans  l'hiftoire  du  culte  Levitique. 
Au  refte  on  croit  pouvoir  dire ,  qu^il  eft  malaifé  de  confuU 
ter  plus  d'écrivains  qu'on  a  fait  fur  un  fujet  fi  rebatu ,  &  fî  vul- 
gaire.    Tous   ceux  qui   voudroient   bien   être    inftruits   de  jla 
religion  des  anciens  Juifs,  n'ont  pas  le  loifir  d'aller  p.uifer  dans 
les  plus  anciennes  fources  :  Et  ceux  qui  ont  fait  couler  des  ruif- 
feaux  de  ces  fources,  fe  font  fi  fort  étendus,  qu'ils  ont  formé 
ime  efpece  de  mer ,  dont  la  feule  vue  étonne  ceux  qui  voyagent 
dans  le   pays  des  lettres.     On  croit  avoir  réduit  cette  grande 
extenfion  à  de  juftes  bornes.     On  n'y  rencontrera  pas  le  de- 
goût  ,  que  donne  ordinairement  l'excelîive  longueur:  fans  pour- 
tant qu'on   puilTe   avoir   lieu   de   fe   plaindre  que   nous  ayons 
retranché  du  neceffaire:  outre  les  defcriptions  du  Tabernacle ,  du 
Temple  de  Salomon ,  &  de  celuy  d' Herode ,  des  loix ,  des  facrifi- 
ces,  des  offrandes  volontaires ,  des  vœux  ,  &  des  peines  qui  ér 
cheoient  aux  violateurs  delà loy  de  Moyfe^  on  trouvera  partout 
beaucoup  de  pafîages  difficiles  expliqués. 

Il  eft  jufte  qu'après  avoir  expliqué  les  autres,  nous  nous  ex- 
pliquions nous  mêmes,  fur  une  apparente  contrariété  qui  fe  trou- 
vera dans  les  pages  3 5" 8.  &  381.  G'eft;au  fujet  du  Sabbat  d'an- 
nées, ou  de  ces  relâches  qu'on  donnoir  à  la  terre  &  aux  fer- 
viteurs  tous  les  fept  ans.     Ce  qui  s'appelloit  les  ans  de  relâ- 
che.    Dans  un   lieu  on  dit   que  les  années  de  relâche  s'abo- 
lirent peu  à  peu  dans  l'état  des  Juifs;  6c  dans  l'autre  on  dit 
jqu^elles  continuèrent  toujours  :  C'eft  que  dans  un  lieu  on   par- 
le félon  le  fentiment  vulgaire,  &  dans  l'autre  on  a  copié  Mai- 
Tnonldes,  qui  croit  qu'elles  ont  toujours  continué  ;  il  y  a  ap- 
parence qu'il  fe  trompe.     Mais  fi  l'on  n'a  pas  corrigé  fon  erreur» 
on  ne  juge  pas  que  ce  foi  t  un  fort  grand  défaut  dans  nôtre  ouvrage. 
La  troifiéme  Partie  renferme  l'hiftoire  des  faux  cultes ,  c'eft- 
à-dire,  des  Idolâtries,  dont  l'Eghfe Judaïque  s'eft  rendu  coupa- 
i)ie  ,   à  peu  prés  depuis  fa  naiftance  :  Car  elle  fut  idolâtre  en 
Egypte.     Elle  continua  de  l'être  dans  le  defert.   Et  fi-tôt  qu'elle 
fut  un  peu  affermie  dans  la  pofTeftion  de  la  terre  de  Canaan, 
die  adopta  tous  les  Dieux  des  peuples,  dont  Dieu  luy  ay oit  li- 
vre 


^     f    11    E    F    4    C    E. 

Vfélepays.  Idolâtre  fous  les  Juges,  idplatrefous  fes  Rois,  juf^u'^ 
ce  que  la  patience  de  Dieu  pouïïee  à  bout ,  luy  ôta  le  bon  païs 
qu'il  luy  avoit  donné ,  &  l'abandonna  aux  Rois  d'Aiïyrie  &  de 
Babylon.  L'Hiitoire  d'une  révolte  fi  longue  8c  fi  pourfuivie,  ne 
pouvoit  pas  être  courte:  Au iTi  cette  troifiénie  Partie  eft  auiîi lon- 
gue que  les  4eux  aiirres  eijifen^le  ,  c'eft  pourquoi  on  l'a  divifée 
en  deux  autres  parties ,  <&€n  divers  traittés ,  pour  la  commodité  des 
Leâ:eurs. 

Il  n'étoit  pas  po/Tible  de  négliger  cette  troifiéme  Partie ,  autre-, 
jçnentrhiftoire  de  la  Religion  des  Juifs  fiit  demeurée  tout  à  fait  in* 
complète.  Etant  une  fois  entré  dans  ce  vafte  champ ,  il  n'y  a  pas  eu 
moyen  d'en  fortir  bien  tôt.  Il  n'y  a  qu'une  feule  voye  droite  ,&  il  y 
en  a  cent  &  cent  de  détournées  qui  vont  à  droit  &  à  gauche:  C'eft 
pourquoi  il  faut  plus  detems  pour  conter  les  égaremensdes  hom- 
mes, que  pour  marquer  les  régies  de  leurs  devoirs. 

On  efpere  que  les  curieux  ne  fe  plaindront  pas  de  la  longueur 
de  cette  dernière  Partie  :  Car  on  y  trouvera  tant  de  chofes ,  capables 
de  fatisfaire  lacuriofité,  qu'on  ne  plaindra  pas  fa  peine.  Il  eft  Vrai: 
c'eft  une  matière ,  fur  laquelle  nos  fçavans  fe  font  fort  exercés.  Mais 
tous  n'y  ont  pas  également  réuffi.  Seldenusnous  a  donné  un  traittir 
de  'Diis  Syris ,  &  Jean  Gérard  VoUius  nous  a  laifTé  un  gros  ouvrage 
de  Idololatria^  qui  feroit  encore  meilleur,  fi  fon  Auteur  avoit  ju- 
gé à  propos  de  le  décharger  de  Phifloire  de  la  Philofophie.  Onaef« 
fayé  d'éviter  tous  les  défauts ,  qu'on  a  remarqués  dans  les  autres 
Auteurs .  Mais  fur  tout  on  a  travaillé  à  chercher  la  vérité ,  &  la  vrai- 
femblance  :  on  l'a  fait  avec  tout  le  foin  dont  on  efl  capable.  Nous  ne 
meprifons  pas  les  travaux  de  ces  fçavans,  que  nous  regardons  com- 
me nos  Pères  &  nos  Maîtres.  On  a  pris  d'eux  une  grande  partie  de 
ce  qu'ils  ont  dit  de  bon  :  Mais  on  a  cru  qu'on  étoit  capable  de  poufîer 
les  découvertes  plus  avant:  Qiiandil  s^agit  de  conjeâ:ures ,  les  plus 
fçavans  n'y  font  pas  toujours  les  plus  heureux.  L'efprit  &  la  péné- 
tration y  font  pour  le  moins  aulTi  neceïïaires  que  le  fçavoir  :  L'on 
n'a  pas  négligé  de  s'inflruire  &  d'apprendre  des  autres,  mais  on  a 
fouventété  appelle  à  conjedurer  tout  de  nouveau  dans  les  endroits 
©ù  les  anciennes  conjectures  neparoifTent  pas  heureufes. 

Il  y  a  dans  nôtre  traitté  del'Idolatrie  Judaïque  tant  de  ces  nou- 
velles conjeâ:ures,  qu'on  peut  le  regarder  comme  \xri  ouvrage  tout 
nouveau.Peut-être  que  l'on  ne  trouvera  pas  ces^ conjectures  nouvelles 
plus  heureufes  queies  anciennes,  qu'on  a  négligées.  Mais  enfin  le 
public  au  moins  nous  tiendra  conte  de  nos  bonnes  intentions ,  In 
magnis  volmjfe  fat  eft  :  Et  déjà  nous  avons  le  plaifir  de  voir  que 

**  3  les 


■^    R    E    F    A    C    E.    ' 

•ïes  efprits  judicieux ,  qui  ont  yû  quelques  échantillons  de  l'ouvrage, 
Tont  fort  approuvé.  On  nes'efl  pas  fi  fort  attaché  aux  nouvelles 
conjectures ,  qu'on  n'ait  auflî  rapporté  les  autres ,  afin  que  chacun 
ait  la  liberté  de  fon  choix. 

Ceux  qui  aiment  la  littérature  Juive ,  Greque  *  &  Latine ,  trou- 
'veront  icy  affés  leur  conte  :  on  n'en  a  pas  fait  profufion ,  comme  ont 
Caît  les  Auteurs  qui  femblent  n'avoir  écrit  que  pour  apprendre  au 
public  qu'il  s  ont  beaucoup  lu.  Ils  chargent  ^  leur  texte  &leurmar- 
;ge  de  tant  de  citations ,  q u 'un  Lecteur  en  eftépou vanté,  &  rebuté  par 
-la  feule  vue.  On  a  elTayé  d'éviter  les  fuperfluités,  fans  rien  oublier  de 
l'eflentiel:  fur  tout  dans  le  conte  des  Idolâtries  Judaïques ,  qui  effc 
nôtre  principal  fujet,  onnecroitpasen  avoir  pafTé  &  oublié  une  feu- 
le. Et  cette  exadlitude  a  donné  lieu  à  éclaircir  une  infinité  de  paf- 
-^ages  du  Vieux  Teflament.  Comme  les  Juifs  n'ont  pu  imiter  que  les 
Idolâtries  des  Phéniciens,  des  Syriens  &  des  Aflyriens ,  on  a  trou- 
vé dans  les  idoles  de  ces  nations  toutes  celles  du  peuple  des  Juifs: 
Et  la  comparaifon  que  l'on  fait  des  idoles  &  des  faux  Dieux  des 
Orientaux  avec  ceux  de  l'Occident  ne  peut  que  plaire  aux  curieux. 
Car  c'efl  ce  qu^on^a  le  plus  goûté  dans  les  ouvrages  de  nos  mo- 
dernes. 

Peut-être  que  beaucoup  de  gens  s'étonneront  que  dans  un  âge  il 
avancé ,  nous  nous  foyons  donnés  à  cette  efpece  d'étude  ,  après 
,avoir  confacré  nôtre  plume  à  l'édification  des  confciences  par  des 
ouvrages  de  pieté  &  de  dévotion,  h  par  un  grand  nombre  d'écrits 
pour  défendre  les  vérités  de  la  Religion.  Un  efprit  ufé  par  tant  de 
travaux  pouvoir  bien  fedilpenfer  d'un  travail  de  la  nature  de  celui- 
ci  >  furtout  après  avoir  pris  congé  du  monde  en  lui  donnant  un 
traitté  de  P amour  divin.  En  vérité  en  auroit  bien  de  la  peine  à  dire 
comment,  &  pourquoi  ^  on  s^ell  engagé  dans  cette  nouvelle  carrière: 
On  ne  penfoit  à  rien  moins,  il  y  a  quelques  années:  Le  grand  loi- 
•  fir ,  où  nous  ont  jette  les  infirmités  d*une  vieilleife  prématurée ,  nous 
a  conduits  là  :  En  remaniant  des  manufcrits  compofés  dans  la  vi- 
gueur de  nôtre  âge,  nous  y  avons  trouvé  afl^s  de  chofes,  pour 
faire  un  livre.  Mais  c'étoit  de  la  matière  fans  forme,  &  un  chaos 
où  l'on  ne  voyoit  que  àt^  ténèbres  >  excepté  la  première  Partie , 
qu'on  avoiteuletemps  de  revoir,  &  qu'on s'étoit donné  le  loifirde 
mettre  au  net  :  Le  relie  étoit  en  fi  mauvais  état ,  qu\m  homme  cafle, 
n'ayant  plus  ni  de  veîxe  pour  lire,  ni  de  tefte  pour  s^attacher ,  ne  pou- 
voir apparemment  prendre  le  parti  de  donner  à  cet  ouvrage  unefor- 
me  raifonnable ,  qui  pût  iàtisfaire  le  goût  d'un  fiecle  aufîî  délicat ,  & 
auiTi  éclairé  que  le  nôtre.  Cependant  on  l'a  entrepris  v^  l'on  en  eft 

en 


"PREFACE. 

en  quelque  forte  venu  à  bout,  avec  le  fecoursdes  habiles  compod- 
teurs  &  correcteurs ,  mais  ce  n'eft  pas  fans  des  travaux  bien  au- 
deiTus  de  nos  forces. 

Je  ne  diiïîmulerai  pas,  qu'après  avoir  tant  travaillé  pour 
le  cœur  ,  ma  confcience  ne  m'ait  quelquefois  dit  fecretement^ 
que  je  nedevois  pas  ni  chercher  de  nouvelle  gloire  ^  ni  courir  après 
là  vaine  fumée  des  louanges ,  qu'attirent  les  ouvrages  d'efprit  &  de 
fcience  :  Mais  enfin  je  me  fuis  un  peu  fatisfait  là  deflus ,  en  confi- 
derant  premièrement  queje  ne  m'engageois  pas  à  des  travaux  tout  à 
fait  nouveaux  :  fecondement  qu'on  ne  doit  pas  regarder  comme  inuti^ 
les  pour  la  pieté  des  recherches  qui  éclaircifïènt  l'Ecriture  Sainte  ^& 
qui  ouvrent  plufieurs  portes  de  la  divine  révélation  ^  qui  nous  étoient 
prefque  fermées.  Je  ne  trouverai  pas  étrange  qu'on foupçonne  qu'il 
s'eft  mêlé  de  l'aînour  propre  dans  nôtre  deiîein  :  car  où  font  les  a- 
diiows  humaines  où  il  n'en  entre  point?  On  pourra  dire  que  cet  a- 
mour  propre  nous  a  fuggeré ,  qu'il  ne  feroit  pas  inutile  de  faire  con- 
noître  au  Public  que  c'efl  par  confcience  &  par  un  principe  de  reli- 
gion, qu'on  aconlàcré  fa  plume  à  défendre  &à  enfeigner  les  véri- 
tés qui  mènent  au  falut  éternel  j  pu  ifque  d'ailleurs  on  auroit  eu  lieu., 
d'efperer  quelque  fuccés  en  fe  donnant  à  ces  efpeces  de  travaux ,  qui 
ne  peuvent  produire  qu'une  gloire  humaine:  Aujourd'huy  dans  la 
republique  des  lettres ,  il  femble  que  la  plus  feure  voye  pour  acque^ 
rir  ce  qu'on  appelle  delà  réputation  foit  l'étude  de  la  critique  fainte. 
èL  profane:  Mais  nous  pouvons  protefler  avec  une  parfaite  ilnceri- 
té ,  que  ce  n'eft  pas  là  le  principe  qui  nous  a  mis  la  plume  à  la 
main.  Et  fi  cespenfées  font  venues  après-coup ,  on  les  a  repouflees 
comme  des  tentations. 

Je  n'ay  plus  que  peu  de  chofe  à  dire  ,•  c'efl  au  fujet  de  la  lan- 
gue dans  laquelle  on  a  mis  cet  ouvrage ,  c'efl:  une  langue  vulgai- 
re: Les  Sa  vans  fe  plaindront  peut-être  qu'on  aura  profané  leurs 
myfl:eres,  en  les  expofantàlaveuede  ceux  qui  n'y  font  pas  initiés. 
Mais  il  y  a  déjà  du  tems  qu'on  efl:  guéri  de  cette  maladie  :  les  Anglois 
ne  l'ont  jamais  eue  :  car  nous  voyons  prefque  tous  leurs  ouvrages  de 
critique  écrit^'en  la  langue  de  leur  pays  :  Et  fur  un  fonds  Anglois ,  on 
trouve  une  broderie  non  feulement  deGrec&deLatin,  maisd^He- 
breu,  de  Chaldée,  d'Arabe,  &  de  Perfan.  La  langue  Françoife  efl:  d'un 
ufage  beaucoup  plus  étendu  que  la  langue  Angloife ,  principalement 
dans  le  fiecle  prefent.  Une  infinité  d'efprits  curieux ,  &  qui  fe  connoif^ 
fent  en  bonnes  chofes ,  feront  aflxirement  bien  aifes  de  trouver  ici  le 
rideau  tiré ,  &  le  voile  des  langues  du  collège  mis  à  part  :  l'efprit ,  îa 
fcience  &  le  bon  goût  font  de  touslespays,  Reparlent  toutes  les  lan» 

gueSç,, 


"PREFACE. 

gués.  Les  ouvrages  de  critique  du  P.  Simon  font  bien  liélïfôtix  d'a- 
voir paru  dans  la  langue  Françoifc;  ^fi  cet  Auteur  s'étoit  fait  une 
nèceflîté  de  ne  paroîtrequedanslalans^uedes  Savans,  rimprimeut 
n'en  auroitpas  eu  à  beaucoup  prés  tant  de  débit.  Cen'efl;  pas  pouc 
imiter  le  P.  Simon  qui  a  donné  pour  titre  au  principal  de  fes  ouvrages , 
Uiftoire  Critique  du  Vieux  ^  du  Nouveau  Teftament  j  qu'on  a  pris 
celui  d^Hifloire  Critique  des  dogmes  &  des  Cultes  &c.  Car  cet 
ouvrage  étant  vèntablement  unehiitoire,  on  n'a  pu  lui  enrefuferlè 
nom;  &  étant  d'ailleurs  mêlé  de  tant  de  Critique,  onn'apasdûlè 
celer  à  un  fîecle  qui  a  tant  d'amour  pour  cette  efpece  de  littérature. 

"Ous  ne  jugeons  pas  qu^ilfoit  fort  neceflairede  mettre  ici  un 
_^  Errata.  Il  y  a  trop  peu  de  fautes  &  trop  peu  confiderables.  El- 
les font  fur  tout  dans  l'orthographe  des  mots  des  langues  étrangères, 
éc  principalement  de  l'Hébreu  &  du  Grec.  Mais  ceux  qui  ignorent 
ces  langues  fe  paieront  fort  bien  de  ces  corre(5lions ,  &  ceux  qui  les 
fçavent  les  feront  bien  eux-mêmes:  Il  y  en  a  peu  dans  la  langue  La- 
tine; on  trouvera  dans  unpaiîàge  d'Horace,  é'.v/T^^;^^  pour  cupref- 
Jum,  page40i.  Danskpage  4(^7.  on  Ht  dans  un  paffage  de  Suétone 
futur  a  trais  multa  prodigia  ext  itérant.  Ce  qui  n'a  pas  de  fens  :  il 
faut  lire ,  futur  a  mortis.  Dans  la  page  333.  comparation  pour  compa- 
rution :  on  trouvera  quelques  fautes  dans  Xts  articles.  Mais  le  Public 
ell:  afles  perfuadé,  que  nous  fçavqns  nôtre  langue  afies  bien,  pour  évi- 
ter ces  fortes  de  fautes.  Il  y  a  feulement  unecorreélion  eiïèntielle  dans 
les  chofes  moins  que  dans  les  mots.  C'eft  dans  la  page  67 1 .  où  on  lit: 
Il  ejî  clair  que  les  70.  Interprètes  ont  corapris  qu'f^Jïaroth  ^ 
Asherotfe  rapportoient  à  la  même  divinité.  C'efl  juftement  le  con- 
traire de  ce  qu'on  a  voulu  dire,  c'eft  pourquoi  il  faut  hre:  les  70, 
Interprètes  n^ ont  pas  ajfés  compris  qu'ÂJfarotb  \3  Asheroth  fint  * 
lajnême  chofe  &  la  même  divinité. 

ADDITION  pour  la  page  66^. 
Apres  ces  mots,  qui  Jïgnifie  une  jeune  aigle. 
Je  croi  que  nous  trouverons  ici  la  vraye  raifon  pourquoi  les  Grecs 
*iBc  lés  Romains  ont  donné  à  Jupiter  l'aigle  pour  fan  oifeau:  on 
dit  que  c'eïl  parceque  cet  oifeau  eftle  Roi  des  aifeaux  à  caufe  de  fa 
grandeur  &  de  fa  force:  Mais  un  grand  Milan  efl  aulTi  fort  que  l'ai- 
gle. Il  eftdonc  apparent  qu'ils  ont  emprunté  cela  des  Aflyriens  & 
des  Orientaux,  comme  tout  le  refle  de  leur  Théologie:  c'efl  parce 
que Nimrod , devenu  X^JupiterBelus  des  Babyloniens,  eut  Paigle 
pour  fon  fymbole  ,&  cette  aigle  étant  placée  furlaflatue  de  Jupiter, 
fut  adorée  conjointement  avec  le  Dieu  dont  elleétoitle  fymbole,  5c 
même  elle  lui  communiqua  fonnom  à^Nifroch. 

TABLE 


T   A 


^^•.^?^?$^^ 


L    E 


ii&^iiiâhss 


DES      CHAPITRES. 

PREMIERE     PARTIE. 

HISTOIRE  des  Dogmes  O^  des  Cultes  de  VEglifi  depuis  Adam  jujqtiei 
a  Moyfe^  pag.  i. 
Chapitre  i.  De  la  Théologie  &  des  Dogmes  de  fEgUfe  avant  laLoy^  z, 
Chap.  II.  De  Job ,  de  fin  livre  ^  &  de  fa  Théologie ,   8 . 
Chap.  III.  Abrégé  de  la  Théologie  des  Patriarches  avant  MojÇe.     Leur  Ré' 

ligion  ■  étoit  plus  femblable  a  la  Religion  Chrétienne  que  celle  des  Juifs^    i  ) . 
Chap.   IV.     De  la  manière  dont  Dieu  enjèignoit  les  hommes  avant  Aiojfc. 

ds  P antiquité  de  l'art  d'écrire  :  des  Prophètes  du  premier  âge,  D^ Enoch  d* 

de  fa  Prophétie^  21. 
Chap,  V.     De  Balaam^  de  fon  cdraflere,  O''  de  fa  Prophétie.     Un  étoit  ni 

Aïagicienj  ni  faux  Prophète  ^   32.      - 
Chap.  VI.  Des  Préceptes  apellez.  des  Noachides  :    des  Profelytes  de  U  porte 

O"  de  la  jujiice 3   39. 
Chap.  VII,  Eclair cipfement  de plujteurs  endroits  du  livre  des ABes par  Phifloi" 

re  des  Profelytes  de  la  porte ^  45. 
Chap.  VIII.  Du  Culte  O^  du  fervice  divin  dans  la  Religion  des  Nbachides. 

Des  deux  premiers  ccmmandemens  des  Nbachides  y  de  la  défenfe  de  Vldolatrie^ 

O"  de  la  profanation  du  Saint  Nom  de  Dieu  ,52. 
Chap.   IX.  Des  Sacrificateurs  de  V ancienne  Eglife  avantA^oyfè^^6. 
Chap.  X.  De  Aîelchifedec  O"  de  fon  facerdpce.     Que  U  Nation  Chananéene  âti 

tems  de  Melchifedec  n  étoit  point  idolâtre  ^  €i. 
Chap.  XI.     Que  JHelchifedec  doit  être  Vun  des  trois  Patriarches  Enf ans  dâ 

Noé^  O*  qu  entre  les  trois  il  efi  plus  vraifemblable  que  c' étoit  Cham,  6j, 
Chap.  XII.  Des  Péchez^  Typiques^    O"  de   la  Réprobation  typique  de  quel-'^ 

que  s  Anciens^  74, 
Chap.  XII I.  Des  Sacrifices  de  f Eglife  avant  la  Loi ^  0^  de  leur  origine^  8r. 
Chap.  XIV.  Des  différentes  ejpeces  des  Sacrifices  avant  Afoyfe^  85». 
Chap.  XV.  De  la  matière  des  anciens  Sacrifices  de  f  Eglife  avant  la  Loy.     Des 

bêtes  nettes  O"  fouillées.     Quand  cette  dtfiinBion  a  commencé.  Des  cérémonies 

de  purification  qui  étaient  en  ufage  dans  cette  ancienne  Eglife  .^  97. 
Chap.  XV I .     Que  PEglife   avant  le  Déluge  O"    avant  Moyfe  rHavoiî  point 

des  jours  marquez,  pour  le  fervice  divin.     Quelles  étoiem  fes  Fêtes.     De 

V origine  du  Sabbat^   104» 
Chap,  XVII.  De  V  origine  O^  de  V  antiquité  des  Semaines.     De  la  manière 

de  divifer  les  iems  ,    qui  étoit  en  ufage  entre  les  Romains  :    des  Nundi- 

nés  ,    des  Calendes  ,    des   Nones  <Cr  des  Ides.     Réponfe  aux  paffages  qui 

mt  été  aportez. pour  prouver  l'antiquité  de  fobfervation  du  Sahat^'  m. 

■^**  Chap, 


TABLE 

Chap.  XVIII.  Que  l'Eglife  avant  le  déluge  n'avait  poim  de  li^d^affcmblécy 

foint  d' ajfe?nhlée  folemnelle ,  point  de  confédération ,  po/«f  de  difciplim ,  point 

de  cenfure^  point  de  Sncremens^   120. 
Chap.  XIX.   Des  Mariages  des  Patriarches;  de  Vin^ituîion  des  Mariages^ 

&  des  cérémonies  avec  lefquelles  on  les  contraBoit^   131. 
Chap.  XX.  Des  chofes  contraires  à  l' injiitution  du  mariage ,  que  Von  a  remat' 
>-.    que  dans  les  mariages  des  Patriarches  5  &  premièrement  de  la  Jîmple  fornication  , 

C^  de  V adultère  5   1 3  7. 
Chap.  XXI.  Des  Mariages  dans  les  degreZj  défendus^   140. 
Chap.  XXII.  De  la  Polygamie^  14p. 
Chap.  XXIII.  Du  Divorce^   160. 
Chap.  XXIV.  Delà  Loy  du  Levirat^  1^4, 
Chap.  XXV.  De  la  défenfe  de  manger  dufang.     Examen  de  la  queflion,  [avoir 

Jî  on  mangeait  la  chair  des  animaux  avant  le  déluge  .^  170. 
Chap.  XXVI.  Combien  a  duré  ce  premier  période  de  VEglife  ,  dont  nous  venons 

de  faire  rhijloire .     uihregé  du  fyfteme  des  Pre-Adamites  ,   175. 
Chap.  XXVII.  De  la  différence  qui  e[i  entre  le  Texte  Hébreu  &  le  Texte  Grec 

de  la  ver  fan  des  Septante^  touchant  la  durée  du  premier  période  de  VEglife^ 

181. 
Chap.  XXVIII.   Réponfe  aux  OhjeBions  d'Ifaac  VojfmsC^du  P,  Morin^  con^ 

tre  le  Texte  Hébreu  O^  pour  la  verjîon  des  Septante^   188. 

SECONDE     PARTIE. 

\^\J  Culte  Levitique  3   15)5). 

Première  Partie.     Du  Lieu  oh  fe  faifoit  le  fervice  de  la  Loy ,  (^ef:  h 

'-    Tabernacle^  auquel  fuccedà  le  Temple'^  2 00-. 

Chap.  1.  De  V antiquité  des  Temples^  201. 

Chap.  II.  Du  Tabernacle  conjîruit  par  Moyfe ^  202. 

Chap.  III.  Du  Temple  de  Salomon^  106. 

Chap.   IV.  Du  fécond  Temple ^  C^  du  Temple  d' Herode ^  2îi, 

Chap.  V»  Defeription  de  V intérieur  du  Temple^  21J. 

Chap.  VI.  Defcription  de  la  Montagne  du  Temple^  217. 

Chap.  VII.  Des  deux  Temples  fchifmatiques  de  Gueri^im  O^  d'Onias ^   ziy. 

Seconde  Partie.  Des  Faiffeaux  du  Temple ,  o^  des  Inflrumens  du  Cui' 

teLevitique^  22p. 
Chap.  I.  De  V Arche <)  &  des  Chérubins^  11^. 

Chap,   1 1.  Dans  V  Arche  il  n'y  avait  que  les  deux  Tables  de  la  Loy  ^  2  3  5. 
Chap.   I  II .  Des  f^aiffeaux  qui  étaient  dans  le  lieu  Saint.     De  P  Autel  des  Par" 

fums^  de  la  Table  O^du  Chandelier^  240. 
Chap.  IV.  Dés  Vaiffeaux  du  fervice i  qui  étaient  dans  le  Parvis  des  Sacrifice 

teurs:  O"  premièrement  de  P Autel  des  Holocaujfes^  244. 
Chap.  V.  Des  Cuveaux  des  Lavemens^  248. 
Chap.  VI.  De  tom  les  moindres  uflenfiles  C^  vaiffeaux  du  Ten^le^  quiètoient 

employez  au  fervice  de  la  Table  de  Ptolemée,  251. 
Chap.  VI I.  Certaines  fngularite^duTemple^  tirées  de  laTradition  des  Jmfs>2S4 

"  ^  Trjos- 


D  E  s    Ç  H  A  P  I  T  R  E  s. 

T  R  o  I  s  1  e'm  E  Partie,    î)es  Minijîres  du  Temple  i  &  de  leurs  vctet 

mens,  258.      .  ^^y^  y^\'iu  v^>,^■A'oi\^■^>^ 

Ghap.  I.  Bu  Grand  Pontife  ou  fouvérÀtH  SdtHficateur.    Ordre  des  fouvermm 

Sacrificateurs  fous  le  premier  &  le  fécond  Temple  5258. 
Chap.  II.  Des  ejualitez.  O^  conditions  ^ui  étoient  neceffaires  ^our  entrer  dani 

la  fouveraine  facrificâtïireyiéz. 
Chap. î II. .  JPe  C Autorité ,  des  Privilèges ,  p*  de,  la  dignité  du  fouverain PoÛ* 

tife^  lé^.   ■  ■■■"'  i^;o  ^v.'>.ùj  Hiv\vJ  '    .     '  ' 

Chap.  iv.  Des  Vêtemens  du  fawvêram  SacHfiùMi^uf'j  270, 
Chap.v.  D'Ûrim  cr  Thu^mim,  ly^. 

Chap .  V  T .  Deux  JinguUritez.  remarquables  touchant  les  Hahits-Pontificaux^  l%tl 
Chap. VII.  De  PéleBion  3  inflallation  ,   &  inauguration  du  fouverain  Pontife., 

De  V Huile  d'onB^ion,  2.83.    -        -        .      - 
(Z\\2i.^.viii.  Des  Jtmplei-Sacrificateufs^  i^j.  ' 
Chap.  IX.  Des  Lévites,  Portiers,  Chantres,  O^  Nethiniens ,  de  la  Mujî(^m 

du  Temple,  <^  des  Infirumens  de  Jl^ufique,   289. 
Chap.x.  Des  autres  Minijîres  du  Temple  ,  dont  il  e(i  fait  mention  fous  le 

fiûond  Temple,  2^6. 
Chap.  XI.  De  J' entretien  , des  Jlfinifir es  du  Temple,  c'*efl -à-dire,  des  Dîmes» 

Revenu  du  Teniptè  lui-même ,  ouduftcledufan^uaire,  299. 
Quatrie'me  Partie.     Des  Sacrifices,  Fêtes  y  &  Cérémonies.     Des 

Peines  qui  fi  decernoient  contre  les  violateurs  de  la  Loy,  30^. 
Chap.  I.  De  fHolo^aufleji^aC.- 
Chap .  1 1 .  Du  facrifice  pour  le  pecké ,  309. 
Chap.  II  ï.  Dufacrificepour  le  délit ^  dit  Asham,  3IÏ. 
Chap.  IV.  Des  facrifices  de  Projperité ,  313. 
Chap.v.  Des  oblations  des  chofis  fiches  C^  liquides,  '^16. 
Chap.  VI.  De  ceux  à  qui  il  et  oit  permis  d'offrir  ces  facrifices ,   3  iS. 
Chap. VII.  V ordre  d^  la  manière  du  fervice  ordinaire,  ^ui  fe  faifoit  dam  l§ 

Temple  chaque  jow ,  320. 
Chap. VIII.  Du  firvice  du  Sabbat  &  des  nouvelles  Lunes,  324. 
Chap.  IX.  Des  Fêtes  folennelles,  O^  premièrement  de  la  Pâque,  32 J. 
Chap.x.  Cérémonies  ajoutées  a  la  célébration  de  la  Paque,  par  la  Traditîoli 
.     des  Juifs,   328. 
Chap.  X 1 .  De  la  féconde  Pkque ,   334. 
Chap. XII.  De  la  Pentecôte,,  335. 
Chap. XI ïi.  De  la  Fête  des  Trompettes,  ^'^j. 
Chap.  XIV.  Du  jofir  des  Propitiations ,  338. 
Chap. XV.  Des  autres  Jeunes  des  Juifs,  343. 
Ghap. XVI.  De  la'  Fête' des  Tabernacles,  345. 
Chap.  XVI  i.  De  la  Fétè  de  Purimy  de  celle  de  la  Dédicace,  &  dé  celle  dé 

^vKoCpopiei,  349. 
Chap. XV III.  Dé  la  Circonci/ion,  -^^ï,   '^ 
Chap.xix,  Du  Sabbat,  352. 
Chap.  XX.  Du  Sabbat  d'années,  3J4.  ' 
Chap. XXI.  Dujrand  JSabbat/d' années,  ou  jubilé,  358. 
Chap.'xxri.  'Des  jfouillutes  Légales  ,    Cr  ''de  leurs  Purifications- ,   €r  pre- 

^  îï  #  2,  mie^ 


mierement  de  fean.'defeparatipn^  €r  de  la  Vache  youfe^  :^6i.    ^^ 
Chap.xxiii.  La  Purification  de  la  Le^re^    3(^4. 
Chap.  XX IV.'  jDe  la  Gonorrhé'e  oufiux  de  femence^  de  la  pollution  p^tr  lesmen- 

finies^  feuillure  par  un  morty  7^66. 
Ghap.XXV.   -D^/'£^«^fj^^/o«A    370-  ùo     j   j-,v.as.^4i5  r-^a      •r.cijî.i-: 

Chap.xxvi.  Des  Cultes  Volontaires  félon  la  Loj  ,^,^.2'l',\^r^^  v^.^'.^'.^V  r>\ 
Chap:xxvii.  Des  V(^ux,  .37<5^:  .r  i^;.Wh'\  .i^K  Av.i2>\;r-J\  p'J  ,i,u.<r-r> 
Chap.  XXV III.  Des  Vœux  par  Chereni  ou  par  interdit  j  du  vœu  de  ^ephte ,  '3  7^, 
Chap. XXIX..  Du  Vœu  de  Naxareat^  381.         1 

Chap.  XXX.  Des  peines  aufquelles  étaient  fournis  les  'violateurs  deULoj^  387. 
Gftap.xxx I.  De  rExcommnifatim  ,  B^î^.^j,^^.,,  ^^^vu.\«  aav  v. 

TROISIE'ME     PARTIE. 

Divifée  en  plufîeurs  Traitez , 

OH  font  expliquez,  tous  les  faux  Cultes  Cr'  Us  Idolâtries ,  dont  il  eji  fait  mention^ 
dans  l'Ecriture  Sainte,   399. 
Premier  Traite'.  De  V  Idolâtrie  en  gênerai ,  &  de  laTheologie  Fayen-- 

ne^  3pcj. 
Chap.  I.  Du  nom  d'Idole  O*  de  celui  d'Idolâtrie  y  400. 
Chap.  II.  De  V  origine  O"  de  l"*  antiquité  de  f  Idolâtrie^  ^01^., 
Chap.  III.  De  la  Théologie  des  Fayens^  407. 
Chap.  IV.  Les  Dieux  des  Payens  divifix.  en  diverfes  clajfeSy  418. 
Chap.  V.   Abrégé   de  U  Théologie   des  Phéniciens  ^  ou  Cana,néensy  tirée  dm 

Fragment  de  Sanchoniâthon^^i^o. 
Chap. VI.  Suite  de  U  Théologie  Phénicienne^  440- 
Second  Traite'.  Des  Theraphims  y  448. 
Chap.i.     Paptges  du  Vieux  Teftament  ,   oà  il  efl  fait  mention  des  Thera^ 

phimsy  448. 
QhfiTp .  1 1 .  Hifioire  des  dijferentes  opinions  des  yuifs  O^  des  Chrétiens,  da 

Anciens  'C^  des  Afodernes^  fur  ces  Theraphims  y  450. 
Chap.  III.  Les  premiers  Theraphims  n'étaient  que  de  fimples  Idoles  fans  ma- 
gie,  de  la  font  venus  les  Lares  ^  ou  Dieux  domefiiques.     Noé  &  Sem  ont  été 

les  Theraphims  de  Lah an  y  456".  " 

Chap. IV.  Des  Theraphifns  devenus  .infirumens  de  Magie.   Ils  ont  été  imitez,  de 

l'Oracle  des  chérubins.  De  la  Necromance  des  Syriens  ^  ^61. 
Ghap.v.  D'une  autre  Partie  de  la  Necromance  des  Syriens.     Des  EJprits  de 
'  Python  3  Engajirimuthes  parlant  du  ventre  y  O^  de  TOb  des  Orientaux  ,  4<îp. 
Troisie'me  Traite'.     De f Origine  des  Sjmulaeresy  477. 
Chap.  I.  De  rOrigine  des  Simulacres.  Il  lu  faut  chercher  dans  l'Orient ^  477. 
Chap.  II.  Quelle  a  été  l'intention  des  premiers  faifeurs  d'Images  ,.  les  frogrez, 

de  cette  Idolâtrie  .^  4^3- 
Chap.  III.  De  l'opinion  que  les  Idolâtre f  o^t  eu- dé  leurs  Jimulacres ^  O*  du 

culte  qu'ils  leur  ont  rendu  y  487. 
Ghap.iv.   Seconde  opinion^  des  Fayeris  fur  leurs  Jimulacres,    Ils  croyoiemt 


DES    CHAPITRES. 

^ue  les  Dieux  ^  ètoiem  attirez,  far  la  vertu  de  la  confecration.  Les  Papijîes  ont 

la  même  opinion  de  leur  s  images^  4^2,, 
Chap.  V.  Ofiniondu  fauxTriJmegijîe ^  que  les  Jïmulacres  àsvenoient  le  vrai  corps 

des  Dieux  ^  495* 
Chap.  VI.  Quatrième  opinion.  Cejl celle  du  bas  peuple  &  duvulgaire  ^  497- 
Traite'  du  Veau  d'Or,  que  les  Ifrdélites  firent  cr  adorèrent  dans  h 

defert  ^'^oi. 
Chap.  1.  Première  Quejîion.  Quelle  étoit  la  figure  de  cette  Idole ^   502. 
Chap.  II.  Deuxième  Quefiion.  D'où  cette  Iddatrie  a  tiré  fon  origine^   ^oa. 
Chap.  III.  Les  Egyptiens  adoraient  flufieurs  animaux ,   506'. 
Chap.  IV.  Des  Bœufs  facrez.  &  adorez,  entre  les  Egyptiens^  apellez^  le  Bœuf  yîùîs 

O^  le  Bœuf  Mnevis ,   5 09 . 
Chap.  V.  Ce  que  pouvait  Jîgnifier  cette  ajfreufe  Idolâtrie  des  Egyptiens ,  qui  adoraient 

des  bêtes  ^  &  entre  mtres  les  Bœufs  Aj^k  &  Mnevii,  Cétoient  des  Jymboles  des 

grands  Dieux <y  515. 
Chap.  VI.  Que  le  Bœuf  Apis  n'était  p^a  le  fymbole  du  Dieu  Serapis-y  quel  était  Ih 

Dieu  Serafis  des  Egyptiens '.  Que^ofefh  n'a  point  eu  de  fart  entoutcela^   ^i^. 
Chap.  VII.  Le  Bœuf  Apis  était  le  fymbole  de  la  Déejfelfis:   Cp  le  Bœuf  Mnevis 

était  le  jymbole  du  Dieu  OJîris.     Typhon  était  ennemi  mortel  d'Ifs  &  d'Ofris. 

Quelles  parties  de  lanature  ont  été  déifiées  parles  Egyptiens  ^  fous  ces  trois  noms, 

IJîs  frétait  pa^  la  Lune ,  mais  la  nature  univerfelle ,   523. 
Chap.  VI II.  D^Ifisj  d'Ofrisy  cr  de  Typhon  y  hiftoriquement  ^  O*  confidere:^ 

comme  Dieux  animaux ^  '^xi.  .    - 

Chap.  IX.  Que/lion.  Si  les  Ifrdèlites  dans  h  Veau  d''or  ont  eu  intention  d'adorer 

les  Dieux  d' Egypte  ^  Apis^  JJîs^  Cr  Ofris^  ou  s"* ils  ont  voulu  adorer  le  vrai^ 

Dieu ,  dans  ce  jymbole  Egyptien ,   5  3  <?. 
Chap.  X.  De  la  Fête  célébrée  pour  la  Dédicace  du  Veau  dans  le  defert ,   5^  3  p . 
Chap.  X I .  Des  Veaux-  de  'Jéroboam ,  pofe%.  en  Dan  <T  en  Bethel ,  542, 

QUATRIE'ME     PARTIE. 

Divifée  en  plufîeurs  Traittez.  ■^. 

PREMIER  Traite'.  Des  Dieux  des  Cananéens  au  Syriens.  De  d'' Idolâtrie  de 
Bahal-Pehor,  Dieu  des  JHoabites^  de  Kemos^^  autre  Dieu  des  Aîaabites-^ 

de  Aîipheletfeth^  deMaaca^  deNebo  ,  O^c,  Beth-Bahal-Mehon^   549. 
Chap.  I.  Textes^  ou  il  ef  parlé  deBah'al-fehor^    549. 
Chap.  1 1 .  Bahal'PehoreJi  le  Priape  des  Grecs  O^  des  Romains.  Du  Mipheletfitk^ 

de  Maaca  ,551.  , 

Chap.  m.  Le  Bahal'Pehor  des  jMoabites  y  &le  Priape  des  Romains^  était  kP<$<' 

triarche  ISIaé  ^   554* 
Chap.  IV.  DuDieu  Kemos^  cefi  le  même  queBddal-Pehor.     De  Neba,  deTo" 

racle  de  Bahal'Pehor y   ^di. 
^Second  Traite'.  De Maloch Dieu  des  Hamm&nites ^  de  Anamekch  &" 

Adrammelechy  Dieux  de  Sepharvaim'^  de  Kijoum     Des  Dieux  des  Gau-^ 

lois,  Tautatesy  Taranes,  Hefm^  c^c.   5YÎ4. 
Chap.  I.  Revue  des  Textes^  on  il  ef  parlé  de  Aloloch^  ^6^. 
Ghapai,  Defmptim  de  l'IdeU  de  Moloch,  félon  les  Rabbins.  On  '  brûloir- des 


?ft#* 


3 


«f5' 


TABLE 

^yifans  afin  honneur.  D' Adrammelech ^  &  AnameUchy  Dieux  de  Se^ha/^l 

Chap.  11  r.  Moloch  eji  le  Saturne  des  Grecs  &  des,  Romains.     Le  Tautates  des 

Gaulois  efi  aujfi  Saturne.  De  Hefus  &  Taranes ,  autres  Dieux  Gaulois ,  570. 
Chap.  IV.  Conformité  du  culte  des  Phéniciens  à  leur  Moloch  ^  &  celui  des  Cwr^ 

thaginois  a  leur  Saturne  i  ^1\.  ' 

Chap.v.  Saturne  &  Moloch  femhlent  être  la  Planète  de  Saturne  ^  mais  cefl  le 

Soleil,  ^yS. 
Chap.  VI.  Des  Dieux  animaux  y  ou  des  hommes  adorez,  fius  les  noms  de  Saturne 

&  de  Moloch.  Adam.  &  Noé  s'y  trouvent  ^  581. 
Chap.  VII.  Il  y  a  j>lus  de  caractères  de  Noécjue  d'Adam  dans  Saturne  &  Moloch, 

Noé ejî  aujji  caché fius  le  Dieu  Saturne,  585. 
Chap.  VIII.  D'ouvient  la  fable,  queju^iter  cou^a  les  parties  de  Saturne,  5  S  8. 
Troisie'me  I'raite'.  De  Bah  al ,  &  des  Bahalins ,  de  Belus ,  Beleni^ , 

Eliogabalus,  &c.  de  Jupiter  Hammon ,  de  Nimrod,  Cham,  &c.  55)2. 
Chap.  I.  Textes  de  l'Ecriture,  ou  il  eJi  £arlé  de  Bahal,  des  Bahalins ^  &  des 

Bahalines,  55)2. 
Chap.  1 1.  Du  nom  de  Bahal,  comment  il  s'efl  répandu  ^ar  tout,  noms  propres 

dans  lefquels  il  efi  entré.    D' Èliogabalus ,  5^5. 
Chap.  III.  Bahal  efi  d'un  fexe  ambigu  ,  Dieu  &  Déeffe,  auffi  bien  élue  Venus 

&  la  Lune,  597. 
Chap.  IV.  Dufervice  é^uon  rendait  a  Bahal.  Des  dànfis  des  dftciëns'dàns  leurs 

Sacrifices,  du  baifer  delà  main  a  l'honneur  des  Idoles,  55)9. 
Chap.  V.  Les  Dieux  naturels  cachez,  fous  Bahal,  cefî  le  Soleil,  le  J-u^iter  des 

Grecs.  De  l'Hercule  Tjrien,  606. 
Chap.  VI.  Les  Dieux  animaux  cache%.fius  Bel  &  Bahal  font  Nimrod  &  Cham, 

de  trois  Enfans  de  Noé ,  Goj. 
.  Qu atrie'me  Traite'.     Des  autres  Bahalins ,  de  Bahal-Tfe^hon ,  de 

Bahal-Berith,  de  Beel-z,ebub ,  de Dagon^^&c.de ISfergal ,Nibechas,Tartach, 

Ashima,  Aretfa,  Dieux  de  Sehir ,  Adrammelech,  Anamelech,  Nifroch  y 

Rimmon,  61^. 
Chap.  I.  Bahal-Berith,  Dieu  ou  Déeffe  des  Sichemite  s.  Première  conje5iure,<^ue 

c  efi  le  Jupiter  Fœderalis.     Seconde  conje^ure,  que  Bahal-Berith,  qui  a  pris 

fin  nom  de  la  ville  afellée  en  Phénicien  Beruth ,  étoit  afsurement  une  Déeffe ,  & 

non ^as  un  Dieu,  61^. 
dhap.  1 1.  Notables  conjeEiur es  fur  le  nom  de  laDéeJJe  Berith,  que  c  efi  la  Cy bêle 

des  Grecs,  quelle  a  tiré  fin  nom  &  fin  origine  de  Thifioire  de  la  Création,  & 

du  Verbe  qui  créa  le  monde ,  610. 
■Chap.  III.  De  Beel-z,ebub.  Toutes  les  coujeBures  de  nos  Savans  fini  faujfes  fkr  le 

Dieu  Beel-z.ebub.  Ce  n  efi  point  le  Bahal,  ou  le  Jupiter  des  Syriens.  C'efv  le  Pluton 

des  Grecs,  le  Prince  des  mauvais  Démons.  Notables  conje^ures  la-d.effus,  6 16. 
Çhap.  IV.  Serajpis  efi  Pluton:  preuve  par  fafiatue,  par  la  Jîgnification  du  nom 

deSerapis,  qui  veut  dire  Dieu  des  Sauterelles,  ou  des  Harpyes.  Origine  de  la 

fable  Ô"  du  nom  des  Harpyes  ,6^1. 
Chap.v.  Véritable  origine  du  nom  d'Acher on,  le  fleuve  des  Enfers ,  &deCha- 

ron  le  Battelier  d'Enfer.   Pluton  a  tramé  partout  avec  lui  le  nom  d'Acheron. 

Et  partant  on  exerçoit  la  Necromance  dans  fis  Temples,  6^j. 
Chap.  VI.  DeDagon.  Il  vient  de  Dag,  poiffon  en  Phénicien.  Et  nonde  Dagan, 

froment ,  comme  l'a  cru  Philon  de  Biblis.  Diverfis  erreurs  de  ce  Philon.  Dagon 

etoit  Neptune.  Derceto,  Déeffe  delà  iner,  avoit  la  figure  de  poiffon ,  6~^i. 

Chap, 


DES    CHAPITRES. 

Chap.vii.  Des  Dieux  Naturels  &  Animaux  cacheTL  fous  Dagon.     Les  Dieux 

Naturels  cefi  la  mer^  &VEf^rit  répandu  dans  cet  Elément^  qui  lui  donne  fes 

mouvemens.  Les  Dieux  Animaux  font  Ja^het  y  deuxième  fils  de  Noé  ^  6^0, 
Chap.  VIII.  Les  Dieux  des  Orientaux  tranf^ortei.  en  Samarie.  Nergal  3  Ashima^ 

ce  font  divers  noms  du  Soleil  y  6^1. 
Chap.  IX.  De  NibechaTiy  6^6. 
Chap.x.  Le  Dieu  Tartak  nefl  point  Vane,     Nous  n  avons  f  as  af  ris  qu'on  ai% 

adoré  l'âne  nulle  ^ art.  D' Adrammeleeh  &  Anamelech ,  des  Dieux  de  Sehir^ 

du  DieuAretfày  du  Dieu  Rimmon^  divinité  adorée  cheTL  les  Sjriens  de  Da-* 

mas  y  duDieuNifrochy  Dieu  de  Sennacherib  y  6^j. 
Chap.  XI.  Nifrochy  le  Dieu  de  Sennacherib  y  avoit  la  figure  de  T  Aigle,  Opinion 

delCirkeruSy  que  c'était  une pece  de  l'Arche,  660. 
C I N QJJ I e'm e  Traite'.  Des  divinitez. Féminines ,  d'Afîaroth ,  Asherahy 

Succoth-Benoth  y  la  Déefje  Syrienne  y  Venus  Uranie  y   Derceto  y  Atergatis-y 

&c.  666. 
Chap.  I.  De  In  Déefje  Afiharoth  y  de  fes  divers  noms.  Que  c  et  oit  uneDéeffe  y  & 

non  un  Dieu.  Dunomd'Asherahy  quatre  autres  noms  delà  même  Déefèy  666. 
Chap.  II.  D'Aflartéy  &  de  trois  autres  Déeffesy  qu'on  a  confondues  en  Syrie» 

Des  quatre  Déeffes  Syriennes  qu'il  faut  démêler  y  Afiartéy  Derceto ,  Venus 

Uraniey  &la  Déeffe  Syrienne  y  6~ji. 
Chap.  III.  Quel  nom  Afîarté  a  ^orté  dans  l'Occident  y  ^armi  les  Grecs  &  lei 

Romains.  Si  c  efl  Cybele  y  Venus  y  ou  Junon,  6-j$. 
Chap.  IV.  Afîarté  c'était  la  Lune.  De  la  Déeffe  Alilat  entre  les  Arabes  y  d'Urar>, 

nie,  6yS. 
Chap.v.  De  la  Venus  Syrienne  &  de  Thammusy  681. 
Chap.  VI.  Dieux  Naturels  cachez,  fous  Venus  &  Adonis  y  ceft  JJtSy  la  Nature 

Univerfelle  y  &  le  Soleil  y  6^6. 
Chap.  VII.  De  Succoth-Benoth  y  ou  Venus  Babylonienne,  685}. 
S I X I  e'm  e  Traite'.     De  quelques  autres  divinitex.  moins  connues ,  &doni 

les  noms  font  moins  frequens  dans  l' Ecriture  y  comme  fontGadyAîeniySefach^ 

lidahwxàmy  Bahal-Tfe^hon  y  JUargemah  y  6ç)^, 
Chap.  I.  De  G  ad  y  &  de  Ment  du  6^.Ch.d'Efayey  6^^. 
Chap.  II.  DeSefachy  divinité  des  Babyloniens  y  &  des  Perfes.  De  la  Fête  a^el-- 

leeSakea,  &  de  la  Déeffe  Anaitis ,  702. 
Chap.  1 1 1.  Du  Dieu  Jl<fahuz,z,im.  Ce  font  les  Romains  adorez.  &  fèrvis  ^ar  An-> 

tiochus  Epi^hanes  y  705. 
Chap.  IV.  Baal-Tfephon.  C'était  le  nom  d'un  lieUy  non  d'un  Dieu.    DeAfarge-^ 

mahy  &  des  Monceaux  a^velleTLJidonceaux  de  JXdercure  y  708. 
S  E  P  T I  e'm  e  Traite'.     Du  Culte  du  Soleil ,  de  la  Lune ,  des  Planètes  & 

des  Etoiles ,  du  Feu  y  des  Chevaux  confacrez^  au  Soleil ,  détruits  ^ar  Jojtas  y  & 

des  Chammani^  3  711. 
Chap.  I.  Erreui^^  quelques  Anciens  y  qui  ont  cru  que  les  Aflres  avaient  été 

donnez,  de  Dieu  aux  nations  pour  divinitez..     On  a  cru  que  les  Afires  étaient 

animez..   Le  Soleil  adoré  par  les  Perfes  fans  Temfles  ni  Chamelles.     Coutume 

d'adorer  en  fè  tournant  vers  l'Orient  :  des  Chammanim  entre  les  Juifs ,  711, 
Chap.  II.  Du  Culte  que  les  Perfes  rendaient  au  Feu  &  au  Soleil.  DuDieuAma^ 

nus  &  de  fes  Temples.  Des  Chammanim  y  &  des  Chevaux  du  Soleil  y  -ji^. 
Chap.  III.  De  l'adoration  de  la  Lune  y  des  Planètes  y  &des  Etoiles  fixes.     Dm 

Culte  de  Venus.  L'adoration  de  Mercure  y  &  l'origine  de  fes  divers  noms  ,725. 
H u  ï  T I  e'm  e  T  R  a  ï  t  e'.    Deux  Idolâtries  particulières  au  Peuple  dlfra'él  > 

^  l'E- 


TABLE    DES    CHAPITRES. 

rEphod  de  Gedcon ,  &  le  Serpent  d^ airain.     Da  Dragon  des  Babyloniens.  Ido- 
lâtries do?7t  les  Juifs  o?ît  ctcjaujfement  accufèz.^  730. 
CKap.  I.   'H:Jîoii'c  de  l'E^phd  deGedeon.     Cet  oit  apparemment  une  enfeigne  mili-' 
taire  y  que  ce  Cajiitaine  fit  ponr  être  le  monument  de  [es  viUoires  y  &  lejîgnal 
de  fe s  combats  y  730. 
Chap.  \  I.  Comment  les  Ifra'èlites  adorèrent  l'Efhod  de  G  e  de  on,  y  ^6. 
Chap.  III.  Du  Serpent  d'airain  ,   entant  qu'il  devint  un  objet  d'Idolâtrie.     Le 
Diable  s'efl  fait  adorer  jprefque  partout  fous  la  fgure  d'un  Servent.     £fculape 
adore  fous  un  Serpent.  SerpAns  adorez^  en  Egypte,  Des  O^hites  contez,  entre  les 
Seules  duChrifiianifme^  740. 
Chap.  IV.  Idolâtries  dont  les  fuifs  ont  été  fauffement  accufèz^y  74(5. 
Ne  u  V  I  e'm  e  Trait  e'.     Des  Hauts  lieux ,  des  Bocages ^  &  des  Temples 
de  l'Idole  ;  des  Sacrificateurs  ^des  Sacrifice  s  ^&  des  Cer  rmonies  de  leur  Culte  ,751. 
Chap.  I .  Des  Hauts  lieux  &  des  Bocage s.Ce  font  les^lus  anciens  Temples.  Plujieurs 
nations  n'en  ont  pas  eu  d'autres.  Les  Hébreux  en  ont  fait  grand  ufage.  Le  Ché' 
fie  &  le  Guy  de  Chêne  ont  été facre%..  Fameux  bocage  dansle  Fauxbourgd' An^ 
tioche_y  75  L 
dhap.  II.  Des  Temples  de  V  Idolâtrie:  q^ui  en  font  les  premiers  inventeurs  :  le 
fameux  Temple  d'Hier  apolis^  des  Cellules  des  Dieux  y  des  Autels ,  des  Ta- 
bles y  des  Eeux  facre-Ly  757. 
'dhap.  III.  Des  jileubles  des  Temples  y  des  Autels  y  des  Tables  y  &  des  Lampes 

ardentes  y  des  Proceffions  y  desiorchesy  &  des  Feux  facrez^,  y  6^. 

Ç^hap.  IV.  Des  Sacrificateurs  &  JJyfinifires  des  Autels  chez,  les  Payens.     Les 

femmes  ne  pouvoiem  être  JUiniflres  du  fervice ,  félon  la  Loi.     Aîais  certaines 

nations  Pajennes  ont  euieurs  Prétreffesy  -j6%. 

C^hap.v.  Ce  n  et  oit  pas  la  coutume  de  donner  ordinairement  des  femmes  pour  Pré- 

treffes.  Ni  la  Déeffe  de  Syrie ,  ni  les  autres  Déejfes  n'avaient  point  de  Prêtre f 

fes.  Elles  étoicnt  fervies  par  des  hommes  y  fur  tout  par  des  hommes  coupez.y'j'jo, 

Chap.vï.  Beau  parallèle  du  fervice  de  la  Déeffe  de  Syrie  y  &  de  celui  du  Tem^ 

fie  de  Jerufalemy  775. 
Chap.vï  I.  Obfervations  de  la  Religion  Payenne,  tirées  de  la  Loi  de  Dieu  y  pour 

les  Miniflres  des  Autels  y  779. 
Chap.vï  1 1.  Des  Sacrifices  des  Payens.     Les  Holocaufles  peu  en  ufage  entre  les 
Payens.  Cérémonies  des  Grecs  dans  leurs  Sacrifices  par  Homère.     Celles  des 
Egyptiens  par  Hérodote ,  783. 
Chap.  IX.  Sacrifices  des  Payens  divifez.  en  diverfes  claffeSy  félon  les  fins  quon 
s'y  propofoit  y  les  Sacrifices  propitiatoires  y  les  impetratoires  y  les  eucharifiiques , 
&  les  divinatoires  y  788. 
Chap.x.  Des  J^iSimeSf  &  de  la  matière  des  Offhandes  :  ViElimes  humaines  y 
viElimes  prifes  prefque  de  toutes  les  bêtes  y  le  pourceau  y  le  chien  y  le  cheval  y^ 
des  oifeaux.     Quefcion  y  Jî  on  facrifioit  des  potjfons.   Offrand^  de  chofes  mor- 
tesy  75)2.  ^^^' 

Chap.  XI.  Des  Cérémonies  obfervêes  dans  les  Sacrifices  y  75)5?. 
Fin  de  la  Table  des  Chapitres. 
Ceux  qu)  jetteront  les  yeux  iur  cet  Indice  des  Traktés  Se  des  Chapitres  ,  où  il  eft  parlé  des 
idolararies  des  Syriens ,  feront  peut-être  furpris  de  n'y  pas  voir  un  titre  particulièrement  dédié 
à  la  iraraeufe  DéeflTe  de  Syrie  de  Hierapolis  y  dont  un  Auteur  ancien  ious  le  nom  de  Lucien 
nous  a  lallTé  un  petit  livre  fort  curieux.  Mais  ils  doivent  être  avertis  que  cette  DécfTe  a 
fon  Chapitre  dans  le  traîtté  de  Bahal  Berith  ,  DéeiTe  des  Sichemltes ,  à  la  page  6zq.  &  fuivan- 
tes.  Car  nous  y  prouvons  que  cette  Bahal  Berith  cil:  véritablement  la  DeefÇe  Syimne  de  Lucien: 
Et  ©utre  cela  il  ell:  parlé  d'elle  dans  pluJîeBrs  endroits  des  traittés  fux  Tldoiatrie  des  Syriens. 

HISTOI- 


DES    DOGMES 


E  T    D  E  s 


CULTE 

BONS   ET   MAUVAIS 

DE    LE  G  L  I  S  E 

Depuis  Adam  jufqu'à  Jefus-Chrift. 
PREMIERE     PARTIE. 


Htftoire  des  Dogmes  Qf  des  Cultes  de  [Eglife  depuis 
Adam  jufques  à  Mojfe, 

\  L  n*y  a  rien  plus  digne  d'être  fçû  que  la  manière 
1  dont  Dieu  a  été  fervi  dans  tous  les  âges  de  TEgli- 
I  fe.  La  durée  de  cette  Eglife  peut-être  di^nfée  en 
If  trois  grands  périodes.  Le  premier  ell  celuy  depuis 
la  création  du  monde  jufques  à  Moyfe.  Le  fécond 
depuis  Moyfe  jufques  à  Jefus-Chrift.  Le  troiiîéme 
depuis  Jefus-Chrift  jufques  à  nous.  Le  premier  de 
ces  trois  périodes  comprend  environ  24^4.  ansj  6c 
il  eft  naturellement  partagé  en  deux  par  le  déluge 
qui  arriva  l'an  du  monde  16^6.  félon  la  fupputation  des  Hébreux.  C'eft  de 
ce  premier  période  dont  nous  avons  dci^tïn  de  chercher  la  Religion ,  6c 
deconnoître  les  cultes  6c  les  dogmes  dans  cette  prenaere  partie  de  nôtre 
Hiftoire.  Cette  entreprife  n'eft  pas  aifée,  à  caufe  de  la  grande  antiquité,  qui 
nous  dérobe  la  connoilTance  de  ces  premiers  tems  ,  6c  qui  ell  comme  un 
voile,  qui  empêche  nos  yeux  de  pénétrer  jufques  là.  Nous  nous  fervirons 
du  peu  de  monumens  que  l'Ecriture  6c  le  St.  Efprit  nous  ont  laifTez  de 
ces  premiers  Cecles ,  &  nous  y  ajouterons  toutes  les  lumières ,  que  nous 
pourrons  tirer  de  la  tradition  des  juifs,  6c  des  antiquitez  payennes. 

/.  Part,  A  C  H  A- 


,jî  HISTOIREDESDOGMES 

CHAPITRE      I. 

De  la  Théologie  &  des  dogmes  de  l'Eglife  afvant  la  Loy, 

LA  Religion  efl  compofée  de  dogmes  Se  de  cultes,  car  iî  faut  neceflai- 
rement  avoir  quelques  penfées  ôc  quelques  fentimensde  la  divinité 
que  l'on  tert  :  ces  penlees  s'appellent  dogmes ,  ôc  les  fervices  qui  font 
fondez  iur  ces  penfées  s'appellent  cultes  :  fans  doute  donc  la>  religion  des 
Patriarches  avoit  fes  dogmes  aufîi  bien  que  fes  cultes  j  car  elle  penfoit 
quelque  chofe  de  ce  Dieu,  qu'elle  adoroit.  Dans  le  deflein  que  nous  avons 
de  rechercher  quelle  étoit  la  religion  de  ces  Anciens  ,  il  cil  jufte  ôc  ne- 
ceflake  de  connoitrc  quels  ont  été  leurs  dogmes ,  devant  que  d'examiner 
quels  ont  été  leurs  cultes ,  parce  que  la  caufe  doit  marcher  devant  les  ef- 
fets :  Or  les  penfées  que  l'on  a  de  la  divinité,  6c  qui  font  dans  l'intérieur,, 
font  la  caufe  de  ce  que  nous  appelions  culte  extérieur  5  ôc  chacun  adore  la. 
divinité  félon  les  fentimens  qu'il  en  a. 

Le  prodigieux  nombre  d'années  qui  nous  fepare  de  ces  premiers  fîecles , 
.  nous  dérobe  auffi  la  connoifîance  de  ce  qui  s'y  faifoit.     Dans  les  antiquitez 
'  payennes ,  l'Hiftoire  qui  remonte  au  delà  de  Cyrus,  Roy  de  Perfe,  eft  toute 
^'     ■[  remplie  de  fables  &  d'obfcuritcz  qu'on  ne  fçauroit  démêler  j   Cependant 
Cyrus  eft  moderne  en  comparaifon  de  l'antiquité  que  nous  avons  delTein 
d'examiner,  car  ce  Prince  n'a  vécu  qu'un  peu  plus  de  400.  ans  avant  la. 
venue  de  J.  C.  Nous  ne  fommes  pourtant  pas  tout  à  fait  fi  deltituez  de  fe- 
cours  dans  nôtre  Hiftoire ,  queTonpourroitcroire,  parce  que  nous  aurons 
un  guide  certain,  un  Autheur  conduit  par  le  St.Efprit,  qui  nous  a  iaifle 
de« Mémoires  de  cetems-là,ôc  des  Mémoires  d'une  fidélité  parfaite, quoy 
qu'ils  ne  foientpas  fort  étendus  3  c'eftMoyfe  qui  nous  a  écrit  le  livre  de  la 
Genefe.     Mais  il  eft  à  craindre  que  ces  Mémoires  ne  nous  mènent  pas 
loin,  parce  qu'ils  font  courts.  Cependant  ft  l'on  découvre  tout  ce  qui  y  eft, 
on  ne  laifîera  pas  d'y  trouver  bien  des  chofes. 
La  connoif-      Quaud  on  parle  de  la  Théologie  de  ces  premiers  hommes ,  onfeîa  re- 
Ancîet? fur  P^'^^^"^^  extrêmement  maigre,  &  de  peu  d'étendue.     Nos  Théologiens 
laReiigion  nous  dépeignent  ces  premiers  fîecles  comme  un  petit  crepufcule,  qui  com- 
riiffiboM^ée  raence  à  paroîtrelong-tems  devant  le  foleil  :.  nous  difons  que  la  lumière  fpi- 
qu'on  nouj  ritucllc  a  pafle  dans  la  Religion  par  les  mêmes  degrez  que  la  lumière  du 
^a  repre«xi-  inonde  paOé  dans  l'air.  Je  ne  veux  pas  abfolument  nier  cela:  mais  je  crains 
qu'on  n'ait  pouffé  trop  loin  cette  vérité.  J'avoue  que  la  connoiflanced'au- 
jourd'huy  eft  infiniment  plus  grande  qu'elle  n' étoit  fous  la  Loy,  &  avant 
la  Loy  :  il  eft  même  aiTez  apparent  que  les  grands  Saints  du  V.  Teftament 
qui  ont  vécu  depuis  Moyfe,  voyant  lespromefles  &  les  myfteres  de  plus 
prés  6c  avec  plus  de  fecours  ,   les  ont  veus  plus  diftinélement.      Cepen- 
dant je  n'ay  pas  auffi  mauvaife  opinion  de  la  fcience  des  Anciens  fidèles ,  qui 
ont  été  devant  Moyfe,  qu'on  nous  la  veut  donner:  6c  je  ne  puis  douter 
que  leur  connoifiance  n'ait  été  à  plufieurs  égards  très  belle  6c  très  diftinc- 
îe  :  l'obfcurité  de  leurs  lumières  n'étoit  qu'à  l'égard  du  Rédempteur  à 

venir 


ET  DES  CULTES  DE  UEGLISE.  Part.l,     ^ 

Tenir,  lequel  ils  ne pouvoient  pas  bien  connoîtrediftincStement,  àcaufeque  "7: 
les  oracles  n'étoient  pas  alors  en  grand  nombre ,  &  que  le  tems<le  ce  Re-     .  "^ 
dempteur  étoit  éloigné.    Mais  pour  le  relie,  je  croy  qu'ils  étoient  autant,  , - 
&  peut-être  plus  éclairez  que  nous. 

'     Premièrement  pendant  l'efpace  de  plus  de- poô.  ans,  ils  eurent  Adami-es^re- 
pour  précepteur  6c  pour  maître:  Orquoy  qu'il  ne  foitpas  neceflaire  de  s'i-  JJJè"y!ït^" 
maginer  lafcience  d'Adam  dans  l'état  d'innocence  auiîi  vafle  que  les  Scolaf-  Adampous 
^  tiques  nous  la  reprefentent ,  on  ne  la  fçauroit  pourtant  concevoir  medio-  ne"?u-"* 
cre  :  Il  devoit  fçavoir  tout  ce  qu'il  faut  fçavoir  pour  être  heureux  5  c'eft-  voient  pas 
à- dire  qu'il  connoifToit  fort  diilindement  fon  Dieu,  fa  fouveraine fin , Ton  lanl'^"^' 
devoir  ,    6c  les  moyens  qui  le  dévoient  conduire  à  cette  fouveraine  fin. 
Or  il  n'efl:  pas  raiionnable  de  fuppofer  qu'il  ait  perdu  toute  cette  connoif- 
fance  par  fa  chute  j   car  les  chofes  fe  firent  dans  ce  tems-là  à  peu  prés 
/',  comme  nous  voyons  qu'elles  fe  font  aujourd'huy.  Un  homme  ne  perd  pas 
'yfa  fcience  pour  tomber  dans  un  grand  crime  5  ÔC  il  n'eft  pas  aifé  de  conce- 
)  voir  comment  par  un  feul  péché  aétuel  un  voile  fe  feroit  épandu  fur  l'ame 
^d'Adam,  qui  auroit  effacé  tout  ce  qui  étoit  dans  fon  imagination  ^  dans  (à 
mémoire.     Nous  ne  croyons  pas  que  les  Anges  révoltés  ayent  perdu  leur 
connoiflance  en  tombant  :  ik  demeurèrent  auffi  fçavans  qu'ils  étoient  :  il 
eft  malaifé  de  porter  un  autre  jugement  du  premier  homme.  Ce  qui  fe  fit 
fans  doute,  c'eft  qu'il  fe  relâcha  dans  la  pratique  de  ks  devoirs,  6cla  ré- 
bellion de  fes  paffions  le  rendoit  moins  attentif  à  ce  qu'il  connoifToit  j  ce  qui 
pouvoit  peut-être  peu  à  peu  diminuer  fa  connoiiïance  ,  mais  non  pas  luy' 
faire  entièrement  oublier  tout  ce  qu'il  avoit  fçû.     Je  ne  doute  donc  pas  '^ 
qu'Adam  ne  fçût  de  Dieu  tout  ce  que  la  nature  en  peut  enfeigner ,  6c  qu'il   X  -" 
n'eût  encore  les  lumières  de  la  révélation ,  qui  lui  furent  données  en  fuite. 

Secondement  il  eft  fiir,  que  les  hommes  du  premier  monde  étoient  bien  LesAnciecs 
plus  touchez  que  nous  de  cette  vérité,  que  Dieu  eft  le  Créateur  du  mon-  comme tc- 
dcj  6c  on  peut  dire  qu'ils  cheminoient  à  cet  égard  plus  par  veuë  que  parmoinso»- 
foy;  car  il  n'y  avoit  entr'eux  6c  la  création  qu'un  feul  homme,  qui  étoit  vi-  ^IZlioU' 
vant,  parlant,  6c  qui  atteftoit  cette  vérité.  On  ne  pouvoit  douter  qu'il  n'eût 
été  créé  de  Dieu ,  puis  que  l'on  ne  luy  voyoit  point  de  père  ni  de  mère. 
On  ne  pouvoit  pas  direaum  qu'ils  pouvoient  être  morts ,  veu  la  longueur  de 
la  vie  de  ces  premiers  hommes.  Adam  a  vécu  930.  ansj  s'il  eût  eu  un  père, 
fans  doute  ce  père  l'auroit  engendré  environ  40 .  ou  f  o.  ans  après  luy:  ainfi  le 
père  d'Adam  devoit  être  encore  vivant.  L'on  ne  pouvoit  donc  douter  qu'A- 
dam ne  fût  l'ouvrage  de  Dieu ,  6c  que  le  monde  ne  fût  nouvellement  forti  des 
•mains  du  Créateur  :  Il  eft  certain  quecette  vérité  étant  bien  connue ,  elle  ren- 
ferme en  foy  une  infinité  de  connoiflances,  6c  nous  peut  donner  une  idée  de 
Dieu  très  diftinéte.  Car  les  Athées  ne  nient  Texiftence  de  Dieu,  qu'à  mefure 
que  la  vei'ité  de  la  création  s'efface  de  leurs  cœurs.  Quand  le  monde  a  com- 
mencé à  s'éloigner  de  fa  fource.  Dieu  a  envoyé  le  déluge  5  figné  qui  peut 
toucher  les  efprits  Ôc  les  perfuader  de  la  grandeur  de  Dieu.     Methufela  eft  Les  Anciens 
mort  deux  ans  devant  le  déluge  ;  il  avoit  vécu  avec  Adam  z^f.  ans.  Noé  îîTdkion* 
avoit  vécu  avec  Methufela  600.  ans:  il  n'y  avoit  donc  qu'un  feul  homme  fûre&fa- 

{  entre  Noé  6c  Adam..    Ainfi  quoy  que  le  monde  eût  déjà  plus  de  1 600.  ans  Adam  ^?f-" 
quand  le  déluge  arriva ,  cependant  la  tradition,  qui  enfeignoit  ladoétnnede  qu'àAbra- 
l'Eglife  ,  ne  pouvoit  être  appellée  vieille,  parce  qu'elle  n'avoir  paffé  que  euqueïuî 

A  Z  par  hommes. 


4  H  I  S  T  O  I  R  E  D  E  S   D  O  G  M  E  S 

par  la  main  de  deux  hommes  >  &  par  confequent  elle  ne  pouvoit  pas  être 
bien  obrcurcie.  Et  de  là  je  conclus  que  Noé  n'étoit  gueres  moins  fçavant 
qu'Adam  dans  les  myfteres  de  la  Religion ,  parce  qu'Adam  avoit  été  le 
précepteur  de  Methufela  ,  &  Methufela  celui  de  Noé.  Le  Patriarche 
,  Noé  vécut  encore  3  ^o.  ans  après  le  déluge  :  Ainfi  entre  Abraham  ôc  Adam 
il  n'y  avoit  que  deux  hommes ,  fçavoir  Methufela  &  Noé ,  parce  qu'A- 
braham étoit  déjà  âgé  de  f  8 .  ans  quand  Noé  mourut  :  car  Abraham  na- 
quit zçi.  ans  après  le  déluge.  Sem ,  qui  avoit  vu  le  déluge ,  vécut  foo. 
ans  après  le  déluge:  Jacob  a  donc  pu  voir  Sem,  car  Jacob  avoit  fo..  ans 
quand  Sem  mourut  5  &  il  n'y  avoit  que  80.  ans  que  Sem  étoit  mort  quand, 
la  famille  de  Jacob  defcendit  en  Egypte  :  de  forte  qu'il  n'y  a  qu'un,  fèul 
homme  entre  Jacob  &  le  déluge ,  Ôc  trois  hommes  entre  le  même  Jacob  & 
la  création.  Ainfi  il  eft  évident  que  ces  deux  grands  évenemens,  la  créa- 
tion du  monde  6c  le  déluge ,  étoient  comme  fous  les  yeux  des  fidèles  de. 
ce  premier  période  de  l'Eglife,  &par  confequent  il  eft  impofTible,  qu'ils, 
ne  fuflent  perfuadcz  qu'il  y  a  un  Dieu  ,  qu'il  eft  infini  ,  qu'il  eft  infini- 
ment puitîant  6c  jufte  ,  ayant  une  haine  infinie  pour  le  péché  ,  que  Tes. 
yeux  obfervent  la  conduite  des  hommes  ,  que  fa  vengeance  les  pour- 
fuit  quand  ils  font  méchans ,  &  que  fa  bonté  les  protège  quand  ils  font, 
bons. 
L'Egiifc  Mais  nous  ne  pouvons  nous  Icrvir  d'un  moyen  plus  alTûré  pour  connoi- 

ilTJiétt'  ^^'^  quelle  étoit  la  Théologie  de  ces  premiers  fidèles,  que  deconfidererles 
auffifca-      cho.'es  qu'ils  ont  dites,  ôc  celles  qui  leur  ont  été  dites.  Car  pour  ce  qu'ils, 
ce]"rquu    ^^'^^  ^^^-y  ^^  "'^"^  ^^  ^"  %"e  certain  de  ce  qu'ils  ont  penfé,  &  de  ce  qu'ils 
fuiviicdé-   ont  crû.     Et  pour  ce  qui  leur  a  été  dit  ,   c'eft  encore  un  moyen  afluré 
"^^-         de  conrioître  ce  qu'ils  ont  fçû  :  parce  qu'il  eft  à  prefuppofer  qu'ils  ont  fçû  ce 
que  Dieu  a  pris  foin  de  leur  enfeigner.  Je  vais  donc  faire  une  courte  reveuë 
des  principales  veritez,  qui ,  félon  le  rapport  de  Moyfe ,  ont  été  connues  par 
ces  hommes  du  premier  monde.  Seulement  j'ajouterai,  avant  quedepaflèr 
outre,  qu'il  n'eft  pas  befoin  de  diftinguer,  pour  les  degrez  de  la  connoifiance , 
cette  partie  de  l'Ancienne  Eglife  qui  a  précédé  le  déluge,  de  celle  qui  l'afuivi 
jufqu'à  Moyfe.  Car  il  eft  clair  que  Dieu  n'a  pas  révélé  de  nouveaux  myfteres 
aux  derniers  Patriarches,  &que  tout  ce  que  l'Eghfe  du  tems  d'Abraham 
fçavoir ,  étoit  au(îi  connu  dans  l'Eglife  qui  a  précédé  le  déluge.   Excepté 
qu'il  fe  peut  faire  que  certaines  chofes  ont  été  connues  d'une  manière  un  peu 
plus  diiiinéce,  les  dernières  révélations  fortifiant  les  premières. 
Bn  premier      Aprés  ccttc  remarque,  je  commence  par  le  fameux  oracle  que  Dieu  pro- 
quelês^re*  "^"Ç^  ^  Adam  aprés  fa  chute,  ^e  mettrai  inimitié  entre  la  femme  &  le  fer-^ 
m\txs\\omrp£nt ,   CfT  entre  la  fimence  de  la  femme  dJ"  la  femence  du  firpent  ;    &  la  femence 
"mpriT*    ^f  la  femme  brifera  la  tête  dn  ferpent  ,    &  le  ferpent  Iny  brifera.  le  talon..  Je  ne 
Genef.  j,     m'arrêterai  pas  à  expliquer  ce  texte,  félon  toutes  les  remarques  que  l'on  fait 
*"  *^'         ordinairement  delTus  ;    je  dirai  feulement  que  c'eft  une  promefle  très  ex- 
preiTe  du  Rédempteur,,  qui  devoir  venir  pour  détruire  l'empire  du  Diable. 
La  femme  dont  il  eft  icy  parlé,  c'eft J'EgUfe,  la  mère  de  tous  les  fidèles  : 
la  fimence  de  la  £emme  ^  ce  font  les  Saints  ;  le  ferpent,  c'eft  le  démon;  ôç 
la  femence  du  ferpent,  ce  font  ces  hommes  que  le  Di^le  a  enlevez  à  l'E- 
glife, qu'il  engage  daris  fa  révolte,  qu'il  fait  pafter,  pour  ainfi  dire,  dans 
ià  famille,  ôt  qui  font  appeliez  enfans  du  démon,  felonceque  Jefus-Chrift 

difoit 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  TartA.    5 

(difbit  aux  Juifs,  le  "Père  ânquel  vous  e't  es  finis  ,    c^efi  le  Diable.     V  inimitié 
qui  ell  entre  la  femme  6c  le  ferpent,  entre  lafemence  de  la  femme  ôc  la  fe- 
mence  du  ièrpent,  c'ell  cette  guerre  perpétuelle  qui  eft  entre  le  Diable 
ôc  TEglife.  La  tête  du  ferpent,  c'eft  la  puilTance  du  Diable  :  la  femence ât 
la  femme  qui  doit  brifer  cette  tête,  ce  font  les  enfans  de  Dieu  ,   ayant  à 
leur  tête  leur  chef  qui  eft  Jefus-Chrift:,par  la  puilTance  duquel  le  règne  du 
l^iable  a  été  détruit.  Enfin  ce  talon  qui  devoit  être  brifé,  c'eft  la  partie  baflc 
del'Eglife,  celle  par  laquelle,  pourainfi  dire,  elle  touche  à  la  terre,  fça- 
voir  rEghfe  mihtante.   Car  l'Eglife  triomphante,  qui  eft  dans  les  cieux, 
peut  avec  juftice  erre  appellée  la  tête  de  ce  grand  corps,  à  eau  fe  de  la  gloi- 
re qu'elle  poflède  :  ôc  l'Eglife  militante,  qui  eft  icy  bas  ,   peut  bien  ,  à 
caufe  de  (es  infirmitez  ,    êc^e  appellée  le  talon  de  la  femme  ,  Tépoufe  de 
J.  C.    Et  c'eft  contre  ce  talon  que  le  Diable  décharge  ks  fureurs.  Et  qui 
peut  douter  que  \ts  premiers  fidèles  n'ayent  compris  le  fens  de  cet  oracle.^ 
Dieu  Teût  donné  en  vain ,  s'il  n'eût  pas  été  entendu  ;  Adam  n'eût  pas  pu 
tirer  de  la  confolation  de  ces  paroles ,  s'il  n'eût  pénétré  dans  le  (cns  myfti- 
que ,  &;  s'il  fe  fût  arrêté  à  l'écorce.     Ajoutez  a  cela  que  cette  promeffe 
n'auroit  pu  paiTer  par  tradition  jufqu'à  Moyfe,  fi  luy  ôc  tous  ceux  qui  l'ont 
précédé  ne  l'avoient  pas  entendue  ;  car  on  oublie  ôc  l'on  néglige  ce  que 
l'on  n'entend  point.     Il  faut  donc  croire  qu'ils  ont  compris  cet  oracle,  & 
qu'ils  ont  conçu,  qu'il  y  auroit  toujours  guerre  entre  le  Diable  ôc  les  mé- 
chans  d'une  part  y  &  les  enfans  de  Dieu  de  l'autre  part  :  que  l'Eglife  fc- 
roit  opprimée  par  fes  ennemis  j  mais  qu'enfin  de  la  femence  de  la  femme 
il  naîtroit  un  merveilleux  libérateur,  qui  ruïneroit  les  ennemis  de  l'Eglife. 
Je  croy  bien  qu'ils  n'ont  pas  connu  diilinétement  de  quelle  manière  fë  fe^'}     ~ 
roit  cette  aélion ,  ôc  je  ne  goûte  point  les  raifonnemens  de  ceux  qui  di- 
fent ,  que  la  première  Eglife  a  entendu  cet  oracle  prefque  aufîi  bien  que 
nous }  il  fuffit  qu'ils  en  ayent  compris  ce  que  nous  avons  dit  :  mais  aufîi  il 
n'eft  pas  pofîible  de  croire  qu'ils  n'ayent  pas  eu  ces  degrez  de  connoifTance 
que  nous  leur  avons  attribu-ez. 
r    Les  difcpurs  que  Dieu  fit  à  Noé  devant  ou  après  le  déluge,  nous  font  Grandes  lu- 
)  voir  que  Dieu  fe  manifeftoit  aux  hommes j    i.  comme  ayant  foin  d'eux,  E"g|neîi"^ 
\  &  prenant  connoifTance  de  ce  qui  fe  palTe  fur  la  terre  j   par  confequent  tiondeNoé 
•  ils   connoifibient   diftinébement   la    providence  j    car  Dieu   déclara    à  pSôkeda 
Noé, qu'il  avoitveules  excès  dans  lefquels  les  hommes  de  cette  gênera-  déluge, 
tionétoient  tombez.  2.  Comme  aimant  fouvcrainement  la  vertu,  &  ayant 
en  horreur  le  vice  j   puifqu'il  prenoit  la  réfolution  de  perdre  un  fi  beau 
monde,  parce  qu'il  s'étoit  fouillé  par  le  péché,  i^.  Comme  ayant  un  pou- 
voir abfolu  fur  toutes  \qs  créatures  pour  \ts  détruire,  puis  qu'il  entrepre- 
noit  de  racler  en  une  feule  fois  de  defiùs  la  terre  tous  Çts  habitans.  4.  Com- 
me ayant  un  grand  fonds  de  mifericorde  pour  fauver  ceux  qui  s'attachent 
à  luy,  puis  qu'il  diftinguoit  Noé  du  refté  des  autres  hommes  ,   &  faifoit 
tant  de  merveilles,  pour  fauver  celuy  qui  étoit  jufte  au  milieu  de  la  cor- 
ruption du  fiecle.    5".  Comme  ayant  en  main  toutes  les  créatures,  pour  les 
faire  fervir  à  l'exécution  de  fa  volonté;  les  vents,  la  mer,  le  ciel  ôc  les 
clemens,    puis  qu'il  les  employoit  à  exécuter  fa  vengeance.     6.  Comme 
patient  à  foufifrir  les  outrages  des  hommes,  puis  qu'il  ne  fe  vangeoit qu'a- 
prés  avoir  donné  yn.  terme  de  120.  ans  à  ces  rebelles  5   depuis  que  leur 

A3  corrup- 


6  HISTOIRE  DES  DOGMES 

corruption  fut  montée  au  comble.     7.  Comme  l'Etre  fouverain  à  qui 
;:oute  la  nature  doit  rendre  hommage ,  à  faute  dequoy  il  cft  en  droit  de 
confondre  tout ,  puifque  pour  punir  les  rebellions  des  hommes  de  cette  géné- 
ration, il  obligea  l'air,  le  ciel  &  la  mer  à  conjurer  leur  ruïiie.  Qui  peut 
croire  que  les  hommes  de  ce  (iecle  ayent  été  allez  llupides  pour  manquer 
à  tirer  toutes  ces  concluiions,  tant  du  grand  événement  du  déluge,  que 
de  ce  que  Dieu  avoit  dit  à  Noé? 
Combien         On  peut  faire  les  mêmes  reflexions  fur  ce  qui  arriva  aux  villes  de  So- 
sodom?  &  dôme  ôc  de  Gomorrhe  dans  les  jours  d'Abraham,    car  il  eft  certain  que 
GornoLihe   de  cct  cfFet  de  la  vangeance  divine,  &  des  entretiens  que  Dieu  eut  avec 
Edre  ^dê  Abraham  fur  ce  fujet,  on  pût  tirer  mille  lumières,  pour  connoître  la  ve- 
chofes  ajx  nté,  ÔC  pour  former  une  idée  de  fa  juftice,  de  fa  raajeilé,  de  fa  puillàn- 
ïèîés"^  ^^'  cc-j  de  fa  mifericorde&  de  fa  grandeur  ,   qui  foit  digne  de  luy.    Il  paroît 
par  cette  hiftoire,  que  Dieu  ne  néglige  pas  les  affaires  des  hommes ,  puis- 
qu'il prend  connoifîance  de  ce  qui  fe  fait  en  Sodome  -,   qu'il  efl  fouverai- 
nement  équitable,  puis  qu'il defcend  des  cieux,  pour  faire  information  dc' 
l'iniquité  avai;it  que  de  la  punir  j  qu'il  ell  infiniment  bon ,   &  qu'il  aime- 
la  juftice  autant  qu'il  hait  l'iniquité ,  puifque  pour  dix  juiles  il  eût  bien 
voulu  épargner  tout  un  peuple  criminel. 
De  h  fetn-      H  n'étoit  pas  poffible  que  ces  menues  fidèles  ne  fifient  une  réflexion 
&^dif  facd-  foi't  appliquée  fur  un  événement  aulîi  confiderable ,  que  fut  la  converfion 
ficed'ifaac.  Je  la  femme  de  Lot  en  une  flatuë  de  fel.     Ce  n'ell  pas  un  de  cesévene- 
mens  ordinaires ,  q«i  paflént  fans  qu'on  s'en  apperçoive.  Il  ne  faut  qu'un 
peu  de  fens  commun,  pour  voir  là  dedans  combien  Dieu  eil  jaloux  de  {ba 
authorité ,  combien  il  y  a  de  péril  à  rcfufer  de  fuivre  quand  il  appelle , 
&  combien  il  a  de  haine  ôc  de  mépris  pour  ceux  qui  aiment  le  monde 
plus  que  luy.     Le  facrifice  d'Ifaac  ,  qui  fut  prêt  de  fe  voir  égorger  par 
Abraham  fon  père  ,  nous  fait  voir  combien  dans  ce  fiécle-là  les  hommes 
étoient  touchez  de  ce  principe,  qu'on  doit  obeïr  aveuglément  aufli-tôtquc 
Dieu  commande  3  qu'il  a  droit  fur  tout  ce  que  nous  tenons  de  luy  ;   que 
Dieu  eft  la  règle  fouveraine  de  toute  juHice^  &  que  tout  ce  qu'il  com- 
mande efl:  équitable,  quelque  oppofé  qu'il  paroiflè  à  la  raifon  humaine. 
Le  Redem-      Si  nous  voulous  chercher  ce  que  l'Eglife  du  tems  d'Abraham  fçavoit 
bie^ connu  ^^^  Rcdcmptcur  à  venir  ,   nous  trouvons  que  la  connoifTance' qu'elle  ea 
dans  la  ge-   avoït  HC  pouvoit  être  mediocrc.   Le  Seigneur  dit  à  Abraham ,  qu'en  fa  fe- 
dïïabam.  ^^^^^  fi^oient  bénites  toutes  les  nations  de  la  terre  ^  S.  Paul  au  p.  des  Romains 
&  au  3.  àt?>  Galates  nous  dit,  que  cette  femence,  c'eft  Jefus-Chrift ,  ôc 
que  cette  bénédiction  qui  devoit  couler  de  cette  femence,   c'eft  le  falut, 
dont  toutes  les  nations  dévoient  être  rendues  participantes  par  la  prédica- 
tion de  l'Evangile.     Quelqu'un  dira  peut-être  que  S.  Paul  efl:  le  premier 
qui  ait  connu  ce  myflere ,  et  qu'Abraham  n'a  point  pénétré  dans  le  fens 
de  ces  paroles ,   qui  d'abord  ne  prefentent  rien   de  femblable  à  l'efprit. 
Car  fi  nous  n'avions  pas  le  commentaire  de  S.  Paul,  nous  pourrions  croi- 
Gencfe      1*'^  que  ces  paroles ,  En  ta  femence  feront  bénites  toutes  les  nations  de  la  terre , 
ii.  î>.  18.  ne  lignifient  rien  autre  chofe  finon:   >^ue  ta  fofleritè  fera  fi  heureufe ,  cjue 
quand  on  voudra  bénir  quelqu^un  ,    d^  luy  fouhaiter  du  bien ,  on  la  prendra  pur 
modèle. &  four  un  exemple  rare  des  faveurs  du  ctel.     En  effet  il  eft  à  remar- 
quer que  cette  faconde  parier,  bmir  en  (juelqu'tin ^  félon  le  génie  de  la, 

Langue 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Part.l.     j 

Langue  Hébraïque,  lignifie  quelquefois  louhaiter  du  bien  dans  le  même 
degré  que  l'on  en  voit  dans  celuy  qui  eit  propofé  pour  exemple  de  bene- 
dièbon.  Nous  en  voyons  un  exemple  confiderable  dans  le  chap.  48.  du  livre 
de  la  Genefe  au  "j^.  lo.  dans  l'hiitoire  de  la  bénédiction  que  Jacob  donna 
à  Ephraïm  ôc  Manafle  enfans  de  Jofeph  j  &  en  ce  jour-lk  tl  les  bénit  difant^ 
Ifraël  bénira  en  toy  dtfant-.  Dieu,  te  fajje  tel  qH^E^hrdim  <&  çyKanajJe.  Il  efî 
clair  que  le  fens  de  Jacob  quand  il  dit ,  on  bénira  en  toy ,  eft  qu'on  donne- 
ra Ephraïm  6c  ManalTé  pour  exemples  debenediâionj  &  ainfi  on  fou- 
haitera  à  ceux  qu'on  voudra  bénir  les  mêmes  avantages  que  Dieu  aura  dé- 
partis à  Ephraïm  &  Manafle.  Mais  il  eft  clair  que  ce  n'eft  point  en  ce 
fens  qi^doivent  être  prifes  les  paroles  de  cette  promefle,  en  ta  femence 
feront  bénites  toutes  les  nations  t  c^x  icy^  en  ta  femence  ^.  c'eft-à-dire,  parla 
vertu  de  ta  femence.  Au  refte,  il  eft  certain  qu'Abraham  l'a  ainfi  com- 
■pris:  6<:  Nôtre  Seigneur  Jefus-Chrift  nous  en  aflïïre  quand  il  dit;  <iAbra-  Jean. s. v. 
ham  a  grandement  dejtré  de  voir  cette  mienne  journée ,  &  l'^a  veu'é ^  ç^  s"* en  efl  ^^' 
éjoui.  11  a  vu  la  journée  du  Seigneur,  c'eft  fans  doute  dans  cette  glo- 
rieufe  promefle  qui  luy  fut  faite,   - 

Ajoutez  à  cela,  que  dans  les  premiers  flecles,  TEglife  n'étoit  point  enco- 
core  prévenue  de  ces  faufles  idées,  dont  les  Juifs  revêtirent  dans  la  fuite 
l'efperance  qu'ils  avoient  du  Rédempteur  à  venir  >  fçavoir  cette  grandeur 
mondaine,  dont  ilsfe  font  imaginez,  que  leMeffie  devoit  être  accompagné. 
Je  conclus  de  là  qu'Abraham  avoit  une  connoiflance  plus  diftinéte  de  ce 
Rédempteur ,  qu'on  ne  l'a  eue  dans  les  derniers  flecles  qui  ont  précédé  la 
venue  de  Jefus-Chrift.  Si  Abraham  connoiflbit  ces  veritez,  l'Eglife  de 
fon  tems  apparemment  les  connoiflbit  aufli:  car  il  n'y  a  point  d'apparence 
qu'Abraham  fît  myftere  àes  révélations  que  Dieu  luy  accordoit. 

Après  tout  cela,  je  dis  encore,  qu'il  eft  impoflible  que  les  fréquentes  ap-  Les  fis- 
paritions  de  Dieu,  &  les  commerces  que  la  divinité  avoit  avec  les  Patriar-  Eiïn-'X 
ches,  ne  filTènt  de  foites  imprefflons  fur  leur  efprit,  6c  ne  leur  rendiflent  Dieu  ont 


lendu  fon 


& 


Dieu  bien  prefent.     Il  eft  vray  qu'il  y  avoit  quelque  chofc  dans  ces  appa-  Sence 
ritions  qui  fem.bloit  propre  à  induire  les  fidèles  à  l'erreur,  parce  que  Dieu  foneffencc 
leur  apparoifibit  fouvent  en  forme  viflble ,  6c  il  ferable  que  cela  étoit  ca~  fJi"  gj^^^' 
pabje  de  leur  faire  foupçonner  que  Dieu  étoit  un  corps.     Mais  cela  étoit  Patriar-    - 
facilement  corrigé,  en  partie  par  les  lumières  dont  Dieu  rempliflbit  leurs  "^  "' 
efprits,  en  partie  par  la  grande  divcrfité  des  manières  dont  Dieu  fe  mani- 
feftoit  à  euXw     Car  celuy  qui  eût  été  corporel,  6c  par  confequent  déter- 
miné à  une  certaine  figure,  n'auroit  pu  fe  rendre  fenfible  en  tant  de  différen- 
tes façons ,  fans  avoir  recours  à  l'illufion.  Quand  Jacob  difoit  à  fon  réveil 
après  cette  admirable  v'\ÇionéQVtchç\\t^l'%iernel  efl  icy ,  &  je  n^en  fcavois  rien,  Jacob  n'a  ^ 
cela  ne  lignifie  pas  qu'il  eût  conçu  Dieu  comme  renfermé  dans  de  certaines  fa^îfte-p'iV 
bornes  j  il  n'ignoroit  pas  que  Dieu  remplit  le  ciel  6c  la  terre:  mais  il  fça-  fence  de 
Voit  aufli  que  Dieu  choifit  des  lieux,  dans  Icfquels  il  donne  des  marques  plus 
fenfibles  de  fa  prefence,  6c  que  Dieu  dit,  qu'il  habite  là. 

Les  paroles  de  Jofeph  à  fes  frères ,  ce  nefi  pas  vous  qui  nPavez..  conduit 
icy ,  mais  Dieu,  font  voir  qu'il  avoit  pénétré  dans  les  myfteres  de  la  providen- 
ce, ^  qu'il  avoit  démêle  les  admirables  relTorts  par  lefquels  Dieu  donne 
le  mouvement  aux  caufes  les  plus  criminelles,  fans  entrer  pourtant  dans  ks 
crimes.    Que  ne  diroit-on  pas  fur  les  benedidipns  que  Jacob  donna  à  fes 

en-^ 


CSenefe49. 
V.  lo. 


8  HISTOÏREDESDOGMES 

cnfans? Combien  y  pourroit-on  trouver  de  fublime  Théologie?  Ce  mer- 
veilleux oracle  j  que  Jacob  prononça  peu  devant  que  de  mourir,  fait  voir 
que  la  connoifliUice  du  Mciîîeàvenirn'étoit  pas obfcurcie dans!' Eglife de- 
puis la  première  promeile  qui  en  fut  donnée  à  Adam  j  le  Sceptre,  dit-il,  ne 
fe  départira  point  de  fuda^  ni  le  Legijluteur  d^ entre  [es  pieds  ,  jfifcju'à  ce  que  le 
Silo  vi envie ,  &  à  lui  appartient  l'^ajjemblée  des  peuples.  A  peine  y  a-t-il  dans 
tous  les  Prophètes  un  oracle  plus  clair,  i.  Le  MefTie  eft  appelle  le  Silo, 
nom  qui  fignifîe  le  pacificateur  &  le  pacifique:  Jacob,  qui  iuya  donné  ce 
nom,  ne  pouvoit  ignorer  ce  que  l'Evangile  eil  venu  nous  dire  plus  dil^ 
tintement,  que  c'eil  lui  qui  devoit  faire  la  paix  entre  Dieu  &  les  hommes. 
2,.  Et  en  ajoutant  que  raflèmbiée  des  peuples  luy  appartient ,  ii||^it  con- 
noître  qu'il  avoit  compris  que  le  Meflie  devoit  être  le  Iklut  de  toutes  les 
nations ,  6c  faire  la  propitiation  des  péchez  de  tout  le  monde.  Il  n'y  a  point 
d'apparence  que  ces  grands  Saints  rélervaflent  ces  lumières  pour  eux  feulsj 
fans  doute  ils  en  faifoient  part  à  leurs  enfànsôc  à  toute  rEgHfe  de  leurs  tcms. 
Il  eft  fâcheux  que  les  travaux  &  les  obfervations  de  ceux  qu'on  appelle 
grands  hommes  dans  la  Republique  des  lettres  ,  n'ayent  fervi  prefque  à 
autre  chofe  qu'à  verfer  des  ténèbres  fur  des  lumières  fi  brillantes.  Car  fi 
on  avoit  laiflece  grand  oracle  &:  pîufieurs  autres  dans  le  fens  qui  faute  aux 
yeux,  nous  n'aurions  pas  tant  de  dilfertations  qui  ne  fervent  qu'à  nous  eni' 
oaraffen 


CHAPITRE     II. 


R 


^e  Job  y  de  fin  livre  ^  à'defa  Théologie. 

len  ne  feroit  plus  propre  à  nous  apprendre  quelle  étoit  la  Théologie 
de  ces  Anciens  dont  nous  parlons,  que  le  livre  de  Job,  pourvu  que 
nouspuiiiions  avoir  quelque  certitude  que  cet  ouvrage  ellné  dans  le 
tems  des  premiers  âges  del'Eglife.  Le  fujet  mérite  donc  que  nous  nous  y 
arrêtions  un  peu  :  c'eft  un  livre  dont  la  matière  eft  excellente ,  ôc  dont  l'ori- 
gine eft  obfcure.  Je  fuis  d'avis  que  nous  n'en  difions  que  ce  qui  eft  le  plus  utile 
pour  nôtre  fujet,  ôc  ce  qui  s'en  dit  de  plus  apparent.  Je  ne  rapporterai  donc 
pas  les  divers  fentimens  des  Autheurs  fur  le  tems  dans  lequel  a  vécu  J  ob ,  fur 
le  lieu  où  il  a  habité ,  &  fur  l' Autheur  de  fon  livre  :  je  me  contenterai  de  rap- 
porter ce  que  je  croirai  le  plus  vrl^-ierablable. 
opînion  Premièrement  l'opinion  de  ceux  qui  croyent  que  cette  Hiftoire  eft  une 

profanede  f^c^tion  me  patoît  profane  j  elle  me  iemble  digne  de  l'efprit  des  Anabaptif- 
tes ,  entre  kfquels  elle  eft  afiez  commune.  Ce  n'cft  pas  que  cette  opinion' 
n'ait  été  au  fli  foûtenuë  par  quelques  habiles  gens:  mais  ceux  qu'on  appellç 
les  grands  hommes ,  ne  font  pas  toujours  raifonnables.  Entre  les  Autheurs 
Talmudiftes,  il  s'en  eft  trouvé  de  ce  fentiment,  &  qui  ont  dit,  non  Propheta 
fuit ,  nec  créât Hs ,  fed  Parahola.  Mais  cette  opinion  eft  dangereufe,  ôc  ou- 
vre évidemment  la  porte  à  l'efprit  de  profanation:  Si  une  l^ois  on  résoque 
en  doute  la  vérité  de  cette  Hiftoire,  il  n'y  aura  plus  rien  d'aflûré  dans  l'E- 
criture 


font  de 
l'Hûoite 
de  Job  une 
aStion. 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  PartA.     9 

criture  Sainte ,  point  de  récits  dont  on  ne  puifTe  faire  des  fables  pieufes,  6c  des 
allégories  pleines  de  myfteres.  Car  au  refte  cette  Hiftoire  de  Job  a  tous 
les  cara(5leres  de  vérité,  que  peuvent  avoir  les  récits  les  plus  finceres.  i .  On 
y  raflemble  des  circonftancesj  on  dit  que  la  perfonne  dont  il  s'agit  avoit 
nom  Job,  qu'il  étoit  du  pais  de  Huts,  qu'il  avoit  des  enfàns,  une  femme  ôc 
des  amisj  on  nomme  ^cs  amis  ,  on  n'y  introduit  pas  une  feule  perfonne 
dont  on  ne  marque  la  patrie  >  on  fpecifie  que  cet  homme  écoit  riche  ,  on 
raconte  comment  il  tomba  dans  les  malheurs,  où  on  le  voit  engagé ,  com- 
ment il  en  fortit ,  que  fes  parens  lui  firent  des  prefens  5  on  nomme  i^s  en- 
fens,  on  conte  precifément  les  années  qu'il  vécut  après  (ts  difgraces ,  & 
le  nombre  des  générations  de  fes  enfans,  qu'il  vit  après  luy.  On  n'a  pas 
accoutumé  d'en  ufer  ainfi  dans  les  pièces  de  Théâtre  ,  telle  qu  eft  celle- 
ci,  félon  le  fentiment  de  ceux  que  nous  combattons.  Ce  feroit  donc  évi- 
demment vouloir  accufer  le  St.  Efprit  de  tromper  les  hommes,en  leur  vou- 
lant perfuader,  que  ce  qui  ne  feroit  qu'un  Roman,  auroitreçû  du  St. Ef- 
prit toute  la  forme  d'une  véritable  Hiftoire.  z.  Mais  fur  tout  il  eft  à  re- 
marquer, que  cette  Hiftoire  eft  appuyée  du  témoignage  d'autres  Autheurs 
facrez,  dont  Fauthorité  ne  peut  être  douteufe.  Dans  les  révélations  du  Pro- 
phète Ezechiel ,  Dieu  parle  de  Job  comme  d'une  perfonne  qui  a  été  3  if4iand  E^ech.  14. 
ces  trois  hommes  ^  dit- il  ,  Noé  ^  Daniel  &  fob  ,  feraient  dans  un  pais  d'ini(}ui~ 
■te  ,  ils  délivreraient  leurs  âmes  par  leur  jxtflice:  mais  je  fuis  vivant  ^  dit  le  Sei- 
gnettr ,  qu'ils  ne  délivreraient  ni  fils ,  ni  filles.  Ou  Job  a  été  véritablement, 
ou  l'Hiftoire  de  Noé  &:  de  Daniel  lîe  font  que  des  fixions,  puilque  Job 
eft  mis  dans  le  même  rang.  S.  Jacques  nous  renvoyé  à  l'exemple  de  Job  Jacq.  ?. 
pour  y  apprendre  la  patience  j  11  ce  livre  étoit  une  fi6tion  il  feroit  Apo-  ^■*^' 
cryphe  :  Or  il  n'y  a  point  d'apparence  que  St.  Jacques  nous  renvoyât  à 
l'école  d'une  fable,  pour  y  apprendre  une  véritable  vertu. 

^ .  On  doit  faire  conte  du  confentement  des  favans  dans  une  affaire  comme 
celle-ci  :  Or  ri  eft  conftant,  que  prefque  tous  les  habiles  gens  demeurent  d'ac- 
cord de  la  vérité  de  cette  Hiftoire.  Le  petit  nombre  d'efprits  libertins ,  qui  Ce 
font  fait  un  honneur  de  la  révoquer  en  doute,  ne  doit  être  conté  pour  rien: 
Car  on  fait  bien  qu'il  n'y  a  pas  de  vérité  fi  évidente,  dont  quelques  gens  ne  fe 
donnent  la  liberté  de  douter  ,  pour  avoir  le  plaifir  de  fe  faire  remarquer 
dans  une  route  finguliere.  Déjà  prefque  tous  les  Juifs  font  dans  le  fentiment 
que  nous  défendons.    Il  eft  vray  que  Maimonides ,   le  plus  favant  d'en- 
îr'eux ,  femble  avoir  là-deffus  quelque  fcrupule.     Il  laifie  la  chofe  indécife  -, 
cjHoi  qu'il  en  foit ,  dit -il ,  des  deux  opinions  ^  [oit  que  ce  foit  ici  une  véritable  Hif-  More  Ne- 
toire  ,0H  tinefi5iion  ,  toujours  il  efi  certain  ,  que  ce  qui  efl  recite  au  commencement  j^câp!  22?^ 
du  dialogue  de  Dieu  avec  Sat^n  ,  ^  ce  qui  efi  dtt,  que  Dieu 'livra  Job  entre  les 
mains  de  Satan ,  doit  être  pris  pour  une  Parabole.     On  pourroit  trouver  plu- 
fieurs  Autheurs  de  la  même  nation  qui  font  d'un  avis  contraire,  par  exem- 
ple, nous  pouvons  produire  foixante-dix  témoins  tout  à  la  fois,  s'il  eft 
vray  que  la  verfion  des  Septante  foit  véritablement  de  ceux  à  qui  on  l'attri- 
bue: car  ces  Interprètes  à  la  fin  du  livre  de  Job   ont  ajouté  c&s  paroles 
fuivantes,  qui  ne  font  point  dans  l'Hébreu  -,  il  efi  écrit  que  ce  fob  rejjufcitera  Addition 
4ivec  ceux  que  le  Seigneur  rejfufcite.    Il  a  été  traduit  d^un  livre  Syriaque ,  ce  fob  ^"^s  fg  1^;^,^ 
habitait  dans  le  pais  appelle  Aufitis^  dans  les  confins  de  l'' Arabie  ^^  de  l^/dumée:  il  de]ob.ie)a 
avait  nom  premièrement  Jobab  s  il  prn  une  femme  Arabe,  &  en  eut  un  fils  ap-  j^. 
I.  Part.  B  p(Ué 


lo  HISTOIRE   DES  DOGMES 

fellé  Hennon.  Il  avoit  pour  Père  un  nommé  Zaré  des  enfans  d'^Efaii  ,  &  pouw 
mère  une  nommée  BoJJôna.  Il  et  oit  le  cinquième  depuis  Ahrahttm ,  &  de  la  race 
des  Rois,  qui  régnaient  en  Edom  :  lui-même  fut  Trince  de  ce  p dis- la.'.  Le  premier 
de  ces  Pnnces  fut  Balac,fils  de  Behor ,  &  le  nom  de  fa  ville  était  Ennaba,  Apres 
Balac  vint  fobab ,  appelle  aujfi  fob  i  &  a  fob  fucceda  AJfam,  qui  gouverna  ,  d" 
qui  était  de  la  Province  de  Theman.  A  celm-la  fucceda  Adad,  fils  de  Barac,  qui 
défit  les  A<fadianites  dans  la  campagne  de  Adoab  ;  &  le  nom  de  fa  ville  s^appelloit 
Guèthaïm.  Les  amis  qui  le  vinrent  trouver  étaient,  Sliphas  Roy  de  Theman,  des 
defcendans  d'^EfaH ,  Bildad  Roy  des  Sanchéens  ,  &  Tfôphar  %oy  des  •iJMmiens, 
La  plupart  des  circonitances  de  ce  petit  Roman  font  tirées  du  36.  delaGen. 
où  l'on  lit  la  généalogie  des  defcendans  d'Efaii.  Entre  ces  defcendans  donc 
parle  Moyfe  ,  il  eft  vray  qu'il  y  a  un  Jobab  que  les  70.  Interprètes  ,  ou 
ceux  qui  onii  fiit  cette  addition  au  livre  de  Job ,  ont  confondu  avec  Job*:^ 
c'eft  pourquoy  ils  attribuent  à  Job  ce  que  Moyfe  dit  de  Jobab.  Les  au- 
tres circonilances  font  tirées  de  la  tradition  des  Juifs  ,  qui  efl  un  fonds 
inépuifable  de  fables,  C'eft  pourquoy  nous  ne  fommes  pas  obligez  d'avoir 
un  grand  refpeét  pour  cette  Hiftoire.  Mais  au  moins  il  eft  certain ,  que 
ceux  qui  ont  fait  cette  pièce ,  n'ont  pas  crû  que  l'Hiftoire  de  Job  fût  une 
fiâion,  ni  que  Job  fût  un  perfonnage  de  Roman.  Ainfi  cela  fa:it  voir, 
quel  étoit  le  fentiment  des  Juifs  dans  ce  tems  -  là  :  ceux  qui  voudront 
être  plus  inftruits  là-deftus  pourront  lire  Salmerori  dans  fes  Prolégomè- 
nes fur  Job. 
Job  a  vécu  H  eft  donc  indubitable,  que  c'eft  icy  une  véritable  Hiftoire ,  bien  qu'el- 
Moyfe;  ^^  foit  habillée  à  la  manière  des  Poètes.  Mais  comme  a  bien  remarqué  le 
preuves  de  favant  Grotius  ,  la  Poëfie  n'eft  pas  incompatible  avec  la  vérité.  Ce  livre 
affurément  eft  écrit  avec  quelque  mefurej  St.  Jérôme  dit  que  ce  font  des 
vers  Hexamètres,  DaBylo  &  Spondao  currentes ,  compofez  de  Spondées  ÔC 
de  Dadyles ,  comme  u  les  Hébreux  &  les  Arabes  avoient  eu  la  même 
profodie  que  les  Grecs  &  les  Latins.  Il  eft  abfolument  hors  d'apparence, 
qu'un  homme  dans  la  douleur  ait  parlé  par  périodes  mefurées:  mais  il  efi 
vray-femblable,  qu'à  loifir  on  a  mis  en  vers  ce  qui  avoit  été  recueilli  en  pro- 
jofcphn'a  fe  fur  le  champ ,  ou  peu  après.  On  fe  fait  une  grande  difticulté  de  ce  que  Jo- 
mandon"de  ^^P^  >  ^^^  ^ft  ft  cxaét,  uc  dit  rien  de  cette  Hiftoire  dans  les  antiquitez  JudaiV 
l'Hiiktirede  ques.  Mais  on  répond  que  Jofeph  a  fait  l'Hiftoire  de  fa  nation,  &  des 
tpoj.  ^°'^''  antiquitez  de  fon  peuple:  Or  Job  n'appartenoit  pas  au  peuple d'Ifraël, car 
il  étoit  étranger  à  Tégard  de  lafamille  d'Abraham. 

Il  me  femble  qu'il  n'eft  pas  moins  certain,  que  cet  événement  confîde- 
mble  eft  anivé  dans  le  premier  période  de  l'Eglife,  de  laquelle  nous  cher- 
chons la  Religion  ,  c'eft- à-dire  aflez  long-tems  devant  Moyfe.  Cela  pa- 
roîr,  ï.  par  la  durée  de  la  vie  de  Job;  fon  Hiftoire  dit  qu'il  vécut  140.  ans 
après  le  rétabliflement  de  fa  fortune  :  Job  n'en  pouvoit  avoir  moins  de 
foixante,  quand  il  tomba  dans  fa  difgracej  car  il  avoit  alorsfept  fils  &  trois 
filles  mariées  hors  de  fa  maifon  :  de  forte  qu'il  fe  trouveroit  que  Job  a 
vécu  tout  au  moins  aoo.  ans.  Les  années  de  la  vie  des  hommes  commen- 
çoient  à  diminuer  dans  le  dernier  tems  des  Patriarches:  Abraham  ne  vé- 
cut que  175-.  ans,  Ifaac  180.  Jacob  147.  Job  vécut  plus  long-tcms.  Ce 
qui  fait  voir  qu'il  vivoit  dans  un  fiécle,  où  les  hommes  vivoient  encore  long- 
tcmsi  ou  que  tout  au  moins  il  étoit  contemporain  d'Abraham  ôc  d'Ifaac: 

car 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Fart.l,    ii 

car  depuis  ce  fiécle  il  n'y  eut  plus  de  gens  d'une  aufïï  longue  vie»  2.  Les 
facrifîces  qu'il  offroit  luy-même  nous  font  voir,  ôc  qu'il étoit  étranger  du 
peuple  d'Ifraèl ,  &  qu'il  vivoit  avant  Moyle.  Car  Dieu  dans  la  Loy  de  Moyfe 
ordonna,  que  les  Sacrificateurs  fuflent  de  la  race  d'Aaron,6cil  n'acceptoit 
pqj^u  de  facrifices  que  ceux  qui  luy  étoient  offerts  à  la  porte  du  tabernacle , 
ou  du  moins  en  la  Terre  Sainte.  Job  vivoit  donc  dans  les  fiécles,  durant  lef- 
quels  les  Pères  6c  les  premiers- nez  des  familles  étoient  des  Sacrificateurs  nez , 
&  dans  lefquels  les  fidèles  ofiroient  à  Dieu  des  facrifices  par  tout  011  ils 
étoient.  3 .  Cela  même  qu'il  n'étoit  pas  de  la  famille  de  J  acob ,  &  que  cepen- 
dant il  étoit  craignant  Dieu ,  étoit  une  preuve  qu'il  vivoit  avant  Moyfe  :  car 
depuis  Moyfe  la  grâce  de  Dieu  abandonna  tous  les  autres  peuples,  ëcfe  ren- 
ferma dans  k  famille  de  Jacob,  qui  avoit  hérité  de  la  benedi6tion  d'Abra- 
ha'm  i  au  lieu  qu'avant  cela  Dieu  fe  confervoit  toujours  un  réfidu  au 
milieu  des  autres  Nations. 

4.  Job  vivoit  fans  doute  dans  îesfiécleSjOÙles  hommes  faifoient  de  leurs 
troupeaux  leurs  uniques  richefies  ,   ce  qui  paroit  par  fon  Hitloire  ;    & 
c'efl  là  un  des  caraéleres  du  fiécle  des  Patriarches ,  qui  n'avoient  point  d'au- 
tres biens  que  leurs  troupeaux  6c  leurs  efclaves.  5*.  lln'yagueres  d'apparen-  J°^"'*^ 
ce,  que  fi  Job  avoit  vécu  depuis  Moyfe ,  il  ne  fût  parlé  dans  fon  livre  d'aucun  feT  miracles 
^ts  grands  efïets  de  la  puiflance  de  Dieu ,  qu'on  avoit  vus  quand  le  peuple  J"^  i^'^u  a 
d'ilraël  fut  tiré  d'Egypte.  L'occafion  s'en  prefente,  quand  Dieu  étaiC  [es  k"enfan$ 
preuves  de  fa  grandeur  dans  les  derniers  Chapitres  de  ce  livre,  ou  il  tra-  d'ifiaëi. 
vaille  à  humilier  Job:  Il  n'en  apporte  que  de  générales,  tirées  de  la  condui- 
te du  monde  5  6c  ces  preuves  générales  font  beaucoup  moins  fenfibles  que 
celles  qui  font  tirées  de  certains  faits  particuliers,  qui  font  au  defilis  des  loix 
ordinaires  de  la  nature.     De  ce  genre  font  tous  les  miracles  que  Dieu  a 
faits  en  Egypte ,  dans  la  mer  rouge  6c  dans  le  defert.     Ainfi  Dieu  ne  les 
auroit  pas  oubliez  dans  ce  magnifique  difcours.     Il  eft;  vrai,  que  ceux  qui 
prétendent  que  Job  efl  plus  nouveau  que  Moyfe ,  ou  du  même  tems  que  lui , 
difent  que  ces  paroles  du  26.  Chap.  f.iz.    {Il  fend  U  mer  par  fa  vertu) 
font  allufion  au  pafiage  des  enfans  d'ifraël  par  la  mer  rouge  :  Mais  Dieu 
n'auroit  pas  touché  un  fi  grand  événement  fi  fort  en  pafiant  ,  6c  n'auroit 
pas  oublié  tous  les  miracles  faits  en  Egypte ,  qui  ne  font  pas  moins  grands 
que  celui-là.     6.  On  tire  aulïï  un  puifi^ant  argument,  pour  prouve)-  l'anti- 
quité de  Job,  de  la  fréquence  des  révélations  dont  il  efl  parlé  dans  ce  li- 
vre. Dieu  apparut  à  Ehphas  en  vifion,  comme  il  le  recite  au  4.  Chap.  Dieu     • 
parla  à  Job  à  plufieurs  reprifès.     Ces  communications  familières  de  Dieu 
avec  les  hommes  étoient  juflement  du  fiécle  de  Noé  6c  d'Abraham  :  mais 
ce  privilège  devint  beaucoup  plus  rare,  quand  la  Loi  fut  écrite ,  6c  qu'il  y  eut 
une  parole  de  Dieu,  donnée  par  Moyfe  6c  par  les  Prophètes. 

7.  Job  au  31.  Chap.  de  fon  livre  fe  juftifie  d'idolâtrie,  comme  il  avoit  Jobsr. 
fait  de  tous  les  autres  crimes  >  il  dit  ^»'z/  n'a  pas  regardé  le  Soleil  Imfant  &  la 
Lune  cheminante  en  fa  chné  j  &  fî  mon  cœur  a  été  feduit  en  fecret ,  &  Ji  ma 
tnatn  a  baifé  ma  bouche.  Il  paroît  par  ces  paroles  que  Job  étoit  du  fiécle, 
dans  lequel  l'idolâtrie  prit  fa  naifiance  :  on  a  commencé  par  le  culte  des 
Aftres;  on  efl  enfuite  venu  à  fervir  les  héros  6c  les  fimulachres.  Mkis  fi 
Job  avoit  vécu  dans  les  fiécles,  dans  lefquels  on  a  adoré  les  idoles  de  pierre 
6c  de  métal ,  il  fe  feroit  juitifié  de  ce  crime  comme  de  tous  les  autres.  Les 

B  2.  -  hom- 


V.  26.  Zf, 


12  H  I  S  T  O  ï  R  E   D  E  S  D  O  G  M  E  S 

hommes  ne  font  pas  tombez  tout  d'un  coup  dans  la  dernière  brutalité,  lîss 
ont  été  quelque  temsàne  rendre  de  l'adoration  qu'aux  créatures,  qui  meri-- 
toient  du  moins  d'être  admirées  par  deflus  les.  autres.  Job  vivoit  donc, 
dans  ces  anciens  tems,  dans  lefquels  on  n'adoroit  encore  que  le  Soleil  ôc  la. 
Lune.  Ces  railbnsfont  fi  fortes,  qu'elles  ontperfuadé  prefque  tous  nos  S^- 
vans,  Mercerus,  Codurcus,  Bochart,  Uflerius  Archevêque  d'Armacn , 
Erafme  ,  Vives,  Voiîîus,  Se  quantité  d'autres.  Ceux  qui  font  Job  le 
plus  moderne ,  le  font  contemporain  à  Moyfe  ,  comme  ont  fait,  Grotius 
&  Diodati  dans  leurs  préfaces  fur  Job:  mais  les  raifons  que  nous,  avons,- 
apportées  font  voir  évidemment  qu'il  eft  plus  ancien, 
ïiî  pntrîe  8c  Ce  font'là  les  deux  chofes  que  nous  avons  intérêt  de  prouver  pour  nô- 
dVjS-  '  trc  fujet.  La  première,  que  l'Hiftoire  de  Job  eft  véritable  :  la  féconde,  que 
les  évenemens  de  cette  Hifloire  font  arrivez  dans  la  première  Eglife,  c'ell- 
à-dirc  dans  celle  qui  étoit  avant  Moyfe.  Après  cela,  nous  pourrions  en  toute 
fureté  confulter  ce  livre ,  pour  apprendre  de  lui  quelle  a  été.  la  Théologie 
de  ces  Anciens,  Mais  avant  cela  il  ne  fera  pas  inutile  d'examiner  de  queK 
le  race  étoit  Job  ,  en  quel  paï's  il  a  demeuré  ,  ôc  dans  quel  tems  des  Pa- 
triarches precifément  il  a  vécu.  Pour  ce  qui  eft  de  fon  païs  ,  l'Hiftoire 
Job  ch.  I.  Sainte  Fappelle  la  terre  de  Hurs  ;  Iljf  avait  un  perfontiage  au  pais  de.  Huts , 
^'  *'  ducjuelJe  nom  étoit  foh.   Ce  païs  étoit  litué  entre  Seba  &  laChaldée:  cela 

eft  évident,  parce  que  d'un  côté  \ts  Sabéens  fe  ruèrent  fur  les  bœufs  de 
Job.î.v.ij.  Job  &  fur  fes  ânefles,  &  ceux  de.  Sebm  [e  font  ruez,  fur  eux  ,    dr  les, ont  fris  ^; 
ôc  de  l'autre  coté  les  Chaldéens  enlevèrent  (es  chameaux,  &  frappèrent 
V.  17.         fes  ferviteursj  comme  celui- ci  par loit  encore,  ,    un  autre  vint  &  dit ,  les  ChaU 
de'ens,  rangez,  en  trois  bandes-^  fi  font  jetiez,  fur  les  chaymaux ,  Cr  les  ont  pris ,  ^ 
cm  frappe  tes  ferviteurs  au  tranchant  de  Pépée.     Or  du  confentement  de  tous 
ceux  quifavent  quelque  chofe  dans  la  Géographie  faiate ,   la  région  des 
Vide  Boch,  Sabécns  étoit  dans  T  Arabie  >    &:  quelquefois  ce  nom  comprend  même  la 
îS)^a!pftte  P^^^'^  grande  partie  de  TArabie  :    &  de  Tauîre  côté  les  Chaldéens  étoienc 
i.  cap.  26..  fur  l'EuphratCï  Ainfi  il  y  a  apparence  que  cette  terre  de  Huts,  qui  étoit 
la  patrie  de  Job  ,  avoit  au  midi  l'Arabie  ,   &  la  Chaldée  à  l'Orient ,   & 
qu'elle  étoit  fituée  entre  l'une  &  l'autre  :  par  conféquent  ce  n'étoit  pas 
dans  l'Idumée  ,   qui  étoit  fituée  vers  la  mer  rouge  ,  comme  ont  eftimé 
quantité  de  gens.     Encore  moins  ce  païs  de  Huts  étoit-il  dans  la  terre  de 
Canaan,  comme  ont  eftimé  d'autres,:  6c,il  y  a  apparence  que  ce  païs  avoit 
tiré  fon  nom  de  ce  Huts  dont  il  nous  eft  parlé  au  %%.  de  la  Genefe  ,  qui 
étoit  le  fils  aîné  de  Nachor,  frère  d'Abraham:  car  tout  le  monde  fait,  que 
les  païs  ont  emprunté  leurs  noms  de&premiers  hommes  qui  les  ont  habitez, 
ou  qui  les  ont  rendus  illuftres. 
jobétoît         Cette  conjeélure  fur  le  païs  de  Job  nous  fervira  de  guide  pour  décour 
Smidï"  ^^^^  ^^  famille  dont  il  a.  tiré  fon  origine  ,  &  precifément  le  tems  dans  le- 
bïaham.      qiïel  il  avéçu.  C'eft  une  très-vieille  tradition,  &  fort  reçue  entre  les  An*- 
ciens,  6c  les  Modernes,  que  ce  Job  étoit  de  la  famille  d'Efaii,  cjuintus  ab 
Qçn..  2(5.    Sfavo^  comme  ils  difent  :  mais  cette  opinion  eft  fans  fondement  ;  car  Moy- 
fe ,   qui  nous  fait  un  dénombrement  des  enfàns  d'Efaii,  &  de  fa  pofr 
teritlé  ,  n'auroit  pas  oublié  un  perfbnnage  fi  confiderable.     Ainfi  cette 
tradition  ne  vient  que  de  ce  qu'on  a  confondu  un  certain Jobab  ,  dont  il 
çft  parlé,  dans  la  généalogie  d'Efaii ,  avec  nôtre  Job.    Il  y  a  donc  plutôt 

appa- 


ET  DES  CULTES  DJE  L'EGLISE.  Part.l.    15 

apparence  que  Job  étoitfilsdeceHutsdont  il  eft  parlé  au  Chap.  iz.  de  la 
Gen.  Or  avint  après  ces  chofes-la,  e^uPonfit  rapport  a  Ahraham  ^  difant ,  voici 
Adtlca  a  atijjî  efifanté  des  enft^ns  à  Islâchor  ton  frère  ,  [avoir  Httts  fon  premier 
ne\  &  Bm s  fon  frère.  Abraham  &  Naclior  étoient  tous  deux  fils  de  Tharé, 
habirans  de  la  Chaldée.  Abraham  quitta  la  Chaldée ,  ôc  vint  première- 
ment en  Charran,  qui  eft  dans  la  Meropotamie,  êc  en  fuite  il  pafla  dans  la 
terre  de  Canaan.  Il  y  a  apparence,  que  Nachor  voyant  partir  fonpcre  ÔC 
fon  frère  aîné,  fortit  aufîi  du  pais  de  fa  naiflance  -,  mais  qu'il  s'arrêta  fur 
les  frontieies  entre  l'Arabie  ,  la  Syrie  ôc  la  Chaldée  ,  &  donna  au  païs 
qu'il  occupa  le  nom  de  fon  fils  aîné  Huts^  &  ce  Huts  fut  le  père  de  Job, 
qui  fe  fortifia  dan»  ce  païs,  ôc  y  devint  pujllant.  Ainfi  j'eftime  que  Job  a 
été  petit-neveu  d'Abraham  ,  Ù.  qu'il  a  vécu  du  tems  d'Ifaac  :  car  je  ne 
voy  pas  de  necefiité  à  le  renvoyer  au  tems  de  la  captivité  desifraëlitesen 
Egypte  5  comme  a  fait  le  célèbre  &  favant  Mr.  Spanheim,  qui  nous  a  donné  Hifior.  job, 
un  livre  fort  do61:e  fur  i'Hifloire  de  Job.  La  plupart  des  preuves  que  "^' 
nous  avons  apportées  cy-devant,  pour  prouver  fon  antiquité ,  prouvent  aufiî  , 

qu'il  étoit  plus  ancien  que  Moyfej  Par  exemple  fa  longue  vie  qui  a  été 
de  200.  ans  ;  Du  tems  de  la  captivité  en  Egypte  les  vies  des  hommes 
étoient  déjà  fort  raccourcies  j  Jofeph  n'a  vécu  que  iio.  ans,  Eevi  137. 
Moyfe  1 20.  Jofué  1 1  o.  Il  eft  donc  beaucoup  plus  raifonnable,  de  placer  J  ob 
dans  le  fiécle  oii  il  étoit  plus  ordinaire  d'approcher  de  200.  ans  :  &  cela 
étoit  du  tems  d'Ifaac  ,  qui  a  vécu  180.  ans.  Outre  cela  il  mefemble,  que  Job  a  été 
quand  la  famille  de  Jacob  commença  à  fe  multiplier,  &  à  devenir  un  peu-  ta^^^^if^e> 
pie ,  la  grâce  ne  fut  plus  donnée  aux  étrangers ,  mais  à  ceux  qui  portoient 
le  fceau  de  l'Alliance  ,  favoir  laCirconcifion  :  Or  dans  le  tems,  &  fur  la 
fin  de  la  captivité  d'Egypte  ,  la  pofterité  d'Abraham  devint  une  grande 
Nation.  La  grâce  fe  renferma  donc  dans  cette  Nation  j  £c  comme  Job  n'é- 
toit  pas  de  la  famille  d'Abraham  &  de  Jacob,  il  y  a  apparence  qu'il  n'au- 
roit  point  eu  de  part  aux  grâces  fpirituelles  du  ciel,  s'il  avoit  vécu ,  comme 
on  l'eftime,  environ  le  tems  delà  fortie  d'Egypte.  J'ajoute  à  cela,  que  fi 
Job  avoit  vécu  fi  long-tems  après  les  Patriarches,  Abraham ,  Ifaac  Se  Ja- 
cob, il  feroit  furprenant  qu'il  n'eût  point  parlé  d'eux,  ni  rien  dit  des  mi- 
racles ^  que  Dieu  avoit  faits  en  leurfaveur.  Enfin  il  faut  remarquer ,  que  dans 
le  temsde  la  captivité  d'Ifraël  en  Egypte,  l'idolâtrie  Se  le  cultedesfimu- 
lachres  étoient  déjà  établis  en  Orient  >  &  par  confequent  Job  felèroit  j.uf- 
lifié  de  ce  crime  ,  comme  de  tous  les  autres,  dans  l'Apologie  qu'il  a  faite 
pour  lui-même  au  51.  de  fon  livre. 

Il  nous  refte  unechofe  à  faire,  afin  que  nous  puifiions  tirer  du  livre  de  Moyfe  n'eft 
Job  toute  la  lumière  que  nous  cherchons,  pour  connoître  la  Théologie  dç.s  fhèurduîi- 
Anciens  -,   c'èft  de  favoir  qui  eft  l'Autheur  de  fon  livre.     Il  feroit  inutile  viedejob. 
de  chercher,  qui  eft  precifément  celui  qui  a  mis  cet  ouvrage  dans  la  forme 
que  nous  le  voyons  aujourd'huy ,  car  je  croy  qu'il  eft  fort  difficile  de  le  de- 
viner.    J'avoue  que  j'ay  très  peu  de  refpeét  pour  l'opinion  des  Juifs  ^  qui 
difent  que  Moyfe  a  écrit  ou  traduit  ce  livre ,  félon  ce  mot  fi  connu  en- 
Xx'qu^^  Moyfe  a  écrit  fon  livre,  la  fe6iion  deBalaam,^  &.  Joh.  Cependant  je  croy 
que  l'on  peut  aflïïrer  comme  une  chofe  certaine,  que  ce  livre  a  été  mis  en 
Hébreu  depuis  Moyfe:  cela  paroît  par  le  nom  de  Jehova,qui  s'y  lit  fou- 
vent^  ôcqui  n  étoit  pas  connu  avant  Moyfe.  On  doit  obferver  que  Moyfe 

B  ?  eft 


14  HISTOI  RENDES  DOGMES 

ett  eflimé  par  tous  les  habiles  gens ,   le  plus  ancien  des  Ecrivains  ,   au 
moins  des  Ecrivains  Hébreux  j  6c  qu'ainfi  il  n'eil;  pas  apparent  que  le  livre 
de  Job  en  Hébreu  foit  plus  ancien  que  Moyfe.     On  peut  ajouter,  que  fi 
MÔyfe  étoit  iVutheur  de  ce  livre,  &  que  le  livre  fût  aufîi  ancien  que  Moy- 
fe, il  y  a  apparence  que  les  Samaritains  l'auroient  reçu  dans  le  Canon  de  leur 
"Ecriture  Sainte.  Les  dix  Tnbus  fe  feparerent  incontinent  après  la  mort  de 
Salomon,  dans  un  temps  auquel  dans  le  Canon  de  l'EgliIe  il  n'y  avoit  que 
les  cinq  livres  de  Moyiè.  C'efl;  pourquoy  eux  &  les  Samaritains,  leurs  fuc- 
ccfleurs,  &  les  continuateurs  de  leur  fchifme,  n'ont  jamais  reconnu  pour 
Ecriture  Canonique  que  les  cinq  livres  de  Moyfe  i  mais  il  alors  il  y  eût  eu 
un  autre  livre  compofé  par  Moyfejaffûrement  ils  l'auroienl  conlcrvé  entr'eux 
comme  Canonique,  auffi  bien  que  les  cinq  livres  de  la  Loy. 
Salomon  eft      S'il  étoit  permis  dans  une  chofe  aufTi  obfcure  &  aufli  incertaine  de  pro- 
rncnrietra-  duire  dcs  conje(5lures,  j'avouë  que  j'auroisun  grand  penchant  à  dire  que  Sa- 
dufteurdu    lomon  cil  l'Authcut de  ce  livre,  c'eft-à-dire qu'il  en  efl  le  tradu6leur,  ôc 
Torigfna°  '  qu'ïl  lui  a  donué  la  forme  dans  laquelle  nous  le  voyons  aujourd'huy.     Il  en  a 
«oit  Aiabe.  tijé  les  Mémoires  des  monumens  des  Chaldéensôc  des  Arabes  j  car  il  y  a 
grande  apparence  que  l'Original  étoit  Arabe:  il  efl  clair,  ôc  tous  les  doc- 
tes en  demeurent  d'accord ,  que  le  caractère  de  ce  livre  eft  abfolument  fem- 
blable  à  celui  des  Arabes ,  coupé,  fententieux,  figuré 6c obfcur.  Affût é- 
ment  c'étoit  une  chofe  digne  d'un  Prince  pieux  èc  lavant ,  comme  étoit 
Salomon  ,   d'aller  chercher  dans  les  Nations  voifînes  les  ouvrages  qui 
étoient  capables  d'enrichir  la  fcience  divine.    Je  croy  donc  que  Job,  qui 
étoit  un  très  habile  ôctrés  faint  homme,  qui  avoit  l'eiprit  de  Prophétie,  a 
compofé  ce  livre  en  Arabe  ou  en  Chaldéenj  car  étant  voifmde  ces  deux 
pa'ïs ,  il  pofiedoit  également  ces  deux  langues  :   6c  que  dans  la  fuite  des 
tems.  Dieu,  qui  ne  vouloit  pas  qu'un  threfor  fî  rare  fût  perdu,  6c  que  fon 
Eglife  en  fût  privée,  a  infpiré  à  quelqu'un  ledefléinde  le  traduire  dans  la 
langue,  à  laquelle  les  oracles  facrez  dévoient  être  confiez. 
Le  livre  de       Jufques  ici  donc  nous  avons  établi,  que  ce  livre  contient  un  récit  des 
licmfvE-  chofes  véritables  qui  font  arrivées  ;  qu'elles  ont  été  écrites  dans  le  tems 
giife avant    qu'elles  fout  arrivécs j  qu'elles  ant  été  confervées  fans  aucune  altération; 
^°^  *'       que  quand  elles  ont  été  traduites  dans  une  autre  langue  i  c'a  été  fans  change- 
ment, ou  du  moins  fans  un  changement  confiderablç  ;  6c  cela  nous  fufKt 
pour  nous  faire  regarder  ce  livre  comme  un  ouvrage  de  l'Eghfe  avant  la 
Loy  i  6c  ainfi  nous  pouvons  hardiment  fuppoier,  qu'on  y  trouve  la  Théolo- 
gie des  Patriarches. 


C  H  A- 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Part.L    15 


C    H    A    P   I    T    R    E      IIL 

Ahregé  de  la  Théologie  des  Tatriarches  avant  Moyfe.   Leur  Re- 
ligion étoit  plus  femblable  a  la  Religion  Chrétienne  que 
celle  des  Juifs. 

CEla  étant  établi ,  nous  avons  une  preuve  bien  évidente  de  ce  que 
j'ay  avancé ,  favoir  que  la  Théologie,  &  la  connoiflance  de  ce  pre- 
mier âge  de  l'Eglife,  n'étoient  pas  aufîî  (ombres  que  nous  nous  les 
repreientons  quelquefois.  Premièrement  ce  livre  dejob  nous  fait  voir,  que 
ces  Anciens  connoifToient  diitinélement  un  feul  Dieu ,  Créateur  du  mon- 
de,  confervateur  6c  conduéleur  de  l'Univers  :  ils  connoiflbient  l'exiftence 
de  ces  Efprits,  qui  affiftent  continuellement  devant  Dieu,  pour  exécuter  i^ç^s 
commandemens  ,  êc  de  cts  autres  Efprits  rebelles,  qui  travaillent  conti- 
nuellement à  la  perte  des  hommes,  qui  font  leurs  accufateurs  dans  le  ciel, 
ôc  leurs  tentateurs  fur  la  terre;  c'eft- à-dire  ,  ils  favoient  que  Dieu  avoit 
créé  des  Efprits  purs  &  dégagez  de  la  matière ,  des  Anges,  dont  une  par- 
tie avoit  perfeveré  dans  l'obeiilance  ,  &  l'autre  s'étoit  rebellée  con- 
tre Dieu  :  cela  fe  voit  très  évidemment  dans  les  premiers  chap.  de  ce 
livre. 

i.  Ce  livre  tout  entier  prêche  la  Providence  de  Dieu  ,    &  l'Autheur  Le  livre  de 
avoit  principalement  en  vûë  d'enfeigner  les  myfteres ,  &  la  profonde  con-  miraMe*  ' 
duite  de  cette  providence,  qui  difpenfe  les  biens  6c  les  maux  avec  une  fa-  ppur  lapro- 
geîTe,  qui  ell  prefque  toujours  impénétrable  à  l'efprit  humain.     5.  A4ais  vîne""  ^' 
jamais  Autheur,  ni  facré  ,   ni  profane,  n'a  mieux  compris,  ni  plus  forte- 
ment exprimé  la  dépendance  dans  laquelle  les  créatures  IbntdeDieu.  Tout 
ce  qui  s'en  dit  aujourd'huy,  6c  tout  ce  que  les  Théologiens  les  plus  éclai- 
rez 6c  les  plus  fpeculatifs  en  ont  penfé ,  ne  fauroit  aller  plus  loin ,  que  ce 
qu'en  dit  ce  livre.     Il  nous  fait  voir  Dieu ,  non  feulement  comme  diflri- 
buant  6c  les  biens  6c  les  maux ,  donnant  la  vie  6c  la  mort,  6c  faifant  la  bonne  6c 
la  mauvaife  fortune  des  hommes  :  mais  il  nous  le  fait  voir  comme  entranj; 
d'une  manière  invifible  dans  toutes  les  créatures,  étant  l'Autheur  de  tous 
les  mouvemens  ,   faifant  difliller  la  pluye,  envoyant  la  grêle,  formant  les 
tempêtes  ,  élevant  6c  appai/ant  les  flots  de  la  mer.     4.  jamais  on  ne  vit  1 
d'expreffions  ni  de  figures  plus  propres  à  nous  faire  connoître  la  grandeur 
de  Dieu,  6c  le  néant  des  créatures  :  fans  conter  les  derniers  Chapitres  de  ce  ^ 
livre,  dans  lefquels  Dieu  efl  introduit  parlant  de  fa  gloire,  de  fa  majeflé,.  $,  .|^ 
de  fa  puifTance  6c  de  fon  authorité  fur  ^ts  créatures  ;   fans  cela ,  dis-je ,  je  '  ^'  " 
foijtiens  qu'on  ne  fauroit  hre  avec  attention  ce  que  difent  Job  6c  fès  amis 
dans  les  Chap.  qui  font  depuis  le  8.  jufqu'au  16.  fans  être  vivement  tou'- 
ché  àcs  grandes  idées  de  la  nature  ,  de  la  puiflance,  de  la  bonté  6c  de  la 
juftice  de  Dieu  ,  que  cet  Autheur  nous  y  donne,     f .  Il  eft  impofîible  de 
prêcher  avec  plus  de  force  la  fagefle  de  Dieu  dans  ks  ouvrages  6c  dans  la 
conduite  de  fa  providence,  que  le  fait  ce  livre.  Il  démêle  cette  fageire,6c 

cette 


job.  19.  V. 


16  H  I  S  T  O  I  R  E  D  E  S  D  O  G  M  E  S 

cette  juftice  de  Dieu  de  ce  grand  embarras  d'évcnemens,  qui  paroifTent 
non  feulement  confus,  mais  injuftes  aux  yeux  des  hommes  ,  ôc  les  jufti- 
fie  contre  les  plaintes  6c  les  objc6lions  des  profanes.  6.  On  ne  peut 
anéantir  l'homme  en  des  termes  plus  fignificatifs,  ni  étaler  fa  vanité,  fa 
mifere,  ics  crimes,  &  rimpofiibilité  dans  laquelle  il  ell  de  fejuftifier  devant 
Dieu,  avec  plus  de  fuccés  que  le  fait  cet  Auteur.  7.  Il  paroît  par  le  chap.  z^. 
de  ce  livre,  que  les  Anciens  Théologiens  connoifFoient  aufii  bien  que  nous, 
que  Dieu  ell  un  efprit  vif  êc  pénétrant,  étaht  par  tout,  rempliflant  tous 
les  lieux  de  fa  prefence,  connoiiTant  les  chofes  les  plus  cachées ,  pénétrant 
les  plus  profondes,  ÔC  voyant  les  plus  fecretes. 

8.  Ne  dirons-nous   rien  de  ce  célèbre   paflage  du  ip.  chap.    ^e  fai 
^zs".i6.    '    qiée  mon  %e(iemfteHY  efi  vivant  ^  &  qu'il  àemeurera  le  dernter  fnr  la  terre -y  & 
encore  qu'aérés  ma  peau  on  ait  rongé  ceci  ^  je  verrai  Dieu  de  ma  chair  ,  lequel 
Job  â  connu  y^  ijirrai  four  moi,  &  mes  yeux  le  verront  ,   &  non  autre?     On  ne  fauroit 
'"ion"*^    exprimer  le  myilere,  6c  l'efperance  de  la  refurreébion,  en  des  termes  plus 
clairs.    Je  fay  qu'il  y  a  beaucoup  d'Interprètes,  qui  eflayent  de  détourner 
ces  paroles  ailleurs,  ôc  qui  veulent  que  Job  ait  eu  feulement  en  vue  la  dé- 
livrance temporelle,  laquelle  il  attendoit.  Cette  interprétation  n'eft  point 
du  tout  édifiante  dans  un  Chrétien;  on  la  peut  pardonner  aux  Juifs ,  qui 
n'ont  pas  de  refpeét  pour  nos  myfteres.    Le  lavant   Grotius  eft   un  de 
ceux  qui  nous  veulent  dérober  ce  pafîage;  mais  il  étoit  fi  mauvais  Chré- 
tien ,  que  fon  authorité  ne  nous  doit  pas  incommoder.     Ce  h'eft  pas  le  feul 
endroit  qu'il  a  voulu  obfcurcir ,  pour  nous  ôterdes  pafl^ages,  qui  foûtien- 
nent  les  veritez  fondamentales ,  dont  il  étoit  fort  mal  perfuadé.     C'eft 
pourquoi  ceux  qui  lifent  fes  Ouvrages  fur  le  V.  6c  le  N.  T..  le  doivent 
faire  avec  précaution ,  pour  n'être  pas  tromper;  par  un  homme,  qui  s'cft 
acquis  un  grand  crédit  dans  la  Republique  des  lettres.  Mercerus  agiflbit  ap- 
paremment avec  plus  de  bonne  foi  dans  l'explication  de  ce  palTage ,  mais 
avec  plus  d'imprudence  j  car  il  n'eft  pas  plus  favorable  au  fens  de  ce  paflage, 
que  les  ennemis  du  dogme  de  la  refurreétion. 
Preuves  de       Je  nc  faurois  me  pei-fuader  que  le  St.  Efprit  ait  mis  dans  la  bouche  de 
ficionî"^^^' J°^  des  paroles,  qui  font  un  fi  beau  fens,  &  qui  s'accordent  fi  bien  avec 
le  myilere  de  la  refurreélion ,  fans  qu'il  ait  eu  des  vues,  qui  fe  rapportent 
à  ce  myftere.     2.  Je  ne  voi  pas  que  Job  ait  eu  lieu  d'efperer  une  délivran- 
ce corporelle  ou  temporelle  dans  l'état  où  il  étoit  :  c'eft  pourquoi  ceux 
qui  interprètent  ces  paroles ,  de  l'efperance  qu'il  avoit  de  fortir  bien-tôt 
du  miferable  état  oii  il  fe  voyoit,  n'ont  pas  compris  Ion  intention.  3.  S'il 
eût  fortement  efperé  de  fortir  des  calamitez  dans  lefquelles  la  providence 
l'avoit  engagé ,  pourquoi  auroit-il  pouffé  des  plaintes  fi  trilles  &  fi  dou- 
loureufes?  Pourquoi  même  auroit~ii  indireélement  accufé  Dieu  d'injufli- 
ce  en  fejuftifiant  avec  excès?  Car  après  tout,  quelques  grandes  que  foient 
des  affliélions,  quand  on  voit  une  porte  aflùrée  pour  en  fortir,  on  n'y  eft 
p-as  beaucoup  fenfible.4.  Et  cts  paroles,  dans  lefquelles  il  y  a  tant  de  zèle 
6c  tant  d'ardeur  ,  fi  on  les  interprète  d'une  délivrance  temporelle  ,  ne 
s'accordent  point  avec  la  pieté  de  Job  :  car  ce  n'eft  pas  le  ftyle  des  Sakits, 
d'afpirer  avec  tant  d'ardeur  aux  délivrances  corporelles  ,   parce  que  leur 
cœur  eft  toujours  tourné  du  côté  de  Dieu,  6c  leurs  defirs  du  côté  des  cho- 
fes fpi  rituelles.  f.Ces  termes  de  Rédempteur  ^  àt  Rédemption  ,  dont  Job  fe 

fert 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Tart.l.    ij 

iert  en  ce  pairage,lont  II  fort  deilinez  à  lignifier  ce  grand  falut,  que  Dieu 
communique  aux  hommes  par  ion  Fils,  qu'on  ne  les  doit  pas  détourner 
ailleurs  fans  neceffité  :  Or  cette  necefîité  ne  fe  rencontre  pas  ici  j  &  St. 
Paul  dans  la  même  vue  que  celle  de  Job  au  8.  des  Rom.  appelle  la  refur- 
re6lion,  la  rédemption  de  nos  corps.  6.  Enfin  ce  que  Job  ajoute  ,  il  demeu-  . 
rera,  ou.  fera  debout  le  dernier  fur  la  terre^  exprime  fi  bien,  félon  le  ^ï^ie 
des  Langues  Orientales,  Taélion  du  Rédempteur,  qui  doit  juger  les  vi- 
.vans  6i  les  morts ,  qu'on  ne  fçauroit  fans  violence  les  mener  à  un  autre 
fens. 

Pour  ce  qui  regarde  la  Morale ,   on  ne  fauroit  trouver  dts  fentimens  La  Morale 
plus  élevez  &  plus  purs  que  ceux  qui  font  dans  ce  livre.  Il  enfeigne  bien  job 'S^eï 
julqu'oii  l'on  doit  porter  la  foûmifiion  aux  ordres  de  Dieu,  Ôc  quelle  efi:  ceiient€. 
l'efperance  qu'on  doit  avoir  en  lui ,  au  milieu  des  plus  grands  maux  ;  com- 
bien profonde  doit  être  l'humilité  de  ceux  qui  fe  trouvent  en  la  prefence 
de  Dieu  j  quel  efi:  le  moyen  de  devenir  grand  devant  lui,  c'efi:  de  s'anéan- 
tir. Il  s'y  trouve  une  infinité  d'autres  belles  moralitez,  que  ceux  qui  liront 
ce  livre  pourront  facilement  remarquer. 

Je  conclus  donc  de  tout  ceci ,  que  la  Théologie  dts  Anciens  contenoit  Anides  de 
tout  ce  qu'il  y  a  d'efîentiel  daiis  la  Religion  j  par  exemple,  i.  Que  Dieu  ^^cXp^t 
efi;  feul  digne  d'être  adoré,  qu'il  efi:  infini,  qu'il  connoît  toutes  chofes,  i'-É.giife 
qu'il  remplit  le  ciel  8cla terre,     z.  Qu'il  eft  le  Créateur  Se  le  Conferva-  ^^^'^^^■^°^' 
teur  du  monde.  3.  Que  les  defordres  du  péché  n'arrivent  que  par  faper- 
mifiîon.4.  Que  la  jufiice  de  Dieu  a  toujours  les  yeux  ouverts  fur  la  condui- 
te des  hommes,  pour  obferver  ce  qu'ils  font  de  bien  ou  de  mal,  afin  de  les 
récompenfer ,  ou  de  les  punir.  5.  Que  ce  n'efi:  pas  ici  le  lieu  à^^s  récorrfpenfès, 
&quedanslefiécleprefent  Dieu  difi:ribuë  indifféremment  les  calamitez  & 
les  profperitez  aux  bons  &  aux  méchans.  6.  Qu'outre  labonté  de  Dieu  géné- 
rale fur  toutes  les  créatures ,  il  y  a  unemifericorde  refervée  pour  ceux  qui 
s'attendent  à  lui  j  qu'il  s'eil  préparé  pour  les  derniers  tems,  un  Libéra- 
teur ,   un   Rédempteur  ,   un  Silo  ,   une   Semence   bénite  ,  un   Pacifi- 
cateur,  qui  devoit  délivrer  PEgiife  de  captivité,  &  déiruire   l'empire  du 
diable.     7.  Que  la  confiance  en  la  bonté  de  Dieu  ,  &  la  foy  en  fes  pro- 
mefles  jointe  avec  la  repentance,  font  l'unique  moyen  de  fe  rendre"  Dieu 
favorable.     8.  Qtie  la  mort,  aufîi  bien  que  les  autres  ennemis  de  TEgli- 
fe,  doit  être  vaincue,  Se  que  par  la  refurreélion  Dieu  lui  doit  arracher   . 
àts  mains  autant  d'hommes  qu'elle  en  emporte  à  nos  yeux.  Ce  font- là  les 
principaux  articles  de  ibi,  dont  cette  ancienne  Eglife  a  eu  la  connoiiTan- 
ce.     Après  cela  il  mefemble  qu'on  ne  peut  pas  lui  refufer  00e  connoif- 
fance  très  diilinéle.  Se  une  foi  très  ferme  de  l'immortalité  de  l'ame,  des 
i^compenfes  Se  des  peines  du  fiécle  à  venir  :  Se  s'il  n'en  efi:  pas  exprefle- 
ment  parlé  dans  les  fivres  dont  nous  tirons  la  Théologie  de  ces  Anciens 
fidèles,  c'efi:  qu'ils  ont  jugé  cela  inutile  :   parce  que  ces  veritez  font  les  ' 
principes  qui  fe  prefuppofent  dans  toute  Religion,  Se  fans  lefqueîs  il  fe-^ 
roit  irnpofiible  d'établir  dans  les  efprits  aucune  crainte  de  Dieu. 

le  n'oferois  déterminer  s'ils  ont  fçû  quelque  cliofe  de  la  Trinité  des  ^l  ^"  ^"- 
perfonnes  en  Dieu,  ou  s  ils  l'ont  abiolument  ignorée,  j  ay  peine  a  croi-  ches  ont 
re  pourtant  qu'ils  n'ayent  entendu  quelque  chofé  dans  ce  que  Dieu  dit  en  ^°"ft"  id 
créant  l'homme,  fatjons  l"^  homme  a  nôtre  image  &  femblance  :  Se  dans  ce  qu'il  k  xiinité. 
Tart.  î.  C  dit 


i8  H  I  S  T  O  I  R  E   D  E  S   D  O  G  M  E  S 

dit  après  qu'Adam  eut  péché  ,    F'oici  Aàa,m  efi  devenu  comme  Pnn  de  mus. 
Ces  paroles  mettent  facilement  dans  l'efprit  l'idée  d'une  pluralité  en  Dieu  j. 
car  la  divinité  y  parle  comme  ayant  plufieurs  perfonnes.  Et  je  ne  voy  rien 
€)ui  nous  empêche  de  croire  queTEglifc  du  premier  monde  penetroit  dans 
le  fens  de  ces  paroles.  Ceux  qui  font  dans  ce  fentiment  croyent  auflî  que 
leK^uifs  ont  eu  connoiflance  de  ce  myftere,  &  l'on  cite  un  grand  nombre 
de  paflages  tirez  de  leurs  Autheurs  ,   qui  femblent  le  prouver.     Sur  tout 
dans  ces  Paraphrafes  qu'on,  appelle  Chaldaïqucs ,  compoféespar  des  Juifs,, 
l'on  trouve  plufieurs  endroits  dans  Icfquels  le  Verbe  ou  la  Parole  de  Diea» 
cft  diftinguée  de  Dieu  lui-même ,  comme  étant  deux  perfonnes  différen- 
tes. Par  exemple  au  chap.  2,8.  de  laGen.  l'Hébreu  dit  que  Jacob  voiia  un 
V.œu  j  ÔC  dit,  Jî  Dieu  efi  avec  moj  &  me  garde  ,    l"*  Eternel  me  fera  Dieu  :  la 
ParaphrafeChaldaïque  a  tourné  -y  fi  le  V'erbe  du  Seigneur  efi  avec  moy  ,    U 
Verbe  du  Seigneur  me  fera  Dieu.  Ainlî  dans  le  l<î.  du  Levitique  on  lit  félon. 
l'Hébreu  ces  paroles,  Ce  fint-la  les  ordonnances ,  les  jugemens  rs-  les  lotx^  que 
ie  Seigneur  a  données  entre  lui  &  les  enfans  d'^/Jrael  dans  la  montagne  de  Sinaïpar 
la  main  de  Moyfie.  Le  Paraphrafte  Chaldée  a  tourné.  Ce  fi)nt  ici  les  loix  ^  Us- 
juge  mens  &  les  ordonnances,^  que  l'Eternel  a  données  entre  fin  Verbe  &  les  enfans. 
âUfraèl.  Dans  le  chap,  13.  des  Nomb.  Moyfe  dit,  Varce  que  vous avez.re' 
jette  P  Eternel  qm  habite  au  milieu  devons:  le  Paraphralle  a  loxxx'^k  ^  par  ce  que 
•vous  avez,  rejette  le  Verbe  de  P  Eternel,  duquella  divinité  habite  au  milieu  de  vous. 
Et  même  le  Paraphrafte  attribue  quelquefois  des  aétions  à  cette  Parole)  ce 
qui  donne  lieu  de  croire  qu'il  l'a  conçue  comme  une  perfonne  :  car  c'eit 
une  maxime  qui  eft  du  bon  fens  aulTi  bien  que  de  la  Phiiofophie ,  aUiones 
ffint  fupfofitorum.   Cela  fe  voit  dans  le  30.  chap.  de  la  Gen.  011  Moyfe  dit 
que  Dieu/^  reffouvint  de  Rachel  &  Pexauça,  &  ouvrit  fa  matrice.  Le  Chal- 
dée a  ainli  tourné  j    Et  le  Verbe  de  P  Eternel  fe  reJJ'ouvmt  de  l^achel  dans  fa. 
b.onté  mtfen  cor  dieu fcj  Ô'  le  Verbe  divin  exauça  la  voix  ds  fe  s  prières,.  Ces  paf- 
fages  font  bien  formels  à  la  vérité,  ôc  il  me  femble  qu'ils  fuffifent  pour  pcr- 
fuader  un  efprit  fage  ôc  non  prévenu,  mais  ils  ne  fuffifent  pas  pour  convaincre 
par  voye  de  difpute.  Car  on.dira  que  ces  Paraphralles  Chaldées  peuvent  bien 
avoir  diftingué  la  parole  divine  de  Dieu  lui-même ,  comme  on  dillingue  Dieu 
ae  fa  mifericorde  &  de  fa  jullice ,  fans  concevoir  une  pluralité  de  perfonnes. 
dans  l'uniré  de  fa  nature.  Et  outre  cela ,  quand  même  il  feroictout  àtait  clair 
que  les  Autheurs  de  cts  Paraphrafes  auroient  connu  le  mytlerede  la  Trinité, 
on  ne  pourroit  pas  conclurre  de  là  ,   ni  que  les  anciens  juits  ,  ni  que  les 
premiers  Patriarches  eufîbnt  connu  ce  myftere  :  car  ces  Paraphralles  ont 
vécu  depuis  nôtre  Seigneur  Jefus-Chrift,  &  peuvent  avoir  emprunté  cette 
eonnoilTance  des  Chrétiens.     C'efl  la  principale  objeârion  qu'on  pourroit 
flure  contre  les  recueils  de  Rittangelius&  de  nos  Modernes:  qui  prouvctit 
que  les  juifs  ont  connu  le  myliere  de  la  pluralité  des  perlbnncs  en  Dieu.. 
Tous  les  Autheurs  jhifs  font  plus  nouveaux  que  les  Apôtres,  &  ce  qu'on  veut 
faire  paffer  pour  plus  ancien  cil  fnppofé.  L'Autheui'  du  4.  d'Efdras  a. des  paf- 
fages  très  exprés  pour  la  Théologie  duChriilianifmelà-delfus:  Mais  c'efl 
une  pièce  ,   comme  le  Pimandre  du  Trilmegifle  ,   faite  par  un  Chré- 
tien. 

Pour  prouver  que  les  hommes  du  premier  monde  ont  eu  connoiflance 
de  ce  mylkre  ,   &  que  cette  connoiflance  eft  pafîee  par  tradition  même 

juf- 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  ParîA.     i^ 

jufqu'aux  Paycns,on  rapporte  divers  paffages  desPhilorophes,  qui  parlent 
de  ce  myftere  de  la  Trinité.  St.  Auguftin  dans  le  lo.  liv.  de  la  Cité  de 
Dieu  rapporte  quantité  de  pafTages  des  Platoniciens  5   de  Porphyre ,   de 
Jamblique,  de  Plotin,  de  Proclus  &:c.  qui  font  fort  exprés  pour  prouver  • 
qu'en  Dieu  il  y  a  une  pluralité  de  perfonnes,  ôcque  fa  figeffe  ôc  fa  parole 
font  en  lui  une  perfonne  diftinâ:e.  Porphyre  reconnoiflbit  un  fils  en  Dieu, 
&  il.appelloit  ce  fils  7r«Tpmôç  vS;,  c'ell-à-dire  ,  comme  l'explique  St.  Au-  . 
guilin,  faternam  mentem  ^  Jive  intelle^um  cjui  paîernd,  volnmatis  efi  confcius. 
Après  quoy  ce  Père  ajoute,  hune  amem  Chriftum  ejje  non  créais^  contemnis 
■eam  propter  c»rpus  ex  fœtmna  acceptum.     Un  autre  Platonicien  difoit  que  les^^.^j^'^" 
premières  paroles  de  l'Evangile  félon  St.  Jean,  dans  lefquelles  la  divinité  cap.  2». 
du  Verbe  éternel  eft  établie,  comme  étant  une  perfonne  diftinéte  du  Père, 
meritoient  d'être  gravées  fur  le  frontifpice  de  tous  les  temples.   On  cite 
un  autre  Platonicien  nommé  Amelius ,  qui  après  avoir  lu  ces  premières 
paroles  de  l'Evangile  félon  St.  Jean,  au  commencement  était  le  Verbe  JjÊk le 
Verbe  était  Diea ,   &  rien  de  ce  qm  a  été  fait  r^a  été  fait  fans  lui ,  s'écriaavec 
un  grand  étonncment,  Ferjovem^  ifte  barbartts  fentit  cammeo  Platone.  Tout 
cela  ne  me  perfuade  pas  que  les  Payens,  qui  ont  précédé  nôtre  Seigneur 
jefus-Chrift,  ayent  eu  con-noiflance  du  myftere  de  la  Trinité  :    car  tout 
ce  que  nous  venons  d'entendre,  tiré  des  Platoniciens,  avoit  été  par  ces  Phi- 
lofophes  emprunté  des  Chrétiens.  Il  eft  certain  que  ces  gens  que  l'on  nous 
cite,  un  Porphyre,  un  Proclus,  ont  vécu  bien  depuis  nôtre  Seigneur  Je- 
fus-Chrift, &  il  eft  encore  certain  que  les  premiers  Chrétiens,  durant  hs 
trois  premiers  fiéclesde  l'Eglife,  avoient  un  très  grand  commerce  avec  l'E-: 
cole  de  Platon.     La  Philolophie  Platonicienjie  étoit  la  feule  qui  s'enfei-  ' 
gnoit  alors  &  qui  avoit  la  vogue  ;  c'eft  pourquoy  tous  les  favans  d'entre  les 
Chrétiens  étudioient  cette  Philofophie  :   6c  comme  les  Chrétiens  àppre- 
noient  de  cts  Philofophes  les  fciencesdu  monde ,  il  eft  certain  que  ces  Phi- 
lolbphes  apprenoient  des  Chrétiens  leur  Théologie.  Au  refte  ce  vol  eft  fi 
manifefte,  que  St.  Auguftin  dit  avoir  rencontré  un  livre  d'un  Platonicien,  conf.  n. 
dans  lequel  le  premier  chap.  de  l'Evangile  félon  St.  Jean  étoit  tranicrit*^' ''*• 
prefque  tout  entier  &:  de  mot  à  mot.     Et  même  Proclus  ,   autre  Phi- 
loiophe   Platonicien  ,    fe  fert  dts  termes  de  Trinité  6c  d'Hypoftafe  , 
mots  qui  n'ont  jamais  été  connus  que  dans  la  Théologie  de  l'Eglife.  Mais 
que  dirons-nous  de  Platon,  qui  vivoit  long-tems  avant  la  naifiàncede  nô- 
tre Seigneur  Jefus-Chrift  ,   6c  qui  par  conféquent  ne  peut  pas  avoir  rien 
emprunté  des  Chrétiens  .^  Cependant  on  prétend  qu'il  a  dit  bien  des  chofes 
par  lefquelles  il  paroît  qu'il  avoit  ouï  parler  de  ce  myftere  de  la  Trinité. 
Dans  un  endroit  il  dit ,   que  le  Verbe  de  Dieu  efi  un  Verbe  très  divin ^  que  leuh.  6.  de 
fi^e  admire  ^  ^li^il  aime  ardemment ,  apprenant  comment  après  cette  vie  tl  doit  ^'^P"°- 
vivre  &  devenir  heureux.     Dans  le  même  endroit  il  dit  que  les  éto-des  fui-] 
vent  leur  route  félon  Pordreque  ce  Verbe  leur  a  marqué.     Et  ailleurs  il  appelle 
ce  Verbe,  le  fils  du  bon ,  enyovog  rs  àyaèë.    On  trouve  même  ce  myftere  de 
la  Trinité  dans  les  oracles  de  Zoroaftre  j  Le  Tere  a  engendré  toutes  chofes ,  inCoïkfè. 
0"  les  a  données  a  la  féconde  intelligence,  que  les  hommes  efiiment  la  première.  Opbpei. 

On  prétend  donc  que  la  connoiflance  de  la  Trinité  s'étant  confervée  entre 
les  Juift ,  elle  a  pafle  de  là  aux  Egyptiens  6c  aux  Orientaux,  avec  qui  Platon 
avoit  eu  commerce.  A  la  vérité  je  ne  fay  rien  qui  puiiTe  détruire  cette  penfée, 

C  2,  Je 


20  HISTOIRE  DESDOGME  S 

Je  fay  bien  que  les  Philofophes  Grecs  ont  emprunté  beaucoup  de  chofes  des 
livres  des  Juifs  par  le  commerce  qu'ils  ont  eu  avec  les  Orientaux.  Clément 
Alexandrin  dans  Tes  livres  des  Stromates  travaille  à  les  convaincre  d'avoir 
emprunté  de  Moyfeôc  des  Prophètes  tout  ce  qu'ils  ont  de  bon.  Il  applique  à 
cela  ce  mot  de  notre  Seigneur  Jefus-Chrift,  tout  amant  qu^il  j  en  a  qui  font 
•venus  devant  moy  ,  font  larrom  :   comme  Ci  le  Seigneur  Jefus  -  Chrift  avoir 
Lib.  ro.      voulu  dire  que  les  Grecs  fe  font  enrichis  des  dépouilles  des  Hébreux.  En- 
SEiora.        ^j.g  ^gg  larrons ,  dit-il ,  font  les  Philofophes  des  Grecs ,  qui  avant  la  venue 
de  nôtre  Seigneur  Jefus-Chrift;  ont  tiré  des  Prophètes  ce  qu'ils  ont  de  ve- 
ritez,  ôc  fe  les  font  attribuées  comme  s'ils  en  étoient  les  Authcurs.   Mais 
cependant  je  ne  voy  pas  encore  que  cela  prouve  alfez  bien  que  ces  Patriar- 
X'ches  ayent  eu  connoilîance  du  myftere  de  la  Trinité.     Ce  qu'a  dit  Platon 
'    font  des  énigmes,  qui  fignifient  peut-être  toute  autre  chofe  que  ce  qu'on 
!   leur  fait  fîgnifîer.   Ce  Verbe  fi  célèbre  chez  les  Platoniciens  n'étoit  autre 
""ch^hdans  le  fond,  félon  leur  Philofophie,  que  l'entendement  divin  &  (à 
'    raififfl  car  le  mot  de  héyog  fignifîe  auffi  bien  la  raifon  que  la  parole. 
UEgiife  Après  tous  ces  doutes  je  conclus,  qu'il  faut  diftinguer  l'Eglife  des  Pa- 

avant k dé'   triarchcs  qui  a  vécu  après  le  déluge,  de  celle  qui  vivoit  avant  le  déluge 5 
unecon-      &  je  trouvc  trcs  vray-femblable ,  que  l'Eglife  qui  vivoit  avant  le  déluge  con- 
3ifthia?du  ^oi^o^^  ^^  myftere  de  la  Trinité.  Adam  dans  l'état  d'innocence  ne  pouvoit 
myftere  de    ignorer  la  Trinité  des  perfonnes  en  Dieu,  autrement  il  n'eût  connu  la  divi- 
îaTiimte.    j^jj-^  ^^jg  d'une  manière  très  imparfaite.     Or  il  n'ell  pas  vray-femblable 
qu'Adam  ait  fubitcment  oublié  ce  qu'il  favoit  de  ce  myftere  j   &;  le  fa- 
chant  ,  il  n'y  a  pas  d'apparence  qu'il  l'ait  celé  à  fes  enfans.  Mais  cette  con- 
noiiTance  s'effaça  peu  à  peu ,  mèpne  avant  le  déluge ,  par  la  barbarie  dans 
laquelle  les  hommes  tombèrent  :  &  Dieu  ne  trouva  pas  à  propos  de  renouvel- 
1er  la  ckire  connoifTance  de  cette  vérité  jufques  au  dernier  tems.  De  cette 
manière,  fi  les  Patriarches  depuis  le  déluge  en  ont  eu  quelque  c^nnoifîlm'- 
ce  5   elle  a  efté  fort  confufe.    Je  ne  voudrois  pourtant  pas  condamner 
ceux  qui  croyent  que  la  connoiffance  de  ce  myftere  a  paiié  de  Noé  à  fe& 
enfans. 
-J'achève  ce  Chapitre  de  la  Théologie  des  Patriarches  par  les  paroles  de 
ïnProoemîo  St.  Epiphane.   Depuis  le  déluge  juÇ^uau  tems  de  Thaleg^  il  n'y  avoiî  nulls  di^ 
Sent[ment    '^'^fi'^'^  <^^^'^^  ^^  monde  ,    nul  partage  &  nulle  fecis ,  point  d'herefe ,  point  d'idola^_ 
de  St.  Epi-    trie  .,  point  de  Judai^me  ,  point  de  Grecifme  ;    mais  on  y  enfeignoit  la  vente  pare 
Theoio"iV  ^^^  s'enfeigne  aujourd'huy  dans  la  Religion  Catkoli<]ue.  Là  même,  parlant  delà 
des  fidèles    Religion  d'Adam,  il  dit,  Adam  n'étoit pay circoncis ^  par  confé.c^uent  iln'^étotî 
sakulges.  /''^'^  f^^'f->  ^^  n^étoit  pas  idolâtre^  d.onc  il  n'étoit  pas  (jrec  r  mais  comme  Trophete 
tl  connoijfoh  le  Fils  &  le  St.  Efprit.    Vous  voyez  que  ce  Père  eft  abfolument 
dans  l'opinion  que  nous  défendons  3  c'eft  que  la  Religion  des  Anciens  n'é- 
toit pas  fi  fombre  que  l'on.s'imagi>ne  ;  qu'elle  étoit  en  fubftanee  la  même 
que  la  Religion  Chrétienne  :  &  ce  qu'il  veut  eiifeigner  eft  tout  à  fait  ap- 
^^         parent.  C'eft.  que  cette  Religion  des  premiers  hommes  avoit  incompara- 
blement plus  de  rapport  avec  la  nôtre  qu'avec  celle  des  Ifraëlitcs.    Nous 
aurons  bien  des  choies  à  dire  dans  la.  fuite,  qui  po'urront  appuyer  cette  ve- 
rite; 


n  ^  ^ 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Parî.l.    21 


C  H  A  P  I  T  R  E     IV, 

2)e  la  manière  dont  Dieu  enfeignoit  les  hommes  avant  C^oyfe  :  de 

V antiquité  de  l'Art  d'écrire  :  des  Prophètes  du  premier  âge. 

D'Enoch  é'defa  Trophetie. 

A  Prés  avoir  vu  quelle  étoit  la  Théologie  des  Patriarches  &  de  l'E- 
glife  qui  étoit  fous  leur  conduite,  nous  ne  (aurions  fuivre  une  mé- 
thode plus  naturelle  que  celle-ci  3  qui  eft  de  confîderer  par  quelle 
voye  Dieu  inftruifoit  cette  première  Eglife.  Dans  rEglife  Chrétienne  Dieu 
a  établi  des  Minières  ordinaires,  qui  prêchent,  qui  inftruifen-t ,  &  qui  font 
obligez  de  fuivre  la  révélation  qui  leur  a  été  lailTée  par  écrit.  La  Loy  de 
Moyfe  avoit  auffi  (ç:s  Minières  ordinaires ,  Tes  Doéteurs ,  fes  Scribes  &  Tes 
Interprètes ,  qui  étoient  épars  dans  les  diverfes  habitations  du  peuple  Juif.  Et 
outre  cela  il  y  avoit  dts  Miniftres  extraordinaires  qui  s'appelloieut  Pro- 
phètes. Les  uns&  les  autres  avoient  pour  règle  une  parole  écrite,  laquelle 
ils  n'euflent  ofé  abandonner.  Mais  la  chofe  alioit  un  peu  autrement  dans  les 
fiécles  du  premier  monde.  • 

On  peut  pofer  pour  certain,  qu'alors  la  révélation  n'étoit  pas  rédigée  L'Origins 
par  écrit.     Cela  eft  fuppofé  &  reconnu  déjà  par  tous  ceux  qui  eil:iment  que  ^^cTau 
Moyfe  a  été,  non  feulement  le  premier  Autheur,  c'eft-à-dire  le  premier  d'éciue. 
écrivain ,  mais  auffi  qu'il  a  été  le  premier  inventeur  des  lettres  &  des  ca- 
raéleres.  Une  chofe  eft  très  certaine  j  c'eft  que  l'origine  des  lettres  doit  être 
cherchée  dans  l'Orient.  Les  Grecs,  les  plus  vains  de  tous  les  hommes,  qui 
euflent  bien  voulu  perfuader  qu'ils  étoient  les  inventeurs  de  tous  les  Arts,  font 
pourtant  contraints  d'avouer,  qu'ils  ont  reçu  leurs  lettres  des  Phéniciens. 
Hérodote  tombe  d'accord  que  ce  fut  Cadmus  qui  les  apporta  en  Grecej  &  i-iv-  u 
TAlphabet  des  Grecs  eft  une  preuve  évidente  que  leurs  lettres  font  venues 
de  la  Syrie:  Alpha  ^  Beta  ^  Çamma,  Delta,  font  des  noms  tous  purs  Chaî- 
dées,  tirez  de  l'Hébreu  Aleph,  Beth,  Gimel,  Daleth.  Diodore  de  Sicile 
avoue  la  même  chofe  dans  le  6.  livre  de  fa  Bibliothèque;  Ces  Phéniciens  ^ 
dit- il,  (jui  ontre^â  ces  lettres  des  Mufes^   &  enfuit e  les  ont  données  aux  Grecs ^ 
ce  fini  ceux  cjm  vinrent  en  Europe  avec  Cadmus.     Ce  nom  même  de  Cadmus    ■ 
eft  une  preuve  de  cette  vérité  3  car  ce  nom  eft  Hébreu  6c  Plienicien,  êc 
lignifie  Oriental.   Suivant  cela  Lucain  difoit  autrefois,,, 

Phœnices  primi  ^  fam£  f  credimus  ^  aujt  Pharraî. 

Adanfuram  rudibus  vocem  Jignare  figuris.  ^^^'.  î- 

Ceîa  eft  confirmé  par  Pline  qui  dit,  ipfa  gens  Phœmatm  in  gloria  magna  titte-  Hiftor.  lik 
Yo^rum  tnventionis.  Et  ailleurs  il  explique  cette  tradition  dans  un  long  pafiage*  []ib,"/.^c.5(S 
que  je  laifle  à  caufe  de  fa  longueur. 

On  peut  dire  que  cette  opinion  efl:  non  feulement  vray-femblable ,  mais 

C  3  qu'ei- 


■il  H  I  s  T  O  I  R  E   P  E  s   D  q  G  ME  S 

qu'elle  eft  certaine.  Car  puis  que  les  hommes  ont  été  créez  dans  TOrient, 
6c  qu  ils  y  ont  premièrement  multiplié  ,    il  eft  clair  que  les  lettres  ,   les 
Sciences,  les  Arts,  les  Religions,  les  dieux,  font  venus  de  l'Orient  avec 
les  hommes.     Ceux  qui  voudront  voir  des  preuves  plus  étendues  decetce 
vérité,  les  pourront  lire  dmj  le  premier  livre  des  Stromates  de  Clément 
d'Alexandrie,  &dans  le  lo.  livre  de  la  Préparation  Evangelique  d'Eufe- 
be  dans  les  chap,  6. 7.  &  8.  11  eil  donc  certain  que  les  lettres  6i  l'Art  d'écrire 
font  venus  de  l'Orient.  Mais  il  n'eilpas  aifé  de  déterminer  dans  quel  tems, 
Moyfen'cft  &  par  qucllcs  gcns,  les  lettres  ont  été  inventées  entre  les  Orientaux.  Il  ne 
^eur'dMiet-  ^"^^  Semble  point  du  tout  vray-femblable  que  Moyfe  en  foie  le  premier  in- 
tres.  venteur.     i.  Cela  n'auroit  point  été  palTé  fous  filence  dans  l'Hilloire  de 

Moyfe.  Cet  Art  d'écrire  efl:  le  plus  admirable  de  tous  les  Arts,  puis  qu'il 
nous  apprend  à  peindre  les  paroles,  qui  font  invifiblesSc  qui  n'ont  point  «de 
corps.  Or  comme  Moyfe  nous  a  dépeint  de  quelle  manière  par  le  comman- 
dement de  Dieu  il  fit  conftruire  un  tabernacle  &  tous  les  vailTeaux  du  fer- 
vice  ,  il  me  femble  qu'il  n'auroit  pas  oublié  de  nous  apprendre  aufîî  de 
quelle  manière  Dieu  lui  auroit  appris  à  écrire  fes  loix  pour  en  conferver  la 
mémoire,     z:  Sans  doute  Moyfe  auroit  appris  cet  Art  d'écrire  de  Dieu 
lui-même,  qui  écrivit  fa  Loy  de  fon  propre  doigt  fur  des  Tables  de  pierre 
dans  la  montagne  de  Sinaï.     Car  il  leroit  plus  raifonnablede  faire  Moyfe 
Difciple  de  Dieu  dans  cet  Art  merveilleux  ,   que  de  faire  Dieu  imita.teur 
de  Moyfe.     Or  il  n'ell  point  du  tout  vray-femblable,  que  Moyfe  ait  paiïe 
fous  fiience  une  circonilance  H  confiderable  ,   favoir  que  Dieu  auroit  été 
le  premier  Autheur  de  l'Art  d'écrire  ,   6c  l'auroit  enfeigné  aux  hommes. 
3.  Les  fciences  étoient  déjà  très  cultivées  entre  les  Egyptiens  avant  Moy- 
fe :ce]a  paroît  parcequi  eît  dit,  t^^e  A^ajfe  fui  injlruit  dans  tof^tes  les  fciences 
des  Egyptiens.     Or  il  eft  afi'ez  difficile  de  porter  bien  loin  les  fciences 
fans  l'écriture  &  fans  les  lettres.     4.  Si  job  eft  plus  ancien  que  Moyfe, 
comme  je  l'eftime  indubitable,  êc  ii  fon  livre  a  été  compcfé  fidèlement 
fur  à&s  Mémoires  qui  font  de  l'âge  de  Job,  comme  il  eft  apparent,  nous 
avons  en  cela  une  preuve  bien  évidente  que  l'Art  d'écrii'e  eft  plus  ancien 
que  Moyfe  :    car  Job  fait  mention  de  cet  Art  d'écrire,  &  il  dit  quelque 
part,  A  la  mitnr.e  volonté  Ojue  mes  paroles  fMJjent  écrites  dans  un  livre.   5".  Peu- 
Anriquit.     de  gcns  iguorcnt  ce  que  dit  Jofephe  ,    Que  les  enfans  de  Seth  fils  c^Adam^ 
'  "^'  ^•''*   après  avoir  inventé  l"* Afirologie  Ô"  diverfes  autres  fciences  ,    pArce  c^n^ds  avaient 
cm  dire  a  Adam  que  le  monde  univerfel  àevoit  périr  deux  fois  ,    l''Hne  par  un  ' 
déluge  d''eau  ^  &  ï^  autre  par  le  feu  ,   ih  élevèrent  deux  cobmnes  ^  P  une  faite  de 
bricjue ,  c^  Pautre  de  pierre ,  fnr  lefcfuelles  ils  écrivirent  les  préceptes  des  fciences 
qu'ails  avaient  inventées  :    afn  que  ft  la  colomne  de  brique  ne  pouvait  reftfler  an 
déluge  ^  au  moins  aile  de  pierre  çonfervat  pour  le  monde  a  venir  la  mémoire  des 
Arts^   C^  fh  voir  aux  jeux  de  la  pofterité  ce  qui  éioit  écrit  deffus.  Ilajoûteaufïï 
que  la  colomne  de  pierre  fubfiftoit  encore  de  fon  tems,  &  qu'on  lavoyoit 
dans  ia  Syrie.     Cette  Hiftoire  m'eft  fort  fufpeâe  ;    mais  au  moins  el- 
le fait  voir  que  du  tems  de  Jofephe  les  Juifs  croyoient  que  l'Art  d'écri- 
re étoit  plus  ancien  que  le  déluge,  bien  loin  d'en  faire  Moyfe PAutheur. 
6.  St.  Auguftin  eft  aflûrément  dans  la  même  opinion  :   car  encore  qu'il 
rejette  comme  Apocryphe  le  livre  d'Enoch  ,   il  croit  pourtant  que  cet 
Enoch  feptiéme  homme  après  Adam  a  écrit  quelque  ouvrage  divin  : 

Scripff 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Tart.l,    23 

ScripJîJJe  qmdem  nonnulU  divina  Enoch ,  fepimum  illu.m  ab  Adamo  ,  negare  non 
^ojfumus  i   cum  hoc  in  Epifiola  Canonica  fudas  Apofiolus  dicat.     Ainlî  je  ne 
laurois  tomber  dans  la  pcnfée  de  Pôlydore  Virgile  ,  qui  dit,  ^^<?  ce  fehti-  pererum 
ment  d^Eupoleme  &  d'Etifebe  efi  certain  î    c^efi  que  Moyfe^  qui  efl  beaucoup  plus  '^"v«=^nt.  iib. 
ancien  que  Cadmas  ,  efi  le  premier  Amheur  des  lettres ,  qu'il  les  a  enseignées  aux 
ft'iifs ,  &  que  les  fuifs  les  ont  enfeigne'es  aux  Phéniciens  ;  &  que  les  (jrecs  enfin 
les  ont  eues  des  Tbeniciens.  Il  ne  paroît  pas  non  plus  q-u'Eufebe,  lequel  Pô- 
lydore Virgile  cite  pour  un  de  Tes  témoins ,  ait  attribué  à  Moyfe  d'avoir  été 
-le  premier  autheur  &  le  premier  inventeur  àts  lettres.    Eulcbe,  &  Cle-  c'^™- 
ment  d'Alexandrie,  qui  a  été  copié  parEufebe  dans  cet  endroit,  comme  Eufebj."  10.' 
en  beaucoup  d'autres ,  attribue  ieulement  à  Moyfe  d'être  l'inventeur  de  la  Praep.Evang. 
■Grammaire.  Or  cela  n'^eft  pas  tout  à  fait  la  mêméchofe,  car  la  Grammai- 
re enfcigne  principalement  l'Art  d'arranger  les  termes  pour  en  faire  un 
difcours  iuivi;  Et  quand  il  feroit  vray  que  Moyfe  feroit  inventeur  de  cet 
Art  de  la  Grammaire  ,    il  ne  feroit  pas  neceffan-e  qu'il  fût  le  premier  in- 
venteur àzs  lettres  &  des  caraéleres.  Si  Moyfe  n'a  pas  le  premier  enfeigné 
l'Art  de  la  Grammaire,  au  moins  il  eflr  certain,  qu'il  l'a  porté  à  une  grande 
perfeébion.    Je  croirois  facilement  que  c'eft  le  premier  qui  ait  écrit  avec 
élégance  6c  avec  ordre,  6c  qu'il  eil  le  plus  ancien  de  ceux  qui  ontcompofé 
des  corps  d'écriture,  pour  conferver  la  mémoire  des  chofes  palTées ,.  6c  pour 
donner  un  fyfteme  de  loix  bien  concerté. 

Cela  étant,  on  ne  peut  pas  douter  que  les  anciens  Pères  n'ayentété  con-  Les  anciens 
duits  par  des  révélations  de  vive  voix  :    6c  fi  quelques-uns  d'entr'eùx  ont  ftîlnftraits 
écrit  quelque  chofe,  Pufage  de  ces  écrits  n'étoit  que  pour  leur  famille,  6c  paxdcs 
non  pour  toute  FEglife,  qui  n'a  point  connu  l'Ecriture  Sainte  avant  Moyfe.  J^^^^^"" 
Nous  avons  dit  dans  le  chap.  précèdent,  que  les  Mémoires ,  fur  lefquels  ayeciaDi- 
auelque  Prophète  d'entre  les  Hébreux  a  compofé  ou  traduit  le  livre  de  Job ,  ^"*"®' 
etoient  anciens,  6c  félon  toutes  les  apparences,  avoicnt  été  compofèz  par 
Job  lui-même.  Ainii  il  y  avoit  quelques  écrits  iacrez  avant  Moyfe:  mais 
cet  écrit  n'étoit  pas  devenu  public,  ôc  ne  s'étoit  pas  étendu  bien  loin.  C'effc 
fans  doute  pourfuppiéer  à  ce  défaut  de  l'écriture,  que  Dieu  avoit  des  com- 
merces a  particuliers  6c  fi  frequens  avec  ces  anciens  Patriarches.  Nous  li- 
fons,  qu'il  parla  pluneurs  foisàNoé,6c  lui  prefcrivit  fortaulong  de  quelle 
manière  il  devoit  bâtir  l'Arche,,  quelle  forme  ildevoit  lui  donner ,  6c  quels 
animaux  il  devoit  y  faire  entrer.     Qiiand  le  déluge  fut  écoulé  de  delîûs  la. 
terre,  Dieu  rentra  dans  un  nouveau  commerce  avec  Noé  ,   il  renouvèlla: 
alliance  avec  lui,  ôc avec  le  genre  humain,  par  des  difcours  aflez  amples. 
Moyfe  nous  recite  auffi,  d-e  quellemaniereDieuparut,  6c  parla  diverfesfoi^ 
a  Abraham.  Et  il  eft  clair,  que  cela  étoit  tout  ordinaire  dans  ce  tems  : 
Dieu  ne  lallFoit  jamais  l'Eglife  deftituée  dé  quelques-uns  de  ces  hom- 
mes, avec  lefquels  il  avoit  une  communication  particulière,  qui  étoient 
comme  fa  bouche  ,    6c  dont  on  écoutoit  les  paroles  comipe  des  ora- 
cles.- • 

Je  ne  ferai  pas  même  difficulté  d'avancer  comme  véritable  cette  opinion  ;  i-'«fi«iï.<J6' 
e'eft  que i'efprit  de  Prophétie étoit  héréditaire,  6c  pafibit  dans  celui  que  ètoft hexe* 
Dieu  avoit  choifi  pour  être  le  chef  de  la  famille  des  Patriarches.  Ainfi  tous  dicaùe, 
czs  hommes  qui  nous  font  nommez  dans  le  f.  chap.  delaGen.  Adam,Seth, 
Enos,  Kenan,  Mahalecl,  Jared,  Enoch,  Methufcela5Lamec6cNoé, 

ont: 


24     ;     HISTOIRE  DESDOGME  s 

Adam  étoitoj^jt  été  cout  autant  de  Prophètes.  Quant  à  Adam  on  n'en  peut  pas  dou- 
ïop  "c-  j-gj..  pyifq^ie  l'Eglifede  fontems  devoit  avoir  un  guide  &un  Doéteur  de 
la  vérité ,  il  falloit  que  ce  tût  Adam ,  qui  étoit  la  fource  &  la  tige  du  genre  hu- 
main. Outre  cela  il  étoit  plus  propi  e  qu'aucun  autre  à  enfeigner  les  hommes, 
puis  qu'ils  étoient  Tes  entans,  &  que  de  plusilavoit  été  témoin  oculaire 
delà  création.  Ses  enfans  n'avoientpû  être  inftruits  que  par  lui ,  &  il  n'y 
a  pas  d'apparence  que  Dieu  eût  tiré  l'eipritde  Prophétie  de  deilusle  père 
6c  le  maître,  pour  le  donner  aux  enfans  &aux  Difciples.  Lamec  le  père  de 
Noé  étoit  auflî  aflïïrément  Prophète  :  car  il  prediiït  à  la  naiiîance  de  Ion  fils  , 
,'  que  ce  feroit  celui  avec  lequel  Dieu  traiteroit  alliance,  pour  ne  plus  maudi- 

re la  terre,  c'ell  à  dire,  pour  ne  plus  envoyer  fur  elle  des  effets  de  fa  ma* 
lediélion lî terribles,  commedevoit  être  le  déluge:  C'ell  iàle  fensdes pa- 
roles de  Lamec  j  (^elm-ct  nous  foulagera  de  notre  œuvre  &  au  travail  de  nos 
mains  ^k  cauÇe  de  la  terre  que  P  Eternel  a  maudite  :,  je  croi  qu'il  faut  tourner, 
çjue  l^ Eternel  aura  maudite.  Car  je  ne  penfe  pas  que  Lamec  ait  égard  à 
cette  première  malediélion,  que  Dieu  prononça  fur  la  terre  tout  incontinent 
après  la  chute  de  l'homme,  la  terre  fera  maudite  a  caufe  de  toi:  je  croi  qu'il 
parle  de  la  malediétion  dont  Dieu  devoit  maudire,  la  terre  en  envoyant  le 
déluge. 

Enoch  fut  fans  doute  lepîusilluftredeces  Prophètes  du  premier  mon- 
de. Moyfe  nous  dit  apPd  cheminoit  avec  Dieu:  cela  ne  lignifie  pas  fimple- 
ment  qu'il  étoit  honnête  homme  6c  vertueux ,  comme  cheminant  devant 
Dieu.  Cela  veut  dire  qu'il  étoit  toujours  dans  des  commerces  très  parti- 
culiersuvec  la  divinité:  auffiDieufenleva,  êcilnepamt  plus.  Et  St.  Paul 
dit  que  T>ieu  le  frit  afin  qu'il  ne  vit  pas  la  mort.  Cet  Enoch  eil  célèbre  dans 
î'Eglife  par  deux  chofes  :  la  première  eil  fon  enlèvement  au  ciel  :  la  fecon- 
.      ,   de  eil  fa  Prophétie  que  St.  jude  aconfacrée  en  l'inférant  dans  fon  Epîtrcj 
Enoch  feptieme  homme  après  (tAâam  a  bien  prophetiÇé dî'eHX  j  dtfant ,  voici  le  Sei- 
gneur vient  avec  des,  milliers  à'' Anges  .^  four  faire  jugement  contre  tous ,  &  pour 
reprendre  les  impies  de  toutes  les  œuvres  d^impiete  qu^ils  auront  commifes  ^  &  les 
Epîtie  icS.  p^<^^^^^^  ^^  toutes  les  paroles  dures  qu'ails  ont  proférées  contre  lui.    Il  y  a  bien  des 
Jude:  rai-    chofcs  danscettc  Epître  qui  font  de  la  peine  à  ceux  qui  fecroyent  obligez 
ceux  qui     4^-  foûtenir^qu'ellc  eit  un  ouvrage  Canonique,  Ce  combat  de  Michel  i'Ar- 
domentque-(;;Î3ânge  Contre  Ic  diable  touchant  le  corps  de  Moyfe,  ne  fe  trouve  que  dans 
pièce  Cano- des  Hvres  Apocryphcs.     Origene  dit  que  cette  hiftoireeft  tirée  d'un  livre 
nique.       "Qui  s'appclloic  àvâ^uaiç  fxiccTêwç ,  l'afccnfion  de  Moyfe,  &  par  les  Hébreux 
iib.  î.       'p<-'thirath  mocke  ,  qui  fignifie  le  départ  de  Moyfe.  Epiphane  parle  fouvenc 
•7rfp2  àp-  'de  ce  livre,  êc  dit  que  les  hérétiques  en  faifoient  grand  cas.     Or  cet  ou- 
vrage étoit  plein  de  rêveries  &  de  fables.     Mais,  ce  qui  eft   encore  plus 
étrange,  c'eft  que  l'Auteur  de  cetteEpître  attribuée  à  St.  Jude  reçoit  évi- 
demment, comme  véritable  la  fable  des  Anges  qui  avoient  couché  avec  les 
filles  des  hommes  avant  le  déluge  j    d'où  étoient  venus  les  geans.     Car 
il  dit  au  ir.  7.  ^jf^eles  villes  de  Sodome&  Gomorrhe  s"^ étoient  latffées  aller  a  la 
mêmepaillardife  que  ceux-là  .^  favoir  que  ces  Anges,  dont  il  venoit  de  dire 
qu'ils  h'avoient  pas  gardé  la  pureté  de  leur.origine,6<;q,u'ilsavoènt aban- 
donné leur  domicile.     Il  attribue  aux  Anges  d'être  tombez  dans  le  mê- 
me crime  que  Sodome  &  Gomorrhe  ,  c'efc  de  s'être  détournés  après  une 
'autre  chair  j  &  d'avoir  commis  paillardife.     Cela  fait  foupçonner  à  quel- 
■  ■'  •  '  '  '  ques- 


five  de 
piincipiis. 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  TartA.    25 

ques-uns  que  l'Autheur  de  cette  Epître  n'a  pas  été  St.Jude^jmais  l'un  de    . 
ces  premiers  Chrétiens,  pleins  de  zèle  &  de  pieté ,  6c  qui  avoient  un  peu 
trop  de  fôy  pources  pièces  Apocryphes,  dont  on  trouvoit  un  (î  grand  nom- 
bre dans  ce  lîécle-là. 

Entre  ces  ouvrages  Apociyphes  ily  en  avoit  un  qui  portoit  lenotnd'E-  Du  line 
noch,  dont  les  anciens  ont  fait  un  très  grand  cas.  Tertullienle  louëcom-  T^rmufea 
me  un  livre  divin}  il  eft  fâché  de  ce  qu'il  n'étoit  pas  reçu  de  tout  le  monde.  Dehabim 
*Fufs  (^h' Enoch ,  dit-il ,  dans  le  même  livre  a  prophetifé  de  nôtre  Seigneur ,  nous  ^"  '^J^""^ 
ne  devons  rien  rejetter  de  ce  qm  nous  appartient.  Il  faut  remarquer  en  paflant  Facilité  des 
que  c'étoit  là  le  principe  des  premiers  Chrêtiens,qu'il  faloit  recevoir  fans  trop  Anciens  à 
d'examen  tout  ce  qui  etoit  favorable  au  Chriftianifme  ôc  à  Jefus-Chrift.  tout  ce  qui 
Dans  le  même  Heu,  fur  l'authorité  de  ce  livre,  il  dit,  que  ces  Anges  ré-  [jchâta- 
voltez,  alliez  avec  les  filles  des  hommes,  enleignerent  aux  femmes  l'Art  nifaie, 
de  fe  farder,  6c  la  manière  immodefle  de  s'orner  6c  de  fe  vêtir  dont  elles 
ont  ufé  du  depuis.     Et  dans  un  autre  ouvrage  Tertullien  tire  l'origine  de 
l'idolâtrie,  de  l'AHrologie  ôc  des  Arts  illicites^  de  ces  mêmes  Anges  ré- 
voltez mariez  avec  des  femmes  j  6c  cela  encore  fous  le  témoignage  du  livre 
d'Enoch.  C'eftfur  le  témoignage  de  ce  livre  que  les  Pères  du  fécond  6c  du 
troifiémefîécle,  comme  St.Irenée,  St.Cyprien,  Laétance,  ont  reçu  pour 
véritable  cette  fable  du  mariage  des  Anges  avec  les  filles  des  hommes. 

Dans  le  fiécle  de  St.  Auguflin  on  devint  plus  éclairé,  6c  un  peu  moins 
crédule:  St.  Auguilin  nous  l'apprend  lui-même  dans  ces  paroles >  Nous  m  DeCivît. 
pouvons  pas  nier ^  dit  il,  e^H* Enoch  n  ait  écrit  quelque  chofe  de  divin  ^  acaufe  de  ^^^^^[ 
Pauthonté  de  St,  ^4ide  qui  nous  le  dit  dans  fin  Epître  Catholique  :  mais  ce  n'efi 
f  as  fans  ratfon  que  ce  livre  n'a  pas  été  mis  dans  le  Canon  qui  fi  gardait  dans  le  - 
Temple  de  Jerufialera  ,  ©"  qui  étoit  commis  ati  Coin  des  Sacrificateurs.  St.  Auguf- 
tin  infinue  fuffifamment  que  cette  pièce  étoit  fufpeéte  à  cauiê  de  l'anti- 
quité, 6c  qu'on  ne  pouvoit  pas  favoir  avec  certitude,  fi  véritablement  Enoch 
avoit  écrit  ce  livre ,  parce  qu'on  ne  trouvoit  pas  la  fuite  de  ceux  qui  pou- 
voient  l'avoir  confervé  à  la  poflerité.  Au  relie  tout  ce  qui  eft  dit  là  de- 
dans ,  comme  par  Enoch ,  des  Geans  qui  avoient  été  engendrez  par  des 
Anges,  6c  non  par  des  hommes,  paroît  fabuleux,  6c  les  hommes  judi- 
cieux croyent  qu'on  ne  doit  pas  l'attribuer  à  Enoch.  Cet  Apocryphe  eft 
demeuré  long-tems  enfeveli  dans  les  ténèbres  :  mais  dans  le  commence- 
ment de  ce  fiécle,  le  favant  Jofeph  Scaliger  en  a  recouvré  une  partie  ,  il 
femble  même  qu'il  eût  vu  l'ouvrage  entier  :  car  il  cite  les  fragmens  qui 
fuivent  du  premier  livre  de  l'ouvrage  comme  l'ayant  lu, 6c  nous  en  a  don- 
né des  fragmens  confiderables  dans  fes  notes  fur  la  Chronique  d'Eufebe:  6c 
je  fuis  tenté  de  tranfcrire  ici  ces  fragmens,  &  les  mettre  en  nôtre  langue  dans 
laquelle  je  penfe  qu'ils  n'ont  pas  encore  paru.Les  voici  donc  motà  mot  félon  la 
verfion  Latine  que  Kircherus  nous  en  a  donné  dans  fon  Oedipus  ^Egyptiacus. 

Et  il  arriva  quand  les  hommes  furent  multipliez.,  qu'ils  eurent  des  filles  belles  j^^patnt 
&  aimables.     Les  veillans  (  éyp^yopoi  )  c'eft  ainfi  qu'ils  appellent  les  Anges,  de-  ^"tnoch. 
^vinrent  amoureux  d'elles .,  &  ils  fi  dirent  Pun  a  P autre  ,  choifijfons-nous  des  fem-  p^çj^je,. 
mes  dî* entre  les  filles  des  hommes  ;  ^  Semixoi  leur  Prince  leur  dit ,  je  crains  qu'ici-  ftagaient. 
les  feront  cela ,  &  je  feray  feul  coupable  à'' un  grand  péché .    Et  ils  lui  répondirent , 
nous  jurerons  tous ,  &  nous  nous  oblioerons  de  ne  point  renoncer  a  la  promefie  que 
nous  aurons  donnée ,  que  nom  ne  forons  venus  a  bout  de  tout ,  &  que  nous  n'^jons 
Part.  I,  D  rem" 


zS  HISTOIREDESDOGMES 

rempli  toutes  chofes.  Ils  jurèrent  donc ,  &  fe  lièrent  par  un  grand  ferment.  Or 
ils  étoient  20.  (]ui^  dans  les  jours  de  Zared^  montèrent  fur  la  montagne  de  Hermo- 
nim  ,  a  laatielle  ils  donnèrent  ce  nom,  à  caufe  du  ferment  d'^execration  cju^ils  avaient 
prèle  fur  cette  montagne  ,  &  de  l'alliance  (qu'ils  avaient  faite  entr^cux.  Ce  font 
ici  les  noms  des  Trinces  j  le  premier  Semixas ,  e^ui  était  leur  Chef  ,  le  i^.  Ana- 
kuph,  le  ^™e.  Arakiel,  le ^^.  Kababiel,  le  5"^«,  Orammame\le 6"^.  Ramiel, le  y^^. 
SapfLh  ,  le  8'»e.  Zachiel , le  9™^.  'Balchiel,  le  lo'"^.  Azaz.el ,  /'  i  x^^.Tharmarus, 
le  12™^.  Amarielje  15™^.  Anaguemas^le  i/^'^^.Thaufaél,le  i^^^.Samiel,  le  16™^» 
Sarinas, le  i  "j^^.  Ehumiel ,  le  \  8"^^.  Tyriel,  le  i  çf^^.  famiel^le  20™^.  Sariel.  Ceux- 
ci  &  tous  les  autres  Pan  du  monde  1 170.  prirent  des  femmes  ,  &  fe  fouillèrent 
Avec  elles  jufcju"* au  de' luge.  Et  ces  femmes  leur  engendrèrent  trois  fortes  d'enfans. 
Les  premiers  furent  les  Geans,  les  Çeans  engendrèrent  les  Naphilins ,  &  les  Na- 
thiiins  engendrèrent  les  Eliuds. 

Le  1  o™^.  de  ces  ayfnges,  appelle  Axa'él  ou  Az.az.el ,  enfeigna  aux  hommes  a  faire 
des  e'pe'es ,  des  cuiraffes ,  &  toute  forte  d'^inflrumens  de  guerre  ,  il  leur  apprit  aujji 
4  faire  fervir  les  métaux ,  particulièrement  Par  &  P argent ,  au  luxe  &  aux  or- 
mmens  des  femmes.  Ils  enfeignerent  aujfi  P  Art  d^  embellir  la  nature,  de  faire  des 
fards ,  d^  de  s'orner  avec  des  pierreries.  Les  fils  des  hommes  apprirent  ces  Arts 
de  leurs  filles  &  de  leurs  femmes ,  &  Us  s'^en  fervirem  pour  corrompre  les  Saints  } 
tellement  que  la  corruption  fut  très  grande  fur  la  terre  dans  toutes  les  voyes  des 
hommes,  Semixas ,  leurTrince  &  le  Chef  de  tous,  leur  apprit  a  fe  mettre  en  colère  ^ 
cefi-k'dire y  a  exercer  la  violence:  il  leur  donna  auffi  la  connoiffance  de  la  vertH 
des  herbes.  Tharmarus  Pi  i«ne,  4''entr^eux  enfeigna  la  Magie  ,  &  PArt  des  en- 
chantemens  ,  des  prefliges  &  de  délier  les  liens  des  enchantemens  Balkiel  qui  efi 
/(f  ^™«.  apprit  aPhomme  PArt  a  tirer  les  étoiles  du  ciel.  Le  8™*.  leur  apprit  PArt 

àsri0(T\{0-    ^^  deviner  par  Pair.  Le  5™^.  leur  enfeigna  a  deviner  par  lesfignes  de  la  terre.  Le  7™^. 

îr/âîv.  par  lesfignes  de  la  Lune.  Tous  ceux-là  révélèrent  leurs  fecrets  à  leurs  femmes  &  à 
leurs  enf ans.  En  fuite  les  Geans  commencèrent  a  manger  de  la  chair  humaine  .^  ^ 
exterminèrent  par  ce  moyen  une  partie  des  hommes ,  ^  les  refiles  ou  reliques  des  hom- 
mes ,  qui  avaient  expérimenté  leur  barbarie  ,  jettoient  des  cris  vers  le  ciel  ,  le 
priant  de  fe  fouvenir  d'yeux.  Or  les  quatre  principaux  Anges  du  ciel  ^  Aiichaél^ 
liaphael,  Gabri'éi  &  Uriel  ,  regardaient  la  terre  du  plus  haut  des  deux  ;  & 
voyant  la  multitude  du  fang  épandu  ,  &  lés  horribles  excès  d'^impietez.,  &  d^ini.- 
quitez.  qui  fe  commettaient ,  dirent  Pun  a  P autre ,  voici  les  efprits  &  les  ar/ies  des 
hommes,  qui  du  milieu  de  leur  afiittiion  &  de  leur  opprefiïon  crient  a  nous,  afin  que 
nous  portions  &  leurs  malheurs  &  leurs  araifians  devant  le  throne  de  Dieu.  Ces 
quatre  <tAr changes  s"^ avancèrent  donc  vers  le  throne  de  Dieu ,  Ô"  dirent ,  0  Dieu, 
tu  es  le  Dieu  des  Dieux  ,  le  Seigneur  des  Seigneurs  3  le  throne  de  ta  gloire  fub- 
fifie  dans  tom  les  fiecles,  &  dans  toutes  les  générations  ,  &  ton  nom  efi  béni  aux 
fiécles  des  fiécles.  Car  tu  as  créé  toutes  chofes ,  i^^r  tu  as  pouvoir  fur  toutes  chojis  : 
en  ta  prefence  elles  font  nues  Ô'  découvertes  :  tu  vois  tout  i  il  ti^y  a  perfonne  qui  fe 
puijfe  dérober  a  ta  convoiffance.  Tu  vois  combien  de  maux  fait  Axa'el ,  carwbien 
il  introduit  au  monde  de  péchez,  &  d'miquitez. ,  &  qu'ail  n'y  a  plus  que  fraude  fur 
la  terre.  Car  tl  a  manifefié  aux  hommes  les  myfleres  qui  font  aux  cieux ,  dr  les 
hommes  ejfaycnt  de  connaître  fies  laix  &  fies  fecrets.  Les  fils  des  hommes  ont  donné 
toute  puijfance  a  Semixas  dr  à  ceux  qui  fiant  avec  luy  j  ils  entrent  vers  les  hom- 
mes ,  ils  fe  fioiiiilent  avec  les  Vierges  ,  ils  dorment  avec  les  fiemmçs  ,  (^  leur 
apprennent  toute  forte  de  crimes ,  &tous  les  infirumem  de  la  fornication .  %egar- 

de 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Part.l.    if 

de  maintenant  comme  les  filles  des  hommes  leur  engendrent  des  Geans,  Ce  genre 
d'hommes  mêlé  '&  bâtard  ,  repanda  fur  toute  la  terre  ,  a  rempli  Punivers  d^ini" 
cjuitez.  :  &  voicy  les  âmes  des  hommes  défunts  qui  font  requête  ,  leurs  gémtffe- 
mens  montent  jufques  aux  cieux^  &  n'y  peuvent  atteindre  à  caufe  des  énormes  ini- 
quitez.  qui  fe  commettent  fur  la  terre.  Tu  fais  tout  ce  qui  fe  fait  par  eux  ,  tu  les 
vois ,  tu  les  fiuffres  ,  &  tu  ne  nom  apprends  pas  quel  remède  on  peut  apporter  a, 
tant  de  maux.  Alors  le  Très  Haut  prononça ,  &  le  Saint  &  le  (^rand  parla ,  & 
'envoya  TJriel  au  fis  de  Lamech^  difant ,  va-t-en  à  Noé ,  &  lui  dis  en  mon  nom , 
cache-toy  j  ^  lui  manifefie  la  fn  prochaine  de  toutes  chofes  ^  ô"  comme  la  terre 
t'en  "Oa  périr.  Infirui  le  juftefils  de  Lamech  de  tout  ce  qu'il  doit  faire ,  &  fon  ame 
fera  confervee  en  vie ,  &  il  évitera  la  mort  pour  jamais  ^  &  une  plante  fortira  de 
luij  qui  fuhfftera  aux  fécles  des  fiécles.  En  fuite  il  dit  u  Raphaël ^  va  Raphaël ^ 
&  jette  Axa'èl  pies  &  poings  liez,  dans  les  ténèbres.  Tu  ouvrir a6  auffi  le  defnt  qui 
eji  en  Dodoël ,  c^  tu  le  jetterai  la  fur  des  cailloux  aigus  &  tranchans  ^  tu  le  coU" 
vriras  de  ténèbres  ^  ^  il  habitera  la  éternellement.  Tu  mettras  un  bandeau  fur 
fesyeux ,  ^  il  ne  verra  aucune  lumière  ,  &■  dans  la  journée  du  juge  ,  quand  il 
fera  appelle  en  jugement ,  on  le  deflinera  a  l'embrafement  du  feu  :  ainfi  la  terre  que 
les  veillans  avaient  corrompue  (jr  ébranlée  fera  guérie.  Fay  connoitre  a  la  terre  le 
moyen  de  fa  guerifon  ,  afin  qu'elle  foit  guérie  de  fa  playe ,  &  que  tom  les  fils  des 
hommes  ne  perijfent  poi  :  Lefquelles  chofes  font  dites  félon  le  myflere  que  les  veil' 
lans  difoient  &  enfeignoient  aux  fils  des  hommes  :  d'où  il  efl  arrivé  que  la  terre  a 
été  défilée  par  les  injiruElions  d^Axaël ,  &  de  la  tous  les  péchez,  ont  tiré  leur  ori- 
gine. jQuantk  Gabriel,  il  lui  dit ,  toy  Çabri'H  va-t^-en  vers  les  (jeans ,  vers  les  en- 
fans  de  fornication  faux  ($'  bâtards  ^  &  fay  périr  tous  les  enfans  des  veillans  dn 
milieu  des  fils  des  hommes.  Tu  les  feras  combattre  ^  &  les  mettrai  aux  mains  les 
uns  avec  les  autres.^  jufques  a  ce  qu'ils  foient  tous  exterminez  i  que  la  longueur  de 
leurs  jours  n"^ arrive  pas  a  celle  de  leurs  Ancêtres  ^  qui  efperoient  de  vivre  éternelle- 
ment ^  ^que  la  longueur  de  leurs  années  n'' aille  poi  au  de  la  de  cent  ans.  Enfin  il 
ditaMichdélî  &  toy  MichàH  ^  va  ,  lie  Semixas  &  tous  fes  fuppots  ^  tout  autant 
qu'il  y  en  a  qui  fe  font  mêlez,  drfotiillez.  avec  les  filles  des  hommes,  durant  qu'elles 
ttoient  dans  leurs  pollutions.  Et  quand  les  Geans  leurs  fils  auront  été  égorgez. ,  &■ 
qu'ils  connoitront  la  perte  de  leurs  chers  enfans ,  tu  les  lieras  pour  70.  générations 
dans  les  lieux  fombres  de  la  terre,  jufques  au  jour  dans  lequel  ils  doivent  être  pro-  ' 
duits  en  jugement  :  jour  de  la  confomption  de  toutes  chofes ,  jour  auquel  fe  termine- 
ra le  jugement  du  fié  de  des  fiécles.  Alors  il  fira  précipité  dans  le  chaos  du  feu , 
dans  le  tourment ,  dans  une  prifon  éternelle  :  &  quand  ils  auront  été  condamnez.^ 
ils  feront  jet  tez  avec  eux  ,  jufques  a  ce  que  leurs  générations  foient  achevées. 
Quant  aux  Geans  qui  font  compofez.  d'efprit  &  de  chair ,  ils  feront  appeliez,  efprits  p^gjjj^^ 
malins  fur  la  terre ,  afin  que  leur  habitation  foit  en  terre.  Ces  efprits ,  dis-je ,  qui 
feront  fortis  des  corps  de  ceux  qui  auront  été  engendrez  en  partie  par  les  hommes  ^ 
en  partie  par  les  veillans  ,  feront  de  malins  efprits.  Le  principe  de  leur  création 
&  le  commencement  de  leur  fondement  fera  d'être  des  efprits  malins  fur  la  terre  : 
&  ce  font  les  efprits  des  Geans  difiribuez.  en  tom  lieux,  efprits  injufles.,  qui  détrui- 
fent ,  qui  attaquent ,  qui  combattent  ,  qui  lancent  des  traits  &  font  des  courfes 
fur  la  terre.  Toutefois  ils  ne  mangent  pas  ,  mais  ils  s^abfiiennent  de  viande ,  ils 
caufent  des  illufions  par  l'apparition  des  fantômes ,  étant  fujets  aux  changemens  & 
AUX  chutes,  ^yîu  refie  ces  efprits  rejfufciteront  avec  les  fils  des  hommes  &  des 
femmes  qui  feront  procédés  deux.     Or  depuis  la  mort  &  la  rfii'ne  des  (jeans  , 


28  HIST  OIRE  DES  D  OGMES 

Us  Naphilins  ,    e^ui  auront  été  engendrez,  par  eux  ,  fe  fortifieront  fur  la  terre  t 
efprits  grands  &  de  mauvaife  réputation  ^fortis  de  leur  atne  comme  de  la  chair ,  &  ils- 
corrompront  le  monde  jufc^uei  au  jugement  dans  lecjHelle  grandjîécle fera  terminé, 
Troifiéme         Quant  à  la  montagne  fur  laquelle  ils  ont  juré  avec  exécration  ,    ^»V//^  feiir 
Fragment,    fjûujours  couverte  de  nége  ,    de  frimats  &  de  glace  î  que  le  froid  ne  Paban" 
donne  jamais  ,    &  que  la  rofée  ne  tombe  fur  elle  qu'en  malediBion  jufqu^au  jour 
du  grand  jugement.     Dans  ce  tems- là'  elle  fera  brûlée  &  mife  au  niveau  des  val- 
lées    elle  fe  fondra  comme  de  la  cire  devant  le  feu 'y  ainfi  elle  fera  détruite  avec 
toutes  leurs  œuvres.  Et  à  vomfls  des  hommes ,  je  dis  que  ma  colère  efl  embra- 
fée  contre  vopu  &  contre  vos  enfans;   vos  bien- aimez,  feront  détruits^  &  vos  cherit^ 
enfans  mourront  ,   ils.  feront  retranchez.  à.e  deffm  la  face  de  toute  la  terre.     Tous. 
les  jours  de  votre  vie  a  1"^ avenir  ne  feront  plus  que  liO.  ams\  &  ne  vou^-  imagi.» 
nez.  pas  pouvoir  vivre  davantage.    Il  n^y  aura  poi  moyen  d'*échapper  ,  parce  que  U 
colère  du  %py  des  fiécles  efl  allumée  contre  vous.      Ne  penfcz.  pas  pouvoir  éviter 
ses  chofes.   Voilà  les  célèbres  Fragmens  du  livre  d'Enoch. 
Jugement        Outre  que  cette  pièce  efl  curieufe ,  elle  nous  apprend  que  ce  livre  d'E- 
men?du?i-  i^och ,  d'oùcUe  a.été  tirée,^,  eflabfolument  le  même  dont  Tertullien  6c  les . 
vred'E-       ancicns  dc  foiifiécleont  tant  fait  dc  cas.  Carnous  voyons  dans  ce  fragment 
obftrva-     ^^ut  cc  que  Tcrtullien  avoit  tiré  de  ce  livre,  &  qu'il  rapporte  dans  fes 
tions  Traitez  de  tdoloUtria ,  &  de  habitu  multerum  :  favoir  que  ces  iils  de  Dieu,  qui 

S°"^""    fe  marièrent  avec  les  filles  des  hommes,  étoient  des  Anges  qui  renoncèrent 
à  la  pureté  de  leur  origine,  que  ces  Anges,,  corrompus  ont  enfeigné  aux^ 
hommes  la  Magie,,  l'Aibologie,  les  inllrumens  de  guerre,  l'art  de  far- 
der les  femmes^,  l'ufage  des  pierreries  dans  les  ornemens ,  la  force  &  la  ver- 
tu des  herbes ,  les  enchantemens  ,  &  l'art  d'employer  les  métaux  ,   fur 
tout  l'or  &Hrgent^ 
Gteduîîié         Et  cela  nous  donne  occafion*  de  faire  une  reflexion  importante  ;   c'efir 
eSis.""      que.  les  anciens  Chrétiens  étoient  de  bonnes  gens,  &  bien  crédules ,  de 
recevoir  comme  bonnes,  des  pièces  d'une  fauflèté  fi- évidente  ,&  rempHes: 
de  tant  de  fables  ridicules.  Sur  quoy  nous  pouvons  faire  en  paiîant  cette  ob- 
fervation,  que  nous  ne  fommes  pas  toujours  obligez  de  nous  en  tenir  à  leur 
jugement,  Ôc  que  ce  n'eft  pas  un  crime  d'appeiier  d'eux  à  un  tri-bunal  plus 
infaillible,. 
Geteavra-^      H  n'y  a  pas  de  doébes  aujourd'huy  qui  ne  foient  aflûrez  que  ce  fragment, 
Inoc"' n'eft  §<^i'o'^'''i"ftgs^'-^'-iÊ^  il  a  été  tiré,  qui  portoit  le  nom  du  livre  d' Enoch  ,  ne 
pas  d'un      foit  la  production  d'un  impofteur.     Mais  je  fuis  furpris  que  nos  favans 

Autheurqui  ^m^         _  ^  i?  j  T-r-\.^         j 

ait  vécu  ayent  attribue  cet  ouvrage-  a  quelqu'un  de  ces  Juifs,  qui  ont- vécu  depuis 
ava^nt^nôtie  k  capfivitéde  Babvlone jufqucs  à  nôtrc  Scigncur  Jefus-Chrift ,  c'eft  le  fen- 
timent  de  Scaliger,  d'ifaac  Voffius,  de  Gale  dans  fes  notes  fur  Jamblique, 
&d'AthanafiusKii:cherus.  C'eillui  faire  trop  d'honneur,  ce  me  femble, 
que  de  le  faire  fi  ancien..  Car  je  croy  voir  clairement,  que  cette  pièce  a 
été  compofée  après  la  naiffance  &  l'ètablifleraent  du  Chriftianifme  par 
Tun  de  ces  fanatiques,  dont  l'ancienne  Eglife  étoit  remplie,  qui  faifoient 
un  mélange  aiïieux  de  la  Phiiofophie  Platonicienne  &  de  la  Théologie 
Chrétienne.  En  un  mot  c^q^  un  Autheur  femblable  à  ceux  qui  ont  fup- 
pofè  les  Oracles  des  Sibylles,  les  Dialogues  de  Mercure Trilmegifte,  les 
Révélations  d' Abdias  Babylonien ,  les  Vifions  du  Pafteur^  ôc  autres  fembia- 
bles  pièces.  C'.eli  un  Montan,  un  Hermès,  ou  queiqu'autre  vifionnairc 

de.. 


S.J 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  PartA.    29 

de  ce  flécle-là  j  6c  voicy  les  raifons  fiir  lelquejles  j'appuye  cette  con- 
jedure. 

1 .  L'original  de  ce  livre  étoit  Grec  5  c'efï  en  cette  langue  que  Scali-  Quatre 
ger  a  trouvé  ce  qu'il  nous  en  a  produit  ;    &  c'ell  dans  cette  même  lan-  ^é^q^"  ^J, 
gue  que  les  Pères  Tout  vu  : .  car  la  plupart  d'entr'eux  n'entendoient  ni  l'He-  f»»- 
breu  ni  les  autres  langues  de  l'Orient.      Ce  qui  fait  voir  que  ce  livre 

n'a  pas  été  compole  par  un  de  ces  Juifs  y  qui  habitoient  ou  danslaPalef- 
tine,    ou  dans  laChaldée;  car  ils  avoienr  accoutumé  d'écrire  en  Hébreu, 
ou  dans  quelques-uns  de  Tes  dialeéles.    Il  eft  vray  que  Drulius  nous  cite  Drufius  de 
un  certain  Rabbi  Menakem,.  qui  parle  de  xe  livre  d'Enoch,  6c  qui  dit  que  JJ^^^"?/**" 
leurs  derniers  Cabalifles  ,   entr'autres  l'Autheur  du  livre  intitulé  Zoar,ioz. 
en  font  mention.     Cependant  ce  livre  ne  fe  trouve  point  entre  les  livres  cetoumge 
des  Juifs,  &  il  n'y  a  pas  d'apparence  que  s'ils  avoient  eu  un  livre  dont ^"^^jj^^^j^ 
le  titre  portât  fur  le  front  les  apparences  d'une  fi  grande  antiquité,  ils  l'euf-  écrit  ea 
fent  laiffé  perdre.  De  plus  les  Cabaliiles,  que  cite  ce  Rabbi  Menakem ,  ^'^®'^° 
ne  difent  pas  en  quelle  langue  étoit  écrit  cet  ouvrage.   Apparemment  ils- 
Tavoient  vu  en  Grec,  6c  comme  ils.font  grands  amateurs  des  fables,  par- 
ticulièrement de  celles  qui.  fervent  à  relever  la  gloire  de  leur  nation  êcde 
leurs  Patriarches , ils  l'avoient  adopté,  &  l'avoient  voulu  recommander  à 
leurs  difciples.  Au.refte  les  Autheurs  Thalmudittes ,  qui  lont  plus  anciens 
que  les  Cabaliif  es ,  n'en  parlent  point  da  tout  :   cependant  'A  n'y  a  point 
d'apparencequ'ils  n'euffent produit  ce. livre. ,  s'ils  l'avoient  eu  eiitr'eux, 
&  s'ils  l'euiîent  reconnu. 

2.  Non  feulement  l'Autheur  de  ce  livre  n'étoit  pas  Juif  ni  Hébreu, je  L'Authem 
fuis  même  afluré  qu'il  ne  favoit  pas  la  langue  Hébraïque  ,  car  les  noms  p^^j^^^^ 
d^tyirtakfiphy  àcTharmarns ,  Orammamé  ^c.  ne  font  point  des  noms  He- langue  Hé- 
breux, Ôc  ne  font  point  formez  fur  l'analogie  de  la  langue'  Hébraïque. ''"^^"*' 

'  C'ell  pourquoy  Hottinger  reconnoît  par  cette  marque  cet  homme  pour 
être  un  Juif  grecifé,  qui   ne  favoit  point  la  langue  fainte.  :?.    On  peut 
ajouter  à  cela  qu'on  ne  voit  point  dans  cet  ouvrage  le  caraélere  des  an- 
ciens Autheurs  Juifs,,  car  les  anciens  Cabaliftes  de  cette  nation  en  écri- 
vant faifoient  plutôt  des  énigmes  que  des  livres  j  leurs  ouvrages  étoient 
prefque  impénétrables ,  remplis  d'une  obfeurité  profonde  &  affeéf  ée ,  com- 
me il  paroîcpar  le  livre  de  Zoar^  qui  efl  d'une  très  grande  obfeurité  5.  6c 
par  un  autre  livre  intitulé /^//r^,  qu'ils  attribuent  au  Patriarche  Abraham,    j.^.^^  „» 
dans  lequel  font  exphquez  les  myfteres  àcs  ^z.  fentiers  de  la  fageffe:      ^ 
on  y  trouve  auffi  l'explication  de  ce  qu'ils  appellent  decem  fephirot .     iMais 
l'Aotheurde  ce  livre  d'Enoch,  s'il  a  cela  de  commun  avec  les  Cabaliftes 
de  dire  fou  vent  des  impertinences,,  au  moins  il  les  dit.  d'une  manière  intel^ 
ligible.     En  examinant  en  détail  ce  fragment  que  nous  \ enons  de  voir, 
nous  pourrons  à  peu  prés  découvrir  l'âge  dans  lequel  il  a  été  fait. 
.    4.  11  ell  très  évident  que  l'Autheur  de  cet  ouvrage  étoit  Chrétien ,  L'Autheur- 
ou  qu'il  avoit  bien  liiles  livj-es  des  Chrétiens.  Car  il  fait  de  perpétuelles  «Jfceimc 
aîlufions  à  des  textes  du  N.  T.  8c  il  imite  dans  la  plupart  de  fes  fonges  étoît"chï^ 
les^ifions  del'Apocalypfe.  Par  exemple,  n'eft-il  pas  clair  que  ce  qui  efl  dit  tien  &  non 
de  ces  âmes  &  de  ces  reliques  des  hommes  tuez  &  mangez  par  les  Geans  pr"uves% 
qui  crioient  vers  le  Ciel,  afin  qu'on  vengeât  leur  fang,  eil  imité  de  ce  que  «fait, 
dit  St,  Jean  dans  l'Apocalypfej,  que  le^  âmes  des  martyrs  étoient  fous  Tau- 

E>3  tel, 


'Sfor  HIST  OIRE  DES  DOGMES 

tel 5  Se  crioient  ,  jhJcjhcs  a  quand  ne  prendras-tti  pas  vengeance  de  notre  fang 
fur  les  habuans  de  la  terre?     Cette  même  vifion  ell  évidemment  fondée  fur 
l'opinion  des  anciens  Chrétiens,  qui  ellimoient  que  les  âmes  des  hommes 
après  leur  mort  étoient  réclufes  dans  un  lieu  de  fequellre  :  car  ce  faux 
Enoch  reprefente  ces  âmes  qui  crient  du  fond  de  quelque  abyfme,  d'où 
leur  voix  a  bien  de  la  peine  de  parvenir  jufques  aux  cieux.     f.  Ce  qu'il 
ajoute  de  ces  Anges,  qui  reçoivent  les  cris  de  ces  âmes  6c  qui  vont  porter 
VoiSt.Aug.  leurs  plaintes  devant  le  thrône  de  Dieu,  eft  tiré  de  la  Philofophie  Pia- 
lib.  9.  de     tonicienne ,  dans  laquelle  on  enfeignoit  qu'il  y  a  des  efprits  intérieurs  à 
cap.'  ij.  14.  Dieu  qu'ils  appelloient  daimones ,  qui  faifoient  l'office  de  médiateurs  entre 
îi.  16.       Dieu  èc  les  hommes ,  recevans  les  oraifons  des  hommes  pour  les  porter 
au  Ciel  5  6c  les  commandemens  de  Dieu  pour  les  porter  en  terre.     Cela 
peut  auffi  avoir  été  imité  de  l' Apocalypfe,  dans  cet  endroit  où  St.  Jean 
nous  parle  d'un  Ange,  qui  tenoit  unencenfoir  d'or  plein  de  parfum,  qui 
font  les  prières  des  Saints,  pour  les  porter  devant  le  thrône.  6.  Ce  com- 
mandement donné  à  Raphaël  contre  Axaël ,  de  le  jetter  pied^  6c  poings 
liez  dans  les  ténèbres ,  eft   copié  mot  à  mot  du  texte  où  le  S.  J.  C.  dit 
touchant  le  mauvais  ferviteur,  liezrle  pie's  &  maim,  &  le  jetiez,  dans  les  te^ 
nebres  de  dehors,  j.  Ce  qu'ajoute  nôtre  impofteur  dans  le  même  endroit, 
^  e'tant  appelle  au  jour  du  jugement  y  on  le  deflinera  a  l'^^mbrafement  du  feu  ^ 
n'eft-il  pas  évidemment  pris  du  if.  de  St.  Matth.  &du  ip.  de  l'Apoc.où 
la  forme  du  jugement  nous  eft  reprefentée  ?  Dans  le  premier  paflage  il  eft  dit 
aux  réprouvez,  allez,  au  feu  préparé  au  Diable  &  k  fes  ange!  :  &  dans  le  fécond 
pafîage  fatan  eft  jette  âf<î«/  Pétang  de  feu  dr  defouphre.  8.  Le  commandement 
que  Dieu  donna  à  Michaël  de  lier  Semixa s, Prince  des  Anges  révoltez, 
&  de  l'enfermer  dans  les  lieux  fombres  de  la  terre  par  70.  générations  , 
eft  évidemment  imité  du  20.  de  l'Apoc.  où  un  Ange, par  le  commande- 
ment de  Dieu,  liefatanle  Prince  des  Diables  pour  1000.  ans ,  &  le  jette 
dansl'abyfme.  9.  Ce  que  dit  cet  impofteur,que  Dieu  ordonna  de  mettre 
aux  mains  les  Geans ,  afin  qu'ils  fe  tuafîent  les  uns  les  autres,  eft  imité  de 
la  fable  de  Cadmus ,  qui  ayant  femé  les  dents  d'un  ferpent  qu'il  avoit  tué, 
il  en  naquit  des  hommes  armez,  qui  tirèrent  l'épée  les  uns  contre  les  au- 
tres ,  ôc  fe  tuèrent.     Cela  fait  voir  que  l' Autheur  de  cet  ouvrage  n'eft  pas 
un  Juif,  car  les  Juifs  n'avoientpas  de  commerce  avec  les  Grecs,  ils  n'é- 
toient  pas  favans  dans  leur  literature  ,  ils  ne  mêloient  gueres  les  fables 
étrangères  avec  les  leurs  j  &  en  un  mot  ils  enflent  fait  fcrupule  d'emprun- 
ter quelque  chofe  de  ceux  qu'ils  confideroient  comme  les  ennemis  capi- 
taux de  leur  religion.  Ainfi  il  eft  apparent  que  cet  Autheur  étoit  l'un  de 
ces  faux  Chrétiens,  qui  dans  leurs  ouvrages  faifoient  entrer  indift^remment 
la  Fable,  la  Philofophie  &  la  Théologie.  10.  Ce  que  cet  impofteur  dit, 
que  les  âmes  des  Geans  après  leur  mort  feront  les  efprits  malins,  qui  font 
fur  la  terre,  qui  courent  ça  &  là  pour  nuire  aux  hommes,  c'eft  la  Philo- 
fophie Platonicienne  toute  pure.    Car  lesPlatoniciens difoient, que  les  hom- 
mes méchans  devenoient  après  leur  mort  de  mauvais  démons,  ôc  de  ma- 
^•.  '^'  4^  hns  efprits  pour  perfecuter  les  habitans  de  la  terre.   St.  Auguftin  le  prou- 
eap.  il,      vefort  au  long,  ÔC  entr'autres  par  ces  paroles  d'Apulée,    que  les  âmes  des 
hommes  deviennent  démons  quand  elles  font  feparées  de  leurs  corps  :     que  Jl  les 
hommes  ont  été  bons ,  leurs  âmes  deviennent  Larp ,  cVy?  adiré  Dieux  tmekires  & 

do- 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  F^r^.I.    31 

ddmcJhcjiMeSy  mais  c^ue  Pils  ont  été  méchans  leurs  âmes  deviennent  Lémures  ^ 
Larv£,  c'efl  ainfî  qu'ils  appelloient  ces  démons  qui  errent  la  nuit,  pour 
épouvanter  les  hommes.     Et  c'ell  de  cette  même  Phiiofophie  qu'Orige-  Lib.  t.  de 
ne  avoit  emprunté, ce  dogme,  par  lequel  il  faifoit  devenir  démons  les  âmes  S""^jf^6 
des  hommes,  &  derechetles  démons  devenir  des  hommes  par  une  circu-  7.  s. 
lation  continuelle. 

Après  ces  oblervations ,  je  penfe  qu'il  eft  difficile  de  douter,  que  Scali-  Ceftauffiie 
ger  &ceux  qui  l'ont  fuivine  lèfoienr  trompez,  quand  ils  ont  crû  que  cet  JS^vof. 
ouvrage  étoit  d'unJuif,ÔC  qu'il  avoit  été  tourné  de  l'Hébreu,  cequeTho-  Cm  dans 
mas  Gaie  dit  expreflement  dans  fes  notes  fur  le  livre  de  Jamblique  demyfte-  flbylies'^^^ 
r ils  ^  Liber  Enoch  haud  dubie  ex  Hcbr<zo  in  Grincfim  converfm  eft.  {edt.  2.  c.  g.  P-  ^4. 
Il  eft  apparemment  d'un  Philofophe  Platonicien  ,  qui  en  devenant  Chré^ 
tien  avoit  retenu  les  principes  de  la  Phiiofophie  ,  avoit  confêrvé  refprit 
de  la  Grèce  amateur  des  fables ,  &  y  avoit  joint  l'efprit  de  fanatifme  6c  de 
viiîon,  qui  regnoit  entre  les  hérétiques  du  i.  âge  de  la  Religion  Chrétien- 
ne. Ainfî  je  foupçonne  que  ce  livre  eft  né  dans  le  fiécle  même  de  Ter- 
tullien,  l'homme  du  monde  le  plus  propre  à  donner  cours  à  ces  fortes  de 
produébions  :  premièrement  parce  qu'il  étoit  très  crédule  ;  mais  fur  tout 
parce  que  lui-même  étoit  infeété  de  cet  efprit  de  fanatifme ,  car  il  étoit 
Seétateur  de  Montanus,  ce  célèbre  vifionnaire,  qui  fe  difoit  être  le  Para- 
clet  ou  le  Confolateur  promis  par  J.  C.  à  {t.s  Apôtres.  Par  cette  remar- 
que nous  pouvons  être  aflurez  que  Scaliger  s'eft  encore  trompé ,  quand 
il  a  crû  que  ce  paflage  de  la  Prophétie  d'Enoch ,  qui  eft  rapporté  par 
St.  Jude,  avoit  été  tiré  de  ce  livre  Apocryphe.  Je  foupçonne  au  con- 
traire, que  cet  impofteura  pris  occafion  de  l'Epître  de  St.  Jude,  de  for- 
ger fon  ouvrage.  Il  a  crû  qu'il  y  avoit  eu  autrefois  un  livre  compofé  par 
Enoch,6cque  St.  Jude  l'avoit  lu  6c  cité.  Cet  ouvrage  ne  fe  trouvant 
plus,  cet  impofteur  a  jugé,  qu'en  produifant  au  monde  un  livre  fouS 
le  nom  d'Enoch ,  on  fe  perfuaderoit  facilement,  que  ce  feroit  le  même 
qui  auroit  été  cité  par  S.  Jude.  Je  ne  croi  donc  pas  que  cet  oracle,  qui 
regarde  l'appareil  du  dernier  jugement ,  6c  qui  eft  rapporté  par  St.  Jude^ 
ait  été  emprunté  d'un  livre  Apocryphe,  qui  fubfiftât  alors  fous  le  nom 
d'Enoch.  Je  croi  plutôt  que  St.  Jude  a  pris  cet  oracle  de  la  tradition.  Celle 
des  Juifs  étoit  extrêmement  corrompue ,  6c  la  plupart  de  fes  dodrines 
qu'ils  appelloient  CabbaU  Mofs  e  monte  Sinài  ,  tradition  defcendu'é  de  Sinai 
far  Moyfe ,  étoient  des  fables.  Mais  les  Ecrivains  facrez  du  N.  T.  qui 
étoient  conduits  par  des  lumières  furnaturelles  6c  infaillibles,  favoient 
bien  diftinguer  ce  qui  étoit  véritable  de  ce  qui  ne  l'étoit  pas ,  6cilschoi- 
fiftbient  du  milieu  de  ces  traditions  fabuleufes  ce  qui  pouvoity  être  refté 
de  vérité. 

C'eft  apparemment  de  cette  fource  de  la  tradition  que  les  Ecrivains  J^its  citez 
du  N.  T.  ont  puifé  beaucoup  de  chofes,qui  ne  fe  trouvent  point  dans  Teftament 
l'Hiftoire  Ancienne,  commeeft  le  combat  de  Michel  l'Archange  avec  J"'"efe 
le  Diable  touchant  le  corps  de  Moyfe,  ce  qui  eft  rapporté  par  le  même  dans  il" 
St.  Jude.     Ce  que  St.  Paul  dit  en  la  i.  à  Tim.  de  Janes  6cJambresMa-  ^^^"'^^ 
giciens  d'Egypte,  qui  avoient  refifté  à  Moyfe,  noms  qui  ne  fe  lifent  point 
dans  l'Hiftoire  facrée  de  l'Exode.  Ce  qu'il  dit  au  12.  chap.  de  i'Ep.  aux 
Hebr.  que  Moyfe  fur  la  nîontagne  de  Sinaï  s'écria ,  je  fris  tom  étonné  & 

m 


32  HISTOIRE  DESDCGM  ES 

en  tremble  tout i  paroles  qui  ne  ie  lifent  point  diins  l'Hiftoiie  de  lapublî- 
Tom.  19.  in  cation  de  la  Loi.  Origine  eftime  que  les  Juifs  favoient  bien  deschofes 
joanaem.  q^c  Moyfe  ôc  Ics  Piophetes  n'avoient  pas  écrites  :  il  met  dans  ce  nom- 
bre le  nom  de  Beelzebub  Prince  des  diables  :  //  efl  donc  probable  ,  dit-  il , 
qu'ails  [avaient  quantité  d^  autres  chofes,  oh  par  la  tradition ,  on  par  quelques  livres 
fecrets.  II  eft  vrai  que  ces  fortes  de  chofes,  félon  la  penfée  d'Origene  , 
pouvoient  être  écrites  dans  quelques-uns  des  livres  des  Juifs  j  &  parmi  ce- 
la {e  pouvoit  trouver  écrite  la  Prophétie  d'Enoch  rapportée  par  S.  Jude, 
Mais  il  n'étoit  pas  neceflaire  qu'il  y  eût  un  livre  entre  les  Juifs  particu- 
lièrement attribué  à  Enoch  avant  N.  S.  J.  Ch.  Et  il  eft  très  apparent 
qu'il  n'y  a  jamais  eu  d'autre  ouvrage  fous  ce  nom  que  celui  que  nous 
avons  dit  avoir  été  compofé  par  quelque  impofteur  d'entre  les  Chré- 
tiens. 


CHAPITRE    V. 

De  Balaamy  de  fin  caraBere  &  de  fit  Trophetie.  Il  n'étoit 
ni  Magicien  m  faux  'Trophete. 

L'efpntdc  "IT  T  Oilà  tout  ce  que  nous  favons  des  Prophètes,  qui  ont  vécu  dans  les 
fuThtredi-  \f  ^écles  avant  le  déluge.  La  fuccelïïon  de  la  Prophétie  ne  fouffrit 
taire  dans  point  d'inten"uption  dans  les  fîécles  qui  fuivirent  ,  il  efl;  certain 

dansdeNoé  ^^^  ^^cu  ne  laifTa  jamais  cette  Eghfe  Ancienne  fans  des  guides,  qui  fuf- 
Kqu'à  fent  conduits  immédiatement  par  ionEfprit,  la  fâgefle  de  Dieu  ne  pou- 
°^^'  voit  pas  permettre  que  la  chofe  allât  autrement  j  puifque  cette  Eglife 
n'avoit  point  d'Ecriture  Sainte,  ni  de  livres  facrez,  il  flilloit  bien  qu'elle 
fût  animée  6c  éclairée  par  des  Prophètes,  ôc  par  des  oracles  divins.  Il 
n'efl  pas  aflûré  que  tous  ces  Patriarches ,  par  lefquels  Abi-aham  efl  dé- 
cendu  de  Noé  &  de  Sem,  &:  dont  Moyfe  nous  donne  la  fuite  dans  l'ii^^. 
çh.  de  la  Gen.  ayent  tous  été  Prophètes.  Au  contraire  la  tradition  des  Juil^, 
qui  en  cela  n'eil  pas  à  mon  avis  indigne  de  foi,  dit  que  Scrug,  Nachor 
&  Tharé  ayeuls  &  bifayeuls  d'Abraham  étoient  Idolâtres,  6<.  qu'i.s  ont  été  les 
premiers  inventeurs  des  fimulachres.  Mais  il  eft  certain  au  moins  que 
Noé  étoit  un  excellent  Prophète:  or  il  vécut  3fo.  ans  après  le  déluge. 
Abraham  avoit  déjà  fS.  ans  quand  Noé  mourut:  ainfî  quand  même  de- 
puis Noé  jufques  à  Abraham,  il  n'y  auroit  point  eu  d'autre  Prophète, 
î'Egiife  n'aurpit  point  été  deftituée  de  l'efprit  de  Prophétie.  Mais-cela 
n'elt  point  apparent  :  il  eft  vray-femblable  que  Sem  fut  Prophète ,  puis 
qu'il  devoitêcre  le  Chef  de  l'Eghfe  de  fon  tems,  le  Père  de  la  famille 
de  Dieu,  6c  la  tige  d'où  devoit  fortir  la  Nation  des  Ifraëhces,  le  peu- 
ple iaint  6c  le  S.  J.  C.  lui-même  félon  la  chair.  On  pouvoit  faire  la  mê- 
me conjeélure  d'Àrphaxad,  de  Scela,  deHeber  6cdePeleg,  c'eiL  qu'ils 
étoient  tous  Prophètes.  Si  ce  n'eft  que  l'on  trouve  plus  vray-fembiable 
que  Noé  6c  Sem  ayent  écé  les  deux  féuls  Prophe-ies  de  leur  tems,  6c 
que  ces  deux  hommes  infpirez  ayent  été  fuffifans,  à  caufe  que  I'Egiife 
pour  lors  n'étoit  pas  fort  nombreufe.    Quand  la  divifion  des  langues 

fut 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  P«.î.    33 

fut  arrivée,  on  ne  peut  pas  douter,  que  Dieu  n'ait  fait  aufîiune  divifîon 
de  l'efprit  de  Prophétie.  Car  dans  ce  ficelé  l'Eglife  n'étoit  pas  renfer- 
mée dans  une  feule  famille,  ni  dans  un  feul  peuple,  comme  elle  fut  du 
depuis.  Dieu  avoit  des  élus  dans  toute  la  poflerité  de  Noé ,  c'eft  pour- 
quoi quand  il  divifa  cette  famille  par  la  diviiîon  des  langues,  il  leur  fit 
part  fans  doute  de  fon  efprit ,  pour  les  éclairer  6c  pour  les  conduire  au  fa- 
lut,  ce  qui  ne  fe  peut  faire  qu'en  leur  donnant  des  Prophètes.  Ce  n'eft 
pas  une  conjeéture  fans  preuve  j  par  exemple  nous  voïons  Job  parmi  les 
Arabes ,  qu'on  doit  regarder  comme  un  des  hommes  du  monde  le  plus 
enrichi  des  lumières  de  la  Prophétie  :  &  mêmes  Ces  amis  paroiiïent  dans 
leurs  difcours  être  pourvus  de  ce  même  avantage.  Eliphas  dans  le  4. 
chap.  recite  une  admirable  vifion  qu'il  avoit  eue.  Entre  les  Chananéens 
nous  y  voïons  Melchifedec ,  Sacrificateur  du  Dieu  Souverain,  un  type  ad- 
mirable du  S.  J.  C.  ôc  nous  ne  pouvons  pas  douter  qu'il  ne  fût  Prophè- 
te. Toutes  ces  Nations  defcenduës  de  Noé  conferverent  ce  privilège  de 
l'efprit  de  Prophétie ,  jufqu'à  ce  que  l'Eglife  d'Ifraël  fut  bien  formée ,  que 
la  famille  d'Abraham  fut  devenue  un  peuple,  que  ce  peuple  eut  pris  for- 
me de  répubhque  par  les  loix  de  Moyfe,  &  qu'il  eut  été  mis  en  pofl'efiion 
du  lieu  de  fon  repos  par  Jofué.  Cela  paroît  par  l'hilloiredè  Balaam ,  qui 
demeuroit  parmi  un  peuple  Idolâtre  :  mais  dans  lequel,  félon  toutes  les 
apparences  ,  Dieu  s'étoit  encore  réfervé  des  élus ,  comme  dans  les  autres 
Nations.  Ce  Balaam  étant  l'un  des  Prophètes  de  ce  période  de  l'Egli- 
lè  dont  nous  faifons  l'hiftoire,  &  les  circonilances  de  fa  Prophétie  étant 
tout  à  fait  extraordinaires  &  furprenantes ,  nous  ne  faurions  nous  difpenfer 
de  parler  de  lui. 

Je  dirai  librement,  que  je  ne  fâurois  tomber  dans  l'opinion  de  tout  ce  Balaam  n'é- 
que  j'ai  vu  d'Autheurs  &  d'Interprètes  au  fujet  de  ce  Balaam.     On  veut  p^ôTeteT 
qu'il  ait  été  un  faux  Prophète, un  Magicien,  un  faifeurd'enchantemensj  mais  «es* 
en  un  mot  l'un  de  ces  gens  qui  font  de  faux  miracles ,  qui  étonnent  le  £J2„^ 
vulgaire  par  des  illufions ,  &  qui  tâchent  de  pénétrer  dans  les  chofes  ca- 
chées par  le  fecours   du  démon.      C'efl  le  fèntiment  du  fàvant  Ifaac  De  sibyiUj. 
Vofiius  comme  de  tous   les  autres.      Stcuchus  Evêque  d'Agobio ,  fur  «•  7. 
le  ZZ.  des  Nomb.  ditde  lui,   Ce^Balaam  était  Prophète  de  U  manière  <jue 
Hdercure  Trijmegifte  kfnt  entre  les  £gyptiem,  &  les  Sibylles  entre  lesamresH^- 
tions'y  lepjfielSy  ^uoi  eju^ ils  ^ent  été  véritables  dans  la  plupart  de  leurs  Prophé- 
ties^ €t oient  pourtant  Idolâtres ,  tel  qu  avoit  été  Zoroajire  entre  les  ^erfis,  Or- 
phée entre  les  Grées ,  Abaris  entre  les  Hyperboréens  ,  Zamolxis  entre  les  Getes, 
Je  vois  bien  dans  ce  Balaam  tous  les  caraéteiies  d'un  méchant  homme  j 
mais  je  n'y  vois  pas  ceux  d'un  faux  Prophète ,  ni  d'un  Idolâtre.  Un  faux 
Prophète  eft  celui,  ou  qui  feint  d'être  animé  de  l'efprit  de  Prophétie, 
&  qui  ne  l'eft  pas ,  ou  qui  pour  prophetizer  implore  le  fecours  des  faux 
Dieux,  comme  faifoicnt  les  Prophètes  de  Baal,  qui  invoquoient les  Baa~ 
lims,  pour  obtenir  d'eux  une  miraculeufe  confomption  de  leurs  facrifices, 
pendant  qu'Ehe  invoquoit  le  vrayDieu:  Ou  bien  ce  font  des  gens  qui  ont 
commerce  avec  les  démons ,  6c  qui  les  confultent  :  ou  enfin  ce  font  des  Pro= 
phetes  de  menfonge ,  c'ell-à-dire  qui  donnent  de  faux  oracles  pour  de 
vrais  î  comme  étoient  les  oracles  que  rendoient  les  Prêtres  ou  les  Prophè- 
tes de  Delphes  qui  fe  couvroient  de  l'ambiguité  des  termes  -,  ce  qui  avoit 
Part.  i.  E  ac- 


du  vray 
Dieu. 


-4.  H  I  S  T  0  I  R  E  D  E  S  DOGMES 

acquis  à  leurs  Dieux  le  titre  de  Koilaçy  c'eft  à  dire  ambigu.     On  ne  fau- 
roit  rien  voir  de  femblable  dans  toute  ï'Hiftoirc  de  Balaam. 

I .  Vous  voyez  que  quand  les  mefTagers  de  Balac  viennent  pour  l'a- 
Nombt.  Z2.  mener,  afin  qu'il maudifFe  le  peuple  d'IIiaël,  il  leur  dit  ,  demeurez,  ici  cet^ 
"■  *•      .    te  nuit ,  &  j«:  voHs  répondrai  félon  cjue  l^ Eternel  aura,  parlé  a  moi.  11  paroît  par 
îlbuaWcr  là  qu'il  faifoit  profeflion  de  n'avoir  commerce  qu'avec  l'Eternel  Un  faux, 
que  Baïaam  Prophctc  auroit  dit ,  attendez  6c  j'invoquerai  les  démons ,  ôc  je  vous  di- 
Sit^unomrai  ce  qui  fe  peut  faire.     Un  Prophète  Idolâtre  auroit  dit,  je  confukeraL 
ou  Moloch,  ou  mon  Baaî,  ôc  je  vous  apprendrai  ce  qu'il  m'aura  dit.  An 
relie  il  paroît  allez,  que  Balaam  n'avoit  pas  tort  de  fe  vanter  de  Tes  com- 
merces avec  le  vrai  Dieu  :  car  en  effet  Dieu  parla  à  lui  ,  ôc  lui  défendit 
cette  première  fois  d'aller  avec  les  Ambafladeurs  de  Balac.  Quand  ce  Roi 
des  Moabites  envoya  une  féconde  fois  vers  lui ,,  il  confulta  auffi  une  fé- 
conde fois  le  vray  Dieu  fur  ce  qu'il  devoit  faire ,  6c  Dieu  lui  permit  d'al- 
ler avec  ces  Ambafladeurs.     Il  eft  vray  qu'il  ne  devoit  pas  ufer  de  cette 
permiflion  :  c'eft  pourquoi  la  colère  de  Dieu  s'cmbrafa  contre  lui ,  parce 
qu'il  s'en  alloitj,  Dieti^  nous  dit  Moyfe,  envoya  un  Ange  ave^c  une  épéeponr 
le  traverfer  dans  [on  chemin  :.  c'eft  une  des  circonftances  les  plus  furprenan- 
tes  de  cette  hiftoire.     Dieu  avoit  dit  à  Balaam,  pmf^ue  ces  gens  font  venm 
'oers  toi^  levé  tôt  &  t'en  va  avec  eux.     Cela  paroît  un  commandement 
exprés  de  s'en  aller,,  ôc  cependant  Dieu  s'irrite  quand  il  s'en  va.     C'efl 
que  ces  paroles  n'emportent  qu'une  permilîion,  ÔC  non  pas  un  comman- 
dement, ÔC  même  c'étoit  une  permiflion,  conditionnée  i  car  Dieu  ne  lui; 
permettoit  de  s'en  aller ,  qu'à  condition  de  bénir  le  peuple  d'ifraëi  ;  ou 
bien  l'on  peut  dire  que  Dieu  lâcha  la  bride  à  la  malice  de  Balaam,  qui  cou- 
roit  après  le  gain  deshonête,  Ôc  charmé  par  les  promelTes   de  Balac,, 
cherchoit  à  maudire  ce  peuple  que  Dieu  avoit  béni.     Ainfî  Balaam   pe-- 
choit  en  fe  fervantde  la  permifîion  que  Dieu  lui  avoit  donnée  d'aller ,  par- 
ce qu'il  avoit  une  intention  toute  oppofée  à  celle  de  Dieu.  Cela  eft  bien, 
du  caradere  d'un  méchant  homme,,  maisiln'y  a  encore  rien  ici  d'un  faux. 
Prophète. 

z.  Ce  qu'il  dit  aux  Envoyez  du  Roi  de  Moab,  quand  il  pariiit  avec  eux,, 
fait  bien  voir  qu'il  n'étoit  pas  faux  Prophète;  Si  Bakc  me  donnait  [a  mai" 
fon  pleine  d^or  &  di' argent  y  je  ne  pourrais  aller  ati.  delà,  dtt  commandement  dePE,- 
t'ernel  mon  Dien ,  pour  faire  chofe  petite  oh  grande.  Ce  n'eft  pas  là  le  ftyle 
d'un  faux  Prophète  j-  ce  n'eft  pas  non  plus  celuy  d'un.  Idolâtre,  car  il 
appelle  l'Eternel  fon  Dieu.  5.  Qu'a- 1' il  fait  dans  la  fuite.?  Il  bâtie  fept 
autels  fur  lefquels  il  facrifia  feptbouvcaux  ôcfcpt  moutons:  ce  fut  au  vrai^ 
Dieu  qu'il  ks  facrifia,  ôc  non  pas  à  l'Idole;  fai  ordonné ,  difoit-il,<«  D/^», 
fept  Aut  sis ,  &  fay  facrifié  fur  chacjHe  antel  un  bouveau  &  un  mont  on.  Peut- 
être  irouvera-t-on  quelque  cholè  de  fuperllitieux  ôc  qui  fent  l'Idolâtrie 
dans  ce  nombre  de  iept.  Au  contraire  c'eft  une  marque  qu'il  avoit  ac- 
coutumé de  fervir  le  vrai  Diea ,  ôc  qu'il  favoit  que  Dieu  aime  ôc  qu'il  a  fanc- 
tlEé  cei!ombre  de  fept.  l}ïtucomïn-2inQ-^2i\xx^ra\sàt]oh  ^  prenez.-voHs  fept 
bomjeaux  &  fept  moutons ,  c^  alle^iL  a  mon  Serviteur  fob  ,  &  il  offrira  holo" 
catiftn  pour  vous.  David  5c  les  Anciens  d'ifraëi  emmenant  l'Arche  àjeru- 
falera  ,    facrifierent  fept  bouveaux  ôc  fept  moutons.     Ezechias  ôc  les 


adorateurs 
de  DieH' 
uibistiî  êa 
#»mbrâ  de 
f%î>t  dans 
kurs  cérc- 
TOonies  l-i- 
uiti. 

Job.  41. 

V.    18.' 


T.  Chron. 
15. y.  Si. 
2.  Chton. 


a?.v.  I.  II.  Cjouverncurs  du  peupl 


offrirent  fept  bouveaux,  fept  moutons,  fept 

agncau2C 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Part.l.    35 

agneaux  &  fept  boucs  en  offrande  pour  ^e  péché  6c  pour  la  profperité  du 
Royaume.  En  un  mot  ce  nombre  de  fept  étoit  eftimé  un  nombre  de  per- 
feétion ,  6c  on  l'employoit  dans  les  holocauftes  6c  dans  \cs  cérémonies  fa- 
crées,  quand  on  vouloit  faire  une  parfaite  expiation,  6c  appaifer  Dieu  de  la 
manière  la  plus  parfaite.  Lctîdoia- 

Au  contraire  les  Payens  dans  leurs  cérémonies  employoient  plutôt  le  ^"^^^,5^^*^ 
nombre  de  trois;  c'eft  celui  dont  Virgile  dit,  de  trois 

dans  ieure 
.  cérémonies. 

Numéro  Deus  tmpt^re  gmdeto  Eclog.i» 

Idem  ter  focios  purÀ  circumtulit  nndâ.  ïdem 

<£aeid.  S,, 

Et  digitis  tria  thar^  tribus  fub  limine  ponit.  Ovide  djns 

Te'rqne  fenem  flamme ,  ter  aquâ  t  ter  fulphure  luJtr/iK  Dansfœ 

«norplb 

Snnt  certa  piacula ,  ^«<e  te  ^^-  7. 

Ter  f  tire  leSio  poterum  receare  libello.  lib/iô. 

Ter  cane ,  ter  dtStis  defpue  carminibm.  Tibulle. 

Ariftote  parle  ainfi  du  nombre  ternaire,  Zio  xupâ  r^g  (pmeug  ei\n<^QTsç  wW^p  «.  DccœC«, 
vojxiîç  i'/.€lv8ç  -,  V-ui  %poç  tÙç  àyiccç  TeKsràç  rwv  ôfwv  %p<jiix£^ci  r^  àpiôixi^  T8T(jfi  ; 
c'eft- à -dire  ,  ilfemble  c^ue  la  nature  nom  ait  diElé  ces  règles  ^  &  nous  avons 
Accoutume'  de  nous  fervir  dt  ce  nombre  dans  les  fanElifications  &  cultes  qui  regar- 
dent  les  Dieux.  Il  eft  donc  clair  que  Balaam  n'avoit  pas  emprunté  ce  nom- 
bre du  feptenaire  des  peuples  idolâtres,  mais  du  peuple  de  Dieu.  Il  eft 
bien  vray  que  les  Payens  obfervoient  aulîi  le  nombre  de  fept  dans  leurs  cé- 
rémonies, 6c  Virgile  dit, 

Nunc  grege  de  intaBo  feptem  maUare  juvencos  ^neîd. 

*TraJi-itertt ,  totidertt  leÛas  de  more  bidentes.  '  i .  .  r.  î  ^ 

Mais  ils  avoient  tiré  cela  des  Juifs  ;  autrement  ils  obfervoient  plus  le  nom- 
bre de  trois  dans  les  facrifîces. 

Très  Eryci  vitulos,  &  tempefiatibus  agnam  lib"**. 

Câdere  deinde  jubet 

Quelquefois  ils  employoient  aufîi  le  nombre  de  cinq , 

C<x,dit  quinat  de  more  bidentes.  ^"^'' 

4.  Pourfuivons  THiftoire  de  Balaam.Toutes  les  fois  qu'il  va  pour  rencontrer  ^^°^^'^l^ 
Dieu,  le  Seigneur  fe  fait  voir  à  lui,  lui  parle,  6c  lui  met  (es  paroles  à  la  àfacecom- 
bouche, avec  des  circonftances  femblables  à  celles  des  commerces  de  Moy-  JJ^y^" 
fe  avec  Dieu.  Eft-il  pofîible  qu'un  faux  Prophète,  quin'auroiteujufques^ 
là  commerce  qu'avec  le  démon,  eût  pu  être  maître,  pour  ainiidire,  des 

E  z  audien- 


Nomb.  zj. 
V.8. 


%  1S= 


li^omb.  24. 

T.  i7. 


Baîaam  pc- 


36  HISTOIRE  DES   DOGMES 

audiences  &  des  faveurs  de  la  diviniié  ,   pour  parler  à  elle ,  6c  pour  être 
inrtruit  de  fa  volonté  quand  bon  lui  fembloit  ?   Outre  cela  un  faux  Pro- 
phète fe  feroit-il  fait  une  Loy  fi  fevere  6c  fi  exa6te  de  ne  rien  faire  que 
ce  que  Dieu  vouloit?  Animé,  comme  il  étoit,  delà  pafTion  du  gaindes- 
honéte  ,   afin  de  s'en  retourner  chargé  des  prefens  de  Balac  ,   il  n'avoir 
qu'à  maudire  ce  peuple  fans  confulter  la  divinité ,  Ôc  feindre  en  avoir  reçu 
l'ordre  de  Dieu  :  Cependant  il  répond,  comment  le  maudirai- je  ?   l'Eternel 
ne  Pa  pas  maudit  :  comment  le  detejlerai-je?  P  Eternel  ne  l'a  pas  detefte.  f.C'efi: 
encore  une  chofe  extrêmement  remarquable,  que  jamais  Tefprit  de  Prophé- 
tie n'a  dit  de  plus  belles  chofes  que  par  la  bouche  de  cet  homme ,  qu'on 
taxe  d'avoir  été  faux  Prophète.     C'efl:  de  ce  Balaam  que  nous  tenons  ces 
belles  paroles  que  nous  redifons  fi  fouvent ,    Le  Dieu  fort  n'efi  pas  homme 
peur  mentir ,  ni  comme  Us  fils  des  hommes  pour  fe  repentir.  C'eft  lui-même  qui 
nous  a  donné  ces  autres  paroles  fi  faintes ,  ^^ue  je  mettre  de  la  mort  du  jufte  » 
C^  cjut  ?na  fin  fcit  femblable  a  la  fienne.     Il  n'y  eut  jamais  rien  de  fi  magnifi- 
que 5  ni  qui  ait  plus  l'air  de  divinité ,  que  ce  qu'il  dit  en  faveur  du  peuple 
d'Ifraël.     Mais  fur  tout  il  n'y  a  pas  un  plus  excellent  oracle  du  règne  & 
des  viétoires  du  Mefiie  que  celui  de  Balaam.  fêle  vois  ^  mais  non  pas  main- 
tenant :  je  le  regarde ,  mais  non  pas  de  près  ;   une  étoile  efi  procedée  de  facob  , 
^  »»  fceptre  s' efi  élevé d'Ifra'él ,  ^ui  tranfperçera  les  coins  de  Moab ,  &  détruira 
tous  les  enfans  de  Seth.    J'avoue  bien  que  ces  paroles  tombent  immédiate- 
ment fur  David  ,  mais  elles  forment  une  trop  grande  idée,  pour  s'arrêter 
la  :  &  il  eft  clair  que  dans  la  vue  de  l'Efprit  de  Dieu ,  David  n'eft:  que  le  type  ^ 
ôc  le  Meffie  eft  la  vérité  reprefentée  par  ce  type.    Je  ne  faurois  donc  me 
perfuader,  que  Dieu  eût  voulu  publier  de  fi  excellentes  Prophéties  par  la 
bouche  d'un  homme,  qui  auroit  été  jufques-là  l'organe  du  démon,  unmi- 
niftre  des  enfers,  un  artifan  d'enchantemens,  &un  homme  de  profefiion 
à  tromper  les  hommes  par  (ç,s  illufions.     6.  Enfin  cette  grande  créance 
que  Balac  paroît  avoir  en  Balaam,  êc  qui  lui  fait  dire,  }e  fay  ejue  celui  que 
tu  béniras  fera  béni,  &  celui  t^ue  tu  maudiras  fera  maudit ,  eft  une  preuve  que 
ce  Balaam  s'étoit  acquis  la  réputation  d'infaillible  ,  6c  que  jamais  ïqs  ora- 
cles ne  s'étoient  trouvez  faux.     Or  ce  n'eft  pas  là  le  caraétere  des  faux 
Prophètes,  qui  font  conduits  par  l'efprit  d'erreur,  car  pour  une  fois  qu'ils 
rencontrent  la  vérité  par  hazard ,  ils  le  trompent  cent  fois. 

Ces  raifons  me  perfuadent  que  Balaam  n'étoit  pas  un  faux  Prophète , 


k  st^fprit^  ôc  qu'il  n'avoit  jamais  prophetifé  qu'au  nom  de  Dieu,  ôc  par  l'infpiration  de 
Uctoit       fon  Efprit.     D'ailleurs  je  vois  que  c'eft  un  des  plus  méchans  hommes  du 


Apoftat. 


monde i  il  fit  tout  ce  qu'il  pût  pour  fléchir  Dieu,  pour  obtenir  de  lui  la 
permifiion  de  faire  du  mal  ,  ôc  pour  l'obliger  à  révoquer  la  benedidioii 
qu'ilavoit  donnée  au  peuple  d' Jfraël  i  Et  n'en  pouvant  venir  à  bout ,  il  don- 
na au  Roy  des  Moabites  un  pernicieux  confeil  i  ce  fut  d'induire  les  If- 
raëlites  au  fervice  de  fes  idoles,  ôc  de  fe  fervir  pour  cela  des  femmes  ôc 
des  filles  ,  qui  par  leurs  charmes  engageroient  en  même  tems  le  peuple 
d'Ifraël  ôc  dans  la  fornifîcarion  ôc  dans  l'idolatne  ;  afin  que  l'Efprit  de 
Dieu  contrifté  par  cqs  crimes  fe  retirât  du  miheu  de  ce  peuple ,  ôc  l'aban- 
donnât à  la  malediélion ,  ôc  aux  mauvaifes  intentions  de  fes  ennemis.  Cette 
circonftance  du  péché  de  Balaam  n'eft  pas  clairement  exprimée  dans  l'Hii^ 
j:oire  de  Moyfe,  mais  l'Efprit  de  Dieu  nous  eu  a  confervé  la  mémoire  par 

la 


ET  DES  CULTES  DE  VEGLl^E.  Part.  1.     37 

la  plume  de  St.  Jean  qui  dit  j  Tu  en  as  la  c^ui  retiennent  la  do^rine  de  Balaanty  Apocaîypfc 
ciui  enfeignoit Balac  de  mettre  fcandale  devant  les  enfan:  d'^IJraély  afinqtitbman'  ^"^^P-  ^' 
geajfent  des  chofès  faertfie'es  aux  idoles^  &  qu'ils  failUrdajfent.  Cette  condui- 
te de  Balaam  fait  que  je  le  regarde  comme  coupable  du  pèche  contre  le 
St.  Efprit  ,  parce  qu'il  connoifîbit  le  vray  Dieu  ,  il  le  fervoit ,  ou  faifoit 
profefîion  de  le  fervir,  ill'appelloit  Ton  Dieu  ,  il  favoit  que  ce  peuple  étoit 
Ion  peuple  5  cependant  par  un  fale  intérêt  il  fit  tout  ce  qu'il  pût  pour  ob- 
tenir la  permiffion  de  maudire  ce  que  Dieu  avoit  béni.  Outre  cela  coii- 
noiflant  le  vray  Dieu  ,  non  feulement  il  permettoit  que  Balac  adorât  les 
idoles ,  il  lui  confeilloit  même  d'attirer  les  Ifraëiites  à  la  participation  de 
l'idolâtrie.  C'eft  un  crime  qui  porte  tous  les  cara6tere&  du  péché  contre 
le  St.  Efprit  :  car  cet  homme  connoît  la  vérité ,  ôc  la  connoiflant  il  la  hait , 
il  la  combat.  Mais  cette  extrême  corruption  de  fon  cœur  n'eft  pas  une 
preuve  que  l'Efprit  de  Prophétie  ne  pût  avoir  fon  fiege  dans  fon  Efprit. 
Car  Judas,  qui  a  aulîi  péché  contre  le  St.  Efprit,  a  fait  de  vrais  miracles,. 
&  le  Seigneur  nous  dit  qu'il  viendra  des  gens  qui  diront ,  Nous  avons  pro- 
fhetiz^e'  en  ton  nom  ,  &  nous  avms  fait  plujîmrs  vertus  en  ton  mm ,  auf^uels  il 
dira ,  allez,  je  ne  vous  cannois  point. 

On  peut  oppofer  à  l'opinion  que  je  viens  d'établir  ,   que  dans  le  livre  Reponfé 
de  Jofué  Balaam  eft  appelle  devin  ;  &  les  enfans  d^Ifrael  tuèrent  auffi  Balaam  jetions, 
jils  de  Beor  le  devin.   11  eft;  vray  que  le  mot  de  l'original  chofem  ne  fe  prend  1°^"^  rj. 
jamais  en  bonne  part:  mais  il  ne  faut  pas  s'étonner  û  le  St.  Efprit  a  don-  ^'qd', 
né  un  nom  infâme  à  un  homme  qui  a  fi  mal  ufé  de  la  Prophétie  ,   ôc  qui         * 
s'en  vouloit  fervir  pour  le  gain  deshonête  ,   comme  les  devins  fe  fervent 
du  commerce  qu'ils  ont  avec,  les  démolis.  Et  quand  même  ilferoit  appelle 
quelque  part  faux  'Prophète  il  n'y  auroit  nul  lieu  de  s'en  étonner ,  puifque 
ce  malheureux  vouloit  faire  un  fi  méchant  ufage  de  l' efprit  de  prophétie.  Il 
eft:  fort  à  remarquer  que  St.  Pierre  dans  la  2.  Epît.  en  parlant  de  Balaam.  ne 
l'a  pas  appelle  faux  Prophète  ;  Lef^nels  ayant  abandonné^  à\x.-ï\  ^le droit  chemin^  2.  Epît.  s» 
fe  font  égarez,,  ayant  fuivt  le  train  de  Balaam  ,fils  de  Beor,  qui  aimait  lefalaire  d'ini-  ^"  ^^° 
qu,ité:maisilfHt  redargué  de  foninjuflice  ^  car  une  an effe  muette  ^  parlant  en  voix 
d'homme,  reprima  la  folie  du  'Trophete  :  Il  ne  dit  pas  du  faux  Proph-etCi  &  cepen- 
dant c'étoit  là  le  lieu  de  le  dire.  Enfin  on  veut  que  Balaam  fût  un  faux  Pro- 
phète Se  un  Magicien,  parce  que  Moyfe  lui  attribue  de  faire  des  enchan- 
temens.     Or  Balaam  voyant  qu'il plaifott  a  Dieu  de  bénir  Jfra'éL ,    n'alla  point  Nombr.  ïi4, 
comme  les  autres  fois  pour  rencontrer  des  enchantemens 'y  c'eft-à-dire  ,   qu'il  ne   *'° 
fit  pas  comme  dans  les  autres  facrifices,  dans  lefquels  il  avoit  dit  à  Balac , 
tiens-toy  aupre's  de  ton  holocaufie ,  &  je  m'^en  irai  ^  peut-être  que  l^Eternel  vien~  Nombr,  zj, 
dra  au  devant  de  mey  pour  me  rencontrer.   On  prefuppofe  q^ue  Balaam  s'éloi* 
gnant  des  fpeâ:ateurs ,  alloit  faire  en  fecret  quelques  cérémonies  magiques 
pour  invoquer  ks  démons.     Mais  cela  n'eft  pas  apparent  ;  après  avoir  fa- 
crifié  au  vray  Dieu  avec  defiein  de  faire  tout  ce  que  Dieu  lui  commande- 
roit ,  il  n'eft  pas  vray-femblable  qu'il  allât  confuker  les  démons.     Voicy 
ce  que  c'eft  j   il  favoit  que  Dieu  ordinairement  ne  fe  communiquoit  pas 
aux  Prophètes  à  la  vue  du  publie  5  cela  fe  faifoit  par  des  vifions ,  des  fon- 
ges,  des  extafes  ôc  des  apparitions  extraordinaires,  qui  demand  oient  le  fe- 
cret ,  la  folitude  ,  &  fouvent  même  les  ténèbres  de  la  nuit-    C'eft  ppur- 
quoy  Balaam  après  avoir  facrifié  en  public  feretiroit  en  particulier,  pour 

E  5  appreu» 


V.  3. 


38  H  I  S  T  O  I  R  E   D  E  S   D  O  G  M  E  S 

apprendre  de  Dieu  quelle  étoit  Ton  intention  &  l'effet  du  facrifice.  Je  ne 
doute  pas  qu'en  le  retirant  en  particulier  il  ne  fît  tout  ce  qu'il  pouvoit  pour 
obtenir  de  Dieu  une  réponfe  conforme  à  fes  deflrs,  c'çfl-à-dire  une  per- 
miiîionde  maudire  les  Ifraclites.  Peut-être  même  ajoûtoit-il  à  fes  prières 
àcs  cérémonies  fupcrftitieufes.  Ainfî  quoy  qu'il  eût  delfein  de  confulter 
Dieu  feul,  ôc  de  le  fléchir  par  ces  cérémonies,  elles  étoient  pourtant  cri- 
minelles, tant  à  caufe  qu'elles  pouvoient  n'être  pas  du  culte  ordinaire  de 
Dieu ,  que  parce  qu'elles  étoient  faites  à  une  méchante  intention.  Et  ce 
font  les  raifons  pourquoy  Moyfe  appelle  ces  prières  &  ces  cérémonies,  que 
Balaam  faifoit  dans  fes  retraites,  des  enchantemens  ;  c'eft  qu'elles  avoient 
un  but  diabolique,  tel  que  les  enchantemens  en  peuvent  avoir,  c'étoitde 


nuire  au  procham. 

j^pj  Outre  cela  il  faut  remarquer  que  le  mot  de  Nachafh  ,   dont  Moyfe  fc 

cctnocfe  fert  en  cet  endroit,  ne  fe  prend  pas  toujours  en  mauyaife  partj  il  fignifie 
vemenbtn-  fouvcnt  fimplement  connoitre,  conjeélurer,  deviner  :  par  exemple  Laban 
ne  part,  difcit  à  Jacob ,  fe  devinai  ,  oh  fai  connu  que  L"^ Eternel  me  beniffoit  à  caufe  de 
v.T^  °'  ^^y-  ï^  "^  ^^^^  P^^  ^""^  ^^'^^  xx^ok  d'enchantemens  pour  connoitre  cette  vérité. 
Jofeph  donna  ordre  à  fon  maître  d'hôtel  de  dire  à  (es  fi'cres,  quand  il  les 
auroit  atteints,  en  demandant  le  gobelet  qu'il  avoit  fait  mettre  dans  le  fac 
Gen.  44.  de  Benjamin,  n^efi  -  ce  pas  le  gobelet  dans  lei^pid  Monfeigmur  boi4  ^  &  par  lé- 
''  ^'  quel  il  devinera  certainement^  Moyfe  fe  fert  encore  ici  du  même  mot  qu'on 

tourne  âïileui's  y  deviner  par  enchantemens:  ôcià-deffus  les  Autheurs  deman- 
Cequec'eftdent  quelle  efpece  d'enchantement  c' étoit.     En  paiîànt  je  dirai  fur  le  go- 
que  i«^«^^-belet  par  lequel  Jofeph  devinoit,  qu'il  n'y  faut  point  chercher  de  grands 
gobelet  de  myfteres.     Les  Interprètes  fe  donnent  bien  de  la  peine  à  chercher  quels 
Jofeph,       enchantemens  on  faifoit  dans  un  gobelet  pour  connoitre  les  chofes  à  venir. 
Les  uns  expliquent  cela  par  Phydromance,  comme  lî  en  verfant  de  l'eau 
dans  le  gobelet  le  démon  y  fût  apparu  pour  y  rendre  fes  oracles.  Les  au- 
tres rapportent  cela  à  la  Catoptromance  ,  comme  fi  le  fond  de  ce  gobe- 
let eût  été  une  efpece  de  miroir,  dans  lequel  le  démon  fe  fût  fait  voir  en 
forme  vifible.  Mais  ce  n'efl  point  tout  cela;  Jofeph  avoit  en  abomination 
ces  Arts  diaboliques ,   ôc  il  ne  pouvoit  avoir  intention  de  perfuader  à  fes 
frères  qu'il  les  pratiquât ,  Ainfî  ce  qu'il  veut  dire  à  fes  frères ,  c'efl  que  par  le 
vol  qu'ils  avoient  fait  de  fon  gobelet  il  devinoit ,  c'efl- à-dire  qu'il  connoiffoit 
qu'ils  étoient  mal-honêtes  gens. 

Pareillement  dans  cet  endroit  ici  il  ne  faut  point  prendre  ce  mot  de  de- 
viner  en  mauvaife  part  :  c'eflpourquoy  quand  il  efl  dit  de  Balaam,  qu'il 
n'alla  plus  chercher  des  devinemens  comme  les  autres  fois  ,  cela  fignifie 
qu'il  ne  fe  retira  plus  en  particuli-er  pour  être  inftruit  de  la  volonté  de  Dieu, 
&  pour  effayer  de  le  fléchir  en  l'amenant  à  maudire  ce  peuple.  Au  rcflc 
Moyfe  n'a  pas  voulu  dire  que  Balaam ,  quand  il  fe  retiroit ,  alloit  conful- 
ter l'efprit  de  Prophétie  ,  il  a  mieux  aimé  dire  qu'il  alloit  chercher  des 
devinemens ,  parce  que  c'eût  été  faire  trop  d'honneur  à  un  méchant  hom- 
me, qui  fe  fervoit  fi  mal  du  don  de  révélation ,  duquel  Dieu  l'avoit  honoré. 

Pour  conclurre  l'Hiftoirc  de  ce  Balaam ,  nous  dirons  après  Moyfe,  qu'il 

~étoit  Chaldéen  ou  Syrien  de  la  ville  de  Pethor,  0x1  ,  félon  les  Septante, 

Pathoura.     Cette  ville  étoit  fituée  furie  fleuve ,  dit  Moyfe,   c'efl-à:- 

dire  fur  le  fleuve  d'Euphratc.   Elle  étoit  dans  la  Mefopotamie,  qui  5'ap- 

.  pelloit 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  9art.J.    fy 

pelloit  la  Syrie  des  deux  fleuves.  C  étoit  la  patrie  d'Abraham,  &,  félon 
toutes  les  apparences,  la  Chaldée  avoit  été  durant  quelque  tems  le  lieu  de 
la  refidence  de  Sem.  Car  ce  fut  dans  la  Chaldée  que  fe  fit  la  divifion  des 
langues,  &  de  là  toutes  les  familles  des  defcendans  de  Noé  furent  épar- 
(^es  par  toute  la  terre.  Or  il  eft  apparent  que  Dieu  fit  demeurer  dans  ce 
païs  le  Patriarche  Sem,  dont  il  avoit  choifi  la  famille,  à  l'exclufion  de  tou- 
tes les  autres ,  &  qu'il  écarta  de  lui  toutes  les  familles  qu'il  avoit  re-  ""■  * 
jettées. 

Ce  Sem  vivoit  encore  du  tems  de  Jacob ,  car  il  ne  mourut  que  82.  ansL'Efpritde 
avant  la  defcente  de  la  famille  d'Ifraël  en  Egypte.    Il  y  a  donc  apparen-  &°£yj^ 
ee  que  Dieu  fe  referva  long-tems  un  refte  d'élus  6c  de  Saints  dans  ce  païs,  grâce  ne  fe 
où  avoit  féjourné  &  où  étoit  mort  Sem  le  Patriarche  de  la  Nation  elûë.  JeSt'^drns' 
11  eil  vray-femblable  auffi.  que  l'efprit  de  Prophétie  fe  continua  dans  ces  une  feule 
Provinces  de  l'Orient,  6c  que  Dieu  y  eut  long-tems  une  Eglife.  La  grâce  ^u^^^j 
n'abandonna  les  peuples  de  la  terre  que  peu  à  peu  ,   6c  Dieu  ne  retiroit  Moyfc. 
fon  efprit  du  milieu  des  autres  Narions,  pour  le  renfermer  dans  la  Nation 
d'Ifraël,  qu'à  mefure  que  la  famille  de  Jacob  fe  fortifioit  :  ainfi  durant  tout  le 
tems  que  cette  famille  fut  en  Egypte,  il  y  eut  toujours  un  refte  d'élus 6c 
d'Eglife  dans  les  Nations  d'où  d'Abraham  étoit  originaire.  Mais  quand  le 
peuple  d'Ifraël  fut  devenu  une  grande  Nation,  6c  qu'elle  fe  diftingua  de 
toutes  les  autres  dans  la  terre  deChanaan,  il  y  a  apparence  que  l'efprit  de 
Prophétie  fe  retira  du  milieu  des  autres  Nations.  Ainfi  il  y  a  lieu  de  croi- 
re que  Balaam  a  été  le  dernier  vray  Ptophete  qui  ait  vécu  entre  les  peu- 
ples feparez  d'Ifraël.     Il  a  fermé  la  Prophétie  de  l'Eglife  qui  a  précédé 
Moyfe,  comme  Malachie  a  fermé  la  Prophétie  de  l'Eglife  qui  a  été  de- 
puis Moyfe  jufqu'à  nôtre  Seigneur  Jefus-Chrift,  nous  pouvons  donc  bien 
Gonclurre  par  lui  ce  que  nous  avions  à^  dire  des  Prophètes  de  l'ancienne 
Eglife. 


CHAPITRE     V  f. 

îDes  préceptes  appeliez  des  Noachides  :  des  Trofelytes  de  l'a  prte' 

(^  de  lajuflice. 

IL  y  a  un  peu  plus  de  1 00.  ans  qu'on  ne  favoic  prefque  point  entre  les  origine  dés- 
Chrétiens  ce  que  c'étoit  que  les  préceptes  des  Noachides  :  aujourd'huy  terafpcS 
il  n'y  a  rien  de  plus  connu.  Depuis  que  l'on  a  fait  refleurir  dans  l'Oc-^"  Noachj- 
cident  l'ufage  des  langues  Orientales,  tout  le  monde  en  parle,  6c les  doc-  "' 
tes  6c  ceux  qui  ne  le  font  pas.    Les  livres  des  Hébreux  nous  parlent  fou- 
vent  de  ces  préceptes ,  6c  ce  qu'ils  nous  en  difent  nous  fervira  infiniment 
à  connoître  la  Théologie ,  la  Morale  6c  la  Religion  de  l'Eglife  avant  Moy- 
fe.    Ils  difent  donc  que  Dieu  donna  fix  préceptes  à  Adam  dans  le  Para- 
dis terreftre,  pour  lui  6c  pour  toute  fa  pofterité,  8c  qu'il  en  ajoûtaun/. 
à  Noé  après  le  déluge  :   que  Noé  a  donné  expreflement  ces  préceptes  f 
(ts  enfans ,  ^  que  toutes  les  Nations  du  monde  font  obligées  d'obe'ù-  à  ces 
commandemens.    Bien  que  nous  n'ayons  pas  lieu  de  faire  un  grand  fonds 

fur  . 


40  HISTO  IRE   DES   DOGM  ES 

fur  ce  qui  vient  d'une  fource  fi  corrompue ,  ni  d'avoir  un  grand  refpcdt 
pour  la  tradition  des  Juifs ,  cependant  ce  qu'ils  nous  difent  là  dcfllis  a  de 
grands  fondemens ,  &:  paroît  très  conliderable  :  voici  quels  font  ces  fept 
commandemens. 
nnia;^  hy  i.  De  cultH  extran^o-,  du  culte  étranger:  c'eft-à-dire ,  défenfe  de  fervir 
n"tT        les  idoles  &:  les  faux  Dieux. 

nani  hiJ    .  z.  De  yenedi^tone  nominis'.  Touchant  la  benediélion  ou  maIedi6lion  du 
D'^ri       St.  nom  de  Dieu  :  c'ett  une  défenfe  de  tomber  dans  le  blafpfiéme. 

hjJ  l-  De  ejfdjîone  fangmnHMy  Touchant  l'efFufion  du  fang:  c'ell  la  défenfe 

niD^sti'  de  tuer. 

O^ot  4.  De  revelatione  pudendorum  j  c'cfl  le  commandement  qui  regarde  la  for- 

»>V»:i  hv  nication,  l'adultère,  l'incelle,  &  toutes  les  couches  illégitimes, 
niny  f .  1>e  raptu  :  c'eil  le  commandement  touchant  le  larcin  ôc  la  rapine  ^ 

Sun  Sy  c'ell-à-dire  une  défenfe  de  dérober. 
r:nn  Vv      ^-  Dejudidis,  desjugemens,  la  forme  des  gouvcrnemens  politiques  8c 

de  l'exercice  de  la  jullice  contre  les  violateurs  de  la  Loy. 
|'j'i3N  S^     7.  2)^  membro  e  vivo  \  c'eft- à-dire  dits  membres  des  animaux  vivans. 
^"in        C'eft  la  défenfe  démanger  de  la  chair  avecfon  fang,  ou  des  choies  étou- 
fées.  Ce  fut  le  commandement  qui  fut  donné  à  Noé  quand  il  fortit  de  l'Ar- 
che, comme  nous  le  lifons  au  chap.  p.  de  la  Genefe. 
Brieveexpii-      Lcs  ciuq  premiers  préceptes  contiennent  l'abrégé  du  Decalogue  j  le 
feptcoit?    fixiéme  eft  un  abrégé  des  loix  politiques  6c  civiles  j  &  le  feptiéme  efl  un 
mande-       Commandement  ceremoniel.  Le  commandement  qui  défend  le  culte  étran- 
foSsmê-  ê^*'»  ^^  l'idolâtrie, renferme  le  l.  &  le  fécond  de  la  i.  Table.  Celui  qui 
mes  que      défend  la  profanation  du  St.  nom  de  Dieu,  non  feulement  fignifie  défen- 
cSo'ue.^*^  fe  de  prendre  le  nom  de  Dieu  en  vain  ;   il  comprend  aufîi  le  commande- 
ment de  bénir,  de  prier  &  de  louer  Dieu:  car  le  mot  l^eracha ûgnïhc  be- 
nediâion  &  malediétion.    Le  5.  le  4.  &  le  f.  commandement  desNoa- 
chides  font  les  mêmes  que  les  6.  7.  Ôc8.  de  la  féconde  Table  de  Moyfe, 
Tu  ne  tueras  pas ,  Tu  ne  paillarderas  pas.  Tu  ne  déroberas  pas.    Le  4. 
commandement  du  Decalogue,  qui  regarde  la  Sanétification  du  jour  du  re- 
pos ,  ne  fe  trouve  point  entre  ces  préceptes  des  Noachides ,  parce  que , 
îelon  l'opinion  des  Hébreux ,  il  ne  fut  donné  que  dans  le  defert  de  Mara 
après  la  fortie  d'Egypte.     Et  en  effet  nous  verrons  dans  la  fuite  que  l'E- 
glife  avant  Moyfe  ne  fanétifioit  point  le  7.  jour.     Le  1.  commandement 
de  la  2.  Table  ne  fe  rencontre  pas  non  plus  ici.  Mais  il  femble  avoir  été 
moins  necelTaire  dans  un  tems  où  les  pères  de  famille  étoient  les  Rois  6c 
ks  Sacrificateurs  nez  de  leur  famille ,  comme  nous  le  verrons  dans  la  fuite. 
Le  commandement  qui  défend  le  faux  témoignage  doit  être  afTûrément 
compris^fous  celui  qu'ils  appellent  de  judïciis  :  car  là  deflbus  eft  renfermé 
tout  ce  qui  regarde  la  juftice  diftributive ,  ôc  l'équité  qu'on  doit  obferver 
dans  toutes  les  affaires  criminelles  ,   dont  la  principale  eft  la  fidélité  des 
témoins.     Enfin  le  commandement  qui  défend  la  convoitife  ne  fe  trouve 
pas  entre  ceux-ci ,  parce  que  le  Legiflateur  qui  donna  ces  7.  commande- 
mens, en  défendant  les  avions  criminelles,  défendoit  aufîi  les  penfées  qui 
répondoientà  ces  avions.  Et  il  étoit  moins  necefTaire  d'avertir  les  hommes 
de  cette  vérité  dans  un  fiécle  oii  la  connoifTance  de  cette  morale  étoit  plus 
pure ,  parce  qu'elle  étoit  plus  prés  de  fa  fource. 

Les 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Tart.L    4.1 

Les  Hébreux  difent  que  Dieu  donna  ces  commandemens  à  Adam  dans  i«t«ç«t*- 
le  Paradis  tcrreflre.     Cela  n'eft  pas  hors  d'apparence,  car  Dieu,  donna  nftiquc dû 
fans  doute  au  premier  homme  les  règles  félon  lefquelles  il  de  voit  fe  con-  l{J\'^^ç 
duire  ôc  gouverner  fa  poflerité.  Mais  comme  les  Juifs  ne  nous  fauroient  lâ  Genefc 
^onner  de  vérité  qui  ne  foit  mêlée  de  rêveries  ,   ils  ajoutent  que  ces  fîx  ^bfurde. 
commandemens  donnez  à  Adam  font  renfermez  dans  ces  paroles ,   &  le  cen.  2. 
Seignepir  'Dieu  commanda  a  Adam  difant,   tu  mangeras  de  tout  fruit  du  jardin.  ''■  ^^' 
Rabbi  Chilpeta  dans  le  livre  intitulé  Seder  olam,  qui  eft  une  Chronolo-  ^^P  i^3 
gie  des  Hébreux ,  dans  le  y.  chap.  nous  apprend  les  admirables  fecrets 
par  lefquels  la  cabale  des  Juifs  trouve  ces  fix  commaiidemens  dans  ces  pa- 
roles de  Dieu.     Voici  ce  que  c'eft.  i.  Selon  eux,  le  mot  commanda^xe- 
garde  le  commandement  appelle  dinim  ,  des  jugemem  ,  à  caufe  de  ce  qui  CJ^^n 
efl  dit  d'Abraham  au  chap.  i8.de  laGen.  fefai  cih' il  commandera  a  [es  en- 
fans  &  a  fa  maifon  après  lui  de  garder  la  voye  du  Seigneur  ^  &  de  faire  jufiice 
&  jugement.  Le  mot  Seigneur  Hgm^iz  diiènt-ils,  le  commandement  qui 
défend  la  profanation  du  nom  de  Dieu.     Lemot  de  Dieu  regarde  la  dé- 
fenfe  de  l'Idolâtrie.     Le  mot  Adam  fignifie  le  commandement  de  ne  pas 
épandre  le  fang.     Le  participe  difant ,  deligne  la  défenfe  des  couches  il- 
légitimes, à  caufè  que  Jeremie  après  avoir  dit,    Si  un  homme  laijje  aller  chap.  sn 
fa  femme ,  d"  Itii  a  donné  la  lettre  de  divorce ,  &  cju^elle  ait  été  mariée  a  un    ^i^"^^"** 
Autre  ^  retournera-t'^il  a  elle,  le  païs  ne  fer  a-t"^  il  pas  fouillé  ?   Or  toi  tu  as  commù 
fornication  avec  beaucoup  a  amans.  Le  Prophète  ajoute  ces  mots,  a  dit  l^S- 
ternel.  Donc  le  mot  difant  dans  les  paroles  de  Dieu  à  Adam  fignifie  leé 
couches  illégitimes.     Ces  paroles,  de  tout  arbre  du  jardin,  defignent  félon 
eux  la  défenfe  de  la  rapine  Se  du  vol:  cela  ell  myfterieux  :   mais  la  rai- 
fon  qu'ils  en  rendent  Tefl:  encore  davantage.     C'eft  ,  difent-ils  ,  à  caufe 
de  ce  qui  eil  écrit  au  5.  du  Levitique,  de  toute  chofe  dont  e^uelqu'^un  aura 
juré  fauffement ,  il   rendra    le  principal  &  la  y.  partie  par  dejjks.     Enfin  ces 
mots,  en  mangeant^  tu  mangerai  ^  fignifient  dans  leur  cabale  le  comman- 
dement de  ne  pas  manger  de  chair  avec  fon  fang,  à  caufe  de  ce  qui  eft 
dit  au  p.  chap.  de  la  Gen.  Fom  ne  mangerez  p-as  de  chair  ave^  fon  fang  qui 
■efl  fon  ame. 

Il  n'eft  rien  de  plus  ridicule  que  cela  propofé  de  cette  manière.  Mais  l' Au-  coft;  bus- 
theur  d'un  hvre  appelle  Cofar  ouCofri,  homme  afl^ez  habile  pour  un  Juif,  f-gj^'  J']';  ^' 
y  donne  un  tour  beaucoup  plus  raifonnable.     Car  il  dit  que  ce  verfet  de  sentiment 
la  Gen.  avoit  été  donné  par  leurs  maîtres  Doéteurs  Cabaliftes  pour  un  cofîrbeau- 
memorial  des  fept  commandemens  des  Noachidesj  c'eft-à-dire  qu'àcha-  coup  plus 
cun  des  mots  de  ce  verfet  ils  avoient  attaché  l'un  de  ces  commandemens  par  "'°°"*  ^ 
une  haifon  purement  arbitraire,  afin  d'aider  la  mémoire  j  comme  on  fait 
dans  l'art  de  la  mémoire  artificielle.     Cela  eft  aflez  apparent ,  car  autre- 
ment \ï  y  auroit  de  la  contradiélion  dans  ce  qu'ils  enfeignent:  puis  qu'ils 
difent  tous  unanimement,  que  ce  commandement  de  ne  pas  manger  de 
chair  avec  fon  fang  ,  ne  fut  donné  qu'à  Noé  ,   6c  non  pas  à  Adam  :  6c 
cependant  par  cette  interprétation  Cabaliftique ,  ils  veulent  que  ces  mots 
tu  mangeras  fignifient  la  ,défenfe  de  ne  pas  manger  de  chair  avec  ion 

Trois  chofes  font  remarquables  dans  le  fentiment  àts  Juifs  fur  ces  pre-  seion  les 
ceptes.     La  1 .  eli  que  félon  eux  c'eft  là  le  droit  commun  6c  la  loi  uni-  J"'^^  "^  ^^ 

*•  i  _,  préceptes 

Part,   i,  b  ver-  font  le;w 


42  HISTOIRE  DES  DOGMES 

mturaic^om  vcrfcUe  de  toutes  les  Nations  ,  6c  ce  que  nos  Théologiens  appellent  jft£ 
paipies.  naturale;  parce  que  tous  les  hommes  font  enfans  d'Adam  6c  de  Noé5aur- 
quels  CCS  commandemens  ont  été  donnez ,  tous  auffi  font  obligez  d'y  obeïr. 
Mais  les  Nations  ne  font  point  obligées  d'obferver  les  préceptes  qui  ont  été 
donnez  à  la  famille  d'Abraham,  6c  en  fuite  àMoyfe,  comme  font  la  Gir- 
concifion,  l'obfervation  du  Sabbat,  la  Pâque,  les  autres  fêtes  folemnel- 
les,  6c  généralement  toutes  les  cérémonies  de  la  Loy  de  Moyfe.  L'on 
n'elt  pas  puni,  difent-ib,  pour  n'avoir  pas  gardé  une  loy  que  l'on  n'a  pas 
ïTÇÛë:  6c  félon  ce  principe  ils  tiennent  pour  afTûré  que  les  Nations  ne  font 
fujcttes  i\  la  maîedi(^ion  de  Dieu  que  pour  avoir  violé  ces  y.  comman- 
demens des  Noachides.  Ceft  precifément  ce  qu'enfeignent  les  Doéleurs 
s.-irm«dnnî    duTalmuddans  le  Traité  Sanedrim. 

^smara  j^^  ^   chofc  qu'ils  cnfcigncnt  c'eil  que  toute  la  Religion  des  Hommes. 

depuis  Adam  julques  au  déluge,  6c  depuis  le  déluge  julques  à  Abraham  y 
Ces  7,  pre-  fe  rcduifoit  à  ces  7.  points  :  de  forte  qu'ils  n'étoient  pas  obligez  à  faire  da- 
fofe"  toute  vantage  pour  être  faiivez  6c  pour  avoir  part  à  la  vie  éternelle.  Enfin  k 
la  Religion  troifiémc  chofe  qu'ils  enfeignent,^  c'eR  que  même  depuis  que  l'Eglife  a 
fide'ies'a'^a'nt  ^^^  renfermée  dans  la  famille  de  Jacob,  6c  que  la  Loy  de  Moyfe  a  mis  une 
Abraham,  &  diflinélion  confiderable  entre  le  peuple  de  Dieu  6c  les  peuples  de  la  ter* 
faîs  en'  ï'C ,  l'obfcrvation  de  CCS  7.  commandemens  a  été  fuffifante  pour  fauver 
touttems  les  hommês  entre  les  Nations,  6c  pour  leur  donner  part  aufiécleàvenir. 
leThom-"  De  forte  que  quand  un  Payen  fe  convertiflbit ,  renonçoità  l'Idolâtrie,  ôc 
nies.  ne  vouloit  pourtant  pas  fe  faire  Juif,  ils   l'obhgeoient  feulement  à  Pob- 

Les  Juifs  fervation  de  ces  commandemens  6c  i'alîuroient  de  fon  falut  C'efl  une 
faiivoient  maximc  de  leur  Théologie  qui  fe  lit  dans  leur  Talmud  au  Traité  Sane- 
«oa^hides.  drim  au  chap.  Iï.  Les  dévots  d'*entre  les  Çentihy  dilênt-ils-,  ont  part  au  fié- 
de  avenirs  favoir  pourvu  qu'ils  obfervent  ces  préceptes  àzs  Noachides. 
TraftatuTe-  C'efl  cc  quc  dit  6c  cc quc  prouve  le  célèbre  Moyfe  l'Egyptien, qu'on ap- 
chouva  ôc  pelle  Maimonides,  dans  te  grand  ouvrage  qui  a  pour  ûiït  MifchnehTorah. 
ifurebiacap.  H  cnfcignc  cu  pluficurs  Hcux  qu'aucune  bonne  œuvre,  bien  qu'elle  foit 
^4-  faite  par  lin  étranger,  ne  demeure  fans  r-écompenfe  ,  félon  ces  mots  des 

Talm.Traft.  Talmudiftcs  j  le  SeigntHT  Saint  &  béni,  ne  retranche  a  au cnne  créature  la  ré^ 
Eefakim.  compenfe  de  [es  hmnes  œuvres-.  Qiii  voudra  voir  un  plus  grand  nombre  de 
témoignages  de  cette  vérité  en  trouvera  dans  le  ConciHator  de-  ManalTé. 
Qu.-Eft.  2.  jn  Ceft  un  Juif  Hollandois  qui  a  écrit  en  ce  fiécle  aflez  doétcment  pour  un 
Deutcr.  homme- de  fa.  Nation,  6c  en  langue  latine.  Ce  qui  lui  cù.  peut-être  par- 
ticulier, 
tioiibies  Selon  cette  doélrine  ks  Juifs  fliifoient  deux  fortes  de  pi'ofelytes,  aufquels 

profeiytes    {\^  promcttoicnt  la  vie  éternelle  :  les  uns  s'appelloient  profelytes  de  la  iuf- 

de  la  juftice     •     '       «      t  r  i  j      :  r  •  ,  /       • 

&deia       tice^  OC  ics  auttcs  prolcJytes  de  la  porte.     Les  premiers  c  etoient  ceux 
cenx*^dei^^  qui  en  quittant  le  Paganifme  fe  faifoient  Juifs  abfolument  j  on  lescircon- 
^uftice.        cifoit,^  on  les  baptizoit ,  6c  ils  s'obligeoient  à  toutes  les  obfervations  de 
laLoyde  Moyle;  aufli  entroient-ils  prefque  dans  tous  les  privilèges  de  la. 
^habites   Nation,  6c  étoient  confondus  avec  elle.     De  cette  manière  les  Recha- 
■  4a  Jeîhio.   bîtes  defcendus  dejethro  beau-pere  de  Moyfe  furent  profelytes  de  la  juf- 
tice  5  car  félon  les  Hébreux  ce  jethro  étoit  Payen  6c  s'appelloit  Jether 
dans  le  tems  de  fon  Paganifme  j    en  fuite  il  prit  le  nom  de  Jethro  en 
ajoutant  une  lettre.    Le  Rabbi  David  Kimki  dit  la  même  chofe  de  Ra- 

hab? 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  !Pk?r^,I.  45 

liab  &  de  toute  fa  famille.    Il  eil  dit  dans  le  livre  de  Jofué,  que  l'on  mitjofué  s. 
Rahab,  toute  fa  famille  6c  tout  leur  bagage  hors  du  camp  d'Ifraël.  CVy?,^.  23. 
dit  Kimki  ,  jufqpî'k  ce  (Qu'ils  fe  fujfent  faits  profelytes  ,    &  •eujfent  reçâ  la  Lo^Kimki  in 
d^/frael  :  &  ^uand  ils  furent  profelytes ,  ils  habitèrent  an  milieu  du  peuple  ,    (;^  Jo^^^m 
turent  demeurance  entre  les  Ifraelites  ,  félon  ce  qui  efi  dit  d'elle  ,   &  elle  habita 
entre  les  Ifraelites  jufques  a  ce  jourd^huy.    Enfin  nous  aprenons  de  Jofephe, 
c]ue  Jean  HircanRoy  de  Judée  fit  circoncire  toute  la  Nation  des  Idu- 
méens,  ôcqu'ainfi  elle  fut  incorporée  dans  le  peuple  des  Juife  en  devenant 
profelyte. 

L'autre  efpece  de  profelytes  s'appelloit  p/ofelytes  de  la  porte  ou  deDesprofe- 
l'habitation  ,  parce,  dit  Manallé,  qu'il  leur  étoit  permis  d'habiter  danSpo^e.^  ^ 
la  terre  d'Ifraël.  Ces  profelytes  renonçoient  â  l'idolâtrie ,  n'adoroient  que 
le  vray  Dieu;  mais  ils  ne  fe  chargeoient  pas  du  joug  de  la  Loy  de  Moy- 
le.  De  ce  nombre  étoit  fans  doute  Nahaman  le  Syrien ,  qui ,  après  avoir 
été  miraculeufement  guéri  de  fa  lèpre  5  abjura  le  Paganifme  entre  les  mains 
d'Elixée,  &  promit  de  n'adorer  que  Dieu.  En  effet  les  Hébreux  le  met- Taimud 
tent  communément  au  nombre  <ie  cts  profelytes.     C'eft  de  cette  efpece  çJ^^J""^ 
d'étrangers  dont  il  eft  parlé  dans  le  4.  commandement  de  la  Loy,  &  Pêtran- 
^er  qui  efi  dedans  tes  portes.     Car  il  eft  à  remarquer  qu'un  infidèle  &  un 
Payen  ne  pouvoit  pas  avoir  une  demeure  fixe  entre  les  enfans  d'Ifraël,  ni 
s'habituer  dans  la  terre  fainte.     Un  Ifraëlite  ne  pouvoit  pas  retenir  dans 
fa  maifon  un  efclave  idolâtre ,  il  faloit  tout  au  moins  qu'il  fût  profelyte  de 
la  porte,  c'eft- à-dire  qu'il  renonçât  à  l'idolâtrie  ,   6c  qu'il  fe  chargeât  de 
l'obfervation  dts  fept  préceptes  dts  Noachides.     Maimonides  va  mêmes 
jufques  à  dire  qu'il  n'étoit  pas  perrriis  à  un  idolâtre  de  traverfer  la  terre 
fainte,  ni  d'y  pafler  la  nuit.     Mais  cela  eft  faux  :   la  fauffeté  de  cela  pa- 
Toîtpar  l'Hilloire  de  Salomon,  fous  lequel  tant  de  milliers  d'ouvriers  en- 
voyez par  Hiram  Roy  de  Tyr  Prince  Payen  ,  &  qui  écoient  aflurément 
Payens  comme  lui,  féjournerent  unfilong-tems  dansla  terre  d'Ifraël  pour 
y  préparer  les  matériaux  du  temple.    Cela  même  fe  peut  voir  dans  l'Hif- 
toire  de  la  Reine  de  Scebaj  Elle  étoit  Arabe ,  eile  étoit  Payenne  ,   elle  De  hReyne 
étoit  idolâtre ,  ^  cependant  elle  demeura  avec  toute  fa  fuite  dans  la  Cour  quetSïs  & 
deSalomon  autant  de  tems  qu'il  lui  fut  neceffaire  pour  avoir  plufîeurscon-B^eiigion 
fercnces  avec  ce  Prince,     je  reviens  à  nos  profelytes  de  la  porte  :   bien^'^*^  "°''^^° 
qu'ils  eufient  abjuré  le  Paganifme  ,   ils  ne  pouvoient  pas  être  incorporez 
■dans  la  Nation  des  Juifs ,  ils  n'avoient  part  ^  aucun  de  leurs  Privilèges , 
ils  étoient  réputez  légalement  fouillez  comme  tous  les  autres  Payens  :  carEnqucifcns 
les  Juifs  n'ofoient  manger  avec  eux,  c'eft- à-dire  qu'ils  n'ofoient  manger  e"  de°i?" 
à  leur  table.     Mais  je  fuis  perfuadé  qu'il  étoit  permis  à  un  Juif  de  rece-  p°^^^ 
voir  à  fa  table  un  profelyte  de  la  porte.     Car  la  raifon  pourquoy  un  Juif  gSm 
n'ofoit  manger  à  la  table  d'un  étranger  ,  c'ell  qu'il  y  avoit  diverfes  vian-  *^--lie^ 
dQs  que  le  profelyte  de  la  porte  pouvoit  faire  fervjr  fur  fa  table,  dontl'u- 
fage  n'étoit  pas  permis  aux  Juifs.     Mais  un  Juif,  en  recevant  un  étranger 
à  ià  table,  n'avoit  pas  la  même  chofe  à  craindre  j  car  il  étoit  aflûré  que 
fur  fa  propre  table  on  ne  fervoit  que  des  viandes  nettes  félon  la  Loy. 
C'eft  pourquoy  nous  voyons  bien  que  les  Juifs  convertis  au  Chriftianifme 
ie  Icandahzent  de  ce  que  Pierre  étoit  entré  chez  des  incirconcis  ,   favoir 
chez  Corneille ,  ôc  avpit  mangé  avçc  eux  3  mais  ils  ne  fe  plaignent  pus  de 

F  %  ce 


snt  îe. 


44  H  I  S  T  O  î  R  E  DES   DO  G  M  E  S 

Les  Juifs    ce  qu'il  avoit  reçu. des  incirconcis  chez  foy,  6c  de  ce  qu'ils  avoient  man- 
pouvoknt    cré  avec  lui  :   ce  qui  arj?iva  qiiand  il  reçût  en  fa  maifon  les  meflagers  de 

reccvoii  les»,  -n         ir    •  ^  ■        J  i  '^  ■>   jx  ^    j- 

profciytes    Corneille.   Voicy  encore  une  preuve  certaine  de  cela  même,  c  eit-a-dire 
Je  •^po"*=*  qu'il  étoit  permis  aux  Juifs  de  faire  manger  avec  eux  un  profelyte  de  la 
porte.     C'efl  que  les  Juifs  avoient  très  peu  d'efclaves  de  leur  Nation,  la 
plupart  de  leurs  fcrviteurs  étoient  étrangers ,  qu'ils  faifoient  profelytes  de 
la  porte,  &  qu'ils  obligeoient  à  s'abilenir  de  l'idolâtrie  èc  du  fang.  Or  il 
n'y  a  pas  apparence  que  cîes  efclaves  fuffent  dans  une  maifon  feparée  de  celle 
de  leur  maître  ,  ôc  qu'il  ne  leur  fût  permis  de  manger  avec  aucun     des 
ferviteurs  Juifs  de  la  maifon.   Ainfi  ce  que  les  Juifs  difent  que  ces  profely- 
tes de  la  porte  étoient  toujours  reputez  fouillez  félon  la  Loy  ,   doit  être 
entendu  moins  par  rapport  au  commerce  de  la  vie  civile  ,   que  par  rap- 
port au  Temple  ôc  aux  chofes  Ecclefiafliques.  Ils  étoient  fouillez  félon  la 
Loy  ,  parce  qu'ils  n'avoient  pas  permiflion  d'entrer  dans  le  Temple ,  ex- 
cepté dans  le  premier  portique  qui  étoit  appelle  Atrium  gentmm. 
Lesprofèiy-      QLioy  qu'il  cu  foit,  pour  Tcvcnir  au  fentiment  que  les  Juifs  avoient  de 
poit?&^     Tuixôc  de  l'autre  oi*dre  4es  profelytes,  ils  eftimoient  qu'ils  étoient  tons  deux 
ceiixdeia     en  voyc  de  falut^  6c  dans  le  chemin  de  la  vie  éternellcjôc  ce  quieft  re- 
etoîent  re-   marquablc  ,  c'eil  que  tout  ce  qu'ils  nous  difent  là-delTus  touchant  ces  pre- 
putezêtre    ccptcs  dcs  Noachidcs,  &  touchant  l'état  de  ceux  qui  les  obfervoient,  eft 
de^saïut!"^^  à  peu  prés  confirmé  par  le  livre  dts  Aétes  des  Apôtres  bien  entendu:  8c 
particulièrement  par  ce  fameux  décret  du  Concile  de  Jerufalem,dontvoi- 
Aft.  i-î-     ci  les  termes  ;    Il  afemhlé  bon  au  St.  lEfprit  &  a  mus  de  m  vous  impofer  point 
un  plus  granà  joug  que  celui  de  ces  chofes  necejfaires  ,    c'^efi  ijue  vous  vous  âbfie'^ 
niez,  des  chofes  facrifie'es  aux  idoles  ,    &  dti  fang  ,    &  des  chofes   e'toufees  ^ 
(^  de  paillardijè  s  defqiielles   chofes  fi  vous   vous  contregtïïdez^  ,    vous  ferez., 
bien. 
Cequeeé-       H  f^i^t  donc  remarquer  que  dans  le  livre  des  Aéles  il  nous  eft  fou  vent  parlé 
îoitqueies  d'uiiefortcde  gens  que  T  Autheur  appelle  (reliôixsvoi  :  mot  dont  les  interprètes 

Sebomenoi  .  5  r  ■  ^      ^      i      r       -r      L-  r\  " 

ouïes  dé-  anciens  n  ont  pas  bien  entendu  la  iignihcatîon.  Un  a  tourne  ce  mot  par 
vots.dontii  ceux,  de  pieux ,  d£  craignans  Dieu,  fervans  k  Diepi.  Ainfi  dans  le  chap.  lè- 
vent parié  Lydie  marchande  de  pourpre  eft  appellée  c-s^oixéwj  ^  ce  que  nous  avons 
dansieiivie  toumé  fervant  à  Dieu:  ôc  au  chap.  17.  f.  4.  ii-eft  dit  ^ue  c^uel/jues  fuifs  fe 
joignirent  à  Taul  ^  Silas  ,  avec  une  grande  troupe  de  Grecs  fervans  a  Dieu  ;  il 
Aaes.17.  y  a  dans  le  Grec=ç,  twv  o-5/3oiU;5vwv  £Aà-viv«v  toâO  ^hv^èoç.  Et  dans  le  verfet  17^ 
^•i-  du  même  chap.   il  eft  dit  que  St.  Paul  féjournant  dans  Athènes  difputoit 

tous  les  jours  avec  les  Juifs  dans  la  Synagogue  6c  avec  les  dévots;  c'elt  ainfi 
que  nous  avons  tourné  le  mot  de  (T^ii6(jLêvoi ,  qui  eft  aufii  dans  ce  paiîage.. 
Dans  le  chap.  18.  nous  lifons  que  St.  Paul  entra  dans  la  maifon  d'un  nom- 
mé fufte  fervam  a  Dieu  ,    il  y  a  dans  le  Grec  ae^oij^avoç  rh  ôeo'v..    Jufques  à 
ce  que  les  lettres  Hébraïques  ayent  été  rétablies  dans  l'occident,   011  n'a. 
yo'mt  fçû -quels  étoient  ces  crspooixsvo! ,  ces  religieux  ou  ces  dévots.     Mais 
après  avoir  comparé  ces  pafiàges  des  Aétes  avec  les  écrits  des  Juifs  ,   il 
€çs  dévots  eft  clair  que  ces  dévots  .étoient  precifément  ces  profelytes  c^ne  les  Juifs  ap- 
ctoieiit  pie-  pellent  profelytes  de  la  porte  :  c'étôient  des  gens  qui  avoient  renoncé  à  l'ido- 
piofdytes    latrie  ,   mais  qui  n'avoient  pourtant  pas  voulu  être  circoncis  ni  fe  faire 
deia^orte.  j^ifs ,  parce  que  le  joug  de  la  Loy -de  JVloyfe  leur  paroilToit  pefant  ,   & 
<^ue  la  qualité  iie  Juils  éi-aiit  odkufe  dans  kimonde,  fût  devenu  unobfta- 

cle 


E  T  D  E  s  G  U  L  T  E  S  D  E  L'E  G  L I S  E.  Part.  I.    45 

cle  à  leur  avancement  :  lis  avoient  été  enfeignez  par  les  Juifs ,  6c  ils 
avoient  appris  d'eux  que  ceux  qui  obfervent  \ts  préceptes  des  Noachides 
font  dans  le  chemin  de  la  vie  éternelle,  quoy  qu'ils  n'embrafTenc  pas  le 
Judaïfme.  C'eft  pourquoy  ils  fe  contentoient  de  renoncer  aux  idoles ,  aux 
mariages  inceftueux,  qui  étoient  ordinaires  entre  les  Payens  ,  6c  à  l'ufage 
du  fang  6c  des  chofes  étoufées.  Ces  dévots  n' étoient  pas  Payens,  car  ils 
fervoient  à  Dieu:  ils  n'étoicnt  pas  Juifs,  car  St.  Luc  les  diftingue  expref- 
fément  des  Juifs  dans  ces  pafîages  que  nous  avons  citez,  oi^i  ileil  dit  que 
St.  Paul  difputoit  fans  cefle  avec  les  fuifs  &  avec  les  dévots.  Auffi  St.  Luc 
\ts  appelle  Grecs,  en  les  diftinguant  d&s  fmfi  dans  ce  pafîàge  où  nous  avons 
vu  qu'il  dit ,  que  dei  fuifs  &  une  grande  troupe  de  (Jrecsfervans  a  Dieu  fe  joi- 
gnirent a  Paul  &  SUas.  Puis  qu'ils  n'étoient  ni  Juiïs  ni  Payens  ,  ils  étoient 
donc  profelytesj  car  c'étoicla  feule  efpece  de  gens  qui  tint  le  milieu  en- 
tre les  Juifs  6c  les  Payens.  Auffi  St.  Luc  nous  le  dit  expreffément  -,  Et  AOt.  ï?. 
^uandPyÉJfemhlee  fut  Jeparee  ,  plufiems  des  fnifs  &  des  profilâtes ,  (Te^jQixevoi^ffer-  ^'  '^^' 
vans  k  Dieu ,  comme  nous  avons  tourné,  fmvirent  Paul  &  B^rnabas.  Ces 
mêmes  perfonnes,  qui  étoient  appellées  (T£^6[j.6voi  ,  étoient  auffi  appellées 
0o(i8iJLsvoi  TQv  Qsov,  £V(7€fisTç  j.,  picufes  6c  Craignant  Dieu:  De  ce  nombre  étoit 
le  Centenier  Corneille  ,  qui  eft  ainfî  appelle  :  dans  le  13.  chap.  f,  16. 
St.  Paul  en  commençant  fon  difcours  parle  ainfî  ,  Hommes  Ifraélites  ,  & 
vous  eraignans  Dieu^  écoutez,.  Il  ne  faut  pas  s'imaginer  que  ces  Ifraélites  & 
ces  craignans  Dieu  fuflent  les  mêmes  gens.  Ce  derniers  étoient  ces  pro- 
felytes  q.ui  avoient  renoncé  à  l'idolâtrie.  C'efl:  ainfi  qu'il  faut  entendre  cts 
paroles  du  26.  f.  du  même  chap.  Hommes  frères  enfans  de  la  race  d"^  Abra- 
ham ,  &  vous  craignans  Dieu.  C'eft  que  dans  les  Synagogues  où  St.  Paul 
prêchoit ,  d'un  côté  étoient  les  Ifraélites  Juifs  de  Religion  ,  qui  étoient 
de  la  race  d'Abraham ,  6c  de  l'autre  étoient  les  profelytes  qui  fervoient  au 
même  Dieu  que  les  Ifraélites ,,  fans  pourtant  s'ailreindre  àla  pratique  de 
toutes  les  cérémonies,. 


CHAPITRE     V  î  L 

Eclair cijfemenî  de  plujleurs  endroits  du  livre  des  A^ es  far 
l'Hifioire  des  frofeljtes  de  la  prît. 

L  y  a  pluiîeurs  chofes  importantes  à  remarquer  touchant  c&s  profely- 
tes ,  lefquelles  peuvent  beaucoup  fervir  à  éclaircir  l'Hiftoire  des  AStts- 
des  Apôtres.  La  i.  c'eft  que  ces  profelytes,  que  St.  Luc  appelle  les 
peux  ou  \ts  dévots ,  avoient  dans  la  Synagogue  des  Juifs  un  lieu  particuliers 
où  ils  fe  rangeoient  tous  les  jours  de  Sabbat  pour  entendre  laLoy.  La  2. 
que  par  une  particulière  providence  de  Dieu ,  qui  vouloit  difpofer  les  Na- 
tions étrangères  de  l'alliance  à  fe  convertir  au  Chriftianifme  ,  les  Juifs 
épars  dans  tout  le  monde  avoient  fait  un  très  grand  nombre  de  ces  con- 
vertis demi-Juifs.  La  3.  que  ce  fut  du  corps  de  ces  profelytes  que  fe  firent 
ces  nombreufes  converlions  des  Gentils  qui  formèrent,  tant  de  belles  6c 

F  i  de 


I 


46  HISTOIREDES  DOGMES 

H  de   florifilinces    Eglifes. ,    ik:  ces  3 .    remarques    lèvent   bien   des   difïî- 

XLiltez. 
oîiiesApô-      I.  Cela  nous  aprend  où  les  Apôtres  prêchoient  aux  Gentils  pour  les 
ttes  ptê-      convertir.     11  n'eft  pas  apparent  qu'ils  allaflent  de  maifon  en  mailbn  ,   le 

choient  aux  ^^"        .      /    /  ,  o'    -i       '^       /    '    j-/r    -i       j      r  •  j  j 

Gcntiii       tour  eut  ete  long ,  ex:  il  eut  ete  diraciie  de  taire  par  cette  voye  de  grands 
^T  mr     progrès  en  peu  de  tcms.     Il  eil  bien  vray  que  cela  le  failoit  quelquefois: 
la  première  convcrfion  des  Gentils  par  St.  Pierre  fe  fit  dans  la  maifon  de 
Corneille  :  &  il  n'y  a  nul  lieu  de  douter  que  les  Apôtres  n'ayent  fouvent 
prêché  dans  des  maifons  particulières  :  Mais  ce  n'elt  pas  oii  fe  faifoient  les 
plus  nombreufes  converfions.  Il  eft  certain  auffi  que  les  Apôtres  n'alloient 
pas  prêcher  dans  les  temples  des  idoles  où  s'aflembîoient  les  Payens  ;  car 
outre  qu'ils  n'euffent  pas  voulu  entrer  dans  ces  lieux  profanes ,   les  Sa- 
crificateurs 6c  les  gardiens  de  ces  temples  n'eulîent  jamais  permis  qu'on 
eût  prêché  contre  leurs  Dieux  jufques  dans  leurs  temples.  Nous  ne  voyons 
point  auffi  que  les  Apôtres  alTemblafient  le  peuple  à  cry  public  &  à  (on 
de  trompette  pour  prêcher  dans  les  places.  Nous  iifons  bien  que  St.  Paul 
dai"fâ' Athènes  difputoit  fur  le  marché  avec  ceux  qui  fe  rencontroient  :  mais 
il  y  avoit  en  cela  quelque  chofe  de  particulier.     Athènes  étoit  une  ville 
pleine  de  gens  qui  etudioient  la  Philofophie,  qui  étoient  de  grand  loifir, 
qui  confumoient  leur  tems  à  fe  promener  ÔC  à  difputer,  qui  avoient  l'efprit 
contentieux,  qui  harceloient  St.  Paul  par  leurs  difputes  dans  tous  les  lieux 
où  ils  le  rencontroient:  C'eft  pourquoy  l'Apôtre  étoit  obhgéde  fe  défen- 
dre par  tout  où  on  l'attaquoit.     Mais  autrement  les  Apôtres  de  Jefus- 
Chiift  ont  obfervé  ce  qui  avoit  été  dit    deJefus-Chrift  lui-même,  qu'il 
ne  feroit  point  entendre  fa  voix  parmi  les  rues. 
Les  Apô-        Il  ne  relie  donc  plus  finon  que  nous  difions  que  S.  Paul  ne  prêchoitor- 
"h""^^i  dinairement  que  dans  les  Synagogues  des  Juifs,  lefquelles  étoient  compo- 
dinairement  fécs  dc  CCS  dcUx  foites  de  gcHs,  de  vrais  Juifs,  aufquels  St. Paul adrefîbit 
s"na'^o"ue?  P^'^^^^^^^^^^^  ^^  parolc ,  Ics  appelkut  Ifraélites  race  d? Abraham;  &  dcpro' 
felytes  Gentils  qu'ils  appelloient  ae^ô^Levoi^    ou  cpo^g/x^vo/  rèv  0£ov.    Cela  pa- 
roiitdans  ce  beau  fermon  qu'il  fit  dans  la  Synagogue  des  Juifs  de  la  ville 
d'Antioche  de  Pifidie ,  dans  lequel  nous  avons  vu  qu'il  adrefla  fon  difcours 
aux  Ifraëlites ,  6c  à  ceux  qu'ils  appelloient  <po^4(iem  rèv  ©dv,  comme  à  des 
Lesprofeiy-  g^"S  différents.   Quand  les  Ifraëlites  étoient  rebelles  à  la  parole,  comme 
tes  de  la     il  arrivoit  prefque  toujours,  les  Apôtres  fe  tournoient  vers  les  Gentils,  qui 
fvoientun   avoicKt  leur  quartier  feparé  dans  la  même  Synagogue.     Cela  fe  voit  dans 
lieu  feparé  le  nnême  chap.  qui  eft  le  15.  des  Aéles.   Les  Juifs  s'étant  oppofez  à  ce 
Synagogues  ^uc  difoit  St.Paul,  il  Icur  dit  5    c^eioit  a  vous  à  la  verhe  e^u  il  failoit  premier 
des  Juifs     rement  annoncer  la  parole:  mais  pais  que  vous  la  rejetiez,,  nous  nous  tournons  du. 
Aftes  13.     cot^  «^•'"  yentils  ;  car  le  beigneur  nous  Pa  Mnjt  commande ^  dtjant  ^je  t  aypoje  pour 
^'  ■♦*•         la  lumière  des  Gentils  :  (^  les  Gentils^  qui  oyoient  cela  ,  glorifièrent  Dieu  &  fe  ré- 
jouirent. N'entendez  point  par  les  Gentils  des  peuples  idolâtres ,  &  ne  vous 
imaginez  pas  que-St.  Paul  fe  foit  tourné  vers  eux  en  fortant  de  la  Synago- 
gue :  comment  eût-il  pu  fe  tourner  vers  eux ,  s'ils  n'euflënt  été  là  prefens  ? 
ÔC  comment  euflent-ils  pu  entendre  les  paroles  de  St.  Paul ,  s'en  réjouir  ÔC 
glorifier  Dieu,  s'ils  n'euflënt  été  dans  la  Synagogue  avec  lui?  Noushfons 
auffi  dans  le  17.  chap.  du  même  livre  au  v.  17.  que  St.  Paul  dans  la  ville  d'A- 
theiies  difcouroit  tous  les  jours  avec  les  Juifs  dans  U  Spagogue ,  ôc  avec 

les 


ET  DES' CULTES  DE  L'EGLISE.  Pm.l.    4^ 

les  dévots  ,  ce^éiJisvoi  :  Par  conlequent  ils  étoient  dans  la  même  Synagogue 
avec  les  Juifs.     Or  les  profelytes,  bien  qu'ils  euflent  abjuré  l'Idolâtrie  & 
le  Paganifme,  étoient  cependant  appeliez  Gentils  &  Grecs:  Ce  qui  doit 
être  remarqué  contre  ceux  qui  s'imaginent  que  par  les  Grecs  il  faut  fou- 
vent  entendre  ces  Juifs  de  la  difperiion  qui  habitoient  entre  les  Grecs , 
6c  qu'on  appelle  ordinairement  Juifs  Helleniftes.  Je  ne  fai  qu'un  feul  en- 
droit oti  le  nom  de  Grec  fe  doive  prendre  pour  ces  Juifs  :  c'eft  quand 
les  Pharifiens  difoient  de  nôtre  Seigneur  J.  Ch.  ira-t'^U  prêcher  entre  les 
Çrecs  }    C'eft- à- dire  aux   Juifs  de  la  difperlîon.     Mais  ceux  dont  parle 
St.  Jean  au  12®.  chap.  de  fon  Evangile,  6c  dont  il  dit ,  certains  Çrecs  qrù 
étoient  montez,  pour  adorer  a  la  fête  ;  ces  gens-là  ,  dis-je,  n'étoient  pas  des 
Juifs   Helleniftes  ;,     e'étoient  de  ces  profelytes  Gentils  dont  nous  par- 
lons, qui  montoient  quelquefois  en  Jerufalem  aux  fêtes  folemnelles,  en 
partie  par  curiofité ,  en  partie  par  dévotion  :  non  pas  à  la  vérité  pour  ob-  ^  n'etoit 
lerver  les  cérémonies  des  Juifs,  (car  cela  ne  leur  étoit  pas  permis)  mais  fuxpro^ly- 
pour  offrir  des  holocauftes^  ce  qui  étoit  permis  à  tout  le  monde,  comme  *«  de  la 
nous  le  verrons  dans  la  fuite.  Les  Juifs  naturels  appelloient  donc  ces  pro-  pmiquct 
felytes   demi- convertis  ,  Çentils^  Grecs ,  Çtulcmcnt  pour  les  diftinguer  ^^  "J'^.'n*»' 
d'entre  les  Gentils  Idolâtres.     Au  nom  d'fAAvjvés  (]"i  fignifient  Grecs,  ils  îè" 
ajoûtoient  le  titre  de  ae^éy^sm,  comme  nous  le  voyons  au  4.  ^.du  17.  des 
Aétes  ,  où  ils  font  appeliez  ae^oixem  IV.vjvfe ,  Gentils  craignans  Dieu. 

Ces  mots  font  precifément  la  verfion  du  nom  Hébreu,  que  les  Juifs  d'au-  Cesdéyots 
jourd'huy  donnent  encore  à  prefent  aux  profelytes  de  la  porte  >  ils  les  ap-  connus  des 
pellent  en  leur  langue,    (afide  meummoty  ce  qui  lignifie  en  latin/!«  ex gen-  1^'^^  «l"'^'^ 
îihîis,  &  en  Grec  (rsfiôfj^evoi  àm  rî^v  ièvIZv.     Et  là-defTus  Maimonides  dit,uon. 
QHiconcjue  obferve  ces  fept  préceptes  il  efi  du  nombre  de  ceux  qu'on  appelle  gens 
pieux  d"*  entre  les  Nations^  &  il  a  Ça  part  an  fié  de  a  venir.  Quelquefois  aufti    ^^^^^ 
ces  gens  font  appeliez  fimplement  Grecs  ôc  Gentils  ,  comme  au  41.  f.  Traa.Mc- 
du  I  ^.  chap.  des  Aétes  j  les  Gentils  le  prièrent  qu^aa  Sabbat  fuivant  il  leur  annonçât  l^^f"^  ^''^' 
les  mêmes  paroles.     Il  eft  certain  que  ces  Gentils  étoient  profelytes  de  la 
porte,  car  les  Gentils  Idolâtres  n'entroient  pas  dans  les  Synagogues,  6c 
ne  s'y  aflembloient  pas  au  jour  du  Sabbat.     Dans  le  18®.  chap.  du  même 
livre  au  f,.  4.  St.  Luc  dit  que  St.  Paul  étant  à  Corinthe,  dîjputoit  dans  la 
Synagogue  chaque  Sabbat  ,  &  induifoit  a  cxoire  tant  les  fuifs  que  les  Grecs. 
il  eft  clair  que  par  cts  Grecs  il  ne  faut  point  entendre  des  Payens  Ido- 
lâtres ,  puilque  St.  Luc  dit  expreftement  qu'ils  entroient  dans  la  Synago- 
gue des  Juifs  où  St.  Paul  difputoit  avec  eux.     Car  les  Gentils  Idolâtres 
n'avoient  aucun  commerce  avec  laReligion  des  Juifs,  £c  n'entroient  point 
dans  leurs  Synagogues.     C'étoit  donc  ces  Gentils  convertis,  qui  s'aftem- 
bloient  tous  les  jours  de  Sabbat  dans  la  Synagogue  des  Juifs  pour  ouïr  la 
leéture  &  pour  la  prière. 

Cette  même  remarque  fervira  beaucoup  à  nous  faire  comprendre  com-  Raifon 
ment  les  Apôtres  trouvèrent  tant  de  facilité  a  convertir  les  Nations.  Car  fe°^^pôues 
c'eft  une  chofe  furprenante.  que  des  hommes  élevez  dans  le  fein  del'Ido-  trouvereac 
latrie,  tout  d'un  coup  ayent  renoncé  à  ces  habitudes  qu'ils  avoientprifes  ciutéàfaiîg 
dés  l'enfance,    ôc  fucées  avec  le  lait.  Je  fai  bien  quelapuiftance  de  Dieu  denom- 
n'a  point  de  bornes ,  6c  que  la  force  de  la  grâce  eft  capable  de  faire  cqs  con"  er- 
metamorphofes.  Mais  je  tiens  pour  un  principe  alTûré,  qu'il  ne  faut  point  lîoûs» 


48  HISTOIR.EDES  D  O  G^M  E  S 

multiplier  les  miracles  fans  neceffité,  ôc  que  Dieu,  qui  peut  faire  toutes- 
choies  en  un  moment ,  &  pour  ainli  dire ,   fans  moyens  ,  s'abaifTe  pour- 
tant jufqu'à  le  fervir  des  moyens  dont  il  pourroit  bien  fe  pafler.    je  dis 
donc  que  la  grande  railbn  pourquoi  les  Apôtres  eurent  tant  de  facilité  à 
convertir  les  peuples  Gentils ,  c'eft  qu'ils  les  trouvèrent  déjà  demi  -  con-  . 
LesproTeiy-  vertis.     La  providence  divine  avoit  fait  en  forte,  qu'environ  le  tems  de 
porfe '^      '^  venue  de  N.  S.  J.  Ch.  au  monde,  les  Juifs  difperfez  par  toute  later- 
çtoient  de-  \e  avoicnt  fait  un  très  grand  nombre  de  ces  profelytes  de  la  porte  qui  fui- 
ImîTar"'  voient  la  Religion  de  Noé.     Or  il  eft  clair  que  ces  gens- là  dévoient  être 
chiiftianir-  facilement  convertis  au  Chriilianifme  :  d'une  part  ils  étoient  beaucoup  plus 
*"^'  faciles  à  convertir  que  lesPayens  Idolâtres,  parce  qu'ils  avoient  renoncé  à 

ridolatrie,  ils  adoroientun  feulDieu,  6c attendoient  unMeffie,  avec  les 
Juifs. D'autre  part  il  étoit  beaucoup  plus  aifé  de  les  convertir  que  lesjuifs  mé- 
mes:parce  que  nes'étant  pas  chargea  du  joug  delà  Loy  deMoyfe,ils  n'avoient 
point  ce  grand  amour  pour  les  cérémonies  légales ,  lequel  étoit  pour  lesjuift 
le  plus  grand  obftacle  à  leur  converfion.  Ainfî  ces  profelytes  de  la  porte 
entroient  dans  le  Chriilianifme  fans  changer  de  religion  ,  &  ils  étoient 
bien  ailes  de  rencontrer  des  gens  qui  leur  enfeignoient  l'inutilité  des  cé- 
rémonies de  Moyfe,  à  l'obfervation  defquelles  ils  n'avoient  jamais  voulu 
s'obliger.  De  forte  que  la  feule  différence  qui  étoit  entre  le  profelyte  de 
la  porte  non  converti,  6c  celui  qui  s'étoit  rangé  dans  le  fein  duChriflia- 
nifme,  c'efl  que  le  premier  croyoit  au  Mefîie  à  venir,  6c  que  le  fécond 
croyoit  au  Mefîie  venu.  Il  efl  donc  clair  qu'ils  pafToient  de  l'un  à  l'autre 
fans  grande  peine  6c  fans  grand  changement. 
La  plus  C^  ^'^^^  P^s  que  je  voululTe  afîîirer  que  généralement  tous  les  premiers 

grande  par-  convcrtls  au  Chriflîaoifme  fufîent  de  ces  profelytes  j  mais  ce  qui  eft  cer- 
tUs'^coifvér-  tain,  à  mon  avis,  c'eff  que  la  plupart  en  étoient,  6c  fi  quelques  Payens 
tis  avoient  idolatrcs  fc  convertifToicnt ,  on  peut  dire  que  c'étoit  par  l'entremife  de 
tes  d?  iJ'  ces  profelytes  de  la  porte  j   lefquels  attiroient  leurs  parens  ,  leurs  amis 
porte.         5c  leui"S  alliez,  ou  en  les  perfuadant  eux-mêmes,   ou  en  les  engageant 
d'ouïr  les  prédications  des  Apôtres  dans  leurs  maifons.     Cela  fè  voit,  ce 
mefemble,  dans  l'Hiftoire  de  Corneille,  qui  fit  afiemblerchez  luy  tousfes 
amis  pour  ouïr  la  prédication  de -S.  Pierre.  Bien  qu'il  y  ait  apparence  que 
k  plupart  de  ces  amis  de  Coi-neille  fufîent  aufîi  des  profelytes  comme 
luy,  il  n'ell:  pourtant  pas  impofîible  qu'il  n'y  en  eût  parmi  ceux-là  qui 
n' étoient  pas  encore  profelytes. 
u  conver-      Pour  achever  ce  qui  regarde  ces  préceptes  des  Noachides ,  6c  pour  ti- 
breufe°de     ^^^'  '^'cux  toutc  la  lumicrc  dont  nous  avons befoin  pour  écLiircir  THidoi- 
ces  profeiy-  rc  des  Aélcs  dcs  Apôtres,  il  faut  obferverque  les  Pharifiens  zélateurs  de  la 
pone  donna  Loyfâchcz  dcvoir  les  grands  progrés  que  faifoit  l'Evangile  entre  ces  pro- 
lieuaude-  felytcs  de  la  porte ,  s'aviferent  de  ibûtenir  que  les  Gentils  qui  vouloient 
Jic  des  *^"^  avoir  part  au  règne  du  Meffie ,  dévoient  non  feulement  obferver  les  pre- 
A^ftrcs,     ceptes  des  Noachides,  mais  devenir  juifs  entièrement,  6c  fe  faire  circon- 
cire. Ce  que  nous  avons  fait  voir  être  contraire  aufentimentdesDoéleurs 
Juifs,  même  des  modernes  ,  qui  fauvent  les  profelytes  de  la  porte.     Saint 
Paul  s'oppofa  vigoureufement  à  cela ,  6c  foûtint  que  pour  une  véritable 
converfion  il  fufïiibit  d'être  du  nombre  des  profelytes  de  la  porte ,  d'ob- 
ferver  les  préceptes  de  Noé,  6c  d'ajouter  à  cela  la  foy  en  Jefus-  Chrifl, 

fans 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  PartA.    4^ 

fans  le  charger  d'un  plus  grand  joug  :  &  ce  fut  fur  cette  controverie 
qu'intervint  le  fameux  décret  du  Concile  des  Apôtres  que  nous  avons  rap- 
porte cy-dciîus  i  Qu'ail  fujfîfiit  cjue  les  Gentils  sabfimjfent  des  chofes  facrifie'es 
mx  idoles  ^  (^  dnfang,  &  des  chofes  étoufées  ,  &  de  pailUrdife.  C'eil:  tout 
de  même  que  fî  ce  Concile  eût  prononcé,  qu'il  fuffifoit  que  les  Gentils 
convertis  à  la  foy  fuffent  de  la.  Religion  de  Noé  ,  6c  obfervaiTent  fes 
commandemens. 

En  effet  fi  nous  expliquons  bien  ce  décret  des  Apôtres,  nous  y  trou-  ï-"  prewp. 
verons  tous  les  préceptes  qu'on  appelle  des  Noachides  :  ou  lî  quelques-  cSdesfont' 
uns  n'y  font  pas ,  c'en;  que  la  répétition  n'en  étoit  pas  neceifaire.     Dans  5°"'^.""^ 
ces  mots,  que  vous  vous  abfteniez,  des  chofes  facrifiées  aux  idoles  ^  font  conte-  aet  des 
nus  deux  commandemens  de  Noé ,  fayoir  celui  qui  défend  le  culte  étran-  ^?f  ""' 
ger,  ou  l'idolâtrie  5  &  celui  qui  défend  la  profanation  du  nom  de  Dieu, 
car  il  eft  clair  que  celui  qui  participe  au  facrifice  des  idolâtres,  fe  rend 
coupable  d'idolâtrie  &:  de  profanation.     Le  fécond  mot,  &  du  fang,  efl 
le  3™«.  commandement  des  Noachides,  qui  défend  l'effu lion  dufang,  c'eft 
à  dire  le  meurtre  :  Car  à  mon  fens ,  c'eft  ainiî  qu'on  doit  interpréter  ces 
mots,  6c  non  pas,  comme  on  les  interprète  ordinairement,  de  ladéfen- 
fe  de  manger  du  fang.     Et  ma  raifon  eil  que  cette  défenfe  de  manger  du 
fang  eil  contenue  fous  les  mots  fuivans,  dans  lefquels  eft  défendu  l'ufage 
âiQS  viandes  étoufées.     Il  n'eft  pas  apparent   que  dans  un  fi  ^  petit  décret 
une  feule  ôc  même  chofe  y  fut  exprimée  en  deux  termes. 

La  défenfe  de  manger  des  chofes  étoufées  eft  précifément  le  7"^^.  com-  Addition 
mandement  des  Noachides,  qui  l'expriment  ainfi,  membmm  e  vivo-,  ce  "ecîtloî"^ 
qui  fignifie  qu'on  ne  doit  point  manger  la  chair  d'un  anim;il  vivant  5  car  d«  Apô- 
un  animal  étoufé  dans  lequel  eft  le  fang ,  félon  les  Hébreux ,  eft  réputé  piufièuff  "" 
avoir  fa  vie,  à  caufe  que  le  fang  c'eft  l'ame,  pu  la  vie,  comme  Dieu  le  anciens 
dit  dans  fa  Loy.     La  défenfe  de  la  paiilardife  daos  le  décret  des  Apôtres  res!'"^  ^^' 
répond  au  4*"^.  précepte  des  Noachides,  dans  lequel  font  défendues  les 
couches  illégitimes.     11  refte  deux  préceptes  de  Noé  que  nous  ne  trou- 
vons point  dans  le  décret  des  Apôtres,  lavoir  le  f"^«.  qui  défend  la  rapi- 
ne, ôc  le  6™^.  qui  ordonne  les  jugemens.  Mais  fur  cela  il  eft  très  remar- 
quable que  plufieurs  anciens  exemplaires  Grecs  du  N.  T.  ont  czs  mots 
écrits  à  la  fin  de  ce  canon,  &  quils  ne  fajfent  pas  aux  autres  cequ  ils  ne  veu- 
lent pas  qu'ion  leurfajfe.     Beze  afîûre  les  avoir  lus  dans  deux  exemplaires. 
St.  Irenée  les  a  trouvez  dans  la  Bible  dont  il  fe  fervoit ,  car  il  cite  ce  canon  ?''^"v^fl' 
des  Apôtres  avec  cette  addition.  St.  Cyprien  a  fait  un  Hvre  intitulé  T>/?/-  3.  cap/L' 
moniorum^  qui  eft  un  recueil  de  divers  paffages  de  l'Ecriture:  ce  texte  s'y 
lit  aufti  avec  cette  claufe.     Louis  de  Dieu  nous  ailûre  que  la  verfioo 
Ethiopique  a  retenu  ces  paroles.  Si  ces  mots  font  donc  du  texte  des  Apô- 
tres ,  il  eft  clair  que  leur  décret  contenoit  ces  deux  préceptes  des  Noa- 
chides, qui  y  manquent  aujourd'huy.     Garces  paroles,   q?4^iUne  fajfent 
pas  aux  autres  ce  quils  ne  veulent  pas  qu'ion  leur  faffe,  établiiTent  cette  foiî- 
veraine  équité  qui  empêche  les  hommes  de  faire  violence  aux  biens  ou 
aux  perfonnes  de  leurs  prochains.    Au  refte  quand  on  ne  voudroit  pas 
admettre  cette  claufe  ,  &  qu'ainfi  nous  ferions  obligez  de  reconnoître 
que  deux  des  commandemens  des  Noachides  manquent,  il  nous  feroit 
aifé  de  rendre  raifon  pourquoy  les  Apôtres  les  oni  négligez.     Ils  ont  fe^ApôtL 
Fan.  I,  G  ne- 


50 


HISTOIRE  DES  DOGMES 


djnsieur     négligé  cclui  qui  défend  la  rapine,  parce  qu'il  n'y  a  point  de  loix  humai- 
îenraS^^    ncs  qui  ne  le  puniOènt  feverement  :  6c  ils  n'ont  point  parlé  du  précepte 
omis  2.       ç^^^i  ordonne  les  jiigemens ,  parce  que  dans  toutes  les  Républiques  d'alors 
Sc^Noachi-  il  y  avoit  des  Tribunaux  établis  qui  exerçoicnt  ces  jugemens. 
*^^''  Ces  obfcrvations  lèvent  deux  difficuLez  conliderables,  qui  font  dans  ces 

IcTapoucs  décrets  des  Apôtres,  i.  On  demande  pourquoi  le  Concile  impofe  aux  fi- 
aftreignent   (j^lcs  la  ncceffité  dc   s'abltcuir    des  viandes  étoufées  ,  puifque    ce  n'eft 

leurs  profe-         ,  -•i-/vti-  i  > 

hrtesài'ob-  qu  uuc  putc  cercmonie  qui  devoit  être  abolie  comme  toutes  les  autres? 
d'îm^om-    J^  répons  que  ce  n'eil  point  par  refpeâ;  pour  la  Loy  deMoyfe,  qui  avoit 
mandement  déFcndu  de  manger  des  choies  étoufées  ,&c  du  iang:  mais  c'ell  parce  que 
SiemoSeï  ^^^  J'-^^^^  étoient  fortement  perfuaclez  que  le  moins  qu'on  pouvoit  faire 
pour  être  en  état  d'efperer  la  vie  éternelle,  c'etoit  d'embrafler  la  Re- 
ligion de  Noé.     Or  l'un  des  préceptes  de  cette  Religion,  c'étoitdene 
manger  pas  de  chair  avec  foc  Iang.     La  queftion  agitée  entre  St.  Paul 
6c  les  Phariiiens  étoit  proprement,  s'il  faloit  en  fe  convertillànt  à  J.  Ch. 
ôc  au  Meffie ,  devenir  Juif  ôc  embrafièr  la  Rehgion  de  Moyfe  ;  ou  s'il 
fuffiibit  de  demeurer  profelytes  de  la  por.te,  &:  d'embrafler  la  Religion 
de  Noé:  St.  Paul  foûtenoit  le  dernier,  6c les  Pharifîens  le  premier.  Or 
quand  on  juge  des  démêlez  ,  6c  qu'on  prononce  fur  des  jugemens  ,   on 
n'a  pas  accoutumé  de  donner  à  l'une  des  parties  plus  qu'elle  ne  deman- 
de.    St.  Paul  demandoit  que  les  nouveaux  convertis  ne  fufl^ent   obligez 
qu'à  faivre  la  Religion  de  Noé.     Mais  fi  on  eût  retranché  de  cette  Re^ 
ligion  la  déienCc  de  manger  la  chair  avec  fon  fang,  il  eft  clair  qu'on 
auroit  accordé  à  St.  Paul  plus  qu'il  ne  demandoit:  6c  cela   auroit  fait 
horreur  aux  Juifs,  fi  on  s'étoit  relâché  jufques  à  ne  pas  obliger  les  Gen- 
tils convertis  à  fuivre  au  moins  la  Religion  des  plus  anciens  Patriarches. 
Ce  n'eil  donc  pas  ce  qu'a  dit  St. Jérôme, 6c tant  d'autres  après  lui,  qu'on 
ait  voulu  enièvelir  la  Synagogue  avec  honneur,  6c  faire  paroîti-e  que  l'on 
confervoit  quelque  refpeél  pour  les  cérémonies  Mofaïques,  en  ne  les  abo- 
liiîànt  pas  toutes  à  la  fois.     C'eût  été  un  beau  refpeéb  6c  bien  capable  de 
contenter  les  Juifs,  fi,  pendant  qu'on  rayoit  tout  d'un  coup  les  plus  im- 
portantes cérémonies  de  la  Loy,  on  eût  feulement  confervé  une  des  moin- 
dres, qui  11  étoit  pas  celle  pour  laquelle  les  Juifs  avoient  plus  de  refpeét 
6c  de  jaloufie. 
vraye  rai-        L'autre  diïïîGulté  qui  fe  trouve  dans  le  canon  des  Apôtres,  c'eft  qu'on 
îuofïes'    ^^^  "^'^'^  pas  bien  la  railbn  pourquoi  il  joint  la  défenfe  de  la  paillardife  avec 
Apôtrss      la  défenfe  de  manger  des  choies  étoufées  y  puis  que  celle-là  ,  c'eil-à-dire 
deïehoi-  l^P^illi^i'dife,  ell  un  crime  contre  la  Loy  de  nature,  6c  celle-ci,  c'efî:  à 
gnent  la      dire  de  manger  du  iang,  eil  une  faute  feulement  contre  une  Loy  pofiti- 
ïlngSdu   ^^  ^'-^^  devoit  bien-tôt  être  abfoluinent  abolie.     QLielle  alliance  y  a-t-il 
lang^avecia  donc  cntrc' iinc  chofc  naturellement  mauvaife,6cune  autre  naturellement 
k  pïuardi-  hidlifcrente  î  Les  Interprètes  diient  que  la  paillardife  étoit  eilimée  indif- 
fc.  ferente  entre  les  Payens.     Mais  la  véritable  raiibn,  c'efl  que  les  Apôtres 

ont  deflein  de  commander  aux  Gentils  nouvellement  convertis  de  fuivre 
la  Religion  de  Noé,  6c  d'oblerver  fes  commandemens  j  6c  l'un  de  ces 
commàndernens- ézoil  ceiuï-cij  pudendâ  non  ejjè  l'svefandii.  Par  lefquelles 
paroles  les  couches  illicites  étoient  défendues.  Les  Apôtres  ont  mieux 
aimé  fe  fervir  du  mot  de  paillardife,  pour  défendre  toutes  les  impuretez , 

que 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Part.l.    51 

que  de  celui  de  revelatio  pudendorum  ,  dont  la  Religion  des  Noachides  fe 
fervoit.  i.  Parce  que  la  Loy  de  Dieu  s'en  fert  exprelTément  dans  la  mê- 
me fîgnifîcation ,  tu  nepaillarderas  point  .^  pour  dire  tu  éviteras  toute  couche 
illégitime,  z.  Parce  que  ce  mot  étoit  beaucoup  plus  connu  aux  Grecs 
que  celui  de  revelatio  pudenAorum  ,  qui  n'étoit  en  ufage  qu'entre  les  Juifs. 
3.  Et  enfin  parce  que  le  mot  de  fornication  ou  de  pailiardife  eft  plus  hon- 
nête, 6c  forme  une  image  moins  fale. 

Je  fuis  afl'ûré  que  fi  le  favant  Seldenus  avoit  fait  les  reflexions  que  nous 
venons  de  faire  ,  il  n'auroit  pas  rejette  l'opinion  de  Shikardus  Profeffeur  shikardus 
de  Tubinge,  qui  croit  comme  nous  que  ce  décret  du  Concile  de  Jerufalem  regio^p.  j, 
contient  en  abrégé  les  fept  préceptes  des  Noachides.  L'Autheurdesre- "^^eoiem. 
'  flexions  fur  la  Religion  Chrétienne  fuit  l'opinion  de  Seldenus,  ôcmépri-  Réflexions 
fe  celle  de  Shikardus.     Mais  la  principale  raifon  qu'il  en  allègue  ell  fon-  ^'r  ifReiig. 
dée  fur  une  bévûë  fort  grofiîere,ôc  qu'on  ne  fauroit  pardonner  à  un  Autheur  i.  p.  kjô. 
qui  fait  l'habile  homme.  C'eft,  dit-il,  qu'on  a  celle  de  recevoir  des  pro-  abandon  a 
felytes  de  la  porte  ou  du  domicile  dés  le  temps  que  les  Jubilez  ont  pris  fîn  :  ^^J^^jJ^jJ^' 
c'eft- à-dire  5  lors  que  les  dix  tribus  furent  tranfportées  par  les  Rois  d'Af-  profeiytes 
fyrie.   Cet  endroit  fait  voir  que  Monfr.  Ferrand  Autheur  de  ces  reflexions  ^jJ^Jg/°^^"*" 
n'eit  pas  original  ,   6c  que  fouvent  il  eft  mauvais  copifle.     Il  croit  avoir  . 
pris  cela  de  Seldenus:  mais  Seldenus  ne  dit  rien  de  femblable.  11  eft vray  seiden.  de 
que  Seldenus  cite  ces  paroles  tirées  duTalmud  ,  que  U  coutume  de  recevoir  ^^%.^^l^^^ 
des  profeiytes  de  la  porte  n^a  été  en  ufage  que  dans  le  tems  qu'on  oh  fervoit  les  ^u-  lib.  2.  c.  3. 
bilez^  dans  la  Terre  Sainte.    Maimonides  dit  à  peu  prés  la  même  chofe  dans  J^tX'^" 
fon  Mishneh  Thorah.  Mais  félon  Maimonides  6c  félon  Seldenus  cela  ne  fignifie  Traà.  Mei- 
pas  que  depuis  que  les  Jubilez  ont  ceffé,  il  n'y  ait  pas  eu  de  profeiytes  de  lafoj^^^f"^' 
porte  j  comme  fi  les  Juifs  n'euffent  plus  voulu  recevoir  d'autres  profely-  Haiacah  ifa- 
tes  que  ceux  de  la  juftice,  qui  fe  font  circoncire  6c  qui  f,  foûmettent  au  joug  Jap.'^J^^, 
de  la  Loy.     Car  il  n'y  a  rien  de  plus  taux  que  cela  ;  comme  il  paroît  par 
les  preuves  que  nous  en  avons  apportées  du  livre  des  zAâes  des  Apôtres. 
Et  même  il  eft  certain  que  les  profeiytes  de  la  porte  n'ont  été  fort  communs 
que  depuis  la  captivité  de  Babylone.  Maimonides  lui-même  parle  de  ces  pro- 
feiytes de  la  porte,  6c  les  appelle  les  dévots  d'entre  les  nations.  Voici  donc  ce  que 
veulent  dire  Maimonides  ôc  les  Talmudiftes.  C'eft  que  depuis  la  ceifation  des 
Jubilez,  les  Juifs  étant  devenus  fujets ,  6c  fouvent  efclaves  des  nations  étrangè- 
res, on  cefia  de  recevoir  les  profeiytes  de  la  porte  ritufolemni ,  d'une  façon  fb- 
lemnelle5c'eft-à-dire  en  leur  faifant  abjurer  hautement  le  Paganifme  en  prew 
fence  de  témoins.  De  plus  on  ceifa  de  contraindre  les  idolâtres  8c  Payens  qui 
venoient  habiter  dans  la  Terre  Sainte  à  abjurer  le  Paganifme.  Car  auparavant 
fi  unPayen,  qui  avoit  fa  demeure  dans  la  Judée,  refufoit  de  renoncer  à 
l'idolâtrie,  ou  de  fe  retirer,  on  iefaifoit  mourir.  Mais  depuis  la  captivité    ^ 
de  Babylone ,  les  Payens  ayant  prefque  toujours  été  Maîtres  des  Juifs,  on 
n'ofoit  plus  ufer  de  cette  feverité  envers  les  idolâtres.     Mais  quoy  qu'ils  ha- 
bîtalTent  dans  le  païs  des  Juifs  ,  on  les  laifibit  vivre  dans  leur  Religion 
Payenne.     Pour  la  même  confideration ,  c'eft-à-dire,  de  peur  d'offenfer 
les  Payens ,  ils  ne  recevoient  plus  folemnellement  les  profeiytes  de  la  porte 
par  l'abjuration  du  Paganifme  :  ils  fe  contentoient  de  leur  donner  lieu  dans 
leurs  Synagogues. 

De  tout  cecy  nous  tirons  ces  trois  conclufions  importantes,  qui  nous^^^^^^l'l^®" 

G  z  fer- 


52  HISTOIRE  DES  DOGMES 

desKoachi-  fcrviront  à  connoître  la  Religion  des  Patriarches ,  par  comparaiibn  avec  cel- 
desétoit  le  des  Chrétiens.  La  i»^^.  c'eil  que  la  Religion  des  Pères  avant  Moyfectoit 
cbantede°'ia  trés  fiiTiplc  ,  fc  redulfoit  à  peu  d'articles  ,  èc  fe  contentoit  d'un  petit 
R  eNgion  xiombrc  de  cérémonies.  Elle  n'uvait  même  qu'un  feul  commandement  ce- 
"""**  remonielj  c'étoit  celui  d'épandre  lefang  des  bêtes  avant  que  d'en  manger 
la  chair:  6c  fous  ce  commandement  étoit  contenue  la  Loydes  facrificesy 
(ainfi  que  je  le  ferai  voir  cy-aprés)  parce  que  toute  effulîon  du  fang  des. 
animaux  dans  ces  fiécles  étoit  une  efpece  de  facrilîce.  La2<^^  vérité  que 
nous  apprenons  d'ici,  c'eft  que  cette  Religion  de  Noé&des  anciens  Pa- 
triarches a  toujours  été  confiderée  comme  falutaire  &  fuffifante  à  ralutjmême 
daTis  les  fiécles  durant  lefquels  laLoy  dcMoyfe  a  eu  vigueur.  Et  les  Juifs, 
quelque  idolâtres  qu'ils  foient  de  leur  Loy  &  de  leurs  cérémonies ,  font  con- 
traints de  ra\  ouër.  Enfin  nôtre  5"^^.  conclufion  c'eft  que  la  Religion  Chré- 
tienne n'a  rien  ajouté  à  la  Religion  de  Noé,  que  la  connoifîàncc  ôc  la  foy  d'if- 
tinéle  du  Libérateur  qu'ils  attendoient.  Ainfî  proprement  le  Cbriftianifme 
n'a  fait  que  perfedionner  la  Religion  des  Patriarches  :  ôc  par  là  il  paroît 
que  le  fentiment  de  St.  Epiphane  eft  tout  à  fait  jufle,  quand  il  dit  que,  la 
Religion  d'Adam  vy'éîott  tii  le  Grecifme ,  ni  le  fudaïfme  ,  mais  la  %^ligion  Ca- 
tholique. Outre  ces  réflexions  générales  fur  les  préceptes  &  la  religion  de 
Noé ,  il  faudra  déformais  faire  des  reflexions  particulières  fur  chacun  de 
ees  préceptes,  afin  de  pouvoir  entrer  dans  le  détail  de  cette  Rehgion  ôc  da 
Culte  des  premiers  fidèles  :  c'eft  aufîi  ce  que  nous  ferons  dans  la  fuite. 


CHAPITRE    VIIL 

Du  culte  &  du  fer  vice  divin  dans  h  Religion  des  Noachides.  Des 

deu>c  premiers  commandemens  des  Noachides;  de  la  défenfe  de 

Ndolatne  &  de  la  profanation  du  St.  nom  de  Dieu. 

JUfques  ici  nous  avons  parlé  de  la  Théologie  &  de  la.  Morale  que  les  Pa- 
triarches enfeignoient  àl'Eglife  de  leur  temsrdeformais  nous  allons  parlera 
de  leur  culte.  Le  culte,  comme  tout  le  monde  fait,  fe  divifè  en  deux  efpe- 
ce^-i  favoir  le  culte  interne  ôc  le  culte  externe.  Le  culte  interne  confille 
dans  les  aéles  de  foy,  d'amour,  de  confiance,  d'humilité  ,  de  crairite,. 
de  révérence  ,  &  de  toutes  les  autres  aélions  du  cœur  qui  ont  Dieu  im- 
médiatement pour  objet,  &  qui  font  tous  renfermez  fous  le  terme  d'ado- 
ration intérieure.  Il  n'efl:  pas  necefiaire  de  nous  étendre  à  prouver  que 
les  Patriarches  avoicnt  cette  partie  du  fervice  divin ,  elle  eft:  de  tous  les  tems ,. 
de  tous  les  fiécles  &:  de  tous  les  lieux.  Nous  cherchons  donc  ici  le  culte 
externe,  c'eft-à-dire  les  aélions  6c  les  cérémonies  vifibles,  dontleur  fervi- 
ce étoit  compofé.  Il  efî:  clair  que  ce  culte  ell  compris  dans  les  deux  pre- 
miers commandemens  des  Noachides,  dont  l'un  défend  l'idolâtrie,  êc  l'au- 
tre défend  la  profanation  du  nom  de  Dieu.  Ces  deux  commandemens 
font  négatifs  i  cependant  il  ell  indubitable  qu'ils  renfermoient  tout  ce  qu'il 
y  a  de  pofitif  dans  le  fervice  divin.  Tout  de  même  que  les  3.  premiers 
commandemens  de  la  Loy  prononcez  fur  la  montagne  de  Sinaï  Ibnt  ex- 
primez 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  TartA.    fj 

primez  en  termes  négatifs i  cependant  dans  l'intention  du  Legiflateur  lis 
lignifient  que  Dieu  veut  être  adoré  feul,  &  que  nous  fommes  obligez  de 
fandifîer  fon  nom  par  actions,  par  paroles,  ôcpar  un  fervice  externe  qui 
lui  foit  agréable. 

Là'delîus  les  Juifs  ont  une  opinion  qu'on  peut  appeller  terrible.  IJsdi-  opinion 
fent  que  les  Noachides,  c'eft- à-dire  lesPayens  defcendus  de  Noé  ,  mais  Juîfi^quelcs 
qui  ne  font  pas  de  la  famille  d'Abraham  ,   n'étoient  pas  obligez  à  adorer  profeiytcs 
le  vray  Dieu  ,  ni  à  fanélifier  fon  nom  par  un  culte  externe,  quand  ils  de-  ,/étoienf^ 
venoient  profelytes  de  la  porte  :  Qii'il  leur  fuffifoit  de  n'être  pas  idok-  pas  obligez; 
très,  Se  de  ne  pas  blafphemer  le  nom  de  Dieu.  Ils  vont  même  plus  avant  j  \ç,  nom  il" 
ils  difent  que  fîun  profelyte  de  la  porte,  après  avoir  renoncé  à i'idoktrie,  yrayoieuni 
vcnoit  en  fuite  par  contrainte  ou  par  necefiîté  à  faire  quelque  aélion  d'ido-  ^  ^  ^"^  ■ 
latrie ,  ou  à  prononcer  quelque  parole  de  blafpheme ,  cela  ne  lui  étoit  pas 
imputé.     Onand  un  Noachide  ^  dit  Maimonides ,  par  contrainte  tranfgrejfe  un  Maimon. 
des  commandemens,  al'obfervation  def quels  il  efi  obligé ,  cette  tranfgreffion  lui  eji  1l^'^\^^ 
fermtfe ,  quand  même  ce  ferait  un  oBe  d^idoUtrie  s  car  la  [anUification  du  nom 
de  Dteu  ne  leur  efi  pâs  commandée.  Il  tire  cette  dangereufe  maxime  de  l'Hif- 
toire  de  Nahaman,  &  d'Elizée:  Ce  Syrien  difoit,  ton  ferviteur  ne  fera  plus  2.  Rois 
d"* offrande  ni  d^holocaufle  a  d'autres  7)ieHX ,  mais  feulement  a  l'ÈterneL    Que  le  '^^^p-  ^' 
Seigneur  vueille  pardonner  cette  feule  chofe  a  ton  ferviteur  ,  c^efi  que  quand  mon 
Maître  entrera  en  la  mai  fon  de  Rimmon  four  fe  profierner  la  ^  &  qu'' il  s' appuyer  a 
fur  ma  main ,  je  me  proflernerai  dans  la  maifon  de  Rimmon.    Et  le  Prophète  lui 
dit,  va-î'^en  en  paix. 

La  véritable  intention  de  Nahaman  étoit  de  déclarer  au  Frophetç  Eli-  Expiiatioit 
zée,  que  déformais,  quand  il  entreroit  dans  le  temple  de  Rimmon,  il  ne  '^^If^f^f 
rendroit  aucun  hommage  à  ce  faux  Dieu  :  que  cependant  il  feroit  obligé  Nahaman, 
de  fe  courber  pour  foûtenir  le  Prince,  qui  en  fe  prollernant  s'appuyoit  iùr 
kii.  Là-deiîus  il  protefte  à  Elizée,  que  cette  aélion  par  laquelle  il  fe  cour- 
beroiten  terre  feroit  purement  6c  fimplement  pour  rendre  fervice  au  Roy,, 
fans  avoir  deflèin  de  rendre  aucun  fervice  à  l'idole  :  &  c'eft  fur  cela  que 
le  Prophète  Elizée  lui  dit,  va-t'en  en  paix  j  car  c'eft  comme  s'il  lui  eût 
dit,  il  vous  eft  permis  de  rendre  à  vôtre  Roy  le  fervice  qu'exige  la  char- 
ge que  vous  avez  auprès  de  lui ,  pourvu  que  vous  déclariez  &  faffiez  fa- 
voir  à  tout  le  monde,  qu'en  vous  courbant  devant  Rimmon  ,   lorfque  k 
Prince  fe  profterne ,  c'eft  feulement  pour  fervir  ce  Prince ,  &  non  pour 
adorer  ce  faux  Dieu.  Mais  les  Juifs  l'entendent  autrement ,  ils  regardent 
ces  paroles  de  Nahaman  comme  une  permifîion,  laquelle  il  demande  à  Eli- . 
zée  d'adorer  Rimmon  par  obeiïTance  pour  Ion  Maître  ,   &  ils  entendent 
ces  paroles  d'Elizée,  va-Cen  en  paix  ,  comme  lî  le- Prophète  avoit  voulu 
dire  ,   qu'il  pouvoit  adorer  les  faux  Dieux  ,    pourvu  qu'il  ne  leur  donnât 
pas  fon  cœur.     Là-deflus  ils  concluent  ,   que  fi  un  Noachide  étoit  obligé  de  Taim.Traa:; 
fanUifi.er  le  mm  de  Dieu ,  il  n"*  étoit  lié  de  cette  obligation  que  quand  il  et  ou  par-  ^  g_  \f^' 
my  les  Ifraelites  ,  &  non  quand  il  étoit  entre  les  nations.    Et  que  le  Prophète  n'au-  Guemara. 
roit  pas  ainfi  répondu  a  Nahaman  ,  (î  les  enfans  de  Noé  avaient  été  obligez,  de 
fervir  a  Dteu  &  en  public  &  en  particulier. 

Qj-ielque  peine  que  fe  donne  le  lavant  Seldenus  pour  ramener  ces  penfées  seiden.  de 
impies  à  un  bon  fens,  je  ne  trouve  pas  qu'il  y  réiiffiffe:  il  me  femble  que  l^eSSm 
ces  teripes  ne  peuvent  pas  foufFrir  l'interprétation  qu'il  leur  donne  5  voici  ub.  3,  cap.!,. 

G  3      ^  foa 


54  HISTOIRE  DES  DOGMES 

ion  explication  :  Qne  les  profelytes  de  la  porte  &  le  rejle  dn  genre  lonmain  e'toH 
obligé  au  fervfce  de  Dieu  s  tnais  qt4e  Pils  ne  le  fatfolent  pas ,  la  punition  en  devoit 
être  laijfée  a  Dieu  ,  fansi^ae  les  Magiflrats  s'^en  mêlaient. 
Viins  ef-         Lcs  parolcs  des  Doîlcurs  Talmudiiles  6c  de  Maimonides  fignifient  évr- 
fottsde      dcmment  quelque  choie  de  plus  >  ils  difcnt  expreflement  que  la  San6fcifî- 
pouijufti-    cation  du  nom  de  Dieu  n'eft  pas  commandée  aux  Gentils,  qu'ils  ne  pé- 
hecovicxcu-   j^g^  pas  quand  ils  font  un  acte  d'idolâtrie  par  contrainte  ou  par  com- 
tédesjuife.plaiiance,  que  le  Noacnide  n  cit  oblige  de  iervir  Dieu  m  en  public  ni  en 
particulier,  qu'il  n'eil  dans  cette  obligatiçn  tout  au  plus  que  quand  i-1  eft 
entre  les  Ifraëlites.     Il  eft  donc  certain  que  cette  doélrine  abominable  eft 
.    une  de  czs  erreurs,  par  lefquelles  les  Juifs  ruïnoient  le  fcns  de  la  Loy,  Ils 
en  avoient  beaucoup  d'autres  ,   &  le  Seigneur  Jefus  -  Chrift  combat  une 
partie  de  ces  deteftables  glofes  dans  l'Evangile,  5c  particulièrement  dans 
le  f"^^.  de  St.  Matth.   D'une  part  ils  rendoient  le  joug  de  la  Loy  pefant 
par  la  multiplication  des  cérémonies,  mais  de  l'autre  ils  le  rendoient  léger 
en  donnant  à  la  chair  tout  ce  qu'ils  pouvoient  lui  accorder.     C'eft  pour- 
quoy  ils  prenoient  les  commandemens  de  la  Loy  morale  fi  fort  à  la  lettre , 
qu'ils  ne  vouloient  conter  entre  les  chofes  défendues  que  celles  qui  étoient 
immédiatement  fignifiées  par  \t^  paroles  du  Legiflateur  :  dans  cet  efprit 
ils  ne  défendoient  que  l'adultère  &  la  paillardife,  &  foûtenoient  que  les 
regards  lafcifs,  les  attouchemens  impudiques  6c  les  mouvemensdelacon- 
cupifcence  n'étoient  pas  contre  la  Loy. 
Lecaraftere      En  paftant  nous  pouvons  remarquer  quc  c'eft  là  le  caraétere  des  faux  dé- 
vlts.*"^  *"  vots ,  ils  fe  difpenfent  d'obeïr  aux  commandemens  qui  donnent  des  bor- 
nes à  la  cupidité  &  à  la  chair  5  mais  ils  amplifient  les  cérémonies.    La 
raifon  de  cette  conduite  eft  ,  que  les  premiers  commandemens  font  en- 
nemis  de  l'amour  propre  ,  parce  qu'ils  combattent  la  concupifcence  : 
mais  les  commandemens  ceremoniels  ne  luy  font  pas  de  mal.    Je  regar- 
de auffi  cette  Théologie  des  Juifs  comme  une  mauvaife  compkifance,  qu'ils 
ont  eue  pour  les  nations  Payennes  aufquelies  ils  fe  voyoient  affujettis  :  ils 
leur  vouloient  perfuader  pour  les  flatter,  qu'ils  étoient  dans  la  voye  de 
falut ,  pourvu  feulement  qu'ils  ne  ferviftent  pas  entièrement  les  idoles , 
ou  qu'ils  ne  le  fiflent  que  par  contrainte:  qu'au  refte  il  ne  leur  étoitpas 
necefluire  de  rendre  au  vray  Dieu  des  fervices  externes ,  fi  cela  pouvoit  les 
rendre  odieux  à  leur  famille  ou  à  leur  patrie. 
Opinion  de       C'cft  apparemment  de  ce  mauvais  principe  qu'étoit  fortiun  autre  arti- 
T^îfh?&   de  de  la  Théologie  des  Juifs,  dont  noua  voyons  des  veftiges  dans  les  Au- 
de'rhii'on    tiquitez  de  jofephe,  &  dans  le  Livre  de  Philon  Juif  Ces  deuxAutheurs 
ks'mcfu?«  "^ '^^^"^  queî3ieu  avoit  défendu  de  blafphemer  contre  les  Dieux  des  nations, 
qu'oudoit    quoi  que  ce  fufiént  des  faux  Dieux.   Entre  les  Loix  de  Moyfe  dont  Jo- 
fes'faur"  lephe  fait  le  dénombrement,  il  y  met  celle-cy.  Que  nul  ne  blafj,heme  les 
Dieus.         l^ieptx  que  les  autres  nations  prennent  pour  Dieux  s  ÔC  celie-cy,  //  ne  faut  pas 
t\qA.^c.T.  '^^^-''^  ^^^   Temples  des  étrangers ^  ni  prendre  ce  qui  a  été  voiié a  quelque  Dieu. 
Lib.  I.  de    Philon  Juif  dit  la  même  chofe,  que  Dieu  avoit  défendu  de  parler  fhal de  ceux  ' 
^  ^  ■'   '    que  les  autres  nations  efiiment  Dieux ,  de  peur  que  par  vengeance  ces  nations  ne 
parLyfent  mal  de  celny  qui  efl  le  vrai  Dieu.     li  n'y  a  rien  de  plus  fiiux,  car 
il  eit  certain  que  l'Ecriture  ne  parle  des  faux  Dieux  que  comme  d'abomi- 
xiatlons,  ce  fait  tout  ce  qu'elle' peut  pour  en  donner  de  l'horreur.  Elle 

ordonne 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Tart.l,    55 

ordonne  qu'on  abbatte  leurs  idoles,  leurs  temples  &  leurs  autels.  Elïe 
fit  même  égorger  les  prophètes  de  Baal ,  &:  Ezechias  &  Jofias  aboli- 
rent le  fervice  &  le  cuke  de  ces  divinitez  par  le  fer  6c  parle  feu.  Cette 
erreur  a  pris  fon  origine  d'un  pailage  du  ziJ^^  de  l'Exode  v.  z8.  mal  ex- 
pliqué. Il  y  a  dans  l'Hébreu ,  D$is  non  makdices.  Le  mot  à^eldim ,  qui  fî- 
gaifie  Dieu,  y  eft  employé.  Il  n'étoit  pas  difficile  de  voir  que  dans  ce 
texte  le  nom  de  Dieu  devoit  être  pris  au  même  fens  que  dans  le  v.  i. 
du  Pf.  8î.  Dieu  efl  ajfis  an  milteu  des  Dieux  ,  c'ell-à-dire,  au  milieu  à^s 
Magillrats:  Ainfîces  paroles,  Dus  non  makdices^  fignifient,  tu  ne  médi- 
ras pas  des  Juges  &  des  Princes  de  ton  peuple,  comme  l'a  expliqué  St,- 
Paul  au  Z3™2  des  Aêles.  Mais,  6c  Philon  Juif  ÔC  Jofephe  ont  bien  vou- 
lu fe  tromper  par  complaifance  pour  les  Payens  au  milieu  defquels  ils  vi- 
voient.  Ils  ont  eiïayé  de  leur  perfuader  que  la  religion  des  Juifs  étoitbieiT 
tolerable ,  puis  qu'elle  engageoit  les  hommes  au  moins  à  ne  médire  pas 
des  divinitez  des  autres  nations.  Pour  retourner  d'oii  nous  fommes  par- 
tis, je  conclus  que  l'Eglife  des  Noachides  avant  Moyfe  a  bien  compris 
que  dans  ces  commandemens  négatifs  de  ne  pas  commettre  idolâtrie,  & 
de  ne  pas  blafphemer  le  nom  de  Dieu,  elle  avoit  reçu  ordre  de  fervir 
Dieu  de  eœar  6c  de  corps ,  en  luy  rendant  le  culte  intérieur  ôc  le  cul- 
te externe. 

Voyons  donc,  s'il  nous  eft  pofîible ,  en  quoi  confîfte ce  culte  externe. L'ùrage des 
Il  eft  certain  que  ce  fervice  étoit  fimple  en  comparaifon  de  celuy  de  rf  gfifb^dïï 
Moyfe.  Il  étoit  compofé  de  vœux ,  de  prières ,  d'aétions  de  grâces  &  Patriarches. 
de  (acrifices.  Quant  aux  vœux  nous  en  avons  un  célèbre  exemple  dans 
ce  que  fit  Jacob  en  PadanAram;  c'eft  au  28.  de  la  Gen.  v.  zo.  où  Moyfe 
dit  que  Jacob  voiia  un  vœu  difant, /"D/V^  efl  avec  moy  ^  &  me  préférée  a^ 
voyage  que  je  f^ùs  ,  &  me  donne  du  patn  a  manger ,  c^  des  vêtemens  pour  me 
vêtir  ^  &  cjue  je  retourne  en  faix  en  la  maifon  de  mon  père  ^  pour  certain  PE- 
ternel  me  fera  Dieu.  Pour  ce  qui  eft  de  la  prière,  nous  n'avons  pas  be- 
foin^  de  preuve  pour  être  aflurez  que  c'étoit  une  partie  du  culte  des  Pa- 
triarches: car  la  prière  eft  fi  fort  eftentielle  au  fervice  divin,  qu'il  n'y  a 
pas  de  religion  fans  eliej  c'eft  pourquoi  Moyfe  ne  nous  en  parle  que  par 
occafion  :  Par  exemple  il  nous  dit  qu'Ifaac  étoit  forti  au  champ  fur  le 
foir  pour  prier,  quand  il  vit  le  ferviteur  d'Abraham  qui revenoit de  Chal- 
dée,  &  qui  amenoit  Rebecca.  Il  nous  parle  de  la  requête  que  le  Patriarche 
Abraham  fit  pour  la  guerifon  de  la  playe  que  Dieu  avoit  envoyée  à  Abi- 
melecih  Ôc  à  toute  fa  famille 5  parce  qu'il  avoit  pris  Sara  femme  d'Abra- 
ham \.  Dans  le  même  Livre  il  nous  eft  parlé  de  la  prière  que  fitifaac,  afin 
que  Dieu  donnât  des  enfans  à  Rebecca  :  Dans  le  33.  de  la  G&vï.  nous  voyons 
que  Jacob  prie  pour  être  délivré  des  mains  d'Efaii.  Mais  cela  n'a  pas  beibin 
déplus  grand  eclaircifiément 5  fi  ce  n'eft  pour favoir  s'ils'  avoient  coiitume 
de  faire  des  prières  publiques:  cardans  tous  les  exemples  que  nous  venons  , 
de  citer  il  ne  nous  eft  parlé  que  de  prières  particulières.  Nous  examinerons 
cette  queftion  da.ns  fon  heu  5  àprefent  il  faut  parler  de  leurs  facrifices. 

C'eft  la  feule  partie  de  leur  cuke  externe  dont  la  connoiflance  foit  arrivée  P^ns  la  re- 
fort  diftinéle  jufqu'à  nous.  Dés  le  commencement  du  monde  nous  voyons  enfa°"  ck 
Caïa  &  Abei  qui  facrifioient  à  Dieu.  Noé  en  fortant  de  l'Arche  bâtit  un  au-  ^^^^^^^r"?"^ 
tel,  Se  y  facrifia  de  toute  bête  nette.  Job  ofeoit  à  Dieu  des  holocauftes  éSittièa ^^ 

pour  ^^^^^^' 


56  HISTOIRE   DES  DOGMES 

pour  Tes  eiilans,  quand  ils  avoient  achevé  les  feftins  qu'ils  (efaifoîent  tour 
à  tour.  A  la  fin  de  Ion  Livre  auch.42,.  Dieu  dit  aux  amis  de  Job,  prenez- 
vofts  fep.tboHveaHX  &  fcpt moutons  ^  ç^  allez,  vers  fob  mon  ferviteur  ^  &  o,ff'rtz.ho- 
locauffes  ^  &  j'exaucerai  LtYequète  que  mon  Serviteur ferapour  vous  ^  a^n  quejene 
vous  châtie  félon  vôtre  foUe.  Nous  lifons  dans  le  if.  ch,  de  laGen.  THilloi- 
re  d'un  célèbre  lacrifice  que  fit  Abraham  par  le  commandement  de  Dieu, 
d'une  jeune  vache  de  cinq  ans ,  d'une  chèvre  ôc  d'un  mouton  de  même  âge, 
d'une  tourterelle  &  d'un  pigeon.  Dans  le  22,.  du  même  Livre  nous  avons 
l'Hiiloire  du  lacrifice  d'Ifaac,  en  la  place  duquel  Abraham  offrit  un  mouton 
fur  la  montagne  de  Morija.  Au  retour  de  Padan  Aram  Jacob  ayant  été 
©en.  }i.  pourfuivi  par  Laban  ,  &:  leur  démêlé  étant  fini,  il  offrit  un  facrifice  fur  U 
V.  54.  montagne ,  &  appella  fes frères  pour  manger  du  pain.    Quand  il  fiit  arrivé  en  Si- 

chem  il  y  bâtit  un  autel,  où  fans  doute  ilfacrifiapour  rendre  à  Dieu  aétion 
de  grâces,  &  pour  payer  le  vœu  qu'il  avoit  fait  en  Bethel.  Dans  le3f.ch. 
du  même  Livre  il  y  a  quelque  chofe  d'aflez  curieux  pour  la  connoilîknce 
du  culte  des  Patriarches  5  car  non  feulement  il  nous  y  eil  dit  que  Jacob  par 
le  commandement  deDieu  y  bâtit  un  autel  en  Bethel,  comme  il  avoit  fait  en 
Sichem ,  mais  auili  qu'il  ordonna  à  fa  famille  de  fc  purifier  &  de  changer  de 
vêtemens  :  ce  qui  femble  fignificr  qu'ils  avoient  quelque  cérémonie  d'expia- 
tion &  de  purification  :  nous  aurons  occafion  d'examiner  cela  dans  la  fuite. 
Ces  exemples  fuffifent  pour  prouver  que  les  facrifices  étoient  enufage  dans 
l'Eglife  des  Patriarches.  Mais  déformais  il  en  faut  examiner  les  circonf- 
tances ,  &:  voir,  premièrement  quels  étoient  leurs  Sacrificateurs  :  après 
cela  d'où  venoit  la  coutume  de  facrifier.  Enfuite  de  combien  d'efpeces 
de  facrifices  ils  avoient:  Et  enfin  quelles  bêtes  ils  ofFroient,  avec  quelles 
conditions,  ôcavec  quelles  cérémonies. 


CHAPITRE     IX. 

2)«  Sacrificateurs  de  l'ancienne  Eglife  avant  UVoyfe. 


I 


L  efl  jufte  de  parler  des  Sacrificateurs,  avant  que  de  parler  des  facrifi- 
ces &;  des  viàimes  ;  .puifque  les  perfonnes  qui  facrifient  font  plus 
excellentes  que  les  chofes  qui  font  Sacrifiées.  L'opinion  confiante  des 
Hébreux  &  de  tous  nos  Savans  eft  que  les  aînez  des  familles  dans  chaque 
Quatre  Pri-  maifon  en  étoient  les  Sacrificateurs  nez.     On  attribue  ordinairement  4. 
uibnezTux  P^ivilegcs  à  CCS  premiers  nez.     Le  i"-  de  cts  privilèges  c'étoit  la  domi- 
premiers     nation  OU  la  royauté,  car  ils  étoient  Seigneurs  de  leur  maifon.     Et  par 
MoyYe?^     l'Hiiloire  dejuda  <5c  deThamar  il  feiïibie  qu'ils  avoient  puiflance  de  vie 
6c  de  mort  fur  les  membres  de  leur  famille.     Juda  ayant  été  averti  que 
Thamar  étoit  grofle ,  parce  qu'elle  ne  pouvoir  l'être  que  de  paillardife  ôc 
d'adultère  j  il  commanda  qu'on  la  fit  fortir  dehors  pour  être  brûlée.    Le 
2,"'^.  privilège  des  aînez  étoit  ceiuy  de  la  double  portion ,  c'eil- à-dire  que 
le  bien  de  la  maifon  étant  partagé  en  autant  de  lots  qu'il  y  avoit  d'enfans, 
6c  un  lot  de  plus ,.  l'aîné  en  devoit  avoir  deux.     Par  exemple  s'il  y  avoit 
trois  enfans ,  on  partageoit  le  bien  £04.  parts,  &  l'aîné  en  prenoitdeux. 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  PartA.    57 

O'eftainfî  que  l'explique  Aben  Ezra  :  c'eillelon  cette  coutume  qu'on  doit  in  Ccm- 
expliquer  la  demande  d'Elifée  à  Eiie,  je  te  prie  que  faye  le  double  de  l'^^fp^'lt^^^^^^^'^^^' 
<^He  tH  as:  il  faut  tourner,    que  faje  de  ton  efprit    autant  é^ae  deux  ■<■  c'ell- 
à-dire  que  dans  le  partage  qui  le  fera  de  ton  efprit  api  es  toy  entre  les  fils  Enqueifens 
des  Propehtes,  je  lois  partagé  en  aîné.     Car  il  n'y  a  point  d'apparence  fJoiTde'^-^"'^ 
que  l'ambition  d'Elii-ée  le  portât  à  fouhaitter  le  double  de  l'elpiit  qu'a-  mandé  le 

•^'n'i-  -r  ■  -i-k  ?  •>       '    f      ^  -i  '     ^  double  ds 

vo]t  iLJie,  puiique  jamais  Prophète  n  a  ete  plus  richement  partage  de  cet  l'eiptit 
efprit  de  prophétie  &  de  miracles,     Le  3"^^.  privilège  des  aînez  étoit  ce-  ^i'^iie. 
luy  de  la  bénédiction.  Je  ne  trouve  pas  que  l'on  ait  jufques  icy  biencom-  cequec'e- 
prîs  ce  que  c'eft  que  cette  benediétion.  On  dit  que  l'aîné  rece\'oit  du  pe-  beiudiaioa 
re  une  benediélion  plus  ample. &  plus  abondante.  Mais,  lélon  moy,  cef-  ^^^^^^i^^. 
•te  benediétion  ne  doit  être  entendue  que  de  la  femence  bénite,  c'eft -à-  miues  des 
dire  du  Meiîîe  quî  devoir  naître;  car  cela  ne  le  peut  entendre  de  labene-  ^'"""'^^^S' 
diétion  ,  c'éft-à-dire  ào.^  vœux  que  les  pères  en  mourant  faifoient  pour 
-leurs  -enfans  3  En  ce  iens  tous  les  fils  étoient  participans  de  la  benediélion 
paternelle.     Efaii,  bien  que  déchu  de  la  benediélion  que  fon  frère  Jacob 
lui  déroba  par  fraude,  ne  laifla  pas  d'être  béni  par  fon  père.     Jacob  en 
mourant  bénit  tous  les  enfans  j  il  avoir  auparavant  béni  les  enfans  de  Jo- 
feph.     Cependant  Juda  feul  reçût  ce  qui  s'appelloit  la  bénédiction  par 
•excellence  j   c'eft  -  à  -  dire  le  Privilège  d'avoir  dans  fa  race  cette  femence 
dans  laquelle  (eroient  benices  toutes  les  nations  de  la  terre.     H  eft  donc  à 
remarquer  que  ce  g'^^.  avantage  du  premier  né,  (avoir  la  benediélion,  ne 
regardoit  que  les  familles  que  £)ieu  avoit  choifies  pour  en  f-iiirc  fortir  le 
Meftîe,  benediâion  qui  ne  pouvoit  être  diilribuée  que  par  un  Prophète: 
C'eft  pourquoy  il  ne  faut  pas  s'imaginer  que  tous  les  pères  de  famille  crai-- 
•gnans  Dieu  entrepriffent  de  donner  à  l'aîné  de  leurs  enfans  cette  bénédic- 
tion.    Il  falloit  avoir  pour  cela  ôc  la  lumière  de  la  prophétie,  qui  leur  re*- 
veloit  de  quelle  race  devoit  naître  le  Meflie,  ôcune  vocation  particulière 
qui  leur  venoit  par  voye  d'infpiration.     Enfin  le  4"^^.  Privilège  des  aînez 
étoit  la  dignité  Sacerdotale.    Ruben,  comme  l'aîné  de  fa  famiille,  devoit 
avoir  tous  czs  avantages  :  mais  il  en  déchût  par  l'incefte  qu'il  commit  avec 
■une  des  femmes  de  ion  père ,  &  tous  fes  droits  furent  tranlportez  à  lés 
cadets ,  &  partagez  entre  {ç-s  frères.     Levi  reçût  le  Privilège  de  la  Sacri*- 
ficature.     Juda  eût  en  partage  deux  de  ces  Privilèges,  la  domination  & 
la  benediétion ,  c'eft-à-dire  la  promeiîé  de  la  femence  làintci  car  c'eft  de 
cette  tribu  qu'eft  venu  le  Meflie,  6c  c'eft  elle  qui  depuis  lamaifon  de  Da- 
vid a  toujours  régné  fur  les  autres  tribus.  Enfin  Jofeph  eut  la  double  por- 
tion, car  Manairé&  Ephraïm,  qui  ne  dévoient  compofer  qu'une  tribu  5 
firent  deux  tribus  en  IfraëL 

C'eft  du  4"^«.  de  ces  Priviîeires  que  nous  avons  à  parler.   C'eft  donc  l^^^-^'^^^,^^ 
lentiment  des  Juifs  que  les  amez  etoient  naturellement  revêtus  ûe  1  hon-  fiiesaîne^ 
«eurde  la  Sacrificature :  le  texte  du  Taimud  ledit  expreftementi  Bevara  J{°jJ"g 
que  le  tabernacle  fut  confirmt ,  Pufage  des  autels  particuliers  &  des  hauts  lieux  droit  de  Sa- 
etoit  permis ,  &  les  amez^  des  familles  fervoient  de  Sacrificateurs.     Nous  liions  "àfm'^^^' 
aufli  dans  un  Gommentairç.  Cabaliftique  flir  la  Genefe ,  qu^e  facob  defira  avec  Traa.  Me- 
une  grande  pafiion  la,  primogeniture  d"^ Efaii ,  parce  que  ^  comme  nous  l'' apprenons  de  Hl^^^  j 
la  tradition  ,  avant  que  le  tabernacle  fut  fait ,   les  autels  particuliers  n  é totem  pas  Bg^ri  • 
défendus  ,    ^  les  premiers  nez.  fervotent  de  Sacrificateurs.     C'eft  la.  raifon  que  Rabba.  fol^ 
Fm,  I.  H  rea-^° 


58  HISTOIREDESDOGMES 

rendent  les  Commentateurs  del'Ep.  aux  Hebr.  de  ce  que  St.  Paul  au  12. 
cliap.  de  cette  Ep.  appelle  Efaii  profane  ,   le  profane  Efaii    qui   vendit 
fan  droit  d'amejfe.     La  primogeniturc  étoit,  dit-on,  unechoferainte,  puis 
qu'elle  cnfermoit  la  dignité  Sacerdotale  \  ainfi  on  ne  pouvoit  la  méprifer 
fîuis  être  profane.     St.  Jérôme  avoit  appris  cette  même  tradition  de  fes 
Maîtres  Juifs  •■,  car  en  rapportant  leur  fentiment  fur  Melchifedec  il  parle 
Quscft.    _     ainfi  j   Us  diÇent  que  ce  Melchifedec  efi  Sem  ,    &  en  fuppuîant  les  années  de  fa 
Gen  aV"   "^'^  ^  '*^^  trouvent  qu'il  (i  vecu  jufqa'au  tems  d^/faac ,  &  que  tous  les  premiers  nez. 
SciiiEpift.    de  Noe'  furent  Sacrificateurs  ^  jufquesk  ce  qu' Aaron  fut  mis  en  pojfeffion  de  la  Sa-- 
ad  Evag.      crificature.  Pour  appuyer  cette  conjeéture  on  ajoute ,  qu'entre  les  Anciens 
les  Rois  étoient  auffi  Sacrificateurs  >    que  ces  deux  dignitez,  &:  Privilèges 
de  la  primogeniturc  étoient  infeparables  :  on  cite  là-delTus  ces  paroles  de 
Virgile, 
/Eneid.  Rex  Anius ,  Rex  idem  hominum  Phœbique  Sacerdos. 

'  ■  ^"  Sur  ces  paroles  Servius  difoitj  fane  A'fajorum  h^c  erat  confuetudo,  m  Rex 

ejfet  et iam  Sacerdos  'y  unde  hodie  Imper ator es  Pontifices  dicimus.  Dans  le  ip.  ch. 
dePExodeau  v.2.1.  Dieu  commande  aux  Sacrificateurs  de  fe fanétifier.  Or 
ileft  à  remarquer  que  le  Sacerdoce  d'x'\aron  n'étoit  pas  encore  établi  dans 
ce  tems- là:  c'eftpourquoy  la  tradition  des  Juifs  veut  qu'en  cet  endroit  par 
les  Sacrificateurs  on  entende  les  premiers  nez  des  familles  j  c'efl  ce  que 
nous  apprend  AbenEzra  furcepafiage,  les  Sacrificateurs,  dk-'û ,  font  les  pre- 
miers nez^^  parce  qpp ils  font  faints  ffelon  qu'ail  eji  écrit ,  fan^ifiez.  moy  tout  premier 
né.  Ils  prétendent  même  que  ces  aînez  des  familles  étoient  encore  Sacri- 
Exod.  24.  ficateurs j  quand  Moyfe  bâtit  un  autel  fous  la  montagne  de  Sinaï  ,  &  en- 
'  **  voja  les  jeunes  gens  des  enfans  d^Ifrael ,  qui  offrirent  des  holocaufles ,  &  facrifie- 

rent  des  hoHveaux  en  facrifice  de  profperité.   Onkelos,  qui  eft  un  Paraphrafte 
Ghaldée,  a  tourné,  &  il  envoya  les  premiers  nez  d^Ifrdél  qui facrifierent. 
D'où  eft  II  femble  aufii  que  ce  foit  de  cette  ancienne  coutume  que  Dieu  ait  pris 

coûmmede  occafion  dc  douucr  à  Moyfe  ce  commandement  ,  fanUifiez.  moy  tout  pre- 
fan^ifiei^     z^ji/Vr  né  ouvrant  la  matrice  entre  les  enfans  d'IfracL  En  fuite  Dieu  mit  les  Le- 
n°ez\  Dieu.  "^'''  '^^^  ^  ^^  placc  dcs  premiers  nezj  voici  fay  mis  les  Lévites  d'^entre  les  enfans  d'If- 
Exod.  13.     raéi  pour  tout  premier  né  ^  Gr  pourtant  les  Lévites  rir'appartiennenf^car  tout  premier 
Nomb.  î.     ^é  efi  a  moy  ,    depuis  le  tems  que  je  frappai  tous  les  ainez.  d'' Egypte  ,   je  me  fuis 
y.  12. 13.     fanRifié  les  aînez.  en  Ifiael  depuis  les  hommes  jufques  aux  bêtes.     Il  eft  vray  que 
Dieu  dans  ce  texte  pofè  la  dernière  playe  d'Egypte,  dans  laquelle  il  avoit 
tué  les  aînez,  pour  première  raifonôc  pour  caulè  fondamentale  de  ce  choix 
des  aînez  d'Ifraèl  pour  fon  fervice.   Mais  cela  n'empêche  pas  qu'il  n'ait  pu 
auffi  avoir  égard  à  la  coutume,  qui  de  tout  tems  avoit  été  obfervéede  fai- 
re exercer  la  charge  de  Sacrificateur  par  l'aîné  de  la  famille.     Il  femble 
encore  que  le  St.  Efprit  fafiè  allufionà  cette  coutume,  quand  après  avoir 
Hebr.  ii.     appelle  FEgliie  Pafemblée  d,es  premiers  nez.,  il  l'appelle  la  Sacrificature  roya- 
i!ep.  de     ^^3    Rois  &  Sacrificateurs  ,   une  nation  fainte  ,    comme  qui  diroit ,    un 
St.  Pierre     peuplc  faint  compofé  de  Sacrificateurs  ôc  de  Rois.     Car  les  fidèles  fem- 
Apoc.  !.($.   blent  être  appeliez  Rois  ôc  Sacrificateurs  par  le  droit  d'aîneffe  ,   à  caufe 
que  Dieu  les  achoifis  &  les  a  approchez  de  fa  perfonne,comme  les  met- 
tant en  la  place  de  tous  les  premiers  nez  de  la  terre  j  tout  de  même  qu'il 
avoit  mis  les  Lévites  prés  de  foy  pour  occuper  la  place  de  tous  les  aînez 
d'Ifraël.     On  peut  ajouter  à  tout  cela  une  raifon  qui  paroît  forte  ,   c'eit 

que 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Part.l.    ^9 

que  très  évidemment  les  livres  de  Moyfe  nous  apprennent  que  l'aîné  étoïc 
le  Prince  de  la  famille  5  Dieu  lé  déclare  en  parlant  à  Gain  touchant  Abel ,  Gen.  4. 5. 
fes  dejîrs  fe  rapportent  a  toy ,  &  m  domineras  fur  Iny,  cela  s'entend  en  qualité 
d'aîné.  Ifaac  croyant  bénir  Efaii,  comme  Ton  aîné,  lui  dit,  fois Maitre  fur  Gen, 27, 
ton  frère ,  &  (^ue  les  fils  àe  ta  mère  fi,  profiernent  devant  toy .   Dieu  pour  fïgni-  ^^" 
fier  qu'il  vouloit  transférer  le  droit  d'aîneffe  d'Efaii  à  Jacob  difoit,  le  pim  cen.  zj. 
grand  fervira  au  moindre.     Et  enfin  Jacob  en  beniflant  fes  enfans,  ôc  par-  ^-  ^'^• 
lant  de  Ruben  fon  aîné,  dit,  %uben  tt4,  es  mon  premier  né  ,   ma  iiertu  &  le  Gen.  49. 
commencement  de  ma  vigueur ,   excellent  en  dignité ^  excellent  en  force.     Il  eft  v-3-4. 
évident  que  ces  dernières  paroles  fîgnifient  le  Privilège  du  droit  d'aîneflé, 
6c  entr'autres  la  domination  dont  il  le  déclare  déchu  dans  le  verfet  fuivant 
à  caule  de  fbn  crime  :  Tu  t'^es  précipité  comwie  de  l'^eau  ,    tu  n* avanceras  pas , 
lui  dit-il.     Or  il  efl  à  remarquer  que  la  puilTance  fur  les  chofes  faintes  ôc 
qui  regarde  la  jR^cligion ,  dans  ces  fiécles,  n'étoit  pas  féparée  de  la  puiffan- 
ce  qui  regarde  les  chofes  civiles.     C'eft  pourquoy  il  ell  affez  apparent  que 
ceux  à  qui  la  naiflance  donnoit  la  domination  fur  les  autres ,  étoient  auiîi 
fuperieurs  dans  les  cliofes  faintes. 

Moyfe  en  qualité  de  Prince  du  peuple  Hébreu  a  fouvent  fait  office  de  Moyfc  s 
Sacrificateur.     Dans  le  8.  chap.  du  Levitique  nous  voyons  qu'il  fait  tous  saceSoM. 
les  offices  de -Sacrificateur  pour  confacrerôc  inaugurer  Aaron&;  fes  enfans. 
Il  prend  la  bête  ,   il  Tégorge ,  il  en  reçoit  le  fang  ,   il  le  répand ,  il  fait  '. 

fumer  les  graifTes  fur  l'autel  j  ôc  l'opinion  de  beaucoup  de  Rabbins  efl: 
ejue  Aioyfe  a  été  fouverain  Sacrificateur  tout  le  tems  que  le  peuple  a  été  dans  le  Schemot 
defert:  encore  que  d^ autres  croyent  qu'il  n'^a  exercé  la  Sacrijîcature  que  durant  Us  ^^{f.'^l^Tj.  . 
fept  jours  de  P inauguration  d'^Aaron  &  de  fes  enfans.  Ce  font  les  paroles  d'un 
ancien  Commentateur  Juif  fur  l'Exode.  Qi-ioy  qu'il  en  foit,  il  ell  certain 
qu'il  a  fait  office  de  Sacrificateur,  quand  il  a  voulu,  en  qualité  de  Prince 
du  peuple  :  &  il  efl  affez  apparent  que  le  même  droit  appartenoit  à  tous 
ceux  qui  étoient  Princes  dans  le  premier  âge  du  monde ,  foit  qu'ils  fafîent 
Princes  par  droit  d'éleélion,  ou  par  droit  d'aînefle. 

C'efl  là  ce  qui  fe  peut  dire  en  faveur  de  cette  tradition  ,   à  laquelle  je  Enqueirens 
n'ay  pas  deffein  de  m'oppofer.     Mais  cependant  il  la  faut  expliquer,  afin  ivofèmîe 
qu'elle  ne  paroiffe  pasfaufle:  car  fi  nous  regardons  la  chofe  de  près,  nous  droit  de  la 
verrons  que  cette  tradition  n'efl  pas  véritable,  priîe  au  pied  de  la  lettre  j  re?  tous" 
&  il  efl  certain  que  les  cadets  des  maifons  ,   auffi  bien  que  les  aînez  ,  leschefide 
*kvoient  ce  droit  de  fîicrifier.     Et  même,  pour  le  dire  en  un  m.ot ,   tous  volent^ sc^' 
les  hommes  étoient  nez  Sacrificateurs,  fans  diflinélion  d'aîné  i<.  de  puîné,  l'e^ei- 
On  en  voit  plufieurs  preuves  dans  l'Hifloire  des  Patriarches;  nous  voyons  ^'^^^°'^' 
Abel  ôc  Caîn  qui  facrifient  tous  deux  j    car  il  n'y  a  pas  d'apparence  que 
Caïn  ait  fervi  de  Sacrificateur  pour  la  viélime  de  fon  frère.     Et  ce  que- 
quelques  autres  difent,  que  ce  fut  Adam  qui  fit  office  de  Sacrificateur  pour 
l'un  Ôc  pour  l'autre,  n'a  aucun  fondement  dans  le  texte.     Nous  voyons 
qu'Abraham  facrifie  pour  lui  6c  pour  fa  famille  ;   Or  il  n'efl  pas  certain 
qu'il  fût  l'aîné  de  fa  maifon.  Au  moins  ne  pouvoit-il  jouïr  des  droits  d'aî- 
nefle que  fon  père  ne  fût  mort.  Jacob  facrifia  dans  k  montagne  oij  F-,aban 
l'atteignit,  quoy  qu'il  ne  fût  pas  l'aîné  ,   Ôc  qu'Ifaac  fon  père  fût  encore 
vivant.     Il  me  femble  donc  qu'il  ell  clair  que  tous  les  chefs  de  famille 
avoient  droit  de  facrifier  pour  leur  maiion. 

H  2.  Et 


éo  HISTOI  R  E  DES   DOGMES  - 

Ce  droitfe        ^t  même  dcpuïs  que  la  Sacn'ficature  fut  'attachée  à  la  fiimiile  d'Aaron ,  îî 
trTÊura'^"  ^^  évident  que  les  chefs  de  famille  conferverent  quelque  droit  de  Sacrifi- 
iites,mêi-ne  caturc, pendant  que  Dieu  toléra  ces  facrifices,  qui  le,  failbientfurxdes  autcls- 
fù&'if"^     particuliers.  Ce  qui  paroîtdans  l'Hifloire  des  juges  jpar.excmpic  Gedeon 
bâtit  un  autel  à  l'Eternel,  &  illacrifia  deffus,  quoy  qu'il  ne  fût  ni  de  la 
'  race  d'Aaron ,  ni  de  celle  des  Lévites,  mais  de  la  Tribu  de  Manaflé.  Nous 
voyons   la  même  cbofe  dans  l'Hilloire  de  Mdfioah  père  de  Samfon:  cet- 
homme  étoit  de  laTl'ibudeDan  j  6c  par  eonféquent  11  n'étoitniSacrifica-- 
teur,  ni  Lévite,  cependant  il  offrit  un  chevreau 'en  holocaufte  fur  le  ro- 
cher, &  Dieu  fit  tomber  le  feu  du  ciel.iurfonoffi-ande,.  ôc.rembraza,  ce 
qui  étoft  làplifs  fenfible  preuve  que.  Dieu,  pouvoir  donner  de  l'acceptation 
d'un  façrifice.  Qviand  Dieu  attacha  Ja  Sacrificature  à  "la  famille  d'Aaron ,  il 
îaiila  pourtant  quelque  trace  de  cette  ancienne  vérité ,  que  Je  droit  de  fa- 
erifiei*  appartient  à  tous  les'chefs  de  famille:  carilpermit  à  thaque  Ifraëlite 
qui  araenoit  faviélime  au  Tabernacle,  de  l'égorger  luy-méme,  ce  qui  étoit 
Uv'it  I  45  '^^  premier  office  de  Sacrificateur  :  le  texte  delaLoyy  cil  exprès  jjt  tjuel- 
q_!4''Hn^ojfre  un  holocaufie  an  Seigneur  ^  li  mettra  fa  mam  Jkr  la  tête  de  Pholocauf- 
Les  particu-  rf ,   cf^  il  égorgera  le  ba-uveau  en  la  prejence  du  Seignettr  ,   (^  les  Prêtres  enfans 
foSn/office  d'^^-'i'^'on  recevront  le  fang.  Remarquez  que  le  texte  dilfingue  l'office  du  Szt 
desacrifîca-   crificatcur  de  cclui  de-i'oîîrant.   Les  'Prêtres  enfans d"^ A ar on  recevront  le  fantr._ 
SuîaL^i  Voilà  ce  que- fait  le  Sacrificateur,.,  ôc  voici  ce  que  pouvoir  faire  l'ofirant. 
de  Aïoyie     //  mettra  la  main  fur  la  tête-^  dr  égorgera  lébouveim. 

nez  de  leurs      Touchanc  îes  facrificcs  de  proiperité  Dieu  dit  au  "if^^-  chap.  dû  même  Li- 
fiaiiiks.       yj-ç  j  //  mettra  la  main  fur  la  tête  de  fan  offrande  ,   &  P égorgera  a  la  porte  du  'Ta- 
bernacle d'^ajfgnation  :  ôc  au  ch.  fuivant  il  dit  encore ,  //  mettra  fa  main,  fur  la  tête^ 
de  la  bête  ,    ûT  P  égorger  a  dans  lâ^  place  où  l'on  égorge,  les  holocauftes  devant  PE- 
ternel.  Nos  Interprètes  qui  n'avoient  pas  bien  compris  cette,  vérité  ont  tour- 
né, &  on' égorgera  ^  rapportant  cette  aclionau  Sacrificateur  Mnais  le  texte 
Hébreu  dit,  &  dégorgera^  rapportant  clairement  celaàceluy  qui  prefente 
la  viéLime.,  &  qui  met  la  main  fur  fa  tête.  A'ufli  les  Doéfeurs  Juifs ,  qui  font 
plus  favans  que  nous  dans  les  antiquitez, de- leur  Religion,  font  d'accord  de 
cette  vérité.  Maimonides  nous  dit-,  que  les  étrangers  ^c'  ëH-Z'd'we^  ceux- qui 
T^ra'a^"'      n'étoient  point  de  l'ordre  des  S'acrificateui"^,  pouvoient  légitimement  égorgtr- 
biat  hatn-    JesfaintesviPlimes ^   même  lespltisfolemnelles,  foit  qpie. ce  fkjfent  celles  de  toutel'af- 
lU!  edasi.    fêmblée  ^  ainfi  qu'ir  eft  dit  au  premier  du  Levitique,  di:  il-ttîïrak bouveau ^ 

^  les 'Trêtres  enfans  d'Aaron  en  recevront  le  [an g. 
Dansbp^        Particulièrement  dans  la  Pâque,  qui  étoit  un  véritable  ficrifice,  tous  les 
Pera°d!?fa-'   chefs  de  famille  faifoient  l'office  de- Sacrificateur,  &  égorgcoient eux-mê- 
miiie  e^er-   mcs  Icur  agocau.    Ceft  pourquoi  Philon  îuif,  qui  d'ailleurs  n'efi:  pas  fîi- 

coientla  Sa-  j  F  ■       ■  J       ;      \i,     v     •  '      r  «  ,i    /      - 

ciihcatiiie.    Vcint  dans  les  antiquitez  de  la  Religion  de  les  ancêtres,  parce  qu  il  etoïc 

.    né  &  élevé  entre-les  Grecs^  reconnoît  pourtant  ,  -^«f  dans  laTâcjue  toute 

Mods.  /•?  TSlation  facrife-^  &  ch^.cun  égorge  fa  viBime  de  fès-.mains  ,,?f;r  e^tP'alors  tout  le 

^ .,    ,  peuple  le  rejomfjôit  d'être  honoré  de  la  dignité  du  Sacerdoce.    Il  dit  encore  dans 

caiog.  un  autre  endroit,    (jue  d^ins  cette  fête  de  Tâ^^ue  chacun  ficrifioit  en  public  fans 

attendre  le-  Sacrificateur  ,  la  Loy  permettant  a  chacun  dans  le  jour  marqué  de  fat-. 

re  toui  les  ans  Pbjf  ce-  de  Sacrificateur.  Il  fe  trompe  en  ce  qu'il  croit  que  cela 

n'étoit  permis  que  daîis  la  feule  fête  de  Pâque,  &  fur  le  iéul  agneau.  Mais 

il,a  r^jfon  de  dire  qu'alors  tout  le  peuple  devênoit  Sacrificateur  j  Ôc  jene 

doute. 


ET  DES  CULTES  DE  UEGLISE.  PartA.    ér 

doute  pas  que  ce  ne  fût  un  relie  de  Tancienne  coutume,  par  laquelle  avant 
Moyfe  chaque  chefde  famille  avoit  ce  droit  de  {acriiîer.  Les  jeunes  gens  '"as^g^*'"' 
dont  nous  parle  Moyfe  au  19.  de  l'Exode,  qu'il  envoya  facrifier  au  pied  qui  fonten- 
de  la  Montagne  de  Sinaï,  font  encore  une  preuve  de  ce  que  j'établis  ,  que  facrf|e?°au 
le  droit  de  ficnfier  apparteif^it  naturellement  à  tous  les  mâles  indifïerem-  chap.  19.  de 
ment.  Car  ce  que  le  ParaphralleChaldée,  &  les  juifs  après  lui  fuppofent  ^•^^°'^^' 
que  ces  jeunes  gens  étoient  les  aînez  d'IiVaèJ ,  ell  fans  aucune  vray-(cra- 
blancci  puifque  luivantie  droit  d'aineilè  il  eût  fallu  prendre,  non  pas  des 
jeunes  gens,    mais  les  chefs  des  Tribus.  Cette  coutume  s'ell  enfuire  ré- 
pandue parmi  \cs  Payens,  oi^i  l'on  voit  plulieurs  perfonnes  qui  facrifient, 
&  qui  offrent  desviélime^,  bien   (Qu'elles  ne  loient   pas   Sacrificateurs 
d'omcc- 

Voici  donc  en  peu  démets  ce  que  nous  pouvons  recueillir  de  rHiiloire  Pendant  que 
de  l'ancienne  Eghfe  touchant  leurs  Sacrificateurs.   C'eil  que  les enfans  de /fofem^en- 
famille ,  pendant  qu'ils  étoient  dans  la  maifon  paternelle ,  ne  pou  voient  facri-  core^dansia 
fier  de  leur  chef  >  &  la  principale  raifon  qui  les  en  empêchoit  ,,c'eil  qu'alors  terÉeUe.^iis 
ilsn'avoient  rien  e,n  propre,  &:  par  conié'iuent  ilsn'étoient  pas  en  état  de  "'^voient 
rien  donner.  Or  Dieu  veut  qu'on  luy  donne  de  ion  propre  dans  les  facriii-  faaifier. 
ces.    Il  n'y  a  point  d'apparence  que  l'empêchement  vint  de  la  viedu  père, 
comme  fi ,  parce  qu'il  étoit  en  poffeffion  du  Sacerdoce ,  cette  dignité  n'eût 
pû  pafîér  à  iés  enfans  qu'après  la  mort  :  au  contraire  il  eil  clair  que  tout 
aulKi-tôt  que  ce  fils  étoit  hors  delà  maifon  de  Ton  père, qu'il  étoit  marié, 
qu'il  avoit  famille  ôc  polTedoit  du.  bien ,  il  étoit  en  droit  de  faire  fes  facri- 
lices  luy'^même.  Celaeft  très -évident  par  l'Hiiloire  de  Jacob  ,  qui  ilicrifia 
tant  de  fois  après  fon  retour  de  Mefopotamie,  quoi  que  fon  père  fût  en- 
core vivant.  Si  cette  propofition  étoit  véritable  dans  toute  fa  rigueur,  qtie 
la  dignité  Sacerdotale  eût  été  particulière  aux  aînez,  fans  pouvoir  paiTer 
à  d'autres,  il  y  auroit  eu  bien  peu  de  Sacrificateurs.  Sem  vécut  foo.  ans  semvécuî- 
après  le  Déluge  :  fi  en  qualité  d'aîné  il  eût  été  le  Sacrificateur  à  l'.exclufion  '°°;  ^,"1,' 
de  tous  les  autres  durant  f 00.  ans,- il Ji  y  auroit  eu  qu  un  Sacrificateur  au  luge. 
Monde  j  fes  enfans  pendant  fa  vie  s'étant  écartez,  ôc  ayant  occupé  de 
fi  grandes  Provinces,  co^jament  feroit-on  venu  à  luy  de  tant  de  Heux  pour 
faire  des  facrifites?: 

Tout  ce  que  nous  venons  de  dire  pour  prouver  que  tous  les  chefs  de  Les  aînez 
famille,,  &  même  tous  les  mâles  étoient  aîors  Sacrificateurs,  femble  ne  j^°|j^g  5^, 
s,'accorder  pas  trop  bien  avec  cette,  ancienne  Tradition  ,  que  les  aînez  crificatme  ' 
pofièdoient  laSacnficaturecomme  un  de  leurs  privilèges.  Voici  dans  mon  ex^îîencer 
léns  ce  qu'on  peut  dire  pour  accorder  ces  deux  veritez.  Les  aînez  re-  mais  fans 
cevoientle  droit  de  la  Sacrificature  ,  comme,  ils  recevoient  le  droit  de  la  ^"oit  dçs^a»- 
Royauté.   Or  cette,  domination ,  cette  Royauté  des  aînez  n'empêchoit  pas  tï«s« 
que  tous  les  chefs  de  famille  n'euffent  leur  authoiicé  particulière  fur  leurs 
biens ,  fur  leurs  enfans  &:  iûr  leurs  efclaves.  Ainfi  le  Sacerdoce,  qui  écoit  pof- 
fedé  d'une  manière  plus  éminente  par  Paîné  de  la  maifon ,  ne  laiflbit  pas 
de  fe  fubdivifer  &  de  fe  partager. entre  tous  les  frères,  quand  iisvenoient 
à  former  des  familles  feparées.  Les  cadets  d'une  maifon  étoient  Sacrifica- 
teurs de. leur  famille  fimplement,  &  ne  Tétnient  pas  naturellement  des  fa-; 
milles  de  leurs  frères.    Mais  l'aîné  l'étoit  de  tous  les  .rreres  fes. inférieurs, 
Se.  ii.  étoit  eA. droit  de  les  afiTembler  ôc  de  facrifier  pour  eux.    Par  exemple 

H  3  daiis 


62  HISTOIRE  DES  DOGMES 

dans  leurs  fèces,  quand  ils  s'alîembloient  extraordinairement,  6c que  tou- 
tes les  divcrfes  branches  d'une  mêmemaifonfe  rencontroient ,  je  ne  dou- 
te pas  que  le  droit  de  fîicrificr  pour  toute  cette  affemblée  n'appartint  à  la 
branche  de  l'aîné  -,  &  même  je  croy  que  celui  qui  étoit  appelle  Patriar- 
che, chef  de  la  famille,  exerçoit  une  efpecê  de  furintendance  fur  la  Sa- 
crificaairede  i^es  inférieurs,  ôc  qu'il  étoit  comme  un  Souverain  Sacrifica- 
teur dans  fa  famille.  Ainfi  plus  un  Patriarche  étoit  ancien ,  plus  il  voyoit 
de  defcendans  fous  lui,  6c  plus  fon  facerdoce  étoit  étendu.  Par  exemple 
Sem ,  qui  a  vécu  f  oo.  ans  après  le  Déluge ,  qui  a  veu  un  grand  peuple 
difperfé  dans  divcrfes  Provinces,  forti  de  lui ,  étoit  comme  un  grand  6c 
fouverain  Sacrificateur,  qui  voyoit  fous  lui  un  grand  nombre  de  Sacrifica- 
teurs inférieurs.  Je  ne  doute  pas  que  ce  Melchifedec ,  qui  étoit  Roy  de 
Salem,  quiell  appelle  Sacrificateur  du  Dieu  Souverain,  ne  fût  l'un  de  ces 
anciens  Patriarches,  qui,  voyant  au  defibus  de  foy  un  grand  peuple  de  fes 
enfans ,  étoit  leur  grand  Sacrificateur.  Mais  ce  perfonnage  eft  trop  re- 
marquable dans  cette  Hilloire  del'Eglife  pour  être  pafie  ainfi  légèrement. 
C'eft  le  feul  homme  qui  foit  appelle  Sacrificateur  dans  ce  premier  pério- 
de :  c'eftpourquoy  nous  ne  faurions  le  négliger,  en  parlant  de  la  dignité 
Sacerdotale,  6c  de  ceux  qui  la  foûtenoient  avant  la  Loy  de  Moyfe. 


CHAPITRE     V  I«. 

De  Melchifedec  &  de  fon  Sacerdoce.   C^e  la  nation  Chananéenne  du 
iems  de  Melchifedec  n'a  oit  point  idolâtre. 


L 


A  manière  dont  Moyfe  introduit  Melchifedec  dans  fon  Hifloire  efi  fi 
furprenante  6c  fi  étrange ,  que  quand  le  St.  Efprit  ne  nous  en  auroit 
pas  avertis ,  nous  verrions  facilement  qu'il  y  a  là  dedans  de  très  grands 
myfteres.  Un  homme  de  la  dernière  importance,  un  Roy,  un  Sacrifica- 
teur du  Dieu  Souverain  5  fuperieur  à  Abraham  le  père  êcs  croyans,  tom- 
be comme  des  nues,  vient-rencontrer  ce  Patriarche  qui  retournoit  de  la 
défaite  des  Rois ,   prend  la  dîme  du  butin  ,   6c  difparoît  dans  le  même 
moment  pour  ne  plus  reparoître  dans  l'Hifioire.  Je  ne  veux  point  ici  co- 
pier les  lieux  communs.  Il  n'y  a  gueres  de  difficultez  dans  l'Ecriture  fur 
laquelle  les  Savans  fe  foient  davantage  exercez  ,   mais  je  ne  rapporterai 
•Mckhifedec  point  ce  qu'ils  ont  dit.  Je  ne  m'amuierai  donc  point  à  réfuter  ni  Origene^ 
"'4''''^^  _    qui  a  crû  que  c'étoit  un  Ange  apparoifiant  en  forme  humaine,  mXtsMel- 
chrift.       chijedectem,  qui,  ieion  le  rapport  d  Epiphane,di{oient  que  c  etoit  quelque 
hÏS?"^    vertu  de  Dieu,  fuperieure  même  à  Jefus-Chrifti  ni  \ts Hieracites ,  qui  di- 
foienc  que  c'étoit  le  St.  Efprit  j  ni  ceux  d'entre  les  Modernes  qui  veulent 
que  ce  fût  Jefus-Chrifi:  lui-même,  lequel  voulut  donner  un  prélude  de  fon 
Cunîeusde  Incarnation  par  cette  apparition  miracuieufe.     C'eft  un  grand  paradoxe 
Lilfs.ap.'s.  ^"^  celuyqui  naît  necefiairement  de  l'opinion  de  ces  derniers,  quejefus- 
pierre  du     Chrift  ait  paru  6c  fejourné  en  terre  un  long-tems  pour  y  exercer  la  Sacri- 
"*      ficature  6c  pour  y  être  Roy  d'une  ville  appellée  Salem.    Je  fay  bien  que 

Cu- 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  TartJ,    G^ 

fes  Decadesi 


Cunasus  ne  fuppofe  pas" cela;  au  contraire  il  croit  que  ce  fut  une  appari    '^^"5la..cîe 


tien  de  peu  de  momens;  que  le  nom  de  Sacrifàcateur  n'efl  donné  à  Mel- 
ehifedec  que  parce  que  Jefus-Chrift  a  paru  en  habit  de  Sacrificateur  ,  6c 
que  le  nom  de  Salem  ne  fignifie  pas  une  ville  ,  mais  doit  être  interprété 
Roy  de  paix;  titre  qui  eil  donné  auMeflie.  Mais  ce  feroit  une  chofe bien 
étrange  qu'Abraham  ne  fe  fût  point  enquis  de  ce  Melchifedec  ,  qui  il 
étoit ocd'oiiilvenoit,  fi  ce  perfonnage  lui  avoit  été  inconnu,  6c  qu'il  fût 
depuis  peu  defcendu  des  Cieux.  11  n'y  a  plus  d'Hiftoire  dans  l'Ecri- 
ture S^^ .  dont  le  fens  littéral  foit  en  quelque  fureté  ,  fi  l'on  prend  la  li- 
berté de  changer  ainfi  en  allégorie  les  récits  les  plus  fimplcs  &  les  plus 
circonflantiez. 

Je  n'entrerai  pas  plus  avant  dans  ce  démêlé,  ôcfuppoferai  feulement,  où  étok 
comme  une  vérité  qui  efi;  d'un  confentement  à  peu  prés  univerfel^ôc  de  la  der-  J^^t  ^ll^ 
niere  évidence,  que  ce  Melchifedec  étoit  un  véritable  homme ,  Roy  de  Salem  chifedec 
&  Sacrificateur  du  vray  Dieu.     Je  ne  me  mets  pas  aufii  fort  en  peine  de  fa-  *='°"^°y* 
voir  quelle  eil  cette  Salem  dont  ce  erand  perfonnage  étoit  Roy  :   fi  c'é-        .. 
toit  cette  ville  qui  fut  depuis  appellee  Jerufalem ,  ou  fi  c'étoit  une  autre 
Salem  que  St.  Jérôme  place  afi^ez  prés  du  Tordain  &  de  Scythopolis.  Cet-  Hieron, 
te  ville  portoit  encore  ce  nom  la  de  Ion  tems ,    oc  il  dit  y  avoir  vu  les  Evag.  &  de 
ruines  d'un  vieux  palais  qu'on  difoit  être  celui  de  Melchiièdec.     11  fuffit  locisHebr. 
de  favoir  que  cette  Salem  étoit  dans  la  terre  de  Chanaan,  oii  Abraham  ha-  ^e  vituio 
bitoit  alors  comme  étranger.  Monc^eus  veut  que  cette  Salem  de  Melchi-  Jap.°i.^ 
fedec  fût  la  ville  deSichem,  parce  que  dans  la  Verfion  des  70.  &  dans  la 
Vulgate  Latine  elle  eft  appellee  Sa/em  Siclmnorum  au  35.  chap.  de  la  Ge- 
nefe  v.  18.  Il  ajoute  que  Melchifedec  avoit  confacré  un  bocage  auprès  de 
cette  ville  ,   où  il  avoit  établi  le  culte  du  vray  Dieu  :  que  ce  bocage  de 
Sichem  efi;  celui  dans  lequel  il  efi;  dit  que  Jacob  enterra  les  Dieux  dts 
étrangers  quand  il  fe  retira  de  Sichem.   Et  ils  baillèrent  a  facob  tom  les  Dieux 
des  étrangers  qui  étaient  en  leur  main  &c.    &  il  les  cacha  fias  un  chêne  qui 
étoit  en  Stchem,     Ce  chêne  ,  dit-on  ,   fignifie  le  bocage  entier.     Ce  bo- 
cage efi:  toujours  demeuré  célèbre.  C'eft  celui ,  dit-il ,  qui  efi;  appelle  le 
Sanéluaire-  de  l'Eternel  dans  Jofué  (2,4.  zf.)    Et  foft^é  traita  alliance  en  ce 
jour  la  avec  le  peuple ,   &  lui  propofa  des  loix  &  des  ordonnances  en  Sichem.     Il 
écrivit  ces  paroles  an  livre  de  la  Loy  de  Dieu.     Il  prit  anjfi  nne  grande  pierre , 
&  P  éleva  fous  un  chêne  qui  étoit  au  San^uaire  de  P  Eternel  :  C'efi:,  dit -il  ,    le 
même  bocage   dont  il  eft  parlé  au  livre  dts  Juges.     Et  tous  les  Set-  juges  6.  j?, 
gnturs  de  Sichem  s^ajfemblerent  &c.    &  établirent  Ahimelech  pour  ^çr  poche 
la  chênaye  de  haute,  futaye  qui  efi  en  Sichem.     Enfin  c'étoit  un  lieu  fi  véné- 
rable pour  l'antiquité  de  la  Religion  qui  y  avoit  été  exercée  par  Mel- 
chifedec ,  qu'ordinairement  on  y  élifoit  \ts  Rois.      C'étoit  là   oii  l'on 
avoit  deftiné  d'éfire  Roboam  pour  Roy.       Et  Rohoam  s'*en  alla  en  Si- ■^■^ti^m, 
chem,  parce  que  tout  Jfra'el  étoit  venu  en  Sichem  pour  le  faire  Roy.     Ce  Sanéluai-  i- 
re  de  Melchifedec  établi  en  Sichem  eft  purement  de  la  façon  deMoncseus, 
le  tout  appuyé  fur  ce  que  les 70.  ôcla  Vulgate  ont  appelle  Sichem,  Salem 
des  Sichemites  :  mais  il  eft  bon  de  favoir  que  dans  l'Hébreu  il  y  a  fimple- 
ment  Sichem  ÔC  non  Salem.  Et  facob  arriva  fain  &  fauf  a  la  ville  de  Sichem^ 
les  70.  ont|)ris  nh^  pour  un  nom  propre  de  ville.  Mais  il  y  a  plus  d'ap- 
parence que  c'tft'un  nom  adjeé^if  qui  fignifie  fain  6c  entier  ,  car  aucun 

Geo- 


64  HIST  OIR  E  DES   DO  GMES 

Géographe  n'a  connu  de  Salem  en  ce  lieu-la.  Cette  ville  dont  il  efl:  très 
fouvent  parlé  ell  toujours  appellée  Sichem  6v  jamais  Salem.  La  Salem,  où 
St.  Jérôme  dit  avoir  vu.  les  ruines  d'un  vieux  château  qu'on  appelloit  de 
Mcichilcdcc  5  écoit  prcs  du  Joidain,  &  par  conféquent  Giflez  loin  de 
Sichem.  Quant  à  ce  Sanèluaire  de  Sichem,  dont,  il  eit  parlé  au  Kvre  de 
Joilié ,  je  croy  que  c'étoit  un  bocage  que  Joiuc  avoit  coniacrc  ^ans  le 
lieu,  qu'il  avoit  jugé  le  plus  commooe  pour  y  afiembler  les  Tribus  êc  les 
Etats  de  la  nation,  comme  étant  au  milieu  du  pais.  Et  l'on  facrifioit  dans 
ce  bocage,  parce  que  durant  tout  le  tems  des  Juges  il  étoit  permis  de 
{acrifier  dans  les  bocages.  Et  celui-ci  devint  célèbre,  non  pas  à  caufe 
de  Melchiiédec,  mais  à  caufe  de  ces  aflemblées  folemnelles  qu'y  failcitjo- 
fué.  Cela  même  que  Jacob  enterra  les  idoles  fous  un  des  chênes  de  ce 
bocage,  comme  le  fuppofe  Moncisus ,  détruit  l'opinion  qu'il  a  que  ce  fût 
le  Sanêbuaire  de  Melchifedec.  Car  Jacob  n'auroit  pas  i'oulu  profaner  un 
lieu  (î  iaint  &  il  vénérable,  il  efl  donc  plus  vray-femblable  que  cette 
Salem  eft  l'ancienne  Jerufalcm ,  parce  que  le  lieu  de  Hebron,  oii  demeu- 
roit  Abraham,  étoit  aflèz  loin  du  jordain,  oij  étoitfituée  la  Salem  de  Scy- 
Hjfljfjl:  thopolis ,  &  n'étoitpas  fort  prés  de  Sichem,  oii  les  70.  ont  mis  un  autre  Sa- 

lemi  5  mais  il  étoit  fort  proche  de  Jcrufalem.  A'mCi  il  n'eil  pas  difficile  à 
comprendre  comment  Melchifedec  pût  venir  au  devant  d'Abraham  3  car 
-étant  fon  voiiîn  ôc  fon  ami,  il  devoit  bien  le  féliciter  de  fa  viéloire.  La 
ieule  chofe  que  je  cherche  ici ,  c'elt  qui  étoit  ce  Melchifedec.  L'opinion 
la  plus  commune,  &  qu'on  peut  appeller  genci-ale ,  c'eft  qu'il  étoit  Cha- 
nanéen,  que  les  peuples  Chananéens  étoient  tous  impies  ^  idolâtres,  & 
que  Dieu  dans  cette  corruption  générale  par  une  efpece  de  miracle  avoit 
confervé  cet  homme,  pour  en  faire  un  excellent  type  de  ion  fils. 
îî  n'eft  pas  Je  pcufc  qu'avaut  toutes  chofes  il  fera  bon  d'examiner  cette  fuppofition 
ciilmnéens  ^^^^  ^'°^^  fait  avcc  tant  de  confiance,  que  la  nation  Chananéene  étoic  en- 
du  tuns  tierement  idolâtre  &  impie.  Pour  moy  je  trouve  que  cela  ell  fort  incer- 
fiiffent^e^  tain,  fi  même  cela  n'eil  faux.  Il  n'y  a  pas  d'apparence  que  Dieu  ne  le 
neraieaient  fût  pas  coufcrvé  uu  pcuple  affcz  confiderablc  dans  une  nation,  où  il  y  avoit 
un  homme  qui  portoit  le  nom  de  fon  Sacrificateur  par  excellence, ce  qui 
ne  fe  pouvoit  peut-être  pas  rencontrer  en  aucun  autre  lieu.  Je  trouve  l'opi- 
nion des.Theolagiens  peu  édifiante ,  en  ce  qu'ils  difent  quel' Eglife  étoit  ren- 
fermée dans  une  feule  famille  ;  comme  fi  la  feule  maifon  d'Abraham,  6c  quel- 
ques autres  de  la  race  deSem,  euflénteu  en  partage  la  crainte  &  la  connoii- 
ianceduvray  Dieu.  On  peut  dire  avec  afiûrance  que  cela  n'eil  pas.  Dieii 
-dans  ce  fiéclen'avoit  point  encore  fait  le  partage  des  cations  ,  il  n'avoic 
-pas  encore  déclaré  quelles  nations  il  vouloit  choifir ,  &  quelles  nations  il 
vouloit  négliger  =  Ileilvrayque  dés  le  tems  d'x'\braham  Dieu  commença  à 
jetter  les.  fondemens  de  cette  diilinétion,  qu'il  vouloit  mettre  entre  le  peu- 
ple d'Ifraél  &  les  autres  peuples  de  la  terre  ;  C'ed  pourquoy  il  fépara  la 
tamille  d'Abraham  des  autres  familles  de  la  terre  par  lefceau  de  laCircon- 
cifion  :  Mais  il  eft  faux  que  la  vraye  connoilfance  de  Dieu  fût  renfermée 
dans  cette  famille.  La  fauileté  de  cette  iùppofition  paroît  par  l'Hiiloire 
de  Job  &  de  fes  amis,  qui ,  félon  toutes  les  apparences  ,  étoient  contem- 
porains d'Abraham  ,  Se  qui  n'étoient  pourtant  pas  de  fa  maifen.  De  plus 
c'cû  retreflir  les  bornes  de  l'éleélion  d'une  étrange  m*an*ere,  que  de  la 

rea- 


ET  DES  CULTES  DE  UEGLISE.  Tm.  I.    éf 

renfermer  dans  une  feule  famille,  en  fuppofant  que  tout  le  relie  de  la  ter- 
re étoit  abandonné  de  Dieu.     Il  eft  donc  certain  que  dans  cç,%  liécles  \ts 
chofes  étoient  mêlées  5  il  y  avoit  des  idolâtres  dans  la  race  deSemôc  dans 
les  familles  des  Patriarches,  comme  il  paroît  par  l'Hiftoire  de  Laban on- 
cle de  Jacob ,  qui  fervoit  des  Teraphins.     D'autre  part  dans  les  Peuples 
que  Dieu  devoit  un  jour  abandonner  il  s'étoit  confervé  un  nombre  con- 
fiderable  d'élus.     L'Eglife  dans  ce  tems-là  n'étoit  pas  diftinguée  ,  com- 
me elle  eft  aujourd'huy,  par  nations,  mais  par  familles.  Dans  une  même 
nation  une  famille adoroit  le  vray  Dieu,  ôcune  autre  étoit  idolâtre.  C'ell 
pour  cette  efpece  de  confufion  que  les  Juift  ont  quelque  raifon  d'appeller 
ce  premier  période  de  l'Eglifeinn  tohoti  ,   d'un  mot  dont  Dieu  exprime 
le  chaos  au  commencement  de  la  Genefe.  Car  les  idolâtres  ôc  les  fidèles  y 
étoient  mêlez  comme  en  confulîon,  ôc  chacun  faifoit  ce  qui  lui  fembloit 
bon  en  matière  de  Religion.  Je  ne  doute  pas  que  les  Cananéens  ne  fuf- 
fent  à  cet  égard  femblables  aux  autres  nations,  c'eft-à-dire  qu'il  n'y  eût 
entr'eux  beaucoup  de  fidèles  &  beaucoup  d'idolâtres.  Il  fe  peut  faire  que 
le  nombre  des  idolâtres  commençoit  à  prévaloir  ,   parce  que  Dieu  com- 
mençoit  peu  à  peu  d'abandonner  ce  peuple  lequel  il  vouloit  détruire  dans 
quelques  lîécles. 

Mais  on  ne  voit  pas  que  cette  nation  fût  alors  dans  une  fouveraine  cor-  Preuves  qne 
ruption  comme  on  le  fuppofe.     i.  Ce  que  les  Hethiens  dii-ent  &  firent  ^^"L^"*^^' 
a  Abraham  a  la  mort  de  Sara  porte  le  caracterc  de  très  honnêtes  gens,  n'étoicnt 
Ils  reconnoil^nt  Abraham  pour  un  grand  homme  &  pour  un  grand  fer-  fres."^"^*' 
viteur  de  Dieu,  in  es,  lui  difent-ils,  entre  mus  un  Trince  excellent.   Ils  lui  lcsHc- 
offrent  le  plus  beau  de  leurs  fepulchres,  ils  veulent  lui  donner  le  champ  îoîeSt  pàf 
lequel  il  demande ,  fans  en  recevoir  le  prix.  Il  n'y  a  pas  d'apparence  que  idoktres. 
des  idolâtres  eulîent  eu  tant  de  refpeél  ôc  tant  de  confideration  pour  un  ^^"*  ^*°  - 
homme,  qui  eût  été  l'ennemi  mortel  de  leur  Religion. 

2.  L'Hiftoire  de  la  manière  dont  fe  conduifit  Abimelech  Rqy  de  Gue-  NiAbime- 
rar  à  l'égard  d'Abraham  quand  il  prit  Sara,  penfant  qu'elle  étoit  la  fœur'^y^^^j.''^''^ 
de  ce  Patriarche,  &  non  pas  fa  femme,  ne  marque  point  du  tout  que  ce 
fût  un  méchant  homme,  ni  un  idolâtre,  i.  Dieu  lui  apparut  en  vifionj  or 
il  n'avoit  pas  accoutumé  d'honorer  les  idolâtres  de  fes  révélations  i  àc  ï{ 
eft  à  remarquer  que  Dieu  n'en  ufa  pas  de  même  avec  Pharaon,  qui  fit  la 
même  chofe  avec  Abraham, prenant  Sara,  dans  lapenfée  que  ce  fût  la  fœur 
dqce  Patriarche.  Dieu  ne  l'avertit  de  fon  péché  que  par  de  grandes  playeSj 
dont  il  le  frappa  lui  &  fa  m.aifon.  Cette  diftèrente  manière  d'agir  vient  ap- 
paremment de  ce  que  l'Egypte  &  fon  Roy  étoient  déjà  plongez  dans  la 
fuperftition  &  dans  l'idolâtrie  ,  ôc  la  Nation  Cananéenne  ne  l'étoit  pas 
encore.  Outre  cela  ce  qu' Abimelech  répondit  à  Dieu  eft  remarquable,  ^ê-/-  Gea.  2». 
gnenr ^  lui  dit-il  ,  ttieras-ta  au^i  la  Nation  jufie?  fay  fait  ceci  dans  l'^integrité 
de  mon  cœur ,  &  dans  la  pureté  de  mes  mains.  Il  ne  paroît  pas  dans  cts  pa*- 
roîes  qu'Abimelech  méconnût  ôc  ignorât  le  vrai  Dieu,  Nous  voyons  que 
Dieu  ordonne  à  Abimelech  de  s'addrefter  à  Abraham,  afin  qu'il  faÔè  requê- 
te pour  lui,  car  ilefi  Prophète,  lui  dit  Dieu.  Il  paroît  donc  qu'Abimelech  avoit 
de  la  foy  pour  les  Prophètes  du  vrai  Dieu,  puis  que  le  Seigneur  luidon- 
noit  ordre  de  faire  prier  Abraham  pour  lui  en  quahté  de  Prophète.  La  ma- 
nière dont  il  rendit  à  Abraham  fa  femme  fans  la  toucher,  ôc  en  le  com- 
Fart.  I.  I  'blanc 


66  H  I  S  T  G  I  R  E  DE  S  D  O  G  M  E  S 

blant  de  riches  prefens,  ell  d'un  parfaitement  honnête  homme.  Mais-fiif. 
tout  dans  l'alliance  que  cet  Abimelech  voulut  traiter  avec  Abraham,  il  par- 
le abfolument  comme  un  hornme  éclairé  de  la  connoiflance  du  vrai  Dieu. • 
Cen.  aT.îz-  il  lui  dit,  Dien  efi  avec  toy.en  toutes  chofes ,  maintenant  jure  moy  icy  par  Dieu 
que  tu  ne  me  mentiras  f  as.    Il  ne  dit  pas,  jure  moy  par  les  Dieux,  &  je  voy 
que  les  Dieux  te  favorifent. 
Lefucceffeui      3.  On  pcut  faite  les  mêmes  réflexions  fur  la  conduite  du  même  Abime- 
d'Abime-    ■  jg^i^  ^  Qjj  ^g  Çq^  fuçcefféur,  envers  Ifaac,  qui,  pour  les  mêmes  raifons  que  fon 
p"s  idolâtre,  pcrc  Abraham,  difoit  de  fa  femme  qu'elle  étoit  fa  fœur.  Ce  Prince  ayant 
reconnu  par  la  familiarité  avec  laquelle  Ifaac  vivoit  avec  Rebecca,  qu'el- 
le étoit  fa  femme,  luy  dit,  cjuejh-ce  que  tu  nous  as  fait  ^  peu  s'' en  efl  fallu 
t,en. .  .10.    ^^  ejHel(]u'^un  du  peuple  n'hait  couché  avec  ta  femme ,    ^  que  tu  ne  nous  ayes 
rendus  coupables  ?  Ce  difcourseftailuréme.nt  d.'un  homme  qui  a  la  eonfcien^ 
ce  fort  tendre,  Se  qui  eft  très  craignant  Dieu. 
l'Hiftoire        4-  Ce  quc  firent  les  habitans  de  Sichem ,  après  que  le  fils  de  leur-Prin- 
dessiche-     ^c  cut  ravi  Dina  fille  de  Jacob,  fait  voir  que  non  feulement  ils  avoient  une 
^iieprewve»  honnête  morale,  maisauffi  qu'ils  craignoient  Dieu.  Us  fêlai  fièrent  perfua- 
der  de  fe  faire  circoncire  pour  devenir  un  même  peuple,  ôc  être  d'une  mê- 
me Religion  que.  la  famille  de  Jacob.     Jl  n'y  a  pas  d'apparence  que  s'ils, 
eufl^ent  été  tous  idolâtres,  ils  fe  fyfltint  fi  facilement  refolus  à  abandon-- 
ncr  leurs  Dieux. 
îj'Hîftoire         f.  Ce  qu'Abraham  difoit  à.  Dieu  touchant  Sodome,  s"*  il  y  a  dans  la  ville 
^<-^°^°'^^_'  ^o,jufies ,  feras-tu  périr  le  j0/l-e  avec  le  méchant?  Prouve  bien  que  dans  le 
ve.  pays  de   Canaan  il  y  avoit  d'autres  juftes  que  ceux  de.  fa,  famille  j  autre- 

ment il  n'auroit  pas  fuppofé  que  dans  Sodome  ilpouvoit  y  avoir  f.o.  juftes,, 
puis  que  fi  tous  les  Cananéens  eufi^ent.  été  idolâtres  ôcinfidéles^,  il  nepou- 
voit  pas  même  y.  en  avoir  un. 

6.  Quand  les  enfans  de  Jacob  firent  avec  les  Sichemites  ce  frauduleux 
Traité  dont  nous  venons  de  parler,  fur  lapropofitionqueleurfaitle  Prin-. 
ce  de  Sichem  de  s'unir  avec  eux  par  mariage  ,  Simeon  &  Levi  ne  luy, 
éppofent  que  le  défautde  Ciiconcifion  ,  nousnepourrians  doanerîiosfii- 
Içs  à  des  incirconcis,  difent-ils.  Si  les  Sichemites  eufient  été  univerfelle- 
ment  idolâtres,  les  enfans  de  Jacob  n'auroient-ils  pas  ajouté  la  caufe  d'i- 
dolatrie  pour  raifon  du  refus  qu'ils  faifoient  de  s'unir  avec  eux  l- 

7.  jetrouve  dans  l'Hiftoire  d'Ifaac  &  de  Rebecca  une  autre  preuve  de- 
■  cette  vérité.  G'sft  que.  non  feulement  il  y  avoit  de  vrais  fidèles  entre  les> 

Cananéens,  il  y  avoit  même  de  vrais  Prophètes.  Rebecca  fentant  les  gé- 
meaux febattre  dans  fon  ventre,  s'' en  alla  pour  s'' enquérir  de  l^  Etemel.  A  qui; 
alla-t-elle^  je  vous  prie?  AHeberjdifentMaimonides,  Salomonjarchi  & 
les  Rabins,   S'eftune  vifion:Heber  n'étoit  pas  en  la  terre  de  Canaan.  Il 
eft  vray  qu'il  étoit  vivant,  mais  il  étoit  dans  le  pays  où  étoit  fa  famille,, 
G-eif  en  Mefopotamie  ,  ou  en  Chaldée.  Et  il  eft  ridicule  de  fuppofer  que 
Rebecca  fe  fit  charger  fur  des  chameaux,  pour  aller  confulter  Dieu  à  un 
autre  bout  du  Monde,  en  l'état  où  elle  étoit ,  grofié  de  deux  fruits,  qui  lui. 
dévoient  être  bien. précieux  après  une  fi  longue  fteriîitè.    Et  ainfi  il  eft, 
clair  que  le  Prophète  qu'elle  alla  confulter  étoit  dans  fon  voifi nage,  Cana- 
néen, habitant  dans  la  terre  de  Canaan.  Enfin  il  ne  nous  eft  rien  dit  des 
Cananéens  du  temps  des  Patriarches ,  qui  nous  puiiîé  perfuader  que  ce  fût; 
HP,psnpJed.e  riprou.vez,,  Lâi 


ET  DES  CULTES  DE  UEGLISE.  Pdrt.l.    67 

La  fburcç  de  la  mauvaile  opinion  qu'on  a  des  Cananéens,  c'eft  la  ma- La  maiedîc- 
ledidion  que  Noé  prononça  contre  Canaan,  maudit  [oit  Canaan,  ^^  fi^^nonJcToa^ 
ferviteur  des  ferviteHrs  de  fes  frères.  Mais  on  devroit  avoir  remarqué  quecestreiafamiiie 
fortes  de  fentences  ne  regardoient  ni  les  perfonnes  contre  lefquelles  elles  ne^eg^^Joig 
étoient  prononcm,  ni  leurs  fuccefleurs  immédiats.   Efaii  fut  abbaiifé  aupasicpte- 
defibus  de  fon  fr^-,  il  fut  dépoiiillé  de  fon  droit  d'aînelTe ,  ôc  il  fut  dit*"'"''^^ 
de  luy ,  le  plus  grand  fervira  au  moindre.   Cependant  il   ell  confiant  que 
la  race  d'Efaii  étoit  un  grand  peuple,  un  peuple  dominant ,  ayant  fes  Rois 
&  fes  Ducs,  durant  que  la  famille  de  Jacob  étoit  efclave  en  Egypte l'ef- 
pace  de  plus  de  zoô.  ans.  Ainiî  cette  malediétion  né  regardoit  que  les  der- 
niers décendans  d'Efai  après  plulleurs  générations.  Semblablement  la  ma- 
lediélion  qui  tomba  fur  Canaan  ,   ne  regardoit  que  la  génération  à.ç.%  Ca- 
nanéens qui  du  temps  de  Jofué  fut  détruite  par  ce  grand  Capitaine.  Elle    1|^ 
ne  doit  pas  être  étendue  à  une  malédiélion  fpirituelle,  car  il  eft  certain 
que  la  race  de  Canaan  ne  fut  pas  davantage  abandonnée  à  l'idolâtrie ,  que 
celle  de  Japhet  &  que  la  plus  grande  partie  de  celle  de  Sem. 

Après  cela  je  conclus  que  les  Cananéens  n'étoient  |)as  un  peuple  uni- 
vei-fellement  idolâtre,  au  milieu  duquel  Dieu  eût  confervé  par  miracle  ce 
Melchifedec  dans  fa  crainte  oc  dans  fa  connoiflance.  J'eftime  que  ce  Mel- 
chifedec  étoit  Sacrificateur-,  non  extraordinairement ,  &  par  une  vocation 
particulière  &  miraculeufe,  mais  qu'il  avoit  la  Sacrificature  par  la  voye 
commune,  ordinaire  &  générale  dans  ce  fiécie  :  c'étoit  celle  du  droit  d'aî- 
nelTe. Je  ne  doute  nullement  que  ce  ne  fût  un  des  anciens  Patriarches,  des 
reins  duquel  étoit  forti  une  grande  partie  des  hommes  d'alors.  Cet  hom- 
me vivant  dans  un  grand  âge  étoit  devenu  l'oracle  des  fiens,  à  caufe  de  fon 
grand  (avoir  ôt  de  fa  grande  expérience 5  ôc  par  le  droit  d'aîneffe  il  pof- 
ièdoit  la  Sacrificature.  Il  eft  vray  que  tous  les  chefs  des  familles  étoient 
Sacrificateurs,  comme  rrôus  l'avons  prouvé:  mais  ce  nom  ne  leur  eftpas 
donné,  par  ce  qu'ils  n'étoient  Sacrificateurs  quedeleurmaifon.  Or  Mel- 
chifedec ayant  tout  un  peuple  qu'il  pouvoit  conter  de  fa  famille ,  étoit  aulH  . 
Sacrificateur  d'une  nation  3,  6c  c'eft  .pourquoi  le  nom  de  Sacrificateur  lui  eâ 
donné  par  excellence. 


C  H  A  P  I  T  R  E     X. 

'^e  Melchifedec  doit  être  l'' un  des  trois  Tatriarches  enfans  àtNoé; 
0'  qu^ entre  les  trois  il  efl  plus  vray^femblâbk  que  c'étoit  Chctm, 


J-^ 


A  première  chofe  que  nous  avons  à  établir  ,  &  que  je  pofe  com- 
me un  point  dont  je  ne  faurois  douter ,  c'eft  que  Melchifedec  étoit  l'un 
des  trois  Patriarches ,  fils  de  Noé.  Car  nous  avons  vu  que  le  Sacerdo^ 
ce  appartenoit  aux  aînez  i  &  que  quoi  que  tous  fuflent  Sacrifica- 
teurs, cependant  les  aînez  Fétoient  d'une  manière  plus  éminente  \  5c  les 
aînez  des  aînez,  qui  s'appelloient  Patriarches ,  l'avoient  encore  d'une  maniè- 
re plus  élevée.  Or  ces  mots  Sacrificateur  du  Dieu  Souverain ,  ou  grand  Sa- 
crificateur, ôc  fouverain  Sacrificateur,  ne  pouvoient  tomber  que  fur  ceux 

I.  2,  Q^i 


68  HISTOIRE  D  E  S  D  O  G  M  E  S 

qui  pofledoient  la  dignité  du  Sacerdoce  de  la  manière  la  plus  éminentc. 
Èr^nous  ne  lifons  nulle  part  que  ce  titre  ait  été  donné  à  aucun  des  (impies 
aînez.  Nous  n'avons  non  plus  aucun  lieu  de  croire,  qu'il  y  eût  alors  des 
Sacrificateurs  en  titre  d'office.  Car  puis  qu'il  n'y  en  avoit  pas  dans  les  fa- 
milles que  Dieu  avoit  choifies,  pourquoi  y  en  auroit-iftu  entre  les  Cana- 
néens ?  Je  ne  faurois  donc  douter  que  Melchifedec  ne  St  Sacrificateur*  du 
Dieu  fouverain  par  le  privilège  de  fanaillance.  Or  il  n'y  avoit  aucun  privilè- 
ge de  naiflànce  qui  lui  pût  donner  ce  nom  5c  cet  honneur,  que  celui  d'aîné 
des  aîncz,  c'eft-à-dire  de  Patriarche:  or  pour  comprendre  comment  un 
des  trois  Patriarches  s'ell:  trouvé  dans  la  terre  de.  Canaan  du  tems  d'A- 
braham, àc  lequel  des  Patriarches  fe  peut  être,  il  eft  bon  de  dire  quelque 
chofe  des  divi  fions  de  la  terre  entre  les  enfans  de  Noé. 
Divifion  de      i\  f^yt  donc  iàvoir qu'aprés  la  divifion  des  langues,  fe  fit  la  divifion des 
treksenfaS'i:>eupIes  &  dcs  tcrrcs.     St.  Epiphane  dans  i'herefie  66.  qui  eft  celle  des 
de  Noé.      Manichéens,  dit,  que  ce  fut  Noé  qui  fit  ce  partage,  ôc  que  pour  le  faire,, 
il  jetta  le  fort  auprès  d'une  ville  qui  eft  fur  la  frontière  d'Egypte ,  6c  qu'on 
appelle  Rinokoroura,  ôc  prés  d'un  torrent  de  même  nom,  qui  divife  l'E- 
gypte de  r Arabie.    Dans  cette  diftnbution,  Cham  eut  pour  fon  partage 
l'Egypte  &  la  Libye  jufqu'au  détroit  de  Çades^  qui  s'appelle  aujourd'huy 
de  Gibraltar.     La  Syrie  &  la  partie  Orientale  de  l'Europe  échurent  à 
Sem.  Les  parties  Occidentales  de  la  même  Europe,  c'eft-a-dire  l'Italie,. 
l'Efpagne,  les  Gaules,  la  Germanie,  furent  le  partage  de  J.aphet.  Après 
cela  Noé  fe  chargea  lui-même  de  la  commiffion  d'aller  mettre  fes  décen- 
dans  en  polfeffion  des  Pays  qui  leur  étoient  échus  ^  6c  il  alla  décharger  fur 
diverfes  côtes  ceux  qui  les  dévoient  habiter.  On  ajoute  que  Noé  dans  ce 
partage  fit  faire  ferment  à  fes  enfans,  que  l'un  n'envahiroit  pas  le  parta- 
ge de  l'autre.    Mais  Cham  contre  la  bonne  foy ,  .6c  contre  fa  promefie, 
.s'empara  de  la  terre  de  Canaan,  qui  devoit  appartenir  à  la  pollerité  de 
Sem.  C'eft  pourquoi  Dieu  dans  la  fuite  l'arracha  aux  enfans  de  Cham , 
ôc  larendità  ceux  de  Sem.  Cette  Hilloire  paflbit  pour  fi  certaine  dans  ces 
Hœref.  70.    fiécles ,  quc  Philaftrius  Evêque  de  BrelTe  met  au  nombre  des  Hérétiques^ 
Lib.  I.  in     ccux  qui  la  Tcvoquoicnt  cu  doutc.  Eufebe  nous  la  débite  auffi  comme  une 
fionï  Kirâ.  vérité  dans  fa  Chronique.  Il  eft  vrai  que  ces  authoritez  ne  font  pas  fuffi- 
fantes  pour  nous  perfaader  que  ce  partage  ait  été  fait  ainfi.    Mais  il  eft 
pourtant  fort  vray-femblable  que  cette  divifion  fe  fit  dés  le  tems  de  Noé, 
Quand  Dieu  eut  confondu  les  Langues,  chaque  famille  fe  fepara  6c  prit 
pofleffion  du  Pays  oij  une  Providence  fecretteles  conduifit,  ou  bien  cha- 
cun s'accommoda  de  ce  qui  fe  trouva  le  plus  à  fa  bienfeance.  Quoi  qu'il. 
en  foit ,  il  me  femble  qu'on  doit  fuppofer  que  le  Monde  fut  partagé  en- 
tre ces  trois  grandes  familles  de  Sem,  Cham  6c  Japhet,  6c  que  chacune 
de  ces  familles  reconnut  fon  Patriarche  pour  fon  fouverain  Sacrificateur, 
6c  pour  fon  Prince.    Ainfi  je  conçois  qu'il  y  avoit  alors  trois  grands  Sa- 
crificateurs dans  le  Monde  >  6c  il  me  femble  que  cela  ne  peut  pas  être 
nié.    Après  cela  qui  ne  vo-it  que  nôtre  Melchifedec  doit  être  neceffaire- 
ment  un  de  ces  trois-là  ?  N'eft-il  pas  vrai  que  l'un  d'eux  étoit  bien  plus 
propre  à  repréfenter  le  Sacrificateur  éternel  ,  qui  eft  J.  C.  qu'un  fimple 
Cananéen  ?   Ils  étoient  Sacrificateurs   nez  par  le   droit  de   leur   naif- 
^nçe,  6c  par  le  droit  de  iew  atneffe  j  6c  par  conféquent  ils  étoient.  bien 

plus 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  PartA.    69 

plus  propres  qu'un  Cananéen  ,  qui  n'étoit  qu'un  Sacrificateur  particu- 
lier éc  par  commifîion,  à  figurer  le  S.  J.  C.  qui  eft  Sacrificateur  par  le 
privilège  de  fa  nailîance ,  &  par  fa  charge  de  Médiateur,  avec  laquelle  il 
eft  né. Enfin  il  n'eft  point  du  tout  apparent,  que  Dieu  ait  voulu  élever  un  Ca- 
nanéen au  deflus  d'Abraham  qui  eft  le  père  des  croyans.  Au  contraire  il 
ell  très  apparent,  qu'Abraham,  a  rendu  Tes  hommages  à  celui  qui  lui  étoit 
fuperieur ,  ôc  par  Ton  grand  âge ,  &  par  le  privilège  d'avoir  vu  le  délu- 
ge ,  &:  par  l'honneur  de  fouverain  Sacrificateur,  dont  ii  étoit  revêtu  ei> quali- 
té d'un  des  Patriarches  du  Monde. 

Je  m'étonne  donc  que  nos  Chrétiens  rejettent  avec  un  fi  gi'and  dédain  opinion  des 
l'opinion  des  Juifs,  qui  difent  que  ce  Melchifedec  étoit  le  Patriarche  Sem,  udchlçsdv: 
On  ne  fauroit  condamner  cette  penfée  par  la  raifon  d'Epiphane  ,   qui  la  ^^°^  ^^^ 
veut  détruire  par  la  Chronologie ,  difant  qu'alors  Sem  étoit  mort.     Cela  ment  à  mé- 
n'eft  pas  :  Sem  étoit  vivant ,  ëc  il  étoit  même  aflez  éloigné  de  la  mort ,  i?"^®'- 
quand  Melchifedec  vint  au  devant  d'Abraham.  Sem  a  vécu  foi.  ans  après 
le  déluge  j  Abraham  eft  venu  au  monde  281.  ans  après  le  déluge.  Cette 
viétoire  qu'il  remporta  fur  les  Rois  ,  au  retour  de  laquelle  il  fut  rencon- 
tré par  Melchifedec  ,   tombe  environ  fur  l'an  80.   d'Abraham,   7.   ans 
avant  la  nuifiànce  d'Ifmaëlj  c'eft-à-dire  que  cet  événement  doit  être  rap- 
porté environ  à  l'an  370.  après  le  déluge.     Ainfi  Sem  vécut  encore  130* 
ans  après  cette  entrevue  de  Melchifedec  êc  d'Abraham.     C'eft  donc  là 
l'une  des  bevûës  d'Epiphane  ,   mais  on  peut  dire  que  c'eft  là  la  moindre 
de  fes  fautes  dans  l'Hiftoire  &  dans  la  Chronologie.     Après  tout  on  le 
doit  excufer  ici,  parce  qu'il  a  été  trompé  par  le  calcul  des  Grecs,  fondé 
fur  la  verfion  des  Septante.     On  ne  peut  pas  non  plus  réfuter  les  Juifs  par 
la  diverfité  des  noms  :  car  il  n'eft  rien  de  plus  ordinaire  que  de  rencon- 
trer dans  l'Ecriture  Sainte  des  hommes  qui  ont  deux  noms.     Jacob  avoic 
tiré  le  nom  d'Ifraël  du  combat  qu'il  avoit  eu  avec  Dieu.    Efaii  s'appelloit 
auffi  Edom ,  à  caufe  de  l'avanture  du  potage  de  lentilles ,  pour  lequel  il 
vendit  fon  droit  d'aîneffc.     Ainfi  l'un  des  enfans  de  Noé  reçût  le  nom 
de  Melchifedec  par  quelque  rencontre  que  l'Hiftoire  ne  marque  pas,  qui 
fut  difpenfée  par  la  Providence,  à  caufe  qu'il  étoit  deftiné  à  figurer  le 
Meffie,  le  vray  Melchifedec,  c'eft-à-dire  le  vray  Roy  de  juftice. 

Ordinairement  pour  réfuter  cette  opinion  des  Juifs,  on  fe fert  de  ce  que  Pourquoi 
St. Paul  dit,  qu'il  étoit  fans  père  &:  fans  mère,  ce  qui  ne  fe  peut  pas  dire  J^^^^Jjf'^**^ 
de  Sem  dont  nous  avons  la  généalogie.  C'eft  une  méchante  raifon  :  il  eft  père  &  ims 
vray  que  nous  avons  la  généalogie  de  Sem  fous  le  nom  de  Sem,  mais  nous  '""'«^Ç' 
ne  l'avons  pas  fous  celui  de  Melchifedec.   Quelque  homme  que  fût  Mel- 
chifedec, il  étoit  véritablement  homme:  Ainfi  il  avoit  un  père,  une  me"-" 
re ,  un  commencement  de  jours ,  une  fin  de  vie.     Mais  le  myftere  con- 
fîfte  dans  ce  que  toutes  ces  chofes  ne  paroilTent  pas  dans  l'Ecriture  ,    6c 
félon  la  maxime  des  Jurifconfultes ,  non  entium  ô'non  apparentinm  idem  efto 
juàkîptm  ,   les  chofes  qui  ne  font  pas  6c  celles  qui  n'apparoifiènt  pas  doi- 
vent être  mifes  dans  le  même  rang.     Dieu  vouloit  que  le  Meffie  eût  des 
types  dans  les  tems  precedens  qui  le  reprefentaflent  à  tous  égards.  Quel- 
ques-uns de  ces  types  ont  reprefenté  fa  mort,  d'autres  fafépulture,  d'au- 
tres fa  refurreétion.     Les  uns  ont  été  types  de  fa  perfonne,  &  les  autres 
de  fes  charges.  L'éternité  6c  du  Règne  éc  de  laS^crificaturedeee  Meffie  .|  ~ 

I  3,  etoiï 


70  H  I  S  T  Ol  R  E  D  ES  D  O  G  M  E  S 

étoit  la  choie  du  monde  la  plus  difficile  à  reprefenter  par  des  types.   Car 
comment  pourroit-on  reprelènter  l'infini  ôc  l'éternel  par  des  chofes  fi  pe- 
tites &  fi  bornées ,  comme  font  toutes  les  chofes  du  monde  ?   Les  ténè- 
bres ne  font  pas  plus  oppofées  à  la  lumière,  que  les  choies  temporelles  le 
font  aux  éternelles.     Ainll  par  la  raifon  qu'un  contraire  ne  peut  reprefen- 
ter l'autre,  il  eft  clair  qu'il  étoit  difficile  de  reprefenter  l'éternité  du  Mef- 
fîe  par  des  chofes  qui  font  de  fi  peu  de  durée.     Particulièrement  les  myf- 
teres  inexpHcables  de  la  naifiance  de  ce  Fils,  qui  efl  fans  mère  à  l'égard  de  fa 
divinité ,  &  fans  père  à  l'égard  de  fa  nature  humaine ,  pouvoient  être  diffici- 
lement reprefentez  par  des  ombres  6c  par  des  types  tirez  des  chofes  humaines. 
On  cite  pour  exemple  de  cela  le  célèbre  oracle  du  7"^.  d'Efaïe  une  Fier- 
ge  enfantera  un  jih  &c.     On  croit  que  par  cette  Vierge  on  peut  entendre 
immédiatement  6c  littéralement  la  femme  du  Prophète  ,    6c  myftique- 
ment  la  fainte  &  bieoheureufe  Vierge  mère  de  Jefus  -  Chriil.  Car  il  faut 
remarquer  qu'il  y  a  deux  fortes  de  Prophéties  :  les  unes  qui  vont  immédia- 
tement à  Jefus-Chriil,  ôc  d'autres  qui  roulent  fur  un  type  lequel  a  fon  rap- 
port à  Jeffis-Chrift.  Il  y  a  une  infinité  de  Prophéties  de  ce  dernier  ordre, 
&  beaucoup  plus  que  du  premier.   Par  exemple  combien  de  chofes  font 
dites  de  Jefus -Chrift  dans  le  Pfeaume  2.  41. 4f.  65.   &  autres  Pfeaumes 
Prophétiques,  lefquelks  ont  leur  rapport  immédiat  à  David&àSalomon, 
qui  ont  été  les  types  de  Jefus  -  Chriil.    Plufieurs  croyent  que  ces  oracles 
d'Efaïe  l''enfant  nous  efl  né  ôcc.     IJne  Vierge  enfantera,  un  fils  Sec.    font 
de  cet  ordre,  ôc  fe  rapportent  à  l'enfant  ôc  à  la  femme  du  Prophète,  dont 
il  eft  parlé  dans  la  fuite  au  comm.encement  du  chap.  8.  ^uis  je  m^approchai 
de  la  Prophetejfe  &c.  Devant  qm  V enfant  fâche  crier  monpere  &  ma  mere^  on  enlève- 
ra la  puijjance  de  Damas  &c.  M-àis  fi  cela  eft,  dit-on,  comment  cette  femme 
;€ft-elle  appellée  vierge  ,.  ôc  n'étant  pas  vierge  ,  comment  peut-elle  être 
^ype  de  la  mère  de  Jefus  -  Chriil  ?  On  répond,  le  type  n'eft  point  dans  la 
chofe ,  mais  dans  la  manière  dont  elle  eft  recitée  j  la  perfonne  dont  le  Pro- 
phète parle  étoit  encore  vierge.    Le  St.  Efprit  pafl'e  fous  filence  fon  ma- 
riage 6c  la  fait  enfanter.  Non  que  le  mariage  n'ait  précédé  l'enfiintement , 
mais  c'eft  que  le  filence  6c  Fomiffion  du  mariage  6c   de  l'approche  de 
l'homme,  eft  myfterieux  6c  typique.  J'ay  une  autre  penfée  que  je  pré- 
fère ,  c'eft  que  tout  ceci  ,  cette  femme  Prophetefie  qui  enfante  6cc.  n'é- 
toit  qu'une  vifion  prophétique,  &  qu'une  manière  d'Apologue^  car  il  n'y  a 
pas  d'apparence  qu'Efaïe  dans  la  vérité  fe  foit  approché  de  fa  femme,  6c  qu'el- 
le ait  conçu.   C'eft  une  affaire  fembîable  à  celle  d'Hofée,  qui  reçoit  ordre 
de  prendre  à  femme  une  femme  publique,  de  laquelle  il  dit  avoir  eu  des 
enfans,  qu'il  appella  lo  hammi  &:  lo  ruhama  j   c'eft- à -dire  ce  n'eft  plus  mon 
peuple,  ce  n'eft  plus  la  bien-aimée.     Cela  ne  s'eft  point  pafie  QncSct^ 
c'eft  une  parabole.     Il  en  eft  aiofi  de  la  femme  d'Efaïe  6c  de  fa  concep- 
tion. Cette  femme  eft  appellée  la  Prophetejfe.  Nous  n'avons  point  d'exem- 
ple qu'on  appellât  ainfi  les  femmes  des  Prophètes ,  ni  nous  ne  favons  point 
que  la  femme  d'Efaïe  fût  effeâ:ivement  Prophetefie.  Ainfi  je  tiens  que  par 
cette  Prophetep^  il  fimt  entendre  une  femme  myftique  6c  parabolique.  Tout 
ceci  tend  à  nous-faire  voir,  que  les  types  ne  font  pas  toujours  dans  les  chofes , 
mais  dans  les  manières  de  les  rapporter  6c  dans  les  paroles.  Après  tout  il  eft 
certain  gue  Dieu  ne  nous  pouvoit  mieux  figurer  l'éternité  de  fon  Fils , 

qu'en 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Tart.l.    fn: 

qu'en  faifant  paraître  dans  THiftoire  un  homme  revêtu  d'un  grand  carac- 
tère, dont  le  père,  la  mère,,  la  naiflanceôc  la  mort  font  pafTezfousfilen* 
ce,  &  qui  ne  paroît  qu'un  moment  fur  ce  grand  Théâtre.  Car  îl  elt  cer- 
tain, que  le  moment  reprefente  mieux  l'éternité  que  le  tems ,  parce  que  le 
moment  a  cela  de  commun  avec  l'éternité,  qu'il  eil:  indivifîble.  Il  ne  faut 
point  oppofer  à  cela  que  la  vie  &  la  durée  de  Melchifedec  n'apas  été  d'un 
moment,  il  fuffit  que  cette  durée  n'a  été  qu'un  moment  dans  l'Hiftoire, 
e'eft-à-dire,.  que  Moyfe  n'en  a  dit  qu'un  mot. 

Et  il  faut  remarquer  que  dans  les  évenemens  typiques-  le  myflere  n'efl  Les  types 
pas  feulement  dans  l'événement ,  il  efl  quelquefois  dans  la  manière  de  le  moinrdans 
reciter  dont  le  St.  Efprit  fe  fert.     Pareillement  dans  cet  endroit  le  type  lesévene- 
confîile  moins  dans  la  choie  même,  que  dans  la  manière  dont  Moyfe  re-  dan"lama- 
cite  cette  aâion  de  Melchifedec ,  fans  parler  de  fa  généalogie ,  de  fa  mort ,  nieiedeies 
ni  de  fa  naiflance.     Là-defliis  on  dira,  que  fi  le  type  conlilledans  la  ma-  ^  ^    " 
niere  dont  Moyfe  recite  cette  a6î:ion,  elle  n'a  commencé  à  être  typique 
6c  myfterieufe  que  plufieurs  fiécles  après  qu'elle  eft  arrivée  ,  parce,  que 
Moyfe  ne  l!à  recitée  que  fort  long -tems  après..   Il  faut  ajouter  une  re- 
marque pour  lever  cette  difficulté  -,   c'eil:  que  les  types  ôc  les  évenemens 
typiques  étoient  beaucoup  moins  deftinez  pour  les  fiécles  dans  lefquels  ils 
font  arrivez  ,.  que  pour  nous.    Je  fuis  aflûré  que  les  fidèles  ne  voyoient 
point  alors  les  myfteres  de  cet  événement ,    Se  cela  n'étoit  deftine  qu'à> 
nous  faire  voir  dans  les  derniers  tems ,  que  Jefus-Chrift  efl  le  vray  Mefîie,, 
par  l'admirable  rapport  qui  fe  trouve,  entre  cet  original  6c  les  copies  qui^ 
l'ont  autrefois  reprefente.     Quoy  qu'il  en  foit,  pour  retourner  au  lieu  où; 
je  vouîois  aller,  je  dis  qu'il  n'écoit  pas  necelfau-e,  que  celui  qui  étoit defti- 
ne à  faire  cette  merveilleufe  apparition  dans  l'Hiftoire  Sainte,  pour  nous- 
reprefenter  l'éternité  du  MefTie  6c  l'éternité  de  fa  génération ,  fût  un  hom-- 
me  tout  nouveau  6c  inconnu.     Pour  fa  perfonne  ,   il  fuffifoit  qu'il  parût  " 
fous  un  nouveau  nom,  que  fon. père,  fa  mère,  fa  naiffance  6c  fa  mort  y 
fuffent  pafTezfous  fllence  j   car  ainfî  il  demeure  toujours  vray  qu'à  nôtre, 
éga-rd  il  n'a  ni  père,  ni  mère,  ni  généalogie,-, ni  commencement  de-jourSy-, 
ni  fin  de  vie. 

Ge  n'eft  donc  pas  par  ces  fortes  de  raifons  qu'on  peut  réfuter  l'opinion 
des  Juifs  que  Melchifedec  étoit  Sem.     Il  y  a  même  des  raifons  fort  pro- 
bables pour  appuyer  ce  fentiment.     Il  femble  qu'il  étoit  convenable  a  la  i 
fageiîè  de  Diçu  de  placer  ce  Patriarche  dans  la  terre  fainte  ,  laquelle  il. 
devoit  unjour  donner  à  la  nation  fainte  qui  devoit  foitir  de  lui.    Il  fem-- 
hie  aufîi  qu'un  Patriarche  aufîi  grand  qu'Abraham  n'étoit  pas  obligé  de 
recevoir  la  benediélion  d'autre  que  de  celui  qui  étoit  naturellement  fon 
fuperieur,  le  premier,  le  plus  ancien  6c  le  plus  illuflre  de  fes  Ancêtres. 
Ainfi  je  me  determinerois  fans  balancer  pour  l'opinion  ô.qs  Juift  ,    fi  la.    ^ 
conjeéture  que  je  veux  avancer  ne  paroifibit  pas  foûtenable. 

Cependant  je  ne  faurois  pour  le  prefent  tomber  dans  ce  fentiment,  par- Difficultés  ? 
ce  que  St.  Paul  nous  dit  en  parlant  de  Melchifedec  ,   que  celui  qui  n  étoit  ^^^f^^^^'"^ 

1        A  ^ ■      ,"     f    ^1      1  r^  ^  \       r       -r         blescontre'- 

■^As  de  même  race  avec  eux  avott  aime  Abraham.     Car  ces  paroles  iigninent  la  fuppofi- 
qiie  Melchifedec  étoit  d'une  famille  étrangère,  ce  qui  ne  fe  peut  pas  dire  Sci?ifedce- 
de  Sem,  qui  étoit  le  chef  de  la  famille  d'Abraham.  Outre  cela  je  ne  com-  étoùiep*,- 
prens  pas  bien  qui  auroit  tranfporté  Sem  dans  ia  terre  de  Canaan  ,  6c  qui  ^^l^^^ 

l'au-  Hebr,  7, . 


7*  HISTOIRE  DES  DOGMES 

l'auroit  obligé  de  venir  s'habituer  au  milieu  desenfans  de  Ion  IrereCham, 
en  abandonnant  les  fiens.     Il  ell  donc  apparent  que  Sem  &  fa  famille  de- 
meurèrent dans  la  Chaldée,  c'eft-à-dire  dans  le  même  lieu  d'où  fe  fit  la 
difperlion  des  peuples  après  la  divilion  des  langues.  Cette  difperfion  étant 
une  efpece  d'exil  ôc  de  peine,  il  y  a  apparence  que  la  femencedeSem,  qui 
étoit  la  femence  fainte,  dût  être  privilégiée,  Se  demeurer  dans  le  lieu  où 
elle  fe  rencontroit ,  ôc  que  les  autres  durent  être  envoyez  dans  les  diver* 
fes  parties  de  la  terre  pour  la  peupler.   Ce  n'eft  pas  une  fimple  conjeiSlu- 
Te^  car  Moyfe  nous  apprend  que  la  famille  de  Nachor  ,   de  Tharé  ,   de 
Bethuël,  de  Laban,  décendans  de  Sem  ,  habitoit  dans  la  Chaldée,   ôc 
qu'Abraham  fut  tiré  d'Ur  des  Chaldéens  par  une  vocation  particulière. 
Ainfi  je  trouve  vray-femblable  que  Sem  demeura  dans  l'Orient,  &  qu'il 
fut  le  fouverain  Sacrificateur  des  peuples  décendus  de  lui.    Je  ne  trouve 
pas  non  plus  apparent  que  nôtre  Melchifedec  fiit  Japhet  ,   à  peu  prés  à 
caufe  des  mêmes  raifons  qui  m'empêchent  de  croire  que  ce  fût  Sem  :  c'eft 
que  je  ne  voy  pas  de  raifon  pourquoy  Japhet  auroit  quitté  fes  enfans  pour 
venir  habiter  au  milieu  de  la  pofterité  àe  Cham.     Les  enfans  de  Japhet 
eurent  leur  partage  en  partie  dans  l'Europe,  en  partie  dans  les  lieux  les 
plus  reculez  de  l'Afie,  Javan,  Elisha,  Kittim,  Dodanim,  Tharfis  &c« 
Ils  paiferent  dans  l'Europe  ;  mais  aucun  d'eux  ne  s'habitua  fur  les  côtes 
de  la  Syrie ,  oii  étoit  le  païs  des  Cananéens.  Je  fuppofe  donc  que  Ja- 
phet dût  demeurer  au  milieu  de  {es  enfans ,  pour  être  leur  fouverain  Sacri- 
ficateur, comme  Sem  étoit  demeuré  au  miheu  des  fiens. 

Après  ces  remarques  il  ne  nous  relie  plus  qu'à  dire  que  ce  Melchifedec , 
qui  habitoit  dans  la  terre  de  Canaan,  étoit  le  3™^.  des  enfans  de  Noé, 
&  le  Patriarche  des  Cananéens.  Car  nous  avons  étaWi  que  ce  Melchi- 
fedec devoit  être  l'un  des  trois  enfans  de  Noé:  nous  avons  vu  qu'il  n'eil 
pas  apparent  que  ce  fût  Sem  ôc  Japhet  j  ainfi  il  refle  quecefoitCham.  Je 
lay  bien  que  4:'e{i  une  penfée  contre  laquelle  tout  le  monde  fe  révoltera, 
&  qui  pafiera  pour  la  plus  grande  témérité  dont  un  écrivain  puifle  être 
capable,  parce  que  le  nom  de  Cham  eftde  mauvaife  odeur  dans  TEglife, 
êc  que  perfonne  ne  le  jugera  digne  de  porter  ce  grand  caraéiere  du  plus 
excellent  des  types  qui  ont  figuré  le  Seigneur  Jefus-Chrifl.  Je  n'ay  nulle- 
ment deflein  d'étonner  le  public  par  des  paradoxes.  C'efl  pourquoy  dés 
l'entrée  je  déclare  que  je  n'avance  ceci  que  comme  une  conjeélure  que 
je  feray  toujours  prêt  d''abandonner  au  premier  6c  au  moindre  fcandale  qu'on 
en  prendra.  Mais  on  me  permettra  de  croire,  qu'on  ne  fauroit  rien  di- 
re de  plus  vray-femblable,  &  qu'à  le  bien  prendre  il  n'y  a  pas  le 
moindre  fcandale  _:  pour  le  prouver  il  feut  faire  l'Apologie  de 
Cham. 

Les  Juifs  Scies  Chrétiens  s'efforcent  à  l'envi  de  rendre  (on  nom  odieux 

par  àes  accufations  atroces  dont  ils  eflayent  d'accabler  fa  mémoire.     Un 

Juif  appelle  Rabbi  Levi  ben  Gerfom  dit  qu'il  coupa  à  fon  père  les  parties 

naturelles.   Un  autre  Rabbi,  appelle  Samuel  le  Sacrificateur ,  ajoute  qu'il 

benGerfom  fit  une  aétion  à  fon  père  encore  plus  terrible  que  celle-là,  &  qu'il  lui  fit 

diap.  9.      ^^^  elpece  d  indignité  qu  on  ne  lauroit  nommer,     bntre  les  Chrétiens , 

fur  tout  entre  les  anciens  ,   il  y  en  a  plufieurs  qui  le  confondent  avec  Zo- 

rpafire  le  Patriarche  ô^s  magiciens ,  ôc  qui  le  font  Autheur  des  Arts  magi- 

<  ques. 


Reflexions 
fur  les  en- 
droits 
odieux  de 
la  vie  ds 
Cham. 


ÂtToa^B  ac- 
cufations 
âont  on 
charge  fa 
mémoire. 
Rabbi  Lcvi 


/ 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Part.l.    7^ 

ques.  C'eft  ce  que  fait  le  faux  Clément  au  4^.  livre  de  fes  Récognitions  : 
&  voici  comment  parle  Cafîien.  QuAntum  antiqH(Z  traditiones ferunt ^  Cham  Caff  coï- 
filius  Noe,  cjui  fHperjittionibm  iftis  &  Jacnlegis  artibus  fuit  ac  profanis  itife^ius  ,  '"•  *• 
fciens  npillnm  fe  pojfe  ptper  his  memorialem  librum  m  arcMn  prorfus  inferre  ^    in      '     ' 
quam  erat  cnm  Pâtre  jufio  ac  fanais  fratribus  ingrejfus ,  fcelefca  ac  profana  com- 
menta dtverforHm  metallorum  laminis  ,    qudi,  fcilicet  aquarmn  innudatione  cor- 
■rampi  non  pojfent ,   &  duriffimis  laptdibm  infculpfit,  qua^ ,  àiluvio  peratlo ,  eâdem 
qua  cdtlaverat  curiofttate^  perqmrens  ,  facrilegiorum  ^ perfpicHdt  neqmtiéi,  femina- 
rium  tranfmifit  in  pofieros.     C'eil- à-dire  que  Cham  inventeur  des  Arts  ma- 
giques ôcfacrileges,  n'ofant  en  porter  l'écrit  dans  .l'Arche,  les  grava  fur 
des  bronzes  &  des  marbres  j    fur  lefquels  il  les  retrou\a  après  le  déluge. 
Sixte  de  Sienne  au  2.  livre  de  fa  Bibliothèque  rapporte  qu'on  attribuoit  à  % 

Cham  un.  detefiable  livre  intitulé  Script fira  Chamt  filu  Noe ,  qui  contenoit 
les  règles,  les  préceptes  &  la  pratique  de  la  Necromance.  D'autres  di- 
fent  que  Zoroaftre  étoit  Mttsraim  l'un  des  fils  de  Chamj  que  ce  nom  de 
Zoroaftre  fignifie  allre  vivant ,  &;  qu'il  fut  ainfî  nommé  à  caufe  des  mira- 
cles qu'il  faifoit  par  cette  magie,  qu'il  avoit  apprife  de  (ts  pères ,  c'eft- à-dire 
de  Cham.  Le  faux  Berofe  d' Annius  de  Viterbe  dit  que  Cham  ayant  trouvé 
fon  père  endormi,  nud  &  découvert,  le  mania,  ôc  par  des  charmes  magi- 
ques le  lia  &  le  rendit  impuilfant  ,  afin  qu'il  ne  pût  approcher  des  fem- 
mes. Mais  ces  fables  ne  doivent  point  faire  de  tort  à  ce  Patriarche ,  pui? 
qu'elles  font  fans  aucun  fondement  dans  l'Hifloire.  Il  efl;  vray  que  les 
Afriquains  ont  fait  de  Cham  leur  Jupiter  Ammon.  Mais  fi  nous  voulions 
condamner  tous  les  grands  hommes  dont  les  Payens  ont  fait  des  idoles , 
nous  ferions  le  procès  à  Sem  6c  à  Japhet ,  oc  à  la  plupart  des  autres  Pa- 
triarches :  car  il  eft  certain  qu'ils  ont  été  adorez  par  les  Payens  fous  le 
nom  de  leurs  faux  dieux ,  comme  nous  aurons  à  le  prouver  dans  la  fuite 
de  cet  ouvrage. 

Un  Auteur  moderne.  Allemand  de  nation,   nommé  foannes  Ludovi- VenCée  nSî- 
cus  Hannemamms  ^  veut  que  la  malediélion  de  Noé  ait  donné  à  Cham  une^^^^^^^"" 
couleur  noire  ,  &  que  de  là  vienne  la  couleur  des  Abyffins ,  qui  font  dé-  moderne 
cendus  de  lui.    C'eft  ce  qu'il  effaye  d'établir  dans  le  livre  qu'il  a  intitulé,  deVa'nofr-^^ 
Curiofum  fcrutinium  mgredints  pofterorum  Cham-i  ^    id  efi  zyEthtopum,     C'eft  ceur  des 
peut-être  la  plus  ridicule  penfée  du  monde.  Si  Cham  avoit  été  noirci  par  ^'^*°^'^°*° 
la  malédiction  de  Noé ,  ôc  qu'il  eiit  communiqué  à  fes  enfans  cette  noir- 
ceur avec  le  fang  ,   pourquoi  tous  ceux  qui  font  décendus  de  lui  n'au- 
roient-ils  pas  été  noirs  ?    Pourquoy  les  Abyiîins  auroient-ils  hcrité  feuls 
de  cette  malediéèion  ?   Pourquoy  les  Cananéens  ôc  les  Phéniciens ,   qui 
ctoient  de  la  race  de  Cham,  n'auroient-ils  pas  hérité  de  lui  cette  même 
noirceur  ?  Cela  fait  voir  combien  grande  eil:  la  paillon  des  Auteurs  ,   & 
combien  les  préjugez  font  puiflans  qu'on  a  conçus  contre  nôtre  Cham. 
Mais  regardons  un  peu  la  chofe  avec  un  efprit  definterefîe  &  dégagé  de 
ces  préjugez. 


Part.  L  K  C  H  A- 


• 


74,  HISTOIRE   DES  DOGMES 


CHAPITRE     XL 

Des  péchez  typiques ,  é^de  la  réprobation  typique  de  quel- 
ques Anciens. 
~\ 
QHd  fat       "TT  E  trouve  que  toutes  les  injures  atroces  qu'on  fait  à  la  mémoire  de  Cham 
!ich^m.        I  ^°"t  fondées  fur  deux  chofes.     La  première  eft  le  péché  de  Cham  -, 
#  ^  la  z^^.  la  malediétion  que  Noé  prononça  contre  lui.  Parlons  de  l'un 

ëc  de  l'autre  ,  &  voyons  fi  raifonnablement  on  peut  conclurre  quelque 
chofe  d'auilî  terrible  contre  la  mémoire  de  ce  Patriarche.  Pour  ce  qui  eft 
du  péché  de  Cham ,  il  eft  vray  que  Moyfe  nous  dit  qu'il  vid  la  nudité  de 
fon  père  ,  &  qu'au  lieu  de  la  couvrir  il  alla  le  révéler  à  (es  frères.  11  y 
avoit  dans  cette  aébion  de  l'iniprudence  ,  du  manque  de  refpeét ,  de  la 
jeunelTe,  ôc,  fi  Ton  veut,  de  l'impudence.  Mais  je  nefaurois  concevoir 
qu'elle  fût  d'un  auflî  méchant  caraélere  que  l'incefte  de  Lot,  que  l'adul- 
tère &le  meurtre  que  David  commit  dans  l'affaire  d'Urie  ÔC  de  Berfabée, 
«^ue  les  defordres  de  la  vie  de  Samfon,  6c  que  Tidolàtrie  deSalomon.  Les 
crimes  de  ces  Saints  ne  nous  font  pas  des  preuves  de  leur  réprobation  , 
quoy  qu'ils  foient  incomparablement  plus  grands  que  celui  de  Cham.  Et 
ces  crimes  n'ont  pas  empêché,  qu'ils  n'ayent  été  de  glorieux  types  de  Je- 
fus-Chrift,  &  bien  que  l'Ecriture  ne  parle  pas  delà  repentance  de  Lot,  ni 
de  celle  de  Salomon  ,  nous  ne  devons  pourtant  pas  conclurre  qu'ils  font 
morts  dansl'impenitence.  Auffi  n'avons-nous  aucune  raifonde  croire  que 
Cham  n'ait  pas  eu  une  falutaire  confufion  de  fon  péché  ,  quoy  que  cela 
ne  nous  foitpas  dit.  Mais  pour  mieux  connoître  la  nature  de  ce  péché,  je 
fouhaite  qu'on  faife  une  remarque  très  importante,  c'eft  que  Dieu  dans  les 
anciens  tems  nous  vouloit  donner  des  types,  non  feulement  du  Meflie,  Se 
de  fes  aélions  ,  mais  auiîi  de  toutes  les  chofes,  qui  dévoient  arriver  fous 
l'alliance  de  Grâce,  il  nous  a  voulu  donner  des  figures  ,  non  feulement 
du  bien,  mais  auiîi  du  mal.  Et  fi  d'une  part  il  nous  a  voulu  reprefenter 
les  aôtions  de  fa  grâce  par  des  types  j  par  d'autres  types  oppofez,  il  nous  a 
voulu  faire  connoître  la  manière  ingrate,  dont  quelques  hommes  recevroient 
fês  grâces  ôc  {ts  bienfaits, 
îartîe  des  Ainfi  il  eft  Certain  qu'une  partie  des  péchez  des  Anciens ,  dont  le  St.  Ef- 
pechezdes   pj-jj-  j-jQ^g  ^  voulu  coufcrver  la  mémoire  ,   étoient  àts  péchez  typiques. 

Anciens  \_.  /,  ..  .        *  -.-*■  Jii 

étoient       Par  exemple  le  pèche  de  Cain,  qui  s'éleva  contre  fon  frère  &  le  tua,  eft 
typiques,      yj-j  péché  typique,  qui  nous  reprcfente  les  efforts  que  le  monde  devoit  fai- 
Lib.  15.  oç  l'C  pour  la  ruine  de  TEglife  :  Car  St.  Auguftin  a  très  judicieufement  remar- 
civit.  Dei  qi^ié,  que  ce  qu'il  appelle  les  deux  Citez,  l'une  de  Dieu,  l'autre  du  Dia- 
Du  péché  de  ble  ,   avoicnt  commencé  par  Caïn  &  par  Abel  ,   &  que  la  conduite  de 
Caïn.         Caïn  ,Qui  tue  fon  frère,  êc  qui  le  premier'  bâtit  une  ville  ,  eft  l'image  de 
la  conduite  des  mondains,  qui  ufent  de  violence  contre  TEglife  ,    &  qui 
cherchent  des  établilîèmens  fermes  dans  le  monde.   On  me  dira  fms  dou- 
te qu'il  y  a  quelque  chofe  de  très  réel  dans  le  crime  de  Caïn  ,   6c  qui  eft 

plus 


H^' 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Part.l.    7^ 

plus  que  typique.  Il  eft  vrai,  il  y  g,  un  homicide  trés-réel ,  6c  très  condam- 
nable ,  6c  trés-méchant  ;  mais  la  peiTécution  de  l'Eglife  dans  ce  crime  n'efl: 
que  typique.  Les  types  font  du  nombre  des  fignes^oc  l'on  définit  le  fjgne ,  id 
quoà  efluna,  res ,  &  aj,iam  Jignificat  ^  ce  qui  eil  une  chofe,  ôc  en  fignineune 
autre  :  ainii  cette  a6tion  de  Caïn  eft  une  chofe ,  6c  en  fignilie  une  autre  qu'el- 
le n'eil  pas.  C'eft  un  vrai  meurtre,  voilà  ce  qu'elle  eftj  mais  elle  fignifie  la  per- 
sécution du  monde  contre  l'Eglife,  6c  c'efl  ce  qu'elle  n'efi  pas.  Car  li  Caïn 
perfécuta  fon  frère,  ce  ne  fut  pas  en  le  confiderant  comme  membre  de 
TEghfe. 

11  ell  vrai  que  ce  crime  de  Caïn  a  quelque  choie  d'atroce  j  à  caufeque 
c'eft  la  première  effufion  de  fang,  6c  le  premier  attentat  contre  l'ouvra- 
ge de  Dieu  :  c'eft  pourquoy  il  eil  d'un  cara6lere  particulier  entre  les  péchez 
typiques,  il  y  a  type  ou  figure  6c  realité.    Au  lieu  que  dans  les  autres  pé- 
chez typiques ,  il  y  a  figure ,  6c  peu  ou  point  de  reahté.     Car  j'obferve  \\f^^^^^ 
que  les  péchez  typiques  en  eux-mêmes  ,   pour  la  plupart ,  font  trés-le-  typiques 
gers ,  6c  qu'ils  fignifient  quelque  chofe  de  beaucoup  plus  criminel  qu'ils  cSJefe  " 
ne  font  eux-mêmes.  Il  faut  fe  fouvenir  qu'il  en  eft  de  ces  péchez  typiques  en  eux  mê- 
6c  emblématiques,  comme  de  tous  les  autres  types  6c  emblèmes ,  defquels  "^"* 
St.  Paul  diioit,  (Qu'ils  avaient  bien  l'ombre  des  chofes^  mais  cju^ils  n^ en av oient 
pas  la  vérité  &  le  corps.  Ainfî  ces  péchez  avoient  l'ombre  6c  l'apparence  des 
crimes  dont  ils  ont  été  les  emblèmes,  mais  il  n'eft  pas  neceffaire  qu'ils  en 
euftent  la  vérité  6c  le  corps  :  il  éloit  même  neceifaire  qu'ils  ne  l'eufient  pas, 
à  caufe  qu'il  eft  de  l'eflence  d'un  type  de  n'être  qu'une  ombre,  6c  d'être 
deftitué  de  vérité. 

L'aélion  d'Efaii,  qui  vendit  fon  droit  d'aîneiîe  pour  un  potage  delentil-  J',^/*."^^ 
les ,  eft  un  de  ces  péchez  typiques ,  parce  que  c'eft  l'emblème  de  ceux  qui  point^ce 
renoncent  aux  biens  du  Ciel  pour  les  vanitezdelaterre.  Ce  péché  qui  étoit  i"'»" /.«ï 
reprefenté  par  ce  type,  eft  le  plus  grand  de  tous  les  péchez }  car  il  n'y  a 
pas  une  plus  grande  fureur  que  celle  de  renoncer  au  Ciel,  6c  à  des  biens 
éternels,  pour  des  biens  qui  ne  valent  pas  mieux  qu'un  potage  de  lentilles, 
puis  qu'ils  s'évanouïfiént  incontinent.  Cependant  il  faut  avouer  que  le  pé- 
ché d'Efaii  étoit  en  foy  bien  léger,  en  comparaifon  de  tant  d'autres  pe- 
,  chez  que  les  Patriarches  les  plus  faints  ont  commis.  Et  fi  St.  Paul  a  don- 
né le  nom  de  profane  à  Efaù ,  ce  n'eft  que  parce  que  fon  aélion  étoit  le 
type  des  profanes.  Ce  péché  eft  appelle  profane ,  tout  de  même  que  les  facri>  st.  PauiTap- 
fices  de  l'ancienne  Loy  étoient  appclleipropitiatoires,  quoi  qu'il  n'y  eût  pas  de  ne,  comme 
véritable  propitiation  en  eux  j  c'étoit  parce  qu'ils  étoient  les  types  du  grand  »"  ^fP^jj"''^ 
Sacrifice  propitiatoire  de  J.  C.  Il  me  paroît  tout  à  faithorsderaifonde  s'i-  a"  bêtes , 
maginer  qu'Efaii ,  quand  il  vendit  fon  droit  d'aineflê,  eût.  d'autres  fentimens  propuiaoim, 
que  ceux  qui  paroifîènt  dans  ces  paroles,  ^e  m'en  vais  mourir^  dit-il,  &aejmi 
me  fervira  mon  droit  d'^amejje}  Il  y  a  dans  ce  difcours  quelque  chofe  de  ba- 
din 6c  de  ridicule,  dans  ce  qu'il  fuppofoit  qu'il  devoit  bien-tôt  m^ourir, 
comme  fi  Jacob  n'eût  pas  été  mortel  comme  lui-même:  mais  je  ne  voipas 
là  dedans  la  moindre  ombre  de  profanation.  On  peutaffûrer  qu'il  nepen- 
loit  pas  au  droit  de  Sacrificateur,  qu'il  a ,  dit- on ,  méprifé  j  ce  qui  lui  a  don- 
né le  nom  de  profane.   Il  étoit  profane  comme  il  étoit  réprouvé;  c'eft- 
à-dire  typiquement  :  fay  aimé  facob  &  fay  hdi  Efaii.    Ces  deux  hommes 
ont  été  les  types  de  la  très- libre  ôc  très-profonde  conduite  de  Dieu,  qui 

K  2,  prend 


7<5  HISTOIREDESDO<SMES 

prend  l'un  6c  rejette  l'autre  dans  la  dillribution  de  la  Grâce  :  on  ne  doit 
pas  légèrement  prononcer  la  damnation  des  hommes,  fur  tout  des  Anciens} 
&:  dans  le  fliit  d'Efaiijil  faut  fe  fouvenir  que  les  types  ne  font  pas  ce  donc 
ils  font  types:  pour  damner  Efaii  il  f.iudroit  bien  favoir  l'Hiiloire  de  fes 
adions  ,  de  fa  vie  &  de  fa  fin  j  6c  c'eft  ce  que  nous  ne  favons  pas.    La 
Providence  a  trouvé  à  propos,  pour  nous  donner  de  la  crainte  6c  de  l'hor- 
reur pour  le  crime  delaifler  mourir  les  coupables,  fans  nous  parler  de  leur 
repentance  :  mais  il  ne  faut  pas  conclurre  pourtant  qu'ils  ne  fe  font  pas  rc* 
pentis.  Je  me  ferois  ungrand  fcrupulede  damner  un  auffi  grand  Prophète 
que  Salomon,  en  fuppofant  qu'il  nes'ellpas  repenti  de  fes  idolâtries  j  parce 
que  l'Hiiloire  Sainte  ne  nous  en  dit  rien.  Peut- être  y  a-t'il  du  myileredans 
ce  filence,  comme  il  y  en  a  dans  celui  qui  fupprime  la.  naiffance,  la  more 
&  les  parens  de  Melchifedec. 
pupechéde      Nous  avons  uuc  chofc  tout-à-fait  femblable  dans  l'Hiftoire  de  Lot  6c 
lafemmede  (^q  f^^  femme.  Quaud  Dieu  les  tira  de  Sodome  par  la  main  de  fon  Ange, 
péché  typU  Cette  femme  tourna  la  tête  du  côté  dcSodomCjCentreladéfenfequi  luiavoit 
^»«'  été  faite.   Il  n'y  avoit  dans  cette  aélion  rien  que  d'humain,  rien  qui  ne 

fût  du  caraélére  de  fon  fexe,  naturellement  léger  6c  curieux.  Cependant 
Dieu  voulut  que  cette  femme  fût  un  exemple  remarquable  de  fes  jugemens, 
il  la  convertit  en  une  flatuë  de  fel.  Le  Seigneur  Jefus  Ch.  la  donne  pour  un 
exemple,  dont  la  mémoire  doit  faire  peur,  [ouvenez.-vous  ^  dir-il,  de  la  fem- 
me de  Lot.  Cela  ferable  fignifierque  le  %ime  de  cette  femme  étoit  atroce, 
mais  la  vérité  eft  que  c'étoit  un  événement  purement  typique  ,  6c  que  Dieu 
vouloit  qu'elle  fût  dans  tous  les  fiécles  l'emblème  de  ces  mondains,  dans 
lefquels  règne  l'amour  du  inonde,  qui  fuivent  la  vocation  de  Dieu  en  fe 
faijant  violence,  6c  qui  ayant  le  cœur  dans  le  monde  tournent  toûjoui^s 
leurs  defirsdefon  côté.  iVlais  il  ne  faut  pas  conclurre,  ni  que  cette aclion 
fût  infiniment  criminelle,  ni  que  cette  témme  fût  une  méchante  &  une 
réprouvée. 
Diipeche  ds  Tg  viens  au  peehé  de  Cham,  il  étoit  typique,  comme  ceux  dont  nous 
quoi  il  étoit  venons  de  parler:  Dieu  a  voulu  que  ce  qu  il  ht  a  ion  père  demeurât  pour 
^yp^-  être  un  emblème  à  la  pollerité.     Mais  la  queibon  elt  dequoy  cepeché  * 

étoit  un  type  6c  un  emblème.  Il  ne  faut  pas  s'imaginer  que  ce  ïxii  un# 
type  de  ceux  qui  violent  l'autorité  paternelle,  6c  le  refpeél  dû  aux  peres- 
&  mères  ;  il  faut  fe  fouvenir  de  ce  que  nous  avons  dit,  que  le  type  en  qua- 
lité defigne  efl  unechofe,  6c  qu'il  enfignifie  une  autre,  6c  qu'il  n'eftpas 
ce  qu'il  fignifie.  L'aélion  de  Cham  étoit  proprement  cela,  elle  vioioit 
l'autorité  paternelle  ,  6c  le  refpeél  dû  à  un  père  ,  êc  par  conféquent  elle 
devoir  être  l'emblème  d'une  autre  chofe.  Pour  moi  jecroique  cette  aâion 
de  Cham  repréfentoit  le  crime  de  ceux,  qui  veulent  découvrir  ce  que  Dieu, 
veut  être  caché,  6c  qui  expofènt,  pour  ainfi  dire,  la  Providence  de  Dieu 
6c  fes  mylleies  en  opprobre  par  leur  curiofité  profane,  en  voulant  pénétrer 
trop  avant  dans  les  chofes  qu'il  a  couvertes  d'unvaile,  6c  qu'il  a  dérobées 
à  nôtre  vûëj  c'eft  la  fource  de  toutes  ies.impietezde  nos  libertins-  3  e'elt 
la  femence  de  l'apoiiafie  j  c'eil  pourquoi  ce  crime  a  auffi  bien  mérité  d'a- 
voir fon  type  que  Papoftafie  même.  Mais  au  refte  il  n'eft  point  du  tout  ne- 
cefiaire  que  nous  attribuions  à  Cham  d'autre  principe  que  la  légèreté  6c 
llimprudence.     Qiiand  même  l'on  ne  pourroit  juftifier  Chara,  ni  empê-. 

dieiv 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Part.l.    t7 

cher  que  ce  qu'il  fit  à  Ton  père  ne  paffat  pour  une  a6tion  très  criminelle, 
croit-on  que  cela  le  rendît  incapable  d'être  le  typedeJefus^Chrift?  Sam- 
fon  n'a-t-il  pas  dans  fa  vie  des  endroits  qu'on  ne  iauroitjuilifier,&ronfe- 
roit  le  plus  grand  tort  du  monde  à  Cham ,  de  comparer  ce  qu'il  fit  à  Ton 
père  à  ridoiatrie  de  Salomon.  Cependant  ce  Samfon  ôc  ce  Saloraon  font 
d'admirables  types  de  Jcfus-Chriil.  Il  y  a.  un  grand  fcandale  à  noircir  la 
vie  des  Anciens  en  exaggerant  leurs  défauts;  Mais  ileil  édifiant  de  voir  ra- 
mener leurs  fautes  des  excès  oti  les  ont  portez  quelquefois  les  Théologiens , 
pour  les  mettre  dans  leur  jufte  grandeur. 

Je  viens  maintenant  à  la  malediftion  que  Noé  prononça  par  un  efprit  de  De  k  maîe- 
Prophetie  contre  la.  race  de  Cham  j  &:  je  foûtiens  que  ce  n'efl  point  un  pjfnoncée 
fondement  légitime  de  noircir  la  mémoire  de  ce  Patriarche  ,  comme  on  fait,  par  Noé  à 
!..  Il  eil  à. remarquer  que  Noé  n'a  pas  maudit  Cham  ;  la  malediélion  eft  ^on^^^^^'^- 
tombée  fur  Canaan,  Àlandit  foit  Canaan  ^  il  fera  [erviteur  des  [ervitemsàe-  Ces  chamn'a 
frères.     Cela  ne  peut  être  fans  myflere,  que  le  père  ait  péché,  6c  que  l'un  mauïit: 
des  enfans  ait  été  maudit.  Il  eft  clair  que  l' Efprit  de  Dieu  a  voulu  dans  cet  mais  ca- 
oracle  prédire  ce  grand  événement  ,  cette  expulfion  àç,s  Cananéens  hors  fi^s"sc°poiiï* 
de  leur  païs  ,   afin  que  les  enfans  de  Sem  y  logeaflent.     11  ne  faut  donc  quoy- 
point  étendre  la  punition  du  péché  de  Cham  plus  loin,  ni  l'appliquer  ail- 
leurs.    Car  fi  Cham  lui-même  avoit  été  maudit  avec  toute  fa  pofterité 
dans  l'intention  de  Dieu ,  il  n'y  a  aucune  raifonjpour  laquelle  Noé  ne  l'au- 
roit  pas  dit  nettement.  Voici  comme  Moyfe  recite  lachofe^  &  Noé  éveil- 
le de  fon  vin  ,     fut  ce  que  fon  fils  le  plus  petit  avoit  fait  ;    &■  pourtant  il  dit  , 
Alandît  fott  Canaan^  il  fera  ferviteur.  des  ferviîeurs  de  fes  frères.      Il  dit  aujji  ^ 
béni  foit  P Eternel  le  Dieu  de  Sem  ,.  &  Canaan  ht  fait  fait  ferviteur.     Dans 
tout  cela  le  nom  de  Cham  ne  paroît  pas.     Il  ne  faut  donc  pas  fe  perfua- 
derjque  Noé  par  un  efprit  de  vengeance  ait  voulu  maudire  ni  Cham,  ni 
fa  race:  mais  ièulement  il  prit  occafion  de  déclarer  ce  que  Dieu  lui  avoit 
révélé ,  peut-être  durant  fon  dernier  fommeil ,  de  la  deftruélion  future  des 
Cananéens  en  faveur  de  la  maifon  d'Ifraël. 

Au  refle  fi  on  excepte  les  Cananéens  ^  nous-  ne  voyons  aucune  marque  tesdecen- 
d'une  malediélion  particulière  dans,  tous  les  décendans  de  Cham.     Il  eft  cham  n'ont 
vray  que  fa  pofterité  fut  étrangère  des  alliances  depuis  Moyfe  iufqu'à  Je-  po"e 
fus- Chrift,  mais  il  en  fut  de  même  de  la  pofterité  de  Japhet:  ôcd'Linnom-  quedema- 
bre  innombrable  de  familles  dont  étoit  compofée  la  race  de  Sem  ,  Dieu  i^'^ï^ion  ^ 
n'excepta  de  cette  malediélion  générale  que  la  feule  famille  d'Abraham.  ^" '' 
Et  quand  l'Evangile  eft  venu  au  monde,  tous  les  hommes  indifféremment 
ont  été  appeliez  au  falut ,  aufti  bien  la  pofterité  de  Cham  que  celle  de  Sem 
&  de  Japhet.     On  ne  doit  pas  oppofer  que  l'Afrique  &  l'Egypte  ,   qui 
font  tombées  en  partage  aux  enfans  de  Cham  ,,  ont  porté  des  caraéleres 
de  malediélion,  parce  que  l'Egypte  eft  eftimée  la.fource  de. toutes  lesfu- 
perftitions,  &  que  c'eft  où  l'on  a  vu  régner  les  plus  grandes  abominations 
de  i'idolarrie.     Je  répondrois  que  les  Arabes,  qui  font  décendus  d'Abra- 
ham par  Ifmaël,6cpar  les  enfans  de  Ketura  fa  féconde  femme  ,   ont  tou- 
jours porté  un  caraéiére  de  malediétion  beaucoup  plus  fenfible  y  ils  ont 
toujours  été  infâmes  par  toute  la  terre ,  voleurs ,  fans  foy  &  fans  religion. 
L'Evangile  y  a  fait  très  peu  de  progrés.   Le  Chriftianilme  des  Arabes  ne 
nous eftconnu dans l'Hiftoire ancienne  quafi  que  par  quelques  herefies,qui; 


78  HISTO  IRE   DES   DO  GM  ES 

y  prirent  naiiîance,  pour  la  ruine  delquelles  on  envoya  (Jrigene  dans  l'A- 
rabie. Et  enfin  ce  païs  ell  devenu  le  fiege  de  la  dctellable  Sc61:c  de  Ma- 
homet ,  &  la  fource  d'où  ell  parti  ce  torrent  d'impietc,  qui  a  inondé  les 
deux  tiers  du  monde  habitable.  Dans  ce  premier  fiécle  les  profperitez  tem- 
porelles étoient  les  plus  fenfibles  marques  de  la  bénédiction  de  Dieu  j  & 
même  les  benediétions  fpirituelles  ne  le  promettoient  en  ce  tems-là  qu'en 
des  termes  empruntez  des  benedidions  temporelles.  Or  nous  voyons  que 
la  race  de  Cliam  a  joui  des  plus  grandes  profperitez  temporelles.  Les 
grands  Empires  d'Ailyrie  &  de  Perle,  qui  fortirent  incontinent  delarrce 
de  Cham  5  ne  paroilîent  pas  être  un  effet  de  malédiction.  A'mii  je  con- 
clus, que  Cham  ni  fa  race  n'ont  point  été  maudits  ,  non  pas  même  les 
enfans  de  Canaan  ;  car  cette  malediétion  n'eut  Ton  accompliflèment  que 
dans  la  génération  qui  vivoit  du  tems  dejofué.  Et  il  ne  faut  pas  s'imaginer 
que  les  Cananéens  du  tems  d'Abraham  fuffent  plus  maudits  ôc  plus  mal- 
honêtes  gens  que  les  autres  peuples  du  monde. 

Qiiand  il  feroit  vrai  que  la  malediétion  que  Noé  prononça  auroit  été 
adreilee  à  Cham  en  vue  de  fon  péché  ,  il  ne  s'enfuit  pas  delà,  qu'il  eût 
été  réellement  maudit.  Et  là-defli.is  il  faut  remarquer,  qu'il  y  avoit  en  ce 
tems-là  des  malediélions  &  des  réprobations  typiques,  tout  de  même  com- 
me il  y  avoit  des  péchez  typiques.  Dieu  nous  a  voulu  reprefenter  dans 
les  types  le  myflere  de  la  prédeftination  comme  les  autres  myfteres,c'ell- 
à-dire ,  ce  choix  libre  que  Dieu  fait  de  toute  éternité  par  Ion  éleétion , 
&  qu'il  fait  dans  le  tems  par  cet  aéte  de  milericorde ,  qu'on  appelle  la  vo- 
cation. Selon  cette  liberté,  d'une  même  malFe  d'hommes,  formez  d'un 
même  fang,  égaux  dans  les  malheurs  &  dans  les  privilèges  de  leur  naif- 
fânce.  Dieu  choifît  l'un  &  laiffe  l'autre:  Dieu,  dis- je,  nous  a  voulu  don- 
ner des  types  de  cette  éleétion  &  de  cette  réprobation ,  6c  de  cette  fou- 
veraine  liberté  avec  laquelle  il  diftribuë  fes  grâces  falutaires ,  c'efi:  pour- 
quoy  Dieu  choifit  Abel  6c  accepta  fon  facrifice,  ôcméprifa  celui  de  Caïn. 
C'eil  pour  cela  même  qu'il  rejetra  Cham ,  qu'il  neghgea  Japhet  6c  fe  re- 
ferva  Sem.  Enfin  dans  la  vue  du  même  myftere ,  des  deux  Enfans  d'I- 
faac,  formez  en  même  tems,  conçus  dans  le  fein  d'une  même  mère.  Dieu 
choifit  l'un  êc  reprouva  l'autre,  le  plus  grand  fervira  an  moindre  î  j'ai  aimé 
facob  <^  fai  haï  Efaii.  Mais  il  faut  remarquer,  que  ces  réprobations  typi- 
ques regardoient  feulement  la  race  de  ceux  qui  étoient  rejettez,  &  que 
de  là  on  ne  peut  conclurre  la  réprobation  perîbnneile  de  ces  Patriarches 
que  Dieu  n'a  pas  voulu  choifir,  c'eft-à-dire  dont  il  n'a  pas  voulu  choifir 
la  race  pour  en  compofer  l'Eglife  ôc  en  fliire  décendre  le  MelTie.  Le 
pauvre  Efaii  efl  tellement  décrié  dans  les  chaires  &  dans  les  écoles  , 
qu'à  peine  y  a-t-il  de  la  fureté  à  prendre  fon  parti ,  à  foûtenir  qu'il  n'a 
point  été  reprouvé ,  &:  à  penfer  charitablement  de  fon  falut.  On  veut 
former  un  puilTant  préjugé  contre  lui  de  ce  que  S.  Paul  au  p.  chap.  de 
l'Ep.  aux  Rom.  les  met,  Jacob  &  lui,  pour  l'emblème  de  i'éleélion  & 
de  la  réprobation  éternelle  :  Car  devant  que  les  enfans f m. jfent  nez,  &  qu'ails 
eujjent  fait  ni  bien  ni  mal,  afin  que  le  propos  arrêté  félon  l'^éle^ton  de  'Dien  de-' 
metirât  ^  non  point  par  les  œuvres^  mais  par  celui  qui  appelle^il  luj  fut  dit  ^  le  plus 
grand  ferv  ira  au  moindre  ,  ainfi  qu'il  efi  écrit ,  fai  aimé  facob  &  fai  haïEfaù. 

Cepen- 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  î'^r^.I     79 

Cependant  je  fuis  certain  qu'il  y  auroit  de  la  témérité  &  du  défaut  de  cha- 
rité à  prononcer  là-defius  la  réprobation  6c  la  damnation  d'Efaii. 

Nous  ne  voyons  rien  dans  fa  vie  qui  foit  d'un  méchant  homme,  ôc  vr-  a 
llaac5qui  etoit  un  Prophète  ce  un  grand  bamt5n  eut  pas  eu  pour  lui  l'attache-  l'Hiftoiie 
ment  qu'il  avoit,  s'il  eût  été  méchant  &  reprouvé.     Moyfe  nous  dit  bien  parok  pL 
que  les  femmes  Cananéennes  qu'Efaii  prit  furent  en  amertume  de  cœur  ^"<=  «^'"^ 
à  Ifaac  ôc  à  Rebecca  :    mais  il  ne  nous  eft  rien  dit  de  ferablable  d'Eiaù  cmûS. 
lui-même.     Le  delîèin  qu'il  eut  de  tuer  fon  frère,  quand  fon  père  feroit 
mort,  eft  un  grand  péché:  mais  il  n'y  a  rien  qui  doive  paroître  étrange 
après  ce  qui  s'étoit  pafle  entre  ces  deux  frères.     Après  tout,  ce  qu'il  n'e- 
xécuta pas  ce  delîéin  fait  plus  voir  de  bonté  d'arae,  que  le  projet  qu'il 
avoit  formé  ne  découvre  de  corruption.   Les  pleurs  qu'il  veria  en  faluant 
ce  frère,  dont  il  croyoit  avoir  tant  de  fujet  de  fe  plaindre,  montrent  qu'il 
avoit  un  grand  fonds  de  bonté  ôc  detendrelTe.  Enfin  \qs  Théologiens,  qui 
veulent  que  Job  ôc  ^cs  amis  fuilènt  des  décendaos  d'Efaii,  doivent  avouer 
que  la  connoiflance  ôc  la  crainte  de  Dieu  fe  conferverent  long-tems  dans 
fa  famille  :  il  Efaii  avoit  été  lui-même  un  impie  ôc  un  méchant ,   il  n'y  a 
pas  d'apparence  qu'il  eût  communiqué  la  crainte  de  Dieu  à  fes  enfiins. 
Ce  n'elt  pas  que  nous  foyons  dans  ce  fentiment  que  Job  fût  décendu  d'E- 
faii i  mais  je  conclus  que  cette  opinion  étant  la  plus  commune  entre  les 
Théologiens ,  pendant  qu'ils  font  tant  d'honneur  aux  enfans ,   ils  ne  doi- 
vent pas  avoir  une  fi  méchante  opinion  du  père. 

Je  fouhaite  qu'on  applique  à  Chamtout  ce  que  je  viens  dédire  d'Efaii,  La  maiedic 
ôc  que  l'on  dife,  quela  maledidion  qui  fut  prononcée  contre  fa  race  ôcfa  "°"  ^^'^\ 
réprobation  furent  typiques ,  ôc  ne  le  regardoient  pas   perfonnellement.  tre  cham 


ment  un  homme  qui  avoit  vu  de  fi  grands  miracles  pouvoit  être  méchant 
ôc  impie.  Mais  il  y  a  de  certains  noms  dans  l'Hiftoire  qui  font  marquez' 
avec  diftinélion  pour  le  bien  ôc  pour  le  mal,  à  caufe  de Tufage continuel 
que  les  Orateurs  en  font  dans  leurs  difcours.-  Ces  noms  d'Efaii ,  de  Cham, 
delà  femme  de  Lot,  ne  fauroient  revenir  de  la  flétrifîlire  qui  repoié  fur 
eux.  Il  n'y  a  pas  jufqu'à  la  pauvre  Marthe,  fœur  de  Marie  ôc  de  Laza- 
re, femme  trés-pieufe,  dont  les  prédicateurs  ne  ternifient  la  répiitatiori 
par  leurs  figures.  On  la  pofe  comme  l'emblème  de  ceux  qui  s'appliquent 
excefiivement  aux  affaires  du  monde,  ÔC  qui  négligent  les  œuvres  de  pie- 
té ;  on  l'oppofe  aux  Maries ,  aux  dévotes,  qui  iont  continuellement  aux 
pieds  de  Jeliis-Chrill,  c'eft-à-dire  dans  l'exercice  de  la  dévotion  ôc  dô  la  . 
vie  contemplative.  Je  ne  veux  pas  ôter  aux  Orateurs  ces  exemples,  qui 
leur  font  des  fources  d'ornemens:  je  confens  que  les  avions  d'Efaii,  de 
Cham,  de  la  femme  de  Lot  (oient  pofées  pour  emblème,  de  la  conduite 
des  mondains ,  cela  eft  même  de  l'intention  de  Dieu.  Mais  il  faut  pren- 
dre garde  de  ne  pas  confondre  les  perfonncs  avec  les  aêtioiis,  ni  de  don- 
ner aux  aètions  plus  de  crime  ôc  de  malignité  qu'elles  n'en  ont.     Dieu  cieus  Kvré 

j  .  ^        ^     ,      ^  .  .    "  .■',  c         ceitains 

pour  des  rations  très  fages  a  voulu  punir  certains  hommes,  en  expoiant  noms  à 
leur  mémoire  ôc  leurs  noms  à  une  flétrifiure  éternelle.     Mais  il  ne  s'en-  ^«pp^obre  5 
fuit  nullement,  que  les  perfonnes  qui  ont  porté  ces  noms  foient  reprou-  quoi,  " 
vées  devant  Dieu.  '  Pour 


^o  HISTOIREDE  s  DOGMES 

Pour  moy  je  tiens  que  fî  les  préjugez  n'étoient  pas  û  puifTans,  ce  que 

nous  venons  de  dire  fuffiroic  pour  juitifîer  Cham,  &  qu'il  n'y  auroit  après 

cela  aucu-ne  difficulté  à  confeiiér  que  ce  Melchiiëdcc  étoit  Cham.     Sur 

tout  je  fouhaite  que  l'on  pefe  l'opinion  des  Théologiens,  qui  d'un confen- 

M^khife-     tcmcnt  prefque  unanime  veulent  que  ce  Ivîclchiiedectût  un  Prince  Cana- 

dec  dans  le  j^j^^q     c'eil-à-dirc  uu  hommc  de  la  race  maudite  de  Cham,  ôc  delabran- 

lentiment  '  -ri  ■      •    /  j-  r  y      ■     \  ■  -,        r     c-     ■    r 

commun  eft  chc  même  qui  feule  avoit  ete  maudite.    Je  voudrois  bien  qu  on  le  ht  jul- 
cSnïen     ^'*^^  là-deflùs.     Pourquoi  veut-on  bien  donner  ce  grand  honneur  à  l'un 
d'une  lace    àfs,  enfaus  dc  Canaan,  fur  lequel  étoit  tombée  la  malcdidion,  &  pour- 
maudue.      ^^^j  1^  reFufe-t'on  au  pcre  qui  dans  le  fond  n'a  point  été  maudit?  Com- 
ment peut-on  s'imaginer  qu'un  homme  décendu  de  Cham  ait  euuncfain- 
teté,  qui  l'ait  rendu  digne  d'être  type  glorieux  de  jefus-Chrift,  fi  Cham 
luy-même  a  été  méchant  homme.?  Jl  eil  donc  clair  qu'il  eft  beaucoup  plus 
raifonnable  de  faire  Cham  Melchifedec,  que  defaireMelchifedecunlim- 
pie  Cananéen. 
Pourquoi         Oir^^  ^^^^  ^  X^'ioi  aprés  la  repentance  de  Cham  ne  lui  change^  pas  fon 
Dieuchan-   nom  cu  celui  de  Melchifedec,  parce  que  le  premier  devoit  devenir  in- 
l?cham.'"  famé  dans  l'Eglife,  &  que  le  fécond  devoit  être  en  une  éternelle  beoe- 
diélion.^Qui  iait  fi  Cham  revenu  à  lui  même  n'eût  pas  une  fi  grande  con- 
fufion  de  fa  faute,  quoi  que  légère,  que  cela  le  porta  à  l'expier  par  une  vie 
tout  à  fait  fainte  &  exemplaire?  Qm  fait  fi  Cham  devenu  Melchifedec  ne 
choifit  pas  fa  demeure  particulièrement  entre  les  Cananéens  ,   parce  que 
cette  partie  de  fes  decendans  avpit  été  foûmife  à  la  malediétion  ,    &  que 
par  fes  facrifices,  {ç.'s,  prières  &  fes  exemples  il  vouloit  ellayer  de  rompre 
la  force  de  cette  fentence,  ôc  de  la  faire  révoquer,  en  retenant  le  peuple 
Cananéen  dans  le  fervice  du  vrai  Dieu?QLii  fait  enfin  fi  l'honneur  que  les 
Payens  ont  fait  à  Cham  d'en  faire  leur  Jupiter  le  plus  grand  des  Dieux , 
quoi  que  ce  fût  le  plus  jeune  des  trois  frères,  ne  vient  point  de  cette  di- 
gnité Sacerdotale  qu'il  avoit  poflédée  par  excellence,  jointe  avec  la  digni- 
•té  Royale  dont  Dieu  l'avoit  honoré,  pour  le  rendre  un  type  glorieux  du 
Meffie  ?     N'eft-il  pas  vray  que  parla  Dieu  l'avoit  diftingué^v  l'avoit  éle- 
vé fur  tous  les  autres  hommes,  ô<:  que  cela  a  bien  pu  fcrvir  de  fondement 
a  cette  Théologie,  qui  en  a  fait  le  père  des  hommes  &:  des  Dieux.  ' 
Berniere  ^^  "'^^  P^"^  qu'unc  remarque  à  faire  fur  cette  matière  ,  c'eft  que  dans 

■preuve  que    la  Thcologic  dcs  Phcnicicns  ou  Cananéens  ,    dont  nous  avons  un  frag- 
^olf'ie^'^"  ment  tiré  de  ^^^«^-^(jmWo»  dans  les  oeuvres  d'Eufebe,il  eflfouvent  parlé  d'un 
troifiéme     Certain  Sidic  ,  ou  Sedec  ^  qu'il  interprète  par  le  mot  dejufte.  Je  ne  faurois 
rV'^hT^*  *^°"^^^'  ^^^  ^^  Sidic  ^  ou  Sedec,  ne  Ibit  nôtre  Melchifedec.  Sanchoniaton  , 
ïrxpar.        quï  étoit  lui-mêmc  Phcnicieu  &  Canauécu ,  dit  que  ce  Sidec  eft  père  dts 
livang.  Lib.  Diofcouroi,  des  Carybes,  des  Corybantes  &  des  Dieux  Samothraces.  Or 
CCS  SiéiT-yiBpci ,  comme  chacun  fait  ,    ce  font  les  enfans  de  Jupiter.     Il  eft 
encore  certain  que  les  Carybes  6c  les  Dieux  Samothraces  étoient  les  grands 
Dieux  des  Payens ,  comm.e  nous  le  prouverons  ailleurs.  Or  li  ces  Carybes 
Se  ces  grands  Dieux  étoient  fils  de  Jupiter ,  &  que  Jupiter  fût  Cham ,  com- 
me les  doctes  en  conviennent  allez.  Se  qu'enfin  le  Sidec  de  Sanchoniaton  fût 
Jupiter,  il  eft  clair  que  le  Jupiter  des  Payens,  le  Cham  de  Moyfe  &  fou 
Melchifedec  étoient  une  feule  Scmêmeperfoniiej  &  par  conféquent  il  fe 
trouvera  que  Sidec  ou  Melchifedec  étoit  véritablement  Cham.     Au  refte 

j'aban- 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Tart.l,    8r 

j'abandonne  toutes  ces  conjeélures  au  jugement  des  dodes.  Jenepretens 
pas  les  produire  comme  des  Oracles ,  mais  je  ne  fay  fi  l'on  peut  dire  quelque 
chofe  de  plus  vray-femblable. 


CHAPITRE    XIL 

Des  Sacrifices  de  l'EgUfe  avant  la  Loy  y  ^  de  leur  origine. 

COmme  nous  ne  faifons  pas  ici  un  traité  de  Théologie  d'école,  nous 
n'avons  pas  deflein  de  traiter  les  queftions  de  controverfè  qui  (e  peu- 
vent rencontrer  dans  nôtre  chemin.  Cependant  nous  ne  faurions  nous 
empêcher  de  dire  quelque  chofe  de  la  queftion  de  l'origine  des  facrifices. 
Apres  avoir  parlé  des  Sacrificateurs  dans  les  chap.  precedens ,  l'ordre  veut 
naturellement  que  nous  parlions  des  facrifices ,  &  avant  toutes  chofes  que 
nous  parlions  de  leur  origine. 

II  y  a  des  gens  qui  fuppofent  que  la  Loy  des  facrifices  eft  uneLoy  natu-  LaLoydes 
relie  que  Dieu  ne  donna  point  aux  premiers  hommes  expreflement ,  maiSn"Âp^ 
qu'il  la  grava  dans  leur  cœur,  comme  celle  de  fervir  Dieu,  d'aimer  nos  une  Loy 
prochains ,  de  faire  à  autruy  ce  que  nous  voulons  qu'on  nous  fafîe.  Ainfi  ^^^^^  ^' 
dans  le  fentiment  de  ces  Auteurs  ,  les  premiers  hommes  ont  facrifié  , 
parce  que  leur  confcience  leur  a  di6té  que  ce  culte  étoit  raifonnable.  Je  fay 
bien  qu'il  y  a  des  grands  hommes  dans  ce  fentiment,  tant  entre  les  Chrétiens 
qu'entre  les  Anciens  Juifs.  St.  Chryfbilome  efl  de  ce  nombre:  il  dit  que  lé  comment. 
Créateur  a  mis  dans  chaque  homme  les  lumières  de  la  confcience  j  que  ce^gp^^' 
fut  cette  confcience  qui  fit  naître  à  Cain  la  penfée  de  facrifier  ,  il  offrit , 
dit-il,  a  Diei£  les  prémices  des  fruits  de  la  terre,  parce  qu'ail  jugea,  qu^il  étoit 
raifonnable  de  lui  offrir  ce  qui  étoit  a  lui  ,  comme  a,  celui  qui  efl  le  Maître  de 
tout.  Il  y  a  allez  de  Juifs  qui  font  dans  la  même  penfée.  On  peut  voir  ce 
que  dit  là-deflusRabbiLevi  ben  Gerfom  dans  fon  Commentaire  fur  le  4 
chap.  de  la  Gen.  Abarbinel,  autre  Rabbin  célèbre,  dans  fa  préface  fur  le  Le- 
vit.  dit  qu'Adam  &  fes  fils  ofFroient  des  facrifices  à  Dieu,  dans  la  penfée 
que  leur  confcience  leur  donnoit  ,  que  par  ce  moyen  ils  fervoient  Dieu. 
Entre  les  Théologiens  modernes  il  y  en  a  qui  ont  choifi  cette  opinion  par 
un  interêj^i^e>)j)arti ,  s'imaginant  que  cette  fuppofition  fait  beaucoup  pour 
établir  la  pecefîité  d'un  facrifice  perpétuel  dans  l'Egiife.  Mais  quiconque 
fe  dépouille  d'intérêt  &  de  prévention,  verra  clairement  que  cette  fuppo*- 
fition  eft  faufTe  II  n'eft  pas  vray  que  la  nature  feule  ait  enfeigné  aux  hom- 
mes de  facrifier.  H  efl  vray  que  la  confcience  naturellement  nous  dié^é 
que  nous  devons  rendre  à  Dieu  des  hommages  6c  àç.^  aélions  de  grâces 
pour  les  biens  que  nous  recevons  de  lui.  J'avouerai  même  que  les  lumiè- 
res naturelles  nous  font  affez  fentir  que  nous  fommes  coupables,  queDieii 
efl  irrité  contre  nous  à  caufede  nos  defobeïfTances,  Ôcpar  conféquent  que 
nous  devons  travailler  à  appaifer  la  divinité.  Mais  la  nature  ne  nous  dit 
pas  que  la  manière  de  fclendre  Dieu  favorable ,  foit  de  détruire  &  d'a- 
néantir en  fa  prefence  ou  àits  animaux ,  ou  quelque  autre  créature.  Il  y  a 
même  quelque  chofe  qui  répugne,  que  Dieu  fe  plaife  à  l'efïtifiondu  fang 
Vart.  1.  J^         L  & 


%2  HISTOIRE  DES  DOGM  E  S 

&  à  la  puante  fumée  d'une  chair  brûlée  :  la  nature  a  de  l'averfion  pour  fi.- 
mort,  elle  ne  nous  di^te  rien  qui  ne  lerve  à  perfeâionner  la  créature ,  6c 
non  pas  à  la  détruire.    Je  pofe  donc  comme  une  chofe  certaine ,.  que  les 
premiers  hommes  facrifierent,  parce  que  Dieu  le  leur  commanda,  foit  qu'il 
leur  en  ait  donné  le  commandement  par  une  voix  intelligible  ^  foit  qu'il 
l'ait  infpiré  à  Adam  par  l'efprit  de  Prophétie,  dont  on  ne  peut  pas  douter 
Dcmonft.     qu'il  n'ait  été  illuminé..    C'eft  l'opinion  d'Eufebe  de  Gefàrée;  il  dit  que- 
Evang.  Lib.  ^^^^^  penfee  de  facrifier,  rPejl  point  venue  aux  hommes  par  haz.ar<i ,  oh  par  un  mou^ 
'         vement  humain.    Car  ces  hommes  pieuxj  qui  avoient.  un  grand  commerce  avec  la 
divinité,  étant  illuminez,  par  le  St.  Efprit^  connurent  qu?ils  avaient  ùefbm  d'aune- 
grande  médecine  pour  fexpiationdf  la  purification  de  leurs  pechex.  ^  qui  les  enia- 
geoient  dam  la  mort.     Cependant  je  ne  luis  pas  d'avis  que  nous  prouvions 
cette  vérité  par  des  argumens  dont  on  nous  puilîe  reprocher  la  foiblelîè, 
C'e  ftpourquoy  je  ne  goûte  pas  fort  cette  preuve,  qu'on  apporte  avec  tant 
H«br.  3.      de  confiance,  tirée  àc  et  que  St.  Paul  dit,  que  par  foj:  Aée/  ojfnt  un  plm 
excellent,  facrifice  que  Caïn.  Si  c'cû'p^^OY^  dit-on,  qu'Abel  a  offert,  c'ell 
en  fuite  d'un  commandement  pofitif,  &  d'une  révélation  que  Dieu  avoit 
^980,1.0,     donnée  i  CViV  la  foy  efi  de  l'ouïe  ^  &  Pouïe  eft  de  la  parole  de  Dieu.     Et  ainlî 
la  Loy  des  facrifices  eft  une  Loy  pofitive,  à  laquelle  les  hommes  obeïlTent 
par  la  foy,.  &  non  pas  par  la  nature.  Mais  on  ne  s'apperçoit  pas,  que  par 
cette  interprétation  l'on  fait  le  facrifice  de  Gain  auffi  excellent  que  celui 
d'Abel:  car  félon  cette  glofe  le  facrifice  de  Caïn  fut  aufli  offert  par  foy,. 
c'efl-à-diré  par  obeïjŒànce  à  la  Loy  des  facrifices,  qui  avoit  été  donnée  à. 
Adam.     Or  il  eft  clair  que  l'intention  .de  St.  Paul  eft  de  nous  faire  com- 
prendre, que  le  facrifice  d'Abel  fut  offert  par  foy,  &:  que  celui  de  Caïn  ne 
le  fut.  pas.     Il  faut  donc  expliquer  ces  paroles ,  par- foy ~^   par  celles- cy,. 
offert  avec  une  fainte  dévotion.,  une  forte  perfuafion  de  toutes  les  veritez 
divines,  une  confiance  pleine  enila  bonté  de  Dieu,  ôc  un  zèle  très  fince- 
re  pour  fa,  gloire. 

Les  plus  fortes  preuves  que  nous  puifïions  avoir  que  les  facrifices  font 
d'inftitution;&:  de  droit  politif,  &  non  pas  de  droit  naturel,  doivent  être 
prifes  premièrement  du  fens  commun.     Car  pourvu  que  l'on  ne  foit  pas 
prévenu,  les  lumières  du  bon  fens-  nous  enfeignent  clairementqu'une Re- 
ligion peut  être  fans  facrifice  >.  que  laReligion  des  bien  heureux  dans  le 
paradis  5  quoyque  ce  Ibit  la  plus  parfaite  de  toutes  les  Religions,  n'a  rien 
qu'on  puifle  appeller  de  vrais  facrifices.     Si  les  facrifices  elment  de  droit 
naturel,  ils  fe  devroient  rencontrer  dans  toutes  les  Religioris^'q'uT  tirent  leur 
origine  de  Dieu  ,   parce  que  le  droit  naturel  eft  perpétuel  &  immuablCo 
Or  il  eft  clair  que  la  Rehgion  d'Adam  dans  l'état  d'innocence  ne  pouvoit 
avoir  de  facrifice,  puifque  Dieu  n'étoit  point  alors  irriré  contre  les  hom- 
mes ,  6c  que  les  facrifices  font  deftinez  à  rendre  la  divinité  favorable  aux 
■^     criminels,  t.  Outre  cela  l'Ecriture  fainte  parle  très  fouvent  avec  un  grand 
mépris  dts  facrifices  3  l^ Eternel  ne  prend  point  plaifJr  aux  holocaufies  &  ajix  fa-- 
crijices ,  comme  à  ce  qu'ion  obciffe  a  fa  voix  :  je  veux  mtfericorde  &  non  pas  fa- 
erifice,.    Hu  ne  prens  pas  plaifir  aux  facrifices  ^  autrement  f  en  bailler  ois  ^    L'holo-- 
caufle  ne  t^efi  pas  agréable.   Si  la  Loy  naturelle  diéloit  la  necefîité  des  facri- 
fices, il  n'y  a  pas  d'apparence  que  Dieu  en  parlât  ainfi.   Qiiand  l'Ecritu- 
re, fainte  ne  nous.diroit  pas.  II  exprelIéjsQent  que  Dieu  ne  prend  pas  plaifir 

■  aux; 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  PartA.    83 

aux  facrifices ,  le  bon  fens  nous  l'apprendroit.     Il  eft  évident  qu'il  n'y  a 
rien  dans  la  mort  d'un  animal  &  dans  l'efFufion  du  fâng  qui  puifTe  plaire  à 
Dieu.     Tertullien  nous  parle  quelque  part  de  l'imagination  grojffiére  -de. 
certains  Payens,  qui  croyoient  que  les  Dieux  aimoicnt  l'odeur  des  viandes  Lib.i.  de 
i>i-ûlées ,   &  Te  nourriflbient  de  la  fumée  du  fan^.     Maimonides  attribue  ^'^°'°''"'** 
le  même  fentiment  aux  Zabiens  ,   c'eft  -  à  -dire  aux  anciens  Chaldéens  : 
Apres  avoir  égorgé  une  bête  ,  dit-il^  U;  s'ajféoient  en  rond  pour  manger  la  chair  ^  More  nevo- 
s^imaginant  que  dans  cette  -^cion ,  pendant  qu'ails  mangeoienl  la  chair ^  le  démon  caô^lô!    * 
mangeait  le fang.     Mais  cette  penlee  eft  brutale,  &  ne  peut  tomber  dans 
les  efpri^s  iTiuminez  par  la  grâce.   Nous  favons  que  Dieu  eft  efprit ,  qu'il 
'?:tTne  les  hommages  du  cœur  &  de  l'efprit,  &  qu'il  n'aime  que  ceux- 
là. 

2 .  Enfin  la  principale  raifon  que  nous  avons ,  pour  prouver  que  les  facrifi-  ^^  pcf'fi" 

j  X.  %.  1  'ix^j  CCS  ctoïcnf* 

cç.^  ne  font  point  de  droit  naturel  5  c'eft  que  les  facrifices  etoient  at^  types:  des  types: 
ce  que  je  à^\s^  non  feulement  de  ceux  que  Môyfe  ordonnai  mais  aufii  de  ^'^"^"up 
ceux  que  les  fidèles  faifoient  avant  lui.  Il  eft  évident  que  d'une  part  c'étoient  mes&des 
les  figures  du  facrifice  que  le  Meffie  devoit  oftî-ir,  &  que  de  l'autre^  ils  re-  ^^P^*' 
prefentoient  cç:.s  facrifices  vivans  de  nous-mêmes,  que  St.  Paul  nous  com- 
mande.   Si  cts  facrifices  etoient  des  types ,  c'étoient  à.t?,  loix  pofitives  & 
d'inftitution,  car  on  ne  trouvera  aucun  type  établi  dans  une  Loy  naturel- 
le. L'arc-en-ciel  que  Dieu  pofa  dans  le  ciel  après  le  déluge,  étoit  à  la  vérité 
une  chofe  naturelle ,  mais  ce  n' étoit  pas  un  type  j  ce  fut  un  figne  de  la  pro- 
mefle  que  Dieu  donna  à  Noé  de  ne  plus  abyfmer  la  terre  par  un  déluge.  Il 
eft  vray  que  de  la  nature  l'on  peut  tirer  des  emblèmes  pour  reprefenter  \t% 
veritez  divines  êc  les  grâces  du  ciel:  mais  il  y  a  bien  de  la  différence  entre 
un  type  &  un  emblème.     L'emblème  peut  être  emprunté  de  tout ,  de  la 
nature ,  de  l'Ait ,  de  la  Grâce,  de  l'Hiftoire,  &  de  la  Fable.  Mais  les  types 
font  des  figues  établis  de  Dieu  pour  reprefenter  les  grâces,  Icfquelles  il  pré- 
pare à  fon  Eglifci  &  ces  figues  font  de  pure  inftitution.     C'eft  pourquoy 
comme  la  grâce  &  la  nature  font  tout  à  fait  diftinguées,  puifque  les  types 
appartiennent  fans  contredit  à  la  grâce,  il  ne  faut  pas  les  chercher  dans  la 
nature. 

L'opinion  de  Grotius,  qui  eft  dans  une  autre  extrémité,  n'eft  pas  meil-  crotinsdÈ 
leure.     Il  prétend  que  les  facrifices  ne  font  ni  de  droit  naturel,  nid'infti-  Rei/chift. 
tution  divine  ,   mais  .d'invention  humaine.     Pour  détruire  l'opinion  des  i}''-^- 
Juifs,  &leur  ôter  ce  grand  amour  qu'ils  ont  pour  les  facrifices,  il  fuppo-  femiment 
fe  que  Dieu  n'en  eft  point  l'Auteur,  &  qu'Abel  Se  Gain  de  leur  tête  s'avife-  «^e^iotius- 
rent  de  facrifier  à  Dieu.  Mais  il  n'eft  pas  vray-femblable  que  les  premiers 
hommes  ayent  entrepris  une  chofe  fi  extraordinaire  fans  commandement 
&  fans  inlpiration  :    Dieu  n'aime  pas  les  cultes  qui  font  inventez  par  les 
hommes  ,    En  vain  m'^honorenx-ils  par  des  traditions^  qui  ne  font  que  des  corn-  Ef.  25. 
mandemens  d'hommes  y  dit-il.  ^'^^' 

Je  fuppofe  donc  qu'il  y  a  eu  un  commandement  de  facrifier.     On  ne  Noé  reçlc 
manquera  pas  de  nous  demander  oii  il  eft.   J'avoue  que  je  ne  le  trouverai  ""jfo^jfj^' 
pas  dans  l'Hiftoire  du  tems  qui  a  précédé  le  déluge  5  mais  on  n'y  trouvera  comman- 
pas  non  plus  plufieurs  autres  commandemews  que  les  hommes  ont  certai-  fa^c^ifier.  ^ 
nement  oblërvez ,  &  que  Moyfe  a  pafie  fous  filence ,  parce  qu'il  vouloit 
être  court.  Mais  après  le  déluge  je  trouve  ce  commandement  de  facrifier 

L  i  dans 


84  HISTOIRE  DES   DOGMES 

G«ij.s.4.    dans  le  renouvellement  de  l'alliance  que  Dieu  fit  ^ivcc^oé^vons ne mange-^ 
rcTL  pas  de  chair  avec  fon  ame  qui  efi  fin  fang.     Si  cette  preuve  paroît  obfcu- 
re ,  j'efpere  qu'elle  paroîtra  claire,  quand  nous  aurons  dit  ce  que  nous  avons 
*.^  .1         à  dire  là-defl'us.  i.  Il  eft  clair  que  ces  paroles  ordonnent  aux  hommes  d'é- 
•'■'"'  pandre  le  fang  de  tout  animal,  avant  que  d'en  manger  la  chair.  OrjeprC' 

tens  que  cette  effu lion  du  fang  de  tous  les  animaux,  qui  dévoient  être  man- 
gez, eft  un  fîicrifice,  &par  conléquent  que  Dieu  commande  lesfacrificcs 
dans  les  lieux  mêmes  o\x  il  commande  d'épandre  le  fang  des  bêtes  avant 
que  de  les  manger.   Quand  les  Théologiens  cherchent  la  moralité,  qui  eft 
cachée  fous  ce  commandement  ceremoniel,  d'épandre  le  fang,  &  de  n'en 
point  manger,  ils  difent  que  Dieu  veut  donner  de  l'averfion  pour  la  cruau- 
té 5  6c  qu  il  défend  aux  hommes  d'avaller  le  fang  des  bêtes ,   afi"n  qu'ils 
ayent  toujours  de  l'horreur  pour  le  fang,  &  qu'ils  ne  prennent  point  l'ha- 
bitude de  voir  répandre  le  fang  humain  fans  émotion.    C'eft  ainfî  qu'un 
Juif  appelle  Aben-Ezra  paraphrafe  le  paflage  de  la  Genefej  Encore  que  je 
vous  ave  accorde'  de  manger  la  chair  des  hêtes ,  cependant  vous  ne  devez  pas  être 
cruels  envers  les  bêtes  mêmes  en  mangeant  les  membres  arrachez,  d'un  animal  vi~ 
vant.     Tous  les  Chrétiens,  ont  aveuglément  marché  fur  Ces  traces,  fans 
chercher  d'autre  myftere  dans  ce  paftage,  6c  dans  ce  commandement  ce- 
remoniel d'épandre  le  fang.     Il  fe  peut  faire  que  ce  foit  une  des  inten- 
tions du  legiflateur:  mais  en  vérité  fi  l'on  avoitlû  avec  quelque  attention  le 
chap,  1 7.  du  Levit.  où  ce  commandement  de  répandre  le  fang  des  bêtes 
eft  répété  6c  appuyé  de  raifons,on  auroit  apperçû  qu'il  y  a  là-deflbus  quel- 
que chofe  de  plus  important. 
Levit.  17.         Voici  donc  ce  que  ditMoyie:  Quiconque  de  la  famille  d* Ifra'él ,  ou  dePe'- 
Toute effo-   tranger  fi'joumant  parmi  vous ^  aura  mangé  de  quelque [ang  que  ce  fiit  ,  je  met- 
fiondefang  tray  ma  face  contre  la  perfonne  qui  aura  mangé  ce  fang  ^  &  la  retrancherai  du 
iu"faciifice.  ^^^^^^  de  fin  peuple  i  car  Pâme  de  la  chair  efi  au  fang  :  pourtant  je  vous  ai  or- 
donné qu'il  fott  mis  fur  Pautel  pour  faire  propitiation  pour  vos  âmes  ,    car  c'^efi  le 
fang  qut  fera  proptttation  pour  Pâme.    En  luite  il  ordonne  que  celui  qui  aura 
pris  une  bête  à  la  chafTe,  ou  un  oifeau  à  la  campagne,  fi  c'eft  un  des  ani- 
maux nets  qu'on  peut  manger,  on  épande  le  fang  6c  le  couvre  de  poufîiere. 
Il  eft  clair  que  le  commandement  de  répandre  le  fang  n'eft  point  appuyé 
ici  fur  la  raifon  de  la  cruauté  :    6c  en  efi'et  dans  le  fond  il  n'eft  pas  plus 
cruel  de  manger  le  fang  des  bêtes,  que  de  déchirer  leur  chair  avec  les  dents. 
Le  legiflateur  fonde  ce  commandement  fur  la  neceftité  de  la  propitiation , 
6c  fur  ce  qtie  l'Eternel  avoit  choifi  le  fang  pour  faire  l'expiation  àts  pé- 
chez 5  le  fang  c''eft  Pâme  ^  (^  pourtant  le  fang  fera  propitiation  pour  Pâme.    Ces 
paroles  ne  doivent  pas  être  entendues  du  fang  àçs  facrifices  feulement  , 
inais  généralement  de  toutes  bêtes,  même  de  celles  que  l'on  tue  fimple- 
ment  pour  manger  :  6c  cela  fignifioit  que  Dieu  recevoit  pour  expiation  le 
fang  dts  bêtes,  dont  il  donnoit  la  chair  à  manger  à  fon  peuple.     De  forte 
que  chaque  béte  qu'on  égorgeoit,  foit  aux  champs,  foit  à  la  ville  ,  étoit 
une  efpece  de  fucrifice  ,   quoy  que  cela  ne  fe  fît  point  par  \e.s  Sacrifica- 
teurs, ni  au  pied  des  autels.     C'eft  ce  qu'a  fans  doute  compris  l'Auteur 
d'un  ancien  Commentaire  Hébreu  fur  les  cinq  hvres  de  Moyfe  ,  qui  eft 
In  Gen.       intitulé  Chaskuni.  Vame  de  toute  chair  ^  dit- il,  cefi-à-dire  de  toute  créature^ 
***  **        dépend  de  fin  fang  s  t^  efi  pour  quoy  f  ai  défi  mé  le  fang  de  toute  bête  pour  faire  pro- 

fitia' 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  PartA.    8f 

ptUtion  pour  Pâme  de  l'homme ,  Pâme  fort  &fmt  propitiationpoHr  Pâme.  Remar- 
quez là-defîus  que  Dieu  ne  défend  pas  feuiemenc  de  manger  du  fang ,  com- 
me s'il  ordonnoit  de  le  négliger,  mais  il  ordonne  qu'on  l'épande  comme 
de  l'eau  5  à  la  manière  des  libations  oC  àç-s  épanchemcns  myftiques  qui  fe 
faifoient  dans  les  Tacrifices.  Tu  rPen  mangeras  pas ^  dit  Dieu  en  parlant  du  DeuteMa» 
fang ,  mats  tu  l'épandras  fur  la  terre  comme  de  Peau. 


V.    24. 


Dans  cette  remarque  nous  avons  l'explication  de  la  penfée  de  David ,  i.  chron. 
quand  trois  des  plus  vaillans  hommes  de  Ton  Armée  traverferent  tout  le  "•'^•^^' 
camp  des  Philiftins ,  6c  allèrent  puifer  de  l'eau  à  la  fontaine  qui  écoit  à  la 
porte  de  Bethléem,  6c  l'apportèrent  à  David.  Quand  il  la  tint,  il  dit,  a  ^l^^-^^y^f.. 
Dieu  ne  platfe  que  je  boive  le  fang  de  ces  trois  hommes-icy ,  CT*  il  la  répandit  de-  tion  de  Da- 
vant  PEternel  ^  c'ell-à-dire  qu'il  en  fit  un  facrifice  3  tout  de  même  que  pàndïïeaû 
l'on  répand  le  fang  pour  en  faire  un  épanchement  à  l'honneur  de  Dieu  que  fes 
quand  on  égorge  une  bête  pour  la  manger.  LaLoy  duLevitique,laquel-  g^o^en^  g'té 
le  nous  avons  vue,  ordonne  auffi  que  quand  on  tuera  une  bête  à  lachafle,  chercher 
on  répande  fon  fang  devant  l'Eternel  ,  6c  qu'on  le  couvre  de  pouifiére  :  Zuilt:^^ 
cela  prouve  clairement  que  toute  effufion  de  fang  étoit  un  facrifice. 

Afin  de  rendre  cette  vérité  plus  fenfible,  il  faut  obferver  icy,  que  du-  DansieDc= 
rant  le  féjour  des  enfans  d'ifraël  dans  le  Defert,  il  ne  leur  étoit  pas  per-  bïtcégo^gés 
mis  de  tuer  aucune  des  bêtes,  qu'ils  égorgeoientjpour  manger  dans  le  camp,  étoit  un  fe- 
ou  hors  du  camp,  excepté  à  la  porte  du  Tabernacle,    6c  il  falloit  que  le  "'  "* 
fang  en  fût  mis  fur  l'autel.  La  Loy  le  dit  exprefiement  dans  le  ch.  1 7.  du 
Levit.  Tarie  a  Aaron  &  a  fes  fils,  &  leur  dis ,  c'^eft  icy  ce  que  P  Eternel  a  com- 
fnépdé:  quiconque  de  la  mai  fon  d'^Jfra'él  aura  égorge',  ou  bœuf  ^  ou  agneau^  ou 
chèvre  dans  le  camp  ,  ou  hors  du  camp  ^  ^  ne  Paura  pas  amené  a  P entrée  d^af^ 
Jignation  ,  le  voulant  offrir  a  PEternel  en  offrande ,  le  fang  fera  imputé  a  cet  hom- 
me-la ,  il  a  répandu  du  fang,  pourtant  cet  homme- la  fera  retranché  du  milieu  de 
fes  peuples.     li  eil  clair  que  fi  ce  commandement  renferme  toutes  les  bêtes 
que  les  Ifraëlites  mangeoient,  Dieu  regardoit  toute  effufion  de  fang  com- 
me un  facrifice  ,  puis  qu'il  veut  que  toute  bête  foit  égorgée  prés  de  fon 
autel,  6c  que  le  Sacrificateur  épande  le  fang  à  l'entrée  du  Tabernacle.  11 
ell  vray  que  les  Interprètes  n'ont  pas  compris  que  cela  s'étendît  jufqu'aux 
bêtes  qu'on  égorgeoit  pour  manger.    Ils  croyent  qu'il  ne  s'agit  là  que  de 
celles  qu'on  oflfroit  en  facrifice,  à  caufe  que  Dieu  dit  ,  afin  que  les  enfans  Levit.ir.s. 
d' Jjrael  amènent  leurs  facrifices  ^  qu'ils  facrifient  dans  les  champs  ^  qu'ails  les  amè- 
nent,  dis-je^  a  PEternel.     Mais  je  fuis  trés-perfuadé  d'une  cliofe,  c'eftque 
le  defl'ein  de  Dieu  eft  de  commander  que  toute  bête  deftinée  à  être  man- 
gée, fût  égorgée  au  pied  de  f  autel,  6c  que  l'afperfion  du  fang  s'en  fît  fur 
l'autel  par  le  Sacrificateur.  Son  intention  eft  de  déclarer,  que  toute  effu- 
fion de  fang,  particuhérement  de  cts  trois  fortes  de  bêtes,  bœufs,  mou- 
tons 6c  chèvres ,  avoient  une  vertu  expiatoire.    Celuy  qui  voudra  lire  le 
17.  chap.  du  Levit.  avec  attention  n'en  pourra  douter,  i.  Ce  chapitre  eft 
defliné  tout  entier  à  l'explication  6c  à  la  confirmation  de  ce  commande- 
ment cerémoniel ,  de  ne  pas  manger  du  fang  6c  de  l'épandre ,  il  ne  s'agit 
point  du  tout  là  des  facrifices,  qui  fe  faifoient  félon  la  Loy,  pour  lefervice 
ordinaire  ou  extraordinaire.  Je  ne  nie  pas,  que  comme  ce  commandement 
eft  gênerai ,  il  ne  comprenne  aufîi  la  défenfe  de  facrifier  ailleurs  qu'à  la 
porte  du  Temple  ou  du  Tabernacle  :  c'cft  pourquoy  le  Legiflateur  y  par- 

L  3  le 


U  H  I  s  T  O  ï  R  E  D  E  s  D  O  G  M  E  s 

le  auffi  des  holocauftes,  maisc'eft  par  accident,  ôc  la  principale  intention' 
de  Dieu  eft  de  défendre  d'égorger  les  bêtes  ,  qu'on  vouloit  manger , 
ailleurs  qu'à  la  porte  du  Tabernacle,  z.  Ceux  qui  liront  avec  atten- 
tion les  V.  10.  Ôc  II.  6c  fuivans  ,  oii  fe  trouve  ladéfenfe  de  manger  du 
fang,  &  le  commandement  de  le  répandre,  verront  qu'il  y  a  une  éviden- 
te liaifon  &:  un  rapport  necefTaire  de  ces  verfets  aux  precedens ,  oii  l'on 
croit  que  la  Loy  ne  parle  que  des  facrifices  ,  ôc  non  de  toute  etfulion  du 
fang  des  bêtes  ;  L'âme  de  la  chair  efi  au  fang  ,  c'^efi  fourqmj  ]e  vous  ay  ordonné 
qu'il  fut  mis  fur  Pantel  ponr  faire propitiation  pour  vos  âmes.  Qui  ne  voit  que  ces 
paroles  fe  rapportent  évidemment  au  6^.  v.  de  ce  même  chap.  où  Dieu 
commande  que  le  Sacrificateur  épande  le  fang  fur  l'autel,  après  avoir  com- 
mandé qu'on  amenât  les  bêtes  pour  les  égorger  à  la  porte  du  Taberna- 
cle. La  chair  des  facrifices  n'étoit-elle  pas  mife  lur  Tautel,  pour  faire  pro- 
pitiation pour  les  âmes  aufii  bien  que  le  fang  ?  Si  donc  cela  s'entend  du  lâng 
des  viétimes  facrifiées ,  par  la  même  raifon  il  n'eût  pas  dû  être  permis  de 
manger  de  la  chair  des  bêtes,  non  plus  que  de  leur  fang.  ^.  Mais  fur  tout 
cette  vérité  paroit  claire  par  le  12.^.  ch.  du  Deur.v.ii.où  les  préceptes  font 
'  répétez,  ,  ôc  où  Moyfe  dit  ,    Si  le  lieu  que  le  Seigneur  ton  Dim  ^uta  choifi 

poar  y  mettre  fin  nom.  efi  loin  de  toy ,   lors  tu  tueras  de  ton  gros  &  menu  bétail^ 
^  tu  en  mangeras  en  quelque  lieu  que  tu  demeures  filon  le  fouhait  de  ton  ame. 
N'efl-il  pas  clair  que  c'eft  icy  un  relâchement  que  Dieu  donne,  ôc  une 
difpenfe  de  la  Loy,  qu'il  avoit  donnée  aux  Ifraëlites  dans  leur  voyage,  de 
ne  manger  aucune  bête  qui  n'eût  été  égorgée  au  pied  des  autels  ,  ôc  du 
fang  de  laquelle  on  n'eût  fait  l'afperfion  ?  11  étoit  facile  d'obferver  cij^te 
Loy  dans  le  defert,  parce  que  tous  les  Ifraëlites  étoient  prés  du  Taber- 
nacle, ôc  qu'alors  ils  avoient  peu  de  bêtes,  ôc  en  tuoient  rarement.  Mais 
quand  ils  eurent  pris  pofiefîion  de  la  terre  de  Canaan  ,    l'obfervation  de 
cette  Loy  devint  impoffible.    C'eft  pourquoy  Dieufe  contenta  de  leur  or- 
donner de  faire  une  efpece  de  facrifice  en  répandant  le  fàng  des  bêtes  à 
fon  honneur  j  car  il  ajoute  immédiatement  après,  feulement  garde- toy  de  ne 
manger  f  as  de  fang^  car  le  fang  c'efi  l'ame  ^  mais  tu  l'épandrasjkr  l^terre com- 
me de  l'^eau. 
tecomman-      Pour  donner  plus  de  lumière  à  cette  vérité,  il  eft  à  remarquer  que  Dieu 
brSer"  ks     ^^oit  ordonné  de  lagraift^e  des  animaux  à  peu  prés  la  même  choie  que  de 
graiffes&ia  leur  fang  j  il  fe  rétoit  refervée,  ôc  ne  vouloit  pas  que  les  hommes  enman- 
les  mangea   gcaflent ,  VOUS  ne  mangerez.  ^  ni  aucune graifie  ^  ni  aucun  fang.  C'eft  que  du- 
étoit auffi ua  rant  le  féjour  des  Ifraëlites  dans  le  defert ,   parce  que  l'on  avoit  trés-peu 
Uvit"-i7.  ^^  viétimes,  de  toutes  les  bêtes  que  l'on  mangeoit,  Dieu  s'en  refervoic  le 
fang  ôc  la  graiffe ,  ôc  vouloit  qu'on  les  mît  ôc  qu'on  les  brûlât  fur  l'autel: 
mais  quand  le  peuple  eut  pris  pofleftion  de  la  terre  de  Canaan,  le  Taber- 
nacle ôc  le  Temple  ne  manquèrent  pas  de  viélimes.     La  plupart  des  If- 
raëlites avoient  leur  demeure  loin  du  lieu  où  l'on  facrifioit  j  c'eft  pourquoy 
],)icu  fe  contenta  d'ordonner  qu'on  brûlât  les  graifles  dans  le  feu  de  chaque 
maifon.     Il  n'étoit  donc  pas  permis  d'employer  ces  graifles  à  aucun  des 
ufages  à  quoy  on  employé  d'ordinaire  la  graiflè,quine  fe  mange  pas  :  cela 
tevit.  i.iî.  cft  clair  par  la  Loy  j  Vous  ne  mangerez,  aucune  gratffe  ^  ni  de  bœuf .,  nid  agneau., 
ni  de  chèvres  ^  la  graiffi  d'une  bête  morte  ou  déchirée  par  les  bêles  fauvages  fe 
pourra  bien  preoarer  pour  tout  autre  .ufage  ^  mais  vous  n'^ en  mangerez,  vas.  Et  peu 

de 


ET  DES  CULTES  DE  UEGLISE.  Tûrt.l.    87 

de  lignes  après  Moyfe  ajoute,  vous  ne  mangerez,  f  oint  de  fang  dans  aucune  de 
vos  demeures^  fait  (^oifeatt  ou  autre  bête.  Remarquez,  i..  que  la  Loy  défend 
la  grailTe  de  ces  trois  fortes  de  bêtes,  bœufs,  moutons  6c  chèvres,  par- 
ce que  c'étoient  les  feules  bêtes  à  quatre  pieds,  qu'on  prefentât  en  facrifî- 
ce.  ^t  fur  cela  Maimonides  nous  dit,,  qu'on  n"^  était  coupable  en  mangeant  de  Traité  des 
lagraiffè  <jue  de  ces  trois  .animaux  ^  &  que  de  toute  bête,  [oit  fauvage  ,  foitpri-  fend.ch.T*, 
vée^  la  gratte  en  efi  permife.^  Remarquez  aufîi,  que  Dieu  permet  bien  d'em-  ^'^^  ^' 
ployer  aux  ufages,  aufquels  on  employoit  ordinairement  les  graifles  ,  celles 
des  bêtes  mortes  par  accident ,  ou  de  maladie,  Ô£  non  pas  celles  des  bê- 
tes qui  avoient  été  égorgées  :  ce  qui  nous  fait  aflez  connoître,  que  les  graif  ■ 
(ts  des  bêtes  qu'on  egorgepit  pour  les  manger  écoient  confacrées  à  Dieu, 
ÔC  qu'elles  dévoient  être  brûlées.  Car  autrement  qu'en  eût-on  fait,  puis 
qu'il  n'étoit  pas  permis  de  les  manger,  Scqu'iln'y  a  pas  d'apparence  qu'il 
fût  permis  de  les  jetter  dehors  ?  Ainfi  comme  le  fang  dédié  à  Dieu  de- 
voit  être  couvert  de  poufliere,  après  avoirété  répandu,  pareillement  tou- 
te graiffe,  parce  que  Dieu  ferétoitrefervée,  devoit  être  brûlée  parle  feu. 

Enfin  il  eft  à  remarquer  que  la  défenfe  de  manger  de  la  grailTe  ne  s'étendoit  DifFerence 
pas  auiîi  loin  que  celle  de  mangçr  du  fang.   Car  il  n'y  avoit.  que  la  graiffe  f^nfe' de^" 
de  bœuf,  de  mouton  &  de  chèvre,  qui  fût  défendue  j  celle  dts  oifeaux  &  manger  du 
dts  bêtes  qu'on  prenoit  à  la  chafîè  ne  l'étoit  pas  :  mais  le  fang.de  tout  oifeau  ie"dèmaa-' 
6c  de  toute   bête,  de  quelque  efpece  qu'elle  fût,   étoit  confacré  à  Dieu,  gerdeia 
Nous  trouvons  la  raifon  de  cette  différence  dans  les  paroles  de  la  Loy,  où  ^"^  *' 
elle  dit ,  que  le  fangeft  l'ame  :  c'eft  que  Dieu  vouloit  que  le  fang  de  toute  bête 
fût  propitiation  pour  l'ame  de  l'homme,  àcaufe  de  la  relTemblance  qu'il  y 
aentie  ame  ôc  ame.  Mais  comme  la  graiffe  n' avoit  pas  un  rapport  particu- 
lier avec  l'ame  de  l'homme  ,  il  n'étoit  pas  neceffaire  que  toute  graiffe  fit 
la  propitiation  dé  l'ame  :  il  fuffifoit  qu'entre  les  grailles,  celles- là  fuffent 
brûlées,  lefquelles  pouvoient  être  offertes  fur  l'autel.    Les  Doâeurs  Juifs  "* 

exceptent  les  bêtes  qui  ont  le  fang  froid ,  comme  font  les  fauterelles  ^\cs 
poiffons.     Il  étoit permis  de  manger  du  fang  des  poijfons^  fauterelles   &    autres  "^^^  ^'^P^^  ^^ 
bêtes  fauvjges  qui  étaient  nettes ,  dit  Maimonides. 

Si  nous  confiderons  ce  que  nous  dit  le  même  Maimonides,  touchant  seion  Mai- 
la  manière  doiit  on  égorgeoit  les  bêtes,  qu'on  vouloit  manger,  il  nous  fera  ^oniies  il 
difficile  de  douter  de  la  vérité  que  nous  voulons  établir,  que  toute  effu-  myfteredans- 
fion  de  fang  étoit  une  efpece  de  facrifice;  i.  Il  dit  que  celuy  qui  égorgeoit  ^"J^— °° 
beniffoit  Dieu,  dcdifoit  ,  béni  foit celuy quinous fanBiJie par fes commandemens,  des  bêtes. 
^  qui  nous  donne  (es  ordonnances  touchant  foccipon  &  la  tuerie  des  bêtes.    Il  re-  ^^'S?°^'u"''' 

r  ■  1■^  ^      •  -1  /iA  1-  Tratt.  Scne- 

marque  eniuite,  qu  iletoit  permis  de  tuer  les  betes  qu  on  vouloit  manger  kita.cap.  i.. 
hors  des  parvis  du  Temple  :  mais  qu'il  n'étoit  pas  permis  de  les  égorger  ^^^"^* 
au  dedans  des  parvis.  Si  donc  quelque  bête  qui  n'étoit  pasdeflinée  au  fa- 
crifice  eût  été. égorgée  au  dedans  des  parvis,  on  l^enterroit,  &  on  ne  la 
mangeoit  pas.  Enfin  il  dit  entr'autres  ehofes,  que  fi  le  couteau  échap- 
poit  par  hazard  des  maiïis  de  celuy  qui  devoit  égorger  la  bête,  &latuoit 
en  la  blefllmt  contre  fon  intention ,  il  n'étoit  pas  permis  de  manger  de 
cette  bête,  parce  qu'elle  n'étoit  pas  réputée  comme  tuée  par  un  homme: 
or  il  falloit  que  les  hommes  enflent  tué  une  bête,  afin  qu'il  fût  permis 
d'en  manger.  Il  eft  donc  certain,  qu'il  y  avoit  du  myllere  dans  l'occifion 
des  bêtes,  qu'on  égorgeoit  à  la  boucherie,,  autrement  on  n  y  auroit  pas  ap- 
porté 


88  HISTOIRE  DES  DOGMES 

porté  tant  de  Icrupuleules  obervations.   Et  le  myltere  qui  écoit  caché  là- 
deflbus  ,   c'ell  apparemment  que  toute  bête  égorgée  étoit  une  efpece  de 
{acrifice. 
ccrcmonies      Cela  pavoît  principalement  dans  les  cérémonies,  aveclefquelles  les  Juifs 
v^Sig  couvroient  le  fang,  quand  il  étoit  répandu.  LaLoy  commande  qu'on  cou- 
rcpandu.      yre  le  faug  des  oiléaux  nets  &  des  bêtes  nettes  ;  avant  que  de  le  couvrir  on 
Maimon.     bcnilToit  Dicu  en  ces  termes  ,  Béni  fois-  tu  o  Seigneur  nôtre  Dieu  %py  éternel^ 
ub.  fupr.     igattel  nous  as  fanElifié  par  tes  commandemens  ,  &  nous  as  ordonné  de  couvrir  te 
(éd.  u      fang.  Maimonides  ajoute,  que  fi  le  fang  eft  mêlé  avec  de  l'eau,  on  eft  obli- 
gé de  le  couvrir ,  fi  la  liqueur  retient  encore  la  couleur  de  fang  :  que  l'on 
n'efl  obligé  de  couvrir  que  le  fang  des  bêtes  qui  peuvent  être  mangées  , 
c'eft-à-dire,  qui  font  nettes  :    que  fi  la  terre  qui  a  bû  le  fang  en  confer- 
ve  encore  la  teinture,  on  la  doit  couvrir  d'autre  terre.  Celui  qui  égorgeoit 
une  bête,  avant  que  de  répandre  le  fang,  faifoit  un  monceau  de  pouffiére , 
&  faifoit  couler  le  fang  delTus  j   puis  le  couvroit  d'autre  poufliére.     On 
pouvoit  couvrir  le  fang  de  tout  ce  que  l'on  peut  appeller  de  la  poudre , 
comme  font  la  cendre,  la  pierre  broyée,  la  chaux  réduite  en  poudre ,  & 
le  ciment  réduit  en  poufiiére  :  mais  il  n'étoit  pas  permis  de  le  couvrir  d'ua 
morceau  de  pierre,  de  bois  6cc.     Enfin  cette  aétion  fe  devoit  faire,  non 
pas  avec  le  pied  ,    mais  avec  la  main ,  en  tenant  un'  couteau  ou  quelque 
autre  inftrument ,  ou  quelque  vaifleau  d'oiàTon  veribit  lapoulîiére.  Ajou- 
tez à  tout  cela,   qu'on  n'étoit  obligé  d'obferver  ces  cérémonies,  pour  cou- 
vrir le  fang  &  pour  le  répandre,  que  des  animaux  nets  ,  tant  domeiliques 
que  fauvages,  ce  qui  fait  bien  voir,  que  cette  effufion  &  cette  couvertu- 
re du  fang  étoit  un  facrifice.  D'un  loup,  d'un  pourceau  ôcc.  on  n'en  répan- 
doit  point  le  fang,  ni  on  ne  le  couvroit  pas  de  pouffiére.  Il  eft  clair  que 
toutes  ces  cérémonies  fignifioient  quelque  myftere,  ôc'ce  myftere  eftaifé 
à  découvrir.  Le  fang  c'eli  l'ame,  Dieu  s'eil  refervé  le  fang  pour  la  puri- 
fication des  âmes ,  &  pour  l'expiation  des  péchez  :  couvrir  le  fang  ,   c'é- 
toit  couvrir  les  péchez, -,  &  je  ne  doute  pas  que  la  phrafe  de  couvrir  le  pé- 
ché pour  le  pardonner,  dont  l'Ecriture  faintefe  fert,  n'ait  pris  fon  origi- 
ne de  là. 
conciufîon       Tout  Cela  prouvc  afiez  clairement ,  ce  me  femble  ,    que  l'effufion  du 
,decctte  dif-  f^j^g  ^q^  bêtcs,  avcc  quclquc  circonftance,  ôc  en  quelque  lieu  qu'elle  fe  fît, 
l'origine     étoit  uu  facrificc  :  6c  par  conféquent  il  eft  certain,  comme  je  l'ai  dit,  que 
f"^^"'^'    ^^^^  trouvons  le  commandement  de  facrifier  dans  le  commandement  qui 
fut  donné  à  Noé  d'épandre  le  fang,  &  de  ne  le  pas  manger.     Au  refte  je 
ne  faurois  douter,  que  le  même  commandement  n'ait  été  donné  à  l'Eglife 
avant  le  déluge.  L'on  avoit  facrifié  peu  de  tems  après  la  chute  de  l'hom- 
me, l'on  avoit  mangé  de  la  chair  des  bêtes  facrifiées,  on  s'étoit  abftenu 
du  fang,  &  fans  doute  on  avoit  répandu  le  fang.   Ce  que  Dieu  donna  une 
permiffion  expreife  à  Noé  de  manger  de  la  chair  des  bêtes  ,   &  un  com- 
mandement exprés  de  répandre  le  fang,  ne  doit  pas  être  regardé  comme 
une  alliance  nouvelle  ;  Car  la  vérité  eft,  que  Dieu  ne  fit  pas  une  nouvelle 
alliance  avec  Noé,  il  renouvella  feulement  celle  qui  avoit  été  faite  avec 
Adam  après  fa  chute.  Voilà  ce  que  nous  avions  à  dire  de  l'origine  des  fa- 
cnfices.  Au  refte  il  ne  faut  pas  s'étonner,  que  ce  culte  fe  foit  répandu  dans 
toutes  les  Nations  i  chaque  famille  l'emporta  avecfoy  après  ladivifiondes 
:  langues 


ces. 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  TartA.    89 

langues  ÔC  le  partage  de  la  terre  :  &  il  s'accorde  (i  bien  avec  le  fentiment 
de  la  confcience,  qu'on  ne  doit  pas  trouver  étrange  que  tous  les  hommes 
Payent  retenu.  Car  le  cœur  &  laconfcience  nous  diéfcent,  que  l'on  doit 
travailler  à  appaifer  la  divinité  irritée,  &nous  n'avons  rien  qui  fembleplus 
propre  à  cela  que  la  vie  des  animaux,  laquelle  reiïbmble  fi  fort  à  la  nôtre. 
Je  conclus  donc  qu'il  n'eft  pas  necelTaire  de  fuppofer  que  cette  Loy  des 
facrifices  foit  une  Loy  de  la  nature  :  il  fuffit  de  la  mettre  au  nombre  de  cts 
loix  pofîtives  qui  font  prefque  auiîî  vieilles  que  le  monde. 


C  H  A  P  I  T  R  E     X I  IL      ^ 

Des  différentes  efpeces  des  facrifices  avant  Moyfe. 

A  Prés  avoir  vu  l'origine  des  facrifices  anciens,  il  efl  bon  deconfide-  Efpeces  de 
rer  de  combien  d'efpeces  il  y  en  avoit.  La  Loy  de  Moyfe  en  avoit  f»"ifices. 
de  diverfes  fortes,  i .  Il  y  en  avoit  qui  étoient  appeliez  holocauftes, 
dans  lefquels  toutes  les  chairs  étoielît  confumées  fur  l'autel  :  il  n'en  rêve- 
noit  rien ,  ni  au  Prêtre ,  ni  à  celui  pour  lequel  on  offroit.  Il  y  en  avoit 
d'autres  qu'on  appelloit  facrifices  pour  le  péché  j  &  d'autres  qu'on  appel- 
loit  facrifices  pour  le  deli£t.  Dans  ceux-là  celui  qui  facrifioit  y  avoit  fa  part, 
mais  celui  pour  lequel  on  facrifioit  n'y  avoit  rien.  Il  y  avoit  des  ^crifices 
<le  profperité,  6c  dans  ceux-ci  il  n'y  avoit  que  le  fang  &  les  grailles  qui 
appartinfient  à  l'autel,  le  Sacrificateur  prenoit  une  partie  des  chairs ,  & 
celui  qui  offroit  le  facrifice  prenoit  le  refte,  &  en  régaloit  fesamis.  Enfin 
il  y  avoit  àts  facrifices  des  chofes  inanimées  ,  tant  feches  que  fiquides , 
c'étoit  du  pain,  du  vin,  de  l'huile,  du  blé  ,  de  la  farine  &  des  fruits. 
On  demande  fi  l'Eglife  avant  Moyfe  avoit  toutes  ces  efpeces  de  fa- 
crifices. 

Les  Juifs  ont  là-defTus  une  tradition  que  je  crois  très  faufile  :  ils  difênt  que  n  etoit  per- 
les enfans  de  Noé  n'offroient  point  d'autre  facrifice  que  des  holocauftes  j  payen"5'of- 
ils  ojfr oient  des  viùlimes  de  toute  hête  ^  tant  bête  de  charge  qn^ autre,  fauvage^  ou  ftir  des  ho- 
domefiitjjues  ^  h  et  es  a  quatre  pieds  ou  otpaux ,  mâles  ou  femelles ,   vitiez,  ou-fains  r^^^^^^^ 
(fr  entiers  ,  pourvu  que  ce  ne  fujfent  pas  des  animaux  immondes  j    &  toutes  les  Babylon. 
vi5iimes  s'^ojfroient  feulement  en  holocauftes.     Sur  ce  fondement,  depuis  que  te  J^^lJ;  Jf" 
temple  de  Salomon  fut  bâti,  &  tant  que  le  fécond  temple  dura,  ils  ne  re-  Guemara 
cevoient  des  Payées  &  des  profelytes  de  la  porte  point  d'autre  viélime  que  "^"  ^''' 
celle  qui  dcvoit  être- offerte  'en'holocaufte.     Salomon  dans  cette  prière  , 
par  laquelle  il  fit  la  dédicace  de  fon  temple,  difoit  à  Dieu,  Quand  Pétran-  ^^.Kohch. 
ger  qui  fera  venu  parmi  ton  peuple  d"^  îfra'él  d'4  pdis  éloigné  pour  l' amour  de  ton  nom  ^ 
fera  requête  dans  cette  matfon  ici  ,    exauce  le  des  deux.    Les  Juifs  conciuoient 
de  là  que  les  étrangers  ,   fans  en  excepter  même  les  idolâtres  ,   dévoient 
facrifier  dans  ce  temple,  c'eft-à-dire,  que  l'on  devoit  facrifîer  pour  eux, 
&  à  leur  intention  :  c^r  ils  .n'entroicnt  pas  eux-mêmes  dans  le  temple  plus 
avant  que  cette  première  cour,  que  l'on  appelloit  le  parvis  des  nations.  En 
effet  il  eft  certam  que  les  Payens  pouvoient  faire  offrir  pour  eux  des  viêli- 
Part.  L  M  mes 


V. 


ïAlr.  6.  10. 


Antiquit. 
Lib.  n. 
cap.  8. 
Antiquir. 
Lib.  18. 
cap.  7. 


Opinion 
notable  des 
Juifs  fur  le 
don  de  la 
Loy  cere- 
mouielic. 


Traft. 
Melakim. 
cap.  lo. 


M»tmonid> 
Tiaâ:.  Coi- 
banot  cap.  3 


Les  tradi- 
tions précé- 
dentes font 
fon  Jées  fut 
une  faufle 
fcippoûtion. 


90  HISTOIRE  DES   DOGMES 

mes  dans  le  temple  de  JcrLifalem.  Les  Roys  Cyrus  &  Darius  ordonnèrent 
que  l'on  Hicrifiât  dans  le  tem{)le  pour  leur  vie  ,  pour  leur  profperité  &C 
pour  celle  de  leurs  enfans.  Jolephe  recite  qu'Alexandre  le  Grand  facrifia 
dans  le  temple,  félon  que  le  Souverain  Sacrificateur  lui  prefcrivit.  Le  même 
Auteur  nous  dit  que  Vitellius  monta  en  Jerufalem  avec  Herode,  pour  y 
facrifier,  &il  eft  conllant  que  le  temple  étoit  rempli  des  dons  &  des  pre- 
fens  des  Princes  étrangers  &  Paycns.  Les  Juifs  difent  que  les  facrifices  des 
Payens  étoient  le  facrifîce  des  anciens  Noachides,  fondez  fur  le  droit  com- 
mun, 6c  qui  avoient  été  pratiquez  par  Noé  ôc  par  fes  enfans  ;  mais  qu'il 
n'étoit  pas  permis  aux  Payens  d'offi-ir  à  Dieu  les  efpeces  de  facrifices,  qui 
n'avoient  été  connus,  &  établis  que  par  la  Loy  de  Moyfe. 

Car  c'ell  une  de  leurs  maximes,  que  la  Loy  fut  donnée  au  peuple  d'If- 
raël,comrae  un  héritage  qui  lui  étoit  propre,  63C  qui  ne  pouvoit  paiTer  entre 
les  mains  des  étrangers  :  de  forte  qu'il  n'étoit  pas  permis  aux  étrangers,  mê- 
me profely te^,  d'obferver  les  cérémonies  de  la  Loy,  à  moins  que  de  les  ob- 
ferver  toutes  en  fe  faifant  Juifs.     Par  exemple ,  non  feulement  les  étran- 
gers n' étoient  pas  obligez  de  célébrer  laPâque,  de  fe  fervir  des  purifica- 
tions légales,  de  garder  les  fêtes  folemnelles,  commandées  par  Moyfe j  il 
ne  leur  étoit  pas  même  permis  de  pratiquer  ces  cérémonies  quand  ils  i'au- 
roient  voulu.     Et  fi  on  en  croit  les  Jfiifs,  un  étranger,  qui  entreprenoit 
d'obferver  quelqu'une  de  ces  cérémonies  légales ,  fe  rendoit  digne  de  mort. 
Ce  font  les  paroles  de  Maimonides  ,    U étranger  qui  obferve  la  Loy  e[i  digne 
de  mort  j  car  il  ejl  dit  que  Moyfe  nous  a.  donné  U  Loy  en  héritage ,  a  nous ,  dis- 
je  ,  er  non  pas  aux  étrangers.     Ils  ne  doivent  penfer  a  autre  chofe  qu^a  Poi/ferva- 
tion  des  fept  commandemens  qui  font  venm  de  TS^oé.    Entre  les  cérémonies  qui 
font  particulières  au  peuple  d'Ifraël,  &  qu'il  n'étoit  pas  permis  aux  étran- 
gers d'oblërver,  ils  content  tous  les  facrifices ,  excepté  l'holocaufie  5  & 
même  entre  les  hoiocaufles  ils  prétendent  que  l'étranger  ne  pouvoit  avoir 
départ  aux  holocauiles  ordinaires,  qui  fe  faifoient  félon  la  Loy  à  certaines 
heures  &  à  certains  jours.     Il  ne  faut  pas,  difent-ils,  recevoir  des  Gentils 
de  viélimes  que  pour  les  holocauftes ,  fclon  le  précepte  de  la  Loy  qui  fe 
iit  au  zi"^^.  chap.  du  Levit.  v.zf.  Feus  n'^ojfrirez.pas  le  painavôtre  Dteude' 
la  main  de  l'' étranger.   On  recevoit  auffi  des  holocauiles  d'oiieaux  des  mains 
à.çs  Payens  ,  encore  même  qu'ils  n'eulTent  pas  renoncé  au  culte  idolâtre. 
Au  refie  il  ne  faut  pas  recevoir  des  Payens  de  facrifice  de  profperité ,  ni  les  abla- 
tions de  bled  ,  de  farine  &  de  pain^  qui  font  ordonnées  par  la  Loy ,  ni  les  facrifices 
pour  les  péchez,  d'^ ignorance  ^  ou  volontaires.    Et  tnême  entre  les  holocaufies  ^  il  ne 
faut  recevoir  du  Payen  que  ceux  qui  font  vdmitaires  ,    (jr  qui  ont  été  vouez.  : 
C'ell:- à-dire  que  le  Payen  ne  pouvoit  avoir  de  part  aux  holocauftes  conti- 
nuels du  foir  &  du  matin,  à  ceux  des  Sabbats,  des  nouvelles  lunes  &  des 
fèces  folemnelles,  parce  qu'ils  fe  font  félon  la  Loy,  6c  félon  l'efprit  de  cet- 
te Loy  ils  n'appartiennent  point  du  tout  au  Payen. 

Cette  tradition  des  Juifs  eft  fondée  fur  cette  fuppofition,  que  les  étran- 
gers ne  doivent  être  reçus  à  faire  d'autres  facrifices,  que  ceux  qui  étoient 
prefenteZ  è  Dieu  par  les  enfims  de  Noé,  c'eft-à-dire,  de  ces  holocauftes 
volontaires,  qui  n'èroieni  attiichezàa'JC'JP.  jo'jr^îli  déterminez  par  aucune 
Loy.  Si  cela  eft  véritable,  avant  la  Loy  de  Moyfe  on  ne  niangeoit  pas  de 
la  chair  des  vidimes  qui  étoient  facrifiées ,  il  falloit  qu'elle  fût  tour e  con- 

fumé^ 


Gen.  g, 
V.  zo. 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Tart.l,    91 

fumée  parie  feu,  car  c'ell  ce  que  fîgnifie  le  mot  d'holocauftc.  Mais  cet- 
te tradition  des  Juifs  n'eft  point  du  tout  vray-femblable.     Il  y  a  bien  ap- 
parence, que  dés  le  tems  des  Patriarches  l'Eglife  avoit*  diverfes  fortes  de 
iacrifices.  Il  efl:  vray  que  les  holocauiles  étoient  plus  ordinaires  en  ce  tems- 
là  que  les  autres  Iacrifices  :  Dieu  difoit  aux  amis  de  Job ,  prenez.~vous  fept 
boHveaux  &  fept  moutons^  dr  les  ojfrez.  en  holocaufte.     Le  mouton  que  Dieu  l^''*  ^^ 
mit  en  la  place  d'Ifaac  fut  aiiOi  offert  en  holocaufte  ;  le  facrifice  que  Noé 
offrit  quand  il  fut  forti  de  l'Arche,  fut  un  holocaufte:   Ef  Noé  bâtit  un  au- 
tel à  l"* Eternel ,  &  prit  de  toute  hêt^ette  ,  de  tout  oifeau  net ,  ô'  Pojfrit  en  ho- 
locaftfie  fitr  Paatel.     Le  facrifice  oAbel  fut  auffi  félon  toute  apparence  un 
holocaufte  ,   car  Dieu  l'embrafa,  ôc  le  confuma  tout  entier,  par  le  feudé- 
cendu  du  ciel.     C'eft  apparemment  de  cette  manière  que  Dieu  lui  mar- 
qua, qu'il  agréoit  fon  facrifice,  plus  que  celui  de  Caïn.  C'eft  la  penfée  d'un 
ancien  interprète  appelle  Theodotion,  qui  a  tourné  ainfi  le  paffage  ,    & 
Dieu  confuma  par  f^fi  le  facrifice  d'^Abel.  LesPayens,  qui  fe  font  vantez  d'à-  èvsi:v- 
voir  vu  dans  leurs  facrifices  de  femblables  miracles ,  les  ont  regardez  comme  P"^^y. 
desfaveun  du  ciel,  6c  comme  des  marques  d'acceptation.  SoUn  rapporte  ^mênî" 
que  dans  la  Sicile  il  y  avoit  une  colline,  dans  laquelle  en  mettant  du  bois  cie  vi*  des  viaimes 
gne  fur  l'autel,  quand  Dieu  agréoit  le  facrifice,  le  feu  s'y  prenoit  tout  feul.  ciei.*^  ^"'^" 
JSfec  longe  inde  collis  Vulcanitis  ,  in  quo  qm  divinis,  rei  opérant nr  Itgna  vitea  fu-  Solin. 
per  aras  firuHnt  ;  nec  ignis  apponitm  in  hanc  congeriem  ckm  porrictas  intulerint.  "P- "• 
St  adefl  DcHS  Sacrornr/i  probator ,  farmenta ,  licet  viridia  ,    ignem  fponte  conci- 
piunt ,  &  nullo  inflagrante  halitu  a  Nnmine  fit  incendium.  Servius  fur  ce  vers 
de  rÈneïde. 

Andiat  hac  Çenitor  qui  fœdera  fulmine  fancit.  nous  dit  j    Cert\  quia  appid  ^atid,  Lh, 
A^ajores  ara  non  incendebantur ,  fed  ignem  divinum  precibus  eliciehant  ,  qm  in-  ^^'  ^°  ^°°° 
cendebat  Alt  aria. 

Pour  revenir  à  nôtre  fujet,  j'avoue  que  les  facrifices  que  le  feu  du  ciel  Avant 
confumoit,  dévoient  être-des  holocaufles  :  Mais  quelle  apparence y-a-t-il,  avoud'au- 
que  le  facrifice  que  Jacob  offrit  en  la  montagne  au  retour  de  chez  Laban ,  ""  ^acrifi- 
fût  un  holocaufte  ?   Quand  Laban  l'eut  atteint ,   ils  eurent  un  grand  dé-  hdocauftel 
mêlé,  ils  fe  réconciHerent ,   ils  traitèrent  alliance  enlèmble  ,   &  en  fuite  ^'*  9^='"- 
Jacob  facrifîa.     Il  eft  clair  que  ce  fut  un  facrifice  de  profperité ,  puifque  uchût  de 
ce  fut  une  fête  &  une  aéfcion  de  réjouïflance  commune,  pour  confirmer  leurs  viai- 
leur  réconcihation.     Les  holocauftes  font  des  facrifices  de  deiiil,  de  re-    . 
pentance ,    d'expiation  &  de  propitiation.     Les  facrifices  de  profperité 
étoient  des  facrifices  d'aélion  de  grâces  &  de  joye  -,  Se  tel  étoit  allïirément 
le  facrifice  de  Jacob.  Cela  eft  expreffément  marqué  dans  ce  que  dit  FHif^ 
toire  fainte,  que  Jacob  offrit  un  facrifice  en  la  montagne  ,    &  appelia  fis 
frères  pour  franger  d^  pain.  Les  repas,  qui  accompagnoient  les  facrifices,  fe 
faifoient  toujours  des  victimes  quiavoientété  facrifiées  j  ôcc'étoit  là  le  vray 
caraétére  pour  diftinguer  les  facrifices  de  profperité  des  autres  facrifices , 
&  iur  tout  de  l'holocaufte  :  car  jamais  on  ne  mangeoit  la  chair  des  holo- 
cauftes. D'où  auroit  pu  venir  cette  coutume,  fi  répandue  entre  les  nations 
avant  la  Loy  de  Moyfe,  de  manger  de  la  chair  des  viélimes  ,    &  même 
d'en  faire  des  feftins  à  fesamis,  que  de  ce  que  l'Eglife  des  premiers  fidè- 
les avoit  accoutumé  de  joindre  la  fête  aux  facrifices ,  6c  de  manger  la  chair 
de  ks  viftimes  ?  Quand  les  Ifraëlites  étoient  dans  le  défert ,  les  Moabites  Nombs^ 

M  z  les''-'^ 


92  HISTOIRE   DES  DOGMES 

ks  convièrent  aux  lacriiîces  de  leurs  Dieux,  8c  le  peuple  mangea,  &  fe  prof- 
terna  devant  les  idoles  de  Moab.   Dieu  difoit  au  ^4^.  de  l'Exode  aux  11^ 
raëlires ,  Ne  fais  pas  alliance  avec  les  habitans  du  pats  ,    quand  ils  viendront  à 
paillarder  après  leurs  Dieux^  &  a  leur  facrifier ,  cjue  quelqu'un  ne  t'' appelle ,  (^ 
que  tu  ne  manges  de  [on  facrifice.  Quand  le  peuple  fe  corrompit  après  le  veau 
d'or,  il  n'avoit  pas  encore  reçu  de  Moyle  les  loix  des  facrifices,  il  n'en 
Exod.  ch,    favoit  que  ce  qu'il  avoit  appris  de  fes  ancêtres  les  Noachides.  Cependant 
lî.  V.  13.     ^1  ^^  ^-j.  exprcircmcnt ,  qu'ails  offrirent  des  holocaufies,  é"  qu'' ils  firent  des  facri- 
fices de  projperitez,  j  que  le  peuple  s^afît  pour^anger  &  four  boire ,  &  qu'il  fe  leva 
pour  jouer.   Jethro  le  Sacrificateur  de  Madian,  beau-pere  de  Moyfe,ne  fa- 
voit de  la  Loy  des  facrifices  que  ce  qu'il  en  avoit  appris  des  décendans  de 
Exod.         Noé,  6c  qui  fe  pratiquoit  avant  Moyfe.     Il  eil  pourtant  dit  de  lui,  qu'ail 
^^'  *■         prit  un  holocaufie  &  des  facrifices  pour  facrifier  a  Dieu  ^  &  qu  Aaron  (^  les  An- 
ciens  d'^Ifraël  vinrent^  pour  manger  du  pain  avec  le  beau-pere  de  Moyfe ^  en  lapre- 
fence  de  i"^ Eternel.     11  eft  clair  que  par  ces  facrifices,  qui  font  ici  joints  à 
Tholocaufle  de  Jethro  ,   il  faut  entendre  des  facrifices  de  profperité  5  6c 
les  interprètes  Hébreux  en  demeurent  d'accord..   Les  Grecs  6c  les  Latins 
ont  eu  la  même  coutume  j  ils  en  rapportent  l'origine  à  Promethée ,  com- 
me le  remarque  Saumaife  dans  fes  exercitations  fur  Solin.     Us  veulent  , 
dit-il,  que  cette  coutume  ordinaire  dans  les  facrifices  ,   de  jetter  une  partie  de  U 
viBime  au  feu  y  ^  de  manger  l'autre  ,  ait  tire  fon  origine  de  Promethée.     Or 
^e  Promethée,  félon  le  témoignage  des  Poètes,  eft  fils  de  Japet,  fapetige- 
nus  ;  &  ce  Japet  eft  le  fécond  fils  de  Noé  Japhet,  qui  en  effet  eft  le  Patriar- 
che des  Grecs,  duquel  ils  font  décendus.  Or  fi  cette  coutume  de  manger  de 
la  chair  des  viélimes  eft  décenduë  de  Japhet  6c  de  fon  fils ,  elle  étoit  donc  du 
tems  des  Noachides. 
Autre  faufle      Cela  me  paroît  allez  certain  6c  affez  bien  prouvé.     Mais  il  eft  peut-être 
d«^]uifs!"  nioins  afilii-é  qu'ils  eufiënt  la  coutume  de  facrifier  des  chofes  feches,  6c  de 
qu'avaat     prcfcntcr  à  Dieu  des  oblations  de  chofes  mortes  6c  inanimées ,  comme  font 
ïoffroitîas îcs  fruits  dc  la  terre.  Les  Juifs  le  nient,  6c  c'eft  la  raifon  pourqiioy,  ils 
à  Dieu  des  ne  vouloicut  pas  que  l'on  reçiit  des  mains  des  étrangers  ces  forces  d'of- 
ches."  ^"    frandcs,  pour  les  mettre  fur  l'autel.    C'eft  ainfi  qu'ils  expliquent  le  paflage  du 
Levit.  22.     Levitique,  oij  il  y  a  félon  l'Hébreu ,  vous  n'^offrirez.  pas  de  pain  a  vôtre  Dieu 
^'  ^^'         de  la  main  de  l'étranger  de  toutes  ces  chofes  ,  parce  que  leur  corruption  eft  en 
.   eux.     Ce  que  nos  interprêtes  ont  traduit  un  peu  différemment ,    vous  ne 
prendrez,  pas  de  la  main  de  l'étranger  aucune  de  toutes  ces  chofes  pour  ks  offrir  en 
viande  a  vôtre  Dieu.     Il  y  a  apparence  qu'ils  ont  mieux  rencontré  que  les 
Hébreux ,  6c  qu'ici  le  pain  de  Dieu  ne  fignifie  pas  precifément  du  bled , 
du  pain ,  ou  des  offrandes  feches.    En  gênerai  les  facrifices  font  appeliez 
en  ce  lieu  le  pain  de  Dieu ,  fa  viande,  lès  repas  5  6c  Moyfe  défend  qu'on 
lui  offre  dans  fes  repas  aucune  bête  fouillée,  non  pas  même  après  l'avoir 
reçLië  de  la  main  de  f  étranger.    Car  c'eft  proprement  des  bêtes  fouillées, 
6c  qui  ont  des  défauts  qui  les  rendent  incapables  de  monter  fur  l'autel ,  dont 
il  s'agit  dans  ce  chapitre.    Quoy  qu'il  en  fbit,  les  Juifs  ne  vouloient  point 
offrir  à  Dieu  des  oblations  feches  au  nom  des  étrangers,  dans  cette  fup- 
pofition,  que  la  Religion  des  Noachides  ne  connoillloit  point  cette  efpece 
d'offrande.     Mais  je  trouve  cette  fuppofition  fort  douteufe.     Il  eft  vray 
que  nous  avons  peu  d'exemples  de  ces  oblations  de  chofes  mortes  avant 

Moyfe  : 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  F^fif.I    93 

Moyfe;  mais  enfin  dans  uneaufîi  grande  brièveté  d'hill:oire,un  feul  exem- 
ple nous  fuffit  pour  réfuter  les  Hébreux  j  c'eftceluy  de  Caïn:  il  étoit  la-  c^""*-i- 
boureur  -y  èc  il  offrit  à  Dieu   oblation   des  fruits   de  la  terre  ;  c'étoit  desfruits  de 
fans  doute  du  bled  en  épy,  ou   de  la  fleur  de  farine,  ou  du   pain,  car  J^**"'^'^^*^ 
cela  vient  de  la  terre  5  &  le  mot  mincha ,  dont  Moyfe  fe  fert  icy ,  eft 
prefque   toujours  employé   pour  lignifier   les    offrandes  de  pain  ou  de 
farine. 

Au  relie  lesPayens  onteudetouttems  la  même  coutume  d'offrir  à  Dieu  LesPayens 
des  chofes  feches,  Pline  dit,  c^ue.Nnma  ordonna  cjpi^on  negoâtât^  ni  au  bled,  Dku'de"^ 
ni  au  vin  nouveau  ^  cjue  les  Trétres  neujjènt  facrifie'  les  premiers  fruits.  Appa-  chofes  fe- 
remment  cela  n'étoit  pas  venu  des  Juifs,  avec  qui  Numan'avoit  aucun  com-  ^ift'  natur 
mcrce.   C'étoit  une  coutume  décenduë  de  la  Religion  des  premiers  hom-  lib.  is.c.z, 
mes.    Ariflote  efl  témoin,  (jue  les  Sacrifices  des  Anciens ^  &  les  ajfemblées qui  Ethic. cap. s. 
fe  faifoient  four  facrifier  après  la  récolte  des  fruits  de  la  terre  ,  e't  oient  defiinez  à 
prefenter  aux  Dieux  des  premiers  fruits     Enfin  M.  Caton  dans  Ion  Livre,  de  ^ereruflica. 
Re  %uflica,  dit,  Exiufqukm  mejfem  fadas ,  porcam  pracidaneam  hoc  modo  fier  i      '    ^ 
oportet.   Cereri  força  prdciâanea  porcafœmina  ^  priufquam  hafce  fruges  condantur^ 
fer  triticum  ^  hordeum  ^  fabam  ,  femen  rapicium  ^  thure  ^  vino  ^ano,  Jovi  pr(Z- 
fato.     C'eft- à-dire,   qu'entre  les  autres  chofes  que  l'on  facrifioit  avant  la 
moifibn,  on  prefentoit  à  Janus,  à  Jupiter  6c  à  Junon  les  prémices  du  bled, 
de  l'orge  &  du  froment  j  ôc  qu'on  y  ajoûtoit  de  l'encens  ôc'des  effufions 
de  vin.     Ce  qui  fait  voir  que  les  oblations  des  chofes  inanimées  étoient 
en  ufage  entre  les  facrifices  des  Payens  :  ce  qui  étoit  apparemment  décen- 
du  des  Noachides. 

Le  prétendu  lacrifice  de  Melchifedec  feroit  bien  propre  pour  prouver  Dufacrifice 
que  les  Anciens  prefentoient  à  Dieu  des  facrifices  de  chofes  feches  &  ina-  decf  ^^^^''^^ 
nimées,  fi  nous  pouvions  avoir  des  preuves  qu'il  ait  véritablement  facri- 
fie, quand  il  tira  hors  du  pain  &  du  vin,  lors  qu'il  vint  à  la  rencon- 
tre d'Abraham.    'En  vérité  le  parti  Protefîant  a  fi  peu  d'intérêt, que  l'ac- 
tion de  Melchifedec  ne  foit  pas  un  facrifice,  que  pour  peu  qu'il  y  eût 
d'apparence  que  c'en  fût  un  ,  nous  nous  rangerions  dans  ce  fentiment. 
Peut-on  produire  une  preuve  plus  foible  pour  le  facrifice  du  vrai  Corps 
&  du  vrai  Sang  du  Seigneur,  dans  la  célébration  de  l'Euchariftic?  Mel- 
chifedec étoit  la  figure  du  Seigneur  Jefus  Chrift.     il  a  offert  du  pain  6c 
du  vin  dans  fon  facrifice  j  donc  il  faut  que  le  facrifice  de  l'Evangile  fefafle 
dans  le  pain  6c  dans  le  vin,  6c  que  le  Corps  de  J.  Ch.  y  foit  facrifie  fous 
les  accidens  du  pain  ôc  du  vin.     N'efl-ce  pas  une  chofe  pitoyable,  que 
l'intérêt  de  parti  aveugle  les  gens  à  ce  point ,  6c  les  fafîe  raifonner  ainfî  ? 
Il  ne  nous  importe  donc  en  façon  du  monde,  que  ce  foit  un  facrifice, 
ou  que  ce  n'en  foit  pas  un.     Les  Juifs   foûtiennent  que  ce  ne  fut  pas 
un  facrifice.     Les  Orientaux  eftiment  que  cette  aftionde  Melchifedec  fut 
un  vrai  facrifice,  6c  un  facrifice  de  pain  6c  de  vin.     Et  ils  ont  là-defîus 
une  fable ,  qui  n'eft  remarquable  que  par  fa  fingulafité  :  parce  qu'elle  eft 
finguliere,  nous  ne  la  neghgerons  pas.  Elle  eft  tirée  d'un  Patriarche  d'A- 
lexandrie nommé  Eutychius,  ou  SaidibnPatrik,duquel  Seldenus  a  fait  impri-  seidenus  d® 
mer  un   Ouvrage  à  Oxfort  l'an  i6f8.  en  Arabe.     Cet  Auteur  dit ,  que  {"^^^^JJ^^ 
le  corps  d'Adam  ayant   été  embaumé  félon  fon  ordre ,  repofoit  fous  la  cap.  2, 
montagne  des  enfans  de  Seth  dans  la  caverne  du  tréfor  :  Mais  qu'Adam 

M  3  ayant 


94  HÏSTOIREDES   DOGMES 

avant  que  de  mourir,  avoit  donné  commandement  qu'on  enlevât  delàfes 
reliques  pour  les  tranfportcr  dans  le  milieu  de  la  terre  j    que  Lamech  en 
mourant  en  avoit  donné  le  commandement  à  Noc  :  6c  qu'ainii  Noé  pour 
fuivrc  les  ordres  de  Tes  ancêtres  avoit  emporté  le  corps  d'Adam,  &  ceux 
de  tous  les  Patriarches  dans  l'Arche  avec  luy ,   <Sc  les  avoit  venus  prés  de 
luy  toute  fa  vie  :  qu'enfin  prêt  à  mourir,  il  avoit  ordonné  à  ion  filsSemde 
prendre  le  corps  d'Adam  du  lieu  oii  il  repofoit,  de  fe  fournir  de  painôc 
de  vin  pour  Ton  voyage ,  de  mener  avec  luy  Melchifedec  ,  fils  de  Pha- 
leg ,  ôc  de  s'en  aller  au  lieu  dans  lequel  un  Ange  leur  montreroit ,  qu'on 
devoit  enterrer  le. premier  homme  j  &  Noé  ajouta  ,  commande  a  Melchi- 
fedec de  pofer  fin  Jîege,&  d'^e'tablir  fa  demeure  dans  ce  Ueu-U  ,  qti-'il  ne  fe  marie 
pas  ,  c^  i^u'il  vive  en  Religieux  tout  le  refie  de  fes  jours ,  farce  que  Dien  l'a 
choijt  pour  faire  le  fervice  en  faprcfence  ^  qtt'tl  ne  bâtife  pas   de  Temple,  qu'il 
n'e'pande  le  fang    ni  des  bêtes  a  quatre  pieds ,  ni  d'oifeaux ,  ni  ^ aucun  autre 
animal ,  &  que  dans  ce  lieu-la  il  n'offre  point  Vautres  ablations  a  Dieu  que  du 
■pain  &  du  vin.   Voilà,  félon  cet  Auteur  ,   la  raifon  pourquoy  Melchifedec 
venant  au  devant  d'Abraham  n^offrit  que  du  pain  6cau  vin.  G'eftque  dans 
l'établiifement  de  fon  Sacerdoce,  Noé  luy  ordonna  de  n'offrir  que  de  ces 
deux  chofes.  Mais  cet  homme  devoit  auffi  nous  apprendre  pourquoi  Noé 
défendit  à  Melchifedec  de  n'offrir  que  du  pain  &  du  vin  :  il  pouvoit  auffi 
bien  tirer  ce -dernier  fecret  du  fonds  oÎj  il  a  puifé  l'autre,  puis  que  dans  la 
fable  l'on  trouve  tout  ce  que  l'on  veut.     Au  relie  il  n'eft  pas  aifé  de  dé- 
couvrir où  ce  Saidibn  Patrik  a  pris  la  première  partie  de  cette  ffable,  qui  re- 
garde le  commandement  que  Noé  donna  à  Melchifedec  de   ne  facrifier 
que  du  pain  &  du  vin. 
Traditions        Mais  pour  cc  qui  cft  de  l'autre  fable,  quiefi:  le  commandement  qu'A- 
kiieudeir  ^^^  donua  ,  qu'on  tranfportât  fon  corps  au  milieu  de  la  terre,  c'efl-à-di- 
fepuiture      re,  fur  le  fommct  de  Jerufalem ,  elle  a  été  tirée  des  Juifs.  Pour  faire  hon- 
neur à  leur  Temple  de  Jerufalem ,  ils  prétendent  qu'Adam  fit  fon  premier 
facrifice  fur  la  montagne  de  Morija ,  où  le  Temple  de  Salomon  &  celuy 
d'Herode   furent  bâtis  :<:V7?,  difent-ils,  une  ancienne  tradition  qui  nous  efi 
Mircîinetho-  venu'é  par  la  main  de  tous  nos  maîtres ,  que  la  place  de  l'aire  d' Aruna ,  dans  la- 
TempiocAp  f^^^^^  David  bâtit  un  autel  ^  &  oit  peu  de  tems  après  Salomon  bâtit  fon  Tem- 
2,  §.  z.        pie ,  e'toit  la  même  place  ou  Abraham  bâtit  un  autel  pour  facrifier  fon  ^Is:  que  ce 
fut  la  place  ou  IShé  avoit  bâti  un  autel  pour  y  facrtfer  après 'être  forti  de  P  Ar- 
che;  que  dans  ce  même  lieu  Gain  &  Abel  avaient  offert  leur  facrifice  5  que  dans 
la  même  place  Adam  le  premier  homme  avoit  offert  fa  premier  eoblation^  après  avoir 
été  créé .  Nosfiages  &  nos  maures  nous  ont  dit  qu"* Adam  a  été  créé  ^  &  de  lapla^ 
ce  ^  ^  du  lieu  où  a  été  faite  la  propitiation  de  fon  péché.  Ainfi  félon  cette  tra- 
dition Adam  a  été  créé  de  la  terre  de  la  montagne  de  Morija  en  jerufa- 
cap.  12,        lem ,  ou  en  Salem ,  qui  étoit  le  lieu  de  la  demeure  de  Melchiiédec.    îl  a 
facrifié  fur  cette  même  montagne,  les  premiers  hommes  en  ont  fait  le  lieu 
de  leur  fervice,  &  l'on  ajoute  qu'Adam  y  a  été  enfeveli.  La  différence  en- 
tre la  fable  des  Juifs  &  celle  de  Batricides,  c'eft  que  les  Juils  font  demeu- 
rer Adam  dans  la  terre  de  Canaan,  puisque  luy  Se  fes  décendansficrifient 
fur  l'une  des  montagnes  du  pays.  Mais  les  Chrétiens  ont  voulu  que  leurs 
fiftions  fuflent  moins  oppofées  à  l'Hiftoire  &  à  la  Géographie.  L'Hifîoi- 
re  pofe  (|u'Adam  fut  créé  dans  le  Paradis  terreilre,  ou  tout  au  moins  prés 

de 


d'Adam. 


Maimon, 


Pirckei  B-ab 
bi  Ellezer 


JT  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  f^rM.    95      ^ 
&  la  Géographie  met  le  Paradis  terreltre  fur  le  rivage  de  l'Euphra- 
te  5  bien  loin  de  la  terre  où  demeura  Melchifcdec.     C'efl  pourquoy  ils 
feignent  que  le  corps  d'Adam  fut  tranfporté  dans  le  pays  de  Canaan  long- 
tems  après  fa  mort. 

Les  Chrétiens  qui  ont  autant  de  zèle  pour  la  gloire  du  Calvaire ,  fur  Je"' chrî-^^ 
Jequel  le  Seigneur  a  été  crucifié,  que  les  Juifs  en  ont  pour  le  fommet  de  tiensfnria 
Morija,  fur  lequel  le  Temple  avoit  été  bâti,  ont  fait  faire  aux  leliques  J^^j^® 
d'Adam  un  petit  trajet  de  Morija  au  Calvaire.     C'ell  un  petit  trajet,  car 
ce  font  deux  fommets  d'une  même  montagne,  Morija  étoit  enfermé  dans 
les  murailles  de  jerufUem,  ÔC  le  Calvaire  étoit  hors  des  murailles,  mais 
fort  prés  de  la  ville.     Les  Anciens  avoient  fans  doute  ouï  parler  de  cette 
tradition  des  Juifs,  Adam  a  été  créé  de  la  même  terre ^  &  a  été  enfeveli dans 
la  même  terre  fur  laquelle  a  été  faite  la  fropitiation  de  fon  péché  y  ils  ne  fe  font 
pas  mis  en  peine  de  chercher  quel  étoit  le  fens  des  Juifs.     Ils  n'ont  pas 
voulu  prendre  connoifîance ,  que  par  là  on  entendoit  qu'Adam  avoit  fait 
fon  premier  facrifice  de  propitiation  fur  la  montagne  dans  laquelle  il  avoit 
été  créé.  Ils  ont  regardé  ces  paroles  avec  admiration  comme  une  prophe= 
tie,  &  ont  trouvé  raifonnable  de  les  appliquer  dans  un  fens  un  peu  diffé- 
rent de  celuy  des  Juifs ,  en  difant  qu'Adam  avoit  été  enfeveli  fur  la  mon- 
tagne du  Calvaire,  oui   le  Seigneur  avoit   fait  la  propitiation  du  péché 
d'Adam,  &  de  tous  les  autres.     Pourembelhrl'Hifloire  on  a  ajouté  que  Belle  îmagî- 
le  fommet  de  la  montagne  avoit  été  appelle  le   Calvaire   ou  le   Têt,  And"^^^ 
parce  qu'on  y  avoit  trouvé  le  crâne  d'Adam.  Enfuite  on  a  imaginé  d'ad- 
mirables myfteres  dans  cette  rencontre ,  que  le  crâne  êc  les  cendres  de  ce- 
luy qui  a  introduit  le  péché  au  monde  ait  été  arrofé  du  fang  de  celuy 
qui  eft  venu  pour  expier  le  péché.     Il  eft  clair  que  cela  fignifieroit  évi- 
dcînment,  que  le  fécond  Adam  eft  le  Rédempteur  du  premier,  que  fon 
Sang  lave  les  foiiillures  du  premier  homme,  que  ce  Sang  a  jette  dansfes 
cendres  une  femence  de  refurreétion  6c  dévie.  Bien  que  je  nemefafle  pas 
unfcrupulede  révoquer  en  doute  cette  tradition,  j'avoue  pourtant  que  je  ne 
faurois  m'empêcher  d'avoir  du  refpeél  pour  elle:  je  la  regarde  comme  ces 
belles  antiquitez  qui  font  les  chefs- d'œuvres  des  anciens  Sculpteurs  3  Peut- 
être  que  ces  copies  n'avoient  pas  d'originaux  ,  àc  que  ces  ftatuës  n'ont  ja- 
mais relîemblé  à  perfonne  j  mais  au  moins  c'étoient  de  belles  imagina- 
tions.    Je  ne  m'étonne  donc  pas  que  les  Anciens,  qui  ont  été  fi  crédules, 
ayent  reçu  cette  Hiftoire  de  bonne  foy.     Si  elle  n'eft  véritable,  il  feroit 
à  fouhaiter  qu'elle  le  fût  ^  6c  je  ne  voudrois  pas  la  décrier  comme  une 
faufieté  évidente,  à  caufe  du  refpeélque  nous  devons  avoir  pour  les  grands  ^  .  ,  . 
hommes,  qui  l'ont  crue  &  qui  nous  l'ont  donnée,  entre  lefquels  font  Ëpi-  îf.'origS.* 
phane,  Origene,  St.  Bafile,  St.  Jean  Chryfoftome,  &  Tertullien  avant  '^^^*^-  ^^-^ 
ceux-là.     Tertulhen  nous  l'a  exprimée  en  des  vers  qui  méritent  d'être  in  cap!  5.  ec 
mis  icy.  '  .  chryfoft. 

•'  homil.  84. 

in  Joan. 

Golgotha  locm  efi  capitis ,  Caharia  qtiondam ,  ^^"^^j '!"  ^^c' 

Lingua  paterna  prior  Jïc  illum  nomine  dixit.  Marclonem 

Hk  médium  terra  ejt ,  hic  efl  viUoria  fgnttm  \  ■   ^^™'ne 
Os  magnum  hic  v  et  ères  noflri  docuêre  repertum, 
Jiic  homin^m  primum  fufcepimm  ejje  fepultum . 


96  HISTOIRE  DES  DOGMES     ^ 

Hic  patittir  Chrijius ,  pio  fangmne  terra  madefcit , 
^nlvis  Aâ&  ut  pojjit  veteris  cum  fungttine  Chrijii 
CommixtHs  fiilluntts  aquA  virtute  levari. 

Mcichifedcc      Melcliifedec,  àcaufe  de  Salem  ou  de  Jerufalem,  qui  étoit  le  lieu  défi 
mentfacri-  dcmcure ,  cll  caufc  de  cette  digrefîîon.     Mais  il  en  faut  revenir,  pour  di- 
fié,  guand    yz  encorc  un  mot  de  Ton  facrifice.  Je  ne  fuis  pas  de  ceux  qui  croyentque 
devint  d' A-  Mclchifedcc  n'a  pas  facrifié  quand  il  vint  rencontrer  Abraham  :  au  con- 
braham.       traire  i'eftime  que  l'opinion  de  Grotius  eil  très  probable.  C'eft  que  Mel- 
cliifedec étant  Sacrificateur  du  vray  Dieu ,  &  même  Souverain  Sacrifica- 
teur, facrifia  pour  rendre  à  Dieu  action  de  grâces  de  la  vièloire  qu'Abra- 
ham avoit  remportée  fur  fes  ennemis.     Cela  fefaifoit  ordinairement  dans 
de  femblables  occafions.     Il  facrifia  donc ,  mais  il  facrifia  à  la  manière  ac- 
coutumée j  c'ell-à-dire,  qu'il  égorgea  des  bêtes,  6c  les  fit  brûlef  fur  un 
autel,  c'ell-à-dire,  fur  quelque  élévation  qui  leur  fervit  d'autel.     Et  le 
pain  6c  le  vin  qu'il  mit  dehors ,  ou  qu'il  tira ,  ou ,  pour  mieux  dire ,  qu'il 
fit  préparer ,  fignifient  le  repas  entier  qui  fe  fit  après  le  facrifice ,  au  mê- 
Gen.  ji.      me  fens  que  Moyfe  dit  de  Jacob,  qu?il fit  un  facrifice  dans  la  montagne ^  & 

qu'ail  appella  fes  frères  pour  manger  du  pain. 
conciufion.      Pour  conclurc  ce  chapitre  ^  ce  que  nous  avons  à  dire  àts  efpeces  de  fâ- 
îs°d/fa«i-  crifices  des  Anciens  avant  Moyfe  ,  je  recueille  de  tout  ce  que  j'ay  dit , 
ficcsuficez   qu'ils  en  avoient  trois,    i.  Les  holocauftes.    2.  Les  facrifices  deprofperi- 
avant    oy-  ^^^     ^  ^  -^^  enfin  Ics  ofFraudcs  des  chofes  inanimées ,  féchcs  6c  liquides.  Il 
eft  vray  qu'il  efi:  prefque  toujours  parlé  d'holocaulles ,  6c  jamais  de  facri- 
fices de  profperité  :    mais  en  voici  la  raifon.     C'efl  que  les  facrifices  de 
profperité  n'étoient  que  des  fuites ,  6c  comme  des  accompagnemens  des 
holocauftes.     Quand  on  avoit  confumé  une  bête  en  holocaufte  ,   on  en 
égorgeoit  une  autre ,  dont  on  donnoit  une  partie  à  l'autel ,  6c  le  refte  fe 
mangeoit  par  ceux  qui  afiiftoient  aux  facrifices.     Sous  la  Loy  de  Moyfe 
cette  cérémonie  fe  conferva,  on  en  ufoit  ainfi  dans  toutes  les  fêtes  6c  dans 
tous  les  facrifices  extraordinaires  j  6c  il  y  a  apparence  que  la  coutume  en 
étoit  décenduë  des  fiécles  des  Patriarches  à  celui  de  Moyfe.     Il  ne  faut 
donc  pas  s'étonner  fi  les  fêtes  de  ces  Anciens  6c  leurs  facrifices  entiers  font 
appeliez  des  holocauftes.     Cela  ne  fignifie  pas  que  dans  leurs  fêtes  ils  ne 
fiflent  point  d'autres  facrifices  que  des  holocauftes  j  mais  la  principale  par- 
tie donnoit  fon  nom  au  tout.     Or  les  holocauftes  ont  toujours  été  confi- 
derez  comme  les  principaux  facrifices.     Cela  eft  clair,  parce  que  l'autel 
d'airain  que  Dieu  fit  pofer  devant  la  porte  du  tabernacle,  6cquifutchan- 
gé*en  un  autel  de  pierre  dans  le  Temple  de  Salomon  6c  d'Herode ,  a  tou- 
jours été  appelle  par  les  Hébreux ,  l'autel  des  holocauftes ,  quoyque  fur 
cet  autel  on  fit,  non  feulement  des  holocauftes,  mais  des  facrifices  pour 
le  délit ,  des  facrifices  pour  le  péché ,  6c  des  facrifices  de  profperité. 


C  H  A- 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  F^r/.I.    $7 


CHAPITRE     XIV. 

De  la  matière  des  anciens  facrifces  de  l'EgUfe  avant  la  Loy  ,  des 
bêtes  nettes  O'  fomUees,  Gluand  cette  dijtmBion  a  commencé.  Des 
cérémonies  de  purification  qm  étoient  en  ufage  dans  cette  ancienne 
Egltfe. 

PRefentement  il  faut  voir  quelle  étoit  la  matière  de  leurs  facrifices  ; 
c'eft-à-dire,  quelles  bêtes  ils  facrifioient.     Noi>3  avons  déjà  vu  par 
un  partage  du  Talmud  ,  quelle  eft  là-  defllis  la  tradition  des  Juifs  : 
ce  partage  dit  ,    ^ae  les  Noachides  offraient  de  toute  forte  de  bêtes  tant  du  gros  LesNoachî- 
e^tie   du  menu  bétail ,    des  oiÇeaux   &    des   bêtes  a    quatre  pieds  ,    des   ani'  voient  fa- 

tnaux  fauva^es  &  des  domelitques  ,  des  mâles  &  des  femelles  ,    des  bêtes  en-^  ">fi'="^? 

.  i  ^         .  •'  A^  r  rr  I  •  •  f  *o"'  animal 

tteres  &  non  entières  ,•  pourvu  que  ce  ne  fujjent  pas  des  antmanx  immondes  s  net ,  feloa 

c'ell-à-dire,  que  la  matière  de  leurs  facrifices  étoit  beaucoup  plus  libre  ôc  i"  J"'^*. 
plus  étendue  que  dans  la  Loy  de  Moyfe.  Car  bien  qu'il  y  eût  beaucoup 
d'animaux  nets  pour  les  tables  &  pour  les  repas,  il  n'y  en  avoit  que  cinq 
efpecesquifuffentnetspourlefacrifice,  le  bœuf,  le  mouton,  ou  l'agneau, 
&  la  chèvre  entre  les  bêtes  a  quatre  pieds,  les  pigeons  &  les  tourterelles 
entre  les  oifeaux.  Maimonides  obferve  que  l'on  ne  trouve  que  dix  efpe- 
ces  de  bêtes  lefquelles  il  fût  permis  de  manger  :  on  en  trouve  les  noms 
^u  14^.  chap.  du  Deuteron.  Il  y  en  a  trois  domeftiques ,  le  bœuf,  la 
brebis  &  la  chèvre  ;  &  fept  fauvages ,  le  cerf ,  le  daim,  le  chevreiiil,  le 
chamois,  lebufiîe,  le  bœuf  fauvage,  &  un  animal  que  les  Anciens  ap- 
pellent Camelopardus.  Mais  toutes  ces  bêtes  fauvages,  qui  croient  nettes 
pour  la  table,  ne  l'étoient  pas  pour  l'autel.  Pareillement  de  tous  les  oi- 
feaux domeftiques,  le  feul  pigeon,  ôcde  tous  les  fauvages,  la  feule  tour- 
terelle, étoient  reçus  pour  le  facrifice.  Ainrtles  poules,  les  coqs,  les  per- 
drix ,  les  faifans  ,  &  autres  oifeaux ,  dont  il  étoit  permis  de  manger ,  ne 
pouvoient  être  offerts  en  facrifice.  Mais  fi  l'on  en  croit  les  Juifs ,  tou- 
tes ces  efpeces  d'animaux  &  d'oifeaux  nets  ,  dont  on  pouvoit  manger , 
pouvoient  aurtî  être  lacrifiez  dans  l'Eglife  qui  a  précédé  la  Loy  de 
Moyfe. 

Le  fondement  de  cette  opinion ,  c'eft  le  facrifice  que  Naé  fit  en  fortant  Cda  eft 
de  l'Arche  j   car  il  eft  dit  qu'il  prit  de  toute  bêce  nette  ,    6c  de  tout  q^e'^fit^Noé 
oiféau  net,  &  qu'il  l'offrit  en  holocaufte.     Mais  il  y  a  des   Auteurs  qui  dansfon 
n'interprètent  pas  ainfi  ce  texte  de  la  Genefe  ,   &  qui  prétendent  que  crT/kfapîés 
cela  fe  doit  entendre  feulement  de  toute  bête  nette  ôc  propre  pour  le  fa-  le  déluge. 
crifice  félon  la  Loy.     Il  y  a  même  entre  les  Juifs  dés  Auteurs  de  cette 
opinion  :    elle  fe  trouve  dans  le  Capitulaire  de  Rabbi  Eliezer  i    &  '^é^  Capituî. 
dit-il,  amena  incontinent  de  toute  forte  de  bête  nette  ^  favoir ,  le  bœuf ,  Pagneau  ^f''"^''^^' 
&  la  chèvre  ;   &  t^entre  les  oifeaux  ,    le  pigeon  &  la  tourterelle  ,    &  rétablit  le 
premier  autel  fur  lequel  avaient  offert  Abel  &  Cdin,  &  offrit  des  holocaufles  fur  cet 
autel.     Cela  fe  pourroit  bien  entendre  ainfi  5  n' étoit  que  Moyfe  nous  fait 
une  remarque  qui  détruit  cette  coeje6lurej  c'eft  que  Noé  conferva  dans 
rPart.  /.  N  ~   l'Ar» 


9>  H  I  S  T  O  I  R  E  D  E  S  D  O  G  ME  S 

l'Arche  fcpt  bêtes  de  toute  bctc  nette,  &  autant  des  oifeaux.   On  a  très 
bien  remarqué,  que  cette  feptiéme  bête,  &  ce  feptiémeoileau,ne  pou  voient 
être  deftinez  à  la  génération,  parce  qu'il  ne  pouvoit  être  apparié.,  Ainfî; 
il  eft  clair  que  Noé  le  dcftinoit  au  facrifkc.     Comme  donc  Noé  confer- 
va  un  feptiéme  de  tout  animal  net,  on  ne  peut  pas  douter  qu'il  n'ait  fa- 
Crifié  ce  leptiéme  en  holocau'fte.     Il  eit  apparent  auffi ,  que  ce  fepticme 
animal  éîok  un  mâle  j  car  dans  le  facrifîce,  ô<:  particulièrement  dans  l'ho- 
locauite,.on  ne  choifiiroit  que  les  mâles  ,   parce  qu'ils  font  plus  parfaits. 
Li  Loy  s'en  trouve  au  premier  chap.  duLevit.  Et  il  y  a  apparence  qu'elle 
étoit  plus  ancienne  que  Moyfe. 
lefarr'fice       Mais  1,1  qucllion  cft ,  fi  cc  facrificc  de  Noé  fut  fait  félon  les  règles  ordi- 
J^„^p"^ fç^' naires  dç  cette  ancienne  Eglife,  &  s'il  s'enfuit ,  qu'on  eût  de  coutume  de 
loniesre-    prendre,  pour  le  facrifice  de  toutes  les  bêtes  nettes  que  l'on  pouvoit  man^ 
iédçî*       §^^'*  C'ell  ce  que  je  ne  croy  pas.  Ce  facrifice  de  Noé  étoit  tait  dans  une 
circonftance  Ci  grande  &  fi  extraordinaire ,  qu'il  devoit.  avoir  aufii  quelque 
chofe  d'extraordinaire.     Noé  dans  cette  aétion  fit  ,   pour  ainfi  dire  ,   la 
propitiation  des  pèche?;  de  la  nature:  C'eftpourquoy  il  étoit  juile,  qu'il  prît 
des  viétimes  de  toute  la  nature  ,.  &  que  tous  les  animaux  nets  paflaf-r 
fent  fous  le  couteau,  pour  expier  par î'efFufion  de  leur  fang la maledlélion 
que  Dieu  venoit  de  faire, tomber  fur  tout  l'Univers.  Or  comme  cette  con-' 
fidçration  ne  s'eft  pas  rencontrée,  dans  les  autres  facrifices ,  il  n'y  a  pas  lieu 
de  croire  qu'on  y  offrît  de  toute  forte  de  bêtes.indifferemment.  11  eft  clair 
par  le  If .  de  h  Genefe,  que  le  bœuf,,  le  mouton,  la  chèvre  ,  le  pigeon 
6c  la  tourterelle  , .  étoient  les  feules  viélimes  que  Dieu  acceptât,  auffi  bien 
avant  Moyfe,  que  depuis  lui.     Car  dans; cet  endroit  Dieu  donne ' ordre  à 
Abraham  d'offrir  un  holocaufte  folemnel ,  complet,  6c  compoié  de  toutes 
les  bêtes  deftinées  au  facrifice  :    Or  Dieu  lm,dit\prens  une  jeune  vache  d& 
trois  ans ,  une  chèvre  de  trois  ans ,  un  pigeon  &  une  tourterelle. 
F?uffement      Je  fuis  perfuadé  5  qu'une  partie  des  loix  des  facrifices:  que  Dieu  donna  à . 
iiip/ofent,  Moyfe,  n'étoient  que  des  loix  renouvellées,  conformes  à  la  pratique  des. 
que  dans  Iï  Aucieus  Patriarches.     Ainfi  nous  croyons ,  que  le  fondement ,  fur  lequel  les. 
Igi^èon     anciens  Rabbins  ont  appuyé  cette  première  conjeélure ,  n'eil  pas  trop  fer- 
pouvoicfa-   me.     Mais  la  féconde  conjeélure elt  encore  bien  moins  apparente  j..  c'efl 
vVftiïies^*    que  dans  ces  premiers  fiécles,il  fût  permis  d'offiir  des  bêtes  qui  avoient 
ïQiparfaitcs,  des  défauts  confiderables  ;  par  exemple,  une  bête  qui  auroir  été  boiteufe,. 
aveugle,  rogneufe  ,   malade.     Cela  n'efi:  pas  vray-femblable.     Je -penfe- 
bien  qu'on  n'étoit  pas  fi  fcmpuleux  dans  le  choix  des  viél:imes5que  les 
Juifs  le  font  devenus  du  depuis,  &  que  l'on  ne  contoit  pas  des  centaines  d& 
défauts  qui  rendoient  une  bête  indigne  de  monter  fur  l'autel,  comme  \c$ 
Juifs  les  content  aujourd'huy.  Cependant  le  fens  commun  dicie,  que  l'on, 
ne  doit  pas  offrir  à  Dieu  des  viéèimes  confiderablement  defeélueulès,  par- 
ce que  nous  lui  devons  le  meilleur  de  nôtre  bien  ,.  &  non  pas  le  rebut. 
Moyfe  nou5  fait  affez  comprendre,  qu'A  bel  prit  du  meilleur  ôc  du  plus  gras 
de  Ibn  troupeau  5  ôc  fans  doute  cela  palîa.  en  Loy  dés  les  premiers  fiécles, 
de  l'Eglife-. 
La  diftinc-      H  eil  prclquc  inutile  que  je  m'arrête  icifurlaqueftion  qui  fe.  fait  tou-i 
tipn des ani- chant  la  diflinélion  dcs  animaux  nets,  ôcde  ceux  qui  ne  le  font  pas.  Car. 
ôslc9r»i«s  il  me  fçmble.que  je  la.trpUYevuidée  par  k  texte  de  Moyfe.  On  demande. 

dsj 


ET  DES  CULTES  DE  UEGLISE.  î»^r^.I.    99 

èe  quel  âge  ell  cette  diftindion ,  &  quand  elle  a  commencé.  Les  He-  eft  plus  an- 
breux,  qui  ne  veulent  pas  qu'il  fût  permis  de  manger  delà  chair  avant  le  tienne  que 
déluge,  doivent  être  de  l'opinion  de  ceux  qui  difent  que  Moyfe  ,  dans  ^  ^^^^ 
l'Hiitoire  de  Noé  ,  appelle  quelques  animaux  mondes  ,  &  d'autres  inr- 
mondes  par  anticipation  ,  &,par  égard  aux  loix  que  Dieu  donna  du  de- 
puis. Car  cette  dillinétion  ne  doit  avoir  commencé  que  lors  que  Dieu 
permit  aux  hommes  de  manger  de  la  chair  des  animaux.  Mais  comme  je 
luis  dans  le  fentiment ,  que  l'ufage  de  la  chair  des  animaux  dans  les  repas 
étoit  permis  avant  le  déluge,  je  croy  aufîi  qu'il  y  avoit  delà  dillinélionj 
e'efl-à-dire,  qu'il  y  avoit  de  certaines  bêtes  qu'on  mangeoit,  &:  d'autres 
qu'on  ne  mangeoit  pas.  Mais  il  eft  difficile  de  défii^iir  d'oii  venoit  cette 
diftinétion  i  li  c'eft  Dieu  qui  l'a  établie,  ou  fî  ce  font  les  hommes.  Il  eft 
certain,  qu'il  y  a  des  animaux  pour  lefquels  nous  avons  naturellement  de 
l'averfîon  ,  ôc  dont  nous  ne  faurions  manger  la  chair  j  comme  font  les 
rats,  les  fouris,  les  chevaux,  les  loups,  les  lions,  &  toute  forte  de  bê- 
tes éc  d'oiieaux  qui  vivent  de  chafTe  6c  de  rapine.  A  quoy  l'on  peut  join- 
dre les  oifeaux  de  nuit,  comme  font  les  hiboux ,  l'orfraye  ,  le  chahuant 
ÔC  la  chouette  :  la  chair  de  ces  animaux  nous  donne  de  l'horreur  j  &  fans 
que  cela  nous  (bit  défendu ,  nous  nous  en  abftenons.  Grotius  écrivant  fur 
le  8.  chap. delà  Gen.  eftime, qu'il  n'y  avoit  pas  d'autre  fondement  de 
cette  diftinclion  d'animaux  nets  &  impurs  du  tems  de  Noé  ,  que  cette 
averfion  que  la  nature  nous  infpire  pour  certains  animaux.  Cela  eft  afîez 
vray-femblable.  LesPayens  mêmes  ont  eu  de  l'horreur  pour  ces  iortes  de 
chairs.  Tacite  au  4^.  Liv.  de  fon  Hiftoire  appelle  ces  animaux  profana. 
Il  n'eft  pas  apparent  que  l'ancienne  Eglife  ait  connu  cette  diftinélion  d'a- 
nimaux nets  ôc  impurs  fous  l'idée  que  la  Loy  de  Moyfe  nous  en  donne, 
parce  que  cette  diftinélion  eft  fondée  ,  dans  l'intention  du  Legiflateur  , 
plutôt  fur  des  raifons  myfterieufes  ôc  arbitraires ,  que  fur  des  raifons  na- 
turelles. Certains  animaux  font  déclarez  impurs ,  parce  que  Dieu  les  éta- 
blit pour  emblèmes  de  la  foiiillure  j  tel  eft  le  pourceau  :  d'autres  ,  parce 
qu'ils  font  l'emblème  des  hommes  qui  ne  prennent  aucun  goût  aux  grâces 
de  Dieu  j  de  ce  nombi^  font  les  animaux  qui  ne  ruminent  pas  ,  lelquels 
étoient  la  figure  de  ceux  qui  ne  font  point  de  reflexion  fur  la  parole  de 
Dieu  &  fur  les  bienfaits.  Or  je  ne  trouve  guère  d'apparence,  que  Dieu  dés 
le  tems  de  Noé  eût  étabh  ces  myfteres  dans  cette  diftmélion  d'animaux  > 
parce  que  cette  ancienne  Eglife  n'étoit  pas  fi  pleine  de  figures  que  fut  celle 
de  Moyfe. 

Après  avoir  parlé  de  la  matière  des  facrifices,  il  faudroit  en  examiner  Les  cerè- 
les  cérémonies  :  mais  c'eft  un  chapitre  fur  lequel  nous  n'avons  rien  à  dire,  ™on'«Jes 

-,  ^       r  't^-  -NT*  r  I  ^17         anciens  fa- 

parce  que  Moyle  ne  nous  en  dit  rien.     iN  ous  ne  lavons  donc  pas,ii  Ion  aificesont 
mettoit  la  main  fur  la  tète  de  lavi^ime,pourconfeflèr  fes  péchez  ,  com-  f^gj"^^" 
me  on  faifoit  fous  la  Loy>  fi  on  faloit  de  fel  ces  oblations  j  fi  l'onyajoû-  Moyfe  eta- 
toit  de  l'encens 5  de  quel  côté  on  tournoit  la  tête  de  la  vièlimej  comme  5^^^^^" 
on  arrangeoit  les  parties  de  la  bête  fur  le  bois ,  ce  que  l'on  faifoit  des  en- 
trailles ',  6c  diverfes  autres  particularitez,  que  la  Loy  de  Moyfe ,  ou  la  tra- 
dition des  Juifs,  ont  marqué  dans  les  facrifices  de  la  Loy.    Cependant  je 
croy,  qu'on  obfervoit  à  peu  prés  les  mêmes  cérémonies,  que  celles  qui  s'ob- 
ferverent  depuis ,  car  les  loix  des  facrifices  de  l'ancienne  Eglife  avoient  été 
^  Ni.  doiî^ 


loo  HÎSTOIREDESDOGMES 

données  par  des  hommes  divinement  infpirez.  Et  je  ne  vois  aucun  lieu  de 
douter,  que  Dieu  n'ait  fuivi,  dans  les  commandemehs  qu'il  a  donnez  à 
Moyfe  ,   ceux  que  lui-même  avoit  auparavant  donnez  aux  Patriarches. 
Puis  que  ces  facrifices  étoient  établis  pour  la  même  fin,  qu'ils  avoient  le 
même  uliige  èc  la  même  (ignification  ,    il  eft  apparent  qu'ils  fe  faifoient 
auffi  de  la  même  manière:  excepté  que  fous  la  Loy  de  Moyfe  ils  étoient 
beaucoup  plus  frequcns,  &  fe  faifoient  avec  plus  de  pompe.  On  deman- 
Gen.  11.     (JQ^  {[  ces  facrificcs  fe  faifoient  fur  les  autels  i*  Il  eft  clair  que  depuis  Noé 
ciiap.  lî.     il  y  a  eu  des  autels,  car  il  eft  dit  expreffément  que  ce  Patriarche  en  bâ- 
V.4. 22"      tit  un  après  le  déluge.     Et  nous  hfons  que  depuis  ce  tems-là  Abraham, 
v'.z'é.i's.     ïfaac  &  Jacob  en  bâtiflbient  dans  tous  les  lieux  où  ils  établifibient  leur 
^'*  ^"  demeure.     Mais  il  n'cft  pas  certain  que  ces  Anciens  fe  fuftent  faits  une 

Antiquité    nccellîté  de  ne  faci  ifier  que  fur  des  autels.     Il  y  a  plus  d'apparence ,  que 
dss  suîds.    ç^Iq^  igg  iJeyx  où. ils  fe  trouvoient,  ils  facrifioient,  tantôt  fur  un  rocher,, 
tantôt  fur  le  fommet  d'une  montagne.     Il  n'y  a  guère  de  lieux  où  l'on 
ne  puifie  trouver  facilement  une  éminence ,  qui  puiflé  fervir  d'autel.  Quand 
Jacob  facrifia  fur  la  montagne  en  fe  leparant  de  Laban,  il  y  a  apparence 
qu'il  facrifia  fur  quelqu'une  des  pierres  de  cette  montagne.  Manoah  père 
de  Samfon,  du  tems  des  Juges,  facrifia,  fur  un  rocher  :    ^lors  Manoah 
frit  un  chevreau  de  lait  &  pin  gâteau  ,  cr  les  offrit  a  P  Eternel  fur  le  rocher  £  6c 
dans  le  même  lieu  ce  rocher  eft  appelle  un  autel,  la  flamme  monta  de  dep 
fus  l'autel ,  l'^Ange  monta  auffi.    Dans  la  fuite  de  cet  ouvrage  nous  montre- 
rons que  les  bocages  ôc  les  hauts  lieux  ont  été  les  premiers  temples  ôc  les 
premiers  autels  que  les  hommes  ont  confaerez  à  la  divinité.  C'eft  pourquoy 
on  eftimeavec  beaucoup  de  vray-femblance,  que  le  premier  autel  fut  ce- 
lui que  Noé  bâtit  après  le  déluge. 
Biveifes  ce-      L'on  ne  doute  pas  que  le  nombre  âes  cérémonies  ne  fût  infiniment, 
î^'JuiTfJca-   lïîoins  grand  dans  le  premier  période  de  l'Eglife  ,   que  fous  l'cxconomie 
tiens  qui     Juduïque.     11  mc  femble  pourtant  qu'on  ne  peut  nier  qu'il  n'y  en  eût  da- 
Itte^en^ufa-  vautagc  quc  daus  la  Religion  Chrétienne  ;  &  nous  en  avons  une  preuve 
gedansia    trés  fortc  dans  le  chap.  5f.  de  la  Gen.  Moyfe  dit  qu'après  l'aélion  vio- 
ISSè"^     ^^^^^  ^^  Siraeon  &  de  Levi ,  qui  tuèrent  les  Sichemites,  pour  vanger  le- 
rapt  de  leur  fœur  Dina ,  Jacob  fe  retira  en  Bethel ,  8c  ordonna  à  les  en- 
fans  de  fe  purifier,  otez.  les  Dieux  des  étrangers  <^ m  font  entre  vous.,  leur  dit- 
il.,,  &  VOUS- purifiez^  ^  &  changez^  vos  vétemens.     Il  eft  clair  par  ce  paflage  ^ 
que  dés  ce  tems-là  il  y  avoit  des  foiiillures  légales ,  ceremonieles  ôc  typi- 
ques 5   6c  il  eft  évident  auffi,  que  les  lavemens  &  purifications  typiques 
étoient  enufage:  purifiez  -  vous ,  dit  Jacob  ,   &  changez  vos  vétemenSo, 
Cela  eft  abfolument  conforme  à  ce  que  dit  la  Loy  du  Levitique  ;  Quand 
celui  qui  découle  fera  purgé  de  (on flux ,  il  contera  fept  jours  pour  fa  purifi^atton  , 
&  lavera  fes  véten^ens.^  ô"  nettoyer  a  fa  chair  avec  de  Peau  vive.  Il  eft  difficile 
de  marquer  prccifément  quelles  étoient  les  cérémonies  de  ces  purifica- 
tions.  On  peut  pourtaiit  à  peu  prés  conjeéturer  qu'elles  reflembloient  en 
quelque  chofe  à  celles  que  les  Noachides -,  c'eft- à-dire  ,   les  Payens  ont 
obiérvées.   Ptirifiez^:vous ^  c'eft-à-dire,  lassez.- vous ^  foyes  bâptifez  ,  félon 
|igi:fcoî     le  Dode  Ligtfoot,  car  il  veut  que  Jacob  ait  été  l'inftituteur  duBâtêine: 
^^Evange-  parcc, dit-il,  que  la  Circoncifion  avoit  été  occafion  de  mort  aux  Sichemites^ 
lifi;  ssôio  il  l'abolit  à  l'égard  des  profelytesjôc  fubftitua  le  Bâtême  comme  plus  com- 
"'  -  .         -  niode,. 


ET  DES  CULTES  DE  UEGLISE.  Part.l,   loi 

mode.     Et  aufîî  parce  que  tous  les  mâles  ayant  été  tuez,  il  ne  reftoit  en  ' 

Sichem  que  des  femmes  dont  on  pût  faire  des  profelytes.  C'eft  pourquoi 
il  prit  une  cérémonie  qu'on  pût  pratiquer  pour  les  femmes.  Cela  ne  me 
paroît  pas  trop  bien  penfé  :  Il  fuffit  de  dire,  que  le  lavement  a  été  dans 
tous  les  fiécles  une  cérémonie  de  purification.  Tous  les  peuples  qui  ont 
eu  une  Religion,  des  cultes  ôc  des  facrifices,  ont  eu  la  coutume  de fe la- 
ver avant  que  de  facrificr,  quand  ils  étoient  dans  quelque  pollution.  îîs 
employoient  à  ces  luftrations ,  ou  purifications  ,  de  l'eau  nette  de  vive  ,. 
comme  la  Loy  de  Moyfe  l'ordonne  :  quelquesfois  ils  y  ajoûtpient  du 
fouffre,  comme  il  paroît  par  ces  vers  d'Homère  du  i6«.  Liv.  de  l'Iliade, 
qui  commencent  ainfî , 

T6  ^a  tôt"  in  yj^KoTo  S^c, 

êttiont  le  fens  efl,  Il  prit  du  fouffre  j.  &  en  fit  ta  purification  :  en  fuite  il  fi 
lava  d?eaH  pure  é'vivs-  p^i^  lui-même  lava  fis  mains ,  &  avala  le  vin  brûlant. 
Ovide  nous  apprend  que  quelques-uns  y  ajoûtoient  des  œufs> 

Et  veniat  ejUA  Iftfiret  anus  leUumque  locumque  ,  Ovid.  de 

Proférât  &  iremulâ  fulphur  &  ova  manu.  d'^Lb™**^' 

Apulée,  au  Livre  ne.  de  fa  Metamorphofe  décrivant  une  pompe  d'Ifis, 
rapporte  la  même  chofe:  Ibidem  fiimulachris  rite  difpofitis  ^  navem  faberrinie 
faUam  ,  piUuris  miris  <i^.gjptiorum  circumficùs  variegatam  ,  fummus  facerdos 
tadâ  lucidâ  ,  ovo  (jr  fitlphfire  filemnifiimas  preces  de  cafio  prafatus  are  ,  DeA 
ntincupavit  deàtcavîtque  metam.  Outre  cela  ils  jettoient  du  fel  dans  l'eau , 
comme  il  paroît  par  cts  vers  de  Theocrite  (  v.céizf^  le  Scc.  )  Faites  bru-  Theoer. 
1er  du  foujfre  dans  la  mai  fin  ,  puis  jettez.  du  fel  dans  ï*eau  filon  la  coutume.  De  ^  ^^^\^ 
cette  eau  falée  ils  faifoient  par  trois  fois  afperfion  fur  celui  qui  devoit  être 
purifié,  ôccek  avec  une  branche  d'Olive,  de  Laurier  ou  deLentifque. 

Idem  ter  ficios  purkcirmmtulit  unda ,  vîrgiï. 

Spargens  rore  levi ,  &  ramo  felicis  Oliv&.  "^     ®' 

Ovide, 

Ter  fi  convertit ,_  ter  fumptis  fiumins  crinem  «^vid.  Me- 

Irroravit  aquis -  ''^'  ^'^'^^ 

Four  faire  ces  purifications  ils  fe  tournoient  vers  l'Orient  5  comme  il  pa- 
roît par  ces  vers  de  Cratmus , 

uys  li]  Ttpèç  SM   OCC.  •       Ciat.  ia 

Chiïone» 

Ca  tourne  -toi  premièrement  du  coté  de  P  Orient  ,  prens  cette  grande  hrancke  de 

Lenttfque  en  tes  mains,.  Dans  ces  luflr-ations  ils  faifoient  quelque  prière , 

Spargit  &  ipfe  fuos  tauro  rorante  capillos ,  o^là, 

Incipit  &  filitâfundere  voce  preces.  Uh,  s\ 

Entr'autres  ceux  qui  avoient  touché  aux  morts  ,  ou  qui  étoient  entrez 
dans  leur  demeure  5  avoient  befoin  de  cette  purification.     C'eft  pourquoy 

N  %  quand    ^ 


to2  HISTOIRE  DES  DOGMES 

quand  Juiion  revint  des  enfers ,  la  Nymphe  Iris  la  purifia ,  afin  qu*clle  pût 
i-entrer  dans  les  cieux. 

Ovid.  Me-  Latii  redit  Juno  ^  cjuam  cœlum  intrare  parantem 

tam,Lib4,  Roratis  lufiravtt  acjtiis  Thaumantias  Iris. 

Sur  tout  ils  avoient  un  grand  foin  de  laver  leurs  mains  dans  ces  purifica- 
tions,' parce  que  c'étoient  ces  mninsqui  manioient  les  viftimesconfacrées 
aux  Dieux  j  c'eft  pourquoy  le  Poète  Tibulle  dit  quelque  parc. 

Cafia  placent  piperis ,  para  cum  vefie  venite^ 
Et  mamhtii  puris  fumtte  fontis  aquam. 

Sans  doute  il  y  avoit  fous  la  Loy  une  femblable  coutume,  à  laquelle  Da- 
Kz6.  y.6.    ^j^  ç^^^  allufion,  quand  il  dit,  fe  laverai  mes  mains  en  innocence ,  &  feratle 
tour  de  ton  autel.     C'ell  pourquoy  les  Grecs  appelloient  la  purificationqui 
fe  faifoit  avant  le  facrifice  ^epvi'l'-i  mot  qui  fignifie  lavement  de  mains, 
ou  5  comme  d'autres  l'interprètent,  un  vaiiTeau  où  Ton  lave  Its  mains.  Ceux 
qui  étoient  coupables  de  quelque  crime  ,  n'avoient  pas  la  permifiîon  d'appro- 
cher de  ces  vaifleaux ,  ni  de  participer  à  cette  cérémonie  qu'on  appelloit 
%spv)-^  :  &  les  Anciens  nous  apprennent  qu'on  les  éloignoit  des  lavoirs  6c 
c  d  Lib  ^^^  lavemens.  Thucydide  parle  de  certaines  gens,  aulquellesil  n'étoit  pas 
4.  "    '     '  permis  de  toucher  de  l'eau,  excepté  qu'il  leur  étoit  permis  de  laver  leurs 
mains  pour  fe  préparer  au  facrifice.     Les  lavemens  des  mains  étoient  foti- 
vent  employez  devant  les  facrifices,  pour  témoigner  l'innocence  deceluy 
quivouloit  facrifier,  plutôt  que  pour  fe  purifier.  Dieu  avoit  ordonné  cette 
cérémonie  aux  Ifraëlites.  Quand  un  homme  fe  trouvoitmoit ,  fans  qu'on 
fçût  qui  l'avoit  tué ,  les  habrtans  de  la  ville,  dans  laquelle  le  corps  étoit 
•  trouvé,  lavoient  leurs  mains  fur  une  vache  à  qui  on  avoit  coupé  la  tête, 
&  difoient,  nos  mains  n"* ont  pas  épandu  ce  fang  ^  &  nos  yenx  ne  Vont  pas  va 
épandre.  O  Seignenr  fots  favorable  a  ton  peuple  IfrdH  que  tu  as  racheté ^  &  ne  Itty 
impute  pas  le  crime  du  fang  innocent.    Les  Payens  avoient  aufli  la  même  céré- 
monie ,  comme  il  paroît  par  l'a^lion  de  Pilate ,  qui ,  pour  fe  juftifier ,  la- 
va (es  mains  devant  le  peuple  en  difant,  fe  fuis  innocent  du  fang  decejtijie^ 
Matth.,27.      ^Q^^     avi  ferez.. 

La  ceiemo-        Cette  ccremonic  du  lavement  des  mains,  du  corps  6c  des  habits,  étoit 

niedi  )ave-   afiurément  venue  de  l'Orient,  ôc  apparemment  elle  étoit  décenduë  des 

"ue  deT     Patriarches.  Car  elle  étoit  particulièrement  ufitée  entre  les  nations  Orien- 

Payensétoit  talcs.     Lcs  Egyptiens  la  pratiquoient  dans  le  fervice  de  leur  Déefie  Ilïs, 

gSrde!    "  ^  les  Peries  dans  le  culte  de  leur  Dieu  Mitra.     C'eilce  que  Tertulilen  a 

Noachidcs.    remarqué  en  parlant  du  Bâtême  des  Chrétiens  5  Les  autres  nations ,  dit-il, 

_  ejui  nu  connotjfent  ^as  tes  puijfances  fptrituelles  ^  c'^efi-n-dire,  la  farce  de  la  grâce  ^ 

:&î^.  ci^.so.  P^'^^^f  '^  ^^^^  idole  par  la  même  cérémonie.  Mais  ils  fe  trompent  eux-mêmes  par 

Pufage  de  ces  eaux  veuves  ^  defiitue'es  du  S.  Efpnt  :  car  il  entre  des  lavemens 

dans  les  cérémonies  de  ceux  qui  fe  confacrent  a  Ifîs  &  a  Mitra.    11  ajoute  auffi, 

que  dam  ces  jeux  qui  fe  faifoient  a  l''honneur  d"*  Apollon ,  &  dans  les  jeux  de  Te- 

loufc ,  les  hommes  Ce  lavoient  a  dejjèin  de  fe  renouveller  &  d"^ expier  leur  parjure. 

Toutes  ces  preuves,  qui  font  voir  combien  cette  coutume  de  le  laver  avec 

les  eaux  vives  étoit  générale  &  ancienne,  forment  une  conjeélure  trés- 

fortci  c'eil  qu'elle  «étoit  en  ufage  avant  Moyfe,  ôc  que  toutes  les  nations 

l'ont 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Part.L    103 

l'ont  empruntée  d'une  tradiiion  qui  eft  auffi  ancienne  que  le  Déluge.  C'ell 
donc  de  cette  forte-  qu'on  doit  entendre  ce  commandement  de  Jacob  à  Tes 
enfans  ,  purifîezj-votts ,  c'eft-à-dire ,  lAvez^-vom  avec  des  eaux  nettes  &  vives. 
Bour  fortifier  cela,  j'ajouterai  la  remarque  du  favant  Grotius  ,  qui  dit, 
q^e  les  Hébreux  avoient  accoutumé  de  laver  les  profelytes  ,  que  nous 
avons  appelle  les  profelytes  de  la  porte  3  ce  font  ceux  qui  nefe  faifoieqt  pas- 
circoncire,  &  qui  ne  le  voiiloient  pas  charger  du  pefant  joug  des  céré- 
monies Légales.  Ils  fc.  contcntoient  de  renoncer  à  l'idolâtrie  j  on  les  la- 
voit,.  pour  fignifier  qu'ils  étoient  repurgez  des  impuretez  qu'ils  avoient 
contradées  dans  leur  Paganifme.  Les  Juifs  difent  que  du  tems  de  David 
&  de  Salomon,  il  y  eut  plulieurs  milliers  d'hommes  qui  fe  firent  ainfi  la- 
ver. Encore  aujourd'huy  ils  lavent  ceux  d'entre  les  Turcs  6c  les  Perfesqui 
fe  font  Juifs  ,  ôc  bâtizent  lesfemmes  étrangères  qui  fe  marient  àdes  Juifs, 
difant  que  cette  cérémonie  fut  autrefois  obfervée  envers  Sara  &■  Rebec- 
ca.  En  un  mot  Grotius  prétend ,  que  c'étoit  une  chofe  que  cts  demy 
profelytes  étoient  obligez  d'obferver  avec  les  préceptes  des  Noachides  :  & 
îà-delTus  il  fait  ctXXt:Q>o^txS2X\oXïy  comme  ces  fro[elytes  lavez.  &  non  circoncis^  Annot4f. 
n  étoient  obligez,  cjh' aux  loix  que  T)ieu  avait  données  atout  le  genre  humain  ^  ilefi  Giot^«p  jé 
aifé  de  comprendre  que  tous  ces  lavemens  étoient  du  nombre  de  ces  anciennes  cere-  v.  6j 
monies  nées  après  le  Déluge  ^  &  qui  avoient  été  établies  pour  conferver  la  mé" 
moire  de  la  purification  du  monde  faite  par  le  Déluge  j  d'où  eft  venu  ce  célèbre  mot  des 
Grecs, ^ciKa(T(Ta  ychv^ei  'kô.vtu  àvôpwxwv  HUKa-La  mer  lave  tous  lesmaux  des  hommes. 

Jacob  après  avoir  dit  à  fes  enfans  de  fe  purifier  ,  leur  ordonne  auffi  de 
clianger  leurs  vécemens.  C'étoit  une  autre  ceremoniequis'obfervoit  quand  Lechange- 
on  vouloit  fe  prefenter  devant  Dieu,     David  après  avoir  pleuré  la  mort  de  biK"'a*!iue' 
ce  fils  qui  luy  étoit  né  de  Berfabée,  fe  leva  de  terre  ^  fe  lava  ^  changea  yi'j  cérémonie 
vétemens ,  entra  dans  la  maifon  de  Dieu ,  &  Jèpro/^erna..  S'ils  n'en  changeoient  tion""!)"" 
pas,  ils  les  lavoient.    Le  Seigneur  dit  à  Moyfe,  va-t'en  vers  ce  peuple ,  &  ancienne  & 
les  fanSlifîe ,  aujourd'huy  &  demain  qu'ails  lavent  leurs  vétemens.  Les  Sacrifica-  j°"S^""3- 
teurs  changeoient  d'habits ,  quand  leur  tour  arrivoit  pour  faire  leur  fervice,  2.  sam.  chap,>. 
car  hors    du  Temple  ils  étoient   vêtus  comme  Je   relie  du  peuple,  6c  î^-v-zo. 
dans  le  Temple  ils  avoient  les  habits   facerdotaux. -   Cette  coutume   de  y,^°  '  ^^' 
changer  d'habits  quand  on  vouloit  fe  purifier,  étoit  aflurément  auffi  éten- 
due, 6c  auffi  ancienne  que  celle  de  fe  laver  d'eau  vive.  Kous  venons  d'en- - 
tendre  le  Poëte  Tibulle,  qui  dit,  pura  cum  vefie  venite -^  auffi  bien  comme 
il  ajoute,  &  manibus puri^  fumite  fontis  aquam.     Quand  un  homme  fbiiillé 
s'étoit  lavé  pour  expier  fes  péchez,  félon  les  préceptes  de  fa  Religion,  il 
n'avoit  garde  de  reprendre  les  mêmes  habits,  puis  que  tout  ce  qui  avoit 
touché  à  un  homme  foiiillé  étoit  eftimé  fouillé.  Cela  paroîtpar  laLoyde' 
Moyfe,  qui  déclare  que  les  vaificaux,  dont  un  homme  ou  une  femme  en 
foiiillure  légale  s'étoient  fervis,  dévoient  être  lavez  avant  que  de  s'en  fer- 
vir  derechef.  Je  ne  doute  pas  que  de  là  ne  foit  venue  la  coûrume  U'niver- 
fellement  obfervée  dans  la  première  Eglife  Chrétienne,  de  dépouiller  ceux 
qu'on  bâtifbit,  6c  de  leur  donner  des  nouveaux  habits  après  le  Bâtême. 
C'eil  à  cette  coutume  que  St.  Paul  fait  aikuîon,  quand  il  dit,  dépouillez... 
le  vieil  homme  ,   &  foyez,  revêtus  du  nouveau. 

C'eft  là  tout  ce  que  nous  avons  pu  découvrir  du  culte  des  Noachides 
6c  de  leur  Religion,  .6c  c'eft  ce  que  nous  avions  à. dire  fur  le  premier  6t- 


V.  10.- 


104  H  ï  S  T  O  I  R  E  D  E  S  D  O  G  M  E  S 

le  fécond  des  fept  commandemens  qui  leur  furent  donnez  j  qui  font  la  dé- 
fenfe  de  Tidolatrie  ,  Ôc  celle  de  profaner  le  facré  nom  de  Dieu  -,  dans  lef- 
quelles  défenfes  font  contenus  tous  les  préceptes  affirmatifs,  qui  regardent 
lé  fervice  divin.  Ce  que  nous  avons  dit  jufques  icy  eft  avantageux  à  cette 
Eglife,  puis  que  nous  y  avons  trouvé  des  Prophètes,  des  gens  très -éclai- 
rez, une  connoifllmce  très-belle,  des  mylferes  divins,  des  Sacrificateurs, 
des  autels,  diverfes  efpeces  de  facrificcs,  la  diflimStion  des  bêtes  nettes  ôc 
impures,  des  lavemens &: des  expiations 5  outre  les-prieres,  les  vœux  ôc 
les  loiianges.  Mais  (i  nous  voulons  poufler  nos  découvertes  plus  loin, 
nous  trouverons  que  bien  des  chofes  manquoient  à  cette  Eglife  ancienne. 
Nous  n'y  rencontrons,  ni  aflemblées  ordinaires  pour  le  fervice  divin,  ni 
Temples,  ni  fêtes  folemnelles  ,  ni  lieu  d'aflémblée,  ni  jours  particulie- 
mnent  deftinez  au  fervice  de  Dieu,  ni  de  difcipline  confédérée,  ni  corps 
d' Eglife  formé,  ni  Sacremens,  ni  Juges  établis  pour  terminer  les  contro- 
verfes.  Mais  parce  que  cette  fuppolition  a  l'air  de  paradoxe ,  il  eil  bon 
de  ne  la  pas  laifîer  paflèr  fans  preuve.  C'eft  pourquoy  après  avoir  parié  de 
ce  qui  fe  trouvoic  dans  cette  ancienne  Eglife ,  nous  allons  parler  des  cho- 
fes qui  ne  s'y  trouvoient  pas. 


CHAPITRE     XV-^ 

§Me  l' Eglife  avant  le  Déluge ,  &  avant  Moyp'  n'avott  point  des  jour  s 
marquez  ^our  lejervice  divin.  Quelles  étaient  les  Fêtes, 

De  l'Origine  du  Sahbat,  ^ 

Jours  defii-  A  Yant  à  parler  des  chofes  qui  manquoient  dans  l'ancienne  Eglife ,  la 
nezau  fervi-  j-\  première  qui  fe  prefente  à  nous,  &  que  nous  n'y  trouvons  pas,  ce 
Avant  Moyfe  tont  Ics  jours  deltmez  au  iervice  divm,  marquez  oc  revenans  par  cer- 

iin;yen      ^aius  pcriodcs.     La  plupart  des  Religions  du  monde  ont  aujourd'huyde 
avei  pas.      ^^^  jours  marquez  pour  leurs  dévotions.    Les  Chrétiens ,  les  Juifs  ôc  les 
îyîahometans  confacrent  le  feptiéme  jour  au  fervice  divin.  Les  Chrétiens 
le  Dimanche ,  les  Juifs  le  Samedi ,  êc  les  Mahoinetans  le  Vendredi.  Mais 
l'Eglife  qui  étoit  avant  Moyfe   n'étoit  aftrainteà  aucun  jour.  Les  jours  de 
fête  étoient  abfoîument  libres  -,  chaque  famille  les  choifiiîbit  pour  foy  com- 
me elle  le  jugeoit  à  propos.   C'eft  une  vérité  que  j'avance  avec  allez  de 
eonfîance ,  quoy  qu'elle  -ait  aujourd'huy  bien  des  contredifans.  Car  il  y  a 
beaucoup  de  Théologiens  qui  croyent,  que  la  coutume  de  confacrer  cha- 
que feptiéme  jour  au  fervice  de  Dieu ,  efl:  auffi  ancienne  que  le  monde ,  &  que 
les  Patriarches,  avant  ôc  après  le  Déluge,  ont  fuivi  cette  pieufe  pratique 
fans  interruption.    Cette  queflion  a  été  extrêmement  agitée  dans  nôtre 
fiécle,  ôc  il  n'y  a  point  d'Auteurs  qui  ayent  écrit  fur  le  Décalogue,  ou  fur 
DeTantiqui-  Ic  2,.  chap.  de  là  Gtn.  qui  n'ayent  amplement  traité  cette  matière.  Pref- 
téduSabat.    que  tous  nos  Thcologieus  font  dans  le  dernier  fentiment  5  c'eft  que  l'infti- 
tution  ôc  l'obfervation  du  Sabbat  font  de  tout  tems.   Les  Doéteurs ,  qui 
font  dans  l'opinion  contral'*ej  ie  font  remarquer  par  leur  lingularité,  ôc 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Pm.l.   lo^ 

fe  font  mis  une  grande  foule  de  cohtredifans  fur  les  bras.  Gomarus ,  cé- 
lèbre Profeflèur  de  l'Académie  de  Leyden,  efl;  un  de  ceux  qui  ontofé  fc 
réparer  de  la  foule.  Mais  Rivet, dans  la  DifTertation  de  l'origine  du  Sab- 
bat ,  lui  met  en  tête  une  grande  foule  de  témoins.  Le  partage  eft  un  peu 
moias  inégal  entre  lesX)oâ:eurs  de  l'Eglife  Rom.  Cependantjecroy  qu'il 
y  en  a  pour  le  moins  autant  qui  tiennent  pour  l'antiquité  du  Sabbat ,  que 
d'autres  qui  la  combattent.  Je  croy  aulîi  qu'entre  les  Juifs  modernes,  le 
plus  grand  nombre  ell  pour  cette  antiquité  du  Sabbat.  Et  j'avoue  que  je 
m'étois  laiiTé  emporter  à  la  multitude  :  mais  j'ay  été  contraint  d'en  revenir 
après  avoir  bien  étudié  la  matière.  Je  ne  veux  pourtant  pas  diffimuler  les 
.raifons  6c  les  preuves  de  ceux  qui  font  pour  l'antiquité  du  Sabbat  ,  afin 
que  ceux  qui  liront  cet  ouvrage  prennent  quel  parti  il  leur  plaira. 

Ceux  qui  prétendent  que  Dieu  a  inftitué  le  Sabbat  dés  le  commence-  Raifons  de 
ment  du  monde,  à  deflein  qu'il  fût  obfervé  dans  tous  les  âges  de  l'Egli-  Itç^nent 
fe  5  fe  fervent ,  i .  des  paroles  de  Moyfe,  qui  dit ,  que  Dieu  eut  achevé  de  pour  l'an- 
cre'er  le  monde  au  fepiéme  jour  ,    &  qu^il  le  bénit  &  le  fanBifia.     Dieu  répète  sabbat 
la  même  chofe  dans  le  4"**.  commandement ,   j4ye  fouvenance  du  jour  du  cen.z.  i. 
reps  ^c.  car  Dieu  tn  jîx  jours  créa  le  ciel  &  la  terre  ^  &  le  feptie'me  ilfe  repo-    *°  '*®° 
fa  ^  c^efi pourqmy  il  Pa  béni  &  PafanEltfié.  Il  ell  clair  que  cette  fanétification 
6c  cette  benediélion  du  feptiéme  jour  confîlle  ,  s'il  faut  ainfi  dire  ,  dans 
ce  que  Dieu  l'a  mis  à  part ,  êc  l'a  diftingué  des  autres  en  le  confacrant  à 
fon  fervice.  Or  il  fembleque  Moyfe  nous  dife  bien  clairement  que  cette 
confecration  fe  fît  dés  le  commencement  du  monde. 

2.  Ils  difent  qu'iln'ya  pas  d'apparence  que  les  Patriarches,  quiétoient 
6c  fî  faints  6c  fî  fages ,  n'euffent  pas  un  certain  jour  delliné  au  fervice  di- 
vin ;  que  s'ils  en  avoient  un ,  comme  il  femble  qu'on  n'en  peut  pas  dou- 
ter ,  l'on  ne  peut  pas  douter  aufîî,  qu'ils  n'euffent  choifî  le  feptiéme  jour,  à 
conter  depuis  la  création  du  monde,  puifque  Dieu  l'avoit  béni  6c  fanébi- 
fié.  ^.  ils  ajoutent,  que  la  Loy  de  la  nature  diète  aux  hommes ,  qu'il 
cft  jufle  de  donner  à  Dieu ,  au  moins  une  partie  de  nôtre  tems  j  que  cet- 
te Loy  étant  naturelle ,  elle  n'a  pu  être  ignorée ,  ni  négligée  par  \qs  Pa- 
triarches. Et  bien  que  la  nature  n'enfeigne  pas  que  ce  jour  dédié  au  fer- 
vice de  Dieu  doive  être  le  feptiéme  plutôt  que  le  cinquième ,  ou  le  qua- 
trième ,  cependant  la  raifon  ne  fauroit  ^uffi-ir  que  l'on  choififle  un  autre 
jour  que  celui  que  Dieu  avoit  choifi,  6c  qu'il  avoit  donné  aux  hommes, 
afin  qu'ils  celebrafTent  le  bienfait  de  la  création.  4.  On  ne  peut  pas  dou- 
ter que  l'Eglife  avant  le  déluge ,  6c  avant  Moyfa,  n'ait  connu  que  Dieu 
étoit  le  Créateur  de  l'Univers  j  6c  il  n'y  a  pas  d'apparence ,  qu'ils  ne  fe 
foient  pas  portez  d'eux-mêmes  àconfacrer  un  certain  jour  à  la  contempla- 
tion de  la  puiffance  6c  de  la  fageffe  de  Dieu,  qui  brillent  dans  ce  merveil- 
leux ouvrage  de  la  création.  Amfi  quand  ils  auroient  ignoré  cette  ancien- 
ne tradition  ,  qui  nous  apprend  que  Dieu  bénit  le  feptiéme  jour  ,  ils  fe 
feroient  portez  d'eux-mêmes  à  le  confacrer. 

5".  On  prétend  donc ,  que  toute  la  terre  a  fû  que  Dieu  a  créé  le  monde  ^e  Sabbat 
en  fîx  jours  ,  6c  qu'il  s'eft  repofé  au  feptiéme  >  6c  que  de  là  eil  venu  le  JeS  de 
refpeèt  que  toutes  les  nations  ont  toujours  eu  pour  le  nombre  de  fept.  t»"/"  Iq^ 
Car  ce  n'eft  pas  feulement  l'Ecriture  S^«-  qui  prend  le  nombre  de  fept  JayemiM. 
pour  un  nombre  de  perfeélion ,  6c  pour  un  nombre  faint  5  les  Payens  ont 
Part.  L  O  eu 


^ 


io6  HISTOIRE   DESDOGMES 

eu  le  même  fentimcnt.     Les  Pythagoriciens  croyoient  que  le  mot  sirrci^ 
qui  fignifie /e'/Jif ,  venoit  de  (Têi^rov  &  o-^Trà,  mot  qui  fignifie /^/rn?' ÔC  véné- 
rable.    6.  On  dit  encore  que  le  feptiéme  jour  a  été  célébré  6c  reconnu 
pour  iaint  £c  (acre  par  les  Auteurs  Payens  de  la  première  antiquité.     On 
rapporte  là-dellus  quantité  de  paiTages  d'Helîode,  d'Homère,  deLinus, 
lufeb.  Lib.  de  Callimaclius,  que  Clément  d'Alexandrie  a  ramaflez  dans  le  S'"*,  livre- 
"arïvaïT"  ^^  ^^^  Stromatcs,  &  qu'Eufebe  de  Cefaréc  nous  donne  auffi  dans  lefrag- 
«iV  îî-    *  ment  d'un  Philofophe  Juif  fous  le  faux  nom  d'Ariftobule.     Dans  ces  paf- 
fages  Hefiode  dit  que  le  feptiéme  jour  eil  un  jour  facré ,  wÀ  iÇr^Uy.-^  leph  v,[xcip. 
Linus  dit,  cjue  dans  le  fepne'me  j'oftr  toutes  chofes  ont  été  achevées  ;  le  jfepttéme^    . 
dit-il,  e(i  beau  ^  le  feptiéme  eft  f  origine  de  tout ,  le  feptiéme  eji  le  premier  &  le 
dernier  ,,  il  efi  parfait  &  achevé.     Ce  que  dit  Homère  revient  à  la  même 
chofe.  Ceux  qui  voudront  voir  ces  paflages  dans  toute  leur  étendue,  peu- 
vent confulter  les  fources  que  nous  leur  ayons  indiquées ,  Eufebe  &  Clé- 
ment d'Alexandrie ,  6c  outre  cela  Rivet  fur  la  Genefe ,  la  Diflertation  con- 
tre Gomarus  ,  &  Seldenus   de  jure  natarts,  &  gentium  lib.  2,.  cap.  16.    De- 
îous  ces  paflages  on  conclut ,  que  les  Grecs  n'ont  pu  favoir  que  le  feptié- 
me jour  eil.  un  jour  facré ,  que  par  tradition  :  que  cette  tradition  ne  leur 
peut.être  venue  que  des  Noachides,  dont  ils  étoient  les  enfans  ,  que  les 
enfans  de  Noé  n'ont  pu  favoir  que  le  feptiéme  jour  étoit  un  jour  facré , 
que  parce  qu'on  l'avoit  toujours  célébré  comme  tel  depuis  le  commence- 
ment du  monde.     7.  On  ajoute  quantité  de  paflages  pour  prouver  que 
l'obfervation  du  Sabbat  étoit  en  ufage,  même  parmi  les  Payens.   Theo- 
Theoph.  ad  philc  Evêquc  d'Autioche  dit,  (]ue  la  plupart  ignorent  la  caufe  du  nom  que  par"- 
Autoiycum.  ^^  j^  feptiéme  jour ,  lequel  cependant  tous  les  hommes  célèbrent.     Tertullien  dit 
que  l'on  confacroit  au  repos  6c  aux  grands  repas  le  jour  de  Saturne ,  qui 
Apologer.    eil  nôtre  Samedi,  ôc  le  Sabbat  des  Juifs.     Si  nom  célébrons ,  dit-il,  le  Dt- 
"?•  ^*"        manche  ^  ou  le  jour  du  Soleil^  fans  avoir  égard  au  foleil  ^  on  nous  doit  mettre  au 
même  rang  que  ceux  (Centre  vous  qui  confacrent  le  Samedi ,  ou  le  jour  de  Satur- 
ne ^  au  repos  ç^  a  la  débauche  ,    renonçant  a  leur  propre  coutume  ,   pour  fuivre 
AdRaîîon.  une  coûtume  fuive ,  dont  ils  ignorent  la  fource.     Et  dans  un  autre  lieu  :    Vom, 
Lîb.  I.         ^^i  yiQpi^  reprochez,  que  nous  adorons  le  foleil  a  caufe  que  nous  nous  affemblons  pour 
célébrer  le  jour  du  'Dimanche  ,    reconnotfjez.  qne  nous  fommes  vos  voijins  ,   puiS'^ 
Lib.  2.        que  vous  célébrez,  le  jour  de  Saturne  0"  les  Sabbats.  Jofephedit  quedeibntems 
a'dveif.  App.  j-Qm-gg  iç^  nations  obfervoient  le  feptiéme  jour  ;  il  «^  a  point  de  ville  Grec^ 
que  ^  dit-il,  ni  de  barbare^  ni  aucune  nation^  aufquelles  la  coutume  d°'obferver  lé 
liK  de      feptiéme  jour,  que  nous  obfervons,  ne  fait  parvenue.     Philon  Juif,,  autre  Au- 
Koijnopsca.  ^^^^,  c^^^  célèbre,  femble  dire  la  même  chofe  j  que  le  Sabbat  n'eil  pas  la. 
feile  d'une  province,  ou  d'une  ville  particulière,  mais  de  tout  le  monde  5, 
qu'elle  feule  mérite  d'être  appellée  la  fête  publique,  7riv'^v;/xoç,  parce  que 
c'ell  la  fête  de  lanaiflànce  de  l'Univers:  &  ailleurs  en  louant  les  coûtu- 
Lib.  z.        mes  de  fa,  nation  j.  Quiefi-ce^àit-û,  qui  ne  refpeUte  le  feptiéme  jour  facré ^  qui 
Mofis.         donne  relâche  &  vigueur ,  &  a  lui  ^  d^  à  ceux  qui  font  proche  de  lui  :  non  feulement  à 
ceux  qui  font  libres  ^  mais  principalement  aux  ferviteurs ,  ç^  à  ceuxquifontfouss 
suMon.       le  joug?  Suétone  dans  la  vie  de  Tibère  raconte,  qu'un  certain  Grammai- 
cap.'î'z.       rien,  nommé  Diogene,    tenoit  école  publique  tous  les  jours  de  Sabbat, 
ôc  que  Tibère  ayant  eu  la  curiofité  de  l'ouïr,  alla  dans  fon  école,  mais 
qu'il  l'avoit  remis  au  Samedi,  fuivant  j  c'ell-  à  -  dire  à  7.  jours  delà.    Ce 

Giam- 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Tart.l.   mj 

Grammairien   peu  de  tems  après  étant  venu  à  Rome  pour  faluër  l'Em- 
pereur 5  Tibère  ne  fit  autre  chofe  que  de  lui  ordonner  de  revenir  dans 
iept  ans.  Cette  Hiftoire  fait  voir  que  les  Payens  divifoient  déjà  leur  tems , 
&  par  femaines  ,  &  par  Sabbats.     Jean  Philoponus,  fameux  Commenta- 
teur d'Ariftote,  qui  vivoit  dans  le  fixiéme  fiécle  ,  dit  exprellement ,  que 
toutes  les  nations  contoient  les  tems  par  femaines  :    Certainement ,  dit  -  il  5  ^^  opert 
tous  les  hommes  font  d"^ accord  ^pPil  n'y  a  que  fept  jours  ,    de  la  révolution  defqHels  de  Cieat. 
tout  le  tems  efi  compofé 3  ^  l'on  ne  peut  rendre  d'autre  raifon  de  cttte  opinion  ge^ 
nerale  ^  que  celle  que  nous  donne  tjMoyfe.    Saumaife  dit  avoir  vu  dans  la  Bi- 
bliothèque du  Roy  une  Chronologie  d'un  nommé  George  Syncellus,  qui 
dit,  que  les  Anciens  contoient  le  tems  par  femaines,  avant  quel'ufage  des 
mois  &;  des  années  iût  établi  j  &  que  ce  font  les  Chaldéens,  Auteurs  de 
r  Aftrologie,  qui  ont  donné  aux  fept  jours  de  la  iémaine  les  noms  des  fept 
planètes.  Il  paroit  que  les  Romains  regardoi^nt  le  Sabbat ,    qu'ils  appel- 
loient  le  jour  de  Saturne ,  comme  un  jour  dans  lequel  il  n'étoit  pas  bon 
d'entreprendre,  ou  un  voyage,  ou  un  ouvrage.  Un  Poète  Latin  dit,  en 
reprelentant  la  peine  qu'il  avoit  à  s'éloigner  de  fa  maîtreffe  ,   que  fa  paf- 
iîon  lui  faifoit  toujours  imaginer  quelque  prétexte  pour  différer  fon  voya- 
ge: tantôt  c'étoit  un  mauvais  prélage  qui  l'avoit  retenu:  tantôt c'étoit  le 
jour  de  Saturne  qui  Favoit  arrêté. 

Aut  ego  fum  cauffatus  aves ,  aut  omina  dira  ^  -^  TibulL 

Saturni  aut  facram  me  tenutffe  diem.  cap.  ï. 

-'  ^^  Eleg.  %■■> 

Et  Ovide  dans  fes  livres  de  l'Art  d'aimer,  en  difant  ce  que  Ton  doit  fai- 
re pour  être  aimé  de  fa  maîtreffe  ,  dit  entr'autres  chofes ,  qu'il  faut  évi- 
ter les  jours  malheureux  dans  lefquels  on  ne  doit  rien  entreprendre  ,  & 
entre  ces  jours,  il  conte  le  feptiéme  &  le  Sabbat, 

.Cuba  PaUjlino  feptima  fefia  viro.  Be  Arte 

,  Am.Lib.  itï^ 

De  tout  cela  on  conclut,  que  tous  les  peuples  du  monde  ont  eu  un  égard 
particulier  pour  le  feptiéme  jour  j  qu'ils  ont  conté  le  tems  par  femaines , 
6c  que  cela  ne  peut  être  venu  que  de  la  coutume  obfervée  de  tout  tems , 
c'eft  de  confacrer  le  feptiéme  jour.  Et  de  là  il  s'enfuit,  que  l'Eglilequi  ^ 
a  précédé  Moyfe  avoit  fes  jours  marquez  pour  fes  affemblées ,  &  pour  fes 
dévotions. 

Quelque  apparentes  que  foient  ces  raifons  6c  ces  preuves ,  il  efl  certain  Raifons  de 
que  celles  du  parti  contraire  ont  plus  de  force,     i .  Le  lilence  de  Moyfe  nkiuTanti- 
là-deffus  efl  une  difficulté  qu'on  ne  fauroit  bien  refoudre.     Le  livre  de  la  ^^^^  ^^ 
Genefe  ,   qui  contient  PHiiloire  de  cette  première  Eglife  ,   devoit  avoir 
dit  quelque  chofe  de  robfervation  du  Sabbat,  fi  elle  étoit  alors  en  ufage. 
Eft-il  poffible  que  fi  fouyent  il  nous  foit  parlé  dans  ce  livre  des  aâions,  6c 
du  culte  de  ces  premiers  fidèles,  des  vœux,  de  leurs  prières,  de  leurs  au- 
tels 6c  de  leurs  facrifices,  6c  qu'il  ne  foit  pas  dit  un  mot  du  jour  defliné 
à  leurs  dévotions  pubhques?  Car  il  efl  certain  qu'onne  lit  aucune  circonf- 
tance  dans  toute  cette  Hifloire,  qui  nous  puifie  faire  foupçonner  qu'au: 
cun  jour  de  la  femaine  fût  plus  particulièrement  defliné  à  Dieu  que  les 

O  2,  autres» 


i.o8  HISTOIRE  DES  DOGMES 

autres.  2.  Les  péchez  des  hommes  de  cette  génération  nous  font  aflez 
exadlement  marquez  dans  cette  Hilloire  :  l'incelle  de  Lot  ,  l'idolâtrie  de 
Laban,  le  meurtre  deCaïn,  le  péché  d'Elaii,  qui  vendit  fon  droit  d'aînef- 
fe,  le  péché  de  Jacob,  qui  trompa  fon  frère,  la  violence  de  Simeon  ôcde 
Levi,  qui  tuèrent  lesSichemitesi  les  trahifons  des  enfans  de  Jacob  contre 
leur  frère  Joie ph,  le  péché  dejuda,  qui  coucha  avec  fa  belle-fille  >  &il  ne 
nous  eÛ  parlé  d'aucun  qui  ait  violé  le  Sabbat.  Au  lieu  que  depuis  que  la  Lny 
fut  donnée ,  on  ne  lit  autre  chofe  dans  les  écrits  des  Prophètes  que  des  re- 
proches contre  les  violateurs  du  Sabbat. 
Le  corn-  ^.  Les  Théologiens  demeurent  d'accord,  que  Dieu  ne  donna  point  à 

dîi"sabblt  ne  Adam  d'autre  commandement  pofiiif  que  la  défenfe  de  manger  du  fruit 
*'"t  P^s  don-  défendu.     Et  par  conféquent  ce  que  dit  Moyfe  que  Dieu  fandifia  le  fep- 
®*      ^'   tiéme  jour  &  le  "bénit,  ne  peut  lignifier  qu'il  ait  commandé  à  Adam  de  le. 
fanélifier.  Car  ce  feroit  un  nouveau  commandement  pofitif, ajouté  à  celui 
de  ne  point  manger  du  fruit  de  l'arbre  de  fcience.  4.  Ce  commandement 
a  même  quelque  chofe  d'oppofé  à  l'état  d'innocence  ,   dans  lequel  étoic 
Adam,  quand  D;eu  benii  le  feptiéme jour.  Il  n'eft  point  du  tout  vray-fem- 
blable,  que  Dieu  eût  marqué  au  premier  homme  un  certain  jourdeilinéau 
repos ,  à  la  contemplation  ôc  à  la  pnere  :   Dans  cet  état  d'innocence  il 
n'auroit  pas  eu  befoin  de  repos ,  fon  travail  auroit  été  très  médiocre  ,   & 
la  terre,  qui  n'avoitpas  encore  été  maudite,  lui  eût  produit  d'elle-même, 
fans  grande  culture ,  toutes  les  chofes  necefîaires  à  la  vie.     Et  quand  mê- 
me on  liippoferoit,  que  le  travail  d'Adam  eût  été  violent ,  Tes  forces  n'étant 
pas  encore  fu jettes  à  cette  grande  diminution,  que  la  fatigue  apporte  au- 
jourd'hui ,  il  n'auroit  pas  eu  belbin  d'un  grand  repos.  Il  n'étoit  pas  necef» 
faire  non  plus  de  lui  donner  un  jour,  dans  lequel  il  pût  s'occuper  librement 
a  la  contemplation  ;   car  il  eft  certain  que  fa'  vie  toute  entière  auroit  été- 
employée  au  fervice  de  Dieu.     Il  eft  donc  clair,  que  ce  commandement 
n'ell  bon  qu'à  l'homme  corrompu  ôc  miferable ,  qui  eft  obligé  d'employer 
k  plus  grande  partie  de  fa  vie  au  foin  du  corps ,  èc  qui  ne  ] auroit,  à  caule 
de  la  petitefte  de  fon  cœur  ,   parmi  les  autres  occupations,,  s'attacher  à  la. 
contemplation  avec  toute  l'affiduité  neceftaire.    f .  Si  ce  commandement 
avoit  été  donné  dans  l'état  d'innocence  ^  il  eft  certain,  qu'il  obligeroit  tous 
les  hommes:  Car  tous  les  coramandemens  qu'Adam  a  reçus  dans  le  tems 
qu'il  reprefentoit  encore  tout  le  genre  humain,  il  les  a  reçus  &  pour  lui, 
&  pour  tous  {es  enfans.     Mais  perfonne  n'a  jamais  imaginé,  que  les  hom- 
mes félon  les  loix  de  la  nature  dûlTent  être  punis  pour  n'avoir  pas  obfer- 
vé  le  Sabbat.     On  eft  très  perfuadé,  que  les  Juifs  feuls  auront  à  rendre- 
conte  de  l'infraélion  de  ce  commandement.     6.  Il  n'y  a  pas  d'apparence^, 
que  (1  ce  commandement  étoit  d'une  fi  grande  antiquité,  Moyfe  n'en  eût 
recommandé  l'obfervation  par  une  rai  fon  prife  de' cette  antiquité,  quand; 
il  le  donna  auxifraëlites,  fJar  on  fait  bien,  qu'il  n'y  a  rien  de  plus  propre  à 
^  rendre  un  commandement  vénérable,  que  de  faire  connoitre  qu'il  eft  auftî. 

©iêa  donna  ancicn  quc  le  monde. 

tM  le  Sabbat  ?-  Au  rcftc  il  paroît,  quc  Dieu  avoit  donuélc  Sabbat  aux  Ifraëlitcs,  pour 
pontdes  rai-  (Jes  raifons  qui  leur  étoient  particulières 5  6c  par  conféquent  l'obfervation 
n'éto?e"nt  du  Sabbat  ne  pouvoit  pas  être  une  chofe  commune  à  toutes  les  nations  : 
bonnes  que  SoHvien-tûji ^  dit  Moyfc  ,  qm  tH  as-  été.ferfsn  Egypte,  (^rqae  l"* Eternel  t'^d  tiré 

de 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Part.l.  ïéf 

de  la  a  ntMn  forte ^  &  avec  un  hras  e'tenda  :,  ceflpomquoy  il  t'a  commandé  à' oh"  Dâuter,  ^ 
ferver  le  jour  du  Sabbat.    Comme  la  délivrance  de  la  captivité  de  l'Egypte 
étoit  particulière  aux  Ifraëlites  ,    puis  que  le  Sabbat  leur  eft  donné  pour 
eonferver  la  mémoire  de  cette  délivrance,  il  eft  clair  que  le  Sabbat  n'é- 
toit  fait  que  pour  eux,  &  qu'il  n' étoit  pas  avant  eux.     8.  Dieu  dit  en  un  Exodeai, 
îïutre  endroit,  que  le  Sabbat  étoit  unfigne  de  l'Alliance  entre  ce  peuple  ôc 
lui  i   Fnnez.  garde  que  voui  obferviez.  mes  Sabbats  ,  car  c'efl  un  figne  entre  moy 
&  vous  en  vos  générations  ,    afin  que  vous  Cachiez,  cjue  c''efi  moy  le  Seigneur  qui 
vous  fauve.     Ccft  un  figne,  c'eft-à-dire,  c'eftune  marque  de  dillinélion 
qui  vous  feparerade  tous  les  peuples  de  la  terre.  Gomment  le  Sabbat  pour- 
roit-il  être  une  marque  de  dilHnébion  ,   s'il  avoit  été  commun  à  tous  les 
tems6cà  toutes  les  nations  ?   p.  En  un  mot,  dans  toute  l'Ecriture  du  V. 
Tefla  ment,  tant  de  iMoyfe  que  des  Prophètes,  Dieu  déclare  en  tous  lieux, 
que  c'eft  aux  Ifraëlites  qu'il  a  donné  (es  Sabbats.     Cela  ne  fignifîc  rien  , 
ou  cela  veut  dire  que  l'ordonnance  du  Sabbat  a  été  donnée  à  ce  peuple; 
exclufivement  à  toutes  les  autres  nations.     Et  cela  ne  peut  fubiifter  avec 
cène  fuppoiîtion ,  que  l'obfervation  du  Sabbat  foit  auffi  ancienne  que  le 
ménde,  6c  que  Dieu  l'ait  donné  au  premier  homme  pour  lui  &  pour  tous 
fes  décendans.     lo.  L'une  des  raifons  qui  me  confirme  dans  cette  opi- 
nion, c'eft  ce  que  je  dirai  &  que  je  prouverai  dans  la  fuite,  que  dans  ces 
tems  il  n'y  avoit  aucune  Eglife  externe,  formée,  êc  qui  eut  fes  afîem.blées 
publiques.   Or  le  principal  ufage  des  jours  marquez  Se  deftinez  au  fervice 
de  Dieu  c'eft  celui-  ci ,  qu'il  y  ait  un  certain  tems  6c  de  certaines  heures  que 
perfonnc  ne  puifle  ignorer  ,   afin  qu'on  fe  rencontre  tous  en  même  lieu 
pour  le  fervice  divin.    Or  il  eft  clair,  que  là  où  il  n'y  a  pas  d'afiemblées 
Iblemnelles  6c  réglées  ,    on  n'a  pas  auffi  befoin  de  jours  folemnels  6c 
réglez. 

1 1.  Outre  ces  raifons ,  s'il  faut  combattre  par  autoritez  6c  par  témoi-  Autorîtez 
gnages ,  ce  que  nous  pouvons  produn'e  en  notre  raveur  paroit  beaucoup  gnages  con^ 
plus  fort  que  ce  qu'on  nous  oppofe.   i.  Nous  avons  le  confenrement  una-  "5 l'antique 
nime  de  tous  les  Juifs  anciens:  Or  il  eft  certain  que  ces  gens-là  font  dignes"  "^^    ^' 
de  foy,  quand  il  s'agit  des  antiquitez  de  leur  Religion,  parce  qu'ils  y  font 
beaucoup  plus  favans  que  les  Chrétiens.  Les  Juifs  donc  nous  diiënt,  qu'a- 
vant la  fortie  du  peuple  d'Ifraël  hors  d'Egypte  ,   le  commandement  de 
garder  le  Sabbat  n'avoit  encore  été  donné  à  perfonne ,  6c  qu'il  fut  donné 
en  Mara,  qui  eft  la  cinquième  ftation  des  Ifraëlites  dans  le  defert.  Moyfe  Exod,i5i 
dit  qu'en  ce  lieu  Dieu  propoùt  ordonnances  or  jugemens  :    les  Hébreux  en- 
tendent cela  des  fept  préceptes  des  Noachides ,  qui  dans  ce  lieu  furent  re- 
nouveliez ;  6c  trois  autres  qui  furent  ajoutez  ,   félon  leur  tradition.     Le      _ 
commandement  du  Sabbat  étoit  l'un  de  ces  trois.     L'Auteur  de  cette 
grande  Chronique  ,   qu'ils  appellent  à9.ns  leur  langue  Seder  OIam'l{abba^ 
dont  l'Auteur  s'appelloit  Rabbi  Qoilpetha  ,   6c  vivoit,  comme  l'on  croit, 
fous  les  Antonins,  dit  expreflement  q^e  ce  fut  en  ce  lieu  de  ^JA^ara  ^  queles' 
fept  préceptes  des  TSloachides  furent  donnez,  atix  Ifraëlites  ,    &  qu'on  y  ajouta  le 
commandement  d^obfervep  le  Sabbat ,   lesjugemens,  &  fhonneur  qu''on  doit  aux 
pères  &  aux  mères.    Le  Talmud  de  Babyione  dit  la  même  chofe  j  Les  If- 
raëlues  reçurent  a  -Af-ura  dix  préceptes  ^  fept  qui  étoient  des  Noachides  ^'é'  qui  ap- 
fartenoient  a^  tout  le  genre  humain  \  Pon  y  ajouta  le  Sabbat  ^  lesjugemens(^Phon- 

O  z  nem 


iio         HISTOIREDES  DOGMES 

neur  ^u^on  doit* aux  pères  &  mères  ;  &  c'efi  a  cela  ojH^on  doit  rapporter  ce  ejue  T)iea 
dit  dans  le  Deuteron.  au  chap.  ^.  félon  cjne  P Eternel  ton  Diepi  t'^a  commande  -^  car 
il  dcjigne  par  ces  mots  les  préceptes  donnez^  en  Mara,   La  Paraphrafe  Chaldaïque 
dans  ce  paflage  du  15.  de  TExode,  où  ilefl  dit,  que  Dieu  donna  à  Mara 
ordonnance  &  jugement,  a  tourné  P ordonnance  du,  iS<«j^^<aîf  :  tant  il étoit  alors 
conilant  encre  les  Juifs,  que  le  précepte  d'oblèrver  le  Sabbat  avoit  étédon- 
né  dans  ce  lieu.  Enfin  M.iimonides,  grand  Doâeur  entre  les  Juifs  moder- 
M   e  Nevo-  ^^^  5  ^^^  "àxx^x ,  cjue  le  premier  commandement  cjue  Dieu   donna  après  la  [ortie 
chimpaïtej,  (X' Egypte  fut  cebij  qui  fut  donné  en  Mara^  &  c^u'^il y  a  une  ancienne  Tradition^ 
"^■'^**         qtie  le  Sabbat  i^  les  "fugemens  ^  cejl-a-dire,  le  formulaire  des  jpigemens,  furent 
donnez,  dans  le  même  lieu  de  Adara.  Bien  que  le  commandement  d'obferver 
le  Sabbat  ait  été  donné  en  Mara,  félon  les  juifs,  ils  difent  pourtant, que 
le  premier  Sabbat  ne  fut  obfervé  qu'au  Défert  de  5m,  quand  Dieu  fit  dé- 
cendre la  manne.  En  effet  c'efl  le  premier  lieu  où  il  eft  parlé  du  Sabbatj 
■^,16  zzzj.f^^f^^  o«  vint  au  fixtéme  jour  ^  ils  recueillirent  du  pain  au  double^  favoir  deux 
■  Omers  pour  chacun-,  &  les  principaux  de  l^  Affemblée  vinrent  pour  le  rapporter  a, 
Jldoyfe ,   qui  leur  répondit ,  c'^efique  l' Eternel  a  à.it  ,  demain  eft  le  Repos  ^  le  Sab- 
bat a  PEternel^  ce  que  vous  aurez,  a  cuire  faites-le  cuire.    Ce  fut,  difent-iis, 
dans  la  ftation  d'^Alus^  qui  étoit  la  dixième  ,  que  ce  premier  Sabbat  fut 
obfervé.  Il  n'eft  point  parlé  d'Alusà-x^^  le  Livre  de  l'Exode; mais  au^^^ 
chap.  du  Livre  des  Nombres,  Alus  eft  contéaprés£)o/t^<2,6c  Z)(?/t^(î après 
le  Défert  de  Sin.  Dans  l'Exode,  il  n'eft  parié ,  ni  de  Dofcha  ^m  a*  Alus  ^yp.2iX-- 
ce  que  c'étoit  des  parties  du  Défert  de  Sin. 
Le  premier       Nous  ne  voudrions  pas  nous  rendre  garands  du  détail  de  cette  tradition: 
!eb!?dîi?ie  ^^^^  ^"  gênerai  ce  que  difent  les  Juifs  eft  trés-affûré,  que  le  commande- 
Défert.        ment  du  Sabbat  fut  donné ,  ou  peu  de  tems  avant  la  chute  de  la  manne, 
ou  dans  le  tems  même  que  la  manne  tomba  pour  la  première  fois.     Cela 
eft  évident  par  l'Hiftoire  de  Moyfe  :  fi  les  Ifraëiites  avoient  obfervé  le 
Sabbat  avant  ce  tems-là,  ils  n'auroient  pas  été  furprisdecequeDieuleur 
donnoit  le  double  de  manne  la  veille  du  Sabbat  5  ils  auroient  bien  com- 
pris ,  qu'étant  obligez  de  ferepofer  le  feptiéme  jour  ,  Dieu  auroit  dû  leur 
donner  une  double  portion  le  fixiéme  jour ,  afin  qu'ils  ne  fufient  pas  obli- 
gez de  travailler  le  lendemain.   Outre  cela  Moyfe  leur  dit  exprelfément, 
voyez,  que  ï^ Eternel  vous  a  ordonné  le  repos.    Il  n'auroit  pas  dû  parler  ainfi ,  ce 
me  ferable ,  fi  le  Sabbat  avoit  été  d'une  ancienne  obfervation.  Il  y  a  mê- 
me des   Auteurs  qui  recueillent  d'icy  ,  que  le  Sabbat,  qui  fut  le  premier 
obfervé  dans  ce  Défert,  ne  fut  pas  le  i'eptiéme  jour,  par  révolution  conté 
*  depuis  la  création  du  monde  5  mais  que  ce  fut  le  leptiémejourj  depuis 

le  premier  jour  que    la  manne  commença  à  tomber  ,  parce  que  Moyfe 
''dit,  d"  quand  fe  vint  aw  jixiéme  jour  ,    ils  recueillirent  du   pain   au    dokhle-y 
c'eft-à-dire  ,  félon  quelques  interprètes,  après  que  la  manne  fut  tombée 
fix  jours  de  fuite,  Dieu  marqua  le  feptiéme  jour  pour  un  jour  de  repos. 
C'eft  l'opinion  dePaulus  Burgenfis  Evêque  de  Burgos,  qui  avoit  été  Juif, 
s  utin        ^  celle  de  Gomarus  ,  dont  nous  avons  parlé.    Si  vous  confidcrez.  avec  at- 
scripturx     tention ,  dit  cet  Evêque  Efpagnol ,   le  premier  Sabba^  qui  a  été  célébré  dans 
fnd  8  cap  ^^  E^efert ,  ce  ne  fut  pas  le  fepttéme  jour ,  répondant  au  premier  Sabbat ,  qui  fut 
4  .  au  commenceraient  du  monde  s  mais  ce  fut  le  feptiéme  jour  ,    a  conter  depuis  que 

la  manne  commenta  a  décendre.   Or  on  ne  lit  pas  que  le  feptiéme  jour  ^  dans  lequel 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Tart.l.    ni 

la,  manne  décendit ,  fe  foit  rencontre  avec  le  premier  jour  de  la  [emaine  \  en  forte  cjue . 
ce  Centième  jour  ,  depuis  la  chute  de  la  manne  ^  foit  abfolument  le  même  cjue  le  Cen- 
tième jour  cjui  avait  été  fanUifie  des  le  commencement  du  monde.  Au  contraire  il 
efl  plus  probable  ,  que  la  manne  ne  commença  pas  k  décendre  le  premier  jour  delÀ 
femaine.  Car  le  premier  foir  de  ce  jour-la^  il  tombades  cailles  ^  &  ils  en  furent 
rajfaffiez..  Or  il  eft  confiant  ^  que  file  foir  dans  lequel  les  cailles  tombèrent  eût  été 
le  foir  du  ]our  du  Sabbat  ^  il  ne  leur  eut  pas  été  permis  de  les  amaffer  \  ni  de  les 
préparer  pour  en  manger.  D'eu  il  efi  clair  ^  que  le  jour  qui  précéda  le  matin,  dans 
lequel  la  manne  tomba  pour  la  première  fois ,  n'hélait  pas  le  jour  du  Sabbat  ;  &par 
conféquent  le  jour  de  la  chute  de  la  manne  ne  fut  pas  le  premier  de  la  femaine. 
Cette  conjedure  eft  trop  hardie,  &  laraifon  fur  laquelle  elle  eft  appuyée 
eft  faufte.  Quand  il  feroit  vray,  que  les  cailles  Teroient  tombées  le  jour 
même  du  Sabbat,  les  Ifraëlites  auroient  pûlesamalîér,  les  préparer  ôcles 
manger ,  depuis  le  foleil  couché  jufqu'à  la  nuit.  Comme  le  Sabbat  com- 
mençoit  après  le  foleil  couché  du  jour  précèdent,  il  finiflbit  aufti  tout 
auflî-tôt  que  le  foleil  étoit  couché.  Il  faut  donc  fe  propofer  dans  cette  quef- 
tion,  comme  un  principe  indubitable,  que  le  jour  du  Sabbat  eft  le  même 
jour  que  Dieu  avoit  fandifié  dés  le  commencement  du  monde.  Outre  que 
la  tradition  conftante  nous  en  aflïïre ,  le  quatrième  commandement  du 
Decalogue  nous  le  dit  affez  clairement. 


CHAPITRE    XVL 

De  l'origine  &  de  l'antiquité  desfemaines  :  T)e  U  manière  de  divi^ 

fer  le  tems,  qui  étoit  en  ufage  entre  les  Romains  :  des  Nundmes  y 

des  Calendes ,  des  Nones  &  des  Ides.  Réponje  aux  pajfages  qui  ont 

été  apportez  pur  prouver  l'antiquité  de  l'obfervatton  du  Sabbat. 

N'Ous  venons  de  voir  une  extrémité  que  l'on  doit  éviter  dans  cette  LesPaftiar^ 
difputey  c'eft  celle  de  l'Evêque  deBurgos,envoicyuneautre5à  !a-  f^g^j'lç^' 
quelle  on  n'a  pas  pris  garde  j  c'eft  celle  de  ceux  quicroyént  quele  eemsparfe-, 
feptiéme  jour  étoit  inconnu  avant  Moyfe,  ôc  que  les  Patriarches- ne  divi'  ^£""0^^' 
fbient  point  leur  rems  par  femaines.  je  diftinguc  donc  extréipement  ces  l'obf^rva- 
deux  queftions ,  que  la  plupart  des  Auteurs  confondent.  La  première  eft,  1;°'^^"  ^""^ 
lavoir  11  le  ieptiemejour  a  eteconlidere  comme  un  jour facre avant  Moyle, 
&:  enfuite  entre  toutes  les  nations  :  comme  Philon  Juif  femble  le  croire  , 
puis    qu'il   appelle  le    Sabbat  èoprvi  nth^y^oç    une  fête  univerfelle.     La 
féconde  queftion  eft,  fi  l'u.fage  des  femaines  a  été  connu  avant  le  Déluge 
&  avant  Moyfe.     Quant  à  la  première  queftion  ,  je  penfe  avoir  montré 
de  quelle  manière  on  y  doit  répondre:  c'eft  qu'on  peut  dire  que  le  feptié- 
me jour  n'a  point  été  un  jour  facré  avant  Moyfe,  ôc  que  depuis  luy  les 
Juifs  feuls  l'ont  obfervé  comme  un  jour  facré.  Mais  fur  la  féconde  queftion, 
je  dis  que  l'ufage  des  femaines  a  été  de  tout  tems,  6c  avant  le  Déluge  ,& 
^prés  le  Déluge,  6c  que  toutes  les  nations  Orientales  ont  divifé  les  jours 
du  mois  par  fept.  Cette  diftinétion  nous  tirera  de  toutes  les  difticultez  qùè  , 

nous 


nî  HISTOIRE  DES  DOGMES 

nous  font  ceux  qui  tiennent  pour  l'antiquité  du  Sabbat.  C'eft  pourquoy 
avant  que  de  paflTer  outre  ,  nous  dirons  quelque  chofe  de  l'antiquité  des 
femaines ,  ôc  des  différentes  manières  de  divifcr  le  tems  qui  ont  été  en 
ufage  entre  les  nations. 
rreuvcs  que      H  y  a  des  Auteurs  quifemblent  faire  l'ufage des  femaines  afiez  nouveau.. 
dïvifedes    Cafaubon  dans  fes  Notes  fur  Suétone ,  à  propos  de  ce  Diogene  Grammai- 
nioisenre-  rien  de  Rhodes,  dont  nous  avons  parlé  dans  le  chapitre  précèdent,  dit, 
d*e  toute  ÏÏ  que  Tufage  des  femaines  ne  fut  reçu  que  du  tems  deTheodofe,  obfervatio 
cienneté      fepttmanA  cjdd  hoâie  obtinet  mte  tempora  Theodojii  non  vulgo  receptafmt.    Hof- 
û^lJ^'    pinien  ellime  qu'elles  ont  commencé  dans  le  tems  dePtolomée  le  fameux 
itisueton.    Allrologue,  qui  vivoit  fous  Antonin  le  pieux,  environ  l'an  140.  de  notre 
Lit",  a.' de     S.  J.  Ch.  Ces  Auteurs  ne  parlent  proprement  que  du  tems  dans  lequel  les 
Feftiscap.î.  G^ecs  8c  Ics  Romains  ont  reçu  la  coutume  de  conter  les  jours  par  femai- 
nes.  C'eil  pourquoy  ils  ne  font  pas  fi  éloignez  delà  vérité  qu'ils  feroient, 
s'ils  avoient  intention  de  dire,  que  l'ufage  des  femaines  ne  s'efl  établi  en- 
tre les  nations  Payennes  en  gênerai ,  que  fous  les  Empereurs  Romains. 
Je  croy  donc  que  cet  ufage  a  été  perpétuel  dans  tout  l'Orient  :  que  depuis 
le  commencement  du  monde,  on  a  divifé  les  tems  par  femaines,  &  que  la 
coutume  en  étoit  établie  dans  le  fiécle  des  Patriarches ,  qui  ont  vécu  avant 
le  Déluge.  Mes  raifons  font,  i.  qu'il  y  a  apparence  que  les  Patriarches  n*i- 
gnoroient  pas  que  le  monde  avoit  été  crée  en  fîx  jours ,  &  que  Dieu  s'é- 
toit  repofé  le  feptiéme.  Adam  le  favoit  fans  doute  5  Lemec,  qui  avoit  vu 
Jî  long-tems  Adam,  ne  le  pouvoit  ignorer  i  Se  Noé  le  devoit  avoir  appris 
de  Lemec  fon  père,  &  le  devoit  avoir  enfeignéà  (ts  enfans.    Ainfîil  eft 
apparent  qu'entre  toutes  les  maanieres,  qu'ils  aui'oient  pu  choiiîr,  pour  conter 
leurs  jours ,  ils  ont  choifi  celle  queDieu  avoit  confacrée ,  favoir  le  nombre  de 
fept.  2,.  On  peut  dire  que  la  nature  toute  feule  nous  conduit  à  cette  manière 
de  conter.  Car  comme  l'année  fe  forme  naturellement  par  une  révolution 
du  foleil,  le  mois  par  la- révolution  delà  lune  ,auffi  les  quatre  différentes  for- 
mes que  la  lune  prend  dans  fon  cours,  divife  naturellement  le  mois  en  quatre 
parties ,  dont  chacune  doit  être  compofée  de  fept  jours.  Or  il  efl  certain  que 
les  premiers  hommes  ont  eu  les  mois  lunairesjôc  il  efl  comme  impofîible,qu'ils 
n'ayent  divifé  cts  mois  en  quatre  parties.    La  première  efl  depuis  la  nou- 
velle lune  jufqu'àla  première  quadrature  :  la  féconde ,  depuis  cette  prem-ierc 
quadrature  jufqu'à  la  pleine  lune  :  la  troifiéme,  depuis  la  pleine  lune  juf- 
qu'àla dernière  quadrature  :  ôcla  quatrième,  depuis  cette  dernière  quadra- 
ture jufqu'à-ce  que  la  lune  fe  trouve  entièrement  plongée  dans  les  rayons 
du  foleil.  Or  ces  quatre  parties  font  chacune  de  fept  jours.  ■^.  Qiiand  les 
premiers  hommes  n'auroient  pas  eu  ces  raifons  de  conter  les  tems  par  fe- 
maines, Dieu,  qui  avoit  detliné  le  feptiéme  jour  pour  être  le  Sabbat,  & 
un  jour  facré ,  fans  doute  n'eût  pas  permis  que  les  hommes  l'eufFent  oublié. 
La  Providence  a  donné  ordre  que  la  mémoire  de  ce  jour,  qui  devoit  être 
un  jour  facré ,  ait  été  confervée  par  la  confervation  de  cet  ufage  de  con- 
ter les  jours,  par  les  révolutions  de  fept  en  fept. 

4.  Mais  nous  avons  là-defîtls  quelque  chofe  déplus  fort  que  des  conjec- 
tures. Il  efl  clair  par  l'Hifloire  du  Déluge,  que  dans  le  tems  de  Noé,  les 
jours  fe  contoient  par  femaines.   Moyfe  nous  dit,  que  Noé  attendit  fept 
jours,  après  qu'il  eut  vu  que  les  eaux  s'écouloiejitdedeffus  la  terre,  &  lâ- 
cha 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  P^rAl.    ii^ 

dha  le  corbeau  6c  le  pigeon  5  mais  le  pigeon  n'ayant  pu  trouver  oli  fe  re- 
pofcr,  il  revint  à  luyj  &  Noé  attendit  encore  lept  autres  jours,  &  lâcha 
encore  une  fois  le  pigeon,  qui  revint,  mais  ayant  une  branche  d'olivier  à 
fon  beCo  Noé  attendit  encore  fept  autres  jours,  puis  lâcha  le  pigeon  pour 
la  troifiéme  fois,  N'eft-il  pas  clair  qu'il  fàifoit  éc^Kfoit  ce  que  nous  fai- 
fons  aujourd'huyj  car  nous  attendons  ôc  nous  remettons  d'une  femaine  à 
une  autre,  quand  lihe  chofe  n'eft  pas  encore  dans  l'état  que  nous  la  fou- 
laitons.  L'Hiftoire  du  mariage  de  Jacob  avec  les  deux  filles  de  Laban 
iious  apprend  la  même  chofe.  Jacob  ayant  été  trompé,  parce  qu'on  mit 
Xvca  à  la  place  de  Rachel,  Laban  luy  dit,  achevé  la  femaine  de  celle- 
-C}' ,  Ôc  je  te  donnerai  l'autre  :  Moyfe  ajoute  que  Jacob  fit  ainfi ,  &  qu'il 
ach'^^-^a  la  femaine  de  Lea.  Si  cela  fe  doit  entendredelafemaine  des  jours, 
comme  je  le  croy  indubitable,  voilà  évidemment  l'ufage des femaines  éta- 
hli  c'.ez  les  Orientaux,  bien  long-tems avant  Moyfe.  Cette raifoneft  très- 
bonne  ;pour  prouver  l'antiquité  des  femaines ,  mais  elle  ne  vaut  rien ,  pour 
prouver  l'antiquité  du  Sabbat.  Moyfe  a  bien  trouvé  lieu  de  nous  parler 
■de  la  révolution  des  jours  de  fept  en  fept,  pourquoy  ne  nous  auroit-il  pas 
aufîi  parlé  de  l'obfervation- du  feptiéme  jour,  fiç'avoit  été  un  jour  facré, 
puis  que  l'occafion  s'en  feroit  prefentée  prefque  autant  de  fois  qu'il  auroit 
été  obligé  de  nous  parler  de  la  pieté  des  Patriarches,  6c  du  fervice qu'ils 
rendoient  à  -Dieu  ? 

Il  eft  certain  par  la  même  Hifloire  de  Koé  6c  du  Déluge,  que  déjà  lei-adivifiba 
tems  étoit  divifé  en  mois  ôc  en  années.     Cependant  la  conjeéture  de  -ce  femalîJes  éfe 
Georgius  Syncellus,  queSaumaife  nous  a  rapportée  cy-delTus,  eflapparen-  p^us  anciea- 
te  5  c'eft  qu'on  a  commencé  à  conter  le  tems  par  femaines ,  devant  que  de  dfvifion  eo 
le  conter  par  mois  ôc  par  années.  Car  il  a  fallu  quelque  tems  aux  hom-  i»o«  ^  «« 
mes  pour  marquer  les  révolutions  du  foleil  ôc  de  la  lune  ,•  au  lieu  qu'ils  '""*"' 
avoient  appris  par  tradition,  Ôc  fans  le  fecours  des  obfervations  agrono- 
miques, que  Dieu  avoit  créé  le  monde  en  fix  jours  3  ôc  ils  ont  facilement 
■compris,  que  ce  nombre  étoit  le  plus  commode  pour  ladivifiondes  tems. 
Il  n'y  a  pas  lieu  de  douter  que  les  peuples  Orientaux  n'ayent  confervé  cet- 
te coûtumej  I .  Parce  qu'ils  étoient  dans  le  pays  où  les  Patriarches  avoient 
demeuré ,  ôc  dans  lequel  l'ufage  de  conter  les  jours  par  femaines  fe  trou- 
voit  établi  de  tout  tems.  Outre  cela  ces  peuples  d'Orient  étoient  entière- 
ment adonnez  à  l'Aflirologie:  or  il  eft  certain  que  cette  divifion  des  jours 
par  fept,  eft  trés-commode  pour  les  Aftrologues,  à  caufe  du  coui-s  de  la 
lune,  qui  fedivife  naturellement  en  quatre  feptenaires. 

On  ne  fauroit  dire  la  même  chofe  des  nations  Occidentales,  des  Grecs  jf*?]!^^^^ 
ôc  des  Romains,  qu'ils  ayent  eu  de  tout  tems  l'ufage  des  femaines.  Tout  tems  chez 
le  monde  fait  que  les  Grecs  divifoient  leurs  mois  en  trois  dixaines  5  la  pre-  J^s  ctecs  & 
miere  s  appellait  tçajxévs  [ivivég  i  la  féconde  fj^errëvrog  {j.vim'»  ^  la  troiîieme 
(pèivovroç  /xi^voV  Les  Romains  avoient  leurs  Nundines ,  -Nkndma  ,  quajî  no- oûgiazàt% 
vemdina  5  parce  qu'elles  revenoient  de  neuf  en  neuf,  ou  de  huit  en  huit,  ^o^jf^^g^^ 
Car  il  y  a  là-defTus  de  la  diverfité  entre  les  Auteurs.  Macrobe  fur  le  rap- 
port de  Rutihus  les  fait  de  neuf  jours  j  C étoit  ^  dit-il,  feria  mjlicorum , /es  Simmilam 
fêtes  des  habitans  de  la  campagne  :  ils  avoient  hiit  jours  pour  faire  leurs  ouvrages  ^"^•^'^''^^'^^' 
aux  champs,  &  au  neuvième  ils  venaient  a  %gme  pour  vendre  leurs  denrées  ^  pour 
plaider ,  &  pour  ajfijier  a  la  publication  des  Loix ,  afin  qm  les  Décrets  &  les 
Part.  1,  P  Qf- 


114  HISTOIRE  DES  DOGMES 

Ordonnances  fe  fijjent  d'Anne  manière  pins  authentique ,  en  fe  faifmt  en  la  préfet»- 
Lib.r.Ro-   ce  d'un  plus  grand  peuple,   Denys  d'Haï i car nafl'e  femble  ne  faire  les  Nundi- 
saanar.antiq,  ^£5  q^g  jg  j^uit  jours.   Il  cft  clair  quc^  fcloii  luy,  ces  Nundines  étoient 
ainli  appellées  au  fens  que  nous  appelions fouvent  nosfemaines  des  huitai- 
nes, parce  que  nous  y  comprenons  les  fix  jours  qui  font  renfermez ,  ôcles 
deux  qui  renferment  les  fix.  C'eft  ainfî  que  l'on  dit,  que  les  jeux  Olym- 
piques revenoient  tous  les  cinq  ans,  bien  qu'à  parler  êxaélement  ils  revinf- 
lent  tous  les  quatre  ans,  &  qu'entre  un  jeu  Olympique  &  lefuivant,  il  n'y 
Lesoiyra-    eût  quc  trois  ans:  caries  Olympiades  ne  comprenoient  que  quatre  années^ 
toiemque'   ^  cependant  on  difoit  que  les  jeux  Olympiques  revenoient  tous  les  cinq 
de4-  ans.      aus  ^  parce  que  l'on  contoit  les  deux  années,  dans  Icfquelles  les  jeux  le  cele- 
broient ,   avec  les  trois  ans,  dans  lefquels  ils  ne  fe  celebroient  pas.    Ji  y  a 
donc  de  i'oppofiition  entre  Macrobe  &  Denys  d'Halicamafle  :  mais  l'opi- 
îraEf.adLihr.  niou  de  Dcnys  femble  devoir  être  préférée,  à  caufe  de  l'autorité  de  Var- 
Ruftfca. ^     ron,  qui  dit  comme  luy,  que  torts  les  neufjoHn  les  habitons  des  champs VC'- 

noient  a  la  ville ,  &c.        * 
LcsNundL-       Au  relie  ces  Nundines  dans  mon  fens  n*étoient  que  pour  la  ville  de  Ro-^ 
n'^ctoient     i^^  )  &  HOU  pour  toutc  l'Italie  :  car  Macrobe  &  Den^sd'Haiicarnafle  nous 
que  pour  la  donucnt  trois  raifons  de  leur  établiflbment ,  qui  toutes  trois  font  particu- 
J^l  e    0-  jjgj.gj  ^  cette  ville.     La  première  de  ces  raifons  ell,  que  ces  jours  étoienc 
dellinez  au  débit  des  marchandifes  é.es  habitans  de  la  campagne,  c'eft- à- 
dire ,  que  c'étoient  des  marchez  &  des  foires.  Oa*  il  n'y  a  pas  d'apparen- 
ce que  tout  l'Empire  Romain,  ni  même  toute  l'Italie  fût  aftreinte  aux  mê"- 
mes  jours  pour  les  marchez.:  au  contraire  la  commodité  du  commerce  de- 
mande, que  les  villes  ayent  pour  cela  dedifferens  jours.     La  féconde  rai- 
fon  de  l'établiflement  des  Nundines ,  c'étoit  afin  que  les  païïans  puflent 
vuider  leurs  procezdans  ces  jours- là.    Au  commencement  les  Nundines 
étoient  àes  efpeces  de  fêtes,  &  il  n'étoit  pas  permis  de  plaider  dans  cei 
jours-là;  c'eft  pourquoy  on  les  appelloit  dies  mfafii^  parce  £|u'il  n'étoit  pas 
permis  au  Prêteur,  qui  étoit  Juge  Civil,  de  prononcer  des  Sentences:: 
Nef  as  eratj.  il  n'étoit  pas  permis  de  dire  ces  trois  mots,  da.^  dscûy  ahdico. 

@vid.Faftoï»  llle  nefaftus  eritper  quemtria'werbaftlentur'\. 

S'il»».!»  iafius  erit  per  quem  lege  licebit  agi. 

Mais  parla  Loy  Hbrtenfîa ^ ces  jours  devinrent /^T^i' ,  pour  fa  commodité 
des  plaideurs  de  la  campagne. 'Or  cette  raifon  paroît  encore  particulière 
à  la  ville  de  Rome  j  car  il  n'étoit  point  apparent,  que  les  autres  villes  d'I- 
talie pulîent  choifir  les  mêmes  jours  de  plaids  pour  leurs  païiàns,     Enfiri' 
le  troifiéme  ufage  des  Nundines  ,  c'eft  que  dans  ce  jour  on  publioit  Jes 
Loix ,  ôc  on  les  faifoit  palfer  par  les  voix  du  peuple  :  fur. tout  k  troifié- 
me  Nundine  du  mois  écoit  célèbre  pour  celaj  elle  s'apelloit  TrinHndinumi 
car  c'étoit  dans  cet^  troifiéme  Nundine  que  les  Arrêts  du  peuple,  appel- 
iez/>/tf^//c/M ,  étoient  confirmez.     Cette  dernière  raifon  étoit  encore  par- 
ticulière aux  Romains ,  dont  le  gouvernement  étoit  Démocratique. 
Qiuadcefià       Qi'and  la  ville  pafia  fous  le  gouvernement  des  Empereurs,  il  y  a  ap- 
Nmjln"    parence  que  les  Nundines  s'abolirent  en  peu  de  tems.     Elles  ceiîêrent^ 
^.oawiaeî.,  parce  que  la  principale  raifon  de  leur  établiiTement  cefla.     Ce  quimefaic 

croire 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Part.l.    iif 

croire  que  les  Nundines  ne duierent  pas  long-tems  fous  les  Empereurs , 
c'eft  qu'apparemment  elles  avoient  été  abolies  long-tems  devant  Macro- 
be,  qui  vivoit  fous  l'Empereur  Theodofe:  car  fi  elles  n'avoient  pas  été  abo- 
lies long-tems  devant  luy,  pourquoi  fe  feroit-il  trompé  ?  pourquoy  leur 
auroit-il  donné  neuf  jours,  veu  qu'elles  n'en  avoient  que  huit?  &  d'où 
viendroit  cette  différence  qui  eft  entre  lui  ôc  Denys  d'HalicarnalTe  &  Varron, 
qui  étoient  plus  anciens  que  luyj  fi  ce  n'eft  que  du  temsde  Varron,  qui 
vivoit  fous  Augufte,  les  Nundines  étoient  encore  enufage?  Ilparoîtpar 
tout  ce  que  nous  venons  de  dire,  que  les  Nundines  des  Romains  n'a- 
voient rien  de  commun  avec  les  Sabbats  des  Hébreux.  Ce  n'étoit  pas 
des  fêtes  Ôc  des  jours  de  repos  6c  de  dévotion  :  il  n'y  avoit  dans  ces  Nun- 
dines qu'une  feule  marque  de  fêtes  i  c'ell  que  le  Flamen  Dialis ,  ou  le  Sa- 
<rificatcur  de  Jupiter,  immoloit  une  brebis,  &  pendant  qu'on  égorgeoit 
la  viélime,  il  n'etoit  pas  permis  de  rien  faire. 

Ainfi  ces  Nundines  pouvoient  être  contées  entre  ces  jours  que  Macro-  Saturnaî.Lïbi 
be  appelle  intercifi^  entrecoupez;  Illerum  enim  dierum  qmbufdam  horis ^  fas  '"^'  * 
€rat^  qmbHfàam  non  fas  erat  jus  dicere.  Nam  cum  hofiia  caditftrj  fari  nef  as 
eft:  inter  cdifa  &  porreSafari  licet:  rursus  cpim  adoletnr  i  non  licH.  Il  appel- 
le, inter  c&fa  &  porre5ia^  le  tems  qui  fe  pafle  depuis  que  la  viétime  eft 
égorgée  jufqu'à  ce  qu'on  mette  les  parties  qui  doivent  être  brûlées  fur 
l'autel.  Le  mot  de  porre^a  vient  àeporricen^  mot  confacré  dans  les  fa- 
orifices  ,  ÔC  qui  fignifie  porrigere. 

-. ExtÀque  falfoi  InSkj, 

'Porriciam  in  fiuSitts. 
Varron  dit,  Intér  cujus  exta  cafà  é"  porreSia.,  fiamen  prorsm  vinum  legit.        Varton  Life. 

Cette  manière  de  conter  les  tems  étant  particulière  à  la  ville  de  Rome,  Ltint'"^''^ 
fl  y  en  avoit  une  autre  qui  étoit  plus  étendue  j  c'eft  celle  qui  partageoit  DesCaien- 
le  mois  en  trois  parties  inégales,  par  les  Calendes,  les  Nonesôcles  Ides,  nés',  &  dS 
Les  Calendes  étoient  le  premier  jour  du  mois.  Les  Nones  éî:oient  le  ides, 
cinquième,  excepté  dans  ces  quatre  mois,  May,  Oétobre,  Juillet  6c 
Mars,  dans  lefquels  les  Nones  étoient  le  fîxiéme  après  les  Calendes,  c'eft- 
à-dire,  le  feptiéme  de  nôtre  mois.  Les  Ides  tomboientle  treizième  jour 
du  mois,  excepté  les  quatre  que  nous  venons  de  nommer,  dans  lesquels 
les  Ides  fe  rencontroient  le  quinzième.  Les  Calendes  étoient  confacrées 
à  Junon,  parce  que  Junon  éc  la  Lune  étoient  une  même  divinité.  Or 
le  commencement  du  mois  a  toujours  été  conlacrè  à  la  Lune ,  pai  oe  que 
les  premiers  peuples  du  monde,  &  aufii  les  anciens  Romains,  fe  ler- 
voient  du  mois  lunaire.  Il  eft  vray  que  dans  la  fuite  les  Romains  fe  fer- 
virent  du  mois  folaire ,  &  alors  les  Calendes  ne  tombèrent  plus  fur  le  pre- 
mier jour  de  la  Lune  -,  mais  elles  ne  laiflerent  pas  d'être  confacrées  à  k 
Lune  fous  le  nom  de  Junon.  Les  Ides  étoient  confacrées  à  Jupiter,  par- 
ce qu'il  eft  le  père  de  la  lumière  j  car  c'eft  le  même  Dieu  que  le  Soleil. 
Quand  les  mois  lunaires  étoient  en  ufdge  ,  les  Ides  fe  rencontroient  tou- 
jours autour  de  la  pleine  lune  ;  &  c'eft  le  tems  dans  lequel  Jupiter  ou  le 
Soleil  communique  à  la  Lune  une  lumière,  parfaite:  &  c'eft  pourquoy  les 
Ides  étoient  confacrées  au  Soleil,  parce  qu'alors  il  illuminoit  le  monde, 
le  jour  &  la  nuit,  le  jour  par  fes  rayons  &  par  fa  propre  lumière  ,  &  la 
nuit  par  les  rayons  de  la  Lune,  ôcpar  une  lumière  refléchie.  Et  peut-être 

P  A  -  que 


u&         HISTOIRE  DES  DOGMES 

que  le  mot  /dus  vient  du  Grec  e'ISeiv  qui  lignifie  voir,  parce  que  la  Lune 
alors  étoit  très  vifible^  comme  le  motC^/É'«<fl/<e,vientduGrec  nuKeTv,  fclon- 
Mactobc      le  rapport  de  Macrobe. 

Le^hom-^*      Voilà  un  abrégé  de  ce  que  les  Anciens  nous  apprennent  de  la  divifion 
mes  n'ont    des  jours  cntrc  les  Romains.     Mon  but  ell  de  faire  voir  par  là  que  les 
te°îufagc°^  peuples,  qui  après  la  divifion  des  langues  en  Babel  paflerent  d'Orient  en 
des  fcmai-    Occident ,.  n'emportèrent  point  avec  elles  l'ufage  des  femaines  ,  ou  bien 
aeenocci-  ^^^^  l'abandonnèrent  d'abord.   Car  il  n'y  a  pas  d'apparence  que  Varron , , 
Ovide  &  Macrobe,  qui  ont  écrit  de  la  divifiondes  tems,  des  mois,  des 
années,  àes  fêtes  &  des  faites  des  Romains,   eufi^ent  oublié  une  divifion 
auffi  remarquable  que  celle  des  femaines.     Il  eil  vray  que  Macrobe  parle' 
A.  Geiî,  ^    des  yf/>^;>»^»<e  3  ôc  Varron  au  rapport  d'Aulu- Celle  a  fait  un  livre  de  Hebdo- 
L^.  j.^"'^'  madibus^  vel  de  Jmaginibm.    Mais  par  le  mot  defèmaifie  Macrobe  entend- 
ïa^.  ao.       l'efpace  depuis  les  Calendes  jufques  aux  Nones  d^ns  les  quatre  mois  , 
Mars,  May,  Juillet  êcOdobre,  dont  les  Nones  étoient  le  feptiéme:  & 
Macrok-      à  cayfe  de  cela  ces  Nones  s'appelloient  A''o«^y^/'//?»^»<É,  paroppofition  aux- 
_jtuina .      Nones  des  huit  autres  mois  ,    qui  tombant  fur  le  cinquième  s'appelloient' 
sap-  !<•       ^nintana.     Le  premier  jour  du  mois  le  Souverain  Pontife  prononçoir-  par- 
cinq  fois  à  haute  voix  le  verbe:  naKîû  qui  fignifie  appeller  ,   pour  marquer 
que  les  NcJnes  dévoient  être  le  cinquième  :  &:  il  crioit  fept  fois  ,   quand 
elles  dévoient  tomber  fur  le  feptiéme.  Pour  ce  qui  eil  du  livre  de  Varron- 
de  Hebdomadtbus,Au\u'Gellenous  apprend  qu'il  t^aitoit  des  avantages  du', 
nombre  de  fept,  &  non  pas  des  femaines. 
Qmnd  l'ufa-      Pour  faire  l'Hiftoife  des  femaines  en  abrégé  ,  je  croy  que  Ton  peut 
mainess'in-  dire  qu'elles  ont  commencé  avec  le  monde  5   que  dans  l'Orient  elles  ont 
Moduifit en-  continué  fans,,  interruption  ,   ôç  qu'elles  fe  font  infenfiblement  introduites- 
ma'ins.        dans  l'Occident.     Cette  coutume  ne  devint  uni verfelle  que  quand  les- 
Empereurs  devinrent  Chrétiens.  Il  n'y  a  là-defliis  rien-  dé  plus  exprés  que 
Bj&ot.        ÇQ  que  dit  Dion  Cafiius,  qui  vivoit  fous  Adrien  &  fous  les  Antonins  :   0/» 
""'     '       croit  ^  dit-il,  cjue  les.  Egyptiens  font  les  Auteurs  de  la  coutume  qui  donne  À  chae^Hë- 
planète  fin  Jour.     Les  Anciens  Grecs  ,    ajoûte-t-il,  ne  favoient  rien  de  tout  ce-- 
la-j   &  aujourd'huy  freÇque  toutes  les  nations  reçoivent  cet  ufiage ,  0*  ils  le  regar^ 
dent  même  comme  une  coutume  tris  ancienne.     Il  paroît  par  ce  paflage  que 
ifo.  ans  après  Augufte ,  tou'te  la  terre  contoit  le  tenis  par  femaines.    La  , 
difperfion  des  Juifs  fervit  fans,  doute  beaucoup  à  l'établiffement  de-  cet  u(a- 
ge:  les  Romains  empruntèrent  non  feulement  des- Orientaux  l'ufage  des 
femaines  ,   ils  s'accoutumèrent  même  à.folemnifer  le  feptiéme  jour  paF 
quelques  dévotions  faites  à  l'honneur  de  leurs  Dieux.     Il  paroît  par  une 
îpyi  i>o.    des  Epitres  de  Seneque  ,   qu'on  allumoit  des  flambeaux  à  l'honneur  des 
Dieux  tous  les  jours  de  Sabbat.  iEiius  Lampridhas,  dans  la  vie  d'Alexan- 
dre Severe,  dit  que  cet  Empereur,  quand  il  étoit  à  Rome,  montoit  au 
Capitole  chaque  feptiéme  jour ,  ôc  vifitoit  les  Temples-  des  Dieux.   Ter- 
tullien  ,  dans  un  palTage  que  nous  avons  ti-ré  de  fon  Apologétique  ,   dit 
des  Payens  ,    Vos  perte,  eflîs  qui  in..laterc4ilumfeptem  dierum^,  ou  feptem  Deo~ 
rum  (comme  d'autres  veulent  qu'on  life)  filemreceptftis.   Ce  qui  fait  voir 
que  dés  ce  tems-là  les  Romains  avoient  ce  qu'on  appelle  ,  laterculum  fep^ 
iem  dierum  ,    ou  Deorum  :   c'eft-à-dire  ,    qu'il  y  avoit  déjà  une  révolu- 
îioQ  d.e^ fept  jour?  5 .  ôc  que  ces  fept.  jours  porcoient  déjà. fept  noms  ds 

Dieux 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Tàrt,T.  tif 

Dieux  ou  de  planètes  -,  &  c'eft  là  preeifément  ijptre  femaine.  Tertul- 
iien  remarque  que  même  ils  foicmnifoient  le  Samedi  comme  les 
Juifs. 

Au  relie  tout  ce  que  nous  venons  dédire  prouve  bien  l'antiquité  àts  Quand  les 


Romains 


femaines  ;  mais  cela  ne  fait  rien  pour  l'antiquité  du  Sabbat.  Ce  fentiment  commence- 
de  refpeâ  que  les  Payens  fembloient  avoir  pour  le  feptiéme  jour,  n'em-  rcntrufagc 
pêchoit  pas  que  la  plus  grande  partie  des  Grecs  6c  des  Romains  ne  re-  nS  n^n'a- 
gardaflent  cela  comme  une  dévotion  Judaïque.,  étrangère,  Sîmêmeabo-  voient  aucun 
minable.  Tertullien  dit  bien  que  les  Romains  Gonfacroient  le  Sabbat  or/o  îc  sabbar"*^ 
<^  viEini^  au  repos  6c  à  la  débauche  :  Mais  il  eft  fort  à  remarquer  que  ce  Apoioget, 
n'étoit  point  par  dévotion  j  au  contraire  ils  fe  repofoient.ee  jour -là  ,    6c  ^*^'  "  ' 
ne  faifoient  que  boire  6c  que  manger,  parce^qu'ils  le  confideroient  com- 
me un  jour  malheureux,  ater  ^..inomimlis y.inatifpicatHs ^  c'eû- à-dire  ,  mal 
propre  à  entreprendre  quelque  ouvrage.    Cela  paroît  par  les  pafTages  de 
TibuUe  6c  d'Ovide.    Le  dernier  fait  bien  voir  que  le  Sabbat  n'étoit  pas 
une  dévotion  Romaine,  .puis  qu'il  l'appelle  une  fuperftition  étrangère. 


Nec  te  tereinnA  morentnr  ■  3>è  Arta 

amandi 


et)    w  "       ~  amandi 


Jpvenal  en  fe  raillant  de  là  Religion  à&s  Juifs,  dit  d'eux  ^ 

Quidam  fortiti  metuentem  Sabbatha  patrem-j,  Sat.  14.. 

NtlpYAter  nubesj  &^  cœli  ntimen  adorant. 

Enfin  bien  loin  que  les  Payens  euflent  du  refpeél  pour  la  {andtification 
du  feptiéme  jour  ,   ils  ont  elîàyéde  rendre  cette  inllitution  abominable  , 
dans  le  tems  même  que  i'ufage  des  femaicics  commençoit  à. s'établir  par 
toute  la  terre.     Jofephe  réfute  l'horrible  fable  d'Appion,  qui  dit  que  /es  ub.z.  cois* 
^mfs  ayant  été.  chaffez^ À"^ Egypte  ■^..  comme  tls  cheminoi-em  dans  le  defert  ^  furent  ^"  ^^'' 
Attaejuez.  d'^ulceres  dans  les  aines  ,   ce  qui  les  obligea  -  de  fe  repqfer  le  feptiéme  jour . 
Cefi  pourquoy  depuis  ils  ont  confacré  le  feptiéme  jour  au  repos  ,  .&.  Pont  appelle 
Sabbat  du,  mot  Egyptien,  Sabbatofin ,  quifignifie  un  m(i,l  dans  les  aines.  Un  ce-  Tac.  HiSi- 
lebre  Hillorien  dit  que  les  Juifs  chaifez  d'Egypte  penferent  périr  de  faim,  ^*°*' 
n'ayans  pu -trouver  à  mangpr  pendant  fept  jours  :  mais  qu'enfin  en  ayant 
trouvé  le  feptiéme,  Moyie  avoit  confacré  ce  jour  au  jeûne,  parce  que  leur 
jeûne  avoit  cefîé  dans  ce  jour-là^  6c  l'avoit  appelle  Sabbat.    C'étoit  une 
grande  ignorance  dans  cet  Auteur,  de  croire  qtie  les  Juifs  jeûnoient  le  joui' 
du  Sabbat,  car  il  n'y  avoit  rien  de  plus  oppofé  à.leurs  loix.     Il  n'y  avoit 
que  le  feul  jour  des  propitiations  où  ils.  jeûnaflent ,   par  obligation  à  la 
Lo.ydeMoyfe:àGejeûneils-enavoient  ajouté  quelques  autres.  Qupy  qu'il 
en  foit ,  il,  paroît  par  ces  ,deux  paflages ,  que  \ç.%  Payens  ,  bien  loin  d'à*- 
voir  du. refped. pour.  le. feptiéme  jour,  avoient  de  l'abomination  pour 
lui. 

Mais  enfin,  dit -on,  pourquoy  les  anciens  Poètes,  Linus^  Homère ,  Quel  feprta 
Hefiode ,  ont-ils  dit  du  feptiéme  jour  ce  qui  en.  a  été-  rapporté  ci-delTus  ?  Sok^'Scré 
Pourquoy  l'ont-ils  appelle  .faint  6c  facré?  Je  m'étonne  qu'on  nefelafle  ja-  entre  les  ^ 
mais  de  nous  redire  la  même  chofe.   Il  y  a  long-,tems  qu'Hofpinien  a  ré-  toS"  ^'^* 
pondu  àxette  jdifEculté  ,  6c  on  devroit  être  content  de  fa  réponfe ,  puisfF'cme 

P  3  qu'el-'*"^'^"*- 


fi8         HISTOÏREDES  DOGMES 

Lib.2.  de    qu'elle  ell  très  véritable,  &  très  folide.  11  a  fait  voir  que  le  feptiéme  jour, 
;iscap,  5o  qy-  ^j-QJj.  ç^ç.^,^  entre  les  Payens ,  n'étoit  pas  le  feptiéme  jour  de  la  femai- 


ÇcÛiscap, 

ne,  mais  le  feptiéme  du  mois.  Ils  difoient  qu'Apollon  étoit  né  dans  ce 
feptiéme  jour  du  mois.  Hefiode  s'exprime  là-defTus  d'une  manière  qui  ne 
laifîê  aucune  difficulté , 


Kui   ê^dofXVj  -îêpOV   VlfJ^ûiPj 


Oeft-à-dire ,  le  feptiéme  jour  efl  facré  ,  parce  qu'en  ce  jour  Latone  en- 
gendra Apollon.  Le  paflage  d'Homère  a  peut  être  un  peu  plus  de  diffi- 
culté :  mais  tout  ce  qu'il  dit  ne  fe  doit  point  rapporter  au  feptiéme  jour , 
mais  au  nombre  feptenaire ,  auquel  les  Payens  ont  donné  le  privilège  d'ê- 
tre un  nombre  de  perfèétion  ,  <^uo  confummantur  &  perficiuntur  omnia.  Au 
relte  je  ne  voudrois  pas  nier  que  le  refpeét  qu'ils  avoient  pour  le  nombre 
de  lèpt  ne  vint  originairement  de  ce  que  Dieu  avoit  confacré  le  nombre 
de  fept  par  la  benediélion  du  feptiéme  jour  :  mais  c'étoit  une  tradition 
obfcure,  dont  ils  ne  connoilToient  pas  la  naifîance.  Ils  ne  favoient  pas  Ja 
véritable  origine  de  cet  avantage  du  feptenaire,  &en  la  place  de  la  vérité 
ils  mirent  la  fabuleufe  naiflance  d'Apollon  dans  le  feptiéme  jour  du  mois, 
pour  caufe  de  cette  vertu  &  fainteté  du  nombre  de  fept. 
Examen  des  Prefentement  examinons  le  témoignage  de  Moyfe  pour  l'antiquité  du 
Moyfe  pour  Sabbat,  6c  les  raifons  que  l'on  ajdfûte  à  ce  témoignage.  Pour  ce  qui  efl 
î'antiquitc  dcs  raifons,  elles  font  très  foibles:  elles  reviennent  à  ceci,  qu'il  n'eft  pas 
Sabiïat.  apparent  que  les  Patriarches  fi  dévots  &  fî  pieux  ne  fe  fbient  point  marquez 
un  jour  pour  s'exercer  dans  la  pieté.  Cette  raifon  ne  peut  être  oppofée 
au  filence  de  Moyfe  qui  ne  nous  en  parle  point  du  tout.  Outre  cela  je  ne 
voy  pas  que  l'on  puifîe  accufer  la  Religion  des  Patriarches  d'avoir  été  de- 
feftueufe,  parce  qu'elle  ne  confacroit  pas  de  jour  particulier  au  fervicede 
Dieu  5  puis  qu'elle  lui  confacroit  tous  les  jours  également.  De  plus  ces 
jours  foJemnels  ne  font  neceffaires  que  quand  on  fait  des  afTemblées  publi- 
ques. Il  eft  aufîi  certain  qu'ils  avoient  leurs  fêtes  dans  lefquelles  ils  fer- 
voient  Dieu  extraordinairement.  Mais  le  choix  de  ces  jours  étoit  libre, 
&  les  fêtes  ne  revenoient  pas  à  certains  jours  réglez  j  fî  ce  n'efl  que  quel- 
que famille  pour  des  raifons  particulières  fe  fût  impoféela  necefîité  de  fai- 
re des  dévotions  extraordinaires  à  certains  jours  marquez.  C'efl  ce  que 
Job  avoit  fait  :  il  avoit  fept  fils  qui  fe  traitoient  tour  à  tour  j  quand  ils 
avoient  achevé  leurs  fellins,Job  faifoit  un  facrifice  tous  les  huit  jours,  pour 
obtenir  de  Dieu  le  pardon  des  excès  que  fes  enfans  pouvoient  avoir  com»- 
mis  dans  leurs  réjouïffances.  Cette  Hiltoire  m'efl  une  grande  preuve  que 
ces  Anciens  n' avoient  ni  jour  du  Sabbat,  ni  aucun  autre  jour  folemnelle- 
ment  defliné  aux  dévotions  publiques  ôc  particuheres.  Car  fans  doute  Job 
n'auroit  pas  choilî  le  huitième  jour ,  mais  fe  feroit  tenu  au  feptiéme  félon 
f«  7me      l'ordonnance  de  Dieu. 

dnéaufer-"  H  ne  me  rcflc  plus  qu'un  mot  à  dire  fur  le  :^meux  paflage  de  Moyfe, 
viccdivm  qui  dit;  que  Dieu  fanétifîa  le  feptiéme  jour  incontinent  après  la  création, 
mencemcot, Ceux  qui  s'en  fervent  pour  prouver  l'antiquité  du  Sabbat,  s'en  font  une 
Sûfiîr  P'^"^'^^^  invincible  5  ôc  ceux  qui  veulent  y  répondre  s'en  font  une  grande 
1"**  diffi- 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  ParîA.  119 

difficulté  :   mais  les  uns  &  les  autres  n'y  penfent  pas.     Sans  m'amufer  à 
rapporter  pluiîeurs  réponfes,  je  dirai  q,ue  ces  paroles,  Dteti fanEli^a  & he* 
nit  le  feptiéme  joftr  ^  fignifient  precifément  que  Dieu  deftina  à  fon  fervicele 
feptiéme  jour  qu'il  avoit  béni  comme  le  jour  de  fon  repos  :  Dieu  deftina  s 
Ell-il  necefîàire  que  les  chofes  foient  employées  à  l'ufage  auquel  on  les 
delline  dés  le  moment  de  leur  deftiriation  ?   On  deftine  par  exemple  un 
enfant  à  l'Eglife  ,  au  Barreau  ,   à  la  Médecine  ,   efl-il  neceffaire  ,   que 
dans  le  moment  qu'on  le  defline  ,   il  commence  à  s'occuper  aux  aélions- 
des  charges  aufquelles  on  l'a  delliné  ?   Il  étoit  jufte  que  Dieu  lanétifiât  , 
e'eft-à-dire,  deftinâtà  fon  fervice  un  jour  dés  le  commencement  du  mon- 
de ,   &  que  Moyfe  en  parlât  dans  l'Hilloire  de  la  création,  parce  que 
cette  deilination  fe  faifoit  à  l'ocçafion  de  la  création  du  monde  ,   ôc  de 
ce  que  Dieu  s' étoit  repofé  au  feptiéme  jour.    Je  ne  m'arrêterai  pas  à  ré- 
pondre à  plufieurs  traditions  des  Juifs  contre  ce  fentiment,  parce  que  ce 
qu'ils  difent  n'eft  fondé  fur  aucune  raifon  vray  -  femblable.    Par  exemple  ^^P'*  ^*, 
ils  difent  qu'Adam  ell  Auteur  du  Pfeaume  ç>z.  6c  qu'il  l'a  compofé  pour  cap^y! 
être  chanté  au  jour  du  Sabbat:  que  ce  que  Dieu  dit  à  Abraham,  iiagar'  Gcn.iif.y. 
dé  mes  loix^  mes  fiatuts  &  mes  ordonnances  ^  doit  être  enteiidu  du  Sabbat; 
que  Jacob  s'arrêta  auprès  de  Salem  en  revenant  de  Chaldée ,  6c  ne  palîa  Jfç"^^^^  ^^ 
|?as  au  delà  de  la  ville  àcaufe  du  Sabbat  :  que  Jofeph  donna  ordre  a  (es  piobkma  g. 
ièrviteurs  d'égorger  6c  de  préparer  des  bêtes  pour  le  lendemain  qui  étoit  ^p"jg*** 
Sabbat  :    que  Moyfe  demanda  un  jour  de  repos  pour  le  peuple  ,   6c  que  schcmot 
l'ayant  obtenu,  il  choilît  le  feptiéme  jour  à  caufe  du  Sabbat.    Tout  cela  "fj'ha^,*" 
préfuppoiè  que  le  jour  du  Sabbat  étoit  oblêrvé  devant  la  forîiedu  peuple 
hors  d'Egypte.  Mais  toutes  ces^  petites  traditions  font  plus  que  fufpeéies  : 
elles  font  fauflès  6c  contraires  à  la  tradition  de  leurs  Anciens  6c  de  leurs 
Savans,.qui  difent  que  le  commandement  d'obferver  le  jour  du  repos  fut 
premièrement  donné  au  defert  de  Mara.    Je  conclus  donc  que  l'Eglife 
avant  le  déluge  n'a  point  eu  de  jours  marquez  dans  la  femaine  pour  (q$ 
dévotions. 

Il  eil  certain  ^ffi  que  dans  ce  premier  âge  l'Eglife  n'avoir  point  de 
fêtes  folemneîles,  publiques  6c  communes  à  toute  l'Eglife  j  mais  chaque 
famille  avoit  fes  fêtes ,  6c  faifoit  fes  facrifices  quand  bon  lui  fembloit.  Noé 
fit  un  célèbre  (àcrifice  quand  ilfortit  de  l'Arche  j  Abraham  fit  un  grand fef-  Gen.ai,, 
tin  ejjHand  Ifaac  fut  fevré :  c'eft-à-dire,  qu'il  fit  un  grand  repas  6c  un  grand 
facrifice  ,  car  jamais  ces  deux  chofes  ne  fe  féparoient  dans  leurs  fêtes  j 
on  y  faifoit  toujours  des  facrifices ,  6c  de  la  chair  des  victimes  on  y  faifoit 
àes  repas.  Jaeob  ayant  quitté  fon  beau-pere  Laban  fans  l'en  avertir,  fut^ 
atteint  6cpaurfuivi  par  lui:  ils  eurent  de  grands  démêlez  enfemble,  puis  Gen.îtï, 
fe  réconcilièrent  j  &  Jàcob,  pour  confirmer  la  reconciliation  ,  fit  un  fa-  ^"  ^^ 
crifice  dans  la  montiigne,  6c  y  convia  fes  é^res >  c'eit- à-dire,  qu'il  nt  un 
fe.<lin  après  le  facrifice.  Qn<  trouvera  donc  aflez  d'exemples  des  facrifices 
6c  des  fêtes  des  particuliers^,  mais  on  ne  trouvera  pas  des  fêtes  foiemrielles  6c 
publiques.  Ainfi  voila  déjà  une-chofe  confiderable,  qui  manquoit  dans  cet'- 
te  ancienne  Egjife:  ce  font  les  jours  réglez  pour  s'aîlciiibler  afin  de  vac?-- 
qucr  au  fervice  divin. 


€  H  A- 


L20  m  I  s  T  G  I  R  E  D  ES  D  O  G  ME  S 


C  H  A  P  I  T  R  E     XV  IL 

^e  l^Eglife  avant  le  déluge  n'avoit  point  de  lieu  d'ajfemhleey  point 
d'ajjmblée  Jolemnelle ,  point  de  confédération ,  pomt  de  difci^line^ 
pomt  de  cenfure ,  pint  de  Sacremens. 

ïi  n'yavoit  ^  A  fecoiide  chofc  quï  très  afiiirément  ne  Te  trouvoit  point  dans  cette 
^î«!vande  I  j  P^'cmiere  Eglife,  c'étoit  les  lieux  d'afîèmblée  que  nous  appelions  des 
déluge.  Temples  :  c'eft  une  vérité  qui  n'efl  point  conteftée,  &  fur  laquelle 

par  conféquent  il  n'efl:  pas  necelîaire  que  nous  nous  arrêtions  beaucoup. 
Car  on  convient  que  Tufagedes  Temples  efl;  beaucoup  plus  nouveau  que  le 
déluge.  Les  premières  aiTemblées  des  hommes  pour  le  fervice  de  Dieu 
fe  font  faites  fur  les  montagnes  &:  dans  les  bois.  Les  montagnes  à  caufe 
de  leur  élévation  femblerent  plus  propres  à  lier  le  commerce  des  hom,mes 
avec  Dieu  -,  on  facrifia  dans  les  hauts  lieux  ,  que  les  Hébreux  appellent 
Bamot:  d'où  vient  le  mot  Grec  Ba/xôç,  autel.  Les  bois  à  caufe  de  leur  lu- 
mière fombre  furent  jugez  plus  propres  à  imprimer  le  refpeâ: ,  6c  à  jetter 
dans  les  efprits  je  ne  fay  quelle  horreur  qui  difpofe  les  hommes  à  la  dévo- 
tion. C'efl:  de  là  fans  doute  qu'efl;  venue  la  fuperftition  des  Payens  qui 
avoient  conlàcré  le  chêne  1 J  upiter. 

virg.  Geot-  ^^^  ^^^  magna  fu-nis  antiqm  rehore  quercm 

gic.  Lib.  5.  Ingénies  tendit  ramos, 

C'eft  que  les  Anciens  avoient  accoutumé  de  fervir  la  divinité  fous  les  chê- 
nes.  Dans  les  écrits  des  Prophètes ,  pre-fque  à  toutes  les  pages ,  on  voie 
des  reproches  faits  aux  Ifraëlites  qui  fe  fouilloient ,  c'eft-à-dire  comraet- 
toient  idolâtrie  fous  tout  arbre  verdoyant,  &  particuHerement  fous  det 
chênes.  Cela  venoit  de  cette  ancienne  coutume  d'adorer  Dieu  dans  les 
bois. 
©ù  Noéfit       Dans  tous  les  lieux  oii  les  Patriarclies  établiflbient  leur  demeure,  ils  y 
|°ig^;"^"  bâtiifoient  des  autels  expofez  à  l'air.  Quand  Noé  fut  forti  de  l'Arche,  il 
Mtit  un  autel  :  il  eft  aifé  de  juger  que  ce  ne  fut  pas  fous  un  édifice  3  puis 
jqu'il  n'y  en  avoit  point  qui  fût  refté  du  déluge.     Ifaac  bkit  un  autel  en 
Beerfebaoù  il  étendit  fes  tabernacles.  Jacob  revenu  de  Paddan-Aram  s'ha- 
bitua dans  Sichem,  &  y  bâtit  un  autel.    Quand  il  partit  de  Sichem  pour 
porter  fes  tabernacles  en  Bethel,  il  y  établit  auffi  un  lieu  pour  y  faire  fes 
lacrifices.  Ces  exemples  font  voir  que  les  fidèles  de  ce  tems-là  bâtifibient 
des  autels,,  &  choififibient  des  lieux  pour  y  faire  leurs  dévotions.     Mais 
comme  il  n'eft  point  parlé  de  Temple  ,  il   eft  certain  que   ces  heux 
n'avoient  point  d'autre  abry  que  l'ombre  des  arbres  &  celle   des   ro- 
chers, 
îoint  d'af-       La  troifiémc  chofe  qui  fe  trouve  dans  l'Eglife  d'aujourd'huy  ,   &  qui 
fSnmeUes.  "'^^oit  pas  dans  celle  d'alors,  ce  font  les  affemblées  publiques  ôc  folem- 

nelles. 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Part.  Iv  iir 

nelles.    C'efl:  ici  un  endroit  oii  le  favant  Fagius  s'eft  trompé  avec  beau-  Erreur  ié 
coup  d'autres,  en  fe  formant  une  idée  de  l'extérieur  derEglifedecetems-  ^'8'"*- 
là,  à  peu  prés  femblable  à  celui  del'Eglife  de  ce  tems-ici.  Et  Cdin  apporta^  Fag.  m 
dit-il,  fm  facrijîce  an  lieHoùton  s'a^embloit  pom  la  prière  ^  comme  le  ait  Ab  en-  ^^h^fj';, 
Ezjrai  car  ils  s^-ajfembloient  dans  un  certain  lieu ,  comme  on  le  recueille  de  ce paf-  cap.4.v.  iL 
J^^^î  pour  y  faire  le  fervice  divin ,   (ir  pour  y  adorer  'Dieu ,  en  écoutant  la  paro" 
le ,  en  priant  &  en  facrifiant.    Vous  voycz^  donc  que  PEglijè  a  commencé  avec  le 
monde,  (^  que  les  fidèles  ont  toujours  eu  des  ajfemblées  folemnelles  &  publiques, 
tyimji  tous  ceux  qui  négligent  ces  affemblées  n'auront  point  de  part  aux  promefifes 
de  Dieu.  Il  efl;  certain  que  dans  ces  fiécles  l'Eglile  ne  faifoit  point  encore 
de  corps;  chaque  famille  faifoit  {ç.s  dévotions  pour  Iby. 

Cela  efl  clair,  i.  Par  toute  l'Hiftoire  de  laGenefe,  dans  laquelle  nous  chaque  ft» 
voyons  que  les  Patriarches  fe  bâtiffoient  des  autels  dans  tous  les  lieux  où  ^j"^/"" 
ils  établilToient  leur  demeure  :  mais  ces  lieux  de  dévotion  n'étoient  que  dévotions 
pour  eux  >  &  il  ne  paroît  pas  que  les  étrangers  y  eulTent  de  part.  On  ne  ^^^^  ^"^-^ 
doit  pas  dire  que  cela  venoit  de  ce  que  les  étrangers,  au  milieu  defquels  ils 
habitoient,étoient  tous  idolâtres ,  &  que  l'Eglile  n'étoit  alors  compoféc 
que  de  la  feule  famille  des  Patriarches.  Cela  ell  injurieux  à  la  providence 
de  Dieu  ,  ôc  encore  plus  à  fa  mifericorde.  Il  n'y  a  pas  d'apparence  que 
Dieu  eût  négligé  toute  la  terre ,  &  eût  renfermé  fa  grâce  entre  une  dou- 
zaine de  perfonnes.  Les  Saints  font  le  fel  de  la  terre,  fans  eux  le  mon- 
de periroit  i  mais  pour  conferver  un  grand  corps  &  le  garentir  de  la  cor- 
ruption ,  il  faut  une  quantité  de  fel  raifonnable  :  fî  peu  de  fel,  c'efl -à- 
dire  fî  peu  de  Saints  au  milieu  d'un  fl  grand  monde,  n'auroit  pas  été  capa- 
ble d'empêcher  fa  totale  ruine,  ni  prévenir  un  fécond  déluge.  Au  refle  j'ay 
fait  voir  la  fàufTeté  de  cette  fuppoiition  par  les  exemples  de  Job,  deMel- 
chifedec,  de  Balaam  6c  d'Abimelec  Roy  des  Philiflins.  Il  efl  donc  cer- 
tain que  dans  la  terre  de  Canaan  ,  oii  les  Patriarches  ont  habité  comme 
étrangers ,  il  y  avoit  quantité  de  jufles  6c  de  gens  craignans  Dieu.  Ce- 
pendant nous  ne  voyons  pas  que  ces  fidèles  fe  joignilfent  avec  les  Patriar- 
ches, pour  compofer  avec  eux  une  même  Eglife  ;  ce  qui  me  perfuade  qu'il 
n'y  avoit  point  alors  d'affemblées  folemnelles. 

2,.  La  manière  dontl'Eglife  d'alors  étoit  compofée,  ne  fauroit  permet- 
tre que  nous  y  concevions  des  afîemblées  publiques  :  car  dans  ce  tems-là 
Dieu  n'avoit  pas  encore  diflingué  fon  Eglife  par  nations ,  comme  il  a  fait 
depuis.  Dans  la  fuite  le  peuple  Juif  fe  trouva  feparé  6c  diflingué  de  tous 
les  autres  peuples  de  la  terre ,  non  feulement  de  Religion  ,  mais  de  de- 
meure 6c  d'habitation  :  6c  aujourd'hui  les  Chrétiens  font  (eparez  des  in- 
fidèles ,  6c  dillinguez  par  nations.  Mais  dans  ce  tcms-là  l'Eglife  étoit  di- 
vifée  entre  les  familles  j  dans  un  même  pais  une  famille  étoit  fainte  ,  la 
voifîne  étoit  idolâtre,  6c  les  familles  faintes  étoient  éparfes  deçà  delà,  de 
forte  qu'il  étoit  comme  impofîible  qu'elles  convinffent  d'un  heu  pour  y 
faire  àts  afîemblées  communes.  3.  Nous  avons  dit  ci-defTusque  les  chefs 
des  familles  6c  les  aînez  étoient  les  Sacrificateurs.  Cet  ordre  fait  encore 
voir  évidemment  qu'il  ne  pouvoit  y  avoir  d'affemblées  publiques  compo- 
ik^t^  de  plufieurs  familles  confédérées.  Car  fi  elles  fe  fuffent  afîemblées 
dans  un  même  lieu  ,  chacune  y  auroit  eu  fon  Sacrificateur  ,  6c  je  de- 
mande, qui  efl-ce  qui  auroit  ofBcié  pour  tout  le  troupeau,  puis  que  cha- 
Tart-,  /.  Q^  que 


t2%  HISTOIRE  DES  DOGMES 

que  famille  auroit  eu  le  droit  de  facrifierparlamain  de  Ton  Sacrificateur? 
Au  relie  on  ne  voit  aucune  trace  ni  dans  l'Ecriture,  ni  dans  la  tradition, 
qui  nous  puifle  faire  foupçonner  que  plufieurs  familles  convinflent  alors  de 
conférer  la  Sacrificature  à  un  feul.    La  véritable  raifon  pourquoy  chaque 
chef  de  famille  étoit  né  Sacrificateur ,  comme  tout  le  monde  en  convient^, 
c'efl;  qu'il  n'y  avoit  point  d'Eglife  confédérée,  compofée  de  plufieurs  fa- 
milles, &  que  chaque  famille  compofoit  une  petite  Eglife  feparée  ôc  in- 
dépendante de  toutes  les  autres.    Comme  il  n'y  avoit  point  d'aflemblées 
communes,  il  n'y  avoit  point  aufîî  deJViiniftre  public,  mais  chaque  chef 
de  famille  étoit  Miniflre  des  chofes  faintcs  pour  fesenfansj.ôc  pourfesfèr- 
viteurs. 
îjn'y  avoifc      ^  g'jf  y  eût  gy  ^^lors  quelquc  confédération  entre  les  familles,  pour  corn- 
fedeution    pofer  un  fcul  troupcau  ,  les  confédérations  particulières  apparemment  en 
geneiaie.     autoient  produit  de  générales  j  c'eft-à-dire  que  plufieurs  troupeaux  fe  fe- 
roient  unis  enfemble,  comme  on  a  fait  depuis,  ou  fous  un  Souverain  Pon- 
tife ,  ou  fous  un  Confeil,  duquel  auroit  dépendu  la  ReKgion  y  comme  cela 
s'eft  fait  entre  les  Ifraëlites:  ou  fous  des  Synodes  ,  comme  dans  la  Reli- 
gion Chrétienne.     Or  il  eft  clair  que  rien  de  tout  cela  ne  fe  faifoit  de  ce 
tems-lài  ils  n'avoient  ni  Pontifes,  ni  Confeils  Souverains,  ni  Synodes,  6c 
par  conféquent  il  n'y  avait  point  de  confédération  ni  générale  ,.  ni  parti- 
culière. Il  eft  vray  que  Melchifedec  eft  appelle  Sacrificateur  du  Dieu  Sou- 
verain, mais  il  ne  faut  pas  entendre  qu'il  fût  Souverain  Sacrificateur,  com= 
me  s'il  eût  été  Chef  de  la  Religion,  &que  tous  les  autres  Sacrificateurs 
du  païs  des  Cananéens  euflènt  été  obligez  de  lui  obeïr. 
©n  ne  s'af-      y.  Enfin  cette  coutume  de  faire  lès  aflemblées  publiques  à  deflein  d'y 
[g^gljj'/g"  fervir  Dieu ,  eft  fi  peu  du  tems  qui  a  précédé  Moyfe,  que  nous  ne  voyons 
Sabbat,  par  pas  même  qu'elle  fe  foit  établie  entre  le  peuple  d'Ifraëlqu'aflezlong-tems 
pardfvoi?  ^prés  Icur  entrée  dans  la  terre  de  Canaan.    C'eft  alTûrément  une  chofe 
aflez  furprenante,  que  dans< toute  laLoy  de  Moyfe  nous  ne  voyons  pas  un 
feul  précepte  de  s'afièmbler  le  jour  du  Sabbat.     Cette  Loy  commande 
bien  à  tous  les  hommes  de  la  nation ,  de  fe  trouver  trois  fois  l'an  devant 
Dieu,,  aux  fêtes  de  Pâques,  de  la  Pentecôte  &:des  Tabernacles  i  mais  el- 
le n'ordonne  pas  qu'on  s'aflemble  les  jours  de  Sabbat  en  un  même  lieu,, 
pour  y  faire  le  fervice  divin  :  au  contraire  elle  veut  que  chacun  demeure 
en  fon  lieu.     L'Hiftoire  du  N.  Teflament  nous  fait  voir  que  l'ufage  des 
Juifs,  peu  de  tems  avant  la  venue  de  Nôtre  Seigneur  Jefus-Chrift,  étoit 
de  s'aifembler  dans  leurs  Synagogues  pour  y  fervir  Dieu  chaque  Sabbat.. 
*«""m  de   Mais  il  ne  me  paroît  pas  que  cet  ufage  là  fait  fort  ancien.   Corneille  Ber- 
çai j".     '    tram  croit  qu'il  faut  trouver  l'établiflement  des  Synagogues  &  des  aflêm- 
blées  qui  fe  faifoient  dans  chaque  Sabbat  dés  l'entrée  des  Ifraëlites  dans  la 
terre  de  Canaan.     On  rapporte  à  cela, les  afîembléeS  des  Prophètes  èc  des 
fils  des  Prophètes,,  dont  il  eft  quelquefois  parlé  dans  les  livres  de  Samuel,. 
i,Sam.,c.ïo.  Samuel  dit  à  Saûl  ,    a^ifflrtot  que  tviÇerM  entré  dans  la  ville  ,   tu  rencontrerai 
'  ^'  une  compagnie  dû.  Prophètes  décendant^  dpt  haut  lien  ^  ayant  devant  eux  une  mU" 

fette  ^  un  taùourin.c^  une  jimte.  Il  y  avoit  une  aflëmblée  de  cette  forte  dans- 
2iRoîsch.2.  la  ville  de  Jerico,  comme  il  paroic  par  ces  paroles  3  é"  <juand  les  fils  des 
^3 si    *^'^'  Prophètes  qm  e'toient  en  ferico  l'^eurent  vâ^  ils  dirent  ^  l'efprit  d'^Elie  s'^efi  pofe'Jur 
Mlifée,     Il  y  en  avoit.  auffi  une  pareille  en  Guii»gal  :    Elifée  revint  en  Çutl- 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Part.l.   125 

gai  y  dr  il  y  avait  famine  an  pats  ,  &  les  fils  des  ''Prophttes  étoient  ajjis  devant 
lui  to.  Dans  la  vérité  ces  aflemblées  n'écoient  pas  des  Synagogues ,  c'é- 
toient  des  écoles,  où  ceux  qui  dévoient  enfeigner  le  peuple  alloient  pren- 
dre les  leçons  des  Prophètes  :  On  les  appeiloit//f  des  Prophètes  ^  c'eft-à- 
dire  Difciples  ;  ôc  celui  qui  préfidoit  fur  ces  alTemblées  éroit  appeljé  leur 
fere.  Cela  paroît  par  l'Hiltoire  de  Saiil,  dont  nous  avons  déjà  parlé.  Saiil 
ayant  été  faifi  de  refprit  de  Prophétie ,  prophetifoit  avec  les  autres  >  le 
peuple  voyant  cela  dit,  quefi-il  arrivé  au  fils  de  Kis  f  SaHl  anfii  efi.tl  'entre  ^'  ^a^- 
les  Prophètes?  &  quelqu'^un  de  la  troupe  dit  ^  &  qui  efi  leur  père?  c'ell-à-dire, 
qui  eft  leur  maître  ÔC  leur  préfident?  Ilfemble  qu'on  puifle  conclurrede 
l'Hiiloire  de  k  Sunamite  &  d'Eliféc,  qu'on  avoit  accoutumé  de  s'aflem- 
bler  auprès  des  Prophètes  pour  faire  le  fervice  divin  dans  les  jours  de  Sab- 
bat 6c  de  nouvelles  lunes  :  car  cette  Sunamite  ayant  fait  embâter  un  âne 
pour  aller  trouver  Elifée,  fon  mary  lui  dit ,  pourquoi  vas -tu  vers  lui  au-  z.Rois^f, 
jourd^hui  ^  ce  n* eft  pas  la  nouvelle  lune  y  ni  k  Sahbat  î  Mais  il  ne  paroît  pas^'^*° 
que  ce  fût  une  coutume  de  toute  la  nation  :  il  fe  peut  faire  que  c'étoit  la 
pratique  des  dévots.  Outre  cela,  comme  il  y  avoit  peu  de  Prophètes  dans 
le  païs ,  cette  coutume  ne  pouvoit  pas  être  générale  5  6c  toute  la  nation 
ne  pouvoit  pas  s'aflèmbler  auprès  des  Prophètes  ,  puis  qu'il  n'étoit  pas 
permis  de  marcher  le  jour  du  Sabbat  au  delà  de  ce  qui  s'appelloit  le  jour 
lou  le  chemin  d'un  Sabbat,  c'^ll-à-dire  environ  une  demi -lieue.  Ainfi  il 
n'y  avoit  que  ceux  qui  étoient  dans  le  voifînage  des  Prophètes  qui  pou- 
voient  former  ces  alîèmblées. 

On  peut  ajouter  à  cela  uncchofe  qui  me  paroît  très  remarquable ,  c'efl  si  ons'at 
que  cette  coutume  de  s'afîembler  auprès  des  Prophètes  le  jour  des  Sabbats  p^'Jljg  ^'^ 
&  des  nouvelles  lunes,  ne,fe  trouve  que  parmi  les  dix  tribus  qui  s'étoient  Prophètes 
révoltées  de  l'obeiïTance  de  Dieujôc  qui  s'étoient  feparées  du  Temple  oii  J°VJtvï° 
le  {ervice  fe  faifoit  en  Jerufalem.  11  fe  peut  donc  faire,  que  Dieu  pour  em-  dans  les 
pécher  la  révolte  abfoluë  de  ces  dix  tribus  ,  commandoit  aux  Prophètes  ^^^\^J^ 
a'affembler  chaque  jour  de  Sabbat  ceux  qui  étoient  demeurez  fidèles,  & 
qui  ne  prenoient  point  de  part  à  l'idolâtrie,  pour  leur  mettre  fouvent  leur 
devoir  devant  les  yeux  ,  ôc  les  empêcher  d'être  emportez  par  le  torrent 
qui  avoit  gagné  toute  la  nation.     iVlais  nous  ne  voyons  rien  de  femblable 
dans  les  deux  tribus  qui  demeurèrent  fous  la  domination  de  David ,  &  qui 
fervirent  Dieu  dans  le  Temple  de  Jerufalem. 

Je  trouve  donc  l'opinion  de  Sigonius  plus  vray- femblable  j  c'efl:  que  les  sîgômusdé 
Synagogues  ne  font  que  du  tems  de  la  captivité  deBabylone,aprésquele  Liï"ï'*-^"'^° 
Temple  fut  détruit ,  car  en  effet  nous  ne  voyons  pas  qu'il  nous  en  foit  fait  cap.'  «.* 
aucune  mention  avant  ce  tems-là.     11  eil  vray  que  l'Auteur  du  Pfeaume  Jes^syna- 
74-  fe  plaint  qu'on  a  détruit  les  lieux  Saints  dans  toute  la  terre  :  l'Hébreu  gogues. 
porte  mahade  eï ,  ce  que  l'on  a  interprété  les  Synagogues,  ou  les  afiemblées  hi^'>'W 
du  Dieu  fort.     Mais  par  ces  lieux  je  croy  qu'il  faut  entendre  les  divers 
appartemens  du  Temple,  les  Parvis  ôc  le  Sanétuairc.  Et  fi  cela  ne  fe  pou- 
voit exphquer  que  des  Synagogues,  je  foupçonnerois  que  ce  Pfeaume  n'a 
^té  compofé  qu'afîêz  Ipng-tems  après  la  captivité  de  Babylone,  du  tems  que 

lt?nnemis  des  Juifs  s'oppofoient  à  la  réédification  du  Temple,  &  brû- 

doïiUçj  Synagogues  leiquelles  on  bâtiflbit  pour  le  fervice  divin.  Il  y  a 
"ence  que  les  Juifs  fe  voyant  tranfportez  dans  le  païs  de  Baby- 

0,2,  lone^ 


124         HISTOIRE   DES   DOGMES 

lone,  où  ils  n'avoient  plus  de  Temple,  s'aviferent  de  barir  dans  les  lieux  de 
leurs  demeures  des  édifices  ,  qui  furent  depuis  appeliez  des  Synagogues , 
pour  y  fervir  Dieu  chaque  Sabbat  -,    6c  après  leur  retour  de  la  captivité, 
ils  trouvèrent  que  ces  Synagogues  écoient  d^une  grande  commodité  ,   ôc 
que  les  aflcmblées  qui  s'y  faiibient  étoient  fort  utiles  pour  nourrir  la  dévo- 
tion. C'eft  pourquoi  ils  en  bâtirent  dans  la  Terre  Sainte,  comme  ils  avoient 
fait  dans  le  lieu  de  leur  exil  :    ce  qui  fut  incontinent  imité  par  tous  les 
Juifs  de  la  difperfîon  dans  tous  les  lieux  de  la  terre  où  ils  habitoient.   Je 
ne  voudrois  pourtant  pas  nier  que  les  fidèles  du  V.  Teftament ,  avant  la 
captivité  de  Babylone ,  ne  s'aflemblalfent  pour  le  fervice  divin  le  jour  du 
Sabbat  j  mais  j'oferois  alîurer  que  ces  afiemblées  étoient  petites ,  rares  6c 
abtblument  libres,  n'étant  pas  commandées  par  la  Loy.  Après  cela  jugez 
û  la  coiâtume  de  compofer  des  troupeaux  ,   ôc  de  s'alfembler  à  certains 
jours  pourfervir  Dieu  publiquement,  doit  être  cherchée  dans  lesteras  qui 
ont  précédé  Moyfe  ,  puis  qu'elle  n'étoit  pas  même  encore  établie  long- 
tems  après  que  le  Temple  fut  bâti.  Jecroy  pourtant  bien  que  les  Patriar- 
ches 6c  les  fidèles  invitoient  leurs  voifins  à  leurs  fèces  6c  à  leurs  facrifices,, 
comme  nous  voyons  que  Jacob  invita  Laban  6c  fes  frères  au  facrifice  qu'il 
£t  fur  la  montagne.     Les  Moabites  invitèrent  les  JfraëHtes  à  leurs  fêtes, 
afin  de  les  corrompre.     Cette  coutume  s'eft  confervée  encore  après  que 
la  Loy  de  Moyfe  fut  établie.     Saiil  s'étant  enquis  du  heu  où  il  pourroit 
îvSam.  îo»    trouver  Samuel,  on  lui  répondit  ,  Il  y  a  aujourd'^hui  facrifice  pour  le  peuple  ^ 
^'  ^''  vous  le  trouverez,  avant  qutl  monte  au  haut  lieu  'pour  manger  ,    car  le  peuple  n& 

mangera  pas  qu'ail  ne  fiit  revenu  ,    après  cela  ceux  qui  font  conviez^  en  mange' 
ront.     Quoy  que  ce  fût  un  facrifice  public  ,   il  paroît  pourtant,  qu'il  n'y 
avoit  que  ceux  qui  y  étoient  conviez,  qui  y  enflent  part.    Cet  ufage  s'ell 
répandu  dans  toutes  les  nations  ^  chacun  invitoit  ks  amis  à  Çts  facrifices: 
6c  je  ne  doute  pas  que  cela  ne  vienne  de  fort  loin ,  6c  que  les  Patriarches 
ne  fiifent  la  même  choie.    Ainfi  dans  ces  facrifices  il  fe  faifoit  des  aflem^ 
blées  qui  étoient  d'invitation  ,  6c   non  de  convocation   folemnelle  6c 
réglée. 
roint  deSa-      Voici  cncorc  une  quatrième  chofe  qui  manquoit  dans  cette  Eglife  an- 
cremens      cicnnc  :  cc  font  les  Sactemcns.  St.  Auî^uftin  eften  doute,  s'ils  en  avoient  ^ 
eienneEgH-  ou  nou  :  l  Ecriture  ,Q\t'\\^  ne  mt  pas  s'^ils  avoient  quelque  jîgne  corporel &'vifi- 
Abiaham.     ^le  de  régénération  ^  tel  que  fut  la  Circoncifion  ^  qui  fut  donnée  k  Abraham  dans 
Lib.is.  de  la  fuite  3  ou  s'' ils  avoient  quelque  figne  femhlaUe  ^  ï* Ecriture  ne  dit  point  quel  il 
Sp.^ik^"*  ^■^wV.     Pour  moy  je  tiens  qu'ils  n'en  avoient  pas,  6c  j'eftime  qu'il  ell  mo- 
ralement impoffible  ,   que  s'ils  avoient  eu  quelque  Sacrement ,   cela  eût 
été  ignoré  de  toute  l'Eglife  des  fiécles  fuivans.    Or  voici  qui  prouve  en- 
core invinciblement  ce  que  je  viens  d'établir  ,   c'eft  qu'il  n'y  avoit  alors 
aucune  confédération  entre  les  familles  ,  aucunes  afiemblées  folemnelles ,, 
Contra       aucuu  corps  d'EsHfe  externe  formé.     Car  le  même  St.  Aueuftin  a  très 
\9.  c.  ïî.     Dien  remarque,  que  les  hommes  ne  jaurotent  former  un  corps  a  Egltjejous  le  nom 
de  Religions,  fi-it  fau£è\,  foit  véritable^  s'ils  ne  font  unis  enfemhle  par  les  liens  ^ 
quelques  fceaux    &   de  quelques   Sacremens   vifibles.      Ainfi  ce  qu'iJ'^'Oit 
voient  point  de  Sacremens,  eft  une  preuve  indubitable  ,   qu'il  "*^  au- 
alors  aucune  ibcieté  religieufe,  fembiable  à  celles  que  nou^ 
jourd'huy..  il 


ET  DES  CULTES  DE  UEGLISE.  Tart.l.  H'^ 

Il  eft  vray,  qu'après  le  déluge.  Dieu  traitant  alliance  avec  Noé,  établit  l'Ak-co- 
l'Arc- en-ciel  dans  la  nuée,  pour  un  flgne  de  l'alliance  qu'il  faifoit  avec  "eiii'«„to»t 
lui  ,   6c  de  la  promelîe  qu'il  lui  [aifoit  de  ne  plus  envoyer  de  déluge  fur  ciemem!" 
la  terre;  mais  ce  feroit  aflurément  parler  d'une  manière  fort  impropre  que 
de  dire  que  l'Arc-en-ciel  étoit  un  Sacrement.    Car  dans  tout  Sacrement, 
outre  le  ligne  6c  la  cliofe  lignifiée^  il  y  doit  avoir  une  application  immé- 
diate du  figne  à  celui  auquel  il  eit  deltiné.  J'avoue  bien  qu'il  yavoit  dans 
l'établiiTement  de   cet  Arc-en-ciel ,    pour  ligne  de  l'alliance  ,   quelque 
chofe  de  myllerieux,  6c  qui  avoit  fon  rapport  àJefus-Chrifl:}  mais  cela  ne 
f uffit  pas  pour  en  faire  un  Sacrement ,  c'étoit  feulement  un  type.     Tout 
Sacrement  eft  une  livrée  que  reçoivent  ceux  qui  vivent  fous  les  mêmes 
loix,  6c  qui  font  profeffion  d'être  les  membres  d'une  même  focieté  :  Or 
il  feroit  ridicule  de  s'imaginer  que  l'Arc-en-ciel  pût  être  une  livrée  p.our 
diilinguer  les  hommes  les  uns  àts  autres.     C'étoit  un  figne  pour  les  ido- 
lâtres auiîi  bien  que  pour  les  Saints ,  que  Dieu  n'inonderoit  plus  la  terre 
par  un  nouveau  déluge.  Enfin  les  Sacremens  font  des  moyens  dont  Dieu  le 
lêrt ,  non  feulement  pour  nous  fignifier ,  mais  aufii  pour  nous  conférer  la 
grâce  falutaiie.     Or  i' Arc- en-ciel  n'avoit  alTûrément  aucune  vertu  pour 
conférer  la  grâce. 

11  cil:  vray  que  dans  le  fîécle  des  Patriarches,  long-tems  devant  Moy-  Lacirconcî- 
fe,  nous  voyons  paroître  un.  Sacrement,  c'ell  la  Circoncifion,  qui  fut  don-  m°enceme!ît" 
née  à  Abraham.    Mais  i.  il  faut  remarquer  que  cette  Circoncifion  fut  «'«o"  pas 
donnée  plus  de  deux  mille  ans  après  la  création  du  monde:  Ainfii'Eglife  men^de" 
fut  très  long- tem5  fans  Sacrement.  De  plus  il  faut  favoir  que  laCirconci-  toiMePE-^ 
fion ,  quand  elle  fut  donnée  à  Abraham ,  n'ètoit  pas  le  Sacrement  de  tou-  ^  *  ^' 
te  l'Egiife,  mais  celui  de  là  famille.    Car  encore  une  fois,  il  faut  bien  fe 
donner  de  garde  de  croire  qu'alors  tous  les  incirconcis,  6c  ceux  qui  n'é' 
toient  pas  de  la  famille  d'xAbraham ,  fuflent  hors  de  l'Egiife.    Il  eft  vray 
qu'à  mefure  que  la  famille  d'Abraham  devenoit  une  nation  ,  la  grâce  le 
retirait  infenfiblement  des  autres  nations.  Et  quand  ce  peuple  fut  devenu 
un  grand,  peuple ,  la  grâce  fe  renferma  dans  ce  feul  peuple ,  6c  abandon- 
na tous  les  autres.   Alors  la  Circoncifion,  qui  n'avoit  été  qu'un  fceau  de 
famille,  devint  un  Sacrement  de  l'EgHfe.  Et  parce  qu'il  faut  deux  témoins 
pour  faire  une  bonne  preuve,  6c. deux  Sacremens  pour  être  les  gages  de 
l'amour  de  Dieu  ,    Dieu  y -ajouta  le  Sacrement  de  la  Pâque.     Ainfi  la 
Circoncifion  ne  devint  un  Sacrement  de  i'Eglife,  que  quand  Dieu  y  eut 
ajouté  un  autre  Sacrement.     Quelqu'un  dira  peut-être,  que  les  repas  fa^ 
crez  qui  fe  faifoient  après  les  facrifices  tenaient  lieu  de  Sacrement  dans 
cette  ancienne  Eglife  ,   6c  je  ne  voudrois  pas  nier  que  cela  ne  foit  vray 
en  quelque  forte.  Le  facrif  ce  6c  le  Sacrement  font  fort  differens,  parce  que 
dans  le  Sacrement  l'homme  reçoit  de  Dieu ,  ôc  dans  le  facrifice  Dieu  re- 
çoit de  l'homme.  Mais  dans  les  têtes  des  Anciens  il  y  avoit  6c  Sacrement 
6c  facyifice  ,  car  Dieu  recevoir  de  l'homme,  quaiid  la  victime  ètoit  égor- 
gée, 6c  les  hommes  recevoient  de  Dieu,  quand  une  partie  de  la  viélime, 
qui  avoit  été  confacrée  toute  entière ,  revenoit  au  facrifiant  pour  la  man- 
ger. J'avoue  que  cela  fe  peut  dire  en  prenant  le  mot  de  Sacrement  dans 
une  fignification  étendue,  pour  toute  cérémonie  facrée,dans  laquelle  l'hom?- 
îae  reçoit  quelque  chofe  de  Dieu:  mais  dans  le  fens  de  l'Egiife,  ces  re^ 

0.3  p^ 


126  HISTOIRE  DE  S  D  OGMES 

pas  ne  pouvoient  être  appeliez  des  Sacremens ,  parce  que  ce  n'étoit  pohlt 
des  Iceaux de  l'Alliance  j  ce  n'étoi:  point  des  livrées,  ni  des  fymboles d'une 
focieté,  Dieu  n'y  avoit  point  ajouté  de  promefles  :  enfin  ils  n'étoient  point 
deibnez  à  conférer  la  grâce.  Et  fur  tout  ils  n'étoient  Sacremens  que  d'une  fa- 
mille, &  non  de  toute  une  Eglife,  car  comme  les  facrifices  n'étoient  que 
pour  les  familles  ,  les  repas ,  qui  venoient  enfuite  ,  ne  pouvoient  être  que 
pour  les  familles,  6c  quelque  peu  de  conviez.  Ainfi  je  conclus  que  l'Egii- 
fe  des  Patriarches  n'avoit  point  de  Sacremens, 
îi  n'y  avoit       li  cil  facile  deconclurre,  que  cette  ancienne  Eglife  n^ayant  aucune  con- 
pas  de difci- fédération,  6c  n€ formant  aucun  corps,  n'avoit  auffi  aucune  loy générale, 
îalè?*^"^"  ni  difcipline,  nicenfure  Ecclefiaftique, ni  règle  pour fon  gouvernement. 
Chaque  Patriarche  étoit  le  père ,  le  maître ,  le  do6teur ,  le  prophète  &  le 
facrificateur  de  fa  famille  5  de  il  châtioit  comme  bon  luy  fembloit  ceux  qui 
violoicnt  les  loix  de  fa  petite  focieté.  Il  faut  avoir  l'efpritbien  prévenu  ôc 
rempli  àcs  idées  du  gouvernement  des  Eglifes  d'aujourd'huy,  pour  trou- 
ver dans  ces  premiers  fiécles  la  grande  &  la  petite  excommunication,  coili- 
_  _  „ , ,    me  a  fait  Corneille  Bertram.  //  femble .  dit-il  ,  ^fie  des  ce  tems-la  il  y  ai/oit 
judsor.  cap.  «tf^^jc  excommumcattons  ^  v excommunication  JimpLe  &  l  anameme.    JSIohs  avons 
*•  ce  formulaire  de  ï' excommunie  mon  ftm^le  dans  le  chap.  ij.  de  U  Gen.  en    cet 

mots ,  &  cette  ame  fera  retranchée  de  fis  peuples  ;  c^efi  comme  s'tl avoit  Jit^  un  tel 
homme  ne  fera  plus  ejiimé  du  peuple  de  Dieu.    Car  par  le  nom  de  peuple ,  il  faut 
entendre  Pafemblée  de  plufieurs  hommes  ,    (^ui  vivent  fous  les  mêmes  Loix  divi- 
nes &  humaines  :  Nous  voyons   un  exemple  de  cette  excommunication  ^n  (^a'm, 
Enoch  feptiéme  homme  après  Adam,  voyant  que  la  poflerité de  Cdin  devemit  de 
plus  en  plus  méchante ,  ^  que  les  enfans  de  Dieu  abandonnotent  leur  ancienne pU' 
reté  ,  mit  en  avant  la  grande  excommunication  ,  &  propofa  cet  anaihéme  qut 
mous  lifons  dans  Ï^Ephre  de  St.  fude.  Toutes  ces  conjeétures  font  fauiTes  j  la 
peine  du  retranchement,  quieft  apipellée  Kereth  ^  dont  il  eft  parlé  dans  le 
chap.  17.  de  la  Gen.  ôc  en  beaucoup  d'autres  lieux,  félonie  fentimentdes 
juifs  n'eft  point  l'excommunication.    Ce  n'étoit  pas  une  cenfure  adminif- 
trée  par  les  hommes ,  mais  c'étoit  une  peine  que  Dieu  infligeoiu  luy-mê- 
me,  ou  par  la   mort ,   ou  par  quelque  chofe  de  femblable  :  c'eft  ce  que 
nous  prouverons ,  quand  nous  aurons  à  parler  des  peines  de  la  Loy  de  Moyfe. 
Mais  de  quelque  nature  que  fût  cette  peine  de  retranchement ,  il  eft  cer- 
tain qu'elle  regardoit  le  tems  de  l'œconomie  légale,  &  ne  remontait  pas 
jufqu'aux  fiécles  des  Patriarches,     Les  IfraëUtes  durant  leur  voyage  dans 
le  Défert  ne  furent  pas  circoncis,  cependant  la  malediétion  de  Dieu  ne 
îomboit  pas  fur  eux ,  &  ils  ne  furent  pas  foûmis  à  la  peine  du  retranche- 
ment î  6c  même  l'opinion  dudoâe  Mafius  eft  trés-vray-femblablci  c'eft 
que  les  Ifraèlites  avoient  négligé  la  Circoncifion  pendant  qu'ils  demeuroient 
en  Egypte  :  c'eft  pourquoy  Moyfe  les  obligea  de  le  circoncire ,  quand  il 
Mafius  in     îcvint  de  Madian  pour  les  tirer  d'Egypte.     Cela  fe  recueille  de  l'Hiftoi- 
■^°J"j'"&^*  ^^  ^^  Jofuéj  il  fit  circoncire  le  peuple,  quand  il  fut  fur  le  point  d'entrer 
cap.*  4.' V.  5.   dans  la  terre  de  Canaan  j  6c  Dieu  luy  dit  ^  Circoncis  encore  pour  une  féconde  fois 
les  enfans  d'^/fraël.  Fourquoy  dit-il  encore  uneficonde fois  ?  C'eft  par  rapport  à  la 
première  fois,  dans  laquelle  Moyfe  les  avoit  fait  circoncire  en  fortant  d'E- 
gypte.    Ainfi  cette  Loy ,  Tout  mâle  incirconcis  fera  retranché  d'entre  ce  peuple  ^ 
fut  donnée  pour  avoir  vigueur,  quand  la  famille  d'Abraham  feroit  devenue 

un 


ET  DES  CUDTES  DE  L'EGLISE.  iP^r^.I.   127 

un  peuple  /eparé  des  autres  peuples  de  la  terre.  Pour  ce  qui  eft  del'ana- 
théme  &  de  la  grande  excommunication  qu'on  dit  avoir  été  introduite  par 
Enoch,  c'eft  une  pure  vilîon,  qui  n'a  point  de  fondement  dansl'Hiftoi- 
re  ,  ôc  qui  n'eft  appuyée  que  fur  ce  que  les  Juifs,  après  le  retour  de  la  capti- 
vité de  BabylonCy  en  établiflant  l'excommunication ,  compoférent  un  for- 
mulaire d'anathéme,  qui  commençoit  apparernment  par  ces  paroles  at- 
tribuées à  Enocb ,  qui  fe  lifent  dans  l'Ep.  de  St.  Jude ,  roicy  le  Seigneur  vient 
avec  des  milliers  d"* Anges ^  ëcc. 

Bien  que  l'hypothefe  que  je  viens  de  pofer  paroifle  étrange,  cjue  l'^Eglife  L'Hiftoîrcde 
des  Patriarches  n^avoit  aptcuneforme  d^Eglife^  je  fuis  pourtant  afîïïré  qu'on  ne  Meichifedec 
fauroit  faire  contre  cette  vérité  aucune  difficulté  confiderab le  >  fi  ce  n'eft  pasi'hypo- 
celle  qui  fe  tire  de  l'Hiftoire  de  iVIelchifedec,qui  vint  au  devant  d'Abra-  Jç^^g  ^'^**^®* 
ham,  comme  il  revenoit  de  la  défaite  des  Rois.  Moyfe  nous  dit,  qu'Abra- 
ham donna  la  dime  de  tout  à  Meichifedec,  qui  étoit  Sacrificateur  du  Dieu 
Souverain.  On  peutconclurre,  ce  femblede  là,  qu'il  y  avoit  déjà  dés  Sa- 
crificateurs publics,  établis  du  confenteinent  de  tous,  &  qu'on  leur  don- 
noit  les  dîmes  pour  leur  entretien.  Mais  cette  conclufion  feroit  fauirejôc 
dans  le  fond  on  ne  peut  rien  trouver  icy  de  femblable.  Abraham  prit  une 
partie  des  dépouilles  de  fes  ennemis,  êc  les  donna  à  Meichifedec  :  ce  ne 
fut  pas  pour  fervir  à  l'entretien  de  ce  Sacrificateur ,  qui  étoit  aufii  Roy ,  c'é- 
toit  afin  qu'illes  confacrât  à  Dieu.    Il  avoit  la  même  intention  que  Jacob 
allant  en  Paddan- Aram  ,<qui  difoit,.  De  toutes  chofes  que  ta  m  auras  données  ^  ^en.  28.  ?, 
je  t'^en  donnerai  entièrement  la  dtme.  De  plus  Abraham  ne  donna  pas  la  dîme  2^2. 
de  fbn  bien ,  mais  celle  du  butin.  Or  on  ne  donnoit  pas  aux  Sacrificateurs 
la  dîme  des  dépouilles  qu'on  remportoit  fur  les  ennemis  j  c*étoit  à  Dieu , 
c'efl-à-dire  qu'on  les  dévoiioit.     Les  Latins  \ts  appelloient ,  opimafpolia^ 
&  les  Grecs,  mpo^lvia,.  Thomas  d'Aquin  définit  afiez  bien  cette  queftion  J^''^^^""^®' 
de  cette  manière  j  Avant  le  tems  de  P  ancienne  Loyales  Minijlres  du  fervice  di- 
vin n^e'toient  pas  precifément  marquez.  :  mais  on  dit ,  que  les  premiers  nez.  des  fa- 
milles  étoient  Sacrificateurs  ^   &  qpp ils  avaient  une  double  part  dans  ^héritage  -.c'^efi 
pourquoy  tln\  avoit  pas  de  portion  defi.inéepour  les  Minifires  des  chofes faintes.  Quand 
quelqu'^un  les  rencontrott ,  Pon  leur  donnait  volontairement  ce  qu'ion  jugeoit  a  prO" 
pOK    *C'efl  ainfi  qu*  Abraham  ,  par  un  mouvement  prophétique^  donna  les  dîmes  a- 
Melchifedee  Sacrificateur  du  Dieu  fouvcrain  :  de  même  Jacob  voua  qu'ail  donneroit 
les  dîmes:  cependant  il  ne  paraît  pas  qu'ail  eut  dejfein  de  les  donner  a  quelque  Sa" 
crificaieur  3  c'était  aufervice  divin  quil  les  defitncit  ^  (^  il  les  voulait  confirmer 
dans  fes  Sacrifices.     Après  toutes  cesremarques,  je  conclus ,  que  le  culte,  les 
©ffi'andes,.  les  heux,  les  tems,  les  jours  du  ièrvice  divin  étoient  abfolu- 
ment  libres  dans  ces  premiers  fiécles  ,  &  dépendoient  de  la  volonté  des 
chefs  de  famille,  qui  étoient  les  maîtres  de  la  Religion. 

Prefentement  il  ell  évident  que  l'Eglife  dont  nous  venons  de  parler,  n n'y  avoir 
puis  qu'elle  n'avoitniaflemblées,  ni  Sacremens,  ni  difciplîne  ,   ni  trou-  ni  juges°£c-' 
peaux,  ni  confédération,  n^avoit  point  auffi  de  tribunaux  Ecclefiaftiques,  ciefwftiques, 
point  de  juges  de  controverfe ,-  point  de  Synodes,  point  de  Confeils,  point 
de  Pontifes.  Ainfi  pour  donner  en  racourci  Tétat  del'Eghfe  avant  la  Loy, 
je  dis,   I.  qu'elle  étoit  difperiee  par  toute  la  terre,  une  famille  dans  un  en-  ^^jj^fiel^e 
droit,  un  autre  dans  un  autre  lieu.    2.  Que  ces  familles  fe  connoiflbient  cetteanciea- 
bien,  quand  la  proximité  des  heux  le  permettoit-,  ôc  qu'elles  étoient  unies  ne^si^f^» 

par 


138  HISTOIRE  DES  DOGMES 

par  les  liens  externes  d'un  même  culte.  3.  Qu'elles  étoient  indépendantes 
les  unes  des  autres  >  que  l'une  n'avoit  pas  recours  à  l'autre  pour  être  aidée 
dans  Ton  culte.  Quand  Dieu  illuminoitun  de  ces  chefs  de  famille  d'une  fa- 
çon extraordinaire,  je  ne  doute  pas  qu'on  ne  s'addreffât  à  luy  pour  être 
eclairci  dans  fes  doutes:  &  il  paroît  par  le  Livre  de  Job,  que  cet  hom- 
me étoit  devenu  l'oracle  de  fon  pays.  Mais  on  les  confultoic  avec  ujie  fou- 
veraine  liberté ,  fans  être  obligé  de  fuivre  leurs  avis.  4.  De  ces  dévotions 
qui  fe  faifoient  dans  chaque  famille,  le  chef  de  la  famille  étoit  le  Pereôc 
le  Do61:euri  ôc  à  mefureque  ces  familles  fe  fubdiviibicnt,  ces  petites  Egli- 
.  fes  indépendantes  fe  multiplioient  auffi,   f .  Chacune  de^ces  familles  étoit 
libre  dans  le  choix  des  jours  de  fa  dévotion  ,  ôc  les  facrifices  s'y  faifoient 
félon  les  évenemens ,  ôc  félon  les  raifons  de  joye  ou  de  deuil  qui  s'y  ren- 
controient.  6.  Une  famille  n'étoit  pas  en  droit  de  faire  querelle  à  l'autre, 
quand  elle  fe  détournoit  du  véritable  chemin  de  la  pieté  :  chacune  faifoit 
ce  qui  luy  fembloit  bon  ;  c'eft  pourquoy  pendant  qu'entre  les  décendans 
de  Tharé,  Abraham  s'attache  au  (êrvice  du  vrai  Dieu,  Laban  devient  ido- 
lâtre. On  n'avoit  point  d'autre  voye  pour  ramener  ceux  qui  s'égaroient, 
que  l'exhortation.   7.  Bien  que  chaque  famille  fût  maîtreflè  de  fon  culte 
&  de  fes  facrifices,  6c  ne  les  fît  que  pour  fes  utihtez,  ôc  félon  fes  befoins, 
elle  y  convioit  pourtant  fes  voifîns.     Mais  dans  ces  allemblées  le  chef  de 
la  famille,  qui  faifoit  le  facrifice,  8c  qui  avoit  invité  les  autres,  étoit  ce- 
luy  qui  officioit.  8.  Pendant  que  lesenfans  étoient  fous  la  conduite  de  leur 
père ,  ils  étoient  obligez  de  fuivre  {es  ioix  ôc  fa  Religion  :  mais  quand  ils 
étoient  mariez ,  6c  faifoient  une  famille  à  part ,  ils  devenoient  maîtres  d'eux- 
mêmes  à  tous  égards,  p.  Toutes  ces  petites  Eglifes  feparées  ne  reconnoif- 
foient  aucun  chef,  auquel  elles  fe  crufTent  obligées  d'obeïr  :  cependant 
elles  avoient  une  grande  confîderation  pour  ceux  qui  étoient  leurs  Ancê- 
tres.    Cette  confideration  pourtant  n'alloit  pas  jufques  à  fe  foûmettre  à 
leur  gouvernement  dans  les  choies  Ecciellaftiques ,  non  plus  que  dans  les 
chofes  civiles  j  autrement  on  n'auroitpas  vu  de  fi  grandes  corruptions  dans 
ce  premier  monde  avant  le  Déluge.  Il  n'y  avoit  que  deux  hommes  depuis 
la  création,  Adam  ScMethufcela,  Adam  avoit  appris  de  Dieu  ,  6c  MethU' 
fcela  avoit  appris  d'Adam.  Si  les  hommes  qui  étoient  fortis  de  ces  deux  grands 
Patriarches  le  fufient  fournis  à  leurs  Ioix  ,  ils  ne  feroient  fans  doute  pas 
tombez  dans  un  fi  grand  excez  de  corruption.   Après  le  Déluge  Noé  vé- 
cut 3fo.  ans,  6c  Sem  vécut  foo.  ans.  ll'idolatrie  6c  toutes  fortes  de  cri- 
mes ne  laiflerent  pas  de  s'établir  dans  la  poilerité  de  ces  Patriarches ,  par- 
ce qu'à  mefure  que  les  familles  fe  muitiplioient  par  divifion ,  elles  deve- 
noient indépendantes  de  la  fource  d'où  elles  étoient  forties:  éc  cette  indé- 
pendance n'étoit  pas  contre  l'intention  de  Dieu  j  car  les  familles  danslef- 
quelles  la  pieté  regnoit ,  étoient  dans  cette  indépendance  comme  les  autres. 
Il  ne  nous  paroît  pas  que  la  famille  d'x^braham  eût  plus  de  liaifon  avec  la 
perfonne  de  Sem,  quivivoit  encore  dutemsd'Ifaac,  que  toutes  les  autres 
familles  de  la  terre. 

Ceux  qui  voudront  lire  fans  préjugé  le  Livre  de  la  Genefe ,  trouveront, 

que  c'eft-là  véritablement  l'idée  de  l'ancienne  Eglife  6c  de  fon  état.    ^Et 

Thiimud     par  là  nous  voyons  clairement  la  raifon  pourquoy  les  arlciens  [uifsontap- 

dïitn.         pelle  cette  première  Eglile  Thoopt^  ceil-a-dire,  le  Chaos:  Le  monde  doit 

durer 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  PartA.  139 

durer  y^y  mille  ans ,  dit  U  maifon  d'^E/ie  j   denx  mille  ans  fous  Thoou ,  da'us  le 
Chaos  \  deux  mille  ans  fous  la  Loj  ;  deux  mille  ans  Cous  leAîeJfie.  Sur  cette  tra-  Genebr.  zé. 
ditioii  un  certain  Rabbi  Jacob,  fils  de  Salomon,  dit,  que  ce  tems  s'appel-  noî^i^dc**" 
loit  le  Chaos ,  farce  qn  alors  la  Loy  n*étott  point  encore  donnée ,  &  que  le  mon-  cknfto. 
de  et  oit  a  f  égard  de  la  Religion  ,  comme  vuide  (fr  fans  forme.  Il  eft  certain 
qu'alors  l'Eglife  étoit  encore  informe,  encomparaifoade  ce  qu'elle  a  été 
depuis  fous  la  Loyjôc  de  ce  qu'elle  eft  aujourd'huy  fous  l'Evangile.  Dieu 
a  voulu  conduire  fon  Eglife  à  fa  perfeétion  par  degrez,  auffi  bien,   eu 
égard  à  fon  gouvernement  ôc  fon  extérieur,  qu'àl'égarddefa  connoifTan- 
ce  Se  de  fon  intérieur.  11  eft  à  remarquer,  que  pour conierver une  Eglife 
dans  cette  forme,   ou  pliitôt  dans  cette  privation  de  forme  externe  ^  il     - 
falloit  une  beaucoup  plus  grande  mefure  de  l'efprit  :  tellement  que  fi  les 
révélations  n'étoient  pas  li  amples ôc  fi  claires,  elles  étoient beaucoup  plus 
ordinaires;  tous  ces  chefs  de  familles  oii  la  pieté  regnoit,  que  nous  appel- 
ions Patriarches,  étoient  Prophètes. 

Ces  faits  qui  femblent  être  purement  hiftoriques ,  ne  laifient  pas  d'être  Erreurs  des 
de  grand  ufage  pour  l'éclaircilTement  des  Controverfes  d'auiourd'huy.  i .  Ce-  *^°f  ""^^s. 
ia  nous  tait  voir  combien  iont  vilionnaires  les  Auteurs  ,    qui  pour  etabhr  CoccemsSG 
la  neceftité  d'un  fouverain  Chef  vifibic  de  l'Eglife,  veulent  trouver  dans  ^"""° 
l'Eglife  du  premier  monde  un  fouverain  Pontite  ,   des  Sacrificateurs  éta- 
blis fous  eux,  une  Hiérarchie  bien  ordonnée,  une  Eglife  dans  toutes  les 
formes,  des  troupeaux ,  des  Eglifes,  des  ccnfures&  des  excommunications; 
on  y  trouveroit  auffi-tôt  les  Ordres  des  Mendians,  6c  routes  les  familles 
des  Moines,  z.  J'ay  auffi  quelque  peine  à  pardonner  à  la  négligence  de  nos 
Savans,  qui  après  avoir  bien  étudié  l'état  de  cette  Eglife  ancienne,  nous 
la  reprefentent  comme  ayant  fes  Alîemblées ,  fes  Synodes  &  fes  Cenfures. 
Un  Auteur  moderne,  qui  ne  manque  pas  d'habileté,  &  qui  a  travaillé  tout  Hddegge» 
exprés  fur  l'Hiftoire  des  Patriarches,  dit,  iju-on  ne  fauroit  bien  déterminer  ^^^^f^^f- 
de  <jtielle  manière  l"^ Eglife  en  agijjoit ,  quand  darriv oit  des  cas  dans  lef(jHels  il  étoit  Exercitac.  r. 
necejfaire  qu'elle  décidât.  Quand  par  exemple  il  falloit  faire  quelque  loy  quiregar- 
dat  le  bien  de  l"^  Eglife  ^  le  bon  ordre  j  quand  il  falloit  reprendra  ou  châtier  quel~ 
qu^un  ^  qui  par  fes  aBions  avait ,  ou  fcandalifé  toute  P Eglife ,  ou  quelqu'*un  defes 
frères ,  on  ne  peut  favoir  fi  les  Patriarches  ,  &  les  plus  anciens  s'ajjèmbloient  & 
cenfur oient  enfemble,  ou  s'ils  commettaient  ce  foin  a  un  petit  nombre  de  aenschoi" 
(is ,  fans  renoncer  pourtant  aux  devoirs  qu'ils  étoient  obligez,  de  rendre  a  toute Taf. 
femblée\  ou  enfin^  s'ils  commettaient  le  pouvoir  de  réprimer.^  k  unfeul.     Tout  ce- 
la fuppofe  que  du  tems  des  Patriarches  on  faifoit  des  afi^emblées ,  qu'il  y 
avoit  des  troupeaux ,  qu'on  faifoit  des  rcglemens  ,  qu'on  commettoit  dts 
gens  pour  veiller  fur  les  fcandales ,  qu'il  y  avoit  des  cenfures ,  que  les  par- 
ticuliers dépendoient  du  public  dans  les  chofes  Ecclefîaftiques  :  mais  nous 
avons  vu  que  tout  cela  eft  faux.  3.  Nous  apprenons  auffi  de  là,  quec'eft 
une  faufle  imagination,  que  de  fe  perfuader  que  l'Eglife  ne  peut  pas  fab- 
fifter  fans  avoir  un  fouverain  Tribunal  &  un  Juge  des  Controverfes  qui  ter- 
mine tous  les  differens  qui  peuvent  naître.  Je  ne  doute  pas  que  la  paix  ne  ré- 
gnât beaucoup  plus  dans  cette  ancienne  Eglife,  que  dans  celle  d'aujour- 
d'huy.     Je  ne  croy  pas  qu'on  y  ait  jamais  parlé  d'heretiques  &  d'herefies, 
excepté  celles  qui  font   renfermées  dans  le  culte  idolatrique.   4.  Nous 
voyons  combien  eft  faufié  l'idée  qu'on  fe  forme  de  TEgUie,  de  laquelle 
l'art.  I.  R  on 


Nuai.  I. 


14X)  H  ï  S  T  O  I  R  E  D  E  S   D  O  G  M  E  S 

on  étabjit  l'eflence  dans  ce  qu'elle  a  d'exEcrieur.  Car  on  la  définit  dans 
l'école  Romaine,  Uajfemblée  de  ceux  ^ui  ont  étéap^^ellez.  de  Diept-^^m  font  liez,, 
enfemble  tar  le  lien  d'une  commune  prof ejfion  de  foy^,  par  tufage  des  mêmes  SacrC" 
mens  ^  par  l'obeifjance  atiTafieHr  légitime  fous  un  fonverain  Pontife.  Dans  cette 
définition  il  n'entre  rien  des  qualitez,  internes  de  rEglifcj.  &  félon  cette 
idée  l'Eglife  ancienne  avant  Moylé ,  n'étoit  pas  EglifCo.  Cai*  elle  n'avoit  au- 
cun, de  ces  liens,  externes ,  les  membres  n'étoient  point  unis  par  la  profef^ 
fion  extérieure  d'une  même  toy>  mais  par  les  liens  invifibles  d'une  même 
créance  :  non  par  l'ufage  des  mêmes  Sacremens,.  mais  par  les  liens  d'une 
charité  ôc  d'un  même  efprit.  Et  cela  nous  fait  bien  voir  en  quoi  confille 
l'eflence  de  l'Eglife  :  car  ce  qui  eft  efléntiel  à  l'Eglife,  c'eil  ce  quiluy 
convient  dans  tous  les  tems ,  &  dans  ïous  les  états,  f .  Nous  apprenons 
par  cette  même  Hilloire ,  que  les  cenfures  Ecciefialliques ,  qu'on  appelle 
la  petite  &  la  grande  excommunication  ,  ne  font  point  de  droit  divin  na- 
turel, &  qu'elles  ne  font  point  fi  eflentiellesàrEglife,  qu'on  nes'enpuif" 
fe  paffer  en  certains  tems.  Car  cette  Eglife  ancienne ,  qui  étoit  véritable- 
ment Eglife,  ne  les  avoit  pas.  6.  Enfin  cela  nous  apprend,  que  la  confé- 
dération des  familles  pour  faire  des  troupeaux  ,  &:  celle  des  troupeaux, 
pour  compofer  des  Eglifes  provinciales  &  nationales,  n'ell  pas  de  l'eflen- 
ce de  l'Eglife,  6c  que  l'Eglife  peut  fubfifter,  quoy  que  les  familles  demeu^ 
rent  comme  autant  de  petites  Républiques  feparées  &  Ecclefiaftiques. 

Je  fai  bien  que  les  Indépcndans  d'Angleterre  jSclesIndifferensd^s Pays- 
Bas  5  verront  avec  plaifir  cette  conclufion  &:  cette  Hilloire  ,  &  croiront 
avoir  trouvé  dequoi  foûtenir  leur  efpece  de  gouvernement.  Car  ils  veulent 
que  chaque  troupeau  foit  feparé  &  diftingué,  &  indépendant  de  tous  les 
autres ,  à  peu.  prés  comme  j'ay  reprefenté  qu'étoient  les  familles  avant  k: 
Loy.  Mais  ils  doivent  fe  fouvenir,,  que  ce  qui  étoit  bon  dans  ce  tems-là,.  ne 
le  peut  plus  être  aujourd'huy.  i..  Parce  que  nous  vivons  fous  les  loix  de 
J.  Ch.  &  àts  Apôtres,  qui  nous  ont  donné  une  autre  forme  de  gouver* 
nement.  2.  Parce  que  l'Eglife  étoit  moins  nombreufe qu'elle  n'eftaujour* 
d'huy,  6c  ainfi  ellefe  pouvoir  mieux  pafl^er  des.  liens  qui  font  neeefliiires 
pour  les  grandes,  focietez.  5.  Elle  étoit  alors  beaucoup  moins  combattue, 
&.e}îe  avoit  beaucoup  moins  d'ennemis  fur  les  bras  j  car  il  étoit  permis  tl 
chacun  d'être  fidèle  &  pieux,  ôc  on  n'étoit  point  combattu  dans  cedef- 
fein.  Aujourd'huy  le  démon  fe  fert  de  mille  moyens  pour  ruiner  l'Eglife  :; 
c'efl:  pourquoy  elle  doit  être  unie  pour  fubfiiler,  par  ces  liens  externes,, 
qui  lient  fes  membres  extérieurs.  4.  Outre  cela  dans  ces  premiers  fiécles, 
Tunion.externe ,  les  Pafteurs,  l'Ecriture,  les  Synodes,  les  Gonfukations, 
&:  autres  chofes  femblables,  n^étoient  pas  necefiàirés  pour  laconfervation 
de  l'Eglife  5  parce  que  Dieu  entroit  immédiatement  dans  fon  gouvernement 
par  des  révélations  continuelles,  f .  Enfin  Dieu  avoulu  par  fa  profonde  fa- 
^q'^q^.  que  fon  Eglife  fût  dans  de  certains  tems  dans  un  état  bien  moins 
parfait  que  dans  les  autres.  .Or  il  feroit  ridicule  aujourd'huy,  que  Dieu  a 
mis  la  dernifere  main  3: l'Eglife,  de  la  vouloir  rendre  encore  informe  ,  Sc 
k  vouloir  ramener  à  l'état  dans  lequel  elle  étoit  durant  fon  enfance,  &dans 
fon  premier  âge.  Ainfi  ceux  qui  veulent  confondre  tout  ordre,  &  mettre 
tout  dans  l'indifférence,  doivent  être  confiderez  comme  les  ennemis  de 
l'Eglife.  G  HA- 


E  T  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  PartA.    141 


CHAPITRE     XVII  L 

^es  mariages  des  Patriarches ,  de  l'infiitution  des  mariages ,    & 

des  cérémonies  avec  leJqueUes  on  les  contraBoit. 

TOut  ce  que  nous  avons  dit  depuis  le  fîxiéme  Chapitre  jufques  ici, 
peut  être  confideré  comme  un  Commentaire  fur  les  deux  premiers 
préceptes  des  Noachides.  Le  troifiéme  6c  le  cinquième  de  ces  pré- 
ceptes regardent  le  meurtre  &  le  vol,  6c  doivent  être  rangez  entre  lesloix 
civiles ,  plutôt  qu'entre  les  loix  Ecclefiaftiques.  C'eft  pourquoy  nous  ne 
ferons  aucunes  obfervations  fur  ces  deux  commandemens ,  parce  que  nous 
nous  fommes  obligez  à  ne  rien  dire  fur  ces  loix  civiles  :  outre  cela  je  ne 
fay  rien  de  fort  fmgulier  ià-delTus ,  6c  qui  foit  fort  digne  d'être  obfervé. 
Il  eft  aiTez  évident  par  i'Hiftoire  de  la  Genefe,  que  l'un  &  l'autre  de  ces 
crimes,  je  veux  dire  le  meurtre  6c  le  vol,  étoient  connus,  6cque  l'un  6c 
Tautre  ëtoit  défendus.   Le  quatrième  commandement,  qui  regarde  le  ma-  ' 

riage,  6c  que  les  Juifs  appellent  reveUùo.^uâenàoYum  ^  a  beaucoup  plus  de 
liaifon  avec  les  matières  Ecclefiaftiques.  Carie  mariage  eft  confideré  com- 
me ayant  une  étroite  liaifon  avec  la  Religion,  jufques-là même qu'aujour- 
d'huy  on  en  fait  un  Sacrement.  Nous  fommes  donc  obligez  d'en  parler.; 
6c  c'eftce  que  nous  allons  faire  dans  la  fuite.  Les  mariages  des  Patriarches, 
qui  ont  vécu  avant  Moyfe,  étoient  bien  differens  des  nôtres ,  par  quanti- 
té de  fingularitez  qui  méritent  bien  d'être  obférvées  :  telles  étoient  U  Po- 
lygamie^  le  Divorce  ^  ta  Loy  du  Levirat  ,  le  mariage  avec  les  jcenn  &  les  pro- 
ches parens ,  le  Concubinage,  Mais  avant  que  de  parler  de  toutes  ces  chofes, 
il  faut  examiner  l'inftitution  du  mariage ,  6c  parler  de  îts  droits  félon  l'inf- 
titution  divine,  6c  dire  quelque  chofe  de  la  manière  dont  on  les  contrac- 
toit  dans  les  premiers  fiécles. 

L'origine  6c  l'inftitution  du  mariage  fe  trouve  dans  I'Hiftoire  de  la  Créa-  L'inftitutîoa 
tion  du  monde,  de  l'homme  6c  de  la  femme,  aufquels  Dieu  dit,  quand  &"fes"S 
il  les  eut  créez.    Croijfez.  &  multipliez..  Ces  paroles,  qui  ont  la  forme  d'un 
commandement,  font  de  la  peine  aux  Interprètes.  Car  Çi  c'étok  un  com- 
mandement, il  obligeroit  tous  les  hommes:  Ainfî  l'état  du  célibat  ne  fe- 
roit  pas  loiiable,  puis  qu'il  feroit  oppofé  à  un  commandement  de  Dieu. 
D'autre  part,  il  femble  que  l'on  faife  tort  au  mariage ,  en  difant ,  que  ce  n'eft 
pas  un  commandement ,  que  ce  n'eft  qu'une  fimple  permiffion  j  6c  qu'il 
faut  entendre  ces  paroles ,  CroiJfez.&fnultipliez.  ^  comme  celles-ci  du  qua- 
trième Commandement,  Tu  travailleras jïx  jours.     Les  permiftlons  ne  fe 
donnent  que  pour  les  chofesquine  font  pas  naturellement  bonnes ,  6c  mê- 
me qui  font  en  quelque  forte  mauvaifes,  Ils'enfuivradoncdelà  que  le  ma- 
riage n'eft  pas  bon ,  qu'il  eft  feulement  tolerabîe  j  qu'il  n'eft  pas  défendu, 
mais  qu'il  n'eft  pas  commandé.    En  effet  c'eft  là  le  fens  que  Tertuiîien,  i.^ad  uxor.c' 
St.  Jérôme,  6c  quelques  autres  Anciens  ont  voulu  donner  à  ces  paroles  de  ^• 
Dieu ,  Croijjez.  &,  multipliez..  Mais  c'eft  un  fens  injurieux  au  mariage ,  duquel  in  jo^nia-^' 

R  z  St.»»™- 


Ï42         HISTOIRE  DES  DOGMES 

HB^r.  î3.    Sl.  Paul  a  dit  ,    honorable  eji  le  mariage  entre  tous  ,  &  la  couche  fans  fouillu^ 
re.  Outre  cela  ce  ne  pouvoir  pas  être  une  fimplc  permiffion ,  puis  qu'aflû- 
rémcnt  il  étoic  de  l'intention  de  Dieu,  que  l'homme  fe  mariât  pour  li  con- 
iervation  &c  la  multiplication  de  l'elpece  ,.  èc  pour  le  meilleur  état  de  k 
confciencc  de  ceux  qui  n'auroient  pas  le  don  de  continence.     Les  Juifs 
prétendent,  qoe  c'eil  un  commandement  qui  oblige  tous  les  mâles  au  def- 
■  "lus  de  vingt  ans  ,   excepté  ceux  qui  ne  font  pas  propres  à  la  génération , 
&  ceux  qui  fe  mortifient  continuellement  par  une  étude  excefîive  de  la 
Loy.     Ils  excufent  aufli  les  femmes  ,    ôc  difent  qu'elles  ne  font  pas  ne- 
cellaircment  obligées  à  pratiquer  ce  commandement.     C'eft  fans  doute 
parce  que  les  loix  delà  bienfeance,  6c  l'ufage  de  toutes  les  nations  ne  leur 
permettent  pas  d'aller  chercher  des  hommes  ,   comme  il  ell  permis  aux 
hommes  d'aller  chcTcher  des  femmes.     Ainii  comme  il  ne  dépend  point 
d'elles  de  fe  mettre  en  état  d'obeïr  à  ce  commandement ,   elles  doivent 
être  difpenfées  de  la  neceffité  de  l'obeiflance ;  Selon  la  tradition  des  Hé- 
breux, il  n'étoit  pas  permis  aux  mâles  de  renoncer  à  la  propagation  del'ef- 
]^ece  5   pendant  qu'ils  étoient  en  pouvoir  àe  Ce  fervir  d'une  femme  :    ôc 
Maîmon.      voici  commc  l'un  d'eux  parle  là-delTus  j    Encore  que  qtielc^u^un  ait  obe'i  an 
Hai.ka  idiot  co7m7îandement  qui  ordonne  de  mnltiplier  le  genre  humain  ,  en  mettant  au  monde 
^^'  '^'       à.es  enf ans  félon  ^ordonnance  de  nos  Sages  ,   on  ne  doit  point  cejfer  la  multiplica- 
tion pendant  qu'on  a  le  pouvoir  dy  travailler  :  car  celui  qui  ajoute  une  ame  a  If- 
raél  édifie  le  monde.    Il  efl  encore  ordonné  dans  les  loix  des  mêmes  fages  ^  qu'un 
homme  ne  tienne  jamais  de  maifon  fans  femme  ,    de  peur  qu^il  ne  foiî  travaillé 
d?incontme:ice  i    ni  que  la  femme  ne  vive  fans  mari  ,    de  peur  que  fa  vertU' 
ne  foit  foupçonnée  ,    &   qu^elle  ne  foit  importunée  par  ceux  qui  la  follicite"- 
r  oient. 
hts  He-  Il  eû  certain  que  les  Hébreux  faifoient  un  très  grand  cas  du  mariage  5--, 

fof"n^t^'a'nd^°"^  ^^^"^'^  Hvrcs  font  pleins  de  chofes  qui  fignifient  cela.  Par  exemple,, 
cas*jma-  ils  difcnt  que  la  femme  eft  imparfaite  fans  le  mari  ;  &  même  que  l'homme  quù 
"23e.  n^  a  point  de  femme  ,  n^eft  pas  homme  ;    que  T)teu  les  appella  ty^dam  ,    c'^efi-'a- 

dire  homme  y  que  celui  qui  néglige  le  précepte  de  la  multiplication  du  genre  hu- 
main ,  doit  être  regardé  comme  un  homicide.  Il  eft  clair  que  c'eft  là  Feiprit  dans 
lequel  étoient  Ic^  hommes  avant  la  venue  de  Nôtre  Seigneur  Jefus-Chrift, 
êc  tout  cela  paroîr  par  i'Hiftoire  du  Vieux  Teftament,  dans  lequel  nous 
voyons  que  la  fterihté  eft  confiderée  comme  honteufe,  lors  même  qu'elle 
Ghap.  s6.     éroit  contrainte  &  involontaire.  Le  Prophète  Ifaïe  nous  apprend  5  quelle 
^•^■^-        étoit  la  condition  des  Eunuques,  ôc  comment  ils  étoient  conliderez 5  Que 
Stérilité       ï eunuque  ne  difè  pas  ,  je  fuis  un  arbre  fec  ^c.    Car  je  leur  donnerai  un  nom 
oTièufe       meilleur  que  de  fis  &  de  files.   Ailleurs  il  introduit  fept  femmes,  qai  difent 
ciiap.-4.       â  un  homme,  que  ton  nom  foit  reclamé  fur  nous  ^  ote  nôtre  opprobre.  Elizabéth 
Luc.i.v  25  fcnnime  de  Zachade  père  deJeanBaptifte,  parle  de  fa  fterihté,  que  Dieu 
avoit  fliit  ceffer,  comme  d'une  honte  dont  elle  avoit  été  lavée  ;    Le  Sei- 
gneur m'^aainf  fut  ^  dit-elle,  dans  les  jours  aufquels  il  m^a  regardée  pour  oter  mon 
î.  Sam.       opprobre  d'entre  les  hommes.     L'Hiftoire  d'Helcana  êc  de  fes  deux  femmesj 
•^'  ^'       Peninna^Anne  mère  de  Samuel,  nous  apprend  encore  combien  la  fterih- 
té étoit  fâcheufe  aux  femmes.   Il  eft  évident  auffi  par  I'Hiftoire  de  Sara , 
6c  par  celle  àt^  deux  femmes  de  Jacob,  que  les  perfonnes  de  l'un  &  de 
l'autre  'îcxç.Çt  croyoient  obligées  de  travailler  à  la  multipHcation  j  que  la  fte- 

.      ~  rilité 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  TartA.    143 

rilité  volontaire  étoit  condamnée  ;  6c  que  celle  qui  étoit  involontaire  r^e 
laiObic  pas  d'être  honteufe. 

Quelques  gens  s'imaginent,  que  cette  forte  paffion  d'avoir  des  enfanSjFauflepen- 
laquelle  on  voit  régner  dans  toutes  les  perfonnes  qui  vivoient  fous  l'an-  ^^^/^^  ^« 
cienne  œconomie  ,  venoit  de  refperance  qu'avoit  chaque  famille  ,   que  fo"pprobre 
d'elle  pourroit  fortir  celui  qui  s'appelloit  la  femence  Sainte,  c'ell-à-dire,  ?,"^^î^^^'* 
le  Meffie  &  le  Roy  d'Ifraèl.     Mais  cette  penfée,  à  mon  avis,  n'eft  pas 
foûtenable  ,   car  cela  n'auroit  eu  lieu  que  dans  le  peuple  de  Dieu.     Or 
il  efl  certain,  que  cela  étoit  commun  à  tous,  de  délirer  fortement  d'avoir 
des  enfans.    De  plus,  quand  Jacob  eut  déclaré  parfon  Te{lament,que  le 
Silo  devoit  naître  de  la  tribu  de  Juda ,  toutes  les  autres  familles  fe  voyant 
exclufes,  ôc  n'efperant  plus  de  voir  naître  parmi  elles  le  Meffie  ,   ne  dé- 
voient plus  avoir  le  défir  de  produire  des  enfans  dans  cette  vue.    Cepen- 
dant nous  ne  voyons  point  que  cette  paffion  ait  diminué  depuis  la  mort 
de  Jacob.  Ainjfil'on  peut  dire  avec  afiurance,  que  le  grand  défir  que  les 
Anciens  ont  eu  d'avoir  des  enfans  &;  d'être  mariez  ,   venoit  de  ce  qu'ils 
regardoient  ces  paroles  ,   Croipz,  &  multipliez. ,   comme  un  commande- 
ment abfolu,  qui  obligeoit  tous  les  hommes,  qui  étoient  en  état  de  lui  obéir, 
ôc  dont  on  ne  pouvoit  être  difpenfé  que  par  impofîibilité,  de  travailler  à  la 
multiplication  par  des  voyes  légitimes.    Aujourd'huy  les  Chrétiens  regar- 
dent ces  paroles ,  Croi[fez^  &  multipliez,  y  fort  diverfement ,  félon  la  diver- 
fîté  de  leurs  intérêts,  ôc  du  parti  dans  lequel  ils  font  engagez.     Ceux  qui  Beiiarm. 
ont  élevé  la  dignité  du  célibat  fort  audeffus  du  mariage,  prétendent  que  L^b^l^""^ 
ce  commandement  n'obligeoit  que  dans  les  fiécles,  dans  lefqueis  il  étoit  cap,  21. 
neceflaire  de  peupler  la  terre  :  mais  qu'aujourd'huy  le  monde  étant  rem- 
pli d'habitans,  ce  précepte  n'obhge  plus.     Les  Proteflans ,  qui  telliment 
que  le  cehbat  n'eft  préférable  au  mariage  que  par  accident,  c'eft-à-dire, 
quand  il  apporte  plus  de  liberté  pour  fe  conlacrer  à  la  dévotion,  croyent 
que  ce  commandement  oblige  dans  tous  les  tenisj  mais  fous  ces  deux  con- 
ditions ,  la  première  que  l'homme  ait  befoin  du  mariage  pour  remède  à  fon 
incontinence  j  la  féconde  que-  la  propagation  foit  necellaire  &  utile  pour  le 
lien  de  la  focieté. 

Si  nous  avons  l'inftitution  du  mariage  dans  ces  paroles,  Çroijjez.  &  mul-  Des  droits 
tipltez.,  nous  en  avons  les  droits  &  les  loix  dans  celles-ci  d'Adam  réveillé  dS;  marïg^' 
'  de  fon  dormir,,  &  plein  de  l'Efprit  de  Prophétie  j  &  partant  Phomme  dé- 
laijfera  fin  père  &  fa  mère  ,  &  adhérera  a  fia  femme  ,  (^  ils  fieront  une  même 
chair.  11  eil  certain  que  par  ces  paroles  font  défendues,  i.  Ce  qu'on  ap-^ 
pelle  la  fornication  ,  &  ce  qu'on  appelle  vagi  concubitus  i  Car  celui  qui 
ordonne  que  chacun  ait  fa  femme,  &  qu'il  i"e  joigne  à  elle  ,  défend  par 
cela  même  de  fe  joindre  à  la  femme  d'autrui.  li  eil  clair  auffi  que  la  Po- 
lygamie eil  contraire  à  cette  déclaration  d'Adam ,  car  il  ne  parle  point  de 
deux  femmes  aufquelles  on  puiiïe  adhérer  ,  ii*ne  parie  que  d'une  feule  :. 
Et  ce  qu'il  dit  que  l'homme  &  la  femme  feront  une  même  chair,  fait  voir' 
que  la  multiphcation  des  femmes  n'eft  pas  de  l'intention  de  Dieu.  Car 
c'eft  une  eipece  de  monftre,  d'avoir  deux  corps,  &  d'être  une  même  chair 
avec  des  perfonnes  différentes.  Enfin  ces  paroles  d'Adam  font  afiez  for- 
melles contre  le  divorce  \  &  ce  qu'il  dit  ,  Ils  fieront  une  même  chair  ,  fait 
voir  évidemment  que  la  feparation  du  mari  &  de  la  femme  eft  contraire 

R  3  ,  àl'in- 


Matth; 
V.  6, 


19. 


tu         HISTOIRE  DES  DOGMES 

à  rinftitution  du  mariage,  puis  que  c'eil  faire  violence  à  la  nature  de  fé- 
parer  en  deux  ce  qui  n'cfl  qu'une  feule  chair.  Cette  conclufion  ne  peut 
être  doutcufe,  puis  qu'elle  a  été  tirée  par  celui  qui  ne  fe  trompe  jamais 
dans  fes  raifonnemcns  >  c'eft  le  Seigneur  Jefus-Chrift.  Ils  ne  fout  plus  deux , 
dit-il,  ffJ^is  une  chair:)  donc  ce  que  Dieu  a  conjoint  ,  que  l'homme  ne  le  fepare 
point.  Pour  ce  qui  eil  des  mariages  dans  les  dégrez  défendus ,  nous  ne 
pouvons  pas  voir  >ciairement  dans  l'inftitution  du  mariage,  que  nous  venons 
d'expliquer ,  qu'elle  a  été  l'intention  du  Legiflateur.  Cependant  les  Doc- 
teurs juifs  prétendent,  que  les  degrez  défendus  font  fuffifamment  defignez 
dans  les  paroles  d'Adam.  Ils  difent  qu'il  y  a  fix  couches  illégitimes ,  qui 
font  défendues  dans  ces  paroles,  i.  avec  la  mère  j  z.  avec  la  belle-merc, 
la  femme  de  ton  père.  5.  Avec  la  femme  d'autrui.  4.  Aveclafœurde  la 
mère.  f.  Avec  un  mâle.  6.  Avec  une  bête.  LeSt.E/prit,  dit  Salomon 
Jarki  fur  ce  palTage  ,  a  employé  ces  paroles  pour  défendre  aux  7S(oa£hides  des 
turpitudes  y  c^ejl-k-dire ,  de  découvrir  les  nuditez..  Ces  mots,  il  abandonnera 
fin  père ,  fignifient ,  difent-ils ,  qu'un  fils  ne  doit  point  approcher  du  lit 
de  fon  père  pour  fe  fouiller ^  ou  avec  fon  père,  ou  avec  la  femme  de  fon 
père.  Ils  difent  que  le  mot  de  mère  exclut  formellement  &  défend  le  ma- 
riage d'un  fîls  avec  fa  mère.  Ils  ajoutent  que  ces  paroles,  il  adhérera  a  fia, 
fiemme ,  défendent  non  feulement  l'adultère ,  mais  lapederaftie,  &  la  bru- 
talité. Il  y  a  même  des  Chrétiens  qui  ont  ainû  expliqué  ce  paflage.  Alexan- 
dre de  Haies  ancien  Scolaftique  dit }  des  le  .commencement ,'  il  a  été  défiendft 
de  £ouch-er  avec  fin  père  &  fia  mère  dans  ces  paroles  ^  Phomme  abandonnera  père 
&  mère  pour  fie  joindre  afiafiemme. 

Dans  la  fuite  nous  aurons  à  parler  plus  amplement  de  ces  mariages. 
Prefentement  il  faut  dire  quelque  choie  de  la  manière  dont  les  Anciens 
contraéloient  leurs  mariages.  Si  l'on  en  croit  Maimonides ,  ils  ne  faifoienc 
pas  gi-ande  cérémonie  ,  ou  pour  mieux  dire  ,  il^  n'en  faifoient  point  du 
tout.  Car  voici  comme  il  s'exprime  là-delTus  j  Devant  que  la  Loy  eut  été 
donnée  ^  fi  un  homme  rencontrait  une  fiemme  dans  la  rué ^  ou  fiur  le  chemin  ,  & 
qvPelle  hii  plût ,  pourvu  qu'ails  y  confient ifient  tous  deux ,  il  l"* amenait  dans  quelque 
Hâiaka  ichot  ^/^^  ^^  y^  maifiuu  ,  il  couchait  avec  elle  ,  ^  elle  lui  était  a  fiemme.  Ce  fenti- 
ment  eft  allez  ordinaire  entre  les  Juifs.  Ainfi  deux  chofes  étoient  feule- 
ment neceffaires  pour  faire  les  mariages  dans  ces  tems,  le  confentement 
.  des  parties ,  &  la  copulation  charnelle.  Par  le  confentement  il  ne  faut  pas 
entendre  le  fimple  confentement  d'entrer  dans  un  même  Ut ,  mais  celui 
de  s'être  mutuellement  mari  &  femme,  &  celui  d'accomplir  toosles  de- 
voirs qui  font  les  fuites  de  cette  focieté.  L'une  de  cts  deux  chofes  étoic 
infdiîifante  3  k  copulation  fans  le  confentement  ne  faifoit  pas  un  maria- 
ge :  rnais  auffi  le  confentement  fans  la  copulation  ne  fuffifoit  pas.  Les 
juifs  difent,  que  cette  coutume  changea  par  la  Loy  de  Moyfe  j  car  ils 
eiliment  que  depuis ,  le  feul  confentement  pouvoit  faire  le  mariage ,  fans 
qu'il  fût  befoin  de  confommation.  C'efl  aufii  le  fentiment  de  tous  nos 
Jurifconfultes ,  &:  la  pratique  de  tous  les  Chrétiens  j  une  femme  ell  répu- 
tée mariée  ,  quand  elle  a  confenti ,  6c  qu'elle  a  reçu  la  benediélion  nup- 
tiale, encore  que  la  confommation  n'ait  pas  encore  été  faite.  Ce  que  dît 
Maimonides,  que  quand  on  rencontroit  une  femme  dans  la  rue,  pourvii 
qu'elle  y  confentît ,  fans  aucun  myftere  on  l'amenoit  chez  foy  ,   6c  on  la 

pre- 


Summ. 
Theol. 
part.  y. 
qiaft,  27. 
Art.  j. 

Les  anciens 
contrac- 
toient  leurs 
mariages 
fans  aucune 
cérémonie  : 
par  le  feul 
confente- 
ment des 
parties. 


ET  DES  CULTES  DE  LEGLISE.  Tm.l.  14^ 

prenoit  à  femme  ,   ne  doit  pas  être  pris  à  la  lettre  :  Car  fans  doute  l'on 
©bfervoit  alors  les  règles  de  la  bienfeance,  que  les  femmes  gardent  aujour- 
d'huyi  fans  doute  on  eonfultoit  les  parens  ;   fur  tout  quand  la  fille  étoit 
encore  fous  puifFance  de  père  &  de  mère,  l'on  s'adreffoit  au  père  &  à-  k 
mère,  6c  c'écoit  d'eux  qu'on  obtenoit  la  femme  ,  Se  enfuite  on  la  faifoit 
venir,,  pour  avoir  fon  confentement.  Cela  fe  voit  dans  l'Hiiioiredu  maria- 
ge d'Ifaac  avec  Rebecca  :  Le  ferviteur  d'Abraham  l'obtint  de  Bethuel  qui 
etoit  le  père,  &  de  Laban  qui  étoit  le  frère  :  B  Lahan  &  Bethuel  répondi-  Gen.  24; 
rem  difans ,  cette  ajfaire  efi  procedee  de  l^ Eternel ,    nous  ne  poumons  dire  contre  ^'  ^®* 
îoy  m  bien  ,.  ni  mal.    Voici  Rebecca  a  ton  commandement ,  prens  la^  (^  t^en  va  i 
&  (fti^elle  foit  la  femme  du  fils  de  ton  Seigneur,    En  fuite  on  appella  Rebecca 
pour  avoir  fon  confentement }  Ils  dirent,  appelions  la  fille ,  &  lui  demandons 
reponjè  de  fa  boftche.  Ils  appellerent  donc  %ebecca,  &  lut  dirent^   veux-tu  aller 
avec  cet  homme-la  \  &  elle  répondit ,  firai.     Il  y  a  dans  cette  Hilloire  une 
circonftance  qui  nous  donne  lieu  de  croire  qu'on  avoit  accoutumé  de  laif- 
fèr  les  filles  dans  la  maifon  de  leur  père  quelques  jours  après  les  fiançail- 
les }  Et  le  frère  ^  la-  mère  dirent ,  qu'elle  demeure  avec  nom  des  fours  tout  au. 
moins  dix.   Onkelos  Paraphralle  Chaldée ,  au' mot  de  ^/a?  ,  ajoute  celui  de- 
mois-.,  qu'elle  demeure  avec  nous  dix  mois.  Mais  il  n'y  a  pas  d'apparence,  ni 
que  ce  fût  la  coutume  de  laiiTer  une  fille  dix  mois  dans  la  maifon  de  fon 
père  après  les  fiançailles  ,   ni  que  la  mère  de  Rebecca  voulût  obliger  un 
homme  qui  étoit  venu  de  loin  à  attendre  dix  mois.     C'eft  pourquoy  on 
doit  fuivre  les  feptante  Iiiterpretes,  qui  ont  tourné  environ  dix  jours.    Il  y 
a  donc  apparence,  qu'on  lailîbit  une  fille  environ  dix  jours  dans  la  maifon 
de  fon  père  ,  &  que  l'intention  de  la  femme  de  Bethuel  étoit.  de  dire  au 
ferviteur  d'Abraham,  au  moins  laifîe-la  nous  autant  de  tems  quelcs  filles 
ont  accoutumé  de  demeurer  dans  la  maifon  de  leur  père,  après  les  fian,- 
çaillesjufqu'à  leur  mai'iage,  c'eft-à- dire  dix  jours.  Si  ce  choix  du  nombre 
de  dix  jours  n'étoit  fondé  fur  cette  coutume,  il  feroit  difficile  de  devinei" 
pourquoy.  les  pai-ens  de  Rebecca  i'auroient  demandé  preciiement,  pour 
dix  jours,  plutôt  que  pour  douze  ou  quinze. 

Les  fiançailles  fe  faifoient  alTûrément  dans  la  maifon  des  parens  de  la 
fille  5    ÔC  la  confommation  le  faifoit  dans  la  maifon  du  mari.     Gn  la  lui 
mcnoit  dans  la  chambre  qu'il  lui  avoir  deilinéc}  6c  il  n'approchoit  point 
d'elle  qu'elle  ne  fût  chez  lui:  Puis- après  If aac  amena  Rebecca^uTahernacle  de  Gzn.  24. 
Sarafr  mere\  il  la  prit^  elle  luhfut  a  femme ,  &  il  l'Emma.  Il  y  a  apparence  que  ^"  ^^' 
cette  coutume  s'étoit  répandue  en  tous  lieux.     Quand  U  nouvelle  époufe ,  Aiexandct- 
dit  un  Savant  Auteur,  devoit  aller  trouver  fon  man  ^  on  ne  lui  permettoit  pas  *^  ^'^^^^'^ 
de  pajjer  le  feuil  de  la  porte  toute  feule  ,  ^  comme-  de  fin  bon  gré ,  mais  on  Pm-  geniaijum 
levoit  d^  la  ravijfait  ,   afin  qu''il  parut  quhlle  ne  quittait  fies  parens  que  par-  une  ^'^'  ^• 
effcce  de  violence-.^  oh.  qu'' elle  n'' allait  qu^à.regret  facrifier  la  fieur  de  fa  vJrginité. 
C'ell  ce  qui  fe  faifoit  entre  les  Romains  3   &  le  même  Auteur  ajoute , 
fîi^entre  les  Grecs  c'^étoit  la  coutume  ,   quand  on  menait  Pépoufe  a  la  maiion  du 
r/iarje\,pour  pperdre  fà  vJrginné ,  de  la  placer  fur  un  chariot  nuptial  entre  P  époux 
&  un  de  fe  s  parens  ^  ou  anns  qu'ils  appelhient  zdpoxoç-,  &'  qttand  le  chariot  étoit 
arrivé  devant  la  porte ,  on  mettott  le- feu  a  Pejfieu  du  chariot ,  pour  fignfier  que- 
la  femme  devait  toujours  demeurer  dans  la  maifon  ou  elle  étoit  entrée.  11  remar- 
qiis  aufii  de  llfle  de  Rhodes  ,   qu'entre  les  %hodiens  la  nouvelle  époufe  étoit: 


cap-  s» 


146         HÏSTOIREDESDOGMES 

amenée  dans  la  maifon  du  mari  par  un  héraut  ,  &  qu'en  Pintrcduifant  dans  la 
.chambre  nuptiale^  ilfaifottHne  proclamation,  C'efl  de  là  fans  doute  qu'ell  ve- 
nue la  phrale  des  Latins  ,  ducere  nxorem  ^  mener  une  femme  pour  l'époufer  ,, 
parce  qu'on  l'amenoit  chez  le  mari  pour  y  être  mile  au  lit  avec  fon  époux. 
Mais  aujourd'huy  les  Chrétiens  ont  jugé  qu'il  ell  plus  honnête  que  la 
confommation  lé  falfe  dans  la  maifon  de  la  mariée ,  afin  que  l'homme  foie 
regardé  comme  ayant  fait  toutes  les  avances.  Les  Turcs  ont  encore  gardé 
la  coutume  ancienne  de  mener  la  fille  avant  la  confommation  chez  celui 
qui  doit  être  fon  mari.  Au  refte  il  eft  certain  que  dans  le  premier  pério- 
de du  monde  ,  on  menoit  l'époufe  couverte  d'un  voile  chez  fon  mari. 
Tout  auffi-tôt  que  Rebecca  eut  apperçû  de  loin  Ilaac,  elle  prit  un  voile 
&  fe  couvrit.  Et  c'efl  la  raifon  pourquoy  Jacob  fut  trompé  j  il  reçût  Lea 
De  velandis  au  licu  de  Rachci,  parce  qu'on  la  lui  mena  voilée.  Tertulliennousaflure 
virgin.c.ii.  qjjg  cette  coutume  s'étoit  répandue  entre  les  Payens  de  mener  les  femmes 

voilées  à  leurs  maris. 
KéiouifTan-       Sans  doute  que  dans  ces  noces  ils  faifoient  de  grands  repas  ,&  de  grands 
nôces"^'"  feftins,  car  Laban  fuivit  la  coutume  de  fon  fiécle,  quand  il  affembla  tou- 
Gen.  21.     tes  les  gens  du  lieu,  &  fit  un  banquet  pour  les  noces  de  fa  fille  avec  Ja- 
^'■'^^'         cob.  Les  Interprètes  Juifs  ôc  Chrétiens  croyent,  que  cette  fête  duroitfept 
jours ,  à  caufe  de  ce  que  Laban  dit  à  jacob ,  accompli  la  femaine  de  celle- 
7.37.         ci,  &  nous  te  donnerons  auffi  celle-là:  Jacob  donc  fit  ainfi,  &  accomplit 
U  femaine  de  Lea.     Sur  quoy  Salomon  Jarki  dit ,   la  femaine  de  celle-ci ,  ce 
font  les  fept  jours  dufefiin^  amfî  quilefi  enfe igné  dans  le  Talmud  de  ferufalem 
dans  le  Traite  Mogned.  Les  fêtes  de  la  Loy  de  Moyfe  duroient  fept  jours  j 
la  fête  de  la  conlecration  des  Sacrificateurs  fe  faifoit  par  fèpt  jours  :   & 
parce  que  ce  nombre  de  fept  de  tout  tems  a  été  confideré  comme  celuy 
qui  donnoit  la  perfeétion  à  toutes  chofes  5    dés  avant  la  Loy  on  l'obièr- 
voit  dans  les  fêtes ,  &  fur  tout  dans  le  mariage,  pour  lequel  on  defire  un 
heureux  fuccés.     Nous  ne  voyons  pas  clairement  qu'on  employât  des  cé- 
rémonies facrées  pour  le  mariage  en  le  beniflànt.     Cependant  comme  ils 
ne  faifoient  pas  de  fête  confiderable  fans  facrifice ,  je  trouve  fort  à  propos 
de  croire,  que  durant  les  fept  jours  on  faifoit  dts  facrifices  pour  la  prof- 
perité  des  mariez.    La  benediélion  que  les  frères  de  Rebecca  lui  donnè- 
rent, n'ell  pas  une  benediélion  Ecclefiailique,  qui  fit  partie  des  cerem.o- 
nies  du  mariage.  C'étoit  un  fimple  vœu ,  pareil  à  ceux  que  nous  faifons 
en  faveur  de  nos  amis  qui  entrent  dans  une  nouvelle  condition  ,   ou  qui 
Gen.  24.      entreprennent  une  grande  affaire  ;    Et  ils  bénirent  Rebecca ,  &  lui  dirent  tu 
1?»  <o.  s$  notre  fœur  î  fois  fertile  par  mille  millions  ^  &  quêta  pofiertté  pojfede  la  porte  de 

tes  ennemis.  Ces  gens  qui  fe  féparent  pourne  fe  revoir  jamais,  ou  pour  ne 
fe  revoir  de  long-tems,ne  manquent  point  à  fe  donner  de  pareilles  bene- 
diélions.   Il  ne  faut  donc  point  chercher  ici  d'autre  myilere. 


C  H  A- 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Parî.l.    i. 


CHAPITRE     XIX. 

Des  chofes  contraires  à  iHnJîitution  du  mariage ,  que  Von  remarque 
dans  les  mariages  des  Patriarches  ;  &  premièrement  de  la 
Jim^le  farmcation ,  é^  de  f  adultère. 

DAns  rtïiftoire  des  mariages  des  Patriarches  oil  remarque  diverfes 
chofes  très  finguHeres,  dont  nous  avons  à  parler  prefemtement.  Ces 
fîngularitez  étoient  direétement  oppofées  aux  droits  établis  de  Dieu 
dans  le  mariage,  comme  font  la  fornication,  l'adultère,  l'union  dans  les 
degrez  défendus,  la  polygamie,  le  divorce  ,   &  enfin  le  droit  d'époufer  ' 

la  femme  de  fon  frère  aîné ,  quand  il  écoit  mort  fans  enfans ,  ce  qu'on  ap- 
pelle la  Loy  du  Levirat.  La  première  chofe  qui  fe  prefenre  à  nous  c'eft  lasihfîmpïè 
fimple  fornication ,  fur  laquelle  il  y  a  quelque  difficulté.  Car  il  femble  qu'el-  é°oh*^défeK- 
le  ne  fût  pas  défendue  dans  les  premiers  fiécles,-  l'Hiftoire  de  Thamar&duë  avaat 
de  Juda  paroît  en  être  une  preuve  ;'  car  Juda,  qui  étoit  grand  Patriarche  ,  ^°^  ** 
un  homme  d'un  âge  déjà  aiïez  avancé ,  &  dans  lequel  les  boiiillons  de  la 
première  jeunefle  dévoient  être  éceiqts,  paflant  dans  un  chemin,  vit  une 
femme  voilée,  qu'il  prit  pour  une  femme  de  mauvaife  vie  ,  il  fe  détourna 
vers  elle,  6c  coucha  avec  elle.    Il  ne  femble  pas  qu'un  fi  grand  homme 
eût  pu  fe  laifier  aller  à  une  aétion  fi  baffe ,  fi  outre  la  baffeffe  il  y  eût  eu 
encore  du  crime.    En  effet  les  Hébreux  fondent  fur  cette  Hiftoire  cette 
étrange  opinion  qui  eft  ordinaire  entr'eux ,  c'eft  que  la  fimple  fornication 
n'étoit  pas  défendue  avant  la  Loy  de  Moyfe.     jQuand  on  rencommt ,   dit  Maîmon, 
i'un  d'eux,  une  femme  dans  un  chemin  .,  oh  dans  quelque  lieu  public  ,    on  pou-  ??'^H^ 
'Voit  coucher  avec  elle  ,  pourvu  qu'elle  y  conjentit  ;    &  après  lut  avoir  donne  le 
prix  dont  on  étoit  convenu  ,    on  en  étoit  quitte  :    &  en  appelloit  une  telle  femme 
Kedecha.    fJPÏ/Cais  après  que  la  Loy  fut  donnée  ^  cette  efpece  de  femme  fut  défen-    t-W"^ 
due  ^  félon  qu'ail  efi  écrit  dans  la  Loy ,  qu'il  vPy  ait  point  de  putains  en  Ifrdél.   Le 
même  Auteur  dit  encore  dans  un  autre  lieu  ;  Par  PHifioire  de  Thamar  &  de  idem  More 
fuda  ,   il  paroît  qu'' avant  la  Loy  il  étoit  permis  de  coucher  avec  une  proflituée  ,  -^j^g  ^^^  ' 
comme  avec  fa  femme ,  ^  que  ce  n^  étoit  pai  un  crime  que  l'on  fut  obligé  d'éviter. 
Le  prix  qu'ion  donnait  a  cette  profiituée  étoit  comme  le  douaire  que  Von  donnait  a 
une  femme  quand  on  faifoit  divorce  avec  elle  ,•  c"^ étoit  un  droit  des  femmes^  que 
ceux  qui  avaient  couché  avec  elles  étoient  obligez,  de  payer.     Cette  opinion 
des  Juifs  eft  impure  &  fauffe,  car  il  eft  clair  que  la  fimple  fornication  eft 
contraire  aux  loix  de  la  première  inftitution  du  mariage,  qui  dit.  L'homme 
^laiffera  père  &  mère  ,  &  s'^ajoindra  a  fa  femme.     Outre  cela  il  eft  certain 
que  cette  profeffion  de  vendre  fa  perfonne  au  premier  venu ,  &  de  fe  prof- 
tituer  à  tout  venant  ,    étoit  odieufe  dans  les  premiers  fiécles  de  l'Eglife, 
comme  elle  l'a  été  depuis.  Quand  l'ami  de  Juda  alla  pour  chercher  Tha- 
mar, &  qu'il  s'enquit  s'il  n'y  avoit  point  de  femme  proftituée  dans  ce  lieu  , 
les  gens  aufquels  il  parla  s'en  défendirent  comme  d'une  chofe  honteufe  à 
toute  la  focieté;  //  n'y  a  pas  ici  de  putains  ^  dirent-ils.     On  fait  affez  com- 
^art.  L  S  biea 


148  HIST  O  IRE  D  ES  DOGMES 

bien  la  concupilcence  ell;  enflâmce  ,  6c  combien  efl  grand  le  dérègle- 
ment des  hommes  là-defliis.     Si  la  fimple  fornication  n'avoit  été  ni  cri- 
minelle, ni  honteufe,  fans  doute  on  n'auroi-t  pas  manqué  de  profïituées, 
&  on  n'auroit  pu  dire  d'aucun  lieu ,  //  n'y  a  point  ici  de  putains.     Les  en- 
fans  de  Jacob,  LeviôcSimeon,  pour  excufer  la  violence  qu'ils  avoient  faite 
Gen.î4.      contre  les  Sichcmites  à  caufe  de  Dina  leur  fœur,  difent,  f«'o«  eh  fait  de 
notre  fœnr  comme  d'aune  putain  l     Ces  paroles  font  bien  voir  que  ces  fortes 
de  perfonnes  étoient  infâmes  j  &s'il  y  avoit  de  l'infamie  dans  la  proftitu- 
tion,  c'eft  fans  doute*  qu'il  y  avoit  du  crime.     Les  hommes  aiment  trop 
le  plaifir,  pour  attacher  de  la  honte  à  des  aétions  agréables,  quand  elles 
font  innocentes.   Les  paroles  de  Juda  font  bien  voir  que  ce  crime  étoit 
honteux  aux  hommes  auffi  bien  qu'aux  femmes.  Son  ami  n'ayant  pu  trou- 
ver cette  femme  avec  qui  Juda  avait  couché ,  il  lui  rapporta  ion  chevreau,^. 
&  ne  pût  lui  rapporter  fon  cachet,  fon  mouchoir  ôc  fon  bâton  qu'il  avoit 
laifTez  en  gage.     Sur  cela  Juda  dit  ,    Quelle  retienne  le  gage  ,   de  peur  que 
mus  ne  [oyons  expofez  au  mépris  ?  Maimonides  fait  là-delTus  un  Commentai- 
re ;  Ces  paroles  font  voir ,  ^»V/  ne  faut  jamais  parler  fans  pudeur  des  ckofej  qui 
regardent  la  copulation  charnelle ,  encore  qu'elle  foit  permife  j    &  que  même  nom 
femmes  obligez,  de  les  cacher  ,   quand  il  j  iroit  de  la  perte  de  notre  bien.     Cette 
obfervation  eil  bonne,  mais  elle  efl  fort  mal  appliquée.  Juda  veut  qu'on 
lailTe  le  gage  fans  le  chercher ,  de  peur  qu'en  cherchant  trop  exaélement 
la  perfonne  avec  laquelle  il  avoit  commis  le  crime  ,  fon  aétion  ne  fût  dé- 
couverte.    Or  fi  la  fimple  fornication  étoit  permife,  6c  que  le  prix  que 
l'on  donnoit  aux  proftituées  fût  légitime  ,  je  ne  voy  pas  pourquoy  Juda. 
en  auroit  fait  un  myftere.  Si  la  fornication  n'eût  pas  été  honteufe  6c  cri- 
minelle, fims  doute  Juda  ne  fe  feroit  point  caché  avec  tant  de  foin. 
La&npie         II  cft  bien  vray  que  la  fimple  fornication  n'étoit  fujetteà  aucune  peine 
fornication   civjie  ^À  Ecclcfiafliquc.     Il  en  étoit  de  même  entre  les  Grecs  6c  les  Ro- 
ietteàaii-     mains ,  qui  pourtant  étoient  plus  challes  que  les  Orientaux.    Entr'eux  ce 
luaegeme.   pg^hé  pafToit  pour  pcu  confîderable,  mais  il  ne  laifToit  pourtant  pas  d'être: 
honteux.  Il  ne  faut  qu'avoir  lu  les  Comédies  de  Piaute  6c  de  Terence  ,., 
qui  ont  imité  ApoUodore  6c  Menandre ,  pour  favoir  que  les  femmes  qui  fe 
proftituoient  étoient  regardées  comme  des  femmes  &  des  créatures  infâ- 
mes :  6c  quoi  qu'on  eût  de  l'indulgence  pour  ces  crimes  dans  les  hommes ,, 
cependant  le^  lumières  de  la  nature  n'étoient  pas  fi  fort  éteintes,  qu'on  ne 
reconnût  que  ce  defordre  étoit  condamnable.  Témoin  le  Micio  àts  Adel- 
phes  de  Teience.  Son  frère  le  reprenant  fort  feverement  de  ce  qu'il  per- 
mettoit  à  fon  fils  ces  fortes  de  débauches,  il  dit, 

Wenit  ad  me  fipe  clamitans ,  quidagis^  2[diqo? 
Cur  perdis  (kdolefcentem  ?  cur  amat  l 

Demea  lui-même  dit  à  fon  frère  Micio,, 

Hico  y  âico  tihi  ^  tu  illum  corrumpi  finix 

Et  parce  q;ue  Micio  lui  avoit  dit  ^ 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Parti,  149 

Non  efl  fiagitium  ^mihi  crede^  adolefcenUm  JcortarÀ 

Il  s'emporte  5  ôcdit, 

Proh  fffpiter  I  îfi  homo  adigh  me  ad  inÇmiam  i 
H^on  efi  jiagitmm  facere  hac  adolefcentem .? 

Pour  ce  qui  eft  de  l'adultère,  tout  le  inonde  convient  que  dans  les  pre- îeine con- 
miers  fîécles  il  étoit  réputé  très  crinîinel.  L'Hiftoire  de  Thamarnous  iaitjg^ç^"''^''^'' 
voir  qu'on  le  croyoit  digne  de  mort.    Juda   ayant  appris  que  Thamar 
etoit  grofie  d'adultère,  il  dit  ,  faites-la  ffrttr ,  &  qu'elle  foit  hrulee.     Il  efl 
vray  qu'il  y  a  des  Doâieurs  Juifs  qui  croyent  que  par  ces  paroles  il  faurTaimnd, 
entendre  quelle  fait  marquée  d^  un  fer  chaud  au  front  ,    afin  qu'on  U  '>^^(^onnoijJe^^^°^^^_^ 
pour  une  femme  publique.     Mais  il  y  a  de  l'apparence  qu'on  la  vouloit  con-^azara, 
damner  à  la  mort  ;  car  prefque  dans  toutes  les  nations  on  a  puni  l'adulte-  '^'^'  '" 
re  du  dernier  fupplice.     La  Loy  de  Moyfe  ordonne  qu'on  falîe  mourir  ^^vit.  20. 
l'adultère,  tant  l'homme  que  la  femme.     Et  les  Juifs  au  8.  chap.  de  St.Ii.^aj.^^"'^ 
Jean  nous  apprenent  que  le  genre  de  mort  dont  on  les  faifoit  mourir,  c'é- 
toit  la  lapidation.   Cependanc  Juda  ordonne  qu'on  brûlât  Thamar.   C'efl 
ce  qui  fait  dire  à  quelquesjuifs  qu'elle  étoit  fille  d'un  Sacrificateur,  parce 
que  félon  la  Loy  de  Moyfe  ,   la  fille  du  Sacrificateur  qui  fe  foiiilloit  par  ^^f^-  '*• 
adukere  ou  par  fornication  devoit  être  brûlée.  Il  efl  certain  que  Thamar 
ne  devoit  pas  être  confiderée  comme  une  fimple  paillarde  ,    bien  qu'elle 
fût  veuve,  &  qu'elle  n'eût  point  de  mari,  car  elle  étoit  accordée  à  Scela 
troifiéme  fils  de  Juda.  Outre  cela,  quand  une  femme  devenoit  veuve  d'un 
homme,  qui  avoit  un  frère  ,   lequel  frère  pouvoit  fulciter  lignée  au  dé- 
funt ,  elle  étoit  confiderée  comme  liée  :  car  le  frère  étoit  obligé  de  la  pren- 
dre V  ôc  cela  étoit  confidcré  comme  un  mariage  continué.     Autrement  Ci 
Thamar  eût  été  confiderée  comme  veuve  abfolument,  fon  crime  n'auroit 
été  qu'une  fimple  fornication,  6c  elle  n'auroit  point  été  foûmife  aux  pei- 
nes des  adultères. 

Il  y  a  un  peu  plus  de  peine  à  favoir  ce  que  l'on  penfoit  alors  des  aduî-  Q."eîie  pèl- 
teres  que  les  hommes  commettoient,  quand  ils  foiiilloient  leur  pi'opi'e  lit  "u/ho^°mcs 
en  couchant  avec  des  femmes  libres,  êcquin'étoient  à  aucun  mari.  Pour  mariez  qui 
ce  qui  eft  des  femmes  qui  étoient  mariées ,  fans  doute  l'homme  qui  les  cor-  poicn"''a'îyc 
rompoit  étoit  confideré  comme  un  ravifieur,  ôcpuni  comme  un  criminel,  d^sfiiî"- 
Mais  la  difficulté  tombe  fur  l'adultère  commis  avec  les  femmes  qui  n'a- 
voient  point  d'engagement.  Quelques-uns  ont  crû  que  cette  efpece  d'adul- 
tère d'un  homme  marié  avec  une  femme  qui  ne  l'étoitpas,  etoit  permis 
avant  la  Loy.  C'eii:  l'opinion  de  St.  Ambroife,  &  l'Hifloirc  d'Abraham ,  Amkof. 
de  Sara  &  d'Agar  l'avoit  porté  dans  ce  fentimentj  Quelque/m  dira  ,  peut-  ^^'^jj'/*^ 
être ^  Comment  Abraham  nous  ejî-il propofé pour  exemple^  puis  qu'il  a  eu  un  en- 
fant de  fa  fer  vante  ?  Ou  comment  fe  peut-il  faire  qu'un  fi  grand  homme  foit  tom~ 
bé  dam  une  fi  grande  faute  ?   Il  faut  remarquer  qu'Abraham  vivait  devant  Ia 
Loy  (^  devant  l'Evangile ,  dans  un  terni  que  l'adultère  n  étoit  point  encore  défen- 
du.    La  peine  ne  fuit  un  crime  ^  que  quand  il  a  été  défendu  par  U  Loy  ^  &  aU" 
cune  aUion  »Vy?  condamnable  avant  qu'il  y  ait  une  Loy  qui  la  défende.    <tAbra- 
ham  donc  n'a  fait  aucnne  atiion  contre  la  Loy ,  puis  qu'il  a  précédé  la  Loy.   En- 

S  2,  cor€ 


I50         H  ISTD  IRE  DES  DOGMES 

core  que  Dieu  ait  lotie  le  mariage  dans  le  paradis  j  cependant  tl  ne  condamne  p^S' 
Padfiltere.  Il  y  a  bien  des  erreurs  de  fait  &  de  droit  dans  ces  paroles  de 
St.  Ambroife.  Les  Pères  ne  font  pas  toujours  des  oracles  infaillibles  :  Agar 
ne  doit  point  être  confideréc  comme  une  femme  proflituée  j  c'eft  une 
femme  légitime  que  Sara  donna  à  fon  mari ,  &  dont  elle  vouloit  adopter 
les  enfans.  Abraham  donc  ne  commet  pas  adultère  ,  il  ufe  du  privilège 
de  fon  iîécle,.  dans  lequel  la  polygamie  étoit  permife.  Ainfî  nous  devons 
croire  de  k  copulation  d'un  homme  marié  avec  une  femme  qui  ne  l'étoit 
pas  ,  ce  que  nous  avons  dit  de  la  fmiple  fornication  :  c'ell  qu'elle  écoic 
honteufe,  qu'elle  étoit  réputée  criminelle,  mais  qu'elle  n'étoit  point  fu- 
jette  aux  peines  civiles.  Et  même  les  enfans  qui  naiflbient  de  ces  fortes 
d'accouplemens  ,  palToient  en  quelque  forte  pour  légitimes  ,  6c  portoienc, 
le  nom  de  la  famille- de  leur  père  ,  &  avoient  part  à  fes  biens. 


CHAPITRE     XX, 

Des  mariages  dans  les  degrez  défendus^ 

Feux  cas     "T  L  eft  certain  que  dans  les  prem.iers  fiécles  du  monde  les  fitres  épon- 
déSuf      î    oici'^t  ^^^^^  fœurs ,   les  oncles  leurs  nièces  ,   êc  les  beaux-peres  leurs 
dansiesma-       belles-fiUes  j.  Ics  pcrcs  pouvoient  mêmeépoufer  leurs  propres  filles.  Ei> 
mS"^"'  un  mot,  fi  nous  en  croyons  les  Hébreux,  tout  étoit  permis  dans  ce  gen- 
re i  excepté,  de  coucher  avec  fa  mère ,  avec  la  femme  de  fon  père ,  avec- 
la  femme  d'autrui,  avec  les  mâles  ,  &  avec  les  bêtes.     Ils  ajoutent  auffi-^ 
qu'il  n'étoit  pas  permis  de  coucher  avec  fa  fœur  uterme  ^  c'ell-à-dire, 
qui  étoit  fœur  de  mei-e,  quoy  qu'il  fût  permis  d'époufer  fa  fœur  fille  de 
fon  père.  Ainfi,  félon,  eux,  Dieuajoûtafeize  degrez  défendus  dans  le  i-S* 
du  Levir.  qui  n'avoicnt  point  été  défendus  dans  les  âges  précedens.     EE' 
ces  mariages  défendus  font  \.  di'un  homme  avec  la  fille  de  fa  femme, 
i.  Avec  fa.belle-mcre.    \,  Avec  la  mer.e  de  fa  belle-merc.     4.  Avec  la- 
mère  de  fon  beau-pere.  f.  Avec  fa  propre  fille.  6.  Avec  fa  petite- fille  du^ 
côté  de  fa  fille.  7.  hvtc  fa  petite-fille  par  fon  fils.  8.  Avec  la  petite  fille 
de  fa  femme  par  fa  fille.    9.  Avec  la  petite-fille  de  fa  femme  par  fon  fils. 
1.0.  Avec  fa  fœur  de  père.    1 1.  Avec  la  fœur  de  fon  père.     i>z.  K^to.  la 
fœur  de  fa  mère.    13;  Avec  la  fœur  de  fa, femme;  14.  Avec  la  femsie  dé 
fon  père.    i^.  Avec  la  femme  de  fon  oncle.  Tous  ct^  degrez  qui  étoient 
permis,  difent-ils^  avant  Moyfe,.  font  défendus  par  la  Loy  de  Moylè. 
L.e  mamge       Si  l'oii  cxceptc  le  mariage  du  père  &  de  la  fille ,  toutes  les  unions  dé^ 
^^sp"^.^  fendues  dans  le  18.  du  Levitiquefemblent  avoir  été  permifes  avant  la  Loy, 
permis       parcc  qu'ou  en  trouve  des  sxempks.     Pour  ce  qui  eft  des  mariages  des' 
iloîs.         fi-eres  avec  les  fœurs ,  cela  ne  peut-être  contefté,  puifque  les  enfans  d' A- - 
dam,  qui  étoient  frères  Se  fœurs,  enfans  de  même  père  &  de  mêmeme- 
re,  ont  dû  necefiairement  s'allier  enfemble  pour  la  propagation  du  genre- 
humain.   Il  femble  que  ces  mariages  fufîent  permis  même  hors  des  cas  de 
nGceiTitéj,  car  Abiaharo,  dans  un  fiécle.  où  il  pouvoir  preadre  telle  femme- 

qulli 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  P^r/.I.    i^i 

qu'il  lui  eût  plu,  époufa  fa  focur.    Il  difoit  au  Roy  de  Guerar,  Il efi  vrayGtn.ic^ 
qu'elle  ej}  ma  fœnr  fille  de  mon  père  ,    hien  quelle  ne  [oit  pas  fille  de  ma  mère  t"^'  "' 
cependant  on  me  Va  donnée  a  femme.     C'ell  fur  ee  texte  que  les  Hébreux 
ont  fondé  leur  opinion,  que  dans  c^s  premiers  Ç\éc\ts  il  étoit  permis  d'épou- 
fer  fa  fœur  fille  de  fon  père ,  mais  non  pas  fa  fœur  fille  de  fa  mère ,  par- 
ce qu'Abraham  dit ,   que  Sara  n'étoit  pas  fiJle  de  fa  mère  ,   mais  de  fon- 
père.   Mais  ce  fondement  ne  fuffit  pas  pour  établir  cette  opinion.   Car  y 
a-t-il  apparence  que  dans  un  fiécie  oil  il  étoit  permis,  félon  eux,  d'épou- 
fer  fa  propre  fille,  il  n'eût  pas  été  permis  de  prendre  fa  fœur  de  père  6c 
de  mère  ?   Car  ils  avouent  qu'il  n'étoit  pas  permis  à  un  fils  d'ëpoufer  fa 
mère  j   mais  ils  veulent  qu'un  père  pût  époufer  fa  fille.     Il  étoit  permis 
auffi  d'époufer  fa  nièce  ,   car  Nachor  époufa  Milcha  fille  de  Haran  fon  Gta.^t,- 
frère.    Il  étoit  permis  d'époufer  fa  tantcj  ôcMoyfe  étoit  né  d'un  fembla-  ^"  ^^ 
ble  mariage  :    Amram  époufa  jokebed  fa  tante,  fille  de  fon  grand-pere, 
&  en  eut  Aaron,  Moyfe,  Amram  6c  Marie  leur  fœur.  Et  afin  qu'on  ne 
fe  perfuade  pas  que  par  fille  de  Levi  il  faille  fimpjement  entendre  décen- 
dante  de  Levi,  l'Ecriture  fainte  dit  exprefiément.  Or  ^mram prù ^okel^ed T^^ode £,■ 
fa  tante  pour  femme ,  laq^telle  lui  enfanta  Aaron  &  eJ^ïojfe.    Les  feptante  In-  *'^***" 
terpretes  ont  tourné  ,   êv/urè^u  tS  àhxcpê  t8  %ut;mç  àvrsy  la  fille  du  frère 
de  fon  père,  c'ell-à-dire  fa  cousine  germaine.    C'eft  une  corruption  du 
texte;  ils  n'ont  pu  digérer  une  ferablable  union.  Craignant  que  ce  ne  fût 
une  tache  à  k  Loy  de  Moyfe  dans  l'efprit  des  Grecs.  Mais  le  mot  Hébreu 
ne  peut  fouffrir  cet  adoucillement  :  C'eft  pourquoy  Onkelos  le  Paraphraf- 
te  Chaldée  tourne  nettement  la  fœur  de  fin  père.  Ilelt  clair  encore  qu'il  étoit 
permis  d'époufer  les  deux  fœurs.     Cela  eft  évident  par  l'Hiftoire  de  Rà- 
ehel  &  de  Lea,  toutes  deux  femmes  de  Jacob.  Enfin  il  femble qu'il  étoit 
permis  d'époufer  fa  belle-fille  qui  avoit  été  femme  de  fon  fils;  &  cela  fe: 
prouve  par  l'Hiiloire  de  Juda  qui  époufa  Thamar. 

C'ell  Fopinion  la  plus  vray-fembkble  que  Juda  époufa  Thamar.  Il  y  a  Ju^a  époufr 
des  Auteurs  Chrétiens  qui  font  dans  ce  fentiment-là.  Seidenus  nous  cite  un  JJS5™"ljIj^ 
Paul  General  de  FOrdre  des  Camaldules  ,  qui  dit,  quHl  étoit  necejfaire  dans  s.  de  jure 
ce  myfiere  que  fuda  corrigeât  volontairement ,  &"  bannit  ce  mouvement  déréglé  "^p"     ^^"^*  " 
de  concHpifctncs  par  un  autre  mouvement  hofinête,  [avoir  le  mariage  ,    afin'  que 
"Thamar  belle  fille  de  ?tida  fut  honorée  du  légitime  nom  de  mère ,  pour  fèconfo  1er 
de  la  trxfiejfie  qu'^elle  avoit.  Et  peu  après  il  ajoute,  fe  fuis  doncpèrfuadé^  que        * 
fudaj"^ époufa- au  même  moment  que  Thamar  parut  devant  le  Tribunal^   &  que 
Dieu  lui  infpira  ce  defein  ,  comme  PU  eut  été  forcé  par  fa  confidence  a  reparer  l^' 
honte  quil  lui  avoit  faite.     Ce  n'eft  pas  l'opinion  courante  des  Interprètes: 
au  contraire  ils  fe  perfuadent  que  Thamar  ne  fut  jamais  femme  de  Juda  5 
à  caufe  de  ce  qu'a  dit  l'Hiftoire  fainte,  que- fuda  ne  la  connut  ylus:  Mais  ce 
n'eft  pas  une  preuve  :  tout  au  plus  cela  ne  fauroit  prouver  autre  chofe ,  fi; 
non  que  ce  fut  une  femme  fequeftfée  que  Juda  reconnut  pour  être  fa  fem- 
me, &  qu'il  ne  voulut  plus  toucher  pour  dts  raifons  que  nous  dirons  tout 
à  l'heure.     Il  y  a  même  des  Hébreux  qui  inteypretent  ces  paroles  ,  &  il- 
ne  la  connut  plus  ^  d'une  manière  toute  oppoféev  car  ils  tournent,  &  Une'- 
sef[a  pas  de  la  connohre.     On  obferve  que  le  verbe  fafaph  ,  qui  fignifie  con'-     f]0>* 
nnuer ,  fignifie  auffi  quelquesfois  c^T/^r;  comme  par  exemple,  dans  le  livre 
deg  Nombres  il  eft  dit  ^ue  l'Efprit  de  Prophétie  tomba  fur  les  feptante 


1^2  H  ISTO  IRE  DES  DOGMES 

Nombr.c.Ti.  hommes  que  Moyfe  avoit  choifis  par  le  commandement  de  Dieu,  &  qu'ils 
^«D' i^Vl  prophetiferent  ,  &  ne  continuèrent  pas -j  mais  1a  Vulgate  a  rendu,  &noncef-' 
fuvermt.  Le  Paraphralle  Onkelos  &  Jonathan,  tous  deux  Interprete^Ghal- 
déesjont  tourné  de  la  même  manière.  Au  contraire  les  Septante  ont  tour- 
né ,  i'elon  la  première  fîgnification  du  verbe  fafaph^  &  Us  ne  commuèrent 
pas  a  propheiîz^er .  Nos  Interprètes  ont  fuivi  la  même  interprétation.  Selon 
le  fens  que  la  Vulgate,  Onkelos  &  Jonathan  donnent  au  verbe  fafaphd^ns 
le  chapitre  ii.  du  Livre  des  Nombres,  onpourroit  tourner  le  paflagedu 
Livre  de  la  Genefe  touchant  Thamar,  &non  ccjjavit  eam  cognofcere^  il  ne 
ceiîa  point  de  la  connoître.  Selon  cette  interprétation ,  il  feroit  clair  que 
Juda  auroit  époufé  Thamar.  Mais  ceux  qui  d'entre  les  Hébreux  tournent, 
&  U  ne  la  connut  plus  \  ne  laiflent  pas  de  croire  qu'il  l'époufa ,  &  qu'il  ne 
Rabbi  Bekâi  ^^^  ^^  ^^  connoîtrc  ,  que  parce  qu'il  le  voulut  ainfi.  Il  ne  commua  plus 
apudSalom.  de  la  connaître  ,  dit  un  Juif,  apre's  avoir  reçu  le  commanderaient ,  (  jciltcet  de 
^^^^^°'^^'  propagatione.)  Cependant  cela  luy  eut  été  permis  tous  les  jours  de  fa  vie.  Et  même 
ceux  qui  tournent  ce  p^Jfage  ,  &  il  ne  cejja  plus  de  la  connaître ,  ont  eu  inten- 
tion de  Jïgnifier  i  qu'ail  luy  fut  permis  de  la  toucher^  parce  quelle  était  fa  femme 
légitime ,  &  qu'il  Pavoit  aquife  par  une  voye  divine ,  dans  laquelle  Dieu  était 
entré  d'aune  fa<^on  toute  particulière.  A  toutes  cts  autorîtez  j'ajoute  une 
raifonî  c'eft  fans  doute  que  Dieu  ne  voulût  point  permettre  que  Tha- 
mar, qui  devoit  être  mère  du  MelTie  par  Tes  décendans ,  demeu- 
rât dans  un  état  d'infamie,  ne  devenant  point  femme  légitime.  Jenecroy 
pourtant  pas  que  ce  fût  une  choie  ordinaire  dans  ce  (î.écle-là,  d'époufer 
fa  belie-fiile,  femme  de  fon  fils.  Mais  il  ell  apparent  que  Juda  connut 
par  voye  de  révélation,  que  Dieu  s'étoit  mêlé  là-dedans  d'une  f^çon  ex- 
traordinaire. Ce  n'efl  pas  afîurémegt  fans  un  grand  myilere,  que  Dieu 
a  voiifu  que  le  Melîie  décendît  d'une  copulation  auffiincedueulé  que  celle- 
là.  Il  fe  peut  faire  que  Juda  fut  inftruit  divinement  d'une  partie  de  ce 
myftere,  ôc  que  ce  fut  une  raifon  pour  laquelle  il  ne  voulut  plus  connoî- 
tre Thamar.  Il  l'époufa  afin  que  la  mère  du  Mefiie  fût  une  feoime  légi- 
time: mais  il  ne  la  connut  plus,  parce  qu'il  refpeéla  une  conduite  de  Dieu 
fi  impénétrable.  Il  ne  voulut  pas,  que  ce  qui  s'étoit  fut  une  fois  par  une 
Providence  pleine  de  myftere,  fe  fît  après  cela  par  incontinence.  C'eft  à 
târgnm  quoy  revient  cette  tradition  des  Juifs ,  que  Juda  &  Thamar  furent  tous 
eioo^yra.  ç^^^^  avertis  par  une  voix  du  Ciel,  qu'ils  n'avoient  ni  l'un  ni  l'autre  au- 
cun tort  dans  cette  affaire:  Fous  épes  tous  deux  purs  en  jugement  ^  cette  affaire 
efi  venue  de  la  part  du  Seigneur. 

Ces  divers  exemples  de  mariages  dans  àz^  dégrez ,  qui  furent  dans  la  fuite 
cxprefiement  défendus,  donnent  lieu  defoupçonner,que  la  tradition  des  Juifs 
à  cet  égard  n'eft  pas  fans  fondement,  puisqu'il  eft  confiant  par  les  maria- 
ges des  premiers  hommes ,  parceluy  d'Abraham,  de  Jacob,  êtparcekiy 
d'Amram,  qu'on  pouvoit  époufer  fa  fœur,  fa  tante,  ôclafoeur  de  la  tante. 
Sxces  mark- Ainfi  pourcequi-cft  du  fait  il  ne  peut  pas  y  avoir  grande  controverfe.  Mais 
dégrcTdé-  les  Théologiens  trouvent  beaucoup  de  difficulté  fur  la  queftion  de  droit,- 
fendus        favoir  par  quelle  efpece  deloix  ces  mariases  dans  les  délivrez  défendus 

etoientille-  n         -n       --t  /i  ■  r  ■ 

gitimesfe-  loiu  iJlegitimes.  Les  uns  prétendent  que  ces  mariages  font  contraires  aux 
n'atnref°^'  loix  dîvines  qu'on  appelle  naturelles,  qui  font  dans  la  morale,  ce  que  les 
eofitif,  **^'  veritez  éternelles  font  dans  la  nature,  c'eft- à-dire,  qu'elles  fo-nt  éternelles, 


ET  DES  CULTES  DE  UEGLISE.  Tart.l.  153 

&  immuables,  parce  qu'elles  ont  leur  fondement  dans  l'eiTenceôc  dans  la 
pureté  de  Dieu.  Ceux  qui  font  de  ce  fentiment  ont  bien  de  la  peine  à  expli- 
quer comment  les  Patriarches  ont  pu  toute  kur  vie  perfeverer  dans  la  vio- 
lation de  cts  loix  naturelles  y  ôc  comment  Dieu  a  pu  difpenfer  d'une  loy 
inviolable  &  éternelle.  D'autres  croyent  que  cts  dégrez  font  défendus  par 
une  loy  divine,  mais  pofitive  feulement ,  &  non  pas  naturelle.  Il  n'efcpas 
difficile  de  découvrir  le  fentiment  des  Juifs  fur  cette  queftion,  car  il  efl 
clair  par  ce  que  nous  avonis  déjà  rapporté  de  leur  Théologie,  que  ces  dé- 
grez ne  font  défendus  félon  leur  fentiment ,  que  par  des  loix  pofitives. 
Mais  pour  mettre  cette  vérité  dans  une  plus  grande  évidence ,  on  peut  fai- 
re diverfes  remarques. 

I .  La  première  ell  que ,  ièlon  leur  penfée ,  les  efclaves  d'entre  les  Gen-  Etrange  opi- 
tils  qui  s'étoient  faits  Juifs  par  le  Bâtême,  Scpar  la  Circoncillon ,  en  de-  f'°f"/^5 
meurant  pourtant  efclaves,  n'avoient  aucune  parenté  entr'eux,  qui  les  em-  mariages  des. 
péchât  de  contraéler  des  mariages  dans  tous  les  dégrez  défendus.  Ils  pouf  f[f  ^jç"  ^^°* 
fent  cette  rêverie  fî  loin,  qu'ils  difent  que  ces  efclaves  pouvoient  époufer 
leurs  mères ,  leurs  filles  &  leurs  fceurs  de  mère.     Leur  raifon  efl: ,  que  ces 
mariages  inceftueux  ne  font  défendus  qu'à  deux  fortes  de  gens,  auxNoa- 
chides  ôc  aux  IfraëHtes  :  auxNoachides  dans les^ dégrez  demere,debelle- 
mere,  &  de  fœur  d'une  même  mère:  aux  Ifraëlites  dans  les  dégrez  fpeci- 
fiez  dans  Te  ï  8^.  du  Levitique.     Ces  gens  ,  difent-ils ,  favoir  les  efclaves 
Gentils  qui  ont  fubi  le  joug  de  la  Loy  par  la  Circoncifîon ,  ne  font  plus  Noa- 
chides ,  &  par  conféquent  ne  font  plus  obligez  aux  loix  qui  ont  été  don- 
nées aux  enfans  de  Noé.     D'autre  part  ils  ne  font  pas  encore  Juifs ,  car 
bien  qu'ils  foient  circoncis ,  étant  efclaves  ôc  ferfs ,  ils  ne  peuvent  entrer 
dans  les  droits  d'une  nation ,  qui  efl:  eflTentiellement  libre  :  &  par  confé- 
quent cette  forte  de  gens  n'étant ,  ni  Noachides ,  ni  Juifs ,  ne  font  fou-  • 
mis  à  aucune  des  Loix  qui  règlent  les  dégrez  de  confanguinité ,  ôc  les  ma- 
riages illégitimes.  Il efi permis kfefclave ^  di(ènt-ïhy de coaeher  avecfamere&  "l^]^^^  ^ 
avec  fa  fœur ,  car  il  a  cejfe'  à^être  Çentil^  ç^  n'efi  pas  entré  dans  la  focietéd''Ifraél  sanhedrim^' 
pour  jouir  de  Ces  droits.  Un  de  leurs  Doéleurs  nous  explique  cela  plus  ample-  ^-  ^'  '"  ^^' 
ment  j  //  efi  permis  a  un  efclave  de  s"* accoupler  avec  fa  mère  ^  a  plus  forte  raifon  Maimonider 
avec  fa  fille  &  avec  fa  fœur ,,  &  av^ec  toutes  fes  parentes  dans  les  dégrez^  inférieurs:  ?-^  l^^  ^^"" 
Car  il  a  abfolument  cejjé  d'être  Çentil  :  c'efi  pourquoj  les  couches  incefiueufesy  qui 
étaient  défendues  aux  Gentils  appeliez.  ISloachides ,  luy  font  permifes  ^  n'étant  point 
fujet  a  ces  Loix  des  Nations.  Mais  iln'^eji pas  tellement  pajfé  dans  la  nation  Ifraé- 
lite  ^  cjMs  les  couches  incefiueufes  ^quifont  défendues  aux  Profelytes  de  la  jufiice  ^luj 
foient  défendues  aujfi.    Au  refle  il  me  femble  qu'un  tel  efclave.^  qui  couche  avec  un 
m  aie  &  avec  une  bête  ^  doit  être-puni^  parce  que  ces  deux  crimes  brutaux  regar- 
dent tout  le  genre  humain. 

Pour  mieux  comprendre  cela,  il  faut  favoir  que  les  Juifs  pouvoient  avoir  Efclaves  de 
àt^  efclaves  de  quatre  fortes.  Premièrement  des  Ifraëlites  nez  d\Ifraëlites,  Jje°e"j„ifg"' 
de  la  race  d'Ifniël  :  i.  D'autres  qui  demeuroient Gentils,  c'efl;- à-dire, pro- 
pretfl^ent  fans  Religion  extérieure ,  car  il  ne  leur  étoit  pas  permis  de  faire 
aucun  culte  idolâtre  étant  efclaves  d'un  Juif,  au  moins  dans  la  Terre  Sainte; 
3 .  Et  d'autres  qui  devenoient  Profeîytes  de  la  porte ,  qui  renonçoient  à  l'ido- 
iatrie ,  fans  pourtant  fe  faire  circoncire.  Le  quatrième  ordre  étoit  de  ceux 
qui  fe  faifoient  Juifs  par  la  Circoncifion  &  par  le  Bâtême.  Ceux  du  premier 

ordre 


1^4         HISTOIRE  DES  DOGMES 

ordre ,  c'efl~à-dire ,  les  Ifraëlices ,  n'étaient  pas  proprement  efclavcs ,  6c  ' 
leur  fervitude  n'étoit  qu'un  engagement  de  leur  liberté ,  jufqu'à  l'année  de 
relâche  qui  venoit  de  fept  ans  en  fept  ans.  Ceux-là  étant  Juifs  naturels, 
étoient  aufîi  fujets  à  toutes  les  Loix  de  Moyfe ,  6c  par  conféquent  à  celles 
qui  défendent  les  dégrez  inceftueux.  Les  eiclaves  du  fécond  &  du  troifîé- 
me  ordre  étoient ,  félon  l'opinion  des  Juifs ,  fujets  aux  loix  des  Noachides , 
car  ils  n' étoient  pas  Ilraëlites.  Ceux-ci  donc  étoient  obligez  à  l'obfervation 
ç-  des  loix  données  par  Noé  ;  ôc  par  conféquent  il  ne  leur  étoit  pas  permis 

d'époufer  leur  mère,  leur  belle-mere,  6c  leur  fœur  de  mère  :  mais  hors 
cela  tout  leur  étoit  permis.     Enfin  ceux  du  quatrième  6c  dernier  ordre, 
n'étant  plus  Gentils  6c  Noachides,  parce  qu'ils  s'étoient  faits  circoncire, 
6c  n'étant  pas  encore  Juifs  à  caufe  du  détàut  de  liberté ,  ils  n'étoient ,  fé- 
lon le  featiment  des  Juifs,  obligez  à  aucune  des  loix  qui  défendent  l'in- 
cefte  6c  l'adultère  :  tellement  que  leurs  couches  étoient  abfolument  fem- 
blables  à  celles  des  bêtes.     Les  maîtres  les  accouploient  comme  bon  leur 
fembloit ,  pour  la  multiplication  de  leurs  domeftiques,  comme  on  accou- 
ple des  cav ailes  pour  en  avoir  des  poulains.     Quand  un  maître  avoit  joint 
enfemble  deux  efclaves  des  deux  fexes,  il  lesfeparoit  quand  il  vouloit,  6c 
les  unifToit  à  d'autres.  Ainfi  il  n'y  avoit  entre  ces  fortes  de  gens  aucun  ve- 
Taîmud       ritablc  mariage.  Il  etoit  permis  k  un  Seignenr  ^d\(cnt-Hs  ,  de  donner  fa  ferve  a 
Bab^on.      yj^  propre  efciave,  ou  de  la  donner  a  l'^efclave  d^amrny  ,  ou  de  donner  une  feule 
dufchim  ia  ferve  à  deux  efcUves ,  ou  deux  ferves  a  un  feul  efclave  j  on  nefaifoit  aucune  dif' 
Geraara.      ferencc  à  cet  égard  entre  eux  &  les  bêtes:  l'^état  &  le  droit  d'aune  femme  efclave^ 
jointe  a  un  homme  efclave  ^  rî' étoit  point  autre  que  celuy  de  celle  qui  n^  et  oit  pas  join- 
te i  &  il  n'y  avoit  entre  ces  perfonnes  conjointes  aucune  efpece  de  mariage ,  parce 
que  le  mariage  légitime  ne  fe  peut  contra5ler  qu'^entre  les  Ijraèlites ,  ^  entre  les  Gen» 
tils^  &  non  pas  entre  les  Cerfs  &  les  ferves.  Cette  opinion  efl  monftrueufe ,  6c 
tout  à  fait  éloignée  de  la  vray-femblance.     Qui  pourroit  jamais  croire  que 
des  gens  qui  s'étoient  faits  ïfraëlites  par  la  Circonciiion ,  qui  font  obligez 
àobferverlaLoydans  toutes  fes  cérémonies ,  feulement  parce  qu'ils   n'é- 
toient pas  libres ,  feroient  à  l'égard  de  la  Religion  dans  un  état  moins  avanta- 
geux ,  que  ceux  qui  font  encore  Gentils  6c  idolâtres  :  tellement  que  pendant 
que  ceux-cy  font  obligez  à  obferver  les  loix  de  l'honnêteté  dans  les  ma- 
riages, ceux-là  qui  font  dans  la  véritable  Religion,  ayent  la  permiffionde 
vivre  dans  un  état  de  brutalité ,  6c  de  coucher  fans  crime  avec  leurs  mères 
6c  leurs  filles  ,  au  moins  jufqu'à  leur  affranchifleraent  ?  Je  dis  au  moins 
jufqu'à  leur  affranchiflement  \  car  il  ne  faut  pas  oublier  que ,  félon  la  tra- 
dition des  Juifs,  fi  ces  Gentils  devenus  Juifs  cefix3ient  d'être  efclaves,  ils 
entroient  dans  tous  les  droits  des  Ifraëlices ,  6c  étoient  foûmis  à  toutes  leurs 
Loix.  On  pourroit  combattre  cette  opinion  par  plufieurs  raifons,  mais  M 
fuffit  pour  la  détruire ,  que  les  Juifs  ne  puilîënt  produire  d'exemple  d'u- 
ne pratique  fi  étrange.  Quoy  qu'il  en  foit ,  cela  nous  fait  voir  ce  que  nous 
cherchons ,  favoir  quelle  eft  l'opinion  des  Hébreux  touchant  le  mariage, 
6c  les  dégrez  défendus.  Car  il  parôît,  i.  par  là  que,  félon  eux,  le  maria- 
ge efl  une  affaire  de  pure  inflitution,  puifque  naturellement  toute  femme 
a  le  droit  de  fe  mêler  avec  tout  homme  ,  &  tout  homme  avec  toute  fem- 
me i  la  pederafi:ie  6c  la  brutalité  étant  les  fculs  crimes  contraires  aux  loix 
de  la  nature,  a.  Il  paroît  encore  que,  félon  les  Juifs,  toutes  les  Loix  qui 

.  ont 


ET  DES  CULTES  DE  UEGLISE.  PartA.   15^ 

cnt  défendu  les  mariages  en  certains  dégrez  de  confanguinité  ,  font  à  la 
vérité  divines  &  émanées  de  Dieu ,  nfiais  purenîent  pofitives.  Cela  eft  clair, 
puis  qu'ils  difent,  qu'il  peut  y  avoir  certain  genre  d'hommes,  qui  ne  font 
point  fujets  aux  Loix  ,  qui  défendent  l'adultère  &  les  inceftesj  carlesloix 
naturelles  regardent  tous  les  hommes  en  quelque  état  qu'ils  foient. 

2,  Voicy  .encore  une  de  leurs  opinions  qui  prouve  cela  même.  Ils  efti-  ^^^  Juifs  nt 

1  r^  7  11         j       1       •      n'  ■>     n     ^      ^^  reconnoif- 

moient  que  \qs  proielytes  qu  on  appelle  de  la  juitice,  celt-a-dire,  ceux  fent pas  d'aa- 
qui  fe  faifoient  Juifs  abfolument  par  la  Circoncilion ,  perdoient  toutes  les  "0*/°^^°^"^ 
l'elations  de  fils,  de  père,  de  mère  Se  de  fcsursj  tellement  que  toutes  les  dans  toute 
perfonnes  de  la  famille,  dont  ilsétoient  fortis ,  leur  devenoient  étrangères  ^'^^^^'^  '^^ 
à  tel  point ,  qu'ils  pouvoient  fe  marier  avec  elles ,  quelque  proximité  de  f?.ng 
qu'il  y  eût  entr'eux.  OnandunTayen ,  d\ïçï\l-ih ^  devenait  frofelyte  ,  ou  qu'un  Mzmon. 
efclave  était  mis  en  liberté .  l^un  &  f  autre  devenait  comme  un  enfant  nouveau  ne'.  ^^!^^*  ^^'^^' 
C^  toute  alliance  &  proximité  de  fang  ejue  ce  Gentil  avant  fa  converjîon  ,  ^  cet 
affranchi  avant  fan  affranchi jfement  ,  avaient  avec  (Quelque  perfonne  que  ce  fut , 
s"  aneantiffoit  abfolument .  C^efl  pourquoy  tls  pouvaient  fe  marier  avec  leurs  plus  pro- 
ches parentes  fans  incefte.l^Q  même  Auteur  dit  encore  ailleurs,  que  les  étrangers  Hahka  jib- 
^ui  font  devenus  prafelytes  ^  (jyles  ferviteursqui  ont  obtenu  leur  liberté  ^vî  ont  point  de  LevLatu.  ^ 
confanguinité  entr  eux , mais  font  étrangers  l' un  a  /'^^fre.  Je  n'examine  pas  main- 
tenant fi  cette  opinion  eft  véritable  ou  vraifemblable-,  j'en  conclus  feulement, 
que  félon  ces  hypothefes,  les  devrez  de  proximité  qui  rendent  les  mariages 
inceftueux,  ne  font  défendus  que  p^jrdes  loix  pofitivesj  car  les  loix  natu- 
relles appartiennent  â  tous  les  hommes,  ôc  font  immuables,  &  par  con- 
féquent  ces  profelytes  qui  le  font  Juifs ,  demeurant  hommes,  ils  feroient  aufïï 
fujets  aux  loix  naturelles,qui  leur  défendent  d'époufer  leurs  proches  parentes. 

3.  Ces  mêmes  Juifs  ont  encore  une  tradition,  qui  dépend  de  1^  prece-  Autre t«dï- 
•dente,  &  qui  prouve  la  même  chofe.     Ils  difent  qu'un  homme  de  guer-  ^j''" /^esju'fs 
re  ayant  pris  une  captive,  quoy  qu  elle  tut  étrangère  ce  non  iiraelite,  il  ge,trés  p«- 
pouvoit  l'époufer.     Nous  avons  là-deiTus  un  règlement  de  Moyfe,  qui  fe  ^^^°^^' 

lit  au  21.  chap.  du  Deuteron.  Quand  tu  feras  farti  en  guerre  contre  tes  ennemis^ 
&  que  Dieu  les  aura  livrez,  en  ta  main  ^  que  tu  auras  fait  des  prifonniers  ^^  qu'^en- 
îre  eux  tu  voyes  quelque  belle  femme  que  tu  fouhaites  d^époufer ,  tu  la  feras  venir  en 
ta  maifan ,  tu  luy  couperas  les  cheveux  &  les  ongles ,  elle  quittera  fes  habits  dt 
cat)tive ,  ^  durant  un  mois  elle  pleurera  fon  père  Ô"  fa  mère  ;  après  cela  tu  entrer 
ras  vers  elle  ^  &  elle  te  fera  pour  femme.  Mais Ji  tu  ne  continués  pas  a  Vaimer  ^  tu 
la  renvoyer  as  libre  ^  cjr  ne  la  vendras  pas  pour  de  V^rgent^  tu  ne  P employer  as  a  au- 
cune occupation  d* efclave  ^  parce  que  tu  P auras  humiliée.  Cette  L-'y  eft  remar- 
quable, parce  qu'elle  fait  une  exception  à  la Loy  générale,  que  Dieu avoic 
donnée  aux  Ifraëlites,  de  ne  fe  marier  avec  aucune  étrangère.  Les  juifs 
ajoutent,  que  celuy  qui  avoit  ainfi  pris  une  captive ,  pouvoit  coucher  avec 
elle  une  feule  fois,  pendant  qu'elle  étoit  encore  Payenne,  fans  être  légiti- 
mement marié  avec  elle.  Après  cela,  s'il  vouloit  approcher  d'elle  une  fé- 
conde fois  pour  l'époufer  ,  il  étoit  obligé  de  la  faire  Ifraëlite ,  &  de  luy 
faire  embraftér  la  Rehgion  de  Moyfe.  Si  de  cette  première  copulation  qu'il 
avoit  eue  avec  cette  femme,  pendant  qu'elle  étoit  Payenne,  il  en  naiffoit 
un  enfant,  ôc  qu'après  cette  femme  devenue  Ifraëlite  de  Religion,  enfan- 
tât une  féconde  fois,  ces  deux  enfans,  l'un  né  durant  lePaganifme  de  la 
mère,  l'autre  né  depuis  fon  admilîion  au  Judaïfme,  n'étoient  point  efti- 
Fart.  L  T  mez 


156  HIS  TO  IRE   DE  s   D  O  G  M  ES 

niez  parcns ,  &  pouvoient  fe  marier ,  s'ils  étoient  de  différent  fexe ,  bien 
qu'ils  fuflent  tVere  &  fœur,  de  même  père  6c  de  même  mcre.  Et  c'ell:  fé- 
lon cette  tradition  qu'ils  expliquent  ce  que  Thamar  fœur  d'Abfçalomdifoit: 
z.  Sam.  13.   à  Amnon  Ion  trere  :  Amnon  la  veut  violer  ,   elle  luy  dit ,  Non  monfre- 
^5-  re ,   }je  me  Viole  point  ^  paries-en ,  Je  te  prie  ,  <iiH%oi ,  &  iliiPempêcherapas  ejuetpe 

ne  m'ajes  k  femme.  Comment  peut-elle  avoir  une  telle  penlee?  Il  eft  vray 
qu'ils  étoient  nez  de  deux  femmes  differentesj  Thamar  étoit  fille  de  Mahaca, 
Samj.j.  ^  Amnon  étoit  fils  d'Ahinoham:  mais  tous  deux  croient  enfans  de  David, 
ils  étoient  frère  6c  fœur  de  père.  Or  dans  ce  degré  le  mariage  ell  expref- 
fément  défendu  au  18.  du  Levitique.  Les  Hébreux  difent  là-defms,  Tha- 
mar étoit  fille  de  Mahaca  j  cette  Mahaca  étoit  fille  de  Talmaï  Roy  de  Guef- 
çur,  elle  avoit  été  prife  en  guerre,  à  ce  qu'ils  prétendent  >  David  cou- 
cha avec  elle  avant  qu'elle  fût  profelyte^  il  en  eut  cette  fille  appellée  Tha- 
mar :  enluite  il  l'époufa,  6c  la  fit  Ifraëlite,  6celle  luy  enfanta  Abfçalom. 
Cette  Thamar  n'avoit  aucune  liaifon  de  fang  avec  tous  les  autres  enfans  de 
David,  quoy  qu'elle  fût  de  la  Religion  de  fon  père  ,  parce  qu'elle  étoit 
née  durant  le  Gentilifmcde  fa  mère.     Ainfi  elle  pouvoit  fe  marier  avec 
Amnon,  ôcmême  avec  x-^bfçalom.  Cela  fepeut  voir  dans  \ç.s  annotations 
de  Munfter  fur  cette  Hilloire  de  Amnon  &c  de  Thamar  :  6c  fi  quelqu'un 
veut  voir  cette  obfervarion  dans  les  originaux,  il  peut confulterMaimo- 
nides  dans  le  Traité  intitulé  Melalitm  chap.  8.  6c  Salomon  jarki  dans  Ces 
Commentaires  fur  Samuel. 
L'enfant  fuit     Rabbi  Lcvi  Ben-Gcrfora  dans  fes  Commentaires  fur  Samuel  prend  un 
deia°mtre°'^^^^tre  tourj  il  dit  que  Mahaca  mère  de  Thamar  étoit  encore  efclave  quand 
encertains    David  coucha  avec  elle,  6c  qu'elle  conçût  Thamar.  Or,  félon  le  droit  des 
jy-fj^^^^^^^Hebret^,  le  fils  fuit  la  condition  de  la  mère:  une  mère  efclave ,  bien  qu'el- 
le ait  conçu  d'un  homme  Ifraëlite  ,    fait  un  efclave ,  6c   une  perfonne 
Traaat.de    quj  n'eft  pas  ^cnféc  Ifraëlite.  En  effet  Maimonides  affûre  la  mêmechofe, 
cap.  I.  sea.  ^'^  enfant,   dit-il,  né  d'Anne  femme  efclave  ,  cjuoy  <^  h'' engendré  par  un  Ifraëlite^ 
3.4. 5c  5.      eji  efclave  j  &  celuj  c^ui  eft  né  û'tme  femme  infdele  ^  eji  eftimé  infidèle.    Selon 
cette  ioy ,  Thamar  devoit  fuivre  la  condition  dans  laquelle  étoit  fa  mère 
Mahaca,  quand  elle  conçût  de  David  la  première  fois.  Ainfi  elle  n'étoit 
pas  repurée  fille  de  David  félon  la  Loy  j  c'eft  pourquoy  elle  pouvoit  fe 
marier  à  Amnon.     Ni  l'une'ni  l'autre  de  ces  explications n'eit  bonne,  à 
mon  fens,  6c  nous  ne  les  avons  rapportées  que  pour  confirmer  ce  que  nous 
établiffons,  c'eft  que  dans  le  droit  des  Hébreux,  cesdegrez  deconfangui- 
nité  naturellement  ne  peuvent  empêcher  ces  mariages.  Ainfi  les  mariages 
dans  ces  degrez  ne  font  défendus  que  par  des  loix  pofitives.     Pour  dire 
en  pafiant  de  quelle  manière  il  faut  fortir  de  cette  difficulté,  qui  fe  trouve 
dans  les  paroles  de  Thamar,  j'eftime  que  cette  fiile  ne  parioit  ainfiàfom 
fpere  Amnon,  que  pour  fe  débarraffer  de  luy,  6c  fe  tirc/r  de  ^cs  mains. 
Les  femmes  qui  font  dans  de  femblables  extremitez,  employent  auffi  fou- 
vent  de  mauvaifes  raifons,   que  de  bonnes,  pour  fléchir  leurs  oppref- 
feurs. 
Les  degrez       Nous  voicy  fuffifamment  inftruits  de  cette  vérité,   c'eft  que  les  Juifs 
'    mkschrê'-oi^t  regardé  toutes  les défenfes  de  fe  marier  avec  mère,  fille,  fœur,tan- 
tiensnefont^e  2c  méce  :  corhme  des  loix  pofitives;   ^  par  conféquent  ils  n'ont  pas 

que  des  loix  j  .^  .  ._  r  ir»'i  ■'  -/i  r 

pojltiyes.     oe  peme  a  rendre  raiion, pourquoy  les ratnarcJties  ont  epouie  leurs  lœurs 
»  Se 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  ParîA.  l'^j 

6c  leurs  tantes  :  c'eft,  difent-ils,  que  ces  loix  pofîtives,  qui  défendent  ces 
mariages  n'étoient  pas  encore  données.  Mais  la  difficulté  demeure  enco- 
re en  Ion  entier  à  l'égard  dts  Chrétiens,  ôc  nous  ne  nous  faifons  pas  une 
neceffité  de  fiiivre  le  ientiment  des  Juifs.  Il  s'agit  donc  de  favoir,  iidans 
le  fond  les  mariages  dans  les  dégrez  de  confanguinité  ne  font  défendus 
que  par  des  loix  pôiitives.  La  plupart  des  auteurs  Chrétiens  croyent 
qu'ils  font  défendus  par  des  loix  naturelles.  Mais  il  faut  avouer  qu'ils  le 
jectent  par  là  dans  de  grandes  difficultez.  Ils  ne  peuvent  nier  que  les 
premiers  enfans  d'Adam  n'ayent  époufé  leurs  frères  &  leurs  fœurs.  C'é- 
toit,  dit-on,  une  neceffité,  &  la  neceffité  n'a  point  de  loy.  Maispour- 
roit-on  dire  qu'il  y  a  quelque  neceffité  de  blafphémer  Dieu  êc  de  le  des- 
honorer ?  Si  les  mariages  entre  les  frères  ÔC  les  fœurs  font  contre  la  loy 
naturelle  comme  le  blafphéme ,  je  ne  voy  pas  pourquoy  Dieu  pourrait  dii- 
penfer  pour  l'un  dans  les  cas  de  neceffité ,  5c  ne  pourroit  dil'penfer  pour 
l'autre  ?  Dieu  ne  pouvoit-il  pas  remédier  à  ce  mal,  en  créant  d'abord  deux 
couples  d'hommes,  qui,  étant  deux  tiges  différentes,  auroient  eu  des  en- 
fans  qui  auroient  pu  fe  marier  les  uns  avec  les  autres  fans  incefle  ?  Il  n'y 
avoit  donc  pas  d'abfoluë  neceffité.  Outre  cela,  ri  eft  fort  difficile  à  com- 
prendre, comment  les  Patriarches  ont  pu  vivre  en  bonne  confcience  dans 
un  état  oppofé  à  la  loy  de  îa  nature,  mariez  avec  leurs  fœurs,  leurs bei- 
les-fœurs  &  leurs  tantes.  On  objeéle,  que  Dieu  déclare  allez ,  que  tous  les 
mariages  inceftueux  font  contre  la  loy  de  nature,  puis  qu'après  avoir  fait 
rénumeration  de  toutes  les  copulations  illégitimes,  il  ajoute.  Ne  vous  Levit.  is, 
fomllez.  donc  point  en  pas  fine  de  ces  chofès,  car  dans  tomes  ces  chofesfe  font  fouillées  ^^' 
ces  nations  que  je  men  vais  de  chaffer  de  devant  vous ,  dont  la  terre  a  été  polluée  j  ç^ 
je  punis  fur  elle  leur  iniquité  ^  ^  h  terre  vomit  fe  s  habit  ans.  Ces  Payens  n'a- 
voient  pas  d'autre  loy  que  celle  de  la  nature  j  s'ils  avoient  péché  daiis 
leurs  mariages  incefuueux ,  c'étoit  donc  contre  les  loix  de  nature  qu'ils 
avoient  péché,  &  non  contre  des  loix  pofitives.  On  peut  répondre  que 
ces  impuretez,  par  lefqueiles  Dieu  fe  plaint  que  les  Cananéens  avoient 
fouillé  le  pays ,  ne  fe  doivent  pas  rapporter  à  tous  ces  degrez  défendus 
dans  le  i8.  chap.  du  Levitique,  mais  fimplementà  ceux  qui  avoient  été 
défendus  avant  la  loy  généralement  à  tous  les  hommes ,  comme  font  les 
copulations  avec  fon  père ,  fa  mère  &  fa  fille ,  avec  des  mâles  ôc  avec 
des  bêtes  -,  car  ces  abominations  étoient  ordinaires  entre  les  nations  Pa- 
yennes.  Mais,  dit-on,  ce  mot  d'abomination^  dont  Dieu  fe  fert  pour  de- 
fîgner  cts  couches  illégitimes  dans  les  degrez  défendus,  fignifie  des  pé- 
chez contre  la  loy  naturelle.  Je  répons  que  cela  n'eft  pas  toujours  vray, 
car  fouvent  l'Ecriture  Sainte  appelle  de  ce  mot  d'abomination  des  péchez, 
qui  ne  violent  que  des  loix  pofitives  :  Par  exemple  dans  la  loy  de  la  dif- 
tinélion  des  viandes  le  Legiflatenr  dit  fouvent,  Fous  ne  mangerez^  rien  d^  Levir.  n. 
ce  qui  efi  fans  nageoires  &  fans  écaille  &c.  car  cela  ejl  abomination.  Il  y  a  donc  3^*^°"  ^^' 
plufieurs  Savans  Théologiens  qui  eftiment  que  le  mariage  entre  les  frères  sunuiî. 
ëc  les  fœurs  ne  font  pas  oppofez  aux  loix  de  la  nature,  &  qui  ne  fau~  JaJtT!' 
roient  fe  refoudre  à  accufer  les  anciens  Patriarches  d'avoir  paile  toute  leur  quœit.  54. 
vie  dans  un  état  inceftueux.  Mais  au  moins  tout  le  monde  doifdemeu-  Bonwenr. 
rer  d'accord,  que  ces  loix  qui  défendent  de  fe  marier  en  certains  degrez  5  in  l.  4.  part. 
ne  font  pas  des  loix  humaines ,  comme  quelques-uns  l'ont  eftimé  j  ÔC  c'eit  RiSi^' 

T  2.    ,  une  ^bicj. 


>         158  HISTOIRE   DES    DOGMES 

qu.£fi.  une  des  erreurs  que  Bellarmin  reproche  à  Wiclef.  On  peut  appeller  les» 
scotns  loix  naturelles  du  fécond  ordre  primordiales,,  pofées  dans  le  tcms  de  la  pre- 
qix{i.uiu-  miere  inlHtution ,.  la  défenle  d'épouier  la  mère  &  la  fille  ,  petite-fille  6c- 
Diuànd.  in  ï^Litres  déccndans,  me  paroît  aulfi,  une  ioy  naturelle:,  c'eii faire,  remonter 
lent  Lib.  4.  y^  ruifleau  contre  fa  four  ce. 

qux..  um-  ^^  relie  Ton  ne  peut  pas  douter,  que  ces  mariages  du  premier  monde 
Beitarm.  avant  la  loy ,  dont  les  règles  étoient  beaucoup  plus  relâchées  que  celles' 
mattinicap.  dcs  mariagcs  des  Juifs,  ne  foient  caufe  que  dans  TOrientles  hommes  ont 
^^■^j^'^r  toujours  été  moins  fcrupuleux  que  dans  l'Occident,  pour  ces  unions inceù 
excrdt!  4^  tucufcs.     De  tout  tems  il  n'y  a  rien  de  plus  commun  dans  l'Orient  que 

des  mari-cipes  de  frères  &.  de  fœurs,  6v  il  n'y,  avoit  rien  de  plus  rare  dans 
iks  occi-  l'Occident.  Chacun  lait  que  depuis  Cambyies  ces  mariages  inceftueux 
d^atnox  étoicnt  ordinaircs  entre  les  Perles.  Hérodote  nous  apprend  comment' ce 
iiêres  que  Princc  étant  amoureux  de  fa  fœur ,  confulta  les  Sages  de  la  nation ,  pour 
n)'Lr!!?v    tivoir  s'il  n'y  avoit  pa.s  une  Ioy  qui  permît  d'époufer  fa  fœur.     Ces  Sages 

luy  répondirent  par  complaifance,  qu'ils  n'en  favoiejit  pas ,   mais  qu'il  y 


Thaîia'  Lib  ^^'^^^^  uuG  autrc  îoy  entre  les  Perfes,  qui  donnoit  pouvoir  au  Roy  de  fai- 
3.  re  tout  ce  que  bon  luy  fembloir.     La  corruption  alla  même  fi  loin,    qus 

cette  efpece  de  gens,  qui.  dans  l'Orient  s'appelloient  des  Mages,   fe  fai- 
*  .      foient  un  honneur  d'être  nez  de  ces  mariages "inceilueux.  lisie  marioient 
Saydus  Pa-    avec  Icurs  fceurs ,  ôc  même  avec  leurs  mères.     Un  certain  Auteur  Ara- 
"ni'd^eide-  ^^  ^^  novi%  avons  déjà  cité  quelquefois  après  Seldenus,   dit  qm  du  tems- 
niitnLib.  5.  de  Uimrod  les  tJ/l/CMes  commencèrent  a  ado?  er  le  fen^  &  que  le  nom  de  ce  luy  que, 
&  Pentium    Ni^rodovoit  édbU  pouT  fervir  le  fen  était  <iy4ndscha,m.      (omme  ce  Sacrificateur 
tip.  II.        offcioit^  le  démon  Im  parla,du  milieu  du  feu  ,  t^  lui  dit ,  nulne  feut  fisrvir  me& 
autels  ^  faire  mes  facrifices  s'^il  ne.  couche  au e a  fa  mère  ^  avec  fa  fille  &  avec  f^ 
f^iir.     Andscham  fit  comme  le  diable  lui  avoit  commandé.-,^   &.  depuis  ce  tems-lk. 
ceux  qiù  ont  été  Sacnficnteursentre  les ■^yi'f âges ,   avaient  accoutumé  de  s'^accou- 
non^^Lib.    }^^^  ^'"^^^  ^^^''•^  merej  ^,  leurs  filles  &  leurs  fœurs-.     Le  faux  Clément  Romain» 
»,.  dans  fes  Récognitions  nous  atlïïre,  que  cette  coutume  daroitencore  de  fou 

tefns,  &  que  les  Mages  épars  dans  la  Chaldée,  danslaPerfe  &  dans  l'E- 
gypte, &  fur  tout  dans  la  Galatie  &  dans  la  Phrygie  ,   fe  marioient  avec 
leurs  pluS;  proches  parentes.     Les  mariages  des  Grecs- ont  été  plus  hon- 
nêtes, ôc  ceux  des  Romains  l'ont  encore  été  davantage.     La  tragédie 
d'Oedipe  dans  Sophocle  nous  fait  voir,  que  les  Grecs  avoient  en  horreur 
ceux  qui  couchoient  avec  leur  raere  3  ôc  celle  d'Hippolyte  nous  apprend, 
qu'ils  regardoient  le  mariage  d'un  homme  avec  fa  belie-mere.  comme  un- 
accouplement  monftrueux:  car  en  introduifant  Phèdre  furie  théâtre, qui' 
foUicite  Hippolyte  fon  beau-fils  à  l'époufer,   le  Poëte  a  deflein  de  la  re- 
..,      "    prefenter  comme  un  prodige  de  fureur.     Il  s'etl  trouvé  quelques  exem- 
Piobuç*       pies  de  mariages  entre  le  frère  èc  la  fœur  parmi  les  Grecs.  Simon  fils  de: 
Fkiratch.ih    Miltiade  époufi  fa  fœur  Elpinice.     Archetolis  fils  deThemiilocleépouia 
Mari^pes      Mnafiptolcmc  fa  fc^ur  de  pcre.     Mais  ces  exemples  étoient  raves.     Les' 
des  Ro-       mariages  des  Romains  ont  encore  été  beaucoup  plus  purs:    plus  les  pays- 
etoientdans  ^'éloignojent  dc  l'Orient,   plus  lés  coutumes  étoient  épurées  à  cet  égard. . 
mideâftde  Quand  l'Empereur  Claude  voulut  époufer  fa  nièce  Agrippine,  ilenfic  irai- 
ïSS/^"'  re  une- efpece  d'excufe  au  Sçnat  par  Vkellius,  ôc  il  n'ofoit  amener  fa  fenr- 
me  chez  luy  à  caufe,  dc.  la  nouveauté  du  crime.     Il  chercha  par  tout  desf 

imi-- 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Part.l.    159 

imitateurs  de  ion  impureté,  afin  de  s'aurorifer  par  la  multitude  ;  maisiÎTicit.Annâ, 
ne  trouva  qu'un  milèrable  Chevalier  Romain  nommé  Titus  Alledius  Se-^^'^-^^- 
verusj  qui  le  voulut  imiter.  Piutarque  nous  apprend  que  les  Romains  pou f- 
foient  autrefois  le  fcrupale  fi  loin  U-deiFus,  qu'il  ne  leur  étoit  p;s  pjnnis  îi"t- Lib.(î. 

1,/  r  r  ^       ^  r  i  /t     ■         /  rA  '     ,     ^  ,  /  quzft.  Rom. 

u  epouier  aucune  femme  de  leur  iang,  quelque  eioigne  que  fut  le  degré  qu^a  6. 
de  parenté.  Ils  néponfoient ,  dit- il ,  ni  leurs  tantes  ^  ni  leurs  fœurs ,  ô"  ils  ne  vide  ôc 
permirent  que  fort  tard  cCépoufer  les  coujînes  ;  ce  qui  fe  fit  par  cette  occafion.  Il 
y  eut  ti-n  homme  qui ,  n'^iiyam  pas  de  bien ,  mais  âant  fort  honnête  homme  ,-  & 
pins-  agréable  au  peuple  qu  aucun  de  ceux  qui  gouvernaient  les  affaires  de  la  'Ré- 
publique,  époufa  fa  confine  germaine  qui  étoit  héritière  ,  ce* qui  le  rendit  riche  :  il 
en  fut  accufe  devant  le  peuple-^  mais  le  peuple  qui  Paimoit  ne  voulut  mas  lui  faire 
fon.  procès ,  tl  fut  abfous  ^  (^  même  on  fit  une  ordonnance^  que  déformais  ton  pour" 
roit  êpoufer  fes  parentes  jufqii'k  la  coufine  germaine  &  au  deffous  ,  mais  non  pas 
an  dejfus. 


CHAPITRE     XX  L 

■    l^e  la  Tolygamie.^ 

Oici  une  autre  fingularité  àcs  mariages  des  Patriarches ,  c'efl  la  plu- 
ralité des  femmes,  qui  s'appelle  polygamie.  Lemec,run  desdécen- 
dans  de  Caïn,eft  apparemment  le  premier  qui  ait  eu  plufieurs  fem- 
mes, au  moins  c'ell  le  premier,  duquel  cela  nous  foit  remarqué ,  Et  Lemec  Gen.4.  jf. 
prit  deux  femmes  ^  dont  P-une  avoit  nom  Aàa  ^  &  l'autre  T fi  lia.  Après  lui  cette 
coutume. devint  très  commune  avant  le  déluge  :  mais  je  croy  qu'elle  fut 
encore  plus  commune  après  le  déluge.. 

La  plupart  des  Patriarches  ont  vécu  dans  la  polygamie  ,    &  Abraham  Ledroitd- 
prit  A.gar  avec  Sara.  Jacob  eut  quatre  femmes,  les  deux  filles  de  Laban  ôc  n/qï  des°° 
leurs  deux  fervantes.     Cela  fait  de  la  peine  à  bien  des  gens,  qui  ne  peu-  juifs  nemer 
vent  concevoir,  comment  de  fi  iaints  hommes  ont  pu  vivre  dans  un  état,  J'^^^J^^"  g"'™*^  ' 
qui  leur  femble  oppofé  aux  ioix  de  la- nature.    Les  Juifs,  qui  font  grands  lygaœie, 
proteéleurs  de  la  polygamie,  v\ç.k  forir aucune  difficulté  là-deiTusî  car  ils 
prétendent  que  cet  état  elf  permis  par  les  Ioix  de  la-  nature.    Ils-  ont'  mê- 
me fait  une  herefie  aux  Sadducéens  ,  de  ce  que  ceux-ci-  difoient  que  la 
plurahté  des  femmes  eil  défenduëdans  la  Loy  dans -ces  paroles  du  ■  Levi- 
tique,  uxorem  ad  fororem  fuam  non  accipies  ad  affligendum  eam  y  tu  ne  pren- 
dras pas  une-femme  avec  fa  fœur  pour  l'affliger.     G'efl;  une  maxme  de^g^'^-^^- 
leur  droit  5.  //  efi  permis  a  chacun  d"* avoir  autant  de  femmes  qu''il  en  peut  nour- 
rir. Un  de  leurs  plus  grands  Doéleurs  le  confirme  par  ces  paroles  -,  Il  cfi  Taim. 
permis  a  un  homme  d'' avoir  cent  femmes ,  ou  les  unes  après  les  autres  ,    ou  toutes  mot.  c.  6, 
ïn femble;  (jy  la  première  femme  na  pas  le  droit  de  s' oppofer  a  cela  ,    pourvî^  que 
le  mari  fait  en  pouvoir  de-  leur  donner  a  toutes  les  vétemens  ,    les  habits  ^    Ô'  les 
autres  preuves  de  la  bien-veillance  conjugale ,  félon- qu^il  appartient  a  chacune.    Il 
appuyé  cette  opinion  des  exemples  de  David  ôc  de  Salomonj  6<.particu- 
liereir.ent  du  dernier,  uui  avoit  tantde  femmes.  II5  ajoutent  quq  devant  &     . 

T  3: 


i6o 


HISTOIRE  DES  DOGMES 


Salomon. 
Jaiki    in 
Gencf  c,  4 
&iii  job, 

c.  24.  2T. 

]ob24.  21. 


inftitution 
du  mariage 


après  le  àéluge  cétoit  la  coutume  à^ avoir  deux  femmes  ,   l'une  pour  en  avoir  des 
enfans  ,   &  f  autre  pour  le  pUiJir  feulement.     On  faifoit  boire  a  celle-ci  un  breu~ 
vaTe  de  fierilite'  pour  l'empêcher  de  concevoir ,  afin  i^u' elle  fut  toujours  belle.  Celle' 
ci  étoit  toujours  ornée  ,    ^  de  toutes  les  fêtes ,  pendant  que  Vautre  était  toujours 
renfermée  dans  la  maifon  comme  une  veuve  ô'  comme  une  perfonne  en  deuil.  Ce 
font  à  peu  prés  les  termes  du  Rabin    Salomon  jarki,  Ôcil  avoit  emprun- 
té cela  d'un  ancien  Commentaire  fur  la  Genefe,  appelle  Berefchit  Rabba  qui    . 
dit  la  même  chofe  en  autant  de  mots.  C'ell  félon  cette  obfervation  qu'ils 
expliquent  ce  que  dit  Job  en  parlant  d'un  méchant  homme  ;  Lui  qui  don^ 
mit  a  manger  à  laflefile ,  &  ne  faifoit  nul  bien  a  la  veuve.  Le  fentiment  des 
"    Juifs  étantitel,  ils  ne  font  pas  propres  à  être  Juges  dans  cette  caufe.  C'efl 
pourquoi  en  les  laiffant  à  part ,  nous  dirons  brièvement  ce  que  nous  croyons 
de  la  polygamie  en  gênerai,  6c  en  particulier  de  celle  à^s  Anciens. 
Lapoiyga-        Il  cll  Certain  que  la  polygamie  eit  contraire  aux  loix  que  Dieu  pofà  dés 
mieeftcon-  jg  commencement  du  monde  dans  l'inftitution  du  mariage  :  L'homme  dé' 
première      laijjera  père  &  mere^  &  s'ajoindm  à  fa  femme  ;  l'Ecriture  ne  dit  pas  à  {ç.s  fem- 
mes.    Le  mariage  eft  proprement  le  lien  d'un  avec  une,  &  un  lien  indiP- 
foluble,  c'eft  pourquoy  6c  la  polygamie,  6cle  divorce  font  contre TinlH- 
tution  du  mariage,  &  contre  l'intention  de  l'inflituteur.     11  n'y  eut  pas 
alors  de  plus  expreffe  défenfe  de  la  polygamie  5    mais  Dieu  ajouta  un 
exemple  à  la  Loy,  c'eft  qu'il  ne  créa  qu'une  feule  femme  a  Adam,  bien 
que  la  neceflité  de  peupler  le  monde  demandât,  que  Dieu  lui'  en  donnât 
pluiieurs.     Les  Anciens*  avoient  bien  compris  que  les  paroles  de  l'inftitu- 
tion du  mariage,  6c cet  exemple,  faifoient  une  Loy  contre  la  polygamie. 
C'eft  pourquoi  nous  ne  voyons  aucune  trace  dans  l'Hiftoire  Sainte,  que  les 
Saints  avant  le  déluge  ayent  eu  plufieurs  femmes.  Adam  n'en  eut  qu'une, 
6c  Noé  n'en  eut  qu'une  auffi,  fes  trois  fils  n'en  avoient  que  chacun  une. 
Cela  eft  clair,  parce  que.  St.  Pierre  nous  dit  qu'il  n'y  eut  que  huit  perfon- 
nes  fauvées  par  l'eau,  c'eft-à-dire,  que  Noé  6c  fes  trois  fils  n'ayant  qu'une 
femme  chacun,  ne  faifoient  que  huit  perfonnes  en  tout.   Il  eft  vray  qu'a- 
prés  le  déluge ,  la  polygamie  entra  dans  les  familles  des  Patriarches  :  mais 
il  y;en  eut  beaucoup  entr'eux  qui  s'en  firent  un  fcrupule.     Job  n'avoit 
qu'une  femme  ;   Ifaac  n'eut  que  Rebecca.     Nous  ne  lifons  pas  qu'aucun 
des  enfans  de  Jacob  en  ait  eu  plufieurs.  Depuis  que  la  Loy  fut  donnée  par 
Moyfe,  la  polygamie  devint  encore  plus  rarej  6c  fi  l'oncxcepte  les  Rois 
David,  Salomon  Se  quelques-uns  deleursdécendans,  on  aura  de  la  peine 
d'en  trouver  des  exemples ,  fur  tout  entre  les  particuliers.  ~   Nous  avons 
celui  d'Helcana  père  de  Samuel,  qui  avoit  deux  femmes.  Jofephe  nous  dit 
que  Moyfe  en  a  eu  deux  ;  l'une  qui  s'appelloit  Sephora  fille  de  Jethro  , 
6c  l'autre  appellée  Tarbis  fille  du  Roy  d'Ethiopie.     Cela  eft  fondé  fur  ce 
que  nous  lifons  dans  le  livre  àts  Nombres  j.  Alors  Marie  &  Aar on  parlèrent 
contre  Â4oyfe^  à  caufe  de  la  femme  Ethiopienne  qu'il  avoit  prife  ,  parce  qu'il  avoit 
pris  une  femme  Ethiopienne.     Mais  cette  Ethiopienne  étoit  Sephora  même, 
fiJle  de  Jethro,  Prince  Madianire  :   elle  eft  appellée  Ethiopienne,  de  cette 
Ethiopie  qui  faifoit  partie  de  l'Arabie  qui  s'appelloit  félon  Drufius  e^/^/o- 
pia  Ch^ifea.     Je  ne  croy  donc  pas  que  la  polygamie  ait  jamais  été  approu- 
vée entre  les  fidèles.     Je  fuis  même  très  perfuadé,  qu'elle  étoit  défendue 
dans  ces  paroles  du  Levitique,  Tu  ne  prendras  pas  une  femme  avec,  fa  com- 
pagne 


La  polyga- 
mie n'a  ja- 
mais été 
approuvée 
entre  les 
fidèles. 
Antiquir. 
Jj^b.  2.  c.  s. 


Nombr. 
\%.  21.  ' 


Drufius  in 
Numer. 
c.  12.  r. 
La  polyga- 
mie défen- 
due dans  U 
Loy. 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Tart.l,  i6i 

pagne  pour  Caffiiger:  c'elt  aïoli  qu'il  faut  tourner,  &  il  n'y  a  aucune  railbn  Levit.  iJi 
de  tourner  autrement      II  elt  vray  que  dans  l'Hébreu  il  y  a  mot  à  mot,  ^*- 
Tfi  ne  prendras  pas  une  femme  avec  ja  [ceur.     Mais  fi  le  Legiilateur  avoit  eu 
intention  de  défendre  la  fœur  delà  femme  dans  ce  pallage,  comme  pré- 
tendent tous  les  Juifs  ôc  beaucoup  de  Chrétiens,  il  n'auroit  point  change 
de  méthode  &  de  ftyle,  il  auroit  dit  conformément  au  verfet  précèdent. 
Tu  ne  âécoHvnras  pas  la  ntidite'  de  la  fœur  de  ta  femme.     Au  refte ,  ceux  qui 
ont  la  plus  légère  teinture  de  la  langue  Hébraïques  favent  que  les  mot  n;^, 
6c  DkSni  fignilicnt  une  choie  qui  en  accompagne  une  autre,  qui  efl  fituée 
vis-à-vis  :   ils  difent  de  deux  colomnes  fituées  vis-à-vis  l'une  de  l'autre  , 
l'une  répond  a  fa  fœur ,  pour  dire  que  l'une  répond  à  l'autre.     Ainfî  tu  ne 
prendras  pas  de  femme  avec  fa  fœur,  c'eft- à-dire,  tu  ne  prendras  pas  de 
femme,  qui  foit  en  degré  égal  &  parallèle  à  la  première.    Les  paroles  qui 
fuivent,  font  bien  voir  que  c'ell  là  le  fens,  afn  de  l'affiger.     Car  fi  Dieu 
défendoit  feulement  d'époufer  la  fœur  de  fa  femme  en  même  tems,  pour- 
quoi diroit-il  que  cela  atfligeroit  la  première  femme?  Une  femme  qui  fait 
qu'on  lui  peut  donner  une  compagne,  ne  devroit- elle  pas  avoir  de  la  joye 
d'avoir  fa  fœur  plutôt  qu'une  autre?  Mais  le  fens  de  ces  paroles  efl  clair, 
en  expliquant  ce  paflàge  entier  de  la  polygamie,  car  on  fait  affez  qu'il  n'y 
a  rien  de  plus  chagrinant  pour  une  femme ,  que  de  voir  partager  par  une 
autre  la  perfonne  &  l'amour  qu'elle  voudroit  polTeder  toute  entière.   Je  ne 
voudrois  pas  déterminer  que  l'ufage  des  concubines  fût  abfolument  défen= 
du  dans  ce  palfage ,  car  les  mots  hn*  &  nin^,  frère  ^  fœur  ^  quand  ils  fe 
prennent  dans  ce  (ens  où  nous  les  prenons  ici  pour  des  choies  ,  ou  pour 
des  perfonnes  pofées  dans  un  même  rang  ,   fîgnifient  proprement  celles 
qui  font  placées  fous  une  même  ligne,  vis-à-vis  l'une  de  l'autre ,   ôc  abfo- 
îument  égales  &  parallèles. Or  comme  les  concubines  n'étoient  que  des  demi- 
femmes,  &  étoient  fujettes  aux  vrayes  femmes,  on  ne  les  peut  pas appel- 
1er  des  femmes  parallèles  ou  égales.     Mais  quand  l'iifage  des  concubines 
auroit  été  permis  ,  je  fuis  affûré  que  cela  auroit  été  par  pure  tolérance. 
Au  relte  le  Seigneur  Jefus-Chrift,  nous  fait  aficz  connoître  que  la  poly- 
gamie étoit  contraire  aux  loix  originales  du  mariage     quand  il  fe  fert  des 
paroles  de  l'inilitution  du  mariage  pour  condamner  le  divorce  j    Celui  ,  st.  Marc, 
dit-il,  qut  abandonne  fa  fcnrme  j  ^  fe  marie  a^vec  une  autre  ^  commet  adultère. 
Cela  ne  feroit  pas  ii  la  polygamie  n'étoit  pas  défendue,  fuppofé  qu'il ibit 
permis  de  prendre  piuileurs  femmes  :  quand  même  celle  avec  qui  l'on  a 
fait  divorce  fcroit  encore  femme  de  celui  quil'auroit  renvoyée,  cet  hom- 
me en  prenant  une  autre  femme  ne  commettroit  point  adultère  ;    il  fe- 
roit feulement  dans  l'état  de  polygamie,  c'eft  -  à  -  dire ,  qu'il  auroit  une 
femme  avec  laquelle  il  feroit  dans  le  divorce  ,   5c  une- autre  à  laquelle  il 
feroit  uni. 

Bien  que  cette  Loy  qui  condamne  la  ]:^olygamie  foit.aufii  vieille  que  le  JÇ^^ifons  q»s 
monde,  &  que  Dieu  l'ait  établie  pour  être  perpétuelle,  je  doute  qu'on  la  hdéfenf?"* 
doive  mettre  au  rang  àts  loix  de  la  nature  :    &  fi  l'on  vouloit  un  peu  fe  <Je  lapia^aii, 
détaire  des  préjugez  ,  je  croy  que  l'on  ne  trouveroit  pas  grande  difficulté  mes'cftunê 
dans  la  matière,    i.  Le  mariage  étant  tout  de  pure  inftitution,  ilfemble^°^  pofmve. 
que  toutes  les  chofes  qui  le  regardent  font  aulli  d'inftitution  ,   êc  l'unité 
des  femmes  par  conféquent.   2..  Si  la  polygamie  étoit  contraire  à  la  Loy 
•  "  de 


i62         HISTOIRE  DES  DOGMES 

de  la  nature,  les  Patriarches  auroient  vécu  toute  leur  vie  dans  la  coulpe 
d'un  péché,  qui  rend  les  hommes  fujetsà  la  damnation.   L'on  ne  voit  pas 
que  les  Patriarches  le  foient  jamais  repentis  de  cela  comme  d'un  crime  : 
&  tout  ce  que  les  Th'eologiens  dilent  là-deflus  pour  juilifierôc  pour  excu- 
fer  les  Anciens,  en  fuppolant  que  la  polygamie  eft  contraire  à  la  nature, 
ne  fatisiraiten  façon  du  monde  j  ou  s'ils  difent  quelque  chofe  de  raifonna- 
ble,  6c  qui  en  effet  diminue  la  faute  des  Anciens-,  cela  même  détruit  leur 
propre  principe,  &:  montre  contre  leur  intention,  que  la  polygamie,  n'eft 
défendue  que  par  une  Loy  pofitive.    , 
tes  types  ne       ^.  Sur  tout  il  cû  necelîàire  d'obferver  que  le  mariage  eft  un  type  de 
«tachïz  r   l'union  de  nôtre  Seigneur  Jefus-Chrill ,  &  de  fon  Eglife  -,  cela  cil  évident , 
des  choies    parce  que  St.  Paul  dit  dans  le  f .    de  l'Epitre  aux  Ephef.  oii  après  avoir 
nature  es,     p^j-j^  ^gg  devoirs  mutuels  du  mariée  de  la  femme,  il  cite  les  paroles  d'A- 
dam ,  Uhomme  Uijfera  père  &  mère ,  &  fe  joindra  k  fa  femme  ;  &  les  deux  fe- 
ront mie  même  chair  :  Il  conclut  que  dans  ces  paroles  il  y  a  un  grand  myfterç 
qui  regarde  l'union  de  Jefus-Chrill:,  ôcde  fon  Eghfe,  Ce mi^fiere efi grandi 
or  je  parle  touchant  Chrifi  &  PEjrltfe. 
Notable  Je  ne  fay  même  par  quel  hazard  &  par  quelle  providence,  les  Juifs  ont 

ÏÏi^Tuifs'^  *  apperçû  quelque  chofe  de  ce  myftcre:  Leur  Cabale,  qui  ell  leur  Theo- 
dans  leur      logie  mylliquc  ,    pofe  dix  vertus  fuperieures  qu'ils  appellent  Sephiroth  , 

.  ptîutïr^v^'^^^*^"^^^"^^^^'^^"^'^^^"^'^^"^'  ^'^  ^^^"^^  des  Saphirs.  Entreces  Sephiroth, 
nion  myfti-  il  y  en  a  une  qu'ils  appellent  Malcouth^  le  Royaume  j    6c  un  autre  qu'ils 
J.'j^^j.f^J^'^^^  nomment  7l?)?/7É'ré'f,c'ell-à'dire, la  beauté.   Ce  Tipheret  eu  mâle  ,   6c  A<fai'- 
dei'Egiife,    couîh  eft  femelle  J  l'un  eft  l'époux,  6c  l'autre  l'époufe.  Malcouth  qui  eft  la 
phitoth,^^'  femelle  eft  interprété  par  eux-mêmes  l'Eglife,  ou  l'aiîemblée  d'Ifraëlj  ôc 
Jiphereth  eft  appelle  l'Adam  luperieur,  paroppofition  à  l'Adanicréé  dans 
le  paradis  terreftre ,  qu'ils  appellent  l'Adam  inférieur  :  6c  cet  Adam  infé- 
rieur, difent-ils,  eft  l'image  de  l'Adam  fuperieur.    Un  certain  livre  Ca- 
Soj;9Lî>  hû\Çdo^uemûtu\èl''EjfufQnd€Rofée^  rapporté  par  un  Savant  Anglois,  nous 
apprend  ces  myft  ères:  La  Sephirath  de  Malcouth  ^  dit- il,  c'efi  Cyeliequiefl  ap^ 
pelle'e  Paffemblée  d' Ifrael i  6c  peu  après  il  ajoute,  ces  bonnes  œuvres  detouslét 
Çufies  ^   leurs  bonnes  intentions  fpirituelles ,  ^  les  prières  faintes  &  pures  montent 
à  la  Sephirath  appelle'e  Malcouth ,  &  elle  s* en  orne  comme  une  e'poufe  ,  &  fe  pre- 
fenîe  a  1  tphereth  fon  mari,  le  folli  citant  a  ver  fer  fur  elle  fes  influences.  Il  ajoute 
encore ,  ^JM^alcouth  s'^orne  comme  une  époufe  des  bonnes  œuvres  <^es  Jufles  ,    er 
piar  ces  œuvres  elle  follicite  Tipheret  h  fon  mari  à  verfer  fur  elle  fes  influences  par 
Elias  Ger-     le  myflere  des  faces  ^  Ces  derniers  mots,  parle  myftere  des  faces  ^  fontalluiîon 
T?sbna°     aune  autre  Doctrine  de  la  Cabale  des  Juifs,  qui  mérite  d'être  rapportée: 
voce  Pa-       •c'^efi  ^  difciU-ils ,  ^w  ce  Saint  homme  a  été'  créé  avec  deux  corps  &  deux  vif^^ges. 
c'ei^à^dir"',  Voici  cc  qu'cii  dit  un  Savant  Juif  i  Adam  &  Eve  avoient  été  créez,  comme  un 
les  faces,      fui  homme ,   &  ils  étoient  joints  par  le  dos.  Après  cela  Dieu  les  fepara ,  &  il  en 
MoreNevo-  ^'^^^^  ^^^  moitié  qui  fut  £ve  ,  laquelle  fut  amenée  k  ddam.    Apprenez,  donc  com- 
kitïiLib.  2.    f^ent  vous  devez,  entendre,  qu'ails  et  oient  un  k  certain  égard  ,    çfr  qir'a  un  autre 
'■    ■         égard  ils  étoient  deux.  Ilavoit  tiré  cela  d'un  ancien  Commentaire  Cab.iliiti- 
Berefciiit      ^^^  ^^r  la  Gcnefc  ,  que  nous  avons  déjà  cité,  intitulé  Berefchit  Rabba, 
Rabba  iii      où  OU  lit  CCS  parolcs.      Rabbi  feremie  dit ,  quand  Dieu  créa  le  premier  hotn- 
xs.    '  '  "me  il  le  créa  Androgjnos  ^  c'eji-a-dire  ^  Hermaphrodite  ayant  les  deux  fexes ,   car 
il  eft  écrit ,  il  les  créa  maie  &  femelle.     Mais  on  lui  objeUoit ,  mais  il  eji  écrit ^ 

que 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Tart.l,   153 

<jue  Die  fi  prit  fine  des  cotes  ^Adam,  &  en  forma  Eve,  Il  répondit  (jue  cela  Jigni' 
fie  que  Dieu  prit  la  moitié  d^Adam  ,  le  mot  de  cote  oh  de  côté Jîgnifiant  cfueU 
quefois  cela^  comme  dans  ces  paroles  du  56.  de  C  Exode  v.  Zf.  Et  au  fécond  cote 
du  Tabernacle  ,  au  coin  du  Septentrion  ^  c^efl-a-dire  a  la  moitié  du  Tabernacle. 
Mais  afin  qu'on  ne  s'imagine  pas,  qu'il  faille  prendre  cette  fable  à  la  lettre  j 
Maimonides  ajoute,  Il  faudrait  être  bien  fou  pour  ne  tas  'voir  qu'ail  y  a  la  de- 
dans un  fens  caché.  Or  voici  quel  eft  ce  fens  cache  :  C'eft  que  félon  la 
Cabale  des  Juifs,  Dieu  créa  en  effet  le  premier  homme  avec  deux  corps  & 
deux  vifages,  l'un  d'homme  &  l'autre  de  femme  j  &  que  cet  homme  créé 
double  dans  le  paradis  terreftre  étoit  l'image  &  le  type  de  l'Adam  fupe- 
rieur,  appelle  Ttphereth  ,  marié  fpirituellement  &  uni  infeparablemcnt  à 
MalcoHth ,  qui  eil  l'alTemblée  d'Ifraël  ou  l'Eglife.  C'étoit  le  myftere  que 
Maimonides  veut  qu'on  trouve  dans  cette  Hiiloire.  Cette  Malcout h  s'orne 
des  jultices  des  Saints,  6c  par  ces  juftices  elle  folHcite  fon  mari  Tiphereth 
à  verfer  fur  elle  fes  influences  ;  Et  c'eil  ce  qui  étoit  myfterieufement  figni- 
fié  par  l'homme  ayant  deux  vifages  ôc  deux  corps,  &  qui  par  cette  moitié 
de  lui-même,  qui  étoit  mâle,  infpiroit  la  vie,  ôcfaifoit  la  beauté  de  cette 
autre  partie  de  lui-même  qui  étoit  femelle. 

Si  cette  Théologie  des  Juifs  efl  plus  nouvelle  que  St.  Paul ,  il  eft  cer-  LaTheoio- 
tain  que  les  idées  en  ont  été  empruntées  de  lui;  car  cet  Apôtre  nous  parle  f-'^ccorde^" 
de  l'union  de  Jefus-Chrift ,  &  de  l'Eglife  fous  l'emblème  d'un  époux  &  Jcy  avec 
d'une  époufe:  il  appelle  le  Seigneur  le  fécond  Adam,  ou  l'Adam  celefte,  cablie^ju- 
<iar  c'eil  ce  que  fignifie  ce  qu'il  dit ,   que  le  fécond  Adam   efl   venu  en  laïque. 
efprit  vivifiant.  Il  l'oppofe  au  premier  Adam  qui  étoit  terreftre.  Il  appelle 
nôtre  Seigneur  la  gloire  de  l'Eglife;  &  il  femble  qu'il  fafTe  allufion  à  ce 
nom  de  Tiphereth  qui  fignifie  fplendeur,  gloire  &  magnificence ,  lorfqu'il 
dit ,    JSlous  tous  qui  contemplons  a  face  découverte  ,    comme  en  un  miroir  ,    la  2.  Cor.  j. 
gloire  du  Seigneur ,  femmes  transformez,  en  la  même  image^  comme  par  P Efprit  du 
Seigneur.  C'eft  la  penfée  desCabaHftes  tournée  un  peu  différemment  j  car 
c'eft  comme  s'il  difoit ,  que  nous  regardons  nôtre  Tiphereth  ^  nôtre  mari  ôc 
nôtre  gloire,  ôcque  nous  lui  demandons  fes  influences  &  fes  ra.yons,pour 
être  faits  femblables  à  lui ,  &  pour  lui  être  unis  en  un  même  efprit ,  comme 
Adam  ôc  Eve  éroient  unis  en  un  même  corps. 

St.  Jean  dans  fon  Apocalypfe  a  des  defcriptions  6c  des  penfées  qui  ont  s*t.jeana 
aufii  un  très  grand  rapport  avec  celles  des  Juifs ,  car  il  dit,  qu'ail  vu  l^Epou-  ^effio"s^' 
fée  ornée  pour  fon  Epoux,  vétu'édefin  lin,  qui  font  les  juftices  des  Saints.  Il  n'y  a  rien  teintes  de 
de  plus  femblable  à  ce  que  dit  la  Cabale  des  Juifs,  que  Malcouth  s'orne  gie  caba-" 
des  bonnes  œuvres  des  juftes  pour  fe  prefenter  devant  Tiphereth  fon  ma-  li^iî^K, 
ri.    Si  cette  Théologie  des  Juifs  étoit  plus  ancienne  que  St.  Paul  6c  St. 
Jean,  on  ne  pourroit  nier,  ce  me  femble  ,    que  ces  deux  Apôtres  n'en 
eulTent  emprunté  les  idées  6c  les  termes,. car  il  eft  impofîible  que  le  ha- 
zard  fafle  une  fi  parfaite  refi'emblance  ;  6c  au  refte  il  efl  très  certain,  que 
\ts  Apôtres  6c  le  Seigneur  Jefus-Chrift  lui-même,  ont  fouvent  emprunté 
des  Juifs,  6c  leurs  tours  6c  leurs  manières  de  dire  les  chofes.   On  en  trouve 
diverfes  preuves  6c  divers  exemples  dans  le  Spicilegium  de  Louïs  Cappel 
fur  le  f.  6c  6.  de  St.  Matthieu. 

Ce  qui  donne  lieu  de  croire  que  St.  Paul  6c  St.  Jean  ont  einprunté  des  riatonadk 
Théologiens  Cabaliftes,  6c  non  les  Cabaliftes  d'eux,  c'eft  que  nous  trou-  ch^e'^qtc 

Tart.  1,  V  vous  les  Cabalif- 


î64         H  I  S  T  O  I  R  E  D  E  S    D  O  G  M  E  S 

tes  fur  la      VOUS  uiic  peniéc  abiblumem:  femblable  dans  Platon  ,  qui  vivoit  quelques 
"^îeâcde'  ^'^^^^^5  avant  la  venue  de  nôtre  Seigneur  Jefus-Chrift.   C'eft  Eufebe  qui 
hiemciie.    nous  en  avertit,  &  qui  même  l'a  tranfcrite,  un  peu  différente  à  la  vérité 
Eui,  dePiï-  ^Q  ÇQ  qui  fe  lit  auiourd'huidans  les  œuvres  de  Platon-,  mais  revenant  pour- 
ijei  Lib.  12.  tant  a  la  même  choie.    Voici  le  paliage.    La  nawre  des  hommes  telle  cjn  elle 
flat'^m       ^fi  afijourd'hui ,  rPefi'pas  celle  cju^ils  avaient  au  commencement  »  car  alors  elle  éi oit 
ijmgo.Uco.   maie  &  femelle  ^  Qr  d''efpece  &  de  nom-,  les  deux  fexes  étoient  mêlez.,    La  forme 
dePhomme  tmt  entier  etoit  ronde  j  ils  avoientle  dos  &  les  cotés  dam  leur  circuit ,  ejtia' 
tre  mains  ,    autant  de  jar/ibcs  ,  deux  vifages  fur  un  col  bien  tourné.     Us  avaient 
fefprit  élevé  (jy  fuperùe  i  0"  ils  eJJ'ayerent  de  faire  la  guerre  aux  Dieux  ,    &  de 
monter  dans  le  ciel  pour  faire  violence  aux  Dieux  j.   comme  ont  fait  Ephialte  dt 
Otm  au  rapport  d"^ Homère.  Sur  quoi  les  Dieux  ayans  pris  confeil^   fupiter  prit  la, 
refolutton  de  les  couper  par  le  milieu  :    (^  en  effet  il  Les  divifa  en  deux  parties  y 
comme  ceux  qui  coupent  deux  œufs  durs  pour  les  faler  ;    &  de  la  vient  l"^ amour 
mutuelle  que  les  hommes  ont  naturellement  les  uns  pour  les  autres  :    (lAmour  qui 
ayant  été  le  lien  de  ï*  union  de  la  nature,  félon  quelle  était  autrefois  ^  ejfaie  aujour- 
dhui  a  rejoindre  les  deux  parties  ^    &  a  remédier  à  la  plaie  qui  a  été  faite  a  la 
nature  des  hommes  :.   ^  ainfi  chacun  de  nous  nefi  que  comme  une  portion  (^  la. 
moitié  d'un  homme,     Eufebe  rapporte  ce  paflhge  de  Platon,  pour  prouver 
que  ce  Philofophe  a  puifé  dans  les  livres  de  Moyfe  j    car  il  prétend  que 
cette  fable  a  été  formée  fur  l'Hiiloire  de  l'homme  &  de  fa  chute.    Mais 
il  eft  évident  que  cette  Hiftoire  a  beaucoup  plus  de  rapport  avec  la  fable 
des  Cabaliftes  qu'avec  l'Hiiloire  de  Moyfe.     Ainiî  il  eil  clair  que  Platon, 
avoit  eu  quelque  commerce  avec  les  Hébreux  ,   ôc  qu'il  avoit  appris  dé 
leurs"  Doâ:eurs  cette  myflerieufe  Théologie  qui  s'appelle  la  Cabale. 
i^utreTheor      Je  veux  pi'ouvcr  cette  veritépar  un  autre  palTage  du  même  Platon,  tiré 
^u^L'eu^'  '^^  même  livre  >  par  lequel  on  voit  qti'il  avoit  emprunté  des  Juifs  la  co&- 
ton  imitée   tutiie  d'ciwelopper  la  vérité  fous  des  voiles  myilerieux.  Platon  fe  fait  cet- 
ludViqu^e"^^  te  quellion ,  Quels  font  le  père  &  la  mère  de  l'amour^  Et  il  y  répond  ainfi. 
liât,  in        Encore  que  cela  fait  un  peu  long  a  rapporter.^  je  vous  dirais  pourtant  qu'^a  la  naif- 
lyrnpoUaco.  p^fjçg  ^^  ï^enui^^  on  fftun  grand  fefltn  ou  tous  les  Dieux  furent  conviez^.   Le  Diew 
duConfeil^  dr  Parus  le  Dieu  de  P Abondance  s\  trouvèrent.     Quand  on  eut  foupe 
la  Pauvreté  vint  a  la  porte  demander  quelque  rejie  du  repas.      Comme  elle  fe  pro" 
menait  devant  la  porte ,  le  1)ieu  Parus yvre  de  NeU-ar  ,  car  il  n'*y.  avait  pas  enco^ 
re  de  vin  ^  entra  dans  le  jardin  de  fupiter  ^   &  s' endormit  fort  profondément .  La 
Pauvreté fouh  ai  ta  paffionnémentde  concevoir  un  fils  de  ce  Porta ,  Dieu  de  PAbon' 
dance^  elle  fe  coucha  tout  doucement  auprès  de  %i  ^  <&  campât  de  lui  P Amour.  De 
la  efi  venu  cet  .dmour  qui  aime  ^  qui  cherche  Venm  ,   parce  qu^il  efi  né  aux. 
ÀpudEufeb.  «<?^É'-f  de  Fenm.    Origene  grand  admirateur  de  Platon  a  bien  reconnu  il  y 
^'^En^  a  long-temSjque  cette  fable  n'eft  rien  autre  chofe  que  l'Hiiloire  déguifée 
3^1*.  c  n.    de  la  chute  de  l'homme ,  6c  de  fon  premier  péché.  La  naiffanee  de  Venus 
c'eft  la  création  du  monde,  ôc  la  naiflancede  la  nature;  car  les  Payens  ont 
adoré  la  nature  fous  le  nom  de  Venus.   Le  feilin  ce  font- les  délices  dont. 
■Dieu  combla  l'homme  dans  cette  création  durant  le  tems  de  fon  innocen- 
ce.  Le  Dieu  de  l'Abondance  c'eft  Adam,  que  Dieu  avoit  enrichi  de  tant 
de  biens.  La  Pauvreté,  c'eft  le  démon  qui  par  fa  chute  avoit perdutous 
fe&  biens..  Le-fommeil  de  Porus  Dieu  de  l'Abondance,,  c'eft  l'oubli  dans 
kq^Liel  Adam  tomba  au  milieu  de  Tes  profperitez.  L'approche  de  k  Pau- 
vreté. 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  F^rj^.I.   i6f 

vreté  qui  fe  joint  au  Dieu  Porus,  c'efl  la  tentation  du  Démon,  qui  s'ap- 
procha de  l'homme  pour  le  feduire.  L'Amour,  qui  cherche  Venus,  lequel 
naît  de  cet  accouplement,  c'efl  la  concupifcence  de  la  chair  qui  parut  auffi- 
tôt  que  l'homme  fut  tombé.  Cette  fable  de  Platon,  fous  laquelle  la  véri- 
té de  l'hidoire  eft  cachée  avec  tant  d'adreffe,  me  perfuade  qu'il  avoit  eu 
grand  commerce  avec  les  Juifs ,  6c  me  rend  vrai-femblable  la  conjeéture 
que  nous  avons  avancée,  c'eft  qu'il  avoit  eu  connoiflance  de  cette  Théo- 
logie myftique  qui  cnfeignoit,  que  le  mariage  d'Adam  ôc  Eveétoit  le  ty- 
pe de  l'union  du  Meffie  avec  l'Eglife.  Les  Juifs  ont  entrevu  quelque  cho- 
ie de  cette  vérité  j  mais  l'Evangile  l'a  mi  fe  dans  une  fi  grande  évidence, 
<3u'à  prefent  perfonne  n'en  fauroit  plus  douter.  Le  fommeil  d'Adam ,  6c 
la  femm€  qui  fut  tirée  de  fon  côté,  font  des  figures  fî  parlantes,  que  les 
plus  fîmples  Chrétiens  les  entendent,  6c  comprennent  que  c'efl  un  excel- 
lent type  de  k  mort  du  fécond  Adam,  dontl'efïîcacea  produit  la  naifTan- 
ce  de  l'Eglife. 

Je  me  fuis  fort  étendu  à  prouver  cette  vérité,  que  le  mariage  tel  qu'il  ï-caamge 
fut  inflituë  dans  le  paradis  terreflre,  efl  le  type  de  l'union  de  Jefus-Ch  mourdijê- 
^  de  fon  Eglife,  parce  quedelà  je  prétens  tirer  une  parfaite  connoiffan- J'*p''".ft& 
ce  de  la  nature  <du  mariage,  &  une  lumière  qui  décide,  ce  me  femble,  *  ^'*- 
abfolument  la  quellion  fur  laquelle  nous  fommes  :  c'eft  de  quelle  nature 
efl  la  loy  qui  défend  la  polygamie,  fi  c'eft  une  loy  pofitive,  ou  une  loy 
naturelle.  Je  dis  i .  que  cela  nous  apprend  la  nature  du  mariage , .  car  fi 
le  mariage  dans  la  pureté  de  fon  inftitution,  étoit  une  figure  de  l'union 
de  Jefus-Chrift  &  de  fon  Eglife,  afin  que  la  vérité  eût  du  rapport  avec  le 
type,  il  falloit  que  le  mariage  fût  un  lien  indiflbluble  d'un  feul  avec  une 
feule.  Car  c'eft  là  le  caraètere  de  l'union  de  J.  C.  Ôc  de  l'Eglife.  Le 
chef  eft  un  feul,  c'eft  Jefus-Chrift,  l'Eglife  n'a  pas  plufieurs  époux,  6c 
n'a  pas  d'autre  époux  que  luy.  L'Epoufceft  une  feule,  c'eft  l'Eglife  :J.C, 
n'a  pas  plufieurs  Eghfes,  c'efl  pourquoi  elle  eft  appellée  una  &  catholica^ 
une  6c  univerfelle,  répandue  par  tout  le  monde  5  6c  dans  tous  les  tems.  Le 
lien  qui  unit  Jefus-Chrift  6c  l'Eglife  ne  fe  peut  rompre ,  car  l'EgHfe  ne 
fauroit  périr ,  6c  le  Seigneur  ne  fauroit  faire  avec  elle  un  divorce  éternel. 
Quand  il  s'éloigne  d'elle ,  c'eft  pour  un  moment ,  mais  il  la  recueille  par 
des  compaffions  éternelles.  Afin  que  le  mariage  reffemble  à  cette  union 
fpirituelle  dont  il  eft  l'image,  un  homme  ne  doit  avoir  qu'une  femn>e,unc 
femme  ne  doit  avoir  qu'un  mari,  6c  ils  doivent  être  unis  d'une  manière 
infeparable.  Ce  qui  fait  voir  que  la  polygamie  6c  le  divorce  font  abfolu- 
ment contre  l'inftitution  du  mariage.  Mais  nous  apprenons  auffi  de  là,  de 
quel  ordre  eft  la  loy  qui  défend  le  divorce  8c  la  polygamie. 

Les  types  font  des  fignes  d'inftitutioo  6c  d'établifièment,  cène  font  Ce  qu'on 
pas  des  fignes  naturels.     L'on  n'a  jamais  vu  un  type  établi  dans  une  cho-J^P^''^'^*^* 
le  naturelle ,  par  égard  à  ce  qu'elle  a  de  naturel  :   ce  qu'on  appelle  ratio  les  types  ^"* 
typica ,  eft  toujours  d'inftitution ,   6c  toujours  ajouté  à  la  nature.     Il  eft  d^inû"'""* 
vray  que  le  rocher  du  défèrt  étoit  une  chofe  naturelle,   ôc  l'eau  qui  ention. 
fortoit  avoit  aulfi  toute  k  nature  des  autres  eaux ,  .ils  étoient  pourtant  les 
types  de  N.  S.  J.  C.  &  de  fes  grâces,  mais  non  pas  à  l'égard  de  ce  qu'ils 
avoient  de  naturel  >  c'eft-à-dire  que  le  privilège  6c  la  vertu  d'être  les  ty- 
pes de  N.  S.  J.  C.  ne  leur  venoit  pas  de  leur  nature ,  6c  ils  reprefentoient 

y  z  le 


156  HISTOIRE  DES   DOGMES 

le  Seigneur  principalement  par  les  circonftances  miraculeufes,  qui  avoient 
été  ajoutées  à  la  nature.     Il  en  eft  de  même  de  la  manne ,  qui  ne  devint 
le  type  des  grâces  de  J.  Ch.  que  par  la  volonté  de  Dieu,  ôc  par  ce  qui 
tut  ajouté  à  Ta  nature.     J'avoue  bien  que  dans  les  Sacremens  6c  dans  les 
types  il  peut  y  avoir  quelque  rapport  fondé  dans  la  nature  de  ce  qui  fert 
de  matière  6c  de  fujet  au  type  ou  au  Sacrement ,  dans  la  manne  &  dans, 
l'eau  du  delert,  dans  le  pain  &  dans  le  vin  de  l'Euchariftie,  il  y  a  quel- 
que choie  qui  reprefente  les  grâces  de  J.  Ch.  dans  la  nature  6c  la  matiè- 
re même  de  ces  types  6c  de  ces  fîgnes.  Mais  il  eft  pourtant  vray  que  tout 
cela  n'a  rapport  à  la  chofe  reprefentéc  par  le  type  6c  par  le  figne ,  qu'en  vertu 
de  l'inftitution.  Je  conclus  de  tout  ceîa^  que  ce  lien  indifloluble  d'un  feul  avec 
une  feule,  qu'on  appelle  mariage,  étant  le  type  de  l'union  de  J.C.  avec 
l'Eglife  ,  c'eft  une  affaire  d'inilitution,  6c  non  de  nature  :  èc  par  confé- 
quent  que  la  polygamie  ne  viole  qu'une  Loy  polîtive,  ôc  non  pasuneloy 
naturelle, 
^"fdence        Aprés  CCS  éckirciflemens ,  je  ne  croi  pas  qu'il  foit  difficile  de  répondre 
des  Anciens  à  la  queftioii  qui  fe  fait  fur  l'état  de  la  confcience  des  Anciens ,  qui  ont 
?'"amie^°"  vécu  daus  la  polygamie.     L'on  peut  remarquer  quatre  fortes  de  gens  qui 
efpeces  de    ont  vécu  dans  cet  état.  i.  des  méchans.  i.  desRoys.   3.  des  Prophètes, 
polygames,  c'eft-à-dire  des  hommes  extraordinairement  conduits  par  l'EfpritdeDieu. 
4.  des  hommes  ordinaires.     Pour  ce  qui  eft  des  méchans  ,  décendans  de 
la  race  de  Gain ,  qui  commencèrent  d'attenter  contre  la  Loi  fondamen- 
tale du  mariage,  je  ne  fais  pas  difficulté  de  dire  qu'ils  ont  péché,  6c  qu'é- 
tant morts  dans  l'état  de  polygamie ,  ils  fe  font  trouvez  engagez  dans  un 
très  grand  defordre,  6c   dans  un  crime  fort  grand.     Pour  ce  qui  eft  des 
Rois  d'ifraël ,  je  trouve  que  Dieu  les  a  difpenfez  de  cette  loy  ;  c'eft  dans 
le  17.  chap.  du  Deuteron.  f.  17.  où  le  Legiflateur  pariant  du  devoir  du 
Roy  dit ,  //  Ke  prendra  pas  plujïenrs  femTrtes  ,  ou  bien  il  ne  multipliera  pas  fes^ 
îl  n'etoit    femm-es^  de  peur  qu'il  ne  [e  àétomne.     Ces  paroles  ne. défendent  pas  au  Roy 
ïix  Roï  ^i^  polygamie,  comme  il  femblej  au  contraire  elles  la  lui  permettent,  6c 
d'avoir  plu-  cela  fignific  que  le  Roy  ne  doit  pas  multiplier  le  nombre  de  ït?,  femmes 
■îc"?  ^^'  jufques  à  un  excès  femblablc  à  celui  de  Salomon.     Cela  eft  clair  par  le 
texte:  car  Dieu   dit,  il  ne  multipliera  pas  [es  chevaux  ^  de  la  même  maniè- 
re qu'il  dit,  il  ne  multipliera  pas  [es  femmes.     Or  ce  n'eft  pas  l'intention  de 
Dieu,  d'obliger  les  Rois  à  n'avoir  qu'un  cheval,  auffin'eft-ce  pas  fondée- 
fpin,  de  leur  défendre  d'avoir  plufieurs  femmes.     Il  n'y  a  pas  d'apparen- 
ce ,  qu'un  Prince  auffi  pieux  que  David  eût  voulu  violer  une  loy  qui  pa- 
roît  fi  exprefle.    Les  Juifs  avoient  donc  compris,  que  celui  qui  défend  d'a- 
voir une  grande  multitude  de  femmes,  par  cela  même  permet  d'en  avoir 
un  petit  nombre.     Il  femble  que  Dieu  ait  permis  la  polygamie  aux  Rois 
d'ifraël,  afin  qu'ils  ne  fufiçnt  pas  moins  magnifiques  que  les  Rois  d'O- 
rient leurs  voifins.     Car  cette  mulî;itude  de  femmes  a  toujours  fait  dans 
rOrient  une  partie  de  la  magnificence  des  Rois.    Cette  coutume  s'y 
eonferve  encore  aujourd'huy:  les  Princes  de  Perfe,  des  Indes  6c  de  Tur- 
quie ont  des  Serrails  pleins  de  femmes.  Quoi  qu'il  enfoit,  quelle  qu'ait 
été  la  raifon  quj  a  obligé  Dieu  à  donner  cette  difpenfe  aux  Rois  ,  puis 
qu'il  l'avoit  donnée,  il  eft  certain  que  ces  Princes  n'ofenfoient  point  Dieuj 
car  les  loix  pofîtives  a'obligeiat  qu'autant  qu'on  en  exige  l'obfei'vation, 

& 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Tart.l.  157 

6c  ceiuy  qui  les  a  établies,  en  peut  difpenfer ,  quand  il  luy  plaît.  La^n^e 
clafle  de  gens  qui  ont  vécu  dans  la  polygamie,  c'ell celle  de  ces  hommes 
du  premier  ordre,  quife  font  diil:inguez  par  des  commerces  frequens  avec 
la  divinité  :  tels  ont  été  Abraham  &  Jacob.  J'ellime  que  ces  hommes 
n'ont  point  vécu  dans  cet  état  contraire  à  la  loy  originale  du  mariage  fans 
myltere,  ou  fans  une  difpenle  de  Dieu.  Je  dis  fans  myilere^  car  il  eft 
certain  que  la  polygamie  d'Abraham  étoit  myflerieufe  :  S.  Paul  nous  ap- 
prend que  fes  deux  femmes  étoient  des  figures  des  deux  alliances.  La  po- 
lygamie de  Jacob  n'ell  pas  apparemment  li  pleine  de  myllere  :  mais  je  luis 
periiiadé  pourtant,  que  ce  Patriarche  ne  s'engagea  pas  dans  cet  état  fans 
en  avoir  eu  la  permiiîion  de  Dieu.  Il  n'ell  pas  necefiaire  que  cette  per- 
miffion  fût  exprefle,  il  fuffiloit  que  Dieu,  qui  veJlloit  fur  la  conduite  de 
ces  grands  Patriarches,  ne  les  ait  pas  détournez  de  cette  aélion,  dans  ces 
révélations  6c  infpirations,  par  lefquelles  il  fe  communiquoit  fi  fouvent  à 
eux.  Le  dernier  ordre  de  gens  qui  ont  vécu  dans  la  polygamie, c'eft ce- 
iuy des  hommes  ordinaires  j  6c  je  croy  que  Dieu  a  donné  difpenfe  àceux- 
cy,  6c  qu'il  les  a  tolérez  dans  cet  état,  à  caufe  de  la  difpeniè  qu'il  a  voit 
donnée  à  ceux  dont  nous  venons  de  parler,  c'eil-à-dire ,  aux  Rois  6c  aux 
grands  Prophètes.  Le  vulgaire  à  trouvé  dans  ces  exemples  des  Saints  une 
difpenfe  tacite ,  6c  Dieu  n'a  pas  voulu  leur  imputer  à  crime  ce  qu'il  avoit 
fouffert  dans  fes  plus  chers  amis,  afin  de  n'être  pas  accufé  d'avoir  égard 
à  l'apparence  des  perfonnes. 

Nous  avons  prouvé  .6c  fuppofé  que  la  polygamie  eft  non  feulement  con-  Comment 
traire  aux  loix  fondamentales  du  mariage,  mais  qu'elle  eft  défendue  dans  ^o/jj^fe*, 
le  chap.  18.  du  Levitique  par  cts  mois,  Th  ne  prendras  pas  une  femme  avec  du  la  poiy- 
fa  compagne  pour  l^affiger.  Il  peut  fembler  étrange  à  quelques-uns  que  Dieu  fo^èndoiî! 
'  ayant  défendu  la  polygamie  dans  la  loy  de  Moyfe,    il  ait  cependant  dif-  ne  difpenfe 
penfé  6c  toléré  dans  la  même  loy  cette  polygamie.     Mais  ce  n'eft  pas  la  f"  ^^'"^"^ 
feule  fois  que  Dieu  a  fait  de  femblables  choies,  cardans  le  même  chapi- 
tre 18.  Dieu  défend  d'époufer  la  femme  de  fon  frère.   Ta  ne  découvriras 
point  la  nudité  de  la  femme  de  ton  frère  ^  6c  cependant  il  a  expreiiément  dé- 
rogé à  cette  loy  par  une  autre  loy,  qui  s'appelle  du  Levirat,  par  laquel- 
le il  ordonne,  que  le  frère  vivant  prenne  la  femme  de  fon  frère  mort,  pour 
luy  fufciter  lignée.     Cette  difpenfe  6c  cette  tolérance  qui  a  eu  lieu  dans 
toute  l'œconomie  de  Moyfe,  n'en  a  point  aujourd'huy.     Le  Seigneur  J. 
C.  a  rappelle  le  mariage  à  fon  origine,  6c  il  n'y  a  point  d'homme  fur  k 
terré  qui  foit  en  droit  de  difpenfer  de  la  loy  qui  défend  la  polygamie. 

Il  en  eft  arrivé  de  la  polygamie ,  comme  des  mariages  dans  les  dégrez  i^ofygâmfe 
défendus.     Ces  defordres  qui  font  fi  oppofez ,  6c  à  la  pureté  6c  à  l'infti-  Grecs  &  ic$. 
tution  du  mariage  ,   ont  prefque  toûiours  été  renfermez  dans  l'Orient,  ^^cmams. 
L'Occident  les  a  peu  connus  ;  La  polygamie  étoit  rare  dans  la  Grèce  :  il 
s'y  en  eft  pourtant  trouvé  des  exemples ,  ne  fût-ce  que  celuy  du  Sage  So- 
crate,  qui  avoit  deux  femmes,  Xantippe  célèbre  par  fa  mauvaife  humeur, 
6c  Myrto  fille  d'Ariftide.  Le  Poète  Euripide  en  avoit  auflideu-x.  Denys 
le  Tyran  de  Sicile  époufa  en  même  tems  Doris  de  Locres,  6c  Ariftoma- 
que  de  Syracufe.     La  chofe  étoit  encore  plus  rare  entre  les  Romains,  . 

AUxander  ab  Alexandro ,  rapporte  que  Jule  Ceiâr  fit  une  Loy  ,  qui  per-  ^'^-  '•  "B^^ 
mettoit  d'avoir  deux  femnies.    Mais  je  ne  fay  fi  cela  eft  bien  certain.  Il    ' 

V  i  eft 


i68         H  I  S  TO  I  R  E  D  E  S  DOGMES 

«ocr.  Hift.    ell  bien  vray  que  Valentinien  Empereur  Chrétien  8c  Orthodoxe, 'fit une  * 
^"ip^iV^'   Eoy,  par  hiquelle  il  étoit  permis  a  chacun  d'époufer  deux  femmes  legiti- 
■     *     mes,  &  la  fit  pubHer  dans  toutes  les  villes  de  l'Empire.     La  Princefle, 
femme  de  cet  Empereur,  appellée  Severe,  aima  tendrement  Juftine,  fille 
d'un  Gouverneur  de  Province  appelle  Juftus,  que  Conllantius  avoît  fait 
mourir,  parce  qu'il  avoit  appris  que  ce  Juftusavoit  vûenfonge  la  pourpre 
Impériale  à  fon  côté  droit,  comme  s'il  en  étoit  accouché.    Cette  Juftine 
étoit  admirablement  belle.    L'Impératrice  Severe  ne  pût  s'empêcher  de 
parler  à.  l'Empereur  de  la  beauté  de  cette  fille,  en  luy  difant,  que  toute 
femme  qu'elle  étoit,  elle -en  étoit  cependant  touchée.     Cela  fit  formera 
Valentinien  le  deflein  de  l'époufer ,  ce  qu'il  fit  fans  répudier  Severe.  Ainfî 
il  eut  deux  femmes  en  même  tems,  &  il  eut  de  cette  Judinê  Valentinien 
le  Jeime,  qui  luy  fuccedaavec  Gratien  fon  fils  aîné.     Pour  couvrir  le  dé- 
règlement de  ce  mariage ,  il  fit  la  Loy  dont  nous  venons  de  parler  pour 
établir  la  polygamie.    C'efi:  ainfi  que  les  Princes  font  des  Loix  félon  leurs 
îoanncs  Aa-  P^ffio^s.  On  dit  qu'avant  Cecrops,  non  feulement  la  polygamie  étoit  per- 
tiochen.       mifc  entre  les  Grecs ,  mais  même  qu'il  n'y  avoit  entr'eux  aucune  forme 
i^Bibiim^'    ^^  mariage.    Une  femme  faifoit  focieté  a-vec  un  homme  ,  ad  concuèitHm -, 
oxoniepfi    quand  ils  étoient  las  l'un  de  l'autre,  ils  fe  quittoientj  la  femme  fedonnoit 
seiïenTdc  ^  Un  autrc  mari,  &  le  mari  prenoit  une  autre  femme j  &  ils  vivoient ainfi 
jure  nat.  &  à  k  manière  des  bêtes.  Mais  Cecrops  ordonna  que  les  femmes  n'auroient 
genL  .5.C  qy'j^jj^  mari:  les  habitans  d'Attique  luy  fçûrent  fî  bon  gré  de  cette  Loy, 
qu'ils  l'appellerent  depuis  biformis^  double^  parce  qu'il  avoit  accouplé  les 
hommes  par  le  mariage,  6c  de  deux  il  en  avoit  fait  un  tout.  Bien  que  la 
même  Loy  n'imposât  pas  necefiité  aux  hommes  de  n'avoir  qu'une  femme, 
cependant  il  efl:  certain  que  l'état  de  la  monogamie  palîoit  univerfellemenc 
pour  le  plus  honnête  entre  les  Payens  mêmes. 
Des  conçu-       L'ufagc  dcs  concubines  augmentoit  encore  la  polygamie  des  Anciens  :  c'é- 
bines.         toîcnt  des  dcmi-femmcs.   Le  mot  Hébreu  plUgesch  fignifie  cela  \  pile- 
manVEx-    g^^^^^ ,   dimidiata  uxor  ,  c'eft  ainfi  que  l'expliquent  les  Rabbins.    De  là 
plie,  tadkiîtn  f^ns  doute  vicut  le  mot  Grec  tt^aak^i^  ,  &  le  Latin  fellex.    Agar  fut  con- 
kgesh!  ^^     cabine  d'Abraham ,  Se  les  deux  lérvantes  de  Rachel  &  de  Lea  furent  les 
deux  concubines  de  Jacob,  Ces  concubines  font  fouventappellées  femmes; 
De  civit.     ce  que  St.  Auguftin  a  remarqué  de  Ketura  ,  qui  n' étoit  que  concubine 
Dei.  Lib.  i6.  d'Abraham,  ÔC  qui  eft  appellée  fa  femme,  &  Abraham -prit  une  autre  femme 
■**       ejni  avoit  mm  Ketura.     Dans  la  fuite  cette  Ketura  eft  appellée  concubine, 
car  Moyfe  dit  qu'Abraham  donna  tout  fon  bien  à  Ifaac,  &  fit  des  prefens 
jug_<;  i^  j,  aux  fils  de  {ç,s,  concubines  Agar  &  Ketura.     La  concubine  du  Lévite, 
3'  à  qui  les  Benjamites  firent  tant  d'outrages,  eft  appellée  une  femme  con- 

cubine ,  &  le  Lévite  eft  appelle  fon  mari  ;  &  fin  mari  fe  leva  &  s'*en  alla 
apre's  elle. 
Loisducon-      Voicy  la  différence  que  les  Juifs  établirent  entre  les  concubines,  6c  les 
cubinage.     autres  femmes  depuis  la  Loy  de  Moyfe.     C'eft  que  les  mariages  avec  les 
véritables  femmes  fe  contraéioient  par  des  conventions  matrimoniales ,  6c 
par  la  folennité  des  fiançailles  6c  des  époufaiiles  :  mais  l'on  ne  faiioit  ni  l'un 
Gemara  Tai.ni  l'autre,  quand  on  prenoit  une  femme  pour  concubine.   Les  femmes,  di- 
^"vm^'raa"  ^^^^  ^^^  Talmudiftcs ,  fe  prennent  avec  engagement  de  les  doiier  ^  &  avec  la  fo- 
Ktouyotc.  y.  lenniîé  des  nooes  \  mais  les  concnbines  fe  prennent  fans  contrat  &  fans  fiançailles. 

Com- 


E  T  DES  CULTES  DE  UEGLI^E.  Part.l.   169 

Comme  les  juifs  prétendent  qu'avant  la  Loy  de  Moyfe,  on  ne  faifoit au- 
cun contradt  ni  fiançailles  en  prenant  des  femmes  légitimes,  je  nevoypas 
bien  quelle  différence  ils  peuvent  trouver  entre  les  vrayes  femmes  des  Pa- 
triarches &  leurs  concubines.  Cependant  il  y  en  avoit:  nous  avons  vu 
par  \ts  mariages  des  filles  de  Laban  avec  Jacob,  que  Ton  obferv  oit  quel- 
que cérémonie,  que  l'on,  faifoit  des  feilins,  ùt^s  ndces  ôc  des  facrifices  , 
&  la  fête  duroit  lëpt  jours.  Rien-  de  fembkblc  ne  fe  faifoit  dans  le  choix 
d'une  concubine  5  on  la  prenoit,,  on  la  menoit  chezfoy,  &  on  s'en  fer- 
voitau  lieu  de  femme,  fans  aucune  cérémonie..  Outre  cela  je  fuis  trompé,, 
fi  les  concubines  ne  demeuroient  cfclaves,  quand  on  les  prenoit  dans  cette 
condition.  Agar  la  fervante  de  Sara  demeura  efclave,  devenant  la  concu.- 
bine  d'Abraham.  Cela  paroit  allez  parla  manière  dont  on  enufaavec  elle: 
Et  je  croy  de  même,  que  les  deux  fervantes  des  filles  de  Laban,  concu- 
bines de  Jacob,  demeurèrent  fujettes  &  fervantes  y  6c  même ,  fi  l'on  en  croit 
les  Juifs,  la  chofe  alloit  bien  plus  loin,  car  une  fille  libre  entroit  dans  une 
efpece  d'efclavage  par  le  concubinage.  Maimonides  dit,  (jutlétoit défendu  Ti^etztvi 
a^x  parîiefiliers  d'avoir  des  concubines  ^finon  une  fervante  Ifra'éliîe  feulement  ^  laquelle  ^*='^*^'™^ 
il  fè  fiançoh  par  la  7Jente  que  le  père  de  la  fille  en  faifoit.  Si  le  pereiavendoit,eile 
devenoit  donc  ferve  ou  efclave ,  au  moins  à  la  manière  que  le  pouvoient  être 
les  naturels  Ifraëlites,  qui  ne  pouvoient  jamais  être  fournis  à  un  véritable 
efclavage,  &  dont  la  fervitude  n'étoit  qu'un  engagement  de  liberté  pour 
un  tems.  Pour  le  relie,  les  Loix  du  concubinage  étoient  abfolument fem- 
blables  à  celles  du  mariage.  Un  homme  étoit  obligé  d'entretenir  fa  con- 
cubine dans  fa  maifon  comme  fa  femme  ,&  la  concubine  étoit  obligée  d'ê- 
tre fidèle  à  fon  mari  comme  une  femme  légitime.  Au  lieu  de  concubines,, 
les  Grecs  fe  fervoient  de  courtifannes ,  avec  lefquelles  ils  vivoient  avec 
beaucoup  moins  de  gêne,  que  les  Orientaux  avec  leurs  concubines j  car 
ils  n'entroient  dans  aucune  efpece  de  traité  &:  de  lien  avec  elles. 

Outre  cette  polygamie,  qui  eil  la  véritable,  il  y  en  avoit  une  autre  qu'on  Delà  poiy-- 
appeljoit  fuccelîive,  qui  n'ell  pas  une  véritable  polygamie.     C'eft  quand  ^ç^ig^*^*' 
après  la  mort  d'une  première  femme  on  en  prend  une  féconde,  6c  après 
k  mort  de  la  féconde  une  tro-jfiémq.   Les  Pères,  dont  la  morale  étoit  ex- 
cefiivement  fevére  à  certains  égards,  ont  eu  des  fentimens  fort  injurieux 
aux  fécondes  noces.     Tertullien  rapporte  contre  cette  polygamie  ,  amfi  Lib.de  mo* 
injullcment  appellée,  toutes  les  preuves  dont  nous  nous  fervons  contre  la  "°2ami&. 
véritable  polygamie  :  La  dtfcif  Une  de  la  monogamie  ,  dit- il,  nefl  ni  nouvelle  ^ 
ni  étramere ,  c'^efl  Pancienne  difciplme  des  Chrétiens  s  tellement  qne  le  Taraclet 
en  e(i  plutôt  le  reftaurateur  (^ue  Pmventeur.  ïl  ajoute  en  fuite  qu'elle  eilauffi 
ancienne  que  le  mondes  que  Dieu  ne  créa  au  premier  homme  qu'une  fem- 
me, qu'il  a  dit,  ils  feront  deuxen  une  chair  jfaifonslny  une  aide  y  ÔCnonpasdes 
aides.  H  obïerve  que  Noé6cfes  fils  n'avoient  chacun  qu'une  femme.  Tout 
Gela  leroit  bon  pour  combattre  la  polygamie /«^Wr^^/^',  s'ileft  permis  de 
parler  ainfi  j  mais  cela  ne  vaut  rien  contre  la  polygamie  fuccefiive.  Ter- 
tuHien  pafle  même  jufqu'à  cet  excez,  dédire,  que  les  fécondes  noces  font 
des  adultères  devant  Dieu  :  nihil  Deo  intereji  marito  monuo  vel  vivo  alteri 
nubat  ^  id  t^mdcumque  fiât  efi  adulterium.U Auteur  des  Conflitutions  Apof- Co^ftîrtjn 
toliques,  fous  le  nom  de  St.  Clément,  eftun  peu  moins  fevére  que  Ter- ^'  .3.  es;. 
tulheui  6>:  voicy  comme  ilregle  la  chofe.  Les  premières  jjpces  fontjuftes, 

les. 


i6o  H  I  S  T  O  I  R  E   D  E  S  D  O  G  M  E  S 

les  fécondes  permifes,  les  troifi.émes  font  une  preuve  d'incontinence,  &les 
quatrièmes  font  une  \eritable  fornication,  &  un  fruit  certain  de  Tintem- 
perance.  Ces  paradoxes  de  morale  n'ont  point  paflé }  cependant  ils  n'ont 
pas  lailîe  d'imprimer  une  tache  aux  fécondes  noces  j  ôc  même  les  loix  hu- 
maines en  quelques  lieux  ont  voulu  qu'il  y  eût  des  marques  publiques  de 
l'etlime  qu'on  doit  faire  des  premières  noces  pardefllis  les  fécondes,  par 
les  privilèges  qu'ils  ont  accordez  aux  enfans  nez  de  ces  premières  noces  ; 
&  chacun  fait  là-defius  ce  qui  en  a  été  écrit  par  l'Auteur  des  droits  de  la 
Reine ,  fur  lefquels  le  Roy  de  France  prétend  que  les  fiefs ,  félon  la  cou- 
tume d'une  partie  des  Pays-Bas,  appartiennent  aux  enfans  de  la  première 
femme  à  l'exclufion  des  autres.  Nous  n'avons  aucun  lieu  de  foupçonner, 
qu'il  y  eût  rien  de  femblable  dans  la  première  Eglife,  avant  Moyfe,  & 
il  n'ell  pas  étonnant ,  que  dans  des  llécles,  où  l'on  fe  difpenfoit  d'obeïr  aux 
Loix  originales  de  l'inftitution  du  mariage,  on  ne  fît  aucun  fcrupule  de 
palTer  à  de  fécondes  noces,  après  la  diffolution  des  premières.  Nous  avons 
l'exemple  d'Abraham,  qui  prit  Ketura  après  la  mort  de  Sara.  Il  y  a  pour- 
tant des  Auteurs  qui  croyent  qu'il  eut  cette  concubine  dès  la  vie  même  de 
Sara  :  6c  cela  eft  aflez  apparent  par  la  quantité  d'enfans  qu'il  eut  de  cet- 
te concubine  >  car  étant  vieux  quand  Sara  fut  morte ,  il  n'y  a  guère  d'ap- 
parence, qu'il  eût  pu  les  voir  naître ,  les  élever ,  les  voir  grands ,  &  les  en- 
voyer arrière  d'Ifaac ,  comme  il  fit.  Mais  quand  nous  n'aurions  pas  d'exem- 
ples des  fécondes  noces  dans  ce  premier  période  de  l' Eglife,  nous  ne  fe- 
rions pas  moins  affûrez  qu'elles  auroient  été  en  ufage. 


CHAPITRE     XXII. 
'Du  Divorce. 

Le  vray  di-    TTE  hc  fay  point  d'exemples  de  diviorce  dans  ce  premier  période  de  l'E- 

P?rea"'u1^ge     1  g^^^f  5  ^^  ^^  "'^^  ^^^  "o^^  regardions  comme  un  divorce  ce  qu'Abraham 

dans  l' Eglife  4^  fit  à  Agar ,  quaud  il  l'envoya  hors  de  fa  maifon:  Et  Abraham  fe  leva 

avant  Moyfe  ^^  ^^^  matm  ^  &  frit  du  fain  &  me  bouteille  décati  ,  &  les  mit  fur  les  épaules 

Vides.  Hie-  ^\-^l^^  ^^^^  P enfant ,  &  l'envoya.     A  propos  de  ce  paflage,  ce  que  Moyfe 

ron.  Lib.     dit  icy ,  qu'Abraham  mit  Ifmaël  fur  les  épaules  d'Agar  ,  avec  un*  bou- 

Zlî't^ïâ    ^^'^^^  ^'^^"  ^  ^^  P^^"»  ^P^î'"  aflez  fingulier  aux  Interprètes.  Ce  petit  en- 

Genefim.     fant  quc  l'on  mettoit  fur  les  épaules  avoit  dix-huit  ans,  félon  le  calcul  des 

Hébreux.  Ifmaël  avoit  quatorze  ans  quand  ïfaac  vint  au  monde  j  cela  eft 

clair  par  le  chap.  17.  de  la  Genefe  v.  24.  &  2f.  où  il  eft  dit,  qu'il  avoit 

treize  ans,  quand  Dieu  donna  à  Abraham  le  fceau  de  la  Circoncifion ,  ôc 

quand  il  luy  promit  la  naiflance  d'Ifaac,  ce  qui  n'arriva  qu'un  an  après. 

Quel  âge     Ifmaël  ne  fut  chafle  de  la  maifon  de  fon  père,  qu'après qu'lfaac fut fevréj 

qufndS  ^  ^^^  Hébreux  affignent  le  tems  auquel  on  fevroit  les  enfans  à  cinq  ans , 

chafle.         ^  les  autres  le  mettent  même  à  douze  ans.  C'eft  qu'on  fuppofe  qu'en  ce 

tems-là  les  hommes  ne  venoient  pas  auffi  vîte  comme  aujourd'huy  j  &  qu'ils 

etoient  beaucoi|p  plus  long-tems  enfans.  Je  ne  regarde  pas  cette  fuppofi- 

tion 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  TarLl.  i6i 

tion  comme  bien  certaine  j  mais  laiflbns  la  palTer  pour  le  prefent.  Selon 
cela,  on  dit  qu'il  nous  eft  parlé  d'Ifaac  comme  d'un  petit  garçon,  quand 
Abraham  reçut  le  commandement  de  le  facrifier.  Cependant  on  tient  qu'il 
avoit  alors  quarante  ans.  Suppofons  donc  qu'  Ifaac  avoit  cinq  ans ,  Ifraaël  en 
ayant  quatorze  plus  que  luy,  il  falloitqu'limaël  eut  dix-huit  ou  dix-neuf  ans. 
Il  efl  certain  qu' Ifaac  devoit  avoir  déjà  quelque  âge,  puisqu'il  étoiten  état 
de  recevoir  desinfultesd'Ifmaël,  ôc  que  ces  infultes  furent  caufe  qu'Ifmael 
fut  chaflé.  S'il  avoit  cet  âge-là,  il  n'eftpas  bien  aiféde  comprendre  com- 
ment on  le  portoit  encore  fur  les  bras.  Le  dénouement  de  cette  difficulté  ne 
dépend  que  de  l'explication  d'une  petite  ambiguitéqui  eft  dans  ië  texte  Hé- 
breu, ôc  que  St.  Jérôme,  &  nos  Interprètes  après  luy,  ontfort  bien  dé* 
veloppée.  Il  ne  faut  pas  entendre  qu'Abraham  mit  l'eau ,  le  pain  èc  If- 
maël  fur  les  épaules  d'Agar,  mais  qu'il  luy  donna  feulement  l'eau  &  le  pain 
à  porter,  &  luy  mit  l'enfant  en  main. 

Je  reviens  au  divorce.  Les  Juifs  eftiment  qu'il  efl:  permis  par  le  droit  na-  sdon  les 
turel  comme  la  polygamie.  Ils  croyent  que  ce  droit  n'eft  pas  réciproque,  Jorceïft^'ec- 
c'ell-à~dire ,  que  la  femme  ne  peut  pas ,  félon  les  loix  de  la  nature ,  aban-  mis  par  ic 
donner  fon  mari,  comme  le  mari  peut  envoyer  fa  femme.     Onandefl-ce^  ïdtfeiïîJîes 
dit  Maimonides  ,  <jHe  la  femme  entre  les  T^oâchides  fera  mife  en  l'état  ok  font  chrétiens  il 
celles  aufquelles  entre  mus  on  donne  la  lettre  de  divorce  ?  Ce  fera  qttand  le  mari  \^^^  îoi"xfoa- 
la  jettera  hors  de  pi  maifon ,  c^  rompra  le  lien  qui  étoiî  entre  eux  j  oh  qudnd  elle  damentales 
fortira  d'elle-même ,  &  abandonnera  fon  mari.    Car  on  ne  donne  poim  des  lettres  Tn'âf/Meh- 
de  divorce  entre  eux ,   cfr  ce  n*eji-  pas  comme  entre  nous  une  affaire  dont  les  fuges  klm  c.  s», 
ayent  droit  de  connaître  :  mais  ils  pfeparent  ,  félon  que  le  mari  &  fa  femme  le 
trouvent  bon  :  C'eft  une  maxime  du  droit  des  Juifs  ,  que  les  Noachides  n'ont 
ni  fiançailles-,  ni  divorce  ,    &  que  lenrs  mariages  fe  font ,  oh  fe  peuvent  difjoudre  H^erofolym, 
félon  la  volonté  des  parties.     C'efl-à-dire  ,  que  les  hommes  dans  les  (îécles  Traft.  Kid- 
ûts  Patriarches,  comme  ils  fe  marioient  fans  aucune  formalité ,  fe  déma-  ca^.^'îï 
rioient  6c  fe  féparoient  de  même.     A  l'égard  du  mariage  fans  formalitez,  cemara. 
nous  avons  vu  que  ce  quedifent  là-deflus  les  Rabbins,  n'ell  pas  tout  à  fait 
vrai.     Mais  pour  ce  qui  eft  du  divorce ,  comme  nous  n'avons  point  de 
preuve  contraire  à  ce  qu'ils  en  dilënt ,  nous  pouvons  recevoir  leur  témoi- 
gnagne  comme  allure. 

Au  refte  le  divorce  n'eft  pas  moins  oppofé  aux  loix  fondamentales  du  Divorce per- 
mariage  que  la  polygamie.    Nous  n'avons  pas  befoin  de  preuves  de  cette  ™*  P"  '* 
vérité,  puifque  nous  avons  là-delTus  le  témoignage  du  Seigneur  J.  Ch.  qui  Moyfe.^ 
dit  aux  Juifs,  que  Moife  a  caufe  de  la  dureté  de  leurs  cœurs  ^    leur  avoit  per- 
mis de  répudier  leurs  femmes  ,  mais  qu'eau  commencement  il  n^en  étoiî  pas  ainfi.  ^^^tth,  rs,  ?, 
Je  ne  faurois  aflez  m'étonner  qu'il  y  ait  des  gens,  qui  pour  faire  les  habi- 
les foûtiennent  après  ces  paroles  de  N.  S.  J.  Ch.  que  Moyfe  n'avoit  pas 
permis  le  divorce  aux  Juifs.     Rien  n'eft  fi  clair  que  ce  texte  de  Moyië)  Deut.  24.  ï, 
Quand  quelqu'*un  aura  pris  une  femme ,  &Paura  époufée ,  s'il  arrive  qu  elle  ne^^^^'^' 
luy  foit  pas  agréable  ^  parce  qu'il  aura  trouvé  en  elle  quelque  chofe  de  maUbonê- 
te ,  il  luy  écrira  une  lettre  de  divorce  ,   d^  la  luy  donnera  en  main  ,  &  l'' envoyer  a 
hors  de  fa  maifon:  c'eft-à-dire,  que  le  mari  donnoit  à  fa  femme  un  aéle  op- 
pofé à  celuy  des  fiançailles,  &  dans  cet  aéte  on  declaroit  toute  union  ëc 
toute  communauté  rompues  entre  les  parties.   Les  maris  avoient  cet  avan- 
tage, qu'ils  pouvoient  faire  divorce  avec  leurs  femmes  fans  qu'elles  y  con- 
Part.  I,  X  fen- 


iGz         H  I  S  T  G  1  R  E   D  E  S  D  O  G  M  E  S 

l'enuiflent  -,  mais  les  femmes  ne  pouvoient  donner  à  leurs  maris  la  lettre  de 
divorce ,  ni  les  abandonner  fans  leur  confentement. 

Il  femble  que  la  coutume  de  répudier ,  qui  s'établit  auflî  entre  les  Payens , 
rendit  le  privilège  réciproque ,  &  donna  à  la  femme  auffi  bien  qu'au  mari- 
le  droit  de  faire  divorce.  C'eft  l'opinion  de  Jofeph  Scaliger  :  Entre  les 
mad^eV  il""- ^"'^'^'''•^  (^  Ics  Cjrccs ,  dit- il,  la  femme  &  le  mari  fe  pouvaient  dire  l'un  a  Pamre^ 
Cebht^xaum.res  tuas  tiùl  habeto;  c'étoit  le  formulaire  de  la  féparation  ou  du  divorce, 
prens  ce  qui  ell  à  toy,  ou  fay  tes  affaires  en  particulier.  Dans  Apulée  au 
Livre  cinquième  de  iîi  Metamorphofe,  Cupidon  irrité  contre  Pfyché,  luy 
dit.  Tu  cjHtàcm  ob  ifiud  dirum  facinus  confefiimîhoro  meo  divorle\  tibicjtieres 
tuas  habeto.  Et  même  il  oblerve,  (pjue  dam  l'' Attique  chaijue  fexeavoit  fin  ter- 
me propre  ^  pour  fgni fier  f^aB ion  par  lacjju elle  ils  fie  fie'paroient  :  quand  une fiemme 
abandonnait  fion  mari ,  cela  s'^appelloit  ÙTCOhêi^/iç  i  abandon ,  defiertion  :  quand  le 
divorce  venoit  de  la  part  du  mari ,  on  Pappelloit  â%o%o(Ju%>i  5  envo^  ,  congé.  Si 
nous  en  croyons  le  Poète  Satyrique,ces  exemples  des  femmes  qui  répudioient: 
leurs  maris  etoientfrequens. 


Divorce  en- 
tw  les  Grecs 
fit  les  Ro- 
mains tilité. 


1015. 


|uYen,  fàr. 

6, 


PermHtatqtte  domos. 


Seà  mox  hac  régna  relinquit , 


Lib.  3.  de 
keneHciis 
c^p.  lé. 


Sic  creficit  numerus ,  fie  fiunt  o5io  mariti 
Quinque  per  autPimnos.  Jitulo  res  digna  fiepulchrL 

Nous  avons  un  autre  témoin  de  cela  même,  qui  efl:  plus  digne  de  foy, 
c'eîl  Seneque  :  IS^mquid  jam  ulla  repudio  erubeficit  ,  pofiquam  illnfires  qua^ 
dam  (^  nobiles  fioemince. ,  non  Confiulum  numéro ,  fied  maritorum  annos  fiuos  com- 
pHtant  y  &  exeunt  matrimonit  causa  ^  nubunt  repudii?  Elles  content  leurs  an° 
nées ,  non  par  les  Confuis ,  mais  par  les  maris  qu'elles  ont  eu  fuecefîive- 
ment  ;  elles  fe  produifent  pour  être  mariées,  &:  elles  ne  le  marient  que 
pour  avoir  le  plaifir  de  faire  un  divorce.  Le  Poète  Martial  dit ,  que 
depuis  que  Doraitien  eût  renouvelle  la  Loy  Julia  contre  les  adultère^, 
les  Dames  Romaines  faifoient  divorce  à  tous  momens  pour  fe  marier 
à  leurs  amans  -,  &  quand  elles  étoient  lafles  de  l'un,,  elles  le-  répudioient 
pour  en  prendre  un  autre.  De  cette  manière  elles  avoient  le  plaifir  de 
commettre  des  adultères  fans  crainte  d'être  expofées  aux  rigueurs  de  la 
Loy.  Ce  Poëte  dit ,  (|ue  l'une  d'elles  avoit  changé  de  dix  maris  ea  un 
mois. 

Aut  minus ,  aut  certe  non  plus  tricefima  lux  efi 
Et  nubit  decimo  jam  Thelefina  viro. 
Puifque  cette  femme  avoit  changé  de  dix  maris,  il  fallbit  que  les  femmes 
eulTent  le  droit  de  faire  divorce  auffi  bien  que  les  hommes. 
Les  femmes      II  n'en  étoit  pas  ainfî  dans  la  Loy  des  Juifs  -,  les  maris  avoient  feu Is  ce 
juifves^ne    privilcge  de  pouvoir  répudier  leurs  femmes ,  ôc  les  femmes  n'avoient  pas 
pouvoyent   ccluy  dc  répudier  Icurs  maris.     Mais  dans  la  décadence  du  Judaïfme ,  les 
kmïïedi-  femmes  Juifves  fe  voulurent  donner  cette  liberté.     Jofephe  nous  donne 
vorc^         deux  exemples  de  femmes  Juifves,  qui  ont  répudié  leurs  maris  j  la  pre- 
iadaïc!c!n.  i^iere  ell  Salomé,  fœur  d'Herode  le  Grand,  qui  donna  la  lettre  de  di- 
vorce à  fon,  mari  Coilabarus.    La  féconde  eft  Herodias  ,,  qui   époufa 

prc- 


î-ib.  tf.Epigr. 

7. 


ET  DES  CULTES  DE  VEGLISE.  Part.!.  163 

premièrement  Herode 5  fils  d'Herode  le  Grand,  &  de  Ja  célèbre  Ma- 
riamné ,  6c  puis  le  répudia  pour  époufer  un  autre  Herode ,  auffi  fils  du 
Grand  Herode  ,  mais  par  une  autre  femme ,  &  qui  étoit  frère  de  père 
de  fon  mari.  Mais  Jofephe  ajoute  ,  qu'elle  fit  cela  par  un  fouverain  ï«ib.  iB.c,r. 
mépris  des  Loix.  Ce  qui  fait  voir  qu'elle  agiflbit  contre  la  coutume 
&  contre  le  droit.  En  effet  cette  Cour  d'Herode ,  ôc  toute  fa  maifon, 
étoit  fouverainement  corrompue,  6c  faifoit  profefîion  de  s'élever  au  def- 
fus  des  Loix, 

La  coutume  de  répudier  les  femmes  ne  s'eft  pas  renfermée  dans  l'O- 
rient, elle  a  pafle  dans  l'Occident.     Cependant  il  eft  certain  que  ce  dé- 
règlement ,    non  plus  que  celuy  de  la  polygamie ,  n'a  pas  été  pouffé  fi 
loin  entre  les  Grecs  6c  les  Romains,  qu'entre  les  nations  Orientales,  dans 
lefqueiles  tous  les  defordres  ,  qui  font  caufez  par  les  péchez  de  la  chair, 
ont  toujours  paru  plus  grands:  ce  qui  pouvoit  venir  de  la  chaleur  du  cli- 
mat, 6c  du  tempérament  des  hommes.    Le  divorce  ne  s'eft  même  intro- Le  dnrorce 
duit  qu'aifez  tard  entre  les  Romains  j  afin  que  c€  Uen  conjugal ^  dit  unfavant  s'établit  fore 
homme  ,  fm  perpétuel  &  pins  divorce ,  il  n'était  jamais  permis  a  une  femme  d^a-  Romains!  ^ 
ha>ndonner  fon  mari,  &  un  mari  par  les  Loix  de  Romulus  ne  pouvoit  répudier  fa  Ajexanderab 
femme ,  <^He  pot^r  caufe  d^ adultère  ,  pour  empoifinnement ,  pour  avoir  contrefait  dier.  geniaL 
les  clefs  y  (^  pùftr  avoir  bu  du  vin  :  &  fi  quelqu^un  répudiait  fa  femme  hors  ces  i-ib.  4.C.». 
raiforts  ^  fon  bien  appartenait  a  la  femme  répudiée.  Plutarque  nous  apprend  dans 
fes  queftions  Romaines,  que  Publins  Carvilius Ruga  fit  le  premier exem-    ^ 
pie  de  divorce  plus  de  fgo.  ans  après  la  naiflance  de  Rome,  ^  l'étaWif- 
ièment  des  Loix  de  Romulus, 

Après  avoir  pofé  que  le  divorce  eft  contraire  aux  loix  de  rinftitution  du  Bicuadif- 
mariage,  il  faud roi t  faire  l'apologie  des  Patriarches ,  6c  montrer  comment  f/iafchesd^e° 
en  bonne  confcience  ils  ont  pu  répudier  leurs  femmes,  contre  ce  que  Dieu  laioyquidé- 
avoit  au  commencement  inftitué.  Mais  j'eftime  que  c'eft  une  affaire  faire  forci^^^" 
dans  ce  que  nous  avons  dit  au  fujet  de  la  polygamie.     Nous  avons  fait 
voir  que  ces  loix  du  mariage,  qui  attachent  par  un  henindilfoluble  un  feul  Erafm.incr. 
homme  avec  une  femme,  font  des  loix  pofitives  j  6c  qu'ainfi  Dieu  en  a  cw.H^ft.'^dK 
pu  difpenfer.  Au  refte  comme  je  fais  une  Hiftoire,  6c  non  pas  une  Somme  condi.de 
de  Théologie,  je  ne  toucheray  pas  aux  grandes  queftions  qui  fe  font  fur  ^Epiph.^'^" 
le  divorce  -,  par  exemple,  s'il  eft  encore  permis  aujourd'huy  de  répudier  hxref.  ^g.sc 
une  femme  en  certains  cas  ;  fi  l'adultère  diftbut  Jp  mariage  ;  6c  fi  outre  Decretum!'^ 
l'adultère  il  peut  y  avoir  de  légitime  caufe  dé  féparation.     Cette  matière  patt.2.  cauf* 
fe  trouve  amplement  traitée  en  plufieurs  Auteurs.     Nous  conclurrons  Beiiam.  de* 
donc  ce  traita  des  niariages  des  Patriarches ,  par  l'examen  de  la  Loy  du  Matrimonio„ 
Levirat. 


X  2.  CHA- 


i64         H  I  S  T  O  I  R  E  D  E  S  D  O  G  M  E  S 

CHAPITRE     XXIIL 

2)^  la  Loi  du  Levirat, 

Etre  Loy  du  Levirat  étoit  telle  :  Quand  un  homme  mouroit  fans 
enfans,  6c  laiflbit  fa  femme  veuve,  le  frère  du  défunt  étoit  obligé 
d'époufer  cette  veuve  de  fon  frère,  afin  que  le  premier  fils  qui  vien- 
droit  de  cette  jonâiion  portât  le  nom  du  défunt ,  fût  réputé  fon  fils ,  6c 
fût  héritier  de  fon  bien  j  c'eft  ce  que  la  loy  appelle  fufciter  lignée  à  fon 
Vy  ^l^^'  frère.     Et  c'eft  ainfi  qu'on  doit  entendre  ce  qui  fe  lit  dans  le  if.duDeu- 
vîay  fens.     teron.  Qjiand  il  y  aura  des  frères  demenrant  enfemble  ,  &  cjue  l'un  d'^entr'^eux 
viendra  a  mourir  fans  enfans  ^  la  femme  dn  défunt  ne  fe  mariera  f  as  Or^rni  étran- 
ger ,  mais  fon  beau-frwe  viendra  vers  elle ,  &  la  prendra  a  femme  ,.  &  l'^épou- 
fera  comme  étant  fon  beau-frere  ^  &  le  premier-né  qu'^elle  enfantera  fuccedera  an 
lieu  du  frère  mort  ^  &  portera  fon  nom  y  afin  cjue  fon  nom  ne  foit  éfacé à^Ifraél,. 
Calvin  qui  avoit  peine  à  digérer  ce  mariage  d'un  beau- frère  avec  unebel- 
le-fœur  ,  veut  que  par  les  frères  on  entende  ôits  proches  parens  :   mais 
hors  des  degrez  qui  font  défendus  dans  le  i8.  du  Levitique  ,  cette  glo- 
fe  ne  fe  peut  foûtenir  :  La  loy  eft  exprelTe ,  elle  les  appelle  beaux-frcres  & 
belles-fœurs.     Les  Sadducéens  qui'  tirent  à  J.  Ch.  une  queftion  captieufe 
touchant  ces  fept  frères  qui  avoient  époufé  une  même  femme  fucceffive- 
''  ment,  montrent  clairement  que  le  terme  de  frère  fe  doit  entendre  des 

vrais  frères:  toute  la  tradition  des  Juifs  eft  pour  cela.     Enfin  le  fait  d'O- 
nan  fils  de  Juda  en  eft  une  preuve  inconteftable.     C'eft  le  feul  exemple 
de  ce  droit  du  Levirat  que  nous  voyons  dans  ce  période  de  l'Eglife  dont 
nous  écrivons  l'Hiftoire,     Juda  avoit  trois  fils,  Her,  Onan  &  Selah.  ÏI 
^onna  Thamar  pour  femme    à  Her  fon  aîné:  cet  homme  étant  méchant 
Dieu  le  fit  mourir  fans  enfans.     Juda  obligea  Onan  fon  fécond  fils  d'é- 
poufer la  femme  de  Her  pour  lui  fufciter  lignée.     Onan  chagrin   de  ce 
qu'il  favoit  que  l'enfant  que  Thamar  pourroit  avoir  de  l,ui  ne  feroit  pas 
pour  lui ,  fe  corrompok  en  terre  y  c'eft-à-dire  répandoit  fa  femence,  afin 
de  ne  pas  engendrer  lignée  a  fon  frère.  Cela  déplût  à  Dieu,  ôc  cet  Onan 
mourut  comme  iox\  frère  fans  laifîèr  aucun  enfant.    Juda  allarmé  de  la 
mort  de  fes  deux  fils ,  ne  voulut  pas  fe  hâter  de  donner  à  Thamar  Se- 
lah qui  étoit  le  troifiéme  de  {&^  enfans.     Il  prit  prétexte  de  difïerer  à 
caufe  de  fa  jeunefië  ,  &  obligea  Thamai'  à  demeurer  veuve  en  atten- 
•  j^çjgdant. 
la  loy  du         Nous  n'avons  rien  de  plus  ancien  fur  l'obfervation  de  cette  loy  :  c'eft 
fmtobfaîte  pourquoi  il  eft  abfolument  impolîible  d'en  marquer  precifément  l'origine. 
&  inconnue  Cependant  comme  nous  ne  voyons  aucune  trace  de  cette  coutume  dans 
^ens  ^^^  ^^  toutes  Ics  uations.  Payennes  j  il  y  a  apparence  que  quand  Dieu  fit  fortir  le 
Philo  jud.    Patriarche  Abraham  de  la  Chaldée,  il  lui  donnacette  loi  pour  lui  oc  pour 
lib.,  7ffp/     fa  pofterité  feulement.    Je  dis  que  cette  loi  étoit  inconnue  entre  les  au- 
fivÏÏe '^^'  ^^^^  nations,.    Il  eft  vray  quç  Philon  Juif  femble  infinuër  que  cette  coû- 
iiobiiititç»  tume 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Part.l.    165 

tume  étoit  établie  par  le  droit  des  Cananéens  ,  car  il  dit  que  Thamar 
fut  condamnée  à  époufer  Selah  par  fentence  des  Juges  dts  lieux.  EtSe- 
rarius  croit  avoir  trouvé  quelque  chofe  dans  les  loix  de  Selon  qui»  reiTem- 
ble  à  cette  loi.  Diodore  le  Sicilien  dit  que  la  loy  de  Soloncommandoit  Diodot, 
que  quand  une  fille  demenroit  unique  &  héritière  du  bien  d'aune  grande  malfon  ^^y°^'  ' 
le  plus  proche  parent  eât  le  droit  de  U  demander  en  mariage  &  de  l'*obtenir ,  Q' 
pareillement  que  la  fille  eât  le  droit  d'obliger  le  plus  proche  parent  a  P époufer. 
Mais  ce  que  dit  Philon  Juif  eft  fans  preuve  ;  il  eft  même  contraire  au 
texte  de  Moyfe,  qui  dit,  que  ce  fut  Juda  qui  obligea  Gnan  à  époufer 
Thamar,  ôc  qui  ne  dit  point  que  Selah  eût  été  condamné  par  les  Juges 
è  époufer  Thamar  après  la  mort  d'Onan.  Ce  que  rapporte  Serarius  des 
loix  de  Solon  n'a  rien  de  commun  avec  la  loy  du  Levirat  :  car  il  s'agit 
dans  cette  loy  d'une  femme  veuve  que  fon  beau- frère  doit  époufer  ;  & 
dans  la  loy  de  Solon  c'eft  une  fille  héritière  d'une  maifon  qui  a  le  droit  de 
choifir  un  mari  entre  fes  proches  parens. 

Les  raifons  d'une  fi  étrange  loy  ne  font  peut-être  gueres  plus  faciles  à  trou-  h  io°°du^ 
ver  que.  fon  origine.  Voici  ce  qu'on  en  peut  dire.  Premièrement ,  Dieu  Levim. 
dit  dans  le  Deuteronome  qu'il  établilToit  cette  loy  pour  empêcher  le  nom 
du  défunt  d'être  éfacé  du  milieu  d'IfraëU  Car  c'étoit  une  grande  male- 
diélion  dans  les  deux  premiers  périodes  de  la  durée  de  l'Eglilé  de  mourir 
fans  enfans.  Le  Pfeaume  lop.  qui  eft  un  amas  des  malediélions  les  plus 
terribles,  dit  au  15.  ir.  que  leur  W"/^  fiif  éfacé  dans  la  race  qui  fsdvra.  Se- 
condement ,  Dieu  dit  que  fon  but  eft  de  donner  un  fuccefleur  au  défunt , 
c'eft  à  dire  un  homme  qui  héritât  dé  fes  biens.  Cette  raifon  commença 
d'avoh"  lieu  principalement  après  le  partage  de  la  terre  de  Canaan.  Dieu 
avoit  affigné  à  chacun  (a  part ,  &  il  voiiloit  que  cette  part  demeurât  dans 
les  familles  fans  être  aliénée  j  de  forte  que  quand  la  pauvreté  obligeoit  les 
familles  à  vendre  leurs  fonds ,  elles  y  rentroient  dans  l'année  du  Jubilé. 
Ainfi  Dieu ,  afin  que  le  nombre  des  familles  ne  diminuât  pas  ,  vouloit 
que  chaque  chef  de  famille  eût  un  fucceffeur  :  Ce  font  la  les  deux  raifons 
qu'on  peut  appeller  civiles.  Mais  il  y  en  avoit  fans  doute  de  morales  5c 
de  myfterieufes  qui  étoicnt  les  plus  importantes  5  &  ce  font  celles  qu'il  eft 
bien  difficile  de  pénétrer.  Qiielques-uns  difent  que  Dieu  avoit  deifeiiî  de 
rendre  par  cette  loy  les  généalogies  trés-diftinéles  ,  afin  que  l'on  fût 
precifément  de  quelle  race  le  Meffie  devoir  naître.  Mais  il  n'eft  pas  ai- 
lé à  comprendre  pourquoi  cette  loy  étoit  neceffaire  pour  rendre  les  généa- 
logies diftinélesj  car  elles  ne  l'étoient  pas  moins  en  marquant  preciiément 
dans  l'arbre  de  généalogie  ceux  defquels  on  décendoit  par  la  génération 
naturelle.  D'autres  dilent  que  N.  S.  J.  Ch.  a  voulu  naître  de  ces  cou- 
ches, qui  dans  l'ordre  de  la  nature,  &  félon  l'inftitution  du  mariage font- 
irregurieres ,  pour  faii;e  voir  qu'il  ne  prenoit  pas  à  honte  de  naître despe- 
cheurs.  Tertullien  en  rend  une  raifon  que  jenecomprens  pas,  quia  peé- De  Mono- 
cata  patrum  de  filiis  exigebantur  ;  parce  que  Dieu  punifibit  fouvent  jes  pe- ^^'"'^"^-^^ 
chez,  des  pères  fur  les  enfans  :  comme  fi  Dieu  eût  voulu  qu'on  fufcitât 
lignée  à  un  homme  mort,  tout  exprés  afin  d'avoir  un  fujet  fur  lequel  il 
pût  faire  décendre  les  peines  que  le  défunt  avoit  méritées.  Il  y  en  a 
d'autres  qui  eftiment  que  cette  femme  veuve  étoit  la  figure  de  l'EglifeJu- 
daïq^ueXaloy  eft  le  mari  mort  fans  enfans ,  car  elle  n'a  rien  .produit  que 

X  ^  h    ' 


La  défcnfe 
à  un  beau- 
frere  d'é- 
poufet  fa 
bclk  foeur 
ne  peut  être 


virât  le 
prouve. 


îé6  HISTOIRE  DES  DOGMES 

la  condamnation.  L'Evangile  ell  venu  en  fuite  ,  &  c'elt  le  frère  de  la 
Loy,  parce  qu'il  fort  de  la  même  fource,&  a  le  même  Dieu  pour  auteur. 
Ce  frère  a  fufcité  lignée  à  fon frère,  c'eft-à-dire  que  l'Evangile  a  fait  ce 
que  la  loy  n'avoit  pu  faire  j  il  a  vivifié  les  hommes  ôc  les  a  fau- 
vez. 

Mais  quelle  que  foit  la  raifon  qui  ait  obligé  Dieu  à  faire  cette  loy,  je 
ne  laurois  comprendre  que  cette  raifon  foit  aflèz  puiflante  pour  obliger 
Dieu  à  faire  une  loy  qui  viole  la  loy  naturelle.  C'ell  pourquoi  je  ne  lau- 
rois allez  admirer  la  prévention  des  Théologiens,  qui  veulent  que  la  dé- 
une^ioy  d£  feufc  qui  fe  trouvc  dans  le  i8.  du  Levitique  d'époufer  la  femme  de  fon 
foy^duLe-  fr^re  foit  une  loy  naturelle ,  &  non  pas  une  loy  polîtive.  Les  loix  natu- 
relles font  fondées  fur  la  Sainteté  de  Dieu  même  &  fur  fon  eifencci  6c 
l'on  ne  fauroit.s'en  écarter,  qu'on  ne  s'éloigne  de  la  Sainteté  de  Dieu. 
Ainlî  je  tiens  que  cette  loy,  qui  défend  d'époufer  la  femme  de  fon  frère , 
n'eil  qu'une  loy  polîtive,  non  plus  que  celle  qui  défendoit  les  divorces 
Se  la  polygamie.  Ce  qui  a  porté  plulieurs  de  nos  Théologiens  à  établir 
que  ces  loix  étoient  des  loix  naturelles  6c  non  pas  pofitives,  a  étéledef- 
fein  de  combattre  plus  fortement  la  liberté  que  fe  donne  la  Cour  de  Ro- 
me de  donner  des  difpenfes  pour  les  mariages  dans  les  degrez  défendus. 
Mais  il  n'eft  point  necelTaire  pour  combattre  cet  abus  de  nous  jetter  dans 
des  difficultez  dont  on  ne  fauroit  fe  tirer.  Afin  qu'aucun  homme  n'ait 
droit  de  difpenfer  de  ces  loix ,  il  fuffit  que  ce  foient  des  loix  divines  qui 
lî'ayent  point  été  abrogées  y  &  il  n'eil  pas  neceOaire  que  ce  foient  des  loix 
naturelles,  car  ni  l'Eglifè,  ni  aucun  homme  vivant  ne  peut  donner  difpen- 
fe  des  commandemens  de  Dieu. 

Puis  quenousfommesfurlaloydu  Levirat,  il  fera  bon  de  faire  là-deflus 
des  objfervations  qui  fe  tirent  tant  du  texte  de  F  Ecriture,  que  de  la  tradition 
des  Juifs.  I .  Quand  un  homme  mort  fans  enfans  avoit  plufieurs  frères , 
l'aîné  de  tousétoit  obligé  de  prendre  la  femme  du  défunt,  6c  il  n'étoit  pas 
dans  la  liberté  de  la  femme  de  choifir  qui  bon  luy  fembloit  entre  les  frères 
vivans.  a.  Si  le  fécond  frère  meuroit  auffi  fans  enfans,  le  troifiéme  de- 
voit  fuccederj  le  quatrième  au  troifiéme  j  6c  ainfi  des  autres.  Mais  la  fe- 
mence  qui  naifibit  delafemme  étoit  réputée  femence  de  l'aîné ,  6c  non  des 
autres,  quoi  qu'ils  fujiènt  morts  auffi  fans  enfans.  5.  Si  le  mort  n'avoit 
pas  des  frères ,  le  plus  proche  parent ,  à  qui  appartenoit  le  droit  de  retrait 
pour  les  héritages,  étoit  auffi  obligé  de  fufciter  lignée  à  fon  proche  parent ,  en 
retirant  les  fondsdu  défunt  qui  avoient  été  aliénez.  Cela  paroît  par  THiftoire 
de  RuthôcdeBooz.  Les  deux  fils  de  Noëmi  éteient  morts  fans  enfans, 
€lle  n'avoit  plus  de  fils  pour  fufciter  lignée  au  défunt  :  elle  avertit  Ruth  de 
follicitcr  Booz  de  lui  faire  office  de  plus  proche  parent.  Boozyconfent:mais 
parce  qu'il  y  avoit  un  autre  parent  plus  proche  que  lui ,  il  s'enquiert  de  ce  plus 
proche  parent  pour  favoir  s'il  veut  retirer  l'héritage  du  mari  de  Ruth,  &en 
même  temsépouferlaveuve  pour  donner  lignée  au  défunt.  Le  plus  pro- 
che parent  le  refufe  ,  ôc  Booz  accepte  à  fon  refus.  Il  époufe  Ruth ,  6c 
de  ce  mariage  vint  Obed  père  d'Ifaï  père  de  David.  4.  Je  ne  trouve  rien 
fur  ce  que  ce  frère  ou  plus  proche  parent  étoit  obligé  défaire  au  cas  que  lui- 
même  fût  marié.  Mais  il  mefemble  qu'en  ce  cas  il  ne  pouvoit  être  obligé 
à  fufciter  lignée  à  un  autre,  puis  qu'il  avoit  déjà  époufé  une  femme  pour 
'■  tra- 


ET  DES  CULTES  DE  L'É'dtlSE.  ParLl.    167 

travailler  à  édifier  fa  propre  maifon.     f.  Les  Juifs  obfervent  que  cette loy 
duLevirat  n'avoit  lieu  qu'entre  les  frères  de  père.     Il  efl  commandé ^  dilënt- 
ils  5  fAr  la  loy  qu'un  homme  f  renne  la  veuve  de  fin  frère  mort  pour  luy  fufitter  lignée  j  MaimoniJeS 
mais  cela  ne  fe  doit  entendre  que  des  frères  défère  ^  foit  cjue  ce  défpintfut  marù'oH^^J^^^^^- 
feulement  fancé  ^  s^il  étoit  mort  fans  lignée  ^   c'^étoit  ajfez.^  ceux  qui  n^étoiem  fre-  6.sc(^.'i.'  7^ 
res  que  du  coté  de  la  mère  étaient  re^tez^  comme  n'étant  pas  frères  ^  foit  en  matière  ^' 
de  fucceffion  ,  fiit  dans  le  droit  de  prendre  la  femme  de  fin  frère  :  mais  ils  font  com- 
me rien ,  car  iln^y  a  defratermtéque  du  coté  du  père. 

Cela  eft  très  conltanti  c'eft  pourquoi  ceux  qui  prétendent  fe  tirer  de  îa  En  vain  veut 
difficulté  des  deux  généalogies  de  J.  Chrifl,   l'une  faite  par  S.  Luc,  &  J^ex^es^dS 
l'autre  par  S.  Matthieu,  oc  qui  font  11  différentes  par  cette  loy  du  Levirat,  généalogies 
ne  fauroient  réùlîir.     Ils  difentqu'Efla  femme  de  Matthan  grand-pere  de  chrKâr 
Jofeph  eut  deux  enfans,  l'un  de  Matthan  grand-pere  naturel  de  Jofeph,  &iaioyduu*r 
un  autre  de  Melki.  Le  fils  qu'elle  eut  de  Matthan  s'appelloit  Jacob ,  ôc  ce-  ^"^'^* 
lui  qu'elle  eut  de  Melki  s'appella  Eli.     Ces  deux  frères  n'étoientque  frères 
merins.    Eli,    dilènt-ils  ,  mourut  fans  enfans }  fon  frère  Jacob  époufa  fa 
veuve,  8c  luyfufcita  lignée,  favoir  Jofeph  mari  delà  Vierge  Marie.     Ce 
Jofeph  eft  appelle  par  S.  Matthieu  le  fils  de  Jacob,  parce  que  Jacob  ctoit 
fon  vrai  père  naturel,  6c  par  cette  génération  naturelle  Jofeph  décendoit 
de  Saîomon.     Mais  dans  la  généalogie  que  fait  S.  Lue,  Jofeph  efl  appelle 
fils  d'Eli,  ôc  fa  race  décend  de  Nathan  autre  fils  de  David.  C'eft,' dit-on,, 
parce  qu-e  Jofeph  étoit  fils  d' Eli  légalement,  &  q  ue  Jacob  avoitfufci  ce  lignée 
ièlon  la  loy  duLeviratàfonfrereEh.   C'eft  ce  qu'ont  dit  tous  les  Anciens  Eufeb. 
fondez  fur  l'autorité  d'Africanus.     Cela  va  le  mieux  du  monde  y  mais  par  ^t^l'f^ 
inalheur  un  feul  mot  renverfe  tout  ce  bel  édifice.    Si  ces  Anciens  avoient     '  '  '  " 
été  un  peu  plus  favans  qu'ils  n'étoient  en  antiquitez  Hébraïques,  ilsauroient 
fu  qu'il  n'étoit  pas  permis  aux  frères  utérins  d'époufer  les  femmes  de  leurs 
frères  pour  leur  fufciter  lignée. 

6.  Si  le  défunt  avoit  une  fille,  ou  des  enfans  d'une  fille,  la  veuve  n'étoit  J^^^,^'^^^'' 
pas  obligée  de  faire  fufciter  lignée  au  défunt,  &  fe  pouvoit  marier  à  qui  fecund.'leg, 
bon  lui  fembloit.     Si  même  il  avoit  un  bâtard,   pourvu  que  ce  fût  d'une  JJ^°'^*°^* 
femme  Ifraëlite,^  on  ne  lui  fulcitoitpasdefemence,:  parce  que  les  bâtards 
dans  les  fuccefîions  paifoient  pour  enfans  légitimes.     Voicy  ce  que  difent  Maimonid.- 
les  Juifs  ;  „  Ce  qui  efl  dit  dans  la  loy ,  &  qm  n'ait  pas  de  s  fils ,  doit  êtreenten^  biî^c^î''" 
j^  tendu,  qui  n'hait  ni  fils  ni  fille  ^  ni  femence  de  fon  fils ,  nifemencede  fafille^c.^^^-i-^'^ 
,.,  S'il  a  desenfmsou  de  cette  femme  ou  d'une  autre ,    la  femme  efi  libre  ^  n'efi     ^' 
y^  pas  obligée  a  fe  marier  afin  beau-fr  ère,  ou  a  déchaujfer  fin  foulier ,  quand  mi- 
,,  me  le  fils  eu   h  fille  qu'ail  aur oit  ne  feroient  pas  enfans  légitimes  &c.     Mais  fi 
„  Penfant  qu'ail  a  laifie  efi  ne  d'une  femme  eficlave ,   ou  d'aune  étrangère,  la  veuve 
^  n'' efi  pas  dégagée  delà  loy.     Car  l'enfant  nàd''unefemme  efclave  ejf  eficlave yd^  E"0d.2i.  4, 
,,  ceux  qui  fiontnez.d'^uné  femme  Pajenne font  reputez,  Pajens  ^  &  font  contez,  pour 
,,  rten.   C'efi  ce  que  veut  dire  la  loy  dansle  chapitrej.àu  Deuteronome.^.ci.  Elle 
,,  détournera  ton  fils  arrière  de  moj  ^  c  efl-a^dire  que  la  fimence  dî-unlfraelite  con^ 
,,  ^ué  par  une  étrangère  ^  n'^eft  pas  contée  pour  être  de  l'afièmblée  d^Ifrael s  &  en~ 
5.,  core  que  le/ils  né  de  la  fervante  ail  été  affranchi ,    ou  que  d^étranger  &  d'^infidé- 
,j  le  il  fût  devenu  projclyte,  cependant  il  efi  encore  repr-iié  étranger  ^  &  il  efi  dans 
j,  Petat  des  autres  efclaves  afir.wchis.     <sy€infi  cela  ne  décharge  pas  ta  femme  de 
„  la  necejfiué  de  fmre  fufitter  lignée  a  fin  mari.     Voilà  la  tradition  des  Juifs: 

je 


i68         HISTOIRE  DES  DOGMES 

je  ne  fai  fî  elle  eft  véritable  ,   mais  elle  n'eft  guère  apparence  en  ce  qu'ils 
dirent  que  le  fils  d'une  Ifraëlite  né  d'une  Payenne  étoit  réputé  Payen. 
Cïf  qui  7'  Si  le  défunt  en  mourant  avoit  laiflé  fils  ou  filles,  &  que  ces  enfans  vinf- 

€.vemptoient  fgijt  ^  mourir  incontinent  après  le  père,  le  frère  n'étoit  pas  obligé  d'épou- 
Levuï  "   fer  fa  belle- fœur  pour  fufciter  lignée  à  ion  frère  mort:    &  même  les  Juifs 
Maimoui-     difcut,  ejjt/un  homnee  qHt  en  rmurant  iaijfe  fa  femme grojje  ^  fi  elle  fait  unefauf- 
tlcs  ibidein.  y^  couche  après  U  mort  de  fin  mari^,  enfin  e  que  le  fils  tPatt  pas  vie  ,  le  heau-frere 
de  la  veuve  eft  oblige  de  finfctter  lignée  a  fin  frère  j  mats  fi  le  fruit  vient  vivant  au 
monde ,  ^  efi^il  voye  la  lumière  du,  jour ,  encore  qu'il  meure  au  même  moment  , 
la  mère  eft  déchargée  de  laneceffté de  femarier  a  fin  b eau- frère  ^  ou  de  luy  déchaufi 
fer  lefoulter.  8.  Quand  le  frère  aîné  ne  vouloir  pas  fufciter  lignée  à  (on  frè- 
re, on  s'adreflbit  au  frère  qui  fuivoit  ;  mais  fi  le  cadet  refufoit  de  le  faire, 
on  le  mcnoit  à  l'aîné,  &  il  falloit  qu'il  fe  mariât  à  fa  belle- fœur,   ou  qu'il 
Maimonid.   fouffrît  qu'on  luy  déchauffât  lefoulier  félon  la  loy.     Si  le  frère  aîné  étoit  allé 
^^^^^&V'    '^^y'%'^'^  ^^^  ^"  autre  pays  y  le  cadet  ne  pouvoit  pas  dire  ^  cela  regarde  mon  frère 
aine ,  attendez,  qti'il  fait  revenu  s  mais  on  l'^obligeoit  a  épouferfa  belle- foeur  ;  ou  a  fiuf- 
frit  qu'on  luy  déchaujfât  le  foulier:  ce  font  les  paroles  de  Maimonides.     9. 
Pour  la  confommation  de  ce  fécond  mariage  on  attendoit  tout  au  moins 
trois  mois,  de  peur  que  la  femme  ne  fût  grofle  du  défunt,  ce  qui  fe  pou- 
voit connoître  dans /èet  efpace  de  tems.     10.   Celui  qui  prenoit  ainfî  la 
belle-fœur  pour  fufciter  lignée  à  fon  frère,  entroit en pofleflion de  tout  le 
bien  du  défunt,   mais  feulement  comme  tuteur  de  l'enfent  qui  devoit  naî- 
tre.    S'il  avoit  plufieurs  enfans  de  cette  femme  l'aîné  feul  étoit  réputé  fils  du 
défunt,  &  étoit  héritier  de  tout.     Si  ce  premier  fils  mouroit,  le  plus  âgé 
de  ceux  qui  fuivoient,  entroit  dans  fes  droits,  &  il  étoit  réputé  femehce 
&  enfant  du  premier  mari  de  fa  mère.     S'il  ne  naiflbit  qu'un  fils ,   il  étoit 
réputé  fils  de  l'une  ôc  de  l'autre,  ôc  du  défunt,    &  du  père  vivant:   il  en 
étoit  de  même  des  filles. 
On  ne  pou-        H-  H  eft  à  remarquer,  qu'au  moins  depuis  la  loy  de  Moyfê  on  ne  pou- 
voitforeei    yoit  forccr  Ics  parties  à  CCS  mariages.     Car  avant  la  loy  il  femble  par  l'Hif- 
tioSdeiliôi  toire  de  Thamar,  de  Judaôcde  fes  trois  fils,  qu'on  pût  forcer  un  homme 
du  célibat,    à  époufcr  la  vcuve  de  fon  frère  pour  lui  fufciter  lignée.     Depuis  la  loy  de 
de  délier' le  Moyfc  la  chofc  n'alla  pas  ainfi:    Il  étoit  permis  &  au  frère  vivant  &  à  la 
foHiiei.       femme  veuve  du  défunt  derefufer  le  mariage,  mais  fous  quelques  peines. 
Quand  le  refus  venoit  du  côté  de  la  femme ,  elle  étoit  traitée  comme  une 
femme  rebelle  contre  fon  mari  :  dans  cette  qualité,  on  la  mettoit  hors  de  la 
"tJbifuprâc.   maifon  làns  douaire.     Maimonides  a  remarqué ,  que  fi  de  plufieurs  frères  que 
â.  Sea.  10.   p^fi  mari  avoit  Uijfé ^  elle  ne  voulait  pas  accepter  l^amé  des  furvivans  ^  &  préten- 
dait choi/irPun  des  cadets^  cela  ne  lui  etoit  pas  permis  ^  parce  que  la  loy  ordonnoit 
que  ce  fut  l^  frère  aine  qui  prit  la  femme  de  fin  frère  mort.  Siîe  refus  venoit  du 
Deut.  2î.  7.  côté  de  l'homme.  Dieu  ordonne  comment  on  en.  devoit  agir.     „  5V/  ne 
8- 5. 10.       ^^  plaît  pas  a  cet  homme-la  de  prendre  f à  belle-fœur^  alors  elle  montera  &.  parle- 
„  ra  aux  anciens  de  la  ville  &c.     Et  les  anciens  l' appelleront  j    &  s''il  demeure 
j,  ferme  ^  fa  belle-fœur  s"^ approchera  de  luy  en  la  prefence  des  anciens  ^  luy  déchauf- 
„  fera  le  foulier  du  pié ,  luy  crachera  au  vifage  ;   &  prenant  la  parole ,  elle  di- 
j,  ra  j  il  fera  fait  ainfi  a  Phommequi  n'^  édifiera  pas  la  maifon  de  [on  frère  ^  é'fin 
Maimonid.   ,)  nom  fera  appelle  en  Ifra'él  la  maifon  de  celuy  a  qui  on  a  oté  le  foulier.     Sur  cela 
buofc  ^^^'         ^"'^^^  difent  ,  qu'ion  apportait  un  foulier  de  cuir  qui  avoit  un  talon  j   qu*on 

âeft.  (f.  7.  8.  ^» 


ET  DES  CULTES  DE  UEO  LISE.  Part.l.    169 

en  ehaujfoit  le  fié  droit  di^  frère  du  défunt:  il  en  lieit  la  coptrroye  fur  fin  pie\  er 
fa  belle- fœnr  &  luy  fe  tenaient  debout  en  U  prefence  des  Juges.  Tendant  e^ue 
Phomme  appuyait  le  pie  fur  le  pavé ,  la  femme  fe  jettoit  à  terre  ,  elle  étendoit 
fa  main  ,  déliait  la  courroye  ,  arrachait  le  foulier  &  le  jettoit  fur  la  terre. 
Quand  elle  était  relevée ,  elle  crachait  fur  la  poufftere  en  la  prefence  de  fan  beau- 
frere ,  ^  ilfallo.it  que  cela  fût  vu  des  fuges ,  c'^efl  -  a  -dire  que  les  fuges  pufknt 
zioir  le  crachat  fartant  de  Ça  bouche  \  &  alors  elle  prononçait  les  paroles  qui  font 
ordonnées  par  la  Loj.  Au  lieu  que  la  Loy  commande  que  la  femme  crache 
fur  le  vifage  de  fon  beau-frere ,  cette  tradition  des  Juifs  It  fait  cracher  à 
terre. 

Il  eft  clair  que  felan  l'intention  de  la  Loy  de  Moyfe ,  c'étoit  une  note  d'in-  Du  tems  it 
famie  fur  un  homme  &  fur  toute  fa  poflerité ,  d'avoir  fouffert  qu'on  luy  dé-gvoitpiu/ 
e-hauffât  les  fouliers,  plutôt  que  défaire  naître  lignée  à  fon  frère.   Cepen-  d'infamie  \ 
dant  il  paroît  par  le  livre  de  Ruth ,  que  la  note  d'infamie  avoit  celTé ,  ôc  cLufîh  )r 
que  cette  coutume  étoit  devenue  amplement  ^un  figne  de  la  renonciation  fouiiei. 
que  l'on  faifoit  au  droit  de  retrait,  &  du  tranfport  que  l'on  faifoit  de  ce  droit 
au  plus  proche  parent.    Car  le  droit  de  retrait ,  qui  eft  encore  demeuré  en>- 
tre  les  Chrétiens ,  &  qui  appartient  au  plus  proche  parent ,  étoit  en  ce  tems- 
là  annexé  à  la  necellité  d'époufer  la  veuve  du  défunt  pour  luy  fufciter  li- 
gnée.    Cela  eil  clair  pai'l'Hiftoire  du  livre  de  Ruth:  Booz  fit  appeller  de- 
vant les  anciens  de  la  ville  celui  qui  avoit  le  droit  de  retrait  lignagcr,  pour  les 
biens  d'Helimelec  5  ôclui  demanda  s'il  vouloit  retirer  l'héritage  du  défunt 
qui  avoit  été  engagé.   Il  le  voulut  bien;  mais  Booz  ajouta,  fâche  qu''aujoKr 
que  tu  rachèteras  &retireras  l'héritage  d^Heîimelec  ^  tu  feras  aujfi  obligé  de  pr^ndn 
fa  veuve  pour  fufciter  lignée  -au  défunt.     Cette  condition  ne  plût  pas  à  ce  pro- 
che parent^  ÔC  il  dit ,  je  nefaurois^  de  peur  de  dtjfiper  mon  propre  héritage.    Sur 
cela  l'auteur  ajoute  :    Or  c'^étoit  une  coutume  de  tout  temsenlfa'ei  ^  qu'en  cas  de  Rutli,  4.jp, 
droit  de  retrait  lignager  ^  de  fubrogation  ^  pour  confirmer  la  chofe,  l'homme  dé- 
chaufoit  fon  foulier  &  le  donnait  a  fon  prochain  ;  &  c^la  étoit  pour  atteflation  en 
Ifraél.     Ou  cette  coutume n'étoit  pas  la  même,  ou  la  cérémonie  en  étoit 
fort  changée:  icicen'eft  pas  la  femme  qui  déchauflè,  c'efl  celui  qui  a  le 
droit  de  retrait  pour  l'héritage,  6c  le  droit  d'époufer  la  femme  du  défunt 
qui  fe  déchaufle  lui-même ,  6c  qui  donne  fon  foulier  à  celui  auquel  il  tranf^ 
porte  fon  droit  :  -dans  ce  lieu  ce  déchauflement  efl  un  fimpk  figne  de  confir- 
mation, maisdanslaloyduDeuteronomec'étoit  une  aélion  qui  imprimoit 
note  d'infamie.     Quoi  qu'il  en  foit ,  quand  cette  cérémonie  de  déchaufier  le 
foulier  étoit  faite ,  le  Juge  en  donnoit  aéte  aux  parties ,  £c  ia  femme  fe  tour- 
noit  vers  le  plus  proche  parent  du  défunt  après  celui  qui  avoit  refufé,  &  fi 
tous  refufoient,  elle  leurdéchauflbit  le  foulier  à  tous  ,  ôc  étoit  libre  de  fe    • 
remarier  à  qui  bon  lui  fembloit. 

Il  faut  remarquer  pourtant,  que  le  beau-frere  n'étoit  pas  obligé  en  toutes  circonâan- 
occafions  de  prendre  la  femme  de  fon  frère ,  ou  de  fouftrir  qu'on  luy  déchauf-  qudterk^^' 
sât  le  {bulier,  par  exemple,  quand  la  veuve  étoit  vieille  ôc  hors  d'âge  d'à- loy  du  Lcvi- 
voii'  des  enfans,  quand  elle  étoit  notoirement  fterile,  quand  elle  étoit  im- J^jy^j^tp^" 
pudique  ou  convaincue  de  quelque  crime  atroce ,  le  beau-frere  étoit  en  droit 
de  reprefenter  cela  aux  Juges,  6c  on  le  difpenfoit  d'époufer  fa  belle-fceur 
fans  déchaufier  fon  foulier.     Au  refie  il  femble  que  du  tems  de  Juda,  de 
Her  6c  d'Onan,  la  coutume  de  déchaufier  le  foulier,  quand  on  ne  vouloit 

Y  pas 


i-jo  HISTOIRE   DES  DOGMES 

pus  lufciter  lignée  à  fon  frère ,  n'étoit  pas  encore  établie  -,  car  autrement 
Onan,qui  ne  vouloir  pas  coucher  avec  (li  bellc-fœur  pour  faire  naître  lignc'e 
à  fon  frère,  eiit  pûs'en  difpenfcrenfelailTantdéchaufîerparTharaar.  On 
pourroit  dire  peut-être  que  l'autorité  de  Juda,  qui  étoit  le  père,  empêcha 
Onandefefervir  de  ce  privilège.     Mais  il  y  a  plus  d'apparence,  qu'alors 
Dieu  n'avoit  pas  encore  donné  cette  difpenfe.  Les  familles  des  Patriarches 
n'étoient  compofées  que  de  peu  de  gens ,  afin  qu'elles  multipliaOent  bien-tdr. 
Dieu  impofoit  aux  vivans  la  necefîité  de  faire  naître  lignée  au  défunt.    Mais 
quand  le  peuple  fut  multiplié ,  Dieu  relâcha  de  cette  rigueur ,  Se  laiiîà  la  cho- 
ie à  peu  prés  dans  la  liberté  de  ceux  qui  y  étoient  intereflez.  C*eft  aflez,  par- 
lé du  Levirat,  &  en  gênerai  des  fingularitez  des  mariages  des  Patriarches. 


CHAPITRE     XXIV. 

De  la  àefenfe  de  manger  dufang.     Examen  de  la  queftion  ^  favoir 
fi  on  mangeoit  la  chair  des  animaupQ  avant  le  dékge  f 


Gea.  9-  4. 


Faux  fcns 
des  Juifs 
touchaRt  la 


J 


E  ne  fai  plus  rien  qui  regarde  la  Religion  du  premier  monde,  que  la 
défenfe  de  manger  du  fang  :  elle  fut  donnée  à  Noé  en  ces  termes ,  Fom 
ne  mangerez,  pas  de  chair  avec  fon  ame^mefi  fon  fang.  La  plupart  des  Hé- 
breux expliquent  ce  commandement  d'une  façon  aflez  extraordinaire.     Ils 
prétendent  queDieu  ne  défend  aNoé  autre  chofe  que  de  prendre  un.  membre 
coupé  de  delTus  un  animal  vivant  pour  le  manger  :  c'efl  pourquoi  ils  propo- 
fent  ce  précepte  dans  cette  forme,  fftper  membrum  ^  ww,  touchant  le  raem- 
defcnfe  de  brc  arraché  OU  co'jpé  à  un  animal  vivant.   Ils  difent  donc  que  les  Noachides 
iTng.^^^   "   pouvoient  manger  du  fang  impunément  ôc  fans  crime ,  mais  qu'il  ne  leur  étoit 
pas  permis  de  manger  ni  de  la  chair ,  ni  du  fang  d^un  membre  coupé  d'un  ani- 
mal pendant  qu'il  efl  vif.  Entre  les  autres  raifons  que  Maimonides  donne  de 
MaiîTionid.    ccttc  défenfc ,  il  rendcelle-cy,  c'eft  que  les  Rois  des  Payens  avaient  accoutu- 
MoieNevo-  mé  de  faire  cela  dans  le  fervice  de  leur  idole  \  ils   convoient  un  membre  deVanimaly 
%^.\%?     ^  ^^  mangeaient.  Je  ne  fay  où  Maimonides  avoit  trouvé  cela  j  mais  cette  tra- 
dition n'eft  pas  venue  jufqu'à  nous.  Bien  que  cette  opinion  foit  la  plus  reçue 
entre  les  Juifs,  c'elf  pourtant  celle  qui  a  le  moins  de  vray-femblance  ;  aufli 
y-a-t-il  quelques  Juifs  qui  ne  la  fuivent  pas,  6c  qui  tiennent  que  cette  défen- 
îe  donnée  à  Noé  regarde  toute  forte  de  fang,  dont  l'ufage  étoit  défendu 
dans  ks  repas.     Cela  eft  clair  par  le  décret  du  Concile  des  Apôtres,  qui  dé- 
fend aux  Noachides ,  c'eft- à-dire , aux  Gentils,.de  manger  des  chofes  étouf- 
fées ,  &  qui  leur  commande  de  s'abftenir  du  fang.  Qiiand  même  par  le  fang 
il  faudroit  entendre  la  défenfc  du  meurtre,  ce  qui  eft  aflez  apparent,  le  com- 
mandement de  s'abftenir  des  viandes  étouflPées  fait  aflez  voir,  que  le  fang 
étoit  abfolument  défendu  par  laloy  des  Noachides ,  à  laquelle  les  Apôtres 
veulent  que  les  Payens  convertis  fe  foûmettent. 

On  ne  peut  faire  là-defllis  qu'une  difficulté,  c'eft  que  fi  cette  défenfe  de 
manger  du  fang,donnée  àNoé,ûoit  être  expliquée  comme  nous  l'expliquons, 
tous  les  hommes  enfans  de  Noé  ont  été  obligez  à  Tobfervation  de  cette  loyj 
Scparconfé^uent  les  Payens,  t^ui n'ont  fait  aucun  fcrupule  de  manger  du 

fang 


ETD  ES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Parti.    lyi 

(âng,  auroientencela  commis  un  péché,  ce  qui  n'eft  pas  vrai-femblable.  si  tous  le» 
Et  même  il  paroît  que  cela  n'eft  pas  :  Dieu  dit  dans  la  Loy ,  P^ous  ne  marne-  ^ecendans 
/•(??.  0/ aucune  chair  morte  a  elle-même  ,  mais  tu  la  bailleras  a  l'étranger  qm  ejt  de-  été  obliges 
4ans  tes  fortes  &  H  la  mangera  j  ou  tu  la  vendras  a~f étranger.      Par  ces  bêtes  4^  s'abfteaic 
mortes  d'elles-mêmes  il  ne  faut  pas  entendre  des  bêtes  mortes  de  maladie  j  Deut.  ï*. 
la  chair  n'en  eft  pas  bonne  à  manger,  on  la  jette  à  la  voirie.  LeLegiflateur  *'' 
parle  de  ces  bêtes  qui  avoient  été  étouffées  par  quelque  accident ,   &  dont 
le  fang  n'avoit  pas  été  épandu.     Nous  voyons  donc  qu'il  permet  icy  aux 
Payens ,  &  même  aux  profelytes ,  de  manger  de  la  chair  avec  Ton  fang, 
C'eft  ce  paiîage  qui  a  donné  lieu  aux  Juifs  d'interpréter  la  loy  donnée  à  Noe 
feulement  du  membre  arraché  à  un  animal  vivant.   Mais  il  vaut  mieux  dire 
c[u'entre  les  Commandemens  que  Dieu  avoit  donnez  à  cette  EgUfe ,  il  y  en 
avoit  quelques-uns  de  moraux,  ëc  d'autres  ceremoniels.     Les  moraux  ont 
été  donnez  à  Noé  &  à  fes  enfans ,   pour  les  obhger  &  eux  ôc  leur  pof- 
terité ,  afin  qu'ils  fuflent  jugez  félon  ces  commandemens.     Mais  pour 
ce   qui  eft   des  commandemens   ceremoniels  ,  tel  qu'eft    la    diftinétion 
des  animaux  nets  &  fouillez ,  la  Circoncifîon  donnée  à  Abraham  6c  la  dé- 
fenfe  de  manger  du  fang,  ils  n'ont  pas  été  donnez  aux  Patriarches  à  def- 
fein  d'y  obliger  toute  leur  pofterité  ;   mais  feulement  pour  être  obfervez 
par  cette  partie  de  leur  pofterité  que  Dieu  avoit  choifie  pour  compofer  foo 
Eglife.     C'étoit  un  commencement  de  diftinélion  &  un  prélude  de  la  loy 
cereraonielle,que  Dieu  vouloit  donner  à  (on  peuple  pour  le  diftinguer  de  tou- 
tes les  nations  de  la  terre  j  ôc  il  voulut  que  cette  diftinélion  commençât  à 
paroître  dés  le  tems  des  Patriarches.  Ainft  quand  Dieu  ordonna  la  Circonci- 
iîon  à  Abraham,  ce  n'étoit  pas  à  intention  que  toute  la  pofterité  d'Ifmaël  8c 
les  enfans  de  Ketura  gardaflent  cette  loy ,  comme  fi  pour  l'avoir  violée  Dieu 
voulût  lesreputer  criminels.  C'étoit  un  fceaurefervé  pour  le  peuple  auquel 
l'alliance  étoit  deftinée  :  6c  quoi  que  les  Arabes,  décendus  d'Abraham  par  ^t^ 
concubines ,  ayent  toujours  confervé  l'ufage  de  la  Circoncifion ,  ils  l'ont  fait 
fans  y  être  obligez,  Ôc  ce  n'étoit  entr'eux  qu'une  cérémonie  fans  efficace'.  li 
faut  dire  la  même  chofe  de  la  défenfe  de  manger  du  fang  :  elle  fu  t  donnée  à 
Noé,  non  pour  être  commune  à  tous  fes  décendans,  mais  pour  être  parti-    . 
culiere  à  ceux  qui  fe  voudroient  diftinguer  par  la  crainte  de  Dieu ,  ôc  par  l'ob- 
fervation  de  fes  loix. 

Cette  défenfe  fut  réitérée  diverfes  fois  dans  la  Loy  de  Moy fe.Les  Hébreux  Levit.  7.  cf. 
font  une  obfef  vation  fur  la  manière  dont  Dieu  défend  de  manger  du  fans:  dans  ^  ^*- 
le  chapitre  1 7.  du  Levitique  :  c'eft  qu'il  yjoint  une  menace  de  mettre  la  face  Pourquoi 
contre  celui  qui  violeroit  cette  défenfe:  Quiconque  delà  famille  d'/fraèL  ou  pieu  défend 

j        /  w.  •  ^^    ^    j  '  1  r  r  ■  1  ufage  du 

des  étrangers  jejournant  farmt  eux ,  aura  mange  de  quelque  Jang  que  ce  jott ,  je  fang  fous  Is 
mettrai  ma  face  contre  la  perfonne  qui  aura  mangé  du  fang.     Ils  difentque  cet-  ™ême^pei-^ 
te  menace  de  mettre  fa  face  contre  un  homme  ne  Te  trouve  que  dans  une  autre  fend  ridoii^ 
loy  où  Dieu  défend  d'offrir  (es  enfans  àMoloch.     Dieu  dit ,  je  mettmi  m.i  *"^-. 
face  contre  celui  qui  mange  le  fang  ^  comme  il  dit  de  celui  qui  immole fon  fis  a  Mo-  10. 
loch ,  je  mettrai  ma  face  contre  cet  homme-la  :  (fr  cette  fa^on  de  parler  ne  fe  trou-  ^^™*'"'' 
ve  en  aucun  autre  commandement  que  dans  ces  deux-ici  touchant  Pidcktrie  &  le  fang .  Nevokim 
C^efi  que  cette  aBion  de  manger  du  fang  regar  doit  queUju'unedes  efpéces  d'idolâtrie  ^^'  ^'^'  ^^' 
&  donnait  occafîon  au  culte  des  démons.     C'eft  ce  que  dit  Maimonides,    qui 
nous  apprend  dans  le  même  lieu ,  que  cette  idolâtrie,  à  laquelle  l'adion  de 

Y  2.  mao»  ' 


Là  même. 


iji         H  I  S  T  O  I  R  E  D  E  S   D  O  G  M  E  S 

manger  du  lang  donnoit  occafion  ,  eft  le  culte  des   Sabiems  ou  anciens 
Chaldcens ,  dont  nous  avons  déjà  touché  quelque  chofe  dans  le  chapitre 
des  Sacrifices.     Bien  que  les  Sabiens  ,    dit-il  ,    regardent   le  fang  comme  une 
chofe  extrêmement,  impure  çjr  fouille'e  ,  cependant  ils  en   mangeoient    ,    a    caufe 
Le  fa^ig  eft    ati'tls  ejiimoient  que  c'était  la  zliande  des  Dieux  ;  &  ils    croyaient  que  celui 
b  viande  (te^       ■  ^^^  mangeait    avait  quelque   communie atian  avec  ces  Dieux  ^  &  qu'ils  luy 
découvraient  les  chofes   a  venir.     Il  y  avait  entreux  des  gens  aufquelsilfembloit 
à.ur  de  manger    du  fang  ,  parcf  que  la   nature  humaine  abhorre    naturellement 
cela:  &    voici  de    quelle  manière  ceux-ci  en   usaient.     Ils    s*aj[éoient    en  rond 
pour   manger   le  fang  ,    non   qt^ eux-mêmes  le  mangeajfent  ,  mais  ils  s'imagi- 
naient que   durant  qu'ails  mangeaient  la   chair  ,  les  Dieux,  mangeaient  le  fang  ^ 
dr  que   par  ce  moyen    les  hommes  conîraUoient  alliance  avec  eux  ^  &  entroient 
en  commerce  Q^  familiarité  en  mangeant  a  la  même  table.  &  de   la   même  vian- 
de.   C'ell  la  raifon,  difent  les  Juifs ,    pourquoi  Dieu  défendit  auxNoa- 
chides  de  manger  du  lang.     On  fera,  tel,  cas  que  l'on  voudra  de  cette  tra- 
dition :  pour  moi  je  n'en  voudrois  pas  être  garant  ;  &  j'aime  mieux  croît- 
re que  la  principale  raifon  pour  laquelle  Dieu  défendit  de  manger  du  fang 
eil  celle  que  i'ay  expliquée  dans  le  chapitre  des  Sacrifices  ;  c'ell;  que  le 
'  fang  eft  l'ame,  c'ell-à-dire  le  fiegc  de  la  vie,  êc  que  Dieu  s'eft  refervé 

le  lang  pour  la  propitiation.     Peut-être  que  cette  raifon  a  quelque  rap- 
port avec  la  penfée  que  Maimonides  attribue  à  ces  anciens  Chaldéens, 
que  le  fang  eft  la  viande  des  Dieux,  c'eft- à-dire  qu'ils  en  repaiftent  leur 
juftice  6c  leur  vengeance.     Et  c'eft  auffi  la.  raifon  pourquoi  la  Loy  défend 
le  fang  avec  la  même  menace  qu'il  défend  l'idolâtrie  ,  c'eft  qu'en  déro- 
bant à  Dieu  l'eftlifîondu  fang  on  lui  deroboit  un  culte  qu'il  s'étoit-  ap- 
proprié, 
©brervations    «Sur  cett€  défsnfe  de  manger  du  fâng  îès'  Juifs- font  un  grand  nombre 
àiveifesdes   de  mcnuës  obfervations  que  je.  ne  rapporterai  pas  ici.  Ilsavoientunfoinex- 
5ch/ch"u.^    trêrae  d'égorger  leurs  bêtes,,  6c  de  les  égorger  en  forte  qu'il  ne   reftâc 
point  de  lang  entre,  les  chairs.  On  peut  lire  ces  précautions  dans  un  traité  de 
nPN'Tiî'.    Maimonides  intitulé  Szhechita^  c'eft- à-dire  maUatio  vel  modus  maBandi-^ 
qui  fait  une  partie  de  fon  grand  ouvrage,  dans  lequel  il  a  abrégé  le  Tal- 
mud,  êc  renfermé  tout  le  droit  civil  &  canon  des  Juifs.     Il  cherche  du 
myftcre  dans  ce  que  la  Loy  dit ,  car  la  vie  de  l'animal  efi  dans  fon  fang:  ô£ 
diftingue  deux  fortes  de  fang?,.  l'un,  qui  en  fortant  emporte  avec  foy  la 
vie:  c'eft  celui, qui, fe  répand, ,^  6c  qui  coule  avec  impetuofité  quand  on 
égorge  un  animal:  celui  qui  mange  de  ce  fang  ,  eft  digne  félon  eux  de 
la  penie  de  Kereth  ou  de  retranchement.    Mais  celui  qui  boit  du  fàng  qui 
diftille  après  que  la  bête  eft  morte,  ou  de  celui  qui  fort  à  la  première  ou- 
verture de  la  pkye  devant  que  l'animal  rende  l'ame  ,   ou  commence  à 
mourir,  n'eft  châtié  que  du.  fouet.     Ils  entendoient  que  ce  fang,   qu'il 
n'étoit  pas  permis  d'avaler,  devoir  être  feparéde  l'aniraal^car  ils  ne  vouloient 
pas  qu'.un  homme  fût  criminel  pour  avoir  avalé  le  fang  diftillant  de  (es 
gencives  offenfées,  parce  que  ce  fang  ne  devoir  pas  être  confideré  comme  ié>- 
paréde  l'homme.  Si  l'on.:  veut  voir  de  femblables  obfervations ,  on  les  peut 
trouver  dans  \ts  commandemens  affirmatifs  &  négatifs  dans  les  livres  d'un 
Rabbin  appelle  Moyfe  Micotfi , .  defquels  Genebrard  nous  a  donné  laver- 
fiou  à  la  lin  de  fa  Chronologie.. 

Cette 


ET  DES  CULTES  DE  L^EGLISE.  Tart.l.  iji 

Cette  défenfe  de  manger  du  fang  reçût  un  grand  crédit  entre  les  Chrê-  ^^r.  i^, 
tiens  par  le  Concile  des  Apôtres,  qui  la  mit  entre  les  cérémonies  aufquelles  Raiionspoui- 
ils  voulurent  que  les  Payens  convertis  fe  foûmilTent.     Il  ne  faut  pas  cher-  «es'dant^"" 
cher  la  raifon  de  cela  dans  l'importance  de  la  chofe^  car  cette  cérémonie  ieu>:  Condk 
n'a  rien  de  plus  important  que  mille  autres  dont  les  Apôtres  permirent  l'uflge'JST'^ 
l'abrogation.     Il  n'en  faut  pas  chercher  non  plus  la  raifon  dans  fon  anti-  ^^"S- 
quité  \  car  les  facrifices  Ibnt  encore  plus  anciens  que  la  défenfe  de  man- 
ger du  fang  :  &  par  cette  raifon  il  auroit  fallu  permettre  aux  Payens  con- 
vertis de  conferver  la  coutume  de  facrifier.     Il  ne  faut  pas  même   attri- 
buer cela  à  la  grande  horreur  que  les  Juifs  avoient  pour  le  fangj  &  à  la 
condécendance  que  les  Apôtres  eurent  pour  eux:  car  ils  n'en  avoient  pas 
moins  pour  la  chair  de  pourceau ,  dont  pourtant  l'ufage  ne  fut  pas  défen- 
du aux  premiers  Chrétiens.     Mais  les  Apôtres  eurent  égard  fimplement 
à  cette  tradition  des  Juifs ,  que  cette  défenfe  de  manger  du  fang  faifant 
partie  de  la  Religion  àts  Noachides ,  ils   eftimerent  qu'on  ne  pouvoit 
moins  faire  pour  ne  pas  cabrer  les  Juifs,  que  d'obliger  ces  nouveaux  con- 
vertis à  obferver,  au  moins  durant  quelque  tems,  ces  préceptes  qui  fai- 
foient  la  Religion  des  anciens  Patriarches. 

Quoi  qu'il  en  foit,  ce  décret  des  Apôtres  eft  eaufe  que  tous  les  Chrê-  gÊs'&m** 
tiens  durant  un  aflèz  long-tems  ont  fait  fcrupulede  manger  du  fang  6c  des  hometans'  ' 
chofes  étoufées.     L'Eglife  d'Occident  s'eft  enfin  délivrée  de  cette  fuperf-  "^"^rST 
tition.     Mais  les  Grecs  n'ont  pu  s'en  défaire  \  6c  encore  aujourd'hui  ils  fang. 
ne  mangent  point  de  fang.     De  la  Religion  des  Grecs  cette  coutume  eft 
paflee  dans  la  Religion  de  Mahomet,, qui  a  fait  un  mélange  du  Judaïfme 
'&  du  Chriftianifme. 

La  tradition  des  Juifs  dit  que  ce  commandement ,  qui  eft  le  feptiéme  Qûeftio!rfî_ 
de  ceux  qu'ils  appellent  préceptes  des  Noachides ,  ne  fut  donné  qu'à  Noé,  dehSI^ 
oc  que  les  iîx  premiers  avoient  été  donnez  à  Adam.     Cela  donne  lieu  à  avant  k  dé- 
une  queftion  qui  fefait,  fàvoir  fi  avant  ie  déluge  il  étoit  permis  de  maiv  "^^' 
ger  la  chair  des  animaux.  Les  Hébreux  difent  que  non ,  parce  que  Dieu 
dit  à  l'homme  dans  le  paradis  terreftre,  Voici  je  vous  ay  donné  toute  loerBe  Gen.  21. 2g. 
portant  femence.^  &'  tout  arbre  portant  fruit  ^  ce  qui  vous  fera  pour  viande.  Ne 
parlant  pas  des  animaux,  on  prefuppofe  qu'il  nepermettoit  pas  aux  hom- 
mes d'en  manger:  au-  contraire  Dieu  dit  à.  Noé,  Tout  ce  cfui  fe  meut  ayant  Gen.t».  s, 
vie,   vous  fera  pour  viande^  je  vous  ay  donné  le  tout-comme  l^herhe  verte  ic'tïk. 
à  dire ,  je  vous  accorde  aujourd'hui  tous  les  animaux  pour  vôtre  nourriture, 
comme  au  commencementj'avoisdonnéàvos  pères  les  herbes  6c  les  fruits. 
D'autre  part  il  y  a  beaucoup  de  grands  Auteurs  6cdetreshabil€sgens,qui 
croyent  que  dés  le  commencement  du  monde  il  a  été  permis  de  manger  la 
chair  des  animaux      Les  Anciens  6c  les  Modernes  font  partagez  fur  cette 
queftion.     Il  n'y  a  pas  de  Commentateur  fur  la  Genefe,  ni  de  Somme  de 
Théologie ,  o\i  on  ne  trouve  cette  matière  traitée  :   c'eft  pourquoy  je  ne 
m'y  arrêterai  pas  long-tems >  je  dirai  feulement  en  peu  de  mors  ce  que  je 
fQnÇç;  là-deflus.     i.  Durant  l'état  d'innocence,   il  eft  certain  que  l'hom-  Adam  inno- 
me ne  devoit  vivre  que  des  fruits  de  la- terre  j  la  mort  des  animaux  6c  l'ef-  pafmaEgT'^ 
fufion  dufâng  avoient  quelque  chofe  de  répugnant  à  cet  état.   L'homme  de  viande, 
ne  dcvoit  jamais  mourir ,  aufii  ne  devoit-il  jamais  donner  la  mort  à  aucun 
animal  vivant.     Il  avoitété  placé  dansle  jardin  d'Eden,  pour  le  cultiver, 

Y?  & 


174  H  I  S  T  O  I  R  E  D  E  S   D  O  G  M  E  S 

&  pour  y  vivre  de  Tes  plantes  ôc  de  Tes  fruits.     Cela  eft  clair,  ce  me  fem- 
UâfiLîîomil.  ble,  6c  ne  peut  être  difputéj    6c  même  l'opinion  de  S.  Bufile,  qui  a  été 
hemeron"'  cmbrafféc  par  Toftat ,  n'eil  pas  fans  apparence  de  vérité  :  c'eft  que  dans 
Toftat.  in     cet  état  d'innocence  les  animaux  ne  fe  feroient  point  donnez  la  mort  les 
"Kf'r  uns  aux  autres,  ils  ne  fe  feroient  point  déchirez ,  6c  n'auroient  point  vécu 
de  la  chair  des  animaux  foibles,   comme  font  aujourd'hui  les  loups  6cles 
lions,  6c  les  autres  bêtes  qui  vivent  de  proye:ils  auroient  mangé  de  l'her- 
be 6c  des  fruits,  comme  ils  firent  dans  l'Arche  de  Noé. 
Dieu  jpiés        2.  Je  ne  voi  pas  qu'il  y  ait  lieu  de  croire,  qu'après  la  chute  de  l'hom- 
lachûicd'A-         j)-  ^  ^-^^  donué  aux  hommes  qui  ont  précédé  le  délus^e  lapermilïïon 

dam  ne  don-     ,  -.i-i  •  •  i  »  r,  '^         }  , 

na  pas  de  de  manger  la  chau-dcs  animaux,  puis  que  cela  ne  leur  eut  pas  ete  permis, 
«rSiSTe  s'ils  fuflênt  demeurez  dans  l'état  d'innocence.  L'homme,  au  lieu  d'avoir 
manger  de  la  perdu  par  fa  cliûtc  une  partie  delà  domination  que  Dieu  lui  avoit  donnée 
ehâir.  ç^^,  j^g  animaux,  y  auroit  gagné  quelque  chofe,   {es  droits  auroicnt  été 

'Dieu  donna  augmentez,  6c  les  privilèges  amplifiez,  ce  qui  n'ell  pas  apparent.  3.  Ce- 
une  permif-  pendant  je  ne  trouve  pas  vrai-femblable  que  le  monde  ait  été  feize  cens 
mange'"  df  ans ,  c'eft-à-dirc  depuis  Adam  jufqu  au  déluge,  fans  goûter  la  chair  des 
laviande,     auimaux.     Le  vice  des  hommes  du  premier  monde  étoit  la  luxure,   l'im- 
wktmcl     pieté  6c  la  débauche  5  6c  c'eilTelprit  de  ce  vice  defe  tourner  de  tous  c©-- 
tez  pour  chercher  des  délices  :  c'eft  pourquoi  il  n'eft  pas  apparent  que  ces 
hommes  voluptueux  n'ayent  pas  tenté  de  goûter  de  la  chair  des  animaux; 
6c  en  ayant  une  fois  goûté,  6c  l'ayant  trouvé  bonne,  il  eft  aftéz difficile 
à  croire  qu'ils  s'en  foient  abftenus.     Je  ne  croi  pas  même  que  les  enfans 
de  Dieu  ayent  été  tout  ce  tems  fans  manger  de  la  chair  :  le  métier  d'A- 
bel ,  qui  étoit  berger  ,  6c  qui  vivoit  apparemment  de  fon  troupeau ,  6c 
les  facrifices  de  bêtes  que  les  Saints  faifoient  à  Dieu,  me  perfuadent  af- 
fez  qu'ils  mangeoient  la  viande  de  ces  bêtes.     11  eft  certain  qu'ils  fe  vé- 
toient  de  leurs  peaux ,  6c  Dieu  leur  en  avoit  donné  l'exemple ,  en  faifanc 
à  Eve  6c  à  Adam  des  habits  de  peaux.  Or  il  n'y  a  pas  d'apparence  qu'a- 
prés  en  avoir  pris  la  peau ,  ils  regardaient  le  relie  comme  étant  de  nul 
ufage.     4.  Je  croi  donc  que  Dieu  ne  donna  aucune  permifîion  exprefte 
aux  hommes  de  manger  la  chair  des  animaux  après  la   chute   d'Adam. 
Cela  auroit  fervi  à  confirmer  l'homme  dans  le  péché,  6c  à  lui  perfuader 
que  fa  faute  étoit  légère ,  puis  que  Dieu  lui  auroit  donné  un  empire  fur 
les  bêtes  plus  grand  que -celui  qu'il  lui  avoit  accordé  dans  le  tems  de  fon  in- 
nocence.    Mais  la  providence  de  Dieu,   qui  n'avoit  pas  fait  tant  d'ani- 
maux 6c  tant  de  délices  pour  être  inutiles,  permit  que  l'homme  fans  per- 
mifîion entreprît  de  manger  de  la  chair  des  bêtes.     Et  je  ne  croi  pas  que 
les  hommes  ayent  rien  fait  en  cela  contre  le  commandement  de  Dieu:cai 
Dieu  ne  leur  avoit  pas  défendu  de  tuer  les  bêtes  pour  les  manger,  feule- 
ment il  ne  leur  en  avoit  pas  donné  une  permiffion  exprefiè.     Mais-aprés  le 
déluge,  parce  qu'il  traitoit  avec  Noé  une  nouvelle  aUiance,  il  donna  aux 
hommes  une  permiffion  expreffe  6c  nette  de  faire  ce  qu'il  avoit  feulement 
foufferc  6c  toléré  avant  le  déluge.     Ceux  qui  croyent  que  les  faints  hom- 
mes ne  mangeoient  point  de  la  chair  des  animaux,  en  apportent  pour  preu- 
ve divers  palFages  des  Poètes  6c  des  auteurs  Payens  ,  qui  difent  ce  que 
dit  quelque  part  Ovide. 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  PartA,   ï/f 

At  vetHsilla  atas,  ctii  fecimns  amea  nomm , 

Fœtibus.  arboreis .   &  qfias  humas  eàucat  herhit,  P'vid.M€- 

tort  final  a  fuit ,  nec  follmt  or  a  crmre^ 

Heu  !  quantum  fcelus  eji  in  vifcere  vifcera  condi  ! 

Mais  cela  eft  bien  foible  :  car  11  cette  tradition  des  Payens  efl  fondée  fur 
quelque  vérité,  cela  doit  être  rapporté  à  l'état  d'innocence,  qui  eflle  vé- 
ritable âge  d'or  des  Poètes.  Or  il  eft  vrai  que  dans  cet  ét^t  l'homme 
n'auroit  point  tué  les  animaux  pour  les  manger. 


CHAPITRE     XXV. 

Combien  a  duré  ce  premier  période  de  fEglife ,  dont  nous  venons  de 

faire  fHiftoire. 

Abrégé  du  Syftéme  des  Tre-Adamites.  ^ 

DAns  ce  premier  période  de  l'Eglife,  dont  nous  venons  de  faire  l'Hif^ 
loire  Ecclefiaftique,  c'eft- à-dire, l'Hifloire  de  fes  cultes  &  de  fes 
dogmes,  il  y  a  quantité  de  chofes  fort  fingulieres,  dont  chacune 
mériteroit  d'avoir  ion  Chapitre:  par  exemple  l'Hifloire  de  Caïn&d'Abel, 
la  longue  vie  des  premiers  hommes ,  qui  vivoient  prés  de  mille  ans,  les 
geans  nez  de  l'alliance  àt^  fils  de  Dieu ,  avec  les  filles  des  hommes ,  Noé, 
l'Arche,  le  Déluge,  la  Tour  de  Babel,  la  divifion  des  Langues,  ladii^ 
perfion  i^ç,^  familles  dans  toutes  les  parties  de  la  terre ,  &  plufieurs  autres 
chofes  femblables.  Mais  pour  bien  des  raifons  nous  n'en  parlerons  pas  5, 
il  faut  fuivre  fon  deflein ,  &  tendre  à  fon  but  fans  s'écarter.  Nous  avions 
deffein  de  parler  des  chofes  Ecclefiaftiques  de  cette  première  Eglife  ,  de 
fes  dogmes  &  de  fon  culte  >  nous  en  avons  dit  ce  que  nous  en  avons  pu. 
découvrir.  Ainfi  nous  avons  fait  ce  que  nous  avions  deflein  de  faire  5 
toutes  ces  fingularitez  font  hors  des  bornes  de  nôtre  fujet,  6c  apartiennent 
proprement  à  l'Hiitoire  civile  du  premier  monde.  Outre  cela,  on  ne  peut 
plus  dire  là-deflus  que  des  chofes  que  tout  le  monde  fait,  tant  ces  fujets 
ont  été  remaniez  de  fois.  Il  n'y  a  point  de  Commentateur  fur  la  Gène- 
fe  qui  n'en  parle  ,  point  de  Sommiile  qui  n'en  traite,  fans  conter  tous 
ceux  qui  ont  écrit  des  matières  de  Critique  facrée  ,  qui  n'ont  pas  ou^ 
blié  celles-cy  comme  les  principales.  Il  y  a  cependant  une  chofe  que 
nous  ne  faurions  pafler. 

La  Chronologie  eft  l'ame  de  l'Hiiloire,  tant  Ecclefiaftique  que  Civi-  DeiaChroi 
le.     Il  faut  donc  pour  donner  de  la  lumière  à  nôtre  Hiftoire  Ecclefîafti- J^j^g'^sc 
que  du  premier  période  de  l'Eglife,  dire  quelque  chofe  d'une  grande  quef- des  tems 
tion  de  Chronologie,  qui  divife  l'Occident  de  l'Orient,  l'^life  Latine ^^^^'P^^J^'e* 
de  l'Eglife  Grecque  5  c'elt  touchant  la  durée  de  ce  premier  période  du 
monde  ôc  de  l'Eglife,  depuis  Adam  julqu'à  Moyfe.     Les  uns  le  font  de 

Hr4' 


L'Auteur  de 
•la  feue  des 
Ïrc-Adami- 
tes. 


Hiôohe 
abrégée  d'I- 
faac  la  Pc- 


176         HISTOIRE  DES*DOGMES 

24f4.  ans  ou  environ ,  parce  qu'ils  fuivent  le  texte  Hébreu  :  &  les  autres 
en  iuivant  cette  célèbre  verfion  Grecque  ,  qu'on  appelle  des  Septante, 
font  cet  efpace  plus  long  de  1440.  ans;  ôc  ainli  ils  content  depuis  la  Créa- 
tion jufqu'à  la  fortie  d'Egypte  5894.  ans.  La  différence  eftprodigieufe, 
&  mérite  bien  qu'on  y  fafle  quelque  reflexion. 

Les  Grecs  font  donc  le  monde  plus  ancien  que  les  Latins  de  prés  de 
If  00.  ans.  Mais  depuis  if.ou  30.  ans,  un  Auteur  aflczpeu  connu  s'eft: 
avifé  d'avancer  un  paradoxe  beaucoup  plus  grand  ;  c'eft  que  le  monde  eft 
beaucoup  plus  ancien  que  tout  cela ,  qu'Adam  n'ell  pas  le  premier  hom- 
me, &  qu'avant  luy  il  y  en  a  eu  une  grande  multitude  d'auti-es.  On  pré- 
tend que  cet  homme  s'eft  fait  le  chef  d'une  feébe ,  à  laquelle  on  donne  le 
nom  de  Pre-Adamices ,  il  a  fait  un  Syfteme  de  Théologie  pour  immor- 
talifer  fon  nom  6c  fa  mémoire:  &  peut-être  ne  fera- t-on  pas  fâché  de  trou- 
ver icy  l'abrégé  de  fon  Hiftoire,  ôc  celuy  de  fon  Syfteme. 

Son  Livre  parut  d'abord  fans  nom  d'Auteur  :  mais  depuis  cet  homme 
s'eft  découverJ:  luy-même,  &  nous  a  appris  par  un  petit  écrit  imprimé  à 
Francfort  en  l'an  i6f8.  ôc  fon  nom  ,  &  une  partie  de  fes  avantures.  Il 
s'appelloit  Ifaac  la  Pereyre  natif  de  Bordeaux  j  il  étoit  l'un  des  domefti- 
ques  de  Monfîeur  le  Prince  de  Condé,  durant  fa  retraite  en  Flandres;  & 
je^penfe  qu'il  étoit  un  de  fes  Secrétaires.  Cet  homme  ayant  mis  fon  Li- 
vre au  jour,  l'ouvrage  fit  grand  bruit  dans  les  Pays-Bas  ;  on  chercha  l'Au- 
teur, on  le  découvrit,  6c  il  fut  arrêté  à  Bruxelles  au  mois  de  Février 
16 f 6.  en  vertu  du  décret  du  grand  Vicaire  de  l'Archevêque  de  Mali- 
nes.  On  le  mit  en  prifon,  où  il  fut  long-tems.  Monfîeur  le  Prince  ne 
fe  voulut  pas  mêler  de  fes  affaires,  pour  ne  pas  offenfer  le  Pape.  La 
Pereyre,  qui  avoit  fait  jufques-là  profefîion  de  la  Religion  Proteftante, 
voyant  que  fes  affaires  alloient  mal,  6c  n'ayant  d'ailleurs  aucun  amour  pour 
la  vérité,  changea  de  religion,  6c  obligea  Monfleur  le  Prince  d'écrire  au 
Pape  ,  qu'il  fe  remettoit  entre  fes  mains ,  luy  6c  fon  Livre ,  6c-  qu'il  luy 
demandoit  grâce.  Il  obtint  la  grâce  qu'il  demandoit  par  l'interceflion 
du  Prince  Ion  Maître;  il  fut  élargi,  6c  en  fuite  il  mit  au  jour  uneefpece 
de  manifefte,  par  lequel  il  rend  raifon  de  fon  changement  de  religion,  6c 
de  la  raifon  qui  Favoit  obligé  à  renoncer  à  fon  hypothefe  des  Pre-Adami- 
tes.  Il  joignit  à  cela  une  lettre  au  Pape  Alexandre  VII.  où  il  luy  fait 
l'Hiftoire  de  fon  Livre ,  6c  luy  demande  pardon  de  l'avoir  mis  au  jour. 

Apparemment  il  n' avoit  avancé  fon  paradoxe,  que  pour  fe  divertir, 
6c  pour  attirer  contre  luy  les  plumes  de  tant  d'Auteurs ,  qui  ne  cherchent 
que  matière  à  écrire.  Il  eft  arrivé  à  fon  but.  Il  a  eu  le  plaifir  de  voir  qu'on 
a  refuté  fon  Livre  dans  toutes  les  formes,  6c  qu'on  a  fait  d'unfonge,  qui 
paflbit  pour  fonge  dans  l'efprit  de  fon  Auteur ,  une  affaire  ferieufe  6c  im- 
portante. Il  eft  vrai,  que  s'il  a  eu  delTein  de  tromper,  6c  de  perfuader 
aux  gens,  qu'il  étoit  en  effet  dans  le  fentiment  qu'il  avançoit ,  iJ  ne  pou- 
voit  mieux  s'y  prendre  ;  car  il  paroît  agir  de  la  manière  du  monde  la 
plus  ferieufe;  il  prouve,  il  réfute,  il  difpute,  il  s'appuye  de  l'autorité 
des  écrivains  facrez  6c  profanes  ;  6c  fur  cette  hypothefe  il  fonde  même 
un  nouveau(^yfteme  de  Théologie.  Je  n'ay  pas  deflein  de  le  réfuter,  il 
n'en  vaut  pas  la  peine.  Ainfi  je  me  contenterai  de  donner  une  courte 
idée  de  fon  hypothefe,  en  faveur  de  ceux  qui  n'ont  jamais  ]ù.  fon  Livre, 
6c  qui  peut-être  ne  le  liront  jamais.  i.  Il 


ET  DES  CULTES  DE  L^EGLISE.  F^M.  ^77 

I.  Il  fuppofe  donc  premièrement,  que  le  monde  a  été  créé  en  fîx  jours  Att«çé(ta 
jfèlon  l'Hilloire  de  la  Genefej  que  l'homme,  c'eft-à-dire,  refpece  hu-^^^^j 
mainc  fut  créée  avec  tous  les  autres  animaux  -,  que  dans  le  même  jour  Dieu  des  Pte  Ada- 
la  ût  à  Ton  image  &  femblance  ,   &  qu'il  luy  donna  la  domination  fur  ""^"* 
toutes  les  bêtes  :  mais  que  cette  efpece  humaine  n'étoit  point  renfermée 
dans  une  perfonne  linguliere,  ou  en  deux,  comme  on  fe  l'imagine.  Il  dit, 
f|U€  Dieu  créa  des  hommes,  par  tout  où  il  y  avoit  de  la  terre  propre  à 
être  habitée,  de  forte  que  bien  loin  que  les  hommes  foicnt  fortis  d'une 
même  tige ,  il  prétend  qu'ils  font  venus  de  mille  &  mille  fources  dif- 
ferentes. 

z.  Selon  luy  la  création  de  l'homme,  dont  il  efl  parlé  dans  le  fécond 
chapitre  de  la  Genefe ,  efl  toute  différente  de  celle  dont  il  eft  parlé  dans 
le  premier  chapitre  du  même  Livre.  Dans  le  premier  chapitre  Moyfe 
parle  de  la  création  des  hommes  en  gênerai,  qui  furent  faits  dans  toutes 
les  parties  du  monde  5  ôc  dans  le  fécond  il  recite  la  création  d'Adam  & 
d'Eve,  qui  fiirent  deuxperfonnesfingulieres  ôc  différentes  de  tous  les  au- 
tres hommes. 

^.11  fuppole  qu'entre  ces  deux  créations ,  Tune  de  Tefpece  de  l'homme, 
qui  fe  fit  au  commencement  par  toute  la  terre  5  &  l'autre  qui  efl  celle  d'A- 
dam &  d'Eve ,  qui  fe  fit  dans  l'Orient  ,  &  prés  de  la  Chaldée ,  il  y 
a  peut-être  desfiécles  innombrables  :  tellement  que  quand  Adam  fut  créé, 
il  y  avoit  déjà  un  tems  prodigieux  que  la  terre  étoit  peuplée  j  il  y  avoit 
déjà  des  Royaumes,  des  Etats,  des  Empires  6c  des  Loix,  comme  il  y  en 
a  eu  depuis. 

4.  Dans  la  première  création  Dieu  fit  re{j:^ce  du  genre  humain ,  non 
feulement  raifonnable,  mais  exempte  de  péché}  ayant  pourtant  en  elle  un 
principe  de  dérèglement  &  de  defordre,  c'efl  la  matière  &  la  chair.  Les 
hommes  ayant  été  créez  en  cet  état ,  Dieu  les  laiiîà  dans  la  main  de  leur 
confeil  :  de  forte  qu'incontinent  ils  s'abandonnèrent  au  penchant  où  la 
chair ,  &  la  matière  les  trainoit ,  &  commirent  toutes  les  adions  crimi- 
nelles que  l'on  commet  dans  le  monde  depuis  tant  de  fiécles. 

f .  Dieu  en  les  créant  ne  leur  donna  aucune  Loy  :  or  où  il  n'y  a  pas  de 
Loy ,  il  n'y  a  pas  à  parler  proprement  de  péché }  de  forte  que  bien  que  les 
hommes,  durant  tout  ce  tems  prefque  infini,  commiflènt  toutes  les  aéèions 
qui  font  aujourd'huy  des  crimes,  ce  n'étoit  pourtant  pas  de  vrais  crimes.  Il 
yadans  leurs  aétions  ce  qui  s'appelle  dans  l'école,  materiale pectati^  &  non 
ce  c^\  s' -à^^ûlt  formate  peccati. 

6.  Ils  ne  laiffoient  pas  de  mourir  ces  hommes  fans  péché}  mais  la  mort 
ne  leur  étoit  pas  la  peine  du  péché  :  c'étoit  un  mal  naturel, «qui  fuivoit 
l'imperfeélion  de  la  matière  dont  ces  hommes  étoient  compofez.  Ainfi 
bien  que  la  mort  fût  au  monde,  elle  n'y  regnoit  pourtant  pas}  carie  rè- 
gne de  la  mort,  félon  luy,  ne  confifle  que  dans  ce  qu'elle  eit  le  gage  du 
péché,  ôc  alors  elle  ne  l'étoit  pas. 

7.  Ces  gens  n'avoient  pas  d'autre  lumière  que  celle  de  la  nature,  ni 
d'autre  loy  que  celle  de  la  droite  raifon  :  avec  ces  fecours  ils  connoiffoient 
Dieu,  mais  non  pas  comme  Legiflateur.  Dieu  ne  parloit  point  à  eux, 
il  ne  fe  manifelloit  pas ,  il  fe  kiffoit  ignorer  ,  il  demeuroit  inconnu  dans 
le  monde  fous  le  voile  des  créatures  :  On  ne  laifîbit  pourtant  pas  de  diflin- 

Tart,  L  2,  guei' 


rr$i         HISTOIRE  DES   DOGMES 

1^  '-.f  •  mier  le  bien  du  mul.  Durant  tout  ce  teins  les  hommes  fentoient  bien  qu'iî's- 
'  étoient  déchus  de  cet  état  de  perfedion  dans  lequel  ils  avoient  été  créez;, 
ils  en  avoient  de  la  honte  6c  de  la  douleur.  La  confcience  ne  laifToit  pas 
de  gêner  les. criminels,  6c  de  leur  reprocher  leurs  aétions  :  cette  confcien- 
ce n'étoit  pourtant  pas  alors  un  lieutenant  de  Dieu  y  elle  ne  parloit  qu'en. 
faveur  de  la  droite  raifon  -,  elle  ne  difoit  pas  aux  hommes ,  que  Dieu  fût  en- 
gagé dans  les  actions  humaines  5  &  qu'il  prit  aucun  intérêt  à  leur  bonne  ou, 
à  leur  mauvaife  conduite. 

8.  îl  y  a  voit  donc  une  loy  naturelle  dans  le  cœur:  mais  outre  cette  loy 
naturelle5  il  y  en  avoir  beaucoup  d'autres  j  carilyavoit  des  Etats,  desSo- 
cietez  6c  des  Legiilateurs ,  qui  pour  le  bien,  du  public  pofoient  des  bor- 
nes à  la  concupifcence  par  des  bonnes  Loix  :  mais  tout  cela  fans  rapport 
à  Dieu  6c. à  la  Loy,  laquelle  ils  ne  connoilToient  pas.  OnpunifToit  ceux 
qui  violoieat  ces  Loix  :  cependant  tous  ces  péchez  défendus  par  des  loix 
humaines ,  6c  punis  par  les  Magiftrats ,  n'étoient  point  imputez  devant  Dieu^ 
parce  que  quant  à  luy  il  n'avoit  donné  aucunes  Loix ,  6c  n'étoit  en  droit 
d'infliger  aucune  peine. 

/  9.  Apres  un  temsconlîderable,. Dieu felafla de  voi«r  ainfî  aller  le  monde,, 
qui  le  corrompoit  de  plus  en  plus,  6c  qui  pom'tant  n'étoit  fujet  à  aucune 
peine.  Il  vint,  il  fit  une  féconde  création,  il  créa  un  homme  fîngulier 
nommé  Adam ,  à  qui  il  donna  une  femme  nommée  Eve  :  il  les  fit ,  nbn 
par  la  voye  de  la.  génération ,  comme  il  auroit  pu  faire ,  en  les  faifant  naî- 
tre de  quelques-uns  des  hommes  qui  étoient  fur  la  terre  j  il  les  fit  par  la 
voye  de  la  création,  il  tira  Adam  du  limon,  Eve  de  la  côte  d'Adam.  Dieu 
fit  à  cet  homme  ce  qu'il  n'avoit  point  encore  fait,  il  fe  manifefta  à  luy ,  il 
parla  à  luy  ,  6c  luy  donna  une  Loy,  qui  fut  de  ne  pas  manger  duii'uitde 
i'arbre  de  fcience  de  bien  6c  de  mal. 
Âd^m^quoy  10.  Dieu  traita  alliance  avec  ce  nouvel  homme  ,  lequel  il  avoir  créé, 
quenonie    ^q^  p^j  commc  avcc  uu  particulier,  mais  il  le  regarda  comme  le  Syndic. 

PC  te  uC  COUS  1/  .  i  ^  ,     -^   m    ^  ^-^  ,  •' 

les  hommes,  6cieDeputede  tout  le  genre  humain,  qui  lubfilloit  depuis  un  grand  nom?- 
chef  S  ^en-  ^'^  ^^  liécles.  Ainfi  Adam  ayant  violé  la  Loy  que  Dieu  luy  avoir  don^ 
le  humain ,  uéc  cu  qualité  dc  Syndic  des  hommes ,  les  reprefentant  tous  ^  là  chute  leur 
pouïicms  ^^^^  imputée  à  tous.  De  forte  que  tous  ces  hommes,,  dont  la  terre  étoit 
les  homnKs,peuplée,  qui  u'avoicnt  aucune  liaifou  avcc  Adam ,  6c  qui  jufques-là  avoient 
monsayant  Çté  innocens  à  l'égard  de  Dieu,  devinrent  coupables  devant  luy  par  la  voye- 
îtiy.  ;d'imputation..  Et  ce  même  péché  d'Adam  fut  auffi  imputé  à  tous  les  hom- 

mes des  fiécles  fuivansi  même  à  ceux  qui  n'étoieat  point  fortis  de  fes  reins: 
de  façon  que  ce  péché  d'Adam  fut  parfaitement  femblable  à  la  juftice  de 
Jefus-Chriil  j  à.  cet  égard,  la  juflice  deJefus-Chrift  a  été  envoyée  dans  les 
derniers  tems ,  pour  être  imputée  à  tous  les  hommes,  tant  à  ceux  qui 
avoient  précédé  Jefus-Chrift,  qu'à  ceux  qui  l'ont  fuivi.  Ainfi  ces  deux, 
hommes,  Adam  6c  Jefus-Chrift,  ont  foûmis  tout  l'univers  à  leur  imputa-- 
tion.  Adam  a  rangé  tous  les  hommes  fous  l'imputation  du.peché,  6c  Je- 
fus-Chrift fous  l'imputation  de  la  juftice. 

II.  La  génération  naturelle  n'eft  point  neceffaire  ni  pour  l'une,  ni  pour 
l!autre  de  ces  imputations,  j.  Chrift. n'a  engendré  aucun  dc  ceuxaufquels 
il  impute  fà  juftice  y  il  n'eft  pas  neceflàire  auffi  qu'Adam  ait  engendré  ceux 
aufquels  fon  péché  eft  imputé.    De  chaque  million  d'hommes  il  n'y  en  a. 

peut' 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  TartX  179 

peut-être  pas  un  qui  foit  décendu  d'Adam  >  cependant  fon  péché  ne  lailîè 
pas  d'être  imputé  à  tous  :  c'eft  en  quoi  confîfte  le  péché  originel.  Car 
quant  à  la  corruption  qui  fe  voit  dans  les  hommes ,  &  à  leurs  mauvaifes 
inclinations,  cela  ne  vient  pas  extraduc^,  par  propagation  i  c'eft  la  nature 
de  l'homme  qui  a  été  ainfi  créée,  6c  qui  fe  penche  du  côté  de  la  chair  & 
de  la  matière,  que  le  Créateur  lui  a  donnée. 

12.  Cette  imputation  du  péché  d'Adam  eft  paflee  par  la  volonté  de 
Dieu  fur  tous  les  hommes  qui  ont  précédé  la  creatioad'Adam,  &  qui  mê- 
me étoicnt  morts  des  fiécles  innombrables  avant  qu'il  fût  au  monde:  C'eft 
afin  que  Dieu  les  pût  fauver,  6c  les  rendre  participans  de  l'imputation  de 
la  juilice  de  J.  Chrift.  Car  ces  hommes  Pre-Adamites  étoientbien  pécheurs 
'^fioad  materiale  feccati  5  mais  ils  n'étoient  pas  coupables,  à  caufe  que  Dieu 
ne  leur  avoit  donné  aucune  Loy.  Or  Dieu  ne  peut  fauver  par  J.  Chrifl 
que  ceux  qui  font  reputez  coupables  :  il  falloit  donc  faire  décendre  une 
coulpe  fur  eux,  car  Dieu  voulait  enfermer  tous  les  hommes  font  péché  pour  fai- 
re mifericorde  a  tons.  La  juilice  de  J.  Chrift  6c  fon  imputation  ne  pouvoit 
avoir  plus  d'étendue  que  l'imputation  d'Adam,  parce  qu'Adam  eft  le  type 
de  J.  Chrift  >  6c  par  conféquent  il  falloit  que  le  péché  d'Adam  fût  imputé  à 
tous ,  afin  que  la  juftice  de  J.  Chrift  paflat  fur  tous. 

13.  Cet  Adam,  créé  tant  de  fiécles  après  les  autres  hommes,  eftlePa-  Leshom- 
triarche  àts  Juifs  ,  l'origine  6c  la  fource  de  leur  nation  ,   mais  point  du  ^j^J'amSt 
tout  dès  Gentils  :  de  forte  que  toutes  les  autres  nations  du  monde  (ont  dé-  &  Pré-Ada- 
tendues  de  la  première  création,  6c  les  Juifs  ièuls  de  la  féconde.  Ainfi  cet-  '"^^' 

te  nation  eft  proprement  la  nation  de  Dieu ,  le  peuple  faint,  dont  Dieu  eft 
le  père  ,  l'époux  6c  le  Roy,  tout  autrement  que  des  autres  nations  de  la 
terre.  Moyfe  dans  fon  livre  ne  fait  la  généalogie  que  du  peuple  Juif,  6C(ne 
parle  point  des  autres  peuples.  Cette  famille  d'Adam'  fe  multiplia  jufques 
à  Noè,  6c  devint  fort  nombreufe:  mais  elle  fe  corrompit,  6c  les  fils  de 
Dieu  fe  marièrent  avec  les  filles  des  hommes  ,  c'eft-à-dire  que  la  famille 
d'Adam  s'allia  avec  les  hommes  Pré-Adamites ,  6c  fe  corrompit  avec  eux. 
C'eft  pourquoi  Dieu  fit  venir  un  déluge,  non  pas  fur  toute  la  terre ,  mais 
Amplement  fur  la  Paleftine,  6c  fur  le  pais  oij  demeuroient  lesJuifs,oules 
hommes  Adamites,  car  ce  font  les  mêmes  gens.  Ce  déluge  les  abîma, 
Noé  fut  feul  qui  échappa:  mais  les  Pre-Adamites,  c'eft-à-dire  les  Gentils, 
nefouffrirent  aucun  mal,  6c  la  terre  demeura  peuplée  comme  auparavant, 
à  l'exception  de  la  Paleftine.  Noé  échappé  feul  avec  fa  famille  fut  le  ref- 
taurateur  ,  non  pas  du  genre  humain,  mais  de  la  nation  des  Adamites  : 
c'eft  pourquoi  Jofephe  en  parlant  de  ce  Noé,  l'appelle ^<?«mj »g/?r;" /)r^«- Lîb. 2.  cont. 
ceps^  àc  non  p2.s generis  humam prifîceps.  '-^i   -->vi.^      Appion. 

14.  Entre  ces  deux  hommes,  favoir  Adam  6c  J.  Gh.  Dieu  eriafaîé  un  impiitatioa 
troifîéme ,  c'eft  Abraham,  qui  tient  le  milieu  entre  les  deux ,  6c  qui  a  auffi  SlSlieu  entre 
fon  imputation,  laquelle  fe  répand  tant  devant  lui  qu'après  lui  ;  c'eft  l'im-  celle  dupe- 
putation  de  fa  foy.     Le  péché  d'Adam  eft  imputé  à  tous  les  hommes  ;  la  dlm'sf  celle 
juftice  de  J,  Ch.  eft  pareillement  imputée  à  tout  le  genre  humain  ;   mais  deia  juftice 
on  ne  fauroit  pafi'er  d'un  plein  faut  d'une  extrémité  à  l'autre ,  c'eft- à-dirè  chnft"c'eft 
de  cette  imputation  du  péché  d'Adam  à  la  juftice  falutaire  de  ^J.  Chrift.  rimputatioH 
C'eft  pourquoi  il  faut  pafîer  par  une  imputation  moyenne ,  c'eft  celle  de  d'Abiaham* 
la  foy  d'Abraham  ,  qui  conduit  à  l'imputation  de  la  juftice  de  J.  Chrift  j 

Z  2.  c'eft- 


i8o  HISTOIRE   D  E  S  D  O  G  M  E  S 

c'eil-à-dlre  que  ceux-là  ont  été  Ikuvez  par  Jefus-Chrill,  ôc  delivreï^  de 
k  coulpe  du  péché  d'Adam,  aufquels  Dieu  a  imputé  la  foy  d'Abra- 
ham. 

If.  Les  Gentils  Pre-Adamites  etoient  naturelkm^nt  étrangers  du  béné- 
fice du  {iilut,  ôck  fui-ent  jufqu'au  tems  d'Abraham.  Mais  ils  commencè- 
rent à  être  participans  de  la  grâce  ,  quand  Abraham  changea  Ton  nom 
-d'Abram  en  celui  d'Abraham,  par  le  commandement  de  Dieu,  qui  lui  dit,, 
&  tH  fera4  père  de  f lutteurs-  mt:oiu^  Ces  plufiem-s  nations  font  ces  hommes 
Pre-Adamites  ,tant  ceux  qiii  avoient  précédé  Adam  ,  qjje  ceux  qui  étoient 
venus  depuis:  comme  le  péché  d'Adam  leur  avoitété  imputé  à  tous,  aufil 
la  foy  d'Abraham  leur  Rit  imputée  à  tous,  quoi  qu'ils  fuilent  morts  plur 
lîeurs  milliers  d'années  auparavant.  Cette  foy  d'Abraham  leur  fut  impu- 
tée, afin  qu'ils  pulTent  être  participans  de  l'imputation  de  la  grâce  de  J. 
Chriftj  parce  que  l'on  ne  palTe  pas  ,  comme  nous  l'avons  dit,  d'une  ex- 
trémité à  l'autre  fanspafler  par  le  milieu:  on  ne  va  pas  de  la  mort  d'Adam 
à  la  vie  deJ.Chrill,  fans  palFer  par  la  foy  d'Abraham.  Les  Gentils  furent 
donc  adoptez  en  Abraham ,  reputez  fes  enfans  par  la  vertu  de  cette  adop- 
tion ,  6c  rendus,  capables  du  falut.. 

1(5.  Le  falut  de  J.  Chrift  par  ce  mx^yeii  eft  arrivé  fur  tous  les  hommes , 
tant  de  ceux  qui  ont  précédé  Adam  ,  que  de  ceux  qui  l'ont  fuivi ,  aufîi 
bien  fuï  les  hommes  Pré-Adamites  qui  font  nés  Gentils,  que  fur  les  Ada- 
mites  qui  (but  nés  juifs.  Ce  n'eft  pas  que  tous  les  hommes  doivent  être 
{âuvez  ,  mais  feulement  les  élus  que  Dieu  aura  honoré  de  {es  grâces-. 
Mais  (es  grâces  fe  font  répandues  aulTi  bien  fur  les  Gentils  que  fur  les 
Juifs  :  les  Socrates ,  les  Ariftides  ôc  leurs  femblables,,  tant  avant  Adam  que 
depuis.  Adam.,  font  d.u  nombre  de  ces  élus.  Ainfi  tous  ceux  qui  dans  tous 
les  lîécles  &  dans  tous  les  lieux  auront  vécu  félon  la  droite  raifon  ,  font 
des  élus  de  Dieu  ,  &  feront  délivrez  de  l'imputation  du  péché  d'Adam 
par  l'imputation  de  la  foy  d'Abraham,  oc  de  k  juftice  de  Jefus  -  Chrift.j 
encore  qu'ils  n'ayent  connu  ni  ouï  parler  de  Jefus-Chrifl  ni  d'Abraham. 
Enfin  il  elH  remarquer  que  cette  imputation  da  péché  d'Adam.n'aeuliea 
que  jufqu'à  Jefus-Cliriil}  car  depuis  ce  tems-là  le  péché  a  été  anéanti, 
l'imputation  n'eft  plus,  chacun  porte  fon  propre  fardeau,  &  chacun  vit  de 
ia  foy  :  C'eft  pourquoi  l'imputation  de  la  foy  d'Abraham  eft.  auffi  aneaa- 
tie, 
^.Ï2.î3iï4,,  Tout  ce  beau  fyfteme  eft  appuyé,  ace  que  dit  cet  Auteur,,  for  5,.  ver^ 
Fondemens  fcts  du  f™^.  Chapitre  de  l'Epître  aux  Romains  :  comme  par  un  feul  homme 
î^''^^d'ir»'"  ^^  f^^^^^^fi  ^^tré  ait  monde  ,  &  par  le  péché  la  mort  à _  ainjî  la  mort  efi  parvenais 
h.  :E«€yxe.  p*y  tous  les  homwes ,  d'hantant  cjne  tons  ont  péché.  Car  JHpjti'^a  la  Loy  le  péché 
était  ati  monde  s  or  le  péché  n  efi  pas  imputé ^  c^nand  il  n'y  a  pas  de  Loji  ^JPl€ais 
la  mort  a  régné  depuis  Adam  jufcj n'a  Moyfe  ^  même  fur  ceux  qui-n  avoient  point 
péché  a.  la  fa^on  d' Adam.  Voici  ce  que  veut  dire  ce  texte  félon  laglofe  de 
nôtre  Auteur.  Tar  Adam  le  péché  &  la  coulpe  font  entrez,  au  monde  :  car  enr 
core  que  le  péché  avant  Adam  fût  dans  le  monde,  il  n'étoit  pas  imputé, 
à  caufe  qu'il  n'y  avoit  pas  de  Loy  -,  pareillement  le  règne  de  la  mort  eil 
entré  par  Adam  :  car  encore  que  la  mort  fût  au  monde  avant  Adam ,  ce- 
pendant elle  ne  regnoit  pas,  parce  qu'elle  n'étoit  pas  la  peine  du  péché. 
Mais  depuis  ce  temsrlà.cile  "X  régné.,  uon  feulement  fur  ceux  qui  font  ve- 
nus. 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  TartA.   i8i 

nus  depuis  Adam ,  mais  par  une  vertu  retroa«5î:ive ,  le  péché  d'Adam  a  fait 
régner  Ja  mort  dans  tous  les  tems  paflez ,  ayant  fait  que  la  mort ,  qui  ne 
leur  étoit  durant  leur  vie  qu^une  chofe  naturelle  ,    a  été  confiderée  de 
Dieu,  même  en  ceux  qui  n'étoient  plus  il  y  a  long-tems,  comme  une  pei- 
ne du  péché/  Car  jup^u'a  la  Loy  le  péché  étoit  au  monde  \  c'eft-à-direjufqu'à 
la  Loy  qui  fut  donnée  à  Adam,  de  ne  pas  manger  du  fruit  de  l'arbre  de 
fcience,  6c  non  pas  jufqu'à  la  Loy  qui  fut  donnée  par  Moyfe.  Jufqu'à  cet- 
te Loy  qui  fut  donnée  à  Adam,  le  péché  éioit  au  monde  (^uoad  materiale, 
parce  que  les  hommes  de  la  génération  précédente,  qui  avoient  coulé  avant 
la  création  d'Adam,  avoient  commis  toutes  les  aétions  que  lesPayensont 
faites  du  depuis  :  Mai^  le  péché  ne  leur  était  pas  imputé ,  a  caufecjuPiln''y  avait 
pas  de  Loy.   Ainfi  donc  l'empire  de  la  mort  a  commencé  à  parokre  depuis 
Adam  jufqu'à  Moyfe,  oc  jufqu'à  la  Loy  qui  fut  donnée  fur  la  montagne 
de  Sinaïj  &  ce  règne  de  la  mort  s'eil  étendu  même  fur  ceux  (^m  n* avaient 
pas  péché  a  la  façon  £Adam ,,  c'eft- à-dire  lur  ceux  qui  avoient  précédé  Adam, 
&  qui  n'avoient  pas  péché  comme  lui,  contre  une  Loy  donnée  de  Dieu  > 
parce  que  Dieu  ne  leur  avoit  jamais  parlé ,  ni  à  eux ,  ni  à  aucun  de  leurs 
ancêtres. 

Voilà  le  fylleme  de  ce  nouveau  Théologien  :  comme  Ton  voit ,,  c'elî 
une- longue  fuite  de  rêveries,  ôc  un  véritable  Roman  en  Théologie.  La 
manière  dont  il  explique  l'Apôtre  St.  Paul  efl  6c  violente  &  ridicule.  Ce^- 
pendant ,  fî  on  l'en  croit ,  c'eft  la  caufe  de  fon  changement  de  Religion^ 
parce,  dit-il,  qu'il  n'a  pu  renoncer  à  une  interprétation  auffi  claire  &  évi- 
dente que  la  fienne,  qu'en  fe  foûmettant  à  une  Eglife  qui  feditla  fouve- 
raine  maîtrelTe  du  fens  de  l'Ecriture.  Mais  fon  changement  de  Religion 
doit  plutôt  être  imputé  au  caradere  de  fon  efprit,  qui  paroît  par  tout  fu^ 
perbe  ôc  téméraire,  plein  de  mépris  pour  l'autorité'  des  Ecrivains  facrez,. 
ëc  fans  refpeét  pour-  les  myfteres.  Il  n'eft  pas  difficile  àcomprendre,  com- 
ment un  homme  de  ce  caraétere ,  qui  ell  retenu  dans  une  cruelle  6c  fâ:^ 
cheufe  prifon  en  péril  de  perdre  la  vie,  prend  le  parti  de  changer  de  Re- 
ligion pour  fe  tirer  d'affaires. 


CHAPITRE     XKVL 

De  la  àifference  qui  eft  entre  le  texte  Hébreu  &  le  texte  Grec  de  la 
verfion  des  Sentante  y  touchant  la  durée  du  pemier  pé- 
riode de  l'Eglifè. 

D  Ans  cette  queftion  ,  combien  le. monde  a  duré'dèpuîs  la  création 
jufqu'à  la  Loy,  il  faut  d'abord  pofer  comme  une  chofe incontefta- 
ble,  que  nous  n'en  pouvons  rien  apprendre  que  des  livres  de  Moy- 
fe. Car  on. ne  fauroit  tirer  là-delfus,-  je  ne  dis  pas.  aucune  lumière  certai- 
ne, mais  en  gênerai  aucune  efpece  d'éçlairciffement  des  Hifloires  profi- 
nes. CesHiftoires  font  toutes  modernes  en  comparaifon  de cellede  Moy- 
fe,  Nous  n'avons  point  e^tre  les  Grecs  de  plus  ancien  Hiftorien  qu'He- 

Z  3,  rodote^, 


Diviûonde 
Varron  du 
tems  par 
trois  carac- 
tères 

Cenforinus 
de  die  na- 


Les  années 
félon  Moyfè 
e'toient  des 
années  de 
Î2.  Mois. 

Lib.  15.  de 
Civit.  Dei. 

s.  12. 


îlin.  Hift. 
Mat.  lib.  7. 
cap. 48- 


182  HISTOIRE  DES  DOGMES 

rodote,  qui  vivoit  du  tems  de  Xerxes  Roy  de  Perfe,  c'eil-à-dire  un  peu 
plus  de  400.  ans  devant  nôtre  Seigneur  Jefus-Chrift.  Pour  ce  qui  eft  des 
Orientaux ,  nous  n'avons  vu  que  des  fragmens  &  des  pièces  douteufes , 
qui  ne  nous  peuvent  prefque  rien  apprendi^. 

Varron  le  plus  favant  des  Latins  a  divifé  le  tems  en  3.  périodes:  il  ap- 
pelle le  premier  a^viXoçj  le  fécond  /xuô/jtô; ,  Scie  troifiéme  îçoptnoç.  Et  voici 
comme  Cenforinus  explique  ces  trois  tems.  JVftnc  verh  interijallnm  temporis 
tradabo ,  quod  Hifioricon  Farro  appe/lat  ;  hic  enim  tria  difcrimina  temporam  e/p 
tradit  :  primum  ah  hominum  principio  ufque  ad  Catacljfmum 'j  (^uod  propter  igna- 
rantiam  vocâtnr  cidviXov  :  ficundum  a  Cataclyfmo  priore  ad  Olympiadem  primam  j 
quod,  quia  in  eo  mnlta  fahnlofa  referuntur^  [u^ÀfAh  nominatur.  Tertmm  à  pri- 
ma Olympiade  ad  nos ,  qmd  dicitur  Hifioricon  ,  quia  in  eo  tes  gefta  veris  Htfio- 
riis  contmentur:  c'ell-à-dire,  que  le  premier  de  ces  trois  tems  eft  couvert 
d'un  voile  impénétrable.  Le  fécond  eft  rempli  de  fables ,  ôc  n'a  rien  de 
certain.  Le  troifiéme  feul  reçoit  quelque  lumière  par  l'Hiftoire.  Tout  le 
tems  qui  s'eft  écoulé  depuis  Je  commencement  du  monde  jufqu'au  délu- 
ge, eft  renfermé  dans  le  premier  période,  c'eft-à-dire  qu'à  l'égard  des 
Payens,  il  eft  abfolumcnt  inconnu.  Le  tems  fabuleux  eft  celui  qui  a  couru 
depuis  le  déluge  jufqu'à  la  première  Olympiade.  C'eft  dans  ce  tems,  qu'il 
faut  placer  tous  les  Héros  de  la  Grèce ,  les  Hercules  ,  les  Jafons ,  les  The- 
fées,  les  Minos,  les  Achilles.  Ceux  qui  ont  fait  ces  Héros  fabuleux  les 
plus  anciens  les  placent  dans  le  tems  des  Juges,  peut-être  même,  s'ils  ont 
été,  font- ils  plus  modernes.  Ce  qui  eft  certain,  c'eft  qu'on  n'en  peut  rien 
fa  voir  d'aftïïré  :  car  ce  qu'on  en  dit  eft  fondé  fur  le  témoignage  de  la  Chro- 
nique d'Eufebe,  6c  fur  quelques  autres  Auteurs,  qui  eux-mêmes  avoient 
écrit  fur  des  Annales  douteufes ,  &  fur  des  Relations  peut-être  faufles. 
L'Hiftoire  a  été  long-tems  négligée  dans  le  monde  ,  mais  la  fcience  de 
la  Chronologie  eft  encore  bien  plus  nouvelle  :  Rien  n'eft  plus  in- 
exaéè  pour  l'ordre  des  tems  que  les  anciennes  Hiftoires  j  on  n'y  trouve 
<^uoi  que  ce  foit  d'aflïiré,  que  depuis  Cyrus  le  fondateur  de  l'Empire  des 
Perfes  :  6c  même  jufqu'aux  derniers  fiêcles,  la  Chronologie  a  toujours  été 
très  douteufe. 

Il  faut  aufli  fuppofer  avec  St.  Auguftin ,  que  les  années  dont  Moyfe  fc 
fert  pour  conter  la  vie  des  premiers  hommes,  étoient  des  années  comme 
les  nôtres,  compofées  de  douze  mois,  excepté  peut- être <]ue  ces  années 
étoient  plus  courtes  que  les  nôtres  de  quelques  jours  à  caule  des  mois  lu- 
naires. //  ne  faut  ajouter  aucune' foy  ,  dit  St.  Auguftin  ,  k  ceux  qui  eftiment 
que  dans  ces  premiers  tems  on  contait  les  années  autrement  que  nous  faifons  ,  & 
qu^ elles  étoient  ft  courtes  ^  qu'une  de  nos  années  en  valoit  dix  de  celles-là.  Oeft 
pourquoi^  difent-ils ^  quand  vouslifez.  qu'un  homme  a  vécu  dam  ces Jîécles  deux 
sens  ans  ,  il  faut  comprendre  que  cela  fignifie  qu'il  a  vécu  90.  ans.  Il  ajoute 
peu  après  ces  paroles  :  Tour  prouver  qu'il  n'^efi  pas  incroyable^  qu"" alors  on  con- 
toit  les  années  autrement  qu'on  ne  fait  aujourd'hui ,  ils  ajoutent  qu^on  trouve  écrit 
en  plufeurs  Auteurs  ^  que  les  Egyptiens  avoient  une  année  de  4.  mois  ^  les  Acar- 
nanes  defix  ,  &  les  Laviniens  de  treiz.e.  Il  eft  vray  que  Pline  a  écrit,  que 
les  Arcades  avoient  autresfois  des  années  de  trois  mois  3  6c  c'eft  par  là 
qu'il  prétend  juftifier  ce  qui  fe  trouve  écrit  de  la  longue  vie  des  Anciens  : 
Les  uns ,  dit-il ,  contaient  l'été  pour  un  an,  &  Phyver  pour  un  autre  an  :  ainfî 

îem 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Part.l.  183 

lenrs  années  étaient  dejïx  mois.  Les  antresfaifoient  quMre  années! des  quatre  faifons^ 
comme  les  Arcades ,  dont  les  ans  étaient  de  trois  mots.  Nous  n'avons  pas  befoin 
de  ce  fecret  pour  abbréger  le  tems  du  premier  période  >  il  eft  déjà  bien 
court  pour  la  multitude  des  chofes  que  nous  avons  à  y  placer. 

Cela  étant  poie,  que  c'eft  de  Moyle  feul  de  qui  nous  devons  apprendre  Dehvcr- 
k  durée  de  ce  tems  qui  a  précédé  laLoy,  &  que  les  années,  danslafi.ip-  ^^l^^ç^  '^^ 
putation  de  Moyfe ,  font  de  vrayes  années  j  il  faut  voir  combien  il  en  con-  amoiite, 
te.  Chacun  fait  qu'il  y  a  une  célèbre  verfion  Grecque ,  dont  l'Eglifed'O- 
riônt  fe fert &; s'eft  toujours  fervie  depuis  N.  S.  J.  Ch.  Elle  eil affûrement vé- 
nérable pour  fon  antiquité.  Ceux  qui  fefont  entêtez  dudelTein  de  la  met- 
tre, non  feulement  au  deffus  de  toutes  les  autres  verfions,  mais  du  texte  iJLVotCmsi^ 
original  même,,  difent  à  fon  avantage  des  chofes  qu'il  feiioit  difficile   de  verfionero^ 
prouver.  On  l'appelle  la  verfion  des  Septante,  à  caufe  de  la  fable  qui  dit 
qu'elle  a  été  faite  par  72.   fages  ,    que  Ptolemée  Philadelphe  Roy  d'E- 
gypte fit  venir  de  Judée,  pour  tourner  les  hvrqs  facrez  des  Juifs,  afin  qu'il 
en  pût  enrichir  cette  fameufe  Bibliothèque  d'Alexandrie,  laquelle  il  vou- 
loit  compofer.     Entre  le  texte  Hébreu  6c  cette  verfion  il  y  a  une  prodi- 
gieufe  différence  pour  la  fupputation  des  tems  depuis  la  création  du  mon- 
de jufqu'au  déluge  ,   &  depuis  le  déluge  jufqu'à  la  naiflance  d'Abraham. 
11  eft  neceffaire  de  reprefenter  le  calcul  de  l'un  6c  de  l'autre  >  &puis  nous 
verrons  d'où  peut  venir  cette  différence ,  6c  lequel  eft  celui  de  ces  deux  livres 
qu'on  en  doit  croire.  Voici  don#le  calcul  de  ces  années  félon  l'Hébreu. 

Adam  a  vécu  930.  ans:  quand  il  engendra  Seth  il  avoit  130.  ans.  1302 

Seth  a  vécu  912,.  ans:  quand  il  engendra  Enos  il  avoit  lOf,  ans.  lof. 

Enos  avécu90f.  ans:  quand  il  engendra  Caïnan  il  avoit  po.  ans.  ço. 

Caïnan  a  vécu  pio.  ans:  quand Jl engendra  Malaléel  il  avoit  70.  anî^         70. 

Malaléel  vécut  895*.  ans  :  quana  il  engendra  Jared  il  avoit  65.  ans.  65'. 

Jared  vécut  p(5o.  ans  :  quand  il  engendra  Enoc  il  avoit  161.  ans'.  162. 

Enoc  fut  fur  la  terre  365.  ans:   quand  il  engendra  Methufcela  il  avoit 
df.  ans.  f5. 

Methufcela  vécut  pdç  :  quand,  il  engendra  Lemec  il  avoit  187.  ans,  187, 

Lemec  vécut  777.  ans  :.  quand  il  engendra  Noé  il  avoit  182.  ans.  182, 

Quand  le  déluge  vint  fur  la  terre  Noé  avoit  600.  ans.  600. 

Pour  trouver  le  véritable  nombre  des  années  depuis  Adam  jufqu'au  dé-~76f^ 
luge,  il  eft  clair  qu'il  faut  conter  les  années  depuis  une  génération  jufqu'à 
Isautre,  ainfi  que  nous  venons  de  le  marquer  dans  la  table  précédente.    En 
joignant  enfemble  toutes  ces  années,-  on  trouve  que  depuis  la  création  juf- 
qu'au. déluge  ily a i6f 5.  ans. 

Voici  d'autre  part  comme  les  Septante  ont  marqué  les  ans  des  Patriar- 
ches. 

Quand  Adam  engendra  Seth ,,  il  avoit  230.  ans,  230. 

Quand  Seth  engendra  Enos,  il  avoit  20  j:.  ans.  lof. 

Quand  Enos  engendra  Caïnan,  il  avoit  rpo.  ans.  ipo. 

Quand  Caïnan  engendra  Malaléel ,  il  avoit  170.  ans.  170. 

Quand  Malaléel  engendra  Jared,  il  avoit  i6f.  ans.  i<5f. 

Quand  Jared  engendra  Enoc,  il  avoit  i(52,  ans.  .  162, 

Quand  Enoc  engendra  Methufcela,  il  avoit  i(îf;  ans.  i6f. 

Quand  Methufcela  engendra  Lemec  il  avoit  î  87,  ans.  187. 

Quand 


i84  H  I  S  T  O  I  R  E  D  E  S  t)0  G  M  E  S 

Quand  Leracc engendra  Noé,  il  avoit  i88.  ans.  188. 

Qi-iand  le  déluge  vint,  Noé  avoit  600.  ans.  600, 

zz6z 
Si  vous  joignez  enfemble  toutes  ces  années  à  conter  depuis  une  généra- 
tion jufqu'à  l'autre,  vous  trouverez  1 2 <îi.  ans.  Ainfi  le  calcul  des  Grecs 
excède  celui  des  Juifs  de  606.  ans.  Il  eft  à  remarquer  que  les  Grecs  n'ont 
pas  fait  vivre  les  Patriarches  plus  long-tems  que  le  texte  Hébreu  :  mais  il  les 
font  engendrer  cent  ans  plus  vieux.  Ils  prennent  cent  ans  de  ceux  qui  ont 
fuivi  la  naiflance  du  premier  né ,  &  les  mettent  devant  la  naifTance  de  ce  pre- 
mier né.  Par  exemple  Adam  vécut  en  tout  pp.  ans  j  l'Hébreu  le  fait  engen- 
drer Seth  à  150.  ans,  &  lé  fait  vivre  800.  ans  après  avoir  engendré  Seth. 
Mais  le  Grec  lai  fait  engendrer  Seth  à  150.  ans,  ôcnele  fait  vivre  que  700. 
ans,  après  la  naiflance  de  Seth.  Il  n'y  a  que  Lemec ,  fur  les  années  de  la  vie 
duquel  le  Grec  ôc  l'Hébreu  ne  s'accordent  pas.  Selon  l'Hébreu  il  vécut  en 
tout  777.  ans  i  6c  félon  le  Grec  il  ne  vécut  que  75*^.  ans:  ce  font  24.  ans 
de  différence.  Il  ell  aifé  de  remarquer  auflj ,  que  les  Interprètes  Grecs  ont 
juftement  inféré  cent  ans  à  chaque  génération ,  excepté  celle  de  Jared  &  dç 
Methufcela  qui  s'accordent  avecjl'Hebreu,  &  celk  de  Lemec  oii  ils  n'ont 
ajouté  que  fixans,  lefaifant  vivre  devant  la  génération  de  Noé  1,88.  ans, 
au  lieu  de  1 81.  Voilà  ce  qui  regarde  les  générations  qui  ont  précédé  le  dé- 
luge. Voyons  prefentement  celles  qui  ont  fuivi  le  déluge  :  félon  l'Hébreu 
Sem  engendra  Arphaxad  deux  ans  après  le'délugc.  z, 

Arphaxad  engendra  Selah  âgé  de  3  y.  ans,  ^y . 

Selâh  engendra  Heber  âgé  de  50.  ans.  30» 

Heber  engendra  Phaleg  âgé  de  34.  ans.  34. 

Phaleg  engendra  Reii  âge  de  30.  a^.  30, 

Reii  engendra  Serug  âgé  de  32.  ans.  32, 

Serug  engendra  Nachor  âgé  de  30.  ans.  30. 

Nachor  engendra  Tharé  âgé  de  29.  ans.  2^. 

Tharéengendra  Abraham  âgé  de  70.  ans.  70. 

2p2 

Toutes  ces  années  prifes  enfemble  font  depuis  le  déluge  jufqu'à  la  naif- 
fance  d'Abraham  292.  ans.  fi  on  les  ajoute  à  16 f6.  qui  font  les  années  d'avant 
le  déluge,  depuis  la  création  du  mondejufqu'à  Abraham,  il  y  aura  1944.  ans. 

Voici  comme  les  Grecs  d'autre  part  content  les  années  des  Patriarches 
depuis  le  déluge  jufqu'à  la  naiflîince  d'Abraham. 

Sem  engendra  Arphaxad  deux  ans  après  le  déluge.  2. 

Arphaxad  engendra  Caïnan  âgé  de  13^.  ans.  i^f. 

Caïnan  engendra  Selah  âgé  de  1 30.  ans.  1 30. 

Selah  engendra  Heber  âge  de  130.  ans.  130. 

Heber  engendra  Phaleg  âgé  de  1 34.  ans.  1 34. 

Phaleg  engendra  Ragau  âgé  de  1 30.  ans.  1 50. 

Ragau  engendra  Serug  âgé  de  132.  ans.  132. 

Serug  engendra  Nachor  âgé  de  130.  ans.  1 30. 

Nachor  engendra  Tharé  âgé  de  179.  ans.  179. 

Tharé  engendra  Abraham  âgé  de  70.  ans.  70. 

1T72 

Tautes  ces  années  jointes  enfemble  font  1172.  ans.  Le  calcul  des  Hé- 
breux 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Pari.l.  iSf 

breux  ne  monte  qu'à  ipi.  ans^    6c  par  conféquent  le  calcul  des  Grecs, 
depuis  le  déluge  jufqu'à  Abraham,  excède  celui  des  Hébreux  de  880.  ans. 
Ajoutez  ces  i  î  jz.  aux  2,262.  qui  félon  les  Grecs  ont  précédé  le  déluge, 
vous  trouverez  depuis  Adamjuiqu'à  Abraham  3434.  ans.     Ainfiil  y  a  de- 
puis Adam  jufques  à  Abraham  ,  félon  les  Grecs,  environ  1490,  ans  plus 
que  félon  les  Hébreux:  c'ell-à-dire,   que  félon  les  Grecs,  le  monde  eft 
plus  ancien  de  1490.  ans,  que  félon  le  calcul  des  Hébreux.  Le  favantifaac  Câîcuid'i- 
Voffius,  fils  du  ce-lebre  Gérard  Volîius  ne  trouve  que  1440.  ans  de  dif-  ^*^  voffiuê. 
ference  j  parce  que  dans  la  génération  de  Nachor  il  ôte  cent  ans  entiers , 
&  au  heu  que  les  Septante  Interprètes  ont  conté  17p.  ans,   il  n'en  con- 
te que  79  :  ce  font  cent  ans  qu'il  perd  en  cet  endroit.  Mais  il  en  regagne  une  indiflèrtai. 
partie  dans  la   génération  d'Abraham  j    car  il  fait  naître  Abraham  l'an  ^un^?*^ 
130.  de  la  vie  de  Tharé,  au  lieu  que  le  Grec  &  l'Hébreu  le  font  naître 
l'an  70. 

Dans  cette  dernière  Supputation  des  générations  depuis  le  déluge  juf- 
qu'à  Abraham ,  les  Grecs  font  ce  qu'ils  avoient  fait  dans  les  générations  qui 
ont  précédé  le  déluge;  ils  ajoutent  par  tout  cent  ans  aux  années  qui  ont 
précédé  lanaillance  du  premier  né,  &  les  ôtent  au  tems  qui  a  coulé  de- 
puis la  naiflànce  du  premier  né  jufqu'à  la  mort  du  père  5  êc  même  dans  la 
génération  de  Nachor  ils  ajoutent  ifo.  ans  j  car  l'Hébreu  dit  que  Nachor 
engendraTharéâgéde  2p.  ans,  &  les  Grecs  difent  qu'il  l'engendra  âgé  de 
17p.  ans.  Outre  cela  ils  infèrent  une  génération  entière  de  1 55*.  ans,  qui 
efl  celle  deCaïnan:  car  l'Hébreu  fait  Selahfils  immédiat  d'Arphaxadj  & 
Arphaxad  engendra,  Selah.  Mais  les  Grecs  font  Selah  petit-fils  d'Arphaxad, 
&  fils  d'un  certain  Caïnan,  qui  ne  paroît  point  dans  l'Hébreu ,  ôc  que  les 
Grecs  font  fils  immédiat  d' Arphaxad. 

Sur  ces  fupputations  d'années  qui  font  fi  différentes ,  il  y  a  deux  gran-  QuektcKte 
des  queftions,  La  première  eft,  à  qui  l'on  doit  ajouter  foy ,  ou  à  l'Hébreu ,  Sus  argne 
ou  au  Grec  ^  La  féconde,  d'oîi  peut-être  venue  cette  prodigieufe  diffe-  de  foy  que 
rence?  Pour  ce  qui  eft  de  la  première  queftion  ,   je  dis  qu'il  ne  faut  pas  Grccq^** 
s'étonner  fi  l'Egliie  Grecque  tient  pour  fa  verfion,  &fait  le  monde  d'en- 
viron If 00.  ans  plus  ancien  qu'il  n'eft  félon  les  Juifeôc félon  les  Chrétiens 
d'Occident)  car  l'EgHfe  d'Orient  eft  fort  ignorante ,  particulièrement  dans 
toutes  les  antiquitez  Hébraïques.   Etaurefte  il  n'eft  pas  furprenant  qu'el- 
le fuive  une  verfion  qui  eft  entre  fes  mains  depuis  tant  de  fiécles.     Mais 
il  eft  étrange  qu'entre  les  Chrétiens  d'Occident,  il  s'en  trouve  de  fa  vans 
&  d'habiles  qui  tiennent  pour  le  calcul  des  Grecs.    Peut-être  ne  feroit-il 
pas  étonnant  de  voir  défendre  cette  opinion  à  ceux  qui  ont  intérêt  à  dé- 
crier le  texte  Hébreu ,  parce  qu'ils  veulent  établir  en  fa  place  la  Verfion 
Vulgateque  le  Concile  de  Trente  déclare  feule  authentique.  Ce  n'eft  pas 
que  la  Vulgate  Latine  dans  cet  endroit  ne  foit  abfolument  conforme  à  l'Hé- 
breu i  mais  le  P.Morin,  qui  eft  déchaîné  contre  le  texte  original ,  &  qui  Exercifat. 
fait  tout  ce  qu'il  peut  pour  prouver  qu'il  eft  corrompu ,  aimé  mieux  en  cet  ^  ^'*^' 
endroit  facrifier  la  Vulgate,  que  de  favorifer  l'Hébreu.  Car  après  avoir  paru 
ne  vouloir  rien  décider ,  il  porte  autant  qu'il  peut  fes  leéleurs  à  renoncer  à  la 
fupputation  des  Hébreux  pour  fuivre  celle  des  Grecs. 

Si  tous  ceux  qui  font  dans  le  même  intérêt  que  le  P.  Morin ,  étoient 
Part.  L  A  a  dans 


i86         HISTOIRE   DES  DOGMES 

zstfiiton-    d.ins  le  mcme  fcntiment,  il  n  y  ^"roit  p^s  lieu  de  le  trouver  étrange.  Mais 
uintqucdes  :g  ,-jg  y^js  pas  pourquoi  entre  ccLix ,  dont  l'intérêt  eftde  foûtcnir  la  pureté 

Auteurs  Re-J,  lii  -i?^  •      i      -rrr  rr  •  • 

formez  pre-  dii  textc  Hebreu ,  u  s  en  trouve  qui  cnoililient  un  aulii  mauvais  parti  que 
r"'d^d'    '-^^^^^  ^^  défendre  le  calcul  des  Grecs  contre  celui  des  Hcbreux,  ç'eft-à- 
fendre^a^'   dire  contrc  celui  de  Moyfe.  Je  lay  que  le  milieu  ell  tics  difficile  à  confer- 
veriion        ygj.  ^  y^^  Çç^  poitc  toûjours  aux  extrêmes  ;  c'etl  ce  aue  font  ceiix  qui  dil^ 
contre  le      putcnt  de  la  pureté  du  texte  original  &;  de  la  bonté  àcs  verfions.     Dire 
b!eu!  "^"    ^"-^'^^  ^^^  ^°^^  coulé  aucune  faute  dans  le  texte  Hebieu  5.  particulièrement 
dans  les  nombres ,  c'eil  dire  une  chofe  infoûtenable;   Je  ne  refuferois  pas> 
même  de  corriger  en  divers  endroits  le  texte  Hebreu  par  les  verfions ,  fur 
tout  par  celle  qu'on  appelle  des  Septante,     Mais  il  faut  une  prévention  5^^ 
qui  à  mon  fens  n'efl  pas  concevable,  pour  préférer,  à  tout  prendre,  la  ver- 
ficn  Grecque  à  rHebreu;,  6c  fur  tout  pour  s'imaginer,  que  dans  ce  calcuii 
l'erreur  eil  du  côté  des  originaux  Hébreux. 
L'opinioa        Certainement  St.Auguttin  n'avoit  pas  tant  de  raifonque  nousd'être  fa- 
*^uftin^ft     voi  able  au  texte  Hebreu ,  puis  qu'il  en  ignoroit  la  langue ,  &  qu'il  étoit, 
%e.  prévenu  en  faveur  de  la  vejlion  Grecque  ,   qui  paffoit  alors  pour  un  ori- 

ginal, &  que  les  Apôtres  fembloient  a^oir  canohifée.  Cependant  il  ne  fe 
porte  pas  à  cet  excès  d'injuftice.  U  croyoit  que  les  Septante  interprètes* 
avoient  été  conduits  par  l'Efprit  de  Dieu  dans  cette  verfîon  :  c'eft  pour- 
quoy  il  n'ofe  leur  attribuer  cette  grande  erreur  de  calcul ,  il-  aime  mieux 
tib.  ij.  de  choifîr  un  milieu:  famais^  dit-il,  il  ne  doit  tomher  dans  Pefprit  à'^ aucun hom~ 
Civit.  Dei.  fyiç  Çdgs  _^  que  les  Jmfs  y  cjuelcjues  me'chans  qu'ils  [oient  ^  ajent  p A.  introduire  une 
[grande  corruption  généralement  dans  tous  les  exemplaires  épars  dans  tous  lesi 
lieux:  ni  apijfi  que  les  Septante  ayent  fait  conjuration  de  dérober  cette  vérité'. aux: 
nations^  Il  efi  donc  beaucoup  plus  probable ,  que  ce  changement  a  été  fait  dans  Ui 
première  copie  qui  fut  tirée  fur  ^original,  lequel  étoit  confervé  dans  la  Eibliothc' 
que  de  Ttolemée  :  i^fur  cette  première  copie  ,  on  aura  fait  toutes  les  autres  qui  [h 
font  épandués  par  toute  la  terre.  Je  ne  trouve  rien  plus  vray-femblable  que 
cette  opinion  de  Saint  Augullin,  c'efl  que  ce  changement  a.  été  fait  dés 
la  première  copie.  Mais  je  n'ay  pas  autant  d'inclination  que  lui  à.  julfifier 
les  intentions  des  Auteurs  de  ce  changement.  QLioy  qu'il  en.foit,  ce  Pè- 
re, tout  adorateur  qu'il  étoit, de  la  veriion  Grecque,  tout  ignorant  qu'il 
étoit  de  l'Hébreu  &  du  texte  original ,  prononce  pourtant  lans  balancer 
eu  faveur  de  l'Hébreu. 
CoBciofibn  Après  avoir  cherché  d'où  pouvoit  venir  cette  différente  Chronologie, 
cuft?ti^""  ^^  conclut  ainfi.  y  De  quelque  manière  que  cela  puiffe  être  arrivé  ,  je  ne  doute. 
icide».  en  fa^on  du  monde  qu'on  n'ait  raifon  d'ajouter  plus  de  foy,  a  la  langue  originale^ 
fur  laquelle  les  interprètes  ont  fait  leur  verfîon  en  une  autre  langue  ;  quand  on 
trouve  entre  la  verfion  ^  V original  une  fl grande  diverjitéy  que  lun  &  l^ autre  dt 
se  qui  s'y  lit  ne  peut  pas  être  vray.  en  même  tems.  Dans  le  Chapitre  fuivant  il 
dit  encore ,  quand  il  y  a  une  fi  grande  diverfîté ,  que  Vun  &  l'autre  ne  puiffe 
pas  être  véritable  ^  pour  avoir  la  vérité  des  chofes  ainfi  qu'elle  efi  ^  il  faut  mjotr 
recours  a  la  langue  de  laquelle  a  été  faite  la  verfion.  Il  eft  vray  que  lorfque  le 
texte  Hebreu  &  le  Grec  fe  peuvent  accorder,  en  forte  que,  bien  que  les 
(&Tis>  foient  tous  differens ,  ils  ne  foient  pourtant  pasoppofez,  il  veut  qu'on 
ks  reçoive  tous  deux  ,    ^  qu'on  fuppofe.  que  les  interprètes  Grecs 

""'  Dût 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Tart.l.   1S7 

ont  choifî  un  autre  fens  par  infpiration  du  Saint  Efprit. 

Pour  ce  qui  efl  de  St.  Jérôme,  il  eft  abfolument  pour  la  fupputation  du  opinion  de 
texte  Hébreu,  comme  on  peut  voir  dans  le  livre  <ie  fes  Queftions  furlaGe-  ^^-  >iàme: 

r        r       -y      r^t         •  ^t     r^    ^         n  a  •         /^  il  tient  poui 

nele,  iur  le  Chapitre  5™^.  Cela  eit  peut-être  moins  étonnant,  parce  que  le  texte  tic- 
St.  Jérôme  fa  voit  l'Hébreu,  ôc  entendoit  le  texte  dans  la  langue  origina-  ^'^"' 
lej  ce  qui  le  dirtinguoit  extrêmement  alors  que  la  langue  Hébraïque  étoit 
prefque  entièrement  ignorée  dans  l'Eglile.  Gr  chacun  eft  idolâtre  de  Ton 
lavoir,  &  le  fait  valoir  autant  qu'il  peut:  par  cette  raifon  on  pourroit di- 
re que  St.  Jérôme  a  préféré  le  texte  Hébreu  à  la  verfion  des  Septante  , 
pour  faire  valoir  la  connoiffance  qu'il  avoit  dans  cette  langue.  Mais  cer- 
tes c'eft  le  bon  fens  &  l'évidence  de  la  vérité  qui  l'ont  conduit  à  cette 
opinion.  Il  me  femble  que  s'il  falloit  combattre  par  témoignage  dans  ce 
démêlé,  ces  deux  témoins  que  je  viens  de  citer,  St.  Jérôme  &  St.  Auguf- 
îin,  vaudroient  bien  la  foule  de  ces  petits  Auteiirs,  dont  le  P.  Morin  veut 
accabler  les  gens  en  faveur  de  la  fupputation  du  calcul  des  Grecs.  Je  les 
appelle  de  petits  Auteurs  ,  quoy  que  ce  foient  de  grands  noms  &  de 
grands  hommes,  comme  un  Eufebe  ,  un  Théophile  d'Alexandrie  ,  St. 
Cyprien,  St.  Clément  d'Alexandrie  ,  &  plufieurs  autres  :  on  peut  dire, 
fans  leur  faire  tort ,  que  ce  font  de  petits  Auteurs  en  Chronologie  j  8c 
aujourd'huy  l'autorité  d'un  Petau  ou  d'un  Scaliger,  tout  modernes  qu'ils 
font ,  prévaut  fur  l'autorité  de  tous  cts  grands  hommes  fi  célèbres  entre 
les  Anciens.  Tous  ces  Pères,  que  le  P.  Morin  cite  pour  lui,  étoient  Grecs  j 
ils  n'entendoient  point  l'Hébreu  j  ils  ne  favoient  de  la  Chronologie  que  ce 
qu'ils  en  avoient  appris  des  Grecs  êc  de  la  verfion  des  Septante,  Depuis 
quand  s'eft. on  donné  la  peine  de  chercher  la  véritable  durée  du  monde? 
Ceux  qui  ont  écrit  depuis  la  Chronique  d' Eufebe ,  ne  l'ont  -  ils  pas  fuivi 
quafi  aveuglément  ?  Dans  une  matière  épineufe  &  defagreable  on  a  été  . 
bien  aife  de  trouver  un  chemin  battu ,  l'on  ne  s'eft  pas  mis  en  peine  d'en 
chercher  un  autre,  excepté  depuis  un  fiécle.  De  forte  que  tous  ces  Doc- 
teurs de  l'Eglife,  qui  ont  fuivi  la  Chronologie  des  Septante,  doivent  être 
contez  pour  rien  5  ou  ne  peuvent  être  contez  que  pour  une  voix ,  puisqu'ils 
-ont  tous  fuivi  un  feul  &  raêtpe  Auteur. 

Après  tout  il  faut  avoir  une  prévention  inimaginable,  pour  préférer  au 
texte  Hébreu  une  verfion  comme  celle  des  Septante  ,  dont  les  fources 
font  plus  obfcures  que  celles  du  Nil  5  pour  la  nailîance  de  laquelle  on  a 
fait  autant  de  fables,  que  les  Grecs  en  avoient  imaginées  dans  la  généalogie 
&  dans  la  naiflance  de  leurs  Héros. 

Ptolemée  Philadelphe,  dit-on,  ou  un  autre;  car  on  n'eft  pas  plus  af-  JJ'^Jgf^*-- 
furé  du  nom  du  Roy  qui  fit  faire  cette  verfion,  que  des  autres  circonftan-  dciaveifioa 
ces  :  Ptolemée,  dis-je,  envoya  en  Judée  demander  des  gens  qui  fufient  ^"70. 
capables  de  tourner  les  livres  facrez  des  Juifs  ;   ces  gens  font  élus  par  le 
Grand  Confeiljonen  élût  fix  pour  chacune  des  douze  Tribus  d'Ifraël ,  ce 
qui  fait  le  nombre  de 72,  hommes.  Ces  hommes  vinrent  en  Egypte,  ©n  Epip^an.  de 
les  enferma  en  autant  d€  cellules  différentes ,  qu'ils  étoient  de  perfonnes.  Eiaiils.' 
11  ne  leur  fut  pas  permis  de  conférer  enfemble^  ôcfans  avoir  aucune  com-  TenuJi. 
munication  de  ce  qu'ils  faifoient  chacun  à  part ,  ils  compoferent  des  ver-  cap°uf 
fions  fi  parfaitement  femblables,  qu'on  n'y  trouva  pas  un  motdedifferen-  J'fj,"^.^jjçp 
ce.  Juftin  Martyr  dit  avoir  vu  le  refte  de  ces  cellules  fur  lé  bord  de  la  mer.  ad Gej^"*^  ^* 

Aa  2  En- 


i88         H  IST  OIRE   D  ES   DOG  MES 

Antiquit.  Encore qu'Arifl^eus&Jofephe ne  parlent  pas  de  cette  fable,  ils  difent  des 
i^-^*-  chofes  qui  peut-être  ne  font  pas  plus  véritables.  Un  favant  Anglois  a  fait 
adv.^Ap-'*  depuis  If.  ou  20.  ans  une  Diflertation  fort  doéte  pour  prouver  que  ce  li- 
fiQo.,  vre  attribué  à  Ariftaeus  eft  l'ouvrage  de  quelque  Juif  Hellenifte,  qui  a  com- 
pofé  ce  Roman  pour  relever  l'autorité  de  la  verfion  Grecque.  Je  n^ay  pas 
delîein  de  rapporter  ici  l'Hiftoire  de  cette  verfion  ,  il  faudroit  pour  cela 
ufïiims  iib.  feire  un  volume  j  ie  renvoyé  le  leéleur  au  favant  Uflerius  Archevêque 
De  vciiione  d'Armach, commc  a  celui  qui  en  a  parlé  avec  plus  de  pénétration,  Scàla 
'**'  Diflertation  de  Huncfredus  Fïody  qui  en  a  écrit  avec  plus  d'étendue, 

11  n'eft  ni        Je  m'arrête  à  la  chofe  dont  il  s'agit  ici  ;  &  je  dis  qu'il  n'y  a  aucun  fujct  de 
poiObie  m    foupçonner  que  les  fources  Hébraïques  ayent  été  altérées  ,   ôc  qu'on  ne 

aspparent  que  13  .      t  .  i   .         x      ,  , .  ,        ^    -  r    '  r  •     ^ 

le  texte  He-  peut  imaginer  aucune  raiion,  qui  auroit  pu  obliger  les  juirs  a  faire  une  cor- 
^exJ"  ^"  ruption  li  infigne.     Pourquoi  auroient-ils  retranché  dts  années  dans  leur 


antiquité 

aifes  de  fournir  aux  Payens  des  annales  de  cinq  ou  fix  mille  ans  j  &  pour- 
quoi \ts  auroient-ils  diminué  de  ifoo.  ans  tout  à  la  fois?  Cette  altération 
ne  peut  pasVêtre  faite  par  hazard:  de  quelque  côté  que  foit  l'erreur,  il 
efl  certain  qu'on  a  changé  le  texte  à  delîein  j  ces  loo.  ans  qui  font  ajou- 
tez préeifément  à  l'âge  de  chaque  Patriarche ,  font  bien  voir  qu'on  y  a 
penié  en  le  faifant.  Outre  cela ,  il  n'y  a  aucune  preuve  folide,  qui  làvorile  la 
Chronologie  des  Grecs.  Et  afin  que  cela  foit  plus  vilible  ,  je  veux  bien- 
pafîer  la  vûë  fur  toutes  ces  preuves ,  qu'un  favant  homme  de  ce  fiécle  ap= 
forte  en  faveur  de  cette  Chronologie  des  Septante.. 


CHAPITRE     X  X  V I  L 

E^onfe  aux  objeBions  d'jfaac  VbJJïus  &  du  T.  Morin ,  contre 
le  texte  Bebreu.  &  j^onr  la  verfion  des-jo. 

ifeac  vof-  X  L  dit  premièrement  qtie  dans  l'Hébreu  la  proportion  qui  fê  doit  rea- 
faude'Jltun  JL*-°""*^^  ^"^^^  ^^^  années,  qu'on  appelle  de  pubeité,  &  la  durée  de  la 
di  aetate.  vic  dcs  bommcs ,  n'cft  pas  obfervee.  Les  hommes  ne  font  aujourd'hui 

îTiSioa.  ^^"^  ^'%^  d'engendrer,  qui  eft  ce  qu'on  appelle  l'âge  de  puberté,  que 
quand  ils  ont  atteint  le  quart  ou  la  cinquième  partie  de  ce  que  \e^  hom- 
mes peuvent  vivre  naturellement.  La  vie  des  hommes  elt  aujourd'hui  bor- 
née à  (5o.  ou.  70.  ans  ;  e'eft  pourquoi  les  hommes  ne  font  en  âge  de  pu- 
berté qu'entTe  quinze  oc  vingt  ans.  Selon  cette  proportion,  dans  le  com- 
mencement du  monde  les  hommes  ne  dévoient  être  en  âge  d'engendrer 
qu'à  2.00.  ou  300.  ans,  parce  qu'ils  avoient  accoutumé  de  vivre  poo.  aiisou 
1000.  Or  2C0;  ans  c'eft  la  cinquième  partie  de  looo.  On  ne  fait  quafi 
lors  qu'on  trouve  de  femblables  raifonnemens ,  fi  les  grands  hommes  qui 
laifonnent  ainfi  parlent  ferieufement ,  ou  non  j  car  rien  ne  paroît  plus  ri- 
•  diciile..    Seioa  ce  raifonnement  ^s  hommes  du  premier  monde  dévoient 

être 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Part.l.    189 

être  encore  à  la  mamelle  à  l'âge  de  vingt  ans  :  fi  cela  eft ,  c'éroit  de  jolis  en- 
fans  à  porter  ftir  les  bras  d'une  nourrice.  Mais  cela  n'eft  guère  apparent: 
au  contraire,  il  femble  que  dans  un  tems  oii  la  nature  toute  jeune  travailloit 
avec  vigueur  ,  elle  devoir  avancer  davantage  Tes  ouvrages.  Les  alimens 
alors  écoient  pleins  de  fuc^  les  principes  de  la  vie  étoient  beaucoup  plus  vi- 
goureux :  Et  ainli  il  femble  que  ces  hommes  dévoient  croître  avec  plus  de 
promptitude  &  de  facilité.  La  nature  n'obferve  pas  toujours  cette  règle ,  que 
les  chofes  qui  durent  long-tems  font  long- tems  à  fe  faire.  Les  corbeaux,  qui 
vivent  poo.  ans ,  doivent-ils  en  avoir  vécu  2,00.  avant  que  d'être  en  état  d'en- 
gendrer^*  Ceux  qui  nourrillent  des  cerfs  6c  des  biches  domeftiques,  ont-ils  re- 
marqué que  ces  animaux  ne  foient  en  état  de  travailler  à  la  multiplication 
de  leurefpece  qu'à  fo.  ou  60.  ans,  parce  qu'un  cerf  vit  deux  ou  trois  cens 
ans?  Un  cheval  ne  vit  que  2f.  ou  ^o.  ans,  un  cerfvitplufieursfiécles  j  ce- 
pendant il  eft  certain  qu'un  cerfeitauffi-tôt  fait  qu'un  cheval.  Jecroydonc 
que  c^eft  une  grande  erreur  de  s'imaginer,  que  les  années  de  puberté 
dans  ces  premiers  hommes,  fuifent  plus  reculées  qu'elles  ne  font  aujour- 
d'huy. 

Mais  pourquoy,  dira-t-on,  ces  hom-mes  Ibnt-ils  pères  fi  tard?  Quand  ^^eftappa. 
Seth  engendra  Enos,  il  avoit  lOf.  ans:  quand  Methufcela  engendra  Le-  pltrmche? 
mec,  il  avoit  187.  ans.     Te  croy  qu'on  pourroit  conieflurer'  que  ces  *!f°^'^"'^" 

r»        -        1  •  1,  r    ^     \        *■  •    r         ^•^  d'autres en- 

ratriarches  avoient  eu  d  autres  enians  devant  ceux  qui  iont  la  nommez,  fans  avant 
Moyfe  faifoitl'Hiftoire  de  l'Eelife,  &  la  senealosie  duMeffie.-iln'anom-  «i«yi»i 


eô 


le 


me  que  ceux  defquels  le  Meffie  eft  décendu  en  droite  ligne ,  &  a  negli-  premier, 
gé  tous  les  autres,  quoy  qu'ils  fuiïent  les  aînez.  C'eft  ce  que  St.  Au-  ï^ecivit. 
guftin  a  trouvé  de  plus  probable  j  aut  enim  tantoferior  fuit  proportione  pu-  c.  iV  '^ 
hertas ,  quant o.njitdi  totim  major  annojitai  :  aut ,  quod  magis  video  ejje  creâibile  , 
non  hîc  prîmogeniti  fia  commemorati  [unt  ^  pd  quos  fuccejflonis  arda  pofsebat  ^  Ht 
perveniretur  ad  Noé\  ,,  Ou  bien  les  années  de  puberté  étoient  reculées  à  pro- 
,,. portion  de  k  vie  \  ou  ce,  quimeparoît  plus  vray-femblable ,  on  ne  fait 
5,  point  mention  des  aînez  ,  mais  feulement  de  ceux  qui  étoient  neceliài-» 
u,  res  pour  arriver  à  Noé. 

2.  On  fe  fert  de  l'autorité  del'Hiftorien  Jofephe  pour  appuyer  ce]îe  des  seconde 
Septante- >  mais  ce  témoignage  n'eft  d'aucun  poids  dans  cette  affaire.  °^^^^"^' 
I .  On  pourroit  apporter  cent  preuves ,  que  Jofephe  étoit  moins  favant 
en  Hébreu  qu'en  Grecj  peut-être  n'entendoit-il  pas  allez  le  dialeâe Hé- 
breu, pour  lire  l'Ecriture  Sainte  dans  Ton  original.  C'eit  pourquoy  il 
s'eft  prefque  toûjoure  fervi  de  la  verfîon  des  Septante  ,  &  même  en  de 
lieux  dans  lefquels  cette  verfion  s'éloigne  de  l'original.  Nous  en  avons 
vu  un  exemple  cy-deflùs,  c'eft  qu'il  fait  direàMoyfe,  ttt  ne  maudiras  pas 
l(s  Dieux  des  étrangers ,  parce  que  les  Septante  ont  tourné  ôf?V  8  xaKoAoyn- 
etiç.  Si  Jofephe  avoit  entendu  l'Hébreu  ,  il  aiirofit  bien  fçû  que  le  mot 
Elohim ,  qui  eft  dans  l'Original ,  ne  lîgnifie  pas  toujours  des  Dieux  ,  & 
qu'en  cet  endroit  il  fignifîe  àçs  Juges.  De  plus  Joîèphe  ne  peut  de  rien: 
fervir  icy,  car  il  eft  contraire  ai' Hébreu,  contraire  aux  Septante ,  6c  con- 
traire à  foy-même.  Il  eft  contraire  à  i^|-îebreu  j  car  dans  la  généalogie 
des  Patriarches,  depuis  la  création  juf qu'au  déluge,  il  fuit  à  peu;  prés  la 
fupputation  des  Septante.  Il  eft  contraire  aux  Septante  j  car  dans  la  ge- 
«leaiogie  des-Patriacches,.  depuis  la  création  jufqu'au  déluge,  il  conte  en. 

.    A  a  3'     '  groS'     , 


Antîqait. 
L  zo.  c  9> 


îroifiéme 
cbjcâlon, 


190         HISTOIRE  DES  DOGMES 

gros  z6f6.  &  ielon  les  Septante  il  n'y  a  qu'environ  2161.  ans  i  &  depuis 
le  déluge  jufqu'à  Abraham,  il  dit  expreflement  qu'il  n'y  a  que  ipz.  ans> 
ce  qui  eft  conforme  à  l'Hébreu ,  &  contraire  aux  Septante.     Après  cela 
quand  il  entre  dans  le  détail,  il  efl  vray  qu'il  conte  l'âge  de  ces  Patriar- 
ches d'une  génération  à  l'autre  ,  comme  ont  fliit  les  Septante,  de  forte 
qu'il   fait  un  dénombrement  de   plus  d'onze  cens  ans,  depuis  le  déluge 
jufqu'à  Abraham,  après  n'en  avoir -conte  en  tout  que  ipi.  &  outre  cela, 
depuis  la  création julqu'au  déluge  en  gros,  il  conte  z6f6.  ans,  &  en  dé- 
tail il  en  conte  beaucoup  moins,  quand  il  fait  l'énumeration  des  années  de 
chaque  génération  j  n'ell-ce  pas  fe  contredire  à  foy-même?  Le  P.  Morin 
fait  là-defTus  une  conjeélure  tort  apparente  j  c'eflque  Jofephe  danslepai- 
tage  des  générations ,  depuis  le  Déluge  jufqu'à  Abraham  ,  avoit  exaéte- 
ment  fuivi  l'Hébreu:  mais  quelque  demi-iavant  a  corrompu  Jofcplie,  en 
ajoutant  cent  ans  à  chaque  génération  ,   pour  accorder  Jofephe  avec  les 
Septante.    J'ajoute  à  la  remarqueduP.Morin,  &  je  dis:  SicetHiftorien 
avoit  fuivi  l'Hébreu ,  depuis  le  Déluge  jufqu'à  Abraham ,  pourquoy  ne 
l'auroit-il'pas  fuivi  depuis  la  création  julqu'au  Déluge  ?  Et  fi  ce  demi-favant, 
dont  parle  le  P.  Morin,  a  bien  ofé  corrompre  le  calcul  de  Jofephe  depuis 
le  Déluge  jufqu'à  Abraham,  pour  le  rendre  conforme  aux  Septante  j  pour- 
quoy  n'auroit-il  pas  ofé  la  même  chofe  dans  la  fupputation  des  années  qui 
ont  coulé  depuis  la  création  jufqu'au  Déluge?  car  auffi  bien  n'auroit-il  rien 
gagné  3  en  rendant  fon  Jofephe  conforme  aux  Septante  en  un  endroit ,  6c 
ne  lerendant  pas  conforme  dans  l'autre.  Ainfiil  ellclairquele  calculde  Jo- 
fephe eil  entièrement  corrompu ,  &  par  conféquent  qu'on  n'en  peut  faire  au- 
cun bon  ufage.     Ce  qui  fortifie  cette  conjeébure,  c'eft  que  cette  Hiftoire 
de  Jofephe  a  été  entièrement  négligée  par  les  Juifs  5  les  Chrétiens  l'ont 
toujours  eue  entre  les  mains 3  ils  en  ont  fait  tout  ce  qu'il  leur  a  plû  j  ils 
y  ont  ajouté  des  paflages,  ils  en  ont  retranché  d'autres  j  ils  y  ont  inféré  un 
témoignage  favorable  au  Seigneur  J.  Gh.  &  un  autre  pour  St.  Jean  Baptifle. 
Suppolez  donc  que  Jofephe  eût  fuivi  le  calcul  des  Hébreux,  il  ne  faut  pas 
douter  que  les  Chrétiens  n'ayent  ôté  ce  calcul ,  pour  y  mettre  en  la  place 
celuy  des  Septante ,  afin  de  lever  un  Icandale,  'que  les  Payens  auroient  pu 
prendre  d'une  fi  grande  diverfité.     Ceux  qui  faventi'Hilloire  des  fraudes 
pieufes  des  premiers  Chrétiens,  n'auront  pas  de  peine  à  feperfuadercelaj 
car  on  fait ,  que  dans  ces  fiécles  il  y  avoit  quelques  gens  qui  ne  faifoient  aucun 
fcrupule  de  faire  toutes  fortes  de  fuppofitions ,  pourvu  qu'elles  fulTent  fa- 
vorables à  la  Religion,  6c  la  fimplicité  des  premiers  fidèles  leur  faifoit  re- 
cevoir ces  pièces  faudes  pour  véritables ,  fans  beaucoup  d'examen.     Enfin 
l'on  peut  ajouter  ,  que  Jofephe  n'ell;  en  rien  d'accord  avec  luy-même  fur  cet- 
te matière  j  cardans  la  préface  de  fes  Antiquitez  Judaïques ,  6c  dans  fes  Li- 
vres contre  Appion,  il  dit  qu'il  a  écrit  l'Hiftoirede  f  000.  ans  :  cependant 
il  efl  certain ,  que  s'il  eût  fuivi  les  Septante ,  il  auroit  dû  dire  qu'il  avoit 
écrit  l'Hiftoire  de  plus  de  ff  00.  ans.  Car  Nôtre  Seigneur  efl  né  environ  l'an 
ffoo.du  monde,  félon  le  calcul  des  Septante,  6c  Jofephe  a  poufTé  fonHif- 
toire  dans  fes  Antiquitez,  jufquesautemsdeFlorus,  dont  la  feverité  fit  ré- 
volter les  Juifs,  c'efl-à-dire ,  comme  il  le  dit  dans  le  dernier  chapitre ,  juf- 
qu'à la  douzième  année  de  Néron. 

3,  Le  P.  Morin  tire  un  argument,  qu'il  eflime  bien  fort  pour  le  calcul 

dei 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Part.  L   191 

àes  Septante,  de  ce  que  St.  Luc  a  inféré  dans  la  généalogie  deJefus-Chriil 
ee  Caïnan  iils  d'Arphaxad,  petit-fils  de  Sem  ,  qui  ne  fe  trouve  que  dans 
le  Grec ,  &:  qui  n'eil  pas  dans  î'Hebreu ,  prétendant  que  St.  Luc  approuve 
par  là  tout  ce  qui  efl  dans  cette  généalogie.     Maisc'eft,  à  monfens,  une 
pitoyable  raifon:  comme  s'il  étoit  necellàire  en  tirant  une  chofe  d'un  Livre, 
qu'on  approuvât  tout  eequi  eildans  ce  Livre-là.     i.  Qui  voudra  prendre 
la  peine  d'examiner  ce  que  remarque  là-deflus  Samuel  Bochart ,   demeu-  ^^^^^g^-îb- 
rera  periuadé,  que  cette  génération  de  Caïnan  a  été  fourrée,  Ôc  dans  les 
Septante  y  &  dans  le  texte  de  St.  Lucj  &:  même  que  cette  intrufion  eft 
allez  nouvelle,  puifque  cette  génération  ne  fe  lifoit,  ni  dans  St.  Luc,  ni 
dans  le  Grec  des  Septante,  du  tems  de  Théophile  d' Antioche ,  ni  dans  Phi-  l^^^fl;^^* 
Ion  Juif,  ni  dans  Irenée,  qui  conte  72..  générations  félon  StLuc,  depuis  lycum. 
Adam  jufqu'à  Moyfey  au  lieu  qu'il  y  en  auroit  73.  fi  Caïnan  étoit  conté. 
Les  Septante  Interprètes,  eux-mefmes,  dans  les  généalogies  qui  font  au  îj^°=^"^'^^.. 
premier  Livre  des  Chroniques,  ne  parlent  point  de  ce  Caïnan.     Sans  tout  3. Vu.'     ' 
cela,,  il  ne  faut  pas  s'imaginer  que  les  Apôtres  ayent  canonifétous  les  dé- 
fauts de  la  verfion  à^s  Septante ,  lefquels  ils  n'ont  point  corrigez  :  c'étoient 
des  erreurs  légères ,  dont  il  n'étoit  point  du  tout  important  qu'ils  avertilTent 
les  peuples ,  parce  que  cela  auroit  tait  perdre  le  crédit  à  cette  verfion ,  qui 
étoit  alors  la  feule  dontl'Eglife  Grecque  fe  pût  fervir. 

4.  Le  favant  Ifaac  Voffius  trouve  de  grandes  incommoditez  à  ne  mettre  Quattiem©- 
que  2,90k  ans  entre  le  Déluge  Se  la  naiffânce  d'Abraham  y  c'efl  pourquoy  o^i^^'»»'^ 
il  fuit  le  calcul  des  Grecs.  Par  exemple  ,  feloii  le  calcul  àts  Hébreux, 
Noé  a.  vécu  j-S.  ans  depuis  la  naiflance  d'Abraham,  Sem  afurvécu  à  Abra- 
ham de  34,,ansi  6c  là-delTus  on  dit,  fi  Noé  eût  été  vivant  du  tems  d'A- 
braham 5c  d'Ifaac,  comment  eft-ce  que  Moyfe  n'auroit  point  parlédeluy 
en  faifant  KHiftoirede  ces  deux  grands  Patriarches  ?  Cela  fait  de  la  peine, 
je  l'avoue j  mais  il  faut  toujours  fe  fouvenir,  que  Moyfe  alloit  à  fon  but, 
qu'il  faifoit  l'Hiftoire  des  pères  du  Mefiie,  c'eft-à-dire, fa  généalogie.  Quand 
il  avoit  trouvé  la  tiged'oii  étoient  fortis  ceux  dont  il  vouloit  parler  dans  la- 
fuite,  il  laiflbit  à  part  cette  tige  ,  ôc  pafibit  aux  décendans  j  fi  ce  n'e il  qu'il 
eût  quelque  raifon  particulière  de  s'y  arrêter  :  C'efl:  pourquoy  il  ne  nous  par- 
le plus  de  Noé  après  le  Déluge;  mais  il  s'arrête  beaucoup  fur  Abraham  ^ 
Ifaac  ÔC  Jacob,  parce  que  ce  font  les  grandes  fources  d'oii  eft  fortiela  na- 
tion des  Juifs  j,  &.  c'efl;  de  cette  nation  dont  il  vouloit  faire  l'Hiflioire.  Ce 
fut  dans  ces  trois  perfonnes ,  que  Dieu  commença  à  diflinguefla  famille  quMl< 
avoitchoifîe  de  toutes  les  autres  familles  de  la  terre:  c'eit  pourquoy  il  étoit 
jufte  que  Moyfe  les  difl;inguât  dans  fon  Hiftoire. 

5".  Voicy  encore  une  autre  objection  que  l'on  fait  extrêmement  valoir.  La  9"Ç^''"*" 
divifion  des  langues ,,  félon. le  calcul  des  Hébreux ,  fe  fit  jufl:ement  cent  ans  ^^  *^* 
après  le  Déluge,  dans  le  même  tems  que  Phaleg vint  au  monde,  qui  tira 
fon  nom  de  cette  divifion,  6c  qui  fut  appelle  P/?^/^^  du  verbe  PhaUg^  qui 
fignifie  divifer..  Depuis  le  Déluge  jufqu'à  la  naifiance  de  ce  Phaleg ,  il  y  a 
plus  de  f  00.  ans ,  félon  la  verfion  des  Septante.  On  croit  qu'il  ne  faut  pas 
moins  de  tems  pour  peupler  la  terre ,  autant  qu'elleétoit  peuplée  quand  on 
commença,  à. bâtir  la  Tour  de  Babel ,  ôc  que  les  langues  furent  divifées  :  l'o* 
pinion  commune  des  Juifs  efl: ,  que  les  langues  furent  partagées  en  72.  En 
effet  pour  peupler  tous  les  pays  de  la  terre,  il  ne  falloit  pas  moins  de  na- 
tions; 


Ï92        HISTOIRE   DES   D  O  G  MES 

tions  différentes.  Or  comment  ell-ce  qu'en  cent  ans  de  tems  tant  d'hom- 
mes pourroient  être  fortis  de  trois  tiges  feulement,  Sem  ,  Cam&Japhetj 
fur  tout  dans  un  tems  où  les  hommes  n'engendroient  que  fort  tard,  à  cau- 
fc  que  les  années  de  puberté  ne  venoient  que  tard,  à  proportion  de  la  lon- 
gueur de  la  vie  ?  Selon  le  calcul  des  Hébreux ,  depuis  le  déluge  jufqu'à 
Phaleg,  il  n'y  a  que  cent  ans  6c  trois  générations.  Ainfî  Noé  ne  voyoit 
que  la  troifiéme  poflerité  de  Cts  enfans,  quand  on  bâtit  la  tour  de  Babel. 
Jugez,  dit-on,  s'il  pouvoît  y  avoir  allez  d'hommes  fur  la  terre  pour  four- 
nir 72.  nations,  i.  Je  dis  que  le  nombre  de  71.  langues  &  de  feptantc 
deux  nations,  dans  lefquelles  la  poflerité  de  Noé  fut  divifée,  ellun  fon- 
ge  des  Juifs  qui  n'a  pas  de  fondement.  J'ajoute  que  quand  il  feroit  vray 
que  les  hommes  auroient  été  divifez  en  72,.  langues,  il  ne  faudroit  pour 
cela  qu'autant  de  familles.  Car  il  auroit  pu  fe  faire  que  Dieu  auroit  donné 
^  à  chaque  famille  fa  langue,  &les  auroit difperfées  pour  peupler  lesdiyer- 
fes  parties  de  la  terre. 

Mais  fur  tout  il  faut  remarquer  que  ce  raifonnement ,  qui  fuppofe  que 
le  nombre  des  hommes  étoit  très  petit  cent  ans  après  le  déluge ,  eft  fondé 
fur  ce  que  ces  Meilleurs  ont  imaginé  que  les  années  de  puberté  propres  à 
la  génération  ne  venoient  que  fort  tard ,  &  à  proportion  de  la  longueur  de 
la  viej  ce  qui  eft,  à  mon  avis,  la  plus  grande  chimère  du  monde.  Je  fuis 
perfuadé  du  contraire  ,  c'eft  que  les  hommes  diins  ces  premiers  fiécles 
croient  en  état  d'engendrer,  peut-être  plutôt  qu'ils  ne  font  aujourd'hui, 
tant  à  caufe  que  Dieu  avoit  pour  but  de  multiplier  le  genre  humain  bien- 
tôt ,  que  parce  qu'alors  la  nature  étoit  bien  plus  forte  ôc  plus  vigoureufe. 
Ils  engendroient  ôcpouvoient  engendrer  à  l'âge  de  14.  ou  if.  ans,  ôcils 
engendroient  très  long- tems.  Encore  une  fois  il  ne  faut  pas  s'imaginer  que 
les  enfans,  qui  font  nommez  comme  les  premiers  nez  de  ces  Patriarches ,  le 
fuffent  en  effet  -y  ils  pouvoient  avoir  eu  d'autres  enfans  devant  ceux-là }  ÔC 
ce  qu'on  ne  les  nomme  pas ,  c'eft  parce  qu'on  n'avoit  pas  affaire  d'eux  dans 
l'Hifloire,  6c  dans  la  généalogie  du  Meftie. 
Dans  les  Suppofon^  donc  que  Sem,  Cam  6c  Japhet  ayent  travaillé  à  la  multipli- 

ïoo.  ans  cation,  incontinent  après  le  déluge,  6c  que  Dieu  ait  fait  naître  dans  ce  lié- 
rent*de"puis  clc  bcaucoup  plus  de  fillcs  que  de  garçons  j  que  la  mort  n'ait  enlevé  aucu- 
le  déluge  ne  perfonne  dans  l'enfance  j  que  les  enfans  ayent  été  en  âge  de  fe  marier 
tpinde  Ba-  à  1 4.  OU  If.  ans  j  que  chaque  mari  ait  eu  pïufieurs femmes,  felouque  la 
bdpiusd'un  polygamie  étoit  alors  permile.  En  faifant  toutes  ces  fuppofitions ,  qui  ne 
d'hommes  lout  quc  Qu  cours  orduiairc  de  la  nature  d  alors ,  oC  qui  ne  renrerment  point 
pouvoienc  (jg  miracle,  dans  l'efpace  de  cent  ans  on  va  compolèr  un  peuple  de  plus 
de  deux  millions  d  âmes  j  encore  qu  on  iuppolat  qu  u  n  y  eut  que  trois  ti- 
^  ges ,  Sem ,  Gam  6c  Japhet  ;  fuppofition  qui  n'ell  pas  même  abfolument 

neceflaire  -,  car  Noé  ayant  vécu  en  tout  pf  o .  ans ,  le  déluge  étant  arrivé 
l'an  doo.  de  fonâge,  il  eft  clair  qu'il  vécut  ^yo.  ans  après  le  déluge.  Or 
il  n'y  a  gueres  d'apparence  qu'il  ait  pafle  tout  ce  tems  fans  travailler  à  la 
génération  ;  il  n'eft  pas  apparent  non  plus  que  fa  femme  fût  hors  d'âge 
d'enfanter,  quand  même  elle  auroit  été  d'un  âge  approchant  du  lien  j  car 
étant  faite.de  cette  première  pâte  dont  les  hommes  étoient  compofez  avant 
le  déluge ,  elle  avoit  fans  doute  confervé  la  vigueur  des  femmes  du  pre- 
mier monde,  quiportoient  des  enfans  durant  piufteurs  fiécles.  L'onpour- 

roit 


ET  DES  CULTES  DE  UEGLISE,  Part.l.   193 

roit  donc  fuppofer,  fi  l'on  vouloit,  qu'il  y  eût  quatre  tiges ,  Noé  ôc  lès 
trois  fils  5  d'où  fortirent  les  hommes  pour  repeupler  la  terre  après  le  déluge. 
Mais  nous  n'avons  pas  befoin  de  toutes  ces  fuppofitions. 

Il  n'elt  pas  neceflàire  de  trouver  plufieurs  millions  d'hommes  fur  la  ter- 11  ne  faut 
re  quand  la  Tour  de  Babel  fut  édifiée.     Il  n'y  a  pas  d'apparence  que  tant  qT'°v1ngt 
de  gens  eufiènt  pu  convenir  enfemble  de  bâtir  une  tour  &  une  ville  pour  mille  enfans 
^y  demeurer.     Tous  les  hommes  étoient  aflemblez  dans  une  feule  plaine;  ico.  pre- 
dans  un  tems  oii  ils  pouvoient  fi  facilement  s'écarter  &  prendre  leurs  li-  '",'"^.V*' 

1  Ti       ,  n  ■,^^rrrrr2  n  ■     nées  |ulqu'S 

bertez  j  11  n  y  a  pas  d  apparence  qu  ils  le  mlient  ien^z  dans  un  ii  petit  ladivifion 
efpace.  Je  renonce  volontiers  au  million  d'hommes  que  je  .pourrois  trou-  ^^^  i^ng«es. 
ver  fur  la  terre  cent  ans  après  le  déluge,  ôc  je  fuppofe  qu'il  y  avoit  peut- 
être  quinze  ou  vingt  mille  perfonnes.  Ce  n'eft  pas  une  fuppofition  que 
je  fafleen  l'air,  car  on  pourroit  en  démontrer  la  poifibilité  comme  on  dé- 
montre une  propofition  de  Géométrie  -,  &  je  foûtiens  que  ce  nombre  de 
quinze  ou  vingt  mille  perfonnes  étoit  fuffiiant  pour  peupler  toute  la  terre 
félon  Tintention  de  Dieu  par  la  divifion  des  langues ,  Dieu  en  envoyant 
cinq  cens  dans  un  lieu^&cinq  cens  dans  un  autre. 

Au  refte  il  ne  faut  pas  s'imaginer  que  dans  cette  divifion  des  langues, 
êc  dans  cette  difperfion  des  peuples,  toute  la  terre  ait  été  d'abord  occu- 
pée. Les  familles  fe  féparerent  &  s'écartèrent  dans  les  provinces  voifines, 
c'eft-à-dire  qu'elles  demeurèrent  dans  l'Orient ,  dans  laChaldée,  dans  la 
Syrie,  dans  la  Palefiine,  dans  l'Arabie  j  ôc  quelques-unes  à  caufe  du  voi- 
finage  pafièrent  dans  l'Egypte. 

6.  Ce  que  nous  venons  de  dire  peut  beaucoup  fervir  à  difliper  une  au-  sixième  ofe- 
tre  objeélion  5  que  l'on  fait  fur  cette  matière.  On  dit  que  du  tems  d' Abra-  '«'^'^°« 
ham  il  y  avoit  des  Rois  prefque  par  toutj  qu'il  eft  clair  parrHifi:oirede 
la  Genefe  que  la  Chaldée,  le  païs  de  Canaan,  laMefopotamie,  l'Egyp- 
te &  l'Arabie,  étoient  pleines  d'habitans.  Or  cela  nefe  peut  faire,  dit-on, 
fi  l'on  pofe  qu'il  n'y  a  eu  qu'environ  300.  ans  depuis  Noé  jufqu'à  Abra- 
ham. On  n'y  penfe  pas  quand  on  dit  cela,  ôc je  foûtiens  qu'en  500.  ans  il 
pouvoit  être  nés  plus  d'hommes  fortis  de  Sem  ,  Cam&Japhet,  quatre  fois 
qu'il  n'y  en  a  aujourd'hui  fur  la  terre.  On  peut  pofer  comme  une  chofe 
certaine ,  qu'il  n'y  a  pas  aujourd'huy  quatre  cens  millions  d'ames  fur  la  ter- 
re. L'opinion  commune  eft  qu'en  France  il  y  a  environ  fept  millions  d'a- 
mes, ou  un  peu  plus.  La  France  eft  la  partie  la  plus  peuplée  de  l'Europe, 
ôcTon  peut  fuppofer,  avec  certitude,  que  tf'elltout  au  moins  la  dixième 
partie  de  l'Europe  à  l'égard  du  nombre  deshabitans.  Selon  ce  compte  il 
n'y  auroit  dans  l'Europe  qu'environ  70.  millions  d'ames.  Les  trois  autres 
parties  du  monde,  l'Afie,  l'Afrique  8c  l'Amérique,  ont  fans  doute  chacune 
beaucoup  plus  d^étenduë  que  n'en  a  l'Europe:  mais  il  eft  certain  qu'elles 
ont  beaucoup  moins  d'habitans,  l'Afrique  5c  l'AmiCrique  étant  pleines  de 
vaftes  deferts.  Ainfi  il  eft  certain  qu'on  ne  peut  pas  concevoir  qu'il  y  ait  dans 
le  monde  plus  de  trois  à  quatre  cens  millions  d'hommes,  quand  même  on 
donneroit  à  chaque  partie  du  monde  autant  d'hommes  qu'il  y^n  a  dans  l'Eu- 
rope. • 

Or  je  foûtiens  qu'il  pouvoit  y  avoir  plus  de  monde  du  tems  d'Abraham,  ^u  tems 
Reprenons  nôtre  première  fuppofition;  c'eft  que  du  tems  de  la  Tour  de  ji  pouvoir 
Babel  il  y  avoit  vingt  mille  perfonnes  :  faifons  dix  mille  mariages  de  ces  y  ^^ 
Fart.  I.  '  B  b  vingt 


■  avoir  [ 
cent 


194         H  I  S  T  G  I  R  E  D  £  S  D  O  G  M  E  S 

miHions      Vingt  mille  peribnncs  :  fuppofons  que  les  femmes  ayent  eu  tous  les  ans  ua 
t«îa"terie.    cH^^nt ,  Si  que  tous  les  enfans  (oient  venus  en  âge  de  maturité  ,   nos  dix  - 
mille  mariages  durant  l'efpace  de  quarante  ans  nous  produifant  dix  mille 
enfans  par  an  ,   au  bout  des  quarante  ans  nous  aurons  quatre  cent  mille 
perfonncs.  De  ces  quatre  cent  mille  il  y  en  aura  pour  le  moins  deux  cent 
mille  en  âge  d'être  mariez.  De  ces  deux  cent  mille  perfonnes  faifons  cent 
miile  maviages  j    ces  cent  mille  mariages  durant  quarante  autres  années 
nous  produiiont  quatre  millions  d'ames,  qui  fe  trouveront  vivantes  80.  ans 
après  le  bâtiment  de  la  Tour  de  Babel.     Après  cela  reprenons  les  deux 
cent  mille  perfonnes  que  nous  avions  laifiees  quarante  ans  après  le  déluge 
fans  les  marier ,  parce  qu'elles  n'étoient  pas  encore  en  âge  de  l'être  :  tai- 
fons  de  ces  deux  cent  mille  perfonnes  cent  autres  mille  mariages  durant 
quarante  ans,  depuis  fo.  ans  après  la  Tour  de  Babel,  jufqu'àpo.  ans.  Du- 
rant ces  40.  ans  ces  cent  mille  mariages  nous  produiront  encore  quatre  mil-  • 
lions  d'ames.     Ainfi  environ  90.  ans  après  la  tour  de  Babel  voilà  plus  de  • 
huit  millions  d'ames  fur  la  terre  ,  fans  conter  leurs  pères  Se  grands-peres 
qui  étoient  encore  vivans.  De  ces  huit  millions  d'ames  faifons  quatre  mil- 
lions de  mariages,  qui  produiront  tous  les  ans  quatre  millions  d'enfans,  au 
bout  de  quarante  ans  cela  fera  huit  vingt  millions  d'ames,  c'efl-à-direcent 
foixante  millions.     Pourfuivez  vôt:e  llipputation  fur  ce  pied -là,  en  fai- 
fant  de  ces  cent  foixante  millions  d'ames  quatre-vingts  millions  de  mariai 
ges,  qui  produiront  tous  les  ans  quatre-vingts  millions  d'enfans,  vous  trou- 
verez que  devant  que  d'être  arrivez  jufqu'à  l'année  deux-centième  après  la 
Tour  de  Babel  ôc  la  divifion  des  langues,  il  pourroit  y  avoir  eu  fur  la  ter- 
re infiniment  plus  d'hommes  qu'il  n'y  en  a  prefentement,     Ainfi  il  paroît 
que  l'argument  qu'on  veut  tirer  contre  le  texte  Hébreu  du  grand  nombre 
d'hommes  qui  étoit  fur  la  terre  du  tems  d'Abraham ,,  eft  une  pure  vifion. 
Au  lieu  de  trois  ou  quatre  mille  millions  d'hommes  que  nous  pourrions, 
trouver  fur  la  terre  du  tems  d'Abraham  par  nôtre  fupputation  précéden- 
te ,   je  réduis  tout  ce  nombre  prodigieux  feulement  à  quarante  millions 
d'hommes  ;  je  le  réduis,  fi  l'on  veut,  à  dix^  ôc  je  foûtiens  que  ces  dix 
millions  fufiîfoient  pour  peupler  tous  les  païs  dont  il  nous  ell  parlé  dans 
l'Hidoire  d'Abraham  ôc  de  jacob. 
Septième         J-  Ces  Meffieurs  qui  combattent  le  texte  Hébreu  en  faveur  du  calcul 
«bjeaion     (^qs  Grccs ,  tirent  divers  argumens  pour  l'antiquité  du  monde ,  de  la  Chro- 
deschsi-     nique  d'Eufebe,  de  ce  qu'il  dit  que  le/egne  de  Semiramis  &  de  Ninus= 
v""^&ch-'  ^^^^^"'^  ^^^^'  ^^s  ^^^^  d'Abraham.     Or,  dit  on,  il  eil  clair  que  du  tems  de 
H8is?         Ninus  6c  de  Semiramis ,  &  par  confequent  du  tems  d'Abraham  toute  la 
terre  étoit  peuplée.  Ils  tirent  aullides  argumens  pour  le  même  but  des  an- 
ciennes Annales  des  Rois  de  Babylone ,  des  Egyptiens  &  des  Chinois.  Mais, 
en  vérité  ces  raifons  font  fi  vaines  ,,  que  je  m'étonne  comment  des  gens 
d'efprit  &  de  jugement  ofent  s'en  fervir.     Pour  ce  qui  eil  de  la  Chronique 
d'Eufebe,  tout  ce  qu'on  y  lit  du  règne  de  Semiramis  ôc  de  Ninus  efttoutà 
fait  douteux  y  ôc  quand  même  il  feroit  certain  que  Ninus  Se  Semiramis  au- 
roient  été  contemporains  d'Abraham  ,  cela  ne  fait  rien  contre  nous ,  puis 
qu'il  eft  certain  que,  félon  la  fupputation  que  nous  avons  faite  fans  aban- 
-  donner  le  calcul  des  Hébreux,  il  pouvoit  y  avoir  afiez  d'hommes  fur  la 
terre  pour  fonder  de  grands  Empires.    Pour  ce  qui  eil  des  Annales  des- 

Payens  ^ 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Tart.l.  19c 

Payens,  il  n'y  a  rien  de  plus  ridicule  &  de  plus  vain,  que  la  preuve  qu'on 
en  veut  tirer.  Les  Chaldéens  fe  vantoient  d'avoir  des  obrervations  de  qua- 
tre cens  foixante  &  dix  mille  ans.  Les  Egyptiens  n'en  contoient  pas  tout 
à  fait  tant  ;  mais  ils  ne  laiffoient  pas  de  dire  qu'avant  les  Ptolemées  leur 
Etatavoit  duré  plus  de  foixante ôc dix  mille  ans,  fous  diverfes  formes  de 
gouvernement.     Les  Annales  des  Chinois  ne  difent  pas  des  chofes  moins 
monflrueufes.  Je  m'étonne  encore  une  fois ,  comment  des  gens  d'efprit 
veulent  fe  fervir  de  ces  fortes  de  rêveries,  pour  appuyer  le  calcul  des  Grecs 
contre  celui  d^s  Hébreux.     Car  enfin  quand  il  feroit  vray  que  le  monde 
feroit  plus  vieux  de  quatorze  ou  quinze  cens  ans  que  les  Hébreux  ne  le 
font ,   à  quoi  cela  ferviroit-il  pour  juftificr  ces  monflrueufes  fupputations 
des  Chaldéens,  qui  font  ie  monde  plus  ancien  de  quatre  ou  cinq  cent  mille 
ans.?  Il  faut  donc  tomber  d'accord,  que  hors  du  texte  de  Moyfe,  on  ne  peut 
avoir  aucune  lumière  fûre  pour  la  Chronologie.  Eufebe&Julius  Africanus 
ne  font  point  dignes  de  foy.  L'un  &  l'autre  ont  puifé  dans  Berofe  Chal- 
ééen^  dans Maneton  Prêtre  Egyptien ,  dans  unAbydenus.  Voilà  des  gens, 
fur  le  témoignage  defquels  il  y  a  grand  lieu  de  faire  fond  ,   vu  principa- 
lement qu'ils  ont  écrit  .des  chofes  arrivées  plufieurs  flécles  devant  eux  5  & 
aujourd'hui  nous  ne  faurions  lavoir  la  vérité  de  ce  qui  fe  fait  prefque  fous 
nos  yeux.  Ainfi  fans  entrer  dans  le  détail,  je  puis  dire  en  vérité, que toas 
ceux  qui  veulent  tirer  quelque  lumière  des  Annales  des  Chaldéens ,    des 
Egyptiens,  ôc  des  Chinois,  pour  appuyer  ou  le  calcul  du  texte  Hébreu,  ou 
celui  des  Grecs ,  perdent  miferablement  leur  tems ,  fe  moquent  du  public 
ôc  des  Leéteurs ,  &  font  feulement  une  vaine  oilentation  de  leur  leélu- 
re.     Pour  favoir  qui  a  raifon  des  Septante  ou  de  THebreu,  il  faut  donc 
confiderer  fîmplement  lequel  des  deux  mérite  le  plus  de  créance  >  ce 
qui,  cerne  femble,  ne  doit  pas  être  douteux,  après  les  chofes  que  nous 
avons  dites. 

Avant  que  définir,  il  faut  dire  un  mot  de  la  féconde  queûion  j  c'eft  d'où  D'oùefi 
peut-être  née  cette  grande  différence  entre  le  Grec  ôc  l'Hébreu,  fur  la  fup-  g^fÂdVd^ 
putation  des  tems.   St.  Auguftin  fait  là-deffus  une  conjeélure  allez  ingé-  verfité  entre 
nieufe,  mais  qui  n'eft  pourtant  ni  vraye,  ni  affez  bien  fondée.   Il  dit  que  rHêbreu^ 
ceux  qui  ont  introduit  cette  corruption  dans  le  texte  Grec  ne  pouvoient  ?enféeinge- 
croire  que  les  hommes  vécuflént  neuf  cens  &  mille  ans  félon  l'Hifloirede  Auguftfn.^'^' 
Moyfe;  ils  s'imaginoient  qu'il  falloir  conter  ces  années felon.qu'ilsavoient  Lib.  ij.  de 
ouï  dire  qu'on  les  contoit  autrefois,  c'ell-à-dire  qu'on  ne  faifoit  l'année  c.iT'u.^ 
que  de  trente  fîx  jours  :  enforte  que  dans  nôtre  année  il  y  en  avoit  dix  de 
celles  des  Anciens.  Ils  contoient  donc  que  celui  qui  avoit  vécu  neuf  cens 
ans  ou  mille  ans  des  années  de  ce  premier  monde,  devoit  avoir  vécu  en- 
viron po.  ou  100.  de  nos  années.  Mais  félon  ce  calcul ,  il  rencontroit  une 
grande  difficulté  5  c'efl  que  Moyfe  fait  engendrer  les  Patriarches  à  cent 
ans,  à  po.  à  67.  en  prenant  cqs  années  pour  des  ans  de  36.  jours  ,   il  fe 
îrouvoit  que  ces  hommes  en  engendroient  d'autres  à  10.  à  p.  à  8.  &  à  5. 
ans.  Comme  cela  ne  leur  paroifîbit  pas  vray-femblable ,  ils  ajoutèrent  cent 
ans  à  chaque  génération  >  lefquels  cent  ans  de  cetems-làne  tàifant  que  dix 
.de  nos  années  ,   mettoient  les  Patriarches  juftement  dans  l'âge  d'engen- 
drer, c'eft-à-dire  à  20.  à  ip.  à  18.  &  à  16.  ans.    Et  c'eft  pourquoi,  fé- 
lon le  fentiment  de  St.  Auguflin  ,   dans  les  générations  oiî  ils  ont  trouvé 

Bb  2,  aile?' 


196  HISTOIRE  D  E  S    D  O  G  M  E  S 

allez  de  ces  années  de  ^6.  jours  pour  faire  l'âge  de  puberté,  enlesredui- 
lant  à  nos  années  communes,  ils  n'y  ont  rien  ajoute  j  par  ex-emple,  dans 
lu  génération  de  Jared ,  de  Methufcela,  de  LemeCjaufquels  l'Hébreu  don- 
ne 162.  ansôc  182.  ans,  quand  ils  commencèrent  d'engendrer  j  parce  que 
ces  années  réduites  à  nos  années,  font  les  années  de  puberté  depuis  quinze 
jufqu'à  vingt,  les  Grecs  n'ont  rien  ajouté., 
Dpinionck       Pour  moy  je  croy  que  celas'etl  fait  par  une  raifon  toute  oppofée.  Ceux 
j'Âu;ei«.     qui  ont  fait  cette  corruption  n'av oient  pas  intention  d'abréger  la  durée  du 
monde,  ni  la  vie  des  Patriarches:  au  contraire  ils  vouloient  faire  paroî- 
tre  le  mande  bien  vieux  j  êcen  voici  la  raifon.  Ce  font  les  Juifs  d'Alexan- 
drie, qui  ont  fait  cette  veriîon  Grecque,  apparemment  dans  le  tems  qu'O- 
nias  décendit  en  Egypte  ,   êc  qu'il  y  bâtit  un  temple  dans  le  lieu  appelle 
BiibAftis  agreftis,  6c  y  établit  un  culte  femblable  à  celui  qui  fefaifoit  enje- 
rufalem.  Afin  que  ce  Temple  6c  cette  Eglife  fchifmatique  euflent  la  Loy 
&■  les  Prophètes,  auffi  bien  que  l' Eglife  de  la  Judée,  ils  les  tournèrent  de 
FHebreu  en  Grec  ,    qui  étoit  la  feule  langue  que  les  Juifs  d'Egypte  en- 
tendiflent.     Cette  verfîon  fe  faifoit  donc  en  Egypte  ,   &  dans  le  def- 
fein  de    convertir   au   Judaïfme  autant  de  Grecs  ôc  d'Egyptiens   que 
"VideSamuei.  pgn  pourroit.     Ccux  qui  firent  cette  verfion  favoient  bien  que  les  Grecs 
Siones!*  &  Ics  Egyptiens  étoient  pleins  de  cette  opinion  que  le  monde  étoit  très 
?3P-  -7.    ,   ancien  5  la  plupart  même  croyoient  qu'il  étoit  éternel.   Les  Juifs  craigni- 
"°  ^°  ^  '  rent  que  cette  grande  nouveauté  du  monde,  qui  paroifibit  dans  leurs  li- 
vres,, ne  fcandalilât  les  Payens,,ôc  ne  leur  fût  une  pierre  d'achoppement, 
pour  les  empêcher  d'ajouter  foy  au  refte.  Ils  ejOTayerent  de  lever  ou  dimi- 
nuer ce  fcandale ,  en  faifant  le  monde  le  plus  vieux  qu'ils  purent  :   c'eil 
pourquoi  ils  ajoutèrent  cent  ans  à  chaque  génération,  avant  Abraham ,  dcr 
vant  la  nailTance  du  premier  enfant.  Mais  ils  n'oferent  pas  ajouter  ces  cent 
;  ans  à  la  vie  des  Patriarches,  après  la  generationjparce  que  c'eût  été,  en  levant 

un  fcandale  ,  en  augmenter  un  autre  ^  car  la  longue  vie  des  Patriarches, 
étoit  une  autre  chofe  fort  difficile  à  croire  aux  Payens.  C'eft  pourquoy 
afin  de  ne  pas  augmenter  le  nombre  des  années  de  la  vie  des  Patriarches,, 
ils  diminuèrent  le  tems,  qui  fuivoitla  génération  du  premier  né  de  cent  ans,, 
&  mirent  ces  cent  ans  devant  la  naiflance  de  ce  premier  né.  Enfin  dans 
•  '*'  les  générations,  oi^i  ils  voyoient  que  l'Hébreu  avoit  extrêmement  reculé  la 

naiflance  du  premier  né,  ils  n'oferent  rien  ajouter:  par  exemple  dans  la 
génération  de  Jared,,  qui  n'eut  Enoc  qu'à  162..  ans  i  dans  celle  déMethu- 
fcela,  qui  n'engendra  Lemec  qu'à  187.  ansj  6c  dans  celle  de  Lemec,  qui 
n'engendra  Noé  qu'a  182.  ans,:  dans  ces  générations,  dis -je,  ils  n'ofe- 
rjent  ajouter  cent  ans,  comme  ilsavoient  fait  dans  les  autres  -,  parce  que 
c'eût  été  augmenter  une  difficulté,  qui  étoit  déjà  afîèz  mal-aifée  à  digérer 
aux  Payens  >   c'elt  que  des  hommes  eufl!ènt  été.  2.00.  ans  fans  engendrer. 
Pour  ce  qui  eft  des  générations  d'après  le  déluge  ,  ces,  corrupteurs  y  ont 
trouvé  plus  de  facilité.  L'Hébreu  fait  engendrer  à  30.  ans  j  les  Grecs  qui 
firent  cette  altération  crurent  qu'il  n'y  avoit  aucune  difficulté  à  ajouter 
cent  ans  par  tout.    Quant  à  la  génération  de  Cainan-,  quiefi:  de  ï\y.  ans 
entiers,,  elle  ne  vient  point  de  ces  interprètes  Grecs.     Car  où  l'auroient- 
ilsprifej  puis  qu'on  n'en  voit  aucune  trace  dans  les  généalogies  qui  font 
dans  les  livres  des  Chroniques  6c.  ailleurs  ?   C'eil  donc  quelque  homme 

igno- 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Part.l.    197 

ignorant  &  hardi,  qui,  fans  y  bien  penfer,  a  inféré  cette  génération  ,  â 
caufe  que  dans  la  première  généalogie  ,  depuis  Adam  jufqu'à  Noé  ,  il  y 
avoit  un  Caïnan,  qui  étoit  ie  quatrième  homme  après  Adam.  Il  eft  vray- 
femblable,  que  ce  même  nom  s'ell  glifîe  en  partie  par  m'cgarde  dans  la  lë- 
Gonde  généalogie,  qui  eft  depuis  ledélugejulqu'à  Abraham.  Ces  honnête^; 
gens,  qui  travaillèrent  ainfî  avec  tant  de  foin  à  ôter  de  ces  généalogies  ce 
qui  pouvoit  paroître  incroyable  aux  Payens ,  n'avoient  pourtant  pas  tout 
à  fait  bien  pris  leurs  mefures  \  car  ils  faifoient  vivre  dans  leur  calcul  Me- 
thufcela  14. ans  après  le  déluge:  ce  qui  a  bien  exercé  les  efprits  des  An- 
ciens, comme  on  le  peut  voir  dans  le  livre  if™^;  de  la  Cité  de  Dieu  de 
St.  Auguftrn.  En  effet  il  eft  affezmal-aifé à  concevoir  comment  Methu- 
fcela,  qui  n'entra  point  dans  l'Arche,  pût  fe  fauver  du  déluge  pour  vivre 
encore  quelques  années  après.  Il  me  femble  que  cette  difficulté,  quin'eit 
pas  petite  ,  devroit  un  peu  ouvrir  les  yeux  de  ceux  qui<iéfendentaujour- 
d'huy  avec  tant  de  zèle  le  calcul  des  Grecs  contre  celui  des  Hébreux.  C'eii 
ce  quej'avois  à  dire  far  cette  queftion,-  6c  en  gênerai  f jr  l'Hiftohe Ecclej- 
liaftique  du  premier  monde. 


Fin  de  la  première  Partie. 


€■ 


% 


I  s. 


199 


t^ 


STOI 


DES    DOGMES 


E  T    D  E  s 


CULTE 


BONS  ET   MAUVAIS 

DE    LE  G  L  I  S  E 

Depuis  Adam  jufqu  à  Jefus-Chrift. 


SECONDE     PARTIE. 


Du  Culte  Levitique, 

L  femblc  que  la  nature  de  nôtre  projet ,  îa 

manière  dont  on  a  commencé  de  Fexecuter  $ 

&  nôtre  titre  demandent  que  nous  mettions 

à  la  tèiQ  de  cette  féconde  partie  un  eflay  des 

Dogmes  &  de  la  Théologie  de  rEglifelfraeli» 

te,  comme  au  commencement  de  la  première 

partie  on  a  donné  un  efTay  de  la  Théologie  des- 

Pères  avant  Moyfe. 

Mais  après  y  avoir  trés-fouvent  ,  &  trés-ferieufement  penfé> 

on  n'a  rien  trouvé  à  dire  de  nouveau  >  qui  fût  digne  de  la  curio- 

fité  du  public 

Car 


2GO  HISTOIRE  DESDOGMES 

Car  ou  bien  on  s'en  tiendroit  aux  anciens  Juifs,  oiil'onvien- 
droir  jufqu'aux  Juifs  qui  ont  fuivi  Jefus-Chrid.  Pour  Tancienne 
Eglife  Ifraëlite  5    on  ne  pourroit  rien  donner  de  fa  Théologie, 
que  'celle  qui  fe  trouve  dans  les  écrits  du  Vieux  Teiftament,  tant 
dcMoyie,  que  des  Prophètes.  On  voit  là  dedans  les  penfées  que 
les  anciens  Juifs  ont  eu  de  Dieu,  de  (es  attributs,  de fon unité, 
de  fon  éternité,  defa  pui'fiance ,  &c.  &  ce  qu'on  y  pourroit  ajouter 
ne  feroient  que  des  efpeces  de  Commentaires ,  qui  n'auroient  rien 
que  de  très-commun.  Si  Ton  paflbit  par  defliis  le  fiecle  du  Sei- 
gneur, pour  venir  à  ceux  qui  fuivent,  on  ne  trouveroit  que  des 
rêveries  Talmudiques ,  dont  on  ne  fait  nul  cas.     Ceux  qui  ont 
du  goût  pour  cette  efpece  de  littérature  peuvent  s'en  inftruire 
par  cent  ouvrages  de  nos  Savans  en  littérature  Juifve,  qui  font 
entre  les  mains  de  tout  le  monde.    Il  eft  vray  que  parmi  cela  on 
trouveroit  à  manier  certaines  queftions,  qui  paroifTent  de  quelque 
importance  :  Par  exemple  on  pourroit  chercher  quelle  a  été  la 
connoiflance  des  anciens  Juifs  fur  nos  Myfteres  Chrétiens ,  de  la 
Trinité,  de  la  Rédemption  par  Jefus-Chrift,  delà  Refurredion^ 
&  autres  femblables.  Mais  je  ne  croy  pas  qu'on  pût  trouver  [rien 
de  feur ,  que  ce  qu'on  trouve  dans  les  Evangiles ,  6c  dans  les  Epi- 
tres,  qui  font  fouvent  mention  des  dogmes  des  Juifs,  fur  la  Re* 
furredion,  fur  le  Règne  du  Mefîie ,  fur  la  Juftification,&:c.  Rit- 
taogelius  nous  a  donné  un  recueil  de  pafiages  des  anciens  Juifs , 
&c  particulièrement  des  Auteuts  des  Paraplirafes  Chaldaïques ,  qui 
prouvent  que  les  Juifs  de  tout  tems  ont  reconnu  la  pluralité  des  per- 
îbnnes  en  Dieu,  &:  la  divinité  du  Verbe.  Et  un  favant  homme  de 
ceiîécle  a  fait  un  Ouvrage  exprés  ,  pour  foûtenir  que  les  Juifs 
ont  connu  le  Myftere  de  la  pluralité  desPerfonnes  en  Dieu.  Le 
piïblic  peut  tirer  des  ufages  confiderables  de  ces  écrits  :  Mais  n'ayant 
rien  de  nouveau  à  dire  là-deiTus,  nous  n'avons  pas  jugé  neceffaire 
de  nous  y  arrêter.  'C'eH  pourquoy  nous  paflbns  fans  delay  à  l'Hif- 
toire  du  Culte  de  l'Eglife  Mofaïque. 

Apres  avoir  vu  l'état  de  FEglife,  c'eft-à-dire ,  fon  culte,  fon 
fer  vice,  &  fa  Religion ,  dans  fon  premier  période ,  qui  a  roulé  depuis 
Adam  jufques  à  Moyfej  il  faut  prefentement  parler  du  fécond  pério- 
de ,  qui  fe  conte  depuis  Moyfe  jufques  à  J.  Ch.  Et  cette  féconde 
Partie  fedivifera  en  quatre  autres.  Dans  la  première  on  verra  le  lieu 
oii  fe  faifoit  le  fervice  de  la  Loy ,  c'eft  le  Tabernacle ,  auquel  fucceda 
le  Temple.  La  féconde  parlera  des  VaifTeaux  du  Temple.  La  troi- 
fiéme  des  Minifl:res  du  fervice  >  &:  la  quatrième  du  Service  même , 
ou  des  Cérémonies  de  la  Loy  Mofaïque. 

CHA- 


ET  DES  CULTES  DE  UEGLÏsk  TartAL  loi 


CHAPITRE!. 

De  l'antiquité  des  Temples, 

ï.    A    Vant  le  Déluge  il  n'y  a  nul  veflige  6c  nulle  apparence ,  qu'il  y  ait  \f^^'^°^^^ 
/A  eu  des  Temples.  pas  eu  de, 

2,.  Depuis  le  Déluge,  les  peuples  ont  été  long-tems  fans  en  avoir.  I^^f^^ 
Et  même  les  Peifesen  conferverent  la  coutume:  Hérodote  Lib.  i.&Lib.  temsdes 
4.   dit  la  même  choie  des  Scythes  :  Ils  eftimoient  cela  une  folie  &  une  impie-  ^"^^*" 
té,  les  anciens  AUemans,  ôcpludeurs  autres  nations, ont  été  dans  les  mê- 
mes fentimens. 

3.  Il  faut  chercher  l'origine  de  la  Religion,  du  culte  6c  du  fervice  di- 
vin, dans  l'Orient,  d'oiifont  venus  les  hommes.  Dans  toute  l'antiquité 
nous  n'avons  rien  de  feur  là-defliis ,  que  ce  qui  s'apprend  de  l'Ecriture. 

Or  nous  en  apprenons,    que   les  premiers  hommes  bâtifToient  leurs   au- Les  bocages 
tels  fous  le  ciel  en  plein  air.  AinfifitNoéi  ainfi  firent  Abraham ,  Ifaac  &.  fontpiusaa- 
Jacob.  Et  il  n'y  a   pas   d'apparence   qu'il  y  eût   de   Temple  dans  tout  lesTempiee» 
le  monde,  durant  ces  fiécles,  depuis  le  Déluge  jufques  à  Moyle,nous 
ne  voyons  pour  Temples  que  des  bocages  ,  ëc  la  Loy  en  fait  fouvent 
mention  :  Moyfe  commande  qu'on  renverfe  les  llatuës  ,  les  autels  &  \ts  voyDeuter. 
bocages  d^s  idolâtres,  mais  il  ne  dit  rien  des  Temples.     Il  ne  les  auroit  7-4  s-  &  > 
pas  oiibnez  ,  s  il  y  en  avoit  eu.    Je  ne  trouve  pomt  non  plus  dans  i  Hil- 
toiie  de  jofué  aucune  mention  de  Temple  d'Idole:  cVft  dans  le  Livre  des 
Juges,  qu'on  trouve  le  premier  Temple  Payen,  c'eft  celuy  de  Dagon  que 
Samfon  renverfa,  ÔC  fous  les  ruines  duquel  il  écrafa  tant  de  Phiiiitins;  c'efl 
ce  même  Temple  dont  il  ell  parlé  au  chap.  5".  du  piemier  Livre  de  Samuel 
V.  1.  Les  Phiiifims  amenèrent  f  Arche  de  PEternel  en  U  matjon  de  Dagon.  C'efl: 
dans  ce  fîécle  que  je  polè  la  première  origine  des  Temples.    Les  bocages 
étoient  beaucoup  plus  anciens:  0.11  en  trouve  dans  toutes  lesHilloires,  ôC 
entre  toutes  les  nations.  Et  de  là  eîl  venu ,  que  même  quand  on  a  commen- 
céà bâtir  des  Temples,  on  les accompagnoit de  bocages.  C'eft  pourquoy 
le  chêne  a  éié  confacré  à  Jupiter.    Sic  ubt  magna  fovis  amtquo  %Qbore  cjner-  Lîb.  î. 
cfis....  ingénies  tenàat  ramos  ^  parce  que  le  chêne  eft  l'arbre  le  plus  ordinai-  <^«<"g- 
re  5  8c  de  plus  grande  ombre  dans  les  bocages ,  ÔC  auffi  le  guy  de  chêne,  qu'on  Leguy  de 
appelle  vxÇcm  ^  a  été  facré  entre  les  Anciens,  parce  qu'on  s'imaginoit  que  ^"^^^^^^^^^ 
c'etoitune  marque  que  l'arbre  étoit  bien  chéri  de  Dieu,  quand  il  produifoit  pomquoy. 
le  guy. 

4.  J'eftimedonc  qu'avant  que  le  peuple  fût  forti  d'Egypte ,  il  n'y  avoit  V^^^yp^ 
aucun  Temple.  Les  Egyptiens  n'en  avoient  pas  dans  ce  fîécle,  &  nous  ne  voient  pas 
voyons  pasqu'nenfoit  tait  aucune  mention  dans  toute  l'Hiftoire  de  l'Exo  ^y  te^de* 
de,  ■quoy  qu'il  loit  parlé  des  Dieux  des  Egyptiens,  furlefquels  la  mamde  Moyfe. 
Dieu  s'appeiantit.     Il  y  a  apparence  qu'ils  adoroient  déjà  les  bêtes,  caries 
Ifraëlites  ne  voulurent  pas  iacrifîer  rabominaiion,ou  les  dieux  des  Egyptiens 

à  leur  vue.     Mais  ils  ne  leur  avoient  pas  encore  édifié  de  Temples  ;  on  les 

ïiournfioïc ,  ou  dans  des  bocages ,  ou  dans  àt^  maifons  particulières.    11  y 

Fm.  IL  Ce  a 


202  H  l^  T  Q  IRE  DES  D  O  G  MES     : 

a  apparence,  que  le  premier  modèle  des  Temples  a  été  pris  du  Taberna- 
cle de  Moyfe,  environ  les  tems  deSamfonôcde  Samuel, 'douze  ou  treize 
cens  ans  après  le   Déluge  ,   auquel  tems  on  rapporte  le  iîic  de  Troye  : 
Cappel  rattache  Vl'an  du  monde   2816.  fous  Jephté  ,  6c  prétend  que 
LîfaWcdu   l'Hiiloire  du  lacrifice  d'Iphigenie  ell  prife  du  facrifîce  de  Jephté  :    La 
d'îp'hTgenie  çonjcélurc  cll  bcUc ,  ingenieufe,  &  tout  à  fait  vray-femblable.     Jephté 
à  écé  ern-    étoit  le  Général  des  Ifraclites ,  en  même  tems  qu' Agamemnon  étoit  Gene- 
fSoL'^dc  i"-d  des  Grecs  au  fiege  de  Troye  -,  Iphigenie  n'eft  autre  chofe  que  fipkigeme^ 
lephté.       qui  dans  la  langue  des  Grecs  iîgnifie  la  fille  de  Jephté  :  les  Grecs  aimant 
le  grand  &  le  tragique  :  ils  ne  pouvoient  pas  manquer  de  s'accommoder 
de  cette  HilloirepourembeUir  la  leur.    Petau  met  le  fiege  de  Troye  fous 
Jaïr,  quelques  années  devant  Jephté.    Tout  ce  que  difent  les  Grecs  &  les 
Latins  des  premiers  qui  ont  bâti  des  Temples ,  eil  ou  faux  ou  incertain ,  ou 
plus  nouveau  que  les  fiécles  dont  nous  parlons.  Les  uns  veulent  que  Janus 
ait  le  premier  bâti  des  Temples  en  Italie ,  les  autres  que  ce  foit  Fauiius  j 
d'où  ils  ont  été  appeliez  Fana.  Diogene  Laërce  lib.  i .  dit  ,  qu'Epimeni- 
des  le  premier  a  bâti  des  Temples.     Strabon  Hb.  1 7.  attribue  aux  Egyp- 
tiens l'honneur  d'avoir  les  premiers  bâti  des  autels  6c  des  Temples.    Clé- 
ment d'Alexandrie  dans  fon  Protreptique   a  dit,  que  l'origine  des  Tem- 
ples venoit  des  fepulchres,  6c  que  des  monumens  des  Héros  on  en  avoic 
fait  des  Temples,  en  quoy  il  a  été  fuivi  parEufebe,  par  Arnobe,  6c  par 
Ladance.     Mais  il  faut  di.{linguer  :  la  première  Idolâtrie  n'a  pas  été  celle 
îoiydor.vir-  qui  a  adoré  les  Héros.  On  a  premièrement  adoré  le  foleil  6c  la  lune  j  6c  on 
deremm^ia-  ^^^  ^  adorcz  fur  les  montagues }  enfuite  on  a  choifi  les  bocages  pour  lieux 
ventoribus    de  de  votiou ,  6c  les  bocages  ont  conduit  les  hommes  à  faire  des  Temples.  Au 
p-^-3nJJ;°^' relie  je  ne  nie  pas  5  qu'on  n'ait  converti  les  fepulchres  des  Héros  en  Tem- 
Tempiis.     pies,  ^  Ics  Heros  en  Dieux.    Il  en  eft  arrivé  de  ces  Héros  comme  àcs 
^*^'  ^'        Saints  dans  l'Eglife  Romaine ,  au  commencement  on  celebroit  leur  mémoi- 
re dans  des  bocages ,  enfuite  on  les  a  invoquez. 


L^ 


CHAPITRE     IL 

Du  Tabernacle  conftruit  par  Moyje, 

E  Temple  de  Jerufalem,  n'eft  pas  le  plus  ancien  Temple,  car  avant 
jSalomon  il  y  avoit  des  Temples  entre  les  Payens ,   comme  nous  le 
venons  de  voir.     Mais  je  tiens  que  le  Tabernacle  de  Moyfe  peut  pour- 
tant être  appelle  le  plus  ancien  Temple,  parce  qu'il  a  précédé  tous   les 
Temples,  6c  en  a  été  le  modèle.  Il  nous  le  faut  reprefenter  brièvement, 
félon  la  defcription  que  nous  en  avons  au  26.  6c  ^6.  de  l'Exode, 
dï  pïemie?      C'étoit  proprement  une  grande  tente ,  comme  font  celles  des  Princes  6c 
Tabernacle,  dcs  Gencraux  d'Armée  à  k  Campagne.    Voicy  quelle  étoit  fa  forme.  i.Sa 
longueur  étoit  tournée  de  l'Orient  à  l'Occident  ;  le  derrière  ou  le  fond 
,du  pavillon  étoit  vers  l'Occident,  la  porte  ou  l'entrée  vers  l'Orient.  On 


ET  DES  CULTES  DE  V EGLISE.  Part.U. 20^ 

a  tourné  les  Temples  des  Chrétiens  d'une  manière  oppofée  ,  le  fond  où 
cft  l'autel  eft  vers  l'Orient,  6c  h  porte  à  l'Occident.  1.  Il  étoit  long  de 
30.  coudées,  c'eft-à-dire,  d'environ  quarante  cinq  de  nos  pieds,  car  cha- 
cun de  fes cotez,  tant  du  Midi  que  du  Septentrion,,  avoitzo.  ais  debout, 
de  la  largeur  d'une  coudée  ÔC  demie  chacun  j  c'eft-à-dire,  d'un  peu  plus  de 
deux  pieds  5  ce  qui  méfait  croire  qu'il  faut  prendre  icy  la  coudée,  pour  la 
coudée  communes  car  une  planche  de  2f.  ou  26.  pouces  eft  de  la  plus  gran- 
de largeur,  6c  il  n'y  a  guère  d'arbre  allez  gros,  pour  pouvoir  fournir  cela  de  proportions 
quarré,  car  il  faudroit  qu'un  arbre  eût  plus  de  trois  pieds  de  diamètre,  6c  ^".f'J''" 
plus  de  neuf  de  circonférence,  ce  qui  eft  rare.  3.  Sa  largeur  étoit  de  quin^  nade,  leur 
ze  pieds;  car  il  y  avoit  dans  le  fond  fixais,  6c  deux  ais  d'encogneUre ,  c'é-  l^^jy^^^""^  ^ 
toient  huit  -,  ils  étoient  larges  chacun  d'une  coudée  6c  demie.  C'étoient 
douze  coudées  i  ce  qui  fait  trois  denostoifes:  î'opiiiion  commune  cepen- 
dant eft ,  que  fa  largeur  n'étoit  que  de  i  o.  pieds,  le  tiers  de  fa  longueur.  Dans 
le  Temple  de  Salomon,  on  garda  les  mêmes  proportions,  la  longueur 
de  60.  la  largeur  de  20.  4.  Les  côtezqui  fa  ifoient  la  largeur,  étoient  garnis 
d'ais  :  il  y  en  avoit  quarante-huit  en  tout.  Dans  la  longueur  de  chaque  cô- 
té, il  y  en  avoit  vingt,  6c  dans  le  fond  vers  l'Occident,  il  y  en  avoit  huit, 
les  planches  n'étoient  pas  couchées  félon  leur  longueur,  comme  dans  la 
Gonftruélion  des  navires.  Mais  elles  étoient  dreflées  tout  debout  ,  comme 
elles  font  ordinairement  dans  les  cloifons.  5.  Leur  hauteur  étoit  de  dix 
coudées,  c'eft-à-dire,  quinze  pieds:  Joigne^;  à  cela  les  foubaflemens  56c  l'é- 
lévation des  courtines,  qui  apparemment  étoient  en  dos  d'âne  pour  égou- 
ter  les  eaux  :  cela  pouvoit  faire  une  hauteur  d'environ  20.  pieds  ,  ce  qui 
étoit  la  hauteur  du  Tabernacle.  6.  Ces  planches  avoient  au  bas  deux  tenons 


Ces  deux  dents  encroient 
_J  d'argent ,  qui  fe  pofoit ,  6c 


en  manière  de  deux  dents,  en  cette  façon. 

dans    deux   mortaifes  d'un    foubaftement   

qui  entroit  en  terre  ,  apparemment  dans  ij  ij  quelque  profondeur  j  c'èft 
pourquoy  il  falloit  qu'il  y  eût  beaucoup  d'argent  dans  le  foubafiement.  7. Ces 
ais  étoient  joints  les  uns  aux  autres  dans  leur  longueur  6c  hauteur ,  par  f .  bar- 
res qui  étoient  pofées  félon  la  longueur  du  Tabernacle  ,  6c  qui  regnoient 
dei^^uis  un  boutjufques  à  l'autre,  6c  entroient  dans  des  boucles  ou  anneaux 
avec  force,  de  forte  que  cela  tenoit  les  ais  droits,  ferrez  6c  en  état.  Il  y 
avoit  une  barre  au  milieu,  qui  étoit  par  dedans,  6c  ne  fe  voyôit  point  par 
dehors 5  c'eft  pourquoy  nos  Peintres  n'en  peignent  que  quatre,  deux  par 
en  haut,  deux  par  en  bas.  Les  barres  étoient  de  bois  deSittim,  6c  lésais 
auffi  j  le  tout  couvert  d'or ,  mais  les  anneaux  étoient  de  pur  or.  Les  ais  des 
encogneures  étoient  joints  avec  des  anneaux  d'or. 

8.  Pour  achever  la  defcription  du  dehors,  il  faut  ajouter,  que  tout  cela 
étoit  couvert  par  dehors  de  peaux  de  Taifibns  avec  le  poil.  Au  deifoos  -il 
•y  avoit  une  autre  couverture  de  peaux  de  moutons  avec  leur  laine  teintes 
en  rouge  :  La  première  couverture  fervoit  à  faire  écouler  les  eaux ,  et  la  ic- 
conde  à  retenir  l'humidité,  afin  qu'elle  ne  pénétrât  pas  jufques  ao  voile. 

p.  Cet  efpace  par  dedans  étoit  donc  environ  de  la  grandeur  d'une  ialfe  ^^Pï^™''^^^ 

•  "111  o  11  o  ij5''i  •  tspitierie 

quiauroit  4f .  pieds  de  longueur,  6c  if .  de  large,  oc  20.  pieds  d  élévation  :  iEteiienre 
cela  étoit  enrichi  deprecieufesétoftés-j  la  première  chofe  qui  fe  voyoit  étoit  "°J^""' 
une  riche  tapiiferie  faite  de  fin  hn,  le  fond  étoit  de  couleur  d'or  rembrunr,  LnuHscehr 
ou  d'un  jaune  brun ,  c'eft  la  couleur  du  fin  lin  ;  ce  fond  étoit  'enrichi  d'où  ^™',ou 

'  ■'  ^  co'kur  ee 

K^C   Z  Vrages  jjgged'œiîf. 


204<  HISTOIRE  DES  DOGMES 

vniges  de  fleurs  de  pourpré,  de  cramoifi ,  d'écarlate  ô£  d'or ,  Ôc  tout  plein  de 
figures  de  Chérubins  en  broderie  de  pourpre. 

lo.  La  tapifl'erie  étoit  compofce  de  dix  pièces,  dont  chaque  pièce  avoit  en- 
viron 40.  pieds  de  longueur,  ëc  6.  pieds  de  largeur.  Les  pièces  n'étoient  pas 
coufuës  enfemble  5  mais  accrochées:  au  bord  d'une  pièce  il  y  avoit  50.  bou- 
cles de  pourpre  y  à  un  pied  ou  environ  un  peu  moins  l'une  de  l'autre ,  àc- 
puis  le  haut  jurques  au  bas ,  6c  au  bord  de  la  pièce  y  qui  dcvoit  joindre ,  ily 
avoit  cinquante  crochets  d'or,  qui  entroient  dans  ces  cmquante  boucles  y 
toutes  les  pièces  écoient  de  même,  6c  les  dix  pièces  de  tapillerieainlî  join- 
tes cnfemble,  étoient  élevées  en  forme  de  tente,  entre  les  planches,  de- 
puis le  haut  juiques  au  bas^^  6c  s'étendoient  fur  les  cotez  Ôc  fur  le  haut  du 
Taberna:cle  j  les  pièces  ainfi  accrochées  les  unes  aux  autres-  r-egnoient  depuis 
im  des  cotez  du  Tabernacle  ,jufques  à  l'autre,  6c  dans  k  haut  on  les  éten-^ 
doit  en  rondeur,  ce  qui  faifoit  une  efpece  de  voûte. 
Seconde  ta-       II.  Mais  par  delllis  cette  tenture  de  tapiflerie  fi  riche ,  il  y  en  avoit  une: 
pifliriede    ^utre,  qui  n'étoitque  de  camelot,  fait  de  poils  de  chèvres  (ans  ornement. 
TICS.  Elle  etoit  deitmee  a  arrêter  1  eau  oC  l  humidité ,  qui  auroit  pu  traverier  les 

peaux  de  taifTon  Se  de  mouton.  Cette  tapiflerie  ne  fevoyoit  point.  Il  y  avoit 
onze  pièces  de  cette  féconde  tapiflerie ,  les  pièces  étoient  de  même  largeur 
que  celles  de  la  première  -,  mais  elles  avoient  50.  coudées  ,  c'eft  environ 
4f.  pieds  de  longueur,  au  lieu  que  les  autres  n'avoient  que  2,8.  coudées.  Mais 
enrecompenfe,.  Aies  pièces  n'avoient  pas  plus  de  largeur,  ily  en  avoit  on- 
ze ,  au  heu  qu'il  n'y  en  avoit  que  dix  de  la  fine  >  6c  la;  raifon  pourquoi  pette 
tapiiTerie  étoit  plus  ample,  tant  en  hauteur  qu'en  largeur,  que  la  premiè- 
re,  eft  évidente  j  c'eil  qu'elle  la  dcvoit  erabrafièr.  Ces  pièces  étoient  atta^ 
chées  comme  les  précédentes ,  avec  des  boucles  ôc  des  crochets  j  mais  les  cro- 
chets de  cette  dernière  tapiflerie  n'étoient  que  de  cuivre,  pour  être  plus 
forts ,  6c  parce  qu'on  ne  les  voyoic  pas.  Ces  deux  tentures  étoient  en  dedans 
des  planches.  Mais  fur  tout  cela ,  6c  fur  les  planches  mêmes ,  éroient  les  deux 
couvertures  extérieures  de  peaux  de  mouton,  6c  de  peaux  detaifibn. 
îielieutrcs-      f-z.  Cet  efpacc  étoit  divilé:  en  deux  :  le  fond  étoit  de  dix  coudées,  ou 
Scmcîi*  ^'5-  pieds, l'autre  efpace  étoit  de  zq.  coudées  ou  de  30.  pieds:  le  premier 
eft:le  heu  Très- Saint,  ou  étoit  l'Arche  5  6cc.  Le  fécond  étoit  le  lieu  Saint  oii 
étoit  l'Autel  des  parfums,  la  Table,  leChaudelicr,  6cc.  Le  lieu  Saint  étoit  fe- 
paré  du.  lieu  Très- Saint-,  par  un  voile  d'une  riche  tapiflerie  de  pourpre  6c  dô 
fin  lin,parleméede  Cheriibins  en  broderie:Sc  le  Voile  étoit  foûtenupar  quatre 
petites  colomnes  de  bois  précieux ,  couvertes  de  pur  or ,  avec  les  chapiteaux, . 
6c  les  couronnemens  de  même  metail ,  6c  les  bafes  ou  piedeftaux  des  ce*- 
lomnes  étoient  d'argent  :  Sur  ces  quatre  colomnes  il  y  avoit  quatre  crochets - 
d'or,  oii  étoit  attaché  le  voile.. 
Le  grand         î  ^ .  Enfin  à  l'entrée  de  ce  Tabernacle,  il  y  avoit  cinq  petites  colomnes  :. 
voile,  ou  !â  (Jeux  vis  à-vis  des  planches  qui  regnoient  dans  le  côté,  6c  trois  dans  l'ou- 
bermcic.     vcrture.  iLlles  etoient  de  bois  précieux ,  mais  non  cou  vert  d  or,  excepte  les 
chapiteaux,  6c  les  couronnemens  àes  colomnes.  Les  bafes  n'étoient  que 
d'airain ,  à  ces  cinq  colomnes  étoit  pendu  le  premier  voile ,  qui  fermoit  l'ea- 
trée  de  tout  le  Tabernacle  d'afligna];ion,c'étoit^jne  riche  tapiflerie  épaifle, 
ouvrage  de  brodeur  comme  lesautres,  de  finhn  6c  de  pourpré.  Nous  ne 
lifonspas  qu'il  y  eût  des  figures  de  Chérubins.  Il  y  a  apparence  qu'on  n'y 

voyoitr 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Part,  II.  2^5 

voyoic  que  des  figures  de  branches  de  feuillage  ôc  de  verdure. 

14.  Tout  à  l'entour  étoit  cet  efpace  qu'on  appelloit  le  Parvis.  C'écoit  Atrfum. 
proprement  une  court,  que  l'on  dit  avoir  été  de  100.  coudées  de  longueur,  Jyp"j?|j°® 
c'ett- à-dire  de  If  0.  pieds,  ôcfo.  coudées  5  ou  75".  pieds  dekrgeur.  Cet  ef* 
pace  non  couvert,  étoit  environné  de  petites colomnes  de  bois  de  lahau- 
teur  de  dix  pieds,  couvertes  de  lames  d'argent,  avec  des  bafcs  d'airain  à 
caufe  de  la  pluye,  à  dillance  de  cinq  coudées,  ou  de  fept  pi-eds  &demi  les 
unes  des  autres ,  é!i^  cqs  colomnes  étoient  pendues  dts  courtines  d'un  ouvra- 
ge à  clairvoye,  comme  de  refeuil  r  parce  qu'il  étoit  bien  permis  à  tout 
le  monde  de  voir  ce  qui  fe  faifoit  dans  ce  Parvis ,  mais  non  d'y  entrer  à  toutes 
les  heures.  A  l'entrée  il  y  avoit  deux  colomnes  plus  fortes  que  les  autres ,  qui 
foûtenoient  un  grand  voile ,  ou  tapiflerie  d'ouvrageplus  greffier  que  \cs  pre- 
cedens  j  ÔC  c'étoit  l'entrée  du  Parvis,  car  les  panneaux  à  clairvoye  ,  qui 
croient  tout  à  l'entour  ne  s'ouvroient  point  :  ils  étoient  continus ,  on 
n'entroit  que  par  cette  porte.  De  pilier  en  pilier  il  y  avoit  des  cordages  Exod.35. 
pour  foûtenir  les  courtines.  Il  devoit  y  avoir  cinquante- lix  de  cts  piliers ,  "**" 
vingt  à  chaque  longueur  du  côté  du  Midi  &  du  Septentrion  ,  &  huit 
à  chaque  largeur  à  l'Orient  ôc  à  l'Occident,  en  les  difpofant  de  cinq  cou- 
dées en  cinq  coudées.  Cela  fait  f6.  La  largeur  de  cette  court  étant  de  fo. 
coudées,  ou  7f.  pieds,  ôc  le  Tabernacle  n'ayant  que  ii.  coudées,  ou  i8. 
pieds  de  largeur,  il  devoit  y  avoir  dix-neuf  coudées ,  c'eft-à-dire  environ 
i8.  pieds  de  largeur  entre  chaque  côté  du  Parvis,  &  les  parois  du  Taber- 
nacle j,6c  ce  Parvis  étant  long  de  loo.  coudées,  ou  de  ifo.  pieds,  &  la  lon- 
gueur du  tabernacle  n'étaiu  que  de  30.  coudées,  ou  4f.  pieds,  il  devoit  y 
avoir  depuis  la  porte  du  Parvis  jufques  au  Tabernacle  3  f .  coudées,  f  z.  pieds 
8c  demi,  &  autant  par  derrière:  mais  il  n'y  a  pas  d'apparence  que  cet  efpa- 
ce fût  partagé  en  deux  parties  égales.  LeTabernacle  étoit  fans  doute  bien 
enfoncé  dans  le  Parvis  vers  l'Occident,  parce  qu'à  la  porte  du  Tabernacle 
dans  le  Parvis,  étoit  l'Autel  des  holocaulîes ,  &  le  cuveau  deslavemens ,  où 
les  Sacrificateurs  étoient  perpétuellement  occupez,  &  avoient  befoin  d'un  - 

plus  grand  efpace  que  par  le  derrière  du  Tabernacle ,  qui  ne  fervoit  qued^ 
décharge  i  je  ne  dirai  rien  icy  de  tout  ce  qui  étoit  dans  ce  Tabernacle,  par-^- 
ee  que  cela  fe  verra  quand  on  aura  parlé  du  Temple.     Prefentement  il  faut 
voir  rabbregé  de  l'Hilloire  de  ce  Tabernacle.  On  fait  qu'il  fut  roulant  dans 
le  Défertpar  40.  ans,  planté  dans  les  diverfes  maniions  des  Ifraëlites.  On  Jofué4.  rp,^ 
croit  que  le  Tabernacle  fut  premièrement  fixé  en  Guilgal  au  fortir  du  Jour-  ^^^^    ^'^' 
dain,  ôc  que  le  Sanhédrin  s'y  arrêta  avec  un  gros.  Camp  pour  le  garder,  Joîîféch.îtf. 
mais  l'Arche  marchoit  avec  eux  en  guerre.  Divers '^^* 

Le  tabernacle  demeura  là  fept  ans,  les  autres  difent  quatorze ,  jufques  à  "«nfoorts 
ce  que  U  terre  fût  conquife ,  après  quoy  il  fut  tranfporté  en  Sifo  de  la  nacie.  ^ 
Tribu  d' Ephraïm;     C'ell- là  que  demeuroit  Je  Souverain  Sacrifi'cateur ,  &     ^^ , 
c'eflrlà  qu'on  Éiifoit  les  facrifices  :  Les  Juifs  difent,  qu'en  Silo  on  bâtit  ip.51. 
une  muraiils  de  pierre ,  pour  tenir  le  lieu  qu'occupoienrles  planches  de  boisj 
feulement  ils  difent  qu'on  ne  couvrit  les  murailles  que  des  courtines  du  Ta- 
bernacle. Le  fondement  de  leur  opinion  eft  cequi  le  lit  au  premier  Livre  de"i-  samnei.ï.' 
Samuel,  où  ce  Sanétuaire  ellappellé  la  maifon  de  l'Eterne] ,  ôc  il  eltdit ,  que'^'  ^'^'     ^^ 
Samuel  en  ouvrit  les  portes,  ce  qui  conviendroit  bien  à' un  Temple.  Mais-  il 
eûplus  apparent  que  ces  portes  que  Samuel  ouvrit  étoient  celles  du  Parvis, 

Ce  3  il 


V.  IJV 


îo6         HISTOIRE  DES  DOGMES 

il  le  peut  faire  qu'au  lieu  de  ces  poteaux  oii  pendoient  des  reieuils,  on  y  fit 
quelque  muraille  à  clairvoye  ,  &:  deux  poteaux  à  l'entrée  qui  Ibûtenoient 
txode        les  portes.    Pour  le  nom  de  maifon  de  l'^Eternel  cela  ne  conclut  rien,  car  le 
^^'  ^*^'        mcme  nom  eil  donné  au  Tabernacle. 

Le  Tabernacle  demeura  en  Silo  349.   ans  :  Depuis  le  feptiéme  an  de 
Joluc  &  de  fon  entrée  dans  la  Terre  Ibinte  tout  le  tems  desjugesiépafla. 
Pendant  quoi  l'Arche  fut  fou  vent  errante,  6c  le  Tabernacle  toujours  fixe. 
Dans  le  chap.  24.  dcjofué  v.  2,(5.27.  il  efl  parlé  du  SanBuaire  de  l'Eternel 
en  Sichem,  011  Jofué  traita  alliance  avec  le  peuple.  11  y  a  apparence  que 
£.  SiiuueU-  l'Arche  repofoit  alors  en  ce  lieu  là.     Et  dans  le  lieu  où  elle  étoit ,  on  lui  fai- 
foit  un  petit  Tabernacle  qui  s'appelloit  le  Sanéluaire  de  l'Eternel.     Dans 
cette  grande  déroute  qui  caufa  la  mort  d'Heli  &  de  fes  enfans ,  l'Ar- 
che fut  prife  &  ne  rentra  plus  dans  le  Tabernacle  :  Se  le  Tabernacle  fut 
r  es  Juifs     tranfporté  en  divers  heux.  Premièrement  il  fut  tranfporté  en  Nob  de  la  tribu 
âïbétoi?    tîe  Ben  jaminj  ôc  il  y  a  bien  apparence  que  Saul  fît  cela  à  l'honneur  de  fa  tribu; 
'^laveuëde  £lle  ell  appcUéc  ville  de  Sacrificateurs,  &  il  paroît  que  là  étoientleTa- 
voyez^'^^'    bernaclcjla  Table,  les  Pains  de  propofition.  Dans  ce  tems-là  l'Arche  étoit 
r.  Samuel     en  Kiriat  feharim  en  la  maifon  d'Abinadab ,  au  côtau  :  Et  elle  y  fut  jufques  au 
ôc^22.^^*      tems  de  David.    Enfuitede  Nob  le  Tabernacle  fut  tendu  en  Gabaon ,  au- 
voyez  ^     {-i-e  yiiie  (je  Benjamin,  &y  demeura  jufques  au  tems  de  Salomon>  quand 
&  slssm.  6*.  il  eut  bâti  le  Temple ,  il  y  tranfporta  6c  l'Arche  6c  le  Tabernacle. 
Voyez  le  2,      Dcpuîs  ce  tcms  là  on  ne  fait  pas  bien  ce  qu'eft  devenu  le  Tabernacle, 
desciuoni-  Lés  Juifs  difcut  quc  pendant  que  ce  Tabernacle  fut  dans  un  lieu  fixe,  il 
feTe 5/  '°   n'étoit  pas  permis  defacrifier  ailleurs  félon  la  Loy  du Levitique  17.4.  f.6. 
î.B.oisg.     n-|gjs  que  quand  le  Tabernacle  6c  l'Arche  n'eurent  plus  de  lieu  afi^gné  , 
Voyez        ce  qui  arriva  depuis  qu'ils  furent  tirez  de  Silo  juiques  à  la  conftruélion 
vo^Tz  g!o-  du  Temple,  efpace  qui  fut  d'environ  100.  ans,  il  fut  permis  de  facrifier  par 
dusinDeut,  tout  daus  Ics  hauts  licux,  mais  qu'après  la  conltruélion  du  Temple,  cela  ne 
Ra'ieba?      ^^^^  P^"^  permis.  Et  auffi  depuis  l'arrivée  du  peuple  en  Guilgal,  jufques  à  ce 
î.Reg.  3.Î.  que  le  Tabernacle  fut  pofé  en  Silo  avec  des  parois  de  maflbnnerie,  il  fut 
Rabbfuvl    permis  de  facrifier  par  tout  ,  félon  la  tradition  des  mêmes  Juifs. 

Bsn  Geilon. 


CHAPITRE     ï  IL 

'Du  Temple  de  Salomon. 
a.chronic.   ï-  f^  E  Temple  étoit  fitué  fur  la  montagne  deMorija,  011  Abraham 


^i      y  avoir  voulu  facrifier  fon  fils,  6c  011  David  facrifia  pour  arrêter  la  pef- 

te,  quand  il  acheta  l'aire  d'Oman  Jebufien ,  que  l'Ange  lui  montra. 

z.  Sara.  24.   Les  Rabbins  écrivent  que  Adam,  Abel56c  Caïn  avoient  fait  fur  cette  monta- 

î.^cSn       S^^^  l^uïs  premiers  facrifices,  6c  que  même  Adam  avoit  été  créé  de  la  poudre 

£1.  ï8.        de  cette  montagne    imsa   Dlpoa    N'13:lî>    rjmd  créât  us  eji  in  loco  expiait  onis 

ejus;  cela  eft  rejette  par  CuniZHs-,  Mais  il  a  tort  de  mettre  au  rang  de  ces 

fables,ce  qu'on  dit  qu'Abraham  voulut  facrifier  fon  fils  en  ce  lieu^  car  cela  ell 

certain.  Il  y  avoit  dans  cette  montagne  trois  fommets  qui  fe  joignoient,  Sion, 

Mo- 


â.  I. 


ET  PES  CULTES  DE  L'^EGLISE.  Tart.lL  207 

Morija,  le  Calvaire.  Une  vieille  tradition  dit  qu'Adam  a  été  enterré  fur 
le  Calvaire,  dont  la  montagne  a  tiré  Ton  nom,6coi^i  nôtre  Seigneur  mou- 
rut. On  peut  voir  cette  opinion  aiTez  amplement  rapportée  dans  nôtre  Hif- 
toire  du  premier  période.  Le  Temple  fut  placé  fur  la  montagne  de  Sion, 
c'efb  que  leur  proximité  les  faifoit  confondre,  ôc  comme  dans  les  tems  an- 
ciens cette  lifiere  de  montagnes  s'appelloit  Morija,  elle  prit  en  fuite  le  nom 
de  Sion  à  caufe  que  David  rendit  fameux  le  fommet  de  Sion  par  lamaifon 
qu'il  y  bâtit ,  &  en  y  faifant  habiter  l'Arche. 

z.  Le  Temple  commença  à  être  bâti  le  4"^^.  du  Règne  de  Saîomon  480.  ans  Quand  oa 


commença 


après  la  fortie  d'Egypte.  On  fut  fept  ans  à  le  bâtir,  &Salomon  y  employa  Je°^„^ç^j 
pendant  ce  tems  prés  de  deux  cens  raille  ouvriers^  il  avoit  80000.  coupeurs  du Tempie, 
de  bois  au  Liban,  êc  70000.  étrangers  qui  portoient  les  fardeaux,  &  outre  ^•^^^•^'  ^' 
cela  30000.  hommes  Ifraëlites,  qui  travailloient  tour  à  tour,  dix  mille  cha- 
que mois  ÔC  3300.  qui  prelîdoient  fur  l'ouvrage. 

3.  Nous  parlerons  premièrement  du  corps  du  Temple ,  que  nous  appel-  Defcrîptîos 
leronslanef   Elle  étoit  divifée  en  trois  parties,  le  Porche,  le  lieu  Saint  §c  dïS'^^' 
le  lieu  Très  Saint  :  cela  faifoit  enfemble  un  édifice  beaucoup  plus  long  que  ^^i"^  ^  des 
large:  la  largeur  étoit  de  zo.  coudées  qui  faifoient  environ  30.  pieds ,  &  la  Ion-  bâtks  unit 
gueur  de  60.  coudées  ou  90.  pieds  :  à  quoi  il  faut  ajouter  la  largeur  du  ^"^^"^  ^'» 
Porche  qui  étoit  de  dix  coudées  ou  de  i  f .  pieds ,  au-delà  des  parois  du  heu   ^^^  ^' 
Saint:  de  foite  qu'en  tout,  l'édifice  avoit  70.  coudées,  ou  lof.  pieds  de 

long  :  La  hauteur  de  la  maifon  étoit  de  30.  coudées  ou  4f .  pieds.  iVIais  le  Por- 
che étoit  haut  de  12.0.  coudées  ou  180.  pieds  qui  font  30.  toifes  de  hau- 
teur :  Ainfi  c' étoit  proprement  une  grande  tour  élevée  llir  la  porte ,  ou 
veflibule. 

4.  L'édifice,  qui  comprenoit  le  Porche  &  le  corps  du  Temple ,  n'avoit 
donc  que  10.  coudées  ou  30.  pieds  de  large  ,  mais  il  étoit  élargi  de  cinq 
coudées  ou  7.  pieds  ôC  demi,  par  des  chambres  attachées  tout  au  tour  du 
Temple  aux  trois  faces,  favoir  les  deux  cotez  qui  avoient  chacun  70.  cou- 
dées de  longueur ,  ôc  le  derrière  du  Temple  qui  en  avoit  20.  &  plus  :  car 
ces  20.  coudées  qui  font  contées  pour  la  largeur  du  Temple,  doivent  être 
prifes  par  dedans,  non  comprife  la  largeur  des  murailles.  Il  eft  expref-  i.Roïsch, 
fément  dit,quelelieu  très  Saint  par  dedans  avoit  20.  coudées  dans  toutes  ^'  ^•'°* 
fes  dimenfions ,  largeur ,  longueur ,  &  hauteur. 

Ces  corps  de  logis  attachez  au  Temple  avoient  trois  étages  ^  c'ell-à-di- 
re ,  trois  chambres  l'une  fur  l'autre  :  chacune  de  ces  chambres  avoit  cinq 
coudées  de  hauteur.  Ainfi  ces  trois  chambres  l'une  fur  l'autre  faifoient  une 
hauteur  de  quinze  coudées:  Le  bâtiment  en  avoit  30.  le  haut  de  ces  corps 
de  logis  alloit  donc  jufques  à  la  moitié  de  la  hauteur  du  Temple.  Et  le 
tout,  favoir  le  corps  du  Temple,  ôc  les  logis  attachez,  pouvoient  faire  en- 
viron 44.  ou  4f.  coudées  de  largeur,  en  donnant  aux  murailles  du  Tem- 
ple fix  coudées,  c'ell-à-dire  9.  ou  10. pieds  de  fondement,  6c  aux  parois 
des  corps  de  logis  une  coudée  :Jofephe  dit  que  le  nombre  de  ces  chambres  Amiquif, 
alloit  jufques  à  30.  Si  cela  étoit  ainfi,  il  n'y  avoit  que  dix  corpsde  logis  at-  ^it>-8-"E-3» 
tachez,  car  dans  chaque  corps  de  logis,  il  y  avoit  trois  chambres  les  unes 
fur  les  autres .  Il  dit  que  ces  corps  de  logis  étoient  feparez,  Ôc  qu'il  pouvoit  y 
avoir  environ  p.  ou  10.  coudées  entre  chaque  corps  de  logis:  Les  autres. 
Arias  Montanus ,  ôc  nos  Bibles ,  femblent  fahx  régner  ces  corps  de  logis 

tout 


2o8  HISTOIREDES  DOGMES 

©pinîonde  touc  à  l'cntour  fans  intervalle:  Ce  que  die  Jolephe  elt  plus  apparent,  au-» 
vS'êmbia-  tremcnc  le  nombre  de  ces  cabinets  eût  été  tort  grand  ,  car  ils  n'avoient 
biefuric      que  ibpt  pieds  ôc  demi  en  quarré.  llauroitpeu  y  avoir  autour  du  Temple 
îkuTtiïi*     plus  de  30.  corps  de  logis,  qui  enflent  fait  po.  cabinets.  Il  y  avoit  de  l'iné- 
dcs  corps  de  galité  dans  ces  cabinets  ,    le  deiTous  étant  plus  étroit  d'une  coudée, 
^°^'^'         que  celui  du  milieu,  &  celui  du  milieu  plus  étroit  que  le  plus  haut:  ce  qui 
venoit  de  ce  que  Ton  avoit  fait  des  étrecifler^ens  à  la  muraille  du  Tem- 
ple, pour  pofer  les  poutres  de  ces  appentis:  A  f.  coudées  déterre  les  pa- 
rois du  Temple  étoient  retrecies  d'une  coudée  :   6c  à  f .  autres  coudées 
de  hauteur  la  même  muraille  écoit  encore  retrecie  d'une  coudée  j  ôc  en- 
fin à  If.  coudées  de  hauteur,  il  y  avoit  encore  un  étrecifiement  d'une  cou- 
dée pour  le  même  but,  c'ellpourypofer  le  plancher  d'enhaut,  oulaplatte- 
forme  de  la  troifiéme  chambre.    Mais  depuis  cette  i^"**.   coudée  jufques 
au  haut,  la  muraille  du  Temple  étoit  tout  d'une  largeur,  ôc  épaifleur.  Ces 
i.Kcg.  6.4.  étrecillémens  avoient  été  faits  pour  appuyer  les  poutres  des  Chambrettcs, 
afin  qu'on  n'entamât  pas  la  muraille  duTemple:  pour  cette  même  railbn  , 
il  y  a  apparence  qu'on  cntroit  dans  ces  cabinets  par  dehors  le  Temple  , 
car  on  n'avoit  pas  voulu  percer  la  muraille,  pour  y  mettre  les  poutres  des 
corps  de  logis  attachez,  beaucoup  moins  l'eût-onfait  pour  y  faire  des  por- 
tes. Il  y  avoit  à  chaque  corps  de  logis  un  petit  efcaher,  qui  montoitaux 
chambres  d'enhaut,  6c  fur  la  platte-torme, 
^^''a'*'°h-       ^^  corps  du  Temple  éuoit  bâti  de  grandes  pierres  de  marbre,  parfai- 
tefture  dais  tcmcnt  poli  ôc  blancj  les  murailles  s'élevoient  à  la  hauteur  de  30.  coudées, 
d  ^T**^^    comme  nous  avons  veu ,  &  là-defius  étoient  appuyées  des  poutres  de  cèdre, 
'  qui  traverfoient  d'une  muraille  à  l'autre,  &  qui  dévoient  être  pour  le  moins 
de  zf.  coudées  de  longueur,  c'eil-à-dire  plus  de  36.   pieds;  le  tout  en 
platte-forme  par  dehors,  (elonl'Architeéturcdu  tems:  La  figure  du  Tem- 
ple étoit  non  ovale  mais  quarrée.     C'étoient  deux  murailles  de  70.  cou- 
dées ou  po.  pieds,  bâties  parallèles;  jointes  dans  le  fond  par  une  autre 
muraille  de  10.   coudées  de  largeur  ,   ainli  l'Architeéture  n'en  étoit  pas 
merveilleufe,  ce  n'étoit  qu'un  quarré  long,  égal  par  tout,  fans  colomnes,  pour 
foiitenù'  le  bâtiment  &  fans  voûtes.     Or  ce  font  les  voûtes  Ôc  les  colomnes 
qui  tbnt  la  plus  belle  partie  de  l' Architeâure  de  nos  Egliles. 

Dans  l'épaifieur  de  la  muraille  en  entrant  à  côté  droit ,  on  avoit  ména- 
gé un  eicalier  pour  monter  fur  la  platte-forme  de  la  maiion.  Les  dimen- 
(îons  du  Temple  étoient  jullement  le  double  de  celles  du  Tabernacle ,  car 
leTabernacle  avoit  30.  coudées  de  longueur  &:  10.  delargeur,&  le  Temple 
en  avoit  20.  de  largeur  &  60.  de  longueur,  fans  conter  le  Veftibule  ou 
Porche,  quifaifoit  encore  dix  coudées  de  profondeur.  Tout  autour  de  ce 
grand  corps,  il  y  avoit  un  couronnement  de  baiullrades  ,  ôc  des  galeries 
au  deflùs  de  la  tour  ou  Veftibule,  de  diftance  en  diftance  :  Voila  le  dehors, 
il  faut  entrer  dedans. 
Defctiption  i.  Nous  Commencerons  par  le  Porche  ou  Veftibule:  Il  donnoitdansie 
ûaveftibuie.  ^o^^il  levant,  ôc  le  derrière  de  la  mailbn  regardoit  ie  foleil  couchant.  La 
première  chofe  que  l'on  rencontroit  dans  le  Veltibuie,  c'étoit  deux  gran- 
des colomnes  d'airain  ou  de  fonte,  de  la  hauteur  de  18.  coudées,  c'eft-àr 
dire  2(5.  ou  27.  pieds;  elles  avoient  iz.  coudées  de  circonférence, c'eft 
3-dire  18.  pieds:  II  y  avoit  un  chapiteau  de  cinq  coudées,  tellement  que 

les 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Tart.lL  209 

les  colomnes  avoient  en  tout  25.   coudées  de  haut,  c'eft  environ  34.  ou 
3f .  pieds.    Il  y  a  ici  une  contradi6tion  apparente  entre  le  texte  du  i.  li-  Reconciiia- 
vre  des  Rois  chap.  7.  f.if.   Se  celui  du  z.  des  Chron.  chap.  3.  f.iy.  Sois  avec 
Le  livre  des  Chroniques  dit,  que  ces  colomnes  étoient  de  35".  coudées.  Et  ceiiudes 
le  livre  des  Roys  ne  leur  donne  que  25.  coudées.  On  dit  que  l'Auteur  du  ^rîagSîf/* 
livre  des  Chroniques  conte  la  hauteur  des  deux  colomnes  enfemble  ,  n'y  '^^"'^  des  co- 
joignant  pas  les  chapiteaux.  En  y  ajoutant  une  coudée  pour  le  couronne-  °"^'^"' 
ment  entrelafle,  «Se  pour  les  Grenades  au  deffus  du  chapiteau,  cela  faifoit 
36.  coudées,  le  chapiteau  leul  n'avoit  que  4.  coudées,  &  le  relie  et  oit  oc-  i.Reg.7. 15. 
cupé  par  un  refeuil  de  chaînettes  entreialTé.   Ce  qui  donnoit  en  tout  cinq 
coudées  au  chapiteau.  Ce  porche  étoit  long  de  20.  coudées,  ou  30.  piedsi 
car  il  avoit  pour  longueur  la  largeur  de  la  maifon,  &  10.   coudées  de 
profondeur  jufqu'à  la  porte  du  Temple.    Ce  Veftibule   étoit  ouvert  ôc 
n'avoit  pas  de  porte  :  On  y  entroit  par  refpace  qui  étoit  entre  les  colom- 
nes. Nos  Bibles  ôc  nos  tailles-douces  mettent  devant  le  Veftibule  une  mu- 
raille lemblable  à  celle  qui  enfermoitles  courts,  ou  parvis ,  comme  nous  i. Rois 7, 
verrons  :  mais  le  texte  où  l'on  prétend  trouver  cela  n'eft  pas  clair.  Dans  ce  ^^' 
porche  on  voyoit  des  trois  côtés  des  murailles  d'untrés  beau  marbre  blanc. 

2.  De  ce  Veftibule  ou  porche,  on  entroit  dans  le  Temple,  êcle  Vefti-  Piemiere 
bule  étoit  feparé  du  lieu  Saint  par  un  mur  de  marbre  blanc  de  la  longueur  Swe^qui 
de  io.  coudées,  ce  qui  étoit  la  largeur  de  la  maifon.  Au  milieu  de  la  mu-  feparoit  le 
raille  il  y  avoit  deux  grands  piliers  de  bois  d'olivier  ,   avec  une  porte  à  Reu'^salnt" 
deux  batans  du  même  bois.     La  porte,  qui  avoit  cinq  coudées  ou  fept 

pieds  6c  demi  de  large ,  étoit  travaillée  avec  beaucoup  d'art ,  pleine  de 
demi-reliefsjde  feftons,  de  palmes,  de  Cherubins5de  branches  entrelalTées,  le 
tout  couvert  de  lames  de  pur  or. 

3 .  Cette  porte  ouverte  vous  faifoit  entrer  dans  un  grand  efpace  de  la  L'entrée 
profondeur  de  40.  coudées,  ou  60.  pieds  de  longueur,  &  de  20.  coudées,  saTnV^^&T^ 
ou  30.  pieds  de  largeur:  c'étoit  le  lieu  Saint:  cet  efpace  étoit  lambrilTé ïiefcnptioa. 
en  voûte  par  le  haut,  &  revêtu  par  les  cotez  de  très-beaux  lambris ,  de  for- 
te qu'on  ne  voyoit  la  muraille  par  aucun  endroit:  Le  lambris  étoit  de  bois 

de  cèdre  &  rempH  défigures  enboife,  ou  demi-reliefs, de  Chérubins,  de 
palmes,  de  fleurs  épanouies,  de  lacets,  &  de  chaînettes  entrelaffées  j  le  tout  • 
étoit  couvert  d'or  pur  depuis  le  haut  jufques  au  bas.  Le  fol  fur  lequel  on 
marchoit  étoit  d'un  bois  que  nos  Auteurs  appellent  du  fapin  :  Arias  Mon- 
tanus  dit  que  c'étoit  du  bouïs  ,  &  ce  dernier  eft  plus  apparent,  parce  que 
le  bouïs  àcaufe  de  fa  dureté  eft  plus  propre  à  faire  un  plancher,  fur  le- 
quel on  marche  :  le  fol  étoit  uni  fans  figures  >  mais  couvert  de  lames  d'or 
comme  le  refte. 

4.  Au  bout  de  cet  efpace  de  40.  coudées  ou  60.  pieds,  ontroiivoitunej^fo™e<îi5 
feparation ,  au  milieu  de  laquelle  il  y  avoit  une  porte  de  4.  coudées  ou  6.  pieds  sïi'w!"* 
de  large ,  foûtenuë  par  deux  colomnes  de  bois  d'olivier ,  toute  entaillée  com- 
me les  lambris  6c  couverte  d'or:  Et  des  deux  cotez  de  cette  porte,  il  y  Les  juifs  dî- 
avoit  un  grand  voile  de  tapilTerie,  fait  en  broderie,  d'un  ouvrage  très  pre-  dans  ?e"^ 
cieux  :  le  fond  étoit  de  fin  lin ,  ôc  les  figures   de  Chérubins   étoient  de  Temple  de 
pourpre  ôc  d'écarlate ,  ce  voile  étoit  attaché  aux  pilaftres  de  part  6c  d'au-  fav^^ïn^ 
tre  avec  des  chaînes  d'or  :  La  porte  étant  ouverte  on  trouvoit  un  efpace  muraille 
de  20.  coudées  en  tout  fens  :  Car  le  lambris  d'enhaut  n'étoit  porté  dans  dée"deïige, 

Tan.  II.  Dd  cette  *i"^  divifoit 


du  lieu  tiés 
Saint  ,ôc  ils 
appelloient 
cette  mu- 
laille 

*i.Rois.  6 
V.    16, 

Bâtimens 
Se  oine- 
mcns  au- 
tour du 
Teajple. 


2IO  HIST  O  IRE   D  ES   DOGM  ES 

le  lieu  Sâûit  cette  partie  qu'à  la  hauteur  de  zo.  coudées,  6c  dans  le  reftedela  maifoo 
il  y  a  apparence  que  la  voûte  étoit  plus  haute,  c'cfl  dequoi quelques  Au- 
teurs ne  demeurent  pas  d'accord  -,  cela  n'eft  pas  bien  clair.  *  Cet  efpace 
étoit  comme  les  autres  lambrilTé  de  cèdre ,  couvert  d'or  ,  8c  rempli  de  fi- 
gures de  Chérubins,  de  palmes,  &C  de  fleurs.  C'étoit  le  heu  très  Saint,  & 
le  fond  de  la  mailbn  vers  l'Occident.  Enfuite  il  faut  considérer  ce  qui 
étoit  autour  du  Temple. 

f.  Ce  riche  édifice  étoit  environné  d'un  grand  enclos,  qui  avoit  quatre 
coins;  mais  d'une  figure  irreguliere,  beaucoup  plus  étroite  par  un  bout 
que  par  l'autre:  La  partie  la  plus  large  étoit  vers  l'Orient  ^  ôcla  plus  étroi- 
te vers  rOccident.  Le  Temple  étoit  placé  dans  le  fond  de  ce  grand  en- 
clos, dans  la  partie  la  plus  étroite.  Cet  enclos  pouvoit  avoir  du  tems  de 
Salomon  300.  à  400.  coudées  de  largeur:  dans  le  Temple  d'Herode,  il 
étoit  de  foo.  mais  le  haut  de  la  montagne  ne  fut  pas  applani  tout  d'un  coup, 
ôc  l'on  ne  gagna  que  peu  à  peu  cet  efpace  fur  les  abîmes,  qui  l'environ- 
noient,  en  les  comblant  avec  unlong-tems:  chaque  côté  pouvoit  donc 
avoir  environ  80.  ou  100.  toifes  de  longueur,  c'étoit  environ  3.  ou  4. 
cens  toifes  de  circuit.  Cet  enclos  étoit  environné  d'une  muraille  de  mar- 
bre blanc,  compofée  de  trois  rangées  de  grofles  pierres  de  marbre  d'envi- 
ron 4.  ou  f.  coudées,  c'eil- à-dire,  6.  ou  7.  pieds  de  hauteur.  Et  là- 
deifus  étoit  élevé  un  rang  de  colomnes  6c  de  pilaftres  de  cèdre,  en  manière 
de  baluilrades  fort  prefiées. 

6.  Ce  grand  efpace  étoit  diviféen  deux  parvis ,  ou  deux  courts  j  le  par- 
vis de  dedans ,  6c  le  grand  pai'vis ,  ou  la  court  de  dehors.     Le  parvis  de- 
dedans  étoit  celui  qui  environnoit  immédiatement  la  maifon,  6c  qui  étoit 
le  plus  proche  du  Temple.  C'étoitle  parvis  des  Sacrificateurs:  Làétoient 
à  la  porte  du  Temple,  l'autel  des  hoîocaufies,  les  lavoirs  6c  les  cuveaux 
des  lavemens  expofez  à  l'air ,  6c  non  couverts.     Avant  ce  parvis  6c  plus 
éloigné  du  Temple  étoit  le  grand  parvis,  ou  le  parvis  du  peuple  :  C'eli: 
le  premier  efpace  qu'on  trouvoit.     Et  c'étoit  une  grande  court,  oiiTon 
entrait,  en  venant  au  Temple  ,   6c  oij  le  peuple  le  devoit  tenir  n'ofant 
?c"ptm7des  P'^^^r  plus  avaut.     Il  étoit  beaucoup  plus  grand  6c  plus  large  que  l'autre 
parvis.     Il  en  étoit  feparé  par  une  muraille  de  marbre,  6c  des  baluilrades 
de  cèdre  comme  l'enclos  du  Temple,  6c  dans  le  miheu  il  y  avoit  une 
porte  vers  l'Orient,  qui  étoit  vis-à-vis  celle  du  Temple.  Et  c'eft  laque  le 
peuple  venoit  amener  {es  viélimes.     Là  dedans  étoit  le  fiége  duRoi,  au 
etoit  appelle  miheu ,  6c  le  peuple  étoit  tout  à  l'entour. 

e  nouveau  ^^  Autour  de  cc  grand  enclos ,  Arias  Montanus  prétend  qu'il  y  avoit  di- 
vers logemens  6c  corps  de  logis  y  mais  je  croi  qu'il  confond  le  Temple  de 
Salomon,  avec  celui  d'Herode,  dans  les  parvis  duquel  il  y  avoit  diverfes 
chambres,  comme  nous  le  verrons.  Il  fe  peut  bien  faire  que  les  Rois 
fuccefieurs  de  Salomon  y  ayent  de  tems  en  tems  ajouté  quelques  édifices. 
Sous  le  règne  de  Jofaphat  il  eft  parlé  d'un  nouveau  parvis  ,  6c  du  tems 
dejofias  il  femblequ'iiyfut  ajouté  quelque  choie.  Quoi  qu'il  n'y  eût  pas 
iEequec'eft  d'édificc  daus  le  circuit  des  murailles  j  cependant  il  eft  apparent  qu'il  y 
que  le  cou-  avoit  quclques  galeries  pour  mettre  le  peuple  à  couvert.  Dans  le  fécond 
bat,  dontii  livre  des  Rois  ch.  16.  f.  18,  il  eft  dit  d'x^chas,  qu'il  ôta  le  couvert  du  Sa- 
B^e^'ch  1$  ^^^  qu'on  avoitbâti  au  Temple ,  6c  l'entrée  du  Roi  qui  étoit  en  dehors  :  C'ell 
T..  ifi..  "    *  appâ- 


tes deux 
parvis,  oh 


Ijigtfoot 
prétend 


femmes 
auffi  dans 
celui  de  Sa- 
lomon, & 
que  c'étoit 
celui  qui 


pai;vis  du 
rems  de 
]ofaphat. 


i.  Chron, 
3to.  y.  5. 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  PanAI.  m 

apparemment  quelque  galerie  couverte ,  de  repos ,  ainfi  appeîlée  Sabbath  ou 
repos,à  caufe  qu'on  s'y  repofoit  à  couvert.  Ligtfoot  conjecture  que  c'étoit  un 
couvert,  où  la  garde  du  Roi  fe  mettoit  en  attendant  le  jour  du  Sabat  :  d'autres 
dirent5que  c'étoit  un  lieu  où  les  Sacrifïcateurs,qui  fortoient  de  femaine  le  ven- 
dredi au  foir,  fe  tenoient  jufques  à  ce  que  le  Sabat  fût  paiïe  :  quoi  qu'il  en  foit, 
c'eil  l'un  de  ces  édifices,  qui  furent  bâtis  dans  la  fuite  autour  du  Temple, 
mais  il  Salomon  les  avoit  bâtis,  il  y  a  apparence  qu'il  en  feroit  parlé.  Il 
n'y  avoit  point  de  fiége  dans  le  parvis,  car  il  n'étoit  permis  à  aucun  de 
s'aiTeoir  dans  le  Temple,  qu'au  Souverain  Sacrificateur,  §c  au  Roy. 

Ce  Temple  fut  diverfes  fois  profané ,  abandonné ,  pillé ,  ou  par  les  étran- 
gers ou  par  fes  propres  Rois  :  Ce  qui  fe  lit  dans  les  livres  des  Rois.  Ce- 
pendant l'édifice  fubiida  toujours  :  Il  avoit  été  achevé  l'an  onzième  de 
Salomon.  Mais  l'onzième  de  Sedecias4io.  après  avoir  été  achevé,  417.  combien  u 
félon  Cappel,  ou  410.  félon  les  Rabbins,  il  fut  brûlé  ôc  tous  fes  vaifleaux  dw?^^  * 
emportez  en  Babylone.  Au  relie  que  le  Temple  fût  l'habitation  de  Dieu, 
&  qu'il  l'eût  choifi  pour  fa  demeure ,  cela  paroît  par  ces  endroits,  favoir, 
Exod.2f.8.  Nomb.f.3.  i.RoisS.i^.  Exod.  if.  17,  Ajoutez  que  tous 
ceux  qui  venoicnt  dans  ce  Temple  étoient  reputez  feprefenter  devant  l'E- 
ternel, d'où  il  paroît  que  c'étoit  un  vrai  Temple  &  proprement  dit ,  les 
Juifs  appelloient  cette  habitation  ^^^^.  C'ell  parallufîonàcelaque  nos 
cœurs  font  appeliez.  Temples  du  Saint  Efprit. 

RabbiSchemTob,  furleMoreNevochimdeMairaonides  part.  3.  cap. 
4f .  remai-quc  fort^bien ,  que  Dieu  fe  fit  conflruire  un  Palais  prefque  à  la  ma- 
nière des  Rois ,  où  il  y  avoit  tout  ce  qui  fe  voit  dans  leurs  Palais ,  gardes ,  offi- 
ciers, appartemens,  tables,  cuifines,  mets,domefliques,  6cc.  afin  de  faire  com- 
prendre, que  Dieuhabitoit  là  d'une  façon  particulière,  comme  les  Rois  de 
la  terr€  dans  leurs  Palais, 


C  H  A  P  I  T  R  E     I V. 

T>M  fécond  Temple  i  &  du  Temple  d'Herode. 

LE  Temple  demeura  renverfé  félon  Jofephe  fo.  ans^  Cappeî  en  conte  i-^-  ï.  cas» 
51.  depuis  l'an  3410.  du  monde  jufques  à  l'an  3461.  qui  fut  Fan  premier  "^  ^pp^®^» 
deCyrus,  c'ell-à-dire ,  l'an  premier  de  fbn  Empire  univerièl ,  quand  Efdïasï.j, 
il  eut  pris  Babylone,  où  les  Juifs  étoient  captifs  j  car  il  y  avoit  déjà  20. 
ans  qu'il  étoit  Roi  de  Perfe:  Dans  cette  première  année,  dis-je,  il  don- 
na permiffion  aux  Juifs  de  retourner  ôcde  rebâtir  le  Temple. 

Nous  avons  peu  de  chofe  à  dire  de  la  flruélure  de  ce  fécond  Temple  5 
feulement  nous  favons  que  l'édit  de  Cyrus  ordonna  qu'il  feroit  de  foi- 
xante  coudées  de  haut,  ôc  d'autant  de  long,  on  ajoute  qu'il  avoit  aufîifoi- 
xante  coudées  de  large.  Ainfi  il  avoit  le  double  de  la  largeur  qu'avoit  eu  ce- 
lui de  Salomon,  qui  n'en  avoit  que  30.  11  efl  vrai  qu'il  n'eli  point  parlé 
de  porche  ou  de  Veftibule,  dans  le  fécond  Temple.  Le  Veftibule  dans  le 
Temple  de  Salomon  avoit  i  û.  coudées  de  profondeur,  ôc  faifoit  avec  le  corps 

Dd  a  du 


2  12         HISTOIREDE  S  DOGMES 

du  l'empie  70.  coudées  de  longueurjôc  ainli  le  fécond  Temple  dans  Ton  com- 
mencement fut  comme  un  parfait  quatre  :  ayant  <5o.  coudées  dans  toutes  fes 
dimenfions.  Du  refte  il  étoit  bâti  félon  le  modèle  de  celui  de  Salomon , 
divifé  en  deux  parties,  le  lieu  Saint  &  le  lieu  très  Saint,  &  des  chambres 
à  trois  étages  àl'entour,  avec  fes  courts  &  parvis  comme  l'autre.  Mais  il 
cft  diiïicile  de  le  dépeindre,  fî  nous  ne  le  prenons  dans  fon  point  fixe ,  c'eft- 
à-dire  dans  l'état  011  le  mit  Herode  furnommé  le  Grand,  qui  le  rebâtit,, 
l'augmenta,  &  le  fit  pour  ainfi  dire  abfolument  tout  de  nouveau  5  &  avec 
tant  de  magnificence,  qu'on  peut  dire  que,  ce  fut  l'une  des  merveilles  du 
monde  :  fes  prcdecclleurs  i'avoient  fort  augmenté  &  embelli,  depuis  Zo- 
robabel:  mais  il  le  porta  bien  plus  avant. 

I.  Herode  Nn  18.  defon  règne  appella  le  peuple  ,  lui  communiqua 
fon  deiïein  ,  &  le  fit  refoudre  à  le  trouver  bon.  Il  rafa  l'ancien  Tem- 
ple dés  les  fondemens,  ôcenjetta  de  nouveaux.  11  fut  fait  en  8.  ans, 
quoi  que  félon  Jofephe  Herode  n'y  employât  que  11 000.  ouvriers:  les  Juifs 
jofc'ph.Lib.  difent:  on  a  été  ^6.  ans  à  bâtir  ce  T'(?/»/?/f,c'e{l-à-dire,  que  depuis  la  dix-hui- 
lohaî'z'**  ^i^"^^  année  d'Herode  jufques  à  ce  jour-là,  il  yavoit  46.  ans  jufte,  & 
Explication  tous  Ics  jours  ony  augmentoit  quelque  chofe,  comme  on  fait  aux  édifices 

du  texte,      publics. 

Par  le  Temple  on  entend  ordinairement  tout  le  corps  de  ces  batimens, 
porches,  parvis,  enceintes,  murailles,  &c.  qui  compofoient  le  lieu  où  fe 
faifqit  le  fervice.  Mais  le  Temple  peut  être  pris  dans  un  fens  moins  éten- 
du, pour  cet  édifice,  dans  lequel  étoit  le  lieu  très  Saint  &  le  lieu  Saint  ,011 
l'on  pofoit  la  table,  l'autel  des  parfums,  ôc  le  grand  chandelier.  C'étoit 
là  proprement  le  corps  du  Temple,  &;  le  refte  en  étoit  comme  les  dépen- 
dances, &  les  accompagnemens.  11  faut  commencer  par  ladefcriptiondu 
Temple  même,  Ôc  premièrement  confiderer fa ftruélure  ôcfes  dimenfions 
par  dehors,  &  enfuite  on  entrera  dedans. 

z.  Il  avoit  par  dehors  cent  coudées  dans  toutes  fes  dimenfions  ,  cent 
coudées  de  long  ,  c'eft- à-dire,  ifo.  pieds, autant  de  hauteur  ,  &' autant 
de  largeur.  Mais  il  faut  remarquer  qu'il  n'avoit  les  100.  coudées  de  lar- 
geur que  dans  fon  portique  ou  Veftibule,  car  le  bâtiment  qui  étoit  derriè- 
re le  Veftibule  n'avoit  que  60.  coudées,  les  autres  difent  yo.  Tellement 
que  le  porche  débordoit  en  forme  de  croix  ,  de  ly.  ou  de  20.  coudées, 
de  chaque  côté  en  cette  manière. 


iCe  qcse  fit 
li^rode 
pour  bâciï 
un  nouveau 
Temple. 
Antiquit 


ans  a,  bâtir  ce 
Temple. 


Mefures  ou 
dimenlîons 
du  Temple 
d'Herode. 


lieu  très 

Saint. 


lieu  Saint 


îoiche 


lieu 
faint 


Porche 


1^  hautent 
à\x  Temple. 


Sa  hauteur  étoit  de  cent  coudées.  Mais  non  de  droit  pied,  car  les  pre- 
mières murailles  de  dehors,  des  cotez  du  Septentrion,  &  du  Midi,mon- 
toient  à  la  hauteur  de  fo.  coudées;  Après  quoi  on  trouvoit une  plate-for- 
me 5 


ET  DES  CULTES  DE. L'EGLISE.  Part.JL  213 

me,  audefîus  de  laquelle  s' élevoit  le  porche.  Et  cette  plate-forme  regnoit 
de  côté  &  d'autre  du  Temple  tout  à  l'entour.  Le  reite  du  bâtiment  du 
porche  s'éîevoit  du  milieu  de  cette  plate-forme  fo.  autres  coudées  de  hau- 
teur, avec  une  largeur  de  ^z.  coudées,  &  au  haut  de  ces  fo.  coudées,  (e 
trouvoit  une  autre  plate-forme  moins  plate  pourtant  que  les  toits  ordinaires 
d'alors.  La  plate-forme,  d'enbas ,  qui  regnoit  tout  autour  du  Temple ,  '  étoit 
environnée  d'une  belle  baluftrade,  qui  faifoit  une  efpece  d'ariée,ou  de  coridor 
autour  du  bâtiment,  lequel  s'éîevoit  fo.  coudées  au  deffiis  :  Au  haut  du  bâti- 
ment, il  y  avoit  encore  une  autre  baluftrade,  l'une  &  l'autre  étoit  couver- 
te d'or.  Sur  la  haute  plate- forme,  on  dit  qu'il  y  avoit  des  lames  de  fer  poin- 
tues Retranchantes,  pour  empêcher  les  corbeaux  &  les  autres  oifeaux  de 
s'y  venir  loger  ôc  percher,  ce  qui  y  auroit  amafte  beaucoup  de  vilenies, 
d'autres  dilent  que  cet  épouvantail  étoit  une  peinture. 

3.  La  longueur  du  Temple  étoit  divifée  en  trois  parties,  îeVeftibule,le  La  longueus 
lieu  Saint,  6c  le  lieu  très  Saint,  cela  faifoit  de  longueur  loo.  coudées  ou  du  Temple. 
ifo.  pieds:  Le  Porche  avec  fa  muraille  de  devant  avoit  28.  coudéeS  par 
dehors,  d'un  côté  à  l'autre,  êc  20.  coudées  par  dedans.  Le  lieu  Saint  avec  Lieu  faint, 
la  muraille  qui  le  feparoit  du  Veftibule  avoit  46.  coudées  de  profondeur:  jjg'^/''^""' 
Au  dedans  il  avoit  40.  coudées  de  longueur,.  &:  20.  de  largeur,non  comprife 
l'épaifléur  des  murs:  C'eft  la  même  proportion  que  celle  duTcmple  de  Sa- 
lomon.  Le  lieu  très  Saint  avec  la  muraille  du  derrière  du  Temple   étoit  de  Lieu  très 
23.  coudées  de  profondeur  &  de  largeur.  C'étoitdoncun  efpace  quarré  de  [^j^coudJes 
20.  coudées  en  largeur  ÔC  en  profondeur  par  dedans,  fans  y  comprendre  de  profon- 
l'épaiiTeur  des  murs,  comme  dans  le  Temple  deSalomon.  Mais  outre  ce-  fanlVé-*^'"*" 
la  Ligtfoot  pofe  encore  des  chambres  derrière,  au  bout  du  lieu  très  Saint  paiiïeur  ds§ 
avec  une  galerie:  le  tout  emportant  encore  ip.  ou  20.  coudées  :  De  for-  ™""*'^^*' 
te  que,  félon  lui  ,  il  faut  que  ce  Temple  eût  120.  coudées  de  longueur: 
Cappel  ne  met  point  de  chambres  derrière,  il  n'en  met  que  fur  les  cotez. 

4.  Refte  fa  largeur  ;  qui  étoit  à  l'endroit  du  Veftibule  de  1 00 .  coudées,  qui  sa  largeur, 
font  environ  lyo.  pieds  :  &  tout  le  monde  en  convient.  Mais  le  Porche  n'a- 

voit  avec  (es  murailles  qu'environ  20.  coudées  de  profondeurjtendant  vers  le 
lieu  Saint,  après  quoi  le  refte  du  bâtiment  dans  fa  profondeur  n'avoit,  félon 
Cappel,  que  60.  coudées  de  largeur.  Mais  félon  Ligtfoot  il  en  avqjt  70. Et  cet- 
te largeur  étoit  ainfi  divifée.  Depuis  le  derrière  du  Porche  tout  autour  de  la 
maifon  ,  étoit  attaché  au  corps  du  Temple,  un  grand  corps  de  logis ,  ou  plu- 
fîeurs  corps  de  logis  qui  fejoignoient,  dans  lefquelsétoient  des  chambres, 
comme  autour  du  Temple  de  Salomon.  Ce  corps  de  logis  cft  celui  dont  nous 
avons  dit,  qu'il  montoit  jufques  à  la  hauteur  de  fo.  coudées:  EtaudefTus 
duquel  étoit  cette  première  plate-forme  de  20.  coudées  de  large  tout  à 
l'entour.  Au  miHeu  s'éîevoit  le  refte  du  bâtiment,  qui  étoit  proprement 
le  corps  du  Temple,  &  dans  lequel  étoit  le  lieu  Saint,  ôcle  lieu  très  Saint. 
Cappel  fait  ce  corps  de  logis  régnant  à  l'entour  du  Temple  de  60.  cou- 
dées de  haut,  Ligtfoot  de  fo.  Ces  cham.bresètoient  bien  d'une  autre  ma- 
gnificence que  celles  qui  environnoient  le  Temple  de  Salomon ,  comme  ïious 
î'allons  voir,  quand  nous  aurons  achevé  de  parler  de  la  largeur  duTempie;  ces 
chambres  avec  les  galeries  qui  étoient  devant,&  l'épaifteur  de  leurs  murailles, 
faifoient  eiiviron'19.  ou  20.  coudées  de  large  dechaquecôté  duTemplï'e 
Le  Temple  lui  même ,  c'eft-à-dire  5  le  heu  Saint ,  ôc  le  lieu  très  Saint  ^ 

Dd  5  âvoient 


ii^        HISTOIRE  DES  DOGMES 

avoient  lo.  coudées  de  largeur ,  leurs  murailles  en  avoient  fix  d'épaifleur  de 
chaque  côte  i  cela  faifoit  32,.  coudées  de  largeur  pour  la  nef.  Joignez-y 
la  Urgcur  des  chambres  &:  des  galeries ,  attachées  au  corps   du  Temple 
par  les  cotez  du  Non  Se  du  Midi  ;  cela  failbit  en  tout  une  largeur  de  70. 
coudées  ou  environ  derrière  le  Porche  :  car  pour  le  Porche,  il  raiibit  une  fa- 
ce de  cent  coudées,  parce  qu'il  débordoit  de  if.  coudées  de  chaque  côté. 
s«.  chm-       ^,  Prefentemeni  il  faut  confiderer  les  chambres  qui  étoient  autour  du 
aucour^d"   Temple.  Il  y  en  avoit  38.  on  les  avoit  bâties  trois  l'une  fur  l'autre,  quin- 
Tempie       ^.c  du  côté  du  Septentrion,  en  cinq  corps  de  logis,  6c  quinze  du  côté  du 
attac"ées*^au  Midi  pareillement  en  5-.  corps  de  logis  ,  ôc  8,  au  fond   dans  le  bout  du 
corps  du     Temple  vers  l'Occident  en  trois  corps  de  logis  i  parce  que  dans  letroifîé- 
me  étage,  fur  les  trois  corps  de  logis  joints  1  un  ai  autre,  il  n  y  avoit  que 
deux  chambres,  de  trois  dans  les  étages  de  deflbus  :  Ce  qui  faifoit  8 .  efpaces. 
Premièrement  il  y  avoit  une  muraille  de  la  hauteur  de  fo.  ou  60.  coudées, 
dont  nous  avons  parlé ,  elle  écoit  ouverte  par  diverfes  fenêtres,  &  par  di- 
verfes  portes.     On  entroit  dans  une  petite  galerie  large  feulement  de  qua- 
tre ou  cinq  pieds,  qui  regnoit  tout  autour  du  Temple:  Le  long  de  cette 
galerie  étoient  bâties  les  chambres  :  Elles  avoient  6.  coudées ,  c'eft-à-di- 
re,  p.  pieds  de  large,  depuis  la  muraille  qui  les  feparoitde  la  galerie,jur- 
ques  à  la  muraille  du  Temple,  &  elles  étoient  longues  le  double,  favoir 
de  douze  coudées  ou  18.  pieds,  enfuivant  la  longueur  du  Temple.   Entre 
chaque  chambre  il  y. avoit  un  efpace  d'environ  7.  coudées,  c'e{l-à-dire,d'onze 
ou  douze  pieds ,  qui  étoit  comme  une  manière  de  Veftibule ,  fervant  à  deux 
chambres.Lors  qu'on  y  étoit,  aux  deux  côtezon  trouvoit  les  portes  des  cham- 
bres .  Dans  ce  Veftibule  j  on  trouvoit  de  part  &  d'autre  de  petits  efcaliers  en 
vis ,  par  lefquels  on  momoit  aux  chambres  d'enhaut  ;  qui  étoient  difpofées  de 
même  que  celles  d'enbas.     Elles  avoient  une  galerie,  comme  on  voit  dans 
les  cloîtres ,  où  répondoient  les  cellules.    Il  y  a  apparence  queLigtfoot 
fe  trompe  en  mettant  icy  deux  murailles  ,   la  première  déçoit  être  celle 
de  la  galerie,  qui  répondoit  dehors ,  6c  montoit  à  fo.  coudées  de  hau- 
teur, l'autre  muraille  devoit  être  celle  des  chambres  mêmes,  qui  les  fe- 
paroit  de  la  galerie  :  Si  cela  eût  été  ainfî,  les  chambres  n'auroient  eu  que 
de  faux  jours, .6c  n'auroient  pas  eu  d'ouverture,  ni  de  vue  fur  les  courts 
qu'à  travers  cette  galerie,  ce  qui  n'eft  pas  apparent.  Jofephe  ne  parle  pas 
de  cette  muraille  entre  les  chambres  ôc  la  galerie,  tellement  qu'il  efl:  plus 
apparent  que  les  galeries,  qui  regnoient  le  long  de  ces  corps  de  logis,  étoient 
fufpenduès  fur  des  colomnes  ,  &  non  fermées  de  murailles.    Cappel   dit 
que  d'une  chambre,c'eft-à-dire,  d'un  corps  de  logis,  on  entroit  dans  l'autre  de 
plein  pied  :  cela  n'eft  pas  apparent  non  plus.  11  eft  plus  vrai  -  femblable ,  que 
les  chofes  étoient  comme  les  dépeint  Ligtfoot,  à  l'exception  du  mur  de- 
vant la  galerie  5  c'eft-à-dire ,  que  les  chambres,  ou  corps  de  logis,  étoient 
feparées  ,  Ôc  environnées  chacune  de  fon  Veftibule  en  forme  de  galerie. 
li  cft  appa-  Le  troilîéme  étage  étoit  difpofé  comme  le  fécond ,  6c  comme  ces  cham- 
n'y  avoit     ^^'^^  montoieiit  jufquesà  fo.  ou 40.  coudées,  il  faloit  qu'elles fuftent bien 
que  quaian-  pl^j  liautes  quc  ccllcs  du  Temple  de  Saiomon,  qui  n'avoient  que  5.  coudées 
fur  la    "  de  hauteur  chacune,  if.  coudées  pour  les  trois  étages:  Audelïïis  de  ces 
hauteur  des  édificcs  de  jo.  coudées  étoient  dans  la  muraille  les  fenêtres  du  Sanéluai- 
re,  6c  par  conféquent  il  faloit  que  ce  heu  fût  fort  fombre:  car   un  jour 

oui 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Tart.lL  ii^ 

qui  vient  de  80.  ou  po.  pieds  de  haut  ne  donne  pas  grande  lumière.  Ou- 
tre ces  petits  efcaliers  qui  conduifoient  aux  galeries  &  aux  chambres  d'en- 
haut,  il  y  avoit  à  main  droite  en  entrant  dans  le  Temple  un  grand  efcalier, 
par  lequel  on  montoit  dans  toutes  les  galeries  des  chambres  ôc  auffi  fur  tou- 
tes les  piates-formes  de  la  maifon.  Voila  quel  étoit  l'extérieur  de  ce 
Temple.  Il  étoit  tout  bâti  de  marbre  blanc  j  Jofephe  dit  que  les  pierres  de  E^eurde 
marbre  étoient  de  if.  coudées  de  longueur,  11.  dehauteur,  8.  d'épailTeur,  *'^^^' 
ce  qui  n'ell  pas  croyable.  Car  il  n'y  avoit  pas  de  machines  qui  puflent  re- 
muer d'auffi  pefantes  maffès  :  Il  étoit  couvert  d'or  par  dehors ,  par  tout 
où  l'or  pouvoit  être  appliqué,  fenêtrages,  portes,  baluftrades,  galeries, 
chevrons,  poutres,  de  forte  que  cela  produifoit  le  plus  bel  effet  du  mon- 
de, &  paroiiïbit  ou  comme  un  foleil,  ou  comme  une  montagne  de  nége. 
Il  efl:  tems  d'entrer  dans  le  Temple  en  commençant  par  le  Veftibule. 


C  H  A  P  I  T  R  E     V. 

Defcnftîon  de  l'intérieur  du  Jem^ko 

LE  Veftibule  étoit  profond  de  20.  coudées  par  dedans.  Se  long  de  Dcfcriptioa 
quatre-vingt  dix  en  débordant  des  deux  cotez  du  Temple,  comme  ^"'^*^'^"^"- 
nous  avons  dit  :  En  entrant  on  voyoit  au  deffus  de  fa  tête  une  gran- 
de hauteur,  parce  qu'il  n'y  avoit  pas  de  plancher  qui  arrêtât  la  vue.   On 
y  montoit  paru,  degrez,  dont  chacun  avoit  demi-coudée.   Au  bout  de 
ces  12.   degrez  on  trouvoit  une  ouverture  de  40.    coudées  de  hauteur  & 
de  20.  de  largeur,  qui  n'avoit  pas  de  portes  6c  ne  fe  fermoit  pas.  Jofephe 
donne  70 .  coudées  de  hauteur  à  cette  ouverture^  mais  fans  doute  il  fe  trompe, 
ou  il  comprend  tout  le  portail  &  fon  Architedure,  qui  étoit  faite  de  pou- 
tres de  cèdre  6ç  de  grandes  pierres  de  marbre,  ornées  ôc  bien  travaillées, 
enrichies  de. demi- reliefs,  qui  montoient  effeélivement  jufques  à  cette  hau- 
teur de  70.  coudées  i  cette  ouverture  étoit  alTez  grande  pour  laiffer  voir 
jufques  dans  le  fond  du  Temple  quand  il  étoit  ouvert.  Dans  la  longueur 
de  ce  Veflibule  par  enbas  les  Juifs  difent  qu'on  avoit  gagné  deux  cham- 
bres j  une  à  chaque  bout  d'environ  20.   coudées  en  quarré,  autant  que  le 
Vefcibule  débordoit  le  relie  du  Temple.  Dans  ces  chambres  on  avoit  pra- 
tiqué 24.  cabinets  pour  y  mettre  les  couteaux,  bafîins  6c  autres  inllrumens 
de  boucherie  des  Sacrificateurs,  pour  égorger,  écorcher,  6c couper  en  pie- 
ces  les  viélimes.  Il  y  en  avoit  24.  à  caufe  des  24.  clafles  de  Sacrificateurs, 
chaque  ordre  avoit  le  fîen. 

Vis-à-vis  de  l'ouverture  de  ce  Veftibule  on  voyoit  la  porte  duSan61:uai- 
re  toute  brillante  d'or  avec  des  figures  en  rehef.     Et  au  deffus  de  cette  ^^  ^-^^^^ 
grande  porte  Jofephe  dit  qu'il  y  avoit  une  vigne  avec  les  pampres  6c  icG  merveiiieufe 
raifins  d'une  fi  prodigieufe  grandeur,  que  les  raifins  étoient  de  la  hauteur  f^^yJ^^iJ^Jp 
d'un  homme.     Les  Juifs  ajoutent  qu'il  y  avoit  auffi  au  deffus  de  la  même  Le  chande- 
porte  un  grand  chandelier  d'or,  qui  avoit  été  donné  par  Hélène  Reine  des  Jj^^^^^'°^ 
Àdiabenes  ,   Princeffe  fort  dévote  6c  dont  le  nom  en  fameux  dans  THif-  laKefne^es 


LiK  s. 

Cip.  14- 
de  bcUo 
Jud. 


Defctiptiou 
du  lieu 
Siint. 


Nomb.  s. 
V.  17- 


Befciiptioa 
dulieu  tiés 

Saint. 


Voyez  Ligt 
footdansh 
defciiption 
du  Temple. 


216  HISTOIRE  DES  DOGMES 

toirede  Jofephe&desjuirs.  Ils  difenj:  enfin  que  dans  le  Veftibule  de  côté 
&  d'autre  de  l'entrée  il  y  avoit  deux  tables,  une  de  marbre  au  côté  droit,  • 
2c  l'autre  d'or  au  côté  gauche  ,  lur  la  table  de  marbre  ils  mettoient  les 
pains  de  propofîtion  quand  ils  les  ôtoient  du  Temple ,  £<;  fur  la  table  d'or 
on  mettoit  les  mêmes  pains  de  propofition,  quand  on  les  apportoit  au 
Temple. 

z.  De  ce  Porche  on  entroit  dans  le  lieu  Saint.  Il  étoit  feparé  du  Porche 
par  une  muraille  de  marbre,  au  milieu  de  laquelle  il  y  avoit  une  porte,  à  la- 
quelle Jofephe  donne  cinquante-cinq  coudées  de  hauteur  &  i(5.  de  largeur  : 
Mais  les  Juifs  ne  lui  en  donnent  que^o.  de  hauteur  6c  dix  de  largeur:  les 
Juils  difent  qu'il  y  avoit  double  porte,  l'une  quis'ouvroit  dans  le  San6luai- 
re,  l'autre  qui  s'ouvroit  dans  le  Porche.    Entre  les  deux  portes  il  y  avoit 
un  efpace  de  cinq  coudées,  parce  que  la  muraille  étoit  épaiffe  de  fix  ^   ôc 
chaque  porte  à  caufe  de  Ton  épaifleur  entroit  danslemurdemL-xoudée.  Il 
y  avoit  deux  guichets  dans  cette  grande  porte,  mais  celui  du  côté  du  mi- 
di ne  s'ouvroit  point.     Dans  refpace  de  f.  coudées  entre  les  deux  portes 
il  y  avoit  une  pièce  de  marbre  dans  le  marchepied  qui  ne  tenoit  pas ,  & 
il  y  avoit  un  anneau  dedans  :  on  la  levoit  pour  en  avoir  de  la  poudre  qu'on 
faifoit  boire  dans  de  L'eau ,  aux  femmes  dont  on  vouîoit  éprouver  la  chaf^ 
teté  félon  la  Loy.     Devant  la  porte  de  ce  Sanétuaire  il  y  avoit  un  riche 
voile  de  tapifierie  en  broderie  de  pourpre,  d'écarlate  &  de  fin  lin,  il  étoit  pen- 
du entre  les  deux  portes,  dit  Ligtfoot.     Ces  deux  portes  étant  ouvertes, 
on  entroit  dans  le  lieu  Saint,  qui  avoit  40.  coudées  de  profondeur  ôc  2,0. 
11  étoit  plahcheié  &  lambriifé  de  cèdre  jufqu'à  la  hauteur  de 
ou  60.  coudées.  Tout  l'édifice  en  avoit  100.  mais  au  defilis de  ces6o. 
coudées  c'étoient  des  chambres  ou  des  Galetas.  Le  Temple  deSalomon, 
ôc  celui  du  retour  de  la  captivité  n'avoient  rien  au  deillis  de  leur  lambris 
de  dedans  que  leur  toit}  car  la  voûte  alloit  jufques  au  haut,  ici  à  caufe  de 
la  grande  hauteur  on  l'a  voit  lambriifé  à  la  hauteur  de  60.  ou  50.   cou- 
dées. Ce  lambris  étoit  de  bois  de  cèdre  bien  travaillé  en  figures  de  demi- 
relief  avec  des  feuillages,  àcs  branches,  des  fleurs  épanoiiies,  &des  fruits 
fufpendus,  le  tout  couvert  d'or  par  en  haut,  par  enbas  &par  les  cotez, 
comme  celui  de  Salomon.  Dans  les  reliefs  on  ne  voyoit  pas  défigures  de 
Chérubins.  Car  ils  n'oferent  les  peindre  dans  le  fécond  Temple:  foit  qu'ils 
en  eufient  oublié  la  figure,  foit  qu'ils  n'ofiflent,  à  caufe  qu'ils  n'avoient  plus 
l'Arche  &  les  Chérubins  du  lieu  très  Saint. 

3 .  De  cet  efpace  appelle  le  lieu  Saint  on  entroit  dans  le  lieu  très  Saint , 
6c  il  étoit  feparé  du  lieu  Saint  par  deux  voiles,  l'un  vers  l'Orient, l'autre 
vers  l'Occident,  qui  faifoient  comme  deux  murailles  ou  deuxfurfaces  d'u- 
ne même  muraille,  l'une  répondant  dans  le  lieu  Saint,  l'autre  dans  le  lieu 
très  Saint.  Entre  les  deux  voiles  il  y  avoit  un  efpace  d'une  coudée  qu'ils 
appelloient  ^V?"^^  tharaxis^  c'eft-à-dire  trouble  ou  doute,  parce  qu'ils  ne 
favoient  11  cet  efpace  appartenoit  au  lieu  Saint  ou  au  lieu  très  Saint  : 
Cet  efpace  étoit  quarré,  comme  dans  le  Temple  de  Salomon,  20.  coudées 
en  largeur  &  longueur:  Mais  dans  le  fécond  Temple  on  n'avoit  pas  ob- 
fervé  de  lui  donner  lo.  coudées  de  hauteur,  pour  en  faire  un  parlait  cu- 
be. Ses  parois,  fa  voûte,  Ion  plancher,  tout  étoit  couvert  d'or,  comme  dans 
le  premier  Temple.  11  faut  prefentement  fortir  du  Temple,  6c  voir  les  c])ofes 
qui  Tenvironnoient,  L'ef- 


de  largeur 

fo. 


,ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Part.U.  iif 

L'efpace  le  plus  proche  du  Temple  étoic  le  parvis  des  Sacrificateurs. 
Enfuite  on  trouvoit  le  parvis  des  hommes  :  après  étoit  le  parvis  des  fem- 
mes :  Autour  de  tout  cela  étoic  cet  efpace  qu'ils  appelloient  S'-n  la  for- 
tification. Arias  Montanus  tourne  le  mot  par  lien  profane  ,  du  verbe  Sin 
qui  fignifie  profaner,  mais  il  fe  trompe, car  ce  Heu  étoit  faint.  Mais  nous 
expliquerons  tout  cela  en  détail  dans  la  fuite,  &  je  fuis  d'avis  que  nous 
commencions  par  le  plus  grand  enclos ,  ôc  nous  verrons  tout  ce  qui 
étoit  dedans. 


CHAPITRE     VL 

^efcriftian  de  la  montagne  du  Temple  appelle  n^i  m. 

I .  TT  E  Temple,  dont  nous  faifons  la  defcription,  étoit  environné  d'un 
I  j  grand  parc ,  ou  enclos  quarré  fur  la  montagne  ;  chaque  face  du 
quarre  avoit  400.  coudées  Hébraïques,  foo.  Romaines,  &  félon  Jo- 
fêphe  cela  faifoit  600.  pieds  j  c'ell-à-dire  100.  Toifes  de  longueur.  Le 
long  de  ces  quatre  cotez  regnoit  une  muraille  de  l'épaiffeur  de  12.  ou  if. 
pieds,  bâtie  de  grandes  pierres,  dont  quelques-unes  avoient  plus  de  40.  cou- 
dées de  longueur.  Par  dedans ,  le  mur  étoit  haut  de  if .  coudées;  mais 
par  dehors  en  de  certains  endroits  il  étoit  d'une  prodigieufe  hauteur,  juf- 
ques  à  3C0.  coudées  j  parce  qu'il  décendoit  jufqu'au  bas  de  la  montagne 
pour  la  revêtir  j  car  à  caufê  que  le  fommet  de  la  montagne  n'étoit  pas 
afîez  large  ni  affez  plat,  on  avoit  jette  de  grandes  murailles  d'une  prodi- 
gieufe épaiffeur  ,  dont  les-  pierres  étoient  liées  avec  des  liens  de  fer  &  de 
plomb,  &  on  avoit  rem.pli  de  terre  &  de  pierres  les  concavitez  pour  élargir 
le  haut  de  la  montagne.  Cet  enclos  avoit  donc  de  circuit  2000.  coudées, 
quatre  cens  de  nos  Toifes,  c'étoit  4.  ftades  ou  un  mille  Hébraïque.  Ce 
grand  enclos  avoit  8.  portes^  une  à  l'Orient  qui  étoit  la  grande  porte,  une 
au  Septentrion,  &  deux  au  Midi,  &;  quatre  dans  le  mur  qui  regardoit  l'Oc- 
cident ,  derrière  le  corps  du  Temple  ;  les  Talmudifles  ne  font  mention 
que  d'une  porte  à  l'Occident ,  mais  Jofephe  les  conte  toutes  quatre. 

Du  côté  de  l'Orient  il  y  avoit  une  porte  qui  regardoit  tout  droit  la  Première 
montagne  des  Oliviers  -,  les  Talmudifles  lui  donnent  comme  à  toutes  les  oxicEt, 
autres  portes  20.  coudées  de  haut  6c  dix  de  large,  Jofephe  leur  en  donne 
30.  de  hauteur  ôc  If.  de  largeur.  Mais  on  les  peut  accorder,  en  difant  que 
Jofephe  comprend  le  portail  dans  fa  defcription,  6c  que  les  Juifs  ne  parlent 
que  de  l'ouverture.  Les  Juifs  prétendent  que  cette  porte  n'étoit  pas  jufte- 
ment  au  milieu  de  l'étendue  de  ce  côté  de  muraille  de  joo.  coudées  de 
longueur,  en  forte  qu'il  y  eût  de  partSc  d'autre  2^0.  coudées  ,■  parce  que 
cette  porte  devoit  répondre  au  porche  du  Temple  même,  &  à  la  porte  dû 
parvisj  or  le  Temple  Scie  parvis  n'étoient  pas  au  milieu  du  grand  efpace, 
mais  ils  étoient  plus  proches  du  côté  du  Nord ,  6c  il  y  avoit  un  bien  plus 
grand  efpace  vuide  du  côté  du  Midi.  Cappel  n'a  pas  obfervé  cela.-  car 
il  pofe  le  Temple  6c  les  parvis  au  miheu  du  grand  enclos.  Sur  cette  porte 
l'art.  IL  E  e  étoit 


2i8         H  IST  OIRE  D  ES   DOGCMES 

étoit  peinte  la  ville  de  Sufan ,  en  mémoire  de  leur  captivité ,  à  ce  que  difent 
les  Juifs:  ils  l'appellent  la  porte  de  Sufan,  on  croit  qu'elle  efl  appellce  la 
Antiq.is.4. porte  Royale.  Jofephe  etl  équivoque,  il  y  a  'xvKa.i^u  pluriel, les  portes,, 
mais  ce  mot  '^vhai  fignifie  fouvent  une  feule  porte,.  6c  ce  qu'il  dit,  qu'elle 
étoit  également  diftante  des  deux  extremitez  ,  femble  figni&r  qu'il  n'y  en 
avoit  qu'une ,  comme  Cappel  l'entend. 

Le  côté  du  Midi  avoit  deux  portes  en  égale  diftance  des  coins  &:  d'elles- 
mêmes  :  ainii  elles  partageoient  l'efpace  de  foo.  coudées  en  trois  parties 
égales.  Cappel  n'en  conte  qu'une  >  mais  Jofephe  y  en  met  plufieurs.  Les 
Rabins  y  en  pofent  deux:  cette  face  regardoit  fur  la  principale  partie  delà. 
Desjs  porî€3  ville  de  Jeruiialem.  Le  Temple  étoit  au  milieu,.  Sctoutjerufalem  étoit  bâti 
"4iMidi.      ^ç^^^  ^  l'entour,  en  manière  d'Amphithéâtre  :  Mais  la  plus  belle  ôc  la  plus 

ample  face  de  la  ville  étoit  du  coté  du  midi  du  Temple. 
Ssàî'OcS--  ^^^^  ^^  l'Occident,  ou  le  derrière  dû  Temple,  avoit  quatre  per- 

dent,        tesj  Tune  conduifoit  au  Palais  du  Roy,  qulétoit  au  milieu,,  deux  condui- 
loient  au  faux- bourg  de  la  ville,  &  la  quatrième  conduifoit  à  laCitéde  Da- 
vid, ou  au  Mont  de  Sion ,  du  coté  du  Midi  èc  de  l'Occident ,  c'eft  le  Sud- 
I.  chron.    oueft .     Ccs  quatre  portes  dans  les  Livres  des  Chroniques  font  appellées  de 
^^■^■*'       differens  noms:  l'une  s'appelloit  Schallecheth i  c'étoit  la  porte  du  Palais j, 
ubifupià.    ^^"^^  autre,  pofée  vers  le  coin   Nord^oueft,  eftoit  appellee  Parhar.    Les 
deux  autres  portes  s'appelloient,  les  portes  dUA^upim^  c'eft- à-dire,  des  col- 
lèges. Il  y  a  apparence  que  dans  cet  endroit  étoient  les  chambres  du  tréfor 
du  Temple,  que  Cappel  loge  derrière  le  Temple  à.  l'Occident. 
au"sepKi^        JDn  côté  du  Nord,  il  n'y  avoit  qu'une  feule  porte.  Ligtfoot  la.  place ais 
îiioo.        milieu  de  l'efpace  de  500.  coudées  ,  mais  Cappel  la  place  prés  du  coiiiv 
Nord-oueft ,  elle  conduilbit  à  la  Forterefîe  nommée  Antonia  ,  qui  étoit  édi- 
fiée fur  la  même  Montagne  de  Morija,  au  côté  Septentrional  du  Temple,- 
C'étoit  le  feul  endroit  où  la  montagne  de  Morija  ne  fûtpas  coupée,,  quafi- 
à  pied  droit,  pai'tout  ailleurs  la  pente  étoit  roide  j  ici  il  y  avoit  un  peu  da 
terrain  uni.    Cette  Tour  ou  Fortereiîé  avoit  loOi  coudées  de  tour  ,   ou; 
Zfo.  c'eft- à-dire,  deux  ftades:  Ainfi  la  Montagne  de  Morija  avoit  ûx  fta.- 
dçis  de  circuit,  en  contant  deux  lîades  avec  les  quatre  pour  le  circuit  du^ 
Temple.  On  gardoit  dans  cette  Tour  la  Robe  du  Sacrificateur,  elle  s'ap- 
pelloit Baris,  avant  qu'Herode  l'eût  augmentée  ,  embellie,  ôc  nommée: 
du  nom  de  fon  grand  ami  Antoine.  Les  Romains  y^mirent  garnifon  pour  gar- 
der  le  Temple. 
d«"'a?eiîes      ^'  Voilà  le  dehoi's  de  ce  grand  circuit,  au  dedans  tom.  le  long  de  cette; 
couvertes     grande  muraille  de  foo.  coudées  de  longueur  à  chaque  face  du  quai-rére- 
Tempie.*    gnoit uuc  longuc  galerie  couverte,,  appellee  Porche.   Cette  galerie  étoit 
appuyée  du  côté  du  Nord ,  de  l'Orient ,  Se  de  l'Occident ,  de  trois  rangsx 
de  colomnes  de  marbre  blanc,,  elle  étoit  pavée  de  marbre,  Recouverte  de 
bois  de  cèdre.     Le  premier  rang  de  colomnes  étoit  apliqué  contre  le  grand* 
mur,  ôc  des  deux  autres,  l'un  etoit  à  1.0.  coudées  du  mur,  Tautre  àquar- 
rante,  &  elles  faifoient  de  magnifiques  allées  couvertes,  comme  les  Arca,- 
des  de  la  Place  Royale. 
Jofephe  An-     Mais  le  quatrième  de  cts  porches  ou  galeries  ,   qui  étoit  le  long  de  la- 
^'3- 'î  4-    muraille  du  Midi,  étok  fans  comparaifon  le  plus  magnifique.     Il  avoit 
70.  coudées ,  ou  lof .  pieds  de  large  :  il  étoit  foûtenu  par  quatre  rangs  de 

colomnes. 


ET  DES  CULTES  DE  UEGLÏSE.  P-artlL  219 

<colomnes  de  marbre,  qui  avoient  trois braflès  de  circuit,  &  17.  pieds  de  Lamagnifi- 
hauteur ,  d'ordre  Corinthien ,  il  y  en  avoit  1 6i .  à  ce  que  difent  les  Auteurs,  g^rand  poni- 
niais  cela  me  .paroît  faux.     Toute  la  longueur  de  ce  porche  n' avoit  que  'î'^eaiii  re- 
ï  00.  toifes.  Si  donc  il  y  avoit  eu  1 6i.  colomnes,  il  n'y  auroit  pas  eu  une  toifc  wdT,  &  k- 
d'une  colomae  à  l'autre  :  ce  qui  eût  été  tout  à  fait  difforme,  vu  l'épaiffeur  de  *^'*- 
ces  colomnes  5  avec  leurs  chapiteaux,  les  chapiteaux  étoient  d'un  ouvrage  ad-  • 
mirable.  Ces4.rangsdecolomnesfairoient 5. allées:  les  i.  des  cotez,  l'une 
"plus  proche  du  mur ,  &  l'autre  plus  proche  de  la  cour ,  étoient  de  la  grandeur 
^es  autres  gaâeries,bâties  daas  les  cotez  duNord,de  l'Orient  Se  de  l'Occident  j 
Mais  l'allée  du  milieu  de  ce  grand  porche  étoit  le  double  plus  large ,  ôc  s'éle- 
voit  f  0.  coudées  de  haut.     Or  la  muraille  n'en  avoit  que  if  .&les  allées  des 
deux  côtezJi'en  avoient  auffi  que  zf.  de  hauteur.La  voûte  ou  dôme  de  l'allée 
du  milieu  s'élevoit  donc  au  deilus  des  deux  autres  de  ly.  coudées.  Jofephc 
capporte.,  que  cette  hauteur ,  jointe  à  celle  de  la  vallée  qui  étoit  fort  profonde 
en  cet  endroit ,  étoit  fi  prodigieufe ,  que  la  tête  tournoit  tout  auffi-tôt  qu'on 
regardoit  du  haut  en  bas  5  les  lambris  6c  les  planchers  étoient  d'une  excel- 
lente rculpture.jofephe  dit,  qu'entre  le  dernier  rang  de  colomnes  il  y  avoit 
une  muraille  bâtie  d'une  coiomnc  à  l'autre  j  mais  apparemment  ce  n'étoit 
■qu'une  muraille  d'appui ,  car  il  n'y  eût  pas  eu  aflèz  de  lumière  fous  la  grande   • 
voutede  l'allée  du  miheu.  Ce  porche  s'appelloit  le  portique  Royal ,  Gappel  . 
le  confond  avec  le  porche  de  Salomon^  mais  Ligtfoot  prouve  que  leporr 
tique  de  Salomon  étoit  fur  l'Occident ,  par  un  paflage  de  Jofephe ,  qui  fe 
trouve  au  lo.  de  {es  Antiquitez  chap.  8. 

Dans  ces  portiques  étoient  pendues  les  dépoiiilles  des  Barbares,  que  les 
Rois  des  Juifs  avoient  vaincus,   Herode  y  ajouta  celles  des  Arabes.  Ces 
galeries  étoient  ouvertes  à  tout  le  monde ,  c'étoit  le  lieu  d'aflembiée  de  tout 
le  peuple,  &  <ie  toutes  les  nations ,  car  le  lieu  n'étoit  pas  faint.     Il  s'appel- 
loit Atrium  gentium  ,  le  parvis  des  nations,  parce  que  les  Gentils  y  pouvoienC 
entrer.  Il  étoit  aulîi  appelle  f>»i  ^n,  la  mon'|tagne  du  Temple:  ôc  il  y  a  bien  ap- 
parence que  c'eft  de  là  que  J.Ch.chaflà  les  Vendeurs  6c  les  Changeurs, 6c  Da|«T«««^ 
même  il  y  avoit  autour  de  ces  galeries  des  boutiques  de  gens  qui  vendoient  du  Temple 
du  vin  ,  de  l'huile ,  ôc  de  toute  forte  de  chofes  neceflaires  pour  le  fervice  du  ^*°'^"*  ^" 
Temple:  cet  efpaceeft  appelle  par  Jofephe,  le  premier  Temple.  &changeujs 

Aiifortir  de  ces  galeries,  en  avançant  vers  le  Temple  ,  ontrouvoit  un  ^^-  ^* 
efpace  non  couvert,  pavé  de  marbre  blanc  comme  tout  le  relie,  cetefpa- 
ce  n'étoit  pas  égal  dans  tous  les  cotez:  du  côté- du  Midi  il  étoit  de  60.  ou 
70.  coudées  ,  du  côté  du  couchant  un  peu  moins,  du  côté  de  l'Orient  en- 
core un  peu  moins  j  mais  du  côté  du  Septentrion  beaucoup  moins,  ainfi  la 
plus  grande  place  fe  trouvoit  du  côté  du  plus  grand  porche.  Et  c'z^-Va 
que  l'on  vendoit  les  bœufs  ôc  les  moutons,6cc.  que  nôtre  Seigneur  chafîa.  Ces 
cfpaces  à  découvert  étoient  du  Parvis  des  nations ,  tout  le  monde  y  pou- 
voit  entrer. 

A,u  de  là  de  cet  efpace  à  découvert ,  on  trouvoit  une  petite  muraille,  com- 
me unç  manière  de  cloifon  de  marbre,  de  la  hauteur  de  trois  coudées,  dans 
laquelle  il  y  avoit  de  petites  colomnes ,  fur  lefquelles  étoit  écrit  un 
avertiffement  aux  Nations ,  aux  foiiillez,  aux  Gentils  ôc  autres,  de  ne 
pas  approcher,  parce  que  le  lieu  étoit  faint,  ôc  c'eft  à  cette  paroi  que  Quelle eft 
St.  Paul  fait  allufion,  quand  il  dit,    que  la  paroi  eatremoyenne  a  été  ^jj^^^?^^J^^ 

Ee  z  ôtée5  4o"î?rS 


220  HISTOIREDESDOGMES 

parle  quel-  ôiéc ,  car  ce  petit  mur  feparoit  le  porche  des  gentils  des  lieux  Saints,  où 
qiiepatt.      icsfeuls  Juifs  pouvoient  entrer. 

Lecom-         Aprés  cette  petite  muraille ,  on  trouvoit  14.  ouif.  degrez  qui  avoient 
^^^j"[i^^™^"*  chacun  demi-coudce  ,'  de  forte  que  le  terrain  s'élevoic  de  7.  coudées, 
saints.inac-  c'cft-à-dirc,  10.  OU  II.  picds ,  quaud  onétoit  monté  ces  degrez 5 on ren- 
aulfee"tis  controit  un  terrain  uni  de  la  largeur  de  i o. coudées, c'eft- à-dire  if. pieds 
&  auxfouii-  qui  s'appelloit  par  les  Juifs  ""J^n ,  c'eft-à-dire ,  le  rempart,  ou  la  fortificatiori, 
Lcciiaii.     ce  lieu  comme  le  relte  étoit  pavé  de  marbre  blanc.  Cet  efpace  étant  palTé , 
on  trouvoit  un  fécond  enclos  quarré  comme  le  premier,  dont  la  muraille 
avoir  pareillement  zf.  coudées  de  hauteur  par  dedans.    D'Orient  enOc- 
cidenf,cet  enclos  avoit  de  longueur  environ  500.  coudées,  tellement  qu'il 
étoit  de  lôo.  coudées  moins  long  que  le  grand  enclos  :  Du  Septentrion 
au  Midi,  fa  largeur  étoit  d'environ  160.  coudées  ,   il  étoit  donc  un  peu 
moins  large  que  long,  ÔC  cela  à  caufe  du  grand  Porche  &;du  grand  Par- 
vis, qui  étoit  du  côté  du  Midi,  dont  la  grande  largeur  diminuoitla  lar- 
geur de  tous  les. autres efpaces  voifins. 

Pour  la  même  raifon,  le  fécond  enclos  n' étoit  pas  û  prés  de  la  murail- 
le du  grand  enclos  du  côté  du  Midi  que  de  celui  du  Nord,  parce  que  l'ef- 
pace  entre  le  Parvis  &  le  Porche  Septentrional  étoit  plus  étroit.     La  nef 
du  Temple  ,  c'eil-à-dire ,  le  Heu  Saint  &  le  lieu  très  Saint,  étoit  au  milieu  de 
ce  fécond  enclos  à  l'égard  de  fa  largeur.  Ainli  le  Veftibule  du   Temple,, 
qui  avoit  100.  coudées  de  front  avoit  de  part  Se  d'autre  environ  80.  cou- 
dées d'efpace  jufques  à  la  muraille  du  fécond  enclos,  tellement.que  le  Vef- 
tibule occupoit  à  peu  prés  le  tiers  de  cet  efpace  du  fécond  enclos.    Mais 
parce  que  le  corps  du  Temple,  félon  Jofephe,n'avoit que foixante coudées 
de  largeur  &  félon  les  autres  70.  il  y  avoit  iio.  ou  11  f.  coudées  depuis 
le  corps  du  Temple  jufques  à  la  muraille  du  i'econd  enclos.    Ce  Temple 
qui  étoit  au  milieu  de  la  largeur  de  l'enclos  n'étoit  pas  au  milieu  à  l'égard 
de  la  longueur,  car  il  étoit  à  dix  coudées  de  la  muraille  de  l'enclos  du  cô- 
té du  couchant.  L'enclos  étant  long  de  300.  coudées,  ôtez  ces  dix  cou'- 
àées,  ajoûtez-les  au  100.  coudées  que  le  Temple  avoit  de  longueur,  reftc 
190.  coudées  :  C'étoit  l'efpace  depuis  leTeraple  jufques  à  la  muraille  du  fé- 
cond enclos  du  côté  de  l'Orient.  Cefecond  enclos  avoit  neuf  portes,  4.  du 
côté  du  Midi,  quatre  du  Septentrion.,  point  à  l'Occident,  &;  une  grande 
à  l'Orient  au  milieu ,  qui  regardoit  dans  le  Veftibule  du  Temple.  Jofephe 
en  met  deux  du  côté  d'Orient,  s'il  dit  vray,  il  faloit  qu'outre  la  grande  porte,il 
y  eût  à  côté  quelque  autre  porte  médiocre. 
T>eicnption      ^.  Nous  pouvous  prefeutcment  entrer  daus  le  grand  cnclos   qui  eft  le 
fécond,  ôcy  entrer  par  la  porte  d'Orient,  qui  étoit  la  grande  porte.     La 
^Y'°"/b^i'  P^'^nniere  chofe  qu'ony  rencontroit,  c'étoit  cinq  degrez,  qui  montoient  à 
k,  dont  iieft  une  portc  magnifique  toute  couverte  d'or  avec  Ion  portique,  ôcfes  barres 
tioiTiéme     ^"l'^chics  d'admirable  fculpture ,  &  c'eft  cette  porte  qu'on  appelloit ,  La 
des  Aftes.    JB^lle ,  dont  ileft  parlé  au  3"^.  des  Aébes.     Elle  introduifoit  dans  le  parvis 
iesSmmes  ^^^  femmcs ,  quc  Cappel  &c  Ligtfoot  décrivent  bien  difFeremment  :  Cap- 
Erreui  de  *  pcl  uc  lui  donuc  quc  40.  coudécs  dc  profondeur  depuis  la  porte  d'Orient 
kHîmen-  j^^'^ucs  au  parvis  des  hommes,  &  prés  de  trois  cens  coudées  de  longueur 
fionsdupar-  du  Midi  au  Septentrion,  car  il  lui  fait  occuper  toute'  la  largeur  du.fecond 
8Ks"  ^^"^'  Çî^cloj.    Mais  Ligtfoot  en  fait  un  pai-faiu  quarré  de  i^y.  coudées  en  long, 


ET  DES  CULTES  DE  L'E  G  L I S  E.  P^r/.  IL  221 

êc  en  large.     Cet  efpace  quïrré  étoic  pavé  de  marbre  blanc  :   Aux  qua-  i^^ns  fe  par- 
tre  coinsj  félonie  fentiment  des  Juifs,  il  y  avoit  quatre  efpaces  renfermez  ni$  n^y"^* 
fous  quelque  couvert.  Dans  celui  de  ces  efpaces  qui  étoit  vers  le  Midi,  on  ^V^'^^  <i"atte 
faifoit  boiiillir  la  viande  des  facrifices  de  profperité.  Les  Nazariensy  fai-  uWeTaux" 
foient  rafer  leurs  cheveux  Se  les  brûloient  fous  le  chaudron ,  félon  la  Loy  qu«recoias. 
du  ch.  6.  du  livre  des  Nombr.  Dans  le  coin  du  Nord-eft,  on  examinoitle    onnn 
bois  de  TâUEeljfavoir  s'il  étoit  percé  de  vers:  car  iln'étoitpas  permis   de    ri^^ij 
brûler  fur  l'autel  que  du  bois  fort  fain  j  dans  le  coin  du  Nord  -  ell  les  lépreux    cs^J^yn 
faifoient  leurs  purifications  félon  la  Loy  >  le  coin  du  Sud-oueft  étoit  appel-    ^jîi»»^ 
lé  la  chambre  du  vin  &  de  l'huile,  dont  on  faifoit  ufage  félon  la  Loy.     De-  D'^^iim^ 
puis  ces  coins  jufques  aux  portes  dans  les  cotez  de  l'Orient  du  Midi  &  du  Sep-     ^>^ 
tentrion  regnoient  trois  galeries,  comme  celle  du  parvis  des  Nations,  ex-  cD^j^^ii» 
•  cepté  qu'elles  étoient  fîmples ,  &  n'avoient  qu'une  alléej  letout  étoit  de  mar- 
bre blanc.  Se  les  voûtes,  6c;  leslambri's  étoient  de  cèdre.     Là-delîbusil  y 
avoit  des  lièges  pour  ceux  qui  vouloient  s'aifeoir ,  &  au  deîTus  des  galeries 
bafîès,  il  y  avoit  d'autres  galeries  &  des  balcons  couverts,  dans  iefqueîs 
étoient  les  femmes  feparéesdes  hommes:  Elles voyoientd'enhaut  tout  ce 
qui  fe  faifoit  dans  le  parvis. 

Ce  parvis  étoit  appelle  des  femmes ,  non  qu'il  fût  deftiné  aux  femmes  Çeîaivis 
feules,  car  c'étoit  le  lieu  ordinaire  où  tous ,  tant  hommes  que  femmes,  ve-  mSnpoT' 
noient  prier.     Mais  il  n'étoit  pas  permis  aUx  femmes,  fous  quelque  pretex-  les  homme* 
te  que  ce  fût  de  pafler  outre.  Et  les  hommes  pouvoientpafTer  au  delà ^ quand  mesl^^wt- 
iis  apportoient  des  facrifices  au  Temple.  quoiiipor- 

Jofephe  fait  mention  des  threforeries  dans  la  defcription  de  ces  parvis,  db  Paiti" dïï 
&  dit  que  les  galeries  tom*noient  le  long  de  la  muraille  devant  les  ya^oOv  ^'^T™"- 
huma:  Farces  threforeries,  on  ne  fauroit  entendre  les  chambres  du  Thre-  recevoi'r^de 
for  qui  n'étoient  point  placées  là ,  mais ,  c'étoient  les  coffres  ou  troncs,  qlui  ^'«seiK. 
de  part  &  d'autre  étoient  placez  le  long  de  ces  galeries ,  pour  recevoir  les 
aumônes  :  On  dit  qu'il  y  en  avoit  treize  félon  la  diverfité  des  fins  pourlef» 
quelles  on  donnoit  ;  les  uns  pour  la  réparation  du  Temple ,  les  autres  pour 
tel  facrifice ,  les  autres  pour  autre  chofe.  EnSt.  Marc.chap.  tz.  41.il  elli 
dit  que  Jefus-Chrift  étoit  affis  vis-à-vis  de  la  threforerie,  &  qu'il  vit  une  ce  que  c'é- 
veuve  qui  mit  deux  pittes  dans  le  tronc.     C'étoit  affûrément  dans  ce  par-  ^«'^  1"^  u 
vis  des  femmes  qu'il  étoit  afîis  ,    car  cette  veuve  n'eût  afé   aller  ail-  oJL  veuJe 
leurs  :  Outre  cela  Jefus  eft  dit  être  afîis  j  or  dans  le  parvis  des  hommes  nul  ™"  '^«"x 
ne  s'ofoit  aHeoir  que  le  Roy  &  le  Souverain  Sacrificateur  félon  la  tradition  £"10110!"^ 
des  Juifs,  ^ejiis  dit  ces  chofes-  étant  en  la  threforerie  enfeignant  au  Temple.  C'efl:  Jean.  g. 
alîurément  ce  même  heu ,  car  les  chambres  du  Thref®r  n'étoient  pas  un  ^•^''' 
lieu  d'afièmblée  pour  le  peuple.  Les  Juifs  font  mention  de  diverfes  cham" 
bres  du  Threfor,  dont  on  pourra  dire  quelque  chofe  dans  la  fuite.  Rappel  n'y 

4.  En  allant  vers  le  corps  du  Temple  on  trouvoit  une  muraille  qui  fe-  mwa^iTede 
paroit  le  Parvis  des  femmes, de  celui  des  Sacrificateurs  ,  &  d'Ifraël,  qui ^eparation,ii 
étoit  haute  de  zf.  coudées  par  dedans  &  de  31.  &  demi  par  dehors  du  cô-  qd^u^^pg. 
té  du  Parvis  des  femmes.  Car  le  terrain  de  ce  fécond  Parvis  étoit  plus  élevé  "fejsarrieres, 
de  7.  coudées  &  demie  que  celui  du  Parvis  des  femmes ,  6c  on  y  montoit  par  qu'il  i  101°* 
z  f.  degrez  de  demi-coudée  chacun.  Ainfî  ce  Parvis  étoit  autant  élevé  au  ^"^'"  '^■^^- 
deîîus  de  celui  des  femmes ,  que  celui  des  femmes  l'étoit  au  deffus  de  ce-  sacn&a.  ^* 
lui  des  Nations;  car  da  Parvis  des  Nations  on  montoit  par  ir,  desrez  à';^"^\<i"i  „ 

■'  T-,  r         i  o  eroit  le  mê- 


222  HISTOIREDESDOGMES 

H^n  celui  des  femmes.  Il  eilvrai  qu'après  le  Chail^  il  y  avoit  encore  3 .  degrez, 
îourquoi  à  k  portc  du  Parvis ,  c'étoit  2,0.  On  croit  que  les  Pfeaumes  de  degrez  ain- 
^"^^""J""  fi  appeliez  depuis  le  11  p.  jufques  au  154,  écoieiit  appeliez  ai nfi  de  ces  de- 
119.  juf-  grezi  les  Lévites  s'arrêtoient  en  chantant  fur  chacun  de  ces  degrez  :  lede- 
?ont%pei-  g^'^  n'étoitpas  quarré,  mais  rond ,  6c  aux  deux  cotez  il  y  avoit  deux  petites 
lez  pfea<^mes  chambres ,  où  les  Lévites  mettoient  leurs  inrtrumens  de  mufique.  Ces 
dedegrez.  ^QgyQ2.  couduifoicnt  à  uné  magnifique  porte  ,  à  laquelle  les  HebretJX 
Voyez  2.  eitiment  que  l'Ecriture  donne  fept  noms.  Cette  porte  n'étoit  pas  dans  le 
fcâ'm^'z^i'  pi'en^ier- Temple,  ôc  ainfi  les  noms  qui  font  danscespafTages  citez  ne  peu- 
10.  jeretn!    vcut  être  Ics  liens.     Les  Rabbins  l'appellent  la  porte  du  milieu  j  Mais  du 


19.1.  Ezech. 


^     temps  d'Herode  ,   elle  étoit  plus  ordinairement  appeilée  h  porte  de  Nic^- 
Rcg,  II.  6.  nor:  ainfi  appeilée,  comme  quelques-uns  difent,à  caufe  de  ce  Nicanor  qui 
23^".*^'"°'  fut  défait,  ôc  qui  vint  au  Temple  menaçant  de  le  rainer  i  d'autres  di- 
La  poite  de  fcnt  quc  cc  fut  un  dcvot  i^DH  qui  fit  la  porte  d'airain  de  ce  portail  j  cet- 
LMacTâbr  ^^  portc  étolt  d'airain,  &  ne  pouvoit  être  ouverte  que  par  vingt  homn^es. 
"Von  '  "  C'efl  celle  dont  Jofephe  dit  qu'elle  s'ouvrit  feule,  &  que  ce  fut  un  des  pro- 
àéea.   '      dïges  qui  menacèrent  le  Temple  de  ruine.  Lesjuifs  rapportent  ce  prodige 
àhfn  l' ^  ^  ^'^^  40"^*.  devant  la  ruïne  du  fécond  Templej  c'eil  à-dire  environ  le  tems 
LapoKedV  de  la  mort  de  nôtre  Seigneur,  auquel  teras  ils  remarquent  aufîi ,   que  le 
Nicanor  ne   Sanhédrin  quitta  la  chambre  oii  il  s'afTembloit  dans  le  Parvis  des  Sacrifi- 
oumte  qie  catcurs,  &  viiit  à  la  porte  du  premier  Parvis,  6c  fur  tout  ils  obfeiventque 
parzo  hoœ-  [q  £|  d'écarlatc  du  bouc  des  propitiations  ne  devint  plus  b-lanc.  Tous  ces 
s'ouvrit       prodiges  étoient  autant  de  marques  que  la  grâce  les  avoit  abandonnez, 
loutefeuie,       Pj-^g  ^g  ^ettc  porte  étoit  logé  le  Sanhédrin  des  53.  Il  y  avoit  trois  Con- 
aprésk  m™rt  fîftoii'es ,  le  petit ,  Ic  grand ,  6c  celui  du  milieu  j  le  petit  étoit  de  trois  hom- 
Du^sir'^  mes  6c  fe  trouvoit  dans  tous  les  bourgs j  le  grand  de  35.  n'étoit  établi  que 
drinScde     dans  Ics  bonncs  villcs ,  où  il  y  avoit  au  moins  120.  hommes  capables  d'e- 
tiff"*""^^  xercer  les  charges  j  6c  le  grand  de  70.  étoit  en  Jerufalem  ,   6c  avoit  {es 
feances  dans  la  chambre  pavée,  le  petit  de  5.  homir.es  étoit  à  la  premiè- 
re porte  du  Temple,  appeilée  porte  de  Sufàn  ,  6c  celui  de  33.   tenoit fes 
feances  à  cette  porte  de  Nicanor. 
Le  fécond         Par  cette  porte  on  entroit  dans  un  grand  efpace  qui  avoit  centquatre- 
étohceiui    vingt-fept  coudées  de  profondeur  6c  igf.  de  largeur;  le  Temple  étoit  juf- 
des  hona-     tement  au  milieu  de  la  largeur  de  cet  enclos  à  i  o.  ou  1 1 .  coudées  du  bouti  le 
^^^'  corps  du  Temple  étant  dans  fon  frontifpice  de  1 00.  coudées  de  large ,  il  ne 

reftoit  que  55.  coudées  à  partager  en  deux ,  c'étoit  17.  coudées  6c  demi  pour 
chaque  côté,  Et  où  le  Temple  n'avoit  que  60,  coudées  de  largeur, ou  fer 
Iqn  Ligtfoot  70.   de  part  6c  d'autre  il  y  avoit  32..  coudées  6c  demie,  6c 
au  devant  depuis  la  porte  de  Nicanor  jufques  au  Veflibule  du  Tempic 
■187-  coudées.  Otezen  dix  pour  le  derrière  du  Temple,  6c  100.  pour  la 
longueur  de  ce  Templejreftoit  77.  coudées,  de  profondeur  depuis  la  porte  de 
Nicanor  jufqu'à  la  porte  du  Temple.  Si  vous  joignez  ces  1 8  7.  coudées  aux 
1 3  f .  qui  faifoient  la  profondeur  que  Ligtfoot  donne  au  Parvis  des  femmes,  ii 
y  aura  32,8.  coudées  pour  toute  la  longueur  du  fécond  grand  enclos  hors  du 
parvis  des  nations.   Cependant  nous  ne  l'avons  trouvé  qu'environ  de  trois 
cens,  ou  de  ipo.  félon  Cappel.  Ainfi  Ligtfoot  le  fait  plus  long  de  3  8.  coudées. 
Ce  Parvis         Ce  grand  efpace  de  1 87.  coudées  de  profondeur  6c  de  1 3f .  de  largeur 
cduldw^sa-  l'enfermoit  le  parvis  des  Sacrificateurs  6c  celui  des  hommes ,   qui  n'étoit 

Ciifîçiteius»  qu'un 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Fart.lL  22^     . 

qu'un  feul  enclos.  En  entrant ,   après  avoir  pafTé  la  porte  de  Nicanor  on 
trouvoit  trois  rangs  de  colomnes  de  marbre  qui  foûtenoient  une  grande 
galerie ,  comme  toutes  les  précédentes  dont  nous  avons  parlé.  Cette  ga- 
lerie  ou  portique  avoit  zi.  coudées  ou  33.  pieds  de  large  ,   ôc  cet  efpa- 
ce  faifoit  deux  allées  comnae  celles,  des  arcades  de  la.  Place  Royale.    Ces- 
deux  allées  avoient  chacune  onze  coudées  de  large  y  &  étoient  feparées 
par  le  rang  de  colomnes  du  milieu,  &  par  des  baluftrades  d'appui  qui 
étoient  entre  les  colomnes.  La  première  ^lée5,la  plus  proche  de  la  porte  de 
Nicanor,étoit  le  parvis  des  hommes,  &  regnoit  tout  à  l'entour  par  trois  cotez,. 
Orient,  Nordôc  Midi.  La  féconde  allée  étoit  élevée  au  delTus  de  la  pre- 
mière de deuxcoudéesôc demie, c'ell-à- dire  prés  de  quatre  pieds:  ôc  on  y 
montoit  par  4.  degrez,  dont  le  premier  avoit  une  coudée  de  haut ,  èc  le» 
trois  autres  chacun  demi-coudée.     Les  deux  allées  étoient  fous  un  même 
toit,  riche  ôc  fomptueux  ;   foutenu  par  ces  trois  rangs  de  colomnes,  & 
cette  féconde  allée  d'onze  coudées  de  largeur  la  plus  proche  du  Temple  étoit 
le  parvis  des  Sacrificateurs.  Les  Lévites  y  avoient  leurs  bancs,  fur  iefqueîs 
ils  jouoient  des  inftrumens ,  &  ces  bancs  étoient  pofez  le  long  des  colom- 
nes &  de  la  baluflrade,  qui  feparoit  la  première  allée  de  la  féconde:  Ils' 
avoient  le  dos  tourné  vers  la  porte  de  Nicanor  8c  le  vifage  vers  le  Tem- 
ple. Le  lieu  de  leur  flatiôn  étoit  une  élévation  de  marbre  blanc  de  la  hau- 
teur de  2.  coudées  &  demie ,  par  degrez:  les  trois  premiers  degrez  étoient 
d'une  demi-coudée,-  &  le  quatrième  fur  lequel  ils  fetenoient  debout  de  la 
hauteur  &  largeur  d'une  coudée.  Mais  ce  dernier  degré  étoit  au  niveau  du 
terrain  du  pa^rvis-  des  Sacrificateurs,.  &  ces  degrez  étoient  du  cdté  cki  peu- 
ple. Les  Lévites  fe  tenoient  debout  en  jouant  des  inflrumens.. 

Nous  allons  prefentement  faire  la  revue  de  ce  qui  étoit  autour  des  mu-  Bitimers; 
ra.illes  de  ce  dernier  enclos  ,  outre  les  galeries  &  allées  dont  nous  avons  cukduPar- 
parlé,  foûteniies  de  trois  rangs  de  colomnes.  C'eft  que  dans  les- cotez  de  visdcshojn- 
eette  muraille,  qui  avoit  1 87.  coudées  de  longueur  6c  i^f.  de  largeur,  il  y  Saifiea^* 
avoit  plufieurs  bâtimens  ôc  portes.  Qiiant  aux  portes  on  en  trouve  feptj  ^^«"* 
les  uns  y  en  content  plus,  les  autres  moins  y  mais  la  plupart  y  en  mettent 
feptj  l'une  étoit  à  l'Orient ,  c'eft  laporte  de  Nicanor  dont  nous  avons  par- 
lé ,  trois  au  côté  du  Nord  ôc  autant  au  Midi.  Il  n'y  en  avoit  point  à  l'Oc-  Première 
cident  derrière  le  Temple.     En  entrant  par  la  porte  de  Nicanor  à  main  ^peS^ 
droite  on  trouvoit  une  chambre  ou  édifice  qu'on  appelloit  la  chambre  de  chambre  de 
Phinées  ou  du  concierge  de  la  garde-robe.     On  croit  que  c'eft  dans  ce  ygïïdoit?^^ 
lieu  qu'on  gardoit  les  habits  des  Sacrificateui"s ,  &  où  ils  fe  revétoient  &  habits  des 
fè  devétoient.    A  main  gauche  il  y  avoit  une  chambre  de  boulangerie,  oijteBrs."' 
l'on  prenpit  le  foin  de  préparer  les  gâteaux  que  le  Sacrificateur  offioit  jour-  seconde 
nellement  j   c'étoient  les  de0x  feuls  édifices  attachez  à  la  muraille  du  SpÏÏÎéeh 
GÔté  d'Orient.  bouian- 

Dans  la  muraille  du  côté  du  Midi  ,  il  y  avoit  premièrement"  au  coin  ^"*^"  . 
Oriental  la  chambre  pavée ,  n-in,  où  fe  tenoit  le  grand  Sanhédrin i  elle    r-\^h' 
étoit  toute  bâtie  de  pierre  de  taille  de  tous  les  cotez  èc  par  en  haut^  c'eft    ^""^'^ 
pourquoi  elle  étoit  amfi  appellée  :  Elle  étoit  proprement  pofée  fur  la  mu-  Troifiéme" 
raille  de  l'enclos,  tellement  que  la  moitié  étoit  dehors  fur  le  Chail,   &c  ^l^^J^^'\ 
l'autre  moitié  dans  le  Parvis  fous  la  galerie  :  A  l'endroit  où  elle  avançoit , 
die  étreçiftbit  la  première  allée  d'autant  qu'empoitoit  la  moitié  de  fa  lar- 
geur. 


S>n 


chambre 
appelleela 
chambre  du 
puas. 


La  chambre 
d'Âbthiaés, 


224.        HISTOIRE  DES  DOGMES 

geur.  Elle  avoit  deux  portes ,  l'une  qui  ouvmic  fur  le  Chail ,  &  l'autre  fur 
le  Parvis  d'Iiraël  &  des  Sacrificateurs  :  il  en  ér.oitainlî  de  tous  les  autres  bâ- 
timens  quiétoicntdanslemur,  une  partie  étoit  dehors  du  Parvis ,  &  l'au- 
tre dedans.  On  les  appelle  chez  les  Rabbins  «"nDaK  mot  Grec  déguile, 
qui  fignifîe  Sièges,  Excedrx,.  Dans  la  moitié  de  cette  chambre,  (avoir  dans 
celle  qui  étoit  dehors,  le  grand  Sanhédrin  prenoit  fes  léances  j  car  il  n'eût 
ofé  s'afleoir  dans  l'enclos  du  Parvis ,  à  caufe  que  cela  n'eft  permis  à  perfonne, 
excepté  au  Roy  j  encore  faut-il  qu'il  foit  de  la  Maifon  de  David ,  telle- 
ment qu'Herode  n'eût  pûs'yfeoir,  6c  les  Rois  de  la  famille  des  Macca- 
bées  non  plus ,  fi  on  en  croit  la  tradition  des  Juifs ,  qui  ne  me  paroît  pas  trop 
vray-femblable.  La  moitié  de  la  chambre,  quiavançoit  dans  le  Parvis, 
étoit  employée  à  jetter  le  fort  pour  le  fervice  que  les  Sacrificateurs  dévoient 
partager  entr'eux. 

Au  delà  de  cet  édifice,  en  entrant  de  l'Orient  à  l'Occident,  il  y  avoit 
un  efpace  découvert,  Se  après  on  trouvoit  un  autre  bel  édifice ,  dans  lequel 
il  y  avoit  un  puits  qui  répondoit  à  de  grands  refervoirs  d'eaux ,  qu'on  avoit 
faits  dans  la  montagne ,  ôc  d'oii  par  art ,  on  faifoit  venir  une  grande  abon- 
ce  d'eaux  par  des  canaux  foûterrains  :  Ici  il  y  avoit  un  grand  puits  couvert 
d'un  bel  édifice  ,  où  les  Sacrificateurs  prenoient  de  l'eau  pour  laver  leurs 
viélimes.  Il  y  avoit  aulîi  une  grande  roue,  ou  machine,  qui  tiroit  perpé- 
tuellement les  eaux  ,  &  les  diflribuoit  dans  toutes  les  parties  où  on  en 
vouloit  avoir;  jufques  là  même  qu'il  y  avoit  des  eaux  &  des  bains  au  defîus 
de  certaines  portes. 

Aflez  prés  de  cette  maifon  du  puits,  étoit  la  porte  appeîlée  la  porte  de 
Teau.  Elle  étoit  vis  à  vis  de  l'Autel  des  holocauftes ,  environ  à  45.  cou- 
dées du  coin  d'Orient.  Au  deflus  de  cette  porte  étoit  un  lieu  appelle ,  ia 
ch-àmbrc  à' Ahthtné s.  G'étoitun  fameux  compofiteur  de  parfums,  quiavpit 
donné  le  nom  à  cette  chambre.  L'on  compofoit  l'encens  ou  le  parfum  de 
douze  fimples  odoriferans,  &  de  plufieurs  aromates,  fur  le  toit  de  cette 
chambre  à^Abthinés^  il  y  avoit  un  bain  dans  lequel  le  Souverain  Sacrifi- 
cateur fe  lavoit  la  première  fois  le  jour  des  propitiations.  Enfuite  de  la 
porte  de  l'eau  &  de  la  chambre  à'Abthines  on  trouvoit  le  quatrième  édifi- 
,  c'étoit  la  chambre  du  bois.  Le  bois  s'examinoit  dans  ia  courdes  & 


ce, 


tem- 
mes,  comme  nous  avons  vu.  Se  puis  quand  il  étoit  trouvé  f^ùn,  on  fap- 
portoit  en  ce  lieu,  où  les  Sacrificateurs  le  prenoient.  Au  deflus  de  cette 
chambre  du  bois  étoit  la  maifon  du  Taredrm  ;  c'étoient  les  Confeillers ,  qui 
avec  le  Souverain  Sacrificateur  ordonnoient  de  toutes  les  afiùires  qui  regar- 
doient  le  fervice  &  la  réparation  du  Temple  5  \q  Sanhédrin  étoit  le  grand 
Sénat  de  la  nation ,  ôc  ce  Taredrin  étoit  le  Confeil  du  Temple  &  de  fon 

quelle  étoit  r-  ^ 

le  ïaredrin,  lerVlCC.^ 

ou  chambre  Aprés cc  Cinquième  édifice  venoit  la  porte  des  prémices,  par  laquelle 
on  les  apportoit  au  Temple  -,  Les  prémices  d'entre  les  bêtes  dévoient 
être  éeorgées  au  côté  du  Midi,  ôc  les  autres  vidinles  au  côté  du  Nord. 
Elle  etoit  vis  à  vis  le  corps  ou  la  nef  du  Temple.  Enfin  dans  ce  côté  du 
Midi  il  y  avoit  une  porte  qu'on  appeiloit  la  porte  de  l'embrafement,  ou  de 
l'allumement-du  feu. 

Le  long  du  côté  Septentrional ,  il  y  avoit  aufli  des  édifices  &  trois 

portes.    Le   premier  édifice   dans  le  coin  I^ord-ouell ,   étoit  appeîlée 

n^3 


Cin«|uiQme 
chambre, 
appeîlée  du 
bois  au  def- 
lus de  la- 


des  Direc- 
teurs du 
Temple. 


Porte  de 

î'embrafe- 

mect. 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Tart.U.  225 

npia  n>3  la  maifon  du  feu ,  ou  du  foyer.     Elle  étoit  grande  &  fpatieufe,  Ipi^  r-i*3 
&  s'étendoit  jufques  au  quart  de  l'étendue  de  ce  côté ,  favoir  au  quart  de 
iSy.  coudées,  c'efl-à-dire ,  46.  ou  47.  coudées.     Il  y  avoit  quatre  efpa- 
ces  aux  quatre  coins  de  cet  édifice,  i .  au  coin  Sud-oueft  il  y  avoit  une 
chambre,  qu'on  appelloit  la  chambre  aux  agneaux ,  oii  il  y  avoit  toujours 
fix  agneaux  pour  le  Sacrifice  continuel,  car  on  ne  les  {acrifioit  point  qu'ils 
n'euflent  été  quatre  jours  en  fequellre.  z.  Dans  le  coin  vis  à  vis  étoit  le 
lieu  oi^i  on  preparoit  le  pain  depropofition:  c'étoit  une  efpece  de  boulan- 
gerie. 5.  Danslecoin  du  Nord-ouell,  les  Juifs  difent  qu'on  mit  les  pierres 
de  l'autel  qui  avoit  été  profané  par  Antiochus  Epiphanes.  4.  Et  dans  l'efpa- 
ce  oppofé  ,  félon  le  ra^pport  des  mêmes  Juifs ,  on  alloit  à  un  bain  fecret  fous  le 
Temple,  fait  pour  ceux  qui  avoient  eu  des  pollutions  noélurnes.  Au  milieu  de 
cet  efpace  divifé  en  quatre  coins ,  il  y  avoit  un  eipace  voûté ,  ^  cela  s'appel- 
loit  la  maifon  du  feu,  parce  que  les  Sacrificateurs  venoient  fe  chauffer  là. 
C'étoit  une  grande  {allé,  comme  une  falle.des  gardes,  il  y  avoit  aufîi  dans 
ce  bâtiment  un  lieu ,  où  on  gardoit  les  clefsde  ce  Parvis,  z.  Après  cet  édifice  r^>2  ^w 
on  trouvoit  une  porte  de  même  nom ,  la  porte  de  la  maifon  du  feu.     La  pro-     "V^^ 
chaîne  porte  enfuite  s'appelloit  la  porte  des  femmes,  autrement  îa  porte  du  J;^^°^f^^  J^ 
Corban,  &  Lightfoot  foupçonne,  qu'entre  ces  deux  portes  étoit  la  cham- feu. 
bre  de  la  grande  Tréforerie ,  ce  qui  cil  affez  apparent.  Après  il  y  avoit  une  femmS^Î^ 
chambre  des  Lévites,  deftinez  à  faire  la  garde ,  Scpuis  encore  une  fecon-  duCQibaR, 
de  chambre  de  la  Tréforerie.     Cappel  place  ces  chambres  de  la  Tréforerie 
tout  au  derrière  du  Temple  à  l'Occident.  5.  Après  ces  trois  édifices,  deux 
Tréforeries ,  6c  la  chambre  des  Lévites  dellinez  à  la  garde ,  on  trouvoit  cette 
porte  que  nous   avons  appellée  du  Corban.     Enfuite  il  y  avoit  un  édifice 
qu'on  zppeWoît  la  chambre  dufel^  6\x  étoit  refervé  le  fel  pour  les  facrifices ,    r^yîh 
èc  la  maffe  de  ce  fel  devoit  être  grande,  puis  qu'on  ne  prefentoit  aucun  làa^ifi-    rhnn 
ce  fans  fel.    4.  Apres  on  trouvoit  une  chambre  où  fè  mectoient  les  peaux 
des  bêtes,  lelquelles  appartenoient  aux  Sacrificateurs,  &  qu'ils  divifoienc 
cntr'eux  quand  leur  femaine  étoit  achevée,on  l'appelloit  rms  no ,  beth  parva^ 
peut  être  deons ,  qui  fignifie  veaux.  Mais  les  Juifs  difent ,  qu'elle  fut  ainfi  ap- 
pellée du  nom  d'un  Magicien  qui  avoit  fait  un  trou  ôc  une  voûte  dans  cet 
endroit,  pourvoir  ce  que  le  Souverain  Sacrificateur  faifoitdansîe  jour  des 
propitiaiions.   Au  defTus  de  cette  bethparva ,  il  y  avoit  une  chambre  où  étoit 
un  lavoir,  où  le  Souverain  Sacrificateur  fe  lavoit  le  jour  des  propitiations , 
toutes  les  autres  fois  5  excepté  la  première  qui  fefaifoitaubaind'Abthinés^ 
f.  Il  y  avoit  enfuite  la  maifon  appellée  des  laveurs,  pnnan  nsîi^S  parce 
qu'il  y  avoit  là  dedans  un  bain  où  on  lavoit  les  inteftins  des  bêtes  du  facrifi- 
ce.  Ligtfoot  nie  qu'on  les  lavât  au  lavoir  de  Bethefda ,  dont  il  eft  parlé  Jean 
f.  comme  c'eft  l'opinion  commune.    6.  On  trouvoit  dans  ce  côté  du  Nord, 
la  porte  appellée  i^^  du  cantique,  autrement  vira  étincellement.  Au  defius 
de  cette  porte  il  y  avoit  un  édifice ,  qui  étoit  un  corps  de  garde,  où  les  Prêtres 
faifoient  garde,  il  y  avoit  de  ces  corps  de  garde  à  toutes  les  portes.  Les  Lévites 
faifoient  garde  au  bas  de  la  porte,  les  Prêtres  dans  la  chambre d'enhaut. 
7.  Enfin  de  ce  côté  du  Nord ,  tout  au  coin  de  l'Orient ,  il  y  avoit  une  cham- 
bre appellée  la  maifon  de  pierre,  deflinée  entr'autres  chofes  à  mettre  en^^'^of^e 
fequeftre  le  Souverain  Sacrificateur  par  fept  jours,  quand  il  devoit  brûler  f'onmeuoit 
la  vache  rouge,  ouceluy  qui  la  devoit  brûler  en  la  place  du  Souverain  Sa- ^^«^^ouveram 

Tart.    IL  Ff  Crifi- enfèqueûie. 


226         HISTOIRE   DE  S*  DOGME  S 

ciificateur.  On  l'appelloii  là  maifon  de  pierre,  parce  que  tous  les inlîru- 
mens  dont  on  fe  fer  voit  là  étoieiit  de  pierre. 
L'cfpacc  qui  H  ne  Hous  reftc  à  confiderer  que  l'efpace  qui  étoit  renfermé  au  delà  de  la 
étoit  depuis  galerie ,  appellée  le  Parvis  des  Sacrificateurs  jufqu'au  Temple.  Devant 
des'sTaifi-  le  Temple,  depuis  ce  Parvis  jufques  au  Vellibuîe  du  Temple,  il  y  avoit 
cateuisjuf.  yj-j  efpace  de  ^4.  ou  ff.  coudées  ,  occupé,  premièrement  par  l'Autel 
quau  ^^™"  jçs  j^o](ij,j^u^^es^  qui  avoit  51.  coudées  de  largeur,  2°.  par  unefpace  de 

zz.  coudées ,  entre  T Autel  &  le  Temple, 
Aineides         Qiiant  à  la  largeur  de  cet  efpace,  comme  le  Parvis  avoft  en  tout  i^f.. 
hoiocauftes.  ^oudécs  de  largeur,  ôtez-enii.  de  chaque  côté  pour  les  galeries,  quitai- 
foient  le  Parvis  des  hommes,  ôc celuy  des  Sacrificateurs  à  comertj  reftoic 
91.  coudées  à  découvert.     Au  milieu  duquel  efpace  ,  ou  environ,  étoit 
l'Autel  des  holocauiles,  qui  avoit  en  quarré  31.  coudées:  AcotédePAu^ 
tel ,  vers  le  Septentrion ,  étoit  le  lieu  où  s'égorgeoient  les  viélimes ,  c'efb 
La  bouche-  là  proprement  qu'étoit  la  boucherie.     A  7.  ou  8.  coudées  de  L'Autel  il  y 
lieduTeai:  ^voit  UH  cfpace  quatre,  ou  à  peu  prés  5  oùétoient  attachez  au  pavé  vingt- 
quatre  anneaux  en  quatre  rangées  de  fix ,  où  l'on  attachoit  les  bêtes  ;  on< 
leur  approchoit  la  tête  du  pavé  avec  une  corde  pour  les  égorger.     Tout 
auprès  de  ces  anneaux ,  il  y.  avoit  des  tables  de  marbre,  fur  leiquelles  on  met- 
.tpi^lesviélimes  après  les  avoir  égorgées  ,  pour  leur  arracher  les  entrailles  à 
deiîein  de  les  laver.     Et  enfin  en.  allant  encore  au  de  là ,.  toujours  vers  le; 
Nord,  il  y  avoit  huit  petits  piliers  de  marbre,.quifoûtenoient  des  chevrons 
de  cèdres  :  dans  les  piliers  &:  dans  les  chevrons  étoient  plantez,  des  cro- 
chets, oùronpendoit  les  bêtes  pourlesécorcher,  puis,  on  les  remettoitfur 
les  tables  de  marbre , ,  pour  les  couper  en  pièces.     Voilà  ce  qui  étoit  du 
côté  du  Nord:  du  côté  du  Midi  il  n'y  avoit  rien  qu'une  pente  infenfible  qui 
menoit  au  haut  de  l'Autel  des  holocauftes,  comme  une  efpece  de  degré, 
fans  marches,  cela  étoit  long  de  31.  coudées,,  autant  comme  le  quarré  dc; 
l'Autel 

Entre  l'Autel  &  le  Temple  étoit  un  efpace  de  vuide ,  occupé  pourtant  en 
partie  par  douze  dcgrez,  de  demi-coudée  chacun  5,qui  montoient  au  Vefti- 
bule  du  Temple:  cela  faifoit  fix  coudées  de  hauteur,  que  le  Temple  avoit 
au  deflùs  du  pian  du  Parvis  des  Sacrificateurs.  Ainfi  l'Autel  des  holocauftes,-, 
qui  avoit  auJTi  fix  coudées  de  hauteur,  étoit  au  niveau  du  terrain  du  Tem- 
ple. Entre  le  Temple  &  l'Autel ,  du  côté  du  Midi,  ily  avoit  un  grand  cu- 
vier  des- lavemens  deftiné  aux  purifications.  Le  relie  de  l'efpace,  le  long; 
des  cotez  du  Temple ,  étoit  découvert  &  vuidé  5.  la  largeur  étoit  environ^ 
de  dix  ou  douze  coudées. 

Tout  le  monde  fait  Ja  dernière  deftinée  de  ce  Temple-,-  &c  comme  il  fut 
brûlé  par  Tite,  fils  de  l'Empereur  Vef^aficn  dans  le  facdejerufalem.  L^, 
îerre  perdit  -alors  l'un  de  fes  plus  beaux  ornemens 3  car  ce  Temple  pouvoit 
^ffer  pour  Tune  des  merveilles  du.  monde.. 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Tart.ll.  22/ 


C  H  A  P  I  T  RE     VIL 

^es  deux  Temples  Schifmatiques  de  Guerizim  é-  d'Onias, 

PEu  de  gens  ignorent  rHiiloireduSchifme  des  dix  Tribus:  on  en  peut  î.desRois 
voir  la  fource  &  la  naillance  dans  l'Hiftoire  de  la  révolte  de  Jéroboam:  sciufrae'dcj 
dans  ce  Schifnîe  il  faut  confîderer  trois  périodes.  Le  premier  depuis  samaritains 
Jéroboam  jufques  au  temps  de  la  tranfportation  des  dix  Tribus  par  Salma-  trois^peik- 
nafar.     Le  fécond  depuis  le  tems  de  la  tranfportation  jufques  au  retour  '^^^ 
de  la  captivité ,  &  jufques  à  l'édification  du  Temple  de  Guerizim  j  &  le 
troifiéme  depuis  le  retour  de  la  captivité  jufques  à  Jefus-Chrift,  ou  même 
jufqu'à  prefent.    Jéroboam  pofa  premièrement  le  fiege  de  fon  Royaume  en 
Sichem,  après  cela  fes fuccefieurs  le  poferent  en  Samarie ,  ÔC  de  làleureft 
veau  le  nom  de  Samaritains.  Les  lieux  de  leur  culte  furent  en  Dan  &  Betheî, 
du.  ils  établirent  des  veaux  d'or,  avec  un  culte  en  quelque  chofe  femblabie 
à  celuy  qui  fe  pratiquoit  dans  le  Temple  dejerufalem.    Ce  n'étoit  pourtant 
pas  le  même  culte ,  car  il  étoit  idolâtre  &  différent  pour  les  cérémonies  :  aia- 
fi  ce  n'étoit  pas  unfimple  Schilme  dans  ce  premier  période,  il  y  avoithe- 
réfie  &  idolâtrie. 

Le  fécond  période  commence  au  tranfport  des  dix  Tribus  :  Les  Rois 
d'Aflyrie  mirent  dans  leur  place  des  peuples  qu'ils  tirèrent  d'autour  de  l'Eu- 
phrate,  Babel  ,   Cuth,  &c.    Ces  peuples  idolâtres  étoient  dévorez  par 
des  Lions  que  Dieu  envoyoit ,  parce  qu'ils  n'adoroient  pas  le  Dieu  du  pays, 
ils  s'en  plaignirent,  on  leur  envoya  un  Sacrificateur  ,  qui  leur  enfeigna  à 
fervir  Dieu  :  cependant  ils  n'abandonnèrent  pas  leurs  idoles,     L'Hiiloire 
s'en  lit  au  i.  des  Rois  chap.  17.  Ce  culte  mêlé  d'idolâtrie  dura  jufques 
après  le  retour  de  la  captivité.   Les  Gouverneurs  de  Samarie  traverferent 
extrêmement  les  Juifs  dans  la  réédification  du  Temple  3  ce  qui  donna  com- 
mencement à  une  immortelle  haine  qui  dure  encore  aujourd'huy  entre  le 
Juif  &  le  Samaritain.    Cependant  les  Juifs  fe  joignirent  d'alliance  &  par 
mariage  avec  les  femmes  des  Samaritains  j  par  ce  mélange  des  deux  peuples 
k  culte  fe  purifia  ,  &  les  Samaritains  cefferent  d'être  idolâtres.     Entre 
ceux  qui  avoient  époufé  des  femmes  Samaritaines ,  ilyenavoitunnommé 
Manafle  ,  que  Jofephe  dit  avoir  époufé  la  fille  de  Samballat  j  ce  IVlanafTé  Antiquît. 
étoit  frère  de  Jaddus ,  que  Nehemie  appelle  fils  de  Jehojadah  ;  au  moins  ^\  '  "'  "^ 
fi  ce  font  les  mêmes,  car  les  tems  ne  s'accordent  pas  trop ,  ôcileft  mal- ai-    .  ç., 
fé  de  reconcilier  la  relation  de  Jofephe,  avec  les  autres  Auteurs.  Car  Nehe-  unedVffireH- 
mie  fut  celuy  qui  fit  réédifier  le  Temple  au  commencement  de  l'Empire  cède  plus  de 
desPerfes,  depuis  l'an  du  monde  3461.  jufques  à  3484.  félon  Cappel,  ou  trek narrai" 
félonies  autres  3 fOf,  fe'^he^^&œîie 

Mais  le  mariage  deManafie  avecla  fille  de  Samballat  Samaritain  eflrap-  4e nos  au- 
porté  par  Jofephe  à  la  fin  de  l'Empire  desPerfes ,  environ  l'an  3<5<5o.  Quoy  ^^■"[^["j'^J'*" 
qu'il  en  foit,  voicy  comment  Jofephe  raconte  la  chofe.  temple  de 

Ff  i  Manaffé  G«««ini, 


i28  HISTOIREDESDOGMES 

Hiftoire  de       Manaffé  s'étant  retiré  vers  fon  beau-pere  Samballat  lui  dit ,  que  l'amour 
Tenfp'ie^de"  ^^-^'^^  ^^oit  pour  fa  fiUc  Nicafo,  qu'il  avoit  époufée,  ne  devoit  pas  l'obliger 
Guetiziin     à  renoncer  au  droit  qu'il  avoit  à  la  Souveraine  Sacrificature,  la  première 
ftphe?""     dignité  de  fon  pais.     Samballat  lui  dit  de  ne  fe  point  mettre  en-  peine ^ 
que  s'il  le  vouloit  il  le  feroit  bien-tôt  Souverain  Sacrificateur,  &  qu'il  fe- 
roit  bâtir  un  Temple  fur  la  montagne  de  Guerizim ,  femblable  à  celui  de 
Jerufalera.    Manafle  fur  cette  promefle  demeura  auprès  de  fon  beau-pe- 
fe  i  beaucoup  de  Juifs  chaifez  pour  des  mariages  avec  des  étrangères  fe 
raflemblerent  auprès  de  lui»  ôc  Samballat  leur  donna  de  l'argent  ôc  des  hé- 
ritages.    Darius  s'étant  approché  pour  s'oppofer  à  Alexandre,  Samballat 
promit  à  Manafle  qu'il  obtiendroit  de  Darius  le  pouvoir  de  faire  ce  qu'il 
lui  avoit  promis.  Darius  ayant  été  vaincu  ,   Ôc  Alexandre  étant  demeuré 
Viétorieux  ,    ce  dernier  envoya  à  Jaddus  Souverain  Pontife  des  Juifs  lui 
dire  qu'il  eût  à  lui  rendre  les  hommages  qu'il  rendoit  à  Darius  :   Jaddus 
s'en  excufa  ,   difant  qu'il  avait  juré  fidélité  à  Darius  >   ce  qui  irrita  fort 
Alexandre,  qui  alors  étoit  occupé  au  fiege  de  Tyr.   Samballat  jugiea  le 
îems  propre  pour  fe  déclarer  en  faveur  d'Alexandre,  &  lui  mena  8.  mille 
hommes.   11  en  fut  bien  reçu,  ôc  obtint  de  lui  la  permilîion  de  bâtir  un 
Temple  fur  la  montagne  de  Guerizim  en  faveur  de  Manafle,  6c  des  Juifs. 
chaiTez.   Cappel  prétend  que  cela  s'eil  fait  l'an  3668.  Manafle  fut  établi 
Grand  Pontife  de  ce  Temple  environ  130.  ans  devant  notre  Seigneur.  Il 
dura  200.  ans,  ôc  fut  ruiné  parHircan  Roy  des  Juifè  environ  130.  ans  de- 
vant Jefus-Chrifl.    Je  ne  fay  Ci  ce  Temple  a  été  rebâti  du  depuis  ,  mais 
les  Samaritains  adorèrent  toujours  dans  cette  montagne  ;  on  fut  cinq,  ans  à 
le  bâtir  fur  le  modèle  de  celui  de  Jerufalem. 
©tiginedu       Environ  l'an  du  monde  3837.  1^3.   ans  avant  nôtre  Seigneur  Jelusr 
d'ISus       Chrifl:,  les  perfecutions  d'Antiochus  Epiphanes  ayant  écarte  une  bonne 
Egyptien,    partie  des  Juifs  5   ils  décendirent  en  Egypte  ,   ôc  avec  eux  fe  trouva  un 
nommé  Onias ,  fils  d'Onias  Souverain  Sacrificateur ,  auquel  la  Sacrifica- 
ture appartenoit  par  droit  de  fucceflîon  j  Mais  le  Pontificat  ayant  été  don- 
né àun  nomméAlcimus,  Onias  obtint  permiflion  de  Ptolemée  Pbilome- 
tor  de  bâtir  un  Temple  à  la  manière  de  celui  de  Jerufalem  dans  le  terril 
toire  d'Heliopolis ,  en  un  lieu  appeWé'agrefiis  bubafies^  où  étoit  un  vieu3C 
Temple  de  l'Idole  ruiné.     Cet  Onias  prit  pour  prétexte  une  Prophétie 
ïfaï«  chïp.  d'Efaïe^  oè  le  Prophète  dit  que  cinq  villes  en  Egypte  parleroient  le  lan- 
^' ^*  **'    gage  de  Canaan,,  ôc  dreflcroient  un  Autel  à  l'Eternel.    Ptolemée  Phiio- 
mctor  douta  que  Dieu  approuvât  cette  entreprife  j  mais  il  en  remit  le  pe« 
ril  fur  Onias ,  lequel  en  effet  acheva  fon  Temple ,  ôc  Ptolemée  lui  donna» 
des  revenus  pour  fournir  à  la  dépenfe  des  facrifîces  ;  Il  le  bâtit  fur  le  mo- 
delle  de  celui  de  Jerufalem.  Il  y  établit  des  Lévites  ÔC  des  Sacrificateurs  j, 
ce  Temple  Schifmatiqueaduré  23  j.  ans.  Par  le  commandement  de  Vei^ 
pafien,  il  fut  ruiné  peu  de  tems  après  celui  de  Jerufalem,     Il  commença 
à  peu  prés  dans  le  tems-,  ou  peu  devant  que  celui  de  Guerizim  fût  ruiné. 
Onias  bârit  même  une  ville  en  cet  endroit  qui  fut  appellée  Oncion ,  il  y  a 
joftphed^  erreur  en  ce  que  dit  Jofephe  ,   qu'il  a  duré  3.33.  aus3.  car  il  n'a  duré  que 
Ub.°caV3o.  2-5^-  ^"s.  Onias  fit  cela  pour  fe  venger  des  Juitsde  Jerufalem,  qui avoient 
Àmiquitat.  fait  paix  avec  Alexandre  fils  d'Epiph^nes  à  fon  préjudice. 

H  I  S- 


â2< 


HISTOIRE 

DU      CULTE 

L  E  V  I  T  I  Q  U  E. 

SECONDE     PARTIE. 

Des  Vaiflèaux  du  Temple ,  &  des  Inftrumens  da 
Culte  Levitique. 


CHAPITRE     L 

T>et  Arche  Qf  des  Chérubins . 


(HJVJI  ApipiniB  JtiWmWM  M'i  l'tjtJ 

^^M 

W^A^ 

Ous  allons  déformais  vifiter  l'intérieur  du  Temple^ 
6c  voir  ce  quiyeftjc'eft-à-dire  les  principaux  Vaif- 
feaaxôc  Inftrumens  du  Culte  Levitique.  Nou?  com- 
mencerons par  le  lieu  très  Saint,  dans  lequel  étoit 
l'Arche  ,  le  plus  augùfte  inllrumentde  la  Religion 
Mofaïque. 

L'Arche  étoit  proprement  un  coffre  ;  fa  longueur  Defciiptioa 
étoit  de  deux  coudées  &  demie  ,  c'eft-à-dire  trois  jArch?*^^ 
pieds  neuf  pouces  ,   ôc  fa  largeur  d'une  coudée  êc 
demie  ou  de  deux  pieds  trois  pouces  i  fa  profondeur  étoit  aulîi  de  deux 
pieds  trois  pouces.  Elle  étoit  faite  de  bois  de  Sittim*  Il  eft  très  douteux 
ce  quee'étoit  queîeboisdeSittim.  Le  Syriaque  tourne  ce  mot  par  î^j;*i3î^« 
qui  lignifie  du  bouïSi,  le  Latin  £^^«»»? ,  les  70.  ^ua«  «o-vj^ra^  d'autres  tour- 
nent bois  d'épine  ,    comme  Theodotion.     St.  Jérôme  prétend  que  le  stjt  jo&î  5, 
bois   de   Sittim   étoit  femblable  en   feuillage   &  en   couleur   à   l'épi- 
ae  blanche  ,,  mais  différent  en  grandeur,  parce  que  c'étoit  un  grand  ar- 
bre- ,,   qui  croifîbit   dans   le    defert   de  Sina.  6c  dans  les   vallées  de 

Ff  3  Moak. 


230  HISTO  IRE   DES   DOGMES 

Moab.  Les  Juifs  tiennent  que  c'étoit  une  efpecede  cèdre,  6c  c'eftà  quoi 
je  m'en  tiens ,  quoiqu'il  en  foit,  c'étoit  un  bois  le  plus  capable  de  tous  de 
refifter  à  la  corruption.  Car  cette  Arche  ctoit  deltinée  à  durer  dans  tous 
les  âges  des  enfans  d'Ifraël:  elle  étoit  toute  couverte  de  pur  or  par  dedans 
i&  par  dehors  :  par  dehors  l'or  appliqué  en  lame  débordoit  en  haut  &  fai- 
foit  un  couronnement  d'or  tout  à  l'entour,  entaillé  par  figures,  dans  lequel 
4evoit  entrer  le  propitiatoire,  c'eft  ainfique  s'appelloit  le  couvercle  de  ce 
coffre  que  nous  appelions  Arche.  Ainfi  le  couronnement  d'or  avoit  deux  ufa- 
ges,  il  iervoit  d'ornement,  èc  de  plus  d'emboîtement  au  couvercle  de  l'Arche. 
il  y  avoit  quatre  boucles  aux  quatre  coins  de  l'Arche  j  c'eft- à-dire  proche 
âes  quatre  coins.     Il  y  a  apparence  que  ces  quatre  boucles  étoient  vers  le 
bas  de  l'Arche,  parce  qu'il  eft  vray-femblable  que  quand  les  Lévites  por- 
îx)ient  l'Arche  ,   elle  étoit  élevée  au-defllis  de  leurs  épaules.  Ces  4.  bou- 
cles étoient  de  pur  or ,  &  dedans  on  paffoit  deux  barres  de  bois  de  Sittim 
couvertes  d'or.  L'ufage  étoit  d'enlever  par  les  barres  palîées  dans  les  bou- 
cles l'Arche  quand  les  Lévites  k  portoient.  Cependant  on  n'ôtoit  pas  ces 
barres,  quand  on  laiffoit  repofer  l'Arche ,  elles  demeuroient  toujours  dans 
leurs  boucles  le  long  des  deux  cotez,  de  l'Arche.   Il  faloit  que  ces  bou- 
cles d'or  fuflent  grofles  pour  porter  ce  fardeau  qui  étoit  allez  grand. 
Bimenfions      On  ne  fait  pas  precifêrnént  combien  elle  étoit  large  &  longue  6c  pro- 
^^'d"?^    fonde  par  dedans  ,  car  la  grandeur  que  nous  avons  décrite  de  deux  cou- 
dées &:  demie  de  longueur  6c  une  coudée  6c  demie  de  largeur  6c  hauteur , 
c'étoit  la  mefure  du  dehors.    Il  y  a  apparence  que  les  planches,  quifai- 
foient  les  parois  de  l'Arche,  avoient  quelque  épaiffeur  peut-être  de  deux  à 
trois  pouces  ,  un  pouce  6c  demi  pour  chaque  paroi ,  ainfî  le  difent  les 
Voyez        Talmudiftes.  Elle  pou  voit  donc  avoir  par  dedans  de  longueur  41.  pouces 
dea'^°afoed   ^  ^^  largeur  à  proportion.  Ce  qui  prouve  que  cette  mefure  de  41.  poo- 
p.jT-         ces  eft  celle  du  dehors  ,   c'eft  que  la  même  mefure  eft  donnée  au  propi- 
tiatoire ou  couvercle.  Or  il  faut  que  le  couvercle  foit  tout  au  moins  auftî 
large  que  le  dehors  du  coffre,  autrement  il  entreroit  dedans. 

Nous  ne  lifons  point  qu'elle  eût  des  pieds  ni  des  foubaflèmens.  Ainfî 
elle  étoit  pofée  tout  plat  fur  la  terre ,  6c  elle  ne  s'élevoit  que  deux  pieds  6c 
trois  pouces  au-deffus  de  terre  :  Il  eft  vray  que  quelques  Rabins  lui  don- 
Exode  nent  des  pieds ,  à  caufe  de  l'ambiguïté  du  mot  vniDiJS  que  quelques-uns 
interprètent  par /j^V^j,  à  caufe  que  îzi^0i?s  fignifie  des  pas.  Cependant  il  eft 
plus  vray-femblable,  qu'il  faut  expliquer  cela  par  coins  :  aux  cjuMre  coins. 
Mais  il  y  a  quelque  doute  fur  l'endroit  oii  étoient  les  boucles  6c  les  barres. 
Arias  Montanus  les  met  dans  les  deux  cotez  de  la  longueur  de  l'Arche  : 
Mais  un  palîàge  du  i.  Rois  8.  8.  femble  faire  voir,  que  les  boucles  6c 
les  barres  étoient  aux  deux  bouts  fur  les  cotez  de  la  largeur,  6c  que  les  barres 
avançoient  leurs  bras  devant  6c  derrière  le  coffre  :  6c  par  ce  paffage  i.Rois 
8.-  8.  il  paroît  qu'on  retira  les  barres  en  avant  du  côté  du  lieu  Saint ,  6c 
qu'elles  avançoient  vers  l'Orient.  Ainfi  ceux  qui  approchoient  de  l'Arche 
fe  mettoient  entre  les  barres.  Cela  eft  plus  vray-femblable  auffi  ,  parce 
que  quand  les  Lévites  portoient  l'Arche,  il  n'eft  pas  apparent  que  ledevarit 
de  l'Arche  6c  les  Chérubins  fuffent  en  côté. 

La  plus  importante  partie  de  l'Arche  c'étoit  la  couverture  de  ce  coffre. 
On  rappcUoit  Propitiatoire  :  il  étoit  de  la  même  longueur  6c  largeur  que  l'Ar- 

ciic  « 


£{,  12. 


ET  DES  CULTES  D E  L'E G  L I S E.  F^r/. IL  231 

che,  tout  de  pur  or,  Tans  bois  de  tous  cotez,  &  ilentroit  fur.i'Arche,  & 
s'emboîtoit  dans  le  couronnement  qui  montoitau-defTus  des  bords  de  TAr- 
chei  6c  même  le  couronnement  débordoit  encore  par  delîus  le  Propitia- 
toire, quand  le  Propitiatoire  étoit  emboîté  dedans. 

Sur  le  Propitiatoire  étoient  les  deux  Chérubins,  touchant  la  figure  âef-  Deschera* 
quels  il  y  a  tant  de  difputes  entre  les  Savans.  La  tradition  commune  des  f^l^f^f^, 
Juifs,  embrafréeprefque  par  tous  les  Chrétiens,  e'eft  qu'ils  avoient  la  figure  toire  ,&  de 
d'un  jeune  enfant.     Ils  dérivent  le  mot  nn    Cherub  de  î<^*>3-)3  qui  en  ^'^^'  ^^""' 
Chaldée  Cign'iûc ^  _^cfit  infans^  comni[e  un  enfant}  ryns  Kerab  en  Syriaque 
iîgnifie  labourer  NSniiD  un  laboureur,  ce  qui  fait  foupçonner  que  la  figure 
dîU  Chérubin  étoit  celle  d'un  bœuf,,  qui  eil  proprement  le  laboureur,  ce- 
la femble  être  confirmé  par  le  premier  chap.  d'Ezechieîv.  lo.  ôclechap. 
10.  V.  14.  ou  la  face  de  bœuf  &  celle  de  Chérubin  fe  trouvent  la  même. 
Nous  ne  pouvons  rien  avoir  de  plus  certain  fur  cela  que  ce  que  nous  ap- 
prenons d'Ezechiel  chap.  I.  &  10.  d'Efaïe  6.  ôcderApoGalypre4.7.  Il 
iàut  remarquer  là-deiTus  diverfes  chofes. 

1.  Que  les  quatre  animaux  des  vifions  d'Ezechiel  6c  de  St.  Jean  font  Lesanîmaux^ 
les  mêmes  que  les  Séraphins  de  la  vifion  d'Efa're  chap,  6.  ôc  la  raifon  de  ceSa^S!' 
ce  nom  o^sit^  qui  (igniÇic  brMms^  fe  trouve  dans  le  premier  chap.  d'Ezech.  J^an,  &ies 
V.  13.  En  parlant  des  animaux  le  texte  dit,  leur  regard  étott  de  charbon  de  dSle.Tom: 
fen  ardent  comme  ejui  verroit  des  lampef.  la  même 

2.  Que  les  animaux  de  la  vifion  d'Ezechiel  font  les  Chérubins,  comme  *^*"^^^' 
le  Prophète  l'explique  6c  le  dit  £  nettement  &  tant  de  fois  dans  le  10. 
chap. 

9.  Que  les  animaux  d'Efaïe,  d'Ezechiel  êc  de  l'Apocalypfe  nous  font 
dépeints  fe  tenant  aux  quatre  coins  du  trône  ,  fur  lequel  Dieu  nous  efl 
reprefenté  comme  affis  dans  la  gloire.  Efaïe  femble  ne  pofer  que  deux 
Chérubins  qu'il  appelle  Séraphins,  car  il  dit  (jh^Us  fe  répondoient  l'un  kl'^ au- 
tre. C'eft  parce  qu'il  n'y  avoit  que  deux  Chérubins  fur  l'Arche.  Or  ces 
vifions  d'Efaïe,  d'Ezechiel  &c  de  St.  Jean  font  évidemment  formées  fur  l.a 
fituation  ëc  la  difpofition  du  Temple. 

4.  Cette  defcription  de  la  gloire  de  Dieu  6c  de  fon  Trône  qui  fe  trouve 
en  ces  trois  lieux  cy-defifiis  citez  a  rapport  au  Temple,  parce  que  Dieu  dans 
ces  vifions  nous  efi  reprefenté  comme  habitant  dans  fon  Temple.  Ainfi 
il  faut  expliquer  cette  vifion,  non  par  rapport  ati  ciel,  mais  par  rapport  à  la 
difpofition  du  Temple,  ou  plutôt  du  Tabernacle,  autour  duquel  campoit  le 
peuple  d'Ifraël. 

^     Or  tel  étoit  l'ordre  de  fon  campement  dans  le  defert.     Le  Tabernacle  c>îdre  £< 
avec  {es  Parvis  étoit  placé  au  milieu  du  camp.  Aux  quatre  coins  du  Parvis  campemens^ 
étoi&nt  campez  les  Lévites  ,    6c  les  Sacrificateurs,  à  un  mille  de  diftance  f^'^î^^ei  danss 
tout  à  l'entour,  tant  pour  être  les  gardes  du  lieu  Saint  que  pour  faire  le 
fervice  du  Tabernacle,  le  peuple  étoit  campé  en  quarré,  fuivant  la  figu^ 
re  du  camp  des  Lévites.    Il  étoit  diviié  en  quatre  corps  fous  quatre  banniè- 
res, 6c  fous  chaque  bannière  il  y  avoit  trois  tribus  j  à  l'Orient  étoit  la  tri- 
bu de  Juda,  ayant  pour  enfeigne  dans  fa  bannière  un  lion,  6c  fous  elle  If- 
facar  éc  Zabulon  3  à  la  partie  oppofée,  qui  étoit  celle  d'Occident  derrière 
le  Tabernacle,  étoit  Ephraïm,Chef  du  quartier  Occidental,  il  avoit  pour 
ion.  enfeigne  un  bœuf,   6c  fous  lui  campoient  Manafré6c  Benjamin.  Du^ 

QOX.L- 


ïoeleir. 


2^2         HISTOIRE  DES  DOGMES 

côté  du  Midi  étoitRuben,  qui  avoitpour  Ton  enfeigne  un  homme,  &  (bus 
Voyez       -foy  Simcon  &  Giid.  Dans  le  coté  Septentrional  étoit  Dan  Chef  du  der- 
^^lî  fïto'  "''^^'  quartier,  il  avoit  pour  fon  enfeigne  un  Aigle,  6c  fous  lui  Afcher  & 
cap.  2.  &k  Ncpthali.     Ce  font  les  mêmes  figures  qu'Ezechiel  &  St.  Jean  donnent  à 
MoHc**^      leurs  animaux  :  d'où  vient  que  quelques  -  uns  penfent  que  par  ces  quatre 
animaux  il  taut  entendre  toute  la  congrégation  ,    parce  qu'elle  marchoit 
autrefois  fous  ces  enfeignes.  Mais  Ligttoot  croit  avec  plus  de  vray-fem- 
blance  que  ces  quatre  animaux  reprefentent  les  Lévites ,  qui  étoient  cam- 
pez aux  quatre  coins  du  parvis  &  de  l'enclos  du  Tabernacle.     Mais  il  eft 
pourtant  vray  que  ces  animaux  dans  leurs  figures  myftiques  avoicnt  rap- 
port à  l'Aflemblée  d'Ifraël  :  ainfi  qu'il  fera  expliqué  tout  à  l'heure. 
Espiîcition      Voici  commc  cet  Auteuf  explique  la  vifion  d'Ezechiel ,   ôc  celle  de 
dcsvifions    Sf_  Jean.    Le  Trône  fur  lequel  Dieu  apparut  étoit  au  milieu:  aux  quatre 
de  St.  Jean,  couis  Qc  cc  1  rouc  ctoicnt  Ics  quatrc  animaux  dans  la  forme  dépeinte  par 
dik^sc      ^^  Prophète,  ce  que  nous  expliquerons  tantôt  :  devant  chaque  animal  plus 
d'Efaïe       loin  du  Tiônc  que  les  animaux  il  y  avoit  une  roue  ou  plutôt  deux  roues 
foDt^'^^'     ^^  croix  entrant  l'une  dans  l'autre,  pour  être  toujours  en  état  de  rouler 
de  quelque  côté  que  les  animaux  fe  remuafient,  car  les  roues  d'Ezechiel 
alloient  félon  l'Efprit  qui  étoit  dans  les  animaux.    Ligtfoot  prétend  que 
les  quatre  animaux  reprefentent  les  Miniftres  du  fervice  qui  (ont  les  pluf 
proches  du  Trône,  &  par  les  roues  il  entend  les  tribus  du  peuple  :   entre 
lequel  6c  Dieu  font  les  Mini ftres  comme  médiateurs  j  ces  peuples  vont  fé- 
lon que  les  mènent  les  animaux,  c'eft- à-dire,  félon  que  ks  infpiî'ent  les 
Miniftres  de  la  parole  6c  du  fervice.     Dans  l'Apocalypfe  il  prétend  que 
ks  quatre  animaux  reprefentent  femblablemcnt  les  Minillres  du  fervice ,  6c 
que  les  24.   anciens  qui  affiftent  avec  les  animaux  font  au  lieu  des  roues 
d'Ezechiel  6c  fignifient  le  peuple  j  Ces  roues  ne  fe  contournoient  pas,  quand 
elles  vouloient  aller  d'un  autre  côté,  parce  qu'elles  avoient  quatre  faces  fur 
lefquelies  elles  pouvoient  rouler ,  de  même  les  animaux  ne  tournoient  pas, 
parce  qu'ils  avoient  quatre  vifages,  6c  de  quelque  côté  qu'ils  marchaflènt  ils 
avoient  une  face  qui  alloit  en  avant. 

Pour  revenir  aux  Chérubins ,  Ezechiel  nous  dit  expreflement  que  les 
ligures  qu'il  a  dépeintes  dans  le  premier  chap.  font  des  figures  de  Chéru- 
bins. Chap.  10.  ir.  1.2.  5,  Foict  une  étendue  cjui  étoit  fur  la  tête  des  Cherft- 
bins.  z.  Dans  P entre- deux  des  roués  au  dejfous  des  Chérubins.  3.  £t  les  Ché- 
rubins fe  tenaient  a  main  droite.  4.  Puis  la  gloire  de  l'Eternel  s'éleva  de  dejfus  les 
Chérubins,  f.  Et  on  entendit  le  fon  des  ailes  des  Chérubins.  6.  T^rens  du  feu 
de  Pentre-deux  des  roues  &  des  Chérubins.  Ainfi  il  n'efi:  pas  befoin  de  faire^ 
de  conjedure  là-deflus,  il  faut  voir  feulement  comment  il  les  dépeint,  i .  Ils 
avoient  quatre  vifages  ,  d'homme ,  de  bœuf ,  de  lion  ôc  d'aigle.  La  face 
d'homme  étoit  celle  de  devant ,  à  laquelle  étoit  oppofée  celle  d'aigle. 
Par  derrière  à  côté  droit  étoit  celle  de  lion  ,  à  côté  gauche  1î^  face  de 
bœuf.  Il  ell  indécis  fi  ces  quatre  faces  étaient  fur  quatre  têtes  ,  je  ne  le 
croy  pas,  je  trouve  plus  vray-femblable  que  c'étoit  une  même  tête  à  di- 
verfes  faces  ,  Ligtfoot  croit  que  c'étoient  quatre  têtes  fur  un  même 
corps. 

Ils  avoient  le  corps  d'un  homme,  fur  leqiVel  étoient  fix  aîles,  de  deux  ils 
couvioient  leurs  vifages,  de  deux  ils  couvroient  leurs  pieds  3  C'eft-à-dire, 

comme 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Part.ll.  2^^ 

comme  a  bien  remarqué  Ligtfoot,  leurs  parties  fecretes.  Les  Hébreux  di~ 
fent  encore  O^V^n  »0D  les  eaux  des  pieds,  pour  fîgnifierles  urines.  Et  enfin 
(de  deux  autres  ils  voloient.  Efaïe  &  St.  Jean  conviennent  de  ces  fix  ai- 
les jEzechiel  femblc  ne  leur  en  doimer  que  quatre,  mais  en  examinant  de 
prés  le  V.  1 1.  Sclei^.  on  en  trouve  tout  autant  avec  le  même  ufage  qiife 
Jeur  donne  Efaïe.  1 .  Les  ailes  droites  étendîtes  Pune  vers  Vautre  ,  c'etoient 
les  ailes  dont  ils  voloient  ,  deux  qui  couvraient  de  cette  part-ïk  ,  c'étoient 
les  ailes  qui  couvroient  leur  face  vers  le  Trône,  &  deux  qui  couvraient  de 
Vautre  part  leurs  corps ,  c'étoient  les  deux  qui  couvroient  les  parties  fecre- 
tes. Leurs  pieds  étoient  comme  des  pieds  de  bœuf,  6c  de  defibus  leurs  ailes 
dans  les  quatre  faces  fortoierit  des  bras  d'hommes.  Ils  ne  fe  tournoient 
pas  :  Mais  comme  ils  avoient  4.  faces ,  chaque  face  alloit  vers  fon  côté.  * 

Cette  defcription ,  fi  vive  de  fi  expreflè  que  nous  fait  Ezechiel  de  la  figu- 
re des  Chérubins,  me  perfuade  que  la  raifon  pourquoi  les  Juifs  ne  peignoient  Ppurquoîii 
pas  de  Chérubins  dans  le  fécond  Temple,  n'eft  pas  qu'ils  euflent  oublié  îe^fig'^'resde 
leur  forme,  il  n'eft  pas  polîible  d'oublier  une  chofe  auffi  notable  en  fo.  cheiubins 
ou  60.  ans ,  &  s'ils  l' avoient  oubhée,  Ezechiel  leur  en  eût  rafraîchi  la  me-  cond  Tem- 
moire.     Mais  la  vraye  raifon  eft  l'averfion  invincible  qu'ils  conçurent  pie;  cen'eft 

or  Ti  •       •  1        r»  .    /*     •  pas  qu'oa 

contre  toute  image  oc  ngure:  Ils  craignirent  que  les  Payens ,  qui  etoient  èûtoubué 
maîtres  quand  ils  vouloient  de  leurs  Sanétuaires,  y  trouvant  ces  figures  ne  jeuï  veric»- 
les  cruflent  idolâtres  5  ôc  même  ils  eurent  peur  que  ce  ne  fût  un  piegè  pour 
leurs  peuples. 

Après  cela  il  ne  faut  plus  demander  quelle  figure  avoit  le  Chérubin,  J/J^jcl©! 
il  en  avoit  quatre,  d'homme,  de  lion,  d'aigle,  ôc  de  bœuf   Ces  figures  mbins, ils 
myftiques  reprefentoient  les  caraéberes  que  doivent  avoir  les  Miniftres  de  J^çj^^gj**"*" 
DieUjtant  celeftes  qui  fervent  dans  l'Eglife  triomphante,que  les  terreftres  qui 
fervent  à  Dieu  dans  l'Eglife  militante  ;  la  face  de  l'homme  dénote  la  rai-  Myftere  de 
fon  6c  l'intelligence,  avec  laquelle  on  doit  fervir  Dieu  ,    le  bœuf  le  tra-  ^3*^^"^" ^ 
vail  infatigable  i  la  face  de  lion  le  courage  6c  le  zèle  >  l'aigle  la  promptitude  aierubins: 
&  la  diligence.  De  plus  ces  quatre  figures  fur  un  feul  animal  avoient  rap-  ^"tokmîes 
porta  ces  quatre  animaux,  qui  étoient  dans  les  bannières,  fous  lefquelles  le  quaiitezdes 
camp  d'Ifraël  marchoit.  Pour  comprendre  le  myftere  il  faut  favoir  que  les  J^  ^ku!* 
Miniftres  affiftent  devant  Dieu  6c  reprefentent  tout  le  peuple,  non  une 
partie  :  c' eft  pourquoi  chaain  de  ces  animaux,  quifignifie  les  Miniftres,  a 
quatre  faces,  favoir  de  lion,  d'homme  ,   de  bœuf,  d'aigle,  pour  fignifier 
que  chaque  Miniftre  officiant  devant  Dieu  comparoît  pour  6c  au  nom  de 
toute  l'aiGTemblée  d'Ifraël ,  qui  marchoit  fous  les  fignes  de  ces  quatre  ani- 
maux. 

Il  y  a  (ùr  cela  une  difficultéi Ezechiel  10. 14.  dit  que  chaque  animal  avoit  4.  Pourquoi  au 
faces:  la  première  étoit  la  face  d'un  Chérubin,  la  féconde  étoit  la  face  d'un  d'E^cWeî*' 
homme  écc.  Si  les  Chérubins  avoient  chacun  4.  faces  ;  pourquoi  la  première  [»  tête  de 
eft-elle  particulièrement  appellée  la  face  d'un  Chérubin  ?   Ligtfoot  pre-  nommée 
tend  que  cela  vient  de  ce  que  quand  le  Souverain  Sacrificateur  entroit  au  chérubin, 
lieu  Saint,  le  Chérubin  qui  étoit  à  fa  main  droite  lui  montroit  fa  face  de  lioa.^  "^°^' 
bœuf.  La  raifon  me  paroît  foible,  car  celui  qui  étoit  àl^a  gauche  lui  mon- 
troit la  face  de  lion,  fi  l'autre  lui  montroit  la  tête  de  bœuf.    J'aimerois 
mieux  dire  que  dans  les  figures  des  Chérubins,  qui  étoient  ou  en  broderie 
fur  les  voiles,  ou  dans  la  Iculpture  6c  demi- reliefs  fur  les  parois,  comme 
Part.  If.  G  g  on 


Véritable 
figure  des 
Ch^ubins 
(i&rAiche. 


DefcrrptioH 
des  deux 
grands  Chc 
cubins  que 
Salomon  fàt 
faiie  dans 
le  lieuTîéS' 
Suint. 


Voyez- 
Saxtoif.  de 
Arca. 


îoutquoi 
«ette  Ar- 
c!ie.étoit  d 
veneiée. 


234,  H  1  S  T  O  I  R  E  D  E  S   D  O  G  M  E  S 

on  ne  peut  pas  faire  voir  les  quatre  faces  d'un  quarré  fur  une  chofe  plate,  Ta 
figure  du  taureau  étoit  la  plus  vifible,,  les  autres  étoient  ou  cachées  ou  en, 
raccourci.  Ainfi  au  41.  d'Ezechiel  f.  ip.  dans  la  defcription  de  ce  Tem- 
ple myilerieux,  il  ell  dit  que  le  lambris  étoit  entaillé  de  Chérubins  &  de 
palmes  S>Cc.  Et  chaçjne  Chérubin,  avoit  deux  facei^la  face  d'Hnhamme  ^  celle 
d'^im  Iknceau.  C'eft  parce  qu'on  ne  pouvoit  pas  en  reprefeufcer  quatre,  qu'il  en 
faloit  laiflci*  deux  :  Au  lieu  q,ue  dans  ce  Temple  d'Ezechiel ,  les  faces  pein- 
tes étoient  celles  du  lion  6c  de  l'homme,  il  fe  peut  faire  que  dans  le  premier 
Temple  dans  les  pavillons  oc  lambris  lafacedu  bceuf  fût  peinte,  &  celle  du 
lion  oppofée  étoit  cachée. 

Nous  avons  tout  lieu  de  croire  que  les  Chérubins  de  l'Arche  étoient  ain(î 
faits.  Mais  comme  ils  étoient  plein  relief,  les  quatre: faces  y  étoient  vili- 
bles  :  l'un  étoit  placé  à  un  bout  de  l'Arche,  ôc  l'autre  à  l'autre  bout  :  de 
deux  ailes  ils  ombrageoient  leurs  vifages  ,  6c  en  les  joignant  enfemble 
comme  des  bras,  ils  fe  touchoient  l'un  à  l'autre ,  Rejoignant  leurs  ailes  ils 
faifoient  un  ombrage  fur  le  Propitiatoire ,  du  milieu  duquel  Dieu  rendoic 
iz^  oracles.  C'efl:  pourquoi  il  ell  dit  que  Dieu  habitoic  au  milieu  des  Che* 
rubins  :  de  deux  alitres  ailes  rabattues  ils  fe  couvroienti  le  corps  depuis  les 
épaules  en  bas,  &  des  deux  autres  ils  (èmbloient  voler:  Et  au  milieu  de 
ces  ailes,  leurs  têtes  &  leurs  corps  fe  penckoient  fur  le  Propitiatoire.  A 
quoi  fait  allufion  St.  Pierre  y  quand  il  dit  que  les  Anges  regardent  k  tête  baif- 
fee  dans  nos  mjfteres.  Ils  étoient  faits  d'or  pur  battu  au  marteau  :  il  ne  nous 
efl  pas  preciiément  marqué  de  quelle  hauteur  étoient  ces  figures  :  Il  y  a 
bien  apparence  qu'elles  étoient  un  peu  au-delTus  du  naturel  >  l'Arche  étoit 
haute  fur  terre  de  2.  pieds  trois  pouces ,  les  figures  des  Chérubins  pou- 
voient  avoir  f.  ou  6.  pieds.  :  Tout  cela  faifoit  une  hauteur  de  6.  ou  fepc 
pieds,  qui  ell  la  figure  6c  la  hauteur  ordinaire  d'un  grand  homme.Oubien 
il  faut  prendre  la  proportion  de  cts  Chérubins  pofez  fur  l'Arche,  de  ces 
autres  grands  Chérubins  de  Salomon  ,  dont  il  efl  parlé  dans  le  premier 
livre  des  Rois,  ils  avoient  if .  pieds  de  hauteur  6c  leurs  ailes  le  tiers  cinq 
pieds  i  ainfi  leur  hauteur  étoit  le  triple  de  la  longueur  de  leurs  ailes , 
l'Arche  avoit  trois  pieds  neuf  pouces  de  long.  Cette  longueur  étoit  occu- 
-  pée  par  lesaiîes  des  Chérubins  qui  fe  joignoient  au  milieu:.  Ainfi  chaque 
aîle  avoit  z%.  pouces  6c  demi  de  longueur,  le  corps  du  Chérubin  avoic 
le  triple,  c'ctoit  67.  pouces.6c  demi-,,ils.avoient  donc  f .  pieds  7;  pouces  6c 
demi  de  hauteur. 

Les  Rabbins  difent  qu'ails  étoient  differens  de  fexe ,  l'un  mâle  6c  l'autre 
femelle,  pour  fignifier  l'Amour  que  Dieu  a  pour  nous,  qui  efl  comme  ce- 
lui d'un  mari  pour  fa  femme.:,  c'efl  une  ridicule  rêverie;. 

NoU'3  verrons  bien-tôt  pourquoi  le  couvercle  de  l'Arche  efl  appelle  le 
Propitiatoire.  Mais  avant  cela  il  faut  voir  pour  quel  ulàge  cette  Arche 
a  été  faite ,  6c  pourquoi  elle  étoit  vénérée  comme,  le  plus  augufle  fymbole 
de  la  divinité.  Elle  étoit  la  figure  de  l'Eglife  y,  iur  laquelleles  Chérubins, 
c'efi-à-dire,  Xts  Miniflres  de  l'Evangile,. font  comme  courbez  6c  étendent 
leurs  ailes  pour  la  défendre  du.  diable,,  de  l'erreur,,  6c  du  vice  :  elle  renfer- 
moit  les  Tables  de  la  Loy,c'efl-à-dire  la  parole  de  Dieu,  de  làDieuren- 
doit  fes  oracles ,  c'eil-à-dire  qu'il  inftruit  les  peuples  par  la  Loy>  elle  efl 
eoiivei'te  du  Propitiatoire,,  c'efl  -  à  -  diie  du  mérite  de  la  juflice  &  de  Ja 

pro- 


ET  DES  CULTES  DE  UEGLISE.  Part.  îï.  2^5 

protedion  du  Seigneur  Jefus-Chrift  :  ces  raifons  quoyque  mylliques  font 
très  {blides  &  font  ians  doute  du  nombre  de  celles,  pour  lelquelles  Dieu 
voulut ,  qu'on  rendît  tant  de  refpeâ:  à  l'Arche.  Mais  la  railbn  fenlible  par 
rapport  aux  Juifs  c'eft  celle  qui  fuit. 

Elle  avoit  été  faite  proprement  pour  y  pofer  les  Tables  de  la  Loy,  que  ^  f 'gnit^ 
Dieu  grava  de  fon  propre  doigt  dans  la  mon*-agoe  de  Sinaï.   Et  les  Théo-  venojjt'dece 
logiens  n'ont  pas  aflez  remarqué  que  c'ell  de  cet  honneur  qu'elle  avoit  de  JJg';'"!^*' 
renfermer  la  Loy  ou  autrement  le  Témoignage ,  que  lui  venoit  toute  fa  Loy  y 
dignité  &  toute  la  vénération  qu'on  lui  rendoit  :  Elle  étoit  appellée  l' Ar-  fejjg""^'*' 
che  d'alliance  ,  parce  que  cette  Loy  étoit  l'alliance  ,  l'Arche  du  té- 
moignage, &  fîmplement  mv  le  Témoignage,  à  caufe  que  la  Loy  eft  tant  Exod. 
de  fois  appellée  le  Tétnoignage.  Et  même  le  nom  de  Dieu  eft  attribué  à  ^^'^l^  ,o 
cette  Arche,  ^ue  V  Eternel  fe  leve^  encore  que  le  nom  de  Dieu  dans  ces  pafla-  3j.  pf  24. 
ges  regarde  Dieu  dire<Stement  6c  non  l'Arche,  cependant  cela  eft  dit  de  Dieu  l\^.,\ 
par  égard  à  ce  qu'il  fe  manifeftoit  dans  l'Arche  i  ôc  c'eft  parce  que  la  parole 
de  Dieu,  la  Loy,  étoit  là  dedans.  Pourquoi  fe  profternoit-on  devant  cette  Ar-  ced  doit 
che?  à  caufe  que  la  Loy  étoit  là-idedans.  Il  eft  vray  que  cette  Arche  étoit  auffi  q"!  JaSes" 
la  figure  de  Jcfus-Chrift,  mais  cela  nefaifoitpas  fa  principale  dignité:  Cela  Prédicateursi 
lui  étoit  commun  avec  le  ferpent  d'airain  ôc  avec  tous  les  facrificcs  pro-  Stif * 

pitiatoireS.  rexcellencô 

Outre  cela,  pourquoi  les  Juifs  dans  le  fécond  Temple  ne  fîrent-iîs  pas  deOiSi?* 
une  Arche  fclon  le  modèle  de  la  première  ^  fî  non  parce  que  les  Tables  de  la  vtaye  râfou 
Loy  nefubfiftant  plus,onn'avoit  plus  bcfoin  de  coffre  pour  les  mettre?  Et  ne fit^pa°s' *** 
les  Tables  de  la  Loy  étant  anéanties ,  toute  la  dignité  mylîiaue  de  l'Arche  n'y  d'Arche 
étoit  plus:  Au  lieu  que  fi  l'excellence^de  cette  Arche  eût  été  dans  fa  figure  «oid  Tem- 
myftique  &  dans  fa  compolition  ,  on  eût  bien  pu  en  faire  une  autre  toute  p^^- 
femblable. 

Pourquoi  Dieu  rendoit-il  fes  oracles  du  milieu  de  cette  Arche?  G'eft 
parce  que  fa  Loy  eft  laffource  011  nous  devons  puifer  les  lumières  divines. 
Pourquoi  les  Chérubins  regardoient-  ils  à  tête  baiflce  dans  cette  Arche  ?  C'é- 
toit  pour  comprendre  les  myfteres  de  la  Loy  &  de  la  révélation.     Enfin 
pourquoi  le  couvercle  de  cette  Arche  étoit-il  appelle  Propitiatoire  ?  G'eft  pourquoi  k 
parce  qu'il  couvroit  la  Loy ,  en  quoi  il  étoit  figure  de  la  mort  6c  de  la  fatis-  [^^^^ht^  ^^ 
faélion  de  Jefus-Chrift,  qui  couvre  les  péchez  que  nous  commettons con-  étoit jppeiié 
trelaLoy,  6c  c'eft  pourquoi  if  s'appelloit  le  Propitiatoire.  Par  allufion  àjç°P""'°^" 
cela  St.  Paul  dit  que  Dieu  a  misJefiis-Chrift  pour  Propitiatoire  far  fon  fang.  Kom.  j.  s*. 
C'eft-à-dire  qu'ill'a  ordonné  pour  la  couverture  de  nos  péchez  par  fon  fang. 
Ce  font  les  deux  chofes  que  les  Anges  regardent  à  tête  baiflee  pour  les 
comprendre ,  la  Loy  ou  la  parole  de  Dieu,  6c  les  myfteres  de  la  rédemption. 
Tout  cela  peut  fervir  à  relever  la  parole ,  6c  à  faire  connoître  le  grand  rcfpeél 
que  nous  devons  à  la  parole  de  Dieu  6c  à  l'Ecriture  Sainte. 


.i 


Gg  &  C  H  A- 


2^6  HISTOÏREDESDOGMES 


j'i.    ...ni' ..»  lil  .1  l'i  )*»  -uji'."        "  I. 


CHAPITRE     IL 


2)tf«J  Pjirche  il  n'y  avait  que  les  deux  Tables  de  la  Loy. 


Chap.  40. 
V.  16.  & 
25.   f6. 


ON  ne  peut  donc  nullement  douter  que  l'Arche  n'ait  été  faite  pour 
es  Tables  de  la  Loy,  &  qu'elles  n'y  repofairent:  Nous  en- voyons 
Le  commandement  dans  PExode.Mais  on  met  en  quelHon  favoir  fî  avec 
les  Tables  il  n'y  avoit  pas  d'autres  chofes.    i .  Quelques-uns  veulent  que  les 
i.'kois  8.1p.  premières  Tables  que  Moyfe  rompit  en  décendant  de  la  montagne  y  fufTent. 
X  ^T^    ^"^  ^^  fondent  fur  un  paflage  duDeutero.  10. 2.  très  mal  interprété  comme  fi 
Dieu  Gommandoit  de  mettre  les  Tables  rompues  dans  F  Arche  j'/mr<ï^yW"  ca 
TaUci-ïa  les  paroles  ^m  e'toientfwr  les  premières  "Tables  que  tu  as  rompues  ^&  tu  les 
?nettr0s  d^n s t^^rche. Mais  il  eft  clair  qu'il  faut  entendre  ces  paroles,?»  /«  mettras 
dam  P Arche ^dts  nouvelles  Tables  entières  &  non  des  Tables  rompues.  Ainfî 
quoy  que  cette  opinion  foit  aflez  commune  entre  les  Juifs,  je  lacroi  faufle. 
2.  On  y  met  le  livre  de  la  Loy  ,   à  caufe  qu'au  Deuteron.  '^i.  26.   Dieu 
dit  aux  Lévites,  prenez^  le  livre  de  la  Loy^^  &>  le  mettez  a  coté  de  l"^  Arche  au' Sei- 
gneur votre  Dieu.  3.  On  y  met  l'Urne  pleine  d'un  orner  de  manne,  prens 
toy  une  urne  ^é"  y  mets  un  orner  plein  de  rnanne^  &  la  mets  devant  l' Eternel  pour 
être  gardé  en  vas  âgesy  tout  le  monde  entend  ces  mols^devant  r  Eternel ,  devant 
l'Arche.  4.  On  y  met  la  verge  d'Aaron  qui  fleurit,  raporte  la  verge  d-Aarort 
devant  leTémoignage  pour  être  gardée  en  Jîgne  aux  hommes  adonnez  ala  rébellion. 
Tout  cela  femble  être  confirmé  par  l' Apôtre  aux  Hebreuji,  qui  dit ,  ^/'r/.r 
le  fécond  voile  était  le  Tabernacle  appelle  le  St,  des  Saints^  ayant  i' encenfiir  d'or  ^ 
&   l'Arche  de  Palliance  toute  couverte  d'^or^  en  lacfuelle  étoit  la  cruche  d'or  ^ 
-^ayant  la  manne  &  la  verge  d^Aaron  cjui  avoit  jleuri ,  &-^  les  Tables  de  l''alLianc~e, 
Rois.  Cependant  d'autre  part  il  eft  expreffé ment  dit  que  dans  l'Arche  il  n'y  avoit 
&?»  2'^d '"  ^"^  les  Tables  de  la  Loy  que  Moyfe  y  avoit  pofées.Et  c'eft  dequoi  je  ne  doute 
chronic.  '  pas ,  Car  toutes  les  chofes:  qu'on  y  ajouta  n'étoient  pas  d'afîez  grande  di- 
J^gJ;^^'^*^  gnité  pour  être  mifes  avec  les  TaWes  de  la  Loy.Si  peut-êtix  on  excepte 
dansi' Arche  le  rôUc  de  k  Loy  OU  l' Autographc  dc  Moy fc.  Au  relie  lî  l'on  examine  les 
qu'ek^xL  <^™€nfîons  de  l'Arche  &  des  Tables ,  on  verra  que  dans  l'Arche  nepou- 
bie  d€  la     voîeut  pas  tenir  \ts  chofes  qui  font  exprimées  dans  le  p^^^*  chapitre  des 
^°y-  Hébreux. 

Les  Rabbins  difent  que  les  Tables  avoient  fîx  paumes  de  longueur  ^^ 
autant  de  largeur,  fix  paumes  font  24.  doigts  ou  dix-huit  pouces,  car  une 
paume  ne  fait  que  3.  pouces  ,  elles  avoient  un  pied  oc  demi  de  longueur 
Ôc  autant  de  largeur  ôc  trois  paumes  j  c'eft-à-dirc,  neuf  pouces  d'épaifleur. 
Quand  ils  difent  qu'elles  avoient  fîx  paumes  de  largeur,  il  faut  entendre  ce- 
la de  chacune,  qui  avoit  fix  paumes  ou  une  coudée  en  quarré,  elles  étoient 
couchées  dans  l'Arche  l'une  au  bout  de  l'autre  félon  la  longueur  de  FAr- 

che. 


Exod.  i5v 
Y.  3._ 


Nombres 
17.  10. 

Epître  aux 
Hébreux 
chap.  s.  34. 


Au  T 


Voyez  Bax- 
toif.  Arca 
fœd.  p.  57. 

Ce  qui  eft 
prouvé  par 
les  dimen- 
fions  d« 


ET  DES  CULTES  DE  UEGLISE.  TartM.  i7,y 

çhe.  Ainfi  elles  occupoient  douze  paumes,  ou  deux  coudéeSjC'elt- à-dire,  trois 
pieus,dans  la  longueur  de  VAi-cht.L^yirehe  avait  ^ .  pieds  neuf  pouces  de  longueur^ 
reftoient  neuf  pouces  de  longueur,  dont  trois  étoient  dans  l'épaifleurdcs 
cotez  &  des  planches  de  l'Arche  par  dedans  j  &  puis  qu'elle  avoit  trois  pieds 
6c  demi  de  longueur ,  il  ne  reftoit  qu'un  demi-pied  trois  pouces  aux  deux 
extremitez  des  Tables.    Et  ï' Arche  avoit  deux  pieds  trois  pouces  de  largeur 
dehors^  les  trois  pouces  pour  les  planches  de  l'Arche  étant  rabbatus:  reitent 
par  dedans  deux  pieds.  De  ces  deux  pieds  les  Tables  de  la  Loy,  larges  de  fix 
paumes  ou  d'une  coudée,  occupoient  un  pied  6c  demi,  &  ainiî  reftoit  fix 
pouces  ,  qui  faifoient  trois  pouces  d'efpace  ,  depuis  les  Tables  de  la  Loy 
jufques  aux  parois  de  l'Arche,  de  forte  que  tout  à l'entour  il  y  avoit  un ef- 
pace  de  trois  pouces  ou  quatre  doigts ,  qui  regnoic  depuis  les  Tables  de  la 
Loy  jufques  aux  parois  du  coffre.     Et  félon  les  apparences  cet  efpace  étoit 
vuide.  KiiÛDj /es  Tables  avoient  trois  paumes^  c'cH-à.  dire  ^  demi-coudee  d'^épaif- 
fifir,  c'efl:  neuf  pouces  ,  &  P  Arche  avoit  deux  pieds  trois  pouces  de  profondeur 
p0r dehors:  ôtez  les  trois    pouces  pour  l'épaifteur  des  planches,  reftoient 
deux  pieds  de  profondeur ,  dont  neuf  pouces  étoit  occupez  par  l'épaifieur 
des  Tables,  ainfi  il  y  avoit  quinze  pouces  de  vuide  parle  haut,  dans  lequel 
efpace  on  auroit  peut-être  pu  mettre  l'Urne  de  lamanne,  fi  elle  étoit  mé- 
diocre, &C.  mais  il  n'y  a  point  d'apparence  qu'on  eût  voulu  rien  faire  re- 
pofer  fur  les  Tables ,  qui  étoient  fi  vénérables.     Ainfi  il  eft  apparent  qu'il  n'y 
avoit  rien  dedans  que  les  Tables  delà  Loy. 

Sans  l'autorité  de l'EpjEtre aux  Hébreux,  je  diroismême  que  dans  le  Heu- 
trés-Saint,  il  n'y  avoit  rien  du  tout  que  l'Arche,  6c  j'interpreterois ,  ce  qui 
eiï  dit  du  volume  de  la  Loy  mis  piN  nvo  à  côté  de  l'Arche  6c  de  l'Urne  de 
la  manne ,  6c  de  la  Verge  d' Aaron  pofées  devant  l'Eternel,  6c  devant  le  Té- 
moignage j  je  croirois,  dis- je,  qu'il  faut  entendre  ,  que  toutes  ces  chofes 
étoient  p-kcées  dans  le  lieu  Saint,  proche  du  voile  qui  le  feparoit  du  lieu 
Trés-Saint,  6c  qu'elles  étoient  pofées  vis  à  vis  de  l'Arche  contre  le  voile  ^ 
6c  le  livre  de  la  Loy  à  côté.  Mais  St.  Paul  eft  exprés  là-deflus,  6c  il  dit^ 
que  ces  chofes  étoient  dans  le  Saint  des  Saints  avec  l'Arche  -,  elles  y  étoieùt  ' 
donc 5  mais  à  côté  de  l'Arche ,  ou  au  devant ,  ou  dans  quelque  petit  coffi^e , 
ou  fur  quelque  efpece  de  repofoir ,  ou  de  table. 

Pour  concilier  la  contrariété  apparente  de  l'Epître  aux  Hébreux  chap.  p. 
&  le  j  .:des  Rois  ch,  8.,il ,  il  faut  dire  que  h  ^  de  l'Apôtre  fe  doit  rapporcer- 
2i(r'iiv[vvi  6c  non  à  K/3«T0Ç)qui e^  leplusvoifin  ,  d'autiTs  difent  que  l'fV  des  ^'^^  ^^\^ 
Grecs,  6c  le  ^  des  Hébreux  fignifient  trés-fouveni ,  prés ,  proche.    Cela  eft  k  3  des  He- 

VraV:  breux. 

Les  Rabbins,  principttleraentlesTalmudiftes,.  difent  qu'il  y  avoit  deux  aueftion 
Arches ,  dont  l'une  ne  bougeoit  du  lieu  Trés-.Samt ,  6c  l'autre  marchoit  de-  deùxArchw; 
vaot  îe  Camp  des  Ifraëlites  dans  leurs  voyages  6c  dans  leurs  guerres.^  L^'une 
renfermoit  les  tables  entières,  6c  ne  bougeoit  du  hèu  Trés-Saint  5  6c^voit 
été  faite  par  Betfaieel ,  6c  l'autre  avoit  été  faite  par  Moyfe ,  6c  contenoit 
les  Tables  rompues.  Mais  tout  cela  eft  fans  fondement ,  le  i  o.  chap,  du  Deu- 
teronome .ne  parle  que  d'une  feule  6c  même  Aixhe.     Dans  le  Livre  des 
Nombres,   il  y  a  quelque  contrariété,    qui  leur  a  donné   lieu    de  faire  ch  2.^7.  & 
cette  conjdélure  :  car  dans  le  premier  endroit  il  eft  dit ,  que  le  Taber- «h.  10.?^, 
naele  d'affignation.  marchoit  au  milieu  des  Tribus  ,   entre  la  bannière 

Gg  5  de 


23^  HIST  OIRE  DES  DOGMES 

bannière  de Juda  &  de  Ruben,  qui  alloient  devant,  &  celles  d'Ephraïtn 
&  de  Dan ,  qui  marchoient  derrière  \  &  le  camp  des  Lévites  avec  le  Taberna- 
cle étoit  au  milieu.     Mais  dans  le  lo.  chap.  v.  33.  l'Arche  marche  devant 
eux  l'efpace  de  trois  jours  :  il  faloit  donc,  dit-on,  qu'il  y  eût  deux  Arches, 
car  une  ieule  &  même  Arche  ne  pouvoit  pas  être  en  deux  lieux  tout  à  la 
fois.     La  réponfe  e-il,  que  dans  le  premier  decampement,  en  partant  de 
Sinaï  ,  ôc  dans  le  dernier,  quand  ils  traverferent  le  Jourdain,  l'Arche  mar- 
cha devant  eux ,  mais  dans  toutes  les  autres  traittes  elle  étoit  au  milieu. 
Ou  bien  difons  qu'on  tiroit  l'Arche  du  Tabernacle  dans  les  marches,  on  la 
portoit  devant- le  Camp,  comme  pour  guide,  6c  le  Tabernacle  demeuroit 
au  milieu  du  Camp.  11  y  a  plu«  de  difficulté  fur  le  paflage  du  premier  Livre  de 
Samuel  14.  18.  où  Saiil  trouvant  de  manque  Jonathan  &fon  Ecuycr,  & 
voulant  favoir  où  ils  étoient,  dit,  faites  approcher  l'Arche  de  l'Ètemei. 
Or  dans  ces  jours-là  l'Arche  étoit  en  Kiriatjeharim,  &  non  avec  Saùl.  Plu- 
fieurs  répondent,  que  par  cette  Arche  il  faut  entendre  le  coffre  où  étoit 
l'éphod  urim  6c  thummim,  pour  confulter  l'Oracle  :  Les  Septante  ont  tour- 
né, apportez  l'éphod.    Il  vaut  mieux  dire  que  l'Arche  fut  tirée  de  Kiriat- 
jeharim, 6c  y  fut  remife  enfuite.     Cette  réponfe  eil  la  feu'le  véritable  j  car 
il  eftdit  expreiïement,  &  P Arche  de  P Eternel  etoit  avec  Ifra'él en  ces  jours-lk. 
Cela  nefutjamaisdit  de  ce  coffre  où  étoit  l'éphod. 
Conte  de        Voilà  donc  ce  qui  étoit  dans  le  lieu  Trés-Saint.    i .  L'Arche  dans  laquelle 
tout  ce  qui  étoient  les  tables.   2.  Le  Volume  de  la  Loy,  ou  l'autographe  de  Moyfe; 
lieu  Tics-    mais  je  doutc  qu  u  y  ait  toujours  ete  garde:  Du  tems  d  Holias  Hilkia  le 
?Rois  ch.  t^'ouva  dans  la  maifon  de  l'Eternel ,  mais  il  ne  dit  pas  où  :  f'ay  trouve'  le  Livre 
22.  V.  8.       de  U  Loy  en  la  maifon  de  ^ Eternel.  3 .  L'Urne  de  la  manne .  4.  La  Verge  d' Aa- 
ron  qui  avoit  fleuri.     St.  Paul  Hebr.  9.  ajoute  l'Encenfoir  d'oE.    Les  Hé- 
breux difent  tout  le  contraire ,  que  d'abord  le  Souverain  Sacrificateur  por- 
toit. dans  lejourdespropitiations  unencenfoir  d'or  avec  de  l'encens  pour  le 
faire  fumer  devant  l'Arche  j  mais  ils  difent  auffi  ,  que  le  foir  on  l'empor- 
toit.     Villalpandus  prétend  qu'on  le  laiffoit  là  toute  l'année  jufques  à  la  fui- 
vante  fête  des  propitiations:  encore  que  les  Hébreux  ne  nous  en  difent  rien, 
on  le  doit  pourtant  croire  fur  le  témoignage  de  l'Apôtre,  ou  dire  qu'il  n'a 
pas  eu  dellein  de  faire  une  exa61:e  defcripcion  du  Tabernacle,  comme  il  le 
Savoir  s'il    dit  luy-mêmc ,  ou  félon  la  conjeéture  de  Buxtorf,  que  cet  encenfoir  or- 
encenfoiT   dinaircment  étoit  dans  le  Heu  Trés-Saint,  parce  qu'il  ne  fervoit  que  dans 
lepofant     le  Ucu  Trés-Saiut  le  jour  des  ptopitiations. 

Trés-s^ain  "  Au  reftc  cette  Arche ,  quand  il  la  falloit  tranfporter  de  lieu  en  lieu ,  ne 
fe  portoit  que  fur  \ts  épaules  j  jamais  fur  un  chariot,  ou  fur  une  bête  de 
2.  Samuel  charge.  Ce  que  David  ayant  omis ,  brèche  fut  faite  en  la  perfonne  d'Huza: 
I,  ciu'oniq.-f^  fcmblc  quc  ce  fût  l'office  des  Kehatites.  Les  Sacrificateurs  laportoient 
15. Se II,  aufîï,  comme  ilparoît  par  le  chap.  8.  du  premier  Livre  des  Rois,  6c  par 
bres7,?!°'  le  troifiéme  chap.  du  Livre  de  jfofué. 

1.  chroniq.  Outrctoutes  CCS  chofcs  qui  étoient  dans  le  Tabernacle  d'afîîgnation,6c 
Lesdeux^*  qui  pafTerent  dans  le  lieu  Trés-Saint  du  Temple  de  Salomon,  ce  Prince 
IJJ^^^^J^^-pofa  aufîi  dans  le  Temple,  dans  le  lieu  Trés-Saint,  deux  grands  Chérubins 
bois  d'oii-  de  bois  d'olivier ,  couverts  de  lames  d'or  j  ils  étoient  hauts  de  i  o.  coudées, 
pJ"^^J^^çjgC'efl-à'dire,  if.  pieds  j  c'étoit  la  moitié  delà  hauteur  du  lieu  Trés-Saint, 
Salomon.     q'-ù  avoit  20.  çoudées  de.  haut.  Ces  deux  Chérubins  étendoient  leurs  ailes, 

depuis 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  TmAl.  239 

depuis  Ja  paroi  où  touchoic  Tune  de  ces  ailes,  jufques  au  milieu  del'efpa- 
ceoù  Jes  ailes  de  l'autre  Chérubin  fevenoient  j,oindre:  if\infi  chaque  Ché- 
rubin avoir  de  retendue,  depuis  un  bout  d'une  ailejuiques  à  l'autre,  dix  cou- 
dées, ôc  en  rejoignant  ils  faiibient  une  longueur  de  20.  coudées.  C'eft-à-dire, 
qu'ils  occupoient  toute  la  largeur  de  l'Oracle.  Ils  étoient  drefTez  tout  droits 
Ôc  debout  contre  la  paroi,  qui  faifoit  le  fond  de  l'Oracle,  &  au  deflbus  de 
leurs  ailes  étoit  poiée  l'Arche  dans  le  fond  du  Temple  contre  la  murail- 
le d'Occident. 

On  peut  voir  les  diverfes  avantures,  voyages,  tranfports,  captivités, 
rétours  de  cette  Arche,  dans  toute  i'Hifloire  Sainte ,,  deMoyfe,  de  Jofué, 
des  Juges,  de  Samuel,  jufques  au  bâtiment  du  Temple  de  Saloraon  5  oii 
on  la  Et  demeurer  jufques  à  la  captivité  du  peuple,  ôcàTembrafement  du 
Temple  fous  Sedecias.Ceque  les  Rabbins  difent  que  l'Arche  fut  cachée 
par  Jofîas,  ouparjeremie,;  feloni'apocryphe  fécond  des  Maccabées,  font  second  db 
des  fables  allez  refutées,  Ôcindjgnes  de  réfutation.  Il  ell:  certain,  de  l'a- ^^"''^^^ 
veu  de  tous  les  Juifs,  que  l'Arche  n'écoit  pas  dans  le  fécond  Temple  jc'efl 
une  des  cinq  chofes  qui  luy  manquoient  ,  qui  avoient  été  dans  le  premier  v 

Temple.  C'eft  à  la  vérité  une  chofe  furprenante  qu'elle  n'ait  pas  été  con- 
fervée,  auiîi  bien  que  les  autres  vailîèaux  du  Temple,  qui  furent  confer- 
vez  &;  rendus  après, la  captivité}  Mais  ily  a  apparence  que  les  Babyloniens 
la  brûlèrent,  parce  qu'ils  avoient  oui  dire  que  c'étoit  un  Dieu  formidable 
aux  nations ,  ôc  qui  protcgeoit  ce  peuple. 

Ainfi  dans  le  lieu  Très- Saint  du  fécond  Temple,  il  n'y  avoit  riert  du  11  n'yavoît 
tout.  Quelques  Auteurs  Chrétiens  prétendent  que  l'Arche  y  étoit ,  5c  qu'el-  JJèdanl'^iiê 
le  fut  rendue  aux  Juifs,  avec  les  autres  vaifleaux  facrez,  au  retour  de  la  fécond 
captivité.  Ils  ajoutent  même,  qu'elle  fut  prife  par  Titus  &  portée  à  Rome,  '^^'"P^^^ 
où  elle  elt  encore  aujourd'huy  dans  le  Temple  de  Lat'ran,  dépoiiillée  d'or, 
6c  avec  le  feul  bois.  Ainfi  le  prétend  Adrichomius  dans  la  defcription  de 
la  Terre-Sainte.     Ils  produifent  un  certain  arc  triomphal  de  Titus,  qui 
cli  aujourd'huy  dans  la  rue  facrée  de  Rome,  où  ils  prétendent  qu'eftpein- 
t-e  l'Arche  d'alliance.     Mais  les-  autres  avoiient ,  que  ce  qu'on  prétend' 
être  l'Arche,  eft  fi  efîàcé,  qu'on  n'y  connoît  plus  rien.     Entre  les  Juifs- 
R.  AzariâS  dans  un  Livre  appelle  M^or  Snaiim  foûtient  la  même  choie  ;. 
mais  tout  ce  qu'il  y  a  d'Auteurs  s'y  oppofent ,  tant  Juifs  que  Chrétiens.  Au. 
lieu  de  l'Arche  quelques-uns  croyent  qu'ils  avoient  fait  une  efpece  d'Autel,, 
qui  leur  tenoit  lieu  de  Propitiatoire.  RabbiLevifurleLevitiquech.  16.  v.  3. 
dit  même  qu'ils  avoient  fait  des  Chérubins  j  ôcune  efpece  de  Propitiatoire-, 
mais  cela  eft  faux,  car  par  averfionpour  l'idolâtrie ,  ils  ne  voulurent  foufFrîr 
aucune  figure  d'homme  ou  de  quelque  animal  ,  6c  il  n'y  en  avoit  point  de 
peintes  dans  les  voiles ,  &  dans  les  parois,  comme  dans  le  premier  Tem*- 
ple.     L'Hiftoire  de  la  prife  de  Jerufalem  par  Pompée  dit ,  [qu'étant  entré 
dans  le  Sanâuaire  il  n'y  trouva  rien  j  ce  qui  le  furprit  -,  Ainfi  il  y  a  bien 
apparence,  qu'on  avoit  feulement  marqué  la  place  où  devoit  être  l'Arche, 
&  qu'on  faifoit  dans  cet  efpace,   ce  qui  fe  faifoit  autrefois  en  In  prefence 
de  l'Arche.     Saint  Jérôme  dit ,   que   du  tems   d'Achas  quand  on  pla-  Quxfï.Heb., 
ça  les  idoles  di|^  le  Temple,  l'Arche  fut  ôtée  Ôc  mife  dans  la  maifon  de  ina.chio 
Shallum,   mari   d'Olda  oncle  de  Jeremie  ,  &  qu'elle  y  demeura  jufques  °''^' 
au  tems  de  J.ofias,,  parce  que  l'Arche  ne  peut  fubfifter  avec  le  cuilte  des 

idoleSi 


Ï4.0  HISTOIRE   DESDOGMES 

idoles  introduit  dans  le  Temple  ,   Ôc  quelques   Auteurs  Juifs   croyent 
même  qu'elle  £ut  cachée  du  tems  de  Jofiasjàcaufe  de  ce  qui  fe  lit  au  gf. 
du  2.  Chron.  V.  3.  mettez,  P Arche  au  Temple  de  Salomon^  vous  n'avez,  plus  aU 
porter  fur  vos  épaules.  Ils  difent  qu'on  n'avoit  point  remué  l' Arche ,  &  qu'on 
ne  l'avoit  pas  ôtée  du  Temple  de  Salomon,on  n'avoit  donc  pas  befoin,difcnt- 
ils ,  de  la  remettre.  Ainlî  ils  veulent  que  ce  fût  un  Temple  foûterrain  que 
Salamon  lui  avoit  bâti  pour  la  mettre  en  fureté  en  cas  de  pcril  j  C'ell  une 
viiion.  Nôtre  verfîon  a  très  bien  tourné,  non,  mittite  ^  {tdi  dimittite ,  laif- 
fez  la  où  elle  eft.  Il  y  a  aufîi  beaucoup  d'Auteurs  de  l'Eglife  Romaine  qui 
croyent  fur  l'autorité  de  l'Apocryphe  2.  des  Macabées  qu'elle  a  été  ca- 
chée ,   Ôc  qu'elle  le  ferajufqu'à  la  converfion  des  Juifs.    Entre  les  au- 
la  Bibiioth.  tres  Sixtus  Senenfis ,   Se  Villalpandus  fur  Ezechiel  font  de  ce  (ènti- 
Erreur  de    Hicnt.    Je  ne  fay  où  Ligtfoot  a  trouvé  que  dans  le  fécond  Temple  ifs 
Ligtfooi fut avoicnt  une  zArche  de  leur  façon,  il  ne  cite  aucun  Auteur,  &  je  n'en  ai 
fécond   "  jamais  vu  citer  fi  ce  n'eft  qu'il  prenne  ce  que  ditLeviben  Gerfompour  lui. 
Temple.      Mais  cncorc  ce  fentiment  eft  particulier  à  ce  Levi  ben  Gerfom ,  &  même 
il  ne  dit  pas  qu'ils  enflent  fait  une  Arche,  mais  une  efpece  de  Propitiatoi- 
re &  des  Chérubins. 


vn^Miy^i^^'^ 


Des  Vaifleaux  qui  étoient  dans  le 
'  lieu  Saint. 

CHAPITRE     III. 

De  l'Autel  des  Parfums,  de  k  Table  &  du  Chandelier. 


Il 


L  y  avoit  trois  chofes  remarquables  dans  le  fécond  efpace  du  Temple, 
le  Chandelier ,  la  Table ,  fur  laquelle  on  pofoit  les  painss  de  propofition  ^ 
ôc  l'Autel  des  parfums. 
Defcription     Premièrement  le  Chandelier ,  dont  voici  k  defcription ,  comme  la  don- 
du grand     ne  Maimonidcs  :  11  avoit  trois  coudées,  c'elt-à-dire ,  quatre  pieds &de- 
duïeu  *"  mi  de  hauteur  ,  il  avoit  fept  branches,  lîx  qui  fortoient  des  cotez,  ôcunc 
Saint.     '    au  milieu  qui  étoit  le  pied  ou  la  tige  même.     Il  repofoit  fur  la  terre  par 
trois  pieds ,  élevez  de  terre  la  hauteur  de  neuf  pouces  feulement.  Il  y  avoit 
au  bas  une  efpece  de  plateau  rond  qui  débordôit  de  la  tige  tout  à  l'entour, 
&  un  ouvrage  couronné  &  entaillé  fort  déhcatement,  de  la  largeur  d'une 
paume.  La  tige  s'élevoit  au  milieu  >  &  à  demi-pied  plus  haut ,  il  y  avoic 
un  plat,  qui  regnoit  tout  à  l'entour,  du  milieu  de  ce  plat  s'élevoit  la  tige  en 
continuant  de  monter  en  haut  5  demi-pied  encore  plus  haut ,  c'eft-à-dirç 
à  deux  pieds  de  terre,  il  y  avoit  encore  un  plat  de  la  langer  de  trois  pou- 
ces tout  à  Fentour.  Des  deux  cotez  duquel  plat  ,   fortoient  deux  bran- 
ches, qui  mont@ient  par  les  cotez  en  fe  courbant  en  manière  d'arc,  jufques 

à  ce 


e 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Part.ll.  24,1 

à  ce  qu'elles  fuflent  montées  à  la  hauteur  de  la  tige  :  quatic  doigts  pJus 
haut,  ontrouvoit  encore  un  balîin  de  la  même  largeur  que  les  autres,  & 
deux  autres  branches  fortoient ,  qui  s'élevoient  de  la  même  manière  que 
les  deux  précédentes.  Quatre  doigts  encore  plus  haut  on  trouvoit  un  troilié- 
me  petit  baffin,  ôc  les  deux  dernières  branches  s'élcvoientdelàjufques  au 
haut.  Toutes  ces  branches  étoient  fur  la  même  ligne ,  &  ne  fortoient  pas 
en  rondeur  de  tous  les  cotez  de  la  tige ,  comme  dans  nos  flambeaux  d'Eglilcj 
mais  elles  étoient  plates  comme  on  les  dépeint;  Chaque  branche  avoit  trois 
platelets,  des  boutons  au  deiîbus^  &des  fleurs  entaillées  tout  à  l'entour, 
ce  au  haut  de  la  tige  étoit  pofée  la  principale  Lampe.  C'eftparallufion  à  ce  ^P"'''' .'•  * 
Chandelier  de  feptjLampes ,  que  l'Ecriture  parle  des  fept  Èlprits,  qui  par- 4. 'a.* 
tentde  devant  Dieu.  Car  ces  Lampes  reprefentoient  la  lumière  de  la  grâce, 
&  les  dons  du  St.  Efprît,  qui  viennent  de  la  part  de  Dieu. 

La  branche  du  milieu  s'appelloit  ^aiyo  13  la  Lampe  Occidentale,  parce  La  Lampe, 
que  le  lumignon  en  étoit  tourné  du  côté  du  lieu  Trés-Sai»t  vers  l'Occi-  ^'^^"^'^^ 
dent,  6c  toutes  les  autres  lampes  étoient  tournées  en  dedans,  du  côté  de 
celle  du  milieu  ;  il  étoit  d'or  pur,  tout  d'une  pièce  ,  battu  au  marteau. 
Ligtfoot  dit,  que  ces  Lampes  brûloient  nuit  &  jour,  cependant  à  cela  pa- 
roiflènt  contraires  les  textes  que  nous  citons  en  marge.  Jolephe  dit  qu'il  yjoteOn 
avoit  ;.  Lampes  qui  brûloient  tout  le  jour,  6c  que  l'on  allumoit  les  autres -^nuq. 
for  le  foir.    Si  les  paffages    citez   pouvoient  être  interprétez  ,   de  ce  Exod.  zj. 
qu'on  mettoit  tous  les  foirs  de  nouvelle  huile  dans  les  Lampes ,  je  tombe-  *ï-  ï-^»™' 
rois  fort  volontiers  dans  l'opinion  de  Ligtfoot,  parce  qu'il  me  femblefort  Làtoa, 
vray-femblable ,  que  les  Lampes  brûloient  toujours,  puis  qu'elles  étoient  ^*'**' 
le  type  de  l'efprit  6c  de  la  lumière  de  la  grâce  qui  ne  s'éteint  pas  j  6c  il 
femble  que  les  feux  6c  les  Lampes  immortelles  qui  brûloient  dans  les  Tem- 
ples des  Payens  venoient  de  là.    Mais  je  ne  (ay  comment  on  peut  accom- 
moder à  cela  le  paflàge  de  Samuel ,  oii  il  eft  dit ,  ^«^  Dieu  appella  Samnel 
avant  cfue  les  Lampes  fajfent  éteintes ,  c'eft-à-dire ,  le  matin  avant  jour  :  les  Lam- 
pes s'éteignoient  donc  quand  le  jour  étoit  venu.    St.  Jérôme  furcepaflage,  Q-"sfi.  in 
dit  nettement ,  que  les  Lampes  s'éteignoient  le  jour ,  6c  auffi  Kimchi  fur  le  '  '^°*    ^^' 
paflage  cité  par  Ligtfoot,  ne  dit  point  que  ces  Lampes  brûlaflent  le  jour , 
mais  depuis  le  foir  inp^ues  an  matin.     Il  eft  vrai  que  la  Loy  ordonne  d'allu-  Exod.  t-i- 
mer  les  Lampes  6c  de  les  faire  luire  continuellement  i^on,  mais  c'eft  au  Sué^'î* 
même  fensquele  facwfice  journalier  eft  appelle  aufli  TDn  le Çacnfice  conté' 
nneli  parce  qu'on  le  reïteroit  tous  les  jours  :  car  dans  ces  mêmes  lieux 
il  efl:  commandé  de  les  allumer  le  foir  pour  la  nuit.     Ce  Chandelier  étoit 
pofé  dans  le  lieu  Saint ,  du  côté  du  Midi  à  la  gauche  en  entrant.  Salomon 
au  lieu  d'un  Chandelier  en  fit  dix  de  pur  or,  qui  étoient  faits  comme  cer- 
luy  que  nous  venons  de  dépeindre.  Il  en  mit  cinq  à  droite  6c  cinq  à  gauche , 
le  long  des  parois  du  Sanâuaire ,  jufques  à  la  feparation  du  lieu  Tres-Saint. 
Mais  on  ne  mettoit  point  de  lumières  fur  ces  Chandeliers  de  Salomon ,  ils 
n'étoient  que  pour  l'ornement. 

Le  fécond  meuble ,  c'eft  la  Table  fur  laquelle  on  mettoit  les  pains  de  pro-  lj  ^abie  des 
polition.     Dieu  commande  à  Moyfe  de  luy  donner  deux  coudées  de  long,  pains  de 
ou  trois  pieds,  une  coudée  de  largeur,  6c  une  coudée  6c  demie  de  hauteur,  ISS  i^'?"" 
c'eft-à-dire,  deux  pieds  trois  pouces.     Elle  étoit  faite  de  bois  deSittim,  ^î, 
couverte  de  pur  or:  Elle  avoit  quatre  pieds,  6c  à  chaque  pied  une  boucle 
rPart.  IL  H  h  d'or 


241         HISTOIRE  DES   DOGMES 

d'or ,  dans  ces  boucles  où  paffbient  deux  barres ,  pour  la  porter  de  Heu  en  lieu 
fur  les  épaules  des  Lévites  :  Elle  avoit  à  l'entour  un  couronnement  d'or; 
mais  la  queltion  eft,  û  ce  couronnement  alloit  du  bas  çn  haut,  &  faifoit 
une  clôture  autour  de  la  Table  comme  un  rebord ,  furmontant  de  la  hau- 
teur de  quatre  doigts  :  la  plupart  de  ceux  qui  ont  étudié  la  matière  le  con- 
çoivent ainiij  mais  entre  les  Juifs  beaucoup  d'Auteurs  veulent  que  le  cou- 
ronnement iortît  de  la  Table,  en  manière  de  faillie  ou  de  fraife,  félon  la 
largeur,  6cc'ell-là  mon  fentiment.  Car  ce  couronnement  montant  en  haut 
eût  fait  obllacle  à  Ta/rangement  des  pains  de  propofition.     Je  croy  aufîî 
qu'outre  le  couronnement,  qui  étoit  autour  de  la  Table,  par  le  haut ,  il 
y  avoit  par  le  bas  une  petite  clôture  tout  à  l'entour,  de  la  hauteur  de  qua- 
tre doigts,  d'un  ouvrage  à  jour  6c  cifelé,  avec  des  fleurs  &  desboutons^ 
Sxoaesî.     car  le  texte  cité  en  marge,  parle  de  deux  cooronnemens  &  d'une  dorure. 
V.  Z4.  &  25 .      Cette  Table  fervoit  à  mettre  les  pains  de  propofition  y  que  le  texte  He- 
Bespainsde  brcd  appelle  D'>22n  ohS  pants  facteruf» ,  les  pains  des  faces  oudeprefence, 
?°eS?  ran-  P^^'^'^  qu'on  Ics  mcttoit  devant  la  face  de  Dieu.     Les  Juifs  les  dépeignent 
él^ilVde    ainûj  on  les  fàifoit^  difent-ils,  de  la  longueur  de  dix  paumes  ,  c'ell-à- 
îeuïarrangfi-  ^[yQ^  yj^g  coudéc  &  quatrc  pouccs >  ccfout  dcux  picds  &  demii  &  cinq 
paumes  de  large ,  c'eiî-à-dire,  quinze  pouces  6c  fept  doigts  d'épaifleur.  Ils  di- 
fent  qu'on  n'employoità  cela  q,ué  24.  mefuresde  bled,  d'oii  Ton  tiroit  24. 
omers  de  fine  fleur ,  ôc  il  entroit  dans  chaque  tourteau  deux  omers  :  Un  orner 
ExocîcTS.     eft  la  dixième  partie  d'un  epha  ,  comme  il  eft  dit  dans  l'Exode,  &  c'eft 
36.  Leviti-    (.g  que  veut  dire  laLoy  duLevitiquej  chai]ifie  tourteau  fera  de  deux  dixièmes. 
De  là  ils  tiroient  deux  ephas  de  farine,  c'eft- à-dire  ,  20.  ou  24.  omers, 
c'eft  environ  10.  ou  11.  boifleaux  de  fleur,,  qu'ils  divifoient  en  douze  pains 
Erreur  des  ^c  la  forme  que  nous  avons  marquée.  Mais  il  faut  qu'il  y  ait  erreur  dans  le 
K-abinsfur     rapport  des  Rabbins,  car  des  pains  de  deux  pieds  ôc  demi  de  long ,  de  i  f. 
defpa?ns^de  pouccs  de  large,  &  de  7.  doigts  d'épaifleur,  contiendroient  chacun  plus  de 
ïtopofition.  2.  boifléaux  defarine5ce  feroit  la  charge  d'un  homme  :  Selon  la  fupputation- 
que  nous  venons  de  faire ,  chaque  pain  n'étoit  pas  d'un  de  nos  boifieaux,  dont 
1 2  .faifoient  ce  que  l'on  appelle  un  feptier  du  poids  d'environ  i  fo.  ou  i6o.  li  v. 
Quoy  qu'il  en  foit,  ce  pain  fe  cuifoit  toutes  les  veilles  de  Sabbat,  6c  le 
lendemain  jour  du  Sabbat,  les  Sacrificateurs  venoient  enlever  le  vieux  pain, 
&  y  en  mettoient  de  nouveau.   Car  le  Miniftere  Se  le    Service  du  Temple 
ne  violoit  pas  le  Sabbat,  quoy  que  ce  fuflent  œuvres  ferviles^.  comme  de 
porter  du  pain ,  égorger  des  viélimes,  ôcc.  Et  c'eft  ce  que marquoitjefus- 
Chrift  ,  quand  il  difoit  que  les  Sacrificateurs  continuellement  violent  le 
De  quelle     Sabbat  5  éc  n'en  font  pas  coupables.     Ces  douze  pains  fe  mettoient,  comme 
«iTngeoit    l'ordonne  la  Loy  du  Levitique,  en  deux  rangées  les  uns  fur  les  autres, 
lespainsde    jviais  îes  juifs  difcnt  que  l'on  mettoit  le  premier  pain  à  plat  fur  la  table,  êc 
LT^a  Table!  qu'il  débordoit  la  Table  de  demi-pied  de  chaque  côté,,  parce  que  la  Table 
^4.  6.        n'avoit  qu'un  pied  6c  demi  de  large ,  6c  le  pain  en  avoit  deux  6c  demi  de 
long,  on  mettoit  la  longueur  du  pain  félon  la  largeur  de  la  Table,  ce  qui 
fait  voir  que  félon  les  Juits,  la  Table  n'avoit  pas  de  couronnement ,  qui  re- 
montât au  deflus  du  bord  j  mais  que  c'étoit  une  fraife  à  l'entour.     Ilsne. 
mettoient  pas  fans  efpace  entre  deux  les  pains  les  uns  fur  les  autres  :  Mais  afi» 
qu'il  y  eût  de  l'air  entre  deux  pains,  ils  mettoient  trois  petits  rouleaux  ou 
bâions  d'or  fur  le  pain  de  deflbus ,  &;  fur  les  trois  bâtons  ils  appuyoient  le 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Tart.ll.  243 

pain  de  defTus.  Cela  fervoit  aufîî  à  faire  que  les  parties  du  pain  qui  débor- 
doient  &  qui  n'appuyoient  pas  fur  la  Table  ne  portaflent  aucun  fardeau, 
&  ne  vinflenc  à  fe  rompre.  Car  les  bâtons  d'entre  deux  fe  pofoient  fur  les 
parties  du  pain  qui  appuyoient  fur  la  Table. 

Sur  la  plus  haute  rangée  des  pains ,  ils  ne  pofoient  que  deux  cannes  ou  bâ- 
tons d'or  ;  parce  qu'elles  ne  portoient  que  deux  painsj  le  tout  étoit  partagé 
en  deux  piles:  fur  le  haut  de  ces  deux  pilesilyavoitun  plat  d'or  dans  lequel  on  mettoit 
on  mettoit  de  l'encens.  Ils  obfervoient  de  mettre  le  nouveau  pain  au  même"".piat 
moment  qu'on  enlevoit  le  vieux  afin  que  laTable  ne  fût  jamais  fans  pain.C'efl  cens"  fur'*" 
pourquoi  il  entroit  huit  Sacrificateurs  en  même  temps,  quatre  pour  ôter  le  >«  pa'»'s  <ie 
Vieux  pam,  oc  quatre  pour  poier  le  nouveau  j  les  quatre  qui  dévoient  poier  le  à  chai^ue  pi- 
nouveau  pain  pafToient  entre  la  muraille  d'Occident  &  la  Table,  ôc  avoient  le  *^' 
vifage  tourné  vers  le  Midi ,  &  les  quatre  qui  dévoient  enlever  les  vieux  pains 
«toient  de  l'autre  côté  de  la  Table,  6c  avoient  le  vifage  tourné  vers  le  Nord. 
Ceux-ci  enlcvoient  le  vieux  pain  &  les  autres  couloient  deflbus  leur  nouveau 
pain.  De  ces  quatre  Sacrificateurs,  deux  fe  chargeoient  des  douze  pains  cha- 
cun en  prenant  fix  ,  &  les  deux  autres  prenoient  les  deux  plats  d'encens. 
Deux  hommes  n'auroient  pu  porter  chacun  fix  pains  de  la  grofieur  qu'on  les 
reprefente.  Ce  qui  me  perfuade  que  l'on  fe  trompe  dans  la  raefure  des  pains  de 
propofition  :  Et  que  nous  ne  comprenons  pas  bien  les  mefures  des  Hébreux. 
Des  quatre  qui  apportoient  le  nouveau  pain,  deux  apportoient  Ôc  pofoient 
les  pains,  6c  les  deux  autres  apportoient  ôc  pofoient  les  plats  d'encens  j  car  il 
faloit  changer  d'encens  6c  de  plats  toutes  les  femaines  auflî  bien  que  de  pain. 

Cette  Table  étoit  pofée  dans  le  lieu  Saint  du  côté  du  Nord  vis-à-vis  du  oùetoitpa- 
Chandelierà  la  main  droite  de  ceux  qui  entroient;  Salomon  fit  dix  Tables  ^"  ^^'^^''*^' 
auflj  bien  que  dix  Chandeliers ,  6c  les  rangea  le  long  du  Sanéluaire  des  deux 
cotez  comme  les  Chandeliers  :  quelques  -  uns  tiennent ,  qu'ils  étoient  entre- 
mêlez ,  une  Table  6c  puis  un  Chandelier.  Ce  dernier  efi;  alfez  apparent. Cha- 
cune de  ces  dix  Tables,  félon  la  mefure  de  celle  du  Tabernacle ,  avoit  trois 
pieds  de  longueur  j  cinq  Tables  de  chaque  côté  n'occupoient  donc  que  if. 
pieds ,  le  lieu  Saint  en  avoit  do.  de  longueurj  cela  n'eût  pas  fort  garni  l'efpace, 
&  ainfi  il  efl  apparent  que  de  difiance  en  diflance  il  y  avoit  un  Chandelier  6c 
une  Table  ;  le  pain  de  propofition  ne  fe  mettoit  pas  fur  ces  dix  Tables,  mais 
fur  celle  du  Tabernacle  feulement,  qui  étoit  à  la  tête  de  toutes  les  a,utres ,  plus 
proche  du  heu  Trés-Saint.  On  peut  recueillir  cela  du  z  Chr.  i  ^ .  1 1 .0«  arratt' 
ge,  dit  le  Texte,  les  faim  de  propojîtion  fur  la  Table  pure ,  cette  Table  pure  c'effc 
la  Sainte  Table  fanélifiée  parMoyfe.Làmêmeildit,  On  ^Mume  le  Chandelier 
d^or  avec  [es  lampes ,  ce  qui  me  perfuade  que  les  dix  Chandeliers  que  Salomon 
fit  ne  furent  aufli  que  pour  l'ornement  6c  non  pour  y  mettre  des  lampes  6c  de 
la  lumière.  Ce  pain  qu'on  enlevoit  étoit  pour  Tufage  des  Sacrificateurs. 

Le  myfl;ere  de  ces  douze  pains  étoit  fans  doute ,  que  comme  la  lampe 
fignifioit  la  lumière  qui  nous  vient  de  Dieu ,  favoir  fon  elprit  ;  ainfi  Dieu 
nous  fournit  fa  parole  6c  fa  grâce:  6cc'elllepain  qui  nourrit  les  douze  tri- 
bus d'Ifraël,  à  chacun  fon  painj  c'efl:-à-dire,qu'ilyenapour  toute  l'Egiife. 

Ces  deux  meubles,  la  Table  6c  le  Chandelier ,  étoient  placez  félon  l'opi- 
nion de  Maimonides ,  en  forte  qu'ils  n'occupoient  qu'un  tiers  du  Sanéluai- 
re  du  côté  de  la  porte,6c  laifix)ient  entr'eux  6c  le  voile  du  lieu  Très  Saint  un 
efpace  de  40.  pieds,  6^  n'occupoient  que  les  20.  pieds  les  plus  proches  de 

H  h   2,  la 


244         HISTOIRE   DES  D  OGMES 

De  l'Autel  ^'^  poitc  du  Tcmple,  les  Tables  Se  les  Chandeliers  de  Salomon  étoient  arran- 


despatRimsigez  poui*  romemetit  au  deçà  6c  au  de  là 
fcdefcri-         £i-ifiii  il  faut  parler  du  troifiéme  mei 

des  parfums.   St.  Augullin,  6c  après  lui  Sigonius,  ont  crû  que  cet  Autel 


pti9n 


Enfin  il  faut  parler  du  troifiéme  meuble  de  ce  Sanétuaire ,  c'eft  l'Autel 


des  parfums  étoit  placé  derrière  le  fécond  voile  dans  le  lieu  Très  -  Saint. 
C'eit  pourquoi  l'un  &  l'autre  ont  compris  que  les  Sacrificateurs  entroient 
tous  les  jours  dans  le  lieu  Trés-Saint  pour , y  faire  le  parfum.  Cette  erreur 
n'elt  point  pardonnable  à  Sigonius.  Car  quoy  qu'il  y  ait  quelque  ambiguité 
voyo*-     dans  le  v.6.  du  30.  de  l'Exode,  cependant  tous  conviennent ,  &  il  eft  très 
îup!  faà.     confiant ,  que  cet  Autel  étoit  au  deçà  du  fécond  voik  dans  le  lieu  Saint. 
jib.z.cap.4.      Il  avoit  une  coudée  en  quarré,  il  étoit  fait  de  bois  de  Sictim ,  tout  cou- 
*^  '"  vert  d'or ,  il  avoit  deux  coudées ,  c'efl  -  à  -  dire ,  trois  pieds  de  haut  :  c'é- 

toit  proprement  un  petit  piher  d'or  quarré,  fur  lequel  on  mettoit  l'encen- 
foir ,  pour  faire  fumer  l'encens  tous  les  jours.  Il  étoit  fitué  dans  le  milieu 
de  la  largeur  du  Sanétuaire,  à  égale  difi:ance  de  la  Table  ôc  du  Chandelierj 
mais  un  peu  plus  avancé  vers  le  lieu  Trés-Saint  :  ainfî  il  faifoit  un  triaa- 
gle,  avec  les  deux  autres  meubles.  Il  étoit  vis-à-vis  de  l'Arche  6c  du  Pro- 
pitiatoire, pofé  peut-être  à  10.  pieds  du  voile  dans  le  Temple  de  Salomon. 
Il  avoit  quatre  cornes  comme  quatre  pommelettcs  aux  quatre  coins,  &  il  y 
s-xpde  30,    avoit  un  ouvrage  delicat<jui  faifoit  une  couronne  tout  à  l'entour-Ce  font-là  les 
*•'•**        ehofes  qui  étoient  dans  le  Temple  de  Salomon:  Nous  ne  lifons  pas  que  dans  le 
fécond  Temple,  ni  dans  le  Temple  d'Herode,  ily  eût  dix  Chandeliers  &  dix 
Tables.  Mais  le  feul  Chandelier  6c  la  feule  Table  des  pains  de  propofition. 
Dans  le  porche  de  ce  Temple  d'Herode  il  y  avoit  diverfes  ehofes  qui  ne  fe 
trouvoient  pas  dans  le  Temple  de  Salomon  -,  la  vigne  d'or ,  qui  étoit  au-deflîis 
de  la  porte  du  Sanétuaire,  fi  grande  que  les  raifins,  comme  le  remarque 
joreph^an-   Jofephc,  étoient  de  la  hauteur  d'un  homme.  Il  y  avoit  auflî  un  grand 
«ri' *'*''*'  Chandelier  d'or  à  diverfes  branches  qui  étoit  un  prcfent  d' Hélène ,  Reine 
des  Adiabenes,  femme  dont  la  dévotion  envers  les  Juifs  a  été  fort  célè- 
bre.    Enfin  il  y  avoit  deux  Tables  à  côté  gauche  &  à  côté  droit ,  l'une 
d'or  &  l'autre  de  marbre  5,  fur  ceile  d'or  ils  mettoient  le  pain  de  propofi- 
tion, qu'ils  tiroient  du  Temple  jufques  à  ce  qu'on  en  eût  difpofé  ,   &  fur 
celle  de  marbre  on  mettoit  le  pain  nouveau ,  jufques  à  ce  queTheuie  vînt 
de  le  porter  devant  le  Sanéluaire. 

, , * 

C  H  A  P  I  T  R  E     IV. 

Des  Vaifleaux  du  {èrviee  qui  étoient  dans  le  Parvis  des 
Sacrificateurs,  &  i». 

De  V  Autel  des  holocaujtes. 

NOus,  avons  veu  ce  qui  étoit  dans  le  Temple,  tant  dans  lè  lieu  Saint 
que  dans  le  lieu  Très-Saint ,  Se  dans  le  Porche.   11  faut  prefente- 
^  ment  faire  la  revûëdes  inftrumens  &  des  vaifleaux  dufervice,  qui 

«toient  dans  fe  Parvis  des  Sacrificateurs ,  à  l'air  &  à  découvert. 
JLeprcGoier  &kplius  noble  de  tous  c' étoit  l'AuteldesholocaulteSjdont 

h. 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Part.ïl.    245 

la  dimenfion  &  la  grandeur,  6c  même  la  matière  ont  été  différentes  dana  le  Defcrîpcion 
Tabernacle,  dans  le  Temple  de  Salomonôc  dans  celui  d'Herode.  Nous  ilshoio- 
avons  la  defcription  de  cet  Autel  dans  le  Tabernacle  au  ch.  27.  de  i'Exode,  cauftesdans 
mais  fort  abrégée  >  Ilavoit  quatre  cornes  à  Tes  quatre  coins,  6c  avoitcinq  Tabernacle! 
coudées  en  quarré,  c'efl-à-dire  ,  fept  pieds  ôc  demi:  Il  étoit  couvert  de 
lames  d'airain  appliquées  fur  un  fond  de  bois  de  Sittim.  Il  avoit  trois 
coudées, ou  quatre  pieds  &  demi  de  hauteur.  Arias  Montanus  rcprefente 
les  cornes  des  quatre  coins ,  comme  quatre  angles ,  qui  failloient  hors  de 
l'Autel  à  droite,&qui  étoient  parallèles  au  plan  de  l'autel.Mais  les  autres  Au- 
teurs les  reprefentent  comme  montant  en  haut,  au-deflbs  de  l'Autel,  enfou- 
rne ou  de  quatre  petites  Pyramides,  ou  de  quatre  colomnes  torfes.  Il  étoit 
un  peu  creux  par  deffus ,  &  dans  ce  creux  il  y  avoit  une  grille  d'airain ,. 
fur  laquelle  on  arrangeoit  le  bois  &  les  viâ:Jmes,ôc  les  cendres  tomboienc 
deflbus  la  grille ,  &  même  je  croy  qu'elles  tQiftoient  à  terre,  6c  que  l'Au- 
tel étoit  tout  creux,  fait  de  planches  de  bois*^,  couvert  d'airain  par  dedans 
&  par  dehors ,  6c  la  grille  décendoit  jufques  à  la  moitié  de  l'Autel  envi- 
ron deux  pieds  ,  ôc  il  y  avoit  à  cette  grille  quatre  anneaux  aux  quatre 
coins,  par  lefquels  on  l'ôtoit  quand  on  vouloit,  afin  de  la  portera  part, 
èc  de  t^anfpo^te^  plus  aifément  l'Autel  feul.  L'Autel  avoit  quatre  grofîcs 
boucles  d'airain  aux  quatre  coins,  oti l'on  paiToit  deux  barres  de  bois  de 
Sittim ,  couvertes  d'airain  pour  le  porter.  Cet  Autel  fe  mettoit  devant  la 
porte  du  Tabernacle  d'affignation  dans  l'enclos  du  Parvis ,  où  les  feuls 
Sacrificateurs  entroient. 

Nous  avons  peu  de  chofes  à  dire  de  l'Autel  du  Temple  de  Salomon  y  y«^"'f ^''**^ 
parce  que  l'Hilloire  Sainte  en  dit  peu.     L'Auteur  du  Livre  des  Chroni-  dans  le  ^ 
ques  dit  feulement  que  Salomon  fit  un  Autel  d'airain ,  dont  la  largeur  étoit  Temple  <k 
de  2.0.  coudées,  c'eft-à-dire  de  50.  pieds,  la  longueur  d'autant,  ôclahau-  ^°"*^^' 
teur  de  dix  coudées  qui  font  if.  pieds.     Ainfi  il  avoit  quatre  fois  plus  de 
largeur  ôc  de  longueur  que  le  premier ,  qui  n'avoit  que  5.  coudées.  Il  avoit 
i6.  fois  plus  de  fuperficie  que  celui  de  Moyfe.     Étant  haut  de  if .  pieds 
on  ne  pouvoit  pas  y  faire  les  facrifices  fans  monter  :   Cependant  félon  la 
Loy  qui  fe  trouve  dans  le  xo.  de  l'Exode  f.  16.  il  n'étoit  pas  permis  de 
monter  à  l'Autel  de  Dieu  par  des  degrez,  de  peur  qu'on  ne  vînt  à  le  dé» 
couvrir  a  ceux  qui  feroient  au  deffous  :   c'cfl  pourquoi  on  y  montoit  af- 
fûrément  comme  à  celui  du  fécond  Temple  par  une  montée  infenfible  fans 
degrez.  Du  refte,  hors  la  grandeur,  il  ell  a  croire  qu'il  étoit  fait  abfolu- 
ment  fur  le  modèle  de  celui  de  Moyfe:  c'efl-à-dire,  qu'il  étoit  creux  par 
Je  milieu,  qu'il  avoit  fes  grilles,  &  fes  cornes.    Mais  onefî:  en  doute  fur 
la  matière  dont  il  étoit  fait.     Il  s'appelloit  l'Autel  d'airain  ,   &  Cun^eus  Libr.  s. 
prétend  qu'ail  étoit  de  bois  comme  celui  de  Moyfe,  couvert  d'airain;  Les  l^epubuca* 
autres  comme  Salomon  Jarchi,ôc  l'Auteur  du  premier  livre  des  Machab.  J"d. 
prétend  que  cet  Autel  devoit  être  de  pierres  brutes  &  non  polies ,  à  eau-     ^^*  '^' 
fe  du  commandement  qui  fe  trouve  dans  rE;xode.    7»  me  feras  un  Atitel^^^h  ^^Oi 
àe  terre  &c.    jQueJt  tpt  me  fais  un  itAmel  de  Tiérres  ^inne  les  tailleras  pas  6cc,   *  ^^' 
Et  ainfi  cet  Autel  félon  ces  Auteurs  efl  appelle  l'Autel  d'airain,  ou  à  cau- 
fe  qu'il  écoit  couvert  d'airain  fur  la  pierre  ,  o(i  parce  qu'il  tenoit  la  place 
de  l'Autel  de  Moyfe,  qui  étoit  appelle  l'Autel  d'airain.     Ligtfoot  veut 
qu'U  fûtd'aiiaia  mailîf:  la  peniée  deCun^us  me  paroît  plus  vray  iembla- 

Hh  ^  bks, 


246  HISTOIRE  DES   DOGMES 

blc,  à  caufe  de  THilloire  qui  felit  au  2.  des  R.oïs  chap.  16.  Le  malheu- 
reux Achaz,  Roy  de  Juda  ,  envoya  à  Urie  le  buuveram  Sacrificateur  le 
modèle  de  l'autel  de  Damas,  ÔC  voulut  qu'on  fit  reculer  l'Autel  d'airain 
de  devant  laMaifon  de  l'Eternel  ,   tellement  qu'il  ne  fût  plus  entre  Ton 
Autel  qu'il  avoit  fait  bâtir  ôcleTemplejôcle  fit  mettre  vers  le  fepteatrion 
du  Temple  à  côté  de  l'Autel  bâti  fur  le  modèle  de  celui  de  Damas.     Si 
cet  Autel  eût  été  de  pierre  on  n'auroitpû  l'ôter  fans  le  démolir,  èc  même 
s'il  eût  été  d'airain  folidc  &  maffif,  comment  auroit-on  pu  enlever  une  fi 
lourde  mafîe  de  :^o.  pieds  de  cuivre  en  quarré  ?  Outre  que  l'on  ne  con- 
çoit pas  comment  on  auroit  pu  fondre  cet  Autel  fi  valle  èc  le  faire  tout 
d'une  pièce  :  car  il  n'eût  pas  été  permis  de  le  faire  de  plufieurs  mafi^es  d'ai- 
rain,  ^aufe  qu'on  n'auroitpû  les  joindre  fans  marteau  i    ce  qui  ne  fe.  pou- 
voit  pasj  puifqu'il  étoit  c^endu  de  faire  monter  le fisr  fur  l'Autel ,  parce , 
difent  les  Juifs,  que  le  fefabbregela  vie,ôc  que  l'Autel  étoit  deftiné  à  la 
prolonger.  Pour  ce  qui  efl  du  commandement  de  l'Exode,  qui  ordonne 
qu'on  fafle  l'Autel  des  holocauftes  de  terre  ,  ou  de  pierres  brutes ,   il  y  a 
apparence  qu'il  le  faut   reftreindre  à  cestemsqui   coulèrent  jufques  à  ce 
que  Dieu  eût  fixé  un  lieu  pour  fon  fervice.  On  facrifioit  a  Dieu  en  divers 
lieux ,  particulièrement  pour  des  cas  extraordinaires,  comme  il  paroît  par 
l'Hiftoire  de  Manoah  &  de  Samfon,  &  par  celle  de  Gedeon:  dans  ces  oc- 
cafions  il  faloit  avoir  égard  à  ce  précepte,  &ne  bâtir  l'Autel  fur  lequel  on 
vouloit  facrifier  que  de  terre  ou  de  pierre  brute. 
Defcription      Je  vicns  à  l'Autcl  des  Holocaudes  du  fécond  Temple,  ou  du  Temple 
desHoio-    d'Herode,  6c  nous  allons  voir  comment  les  Juifs  nous  le  dépeignent.  C'é- 
cauftesdans  toit  un  parfait  quarré  de  32.  coudées  en  longueur   &  largeur  par  la  ba- 
d'tieiodc^    fe ,  &:  de  24.  coudées  de  large  &  de  long  par  le  haut  :    Ainfi  du  bas  en 
haut  il  alloit  en  diminuant  de  8.  degrez,  en  cectte  manière.  La  bafe  qui 
étoit  de  32.  coudées,  c'eft- à-dire ,  de  48.  pieds  par  chaque  côté  du  quar- 
ré ,  s'élevoit  de  terre  une  coudée  de  haut ,  &  à  cette  hauteur  le  quarré  di- 
minuoit  d'une  coudée:  ce  qui  faifoit  un  degré  d'une  coudée  de  large,  qui 
regnoit  tout  à  l'entour,  excepté  au  coin    du  Sud-eft,  011  il  y  avoit  une 
entaillure  d'une  coudée  de  profondeur  dans  le  coin,  au  lieu  d'y  avoir  un 
L'Autel  des  angle  commc  dans  les  autres  coins.     La  raifon  qu'ils  en  apportent  eft  que 
d^okêtt"  ^^  montagne  de  Morija  étant  en  partie  de  Benjamin  ,  en  partie  de  Juda, 
furie  parta-ce  petit  coin  dc  l'Autel  Sud-efi:   eût  été  fur  le  partage  de  Juda.     Or  par 
gedeBen-  ^^^  vieille  tradition,  ils  tenoient  que  l'Autel  des  Holocauftes devoit  être 
poHrq'ioi.    dans  le  partage  de  Benjamin  tout  entier  jà  caufe  de  cet  oracle  du  49.  delà 
Genefe  f'.  27.  Benjamin  efi  un  loup  qui  dévorera ,  au  matin  tl  dévorera  lu  proye ,  (^ 
ftir  la  vêprée  il  départira  le  butin.     Ce  qu'ils  interprètent  du  facrifice  con- 
tinuel,  du  matin  &  du  foir.     Dés  le  tems  de  St.  Jérôme  les  Juifs  avoienc 
cette  tradition.   Ce  Père  nous  l'apprend  dans  fon  hvre  des  queftions  fur  la 
Genefe  fur  la  fin,  6c  les  Juifs  d'aujourd'huy  ont  confervé  cette  même  tra- 
dition. 

Après  cette  bafe  d'une  coudée  de  haut ,  qui  regnoit  tout  à  l'entour ,  6c 
ce  rétrecifièment  d'une  coudée  5  le  quarré  n'avoit  plus  que  30.  coudées 
d'épailleur,  6c  il  s'élevoit  de  cette grolïeur  f.  coudées  qui  font  7.  pieds  6c 
demi,  6c  à  5.  coudées  de  terre,  il  recevoit  encore  une  diminution  d'une 
coudée  de  large ,  ce  qui  faifoit  encore  un  fentier  ou  petite  allée  tout  autour 

dc 


ET  DES  CULTES  DE  L'E  G  L I S  E.  P^^r/.  IL  24.7 

de  r Autel  d'un  pied  Se  demi  de  large,  il  n'avoir  donc  plus  en  cet  endroit 
que  2,8,  coudées  d'épainèur.     Une  coudée  plus  haut,  c'eft-à-dire ,  à  7» 
coudées  de  terre,  l'Autel  fe  rétreciflbit  encore  d'une  coudée,  tellement 
qu'en  cet  endroit  il  n'a\oit  plus  que  2,<î.  coudées  en  quarré.     Aux  quatre 
coins  de  ce  troifîéme  rétreciirement ,  ily  avoir  4.  cornes,  comme  quatre 
pyramides ,  d'une  coudée  de  haut ,  qui  n'empéchoient  pas  que  les  Sacri- 
ficateurs ne  pudcnt  marcher  toutài'entourdans  ce  rétreciflement ,  com- 
me dans  un  ientier.     Il  efl  incertain  fî  ces  cornes  reflembloient  à  celles 
dont  leP£  1 18.  parle,  liez,  la  bête  aux  cornes  de  PAmel:  les  cornes  n'étoient 
pas  apparemment  allez  fortes,  fur  tout  dans  l'Autel  de  Moyfe  quifubfiftoit 
encore  fous  le  règne  de  David,  pour  arrêter  la  fougue  d'une  bête  auffi  forte 
qu^un  bœuf  Ain(î  j'aime  mieux  entendre  cela  des  anneaux  où  on  attachoit 
les  bêtes,  &  ces  anneaux  n'étoient  pas  loin  des  cornes  de  l'Autel.     C'é-  i.  Reg.  z. 
toient  les  cornes  qu'embralTa  Joab  comme  un  azyle.     Il  efl  vray  que  du  ^^* 
tems  de  Joab  on  n'avoit encore  que  l'Autel  de  Moyfe,  &du  deièrt;  mais 
àk.s  lors  ily  avoit  des  cornes  à  l'Autel  des  holocaulles,  quoique  petites  ôc 
à  proportion  du  corps  entier.     Et  prés  de  ces  cornes,  il  y  avoir  fur  le  pa- 
vé des  anneaux  d'airain  où  l'on  attachoit  les  viélimes.     Mais  les  Juifs  re- 
marquent qu'il  fe  trompa,  ôc  que  les  cornes  ne  poevoient  fervir  d'azyle 
qu'à  ceux  qui  avoient  commis  quelque  meurtre  fans  deffein,  comme  \t% 
villes  dé  refuge.     Dieu  commande  qu'on  arrache  le  meurtrier  de  fon  Au-  Exode.  21. 
tel,  &  dans  le  vcrfet  précèdent  il  dit  qu'il  ordonnera  un  heu  pour  s'enfuir  ^^ 
à  ceux  qui  auronr  tué  quelqu'un  par  mégardej  ce  lieu  c'étoit  \t^  cornes 
de  l'Autel,  jufques  à  Tétabh^èment  des  villes  de  refuge.  Cependant  après  Comment 
cela  l'Autel  n'avoit  pas  lailTé  d'être  un  azyle  :  lesjuifs  difent  que  l'azyle  n'etoit  Hofôcauftes 
pas  dans  Jescornes  de  l'Autel ,  mais  dans  l'Autel  même ,  toujours  fuppofé  que  ^f°"  "■» 
ceux  qui  avoient  commis  des  meurtres  de  guet  à  pens  ne  pouvoient  jouir  du  ^^^^' 
privilège  de  cet  azyle.     Tel  étoitjoab,  qui  avoit  tué  entrahifon  Abner, 
&  Amafa,  Généraux  des  Armées  de  Saùl  &  d'xAbfçalom. 

Nous  retournons  à  la  defcription  de  nôtre  Autel  des  Holocauftes.  Le 
troifiéme  rétrccilTement  fur  lequel  étoïent  pofées  les  cornes étoit  à  7.  cou- 
dées de  terre:  une  coudée  plus  haut,  à  8.  coudées  de  terre  fe  trouvoit  le 
dernier  rétreciffement,  qui  faifoit  encore  un  petit  chemin  d'une  coudée  de 
large ,  6c  c'étoit  le  lieu  où  les  Sacrificateurs  s'arrêtoient  pour  faire  le  tour 
de  l'Autel,  &  pour  travailler  delTus.  Deux  coudées  au-defTusde  ceder- 
nier  rétreciflement  étoit  la  plate-forme  de  l'Autel  même ,  large  de  24.  cou- 
dées. Et  toute  la  pile  enfemble  étoit  élevée  de  dix  coudées  de  terre.  II 
étoit  bâti  de  pierres  qui  avoient  été  taillées  avant  que  de  les  apporter  là: 
elles  étoient  fondées  enfemble  .avec  du  cuivre  &  du  plomb  fondu  ^  du  mor- 
tier, de  la  chaux  ou  du  ciment.  Sur  cet  Autel  ily  avoit  toujours  trois  ou 
quatre  piles  de  bois  qui  brûloit ,  que  les  Juifs  appaéioient  n-jai  j?D.  On  n'y  vid«  Mifch^ 
montoic  point  par  degrez,  pour  la  raifon  qui  fe  lit  dans  l'Exode  20.  26.  «p.  4.°"* 
mais  par  une  montée  mfenfîble  de  pierre  de  taille  qui  étoit  du  côté  du  Mi- 
di &  qui  avoit  32,.  coudées  de  longueur.  Il  y  avoit  à  côté  de  cette  montée 
infenfiblede  petites  allées,  qui  conduifoient  aux  divers  fentiers  qui  étoient 
autour  de  l'Autel.  Qiiand  on  étoit  monté  une  coudée,  de  hauteur,  on 
trouvoit  un  petit  chemin  ,  qui  menoit  à  la  bafe  ôc  à  fon  rétreciflement. 
Quand  on  étoit  monté  6,  coudées  ^  on  trouvoit  un  autre  petit  chemin  qui 

con- 


24,S  HISTOIRE  DES  DOGMES 

conduifoit  au  fécond  rétreciflement  :  &  ainfi  des  autres  jufques  âu  haut. 
Ces  petits  chemins  commençoient  du  côté  Oriental  de  la  montée  infenfible, 

ôc  de  l'Autel.  ,    ,    ,  *      « 

Du  côté  Occidental  entre  le  Temple  &  l'Autel,  tout  près  de  l'Autel, 
il  y  avoitdeux  Tables,  l'une  d'argent,  fur  laquelle  on  mettoit  les  plats, 
&  vaiffeaux  du  fervice  &  des  facrifices,  &  l'autre  de  marbre,  fur  laquelle 
l'on  mettoit  les  pièces  des  viftimes  pour  les  jetter  fur  l'Aufel.  Cet  Au^ 
tel  eft  appelle  Ariel  au45.d'Ezechiel  S{<nî<  Lion  de  l'Eternel,  parce  qu'il 
devoroit  incelTaniment  les  bêtes  qui  étoient  ofïèrtes. 


CHAPITRE     V. 

I>es  Cuveaux  de  lavemens. 

Esod«sB.    ■*•    A  Loy  de  Moyfe  ne  parle  que  d'un  Cuvcaude  lavemens,  elle  en  dit 

«!  *^'*'      I  ^peucjechofes,  feulement  qu'il  étoit  d'airain  avec  fon  foubaffement , 

&  qu'il  étoit  pofé  entre  le  Temple  &  l'Autel  des  holocauftes ,  non  pas 

juftement  entre  la  porte  duTemple ,  ôc  l'Autel  qui  étoit  vis  à  vis  de  la  porte , 

mais  à  côté  de  la  porte  8c  de  l'Autel,  du  côté  du  Midi  :  il  étoit  deftiné 

Esrodcîf.8.  aux  Sacrificateurs  pour  s'y  laver.     L'Hiftoire  dit,  qu'on  le  corapoladcs 

miroirs  des  femmes  qui  venoient  à  la  porte  du  Tabernacle,  parce  qu'alors 

les  miroirs  étoient  de  cuivre  j  Ôc  on  en  fait  encore  aujourd'huy  de  cette 

matière ,  fur  tout  des  miroirs  concaves ,  &  des  miroirs  ardens. 

Salomon  multiplia  les  Lavoirs  jufques  au  nombre  de  dix,  comme  il 
avoit  fait  de  la  Table  6c  du  Chandelier ,  &  difpofa  ces  dix  Cuveaux  de 
chaque  côté  du  parvis  des  Sacrificateurs  aux  deux  cotez  duTemple,  cinq 
I.  Rois  7.     du  côté  du  Nord,  ôc  cinq  du  côté  du  Midij  cequi  fait  juger  qu'il  en  ufa  ainfi  à 
^^"  l'égard  des  dix  Tables  6c  des  dix  Chandeliers  ,  6c  qu'il  ne  mit  pas  tous 

les  Chandeliers  d'un  côté ,  6c  toutes  les  Tables  de  l'autre ,  comme  quel- 
ques Juifs  eftiment.    Ces  Lavoirs  de  Salomon  nous  font  décrits  tres-am- 
plement,  mais  tres-obfcurément  dans  le  7.  chap.  du  premier  des  Rois. 
Defaiption      Voicy  à  peu  prés  ce  que  nous  en  avons  pu  deviner.  Ces  Lavoirs  étoient 
dcsdixCtt-  compofez  de  deux  pièces,  la  bafe  6c  le  Cuveau  quife  mettoit  furlabafe. 
lomon.       Cette  baie  etoit  magnifique ,  elle  etoitdairam  maint,  quarree, de  quatre 
coudées,  c'eft-à-dire ,  fix  pieds  en  quarré,  6c  de  trois  coudées  de  hauteur, 
plus  large  que  haute.    Cette  prodigieufe  inafle  d'airain  étoit  appuyée  fur 
quatre  roues,  6c  deux  forts  aiffieux.    Ces  quatre  roues  avoient  chacune 
la  hauteur  d'une  coudée  6c  demie,  c'eft-à-dire,  deux  pieds  trois  pouces. 
On  demande  fi  ces  deux  pieds  trois  pouces  fe  doivent  prendre  pour  toute 
la  hauteur  de  la  roue,  ou  fe  conter  feulement  depuis  la  terre  jufques  à 
l'aiffieu,  félon  quoy  la  roiië  avoit  le  double,  c'eft-à-dire,  quatre  pieds  6c 
demi.     Ligtfoot  eft  de  cette  dernière  opinion  >  mais  je  ne  le  fauroiscroi- 
le  5  car  les  roues  euflent  été  grandes  comme  celles  de  nos  chariots  ,  6c 
les  Cuveaux  extrêmement  élevez ,  ce  qui  eût  été ,  6c  embarraflant  6c  dif- 
forme.   Ainfi  je  prens  ces  deux  pieds  trois  pouces  pour  toute  la  hauteur 


ET  DES  CULTES   DE  L'EGLISE.  P^rt.ll.  249 

des  roues,  ôc  je  mets  les  ailîieux  environ  à  un  pied  de  terre,  c'eft  afièz.  Ce  fou- 
bafTementdu  Cuveau  étoit  appuyé  fur  ces  ailîïeux,  ôcdevoitêtre  bien  àun^^ 
pied  6c  demi  de  terre ,  car  l'aiffieu  ne  pouvoit  avoir  moins  de  cinq  ou  (îx  pou- 
ces d'épaifTeur  pour  porter  un  fi  grand  fardeau.  Ligtfoot  place  ces  roues, 
non  comme  celles  de  nos  chariots,  deux  de  chaque  côcéj  il  les  met  aux 
quatre  faces  du  foubaiTement,  à  chaque  face  une  roue,  mais  je  necomprens 
pas  faraifouj  car  étant  ainfipofées,  quand  deux  roues  auroient  voulu  mar- 
cher, les  deux  autres  roues  qui  étoient  aux  deux  autres  cotez,  les  auroienc 
empêchées.     Ainfî  il  les  faut  difpofer  comme  les  roues  de  nos  chariots. 

Cette  bafe  d'airain  s'élevoitde  terre  environ  deux  coudées,  c'eft- à-dire, 
trois  pied^:  &  au  deflus  on  rencontroit  deux  rangs  de  petits  pilaîlres  de  Deuxr?ngs 
cuivre  de  la  hauteur  d'une  demi -coudée:  La  première  rangée  étoit  fur  le  Jg^^jj'^'^^ 
bord  du  quarré  delà  bafe,  &  la  féconde  rangée  étoit  un  peu  plus  en  dedans,  pourypofet 
£ntre  ces  deux  rangées  de  pilaftres  on  emboîtoit  une  planche  d'airain  j  fur  la-  ^«^"veïu, 
quelle  étoient  gravées  des  figures  délions,  de  palmes,  de  Chérubins ,  6cde 
bœufs.     Cela  étoit  ainli  aux  quatre  faces  du  fbubaflement  :  AudeiTousde 
cette  rangée  de  pilaftres  6c  de  cette  planche  gravée  6c  emboîtée  dans  les  z. 
rangées  de  pilaftres ,  étoit  une  autre  planche  aufli  d'airain ,  qui  avançoit 
en  manière  d'avant-pluye  pour  faire  égouter  les  eaux  ,  6c  cela  débordoit 
peut-être  demi-coudie  tout  à  l'entour:  là-defTus  les  Sacrificateurs lavoienc 
ce  qu'ils  vouloient  laver  j  6c  parce  que  cela  alloit  en  penchant ,  les  ordu- 
res ne  demeuroient  pas,  6c  la  planche  avançant  au  delà  de  la  bafe,  6c  mê- 
me pardelTus  les  roues ,  cela  les  mettoit  à  couvert ,  afin  que  l'eau  6c  l'or- 
dure ne  tombalTent  pas  delfus. 

Au  haut  de  ces  petits  pilaftres  &  de  ces  planches  gravées,  la  balecom- 
mençoit  à  s'étrecir,  6c  on  trouvoit  un  couronnement  de  demi- coudée  tout 
en  rond,   qui  étoit  gravé  de    mêmes  figures  que  la  planche  d'airain  qui 
étoit  au  deflus,  6c  au  milieu  ilyavoit  comme  une  conche  ou  coquille  aftez 
large,  où  l'on   devoit  pofer  le  bas  du    Cuveau,  qui  étoit  étroit  par  le 
bas,  6c   repofoit  fur  le   milieu  de  la  bafe  :  Autour  de  cette  bafe  ,  qui  Description 
5'étoit  rétrecieen  montant  6c  où  repofoit  le  Cuveau ,  il  y  avoit  un  rang  i>on*^"e^- 
de  chaffis  ou  de  planches  d'airain  ,  qui  étoient  aflez  proches  du  quarré  boîtoitie 
de  la  bafe  ,  6c  faifoient   une  elpece  de  baffin,  car  ils  lailloient  du  vuide 
tout  autour  de  ce  pilier  rond,  qui   foûtenoit  le  fond  du  Cuveau.  C'eft 
ainfi    que  j'interprète  le    31.   verfet  du  chap.  7.     Le  piher  fur  lequel 
repofoit  le  fond  du  Cuveau,  que  notre  verfion  appelle  chapiteau^  étoit 
d'une  coudée  de  haut.     La  partie  inférieure  6c  étroite  du  Cuveau  étoit 
d'une  coudée  6c  demie  de  haut,  puis  allant  en  élargiflànt ,    le  haut  du 
Cuveau  fe  trouvoit  en  largeur  égal  à  la  bafe  ,   qui  étoit  plus  prochaine 
de  terre.  Tout  cela  faifoit  une  aflèz  grande  hauteur,  car  la  bafe,  en  con- 
tant les  rouè's ,  fbn  baffin  au  delîlis,  6cfon  pilier  du  miliei^,  contenoitfix 
pieds  de  hauteur,  la  partie  inférieure  étroite  du  Cuveau  étoit  d'une  cou- 
dée 6c  demie}  ce  font  huit  pieds  >  le  refte  ne  pouvoit  avoir  moins  de  deux 
pieds  de  hauteur,  c'étoit  dix  pieds  :  pour  tnxr  de  l'eau  de  ces  lavoirs,  il 
faloit  donc  qu'ils  fufîent  percez  par  deflbus  le  baffin,  6c  qu'on  iaiilat  tom- 
ber l'eau  par  des  robinets,  w 

Parce  que  ce  baffin  de  cuivre  à  caufe  de  fa  pefanteur  6c  de  fa  largeur  n'é- 

toit  pas  foûtonu  fuffifamment  par  le  pied  du  milieu ,  des  quatre  coms  de  la 

'J'art.  II.  li  bafe 


a5o  HISTOIRE   DES  DOGMES 

baie  s'élevoienc  quatre  piliers  qui  ne  fiùfoicnt  qu'une  malle  avec  la  bafe, 
Ligtfoot  n'a  pas  raifon  de  dire,  que  ces  quatre  piliers   fufient  appuyez  à 
terre  fur  des  planches  d'airain:  ils  s'clevoientdu  haut  de  labafe  julques  au 
ballln  du  lavoir,  &  du  haut  de  la  bafe  en  bas,  ces  piliers  ne  fe  voyoient 
Voyez  le  V.  pas ,  parce  que  c'étoient  les  coins  de  la  bafe  même.     Chacun  de  ces  Cu- 
uèlla'^&îc  ^^^^^  contenoit  40.  baths,  le  bath  contenoit  72.  logs,  le  log  contenoit 
bath  étoient  ce  que  conteuoient  fixoeufs,  c'eftà  peu  prés  un  feptier  mefure  de  Fran- 
Sfe^Ez?-'  ^^'     ■^"''^  un  bath  écoit  de  dix-huit  pintes  Françoifes ,  grande  mefure,. 
cii'd45,      4.0.  baths  faifoient  fept  cens  vingt  pintes ,  c'eil- à-dire ,  que  chaque  Cuveau 
îe'na!c"n"   coutcnoit  quatre  tonnesd'eau,àdeuxcenspinL"es  la  tonne, 
viron  un         Mais  ccla  u'écoit  rien  en  comparaifon  de  ce  grand  Cuveau,  appelle  la  Mer 
dfnë'dh'  d'airain,  ou  de  fonte.  L'Auteur  du  premier  Livre  des  Rois  chap.  7.  dit,, 
sddenùs.     qu'il  conteuoit  deux  mille  baths ,  cent  baths  font  environ  vingt  tonnes  de 
t'est  dix"  la  mefure  de  ce  pays,  mille  baths  font  deux  cens  de  nos  tonnes ,  2000.  baths= 
ephas,        quatre  cens  tonnes  d'eau ,  &  félon  le  Livre  du  1.  des  Chr.  chap.  4.  f .  fix  cens- 
Cuv?au"ap-    toiincs  d'cau  >  car  l'Auteur  dit,  jn'eiie  contenoit^.  mille  l^aths,  un'ticrs  dH' 
pdiéhmer  vantagc  quc  le  premier  Livre  des  Rois  ne  "lui  en  donne.     Il  eftincom-  , 
Diverfité      prchenfible   comment  cela  pouvoit  tenir  dans  un  vaiHeau,  dont  les  mefu- 
enttc  lèpre-  res  ne  uous  font  pas  reprefentées  fuffilàntes  pour  contenir  tant  d'eau.  Elle 
des^koisrsc  n'^avoitque  cinq  coudées  de  haut,  ce  font  fept  pieds  ôc  demi  de  nôtre  mê- 
le fécond      fuj-e.    C'efl  la  hauteur  ordinaire  des  cuves  à  vin  dans  les  vignobles  5  elle 
qucsfuÏÏa"  avoit  dix  coudées  de  diamètre,  ce  font  if.  pieds,  &  30.  coudées  de  circuir,, 
grandeur      qq  font  Af.    pieds.     îofephe  la  fait  en  forme  de  demi-lune,  ou  de  cer- 

dtlaMer         ,  7''       *.,.*'.      ^      .  ^  •    '        t  t    -r  i 

d'airain.      clecoupc,  ce  qui  dimmueroit  cncorc  k  capacitc.     Les  Juils  pour  lever 
3ofeph.  An-  cette  grande  difficulté  la  fontquarréeparlebas,  &  ayant  lo.  coudées  ou. 
cap.  î.  "  '     If.  pieds  fur  chaque  côté,  c'eil  60.  pieds  de  circuit  j  &  par  le  haut  ils  pré- 
tendent qu'elle  alloit  en  étr£cii]ant ,  &  en  s'arrondiliant ,  tellement  qu'au 
haut  elle  n'avoit  plus  que  45.  pieds  de  tour  en  rond ,  (Eomme  le  dit  le  î. 
Efforts  pour  Rois  J-Z^.  Pour  cc qui  eil  de  la contradiétion  qui  fem.ble  être  entre  le  Livre 
leco^nciiier    ^çg  Rois  &  ks Chrouiqucs.  Lesjuil-s  y  répondent,  en  diiant, qu'elle con- 
lietez,  font  tcuoit  looo.baths  dc cholcs fcchcs j.maisconime leschofcs  liquides  s'arran- 
iflfufîifans.    gpj^^  micLix  &  rcmpliiTcnt  tous  les  vuides  oi^i  les  choies  lèches  ne  fauroient 
entrer,  elle    contenoit  5000.  baths  de  liqueur.     Les  autres  difent  qu'il- 
y  avoit  un  baiîin  au  deflbus  qui  tenoit  loco.baths.  Ligtfoot  dit  qu'elle  pou- 
J^apacitéde  voit  Contenir  3000.  baths.     Mais  qu'on  n'y  en  mettoit  que  deux  millcj 
"'  afin  que  les  Sacrificateurs  s'y  pulTent  laver,  autrement  ils  au  roi  ent  été  en 
danger  de  fe  noyer.     Car  elle  étoit  deilinée  pour  laver  les  Sacrificateurs,, 
6c  les  Cuveaux  pour  laver  les  vidimes,  comme  il  efl  remarqué  dans  le  z. 
Chron.  ch.4.  Mais  je  doute  que  les  Sacrificateurs  fe  plongealTenr  entiers 
dans  ce  grand  Vaifibauj  car  il  eâtfalu  d'autre  eau  pour  en  baigner  un  autre, 
6c:  cette  horrible  malle  d'eau  ne  fe  pouvoit  pas  changer  fouvent  :  Il  eil  vray 
que  Ligtfoot  prétend  que  là  dedans  fe  rendoit  perpétuellement  un  ruifîeau 
qui  y  étoit  amené  par  des  canaux  de  la  fontaine  d'Eta?n.     Nonobftant 
toutes  ces  conjeétures,  la  quantité  d'eau  qu'on  donne  à.  ce  VaifieaUyfi  peu 
^Proportionnée  à  la  capacité  qu'on  Luy  attribué,  me  iàit  foupçonner  que  nous 
n'entendoniUltten  dans  les  mefures  Hébraïques.  Les  Allemands  ibntcurieux 
de  garder  certains  vaiiTeaux  à  vin  d'une  grandeur  prodigieufe.     On  y  en- 
Ere  comme  dans  une  chambre  pour  les  nettoyer  :  cependant,  fi  je  m'en 

fou- 


la Mer  d'ai- 
lain. 


ET  DES  CULTES  DE  UEGLïSE.  Part.ll,  251 

fouviens  bien,  le  plus  haut  que  je  leur  aye  oui  donner,  e'eil  80.  ou  100. 
tonneaux  de  vin ,  ôc  ce  grand  Cuveau  de  Salomon  en  contcnoir  4.  ou  y.  fois 
autant.  Cependant  on  ne  lui  donne  que  fcptou  huit  pieds  de  hauteur,  6c 
quinze  de  diamètre  ;  cela  ne  paroît  pas  pouvoir  contenir  plus  que  quatre 
ou  cinq  de  nos  plus  grandes  cuves  ,  dont  la  plus  grande  ne  contient  pas 
plus  de  vingt  tonnes  d'eau.  De  forte  que  nous  jugerions  que  dans  le  grand 
Cuveau  de  Salomon,  il  nepouvoit  y  avoir  plus  décent  tonnes  d'eau  j  au 
lieu  de  400.  ou  600.  qu'on  lui  en  donne:  ce  qui  me  fait  croire  que  le  B^uh 
étoit  beaucoup  plus  petit  que  les  Juifs  ne  le  font. 

Cette  Mer  d'airain  étoit  foûtenuë  par  douze  paires  de  bœufs,  qui  tour- 
noient la  croupe  du  côté  du  Cuveau,  &  le  Cuveau  étoit  appuyé  deil'us, 
il  y  avoit  trois  de  ces  bœufs  à  chaque  partie  du  monde,  l'Orient ,  l'Oc- 
cident, le  Midi  &  le  Septentrion.  Elle  étoit  épaiffe  de  quatre  doigts,  & 
fon  bord  étoit  un  peu  rabatu,  comme  le  bord  d'une  coupe  entaillé  en  fleur 
de  lis.  Elle  étoit  pofee  à  coté  droit  dn  Temple  ^  tirant  vers  l'Orient ,  du  coté  du  z.Chroa,  4= 
Midi.  C'eft-à'dire,  dans  le  coin  Sud~ell  du  Parvis  des  Sacrificateurs,  ré- 
pondant à  l'Orient  ôc  au  Midi.  Je  ne  fay  pourquoy  Ligtfoot  la  pofedans 
un  lieu  tout  opppfé ,  favoir  au  coin  Nord-eft ,  répondant  au  Septentrion  &  à 
l'Orient.  Car  le  Livre  ù.^^  Chroniques  dit  tout  le  contraire.  Ce  grand  Vaif- 
feaufut  fondu  dans  la  plaine  du  Jourdain,  6c  de  là  amené  au  Temple.  Il  cil: 
inconcevable,  i. comment  on  a  pu  fondre  un  tel  Vaiffeau ôc  le  taire  tout 
d'une  pièce.  2.  on  ne  conçoit  pas  par  quelles  machines  on  a  pu  le  traî- 
ner, car  il  faioit  qu'il  pefât  plus  de  deux  ou  trois  cens  mille  livres.  Ilfaloit 
que  déjà  les  arts  méchaniquesfufTent  montez  à  une  grande  perfecb'on. 

Dans  le  fécond  Temple  nous  ne  voyons  pas  qu'il  y  eût  plus  d'un  Cu- 
veau de  lavemens,  pofé  oii  étoit  celuy  de  Moyfe,  devant  le  Temple,  du 
côté  du  Nord.  Il  étoit  élevé  fur  une  bafe  haute,  &  divers  robinets  fai- 
foient  tomber  l'eau,  on  y  faifoit  inccfTamraent  décendre  de  l'eau  de  la 
maifondu  puits  dont  nous  avons  parlé  cy-devant.  Au  commencement  il 
n'y  avoit  que  deux  robinets  :  mais  les  Talmudiftes  difent  qu'un  certain 
Benksffin  en  fit  douze. 


CHAPITRE     VI. 

^e  tous  les  autres  moindres  uftenfiles  &  *vaijjeaux  du  Temple ,  qui 
éioient  employez  au  Jervice,  De  la  Table  de  'Ttolemée. 

CEs  moindres  vaifieaux  étoient  en  fi  grand  nombrCjqu'on  ne  les  (àuroit  ni  ^  ^^^^ 
conter,  ni  dépeindre,  on  peut  aifément  juger  combien  de  vaiffeaux  il  nombre  des 
faioit  pour  tant  de  viélimes ,  &  pour  une  ii  grande  tuerie  j  des  baffins  à  ^^ftènfiies 
recevoir  le  fang ,  des  marmites ,  des  havets,  des  grilles ,  des  couteaux ,  des  ra-  fer^'ant  au 
cloirs,  des  chaudières,  des  mouchettes  pour  la  Lampe,  des  plats ,  des  en-  '^^'^?^^" 
cenfoirs ,  des  phioles ,  des  bouteilles,  &  autres  vaifleaux  à  mettre  les  liqueurs 
des  ferpes ,  des  tafies.  On  en  peut  voir  un  échantillon ,  i .  Efdras ,  qui  reçût 
par  ordre  du  Roy  30.  baiîins  d'or,  mille  baffins  d'argent,  vingt-neuf  cou- 
teaux, 30.  plats  d'or,  410.  plats  d'argent.     Enfin  le  conte  monta  jufques 

li  i  à 


Dr- la  Table 
de  Ptoîe- 
•■mcc ,  nés 
magnifique. 


2.5Z  HISTOIRE   DESDOGMES 

à  cinq  mille  quatre  cens:  Et  fans  doute  il  y  en  avoit  bien  eu  de  difîîpez'y 
tant  par  les  Rois  de  Juda,  que  par  les  étrangers,  qui  avoient  prisTor  &c 
l'argent  du  Temple.  A  chaque  Fête,  Ôc  à  chaque  Sacrifice,  il  faloit  des- 
vaideaux  differens ,  comme  à  la  Fête  des  Propitiations ,  les  Talmudif- 
tcs  difent,  que  pour  le  feul  Sacrifice  continuel  il  faloit  ç>^  inllrumens  dif- 
ferens. 

Dans  le.  fécond  Temple  il  y  avoit  divers  vaifTeaux,  qui  avoient  été  con- 


■^°^Tr^u"  ^°y  ^^^  J*-'^^^  P^^^'  la  mettre  dans  fa  Bibliothèque, mit  en  liberté  fix-vingt 
jTmp.V.'  mille  Juifs  au>  rapport  de  Jofephe  Se  d'Ariftée,  &  envoya  en  Jerufalemde 
riches  prefens  pour  le  Temple.  Entre  ces  dons,  il  y  avoit  une  Table  tou- 
te de  pur  or  5c  de  pierres  precieufes.     Elle  étoit  longue  de  deux  coudées 
cC  demie,  c'elf-à-dire,  prés  de 4.  pieds,  large  d'une  coudée,  c'efl-à-di-- 
re,  un  pied  6c  demi  ,  6i  de  la  hauteur  d'une  coudée  &  demie,  ce  qui  fair 
de  nos  mefures  2.  pieds  |.  pouces.     Tout  à  l'entour  par  le  haut  elle  étoit 
ceinte  d'une  couronne  de  la  largeur  6c  hauteur  de    quatre  doigts.     Sur' 
ie  haut  de  ee  couronnement,  il  y  avoit  une  bordure  à  trois  faces  quipou- 
voit   tourner   fur  (es    trois  cotez.     Il   faloit   que   cette   bordure  tour- 
!iât  fur   des    pivots   qui  fulTent   aux   quatre  coins   du   couronnement. 
Les  trois  faces  de  cette  cime  ou  bordure  étoient  pleines  d'une  fculptu- 
re  admirable,  c'étoient  des  lacets  qui  entroient  comme  deslaqs  d'amour,. 
&  qui  étoient  comme  tournez  en  demi-reiiefs.  Et  le  tout  à  jour  comme  nôtre 
fiiigramrae.     Et  entre  les  refeuils  &  lacets  entortillez  de  diftanceen  dif- 
î^mce  étoient  enchaifécs  des  pierres  precieufes.  Elles  étoient  attachées  dans 
le  filigramme  avec  des  enchafléures  &  des  crochets  d'or.     La  partie  inté- 
rieure de  cette  couronne,  par  le  dedans  de  la  Table,  étoit  ornée  d'une  ex- 
cellente graveure,     iVïais  le  dehors  de  ce  couronnement  ^  qui  étoit  plus  vi- 
fîble,  étoit  de  lu. dernière  magnificence.     Car  audeflbus  de  cette  bordu- 
re, que  nous  venons  de  dépeindre  ,  regnoit  une  ceinture  tout  àl'entourj 
dans  laquelle  on  voyoit  un  rang  de  pierres  precieuies  bien  taillées  &  en- 
cliafiees  en  forme  d'œuf,  ce  qui  formoit  des  demi-reliefs  en  ovale.     En- 
tre les  pierres  precieufes,  il  y  avoit. une  belle  fculpture  de  branchages  ôc 
de  feuillages  s  &  au  defibus  de  cela  pendoit  encore  un  autre   couronne- 
ment, oii  étoient  entaillez  toutes  fortes  de  fruits  j,  des  raifins ,   des  épis^. 
des  grenades,  6cc.  Qui  étoient  compofées  de  pierres  precieufes  de  la  cou- 
leur des  fruits  qu'on  vouloit  reprefenter  j  &  tout  de  pièces  rapportées  fé- 
lon lesdiverfes  couleurs  de  ces  fruits;  cela  n'étoit qu'attaché  à  la  Table^ 
&  pendoit  tout  à  l'entour  avec  de  petits  crochets  d'or,.  Au  deiTous  de  cet- 
te couronne  de  fruits  oiv.voyoit  encore  un  autre  couronne ,  dans  laquelle  il 
y  avoit  un  rang  de  pierres  precieufes,  taillées  en'  ovale  avec  des  brancha- 
ges &  des;  feuillages  entre-deux  5  comme  celle  du  deffus.  Ainfi  la  couron- 
ne de  fruits  étoit  entre  deux  couronnemens  femblables.     Les  pieds  delà 
Table  étoient  attachez' à  la  Table  même,  avec  des  crochets  d'or,  &  quand 
on  vouloit  on  pouvoit  mettre  les  pieds  de  la  Table  du  haut  en  bas,  fans 
que  cela  apportât  aucun  changement  ;  parce  qu'au  bas,  autour  de  la  Table,, 
^is  avoient  mis  une  lame  d'or  de  4;  doigts,  qui  étoit  toute  femblable  au  plus 

bas 


FT  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Tart.U.  251 

bas  couronnement  d'enhaut,  car  ce  couronnement  tenoit  au  haut  des  pi- 
liers de  la  Table  i  &:  le  plus  haut  couronnement  avec  les  fruits  pendans, 
tenoient  à  la  Table  même.  Sur  la  Table,  c'eft-à-dire,  fur  la  partie  pla- 
te ,00  avoit  entaillé  avec  un  merveilleux  art  un  Méandre,  c'eft-à-dire,  un 
Fleuve  qui  ferpentoit  ôc  faifoit  mille  tours  6c  retours,  ÔC  dans  le  milieu  du 
cours  de  ce  Fleuve  on  avoit  enchalTé  des  efcarboucles ,  êcdes  émcrau- 
desj  ôc  de  toutes  fortes  d'autres  pierres  precicufes,  ce  qui  jettoit  une  gran- 
de lumière  :  dans  les  eipaces  entre  les  tours  de  ce  Fleuve  ,  il  y  avoit  des 
lacis,  des  rets,  des  lozanges  entaillées  d'Ambre  6c  deCryftal.  Les  pieds 
de  la  Table  étoient  tout  à  fait  beaux  6c  curieux  ,  c'étoient  comme  quatre 
petites  colomnes,  dont  les  Chapiteaux,  fur  lefquels  étoit  poiée  la  Table, 
étoient  faits  en  forme  de  lis  épanoui,  dont  les  feuilles  fe  recourboient  6c 
s'ouvroient  au  dellbusdela  Table,  &  la  tige  en  étoit  droite  comme  la  ti- 
ge d'une  plante  de  lis.  La  bafe  du  pilier  étoit  un  efcarboucle  d'une  pro- 
digieufe  groflcur,  ayant  jufques  à  huit  doigts  de  largeur  à  l'endroit  oii  la 
Table  venoit  à  repofer  deiius,  c'eft-à-dire,  par  le  haut  du  petit  pied  ou 
de  la  colomne ,  qui  étoit  épais  de  4.  doigts  par  le  bas.  Autour  de  ces 
pieds  en  montant  s'élevoient  dts  lierres- 6c  des  palmes  en  relief,  mais  tail- 
lées avec  tant  de  delicatefie,  que  les  feuilles  en  branîoient  au  moindre  vent, 
comme  fi  elles  eulTent  été  naturelles.  L'épaifieur  de  la  Table  étoit  de  9, 
pouces  en  contant  les  deux  couronnemens.  Tout  l'ouvrage  étoit  de  trois 
pièces,,  la  Table  5  les  couronnemens  ,  6c  les  piliers.  Mais  cela  étoit  fî 
parfaitement  bien  joint,  qu'on  ne  voyoit  point  les  jointures. 

A  cela  il  ajouta  auffi,  des  taiTes,  des  bouteilles  6c  des  flacons  d'un 
grand  prix-,  6c  d'un  ouvrage  exquis,  avec  des  pierres  precieufes,  6c  des 
fculptures  admirables.  Ces  riches  pièces  furent  mifes  dans  le  Temple,, 
mais  on  ne  fait  pas  bien  précifemenf  où  3  aiTûrément  ce  fut  dans  la  thre- 
forerie  oij  l'on  mettoit  les  danaria  6c  anathemata. 

Les  Rabbins  nous  parlent  aufîi  d'une  Table  dont  Hélène  Reine  des  Adia-  Tàbie  d'oi- 
bcnes  fît   préfent.     C'eil   cette  Reine  des  Arabes  de  laquelle  nous  avons  hK^mclts 
déjà  parlé  dans  la  defcription  du  Porche  du  fécond  Temple,  où  elle  avoit  Adubencso 
confacré  un  Chandelier  d'or.     Cette  Table  étoit  fortiîm pie ,  carc'éïoit 
une  planche  d'or  fur  laquelle  étoit  gi'avée  la  feétion  de  la  Loy  concer- 
nant Pépfreuve  de  la  femme  foupçonnée  d'infidélité.     Elle  étoit  placée^ 
dans  la  muraille  du  Temple  à  l'Orient,  de  forre  que  les  premiers  rayons 
du  foleil  levant  donnoient  deflus ,  6c  c'étoit  en  ce  lieu  qu'on  alloit  voir  fi- 
le foleit  étoit  levé,  parce  que  le  moindre  rayon  qui  venoit  adonner  fur  cet- 
te planche  y  caufôit  une  grande  reflexion  ,   6c  un  grand  éclat.  Cela  don- 
ne lieu  de  croire  que  cette  planche  étoit  dans  la  muraille  de  dehors  vers 
la  porte  de  Sufan.  Au  lieu  que  Ligtfoot  foupçonne  qu'elle  étoit  à  la  porte 
de  Nicanor,  à  l'entrée  du  Parvis  des  hommes,  où  fe: faifoit  l'épreuve  de 
la  femme  fufpeéle  d'adultère. 

Villalpandus  fait  monter  tous  ces  vaiflèaux  du  Tenlple  à  un  nombrepro- 
digieuxi  II  y  avoit ,  dit-il ,  60.  mille  taflcs ,  30.  mille  chandeliers ,  i  (5o .  mille 
pots  6c  pintes  ,  200.  mille  Phioles  ,  160.  mille  plats  ,  12.0.  mille  cou- 
pes ,  60,  mille  mefures  pour  l'huile,  le  vin  6cles  autres  liqueurs,  i  ïo.  mille  / 
encenloirs,  loo.  mille  Trompettes,  400.  mille Inflrumens  de  Mufique» 
Et  outre  cek  20'.  mille  Robes  de^  Sacrificateurs  6c  de  Chantres.  Le  Terï)- 

li  \.  pie- 


254         H  I  s  T  q  I  R  E  D  E  s  D  O  G  M  E  s 

pie  quelque  grand  qu'il  fût  n'auroit  pu  contenir  tout  cela.  De  tous  ces 
vaiilcauxjil  en  fait  le  tiers  d'or,  les  deux  autres  tiers  d'argent:  tout  ce  cal- 
cul eil  fabuleux.  En  voici  k  ilipputation  par  ordre  ,  avec  la  fomme  du 
total. 

60.  mille  Tafies.  <îo.  m.  Encenfoirs. 

30.  m.  Chandeliers.    .       60.  m.  Mefures de virf, huile, ôcc. 

160.  m.  Pots  &  pintes.  110.  m.  Encenfoirs. 

200.  m.  Phioles.  aoo.  m.  Trompettes. 

160.  m.  Plats.  400.  mille  ïnftrumens  de  Mullque, 
lio.  m.  Coupes.  2,0.  m.  Robes  de  Sacrificateurs. 

Un  million  trois  cens  mille  trente  fix. 


CHAPITRE    VU 

Certaines  Jingularitez  du  Temple ,  tirées  de  la  tradition 

des  Juifs. 

JUfques  ici  nous  avons  donné  une  defcription  générale  du  Temple,  5c 
de  ce  qui  étoit  dedans.  Avant  que  de  pafler  outre  ,  il  faut  ajouter 
quelques  fingularitez  de  ce  Temple  de  Jerufalem  ,   félon  la  tradition 

des  Juifs. 
Du  feufacté      i .  De  cc  rang  font  les  miracles  que  les  Hébreux  dilênt  avoir  été  dans 
dgendudu  jg  Sanétuaite ,  qu^'ils  font  monter  au  nombre  de  18.  Entre  ces  miracles  les 

plus  réels,  &  les  plus  confiderables,  font  ceux  qui  regardent  le  feu  facré 

qui  brûloit  fur  l'Autel  des  Holocau des. 
Premier  mi-      Et  le  premier  de  ces  miracles,  c'eft  l'origine  de  ce  feu,  favoir  quMl  étoit 
feu*uVoit  ^écendu  du  ciel,  parce  qu'on  l'appelle  ^o«?rf»^^  è{j.'Kvpmiç ,  laquelle  a  toû- 
décêndu  du  jours  été  eftimée  une  marque  de  l'acceptation  des  facrifices.  C'eft  ainQ  qu'on 
ad.  prétend  que  Dieu  fit  voir  qu'il  avojt  accepté  le  facrifice  d'Abei.    Voyez, 

l'Htfioire  de  Gedeon  fud.  6.  &  de  Manoah  ^  fud,  chap.  ig.  de  David  en  l^aire 

d^Ârauna  i.  Paralipom.  21.  26.  &  celle  d'Èiie  i.  Reg.  iS.  32. 
Levttîq.5.  Dieu  dans  la  confecration  du  Tabernacle,  &  dans  le  premier  facrifice, 
V.  2î.  24.  gç  décendre  le  feu  du  ciel  fur  l'Autel ,  &  confuma  les  Holocauftes ,  la  mê- 
2.  chron.  me  chofc  fut  faite  dans  la  dédicace  du  Temple  de  Salomon.  Ce  feu  fut 
7.  V.  z3.  religieufement  confervé  dans  le  premier  Temple,  6c  il  étoit  défendu  d'y 
Levit.  10. 1.  apporter  du  feu  étranger ,  comme  ilparoîtparl'Hiftoire  deNudab  &;Abi- 

hu.  Outramus  prétend  que  ce  feu  fut  éteint  du  tems  d'Achaz  ,  quand  il 

ferma  le  Temple  de  jerufalem. 
voj'erBux-       L^g  jQJfg  q^-^^  (jgs  fpeculations  bien  fubtiles  fur  ce  feu  ,   car  ils  preten- 
iguc  facro.   deiit  que  c'efl  le  feu  de  la  nuée  du  defert,  un  feu  décendu  du  ciel  mêmej 

c' étoit  auffi  le  feu  &  la  lumière  du  premier  jour  &  la  première  créature, 

ou  poui:  mieux  dire  une  émanation  de  la  fplendeur  divine  que  Dieu  avoit 

reti- 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  PartALi^^ 

retirée  par  diveries  fois  après  la  création,  pour  s'en  fervir  quand  bon  lui 
fembieroit. 

Ce  feu  une  fois  décendu  du  ciel  fut  entretenu  foigneufement  par  les 
alimens  qu'on  lui  fourniilbit  :  Buxtorf  dit  qu'il  fut  confervé  miraculeufe-inDifTerta- 
ment  fans  autre  aliment  que  les  offrandes  ,  6c  que  le  feu  fur  lequel  on  \^^nQ[tcio. 
mettoit  du  bois  le  foir  èc  le  matin  étoit  un  autre  feu  matériel  :  Mais  cela 
n'a  pas  le  moindre  fondement  :  Il  ne  faut  pas  multiplier  les  miracles  fans 
neceffité.  Maimonides  dans  le  traité  tamidim  vcmofeiphim  cap.  2.  dit, 
qu'encore  cjue  le  feu  de  V  Autel  fut  décendn  du  ciel  .y  cependant  il  e'toit  commandé 
À^y  ajouter  d'^auire  feu- ,  comme  tl  efi  écrit  dans  le  Levtt.  1,7.  &  les  enfamd'^Aa- 
Ton  mettront  le  feu  fur  P Autel. 

On  demande  11  ce  feu  facré  fut  fous  le  fécond  Temple  ?   Il  eil  certain 
^ue  non  :  C'eilunedes  cinq  chofes  que  les  Hébreux  confeffoient  manquer 
dans  le  fécond  Temple.     Néanmoins  il  s'eft  trouvé  des  Auteurs  qufont 
:Voulu  perfuader  que  ce  feu  avoic  été  caché  par  les  Sacrificateurs,  &  qu'au 
retour  de  la  capti^Hté  on  l'avoit  trouvé  comme  de  l'eau  épailfe,  lifezenla 
feble  au  2,.  des  Machabées  i.  18.  &c.  La  même  fable  fe  trouve  dans  Jo- 
feph  Gorionides  fur  l'autorité  de  ce  Livre  du  z.  Machabées  \   les  inter- 
prètes de  l'Eglife  R.  admettent  ce  mauvais  conte.  Un  certain  RabbiCha-  voyezBux* 
naniah  dans  le  Talmud.  traité  f orna  cap.  i.   in  Çemara  ,  eft  introduit  di-  Ig^'^facjp. 
fent  qu'il  avoit  vu  le  feu  lacré  dans  le  iecondTemple cul^ans ut  canis ^  cou- 
ché commue  un  chien ,  oc  que  dans  le  premier  Temple  on  l'avoit  vu  recu- 
bans  Ht  leo ,  fe  repofant  comme  un  lion.  Les  Rabbins ,  au  moins  quelques-uns , 
prenent  cela  à  k  lettre  comme  fi  effeélivement  une  face  de  hon  s'étoit 
vûë  dans  le  feu  facré  du  premier  Temple.    D'autres  l'interprètent  de  la  voyez  Fa* 
vivacité  &  voracité  de  ce  feu  facré  qui  étoit  beaucoup  plus  grande  dans  le  S'"^  '" 
premier  Temple  que  fous  le  fécond.   L' Autel  des  Holocauiles  eft  appelle  cenefeos 
*^Kn.X   <tAriel  le  lion  de  Dieu  ,    par  cette  raifon  ,  c'ell  qu'il  confumoitles  c,"îd^"^^ 
Holocauftes.     2.    Le  fécond  miracle  du  feii  facré  c'eft  que  l'Autel  des  Ho-  Ez«:hiei  43. 
locauftes  ,   dans  le  Tabernacle  avant  la  conftruétion  du  Temple,  n'étant  second  mi- 
que  de  bois  de  cèdre  couvert  d'une  l'ame  d'airain,  le  bois  ne  fe  brûloitja-  feufaaé. 
mais  :  c'étoit  alîurément  un  vray  miracle  que  ce  grand  feu  brûlant  conti- 
nuellement &  allumant  l'airain  n'allumât  pas  le  bois.  3.  Le  troifiémemi-  Troifiéme 
racle  c'eft  que  lapluyen'éteignoit  jamais  ce  feu,  quoique  cet  Autel  des  Ho-  fe^fjcrs^" 
locauftes  fur  lequel  on  le  nourriffoit  fût  à  découvert.   Il  eft  vray  qu'il  pleut 
rarement  en  ce  païs-là.   4.  Le  quatrième  miracle,  c'eft  que  la  colomnede  dustriéme 
k  fumée  de  l'Autel  montoit  toujours,  &  quelque  vent  qu'il  fit  elle  alloit  ™"''^^* 
tout  droit  en  haut  j  fur  tout  quand  l'obktion  étoit  agréable  :  Et  s'il  en  ar- 
rivoit  autrement,  on  prenoit  cela  pour  un  mauvais  prefige,  il  femble  que 
David  faffe  allufion  à  cela  ,  jufqu' a  toi  parvienne  la  fumée  de  l'' encens.     Ad 
le  nÇcfue  perveniat  fumus  incenjt.     Et  c'étoit  une  marque  que  l'odeur  du 
facrifice  n'alloit  pas  jufques  à  Dieu  quand  le  vent  la  détournoit. 

3.  Outre  CCS  miracles  qui  lé  faifoient  dans  le  feu  du  Temple.  Les  Juifs  Antres  mî- 
racontent  beaucoup  d'autres  miracles  qui  fe  faifoient  dans  le  Temple,  "oehcv^îi""* 
Par  exemple,  que  quoique  l'on  tuât  une  fi  horrible  quantité  de  bêtes  dans  faifoient 
le  Temple,  jamais  on  n'y  fentoit  une  mauvaife  odeur  3  que  jamais  on  n'y  xTmpJe,. 
voyoit  de  mouches  &  de  ces  infeâes  volantes  qui  cherchent  le  fang&  les 
boucheries  3  que  jamais  femme  ne  s'étoit  trouvée  mal  de  l'odeur  de  la  chair 


256         HISTOIRE  DE'S  DOGME  s 

des  vi6l:imcs  qu'on  brûloit  continuellement-,  que  dans  les  grandes  fêtes, 
quand  toute  la  nation  étoit  aflemblée ,  le  Temple  fc  trouvoit  afiez  grand 
pour  la  contenir,  &  pour  laiffer  à  chacun  un  efpace  fuâifant  à  l'entour  pour 
le  prollerner. 

4.  Cela  étoit  caufe,  joint  avec  la  majefté  du  Dieu  qui  étoit  fcrvi  dans  le 
Temple,  qu'on  avoit  un  très  grand  refpeét  pour  ce  lieu  (acre.  i.  Premiè- 
rement il  n'étoit  pas  acceffible  à  toutes  fortes  de  perfonncs  en  tous  lieux. 
Les  Gentils  n'en  ofoient  approcher,  excepté  dans  ce  qu  on  appeWok^  atrium 
gentium ,  ou  la  montagne  de  ta  maifon  qui  étoit  la  première  clôture.  Mais 
les  hommes  ou  femmes  en  fouillure  légale  n'en  ofoient  approcher, excep- 
Ainfwothin  té  ccux  qui  étoient  fouillez  par  un  mort  j  car  c'étoit  la  moindre  des  fouil- 
Numems  5.  i^-gs  legalcs  ,  6c  même  on  pouvoit,  à  ce  que  dit  Maimonides ,  y  mettre  le 
corps  mort  d'un  grand  perfonnage  en  aille  contre  la  violence.  Ils  en  ap- 
portent l'exemple  de  Moyfe,  qui  prit  les  os  de  Jofeph  en  montant  d'Egyp- 
te &  les  retira  au  dedans  du  camp  des  Lévites  5  or  ils  prétendent  que  le 
camp  des  Lévites  répondoit  à  ■cette  première  enceinte  du  Temple. 

Dans  le  fécond  efpace  qui  s'appelloit  le  Sti  KaU  oh  Pavantmur  ,  les 

Maimonides  étrangers  &  les  Payens  n'y  ofoient  entrer  ,   ni  même  les  profelytes  de  la 

to  csp.^r.    porte  :  car  ils  étoient  traitez  de  même  manière  que  les  idolâtres  pour  la 

défenfe  d'entrer  au  Temple  :  c'eft  de  là  que  les  Juifs  ennemis  de  St.  Paul 

prirent  occafîon  d'exciter  fedition  contre  lui ,  comme  s'il  eût  amené  Tro- 

phime  Ephefien  dans  le  Temple. 

Le  Parvis  des  femmes  avoit  un  degré  de  fainteté  par  ddTus  le  Kail  , 
&  ceux  qui  étoient  fouillez,  même  des  moindres  fouillures  comme  étoient 
celles  pour  lefquellesil  ne  falloit  que  fe  laver  ôc  attendre  le  foleilcoucliant, 
n'y  pouvoient  entrer. 

Le  Parvis  d'Ifraël  avoit  encore  un  degré  de  fainteté  par  deffus  5  car  ceux 
qui  étoient  purifiez  de  leurs  fouillures,  mais  dont  l'expiation  n'étoit  pas  enco- 
re faite  par facrifice,  n'y  pouvoient  entrer,  ni  les  femmes  non  plus  en  aucun 
tems  :  ce  que  nous  avons  déjà  remarqué  ailleurs  :  Mais  ici  &  là  il  faut  excep- 
ter au  moins  quand  ceux  qui  dévoient  s'expier,  hommes  ôc  femmes ,  venoient 
offrir  l'holocaufte  6c  le  faa'ificede  leur  expiation ,  car  la  Loy  ordonnoit  qu'ils 
miflent  la  main  fur  la  tête  de  la  bête,ce  qui  ne  (c  faifoit  qu'aux  pieds  de  l'Autel. 
Le  Parvis  des  Sacrificateurs  étoit  encore  plus  Saint,  car  les  feuls  Sacrifi- 
cateurs y  entroient:  excepté  quand  les  ïfraëlitesoffroient  des  viélimes,  car 
tous  ôc  même  les  femmes  menoient  leurs  viélimes  au  pied  de  l'Autel. 

L'efpace  qui  étoit  entre  l'Autel  &  le  Temple  étoit  encore  plus  Saint,  car 
aucun  Sacrificateur  n'y  pouvoit  entrer  qui  eût  quelque  défaut  corporel  ; 
Il  faloit  aufii  qu'ils  euffent  un  voile  fur  la  tête  ,  pour  marquer  une  plus 
grande  dévotion. 

Le  Temple  étoit  encore  plus  Saint:  car  tous  les  Sacrificateurs  n'y  pou- 
voient entrer ,  mais  feulement  ceux  qui  avoient  été  choifis  par  le  fort  pour 
cela ,  après  avoir  lavé  leurs  pieds  iSc  leurs  mains.  Enfin  le  Saint  des  Saints 
étoit  encore  plus  Saint,  puifque  Le  feul  Souverain  Sacrificateur  y  entroit 
une  feule  journée  par  an.  Or  pour  marquer  la  dévotion  pour  le  Temple, 
voici  ce  que  les  Juifs  obfervoient. 

.     ï.  Perfonne  n'entroit,  non  pas  même  dans  le  premier  Parvis,  avec  un 
bâton  ou  autre  arme  àfraper,  parce  que  c'étoit  un  lieu  de  paix;  de  là  vient 

peut- 


Du  rcTpeft 
que  l'on 
avoit  pour 
le  Temple 
en  prenant 
chacune  de 
{es  parties 
par  degtez. 
Voyez 


Ligtfoot 
a  puifé  ce 
qu'il  dit  fur 
ce  fujet. 

Premie 
efpace  S.iinr. 


Second 
efpace  plue 
Saint. 
Aftes 
chap.  20. 
Troifiéme 
efpace  ea- 
core  plus 
Saiar. 


Qyatiiértic 
efpace  plus 
Sainr. 


Cinquième 
lieu  plus 
Saint. 

Sixie'me 
efpace  plus 
Saint. 


Septième 
lieu  plus 
Saint. 
Huitième 
lieu  plus 
Saint. 


L'Officiant 
qui  eût  pris 
un  vaiiTeau 


ET  DES  CULTES  DE  UEGLÏSE.  Tart.lL  257 

peut-être  que  nôtre  Seigneur  chafla  les  vendeurs  non  avec  un  bâton  mais  facré  «vec 
avec  un  fouet  de  cordeletes  qu'il  fit.    Seulement  celui  qui  faifoit  la  ron-  f"m^ïnco'îî 
de  pour  voir  û  on  faifoit  bien  la  garde  avoit  un  bâton  ,  &  en  frapoit  verte ,  fo^ii- 
ceux  qui  dormoient.   z.  On  n'ofoit  non  plus  entrer  dans  le  Temple  avec  fcîîice!^ 
des  fouliers,  en  obfei'vation  du  commandement  donné  à  Moyfe  Exod  3. 
on  pouvoit  pourtant  porter  des  fandales  dans  le  premier  Parvis  ,    mais 
non  des  fouliers  ;  les  Sacrificateurs  dévoient  être  abfolument  nuds  pieds.  Pythagoras 
5.11  n'étoit  pas  permis  d'y  entrer  avec  fa  bourfe  &  de  l'argent  dedans,  on  bîicumT' 
Icportoit  en  fa  main  pour  les  offrandes  6c  pour  le  troni:.   4.  11  faloit  avoir  àmzo's^r 
les  pieds  fort  nets  6c  point  de  poudre,  f.  Il  n'étoit  pas  permis  de  cracher  en  roc,  èvei 
aucun  lieu  du  Tempie,  il  faloit  avoir  un  mouchoir  paur  recevoir  les  cra-  ^^-^  '^P'^"^" 
chats.  6.  On  n'eût  pasofé  faire  aucun  gefle  ouaétion  d'irrévérence.  7.  On  ^Itth  5 
n'ofoit  palfer  à  travers  le  Temple  pour  abbreger  fon  chemin.     8.  Il  faloit  Maimoni- 
prier  debout  les  Pharifiens  fiant  orantes  in  Synagogis.     Cependant  ils  fai-  HamSe- 
foient  dans  leurs  oraifons  de  tems  en  tcms  de  grandes  inclinations,  quel-  dash.  c.j. 
quefois  jufques  en  terre,     p.  Il  n'étoit  permis  à  perfonne  des'afTeoir  dans  m/nXr^SiE 
le  Temple  fînon  au  Souverain  Sacrificateur  6c  au  Roy  forti  du  fang  de  n\G.  fiantîs 
David.  10.  En  priant  il  faloit  qu'ils  euflent  par  humilité  un  voile  fur  leur  ^nhà^dtnt 
tête,  fur  tout  les  prêtres  dans  le  fervice  avoient  toujours  leur  voile  fur  la  oeuteron. 
tête.    II.  Ils  fe  profternoient  de  5.  manières,  en  ployant  le  genouïl,  en  ianud^mi- 
baiffant  la  tête,  6c  en  fe  jettant  le  corps  tout  plat  fur  la  terre ,  ce  dernier  niftrandum, 
étoit  moins  en  ufage  :  Ils  courboient  feulement  la  tête  ôc  le  corps  fort  bas ,  ?g"'tuTfc. 
comme  nous  faifons  dans  nos  révérences.    11.  Pendant  qu'ils  étoient  à  la  dcnsmi- 
vûë  de  l'Autel  dans  le  Parvis  des  femmes,  ils  n'ofoient  lui  tourner  le  dos,  fatJsîT" 
ils  alloient  en  reculant.  Et  dans  le  Parvis  des  nations  étant  entrez  par  une  ""^"'{Jf/j"™ 
porte  ils  étoient  obligez  de  fortir  par  une  autre.    '  da"Li°c& 


Tart.  IL  Kk  H  I  S' 


HISTOIRE 


D    U      C    U    L    T    E 

L  E  V  I  T  I  Q  UE. 

TROISIEME     PARTIE. 

DesMiniftres  du  Temple,  &:de  leurs  Vétemens. 


CHAPITRE     L 

Du  Grand  Ponîife  ou  Souverain  Sacrificateur.  Ordre  des 
Souverains  Sacrificateurs  fous  le  fremier  Qf  le     ^ 
fécond  Temple. 

L  y  avoit  pojUr  le  fervice  du  Temple  une  grande 
multitude  de  Miniftres ,  Sacrificateurs ,  Lévites  5 
Chantres ,  ôce.  defquels  il  nous  faut  prefentement 
parler.  Il  eft  raifonnable  de  commencer  par  le  chef 
de  ce  grand  corps  Ecclefiaftique ,  favoirle  Souverain 
Sacrificateur.  Il  fera  parlé  de  Ces  fonélions  6c  de 
fon  Miniflere  quand  nous  parlerons  du  fervice  du 
Temple  5  ici  nous  avons  à  parler  de  fa  race ,  de  fâ 
charge ,  des  qualités  qui  étoient  requifes  en  lui ,  de 
fon  autorité,  de  fes  ornemens,  ôc  de  Ces  prérogatives, 
lesoure-  Il  faloit  qu'il  fût  de  la  famille  d'Aaron  de  la  tribu  de  Levi.  Cette  char- 
^c^i^Jj"t'  K^  etoit  attachée  aux  familles  par  droit  de  fuccefîion  6c  non  par  eledion» 
voit  être  de  II  appartcrioit  à  l'aîné  de  la  maifon  de  fuccederau  père  :  chacun  faitqu'a- 
ijSoa.  ^^^^  ^^  L^y  9  ^  avant  que  la  Sacrificature  eût  été  attachée  à  une  feule 
famille  j  les.  aiiiez  des  maifc^na  ayoieat  le  droit  de  la  Sacrifîcature.  Non  a 

Ja 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE,  Tart.Jl.  259 

,Ja  vérité  par  exclufion  des  autres  chefs  de  famille  de  la  même  maifon;  Mais 
au  moins  avec  diftindion ,  ce  que  nous  avons  expliqué  dans  nôtre  premiè- 
re partie  j  c'étoit  l'opinion  des  Juifs.  Ce  qu'on  peut  voir  dansée  Thargum 
fur  la  Genefe,  oii  le  Paraphralle  fait  ainfî  parler  Jacob  chap.4p.  v.  3.  à 
Ruben.  Tu  es  mon  pnmier  ne\  &  a  toy  appartiennent  trois  parts^  le  droit  d'aînejfe^ 
la  Sacrifcature  &  le  %ojaume.  On  trouve  auffi  la  même  chofe  dans  le  Traité 
du  Talmud  ,  intitulé  a-'naî  cap.  14.  Dans  le  24.  chap.  de  l'Exode  v.  f . 
on  voit  que  Moyfe,  après  avoir  bâti  un  Autel  au  pied  de  la  montagne ,  en- 
voya douze  jeunes  gens  pour  facrifier  :  Onkelos  le  Paraphrafte  tourna, 
*/  envoya  les  premiers  ncK..  Quand  St.  Paul  appelle  l'Eglife  l'aflemblée  des  Heb.  i!. 
premiers  nez ,  &  quand  Saint  Pierre  &  St.  Jean  appellent  les  élus  6c  les  Apocaiypfe 
Saints,  des  Sacrificateurs  ,  c'eft  dans  le  même  fens,  parce  que  lesaînez 
ou  premiers  nez  étoient  confacrez  à  Dieu ,  ôc  naturellement  revêtus  de 
l'honneur  du  Sacerdoce. 

Aaron  avoit  quatre  enfans.  Nadab,  Abihu,Eleazar,  Ithamar>  les  deux 
premiers  périrent  de  la  manière  qu'il  ell  rapporté ,  Levit.  10.  2,.  à  caufe 
qu'ils  avoient  mis  du  feu  étrange  dans  l'encenfoir  5  c'efl-à-dire  ,   d'autre 
feu  que  le  feu  facré,  qui  étoit  fur  l'Autel,  Eleazar  comme  l'aîné  des  deux  Nombre 
reftans  fut  facré  Souverain  Sacrificateur.  ^^^^-  ^®' 

Cette  branche  d'Eleazar  obtint  la  Sacrificature  jufques  à  Heli  Souve- 
rain Sacrificateur  du  tems  de  Samuel ,  qui  fut  choifi  de  la  race  d'Ithamar. 
Mais  on  ne  fait  pourquoy  ce  changement  fe  fit,  ni  comment ,  car  la  ra- 
ce d'Eleazar  ne  manqua  pas:  Au  contraire  elle  devint  bien  plusnombreu- 
fe  que  celle  d'Ithamar  On  ne  fait  pas  même  combien  il  y  eut  de  Sacri- 
ficateurs de  la  race  d'Eleazar  jufques  à  Heli  :  car  les  JuiFs  font  là-defilis 
fi  differens  des  Grecs  3  &  dilènt  des  chofes  fi  peu  raifonnables ,  qu'on  ne  , 

fait  qu'en  croire,  &  à  quoy  s'en  tenir.     Phinées  fucceda  à  fon  père  Elea- 
zar fur  la  fin  du  règne  de  Jofué,  à  Phinées  fucceda  Abiezer,  félon  l'Hé- 
breu Abishua  ,   à  Abishua  fucceda  Bôxeiug  félon  Jofephe^  félon  l'Hébreu  ^"J^'liL- 
Bukei  5   à  Bukei,  Vz.i^  appelle  par  Jofephe  Oz.i.     Ce  font  cinq  depuis  zar  font 
Aaron,  félon  Jofephe.  A  quoy  s'accordent  quelques  Hébreux.   Mais  les  ""qu^^ 
Chroniques  des  Juifs,  ni  le  Livre  des  Juges  ne  font  mention  d'aucun  Sa-  6.  j.6. 
crificateur ,  depuis  Eleazar  jufques  à  Heli ,  que  de  Phinées ,  êc  ils  font  Heli  Amiquit. 
le  quatrième  Pontife,  Aaron ,  Eleaz^ar ^  Chinées ^  Heli.     Ce  qui   a  caufé ^'^•^•"ï'- 
cette  erreur,  c'eft  que  durant  la  guerre  civile  des  Tribus  contre  Ben- conftificm 
jamin ,  qui  nous  eft  racontée  au  lo.  des  Juges ,  &  qui  fe  trouve  tout  à  la  fin  ceffiondes"^' 
de  ce  Livre,  il  eftdit,  qu'en  ces  jours- Ik-^hin^es  fils  d'^Eleaz.ar  etoit  Sacrifi-  premiers 
^atenr  devant  ï' Eternel'.  Et  on  fuppofe  que  cette  guerre  des  Behjamites  ell:  ^°Jj,'^^'J,y 
arrivée  300.  ans  après  la  mort  d'Eleazar  ,  tellement  que  Phinées,  feion  Juges  zo, 
cette  fupputation,  avoit  été  déjà  Sacrificateur  trois  cens  ans,  quand  les  ha- ^^,13^1^;  ju, 
bitans  de  Guibha  violèrent  la  concubine  d'un  Lévite:  ce  qui  fut  l'occafion  daïque^  cou- 
de cette  fanglante  guerre  civile,  011  pierirent  tant  d'Ifraëlites ,  &  qui  fit  ^^^^lll^^t 
périr  toute  la  Tribu  de  Benjamin ,  excepté  600.  hommes.  Mais  la  fable  paf-  Phinées  ss- 
fe  bien  plus  avant:  car  elle  dit,que  Phinées  fut  depofé,  &  que  Heli  de  la  bran-  "'  '"*"^' 
che  d'Ithamar  fut  mis  en  fa  place,  &  que  Phinées  vécut  encore  après  cela  juf- 
ques au  bâtiment  du  Temple  de  Salomon ,  dans  lequel  il  fut  fait  chef  des  por- 
tiers: parce  qu'au  2.  Livre  des  Chroniques  chap.  9.^.%o.  on  lit  que  Phi- 
nées fils  d'Eleazar  fut  établi  chef  des  portiers.     Mais  il  faut  favoir,  qu'il  eîl 

Kk  X  parlé 


Notable 
nfteron 
proteron 
dnns  le  Li- 
vre des  Ju- 
ges. 

Tradiciones 
in  Libios 


Seuvetains 
îoatifes 
foujjefe- 
aondTeiQ- 


léo         HISTOIRE  DES   DOGMES 

parlé  dans  les  Chroniques  de  celuy  qui  étoit  chef  des  portiers  dans  le  dcferr, 
ôc  non  ife  celuy  qui  étoit  dans  cette  charge  du  tems  de  David  6c  de  Salomon. 
Pour  comble  de  rêverie,  les  Juifs  difent ,  que  ce  Phinées  3  petit-fils 
d'Aaron^  eftEliemême  le  Prophète,  qui  a  été  enlevé,  &  qui  doit  reve- 
nir.    Les  Juifs  debitoient  déjà  cette  vifion  du  tems  de  St.  Jérôme,  qui 
dit  ,    que  cet  homme  de  Dieu,  qui  vint  à  Hehde  la  part  de  Dieii,  étok 
Phinées,  fblon  le  fentiment  des  Juifs,  lequel,  difent-ils,  ils  eftiment  être 
Elle.     Lacaufe  de  l'erreur,  eft  que  l'Hiltoire  de  la  guerre  civile  e-ntre  la. 
Tribu  de  JudaSc  les  autres  Tribus,  eft  mal  placée.   Si  l'affaire  des  Ben- 
jamitcs  fût  arrivée  à  la  fin  du  tems  des  Juges ,  comme  elle  eft  recitée  à 
la  fin  du  Livre  des  Juges  ,  du  tems  de  Saùl  premier  Roy  qui  fuivit  les  Ju- 
ges, la  Tribu  de  Benjamin  n'eût  pas  été  multipHée  comme  elle  étoit,  6c  il 
n'y  a  pas  d'apparence  que  Dieu  eût  voulu  prendre  un  Roy  de  la  Tribu^de 
Benjamin,  qui  n'avoit  prefque  plus  forme  de  Tribu.     La  feule  difficulté 
qui  paroît  réelle, c'eft  cequife  lit  au  Livre  desjugeschap.  i,o. dans  l'Hif- 
î-oire  de  la  guerre  civile.  Mais  il  faut  répondre ,  qu'évidemment  il  y  a  ici 
ce  que  les  Grammairiens  appellent  ujieron  proteron ,  que  cette  affaire  àts 
Benjamites  n'eft  point  mife  dans  fon  lieu ,  parce  qu'elle  arriva,  fans  doute, 
peu  de  tems  après  la  mort  de  Jofué,     Il  eft  certain  que  l'ordre  àt^  tems 
n'eft  pas  bien  obfervé  dans  le  Livre  des  Juges.  Ce  font  des  mémoires  dC' 
tachez  5  plutôt  qu'une  Hiftoire  fuivie. 

Le  Souverain  Sacerdoce  ne  demeura  pas  long-tems   dans  la  famille- 
d'Irhamar,^  il  y  entra  dans  la  perfonned'HeH,  ôcen  fortit  du  tems  de  Sa- 
lomon.    Abiathai-  de  la  race  d'Heli  ayant  été  participant  de  la  conjura- 
tion d'Adonia  contre  Salomon  ,  ce  Prince  donna  la  dignité  de  Souverain 
Sacrificateur  à  Tfadock,  de  la  famille d'Eleazar  ;  or  cette   dignité  de- 
meura  dans  ia  branche  d'Eleazar  ,   tant  que  le  premier  Temple   fut 
debout  5  jufques  à  la  captivité  :  Et  il  y  eut  dix-huit  Sacrificateurs  ,  qui 
fe  fuccederent  les  uns  aux  autres  :  Mais  il  y  a  là-delfus  de  grandes  diverfitez. 
Les  uns  ne  content  que  huit  Pontifes ,,  les  autres  douze.    Une  Chronologie 
Juifve  ,  appellée  Seder  olam  l^imt,  en  conte  dix-huit.  Jofephe  en  met  au- 
tant ,  &  ce  dernier  fentiment  eft  le  plus  vrai-femblable.  Efdras  dans  le 
chap.  7.  de  fon  Livre,  faifant  fa  propre  généalogie,  fe  fait  décendre  d'Aa- 
ron  par  Eleazar,  Se  par  Tfadock  premier  Sacrificateur  du  Temple  de  Sa- 
lomon, jufques  à  Seraja,  qui  fut  Souverain  Sacrificateur  du  tems  de  Je» 
hojakim.  Efras ,  bien  que  fils  du  Souverain  Sacrificateur  Seraja,  neluy  fucce- 
da  pas  5  n'étant  pas  l'aîné,  ce  fut  Jofedee  qui  fucceda  à  fon  père  Seraja ,  com- 
me fon  fils  aîné ,  du  tems  deSedecias.    Joshua  fils  de  Jofedee  luy  fucceda; 
après  la  captivité ,  pendant  qu'Efdras  fut  le  chef  de  la  grande  Synagogue. 
Dans  cette  généalogie  d'Efdras  on  ne  trouve  depuis  Tfadock,qui  vivoit  fous. 
Salomon,  jufques  à  Seraja,  que  quatre  perfonnes,  parce  que  les  autres  font 
ômrfes,  ce  qui  étoit  tout  ordinaire-dans  les  Généalogies  des  Juifs. 

Après  la  captivité  de  Babylone ,  le  Sacerdoce  continua  encore  dans  la  mê- 
me famille  d'Eleazar,,  refpaced'envi\;on4oo.  ans,,  depuis  le  premier  an  de 
Cyrus,  à  conter  depuis  laprife  de  Babylone  :  jufqu'au  tems  d'Antiochus  Epi- 
phanes:  Jofedee  neveu  d'Efdras,fils  de  fon  frère  aîné,aufli  nommé  Jehofedec,. 
.occupa  ia  Souveraine Sacrificature  avec fesdécendans,ufqu'au tems d'An- 
îioclius  Epiphanes,  Alors  ladigiiité  Sacerdotale  fortit  de  k  branche  de  Tfa- 
dock 


Vôycï  Sel- 
denus  de 
&cceffione 
in  Pontifi- 
cat u  :  ëc 
Ligtfoot 
dans  la  de- 

fciiption  dû  lomôn , 

lempk  ^ 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Part.U.  2&1 

dock.  Le  malheureux  Menelaiis  entrant  en  querelle  avec  Ton  frère  Jefus  ou 
Jfalbn,  ayant  appelle  Antiochus  Epiphanes  à  Ton  fecours,excita  cette  horrible 
perfecution  qui  caufa  la  deftruélion  &  du  peuple  &  de  la  Religion,  ce  Mene- 
laiis fe  fit  lui-même  Apoftat  du  Judaïfme.  Matathias  s'éleva  avec  Tes  cinq 
fils  6c  tint  bon  pour  le  maintien  de  laLoy,  &  ayant  relevé  Tétat  des  Juifs, 
la  Souveraine  Sacrificature  pafla  dans  fa  maifon,  quoi  qu'il  ne  fût  pas  de  la 
famille  Pontificale.  Ilétoit  feulement  de  la  race  Sacerdotale  décendu  d'Aa- 
ron. 

Matathias'  fortoit  de  la  famille  de  Joarib ,  qui  étoit  la  première  des  14.  J^«  1"^^'* 
claiTes  des  fimples  Sacrificateurs  établies  par  David.     Mais  on  ne  fait  pas  tuent  les 
bien  certainement  de  quelle  branche  décendoit  la  clafie  de  Joarib  ,   d'E-  Maccabees. 
ieazar  ou  d'Ithamar,  cependant  on  croit  qu'il  y  a  plus  d'apparence  qu'elle 
étoit  de  la  race  d'Eleazar  l'aîné  d'Ithamar,  car  au  i,   des  Maccab.  chap. 
2.  ^4.    Matathias  dit  à  fes  fils  ,    Phinées  nôtre  père  pour  avoir  été  z.€Utem  de 
Dieu  obtint  alliance  de  SacrtficMme  éternelle.  Or  ce  Phinées  qui  tua  l'ifraë- 
lite  avec  la  Moabite  étoit  fils  d'Eleazar,  6c  petit- fils  d'Aaron.     Si  vous 
confultez  le  premier  livre  des  Çhron.  chap.  24.  il  y  aura  pe^  de  lieu  de 
douter  que  Joarib  ne  fût  de  la  race  d'Eleazar  ^  car  ce  ne  fut  point  le  fort 
feul  qui  lui  donna  cette  place  de  primauté.  On  ne  jettoit  le  fort  que  pour 
une  branche  à  la  fois,  non  fur  toutes  les  deux,  favoir  fur  celle  d'Eleazar  5 
&  celle  d'Ithamar  alternativement. 

Cette  famille  appellée  des  Hafmonéens  du  mot  o^^aa^n ,  ou  des  Macca- 
bées  5  joignit  la  dignité  Royale  avec  la  Sacerdotale  ,  6c  donna  des 
Princes  à  ce  peuple  prés  de  deux  cens  ans  devant  la-  venue  de  n&tre 
Seigneur  Jefus  -  Chrift.  Delà  eft  venue  l'erreur  de  Trogus  Pompeius, 
6c  de  Juftin  fon  abbreviateur  6c  de  Diodore  dans  Photius.  Ils  di-  juftînîîvis 
fent  qu'Aaron  fucceda  à  Moyfe  dans  la  dignité  de  Prince  6c  de  Sacrifi-  pJotjjg;, 
cateur,  6c  que  les  Juifs  n'avoient  point  de  Roy  qui  ne  fût  Sacrificateur.  bUothecL 
Lorfque  les  Romains  commencèrent  à  prendre  connoifiance  des  aâTaires 
des  Juifs,  ils  trouvèrent  la  chofe  ainfi,  6c  fe  perfuaderent  qu'il  en  at^oit 
toujours  été  de  même  ;  favoir  que  tous  les  Rois  des  Juifs-  avoient  été  Sa- 
crificateurs. Ariilobule  filsd'Hircan,  le  cinquième  de  la  race  des  Macca- 
bées,  fut  le  premier  qui  prit  le  nom  de  Roy  :  le  jeune  Ariftobule  frère  de 
Manarane  fut  l'onzième  6c  dernier  de  fa  race.  Il  fut  noyé  par  ordre  d'He- 
rodej  lequel  tranfporta  le  Sacerdoce  dans  une  autre  ffmille  ,  6c  depuis  ce 
tems-là  jufques  à  la  deftruélion  du  fécond  Temple  ,  c'ell-  à-dire  durant 
f  efpace  de  cent  ans  ou.  un  peu  plus ,  il  n'y  eut  plus  d'ordre  de  fucceiîion  ; 
Mais  le  Pontificat  fe  donnoit  lèlon  la  fantaifie  d'Herode,  6c  en  fuite  cel- 
le des  Romains,  au  plus  offrant  ou  au  plus  fourbe  qui  favoit  mieux  captiver 
la  bonne  grâce  des  tyrans.  lis  fe  chaflx)ient  du  Pontificat  les  uns  les  au-  < 
très  6c  n'y  demeuroient  gueres ,  de  forte  que  depuis  Ariilobule ,  le  dernier 
éts  Hafmonéens,  jufques  à  la  deftruélion  du  Temple,  il  yen  eut  30.  ou 
40.  Il  y-en  eut  vingt-cinq  jufques  au  commencement  de  la  guerre  avec  les 
Romains,  6c  depuis  ce  tems-là,  ilsfe  chaflbient  du  Pontificat  d'un  jour  à 
l'autre ,,  felonque  les  fadions  étoient  les  plus  fortes. 


Kk  5:  C  H  à^ 


262 


HISTOIRE  DES  DOGMES 


Le  Souve- 
îainSacrifi- 
catcut  de- 
voitêtredc 
la  famille 
d'Aaron. 

1Î 

Chap.  18.  4. 


ilnedevoit 
y  avoir  au- 
cune tache 
dans  la  naif- 
fance. 


Levkique 

21.  7. 


tevitique 
21. 13.  une 
vierge  d'eu 
tre  fes  peu- 
ples. 


Lib.  z.  de 

Monaichia, 


La  Po- 
lygamie 
n'étoit  pas 
permife  su 
Souverain 
Saciifîca- 
teni. 


CHAPITRE     II. 

1)cs  qu^htez  é^  conditions  qtù  etoient  necejjaires  pour  entrer  dans  la 
Souveraine  Sacrificature. 

LA  première  qualité  c'étoit  la  nailTance  ;  il  faloit  être  de  la  race  d'Aa- 
ron par  les  mâles  de  mâle  en  mâle  ,  car  la  déceiidance  par  les  fem- 
mes n'y  faifoit  rien.  Par  l'étranger  dont  il  efl  parlé  dans  le  Livre  des 
Nombres  il  faut  entendre  tous  les  Juifs  qui  n'étoient  pas  de  la  famille  d'Aa- 
ron, comme  l'explique  Maimonides.  Tous  les  mâles  de  la  race  d'Aaron, 
quelque  bas  Sacrificateurs  qu'ils  fuflent  ,  étoient  capables  de  recevoir  la 
Souveraine  Sacrificature,  en  cas  de  necelîité.  C'eil:-à-dire  files  branches 
Pontificales  fuflent  venues  à  manquer  ,  car  on  prenoit  toujours  félon  la 
Loy  le  fils,  le  frère,  le  neveu,  le  plus  proche  parent  du  défunt.  Et  on 
avoit  égard  au  droit  d'aîneflè,  à  moins  qu'il  n'y  eue  quelque  tâche  ou  em- 
pêchement qui  fît  préjudice  au  droit  de  l'aîné. 

La  féconde  condition  étoit  qu'il  ne  devoit  y  avoir  aucune  tache  dans 
la  naifiance  de  celui  qui  étoit  élevé  à  la  Sacrificature.  i .  Un  homme  né 
des  mariages  inceflueux ,  défendus  à  toute  la  nation  en  gênerai  félon  les  loix 
établies  au  18.  du  Levitique,  n'y  pouvoit  être  reçu.  2.  Les  enfans  nez 
de  fornication  6c  de  couche  illégitime,  quoique  non  inceiiueufe.  5.  Des 
enfans  qui  feroient  nez  de  ces  mariages  défendus  au  Souverain  Sacrifica- 
teur. Caries  Sacrificateurs  en  gênerai  avoient  des  loix  matrimoniales  plus 
étroites  &  plus  feveres  que  le  peuple  :  Il  étoit  défendu  à  tous  les  Sacrifi- 
cateurs de  prendre  à  femme  ni  proflituée ,  ni  pollue,  ni  femme  répudiée^ 
Pollue^  c'eft-à-dire  félon  quelques  Auteurs,  qui  auroit  été  violée  fansfon 
confentement.  Les  autres  entendent  par  une /'<?//^à',  celle  qui  feroitnée,ou 
d'une  étrangère  ou  d'une  bâtarde  ,  ou  de  quelque  mariage  défendu  par 
la  Loy,  6c  dont  la  naifi^ance  auroit  une  tache,  6c  cela  eft  plus  vray-fem- 
blable.  Les  enfans  venus  de  tels  mariages  eux  6c  toute  leur  poilerité 
étoient  bannis  de  la  Sacrificature.  Il  n'étoit  pas  défendu  au  relie  du  peu- 
ple d'époufer  de  ces  fortes  de  femmes.  Mais,  outre  cela  il  étoit  défendu 
.au  Souverain  Sacrificateur  d'époufer  une  veuve,  il  faloit  qu'elle  fût  vier- 
ge 5  6c  de  la  race  d'Ifraël  ;  G'ell  -  à-  dire  que  ce  ne  pouvoit  être  ni  une 
captive,  ni' une  profelyte.  Il  y  en  a  même  qui  eftiment  qu'elle  devoit  être 
de  la  race  facerdotale  j  car  la  Vulgate  tourne  ces  paroles  du  v.  if.  h*S 
vopn  v;;iî  SVrr» ,  ne  commifceat  fiirpemgeneris  fm.  C'eil-à-dire  qu'il  ne  doit  pas 
mêler  le  fang  de  fa  famille  avec  le  vulgaire  de  fa  nation.  Philon  Juif  eft  de 
cette  opinion.  Mais  ni  les  Juifs  ni  Joiephe  ne  parlent  pas  de  cela,  6c  par 
ces  paroles,  nonpollptatfemen  funrnin  popuUs  fm^  :  ils  entendent  qu'il  ne  doit 
pas  fe  polluer  en  prenant  une  femme  qui  ne  foit  pas  Ifraëlite. 

Beaucoup  d'interprètes  croyent  auffi  que  ia  polygamie  ,  permife  mê- 
me aux  autres  Sacrificateurs,  lui  étoit  défendue,  à  caufe  qu'il  n'eil  par- 
le que  d'une  femme  dans  le  chap.  21.    du  Levitique^  Seldenus  femble 

incli- 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Pm.lL  265 

incliner  à  croire  le  contraire  à  caufe  du  texte  du  2.Chron.  14.  3.  où,  dit- il, 
il  eft  parlé  des  deux  femmes  de  Jehojadah  Souverain  Sacrificateur  j  C'eft 
une  bevûë  de  Seldenus  ,  il  efl  dit  qu'il  prit  deux  femmes  pour  le 
Roy  Joas ,  mais  non  qu'il  les  ait  prifes  pour  foi  :  il  n'y  a  pas  apparence 
qu'un  homme  quiavoit  plus  de  cent  ans  prit  deux  femmes.  Tous  lesenfans 
nez  de  tels  mariages,,  défendus  ou  aux  Sacrificateurs  en  gênerai  ou  au  Sou- 
verain Sacrificateur,  étoient  incapables  de  foûtenir  cette  dignité  :  Mais  il 
faut  remarquer  que  le  mariage  poilu  à  un  Souverain  Sacrificateur  ,  n'é- 
toit  pas  poilu  pour  un  fimple  Sacrificateur.  Et  ainfi  ce  qui  étoit  pollu- 
tion à  la  naifilmce  du  fils  du  Souverain  Sacrificateur  j  n'en  étoit  pas  une 
au  fils  d'un  fimple  Sacrificateur  ;  C'eft  pourquoi  le  fils  d'une  veuve  ou 
d'une  profelyte  ,  né  du  Souverain  Sacrificateur  ,  eût  été  incapable  du 
Souverain  Sacerdoce,  &  même  de  l'honneur  de  la  Sacrificature  en  gêne- 
rai. Mais  le  fils  d'une  veuve  ou  d'une  profelyte  par  un  fimple  Sacrifica- 
teur eût  été  capable  de  la  Souveraine  Sacrificature  ^  car  fa  naifl^ance  n'é- 
toit  pas  pollue. 

La  troifiéme  condition  étoit  l'âge,  les  fils  des  Rois  n'eulîent-ils  queTroifîeme 
deux  jours,  l'uccedent  à  leurs  pères,  Se  font  Rois.   Il  n'en  étoit  pas  ainfi  pâgl^^iquis, 
des  Souverains  Sacrificateurs  -,  l'âge  ordinaire  pour  les  rendre  capables  de 
fucceder  c'étoit  20.  ans  ,  avant  lequel  âge  les  fîmples  Sacrificateurs  mê- 
mes n'étoient  pas  appeliez  au  fervice.  Cependant ,  les  Auteurs  Juifs  difent 
qu'à  treize  ans  ils  pouvoient  être  admis  au  Sacerdoce ,  pourvu  qu'ils  euf- 
fent  quelque  marque  de  puberté ,  favoir  au  moins ,  duos  pilos  in  pube.  Car 
les  fonélions  du  Sacerdoce,  qui  eufl'ent  été  faites  par  un  enfant  au  deflbus 
de  13.  ans,  étoient  pollues ,  &  celles  qui  fe  faifoient  par  un  jeune  homme 
au  delîus  de  1 3 .  ans  étoient  réputées  légitimes  félon  les  Juifs.  L'âge  de  puber- 
té civile  Se  ordinaire  pour  les  fimples  Sacrificateurs  &  pour  le  Souverain 
Sacrificateur  comme  pour  les  autres  étoit  l'âge  de  20.  ans.  A  l'âge  de  20. 
ans  le  Sacrificateur  étoit  eflimé  habile  à  exercer  les  offices  du  Sacerdoce , 
quoi  qu'ordinairement  ils  n'entraflént  en  charge  qu'à  30.  ans  j  A  1 3 .  ans  un 
fils  pouvoit  donc  fucceder  à  fon  père  dans  la  charge  de  Souverain  Sacrifica- 
teur. Mais  on  demande  fi  un  enfant  au  defibus  de  1 3.  ans  recevoir  com- 
me par  furvivance  la  charge  de  Souverain  Sacrificateur,  encore  qu'il  ne  lui 
fût  pas  permis  de  l'exercer  ;   tellement  qu'il  demeurât  en  tutele  jufques 
à  l'âge  de  majorité  :  après  quoi  on  lui  rendoit  la  charge  ;  &  en  attendant 
on  demande  s'ils  avoit  un  Vicaire.     Jofeph  Scaliger  détermine  hardi-  in  Eiencha 
meiu  qu'oui.   Mais  Seldenus  prouve  très  bien  le  contraire  ,  le  fils  au  «"'Jonis 
delfous  de  1^.  ans  demeuroit  dechû  de  la  Sacrificature  ,    le  plus  proche  gj-cJ'o! 
parent  y  entroit  &  pofledoit  le  Pontificat  jufques  à  fa  mort  ,   la  naiflànce  ^^jj'- 
feule  ne  faifoit  donc  pas  le  Souverain  Sacrificateur,  il  faloit  qu'il  fût  in-  cap. 4.  de 
auguré ,  or  l'inauguration  ne  fe  donnoit  jamais  au  defibus  de  1 3 .  ans.       ^%^^\°fi! 

La  quatrième  condition  eft  la  parfaite  intégrité  de  corps  dans  toutes  lès  catum. 
ehofes  vifibies,  non  dans  les  parties  internes  ou  non  vifibles  :  cette  Loy  eft  Qy«néme 

,,,',  A      r         ■   ■  A  •  •"  -rv     condition, 

couchée  dans  le  chap.  21.    du  Levitique  ;  A  quoi  on  ajoute  ce  qui  le  lit  l'intégrité 
au  22.  du  Levitique  v.22.  &  fuivans,  touchant  les  défauts  qui  rendent  la  paJ't^ies^Jifi, 
viétime  impure  :  car  tous  ces  défauts,  à  plus  forte  raifon  ,   rendent  le  Sa-  bks  d* 
crificateur  irregulier.  Mais  les  Juifs  difent  que  ce  qui  fe  lit  dans  ces  en-^"^^*"^ 
droits ,  n'eft  énoncé  que  pour  fervir  dexemple  ôc  d'échantillon  3   &  ils 

îïiulti- 


264,  HISTOIREDES   DOGMES 

Mainionid.   mulLiplicnt  CCS  défauts  corporels  qui  induifoient  irrep;ularité,  comme  on 

BiâthHam-  iirr^j-        •  'jcj  r  ^ 

mfkedash     parle,  c  elt-a-dire  mcapacicc ûu  bacerdocc,  julqucs  a  141.   en  y  contant 
"P-*-         i'epilepfîe,  la  furdité,  la  folie,  &  refprit  immonde.  Ils  n'y  mettent  aucun 
défaut  de  la  langue,  ce  qui  eft  étonnant,  car  ils  y  mettent  la  furdité:  leur 
laifon  efl  que  la  langue  ell  contée  entre  les  membres  internes ,  &  l'oreil- 
le elT:  externe.     Si  les  fimples  Sacrificateurs  vitiez  dans  leurs  membres  ne 
pouvoient  officier,  à  plus  forte  raifon  ne  pouvoit  on  choifir  un  homme 
yofeph        vitié  pour  Souverain  Sacrificateur.  11  yen  a  un  notable  exemple  dans  Jo- 
f""cV'25  l'cphe,Antigonus  fit  couper  l'oreille  à  Hircan  qu'il  avoit  chafle  du  Pontifi- 
ôc  21.         cat ,  afin  qu'on  ne  pût  lui  rendre  la  Souveraine  Sacrificature. 
Péchez  qui       Enfin  il  y  avoit  certains  péchez  qui  excluoient  de  la  Souveraine  Sa- 
exciuoient    crificaturc,  les  uns  iufques  à  ce  qu'on  eût  fait  pénitence  devant  le  Sanhe- 
rain  Sacer-   dou  j  les  autrcs  pour  jamais.    Du  premier  ordre  etoit  d  avon*  epoufe  des 
*^<'"'         femmes  étrangères ,  comme  cela  fe  voit  dans  l'Hiiloire  de  Sanballat  &  de 
ErdrasSc     Manaflc.  Mais  cette  irrégularité  pouvoit  ceffer  en  chaflant  la  femme  étran- 
â^ï^^v'^s  §^^*^'     -f^  y  ^voit  deux  crimes  qui  excluoient  pour  jamais  de  la  charge  , 
Tidolatrie  ôcle  fchifme  :  avoir  facrifié  ou    encenfe  aux  idoles,  ou  avoir 
adhéré  au  culte  d'un  Temple  fchifmatique  5  comme  étoit  celui  d'Onias  en 
Egypte,  ne  fe  pardonnoit  point}  tout  Sacrificateur  qui  avoit  fait  le  fervicc 
dans  ce  Temple  d'Onias  ou  dans  celui  de  Guerizim  ne  pouvoit  être  reçu  à 
faire  le  fervice  dans  celui  de  Jerufalem.   L'efFufion  du  fang  n'efl  pas  re- 
marquée par  les  Juifs  comme  une  pollution  permanente  :  Mais  feulement  fé- 
lon eux  le  Sacrificateur  qui  avoit  épandu  le  fang,  même  par  mégarde,ne  pou- 
voit plus  étendre  les  mainspour  bénir  le  peuple,  à  caufe  de  ces  paroles  d'Efaie 
I .  i^iiand  vous  étendrez,  ves  mains ,  je  ne  vous  répondrai  pas ,  car  vos  mains  font 
Maimonides  p/^/^^^  ^(f  fanq;.     Sur  CCS  défauts  qui  éloimioient  delà  Sacrificature  tous  les 

Biath  Hana-  ,-,        -  ^  i  K  x  •  i 

mikedash     bacrihcateurs  en  gênerai,  voyez  Maymomdes, 

cap.  9. 6.  &  Les  Sacrificateurs  en  fervice  étoient  comme  Nazariens.  Ils  ne  beuvoient 
ni  vin  ni  cervoife.  Les  Juifs  corrompoient  cette  Loy,  comme  on  le  peut 
voir  dans  le  Commentaire  d'Ainfwôrth  fur  unpaflagedu  lo.du  Levitique. 

Levitiq.  10.  Q^  ^^.  s'accordoit  avec  la  Religion  d'Egypte ,   félon  Porphyre  lib.  z.  de 
ahftinentia-^  où  on  lit  ces  paroles,  des  Sacrificateurs  Egyptiens^  lesunssabfte"^ 
noient  entièrement  de  vin ,  ^  les  amres  en  goiitoient  peu ,  rendant  pour  raifon , 
que  cela  blejfoit  les  nerfs  ,  chargemt  la  tête  ,  empêchait  l^invention  ,  &  excitûif 
les  cupidité;:;,  vénériennes. 


CHAPITRE     III. 

De  l'autorité ,  des  frmleges  ,  &  de  la   dignité  du  Souverain 

Pontife. 

LA  première  dignité  du  Souverain  Sacriiicareiir,  c'efl  qu'il  étoit  le  Chef 
de  tous  les  Sacrificateursjquifervoienr  dans  le  Temple,  comme  aufii  de 
tous  lesLevites  Nethiniens,&:  autres  bas  Officiers  du  Temple,  ôc  com- 
me le  nombre  en  étoit  trés-'graod,  il  voyoit  une  grande  multitude  de  gens  au 

delious 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  F^^r^.II.    26^ 

(deflbus  de  foy.  Il  étoit  unique,  &  n'avoit  pas  d'égal  ni  d'afTocié,  qui  partageât  QneftioH  G 
les  honneurs.  Quoi  que  cette  vérité  foit  certaine  ,  néanmoins  il  femble  5^^°"'"^'" 
par  quelques  paflàges  de  l'Ecriture,  qu'il  en  foit  autrement.  étoit uoi- 

Premièrement  du  tems  de  David,  Abiathar  étoit  Souverain  Sacrificateur ,  *'"*'• 
comme  il  femble  conftant ,  parce  qu'il  fut  dépoiiillé  de  la  Sacrificature 
Souveraine  parSalomon,  qui  la  donna  à  Tfadock.  Cependant  au  i.  Chr. 
16.  3p.  Tfadock  efllaillé  en  Gabaon  pour  y  facrifier  fur  l'Autel  des  Holo- 
caufteS,  ;pour offrir  perpétuellement,  félon  la  Loy,  &  pour  faire  le  fer- 
vice  du  Tabernacle ,  l'Arche  n'y  étant  pas  alors  j  parce  que  David  l'avoit  Tfadock  & 
tranfportée  à  Jerufalem ,  ôc  logée  fur  la  montagne   de   Sion  ,   il  faloit  bi^n^îe* 
avoir  auprès  d'elle  un  autre  Souverain   Sacrificateur.      Dans  le  Livre  2.  commez 
de  Samuel  8.  17.  nous  lifons  cecy.  Et  Tfadock^fihâ'>Ahitub  &  ^himelec'^^^'^^^l 
fils  d' Abiathar  ét-otenî  les  Sacrificateurs.     C'eft-à-dire  les  Souverains  Sacrifi-  toientpom» 
cateurs,  autrement  ils  n'eufient  rien  eu  de  particulier  plus  que  mille  autres}  "g"îi5." 
la  même  chofe  eft  répétée  en  mémesmotsau  i.  Chron.  i8.  i6.   Et  auz. 
Sam.  If.  oii  eft  recitée  la  fuite  de  David  de  devant  Abfçalom,  Tfadock  & 
Abiathar  font  introduits  comme  égaux,  la  aujfi  étoit  Tfadock^,  &  tous  les  Le- y^i^-**- 
vites  avec  luy  portant  l'Arche ,   &c.  &  Abiathar  monta  pendant  que  tout  le  peu- 
fie  achevade  fortir  de  la  vtlle  v.  27.    Le  Roy  luy-méme  dit  à  Tfadock  nN"i  nn{< 
tu  es  le  voyant.  Ces  paroles  ainfi  tournées,  fignifieroient,  quec'étoitluyqui 
vétoit  l'Ephod  pour  répondre  par  Urim  8c  Thummim ,  6c  cela  augmente- 
roit  la  difficulté  j  car  c'étoit  le  principal  office  du  Souverain  Sacrificateur. 
Je  tournerois  donc  ces  mots  par  ne  vois-tu  pas  ?   Ou  tu  vois  ,   (avoir  qu'il 
y  a  neceffité  de  s'en  retourner: Dans  le  verfet  2.  on  Ht  Tfadockjionc  &  Abiathar 
reportèrent  l'Arche  de  Dieu  en  ferufalem.  Dans  le  f.  3^.  derechef  Tfadock  6c 
Abiathar  font  nommez  également  Sacrificateurs  ,  &  même  Tfadock  eft 
mis  devant  ,  ISl^auras  tu  pas  la  avec  toi  les  SacrificateursTfàdockj^  Abiathar  ? 
Dans  le  ï.  Chron.  24. 4. 6.  il  eft  dit  que  David  fit  deux  chefs  des  Sacrifi- 
cateurs, Tfadock  de  la  famille  d'Eleazar  &  Ahimelecfils  d' Abiathar  de  la 
famille  d'Ithamar  fécond  fils  d'Aaron.   La  penfée  de  la  plupart  eft  qu'en 
effet  en  ce  tems-là  il  y  avoit  deux  Sacrificateurs  égaux.  Jofephe  le  dit 
ainfi}  //  choifit  Tfadock^ponr  Grand  Sacrificateur  de  la  famille  de  Phinées  avec  Abia- 
thar, Cependant  nous  ne  voyons  pas  que  cela  foit  conforme  à  la  Loy,  ni  à  la 
pratique  :  Dans  le  premier  Livre  des  Rois  2.  34.  on  lit  que  le  %oy  Salomon  éta- 
blit aufii  TJàdoc^pour  Sacrificateur  en  laplace  d'' Abiathar.  Cehù.il  voir  qu' AbliL" 
thar  étoit  feul  Souverain  Sacrificateur,  &  que  Tfadock  fut  mis  en  fa  place. 

Ainfi  la  réponfe  à  cette  difficulté  eft  qu' Abiathar  étoit  feul  SouvefàinLcSouve- 
Sacrificateur,  6c  qu'il  avoit  deux  grands  Vicaires  fous  lui,  parce  que  le  fer-  "'°  ^^"'^." 
vice  divin  fe  faifoit  alors  en  deux  lieux  5  en  Gabaon  où  étoit  le  Taberna-  deux  gtan^ 
cle  de  Moyfe  ,  avec  l'Autel  des  holocauftes,  6c  dans  la  cité  de  David  en  J^^JJ""^""' 
Jerufalem,  oii  étoit  i'Archej  c'eft  pourquoi  il  faloit  deux  prefidens  du  fervice.  David. 
Tfadock  étoit  établi  pour  être  à  la  tête  des  Sacrificateurs  qui  faifoient  le  fervi- 
ce dans  l'ancien  Tabernacle,^:  Ahimelec  fils  d' Abiathar  avoit  la  conduite  du 
fervice  qui  fe  faifoit  devant  l'Arche.  Mais  Abiathar  étoit  au-deffus  de  tous. 

On  peut  obferver  la  même  chofe  fur  ce  qui  fe  lit  i .  Sam.  7.  v.  i . 

que  l'Arche  étant  pofée  en  Kiriat- jeharim  dans  la  maifon  d'Abinadab 

au  côtau  ,  ils  établirent  Eleazar  ,   fils  .d'Abinadab  ,   6c  le  confacrerent 

pour  garder  l'Arche  de  l'Eternel ,  c'eft  -  à  -  dire  pour  faire  le  fervice 

Tom,  If.  L 1  de- 


266         HISTOIRE  DES  DOGMES 

devant  elle,  quoi  que  nous  ne  voyons  pas  clairement  qu'Abinadab  fût  de 
la  race  des  Sacrificateurs ,  ni  que  Kiriat- jeharim  fût  ville  de  Sacrificateurs , 
néanmoins  il  n'y  a  pas  d'apparence  que  cet  Eleazar  ne  fût  pas  Sacrifica- 
teur 6c  de  la  race  des  Sacrificateurs.  Car  on  n'auroit  jamais  mis  l'Arche  en  la 
garde  d'un  fimple  particulier  i  c'eft  pourquoi  je  croy  qu'Eleazar  fils  d'Abi- 
nadab  fut  établi  fécond  Souverain  Sacrificateur  fous  le  Souverain  Sacrifi- 
cateur d'alors.  Il  y  a  apparence  que  du  tems  de  la  révolte  d'Abfçalom,  Ahi- 
melec  étoit  mort  ou  étoit  dans  un  autre  emploi ,  car  il  n'efl  point  parlé  de  lui-, 
&  Tfàdock  Se  Abiathar  font  nommez  comme  les  deux  Sacrificateurs.  Depuis 
que  le  Temple  de  Saiomon  fut  bâti  6c  confacré  ,  il  n'eft  point  parlé  de 
deux  Sacrificateurs,  parce  que  le  fervice  ne  fe  faifoit  plus  en  deux  lieux. 
Qiieftion  Voici  une  autre  difficulté  qui  n'efl  pas  moins  grande,  dans  les  Evangi- 

f/ilrii^rdc  les  il  eil  fouvent  parlé  de  Souverains  Sacrificateurs  au  pluriel.     Mais  lur 
Souverains    tout  au  ^.  chapitre  de  St.  Luc  f.  z.  l'an  if"*^.   de  Ttbere  &c.  fous  Anns 
teur's  du      <$'  Catphe  SoHverams  Sacrificateurs  &c.     Il  faut  remarquer  en  gênerai  que 
seras  de  Je-  ^e  nom  de  Souverain  Sacrificateur  fe  donnoit  à  diverfes  gens  i.  au  Segen 
'*"     "  "    pD  dont  nous  parlerons  tantôt ,  c'étoit  le  grand  Vicaire  y  tels  qu'étoienc 
Tfadock  &  Ahimelec  fous  Abiathar.  z.  Ce  titre  fe  donnoit  aux  chefs  des 
Z4-  Clafles  d&s  Sacrificateurs  qui  fervoient  par  tour  au  Temple.     9..  Ce 
nom  fe  donnoit  auffi  aux  Sacrificateurs  dépofez ,  comme  on  en  dépofoit 
fouvent  fous  le  fécond  Temple ,  fur  tout  après  que  la  race  des  Afmonéens 
fut  éteinte.   Et  même  le  Pontificat  devint  prefque  annuel,  la  Gemara  du 
traité  du  Talmud  intitulé  foma ,  le  dit  expreflement,  qu'ils  changeeient  tom 
les  ans  Le  Pontificat  comme  on  change  les  offices  du  palais.     Or  tous  ceux  qui 
avoient  été  Souverains  Sacrificateurs  en  confervoient  toujours  le  nom  êc 
étoient  en  graïKÎe  confideratiaa  parmi  le  peuple  j  ôc  il  femble  que  c'eft 
ch»p. 7 1,49.  ainfi-  qu'il  faille  eatendre  ce  que  dit  St.  Jean  que  Caïphe  étoit  Souve- 
&I8.S3.     j-ain  Sacrificateur  de  cette  année-là.     Il  ell:  vray  qu'il  y  avoit  déjà  cinq 
ans  qu'il  l'étoit,,  &  qu'il  le  fut  encore  fept  autres  années,  mais  il  y  a  ap- 
parence que  tous  les  ans  on  en  faifoit  une  nouvelle  nomination ,  &  que  très 
fouvent  on  confirmait  ceux  qui  y  étoient  quand  ils  étoient  agréables.   Car 
Anne,  qui  eil  nommé  avec  Caïphe,  eut  cinq  fils  qui  furent  Pontifes  les 
Uns  après  les  autres.     4.  Enfin  on  donnoit  ce  nom  de  Souverains  Sacrifi- 
cateurs à  tous  ceux ,  qui  étoient  de  la  famille  Pontificale ,  &  d'entre  lef- 
quels  on  élifoit  les  Souverains  Pontifes.     C'eft  ce  que  St.  Luc  appelle 
Aaes4»v.&.  7^voe  à^xiB^uTiwj.  Mais  cela  ne  fufiit  pas  pour  le  regard  d'Anne  ô£  Caïphe 
qui  font  particulièrement  nommez  Souverains  Sacrificateurs.   Dans  le  Li- 
vre des  Aâ:es  au  paiîàge  que  nous  venons  de  citer  ,  St.  Luc  donne  dere- 
Chap.  4.      chef  le  nom  de  Souverain  Sacrificateur  à  Anne.     Et  Anne  Souverain  Sa- 
crificateur &  Caïphe  ,    c^  Jean  &  Alexandre  &  tous  ceux  qui  étoient  de  la  li- 
gnée Sacerdotale.     Il  y  a  apparence  que  Caïphe  &  Anne  étoient  l'un  véri- 
tablement Souverain  Sacrificateur  &  l'autre  Chef  du  grand  Sanhédrin  qui 
étoit  Gompofé ,  non  de  72;.  perfonnescommeon  lecroit,  maisdeji.  par- 
on  obfervoit  cc  quc  daus  tous  les  Confcils  des  Juifs  le  nombre  des  Confeillers  de  voit  être 
confeuferl  ^"^P^^^^*  Aiufil'uu  &  l'autrc  6c  Amie  &  Caïphe  fout  appellczSouverains  Sa- 
«n  nombre  crificateurs,à  caufe  qu'ils  partageoient  toute  l'autorité. Ecclefiaifique  dans  les 
îS  confdis  ^^°^^s  faintes  6c  jugeoient  de  toutes  les  affaires. 

iasjui&.        Quant  aux  droits  des  Souverains  Sacrificateurs,  ils  ont  été  fort  differens 

feloo 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  F^r^. IL  267 

félon  lestems.  Cette  dignité  a  toujours  été  la  féconde  dans  l'état  des  Juifs;  Des  dfoîtt' 
Mais  nous  ne  voyons  pas  qu'il  eût  de  pouvoir  dans  les  chofes  civiles ,  6c  11  ^^?  ^°"^% 
quelquefois  les  Souverains  Sacrificateurs  fe  font  mêlez  des  affaires  de  l'é-  cateurs! 
tatjça  été  durant  la  minorité  des  Princes,  Ôc  parce  que  les  Reines  régentes  Le  souve- 
abufoient  de  leur  pouvoir,  comme  fitjehojada  qui  fit  tuer  Athalia  &  réta-"'°^*<=t'^- 
blit  le  Roy  Joas.     Mais  après  le  retour  de  la  captivité  leur  pouvoir  aug-  voit  pa"  de 
menta  infiniment  6c  particulieremeut  foUs  les  Almonéens  quijoignirent  la  >."'''{'*''**?/* 
dignité  Royale  avec  la  Sacerdotale.    Du  tems  de  Notre  Seigneur  6c  de- 
puis le  règne  d'Herode  le  Grand  ,  les  Romains  étant  maîtres  de  la  Ju- 
dée ,   on  avoit  lailîe  quelque  ombre  d'autorité  au  grand  Sanhédrin,  pour 
juger  ou  du  moins  pour  faire  les  informations  des  Jugemens  capitaux  j   6c 
pour  décider  outre  cela  de  tout  ce  qui  regardoit;  l'obfervation  de  la  Loy , 
&  le  fervice  du  Temple.  Il  y  a  bien  apparence  que  le  Souverain  Sacrifi- 
cateur étoit  prelque  toujours  le  chef  de  ce  Confeil,cela  fevoit  par  l'Hif- 
toire  des  Evangiles  6c  des  Aâ:es,  oii  le  Seigneur  6c  les  Apôtres  feprefentant 
devant  le  Confeil ,  c'étoit  le  Souverain  Sacrificateur  qui  portoit  la  parole 
comme  Prefîdent.  Mais<:e  n' étoit  pas  un  droit  annexé  à  la  charge  de  Sou- 
verain Sacrificateur  5  6c  même  le  Souverain  Sacrificateur ,  difent  les  Talmu- 
diftes  dans  le  traité  intitulé  Sanhédrin  ,  étoit  fujet  non  feulement  au  grand 
Confeil  mais  aux  autres  Conièils  inférieurs. 

Il  n'avoir  donc  proprement  fur  les  Sacrificateurs,  qui  étoient  au-deflbus  Lesowc- 
de  lui,  qu'un  pouvoir  de  direélion  6c  non  pas  de  correélion.     Le  Sanhédrin  ^^^^^ll^^f' 
donnoit  les  ordres,  jugeoit  des  affaires  des  Sacrificateurs  6c  du  Temple ,  6c  voit  qu'un 
le  Souverain  Sacrificateur  faifoit  exécuter:  Tellement  que  par  tout  où  l'on  ^^^'[0^^^ '^^ 
voit  les  Souverains  Sacrificateurs  agir  en  Magiflrats,  ce  n'eft  pas  fous  le  point  de  jtt- 
caradere  de  Souverains  SacrificateurSjmais  de  chefs  ou  de  principaux  mem-  "^'*^^*°"- 
bres  du  Sanhédrin.   Voici  donc  quels  étoient  les  principaux  droits  du  Sou- 
verain Sacrificateur  comme  Souverain  Sacrificateur. 

I.  Il  avoit  droit  de  conduire  le  fervice  du  Temple  6c  de  donner  ordre  LeSouve- 
que  toutes  chofes  s'y  fiffent  félon  la  Loy ,  en  obligeant  chacun  à  faire  fon  cajaf/avok 
devoir.  Quand  ils'yrencontroitdesdifficultez  ou  des  doutes,  la  chofe  étoit  droit  de 
rapportée  au  grand  Confeil.  ~Sced« 

1.  Il  pouvoit  tous  les  jours  quand  bon  lui  fembloit  faire  le  fervice ,  6c  Tempicc 
le  parfum,  en  entrant  dans  le  lieu  Saint,  au  heu  que  cela  n'étoit  permis  qu'aux 
Sacrificateurs  en. femaine.  .  ,^*i^ 

5.  Il  pouvoit  feul  entrer  dans  le  lieu  Trés-Saint  6c  cela  une  fois  l'an,  c'é- 
toit le  jour  des  propitiations.  Toutes  les  fois  que  le  Souverain  Sacrifica- 
teur confultoit  Dieu  par  Urim  6ç  Thummim,  il  n'entroit  pas  dans  le  lieu 
Trés-Saint,  il  fe  tournoit  du  côté  de  l'Arche.  Et  cela  fe  pouvoit  faire 
dans  toutes  les  parties  du  Temple.  S.  Auguflin  6c  Sigoniusont  donné  le 
même  avantage  aux  autres  Sacrificateurs,  ôc  même  ils  prétendent  que  l' Au- 
tel des  parfums ,  fur  lequel  les  Sacrificateurs  ordinaires  offroient,  étoit  dans 
le  lieu  Trés-Saint,  au  delà  du  fécond  voile.  Mais  cela  eft  très  faux,  levoyCunseus 
feul  Souverain  Sacrificateur  entroitdonc  dans  ce  lieu  Saint  une  fois  p^n,  ^'''•^•"?-^- 
cela  fe  voit  au  i6.  duLevitiquei.  dis  k  Aaron  qt^U  n"^ entre  point  en  tomtems 
au  SanSlnaire  aa  dedans  du  voile  devant  le  Propitiatoire^  de  peur  qu'il  ne  meure  ^ 
§c  en  fuite  on  trouve  la  defcription  de  tout  ce  qui  ie  devoit  faire  le  jour  de 
la  fête  des  propitiations. 

Ll  2  4.  Il 


Levitique 


Voy  Ainf- 
woirh.  io 
locnm. 


lie  Souve» 
Tain  Saciifî* 
cateurde- 
voitêtie 
oint  necef- 
faiiement. 


Miimoni-: 
des  Kelei 
Hàmmike- 
dash  cap.  i. 


Lcvîtîq. 
4.  3. S. 
36.  &  ail- 
ku». 


Tradition 
iaceitaine, 


a6S         H  1  ST  O  I  R  E   D  E  S  D  O  GM  E  S 

4.  Il  ne  luy  étoit  pas  permis  de  toucher  les  morts ,  ôcdefe  fouiller  pour 
un  mort ,  non  pas  même  pour  fon  père ,  fa  mère  ou  fa  fœur.  Or  cela  étoit 
permis  aux  autres  Sacrificateurs  pour  leurs  proches  parens  ,  félon  la  Loy 
iavoir  perc,  mère,  fils,  fille,  frère  &  fœur,  pourvu  que  la  fœur  fût  vier- 
ge j  Mais  il  n'eft  point  parlé  de  la  femme.  Et  nos  Interprètes  en  expliquant, 
le  quatrième  verfet  de  ce  chapitre  ii.  fuppofent  que  le  mari  n'av oit  pas  la. 
permiffion  d'enterrer  fa  propre  femme:  Mais  l'interprétation  n'eft  pas  bon- 
ne, il  y  a  proprement  dans  le  Texte,  &  pour  \t  Banl^feignem  y.eu  mari,  ih 
nt  Ce  contaminera  point  pour  [on  peuple  :  ils  ont  ajouté  le  mot  de  femme. 
Car  CCS  mois  ^  &  pour  fa  femme  ^  ne  font  pas  dans  l'Hébreu»  Les  Canons- 
Hébreux  content  expreflement  la  femme  entre  ceux  pour  qui  le  Sacrifi- 
cateur fepeut  fouiller  i  mais  cela  n' étoit  permis  pour  perfonneau  Souve- 
rain Sacrificateur,  parce  que  ceux  qui  touchoient  aux  morts  et  oient  repu- 
tez  foiiillez.,  £c  parce  qu'il  étoit  coafacré  à  Dieu  d'une  façon  particulière, 
il  ne  luy  étoit  pas  permis  de  s'expofer  volontairement  à  recevoir  quelque 
foiiillure  légale.. 

f.  Il  avoit  le  privilège  de  k  fainte  onction  ,  exclufîvement  à  tous  les 
autres  Sacrificateurs.     Il  eft  vray  que  les  Rois  étoient  oints  j  mais  non  pas 
tous.  Et  les  Juifs  Talmudiftes  nous  apprennent,  que  cela  ne  fefaifoit pour 
les  Rois ,  que   quand  la  Couronne  étoit  donnée  à-  une  nouvelle  famille»- 
C'eft  pourquoi  Saùl  fut  oiat  par  Samuel ,  &  David  enfuite  comme  nou^ 
veaux  Rois.     Et  Jehu  par  le  Prophète  Elifée,  comme  Roy  d'une  nou- 
velle race.  L'onélion  fe  donnoit  auiîi  aux  enfans  des  Rois ,  quand  ils  Çuc' 
cedoient  contre  le  droit  ordinaire,  6c  par  un  choix  que  Dieu  en  faifoit: 
C'eft  pourquoi  Salomon  fut  oint,  car  il  n'étoit  pas  l'aîné  de  David,  6£ 
Dieu  le  choifit  extraordinairement  j  mais  nous  ne  voyons  pas  que  tous  les 
autres  Rois  d'ïfraël  ayent  été  oints      Cela  eft  confirmé  dans  la  Gemara 
au  Traité  dit  Horajoth  ,&  cela  eft  vray  j  Maimonides  prétend  que  Sa- 
lomon fut  oint  à  caufè  de  la  difpute  entre   luy  Ô£  Adonia.  On  n'oint  pas 
le  Roy.,  cjtà  ejifils  de  '^ojf ,  parce  ejtte  la  dignité  Ko  f aie  eft  héréditaire ,   &  va  âe 
f£T€  enfili  a.  la  Mmfon  a  Jfraéi,  félon  ce  qmeft écrit  Deuteron.  17. 1.0.  Imj ^  fes 
fils  au  miliett.  d'IJraël,  Ji  ce  n'^efi  e^H^il  y  ait  dtjpute  fur  lafuscefîan  au  Royaume ,.. 
mr  en  ce  cas,  onoinîcelHy(^mgagnefacaHfe  pour  faire  cejfer  la  difjmte ,  &  faire, 
connoitre  a  tout  le  monde  ,ejue  celny'la.  efl  le.vray.  &  légitime  Roy ,  c^efi  poarquoy 
en  oignit  Salomon  a  captfe  (^  Adonia  ^  ejui  iHjdifputoit  la  Couronne- y  foas  f  Ht  omtà 
caftfe  d'Athalia ,  ^  fehojachas  à  caufede  fehojachim. 

Mais  pour  le  Souverain  Sacrificateur  il  étoit  ointdë  la  fainte  Huile,  ne- 
ceflairement  Ôc  indifpenfabiement ,  encore  que  le  fils  fuccedât  au  Père, 
C'eft  pourquoi  il  eft  appelle  SacerdosunSim>.  Il  eft  vray  que  lesfils  d^Aa^ 
ron  furent  oints  auffi  bien  que  leur  per£  >  Exod.  40. 15.  Mais  là  même  il  eft 
fignifié,  que  cette  onâionferoit  pour  tous  les  Sacrificateurs  inférieurs  à  ve- 
nir 5  &  qu'elle  ne  devoit  pas  être  réitérée ,  ou  bien  c'eft  que  tous  les  en- 
fans  d' Aaron  ont  exercé  la  Souveraine  Sacrificature.  Il  y  avoit  un  Sacrî- 
ficateur  qui  s'appelloit  nan'^a  n^ym.  unBm  in  bello^  qui  n'étoit  que  pour 
la  guerre ,  mais  étant  dé  retour ,  fon  OiHce  cefToit ,  Scil.retournoit  au  rang 
des  autres  Sacrificateurs. 

6.  Il  avoit  le  privilège  ^.es  .habits  Pontificaux,;  dontnous-feronsla  dei^- 
criptioa  d^qs  la  fuite,. 

.      7.  Us. 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Tart.ll.  269 

7.  Il  étoit  difpenfé  de  mener  deiiilpour  aucun  mort  :  En  figne  de  deuil,  Levir.  an 
les  Juift  fe  découvroient  la  tête ,  Ôc  déchiroient  leurs  vétemens.  Or  cela  étoit 
défendu  au  Souverain  Sacrificateur.     Cependant  nous  lifons,  que  le  Sou-5?-"-    , 
verain  Sacrificateur  déchira  fes  vétemens.  Les  Juifs,  félon  le  Talmud  dans    *'  '^  '' 
le  Traité  Horajot  h, ydiCent^  cju'il  leur  étoit  permis  de  déchirer  les  vétemens^  Au- 
tour des  pieds ,  non  du  corps  eu  de  U  poitrine. 

8.  Il  avoit  le  droit,  à  l'exclufion  de  tous  les  autres,  de  revêtir  le  Pec- 
toral où  étoit  Urim  ScThummin,  pour  confulter  Dieu  touchant  les  cho- 
fes  futures  ou  cachées. 

Nous  avons  \m  paffage  de  St.  Jean  ch.  ri.  fi.  qui  femble  fignifier, 
que  les  Souverains  Sacrificateurs  avoient  le  don  de  prophétie,  au  moins 
la  première  année  de  leur  Pontificat.  Or  Une  dit  point  cela  de  foy-même^ 
mais  luj  étant  Souverain  Sacrificateur  decette  année-la  ,prophetizji  que  fefns  devait 
mourir  pour  la  nation. 

Il  n'a  rien  été  dit  fur  cette  difficulté  plus  ingénieux ,  que  ce  qu'a  dit  Ori-  Tom.  4.  u 
genc.      Caïphe  prophetiz.a,  parce  qu'il  etoit  Souverain  Sacrificateur  de  cette  an- ^^^^' 


ication; 


née-lk,  favairde  cette  année 'la  dans  laquelle  le  Chnft  devait  mourir.  Car  encore  ^^'^^^^^ 
qu^ilyeut  eud^'autres  Souverains  Pontifes;  cependant  pas  un  ne  p^ophetiz,a^  fi-  f.^,^^}^^^^ 
non  celtif  qni  fut  Pontife  dans  Panné£ ^  q^ie  fefus-Chrifi  devoit  fouffrir .  Il  veut 
dire,  que  Dieu  fit  prophetizer  cet  homme  ,  pour  rendre  témoignage  à 
la  neceffité  &  à  l'utilité  de  la  mort  de  Jefus,  dans  la  même  année  dans 
laquelle  Chriil:  mourut:  &  le  fens  eft  fimplement.  Or  Cdtphe ,  qui  étoit  Sa^ 
crificateur  cette  année-la  ^  ne  dit  point  cela  de  parfoy-mêmey.  mais  par  infpiration 
extraordinaire.  \ 

p.  Nous  avons  déjà  vu  qu'il  y  avoit  quelque  chofe  de  fingulier  dans  fês 
Loix  pour  le  mariage,  &  qu'il  ne  pouvoit  époufer  qu'une  vierge  Ifraëli- 
te,  non  répudiée,  non  veuve,  non  étrangère,  non  de  mauvaifevie,  &i 
dans  la  naiflance  de  laquelle  il  n'y  eût  rien  du  tout  à  reprendre.  Et  mê- 
me il  y  a  apparence  qu'il  ne  pouvoit  avoir  qu'une  femme  à  la  fois. 

10.  H  femble  par  la  Loy  du  LevitiquCy  qu'il  ne  luy  fût  pas  permis  de  Uvit.sr.iâ^ 
fortir  du  Sanéluaire.     Il  ne  firtira  point  du  SanBuaire ,  &  ne  polluera  point  le 
SanUuaire  de  t Eternel  fon  Dieu.  Il  eft  vray  qu'il  avoit  un  appartement  prés 

du  Temple,  c'eft-à-dire,  dans  les  parvis  où  il  demeuroit  durant  le  jour , 
mais  il  avoit  fa  maifon  en  Jerufalem  j  &  les  Juifs  difent ,  qu'il  ne  pouvoit 
l'avoir  hors  de  Jerufalem.  Cependant  les  paroles,  du  Levitique  ne  difent 
rien  décela,  elles  fignifient  feulement,  qu'il  ne  pouvoit  fortir  du  Sanéluai^ 
re,  c'eft-à-dire,  s'en  exclurre  5.  &  s'en  fermer  à  luy-même  l'entrée  par  au- 
cune pollution  légale  volontaire,  comme  de  toucher  un  mort,  &c. 

11.  A  celaJes  Rabbins  ajoutent  des  minuties,  qui  font  oufaufles,  ou' 
qui  n'ont  été  en  ufage  que  dans  les  derniers  tems:  comme  cecy,  qu'il  de- 
voir toujours  être  dans  un  état  contraire  à  toas  les  autres,  fi  les  autres- 
ctoient  voilez  ,  il  dévoit  être  dévoilé.  S'il  étoit  aflîs  fur  un,fiege ,  les au?- 
rres  dévoient  être  affis  à  terre. 


El'  f  CHAK. 


i/o 


HISTOIRE  DES  DOGMES 


CHAPITRE     IV. 

^es  Fetemens  du  Souverain  Sacrificateur, 


Des  tiabîts 
Gommuni 
4U  Souve- 
lâin  Sacrifi- 
cateur ,  & 
aux  autres 
Sacrifica» 
tcurs.  _ 
Témoin 


tificc,  & 
Jofeph.  de 
bdlo  Jud. 


Apocal.  ch. 
3.ôt7.  V.i. 


IL  y  avoit  des  Vétemens  qui  luy  étoient  communs  avec  les  autres  Sa- 
crificateurs ,  6c  d'autres  qui  luy  étoient  particuliers,  il  faut  première- 
ment parler  de  ceux  qui  luy  étoient  communs  avec  les  autres  Sacrifica- 
teurs. 

I .   Les   Sacrificateurs    dans  les  aâions  de  la  vie  civile   étoient  vêtus 
comme  les  autres,  ôc  les  habits  Sacerdotaux  ne  fe  prenoient  que  dans  le 
seiden.  p.  4.  tems  qu'ils  cutroient  en  femaine  de  fervice.   Ils  quittoient  leurs  habits  or- 
*'   ^        dinaires ,  fe  lavoient ,  Se  prenoient  les  habits  facrez ,  &  même  la  nuit  quand 
ils  dormoient  ,  il  faloit  que  cefufTent  dans  leurs  habits  ordinaires:  auma- 
Libr6."c.'i;.tin  ils  les  quittoient,  ils  fe  lavoient,  6c  reprenoient  les  vétemens  Sacerdo- 
taux, peut-être  que  St.  Paul  fait  allufion  à  ces  habits  6c  à  ces  coutumes, 
quand  il  dit ,  depomllez  le  vieil  homme ,  vous  tms  qui  avez,  étélavez^  &  qui  Avez, 
revêtu  Chrifi ,  il  nous  a  lavez. ,  &  nom  a  fatts  Sacrificateurs.  Les  habits  des  Sa- 
crificateurs étoient  blancs  6c  de  lin ,  peut-être  de  là  eft  venue  la  comume  de 
vêtir  les  nouveaux  bâtizez  de  blanc ,  6c  par  allufion  à  la  couleur  de  ces  vé- 
temens dans  r Apocalypfe ,  il  efl  parlé  de  gens  en  vétemens  blancs. 

Ilsn'avoient  ni  fandales,  ni  fouliers  dans  leurs  pieds,  mais  ils  étoient  nuds 

pieds  dans  les  parvis  fur  le  marbre,  à  cauie  de  ce  qui  eft  dit  dans  l'Exode  à 

Moy  fe ,  de'chaujji  tesfotiliers ,  car  le  lieu  ou  tu  es  efi  terre  fain  te  j  ce  qui  pou  voit 

Cun$us  de  être  en  partie  caufe  des  fréquentes  maladies  des  Sacrificateurs ,  joint  à  ce 

d'^^o^'^iib'^z'  9"'^^^  étoient  trés-legerement  habillez,  fe  dépoiiiîloient ,  fe  lavoient  fou- 

csp.  14.  '  *  vent,  6c  ne  s'aifeoient jamais  dans  le  Heu  du  fervice.     Nous  avons  lade{^ 

cription  de  leurs  habits  dans  le  iS.chap.  del'Exode. 
rxemiet  ha-      Premièrement,  proche  de  leur  peau  ils  avoient  des  caleçons  de  hn ,  qui 
bit  sacerdo-ies  couvroient  depuis  le  hautdes  reins  jufqu es  au  bas  des  cuiffes ,  afin  que 
brayes^ou    quand  ils  fc  courberoicpt ,  oumonteroient  en  haut,  leur  nudité  ne  fût  pas 
caleçons  de  yûë  par  dcflous  Icurs  habits. 

Exod.ig.4*.  .  2,-  Sur  ces  caleçons  oamettoit  une  efpece  de  chemife  OU  furplis,  quidé- 
second  habit  cendoit  depuis  les  épaules  jufques  en  bas ,  aflez  ferrée  5  que  le  texte  appel- 
lachemife'  le  pî^^H  nSHS  tunicaocellota.  St.  Jérôme f  de  vefie  Sacerdotali,  dit,  que  cela 
ou  dc*!"-^"  ^^  P^^^  uppeWer camt/ia  ,  c'étoit  un  vêtement  militaire,  ferré  6c  joignant 
feuii.  à  la  peau.  La  chemife  étoit  faite  d'enlaçure  ou  dienchaffure,  c'eft-à-du"e, 

qS^n"^  que  l'ouvrage  en  étoit  fait  à  l'éguille ,  comme  une  éfpece  de  lacis  ou  de  bro- 
in.  Exod."  derie.  Les  70.  ont  tourne  X/twv  Koaup^liaToçyce  que  St.  Auguftin  a  tour- 
né, cum  cornibus^  avec  des  cornes. 

5.  Cela  étoit  ceint  d'une  ceinture  ou  baudrier, qui  les  ceignoit  tout  à  l'entour 
pour  les  tenir  fermes>&c  pour  les  échauffer.  Seldenus  dit,que  cette  ceinture  de 
trois  doigts  de  iarge,avoit  ^i. coudées  delong,6c  faifoit  plufieurs  tours  autour 
du  corps  jcela  n'elt  pas  trop  aifé  à  comprendre:  31. coudées  font  15. ou  16. aunes 

de 


Ttoifiéme 
habit,  la 
ceintute  ou 
baudrier. 


ET  DES  CULTES  DE  L'E  G  L I S  E.  P^r/.  IL  271 

deFi  ance  à  trois  doigts  de  largcjouvrage  d'un  tiflli  épaisicomment  pouvoient- 
ils  arranger  une  fî  grande  longueur  d'étoffe  ?  J'ai  peine  à  croire  qu'il  ne 
leur  fût  pas  permis  de  mettre  d'autres  vétemens  par  deflbus  ces  trois  ha- 
bits pour  fe  tenir  chaudement  dans  l'hyver  ,  car  enfin  ce  n'étoit  qu'une 
chemife  &  un  caleçonj  qui  pourroit  fi  légèrement  vêtu  pafTer  à  l'air  des 
journées  d'hyver  nuds  pieds  fur  le  marbre  ? 

4.  Sur  leurs  têtes  ils  avoient  une  tiare  ou  mitre  ,  quejofephe  dépeint  Jofeph. 
d'une  maniei^  alTez  femblable  aux  Turbans  des  Orientaux,  qui  font  faits  yb'j^^clp.i. 
de  diverfes  bandes  entrelacées  les  unes  dans  les  autres ,  excepté  que  les 
Turbans  font  plus  étroits  par  le  haut  8c  n'ont  cet  enlacement  qu'autour  du  Quatrième 
milieu  de  la  tête  ,   &  l'enlacement  de  la  tiare  Mofaïque  étoit  par  tout  Sifu*' 
fans  diftinébion  6c  faifoit  comme  le  rond  d'un  gros  bonnet,  ou  (èlon  St. mitre. 
Jérôme  comme  la  moitié  d'une  boule  coupée  j  Seldenus  dit  auffi  que  ces 
bandes  avoient  feize  coudées  de  longueur.     Cet  ornement  étoit  com- 
mun  au    Souverain   Sacrificateur    ôc   aux    autres   Sacrificateurs.      Ce- 
pendant il  y  avoit  quelque  différence  ,   car  la  tiare  ou  mitre  d'Aaron  efl 
appellée  nMîfO  &  celles  de  fes  fils  font  appellées  mi^^a^o  ,  il  efl  vray  que 
dans  le  ip.  del'Exod.v.  9.  il  efl  commandé  de  donner  de  ces  n')j;3:iD  à 
Aaron  &  à  fes  fils.  Nôtre  verfion  a  tourné  calottes^  prétendant  que  cette 
calotte  fe  mettoit  fous  la  mitre  du  Grand  Sacrificateur ,  6c  que  les  autres 
Sacrificateurs  n'avoient  que  de  ces  calottes  6c  point  de  mitre.  Mais  Jofephe 
ôc  les  Juifi»  ne  nous  difent  pas  qu'il  y  eût  deux  fortes  de  couverture  de 
tête  :  feulement  il  efl  certain  que  la  mitre  du  Souverain  Sacrificateur  étoit 
tout  autrement  grande ,  riche  ôc  precieufe  que  celle  des  fimples  Sacrifica- 
teurs ;.  comme  auffi  le  baudrier  ou  ceinture  qui  étoit  commun  à  tous  les  Sa^ 
crificateurs  n'étoit  pas  de  la  même  magnificence.  La  ceinture  des  fimples 
Sacrificateurs  n'étoit  que  de  lin ,  mais  celle  du  Souverain  Sacrificateur  étoic 
de  fin  lin  retors,  de  pourpre,  de  cramoifi  &  en  broderie  d'or.  Cependant 
Jofephe  dépeint  la  ceinture  des  fimples  Sacrificateurs ,  comme  ayant  le  fond 
de  lin,  mais  brodée  de  fleurs  6c  de  feuilles  de  pourpre  6c  d'hyacinthe ,  diffe-  • 
rente  feulement  de  celle  du  Souverain  Sacrificateur  en  ce  que  celle-ci  étoit 
relevée  d'or.  Il  nous  dit  que  ce  baudrier  étoit  de  la  largeur  de  4.  doigts  fait 
en  écailles  de  ferpent  avec  des  fleurs  de  pourpre,  de  fin  lin  6ce.  le  bout  fuper- 
flu  de  cette  ceinture  pendoit  jufques  aux  pieds  par  devant ,  6c  afin  qu'elle     • 
n'embarafîat  pas,  on  la  rejettoit  fur  l'épaule  gauche. 

Outre  ces  ornemens,  le  Souverain  Sacrificateur  en  avoit  4.  autres  qui  Habits  parti- 
lui  étoient  particuliers,    i.  Sur  le  bord  inférieur  de  fa  mitre  étoit  une  ia-soÙmain 
me  d'or  attachée  avec  des  fils  de  pourpre,  fur  laquelli:  étoient  écrites  ces  pa-sacrifîca- 
roles  mn^Viî'ip  Sainteté  à  l'Eternel,  6c  cela  fe  lioit  fur  le  front  au  devant {.^"J^j^jç,  ^ 
de  la  mitre,  on  l'appelloit  î^'îf.  ment, la 

1.  Il  avoit  fur  la  chemife  un  furplis ,   ce  que  le  texte  Hébreu  appelle  3^™*^'°* 
"^"^V^  le  manteau,  que  nôtre  verfion  tourne  le  roquet.  C'étoit  on  habit  aifezinftiiption. 
femblable  à.nos  julle-au-corps.     Il  étoit  entièrement  de  pourpre  ou  d'hya-  bhdusoul 
einthe,  difent  Philon  6c  Jofeph  ,   mais  l'hyacinthe  6c  le  pourpre  ne  fontvwain  sa- 
pas la:  même  couleur.    Hyacinthe  efl  plutôt  le  violet  tirant  fur  le  blanc  k^mamSaû 
eouleur  d'air  ,  ou  d'Azur.     La  Loy  ne  dit  pas  qu'il  entrât  de  l'or  dans  o"  le  b-q- 
fon  tiflu  ,  on  le  vétoit  par  deffus  la  tête.     Ligtfoot  prétend  qu'il  n'avoir  y  "3.  Ami- 
pas  de  manches  6c  qu'il  étoit  ouvert  par  les  deux  cotez,  une  pièce' devant,  <!«".  cap.», 

une 


î;i         histoire  DES   DOGMES 

une  derrière  ,  non  coufu  fur  les  épaules ,  il  avoic  un  ourlet  de  broderie  tout 
à  l'entour  aux  ouvertures,  afin  de  le  rendre  ferme ,  afin  qu'il  ne  fe  pût  déchi- 
rer.   Jofeph  le  dit  tout  d'une  pièce  comme  un  voile ,  ayant  une  fente  au 
milieu  par  oij  entroit  la  tête,  &  la  fente,  dit-il,  fe  rendoit  au  milieu  du  dos  & 
venoit  jufques  fur  la  poitrine,  cet  habit  n'alloitpas  jufques  au  basabfolu- 
ment ,  mais  un  peu  au  deflbus  du  genou.  ïl  y  avoit  des  figures  de  grena- 
des faites  de  pourpre ,  d'écarlate  èc  de  cramoifî,  pendues  au  bas  de  cet  ha- 
bit, avec  des  clochettes  d'or  entremêlées ,   une  grenade  ôc  une  clochette 
en  fuittej  de  forte  que  le  Souverain  Sacrificateur  ne  marchoit  point  avec 
cet  habit  fans  grand  bruit.     Mais  il  ne  fortoit  point  avec  ces  ornemens 
hors  du  Temple  que  dans  de  grandes  necefiîtez  ,  comme  fit  jaddus  pour 
aller  au  devant  d'Alexandre.     Ainfi  fouvent  les  Papes  fe  font  revêtus  de 
leurs  habits  Pontificaux  pour  arrêter  l'infolence  des  ennemis  dans  les  mains 
defquels  ils  alloient  tomber  :  Dans  le  Temple  même  les  Pontifes  Juifs  ne 
portoient  ces  habits  que  pendant  le  fervice. 
©efcriptioa       3-  Aprés  fuT  le  roquct  de  pourpre  ou  d'hyacinthe  on  mettoitrEphod, 
dei'Epaod.  (3ont   la  dcfcription   eft  fort  diverfe  félon  les  difFerens  Auteurs.     On 
appelloit  aufii  Ephod  les  chemifettes  ou  chemifes  dont  nous  avons  parlé 
T.  Sam.       ci-defTus ,  qui  eft  le  fécond  ornement  des  Sacrificateurs.  Samuel  étoit  ceint 
*•  ^«-         d'un  Ephod  de  lin,  ôcil  eft  dit  que  Saiil  tua  80.  enfans  d'Ahimelec  por- 
I2.  li.'       tant  l'Ephod  de  lin.   C'étoit  un  ornement  des  fils  des  Sacrificateurs  ôcdc 
ceux  qui  fe  confacroient  à  Dieu,  femblable  à  l'Ephod  de  Moyfe,  ou  plu- 
tôt c'étoit  ce  qui  eft  appelle  n):n'2  tmk*  les  furplis  ou  chemifes.     C'eft 
j.chton.     ce  que  David  porta  devant  l'Arche  :  Ligtfoot  dépeint  ainfi  l'Ephod  du 
ii-i7.        Souverain  Sacrificateurs  c'étoit,  dit -il  ,    une   efpece  de  grand   vol-, 
le  de  pourpre  tilTu  d'or ,  de  cramoifi  ôc  de  fin  lin ,  qui  pendoit  par  derriè- 
re jufques  au  talon.     Il  occupoit  la  largeur  depuis  une  épaule  jufques  à 
l'autre  ôc  revenoit  prendre  par  deffus  les  épaules,  en  fe  partageant  en  deux 
pièces,  afin  que  la  tête  fût  entre  les  deux ,  &  cela  pendoit  par  devant  juf- 
ques environ  la  moitié  de  la  poitrine.  Ce  qui  rend  cette  defcription  vray- 
femblable  c'eft  que  le  mot  Tfiî<  vient  du  verbe  "»t? ,  couvrir.  Ainfi  l'E- 
phod devoit  être  une  couverture  :  Or  véritablement  comme  les  autres  dé- 
peignent l'Ephod,  ce  n'étoit  pas  une  couverture. 

Ces  épaulieres  félon  Ligtfoot  venoient  s'attacher  à  la  ceinture  par  de- 
vant: fur  chacune  des  épaulieres  de  l'Ephod  ii  y  avoit  une  piaTC  d'onyx 
ou  de  beril,  ôc  fur  chacune  de  ces  pierres  étoient  écrits  les  noms  des  dou- 
ze tribus ,  fix  noms  fur  l'un  &  fix  fur  l'autre,  cela  faifoit  vingt-cinq  lettres 
fur  chaque  pierre,  ôc  pour  faire  ce  nombre  jufteon  ajoûtoit  le  nom  de  fofeph 
qui  y  étoit  écrit  f]DXT  à  ce  que  difent  les  Juifs.  Ces  pierres  étoient  enchallees 
dans  de  l'or  fur  les  épauHeres.  Jofephe  lib.  5.12..  dit  que  la  pierre  qui  écoit 
fiir  l'épaule  droite  brilloit  d'une  manière  extraordinaire  6c  commençoit  à 
fe  faire  voir  aux  plus  éloignez,  auffi-tôt  que  le  Souverain  Sacrificateur  com- 
mençoit le  fervice,  ce  qui  pourroitbien  être  faux.  Cet  Auteur  a  fes  fables 
aufîi  bien  que  les  autres  Juifs  :  témoin  le  fleuve  Sabbaticus  du  liv.  7.  de 
la  guerre  des  Juifs. 

A  ces  épaulieres  il  y  avoit  des  crochets  d'or,  où  venoient  s'attacher  des 
chaînettes  d'or,  qui  s'alloient  rendre  aux  deux  coins  du  Peéroral  qui  étoit  fur 
la  poitrine.  Les  autres  Auteurs ,  6c  même  i'Exode,  ne  parient  point  de  ce 

voile 


zz 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  PartAL  27^ 

voile  derrière  le  dos,  ôcne  nous  dépeignent  l'Ephod,  que  comme  deux 
bandes  &  une  ceinture,  qui  prenoient  depuis  les  épaules  jufques  au  milieu 
du  corps  5  c'eft  ainfî  que  le  dépeint  jii^um  Juif  converti.  Mais  Jofephc  l'a 
comparé ^ritcamca  epomiM,  à  une  cafaque  à  la  Grecque,  &  par  conféquent  c'é- 
toit  une  couverture  des  épaules.  11  Tappelle  %^x^Jciî'oç  eubitalis  d'un  pied  & 
demi,  il  làloit  donc  que  ce  fût  un  vray  manteau  ;  6c  là-même  il  dit  qu'elle 
étoit  fournie  de  manches  comme  une  tunique.  Maimonides  dit  cela  même 
çnjîon  '•Va  cap. 8.  fa  defcription  ell  celle  de  Ligtfoot  &  s'accorde  avec  Jofephe. 

4.  Enfin  le  plus  augufte  ornement  &  le  plus  myftericux  étoit  ce  qui 
s'appelle  pi'in  en  Hébreu  ,  ce  que  Jofephe  tourne  hoyiov  le  Rmond^  les  Jofephe  . 
nôtres  le  PeUord.  C'étoit  une  pièce  de  quatre  doigts  en  quarré  feule-  ^"jà'J;  ^ 
ment ,  qui  s'enchaflbit  dans  l'Ephod ,  lequel  Jofephe  i'Hiftorien  nous  re- 
prefente  comme  un  tiiTu  continu,  &  qui  laiflbit  ouvert  au  milieu  de  la  poi- 
trine un  efpace  de  quatre  doigts  de  large ,  où  s'enchafibit  ce  Peétoral  ou 
Rationalj  ce  Peéloral  étoit  double,  tellement  qu'il  faloit  qu'il  eût  deux  pau- 
mes de  longueur,  ce  qui  étant  mis  en  double,  lailbit  un  quarré  d'une  pau- 
me ou  de  quatre  doigts.  Le  fond  étoit  d'or ,  d'hyacinthe ,  de  fin  lin  re- 
tors &  de  pourpre  tiflûs  enfemble  -,  fur  quoi  étoient  appliquez  dans  des 
chatons  d'^or  douze  pieiTes  en  quatre  rangées,  trois  àchaquc  rangée  à  con- 
ter du  haut  en  bas.  Dans  la  première  rangée  ou  la  plus  haute  ^  etoient 
I.  une  fardoine,  une  topaze,  une  émeraude.  2.  A  la  féconde  une  efcarbou- 
cle,,  unjafpe,  un  (àpphir.  \.  A  la  troifiéme  un  ligure,  une  agathe  ,  6c 
une  amethifte.  4.  Et  à  la  quatrième  une  chryfolite  ,  un  onyx  6c  un. 
beril.  Sur  ces  douze  pierres  étoient  écrits  les  douze  noms  des  tribus  :  les 
Juifs  ajoutent  du  leur  que  les  noms  des  3.  Patriarches,  Abraham,  Ifaac  6c 
Jacob ,  y  étoient  auffi  ,  &  outre  cela  ces  mots  X^^'W'^  ^Dau> ,  Tnbm  fnfli  ^ 
les  tribus  du  Julie ,  ou  les  tribus  d'Ifraël.  Ce  Peéloral  étoit  attaché  aux  épau- 
lieres  de  l'Ephod  par  àts  chaînettes  qui  tenoient  par  en  haut  à  des  agraffes 
d'or,  6c  par  en  bas  à  àcs  boucles  d'or  attachées  aux  coins  du Peéboral  en 
la  partie  fuperieure.  Et  dans  la  partie  inférieure  de  cePcétoral  il  y  avoit 
encore  deux  autres  boucles  d'or,  où  entroient  deux  cordons  tiiTus  d'hya- 
cinthe qui  alloient  prendre  par  deflbus  les  bras,  pour  fe  lier  6c  s'attacher  à 
l'Ephod  parles  cotez.  Jofephe  décrit  un  peu  difcemment  ces  deux  cor- 
dons, car  il  fcmble  que  ces  cordons,  qu'ils  appellent  chaînes,  remontalFent 
tout  droit  vers  le  cou,  la  defcription  en  eft  obfcure. 

Voici  donc  tout  rornement  du  Sacrificateur:  premièrement  il  avoit  la  cecy  favori^, 
tiare  ou  mitre  fur  la  tête  faite  comme  nous  l'avons  dépeinte.  lofepHe  dit^f°"  '^"*'" 
que  fur  le  bonnet  ou  mitre  etojt  une  couronne  a  trois  étages,  ayant  de  pe-  ncduPaBc 
tits  vafes  faits  félon  la  figure  du  fruit  que  porte  l'herbe  que  les  Grecs  ap- 
pellent voffvivaihoç.  Ces  fleurons  en  forme  de  coupe  d'or  étoient  tout  à  l'en- 
tour,  excepté  au  devant,  dit  Jofephe,  où  étoit  la  lame  fur  laquelle  étoit  écrit 
Exod.  29. 7.   Sainteté  â  l'Eternel.  On  lit  dans  la  Loy  r»  pofiras  la  couronne  fn.- 
crée  fur  la  tiare  ^  mais  cette  couronne  fàcrée  n'eft  rien  que  la  lame  d'or  qui; 
paroillbit  au  devant  comme  un  diadème.  ïl  n'eft  point  parlé  de  cela  dans  la. 
Loy  :  Il  faloit  que  cela  eût  été  ajouté  du  tems  des  Afraonéens ,  quand  la^ 
Royauté  6c  la  Sacrificature  furent  conjointes.  Sur  le  corps  îegrand  Sacrifi- 
cateur avoit  les  brayes  ou  caleçons  depuis  la  ceinture  en  bas,  fur  les  caleçons^ 
kchemife  ou  furplis  étroit  qui  alloit  jufques  aux  pieds:  cette  chemife  étoit 
Tan.  Il  Mm  de 


tu_         HISTOIRE  DES  D  OG  MES 

te  gtini    de  lin  pur  &c  blanc.  Sur  cela  il  revétoit  le  S>];o  le  Roquet  qui  étoitd'hya- 
jÎ"'^J""^  cinthcôcde  pourpre  ,  d'or  &c.  ilpendoit  par  devant  5c  par  derrière  tout 
wintmes.    d'une  piecenon  coufu  par  les  cotez:  cc  au  basétoient  les  grenades  Se  les 
•  clochettes.  Sur  le  toutétoitl'Ephod,  petitmanteauàlaGrecque,quicou- 
vroitle  corps  principalement  par  derrière.  Au  milieu  de  l'Ephod  ^ur  la  poi- 
trine étoit  leRational.,  &:  fur  tout  cela  il  y  avoit  une  ceinture  large  de  4,. 
doigts  5  6c  dont  lebout  pendoit  pardevantjufque  en  terre,  c'eil  ce  que  l'on 
fS^oi-zg.?' â'ppQlle  y  le  ceinturon  exquis  de  l'^Èphod.  Nos  Interprètes  le  diltinguentdefci 
ceinture  5  comme  (î  la  ceinture  ou  baudrier  eût  été  l'urlefurplis,  &  fous  le 
ch.zs.g.  &  Roquet  oul'Ephod.    Par  le  paflàgede  l'Exod.  il  iembîe  que  le'  ceinturon 
exquis,  &:  le  baudrier  fufTent  la  même  chofe.     Ainfi  le  Grand  Sacrifica- 
teur n'auroit  eu  qu'une  ceinture  fur  tous  iks  habits.     Mais  il  paroit  par 
le  Levic.  que  nos  Interprètes  ont  raifon  :   car  Moyfe  en  revêtant  Aaron 
luy  ceint  la  camifole  du  baudrier,  puis  met  le  Roquet  de  pourpre  6c  Î'E- 
phod,  êc  fur  tout  cela  le  ceinturon  exquis  de  l'Ephod.     Ainii  le  Souve- 
rain Sacrificateur  avoit  deux  ceintures,  la  première  ou  celle  de  defibus  ne 
fe  voyoit  pas,    Jl  reile  une  pièce  importante  dans  cet  ornement  du  Sou- 
verain Sacrificateur,  qui  fe  mettoit  dans  le  Pe£toral ,  &  c'eil  Urim  6c  Thum- 
.iS.îo.  mim.  T^  mettrai  au  ^eUord  Vrim  &  Tht-iwmim.M&is.cela.  mérite  un  cha- 
pitre à  part. 


i9.  s. 


tevitiquc 
çbap.  8.  V.  7. 


CHAPITRE 

D^Urim  &  Thummim. 


fttraittt 
qaefiion 
touchant  l'u- 
fage  d'Urim 
&  Thuin- 


î5«ift«îon, 

?î.   8. 

St. 

Voyez  î, 
Sam-iî.  V. 
as.y.  2.Sam. 
XI.  2.  Chroi. 
S.  19. 

.1». 


A  feule  chofe  certaine  en  cette  affaire ,  c'efi:  qu'Urim  ôcTîîummim 
étoit  un  des  moyens  que  le  ciel  avoit  donné  à  ïfraël  par  lequel  on 
pouvoitconfulter  l'oracle  de  Dieu,  pour  fa  voir  ce  qu'on  avoit  à  faire 
dans  les  évenemens  douteux.  C'eft  à  mon  fens  la  raifon  po?jr  laquelle 
ce  Pedoral  eft  appelle ,  le  PeBoral  de  fugement  KiSï'On  ,  ÔC  rVrim ,  c'ed- 
à-dire ,  la  règle  ôc  la  lumière  qu'ils  dévoient  confulter  :  Que  ce  fût 
un  moyen  pour  tirer  réponfe  de  Dieu  quand  on  vouloir  être  inilruit  d'u- 
ne aflfàire  douteufe ,  cela  fe  voit  par  le  chap.  2.7. 21 .  des  Nomb.  Oui  Dieu  éta- 
bliffant  Jofué  pour  fuccefleur  de  Moyfe,  dit.  Et  tl fe prefentera devant Siea* 
zar  le  Sacrifie atmr ,  &  rinterrogera^  éfi'-mn  lùm^m  ^  (tlon  la  règle  d'Urim, 
OU  par  le  moyen  d'Urim.  On  rapporte  à  cela  même  ce  que  dit  Moyfè 
en  fon  Cantique  T'^lï^^  l'^f^  *î"i^Bn  li'^K'?  ifi^^^  &  intégrités  tua  viro  fan^otm^ 
c'eft-à-dire ,  pour  le  Sacrificateur  qui  eft  coniâcré  :  C'efl  de  cette  interroga- 
tion par  Vrim  qu'il  faut  entendre  le  premier  verfet  des  Juges.  Les  enfans  d'If- 
raël  interrogèrent  V%x.Qrnt\'!]piiefi'ce  qui  monter t^i^  au  20.  du  même  livre  dans 
Talfaire  de  la  guerre  des  enfans  d'Ifruël  contre  les  Benjamites.  Dieufutcon- 
fuite  plufieursi'bi^  par  Urim.  David  a  plufieurs  fois  confulré  Dieu  de  cette 
maniere.Saul  vouloit  auffi  confulter  parUnm,quand  il  dit  à  Ahia  ou  Ahimelec, 
approche  l'Arche  &c.  Dans  le  i .  Sam.  ch.  aS.  f .  6.  nous  lifoas  que  Dieu  ne 


BT  DES  CULTES  DE  UEGLÎSE.  Tart.U.  ijf 

répondit  rien  à  Saul,ni  par  fonge!>,ni  par  UriiUjoi  par  les  Prophètes.  Il  y  a  fuf- 
lilàmment  de  preuves  de  cette  vérité ,  dont  tout  le  monde  demeure  d'accord. 

Mais  excepté  cela  tout  eft  incertain,     i.  On  demande  ce  que  c'étoit  s«onde 
que  ces  Urim  &  Thumrnim  que  Moyfe  reçût  ordre  de  mettre  dans  le  J"^^J°".*-. 
Pedoral.     Les  veriions  ne  nous  donnent  aucune  lumière  là-defllis  :  Les  toit  que  c«w 
70.  ont  tourné  ^yjKmig  nû  ùK^èsia  ,   èc  dans  le  3.  d'Hoiee,  ils  ont  mis  ^^iXoT  ^""'' 
fîmplement,c'eft  qu'ils  ont  eu  égard  au  fens  plutôt  qu'aux  paroles  :  Et  leur 
{êns  eil  que  c'étoit  unmayende  mettre  au  jour  la  vérité.   Aquila  a  tourné 
0a}ri(riJi,ûG  v-uï  rf^é^W/ç,  c'eft  mot  à  mot  une  verfion  de  l'Hébreu.  LaVuIgate 
&tourné,DoSrma  &  veritâs^  ces  mots  lignifient  préciféraent  lumière  &  perfec^ 
m/?.  J'eilime  quec'eft  un  èvlicilvoTv^^^sàtvc  ^^.pi^Qddon^^^om  parfaite  Inmiere^ 
c'elt-à-dire  parfaite  veritéj  parce  que  les  oracles  de  Dieu  font  la  vérité  même, 

2..  Il  y  a  là-deiTus  diverfes  conjeélureS)  la  première  c'eft  que  les  Urim 
étoient  le  nom  (l&T>icu  fehova  ^  ou  écrit  en  diverfes  manières  par  la  tranf- 
polîtion  de  ces  4.  lettres  nin^'  ou  joint  avec  quelques  autres  noms  de  Dieu, 
&  que  cela  étoit  mis  dans  la  doublure  du  Pe61:oral.  La  féconde  ell  qu'on 
n'en  fait  rien5.c'efl  l'opinion  de  Rabbi  Kimchi. 

La  3™«.  &  la  plus  fauiîe,  qui  même  eft  fcandaleufe,  c'efl  celle  deSpen-  spencerHa.- 
cerus,  qui  dit  que  PVrim  étoit  la  même  chofe  que  les  Theraphims:  quec'é-  ^<=|^g'5ju* 
toient  des  fimulacres  dont  on  fe  fervoit  pour  deviner  ôc  rendre  des  oracles;  DifTemt!  7»  ■ 
que  ces  fimulacres  dans  l'Urim  dévoient  être  petits ,  parce  que  la  doublure  ^^^^" 
du  Peétoraî,  où  ces  fimulacres  dévoient  être  placez  5  étoit  un  petit  efpaee 
qui  ne  pouvoit  pas  contenir  une  fort  grofie  image.     Ces  images  fatiMqties 
étoient  le  moyen  par  Lecjuel  Dieu^  ou  un  Ange  pour  lui^  répondait  aux  cjnefi ions 
au  Sacrificateur  en  lui  apprenant  ce  qu^ïl  àevoit  faire ^  ou  ne  pas  faire.  Il  n'y  auroit 
rien  eu  de  plus  payen&  de  plus  magicien  que  celai  Dieu,  qui  fous  des  pei- 
nés  fi  exprefîes  avoir  défendu  l'ufage  des  fimulacres ,  ôc  particulièrement  de 
ceux  par  lefquels  le  démon  rendoit  fes  oracles,  auroit  autorifé  ces  images, 
en  les  introduifantdans  fon  Sa-nétuaire,  &  dans  l'inflrument  le  plus  facré  qui 
fût  dans  fon  fervice.    Ce  font  là  des  prodiges  d'imagination,  &  des  licences^  , 
qui  font  voir  àquel  point  monte  la  hardiefie  des  écrivains  d'aujourd'hui^Spen- 
cerus,  &  Marshamus  en  ibnt  deux  notables  exemples.  Ils  veulent  que  le  cul- 
te Mofdïque  foit  une  imitation  du  culte  des  idolâtres  prefque  par  tout.  Cent 
fois  nous  avons  été  tentez  de  réfuter  dans  les  formes  cette  étrange  Théologie, 
mais  des  occupations  &  plus  importantes  ôc  plus  necefiaires  nous  en  ont  em- 
pêché. 

Je  ne  faurois  pourtaiit  m'empêcher  de  dire  un  mot  ici  en  faveur  du  Hoféech.  1; 
texte,  qui  eft  le  feul  .fur  lequel  Spencerus  s'appuye  avec  quelque   om~  '*'^" 
bre  de  probabilité.     C'eft  celui-ci,  tiré  du  Prophète  Hofée,  Tu  demeu- 
reras t'' an  en  dama  moi- pltifieur  s  jour  s  ^  &  ne  feras  a  aucun  mari  &c.      Car  les 
erfans  dVfrael  demeureront  plufeurs  Jours  fans  Roy  &  fans  gouverneur  ^  fans  fa- 
€mfice  (^  fans  Jfaîti'é  ^  fans  Ephod  &  fans  Theraphims.  JUais  après  cela  les  enfans 
dl/fraèlfe  retourneront  &  chercheront  PEternel  leur  Dien  &  David  leur  %£y.        . 
Spencerus  prétend  que  l' Ephod  ècles  Theraphims  font  ici  la  même  chofe,  6c 
que  le  Prophète  fignifie  que  cette  nation  feroit  privée  des  oracles  d^Vrim  ■ 
&:  Thummtm.    Je  ne  fai  combien  de  bonnes  chofes  onnepourroit  pas  di- 
re pour  réfuter  cette  méchante  vifion  :    félon  laquelle  la  nation  des  Juifs  - 
ne  feroit  pas  hors  d'efperance  de  revoir  leur  'Urim-.  puifque  le  Prophète  ne 
lésa  menace  de  les  en  priver  que  durant  quelques  jours ,  ou  plufimrs  jours. 

Mm- 2,--  li 


ty6  HISTOIRE  DESDOGMES 

Il  eft  plus  clair  que  le  jour  que  ce  texte  eft  une  parfaite  defcrip- 
tion  de  l'état  où  eu.  aujourd'hui  cette  nation  depuis  la  deftm^on  de  leur 
Temple.     ¥jt\Q(tnstù:  ^  ijohs  demetirerez.  comme  fam  Religion^  n'en  ayant 
ni  de  faufle  ni  de  véritable,  point  de  culte,  ni  idolâtre  ni  autre  ,   point 
L»  ïLeligioQ  d'oracles  ni  faux  ni  vrais  :   Car  la  Religion  de  Moyfe  ,    à  laquelle  les 
des  juif»     Juifs  foat  profeflion  de  fe  tenir  ,    n'eft  point  faufle  puifqu'ellc  a  Dieu 
d'iir^"     pour  Auteur.    Elle  n'eft  point  véritable  ,  car  Dieu  l'a  abolie  i   ÔC  d'ail- 
n'cft  ni  fauP- îe^j-g  ^[  ayant  plus  ni  Temple  ni  terre  fainte  ,   la  Religion  des  juifs  ne 
taWe,         peut  pas  être  coniideree  comme  iubliltant  encore.  Car  on  ne  lauroit  plus 
rexeraer  puirqu'elle  coniîftoit  en  cérémonies  qui  ne  fauroient  plus  avoir  de 
t  lieu.  Vous  demeurerez  fans  Roy  &f>ms  Gouverneur.  Car  les  Juifs  regardent 

tous  les  Princes  du  monde  fous  lefquels  ils  vivent ,  comme  des  tyrans  & 
des  ururpateurs:  Sam  fnaifices  &  fans  fieums.  Sansvray  culte  ni  feux  culte, 
point  dt  facrifices  :  cxï  les  Juifs  n'en  font  aujourd'hui  ni  n'en  peuvent  faire: 
point  défiâmes:  point  de  culte  idolâtre}  car  les  Juifs  ont  en  abomination 
tous  lesâmuîacres&les  itatuës.  En^n  fans  Sphod,  fans  Vrim^  fans  vrais 
oracles5mâis  auffi  fans  Theraphims ,  fans  images  fatiài^nes  ôc  magiques ,  pour 
deviner  &  rendre  des  oracles ,  parce  qu'en  effet  les  juifs  privez  de  leurs ora- 
clesj  de  PVrim^des  viftons^  de  l'efprit  de  Prophétie  ,^  du  Bat  h  koi^  demeurent 
k  cet  égard  dans  une  abfoluë  privation  de  tout  moyen  d'être  inftruits  des 
volootez  de  Dieu,  que  par  les  écrits  des  Prophètes  ;  on  voit  clairement  ici 
quatre  antitkefes  que  fait  le  Prophète,  i.  De  l'anarchie  d'aujourd'hui  où 
font  les  Juifs,  z.  Du  culte  idolâtre  ,  qu'ils  abhorrent  ,  ôc  du  vray  culte 
dont  ils  font  privez.  5.  Des  Sacrifices  qu'ils  n'ofent  plus  pratiquer,  oppo- 
fez  à  ces  criminels  Sacrifices  qu'on  oifroit  aux  flatuës.  4.  Des  vrais  ora- 
cles rendus  par  i'EphodScpar^"L^'-/»2,oppofezà  ces  faux  oracles  quiiè  ren- 
doient  par  les  figures  magiques  des  Theraphims.  Il  n'y  a  qu'à  produire  la  lu- 
mière de  la  vérité  pour  mettre  en  fuite  ce  menfonge.  Ainfl  le  véritable  fens 
du  Prophète  orée, mis  au  jour  comme  nous  venons  défaire,  renverfe  toute 
cette  vaine  pompe  de  littérature  humaine,  que  Spencerus  étale  avec  tant 
d'aîfeétation.  J'efpere  que  le  public  trouvera  nos  conjedures  fur  les  The- 
raphims, telles  que  nous  efperons  les  expliquer  dans  la  troifiéme  partie  de  cet 
Ouvrage ,  beaucoup  plus  raifonoabics  que  celles  de  ce  favant  Anglois. 

La  4""'  &  la  plus  vray-fèmblable ,  eilque  Unm  &  Thummim  n'étoient 
rien  autre  chofe  que  les  pierres  precieufes  du  Peéloral.     C'eft  l'opinion  at- 
c«p.'s©.      tribuée  à  Rabbi  Hazarias  in  meor  Enaim.   Bi  a  Wuius  prétend  que  Rabbi  Ha- 
zarias  croit  qu'effeétivement  ces  deux  mots  Vrim  &  Th%mmim  mis  dans  le 
Yoîicspâ-  fac  du  Peétoralétoient  l'Urim.  Hazarias  eft  peu  fuivi  par  les  Hébreux,  mais 
fjgj^*'      il  l'eil  beaucoup  par  les  Chrétiens  :  C'eft  aufîi  à  mon  fens  la  penfée  la  plus 
vray-ferablable»    Brentius  dans  fbn  Commentaire  lur  l'Exode  l'a  fuivic. 
Vatable  &  Fagius  rapportent  les  paroles  de  Brentius  fans  le  nommer,  ôcles 
approuvent:  leurs  raifonsfont,  que  Moyfe  en  rapportant  fidèlement  la  def- 
cription  des  habits  Pontificaux ,  comme  elle  avoit  été  ordonnée  de  Dieu  Ex. 
2.8.  ne  fait  plus  dans  la  fuite  mention  de  Wnm^  que  Dieu  lui  avoit  com-  ' 
mandé  de  mettre  dans  le  Peéloral,  il  ne  parie  que  des  pi  erres,  preuve  que 
rUrim  ôc  le'ss  pierres  precieufes  font  la  même  chofe  :  car  il  n'auroit  pas  oublié 
la  principale  pièce,  favoir  rUrim.  2,.  Déplus  Moyfe,  qui  eft  il  exaét  à  dé- 
peindre les  autres  parties  des  vétemens  facrez,  bien  moins  importantes,  ne 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Part.ll.  ijj 

dit  pas  un  mot  de  celle-cy.  Il  n'eft  pas  apparent  qu'il  l'eût  négligées  Ainlî 
cet  Vrim  n'efl  rien  que  le  Pedoral  même ,  dont  il  a  fait  la  defcription. 
3.  On  doit  remarquer  au ffi  que  fouvent  Urim&Thuramim  fontdefîgnez 
par  le  nom  d'£/>/7o^,  Hoféej.  Voidles jours  viennent  ^dyc,  que  les  enfuma'* If' 
raël  demeureront  fans  Ephod& fans  Theraphims.   Et  l.Sam.  50.7.  David  dit  à 
Abiathar,  mets  l'Ephod,  pour  dire,  confulteUrim.  Ce  qui  fait  voir  qu'U- 
rim  n'efl:  rien  que  cette  notable  partie  de  l'Ephod,  qu'on  appeiloit  lePeélo- 
ral.    4.  Les  noms  fX'Vrim  &  de  Thummim  font  évidemment  alluiîonàla 
nature  de  ces  pierres  precieufes,  dont  le  propre  eft  d'être  lumineufes,  />«- 
res^  entières  &  faines  ^  &c.   Cette  opinion  eft  celle  de  Jofêphe,  qui  nepar- Jo^^phe 
le  point  d'Urim,  mais  feulement  des  pierres  par  lefquelleson  connoiflbit  cap/8l'84»*" 
les  chofes  futures  j  comme  Juif,  comme  ayant  vécu  fous  le  fécond  Tem- 
ple, comme  Sacrificateur,  ôc  comme  plus  proche.de  la  tradition  qu'au-  ^.^ 
cun  Auteur  Juif,  il  ea  doit  être  plus  crû.      C'eft  auffi  l'opinion  de  Phi-  vita  Mofis, 

Ion,  ScLib.  a.  de 

__^  îi4on3rcciiir 

On  peut  donc  fbrtir  alfez  heureufement  de  la  difficulté  précédente,  mais  Troifiéme 
en  voici  une  plus  grande  :  comment  Dieu  rendoit  fes  oracles  par  le  Jo^°nè 
moyen  de  ces  pierres  j  Encore  que  tous  ne  conviennent  pas ,  que  les  pierres  Dieu  ke- 
&  Vrim  fufîènt  la  même  chofe ,   cependant  la  plupart  conviennent ,  que  J°g  ^*'  °'^' 


pat 


les  oracles  fe  rendoient  par  le  moyen  des  pierres  6c  des  lettres  gravées  qui  Urira. 
étoient  deflus.  Quelques-uns  veulent  que  Dieu  fit  entendre  une  voix  au  Sou- 
verain Sacrificateur.     Mais  cela  ne  s'accorde  pas  avec  ce  que  difent  les  au- 
tres Doéleurs ,  ç^n'Vrim  &  Thummim  tenoient  le  milieu  entre  Felprit  de  Pro- 
phetie,&  Sip  m  Bath  kol,  la  fille  de  la  voix,qui  demeura  dans  le  fécond  Tem- 
ple ,  car  fi  on  eût  ouï  une  voix ,  il  femble  que  c'eût  été  la  même  chofe  que 
Slpna,  La  plus  commune  opinion  eft,  que  les  pierres  fur  lefqueiles  étoient 
gravées  les  noms  des  douze  Tribus,  avec  les  noms  d'Abraham,  d'IfaacSc 
dejacobjôc  les  mots  p'Tia'^  ♦D2Jf  ajoûtezpour  achever  les  24.  lettres  de  l'al- 
phabet, fervoient  à  rendre^es  oracles.  Jofephe  dit,  que  les  douze  pierres  bril-  jofepke  &« 
loient  avec  une  force  extraordinaire ,  quand  les  Ifraëlites  devolenr  gagner  Liv-î-Aa- 
la  viâoire,  Se  que  c'eft  ainfi  que  l'on  connoiflbit  lefuccez  àç.s  affaires:  La  ^^'^ 
fplendeur  fignifioit  le  bon  fuccez ,  &  l'obfcurciffement  le  mauvais  fuc- 
cez. 

D'autres  difent ,  que  les  lettres  qui  étoient  neceflaires  pour  faire  la  réponfe, 
fe  levoient  au  deflus  àts  autres  :  comme  quand  les  Ifraëlites  demandent, 
ainfi  qu'il  eft  rapporté  au  premier  chapitre  des  Juges,  ^uiefl^ce  ciui  montera. 
le  premier  ?  L'oracle  répond  fuda montera,  le  mot  min*  écrit  fur  l'une  des 
pierres,  feleva  &  brilla  :  cnfuite  ces  quatre  lettres  n,  S,  y,  »,  fortirent  des  jud.  le. 
quatre  autres  pierres.  Kimchi  dit  que  l'efprit  de  Prophétie  révétoit  le  Sou- 
verain Sacrificateur.  Et  c'eft  ce  qu'il  y  a  de  plus  apparent ,  quelquefois 
on  joignoit  le  fort  avec 'L'r/V»  pour  plus  de  certitude:  c'eft  ainfi  que  félon  la 
tradition  des  Juifs  la  terre  de  Canaan  fut  partagée.  On  confultoitUrim, 
il  difoit,  un  tel  lot  pour  une  telle  Tribu ,  eniuite  on  tir  oit  le  fort;  c'eft  ainfi 
que  Sâul  fut  choifi  par  Samuel  3  c'eft  de  cettç  manière  que  fut  découvert 
Achan. 

Brawnius  croit  qu'on  ne  confultoit  Urim  que  dans  le  lieu  Saint  -,  mais  ce-  ^g^J'jJ'^j^ 
la  n'eft  pas  apparent:  Abiathar  dans  le  défert confultoit  pour  David,  2.  le 3n^intcrr<^ 
confukant  fe  tenoit  derrière  le  Sacrificateur  qui  confultoit.  Or  un  Laïque  gco^Wç^ 

Mm  5  n'ofoiji 


Cinquiems 
queftion  , 
quiavoitle 
dioitde 

confultcr 
Dieu,  Se  de 
îcvérir  TE- 


M  î  S  T  G  î  R  E  D  E  S  D  O  G  M  E  S 

n'oloit  entrer  dans  le  lieu  Saint,  il  elt  donc  plus  vray-femblable,  que  Ton 
confultoit  cet  oracle  en  tous  lieux. .   C'eil  que  par  t©ut  où  l'on  pouvoit  avoir 
FEphod  &  le  Rational ,  on  pouvoit  auffi  coniulter  l'oracle  j  comme  il  pa- 
roît  parce  que  David,  dans  le  defert,,  confultoit  l'oracle  par  le  moyen  d'A- 
biathar  :  lequel  en  s'enfuyant  de  devant  Saiil,  quifàifoit  tuer  lesmâlesdc 
îa  maiion  de  Ton  père,  emporta  l'Ephod  avec  foy  dansledéfert. ,   Et  nous 
avons  divers  exemples  dans  l'Hiflon'e  Sainte ,.  comment  au  milieu  des  Ar- 
mées 5  ils  confultoient  l'oracle  par  l'Ephod,.   On  peut  demander  ii  on  fe 
preientoit  devant  l'Arche  pour  confulter  cet  oracle  par  Urim  &  Thum- 
mioT?  QLîsnd  l'Arche  étoit  dans  le  lieu  Trés-Saint,  ileft  certain  qu'on 
ïi'cn  approchoit  pas  pour  conftikerUrimôcThummim  ,  car  on  n'y  entroit 
qu'une  fois  l'an,  au  jourdes  Propiiiacions.   Et  même  dans  cette  fête  des 
Propitiations ,  le  Sacrificateur  ne  portoit  pas  l'Ephod  Se  le  Pe6loral:  Ce- 
pendant li  F  Arche  étoit  dans  le  Tabernacle  ,  il  y  a  apparence  qu'on  fe 
tournoit  du  côté  de  l'Arche.  Mais  quand  l'Arche  étoit  cidiors  à  l'Armée, 
r.  Sam.  1^,  il  femble  qu'on  fe  prefentât  devant  l'Arche  même.  Car  Saùl  voulant  favoir  ce 
qu'é.toit  devenu  Jonathan  jdit  au  Sacrificateur  ^approche  l'Arche  de  D/>//,ôcc. 
Cekiy  qui  confultoit  l'oracle  &  revétoit  l'Ephod  devoit  toujours  être  Sou- 
verain Sacrificateur ,  &  non  autre.  C'eft  l'opinion  confiante  de  tous  les  Juifsj , 
ôc  cela  eft  allez  prouvé  j  parce  que  Dieu  met  le  Rational  ôc  l'Ephod  en- 
tre les  habits  particuliers  aufeul  Souverain  Sacrificateur.    Aquin  prétend 
que  Samuel  a  eu  le  privilège  depouvoir  vêtir  l'Ephod  ,&  de  confulter  Dieu 
par  X^//»?  j  cela  eft  faux.     Il  eil  vrai  qu'on  revêtit  Samuel  d'un  Ephod^, 
mais  cet  Ephodn'étoit  qu'une  velle  à  la  manière  des  Sacrificateurs.     C'efi: 
auffi  une  grande  erreur  dans  Cunjeus ,  de  croire  que  lesRoiseufîêntle  pour- 
voir de  vêtir  rEphod,ôc  de  confulter  eux-m.êmes  roracle,^  cela  fondé  fur  ce 
que.David  dit  àAbiathar,  donne  moy  l'Ephod.  1.  La  bevûeeil  étrange  poui% 
un  hom.me  auffi  favantqu'étoit  Cunaeus  j  car  David  n'étoit  pas  encore  Roi, 
ÔC  quand  ç'auroit  été  le  privilège  des  Rois,,  il  n'auroit  pûenjoiiir.  2.Quelle 
apparence  qu'il  ne  fût  pas  permis  aux  Rois  de  mettre  la  main  fur  l'enGenloir, . 
comme  ilparoît  par  Hofias ,  qui  fut  frappé  de  lèpre  pour  l'avoir  entrepris,  & 
qu'ilseuiîènt  pu  revêtir  le  Pectoral ,  ce  qu'il  y  avoit  de  plus  faint  dans  le  culte 
Leviîique  ?  Il  faut  donc  interpréter  comme  a  fait  nôtre  verfion  ^prens  l'Ephod^ 
confulte  pour  moy.  Il  y  a  plus  de  difficulté  fur  ce  qu' Abiathar  confultoit  l'O- 
racle pour  David,, n'étant  pas  Souverain  Sacrificateur, ,  On  peut  dire  qu'il  l'é-  ■ 
toit,  parce  que  fon  père  étoit  mort,  ,&  qu'il  étoit  le  feul  reilé,  ainfipar 
droit  de  fucceffion  il  étoit  revêtu  de  fa  dignité..  Il  eil  vrai  qu'on  peut  ob- 
jeéler,  que  la  feule  naifiànce  ne  donnoitpas  le  droit  de  Sacrificature  :  Ou- 
tre cela  qu'il  faloit  être  oint  ^ôc  inftallé  j  maison  peut  répondre,  qu'A^ 
biathar  étoit  oint  dés  la  viede.fon  père ,  par  furvivance  ,  .&  pour  être  fon 
Vicaire ,  auiîî  le  Seigneur  dit  3,.  que  David  mangea  les  pains  de  Proppfition 
fbus  Abiatharj  .cependant  c'étoitifousAhimelec,  comme  cela  fe  voit  i .  Sam. 
2,  î .  ï .  Mais  en  cela  il  n'y  a  nulle  faufieté,  ni  aucune  inexaélitude ,  p^rce  qu'A- 
biathar  étoit  le  grand.Vicaire  de, fon  père. 

Les  Juifs  difent  que  cet  oracle  ne  le  confultoit  que  par   le   Roy,  par 

avoit  droit   celuy  qui  s'appelloitpi  n^3  aï?,;  c'eft-à-dire ,  le  {hef  de.  Wfpiftke^  .&:  par  le 

*^°Jlïï^^§^"^^^^^"'^^^i""^-  C^^^  veut  dire,  que  cet  oracle  divin  ne  fe  mettoitpasà 

tous  les  jours ,  &  qu'on  ncie  confultoit  pas.pour  les  affaires  des  particuliersi 

mais 


Jud.lib.  î. 

7,  Sam,  3P 


M«e=  â.,  a(5> 


Sisieme 
queft!on,C|ul 


€«  Oîaclc, 


ET  DES  CULTES  DE  VE  G  LISE,  Part, IL  279 

mais  pour  les  affaires  qui  regardoient  le  public.  David,  qui  du  tems  de 
Saùl  nétoit  pas  Roy,  ne  laifîbit  pas  de  confulter  l'oracle  par  Abiathar. 
parce  qu'il  s'agiffoit  d'affaires  trés-impo'rtantespour  la  nation. 

Lesjuifsditent, queles  réponiesdccesVrimècThummim  étoient  irrevo-  Septième 
^^cablesjau  lieu  que  les  Prophéties  fouvent  le  revoquoientjcomme  il  paroît  par  c«  orTcîes^ 
-celle  de  Jonas  contre  les  Ninivites,  &  celle  d'Efaye  fur  la  maladie  d'E-  etoicnt  !«€■< 
'Xechias.     Au  lo.  des  Juges ,  il  femble  que  cet  oracle  ait  deux  fois  abufë  *°'^*''^®*^ 
les  enfans  d'Ifraël  dans  la  guerre  contre  les  Benjamites  :  Ils  confukerent 
'l'oracle  par  trois  fois  ,  n^nterai-je  -pour  combattre  contre  mon  frère}  l'oracle  ré- 
,pondic,  monte  ^  &  cependant  les  deux  premières  fois  ils  furent  battus.  On 
répond,  qu'aux  deux  premières  fois  ils  ne  demandèrent  point,  les  livrer  as- 
tu  en  ma  main  ?  mais  iimplement,  ^ut  efi-ce  ^ni  montera  ie  premier}  6c  à  la 
féconde  fois ,  monter  ai-je  contre  mon  frère  ?  Dieu  leur  répondit  félon  ce  qu'ils 
demandoient ,  fnda  montera  le  premier ,  &  à  la  féconde  demande ,  monte. 
Mais  à  la  troifiéme  fois  Dieu  leur  promit  ia- viéloire,  ce  qu'il  n'avoit  pas 
fait  les  deux  premières  fois. 

Voicy  comme  Maimonides  dans  le  Traité  îi'ipan^Vs  cap.uk.  décrit  la  Humemis 
manière  de  confulter  l'oracle  par  Urim.   Le  Sacrificateur  revêtu  de  l'E-  de  hmaiW 
phod,  fe  tournoit  du  côté  de  l'Arche  fe  tenant  debout.  Celuy  pour  quion  ^^'^JJ'^?'^ 
confultoit  l'oracle ,  fe  tenoit  juftement  derrière  le  Sacrificateur,  Se faifoit  roracie. 
les  queflions  à  voix  baffe ,  non  pas  mentalement }  mais  en  parlant  bas  com- 
me quand  on  prie  tout  feul.     D'Aquin  tout  au  contraire  dit,  que  le  con-  ^jj^y^^o 
fultant  5  au  lieu  d'être  derrière  le  Prêtre ,  étoit  devant  luy ,  &  le  regardoit  en 
fàce,à  caufe  de  ce  qui  efl  dit  à  Moyfe  &  il  fe  tiendra  devant  Eleaaar^  &c.  Ce-  Nomb.  *?. 
îa  n'eftpas  apparent,  autrement  luy-même  eût  vu  les  lettres  du  Peéloral, 
&  la  réponfe ,  cependant  un  Livre  intitulé  Jalekut  femble  favorifer  d'Aquin. 

Pour  obtenir  réponfe  de  cet  oracle,  il  faloit  que  le  Sacrificateur,  6c  ce-  seconde ofei 
luy  qui  confultoit,f  uffent  in  cafto ,  ne  fuflent  point  en  coulpe  de  péché  mortel.  "^  ^^^ 
Au  regard  deceluy  qui  confultoit ,  cela  fe  voit  par  deux  exemples  remarqua- 
bles ;  Le  premier  fe  trouve  dans  le  u  Livre  de  Samuel .  c.  1 4.  v.  37.  parce  que 
r  Armée  etoit  en  coulpe,  à  caufe  que  Jonathan5Contre  le  ferment  d'exécration 
de  Ion  perc ,  avoit  mangé  du  miel,  l'oracie  ne  rendit  pas  de  réponfe,  ôcSaiil 
connut  par  là  qu'il  y  avoit  un  péché  dans  l'Armée.  Le  fécond  exemple  fe  trou- 
ve dans  le  même  Livre  ch.  28 . 6.  où  il  efl  dit  que  Dieu  ne  voulut  pas  répon- 
dre à  Saiil  par  Urim  ,  parce  que  Dien  l'avott  rejette  a  cauji  de  fa  révolte.  A  l'é- 
gard du  Sacrificateur ,  cela  étoit  apparemment  encore  plus  neceflaire ,  &  les 
juifsdifent  que  quand  le  Sacrificateur  ne  donnoit  pas  de  réponfe  par  Urim, 
on  le  dépofoit  parce  que  c'étoit  une  marque  que  l'ei'prit  de  Prophétie  ne  re- 
pofoit  plus  fur  lui  :  ôcils  concluent  cela,  je  ne  fai  comment  ,dui.  Sam.  ch. 
îf.  &  de  l'Hiftoire  de  la  fuite  de  David  de  devant  Abfçalom ,  parce 
qu'onylit.qu'Abiatharvint  le  dernier  après  le  peuple,  &  que  David  dit  à 
Tfadock,  tft  es  le  Foyant:  ils  difent  qu' Abiathar  n'ayant  pu  répondre  par 
Urim,  fa  charge  fut  donnée  à  Tfadock ,  parce  qu'il  fe  trouva  n'avoir  plus  ' 
refpric  de  Prophétie  habitant  en  luy. 

Au  relie  c'efl  une  afléz  grande  queflion,  favoir  fi  ces  Urim  &  Thum-  Neuvième 
mim  étoit  dans  le  fécond  Temple:     C'efl  l'opinion  univerfelîe  des  Juifs  £s'^u'^® 
qu'ils  n'y  étoient  pas:  Ils  les  content  pour  une  des  cinq  chofésqui  mao-  duré  cet 
^uoient  dans  la  féconde  maifon,  i.  l'Arche  6c  les  Tables  de  la  Loy,  ^^^''^^ 

%,  le 


î8o         HISTOIRE  DES  DOGMES 

%.  le  feu  facré,  3.  l'huile  d'on6lion,  4.  Urim  &Thummim,  5.  refprie: 
de  Prophctie.  Les  autres  ajoutent  ™^^  laprefeneede  L'EfpritdeDieuj, 
mais  c'ell  la  même  chofe  que  refprit  de  Prophétie ,  c'efl  pourquoi  il  vaut 
mieux  mettre  l'huile  d'onâiion  pour  une  de  ces  cinq  ehofes ,,  qui  manî- 
quoientdans  le  fécond  Temple,  Difons  plutôt  que  toute  la  vertu,  de  pro- 
ïaod»  1  phetifer  procedoit  de  l'Arche,  Scdes  Chérubins,,  car  Dieu  avoit  dit ,  /« 
parlerai  a  toi  an  militU'  des  Chérubins.  C'eft  pourquoi  ceux  qui  eonlul:- 
toient  Urim  fe  tournoient  vers  l'Arche.  Ainfi  l'Arche  ayant  été  confur 
mée,  Urim  n'avoit  plus  de  vertu  dans  le  fécond  Teniple.. 

Les  Juifs  quieftiment  que  cet  Urimétoit  le  nom  de  Jehova  ,  mis  dans  le 
double  du  Peétoral,  croyent  que  le  vrai  nom  de  Jehova  ,  &   fa  pronon- 
tiation  ayant  été  ignorée  fous  le  fécond  Temple  ,   l'on  ne  pouvoit  avoir 
cet  Urim&  Thummim,  dont  toute  la  vertu  divinatrice  étoit  dans  la  vraye 
Cap.  1».      pronontiation  du  mot  de  Jehova.     L'opinion  de  Maimonides  eft  la  feu»* 
le  véritable ,  il  dit  ,  ils  firent  fotts  la  féconde  Maifon  Vrim  &  Thummim  j, 
n^3  7n  ^^/^  11^  „g  donnoient  pas  de  réponfe.  Cela  même  fe  lit  dans  k  Gemara  du; 
nTna    premier  chap.du  God.  Joma.  Ils  avoient  ZJrim  ç^  Ihummim  ,  autrement 
le  SoHveratn  Sacrificateur  n'eut  pas  eu  tous  les  vétemens  facrez^,  mais  ils  ne 
donnoient  pas  de  réponfe  k  ceux  e]ui  les  confultoient..    Cet  Urim  n'étoit  riei^ 
autre  chofe  que  lePeétoral  comme  nous  avons  vu,  or  ils  avoient  ce  Pec- 
.   •.  •»     toral ,  comme  ïofephe  le  témoigne.  Mais  ce  Peétoral  ne  donnoit  plus  l'efprit 
Lib.j.cap.s».  de  Prophetic  qui  S  co  ctoit  aile.  L  opmion  a  Outramus  clt  Imguliere,  que 
de^sàctif.'*"  Ui*im  6c  Thummim  ne  donna  plus  d'oracles  depuis  que  le  peuple  ayanc 
rejette  la  Théocratie  ou  le  Règne  de  Dieu ,  la  puifîance  Royale  fut  atta- 
chée à  la  maifon  de  David.  Car  encore  qu'il  n'en  foit  pas  parlé  danslafui^ 
te ,  ce  n'eft  pas  une  preuve  certaine  que  la  chofè  ne  fût  plus, 
ïjepuis  I»        On  ne  peut  nier  que  ce  ne  foit  une  chofe  étonnante  ,.que  depuis  la  mort  de 
™?"  ^^,  a  Saiil  il  n'eft  plus  parlé  de  Urim  Se  Thummim  dans  l'Hifloire  des  Rois.  Quioi^ 
plus  fait  ^   que  tant  de  fois  il  foit  parlé  des  Rois ,  qui  ont  confulté  les  Prophètes ,  pour  far 
mention     yQJj.  qq  qu'ils  avoient  à  faire:  Peut-être  negligea-t'on  de  le  confulter,  par- 
Thu'rMnim.  ce  qu'on  eut  des  Prophètes  vivans  durant  tout  ce  tems-là.  Ou  bien  com»»- 
me  cet  oracle  étoit  le  direéleur  de  la  Théocratie,  quand  le  gouvernement 
devint  Monarchique ,  Dieu  voulut  que  le  peuple  fût  gouverné  félon  là  vo- 
lonté des  Rois.     L'efprit  de  Prophétie  cefTa  dans  le  fécond  Temple.  Ce- 
pendant il  eft  à  remarquer  que  cet  efprit  de  Prophétie  demeura  encore  fur 
les  commencemens  de  la  féconde  Maifon  après  la  captivité.   Car  Efdras ,, 
Aggée,  Zacharie,  Malachie,  étc^ent  Prophètes.  Et  les  Juifs  difent  que 
cet  efprit  alla  toujours  en  diminuant ,  ôc  ne  cefTa  abfolument  que  du.. 
temps  de  Simeon  le  Jufte  ,  qui   étoit  le  dernier  ,   ou  le  ii,"»*.   de  la. 
grande  Synagogue,  i.  Ce  Simeon  le  Jufte  étoit  le  deuxième  après  jaddua, 
qui  vivoit  du  temps  d'Alexandre  le  Grand,  ôc  qui  vint  au  devant  de  lui.. 
Ce  Simeon  eft  placé  par  Cappel  en  l'an  3700;  du  monde  environ  300.- 
ans  devant  Nôtre  Seigneur  Jefus  Chrift,prés  de  zoo.  après  le  retour  de 
ia  captivité.     Il  n'y  a  guère  d'apparence  qu'il  peut  y  avoir  un  homme 
fi  vieux  en  ce  tems-là.     Car  il  eût  falu  qu'il  eût  eu  prés  de  deux  cens  ans 
pour  avoir  été  de  la  grande  Synagogue ,.  dont  Efdras  avoit  été  ,  félon. 
les  Juifs,  &  Tinftituteur,  oc  le  chef.     Il  y  a  apparence  que  c'eft  ce 
Simeon  dont  l'Ecclefiaftique  fait  l'éloge,  Drufius  au  i  f.Livre  de  fes  obferva- 

tions. 


ET  DES  CULTES  DE  UEGLISE,  Part.lL  281 

tîons  cap.  i^.  rapporte  qu'Alexandre  venant  au  devant  de  Jaddiia ,  il  lui 
demanda  qu'il  confultât  pour  lui  fon  Dieu,  &  que  Jaddiia  lui  répondit, 
que  depuis  que  les  vaifleaux  du  Temple  avoi^nt  été  traniportez  en  Baby- 
lône  ,  on  n'avoit  plus  Urim  &  Thummim.  Il  tient  cela  de  Jofephe  fils 
de  Gorion  ;  cch  ne  s'accorde  pas  avec  ce  que  difent  les  autres  Juifs,  de 
Simeon  le  jufte,  qui  fut  félon  eux  petit- fils  de  ce  Jaddiia  :  car  fi  on  les 
en  croit,  fous  Simeon  il  y  avoit  encore  quelque  efprit  de  prophétie.  Or 
ce  ne  pouvoit  être  que  par  Urim  -,  car  ils  n'eurent  plus  de  Prophètes  après 
Malachie.  Le  vrai  Jofephe décend  beaucoup  plus  bas,  cardans  le  Livre  Antiq.Lîb, 
•quiactéplufieursfois  cité,  il  dit,  qu'il  n'y  avoit  pas  plus  de  deux  cens  ans,  ^•*^^-  *• 
<jue  les  pierres  du  Rational  avoient  cefTé  de  jetter  leur  fplendeur  pour  ré- 
pondre dek  viâoircàceux  qui  confultoicnt  l'oracle,  c'eil-à-dire,  que  cela 
auroit  duré  jufques  à  prés  de  ifo.  ans  avant  la  venue  de  Jefus-Chrift.  Ce- 
la n'elt  pas  vrai-femblable ,  ôc  ce  que  je  puis  conjeélurei*  eu. ,  que  le  privi- 
lège de  tirer  des  oracles  par  Urim  ôc  Thummim ,  fubfiila  durant  le  tems  des 
Prophètes,  Aggée,  Zacharie  6c  Malachie.  Mais  que  Pefprit  de  prophé- 
tie fut  ét-eint  avec  eux.  Que  cet  Urim  fût  encore  du  tems  d'Efras ,  il 
femble  que  cela  eft  bien  prouvé  par  cgs  paroles.  Et  Aitirçata ,  qui 
eft  Efras ,  leur  dit ,  ^fi'ils  ■  ne  mangeajfent  point  des  ihofes  tre's-faintes  ,  'tm-  Efr ascks, 
dis  ejtie  le  Sacrtficatefir  affifieroit  avec  ZJrim  &  IhHmmim.  Néanmoins  on  peut  ^■^*° 
dire  que  cela  ne  prouve  rien,  que  ce  que  nous  avons  avoiié,  c'eft  que 
rUrim  étoit  dans  le  fécond  Temple,  pour  la  matière  feulement,  ôcnon 
pour  la  vertu,  car  Urim  &  Thummim  ne  fignifie  rien  autre  ici,  que 
le  Pedoral  lui- même:  Ce  qui  prouve  encore  tort  bien  nôtre  opinion,  que 
CVrim  n'étoit  rien  de  différent  du  Pe^9:oral.  Le  fens  eft ,  qu'Efras  défend 
aux  Sacrificateurs-,  dont  la  généalogie  étoit  douteufe  6c  mal  prouvée,  de  fe 
trouver  au  Parvis ,  quand  le  Souverain  Sacrificateur  en  habits  Ponrificaux 
y  feroit  poui*  officier,  &pour  diftribuer  la  portion  à  chacun,  lleftâfiûié- 
-ment  trés-rcmarquable ,  que  dans  un  même  âge,  c'cft-à-'di  e  ,  depuis  le 
retour  de  la  captivité  de  Babylone  ,  jufques  à  Jefus-Chrilt ,  Dieu  fit  c-ffatmndÊ 
cefîer  tout  oracle,  auffi  bien  entre  fon  peuple  qu'entre  les  Payens:  c'eli  clesVux°&° 
que  celui  qui  devoit  accomplir  &  finir  tous  les  oracles  écoit   Piêt  a'^'^Mf*» 

J      .  *  '  *■  quand  oc 

venir.  pourquoL 


C  H  A  P  I  T  R  E     VL 

^tux  fingularitez  remarquables  touchant  ks  habitsFontifaaux^ 

NOus  avons  expliqué  jufques  ici  quels  étoient  les  habits  du  Grand  J^;^*";*'!;^ 
Pontife.     Il  refte  deux  chofes  à  remarquer  là-defius:  Làpremieie  léfo  X?n 
eft,  que  dans  la  plus  folennelle  journée  du  Miniftere  de  ce  Souve-  ^"-  ■^'•^'5"£ 
ram  Pontii-e,  c  eft  le  jour  des  Propitiations ,  il  ne  Imetoit  pas  permis  de  pas      ha- 
porter  ces  vétemens  magnifiques,  il  n'officioit  dans  fes  habits  Pontificaux.  J^'^J^^'^sni- 
que  dans  le  Parvis  des  Sacrificateurs,  6c  dans  le  San6l:uaire,  mais  il  n'en-  jcer  du 
troit  point  avec  ces  habits  dans  le  Lieu  Très- Saint,  êcainfiilneparoifibit  ey^"*^  1^' 
'Pm.  II,  Nn  jaîïiais 


2$z  H  î  S  T  O  I  R  E  D  E  S  D  O  G  MES 

j&mais  devant  l'Arche  avec  VVrim  &c  Thummim:  cependant  cela  remhloit 
être  bien  i-aifonnable  d'aller  demander  à  DieuréponfeparUrimôcThum- 
mim  devant  cette  Arche ,  où  il  parloit  à  Moyfe  du  milieu  des  Chérubins. 
S"aWio        Et  là-deirusCunaeus  croit  avoir  remarqué  une  grande  bevûë  dans  Joiephc: 
juj.ïorum.    Mais  Scldenus  le  juftifie  trés-bien,8c  faitvon'  que  le  texte  de  Jofephe  a  été  mal 
fiïïcSe  ^  interprété  par  Cuna:us  :  Je  le  crois  auffi,  après  avoir  examiné  l'Hillorien  Juif. 
adPomif.     Cuni«us  prétend ,  que  félon  Jofephe,  le  Souverain  Sacrificateur  ne  mettoit 
îo?bX\b.  le  Peéloral  dans  lequel  étoient  Vrim  écThummim.,  que  quand  il entroit  dans 
>  ap.is.     le  lieu  Trés-Saint ,  ce  qui  n'arrivoit  qu'une  fois  l'an ,  c'étoit  dans  le  jour  des 
vlrSondu'"    Propitiations.   Or  Jofephe  dit  feulement,  que  le  Souverain  Sacrificateur 
Qxav         portoitces  magnifiques  habits  quand  il  officiait ,.  les  jours  de  Sabbat,  6c  les 
nouvelles  lunes  i  mais  qu'il  en  prenoit  un  plus  limple  dans  le  jour  du  Jiine , 
qui  s'appelloit  le  jour  des  Propitiations:  Ôc  qu'il  avoit  fes  plus  beaux  habits 
pontificaux,  toutes  les  fois  qu'il  entroit  dans  le  lieu  Saint  pour  y  faire  le  par- 
fum, èc  c'ell:  la  vérité.    Car  dans  le  grand  jour  du  Jûne  5.  il  avoit  des 
habits  particuliers^  qui  nous  font  marquez  dans  le  feiziéme  chap.  du  Levi- 
tique:  favoir,     i.  Les  brayes  de  lin.  1.  La  chemifede  lin.  3,.  La  tiare  de 
lin  5  Ôc  la  ceinture  de  Un.,    Ces  véteraens  étoient  donc   fort   llmples, 
6c  de  couleur  blanche  ,  c'ell  pourquoi  les  Juifs   les  appelloient  pS  nji3, 
les  vétemens  blancs ,  6c  les   autres-  qui  étoient  beaucoup   plus    magni- 
fiques, s'appelloient  5ri?  n.u,  les  vétemem   d'or,    Ainlî  dans  ce  jour  de 
Jûne  le  Pontife  offjcioit  avec  les  habits  quilui.étoient  communs  avec  tous 
}es  autres  Sacrificateurs,  6c  même  plus  fimples 5,  6c  plus  blancs  qu'à  l'or- 
dinaire. Sans  doute  cela  n'étoitpas  fans  myliere,quedans  ce  jour,  qui  étoit 
un  jour  d'humiliation,  le  Pontife  ne  fut  pas  revêtu  d'habits  magnifiques, 
La  tiare  même  dans  ce  jour  étoit  blanche,  au  Heu.  que  l'autre  étoit  d'hya- 
cinthe, c'eft-à'dire,.  bleue  ou  aaur. 
Seconde fiQ-      L'autre  chofè  remarquable cil ,  que  fous  le  fécond  Temple  ces  habits. 
fesTabits     Pontificaux  étoicnt  en  fi  grande  coniideration^  qu'on  leur  avoit  delliné 
du  Souverain,  y  île  maifon  particulière  pour  les  garder  ;  c'étoit  une  tour  horsdei'encein- 

Sscriiicstcui  I  .  '  cj 

étoient  gat-  tc  du  Temple ,  au  côte  Septentrional ,  qui  s'appelloit  Baris  fous  \t.^  Prin- 
c?  deik"^  *"^^  Hafraonéens,  6c  qui  depuis  fut  appelle  par  Herode  le  Grand,  Arx: 
Anîon'm^  en  faveur  de  fon grand  ami  Marc- Antoine,  Les  Souverains Sa- 
voy  Jofephe  crificateurs  avoient  la  garde  de  ces  vétemens  :,  Mais  enfuite  Herodes ,  6c 
^miq.  18,  p^-g  les  Romains  s'en  (aifîrent,  il&  mirent  garnilbii- dans  la  for  terelTe  d'An- 
toine ,  6c  gardaient  la  robe  Sacerdotale  :  Depuis  les  Juifs  obtinrent  de 
voyjofephe  Claude  qu'on  la  leur  rendît  5.  mais  les  Romains  s'en  emparèrent  encore  peu 
îp""t?'  ^  'après. 

Levitique  Js  croy  que  c'eft  de  cette  robe  qu'on  doit  entendre  le  précepte  duLe- 
îh.2Li,,i«..  vitique,  le  Sauver ain  Sderificateur  d'^&ntrefis  frerss ^  fur  le  chef  àticjml  l'hmle 
d'onRion  a^ra  été  épandue,  or  cjui  fefera  confrcré pour  vêtir  Içs  vétemens , ,  ne  dé' 
couvrira  point  fr.têie ,  c^  ne  déchirera  point  fes  véiemens,  C'eil:  pourquoy  quand 
nous  lifons ,  que  Caïphe  déchira  fes  vétemens  en  jugeant  le  Seigneur ,  il 
ne  fit  rien  contre  la  Loyj  car  cela  ne  fe  doit  pas  entendre  des  vétemens 
ordinaires.  Ce  que  difent  les  Juifs ,  qu'il,  n'étoit  permis  au  Sacrificateur 
de  déchirer  {çs  véemens  qu'autour  des  pieds,,  me  paroît  afiez  incertain,. 
ayant  l'air  de.  fable.  L'intention  de  la  Loy  efl ,  que  le  Sacrificateur  en 
officiant,  ne  donne  jamais  aucun  figne  de  deUilj  quelque  trille  nouvelle 
qu'on  luy  puific,  aj^porter.  CHA- 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Tart.U.  283 


CHAPITRE     VI  L 

^e  VekEîion ,  in[iallaUon ,  é^  inauguration  au  Souverain  Tontife. 

De  l'huile  d'onHian. 

Uoy  que  la  dignité  Pontificale  s'obtint  par  le  droit  de  fuccellîon, 
cependant  peribnne  n'en  pou  voit  être  invefti  ,  qee  par  l'autorité 
du  grand  Sanhédrin  :  parce  qu'outre  le  droit  de  la  fuccefîion  il  fa- 
loit  beaucoup  de  qualitez  de  corps  ôc  d'efprit  ,  pour  l'examen  defquel- 
les  il  faloit  des  Juges:  Ainfî  c'étoit  au  Sanhédrin,  qui  s'aflembloit  dans  Ejraaen desE 
la  chambre  de  pierre  détaille,  auprès  du  Temple,  qu'appartenoit  le  droit  Jg^^^^^^jg 
d'examiner,  fi  le  Souverain  Sacrificateur,  ôc  les  autres  Sacrificateurs  in-  gnnd  coa» 
ferieurs  n'avoient  pas  de  tache  dans  leur  naiiTance ,  ou  de  défauts  dans  leurs  ^**^' 
corps.  Quant  aux  Sacrificateurs  inférieurs ,  ceux  dont  la  naiflance  fetrou-  Maimonid«; 
voit  contraire  aux  ftatuts  de  la  Loy,  étoient  revêtus  d'un  habit  noir,  ^^JJJ'fT" 
on  les  faifoit  fortir  du  Parvis,     Ceux  dont  la  naiiîance  étoit  droite,  mais  cap.  «. 
qui  avoient  quelque  défaut  dans  le  corps  ,  on  les  établiflbit  fur  le  bois 
pour  l'arranger  en  piles,  &  pour  examiner  s'il  étoit  propre  aux  Sacrifices, 
&  du  refte  ils  avoient  part  aux  offrandes  comme  les  autres.    Ceux  enfin 
qui  fe  trouvoient  entiers,  6c  fans  tache,  tant  dans  leur  naiflance,  que  dans 
leurs  perfonnes,  étoient  revêtus  de  vétemens  blancs,  &  on  prononçoit  fur 
eux  cette  aétion  de  grâce.     Béni  fiit  Dieu  de  ce  qu'onn^a^astrcavé détache  MifchRî 
dans  la  jemence  de  Aaron  ^  &  de  ce  qn'ila  choift  Aaron  &  Ces  enfans  pour  fe  tenir  Middosfe 
'^n  fa  prefince ,  &  pour  faire  le  fervice  devant  tni.     La  même  chofe  s'obfer  voit  "^' ^* 
pour  celui  qui  afpiroit  à  la  Souveraine  Sacrificature. 

Après  l'examen  de  la  perfonne  de  celui  qui  devoir  fucceder  à  la  Sacri-  ceremenîés 
ficature  Souveraine,  on  procedoit  aux  cérémonies  de  fon  inllallation  par  ^5  l'inftaih. 
fept  jours .     Et  vous  nefortirez.  defept  jours  de  Nnîrée  du  Tabernacle  d' ajfgnation ,  verain  Le d- 
jufcjues  au  tems  que  les  jour  s  de  vos  confecrattons  foient  accomplis ,  car  par  fept  jours  ficateur. 
on  vous  confacrera.     Il  y  avoit  trois  principales  cérémonies  dans  cette  inau- 
guration, elles  nous  font  décrites  avec  tant  d'exaâitude,  &  fi  amplement 
au  zp.  ch.  de  l'Exode  ,  &  au  8.  du  Levitique,  que  les  Juifs  ont  eu  peu  tewique 
de  chofes  à  y  ajouter.     La  première  cérémonie,  c'eft  qu'en  prefencedu  ■^'° 
peuple,  on  revétoit  le  Sacrificateur  des  habits  Sacerdotaux,  la  féconde, 
c'elî  l'onélion,  la  troifiéme,  c'eft:  le  Sacrifice.     Ces  cérémonies  ibntfort 
exaétement  décrites  dans  les  chapitres  que  nous  venons  d'indiquer. 

Premièrement  on  faifoit  venir  le  Souverain  Sacrificateur,  qui  devoit rremiere 
être  inft:ailé ,  dans  k  Parvis  des  Sacrificateurs ,  prés  de  l'Autel  des  Holocauf-  «remonie 
tes,  devant  la  porte  du  Temple  j  on  lui  faifoit  ôter  (ts  vétemens  ordinaires  tron^ies  ^ 
6c  communs  :  On  le  lavoit  de  l'eau  qui  étoit  dans  le  cuveau  des  lavemens.  "^p^^^ns 
Apres  cela  on  le  revétoit  en  la  prelence  du  peuple,  i .  de  fes  brayes  ou  saaificafem;, 
caleçons  de  lin,  qui  lui  venoient  depuis  les  reins  jufques  aux  genoux.  2,.  Puis 
on  meitoit  deflus  la  longue  vefte  de  lin  ou  furplis  ,    qui  prenoit  depuis 
les  épaules  jufques  aux  pieds.  3.  Ici  le  Levitique  dit^  que  Moyfe  mit  à 

Nn  2,  ^'-  Aaroii 


z84f         HISTOIRE   DES   DOGMES 

Aaronla  ceinture  ou  le  baudrier  fur  la  vefte  ou  furplis:  Ce  qui  donne  Hea 
de  croire  qu'il  y  avoit  deux  ceintures.  4.  Après  on  vétoit  le  roquet  ou 
le  manteau  de  pourpre,  où  étoient  pendues  les  70.  clochettes  avec  des  gre- 
nades, f .  Enfuitc  on  lui  mettoit  l'Ephod  fur  les^  épaules  :  &  le  Leviti- 
que  dit  qu'on  ceignit  l'Ephod  d'un  nouveau  ceinturon.  6.  Sur  cela  on* 
mettoit  le  Peétoral  qu'on  attiîchoit  à  l'Ephod  comme  il  a  été  dit  ;  Se  ce 
Pedoral  ne  fe  détachoit point  dans  toute  la  vie  du  Sacrificateur,  car  l/E- 
.  ^  phod  ôc  lePeâoral  dévoient  être  attachez  l'un  à.  l'autre.     Enfin  pour  le 

dernier  vêtement  on  lui  mettoit  la  tiare  fur  la  tête  aveclaiame  d'or,  qui  y 
étoit-  attachée  avec  à^s  cordons  bleus.     G'eft  la  première  cérémonie ,  far 
voir  l'impofition  des  vétemens.. 
Seconde  La  fecondq  c'étoit  i'onélion.  Nous,  ne  voyons  pas  qu'Abiatharaîtété. 

SS'ior'   c>inc  quand  il  s'enfuit  vers  David,  cependant  il  fit  ade  de  Souverain  Sacri- 
ficateur avec.  David  revêtant  l'Ephod ,;  c'ell  pourquoi  les  Juifs  difent  que- 
l'onêtion  n'étoit  pas  efi^entielle:  elle  fe  faifoit  d'une  huile  facrée,  dont  la 
Gompofitioii  nous  efi. décrite  au  livre  de  l'Exode  chap.^a.ii^.ôCG.  Moyfe- 
eut  ordre  de  prendre  foo.    ficles.de  myrrhe  ,   le  ficle  étoit  précifémenr 
une  demi- once,  il  y  a  donc  ^2.  ficles  dans  nôtre  livre,  6c  foo.  ficlesfont 
1 5".  de  nos  livres  :  1.0..  onces  de  myrrhe  :  de  cinnamome  ifo .  ficles  :  c'eft-à- 
dire  prés  de  huit  livres ,  ôcfoo.  ficles,  ouif.  hvres,  de  cafi^e  :  durofeau' 
Aromatique  if  o.  ficles  ou  prés  de  huitlivres^  &  par  defius  tout  cela  i\  ou  qua- 
tre pintes  d'huile  d'Olive.  La  Loi  dit.un  hin  qui  étoit  1,2.  logs,c'efl-à-dire 
tout  au  plus  douze  petits  fetiers  de  liqueur  ,  c'étoit  peu  d'huile,  dans  une- 
fi  grande  raafle..    Mais  c'eft  que  l'huile  d'Olive  corrompt  au  lieu  de  con- 
fèrver.  Maimonides  dans  le  Traité  Kele  Hammikedash  a.  une  étrange  ima- 
gination, que  par  lia  que  nous  tournons  myrrhe  il  faut  entendre  du  fang 
congelé  d'une  certaine  bête  des  Indes.  Peut-être  entend-il  la  civette,  qui> 
eil:  une  efpece  de  fang  congelé. de  l'animal  qui  porte  ce  nom.  Mais  iln'eft' 
pas  apparent  qu'on  eût  fait  entrer,  du  fang  dans  cette  compofition,. fur  tout, 
du  fang,  d'une  bête  impure.  Toutes  ces  drogues  fe  broyoient  féparémenr, 
enfuite  on  les  méloit.  ôc  on  les  faifoit  boiliUir,  jufqucsà  ce  qu'elles  fufiênt 
en  confiilance  coulante  :   Toutes  enfemble  elles  faifoient  bien  48.    ou 
50.  îivres^.  Et.aprês  la  mixtion,  parce  que  les  huiles  ne  diminuent  pas  beau-- 
coupaufeu,  la  compcfitionpouvoit  être  de 40.  ou4f.  livres. 
On  n'a  pas        Cette  mcdiocrc  quantité,  fut  plus  que  fuffilante  pour  fournir  à  toutes  les. 
fait  de_cette  onâions.  Il  n'y  a  pas  eu.de  cette  huile  facrée  fous. le  fécond  Temple,  ce- 
îîon  uijç  fe-  qui  m.e  tait  croira  qu  on  n  en  a  jamais  tait  qu  une  rois,.  Abarbmdmx  le  chapi 
cpiKiefois.   gç5^  ^Q  l'Exode  dit  exprefiement  qu'on  n'a  point  refait  de  cette  huile  fa- 
crée, ôc  le  dit  fur  latradition  confiante  de  tous  les  Rabbins.  Quant  au  parfum- 
on  en  refaifoit  continuellement,  Si.l'on  eût  pu  faire  d&noiivelle  huile  ,-quand> 
iljî'yen  eut  plus,  pourquoi  après  le  retour  deBabylone  n'cn.euflent  t'il  pas 
fait  de  femblable  ?  Ajoutez  que  45^.  livres  d'onêlion  vont  bien  loin.  ïl  eft  vray - 
que  l'on  oignit  de  cet. oignement  tous  les  vaiiTeaux  du  fervice,  mais  onne- 
faifoitqu'y  en  mettre,  un  peu  au  dedans ,  6c  au  refte  quand  ils  furent  une  fois- 
Gonfacrez  ce  fut  pour  toujours  j  nous  ne  voyons  pas  que  Salomon  ait  fait 
L«aB.<)iS',     oindre  lesvaifleauxde  fon  Teinpie  pour  lesconiàcrer.     Les  Rois  n'ont- 
P^^okiw     point  été" oints  de  cette,  huile  j  au  moins  cela, ne  nous  paroît  pas.  Ainfi ce- 
îSieV    ^^  refta.de  cette  grande  quantité,  d'oignement  fut.  plus  que  fuffifant- 
a4*.^  *  '"^  ^Qur* 


ET  DES  CULTES  15E  L'EGLISE.  Part.ll,  28^ 

pour  oindre  environ  28.  ou  ^o.  Souverains  Sacrificateurs ,  qui  furent  de- 
puis Aaron  jufques  à  la  captivité  de  Babylone. 

De  cette  huile  d'onétion  on  oignoit  le  Souverain  Sacrificateur.  Abar- 
binel  dit  dans  l'endroit  cité ,  que  l'ondiion  fe  devoir  toujours  faire  par  un 
Prophète.  Mais  cela  n'eft  gueres  apparent ,  car  y  avoit-ii  toujours  un: 
Prophète  en  Ifraël,  même  fous  Je  premier  Temple  ?  L'onâ;ion,  dit-il ,  étoit 
une  marque  de  i'éJeélion  de  Dieu,  par  conféquent  elle  fe  devoit  faire  par 
un  Minillre  qui  favoit  par  efprit  de  révélation  celui  que  Dieu  avoit  élu. 
Cette  raifon  n'eft  pas  bonne ,  puifque  cette  dignité  étoit  héréditaire ,  & 
non  pas  éledive.    Ainfî  Dieu  n'y  entroit  que  par  la  providence  générale. 

Quant  à  la  manière  de  i'onâion,  la  Loy  dit  ûmplement  ytu  pretidras  l'huile  Manière 
</'<7«^/w,^/'^j?^Kâfr4j/»ry4/^^/:<?.Les  Juifs  ajoutent  que  ceiuiquifaifoit  la co         S'oS^"* 
cration  appliquoit  fon  doigt  plein  d'huile  fur  le  milieu  du  front  entre  les  deux  tion  fur  le 
yeux,  ôc  Gonduifoit  ce  doigt  de  part  &  d'autre  aux  quatre  coins  du  front  en  sSIficateut- 
figure  de  croix  de  St.  André  ,   les  Juifs  difent  T~\'^W  t)3  W3,  de  la  figure 
d'un  Caph  grec  :   les  autres  difent  d'un-  *3  Grec  X.  foit  Cappafoitchi  X. 
c'étoit  toujours  en  forme  de  croix.  Ainfi  le  difent  Mikotiî ,  Abarbinel,. 
le  Talmud ,,  &  autres.     Cela  nous  fait  comprendre  comment  fe  pouvoit  comment 
taire,  ce  que  dit  le  Pf  123.  que  l'oignement  décendoit  jufques  à  la  bar-  voit'd«en- 
bc  ,    &   jufqu'au  bord   fuperieur  du  facré  vêtement  y  fi'  on  eût  verfé  drejufqu'à' 
l'huile  fur  les  cheveux,  il  en  eût  falu  une  grande  quantité  pour  couler  juf-  phi^î!" 
ques  à.  la  barbe.     De  plus  comme  les  cheveux  fbnt  à  côté  &  la  barbe  au: 
milieu  ,  il  n'eft  pas  aifé  de  concevoir  comment  de  l'huile  jettée  fur  des 
cheveux  eût  pu  venir  à  la  barbe.     Mais  l'huile  étant  mife  fur  le  front  il 
ell:  plus  aifé  de  comprendre  que  pour  petite  que  fût  la  quantité  elle  cou- 
loit  le  long  du  nez  jufques  fur  la  barbe.  Ceci  me  fait  croire  qu'on  détrem- 
poitcet  oignement  facré  dans  d'autre  huile,  car  le  tems  épaifîit  les  oigne- 
mens  &.  fait  qu'ils  ne  font  plus  coulans.     Les  fils  d' Aaron  furent  oints  de 
cette  huile  auiîi  bien  que  leur  père  ,,  mais  dans  la  fuite  on  n'oignit  que 
les  feuls  Souverains  Sacrificateurs  >.  ê€  c'eft  ce  qui  rend  vray-fembiable  la 
d'adition  dt5  Juifs  qu'on  ne  fit  pas  de  cette  huile  facrée  une  féconde  fois  :: 
Elle  fut  gardée  dans  tous  leurs  âges,  &:  pour  l'épargner  on  n'en  oignit  qvie- 
le  Souverain  Sacrificateur  pour  tous  les  autres.  Moyfe  ordonna  qu'on  mît. 
la  tiare  fur  la  tête  d'Aaron  devant  que  de  l'oindre,  &  cela  rend  très  vray- 
femblabîc  la  tradition  des  Juifs  fur  la  manière  de  cette  onélian,  c'ell  qu'élu 
le  fe  fai foit  fur  le  front.  Car  il  n'y  a  pas  d'apparence  que  l'on  mît  l'huils 
Ibus  la  tiare  qui  couvroit  les  cheveux  j   cela  l'eût  gâtée  Ôc  auroit  empê- 
ché que  llondion  ne  fût  arrivée  jufqu'à  la   tête  ,    êc  jufqu'à  la  bar-  - 
be. 

La  troifiéme  cérémonie- étoit  le  facrifîcexotnpofé.     1.  D'un  bouveau  Tioifiéme- 
for.  la,  tête  duquel  le  Souverain  Sacrificateur  qu'on  inftalloit  mettoit  fa  ^SnS? 
main,,  oul'égorgeoit,  on  enépandoit  le  fang  au  pied  de  l' Autel,  &  celui  "?n,iefa- 
qui  faifoit  l'office  de  la' confecration-  prenoit  dece  fang  au  bout  dé  fon  "fp^eWi' 
doigt,  &  en.frottoit  les  cornes  de  l'Autel  des  holocauftes  >  on  faifoit  fumer  ^acn&e 
les  grailles  &les  rognons  fur;  cet  AuteL    Et  le  refle,  la  peau,  les  entrail-  po^fe^'^^' 
les,  les  chairs,  on  les  envoyoit  brûler  hors  du  camp  dehors  du  Temple,  peciw. 
2..  Le  fécond  Sacrifice  étoit  de  deux  moutons,  dont  l'un  étoit  égorgé  après  Le  fécond? 
qpe  le  Prêtre,  confacré.  avoit  mis  fa  main  fur  fa  tête,  ôc  il  étoit  offert  en  «ojti'Hol©^- 


î8.6 


HISTOIRE  DES   DOGMES 


Cetrolfié-    ]i  -lociufts.     Aprés  quoi  oi>  prcnoit  Tautie  moaton  qui  s'appelloit  S\>î 
me  écoïc      r3\N''7'3    Anes  impletionum  X  c'eit -à- dire,  par  lequel  fe  faifoit  lapiincipale 
lin  uaitke  couiccrauon,  parce  que  c  etoit  la  -dernière  cérémonie,  ex  aulli  parce  que  Je 
depivii'cii  Sacrificateur  étoit  frotté  du  iang  de  ce  fécond  mouton  j  Or  toute  grande 
cela  le  voit    conlecracion  fe  faifojt  par  le  fang  :    on  oflrroitce  fécond  mouton  en  fa- 
feTe!iesce-  crificc  de  profpeiité  ,    on  épandoit  fon  fang  non  pas  au  pied  de  l'Autel 
temcnies.    comme  cclui  du  bouveau  ,  mais  furTAutel  comme  celui  du  premier  mou- 
ton.    Mciis  avant  que  de  le  répandre  fur  l'Autel  on  le  recevoit  dans  un 
vaifTeau.  Celui  qui  confacroit  y  trempoit  fon  doigt  &  en  frottoit  le  bas  de 
l'oreille  droite  du  confacré ,  c'ell  cette  chair  molle  qui  eft  au  bas  du  car- 
tilage.    Il  oignoit  auiîi  le  pouce  de  la   main  droite  f,  6c  le  gros  orteil  du 
pied  droit.    En  fuitte  on  détrempoit  un  peu  de  ce  fang  avec  de  l'huile  de 
l'ondlion  6c  avec  un  brin  d'hyfope,  on  en  faifoit  afperfion  fur  le  Sacrifi- 
cateur ôc  fur  fes  vétemens  facrez  \  enfin  on  répandoit  le  refte  du  fang  fur 
l'Autel  des  liolocaufles  tout  à  l'entaur.  Aprés  cela  ou  prenoit  les  graifies, 
les  roignons,  la  queue,  6c  l'épaule  droite,  on  ajoûtoità  cela  un  pain  fans 
levain  de  la  groffeur  d"'un  tourteau ,  avec  un  gâteau  à  l'huile,  &  un  autre 
petit  gâteau  comme  un  bignet  oint  d'huile  feulement ,  &  le  Sacrificateur 
confacré  tendoit  les  paumes  de  fes  mains  :   on  mettoit  toutes  ces  chofes 
deflus,  on  les  tournoyoit,  en  hauffant  6c  baillant,  on  les  reprenoitde  ki 
mains ,  on  les  pofoit  fur  l'Autel  des  holocauftes  6c  on  les  faifoit  confumer. 
I^e  confacrant  prenoit  pour  lui  la  poitrine  6c  en  faifoit  une  offrande  tofir^ 
mojée  y  c'eft-à-dire  ,   élevée  vers  les  cieux,  comme  difent  quelques-uns, 
en  figure  de  croix  aux  quatre  parties  du  monde.  Le  refte  du  mouton  ap- 
partenoit  au  Sacrificateur  confacréjqui  en  mangeoit  avec  les  autres  Sacrifica- 
teurs dans  le  Tabernacle  ou  dans  le  Temple,  avec  des  pains  fans  levain 6c 
des  gâteaux  à  l'huile,  dont  on  avoit  préparé  une  pleine  corbeille  j  delà- 
quelle  corbeille  on  avoit  pris  le  pain  6c  les  gâteaux  qu'on  avoit  fait  fumer 
fur  l'Autel  avec  la  graiflé  ,   les  roignons  ,   la  queue  6c  l'épaule  droite  du 
mouton  ,   on  faifoit  bouillir  la  chair  du  mouton  dans  le  Temple  même, 
c'eft-àdire,  au  parvis  des  Sacrificateurs,  s'il  en  reftoit  jufques  au  lende- 
main 5  on  le  brûloit  au  feu. 

Or  cette  confecration  fe  reïteroit  fept  jours  durant  :  Il  n'étoit  pas  per- 
mis au  Sacrificateur  confacré  de  fortir  du  parvis  ni  jour  ni  nuit  durant  ces 
fept  jours.  Tous  les  jours  on  lui  revétoit  les  facrez  habits  dans  le  même  or- 
dre. Le  Sacrificateur  ^ui  viendra  &  fnccedera  en  [on  lieu  les  vêtira  par  fept 
jours.  On  reïteroit,  dis-je,  toutes  ces  cérémonies  6c  l'ondion  6c  les  fa- 
crifices  par  fept  jours  ^  caria  Loy  dit.  lu  feras  dom  ainfî  k  Aaron  &  a  fes 
enfans  félon  tomes  les  chofes  e^ue  je  t'^ai  commandées  par  fept  jours  ,  tu  les  cori' 
facreras  ,    tu  ficrifieras  pour  le  pèche'  tous  les  jours  un  bouveau. 

Dans  le  fécond  Temple  on  obfervoit  les  mêmes  cérémonies,  excepté 

l'onélion,  parce  qu'on  n'avoit  plus  d'huile  facrée.  C'eft  pourquoi  les  Juifs 

appellent  les  Sacrificateurs  du  premier  Temple  nn^ti»»  n^no  ou  nanno , 

C'eft-à-dire,  6c  ccux  du  fccond  onjû  rana  :   les  fimples  Sacrificateurs  étoient  confa- 

l'olaion,   ^^^^  ^v^c  if  s  mêmes  cérémonies  excepté  l'onétion. 

élevë  par  les 
habits, 


Exode  chap, 
Exode 


C  H  A" 


ET  DES  CULTES  DE  L*E G L I S E.  P^r^. H,  28; 


CHAPITRE     VIIL 

Des  Jim^les  Sacrificateurs. 

NOus  aurons  peu  de  chofes  à  dire  d'eux  à  prefent,  parce  que  prefque 
toutes  chofes  leur  étoient  communes  avec  les  Souverains  Sacrifica- 
teurs ,  à  l'exception  de  certains  Privilèges  qui  étoient  particuliers 
à  la  Souveraine  Sacrificature.  Ils  étoient  tous  de  la  famille  d'Àaron  ,   &  Tous  les  Sa- 
de la  Tribu  de  Levi.   Dieu  avoit  pris  pour  Ton  partage  la  Tribu  de  Levi  defoS"^^ 
pour  le  fervice  du  Tabernacle,  6c enfuite  pour  le  fervice  du  Temple.  Le-  ctiedeia 
vi  avoit  trois  enfans,  Guerfchom,  Kehath  6c  Merari.     Le  fécond  favoir  ^^Xarok 
Kehath  eut  quatre  fils,  dont  l'un  futHamram  qui  engendra  Moyfe  6c  Aa- 
ron.     Dieu  choifit  la  famille  d'Aaron  de  la  branche  des  Kehatites  pour 
lui  donner  la  Sacrificature  à  lui  6c  à  toute  fa  pofterité.     On  leur  diilribua 
13.  villes  dans  les  diverfes  tribus  d'Ifraël.     Mais  avec  le  tems,  comme  ils  Jofuéar^ 
fe  multiplièrent  extrêmement,  ils  habitèrent  par  tout  6c  particulièrement  î.^chîon. 
dans  Jerufalem.  Leur  office étoit  de  faire  les  facrifices,.  de  prefiderà  tou-  ^'  i'f 
tes  les  purifications  6c  fur  tous  les  cultes  qui  fe  faifoient  félon  la  Loy.  Sur 
tout  ils  avoient  le  privilège  de  pouvoir  entrer  dans  le  lieu  Saint,  pour  y 
faire  le  parfum,  ainfi  que  le  Souverain  Sacrificateur,  qui  feulentroit  dans 
le  lieu  Très- Saint,  comme  les  Sacrificateurs  feuls  entroient  dans  le  lieu  Saint. 
Mais  comme  le  Souverain  Sacrificateur  n'entroit  pas  en  tout  tems  dans  le 
lieu  Trés-Saint,  ainfi  les  Sacrificateurs  n'cntroient  pas  tous,  ni  tous  les 
jours,  dans  le  lieu  Saint  pour  y  faire  le  parfum.  Mais  feulement,  quand  ils 
étoient  de  femaine,  6c  que  cet  office  leur  écheoit  par  fort. 

Ils  furent  rangez  en  diverfes  clafles  appellées  ê0'/ip.spiai.  Zacharic  père  de  Luc,  r,; 
Jean  Baptiite  étoit  de  la  clafle  ou  Ephemerie  d'Abia. 

Les  Juifs  ont  par  tradition  que  éés  le  tems  de  Moyfe  ils  furent  divifez  Divifion  des 
en  clafles 5  les  uns  difent  en  huit,  4.  d'Ëleazar  6c  4.  d'Ithamar.  Les  au-  Sursîn'z*, 
très  difens  i^.  8.  de  l'un  6c  8.  de  l'autre.  Mais  nous  n'en  voyons  rien  que^miiks.  ' 
fous  le  règne  David  :  Nous  apprenons  que  David  les  divifa  en  24,  clafles. 
Mais  que  la  famille  d'Ëleazar  fournit  beaucoup  plus  de  elafl^s  que  la  bran-  ï:Clircnfe 
che  d'Ithamar.  Car  d'Eleasar  il  y  en  eut  feize,6c  huit  feulement  d'Ithamar)  le  ^'^' 
mafiâcre  qu'en  avoit  fait  Saiil ,  incité  parDoëg,  en  étoit  caufe,  car  ceux  qu'il 
tua  étoient  tous  de  la  branche  d'Ithamar.  Chacune  de  ces  14.  clafles  avoit  fon 
ehef,que  les  Juifs  appellent  im^r\  î:'?^^  Capitaine  de  la  garde,Ges  chefs  étoient 
les  plus  confiderabies  de  l'Etat,  auffi  bien  que  de  l'Eglife,  6c  ordinairement  ils 
entroient  dans  le  grand  Sanhédrin,  6c  portenttrésfouvent  le  nom  de  Sou- 
verains Sacrificateurs  dans  le  Nouveau  Tefl:ament.     Chaque  famille  avoit  ^p^^^fp^^j^^ 
fa  femaine  pour  le  fervice  alternativement.     De  forte  que  chaque  famille 
fervoit  deux  femaines  par  an.   Après  quoi  ils  s'en  retournoient  chez  eux,  luc.i.sj». 
comme  il  paroîc  par  l'Hiftoire  de  Zacharie,  qui  dcmem'oit  dans  les  mon- jemieJTi. 
tagnes  de  Juda,  6c  qui  s'en  retourna  chez  lui  qwand  il  eut  achevé  le  fer-^^™/"" 
me  à.  fon  tour.    Après  la  captivité ,  les  2,4.  familles  facerdotaks  fê  difli-tfyS.^*^^^' 

ferent 


288  HISTOIRE  DES   DOGMES 

perent  comme  les  autres.  Jofephe  dit  pourtant  que  ces  24.  familles  re- 
tournèrent de  la  captivité,  6c  durèrent  jufques  à  la  ruine  de  Jerufalem. 
La  tradition  des  Juifs  eil  qu'il  n'en  remonta  que  quatre  familles ,  favoir 
celle  de  fcdajah  ,  Harim^  Pash^r^  &  fimmer.  Pashur  n'cll  point  conté 
entre  les  familles  des  24.  dont  il  eft  parlé  i.  Chron.  14.  mais  en  Eiras 
il  efl  conté  entre  ceux  qui  remontèrent  de  la  captivité  avec  les  Sacrifica- 
teurs, tellement  qu'il  devint  famille,  ou  chef  de  Sacrificateurs. 
Tiras  cil.  z.  En  effet  il  n'y  a  que  ces  quatre  dont  il  foit  parlé  dans  Efras.  Il  eft  vrai 
*^'  que  dans  la  fuite  des  temps,  il  eft  parlé  d'autres  familles,  comme  en  St.  Luc, 

il  eft  dit  queZacharie  étoit  de  r£(|)i^jafp/ûf,de  VEphemerie  de  Abia,qui  dans  le  1  ". 
■chap.  1 .  du  premier  livre  des  Chroniques  eft  contée  pour  la  huitième.  Mais 
il  n'eft  point  parlé  dans  le  retour  de  la  captivité  de  cette  Êimiile.  Les  Juifs 
répondent  que  ces  quatre  familles  fediviferenten  24.  ordres  comme  du  tems 
de  David  ,  ôc  jetterent  des  lots  pour  l'oi-dre  &  pour  les  noms ,  prenant  les  an- 
ciens noms  des  premières  Ephemeries^  ôc  l'ancien  ordre:  excepté  que  le  nom 
de  Jo jarib ,  à  qui  appartenoit  le  premier  rang  félon  l'ordre  établi  par  David , 
devint  le  fécond ,  &  F.  céda  le  premier  rang  à  Jedajah  ,  parce  qu'il  étoit 
■de  la  famille  Pontificale  de  la  maifon  de  jefchua  fils  de  Jozedek  Souve- 
rain Sacrificateur  du  tems  d'Ezechias.    Ce  Jedajah  étoit  fils  de  Jefchu-a, 
ainfi  qu'il  eft  marqué  en  Efras  chap.  2.  3<5.  Il  n'étoit  pas  de  la  même  famil- 
le que  celle  de  jedajah  dont  il  eft  parlé  i.  Chron.  24.7. 

Ils  entroient  en  charge  ordinairement  à  l'âge  de  30.  ans  félon  la  Loy 
des  Nomb.  4.  3.  c'eft  pourquoi  nôtre  Seigneur  voulut  entrer  en  oftice  à 
cet  âge  de  30.  ans.   Cependant  les  fervices  qu'ils  pouvoient  faire  au  àtÇ- 
fous  de  30.  ans  n'étoient  pas  illégitimes  ;  mais  ordinairement  6c  fans  de  gran- 
des raifons,  on  ne  les  recevoit  pas  avant  cet  âge  de  30.  ans.    Chaque  fa- 
mille entroit  en  femaine  au  jour  du  Sabbat  au  matm  &en  fortuit  le  Ven- 
dredi au  foir  fuivant ,  vaille  de  l'autre  Sabbat.     Ils  jettoient  le  fort  pour 
que  chacun  eût  fon  ofîicV marqué,  iàvon-  qui  devoit offrir  le  facrifice  du 
foir,  ôcdu  matin,  qui  devôit  offrir  le  parfum,  &  ainfi  de  tous  les  autres 
lue.  9.  in    offices.  Jarchi  dit  qu'autrefois   on  ne  donnoit  point  par  fort  la  charge  de 
Maïechet    '^^^^^  ^^  parftim  j  mais  parce  qu'on  reconnur   que  celui  qui  avoit  eu  cet 
n>on      honneur  réiiffiffoit  dans  tout  ce  qu'il  entreprenoit,  chacun  voulut  avoir  part 
cap.  3.  vide  à  cet  honneur. 

spfaiegium  Tous  ceux  qui  étoicnt  nez  de  la  race  Sacerdotale  n'étoient  pas  pourtant  nc- 
Âaiuic.ï.5>.cefraii*ement  admis  au  fervice  ,mais  feulement  ceux  qui  y  etoient  nommé- 
ment appeliez  par  éleétion.  Quand  un  Sacrificateur  étoit  mort ,  on  rera- 
plifiôit  la  place  vacante.  Et  cela  fe  faifoitparle  Sanhédrin,  devant  lequel 
i'afpirant  devoit  être  examiné,  ainfi  qu'il  a  été  dit.  On  le  confacroir  à  peu 
prés  ^vec  ies  mêmes  cérémonies  que  le  Souverain  Sacrificateur,  &  on 
lui  faifbit  prendre  les  vétemcns  lacrez ,  les  brayes ,  la  tunique  ou  iur- 
plis  ,  le  bonnet  &  la  ceinture.  Ils  partageoient  entr'eux  les  offrandes  qui 
etoient  offertes,  &  tout  ce  qui  n'étoit  pas  offei-t  en  holocaufteéioitàeux, 
à  la  referve  de  ce  qui  appartenoit  à  l'offrant. 


■^  C  H  A' 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Tart.ll.  289 


CHAPITRE     IX. 

Des  Lévites  y  Portiers  ^  Chantres  &  Nethiniens  ^  de  la  Muflquedu 
Temple  i  é^  des  ïnjlrumens  de  Mufique, 

LEs  Lévites,  Portiers  6c  Chantres  étoient  de  la  même  tribu  que  les  Sa- 
«•ificateurs ,  enfans  de  Levi ,  que  Dieu  s'étoit  refervé  en  la  place  des 
premiers  nez  qui  lui  appartenoient,  &  qu'il  avoit  pris  à  lui ,  lorfqu'en 
faveur  des  Ifraëlites  il  tua  toqs  les  premières  nez  d'Egypte  ,   &  épargna  Nombres 
ceux  d'ïfraël  :  outre  que  par  une  ancienne  coutume,  plus  vieille  que  la  Loy,  '•  **• 
les  premières  nez  avoient  le  droit  de  Sacrificature  dans  leur  famille. 

Leur  charge  étoit  de  faire  tout  le  fervice  du  Temple  fous  la  dire61:ion  Quel  etok 
des  Sacrificateurs,  de  qui  ils  recevoient  les  ordres  pour  faire  toute  œuvre  L?v?el**" 
inanuelle  dans  Je  fervice  du  Temple  ,  comme  de  le  nettoyer,  le  garder, 
tenir  les  viâimes ,  quand  on  les  égorgeoit ,  &  fouvent  même  les  égorger , 
nettoyer  l'Autel,  ôter  les  cendres,  pourvoir  au  bled  nouveau  en  la  place 
de  l'ancien ,  à  l'huile,  au  fel ,  aux  bêtes  du  facrifice  continuel,  6c  générale- 
ment toute  œuvre  fer  vile.  Mais  parce  qu'il  y  a  diverfes  chofes  très  dignes 
d'être  remarquées  dans  le  fervice  que  les  Lévites  rendoient  au  Temple ,  il 
cftbon  d'en  mettre  les  remarques  par  ordre. 

I.  Du  teds  de  Moyfe  ils  étoient  naturellement  divifez  en  trx^is  faraillesi 
lesKehatites  enfans  de  Kchat,  duquel  étoit  aufîi  décenduë  la  branche  d'Aa- 
ron,  les  Guerfçonitcs,  6c  lesMerarites.  Ainfi  nommez  des  trois  fils  de 
Levi,  Guerfçon  étoit  l'aîné  ,  Kehat  le  fécond  ,  6c  Merari  le  troifiéme: 
Dieu  leur  diltribua  leurs  emplois  dans  le  defertj  6ccomme  le  Tabernacle 
étoit  roulant,  leur  principal  office  étoit  de  garder  le  Tabernacle,  6c  de  cam- 
per tout  à  l'entour  quand  il  étoit  arrêté,  de  porter  toutes  les  parties  6c  \ç.% 
utenfiles  de  ce  Tabernacle  quand  on  étoit  en  marche. 

Nous  avons  déjà  veu  l'ordre  des  campemens  pour  le  peuple.  APégard  «^^^^reàes 
des  enfans  de  Levi  voici  comme  ils  étoient  campez.  Les  enfans  d'Aaron  j  "eTL^ftct 
c'elt- à-dire,  la  famille  Sacerdotale  étoit  à  l'Orient  du  Tabernacle >  à  l'Oc- 
cident, c'eil-à-dire,  à  la  partie  oppolée  étoient  étendus  les  pavillons  des 
Guerfçonites.     Le  long  des  courtines  du  Parvis  du  côté  du  midi  étoient 
campez  les  Kehatites  ,   6c  à  l'autre  côté  vers  le  Septentrion  étoient  cam- 
pez les  Merarites  ;  enfuite  à  ces  quatre  cotez  à  mille  coudées  de  diilancc 
étoit  campée  toute  l'aflemblée  du  peuple  fous  quatre  étendars  du  côté 
derOrient,  Juda  avec  fa  bannière  où  étoit  la  figure  du  Lion,  accompagné 
d'Ifîacar  6c  de  Zabulon  j  à  l'Occident  Ephraïm  avec  fa  bannière  qui  étoit 
le  Taureau,  6c  Manaflë6c  Benjamifi  fur  la  même  ligne.     Au  Midi  étoit 
Ruben  ayant  l'enfeigne  de  l'Homme  dans  fa  bannière,  accompagné  de  Si-, 
raeon  ^  de  Cad  fur  la  même  ligne.     Et  enfin  au  Septentrion  Dan  ayant 
une  Ai^le  dans  fa  bannière  avec  Asher  6c  Nephthali,  c'étoit  là  l'ordre  de  leur  NomWs 
campement.  ^  ap-^-acio 

Qiiand  ils  maf  choient  les  Lévites  avoient  la  charge  de  porter  les  pièces  î-esKehad» 
du  Tabernacle  6cd'en  avoir  foin.   Et  parce  que  les  Kehatites  étoient  plus  toieaUes 
Tom.  IL  O  o  •  pro~ 


cieufes  pie- 
ces  du  Ta- 
bcifuclc 


Nombres, 
chap.  4. 

Nombres 
7.  S. 

Les  Gaeï- 
i^onites 
portoient 
les  tsnf es , 
les  tapiffe- 
lies  Scies 
courtines. 

Nombres. 
7.7. 


290  HISTOIRE  DESDOGMES 

proches  de  la  Sacrifîcature,  comme  étant  de  la  famille  de  Kehat  de  kquel- 
Ic  étoit  aulîî  Aaron  ,   Dieu  leur  commit  la  plus  excellente  pièce,  c'étoic 
le  Tabernacle  même  avec  tous  Tes  utenfiles,  l'Arche,  les  Chérubins,  la  Ta- 
ble, le  Chandelier,  l'Autel  des  parfums  ,   les  plats,  gobelets  ,   baffins  ,. 
encenfoirs ,  mouchettes ,  lampes ,  havets  ,   racloirs  ,  baffins  ,  &  géné- 
ralement tous  les  utenfiles  qui  fervoient  dans  le  Tabernacle ,  fur  l'Autel 
des  parfums,  fur  la  Table,  ëc  au  Chandelier  d'or.  Mais  iln'étoitpas  per- 
mis aux  Lévites  d'approcher  de  tous  ces  meubles  facrez,  ni  de  les  toucher,, 
ni  même  de  les  regarder  ,   ni  de  les  emporter  qu'ils  ne  fuilènt  couverts  : 
•  car  c'étoient  les  Sacrificateurs  qui  démontoient  le  Tabernacle  :  Ils  enve- 
loppoient  l'Arche,  le  Chandelier,  la  Table  6c  l'Autel  des  parfums  avec 
des  couvertures  de  pourpre  ôc  de  peaux  de-  tailîbns,  &e.    de  manière  que* 
Ifcs  Lcvkes  n'y  pouvoient  rien  voir:  après  quoi  on  les  leur  donnoit  à  por- 
ter, &  quand  ils  étoient  arrivez  où  l'on  vouloit  camper,  ils  laiiToienttoua 
cela  au  milieu  du  camp.     Et  les  Sacrificateurs  développoient  ces  facrez. 
meubles  &  redreflbient  le  Tabernacle.  Or  les  Lévites  dévoient  porter  cela 
fur  leurs  épaules  ôc  non  fur  des  bêtes. 

La  féconde  famille  étoit  celle  des  Guerfçonites ,  dont  la  charge  étoit  de 
porter  les  tentes  &  kstapiièiiesdu  pavillon,  tant  celles  de  dehors  que  cel- 
les de  dedans.  Ils  portoient  auffi  les  courtines  qui  environfioient  le  Par- 
vis ôc  tous  les  cordages  fui;  lefquels  ces  courtines  étoient  tendues ,  avec 
tous  les  utenfiles  des  facrifices,  baffins,,  plats,  couteaux,  ôcc.  Ils  pou- 
voient fe  fervir  de  chariots  pour  traufporter  cela ,  6c  on  leur  donna  2..  cha- 
riots traînez  chacun  par  deux  bœufs. 
Les  Meraii-  Enfin  Ics  Merariics  av oient  en.  charge  le  plus  gros  équipage,  6t  le  moins- 
Snd°?"''  noble,  toutes  lesgroflès  pièces,  les  planches  du  pavillon,  les  piliers  tant  du 
piusgroffes  Tabernacle  que  du  Pai-vis,  les  cuveaux,  l'Autel  des  holocaultes  6cc.  auffi 
Soi3).7.     Ic^^''  donna- t'on  quatre  chariots  &  huit  bœufs. 

Quand  le  peuple  fut  en  pofleffion.  de  la.  terre  de  Caiïaan,  le  Tabernacle 
fijt  moins  roulant,  cependant  il  le  fut  encore  6c  dans  ks  divers  mouve- 
mens  ôc  tranfports  de  l'Arche  elle  étoit  portée  fur  les  épaules  des  Lévi- 
tes i  C'eft  pourquoi  David  l'ayant  fait  mettre  fur  un  chariot  neuf  la  piayc: 
fut  faite  dans  la  perfoniie  d'Uza.  Du  refte  fans  doute  ils  fervoient  par  tour 
au  Tabernacle  :  mais  nous  ne  favons  pas  précifément  quel  ordre  ils  obfer- 
verent  jufques  au  tetTis  de  David,  qui  diftribua  leurs  charges  &  leurs  offi- 
ces avec  une  grande  exaéfitude  >  comme  cela  nous  ell  rapporté  au  pre- 
mier des  Chronic.  chap»  23.  Il  en  fit  quatre  ordres  principaux,  i.  Il  en  fie 
des  Juges  &  des  Prévôts,  favoir  pour  exercer  juftice  dans  toutes  les  villes 
aeapMi)»^  d'Ifraël,  &  ceux-là  vaquoient  à  leurs  charges,  &  ne  fervoient  pas  au  Ta- 
'^^'-  bernacle.    2.  Il  en  établit  un  grand  nombre  pour  être  Portiers  êtGardes 

tout  autour  du  Temple  que  Salomon  devoit  faire  bâtir,  6c  dont  David  lui 
même  avoit  donné  le  projet.  3.  M  en^étabht  une  autre  partie  pour  Chan- 
tres 6c  pour  iVluficicns.  4.  Enfin  les  autres  furent  commis  pour  fervir  aux 
Sacrificateurs  dans  toutes  les  chofes  qui  fe  faifoient  dans  le  Tabernacle,- 
Nous  ne  dirons  rien  du  premier  ordre ,  lavoir  des  Juges  6c  des  Prevots>  par- 
ce que  cela  regarde  le  civil  plutôt  que  Iç  culte,  divine  dont  nous  parlons. 
lr€lateîOï^  Nous  Commencerons  par  Les  Portiers.. 

die^ceiuide*:     Ces  Portkxs,  OU.  Càgitâisjei  dcs  portcs  5,  étoienr  proprement  ceux  qui; 

avoienï 


%îaireoï» 
dres  de  Le' 
fitesordott 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE/^^r/.IÏ.  291 

avoient  la  garde  des  portes  &  de  l'enceinte  du  Parvis,  c'eft-à-dire  de  ce 
grand  enclos  qui  environnoit  le  Temple  tout  à  l'entour.  Qn  entroitdanj 
cet  enclos  par  divcrles  portes ,  chacune  <i'ell€s  étoit  gardée  >  &  même 
les  Lévites  avoient  la  garde  des  portes  du  Parvis  des  femmes  5  car  poui* 
les  portes  du  Parvis  des  Sacrificateurs  elles  étoicnt  gardées  par  les  Sacrifi- 
cateurs eux-mêmes.  Leur  foin  dans  cjgtte  garde  durant  le  jour  étoit  de 
prendre  garde  que  perfonne  ne  fît  du  defordre,  qu'on  n'entrât  pas  dans  le- 
Temple  pour  y  taire  du  bruit ,  que  les  perfonnes  aufquelles  l'accez  du 
Temple  etoit  défendu  félon  la  Loy,  n'en  approchaffent  pas.  Outre  cela 
durant  la  nuit  ils  fàifoient  garde ,  &  les  Juifs  nous  difent  que  dans  le  fé- 
cond Temple  il  y  avoit  jufques  à  24.  corps  de  garde  pofez  dans  le  Tem- 
ple j  21.  de  Lévites  &  3.  de  Sacrificateurs.  L'on  fàifoit  la  ronde  toute  la 
nuiti  &  quand  on  trouvoit  quelqu'un  dormant  il  étoit  permis  de  le  battre 
&  de  mettre  le  feu  à  (es  habits. 

Au  rang  des  Poitiers  Efdras  met  les  Lévites  commis  fur  les  Threforeri es  j  ï-Ciironfë« 
ce  qui  nous  donne  lieu  de  croire  que  les  Chambres  du  Threfor  du  Tem-  *  '  ""  **' 
pie  étoient  aux  portes  :  entr'autres  il  eft  parlé  là  d'un  Threfor  où  étoient 
gardez  ce  qu'on  appelle,  Donana^  àva^ixaru,  confâcrez  par  David  ,    Sa- 
muel, Saiil,  Abner,Joab6cc.  ôc autres  Capitaines  des  dépouilles prifes fiir 
les  ennemis,  &  toute  efpece  de  prefens  faits  au  Temple. 

Il  y  a  apparence  que  les  Portiers  étoient  divifez  en  24.  clafles  aufîî  biefl 
que  les  Sacrificateurs  &  les  Chantres ,  quoique  cela  ne  ioit  pas  expri- 
mé ,  cela  doit  être  foufentendu  ,  car  il  faloit  qu'ils  euflènt  leur  ordre 
pour  fervir  toui*  à  tour,  ainfi  le  croient  les  Hébreux.  Et  le  chap.  p.  du 
premier  des  Chroniques  ne  laifle  aucun  lieu  d'en  douter ,  car  les  Lévites  en* 
croient  en  fervicc  de  fept  jours  en  fept  jours,  aufli  bien  pour  la  garde  des 
portes  que  pour  les  autres  fervices. 

Le  fécond  ordre  de  Lévites  dans  le  Temple  étoit  celui  des  Chantres .  Secend 
Ils  furent  divifez  en  24.  ordres  comme  il  eft  rapporté  i.  Chronic.  zf.  à  Levites?t5e= 
chaque  ordre  douze }  parce  que  félon  la  tradition  des  Juifs  ils  ne  pouvoient  '"^  '^^ 
être  moins  de  douze ,   mais  ils  pouvoient  être  plus  de  douze ,  jufqu'à  un     *""^ 
nombre  indéfini  j  chacune  de  ces  clafles  ou  ordres  fervoit  par  tour  &  par 
femaine. 

Il  faut  favoir  qu'il  y  avoit  diverfes  fortes  de  Mufique  dans  le  Temple  :  Nombre 
Il  y  avoit  des  trompetes,  des  voix,  &  des  inftrumens.  Premièrement  il  y  Divers  inf- 
avoit  des  trompettes  d'argent ,  félon  l'ordonnance  de  la  Loy.   Dieu  n'en  trumensde 
ordonne  que  deux  ,  &  c'eft  pourquoi  il  ne  pouvoit  y  en  avoir  moins  que  duTcmpiï 
deux.    Mais  dans  la  fuite  ce  nombre  fut  multiplié  félon  la  volonté  de  ceux  Picmieie- 
qui  prefidoient  fur  le  fervice.  Cependant  les  Rabbins  difent  qu'il  ne  poii   î^ompctW 
voit  y  en  avoir  plus  de  120.  à  caufe  que  dans  la  dédicace  du  Tempie  de  ^  chron. 
Salomonily  en  avoit  autant.  Pour  l'ordinaire ,  au  moins  jufques  au  tems  de  ^'  "* 
David ,  il  n'y  en  avoit  que  deux ,  car  l'Auteur  du  Livre  des  Chroniques  nous  j- chronîc, 
apprend  queBenajaôcJahaziel  Sacrificateurs  étoient  continuellement  avec 
des  trompettes  devant  l'Arche  d'Alliance ,  quand  elle  eût  été  pofée  fous  le 
Tabernacle  que  David  lui  avoit  drelTé  à  Jerufalem.  S'il  n'y  avoit  que  deux  Sa- 
crificateurs ,  il  n'y  avoit  aufii  que  deux  trompettes  j  Mais  quand  elle  mar- 
choit  ôc  quand  on  la  tranfporta  de  la  maifon  d'Obed  Edom  à  Jerufalem  ,  i.  chroaîc, 
il  y  avoit  fept  Sacrificateurs  qui  fonnoient  de  la  trompette,  ce  qui  n'étoit  ^^'^*' 

O  o  i  pas 


292         H  I  S  T  O  ï  R  E  D  E  S   D  O  G  M  E  S 

»  pas  l'ordinaire.   Et  même  fous  le  fécond  Temple  dans  le  fervice  continuel  5t. 

journalier ,  il  n'y  avoit  que  deux  Sacrificateurs  qui  fonnoient  de  la  trom- 

Nombres     pctte.  Il  ell  à  remarquer,  que  les  feuls  Sacrificateurs  avoient  la  charge  de 

'*^- f •         Ibnner  de  la  trompette  :  Dieu  l'ordonne  ainfi ,  &  cela  fe  prouve  par  tous- 

I.  Chroniq.    ,  ,  a  •     r  ^         r  ■  i  Ji  •  ••  j-n 

îs.  24. 8ci6.  les  exemples.  Ainli  les  Lévites  chantoient  de  la  voix,  jouoienc.des  mitru- 
6.&5.V.12.  i;ïiens,  mais  ces  trompettes  étoient  pour  les  Sacrificateurs. 
Lesflûtesou      II  y  avoit  un  autre  inilrument  que  les  Talmudiftos  appellent  **7>Sn  ,  6t 
hîutbois.     ij,^};  'fpica  un  rofeau,  un  chalumeau,  c'étoit  une  flûte?  ou  hautbois.    Mais- 
on ne  jouoitpasde  ce  hautbois  tous  les  jours  dans  le  Temple,  comme  on 
feifoit  de  la  trompette  &  des  autres  inilrumens  de  Mufiquej  onenjouoit 
douze  jours  de  l'année  >  comme  à  la  fête  de  la  Pâque ,  à  celle  de  îa  Pen- 
tecôte ,  durant  les  8.   jours  de  la  ïète  des  Tabernacles  Ôc  dans  quelques 
autres  jours  folennels,  le  hautbois  étoit  de  rofeau. 

Il  y  avoit  trois  fortes  d'inftrumens  dont  il  ell  fouvent  parlé  dans  les 
Les  cym-  Pfeaumes ,  les  Cymbales  SsfSï,  le  violon  i"iï3,  Se  la  harpe  S33.  Les  Cym- 
^^''*-  baies  étoient  de  grandes  &  larges  pièces  d'airain  creux  fort  refonnant,  fu». 
lefquels  on  frapoit  à  peu  prés  comme  on  fait  far  nos  tambours,.  Se  fur  ce 
qu'on  appelle  aujourd'hui  des  tymbales  5  C'eil  à  ces  Cymbales  que  fait 
iaHarpe.  allufion  St. Paul,  1.  Coi'.  13.  I.  nv[x,(ixKov  èCKoCKoCfiM.  Le  Is^ahlmm  oulaHarpe 
jofeph.  an-  avoit  quclque  rapport  avec  nôtre  épinette  ou  claveffin  félon  Jofephe.  Il 
tiq.iib.7.     avoft  douzc  fons .  à  chaque  fon  étoit  deftinée  une  corde  ;  ôc,  cela.fe.  tou? 

choit  avec  les  doigts, 
Le  violon.       K/vupaj  félon  la  définition,  du  même  Jofephe  étoit  une  efpece  de  viole^ 
TviçTSTiii  TTÂviMTpw;  on  k  touchoït  avec  l'archet,  dit-il,  il  avoit  dix  cordes 
&  on  faifoit  differens  tons  avec  les  touches  comme  aujourd'hui  dans  nos 
luts  &  nos  violons.  Mais  le  islablmm  ou  harpe  avoit  une  corde  pour  cha- 
que ton  ôc  une  même  corde  ne  faifoit  pas  differens  tons  félon  la  diverfité 
Les  Lévites  des  touches.  Lgs  Lcvitcs  avoient  la  charge  de  jouer  de  ces  inftrumcns  ôc 
Stï^*"^^  ne  nous  paroit  pas  que  cela  fût  permis  à  d'autres  qu'à  eux.  Il  eft  vray 
jouer  des     qu'au  2.  Sam.  <5,  f.  nous  hibns  que  David  &  tout  Ifraël  jouoit  des  inftru- 
d°ans"iT"^   mens  en  conduifant  l'Arche,  mais  nous  ne  voyons  pas  que  la  même  chofe 
Temple,      fc  foit.faite  quand  on  conduifit  l'Arche  pour  la  féconde  foiSjôc  peut-être  ce  fut 
î.  chioniq.  "^^  ^^'^  irrcgularitez  qui  furent  caufe  de  la  mort  d' Huza.  Au  moins  on  peut  di- 
"^s-    '       re  que  celaiVétoit  permis  qu'à  la  campagne,  ou  dans  les  maifons  particulières, 
mais  que  dans  le  Temple  il  faloit  être  Lévite  ou  fils  de  Lévite  pour  jouer 
des  inilrumens.  Je  dis  enfans  de  Lévites,  car  les  Rabbins  nous  difent  que 
les  Lévites  Chantres  faifoient  venir  dans  le  Parvis  des  Sacrificateurs  devant 
eux  entre  leurs  jambes  leurs  enfans  pour  tenir  le  deifus,  quoi  qu'ils  n'euf- 
fent  pas  encore  atteint  l'âge  propre  6c  neceflaire  pour  être  admis  en  chef 
à  prendre  part  au  fervice  du  Temple.   Il  y  a  auffi  une  tradition  des  Rab-* 
bms  qui  dit  que  l'on  pouvoit  choifir  dts.  Chantres  d'entre  le  peuple  d'If- 
raël,  pourvu  que  par  le  côté  des  femmes  ils  fufîent  alliez  delà  famille  Sa- 
cerdotale &  que  le  parentage  fût  fort  proche. 
Les  diveis>       Il  ièmble  que  les  familles  des  Chantres  avoient  partagé  cntr'elles  lesdi^ 
inftfumens  vers  inftrumens:  Les  familles  d'Eman,  Afaph,  Ethan, avoient  la  charge 
tagez  entre  dc  fonucr  dcs  cymbalcs' ,   en  joignant,  la  cymbale  avec  la  voix.     Zacha- 
chap"r'"""^^^»  Haziel  &  autres  nommez  dans  le   premier  Livre  des  Chroniques 
^s>..z.l.^^,.  ayoient,  la  charge  4e  jouer  des  harpes ,   &:  d'autres  déjouer  des  violons*. 

Et 


ET  DE  S  C  U  L  T  E  S  D  E  L'E  G  L I S  E.  Part.  II.    293 

Et  voici  de  quelle  manière  &  en  quel  tems  cette  Mufiquejouoit,  félon  J^^^'j'°^°'^J 
Ik  tradition  des  Juifs.     Il  femble  d'abord  que  ces  trompettes  d'argent  dont  onVuoit" 
nous  avons  parlé,  félon  la  Loy  n'étoient  deftinées  que  pour  les  jours  de^^^'*^"^* 
retesj  au  tems  de  votre ltejje& de  vosjetes-jolemneUes  y  &  au  commencement  «Gdansk 
vos.  mois  vous  fonnereZr  des  trompettes  fur  vos  holocaujles ,  ^  fur  vos  Jacnfices  de  3^"^?'*'' 
frofperité.     La  même  Loy  leur  ordonne  de  fonner  ces  trompettes  dans  leurs  îo.  v.  io^ 
guerres  pour  fîgnal  de  la  bataille,  &  de  s'enfervir  pour  aflembler  Ifraël, 
^  pour  lignai  de  leur  marche  dans  le  défert.     Mais  nous  apprenons  des 
Juifs ,  qu'on  fe  fervoit-  de  la  trompette  tous  les  jours  dans  le  Temple  :  6c  ce- 
la fe  recueille  allez  de  ce  qui  eil:  dit  au  premier  des  Chroniques  6.  6,  que 
deux  Sacrificateurs  étoient  continuellement  devant  l'Arche  avec  des  trom- 
pettes.    Le  fon  de  ces  trompettes  commençoit  par  une  tirade  d'un  Ion  uni.  Et  t.  deia 
&  continuoit  par  un  fon  coupé  &  compofé  de  fredons  ôc  Taratantara  i  11  """"P^^^^ 
finiflbit  comme  il  avoit  commencé  par  un  fon  plein  &  uni ,  &  chaque  coup 
de  trompette  étoit  compofé  de  ces  trois  fons  differens. 

Les  trompettes  ouvroient  la  journée  3  on  les  fonnoit  à  l'ouverture  des 
portes  des  Parvis,  ôc  cela  fervoit  comme  de  cloche  pour  avertir  le  peu- 
ple de  Touverture  du  Temple,   afin  qu'on  s'y  acheminât.   2.  On  fonnoit 
des  trompettes  au  rems  du  fervice,  ôc  du  facrifice  continuel,  qui  fe  fai- 
foit  le  loir  &  le  matin  :  les  Sacrificateurs  qui  fonnoient  de  la  trompette, 
fe  tenoient  entre  la  porte  du  Temple  &  l'Autel  àts  Holoeaufles,  &  les 
Lévites  qui  leur  répondoient,  &  qui  jouoient  desinftrumens,  étoient  de 
l'autre  côté  de  l'Autel ,  tournant  le  vifage  vers  le  Temple ,  ôc  le  dos  au  Par- 
vis dans  lequel  étoit  le  peuple.     Les  trompettes  commençoient  la  Mufi- 
que,  pour  avertir  le  peuple  du  tems  auquel  on  faifoit  le  facrifice  du  matin, 
èc  laMuiiquedes  voix&  des  inilrumens,  ne  commençoit  que  dans  le  tems  Les  vofer 
qu'onTailbit  le  Ubamen  ,  ou  l'effufion  du  vin ,  qui  nefe  faifoit  qu'après  que  ^^^^^^  ^'^^ 
les  membres  de  la  béte  étoient  aiTangez  fur  l'Autel.     Dans  le  concertde 
voix  ôc  d'inftrumens ,  il  ne  pouvoit  y  avoir  moins  de  douze  voix  j  mais  il 
y  en  pouvoit  avoir  beaucoup  davantage  j- il  n'y  avoit  qu'une  cymbale,  par-  ufagedeîa 
ce  que  ce  fon  éclatant  eût  tout  englouti  les  voix  &  les  inftrumensdoux;  *^^"*''^^^* 
pour  les  hai'pes-,  il  n'y  en  pouvoit  avoir  moins  dedeux,  &  jamais  P^i^sdeyf^  ^^^j^ 
fîx.     Q[iant  aux  violes ,.  on  n'en  pouvoit  avoir  moins  de  neuf,  mais  au  àc(-  harpe, 
fus,  tant  qu'on  vouloit ,  à  caufe  que  ce  font  des  inflrumens  doux,  &  dont 
le  fon  s'accorde  admirablement  avec  la  voix. 

Ces  voix  &  ces  inilrumens  chantoient  certains  Pfeaumes ,  félon  les  dif-  Divetfité  de 
ferens  jours  de  lafemaine,  &  les  différentes  fêres.     Le  premier  jour  de  la  Cantiques, 
feraaine  on  chantoit  le  24.  Pfeaume,  La  terre  auStigneur  appartient^  6cc.  Soient  ,'^Ju' 
a  caufe  que  c'étoit  le  jour  de  la  création  :  Le  fécond  jour  on  chantoit  le  48.  ^V°"°'^"^ 
JLe  troih-eme  jour  le  82.  Le  quatrième  ]our  le  94.  Lecmquieme  jour  le  8i .  &xeàs  jouis. 
Le  fixiémejour  le  93.  Le  jour  du  Sabbat  le  92.  avec  une  fixiéme partie 
du  Cantique  de  Moyfe,  Deuteron.  3  2.  au  fervice  du  matin  ,  6c  une  fixié- 
me partie  du  Cantique  de  l'Exode  au  facrificedu  foir.  Et  il  y  a  bicr  ap- 
parence queStJeanfaitallufion  à  ces  Cantiquesde Moyfe,  qui fecbantoicnt 
le  jour  du  Sabbat ,  quand.il  dit ,  c^ueies  Saints  chantaient  dans  le  ciel  le  Cantique  de  Apocaîypiê 
Moyfe ^^poxiv  fignifier  qu'ils  chantoient  le  Cantique  du  Sabbat, parce  qu'on  les  ^s.  3. 
reprefente  comme  étant  dans  leur  éternel  Sabbat.     Les  nouvelles  lunes, 
les  fêtes  6c  tous  les  jours  extraordinaires  avoient  leuf  j  Pfeaumes  6c  leurs 

Oo  3  Can? 


Î9+         HIST  OIRE  DES  D  OGMES 

Cantiques  particuliers,  &  même  tous  les  Pfeaumes  de  David  ont  été  don- 
nez &  compofez  par  David ,  ou  par  des  faints  hommes ,  6c  donnez  au  Maître 
•Chantre  pour  être  mis  fur  les  intlrumens,  comme  cela  fe  voit  par  les  ti- 
tres de  CCS  Pfeaumes.  Ces  Maîtres  Chantres  étoient  Afaph,  Ethan ,  Jc- 
duthun,  Eman,  dont  il  eft  fouvent  fait  mention  dans  les  titres  dcsPfeau- 
s.  chioa.  mes ,  &  dont  Efdras  nous  parle ,  difant ,  ^«'/7j  prophetifoient  par  U  commijfim 
^i-  dn  Roy  ,&  cjh'iIs  prophetifoiem  av€c  violons  &  mttfettes  ^  cymbales  ,^c.  C'eft- 

à-dire,  qu'ils  chantoient  des  Cantiques  compofez  par  l'efprit  prophétique. 
EngueifcHs  Ce  qui  peutfervir  de  Commentaire  à  ce  que  dit  St  Paul,  queUfemmeqm 
propheti-^  p^opheùfe  fans  avoir  U  tête  couverte^  deshoyiore  fon  chef.  C'eil-à-dire  ,  qui 
?;0'«nj.'*3ns  chante  les  Pfeaumes  compofez  par  efprit  de  Prophétie.  Je  ne  doute  pour- 
i.côr!iî.  tant  pas  qu' Afaph  n'ait  aulîi  compoie  divers  Pfeaumes,  qui  portent  fon 
^'  nom.     Les  infirumens  de  Mufique,  &  les  voix  fe  joignoient  j  mais  les 

trompettes  fe  taifoient  quand  les  inftrumens  &  les  voix  commençoient  i 
parce  que  le  fonde  la  trompette  eût  englouti  toute  la  Mufique.  LesChan- 
ti-es  coupoient  leurs  Cantiques  ou  Pfeaumes  en  trois  feâ:ions,  ou  paufes, 
&  s'arrêtoient  alfez  confiderablemcnt  entre  les  paufes,  &  pendant  que  les 
Chantres  ceffoient,  les  trompettes  donnoient  trois  coups.     Chaque  coup 
étoitcompofé  des  trois fons  dont  nous  avons  parlé,  un  fon  plein,  unfredonj 
&  derechef  un  fon  plein. 
A  chaque         Et  le  même  ordre  s'obfervoit  dans  le  facrificc  du  foir,  on  repetoit  les 
^îe  fe  îof."  '^^^"^^s  Pfeaumes ,  &  les  mêmes  fons  de  trompettes.   Outre  cela  chaque 
tetnoit.       fête  avoit  pluiîeurs  fons  de  trompettes  :  La  veille  du  Sabbat  on  fonnoit  au 
i.chron.     foir  la  trompette  pour  avertir  de  l'heure  à  laquelle  il  faloitceflèr l'ouvra- 
ge.    Comme  le  fervice  étoit  plus  long  le  jour  du  Sabbat,  il  y  avoit  auffi 
divers  coups  de  trompettes  ajoutez  :  11  en  étoit  ainfi  des  autres  fête*,  dont 
on  parlera  dans  U  fui  te. 
TroiCéme        Letroifiémc  ordre  de  Lévites  étoit  celui  qui  étoit  deftiné  à  faire  les  ou- 
LevitelTôc   vragcs  du  Temple ,  6c  à  fervir  les  enfansd'Aaron,  c'eft-à-dire,  les  Sacrifi- 
icursfervi-    catcurs.  î.  Ils  étoicnt  établis  fur  les  parvis,  6c  fur  les  chambres  pour  net- 
"*'  toyer  toute  chofe  fainte.     Mais  il  faut  remarquer,  qu'il  ne  leur  étoit  pour- 

i.chron.  ^aut  pas  permis  d'cntrei"  dans  le  Hcu  Saint ,  6c  dans  le  lieuTrés-Saint  pour 
23. 2S.  les  nettoyer:  les  Sacrificateurs  y  entroient  feuls,  en  ôtoient  les  ordures  6c 
niques  chap.  l^s  mcttoicnt  entre  les  mains  des  Lévites  j  comme  il  paroît  par  l'Hiiloire 
a».  16.  d'Ezechias.  Ils  entroient  donc  feulement  dans  le  parvis  des  Sacrificateurs, 
dans  les  chambres,dans  les  logemens  autour  du  Temple,6c  dans  tous  les  par- 
te parfum  vis ,  ils  avoient  le  foin  de  nettoyer  tout.  2.  Ils  étoient  établis  pour  avoir  foin 
pofoit'^que"  ^^  ^^  matière  des  facrifices  6c  des  offrandes,  des  bêtes  du  facrifice  continuel, 
paiiesSacri- du  fel,  del'huilc,  des  pains  de  propolition ,  de  la  farine  pour  faire  les  gâ- 
voyl^^^.dii  teaux,  les  Sacrificateurs  pouvoient  s'y  employer,  fi  bon  leur  fembloit: 
ï.chioiu  Mais  c'étoit  proprement  l'ouvrage  des  Lévites.  Ils  avoient  en  un  mot  le 
'"'  foin  de  faire  toutes  les  provifions  du  Temple,  de  bois,  de  bled,  de  vin, 

d'huile,  6cc.  Ils  avoient  la  garde,  6c  la  direétion  de  toutes  ces  chofes  6c 
I.  chron.  (jes  chambres ,  dans  lefquelles  on  les  confervoit.  3.  Ils  avoient  le  foin  que 
&  28.' Ils  le  Temple  6c  les  Sacrificateurs  fulTent  fournis  de  tous  les  infirumens  6c 
rTahî"^  utenfiks  du  fervice,  couteaux,  baffins,  plats,  6cc.  Ils  tenoient  tout  cela 
p"conce!"*  fort  net,  \ts  ferroient  dans  les  Heux  deftinez  à  cet  ufage-là,  6c  les  remet- 
doient^dë    ^^^^"^^  ciitre  les  mains  des  Sacrificateurs.    4.  Ils  avoient  aufii  quelque  era- 


ET  DES  CULTES  DE  L'E  G  L I S  E.  P^rA  IL  2^5 

ploi  dans  les  holocaultes  &  dans  les  lacrifices  j  ce  qui  fe  voit  au  i.  Chron. 
25.  31.    Il  n'eft  pas  exprimé  quels  étoient  ces  offices  i  mais  nous  le  recueil- 
lons d'ailleursv    II  eiï  certain  que  ce  n'étoit  pas  à  eux  de  faire  l'afperfion 
du  fang,  ni  àjetter,  ou  les  graifîes ,  ou  les  membres  de  l'animal  fur  l'Au- 
tel pour  être  confumez,  car  cela  apparrenoit  aux  Sacrificateurs  feuls. 
Mais  par  la  Pâque  d'Ezechias ,  &  par  celle  d'Efdras  jilparoîtquelesLe-jo^v/^'gc 
vites  égorgeoient  les  agneaux  de  la  Pâque,  &  par  conféquent  les  autres  17- 
victimes,  car  s'il  était  permis  aux  particuliers  d'égorger  foy-mêmelesvic-^    asô.i*, 
times  de  leurs  propres  facrifices ,  à  plus  forte  raifon  cela  étoit  permis  aux 
Lévites.    Or  qu'il  fût  permis  à  chacun  d'égorger  luy-même  fa  bête  à  la 
porte  du  parvis  des  Sacrificateurs  6c  dans  le  parvis  même ,  Codwark  l'a 
fort  bien  prouvé.     Il  femble  qu'ils  euflent  auffi  la  charge  d'égorger  les  j^  . 
viétimes ,  &  de  les  démembrer  :  voyeç  la  Pâque  de  Jofias.  Il  efl  vrai  qu'il  14  5. 5r  ch. 
s'agit-là  des  viélimes  de  la  Pâque.     Mais  je  croirois  allez  aifément ,  que  »^ch,4. 
les  facrifices  ordinaires  étoient  maniez,  feulement  par  les  Sacrificateurs,  ôci.  chroniqi 
que  les  Lévites  n'y  étoient  appeliez,  que  quand  il  y  avoit  beaucoup  de'^*"' 
viélimes,  &  peu  de  Sacrificateurs,     f .   Enfin  il  ne  faut  pas  douter  qu'ils 
n'euirent  foin  des  habits  des  Sacrificateurs  pour  les  ferrer ,  les  tenir  nets , 
&  les  tirer  dehors  quand  on  en  avoit  befoin.    Ils  avoient  foin  des  eaux,  des 
conduits  èc  des  cuveaux,à  ce  que  le  tout  fût  en  bon  état.  Ces  Lévites  étoient 
fans  doute  divifez- en  2.4.  ordres,  auffi  bien  que  les  Sacrificateurs  cc  les  Chan- 
tres, ôc  fervoient  par  tour.   Du  tems  de  David  il  y  en  avoit  ^4.  mille  em-ï^chro»,. 
ployez  ordinairement  à  cet  ouvrage,  c'étoit  mille  par  chaque  femaine.  11*^"  ^^' 
n'en,  faloit  pas  moins  pour  le  fer  vice  d'une  auffi  grande  maifon ,  &  ces  mille  ,  chrosiq, 
fervoient  par  jour,  environ  ij'a.  Il  y  avoit  4000.  PoFtieKS,  divifez  en  2,4.  ^3-  4. 
clafTes;  cela faiibit prés  de  deux, cens  ,  favoir  environ  t/o. pai*  femaine  en 
ferviccj,  il  y  avoit  auffi  4000.  Chantres. 

Ces  Lévites  étoient  reçus  dans  l'exercice  de  leurs  emplois ,  félon  la  Lov,  D'autres  di- 

à  20.  ans.  Cependant  au  Livre  des  Nombres  chapitres,  verfet  24.  leur  âeclf"^^"*^:^^''' 
^  ^     ^  r     ■     n  '  ^  ;    r      •     j      •    r  '      j     ^   puis  zi.juf- 

pour  commcncer  a  icrvir  clt  marquc  a  ip  ans,  le  LeviU  depms  l âge  ^^  zj.  quesàjo. 

ans  &  an  deffiis  entrer-a  en  ferviee.  Mais  la  réponfe  eii  qu'à  l'âge  de  zz.  ans  ils  !/f,^^''?'^°' 
eoramençoicHt  a  avon*  entrée  dans  le  lempie,  ce  a  raire  quelque  lervicejiexempie, 
&  non  pas  tout.  Jufques  à  |o.  ans  ils  fervoient  aux  anciens  Lévites.   Da-  "uis^j'ï'^ifs*'" 
vid  même  à  la  fin  ôc  dans  fes  dernières  années  les  fit  dénombrer  ôc  entrer  ponoknt 
en  fervice  dés  l'âge  de  zo;  ans,  fi  ce  n'eft  que  par  dénombrer,  dans  le  pre- '®^  aidcaux.. 
mier  Livre  des  Chroniques ,  on  ne  fignifie  autre  chofe ,  que  mettre  fur. 
le  regiftre,  &  non  pas  employer  au  fervice,  c'eft-à-dire  qu'on  les  fit  met- 
tre fur  le  rôle,  pour  s'en  fervir  au  befoin,-    Ils  entroient  donc  régulière- 
ment en  fervice  à  5p.  ans,  &  ils  en  fortoient  &;  devcnoient  ementià  yo, 
ans.     Surquoi.la  remarque d'Abarbineleft  judicieufe,«ii^»/if«?fri(.f  8. ^'«^^^'jf'^* 
vitAs  inductt  irreguUriîatem  ittai^nonmacnU',  contra  int^r  Sacerdotes  macnU  in-  innumeios> 
dncum  irregHUritatem^  non  anni.  Entre  les  Levitesc' étoit  Tâge  qui  rendoitin-  !,•  h- 
capable  du  fervice ,  &  non  les  taches  y  Au  contraire  entre  les  Sacrificateurs ,  lemonle'dè- 
c'étoient  les  défauts  corporels ,.  Se  non  les  années  qui  rendoient  incapables  J'.inaugura- 
du  fervice.     En  effet,  il   eil  remarquable,    que  les  Lévites  n  étoient  vires,  on  ' 
point   incapables  de  fervir  pour   leui-s  défauts  corporels  ,   pourvu  que  '«  la^oit  &: 
d'ailleurs  ils  fuffent  forts  ,   car  un  manchot  &  un  boiteux  alTurément  voy^Nomu" 
a^auroit.  pas  étd  reçu.    La  raifon  pourquoi  à  cinquante- ans  ils  étoient  «•  t;^^ 

de-  5L|.  s>2^r 


:Ëfdxas.t.zOo 


196  HISTOIRE  DES  DOGMES 

déchargez ,  ne  venoic  que  des  travaux  aufquels  ils  étoient  expoiez ,  &  parce 
qu'à  fo.  ans  la  voix  des  Chantres  ell  gâtée.  Ilsn'avoient  pas  d'habits  par- 
ticuliers, ils  étoient  habillez  comme  le  peuple:  cela  paroît  ,  par  ce  que 
Antiq.  rapporre  Joléphe,  que  fous  le  règne  du  Roy  Agrippa,  lesLcviresobtin- 
^ib.  ao.  C31V  j.gj^,-  ^^  i^Qy  ^  ^ju  Sanhédrin ,  de  porter  la  tunique  de  lin ,  comme  les  Sacri- 
ficateurs :  cela  ne  leur  dura  pas  long-tems ,  car  le  Temple  ne  iijbrifta  plus 
gueres. 

Tous  les  Lévites  avoient  leurs  Chefs  par  deflus  eux  ;  Chefs  des  Portiers, 
Chefs  des  Chantres ,  &  Chefs  de  ceux  qui  faifoient  le  fervice  :  ces  Chefs 
étoient  Lévites,  car  le  Chef  de  chaque  clafle  ou  famille  devoit  être  Lévi- 
te, comme  cela  fe  voit  au  15.  chap.  du  i.desChronic.  011  font  contez  fix 
Chefs ,  appeliez  les  Chefs  des  Pères  des  Lévites ,  mais  pardefTus  ces  Chefs , 
il  y  avoit  un  Sacrificateur  commis» auquel  ils  obeiifoient  tous.     Du  tems 
de  Moyfe  ils  étoient  fous  la  conduite  d'Eleazar,&  d'Ithamar,  les  deux  fik 
-Chroniq.  9.  d'Aaron  :  Eleazar  étoit  établi  fur  les  Lévites  qui  faifoient  le  fervice  dans 
■j°j^f°"^'''  le  Templcj  il  ne  faut  pas  douter  qu'il  m'eût  le  même  pouvoir  furies  autres. 
Sous  eux  ils  avoient  des  valets  appeliez  1>{ethiniens  j  Coupeurs  de  bois 
cî«T-  s-      ÔC  porteurs  d'eau.     Au  commencement  Jofué  donna  cet  office  aux  Ga- 
baonites.    Enfuite  David  êc  Salomon  y  en  ajoutèrent   d'autres  à  caufe 
que  la  race  des  Gabaonites  fut  prefque  détruite  par  le  zèle  indifcret  de 
Saiilj&auffi  parce  que  le  fervice  du  Temple  étoit  fort  augmenté.   Ils 
furent  appeliez  D^:^n3 ,  c' étoient  ou  des  captifs  pris  %n  guerre ,  ou  des  gens 
que  David  ôc  Salomon  donnèrent  au  Temple.     Ils  alloient  couper  le  bois 
dans  les  forêts,  l'amenoientlpar charrois,  &  avoient  foin  àts  fontaines  & 
des  aqueducs  en  qualité  de  fonteniers.     Ils  faifoient  l'ouvrage    vil   qui 
regardoit  le  fervice  du  Temple.     Ils  apportoient   le  bois  &  l'eau  juf- 
qu'à  l'entrée  du  Parvis  des  Sacrificateurs,  où  les  Lévites  les  prenoiént 


C  H  A  P  I  T  R  E     X. 

Des  autres  Mmijîres  du  Temple  ^  dont  ilejlfait  mention  fous  le  fe^ 

cmd  Temple. 

E  font  là  les  Miniflres  du  Temple ,  defquels  il  nous  efl  parlé  dans 
le  Vieux  Teftament.     Mais  les  écrits  des  Juifs  nous  parlent  de  di- 
vers autres  Officiers,  quifemblent  avoir  été  inftituez  ou  plus  connus 
fous  le  fécond  Temple. 
Dw  grand       Le plus confidctable de. tous c'étoit l€\:\D fegen OMpigm, c'étoit proprement 
Souverain"    ^^  grand  Vicairc  du  Souverain  Sacrificateur  :  C'eil:  une  vieille  tradition  des 
saciificateur.  Juifs  que  la  vcillc  du  jour  des  Propitiations ,  on  élifoit  un  fubilicut  au  Souve- 
rain Sacrificateur, afin  que  fi  par  quelque  pollution,  il  venoit  à  être  incapable 
Ainiquit.     de  faire  le  fervice,  la  Fête  ne  laiilat  pas  d'être  célébrée.  Jofephe  recite  un  fait 
jofeph.Lib.  qui  fert  d'exemple,  un  nommé  Matthias  Souverain  Sacrificateur  fur  la  fin 
î7.cap.  .     ^^  1^  ^.^  d'Herode,  ayant  cru  coucher  la  nuit  avec  fa  femme,  un  nom- 
mé Eiiem  fit  fon  office.     Mais  fi  cela  étoit  vrai  au  pied  de  la  lettre,  lé 

Sagan 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  TartlL  297 

Sagan  n'auroit  été  Vicaire  qu'un  jour  ou  une  fem  aine  dans  l'année,  au  lieu 
qu'il  eft  évident  que  cette  charge  étoit  de  durée.    Si  le  nom  n'étoit  pas 
connu  fous  le  premier  Temple,  certainement  la  chofe  l'étoit  aflez.  Je  ne 
doute  pas  qu'Eleazar  ne  fût  grand   Vicaire  fous  Aaron  ,   Phinées    &  i.sam.s.Bc*. 
Hophm   étoient  Vicaires  de  leur  père  Heli  :  Tfadocli  étoit  Vicaire  fous 
Abiarhar  avec   Ahimelcc  du  tems  de  David.     Dans  le  fac  de  Jerufa- 
lem   fous  Sedecias  il  eil  parlé  du  fécond  Prêtre.     Le  Prevot  de  VHôtd  i.Rois-itî. 
emmena  anjfi  Seraja  le  Souverain  Sacrificateur,  Ç^  Sophonie  le  fécond  Sacrifixia'  **' 
teur ,  &  les  trois  gardes  des  vaijfeaux.     Ces  mêmes  mots  font  répétez  en 
Jeremie ,  &  dans  l'un  &  l'autre  paflage ,  le  Chaldée  tourne  ]iD  Sagan.  Il  étoit  jcrcmîe  cap. 
donc  le  fécond ,  il  avoitla  Surintendance  fur  tous  les  Prêtres,  &  dans  l'ab-  j*-  *♦• 
fence  du  premier  Sacrificateur,  il  pouvoir  faire  tout  ce  que  celui-ci  fâifoit,juf- 
qu'à  vêtir  l'Ephod ,  &  entrer  dans  le  Sanéluaire. 

Au  defTous  de  ce  po  Sagan,  il  y  avoit  deux  Officiers  que  les  Juifs  ap-  ®«  intea- 
pellent  tantôt  KathicoUn  ^x^î^toi  Kathtlokin ,  tantôt  Katholikin.  Quoi  qu'il  en  nancesda 
îbit,  cela  vient  du  mot  Grec  corrompu  CathoUcus:  nom  dont  on  appelle  Tempia 
aujourd'hui  le  chef  de  la  Religion  àts  Arméniens,  Le  Ca^hoUi^ue  d^tÎAr mê- 
me. Le  Chaldée  &  les  Talmudiftes  cmployent  ce  mot  fouvent  pourfigni- 
iier    de    grands    Seigneurs.     \h  difent   que    la   charge   de    ces   deux 
homînes  etoit  d'être  Surintendans   des  Threfors  du  Temple,  aufquels 
tous  les  autres  Receveurs  &  Threforiers  avoient  à  rendre  conte.  Le  Sou- 
verain Prêtre  &  le  Sagan  avoient  la  Surintendance  du  fervice  ,&  ces  deux 
hommes  avoient  la  Surintendance  des  finances. 

Ces  deux  KathoUkins  avoient  fous  eux  fept  autres  Threforiers  qu'ils  appel- 
loient  pSdidx  immarcalin  ou  amarcalin.  On  dit  que  leur  office  étoit  de  porter 
les  fept  clefs  àt^  fept  portes  du  Parvis  des  Sacrificateurs,  &  les  clc^h  des  Thre- 
Toreries,  poury  mettre  tout  ce  qui  leur  étoit  mis  en  main  par  les  Receveurs  : 
Ce  mot  eft  fouvent  employé  dans  la  Paraphrafe  Chaldaïque  pour  fignifierks 
chefs  desTribuSjPrinces  du  penple,comm€  dans  les  palîàges  de  la  Paraphrafe,  Numeror, 
citez  en  marge.  Ordinairement  il  fignifie  les  Prêtres  gardes  des  clefs^leur  offi-  ^^}'  ^;  ^^^ 
ce  étoit  de  garder  les  Vaifleaux  par  conte,ror,rargent,  &:  généralement  tou-  Levitiq.  4. 
tes  les  richelfes  du  Temple.  Ces  charges  auffi  bien  que  les  précédentes  étoient  {^j.  î^Rég. 
fixes  &  ne  changeoient  pas  avec  les  ftations  des  Sacrificateurs.  «*•  »<»• 

Enfin  il  y  avoii  trois  pnaîji ,  ce  mot  fe  lit  dans  le  texte  d'Efdras  i .  8 .  &  dans 
la  Paraphrafe  Chaldaïque  d' Efdras  7. 2.  i .  Nous  l'avons  tourné  Threforier.  Ces 
troJsThreibriers  étoient  proprement  lesReceveurs  duTemple,qui  recevoient 
■le  ficle  du  Sanûuaire  6c  l'argent  du  rachat  de  ce  qui  devoit  être  racheté, 
parce  qu'on  ne  le  pouvoir  mettre  fur  l'Autel.  Ils  gardoient  auffi  les 
VaifTeaux  qu'on  dédioic  au  Temple,  l'or,  l'aigent,  les  habits,  6c  toute  au- 
tre chofe  qui  revenoit  au  profit  du  Temple ,  foit  par  don  ,  foit  par  ren- 
te. Ce  font  peut- être  ces  trois  gardes  des  VaifTeaux  dont  parlent  l'Au- 
teur du  fécond  livre  des  Rois  2f.  18.  6c  Jeremie  fi.  24. 

Ce  font- là  tous  les  Miniftres  du  Temple.  Mais  il  y  avoit  un  autre  or-  Deshom* 
dr€  d'hommes  qui  étoient  obligez  de  fè  trouver  dans  le  Temple  réglé-  J?J*  ^^^^ 
ment,  -comme  les  Sacrificateurs  6c  les  Lévites.  Ils  étoient  divifez  com- 
me eux  en  24.  cîafles  :  "chaque  clafle  étoit  obligée  de  monter  au  Tem- 
ple par  femaine  ,  comme  les  Sacrificateurs  6c  les  Lévites,  6c  d'affifter  au 
fervice  journalier  qui  fe  faifoit  4an§  le  Temple.  Ces  hommes  n'étoient 
'l'an,  IL  Pp  ni 


15^8  HISTOIRE  DES  DOGMES 

ni  Lévites  ni  Sacrificateurs.     Ils  étoient  choi^  d'entre  le  peuple  qui  dc- 
meuroit  dans  tout  le  pays  :  On  les  appelloit  "lOi^on  '<mii  Firi  Sationarii  ^ 
parce  que  leur  office  étoit  d'être  ailîiftans  au  fervice  q;ui  fe  faifoit  dans  le 
Temple. 
Trois  lai-        L'établiflemcnt  de  ces  hommes  étoit  appuyé  fur  divers  principes.     Le 
iSitulion  pi'emier,  c'efl  que  jamais  on  ne  pou  voit  offrir  de  Sacrifices  pour  quelqu'ua 
4es hommes  qu'il  ne  fût  prcfcnt ,  ou  quelque  autre  pour  lui  quile  reprefentât  &  qui  agît 
içj.'°^°""   en  fon  nom.     Ainfi  cts  hommes  afiîftoient  aux  Sacrifices  par  devoir  afin 
de  comparoître  pour  les  abfens..    La  féconde  raifon  ,  c'ell  qu'il  y  avoit 
des  Sacrifices  qui  s'offroient  dans  le  Temple  pour  toute  la  nation:  En- 
tr'autres  le  Sacrifice  continuel  du  foir  ôcdu  matin.  Or  toute  la  nation  ne 
pouvoit  être  convoquée  deux  fois  par  jour  pour  aflifter  aux  Sacrifices^ 
qui  fe  faifoient  pour  elle.     Ainfi  les  hommes  fiationnatrey.  étoient  propre- 
ment établis  pour  reprefenter  le  peuple.     La  troifiéme  raifon  de  cette 
inftitution ,  c'efl  qu'on  ne  doit  faire  aucun  fervice  public  que  dans  une 
affemblée.  C'efl  pourquoi  les  Juifs  obfervent  de  ne  faire  aucun  culte  pu- 
blic dans  leurs  Synagogues ,  s'il  n'y  a  tout  au  moins  dix  perfonnes  ;  Sur 
tout  il  eut  été  tout  à  fait  mefféant  que  le  fervice  folennel ,  qui  fe  fai- 
foit tous  les  jours  dans  le  Temple,  fe  fût  fait  fans  affiftans.  On  yfacri- 
fioit  au  moins  deux  fois  le  jour,  foir  &  matin,  on  y  lifoit  laLoy*deux 
fois  au  matin  ;    ôc  on  y  faifoit  4.  fois  des- prières.  Or  il  feroit  très  fou- 
vent  arrivé  que  tout  cela  fe  feroit  fait,,  fans  un  nombre  compétent  d'af^ 
fiflans  ,   fi  on  n'avoit  particulièrement  donné  commiffion  à  certaines 
gens  de  s'y  trouver  au  nom  des  autres.     Et  je  ne  doute  pas  que  ce  ne. 
ïoit  la  vraye  ôc  principale  raifon  de  cet  éiablifTement,  C'ieft  pourquoy 
ces  hommes  fiattionnaires  étoient  obligez  de  monter  de  toutes  leurs  demeu- 
res en  Jerufalem.  Mais  ceux  qui  ne  pouvoient  le  faire  à  eaulc  de  lagran^ 
de  diftance ,,  ou  de  quelque  maladie ,  ou  quelque  autre  obilacle  invinci- 
ble, s'afTembloient  durant  leur  femaine  dans  la  Synagogue  du  lieu  011  ils 
demeuroieut,  &  jûnoient,  prioient,  &  faifoient  laleéluredekLoy,  diri? 
géant  leurs  cœurs  vers  Jerufalem,,  oia  ils  ne  pouvoient  être,   ils  jûnoient 
le  1^^.  le  3"^*.  le  4'ne.  le  5"*.  jour  àt  cette  femaine ,  c'efl-à-dire,  le  Lun- 
di, le  Mardi ,  le  Jeudi  &  le  Mecredi.  Je  ne  fai  fi  \tî,Jiaîions ,  dont  il  elt  tant 
parié  dans  les  Auteurs  des  premiers  fiecles  y  entre  les  Chrét'iens,.n'ant  pas 
tiré  leur  origine  de  là.     (^elqucs-uns  ont  penfé  qu'un  àts  offices  de  ces 
fiationnaires  etoit  de  mettre  leur  main  fur  la  tête  du  Sacrifice  cantinuel 
au  nom  de  tout  le  peuple-    Mais  Maimonides  nous  apprend  ^  que  cette 
coutume  de  mettre  la  main  fur  la  tête  delà  viéfcime,  n' étoit  ufitée   dans 
\qs  Sacrifices  qui  fe  faifoient  pour  toute  la  congrégation,  qu'en  deux  occa- 
fions,  la  première  dans  le  jour  des  Propitiations,  la  féconde,  quand  la  con- 
grégation avoit  commis  quelque  faute  par  erreur.  On  dit  que  les  ftation- 
naires  étoient  obligez  de  prendre  connoifTance  de  ceux  de  l'afiemblée  qui' 
avoient  quelque  feuillure ,  afin  qu'ils  fiflênt  leur  purification;  Il  ne  leur  étoit 
pas  permis  durant  leur  femaine  de  faire  monter  fur  euxlerafoir,  &  de  laver 
leur  vêtement,  ôc  ils  dcyoient.  avoit  fait,  cela  avant  que  d'entrer  dans  leur 
femaine  de  fervice,.        ' 


c:h:A:w- 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Part.ll.  299 


G  H  A  P  I  T  R  E     XL 

De  ['Entretien  des  Miniftres  du  Temple  ^  c'efi-à-dire  ^  desDtxmes. 
Revenu  du  Temple  lui-même  y  ou  du  Skie  du  S  annuaire, 

TOus  les  Miniftres  du  Temple  de  la  maifon  de  Levi ,  tant  Sacrifica- 
teurs que  Lévites,  félon  la  Loy,  ne  dévoient  pofTeder  aucune  terre  ni 
aucuns  fonds,  comme  cela  eft  ordonné  fort  au  long  ,  dans  les  textes  Dans  le  n, 
citez  en  marge.    Seulement  on  leur  donm^it  en  chaque  Tribu  des  villes  Nombres 
avec  leurs  fauxbourgs,   pour  y  demeurer,   c'eft- à-dire,  dequoi  faire  des  au  ig.  du' 
Jardinages  à  Fentour  j  6c  point  de  champs  &  déterre  à  labourer.  Mais  S?,^^&°Tt! 
Dieu  avoit  abondamment  pouvû  à  l'entretien  de  tous  les  Miniftres  du  fué.'u,  14, 
Temple. 

î.  On  donnoit  aux  Sacrificateurs  les  premiers  fruits  avant  que  degoû-  offrande  deg 
ter  &  recueillir  aucun  revenu  de  la  terre,  du  bled,  orge,  figues,  rai- fta^'"* 
fins,  olives,  grenades,  ÔC  dates  ,  on  ne  donnoit  que  de  cts  iept  cho- 
^s  pour  les  premiers  fruits.  Et  cela  fe  donnoit  félon  la  volonté  du  pè- 
re de  famille  fans  autre  règle.     Mais  c'étoit  peu  de  cholè  j  c'étoit  une 
poignée  de  bled  &   d'épis  des  premiers  mûrs  qu'on  pouvoit  découvrir. 
Il  femble  pai*  la  Loy  du  Levitique  que  les  premiers  fruits  ne  s'ofFroient  Levtriquë. 
qu'après  iamoiftbn.  Seldenus  diftingue  les  prémices  du  bled,  de  l'huile,  J^^f; **'■ 
du  vin  &  des  Toifons,  qui  font  commandées  par  Moyfe  dans  lech.  14. 
du  Deuteronome,  comme  fi  c'étoient  des  choies  différentes,  il  prétend 
que  cts  fécondes  prémices  ne  fe  donnoient  que  de  ces  quatre  chofes ,  & 
qu'on  les  appelloit  nonn  oblation  élevée.    Mais  je  ne  faurois  appercevoir 
dans  la  Loy  le  fondement    de  cette  diftinétion  ,   tout  cela   s'appelloit 
n'i^'Ni  &  dans  le  Levitique  23. 10.  où  il  veut  qu'il  foit  parlé  de  ces  premiers 
fruits,  &  dans  le  Deuteronome  i8.  14.  Ainfi  Seldenus  doit  avoir  pris  ce- 
la de  la  tradition  des  Juifs.  Ce  qui  elï  peu  important,  car  tout  le  mon- 
de  avoue  que  les  premiers  fruits  étoient  peu  de  chofe.     Voici  les  cé- 
rémonies que  les  Juifs  Talmudiftes  &  Maimonides  dans  le  traité  Biccft- 
rim ,  difent  qu'on  obfervoit  dans  l'oblation  des  premiers  fruits. 

Toutes  les  bourgades  qui  étoient  d'un  certain  reflbrt  s'aflembloient  dans 
la  ville  de  leur  dépendance  ,  &  couchoient  dans  les  rues ,  pour  n'être 
point  fouillez  par  hazard.  Le  matin  le  conduéteur  les  éveilloit  en  di^ 
fant,  mimons  m  Bion  en  l a  montagne  àe  notre  T)iei^.  Ils  marchoient  ÔC  fai- 
foient  marcher  devant  eux  un  taureau,  dont  les  cornes  étoient  dorées ,  avec 
une  couronne  de  branches  d'Olive  fur  fa  tête  ^  ils  ne  cheminoient  que 
les  deux  tiers  du  jour  5  Quand  ils  approchoientdejerufalem,  ilsenvo- 
yoient  un  meflàger  pour  donner  avis  de  leur  venue  ,  &  ornoient  leurs 
corbeilles  de  fleurs,  &  de  leurs  plus  beaux  fruits.  Les  Principaux  d'en- 
tre les  Sacrificateurs  venoient  au  devant  d'eux  jufques  hors  de  la  vil- 
le.    En  arrivant  à  la  ville ,  ils  difoient  en  marchant  dans  les  rues ,  nos 

Pp  2  pe4$ 


IQo  HISTOIREDES   DOGMES 

gieds  fe  tiendront  en  tes  portes  0  ?erufaUm.     Et  les  gens  de  la  ville  leur  ré- 
pondoient  S  ms  frères  venns  aun  tel  lieu^jojez,  les  bien  zienns.  La  flûte  jouoit 
devant  eux  comme  dans  toutlecheminj  quand  ils  étoient  arrivez  au  Tem- 
ple ,  chacun  prenoit  fa  corbeille  fur  fes  épaules  ,  fans  excepter  même  le 
Roi,  difent-ilsjôc  entroient  dans  le  Parvis  des  femmes  jufques  à  celui  des 
Sacrificateurs ,  6c  au  pied  de  T  Autel  en  chantant  le  Pf  iif.  Arriviez -dans 
le  Parvis  dss  Prêtres  ,  ils  chantoient  le  Pf.  30.  &  quand  ils  étoient  aa 
pied  de  l'Autel  ,  ils  difoient  à  haute  voix,    /«  reconnais  anj»ftrd'hui  que  je 
Juis  entre  en  pofjejfion  de  la.  terre.  Et  ils  continuoient  par  les  paroles  du  26. 
du  Deuter.  3.  Mon  père  était  un  pauvre  Syrien  &c.  juÇ^nesau  i  o.  Ils  ôtoienc 
leur  corbeille  de  delîus  leur  épaule  ,  le  Prêtre  mettoit  la  main  deflbus,. 
ou  la  tournoyoit  devant  l'Autel  en>  pronon^nt  les  paroles  fufdices,  puis 
on  lapofoit  auprès  de  l'Autel,  6c  on  s'en  alioit.  Onyjoignoit   ordinaire- 
ment quelques  couples  de  pigeons  ou  de  tourterelles ,   &  c'étoit  pour  le^ 
facrifjce:  les  corbeilles  appartenoient  aux  Sacrificateurs  de  tour,  qui  diflri- 
Matmonides  buoient  entr'eux    ces  premiers  fruits.     L'on  ne  confondoit  point  ces 
ca'p"î!'"     prémices  dans  la  même  corbeille  ,  mais  chaque  fruit  avoit  fon  lieu  à 

part. 
offande  des  Lcs  prcmiccs  commençoleut  à  être  quelque  chofede  considérable, car 
piemices^^  {^\q^  \^  tradition  àt^  Rabbins  ce  devoit  être  tout  au  moins  la  60°*®.  par- 
ia"foixantié-  tie  du  tout  :  Cfiux  qui  vouloient  être  honorables  donnoient  la  4oni«. ,  ôc 
mepaitie,  jgj  autrcs  la  50™*.  mais  au  moins  ce  devoit  être  la  6o«»«.  de  fix  mille  boif- 
fcaux  cent,  6c  à  proportion  des  moindres  revenus,  6c  cela  appartenoit  aux 
Sacrificateurs  feuls.  Les  LevfEes  n'yavoient  pas  de  part. 
La  grande  z,  Aprés  on.fcparoit  k  grande  dîme  qui  étoit  la  dixième  partie  dont 
h  dixième  ^^  principal  appartenoit  aux  Lévites.  De  6000  boifleaux  on  en  levoit  fix 
prtié  defti-  ccns.    Elle  fe  prenoit  du  bled ,  du^  vin ,  de  l'huile  ^  qui  faifoient  le  reve- 

îkes*"*  ^^'  "'^  ^^  ^^  ^^^^^  ^"  p^y^' 

La  dîme  de  5.  I>e  Cette  grande  dîmc  dcftinéc  aux  Lévites  là  dixième  partie  en 
jgj^JJ'/jfgç"!  étoit  deftinée  aux  Sacrificateurs,  6c  cela  s'appelloit  la  dîme  de  la  dimc. 
teurs.  Car  les  Sacrificateurs  étoient  autant  au  defl'us  des  Lévites,  que  les  Le- 
^«"'té!"     "^^^^s  étoient  au  deflus  du  peuple:  C'eft  pourquoi  les  Lévites  dîmoient  le 

peuple,  6c  les  Sacrificateurs  dîmoient  les  Lévites. 
Seconde  dî-  4,  Outre  Cette  grande  dîme  qui  appartenoit  aux  Lévites  &  aux  Sacri- 
B  t^on.  ^^^^^"ï's  conjointement,  le  Père  de  famille  étoit  encore  obligé  de  lever 
une  féconde  dîme  ou  dixième  partie  du  reftant  ,  6c  cette  féconde  dîme 
étoit  employée,  lo-  à  faire  les  voyages  aux  Fêtes  folennelles  ,  à  célébrer 
les  Fêtes,  6c  à  faire  de  grands  repas  dans  les  Fêtes  où  étoient  invitez 
les  Sacrificateurs,  les  Levites^  6c  autres.  2**.  à  faire  des  œuvres  pieufes, 
aumônes  6c  liberalitez  aux  pauvres.'Le  commandement  s'en  Ut  au  14.  du 
Deuteronom,  15.  24.  6c  tn  manger-as  devant  l'Etemel  ton  Dieu  ^c.  Si  Jç 
lieu  de  la  demeure  n'étoit  pas  trop  éloigné  de  Jerufalem  ,  on  y  portoic 
lé  bled,  le-vin,  les  bêtes  de  la  dîme  en  efpece,  mais  fi  le  chemin  étoit 
trop  long ,  on  la  convertiflbit  en  argent ,  6c  oh  l'employoit  à  l'ulàge  de  la 
deftination-^  c'eil  qu'on  en  achetoit  des  vivres  pour  la  Fête. 

Il  y  a:  au  fujet  de  cette  féconde  dîme  une  aflèz  grande  difficulté.  Il 
«CMOD.  14,^'^^^^^^  par  la  Loy  de  Mbyfe  que  les  dîmes  ne  fe  levaflent  que  de  trois  ans 
^«.  ep  trois  ans-  :  ^  httt  dg.  troit  éimtH  tirsras  tomes  les  dîmes,  de  ton  rapport  de 

j;.'^'"-  ««A 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  PartAl.  501 

iffettc  année- la  <i  &les  mettra:  dam  tes  portes.  Lors  le  Lévite  ^  d'autant  ^»';7  n'a 
pas  de  portion  ni  d'héritage  avec  toy ,  viendra ,  &  aujji  P  étranger  &c.  l'orphelin  çjr 
la  veuve.  Scaliger  interprète  cela  de  la  première  &  grande  dîme,  laquelle  il  Diatriba  de 
prétend  n'avoir  été  levée  que  dctrojs  ansen  trois  ans  du  revenu  de  l'année, **"'°*"' 
mais  fi  cela  étoit  dequoi  auroicnt  vécu  les  JVliniftres  du  Temple  dans  les 
deux  autres  années  ?  Ainfi  Seldenus  tient  que  cette  grande  dîme  le  levoit  rè- 
glement tous  les  ans.Et  il  interprète  ces  trois  ans  de  la  féconde  dîme  qui  fe  le- 
voit aufîî  tous  les  ans,  &deux  ans  de  fuite  on  la  portoitàjerufalem  pour 
y  être  conlumée  en  aumônes  &  en  repas  devant  le  Seigneur  v  Mais  chaque 
troifîéme  année,,  dit-il,  cette  féconde  dîmefeconfumoit  dans  les  portes 5 
c'efl-à-dire,  dans  la  demeure  du  pcre  de  famille ,  &  fe  diliribuoit  aux  Lévites 
des  lieux  voifîns  &  aux  pauvres  veuves  6c  orphelins.  Et  Seldenus  prétend  que 
e'efl  ce  qui  s'appelle  fouvent  aufîî  la  troifîéme  dîme  5  c'efl-à-dire ,  la  dîme 
de  la  troifîéme  année,  quoi  que  ce  ne  fût  que  la  féconde  dîme,  différem- 
ment confumée.  Car  deux  ans  durant  on  la  cpnfumoit  à  Jerufalem,  &  la 
troifîéme  on  la  confumoit  fur  le  lieu  même.  Tobie  parle  de  cette  troifiéme 
dîme  chap.  t. 7.  Quant  à  la  troijîéme  dtme  Je  la  donnais  à  ceux  anf^uels  il  étoit 
convenable,  félon  qtte  m'avait  comraandé  Deb  or  a  la  mère  de  mon  père.  La  plupart 
eftiment  que  cette  dîme  de  la  troifiéme  année  étoit  toute  difFerente  des  deux 
autres  &  qu'elle  étoit  deftinée  aux  pauvres  chaque  troifîéme  année. 

4.  Selon  le  conte  de  Seldenus  6c  des  Juifs  la  dîme  aîloit  à  la  cinquième  Sommet»^ 
partie  du  revenu  total  6c  plus:  par  exemple  de  6.  mille  boilTeaux  de  bled  ^f^lj" 
on  en  mettoitàpart  pour  les  prémices  loo.  boiffeaux:  lien  reftoit  fpoo,  d*  lee- 
doncon  prenoit  pour  la  grande  dîme  fpo.   refloit  f  310.    fur  laquelle  on  ^°emiccsn 
prenoit  encore  une  dixième  partie   favoir  531.       Ainfî  de  5aoo.   boif-fti®'.»"»^' 
féaux  on  en  ôtoit  pour  les  trois  dîmes ,  c'efl-à- dire ,  pour  les  prémices  6c  ou^n'pea 
pour  deux  dîmes,  iiii.  6c  il  en  refloit  pour  le  maître  4771.   fî  les  dî-  pius.icftokf 
mes  eufient  monte  a  ifoo.  ce  leroit  le  quart.     11  eit  a  remarquer  que  la  dixième, 
tribu  de  Levi  n'étoit  qu'une  douzième  tribu,  mais  qu'elle  ne  faifoitpas  la^«^=  ««• 
40'°*;partie  du  peuple,cela  fe  peut  voir  par  le  Livre  des  Nombres.Les  Tribus  féconde 
d'Ifraël  fe  trouvent  monter  à  iix  cens  trente  cinq  mille  6c  fO.  hommes  ^ï^*'^™^^""'^ 
portant  les  armes  i  6c  les  Lévites  depuis  l'âge  d'un  mois  ne  furent  que  22,.  c'étoit  en 
mille,  àconter  depuis  cet  âge  il  y  avoit  peut-être  alors  plus  d'un  million  de""*^"^" 
perfonnes  dans  le  refle  d'iiraël.     Du  tcms  de  David  on  ne  trouva  de  Le-  cent, 
vîtes  qu'environ  28.  mille  hommes  depuis  îo.  ans  6c  au-defTus,  6c  il  pa-Nombr« 
roit  que  le  reite  d  lirael  montoit  a  treize  cens  mille  hommes  dégainant  chap.  3. 3^- 
l'èpée,  6c  félon  le  chap.  r.  des  Ghronic.  21.  f..  en  trouva  en  tout  Ifraël  ]•  ^'^^°"* 
quinze  cens  foixante-dix  mille  hommes ,  fans  tenir  conte  des  femmes,  des  i.sam, 
enfans  6c  des  jeunes  gens  incapables  de  porter  le^  armes.  Cependant  cette  par"*4. 9-  - 
tie  du  peuple  qui  étoit  la  moindre  avoit  la  cinquième  partie  du  revenu  , 
outre  le.  profit  qui  revenoit  des  offrandes  du  Temple,  des  ficrifîces  6cc>  ce 
^ui  nefe  peut  quafi  nombrer.   Ainfî  il  faloit  que  ceux  qui  faifoient  le  fer- 
vice  de  Dieu  fuifent  très  opulens-:  les  Sacrificateurs  avoient  pour  eux  feuls 
la  dîme  de  la  grande  dîme  des  premiers  fruits  qui  étoit  l'élite  de  tout  :  Et 
de  plus  le  profit  qui  revenoit  de  la<chair6cdes  peaux  des  bêtes  j  6c  de  tou- 
tes les  autres  offrandes  de  fruits  6£  de  liqueurs ,  en  un  mot  tout  ce  qui  ne  fe 
c-onfumoit  pas  dans  le  lervice  leur  appartenoit.Pour  la  féconde  dîme  il  femble 
îgi'-ii  ç*i  r€.venoit  peu  au  profit  des  Miniflres  du  Temple,  car  elle  fe  con- 

Pg,  3  fumoil'- 


502         HISTOIRE  DES  DOGMES 

Ibmoit  en  repas  6c  aumônes  ^  &  les  pauvres  y  avoieiu  leur  bonne  part.  A 
38.  mille  mâles  de  l'âge  de  50.  ans  &;  audelTus  (î  l'on  ajoute  les  femmes, 
lesenfans,  &  les  jeunes  hommes  audeflbus  de  30.  ans,  il  faloit  qu'il  y  eût 
plus  de  I  f  0000.  perfonnes  dans  la  tribu  de  Levi ,  fans  les  familles  des 
Sacrificateurs .  Le  Temple  nourrifibit  tous  ces  gens-là,  de  force  que  fans 
hyperbole  c'étoit  la  plus  riche  maifon  du  monde  ,  fans  en  excepter  les  do- 
maines des  plus  grands  Princes,  ÔC  des  plus  puiiTans  Rois  j  car  il  n'y  en  a 
point  eu  qui  de  fes  revenus  ôc  de  fon  domaine  pût  entretenir  deux  cens  mil- 
le domeftiques.  Et  le  fécond  Temple  devint  encore  beaucoup  plus  riche, 
cardeladilperfionde  la  nation  des  Juifs  vint  fa  multiplication:  De  toutes 
les  parties  du  monde  les  richefTes  abordoient  à  ce  Temple.  ïl  n'y  avoit 
pas  de  fête  folennelle  oij  il  ne  fe  trouvât  à  jerufalem  pludeurs  centaines 
de  milliers  d'étranga-s  ;  ôc  pas  un  n'y  venoit  les  mains  vuides  ,  ceux  qui 
n'y  pou  voient  venir  y  envoy  oient  leurs  prefens. 

f.  Outre  les  dîmes  du  revenu  de  la  terre  il  y  avoit  celles  des  troupeaux 

qui  revenoient  immédiatement  aux  Sacrificateurs,     i.  Tous  les  premiers 

nez  du  bétail  qui  écoient  nez,  des  vaches,  des  brebis ,  ôc  des  chèvres,  dévoient 

Koœb.  i«.  être  envoyez  en  efpece  au  Temple.     Mais  les  premiers  nez  des  hommes 

Q'^^j-jjgjQujes  dévoient  être  rachetez  de  cinq  ficles  d'argent,  pour  les  mâles,  &  ^.ficles 

«es  dîmes  il  pour  les  femcUes.  Les  premiers  nez  des  bêtes  immondes,  chevaux,  ânes, 

îcsp°em?ces  chameaux ,  ècc.  étoient  rachetez  félon  le  prix  de  l'eflimation.   Mais  ou- 

des pâtes,     trc  Cela  ils  dîmoient  le  bétail  de  cette  manière,  difent  les  Juift,  ils  l'en- 

Lent.  17. 5.  fei-jnQieî^t  dans  un  parc  ou  bergerie,  d'où  on  ne  les  laiflbit  fortir  qu'un  à 

^Becou-^"  ^^"^  '  ^  ^^^c  une 'verge  teinte  d'une  teinture  rouge   ils  frapoient  chaque 

loth.  cap.  7.  dixième  bête  &  elle  en  demeuroit  marquée  ,   foit  qu'elles  fuilènt  bonnes 

ou  mauvaifes,  faines  ou  malades,  les  marquées  étoient  la  dîme  &  ne  fè 

Lev'ir,  z7.    pouvoient  changer  :  c'efi  ce  qui  fe  peut  recueillir  en  effet  du  17.  ch.  du  Levi^ 

81.  &  iî.     tique,  cela  fe  payoit  au  SacrificateurjComme  on  le  voit  dans  l'endroit  cité  du 

Levitique. 

L'Ecriture  ne  nous  dit  rien  de  la  manière  dont  ces  dîmes  étoient  diftri- 
buées,  combien  en  avoit  le  Souverain  Sacrificateur,  6c  combien  les  autres  Sa- 
crificateurs.    Il  y  a  apparence  qu'elles  fe  divifoient  par  têtes  ,  depuis  les 
Nombres     enfans  d'un  mois.   Car  Dieu  fit  enrôler  tous  les  Lévites  depuis  l'âge  d'un 
î'**'         mois,  afin  qu'ils  fufTent  au  lieu  des  premiei-s  nez  d'Ifraël.     Or  puifqu'ils 
étoient  fur  le  rôle  ,   6c  qu'ils  avoient  dés  l'âge  d'un  mois  le  privilège  de 
reprefenter  les  aînez  du  peifpîe  devant  Dieu,  il  eft  apparent  qu'ils  avoient 
aufîi  le  privilège  d'avoir  part  au  bénéfice  5    Pour  l'inégalité  de  la  diftri^ 
bution  ,   fans  doute  elle  étoit  félon  les  emplois  6c  les  dignitez  ,   félon  le 
jugement  du  Prince   &   du  Sanhédrin  :   la  manière  de  lever  ces  dîmes 
étoit  de  les  aflembler  dans  des  greniers   6c  des  granges  en  chaque  Pro- 
vince par  le  moyen  des  Lévites  qui  étoient  députez  à  cet  office,  ce  que 
î.chron.    vcut  dire  làns  doute  Efdras  au  1.  Chron.oii  il  parie  de  Lévites  qui  étoient 
z6.  v.io.    employez  dans  les  Provinces,  pour  tome  affaire  de  f  Eternel  &  pour  le  fervice 
2°chrM.    dn  %py.     Les  affaires  de  l'Eternel  c'étoit  de  lever  les  tribus  6c  les  dîmes 
îi.  ip.        pour  le  Temple  6c  pour  la  maifon  de  Levi. 

Maimonidcs  ^-  H  cft  à  remarquer  que  la  tradition  des  Juifs  nous  apprend  qu'on  ne 
mBiccurim  devoit  les  dîmes  que  de  la  terre  de  Canaan  j  6c  les  Rabbins  ajoutent,  de 
^^'  *'        quelques  terres  adjacentes ,  comme  Pcnnaar ,  Moab ,  pais  de  Hog  6c  de 

Si- 


ET  DES  CULTES  DE  L^EGLISE.  P^rf.  IL  303 

Sihon,  de  Hammon ,  d'Egypte.  Je  ne  fay  fur  quel  fondement  on  appuyé 
cette  tradition,  puifque  Maimonides  dit,  qu'on  ne  devoit  pas  tirer  le  profit  Maîmon^dee 
de  la  terre  des  Cuthéens  ou  Samaritains.   Or  le  pa'ïs  de  Moab,  Hammon  Thctouma 
Sihon,  Egypte,  étoient  plus  étrangers  à  l'égard  de  la  terre  faintc,  que 
le  pais  des  Samaritains  qui  avoit  été  détaché  du  païs  de  Canaan.  Après  lar 
difperfion  les  Juifs  épars  en  diverfes  parties  du  monde  ne  dévoient  point 
de  dîmes  aux  Lévites.  Mais  ils  payoiant  au  Temple  des  offi-andes  volon- 
taires 5  car  il  étoit  défendu  de  fc  prefenter  devant  l'Eternel  les  mains  vui- 
desi  tellement  que  la  nation  des  Juifs  étant  prodigjeufement  multipliée  le 
revenu  du  Temple  devint  fort  grand. 

7.  Ces  dîmes  furent  rétablies  après  le  retour  de  la  captivité  comme  il  MaUchie- 
paroît  par  un  pafTage  du  Prophète  Malachie  ,  mais  il  paroît  aufîî  par^'***'^'^ 
le  même  paffage   de  Malachie   que   ces  dîmes  fe   payoient  avec   une 
grande  négligence.     Particulièrement   depuis  la   nouvelle  dédicace  du^ 
Temple  faite  par  Machabée  jufques  à  Hircan  l'efpace  de  |o.   ans  ,    on 
négligea  fort  de  les  payer  :   C'ell  pourquoi  le  Sanhédrin  ordonna  qu'on^ 
étabhroit  des  commis  plus  fidèles  &  plus  diligens ,  ÔC  depuis  ce  teras  -  là 
jufqu'à  la  ruine  du  fécond  Temple  elles  furent  aflez  exaâement  pa- 
yées: Cela  paroît  par  ce  que  le  Seigneur  dit  desPharifiens  qu'ils  dîmoient 
[ufqu'à  la  menthe  &  au  cumin,  &  aux  herbes  de  leurs  Jardins.  LaLoy  & 
leur  tradition  ne  mettoit  pas  les  herbes  entre  les  chofes  qui  dûfTent  être 
dîméesj  c'eft  pourquoi  en  cela  ils  avoient  deflein  de  faire  des  oeuvres  de 
fûrerogation.   Pafchafe  Ratbert  Abbé  de  Corbie  en  fon  Commentaire  fur  Erreur  dr 
St.  Matth.liv.  10.  fe  met  fort  en  peine  comment  les  Pharifiens  payoient  la  Rafber?  its- 
dîme,  parce  qu'ils  étoient  du  rang  des  Sacrificateurs  &  Lévites,  ôc  qu'ils  de-  Pharifiens 
voient  recevoir  les  dîmes  ôc  non  les  payer.   Mais  il  fe  trompe  fort  quand  plïJiSde 
il  croit  qu'ils  étoient  tous  de  la  race  de  Levi.  Ils  pouvoient  être  de  toutes  la  «ibu  d® 
les  Tribus,  Sl  Paul  étoit  BenjamitcSc  pourtant  Pharifien:  Il  en  étoit  de  ^**' 
même  des  Scribes  &:  des  Doâeurs  de  la  Loi. 

Il  fembie  pourtant  que  les  dîmes  fe  payoient  d'une  manière  plus  libre 
&  plus  volontaire  fous  le  fécond  Temple  i  car  au  18.  deSt.  Luc.  v.  12.  le 
Seigneur  introduit  le  Pharifien  mettant  entre  ces  œuvres  de  fûreroga- 
tion aufquelJes  il  n'étoit  pas  obligé  ,  Je  donne  la  dime  de  tout  ce  qsie  je  foffe- 
de.  Quoi  qu'il  en  foit  Philon  Juif  dans  fbn  \\vxe  %spi  rS,  r/W  yip«  twv /fpiwv, 
des  honneurs  faits  aux  Sacrificateurs ,  nous  dit  que  ces  dîmes  fe  payoient  vo- 
lontairement ÔC  abondamment.  Ils  pr-evemient ,  dit -il,  ces  Officiers  cj  ni  les 
demandoient  ^  (JT  les  payotent  devant  qu'elles  fujfent  dttes  par  la  Lof  ^  (^  oommé'- 
s'ils  eHJfent  reçu  un  bienfait  ,  pltiîk  qttils  n'en  faifoient ,  les  perfonnes  de  l'un  ^ 
de  ramre  fex€y  dans  la  fat  fan  de  chacun  des  premiers  fruits  y  Us  apport  oient  eux- 
mêmes  avec  une  promptitude  volontaire  &  un  foin  qui  ne  fc  peut  exprimer.  Au- 
jourd'hui comme  ils  n'ont  plus  de  Temple  ni  de  Lévites  ni  de  Sacrifica-- 
teurs,  ils  n'ont  plus  dédîmes,  mais  les  plus  dévots  d'entr'eux  au  lieu  des 
dîmes  mètrent  à  part  une  certaine  partie  de  leur  revenu  pour  les  pauvres. 
Et  même  Scaliger  dit  avoir  demandé  à  un  Juif ,  fi  en  cas  qu'il  leur  fût 
permis  de  bâtir  un  Temple, comme  après  la  caprivité,  ik  rètabliroient  les 
dîmes.  Il  lui  répondit  qu'ils  ne  pourroientpas  aujourd'hui  rebâtir  le  Tem- 
ple, ni  par  confèquent  rétablir  les  dîmes ,  parce  qu'ils  n'ont  pas  de  legiti»- 
sue  Sacrificature  ^  à  caufe  que  leurs  généalogies  font  confufes  ,  6c  qu'on 


504         HI  S  TOIREDES  DOGMES 

ne  doit  admettre  à  la  Sacrificatuie  que  cekii  qui  a  bien  prouvé  qu'il  eft 

décendu  d'Aaron. 
Bes  reveuus     i\  eft  naturel  après  avoir  parlé  des  revenus  Ecclefiaftiques  deftincz  à  Tcn- 
Jç^S-   trctien des  Miniftres du  Temple,  d'examiner  quels  étoient  les  revenus  du 
icm,ôcdii    Templeenfoi,  auquel  les  Sacrificateurs  &  Lévites  n'avoicnt  rien,  Surquoi 
tuairc"  ^"'^'  OIT  prcnoit  dequoi  fournir  à  la  dépenfe  du  Temple  même,  dépenfe qui  fans 

doute  étoit  trés-grandc.  Elle  ne  fe  prenoit  pas  fur  les  dîmes  qui  appar- 
ie Temple  tenoient  aux  Lévites,  6c  aux  Sacrificateurs.  11  eft  certain  que  le  Temple 
de  jerufaiem  jg  Terufalcm  étoit  la  plus  riche  maifon  de  l'univers.     Premièrement  à  caufe 

etoitlaplus     ,      "^  ,  r  y  •       j  o 

îichc maifoa des  grands  preiensquon  y  envoyoït  de  toutes  parts,  en  argent,  or  & 
4oniondc.    pierres  precieufes  de  la  part  des  Payens  mêmes.  Les  Juifs  fur  tout  faifoient  de 
grandes  liberalitez.  Vous  voyez  cela  dans  l'hiftoire  de  la  pauvre  veuve,  &  de 
la  pite.    Il  y  avoit  dans  le  Parvis  des  femmes  plufieurs  troncs  difpofez,  où 
l'on  mettoit  les  dons  volontaires,  &  cela  n'étoit  que  pour  l'entretien  ôc  le  fer- 
vice  du  Temple.  Mais  outre  cela,afin  que  le  revenu  du  Temple  ne  fût  pas  ca- 
fuel.  Dieu  au  30.  de  l'Exode  v.  13.  &c.  ordonne  un  tribut  par  tête  fur  tous 
les  mâles,  depuis  2^.  ans  &  audelfus  ,  favoir  d'undemi-ficle  :  quelques-uns 
difent,que  ce  tribut  n'étoit  que  pour  la  conftruétion  prefente  du  Tabernacle, 
mais  par  le  fécond  des  Chron.  2.4.  f.  ilparoîtque  c'étoitun  tribut  perpétuel 
qu'Athalia  avoit  détourné  pour  le  culte  de  fesBahalins.   Dans  lech.  io.de 
Nehemie,  le  peuple  ne  fe  charge  que  de  la  troifiéme  partie  d'un  ficle, 
Sic  Aben      mais-c'étoit  outre  le  demi-ficle  ordinaire,  parce  que  le  derni-ficle  étoit  infuf- 
EfMinio-    £fant,  à  caufe  dupetit  nombre  de  ceux  de  la  captivité.  Les  Romains  mê- 
jofeph.  lib.  mes  le  firent  payer  au  Capitole  fous  Vefpafien.    C'étoit  ce  demi-ficle  qu'on 
debeiîo       ^^^^  demander  à  Jefus-Ch.Matth.  17.6c  pourquoi  il  fit  donner  au  poiflbn  un 
jHd.  ftatere ,  ou  un  ficle  entier ,  pour  Pierre  6c  pour  luy.     Les  femmes  6c  les 

enfans  n'étoient  pas  obligez  de  le  payer  :  cependant  quand  ils  le  vouloien»t 
bienonlerecevoit  de  leur  main.  Tous  les  hommes,  quelque  pauvres  qu'ils 
fufient  n'en  pouvoient  être  difpenfez  ,    non  pas  même  ceux  qui  vivoient 
Traftat.       d'aumôue,  à  ce  que  dit  Mairaonides.     Ce  ficle  n'étoit  pas  comme  les dî- 
iiS'^      mes ,  qui  ne  fe  payent  que  de  la  terre ,  car  il  fe  payoit  par  tout ,  6c  par  tous, 
*^'  *'       Prêtres  6c  Lévites,  comme  par  les  autres  également. 

Le  1*  jour  du  mois  d' Adar ,  on  faifoit  une  proclamation ,  afin  que  chacun 
feprcparâtaupayement,6cle  if.  du  même  mois  les  Receveurs  fe  tenoient 
au  Temple  pour  le  recevoir.  L'argent  qui  fe  ramaïîbit  dans  les  Provinces , 
s'envoyoit  à  Jerufaiem  3  ou  fe  payoit  à  la  prochaine  fête  de  Pâque.  Au  refte 
pour  lavoir  comment  cela  étoit  fuffifant,  il  fiiut  favoir  que  le  ficle  valoit 
quatre  dragmes, l'once  étoit  de  huitdragmes,c'eft-à-dire,quele  ficle  étoit 
lademi-once.     Il  eft  vrai  que  la  plupart  des  Auteurs  difenc,  qu'ily  avoit 
un  ficle  commun,  qui  ne  valoit  que  la  moitié  du  ficle  du  Sanéluairej  mais 
VoyMîiuet,Petau,  Huet,  Villalpandus ,  Brerevood  nient  cela,  6c  je  ne  goûte  point 
SSfu'i     ïîo^  plus  cette  inégalité  de  poids  6c  demefurcs  du  Temple  6c  du  commun, 
origene      EUc  cftfort  mal  prouvcc }  Quoi  qu'il  en  foit  ,ce  demi-ficle  qu'on  payoit  au 
'^  ^^'        Temple,  étoit  le  ficle  du  Sanétuaire,  &  c'étoit  un  quart  d'once  d'argent; 
l'once  vaut  au  moins  3.  1.  la  demi-once  30.  f.  ainfi  chacun  payoit  par  tête, 
EKod.i«.    ei^viron  ij.f  6.  d.  Dés  le  tcras  de  Moyfe,  le  peuple  en  fortant  d'Egypte 
*^.i^,        ^^  trouva  être  defix  cens  trois  millecinq  cens  cinquante  Ipmmcs.   Leurs 
ubifuptîi.    demi-ficlesmontoient  à  cinq  cens  mille  francs.  Quand  David  fit  le  dénom- 
bre- 


ET  DES  CULTES   DE  L'EGLISE.  ParLll.  30^ 

brement  du  peuple,  le  nombre  des  hpmmes  propres  à  la  guerre  fe  trouva  être  i.ssiuucl 
de  13.  cens  mille  hommes ,  &  peut-être  autant  d'autres,  tellement  que  le*4- 
revenu  du  Temple  étoit  de  plus  de  deux  millions.  Et  enfin  quand  le  peuple 
fut  augmenté,  comme  il  le  fut  dans  la  difperfion ,  cela  n'eut  quafi  plus  de 
bornes.  Le  revenu  du  Temple ,  par  le  ficie  du  Sanduaire  du  tems  de  Notre 
Seigneur,  étoit  peut-être  de  plus  de  jdix  millions.  Le  ficleavoit  2,0.  oboles, 
ainfi  chaque  obole  valoir  environ  deux  carolus  ,  quelque  chofè  plus. 
De  ce  tribut ,  à  ce  que  dit  Maimonides ,  on  achctoit  les  viâ:ime$, 
le  bois,  l'encens,  les  pains  de  propofition,  le  Tel,  les  farines,  l'huile^ 
&c. 


'Part.  IL 


HIS« 


3o6  . 

^m^ - -— —  -- - 


STOIRE 


DU      CULTE 

L  E  V  I  T  I  Q  U  E. 

QUATRIEME     PARTIE. 

Des  Sacrifices ,  Fêtes ,  &  Cérémonies.  Des  peines  qui 
le  decernoient  contre  les  violateurs  de  la  Loy. 


Cinq  fcïtfs 
defâcrifces 
l®us  la  Loy. 


CKO'AUl- 

Levitiq. 
«haf . I. 


C  H  A  P  I  T  R  E     L 

De  [  Holocaufle ,  appelle  mb^v 

L  y  avôit  cinq  fortes  de  Sacrifices,  i.  l'Holocaufle 
appelle  nSii; ou na'N, en Chaldéepvji,'?»SD,  2.  L'o~ 
blation  pour  le  péché  n^?î5^.  5,  Le  Sacrifice  pour  le 
délit  îDi^N.  4.  Les  facrifices  deprofperité  a^oSiî', 
f.  Et  les  offrandes  de  ehofes  fechesi&  liquides  ap- 
pelées nn:D,  Se  *p3.  La  plus  noble  e(|)eee  de  tous 
les  facrifices5c'étoit  l'Holoeaullej  ainfi  appelle  par 
les  Septante ,  à  caufe  que  toute  la  bête  étoit  confu- 
mée  fur  l'Autel,  &  que  rien  n'en  étoit  refervé pour 

le  Sacrificateur  &  pour  l'offrant.     Sur  ces  holocaufles ,.  voici  à  peu  prés 

ce  que  l'on  peut  obferver. 

ï.  On  prenoit  la  bête  du  facrifice  de  ces  dnqefpeces  d'animaux,  bœufs, 

brebis,  chèvres,  pigeons  &  tourterelles,  de  trois  fortes  de  bêtes  à  quatre 

pieds,  &  de  deux  volatilles.     Tous  ks  autres  animaux ,  même  ceux  qu'on 

mangeoit,  ne  pouvorent  être  facrifiez. 

2.  Il  faloit  que  la  bête  de  l'holocaufte  fût  un  mâle,  parce  qu'à  la  plus 

noble  efpece  de  facrifice  étoit  dû  le  plus  noble  fexe.    Ceux  qui  fc  font 

aujourd'hui  un  fi  grand  honneur  de  cette  obfervation  doivent  penfer,  que 

cette 


ET  DES  CULTES  DE  UEGLÎSE.  Tart.U.  507 

cette  vérité  n'efl  ignorée  de  perfonne.     Et  cela  ne  mérite  pas  qu'on  dé- 
guife  les  verfions  de  l'Ecriture,  en  mettant  taureau  ,  par  tout  oii  les  an- 
ciens ôc  nouveaux  Interprètes  ont  mis  boeuf  :  quoi  qu'ordinairement  au- 
jourd'huy  le  mot  de  bœuf  fîgnifîc  à  la  boucherie  un  animal  coupé.     Ce- 
pendant il  eft  certain  qu'origuiellement  il  (ignifie  lovxeVdpccc  âcshœuiSTYsme!,ufc 
-  foit  coupez,  foit  entiers.  •  Et  dans  THilloire  des  fiicrifices,  &  des  bêtes bœuifigni- 
qui  entroient  dans  le  fervice  divin,  on  trouve  prefque  toujours ^•<:?«/&;7^o/'^-  ^xntSê 
4on,  &  très-rarement  tanreafi  ^bélier.     Le  célèbre  Apis,  le  plus  noble  des  l'efpece. 
fymboles  de  la  Religion  Egyptienne,  ell  prefque  toujours  appelle  le ^«^^^cïaV ''^"j! 
-^pis  ^  &  très- rarement  le  TauremAfh\  cependaiît  on  fctit,  que  ce  devoit 
être  un  mâle  entier     Les  Hébreux  appellent  nvi»  ce  que  nous  appelions 
bœuf  ou  taureau.     Et  nous  ne  voyons  pas  qu'ils  faflent  une  grande  diftinc- 
tion   entre  nw  &  ip.    Ces   deux  mots   lignifient  également    l'efpece 
du  bœuf,  entier  ou  coupé.  Le  mot  à' Hécatombes  fi  célèbre  entre  les  Auteurs 
Grecs,  &  qui  a  pafle  en  tant  de  Langues,  fait  voir  qu'on  appelloit  bœufs 
6c  non  pas  taureaux  ^  les  bétes  pour  le  facrifice.     Mais  pourluivons  les  au- 
tres cérémonies,  &  autres  obfervations  furies  facrifices  de  la  Loy. 

3.  Il  faloit  que  la  viétime  n'eût  aucun  défaut ,  &  ne  fût  ni  boiteufe,  ni 
aveugle,  ou  rien  de  femblable  ,  mêmes  tares  rendoient  la  bête  ôc  le  Sa- 
crificateur impropre  pour  le  culte ,  comme  nous  l'avons  remarqué  cy-deiGIis. 
On  avoit  auffi  égard  à  l'âge  ,  rien  n'étoit  réputé  net  pour  l'Autel  avant 

le  feptiéme  jour.  Maimonides    difoit,  Dieu  défend  de  lui  rien  offrir  qui  n'ait  ^^ô^'J^evo- 
fept  jours  ^  depuis  la  naijjance  ^  autrement  cela  eji  méprifé comme  imparfait  en  fon  chimpaa.  j. 
genre  ^  &  abortif.     Les  viéèimes  trop  vieilles  n'étoient  pas  bonnes  5  celles  ^^^''*^' 
de  quatre  &  cinq  années  pouvoient  être  remués ,  mais  on  ne  les  préfentoit  pas  par 
refpeB  pour  Dieu ,  à  cauji  qu'' elles  commen^oient  a  être  trop  vieilles  ^  dit  l'Auteur 
du  Livre  intitulé  Siphra. 

4.  Il  faloit  que  celui  quioffroit  Tholocaufte  amenât  fa  bête  à  la  porte  du 
Parvis  des  Sacrificateurs ,  &  la  bête  avec  celui  qui  l'oiTroit,  étoient  con- 
duits par  le  Sacrificateur  jufques  à  ces  anneaux ,  qui  étoient  au  côté  Sep- 
tentrional de  l'Autel  des  Holocaufles.  Et  là ,  celui  qui  ofFroit ,  mettoit  la 
main  fur  fa  tête  pour  confeffer  fes  péchez  ,  à  peu  prés  dans  ces  termes. 
f^ay  pechéy  fay  fait  méchamment  ^  je  me  fuis  rebellé  ^  &  fayfait  ainji  &  ainf^ 
&c.  mais  je  retourne  par  repentance  a  toi  ^  df  préfente  ceci  pour  expiation.  Les 
Juifs  ne  font  pas  d'accord ,  lî  on  y  devoit  pofer  les  deux  mains ,  ou  fi  une 
fuffifoit  ;  mais  ils  conviennent  qu'on  étoit  obligé  de  prefier  la  tête  de  la 

*  bête  de  toute  (a  force.  Si  la  viélime  étoit  une  viétime  publique ,  comme 
celle  du  fervice  journalier  6c  des  fêtes  folemnelles  ,  les  hommes  deilines  . 
à  repréfenter  le  peuple  qu'on  appelloit  noj?on  *::*3N  Jiationarit ,  pofoient  leurs 
mains  fur  la  tête  de  la  bête  ,  ôc  fi  la  vidime  étoit  offerte  par  plufieurs 
particuliers,  tous  les  particuliers  mettoient  leurs  mains  fur  la  tête.  Quand 
on  égorgeoit  la  bête ,  elle  avoit  la  tête  tournée  du  côté  du  Midi ,  le  corps 
vers  le  Septentrion,  la  face  tournée  vers  le  Temple,  ôc  celuy  qui  pofoit 
fa  main  fur  fa  tête  fe  tenoit  auffi  du  côté  de  l'Orient ,  le  vifageaulli  tour- 
né vers  le  Temple.  ' 

f.  La  bête  étoit  ordinairement  égorgée  par  le  Sacrificateur,  cependant 
les  particuliers  avoient  droit  d'égorger  chacun- leur  viétime:  nous  avons 
tourné,  &  on  P  égorger  a-,  mais  1©  texte  dit ,  &  il  dégorgera  ^  par  rapport  à"Uvitiqne 

Q^  z  chacun  ^•^'"" 


la  confef- 
fion  du  pé- 
ché fur  la 
tête.  Vo/ 
Levic.  I.  4. 

ÔCî. 

Num.  Î.7 

L'office  de 

ïecevoir  le 

fans; 

e 

petft 


508  H  I  S  T  O  I  R  E   D  E  S  D  O  G  ^#E  S 

chacun  dcceuxquioffreac  En  effet  les  Hébreux  ont  par  tradition,  cjuc 
chaque  particulier  pouvoit  égorger  fa  vidime ,  particulièrement  dans  les 
grandes  iblemnitex,  oià  les  Sacrificateurs  étoient  trop  occupez. 

6.  Mais  l'office  de  recevoir  le  fang  dans  un  plat  j  ôcd'en  faire  afperfion 
fur  l'Autel,  appartenoii  au  feul  Sacrificateur.     On  recevoit  le  fang  dans 
un  plat  du  Temple  6c  du  l'ervice  ,  6c  non  de  quelque  particulier,  èc  le 
ans  pour    sacrificateur   en  faifoit  afperfion  autour  de  l'Autel  en  forme  de  Gamma 
ietiion,ap*-   Grcc  F  '•  Cclavcut  dire,  que  le  Sacrificateur  fe  tenoit- au  coin  de  rAuiel 
Ftjeno'.t  aajsfoj-^.el]-^  cu  failîmt  afperfion  fur  deux  faces  de  l'Autel;  celles  qui  regar- 
doient  l'Orient  &  le  Nord  -,  puis  paflant  au  coin  Sud-oueft,  il  faiioit  la  mê- 
me chofe,  5c  chaque  afperfion  avoit  en  effet  la  forme  d'un  Gamma  Grec, 
un  angle  ôc  deux  faces  ;  ce  qui  reftoit  du  fang  étoit  répandu  fur  le  pied 
de  l'Autel.     Il  y  avoit  au  milieu  de  l'Autel  une  ligne  rouge  qui  paît  ageoit 
l'Autel  par  le  ip.ilieu  dans  fa  hauteur,  comme  une  ceinture  tout  à  l'entour. 
Certaines  afperfions fe faifoient  au  dcflbus  de  la  ligne,  ôc  d'autres  au  dcf- 
fus.    Au  defius  de  la  Hgne  on  faifoit  afperfion  du  fang  des  oifeaux  offerts 
en  holocaufte,   ôc  au  deffous  de  la  ligne  on  faifoit  aiperfion  du  fang  des 
viâimespour  le  péché,  6c  pour  le  dcht,  comme  aufiî  de  toutes  les  victi- 
mes de  bêtes  à  quatre  pieds  >  le  fang  en  étoit  verfé  fur  le  pied  de  l'Autel. 
7.  Après  l'afperfion  du  lang,  an  prenoit  la  bête,  6c  on  la  pendoit  à  ces 
piliers,  que  nous  avons   dépeints ,  6c  on  l'écorchoit  jufqu'aux  épaules j 
puis  011  coupoit  la  tête  6c  les  quatre  pieds,  6c  on  les  metroit  entre  les  mains 
du  Sacrificateur,  après  on  achevoit  de  dépouiller  la  peau,  on  fendoit  la 
bête,  on  tiroit  les  entrailles  qu'on  alloit  laver  au  lavoir.     On  coupoit  le 
cœur,   on  en  faifoit  for  tir  le  fang  qui  étoit  renfermé  dans  fes  ventricules, 
enfuite  on  coupoit  les  deux  épaules,  6c  on  les  donnoit  aux  Sacrificateurs: 
chaque  Sacrificateur  avoit  fon  office  par  fort,  l'un  de  porter  la  tête,  l'au- 
tre  les  épaules,  6c  ainfi  du  refte.     Ce  qui  eil:  décrit  tort  au  long  dans  le 
Traité  du  Talmud  appelle  iudd,  oudufacrifice  coniinuel.    On  ialoit  cha- 
que pièce  fur  k  montée  de  l'Autel,  avant  que  de  la  pofcE  fur  le  bois  dl 
fur  le  feu ,  du  reile  ils  arrangeoient  les  membres  fans  grand  ordre,  com- 
me ils  fe  rencontroientî  d'autres  difent  qu'on  les  arrang-eoit  ^  à  peu  prés 
félon  l'ordre  où  elles  font  pofées  fur  la  bête  vivante ,  la  tête  la  première, 
les  épaules  enfuite,  Scainu  du  refte.  Quand  l'holocaufte  étoit  de  pigeons 


îyiaimoni- 
dcs  Maife 
Korbia  cap. 
6.. 


On  ne  les  divifoit  point  en  plufîeurs 
auprès  des  ailes,,  6c  on  les  biûloit 


Jonathan 

êaiaphé  in 


les  enlevoit  le  marin  avec  les  cendres. 
parties,  feulement  00  les  entamoit 
entiers.  . 

Au  refte  kç  Hébreux  difent  ^  que  rholocaufîe  étoit  ofet  ^ur  effacer 
les  mauvaifes  penfeesdu  cœur,  d'autres  ajoutent  pour  la  violationdêscom- 
mandemens  négatifs..  11  y  avoit  diverfes  foites  d'holocauftes^  il  y  avoit 
le  facrifice  continuel  du  foir  6c  du  matin,  dont  il  fera  parlé,  les  holo- 
eauftes  des  Sabbats ,.  qui  étoient  le  double  du  facrifice  continuel ,  les  ho- 
locauftes  des  noiiveiles  lunes  ^  6c  ceux  des  grandes  fêtes.  C'étoient  \ç,s 
holocauftes  ordinaires.  Les  extraordinaires  étoient  ceux  qui  étoient  offerts; 
f ai-  les  particuliers  quand,  bon  leur  fcmbbir.    On  offrait  des  holocauftes 

pour 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.F^^.IÎ.  ^05^ 

pour  toutes  chofes,  purifications,expiatioiis  &  actions  de  gracesiconfultez  les  ^  *^*  ^-  ^*' 
textes  ici  marquez.  Mais  fur  tout  il  me  paroit  vray-remblable,querholocaufte  Nomb.%!'*' 
létoit  ofKirt  pour  le  péché  en  gênerai,  fans  définir  aucun  péché  en  particulier,  J^-  j^*^*^- 
&  pour  l'expiation  de  lacoulpe  qui  naît  delà  foiiillurejdans  laquelle  chaque  cii.'iî!v,if. 
homme  eft  engagé  fans  dirtinélion,  au  lieu  que  le  facrifice  pour  le  délit  6c  ^*-*'*' 
pour  le  péché,  étoient  offerts  pour  un  certain  péché  commis  par  un  particu- 
lier, ou  par  une  focieté.  C'eft  pourquoi  on  ne  faifoit  ni  vœux  ni  offrandes  vo- 
lontaires des  facrifîces  pour  le  délit  &  pour  le  péché,  parce  qu'ils  éroient 
necelîaires  pour  l'expiation  de  ces  péchez,  précifément  marquez.  Mais  pour 
la  corruption  en  gênerai ,  on  pouvoit  offrir  plus  ou  moins ,  félon  la  dévo- 
tion, Ôc  félon  que  chacun  étoit  plus  ou  moins  fenfible  au  malheur  de  fefen- 
tir  engagé  dans  la  corruptioa.     G'eil  à  quoi  étoient  delUnez  les  Iioio- 
caufles. 


CHAPITRE     II. 

Pu  Sacrifice  four  le  pèche,  dit  nsDn. 

t'Eft  le-  fécond  ordre  de  facrifices  propitiatoires.   11  étoit  pris  des  cinq  nevir.  4. 3,. 
îfpeces  de  bêtes  cy-deffus  nommées,  bœufs,  brebis,  chèvres,  pi- 
geons, tourterelles.     La  manière  de  leprefenter,  égorger,  mettre 
fa  main  fur  la  tête,  étoit  la  même  que  dans  les  holocaufces.    Mais  ils  n'é-  pjufict,„ 
toient   pourtant  pas  femblables  en  tout ,  ni  avec  les  mêmes  cérémonies,  fortes  de  fat 
Ily  en  avoit  de  plufieurs  fortes.  ^  ^lllt"^ 

I.  La  première  efpeee  étoit  celui  que  le  Sacrificateur  mm^  c'eft-à-dire,  Lapiemiere 
le  Souverain  Sacrificateur  offi-oit  pour  lui-même  ,  &  les Juifsdifcnt, qu'il  sou^eS  * 
étoit  obligé  d'en  offrir  pour  km.oins  une  fois  tous  les  ans.     La  bête  de-  Çaptificateur^ 
•voit  être  un  bouveau ,  c'ell- à-dire ,  un  jeune  mâle.  Après  qu'il  ptoitégor-  • 
gé  on  prenoit  le  fang  dans  un  vaifèau,  ôc  au  lieu  de  faire  afperfionfiiF 
l'Autel  des  Holoeautles ,  le  Souverain  Sacrificateur   lui  -  même  prenoit 
le  (àng,  6c  entroit  dans  le  lieu  Saint  ,  &  faifoit  afperfîon  par  fept  fois- 
fur  le  voile,  qui  feparoit  le  lieu  Saint  du  lieu  Trés-Saint>  &  en  même 
tems  du  bout  du  doigt,,  il  oignoit  les  quatre  cornes  de-  l'Autel  d'or 5,. 
ou  de  l'Autel  des  partums,  qui  étoit  devant  le  voile,  &  puis  il  fortoit,. 
Le  relie  du  fang  etoit  répandu  au  bas  de  l'Autel  àts  Holocauffes  fans 
afperfîon.     Cependant  on  prenoit  toutes  les  graiffes  ,  &  on  ks  faifoit 
brûler  ftir  l'Autel  des  Holocauiles.     Et  enfuite  on  prenoit   les  chairs ,. 
k  peau  5  la  tête,  les  jambes,  ôctout  cela  feportoit  hors  du  camp.,  6c  étoit 
brûlé  au  feu ,,  dans  le  lieu  où  l'on  portoit  ks  cendres ,  qu'on  ôtoit  tous 
les  matins  de  deflbus  l'AuteL     II  eft  à  remarquer  que  ceux  qui  brûloient  i-cvir,  4;-rr,- 
les  viâimes  pour  le  péché  étoient  reputez  fouillez.     C'^ft  une  maxime 
reçue  entre  l^s  Juifs ,  que  toute  viétime  dont  le  fo^ng  étoit  porté  dans  le 
Sanâuuaire^foiiilloit  tous  ceux  qui  la.  brûloient.     Qn  doit  obferver  aufii, 
que  le  Souverain  Sacrificateur  officioit  lui-même  dans  ce  ficrifice  fait  pour 
teméme:  c'efl:  pourq^iioi  il  étoit  déj^  reputçpur  &  puri^é,  autrement  il 

Qa  3  ^^ 


310         HISTOIRE  DES  DOGMES 

ne  luy  eût  pas  été  permis  de  fe  mêler  de.  chofes  faintes. 
secondeef-       2.  Il  y  avoit  le  lacrifice  pour  le  péché  de  toute  la  Congrégation,  c'é-' 
fic?pïmi""  ^^'^^  "'■*  Nouveau,  fur  la  tête  duquel  les  anciens  députez  pour  cela  mettoient 
pcchc.        leurs  mains.  Qiielquefois  c'étoit  le  Sanhédrin,  quand  la  faute   conmiife 
\oy uvit,    ^^_^^,  1^  peuple  venoit  de  quelque  commandement  injufle  du  Sanhédrin , 
&  on  y  obfervoit  abfolument  les  mêmes  cérémonies  que  dans  le  précè- 
dent.    Le  Souverain  Sacrificateur  lui-même  portolt  le  fang  dans  le  lieu 
Saint,  &  faifoit  rafperllon  fur  le  voile  6ciur  l'Autel.   Ces  iàcrifîces fem- 
blent  avoir  été  principalement  les  figures  de  celui  deJefus-Chrift,  plus  que 
les  holocaulles ,  qui  n'étoient  point  brûlez  hors  du  camp,  ôc  dont  le  fang 
n'étoit  point  porté  dans  le  lieu  Saint. 

3.  Il  y  avoit  le  facrificc  pour  le  péché,  qui  étoit  d'un  bouc  pour  toute 
la  Congrégation  dans  le  jour  des  Propitiations.     Mais  il  en  fera  parlé  ail- 
leurs, 
particuikr"     4"    ^^^^^^'^  ^^^^  ^^  pirticulicr  faifoient  leur  facrifice  pour  leurs  péchez: 
pouriepc-  Et  premièrement,  fi  c'étoit  pour  quelqu'un  des  principaux  du  peuple, 
'^^'^  c'ell-à-dire ,  qui  fût  en  charge  ôc  en  office  pubfic  :  Autrement  chacun  fe 

fût  efliffié  aifez  confiderable  pour  offrir  en  qualité  d'un  des  principaux  du 
peuple  :  La  viêlime  devoit  être  un  bouc  :  On  l'amenoit  &  on  l'égorgeoic 
à^la  manière  accoutumée,  mais  on  n'en  portoit  pas  le  fang  dans  îe Sanc- 
tuaire. Seulement  le  Sacrificateur  avec  fon  doigt  en  oignoit  les  quatre  cor- 
nes de  l'Autel  des  Holocauftes,  les  Juifs  difent  qu'on  montoit  fur  l'Autel 
par  la  montée  qui  a  été  cy-devant  dépeinte ,  qu'on  commençoit  par  la  main 
droite ,  6c  qu'on  faifoit  le  tour  de  l'Autel ,  en  oignant  premièrement  le  coin 
Sud-efl ,  enfuite  le  Nord-eil,  onalloitau  Nord-ouefl,  ôconfinifToit  par 
leSud-oueft.     Etc'cft-là,  difent-ils  ,  le  fang  qui  femettoit  fur  l'Autel  des 
Holocaufles,  au  deffus  de  la  ligne  rouge,  qui  faifoit  le  circuit  de  l'Autel. 
Après  cela  on  faifoit  fumer  les  graifl^es  du  bouc }  mais  les  chairs  en  appar- 
vo  Levit   ^^^<^ici^t  ^^x  Sacrificateurs ,  c'ell  pourquoi  il  efl:  dk ,   qu'ils  mangeoient 
6. 26. Se  lo.  les  péchez. du  peuple.     Ainfi  il  y  a  deux  notables  différences  entre  lefa- 
^^'  crifice  pour  le  péché  des  particuliers  notables,  &les  precedens,  l'une  eff, 

que  la  viétime  devoit  être  un  bouc ,  ôc  dans  les  precedens  ce  devoit  être 
un  bouveau  ;  l'autre ,  que  la  chair  pouvoit  être  mangée ,  &  appartenoit  aux 
Sacrificateurs ,  mais  des  autres  rien  n'en  appartenoit  au  Sacrificateur ,  tout 
étoit  brûlé  hors  du  camp.  La  chair  de  ce  dernier  facrifice  devoit  être  man- 
gée dans  le  Parvis  même  j  on  ne  la  pouvoit  manger  ailleurs, 
qu'ono"         f  •  Enfin  les  perfonnes  ordinaires  prehoient  une  bête  d'entre  les  chèvres 
ftoitpour-    ou  brebis,  mais  ce  devoit  être  une  femelle:  On  en  faifoit  la  même  cho- 
rAuiei.      ^^  9'^^  *^^  précèdent,  les  graiffes  étoientconfumées  fur  l'Autel,  6c  les  Sa- 
crificateurs en  mangeoient  la  chair. 

C'eft  une  queflion  difïîçle  à  refoudre ,  pour  quelle  forte  de  péchez  ces  fa- 
çrifices  étoient  offerts  :  Ce  qu'en  dit  la  Loy ,  c'eff  que  c'étoit  pour  les  pé- 
chez commis  par  ignorance.  I.  Quand  quelqu'un  faifoit  une  aélion  mau- 
vaife,  fans  favoir  qu'elle  fût  mauvaife.    z.  Quand  on  fe  trouvoit  engagé 
dans  un  péché  involontaire,  quand  endormant,  rêvant,  ou  penfantÈau- 
voyLcvit.^  tre  chofe,  on  faifoit  quelque  aêtion  contre  la  Loy.     Ces  péchez  font  ap- 
27*"   ^"  "*  peliez  péchez  commis  par  erreur.  Cependant  il  fcmble  que  le  facrifice  étoit 
offert  en  gênerai  pour  toutes  les  fautes  cachées,  pour  iefquelles  prie  Da- 
vid ■ 


ET  DES  CULTES  DE  UEGLISE.  Part.U.  7,11 

vid  au  Pf.  19.  Les  Hébreux  difent  que  cefacrifîce  étoïc  offert  pour  coût 
péché  commis  par  ignorance  ,  lequel  s'il  eût  été  commis  de  guet  à  pens 
meritoit  la  peine  de  mD  retranchement ,  par  la  main  des  cmtx,  comme 
violer  le  Sabat  :    fi  cela  fe  faifoit  par  malice,  mais  en  iecret ,  le  criminel 
encouroit  la  peine  de  nns  Kereth  ou  retranchement ,  s'il  y  avoit  des  té- 
moins, il  meritoit  &  encouroit  le  lapidement.  .Mais  s'il  avoit  violé  le  Sa- 
bat fans  defléin  ôc  par  ignorance,  il  en  étoit  quitte  pour  une  oblation  ou 
facrifice  pour  le  péché.     Ils  content  45.    péchez  d'entre  ceu^  qui  font 
contre  les commandemens  négatifs  qui  méritent  niD  Kereth^  Scpourlef- 
quels  par  conféqucnt  il  faloit  offi'ir  le  nNtan.  I!  y  a  certains  facriiices  pour 
le  péché  qui  femblent  ne  pouvoir  être  rapportez  à  des  péchez  par  ignoran- 
ce ,  comme  celui  du  Souverain  Sacrificateur  à  fon  inauguration.    Celui  de  ^^''"-  9. 
la  purification  des  femmes  relevées  découches,  &  celui  de  la  purification  Levitique 
des  lépreux.  Mais  il  faut  dire  que  ces  facrifices  6c  femblables  étoientnon  Leviti4.i5. 
feulement  pour  les  fautes  cachées  6c  ignorées  5  mais  auflî  étoient  deflinez 
à  faire  propitiation  de  lamafledes  péchez  en  gênerai,  comme  la  repentance 
/quotidienne  implicite  (^  non  explicite.     Car  le  làcrificc  pour  le  peehé  ou 
le  Chataah  ne  s'offroit  point  pour  les  péchez  particuliers,  fi  ce  n'ell  qu'ils 
fuffent  commis  par  erreur. 

Les  pauvres,  qui  ne  pouvoient  offrir  de  boucs  ou  de  brebis ,  offi-oient  des 
pigeons  6c  des  tourterelles ,  6c  même  ceux  qui  étoient  affez  pauvres  pour 
ne  pouvoir  offrir  des  pigeons  apportoient  la  dixième  partie  d'un  Epha  de 
farine,  cela  s'âppelloit  nNwn  nmo.  Notez  que  dans  ces  offï-and es  on  n'y  ver-  LevU.î.  u. 
foit  deffus,  ni  huile,  ni  encens.  Les  oifeauxfe  tuoient  comme  dans  l'ho-  Ldit.s.n. 
locaufte  ,  le  pigeon  ou  la  tourterelle  appartenoit  au  Sacrificateur  ;   les  voy  Levit. 
oifeaux  s'offroient  par  couples,  il  faloit  deux  pigeons  ou  deux  tourtercl-  ^'^'^' 
les,  6c  dans  les  oifeaux  offerts  pour  le  péché  il  n'y  avoit  que  le  fang  qui  '^»''«»'^ 
appartint  à  l'Autel ,  toute  la  chair  étoit  pour  les  Sacrificateurs.  zevachhn. 

Il  eft  à  remarquer  que  i'holocaufte  étoit  peu  différent  de  l'oblation  pour  Maafeccw. 
le  péché  du  Souverain  Sacrificateur  ,  6c  de  la  Congrégation,  car  tout  fe  brû-  ^u'^^'i" 
loit,  mais  dans  ces  derniers  la  chair  fe  brûloithors  du  campj  ajoutez  que  des. 
dans  les  facrifices ,  tout  ce  qui  fe  mettoit  fur  l'Autel  étoit  aflaifonné  de 
fel  comme  dans  i'holocauffe/  Car  la  règle  eft  générale,  toute  ohlatian  étm 
falee  de  fel.  ,^j        . 


CHAPITRE    1 1  ï. 

Du  Sacrifice  pur  le  délit  ^  dit  rs^^  Asham. 

LA  différence  entre  ce  facrifice  6c  les  precedens  efîff  déliée ,  qu'elle  ell 
prefque  imperceptible.  C'eil  pourquoi  cela  ell  extrêmement  difputé 
entre  les  Auteurs,  i.  Les  noms  font  differens  mKtsn  6c  ïziîi'N*.  2.  De  voy  Le-rite 
plus  Dieu  femble  Ifes  diftinguer  fort  nettement,  l'offrande  pour  le  délit  fera '^•^^' 
toute  fembUble  a  ^offrande  pour  le  pèche'.  Il  y  aura  une  même  Loy.y  on  obfervera 
les  mêmes  cérémonies,     La  différence  entre  ces  deux  facrifices  pour  les  ce- 

■      *.        -  remo-' 


Diffcici\ces 
entre  l'obla- 
tion  pour  le 
péché,  8c 
ccUc  pour 
le  délit. 


Powquels 
péchez  ou 
oifioic  le  ^ 
Chataah. 


Voy  Levit. 
i.  I6.  &  15 
V.  18. 
Evêqiie 
(fAgobk). 


Ils  le  tirent 
du  Levit. 
J.  17.  lî. 


Chap.  s. 
V.  ij.  ôc 
fuivanst 


^n  HISTOIRE   DESDOGMES 

reiïJonies,  ell:  i.  que  des  facrifices  ipouY  le  pèche  Couvent  le  fang  en  étoit 
porté  par  le  Sacrificateur  dans  le  San<51:uaire,  6c  on  en  faifoit  alperfion  fur 
le  voile  &  fur  les  cornes  de  l'Autel  :  Or  de  ces  facrifices  dont  le  fang  fc 
portoit  dans  le  Sanéluaire  la  chair  en  étoit  toute  brûlée  hors  du  camp  , 
n>éme  la  peau  &  les  entrailles  ,&:  il  n'étoit  pas  permis  au  Sacrificateur  d'en 
manger.  Mais  de  ces  Ashams  ou  facrifices  pour  le  délit,  on  n'en  portoit 
jamais  le  fang  dans  le  lieu  Saint  j  c'eil  pourquoi  la  chair  de  la  viéti- 
me  appartenoit  toujours  aux  Sacrificateurs  aéluellement  fervans  j  & 
cela  s'appelloit  aufli  bien  que  les  facrifices  pour  le  péché  ,  ci^np  >ii>T^ 
t??agrM  facra^  qu'il  n'étoit  permis  de  manger  qu'aux  Sacrificateurs,  à  Tex- 
clufion  des  Lévites  5c  de  tous  les  autres  Miniilres  du  Temple.  On  les 
mangeoit  au  dedans  du  Parvis  des  Sacrificateurs,  non  ailleurs.  La  tradition 
dit  qu'ils  commençoient  à  les  manger  le  foir  ,  6c  qu'on  en  pouvoit  man- 
ger jufques  à  minuit.  Apres  cette  heure  il  n'étoit  plus  permis  d'en  man- 
ger, on  brûloit  le  relie.  Les  facrifices  qui  s'appelloient  a^Sp  Q^iJ*")p  levU 
facra^  fe  mangeoient  par  le  peuple  &:  en  tous  lieux,  z.  Une  autre  diffé- 
rence, c'efl  que  des  offrandes  pour  le  péché  ,  celles-là  mêmes  dont  le 
(àng  n'étoit  pas  porté  dans  le  lieu  Saint  on  en  oignoit  les  cornes  de  l'Au- 
tel des  Holocaulles }  mais  des  ofliandes  pour  le  délit  on  en  faifoit  feu»le- 
fnent  afperfion  au  defîous  de  la  ligne  rouge  en  forme  de  Gamma ,  comme 
nous  avons  expliqué  dans  le  chapitre  des  holocaufles. 

La  différence  entre  les  péchez  pour  iefqueîs  on  offroitle  Chataah  nNiDn 
&  l'Asham  Cîîi>Kj  ell  encore  plus  déliée  &  plus  mâlaifée  à  voir:  St.Au- 
guflin  a  crû  que  par  n^?t5^  il  faloit  entendre  les  péchez  de  coramiflionôc 
par  cti'î^  les  péchez  d'omiffion.  Il  a  été  fuivi  par  Lyranus ,  Abulenfis  & 
plu fieurs autres,  &  même  parle  Savant  Grotîusfurlej.  ch.  duLevitique. 
■  Mais  ils  fe  font  trompez  i  car  il  eft  évident  que  le  délit  fignifie  de  vrais 
péchez  de  com million.  Eugubinus  veut  c^e  le  pèche'  Çoii  dans  l'aélion, /^  dé- 
lit dam  la  penfée,  cela  eft  aufîi  faux. 

Philon  Juif  fuivi  par  Sigonius  dit  que  les  péchez  appeliez^  nKûn  c'é- 
toient  les  péchez  commis  par  ignorance  appeliez  par  les  Grecs  ttAvj/u,- 
fxéKeiu.  L'Asham  ,  c'eft  pour  les  péchez  commis  par  infirmité  ,  mais 
fans  ignorance^  comme  fi  un  homme  couche  avec  la  femme  d'aurrui,  pen- 
fant  coucher  avec  la  fienne,  quand  il  fait  fahiute,  il  doit  le  rmitùn  Chataah. 
C'efl  péché  par  ignorance  :  mais  s'il  a  couché  avec  la  femme  de  Ton  pro- 
chain le  fâchant,  par  infirmité  pourtant  èc  par  furprife,  il  doit  ow,  (M 
l'offrande  pour  le  délit. 

Les  Hébreux  en  font  deux  efpeces  i .  >hn^^ti  deliSlum  f/^fpenptm  Sc 
dfthium.  Par  exemple,  fi  quelqu'un  couche  avec  fa  fœur,  il  encourt  la  peine 
de  Kcreth  rnD  s'il  le  fait  fciemment  &  volonta  rement.  S'il  le  fait  par 
mégarde  penfant  coucher  avec  fa  femme ,  quand  il  a  découvert  que  cer- 
tainement il  a  couché  avec  fa  fœur,  il  doit  l'olfranJe  du  Chataah  n^^ian. 
Mais  fi  étant  dans  le  même  lit  avec  fa  femme  ôc  fa  fœur,  ayant  deffein  de 
coucher  avec  fa  femme  il  a  peur  pourtant  de  n'avoir  pris  l'une  pour  l'au- 
tre, il  ell  en  fufpens,  il  doit  "î^n  a^a:  Seïonceh  le  peche\  ^  le  délit  font 
feulement  differens  en  ce  que  l'un  &  l'autre  ayant  été  commis  par  igno- 
rance, dans  l'un  on  ell  affuré  du  fait,  &  dans  l'autre  on  ne  l'sftpas.  Quoi 
qu'il  en  Toit,  il  paroît  par  le  Levitique  que  l'Asham  Oi'i*  eft  encore  con- 
joint 


4-  '^^ 


ET  DES  CULTES  DE  L'E  G  L I S  E.  P^r/.  IL  513 

joint  avec  i^gnorance  &  erreur  aufîï  bien  que  le  nNLjn  ,  ôc  que  ce  n'eft  point 
une  aétion  de  malice  délibérée.  Ligtfoot  prétend  que  les  péchez  faits  vo- 
lontairement par  rébellion,  fans  ignorance  ni  infirmité  5n'âvoient  point  de 
propitiation ,  &  croit  que  St.  Paul  fait  allufion  à  cela  Heb.  10.11.7?  not^ 
péchons  volontairement  après  la  connotjfance  de  la  vérité^  il  n'y  a  pins  de  remtjfion 
pour  Le  péché.  Mais  je  croi  qu'il  faut  difvinguer  les  péchez  commis  par 
fierté  qui  meritoient  la  mort,  de  ceux  qui  ne  meritoient  pas  la  mort.  Il  y  a  ap- 
parence qu'on  n'ofFroit  pas  pour  les  premiers,mais  pour  ceux  qui  ne  meritoient 
pas  la  mort.  Je  croy  qu'on  recevoit  à  propitiation  ceux  qui  fe  repentoient. 
Cela  paroît  bien  prouvé  par  les  7.  premiers  verfets  du  ch.  6.  du  Levitique. 

L'autre  efpece  d'Asham  félon  les  Hébreux  s'appclloit  -^kt!  d^s^î  confefTé, 
averé,&  il  étoit  de  cinq  fortes,  félon  les  Juifs,    i.  Pour  le  dépôt  retenu ,  Lcvit. 
ou  autre  ?ol  &  tromperie,  &  pour  injufte  détention.    2.  Pour  facrilcge.  J^J;  f,-^^^_ 
3.  Pour  avoir  couché  avec  une  fille  efclave.    4.  Il  y  avoit  l'Asham  des  wouh.  in 
Nazariens.     f.  Et  celui  des  lépreux.   Mais  les  Juifs  ie  trompent,  &  ilfo^cl"'""'* 
eft  évident  par  le  chap.  f.  du  Levit.  v.  17.   que  le  csîi't?  s'offroit  pour  Levû.  t.  u. 
toutes  fortes  de  péchez.     Il  ferable  par  le  même  pafiage ,  qu'au  lieu  que  Yj^\^^' 
la  viélime  pour  le  péché  étoit  une  brebis  femelle  ,   ou  une  chèvre,  pour  Nombies 
le  vulgaire,  au  contraire  pour  le  délit  ce  devoit  être  un  mouton  ;   Quoi-  Lcvir. 
que  cesAshams  s'ofFrifient  pour  toutes  fortes  de  péchez ,  tant  contre  la  Loi  ^evit.  6.6 
Ceremonieîle  ,   que  contre  la  Loi^Morale,il  faloit  pourtant, dit-on,  qu'jl  dicumur' 
y  eût  ignorance  ou  infirmité  dans  celui  qui  commettoit  ces  péchez.  Ce  n'étoit  àyvovr 
pas  pour  les  péchez  commis  par  fierté,  Elata  marm.  Ms.\moniàçs More  Afe- 1^"'^^ 
vochim  p.  g.  tf.  31.    dit,  félon l'averfion de  Buxtorf.  Elata  manu peccat  ///<? cata"pro'qiii- 
qm  fuperbtt  ^  faciem  fitam  corroborât .  &  palampeccat.  Qualis  qui  [que  contra  le-  buserat 

'  /    ■  \  ^  j    1  1  ■  \-       r  V  J-       -1  Cl  propitiatio, 

aem  factt,  non  tantum  quod  Iwtdme  \ua ,  pravtjque  cuptdttatibus  viUms  m  rem  Qi^d  f^ 
vetitam  abripiatur ,  [edc^uiaÀegi  fidem derogat ^eique  plane  repugnare  vftlt.  Cela  P""re  Ela- 
reflemble  afléz  à  ce  que  dnênt  les  Cafuilles  rélâchez  de  la  direélion  d'inten-  de'cî'oti'um 
tion.    Outramus  croit  qu'il  y  avoit  propitiation  pour  les  péchez  commis ,  Num.as. 
cum  confc<enttafa5iiy  pourvu  que  fans  être  convaincu  par  témoins  on  le  contef-  iib.de  iaai- 
fât,  il  le  prouve  par  le  texte  du  6.  ch.  du  Levitique,lequel  nous  venons  de  citer.  ^"*^ 

G  H  A  P  1  T  R  E     IV. 

^es  Sacrifies  de  Trofperite  □^aS:i». 

"Ufques  ici  nous  avons  parlé  des  Sacrifices  expiatoires  &  propitiatoires: 
ceux-cy  s'appellent  pacifiques  ou  facrifices  de  paix ,  parce  qu'ils  regar-. 
_    dent  l'homme  comme  reconcilié  avec  Dieu.   La  conjeéture  deRabbi  RabbiLevi 
Levi  Ben  Gerfon  -nous  paroît  bonne ,  on  la  peut  voir  dans  la  marge.  Ou  bien  fn"enlS" 
ces    facrifices   étoient  ainfî appeliez,  parce  qu'on  les  offroitpour^  la  paix  Levitic.vuk 
8c  profperité,  ou  que  l'on  demandoit,   ou  que  l'on  avoit  déjà  reçue:  ce-  q^J^'a^erân?' 
toient  des  facrifices,  ou  vottfs .  ou  eHcharifliqms.  Ilyen  avoit  de  diverfes  fig!î,3coiî- 

eipeceS.  offerentem, 

I.  Il  y  avoit  un  facrifice  de  profperité  pour  toute  î'alîemblée,  quis'of-  sacerdotes 
Iroit  avec  les  prémices ,  a  la  Pentecôte,  pour  actions  de  grâces  de  la  moiilon ,  qui  eadem 
c'étoient  deux  asneaux,  dont  toute  la  chair  arpaitenoic  au  Sacrificateur ,  f"^"^^  "ff- 
Fart.   II.  Kr  "  vCpaïsviôi- 


3H  HISTOIRE  DES   DOGMES 

mstiititice-  5c  le  de  voit  manger  dans  le  San6buaire  ,    ce  Sacrifice   étoit  unique  en 
saJeîS    ^o»  efpece ,  6c  ne  fe  faifoit  qu'une  fois  par  (an ,  à  caufe  dequoiil  étoit  con- 
parsoffcrcn-  te  entre  ni^c^'ip  ^lif"^  magna  facra.  Tous  les  autres  facrifices  de  profperitei, 
diJ'eîferef-   étoicut  pouF  les  particuliers ,  &  ils  écoient  appeliez  cSp  a'>u^y  levU  facra. 
peces  de  fa-      2,  De  ccux  qui  étoient  offerts  par  les  particuliers  ,  les  uns  s'ofîroient 
Jîô^Veî'îez.  pour  adions  de  grâces,  &. on  y  joignoit  des  pains  ou  tourteaux  fans  le- 
Difti.dion  vain,  des  bignets ,  oints  d'huile.  Se  des  tourteaux  fricairez&riflblez  al' hui- 
fnaa,  &je!  le.     A  quoi  1  on  joigpoit  du  pain  levé,  ce  qui  pamit  extraordinaire,  car 
tevia  fa:r.x.   j^  levajn  iic  dcvoit  piis  monter  fur  rAutcl,  ainli  qu'il  fera  dit  :  Les  fa- 
^oy^z  ev.   ^j.j^j,gg  jjg  p^.Q{pej.ij;ez,  qui  s'offroient  dans  les  trois  grandes  fêtes,  s'of- 
jaichi  in     fj-oient  iàns  pain,  comme  on  verra  dans  la  defcription  des  facrifices  des 
fèiçs  particulières  :  ces  facrifices  eucharilliques  s'offroient  dans  les  deii- 
©n  off.oiî   vrances  notables.     Salomon  Jarchi  prétend  que  ces  délivrances  font  celles;: 
^ioi!"^'*  dont  le  Pfeaume  107.  fait  le  dénombrement ,  parce  que  les  prémices  &: 
dcsofffaiv    les   dîmes-  {ervoienC  d'aélions  de  grâces  dans  les  bénédictions  ordinaires. 
ïSiquîs^    Mais  cela  n'elt  pas ,  &  fouvent  on  offroit  des  facrifices  pour  dss  delivran- 
E.wi.  1  î.    ces  moins  notables ,  Se  pour  le  fuccez  des  petites  entreprifes. 
ifv.rerp're-      3  •  ^^  Y  ^voit  UQ  fccond  o-rdre  de  ces  facrifices  j  ce  font  ceux  qui  étoient 
sendoieut    appcUez  dc  franchc  volonté,  qui  fe  faifoient  par  dévotion,  fans  aucune 
dïcdjpar-  '^iie  d'intérêt  5  avenir  ou  prefent,fimplement  pour  marquer  fon  zèle  pour 
sequetous  |a  maifon  de  Dieu.   Etenfinilyenavoituntroifiéraeordre,xjui  étoient  ap* 
Sntà'"' pellc2;  î/o/Zz'^.   Quand  on  vouoit  telles  chofes  Se  tels  facrifices,  fionreuf- 
l'Eternel,     fifloit  Cil  unc  tcUc  ciitreprifc  J  Ceux  du  fécond  ordre  étoient  les  plus  agrear 
iin'yavou*  blés 'iC'étoient  ces  obhiïons  fpontanees  nmj  que  Dieu  témoigne  avoir  pour 
qiieieprc-  agréables.  Au/Ii  Dieu  dans  ce  genre  de  facrifices  ferelâchoit  de  fa  feveritét- 
âne"quj  ^*  car  dans  les  facrifices  f/i;f^(4r//?/^«^i  Se  dans  les  ffl?//i  5  la  bête  devoit  être  fans 
dûjêirede-  tare,  aucune,  ni  déBiut,  mais  Dieu  acccptoito^rle  Çâcviûce  fpontarjee , les 
cheté.  c'eft  bêtcs  qui  avoicnt  quelquc  défaut  dans  les  merrwes,  dnrKmodo  non  ejfet  mi- 
dit  Aben     mdteflihmcontnîmn.  Les  juifs  remarquent  auffi^  que  quand  les  bêtes  defti- 
Exûd  13.     nées  au  facrifice  voiïf^  étoient  dérobées  ou  venoient  à  mourir,,  l'offrant  en 
Tuifïïa"  devoit  rencire  d'autres  i  mais  pour  les  bêf  es  du  facrifice  volontaire,  fi  elles 
voient  en    étoient  dcrobécs ,  ou  qu'elles  mouruffent,  on  n'éioit  pas  obligé  d'enmet- 
ÎEgyp^e,    tre  d'autres  en  là  place. 

aichevâux       Voicy  les  ccrcmonies  qui  s'obfêrvoient  dans  ces  facrifices.    i.  Ce  de- 

ÎJJçjJj'jnjjj  voient  être  des  bœufs,  béliers,  agneaux,  moutons,  boucs  ou  chèvres, 

feulement    mâles  OU  fcmclles  :  Nous  ne  voyons  pas  qu'on  reçût  des  pigeons  Se  des 

voyezLev.  tourterelIcs ,  comme  dans  les  facrifices  propitiatoires,    x.  L'offrant  ame- 

32.  V.  23.8c  noit  la  bête  à  la  porte  du  Parvis  des  Sacrifi.cateurs,  le  Sacrificateur  l'égor- 

etremonies  g^oiî^ 5  l'offiaiit  mettoit  fa  main  fur  la  tête  de  la  viélime,  fans  pourtant 

des  facrifi-   fi^ij-e  confcffion  de  {e'^  péchez.     On  recevait  îe  fang ,  on  en  faifoit  afper- 

peritez.'"  '  fioi^  furl'Autcl ,  en  forme  de  Gamma,  à  là  manière  décwte  dans  le  chapitre 

Levit.j.  2.  ^^^  holocauiîies.  3.  La  bête  étant  écorchée  Se  les   entrailles  ôtées ,   on 

«.  en  prenoit  les  graiffés ,  (avoir  celles  qui  couvrent  les  entrailles ,  le  cœur,  les 

Exo.ip.    j.Qg,-jçj^^^  k  foye,  Pomentttm  ^  qu'on  appelle  la  coëffe,  la  panne,  &  on  les 

Uvitiq.3.   faiioit  fumer  devant  l'Eternel  fur  l'Autel  des  Holocauftës  j    car  il  eft  re- 

*■  marquable,  que  de  quelque  facrifice  que  ce  fût,  lesgraiffes  appartenoient  à 

Dieu.     Ori  doit  auffi   remarquer  qu'il,  n^étoic   pas    permis  aux  Ifraëlites 

,    ..        de  manger  lagraifle  des  rognons.  Se  autres  vifceres ,  non  plus  que  du-fanff. 

CI1.7.V.2J,   A  out  cela  etoit  eihme  coniacre  a  Dieu.  iLt 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.^sr/.II.  315 

Et  même  il  y  a  apparence  que  l'on  étoit  obligé  d'apporter  au  Tem-  toutes  lea 
pie  toutes  les  graifîes  des  bétes  qui  fe  tuoient  ordinairement    dans   les  ctoiem  coa- 
Boucheries ,  au  moins  dans  les  lieux  du  ^voifinage  du  grand  Autel  des  ^^"^^^  ^ 
Holocauftes  5  car  la  Loydit.  Vous  ne  mangerez.  aMcunegraiJfede  bœuf  ^  ni  à? a-  Lcvit.  7.  zj. 
^ean  ^  ni  de  chèvre,      LagraiJJe  d'une  bêle  morte  ,  oh  d'une  bête  déchirée  ^  fe 
pourra   ajouter  four  tout  autre  ufage  ,  mais  vous  n^en  mangerez,  point.    Il  {èm- 
ble  donc  que  des  bêtes  qu'on  égQrgeoit,  on  ne  pouvoit  en  employer  les  graif- 
fes  à  un  autre  ufage,  non  plus  qu'à  manger.  Quand  la  bête  étoit  morte  par 
accidcnt  on  pouvoit  s'en  fervir  à  faire  des onélions  ôc  des  onguens .    Or  tout 
cela  fe  doitentendre  des graifles internes,  car  pour  celles  qui  étoient atta- 
chées à  la  chair,  orî  enmangeoit. 

Ces  graifles  avant  que  d'être  brûlées,  étoicnr  mifes  fur  la  main  de  celuy  Lesbatês 
'quiofFroit;  on  y  ajoûtoit  la  poitrine  &  l'épaule  droite,  &  fur  tout  cela  un  gâ-  Sfent 
teau,  dans  les  (âcrifices  de  profperitez ,  oià  il  y  avoit  du  pain  \  enfuite  le  Sacri-  avo^  «e 
iîcateur  mettoit  fa  main  fous  celle  de  l'offrant,  &  ontournoyoit  cette  of-  av^mque*' 
frande  en  haut,  en  bas,  à  droite  6c  à  gauche,  vers  l'Orient  &  l'Occident  j  d  être  egor- 
&  cela  s'appelloit  l'ofrande  tournoyée.     Voyez  les  cérémonies  obfervées  Stiquc^*^ 
dans  le  facrifice  delà confecration  d'Aaron.  il  y  avoit  deux  mouvemens  ^'-^o. 
pour l'oblation des  viélimes, l'un  pour  la  poitrine,  &  Fautrepour  l'épaulej  iz"™^/'^ 
l'épaule  droite  étoit  agitée  haut  &  bas ,  &:  cela  s'appelloit  rn^'^VK  oblation  éle-  '^^^^^  ^>- 
•véej  mais  la  poitrine  étoit  tournoyée,  6c  s'appelloit  nsi^n,  agitât  a  oblatio^^Y'cçcymtapx^ 
-tournée  vers    les  quatre   coins  du   monde.      Après    cela  le   Sacrifîca-  j,'^"°^^  ^ 
teur  recevoit  de  la  main  àes  ofïrans  les  graifles,  6c  les  portoit  fur  l'Au-  repiuieSci» 
•tel.     Notez  que  les  facrifices  de  profperitez ,  excepté  ceux  qui  s'ofFroient  P°'"'"e 
pour  toute  la  Congrégation ,  s  egorgeoicnt  ordmairement  au  cote  du  Midi  tournoyée* 
de  l'Autel;  au  lieu  que  les  autres  viétimes  étoient  éeoreées  au  côté  Septen-  ^<=!cyées,6c 

1         -.ni  A    /   1     ,  «■  ,.     V    r      .     ,  /  °  I    1 ,  A         ^      •    r  ainùe'etoit 

trional  >  c  eit  de  ce  cote  du  Midi  ou  etoit  la  montée  de  1  Autel:  amh  on  rece-  theroumaii 
voit  fans  fe  tourner  les  graifles  de  la  main  de  celuy  qui  les  ofFroit,  on  montoit  ôc'SÎoÏ 
à  l'Autel,  on  les  làloit,  6c  on  les  jettoit  au  feu.  Le  Sacrificateur  retenoit  P''t,çj„-^ 
-pour  fby  l'épaule  6c  la  poitrine,  c'étoit  fon partage;  le  refteappartenoit  voy  Levit. 
a  l'offi-ant  qui  le  pouvoit  manger ,  lui,  ^t%  enfans,  les  amis,  fes  païens,  vidYi^*' 
^Ta  femme  6c  fes  filles.    Mais,  i.  il  faloit  que  cela  fût  mangé,  ou  dans  l'en-  g'um  ia 
ceinte  du  Temple,  ou  au  moins  dans  la  ville  de  Jerufalemj  de  laquelle  c'é-  ^^^^^-"^^ 
toit  le  privilège  qu'on  ne  pouvoit  manger  ailleurs  des  victimes  facrées. 
2.  Ceux  qui  mangeoient  nç  dévoient  être  dans  aucune  pollution  légale, 
comme  il  efl;  porté  en  divers  lieux  de  laLoy ,  particulièrement  Le viti que 
7.2.0.  6c  ailleurs.  3.  Si  la  viande  venoit  à  toucher  à  quelque  chofe  de  fouil- 
lé, il  la  faloit  brûler  au  feu  dans  le  même  lieu.  4.  Si  le  facrifice  de  profpe- 
ritez étoit  euchariftique ,  il  falloit  en  manger  la  chair  le  jour  même ,  6c  le 
lendemain  elle  étoit  impure.     Si  .c'étoit  un  facrifice  de   vœu  ou   â'offran-^ 
de  volontaire ,  on  en  pouvoit  manger  encore  le  lendemain  j  mais  ce  qui  reftoit 
pour  le|troifiéme  jour  étoit  fouille ,  il  faloit  le  brûler  au  feu.  Les  Payens  ont 
imité  cç.%  manières  de  manger  de  leurs  facrifices ,  en  faifant  les  feftins,  même 
dans  les  Temples  de  leuis  idoles ,  à  quoi  fait  aUufion  St .  Paul  1 .  Cor.  8.10. 


.    R  r  a  C  H  A= 


i6 


H^ÏSTOIRE  DES  DOGMES 


CHAPITRE     V. 


T>es  ohlaîions  des  chofes  feches  &  liquides  y  apfeîlees  ip^  é* 


nnî^. 


L 


Levit.  7.  9. 


Levitiqoe 
23. 1». 


A  matière  de  ces  ablations  écoit  de  la  farine,  du  pain  ,  dts  tour- 
reanx  ,    des  bignets  ,  de  l'huile,  du  vin,  de  l'encens,  &  ç'étoient 
prcfque  toujours  des  dépendances  des  autres  fîicrifices.     i .  C'étoit 
vioy  Levit.  de  la  fine  farine  non  pétrie  r^D.    1.  Ç'étoient  des  gâteaux  pétris  àThui- 
le  &;  cuits  au  four.    ^.  Ç'étoient  des  gâteaux  cuits  fur  la  plaque  ou  fur  le 
gril  r-i3no  hp .  4.  Ou  bien  ç'étoient  des  gâteaux  cuits  à  la  poêle  nt^-mai.. 
f.  Ou  des  bignets  lagana  csppl.     6.  Des  pains  levez,  cai"  tous  les  pre- 
cedens  tourteaux  étoient  fans  levain.     7.  Du  bled  en  épi  donné  eq  of- 
frande.  C'étoit  i'honîer  des  premiers  fruits,  outre  cela  on  oifroit  de  l'ea- 
cens,  &  du  vin,  pour  les  afperlions,  ôc  de  l'huile. 

1,.  Il  y  avoir  une  offrande  de  fine  farine  pour  le  péché  ,,  favoir  quand 
celui  qui  avoir  péché  n'avoir  pas  le  moyen  d'acheter  même  deux  pigeons^ 
ou  deux  tourterelles.  Il  apporcoit  la  dixième  partie  d'un  Epha  de  fine  fa- 
rine j  l'Epha  étoit  environ  notre  grand  boiflèau  contenant  18.  pintes  com- 
me le  bath.  Le  Sacrificateur  en  prenoit  une  poignée,  la  faifoit  fumer  fur 
Levit.  î.iî.  l'Autel,  le  relie  lui  appartenoit  :  On  n'y  mettoit,  ni  huile ^  ni  encens  ^^ 
&i-  î3-      ixiais  on  y  mettoit  du  (el,  car  touie  oblaîion  devoit  être  falée  de  fel, 

2:,  Tout  holocaufte  étoit  accompagné  de  (es  offrandes  de  gâteaux ,  qui 
Exode        dévoient  être  tout  au  moins  de  la  dixième  partie  d'un  Epha,  appelle  au- 
Nomb.15.4.  ti'cment  homer,  dont  on  faifoit  un  gâteau  pétri  à  l'huile  jmais  la  tradition  des 
Maimoni-    Juifs  fclon  Maïmonidcs  eit  qu'on  les  feparoit  en  dix  tourteaux  ou  galet- 
corbanoL'" '^^^  »  A  chaquc  dixième  partie  d'un  Epha  ,  il  faloit  pour  la  pétrir  la  qua- 
trième partie  d'un  Hin  d'huile  j  le  Hin  cantenoit  12..    logs  ,   chaque  lop? 
contenoit  6.  œufs,  fi  l'on  oftroit  un  mouton  enholocauite  il  faloit  y  join- 
dre deux  dixièmes i  c'ell-à-dirc,  la  cinquième  partie  d'un  Ephaj  6c  l'on- 
joignoit  à  cela  la  :^™*.  partie  d'un  Hin,  c'cll-à-ûire ,  4.  logs,  ou  une  pin- 
te d'huile  pour  la  pétrir. 
Proportions      Pour  un  bouvÊau  il  faloit  troîis  dixièmes  parties  d'un  Epha  d©  farine, 
c'eft-à-dire,  prefque  le  tiers  d'un  grand  boiffeau ,  &  chaque  dixième  par- 
tie fe  divifoit  toujours  en  dix  gâteaux.  "Pour  les  trois  dixièmes  on  ofÊoit 
aufîi  la  moitié  d'un  Hin  d'huile  -,  c'ell-à-dire,  6.   logs  ou  une  pinte  &: 
demie.  La  même  proportion  étoit  obfervée  dans  les  facrifices  pour  le  dé- 
fit, pour  le  péché,  &  dans  les  facrifices  de  profperitez,  On  oifroit  auffi'; 
du  vin  pour  l'afperfion  jugement  autant  que  d'huile,  à  proportion  de  la  fa-- 
rine,  pour  un  dixiégne  de  farine  le  quart  d'un  Hin  de  vin  ,   pour  deux 
N:osTib.  15.  dixièmes  le  tiers  d'un  iîin  4e  vin,  &  pour  trois  dixièmes ,  un  demi-Hin 
de  vin. 

Pour  les  facrifices  de  profperitez  il  femble  qu'il  étoit  necefiaire  qu'il  y 
eût  4.  fortes  de  pâtiflérie.  i.  Y^es  tourteaux  fans  levain  pétris  à  l'huile, 
z..  Des  bignets  ians  levain  non  pétris  à  l'kuile ,  mais  oints  d'huile  pardef- 

fus. 


Nomb, 
ïj.  4. 


de  i'huilc 
&du  Vin 
qu'on  of- 
frait dans 
les  facrificef 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Tm.U.  ^if 

fus,  &  les  juif  s  diferit  que  cette  onétion  l'etailoit  en  forme  deCuppa  Grec, 
c'eit-à  dire,  en  croix  de  part  &  d'autre.   3.  Des  gâteaux  rifiblez  &  cuits 
à  la  poele,  pétris  à  l'huile.  4.  Et  à  tout  cela  on  joignoit  du  pain  levé.  Mais  Levïtique?. 
ce  pain  levé  ne  fe  mettoit  point  fur  l'Autel,  &  on  ne  le  faifoit  pas  fumer  ^-^^-^î- 
comme  le  refte  ,   car  il  étoit  expreilement  défendu  de  faire  fumey  au- Levit.  2. 1  r, 
eun  pain  ou  gâteau,  où  il  entrât  du  levain  ou  du  miel.    Ainii  le  pain  le-Lesjnift 
vé  àts  iacrifices  de  proiperitez  n'étoit  point  ofFbrt  dans  les  holocauÛes'^oifoient 
ni  dans  les facri faces  pour  le  péché,  6c  il  étoit  pour  Vulage  des  Sacrifice- 1"  fes^ 

teurs.  pour  miel, 

Voici  la  manière  dont  on  offroit  les  gâteaux.     L'offrant  apportoit  au  quoi^^mâis 
Temple  l'huile  ,   la  farine,  le  vin  ,  6c  l'encens  feparez.     On  mettoit  de  °""^i" 
rijjgiie  dans  le  plat,  enfuite  on  mettoit  la  fleur  de  farine,  puis  on  verfoit  furrAutT" 
de  i'huiie  fur  la  fieur  de  farine,  6c  on  pétrifîbit  l'un  avec  l'autre  ;  api  es  on 
mettoit  cette  pâte  dans  un  plat  du  fervicepour  l'apporter  àrAutei,  pour 
la  troifiéme  fois  on  verloit  de  l'huile  fur  la  pâte>  6c  fur  le  tout  on  jettoit 
de  l'encens ,  6c  on  le  mettoit  fur  le  feu  de  l'Autel  avec  les  graifîes,  après 
avoir  falé  la  pâte  :    la  même  cérémonie  étoit  obfervée  dans  les  gâteaux 
cuits  par  feu,  au  four  ou  fur  le  gril  ,   6c  dans  les  bignets  frits  à  la  poele; 
On  les  pécrilToit  avec  l'huile,  puis  quand  ilsétoient  cuits,  on  verfoit  de  l'hui- 
le dcfîus ,  6c  fur  tout  cela  on  jettoit  de  l'encens.     Ces  chofes  étoient  ar- 
rangées en  cet  ordre  fur  l'Autel.     On  arrangeoit  les  chairs  de  la  béte  , 
fi  c'étoit  un  holocaufte,  oulesgraiiïes  feulement,  fi  c'étoit  un  facrilîce  pour 
le  péché  6c  un  façrifice  de  proiperité,  fur  les  graiffes  on  arrangeoit  les  gâ- 
tçaux,  6c  fur  tout  cek  on  jettoit  l'encens  ,  comme  il  eft  ordonné  dans  le  i^j. 
de  l'Exode  f.  zi.  6cc.  où  tout  efï  mis  fur  la  main  de  celui  pour  qui  fe 
faifoit  le  façrifice  ,   puis  on  arrangeoit  les  chofes  fur  l'Autel.    Je  ne  ^oy  voyez  k 
point  que  fous  la  Loy  les  facrifices  fe  fiifent  ordinairement  fans  pâtifle- f'^P-'-  ^^'' 
ne.    D  autres  conçoivent  que  1  omande  du  gâteau  le  faiicit  après  Iholo-  v. n.  &12,- 
Gaufle,  mais  cela  n'ell  pas  apparent,  car  (buvent  la  chair  du  facrifiGe  bru-  ^^^^•^^' 
loit  route  la  nuit,  6c  l'on  en  rrouvoit  encore  le  matin  j  ainfi  ilfaloit  necef- 
fairement  que  le  gâteau  fût  mis  fur  la  chair ,   6c  fur  les  graiffes  ,   dans  le 
même  tems ,    aulîi  cela  eft-il  évident  par  les  chapitres  citez  en  mar- 
ge. 

A  quoi  l'on  ajoûtoit  les  afperfions  de  vin  commandées  dans  le  livre  des 
Nombres  5.  &  tu  feras  au  lien  Smnt  Pafperjîon  de  cervoife  a  PEtsrneL  Ce  qu'il  Nombres-^ 
appelle  cervoife  il  l'appelle  vin  dans  le  même  lieu  6c  par  tout  ailleurs,  car  ^  '''' 
nous  ne  voyons  pas  qu'on  lit  aiperlion  d'autre  liqueur  que  de  vin  dans  les 
facrifices.  Cette  afperfion,  à  ce  que  difentJes  Juifs,  ne  fe  faifoit  pas  fui;  le 
feu  ni  fur  l'oblation ,  mais  au  pied  de  l'Autel  lijr  la  premieie  élévation ,  ou 
premier  fondement.  * 

Ligtfoot  dit  que  dan?  tous  les  facrifices- où  il  y  avoit  efïufion  de  yii^ 
des  aiperiions ,  le  SacriScateur  n  avoit  point  de  part  aux  gâteaux  6c  àla 
pâtifîerie.     Cela  lie  peut  être  vray,  car  tous  les  facrifices  félon  la  Loy  c'eftiefen-r- 
avoient  leur  afperfion  de  vin  ,   ce  qui  eil  évident  par  le  iS.  6c  zp.   de^  ïâ^aluAlnf- 
NorabreSjOÙ  le  dénombrement  de  tous  les  facrifîcescfl  fait,  6c  dans  chacun  won-h  fur 
il  y  a  expreiie  mention  des  ufperiions  du  vin.  En  il  ajoute  dans  le  ch,  29.  i^j.^^jï; 
25).  Fom  offrirez,  îQutss  ces  chcfa-Li  a  PEterml  en  vos  fêtes  folennelles.omre  -s/w  n  fa^'t  obfer- 

-    "^  •  -'  Ts        .,  viît  qu'outre  i 


3i8         HISTOIRE  DES   D  G  G  M  ES 

qui  accom-  VŒUX ,  &  vos  offrandes  volontatres ,  félon  vos  loolocaufies ,  vos  gâteaux ,  vos  afper' 
pagiioient   fons  ^  CT  VOS  facrtfices  de  profpei'ttez,.  Peut-être  que  les  afper lions  étoient  par- 
iSs^viau"  ticulieies  aux  holocauiles,  6c  qu'il  ne  s'en  faifoit  point  dans  les  lacrifices 
mes,  il  y  en  (je  profpeiitcz  :  Car  en  effet  tous  les  facrificesj  dont  le  dénombrement  eft 
Sioleit   fait  dans  ces  chap,  2.8.  6c  19.  font  tous  holocauiles  j  mais  le  15.  des  Nom- 
toutes  feiiics[^j-es  j-jc  peQt  permettre  cette  interprétation,  car  il  ordonne  à  tout  facrifice 
^lervoy'  mêmes  de  profperitez  fon  afperfion,  voyez  le  verlet  3.  6c8.  cela  efl  net- 
Lcvit^ncz.  fement  e^cpriméi  ainfil'on  doit  dire  que  dans  lesfacrifices  d'holocauftes  le 
Sacrificateur  n'avoit  aucune  part  au  gâteau  6c  à  la  pâtifîerie,  non  plus  qu'à 
la  chair  de  la  bête.     Mais  dans  les  autres  facrifices  on  offroit  de  la  pâtif- 
ierie  de  chaque  efpece  une  pièce  fur  l'Autel,  &le  refte  demeuroit au  Sa- 
crificateur. *^ 

Les  pains  de  propofition  faits  avec  du  levain  étoient  auffi  des  Min- 
cha  mn:^^  il  en  a  été  parlé  ci-de(fus.  S'il  y  a  quelques  autres  offrandes 
de  choies  feches  qui  ayent  quelque  chofe  de  particulier,  cela  fe  verra  dans 
îa  fuite  en  parlant  des  diverfes  fêtes,,  folennitez ,  6c  cérémonies  6cc. 

C'eft  là  la  defcription  générale  des  facrifices.  Il  eft  à  obferver  qu'on  ne 
pouvoit  contraindre  peribnne  à  ces  lacrifices,  non  pas  même  à  ceux  pour 
le  péché  ou  pour  le  délit,  félon  qu'il  eà  déclaré  dans  le  Levit.  1.5.  c'é- 
toient  toutes  offrandes  en  quelque  forte  volontairesi  feulement  on  y  pou- 
voit procéder  par  voye  d'exhortation,  6c  en  reprefentant  que  celui  qui  ne  le 
faifoit  pas  étoit  foûmis  à  la  peine  des  cieux  nommée  ma  retranchement. 
C3n  n'étoit  pas  obligé  fi -tôt  qu'on  avoit  péché  d'apporter  fon  offrande 
quand  on  étoit  éloigné  :  Mais  on  les  refcrvoit  pour  les  grandes  fêtes  folen- 
ncUes ,  quand  tout  maie  étoit  obligé  de  fe  prefenter  devant  Dieiï. 


CHAPITRE     VI. 

^e  ceux  à  qui  il  etoiî  permis  d'offrir  ces  facrifices. 

AVant  que  dé  paffer  outre  à  l'explication  du  culte  Levitique  ,  il  eff 
bon  de  voir  à  qui  il  étoit  permis  d'offrir  les  facrifices  qui  viennent 
d'être  décrits.  Premièrement  il  faut  favoir  que  les  Juifs  feuls  avoienc 
LePayen     le  pdviJege  d'offi'ir  les  facrifices  félon  la  Loy;  car  un  Payen  n'eût  pas  ofc 
?e" vé"ia*Loy  o^ferver  la  Loy  de  Moyfe ,  un  Payen  qui  fe  feroit  circoncis  ou  qui  auroit 
étoit  digne  mangé  laPâque,  auroit  été  digne  de  mo^t ,  félon  le  rapport  de  Maimo- 
demoit.      nides.  Dieu  dans  le  chap.  if.  des  Nombres  v.  14.  6cc.  femble  ôter  toute 
Maimonides  ^ffêrence  cutrc  l'étranger  6c  l'IfraëHte,  mais  par  l'étranger  il  faut  entendre 
iakimcap.io.  ^^  profclyte  de  la  julHce,  qui  n'étant  pas  né  Juif  s'eft  fait  Juif  abfolument. 
Quant  aux  autres  étrangers,  ils  étoient  ou  profely tes  de  la  porte ,  comme 
Naaman  6c  Corneille  ,  ayant  renoncé  à  l'idolâtrie  fans  fe  faire  Juifs  ^   ou 
Exemples    ils  étoicut  cucorc  idolatrcs.   Les  uns  6c  les  autres  pouvoient  faire  prefen- 
pour  lei-     ter  des  facrifices  dans  le  Temple ,  comme  on  le  prouve  par  mille  exem- 
rScdHé      P^^^'  entr'autres  par  celui  de  Darius  6c  de  Cyrus  Rois  de  Perfe,  qui  or-; 
dans  le       donnèrent  qu'on  lacrifiât  pour  eux  dans  le  Temple  de  Jerufalem,  6c  aufll 

Temple.  p^j. 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Part.lL    319 

par  l'exemple  d'Alexandre  le  Grand, qui facri fia  jc'cll-à- dire,  fit  Sacrifier  jofgph  ^nt. 
dans  le  Temple.  Le  Temple  de  Jerufalem  étoit  plein  des  domria  des  Pa-  i'b.ii.'cap,* 
yens,  avec  ces  dons'- ils  y  faifoient  offrir  des  viâ:imes  pour  eux.  Dieu  au  12.  *" 
du  Levitique  femble  pourtant  le  défendre  v.Zf.  f^offs  ne  prendrez,  point  anjfi 
des  mains  de  l' étranger  toutes   ces  chofes-la  ponr  les  offrir  en  viande  a  votre  Dien^ 
CD'n  '?àS  onV  Aî^,  te  pain  de  vôtre  Dieu:  fur  ce  pafiàge  la  plupart  des  Chré- 
tiens ont  conclu  qu'il  n'étoit  pas  permis  de  prendre  aucune  vi6time  des 
Payens,  mais   feulement  de  l'argent ,  que  l'on  convertiffoic  à  l'ufage  du 
Temple  &  même  à  Tachapt  des  victimes  j  les  Hébreux  à  caufedumot 
de  an'?  difent  qu'onne  recevoit  aucun  gâteau  ni  farine  des  étrangers. 
Maimonides  dans  le  Traité  (^orùanot  chap.  5.  dit,  que  l'on  ne  recevoit  que  onnerece 
des  holocauftes  des  étrangers  encore  idolâtres.     On  ne  recevoit  d'eux ,  ni  J'r^nojerqï 
facrifices  de  profperitez,  ni  Minchah  nnso ,  ni  facrifice  pour  le  péché  ni  des  hoio- 
pour  le  délit:  c'ell-à-dire,  que  l'on  ne  mangeoit  point  de  la  bête  offerte  po"îf  âé 
par  un  Payen  i  elle  étoit  toute  dévoilée  à  Dieu.  Et  quand  le  Pay en  voiioit  gâteaux, 
un  facrifice  de  profperitez,  on  le  convertiifoit  en  holocaufte.     JVlais  il  fa-  huHc'''"'"' 
loit  que  ce  fuflént  des  ofri"andes  de  va ft  &C  d'offrande  volontaire  ^  furlefquel- 
les  laLoy  ne  donne  aucune  règle,  6c  n'impofe  aucune  neceffité:  car  pour 
les  holocauftes  dufoir  6c  du  matin ,  des  Sabats  6c  fêtes,  marquez  6c  comman- 
dez par  la  Loy ,  un  Payen  n'y  pouvoit  avoirde  part.     Le  même  Maimoni- 
des dit  pourtant  au  même  lieu,  quefilePayen  donnoitla  viétime avec  in- 
tention qu'elle  fût  facrifiée,  ou  pour  les  Prêtres,  ou  pour  le  peuple ,  alor^ 
elle  étoit  coniiderée  comme  une  offrande  Ifraëlite,  6c  l'on  pouvoit  en  man- 
ger. Mais  d'un  Juif  apoftat,  on  n'en  recevoit  aucune  ,   foit  qu'il  l'offrît 
pour  lui,  foit  que  ce  fût  pour  Ifraël.  Comme  il  n'étoit  permis  qu'à  ceux 
qui  n'étoient  pas  en  fouillurc  de  manger  de  la  viébime,  il  eil  aufîi  certain  Les  Payens 
que   les  Payens  ne  pouvoient  manger  des  bêtes  qu'ils  offroient ,  encore  yoi^°""n,3„„ 
qu'ils  les  donnaffent  à  Ifraël,  ou  aux  Prêtres  pour  être  offertes  pour  Ifi-ael.  gerdek 
Et  même  dans  les  holocauftes  qui  étoient  oft'erts  pour  la  profperité  des  Ssyrai. 
Gentils,  if  faldt  qu'il  manquât  bien  des  chofes.     Car,  i.  il  n'étoit  per-  mes- 
mis  à  un  Payen  d'entrer  que  dans  le  premier  enclos  du  Temple,  quis'ap-  dldSs 
pelloit  la  montagne  de  la  matfon  j  ou  étoit  le  Parvis  des  nations,  6c  non  dans  manquoicns 
le  lieu  où  l'on  égorgeoit  la  bête  j  ainfi  il  ne  pouvoit  mettre  fa  main  fur  la  locaufS  °* 
tête  de  la  viélime  pour  y  confelTer  Ces  péchez,  6c  on  ne  lit  pas  qu'ils  éta-  <^"^^^y^"»' 
bliffent  un  procureur  pour  faire  cette  aélion  pour  eux  ,  ni  que  cela  fût 
permis,     i.    Comme  on  ne  recevoit  aucune  offrande  feche  de  pain ,  à 
caufedu  paffage  du  Levitique ,  cy-deffus  allégué ,  le  Minchah  nn3Q  '  6c  l'af  Levitique 
perfion  qui  aecompagnoit  les  holocauftes  des  liraëlite3,ne  s'yrencontroient  "'  ^'  *'* 
pas.     Il  y  avoit  dans  le  premier  enclos ,  au  milieu,  hors  des  portiques,  une 
petite  baluftrade  de  marbre  de  trois  pieds  de  haut,  qui  étoit  la  borne  du 
lieu  où  les  Payens  pouvoient  avancer. 

Quant  aux  Jfraëlites,  il  eft  ailé  de  favoir  quelles  gens  pouvoient  offi-ir  Lesirraëii- 
les  iacrifices  félon  la  Loy,  6c  en  quel  tems.     Car  tous  ceux- qui  étoient  îo^e^egaie '^ 
en  fouiilure  légale ,  qui  avoient  touché  un  mort,  un  lépreux ,  les  hommes  n^pou-   ^ 
ayant  gonorrhse,  les  femmes  ayant  leurs  fleurs,  6ce.  ne  pouvoient  entrer  ggr/ 
dans  le  Temple  ;  encore  moins  dans  le  Parvis  des  Sacrificateurs ,  oùilfa- 
loit  aller  porter  fa  bête,  6c  mettre  la  main  fur  fa  tête  :.  Et  par  conféquent 
ils  ne  pouvoient  facrifier  que   quand  ils  étoient  purifiez.     Ce  que  nous 

verrons- 


320         HISTOIRE  DES  DOGMES 

verrons  dans  la  fuice ,  en  pariant  des  Ibuillures  èc  des  purifications  léga- 
les. 


CHAPITRE     VI. 

U ordre  &  la  manière  du  fervice  ordinaire ,  quife  faifoit  dans  k 

Jemple  chaque  jour. 


r 


L  y  avoir  par  femaine  un  certain  nombre  de  Sacrificateurs  qui  entroient 
'=^0  fervice  dans  le  Temple,  &logeoient  la  nuit  en  divers  lieux  qui  leur 
écoient  afîignezj  mais  hors  ceux  qui  étoient  deltinez  à  la  garde  de  cer- 
tains bâtimens  du  Temple,  ôc  des  portes  du  Parvis  des  Sacrificateurs , la 
plupart  paflbient  la  nuit  dans  ce  grand  édifice,   que  nous  avons  vu  au  cô- 
té  du  Nord  du  Temple  vers  le  cojn  Nord-oueil ,  appelle  npiD  rr*i  la 
xes  sacrig-   maiTon  du  feu  -,  là  les  anciens  6c  les  chefs  des  familles  des  Sacrificateurs  dor- 
fS" k^"   moient  fur  àts  bancs,  &  les  autres  à  terre,  leurs  habits  Sacerdotaux  mis 
nuit  fur  des   fous  ieurs  têtcs ,  &  couvcrts  de  leurs  habits  ordinaires.  Le  lendemain  rbrt 
lepaîe^^"  matin  6c  avant  jour   ils  fe  lavoient  tout  le  corps, &:  fe revétoient de  leurs 
habits  Sacerdotaux i  Ainfi  lavez,  ils  n'avoient plus  befoin  de  fe  laver  tout 
le  jour,  fi  ce  n'efl  les  pieds  ôc  les  mains,  à  quoi  le   Seigneur  femble 
Joh,  ij.  10,  faire  allufion.     Celuj  ^  dit-il,  cjuie^  Itivé  n^a  befeiujimn  de  laver  les  pieds.  L,e 
PrefidentouchefSvicrificateurde  l'ordre  qui  étoit  en  femaine,  venoit  frap- 
per à  la  porte  à  la  pointe  du  jour ,  quelquefois  pliitôt ,  de  forte  qu'ils  avoient 
befoin  de  lumières.   En  fortant  ils  fe  feparoient  en  deux  bandes  ,   dont 
l'une  faifoit  le  tour  du  Temple  par  un  côté,  6c  l'autre  prenoit  l'a-utrc 
côté  pour  voir  fi  tout  étoit  en  bon  ordre.     Et  ils  fe  reiiniflbient  dans  la 
Chambre  de  la  boulangerie  qui  étoit  à  la  main  gaiiche  de  la  porte  de  Ni- 
canor  en  entrant  »   6c  delà  après  avoir  donné  à  celui  qui  préfido.t  fur  la 
boulangerie  l'ordre  d'y  travailler,  ils  alloient  fe  rendre  dans  la  chambre 
,     -a.^^pcWéc  pavement rvu  ^  dans  une  partie  de  laquelle  le  Sanhédrin  tenoir  ^qs 
feances. 
Gii  diftri-         Quand  ils  étoient  venus  là  ,  ils  commençoient  à  jetter  le  fort  pour  fâ- 
buoit  par     yoir  à  qui  apparticudroit  dans  ce  jour- là  de  faire  chaque  office,  comme  de 
vers  offices   «ettoycr  l'Autel,  d'égorger  les  vidimes ,  d'offrir  Tenccns ,  6cc.  Mais  le 
de  la  joui-     fort  lie  Icjcttoit  pas  une  feule  fois ,  cela  fe  faifoit  à  pluûeurs  fois.    A  la  pre- 
mière fois  on  jettoit  feulement  le  fort  pour  voir  à  qui  il  écherroit  de  net- 
toyer l'Autel  des  Holocaufl:es,6c  en  ôter  les  cendres.  Ce  fort  fe  jettoit  ainfi^le 
Prefident  6c  les  autres  convenoient  combien  ils  conteroient ,  6o.  8o.  ou 
100.  Après  cela  il  prenoit  le  voile  d'un  des  affiilans,  en  lui  difant,  c'efi 
par  vous  que  je  commencerai  a  conter.     Enfuite  il  difoit  à  tous,  lex'ez 
vos  doigts , chacun  en  levoit  autant  qu'il  vouloit,un,deux,ou  trois,  6cc. 
6c  le  Prefident  contoit  les  doigts,  6c  celui  fur  lequel  fe  terminoit  le  nom- 
bre convenu,  c'étoit  celui  qui  devoit  nettoyer  l'Autel, 
officede  Incontinent  il  femettoit  en  devoir  de  faire  cet  office,  6c  laiiTant  fesca- 

n-"<^y"       marades  dans  la  chambre  au  pavement  ^  il  montoit  fur  l'Autel,  fur  lequel 
Koiocauftes,  A\itel  il  y  avoit  ordinairement  trois  feux,  l'un  pour  la  confomption  des  ia- 

cr.fices 


ET  D^  s  CULTES  DE  UEGLISE.  Part,  II.  521 

•  crihces  qui  étoit  vers  le  côté  Oriental  de  l'Autel ,  le  plus  éloigné  du  Temples  Trois  feusf 
Le  iecondoù  l'on  avoit  accoutumé  de  prendre  des  charbons  pour  porter^"' ^'^"^^^ 
dans  le  Temple  fur  l'Autel  des  parfums,   étoit  fur  le  coin  Sud-oueft  de 
TAutel  proche  le  Temple  i  Le  troifiéme  étoit  en  un  autre  lieu,  n'impor- 
toit  011,  car  il  n'étoit  defiiné  que  pour  la  confervation  du-  feu  facré ,  afin  qu'il 
ne  mourût  pas. Le  Sacrificateur  montoit  fur  l' Au-tel,  écartoit  les  cendres  û  les 
charbons,  ôc rempliflbit  un  rechaut  d'argent  de  charbons  brûlans,  Se  les 
■décendoit  versle  côté  Oriental  de  l'Autel.  Auffi-tôt  les  autres  Sacrificateurs, 
c^ui  fe  trouvoient  le  plus  prés ,  montoient  fur  l'Auto! ,  &  s'il  y  avoit  de 
-l'holocaufte  du  foir  précèdent  quelque  chofe  de  relie ,  ils  le  mettoient  à 
^ôté  5  ôc  balayoient  les  cendres  éparfes  fur  tout  l'Autel ,  6c  les  aflemblant 
.au  milieu,  ils  les  prenoient  en  divers  vaifiéaux,ôc les  tranfportoient hors 
-de  la  ville,  dans  un  lieu  alTez  calme,  afin  que  le  vent  ne  les  épardît  pas. 
Ç'eil  dans  ce  même  lieu  dans  lequel  on  brûloit  les  viélimes  du  facrifice 
;|)our  le  péché ,  tant  du  Sacrificateur  ,  que  de  la  Congrégation ,  comme 
nous  avons  vu;  6c l'on  ne  fe  fervoit  de  ces  cendres  à  aucun  ufage.     Cela 
fe  faifeit  ordinairement  à  la  pointe  du  jour:  mais  dans  les  jours  foîemnels 
on  le  faifoit  plus  matin.     Après  avoir  nettoyé  l'Autel,  on  rétabliflbit  les 
-feux,  l'un  s'appelloit  la  grande  pile  n^^nj  nDii^D-   Le  fécond  feu,  d'oii  l'on  Deiagrante 
,prenoit  le  feu  pour  l'Autel  des  pa^rfums,  ne  fe  faifoit  que  de  bois  de  figuier,  P'^e. 
-à  ce  que  difent  les  Juifs. 

Quand  le  feu  étoit  arrangé,  6c  le  refte  du  facrifice  du  jour  précèdent  on  jèttoitfe 
remis  defîus,  ils  retournoient  dans  la  chambre  appellée/?^w«^f;?/^,  quiétoit  c°"isfois. 
comme  leur  chapelle,  6c  jettoient  le  fort  la  féconde  fois  pourfavoiràqui 
écherroit.  i.  De  tuer  la  viélime.  z.  De  faire  afperfion  du  fang.  ^.  De 
nettoyer  l'Autel  des  parfums.  4.  De  drefiër  les  lampes  6c  les  chandeliers. 
f.  Et  enfin  d'aporter  les  divers  membres  delà  bête  flirle  bord  de  l'Autel, 
comme  aufii  les  gâteaux,  6c  de  faire  l'afperfiondu  vin.  Il  y  avoit  jufques 
à  treize  offices  differens:  Mais  après  ceux  dont  en  vient  de  parler,  ilref- 
toit  deux  importans  offices ,  l'un  de  prcfenter  l'encens ,  l'autre  d'arranger 
4es parties  dé  la  viélime  fur  le  bois,  6c  czs  deux  ,  qui  étoient  les  deux 
principaux ,  fe  refervoient  pour  un  troifiéme  fort. 

Le  fécond  fort  fe  jettoit  comme  le  premier  par  le  nombre,  8c  par  les 
doigts,  excepté  qu'après  avoir  jette  le  fort  pour  le  premier  office,  qui 
ctoit  d'égorger  la  viétime,  on  ne  le  jettoit  plus  pour  les  autres,  mais  on 
affignoit  les  douze  autres  offices  aux  douze  perfonnes  fuivantes ,  félon  qu'el- 
.les  étoient  arrangées  devant  le  Prefident  en  cercle ,  le  refte  des  Sacrifica- 
teurs, à  qui  rien  n'étoit  échu  ,   fervoient  les  autres àce qui  ferencoiui-oit 
à  faire.     Alors  commençoit  le  facrifice  continuel,  qui  ell  commande  au  ceremonreK 
28.  des  Nombres.   Il  étoit  de  deux  agneaux,  ofi-eits  en  hoiocaufte  réglé- ^"^Jf^^"^^^^ 
ment  tous  les  jours,  l'un  le  foir,  l'autre  le  matin.  Le  Prefident  comman- 
doit  qu'on  allât  voir  s'il  faifoit  aflez  de  jour  pour  commencer  le  facrifice, 
6c  entr'autres  fi  le  fommet  d'Hebron  étoit  illuminé;  car  la  lumière  du  jour 
devoit  être  afiTez  grande  pour  n'avoir  pasbefoin  de  lampe  auprès  de  l'Au- 
tel. 

Celuy  qui  avoit  la  charge  de  tuer  l'agneau  Fallôit  chercher  au  lieu  on 
nous  avons  vu  qu'on  leslogeoit;  On  le  vifitoit  encore  pour  être  plus  afilû- 
ré  qu'il  n'avoit  pas  de  tare.    On.l'amenoit  au  lieu  où  l'on  tuoit  les  facrili* 
^art.  IJ.  Ss  C€S 


322  H  I  S  T  O  IRE   DES   DOGMES 

ces,  c'étoit  le  côté  Septentrional  de  l'Autel,  oiiilyavoic  des  anneaux  auf- 
quels  on  l'atcachoit  ]   on  appoitoit  les  inllrumens  ,  les  plats  &C.  6c  tout 
ce  qui  étoic  neceilaire  pour  le  fervice ,  on  Failoit  boire  l'agneau ,  préten- 
dant qu'il  en  étoit  plus  aifé  à  écorcher.     Durant  ce  tems  l'heure  vcnoit 
d'ouvrir  les  portes  -du  Temple,  &  on  fonnoit  lefon  de  la  premiere-trom- 
oiicedes     pettc,  Comme  nous  l'avons  vu.:  Les  ftattonnatres  entroient,  on  mettoit  la 
ftuioniiris    jjj  ^JQ  ^"(jj.  \ç^  j-^j-g  ^ç.  l'agneau ,  on  le  tuoit ,  on  recevoit  Ton  lang  dans  un 
balîin ,  &  dans  le  même  moment ,  autant  qu'on  le  pouvoit ,  ceux  qui  avoienc 
charge  de  nettoyer  l'Autel  des  parfums  6c  le  Chandelier,  entroient  dans 
le  Sanâuaire ,  &  failbient  leur  office  :  Tun  prenoit  un  plat  d'or  Ôc  y  Failbit 
couler  les  chc-ibons  &  les  cendres,  h.  lailfant  le  plat  à  terre,  il  fortoit  lans 
l'emporter.  Et  celui  qui  devoit  préparer  la  lampe  monioit  fur  un  marche- 
pied de  marbre  de  trois  degrez,  dans  les  lampes  éteintes  ilôtoit  le  vieux 
lumignon  &  le  relie  de  l'huile,  &  y  mettoit  tout  nouveau:  on  la  rallu- 
moit  à  celles  qui  étoient  encore  ardentes,  excepté  la  principale  lampe,  qui 
^  étoit  au  milieu,  &  qui  s'appelloit  U  lampe  Occidentale:  car  quand  elle  étbit 
éteinte,  ilfaloitla  rallumer  au  feu  de  l'Autel.     Dans  les  lampes  qui  n'é- 
toient  pas  éteintes,  on  fe  contentoit  d'y  mettre  d'autre  huile,  à  cette  pre- 
mière  fois   on  [ne    preparoit   que  cinq   lampes  d.e  fept.      Pendant  que 
cela  fe  faifoit   au  dedans ,   dehors  on  égorgeoit  la  vidime ,  on  l'écor- 
choit,  on  la  dépeçoit,  on  faifoit  l'afperfion  du  fang,  &  l'on  portoit  les 
nnji      pièces  fur  le  haut  de  l'Autel  j  on  les  laloit ,  &  on  les  lailfoit-là ,  ôc  tousfe 
raifembloient  dans  la  chambre  du  pavement. 
Trôifierae        Eà  on  faifoit  Une  prière  à  Dieu  par  la  bouche  du  Prefident,par]aquel- 
foit, Scj)rai- le  on   dcmaudoit  le  fecours   de   Dieu,  fa  protection,  6c  la  grâce  d'ac- 
k  facrifice    complir  fa  Loy.     Elle   fe  lit  toute   entière  dans  le  Talmud  au  Traité 
coûtiauei.    ']'^p,^  ^  (^-^^-^^  Maimonides  fous  le  même  titre  :  On  y  trouve  auffi  toutes  les  cé- 
rémonies que  nous  avons  décrites.  Apréslapriere  onrepetoit  les  dixCom- 
mandemens  de  la   Loy,   &  après  les  dix  Commandcmens,  on  lifoit  les 
phylaéleres,  fur  lefquels  étoient  écrites  quatre  petites  feélions  de  l'Ecritu- 
re.    La  première  tirée  de  l'Exode  13.V.  3. jufques  au  10.  La  féconde  du 
même  chapitre,  depuis  le  10.  ver fet  jufques  au  16.     La  troifiéme  tirée 
du  Deuteronome  ch.  6.  v.  4.  jufques  au  p.    C'étoit  la  principale,  6c  qui 
s'appelloit  ]}w;  rvii'^^.  Elle  eft  encore  aujourd'huy  en  grande  vénération 
entre  les  Juifs,  parce  qu'elle  contient  le  commandement  d'aimer. Dieu, 
qui  eft  le  fondement  de  tous  les  autres.     A  la  fin  de  ces  Oraifons ,  on  jettoit 
une  troiiîéme  fois  le  fort ,  pour  favoir  qui  qifriroit  l'encens ,  6c  qui  arran- 
geroit  la  chair  fur  l'Autel, 
ponïîrs       ^prés  quoi  on  retournoit  à  l'Autel ,  on  arrangeoit  les  pièces  de  l'agneau, 
kiieusaint.  qui  fe  trouvoient  toutes  portées  fur  le  bord,  6c  en  même  tems  celui  qui 
étoit  deftiné  à  porter  l'encens,  prenoit  un  grand  plat  d'argent,  dans  lequel 
iouïs  on     ^^^''^  Tencenfoir  plein  d'encens,  ôc  il  fe  fàifoit  accompagner  d'un  Prêtre, 
demf 'r '^^  qui  prenoit  dans  un  rechaut  des  charbons  de  defllis  l'Autel.     Tous  deux 
d'cnccnlâu  cntroicnt  dans  le  Temple,  6c  pour  avertir  qu'on  alloit  faire  Fumer  l'encens, 
wtSiï'aïf    ^"  paîlant  ils  frappoient  fur  un  certain  inllrument  d'airain   en   forme  de 
loir,  les  au- tyîïîbalc ,  qui  étoit  pofé  cntrc  le  Temple  6c l'Autel,  dont  le  fon  étoit  fi 
irpoid?de  S''^"^'  ^"'^i  pouvoit  être  entendu  dans  toute  la  ville  de  Jerufalem  ,  les  Juifs 
îoo.deni«ïsJ'a.ppellent  naniD.  A  ce  fon  tout  Iç  peuple  qui  rempliffoic  les  Parvis  fe  met- 
toit 


in  Exodiim 
cap.  30.  8. 
Migerepha. 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  TartAl  323 

toit  en  dévotion.     Ces  deux  hommes  montoient  les  dcgrez  du  Temple,  &ïoo.  dé- 
portant l'un  l'encens ,  &  l'autre  le  feu  -,  ces  deux  hommes  étoient  précédez  Jjjf^'^  ^^' 
parles  deux  à  qui  il  étoit  échu  de  nettoyer  l'Autel  d'or,  6cleChandeheri&  Ccies,&' 
celui  qui  avoit  drelFé  &  préparé  cinq  lampes  à  la  première  fois,  en  avoit  ^^^'^."^^•'^'= 
laiflé  deux  qu'il  accommodoit  à  cette  féconde  fois  :   Après  quoi  il  prenoit  ceftà  dire', 
le  vailfeau  oii  étoient  les  immondices ,  fe  profternoit  vers  le  lieu  Très-  p/us°dïnc 
Saint,  ôc  s'en  alloit.     Et  celui  qui  nettoyoït  l'Autel  d'or  prenant  pareille-  livre  &  dé- 
ment fon  vaifleau  où  étoient  les  cendres,  faifoit  une  révérence  ôcferetiroit.  Aiu("wo°4 
Le  troifiéme  qui  avoit  apporté  le  feu  dans  un  rechaut  d'argent ,  l'ayant 
lailîe  là  fe  retiroit ,  ÔC  lailîlôit  feul  celui  qui  devoit  offrir  l'encens.     Ce- 
lui-cy  demeuroit  là  tranquille,  en  attendant  que  le  fignal  lui  fût  donnéj 
car  on  faifoit  fumer  l'encens  pendant  que  l'Holocauite  brûloir.     Et  ea 
même  tems  on  faifoit  trois  ou  quatre  prières  à  haute  voix,  à  quoi   le 
peuple  prenoit  fa  part,  &  les  fuivoit  de  la  langue  ôc  du  cœur.   Com-  ie"n°fbîlt' 
me  cela  fe  voit  St   Lucch.  10.  Et  lamtiltît$ide  étott  en  prière  dptrant  le  ter/is  du  ^^ansIeTal- 
farfum.     Après  les  prières  les  Sacrificateurs  montez  llir  les  marches  du  MaiiponLde* 
Temple  benilToient  le  peuple  febn  la  formule  dont  nous  ufons,  ëc  qi-sif^jù^^T 
fe  lit  au  Livre  des  Nombres  ch.6.v.24.     Après  la  benediètion  on  com- 
mençoit  la  Mufîque  ôc  les  Cantiques  ,  en  la  forme  que  nous  avons  dé- 
crite i  car  après  le  Ubamen  &  l'eifufion  qui  le  faifoit  fur  le  pied  de  l'Au- 
tel ,  les  trompettes  des  Sacrificateurs  ,  qui  étoient  flir  les   marches   du 
Temple,  commençoient  par  un  fon  compofé  de  trois  fons,  le  premier 
uni,  le  fécond  un  fredon,  6c  le  troifiéme  encore  uni.     On  chantoit  les 
Cantiques  coupez  en  trois,  &  à  chaque  partie  ons'arrêtoit,  on  faifoit 
une  paufe  ,  pendant  laquelle  les  trompettes  recommençoient.    A  chaque 
fon  de  trompette  le  peup=le  fe  proflernoit ,  &  quand  le  dernier  coup  étoic 
fonné,  le  peuple  fe  retiroit.     On  en  faifoit  autant  au  facrifîce  du  foir, 
qui  s'offroit  entre  les  deux   vêpres,   c'eft-à-dire  ,   depuis    trois   heures Abenj^jj 
après  midi,  jufques  à  fix  ,  à  l'exception  de  quelques    petites  ceremo  in^xod.  12. 
nies ,  qui  étoient  un  peu  différentes.     L'encens  s'offroit  au  foir ,  un  peu  pluf  fe°  jeuTvé- 
tard,  c'eft- à-dire,  après  que  la  bête  étoit  pofée fur  le  feu,  &commen- pr.er^i' pre- 

.    's     A  r        '  jniere  de- 

çoit  a  être  conlumee.  puis  trois 

hemes  juf- 
qu'au  foleil  couchant ,  la  féconde  depuis  le  foleil  couché,  jurquesàlanuicfeiméej  maistouslesaïKies  coctentla  pteoiiete 
depuis  midi  jufques  à  3.  Scia  féconde  depuis  3.  jufques  à  fis. 


Ss  z  CHA« 


^H 


H  î  S  T  O  I  R  E  DE  S   D  Q  G  M  E  S 


D 


Nombres 
ch.  18.  II, 
Solennité 
des  nouvel- 


C  H  A  PI  T  R  E     VIIL 

^u  fer  vice  du  Sahbat  é^.  des  nouvelles  lunes. 

Ans  le  jour  du  Sabbat  aflurément  le  fcrviœ  étok  plus  folennel  par- 
a  grande  afflueiice  de  peuple  ,    mais  au  refte  nous  ne  voyons  pas 
que  l'appareil  du.  culce  tût  de  beaucoup  plus  grandj  failementau 
lieu  d'un  agneau  on  en  facrifioit  deux  au  matin  ,6c  autant  au  foir,  comme 
on  le  lit  dans  le  chap.  iS.  des  Nombres-  v,  p.  outre  cela  on  chantoit  des 
Pfeaumes  particuliers. ,  Qiiant  à  ce  qui  fe  faifoit  pour  l'oblervation  du  Sab- 
bat hors  du, Temple,  cela. viendra  plus à-propos  quand  nous  aurons  ache-- 
vé  de  parler  du  fervice  du  Temple. 

Mais  les  nouvelles  lunes  fe  celebroient  avec  beaucoup  plus- de  pompe, 
le  facrifice  étoit  de  deux bouveaux  mâles ,  un  mouton,  fept  agneaux  d'ua 
an  offerts. en  holocaufte  avec  leurs  gâteaux,  &  leurs  afperflons  de  vin, fé- 
lon la  proportion  ordonnée.  Pour  chaque  bouveau  trois  dixièmes  par- 
ties d'un  Epha  de  fine  tàrine^  c'efl:-à-dire,.le  tiers  d'un  grand  boiffeau, 
ÔC  la  moitié  d'un  hin  de  vin  pour  l'iifperfion  de  chaque  bouveau,  c'efl-à* 
dire  ,{îx  logs  ou  feptiers,  qui  faifoient  la  pinte  6c  demie  :  pour  le  moutoii 
deux  dixièmes,  c'eft-à-dire,  la  cinquième  partie  d'un  grand  boifTeau  3 
avec  quatre  logs  ou  feptiers ,  c'e.d  une  pinte  de.  vin  pour  le  mouton  ,  6c 
pour  chaque  agneau  une  dixième  de  farine  ôc  trois  logs  ou  feptiers  de  vin  5 
&  de  l'huile  même  quantité  pour  pétrir  les  gâteaux.  Il, y  a  apparence 
que  ces  viéèimes  étoient  partagées  entre  le  foir  &  le  macin.  Et  durant 
les  facrifices  les  fons  de  trompettes  j.  les  cantiques  ôc  les  prières  étoient 
en  beaucoup  plus  grand  nombre  ,  6c  ainlî  le  fervice  étoit  beaucoup 
plus  long.  Et  même  outre  ces  viâimes  on  ofFroit  un  bouc  pour  le  pe» 
ché. 

Il  efl:  bon  de.  fe  reiïbuvenir  que  les  mois  fe  contoient  félon  les  lunes 
entre  les  Hébreux ,  6c  que  le  jour  de  la  nouvelle  lune  étoit  le  premier  joul* 
du  mois  :  Oïils  contoient  la  nouvelle  lune,  non  pas  du  moment  ôc  du  tems 
qu'on  appelle  la  conjonétion,  des  luminaires  ,  mais  de  l'apparition  de  la 
nouvelle  lune. 
^^<nç  4      Dans  les  derniers  tems ,  fi-nous  en  croyons  les  Rabbins,  ils  fe  donnoient 
Xvvohç    des  peines  extraordinaires, 6c avoienc  une  exaélitude  incroyable, .afin qu'il 
T^v  (pwiT-  n'y  eût  point  d'erreur  dans  ces  nouvelles  lunes.  Le  Sanhédrin  étoit  maî- 
^•ijpwv.      ij-Q  (je  cette  affaire  6c,fervoit  d'Almanach  à  toute  la  nation.     Pour  cela  il. 
nourrifibiten  Jerufalem  des  gens  dont  l'office  étoit  d'aller  de  toutes  parts 
fur  toutes  les  montagnes  chercher  la  première  apparition  de  la  lune.  On  les 
envoyoit  deux  à  deux  ,   6c  quand  ces  diverfes  couples  de  témoins  reve- 
noient,  on  les  examinoù,  6c  il  faloit  pour  cet  examen,  tant  dans  la  qua- 
lité des  témoins  que  dans  leur  rapport,  examiner  mille  chofes  vaines  dont 
leurs  Auteurs  ont  fait  de  grands  traitez  5  entr'autres  Maimonides  au  trai- 
te, intitulé.. renouvellement  du  mois  ti'nn  viyy  6c  le  traité  duTalmud  in- 
titulé 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Part.lL  ^if 

intulé  premier  jour  de  l'an  n:z'r\u^^.  Qj.)and  parles  enquêtes  ils  croyoïent 
être  afllirez  du  premier  jour  du  mois ,  ils  faifoient  la  nuit  des  feux  de  mon- 
tagne en  montagne^  &  ainfi  cela  étoit  incontinent  (u  dans  tout  le  pais. 
Mais  ayant apperçû  que  les  Samaritains  les  avoient  trompez  par  cette  voye, 
ils  en  prirent  une  autre ,  c'eft  d'envoyer  des  meflàgers  par  tout  le  païs  qui 
en  portoient  la  nouvelle  en  diligence.  Il  faut  remarquer  qu'ils  ne  prenoient 
pas  la  peine  d'envoyer  des  meflagers  tous  les  mois  ,  feulement  lèpt  mois 
de  l'année  dans  lefquels  il  y  avoit  des  fêtes ,  le  mois  de  Ni  fan  ,  pour  la 
Pâque  ;  le  mois  de  liar  à  caufe  d'une  féconde  Pâque  qu'ils  y  celebroient  ; 
le  mois  ii^'^^,  à  caufe  de  la  fête  duneuviémejourvle  moisâ('£/;<'/,àcaufedu 
premier  jour  de  l'an  qui  venoit  le  mois  fuivant  favoir  en  Ttfri.  Le  mois 
de  Tifn,  à  caufe  de  la  fête  des  Tabernacles  &  celle  des  Propitiations.  Le 
mois  de  Ki/left ,,  à  caufe  de  la  fête  de  la  Dédicace.  L.emoi&  d'^dar  ^  à 
caufe  de  Purim, 

Depuis  que  le  grand  Sanhédrin  a  celle,  les  Juifs  marquent  6c  content  le 
premier  de  la  lune  dé  la  conjonélion  des  luminaires  ,   félon  le  calcul  des 
Calendriers  &  non  plus  de  l'apparition  ,  parce  qu'ils  n'ont  plus  de  mefla- 
gers à  envoyer,  plus  de  Juges,  plus  de  témoins,  àc  outre  cela  à  caufe  de 
la  d'ifperfion  ,   la  lune  paroît  bien  plutôt  en  un  païs  qu'en  un  autre  :    Et  voyez  k 
il  y  a  là-delTus  un  grand  procez  entre  les  RabbaniteaSc  les  Karaïtes,  car  g^xfor.^ 
ces  derniers  continuent  à  conter  de  l'apparition  ,   &  accufent  les  Rabba-  p^g-  i*^ 
liites  d'avoir  violé  la  Loy,  6c  d'anticiper  d'un  jour  toutes  les  grandes  fêtes. 


G  H  A  P  IT  R  E     IX. 

^es  Fêtes  folennelles  y  &  premièrement  dé  la  Pâque, 

L  y  avoit  trois  fêtes  folennelles  qu'ils  appelloient  D^5V:n  dans  lefquelles 
;  tous  les  mâles  étoient  obligez,  de  fe  prefenter  devant  Dieu  au  lieu  oii  il 
^  avoit  étabM  fon-  fcrvice,  comme  la  Loy  le  comniande  expreflement: 
Ces.trois  fêtes  folennelles  étoient  la  Pâque,  la- Pentecôte,  la  fête  des  T^^  Exode 21,- 
bernacles.   Dans  le  commandement,  comme  dans  l'obeiflànce  qui  lui  a  été  oeuter. 
rendue,  les  Juifs  remarquent  divers  miracles,    i.  Que  jamais  les  frontières  ^6-  î«' 
en  tems  de  guerre  n'ont  été  envahies  ,,  quoi  qu'elles  demeuraifent  toutes 
dégarnies.     2..  Jamais  femme  n'avorta  par  l'odeur  de  la  multitude  des  fa- 
crifices  &  des  chairs-  brûlées.,  z.  Jamais  homme  ne  broncha  dans  Jerufa- 
lem  dans  ce  tems.  4,  Jamais  homme  ne  le  plaignit  de  n  avoir  pu.  trouver  a^i voient st 
de  feu  pour  rôtir  fon  agneau,     p  Ou  de  n'avoir  pas  trouvé  délit  en  Je-  ^^^'^^^l'- 
rufalem.  6.  Ou  d'être  trop;  étroitement  logé.   Il  n'y  avoit  d'exemptez  du  dahsks  fê- 
voyage  que  les  malades,  les  vifeillards ,  les  enfans ,  ôc  ceux  qui  étoient  ou  '^g^^^"" 
fouillez ,  ou  en  païs  lointain. 

La  première  ôt  la  plus  célèbre  de  ces  fêtes  étoit  la  Pâque.  Nous  voyons  Nombres  p, 
au  12..  de  l'Exode  fon  inftitution  &  fes  Cérémonies  félon  qu'elles  fe  pra-  ^■'°*  "■'^' 
tiquoient  fous  le  premier  Temple.     Mais  les  Juifs  y  avoient  ajouté  un 
grand  nombre  d'autres  Cérémonies ,  comme  on  le  voit  dans  leurs  Livres  : 
Toyons  premièrement  ce  que  la  Loy  en  ordonne.  ; 

Sf  3  ,  1.  Elle'- 


326  HISTOIRE  DES   DOGMES 

I .  Elle  tut  inllituée  pour  mcmorial  de  ce  grand  bienfait  de  la  délivran- 
ce hors  de  l'Egypte  ôcdupallage  de  l'Ange  fur  les  maifons  des  Egyptiens, 
fans  nuire  au5i  premiers  nez  de  Ifraëlites,  à  caufe  du  fang  de  l'agneau  dont 
les  poteaux  de  leurs  maifons  étoicnt  marquez,     i.  Le  14"^'.   du  mois  de 
Nilan  qui  éto-it  le  premier  mois  de  l'an  facré,  &  lefeptiéme  de  l'an  civil. 
Cette  fête  commençoit  au  foir  après  foleil  couché  félon  que  les  Hébreux 
contoient,  non  feulement  leur  jour  de  fêtes,  mais  tous  leurs  jours ,  depuis 
un  foleil  couché  jufques  au  foleil  couché  fuivant.     Le  jour  de  Pâque  n'é- 
toit  pas  toujours  à  même  dillance  de  l'équinoxe  vernal  j  car  le  premier  du 
mois  de  Nifan  écoit  toujours  la  plus  prochaine  nouvelle  lune  devant  l'é- 
quinoxe.    Ainli  quelquefois  Nifan  commençoit  le  2f .   de  nôtre  Février, 
êc  Pâque  tomboit  en  ce  cas  environ  fur  le  dixième  de  Mars.  D'autre  part 
quelquefois  il  arrivoit  que  Nifan  ne  commençoit  que  vers  le  vingtième 
de  nôtre  Mars ,  &  Pâque  étoit  le^f.  de  nôtre  Avril,  ainii  Pâque  couroit 
un  mois  devant  oc  après  l'équinoxe ,  à  peu  près  comme  aujourd'hui  il  court 
depuis  le  15.  de  Mars  jufques  au  zf.  d'Avril. 

3.  L'agneau  devoit  êtrefeparé  quatre  jours  du  troupeau  devant  le  14™^. 
c'ell-à-dire ,  le  dixième  de  Nifan  :  les  Juifs  ne  font  pas  bien  d'accord  fî 
cela  s'obferva  dans  les  Pâques  fuivantes ,  &  plufieurs  croyent  que  cela  ne 
fe  fit  que  dans  la  Pâque  de  l'Egypte  :  En  effet  il  étoit  aflèz  difficile  à  ceux 
qui  venoient  de  loin  d'obferver  cette  Cérémonie  :  fi  ce  n'eil  que  ceux  qui 
vendoient  les  agneaux  ne  les  euflent  feparez  eux-mêmes.   4.  Il  faloit  que 
ce  fût  un  agneau  d'un  an  ,   ou  bien  plutôt  un  agneau  de  l'année  :  c'eft 
Exode  12.  s-  ^infi  que  j'interpretei;ois  Moyfe ,  Pâques  venoit  dans  le  tems  que  les  agneaux 
naiiToient.     Mais  tout  l'hyver ,  les  brebis  agneloient  dans  les  païs  chauds , 
ôc  l'on  pouvoit  avoir  dans  l'équinoxe  des  agneaux  de  quatre  mois  :  autrement 
des  agneaux  d'un  an  font  des  moutons,     f .  A  chaque  famille  il  faloit  un 
agneau,  fi  ce  n'efl  qu'elle  fût  trop  petite:  auquel  cas  deux  ou  trois  familles 
s'alîembloient,  £c  cela  s'appelloit  rrcan  ,  ibcieté,  (pi^^rpia.  6.  Cet  agneau 
devoit  être  égorgé  ÔC  écorché  entre  les  denx  vêpres  \   c'efî:  -  à  -  dire ,  depuis 
midi  jufques  au  jour  couchant  :    Drufius  ,   in  Numer.  p.   place  les  deux 
vêpres  une  heure  après  foleil  couché  entre  le  crepufcule  du  foir  &  celui  du 
matin,  mais  fans  raifonÔcfans  autorité.  7.  On  devoit  prendre  du  fang  de 
cet  agneau  Se  en  faire  afperfion  fur  les  poteaux  de  la  maifon,  mais  cela  fut 
particuher  à  la  Pâque  d'Egypte  que  chacun  égorgea  dans  fa  maifon. 
On  ne-pou-       8.  Daiis  les  autres  Pâques  les  agneaux  dévoient  être  égorgez  dans  le 
[°ïâ"J,'J'^"  Temple,  cela  paroît  par  le  16.  du  Deuteronome  v.  f .  Tu  ne  pourras  facri- 
qu'enjera-  per  la  Pâ^ne  en  aucun  lieu  de  ta  demeure  &c.  Car  encore  que  cela  puifTeêtre 
^^^'"'        interprété  5   qu'on  ne  pouvoit  manger  la  Pâque  hors  de  Jerufalem  \  ce- 
pendant il  eft  certain  qu'on  n'étoit  obligé  de  venir  manger  la  Pâque  dans 
Jeruialemqu'à  caufe  qu'il  faloit  égorger  la^viélime  dans  le  Temple  ou  dans 
le  Tabernacle.  Cela  même  fe  prouve  par  les  mots  defacrifier  la  Pâcfue ,  que 
Moyfe  employé  là  :  ce  qui  fait  voir  que  la  Pâque  étoit  un  vray  facrifice  :  Or 
il  n'écoit  pas  permis  de  facrifier  hors  du  Temple  de  Jerufalem,  La  même 
z.cbion.     chofe  fe  prouve  par  la  Pâque  d'Ezechias,   oii  les  Lévites  égorgeoient  les 
jo.  17.       agneaux,  Oc  les  Sacrificateurs  faiioient  l'afperfion  du  fuig ,  laquelle,  afperfion 
ne  fe  faifoit  jamais  que  dans  le  Temple.  La  même  chofe  fe  voie  dans  la  Pâque 
de  Jofias,oLii'on  trouve  une  nouvelle  preuve  que  les  agneaux  de  Pâque  dé- 
voient 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  PartAl  327 

voient  être  égorgez  6c  mangez  d:ins  Jcrufalem.  A  quoi  Ton  peur  ajouter  Je  2.  chron. 
témoignage  des  Rabbins,  qui  rendent  conflamment  témoignage  à  cette  veri-  '^'  '^*  "' 
té,quc  les  agneaux  de  Pâque  dévoient  être  égorgez  dans  le  Temple.p. Chacun 
égorgeoit  fa  Pâque.  A  caufè  du  grand  nombre  d'agneaux,  les  Sacrificateurs 
n'auroient  pu  fournir  à  égorger  tant  de  bêtes.  Et  même  dans  les  autres 
facrifîces  chacun  pouvoit  égorger  la  bête  qu'il  prefentoit ,  ce  qui  paroît 
par  le  chap.  1 .  5".  6c  chap.  4.  v.  4.  du  Levitique.  Cela  même  eft  évident 
par  la  Pâque  d'Ezechias,  où  les  Lévites  ne  font  l'office  d'égorger  les  viéti- 
mes ,  que  parce  que  le  peuple  n'étoit  pas  purifié  félon  la  Loy. 

10.  Onfaifoit  afperfion  du  fang  de  l'agneau  fur  l'Autel  comme  il  efidit^a  Pâqoe 
exprcilément  dans  les  Pâques  d'Ezechias  &  de  Jofias,  d'où  il  efi  évident  v^yV^ri- 
que  la  Pâqueétoitunvra}^  facrifice;  ceux  qui  ont  nié  cette  vérité,  comme  ^ice. 
font  la  plupart  denos  Auteurs,  font  dans  l'erreur.   Et  on  ne  fauroit  foûtenir 

leur  opinion  après  avoir  lu  le  16.  du  Deuter.  où  tant  de  fois  &  fi  préci- 
fément  la  Pâque  eft  appellée  un  facrifice.   Dans  tous  les  endroits  citez  en  voy  auis 
marge  la  Pâque  efi;aufiiappelléejQcr/^fe,  &  Dieu  vouloit  que  le  fang  &  la  g.'^ôc  9^" 
graiiFe  fufient  conilimez  avant  le  matin,    félon  la  Loy  d£s  facrifices.  Exode 54. 

11  eft  vray  que  ce  facrifice  avoir  quelque  chofe  de  fingulier.  i .  En  ce  qu'on  ^  '^^' 
nemettoitpaslamainfur  la  têtedelaviélime.  2.  En  ce  qu'on  ne  faifoit  pas 
une  oftrande  tournoyée  de  l'épaule  &:  de  la  poitrine  ,  6c  le  Sacrificateur  n'y 
avoit  pas  de  part.  3 .  Il  ne  s'y  faifoit  pas  d'eftlifion  de  vin  ni  d'offi-ande  de  gâ- 
teaux^mais  on  y  trouvoit  tout  l'efientiel  du  facrifice,  regorgement  de  la  viéli- 
me  dans  le  Temple,  l'afperfiondufang,  6c  la  confomption  des  grailles  fur 
l'Autel.  Et  pourquoi  les  Juifs  ne  mangeroient-ils  pas  aujourd'hui  d'agneau 
de  Pâque,  û  ce  n'étoit  pas  un  facrifice,  mais  un  fimple  repas  de  fête  ? 
Il  y  avoit  dans  la  Pâque  Sacrement  6c  facrifice.  Le  facrifice  fe  confommoit 
dans  le  Temple.  Et  le  Sacrement  confiiloit  en  ce  que  le  peuple  mangeoit 
l'agneau  &z  bûvoit  la  coupe  Pafchale  dans  la  maifon. 

1 1 .  L'agneau  étant  égorgé  6c  écorché  dans  le  Temple,  on  le  faifoit  rôtir  Erreur  gmp. 
avec  la  tête,  les  jambes,  les  entrai>lles,  tout  entier  j  comme  il  paroît  parce  (Jg^^j g^i^e^J' 
qu'il  n'étoit  pas  permis  d'en  rompre  aucun  os.   12..  Il  faloit  qu'il  fût  man-  c  568.  que 
gé  la  nuit  julques  au  matin,  6c  qu'il  fût  mangé  tout  entier  afin  qu'il  n'en  ét^Sm^angé 
demeurât  rien  de  relie.    13.  On  le  mangea  les  reins  ceints,  le  bâton  à  la  avant  que 
main,  6c  debout.  Mais  cela  fut  particulier  à  la  Pâque  d'Egypte,  6c  co  m-  couché,  voy 
me  nous  verrons  dans  la  fuite,  on  étoitaftis  6c  même  couché  en  le  man-  j'Hiftoiiede 
géant.     14.  Il  faloit  manger  cet  agneau  avec  du  pain  fans  levain  ,    6c  le  nôtre  sei-* 
levain  étoit  banni  des  maifons  par  fept  joursi  ni l'elclave, ni l'étrangern'en  £"«"'■• 
pouvoient  manger,     ij.  11  devoit  être  m^angé  avec  des  herbes  ameres.  v.V-48.' 
1(5.  Nul  étranger  n'en  pouvoit  manger  qui  ne  fût  circoncis.     17.  Il  n'é-  Exodeiz. 
toit  pas  permis  d'en  rien  emporter  hors  de  la  maifon,  ni  de  cafter  aucun  Jfomb. 6.s>^ 
defesos.   18.  11  y  avoit  fête  par  fept  jours  3  mais  le  premier  6c  le  dernier 

jours  étoient  jours  de  repos  comme  le  Sabbat:  les  cinq  jours  entre  les  deux 
s'appclloient  pt^p  ipio  parvafe/hvitas.  Ces  cinq  jours  étoient  des  fêtes  de  ré- 
joLiïftances  ,  6c  l'on  oflfi'oit  des  facrifices  extraordinaires  en  chacun  de  ces 
jours,  ip.  L'agneau  ayant  été  mangé  la  nuit  du  14.  au  if.  la  journée 
du  quinze  étoit  une  grande  fête,  dans  laquelle  outre  le  facrifice  continuel 
on  offroit  deux  bouveaux  ,  un  mouton  6c  fept  agneaux  en  holocaufte  , 
comme  dans  les  nouvelles  lunes  >6c  aufti  un  bouc  en  offrande  pour  le  péché. 

Et 


328  H  I  S  T  O  1  R  E  DE  S  D  O  G  M  E  S 

.  Ec  outre  cela  tous  les  particuliers  offroicnt  des  facnfices  de  profperitci 
fans  nombre  ,   du  gros  &  du  menu  bétail.     Cet  holocaufte  de  fept  bou- 

^omb.e.it.  veaux,  un  mouton,  Icpt  agneaux,  6c  l'offrande  d'un  bouc  pour  le  péché 
s'offroit  durant  tous  le:>  fept  jours.    lO.  Le  fécond  des  fept  jours  favoir  le 

Lewtique  i(5.  du  mois  écoit  le  jour  de  l'offrande  des  premiers  bleds  en  épi  ,  dont 
nous  venons  dans  la  fuiue  les  Cérémonies.  Voila  à  peu  prés  ce  que  la  Loi  nous 
apprend  de  la  Pâque,voyons  pretentement  ce  que  la  tradition  y  avoit  ajouté. 


\Xi.lO.  II. 


Snr  l'Exode    I 
shap.  12. 


CHAPITRE     X. 

Ctremonies  ajoutées  à  la  célébration  de  la  Tâpie  ,  par  la  tradition 

des  Juifs. 

-« 

POur  la  réparation  de  fagneau,  Abai-binel  dit  que  ceux  qui  le  feparoient 
du  troupeau  ledixiémejourdumoisjufqu'au  14.  l'attachoient  durant 
ces  quatre  jours  aux  pieds  de  leur  lit  pour  l'avoir  toujours  devant  les 
yeux,  &  que  cela  leur  rafraîchît  la  mémoire  de  l'adion  qu'ils  dévoient  faire. 
z.  Ils  appoitoient  une  grande  exaétitude  à  la  recherche  du  levain.   Cette 
recherche  fe  commençoit  le  foir  du  13.  au  14.     Ils  cherchoient  jufques 
dans  tous  les  trous  où  les  fourispouvoient  avoir  porté  du  levain  &  du  pain 
levé ,  ÔC  ils  ferroient  tout  ce  qui  s'en  trouvoit  dans  un  vaiffeau.     Devant 
que  de  chercher  le  levain-,  le  père  de  famille  failbit  une  courte  oraifon, 
henit  fois  tu  ô  Seigneur  &c.    qui  nous   as  commandé  à'^ur  taut  levain  &c. 
Après  cette  recherche  on  ajoûtoit  ces  paroles.     Tout  levain  qui  efl  dans  U 
maifon  ,    que  je  Vaje  vu  ou  non  ,  Çoit  comme  rien  ,  .&  réputé  comm^  la  poudre 
Àe la  terre.     3.  Le  quatorzième  jour  étant  arrivé,  onpouvoit  encore  tra- 
vailler au  moins  jufques  à  midi ,   &  manger  du  pain  levé  jufques  à  deux 
ou  trois  heures  après  midi,  &  même  jufques  à  fîx  heures,  mais  cependant 
afin  qu'ils  pullent  manger  fans  dégoût  le  pain  non  levé  ,   il  leur  étoit  or- 
Maiffionides  donué  dc  s'abftenir  de  pain  lev^é  depuis  les  ,10.  ou  1 1 .  heures  du  matin ,  afin 
.nàV^n .  qu'ils  euffent  meilleur  appétit.   Ainii  avant  midi ,  le  levain  étoit  brûlé ,  jette 
dans  l'eau  ou  au  vent.    4.  La  Pâque  s'égorgeoit  après  midi ,  &  il  faloit 
que  ce  fût  après  l'agneau  de  l'holocaufte  continuel  ;  pour  l'un  &  pour 
l'autre  la  même  heure  écoit  afH'gnée  entre  les  deux  vêpres.     Ainfî  il  fa- 
loit que  ce  tems-là  fût  de  quelque  longueur;  ordinairement  on  égorgeoit 
l'agneau  de  l'holocaufle  continuel  environ  à  trois  heures  après  midi,  mais 
le  14.  veille  de  Pâque  ou  commençoit  une  heure  plutôt,  c'efl- à- dire  en- 
viron à  deux  heures.     On  égorgeoit  l'agneau  pafchal  environ  ^ .  heures 
durant  jufques  au  foleil  couchant,     f.  En  formant  les  focietez  pour  man- 
ger l'agneau  de  Pâque,  on  jugeoit  combien  de  gens  il  faloit  pour  en  venir 
à  bout,  &  onenprenoitplus  ou  moins  félon  qu'on  les  connoilîbit  grands  ou 
petits  mangeurs. 

Ils  ne  permettoient  pas  que  la  compagnie  fût  ordinairement  compoféc 
voitpTsêHc  de  femmes  &  de  ferviteurs  feulement  ,^  de  peur  qu'il  ne  s'y  paffâc^quel- 
de'feuie^^  quc  chofe  d'indcccnt,  ou  de  ferviteurs  ou  d'enfans,  de  peur  qu'on  y  man- 
fcmmesjde  quât  de  refped,  ni  de  feuls  profèlytes,  parce  qu'ils  n'avoient  pas  de  part 

à  la 


Talraud. 
Tiaa. 


La  compa- 
gnie ne  de- 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Parai  329 

à  la  délivrance  dont  on  faifbit  la  commémoration.  1/s  fouffi-oient  pourtant  ^euit  fem- 
quelquefbis  des  femmes  (eules,  oulesfervitcursfeuls.  Mais  prefque  toujours  Sispi^fe,*^ 
ralîembléeétoitcompofée  des  familles  entières,  père,  mère,  enfans,ferviteurs  ^y^^* 
&  fervantes,  &  pour  la  bienfeance,  &  comme  je  le  croy  par  neceflité,  il  faloit 
^u'il  y  eût  un  hommcjcar  je  ne  croi  pas  qu'il  fût  permis  à  une  femme  d'officier. 

f .  Il  faloit  que  l'agneau  fût  tué  dans  le  Temple  en  trois  compagnies^ 
-car  il  n'étoit  pas  permis  à  chaque  particulier  d'aller  feul  au  Temple  faire  cetemonies 
'égorger  fon  agneau.  Il  faloit  que  chaque  compagnie  fût  au  moins  de  30.  ^°^\^^°'^' 
hommes,  mais  au  dcflus  elle  n'étoit  point  bornée.  La  première  compagnie  agneiu». 
cqtroit  dans  le  Parvis:  les  hommes  de  la  première  bande  fe  mettoient  de 
rang,  égorgeoient  leurs  agfteaux,  en  faifoient  palier  le  fang  de  main  en  main 
jufques  à  l'Autel,  oùralperfion  s'enfaifoit.  Ils  mettoient  fur  les  épaules  de 
deux  hommes  les  agneaux  fufpendus  fur  un  Jbâton ,  ils  les  écorchoient 
en  cette  manière.  Pendant  qu'ils  égorgoicnt  les  agneaux  ,  Ôc  fai- 
foient l'âfperfîon  du  fang,  on  chantoit  des  Cantiques,  qui  s'appelloient le 
petit  Hallel,  &  étoient  tirez  des  Pfeaumes  114.  iif.  116.  117.  6c  118.  à 
caufe  des  frequens  alleluja  qui  font  dans  œs  Pfeanmes,  &  qu'il  y  eft  fou- 
vent  parlé  de  la  fortie  hors  d'Egypte.  Les  trompettes  fonnoient  en  même 
tems,  les  Lévites  chantoient ,  les  inftrumens  jouoient ,  &  le  peuple  répon- 
^ioit  :  quand  les  premiers  avoient  fait,  on  ouvroit  la  porte ,  ia  fe<:onde  com- 
pagnie entroit,  on  fermoit  la  porte,  &  la  même  chofe  recommençoit ,  & 
ainfi  de  la  troifîémej  cependant  la  bande  qui  avoit  le  plutôt  fait  attendoit  l'au- 
tre.Le  fondement  de  cette  tradition  de  tuer  l'agneau  par  bandes  vient,difent- 
ils,  de  ce  commandement  de  la  Loyj  Toute  l'ajfembUe  ^Ifraélle  tnera. 

Si  le  14.  jour  de  Nifan,  auquel  on  tuoit  la  Pâque,  étoit  Sabbat ,  on  ne 
rabattoit  rien  de  l'ouvrage  dans  le  Temple  j  c'ell  pourquoi  le  Seigneur  di-  Mâtth.tto 
fbit  que  les  Sacrificateurs  violent  le  Sabbat,  &  n'en  font  pas  coupables,'^' 
excepté  ,  que  fi  c'étoit  un  Sabbat ,  les  ofFrans  ne  pouvoient  emporter 
leurs  agneaux  hors  du  Temple  que  le  Sabbat  ne  fût  pafle,  6c  que  6.  heu- 
res ne  fuflènt  venues.  Obfervatio^i  ridicule,  car  en  foirant  du  Sabbat  ils 
entroient  dans  un  autre  Sabbat ,  qui  eft  celui  de  la  Pâque,  qui  n'étoit  pas 
moins  vénérable.  Ici  on  pourroit  inférer  la  célèbre  queflion  du  jour  auquel 
le  Seigneur  célébra  fa  Pâque  :  les  Latins  veulent  qu'il  l'ait  célébrée  avec  les 
Juifs,  êc  le  même  jour.  Et  les  Grecs  veulent  qu'il  l'ait  celcbrée  un  jour  devant: 
Ce  qui  fait  le  fondement  de  la  différence  de  la  pratique  des  Grecs  &  desLa- 
tinsj  ceux-ci  célébrant  dans  les  azymes^  les  Grecs  en  pain  levé.  JVlais  cet- 
te queflion  nous  meneroit  loin  :  on  peut  voir  les  Difîèrtations  Epifloliques  de 
Cloppenburg  ôc  de  Louïs  Cappel  fur  la  matière. 

Il  faut  prefentement  examiner  le  détail  du  repas  de^  îa  Pâque.    Nos  ^'"''''^p  ^« 
Auteurs  l'ont  rapporté  avec  grand  foin  pour  faire  un  parallèle  de  la  Pâque  c^ïC 
des  Ju  fsavec  celle  de  Nôtre  Seigneur,  &  pour  voir  en  quel  endroit  ôcen 
la  place  de  quelle  Cérémonie  JNotae  Seigneur  a  placé  l'inflitution  de  fon 
Sacrement.  Sur  quoi  j'obferve  quece  travail  eft  fort  inutile ,  parce  qu'il  efl  in- 
certain fîNôtreSeigneur  s'efl  allreint  à  l'oblérvation  de  cesCeremonies  ajou- 
tées par  la  tradition.  Au  contraire ,  comme  la  plupart  étoient  vaines,  il  les  a 
omifes apparemment j  de  plus  il  eft  encore  incertain  fî  cette  defciiption  des 
Cérémonies  du  foupcrPalchal,  qu'on  tire  de  Maimonides  6c  <îu  Talmud-, 
eft  bien  fidèle,  ôc  fî  toutes  ces  Cérémonies  étoient  obferyéés  du  tems  de  Nô- 
tre Seigneur.    Voici  l'ordre  queLigtfoot  rapporte,  tiré  de  Maimonides. 

Pm  II.  T  t  î .  îls 


Evang.  de 
St.  Jean 
cbap.  I).  zS 
Se  zi.  ao. 


ireux  ma- 
nieies  de 
laver  les 


3;o  HISTOIRE   DESDOGMES 

i.Ils  faifoient  rôtir  l'agneau  dePâque  dans  une  broche  de  bois  de  grenadier. 

2.  Le  jour  de  l'immolation  de  l'agneau  il  ne  leur  étoit  pas  permis  de 
manger  depuis  le  faerifice  du  foir,  afin  qu'ils  puflent  manger  de  l'agneau 
avec  appétit.   Ils  ne  mangeoient  que  quand  la  nuit  étoit  venue  ôc  fermée, 

3.  lis  mangeoient  l'agneau  couchez,  &  non  aflis,  car  ils  avoient  deux 
man   res  de  s'adeoir  à  table  piL^i^  &  paiDO , feans ôc  couchez,  comme  on 
reprc  ente  la  manière  de  s'afleoir  des  Anciens.     Mais  le  jour  de  la  Pâque 
il  fal:>  t  qu'ils  fuffent  couchez  en  cette  manière  :   leurs  lits  étoient  dref- 
fez  p  es  des  tables,  leurs  jambes  non  pas  étendues,  maisployées  deflbus 
eux  ;  tellement  que  leurs  pieds  Ce  voyoient  par  derrière  :   Ils  étoient  affis 
deffu3,6c  afin  que  leurs  jambes  en  cette  poilure  ne  travaillafient  pas  ,  ils 
étoient  penchez  &  appuyez  du  coude  gauche  fur  la  table,  la  tête  appuyée 
fur  ia  main  gauche.    Ils  s'ailreignoient  à  manger  dans  cette  pofture  pour 
lîg  e  de  liberté,  &  parce  que  c'ell  ainfique  mangeoient  les  perfonnes li- 
bres ,  car  ce  repas  étoit  le  mémorial  de  leur  affranchifl^ement.    Tous  les 
importans  avoient  accoutumé  d'être  ainfi  affis  à  table  :  en  mangeant  l'a- 
gneau ils  pouvoient  de  fi^is  à  autre,  pour  fe  délafler,  prendre  une  autre 
pofture.   Mais  en  mangeant  le  pain  fans  levain  6c  buvant  les  coupes  de 
la  Pâque,  il  faloit  neceflairement  qu'ils  fufient  dans  cette  pofture  de  Mf- 
cubitus.  Au  moins  eft-il  certain  qu'ils  étoient  ainfi  affi^  dans  la  Pâque  de  Jcfus- 
Chrift  5  car  il  eft  dit  que  le  foir  venu  ils  fe  mirent  à  table.  Or  qu'ils  fuf- 
fent affis    demi-couchez  âifcumhentes  ,  cela  eft  évident  par  ce  qui  eft  dit 
de  St.  Jean  ,    &  il  étoit  couché  dam  le  fein  de  fefus-y  c'eft-à-dire,  qu'il  étoit 
le  plus  proche  :  non  pas  que  le  plus  proche  eût  la  tête  dans  le  fein  de  ce- 
lui qui  étoit  auprès  de  lui,  comme  l'ont  imaginé  la  plupart  dts  gensj  mais 
parce  qu'étant  appuyé  fur  fon  coude  gauche  il  tournoit  la  tête  vers  la  poi- 
trine de  l'autie  y  car  en  appuyant  le  côté  gauche  fur  la  table  on  retiroit 
le  côté  droit  au  dehors  j  ainfi  on  tournoit  le  dos  à  fon  compagnon,  en  lui 
laifiânt  pourtant  un  efpace  confiderable  pour  manger,  &  pour  qu'il  eût  le 
mouvement  de  la  main  droite  libre. 

4.  Quand  ils  étoient  à  table,  la  premierechofe  qu'on  leur  apportoit  étoit 
une  coupe  de  vin ,  ils  difoient  qu'il  étoit  fi  clfenuiel  de  boire  du  vin  dans 
la  Pâque,  que  fi  les  pauvres  ne  pouvoient  amafier  afiéz  d'aumônes,  ils 
étoient  obHgez  de  vendre  leur  manteau  ;  ces,  coupes  dévoient  être  necef- 
ûirement  mêlées  d'eau  pour  être  plus  délicieufes ,  difent-ils.  Cette  coupe 
étoit  la  première  des  quatre  coupes  Pafchales.  Non  qu'ils  ne  bufient  que 
quatre  fois,  mais  ils  pouvoient  boire  entre-deux  tant  qu'il  leur  plaiibit  à  leur 
foif}  excepté  entre  la  troifiéme  &  la  quatrième  coupe.  Ainfi  on  appor- 
toit  d'abord  k  première  coupe,  le  chef  de  famille,  ou  celui  qui  avoit  été 
choifi  pour  officier,  la  prenoit,  la  benifToit  par  la  prière  ordinaire  ,  béni 
fois'tM  ejHi  as  fait  le  f mit  de  la  vigne  &c.  Sccela  avant  que  de  fervir  les  mets 
fur  la  table.  Les  principaux  mets  étoient  l'agneau  de  Pâque  rôti  &  les 
tourteaux  de  pain  fans  levain  que  l'on  fervoit  dans  un  baffin ,  \ts  uns  di- 
fent  qu'il  y  avoit  deux  gâteaux,  les  autres  difent  trois.f.  Après  que  cette  coupe 
étoit  bûë,  chacun  lavoitfes  mains  pour  la  première  fois,  ôcj'officiant^  qu'on 
appelloit  r-n."in  Mip  ledeur  de  la  fête  ,  faifoit  une  prière  ainfi  conçue , 
k  nifois-tn  &c.  cjui  nom  asfm^ifiez^  &  nous  as  commandé  de  nous  laver.  Ils  avoient 
deux  manières  de  laver  les  mains ,  l'une  en  plongeant  les  mains  dans  l'eau , 
i'autre  ea- recevant  l'eau  fur  les  mains  élevées  en  l'air,  ou.  plûtôi  inclinées, 

ea 


ET  DES  CULTES  DE  UEGLISE.P^r^ir.   331 

en  forte  que  l'eau  allât  jufqu'au  coude  ,  fans  •  paiîer  outre  ,  ôcauffi  fans 
retourner  fur  la  main ,  car  cette  eau  les  auroit  fouillez  ;  Et  c'ell  ce  que  St. 
Marc  appelle  wyixyi  vli^ah 

7.  Apres  qu'ils  avoient  lavé,  on  fervoit  les  mets  fur  la  table  5  favoir,  pre- 
mièrement l'agneau  de  Pâque  rôti.  z.  Les  gâteaux  de  pain  fans  levain^ 
aunombrede  deux  ou  trois.  3.  Enfuice  une  lalade,  c'efh-â-dire,  unpl^t 
oij  il  y  avoit  des  endives,  des  chicorées  domeftiqucs  6cfauvages,  desla't- 
tuës,  des  bettes  ,  &c  autres  herbes  ameres  femblables.  Auprès  de  cette 
falade  il  y  avoit  une  fauce  de  vinaigre  différente  du  nonn  dont  il  va  être 
parlé.  Aben-Efra  fur  l'Exode  ch.  11.  rapporte  le  fentiment  d'un  Juif 
qui  dit  que  cette  coiitume  étoit  imitée  des  Egyptiens,  qui  dans  leurs  re- 
pas, pour  corrompre  l'humidité  de  leur  air,  dans  lequel,  à  caufe  qu'il  n'y 
a  pas  de  pluyes,  il  y  a  toujours  de  grandes  rofées&  des  vapeurs  humides, 
mangent  à  tous  leurs  repas  des  herbes  ameres.  Mais  la  vraye  raifon  eft ,  afin 
que  ce  leur  fût  un  mémorial  de  la  dureté  &  de  l'amertume  deleurfervi- 
tude  :  ces  trois  mets  étoient  commandez  par  la  Loy.  4.  Outre  cela  ils 
avoient  une  manière  de  fauce  Hée  ,  qu'ils  appelloient  nDinn  :  Elle  étoit  charoufet. 
faite  de  chofes  douces  &  aigres,  mêlées  enfemble,  comme  figues, dates, 
railins,  vinaigre,  ôcc.  Le  tout  pilé  au  mortier,  &  faifant  une  compo- 
fition  hée  &c  épaiile ,  prétendant  que  c'étoit  en  mémoire  du  mortier  ÔC 
ciment  qu'ils  avoient  fait  en  Egypte.  Ils  trempoient  leur  pain  fans  levain 
là  dedans,  afin  de  le  manger  plus  ailement ,  &;ily  a  apparence  quec'eft 
de  là  que  le  Seigneur  prit  le  morceau  trempé  qu'il  donna  à  Judas.  Jean  ij, 

8.  La  table  étant  ainfi  fournie,  le  Prefident  prenoit  d'abord  un  peu  de 
ces  herbes  de  la  falade,  &;  après  avoir  béni  Dieu,  qui  avoit  créé  les  fruits 
de  la  terre,  il  trempbit  les  herbes  dans  le  vinaigre.  Les  autres  difent, 
dans  le  nonn ,  6c  en  mangeoit  la  grolfeur  d'une  olive.  Ligtfooc  pré- 
tend ,  que  cette  première  bouchée  n'étoit  que  pour  obéir  au  commande- 
ment de  manger  des  herbes  ameres  ;  mais  qu*ils  pouvoient  manger  telle 
herbe  douce  que  bon  leur  fembloit ,  &  que  ce  commencement  fi  extraor- 
dinaire d'un  repas  étoit  deftiné  à  exciter  la  curiofitédesenfans,  ôclesobH- 
ger  à  faire  des  que  fiions  fur  cela.  Et  pouraugmenter  davantage  la  curio- 
fité,  tout  auffi-tôt  que  cette  bouchée  d'herbes  ameres  étoit  avalée,  on 
deflervoit  la  table ,  6c  on  apportoit  la  féconde  coupe  Pafchale  qu'on  benif. 
foit,  6c  on  la  bûvoit. 

•p.  Alors  les  enfans  commençoient  à  faire  leurs  queftions ,  6c  Ci  per(bn- 
nc  n'en  faifoit,  l'officiant  ne  laiffoit  pas  de  prendre  la  parole ,  6c  recitoit 
fort  au  long  l'occafion  de  cette  inftitution ,  les  bienfaits  de  Dieu  envers 
leurs  pères,  leur  décente  en  Egypte,  leur  fervitude,  leur  délivrance  5  fur 
tout  ils  empruntoient  les  paroles  du  2,6.  du  Deuteronome  v.  f ,  6cc.  Mon 
père  a  été  un  pauvre  miferaûle  Syrien^  6cc.  Ce  récit  s'appelloit  mjn  decla- B.^gg'^àûu 
ration ,  d'où  fouvent  toute  la  Pâque  prenoit  fon  nom. 

I  o.  Alors  les  plats  qu'on  avoit  ôtez  de  deflus  la  table  étoient  refiervis. 
Il  efl  bon  de  favoir ,  qu'outre  les  trois  mets ,  le  pain  fans  levain ,  la  fala- 
de d'herbes,  6c  l'agneau,  ils  ajoûtoient  du  moins  deux  autres  mets,  qui 
puflentrafiafier;  car  c'étoit  leur  maxime,  qu'ils  devoierlt  manger  l'agneau 
de  Pâque,  jufques  à  être  raflafiez:  Ainfi  avant  que  d'en  manger  ilsman- 
geoient  autre  chofc,  comme  du  ris  6c  autres  femblables  mets  j  6c  fur  tout 

Tt  2,  ils 


Tefachina 
Taiinud. 


îfikomon. 


Qaeîques 
Juifs  difetit 
que   Voa 
mangeoit 
les  hetbes  à 


Tiaiti 

3ïai  îfôn 


^jï  HISTOIRE  DES   DOGMES 

ils  mangeoient  des  reftes  des  facrifices  de  prorperitez ,  qu'ils  ofFroient  or-^ 
dinairement  le  quatorzième  du  mois  de  Nifan. 

1 1 .  La  table  étant  reflèrvic  une  féconde  fois ,  &  la  féconde  cou  pc  Paf- 
chale  étant  bûë,on  fepréparoitàfouper  tout  de  bon5,aprés  que  l'officiant 
auroit  béni  le  repas,  en  difant  ^  cV//  ia  la  Pâcjue  ,  lacjHeUc  notts  mangeons^  a 
c'aftfe  (jtte  ^  Etemel  a  pajjé  fur  les  maifans.  de  nos  per€s  en  Egypte ^ècc.  Endiite  pre- 
nant les  herbes  ameres ,  il  difoit..  Ce  font^iciles  herbes ameres^  afin  e^ue  noup 
tmjfions  nous  rejfutivenir  ,  e^ne  les  Egyptiens  ont  rendu  amere  la  vie  de  nos  pères 
en  Egypte.  Puis  en  prenant  le  pain  fans  levain,  il  difoit.  (,*èfi  ici  le  pam 
fans  levain  ,  ejue  nous  mangeons ,  a.catife  ^tte  la  pâte  de  nos  pères  en  Egypte  neut 
pas  le  tems  de  lever  ^uand  il  les  délivra^  Sec.  &  pourtant  rejouijfons  nous  ,  allelpija  , 
6cc.  Et  là-defTus  ils  chantoient  le  Pfeaume  L36.  tout  entier  :  Tout  cela 
fe  faifoit  avant  que  de  manger. 

li.  Alors  ils  lavoient  leurs  mains- une  féconde  fois,  en  répétant  la  pre- 
mière benediétion  du  lavement  des  mains,  puis  prenant  les  pains  fans  le- 
vain ,  l'officiant  en  rompoit  un  en  pièces ,  mettoit  les  pièces  fur  celui  qui  étoit 
entier,  ôc  henlffoit  Dieu/^ui  a  fait  lepaia  de  laterre,  Les  Juife  difent  qu'on.en 
refervoit  une  partie  pour  le  deflert  qu'on  appelle  p>p>3>î  èirîvMiJ.ov.  Mais 
Ligtfoot  montre  fort  bien ,  que  cela,  ne  s'eit  introduit  que  depuis  que  les» 
Juifs  n'ont  plus  d'agneau'ï*afchal  àmangçr,  car  alors  la  dernière  viande 
devoit  être  l'agneau  Pafchal,  ôc  ils  ne  mangeoient  rien  après.  Pour  der- 
nier mets,  dit  Maimonides  ,  ils  mangeaient  la  groffeur  d'une  olive  de  Pagneati' 
Bafchal^  après  ils  ne  mangeoient  plus  rien -,  mais prefentement  Us  mangent  U groÇ. 
feurd^  une  olive  de  pain  fans  levain^  &>'ne  mangent  plu  s  rien  e^ fuite,  Ainfi  cette, 
referve  d'une  portion  du  pain  fans  levain  pour  tepicomon  eft  moderne. 

1,3.  Le  pain  fans  levain- étant  rompu,,  le  Prefident  en  prenoit  une  bou- 
chée, l'enveloppoit  d'herbes  ameres,  &  letrempoit,  ou  dans  le  vinaigre, 
ou  dans  le  roiinj  en.beniflanc  Dieu  de  ce  qu'il  ieuravoit  commande  le 
pain  fans  levain  5  puis  le  mangeoit.,  &  les  autres  faifoient  comme  lui.  J  ufques 
ici  ils  n'avoient  encore  maiigé  que  deux  bouchées  d'herbes,,  ôC  une  de- 
pain  levé ,  ôc  bû  deux  coupes. 

14.  Mais  dans  la.  fuite  ils  fe  met'joient  enfin  à  fouper  5  Je  Prefident 
ayant  béni  Dieu ,  qm.  km  commandiit.  de  manger  de  ce  facrifice ,  ils  maa- 
geoient  premièrement  de  la.  chair  de  leurs  facrifices  de  profperitez,  & 
d'autres  chofes.  Après  quoi  ils  mangeoient.  l'agneau,  le  Prefident  ayant 
derechef  béni  Dieu ,.  cjui  les  avost  fan^itfiez^^  &  leur  avoit  commandé  de  manger 
UPàque.  Le  moins  qu'on  devoit  manger  de  l'agneau,  c'étoit  la  grof^ 
feur  d'une  olive  ,,  même  les  plus  malades,  ôc  les  plus  dégoûtez:  cen'ell; 
pas  que  tousfullènt  aftreints  à  n'en  manger  que  la  groileur  d'une  oHve. 
Dans  ce  repas  ils  bûvoient  &  mangeoient  largement  }.mais  leur  dernier, 
mets  étoit  l'agneau  de  Pâque. 

If.  Alors  ils  lavoient  leurs  mains  pour  la  conclu fion  du  repas:  Gnap- 
portoit  la  troifiéme  coupe  Pafchale  ,  le  Prefident  la  beniflbit ,  tous  les 
affiftans  la  bià voient ,.  6c  cette  coupe  étoit  par  eux  appellée  la  coupe  de' 
benedeÛlon^,  comme  il  paroit  par  le  Glofiateur  de  Maimonides.  Elle  étoit 
ainfi  appellée,  à  caufe  que  fur  cette  coupe  on  rendoit  l'aélion  de  grâces 
-pour  tout  le  repas.  Et  Ligtfoot  prétend,,  que  c'eft  dans  cet  endroit  que 
l'inftitution  de  la  Cène  a  été  placée ,  c'eft  pourquoi  Si.  Paul  appelle  la 
coupe  de  l'EucharilUe , ,  la  coupe  de  benedidion.  i.(5; , 


IT  DES  CULTES  DE  UEGLISE.  Tart.U.  333 

16.  Enfin  venoit  la  dernière  coupe  quî  s'appeiioit  ia  coupe  du  CantJ-  '^Sncib 
que,au  lieu  que  la  précédente  s'appelloit  riDia  D13  ,iur  cette  dernière  coupe  on  duiblpex" 
chantoit  le  Cantique  compofé  des  Pfeaumes  114.  iif.  ii6.  117.  6c  iiS.rarchai. 
comme  nous  l'avons  dit  cy-devant  ;  ce  oui  s'appelloit  le  petit  Hallel,  ou  le 
Halicl  Egyptien.  C'eft  ce  que  nos  Evangelilles  recitent  que  fit  J.  C.  Il  chan- 
ra  le  Cantique  avant  que  de  fe  retirer  ,  6c  après  avoir  célébré  le  Souper.  J^^^^  ^'^' 
Après  ce  Cantique  on  ne  faifoit  plus  rien,  ce  qui  rend  vray-femblable  la  voyez scaiî- 
Gonjedure,  que  J.  C.  inftitua  la  Cène  dans  le  temsdelatroifiéme  coupe,  de'Emenda- 
lîon  après  la  quatrième.     Après  le  Cantique  on  faifoit  une  prière  ,  qui  tionexemp. 
s'appelloit  n^nnsin  iabenedi^iondaCami^jHe;  c'étoit  une  adion  de  grâces,  dr"«Tb?p"oft 
&une  exhortation  au  peuple  de  louer  à  jamais  l'Eternel.     Ici  finilfoit  le  "aaatumdc 
repas  vers  le  point  du  jour  5  ceux  qui  étoient  plus  dévots,  aux  4. coupes  brlSs."*' 
en  ajoûtoient  une  cinquième ,  fur  laquelle  ils  recitoient  le  grand  Hallel ,  c'é-  cappeilus 
toit  depuis  le  Pfeaume  12,0,  jufques  mi  i\j.  exclafivement,  d'autres  di-  SSbade 
fent  5  que  ee  dernier  Cantique  ne  contcnoit  que  le  Pf.  1 36.  D'autres  depuis  1'"".'^^*- 
le  1 3f .  jufques  au  1 37.  excluiivement  ;  Cela  elt  une  difpute  dans  la  Gemara.    comparez 

Le  lendemain  de  la  Pâque  étant  arrivé  ,  c'eit-a.dire  le  if.  c'ètoit  ie^"^'^"^»- 
grand  jour  appelle  auffi  Sabbat  au  2.3.  du  Levit.  11.  Dans  lequel  tout  mâle 
étoit  obligé  de  corn paroître  devant  Dieu  au  Temple.   Cette  comparition 
s*appelloit  n»î*i  :  Ils  apportoient  leurs  ofïirandes  à  Dieu ,  car  \\  n'etoit  pas  offiande 
permis  d'y  paroître  les  mains  vuides.     Ligtfoot  prétend  que  les  Juifs  cru-  J^P^micrr 
Giflèrent  Noire  Seigneur  dans  ce  jour-là  :  mais  cela  eft  tout  à  fait  impro- 
bable, Se  cela  feul  me  perfuade  de  la  faufTeté  de  l'hypothefe  de  Ligtfoot, 
6c  de  ceux  qu'il  fuit,  que  Nôtre  Seigneur  mangea  la  Pâque  le  même  jour 
que  les  Juifs  :  il  la  mangea  un  jour  devant,  St.  Jean  TËvangelifte  ell  clair 
lâ-deilùs.     On  faifoit  donc,  6c  àts  bolocauftes  pour  l'Eternel ,  6c  des  fa- 
criiices  de  profperitez,  chacun  pour  foy  :  car  les  facrifices  pour  le  public 
étoient,  ou  bolocauftes,  ou  facrifices  pour  le  péché  6c  pour  le  délit.  Une 
fe  faifoit  point  de  facrifices  de  profperitez  dans  les  gi-andes  fêtes  pour  le 
public  :  excepté  deux  agneaux  qu'on  ofîi  oit  à  la  Pentecôte  :  mais  tous  les  au- 
tres facrifices  de  profperitez  fefaifoient  pour  des  particuliers,  excepté  deux- 
agneaux <]u'onoffr oit  à  la  Pentecôte  pour  la  Congrégation,  en  facrifice 
de  profperitez.   Ces  facrifices  de  profperitez  s'appeiioient  'nx^yn  fefitvitcis  y. 
parce  qu'ils  celebroient  la  fête  en  feflins  avec  les  Sacrificateurs. 

Le  lendemain  étoit  defliné  à  l'offrande  dts  premiers  fruits ,  ou   de  la 
poignée  des  premiers  grains.    Lesjuifs  difent,  qu'on  eavoyoit  couper  cette 
poignée  de  grains  par  trois  hommes  en  trois  corbeilles ,  dans  ia^vallce  des  cen- 
dres ,  prés  du  torrent  de  Cedron>  cette  récolte  fe  faifoit,  difent-ils,  le  premier 
jour  de  la  fête ,  au  foir  jour  de  Sabbat ,  comme  il  commcnçoit  a  faire  un  peu^ 
obfcur,  il  y  avoit  grande  compagnie  avec  les  trois  hommes.  Quand  l'obicu-- 
rité  étoit  venue,  l'un  des  trois  prenoit  la  parole,  6c  difoit  par  trois  fois  ;  Ce  jour 
de  Sahbat^  ce  jour  de  Sabbat ,  ce  jour  de  Sabbat ,  dans  cettfi'Corbetlle  ,  dans  cette  cor- 
b^itle^  dans  c£tte  corbeille^  6c  les  deux  autres  répondoient ,  0///',  om,  oui  y  par  trois-- 
fois  ^  je  moijjonnerar.  Et  ainfi  ils  moiifonnoienr  une  gerbe  :  quand  cela  étoiG. 
fait,  on  l'appoTtoit  dans  les  corbeilles,  on  la  faifoit  griller  6c  rôtir.  Le  grain* 
rôti  étoit  un  mets  ordinaire  en  ce  tems-là^  On  verfoit  defîus  de  l'encens  ôc  de 
l'huile,  on  le  faifoit  tournoyer  devant  l'Autel,  on  en  prenoit  une  poignée,-. 
qui  fe  Gonfumoit  fur  l'Autel ,  6c  le  refle  demeuroit  aux  Sacrificateurs. 

Tt  z.  CH^ 


334 


HISTOIRE  DES  DOGMES 


CHAPITRE     XI. 

De  la  féconde  Pâqtic, 

ÎL  efl  à  remarquer  que  quand  quelqu'un  n'étoit  pas  en  état  de  célébrer 
la  Pâque  avec  les  autres,  Dieu  lui  permectoit  d'en  célébrer  une  fé- 
conde dans  le  mois  fuivant,  appelle  liar,  juilement  auffi  le  14.  de  ce 
mois  aufoir.  L'ordonnance  s'en  trouve  dans  le  cbap.  p.  des  Nombres,  à 
l'occafion  de  la  feule  Pâque  que  les  Ifraëlites  célébrèrent  dans  le  défère 
V.  6.         après  leur  départ  un  an  après  la  fortie  d'Egypte.    Il  y  eut  certaines  gens 
fouillez  pour  un  mort  qui  ne  purent  faire  la  Pâque;  fur  quoi  ils  s'adreflerent 
à  Moyle  &  demandèrent  qu'il  leur  fût  permis  de  manger  la  Pâque  avec 
T.  lo.Sciï,  leurs  frères.  Moyfe  interrogea  Dieu  là-delTus  qui  lui  répondit,  quand ^ueU 
qu^nn  d'entre  vous  oh  de  votre  ^ojlerité  fera  fouillé  four  quelque  mort ,  ou  fera  en 
voyage  lointain^  il feraneanîmoins  la  Pâque  a  l'Eternel:  ils  la  feront  le  quatorzième 
Maimonidcsy'oAfr  du  fecotid  mois  &c.  Sur  cela  les  Rabbins  à  leur  ordinaire  font  quantité 
fach.  chsp!/.  d'obfervations.  i  -  Si  ceux  qui  étoient  fouillez  par  un  mort  étoient  la  moindre 
obferva-      partie  de  l'alfemblée  ,  on  ]es  remettoit  à  la  féconde  Pâque  avec  les  autres 
ficonde'^  ^    fouillez.  2.  Mais  11  les  fouillez  par  un  mort  étoient  en  plus  grand  nombre,  ou 
Pâque,        Çi  les  Prétrcs  ou  les  Lévites  étoient  fouillez  par  un  mort,  ou  même  les  vaif- 
féaux ,  on  ne  les  differoit  point ,  &  les  fouillez  faifoicnt  la  Pâque  comme 
ceux  qui  étoient  nets.  Ainfi  il  n'y  avoit  que  les  particuliers  qui  fuifent  dif- 
férez pour  fouillure  d'un  mort.     5.  Si  l'afTemblée  étoit  partagée  moitié 
nette  moitié  fouillée  par  un  mort  ,   tous  celebroient  la  Pâque  au  même 
jour,  mais  les  nets  à  part  6c  les  fouillez  à  part.    4.  Si  les  fouillez  étoient 
en  plus  grand  nombre  que  les  nets,  ne  fût-ce  que  d'un  ,   les  nets  &  les 
fouillez  celebroient  conjointement  &  fans  difiinélion.    f.  Si  la  plus  gran- 
de partie  de  l'afîémblée  avoit  des  feuillures  de  flux  de  fang,  gonorrhée, 
lèpre  &c.  &  que  le  refte  fût  fouillé  par  un  mort,  les  fouillez  par  un  mort 
ne  celebroient  pas  la  Pâque  le  premier  mois,  ni  le  fécond  auffi>  non  le  pre- 
mier mois,  parce  qu'ils  étoient  la  plus  petite  partie:  non  le  fécond,  parce 
.    que  nul  ne  celebroit  la  féconde  Pâque,  à  moins  que  la  première  n'eut  été 
célébrée.   6.  Ci  la  plus  grande  partie  de  l'aflémblée  étoit  en  fouillure  d'un 
mort,  ôc  la  plus  petite  en  fouillure  de  lèpre,  flux,&c.   la  partie  fouillée 
par  mort  celebroit  la  Pâque  au  premier  mois,  mais  les  autres  fouillez  quoi 
que  purifiez  ne  celebroient  pas  le  fécond  mois,  parce  qu'on  ne  celebroit 
pas  de  féconde  Pâque ,  à  moins  que  la  première  n'eût  été  célébrée  en 
pureté  légale  par  une  bonne  partie  de  l'afTemblée.    7.  Si  le  tiers  de  l'af^ 
femblée  etoit  pur,  le  tiers  fouillé  par  un  corps  mort  ,  6c  le  tiers  fouillé 
des  grandes  feuillures,  lèpre,  flux,  6cc.  le  tiers  fouillé  d'un  corps  mort  ne 
faifoit  ni  la  première  ni  la  féconde  Pâque.  Non  la  première,  parce  qu'il 
étoit  la  moindre  partie,  comparéi||avec  tout  le  relie  de  raflêmblée  tant 
fouillez  que  nets.    Non  la  féconde ,  parce  que  la  première  n'avolt  été  cé- 
lébrée que  par  la  moindre  partie  de  l'aflémblée,    8.  Si  un  homme  trouve 

après 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Pan.lL  335 

après  avoir  écorché  fou  agneau  quelque  marque  de  fouillure  dans  la  bête, 
n'ayant  pas  le  tenasd'en  fandifier  un  autre,  ileft  remis  à  la  féconde  Pâque. 
p.  Si  un  enfant  entre  la  féconde  6c  la  première  Pâque  atteint  Tâge  de 
15.  ans,  auquel  tems  il  eft  appelle  niif^a  12  JiHus  mandat i -y  c'eft-à-dire, 
qu'il  eft  obligé  à  obferver  tous  les  commandemens  de  la  Loi  :  ou  fi  entre  tems 
un  profelyce  fe  fait  circoncire,  on  les  remet  à  la  féconde  Pâque.  10.  Si  un 
homme  venant  à  Jerufalemen  eft  empêché  par  mort  ou  maladie  de  fes  bê- 
tes, ou  que  lui-même  foit malade:  ou  fi  par  un  empêchement  infurmonta- 
ble  il  fe  trouve  le  14.  du  mois  à  foleil  levant  plus  de  if.  milles  loin  de Jc- 
rufalem,  il  doit  attendre  la  fe:onde  Pâque  j  car  s'il  fe  trou  voit  plus  prés  que 
If.  milles  à  foleil  levant,  il  pouvoit  aifément  venir  à  pied  en  Jerufalem, 
avant  le  tems  du  facrifice. 

Au  refte  cette  féconde  Pâque  devoit  être  obfervée  avec  les  mêmes 
Cérémonies  que  la  première  félon  l'ordonnance  de  Dieu.  Cependant  les  Nombres  j. 
Rabbins  y  mettent  de  la  différence,  i.  Dans  cette  féconde  Pâque  on  pou- 
voit avoir  du  pain  levé  dans  la  maifon,  pourviâ  qu'on  n'en  mangeât  pas. 
2.  On  pouvoit  porter  de  cette  féconde  Pâque  en  compagnie  hors  de  la 
maifon.  Ce  qui  étoit  défendu  de  la  première.  3.  Ils  n'étoient  pas  obligez 
de  chanter  le  Cantique  Hallel  comme  dans  la  première.  4.  On  ne  man- 
geoit  point  avec  elle  la  chair  des  njun ,  ou  des  facrifices  de  profperitez. 
f .  On  ne  pouvoit  jamais  la  manger  en  fouillure  de  mort.  Ce  qui  fe  pou- 
voit quelquefois  dans  la  première.  Toutes  ces  obfervations  paroiifentalTez  ^"^^"p^f'^ 
vaincs ,  ne  tombant  que  fur  des  cas  prefque  tous  impoffibies.  fach  chip. 

10.%. li.-. 


CHAPITRE     XIL 

De  la  Tentecote. 


C'Eft  la  féconde  des  fêtes  folenneHes  dans  îefquelles  tout  mâle  étoic 
obligé  de  fe  prefenter  devant  l'Eternel  :  le  mot  Grec  irsvrsmç-^j  fiit 
aiïezvoir  qu'elle  fe  celebroit  50.  jours  après  Pâque.    L'Ecriture  l'ap-  -^^"^J 
pelle  fouvent  la  fête  de  la  moilîan ,  &  auffi  la  fête  des  femaines ,  parce  Deutcwa, 
qu'elle  fe  celebroit  immédiatement  ap-és  là  moiiTon ,  &  parce  qu'on  con-  ï<s-  î- 
toit  fept  femaines  depuis  Pâ]ue,  Les  Juifs  l'appellent  fouvent  ms];,  quoi  Leffgtç's 
que  ce  nom  fignifie  en  gênerai  toute  fête  folennelie.  Le  premier  ôcleder-  foienndies 
nier  jour  des  grandes  fêtes  étoient  particulièrement  ainfi  nommez  ;  Mais  q^^^"J  ^^^ 
pour  la  Pentecôte  ,  elle  n'avoit  qu'un  jour  folenncl  ,  êc  c'eft  peut-être 
pourquoi  les  Juifs  l'appellent  niïî?  par  excellence  ,  comme  le  feul  jour 
folennel  j   c^ft  4a  remarque  de  St.Jeiôme,  elle  n'avoit  donc  pas  d'^ÙcU- 
ve  comme  les  autres.  On  coramençoit  a  conter  fept  femaines  du  lendemain  S^J^'j^^^ 
de  Pâque  ,  jour  auquel  fe  faifoit  l'offrande  des  premiers  épis  mûrs  :   En  paraiipo- 
contant  fèpt  femaines  ,  les  fept  fois  fept  faifoient  quarante- neuf ,  6cle  len-'^*"®^' 
demain  de  ce  quarante-neuvième  étoit  la  Pentecôte ,  qui  faifoit  le  cinquan- 
tième jour.  Ce  fbnt  ici  les  Cérémonies  folennelles  de  cette  fête, 

I.  Touî 


Cérémonies 
folennclles 
de  h  Fente- 
cère. 


lîa'mioni- 
des  Traft. 

Thamidim. 
csp.  a,  5. 


Tradiatu' 
cap.  8. 


Sut  le  v.'ïp, 
du  i^  des 
Nombres. 


Fagius  ia 
locum. 

Cetre  for- 
mule eft 
dans  Md- 
monides 

Traft. 
Biccutim 
c.  j.  §.ir. 

Ubi  fuprà. 
TiHTumeb. 


536         HISTOIRE  DES  DO  GM  ES 

I.  Tout  mâle  étoit  obligé  de  fe  prelenter  devant  Dieu  pour  faire  la 
commémoration  de  ce  grand  bienfait  du  don  de  la  Loy  fur  la  montagne 
de  Sinaï.     Cette  Loy  fut  donnée  juftement  fo.  jours  après  la  fortied'E- 
gvpte.     2.  Elle  étoit  aufli  dellinée  à  offrir  à  Dieu  les  prémices  des  pâtes, 
comme  à  Pâque  on  avoit  offert  les  prémices  des  grains,  chacun  donc  étoit 
obligé  d'appoîter  ât  chez  foy  deux  pains  levez  pour  en  faire  oftrande  à 
Dieu,  non  deux  painsfans  levain,  mais  levez-,  parce  que  c'étoicnt  les  pré- 
mices &  les  offrandes  du  pain  ,  dont  ils  dévoient  vivre  à  leur  ordinaire. 
Ces  deux  pains  dévoient  être  de  deux  dixièmes  >  c'eft-à-dire  ,  de  la  cin- 
quième partie  d'un  Epha ,  c'étoit  le  grand  boifieauj  Ainli  chaque  pain 
ou  plutôt  .chaque  tourteau  étoit  de  la  dixième  partie  d'un  boiffeau.  Voici 
ce  qu'en  dit  Maimonidcs.  On  prenoit  un  Epha  ou  grand  boifleau  de  bled 
qu'on  faiibit  m©udre,  qu'on  broyoit  Se  prèparoit  comme  l'autre  bled,  on 
le  tamifoit,  &  on  en  prenoit  lacmquiéme  partie  en  fine  fleur  de  farine,  Je 
relie  de  l'Epha  on  le  rachetoit  ;  c'eft-à-dire ,  qu'on  en  donnoit  la  valeur 
au  Sanéluaire  &  on  en  faifoit  tout  ce  qu'on  vouloit.     Enfuite  on  feparoit 
cette  fleur  de  farine  en  deux,  on  en  cuifoit  deux  gâteaux  feparément  avec 
du  levain,  la  longueur  de  chaque  gâteau  étoit  de  lept  travers  de  main  ,  i8c 
doigts  ou  zi .  pouces,  ce  qui  faifoit  prés  de  deux  pieds ,  la  largeur  étoir 
de  II.  pouces  6c  l'épailTeur  de  3.  pouces.    On  ne  les  faifoit  que  la  veille, 
dit  Maimonides ,  excepté  quand  le  Sabbat  tomboit  fur  la  veille  de  la  fête  j 
ce  qui  fait  voir  qu'on  apportoit  le  bled  en  Jerufalem  6c  qu'on  le  boulan- 
geoit  là,  autrement  on  n'eût  pûdiflerer  à  pétrir  ce  pain  jufqu'à  la  veille 
de  l'offrande.  La  Loy  dit  de  toutes  leurs  hahit^Aions  i  mais  Maimonides  ob- 
ferve  fort  bien  que  les  habitations  dévoient  être  de  la  terre  de  Canaan}  car 
Dieu  ne  demandoit  ni  dîmes  ni  prémices  des  terres  étrangères.  Cette  of- 
frande devoit  être  prifë  du  bled,  orge,  fègle,  Scc.  &:  autres,  dont  on  fait 
du  pain  ordinairement,  non  du  ris,  millex  &  autres  crains  dont  on  feme 
les  champs. 

Dans  le  if.  àc^  Nombres  v.  îp.  Dieu  commande  d'offiir  un  tourteau 
en  offrande  élevée  four  fremice  des  pâtes  y  vous  l'offrirez.  ^'-  la  façon  de  V  offrande 
élevée  prifi  de  Taire.  Ceci  ne  ferable  pas  être  la  même  chofe  que  les  pains 
de  ia  Pentecôte.  Car  1.  la  quantité  n'ell  point  marquée.  2.  L'ofiiande 
n'eft  pas  tourncyée,  mais  feulement  élevée,  ou  plutôt ,  à  la  manière  de 
l'offrande  élevée.  11  eii  donc  vray-femblableque  c'étoic  ce  qui  s'obièrve 
encore  aujourd'hui -entre  les  Jurifs.,  félon  le  témoignage  de  Fagius.  11  dit 
que  quand  les  femmes  Juifves  pétrilïent,  elles  mettent  à  part  un  petit  tour- 
teau qu'elles  confacrent  à  Dieu  avec  ces  paroles,  henifois-tun^ite  Dien^Roy 
ÀH  monde  ^  de  ce  (^ne  tu  nous  as  fanBtficz..)  &  nous  as  commandé  de  tt  [épater  le  tonr^ 
â.eau.  Et  comme  il  n'y  a  plus  ni  Temple,  ni  Lévite,  à  qu<  donner  cela, 
ils  le  jettent  dans  le  four  ôc  le  brûlent.  Ainfworth  remarque  même  après 
Maimonides,  que  cela  fe  donnoit  aux  Sacrificateurs  Ôc  Lévites  dans  les 
lieux  de  leurs  demeures,  ôc  ne  le  portoit  pas  en  Jerufalem  j  ainfi  le  mot 
de  nonn  elt  pris  dans  ce  pafl'age  dans  un  lèns  étendu  pour  toute  offlan- 
de  donnée  à  Thonneur  de  Dieu.  Car  dans  le  veriet  2 1 .  on  ht  Vous  donne^ 
rez.  k  l"* Eternel  la  dime  de  vos  pâtes -y  c'eil  -  à-  dire,  aux  ferviteurs  de  l'Eter- 
nel ,  ainfi  cela  Ce  peut  mettre  entre  les  dîmes  >  En  effet  toutes  les  dîmes 
fcntappellées  rv^inn. 

Pour 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  TarLlL  337 

Pour  retourner  à  la  Pentecôte,  les  deux  pains étoient  ofFerts en  offiiui- 
de  tournoyéc,6c  appartenoient  l'un  au  Souverain  Sacrificateur,  &:  Tautre  aux* 
autres  Sacrificateurs;  de  forte  que  dans  ce  ten:îsils  dévoient  avoir  une  pro- 
digieufe  quantité  de  pains.   Avec  ces  pains  on  ofFroit  en  facrifice  de  prof- 
peritez  deux  agneaux,  dont  la  chair  appartenoit  aufii  aux  Sacrificateurs. 
G'é.toit  le  feul  lacrifice  de  profperitez  qui  fe  fit  pour  toute  la  Congrcg;ition, 
Car  il  n'y  a  pas  d'apparence  qu'il  en  Hit  des  agneaux  comme  des  pains, 
ôc  que  l'on  fût  obligé  de  fournir  chacun  le  fien.     Comme  la  plupart  en 
parlent,  on  n'offroit  à  Dieu  que  deux  pains  en  tout  pour  toute  la  Congré- 
gation :  C'efl  la  peniee  de  Ligtfoot.   JVlais  le  texte  de  Moyfe  ne  peut  s'y 
accorder  ,    il  dit ,  vous  apporterez,  de  vos  demeures  deiîx  pains.    Ni  le  tex- 
te de  Maimonides  non  plus  >   cependant  je  voy  bien  que  c'e-ût  été  un  terri-  voy  Ainf- 
bîe  embarras  d'offi-ir  tant  de  pains.   Aiîifî  il  y  a  apparence  qu'on  en  tour-  Penuteu- 
noyoit   deux  pour  le  tout  >    Ôc  que  le  reite  demeuroit  aux  Sacrifica- cHum  Lcvit, 
teurs.  *  ''^*'^' 

On  ofFroit  ainfi  ces  deux  agneaux,  c'eft  qu'on  les  tournoyoit  tout  vi- 
vans  ,  ce  qui  fie  fe  faifoit  que  dans  cette  offrande  ;  Après  on  les  tuoit , 
on  les  égorgeoit ,  on  les  écorchoit ,  6c  on  en  pienoit  l'épaule  6c  la  poitri- 
ne comme  des  autres  facrifices  de  profperitez,  Se  on  les  tournoyoit  avec  les 
pains,  puis  on  brîiloit  les  entrailles;  c'eft-à-dire  les  grailles  ;  cette  épaule 
&  la  poitrine  appartenoient  au  Sacrificateur  officiant ,  ôc  le  relie  de  la  chair 
appartenoit  aux  autres  Sacrificateurs. 

Outre  tout  cela  on  ofFroit  les  facrifices  ordinaires  dans  les  nouvelles  lu- 
nes,  7.  agneaux,  2.' moutons ,  un  bouveaupourl'holocaufte,  &  un  bouc 
pour  l'offrande  pour  le  péché. 

Dans  ce  jour  on  chantoit  le  Hallel,  dont  il  a  été  parlé  dans  la  4"^«,  cou- 
pe de  laPâque,  favoir  les  Pfeaumes  1 14.  i  if .  \\6.  iij.  118.  Mais  cela 
ne  pouvoit  être  de  la  première  inflitution,  puifque  ces  Pfeaumes  n'écoienc 
pas  encore  compofez,  quand  on>  célébra  la  première  Pentecôte. 


CHAPITRE     XÎIL 
.  De  la  Fête  des  Trompettes, 

Nomb.  ZQ.  I.    Levir,  2,3.  24. 

GEtte  Fête  fecelebroit  le  premier  jour  du  mois  de  Tifri  ,qui  répond  Trompettes 
en  partie  à  nôtre  Septembre  ,  &:  la  folennité  confiftoit  en  ce  que  *"^''"'^^f^' 
dans  les  lieux  où  haoitoît  le  peuple  d'Ifraël  on  fcnnoit  de  la  trom- 
pette dans  toutes  leurs  Synagogues ,   auilî  bien  qu'en  Jeruf^ilem.     Avec 
cette  différence  que  dans  le  pais,  on  ne  fonnoit  qu'avec  un  or  de  bélier, 
qui  s'appelloit  en  Hébreu  Jobel  shophar,  isr^  Sav  comme  ail  Jubilé. 
Mais  dans  le  Sanétuaire  on  y  fonnoit  auffi  de  la  trompette  jointe  avec  le  cor, 
êccela  depuis  le  matin  jufques  au  foir  j  Déplus  on  doubloit  les  Sacrifices     - 
Part.  IL  Y  V  des 


238         HISTOIRE  DES  DOGMES 

des  au  rcs  nouvelles  lunes,  on  offroit  fept  agneaux,-  deux  moutons,  un 
bouveau  en  holocaufte ,  &  un  boue  pour  l'offiande  pour  le  péché  :   outre 
l'Agneau  cojitinuel,  &les  fept  Agneaux  &c.  qui  s'ofFroicnt  dans  les  nou- 
velles Lunes  ordinaires.     On  chantoit  dans  le  Sanéluaire  le  Pf.8i.  Charte 
tez,  gayemem  ^  6c  dans  les  Synagogues  onfaifoit  diverfes  ledures  propres  au 
jour.     Les  Juifs  difent  que  cela  fe  faifoit  en  mémoire  de  la  délivrance 
d'Ifaac ,  en  la  place  duquel  Dieu  mit  un  bélier  ;  mais  cela  n'eft  pas  apparcntj 
&  les  deux  vraies  raifons  de  cette  folennité  font  celles-cy  :  la  première,  que 
ce  jour  étoit  le  premier  de  l'année,   car  bien  que  Tifri  fût  conté  pour  le 
feptiéme  mois  dans  la  Loi ,  c'étoit  à  l'égard  de  l'an  facré.  Mais  l'an  civil,  félon 
lequel  on  fe  regloit  dans  toutes  les  affaires  hors  du  Temple,  commençoit  par 
le  mois  de  Tifri.  Ainfi  pour  avertir  tout  le  peuple  de  ce  premier  jour  de  l'an, 
on  fonnoii  la  trompette  par  tout  Ifraël  :  Il  eil certain  auffi  que  ce  fonde  trom- 
pette avoit  quelque  chofe  de  myfterieux,&que  c'étoit  l'emblème  de  la  parole 
de  Dieu:  hanjfe  ta  voix  comme  un  cornet:  Et  c'eft  pourquoi  ^ans  l'Apoea- 
Efaye  j8.  i.  .^^  ^^^  diverfcs  révélations  de  la  parole  de  Dieu  font  comparées  à  des 
{bns  de  trompette ,  le  fon  de  la  féconde ,  troifîéme, trompette  &c.    Ainfi 
Ainfworth  a  ce  fon  étoit  delHné  à  reveiller  les  Peuples  de  leur  affoupiflemenr.     Et  ce- 
la dcffus  de  ci  nous  conduit  au;  (ècond  ufage  de  ces  trompettes.     C'étoit  pour  prepa- 
Tema^rques    rcr  Ics  hommcs  à  cc  grand  jour  des-Propitiations,    ce  Jeûne^  folennel  de 
fur  leij.  du  foutc  la  natiou.     Car  nous  verrons  dans  la  fuite  qu'ils  publioient  le  Jeûne 
&  ksT&   par  le  fon  de  la  trompette.     Il  étoit  <ionc  jufte  que  le  ]dinQ  folennel  fût: 
lo.chap.des  p^bjié ,  &  qu'on  préparât  Içs  cœurs  &  les  efprits  à  cette  grande  journée, 
qui  fe  devoit  célébrer  dix  jours  après ,  le  dixième  du  mois  de  Tifri. 


G  H  A  P  I  T  R  E     XIV. 

Vu  Jour  des  Trofitîations. 

Levitique  i5.  tout  entier. 

Six  jours     f^  ^  i^"^  n'efl.  pas  proprement  un  jour  de  fête,  carie  mot  de  jn  cl 
Rêvant  cette  f        qyj  fignifie  fête,  emporte  rcjouifTance,  &  en  effet  les  Juifs  ne  jeû- 
vo?$  peni-  noient  jamais  dans  leurs  fêtas ,  ni  même  dan&leurs  Sabbats  qui  étoient 

F""  œ'n-  ^^^  i^^^^  ordinai^rcs:  De  Jàétoitvenuëla^coûtutner-dans  la  primitive  Eglife, 
feffion  de  de  ne  jeûner  point  le  Samedi,  &  fur  tout  le  Dimanche,  non  pas  même  en 
leurs  péchez  Carême.  Ce  jour  étoit  donc  un  jour  de  Jeûne,  d'expiation  &  d'humi- 
contre  leurs  liation ,  pour  tout  le  peuple.  La  tradition  des  Juifs  dit  que  la  première 
fa'^weTence  °^*^^^°"  de  l'inftitution  de  cc  jour  fut  le  péché  du  Vea-u- d'or,  que  MtJyfc 
de  quelques  avoit  été  trois  fois  40.  jours  fur  la  Montagne,^  &  tju'en  renouv^llant  la 
ftiToTent'ilï  ^y  ^^  ^^'^^^  établi  le  Jeûne  &  cette  expiation  folennelle  par  l'ordre  de 
même  tems  Dieu.  Lcs  ceremonies  de  ce  grand  jour  font  décrites  bien  amplement: 
dTtoi"°fait  dans  lechap.  i5.  du  Levitique.  Voici  comme  la  tradition  àt^  Juifs  nous 
aa  prochain,  apprend  quc  ce  jour  fe^paffoit  i  cela  eft  couché  fort  exaélement  dans  un 
ftEîud'ie-  ^^'^^^f  ^"  Talmud,  fait  exprès ,  ôc  dans  Maimonides  dans  le  traité  ap- 
lofoj.         pelle  Jom  hakippptmn,  •  .  . 

.         I . Sept 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Part.ll    339 

I  .Sept  jour&[dcvant  le  jour  de  la  propitiation  oiimettoit  te  Souverain  Sacn»  Q^.^t  ^^^ 
iîcateuren  fequeftre  dans  la  chambre  appellée/'^rWn»,  de  peur  que  fa  fem-  p  cii«  qui 
me  ne  le  polluât  par  Tes  fleurs,  i.  Durant  ces  fept  jours  il  faloit  que  le  Sou-  îomm's'^^ 
verain  Sacrificateur  fît  lui-même  le  fervice  journalier,  il  faifoit  Tarperfion  9on"e  oku 
du  fang,  il  offroit  l'encens,  il  accommodoit  les  lampes.    :^.  On  lui  don-  meTt,'*^^' 
noit  un  Tubilitut  appelle  po  6>^^w  pour  faire  le  fervice ,  s'il  tomboit  enpol-  ''homma 
lution..    4.  Le  troiiiéme  jour  on  faifoit  fur  lui  l'afperfion  des  cendres  de  gé  demies  ^ 
la  Vache  rouge  ,f>ar  précaution,  de  peur  que  par  hazard  il  ne  fût  fouillé  codfe/ret 
par  un  mojt.     f.  On  lui  donnoit  quelques  anciens  Membres  du  5<î«Wr/'«  feui!    '^" 
qui  lifoîent  devant  lui  .l'ordre  ôc  les  cérémonies  du  fervice,  pour  lui  en  J^^'^^'f*:"- 
rappeller  la  mémoire.     6.   La  veille  du  grand  jour  au  matin,"  on  le  me-  Lib/i!Vp?* 
noit  à  la  porte  du  Temple ,  c'eft-à-dire  à  la  poite  des  Parvis ,  ôc  on  lui  faifoit  ^'  P-  ^^^-  ^ 
voir  les  bouveaux,  les  agneaux  &  les  boucs  du  Sacrifice,  pour  d'autant  cerêmoniefi 
plus  lui  rafraîchir  la  mémoire  de  l'adlion.   7.  Enfuite  les  Anciens  du  San-  J"J°"r<ies 
hcdrin  le  mettoient  entre  les  mams  des  Prêtres  les  plus  anciens  qui  l'ame-  tiow. 
noient  dans  la  chambre  dite  wl^dn  d''Abthinés,o\i  nous  avons  vu  que  fè  com-      '^ 
pofoit  le  parfum ,  afin  qu'il  apprît  à  manier  l'encens  3  &  là  ils  l'ajuroient ,  en 
di  fan  t ,  mus  femmes  Adejfagers  du  grand  Sanhédrin ,  &  nous  t  ^ajurons  par  celui,  ^ui  4 
fait  Imbiter  fan  nom  ici^i^He  tu  ne  changés  rien  de  ce  c^ui  t'a  été  dit.  Cela  dit,  ils 
fortoienten  pleurant,  ou  feignant  de  le  faire.  L'occafionde  cette  cérémo- 
nie étoit  venue,  difent-ils,  d'un  certain  Sacrificateur  Sadducéen,  qui  avoit 
allumé  le  parfum  avant  que  d'entrer  dans  le  Saint  -des  Saints  ,   au  lieu 
qu'on  ne  doit  l'offrir  que  dans  le  lieu  même:  &il  en  étoit  mort  trois  jours 
après.     8.  Le  foir  de  la  veille  étant  venu,  on  ne  lui  permettbit  démanger 
que  fort  fobrement,   &  la  nuit  fe  pafîbit  dans  l'explication  &  la  leélure 
de  la  Loy. 

p.  Le  jour  étant  venu  qui  étoit  un  grand  jour  de  Jeûne  &  de  Sabbat  le 
Souverain  Sacrificateur  fe  preparoit  pour  l'ouvrage.  Il  fe  lavoit,  il  met- 
toit  ^ts  riches  habits  appeliez  habits  d'or  arjînjn,&  il  faifoit  i'offiandedu 
Sacrifice  continuel.  11  offroit  l'encens ,  il  preparoit  les  lampes,  ilofircit 
le  bouveau  6c  le  mouton  àts  lacrifices  ordinaires 'dans  les  nouvelles  Lunes, 
mais  point  de  bouc  pour  le  péché ,  car  on  le  refervoit  pour  être  la  principa- 
le viélimc  du  jour. 

10.  Cela  étant  fait,  on  commençoitles  cérémonies  particulières  au  jour.  LeSoure- 
Le  Souverain  Sacrificateur  quittoit  Tes  habits  Pontificaux,  fe  lavoit  pour  la  JjJeu/'dc?' 
féconde  fois  ,  6c  prenoit  I^^  *"U3  les  habits  blancs  fimples  de  lin  net ,  propres  voit  officier 
pour  un  jour  d'humiliation,  c'étoit  un  emblème  de  lapuretédèJ.C.  nôtre  bLccutsie 
vidime.   1 1 .  Pour  commencer  le  fervice  du  jour ,'  il  alloit  trouver  fon  pro-  jour  dçs . 
pre  bouveau,  qui  devoit  être  offert  premièrement  pour  lui  6c  pour  fa  mai-  tiS^"" 
Ion,   6c  qui  étoit  lié  entre  le  Temple  6c  l'Autel:   Il  lui  mettoit  les  deux 
mains  fur  la  tête,  &  faifoit  une  humble  confeffion  de  ie^  péchez,  faifeché 
ê  Seigneur^  foi  fait  méchamment  moi  &  ma  maifon^  je  te  f  rie  expie  moi  tous 
ces  fechez.  commis  par  moi  &  m  a  maifon^  félon  qu^tl  e(t  écrit  dans  la  Loi  de  ton 
ferviteur  Mojfe  6cc.  1 2. Cela  étant  fait  il  lailîbii  là  fon  bouveau ,  6c  alloit  jetter  le 
fort  fyr  \t^  deux  boucs  deflinez  à  là  Congrégation ,  dont  l'un  devoit  être  pour 
l'Eternel,  c'eft- à-dire  pour  l'Autel,  6c  l'autre  pour  Hazazel,c'eft-à-dire,pour 
•être  envoyé  au  défert  '7î«îj;.  Le  fort  fe  jettoit  avec  deux  pièces  d'or ,  fur  lef- 
queiles  étoit  écrit  ^ponr  l'Eternel ,  pour  Haz.az.eL   Ces  deux  boucs  fe  pofoient 

V  V  2,  à  la 


34.0  H  ï  S  T  O  1  R  E  D  E  S   D  O  G  M  E  S 

à  la  droite  ôc  à  la  gauche  du  Souverain  Sacrificateur.  On  jettoit  les  deux 

pièces  d'or  dans  un  vaiHeauj  le  Souverain  Sacrificateur  ymettoitles  deux, 

mains,  prenant  une  pièce  d'or  d'une  main,  ôc  l'autre  de  l'autre  main,  ÔC 

les  boucs  avoient  le  ibrt  qui  étoit  échu  dans  la  main  fous  laquelle  ils  étoient, 

le  Segen  étant  à  la  droite,  6c  le  plus  ancien  des  Prêtres  à  la  gauche.  C'é- 

toit  un  bon  augure  quand  le  fort  du  bouc  Hazazel  tomboit  en  la  main 

TaiimiJ       droite.    Durant  les  40.    ans  de   Simeon  le  jufte   cela   arriva  toujours. 

Tnft.  Joma  ,^     Qq  ijoit  enfuitc  un  fil  ou  plutôt  un  ruban  d'écarlate  entre  les  cor- 

'°^'  ^'        nés  du  bouc  Hazazel.     Sur  le  ruban  d'écarlate  ,     que  les  Juifs  appel- 

loient  la  langue  d'écarlate  ,   ils  difent  une  chofe  extrêmement  remarqua- 

Trad  t!on     blc.  C'cll  quc  duraut  le  fervic.e  il  devenoit  blanc ,  &  ils  autorifent  cette  tra- 

fvotabiefui     (j:tion  du  pallàgc  d'Elaïe  i.  )8.   i^nanâ  v-os  péchez,  feroient  rouges  comme  /V- 

d'ecaïUtc,     carlate^  ils  feror-t  blmchts  comme  la  nége  &c.  Ce  qui  rend  cela  vray-femblable , 

c'ell  la  fincerité  avec  laquelle  ils  confcflent  que  les  derniers  40.  ans  de  la 

durée  du  Temple ,  ce  ruban  ne  changeoit  plus  de  coukur,c'eft  précifément 

i?/i!Sft    depuis  la  mort  du  Seigneur.  Ils  difent  que  fous  Simeon  .le  Jufte  il  changea: 

}>eut-ëcte      eucorc  de  couleur  i  cela  efk  tout  à  fait  exprés  contr'eux,  &  pour  la  vérité  du 

embralra'îe    ficrificc  propitiatoirc  deJefus-Chrift;.  14.  Le  Pontife  ayant  ainfi  préparé  les 

Seigneur.^     boucs jufqucs à  cc  quc Icur  tems  vînt, il  retournoit  àfôn propre bouveau,  &  lui 

d'Hind/ce  mettant  une  féconde  fois  la  main  fur  la  tête,  il  fkifoit  la  même  confefîion, 

quieftre-     y  ajoutant  uue  confeffiou  pour  tous  les -fils  d'Aaron:  puis  il  tuoit  le  bou- 

qu"'\'bus^     veau  ,  en  donnoit  !&  fang  à  quelqu'un  qui  le  remuoit  incefiamment,  afin 

cebonper-   c^n'ïi  uc  fc  congclât  pas.     Cependant  il  prenoit  un.  eîicenfoh'  d'or  ,  y  met- 

avamjefus-  toit  du  feUjprcnoit  un  plat  d'encens,  l'encenfoir  dans  la  main  droite,  l'en- 

chrift  la      qq^^  ^l^ns  là  gauche,  il  s'en  alloit  &  entroit  ppui;  la  première  fois  dans  le  lieu 

ètmrbonne,  Trés-Saint.  11  pofoit  fon  encenfoir  à  bas  devant  F  Arche,il  jettoit  fon  encens , 

Sfeikï^  lé  laillbit  fumer,  &d=emeuroit  là  jufquesà  ce  que  le  lieu  fût  tout  rempli  de 

k  fut  plus,    fumée,  jufques  à  ne  pouvoir  plus  voir  l'Arche  ,   6c  alors  fortant  dans  le 

iieftbien     ^itu  Saint,  ii  difoit  cette  Prière.     Qu'ail  te  plaife  Seigneur  nôtre  Dteu'^qtiQ  Jî 

•meon  ie       Cette  année  eji  çhâfide  elle  j oit  aujjï  humide ^  e^ue le  fcepîrene  fe  de'parte point  delà 

jafte  etoit    j^j^iHç  ^g  Jiidx  ,  ciue  ton  Peuple  Ifra'él  ne  manqué  pas  de  vivres  ^  &  c/ue  lesprie- 

synagogue,   res  des  impies  ne  viennent  point  devant  ta  face.      if.  Alors  il  fortoit  du  lieu 

l^v'^n^d?     Saint,  &  reprcnoit  le  fang  du  bouveau  qu'on  avoit  toujours  remué  ,    ren- 

toiis.  Mais    troit  pour  la  féconde  fois  dans  le  lieu  Trés-Saint,  faifant  huitafperfions, 

pêVvent       une  en  haut,  6c  7.  vers  le  Propitiatoire  du  côté  des  barres  de  l'Ârché,  non 

avoir  pris     pourtant  pas  fur  r  Arche,mais  à  terre. Enfuite  il  fortoit,laifiant  le  refte  du  fang 

pmlïau*t"e,  ^^'""s  l^  Sanétuaire  dans  un  baffin,  6c  retournoit  au  Parvis  des  Sacrificateurs. 

&  peut-être       1 6.  Là  il  tuolt  le  bouc  fur  lequel  le  fort  étoit  tombé /j^'^r  rEttmel.  Il  pre- 

cont"è  k      '""^'î^  ^c>i^  ^'^•'^g  >  le  portoit ,  6c  rentroit  pour  la  troifiéme  fois  dans  le  lieu  Trés- 

vidiiatd^     Saint:  car  s'il  eil  dit  qu'il  y  entroit  une  fois  l'an,  cela  fe  doit  entendre  un 

caiife  qu'il    fc^il  jour  de  i'aunée  ;  mais  il  y  entroit  quatre  fois  dans  le  même  jour }  cela 

avoh  em-     gf]-  évident  au  moins  de  trois  par  le  Levitique  même.  En  fortailt  il  mar- 

chrifi,        choit  en  reculant,  ce  ne  tournoit  jamais  le  dos  a  1  Arche  cC  aurropitia- 

port? furie '■^^^^'  "^^  ^^  ^^^"S  ^"  houe  il  cu  faifoit  afperfion  prés  de  l'Arche,  com- 

simeondeia  me  il  avoit  fait  de  fon  bouveau,£c  paffoit  du  lieu  Trés-Saint  dans  le  lieu  Saint: 

.mA'^^'^u?"   Et  faifoit  afperfion  fur  le  voile  de  feparation  par  fept  fois  du  fang  du  bou- 

ce  qui  doit  .  VCaU 

appartenir  su  Simeon  fils  d'Hillel.  Vide  B'JXt.  abbrev.  lit.  "1.  Les  Talmudiftes  in  Joma  cap.'  4.  in  Gemara  „ 
difent  que  du  tems  de.ee  Sinacon  k  Julie,  la  langue  d'écaïlateblanchiSoit  toujours  j  mais  que  depuis  ,  tantôt  elle 

Wiachifleu,  tJJ^tô^  »oa. 


ET  DES  CULTES  DE  VEGLISE.  ParfAl.  341 

veau  qu'il  avoit  laifTé  premièrement 3  puis  du  fang  du  bouc.  EUant  ren- 
tré daiis  le  lieu  Saint  il  mêloit  les  deux  ù.n^s  cniemble  ,  &  en  faifoit  al- 
perlîon  fur  l'Autel  d'or,  en  tournant  tout  à  l'enrour  il  en  frottoit  les  qua- 
tre cornes,  &  faifoit  feptafper  (ions,  fur  le  fond  de  l'Autel,  dont  lui-même 
ôtoît  les  cendres  en  les  poullant  fur  les  cotez.  Le  grand  Sacrificateur  fai-  Levit.  i«, 
foit  cela  tout  feul5pei-fonne  ne  rariîll:oit,6c  n'ofoit  entrer  dans  lel  empie  avec  ^'  '^' 
lui.  Quoi  que  d'ailleurs  le  lieu  Saint  fût  acceffible  aux  autres  Sacrificateurs. 

17.  Cela  étant  fait  il  fortojt,  6c  alloit  trouver  le  bouc  Hazazcl,  cv  me*t- Appelle  pat 
toit fes mains  fur  fa  tête,  confeflbit  les  péchez  du  peuple,  êc  prioit  Dieu  ^.^^^"^^^t*^^ 
qu'il  voulût  faire  expiation  de   ces  péchez,  en  ce  jour,  félon  qu'il  étoit '^^.j^r]  ' 
écrit  dans  la  Loy  de  Moyfe.      Car  en  ce  jour    il  fera    expiation  pour  vohs  ^ 

afin  de  vous  nettoyer  de  tous  vos  péchez.^  &  (jt^c  vous  fcyez.  nets  devant  fSier- 
nel  fehova.   A  ce  mot  de  Jehova  tout  le  peuple  fe  proilernoit,  en  difmt, 
bem  [oit  le  nom  de  ce  glorieux  Royaume  k  jamais.     Après  cela  on  commet- 
toit  un  Sacrificateur  pour  mener  cet  animal  dans  le  defert.   Le  fexte  du 
Leviiiq.  i6.  21.    dit  hSlî^^  ,     &  il    l'envoira,  pour    aller    oij    bon     lui  ce  que  dc- 
iemblera,  il  le  laiilera  aller.     C'eftainfi  que  l'interprètent  les  Chrétiens,  boùcHai^zef 
Mais  les  Juifs  difent  que  le  bouc  n'éioit  pas  appelle  Hazazel,  que  c'étoit  NotVbie  tra-' 
le  nom  d'une  montagne.     Ils  appellent  aufii  ce  mont    pYïf.  Il  étoit  appel-  ^[.^^^°  '^^ 
lé  Hazazel  tzs:;  S*k  î;?  , parce ,  difent-ils,  que  le  bouc  s'en  alloit-là ,  ôc  cela  fem-    voyez 
ble  plus  Conforme  au  texte  Hébreu ,  l'un  pour  PEternel^  &  l'autre  pour  Hazjiz.  el  ;  f^  ^ÔVunf 6c 
les  Grecs  attribuent  ce  nomi  au  bouc,  6c  l'appellent  rpayoç  iTOTO/y.Tizroç.  Quoi-  Kimkiia 
qu'il  en  foit,  la  traîiition  eft  que  de  cette  montagne  haute' 6c  efcarpée,  ^^'^''^^^"*' 
on  precipitoit  le  bouc,  6c  qu'il  febrifoit  en  pièces.     Il  y  avoit  depuis  jeru- 
falem  jufqu'à  cette  montagne  fituéeà  12.  milles  de  Jerulalem  dix  Hôtelle- 
ries à  un  m.ille  l'une  de  l'autre.     Deux  hommes  accompagnoient  le  con- 
duéleurdu  bouc  jufques  à  la  prochaine  beuvette  ,  6c  le  laifloient  entre  les 
mains  de  deux  autres  hommes  qui  s'y  trouvoient,  ^  qui  le  conduifoient 
jufques  à  la  prochaine  beuvette,  où  il  trouvoit  derechef  deux  hommes^ 
qui  le  conduifoient  à  la  fuivante ,  6c  ainfi  des  autres  :  parce  que  ce  jour 
étoit  Sabbat,  6c  il  n'étoit  permis  que  défaire  le  chemin  d'un  Sabbat,  .qui 
étoit  un  mille.     Excepté  le  conduéleur  du  bouc,  qui  avoit  difpenfepour 
aller  de  l^Autel  jufqu'à  la  montagne.     A  chaque  beuvet1:e  on  lui  deman- 
doit  s'il  vouloit  boire  ou  manger.  De  la  dernière  buvette  à  la  Roche,  il  y 
avoit  deux  milles  ;  Onn'accompagnoit  pas  leconduéteur  jufques-là ,  mais  on 
demeuroit  à  quelque  dillance,  pour  voir  ce  que  l'homme  feroit  du  bouc. 

18.  Quand  le  conducteur  étoit  arrivé  au  lieu  où  étoit  la  Roche  ^  il  prenoit 
le  ruban  d'écarlate  qui  lioit  les  cornes  du  bouc^  6c  le  rompoit.  en  deux. 
Il  en  lioit  la  moitié  fur  le  Rocher,  6c  l'autre  il  la  rattachoit  à  la  corne  du 

bouc.     La  tradition  des  Juifs  eft  conftante   6c  uniforme,  que  le  ruban  Quand  &  en 
d'écarlate  deveiioit  blanc, comme  nousl'avonsdit 3  mais  on  ne  s'accorde ^1f^y'^,'^_^^ 
pas  dans  certaines  circonftances  ,  les  ims  difent  que   Técarlate  blanchi!- cariattebian^ 
foit  dans  le  Parvis  même,  6c  qu'on  attendoit  à  l'envoyer  que  le  fil  fût  de-*^      "' 
venu  blanc  j    d'autres  difent  qu'il  y  avoit  un  ruban  d'écarlate  à  la  porte 
du  Temple,  6c  que  ce  ruban  devenoit  blanc,  .fout  auffi-tôt  que  le  bouc 
étoit  arrivé  au  defert.     D'autres  enfin  racontent  lachôfe  d'une  autre  ma- 
nière.    Et  voici  comme  la  recite  Fagius.     Les  Hébreux  difent  que  le  bouc  'Etgwis  la 
envoyé'  étoit  précipité  du  haut  du  Rocher  Haz.4K,el.     Qhù  qui  k  conàMtfoit  /^.^-e/.c.is.y.s:^ 

Vv  5.  nant 


54Î  HISTOIRE  DES  DOGME  S 

nant  toujours  en  fa  main  le  jîl  ronge ,  qui  était  attache  aux  cornes  du  bouc.    Que 

Ji  Dieu  était  app ai fe\   le  fil  devenait  blanc  comme    nége.     Mais  s* d  demeurait 

rouge  ,  cela  Jignifioit  ejue  Dieu  demeurait  irrité.   Or  aujfi-tot  cjue  le  fil  étoit  dc' 

venu  blanc ,  le  conduEieur  du  bouc  fonnait  d'un  cornet  qu'il  avait  en  main  j   & 

des  gens  pofez.  de  difîmce  en  difiance ,  non  feulement  du   côté-  de  ferufalem , 

mats  par  toute  la  fudée,  formaient  aujji  da  cor  :  ainfi  en  mains  de  rien  on  favoit 

.  que  la  propitiation  était  faite  ^  &  le  bouc  précipité  j  quejt  le  fil  demeurait  rou~ 

ge^  on  ne  fonnoit  point  du  cor  ^&  durant  toute  Pannée  la  nation  étoit  endeiiil,  en 

prières  &  en  jeunes. 

Pendant  -qu'on  menoit  le  bouc  Hazaizel ,  le  Souverain  Sacrificateur  ache- 

voit  le  fervice.  On  écorchoit  le  bouveau ,  &  le  bouc  en  offiande ,  pour 

le  péché ,  on  en  brûloit  les  graifTes  fur  l'Autel ,  oii  portoit  la  peau ,  les 

entrailles,  la  chair,  hors  de  la  ville ,  &  on  les  brûloit  dans  le  lieu  où  nous 

avons  dit   ci-dcflus  que  les  cendres  fc  raettoient,  ce  qui  fe  faifoit  dans  les  fa- 

crifices  pour  le  péché  ^  qui  s'offiroient  pour  la  Congrégation  ,   &pour  le 

Sacrificateur.     Dans  le  tems  que  le  bouc  étoit  arrivé  au  dcfcrt  ,   de- 

quoi  l'on  étoit  averti ,  ou   par  le  Ton  du  cornet  ,   comme  rapporte  Fa- 

gius,  ou  par  des  hommes  qui  fur  le  chemin  du  defert  étoient  poftez  de 

diftance  en  dillance ,  Ôc  fe  donnoient  un  fignal  avec  des  linges  dans  leurs 

mains  de  deflus  de  hautes  colomnes  ,  le  -Souverain  Sacrificateur  entroit 

dans  le  Parvis  àts  hommes,  ôc  lifoit  la  Loy  , entr'autres , le  6.  chap.  du 

Levitique,  oii  il  eil  parlé  desPropitiations.  A  ces  lectures  il  ajoûtoit  8. 

prier.es  différentes  ,  cependant  celui   qui   avoit   précipité   le  bouc   re-^ 

tournoit  à  la  prochaine  buvette ,  ôc  y  demeuroit  jufqu'à  la  nuit. 

20.  Cela  étant  fait,  le  Souverain  Sacrificateur  fur  le  foir  ,  c'eft-à-di- 
re  environ  à  trois  heures  après  midi,  quittoit  les  habits  blancs  ,  revétoit 
les  habits  Pontificaux  les  plus  magnifiques  jfelavoit  derechef  auparavant, 
6c  retournoit  aux  Sacrifices  ordinaires ,  c'étoit  un  mouton  pour  lui ,  un 
pour  le  peuple,  &  fept  agneaux  en  holocaulle  ,  outre  le  facrifice  con- 
tinuel du  foir,  qui  ne  s'interrompoit  jamais. 

21.  Après  cela  il  fe  lavoit  pour  la  quatrième  fois  tout  le  corps,  &rc- 
prenoic  les  habits  blancs  ,  Se  pour  la  quatrième  fois  il  entroit  dans  le 
Saint  des  Saints,  pour  en  rapporter  l'enceflfoir,  &  le  plat  à  l'encens  qu'il 
y  avoit  laiffé. 

22.  Puis  il  lavoit  fes  pieds  &  fes  mains ,  fe  baignoit  une  cinquième  fois, 
anî  nji3  reprenoit  les  habits  d'or ,  &  entroit  dans  le  lieu  Saint  pour  y  faire  le  par- 
fum, 6c  accommoder  les  lampes.     Cela  étant  achevé,  il  lavoit  fes  mains 
6c  fes  pieds,  quittoit  fes  habits  Sacerdotaux,  s'en  retournoit  dans  fa  maifon 
avec  fes  habits  ordiriaires,accompagné  de  tout  le  peuple.  Et  ainfi  fe  concluoit 
cette  grande  journée ,  obfervée  avec  un  jûne  fi  exaél,  que  fi  quelqu'un  le  vio- 
loit  en  mangeant  avant  le  foleil  couché,  il  étoit  fujet  à  la  peine. du  retran- 
chement, il  paroît  évidemment  par  l'Hiiloire  de  cette  journée, que  Dieu 
regarde  le  péché  comme  une  grande  fouillure:car  celui  qui  avoit  conduit 
le  bouc  ne  pouvoit  rentrer  au  camp  qu'après  s'être  lavé  ,     6c  celui   qui 
avoit  brûlé  le  bouyeau   6c  l'autre  bouc  pareillement  :  Pour  le  Sacrifica- 
teur, il  fe  lavoit  jufques  à  fix  ou  fept  fois,  comme  fi  toutes  les  viélimes 
cuflent  été  pleines  d'impuretez.     Car  le  Sacrificateur  fe  lavoit  tout  auflî 
fouvent  comme  il  changeoit  d'habits.  Et  même  les  habits  blancs,  dans  lef- 

quels 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  TartAl.  34:3 

quels  il  avoit  officié, ne  pouvoient  fervir une  féconde  fois ,  ni  être  emplo- 
yez à  un  autre  ufage,  comme  étant  polluez.    Ainfi  ledit  Maimonides,  Maimonidel 
tout  cela  m  arquoit  une  grande  fouillure.  J"^"- 

D'autre  part  le  peuple  pour  marque  d'humiliation  s'abflenoit  de  cinq  m1ked«T* 
choies ,  I .  de  manger  &  de  boire,2 .  de  fe  laver,  3 .  de  s'oindre,  4.  de  fouliers,  "p-  ^-  "•  J* 
f.  de  coucher  avec  leurs  femmes ,  félonie  rapport  de  Maimonides.     H  Maimonides 
n'y  avoit  que  le*  malades  Se  les  enfans  au  deifous  de  neuf  ans  qui  fuflent  JabÊJhodc- 
excmptei  de  ces  mortifications.  •  cimidiei 

'  cap.  i. 


CHAPITRE     XV.      . 

TJes  autres  Jeunes  des  Juifs. 

C*Ecoit   là  le  feul  Jeûne  foîennel  6c  fixé  qui  fût  entre  les  Ifraëlires. 
Les  autres  Jeûnes  s'indifoient  félon  les  neccffitez  j  quand  l'ennemi  en- 
croit  dans  le  pays,  quand  il  y  avoit  fechereflc,  inondation,  chenil- 
les, hurbecs,  fauterelles,  &  autres  fléaux  de  Dieu  qui  afiligeoicnt  la  na-  ^^^p.  t, 
tion.    Maimonides  en  parle  fort  au  long  dans  le  Traité  nioyn  fejunU.  l€  jûnefe 
Voici  ce  qu'il  en  marque  déplus  eflentiel.  1,  Le  [eûne  fepublioic  au  fon  P"^iioit 

j  o      j     1  ^  ^  ■      r        \-,  y  au  fon  du 

du  cornet  oc  de  la  trompette  par  un  certam  fon  d  alarme,  comme  en  guer-  comet. 
re,  [mnez^  au  cornet  en  Sion  ^  publtez.  le  feune^^c.  Cette  publication  au  fon  l^^l^;^  ^^' 
du  cornet  ne  fe  faifoit  pas  feulement  dans  le  Sartduaire ,  mais  dans  toutes  chron.  ch. 
les  habitations  de  la  nation.    Et  même  quelquefois  une  ville  jeûnoit  à  eau-  \l'^  ^^' 
fe  de  fa  détrefle,  que  les  autres  nejeûtioientpas.   2.  Onnedécernoirpas  obfeiva- 
de  jeûne,  nidansles  jours  de  Sabbats,  ni  dans  les  jours  de  fête,  ni  même  ^j^^^^jjfj^ 
dans  les  jours  ouvrables,  qui  étoient  entre  le  premier  ôc  le  dernier  jour  desfurie 
d'une  grande  fête,  comme  étoit  la  Pâque.  3.  Leurs  Jeûnes  n'étoient  pas  J^\"^iej^  j* 
pour  un  jour  ;  mais  ils  jeûnoient  jufques  à  ce  que  Dieu  les  eût  délivr'ez.  4.  On  lecekbie?:, 
necommençoit  cejeûije  que  le  deuxième  jour  de  la  femaine,c'eft- a-dire,  JondScdu" 
nôtre  Lundi,  êc  le  cinquième,  c'eft-à-dire,  nôtre  Jeudi.     Cela  veut  dire  f'nquiéme 
qu'ils  jeûnoient  deux  fois  la  femaine,  jufques  à  ce  que  Dieu  les  eût  exau-  femaihe! 
cez>    Et  celar  fe  rapporte  trés-bfcnàl'hilioirede  nôtre  PharTfîen,  qui  di- 
foir  5  je  jeune  deux  fois  la  femaine.     Car  les  particuliers  pouvoient  faire  pour 
eux-mêmes  ce  que  là  Congrégation  faifoit  pour  foi,  comme  le  remarque 
bien  le  même  Maimonides.     f.  Dans  une  ville  affiegée,  6c  dans  un  vaif*- 
feau  prêt  à  périr,  ils  pouvoient  affliger  leurs  âmes  dians  les  jours  de  Sab- 
bats 6c  de  fêtes  :  Hors  de  là  6c  de  lèmblabies  cas  preflans,  ils  ne  le  dé- 
voient pas  faire.  6.  Quand  on  avoit  ordonné  uri  Jeûne  réglé  pour  fixmois^ 
ou  pour  un  an,  6cc.  jufques  à  ce  que  le  mal  fût  paffé,  fi  une  fête  venoit 
à  tomber  fur  le  deuxième  6c  cinquième  jour  deftinez  au  Jeûne ,  on  ne  laif- 
foit  pas  de  confacrer  cette  fête  ,  le  Jeûne  n'écoit  pas  interrompu  j  mais 
on  ne  pouvoit  commencer  le  Jeûne,  ni  par  des  fêtes,  ni  par  des  nouvel- 
les lunes:  files  fêtes  venoient  à  tomber  dans  le  jour  dujeûnejonlesconver- 
tifibit  en  jours  de  deiiil.    7.  Les  femmes  enceintes,  celles  qui  allaitoient,     . 
lesenfans  n'étoiçntpas  obligez  de  jeûner.  8.  Le  jour  du  Jeûne  dans  les 

Syna*- 


344         H  I  S  T  G  I  R  E  D  E  S  D  O  G  M  E  S 

bynagogues  s'employoit  à  rechercher  les  crunes  de  chaque  particuh!er ,  pour 
les  ccnlurer,  les  reprendre  6c  les  châtier,  félon  que  chacun  étoic  trouvé  le  mé- 
riter. 
Lesquntic        Outre  Ics  Jeûncs  quis'obfervoîent  feloH  Ics  occafions,  les  Juifs  en  avoient 
î^'itUapti- établi  quatre  durant  la  captivité  :  ce  font  ceux  dont  nous  parle  Zacharie. 
v".  Le  premier  Jeûne  étoit  le  dixième  jour  du  dixième  mois,  qui  eit  nôtre 

eh! 7! M  y.  Décembre ,  parce  qu'à  pareil  jour  Nabuchodonofor  avoit  afîiegé  Jerufalem 
fousSedecias,  èc  l'avoit  prife,  après  neuf  mois  de  (îcge. 

Le  fécond  Jeûne  étoit  ledix-feptiémedu  quatrième  mois,  qui  répond 
à  nôtre  mois  de  Juin.  Les  uns  difent,  que  ce  Jeûne  étoit  inftitué  à  caufede 
la  prife  de  Jerufilem  par  Nabuchodonofor  :  Les  Juifs ,  qui  obfervent  encore 
aujourd'hui  ce  Jeûne,  difent  que  ce  jour   dix-fepti(éme  du  quatrième 
mois  leur  a  toujours  été  malheureux  :  Ce  fut  dans   ce  jour  ,   difent-ils, 
que  les  Tables  de  la  Loy   furent  brifèes  -,   que  le  Sacrifice    continuel 
ceffii  fous  Antiochus ,  que  le  Livre  de  la  Loy  fut  brûlé ,  qu'on  établit  une 
Idole  dans  le  Temple  de  Jerufalem ,  que  Jerufalem  fut  affiegée  une  fécon- 
de fois  par  Titus ,  qui  la  prit  5c  la  brûla.     Enfin  ils  prétendent  que  toutes 
fortes  de  malheurs  leur  font  arrivez  dans  ce  mois  :  c'ell  prefque  tout  le 
quatrième  mois  jufques  au  neuvième  du  mgis  fuivant.    Ainfi  c'eft  un  mois 
trille,  dans  lequel  ils  ne  veulent  rien  entreprendre,  l'on  peut  appellercc 
tems,  quieft  de  près  d'un  mois,  le  Carême  des  Juifs  d'aujourd'hui  5  car 
ils  vivent  de  la  manière  du  monde  la  plus  auftere ,  fans  vin  ni  viande  : 
Ainfi  c'elt  un  mois  trille. 

Le  troi  fième  Jeûne  tomboit  fur  le  neuvième  du  cinquième  mois,  quiell 

nôtre  Juillet,  parce  qu'en  ce  jour  le  Temple  fut  brûlé  par  Titus  6c  réduit 

en  cendres  :  Ce  jour  fe  pafle  en  deiiil ,   on  y  lit  les  Lamentations  de  Je- 

Fêtèdes      remie,   6c  l'on  £iit  aufli  des  lamentations  dans  les  cimetières  fur  les  tom- 

juifs  fur  les  bcaux  des  morts. 

^°"^'  Le  quatrième  Jeûne  tombe  fur  le  troifiémejour  du  feptiéme  mois,  appelle 

Tifri ,  à  caufe  que  Godolias  ayant  été  tué,  le  relie  des  Juifs  fut  difperfé 
ÎMcmie  40.  ^  décendit  en  Egypte  contre  la  défenfc  de  Jeremie. 
41.  Il  efl  certain  que  ces  4.  Jeûnes  s'obferverent  durant  les 70. ans  delà  captivi- 

J°nagog.      té.     Il  ell:  encore  vrai  que  les  Juifs  les  obfervent  aujourd'hui:  Maisilefi: 
judsorura    doutcux  s'ils  out  été  obfervcz  depuis  le  retour  de  la  captivité  jufques  à  N.  S. 
zSariê      II  y  a  apparence  qu'ils  furent  abolis,  cïir  Zacharie  femble  les  improuver 
^.?.v.ii?,     gc  les  condamner,  quand  des  Envoyez  de  la  captivité  confulterent les  Sa- 
crificateurs 6c  les  Prophètes  de  Jerufalem,  favoir  s'ils  dévoient  continuer 
ces  Jeûnes-là.  Grotius  eflime ,  que'par  ordonnance  du  Prophète  ils  furent 
convertis  en  jours  de  joye  j  ^  il  y  a  apparence  qu'il  ell  ainfi,  carl'Hilloire 
ne  nous  parle  plus  de  l'obfervation  de  ces  Jeûnes.     Les  Juifs  d'aujourd'hui 
ont  encore  cinq  autres  Jeûnes ,  car  Shikardus  en  conte  dix  en  tout,  dans  fon 
Traité  de  Turim. 


C  H  A- 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Tart.ïl.  34^ 


CHAPITRE     XVI. 

Deîa  Fête  des  Tabemacks.  • 

Levit,  15.  ï6.Nomb,  ip.  12.  Scfuivans,  NehemieS. 

LE  mois  de  Tifri  étoit  abondant  en  folennitez.    Voici  la  troifiéme  : 
Tl  y  avoit  deux  railbns  de  l'inftitution  de  cette  fête.     La  première 
étoit  pour  rendre  eraces  à  Dieu  de  la  récolte  ,  les  grains  alors  étant  g^od.  21. 
tous  mis  à  couvert.     L  autre,  c'efl  en  mémoire  de  ce  qu'ils  avoient  ha-  i^-. . 
bité  dans  le  défert  fous  des  tabernacles/    La  cérémonie,  dont  toute  la  fête  jj.'^,'.''"** 
avoit  tiré  fon.  nom,  duroitdepuis  le  quinzième  du  mois  de  Tifri  jufques  au 
25.  exclusivement,  ils  quittoient  leurs  maifons,  &  bâtiflbiei:»:  des  tentes 
de  verdure  ôc  de  branches  d'arbres,  6c  y  habitoientjour  &  nuit,  y  man- 
geant 6c  dormant  par  fept  jours  :  On  exemptoit  les  enfans  au  deflbus  de 
neuf  ans  6c  les  malades. 

Nous  apprenons  de  Neh.  8.  if.  que  les  cabanes  fefaifoient  principale-  ^?'î"^*. 
ment  de  rameaux  de  myrthe,  d'olivier,  de  palme,  d'arbres  huileux  j  mais  quei?ra- 
en  gênerai  de  tous  bois  branchus  :  Ils  foifoicnt  les  tabernacles  dans  les  rues,  [?.""''/'* 
furies  toits  de  leurs  maifons,  dans  leurs  courts,  mêmes  dans  le  Parvis  du  Mbci'aacics» 
Temple,  &  dans  les  places  de  la  ville:  Mais  je  croi  que  dans  la  fuite  il 
ne  fut  pas  permis  de  les  faire  dans  le  Temple.     La  Lov  dit  ^  &  an  pre-  ^evitique 

■  I  1      r      •       1-,         Il        r      ^  •       I  1         ,         t  25.  T.  4*. 

m  ter  jour  vous  prendrez,  du  jrmt  dun  bel  arhre  nanXT,  des  branches  def  Aimes  ^ 
des  rameaux  d^ arbres  branchus ,  &  desfaules  de  rivières ,  &  vous  vous  rejouirez, 
par  fept  jours.  Outre  cela  dans  le  Temple  il  fe  faifoitdivess  facrifices  ex- 
traordinaires j  &  dans  aucune  fête  on  n'égorgeoit  autant  de  viélimes 
qu'en  celle-là.  Le  nombre  &  la  manière  en  eil  décrite  fort  au  long  au 
2p.  des  Nombres  ;  cette  fête  duroit  huit  jours  ,  le  dernier  oc  le  premier 
étant  lesgrandes  fêtes.  Voici  comme  la  tradition  des  Juifs  expliquele  dé- 
tail de  cette  fête ,'  6c  des  cérémonies  qui  s'y  faifoient. 

I.  Les  tentes  fe  bâtiflbient  jde  toutes  fortes  de  branches  de  verdure,  &  Cmmottrae 
fur  tout  de  celles  qui  ont  été  nommées:  On  ne  pouvoit  couvrir  les  tentes  f  \^ijf, 
d'aucun  drap ,  étofe ,  ou  chofe  femblabîe ,  ni  d'aucun   branchage  fcné ,  cie^,  feio« 
ou  tombé  ^eùl  :  la  hauteur  de  la  tente  ne  devoitpas  être  moindrequc  de  dix  dc"juif],°" 
travers  demain  ,   dit  Maimonides,  ce  n'eft  que  trente  pouces,  ou  deux 
pîeds  6c  demi  :  où  eft  l'homme  qui  eût  pu  loger  dans  une  tente  de  2.  pieds 
&  demi  de  hauteur  FAiiifi  il  y  aerreur  là  dedans.  Maimonides  ajoute  que  la  Ajnrworth 
tenî 
ûécs 
tabc 

Pour  là  largeur  ils  la  faifoient  telle  qir'ils  vouloient.    Il  faloit  tju'elles  fiif- 

fent  quarrées ,  6c  qu'elles  euilent  trois  côtcz ,  outre  celui  de  l'entrée  :  ils 

ornoicnt  ces  tentes  de  tow  ce  qu'ils  avoient  de  plus  beau  dans  leurs  maifons. 

l'art.  IL        '  Xx  Les 


V,  ^Q. 


346.        HISTOIRE.  DES   DOGMES 

Les  chaudrons  &  inllrumens  ciecuifine  étoient  dehors  :  Quand  il  pleu- 
voir?, ils  pouvoicnt  le  mettre  à  couvert  dans  les  maifons.     Au  reilccelane 
le'pouvoit  Faire  qu'en  Jerufalem  >  car  ni  le  refte  de  la  Paleiline  ,  ni-  les 
Juifs  hors  du  pays  ne  bâtifîbient  pas  de  tentes  :  Les  Juifs  exceptent  les 
femmes,  comme  fi  elles  n'avoient  pas  été  obligées  à  demeurer  dans  les 
tentes. 
Mttto'i-         1.  Outre  les  branchages  dont  fis  faifaient  leurs  tentes,  ils  Ce  croyoient 
quetsdc      obligez  par  la  Loy  du  Levitique ,  de  porter  durant  toute  la  fête  d'une 
nppdkz      main  une  pomme  de  citron  j  car  c'eil  ainfi  qu'ils  interprètent  ce  que  dit 
i"'fnnot"  ^^  ^°y'  ^^'^/'''^''^'^^^'^^'^^^^  ^''^^'^î'^uppofant  qu'il  n'y  a  pas  de  plus  bel  arbre 
eap.  23.  *     &  de  plus  beau  fruit  j  Ainfi  a  tourné  le  Targum  de  Jonathan,  &  tous  les 
Juifs  en  conviennent  :  &  de  l'autre  main  ilsportoient  un  petit  faiflèair 
de  branches  cy-defîus  nommées,  de  palme,,  de  myrthe  .(  car  par  l'arbre 
branchu  ils  veulent  entendre  le  myrthe  )    de   fauJe  8c  d'ofier   croilTant 
le  long  des  eaux:  ce  petit faiflcau  ou  bouquet  étoit  lié  avec  un  fil  d'or,. 
d'argent  ou  de  foye,  ôc  il  s'appelloit  -^bh  InUb.  Dans  toute  la  fête  on  ne 
les  voyoit  point  fans  leur  branche  de  citron  d'une  main,  &  leur /«/^^  dans 
l'autre:  outre  ce  Inkl^^  tous  les  jours  ils  cueilloient  unebranche  de  laule 
d'une  vallée  auprès  du  torrent ,  êc  avec  cette  branche  tous  les  jours  une 
fois  ils  venoient  au  Temple.,  &  pofoient  la  branche  autour  de  l'Autel ,  &. 
enfuite  ayant  leurs  palmes  dans  leur  main ,  ils  crioient  hofama ,  6c  cepen- 
■  dant  les  Sacrificateurs  fonnoient  de  la  trompette  :  Sur  tout  au  feptié- 
me  jour,  ils  faifoient  cette  ceremome  avec  plus  d'éclat,  êc  plus  de  bruit>. 
Ils  faifoient  le  tour  de  l'Autel  par  fept  fois,  criant  toujours  hofanna^  ôc 
cela  s'appelloit  le  grand  hofanna^  d'où  \"'ient  que  leurs  branchages  s'appel-. 
loient  des  hofmmt.     Par  cette  coutume  on  peut  éckircir  l'hilloire  de  l'en* 
trée  de  Jefus-Chrill;  en  Jerufalem,  &  c'efl  par  allufion  à  ces  branches 
Apocaiyp  7.  ^^.  palmcs,    &   à  .  CCS    cris   d'éjouïfiance  ,  qu'a  été  formé  le  cri  ,    qui 
v.ii.&io.    le  fait  autour  de  l'agneau,  avec  des  palmes,  comme  le  rapporte  Saint 

Jean, 
eeremanie        3.-  ïl^  avoientoutrcceladans  cette  fête  une  cérémonie  fur  laquelle  ils  fai- 
notabie,      foieut  uuc  rejouïilance  extraordinaire  j  c'efl  l'épancheraent  de  l'eau:  Tous 
men"de  '    Ics  jours  à  ccrtaincs  heures  on  alloit  quérir  de  reauauruiffeaudeSiloéj  le 
Keau.  Sacrificateur  l'apportoit  par  la  porte,  qui  s'appelloit  la  porte  de  l'eau,  dont 

nous  avons  parlé:  Le  Prêtre  montoit  iur  la  montée  de  l'Autel,  ytrouvoit 
un  baflin  plein  devin,  6c  un  autre  bafiîn  ^uide  :  Dans  le  vuide  il  verfoit 
l'eau  j  &  puis  méloit  l'eau  ôc  le  vinenfemble:  fur  l'heure  même,  ôc  prin- 
cipalement la  nuit,  ils  faifoientdes  rejouïflàncesfurprenantesfurcet  épan- 
chement  de  l'eau,  comme  nous  verrons- tantôt.  , 

Sin<'uUritez  4'  ^"^'^^  les  facrificcs  extraordinaires rcildoient  cette  fête  célèbre  ;  Les 
dâtlksia-  Juifs  remarquent,  que  les  viélimes  qu'on  egorgeoit  durant  les  huit  jours  de 
Muefêfçi  la  fête,  montoient  à  ri  f.  autant  que  les  Ifraëiitesavoient  été  d'années  cap^ 
tifs  en  Egypte.  Ce  qui  fe  doit  entendre  des  Sacrifices  commandez  &  or- 
donnez pour  le  public  :  car  autrement  on  egorgeoit  beaucoup  plus  de 
victimes  dans  les  autres  fêtes  ;  mais  c'étoienc  des  offrandes  volontaires,, 
que  les  particuliers  prefentoient  pour  eux. 

.  Il  y  avoit  encore  dans  les  facrifices  de  cette  fête  une  fîngularité  remar- 
"pable.    C'efl  que  les  bouveaux  qui  fe  fasrifîoient  durant  les  fept  jours  al- 

*  loienî 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Pêrt.ll.  34,7 

Joient  tQÛjours  en  diminuant  d'un,  &  les  autresvidimesétoicnt&demeu- 
roient  en  nombre  égal  durant  fix  jours,  car  pour  le  huitième  jour  il  avoit 
fon  Sacrifice  tout  différent  des  autres.  Le  premier  jour  on  offroit  en  ho- 
locaulle  13.  bouveaux,  14. agneaux  d'un  an,  deux  moutons  &  un  jeune  . 
,bouc  pour  l'offrande  pour  le  péché.  Le  fécond  jour  ii.  bouveaux.  Le 
.troifiéme  n.  bouveaux,  &  ainfi  en  diminuant  jufques  à  fept  bouveaux, 
qui  étoijt  l'offrande  du  feptiéme  jour.  ^ 

Les  Juifs  cherchent  la  dedans  de  grands  myfteres,  les  uns  difent  que  lé  voye* 
nombre  àcs  bouveaux  étoit  de  70.  parce  qu'à  la  divifion  des  langues  les  ^'8"^^°"- 
nations  fe  partagèrent  'en  70.  ôc  que  cela  allait  en  diminuant,  pour  fignifîer, 
que  les  70.  nations. des  Gentils  iront  toujours  en  diminuant,  pendant  que 
le  peuple  d'Ifraël  ira" toujours  en  augmentant  :  Les  autres  difent,  que 
cela  a  rapport  aux  feptante  ans  de  la  vie  humaine,  qui  diminue  tous  lés 
jours. 

Une  troifiéme  fîngularité  dans  les  facrifices  de  cette  fête  félon  les  Juifs, 
c'eft  que  les  24.  ordres  de  Prêtres  dévoient  officier  tous  les  jours  ^  au 
lieu  qu'ils  fervoient  par  femaines  feulement ,  6c  félon  que  le  fort  écheoit  ' 
à  chaque  ordre.     Après- ces  remarques  générales  fur  les   cérémonies  de 
cette  fête  :  Voicy  Tordre  &  le  détail.  • 

1.  Quand  les  trompettes  avoient  fonnépour  l'ouverture  du  Temple,  le  ordre  des 
matin  tout  le  peuple  fe  rendoit  dans  les  Paryis ,  pour  affilier  au  facrifi-  de?i"fê«!* 
ce  continuel  du  matin ,  chacun  avec  fon  citron  dans  une  main ,  à:  fon  faif- 

feau  débranches  dans  l'autre. 

2.  Quand  les  membres  de  l'agneau  avoient  été  mis  fur  l'Autel,  on  ap- 
portoit  dans  un  vaiffeau  d'or  l'eau  dont  j'ay  parlé,  tirée  de  la  fontaine  de 
Siloé,  &  on  en  faifoit  l'épanchement ,  ou  la  libation  ,  après  avoir  mêlé 
l'eau  &  le  vin.  Le  peuple  durant  cette  effufîon,  dans  les  derniers  tems, 
crioit,  haujfe  la  mAin  ^  à  caufe  d'un  Prêtre  Sadducéen,  qui  un  jour  faisant 

le  facrifice,  preffé  de  quelque  neceffité,   avoit  verfé  l'eau  &:»ie  vin  fur  cérémonie 
ïes  fouliers,  au  lieu  de  la  verfer  fur  le  bord  de  l'Autel,  &  avoit  été ac- ^ei'epan- 
cablé  par  le  peuple.  Pendant  cette  effufion,  qui  fe  faifoit  lentement,  (  car  v^^^^^ 
la  liqueur,  dit  Ainfworth,  après  JVIaimonides,  n'étoit  que  de  trois  logs,^^iy^yonh 
ou  trois  fêptiers,)  la  JVUifique chantoit  avec  les  trompettes ,  6ç  l'onchan-  ubifu^ià, 
toit  le  petit  Hallel,  dont  nous  avons  parlé  5  c'eil  depuis  le  Pfeaumei  12. 
jufqu'au  iip.  exclufivement ,   &  au  commencement  du  Pfeaurae    118. 
toute  l'affemblée  fe  mettoit  en  mouvement  poiir   fraper  leurs  branches 
l'une  contre  l'autre  j  ôc  ils  faifoient  la  même  chofe  quand  on  venoit  au 
mot  hofanna  ^  qui  eft  dans  ce  Pfeaume,  &  quand  on  difok  le  dernier  ver- 
fet  de  ce  même  Pfeaumc. 

.3.  Quand  le  feryice  continuel  étoit  achevé,  on  commençoit  le  facrifi- 
ce extraordinaire  des  13. bouveaux,  1. moutons,  14.  agneaux,  ^  du  jeune 
bouc  :  fur  ces  facrifices  on  chantoit  divers  Pfeaumes,qui  font  mai qiîez 
<îans  le  Traité  d^Maimonides,  appelle  7/?^»?/^/^  chap.  10.  Qîî).nd  les  fa- 
crifices étoient  finis,  le  peuple  jettoit  fes  branches  ^efâulespvés  de  r Au- 
tel 5  ils  chantoient  leur  hofanna,  ainfi  qu'il  a  été  dit,  6c  s'en  alloieat  dî- 
ner. 

4.  Apres  dînet'ils  alloient  aux  écoles  &  autres  lieux  011  on  lifoit  la  Loy, 
êc  où  on  i'expliquoit  i  puis'-ils  retourooient  au  Temple,  au  teins*  du  la- 

Xx  2  crlfice 


54S  «  1  S  T  6 1  R  E  D  E  S   D  O  G  M  E  S 

crifice  du  foir ,  où  l'on  failbit  i'épanchcment  d'eau ,  6c  les  autres  cérémo- 
nies qu'on  avoit  fliites  le  matin. 
Gundeté-       ^,  Enfin  quand  la  nuit  étoit  venue,  ils  commençoient  la  grande  re- 
po"ui  îïp*an- jouïflance  pour  l'efïufion  de  l'eau ,  car  il  ne  leur  étoit  pas  pera.is  ds  faire 
cheineni  de  ^^^^  bruitàl'heure  qu'elle  s'épanchoit,  ils  étoient  en  reljpeâ:  &  en  filence. 
*^         La  nuit  étant  venue,  tout  le  peuple  s'aflembloit  dans  le  Parvis  des  femmes, 
les  hommes  en  bas,  les  femmes  fur  des  balcons,  on  pofoit  dans  le  Par- 
vis quatre  grands  ehandeliersi  qui  étoient  plutôt  quatre  colonnes,  puis^ 
qu'ils  étoient  plus  hauts  que  les  murailles  du  Parvis  ,  fur  ces  colonnes  il 
y  avoit  un  nombre  incroyable   de  lampes  ,   ÔC  à  la  lumière  de  ces  lam- 
pes ,  les  grands  Seigneurs ,  Juges ,  Magiilr^ts ,  Do6teurs  ^  fe  mctcoienc  à  dan- 
icr,à  la  vûë  du  peuple,  car  ie  peuple  n'étoit  là  que' fpedateurj  6c  ces  dan- 
fes  fe  flu'ibient  au  fon  du  hautbois  ,  de  la  trompette ,   de  la;  voix  ,^  6c  de 
tous  les  initrumens  du  Temple,  ce  qui  compofoit  une  belle  harmonie» 
Enfin  la  nuit  étant  fort  avancée,  deux  Prêtres  paroiiïbient  fur  les  degrez 
de  la  porte  de  Nicanor,  qui  entre  dans  le  Pai'vis^des  Sacrificateurs  écd'If- 
•     raël ,  6c  fonnoient  de  la'  trompette  j  puis  décendoient  de  dix  degrez ,  6c 
fonnoient  er^core.  Apres  ils  s'avançoient  dans'le  Parvis  des  femmes  quel- 
que efpace,  6c  fonnoient:  Et  ainli à diverfes paufes  ils  arrivoient  en  (bn- 
nant  à  la  grande  porte  du  Parvis  des  nations  j  6c  étant  parvenus  là ,  ils  fe. 
tournoient  vers  le  Temple,  6c  difoient:  Nos  pé^es  ont  tourné- le  doS' auTem- 
ple  ,  (^  le  vifage  vers,  f  Orient  i  mais  nous  tournons  nos  faces  vers  lui  ,    e^  m^ 
yeux  font  fur  Im.    En  danfant  quelques  uns  difoient:  B  mie  fois -ta  o  ma  jeu-' 
nejfe ,  ^»i  n'a  pas  en  honte  de  ma  vieilleffe\  6c  d'autres ,  bénie  fois  -  tn  9  ma  vieil' 
lejfe^  (jHi  as  Çurpafé  ma  jenneffe  ^  6c  tous  çnfemble  difoient,    b^eni  fait  celui 
qm  n'a  pas  péché ^  ou  s'il  a  péché ^  il  lui  a  été  pardonné.  Enfin  las-  de  danfer  ,, 
accablez  de  fommeil ,  les  uns  ie  rctiroient  chez  eux  ,,  les  autres  paflbient 
la  nuit   où  ils  fe  trouvoient,  fe  repofant,  6c  s'appuyant  iurtes  épaules  Iss- 
uns  des.  aiitres.  •  . 

Qiie!ie  pou-      Quand  les  Juifs  cherchent  k  raifon  de  cette  grande  joye  que  leurs  An- 
raTfonTe^  cétrcs  témoiguoient  pour  cet  épanchement  d'eau  ,  ils  ont  afièz  depei- 
""V^"  ,  ne  à  la  ti-ouver.     Les  uns  difent  que  cet  épanchement  d'eau  fignifioitla 
ewTîordi-    pluic  qui  cfcvoit  rendre  Ja  terre  propre  a  portei'  de  nouveaux  fruits  ,  car 
naiic.         c'étoit  le  tems  de   la  pluie  de   l'arriére- fuibn.     Le  Talmud  ditquecet- 
Taimud  je-  ^^  effulîon  d'eau  fignifioit  l'épanchement  du  St.  Efprit  nn  a^a^ii'  aî^^atji" 
lofoi.  in      \ir^pn^<^uod  inde  extrahantSpiraum  SanQum  ,    6c  félon  qu'il  eil  écrit  Efa. 
IX.   3 .  cum  gaudw  haurietis  acjuam  ex  fonte  Salvatoris.    On  ne  fauroit  quafî 
douter  que  Jefus-Chrill  n'ait  eu  égard  à  cette  cérémonie ,  6c  à  la  raifon 
rapportée,  6c  tirée  du  paflâge.  d'Efaye  ,   cité  par  le  Talmud,  quand  il 
Johan.  7.  v;  CHoit  daos  ccttc  Fétc  :  Si  i^uelij[u^fin  a  fof  èlc.  or  difpit-il  cela  de  l' Bfprit 
i'7.  que  dévoient  recevoir  &C.  ceux  qui  croir oient  en  lui. 

Tous  les  jours  fuivans  fe  pafibient  de  même;,  les  Juifs  revenoient  tous 
les  matins  avec  de  nouvelles- branches  fraîches,  6c  de  nouveaux hofanna. 
Seulement  ces  danCes  noéiurnes  ne  fe  faifoient  pas  la  nuit  qui  étoit  k 
veilje  du  Sabbat,,  6c  qui  tomboit  necefiaireraent  fur  l'un  de&  fept  jours  : 
ni  aufii  dans  la  nuit,  veille  de  la  huitième  journée  qui  étoit  Sabbat  auffi. 
Dans  cette  huitième  journée ,  on  n'offroit  que  les  facrifices  ordinaires  aux 
noiiveiies  lunes,  outre  le  facrifiçe  continuel  ^  uiibouveau  ,  uiimoutonj 

1- 


ET  DES  CULTES  DE^L'EGLISE.  Part.U,:^^^ 

7.  agneaux,  ôc  un  jeune  bouc  pour  le  péché.  Au  reite  toute  la  Fête 
ie  paflbit,  en  fellins,  en  r6joui(îànces ,  6c  en  banquets  ,  après  les  devo- 

rinn<! 


tions. 


CHAPITRE     XVIL 

De  la  Fête  de Purim ,  &  de  celle  de  laT>edicace ,  de  celle 

de  ivKo<p6(iix. 

CETont  là  les  Fêtes  que  la  Loy  avoit  ordonnées;  les  Ju  ifs  d'aujour-î 
d'huy  y  en  ont  ajouté*  depuis  alTez  bon  nombre  d'autres.  Mais  entre 
toutes,  les  plus  anciennes  font  ces  deux  ici,  établies  depuis  la  cap- 
tivité de  Babylone.     La  première  eft  appellée  onis,   dont  i'inilitution  fepurim. 
lit  au  livre  d'Efther  chap.  9.  Perfonne  n'ignore  l'Hiftoire  de  la  conjuration    Eflher 
d'Aman  contre  les  Juifs,  ôc  le  fuccés.     En  mémoire  decettç  grande  dé-  j^J^^^j^^" 
livrance,  Murdochée  6c  la  Reine  Efther  inftituerent  cette  Fête,  6c  or-ftjivaps. 
donnèrent  qu'on  la  célébrât,-  le  14.  êc  le  if,  du  mois  d'Adar,  c'eft  nôtre  'hskedi 
mois  de  Février.     Elle  fut  appellée  Parim  du  mot  «de  "its  qui    (ignifie  le  i^^'^' 
fort  en  langue  Perie.    Parce,  dit  ie  Livre  d^Ejfher^  <}h''U  avait  jette  le  fort  pour 
détruire  les  fuifs.     Ce  que  les  Juifs  interprètent  ainfi  :    qu'Amman  fclon  la 
fuperitition  des  Chaldéens  6c  des  Perfes  avoitconfuité  les  Magiciçns ,  pour 
favoir  quel  mois  étoit  le  plus    favorable   pour  cette  entreprife.  îl  tfbuva 
que  c'étoit  le  mois  d'Adar ,  parce  qu'il  n'y  avoit  pas  de  Fête  3  ^  ayant 
derechef  jette  le  fort  pour  le  jour,  il  rencontra  le  13.  d'Adar.  Affuerus, 
fous  qui  arriva  ce  grand  événement,  félon  quelques-uns  eil  Artaxerxes,  6c 
ils  fuivent  en  cela  l'Hillorien  Jofephe  :  d'autres  veulent  que  ce  fût  Xer-  Antiquit; 
xes  la,  terreur  des  Grecs  :   dont  la  femme  s'appelloit   Âmeilris ,   i^uaft^^^^^^^^''^" 
"inoN  o«:  ^ater  E^her.     Qiioi  qu'il  en  foit,  il  y  a  apparence , que  ce  futsiéshiicardus; 
dans  le  tems ,   où  Malachie,  éc  Zacharie  ,  6c  Aggée  vivoient  encore.  p"T"'^^*'* 
Ainfi  cette  Fête  établie  par   leur  confentement  n'ett  pas  deftituée  d'au- 
torité divine.  Nous  lîe  favons  pas  fi  l'on  inilitua  uii  nouveau  fervice  dans 
le  Temple,  ni  quel  il  fut  :  ce  qu'on  lait,  c'eil  que  durant  les  1.  jours  ,14. 
6c  15.  d'Adar, -les  Juifs  faifoient  tous  les  ans  de  grandes  réjouifiances.  Et 
.ces  jours  font  aujourd'huy  convertis  en  Bacchanales  entre  les  Juifs.     Ces 
deux  jours  de  joye  font  précédez   par  un  jour  de  jeûne  très  étroit..  Le 
13.  d'Adar  ils  s'afîëmblent ^  ils'lifent  le  Livre  d'Efther  dans  leurs  Syna- 
gogues, il^  maudiifent  Aman,  ils  beniifent  Mardochée  6c  Efther.    En- Cette  Eê te- 
lùite  quand  le  jour  efl  pafl'é  ,  ils  fe  plongent  en  toutes  fortes  de   débau-  fectrnavaif 
ehes,  jufques-là,  que  par  l'ordonnance  du  Talmud  il  eil  permis  de  s'en- des  juifs.. 
yvr-er  à  -tel  degré  qu'on  ne  puific  diliinguer  entre  la  maledidion   d'A- 
man ,  6c  la  benediélion  de  Mardochée  :  ils   fe  déguifent  en  cts  jour^ , 
comme  on  fait  dans  le    Carnaval- ,    les  hommes  prennent  des  habits  de 
femmes,  6c  les  femmes  ceux  des  hommeSs.  quoi  que  cela  foit  exprelfémenc 
défendu  dans  la  Loy. 
La  Fêtfe  de  la  Dédicace  eft  de  plus  nouvelle  datte.    On  en.  lit  l'Hiftoi-  origine  se- 

AX    5  re  Dédicace*. 


5Ç0  HISTOIRE  DES  D  OGM  ES 

re  au  i.  desMaccab.  4.  yp.  ôc  dans  Jofeph.  Antiq.  lib.  ii.chap.«e,.Les 
GrecsPappelleiu  èvvLcifvia. ,  &  les  Hébreux  nDin.  ^lle  eit  auffi  appellée  la  Fête, 
des  luminaires  911  des  lampes,  il  en  eil  parlé  au  10.  de  l'Evangile  félon 
S.Jehan,  f.  2,i.  Elle  fe  celebroic  durant   huic   jours ,   depuis  le  zf.  de 
Kiileu ,  qui  eft  nôtre  Décembre,  jufques  an  trois  oxrqnatriémc  du  moi^  fur- 
vant.     Elle  fut  inlHuée  à  l'occafion  de  la  repurgation  du  Temple ,  qui 
avoit  été  profané  par-  Tordre  d'Antiochus  Epiphanes ,  ôc  qui  fut  repurgé 
par  Juda  Maccabée.     Les  Gentils  avoient  mis  fur  l'Autel  des  Holocauftes 
toutes  fortes  d'impuretez  ,  ils   avoient    facrifié  à  Jupiter  Olympien, 
■    égorgé  des  pourceaux,  &  fait  autres  chofes  fémblables.     Les  anciens  en 
tranfporterent  les  pierres  hors  de  Jerufalem,  &  en  bâtirent  un  de  pierres 
neuves,  &  après  ils  en  firent  la  dédicace  durant  huit  jours ,  ôc  Juda  Mac- 
cabée ordonna  que  cette  Fête  fe   celebreroit  durant   huit  jours  ,    tous 
les  ans.     Il  ne  fe  faifoit  rien  de  fort  particulier  dans  le  Temple  ,   finon 
qu'on  chantoit  en  ce  jour  le  Hallel,  qui  ne  fc  chantoit  qu'aux  grandes 
Fêtes  de  la  Pentecôte,  la  Pâque  ,   &  là  Fête  des  Tabernacles  :  ce  qui 
rendoit  cette  Fête  plus  remarquable ,  c'efl  qu'on  allumoit   des  chandel- 
les ôc  des  lampes  dans  toutes  les  maifons.     Et  ces  luminaires  brûloient 
•  toute  la  nuit  fur.  les  fenêtres ,  &  éclairoient  les  rues.     Non  feulement  on 
en  mettoit  une  pour  chaque  maifon:  Mais  fouvent  on  allumoit  autant  de  lumi- 
naires qu'il  y  avoit  d«?  perfonnes  dans  la  famille  :  cette  coutume  ,  iî  on 
Miracle  ar-   en  croit  Ics  Juifs,  vcuoit  d'uD  miracle  qui  s'étoît  fait  dans  la  repurgation 
jépurg^Son  ^^  Temple.     Les  Juifs  étant  entrez  pour  rétablir  les  chofes  faintes  dans 
du  Temple  l'ordre  ©ù  elles  dévoient  être,  ne  trouvèrent  plus  de  l'huile  fainte  qu'u- 
|"g.  ^"*"   ne  Bouteille,  où  il  n'y  en  avoit  que  pour  entretenir  les fcpt  lampes  une 
nuit.     Et  cependant  avec  cette  huile  les  lampes  furent  entretenues  huit 
jours  j  ce  qui  les  obligea  à  confacrer  ces  jours  en  Fêtes,  6c  à  ordonner  qu'en 
mémoire  de  cela  les  Juifs  dans  toutes  leurs  demeures   allumeroient  des 
lampes  la  nuit. 

Il  femble  que  les  juifs  eufTent  établi  auffi  quelque  Fête,  au  tems  qu'on 
portbit  le  «bois  dans  le  Temple,  pour  entretenir  le  feu  immoi^lfel  del'Au- 
^*'D"*h^i  ^^^  ^^^  Holocaulles.     Jofephe  appelle  cette  Fête  ivho<p6piu^  &  il  en  fait 
lojHdaiw.    lïiention  en  ces  termes.    Cétoit  dans  le  tems  de  la  Fête  e^ don  appelle  l^uXo^oçnUi 
dans  laquelle  tout  le  monde  <î  de  coutume  de  porter  du  bois  au  T'émule ,  ■  af,n  que 
le  feu  qui  ne  [e  doit  jamais  éteindre  ^  ne  manque  pas  de  nourriture.  Le  Talmud 
dans  le  traité  n'»3j;n  chap.  4.  marque  neuf  jours  dans  l'antiée .,  dans  lefquels 
on  apportoit  le  bois,  i.  le  premier  de  Nifah,  2.  le  20.  de  Tammus  ou 
Juillet,   5.  le  f.  du  mois  3«,  4.  le  7"i«.  du  même  mois,  f.  le  io««.  du 
même  mois,  6.  le  if""*.  du  même  mois,  7.  le  ao.  du  même  mois,  8. 
ïe  20.  d'Elul,  p.  le  i«.  du  mois  Thebheth.   Et  à  chaque  jour  il  y  avoit 
certaines  familles  d'Ifraël  qui  avoient  cette  commiffion,  comme  un  privi- 
lège de  la  maifon.     Le  bois  étant  apporté  au  Temple ,  on  l'examinoitj 
pour  fîîvoir  s'il  n'y  avoit  pas  de  vers, car  le  bois  piqué étoit  réputé  fouil- 
lé pour  le  facriiice. 


C  H  A- 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Pir/.  II  35I 

CHAPITRE     XVIII. 

De  h  Circoncifan. 

A  Prés  avoir  parlé  du  Temple  &  du  fervice,  afin  de  ne  rien  laifTer  qui  - 
regarde  le  culte  Levitique,  il  faiît  parler  brièvement  des  autres  cé- 
rémonies que  noiis  n'avons  pas  touchées,  &  qui  n'ont  pu  entrer  dans 
les  chapitres  precedens.  i.  Delà  Circoncifion,  qui  étoitTentrée  enl'E- 
glife  Judaïque ,  &  avant  laquelle  il  ell:  certain  que  les  Juifs  ne  regardoient 
pas  leurs  enfans  comme  étant  du  peuple  de  Dieu.  Nous  ne  nous  arrécc- 
rons  pas  à  en  déduire  les  cérémonies  i  particulièrement  teller; que  les  Juifs 
îcs  obfervent  aujourd'hui,  on  les  peut. voir  dans  la  Synagogue  de Buxtorf, 
Il  faut  feulement  remarquer.- 

1.  La  partie  où  elle  fe  faifoit  c'eft  le  l^epuce  nSiy,  ce  mot  fîgnifîe  en     noth^  , 
Hébreu  toute  fuperfluité  qui  fait  obllacle  à  la  droite  adion  d'une  partie  j  que^ieVre? 
c'eft  pourquoi  Moïfe  dit  dans  l'Exode  6.  30.  qu'il  avoit  leprepuce  de  la  Un-  P"ce  en  gc- 
gtte^  ou  qu'il  étoit  incirconcis  de  lèvres^  &  (î  fouvent  dans  TEcriture  il  eft  "  ^^' 
parlé  du  prépuce  du  cœur  :  &  du  prépuce  des  oreilles  i   mais  particulie-  Levitique 
rement  ce  mot  delîgne  la  fuperfluité  é'^/Zj  operientis glandem  membri  virilis:  ^6. 41. 

ce  que  Dieu  voulut  tju'on  retranchât,  5c  que  ce  fût  le  fîgne  de  l'Alliance,  jeïemiéôr' 
pour  marquer  la  purification  de  la  femence,  ôc  par  cela  toute  la  fané}:ifi-^°' 
cation  6c  la  deflruâiion  de  la  chair. 

2.  Ce  ne  pouyoit  être  que  les  mâles  qu'on  circoncifoit ,  les  femmes  voyez  Anf- 
étant  des  annexes  de  l'homme.  On  dcvoit  circoncire  tout  mâle,  tant  celui  cenefedi!* 
qui  étoit  franc  que  l'efclave,  né  à  la  maifon  ou  acheté  j  Çl  l'enfant. étpit  ^7- 
hermaphrodite,  il  faloit  le  circoncire  in  natma  virili-,  fî  le  prépuce  man- juîftfur  if 
quoit,  il  faloit  pourtant  faire  couler  le  fang  de  la  circoncifion  y  fi  l'enfant '^"«'"'=^^0°- 
avoit 'deux  prépuces,  il  les  faloit  couper  tous  deux.  * 

Au  fujet  des  perfonnes  libres  ou  efclaves  Juifs,   ou  étrangerss,    voici  Mainjoni- 
les  canons  des  Juifs,     i .  Soit  que  l'efclave  foit  né  d^ns  la  maiibn,  ou  ache-  ffcircoifci-^ 
té  desPayens,  le  maître  cil  obligé  de  le  circonçirç.     2..  Celui  qui  eft  néfion. 
dans  la  maifon  eil:  circoncis  le  huitième  jour ,   celui  qui  eft  acheté-?   elt 
circoncis  le  jour  qu'on  l'acheté ,  quand  même  il  feroit  acheté  le  jour  de 
fa  naiffance.     3.  Si  l'efclave  acheté  des, Payens  eft  grand  ôc  qu'il  refufeVoy.  dans 
d'être  circoncis,  le  Maître  le  gardera  un  an  entier  ëcnon  davantage,  mais  fur  lacenefe 
il  le  revendra.     4.  Si  l'efclave   a  traité  avec  fdn  Maître  dans  fa  vente  ^^- '" '^t^'- 
qu  on  ne  le  contraindra  pas  a  ecre  circoncis,  on  le  pourra  garder  dans  la Pinitiation 
maifon,  pourvu  qu'il  s'obliee  à  obferver  les  7.  preceptes^des  Noachides; '^^^  ?'^°^^'r 
c'eit-a-dire  qu'il  foie  profelyte  de  la  porte,  autrement  s'il  refuloit  cela,  leMaimoni- 
Maître  Iç  pourroit  tuer,  à  ce  que*  dit  Maimonides  ;   fi  cela  fe  faifoit  c'é-  des- 
toit  du  tems  que  le  Peuple  d'Ifraël  étoit  maître  chez  loi:    mais  après  la 
captivité  ils  le  revendoierit,  à  ce  que  dit  Rabbi  Abraham  David  fur  Mai- "bi  fupià. 
monides, 

j^  Les»>enfaas  dévoient  être  circoncis  le  huitième  jour  ,    parce  que  le 

Sabbat 


55*  HISTOIRE  DES  DOGMES 

Sabbat  devoit  pafler  defliis:  parce,  difent  les  Juifs,  que  rien  ne  peut  être 
fanélifié  que  le  Sabbat  n'ait  coulé  deflus ,   avant  cela  ils  étoient  reputez 
Atift.1.7.     trop  foibles  :     Ariftote.  dans  l'hiftoire  des  animaux  dit  e^ue  la  plupart  des 
enfans  meurent  avant  le  feptieme  jour  :   c'efl  fourcjuoi  alors  on  leur  intpofoit  des 
mnts  les  regardant  comme  échapez..  Dieu  avoit  attaché  le  nombre  de  fept  aux 
purifications,  l'enfant  étant  fouillé  de  fon  fang  &  de  celui  de  fà  mère,  il 
faloit  fept  jours  de  purification,  comme  pour  les  nouvelles  accouchées  &  les 
taCirconci-  pcrfonncs  découlantes  &c.  Quoi  qu'on  ne  dût  pas  laifler  écouler  le  8™«. 
^^i^iU    J^'^^'j  cependant  cela  s'entendoit  s'ils  étoient  en  état  &  enfanté,  car  Mai- 
nuit,  on    monides  conte  toutes  les  maladies  qui  empêchoient  la  Circoncifion , com- 
'p"Je  jj/Z^j  me  fièvre 5  mal  d'yeux,  pâleur  de  vifage,  rougeur  exceflive.     Et  même 
poudre.       quand  une  femme,  après  avoir  perdu  fes  deux  enfans  premiers  nez  par  l'o- 
pération de  la  Circoncifion ,  acouchoit  d'un  troifiéme ,  il  lui  étoit  permis 
dediffereiik  Circoncifion  de  ce  troifiéme  jufques  à  ce  qu'il  eiit  plus  de 
force:   Du  rcfle  le  huitième  jour  étoit  fi  précifcment  marqué,  s'il  n'y 
avoit  pas  d*empêchement ,  que  le  Sabbat  même  ne  retardoiï  pas  cette  opé- 
ration manuelle. 
Gtotîus  in       4.  Le  Miniftre  de  ce  SacreniiEnt  étoit  le  père  pour  fès  enfans,  îe inaî- 
Gcflc     17-  j.^g  pour*  fes  ferviteurs ,  le  Juge  pour  ceux  que  les  pères  ou  les  maîtres  ne- 
MaimonU    gligoient  de  circoncire, &  pour  les  adultes  qui  negligeoient  de  fe faire cirr 
des  traité  de  concire.  Les  Lévites  faifoientfouvent  ce  Miniftere  de  la  Circoncifion,  les 
£on.'"°°"'  femmes  auffi  ;  mais  non  des  enfans  des  Payens ,  qu'on  n'eût  pas  voulu  cir- 
concire. 


CHAPITRE     XIX. 
Du  Sabbat, 


LeSabbiteft  ^^ 'E-ft  Ic  Tcptiémc  jouî  à  conter  depuis  la  création  du  Monde.  Il  y 
le  7.  jour  à  I^  aunc  grande  queftion  fur  l'origine  du  Sabbat.  Les  Hébreux  veu- 
^uîïc  la  -  icnt  qu'il  ait  tiré  fon  orig;ine  de  Sinaï.     Cdl  pourquoi  ils  préten- 


«caiion.      dent  que  ce  Commandement  leur  appartient,  à  l'exclufion  de  toutes  les  au- 
tres Nations.     Ils  n'obligent  pas  leurs  Profelytesà  l'obiérvation  de  laLoii 
6c  par  P étranger  qui  efi  dedans  tes  pertes ^   dont  il  ell  parié  dans  le  quatrié- 
Maîmoni-    lïic  Commandement,  Maimonides  entend  le  Profelyte  circoncis,  &  dit 
desTrafta-  que  rincirconcis,  qui  ne  garde  quelesCommandemensde  Noé,  eftcom- 
ifeo*cap!'z*r *"^  l'étranger  iëjournant  dans  le  Pays,  6c  peut  faire  fon  œuvre  en  tout 
'  tems.  Ils  s'appuyent  fur  ce  qui  eft  dit  dans  l'Exode  ch.  31.  15.  6c  16.  ^» 
feptieme  jour  c'efl  le  Sabbat  &c.     Q^^  un  figne  enîrt  moi  &  les  enfws  dlfraél 
&€.  ôc  au  16."^.  ip.  Vojtz.  que  P Eternel  nous  a  donné  le  repos i  &  cependant  il 
eft  bien  plus  vraifemblable  que  Dieu  fanftifia  ce  même  feptieme  jour,    6C 
marqua  les  femaines  dés  le  commencement  du  Monde,   comme  le  dit 
Moyfe.  On  en  voit  des  veftiges  dans  l'hiftoire  de  Noé  j  De  fept  en  fept  jours, 
c'eft-à-dire  toutes  les  femaines,  il  enyoyoit  un  Meflagcr  hors  de  l'Arche 
pour  favoir  fi  les  eaux  étoient  abbaifiees.  Maisiln'eft  pas  pourtant  certain 
que  ce  jour  fût  confacré  au  fervice  divin  par  l'ufage  de  l'Eglilé  d'alors  :  Nous 
a^'ons  éclairci  cette  queftion  dans  la  première  Partie  de  cet  ouvragé  cb,  i<ç. 

a.  Cette 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Part.ll.  353 

2.  Cette  obfervation  du  Sabbat  confiitoit  entre  les  Juifs  dans  une  rigi-  Canons  it 
de  abftinence  de  toute  œuvre  fervile.  Par  exemple    i.  vendre  &  acheter  Jion'dTsïb- 
desMarchandifes.  2.  Porter  des  fardeaux.  3.  Embaumer  des  morts.  4.  Ap- f*"- 
î^rêter  à  manger,   f .  Faire  voyage.    Faire  aucune  œuvre  tendant  auplai-  f^^''^"*^**^ 
iir.  6.  Aller  à  cheval.  7.  Juger  desprocez.  8.  Se  marierjContraéler.  p.  Se- J^'«™»«  «r^ 
parer  les  dîmes.  10.  Apprécier  des  chofes.  11.  Ne  point  parler  avec  aucun  uU.n.s^^ 
de  vente  &  d'achat  pour  le  lendemain.  12.  Ni  de  bâtir  une  maifon,  ou  cho-  Exod.j6.i7. 
iè  lembiable.   i  ^.  Vilîter  les  jardins  &  héritages  pour  voir  ce  qui  y  manque,  Efaïcig!'ÎÎ! 
^  comment  ils  profitent  6c  croisent  ;car  c'ell-là  dit  Maimonides  le  plai- 
iir  défendu  en  Efaïe.  ^^"«  cJ'sp. 

Cependant  on  pou  voit  tuer ,  égorger,  laver  des  vi<5l:imes,  arranger  du  £xodc  ji. 
bois  ëcc.  dans  le  Temple  pour  le  fervice  de  l'Autel.  Les  Juifs  ont  auffice  Jc^j^j^. 
proverbe:  Le pertl  de  U  vie  chafje  le  fabbat.  C'eft  pourquoi  ils  fe  défendent  2î.îr."'^' 
ôc  fe  forti^ent  dans  une  ville  afîiegée  au  jour  du  Sabbat.    Parce  que  la  vio-  ^^l'r^:,\lç^ 
lation  des  Sabbats  ieur  avoit  caulé  ce  terrible  châtimeht  de  la  captivité  peuvent  dé- 
de  Babylone ,  ils  devinrent  à  leur  retour  fuperflitieux  fur  ces  obfervations  :  foS^dVsab- 
jufques  à  ne  vouloir  pas  fe  défendre:  Mais  Mathathias  Se  fes  enfans  rom-  bat. 
pirent  cette  fuperllition  ,   &  ordonnèrent  qu'on  fe  défendroitaujour  du  ^^3^'^"^; 
Sabbat.  Ils  étendirent   auiïi  cette  maxime  fuperflitieufe  jufques  à  toutes 
les  chofes  ,  qui  font  neceiraircs  pour  conferver  la  vie  àts  malades,  hors  le 
|)eril  de  mort.  Ileft  défendu  auchap.  i5.  de  l'Exode  #.  2p.    de  fortir  de 
fa  place  au  jourdu  Sabbat  :LesJuitsEiréens  fur    tout  obfciToient  cet  ar- 
ticle du  commandement  avec  une  rigueur  ridicule  ,  jufques  à  ne  vouloir 
pas  partir  du  lieu  où  le  coucher  du  Soleil  les  furprenort.L'Hi.^îoireeft  con- 
nue de  ce  Juif,  qui  étant  tombé  dans  les  latrines,  n'en  voulut  pas  être  tiré  le 
jour  du  Sabbat.  Cependant  il  étoit  permis  de  faire  le  chemin  d'un  Sabbat,  '*^•^•"• 
dont  il  eft  parlé  au  livre  des  A6î:es,  fur  quoi  on  peut  voir  les  obfervations  qucirchè? 
de  nos  Savans  :  C'étoit   environ  un  mille,  ou  une  demi-lieuë,  ou  deux  "»'«  <**"» 
mille  condées  j  parce  que  c'étoit  l'efpace  qui  fe  trouvoit  entre  le  Camp  ^  ' 
d'ifraèl  &  l'Arche  ou  le  Tabernacle  dans  le  Défert.    Or  chacun  dcvoit 
avoir  la  liberté  d'aller  au  Tabernacle  ce  jour-là ,  ou  au  Temple  ,  ou  aux  Sy- 
nagogues j  qui  dévoient  par  conféquent  être  ainfi  difpofées,  qu'elles  ne  fuf^ 
fenr  pas  plus  éloignées  que  de  2000.  coudées  des  habitations  des  gens  qui 
s'y  dévoient  rendre.  L'étendue  des  villes  &  des  bourgades  ,  n'étoit  pas 
contée  dans  les  deux  mille  coudées  :  car  les  Juifs  pouvoient  s'écarter  juf- 
ques à  un  mille  loin  de  la  porte,  &  revenir  chez  eux  j  c'étoit  deux  milles 
qu'on  pouvoit  faire  le  jour  du  Sabbat  :  Mais  ils  dévoient  y  comprendre  l'é-  ^fT°^''^^^ 
tendue  du  faux-bourg:  car  cette  étendue  de  2D00.  coudées  eftprifepourlesabbato  <ap. 
faux-bourg  6c  banlieue  de  la  ville.  ^7- 

La  Loy  ,  qui  eil  fort  exaéte  à  commander  le  repos  du  Sabbat,  ne  dit  pas 
nettement  qu'on  fe  dût  aflèmbler  en  ce  jour  dans  les  Synagogues ,  ôc  l'ori- 
gine de  ces  Synagogues  eft  douteufe.  Seulement  le  Levit.  23.  3.  commande 
unefainte  convocation  ,mais  cela  ne  regardoit  que  le  Temple.  Il  n'eft  pas 
certain ,  ni  clair ,  comment  on  en  ufoit  ibus  le  premier  Temple.  Mais  dans 
le  dernier,  celaparoît  hors  de  doute.  Il  eft  clair  par  l'Hiftoire  des  A6tes  if. 
21 .  qu'on  s'aftèmbloitau  Sabbat  dans  les  Synagogues  pour  y  lire  la  Loi  j  Ce 
qui  fe  voit  en  plufieurs  endroits  de  ce  même  hvre.  L'Hiftoire  de  la  Shuna- 
mite  femble  fignifier ,  que  la  même  chofe  fe  faifoit  fous  le  premier  Temple, 
'Pm.IA  Y  y  Car 


354-         H  I  S  T  O  I  R  E  D  E  S  D  O  G  M  E  S 

a.noisch.  Car  voulant  aller  vers  le  Prophète ,  Ton  mari  lui  dit,  pourquoi  vas-tu  vers 
'*'^'^''       lui  ,  voici  il  n'eft  point  nouvelle  Lune,   ni  Sabbat.     Cela  fait  voir  qu'on 

s'aflembloit  auprès  des  Prophètes  dans  les  jours  de  Sabbat;  Mais  cela  ne 

prouve  pas  que  ce  fût  une  règle  ôc  un  ordinaire. 


CHAPITRE     XXI. 

^u  Sabbat  d'années    nta?:}:'.. 

Exode  2,5.  10.  &:c.  Levit.  25.  3.  Deuteronom.  if.  r. 

Ans  chaque  feptiéme  année  à  conter  depuis  la  paifible  pofTeffion  dus 

pays  de  Canaan  ,   Dieu  avoit  commandé  que  la  terre  demeurât 

ians  culture  ôc  fans  moiflbns  j  6c  que  les  dettes  fufient  relâchées  aux 

débiteurs.     C'eft  pourquoi  cette  année  s'appelloit  niùfin:?  le  Relâche.    Jofué 

fut  fept  ans  à  conquérir  la  terre,    à  la  huitième,  on  commença  à  conter 

jolulch.%.  les  fept  années:  Cela  fe  recueille  de  l'Hiifoire  de  Caleb^  qui  avoit  été  58., 

v^i.  2. 10.     j^j^g  ^^j  défert  avec  Moyfe ,  6c  avoit  40.  ans  quand  il  fut  envoyé  épie,  6c  étoit 

âgé  de  85,  ans  quand  le  partage  de  la  terre  le  fit, 
Quxft.  8P.         I.  Les  champs,  les  vignes,  les  arbres  les  oliviers  demeuroient  fans  cul* 
in  Exodum.  ^^j-^    g  Auguftin  eftimc  qu'il  étoit  permis  de  femer ,  6c  de  cultiver ,.  mais. 

Shemittah  i°/-vj/  ^  •  ■    ■  j     r  ■ 

vejovei  cap.  quc  la  rccoltc  etoit  abandonnée  aux  pauvres j  mais  cette  opinion  delaint: 
^°'  ^  Auguftiît  eft  faulTe  ,  car  Dieu  dit  expreflément  dans  le  Levitique ,, 
Maimoni-  Tu  ne  femer as  pas  ton  champ  ,  &  ne  tailleras  pas  ta  vigne.  Surquoi  les  Juifs 
queceitne''  ^^i^^nt ,  I.  qu'il  u'étoit  pas  permis  de  labourer  un  champ  j  2,.  ni  d'en  ôter 
commença  les  pierrcs,  ni  d'y  faire  des  hayes.  3..  Il  n'étoit  pas  permis  de  planter  un  ar- 
?orz!éme^"  ^^'^  5  ^^^  P^^  même  un  arbre  infertile.  4.  ni  d'ôter  à  un  arbre  les  bran- 
année,  par-  ches  inutiles,  f.  ni  de  recueiUir  les  feuilles:  6,  ni  de  faire  de  la  fumée  pour 
fix'^^ns"  f"^  tuer  les  chenilles:  7.  ni  de  couvrir  une  plante,  ni  de  garentir  les  fruits 
conquérir  la  dcs  oifcaux  qui  Ics  vculeiit  maugcr.  8.  ni  de  les  défendre  du  froid,  p.  IL 
"i"pârt3g7r!  n'étoit  pas  permis  de  labourer  la  terre,  ni  de  la  fumer,  en  vûë  de  laren-^ 
Pouriacui-  dre  meilleure  6c  plus  fertile ,  quand  la  feptiéme  année  feroit  paffée,  ni 
Matmoni-  d'en  arracher  les  épines  6c  les  ronces.  Enfin  la  terre  devoit  être  abfolu- 
dcstraa.      ment  abandonnée  a  elle-même. 

Schemittha  /^  -  -ji  ri  i-a  \ 

vejobei.  I.  Le  GUI  pi'ovenoit  de  la  terre  Ians  culture,   devoit  être  commun  a: 

Canons       X.OUS  Ics  habitaus  du  pays ,    on  le  voit  dans  l'Exode.    Il  femble  même- 

pour  l'an-  ^  •        ■  ■>    '^  l  \  •      j        •  j         j 

née  de  reiâ-  quc  le  propriétaire  n  eut  pas  le  pouvoir  de  rien  prendre  de  ce  qui  ve- 
Pour  î'  ^^^^  ^""'^  ^°^  héritage ,  6c  que  cela  devoit  être  entièrement  abandonné  aux. 
turc.  pauvres,  6c  le  refte  aux  bêtes.     Mais  par  le  Levitique  il  paroît  que  cha- 

rcco?te'^'*  cun  en  pouvoit  ufer,c««r  la  Loy  dit  ce  (]ui  proviendra  delà  terre  te  feraenvtan' 
Exod,  de  &c. 

^;p'^"'  2.  Mais  il  n'étoit  pas  permis  de  moifibnner  ni  de  vendanger ,  6c  là- def- 
fus  les  Rabins  difent ,  qu'il  n'étoit  pas  permis  de  fermer  la  porte  du  clos 
de  fa  vigne,  ni  de  faire  une  haye  à  fon  champ  j  que  le  propriétaire  pou- 
voit recueillir  des  fruits  venus  fur  fon  héritage,  mais  que  tous  les  autres 
J  avoient  autant  de  droit  que  lui.. 

5.  II 


ET  DES  CULTES  DE  PEGLISE.  Tart.U.  3^5 

3.  Il  ne  pouvoit  amafTer  chez  foi  des  fruits  de  fon  héritage,  qu'au- 
tant qu'un  homme  en  prend  ordinairement  de  l'héritage  d'autrui,  comme 
une  poignée  ou  deux. 

4;.  De  ces  fruits  dont  on  fait  quelquefois  des  remèdes ,    êc  des  em- 
plâtres ,  comme  figues ,  raifins ,  olives ,  on  ne  s'en  pouvoit  fervir ,  difent  les     ~ 
Juifs ,  à  cet  ufage ,  à  caufe  que  la  Loi  dit ,  cela  te  fera  pour  viande  :  6c  non 
pour  médecine. 

f .  On  ne  pouvoit  pas  faire  marchandife  des  fruits  provenus  de  cette 
feptiéme  année ,  mais  fi  on  en  vendoit  quelque  peu  il  fàloit  employer 
l'argent  qui  en  provenoit  à  acheter  d'autres  vivres,  à  caufe  de  cela  mê- 
me que.la  Loi  dit,  cela  te  fera  pour  viande. 

6.  On  ne  pouvoit  pas  vendre  les  fruits  par  mefure  &  poids,  de  peur  que 
cela  ne  parût  marchandife. 

7.  Il  n'étoit  pas  permis  deramafl'erla  paille  ,ôclefoin  de  cette  année-là, 
cela  de  voit  être  laiffé  aux  bétes. 

8.  On  ne  pouvoit  pas  tranfporter  des  fruits  de  la  terre  dans  cette  an- 
née, ni  en  faire  part  aux  étrangers,  excepté  ceux  qui  étoient  dans  le  pays. 

p.  Ils  ne  pouvoient  donner  aux  bêtes  les  fruits  qui  font  deflinez  pro- 
prement à  la  nourriture  de  l'homme,  à  caufe  de  ce  <^ui  efl  dit,  &ilte  fe^ 
ra  pour  viande. 

10.  On  n'eût  pas  ofé  recueillir  le  fruit  de  la  feptiéme  année  avant  fa  ma-» 
turité  pour  l'apporter  à  la  maifon ,  on  en  pouvoit  manger  fur  le  champ  en 
maturité. 

1 1 .  On  ne  pouvoit  garder  dans  les  maifons  des  fruits  de  la  feptiéme  an- 
née qu'autant  de  tems  que  les  mêmes  fruits  fe  pouvoient  trouver  fur  les 
arbres  ôc  fur  la  terre ,  &  quand  il  n'y  en  avoit  plus  aux  champs ,  il  faloit 
jetter  dehors  ce  qui  s'en  trouvoit  dans  la  maifon.  Il  n'étoit  plus  permis 
d'en  manger ,  ni  à  pauvre  ni  à  riche,  quand  les  bêtes  n'en  trouvoienr  plus 
à  manger  de  la  même  efpece.  Toutes  ces  règles  fe  trouvent  dans  le  Trai- 
té de  Maimonides  appelle  ^3>i  rw2\i^  ,  du  Relâche  &  du  fubilé.  Laquef- 
tion  efi; ,  fi  tout  cela  efl  du  fens  de  la  Loy,  5c  de  l'intention  du  Legif- 
lateur. 

3.  Voici  une  autre  chofe  très  -  confiderable ,  qui  diftingnoit  cette  an-^"  reiâche- 
née,   c'étoit  le  relâche  des  dettes,  il  efl  commandé   dans   leDeute-denes.  " 
ronome.     Il  ell  alFez  douteux  fi  le  texte  fignifie  qu'on  relâchât  abfolu-^^-^^  "^-ï» 
ment  \es  dettes  pour  ne  les  exiger  jamais,    ou  fi  c'étoit  un  fimple  re- 
lâche de  délai  pour  l'année  ,  parce  que  la  terre  neproduifant  rien,  le  peu- 
ple ne  pouvoit  payer  ce  qu'il  devoit:  Les  Juifs  fe  déterminent  pour  le  pre- 
mier, &  prétendent  que  l'amortiflcment  des  dettes  fe  faifoit  abfolument  : 
le  mot  de  hl^dij'  fembîe  fignifier  cela,  les  'jo.  le  rendent  par  a0.e(jiç^  mot 
dont   le   Nouveau    Tellament   fe   fert   pour   fignifier    î'abfoluë  remife  s^icnitths, 
des  péchez,  de  quoi  cette  année  étoit  la  figure.      Et  c'efl  par  allufion  à 
■ces  années  de  relâche,  que  les  tems  du  Nouveau  Teflament  font  appeliez 
Tan  acceptable  du  Seigneur ,  c'efl-à-dire  l'an  de  relâche  ou  de  remife-,  par- 
ce que  Dieu  avoit  agréable  la  remife  que  l'on  faifoit  aux  pauvres  ,   &  re- 
gardoit  cela  comme  un  facrifice,  la  faveur  n'eût  pas  été  bien  grande  de  ne 
donner  qu'un  fimple  délai  d'un  an.  ' 

Mais  lès  Rabbins  apportent  là-defTus  diverfes  règles  ôc  exceptions.     î, 

•         Yy  2.  C« 


356  HISTOIRE  DES   D  O  G  MES 

Ginonspoui  Ce  rclâche  ne  regïirdoit  que  les  chofes  empruntées  ,  &  non  les  cho* 
d  uT'***^"  ^^s  dérobées  ou  données  en  dépôt,  z.  On  ne  pouvoit  obliger  à  jurer  de- 
vant le  Magillrat  fur  un  fait  de  dettes,  excepté  que  ce  fût  un  dépôt  nié'^, 
ou.  une  partie  de  fuccefîïon  ou  d'héritage  détenu  injuilement.  3.  Ils 
difent  que  quand  les  terres  étoient  hypothéquées  aux  dettes,  Tan  de  relâ- 
che ne  les  anéantiflbit  pas  :  ôc  cela,  eil  affeZ'  vrai-femblable  :  car  c'eft  une 
efpece  d'achat  de  la  terre:  Or  en  cas  de  vente  de  fonds,-  le  propriétaire 
ne  rentroit  en  pofieflion  que  Tan  dujubilé,  comme onle  verra  d-aprés 34.. 
quand  le  prêt  n'ctoit  hypothéqué  que  fur  les  biens  meubles, l'an  de  relâche  " 
ranéantiltoit.  f.  L'argent  dû  pour  un  fonds  vendu  ou  ahené  ne  feperdoit 
point  dans  l'an  de  relâche.  6.  Celui  qui  en  prêtant  alîignoit  terme  de 
dix  ans  à  fon  débiteur,,  ne  perdoit  point  fa  dette  par  Tan  de  relâche,  c'ell- 
à-dire  que  tout  argent  prêté  à  terme  marqué,  foit  de  deux  ans,  (bit  de  dix,, 
ne  fe  perdoit  pas.  7.  Si  on  traitoit  à  condition  qu'une  telle  dette  nefe- 
roit  pas  perdue  Tan  de  relâche,  on  ne  la  perdoit  pas:  car  encore  que  la- 
Loi  ne  liât  point  le  débiteur,  fa  promefie le  lioit.  8.  Les  crimes n*étoient 
point  relâchez  9.  Celui  qui  prêtoit  fur  gage  n'étoit  pas  obligé  de  r>en- 
dre  Ife  gage,  mais  fi  fon  prêt  valoir  mieux  que  le  gage  ,  ce  qui  étoit  de 
plus  étoit  perdu.  10.  Si  le  Juge  avoit  prononcé  lentencefur  une  dette  ^r 
&  que  cela  fût  écrit,  l'an  de  relâche  n'y  faifoit  rien:  car  cela  ne  tenoit  plus 
nature  de  prêt,  mais-depropie.  Les  Juifs,  qui  déjà  n'aimoient  pasàperdre, 
avoient  pris  quantité  de  précautions  de  cette  nature,  quifervoient  propre- 
ment à  anéantir  la  Loi,  ôc  à  fruilrer  JeLegiilateurdu  fruit  de  fon  inten- 
tion ,  qui  étoit  le  foulagement  du  pauvre. 
F»p.,.-,«„  Aben-Efra  entend  ce  texte  du  Deuteronome  de  la  feptjémc  année  de- 
11Î.V.12.  puis  le  prer:ç  eit-ardire  qp  au  boutdelept  ans  un  homme  devort  être  quitte 
^rti.  ^^  ^^  dette:  tout  de  même  que  des  ferviteurs  dont  il  eft  parié  là-même. 
Comme,  ce.  relâche. des  ferviteurs  eil  conliderable  ,,  il  en,  faut  dire  quel- 
que, chofe. 
Du  relâche-  I-  ^^  rclâchc  ne  fc  faifoit  pas  feulement  Tàn  dé  relâche  ,  comme  efli- 
ment  des     ment  Quelques-uns  :  mais  au  bout  de  fept  ans  depuis  l'achat. de  l'efclave. 

ferviteurs  au  r^t    n    -     j-         :3  ■  vi     i'       •  j       i     •         *  l-  >-i  •       r    r 

boutde  fept  L  eit  a  dire  depuis  qu  il  s  etoit  vendu  lu^meme,    ou  bien  qu  il  avoit  ete- 
3^*-  livré  par  le  Magiib-at,  pour  un  vol  qu'il  n'auroit  pas  eu  moyen  de  refti- 

cc  relâche  tucr,.  Car  autrement  il  n'étoit  pas  permis  de  vendre  un  Ifraëlite à-un autre-^ 
desfervi-     pour  cfclavc  :  Mais  ils  fe  pouvoient  vendre  eux-mêmes^,.  &  ils  nedevoienc- 
Exod.  Z2.3.  p-is  être  traitez  comme  les  autres  efdaves,  on  les  traitoit;  feulement  com- 
me les  mercenaires. 
Lcvit.  i5.        2,    Au  bout  des  fept  ans  l'efclave  Hébreu    devoit  être   mis  en   li- 
berté >,  non  avant ,  (î  ce  n'eii  que  l'an  du  Jubilé  arrivât  j<juand  il  n'auroitété" 
vendu  que  depuis  un  an,,  il  étoit  libre  j  mais  pour  l'an  de  relâche  il  n'en 
étoit  pas  de  même,,  il  faloit  que  celui  qui  s'étoit  vendu  achevât  fes  7.ans.. 
Et  Maimonides  remarque  même  qu'ils  fe  pouvoient  vendre  pour  plus  àzj.. 
Exode  iï.  années.  3.  Qtiand  l'efclave  avoit.fa  femme  avant,  que  d''entrer  en  fervitude 
^  il  fortoit  libre  avec  fa  femme,  &  les  enfans  nez-, d'elle.     Mais  la  Loi  dit 

que  fi  le  maître  avoit  donné  au  ferviteur  une  femme,  la  femme  8c  lesen-»- 
fans  ne  dévoient  pas  être  affranchis  dans  lafeptiéme  année,  le  mari  ior^- 
toit  feul. 

Ce.  qtie  les  Juifs  reftreignoient.  aux  femmes  Payennes  &  étrangères,. 

.qjue.- 


ET  DES  CULTES  DE  UEGLISE.  PartM.  357 

que  les  maîtres  donnoient  à  leurs  e/claves,  afin  de  leur  procréer  d'autres 
cfclaves.  Car  encore  qu'un  maître  eût  donné  à  fon  ferviteur  Ifraëlkc  ,- 
une  femme  Ifraclite,  &  qu'il  en  eût  des  enfàns,  le  maître  n'eût  pas  été 
en  droit  de  retenir  la  femme,  &  les  enfans.  Cette  remarque  eft  folide, 
car  des  Ifraëlites naturels,  de  quelque  condition,  &:  fexe  qu'ils  fuflentjne 
pouvoient  être  retenus  efclaves  au  delà  des  7.  ans.  Mais  les  entàns  d'un  Juif 
nez  d'une  efclave  Cananéenne,  étoient  reputez  Cananéens, &  pouvoient 
être  efclaves  à  perpétuité.  Au  refte  fur  ce  qu'on  peut  dire  qu'un  Juif  ne 
pouvoic  félon  les  Loix  époufer  une  étrangère,  quoi  qu'il  tût  ferfj  on  peut 
répondre  que  les  femmes  Cananéennes ,  que  les  maîtres  Juifs  donnoient  à 
leurs ierviteurs  Juifs,  étoient  Profelytes  de  la  porte  par  converfion,&  non  ido- 
lâtres} car  nous  ayons  vu  ci-devant  qu'un  Ifraëiice  ne  pouvoir  retenir  un 
ibrf  idolâtre  chez-  lui: 

3.  Et  même  les  Juifs  difent  qu'un  maître  ne  pouvoir  donnera  femme,  ^xodc 
une  Cananéenne  à  un  ferviteur  Juif,  à  moins  qu'il  n'eût  une  autre  fem- 
me Ifraëlite,  afin  que  tous  ks  enfàns  ne  fufTent  pas  étrangers  &  efclaves.  , 
Cependant  fî  au  bout  des  fept  ans  ,    le  ferviteur  ne  vouloir  pas  fortir,  cefcr^itenz' 
on  lui  perçoit  l'oreille  au  poteau.   Les  Tuifs  difent  que  ce  devoir  être  i'o-  ^y^^t^'o- , 
reille  droite,  oc  que  le  maître  en  perlonne,  devoir  faire  cet  ofnce.  Mais  fervoit  à 
Maimonides  excepte  le  Sacrificateur,  c'efî-à-dire,  le  ferviteur  de  lara-  c°eft-Tdiîe 
ce  des  Sacrificateurs,  àcaufe  qu'en  lui  perçant  l'oreille,  on  lui  auroitim-  iofquesau  * 
primé  une  tache,  qui  l'auroit  rendu  incapable  de  retourner  à  fa  première  /uWs'à°ia 
dignité-  ,.  parce  que  le.  Sacrificateur  devoit   être  entier  dans  tous  {es  mort  du 

membres.-    '  a  maître,  cas- 

_  ,  ilnedemcu- 

4.  Il  y  avoit  une  quatrième  chofe  fort  remarquable  j  c'eft  qu'en  cette  roit  point 
année  de  relâche  ,    à  la  Fête  des  Tabernacles ,  on  relifoit  la  Loy  toute  kiotiflls-- 
entiere ,  ainfi  qu'il  eft  commandé  dans  le  Deuteronome;  C'étoit  fans  dou-  dj^ion  des 
te  l'intention  du  Legiflateur.     Mais  dans  la  fuite  àts  tems  ,  cela  dege-  parcrquèu 
nera  en  une  leâure  de  pompe  ,   &  d'apparat,  plutôt  que  d'édification.  Loy  difoit. 
Cette  leéturc  fefaifbit.  par  le  Roy  même,  on  lui  bâtiflbiE  une  efpece  de  ^ira,  ôcnon^ 
tribune  de  bois  au  milieu  de  la  com-  des  femmes,  où  tour  iepeuples'af-  P"?  l'-^'r"" 
fembloit.     Un  des  Miniitres  de  l'aiTemblée,  prenoit  lehvre,  ôcle  don-  Matmonides- 
noit  au  chef  de  la  Congrégation?  le  chef  de  la  Congrégation  le  donnoit  ^g^^^^'^'g, 
au  Sagan ,  le  Sagan  au  Souverain  Sacrificateur,  qui  le  donnoit  au  Roy.  s.  "  "  ' 
Le  Roy  faifoit  une  prière  avant  que  de  lire,  èc  lifoit,  ou  alîîs,  fi  bon  lui  ,^^"?"/' 
lembloît,  ou  debout }  oc    ce  dernier   etoit   de  plus   grand  mente.     11  Loi. 
lifoit  depuis  le  commencement  du  Deuteronome  ,  jufques  au  f.  lo.  du  f^^^'^\ 
chap.  6.  il  paflbit  le   13.  f.    de  l'ii.  ch.  &  lifoit   jufqu'au  11"^.  v.  du 

même  chap.  puis  il  travcrfoit  jufques  au  21.  v.  du   14'.  chap.,  ôt~lifoit 
jufquesau  z^^.  v.  du  iç>  chap.  Ils  croïoient  que  cela  fufîifoit,  pour  leur 
remettre Ja  Loy  dans  l'efprit.     Les  Talmudiftes  difent  qu'Agrippa  lifant 
ces  paroles  du  Deuter.  T^  choifras  an  Roy  d'entre  tes  frères ,  fe  mit  à  pieu-  Deuter.ch.* 
rer,  parcequ'ilétoit  étranger,  &  le  peuple  cria ,  ne  crains  pas  Agrippa,     ■^■'^' 
tu  es  nôtre  frère.  Le  texte  devoit  êtrelû  en  Hébreu,  encore  qu'alors  cette  ugifoof.- 
langue  ne  fût  plus  vulgaire. 

Cet  an  de  relâche  commençoit  au  mois  de  Tifii^  au  jour  desPropitia- 
îions.  Maimonides  dit  que  les  dettes  n'étoient  relâchées  ,  qu'au 
dernier  jour  de  cette  année ,  cela  n'eft  pas  vraifembiabie,  le  relâchement  des 

Y  y.  3,  dec- 


358         HISTOIREDESDOGMES 

dettes  Te  faifoit  apparemment  au  même  jour  que  le  relâchement  des  fer- 
viteurs,  dans  le  Jubile  ,  favoirle  .10.  de  Tifri,  jour  des  Propitiations.  Ce 
Sabbat  d'années  s'eil  encore  obfervé  après  le  retour  de  la  captivité,  com- 
Antlq.  lib.  me  il  paroît  par  Nehemie.   10.  31.  6c  par  ce  que  rapporte  Jofephe ,  que 
*"'  Ton  demanda  à  j^lexandre le  Grand  pour  privilège,  d'être  exemptsde  tri- 

buts dans  Tannée  de  relâche.  Mais  il  s'abolit  peu  à  peu  •■,  apparemment 
à  caufe  des  impôts  ,  ôc  parce  que  le  peuple  le  trouva  chargé  de  beau- 
coup de  dépenlés  publiques.  De  forte  qu'il  n'y  en  eut  plus  lur  la  fin  de 
l'Etat  des  Juifs. 


CHAPITRE     XXI L 

T>u  grand  Sahhat  d' années  ^  ou  Jubilé  Vai^ 
Levit.  if.  8.  ad  finem  ufque. 


£.e  Jubilé 
étoit  l'an 
•cinquantiè- 
me ,  &  non 
Fanquarrii- 
te-neuvié- 
me. 

Levit.  25. 
g. 


Chap.  ïo, 
duTraice 
Shemittha 
vejobel. 


LEs  Juifs  contoient  fept  feiHaijnes  d'années ,  après  lefquelles  venoit  le 
grand  Jubilé.     Sept  fois  fept  font  49.  &  là-defilis  il  y  a  une  queftion 
entre  les  Auteurs  modernes,  fa  voir  (î  le  Jubilé  étoit  le  quarante-neu- 
vième an,  ou  le  cinquantième.    Voici  ce  que  la  Loyen  dit,  tu  conteras 
fept  femaines  damnées  ^  favoir  fipt  fois  fipt  ans^  &  les  jours  des  fept  femaineste 
reviendront  a /\^.  ans.  v.  10.  Et  th  fanclifieras  fan  cinquantième  ^  &c.  v.  1 1 .  Cet 
an  cinquantième  vous  fera  le  fubile'.     Cela  fignifîe  clairement,  que  l'an  du  Ju- 
bilé étoit  diftinèl  de  l'an  49.  Auffi  eiî-cele  fentiment  des  Juifs,  qui  doi- 
vent êtrciplus  crûs  en  cette  matière  que  les  Modernes.     Maimonides  dit 
expreffément  :  Uan  du  fubile'  n"" entre  point  dans  le  contedes^g.maisle^ç^^efi 
fan  de  relâche ,  &  le  JOme  ^fi  Is  fubile\  &  le  fl.  eii  le  premier  an  des  fept  fui - 
vans:  &  Rabbi Menachem  fur  le  Levitique,  dit  auffi,  le  49»"^  efl  l'an  de 
relâche ^  &  le  fo™^  ejl  l'an  du  fubile.  Ce  n'eft  pas  fatisfaire  à  la  difficulté, 
que  de  dire,  que  par  la  cinquantième  année  il  faut  entendre  inclufive- 
ment  l'an  du  prefent  Jubilé,  &  celui  du  dernier,  comme  on  dit,  que  les 
Olympiades  fe  celebroient  de  cinq  ans  en  cinq  ans,  quoi  qu'elles  ne  com- 
priffent  que  quatre  années  j  &  comme  nous  difons  une  huitaine  pour  une 
femaine,  en  contant  inclulîvement  les  deux  jours,  celui  qui  précède  la 
fcmaine,  &  celui  qui  la  ferme,    i.  L'Ecriture,  c'eft-à-dire,  la  Loy  ne 
parle  pas  ainiî  dans  fes  fupputations ,  par  exemple  dans  les  fêtes  folennel- 
les ,  quand  elle  dit,  le  huitième  Jour  vous  fera  fête  folennelle,  .ellen'c.ntcndTpiiS 
le  iêptiéme,      2.  La  Loy  du  Levitique  contoit  le  premier  Jubilé,  qui 
n'ayant  pas  de  Jubilé  devant  foy ,  on  ne  po.uvoit  pas  le  renfermer  dans  la 
fuppuration,  &  ainfi  en  aucun  fens  l'année  de  ce  premier  Jubilé  ne  peut 
être  la  ciiiquantiéme ,  fi  c'étoit  la  quarante- neuvième.     3.  Enfin  les  Hé- 
breux,  qui  ont  toujours  conté  par  ces  Jubilez  font  incompai-ablement 
plus  dignes  de  foy.    Joint,  que  comme  les  Jubilez  &  les  Relâches  étoient 
aux  Juifs,  ce  que  les  Olympiades  &  les  Lufires  étoient  aux  Grecs  &  aux 
Romains,  c'eil-à-dire ,  des  époques  &  moiens  defupputer  leurs  années,  il 
y  a  bien  plus  d'apparence,  que  Dieu  divifa  le  fiecle,  qui  eil  de  cent  ans, 

en 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE. F^n.lL  ^^9 

eft  deux  parties  égales  de  fo.  Auffi  Cunaeus ,  qui  fuit  l'opinion  des  4p.  ans 
contre  Maimonides,  n'apporte  aucun  fondement  de  fon  opinion. 

Le  nom  de  ^^ikle  vient  de  Sai"» .    C'écoit  un  cor  ou  cornet  avec  lequel  d'où  vient 
on  fonnoit  dans  tout  le  pais  5  Qiielques  Juifs  veulent  que  ce  mot '7nv  figni-  lenomde 
fie  en  Arabe  ,  car  il  n'eft  pas  Hébreu,  une  corne  de  bélier,  àcaufeque      **' 
Ton  fonnoit  du  cor  dans  cette  folennité,  &dans  l^ourdesPropitiations:  jofuéfi.ij. 
En  effet  Dieu  commande  que  fept  Prêtres  fonnent  devant  l'Arche  aveclept 
cSsi'',  cors  ou  cornes  de  bélier.  Mais  un  nommé  Marbachius ,  au  rap- 
port de  Goodwin,  dit,  que  cela  vient  de  Jubal,  dont  il  eft  dit  qu'il  fut  Gen.4.2r, 
l'auteur,  &  l'inventeur  des  inftrumens  de  Mufique:  RabbiMenachem  J"^"^-^?.*' 
fur  le  Levitique ,  &  le  favant  Ainfworth  croient  ,  que  ce  mot  vient  de 
bl''  qui  fîgnifie  produire ,  6c  de  Snv ,  qui  fîgnifie  un  fleuve  ,  un  courant, 
parce  que  le  fon  du  cor  fait  une  tirade,  ex  eo  <]Piod protrahitur  fonm  tuba: 
Quoi  qu'il  en  foit  cela  vient  de  Snr ,  cor  ou  trompette. 

1.  Premièrement  donc  le  Jubile  fe  publioit  le  dixième  de  Tifri ,  jour  J;^J"^'Jé 
propre  des  Propitiations  ,  6c  fe  proclamoit  au  fon  du  cor  &  de  la  trom-  mJ!tTe%uî 
pette,  non  feulement  en  Jerufalem  ,  mais  par  toute  la  Terre  Sainte^  l'or-  desPropitia- 
dres'endonnoitparle  Sanhédrin,  ôc  devoit  être  exécuté  par  tous  les  par-  huompe" 
ticuliers 5 c'eft-à-dirCjque  chaque  particulier,  comme  dit  Maimonides  chap.  "• 

10.  devoit  fonner  du  cor,  &  cela  durant  tout  le  jour  des  Propitiations, 
de  forte  que  l'on  entendoit  un  beau  bruit  durant  ce  jour-là  dans  toute  la 
terre  de  Canaan. 

2.  Cet  an  dti  Jubilé  avoit  cela  de  commun  avec  l'an  de  relâche,  c'efi  ^'^^^  «^on- 
qu'on  n'y  labouroit ,  femoit ,  ni  cultivoit  la  terre,  &onne  recueilloit rien  iSiie^année 
femblablement ,  6c  à  cet  égard  tout  ce  qui  étoit  permis  dans  le  relâche ,  "'"^  ^^^^"." 
étoit  permis  dans  le  Jubilé,  6c  tout  ce  qui  étoit  défendu  dans  le  relâche,  ans!'^"*'" 
étoit  auffi  défendu  dans  le  Jubilé;  c'eft  ce  que  dit  exprellement  Maimo-  Traité she- 
nides.     Ainfi  il  y  avoit  deux  années  de  ceflation  pour  la  terre  tout  de  fui-  .^beTa^' 
te,  c'eftla  difficulté  de  Cunceus.     Cela  eût  été  incommode ,  dit-on  >  ouï,  lo. 
mais  Dieu  avoit  promis  d'y  pourvoir,  en  leur  donnant  la  fîxiéme  année  ^^^^^''^q!^ 
du  revenu  pour  trois  ans  :  Ainfi  dans  la  49.  ils  mangeoient  le  revenu  de  21.  î^. 

la  48.  6c  encore  l'an  fo.  6c  encore  l'an  fi. auquel  ils femoient 6c recueil- 
loient. 

3.  Mais  le  relâchement  des  dettes  nefe  faifoit  pas,  à  ce  que  dit  Mai- 
monides, dans  l'an  du  Jubilé,  comme  dans  l'an  de  relâche.  La  raifon  eft 
évidente ,  e'eft  qu'il  avoit  été  fait  l'an  49.  on  ne  le  pouvoit  pas  faire 
deux  ans  de  fuite,  car  on  étoit  quitte  dés  l'an  précèdent.  Maimonides 
trouve  encore  cette  différence  en,tre  le  jubilé  6c  le  relâche  ,  c'efl  que 
dans  le  relâche  les  dettes  s'aquittoient  le  dernier  de  l'an ,  6c  dans  le  Ju- 
bilé les  ferviteurs  étoient  affranchis  au  commencement  de  l'année,  mais 
ey-deffus  nous  avons  dit,  que  cela  n'eil  pas  apparent,  6c  que  les  dettes 
s'aquittoient  auffi  à  l'entrée  de  l'année  de  relâche.  Deuxgrands 

4.  Les  deuxgrands  bénéfices  de  cette  année ,  qui  la  faifoient  être  l'an  de  p^JJ^^^^jJ^^^® 
joye,  ran  acceptable^  comme  parlent  les  Prophètes,  6c  qui  la  rendoient  kbiié,Paf- 
figure  de  ce  grand  Salut,  arrivé  par  le  Mefîîe,  c'étoit  la  délivrance  àts  me"n?d2" 
ferviteurs  j  6c  le  recour  des  héritages  à  leurs  anciens  maîtres.     Première-  ferviteurs, 
ment  tous  les  ferviteurs  étoient  rais  en  liberté,  favoir  les  Hébreux, hom-  desheîkT-"^ 
mes  6c  femmes  :  car  pour  les  efclaves  étrangers,  ils  fervoient  fans  efpe-  g" 

r  ance  44.  ôjfuiy^  ' 


56o         HIST  OIRE  DES   DOGMES 

rance  de  rachat  :  Ceux  là-mêmes,  qui  après  la feptiéme année ,  n'avoient 
pas  voulu  être  affranchis ,  6c  s'étoient  liez  pour  toujours,  étoient  mis  en 
liberté,  eux ,  leurs  femmes,  &  leurs  enfans ,  excepté  les  enfans  nez  d'une  Ca- 
nanéenne ;  car  ils  étoient  reputcz  étrangers,  ôc  comme  tels  dcmeuroient 
fcrfs  à  perpétuité:  Et  ainfi  il  n'y  avoit  aucune  referve  dans  l'afFranchifTe- 
■ment  qui  Ce  faifoit  au  bout  des  Tept  ans.     Lors  qu'un  homme  ,  qui  s'étoit 
vendu  pour  fept  ans,  Évoit  été  malade  quatre  ou  cinq  ans,  ce  tems  de 
maladie  ne  lui  étoit  conté  pour  rien  dans  l'an  de  relâche  ;  il  devoit  repa- 
rer le  tort  par  autant  d'autres  années  de  fer  vice.   Mais  ici  quand  un  iervi- 
teur  auroit  été  toute  fa  vie  hors  d'état  derendre  fervicc  à  fon  maître,  néan- 
moins il  Ibrtoit  libre  au  Jubilé. 
Maîmoni-        Cet  affranchiffement  des  ferviteurs  fe  faifoit  jugement  le  jour  des  Pro- 
d"slrvis'    pitiations ,  ou  le  dixième  de  Tifri  :  Mais  la  liberté  commençoit  pourtant 
x.j.i.&fui-  dés  le  premier  jour  de  Tifri,  fête  àes  trompettes:  car  durant  ces  rieuf 
'*"*'  premiers  jours  du  mois,  les  ferviteurs  faifoient  des  efpeces  de  Bacchanales, 

mangeoient,  bû voient,  s'enyvroient,  marchoientéccouroiait couronnez 
de  fleurs.     Et  ceux  là  fe  trompent,  quidifent  que  ces  fêtes  des  ferviteurs 
Macrôb.      ^^  faifoient  tous  les  ans  à  la  fête  des  Tabernacles.  Les  Grecs  avoient  une 
saturn.iib.   fête  appelléc  âvùsçyipia^  qui  reflembloit  fort  à  la  fête  des  ferviteurs  au  Ju- 
vih.l.ci2.7.  ^^^^  '•  ^^^  durant  cette  fête  les  efclaves étoient  libres  ,   couroient  les  rues, 
dloient  6c  mangeoient  avec  leurs  maîtres  j  6c  quand  la  fête  étoit  £nie  on 
leur  difoit,  Ite  foras  canes,  non  amplius  anthefieria. 
àzshlikl-        5-  L'autregrand  bénéfice  du  Jubilé  écoic  le  retour  des  fonds  6c  des  he^ 
ges.  ritages  à  leurs  anciens  maîtres  ,  euffent-ils  changé  de  maîtres  cent  fois, 

foit  qu'ils  euffènt  été  aliénez  par  vente,  ou  par  don,  comme  remarque 
Maimonides  chap.  1 1 .  Dieu  étoit  demeuré  propriétaire  du  pays  ,  6c  ea 
avoit  donné  feulement  Pufufruit  aux  Ifraëlites,  ainfi  ils  ne  pouvoient  ven- 
dre que  l'ufufruit ,  6c  cela  à  proportion  de  ce  qu'on  étoit  éloigné  du  Ju- 
bilé.   Il  faut  obferver  que  cela  doit  être  entendu  des  aliénations  dufondsj, 
qui  fe  faifoient  fans  marquer  aucun  tems:  car  en  ce  cas  la  vente  étant  pu- 
re 6c  fimple,  on  foufenrendoit  le  retour  dans  l'an  de  Jubilé.     Mais  fi  on 
exprimoit  le  nombre  des  années,  quoi  que  ce  nombre  iillât  plus  loin  que  le 
Jubilé,  le  marché  étoit  valable,  6c  devoit  être  obfervé.     Par  exemple, 
fi  un  homme  vendoit  pour  6o.  ans,  l'héritage  ae  retournoit  pas  au  Jubi- 
lé, il  faloit  que  les  do.  ans  s'accomplifient  ;  c'eft  ce  que  remarque  expref- 
Maîmoni-    fément  Maimonidcs  ch.  lo.  du  Traité  du  Relâche  6c  du  Jubilé.,  (^elui  (jui 
If^^'^^vT!*'  ^snàoît  Çon  champ  pour  6o.  ans  ne  le  retirait  pas  an  Jubilé ,  car  il  n'y  avoit  que  Ut 
c.  12.  chofes  vendues  par  vente  pure  &  fimple  ^  qm  retomnajfent.     Comme  ils  neven- 

doient  proprement  que  \cs  revenus,  on  ne  tenoit  point  conte  au  vendeur 
d^s'ia'îobei  ^^^  aniiées  de  relâche,  dans  lefquelles  il  n'y  avoit  pas  de  revenu  :  Ainfi  quand 
Jp.  M.       on  vendoit  pour  i  jT.  ans ,  on  ne  payoit  au  vendeur  qu'à  raifon  de  1 3 .  ce 
qui  ed  conforaie  à  la  Loy  duLevit.  ch.  25*.  if .  qui  dit,  félon  les  années  dti 
"Ltnu  2j.     fapfort.  Du  v.zf.  oii  la  Loy  dit,  fi  ton  frère  efi:  appauvri  ^^c.  ils  concluent 
qu'un  Ifraëlite  ne  pouvoit  vendre  fon  héritage  que  pour  vivre,  6c  non  pour 
avoir  de  l'argent,  pour  le  trafic  ou  autre  chofe,  comme  pour  acheter  des 
efclaves,  des  bêtes,  éts  meubles,  6cc.  s'il  vendoit  pour  autre  chofe  que 
fn^lobd'*^^*  P°^^  vivre,  la  vente  ne  laifibit  pas  d'être  confirmée,  à  ce  que  dit  Mai- 
cîtj.  uj       monides  chaj^.  11.  Cependant  ce  droit  ne  s'étendoit  que  fur  les  champs, 

car 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Tart.ll,  361 

car  lesmaifons  en  villes  murées  n'avoient  qu'un  an  pour  le  rachat,  après 
^uoi  elles  demeuroient  abfolument  à  l'acheteur,  &  ne  retournoient  pas 
dans  l'année  du  Jubilé.     Les  Juifs  ajoutent  les  jardins,  les  bains,  les  la- ^^''''*- *i^' 
voirs ,  les  colombiers,  qui  étoient  dans  les  villes  murées ,  ils  n'étoient  pas  *'*' 
fujets  au  retour  ;  mais  les  champs  ,  quoi  que  dans  l'enceinte  des  murail- 
les des  viiles ,  retournoient  au  Jubile  comme  les  champs  hors  des  villes. 
Ils  ajoutent  que  lesmaifons  delavilledejerufalem  avoient  auffi  le  privilè- 
ge de  ne  pouvoir  être  vendues  abfolument,  mais  qu'elles  retournoient  au 
Jubilé,  &  de  même  les  maifons  en  toute  autre  ville  bâties  fur  la  muraille 
de  la  ville,  comme  la  maifon  de  Raabenjerico,  avoient  le  privilège  de 
ne  pouvoir  être  vendues  abfolument.  Quant  aux  édifices  de  campagne ,  des 
villages  &  des  bourgs,  ils  étoient  reputez  comme  des-champs,  ôc  regar- 
dez comme  leurs  dépendances,  parce  qu'on  y  logeoit  le  revenu  des  terres: 
Hc'eft  pourquoi  la  Loi  ordonne  qu'elles  reviennent  au  Jubilé.     A  quoi  les  ^«vit.  tu 
Juifs  ajoutent,  que  les  villages,  qui  depuis  Jofué  étoient  devenus  villes,  '^* 
étoient  ellimez  villages  pour  le  privilège  du  rachat  &  du  retour  au  Jubilé. 
Ainfi  les  maifons  n'y  pouvoimit  être  vendues  abfolument,  &  fans  retour. 
Et  cela  dura,  difent-ils,  jufqu'au  temsd'Efdras  après  la  captivité  de  Ba-  Maîm.  ubi 
bylone  :  car  toutes  les  villes  deviîirent  faintes.     Mais  cette  obfèrvation  eft  fupr^.cap. 
de  nul  ulàge;  car  après  le  retour  de  la  captivité  il  n'y  eut  plus  de  Jubilez.  LeVit.  zf. 
Les  maifons  des  villes  murées,  qui  appartenoient  aux  Lévites ,  avoient  en-  ^-s*- 
core  le  même  privilège ,  elles  pouvoient  être  toujours  retirées ,  6c  retour- 
noient au  Jubilé. 

Sur  cela  eft  fondée  la  înaxime  du  droit  Canon  d'aujourd'hui  i  l'^EgUfe  efi 
toujours  mineure-,  quant  aux  faux-bourgs  des  villes  des  Lévites,  la  Loy  dit,  ^»it  zj. 
^ue  les  champs  défaits  fatix-bourgs  ne, pourront  être  vendus.  Maimonides  expli-  j^Aïoioal- 
que  cela,  qu'ils  ne  pourront  être  altérez  6c  changez,  fàvoir  qu'on  ne  pour- «^«'^•.ïî- 
ra  faire  du  faux-bourg  la  ville,  ni  de  la  ville  le  faux-bourg,  ni  d'un  champ  vejSS,* 
^n  faire  le  faux-bourg ,  ni  du  faux-bourg  un  champ. 

Au  refte  par  cettcLoy  du  Jubilé,  tous  les  fo.  ans  Dieu  faifoit  revenir  la 
terre  de  Canaan  à  fon  premier  partage ,  félonies  familles  6c  les  Tribus  j 
Mais  comme  les  partages  s" étoient  iubdivifez  par  la  multiplication  des  fa- 
milles, chaque  famille  avoitfon  lot  j  6c  un  héritage  vendu  50.  ans  aupara- 
vant jTevenant  à  l'ancienne  famille,  devoit  être  fubdivifé  à  tous  les  héri- 
tiers de  celui  quil'avoit  vendu.  Cela  ne  dura  quejufques  à  la  captivité  de  Ba- q„3„jJ  cep. 
bylone  :  car  après  les  familles  étant  difperfées ,  6c  peu  étant  rétablies  dans  la  fêtent  ks 
Terre  Sainte,  ce  ret-our  des  héritages  aux  familles  parut  impoflibie.  Le  droit  ce  S'aptés 
de  l'affi-anchiflement  des  ferviteurs  n'eut  plus  de  lieu  non  plus,  6c  cet  an  leictourde 
de  Jubilé  ne  fut  plus  an  de  relâche  pour  la  terre.  Ainfi  il  demeura  feulement     "P"v««<i 
pour  Tufagede  la  fupputation;  c'eil-à-dire,  que  l'on  contoit  iêpt  femai- 
nes  d'années ,  ou  fept  relâches ,   après  le  feptiéme   relâche  on  contoit 
le  cinquantième  an.  Et  api  es  le  cinquantième  an,  on  recommençoit  à  con- 
ter par  un,  jufques  à  fept ,  car  quoi  que  les  Jubilez  fufient  abolis,  les  ans 
de  relâche  fubfifterent  toujours ,  comme  le  dit  Maimonides ,  encore  que  les  ans  „,     . , 
de  'Jubilé  ayent  ceffé  depuis  le  fécond  1  emple  ^'  cependant  on  les  contoit  a  caufe  des  ve}obei. 
Années  de  relâche  qui  J^ebfervoient  félon  la  Loy,  cap.  19, 

Tm.  Il  %%  CHA- 


3éi  H  I  S  T  O  I  R  E  D  E  S   D  O  G  M  E  S 


CHAPITRE     XXIII. 

Des  fouillures  Légales  ^  &  de  leurs  purifications  ,   é^  premier emenl 

de  l'eau  defeparation ,  O'  de  la  vache  rouffe. 

Nombres  chap.  19. 

^e  la  vache 

louife,  8c 

des  eaux  de 

fepirarion,ôi  _ 

de  la  puri-    ^j-jg  grande  affaire   c'eft  pourquoi  ils  obfervoient  là-deffus  une  multitu- 
de de  cérémonies,,  outre  celles  qui  fe  lifent  au  19.  ch.  des  Nombres, 
cetetionie        I.  Cette  vachc  roufle  devoit  être  fans  tache,  route  roufîe,  fans  un  poil 
de  l'immo-  j^qjj.  q^  blânc  2.  Non  arrachée  du    ventre  de  fa  mère.  3..  Non  troquée 
cette  vaehe   OU  achetée  en  échange  d'un  chien.  4-  Non  le  prix  d'une  paillarde,  f.  N'a- 
xouOs.        y^^^  jamais  porté,  le  joug,  il  n'importoit  pas  qu'elle  eût  travaillé  à  fouler 
le  grain  ,  ou  à   un  autre  ouvrage  femblable.  Mais  fî  elle  avoit  porté  le 
joug  encore  qu'elle  n'eût  pas  travaillé,  elleétoit  eflimée  impure  :.  C'eflce 

In  Traft      ^^^^  ^^^  Maimonidcs. 

rr.s  6.  Il  n'importoit  pas  qui  fit  la  cérémonie  de  l'égorger ,  ou  de  la  tuer, 

''^'  ''         pourvu  que  ce  fût  le  Souverain  Sacrificateur ,  ou  un  autre  Sacrificateui;. 
Nomb.    19,  Êleazar  le  fils  d'Aaron  brûla  la  première  vache  :   Mais  quelque  Sacrifi- 
cateur que  ce  fût  ,   il  étoit  mis  en  fequeilre  dans  une  chambre  du  Tem- 
ple qu'on  appelloit  la  chambre  de  pierre,  dont  nous  avons  parlé  ci-devants 
Taimud  j.  Il  étoit  retenu- là  durant  7.  jours,  afin  qu'on  fût  alîûré  qu'il  étoit 

"n'-iî)       faas  fouillure. 

"P-  3-  8.  Le  Prêtre  n'étoit  revêtu  que   des   quatre  vétemens   Sacerdotaux- 

ordinaires,,  lors  même  que  le  Souverain  Sacrificateur  officioit. 
Maimonides      p.  On  menoit  ccttc  vachc  hors  du  Camp  un  peu  loin  du  Temple,  & 
cap.  i.js.M.^^^^  les  derniers  rems,    c'étoit  fur  le  mont  des  Oliviers  ,   vis-à-vis   la 
grande  porte  du  Temple,  en  forte  que  de  là  on  pouvoit  voir  la  porte  du 
Sanêtuaire.     On  y  conduifoit  le  Sacrificateur,  qui  devoit  officier  en  gran- 
de pompe,  accompagné  d'un  grand  nombre  de  gens ,  les  anciens  du  peuple 
marchant  devant.     On  traverfoit  la  vallée  du  torrent  de  Cedron  ,  fur  des 
îfcimonides  ^'^''^hes  de  pierres  OU  chauffée,  qui  traverfoient  toute  la  vallée,  afin  qu'on  fût 
ubi  fuprà     aflûré  de  ne  point  paffer  fur  aucun  tombeau  qui  pût  fouiller  le  Sacrifica- 
^'^•'-        teur. 

Ce  qui  fe         ^  O-  Qpand  on  étoit  fur  la  montagne  des  Oliviers ,  le  Sacrificateur  fe  la- 

faifoit  fur  la  voit  tout  le  corps  &  s'éffuïoit  j  il  trouvoit  là  une  grande  pile  de  bois  de 

desoïmeis.  cedre,  de  chêne,  &  de  figuier,  dont  on  faifoit  le  bûcher.     On  lioit  les 

pieds  de  la  vache,  on  la  couchoit  fur  la  pile  ou  bûcher  >  la  face  tournée 

veis  le  Temple  du  côté  du  couchant,  la  tête  tournée  au  Midi,  la  queue 

Saiomon      au  Nord.     Alors  le  Sacrificateur,  ou  un  autre  félon  quelques  Auteurs, 

Mumerôs.     égorgeoit  la  bête  étant  du  côté  de  l'Orient ,  6c  fe  penchant  fur  la  vache  dui 

'^l'  li-       côté  de  l'Occident ,  il  la  tuoit  de  la  main  droite^  ôc  de  la  main  gauche 

il  recevoit  le  fang  dans  un  vaiffeau.  ^ 

Ui.  Apres 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Part.ll.    363 

11.  Apres  cclaii  demeuioit  fur  le  bûcher,  prcnoit  le  fang,  en  faifoic 
afperfion  avec  fes  doigts  par  fept  fois  en  l'air,  du  côté  du  Temple.  A 
chaque  afperfion  il  trempoit  fa  main  dans  le  fang,  ôcce  qui  reftoit  à  fes 
doigts,  il  ne  lui  étoit  pas  permis  de  le  fecouerj  mais  il  refluïoit  fur  le  poil 
de  la  vache  roufle. 

12.  Les  afper fions  étant  faites,  il  décendoit  de  deflusle  bûcher,  y  met-  comment 
toit  le  feu;  &  le  feu  étant  allumé  ,   le  Sacrificateur  attendoit  que  la  va-  \^^^^!^"' 
chefûtàdemi-confurriéejôc  que  fes  entrailles  crevaflent.  Alors  le  Sacrifi- roHûè. 
cateur  prenoit  une  poignée  de  bois  de  cèdre ,  autant  d'hyfope ,  ôcle  poi'cls 

de  cinq  ficles,  c'eft-^-dire,  deux  onces  &  demie,  de  laine  teinte  en  écar- 
late.  Il  lioit  le  cèdre  avec  l'hyfope  ,  avec  une  bandé  d'écarlate ,  &  jet- 
toit  tout  cçla  dans  le  ventre  de  la  bête,  puis  il  laifix)it  confumer  kbêtc 
ôc  le  bois  eiifemble. 

13.  Quand  cela  étoit  fait,  on  raflembloit  les  cendres  de  ce  bûcher, 
on  battoit  le  tout  avec  des  bâtons,  pour  réduire  le  charbon  en  poudre,  & 
les  os  de  la  bête  auffi.  Onpaflbitle  tout  dans  un  tamis  ,  on  laifibit  ce 
-qui  ne  fe  pouvoit  réduire  en  poudre  ,  &  on  prenoit  tout  ce  qui  avoit 
pu  être  puiverifé. 

14.  On  feparoit  cette  poadre  en  trois  parties  ;  l'une  étoit  laifîee  fijr 
le  mont  des  Oliviers  pour  l'ufage  du  peuple,  quand  ilferoit  fouillé, une 
autre  partie  étoit  donnée  en  garde  aux  Sacrificateurs  pour  leur  purifica- 
tion, &  la  troifiéme  partie  étoit  mife  en  refervc  dans  le  V*n,c'ell-à-dire, 
-q.uelque  édifice  qui  étoit  dans  l'avant-mur  de  la  féconde  clôture  du  Tem- 
ple.    Tout  cela  fe  trouve  dans  Maimonides   au   traité  parah  adammah  , 

h.  vache  roufle,  au  chap.  3.  A  lÊki'i  il  ajoute  là-même   qu'il  y  a  eu  neuf  Nombres 
vaches  ainfi  brûlées  pour  les  purifications  ,  l'une  par  Moyfe,  la  féconde  ^^^Jg^J^^ 
par    Eldras ,   deux  par  Simeon  le  Jufte  ,  deux  par  jochanan  ,   ôcc.  &  En  tout  _ 
que  la  dixième  fera  brûlée  fous  le  Règne  du  Meffie.  Chofe  étrange  que  aepu-s*^'^*'^ 
dans  toute  la  durée  du  premier  Tabernacle  ,  &  du  Temple  de  Salomon,  dtas. 
€'ell- à-dire,  dans  l'efpace  de  prés  de  mille  ans,  on  n'ait  confumé  qu'une 
vache,  &  que  depuis  le  retour  de   la  captivité  il  en  ait  falu  huit.     Ce 
qui  pouvoit  venir,  ou  de  la  multipHcation  du  peuple,  ou  de  ce  que  les 
Juifs  devinrent  plus  fcrupuleux  fur  les  fouillures  Légales.  On  gardoit  cet- 
te cendre,  &  on  en  diiinbuoit  à  ceux  qui  en  avoit  affaire.     Pour  avoir  la 
garde  de  cette  poudre,  c'efl-à- dire,  pour  en  avoir  chez   foi  ,   il  n'étoit 
pas  neccflaire  d'être  ni  Lévite,  ni  Sacrificateur  >  chacun  la  pouvoit  gar- 
der pourvu  qu'il  fût  Ifraëlite. 

Quand  on  vouloit  faire  de  l'eau  de  feparation  ou  de  purification,  00 
prenoit  de  l'eau  de  fource,  foit  de  fontaine,  foit  de  rivière.  L'eau  d'é» 
rang,  de  pluie, de  citerne  ôc  de  mer,  n'y  valoir  rien.On  lamettoitdans 
un  vaifieau  fort  net,  de  bois,  de  pierre, où  d'argent-,  'Ôcc.  On  verfoit 
premièrement  l'eau  dans  le  vaiffeau  ,  puis  on  jettoit  k  cendre  defiûs. 
Mais  la  Loy  du  Livre  des  Nombr.  ip.  17.  femble  figniéier  le  contraire. 
On  prendra  de  la  poudre ,  dit  la  Loy ,  on  la  mettra  dans  m  vaijfeau  ^  &  de 
l'^eau  vive  pardefius.  Cela  ne  fignifie,  difent  les  Rabbins, autre  chofe  finoiî 
qu'il  faut  mêler  l'une  avec  l'autre  avec  les  mains.  Oo  ne  devoit  jamais 
faire  cette  mixtion  qu'avec  intention  de  s'enfervir,  pour  telle  ou  telle  per- 
fonne,  à  teL&  tel  ufage,   car  il  n'étoit  pas  permis  de  feire  de  cette  eau 

Zz  z  de 


3^4  HISTOIREDESDOGMES 

de  refervc,  pour  les  occanons,  comme  on  fait  de  Teau  bénite.     Toute 
perfonne  qui  n'étoit  pas  en  fouillure  Légale  pouvoit  faire  cette  mixtion, 
excepté  les  muets,  les  fous  &  les  enfans,  difent-ils.    Voila  quelle  étoit 
iBNujn.  15.  l'eau  Luftrale  des  Hébreux.  Ce  que  dit  R.  Menachem  elt  remarquable,  que 
les  cendres  de  la  genifle  feules   fouilloient  ceux  qui  les  touchoient ,  & 
ne  purifioient,  que  quand  elles  étoient  mêlées  avec  l'eau, cela  paroîten 
VoyAiof-    effet  par  le  lo.f.  du  29.  chap.  des  Nombres.  L'eau  fignifioit  le  St.  Eprit. 
woith.  Les  purifications  fe  faifoient  en  plongeant  un  bouquet  d'hyfope  dans  cette 

cau,&:  en  faifantafperfion,  fur  les  tentes,  fur  les  habits  5  furies  vaifTeauxj  ôc 
fur  les  hommes  qu'on  vouloit  purifier.  Lesvaifîeaux  quipouvoient  fouffrirk 
On  appel-    feu  dcvoicnt  y  être  jettez.CependantjOn  les  nettoioit  aufïï  par  l'eau  de  fepara- 
^°"  "d"fe-    tion. Cette  afperiion  fe  faifoit  par  tout  hom.me,  moyennant  qu'il  fût  netj  car  la 
paration,      Loy  dit  :  PhIs  HYi  homme  qui  fera  net  prendra,  ^c.     Mais  félon   l'efprit  des 
etoUdeftJ-'^  Juifs ,  ils  avoicnt  outré  ce  précepte  ,.  ôcils  vouloient  que  l'afperfionfe  fît 
née  aux  fe-  par  dcs  gcns  qui  n'eufTent  jamais  été  fouillez  par  l'attouchement  des  corps 
fe^nVttoyer.  morts,  pout  ccla  ils  bâtiffoient  des  demeures  dans  le  roc,  où  ils  faifoient 
accoucher  des  femmes ,  &  y  nourrifïbient  leurs  enfans  ,   &  les  y  ayaat 
élevez,  quand  il  faloit  faire  afperfion  fur  des  chofes  fouillées  ,   il  les  al- 
loient  quérir  là>  6c  les  faifoient  monter  fur  ledos  d'un  bœuf ,  ils  les  me- 
noient  au  lavoir  de  Siloé ,  oii  ils  puifoient  de  l'eau  :  Ils  montoient  fiir  le 
mont  des  Oliviers ,  oii  étoit  le  Camp  des  fequeftrez  ôc  la  poudre ,  ils  fai* 
foient  leur  afperiion  ôc  retournoient  dans  le  même  équipage  à  leur  cellu- 
le. Et  parce  qu'un  homme  n'eût  pas  voulu  être  enfermé  là  toute  favie^ 
quand  un  enfant  étoit  afïez  grand  pour  être  tiré  de  là  ,  ils  lui  en  fubfti- 
tuoient  un  autre  élevé  de  même  manient    Cette  afperfion  félon  leurs  ca- 
nons ne  fe  pouvoit  faire  de  nuit,,  ni  pom*  de  l'argent ,   on  pouvoit  payer 
la  peine  d'aller  quérir  de  l'eau  vive,  mais  la  mixtion   de  l'eau  &  de  k 
Maîmomdes  poudre  &  i'afpcrfîon  fe  dévoient  faire  pour  rien. 

sibi  fupEà 

£ap.  ï.  ^ _^__^^__«_— — ' 

CHAPITRE     XXIV^. 
La  Purification  de  la  îefre. 

Levitique  chap.  14. 

La  fepîe     T  L  eft  temps  de  parler  des  feuillures  Légales  ;  les  unes  étoient  gran- 
ëont  h  Loy  J^dcs,  &  mcttoicnt  les  fouillez  en  feparation  hors  du  Camp,,  les  autres 
miacdSfe.       moindres  &  fe  purifioient  fans  eau  de  feparation.  La  plus  grande  de  tou- 
tes les  fouillures,  c'étoit  la  lèpre  tant  des  hommes  que  des  habits  &  des 
maifons.    Sans  entrer  dans  la  difcuflion  de  cette  difficile  queflion  de  la 
lèpre,  dont  il  eft  parlé  dans  la  Loy:  J'eftime  que  tout  étoit  extraordi- 
naire &  miraculeux ,  particulièrement  la  lèpre  des  maifons  &  des  véte- 
mens.     Dieu  dans  cette  difpenfâtion  vouloit  exprimer  la  laideur  ,  &  la 
fouillure  du  péché  ,  qui  s'attache  &  qui   pénètre  le  corps  ôc  l'ame  ,  les 
afFeélions  êc  les  pafîions  :  les  bornes  que  nous  nous  fommes  prefcrites  ne 
nous  permettent  pas  de  nous  étendre  ià-defîus.    La  purification  des  lé- 
preux 


ET  DES  CULTES  DE  VEGLISE.  Part.lL  ^éf 

preux  nous  eft  expliquée  au  chap.  14.  du  Levitique  fort  au  long,  &  ce 
n'eft  pas  la  peine  de  le  tranfcrire  ici,  il  fuffira  de  faire  les  obfcrvations 
fuivantes. 

1.  Qiie  les  Cérémonies  de  la  purification  du  lépreux  ne  fc  faifoientpas 
toutes  en  même  lieu,  ôcbien  moins  dans  le  Tefxiple,  comme  Ligtfootre- 
connoît  l'avoir  mal  à  propos  avancé  fur  lez.  de  St.  Jean  v.  15.  Elle  fcfai- 
foit  en  trois  lieux,  i.  hors  du  Camp,  z.  dans  le  Camp,  ou  dans  la  ville,  ^. 
&  enfin  dans  le  Temple. 

2.  La  purification  du  lépreux  ne  doit  pas  être  confondue  avec  fa  gue-  Dieu  feui 
rifon  ,   car  le  Sacrificateur  ne  le  purifioit  que  quand  il  étoit  guéri,  ôc  les  "SelfroJ**! 
Hébreux  remarquent  qu'il  n'étoit  pas  permis  de  fe  fervir  des  remèdes  de  leptcux. 

la  Médecine  pour  guérir  les  lépreux,  &  qu'on  en  laifibitla  guerifon  à  Dieu  j 
C'eft  la  remarque  de  Rabbi  Menachem  fur  leLevit.  15.  ce  qui  fignifioit 
que  c'^e^  Dieu  feul  qui  nous  purifie  par  la  grâce  de  la  lèpre  du  péché  , 
que  l'homme  n'y  contribue  rien. 

5.  La  première  partie  de  la  purification  du  lépreux  fe  faifoit  hors  du  Premier  a«c 
Camp,  OU:  de  la  ville  de  Jerufalem.    Et  voici  ce  qui  fe  faifoit,  le  Sacrifica-  03^0^!?' 
teur  prenôit  un  vaifieau  plein  d'eau  de  iburce  ,  y  égorgeoit  un  paOèreau.  lépreux. 
Les  Hébreux  difent  qu'on  pouvoit  prendre  tout  oifeau  net.   Le  texte  de 
la  Loy  dit  deux  oifeaux  vifs  ôc  nets  3   mais  il  faloit  que  ce  fullent  des  oi- 
fcaux  hbres ,  6c  non  de  ceux  qui  font  fujets  aux  hommes ,  6c  qui  fe  nour- 
riflent  dans  leurs  maifons.  Après  cela  le  Sacrificateur  lioit  enfemble  du  bois 
de  cèdre,  del'hyfope,  de  la  laine  cramoifie  ,&  trempoit  toutes  ces  chofes 
avec  les  ailes  6c  la  queue  de  l'oifeau  vivant ,  &  en  faifoit  afperfion  par  fept 
fois  fur  le  lépreux  :  Nombre  qui  fignifie  une  parfaite  purification.  Enfcute 
on  laiflbit  aller  l'autre  oifeau  libre  dans  les  airs  :  Kaskuni  en  rend  une  rai- 
fon  ingenieufe ,  c'eft  que  le  lépreux ,  après  avoir  vécu  folitaire  &  feparé, 
revenoit  avec  les  fiens  ,    comme  l'oifeau  relâché  s'en  retournoit  avec  les 
oifeaux  de  fon  efpece.  Les  mêmes  Cérémonies  étoient  obfcrvées  pour  h 
purification  de  la  raaifon  fouillée  de  lèpre  5  Après  cela  le  lépreux  fe  lavoit  Levit.14. 
.  ëc  (e  faifoit  rafer  depuis  les  pieds  jufques  à  la  tête,  ôc  c'étoit  làle  premier 
aâ:e  delà  purification. 

4.  Le  fécond  fe  faifoit  dans  la  ville  ou  dans  le  Camp  -,  car  il  lui  étoir  second  aa© 
permis  d'y  rentrer,  mais  non  en  fa  maifon,  ni  de  coucher  avec  fa  femme  ^cltila^' 
durant  fept  jours.  Il  demeuroit  donc  encore/,  jours  fequeftrè;  mais  dans 
la  ville  ou  dans  le  Camp  :  Puis  le  Sacrificateur  le  rafoit  derechef  depuis 
les  pieds  jufques  à  la  tête ,  même  jufqu'aux  fourcils ,  ôc  après  cela  il  en- 
troit  chez  lui  &  y  logeoit  la  nuit  du  fept  au  huitième.  C'efl:  la  féconde 
purification. 

La  troifiéme  fe  faifoit  dans  le  Temple  j  c'efl:  qu^au  huitième  jour  il  mon-  Troifi^me 
toit  au  Temple  avec  lesoffi-andes  commandées  dans  le  Lev.ch.  14.  faroir  l^l^il^l^f^ 
deux  agneaux  ,   ôc  une  brebis  d'un  an  pour  l'holocaufte,  pour  l'offrande 
pour  le  péché  Ôc  pour  le  délit,  avec  du  vin^  de  l'huile,, 6c  des  gâteaux  pour 
les  offrandes  &  pour  les  afperfions.  Trois  chofes  fe  faifoient  qui  n'étoient 
pas  ordinaires  dans  les  autres  facrifices. 

I .  Avec  le  fang  de  la  vidime  pour  le  péché,  on  mouilîoit  avec  le  doigt  certmpnîw 
le  mou  de  l'oreille  droite,  le  pouce  de  la  main  droite ,  ôc  ie  gros  orteil  du  c«io\r" 
pied  droit  du  lépreux. 

Zz  3  z.  Oa 


566         HISTOIRE  DES  DOGMES 

2.  On  Eiifoit  une  afperfion  d'huile  par  lèpt  fois  vers  ie  Sanéluaire  avec 
le  doigt ,  6c  puis  on  faifoit  une  on6tion  d'huile  fur  les  mêmes  parties  tou- 
chées avec  le  fang,  favoir  l'oreille,  le  pouce  &  l'orteil.  Et  ce  c]u.irefloit 
de  l'huile  dans  la  paume  de  la  main  du  Sacrificateur,  il  le  verlbic  fur  la 
tête  du  lépreux. 

^.  Le  lépreux  logeoit  dans  une  chambre  qui  étoit  dans  le  coin  Nord- 
eft  du  Parvis  des  femmes,  &  à  l'heure  du  facrifice  ,  il  venoit  à  la  porte 
de  Nicanor  qui  conduit  au  Parvis  d'Ifraël,  ôc  des  Sacrificateurs  j  ôc  de- 
meuroit  là  n'ofant  entrer  >  car  il  n'étoit  pas  permis  d'entrer  dans  ce  Parvis 
à  celui  qui  n'étoit  pas  expié  &  nettoyé  ,  ni  d'approcher  de  l'Autel  j  mais 
on  lui  amenoit  la  viélime  à  la  porte,  afin  qu'il  pût  mettre  fa  main  fur  la 
tête,  ôc  quand  il  faloit  faire  les  onétions,  il  avançoit  la  tête,  les  pieds  6c 
les  mains  dans  le  Parvis  d'Ifraël,  Sccela,  parce  que  d'une  part  on  n'ofoic 

Àmàvoith    porter  le  fang  de  la  vi(5lime  hors  du  Parvis  d'Ifraël ,  ôc  de  l'autre  il  n'ofoil; 

c"^  i4"ij.   entrer  dans  le  Parvis. 


VoycE 


CHAPITRE     XXV. 

Delà  Gemrrhee  ou  flux  defemence,  de  la  Pollution,  far  ks 
m^nftmés:  fouillure  par  un  mort. 

Levitique  ïi.  &.  If.  2. 

A  féconde  grande  fouillure  étoit  la  Gonorrhée;  c'eft  ce  que  laLoy 
appelle  la  fouillure  de  fon  flux,  tout  homme  a  cjui  la  chatr  décotde  fera 
'  fomile  d  canfe  de  fon  flux  ,   c'eft  un  "flux  de  femence  involontaire  qui 
eft  une  efpece  de  maladie,  lî  l'accident  n'arrivoit  qu'une  fois,  cela  ne  fai- 
foit qu'une  petite  fouillure  j  on  fe  lavoit  &  on  étoit  net  après  le  foieii  cou- 
ché 5  fi  l'accident  arrivoit  deux  fois ,  on  devoit  conter  fept  jours  &  fépu- 
rifierj  mais  fans  offrande;  ficela  arrivoit  trois  fois,  alors  l'homme  étoit 
Çcftççquc  tout  à  fait  fouillé,  ÔC  il  faloit  qu'il  fe  fît  traiter.     Quand  le  malade  étoit 
BioiiS'.     S"^^^5  ^^  faloit  qu'il  fût  feparé  par  fept  jours  ;  c'eft-à-dire ,  iàns  conter  les 
jours  de  fa  maladie ,  durant  laquelle  il  étoit  fequeftré  hors  du  Camp  j  du- 
rant les  fept  jours  il  fe  purifioit,  il  fe  lavoit  d'eau  vive  le  feptiéme,  ôcau 
huitième  jour,  il  prenoit  deux  pigeons,  ou  deux  tourterelles,  6c  les  portoit 
à  l'entrée  du  Tabernacle ,  n'ofant  entrer  ,  fe  tenant  à  la  porte  de  Nica- 
nor ,  la  tête  5c  les  mains  avancées  pour  les  pouvoir  repofer  fur  la  tête  de 
la  bête ,  car  pour  d'afperfion  de  fang ,  on  n'en  faifoit  pas ,  comme  fur  le 
fouillé  de  lepre.  Cependant  il  n'ofoit  entrer  dans  le  Parvis  d'Ifraël,  avant 
que  fa  purification  &  fon  expiation  fût  achevée  par  le  facrifice. 
Tîoifiéme        La  troifiéme  grande  fouillure,  étoit  le  fang  menftrual  découlant  aux 
fbuuîute      f*^J^^es,  foit  ordinaire,  foit  extraordinaire,  &  par  une  maladie  qu'on  ap- 
le  fang  '     pelle  pcrtc  de  fang,     La  femme  demeuroit  en  feparation,  6c  fon  expia- 
lEcoftwai.    xion  fe  faifoit  avec  les  mêmes  Cérémonies  que  celles  de  l'homme  travaillé 
de  Gonorrhée.  ■  ' 

La 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Tart.ll.  ^6r 

La  quatrième  grande  fouillure  qui  emportoit  leparation,  écoic  l'enfante-  QHatnéme 
ment;  Q^iajnd  la  femme  avoit  accouché  d'un  mâle,  elle  étoit.7.  P^^'^  en  Sflnie- 
grande  fouillure,  c'eft-à-dire,  qu'elle  fouilloit  tout  ce  qu'elle  touchoitou  «^ent. 
approchoit:  Après  cela  elle  étoit  33.  jours  nette,  c'eft-à-dire,  qu'elle  ne 
fouilloit  pas  ce  qu'elle  tôuchoit ,    &  un  mari  après  ces  fept  jours  pouvoit 
approcher  de  (à  femme  fans  fouillure.    Mais  neantmoins  elle  étoit  enco- 
re en  feparation  durant  ces  33.    jours  n'ofant  aller  au  Temple.    Si  el- 
le avoit  accouché  d'une  fille,  elle  étoit  ledouble,  quatorze  jours  fouillée  > 
èc66.  en  feparation,  éloignée  de  la  maifon  de  Dieu:  c'étoit  en  tout  80. 
jours,  ou  prés  de  trois  mois.  Quand  elle  accouchoit  de  gémeaux  mâleôc 
femelle,  elle  obfervoit  les  80.   jours  de  feparation  j  fi  l'enfant  étoit  Herma- 
phrodite, la  même  chofe.  On  ne  voit  pas  que  la  Loy  lui  ordonne  des  la-  voyez 
vemens  durant  les  fept  jours  comme  à  la  feiPime  fouillée  de  fon  flux,  c'eft  ^'"^™^'^' 
à  caufe  du  péril  oi^i  eût  été  fa  vie.     Cependant  les  Hébreux  difent  que  la  voyez 
femme  accouchée  fe  devoit  laver  au  bout  de5  fept  jours  >  cela  n'eftgueres  A'^rworth 
apparent,  car  le  bain  eil  mortel  aux  femmes  dans  cet  état.   Ces  fept  jours  '12.^4]"^* 
qui  font  deftinez  à  faire  la  purification  ,,  ne  doivent  pas  être  contez  fans 
doute  du  moment  de  l'accouchement ,  mais  du  tems  que  les  décharges  Levhique 
des  femmes  qui  accouchent  font  achevées.     Pour  l'expiation  Moyfe  or-*^^'  ^^■^* 
donne  un  agneau  d'uji  an,  un  pigeonneau  ou  une  tourterelle ,  ou  bien  deux  serviusad 
pigeonneaux  ou  deux  tourterelles.  La  nouvelle  accouchée  venoit  à  l'en-  ^"'r"'j 
trée  du  Tabernacle  ,   toujours  avec  la  même  précaution  ,   c'eft  qu'elle  Romana 
n'entroit  point  dans  le  Parvis  d'iiraël  ou  des  Sacrificateurs,,  on  lui  amenoit  Jj^J  ^^f°l' 
h.  viétime  à  la  porte,  &  elle  écendoit  fa  main  deffus.  minime  fa- 

La  cinquième  grande  fouillure  qui  obligeoit  à  la  feparation,  c'étoit  l'at-  S SSÏ  '' 
touchement  d'un  mort,  d'un  fepulchre  ou  de  quelques  oficmens.  L'hom-  Moris  ro-° 
me  étoit  fouillé  par  fept  jours  ,    la  purification  s'en  faifoit  avec  l'eau  de  î^mi!m"u! 
feparation  par  aif)eriion,6c  l'afperfion  fe  faifoit  en  deux  jours,le  troifiérne  Se  le  P'^effi  ante 
feptiéme.  Après  l'afperfion  il  le  lavoit  d'eau  lui  &  fes  vétemens,  6e  étoit  net  neftaïToo- 
quand  le  foleil  étoit  couché  :    cette  dernière  efpece  de  fouillure,  comme  "'>  «equif- 
moindre  que  les  autres,  ne  requeroitpas  de  facrifice,  mais  feulement  l'af  îlfèrper"' 
perfion  de  l'eau  de  la  cendre  de  la  vache  rouflé.     On  peut  demander  fi  ignorantîam 
dans  toutes  les  fouillures  ici  mentionnées,  il  faloit  employer  l'eau  de  fepa-  ErgreffiK."^ 
ration.  Je  réponds  que  la  Loy  n'en  parle  exprefiementque  dans  la  purifica-  Poiphyrius 
*;ion  de  l'homme  fouillé  par  un  mort  j    Mais  les  Juifs  le  tiennent  ainfige-  ^^P-  ^'^^^'. 
neralement.     Tous  ceux  qui.  font  fouillez,  doivent  recevoir  l'afperpon  ,    &  tous  î^r'  ^'  r. 

■   r        r       II       r  ■  !  r^  I    '  A      ■■  ipfotum  f«- 

ceuk  qui  jont  iouillez.Jou  par  les  morts^  ou  par  (jonorrhee^  oh  menjfrue^  ou  accou-  licet  dx- 
chement^  étaient  purifiei.  par  afperjjon  le  troifiérne  &  le  feptiéme  jour,  dit  Maimoni-  ^^°a^'^^  ^ 
des.  Et  cela  eft  aflez  apparent ,  ca-r  fi  on  n'eût  purifié  par  l'eau  de  feparation,  arufpices 
que  ceux  qui  éioient  fouillez  par  un  mort,  cela  n'eût  pas  valu  la  peine  de  gJ^J^'i^j^^."'^ 
préparer  la  cendre  de  la  genifle  avec  tant  d'appareil.     Joint  que  l'Apôtre  tipi'mt  ut  à 
Heb.  9.  dit,  cjue  la  cendre  de  la  genijfe  ne  peut  purifier  la  confidence  ,    ce  qui  âbftînesnr 
prouve  q-j'on  s'en  fervoit  en  toute  puiificarion.     Cela  rend  incroyable  la Nomb. 
tradition  des  Juifs,  que  depuis  Moyié  jufques  à  Efdrason  n'a  brûlé  qu'une  TrLa!'pa- 
vache.   Il  eft  vray  que  le  bais  &  le  charbon  du  bûcher  étoientaufiimisen  "i^  ^dum* 
poudre,  cela  en  pouvoit  faire  une  affez  grande  quantité  ,   mais  aufii  cts  Ti!  j.'^à!^" 
fouillures  légales  étoient  en  grand  nombre,   ôc  confumoient  beaucoup ^°y ^'n^"" 
cie  cette  poudre,  elle  n  auroit  jam.ais  pu  durer  mille  ans.  «Numéros- 

Ce  font  là  les  grandes  fouillures  Légales ,  fur  lefquelies  il  reftedeuxob-  "i^-^?. 

ferva^ 


36S  HISTOIRE  DES  DOGMES 

te»  fouillez lervations  à  faire-,  Tune  que  ceux  qui  étoient ainfi fouillez , fouilloient tout 
fo\jiiioicnt  j,g  qyj  1^,5  touchoit,  hommes,  habits,  meubles,  fieges ,  lits  ,  vaifTeaux 
toichemcnt  &c.  particulièrement les fouiliurcs  quivenoient  du  dedans,  qui étoient qua- 
bT"Sts  ^^^  en  nombre,  i.  la  lèpre,  z.  la  gonorrhée.  3.  l'accouchement.  4.  le 
Sec. 


Talmud 
Traité  Za- 
bim.  Ainf- 
woith  ia 
Levit.  ch, 
15. 10, 


Camp 
Tradition 
des  trois 

Camps. 


fang  menftrualj    tout  ce  qui  fortoit  de  ces  fouillez  ,     crachat,  urine, 
femence,  fang,  étoit  fouillé.     Et  celui  qui  touchoit  à  toutes  ces  chofes 
contraétoit  fouillure.     Les  Talmudiftes  difent  même,  ^^e  celui  qui  étoit  ajfu 
dans  un  hatteau,  ou  fur  un  banc^  où  étoit  ajjis  un  homme  ou  femme  ayant  flux  de 
femence  oh  d'urine ^  étoit  fouillé,  quoi  cjutl  ne  touchât  f as  les  vétemens  delà  fer- 
fonne  fouillée.     L'autre  obfervation  eil  que  la  Loi  ordonne  que  tous  les  fouil- 
Nomb.  I.  2.  lez  foient  mis  hors  du  Camp ,  qu'on  mette  hors  du  Camp  tout  lépreux ,  touthom- 
devoicBt^^"  ^^  découlant,    &  tout  homipe  fouillé  pour  un  mort.  Et  par  conféquent  aufîî  la 
être  hors  du  femme  ayant  fes  ordinaires,  car  ces  fouillures  étoient  plus  grandes  que 
celles  qui  venoient  de  l'attouchement  d'un  mort,  puis  qu'elles  requeroient 
des  offrandes  ôc  des  purifications  par  le  fang ,    6c  que  la  fouillure  par  un 
mort  n'en  requeroit  pas.     Si  cela  eût  été  il  eût  falu  que  prefque  la  nipitié 
àes  gens,  &  fouvent  plus,  eufiènt  toujours  été  hors  du  Camp  :   c'efl-à-dire 
hors  de  jerufalem,  car  félon  la  confiante  tradition  des  Juifs,  après  le  bâ- 
timent du  Tempic,Jerufâlem  étant  devenu  ce  que  le  Camp  étoit  au  Taberna- 
cle ,  il  eût  fallu  que  les  femmes  grolFes  6c  les  malades  de  flux,  euiient  été 
fous  dts  tentes  hors  de  Jerufalem  :   Or  cela  n'a  pas  d'apparence.     C'eft 
pourquoi  c'eil  fort  à  propos  que  les  Juifs  remarquent  qu'il  y  avoit  trois  Camp*. 
I.  Le  Camp  des  Sacrificateurs  oij  étoit  le  Tabernacle.  2.  Celui  des  Lé- 
vites qui  étoit  tout  autour  de  celui  des  Sacrificateurs.  5.  Et  enfin  celui  du 
Peuple.  Après  que  le  Temple  fut  bâti ,     le  Parvis  d'Ifraël  6c  des  femmes 
répondoit  au  premier  Camp.     Le  Parvis  des  nations  ou  la  Montagne  de 
la  Maifon  étoit  le  fécond  ,  6c  Jerufalem  étoit  le  troifîéme. 

I.  Les  lépreux  étoient  bannis  hors  de  tous  les  Camps,  cela  eft  certain, 
on  leur  faifoit  des  tentes  à  la  campagne.  2.  Celui  qui  avoir  un  flux  de 
femence,  pouvoit  être  dans  le  Camp  du  peuple,  mais  ne  pouvoit  appro- 
.cher  des  deux  autres;  pareillement  les  femmes  ayant  leurs  mois,  6c  après  l'ac- 
rouchement:  car  elles  fouilloient  tout  ce  qu'elles  touchoient.  ^.  Mais 
\celui  qui  étoit  fouillé  par  un  mort  n'étoit  banni  que  du  premier  Camp,  il 
pouvoir  être  dans  le  Camp  des  Lévites,  6c  dans  le  premier  Parvis  appelle 
,des  nations  _j  mais  il  ne  pouvoit  entrer  dans  le  S^n  chail.  Il  y  a  bien  ap- 
rence  qu'en  ^et  toute  la  rigueur  de  la  Loi  s'obfervoit  durant  le  féjour 
.des  Ifraelites  dans  le  défert:  car  tentes  pour  tentes ,  ils  étoient  aufîî  bien 
fous  des  tentes  hors  dix  Camp  que  dans  Je  Camp  :  Mais  quand  ils  fu- 
rent arrivez  dans  lu  terre  de  Canaan,  il  eil  alTûré  que  cela  fe  pratiquoit 
•félon  ce  que  nous  en  apprenons  de  la  tradition  des  Juiis ,  6c  qui  vient 
d'être  expliqué  par  les  trois  Camps. 

Outre  les  grandes  fouillures  Légales  qu'on  peut  appellerclTentielles,  il  y 
en  a  d'autres  accidentelles,  6c  la  première  de  celles-là  efi  d'avoir  touché 
un  mort.  Nous  l'avons  mife  dans  le  Catalogue  des  grandes  fouillures, 
parce  qu'elle  tenoit  en  feparation  fept  jours  du  Parvis  d'Ifraël:  cepen- 
dant elle  ne  doir  être  contée  que  pour  une  fouillure  accidentelle ,  par- 
ce que  celles  qui  viennent  du  dedans  font  fales ,  réputées  internes  6c  ef- 
featieiles ,  telles  font  la  lèpre ,  la  gonorrhée ,  l'accouchement  6c  le  flux 

de 


Des  founlu- 
rcs  Légales 
accidentel- 
les. 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Part.ll    369 

<îe  fang  menilrual.     z.  La  féconde  fouillure  accidentelle,    c'ell  d'avoir  ^"'f- ï^ 
couché  avec  une  femnae  ayant  ics  mois,  ce  qui  mettoit  en  feparation hors  ^'*" 
au  Parvis  des  Sacrificateurs  par  fept  jours,  comme  l'attouchement  d'un 
mort,  mais  ne  feparoit  pas  du  camp  des  Lévites,     g.  La  troilîcme  fouil-  Lev.xî.v.y, 
Jure  accidentelle  eft  ceîle  du  flux  de  femence,  qui  s'appelle  pollution  en 
fonge  de  nuit,  ou  par  échaufFement  d'imagination.     Cette  fouiliure  ne 
mettoit  pas  en  feparation  :    il  n'y  avoit  qu'à  fe  laver,   on  n'étoit  fouillé     * 
que  jufques  au  Soleil  couché  >  c'eft  de  cette  feuillure  dont  on  veut  qu'il 
foit  parlé  dans  le  Deuteronome  chap.  23.  v.  10.    5'//^  a  cjiHel(^ii'un  d'entre 
vous  qui  ne  foit  pas  net,  pour  quel^jue  accident  qui  lui  foit  arrive  de  nuit ,    lors  il 
fortira  hors  du  Camp  ÔCjc.     4.  Il  y  a  même  apparence  que  tout  flux  de  fe- 
mence fouilioit  l'homme ,   même  dans  les  couches  permifes ,   cela  fe  re- 
cueille. I.  du  Levitique  ch.  If.  18.  2,.  du  commandement  donné  auPeu- 
pleauch.  i^.f.  if.  de  l'Exod.  Le  Peuple  étant  prêt  àentendrela  Loyque 
.  Dieu  vouloit  prononcer  de  deflus  la  Montagne,il  lui  ordonne  des'abflenir  des  5 
femmes.  Celafe prouve  auflî  de  la  précaution  du  Sacrificateur  qui  difoit  à  4. 
David5avant  que  de  lui  permettre  de  prendre  les  pains  de  yro^oÇiûoii^les jeunes  J'^""^  i'*' 
gens  au  moins  fe  font- tls  ah  ftenus  des  femmes  f  La  même  penfée  fe  trouve  chez  les  jiivenai 
Payens, voyez Tibulle&Jùvenal.  f.Laj''"^  fouiliure  accidentelle  arrivoit  ^"'*' 
quand  on  touchoit  une  bête  morte,  ce  qui  fans  doute  devoit  être  entendu  ^^^-^  ^^ 
de  la  chair'd'un  animal  immonde,  ou  d'une  bête  morte  d'elle  même  jdont  le 
fangn'avoit  pas  été  tiré.  Autrement  les  hommes,  à  qui  la  chair  étoit  permife, 
cuflent  été  dans  une  fouiliure  perpétuelle.  Pour  cette  Ibuillure,  on  n'étoic 
fouillé  qu'un  jour,  &  unfimple  lavement  en  faifoit  la  purification.     Mais 
pour  avoir  touché  un  homme  mort  on  étoit  fouillé  par  fept  jours. 

6.  Les  autres  feuillures  accidentelles  arrivoient,  quand  on  touchoit  à  un  i^vït.  cj. 
lépreux,  ou  à  quelqu'un  à(^s  autres  fouillez  à  qui  la  feparation  étoit  corn-  ^°"^  ^'' 
mandée,  même  à  celui  qui  étoit  fouillé  par  un  mort.     Tout  ce  que  ces 
gens  touchoient  étoit  fouillé ,  6c  celui  qui  venoit  à  toucher  ce  qu'ils  avoienC 
touché  étoit  fouillé  pour  un  jour,  &  fe  devoit  laver  avec  de  l'eau  pure. 

Quant  aux  vailfeaux,   ceux  de  terre  dévoient  être  caflèz  &  non  puri- 
fiez.    Ceux  de  métal  paflbient  par  le  feu,  ceux  de  bois  étoient  lavez >  ôc 
on  faifoit  afperfion  fur  ces  deux  dernières  fortes  de  vaifleaux.     Ces  pol- 
lutions légales  paflbient  d'un  fujet  à  l'autre:  un  mort  polluoit  un  homme 
par  fèpt  jours ,  &  les  vaifleaux  que  cet  homme  touchoit  étoient  aufll  im- 
purs par  fept  jours,  &  l'homme  qui  touchoit  ces  vaifleaux  étoit  fouillé  un 
jour,  &  Cl  un  autre  homme  touchoit  ce  dernier  homme,  il  étoit  aufli  fouil-  Ainfwottiî 
lé;  &  ainfi  la  pollution  paflx)it  de  fuiet  en  fuief.cequireprefentoitlacon-  '?  Numéros 
t.agiondu  pèche:  Ainh  il  ne  taut  pas  s  econnerli  les  Phànfiens  quiecoient  v. dernier, 
grands  obfervateurs  des  cérémonies,  fe  lavoient  tous  les  jours  quand  ils 
revenoient  du  marché  ôc  de  la  ville ,  ôc  s'ils  lavoient  fi  fouvent  leurs  vaif- 
feaux ,  car  il  étoit  comme  impoflible  que  quelque  fouiliure  légale  ne  fût 
arrivée  jufques  à  eux:  puilqitç  le  ieul  attouchement  des  habits  des  touillez  pro-  ' 
duifoit  la  fouiliure.  Ce  qui  n'étoit  pourtant  pas  univerfellement  vrai,  caria 
Loi  de  Dieu  n'ordonne  pas  de  poufler  le  fcrupule  fi  loin,  ôc  n'impofe  la 
neceflité  de  fe  laver,  qu'à  ceux  qui  fans  égard  à  la  Loi  avaient  touché 
une  chofe  fouillée.       Ainfi  un  attouchement  involontaire  ,   mêm.e  ians 
s'en  appercevoir,  ne  faifoiti  pas  fouiliure  Légale:  le  péché  confilloi:; pro- 
prement dans  le  mépris  de  k  Loy. 

Tart.  IL  Aaa  C  H  4" 


570         HISTOIRE  DES   DOGMES 

CHAPITRE    XXVL 
^e  l'Eau  de  jalonjie. 
Nomb,  y.  12.  &c.. 


c 


'Eft  une  trop  grande  affaire  pour  la  pafler  (ans  en  dire  nn  mot. 
Les  cérémonies  pour  la   femme  fufpe^le  d'adukere  font  très  am 
long  décrites  au  ch.  5:.  des  Nombres  v.   12..  6c  fuivans.     Il  fuf- 
$ra  d'y  faire  ces  obfervations. 

I.     Cette  épi-euve  ne   fe  pouvoit  pas  faire    fur  un  fimple   foupçon^ 
il  faloit  qu'il  y  eut  des  témoins  qui  euffent  vu  entrer  la  femme  avec  un  hom- 
me en  lecret,  &  y  demeurer  affez  long-tems  pour  être  fouillée,  &  mê- 
me il  faloit  qu'il  y  eût  eu  auparavant  jaloufie. 5  &  que  le  mari  lui  eiit  dé- 
fendu de  parler  à  un  tel,  6c  de  le  voir  en  particulier,  auquel  cas  bien 
que  fon  père  ou  fon  frère  fuflent  délateurs,elle  étoit  obligée  de  boire.  Si  le  ma- 
ri l'avoit  vûë  fêul ,  ou  qu'il  n'y  eût  qu'un  témoin,  il  pouvoit  lui  donner 
la  lettre  de  divorce,  mais  non  lui  faire  boire  les  eaux   ameres.     Il  y  a» 
diversL  canons  dans  la  Tradition  des  Jtiifs  là-deflus,  oaîes  trouve  dans- 
Ainfworîh,  fur  le  Livre  des  Nombres  f.  13.  6c  dans  Maimonides , dans 
le  traité  Sotah  chap.  I .  Et  même  (î  une  femme  fe  conduifoit  mal,  6c  que  le 
mari  n'en  fut  pas  jaloux,  6c  ne  s'en  fût  pas  apperçû,   6c  qu'après  il  en 
fût  averti,  il  pouvoit,  difent  les  Juifs,  lui  donner  la  lettre  de  divorce, 
mais  non  lui  faire  boire  des  eaux  ameres. 
eeremonies      z.  En  quelque  lieu  que  fût  la  demeure  du  mari  ,.  il  amenoit  fa  femme 
feTvoient  '   ^^  J^g^î  ^"^  aprés  l'avoir  ouï  lui  donnoit  deux  difciples  de  l'école,  pour 
quand  on    Ics  accompagncr  jufques  à  Jerufalem  devant  le gi-and  Sanhédrin.     On  les» 
drek's^eaux  ^ccompagnoit  ainfi,  afin  que  le  mari  ne  couchât  pas  avec  elle-,  car  cela;: 
îU jaloufie.   n'écoit  plus  permis  depuis  le  procez  intenté. 

3 .  Arrivée  qu'elle  étoit  au  Sanhédrin  ,  on  lui  faifoit  dé  terribles  me- 
naces 6c  des  conjurations  de  dire  la  vérité  j'  £  elle  confeflbit  y  elle  ne  bû-r 
voit  pas,  6c,  on  rompoit  le  contraâ:  de  mariage.     Si  elle  nioit  6c  protef- 
toit  être  prête  à  boire   les  eaux,  on  l'amenoit  à,  la  porte  de  Nicanor  011^ 
du  Parvis  d'Ifraëlj  fi  die  étoit vétuë  de  blanc  ,  on  la  révétoit  de  noir,, 
on  lui  Qtoit  Ces  anneaux  6c   fes  ornernens.     On  affembloit  une  grande^ 
compagnie  de  femmes  i  6c  même,  fi  les  hommes  y  vouloient  venir,  ils  le 
pouvoienc  5  excepté  les  ferviteurs  de  cette  femme.     Le  Sacrificateur  lui 
ôtoit  fon  voile ,  ôc  lui  déchiroit  fès  habits  fur  la  gorge  6c  fur  la  poitrine,, 
jufques  à  l'endroit  du  cœur  ,  on  defarrangeoit  fachevelure,  afin  que  fes 
che«'cux  pendiflent  fur  fes  épauks. 
Nombres         4.  Cette  cau  qu'on  lui  failbit  boire  efl  appelléc  faintc.     Puis  le-  Sacri» 
i'*i7  ^'      fcateur  prendra  de  f^eau  fainte  dans  un  vaijjeau  de  terre.  Par.  l'eau  fainte  les 
Juifs  entendent  de  l'eau  prife  du  lavoir  qui  étoit  dans  le  Parvis*     On 
en  prenoit  un  demi-log  contenant  trois  œufs.  On  y  mêloit.  de  la  coudre  prife 

di^ 


ET  DES  CUITES  DE  L'EGLISE.  PartU.  371 

dg  dejfus  le  pavé  du  pavillon  y  Dans  la  fuice,  après  que  le  Temple  fut  bâti ,  le 
fond  étoit,  ou  de  cèdre  doré,  ou  de  marbre  j  ils  avoient  laifléune  pierre  , 
de  marbre,  qui  fe  levoitavec  un  anneau,  dans  le  lieu  que  nousavonsmar- 
qué  cy-deflus,  favoir  entre  les  deux  portes  qui  fermoicnt  l'entrée  du  Tem- 
ple: Et  delîbus  cette  pierre  onprenoitdelapoudre,  onla  jejtoitfurrcau, 
-&  elle  nageoit  defllis:  On  ne  laremuoit  point,  il  faloit mettre  la  poudre 
fur  l'eau,  non  l'eau  fur  la  poudre.  Celaeft  îi^^cWé eanx ameres ^  apparem- 
ment parce  qu'elles  mettoient  en  amertume  le  ventre  dé  la  femme,  car  au- 
trement il  n'y  a  rien  d'amer  dans  la  compoficion  que  nous  venons  de  voir.  Il 
ell  vrai  que  les  Hébreux  difent ,  que  le  Sacrificateur  y  mêloit  de  l'abfînthe, 
du  fiel,  ou  quelque  autre  drogue  amerej  mais  la  Loy  n'en  dit  rien,  on 
fyrononçoit  fur  ce  breuvage  de  grandes  malediélions,  &  des  conjurations , 
telles  qu'elles  fe  lifent  dans  la  Loy  au  lieu  cité. 

Si  la  femme  étoit  coupable,  les  Juifs  difent  ^qu'incontinent  fon  vifage  de- Evenemew: 
venoit  jaune  &  pâle,  fes  yeux  mouransj  on  la portoit  hors  du  Parvis  des  mkacuieuic 
icmmes ,  fon  ventre  s'enfloic ,  fa  cuifle  tomboit ,  &  elle  mouroit  j  &  à  l'heu-  voit'àiï 
Te  même  l'adultère  mouroit  auffi.  Si  elle  étoit  innocente,  le  vifage  lui  rêve-  ^mmcquî 
noit  bon ,  fes  yeux  étoient  brillans  j  G  elle  avoir  quelque  maladie,  elle  en  étoit  eaui  ametcs, 
guérie,  elle  concevoit  facilement,  ôc  (î  les  travaux  pour  enfanter  étoient 
d'ordinaire  grands,  dans  la  fuite  elle  accouchoit  facilement  6c  fans  peine, 
'Il  elle  n'avoic  eu  que  des  filles ,   elle  accouchoit  de  mâles.  Si  fon  ventre  Maïmoni-^ 
n'enfloit  pas,  6c  qu'elle  ne  mourût  pas  fur  le  champ,  le  mari  étoit  obligé  desTtadt 
de  la  reprendre,  fût-il  Sacrificateur,  6c  encore  qu'elle  devînt  malade  d'u-ca°p.V 
ne  autre  maladie ,  cependant  elle  n'étoit  pas  réputée  coopable.  Ligtfoot 
fa|)porte    pourtant,  que,   félon  les  Rabbins,  l'efïèt  de    ces  eaux    ne 
fuivoit  pas  toujours  incontinent  après  les  avoir  prifèsi  mais  que  cela  venoit 
quelquefois  deux  ou  trois  ans  après  j  ce  qui  n'eft  pas  apparent.     Ligtfoot 
prétend  qu'on  forçoit  à  boire  celles  qui  ne  vouloient  pas  boire.     Mais  Ainf-  Aînfworth 
worth  fur  les  Nomb.  f .  xo.  cite  les  paroles  des  fuifs.qui  difent,  que  quand  une  P'"-  ''.*'''}.= 
temrae  nioit ,  oC  cependant  nevouloit  pas  bone,  on  ne  la contraignojt  point  j  eniûtera- 
mais  il  étoit  permis  au  mari  de  lui  donner  la  lettre  de  divorce.  Et  fi  fon  mari  t"i€.juif?€. 
avoit  couché  avec  elle  depuis  qu'elle  avoit  été  furpriîêavec  un  autre,  il 
ne  la  pouvoit  plus  forcer  à  boire  j  En  prenant  fon  doiiaire  elle  pouvoit  fe 
retirer ,  au  lieu  que  fi  le  mari  ne  i'avoit  pas  touchée  depuis  qu'elle  avoit  été 
iurprife  avec  un  autre ,  cWq  étoit  renvoyée  fans  douaire,  fi  elle  ne  vou- 
ioitpas  boire  les  eaux  de  ialoufie.  Il  y  avoit  pourtant ,  difent-ils,  desfem-„.     ,  . , 

^  •     ■,'      ■  /JL-!  \      r  Singularité 

mes  quin  etoient  pas  en  état  de  boire  les  eaux  ameres,  encore  que  la  fem-  dansULof 
me  ôc  le  mari  le  vouluflènt  j  favoir,  fi  la  femme  ou  le  mari  étoient,  ou  **"""* 
aveugles,  ou  fourds,  ou  manchots  j  je  ne  fàurois  deviner  la  raifon  décela. 
Ils  difent  encore ,  que  fi  une  femme  avoit  été  une  fois  jufli  fiée  parles  eaux 
dejaloufie,  &  que  le  mari  devînt  une  féconde  fois  jaloux  du  même  homme, 
il  ne  pouvoit  pas  l'obliger  à  boire  une  féconde  foisj  mais  il  pouvoit  lui 
donner  la  lettre  de  divorce,  ôcrenvoyer  fans  doiiaire.  Mais  s'il  étoit  ja- 
loux d'un  autre  homme,  il  pouvoit  l'obliger  à  boire  jufques  à  plufieurs 
fois  pour  differens hommes.  ïls  ajoutent,  que  quand  le  mari  n'étoit  pas 
exempt  du  crime  dont  i4  accufoit  fa  femme ,  6c  qu'il  fe  fût  fouillé  de  paillar- 
di(è  ou  d'adultère,  kseauxde  jaloufie  n'avoient  pas  de  force  fur  la  femme, 
^  il  ne  devoit  pas  l'obliger  à  les  boire. 

t  Au 


j7i  H  I  S  T  O  I  R  E  DES  DOGMES 

Au  refte  dans  les  iermens  par  lefquels  on  ajuroit  la  femme ,  on  la  faifoit  ju- 
rer, lavoir,  fi  elle  n'avoit  point  connu  d'autre  homme  étant  en  fiançailles,, 
ou  après  être  mariée ,  6c  en  demeurant  avec  Ton  mari  :  mais  il  ne  pou  voit  pas 
îb"[u''"'*    l'^i'-i''^''  d^  Gonfefler  fi  elle  avoit  commis  de  crime  devant  Tes  fiançailles, 
ou  après  avoir  été  feparée  de  lui  par  divorce,  &  enluite  reprife. 

Cette  ajuration  s'écrivoit  fur  un  parchemin  vierge,  mot  après  mot > 
lettre  après  lettre.  Elle  devoitêtre  écrite  non  par  un  liiaèlite  ordinaire ,  ou 
par  un  jeune  Sacrificateur ,  mais  par  le  Sacrificateur  officiant ,  ôc  avec  une 
cipece  d'encre  quiic  pût  effacer  avec  de  l'eau,  ainfi  que  la  Loy  porte,  fans 
laiifer  aucune  imprefiîon  du  caractère  fur  le  parchemin.  Cela  fignifioit ,  (|ue 
ces  caraèleres  eû'àcez  entreroient  en  elle  par  malediètion ,  ôc  que  fon  nona< 
fëroit effacé  d'Ifraël  avec  infamie,  &au  contraire,  que  fi  elle  étoit  inno^ 
tente,  toutes  ces  malediètions  ne  lui  feroient  pas  de  ihaL 


# 


CHAPITRE     XXVIL 

Des  Cultes  volontaires  félon  la  Lojf^ 
Levit.  7.  16.  6c  z 2,.  18.  &c. 


y 


'Ufques  ici  nous  avons  parlé  des  fcrvices  ordonnez  par  la  Loy  de  Moyfcf 

&  aufquels  tous  les  Ifraëlites  étoient  obligez.     Avant  que  de  finir   il 

faut  dire  quelque  chofe  de  ces  fervices  que  la  Loy  appelle  volontaires, 

nn"î3,  6c  q^ue  Saint  Paul  au  fécond  ch.  de  l'Epître  aux  Coloffiens  appelle 

©rifîne  des     Q^^  fervices  Volontaires  ètoient  ceux  aufquels  on  n'étoit  point  obligé 
&des  Pha-  par  la  Loy  ,^  oc  que  Dieu  cependant  acceptoit,  oC  trouvoit  bon  qu  on  lui- 
ijfiens.       rendît.     Le  ferviee  qu'on  rendoit  à  la  Loy  par  obligation,  s'appelloit  chez 
Ghijoub.      les  Juifs  3rJn  debkmn ,  6c  celui  qui  le  rendoit  volontairement ,  a  été  nom- 
mé par  les  Rabbins  rrv\rh  nui  auBarmn  legis  :    C'efl  proprement  cequ'on^ 
appelle  aujourd'hui  les  oeuvres  de  [nrerogatim.     Et  ce  iërvice  volontaire 
fous  le  fécond  Temple  donna  lieu  à  uneConfrairie  de  dévots,  qui fe for- 
ma environ-  le  tem«  àes  Maccabées,  ôc  qui  furent  nommez,  Hafiidéens,. 
on^DH,  frii^mifericord^s'^  6c  de  ces  Halfidéens  fur  la  fin  du  fécond  Tem- 
chap,  2.     pie  vint  la  feâ:e  des  Pharifiens.     Le  premier  Livre  des  Maccabées  parle- 
«-42.         de  ces  Haffidéens ,  en  ces  termes ,  alors  une  (Compagnie  d' Hajfidéens ,  cjPiifatfoient 
profejfion  de  s'^ attacher  au  ferviee  volontaire  de  la  Loy  ,  s'ajjemblerent  vers  eux,- 
C'eft  ainfi  qu'il  faut  tourner  ,^  6c  non  comme  nos  Interprètes  :  Alors  s''af- 
fsmhla  vers  eux  une  Compagnie  de  'juifs  y  les  pins  puijfuns  d^Ifra£li^T.\iayay^  rZv 
Kcrilulav)  Tous  ceux  qui  avoient  volonté  de  tenir  la.  Loy.  Il  y  a  dans  le  Grec 
£Kt(r/;^Ço7x^vo/  rœ   vo>cf)  y  c'ell-à-dire,  qui  rendoient  ce  ferviee  à  Dieu,  qui  s'ap- 
Ti  Maccabées  pelloit  felon  la  Loy  inào-zov,  n3i3,  volontaire5.6c  qui  ne  fe  concentoient  pas  de 
2* des  Mac-  ^c  qui  étoit  Commande.  11  eft  parlé  de  ces  mêmes.  Haffidéens  en  d'autres- 
aabéesch.     lieux  des  mêmcs  Livrcs.     Ce  font  ces  gens  qui  ont  commencé  d'établir  le 
corps  decesceremoB!es5  6c.des  traditions  qu'on. a  ajoutées  a  la  Loy  de  Dieu^ 

doat: 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Tart.U.  373 

dont  le  culte  Mofaïque  fe  trouva  comme  accablé,quand  N.  S,  vint  au  mon- 
de j  car  dans  la  fuite  on  entreprit  d'enchérir  fur  la  dévotion  voloUairede 
ces  Haiîidéens  j  Et  au  lieu  que  dans  leur  Confrairie  ils  s'étoient  chargez  de 
certaines  dévotions  particulières,  qui  confiftojent  partie  en  oraifons , par- 
tie en  offi-andes  pour  les  facrificcs,  6c  pour  l'entretien  du  Temple,  on  y 
ajouta  un  grand  nombre  d'ordonnances,  qui  regardoient  leslavemensdes 
pots  des  châlits ,  ôcc.  les  dîmes  des  Jardins ,  réiargiffement  des  phy- 
la6teres,  ôc  mille  autres  obfervations  ruperllitieules  que  le  Seigneur  leur  re- 
proche, fans  conter  celles  dont  il  ne  parle  pas,  &  que  l'on  lit  aujourd'hui 
dans  leur  Talmud.  Outre  cela,  au  lieu  que  ces  obfervations  au  commen- 
cement étoient  arbitraires ,  on  en  fit  des  Canons  6c  des  Règles ,  on  les 
écrivit ,  6c  on  s'obligea  par  engagement  à  les  obferver. 

Et  de  la  fe  forma  la  feéte  des  Pharifiens ,   qui  s'appellerent  o^nisj  /è-  voy  scaliger 
parati;  parce  qu'ils  fe  diftinguerent  du  relie  de  la  Nation  par  un  fervi-  "'"^  i»x- 
ce  volontaire  que  la  Loy  ne  commandoit  pas  y  6c  ils  portèrent  ce  fervi-  llp'^Tz. 
ce  volontaire  à  ua  fi  grand  excès  de  fuperflition,  qu'il  excéda  de  beaucoup  oàginedcs 
les  cultes  commandez  par  la  Loy.     Et  en  même  tems  ils  attachoient  un  &  Joiuq"uôi 
fi  grand  mérite  à  ce  fervice  volontaire,  qu'ils  contoient  pour  rien  le  fer-  les.j.ch. 
vice  qui  fe  rendoit  à  la  Loy  par  obeilfance,  6c  regardoient  tous  ceux  qui  tSe.^"^^"'^ 
fè  contentoient  de  ce  fervice  dû  à  la  Loy ,  comme  la  lie  de  la  terre.     Et 
c'efi:  à  caufe  de  ce  terrible  orgueil,  6c  de  cette  opinion  de  mérite,  que 
Jefus-Chrift  prend  à  tâche  de  les  foudroyer  partant  de  maledidions >  car 
il  ell  bien  vrai  qu'il  y  avait  entre  leurs  traditions  des  opinions  6c  des  maxi- 
mes qui  ruinoient  la  Loy,  mais  il  eft  vrai  pourtant  que  la  plupart  de  leurs 
obfervations  étoient  indifférentes,  6c  n'étoient  mauvaiies  que  par  l'opinion 
du  mérite  qu'ils  y  attachoient ,   par  le  mépris  qu'ils  avoient  pour  la  Loy, 
en  comparaifon  de  leurs  obfervations  volontaires,  6c  pai-  l'efprit  d'hypocri- 
fie  dont  ils  étoient  rejïiplis.  Ce  qui  doit  être  foigneufement  remarque  pour 
faire  voir  qu'il  n'y  a  rien  qiie  Dieu  regarde  avec  plus  d'horreur  dans  les  hom- 
mes, que  cet  orgueil  quUeur  perfiiade  que  l'homme  peur  mériter  de  Dieu. 

Mais  quoi  que  ces  fervices  volontaires  des  Pharifiens  6c  dés  hypocrttes  ^'^."  ^^^^ 
fuffent  defagréables  à  Dieu  ,  cependant  il  eft  certain  que  tout  fervice  vo-  Ss  Svi- 
lontaire  ne  lui  déplaifoit  pas  :  Au  contraire  toute  la  Loy  nous  apprend  que  ces  voiontai- 
Dieu  l'acceptoit,  quand  il  étoit  fait  fuivant  les  règles  qu'il  ordonne. 

Ce  fervice  volontaire  fe  divifoit  félon  la  Loy  en  deuxeipeces  générales:  Etmêmes 
L'une  s'appeîloit  offrande  volontaire  j  6c   l'autre   s'appelloit  vœ^.     Nous  5-°"'"  °j^' 
voyons  ces  deux  efpeces  diftinguées  dans  le  ch.  y.  du  Levit.  v.  1 6./  lefacri-  celles  qui 
^ce  de  fin  offrande  efi  un  vati  ^  ou  une  offrande  volontaire  ^  6cc.     Ce  fonciciles  f!|?''^"^P"" 
différences  du  vœu  6c  de  l'offrande  volontaire.  toute  raf- 

I.  Le  vœu  étoit  toujours  joint  avec  ferment  6c  exécration,  tellement  ^f^]"^^^' 
que  rien  ne  pouvoit  diipenier  celui  qui  avoit  tait  un  vœu  légitime  de  s  a-  lontsiresjon 
quitter  de  ce  vœu  ;   mais  pour  l'offrande  volontaire,  c'étoit  une  fimple  "]y^^°"'^^^_^" 
promeffe,.  ou  plutôt  une  fimple  intention  de  donner  à  Dieu  6c  au  Tcm-  Tonne, 
pie  certaine    chofe,  ce  qui  fê  faifoit  fans  exécration,    6c    fans   ferment,  ^^^^^f^^ 
Tellement  que  l'on  pouvoit  changer  de  deffein  fans  crime,  pourvu  que&i'o 
l'on  en  eût  de  bonnes  rai  Tons.  Jenedoute.pasqu'il  n'eût  été  permis  de  don-  ^°^°^ 
ner  à  un  pauvre  fort  necefliteux  ce  que  l'on  auroit  deilinépourune  offran- 
de volonraire.au  Temple,  mais  cela  n'eût  pas  été  permis  d'une  chofe  vouée. 
'    ^  Aaa    2  C'eft 


374  HISTOIRE  DES  DOGMES 

Mâimonidcs  C'cil  poiH'quoi  Ics  Juifs  difciit  que  celui  qui  avoit  deftiné  certaines  bêtei, 
''""*• /^  r  ou  ceriilne  fomme  d'argent  pour  une  offrande  volontaire  ,  (î  ces  chofes 
«p.  t4.  vendent  a  être  dérobées,  n  etoit  pas  oblige  de  les  remplacer ,  comme  il 
seft.  4-  S'  ^^^^i^  obligé  de  faire  quand  les  chofes  vouées  avoieiit  été  prifcs  ,  ou 
perdues. 

2.  Les  offrandes  volontaires  ne  fe  faifoient  ordinairement  à  autre  but 
que  pour  témoigner  une  dévotion  extraordinaire.   Mais  les  vœux  étoient 
joints  avec  des  prières  ,    pour  le   fuccez   d'un  deiîëin   que   ron   for- 
moi  t. 
De  quoi  fe        Ccs  offiandcs  volontaires  fe  faifoient  de  toutes  chofes,  argent,  bêtes, 
ftifoient  les  pofleffions ,  maifous  6cc.   &  fi  c'étoient  des  bêtes,  elles  dévoient  être  fa- 
voiootaires.  crilïécs  en  holocaufte  5  fi  elles  étoient  nettes  &  fans  défaut,  comme  laLoy 
les  demandoit  -,  mais  fi  elles  avoient  des  défauts ,  on  les  vendoit  au  profit 
du  Temple  &  des  Sacrificateurs,  c'eft  félon  cette  diftinéti on  qu'il  faut  en- 
Levkique     tendre  ce  que  dit  la  Loy.     Tft  pourras  bien  faire  offrande  volontaire  du  bœpff 
»i.  v.-^^     ^^  ^^  ^^  menue  bête  ^  (Ufant  fuperfimté  ou  défaut  en  fes  membres.     tJPKais  ils  ne 
feront  pas  recevables  pour  le  vœu.   Cela  paroit  formellement  oppofé  à  ce  qui 
fe  lit  dans  le  même  chap.  deux  verfets  auparavant,  en  parlant  des  offran- 
v.^o.      des  volontaires  ,    votis  n'offrirez,  aucune  chofe  qui  ait  tache,  car  cela  ne  feroh 
pas  recevable  pour  vous.     Ce  dernier  paffage  doit  être  entendu  de  ce  qui  (e 
mettoit  fur  l'Autel  j  ces  bêres  ne  dévoient  avoir  aucune  tache.     Le  pre- 
mier paflàge  doit  être  entendu  de  celles  qui  avoient  des  défauts ,   qu'on 
pouvoit  donner  pour  être  vendues  au  profit  du  Temple.     Ainfi  l'enten- 
Maimonidcs  dent  Ics  Hebrcux  avec  raifon  j  ainfi  l'explique  Maimonides ,  6c  il  ajoute 
^"  ""      9'^'il  n'étoit  pas  permis  de  vendre  une  bête  entière  provenuc  d'oblatioa^ 
cap.  s-        volontaire,  au  profit  du  Temple,  mais  qu'elle  devoit  être  facrifiée. 
sea.  6.        ■    Ces  offrandes  volontaires  de  bêtes  nettes  ne  pou  voient  être  offertes  qu'en 
holocaufte  ,    6c  en  facrifices  de  profperitez  ,   Ôc  non  en  ficrifice  pour  le 
délit  ou  pour  le  péché  :  parce  que  ces  deux  efpeces  de  faciifices  ne  s'of- 
froient  que  par  ceux  qui  fe  trouvoient  engagez» dans  quelques  crimes. 
Auquel  cas  leur  offrande  ne  pouvoit  plus  être  une  oblation  volontaire  i 
puisqu'ils  y  étoient  obligez  par. leur  engagement  dans  quelque  péché.  Ces  of- 
frandes volontaires  étoient  offertes  félon  la  dévotion  des  particuliers  j  mais 
elles  étoient  en  beaucoup  plus  grand  nombre  que  celles  du  fervice  ordinairCj 
&  du  fervice  commandé.  Car  aucun  homme  ne  montoit  en  Jerufalem  dans  les 
fêtes ,  qui  n'offrît  de  ces  offrandes ,  &  outre  cela  on  en  offroit  en  mille  occa- 
fions  particulières  :  cette  grande  multitude  d'offrandes  ,  que  Salomon  ÔC 
les  particuliers  offrirent  à  la  dédicace  du  Te:6ïple  ,   étoient  des  oblations 
volontaires,  ôc  qui  n'éroient  pas  commandées  par  la  Loy;  car  on  n'étoit 
obligé  par  la  Loy  précifément  qu'aux  offrandes  que  la  Loy  ordonnoit  de 
faire  dans  les  Sabbats,  nouvelles  lunes,  &  fêtes,  outre  le  facrifice  continuel, 
■&  aux  offrandes  pour  le  délit ,  6c  pour  le  péché,  félon  les  crimes  que  l'on 
commettoit.  On  ne  pouvoit  pas  même  contraindre  aux  obiations  pour  le 
.     délit  6c  pour  le  péché. 
(■btaJier      Mais  il  eftà  remarquer  que  ces  fervices  volontaires  n' étoient  libres  qu'à 
SWient     l'égard  de  la  matière  des  offrandes  6c  àcs  fervices  ,  6c  non  de  la  manière 
.  l'égard  delà  OU  de  la  forme  J  c'eft-à-dire,  que  Dieu  ne  permettoijc  pas  aux  Juifs  de  lui 
mJu  deia^  rciidrc  aucuH  fervice  qui  ne  fût  ou  commandé,  ou  permis  dans  la  Loy.  Par 

foime.  €Xem- 


ET  DES  CULTES  DE  UEGLISE.  P^^^.II.375 

fxemple  il  n'étoit  pas  permis  d'imaginer  de  nouveaux  iacrifices,  ni  de  nou- 
velles cérémonies  pour  lervir  Dieu  j  feulement  Dieu  trouvoit  bon  que 
dans  les  lervices  qu'il  avoir  ordonnez,  on  allât  plus  loin  que  les  autres, 
quand  on  y  étoit  porté  par  dévotion  :  Par  exemple  au  lieu  que  l'ordinai- 
re du  peuple  n'offi-oit  des  holocauftes  &  des  Iacrifices  de  profperitez  qu'en 
certainstemsficen  certaine  quantité.  Dieu  agréoit  la  dévotion  de  ceux  qui 
ofFroiem  des  holocauftes  &  des  facrificesde  profperitez,  &  plus  fouvent  &.  en 
plus  grand  nombre  que  les  autres.  C'eil  pourquoi  le  Seigneur  Jefus-Chrilt 
blâme  fi  fort  les  Pbarifiens,  6c  condamne  leurs  fervices  volontaires,  parce 
qu'ils  prétendoient  fervir  Dieu  par  des  cultes  inouïs  y,  6c  que  la  Loy  ne  per- 
mettoic  6c  ne  commandoit  pas. 

Cette  obfervation  eft  importante  pour  difiinguer  aujourd'hui  le  culte  Qi'ei  fevke 
qui  peut  être  agréable  à  Dieu,  de  celui  qui  ne  lui  fauroit  pkire.  Dans  l'E-  S  agréable 
glife  Romaine  on  parle  extrêmement  des  œuvres  de  furerogation  ,  qui  font  J  ^'«"  '^J"*' 
propremeat  le  fervice  volontaire,6c  l'on  l'appelle  è^eKo^pvia^iis-ic?,  11  ne  faut  pour-  chiêtieos, 
tant  pas  condamner  abfolument  toute  ièeKoèpvf/.êia  ,  comme  lî  Dieu  abhorroit 
tout  fervice  volontaire.  Mais- il  y  faut  pofer  cette  condition ,  que  ce  culte  ne 
foit  pasinventé, inouï,  non  commandé  de  Dieu.  Lors  que  le  culte  que  l'on 
pratique  eil  conforme  aux  loix  divines ,  fi  par  dévotion  on  en  fait  plu& 
que  ce  que  Dieu  commande  précifément ,  cela  ne  lui  peut  déplaire.  Par 
exemple,  Dieu  commande  la  prière,  fi  par  dévotion  une  perlonne  donne  à 
ce  faint  exercice  la  plus  grande  partie  de  fon  tems ,  c'eil  un  fervice  vo- 
lontaire. Car  quand  an  ne  prieroit  Dieu  qu'à  des  heures  réglées,  comme 
les  autres,  on  ne  laiflèroit  pas  d'être  dans  la  voye  de  falut ,.  6c  de  fatisfaire 
au  commandement  de  piùerj  cependant  ce  fervice  volontaire  eft  très  agréa- 
ble à  Dieu.  Donner  l'aumône  eft  un  devoir  de  necefiité.  Mais  donner  . 
tout  fon  bien  aux  pauvres  eft  un  fervice  volontaire,  fans  lequel  on  peut  être 
fauve,  6c qui  cependant  plaît  à  Dieu,  quand  la  prudence  accompagne  la 
charité.  Mais  celui  qui  de  fon  gré  ,  6c  par  un  fervice  volontaire  fe 
déchireroit  le  corps  avec  des  lancettes ,  par  mortification ,  6c  pour  fajr.c 
pénitence,  comme  faifoient  les  Sacrificateurs  de  Bahal  6c  de  Bellone,  ne 
feroit  rien  du  tout  d'agréable  à  Dieu  ,  parce  que  ce  culte  n'eft  ni  com- 
mandé, ni  permis.  En  un  mot  tout  fervice  volontaire  légitime  fe  doit  te- 
nir dans  les  règles  6c  dans  les  bornes  des  parties  du  culte  que  Dieu  auto* 
rife,  feulement  il  peut  aller  plus  loin  dans  la  pratique  que  ne  fontles  au'^ 
très  hommes,  6c  plus  loin  que  Dieu  neco  m  mande  pour  être  fauve.  Selon 
cette  règle,  nous  pouvons  conclurre  que  tous  les  cultes  volontaires  de  l'E- 
glife  Romaine  font  illégitimes  ,  parce  qu'ils  font  dans  la  matière  ,  non^ 
commandez,;  6c  même  défendus  pour  laplûp^t,  6c  irréguiiers  dans  la  for- 
me.. 


d  tt  A= 


3-6 


HISTOIRE  DESDOGMES 


CHAPITRE     XXVIII. 


*Des  Feux. 


I 


SLechabitcs. 


V.  I.  ôc  foi 

vans. 


De  la  matie- 
îe  des  fim- 
ples  vœux 
5e  de  leur 
■foîmc. 


Le  vit.  vj,  6c  Nombres  p. 

L  eft  fouvent  parlé  des  vœux  ^ans  la  Loy ,  fur  tout  dans  les  endrotts 

citez  dans  le  titre  de  ce  Chapitre.  On  les  peut  divileren  diverfes  efpe- 

ces,  les  uns  regardoient  rabilinence  de  certaines  chofes,  comme  de  vin, 

d'une  telle  viande,  d'un  tel  fruit  ^cc.  Tel-étoit  l'abilinenceôc  le  vœu  des 

Y>u  vœu  des  Nazariens  dont  nous  aurons  a  parler  dans  un  chap,  à  part.     Tel  étoit  le 

vœu  des  Rechabices  qui  avôient  voué  de  ne  boire  jamais  de  vin ,  &  d'ha^ 

biner  toujours  dans  des  tentes  hors  des  villes:  Il  paroît  par  la  manière  dont 

Jeremie  parle  des  Rechabites,  que  ces  fortes  de  vœux,  quoi  que  ce  fufîent 

àts  fervices  purement  volontaires,  n'étoient  pas  defagreables  à  Dieu.  La 

plupart  des  vœux  confiitoient  en  offrandes  &  en  dons  que  l'on  faifoit 

a  Dieu. 

La  matière  àts  vœux  fe  prenoit  de  toutes  chofes ,  des  liommes  ,  des 
bêtes,  des  fruits,  des  champs,  maifons  &c.  comme  il  paroît  par  le  vj, 
chap.  du  Levitique.  Les  vœux  qui  confiifoient  en  dons  6c  en  confecra- 
tions  à  Dieu,  étoient  encore  de  deux  efpeces,  la  première  efpeces'appcl- 
loitfimplement  vœu  tî3,  dont  il  eft  parlé  dans  le  chap.  du  Levitique  que 
nous  venons  de  citer,  depuis  le  verfet  premier  jufques  au  27.  la  féconde 
cfpece  s'appelloit  Cherem  C3in,vœu  par  interdit,  dont  il  eft  parlé  dans  \c^ 
verfetsiS.  ôcip.  du  même  chapitre. 

,La  première  efpece  de  vœu  s'appelloit  donc  m3  vœi*  {împlement,par  lequel 
on  confacroit  certaine  chofe  pour  être  fainte  à  Dieu,  ôc  pour  être  emplo- 
yée à  fon  fervice.  Et  cela  fe  failoit  encore  de  deux  manières  à  l'égard  àes 
perfonnes  5  car  ou  bien  on  confacroit  la  perfonne  pour  la  dévouer  abfolu- 
ment  au  fervice  de  Dieu ,  ou  on  la  devouoit  feulement  pour  en  donner 
au  Temple  le  prix,  félon  l'eftimation  qui  en  étoit  faite  par  la  Loy.  La 
mère  de  Samuel  voua  de  la  première  manière.  Elle  dévoua  le  fils  qu'el- 
le demandoit  à  Dieu  à  fon  fervice  pour  toute  fa  vie,  ;r  le  donnerai  a  l  Eter- 
nel four  tous  les  jour i  ^u'il  vivra.  Mais  le  plus  fouvent  on  vouoit  feulement 
les  perfonnes,  pour  en  payer  l'eftimation  félon  qu'elle  eft  taxée  au  2.7.  du 
Levitique.  Un  homme  pouvoit  fe  vouer  foi- même,  fa  femme,  fesenfans, 
6c  (t.s  ferviteurs  en  difant  ,  le  prix  de  ce  e^ue  je  vaus  ,  0^  le  prix  de  ce  ^ut 
ma.  femm-e ,  mon  fils  (jr*  mon  [ervtteur  valent ,  [oit  fur  moi.  Après  cela  il  étoit 
obligé  de  payer  aux  Sacrificateurs  ,  le  prix  félon  l'eftimation  de  la 
Loy. 

Un  homme  pouvoit  même  en  vouer  un  autrc,  6c  dire,  le  prix  d'huit  tel 
homme  Çoit  fur  moy\  6c  il  étoit  obligé  de  payer  l'eftimation  de  cç,x.  homme 
au  Sanéluaire.  On  pouvoit  vouer  un  Payen,  en  difant ,  le  prix  de  cf  Payen 
mëmVua''  P'^^  f^^  ^°^-     ^^^^s  il  n'étolt  pas  permis  à  un  Payen  de  fe  vouer  foi-même 

Payen..  pour 


Vcy  Mai. 
m  en  ides 
Traft. 

cap.  I.  S.  (5. 

On  pouvoit 
vouer  un 
homme  qui 
n'écoit 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Part.lL  i-ji 

pour  payer  le  prix  de  Ton  ellimation  au  Temple,  encore  moins  étoit-il 
permis  au  Payen  de  vouer  un  Ifraëlite. 

Les  perfonnes  ne  pouvoient  être  vouées  avant  l'âge  d'un  mois  :  car  la 
Loy  ne  met  pas  d'eflimatipn  ni  fur  les  mâles  ni  fur  les  femelles,  que  de- 
puis l'âge  d'un  mois  &  au  defl'us.     Elle  ne  met  d'eflimation  non  plus  que 
fur  les  mâles  6c  les  femelles ,  d'où  les  Rabbins  concluent  que  les  herma- 
phrodites ,   ou  les  monftres,  dont  le  fexe  ell  douteux ,  ne  pouvoient  être 
vouez.    Les  perfonnes  fe  divilbient  en  quatre  clalTes  à  l'égard  de  l'âge; 
lo.  depuis  un  mois  jufques  à  cinq  ans.  2o.  depuis  f.  ansjufquesàzo.  ^o-  de- 
puis 20.  jufques  à  foixante.  4o.  depuis  foixante  &  au  deffus.   L'eflimation 
de  la  première  clafle  étoit  de  cinq  ficles  pour  les  mâles,  6c  de  trois  pour 
les  femelles;  c'e(l-à-dire,  de  fîx  ou  fept  livres  pour  les  mâles,  6c  de  quatre 
francs  pour  les  femelles  ;   depuis  l'âge  de  cinq  ans  jufques  à  20.   le  prix 
étoit  de  vingt  ficles  pour  le  mâle ,  6c  dix  pour  la  femelle  ,  un  fîcle  c'efl 
environ  un  demi-écu,  ce  font  dix  écus  pour  les  hommes,  éccinq  pour  les 
femmes.  Depuis  l'âge  de  20.  ans  jufques  à  60.  le  prix  étoit  cinquante  ficles, 
c'eil- à-dire  2f.  écus  pour  les  hommes  ,  6c  la  moitié, pour  les   femmes. 
Enfin  depuis  60.  ans  6c  au  deflus,  15".  ficles  pour  les  hommes ,  c'ell-à- 
dire,de  -f  à  8  écus, 6c  10.  ficles,  cinq  écus  pour  les  femmes.  Il  eil  à  re-  Lcvit. 27.5. 
marquer  que  fi  les  perfonnes  qui  s'étoient  dévouées  n'avoient  pas  cela  d'ar- 
gent, le  Sacrificateur  les  taxoit  félon  leur  bien.  On  peut  obferver  que  Dieu  Q«andics 
ne  met  pas  l'homme  à  haut  prix;  fans  doute  c'eftpour  l'anéantir 6c l'hu-  dévouée? 
milier.     Cependant  les  Rabbins  difent  qu'il  faut  diftinguer  ,  entre  efti-  venoient  1 
^nation  6c  valeur  ou  prix ,  6c  que  fi  quelqu'un  vouoit  en  difant ,  mon  efii-  Tuwûrpû 
mation  foit  fur  moi^  il  n'étoit  obhgé  à  donner  que  l'argent  que  Dieu  or-  lesprefentet 
donne  dans  le  Levitique.  Mais  que  s'il  difoit  m»n  prix  fait  fur  moi  ,  alore  onnedcvok 
il  étoit  obligé  de  payer  ce  qu'il  auroit  pu  être  vendu ,  dans  le  tems  où  l'on  lienpomci- 
vendoit  les  hommes  à  proportion  de  ce  qu'ils  pouvoient  faire , 6c  du  fer-  q"'onne fait 
vice  qu'ils  euflent  pu  rendre.  aucune efti- 

Quant  aux  bêtes  dévouées.  Si  c'étoient  des  animaux  nets  6c  propres  homnwT* 
pour  le  Sacrifice,  on  les  facrifioit,  c'eft- à-dire,  qu'on  les  mettoit  entre  "o"-    .. 
les  mams  des  Dacnncateurs ,  qui  en  diipoioient  après  cela  pour  les  lacri-     pany 
fices  du  Temple,  on  les  vendoient  pour  l'entretien  du  Temple  ,  en  cas  "^* *' ^' *' 
qu'elles  n'eufient  pas  été  vouées  particulièrement  pour  l'Autel,  mais  fim- 
plement  en  gênerai  vouées  à  l'Eternel  6c  au  Temple.     On   ne  pouvoit 
pourtant  pas  offrir,  c'eft-à-dire,  vouer  les  premiers  nez  des  bêtes  nettes, 
parce  que  fans  vœu  elles  appartenoient  à  Dieu. 

Pour  ce  qui  eft  des  bêtes  fouillées ,  elles  étoient  fujettcs  au  rachat ,  fé- 
lon l'eftimation  du  Sacrificateur,  excepté  le  chien,  dont  Dieu  ne  vou- 
loit  pas  recevoir  le  prix.  Tft  n'apporteras  point  ennton  San 6iu aire  pour  vœu^le  Deatet.zu 
.  filaire  de  la  paillarde ,  ni  le  prix  d'^un  chien.  Sans  doute  à  caufc  de  l'impudence  ^^' 
de  cet  animal.  Il  eft  à  remarquer  que  les  bêtes  fouillées  ,  qu'on  offroit 
par  vœu  étoient  abfolument  aux  Sacrificateurs  pour  en  faire  ce  qui  leur 
fembleroit  bon,  c'eft-à-dire,  pour  les  vendre  au  profit  du  Temple. 

Mais  fi  celui  qui  avoit  fait  le  vœu  fe  répentoit  de  s'être  deiîaifi  d'une  Le  vouant 
bête  qui  lui  pouvoit  être  utile ,  comme  d'un  bon  cheval  ,  ou  d'un  cha  f^erfa Vê^ê 
meau  qui  lui  pouvoit  être  de  fervice,  il  pouvoit  racheter  la  bête  ,  de  la  ouiamaifoiî 
main  du  Sacrificateur;  mais  en  payant  le  cinquième  de  l'eftimation  qui  ^nti^^J*" 
Fart.  II,  B  b  b  en  q«iéme  au 


378  HISTOIRE   DES   DOGMES 

idàdeia    en  avoir  été  faite  par  le  Sacrificateur,  au  delà  du  prix  entier  de  la  bête, 
juftc  valeur,  gj  j^  ^^j-g  ^toit  eitimcc  cinq  piilolcs,  il  faloit  qu'il  payât  les  cinq   piito- 
les,  êc  encore  une  pillole  de  plus, pour  punition  de  ia légèreté,^  de  fou 
reavis.  • 

Il  en  étoit  de  même  des  maifons  &  des  champs,  celui  qui  les  vouoità 
Dieu  éioit  oblige  de  s'en  deflaiiàr  au  profit  des  Sacrificateurs  ;  mais  s'il 
avoit  de  l'aficâiion  pour  fa  maiibn,.  ou  pour  fon  champ  ,  il  pouvoit  les 
retirer  en  donnant  le  cinquième  du  prix  au  delà  de  la  valeur.  Et  même 
fi  les  enians  de  celui  qui  avoit \oué  vouloient  retirer  l'héritage,  ils  le 
pouvoient  faire  iniques  au  jubilé,  en  payantà  proportioiu  de  ce  qu'il  y  avoit 
d'années  jui'ques  -au  Jubilé. 
%.  ECUS.  Par  exemple,  fi  un  champ  de  l'éteixluë  d'un  orner  de  femcnce  étoit 

retiré  l'année  du  jubilé  même,  il  faloit  donner  fo.  iicies  pour  le  rachat,, 
oc  clix  ficlcs  pour  le  cinquième  >  mais  fi  celui  qui  vouoit,  ou  Tes  enfans 
pour  lui  ,  vouloient  retirer  cet  héritage  ,  la  vingt-cinquiéme  année  après 
un  Jubilé,  qui  étoit  if.  ans  devant  le  fuivant  Jubilé  ,  il  faloit  donner 
pour  le  rachat  zf.^  ficles,&:f.  ficles  pour  le  cinquième.  Selon  ce  conte 
dans  l'année  qui  précedoit  le  Jubilé  ,  on  n'eût  éxé  obfigé  de  donner 
qu'un  ficle  pour  le  rachat.  Mais  les  Rabbins  prétendent  que  le  rachat 
n'étoit  pas  permis  qu'il  n'y  eût  deux  ans,  de  là  jufques  au  Jubilé.  AinS 
il  faloit  tout  au  moins  deux  ficles  pour  le  rachat  d'un  champ  d'un  bo- 
rner, c'ell-à-dire  ,  d'environ  un  aipeat  &:  demi  de  terre.  Si  ce  champ 
n'étoit  pas  retiré  par  le  propriétaire  qui  avoit  voué ,  le  Threforiêr  du 
Temple  le  vciidoit  à  un  étranger,  foit  qu'il  fût  parent,  ou  ne  le  fût  pasj 
même  la  fille,  ou  la  fœur  de  celui  qui  avoit  voué  fon  champ, étoit  ré- 
putée étrangère, parce  que  les  femmes  ne  confervent  pas  le  nom  de  leurs 
tamilles. 

Des  mains  de  cet  étranger  le  propriétaire  le  pouvoit  encore  retirer ,  pour 
le  prix  de  l'eilimation  jufques  au  Jubilé.  Mais  fi  le  proptietaire  laifiibit  paf- 
^.  fer  le  Jubilé,  il  n'étoit  plus  reçu  à  retirer  fon  champ.  Au  Jubilé  le  champ 

^  retournoit  au  Sacrificateur  tans- rachat  „comrae  tous  les  autres  fonds:  Les 
Sacrificateurs  le  poi^edoient  en  propre  ,.fans  que  perionne  fût  en  droit  de 
le  retirer.  Ils  exceptent  les  Lévites  ôc  les  Sacrificateurs  >  car  celui  d'en- 
tr'eux  qui  avoit  voué  un  champ,  étoit  toujours  en  droit  de  le  retirer, 
quoique  le  Jubilé  fût  paflc.    11  femble  que  delà  fbit. venue  la  maxime  du 
droit  canon  d'aujourd'huy  ,  ^ffe  F Eglife  tft  toujours  mineure.    Les  Rabbins 
difent ,     que  le  champ  revenoit  au  Sacrificateur ,  qui  étoit  en  office  la 
dernière  ieraaine  de  l'an  du  jubilé  j     en  payant  cependant  y  carie  Tem- 
ple ne  perdoit  rien  j  II  ne  pouvoit  pofleder  des  fonds,  comme  aujourd'hui 
les  Eglites  6c  les  Monalleres  en  pofiédent. 
te  Temple       Mais  il  faloit  que  les  fonds  confacrez  demeuraient  en  propre  à  quel- 
ne  pouvoit  qye  Sacrificatcur,  qui  en  payoït  la  valeur  pour  l'entretien  du  Temple,, 
fonds  en  ^  &  pour  être  mis  au  Threfôr.  Si  le  champ  confacré  par  un  vœu  n'étoit 
fiopic.        pji5  Jli  fonds,  &  du  Patrimoine  de  celui  qui  faifoit  le  vœu,  mais   un 
champ  acheté,,  il  n'en  pouvoirvouèr  que  le  revenu  jufques  au  prochain. 
Jubilé  j  parce  que  toutes  les  ventes  de  fonds ,  n'écoient  que  des  engage- 
mens  qui  ne  duroient  q^ie  jilfques  au  prochain  Jubilé.     On  ne  pouvoit 
■^ouër  que  ce  qui  étoit  à  foi,,  c'elt  pourquoi  on.eftimoit  ce  que  pouvoient 

va*- 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Tart.ll.  379 

"valoir  les  recokes  jufques  au  Jubilé,  en  cas  qu'on  le  voulût  racheter.  Si- 
non les  Sacrificateurs  en  jouïflbient,  ou  en  faifoient  jouir  un  autre  , 
au  profit  du  Temple,  &  dans  l'année  du  Jubilé  l'héritage  retournoit  à 
fon  ancien  maître,  qui  l'avoit  aliéné.  C'eft  ce  que  difent  les  Rabbins  pour 
l'explication  de  ce  que  dit  le  chap.  27.  du  Levitiqu€,de  la ran<5i:ificatioiï 
des  champs ,   donc  le  texte  elt  alFez  oblcur. 


CHAPITRE     XXIX. 

Des  Vœux  far  Cherem  ou  far  interdit:  Vu  Vœu  de 

Jephte, 

L  faut  prefentement  confiderer  la  féconde  efpece  de  vœux,  qui  s'ap- 

pelloit  ain  anathéme,  interdit ,  6c  fur  lequel  la  Loi  du  vingt-feptié- 

me  chap.  du  Levitique  v.  28.29.  ^^^-  ^''  mulmerdit^  que  quelque' un au^ 
ra  dévoué  a  l'Eternel  par  interdit.^  de  tout  ce  qui  e]i  a  Im^  foit  hemme ,  fait  bè^ 
te ,  foit  champ  de  fa  pojfejfion^  ne  fe  vendra^  ni  ne  fe  rachètera.  Tout  interdit  fe- 
ra îrés-faint  a  l'' Eternel.  Nul  interdit^  dedté  par  interdit  d'entre  les  hommes^  ne 
fe  rachètera^  mais  on  le  fera  mourir  de  mort  ,  ôc  au  v.  21.  Et  ce  champ-lk 
ayant  pajfé  le  fubile\fera  faint  a  P  Eternel  comme  un  champ  d'aimer  dit ,  il  ne  je 
rachètera  plus. 

Premièrement  cela  fait  voir  que  la  matière  des  vœux  d'interdit,  ou  d'a- 
nathéme  étoit  abfolument  la  même  que  celle  des  fimples  vœux  j  on  pou- 
voit  vouer  les  hommes  ,  les  bêtes,  les  pofleffions,  &  les  champs. 

2,.  Mais  la  grande  différence  entre  ce  grand  vœu  ,  &  le  fimplevœu, 
étoit  que  la  chofe  vouée  par  anathéme,  ne  fe  pouvoit  racheter  en  aucu- 
ne manière  que  ce  fût.  Si  c'étoit  une  bête  nette  ,  il  faloit  qu'elle  fût 
facrifiée,  fi  c'étoit  une  bête  fouillée,  on  lui  coupoit  la  tête,  fi  c'étoit  un 
homme,  on  le  faifoit  mourir  ,  fi  c'étoit  un  champ,  il  demeuroit  aux  Sa- 
crificateurs, fans  pouvoir  retourner  au  propriétaire  ^ui  l'avoit  dé- 
voué. 

5.  Ce  qu'il  y  a  de  plus  remarquable  dans  ce  vœu  ,  c'efl  ce  qui  re- 
garde les  hommes  ,  qu'on  mettoit  à  m«rt  fans  mifericorde,  quand  ils 
étoiènt  dévouez  par  interdit.  Ils  ufoient  particulièrement  de  ce  vœu  d'in- 
terdit contre  leurs  ennemis:  Lefquels  ils  vouoicnt  de  détruire  par  tznnà 
l'interdit ,  fi  Dieu  les  livroit  entre  leurs  mains.  Voyez-en  des  exem- 
ples Nomb.2i.i2.  Jofué. 6. 17.  i.Sam.if.3. 

Mais  il  eit  à  remarquer  qu'ils  pouvoient  vouer  de  cette  manière,  tou- 
tes les  perfonnes  qui  leur  appartenoient ,  femmes ,  enfans ,  ferviteurs ,  efcla- 
ves,  excepté  les  ferviteurs  Hébreux,  parce  que  cette  fervitude  n'étoit 
pas  un  vrai  efclavage ,  mais  un  fimple  engagement  de  la  liberté,  jufques 
au  Jubilé.  Et  cet  engagement  ne  donnoit  pas  aux  maîtres  pouvoir  de  vie 
&:  de  mort  fur  leurs  frères,  qui  étoient  à  leur  fervice.  Ce  dernier  arti- 
cle, regardant  le  pouvoir  qu'un  père  de  famille  avoitde  dévouera  l'interdit, 
*  ■      Bbb  2,  ceux 


;8o 


HISTOIRE  DES  DOGMES 


Du  voeu  de 

Jephté. 
Livre  des 
Juges  chaf . 

31. 


Jephté  fit 
mouiii  fa 
fille. 


Cberem. 


ceux  qui  lui  écoient  fournis ,  en  forte  qu'il  faloit  qu'ils  mouruflent   fans 
mifericorde,  ell  contcllc   par  les  do6les.     Mais  nous  en  avons  dans  l'Hif- 
toire  de  Jephté  une  preuve  certaine.     Jephté  voua  de  facrifier  la  pre- 
mière chofe  qui  fortiroit  de  fa  maifon  au  devant  de  lui,  (i  Dieu  luidon- 
noit  vidoire  de  fes  ennemis,     C'étoit  un  vœu  d'^interdit  :  Sa  fille  fortit 
malbeureufement  pour  lui.    Il  en  fut  vivement  touché  -,  mais  ne  pouvant  fe 
relever  de  fon  vœu,  tl  la  i  fit  félon  fon  'z/œ^,dit  letexte.  Jofepheau  livre5.  des 
Antiquitez  Judaïques  chup.  p.  la  Paraphrafe  Chaldaïque ,  6c  les  plus  anciens 
Doreurs  Juifs,  conviennent  que  Jephté  fit  mourir  la  fille,  mais  tous  convien- 
nent auffi  qu'il  fit  mal,  pour  n'avoir  pasbien entendu  la  Loy.Et  un  Commen- 
taire Cabbalillique  fur  laGenefe ,  appelle  Bereshtt  Rabba ,  dit  que  Jephté  6c 
Phinécs  le  Souverain  Sacrificateur  fe  piquèrent  de jaloufie  l'un  contre  l'autre: 
que  Jepthé  ne  voulut  pas  aller  trouver  Phinées  pour  le  confulter ,  parce  qu'il 
étoitéiû  Prince  du  peuple.  Et  que  Phinées  fe  fentant  êt/e  de  la  race  Sa- 
cerdotale êc  Souverain  Sacrificateur,  crût  qu'il  fe  feroit  tort  d'aller  trou- 
ver Jepthé,  dont  la  naifiance  n'étoit  rien  moins  qu'illufi:re>  &  que  cette 
ridicule  jaloufie  coûta  la  vie  à  cette  pauvre  fille  j  parce  que  le  Souve- 
rain Sacrificateur,  qui  favoit  l'efprit  de  la  Loy,  lui  auroit  appris  qu'il  n'é- 
toit pas  obligé  à  facrifier  f^  fille.     Mais  tout  cela  eft  fabuleux ,  cariln'eft 
pas  apparent  que  Phinées,  par  un  faux  point  d'honneur,  eût  voulu  laifler 
périr  une  fille  qu'il  eût  pu  fi  facilement  fauver.  Et  en  examinant  le  texte 
de  la  Loy ,     nous  ne  pouvons  pas  trouver  qu'il  y  ait  aucun  fens  félon 
lequel  on  ppuvoit  {iiuver  la  fille  de  Jepthé. 

La  plupart  des    Interprètes  ne  pouvant  fouffrir  cette  cruelle  penfée 
que  Jepthé  ait  fait  mourir  fa  fille  unique,  ni  accorder  cela  avec  ce  que 
l'Auteur  de  l'Epître  aux  Hébreux  le  met  entre  les  grands  faints ,  croient 
qu'il  ne  la  fit  pas  mourir;  mais  feulement  qu  il  la  confacra  à  une  perpé- 
tuelle virginité.  Mais  ces  Auteurs  n'ont  pas  afîez  confideré,  ni  les  circonftan- 
ces  du  texte  du   livre  des  Juges ,  ni    aflez    bien    compris    la  Loy    du 
C3-)n ,  par  laquelle  il  eft  évident  ielon  le  texte  ci-defius  rapporté,! .  qu'un  hom- 
me pouvoir  vouer  par  anathéme,  Din ,  de  tont  ce  ^ui  était  a  lui^fott  homme^fott  bê- 
te, z.  queîa  chofe  dévouée,  foit  homme,  foit  hèlc^ne  fe  pouvait  racheter.  7^, 
&  enfin  que  fi  une  perfonne  avoit  été  dévouée  par  interdit  par  un  hom- 
me en  ayant  1^  droit  ,  il  faim  cjue  cet  interdit  d^entre  les  hommes  fût  mis  a. 
mon.  Quant  au  texte  du  livre  des  Juges,  il  dit  expreflement.  i .  Que  Jeph- 
té avoit  voué  de  facrifier  en  holocaufte  ce  qui.  viendroit  au  devant  de 
lui.  Or  confacrer  à  une  virginité  perpétuelle  n'eft  pas  facrifier.     Il  eft 
vrai  que  Jephté  ne  fit  pas  monter  fur  l'Autel  le  corps  de  fa  fille,  mais 
en  l'égorgeant  pour  l'accomplifiement  de  fon  vœu ,  il  en  fit  une  efpece 
de  facrifice.  2.  Le  texte  dit  que  \t%  filles  d'ifraël  alloient  tous  les  ans 
pour  lamenter  la  fille  de  Jephté.   Pourquoi  lamenter  pour  elle,  fi  elle  étoit 
feulement  fequeftrée  &  non  morte.''     ^.  Le  texte  rapporte  que  Jephté 
fut  outré  de  douleur,  quand  il  rencontra  fa  fille,  &  lui  dit:  Tum^ashn^ 
mtlie',  tff  es  du  nombre  de  ceux  cjfti  me  troublent.  Pourquoi  une  fi  grande  dou- 
leur ,  s'il  ne  s'agifibit  que  d'une  firaple  fequeftration  pour  n'être  pas  ma- 
iiée?     Vu  fur  tout  que  la  lignée  du  côté  àt^  femmes  n'étoit  pour  rien 
contée  chez  les  Juifs,  ôc  que  Jephté  ne  pouvoit  efperer  de  foûtenh' fai 
maifon  par  les  enfans  de  fa  fille.  4.  Le  texte  dit  qu'elle  demanda  deux 

mois 


ET  DES  CULTES  DE  UEGLISE.  Tart.ll,  381 

mois  pour  aller  pleurer  fa  virginité.  Pourquoi  pleurer  fa  virginité,  lî  el- 
le étoit  feulement  condamnée  à  la  garder  éternellement  fans  fe  marier  ? 
5*.  Au  refte  c'eft  une  cliofe  fans  exemple  que  ces  fequeftrations  ,  èc  ces 
filles  reclufes,  la  Loy  n'en  parle  en  fîiçon  du  monde ,  &:  ce  n'eft  pas  ainfi 
que  les  perfonnes  étoient  fanâifiées  à  l'Eternel.  6.  La  fable  d'Iphi- 
genie,  quiétoit  deftinée  à  être  facrifiée  par  foq  père  Agamemnon  ,  efl 
un^  autre  preuve  que  cette  fille  a  été  véritablement  facrifiée  par  Jephté.  . 

•  Le  nom  6c  le  tems  s'y  accordent,  Iphigenie  cil  Veq^^iysveia-,  fille  de  Jephté, 
prefque  fans  aucun  changement  :  Au  refte  nos  Savans  en  Chronologie  font 
d'accord  que  Jephté  &  Agamemnon  vivoienten  même  tems.  LePoëte 
pour  l'embelliflement  de  fon  ouvrage  a  emprunté  ce  grand   événement 

'  de  l'Hiftoiredes  Juifs,  &  pour  amollir  la  dureté  de  l'aéfcion  il  a  feint  un 
enlèvement  de  la  fille  par  Diane,  comme  les  Interprètes  ont  imaginé  ici  une 
fimple  fequeftration. 

Il  refte  à  dire  quelque  chofe  de  ce  qui  étoit  neceflaire  pour  la  validi- 
té de  tous  ces  vœux,  foit  fîmples, foit par  Dnn,foitd'abftinence,foit d'ac- 
tion. C'efl  le  confentement  ou  exprés  ou  tacite  des  perfonnes  fous  la  puif- 
fance  defquelles  on  étoit ,  les  pères  de  famille  étoient  reputez  maîtres 
d'eux-mêmes,  mais  les  femmes,  ôc  les  enfans , encore  moins  les  efclaves, 
ne  pouvoient  exécuter  un  vœu  que  par  le  confentement  de  leurs  fuperieurs. 
Cela  eil  expofé  fort  au  long  dans  le  chap.  30.  des  Nombres.  Mais  fi  le 
maître,  le  mari,  &  le  père  ayant  fu  le  vœu ,  n'en  difoit  rien,  &  ne  le  defa- 
youoit  pas  exprcfiement,  il  faloit  que  le  vœu  s'accomplît.  Les  Rabbins 
difent  pourtant  qu'un  mari  n'avoit  pouvoir  de  rendre  nuls ,  les  vœux  de 
fa  femme,  qu'à  l'égard  de  ce  qui  pouvoit  affliger  la  perfonneôcla  mortifier, 
comme  les  jeûnes  &  les  abftinences,  &  non  pour  autre  chofe.  Et  ils  ap- 
puyent  cela  fur  le  v.  14.  de  ce  chapitre.  Mais  cela  n'a  pas  d'apparence,  le 
pouvoir  du  mari  dans  la  maifon  étoit  trop  grand,  pour  q-ue  la  femme  eue 
pouvoir  fans  fon  confentement  de  difpofer  de  quoi  que  ce  foit. 


C  H  A  P  1  T  R  E     XXX. 

Du  Vœu  au  Nazareat. 
Nombres  6. 

CE  voeu  mérite  un  chapitre  à  part,  puifqu'il  fe  faifoit  avec  plus  de 
pompe,  &  beaucoup  plus  de  Cérémonies.  Naz.Hrien  fignifie  fepare\ 
Jan5it/ie\  du  verbe  niJ ,  parce  que  ceux  qui  fe  coniacroient  par  ce  vœu^ 
étoient  obligez  à  une  très  particulière  àbftinence  de  tout  ce  qui  eût  été 
capable  de  les  fouiller. 

Il  faut  voir  premièrement  de  quel  le  Nazarien  étoit  obligé  de  s'abfte- 
nir ,  puis  nous  parlerons  de  ce  qu'il  étoit  obligé  de  faire.  Car  ce  vœu  con- 
fiftoit,  partie  en  abitinence,  partie  en  aétions. 
Durant  tout  le  tems  du  Nazareat,  l'homme  ou  la  femme  qui  avoit fait  chofes dons 

Bbb    5  çgkNazaum 


382  HISTOIRE   DES  DOGMES 

fedcvoit      ce  vœu,  dcvoit  s'abftenir  de  tout  ce  qui  provenoit  de  ia  vigne ,  non  feu- 
îïatTeTœiI  Icment  du  vin  ,  mais  du  raifin  cru  ou  cuit,    &  de  toute  liqueur  dans 
laquelle  il  entroit   du  raifin,  de  quelque  manière  ^que   ce  tût.     La    Loi 
du  livre  des  Nombres  ordonne  auffi  qu'il  s'abftienne  decervoife  ix^yqui 
fignifie  tout  brûvage  qui  enyvre,  comme  l'hydromel,  le  cidre,  &  le  jus 
de  fruits  qui  font  capables  d'enyvrer.     Et  le  but  de  ce  précepte  femble 
exiger  cela ,  favoir  que  le  Nazarien  s'abftînt  de  tout  ce  qui  eût  pu  trou- 
Maimonides  bler  fa  raifort,  &:  lui  être  en  piège.     Cependant  les  Rabbins  définiflent  la 
té^Nlzi-"'^  chofe  autrement,  &  difent  que  ièlon  la  Tradition  ,  le  Nazarien  n'étoit 
routhchap.   pas  obligé  de  s'allcnir  de  tout  brûvage  fort,  comme  de  celui  qui  eft  fait 
s.  seft.  I.    j^  dattes,  &  d'autres  fruits  j  foit  que  le  brûvage  fût  fimple  ou  compofé, 
mais  feulement  de  vin  •&  de  toute  liqueur,  où  il  eptroitduvin  ou  des  rai- 
fins.     Ils  eftimoient  même  qu'il  n'étoit  pas  permis  au  Nazarien  d'être 
en  compagnie  avec  des  gens  qui  bûvoient  du  vin  ,   ni  de  paflèr  auprès 
d'une  vigne. 
,  La  féconde  abflinence  à  laquelle  il  étoit  obligé,  c'eft  qu'il  ne  lui  étoit 

pas  permis  de  faire  paflèr  le  rafoir  fur  fa  tête,  pendant  tous  les  jours  de 
Ion  Nazareat.  Il  devoit  être  rafé  après  avoir  achevé  fon  vœu ,  comme 
nous  le  verrons.  Mais  durant  les  jours  du  vœu  ,  les  Rabbins  difent, 
en  expliquant  la  Loi,  qu'il  ne  lui  étoit  permis  de  couper  fes  cheveux,  ni 
avec  un  rafoir ,  ni  avec  des  cifeauîf ,  ni  d'en  arracher  un  feul.  Les  Rab- 
bins exceptent  quand  il  étoit  neceffaire  de  fe  rafer  fuivant  la  Loi.  Par 
exemple  il  un  Nazarien  devient  lépreux,  &  qu'il gueriffe de  fa  lèpre  dans 
les  jours  du  Nazareat,  il  doit  fe  faire  rafer  le  poil,  félon  que  l'ordonne  la 
Loy  de  la  purification  de  la  lèpre.  En  gênerai  ils  difent, que  les  com- 
mandemens  afïirmatifs,  qui  ordonnent  une  aélion,  anéantiflènt  les  préceptes 
négatifs,  qui  n'ordonnent  qu'une  abftinence.  Car  fi  le  commandement  né- 
gatif eft  contraire  au  précepte  affirmatif ,  il  faut  faire  le  commandement 
affirmatif ,  &  négliger  celui  qui  n'ordonne  que  l'abiHnence. 
Levit,  14.  La  troifiéme  choie  dont  il  fe  devoit  abftenir,  étoit  de  toucher  un  mort. 
C'étoit  une  fouillure  pour  tout  Ifraëlite,  que  de  toucher  les  morts.  Mais 
cependant  on  n'étoit  pas  obligé  de  s'abftenir  de  rendre  fes  offices  de  cha- 
^  rite  aux  morts.     Seulement  on  en  étoit  quitte  pour  les  purifications  qui 

fe  faifoient  félon  la  Loy.  Mais  pour  le  Nazarien,  il  ne  devoit  jamais  pour  au- 
cune occafion  s'approcher  des  morts,  non  plus  que  le  Souverain  Sacrificateur. 
Et  même  les  Juifs  ajoutent  qu'il  ne  devoit  point  mener  deiiil  fur  les  pcrfonnes 
que  la  mort  lui  ravi{îbit,non  pas  même  fur  fôn  père,  ou  fa  mère.  Cependant  les 
Rabbins  apportent  ici  quelques  exceptions,  ils  difent  qu'ils  ont  appris  delà 
tradition ,  que  fi  un  Nazarien  en  chemin  rencontroit  un  mort,  &  qfu'il  n'y  eût 
perfonnc  pour  l'enfevelir ,  il  le  devoit  faire  -,  &  que  fi  deux  Nazariens ,  l'un 
de  30.  l'autre  de  100.  jours,  (e  rencontroient  auprès  de  ce  mort  fansfe- 
pulture,  celui  de  ^o.  jours  fe  devoit  fouiller  pour  le  mort,  &que  l'autre 
en  devoit  être  difpenfé.  Quand  le  Nazarien  fe  fouilloit  poitr  un  mort, 
il  étoit  obligé  de  recommencer  les  jours  &  les  cérémonies  d'un  autre 
Nazareat ,  6c  tout  ce  qui  étoit  écoulé  de  jours ,  ne  lui  étoit  pas  mis  en 
conte.  Il  efl  certain  que  le  Nazarien  devoit  autant  qu'il  lui  étoit  pofiible 
fe  garentirde  toute  fouillure.  Cependant  il  eft  remarquable  que  la  Loi 
ne  donne  à  aucune  des  autres  fouilîures  Légales,  la  vertu  d'anéantir  abfo- 

kiment 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Tart.ll.   3S3 

lument  les  jours  du  Nazareat ,  qu'on  pouvoir  avoir  accomplis  ,  qu'à  la  fouil- 
lure  par  un  mort.  Car  elle  ordonnoit  que  fi  quelqu'un  venoit  à  mourir  Nomb.  s, 
fubicement  auprès  duNazarien,  il  recommençât  lesjours  de  fa  purification,  '" 
&  quand  même  il  n'auroit  manqué  qu'une  heure,  pour  l'accomplifiement  de 
foH  vœu  de  Nazareat,s'il  venoit  à  être  fouillé ,  il  faloit  recommencer  tout  de 
nouveau ,  même  qi|ind  le  Nazareat  auroit  étéd'unanjSilafouillure  arrivoit 
dans  le  jour  auquel  il  apportoit  les  oblations  de  fa  dernière  purification  ,  il  fa- 
loit au  moins  qu'il  recommençât  un  Nazareat  de  ^o.  jours ,  à  ce  que  dit  Mai- 
monides.  Mais  dans  les  autres  fouillures,il  faloit  que  le  Nazarien,  durant  qu'il 
fe  purifioit  de  fa  fouillure  ,  paiTât  les  fept  jours  de  purification ,  qui  ne  lui 
étoient  pas  mis  en  conte  fur  les  jours  de  Ion  Nazareat,  &n'étoient  contez 
pour  rien.  Là  Loi  ne  commande  pas  la  même  chofe  pour  les  autres  fouillures 
Légales,  que  pour  la  fouillure  pour  un  mort^  fans  doute  parce  que  la  plu- 
part ^toient  mvolontaires,  comme  la  lèpre,,  le  Hux  de  fang  menftrual, 
l'accouchement;  Car  par  exemple  quand  une  femme avoit  fait  un  vœu  de 
Nazateat  de  huit  mois,  il  étoit  impoffible  qu'elle  n'eût fouvent  lès  mois,  * 
.&  il  étoit  trés-dlificile  que  pendant  ce  tems  elle  ne  devint  grollè ,  6c  n'accou- 
chât. Pour  les  autres  fouillures ,  elles  étoient  trop  j>eu  confiderables  pour 
anéantir  les  jours  du  Nazareat.  Cependant  le  Nazarien  étoit  obligé  de  fe 
purifier  de  toutes  ks  fouillures  gratides  êc  petites,  comme  les  autres  If- 
raëlites  félon  la  Loi.  Seulement  cela  n'anéantiilbit  pas  les  jours  de  fon 
Nazareat,  &  il  n'étoit  pas  obligé  de  recommencer  tout  de  nouveau,  com- 
me quand  il  avoit  été  fouillé  par  un  mort. 

Ce  font  là  les  ahliinences  impofées  au  Nazarien,  &  nous  n'en  lifons 
pas  ^d'autres.  On  ne  lui  impofoit  pas  la  néceiîité  du  Célibat,  l'abllinencedu  chap.  «.#,1^. 
mariage  n'était  pas  impoféeaux  Nazariens,  ni  l'abllinence  de  la  couche  con- 
jugale. Cependant  c'étoit  la.  plus  grande  pureté  que  la  Loi  ordonnât,  que 
celle  qui  ell  ici  ordonnée  aux  Nazariens. . 

Pour  les  chofes  qu'il  devoit  faire ,  les  voici,     i .  Il  y  a  apparence  qu'en 
entrant  dans  le  Nazareat  il  ufoit  de  quelques  purifications,  &  même  qu'il 
fe  rafoit,  quoi  que  la  Loi  ne  le  dife  pas  exprefiéraent ,  &  que  les  Rabbins  ne 
nous  l'ayent  pas  remarqué.     Néanmoins  je  tiens  que  cela  paroît  évidem- 
ment par  le  ch.21 .  des  Âéles  f.  24.011  il  cft  certain  que  les  fr?res  confeillerent 
à  3.  Paul  de  fe  joindre  à  quatre  perfonnes  qui  avoient  fait  vœu.     Pren  les 
Ô"  te  fmtjïe  ^  comrtba'é  avec  eux^  afin.  eju*ib  fe  rafentlatàe ,  é''  ^ti£totisfacheHt 
tjppil  n*efi  rien  de  ce  dont  ili  ont  été  informez,  de    toi  Ç^c.      ^tAlors-    Tant  ayant  ■ 
pris  ces  hommes  avec  foi,   &  Je  jour  fuivani  s^ étant  furifé  avec  eux .^    il  en- 
tra aft  Tery7ple ,     denonç^.nî  l'accon-'piifement  des  jo-ars  de  la  parificaîtôn  ,  juf 
c^ues  a.  ce  qt4e    Poblation  fut  prefentée  pour  un    chacun  à^enx  \     Et  comme  les 
fept  jours  fe  dévoient  accomplir  ^  certains  fuifs  d' Afte  &c.      Et  au  chap.  18-. 
18.  *du  même  Livre  S*  Luc  dit  que  Paul  fe  fit  rafer  en  Cenchrée  ,    car  U 
avait  un  vœH.  . 

La  purification  de  ces  quatre  hommes,. qui.  fe  font  rafer  Se  qui  offrent  Kunèorr 
des  facrifices,&fe purifient  par  fept  jours,  eft  la  purification  de  l'entrée  fç^"^"^^"*^ 
dans  leur  Nazareaiy  ôc  non  de  la  fin;  parce  que  le  Nazarien  ayant  bien  riin.scnen' 
gardé  fon  vœu  n'avoit  pas  befoin  d'être  purifié,  puif(]u'ilétoit,pur.  Auffi  ]eur\'œf"^ 
Maimonides  appelle  les  offrandes  que  le  Nazarien  offroit  en  fortantduNa-  eroientobii- 
zareat.  !es  offrandes  de  pureté,  &  celles  qu'il  offroit  quand  il  étoit  fouillé,  |cano^!""° 
ks  offi-andes  de  purification ,  outre  que  la  Loi  du  Livre  des  Nombres  a"^  ficrifi- 

*^  ''  ^  ,       ces,  &  aie: 

nor-ïâicr,. 


384  H  I  s  T  O  I  R  E  D  E  s   D  O  G  MES 

n'ordonne  point  de  purification  par  lept  jours  à  la  fin  du  Nazareat,  mais 
feulement  quand  il  etoit  arrivé  au  Nazarien  de  toucher  un  .  mort,   il  Re- 
voit fe  rafer  &:  fe  purifier  par  fepc  jours,   ôc  recommencer  ainfi  un  nou- 
veau Nazareat.  Ce  qui  eil 'encore  une  preuve  évidente  que  les  Nazariens 
dévoient  entrer  dans  leur  vœu  par  la  rafure  de  leur  poil ,   par  une  purifi- 
cation   de   fept    jours  ,     6c    par   le   facrifice    de    êkux   tourterelles  , 
ou  de  deux  pigeonneaux,   l'un  pour  l'holocaufte,   l'autre  pour  le   pé- 
ché :  parce  que  les  Juifs  étoient  comme  neceflairement  dans  quelque  fouil- 
lure  Légale  j  mêm»  fans  lefavoir,  àcaufedes  événemens  inévitables.  C'efl 
pourquoi  en  entrant  dans  le  Nazareat,  ils  dévoient  commencer  parla  pu- 
rification ,  afin  d'être  fûrement  nets  de  toute  fouillure.     Ajoutez  à  cela 
que  la  fouillure  par  un  mort  ne  pouvoit  pas  mettre  le  Nazarien  en  plus 
mauvais  état,  que  celui  auquel  il  étoit  avant  fon  vœu,  &  proprement  tout 
ce  que  cette  louillure  Légale  produifoit,  c'eft  qu'elle  rendoic  inutiïfctout 
ce  qui  avoit  été  fait,  &  obligeoit  à  recommencer  toutes  les  cérémonies 
qui  avoient  été  obfervées.    Ainfi  il  eil  évident  que  les  cérémonies  au  Na- 
zareat renouvelle,  après  la  fouillure  par  un  mort,  étoient  les  mêmes  qui 
fe  faifoient  à  la  première  entrée  dans  le  Nazareat,  6c  par  Conféquent  que - 
le  Nazarien  des  l'entrée  étoit  obligé  de  fe  rafer. 

La  fouillure  ou  la  fainteté  du  Nazarien  fembloit  être  principalement 
dans  les  cheveux.  •  C'eft  pourquoi  durant  fon  vœu  il  ne  fe  rafoit  point , 
6c  après  fon  vœu  fes  cheveux  fe  brûloient  dans  le  Temple ,  comme  étant 
faints  6c  confacrez  à  Dieu.  C'eft  pourquoi  il  n'y  a  pas  d'apparence  que 
des  cheveux,  qui  étoient  crûs  avant  le  vœu,  fuffenteftimeznets.  Comme 
'  on  rafoit  les  cheveux  au  lépreux  qui  fe  purifioit,   aufii  y  a-t-il  apparence 

qu'on  les  rafoit  au  Nazarien  au  commencement  de  fon  vceu ,  afin  qu'il 
ne  lui  reftât  rien  de  la  fouillure  du  monde.     Mais  ce  que  S.  Luc  dit, que 
Aa.  ï8.v.     S.  Pauly^jï^  rajer  en  Cenchrée^  parce  quil  avait  fait  un  vœu,   me  paroît  fans 
^^"  réponfe.     Ce  vœu  ne  pouvoit  être  autre  que  celui  du  Nazareat,   il  n'y 

en  avoit  pas  d'autre  dans  lequel  on  fe  fit  rafer,  6c  l'opinion  de  Diodati 
que  ce  vœu  étoit  difterenc  de  celui  du  Nazareat ,  6c  tiroit  fon  origine 
de  quelque  traiJition  Judaïque ,  n'eft  point  du  tout  vrai-femblable.  Il  n'y 
a  pas  d'apparence  que  S.  Paul  eût  fuivi  des  pratiques  qui  n'euflent  pas 
eu  de  fondement  dans  la  Loi,  lui  qui  travailloit  fi  puifiamment  à  abolir 
l'ufage  des  cérémonies  Légales.  Cette  rafure  ne  pouvoit  pas  être  celle  qui 
fe  faifoit  à  la  fin  du  -Nazareat ,  car  celle-cy  fe  devoit  faire  dans  le  Tem- 
ple, comme  nous  verrons  :  6c  c^lle  de  S.  Paul  fe  fit  à  Cenehrée  ,  le  Port 
de  la  ville  de  Corinthe.  C'étoit  donc  cette  rafure  qui  fe  faifoit  au  com- 
mencement du  vœu  du  Nazareat:  6c  on.  pouvoit  la  faire  par  tout,puifque 
les  cheveux  ne  dévoient  point  être  brûlez  au  Temple,  mais  ent^Tez, 
comme  les  Rabbins  reconnoiflent  qu'on  enterroit  les  cheveux  de  celui , 
qui  par  l'attouchement  d'un  mort  avoit  interrompu  fon  Nazareat ,  de  for- 
te qu'il  étoit  obligé  de  le  recommencer:  le  premier  vœu  de  S.  Paul  n'eft 
pas  le  même  que  celui  dont  il  nous  eft  parlé  au  21.  des  Aéles,  qui  lui  fut 
Aa.  18.  confeillé  par  S.  Jaques.  Car  dans  le  même  chap.  18.  il  eft  dit  que  faint 
Paul  la  même  année  fe  trouva  à  la  Fête  à  Jerufalem,  où  il  accomplit  fans 
doute  les  cérémonies  de  fon  vœu  ,  ce  qu'il  n'avoit  pu  faire  à  Cenchrée^ 
C'eft  qu'il  oftrit  alors  les  viétimes  qui  étoient  neceflâires  pour  la  purifi- 
cation dans  fon  entrée  au  Nazareat.    Car  en  entrant  dans  le  vœu ,  il  n'é- 

toit 


Et  DES  CULTES  DE  VEGLl  SE.  Part  AL  ^8f 

toit  pas  néceilaire  de  fe  faire  rafer  à  Jerufalem  ,  &  on  pouvoir  même 
4ifferer  les  Sacrifices  de  la  purification  jufqu'à  ce  qu'on  fût  à  Jerufalem. 
Ainfi  je  conte  que  les  cérémonies,  que  la  Loi  commande  au  6.  des  Nom- 
bres V.  p.  10.  II.  12.  pour  la  fouillure  par  un  mort,  font  les  mêmes  qui  s'ob- 
fervoient  aufîi  dans  l'entrée  du  Nazareat ,  favoir  i .  qu'on  fe  purifioit  par  fcpt 
jours.  2 ,  Qu'au  huitième  jour  on  apportoit  deux  tourterelles,  dont  l'une  étoit 
•offerte  en  holocaulie ,  &  l'autre  pour  le  péché.  5 .  Que  le  premier  de  ces  fept 
jours  de  la  purification  on  fe  fa'ifoit  rafer.  4.  Qu'on  venoit  déclarer  au  Sacri- 
ficateur le  nombre  des  jours  pour  lefquels  on  fe  vouoit ,  &  ilfeparera  k  l" Eter- 
nel les  jours  de  [on  Naziareat.  v.  12.  f .  Enfin  il  offroit  pour  le  délit  un  agneau 
d'un  an.  C'étoient  là  les  chofes  qui  s'obfervoient  quand  on  recommençoit 
le  Nazareat,  après  une  pollution  qui  en  avoit  anéanti  tous  les  jours  déjà  ac- 
complis. Orileftplus  que  vrai-femblablc,  que  c'étoient  les  cérémonies  ne- 
ceiraires  pour  commencer,  aufii  bien  que  pour  recommencer  le  Nazareat. 
Cela  doit  être  remarqué  à  caufe  du  filence  des  Auteurs  ôc  des  Commen- 
tateurs là-deflus. 

Pour  ce  quieftdela  conclufion  de  ce  vœu,  les  cérémonies  nous  en  font 
cxpreflement  recitées  dans  le  6.  ch.  du  Livre  des  Nombres  ^.  13.&  fuivans. 
On  amenoit  le  Nazarien  à  la  porte  du  Tabernacle.  Quand  le  Temple  fut 
bâti ,  les  Rabbins  difent  que  les  cérémonies  fe  faifoient  dans  le  Parvis  àts 
femmes,  dans  une  chambre  qui  s'appelloit  des  Nazariens,  bâtie  au  coin 
Sud-Eft  de  ce  Parvis  j  où  l'on  faifoit  bouillir  la  chair  du  Sacrifice  de 
prolperitez  du  Nazarien.  Là  dedans  on  le  rafbit  fans  lui  laifier  un  feul 
^cheveu ,  car  les  Juifs  dilênt  que  fi  on  oublioit  feulement  deux  poils,  il  fa- 
loit  laiiîer  recroître  tout  le  refte  des  cheveux  &  les  recouper.  Mais 
avant  qu'on  rafat  le  Nazarien,  il  devoit  amener  Ces  victimes  à  l' Autel, & 
les  faire  facrifier ,  favoir  un  agneau  d'un  an  fans  tare  pour  l'Holocaufte , 
un  agneau  femelle  d'un  an  aufîi  pour  le  péché,  &  un  mouton  pour  le  fa- 
crificc  de  profperitez,  avec  leurs  gâteaux  ôc  leurs  afperfions  ordinaires-,  fé- 
lon les  Loix  des  facrifices.  Après  cela,  pendant^qu'on  faifoit  bouillir  la  chair 
"du  facrifice  de  profperitez  dans  la  chambre  des  Nazariens,  on  rafoit  ce- 
lui qui  fortoit  de  fon  vœu,  ôc  on  jettoit  fes  cheveux  dans  le  feu,  011  bouil- 
loit  la  viande,  comme  étant  fanétifiez  à  Dieu:  Après  CQg  facrifices  le  Na- 
zarien étoit  délié,  &  pouvoit  boire  du  vin.  Au  relie  toutes  ces  cérémo- 
nies de  la  fortie  du  Nazareat  fe  faifoient  en  un  feul  jour,  &  non  en  feptj 
c'eft  pourquoi  les  fept  jours  de  la  purification  de  S.Paul  au  17*»^.  des  Ac- 
tes, ne  peuvent  être  entendus  de  la  fortie  du  Nazareat ,  &  par  confèquent 
c'eft  de  l'entrée. 

La  Loi  ne  nous  marque  pas  précifèment,  quelles  étoient  les  peines  de -"^^  P^'^^^ 
ceux  qui  violoient  quelques-unes  de  ces  ordonnances  du  Nazareat.     Mais  étoient  fou- 
les Rabbins  v  ont  fuppléé.     Nous  avons  vu  que  quand  il  venoità  fe  fouil-  misceuxqw 
1er  par  un  mort,  il  devoit  commencer  tout  de  nouveau:  même  peifte  ne  ks  Loix  de 
lui  étoit  pasimpofée,  quand  il  manquoit  à  obeïr  aux  deux  autres  comipan-  " 
démens  d'abflinence  qui  lui  étoient  impofez,  favoir  de  s'abftenir  de  vin, 
&  de  ne  fe  pas  faire  râler.     S'il  lui  arrivoit   de  boire  du  vin  nonobftant 
la  dèfenfe,  il  devoit  être  châtié  de  coups  de  verges  par  le  Magiflrat,  mais 
il  n'anéantifîbit  pas  les  jours  de  fon  Nazareat:  on  lui  tenoit  conte  de  tous 
ceux  qui  étoient  palTez.      S'il  coupoit  des  cheveux  de  là  tête,     il  n'a- 
néantiiToit  pas  les  jours  de  fon  Nazareat.     On  lui  tenok  conte  de  ceux 
Fart.  II.       *  Ccc  qui 


leur  Naza- 
teat. 


^U  HISTOIRE   DES  DOGMES 

qui  étoient  écoulez:  Mais  il  Hitoit  qu'il  laiflat  palier  :5Q.  jours,  dont  on 
ne  lui  tenoit  pas  coate  -,  jufques  à  ce  que  les  cheveux  t'uficnt  revenus ,  ôc 
alors  il  rentroit  dans  l'accompliUenient  de  Ton  vœu,    en  contant  les  jours 
•      écoulez  avant  qu'il  eût  violé  la  déFcnle  de  ne  pas  couper  Tes  cheveux,  & 
durant  ces  30.  jours,  qui  ne  lui  étoient  pas  contez,  il  étoit  cependant  obli- 
gé à  garder  les  loix  du  Nazi'reat,&  outre  cela  il  étoit  battu  de  verges  par 
le  Magiltrat,  pour  avoir  violé  Ton  vœu  en  coupant  Tes  cheveux. 
Direrfcs  eu-      Le  nombre  des  jours  de  ce  vœu  ne  nous  eil  pas  marqué  par  la  Loy. 
riofuezti-    Alîurément  il  étoit  remis  à  la  liberté  de  chacun  de  s'ailreindre  aux  obier- 
tradition      vations  du  Nazareat  ,    pour  autant  de  tems  qu'il  lui  plaifoit.     Voici  ce 
des  Rabbins  q^ic  nous  apprcuons  des  Rabbins  là-deflus.     C'ell  que  le  Nazareat  éroic 

touchant  le      «  .  f  i  .  ....  .  ' 

Njzârear.  Ordinairement  de  30.  jours,  amh  celui. qui- vouoit  en  gênerai  cevœu, lans 
Maimonidcs  détînir  le  nombre,  étoit  obligé  à  ce  nombre  de  3p.  mais  il  ne  pou  voit  en- 
N^ïre'*"  prendre  moins.  Car  c'étoit  le  terme  le  plus  court,  &  û  par  ignorance  il- 
ship.  3.  '  ne  fe  fût  voué  que  pour  un  jour,  ilialoit  pourtant  qu'il  accomplît  fes  50.  jours* 
Mais  il  lui  étoit  libre  de  faire  ce  vœu  pour  plus  de  tems  >  pour  40.  fo, 
60. 100. 1000.  jours.  Si  quelqu'un  s'obligeoit  à  obferver  de  fuite  deux  Na- 
zareats,  trois  Nazareats,,  ou  plus,  fans  définir  le  nombre  de  chacun  ,  il 
n'étoit  obhgé  de  donner  à  chaque  Nazareat  que  50.  jours ,  &:  au  bout  de 
chaque  trente  jours,  il  fe  faifoit  râler  &  purifier i  6c  offroit  les  facrifices 
tout  de  nouveau^  jufques  à  ce  que  le  nombre  de  fes  Nazareats  fût  accom- 
pli. Au  lieu  que  celui  qui  ne  vouoit  qu'un  feul  Nazareat ,  mais  de  cent 
ou  de  deux  cens  jours,  n'étoit  obligé  qu'à  une  feule  offrande  &;  à  une  feu- 
le purification,  pourvu  qu'il  ne  fe  fouillât  pas  durant  fon  Nazareat.  On  ^ 
pouvoit  même  être  Nazarien  toute  fa  vie,  6c  vouer  l'obfervation  des  règles 
pour  le  relie  de  fesjpurs.  Celui  qui  vouoit  d'être  Nazarien  un  jour  de- 
vant fa  mort,  ne  pouvoit  plus  boire  de  vin,,  ni  toucher  les  morts,  ni 
couper  fes  cheveux  le  relie  de  fa  vie. 

Ily-avoit,  difent-ils,  cetre  différence  entre  celui  qui  étoit  Nazarien  pour 
toute  fa  vie,  &  celui  quinel'étoit  que  pour  un  tems  déterminé,  c'ell  que 
celui  qui  ne  l'étoit  que  pour  un  tems  déterminé  n'avoit  pas  la  permiffion 
de  couper  fes  cheveux  ,  quand  même  le  tems  de  fon  Nazareat  auroitété 
de  10.  &  de  3p.^ans.  Mais  celui  qui  étoit  Nazarien  à  perpétuité  pouvoit 
faire  décharger  fa  tête  tous  les  ans  une  fois  ,  en  offrant  au.  Temple  trois 
bêtes  pour  fi  rafure,  félon  la  Loy. 

Ils  djfent  avoir  appris  de  la  tradition  qu'Abfçalom  étoit  Nazarien  a  per^ 
petuité,,  ÔC  que  c'eit  pour  cette  raifon  qu'il  fe  faifoit  tondre  tous  les  ans,, 
comme  nous  le  lifons  dans  fon  Hiftoire.  Il  y  a  bien  apparence  qu'ils  di- 
fent  vray  à  l'égard  de  la  liberté  que  le  Nazarien  perpétuel  avoit  de  fe  faire 
râler  une  fois  l'an.  Mais  ce  qu'ils  ajoutent  qu'Abfçalom  étoit  Nazarien 
perpétuel  n'efl  point  apparent. 

De*  ces  Nazariens  perpétuels  quelgues-uns  fe  devouoient  eux-mêmes  , 
les  autres  y  étoient  dévouez  par  leurs  pères  &  mères ,  Se  les  autres  enfin  y 
étoient  extraordinairement  appellez.de  Dieu  dés  la  naiffance.  Il  yen  avoit 
du  premier  ordre  affûrément  en  alfez  grand  nombre  entre  les  Juifs:  Sa- 
muel étoit  du  fécond,  fa  mère  l'avoit  voué  avant  qu'il  tût  conçu.  Et  enfin. 
Samibn  étoit  du  troifiéme  ordre,  appelle  extraordinairement  de  Dieu  au- 
Nazareat  perpétuel.  Cependant  les  Rabbins  difent ,  par  je  ne  fai  quelle 
tiaditior^,  que  Samfon  n'étoit  pas  abfoiument  Nazarien.  attaché  à  tous  les- 

de- 


2:  Samuel" 
ph,  14.  26. 


T.  Samuel' 
Il  II. 


ET  DES  CULTES  DE  UEGLISE.  TartAl.  3S7 

«ievoirs  du  Nazareat.  Il  étoit  aftreint  à  ne  point  boire  de  vin ,  6c  à  ne  pas 
laifTer  monter  le  rafoir  fur  fa  têtCi  mais  il  pouvoit  fe  fouiller  ,  difent-ils, 
|)our  un  mort.  C'eil  pourquoi  ceux  qui  vouoient  &  qui  difoient,  je  veux  être 
Nazarien  comme  Samfon,  n'étoient  aftreints  qu'à  l'abftinence  du  vin,  &  à 
ne  fe  pas  laiffer  couper  les  cheveux.  Cette  tradition  n'eft  pas  à  méprifcr,  un 
homme  de  guerre  comme  Samfon,  ne  pouvoit  être  aftreint  à  ne  pas  toucher 
aux  morts.  Cependant  les  Juifs  difent  que  quand  le  Nazarien  à  perpé- 
tuité tomboit  en  quelque  fouillure  involontaire  ,  il  étoit  obligé  de 
faire  pour  fa  purification  tout  ce  que  nous  avons  dit  que  les  autres  fai- 
foient.  Par  exemple,  fi  un  homme  mouroit  auprès  de  lui,  ou  qu'un Paycn 
par  contrainte  le  fouillât  par  l'attouchement  d'un  mort,  il  falbit  qu'il  fe 
fît  rafer  &  purifier  tout  de  nouveau ,  félon  la  Loy  donnée  au  fixiéme  des 
Nombres. 


CHAPITRE     XXXI. 

^£S  Teines  aufquelles  étoient  fournis  les  Violateurs  de  la  Loy. 

LEs  peines  font  le  foûtien  des  loix,  min^  ji^D,  la  haye  de  la  Loy, 
difent  les  Juifs  ;  c'eft  pourquoi  pour  mettre  la  dernière  main  à  ce  trai- 
té, il  y  faut  dire  quelque  chofc  des  peines  dont  on  puniflbit  les  vio- 
lateurs des  précédentes  ordonnances.  Comme  nous  n'avons  point  parlé 
des  loix  morales  &  civiles ,  il  ne  s'agit  pas  ici  des  peines  que  meritoient  & 
recevoient  ceux  qui  les  violoient^  mais  feulement  des  pemes  dont  on  châ- 
tioit  ceu"x  qui  pechoient  contre  la  Loy  ceremonielle. 

La  première  étoit  la  feparation ,  ou  l'abftention  des  chofes  facrées ,  qui  La  repa»- 
à  proprement  parler  n'étoit  pas  une  peine.     Car  toute  peine  prefuppofe  témion  *^° 
un  crime  j  mais  la  fimple  feparation  ne  fuppofoitpas  un  crime,  commt  première 
nous  allons  voir.     Il  n'étoit  pas  permis  à  tout  le  monde  d'entrer  dans  le  fj^  ^^' 
Temple ,  ni  de  participer  aux  facrifices ,  ni  de  célébrer  la  Pâque.  Pre- 
mièrement en  gênerai  tout  incirconcis  ne  pouvoit  avoir  part  au  Culte 
divin,  foit  qu'il  tût  Payen,  foit  qu'il  fût  Juif.  Secondement  toute  perfoniie 
qui  étoit  dans  les  ibuillures  légales  félon  la  Loy  des  Nombres  chap.  5.  2. 
Tout  lépreux.)  tout  homme  découUnt^toHt  homme  fomllé  par  un  mort  ^  foit  mis  hors 
du  camp  j    &  il  ne  leur  étoit  permis  de  prefenter  leur  facrifice  ,   qu'après 
leur  purification  félon  la  Loy,  ainfi  que  nous  l'avons  expliqué  ci-def- 
fus. 

Mais  ce  qu'il  y  a  de  furprenant,  c'eft  que  la  Loy  n'ordonnoit  pas  pour  Les  crimcl 
les  crimes  ôc  pour  les  foui  Hures  morales,  cette  feparation  ôc  abftention  des  ^e'at^™s" 
chofes  facrées,  qu'elle  ordonnoit  pour  \e.s  fouillures  légales,  qui  n'étoient  pas  ne  foûmet- 
mêmedes  crimes.   Car  avoir  touché  un  mort,  être  lépreux,  aune  femme  "s  coupables 
avoir  fes  ordinaires,  6c  accoucher,  ne  font  rien  de  criminel  :  Il  faut  donc  bien  à  lapeinede 
diftinguer  entre. les  fouillures  légales ,  &  les  fouillures  criminelles.     Les  ^^^"*'^°"' 
feuillures  légales  n'étoient  pas  criminelles  -,  &  tout  péché  contre  la  Loy 
ceremonielle,  même  le  plus  grief,  n'emportoit  pas  fouillure  légale.  Caries 
violateurs  de  la  Loy,  tant  morale  que  ceremonielle,  n'étoient  pas  mis  en 
feparation:  Il  leur  étoit  permis  devenir  au  Temple,  apporter  leurs  offran- 

Ccc  a,  des 


388  H  I  S  T  O  I  R  E  D  E  S  D  O  G  M  E  S 

des  pour  l'expiation  de  leurs  péchez.  Comme  cela  le  voit  dans  le  5.  êc  le 

6.  cbap  très  du  Levitique,  où  Dieu  ordonne  à  ceint  qui  aura  jnré témérairement , 

k  celni  cjtti  aura  retenu  quelque  chofe  fainîe  ,    &  ne  Paura  pas  donnée  au  Tem- 

tle  ^  a  celut  qui  aura  me  un  dépôt ,  d'apporter  leur  offrande  pour  fexpiation  de  leur 

crime.  Entre  ceux  qui  dévoient  s'abllenir  de  manger  l'agneau  de  Pâque  y 

les  Juifs  content  ceux  qui  étoient  fouillez  de  diverlesibuillures  légales,  ainfî 

Comment    qu'il  a  Clé  expliqué  dans  le  chapitre  de  la  Pâque }  mais  ils  n'y  content  pas 

Se  pourquoi  les  hommcs  qui  étoient  coupables  des  crimes  les  plus  énormes  ,   par  la 

bi«de^cii-   violation  de  la  Loy  Ceremonielle,  ou  delà  Loy  Morale.     C'eft  une  cir- 

mes  n'é-     conikoce  ,   doHt  les  parrifans  d'Éralle  ,   qui  nient  que  l'Eglife  foit  en 

fïjm  fuT  pouvoir^'éloigner  les  pécheurs  des  Sacremens,  tirent  un  grand  avantage. 

peines  Le-    Qj-^  j-j^  |eur  doit  pas  nier  cette  vérité,  que  la  Loy  n'ordonnoit  aucune  peine 

gales,  eu  Ec-  ,^,.  fnvi-  '  C  -  inr  i  ^       r        r  • 

skiiaftiques.  Eccleiîaftique,  c  elt-a  dire,  aucune  lepai-ation  del  ulage  des  choies  laintes, 
à  ceux  qui  étoient  coupables  de  crimes.  Mais  il  faut  leur  nier  la  eonféquen^ 
ce  qu'ils  en  tirent,  c'efl  qu'il  ne  foit  pas  permis  à  l'EgUfe  Chrétienne ,  d'é- 
loigner les  impies  des  Sacremens.    Voici  nos  raifons. 

La  Loy  n'ordonnoit  aucune  peine  Eccleiîaftique  aux  prévaricateurs  ,,8c 
aux  violateurs  de  la  Loy,  parce  qu'alors  la  Repubhqueôc  l'Eglife  étoient 
confondues  ,   &  Dieu  avoit  ordonné  des  peines  corporelles  pour  les  cri- 
minels. C'eft  pourquoi,  afin  de  ne  pas  violer  la  règle  ne  bts  in  tdem ,  Dieu 
vouloit  qu'on  les  regardât  comme  fufïifamment  châtiez  par  ces  peines  cor- 
porelles. Après  tout  ,   pendant  que  ces  gens  coupables  de  grands  crimes^ 
étoient  in  reatu ,  on  n'avoit  pas  befoin  de  les  éloigner  du  Temple  6c  des 
ehofes  facrées,  puis  qu'étant  ou  fugitifs  pour  éviter  les  peines  qu'ils  euftent 
dû  recevoir,  ou  prifonniers  entre  les  mains  des  Juges,  ils  étoient  neceflai- 
rement  fequeftrez  du  commerce  des  hommes  ,   &  privez  de  la  participa^ 
tion  aux  ehofes  faintes.  Au  refte,  comme  toutes  ehofes  étoient  typiques 
fous  cette  alliance  y  ce  que  les  iouillurcs  légales  éloignoient  les  hommes  de 
la  participation  aux  ehofes  faintes ,  cela  nous  apprend  que  fous  le  Nou- 
veau Teilament,  nous  devons  éloigner  de  la  participation,  ceux  qui  fonE 
dans  les  fouillures  morales  ,    dont  les  fouillures  kgales  étoient  les  ty- 
pes. 
3ous  k  pre-      Quoi  qu'il  en  foit  il  eft  certain ,  que  fous  le  premier  Temple,  c'eft-à- 
^'"elTi"  ^'^^  '  jufques  à  la  captivité  de  Babylone,  les  violateurs  de  la  Loy,.  tant  Ce- 
nesétoient  remonielle  que  Morale,  étoient  punis  de  peines  adminiftréesparleMagif- 
mbSrée's    ^'^^  '  ^  ^^^  pcincs  étoicnt  ou  pécuniaires  ou  corporelles.  Nous  avons  quan- 
par  le  Ma-    tité  dc  loix  qui  Ordonnent  dts  amendes  pécuniaires  aux  violateurs  de  la 
D?s"amen-  ^^Y'     ^^^  exemple  la  Loy  ordonne  dans  le  22.  chap.  v.  ip.    du  Deute- 
despecu-     roHomc,  quc  cclui  qui  aura  fauflcmcnt  accuféla  femme  de  n'être  pas  vier- 
aiaiies.       g^  quand  il  la  prife,  foit  condamné  à  cent  pièces  d'argent  au  profit  du  père 
de  la  fille.   Celui  qui  avoit  retenu  les  choies  fanéi:ifiées,  foit  les  dîmes  de 
{on.  revenu,  foit  les  ofti-andes  volontaires,  &  qui  en  avoit  fait  profit,  de  quel- 
que manière  que  ce  fût,  étoit  obligé  de  reftituer  le  principal  ,   &  pour 
amende  pécuniaire  d'y  ajouter  la  cinquième  partie  du  tout ,  comme  l'or- 
donne le  ch.  f.  du  Levitique  V.  if .  i5.  Ces  deux  exemples  fuffifent5pris 
Tun  de  la  Loy  Morale ,  &  l'autre  de  la  Loy  Ceremonielle.. 
Des  peines       Quant  aux  pcincs  corporelles,  la  Loy  ordonne  le  fouet  &  la  mort,  félon 
quiuTiHp^*  diverfité  des  péchez.  Il  y  a.voit  quatre  efpeces  de  fupplices  capitaux, 

ufitez 


ET  DES  CULTES  DE  UEGLISE.P^rMI.   389 

ufitez  entre  les  juits,   i.  le  lapidemenr,  z.  l'occiiion  par  l'épée,  3.  bru-  piîcescjpî- 
Icr  au  feu ,  4.  &  étrangler  avec  une  ferviette.  Car  pour  la  crucifixion,  par  pa"m"^ic\^ 
laquelle  Nôrre  Seigneur  fut  mis  à  mort,  c'étoit  un  fupplice  des  Romains.  Juifs. 
Il  ell  vray  que  les  Hébreux  pendoient  au  bois  j   mais  c'ctoit  une  dépen- 
dance du  fupplice  de  lapidation  principalement.   Quand  un  homme  avoit  '^°y  ^*'" 

'    '1       .j'       *^      /  if/     /        -1      1     •  1-    ■  1         1  •  r       I  t  1  monides 

ete  lapide,  ou  tue  avec  1  epee,  ils  lui  lioientles  deux  mains  enlemble,  plan-  Sanhediio 
toient  un  bois  tout  droit,  d'où  fortoit  un  autre  bois  de  traverfe  j  ils  paf-  f^^'^^' 
foient  ce  bois  traverlant  entre  les  deux  mains  du  mort ,  &  le  laiiToient  pen- 
dre là  jufques  au  foir.  Car  laLoy  défend  delailTer  paflerla  nuit  à  un  corps  Deuteron. 
pendu  ;   elle  ordonne  de  l'enfevelir  le  même  jour  5  fi  l'on  eût  pendu  lè '^•^^- ^'^  *»» 
patient  à  un  arbre  vif,  il  eût  falu  couper  l'arbre,  &  l'enterrer  avec  le  mort, 
c'eft  pourquoi  ils  plantoient  un  bois  mort  en  terre.    Et  même  pour  cou- 
vrir abfolument  le  péché  du  défunt, &  comme  pour  en  abolir  la  mémoire, 
on  enfevelifîbit,  à  ce  que  dit  Maimonidcs,  l'épée  avec  laquelle  on  l'avoir 
mis  à  mort,  la  pierre  avec  laquelle  il  avoit  été  lapidé,  ou  la  ferviette  avec 
laquelle  il  avoit  été  étranglé. 

Comme  les  fupplices  capitaux  ne  tomboient  que  fur  ceux  qui  violoient 
k  Loy  morale,  6c  qui  étoient  coupables  de  blafphéme ,  d'idolâtrie ,  d'adul- 
tère, de  meurtre,  d'avoir  maudit  père  ou  mere,6cauffi  pour  la  violation  du 
Sabbat,  il  ell  moins  necelTaire  que  nous  pariions  plus  amplement  de  ces 
fupplices.     Mais  il  y  en  avoit  un  dont  il  étoit  fort  ordinaire  de  châtier  ^°y  Matth, 
ceux  qui  violoient  les  Cérémonies  ;  c'eft  de  les  battre  de  verges.  La  Loy  2°Cor.'  «.  s, 
au  Deuteronome  ordonne  ce  fopplice  contre  celui  qui  fera  jugé  avoir  ol-  ^^-^s- 
fenlé  fon  frère,  ôC  qui  fera  déclaré  méchant  en  Juflice.  Si  le  méchant  a  Jîf fo^-'"*, 
mérité  d'être  battu^  le  fuge  le  fera,  jett^r  par  terre^  &  battre  de  verges  devant  foy  ,^  '  ■ 

félon  l' exigence  du  cas^  par  certain  nombre  de  coups  ^il  le  fera  battre  de  ^o.  coups,  Chzj^.ij.z.j. 
^  non  plusy  de  peur  que  s'' il  continue  a  le  faire  battre  de  plus  de  coups ,  la  playe  ne 
fiit  excejjive,  &  que  ton  frère  ne  devienne  vil  devant  tes  yeux.  En  exécution, 
&  en  interprétant  cette  Loy,  les  Juifs  difoient  que  tout  homme  qui  vio- 
loit  un  Commandement  négatif  ou  prohibitif,  &  que  de  là  s'enfuivît  une 
aélion  ôc  violation  d'un  Commandement,  meritoit  d'être  ainfi  battu.  Par 
exemple  celui  qui  violoit  la  défenfe  de  ne  point  manger  du  fang  ,  de  la 
graiiTe,  6c  du  pain  fevé  à  la  fête  de  Pâque,  meritoit  d'être  battu,àcaufe 
qu'en  violant  C€S  défenfes,  il  faifoit  une  aétion  pofîtive  qui  violoir  la  Loy, 
Pareillement  celui  qui  mangeoit  des  premiers  fruits  5  ou  quand  un  Prêtre 
dans  la  fouillure  mangeoit  des  offiandes,  <]ui  n'étoient  que  pour  ceux  qui 
étoient  en  pureté  j  ou  lors  qu'un  homme  mangeoit  le  chevreau  bouilli  dans 
le  lait  de  fa  mère.  En  un  mot  toute  tranlgreffion  d'une  défenfe  qui  fe  fai- 
foit par  une  aélion  ,  &  non  par  fimple  omiffion.  Mais  la  violation  des 
Commandemens  négatifs  qui  fe  faifoit  fans  agir  &  en  ne  faifantrien,  com- 
me d'écouter  une  médifance  ôc  de  la  recevoir,  ne  meritoit  pas  la  peine  du 
fouet. 

Ils  difoient  auffique  l'on  ne  battoir  pas  de  verges  les  coupables,  pour  des 
crimes  qui  dévoient  être  punis  par  la  mort,  ni  ceux  qui  dévoient  être  re- 
parez par  argent  y  comme  le  vol. 

Quand  il  y  avoit  plufieurs  ehofes  diftinftes  défendues  dans  un  même 
Commandement  ,  &  qu'on  violoit  le  Commandement,  on  étoit  fujet  à 
être  battu,  autant  defois  qu'il  y  avoit  de  ehofes  défendues,  quoi  que  cène 

Ccc  X  fût 


590  HISTOIRE   D  E  S  D  O  GM  E  S 

tût  qu'une  feule  dcfcnfe.  Par  exemple  il  étoit  défendu  de  manger  avant 
LeTit.ij.  l'offrande  des  premiers  fruits,  qui  fe  faifoit  à  Pâque,  ni  pain  ^  mgrainrêtiy 
»4'  ni  graim  en  épi  ^  quoi  que  ce  fût  une  feule  défenfe,  elle  comprenoit  trois 

choies,  6c  qui  mangeoit  Tune  de  ces  chofes  mcritoit  d'être  battu.  Ils 
ajoutent  que  l'onencouroit  le  châtiment  du  fouet  pour  les  péchez,  qui  de- 
vant Dieu  mentoient  la  peine  de  ni3 ,  ou  de  retranchement ,  fans  mériter  la 
mort  par  le  Magiltrat.  Et  ils  en  content  de  cet  ordre  ii .  ÔC  auffi  pour 
tous  les  péchez  qui  meritoient  ce  qu'ils  appelloient,  Umort  par  la  main  des 
Cieux^  fans  mériter  le  retranchement  de  la  part  de  Dieu ,  ni  la  mort  delà 
part  du  Magiftrat,  6c  ils  en  contoient  de  cet  ordre  jufques  à  i68.  En 
tout  il  y  avoit  i8p.  péchez  ,  pour  lefquels  ils  battoient  de  coups  de 
fouet. 
Manière  Voici  la  manière  dont  cela  fe  faifoit;  on  lioit  les  deux  tnains  du  coupa- 

dont  oa      blc  à  un  pôteuu  prés  de  terre ,  on  déchiroit  (es  vétemens  jufques  à  ce  que  fon 
les'coupa-    cftomac  tût  découvcrt i  l'Exécuteur  étoit  monté  fur  une  pierre  derriè- 
res, re  lui,  ayant  en  main  un  fouet  d'efcourgées  ou  de  cuir,  ayant  trois  bandes, 
chacune  de  quatre  doigfs  de  large,  ôc  aflez  longues  pour  faire  le  to-ur  & 
_  pour  toucher  le  ventre,  d'une  main  il  levoit  le  fouèr,  &frappoit  de  tou- 
te fa  force  5  trois  Juges  afîiftoient.  Le  principal  des  trois,  pendant  qu'on 
frapoit,  hfoit  du  çh.zS.  du  Deuteronome  les  verfets  iS.&fuivans.  Si  m 
ne  prens  garde  a  faire  j    ècc.  Dieu  rendra  tes  plajes  mêrveillenfes^  &c.  Le  fé- 
cond des  Juges  contoit  les  coups,  ôc  le  troifiéme  difoit  à  l'Exécuteur, 
frape. 
Des  39.  Il  n'étoit  pas  permis  de  donner  plus  de  40.  coups,  ôc^ils  n'endonnoicnt 
étorpermis  Ordinairement  que    39.  afin  de  ne  pas  aller  au  delà  du  commandement. 
de  donner,  St.  Paul  2.  Cor.  II.  dit,  que  par  Cinq  fois  il  a  reçu  40.  coups  moins  un. 
aon°p"us"°^  Les  Commentateurs  diient,  qu'ils  n'en  donnoient  que  39.  afin  de  ne  pas 
excéder,  ôc  d'être  fûrs  qu'ils  n'avoient  pas  été  au  delà  de  ce  que  la  Loy 
permet:  Mais  il  y  a  plus  d'apparence,  que  cela  venoitdela  forme  de  leur 
îbuët,  qui  avoit  trois  efcourgées,  c'efl  pourquoi  chaque  coup  étoit  conté 
pour  trois.     Ainfi  en  frapant   15.  fois,  ils  donnoient   3p.  coups,  ôc  s'ils 
euiî'ent  frapé  14.  fois  ils  auroient  donné  42,.  coups,  ôcauroient  été  au  delà  de 
ce  que  la  Loy  permet.     Ils  nepouvoient  condamnei"*à  plus  de  40.  coups, 
mais  ils  .pouvoient  condamner  à  moins,  à  proportion  des  forces  du  patient, 
&  félon  la  nature  de  fon  crime.     Dans   les   rechûtes ,  à  la  première , 
on  fouëttoit  une  féconde  fois  celui  qui  étoit  tombé  après  la  repentance  : 
•comme  celui  qui  avoit  mangé  du  fang  après  avoir  éré  battu,  mais  s'il  re- 
tomboit  une  troifiéme  fois ,  on  ne  le  battoit  plus ,  on  le  renfermoit  dans 
un  lieu  011  il  ne  pouvoit  fe  tenir  debout,  ôc  on  le  nourrifibit-là  du  pain 
ôc  de  l'eau  d'afHiétion.     Au  refte  ce  iupplicc  n'entraînoit  après  foi  aucune 
infamie  ni  diminution  de  dignité,  ôc  celui  qui  avoit  été  battu  étoit  réta- 
bli dans  fon  premier  état.  Tout  le  monde  y  étoit  fournis  jufques  au  Sou- 
verain Sacrificateur  ,  &  au  Prefident  du  Sanhédrin  j  mais  cela  étant  fait, 
ils  rentroient  en  charge,  excepté,  d:fent-ils,  le  Chef  du  Sanhédrin,  qui 
décendoit  de  quelques  degrez  entre  les  Confeillers,  mais  n'étoit  pourtant 
pas  des  derniers.     Tout  cela  fe  Ht  dans  le  Traité  du  Talmud  intitulé^^»- 
hedrin^  ÔC  dans  celui  de  Maimonides  du  même  Titre.     Les  Juifs  parient 
d'un  autre  châtiment  tumukuaire,  qui  le  faifoit  fans  forme  deprocez,  ôc 

par 


ET  "DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Part.ll.  391 

par  le  peuple,  dans  les  Synagogues,  quand  quelqu'un  violoit  la  Loy. 
Ec  ils  appellent  cela,  batture ,  oh  playe  des  rebelles^  qui  alloit  quelque- 
fois juiqucs  à  la  moi  t.  Il  femble  quecelbitde  Jette  manière  que  Nôtre 
Seigneur  Jefus-Chrift  penfa  tant  de  fois  être  lapidé  par  le  peuple. 

Nous  avons  parlé- en  paflant  de  la  peine  appellée  nnDn"û,ou  mnn^jdc 
retranchement  j  rnais  elle  mérite  que  nous  y  faffions  une  attention  parti- 
culière. Il  efttrés-fouvent  parlé  dans  la  Loy  de  cette  peine.  Dans  le  ch.  17.  voy  Rivet 
de  la  Genefe ,  il  eft  dit ,  <jt^^  celm  ^^tii-  ne  fera  pas  circoncis ,  fera  retranché  d'entre  fes  cap.  17. 
peuples.  Ceux  qui  mangeoient  du  (àng,  delà  graille,  du  pain  levé  dans 
la  tête  de  Pâque ,  étoient  fournis  à  cette  peine.  Les  Talmudilfes  dans  le 
Traité  intitulé  Keritouth  chap.  i.  content  jufques  à  56.  péchez,  pour 
lefquels  Dieu  menace  de  la  peine  de  niD.  Entre  ceux-là  il  y  en  a  de  très- 
grands,  comme  le  blafphéme,  l'idolâtrie,  la  forcelleric,  donner  {ts  en- 
Fans  à  Moloch ,  coucher  avec  (à  mère ,  avec  fa  fœur ,  avec  un  mâle ,  avec 
une  bête,  ôcc.  Et  il  y  en  a  d'autres  aiTcz  légers,  comme  d'entrer  dans 
le  Sanduaire  étant  enlbuillure,  manger  du  fang,  de  la  graiffe,  du  pain  le- 
vé à  Pâque,  manger  de  la.  viande  des  lacrihcesau  delàdu  temsmarqué,&c. 

Cela  fait  de  la  peine,  &  apporte  de  la  difficulté  à  comprendre  quelle 
eft  cette  peine  dont  Dieumenace  des  coupables  de  li  differens  ordres.     Il 
y  a  beaucoup  d'Interprètes  Chrétiens,  qui  après  Ljranus^  veulent,  que  ce 
retranchement  fignifie  la  mort  par  ordre  du  Magillrat  j  d'autres  veulent 
avec  Dènys  le  Chartreux,,  que  cela  fe  doive  entendre  de  l'excommunica-  oionyfius'- 
tion.     Le  premier  n'eft  point  apparent  -,  il  n'eft  pas  vrai-femblable  que  l'on  in  Gen. 
fît  mourir  un  homme  pour  avoir  mangé  de  la  graiflê  ou  du  fang.  Le  fécond  '^^"  *^* 
eft  faux:  car  il  n'y  avoit  pas  d'excommunication,  avant  la  captivité  de  Ba" 
bylone.     IL  n'eft  pas  fur  non  plus  d'embraifer  le  fentiment  des  Juifs,  qui  e^  ^^ 
tout  d'une  voix  difent^-  que  cette  peine  de  ma  étoit  refervée  à  Dieu,  &  cetteopi- 
\t^  uns  expliquent  cette  peine  par  mourir  devant  50.  ans.  Rabbi  Salomon  "eueàbcaîl 
Jarchifur  la  Genefe  17,  dit,  que  c'eft  mourir  fansenfans,  h  mourir  avant  ccupd'in- 
fon  tems.    Les  Hébreux  parlent  fouvent  d'une  autre  efpece  de  châtiment  quîurcn-^' 
fort  femblable  à  celui- la,  {avoir,  mourir  par  la  main  des  Cieux  ou  de  Dieu,  dentdou- 
Et  ce  châtiment  encore  eft,  félon,  eux,  refervé  à  Dieu  (èul,  &  il  eft  un  de-  Hcidegge?^ 
gré  au  deftbus  du  Retranchement,  car  celui  qui  mérite  le  Retranchement  rusHiftoiia. 
eft  eftimé  plus  coupable,  que  celui  qui  mérite  lèulement /^  worr/^^r /<.^  ?^?^î«  ^un"^^*^"" 
des  Qeax.  Grotius  ilir  le  chap.  11.  de  la  première  Epitre  aux  Corinthiens  exercit. 
rapporte  à  cette  peine  de  Retranchement  ^  ce  que  l'Apôtre  dit,  qu'en-  ^■^^•'^' 
Cre  les  Corinthiens  pluiîeurs  dormoient ,,  ou  étoient  morts ,  à  caufe  de  la 
profanation  du  Sacrement  de  l'Euchariftie.  On  peut  voirla.  deillisSelden^ 
qui  traire  fort  amplement  de  cette  peine  de  mD,     J'ajouterai  feulement,  nb  i^.'de 
que  felop  les   Hébreux,  il  y  a  deux  fortes  de  tranfgreflions  de  la  Loy,  synedni$. 
qui  meritoient  la  peine  de  Kereib-^  les  unes  meritoient  en  même  tems  la*^"^' 
mort  par  la  fentence  du  Magiftrat, comme  le  blafphéme, l'idolâtrie,  ôcc. 
D'autres  ne  meritoient  que  le  fouet  par  le  Magiftrat ,  comme  de  manger  de 
la  graidé&dufang^  ainft.  cette  peine  de  Kereth  n'empêchoit  pas  les  aur 
&es  peines.. 


CHAr- 


392        HISTOIRE  DES  DOGMES 

•'  ♦  """ 

CHAPITRE     XXXII. 
Z)«  l'Excommunication. 


\^1 


Ettc  peine  eft  extrêmement  célèbre  dans  les  écrits  des  Juifs,  c'cft 
pourquoi  elle  mérite  avoir  Ton  chapitre  à  part.     C'eft   une  adlion 
par  laquelle  ils  feparoient  de  la  communion  du  refle  du  peuple , 
ceux  qui  avoient  contrevenu  aux  ordres  de  la  Republique  &  de  l'Eglife. 
Troisefpe-    Chacun  fait  la  célèbre  divifion  de  cette  cenfurc  en  trois  efpeces  ,   Nid- 
ces  d'ex-    ^  ^oui  ^  Kerem  ^  Sc  Shammata.     La  première  chofe  qui  doit  être  confîderée^ 
commum     ^,^^  l'origine  de  cettc  cenfurc  :  Enfuite  nous  verrons  fes  efpeces,  puisfes 
De  l'origine  effets ,  &  enfin  de  quelle  manière  on  en  étoit  abfous.   A  l'égard  de  Fori- 
dei'Scom-*^  S"^^»  il  ne  faut  pas  trop  s'en  arrêter  au  jugement  des  Juifs,  qui  font  tout 
muaication.  autant  qu'il  leur  cft  pofîible  déccndrc  toutes  leurs  Coutumes  de.Moyfe,  6c 
de  Dieu  même.  Ils  prétendent  que  l'excommunication  étoit  en  ufage  dés 
le  commencement  du  monde ,  &  ceux  d'entre  les  nôtres ,  qui  font  dans 
le  mêmefentiment,  difent  qu'Adam  s'en  fervit,  quand  il  diftingua  ceux 
de  fes  enfans  qui  furent  appeliez  enfans  de  Dieu ,  &  les  fepara  des  autreè 
comme  s'il  eût  excommunié  toute  la  race  de  Caïn^  quelques-uns  veulent 
queCaïn  lui-même  ait  été  excommunié  de  Dieu.   D'autres,  comme  Zan- 
chius,cherchent  l'excommunication  dans  la  feparation  de  Marie ,  pour  avoir 
parlé  contre  Moyfe.     Les  Rabbins  croient  la  trouver  dans  le  Cantique 
Juges  j.  13.  de  Barach  6c  de  Debora,  mmditfoit  Meroz^^ècc.  en  préfuppofant,  que  ce 
Meroz  étoit  quelque  homme  qui  avoit  rcfufé  de  donner  lëcours  à  Barach. 
Mais  il  faut  avouer  que  tout  cela  efttrop  foible  pour  appuyer  l'antiquité  de 
l'excommunication.     Ainfi  il  eft  meilleur  de  tomber  d'accord ,  qu'elle  fut 
établie  après  le  retour  de  la  captivité  de  Babylone  par  Efiras ,  éc  par  ces 
hommes ,  que  l'on  appelle  de  la  Grande  Synagogue.     On  en  voit  la  pre- 
mière pratique  dans  Efdras  chap.  10.  v. 7. 8.  On  publia,  que  tom  ceux  qui 
et  oient  retournez,  de  la  captivité  euffent  a  s'ajfembler  en  ferufalem ,  •  ^  qne  quiconque 
n'y  feroit  venu  dans  trois  jours ,  félon  les  avis  des  Anciens  &  des  principaux  ,  tout 
fon  bim  feroit  mis  en  interdit  ^  ou  an athe me  de  Hiirt ,   &   lui  feroit  feparé  de  U 
Congrégation  d'/fraei  La  première  partie  de  cette  Sentence  femble  être  une 
peine  Civile.     Mais  la  feparation  eft  une  peine  Ecclefîaftique.     On  peut 
auiïi  voir  le  i^.  ch.de  Nehemièv.  Zf.  où  Neliemie prononce  un  anathémc 
ou  exécration,  contre  ceux  qui  épouferoient  des  femmes  étrangères.    Sel- 
Lib.  1.  de    dcuus  citc  un  paflage  fort  remarquable  d'un  Karaïte ,  dont  l'ouvrage  n'eft 
c^^^fiT     que  manufcrit  ,  qui  avoue  que  l'excommunication  fut  établie  après  la 
captivité,  6c  qu'elle  fut  introduite  dans  la  Republique  des  Juifs,  quand  ils 
ceflerent  d'avoir  en  main  l'autorité  civile  pour  châtier  les  coupables,  c'eft- 
a-dire,  que  ce  fut  fous  la  domination  des  Princes  étrangers,  aufquels  ils 
tinrent  fournis  après  la  captivité. 

Il 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Part.U.  393 

II  ell  certain  que  l'excommunication  fut  aufîR  en  ufage  entre  les  Pàyens.  L'excom- 
Céfàr  au    fixiéme  Livre  de  la  guerre  des ,  Gaules   dit ,  que  les  Druides  "i"n'"tioii 
puniilbient  ceux  qui  ne  vouloient  pas  fubir  leurs  jugemens ,  en  leur  inter-  les Payeû*. 
difant  d'aflifter  aux  Sacrifices ,  ôc  que  ceux  qui  étoient  fous  cet  interdit , 
étoient  l'exécration  du  peuple  5  tellement  qu'on  ne  vouloitpas  approcher 
d'eux.    Cornélius  Nepos  dans    la  vie   d'Alcibiades   dit ,   qu'Alcibiades 
ayant  été  accufé  de  célébrer  les  myfteres  dans  famaifon,  cequin'étoitpas 
permis,  les  Sacrificateurs  Eumolpides  l'anai^ematiferent  &  le  dévouèrent, 
êc  gravèrent  la  fentence  d'anathéme  fur  un  marbre  pour  en  conferver  la 
mémoire.     Enfin  il  n'y  a  rien  plus  connu  que  ieprocul  efle  profani^  ufité 
dans  les  facrifices  dts  Payens.     Mais  il  ne  s'enfuit  pas  que  les  Juifs  ayent 
emprunté  cela  des  Payens,  les  Payens  peuvent  l'avoir  emprunté  des  Juifs. 
Et  quand  les  Juifs,  c'efl-à-dire,  Efdras  &les  autres  derniers  Prophètes, 
■auroient  par  l'autorité  de  Dieu  introduit  cette  louable  coutume  dans 
l'E-glife  ,  cela  n'attacheroit  pas  à  l'excommunication  un  caraétere  d'in- 
famie, d'avoir  été  ufitée  entre  les  Payens.   Depuis  le  tems  de  la  captivi- 
té, il  en  eft  fouvent  parlé,  6c  c'eft  ce  que  les  Evangeliftes  appellent ,  voyez st. 
■être  jette  hors  de  U  Synagogue.     Il  eil  à  remarquer  que  par  être  jette  hors  &^chap.^i» 
de  la  Synagogue,  il  ne  faut  entendre  dans  tous  ces  paflages  que  la  pe-  bc"-  42.8c 
tite  excommunication.  Car  on  n'excommunia  les  difciples  de  Jefus-Chrift  Jf;  \^c^"^ 
par  onn  Cherem ,  qu'après  la  refurre^Sèion  du  Seigneur,  comme  Pa  bien  **•    ' 
obfevé  Grotius  dans  Çç:s  notes  fur  ces  palîàges. 

Z)«  efpeces  (^excommunication. 

Tout  le  monde  fait  la  diftindion  dts  trois  degrez ,  ou  àts  trois  efpeces  Deux  efpe- 
d'excommunication,  dont  la  première  s'appelle  Niddoui  ^i3,  la  féconde  ^J,nicatroa' 
Cherem  onn  5  &  la  troifiéme  Shammatha  î>tro:'.  I^ddoui  étoit  une  fepa-  shammatha 
jation  de  peu  de  jours.  Mais  ceux  d'entre  les  Chrétiens  qui  ont  crû  que  ^  cherem. 
Niddoui  fignifioit  la  feparation  de  ceux  qui  étoient  dans  les  fouiliures 
Légales,  comme  ks  femmes  ayant  leurs  ordinaires,  le  font  fort  trompez, 
car  c'étoit  une  peine  impofée  pour  les  fouiliures  morales  &  non  Légales, 
Cherem  étoit  une  feparation  avec  exécration  ,  £c  malediétion  j  &  Shamma- 
îha  étoit  la  grande  ôc  dernière  excommunication.     Cette  divifion  a  été 
empruntée  d'Elie  Rabbin  Alleman,  dans  fon  Diétionnaire  intitulé  Thishités  , 
Ôc  tous  nos  Auteurs  l'ont  fui vi.  Mais  Seldenus  a  fait  voir  que  cette  diftinc- voy  Cappei 
îion  elî:  fauiïè,  &que  Niddoui  &  Shammaiha  font  la  même,  chofe,  ainfi  ce  T^i^^''^^j" 
degré  qu'on  elHmoit  le  dernier  efl  le  premier.  Cela  même  eft  évident  par  Busto/fin 
les  paflages  des  Rabbins  6c  des  Talmudiftes,  que  citeBuxtorf  dans  fon  grand  ^^o^umot 
Lexicon  fur  lemotShammacha.  LemotdeShammathacft  un  mot  gênerai     •>'hx 
qui  fignifie  toute  excommunication,  d'oùaété  formé  le  verbe  nai£',Shim-  ?*:H^""^ 
met  excommunier  j  mais  comme  il  efl:  ordinaire  de  donner  le  nom  du  genre  jure  natMi 
à  la  plus  imparfaite  des  efpeces ,  le  1S(iddoHi  a  été  appelle  du  nom  gênerai  ^  ^^"ij'jj? 
5;^<«»?w2^//7^  excommunication  j  cela  n'empêche  pas  que  ktolj»  ne  pujflè  i.de'fyne-* 
être  compofé,  comme  le  croient  beaucoup  de  Doéles,  de  mhn  &:cîJ',c'efl:  d^iscap.r. 
à  dire  le  Seigneur  vient  ,  comme  maranatha.  Et  il  y  a  bien  apparence  que  , 
ce  mot  étoit  le  premier  du  formulaire  de  la  grande  excommunication,  qui 
commençoit  par  un  paflagedela  Prophétie  d'Enoch,  qui  fe  trouve  dans 
l'EpîtredeSt.Jude.  Mais  il  ne  s'enfuit  pas  que  5/^^i^^^/^4fignifiât  la  grande 
excommunication  :  Car  l'ufage  l'avoit  appliqué  à  lignifier  toute  excommu- 
nication en  gênerai. 

Tm.  IL  Ddd         .  Ain- 


$94  H  I  S  T  O  I  R  E  D  E  S   DOGME  S 

Aiafi  il  n'y  avoit  que  deux  excommunications  entre  les  Juifs,  non  plusv 
qu'entre  les  Chrétiens,  la  p<^te  ôc  la  grande,  la  moindre  appellée  Sham^ 
matha,  ôc  la  grande  appellée  C3in  Chcrem,jointe  avec  maledidion  &  exé- 
cration. On  en  peut  voir  des  preuves  dans  les  ouvrages  de  Seldenus,  aux 
endroits  que  j'ai  citez  en  marge. 
Divctf^sob-  ^-^'"^  trouvera  aufîi  là  quantité  deremaj-ques  curieufes  touclitmt  l'cxcom- 
fcrv.nions    munication ,  dont  je  touclicrai  quelques-unes. 

iil'jISSï*      ï-  Non  feulement  Les  Juges  pouvoient  excommunier,  mais  chaque  par- 
judaïque,     ticulier  en  converfation   en  pbuvoit  excommunier  un  autre ,  &:  l'excom- 
munication étoit  valable }  fi  elle  étoit  bien  fondée  v  car  autrement  fi>  ce 
r  particulier  excommimiolt  fans  raifoa,.  lui-même  étoit  excommunié.     Et 
Lesicon      ks  tobunaux  établis  par  les  Juits,  pour  juger  des  caufes  civiles  &  crimi- 
3^/i^  ""^^   nelles,  étoient  Juges  de  cela,  lafentence  deain  ne  pouvoit  être  prononcée 
par  un  particulier.   ïl  faloit  au  moins  une  aflemblée  de  dix  hommes. 

t.  Il  eft  fort  i  remarquer,  que  fi  un  homme  fongeoit  en  dormant  avoir 
été  excommunié  par  foi-même,  ou  par  un  autre ,  il  étoit  tenu  pour  excom»» 
munie,  parce  que  ce  fonge  étoit  confideré  comme  envoyé  de  Dieu. 

5.  Un  homme  pouvoit  non  feulement  excommunier  les  autres  ,  raiaisfoi-"' 
îpême ,  &  ordinairement  un  partfculier,s'il  étoit  Dodeur  ouDifciple,  en  ex« 
communiant  un  autre  Do61;eur,,s'excommunioit lui-même..  Mais  il  s'ab~ 
fblvoit  auffi  lui-même ,,  tout  auffi-tôt  qu'il  étoit  de  retour  chez  foi.  Quoi 
qu'il  en  foit ,  il  eu  clair  que  l'excomm-unication  ne  fe  faifoit  point  par  les> 
Sacrificateurs  entant  que  SacriEcateurs ,  puifqu'il  étoit  permis  à  tout  le 
mond^  d'excommunier ,  ainfi  ce  n'étoit  pas  une  ccnfui-e  qui  fur  précifé- 
ment  Ecclefiaftique.  ^ 

4.  Il  y  avoit  deux  fortes  d'excommunication ,  l'une  totale  6c  univerfel- 
Te ,  par  laquelle  un  homme  étoit  excommunié  à  l'égard  de  tous  les  hom- 
mes ,  &  une  autre  partiale ,  par  laquelle  un  homme  étoit,  excommunié 
dans  une  ville,  ou  à  l'égard  de  certaines  perfonnes,ôc  ne  l'étoit  pasjàl'é- 
'  gard  des  autres.     Et  cela  fe  faifoit  félon  la  volonté,  de   l'excommuniant, 

f.  Celui  qui  étoit  excommunié  pour  un  mois,  c'étoit  le  terme  ordi- 
naire de  Itxcommunication  de  Ntâdoptii  Si,  dans  le  mois  il  ne  recherchoit 
Pabfolution,,  on  l'excommunioit  encore  par  T^iddotti  pour  un  autre  mois. 
S'il    negligeoit    encore  de   fe  £iire  abfoudre,   on  rexcommunioit  par- 
■  ♦  Cherem,  tziin.    ' 

6.  On  foanoit  dé  la  trompette  quand  on.  exGommunioit  de  la  grande 
excommunication  ,^  &  lorfque  les  J  uifs  excommunioient  les  Samaritains 
fdlenneilement ,  il  y  avoit  trois  cens  trompettes  qui  fonnoient  d'un  toa^ 
hjgubre;  Aulieu  de  cela  dans  les  Conciles  del'Eglife  Romaine  onéteint 
des  torches,,  chaque  Prélat  en  ayant  une  dans  la  main. 

7.  Celui  qui  étoit  mort  excommunié  fans  abfolution^  îbitpar  Din,foft 
)^      par  ■'inj ,  on  mettoit  fur  fon  tombeau  une  pierre,pourmarquerqu'il  avoiti 

mérité  d'être  lapidé  à  caufe  de  fon-  impenitence  finale. 

8.  La  formule  de  la  petite  excommunication  étoit  facile.  6c  courte, 
car  elle  ae  confiftoit  qu'à  dire  un  teloa  un  tel,  foit  enexcommunicatian-.  Mais 
le  formulaire  du  ann  étoit  long, 6c  chargé  d'épouvantables  maled lésions , 
par  le  nom  de  Dieu,  par  le  ciel,  par  la  terre,  par  tous  les  Anges,  lefquels 
ils  difoient  prefider  fur  les  mois, ^  6c  fur  les  jours  ,   6c  fur  les  figues  du. 

Zo"- 


E T  DE  s  C U  L  T E s  DE  L»  E  G L I S E.  Part.  IL  39f 

Zodiaque.   Il  eft  dans  Seldenus  lib.  4.  cap.  7.  de  Jure  naturali  &c. 

Quant  aux  effets  de  l'excommunication  Judaïque ,  on  ne  demeure  pas 
tout-à-fait  d'accord  quels  ils  étoient.  On  convient  que  celui  qui  étoit 
excommunié  par  iV/df^(7/if«fîrnplement,  étoit  exclus  de  la  focieté  des  hom- 
mes, c'eft-à-dire ,  qu'il  n'ofoit  les  approcher  plus  presque  de  4.  coirdées, 
même  fa  femme,  fes  enfans ,  6c  (es  domeftiques.  Seldenus  excepte  la  fem- 
me &  les  en^ns,  Lib.  4.  de  Jure  naturali  cap.  8.  Buxtorf  ne  les  ex- 
cepte, pas.  Mais  celui  qui  étoit  excommunié  par  CDin  , étoit  abfolument 
iêqueôré  de  la  converfation  avec  les  autres,  &  même  quelquefois  onFen- 
fefî^oit  dans  une  petite  chambre  ou  prifon,  où  il  vivoit  feul.  Il  nepou- 
voit  enfeigner  ni  être  enfeigné,  au  lieu  que  celui  qui  étoit  firaplement  en  Nid- 
^/fl///,\)ouvoit entrer  en  commerce  &  en  converfation,  6c  faire  tout  ce  qui 
fe  poùvoit  faire  a^vec  les  autres,  à  la  diftancede  ô.pieds,  on  pouvoit  pour- 
tant donnera  manger  à  celui  qui  étoit  excommunié  par  onn,  car  on  n'a- 
voit  pus  deflei-n  de  le  faire  mourir  de  faim.  C'eft  à  cela  qu'a  égard  St. 
•Paul,  I.  Cor.  f.  II.  2\(tf  mangez. pas  même  avec  un  tel ^  c'eil- à-dire  ,  n- 
.^ardezrte  comme  excommunie'. 

Mais  la, grande  queftion  eft,  favoir  fî  ces  excommuniez  étoient  exclus  Queftion,  fi 
-de  Tufa^edes  'chofes  faintes.  Baronius  Tom.  i.  de  fes  Annales  Ann.  fj.  nfg''/°r"""' 
§.  12..  B^ze  de  Excommunie atione  ,  &  plufieurs  autres  le  prétendent  ainfi,  duoitde"' 
comme  on  peut  voir  dans  les  Commentateurs ,   fur  le  p.  de  St  Jean.  f.  J'hoflsfî**, 
21.   Ils  difent  tous  que  dans  ks  grands  crimes  les  excommuniez  étoient  tes. 
chaflez  du  Temple  6c  des  Synagogues,  Ôc  par  conféquent des  facrifices, 
car  pour  facrifier  il  faloit  -entrer  au  Temple.  Seldenus  au  contraire  pré-  Erreur  de 
tend  que  non ,  ôc  que  rexcommunié  par  Cherem  avoit  part  aux  facrifi-  ^'^^'*^'""* 
ces,  pouvoit  entrer  dans  le  Temple,  aflifter  aux  prières  dans  les  Synago- 
gues ,  manger  la  Taque  &  ^omparoitre  devant  i'* Eternel.     Il  avoit  part ,    iè- 
lon  le  mênM,  à  l'efficace  du  jour  des  Propitiations,  dans  lequel  fe  faifoit 
l'expiation  des  péchez  de  la  nation  j  mais  quoique  tous  (es  péchez  fuffenr 
alors  effacez,  en  cas  qu'il  fe  fût  repenti  devant  Dieu ,  il  demeuroit  pourtant 
excommunié  devant  les  hommes,  jufques  à  ce  qu'il  fe  fût  fait  abfoudre. 
A  l'égard  de  la  Pâque,  il  eft  aifé  de  convaincre  Seldenus  de  faux.    Car 
la  Pâque  ne  fe  mangeok  qu'en  compagnie  à  table  en  feftin.   Or  il  n'étoit  pas 
permis  à  un  excommunié  par  Cherem  de  manger  avec  les  autres.  Pour  ce  qui 
cft  d'entrer  dans  le  Temple ,  il  eft  vrai  que  cela  lui  étoit  permis.    Bux- 
torf dans  le  mot  m:  rapporte  du  traité  du  Talmud  ,   intitulé  Middot, 
que  ceux  qui  entroient  au  Temple,  y  venoient  par  un  chemin  à  droite  , 
&  s'en  retournoient  par  la  gauche ,  ôc  que  les  excommuniez  entroient  par  la 
gauche ,  comme  auffi  les  gensendeiiil.  Mais  qui  fait  s'ils  paflbient  au  delà  du 
Parvis  des  nations ,  dans  lequel  tous  les  Gentils  mêmes  pouvoient  entrer? 
Seldenus  prétend  donc  qu'il  ne  faut  pas  prendre  à'Koavvâycoyog  ^  pour  exclus 
du  lieu  où  s'aflembloit  le  peuple  pour  prier^  mais  feuleiT>ent  exclus  de  l'af. 
femblée ,  ainiî  il  faudroit  entendTe  par o-uv^vwyvj  .^ceetta ,  c'cfl-à-dire ,  l'afîem- 
blée,  ou  les  perfonnes  qui  compofent  l'alfemblée.     Mais  cela  ne  peut  fub- 
fifter  avec  ce  que  nous  apprenons  des  Rabbins,  au  rapport  de  Seldenus 
lui-même  -,  qu'un  excommunié  ne  pouvoit  approcher  des  autres  que  de 
6.  pieds,  comment  eût-il  pûctre  dans  une  Synagogue ,  toujours  à  6  pieds 
de  diftance  des  autres  ?  Déplus  celui  qui  étoit  excommunié  par  cfîn,- 

D  d  d  i  étoit 


396  HISTOIRE  D  ES   DOGME  S 

étoit  banni  abfolument  de  la  Société,  &  n'ofoit  approcher  des  autres  à  aa- 
CLiiie  diilance,.  &  fouvent  même  il  étoit  enfermé,  comme  le  remarque  Sel- 
denus.  Comment  donc  eût- il  pu  fe  trouver  aux  fêtes,  n'ayant  pas  la  liberté- 
de  fortir?  Savoir  s'ils  pouvoient  y  allifter  par  procureur  &  avoir  part  à 
la  vertu  des  Sacrifices,  c'ell:  ce  qui  eft  malaifé  à  définir.     Quoi  qu'il  en 
foit,  nous  ne  nous  fommes  pas  obligez  de  former  nôtre  excommunication 
fur  le  modèle  de  celle  des  Juifs  ,.  6c  encore  que  l'on  eût  bien  prouvé , 
que  cette  excommunication  Judaïque  étoit  une  peine  purement  civile, 
&  point  du  tout  Ecclelîaftique ,  une  tradition  conlknte  depuis  les  Apo^ 
ta-esnous  apprend,  que  l'excommunication  des  Chrétiens,  doit  exclurreles 
excommuniez,  de  la  participation  des  chofes  faintes.     Nous   a.vons   dans 
Seldenus  lib.4.  de  Jure  naturah  ôcc.  cap.  8.  les  2.4.  caufes  pour  lefquelles 
on  excommunioit,  &  auffi  dans  le    Diélionnaire  de  Buxtorf  fur  le  mot 
Niddom^  tirées  de  Maimonides.  Mais  il  y  avoit  bien  plus  de  14.  caufes  d'ex- 
communication,  car  ils  excommunioicnt  pour  tout  crime  envers  Dieu,  3c 
même  pour  toute  ofFenfe  envers  les  hommes.   Il  eft  fort  étonnant  que  les 
Juifs  dans  leur  fureur  n'ayent  pas  excommunié  le  Seigneur  ,  puifqu'ils 
excommunioicnt  ceux  qui  le  confefîbient.     Cela  peut  venir  de  cequ*en^ 
gênerai  ils  ne  fe  portoient  gueres  à  excommunier  ceux  qu'ils  appelloient 
taim.Traft.  D^dDn,Sages.  Et  un  paffage  du  Talmud  dit,  qu'on  les  fouëttoit dans  la  Pa- 
MoedKaton  leftincplutôt  que  de  les  anathematifer.  Or  ils  ne  fe  pouvoient  pas  empê* 
**^'  ^*        cher  de  regarder  Jefus  Chrift  comme  un  homme  très  extraordinaire  ,   & 

du  nombre  de  ceux  qu'ils  appelloient  Sages  ou  Savans. 
Dei'abfolu-      Il  rcftc  à  dire  quclque  chofc  de  l'abfolution  qui  fe  donnoit  aux  excom- 
"°co*^^*  .    lïiuniezi  ce  que  nous  en  apprenons  fe  réduit  à  ces  articles. 
aiez.  I.  Il  faloit  faire  pénitence,  c'eft- à-dire,  tout  au  moins  reconnoître  foii 

tort, en  demander  pardon,  &  promettre  de  mieux  faire  à  l'avenir. 

z..  Le  formulaire  de  l'abfolution  étoit  tek  Reçoi  l'abfolutioi^oi  tel  ou  tel, 
•     ^.  Ceux-là  mêmes  qui  avoient  le  pouvoir  d'excommunier,  avoient  celui 
d'abfoudrc,foit  que  ce  fufl'ent  des  particuliers  ou  des  Juges,  foit  en  con*- 
verfation,  foit  aïîèmblez  en  confeil ,  Ôc  quelque  part  que  fe  fît  l'abfolutionj, 
on  fomioit  du  cornet,  comme  dans  l'excommunication. 
Les  Juifs         4-  On  pouvoit  abfoudre  un  moment  après  avoir  excommunié,  {îlepc" 
dirent        cheur  venoit  à.  repentance ,  excepté  dans  les  grands  crimes  commis  conr 
■^"^-nlrT*  -  ^^^  Dieu,  dont  on  ne  donnoit   l'abfolution  qu'après  un  tems  d'épreuve,, 
u^h^'ù    le  moins  étoit  un  mois ,  ôc  fur  tout  le  Cherem  ne  fe  levoit  pas  facilement, 
l'excom-  <ç.  Si  l'excommunié  fe  vouloit  faire  abfoudre  devant  lesjuges^illepour 

pSiSfous  voit  eo  montrant  fon  innocence,  celui  qui  l'avoit  injuftement  excoi»mu- 
avant  jo..    nié  étoït  lui-même  excommunié. 

JOUIS.  ^    Celui  qui  avoit  été.  excommunié  lui  prefent,  devoit  aufîî  être  abfous 

en  prefence  \   celui  qui  avoit  été  excommunié  dans  fon  abfence,  pouvoit. 
être  abfous-  prefent  ôc  abfent. 

7.  Celui  qui  avoit  été  excommunié,  foit  par  un.  particulier,  foit  par  les- 
Juges,pouvoit  choiiîr  du  peuple  trois  hommes  ,  comme  bon  luifembioit, 
devant  lefquelsen  amenant  des  témoins  ôc  Mes  preuves  de  fa  repentance, 
il  écoit  abfous,  ou  bien  même  un  feul,  pourvu  qu'il  eiat  caraélere  déjuge 
dans  la  Republique. 

8.  Les  Sages,  c'eft -à- dire,  les  Do^urs  &  les étudians,  qu'ils  appel- 

aient 


ET  DES  CULTES  DE  UEGLISE.  Part.U.  397 

loienta^sn  n^'fihnj  Te pouvoientabfoudre eux-mêmes,  quand  ils s'étoient 
eux-mêmes  excommuniez  j  mais  pour  les  autres  ils  ne  Te  pouvoient  ab- 
foudr^ eux- mêmes,  quand  ils  s'étoient  eux-mêmes  excommuniez ,  au  lieu  de 
trois  hommes  pour  être  abibus  il  faloit  qu'ils  en  choiflITent  dix. 

p.  Ordinairement  un  particulier  en  cxcommunioit  un  autre  pour  répa- 
ration 6<:  fatisfadion  d'une  ofiienfe  qu'il  venoic  de  recevoir  de  lui ,  ôc  en 
€e  cas  l'excommunié  n'étoit  abfous  que  du confentement  de  fii  partie,  6c 
qu'il  n'eût  fatisfait  à  l'ofFenfe,  ou  à  fa  mémoire  s'il  étoit  mort. 

10.  Celui  qui  avoit  été  excommunié  par  un  inconnu,  étoic  abfous  parie 
Chef  du  Grand  Sanhédrin. 

11.  Celui  qui  avoit  été  excommunié  en  fonge  ne.pouvoit  être  abfous 
que  par  dix  hommes  Savans  dans  la  Do6i:rine  Talmudiquc,  c'eft-à-dire, 
dans  les  traditions  -y  s'il  n'en  pouvoit  trouver  de  tels ,  il  pouvoit  prendre 
des  perfonnes  capables  de  lire  la  Loy  ,  s'il  ne  les  trouvoir  pa5,il  pouvoit 
fe  faire  abfoudrc  par  dix  hommes,  quoi  qu'ils  ne  iTiffent  pas  lire  la  Loy , 
êc  s'il  ne  pouvoit  en.  trouver  dix,  il  fe  pouvoit  faire  abfoudre  par  trois  hom- 
mes, comme  dans  les  autres  excommunications.  Parce  qu'on  prétcndoit 
que  ces  excommunications  par  fonge  étoient  faites  par  Dieu  lui  -  même ,  on 
apportoit  beaucoup  plus  de  précaution  à  l'abfolution.  Il  y  auroit  fans  dou- 
te de  la.  folie  à  croire  que  toutes  ces  obfervations  &  ces  cérémonies  fuf- 
fênt  auffi  vieilles  que  l'excommunication,  c'eft-à-dire,  qu'elles  euilent  été 
étabhes  par  Efdras.  Il  en  eft  arrivé*  ici  comme  dans  tous  les  autres  chapi- 
tres des  traditions,  ils  fe  font  groffis*  avec  le  tems,  &  fefont  enflez  de  vaines 
cérémonies..  Mais  les  Erailiens  ont  tort  de  prendre  de  là.occafion  de  re- 
jetter  entièrement  l'ufage  de  l'excommunication  ,  comme  lî  fon  origine 
étoit  toute  Payenne  ,  ou  née  dans  le  période  le  plus  corrompu  du  ju- 
daïfme^.. 


Fm  de  la  Seconde.  Partie,. 


Ddd  5        •  H  I  S- 


39 


HISTOIRE 


ES    DOGMES 

E  T    D  E  s 

CULTES 

B  O  N  S  E  T   M  A  U  V  A  I  S 

D  E    LE  G  LISE 

Dans  les  deux  premiers  Périodes , 

TROISIEME     PARTIE. 

Divifée  en  plufîeurs  Traitez  3. 

Ou  font  explique:^  tous  les  faux  Cultes  Qf  les  Idolâtries  y 
dont  il  eft  fait  mention  dans  l"* Ecriture  Sainte, 

PREMIER    TRAITÉ 

De  t  Idolâtrie  en  gênerai  ^  de  la  T^heolagie  Fajenne, 

Prés  avoir  jiifques  ici  rapporté  quelle  a  été 
la  Religion  que  les  Anciens  ont  fui  vie,  ielon;= 
les  ordres  de  Dieu  >  dans  les  deux  premiers 
périodes  de  TEglife  avant  Moïfe,  6c  depuis 
Moife,  ce  fera  une  chofe  digne  de  nôtre  cu- 
riofité,  d'examiner  quels  font  les  faux  Cuî- 

its  &:  les  Idolâtries,  aufquelks  le  peuple  de 

Dieu  s'eft  laifle  aller  durant  tous  ces  fîecles.  Nôtre  deflein  de- 
mande cela,  car  puifque  nous  nous  fommes  propofez  de  rappor- 
ter quelle  a.  été  la  Religion  du  Peuple  de  Dieu ,  il  eu;  néceffai^ 


41150  HISTOIREDESDOGMES 

rd'de  parlerdes  faufles  Religions  que  ce  Peuple  a  fouvent  fuî- 
vies  &  adoptées ,  quand  il  s'eft  détourné  de  fa  véritable  Reli- 
gion. Tous  ceux  qui  fontrHiftoire  d'une  Religion ,  ne  manquent 
pas  de  rapporter  fes  erreurs  &  fes  fau^  cultes.    C'eft  pourquoi  les 
AUteurs  de  l'Hsftoire  Ecclefiaftique ,   ie  font  (i  fort  étendus  fur 
les  erreurs  &  les  hérefles  des  Anciens.  Ainfi  c'eft  ici  une  partiecon- 
fiderable  del'Hiftoire  Ecclefiaftique  des  Juifs.  Cette  dernière  Par- 
tie doit  être  la  plus  riche ,  parce  que  nous  ferons  obligez  de  pénétrer 
dans  les  myfteres  de  laTheologiePayennCjCe  qui  eft  un  vafte  champ. 
Nous  verrons  l'origine  des  Religions  qui  ont  eu  vogue  durant  un  fi 
long-tems,&:  qui  ont  été  fuivies  par  les  Grecs  Se  par  les  Romains. 
Nous  chercherons  dans  les  divinitez  des  Orientaux,  des  Sy^ 
riens  ,   èc  des  Phéniciens  ,    les  Dieux   des  Grecs  ôc  des  Ro- 
mains, oc  nous  les  y  trouverons  peut-être  avec  plus  de  fuccez 
que  ceux  qui  ont  travaillé  fur  cette  matière  jufqu'ici.  On  peut  ré- 
pondre que  les  conjedutes  qu'on  trouvera  dans  ces  derniers  Traitez 
font  heureufes.     Mais  fur  tout  on  peut  dire  qu'on  y  en  trouvera  un 
très-grand  nombre  de  nouvelles,  &  la  plupart  ont  eu  déjà  le  bonheur 
de  plaire  aux  habiles  gens  qui  les  ont  vues,   de  forte  qu'on  fe 
hazarde  de  les  donner  au  public  avec  moins  d'inquiétude.  Avant 
que  d'entrer  dans  l'examen  particulier  de  tous  les  faux  Dieux 
dont  l'Ecriture  Sainte  nous  parle,    il  eft  bon  de  dire  quelque 
chofe  de  l'Idolâtrie  en  gênerai. 


C  H  A  P  î  T  R  E     L 

Du  nom  d'Idok  &  de  celui  d' Idolâtrie. 

L  n'y  a  perfonne  qui  ne  fâche  que  le  mot  d'Idolâtrie  ell  Grec,  &  qu'il 
eft  compofé  de  deux  autres  ,    dont    l'un  lignifie  une  Ifr/a^e ,  ou  une 
reprefentation,  &  l'autre  fignifie /d'rwr^ ,  tellement  que  ce  morfignific 
le  Culte  ou  le  fevvice  des  images  &  des  reprefentations.     Le  mot  e\'SiûXo-j 
eft  le  diminutif  de  celui  à^elm  qui  lignifie  image,   comme  l'a  fort  bien 
Lib.  deido-  remarqué  Tertullien.     zy^d  hoc  necejfarta  efi  voçabult interprétation   elho;  <3r£~ 
lûhtcCâp.  -a.  çg  j^QYf^am  fofiat:  ab  eo  per  âimintiîiontm  eUiàhav  deduclum  àique  apud  nos  for- 
muUm  fecit .      Igitur  omnis  formula  vel  forma  I^-olmn  fe  dici  expofcit.     L'Au- 
teur de  ces  Mythoîogies' qui  font  attribuées  à  S.  Fulgence,  compofe  le 
mot  Si  s  oo'Kov  au  mot  ôôvv\j  qui'fîgnifie  douleur,  ÔC  de  celui  dCelSoç  qui  fignifie 
image^comme  qui  diroit  eïSo^bVi^,  ceqmiigniRevoïitmagede  douleur.   Cette 
Etymologie  auroitbien  du  rapport  avec  le  mot  Hebrèu  D»3yj;,  hatfahbiw, qui 
fignifie  idoles  &;  douleurs,   pour  faire  comprendre  que  les  Idoles  font  les 
iburces  delà  douleur,  6c  lacaufedes  châtimens  que  Dieu  fait  tomber  fur 
les  hommes.     Cependant  cette. dernière- Etymologie  du  mot  sfSichoveU  un 
pur  jeu  d'efprit,  car  la  yentable  origine  eft  celle  que  Tertullien  adefi- 

gnée. 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Tari. IIL  4.01 

s;nce.  Ce  mot  eft  le  diminutif  d'e^'^o;,  &  fignifie  une  petite  forme.  Le 
.iavant  Raynoldus  dans  (on  livre  de  Idololatria  n'en  veut  pas  demeurer  d'ac-  ^'*'-  *• 
cord,  ôcfoûtient  que  le  mot  éiSuKov  n'eft  pas  un  diminutif  de  celui  d'^icioç^  "^'  ^' 
mais  qu'il  fignifie  toutes  fortes  de  formes  &  de  figures,  même  les  plus 
grandes.  li  cil  vrai  que  le  mot  etSi^Kov  figniiîe  toute  figure,  même  celle 
des  Colofîes.  Mais  il  faut  favoir  que  le  mot  £Ïhç  fignifie  la  forme  cifen- 
tielle,  interne  &  véritable  d'une  chofe,  &  au  contraire  le  mot  HdoûXov  û- 
gnifîoit  la  forme  externe,  apparente,  peinte,  non  véritable  d'une  chofe. 
Ainû  èi^uKov  eik  diminutif  d'fi'à'or,  non  pas  par  rapport  à  l'êrenduë  &  à  la 
grandeur,  mais  par  rapport  à  la  perfe<5tion  6c  à  la  vérité,  &  {îgnifioit  une 
forme  d'une  moindre  perfection ,  &  non  pas  d'une  moindre  étendue.  La 
forme  ÔC  l'étendue  réelle  &  véritable  d'un  corps  humain  conliâant  dans 
l'affemblage  de  fa  chair,  de  fcs  os,  &  de  fa  peau,  s'appelloit  sUoç^  mais 
îa  reprefentation  de  ce  corps  humain  dans  fon  ombre,  quand  il  eft  oppo- 
fé  à  un  corps  lumineux,  fon  portrait  en  toile,  faftatuë  en  bronze,  ou  en 
marbre,  tout  cela  s'appelloit  fVâwAov,  petite  forme, forme faufle,  imparfai- 
te &  apparente. 

Au  telle  que  le  mot  f/^wXcv  fignifiât  toutes  fortes  de  reprefentations,  d'i-  ^01^^^-' 
îïiâges^  de  ftatuës,&  de  tableaux  dans  fa  première  origine ,  c'eft  une  chofe  fie  toute 
certaine.-   Nos  Auteurs  l'ont  prouvé  dans  leurs  difputes  contre  l'EgHfeprefem!-'^*^ 
Romaine  fur  le  culte  des  images,  &  les  habiles  gens  de  l'Eglife  Romai-  tions. 
ne  ne  le  nient  pas.     Denys  d'Halicarnafle  dit  que  tous  les  ans  les  Romains  ^oMu^^dê 
précipitoient  dans  le  Tibre  trente  idoles  qui  reprefentoient  des  hommes  ï^ioioiar. 
iiSuKci  €iç  (Mop(py,y  àv(^paTcav  émuai^évu.  Plutarque  dans  la  vie  de  Sylla  dit  que  Apudkuieb!! 
l'on  fit  pour  Sylla  une  idole  d'une  grandeur  extraordinaire  sî^mXov  £V[xsyéè£i.  de  pr^p. 
Hérodote  dit  que  Ci:éfus  envoya  au  Temple  de  Delphes  une  idole  de  c/îe.^'  *  ^ 
femme  qui  étoit  d'or,  de  la  grandeur  de  trois  coudées  ,c'eft-à-dire  une  fta-i"Ciio^ 
tue  qui  reprefentoit  une  femme.     Et  ailleurs  le  même  Auteur  dit  que  les 
Lacedemoniens  portoient  en  pompe  au  tombeau  l'idole  de  leurs  Rois 
morts  à  -la  guerre,   c'cft-à-dire  leur  ftatuë  ou  leur  image.    Le  mot  Latin 
Simulacmm   eft  de  même  fignification  que    rffôwAov  des   Grecs.     Il  fi- 
gnifie toute  reprefentation:  11  eft  dérivé  de  JïmuUre  ,    comme  lavacrum 
vient  de  Uvare  ,    ambi^lacntm  d^ambulare ,  &  [ïmulare  ne  fignifie  pas  feule- 
ment feindre,  il  fignifie  auflS peindre  ôc  reprefenter,  comme  il  paroît  par 
ces  vers  de  Virgile  &  d'Horace. 

Parvam  Trojam  JimulaîAque  magnis  n  1  •  i. 


Pergama, 


Fartajfe  exprejfum  fuis  Jîmulare.  Horat.  in 

"Si  donc  l'on  regarde  l'origine  des  mots,  iàole ,  image  ^  Jîmnldcre ,  reprefen-  ""^^  ro"!^*» 
tation  figoifient  la  même  chofe.  Mais  il  faut  pourtant  avouer,  que  les  Au- 
teurs Ecciefiaftiques  ont  mis  quelque  différence  enuc  Image  &  'Idole  :  quel- 
ques-uns  ont  dit  que  le  mot  idole  fignifioit  la  reprefentation  d'une  chofe 
qui  n'eft  point,  &  qui  n'eft  qu'une  fiélion  ,  comme  font  les  Sirènes  ôc  les 
Tritons  que  les  Poètes  ont  mis  dans  la  Mer.  Et  que  le  mot  d'image  fi- 
gnifioit la  reprefentation  d'une  chofe  qui  eft  véritablement ,  comme  font  les 
hommes,  les  chiens,  les  arbres,  les  aftres.  C'eft  ainfi  que  Suidas  défi- 
nifibit  l'idole.  Les  idoles  font  des  imitations  &  reprefentations  des  chofes  qui 
ne  font  point ,  comme  font  les  Tritons^  les  Sphinx  &  les  Centaures.  On  lit  la 
Part.  III.  .  Eee  même 


fatt,  4-C.Î8. 


Autre  fignv 
fication   da 
root   d'ido 
le  ;  poiii 
tout  ce  à 
quoi  on 
tranfpoitc 
les   hon- 
seuis  divins 
i.Cor.  8.  4 

7.  Çhion. 


401  HISTOIRE  D  ES   D  O  G  MES 

même  chofe  dans  la  huitième  homélie  d'Origene  fur  l'Exode.     Et  dans 
Theodoret  dans  la  38"»^.  queition  fur  le  même  livre.     Mais  il  n'y  eut  ja- 
mais rien  de  moins  julle  que  cette  obfervation  :    Car  ces  mêmes  Auteurs 
la  dérruifent  par  le  continuel  ufage  qu'ils  font  du  mot  d'Idole.   Ils  appeU 
lent  Idoles  tous  les  (imulacres  que  les  Payens  adqroient,  quoi  que  ces  fi- 
mulacres  reprefentallent  fouvent  des  chofes  qui  étoient  véritablement ,  ou 
qui  avoient  été  :  telles  étoient  les  images  des  Aftres,  celles  des  CefarsSc 
des  autres  hommes,  qu'ils  avoient  placez  au  nombre  des  Dieux.     La  véri- 
table différence,  félon  le  ftyle  de  l'Eglife,  qui  ell  entre  l'Image  6c  P Idole, 
c'eft  que  l'Image  efl  une  reprefentation  qui  neft  point  faite  pour  le  culte 
Se  l'adoration,  &  l'Idole  efl:  faite  pour  être  adorée.     Le  livre  de  Char- 
lemagne  contre  les  Images  ôc  contre  le  2,.  Concile  de  Nicée  exprime  fort 
bien  cette  différence f  lS(on  enim  noi  imagines  in  bajilicis  pojttas  idoUnfine^pa" 
mjii ,  fed  ne.  idola  tinnctipentur  adorare  eas  ^  colère  recufamus. 

De  cette  fignification  en  efl:  venue  une  autre  plus  étendue ,  c'efl  que  le 
mot  Idole  fignifie  tout  ce  que  l^efprit  humain  met  en  la  place  de  Dieu 
pour  recevoir  des  honneurs  divins  ,  foit  que  ce  foient  des  ouvrages  de 
mains  d'homme ,  foit  que  ce  Ibient  des  créatures,  &  des  ouvrages  de  Dieu 
ôc  de  la  nature.    C'eft  fans  doute  le  fens  auquel  le  prenoit  S.  Paul- quand 
il  difoit,  nous  [avons  que  l'Idole  rî'efi  rien  au  monde,    &  qu'il  nSa  antre  Die» 
\  qu^HnfeuL  C'eft- à-dire  que  toutes  les  faulfes  divinitez  que  les  Kiyensado- 
roient,  ne  font  pas  Dieux,  &  qu'il  n'y  a  qu'un  feul  Dieu:    C'eft  le  fens 
auquel  le  prend  la  Bible  Grecque,  quand  elle  dit  0/  èsoï  tZv  Iôvwv  USuha.  Les 
Dieux  des  nations  font  des  Idoles.     Il  y  a  dans  l'Hebre^  D^^^W  .     C'eft 
donc  la  fignifîcation  du  mot  d'Idole  la  plus  établie  par  l'ufage  :  quand  nous 
avons  un  amour  exceffif  pour  une  chofe ,  l'on  ^it  que  nous  en  faifbns  une 
idole  :  Et  c'eft  de  cette  (îgnifîcation  qu'eft  venu  le  mot  d'idolâtrie.    Ca^ 
ce  dernier  mot  ne  fignifie  pas  feulement  le  culte  des  fimulacres^  il  fignifie: 
tout  culte  des  créatures,  les  Hébreux  l'appellent  mî  mD^r ,   Culte  étran- 
ger ,  &  S.  Grégoire  de  Nazianze  l'a  parfaitement  bien  définie,  une  a^ion^ 
far  latjtielle  on  tranjporte  l'adoration  du'è  an  feul  Créateur  a  la  créature.    Ainfi  il 
y  a  deux  efpeces  d'idolâtrie.  Par  l'une  on  adore  les  œuvres  de  Dieu  j  c'eft 
l'idolâtrie  de  ceux  qui  ont  adoré  le  Soleil ,  la  Lune,  les  Aftres,  les  Anges,. 
les  Démons,  les  Hommes  &  les  Animaux.  Par  l'autre  les  hommes  ont  adoré; 
les  ouvrages  de  leurs  mains,  ce  font  les  Simulacres.     A  ces  deux  efpeces 
d'idolâtrie  on  en  peut  ajouter  une  troifiéme ,   c'eft  celle  par  laquelle  les- 
îïommes  ont  quelquefois  adoré  le  vrai  Dieu  fous  des  figures  fenfibles.   Les 
îfraëlites  adorèrent  le  Dieu  qui  les  avoit  tirez  d'Egypte,  fous  la  figure  d'un, 
veau ,  6c  les  dix  Tribus  fous  leregne  de  Jéroboam  6c  de  fes  fucceifeurs,tom- 
berent  dans  le  même  crime,  6c  voulurent  adorer  Dieu  fous  la  figure  d.^sJ 
^eaux  qu'on  avoit  placez  en  Dan  6c  en  Bethel.  * 


^.m  A. 


ET  DES  CULTES  DE  UEGLISE.  PartAlL  405 

CHAPITRE     II. 

De  l'Origine  ér  de  l'Antiquité  de  l'Idolâtrie. 

LA  plupart  des  Auteurs  font  l'idolâtrie  plus  ancienne  que  le  déluge ,  ipfwpMj- 
Sc  croient  qu'elle  coraraença  du  tems  d'Enos,à  caufe  de  ce  qui  fe  lit  nie"verfer' 
dans  le  4.  ch.  de  la  Genefe.   n')iy>  aiî>3  ayh  Snin  îx:  paroles  que  ^^^J'^'^'- 
plufieurs  Interpretes,comme  les  ParaphraiesChaldaïques,Maimonides  &  Sa-cenefè. 
lomon  Jarchi,&:  Seldenus^tournent  par  celles-ci  :  Alors  on  commenta  de  profaner 
le  nom  de  t^ Eternel-^  c'efl- à-dire  félon  eux,  qu'alors  on  commença  de  fouil- 
ler le  fervice  divin  par  l'idolâtrie  ,  6c  voici  comme  en  parle  Maimonides.  ^rS**"'^ 
La  première  origine  de  Pidolatrie  doit  être  rapportée  au  tems  d^Enos  ,    cjuand  les  n^iî  rna^ 
hommes  commencèrent  a  étudier  le  mouvement  des  étoiles  ^  d^  des  Sphères  celefles  ^  '  '  *' 
&  reconnurent  que  Dieu  les  avoit  créées  pour  le  gouvernement  du  monde.  Us  s'^i- 
maginerent  que  Dieu  les  avoit  placées  dans  ce  lien  éminenî  pour  les  faire  entrer 
en  partage  de  fa  gloire  ^  (^  pour  lui  fervir  comme  de  Alimfires  ^  &  d''Officiers  ^ 
&  conclurent  qu'il  étoit  de  leur  devoir  de  les  louer  ,    de  les  élever  ,   ^  de  les 
■honorer  ,    C^  ils  enfeigneYent  aux  peuples  que  c^éioit  la  volonté  de  Dieu ,  qu*oh 
adorât  les  corps  celefies  ,    &  les  Aftres  que  lui-même  avoit  élevez^  danj  des  placer 
fi  eminentes  ;  leur  Àifam  qu^en  cela ,  ils  f croient  honneur  a  Dieu  qui  vouloit  qu'on 
rendit  honneur  afes  Officiers. 

Sur  €e  fondement  ils  commencèrent  a  bâtir  des  Temples  aux  étoiles ,  kkurfk'- 
erifier  ,  &  à  fe  profierner  devant  elles  y  pour  obtenir  des  faveurs  de  Dieu  par  es 
moyen ,  (^  c'efl  la  la  première  origirte  de  Pidolatrie.  Ce  n'^ejl  pas  qu'ils  ejiimaf 
fent  alors  qu'il  n^y  eut  pas  d^auire  Dieu  que  les  Afires  ,  mais  ils  fi  perfuadoient 
qu'yen  adorant  les  Afires^  ilsfaifoient  la  volonté  de  Dieu.  Avec  le  tems  certains  faux 
Prophètes  s' élevèrent  ^  prétendant  être  envoyez^  de  Dieu^  qui  difoient  avoir  des  révé- 
lations pour  faire  adorer  tel  ou  tel  Afire ,  même  pour  faire  facrifier  a  toute  Par- 
wée  des  deux  ^  &  ils  en  firent  des  figures^  qu'ils  firent  adorer  par  les  femmes  ^pav 
les  enfans  &  par  les  autres  hommes ,  &  difoient  que  Dieu  leur  avoit  révélé  quel'- 
les  dévoient  être  ces  figures  d'AJlres  que  Pon  devait  adorer.  La-deffns  les  hommei 
commencèrent  a  faire  des  images  dans  les  Temples  ,  fous  les  arbres  &  fur  le  font- 
met  des  montagnes ,  (^  tous  les  hommes  s' affemblerent  pour  Us  adorer^  fi  perfuadant 
que  toute  leur  profperité  venoit  du  Culte  qu'ils  rendotent  a  ces  images  &c.  iprét 
tela  il  vint  à'' autres  impofleurs  qui  ajfûroient  qu'une  telle  Etoile^  ou  une  telle  Sphè- 
re^ ou  un  tel  Ange  ,  s' étoit  apparu  a  eux  &  leur  avoit  révélé  la  manière  dont  il 
vouloit  être  firvi  ,  de  cette  façon  l'opinion  fe  répandit  dans  tout  le  monde  qu'il 
faloit^  adorer  les  images ,  chacune  par  certaine  ejpece  de  frcnfice  ,  &  le  nom 
de  Dieu  fut  entièrement  banni  (^  de  la  bouche  &  des  efprits  dis  hommes. 

Il  y  a  bien  des  erreurs  de  fait  dans  tout  ce  grand  dîicours.  Non  feule- 
ment Maimonides  veut  que  l'idolâtrie  ait  été  avant  le  déluge ,  mais  mê- 
me qu'on  ait  fait  des  images  &  des  Temples  avant  le  déluge.  Cependant, 
il  eft  certain  que  les  premiers  Temples  ont  été  bâtis  long  rems  après  le 
déluge.  L'origine  de  cette  erreur  vient  du  n.ot  bouclai  '^mn  qui  peut 
€ire  dérivé  de  SSn,  qui  fignifie  profaner,  feio'n  quoi  ie  icm  ieroit  ^  ■& 
«  Eee  2,  dor^ 


40+  HISTOIRE  DES   DOGMES    " 

Alors  on  profana  le  nom  de  l' Eternel ,  favoir  par  l'idolâtrie.   Mais  d'autres  ont 
remarqué  qu'il  le  faut  dériver  de  Srr,  qui  fignific  commencer  \  &  en  efFec 
c'clt  Je  fens  ,  &;  le  texte  porte  mot  à  mot.,    &  l'on  commença  a.  être  appelle 
du  nom  de  l'Eternel)  c'ell-à-dire ,  que  Ton  commença  à  dillinguer  les  en- 
fans  de  la  race  de  Scth,  de  ceux  de  la  race  de  Caïa  ,  par  le  nom  d'enfans. 
de  r Eternel  5  q:ui  fut  donné  aux  enfans  deSeth,  par  oppoiition  aux  enfans 
de  Caïn.    Et  ce  ibnt  ceux  qui  dans  le  6.  ch.  font  appeliez  les  fils  de  Dieu,. 
ôc  defquelsileftciit  qu'ils  fe  marièrent  avec  les  Elles  des  hommes. 
L'idolâtrie        Ce  fondcnjcnt  de  l'opinion  de  ceux  ,   qui  font  l'idolâtrie  plus  ancienne 
"•ecé^e"!     ^^^  ^^  déluge,  étant  ruïné,  je  n'en  vois  aucun  autre,  lleil  vraïqueTertul- 
dduge.        lien,  qui  eil  de  la  même  opinion  jQjr  l'antiquité  de  Pidolatrie,  la  prouve  par 
deTdoloL^'  ^^  ^'^''^  d'Enoch  ,   ce  qui  fuppofe  qu'elle  étoit  en  uiîige  dés  ce  tems-là. 
Mia,  Mais  nous  avons  vu  dans  la  première  partie  de  cet  ouvrage,  que  ce  livre 

eft  faux  &  fuppofe,  c'eft  pourquoi  il  ne  fait  aucune  preuve.  Je  trouve  donc 
beaucoup  plus  vrai-femblable  que  l'idolâtrie  ne  commença  qu'après  le  dé- 
Cyriii.        luge  j  c'eft  l'opinion  de  Cyrille  d'Alexandrie,  qui  eftime  qu'avant  le  délu^ 
j.  r^adverC  g^  ^^  ^'y  avoit  pas  d'idolâtres  ,   mais  que  l'idolâtrie  prit  nai/Tance  en  Ba- 
juiiaimm.     bylouc  ,  où  l'ou  commcuça  à  rendre  les  honneurs  divins  à  Jupiter  Belus. 
Il  y  a  apparence  que  le  crime  des  hommes  avant  le  déluge  étoit  l'impiété 
&rAtheifme.     Cette  difpoûtion  d'efpnt  à  l'égard  de  Dieu  eft  le  fou- 
verain  crime;  ear  les  Athées  font  beaucoup  plus  odieux  à  la  Divinité  que 
les  idolâtres.    De  plus  ce  fentiment  eft  plus  propre  à  porter  les  hommes  à 
cette  exceiïîve  corruption,  dans  laquelle  le  monde  tomba  devant  le  délu- 
ge.  La  connoifîance  d'un  Dieu,  de  quelque  nature  qu'on  le  conçoive,  ÔC 
le  Culte  de  la  Divinité  eft  de  foi  propre  à  fervir  de  bride  aux  hommes  5. 
c'eft  pourquoi  l'idolâtrie  a'a  pas  été  inutile  au  monde  pour  en  arrêter  la 
corruption.  Il  y  a  donc  apparence  que  les  excès  horribles ,  où  tombèrent 
les  hommes  avant  le  déluge,  nevenoient  que  de  ce  qu'ils  ne  connoiftbient 
point  Dieu,  &  ne  le  fervoient  pas.  Je  crois  m.êmeque  l'idolâtrie  &  lePo- 
lytheifme  après  le  déluge,  dra  fon  origine  de  l'impiété  6c  de  l'Atfieifraej 
qui  avoit  régné  avant  le  déluge. 
L^idoiatrie       C'eft  là  l'efprit  des   hommes  ,    quand  ils  ont  été  feverement   punis 
luge^èft'^née  P*^^^^'  quclquc  crimc  ,   ils  fe  jettent  dans  une   autre   extrémité.,    Nous, 
de  l'impiété  voyons   Cela  dans  le  peuple  d'Ifraël ,   ce  peuple  avant  la  captivité  de 
i"nt*î™di-*  Babylone  avoit  un  penchant  étrange  à  l'idolâtrie  ,   ce  crime  &  la  pro- 
iuge.  fanation  des  Sabbats ,   font  ceux  que  les   Prophètes  lui  reprochent  le 

plus.     La  juftice  de  Dieu  pour  les  punir  de  ces  crimes  fit  tomber  fur 
eux  cette  horrible  calamité ,  dans  laquelle  leurs  villes  furent  détruites,  leur 
Eiat  entièrement  ruïné,6<;  toutes  leurs  familles  tranfportées  en  captivité,. 
Ce  coup  fit  fur  leurs  efprits  une  fi  grande  impueilion  „  qu'ils  en  conçurent 
une  horreur  extrême  contre  l'idolâtrie ,  Se  la  profanation  des  Sabbats^  & 
de  la  eft  venu  qu'après  le  retour  de  la  captivité  de  Babylorie,  ilsfe  font 
portez  à  des  extremitez  tout  oppofées  à  ces  deux  crimes,  ils  ont  été  dans 
un  éloignement  fi  grand  de  l'idolâtrie,  que  même  ils  n'ont  pu  fouffrir  d'i- 
j«reph.       mages  Ôc  de  figures  dans  tout  leur  païs.     Nous  apprenons  de  Jofephe, 
<^!^i^'èl'    ^"^s  quand  Herode  ou  les  Gouverneurs  Romains,  ont  voulu  arborer  les 
Liv.i8.c.4.  Aigles,  qui  étoient  les  enfeignes  désarmées  Romaines,  ou  les  images  des, 
'Empereurs  dans  la  Judée ,  ils  ont  mieux  aimé  mourir  (^ue  de  le  fouffrir. 

A. 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  TarLlU.  405 

A  l'égard  de  i'obtervatioia  des  Sabbats,  pour  éviter  le  crime  qui  les  avoit 
réduits  à  de  û  grandes  extremitez,  lis  ont  poufTé  fi  loin  la  fuperftition,  que 
jufqu'au  tems  des  Maccabées  ils  ne-fe  vouloient  pas  défendre  au  jour  du 
Sabbat,  &  aimoicnt  mieux  lelaifTer  égorger,  &  cette  impreffion  a  été  S 
puiflante,  qu'elle  dure  encore  aujourd'hui.  Et  bien  que  la  grâce  ait  enrie- 
rement  abandonné  ce  peuple  ,  cependant  il  continue  à  avoir  une  telle  hor- 
reur pour  l'idolâtrie,  qu'il  ne  peutibuffrir  d'images.  Et  l'on  tueroit  plutôt 
un  Juif,  que  de  lui  &ive  faire  quelque  chofe  dans  le  Sabbat ,  qui  violât  la 
dignité  du  jour. 

Je  conjeélure  qu'il  eft  arrivé  quelque  cHofe  de  femblable  aux  hommes  Le  châtî- 
qui  font  venus  après  le  déluge.  Ils  avoienfremarqué  que  cet  horrible  ju-  ^sTildliu^e 
geraent,qui  portoitun  caractère  fi  évident  de  la  colère  de  Dieu,  étoit  ve- fut  occafion 
nu  pour  la  punition  de  i'impieté  &  de  l'Atheifme  de  leurs  pères  y  cela  fit  hommeïà^' 
dans  leurs  efprits  uneimpreÂion  fi  forte,  qu'ils  Te  jeiterent  dans  l'extrémi- i'"ioiatrie. 
té  oppofée  j  ëc  l'ignorance  les  ayant  furpris ,  ne  fâchant  oià  prendre  le  vrai 
Dieu,  ils  fe  jetterent  fur  toutes  les  créatures,  Ôcles  adorèrent  comme  des 
Dieux.  De  peur  de  retomber  dans  l'Atl^eifme,  qui  avoit  une  fois  perdu  le 
monde,  ils  le  firent  une  infinité  de  Dieux. 

Je  fuppofe  donc  que  l'idolâtrie  n'efl  née  qu'après  le  déluge  5.maisi!  efl 
inalaifé  de  marquer  précifément  le  point  de  fa  naifiance.  Je  crois  pour- 
tant qu'on  le  doit  pofer  après  la  divifion  des  langues ,  èc  la  difperfion  des 
peuples.  Il  n'y  a  pas  d'apparence  que  durant  le  tems  que  les  enfags  de 
Noé  ne  compofoient  qu'une  famille  ,  6c  n'étoient  qu'un  peuple,  &  mê- 
me un  petit  peuple,  l'idolâtrie  s'y  fûtglillée.  Noévivoit  encore,  il  étoit 
le  Chef  de  ce  peuple.  Sem,  Cham,  &  Japhetjqui  avoient  vu  ledélu- 
ge,6cqui  fans  doute  étoient  de  grands  Saints,  vivant  au  milieu  de  leurs  fa- 
milles, je  lie  crois  pas  qu'ik  eullent  permis  à  leurs  enfans  d'être  idolâtres. 
Auffi  ne  lifons-nous  rien  nulle  part  qui  nous  puiflè  faire foupçonner  cela. 
Il  y  a  donc  apparence,  que  quand  Dieu  difperfa  les  peuples,  en  divifant 
les  langues,  il  divifa  auffi  fon  efprit,.  qui  ne  repofant  plus  iur  tous  les  peu- 
ples ,  &  fur  toutes  les  familles ,  pour  les  conduire  ,  plufieurs  de  ces  fa- 
milles fe  corrompirent.  Lu  crainte  de  Dieu  demeura  en  quelques-unes,  Sc 
les  autres  étant  tombées  dans  l'ignorance^  tombèrent autî'î  dans  la  fuperf- 
tition  &  dans  l'idolâtrie.  La  conjeéiure  de  ceux  qui  croient  que  la  fa- 
mille de  Nimrod,  6c  les  habitans  de  la  Chaldée^  èc  de  Babel,  furent  les 
premiers  idolâtres,  efl  aiTez  vray-  femblable,maisje  n'aprouve  point  ce  que  d.t 
St.  Cyrille,  que  le  premieif  objet  de  l'idolâtrie  fut  Jupiter  Belus  j.  car  je 
fuis  afiïïré  que  les  Ailres  ont  été  les  premiers  Dieux  des  idolâtres. 

C'elLlefentiment  de  Maimonidcs  danslepaflage  que  nous  avons  cité  de  Les  Aflr» 
lui  :  dans  l'ignorance  oii  ils  fe  font  trouvez  de  la  nature  du  vray  Dicu,  nen  n'a  °"'j^"^jj^* 
dû  les  toucher  davantage  que  la  viië  du  Soleil  6c  des  autres  Aillées.     Les  faux  Dkuxv. 
hommes  confervent  ce  principe  ,que  la  Divinité  doit  être'infiniment  belle, 
6c  n'ayant  pas  afTez  de  lumière  pour  s'élever  jufques  à  la  penfée  d'une 
fubftance  immatérielle  6c  invifible  ,   ils  n'ont  rien  trouvé  de  plus  beau 
dans  les  chofes  fenfibles  que  les  Cieux  6c  le«  Aftres.    i°.  La  reconnoif  an- 
ce  les  a  fortifiez  dans  cette  erreur  j  car  voyant  fenfiblement  que  les  Aftres. 
font  les  caufes  de  la  fertilité  de  la  terre,  6c de  la  produétion  de  fes arbres, 
de  fés  plantes  ôc  de  fes  fruits ,  ils  ont  pris  les  corps  celcftes  pour  les  pre- 

Eee  ^.  miereSî 


.riato 

in  Epime- 

nide. 

Lib.  de 

fomniis. 

Lib.  II.  de 
Geneli  ad 
litceiam  cap. 
ultim. 
Enchiridion 
cap.  58. 
Recrad.  c.  7. 

Lib.  2.  de 
Cœlo  con- 
-tcxtu  13.  & 
61.  lib.  II. 
Metaphy. 
eext.  35.1.  g. 
Acroa.  & 
Metaphy.12. 
Ticlio  Biahé 
Epifto.  ad 
Rotnaa- 


Lib.  ï.  Bi- 
fcliothecs. 


Plato  in 
Ciatilo, 


Apud  Eufeb, 
1.  I.  de  pras- 
paiat.Evang, 


406  HISTOIRE   DES  DOGMES 

mieres  caufes  qui  leur  produifoicnt  tant  de  biens  ,   &  par  reconnoiflance 
ils  le  font  trouvez  engagez  à  les  fervir.    3®.  Les  révolutions  &  les  mouve- 
mens  admirables  des  Allres  leur  ont  perfuadé  qu'ils  étoient  animez.   Ce 
n'a  pas  été  feulement  l'opinion  du  vulgaire  :  c'étoit  le  feniàment  des  Sa- 
vans ,  c'étoit  celui  de  Platon  &  des  Platoniciens  ,  c'eft  de  cette  Philofo- 
phie ,  que  Philonjuif  avoit  puifé  le  Dogme ,  ojue  les  offres  font  des  âmes  in- 
corruptibles &  immortelles.  C'eft  de  la  même  Ecole  qu'Origene  a  puifé  cet- 
te opmion ,  qu'il  eflaye  d'établir  dans  fes  livres  %epi  àp%m.    St.  Auguftin 
en  certain  tems  n'a  pas  été  bien  refolu  là-deflus -,  quelquefois  il  tombe  dans 
le  fentiment  d'Origene  :    Il  eft  vray  qu'il  a  retraâé  ce  qu'il  avoit  dit  là- 
deffus.     Il  y  a  bien  de  l'apparence  que  c'étoit  auffi  l'opinion  d'Ariftote. 
On  lui  attribue  ordinairement  d'avoir  donné  aux  Sphères  celeftes  des  in- 
telligences affiliantes  -,  mais  d'autres  prétendent  qu'il  a  conçu  ces  intelli- 
gences comme  les  formes  internes  des  Aftrcs ,  &  l'on  peut  voir  là-defTus 
les  lieux  citez  en  marge. 

Ce  fentiment  a  même  paUe  jufqu'à  nos  ficelés,  6c  fans- conter  les  Scho- 
laftiques  qui  l'ont  défendu,  comme  Capreolus,  Scotus,  Cajetan 5  le  célè- 
bre Ticho  Brahé  l'a  renouvelle  dans  ce  fiecle.  Cette  penféeque  les  Aftres 
étoient  animez ,  a  bien  pu  porter  des  hommes  dans  lés  ténèbres  de  l'igno- 
rance, à  regarder  ces  Allres  comme  des  Dieux.  De  toutes  les  erreurs  il  n'y 
en  a  pas  une  qui  foit  plus  fupportable,  que  celle  de  ceux  qui  ont  pris  le 
Soleil  pour  un  Dieu  }  car  cet  Aftre  eft  lî  beau  ,  fi  plein  des  traits  de  la 
Divinité ,  qu'on  a  bien  pu  facilement  prendre  la  copie  pour  l'Origi- 
nal. 

Je  voi  que  fes  Savans,  Anciens  Se  Modernes,  conviennent  aflez  de  cet- 
te vérité,  que  les  Aftres  ont  été  les  premiers  Dieux  des  idolâtres.  Dio- 
dore  Sicilien  dit  que  les  premiers  hommes  ,  ayant  jette  les  yeux  fur  cette  partie 
du  monde  qui  efl  au  âejjus  de  leur  tête^  furent  remplis  d"^ admiration  ^  (^  prirent 
les  AJires  pour  les  Dieux  Eternels^  &  entre  i^ous  ils  adorèrent  le  Soleil  &  la  Lune  ^ 
appeliant  celui-là  Ofns,  &  celle r  ci  Ijîs.  Platon  eft  du  même  fentiment,  les 
premiers  hommes ,-  dit- il ,  ejui  habitèrent  la  Grèce ,  félon  ma  conjeUure^  ne  reron- 
fioijfoient  point  d'autres  Dieux  ,  (^ue  ceux  (jjui  font  encore  aujourd'hui  les 
Dieux  des  l^ari^ares ,  favcir  le  Soleil  ^  la  Lune  ,  la  Terre  ,  les  Ajlres^  (^  le 
Ciel. 

Sanchoniaehon,  dont  Eufebe  nous  a  donné  un  fragment  de  la  Traduiflioti 
■  de  Philo  Biblius,  allure  la  même  chofe  j  Que  les  Egyptiens  les  plus  an- 
"  ciens  des  mortels  avoient  adoré  premièrement  \t  Soleil,  &  la  Lune,  (ans  fta- 
luës  &  fans  Démons ,  mais  il  avoue  que  ces  mêmes  gens  font  auffi  les 
premiers  qui  ont  deïfié  des  hoijimes.  L'es  Phéniciens,  dit -il,  &  les  Egyp- 
tiens  font  les  plus  anciens  d' entre  les  Barbares  ,  &  ceux  de  qui  tous  les  autres  peuples 
ont  enfuitA  tire'  la  coutume  de  mettre  au  nombre  des  grands  Dieux^  tous  ceux  qui 
avoient  invente'  des  chofès  utiles  pour  la  vie  humaine  ,  Ô"  Us  ont  applique'  a  cet 
■ujage  les  Temples  qui  étoient  déjà  auparavant  bâtis.  Us  leur  érigèrent  des  Jla- 
tues  ,  leur  élevèrent  des  colomnes  ^  leur  dédièrent  des  jours  de  fête  ,  &  donnè- 
rent les  noms  de  leurs  Rois  a  toutes  les  parties  de  l'Univers  ^  &  mêmes  a  quelques^ 
uns  de  ceux  qu'ils  avoient  déifiez^. 

J'eftime  que  les  Chaldéens  font  encore  plus  anciens,  que  les  Egypt.iensj 
parce  que  ce  fut  dans  la  Chaldée  que  fe  fit  la  difperfion  des  langues ,  & 

Noé 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Part. III.  4,07-     . 

Noé  avec  (es  enfans  demeura  dans  le  lieu  de  la  difperfion.  Or  il  eft  cer- 
tain auffi,  que  le  plus  ancien  cuite  des  Chaldéens ,  c'étoit  celui  du  Soleil  & 
du  Feu  5  qui)  étoit  le  fymbole  du  Soleil.  Les  Juifs  ont  une  fable ,  qui  fer-  S^^^^ 
-viroit  bien  à  confirmer  cette  vérité.  Ils  difent ,  qu'Abram  habitant  en  Chal- 
dée,refufant  d'adorer  le  Feu ,  qui  étoit  le  Dieu  du  Pays,  fut  jette  dans  le 
feu,  &:  qu'il  en  fortit  par  miracle.  C'eft  ainïï qu'ils  interprètent  ce  que 
Moyfe  dit  ,  qh^Abram  fortit  d'Vr  des  Chaldéens.  Vr  fignifie  le  feu  dans  la 
Langue  Chaldaïque :  Il  fortit âCl/^r^s?»?/  (Chaldéens ^  c'efl- à-dire,  du  feu  des 
Chaldéens.  Au  moins  eft-il  apparent.,  que  le  Heu  de  la  Chaldée,  quis'ap- 
pelloit  Ur^  étoit  ainfi  appelle,  parce  que  le  Feu  faoré ,  le  Dieu  de  la  na- 
tion, étoit  gardé  là.  Et  ce  Feu  des  Chaldéens  étoit  le  fymbole  du  Soleil.. 
Les  Perfes,  qui  étoient  voidns  des  Chaldéens,  &  qui  avoient  fans  doute 
emprunté  leur  Religion  d'eux ,  n'adoroient  non  plus  que  le  Soleil,  les  Aftres 
&  le  Feu.  C'efl;  ce  qu'orrpeut  voir  dans  Hérodote,  dans  Diodore  Sicilien , 
dans  Ammian  Marcellin  ,  dans  Strabon, 6c  dans  plufieurs autres,  &  nous 
ajufons  lieu  de  le  prouver  dans  la  fuite.  Enfin  le  très-ancien  Livre  de  Job 
elt  une  preuve  de  cette  vérité, c'elt  que  le  Soleil  6c  laLuné  font  les  premiers 
Dieux  des  idolâtres  ;  Job  fe  juftifie  de  tous  les  crimes  dont  on  auroitpû 
l'accufer,  6c  entr' autres  de  l'idolatiie.  fe  n^aj  pas  regarde /e  Soleil  lmfant,jo\,^^^^  ^^^ 
0"  la  Lune  cheminant  en  fa  clarte\.  mon  cœur  n'^a  pas  été  fédnit  en  fecret ,  ^  ma,  27. 
main  n'a  pas  baifé  ma  bouche.  C'étoit  donc  là  l'idolâtrie  de  Ion  fiécle ,  6c 
s'il  y  en  eût  eu  d'autres ,  il  s'en  feroit  jufîifié ,  auffi  bien  que  de  celle-cy. 


CHAPITRE     III. 

De  la  Théologie  des  "Payens. 

« 

Icn  au  monde  n'eft  fi  monflrueux  que  la  Théologie  Fayennc.  Celle  La  Theoic^ 
des  Grecs  6c  àts  Romains  efl  connue  de  tout  le  monde  ..parce  qu'on  Sf  Payena? 

.  j  1         r  •  ■»  1  .  I     '  '     p        J  eft  monf- 

la  trouve  dans  les  Livres  qu  on  met  entre  les  mams  des  enians  pour  tiueufe. 
apprendre  les  Langues  Grecque  6c  Latine.     On  y  voit,  i .  une  multitude 
incroyable  de  Dieux,     Van  on,  félon  le  rapport  de  St.  Auguflin ,  en  con- ^^gjj"^'^® 
te  jufqu'à  trente  mille.     Tout  avoit  fes  Dieux  y  les  villes,  les  champs,  les  Deihb.^,- 
maifbns  ,  les  familles,  les  édifices,  les  pprtes,  les  chambres  nuptiales,  les  ^•—^'' 
noces,  la  naifiance,  la  mort,  les  fepulchres,  les  bleds,  les  arbres  6c  les 
jardins,  les  cieux,  la  terre,  les  montagnes,  les  rivières  ,  les  fontaines, 
les  bois,  la  mer  6c  l'enfer,  tout  étoit  plein  deDieux,  pour  les  bleds  ieu!« 
il  y  avoit  treize  divinitez,  Segetia ^.  Sea ^Tmilina^  Proferpna ^'Isljjdotm^Fo- 
lutina^  Patilena ,  Flora ,  Hofitlina  ,  LaBurtia ,  Matma ,  Runcina^  Robigus.  Pour, 
la  porte  de  la  maifon  trois,  Forculus^  Cardea^  Limentinus.    Outre  ce  que 
l'on  en  trouve  dans  les  Poètes.  Si  l'on  veut  s'inftruirc  de  cela,  on  peut 
lire  le  quatrième  6c  le  fixiéme  livre  de  la  Cité  de  Dieu  de  St.  Auguâin» 
2.    On  y  voit  des  Dieux   qui    commettent  des    aélions   abomina- 
bles, des  adultères,  des  fodomies,  àts  rapts,  6c toutes  fortes  de  débau- 
ches.    Ciceron  a  ramafle  en  peu  de  paroles  tous,  ces  crimes ,  que  les  Pcëtes. 

onc 


4^8  HISTOIRE  DES   DOGMES 

Nât."co^     °^^  attribuez  aux  Dieux.     Nec  enim  wulto  abftirdiorafHnt  ea  c^ha  Po'étarum 
.  rum.  vocibns  fr-ifa  tpfa  fitavitate  nacuerant ,  tjm  &  ira  inflammatos ,  &  libiàine  fur  entes 

indiixerunt  Deos  ^  fecerHntcjue  uteorumbelU^  pfi^nas^pralia^vtilnera  vider  émus. 
Odtit  praterea,  dijjidia^difcordtas^  ortns ^intentas ^(^t4erelas  ^  Umentationes;  ejfft-' 
fas  in  omni  tntemperantialibidines  ^  aduUeria^vincuU  cHtn  humano  génère  conçu- 
bitus ,   mortakfcjtie  ex  tmmortalibus  procréâtes. 

3.  lIsTuppcfoient  ces  Dieux  éternels  &  immortels,  8c  cependant  il  n'y 
en  avoit  pas  un  dont  on  ne  marquât  le  père  &  la  mère ,  la  naiflance ,  &: 
toutes  les  circonftances  de  leur  vie,  depuis  leur  enfance.    Jupiter  le  Sou- 
verain des  Dieux,  éaoit  fils  de  Saturne,  6c  Saturne  étoit  fils  de  Cœlus. 
On  trouvoit  mêmes  les  tombeaux  de  la  plupart  de  ces  Dieux.     Les  An- 
ciens nous  parlent  d'un  certain  Euhemerus  de  la  ville  deMeffine  en  Sici- 
le ,  qui  avoit  fait  l'Hilloire  de  la  naifiance  ôc  de  la  mort  de  tous  les  Dieux, 
tirée  des  infcriptions  authentiques  qu'il  avoit  trouvées  dans  les  Temples. 
L'Hiiloire  de  cet  Euhemerus,  qui  a  fait  la  vie  des  Dieux  Payens,  fe  trouve 
Fragment     dans  Eufcbe,  6c  fe  trouvoit  autrefois  beaucoup  plus  ample  dans  le  fixiéme 
d°s''Di'fu°x^^  Livre  de  la  Bibliothèque  de  Diodore  de  Sicile  i  mais  ce  Livre  nefe  trouve 
par  Euheme-  plus  dans  la  Bibliothèque  de  Diodore.  Et  peut-être  que  les  Prétres,jaloux  de 
"**•  l'honneur  de  leursDieuXjOnt  fait  éclipfer  cette  pièce  de  l'ouvrage  deDiodorc, 

6c  pour  mieux  cacher  leur  fourbe  ils  ont  en  même  tems  fait  difparoître  les 
quatre  Livres  fuivans,  depuis  le  cinquième  jufqu'à  l'onzième  :  quoi  qu'il  en 
Eufebius      (bir,voici  ce  qu'Eufcbe  cn  avoit  tiré.     Tlafieurs ,  tant  Hiftoriemcjne  Poètes  & 
Evaug.iib.2.  ^^^^^^s  de  fables ,  ont  écrit  de  ces  Dieux  terrefires.  Entre  les  Hifloriens  Euhe- 
«ap..2,  merns  a  écrit  là-dejfus ^  &  entre ies  Poètes  Hejtode  &  Homère;  &  quelejnes  an- 

tres ,  qui  fe  font  divertis  a  la  fable ,  ont  inventé  de  ces  Dieux  des  fables  prodigieH' 
fes  dr  monjlrueufes  j  nous  effayerons  de  parcourir  brièvement.,  cenjue  nous  avons  ti- 
ré de  ces  deux  efpeces  d"^  Auteurs.  Euhemerus  étoit  ami  du  '^i  Cajfander  ^  il  avoit 
de  beaux  emplois  fous  lui ,  &  entreprenoit  de  longs  voyages  parfon  ordre.  Il  dit 
cjue  dans  fes  voyages  étant  un  jour  parti  de  l' Arabie  heureufe ,  il  tendit  vers  PO - 
■cean  ,  c^  ayant  vogué  plufieurs  jours  dans  cet  Océan  ,  tl  aborda  a  certaines 
Jfles^  dont  la  figure  étoit  }tor tue  ^  irrégulier e  ,  ^  la  principale  de  ces  I [le s 
"^  s''appelloit  Panchaïa.     Il  dit  (^u^  il  y  trouva  des  hommes  trés-devots  ^    dr  cj  ut  ado  m 

r  oient  &  honoraient  leurs  Dieux  par  des  fAcrifices  fomptueux.,  d^  de  magnifiques 
prefns  d'or  C^  d'argent  i  II  reconnut  donc  que  cett^  Ifle  étoit  eonfacree  aux 
Dieux.  On  y  voyait  quantité  de  chofcs  qui  attiraient  l'admiratieh  des  fpeStaîeurs.^ 
dr  pour  leur  vénérable  antiquité  ^  &  pour  leur  beauté  &  leur  prix.  EnfP  autres 
fur  une  montagne  extrérnement  élevée ,  //  y  avait  un  Temple  de  fupiter  Jriphy- 
Iten  ^  lequel  il  avait  lui-même  bâti  durant  fa  vie^  ,^  pendant  qu  il  régnait  fur- 
la  terre.  DansceTemple  étoit  une  colomned'' or  j^ur  Ltquelle  étaient  gr^îvees  en  lettres 
Panchaïques  toutes  les  aBions  de  (^œlus ,  de  Saturne  ô"  de  Jupiter.  La  étoit  écrit 
que  Cœlus  avoit  le  premier  régné  .^  (jy  que  c'était  un  Prince  d'une  grande  équité  ^  & 
d'une  bonté  extraordinaire  envers  tout  le  monde ,  qu'^tlconnoiffoit  fort  bitn  les  mou- 
vemens  &  lei  révolutions  des  deux  ^  dr  qu'' il  étoit  le  premier  qui  ent  facrifé  aux  di' 
vimtez,  celefies  i  drqu'^a  càufede  cela  on  C avoit  appelle  Coeltts.  Ce  Cœlus  eut  deux 
fils  de  Fe  fia  ,  Pan  &  Saturne,  &  autunt  de  filles  .^  Rhea  &  Cerés\  que  Saturne 
luifucceda  au  Royaume  -,  que  ce  Saturne  époufa  Rhea ,  (JT  eut  d'acné  Jupiter ,  Junon 
&TS[eptune\  que  Jupiter  par  droit  d' hérédité  .^  ayant  fuccedé a  fon père  Saturne  ^ 
époufa  Junon^  Cerés^^Themis  :  'De  Junon  H  eut  les  Curetés:  De  Cerés  tl  eutPro- 

ferpine 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  TartAlL  409 

ferpine  ^  &  de  Themis  il  eut  P allas ,  il  vint  en  Babylone ,  &  de  Ik  étant  décendupar 
P Océan  dans  l'Ijlede  Panchaïa^  il  éleva  un  antel  a  Cœlns  fon  grand  Père.  En- 
fpfite  pajjjint  par  la  Syrie  il  vint  vers  un  certain  Prince  nommé  Cajfius ,  dHquel  le 
montCajfiHs  a  tiré  fon  nom:  Puis  venant  en  Cilicie  ^  il  vainquit  en  guerre  le  Prin- 
ce de  CUicie  y  &  qH*il  avait  été  eonfacré  commeDieu  après  fa  mort ,  par  toutes  les 
nations  qu'il  avoit  vifitées ^  lefquelles  étaient  en  grand  nombre.  Voilà  ce  que 
Diodore  &  Eufebe  ont  écrit  de  cet  Euhemeius. 

Les  Pères  de  l'Eglife  n*ont  pas  manqué  de  ^^t\\  fervir  comme  d'un  bon  Aug.  iib.4. 
témoin  pour  prouver,  que  les  Dieux  des  Payens  écoienr.  des  hommes  morts.  ^^^^^-^^^ 
Si  les  Chrétiens  lui  ont  iu  du  gré  de  fon  travail ,  \ç;^  Payens  lui  en  ont  vou-  Laftan.  de 
lu  beaucoup  de  mal.  ^  ^  if'flt' 

Sextus  Êmpiricus  iVappellé  impie  6c  athée,  6c  l'a  mis  au  nombre  des  Jugcmcas 

Diagores  &  des  Theodores.     Plutarque  dans  fon  Livre  d'Ifis  &  d'Ofiris,  pjycnftou- 

en  dilant  du  mal  de  lui,  nous  apprend  quel  étoit  le  deflein  de  fon  ouvra-  ctiamEuiie- 

ge.      Il  dit,  qu"*  Eiihemerus  Meffmien  a  lui  même  inventé  les  fables  qu'ail  a  debi'  ^^^^^' 

tées  ^  lefquelles  n'ont  aucune  vraifemblance ,   &  qu'ail  a  répandu  fon  impieté  dans 

tout  le  monde  ^  changeant  tous  ceux  que  nous  eftimons  Dieux  ^  en  Capitaines^  '^is 

&  Amiraux  ^  qiii  auraient  été  dans  le  tems  pajfé  ^  félon  ce  qu'ail  avoit  trouvé  écrit  ^ 

dit-il,  en  lettres  d^  or  ^  en  lavillede  Panchon  ,  ville  qui  n'efl  en  aucun  lieu  de  la 

terre ,  &  qu* aucun  homme ,  ni  Grec  ni  Barbare  n'^a  jamais  vue ,  non  plus  que  le 

Temple  defupiter  Triphillien  ,  d'où  il  dit  avoir  tiré  fon  Hifloire.     C'efl  ainlî 

que  Plutarque  eflaye  de  ruiner  le  crédit  de  cet  Euhemerus.     Cicéron  ne  lui  ciccror, 

eft  guère  moins  injude  dans  le  premier  de  (es  Livres  de  TS^atma  Deorum,  ^  Ratura 

oîi  il  dit  de  lui ,    Qua,  ratio    maxime  tra6lata  ab  Euhemero    eft  ,    qusm   & 

interpretatus  &  Jequutus  e(i  Ennius  nofier ,  ab  Euhemero  autem    &  mortes  & 

fepultum  demonflrantur  Deorum.     Vtrum  igitur  hic  confirmajfe  religionem  vide-  De  f°'ra 

tur ,  autpenitus  totamfufiultjje  ?  Mais  Ennius  lui  fut  plus  équitable ,  puis  qu'il  ^-eiig-  '•  r. 

prit  bien  la  peine  de  tourner  en  Langue  Latine  fon  Hi  iloire  des  Dieux,  ÔCLa'Vaifoa 

qu'il  embralîa  fon  opinion,  comme  nous  l'apprenons  de  Ciceron  ,  &  de^^iadiffe- 

Laétancc.     Hanc  Hifioriam  interpretatus  &  fequutfts  efi. 

C'ell  une  chofe  étrange  qu'on  fe  fbit  mis  fi  fort  en  colère  contre  Euhemerus.  E^^e"" 

pour  avoir  donné  l'Hiltoiredelavie  des  Dieux,  comme  ayant  été  des  hom-  tes,  c'eft 

mes , puiique laTheogonie  d'Hefiode,  les  œuvres  d'Homère,  &  tous  les  J"^  ^^"^" 

ouvrages  de  la  Théologie  des  Grecs  ôcdes  Latins  nous  donnent  l'Hifloire  feflio;fà^'°" 

de  leur  nailîlmce,  de  leur  vie,  ôc  de  leur  généalogie ,.  ce  qui  ne  peut  con-  *J^""Ï'  ^„ 

venir  qu'à  des  hommes.     Ciceron  lui-même,  qui  maltraite  fi/ort  Euhe-  quedesfa-" 

merus,  n'avoue- t'il  pas  que  le  ciel  eft  peuplé  des  habitans  de  la  terre  .^jQ/W^'^J^^^^^^' 

totum  prope  ccelur/i,  ne  plures  perfequar,  nonne  génère  humano  cempletum  efi  ?  &c.  adonnéfoa 

illi  qui  maiorum  aentium  Dit  habeniur  hinc  a  nobis  profe^t  repenuntur .  Roman 

u  11'^  j     1     nni        1       •     T>  j    •  I  !■  ^    11     comme  une 

Jbntre  les  horreurs  de  la  Iheoiogie  PayennCjOn  ne  doit  pas  oublier  ,qu  elle  hiftoueve- 
attribuok  aux  Dieux  des  aiflions  falesSc  impures.     Ilslesfervoientpardes  ^ubkj 
cultes  horribles.  Il  y  a  un  Dieu  Mutinus,  autrement  appelle  Priapus,y«-  plus  fage« 
percujm  immantjfmum  &  turpijfimum fafctnum fédère  novanHpta  jubeb^itm^mo-  ^Jq^^^^^ 
re  honefiijfm-io  cisr  religioffimo  matronarum;  dit  St  Auguftin  :  Ils  avoient  une  eu  de  leurs' 
Yeiwjis  P^'indemos  ^  ou  Babylonienne,  qui  préfidoit  fur  toutes  les  aélions  ,^eo"pin'ioa" 
impures  de  la  chair  j  Ils  avoient:  desmyileres  fales  &  honteux ,  quiétoient  qu'fiuhemc- 
couverts  fous  le  manteau  du  (ilence,  6c  qui  rie  fe  celebroient  que  durant  tuÏcuI.  ci. 
\qs  ténèbres  de  la  nuit ,   parce  qu'ils  mentoient  d'être  enfevelis  dans  des  iii>-»- 
P^rt.  lU.  Fff  tene- civit*!be1. 


rcHce  qu'on 
a  mis  entre 
erus 
Poë- 


410  HISTOIRE  DES  DO  GMɧ'  ''^'^ 

ténèbres  éternelles.  L'Hiftoire  de  leurs  Dieux  avoit  quelque  chofe  de 
monihueux,  car  c'éroient  des  Allres  pour  la  plupart.  Apollon  étoit  le  So- 
leil, Jupiter  étoit  l'étoile  qui  porte  ce  nom,  Diane  étoit  la  Lune,  Scainfî 
des  autres  :  Et  cependant  dans  l'Hifloire  de  ces  Dieux  on  les  voit  naître , 
Kgir  comme  des  hommes,  &  faire  toutes  les  aélions  des  hommes. 

Ce  feroit  une  grande  affaire  de  rapporter  toutes  les  abfurditez  de  la 
Théologie  &  de  la  Religion  Payenne.  C'eft  un  chapitre  fur  lequel  il  cil 
fort  aile  de  s'inliruire  ,  quand  on  y  veut  être  fort  favant ,  car  il  n'y  a  rien 
fur  quoi  les  Pères  fe  foient  davantage  étendus,  qu'en  étalant  les  horreurs 
duPaganifme,  &  il  n'y  a  rien  fur  quoi  ils  ayentété  fi  éloquens,  ôcméme 
fi  farans.  L'on  peut  voir là-deffus /^^/jo/<?^<?/'/^»^  de  Tertullien,  l'une  des- 
plus  excellentes  pièces  que  nous  ayons  de  l'Antiquité ,  le  Protrepticon  ad  Çen- 
r<'i  de  Clément  Alexandrin ,  POSavim  de  MinuÙHs  Félix,  les  fix  Livres 
d'Arnobe  contre  les  Payens,  Laélance  de  la  faulTe  Religion,  les  Livres 
d'Eufebe,  de  Praparatipne  Evangelica^  ÔCcet  excellent  ouvrage  de  St.Au- 
guitin  de  la  Cité  de  Dieu,, qui  efl  le  tréfor  de  la  littérature  de  cet  An- 
cien. 

La  Thcologiedes  Egyptiens,  &  celle  des  Phéniciens  ,,  eft  aflurément 
lu.  fource  de  la  Théologie  des  Grecs  6c  des  Romains.  Il  faut  tenir  pour 
un  principe  alTûréj  que  les  Religions  font  venues  de  l'Orient,  comme  les 
hommes ,  ôc  dans  la  fuite  de  cet  ouvrage  nous  ferons  voir  clairement ,  que 
les  Dieux' des  Syriens  ôc  des  Phéniciens,  font  les  mêmes  que  ceux  des 
Grecs  &  des  Romains.  Cette  Théologie  des  Phéniciens  ôc  celle  des 
Egyptiens,  n'eft  pas  moins  abfurde  que  celles  des  Grecs  &  des  Romains. 
On  verra  un  échantillon  de  la  Théologie  des  Phéniciens,  dans  le  Frag- 
ment que  nous  tirerons  d'Eufebe,  d'un  certain  Htftorien  Phénicien  , 
nommé  Sauchoniathon ,  qui  a  fait  l'Hiftoire  des  Dieux ,  &  de  la  Religion 
des  Cananéens  &  Phéniciens,  tirée  des  monumens  anciens ,  qu'il  avoit 
trouvez  dans  les- Temples.  On  peut  lire  Hérodote,  mais  fur  tout  le 
Traité  d'Ifis  &  d'Ofiris  dansPlutarque,  pour  voir  la  Théologie  prodigieu- 
fe  des  Egyptiens,  qui  eli  compofée  de  tant  d'énormes  imaginations,  qu'il 
eft  quafi  incroyable,  qu'il  y  ait  eu  des  efprits  humains  capables  de  concevoir, 
d'auffi  grands  monftres. 
ïîjcofes  Les  Sages  Payens  en  ont  eu  honte  j.  êc  ils  ont  imaginé  là-delîus  divers 

FeThonems  ^^^  cxcufes;     Premièrement  ils  ont  dit ,  qu'il  y  avoit  trois  fortes  de  Theo- 
d4  la  Théo-  logie  |u,u6ii<^,  CputT/nj^,  TToAiT/KV),  cc    Quc  faint  Auguftin   tourne  ,  fahtiUris  9. 
^°i^^^^i^^  nataralis^vtl  philojophica  ,   civilis.     La  première    étoit  la  Théologie  des 
,'  Poètes  i  la  féconde  celle  des  Phiîofophes ,  &  la  troifiéme  celle  des  Prê- 

3,!  DeNa-.  trcs.       Vari'on  a  fort  appuyé  fur  cette  diftinélion  ,   &  on  l'attribue  à. 
t/S  fortes  Quintus  Seevok ,  qui  vivoit  du  tems  de  Marius ,  &  qui  mourut  de  la  main 
deTheoio-   d'uii  des  mcuttriers  de  ce  parti,  duquel  Cicerondit,  temperamia  pruden- 
làyen"^  ^*  ti'^'jfiefpecimen;  ante  fimuUcrum  Fefla  Tontifex  maximus  eft  QuinîHS  Scevola  nti"  - 
i.ctiiQdts ddatus.     La  première  de  ces  Théologies,  c'étoit  celle  des  Poètes,  lafe- 
*'""*       conde  celle  des  Philofophes  ,  ôc  la  troifiéme   étoit  celle  des   Prêtres, 
qui  étoit  autorifée  par  les  Loix,  &  par  le  Magiftrat.     La  première  eil 
monftrueufe ,  elle  eft  rejettée  par  tous  lés  Sages.     Varron  avoue  qu'elle 
fait  faire  aux  Dieux  des  chofes  qu'on  ne  voudroit  pas  attribuer  au  dernier 
ApndAug,  (Je  tous  Ics  homiïies,     Demqne.inhncomnm  DiisattribHHnttir ^  qtiéi  non  modo 


E  T  D  E  s  C  U  L  TE  S  DE  L'E  G  L I  SE.  Paru  III.  411^ 

in  hominem  ,  [eà  etiam  in  contempiffimum  hominem  cadere  pojfknt . 

La  féconde  efpece  de  Théologie  eft  celle  des  Philofophes ,  que  Varron  La  féconde, 
ï\Q  défaprouve  pasj  mais  qu'il  eftime pourtant dangereufe,  c'eil pourquoi^^jj^^jj^^^ ^ 
il  veut  qu'elle  foit  renfermée  dans  les  écoles,  parce  qu'elle  prend  la  liber-' 
té  de  difcourir  de  la  nature  des  Dieux,  &  de  réfuter  plulieurs  chofes,  qui' 
font  pourtant  felon  le  fentiment  du  vulgaire.  " 

La  troifiéme  efpece  de  Théologie  faifoit  la  Religion  des  peuples,  6c 


La  troifiéme 
_  _  _        _  celle 

étoit  le  fondement  du  culte  qui  le  faifoit  dans  les  Temples,     Les  Sages  des  Prêtres 
Payens  vouloient  rejetter  tout  ce  qu'il  y  avoit  de  honteux  dans  leur  Re- ^Jç^^P*^*' 
ligion  fur  la  Théologie  des  Poètes,  qui  fe  font  donné  de  tout  tems  la  li- 
berté de  feindre  ce  qu'ils  ont  voulu,     ^a  res  gênait,  difoit  Ci  ceron, /<?/-' cicer.  de 
fas  opiniottss  erroréfque  turbulentes  ,    c^  Çuferfiitioms  pêne  miles  ;-  foTm&    enim  jjj^""   "*"' 
nobis  'Deorum  &  atates^  &  vefiitui ,  &  ornatus  noti  funt.     Gênera  prdterea^ 
eonjfigia^  cognationes^  omniaque  traduUii  ad  fimilituàinem  imbecillitatis  humanas 
nam  &  perturbât^  animis  mducHntHr:  Accipimas  enim  Deorum  cupiditates ,  Agri^ 
tudines^iracundias.  ISlec vere ^utfabuUferHnt^ DU bellis prdiifcjHé carHernnt ,  nec 
filum^ut  apud  Homerum^cum  contra  duos  exercitus  contrarias  alii  DU  defcenderunf,      '    '     - 
fid etiam ,  ut  cHm  Jitanis,  (tt  cum  (^igantibus  propria  bella  gefferunt.     Hdtcdi- 
cuntnr  y  &  creduntur  ftultijfime  ^  &  plena  funt  fntilitatis ,  &  fumma  levitatis. 
Et  ailleurs ,   nec  Homerum    audio ,  qai  Ganymedem  a  Dits  raptnm  ait propter  Tufcul.i. 
formant ,  ut  fovi  pocula  adminifiraret ,  non  JHjla  caufa  cnr  Laomedonti  tanta  fie- 
ret  injuria^  fingebathizc  Homertis  y  df  humana  ad  Deos  transfère  bat ,  divinamal- 
lem  ad  nos.  On  peut  auffi  revoir  le  beau  paflage,  que  nous  avons  tiré  ci-defTus 
du  premier  Livre  de  TS^atma  Deorum ,  oîi  Ciceron  fe  plaint  de  l'infolence  des 
Poètes,  quiont  ofé  attribuer  aux  Dieux  tant  de  chofes  indignes  de  la  di- 
vinité. C'eilune  des  excufesdes  Anciens,  qui  ont  voulu  déguifer  les  lai- 
deurs de  leurRehgion. 

Mais  St.  Auguftin  leur  fait  bien  voir  que  cette  excufe  ne  vaut  rien,  &  Aug.iib.de- 
que  la  Théologie  des  Poètes  n'étoit  pas  différente  de  la  Théologie  civile,  ^^^^g^^"  ^" 
Car  les  Dieux  des  Poètes  étoient  les  mêmes  Dieux  aufquels  les  Temples 
étoient  bâtis ,  &  tous  leiH^s  cultes ,  leurs  fervices,  leurs  myfteres,  leurs  jeux 
appcjJez  fceniques,  qui  fe  celebroient  à  leur  honneur,  toutes  leurs  fêtes, 
tout  cela,  dis-je,  étoit  fondé  fur  les  fables  des  Poètes ,  &  fur  ce  qu'ils 
avoient  dit  des  Dieux.  Les  myfteres  de  Cerés  ,  par  exemple,  aufquels 
ne  pouvoient  aflîfter  que  àts  femmes ,  étoient  fondez  fur  ce  que  les  Pqë-= 
tes  difoient  du  rapt  de  Prolerpine  par  Pluton.  La  Déeffe  Cybelé  avoit 
pour  Çt%  Prêtres  des  Eunuques,  à  caufedes  amours  de  Cybelé  pour  Atisj 
&  de  l'accident  qui  arriva  à  cemiferable  garçon,  à  qui  la  Déeflè,  par  ja- 
loufîe  coupa  les  parties  naturelles.  Par  cent  exemples  de  cet  ordre  St.  Au- 
guftin leur  fait  voir  5  que  cette  Théologie  des  Poètes,  laquelle  ils  aban- 
donnoient  au  jufte  reifentiment  des  Chrétiens,  étoit  la  Théologie  des 
Temples  &  de  la  Religion. 

Ils  avoient  une  autre  excufe  pour  défendre  les  horreurs  de  leur  Theolo-Seconde  ex- 
gie.  Ils  difoient  5  que  toute  la  Phyfiologie,  ou  la  fcience  naturelle,  etoirJgJfs'^Payens 
cachée  fous  cette  Théologie  pioëtique  &  civile ,  êc  queleurs  premiers  Théo-  poiuieshor- 
logiens,  Orphée ,  Linus  ,  Hefiode ,  Homère ,  avoient  été  de  grands  P'iiilo-  jJJeoJgiç"* 
fophes,  qui  fous  des  énigmes  avoient  exprimé  toutes  les  veritez  naturelles.  De 
cette  manière  Plutàrque  explique  fort  ingenreufement  tout  ce  -qui  paroît 

Fff  2,  affreux 


411  H  1  S  T  O  I  R  E  D  E  S   DO  G  M  E  S 

aiïieiîx  dans  la  Théologie  des  Egyptiens.  Il  prétend qu'Oiiris eft  le  Nil,' 
qii'Iiîs  eil  la  terre ,  que  Typhon  ell  la  mer  ,    que  l'union  &  le  mariage 
d'Oiiris  6c  d'ifis,  c'eil  l'épanchement  du  Nil  qui  couvre  la  terre  d'Egyp- 
le.     Qi-ie  Typhon  eil  l'ennemi  d'Ofîris ,  parce  que  la   mer  engloutit  ce 
fleuve,  &  arrête  fbn  cours.  Tout  le  monde  fait  que  par  les  douze  travaux 
d'Hercule,  on  entend  le  paiTage  du  folcil  par  les  douze  fignes  du  Zodia- 
que i  que  Venus  c'eft  la  nature  generative,  ou  le  principe  de  la  généra- 
tion-, qu'elle  ell  née  de  l'écume  de  la  mer,  6c  delà  lemence  du  ciel,  par- 
ée que  toute  génération  fe  fait  par  l'humidité  Se  par  les  intiuences  celef- 
tes,  que  Neptune  fignifie  la  mer  ,  que  Vulcain  eft  le  feu  ,  Jupiter  le 
ciel,  Junon  l'air.     Et  que  tout  ce  qui  fe  lit  dans  les  Poètes  ôc  dans  la 
Théologie  Payenne  de  ces  divinitez  eft  expliqué  même  entre  les  Chré- 
tiens, par  rapport  à  la  nature  du  monde  ôcdefcs  diverfes  parties.  Toutes 
les  Mythologies  font  pleines  de  femblables  explications  ,    Porphyre  fur 
tout,  grand  ennemi  des  Chrétiens,  a  eflayé  de  tirer  de  cette  manière  fa  Re- 
ligion de  deflbus  cet  horrible  amas  d'abfurditez. 

Les  anciens  Do<5leurs  ont  extrêmement  combattu  cette  défaite.  Et  fur 
tout  Eufebe  dans  le  troifîéme  Livre  de  la  Prep.  Evang.  ^  mais  je  croi 
qu'ils  n'ont  pas  eu  raifon  en  toutes  chofes.  Et  je  fuis  plutôt  du  fenti- 
11  eft  teitain  ^lent  de  Clément  d'Alexandrie,  qui  reconnoît  que  les  Payens  ont  eu  def- 
Sensontaf-  fcin  dc  cachcr  les  myfteres  de  leur  Philofophie,  fous  les  fables  de  leur  Théo- 
fefté  de  ca-  ^ogic.  Tous  cefix ,  dit-il,  i^«/  ont  traité  des  chofes  divines^  tant  Çrecs  c^fte Bar- 
Philofophie,  hares^  ont  caché  les  principes  des  chofes  ^&  vi^ont  donné  la,  vérité  c^u'envelopèefom 
des  énigmes  ,  fous  des  figures ,  des  Symboles ,  des  Allégories ,  &  des  Métaphores. 
Il  en  apporte  pour  exemple  les  Egyptiens,  qui  dans  leur  Théologie  repré- 
fentoient  les  Âftrespar  desferpens,  à  caufc  de  la  révolution  des  Aftres.  On 
ne  peut  pas  nier  à  mon  avis  qu'il  n'y  ait  de  la  Phyfique,  &  de  la  Phi- 
lofophie  cachée  fous  \e^  fables  dans  la  Théologie,  &  dans  l'Hiftoire  des 
Dieux  Payens.  L'on  y  trouve  mille  chofes  qui  s'exphquent  parfaitement 
'  bien  6c  heureufement,  par  les  chofes  qui  fe  voyent  dans  la  nature ,  6c  qui 
s'accordent  très-bien  avec  ce  que  les  Philofophes  nous  difent.  Or  jl  n'y  a 
pas  d'apparence  que  ce  foit  le  hazard  qui  les  ait  fait  rencontrer  ft  juile. 
Par  exemple  dans  laTheologie  Egyptienne  Ifîs  qui  pleure  l'abfence  ôc  la  per- 
te d'OlIris,  qui  le  retrouve,  6c  qui  fe  réjouît  de  l'avoir  retrouvé ,  fignific 
évidemment  la  nature,  qui  durant  l'hiver  eft  couverte  comme  de  deiiil 
durant  l'abfence  du  foleil ,  6c  qui  réprend  une  nouvelle  face  quand  le  fo- 
leil  retourne.  Saturne  qui  dévore  fes  enfans  eft  clairement  un  emblè- 
me du  tems  ,  qui  dévore  6c  qui  confume  ce  qu'il  produit.  Dans  la  fui- 
te de  cet  ouvrage  nous  découvrirons  cent  chofes  de  cette  nature,  que  le 
hazard  alTûrémcnt  n'a  point  faites.  Outre  cela  il  eft  très  conftant  que  fous 
\ç.^  noms  des  divinitez  Payennes  étoit  caché  le  monde  avec  toutes  les 
parties  du  monde.  On  ne  peut  nier  que  fous  Bahal  on  n'adorât  le  foleil, 
que  Neptune  ne  fût  la  mer,  6c que Plutonne  fût  la  partie  foûtcrraine  du 
monde. 

Or  il  eft  fort  apparent  qu'en  adorant  les  parties  du  monde  comme  des 
divinitez,  ils  faifoient  entrer  dans  l'Hiftoire  de  ces  Dieux  toutes  les  vertus, 
6c  les   opérations  du  monde  ,     6c  de  fes  parties,    fous  les  énigmes  de 
In  Epiftois  leur  Théologie.    Porphyre  nous  apprend  que  Cherem&n,  Scribe  6c  Pré- 
La."''  '  tre 


lufeb.  de 
îrsep.  Evang. 
lib.  î.cap.  9, 
&  fequ. 


&  même 
leui  Morale 
fous  des  éni- 
gmes. 

Lib.  j. 
Strom.  p. 
5  S  6.  Edit. 
PsriC 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE  F^r^.III.  413 

ire  Egyptien,  6c  plufieurs  autres  Egyptiens,  ne  reconnoijfoient  dans  les  an- 
tiens  livres  de  lenrs  Théologiens  ^  dî^auîres  Dieux  cjue  les  Planètes  ^  les  SeEiions  Jes 
'Decans  y  &  les  Horofcopes ,  cjmfont  appelleK,les  pmjfans  GoHverneurs  ^  &  dont  les 
noms  font  écrits  dans  les  Almanachs.  Il  reconnoiiîbit  que  ceux  qui  difoient , 
^ue  le  Soleil  et  oit  V  ^ytrchiteile  dn  monde  ^  rapportaient  partie  aux  étoiles^  a  lenrs 
révolutions^  leurs  éloignemensy  leurs  approches  ^partie  a  la  Lune  &  a  Ces  dive/fes  pha^ 
fes  y  partie  au  Soleil  (fj"  a  [on  cours ^  tant  de  jour  c^ue  de  nuit^  partie  au  fleuve  du 
5\(z/,  non  feulement  ce  (}ui  fe  difoit  d"* Ifis  ^  &  d'Ofiris  ,  mats  toutes  leurs  fa~ 
hles  facre'es ,  &  ne  rapportaient  rien  aux  natures  incorporelles  ^  vivantes. 

Enfin  c'étoit  l'eiprit  de  ces  iîeclcs,   de  propofer  leur  Philofophie  d'une 
manière  énigmatique.     Et  les  Anciens  ont  eu  extrêmement  de  la  peine  à 
revenir  de  là.  On  fait  que  les  Pythagoriciens  ne  s'exprimoient  que  par  J^,°"'*  ?^" 
énigmes ,  même  dans  leur  Phiîolophie  morale.     Par  exemple  ils  difoient,  c/ens^^toîic 
I.  Il  ne  faut  pas  attifer  le  feu  avec  l'épée.     2.  Il  ne  faut  point  outrepaf-  ^"'g^a"- 
fer  la  balance.     3,  Il  ne  faut  point  manger  le  cœur.     4.  Une  faut  point  ckmcnt 
s'alîeoir  fur  le  boilTeau.     f .  Il  faut  confondre  les  traces  du  pot  dans  les  ^•«^j^strom. 
cendres.     6.  I)  ne  faut  pas  décharger  les  urines  en  regardant  le  Soleil,  chus  paffin^ 
Pour  dire,  i.  Il  ne  faut  point  refifter  à  la  colère  àt.^  emportez.  2.  Il  faut 
avoir  égard  à  la  juflice  ÔC  à  l'équité.  5.  Il  faut  avoir  foin  de  l'avenir.     4. 
Il  ne  faut  point  vivre  dans  la  parefTe.  f.  Il  ne  faut  point  réveiller  les  tra- 
ces de  la  colère  paflee.     6.  H  ne  faut  pas  méprifer  Dieu.  iVîais  fur  tout 
dans  leur  Philofophie  naturelle,  ilsavoient  unli  grand  amour  pour  l'obf^ 
curité,  qu'ils  ne  parloient  que  par  énigmes.     Ils  appelloient  le  principe  de 
toutes  chofes  l'unité,  l'entendement,  le  ternaire.  Le  Timée  de  Platon,  où 
ce  Philofophe  raifonne  de  l'ame  du  monde,  eft  une  pièce  fi  obicure,  qu'el- 
le paroît  impénétrable.     Ce  Philofophe  eiitout  plem  d'apologues,  de  fa- 
bles &  de  paraboles,  fous  lefquelles  il  cache  fa  morale.  Heraclite  aimoit  fi 
fort  cette  manière  de  dire  les  chofes,  qu'il  en  a  acquis  leiiirnomdefl-KOTfJvô^-, 
ténébreux.    Et  Ariftote,  qui  ne  s'eii  pas  fait  une  néceflité  d'imiter  fes  maî- 
tres, a  pourtant  confervé  ce  caraâere  d'obfcurité,  ce  qui  fait  qu'il  eil  en- 
core aujourd'hui  la  croix  de  fes  Interprètes. 

Une  faut  donc  pas  s'éconner  que  les  Poètes  &les  premiers  Philofoph  es,  Cette  excafé 
ayent  débité  leur  Philofophie  fous  les  fables  de  leurs  Dieux,mais  cela  ne  fuffit  menSuffi- 
pas  pour  jullifier  les  monllres  de  la  Théologie  Payenne.  Car  ^\i  y  a  une  chofe  fante  pour 
où  Ton  puifTe  trouver  du  bon  fens,en  l'apphquant  à  quelqu'une  des  chofes  na  Théologie 
turelles  »  il  y  en  a  cent  où  l'on  ne  trouvera  rien  de  tel.    Par  exemple  je  vou-  p»yennc. 
drois  bien  qu'on  m'allegorisât  tout  ce  que  les  Poètes  ont  dit  des  Généalo- 
gies de  leurs  Dieux  ,  de  leurs  adultères ,  leurs  concubinages,  leurs  fodomies, 
enlevemens  de  filles,  ivrogneries,  infolences,  oc  autres  femblables  chofes." 
Il  faut  voir  quelle  peine  fe  donne  Jamblique  pour  trouver  àç.^  myîîeres  janibnchu» 
dans  l'horrible  cérémonie  de  l'érection  àç.^  PhalJi,  ou  membres  virils, qu;  de  Myflefii» 
ctoient  fi  ordinaires  dans  les  fêtes  des  Payens,  ôc  dans  }q.s  paroles  ob feu- ^''^•^•'^'^*' 
resque  l'on  employoit  dans  le  fervice  des  Dieux.  Ces  membres  virils,  dit- 
il,  fignifioientla  vertu  generative  de  la  divinité  que  l'on  follicitoit,  &  ces 
paroles  fales  fignifioient  la  matière  dcftituée  de  formes.  Outre  cela  cts  la- 
ies cérémonies  étoicnt,  félon  lui,  deilinées  à  donner  de  l'air  à  la  fureur  de 
la  concupifcence,  laquellefeferôit  irritée  &  augmentée,   fi  elle  avoit  été 
toujours  renfermée.  Ainfi,  à  fon conte,  c'étoit  des.médecines  &  des  pur-         '  , 

Fff  3  gâtions  * 


414         H  I  S  T  0 1  R  E   D  E  S   D  O  G  M  E  S 

gâtions  de  l'ame.     Rien  n'eft  plus  abfurde  que  de  telles  Mythologies.    H 
y  a  donc  des  chofes  qui  ont  été  tirées  de  la  nature  &:  de  lés  niyfteres , 
ôc  il  y  a  d'autres  chofes  qui  font  prifes  de  l'Hiftoire des  hommes,  ôc  voici 
l'origine  de  cette  confufion,  c'ell  qu'il  n'y  a  point  de  divinité,  fous  laquelle 
les  Payens  n'ayent  adoré  en  mêmetems,  une  partie  du  monde,  un  corps 
naturel  Se  un  homme.     Par  exemple  le  Bahal  des  Phéniciens,  ôc  le  Ju- 
piter des  Grecs  5c  des  Romains,  étoient  afiûrément  le  Soleil,   mais  il 
efl  certain  que  fous  le  même  nom,  6c  fous  la  même  divinité,  ils. ado- 
soient  un  certain  homme  qui  félon  toutes  les  apparences  étoit  Cham. 
C'ell  pourquoi  dans  la  Théologie  de  ce  Dieu,  Prince  des  autres  Dieux, 
ils  confondoient  les  proprietez  ôc  les  aélions  du  Soleil,  qu'ils  exprimoient 
énigraatiquement ,  avec  les  aventures  d'un  homme  qui  étoit  adoré  fous 
la  même  divinité.     Apollon  étoit  le  Soleil  entre  les  Grecs  :  on  voit  pour- 
tant cet  Aftre  ,qui  naît,  qui  efl  appelle  fils  de  Latone,  qui  paît  les  trou- 
peaux du  Roi  Admete,  qui  devient  amoureux  des  femmes,  qui  couche 
avec  elles,  6c  qui  en  a  des  enfims,  qui  entre  en  lice  avec  Marfias  pour 
la  flûte ,  à  qui  en  jouera  le  mieux ,  6c  qui  fait  cent  aélions  humaines  j  ce- 
la paroit  tout-à-fait  ridicule  j  cela  venoit  de  ce  que  fous  Je  nom  d'Apol- 
lon on  adoroit  quelque  Roi,  à  qui  pareilles  aventures  étoient  arrivées ,  ou 
à  qui  elles  avoient  été  attribuées. 
Dernière         Enfin    pour  juflificr   cette   Théologie  ,    on  dit  que  dans  le  fond 
excufe  pour  les   Paycns    ne  croioient  qu'un  Dieu  ,   6c  que  toutes  ces  différentes  di- 
gie^p!yèn'    vinitcz  n'étoicnt  que  les  attributs   ôc  les  aélions  d'un  feul  ôc  même  Dieuj 
ne.  Les  fa- que  le  vulgaire  concevoit  comme  plufieurs  Dieux,    à  caufe  des  divers 
n^nfcrT  noms  qui  fe  donnoient  à  ce  Dieu  unique,  connu  fous  differens  égards.  Cet- 
qu'un  Dieu,  iq  vcrtu  divinc  répauduë  par  tout ,  dans  le  Ciel  s'appelloit  Jupiter  ,•   dans 
cm"t.  Def   l'air  Junon ,  Neptune  dans  la  mer  ,  Cybelé  fur  la  terre ,   ôc  Pluton  dans 
lib.  4.  cap.     les  entrailles  de  la  terre.     Il  eil  vrai  qu'il  y  a  des  pafTages  extrêmement 
p.'* 603.       beaux  6c  forts  dans  les  auteurs  Payens,  pour  prouver  qu'ils  ne  reconnoif^ 
Edir.  Par.    foient  qu'un  Dieu.  Clément  d'Alexandrie  dans  le  cinquième  de  fcs  Stro- 
vidc'ôcpa-   mates,  rapporte  entr'autres  des  vers  de  Sophocle,  cité  par  Hecateus  Abde- 
reneticon     j.j^g    q^^j  ^  ^^j-jj.  pHifloire  dcs  juifs,  dans  lefquels  l'unité  d'un  Dieu  ell  ex- 
genws.       primée  en  termes  bien  torts.     Voici  comme  on  le  fait  parler. 

X^ertainement  ilrPy  a  qu'un  Dieu,  qui  a  fait  le  ciel  ^  la  terre  ^  lamer  enflée^ 
dr  la  violence  des  vents ,  mais  nom  miferables  mortels ,  nom  égarant  de  cœur , 
nom  avons  fait  des  flatu'ès  des  Dieux^de  pierre  &  d^airain  ^  d'or  ou  dy voire  , 
nous  leur  facrifons  ,  nous  leur  confacrons  des  fêtes,  ^  c^efi  en  cela  que  notts 
ibid.  f at fins  conjtfier  notre  pieté.  Dans  le  même  livre  Clément  cite  un  palTagc 
d'un  Xenophan€  Colophonien,  qui  dit  que  le  fouverain  Dieu  des  hommes^ 
^  des  habit  ans  des  deux  efi  unique  ^  dr  qu'il  n'efi  femblable  aux  hommes^  ni  de 
corps  ni  d'efprit.  C'efl ce Xenophanes  qui  difoit  fi  agréablement, pour  fai- 
re comprendre  aux  hommes  la  faute  qu'ils  font  de  peindre  Dieu  en  figure 
humaine  ^  que  fî  les  bœufs  ^  les  lions  avoient  des  mains  ^  O'  favoient  peindre  ,df 
qu'ils  voulurent  peindre  les  'Dieux  j  ils  leur  donneroient  la  figure  de  Lion,  ou  de 
Sœuf.  L'on  prétend  que  Platon  a  formellement  enteigné  l'unité,  d'un 
Dieu ,  ôc  qu'il  l'avoit  apprife  de  Pythagore ,  qui  appelloit  Dieu  /xova; ,  l'uni- 
té, ôc  vSç,  l'entendement.  ?y thagor Ai  unum  Deum  confit etur  ^  dit  Laélance, 
apVi:°**  ^w».f  ïW(7(?r^(?M/<?«;  fj^  ?»«;/ff»^.  £t  le  même  Laélance  rapporte  cette  dé- 
%  fini- 


ET  DES  CULTES  DE  L'E G L I S E. P^r^. III.  4^^ 

définition  de  la  divinité,  donnée  par  le  même  Pychagore.  Deus  eïl  ammuj  L3.etmt. 
fer  ftniverpis  mundi  fartes  omnémque  mtHram   commems  atqne  dijfnfus^   ^•'^^flf  kf*- 
^Ho  omnia  ejtt<x.  nafcuntur  ànimalia  vitam  capiunt,     U  eft  malaifé  qu'un  hom»  cap.  j. 
me  qui  a  conçu  la  divinité  fous  cette  idée,  n'ait  parfaitement  connu  Ton 
unité.     Et  c'eÛ  aflurément,  de  cette  définition  dont  Virgile  a  voulu  nous 
donner  la  paraphrafe  dans  ces  magnifiques  vers. 

Spirittis  intus  dit  totamque  infufa  per  artus  /Cneid.  tf, 

t^lfens  agitât  molem  ;  &  magno  fe  corpore  mifcet, 
Inde  homiriHmpecudmnque  genm y.vit<x,qHe...>. 

Et  dans  ceux-ci 

Dèumnamque  ire  per  omm$ 
TerraÇque ,  traUufque  maris ,  cdumque  profundum-, 
Hinc  pecades^  arment  a^  viros  ^genm  omne  fer  arum , 
Quemque  fibi  tenues-nafcentem  arcejjere  vitas. 

Ciceron  définit  auffi  la  divinité  à  peu  prés  de  même ,  nec  vero  Deus  ipfe^  qui 
întelltgitur  a  mbis^  alio  modo  intelligi  potefl  nifi  mens  folnta  quidam  ,   &  libéra^  DeConfola- 
figregatA  ab  omni  concretione  mortali,  omnia  fentiens  ^  movens.  Il  eft  impoffi- 
ble  que  ceux  qui  ont  ainfi  conçu  la  divinité  ne  la  conçoivent  pas  unique. 
Car  fi  Dieu  eft  un  efprit  répandu  par  tout,   &  qui  fait  toutes  chofes,   il^'ji^Jg** 
n'y  en  peut  avoir  plufieurs.     Le  to  ov  de  Platon  eft  trop  célèbre  pour  prcepàr. 
être  oubHé:  c'eft  ainfi  qu'il  appelloit  Dieu,  celui  qui  efi^  c'eft  celui  qu'il  "^■^•^*®' 
appelloit  auffi  ^vîypf/-/ yôç.  le  Créateur  du  monde  :  6c  il  n'en  faifoit  qu'un  qui    ..  . 
félon  lui,étoifmaître  de  tous  les  hommes,&:  le  fouverain  de  ceux  qu'il  appelle  menidc ,  *ôc 
Dieux  inférieurs,  qui  ne  font  dans  la  vérité  autre  chofe  que  \ts  Anges.  I"J™^°'.^ 
Quand  il  parle  de  la  divinité,  il  en  parle  prefque  toujours  au  nombre  fin-  deSic, 
gulier  ce  qu'ail  plaira  à  Dieu,  avec  t^aide  de  'Dieu  ^  comme  pourroit  parler  un 
Chrétien.     Eufebe  apporte  plufieurs  preuves  de  ce  fentiment  de  Platon^  ^"'^^-  ^''*' 
Mais  il  n'y  en  a  pas  une  plus  remarquable  que  celle-ci,  c'eft  que  Platon 
écrivant  à  l'un  de  fes  amis  ,  lui  dit ,  quand  nous  écrivons  des  chofes  importan- 
tes nous  commentons  par  un  feul  Dieu^soç  àpx^^j  Quand  la  lettre  n'^efi  pas  im- 
portante nous  la  commentons  par  les  'Dieux.      Certainement  Socrate  le  maître 
de  Platon,  fut  condamné  à  la  mort  pour  avoir  méprifé  les  Dieux  des  Pa- 
yens.       Il  juroit  par  un  bouc ,  par  un  chêne,    6c  par  un  chien,  par- 
ce qu'il  croioit  qu'il  y  avoit  aufii  peu  de  divinité  dans  les  chofes  qu'il  vo- 
yoit  adorer.     Il  n'écoit  pourtant  pas  athée,  6c  l'Oracle  de  Delphes  l'a  re- 
connu pour  le  plus  fage  de  tous  les  hommes.     Cette  connoinance  de  l'u- 
nité d'un  Dieu,  paroïc  encore  plus  grande  dans  les  Platoniciens  des  pre- 
miers fiecles  del'Eglife,  Porphyre,  Proclus,  Jamblichus  6cc.  Maison 
peut  foupçonner  qu'ils  ont  puile  ce  qu'ils  en  ont  dit,  des  livres  des  Chré- 
tiens. On  peut  dire  la  même  chofe  de.Seneque  le  Philofophe,   qu'il  avoit 
appris  une  partie  de  fa  Théologie  6c  de  fa  Morale  des  Chrétiens:  car  il  vi- 
voit  du  tems  de  Néron  6c  de  S.  Paul ,  auquel  tems  les  Chrétiens  étoient  dé- 
jà fort  répandus.  Quoi  qu'il  en  foit ,  il  dit  expreflément ,  que  les  divers  noms 
que  l'on  donne  à  la  divinité ,  font  de  difierens  noms  d'un  même  Dieu ,  Omnia  benefecap.y, 
ejfe  ejafdem  Deinomina  varie  mentis  fia  poteftate,    Maxime  de  Tyr  pafi^eplus  • 

avant  5 


4i6  HISTOIRE  DES  DOGMES 

E  ift  d     avant ,  il  traite  de  fous  ceux  qui  nient  l'unité  d'un  Dieu.  Qui  eft  ajfez.f ourdit' 
Auguft.  H«c  il ^qma?efprh  ajpz,  perdu ^fOHrrevoojtter  endoHteqn'il  n'y  a  qu'un  [enl  Dieu  fm- 
Epiflola       ijeratn  &  magnificjuc  ?  C'efl  celui  duquel  nous  exp/-imoy}s  les  vertus^  répandues  dans 
hodic  hune  tout  l'Vnivers^par  divers  noms.  Mais  ce  Philofophe  Platonicien  eft  plus  modcr- 
Vv^batTub  "^-  ^' ^^  l'undc  ccux  qui  travaiUoicnt  à  jurtifier  la  Religion  Payennc  des  ac- 
coinmodo.  cufations  des  Chrétiens.     On  prétend  que  les  Egyptiens,  entre  lefquels  la 
multitude  des  Dieux  étoit  fort  établie  ,    îk  qui  adoroient  leurs  bœufs, 
leurs  brebis,  Scieur  chats,  ne  reconnoiflbient  pourtant  qu'une  feule  di- 
vinité.    Ils  avoient  une  Idole  appellée  Kneph  ,  de  la  bouche  de  laquelle 
'  Eufeb.  lib.  fortoit  un  œuf,     8c  qu'ils  appelloient  le  grand  Dieu.     ïl  eft  clair  que  cet 
3.  Pixp.      Q£^f  {ignifioit  le  monde,  &  que  ce  que  cet  œuf  fortoir  de  la  bouche  de 
x""cx"or-  ce  Dieu ,  fignifioit  que  Dieu  avoit  créé  toutes  chofes  par  fa  parole  ,&  par 

Anebonem    ^^  ^^""^  ^^  ^^  boUchc. 

Traftatudé  Certainement  ce  que  Plutarque  rapporte  de  Thebes  ville  d'Egypte  eft 
lli  ôcofiti.  remarquable,  que  tous  les  habitans  d' £gypte  payoïevt  un  tribut  ,  qui  leur  étoit 
tmpofe  par  leurs  Prêtres ^pour  faire  la  dépenfe  des  Images  des  animaux  qu'ion  ado- 
rait dans  leurs  Temples  ^  mais  que  les  Thebains  refufoient  de  payer  ce  tribut  ^ par- 
ce  qu'ails  efiimoient  que  rien  de  mortel  n'efi  Dieu  ^  (^  qu"* ils  ne  vouloient  ado- 
rer que  celui  quils  appelloient  Kneph  ^  qui  ne  devait  jamais mourir^comme  Un'' e- 

Plùtarq.ibid.  toit  jamais  né.  L'infcription  de  laMiverve  de  Sais  efl  encore  digne  d'ê- 
tre remarquée.  Elle  avoit  une  ftatuë ,  fur  laquelle  étoit  écrit,  fe  fuis  tout 
ce  qui  a  été ,  tout  ce  qui  efl  ^  &  qui  fera  a  jamais.  Cela  détruit  la  multitu- 
de des  Dieux:  Car  fillisell  tout,  comment  eft-ce  qu'il  y  auroit  d'autres 
Dieux  ?  Enfin  cette  unité  d'un  Dieu  étoit  un  fentiment  fi  naturel ,  & 
fi  gênerai,  que  le  vulgaire  même,  en  parlant  de  la  divinité  ,  s'en  expri- 

Lib  z  de  ^°^''  ^^  fingulicr,  &  non  au  pluriel  ,   comme  l'a  remarqua  Tertullien 

veikate      dans le  Livre  de  Teftimonio  animse,  6c  Laélancequi  dit,  cum jurant  & op- 

B.elig.cag.1.  ^^^^^^  »c«  Deos  ^  fed  Denm  nommant. 

Après  tant  de  preuves,  aufquelles  on  en  pourroit  ajouter  beaucoup  d'au- 
tres ,  l'on  ne  doit  pas  révoquer  en  doute ,  que  les  Payens  n'ayent  connu 
quelque  chofe  de  l'Unité  de  Dieu,  &  cela  fait  extrêmement  à  la  confir- 
mation de  nôtre  Religion.     C'eft  la  vérité  qui  fortoit  &  qui  brilloit  du 
milieu  des  ténèbres.     Mais  cela  ne  fiiit  rien  pour  juftifier  la  Théologie 
du  Paganifme.     Premièrement  c'étoit  la  Théologie  d'un  petit  nombre  de 
Sages,  qui  faifbient  un  meilleur  ufage  de  leur  raifon  que  le  vulgaire.  Se 
qui,  pour  avoir  plus  étudié  la  nature  des  choies,  avoient  compris  l'abfur- 
dité  de  la  pluralité  des  Dieux.    Mais  la  dévotion  des  peuples  de  bonne 
foi, fc  répandoit  fur  toutes  les  faulTes  divinitez  qu'on  leurpropofoit, com- 
me fi  c'euflént  été  de  vrais  Dieux.  Déplus,  puiiqu'ilspolbient  pour  Dieux 
le  monde,  ôc  les  diveries  parties  du  monde,  le  loleil,  la  lune,  la  terre, 
6c  les  élemens,  il  faloit  bien  qu'ils  difient  que  c'étoient  de  différentes  di- 
vinitez: Car  le  (bleil  n'eft  pas  la  lune,  ni  la  lune  n'elt  pas  la  terre.     Or 
les  Platoniciens,  mêmes  les  modernes,  qui  avoient  moins  d'erreurs  ôc  plus 
de  lumière,  à  caufe  de  leur  commtrce  avec  les  Chrétiens,  tenoient  que 
les  corps  celeftes  étoient  des  Dieux.     Cela  paroît  par  cette  queftion  de 
Lib.  deMy  Porphyre  dans  fa  lettre  à  Anebon.     Les  Dieux  &  Us  Démons  fe  difiinguent- 
fieriis  Jam-  Us  par  l'être  corporel^   ^  incorporel?  Car  fî  les  Dieux  n*  ont  pas  de  corps,  comme 
ont  le  foleil ,  la  lune  &  les  autres  habitans  des  deux  vif  blés  ^  fer  ont-tls  des  Dieux? 

Et 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Part.lU.  417 

Et  enfin  ceux-là  même,  qui  ont  enfeigné  l'unité  d'un  Dieu  ne  peuvent 
être  excufcz,  puifqu'au  ibrtir  de  leur  école,  après  avoir  magnifiquement 
difcouru  du  demiourgos  ,  &  du  to  o'vj  s'enalloient  dans  les  l'emples  ado- 
rer la  ftatuë  de  Vulcain  ou  de  Venus..  Et  Socrate,  après  avoir  parlé  fi  di- 
vinement de  l'immortalité  de  l'ame,  avant  que  de  mourir,  conclut  tout  ce 
beau  difcours  par  un  ordre  de  payer  à  Efculape  un  coq,  qu'on  lui  avoit 
promis,  6c  qui  ne  lui  avoit  pas  été  payé,  c'ell  ce  qu'Éurebe,&  Orige- 
ne,  leur  reprochent  quelque  part  fort  à  propos.  Et  le  même  Platon, 
qui  a  dit  dans  Ton  Timée,  des  chofes  fi  grandes  &  fi  belles  de  la,  divini- 
té, nelaifîepasdediredans  le  même  livre,  que  les  aftres  font  animez  ,  que 
ce  font  àf^  Dieux,  ôc  qu'on  les  doit  adorer.  Il  efi:  vrai  que  là-même 
il  enfeigné  que  ce  font  des  Dieux,  naturellement  corruptibles  &  mortels. 
Car  il  introduit  dans  le  même  lieu  le  demiourgos  .^  déclarant  aux  autres 
Dieux,  que  de  leur  nature  ils  font  mortels,  Ôc  qu'ils  ne  demeureront 
immortels,  que  parce  qu'il  le  veut  ainfi.  ^JMIa  volonté ^  dit-il^  eflun  lien 
pins  pnijfant  pour  continuer  vôtre  être,  t^ue  les  principes  dont  vous  avez,  été  corn- 
pofez.^  quand  vous  avez,  été  faits^  ne  font  pm-ffans  pour  vous  faire  cejfer  d''ê- 
Pré. 

Enfin  les  Platoniciens  modernes,  des  trois  premiers  fiecles  dg  l'Eglile, 
Porphyre,  Jamblichus,  Proclus,  &c.  qui  dévoient  plus  connoître  l'unité 
d'un  Dieu  que  les  autres,  parlent  pourtant  prefque  toujours  au  pluriel  des 
Dieux ,  &  rarement  d'un  Dieu  ;  c'efi;  ce  qu'on  peut  voir  dans  l'ouvrage 
de  Jamblique  de  Mjfteriis  ^  oiï  fe  trouve  aufli  la  lettre  de  Porphyre  à  Ane- 
bon.  Et  même  il  y  avoit  des  Philofophes  ,  qui  croioient  que  cz^  Dé- 
mons ou  Dieux  inférieurs,  étoient  demeurez  mortels.  On  peut  voir  là- 
deflus  le  traité  de  Plutarque  de  Defe^iu  oraculorum ,  oii  l'on  trouve  entr'au- 
tres  la  fameufe  Hiftoire  de  ce  Pilote  Egyptien,  qui  pafiant  le  long  des  cô- 
tes d'Italie,  fut  appelle  par  fon  nom  du  milieu  des  îles ,  ÔC  la  voix  lui 
cria  que  le  grand  Pan  étoit  mort,  &  qu'il  en  allât  apprendre  les  nouvel- 
les à  Rome ,  c'étoit  du  tems  de  Tibère.  Et  Proclus  dans  le  cinquième 
livre  fur  le  Timée,  foûtient  que  les  Dieux  mondains  font  tous  mortels  , 
ÔC  immortels,  félon  Platon^  c'eft-à  dire,  mortels  deleur  nature,  immor- 
tels feulement  par  faveur. 

Mais  c'eft  afïéz  de  ces  confiderations ,  parce  que  nous  n'avons  pas  dt(- 
fein  de  combattre  la  Théologie  Payenne,nous  enfaifons  feulement l'Hif- 
toire,  ce  n'eil  pas  la  matière  d'un  traité  qui  tient  lieu  de  Préface  ,  car 
on  encorapoferoit  un  gros  volume,  &  il  y  en  a  déjà  de  tout  compofez, 
où  on  lit  i'HiftoJre,lanaifiance,  les  faits  &  les  aétions,  de  tous  les  Dieux 
du  Paganifmf  ,  6c outre  cela,  leur  culte,  &  lesfervices,  parlefquels  on 
les  adoroit.  Il  nousfnfiîra  de  dire  ici  quelque  chofede  ces  differens  Dieux, 
en  les  rangeant  en  diverfes  clafles. 


^m.  m.  -  .  Ggg  CHA- 


4.t8 


HISTOIRE   DES  DOGMES 


CHAPITRE     IV. 


ïncroysble 
nombre  de 
Dieux  entie 
les  Pjyens. 

In  Pfotre- 
pticoad  gén- 
ies. 


L 


Lqs  Vieux  des  Payens  âivijez  en  diverfes  Clajfes. 

E  nombre  des  divinitez  Pavcnnes  étoit  prodigieux ,  c'eft  pourquoi 
il  cil    '  " '  " 


Divifion  en 
Dieux  na- 
turels, & 
Dieux  ani- 
maux.. 
In  tertium 
iEncidos. 


difficile  de  les  réduire  en  certaines  ClaiTes.  On  dit  que  Var- 
ron  en  a  contelîe trente  raille.  Clément  d'Alexandrie  les  réduit  à 
lépt  Clafles.  La  première  eft  celle  des  Aftres.  La  deuziéme  des  fruits, 
comme  Cerés  &  Fomone ,  Bacchus ,  Priape.  La  troifiéme  des  peines,  com- 
me font  les  Furies.  La  quatrième  des  Pallions  ,  comme  font  l'Amour  , 
&  la  Pudeur.  La  cinquième  des  Vertus  ,  comme  font  la  Concorde,  la 
Paix.  La  fixiémeed  de  ceux  qu'ils  ont  appeliez ,  Z)/V  majorant gentinm,  Tfils 
étoient Jupiter,  Mars,  Junon.  La  feptiéme  étoit  des  bienfaits  de  Dieu 
q.i'ils  canonifoient  j  la  vertu  Médicinale  étoit  deïfiée  fous  le  nom  d'Efcula- 
pe  ,   les  Sauveurs  fous  ceux  de  Caftor  &  de  Pollux. 

11  n'y  a  pas  de  divifîon  plus  commode  &  plus  générale ,  que  celle  par 
laquelle  on  divife  les  Dieux  du  Paganifme,  en  Dieux  animaux  ,  &  en 
Dieux  naturels,  Dit  animales  ,  &  Dii  natmales.   On  en  trouve  l'origine 
dans  Servius,  qui  rapporte  les  paroles  de  Labeo.     Labeoin  Librisqm  ap- 
pellamur  de  T)tts  quihus  origo  animalis  eft^  ait  ejfe  cjH&àâm  facra^  quibus  awma 
humana,  vertuntur  in  Dees  ,    <jHi  appeiiantar  animales^  qmdde  animis  fanî. 
Les  Dieux  animaux  ce  font  donc  les  hommes  deïfiez.  Et  les  Dieux  natu- 
rels, ce  font  les  parties  de  la  nature  ,    les  aftres,  les  élemens,  les  monta- 
gnes ,  les  fleuves  5&  autres  chofes  fembiables  ,  dont  on  a  fait  des  Dieux, 
.11  faut  remarquer  pour  l'intelligence  de  nôtre  Hiftoire,  qu'il  n'y  a  point 
de  divinité   Pay enne,  fous  laquelle  ne  foient  cachées  ces  deuxefpeccsde 
Dieux,  Dieux  naturels  ÔC  Dieux  animaux,  c'eft:-à-dire,  qu'il  n'y  a  point 
de  nom  de  fauX'  Dieu ,  qui  ne  fignifie  ou  un  ailre  ou  un  élément ,  &  eo 
même  tems  quelque  homme,  qui   a  été  mis  au  nombre  des  Dieux.     Les 
Payens,  comme  nous   l'avons  déjà  remarqué,  ont  confondu  l' Hiftoire 
de   la   nature  avec  celle  des  hommes  ,   c'eft  une  vérité  que  l'on  ne  fau- 
roit  révoquer  en  doute,  pour  peu  qu'on  ait  étudié  cette  matière  avec  at- 
tention. C'eft  pourquoi  dans  toute  la  fuite  de  nôtre  ouvrage ,  nous  ob- 
ferverons   cet   ordre,   c'eft    que   nous   rapporterons   tout  ce  que  l'E- 
criture Sainte  dit  de  la  divinité  ,  dont   on  aura  à  traiter.     Enfuite  nous 
chercherons  quelle  divinité  Grecque  &  Romaine,  eft  cachée  fous  le  nom 
du  Dieu  Phénicien  ,    Cananéen  ou  Syrien.    Enfuppofant  aufîî  ce  princi- 
pe très  certain,  c'eft  que  la  Religion  eft  venue  du  même  pais,  d'où  font 
venus  les  hommes  ,  que  les  Dieux  des  Payens  de  l'Occident,  ne  font  pas 
autres  que  ceux  de  l'Orient.  Et  après  cela  nous  chercherons  quels  font  Içs 
Dieux  naturels,  ou  quelles  parties  du  monde  on  a  adorez  fous  ces  noms,  6c 
enfin  nous  verrons  quels  Dieux  animaux,  ou  quels  hommes,  on  a  joint  aux 
Dieux  naturels,  pour  les  adorer  fous  le  même  nom.  Sur  cela  il  faut  obfer- 

ver, 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Tart.lU.  419 

ver,  que  le  premier  de  tous  les  Dieux  naturels,  c'efl  le  Soleil,  &  qu'il  eit  ^ 

caché  prefque  Tous  tous  les  noms  des  Dieux.    Macrobe  dans  le  premier  Macrob.  1 1. 
livre  de  fes  Saturnales,  a  entrepris  de  le  prouver  il  y  a  long-tems.  Il  croit  ^^t"^"^^^^^' 
qu'Apollon,  Jupiter,  Bacchus,  Mars,  Mercure  ,    Efculape,  Hercule, 
Ifis  &  Serapis,  Adonis,  Atis,   Ofiris,  Horus,  Nemelis,  ôcTAdaddes 
Afîyriens,  font  le  Soleil.  Bien  qu'il  y  ait  dans  Tes  conje6lures  beaucoup  de 
chofes  faufles,  cependant  il  y  a  beaucoup  de  veritez,  &  de  recherches  très 
curieufes.     Entre  les  Modernes  ,   il  y  en  a  beaucoup  qui  ont  travaillé  à  videVof"- 
cela,  c'eft-à-dire,  à  faire  voir  que  la  plupart  des  divinitez  Payennés,  Te  lôîaTrfaVb.ï 
rapportent  aCi  Soleil.     Au  moins  eft-il  certain  que  le  Soleil,  la  Lune,  la 
Terre,  &  la  nature  en  gênerai,  ibnt  les  principales  chofes,  qui  font  cachées 
fous  les  Dieux  naturels  des  Payens.   Pour  ce  qui  eil  des  Dieux  animaux , 
il  eft  codifiant  de  l'aveu  même  des  favans  Payens ,  que  fous  les  noms  des 
divinitez  Payennés,  font  cachez  des  hommes.  Ciceron  n'en  fait  point  de 
myflere.  Dans  le  2«.  Livre  de  la  Nature  4es  Dieux,  il  nous  fait  l'énumeration 
de  plufieurs  divinitez ,  &  parlant  en  Tfieologien ,  &  non  plus  en  Poète , 
il  nous  en  fait  la  généalogie,  ôcreconnoît  qu'ils  ont  été  des  hommes.  Dans 
le  premier  Livre  des  Tufculanes  il'confeffe  de  même,  que  les  Dieux  Souve- 
rains 6c  du  premier  ordre,  ont  été  des  hommes.   Hérodote  ne  difîimule  Herodot. 
point,  que  les  Grecs  avoientpris  leurs  Dieux  d'entre  les  hommes.  Les  Fer- ^'^  ^^^°'' 
fes  ^  dit- il,  n'ont  ni  fiatuésj  ni  temples.^  ni  antels ,  (^  croient  c^ae  c'^efi  une  folie 
d'en  bâtir',  la  raifon  eji  ,  comme  je  crois^  ^^^jls  ne  font  pas  dans  le  fentiment  des 
Çrecs ,  lefcjuels  efliment  que  les  Dieux  ont  tire'  leur  origine  des  hommes.    Mais 
alfûrément  les  Grecs  ne  font  pas  les  premiers  Auteurs  de  cette  folie  j 
cela  leur  efl  venu  d'Orient ,   &  l'on  ne  peut  pas  douter  que  les  Patriar- 
ches ,   &  les  anciennes  tiges  du  monde,  n'ayent  été  adorées  par  leurs  dé- 
cendans,  fous  les  mêmes  noms  que  les  Dieux  de  la  nature.  Adam ,  Eve, 
Noé,  Sem,  Cham,6cjaphet,  font  les  hommes  dont  on  a  fait  des  idoles. 
Un  favant  homme  de  ce  fïecle,  a  voulu  trouver  Moïie  dans  toutes  les  di-  «"«t  dc- 
vinitez  Payennés.     Mais  j'ai  peine  à  croire  que  les  Savans  puiilènt  goûter  Ev'^angèiica, 
cette  partie  de  fofi  ouvrage.  Elle  eft  pleine  d'une  grande  litteratu*l-e ,  mais 
l'érudition  y  eft  ranuffée  fans  choix,  ôc  avec  peu  de  jugement.  Il  eft  donc 
plus  fur  de  ne  fe  pas  tant  reflerrer  ,   ôc  de  chercher  dans  les  divinitez 
Payennés,  les  principaux  Patriarches ,   &  l'on  ne  manquera  pas  de  les  y 
trouver.   Selon  cette  méthode  ,  nous  trouverons  fous  le  Molok  des  Phé- 
niciens, qui  eft  le  Saturne  des  Grecs  &  des  Romains  ,  nous  y  trouve- 
rons, dis-je,  le  Soleil  pour  Dieu  naturel,  Noé  pour  Dieu  animal.  C'eft  la 
méthode  que  nous  fuivrons  par  tout,  mais  il  eft  bon  de  donner  ici  les  di- 
vifions  principales,  &de  parler  des  différentes  claflés,  fous  Jefquelles  les 
Grecs  &  les  Romains  ont  rangé  leurs  Dieux  j  parce  que  dans  la  fuite  en 
parlant  des  Dieux  des  Cananéens,  &  des  Syriens,  &  y  cherchant  deflbus   '    ' 
les  Dieux  des  Grecs  &  des  Romains ,  il  ne  fe  pourra  pas  faire,  qu'on  ne 
parle  fouvent  de  ces  divers  ordres  de  Dieux  Grecs  &;  Romains.     Il  en 
faut  favoir  quelque  chofe. 

Les  Philofophes,  &  les  maîtres  des  grands  myfteres  de  la  Théologie 
Payenne,  divifoient  autrefois  les  Dieux  autrement  que  les  Poètes  &  les 
Prêtres,    Jamblique  Philofophe  Platonicien,  favant  dans  cette  efpece  de  J^mfciicb.de 
magie,  qu'ils  appelloient  Theurgie,  fait  huit  ordres  de  Dieux.  Dans  lèpre-  ^Jj  ""^ 

Ggg  z  mier"p. I.&2. 


420  HISTOIREDESDOGMES 

Divifiondesmier  il  metrolc  les  grands  Dieux ,  qui  font  invifibles  ,  6c  qui  font  par  tour  > 
faShqueT <J^"s  ^^  deuxième  les  Archanges  ,   dans  le  troifiéme  les  Anges,  dans  le 
&ics  piâto-  quatrième  les  Démons.  Dans  le  cinquième  les  Archontes  Majeurs  ,    c'c- 
deincs.'""'  toient  ceux  qui  préfidoient  fur  le  monde  fublunaire  ,  ôc  fur  les  Elemens. 
Dans  le  fixiéme  les  Archontes  Mineurs,  qui  préfidoient  fur  la  matière. 
Dans  le  feptiéme  les  Héros,  oc  dans  le  dernier  les  Ames.    Mercure  Trif- 
megifte  divifoic  les  Dieux  en  trois  Claflcs,  les  premiers  s'appelloient  cc- 
Jinibiiq.  deiefj-es  f^yp^iv/o/,  dont  il  avoit  compofé  mille  volumes,  les  Dieux  empyrées 
Sea.scap.j.  iy.iivptoi  ,  fur  lefqucls  il  avoit  écrit  cent  volumes, ôc  les  Dieux  ii6epiOi,Êthe- 
Aicib'-V"    ^"^^%  ^Lir  lefquels  il  avoit  écrit  aufii  cent  volumes.  Les  Pktoniens  divifoient 
piatonis."  *  leurs  Dieux, ou  leurs  Démons,  en  à'uAo/,  &  ÙA«rû<,ii?"jmateiiels  ôc  matériels, 
J'^'^jJ.^'^'^^'*.^  en  t-yxc(7/x/ j/ &  Ù7f pHoV/o(.iOi  ,  mondains  &  lupramondains,  ce  font  ceux  qui 
sea.  3.  cap"  font  dans  le  monde  ,  &  qui  préfident  fur  chacune  de  les  parties.     Ils  d'i- 
4-  &.  .  .    foient  que  ces  Dieux  étoient  fujets  à  la  dellinée  -,.   &  même  il  y  en  avoit 
d'entre  ces  Dieux  matériels,  de  fi  cralTes  ôc  de  il  brutes ,  que  les  hommes 
jambiich.    les  menaçolcnt  ,   ôc  les  traitoient  comme  leurs  inférieurs.    Jamblique  les 
8.^7.^"'    i^ppelle  av.pi'Koi^à'kôyiçQt.  Ils  avoient  tiré  cette  Théologie  desChaldéens,.  ôc 
Idem  ibid.    dcs  oraclcs  appeliez  Chaldaïques,  qu'on  attribuoit  à  Zoroaftre.  Cette  Theo- 
&  j'    *       logie  Chaldaïque  raifonnoit  ainfi  des  Dieux.    Les  Cha/d/ens  pofoient  un  fenl 
ifeiius  in     ^  uniijHe  Principe  de  toutes  chofes,  <jMi  eji  bon ,  puis  ils  adoraient  une  certaine  fra^ 
Chaldaïca.   fondeur  paternelle  ^compofée  de  trois  Trinitezi^  &  chaque  Tnnite'  ayant  le  père,  la 
ftiijfance  &  l'^ entendement.      (tAprés  cela  vient  Piunx  comprehenfible  a  ^entende.' 
ment ,  a  celle-là  immédiatement  font  joints  les  'l\e5ieurs  du  monde  ,   Cigne'e,  Pe'- 
therien,  &  le  matériel-^  puis  viennent  les  ReUeurs  ou  Princes  des  Cérémonies^  c^efi' 
a- dire  ceux  qui  préfident  fur  les  Cérémonies  Atagiques ,  &  qui  peuvent  être  e'va- 
qucz,  par  la  Theurgie.     A  ceux-là  fuccedoient  les  Pères  des  fontaines  eternellesy 
qu''on  appelle  conducteurs  du  monde  ^defquels  le  premier  a  été  une  fois  nommé.  Après, 
lui  vient  Hecaîé ,  puis  celui  que  nota  avons  nommé  deux  fois.     zy4prés  viennent 
trois  implacables ,   0"  le  dernier  appelle  vTre^ayoç ,  fuccm5lor.  Ils  adorent  aujfi  une 
Trinité  de  fources,^  la  foi ,  la  vérité  ^  &  Pamour.   Ils  pofent  aujji  le  Soleil  pour  F  Em- 
pereur Archi:ingeliqHe  ,  forti  d.e  la  four  ce  de  la  mature  ,    i^  'qui  efl  lut  -  même  la 
fource  du  fentiment ,  du  jugement^  des  foudres^  des  miroirs  ,    dr  des  caraUeres  y 
toujours  occupée  fur  des  fymboles  inconnus  5cc.     Ils  ont  auffi  des  Dieux  qit^ils  ap" 
fellsnt  c/Xcûvoi-)  qui  n'ont  point  de  Zones.,  ou  de  ceintures  6cc.  les.  Dieux  ut^cùvotfont 
Serapis ,   Diomfus .,  &  la  chaire  d'^Gfifis  &  d'Apollon.      Ils  font  appeliez.  Dieux 
fans  Zones  ,  parce  qu'ils  ufent  librement  de  leur  pouvoir  dans  les  Zones  ,  &  font 
placez,  au  dejfm  des  Dieux  vtfibles  ,  comme  font  le  Soleil,  &  la  Lune,  aucoiu 
Ce  font  les  traire  tlj  a  des  T>ieux  ^mzTot^  qui  font  attachez,  aux  Zones  du  Ciel^  roulant  libre- 
marcha"nt  à  f'^^'nt  amour  de  ces  Zones  y  ils  ont  la  charge  de  gouverner  le  monde.      Car  Us 
h  fuite  de    Chaldésns  ont  une  efpece  de  Dieux  appeliez,  ^(wvmoiy.  qui  habitent  dans  les  parties  du 
Dka^Cela   monde  fenfbk.^  ■&  qui  font  attachez,  aux  parties  de  U  matière  qui  leur  font  échues 
s'appelle      en  partage.     L'on  voit  dans  ces  énigmes  les  Dieux  des  Platoniciens  j  mais 
(Tmk'^     on  y  voit  aufîi  la  Théologie  des  premiers  hérétiques ,  Valenriniens,  Gnofti- 
la  chdne    ques,  &  même  des  Manichéens.    On  voit  là-dedans  des  traces  bien  {zW" 
Dî'e" '^voi  ^^^^^  ^^^  TËones  des  Valentiniens ,.  dont  ils  compofoient  une  Théologie 
Jumbiique.  impénétrable  &  abfurde.  Manés  é.toit  Perfe  ,   Se  les  anciens  nous  diient, 
qu'il  avoit  puifé  fa  Théologie  dans  les  livres  attribuez  à  Zoroaftre.     En 
effet  ce  que  difoit  cet  héretiqLie  de  zt5  deux  principes,  l'un  du  bien  ,  Se 

L'autre 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Part.UL  421 

l'aucie  du  mal,  a  un  très  grand  rapport  avec  l'Oromafes  ,  &  l'Arimanius 
de  Zoroaftre,  dont  le  premier  étoit  le  principe  du  bien  ,  &  le  fécond  le 
principe  du  mal.  Et  cette  Théologie  n'ctoitpas  feulement  celle  des  Chal- 
déens  ,  c'étoit  celle  des  Grecs,  d'Empedocle,  d'Heraclite,  de  Pytha- 
gore  éc    de   Platon  ,    comme   on   le   peut  voir  prouvé  dans  Plutar- riut»r<î. 

Il  nous  eft  moins  important  de  favoir  quels  étoient  les  Dieux  Orien-  d'ofuis. 
taux,  ôc  leurs  divers  ordres,  félon  cette  Théologie  myftique,  parce  que  nous 
faifons  proprement  l'Hiftoire  de  la  Théologie,  ôc  de  la  Religion  des  Oc- 
cidentaux, qui  n'entroient  gueres  dans  ces  myfleres.  C'ert  pourquoi  nous 
nous  contenterons  de  voir  brièvement,  fous  quelles  clafles  les  Grecs  ôc  les 
Romains  rangeoient  leurs  Dieux. 

Il  y  a  une  divifion  fort  célèbre  des  Dieux,  en  Dieux  A:fajorum  gentmm  j'^'^^^^o- 
&  Mworum  gentifim  ^  qu'on  a  tirée  de  la  première  des  Tufculanes  de  Ci-  dumf^^' 
ceron,  Jï  ver  0  fer  ut  art  vettra  ,  ^  ex  his  ea  quA  ScriptoresÇrdcia,  prodiderunt  ^ 
efnere  eoner ,  ipfi  illi  qui  Majorum  gentium  Dit  habentur ,  hmc  a  nobis  profeSi 
in  Cœbim  reperientur.  Les  Dieux  Majorum  gentium^  font  donc  les  Dieux  an- 
ciens,fortis  des  vieilles  tiges,  reconnus  pour  Dieux  par  touty  &  fur  tout  entre 
les  Grecs  6c  les  Romains  :  les  Dieux  Mmorum  gentium^  font  ceux  qui  ont  été 
ajoutez  &  aflbciez  aux  anciens»Dieux ,  oc  ces  Dieux  font  particuliers  à  cer- 
tain peuple,  tel  était  le  Quirinus  des  Romains,. le  SemoSancus  des  Tof- 
cans.  Ciceron  a  divifé  ainfi  les  Dieux  par  allufion  à  ce  que  Et  Tarquin 
l'Ancien,  cinquième  Roi  de  Rome.  Au  corps  des  anciens  Sénateurs 
il  en  ajouta  cent  autres ,  les  anciens  Sénateurs  s'appelloient  Patres  Ma- 
jorum gentium  ^  &  les  nouveaux  Patres  Mtnorum  gentium. 

Les  grands  Dieux  portoient  divers  noms.    Ils  s'appelloient  Dii  confentes  dh  confeur 
&  Dii  eleBi.    Mais  les  Dieux  clefti  étoient  en  plus  grand  nombre  que  les  "iVa?'^ 
cotifentes.    Car  tous  les  confentes  étoient  bien  deïli  ;  mais  tous  les  ele^i  n'é- 
toient  pas  confentes.   Il  y  avoit  il.  Dieux  appeliez  confentes^  compris  dans 
ces  deux  vers  d'Ennius» 

funo ,  Vejïa ,  Minerva  ,  Ceres ,  Diana ,  Fenus ,  Âfars ,, 

Mercurius ,  fovis ,  Neptunus ,  Fulcanus ,  yipollo. 

On  les-  appciîoit  confentes  ,    quaft   confentientes  ,    c'étoient  les  con(eilJers  Vàrro  nb.  t. 
&  aiTefléurs  de  [upiter,  quos  dicunt  m  confilium  fovis  adhiberi.   Les  Tofcans  **^^^^"^'*^^' 
les  appelloient  aufiî,  Dit  complices.^  félon  le  témoignage  d' Arnobe,  qui  don-  Augufl.  ).4, 
ne  une  autre  raifon  pour  laquelle  on  les  appelloit  confentes,  c'eil  qu'ils  fe  cfjirbd 
lèvent  6c  fe  couchent  enfemble.     Hos  conjèntes  &  complices  Etrufci  aium  #  Arnoi>ius  ' 
nommant ,  qtiod  una  oriantur  &  occidant  y  fex  mares  &  totidtm  fœminas  nomi-  ge^,"s"* 
nibii6^  ignotis  ,    &  miferationis  parcijfimdi  ,  fed  eos  fîirsmi  'fovis  confliarios  ,.   ç^r  Lib.  3. 
Principes  exîjl'imari.  Arnobe  dans  un  autre  lieu  les  appelle  trow/frf^Vfj.  Sed^"^-  '^^' 
Deos  coîjferentes pari  modo  &  diffmulatione  taceamus.  Leurs  itatuës  dorées,  Lib.  j. 
étoient  ibr  la  grande  place  appellée  Forpim  Romanum  ,.  où  fe  tenoient  les  ^  ^^^" 
grandes  aflemblées  du- peuple  ,  &  011  l'on  rendoit  les  jugemens.     Ce  fut 
à  i'iraiîation  de  ce  confeU  des  Dieux,  ou'Auguile  fit  en  fecret  ce  célèbre  fou- 
per,  qui  s'appella  Ccena  da^sud^scg  ^  le  fouper  des  douze  Dieux  ,    dont  on 
lui  ht  une  fi  grande  affaire.  Augufie  choifit  douze  perfcnnes,  fix hommes, 


4iî  HISTOIRE  DES   DOGMES 

Sueton.  1.2.  5c  fix  femmes,  qui  repréfentoient  par  leurs  ornemens  fix  Dieux  ,   6c  flx 
tap.  7.         Décfles,  èc  lui-même  y  étoit  fous  le  perfonnage  d'Apollon.  A  ces  douze 
Dieux  Coyifentes^  ils  en  avoient  ajouté  huit  autres,  qui  faifoient  en  tout  2,0. 
Dieux  SeleUi.  Ces  Dieux  ajoutez  éroient  Janus,  le  Génie, le  Soleil, l'En- 
fer, Bacchus,  la  Terre,  la" Lune,  &  Saturne:  La  Terre  &  la  Lune  paf- 
foient  pour  Déell es,  jointes  avec  les  Hx  premières.     C'étoit  en  tout  huit 
Déciles  6c  douze  Dieux ,  &  c'étoient  les  Dieux  que  Ciceron  appelloit  Ma- 
joYum  gentinm. 
DiiSamo-         Il  y  avoit  d'autrcs  Dieux  qui  s'appelloient  DU  Samothraces  ^  &  Cabbiri. 
Cabbiti'.  ^   ïls  étoient  du  nombre  dts  Confentes^  mais  tous  les  Confentes^  n'étoient  pas 
Lib.  4.  de     Dicux  Samothraces.  Varron  dit  que  c'étoient  le  Ciel  6c  la  Terre,  Terra  & 
tina^"^^^'    Cœlum^uî  Samothracum  tnttis  docent ,  funt  Dit  magni ^  &  hi  c^uos  dixi  multit 
nominibus  :    Nam  necjHe  quM  ante  portas  fiât uit  daas  fpeciei  aheneoi  Dei  magni  ^ 
■N    neque^  ut  vulgw  putat  ,    ht  Samothraces  DU  ,    cjui  Cajior  ,   &  Pollftx ,  fed  hi 
mas  &  fœminajô"  hi  quos  Augurum  libn  fcrtptos  habent  fic^  Divi  Potes^  ô'fant 
pro  tllis  qui  in  Samothrace  (^soi  ^vvaroi.  Dans  l'opinion  du  vulgaire  les  Dieux 
Samothraccs,c'étoient  Caftor  ôc  Pollux,  mais  félon  Varron,  c'étoient  le  Cieî 
ôc  la  Terre,  deux  divinitez,  l'une  mâle  6c  l'autre  femelle,  que  les  Augures 
Lib.  î.  Sa-    appclloient  les  Puijfam  Dieux.  Mais  Macrobe  prétend  que  ces  Dîvi  Potes 
turn.  cap.4.  ^çg  Augures,  appeliez  aufii  Cabïres,  étoient  Jupiter,  Junon  ôc  Minerve. 
In  primo      D'autrcs  en  font  quatre,  &  les  nomment  Cerés,  Proferpinc ,  Pluton  &  Mer- 
corum^""'  cure.  Voici  ce  qu'en  dit  le  Scholiafte  d'Apollonius.   On  appelle  Cabires  j 
Apoiio-       les  Dieux  de  la  Samothrace,  dont  Mnafias  a  donné  les  noms,  il  y  en  a  qua- 
Ludov.  vi-    tre ,  AxieruSj  Axiokerfa,  Axiokerft^s.  Axterus^  c^efl  Cerés ,  Axiokerfa,  c^efi  Pro- 
vem  in  Au-  Çerpine ,  Axiokerfus ,  ç'efl  Plnton  j  &a  ces  trois  on  en  a  ajouté  un  cjaatriéme  pom 
de  civit."     Minifire ,  c'^efi  Mercure  appelle  Kafmiltis ,  comme  le  rapporte  Dionyfodore.  Mais 
Dei  cap.  28.  ^i^g^iion  eflime^  que  ces  Dieux  Samothraces  font  fajïon  &  Dardanus  ^  Enfansde 
Jupiter  &  d^Eletira ,  (^  on  ejHme  qu'ils  font  appeliez.  Cabires^  des  montagnes  de 
Phrjgie^  qui  portent  ce  nom  j  par  ce  qu'ion  les  avoit  tranfporiez,  de  la.  M.ais  d'autres 
di[ent  qu'il  nj  a  que  deux  Cabires^  le  Premier  ou  r  Ancien^  c'^efi  fupiter^  le  feUne 
ç'efl  Bacchus^  ou  Dtonyjïus. 

Cette  diverfité  de  fentimens,  nous  aprend  que  les  Prêtres  faifoient  un 

myftere,  des  noms  de  ces  Dieux  Samothraces,  ôc  qu'on  les  tenoit  cachez 

Lrb.j.  Adv.  fous  le  fcau  du  fecret.  En  effet  Arnobe  dit  qu'on  ignoroit  leurs  noms,  & 

Gent.p.iaj.  pj-ouvc  par  là  qu'il  étoit  impoiîible  de  les  bien  invoquer,/  Curetas  pro  La- 

ribus  invocavero^  quos  îndïgetes  Samothracios  pars  veflrorum  ajfeverat ,  qpiemadrtto~ 

dum  his  potero  auxtliatoribus  &  propittis  uti^  cum  neque  his  fua^  &  aliéna  tllis ^  im- 

pofuero  nomina.  Il  y  a  encore  une  autre  opinion,  qui  confond  les  C<«^/rfj  avec 

les  Curetés,  ou  Creteins.  Les  Curetés  étoient  ceux  qui  avoient  nourri  Jupiter 

dans  l'Ile  de  Crète,  ôc  l'avoient  fauve  de  la  fureur  de  fon  père  Saturne,  qui 

mangeoit  fes  Enfans,  ce  qui  fait  voir  d'autant  plus  que  leur  nomeft  igno- 

Juniusin     ^é.  Et  c'^H  cc  qui  a  donné  lieu  àjunius  de  dériver  le  nom  de  Samothrace, 

Tm     d"  ^^  l'Hébreu  nno  fathar,  cacher ,  d'oii  il  a  fait  Samethar,  par  l'interpofîtjon 

speaac.c.  s.  d-un  0.  Mais  il  y  a  plus  d'apparence  que  ces  Dieux  avoient  tiré  leur  nom 

de  l'Ile  de  Samos,  qui  dans  la  fuite  prit  le  nom  de  Samothrace. 

virg.  7.  Thréiciamque  Samon ,  quA  nunc  Samothracia  fertur. 

Car  l'Ile  de  Samos  avoir  été  fameufe  par  ^ts  dévotions  ,  comme  il  pa- 

roît 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  PartAU.4,2^ 

roît  par  ce  partage  d'Hérodote.  Les  Çrecsn'avoient  pas  emprunte  des  Egyptiens  ^^^•''■•^^ 
U coutume  de  repréfenter  Mercure^  cum  pudendo  ereâro,  mais  des  Pelufgiens^  p  ^^f^ 
(^  de  tous  Us  Çrecs.      Les  Athéniens  tirèrent  cela  des  Pelafgiens^  ^  les  autres  Grecs 
te  prirent  des  Athéniens.     Car  les  Telafgiens  habitertnt  avec  les  Athéniens ,  ejui 
alors  étaient  reputez.  Grecs.       C'eft  pourquoi  les  Pelafgiens  commencèrent  aujfi  à 
être  conjiderez.  comme  Grecs.   Ceux  qui  [ont  initiez^aux  myfteres  des  Cabires  ^que 
les  Samothraces  célèbrent ,  les  ayant  pris  des  Telajgiens ,  entendent  bien  ce  que  je 
veux  dire  ,  car  autrefois  les  T^&lafgiens  avaient  habite'  la  Samothrace ,  &  ce  fut 
d'eux  que  les  Samothraces  prirent  les  Orgies ^ou  lesmyfleres.     C'eft-à-dire,  que 
les  Samothraces  avoienc  pris  leur  Religion  des  Pelafgiens ,  &  que  les  Sa- 
mothraces l'ayant  communiquée  à  d'autres,  ceux  qui  avoient  emporté  ces 
Dieux  de  Samos,  leur  avoientlaifle  le  nom  de  Dieux  Samothraces.     Ce- 
partage  d'Hérodote  nous  apprend  aurti ,  que  les  Cabires  ôc  les  Dieux  Sa- 
mothraces  étoient  les  mêmes.     Nos  Savans  croient  avec  aflez  de  vrai- 
femblance,  que  le  nom  de  Cabires ^xcnl  de  l'Hébreu  Cabbir  n^as ,  6c  Cabbinm, 
qui  CigniRe grand j  parce  que  c'étoient  les  grands  Dieux.    Il  y  a  apparen- 
ce qu'Enée  avoit  apporté  cette  Religion  en  Italie,  6cque  les  Troyens, 
voifinsdePi^rchipel,  i'avoient  eue  de  l'Ifle  de  Samos,  l'une  des  Mes  de 
cet  Archipel  fur  la  côte  de  l'Afie.     Strabon   rapporte  divers  fentimens  strab.iib.m 
touchant  les  Dieux  Cabires    &  Samothraces.     Il  dit  ,  que  quelques-uns  ^ 
les  conf ondoient  avec  les  Corybantes  ^  O"  fdifoient   ces  Corybantes  certains  Dé' 
mons^  fils  de   Minerve    &   du   Soleil.      D'' autres  Us  faifotent  fils  de    S'atur^ 
ne  ^  d'autres  fis  de  Jupiter    &  de  Calliopé.     Les  Corybantes  appeliez.  Cabires^ 
s'en  allèrent    en    Samothrace^   qui   s'appelloit   auparavant  Melita  ^  &  y    injli- 
tuerent  leurs  Myfleres.     IJn   autre  <îyiuteur ,  appelle  Siphus,  dit  ,    l^e  dans  la 
Samothrace  le  nom  de  Cabires  efi  inconnu  ^  &  que  les  Cabires ,  qui  établirent  leurs 
myfteres  dans  la  Samothrace ,  avoient  tiré  leur  nom  d'aune  montagne   app-ellée  Ca^ 
birm ,  qui  étoit  dans  la  Région  de  Berecynthia  ,   d^c.     ZJn  autre  <iy4uteur  dit , 
que  Camillus  étoit  fils  de  t'^ulcam ,  d^  de  Cabira ,   &  que  ce  Camille  eut  trois  fil- 
les,  qui  s^appellerent  les  JSlymphes    Caberides.    Pherecides  dit  ^  que  d"^  Apollon  & 
de  '^hifiî  naquirent  neuf  Corybantes ,   qui  demeurèrent  en  Samothrace.     Que  de 
Çabera^  fille  de  Protêt  &  de  Vulcain^  naquirent  trois  Cabires  ^  &  autant  de  Nym- 
phes Caberides ,  aufquels  on  bâtit  des  Temples ,  qu^on  les  honora  dans  Lemnos ,  (fr 
dans  les  villes  de  la  Troade  ,   &  que  leurs  noms  font  myfiiques  &  cachez..      Ce  paf- 
fage  confirme  que  les  Cabires  ôc  les  Samothraces,  font  les  mêmes  Dieux  ,. 
que  les  noms  de  ces  Dieux  étoient  myrtiques  &  cachez ,  que  les  Troyens 
avoient   cette   dévotion  ,    d'oii  Enée  l'avoit  prife   pour   l'apporter   en 
Italie. 

Il  y  avoit  d'autres  Dieux  célèbres  chez  les  Romains, qu'ils  appelloienr  dj;  Yknztt^. 
Menâtes-,  Et  c'étoient  ces  Dieux  qu'Enée  avoit  apportez  en  Italie,  qu'on 
regardoit  comme  les  Dieux  Tutelaires  de  l'Empire.  C'eil  pourquoi  St.  Au- 
guitin  les  poufi^e ,  fur  ce  que  ces  Pénates  n'avoient  pu  garder  la  ville  de  Troye,- 
6c on  leur  confie  la  ville  de  ILomc,  it an e if  is  Penatibusvi^lis  Romamynevin'- 
ceretur.prudentes  commendare  debuerunt? 

-  Virgile  fait  voir  que  les  Dieux  Pénates  avoient  été  apportez  de  Troye. 
Car  il  fait  ainiî  parler  Junon ,, 


^enS' 


424  HISTOIRE  DES   DOGMES 

^ncid.i.  Gens  inimica  mihiTyrrhenum  navigat  dejuor^ 

llmm  in  Itdiam  port  ans  ^  vi^ofjHc  Pénates. 

Et  ailleurs  Hedor  apparoiflant  en  fongc ,  dit  à  Enée , 
VirgU.  /En.  Sacra  fnos  tibi  commendat  Troja  Tenates^ 

T.âsj.  ^"^  cape  fat  or  um  comités ,  hls  mœnia  ejHizre. 

Dieux  Sa-  Or  je  lie  doute  point  que  ces  T^enates  ne  fuiïent  les  Dieux  Samothraces, 
&*iesPena-  '^^^^  "*^^s  vcnons  de  parler.  Deux  chofes  le  prouvent  :  La  première,  c'elt 
tes.  que  les  Dieux  Samothraces  étoient  les  Dieux  des  Troyens,  conitme  nous 

venons  de  le  voir,  ôc  l'on  croit  même  que  ces  Dieux  avoient  le  nom  de 
Castres,  d'une  montagne  de  ce  nom,  qui  étoit  dans  le  pays  deTroye:  La 
féconde,  c'eft  que  les  noms  de  ces  Dieux  Samothraces,  étoient  cachez,  & 
qu'il  n'étoit  pas  permis  de  les  révéler  >    la  même  choie  s'obfervoit  pour  les 
Pénates  des  Romains ,  leurs  nom's  étoient  inconnus.  Macrobe  attribue  cela  à 
la  politique  des  Romains,  qui  cachoient  le  nom  du  Dieu  Tutelàire  de  l'Em- 
pire ,  afin  qu'en  des  cas  de  fîege ,  on  ne  le  pût  pas  évoquer  par  des  charmes  & 
prières  j  comme  eux-mêmes  avoient  accoutumé  de  faire  quand  ils  aiïie- 
Saturn.  1. 3.  geoicut  dcs  villes.     Morémque  arcanum  ^  '&  multis  ignotumfmjje  ,  ut  cum 
obfiâerent  Hrbemhoflmm^eâmque jamcapi po^e  confiàerent ,  certo  carminé  eyoca- 
.     rem  Deos  Tmelares ,  ÔCC.  Propterea  ipjt  %ommi ,  &  Deum  in  cujtis  Tfitela urbs 
Roma  efi,  & ipfim  urbis  Latinum  nomen ignoinm  e^e  voluerunt  j  mais  il  efl  plus 
apparent,  que  cette  coutume  de  cacher  les  noms  des  Dieux Tutelaires de 
Rome,  ve«oit  des  myfleres  de  Samothrace.     Car  il  paroît  par  le  même 
chapitre  de  Macrobe,  que  l'ignorance  du  nom  du  Dieu  Tutelaire  d'une 
ville ,  n'empêchoit  pas  qu'on  ne  l'évoquât,  puis  que  dans  la  formule  d'é- 
vocation, qui  elr  là  propofée  par  Macrobe,  on  ne  le  nommoit  point  par 
fon  nom ,  ôc  l'on  fuppofoit  que  ce  pouvoit  être ,  ou  un  Dieu ,  ou  une  Déeife, 
Si  Deas ,  Jî  Dea  efl  ^  cm  Topulm  civitafqae  Carthaginenjîs  efl  in  Tutela,^  &c. 
Au  relie  Varron,  le  plus  favant  des  Latins,  a  été  de  ce  fentiment,  que 
les  Pénates  des  Romains  étoient  les  mêmes  que  les  Dieux  Samothraces , 
Macrok       V^rro  rerum  hummarumfecHncù  refert-Dardanum  Deos  Pénates  ex  Samothrace 
Satuinal.1.3.  in  Phrjgiam ,  &  ^Alneam  ex  l^hrygiain  Italiam  dettdtlfe  j  ce  que  les  noms 
de  ces  Dieux  Pénates  étoient  gardez  fous  le  feau  du  fecret ,  ell  caufe  qu'il 
Dion.  Haii-y  a  uuc  fi  grande  divcrfité  d'opuiions  fur  ces  Dieux  :  Denys  d'Halicarnafie 
Romt""'^'  '^^'"  avoir  vu  à  Rome,  prés  du  marché,  un  Temple  bas  ôc  obfcur,  dans  le- 
quel il  y  avoit  deux  itatuës  de  Dieux  Troyens,  en  habit  de gueriT, ayant 
la  pique  à  la  main  avec  cette  infcription  ùi'''jcireç.  L'on  croit  qu'au  lieu  de 
DenateSj  il  faut  lire  Tenates,  &  quelques-uns  de  nos  Savans  croient,  que 
c'étoient  les  images  de  Cailor  &  dePoliux,  les  Pénates  &lesDieuxTu- 
telaires  de  l'Empire.    Mais   cela,  ne   peut  être  ,    fi  ce  que  nous  avons 
rapporté  de    Macrobe  &  de  Varron  eil    véritable  ,   comme   il  eft  plus 
.       vrai-femblable  5    c'eft    que   les    Dieux    Tcnates ,    &    les    Dieux    Sa- 
Aguft.        mothrates  font  beaucoup  plus  anciens  que  Caftor  ôc  Pollux  ,  qui  vivoient 
GviVd  ■    ^^^  ^^^^  de  la  guerre  de  Troye,  puifqu'iis  étoient  frères  d'Helene,  fem- 
cap./.        me  de  Paris.   11  efl  vrai  que  le  voyage  d'Enée  en  Italie  eft  fort  douteux^ 
vofiîusidoi.  comme  l'a  fait  voir  le  fayant  Bochart,  dans  une  DiiTertation qu'on  ami- 

IJB.  I.  cap.  '  T  - 

12.  le 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  TarLlU.  425 

Te  à  la  tête  du  Virgile  de  Segrais.  Mais  quand  même  il  feroit  faux  que 
les  Dieux  Samothraces  auroient  été  apportez  en  Italie  par  Enée,  ils 
peuvent  y  avoir  été  amenez  par  un  autre,  car  il  eft  certain  que  les  nations 
voifînes  des  côtes  de  l'Aiie,  le  long  de  la  mer  Méditerranée,  ont  couru 
toute  cette  mer  jufqu'au  détroit  de  Gadesj  èc  que  les  Religions  de  l'Oc- 
cident font  venues  de  l'Orient  par  cette  voye.  Et  fans  cela  Macrobe 
nous  montre  par  quel  chemin  les  Dieux  Samothraces  peuvent  être  venus 
en  Italie,  c'ell  par  le  moyen  de  Tarquin  le  vieux  qui  étoit  Corinthien. 
TarqmntHS^  Demarati (orinthii  filim  ,  Samotkraciis  Religionibm  myflice  im-\^^  j  sa- 
bnifiSy  uno  Templo  ac fub  eodem  teUo  numinA  memorata  conjungit.  Si  les  Ro- '^"^^'  "p-p. 
mains  ont  connu  les  Dieux  Samothraces  ,  il  y  a  bien  plus  d'apparence 
qu'ils  ont  mis  leur  Empire  fpus  la  proteélion  de  ces  Dieux,  qui  étoient  les 
Souveraines  divinitez  du  monde  ,  que  fous  la  proteélionde  Caftor  ôc  de 
Pollux,  qui  n'étoicnt  que  des  Héros.  D'autres  ont  crû  que  la  Déefle  Vcfta 
étoit  la  divinité  Tuteîaire  de  l'Empire  Romain,  parce  que  Virgile  api  es 
avoir  fait  dire  à  Heétor, 

SAcra  fu6fyne  tibi  commendat  Troja  Tenates. 

Il  ajoute, 

Sic  ait  &  manibus  vlttoi  Veflâmque  petentem, 
^/£ternHmqHe  ^dytis  eff'ert  penetralibns  ignem. 

Il  femble  que  Ciccron  (bit  à  peu  prés  dans  ce  fentiment,  Ckr  après  ^^  Natua 
avoir  parlé  de  Vefla,  ôc  avoir  dit  qu'elle  préfide  fur  les  Autels,  &  fur  les  j^^'"™  *  ' 
Foyers,  vu  ejm .ad  aroi  &  focos  pertinet.  Il  ajoute,  nec  longe  abfptnt  ab  hac 
'ui  DU  Pénates  ,  five  a  Penu  duElo  nomme ,  eft  enim  omne  quo  vefcuntur  homi" 
nés  penns  ^  Jtve  ab  eo  qmd  penitm  injtdentj  exqtto  etiam  Pénétrâtes  a  Toetù  vo- 
cantur.  D'autres  ont  crû  que  ces  Pénates  étoient  Mercure  &  Apollon, 
qui  avoient  bâti  les  murailles  de  Troye,  ôc  Macrobe  croit  que  Virgile  fa-  M^crokiib. 

^      T  ■    •  VI    j-  i  "  3.  Satiun. 

■  vonie  cette  opmion ,  parce  qu  il  dit,  cap.  4. 

Sic  fatus  méritas  arts  maHabat  honores^  wEneid.Iib.5> 

Taurum  Neptum ,  îaurum  tibi  Pulcher  Apollo. 

Mais  comme  il  efi:  plus  apparent  que  les  Dieux  Pénates^  &  les  Dieux 
Samothraces^  font  les  mêmes ,  il  y  a  auffi  plus  d'apparence  que  ces  Dieux 
étoient  les  grands  Dieux,  qui  font  nommez  par  Macrobe  :  favoir  Jupi- 
ter, Junon  &  Minerve.  Caffius  Hemina  ,  cité  dans  le  même  lieu  par 
Macrobe  affiire,  que  l'on  appelloit  les  Tenates^  les  grands  'Dieux  ^  les  Dieux 
"Bénins,  les  Dieux  Puijfms;  noms  qui  ne  pou  voient  convenir  qu'aux  di- 
vinitez Souveraines. 

Pour  ce  qui  eft  du  nom  de  Pénates ,  l'origine  en  eft  obfcure  aufïï.     Le  °of 'JeJ" 
paflage  de  Ciceron  que  nous  venons  de  rapporter  le  fait  venir  de  Penus^  tes. 
qui  fignifie  &  la  viande  dont  les  hommes  fe  nourriftent ,  &  principale- 
ment le  lieu  retiré  6c  fecret,  oii  l'on  ferre  les  viandes,  c'eft-à-dire,  un 
garde-mangerj  ou  de  penttHs^  eo  quod  penitm  injîdenf,  d'où  vient  le  mot  de  T^- 
Part.Iir.  Hhh  ne- 


426  HISTOIRE   DES   DOGMES 

netralia.  Microbe  dit  que  Tenates  font  les  Dieux,  per  ^mos penuHsfpiramm^ 
^.  ver  ams  habemns  corpm ,  per  cjhos  rationem  mtmi  pojfidemHs.     D'autres  veu- 

moLuivoce  leiic  quc  Ics  Peiiates  Ibient  aind  appeliez,  (jhaJî  pênes  nos  nati  ,  les  Dieux 
ïauis.         Jli  Pais,  originaires  du  lieu  dont  la  garde  leur  ell  commife.     Quelques- 
uns  veulent  qu'ils  ayent  été    appeliez  Tenates  ^    c^na.ft  denates  Jîve  denati  , 
c'ell-à-dire,  des  hommes  morts,  parce  que  les  T^^^r^j  étoient  en  effet  des 
hommes  morts  ,  qui  avoient  autrefois  travaillé'  à  la  confervation  du  Païs 
durant  leur  vie,.  &  aufquels  on  en  donnoit  la  proteélion  après  leur  mort. 
La  véritable  origine  ell  celle  qu'en  a  donné  Ciceron ,  Pénates  wicnl  de  Pènm , 
comme  de  m^gnHsvxtnimagnates^àc  ftimmns  fummates  ,  ô^optimus  optimates. 
Non  parce  que  Pfw^j  figniiie  dans  le  Vulgaire    le  garde  -  manger  ,   mais 
parce  que  Penus  fignifiele  lieu  le  plus  fecretde  la  maifon,  d'où  yienzPene- 
f  eftijs  ijb.     trale^  un  cabinet  retiré.  Penetralta  ,  dit  Feilus  ,fHnt  Deorum  Penatium  facraria. 
borum  vei"-  ^^  ^^^  ^out  cc  quc  Feftus  nous  apprend  eft  remarquable,c'eft  que  le  lieu  le  plus 
jumfignifi-  fecretdu  Temple  de  Vefta,s'appelloitPenus.  Pentis  vocatur  Iochs  intimtts  in 
"''°"^'       ty£de  rejh  îegetibfisfeptHs.]t  ne  doute  point  que  dans  ce  lieu  fecret  du  Temple 
de  Veiia,  appelle  Penns^  ne  repofafient  les  Pénates.  Ainli  ils  ont  tiré  leur  nom 
du  lieu  de  leur  féjour.  Veila  elle-même  pou  voit  être  l'un  de  ces  Pénates:  Le 
feu  qui  étoit  fon  fymbole,  fait  foupçonner  qu'on  adoroit  Junon  dans  ce  lieu  , 
fous  le  nom  de  Veîta.  Car  Junon  dans  leurs  myfteres,  c'étoit  l'air  prochain 
Macrab.  ubi  de  la  terre  :  fumnem  vsro  unmn  aéra  cnm  terra.     Or  le  feu  &  la  lumière  ,, 
fuprà.         ç.-'ç^^  ce  qui  donne  la  vie  à- la  terre,  &  qui  fait  la  beauté  de  l'air. 

Outre  les  Pénates  de  l'Empire,  chaque  ville  6c  même  chaque  famille, 
avoit  fes  Pénates,  car  c'eft  ainfi  que  l'on  nommoit  les  Dieux Tutelaires , 
parce  que  chaque  ville  &  chaque  maifon  avoit  {ts  Penetralia.    Les  Dieux 
qui  étoient  adorez  ôc  fervis  dans  ces  Tenetralia  s'appelloient  Pénates,  /'f- 
netralia ,  dit  Fci\uSj. fknt  Deori^mPenatmm  facraria.     Mais  ces  Dieux  par- 
ticuliers s'app'-rlloient  ainfi,  par  imitation  du  nom  des  Dieux  publics  de 
l'Empire 5 auîquels  la  protection  de  l'Etat  étoit  commife.  Ainfi  à  l'égard 
des  particuliers,  les  Pénates  de  chaque  maifon  étoient  les  mêmes  que  les 
sefvîHsad    ^-^^^-<"5  quï  écoicnt  auffi  appeliez  Du  vides.  C'efl:  pourquoi  Servius  confond' 
tertinm        les  DiCux  Peuatcs  avec  les  Dti  viales.  Hi  amem  [unt  Dii  Pénates  &  viales. 
•nei  »*•      Q,-  comme  nous  verrons,  les  Dit  vi aies  ï\' kxdxawi  pas  des  divinitez  fort  im- 
portantes. Selon  le  fentiment  de  Labeo,  comme  le  rapporte  Servius  au 
même  lieu,  c'étoient  des  âmes  d'hommes  dont  on  avoit  fait  des  Dieux. 
Cela  doit  être  foigneufement  remarqué  afin  de  ne  pas  confondre  dans  la 
Içélure  des  Anciens,  les  Pénates  de  l'Empire ,  qui  étoient  les  grands  Dieux, 
avec  les  Pénates  des  familles,  qui  n'étoicnt  la  plupart  du  tems,  que  les  ames' 
des  Ancêtres  de  la  maifon. 
iïnindigc-      Il  y  avoit  un  ordre  de  divinitez  inférieures  aux  Penatçs  de  l'Empire, 
»«•  c'étoient  ceux  qu'ils  appelloient  DU  Indigetes.     C'étoient  les-Dieux  parti- 

culiers de  chaque  Païs,  qui  avoient  été  hommes  nez  dans  le  Pa'is  ,  &  qui 
après  leur  mort  en  prenoient  foin.  Ou  tout  au  moins  c'étoient  des  Hé- 
ros déifiez  après  leur  mort ,  fous  la  proteélion  defquels  on  fe  mettoit, 
comme  aujourd'hui  on  fe  met  fous  la  proteélion  d'un  Saint,  qu'on  appelle 
Patron.  Enée  étoit  adoré  entre  \ç:$  Romains  fous  le  nom  de  fapiter  In-- 
diges.  Il  avoit  fon  Temple  fur  le  Fleuve  Nuraicus,  ôc  fur  le  Frontifpice 
STn-îq*  ^'  ^'^  Chapelle  étoit  écrit ,  Patri  Dço  Indtgeti^qm1s(Hmici amnis  mdas  tem^ 
Ub.  ,u.       '  per  aï. 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Paft.lU.  427 

perat.  Ce  fut  Afcanius  Ton  fils  qui  lui  donna  ce  nom  en  le  déifiant.     /«-  Apud  fcI- 
digetîs  mmine ty£neai  ab  y^fcanio appellatus^ckm  ptignanscum  Meffentionufcjuam  *"""• 
Apparuijfet  ^  in  cujus  namine  etiam  1  emplum  conflrnxit.    Ovide  fait  l'Hiltoire 
de  la  manière  dont  Enée  fiât  reçu  au  nombre  des  Dieu;K,  à  la  prière  de 
Venus  fous  le  nom  à'Jndiges. 

Contigitos,  fecitijue  Deum  ,  tjuem  Turba  Qairini  Mctamorph. 

ISluncapat  Indigetem^Templôque  artfque  recepit.  *  .i-t-v-n. 

Romulus  efl:  auflî  l'un  de  ces  Dieux  7»^/^^?^/  des  Romains,  adoré  fous 
le  nom  de  Quirinm.  Les  Grecs  avoient  aulîî  leurs  Dieux  Indigetes,  fous 
le  nom  de  èeoi  Trurpuioi  viui  éyx'^P^o''  E,t  de'ce  nombre  étoient  ceux  qu'ils 
appeîloient  vifiièsoi  Kvp^Tsç. .  Les  demi- Dieux  Curetés,  qui  élevèrent  Ju- 
piter. Peut-être  font- ce  les  mêmes  que  la  fable  appelle  Corybames^  Prêtres  Corybantes 
de  Cybelé ,  qui  étant  venus  en  Crète  fauverent  Jupiter  encore  enfant,  de  ^  cmetcs. 
la  fureur  de  fon  père  Saturne ,  parce  qu'avec  leurs  cymbales,  ils  faifoient 
continuellement  dans  l'Ile  un  fi  grand  bruit,  que  Jupiter  enfant  ne  pût 
être  découvert  par  l'es  cris,  au  moins  l'Auteurde  l'Hercule  Oetseus,  entre 
les  Tragédies  de  Seneque,  les  confond  : 

l^rnla  Crète  ^  magnotellm    ^  ^'J'/Xs 

Clara  tonante ,  centum  fopuli  '  Oewas. 

Brachïa  pulfent. 

iSlunc  Curetés  ^  nunc  Corybmtes 

tÀrniA  Haa  qHaJJate  manu. 


Strabon  dit ,  qne  dans  l^Hifloire  de  Crète  ceux  qtti  avoient  élevé  &  gardé  "^^^  to.  ^ 
Jupiter  s"* appeîloient  Curetés^  envoyez,  de  Phrygie  par  la  Déefe  Rhea ,  qui  furent  '*^" 
nommez.  Curetés^  acaufedu  fotn  qu'ils  avotent  pris  d'élever  fuptter  '^qu'ils avaient 
pajjé  par  l'Ile  de  Rhodes^  &  que  l'un  d'yeux  nommé  Corybas^  Prêtre  de  la  ville  de 
Pidna^  avait  donné  lieu  aux    Rhodiens    de  divulguer  ^  qu'il  y  avait  de  certains 
Corybantes ,  fils  de  zJA^inerve  &  du  Soleil.    Il  y  a  apparence  que  c'étoient 
les  mêmes  Dieux  que  les  Grecs  appeîloient  DaUyli  Id&i^  les  doigts  du  Djôyiiidai, 
Mont  Ida:  Touchant  lefquels  la  fable  &  la  Théologie  Payenne  efl  ex- 
trêmement diverfe.     Les  Creteins  les  adoroient,  comme  les  nourriciers 
de  Jupiter,  c'efl:  pourquoi  il  paroît  que  c'étoient  les  mêmes  que  les  Co- 
rybantes èc  les  Curetés.     Cependant  Strabon  les  fait  differens  ,  &  dit  que  s^"^°  ^'^• 
la  tradition  en  Phrygie ,  étoit  que  les  Curetés  ,  &  les  Corybantes  étoient  dé~  ^^' 
cendus  de  DaSijlt  Idai  i  qu^ily  a  tu  premièrement  dans  Pile  cent  hommes    qu'ion 
appelloit  Daêlylildaiy  defquels  étoient  nez.  nœuf  Curetés  ,  &  que  chacun  de  ces 
nœuf  avait  engendré  dix  hommes  ^  autant  qu'il  y  a  de  doigts  dans  lesdeuxr/îains, 
^  que  c''efi  ce  qui  avait  donné  le  nom  aux  Ancêtres  de  Dacîyli  Iddi  ,    doigts 
du  Mont  Ida.     Il  rapporte  une  autre  opinion  ,   c'eft  qu'il  n'y  avoit  que 
cinq  Daétyli  Idaei,  qui  feion  le  fentiment  de  Sophocle,  turent  les  premiers 
qui  inventèrent  l'ufage  du  fer  ,  que  ces  cinq  frères  avoient  cinq  fœurs , 
&  que  de  ce  nombre  fut  pris  le  nom  de  doigts  du  Mont  Ida,  parce  qu'ils 
étoient  dix  en  nombre,  Ôc  qu'ils  travailloient  au  pied  de  cette  montagne. 
Diodore  de  Sicile  rapporte  la  chofe  un  peu  autrement.     Et  dit  „  que  y^-  ?■  éi- 

Hhhz  ■  „les''"-^*"^ 


# 


428  l^fHISTOIRE  DES  DOGMES 

„  les  premiers  habitans  de  l'Ile  de  Crète  furent  les  Daélyli  Idi^jii,  qui  avoient 

„  leur  demeure  dans  le  Mont  Ida,  non  pas  de  Phrygie,  mais  de  l'Ile, 

„  que  les  uns  difent  qu'ils  étoient  cent,  les  autres  feulement  cinq ,  en 

„  nombre  égal  aux  doigts  de  la  main,  ce  qui  leur  donna  le  nomdeDa- 

„  étyli ,  que  les  Grecs  étant  Magiciens  &  faifeurs  d'enchantemens ,  s'é- 

,,  toient  adonnez  aux  cérémonies  myftiques  &  magiques ,  qu'ayant  paf- 

5,  fé  en  Samothrace  ,  ils  avoient  rempli  d'étonnement  tous  les  habitans 

„  de  l'Ile.     Qu'Orphée  avoit  été  leur  difciple,    ôc  qu'il  avoit  le  premier 

,,  apporté  les  cérémonies  myftiques  ,  6c  les  myfteres  dans  la  Grèce.  Que 

TsKêTccç.  „  les  Daélyles  Ideéns  avoient  inventé  l'ufage  du  fer  Ôc  du  feu  ,  6c  qu'ils 

„  avoient  été  rémunérez  des  honneurs  divins ,  à  caufe  des  grands  biens 

,,  qu'ils  avoient  faits  au  genre  humain:  qu'Hercule  étoit  inftituteur  des  jeux 

„  Olympiques,  ce  que  la  Pollerité  avoit  attribué  par  ignorance  à  Hercu- 

„  le  fils  d'Alcmene,  èc  qu'après  les  Daélyles  Idéens  étoient  venus  nœuf 

„  Curetés,  que  les  uns  difent  être  nez  de  la  terre  ,  6c  les  autres  être  les 

„  enfans  des  Daélyles.,,  Les  noms  de  cesDaétyles  Idéens  étoient  myftiques  & 

iiutarq.  lib.  cachcz ,  &  Plutarquc  nous  dit^  que  pour  ceux  qui  favoient  leurs  noms,  c'é- 

P?ofeauc3p.  toit  un  remède  dans  les  frayeurs  fubites,  &  qu'on  les  invoqUoit dans  ces 

15.  occafions.  Quoi  qu'il  en  foit,  les  Dieux  Curetés  ôc  les  j  Dieux  Daélyles 

Aniobe  lib.  Idéens,ér,oient  contez  entre  lesDieux  Indigetes  des  Grecs  &  des  Romains. /^«if 

Jî  Çmet^  pro  Laribns  invocâro ,  qms  Indigetes  Samothracios  pars  vefiror^m  af- 

feverat  auBorum.   Ceux-ci  mettoient  aufli  entre  les  Dieux  Indigetes^  Her- 

Cicero  de    culc,  Bacchus ,   Efculape ,  Caftor  &  Pollux.     Columo  &  illos  qms  in  cœ- , 

tegib.  3.     /jjj^  mérita  vocAverint ,  Herculem ,  Ltheram ,  iy£fcuUpium ,  Caftorem ,  TollU' 

cem,  Quirintim .  De  ce  nombre  étoit  le  Semo  Sancm  des  Tofcans  qui  fut  tranf- 

.  r  porté  à  Rome ,  où  l'on  mit  cette  infcription  au  pied  de  fa  ftatuë.  Semoni  Sanco 

crip.p,  96.  Deo  Fidio  facrum  :  Ce  qui  trompa  Jultin  Martyr,  celui  nt  croire  que  1  on 

A  oio^a^*2  ^voit  érigé  une  ftatuë  à  Simon  le  iVIagicien,  parce  qu'il  lût  Simoni  San^o^ 

au  lieu  de  lire  Semoni  Sanco. 

Faunus  étoit  mis  aufti  entre  les  Dieux  Indigetes. 

siiius  lib,  9^  IndigetéfqHe  DU  FaunftSf  fat  orque  Quirinns. 

de  BelloPu- 

Je  croi  qu'en  gênerai  tous  les  Dieux  qui  étoient  pris  d'entre  les  hom- 
mes s'appelloient  Indigetes  entre  les  Romains. 
serv.  in  12,      Lcs  fentimcus  font  partagez  fur  la  ruifon  du  nom  j  Servius  rapporte  di- 
Saei^.        vers  fentimens  là-deftlis.    Indigetes  dtiplici  ratione  dicuntur  ^  vel  fecHndum  Lu- 
sretÎHm  qpibd  nnllius  rei  egeant. 

Ipfa  fuis  pollens  optbfts ,  nihil  indiga  nojlri. 
Vel  quod  nos  eorum  indigeamus  ,  Hnde  quidam  omnes  Deos  Indigetes  ap- 
peltari  volunt.  Alii  Tatrios  "Deos  Indigetes  dici  debers  tradnnt ,  alii  ab  invo- 
catione  Indigetes  dtUos  volnnt ,  q^od  indigito  efl  preeor  &  invoco  ,  vel  certe 
Indigetes  funt  DU  ex  hominibns  fa5îi  ,  &  Dii  Indigetes^  quaft  in  Diis  agen- 
tes.  Chacun  peut  choilîr  celle  de  ces  opinions  qui  lui  plaira  plus. 
Je  choifis  celle  qui  appelle  les  Indigetes  'Du  Patri  ;  ôc  je  ne  fai  com- 
ment nos  Savans  n'ont  pas  vu,  que  félon  toutes  les  apparences,  le  mot 
indiges  eft  de  même  origine  &  de  même  (ignification  qu'/«^/^£'«^ ,  &,que 
ces  Dieux  Indigetes,  étoient  ces  Dieux  nez  au  Paï§,dc  Tutelaires  du  Pa'is,où 

ils 


# 


ET  DES  CULTES  DE  UEGLISE.F^rMII.  429 

iî$  avoient  vécu.  C'eft  pourquoi,  félon  le  témoignage  de  Servius,  on  les 
appelloit  DU  Patrii,  Dieux  nez  au  Pa'ïs. 

La  plus  bafle  claffe  de  divinitez,  ctoit  celle  qu'ils  appelloient  Lares,  Du  i^aUtes. 
^^«fi ,  Dieux  domefliques,  gardiens  de  lamaifon.  Scaliger  dans  Tes  notes 
fur  Properce,  nous  apprend  que  Lar  eilunmoi  Tofcan,  qui  fignifie Prince. 
D'autres  ont  dérivé  Lares  de  }^uvpx, mot  qui  fignifie  une  ru'é^  une  place  ^  un 
chemin  :  parce  que  les  Lares  étoient  gardiens  des  chemins  êc  des  places , 
ainfique  nous  le  verrons  en  parlant  des  Teraphims.,  Ces  Lares  étoient  les 
divinitez  particulières  de  chaque  maifon  aaroinihci  ôfo/,  dit  un  Ancien  Gram-  PrifchBBs.. 
mairien,  qui  vivoit  environ  l'an  440.  félon  l'opinion  de  l'Abbé  Tritheme. 
Il  y  avoit  un  lieu  dans  chaque  maifon  qui  s'appelloit  larariam,  oii  étoitce 
qu'ils  appelloient /of^j,  le  foyer,  le  heu  facré,  où  l'on  adoroit  \ts  Lares, 
Il  y  avoic  \c focus ptiblicHs  de  la  Republique  6c  de  l'Empire,  qui  s'appel- 
loit Jç/c:  autrement  Velta:  c'étoitle  feu  facré  entretenu  par  les  Vierges  Vef- 
tales.  Mais  outre  cela  chaque  maifon  particulière  avoit  fon  focus  parti- 
culier. In  foribus  vero  &  atriis  àornorum ,  (iy^ra.  focus  &  lar  familiaris  erant.  Alexand.  ah 
Ces  Lares  étoient  les  mânes  des  défunts,  6c  des  Ancêtres  de  la  maifon ,  qui  5.  cap^z'^.' 
avoient  paru  dans  le  monde  avec  éclat,  &  qui  avoient  été  vertueux.  Ma-  oierum  gè- 
nes vient  de  J^^w/V,  vieux  mot  qui  fignifie  bon.-  Bien  qu'ils  ne  déïfiafiént  ^^"™' 
pas  dans  les  formes  tous  les  morts,  cependant  ils  fe  perfuadoient  que 
toutes  les  âmes  des  honêtes  gens  devenoient  Dieux  ,  c'eft  pourquoi  on 
lifoit  fur  leurs  tombeaux  ces  trois  lettres  capitales  D.  M.S  :  qui  vouloient 
dirCjDiw  Manihus  Çacrum  ,  confacré  aux  Dieux  Man.es,  Apulée  dans  le  li- 
vre de  Deo  Socratis ,  explique  amplement  cette  matière, dilànt  que  l'eiprit 
de  l'homme,  aprés  être  forti  du  corps,  devient  une  efpece  de  démon ,  que 
les  Anciens  Latins  appelloient  Lémures,  que  ceux  d'entre  les  défunts,  qui 
étaient  bons,  &  prenaient  foin  de  leurs  de'cendans,  s"  appelloient  lares  familiares.  Mais 
^ue  ceux  ijui  étoient  inquiets  ,  tUrbulens ,  nutfans ,  ^  qui  épouvantaient  les  hom- 
mes,  par  des  apparitiofis  nodurnes,  s' appelloient  Larv£ ,  &  que  quand  il  était  in- 
certain  qit'étoit  devenue  Pâme  d'un  défunt ,  f  elle  avait  été  faite  lar  ou  lar- 
va ,  on  l' appelloit  le  'Dieu  Mane.  Comme  nous  aurons  à  reparler  des  Lares 
dans  le  Traité  des  Teraphims ,  nous  n'en  dirons  rien  davantage  pour  le 
préfent. 

Les  Dieux,  qu'on  appelloit  Génies,  avoient  une  Surintendance  de  moin-  Les  Génies, 
dre  étendue  que  les  Lares ^  car  ceux-ci  étoient  Dieux Tutelaires de  toute ^^^'"jj""^  ._ 
une  famille.    Mais  les  Génies  ne  gouvernoient  qu'une  feule  perfonne,c'eil  cièns furies- 
que  les  Payens  prétendoient  que  chacun  avoit  fon  démon,  qui  préfidoit  fur  JS^s]^* 
la  conduite  de  la  perfonne  qui  lui  avoit  été  commife.  De  ce  nombre  étoit 
le  fameux  Démon  de  Socrate,  fur  lequel  Plutarque  ôc  Apulée  ont  fait 
des  livres,  d'où  l'on  peut  puifer  ce  que  les  Payens  croioient  touchant  ces 
Génies  ou  Démons  afïiftants.    Cela  avpi't  été  puifé fur  tout  de  la  Philofo- 
phie  Platonicienne.     Voici  comme  Apulée  décrit  ces  Génies,  félon  le  fen- ^p«iée  de 
timent  de  Platon.     „  Ce  font  des  efprits  -qui  n'ont  jamais  été  engagez  fJs°  ^°^"* 
5,  dans  la  matière,  qui  ont  toiijours  été  purs  efprits,  &  jamais  âmes  join-^ 
„  tes  à  àe^s  corps.  De  ces  Démons  Platon  eftime  que  chacun  des  hommes 
„  a  le  fien,  qui  le  garde,  6c  qui  eft  ler,téri>oin5npnfelilementde  fesaélions, 
3,  mais  aufli  de  fespenfées,  6c  quand  cet  homme  meurt,  ce  Génie  mène  en^ 

Hhh  3    .    ,  „  ju- 


430  HISTOIRE  DES   DOGMES 

„  jugepKnc  l'ame  qui  lui  avoitété  commire,&:afîîlleau  jugement:  fi  l'ac- 
cuie^Tjent,  le  Génie  le  redarguë:  s'il  dit  la  vérité  ,  il  la  confirme,  &c'efl: 
,„  iur  Ton  témoignage  que  l'on  prononce  la  fentence.     Car  ce  Génie  fait 
„  tout  ce  qui  fe  pailè  dans  l'homme,  jufqu'aux  plus  fecretespenfées:  Ileft 
Scft.  j.        5î  dans  la  conlcicnce.  „  Jamblique  dans  le  livre  de  Mjfients,  difpute  am- 
plement de  CCS  Génies  &  Démons  particuliers,  &  prouve  que  ce  Démon 
n'ell  point  diftribué  par  la  vertu  de  l'Horofcope ,  par  la  pofition  des  Aftres, 
6c  par  ce  que  les  Allrobgues  appellent  les  Dominateurs  de  lamaifon.  Que 
et;  y&\ii'    quand  l'ame  vient  pour  être  unie  au  corps,union  qu'ils  appellent  la  génération, 
^^"'  c'eil  le  Démon  qui  doit  préfider  fur  la  vie  de  l'homme  ,   qui  conduit 

cette  ame,  &  qui  l'unit  au  corps .    Après  quoi  il  préfide  fur  ces  parties  qu'il  a 
unies, 
doi 


V.  74Î- 


pat" 

fe  en  la  conduite  de  Diea  même.  Alors  ce  Démon  s'en  va ,  ou  s'il  de- 
meure, il  eft  fournis  à  la  divinité  qui  a  pris  polTeffion  de  l'ame.  Les  Pla- 
toniciens ne  donnoient  qu'un  Démon  à  chaque  homme  &  le  difoient  bon 
Démon.  Mais  d'autres  lui  en  donnoient  deu^,  l'un  bon  &  l'autre  mau- 
vais.    Voici  ce  que  dit  Servius  fur  ces  paroles  du6.de  l'Êneïde, 

QuifqMe  [nos  patimHr  mânes. 


Volnnt  unlcmque  Genium  apfoftum  D&monem  lonum  &  malfim ,  hoc  efi  m- 
tjonem  quai  admeliorafemper  hortatur  ^  &  libidinem  eju&  adfejora,  hic  eji  Larva 
&  Genius  mains,  ille  bonus  Genius  &  Lar.  Par  ce  paflage  il  paroît  que  quel- 
quefois on  confondoit  les  Génies  avec  les  Dieux  Lares.  En  effet  c'eliro- 
De  Dco  So- pii^io^"^  d'Apulée,,  qui  confond  le  Grw/W  avec  LarfamtUaris.  Nous  pourrons 
crati*.  dans  la  fuite  trouver  quelque  occafîon,  qui  nous  obligera  à  parler  encore 
de  ces  Génies  ou  Démons.     Nous  n'en  dirons  pas  davantage  en  ce  lieu. 


CHAPITRE     \r. 

Abrégé  de  la  Théologie  des  Théniciens,  ou  Cananéens  »  tirée  du  Fra- 
gment de  Sanchoniathon. 

Eufeb.  Lib.  i.  de  Prjepar.  Evang.  cap.  p.  &  îo- 

TOutes  \q,s  diVinitez  &  les  fuperftitions ,  dont  nous  aurons  à  parler 
dans  la  fuite,  pour  l'explication  de  ce  que  dit  l'Ecriture  fainte  àts 
cultes  idolâtres,  aufqucls  le  peuple  de  Dieus'eft  laifle  aller,  (ont  ti- 
rées de  la  Religion  des  Phéniciens,  ou  Cananéens,  6c  de  celle  des  Egyp- 
tiens, peuples  au  milieu  defquels  ils  vivoient,  ou  avec  lefquels  ilsavoient 
grand  commerce.  C'eft  pourquoi  nous  avons  befoin  de  favoir  un  peu, 
quelle  a  été  la  Théologie  &  la  Religion  de  qç.^  peuples.  Nous  donne- 
rons un  échantillon  de  la  Religion  des  Egyptiens  dans  le  traité  du  veau 

d'or. 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  PartllL^^^i 

d'or.  Préfentement  nous  ferons  un  abrégé  de  la  Théologie  â(^s  Phéni- 
ciens, félon  que  nous  le  trouvons  dans  Eufebe,  tiré  d'une  verfion  que 
Philo  Biblius  avoit  faite,  de  l'Ouvrage  d'un  nommé  Sanchoniathon,  qui  écoit 
Syrien  ôc  Phénicien  de  nation. 

11  faut  donc  favoir  premièrement  que  ces  peuples,  voifins  des  habitations 
des  Juifs ,,  les  Philiftins,  Tyr  &  Sidon ,  &  toute  la  côte  de  la  mer  s'ap- 
pelloit  Phénicie,  &  ce  font  cts  gens-là,  dont  les  Ilraëlites  ont  fi  fouvent 
adopté  les  Dieux,  en  adorant  Bahal ,  Altoreth,  Molok,  Bclzebub,  Da- 
gon ,  Behel-Berith ,  &  les  autres  faux  Dieux. 

Un  fort  ancien  Auteur,  qu'on  appelle  ordinairement  Sanchoniathon,  a  DcSancha- 
fait  l'Hifloire  de  la  Relieion  des  Phéniciens,  &  nous  en  avons  un  Fra-  j'^r^°"3 
gment  dans  le  premier  hvre  de  1  ouvrage  d  liuiebe,  qui  porte  le  titre  de  toirc. 
TrAparatione  Evmigdica.     Rt  il  eft  bon  de  dire  quelque  chofe  en  paiïant  de 
ce  Sanchoniathon,  parce  que  non  feulement  nous  en  allons  tirer  ce  cha- 
pitre, mais  dans  la  fuite  il  nous  fervira  fouvent,  pour  éclaircir  les  difficul- 
tez,  qui  fe  rencontreront  dans  le  deflein  que  nous  avons,  de  trouver  Its 
divinitez  Romaines  6c  Grecques,  fous  les  divinitez  Phéniciennes.  Cet  Au- 
teur appelle  Sanchoniathon,  6c  par  d'autres  Sumethon5étoit  Phénicien, 
de   la   ville  de  Berith  ,     en   Phénicie  ,    ou  bien    de   la  ville    de   Tyr. 
Voici  ce  qu'en  dit  Porphyre.  „  Sanchoniathon  Berithien,  a  écri t  avec  une  .^°'^P''y-. 
3,  fouveraine  fîdéHté  l'Hiffoire  des  Juifs  3  car  ce  qu'il  en  dit,  s'accorde  fort  ve/r.^chrifî, 
5,  bien  avec  les  lieux  &,  les  noms  qui  font  encore  aujourd'hui.     Et  il  a  jjJJ"'^  ^"^^'* 
j,  emprunté  la  plupart  des  chofes  qu'il  a  rapportées  d'un  certain  Jerom-  Hiftoire  de 
„  balus  Sacrificateur  du  Dieu  Jevi.     Il  dédia  fon  livre  à  Abibalus  Roi  âuntre^d*^ 
„  des  Berithiens,  Se  le  Roi  6c  tous  ceux,  qui  auprès  de  lui,  étoient  capa-  Sanchonia- 
„  blés  déjuger  de  la  vérité  de  l'Hiftoire,  approuvèrent  fon  ouvrage.  Ces  ^'^°"" 
5,  gçns  ont  vécu  devant  la  guerre  de  Troye,  6c  étoient  peu  après  Mo'iïe, 
3,  comme  on  le  peut  recueillii^de  la  hfte  des  Rois  de  Phénicie.     Ainli 
,j  ce  SanchoniathoiVqui  a  compoie  fon  Hiftoire  avec  beaucoup  de  fidcli- 
y,  té,  en  la  tirant  en  partie  des  Archives  dts  villes,  en  partie  des  monu- 
„  mens  6c  infcriptions,  qui  fe  trouvent  dans  les  Temples,    a  vécu  dans 
,5  le  tems  que  Semiramis  ,   laquelle  eil  plus  ancienne,  ou  aulîi  ancienne 
,-,  que  la  guewe  de  Troye,  regnoit  fur  les  Aflyriens,    6c  Philo  Biblius  a 
„  tourné  fes  ouvrages  en  Grec,,.     Ce  Philon  qui  a  tourné  les  ouvrages 
de  Sanchoniathon  ,  étoit  lui-même  Syrien  ou  Phénicien,  de  la   ville 
de  Biblis,  qui  iféîoit  j^as  loin  des  racines  du  Mont  Liban.     Il  vivoit  du 
tems  de  l'Empereur  Adrien.     Voici  le  témo'gnage  que  ce  Philo  Biblius 
rend  à  Sanchoniathon,  dont  il  a  été  le  traduéleur.  Cet  homme  étoit  très- fa-  ApudEufek 
vmit,   er  ajmt  étu.dté'  àtverfes  chofes  ^  il  s"* attacha,  fur  tout  a  connoitre  Ptlifioire 
de  tous  les  Peuples  ^  depuis  la  naijfmce  du  monde  ^   &  il  étudia  avec  un  grand  , 

foin  les  livres  de  Taamm  ^  ce(i  Mercure  Trifmegijie  cjui  avoit  été t inventeur  des 
lettres ,  &  qui  le  premier  avoit  écrit  des  livres,  (^e  Taautusy  que  les  Cjrecs  appel- 
lètit  sçi^.yiç^fut  donc  r  Auteur  fur  lequel  tl  jetta  le  fondement  de  fon  ouvrage  d^cH^ 
Cet  homme  ayant  rencontré  certains  livres  cachez.,  des  Amm^néens^qu^on  avait  tirez, 
des  lieux  les  plus  fecrets  des  Temples ,  il  examina  tout  avec  une  grande  exacti- 
tude .^  (^  vint  heureufement  a  hout  de  fon  ouvrage.  Cet  ouvrage  ^  a  ce  que  dit 
Porphyre.^  étoit  divifé  en  8.  livres^  dont  Philo  Biblius  en  fit  neuf,  6c  de  ces 
neuf  il  ne  nous  en  refie  que  ce  qu'Eufebe  nous  en  a  confervé. 

L'on 


SCâliget  in- 
terprète 

par  Hiram , 
Jialulcdun 
nom  des 


6.  V.  3  2-. 
Vid.    Bo- 
chart  Phal. 
part.  1. 1.2,, 
C.  17- 


452  HISTOIRE   DES  DOGMES 

L'on  croit  que  cet  homme-là  vivoit  du  tems  de  Gedeon ,  ôc  que  Gedeon 
eft  le  Jemmbahai  Sacrificateur  du  Dieu  Jevi,  duquel  Sanchoniathon  avoit 
tiré  une  partie  de  les  mémoires.     Gedeon  fut  appelle  ferMahat,  comme 
nous  l'apprenons  de  l'Hirtoire  Sainte,     ^nivcfemmbahal ^& fembbahal^  il 
koisdeTyr.  y  a  unc  convcnaiice  aulli  grande  qu'elle  peut  être.  Ainfi  ces  noms  (è  rap- 
gwcha^p.''"  portent  Fort  bien,  le  tems  Te  rencontre  aulîi ,  car  ce  Sanchoniathon  vivoit 
avant  la  guerre  de  Troye,  &  Gedeon  délivra  fon  peuple  du  joug  des 
Madianites  85.  ans  avant  la  guerre  deTroye,  &  vécut  jufqu'aux  premiè- 
res années  du  Règne  de  Priam,  fous  lequel  Troye  fut  prife  6c  détruite. 
Le  Dieu  pvl ,  dont  Jerumbahal  étoit  Sacrificateur ,  c'eft  làns  doute  le  Dieu 
fovay  ou  Jehova,  des  Hébreux.     Il  eft  vrai  que  Gedeon  n'étoit  pas  Sacrifi- 
cateur ,  parce  qu'il  étoit  de  la  Tribu  de  Manafle.     Mais  ce  n'eft  pas  une 
grande  erreur  à  un  Pkyen,  d'avoir  regardé  comme  le  Souverain  Sacrifica* 
teur  des  Juifs,  celui  qui  étoit  alors  le  Prince  de  leur  Nation.     Caries 
Princes  ordinairement  étoient  auffi  Souverains  in  facris  :  Outre  que    par 
l'Hiftoire  des  Juges ,  il  paroît  qu'il  fit  office  de  Sacrificateur  par  le  com- 
mandement de  Dieu.     Il  bâtit  iin  Autel ,  &  facrifia  delTus  un  bouveau. 
Ces  monumens,  ÔC  les  Livres  cachez  des  Ammonéens  ^  c'étoient  les  Ar- 
chives, qui  étoient  confervées  dans  les  Temples  du  Soleil,  C2i\'  Ammonim 
vient  aflûrément  de  T9::in  zy^yan    Hammanim,  nom  qui  fignifie  les  Tem- 
ples du  Soleil ,  comme  nous  verrons  dans  la  fuite.  Il  eft  apparent  que  c-e 
Sanchoniathon  eft  le  plus  ancien  des  Auteurs  Payens,  dont  il  nous  refte  quel- 
que chofe  :  Cependant  je  ne  croipas  qu'il  foit  auffi  ancien  qu'on  ledit,  ni 
qu'il  fût  de  Tâge  de  Gedeon.  Ou  tout  au  moins  fon  ouvrage  a  été  Cor- 
rompu ,  &;  on  y  a  ajouté  des  chofes ,  qui  ne  Ibnt  point  de  l'âge  de  Ge- 
deon, car  nous  y  verrons  des  choies  qui  font  arrivées  du  tems  de  Samuel 
&  des  derniers  Juges,  long  tems  après  Samuel-,  c'eftdecethomme, ôcde 
fon  Traduéleur  Philon  BibHus,  que  nou#tirons   la  connoiflance   de   la 
Théologie  Phénicienne. 

Selon  le  rapport  de  cet  homme,  les  Théniciens  pofoient  pour  principe  de 
toutes  chofes^  un  certain  air  ténébreux  &  plein  d^efprits ,  ou  lefoujjle  d'^un  air  téné- 
breux^ &"  un  chaos  confus  (^  environné  de  ténèbres .   (^es  chofes  étoient  infinies  ^  (^ 
en  pajfant  par  une  longue  fuite  de Jiécles  ^  on  n'y  trouve  point  de  bornts.     Dans  Cts 
paroles  nous  voyons  une  defcription  du  Chaos  ,  qui  eft  évidemment  em- 
pruntée des  Livres  de  Moïfe,  dont  cet  homme  avoit  eu  la  communica- 
tion.    Cet  air    ténébreux  &  plein  d'^efprits ,    c'eft  ce  que  dit  Moïfe  ,  & 
PEfpritfe  mouvait  au  dejfusdes  eaux ,  &les  lenebres  e'toient  fur  le  de(Jus  de  Pabîme , 
Cet  amas  de  ténèbres  eft  Icprincipe  de  toutes  chofes,  parce  que  Moïfe 
dit,  in  principio ,  au  commencement,  dans  le  principe;  &  c'eft  de  la  mê- 
me tradition  qu'avoient  puifé  les  Grecs  &  les  Romains,  qui  difent,  que 
le  Chaos  eft  le  principe  de  tout ,  &  quil  fut  avant  tout,  i\roi  fjJv  T^piança 
Xdûç,  au  commencement  fut  le  Chaos  ^  êc  que  du  Chaos  vint  l'Erebeôc  lanoi- 
#e  nuit,  <jue  de  la  nuit  &  de  fErebe  ^  joints  par  l'' amour  ^  furent  engendrez.l^air 
&  le  jour ,  (jue  la  terre  engendra  le  ciel  pour  la  couvrir  tout  a  Pentour.     C'eft  la 
defcription  que  nous  donne  Hefiode  des  premiers  principes  de  toutes  cho- 
fes.    Et  Ciceron  dans  le  troifiérae  Livre  de  la  nature  des  Dieux  dit,  que 
félon  la  tradition  des  Poètes,  d'Erebus  &  de  la  nuit  font  nées  la  plupart 
àts  chofes.     Amor  j  dolm^  motus,  labor^  invidentia  ^  fatum  ^  feneBus ^  mors, 

une- 


Tixte  de 

Sanchonia- 

thou. 


Genefe  i. 


Hcfiode 
V.  1 1 7. 


i.  de  Nât. 
Dior,  circa 
médium. 


ET  DES  CULTES  J>E  L'EGLISE.  PartAU.  435 

îenebra ,  mijèria,  ejnereU ,  fraus ,  peninacia ,  Parc  a  ,  Hefperides ,  fomnia  ,  ^«w 
^»z«w  JErÉ-^c  c^  Hoâe  natosfernm.  Et  un  ancien  Hymne  attribué  à  Orphée 
dit, 

Ttf  cdnimtis  nox  aima  paretjs  hominumi^ue  Deumque. 

Ce  que  Sanchoniathon  ajoute,  que  ce  mélange  confus  n'avoit  point  de 
bornes ,  &  qu'on  n'en  pouvoit  trouver  le  commencement ,  en  remontant  par 
une  longue  fuite  de  fiécles,  nous  apprend,que  félon  les  Phéniciens,  la  m  atierc 
étoit  éternelle:  ce  qui  venoitde  ce  queMoïfenenousditpasprécifément, 
quand  cette  matière  fut  créée.   Il  dit  bien,  qne  Dieu  créa.  an.  commencement 
le  Ciel  &  la  Terre ,  6c  par  cette  Terre ,  il  ell  clair  qu'il  entend  le  Chaos,  LeCha«$  & 
car  il  ajoute,  ^ne  cette  T  erre  e'toit  fans  forme  &  vmde  ^  c'eft  la  defcription  du  ô^t'é^faëcz 
Chaos.     Il  dit  bien  auffi,  que  cette  Terre,  ou  ce  Chaos  fut  créé  au  com- avant  le 
mencement;  mais  il  ne  marque  pas  en  quel  point  on  doit  prendre  cecom-  cem^tdâ 
mencement.  Il  me  paroît  certain,  que  la  création  de  cette  matière  confu-  monde 
fe,  ne  fejfït  point  dans  l'efpace  des  fix  jours  j  car  Moïfe  dit ,  que  le  premier  ^"^^^*' 
ouvrage,  créé  dans  les  fix  jours,  fut  la  lumière.  Il  n'eft  pas  même  impro- 
bable ,  que  cette   matière  a  fublîflé  un  grand  nombre  de  fîecles,  avant  la 
Création  du  Monde  j  car  il  y  a  de  l'apparence ,  que  les  Anges  furent  créez 
long-tems  devant  le  Monde  feniîble.     Que  la  chute  des  Anges  étoit  arri- 
vée long-tems  avant  la  Création ,  ôc  que  les  Démons  avoient  été  préci- 
pitez dans  le  Chaos,  lieu  plein  de  ténèbres  ,  propre  pour  être  le  fejour 
de  ces  cfprits,qui  étoient  devenus  Icntbïts.Sex  millianec  dummflri  orhis  implen-  Hîeronym. 
tur  annij  d^  ejuantasprifis  aternitates ,  quanta  tempora ,  ^  quant  as  [Aenlorum  origi-  Ij^-.^-  ^^ 
ncsfuijfe  arhitrandum  eji  ?  in  qmbus^  Angeli^hroni^Dominationes^ceterdque  virtu-  Titum. 
tejfervierint  Deo^  dr  abfque  temporum  vicibus^  &  abfque  menfuris  Deo  jubente  fub- 
ftiterint.  Ces  paroles  de  St.  Jérôme  femblentfignifier,que  les  Anges  ont  été 
de  toute  éternité  avec  Dieu.  Mais  au  moins  elles  (îgnifient,  que  les  Anges 
ont  fubfillé  àç.s,  lîecles  innombrables  devant  le  monde.   Or  il  eft  apparent 
qu'au  moment  que  Dieu   créa  le  Monde  intelligible,  il  fit  les  femences 
du  Monde  fenfible,  car  il  n'eil  pas  neceîTaire  de  fuppofer  deux  créations. 
11  n'y  en  a  qu'une,  ce  fut  celle  dans  laquelle  Dieu  créa  les   Efprits  &  la 
matière  j  6c  ce  que  nous  appelions  aujourd'hui  la  Création^  n'eil  pas  une 
véritable  création,  c'eil  (implemcnc,  adornatio.  Dieu  ne  tira  rien  du  néant 
dans  les  fix  jours  de  la  Création ,  fi  ce  n'eft  l'ame  de  l'homme.     Il  ne  fit 
qu'arranger  ce  qu'il  avoit  créé  long-tems  auparavant,  &  le  mettre  dans 
un  autre  ordre. 

Sanchoniathon  continue  ainfi.  „Mais  quand  l'Efprit  commença  à  devc- Te»tc  de 
„  nir  amoureux  de  {es  propres  principes  ,  &  qu'il  commença  à  fe  mêler  fhoa!""'*" 
,,  avec  eux,  cette  union  fut  appellée  defir.     Ec  c'eft-là  le  principe,  ou  la  ttoôoç. 
5,  Création  de  toutes  chofes.     Or  l'Efprit  ne  connoifl'oit  point  fa  propre 
„  création,&  de  cette  conjonélion  de  i'  Efprit  fe  forma  ihùç^vciot  que  quelques-   /At'j. 
„  uns  difent  être  le  limon,  &  les  autres  difent ,  que  c'eft  une  certaine  mix- 
„  tion  aqueufe,qui  s'akere ,  fe  change ,  &  d'où  viennent  les  femences  de  tou- 
5,  tes  les  créatures,  &  la  génération  de  tous  les  corps.  Cet  Efpiitqui  aimela 
matière,  eft  ailûrément  tiré  de  ce  que  Moïfe  dit ,  &  Spiritus  incubabat  -,  le  mot 
Hébreu  fignifie,  que  l'Efprit embrailoit  le  Chaos,   le  couvoit,  l'échauffoit, 
Part.  lîl.  lii  comme 


454  HISTOIRE  DES   DOGMES 

comme  une  poule  fait  Ces  œufs,pour  les  rendre  féconds. L' Efprit  fe  mêla  avecfes 
pyincifes  ,    c'eil-à-uirc  ,  que  l'Eiprit  de  Dieu  pénétra  cette  matière  de  tou- 
tes parts,  l'ngita,  Scia  remua.  Cette  union  derEfprit  avec  la  matière///^ 
appeilee  defr  ou  cupidité  y   c'eil-à-dire  ,   que  cette  a6lion  que  l'Eiprit  dé- 
ploya dans  la  matière,  pour  la  rendre  féconde,  y  verfa  les  premières  difpo- 
iîrions,  femblables  à  celles  que  l'amour,  ou  la  cupidité  introduit  dans  la 
matière  ,  d'où  eniuite  fe  fait  la  génération.     L'Efprit  ne  comoijfyit  point  la 
création  oh  fa  créature;  c'eftà-dn-e,  qu'il  ne  voyoit  rien  encoie  de  parfait, 
car  fon  aâion -n'avoit  encore  produit  que  des  difpofitions  dans -la  matière, 
de  cette  conjonélion  fe  forma  Mwr.  Ce  Mot  ne  vient  pas  du  t^rJ  des  He- 
De  vetit.    breux,  qui  iîgnifie  mouvement,  comme  l'a  crû  Groiius.  J'aimerois  mieux  le 
lÎsS."!  dériver  d'un  mot  Egyptien  Ma^  quifignifie  dt%  eaux  j  c'eft  -  à  -  dire ,  que 
in  Annota-  Ja  première  difpofition,  que  l'Efprit  imprima  dans  cette  matière,  produi- 
*'*'  fit  un  corps  aqueux  6c  limoneux.  Cela  ell  clair,  car  il  interprète  Mwt  par 

ihvç  ,   qui  {ignifîe  du  limon  :  11  a  tiré  cela  de  Moïfe,  qui  ayant  donné  au 
Chaos  le  nom  de  terre,  &  la  terre  et  oit  fans  forme  &  vuide  ,  dit  (^ue  l''Ef- 
prnfe  mouvoit  y  couvoit^incubabat^  puis  il  appelle,  après  l'opération  de  l'Ef- 
prit, cette  maffe,  eaux^^  l'Efprit  fe  mouvoit  fur  les  eaux^  de  cette  mixtion 
aqueufe  qu'il  appelle  ^tf/,  ou  /aO;,  il  dit  que  toutes  chofes  ont  été  créées,  ou 
,    engendrées  ,   parce  que  Moïfe  incontinent  après  avoir  appelle  le  Chaos 
des  eaux ,  entre  dans  le  détail  de  la  création  ,   Se  dit  comment  chacune 
des  créatures  fut  tirée  du  Chaos  ,   ou  de  cette  matière  aqueufe  &  limo- 
neufe.  Il  eft  certain  que  dans  la  Théologie  des  Egyptiens  /aOs  eft  un  grand 
DeMyfte-    principe  de  toutcs  chofcs.    Voici  comme  en  parle  Jamblique.  Il  faut  eri' 
iiisSea.7.    tendre  par  ixvg,  ou  le  limon  ,  &  toutes  les  chofes  corporelles  ct'  matérielles  ,  &  la 
faculté  génératrice  &  nutritive  ,    comme  auff  toute  partie  de  la  nature  ^<jm  efi 
matérielle^  &  cjui  roule  avec  les  flux  incertains  de  la  matière  ^  en  un  mot  tout 
ce  <jui  reçoit  le  fleuve  de  la  génération  &  cjui  fe  mêle  avec  lui.     Enfin  cela  fgni- 
fe  la  caufe  pretniere  i^^  fondamentale  des  vertus  des  Elemens  ^  dr  de  tant  ce  qtà 
Epift.  ad      efi  autour  des  Elemens.  Porphyre  dit  que  les  ¥j^'pûç:V\s  invot^uoient^  dans  leurs 
Anebon«m.  p^^^^es^  le  Soleil fortant  du  limon.  Cela  fignifioit  que  félon  eux  les  ailres  avoient 
pris  leur  naiiîance  de  cet  /xùç,  de  ce  limon  la  terre  avoit  premièrement, 
tiré  fa  naiOance ,  félon  les  Phéniciens  ,  &  félon  les  Egyptiens»     Ce  qui 
avoit  palTé  jufqu'aux  Grecs.  Apollonius  dit  i 

Lib.  4.  At-  é^  lKl8é€KdçV}(T6 

gonautica-  ^g^^y   «ÔtW 


wm. 


Du  limon  étoit  fortie  la  terre  elle-même^  &  fur  cela  îe  Scholiafîe  ajoute.  Zt- 
non  difoit  que  le  Chaos,  dont  parle  Hejîode^  étoit  de  Peau  ,  d'où  fe  font  tomes  cho- 
fes; que  Peau  s"^ étant  rajffe^le  limon  en  étott  venu^  &  que  le  Itmon  s* étant  affer- 
mi^ la  terre  avoit  été  faite. 
Texte  de  Au  r^f",  dit  Sanchoniathon,  r7^<ît/wV  des  animaax  qui  n"^  avoient  pas  àefenti^ 
th»a.  "'**  ''^^^h  f*'  après  cela  produisent  des  animaux ^  ayant  des  fen s  qu'ion  appelU  Tfopha 
femim  ,  c'efi.  a-  dire ,  contemplateurs  du  Ciel,  qui  avoient  la  figure  d'un  œuf  ^  (fr 
incontinent  Mwt,  le  Soleil  &  la  Lune ,  les  Ajlres  dr  les  Etoiles  parurent.  Voici 
un  énigme  qu'il  n'eft  pas  aifé  de  débrouiller.  C'eft  apparemment  la  manière, 

dont 


ET  DES  CULTES  DE  VEGLJSE.Tart.Ul.  435 

donc  les  animaux  ont  éré  formez,  que  cet  Auteur  veut  expliquer.  G'eit-à- 
diiCjque  dans  ce  grand  efpace  appelle  le  Chaos,  &  qu'il  appelle  auffi  ;AÙr,dans 
le  lieu  où  font  prélèntement  les  Globes  de  la  terre  6c  de  l'eaujfe  formèrent  d'a- 
bord des  Globes  informes ,  qu'ils  appellerent  animaux  dejîttaez.  de  fefjSypgLVCC 
qu'ils  reflcmbloient  à  ces  boules,  qui  fe  forment  dans  le  fein  des  Mères 
qui  n'ont  point  de  fentiment.     Après  cela  de  ces  mafles  informes,  fe  for- 
mèrent peu  à  peu  d'autres  mafles,  qui  commencèrent  à  avoir  des  fens,  &  el- 
les étoient  comme  des  œufs  5  c'eft-à-dire,  que  c'étoient  des  animaux  en- 
core imparfaits,  comme  les  œufs  font  des  animaux  qui  ne  font  pas  encore 
formez,  ou  plutôt  comme  les  oifeaux  fe  forment  dans  leurs  coquilles,  tout 
parfaits,  devant  que  de  paroître  au  jour.     Pareillement  ces  premiers  ani- 
maux furent  formez  d'abord  peu  à  peu  ,  envelopez  de  tegumens  Se  d'en- 
velopesi  c'eft-à-dire,  qu'il  veut  qu'ils  ayent  été  formez  alors  dans  le  fein 
de  la  terre,  à  peu  prés  comme  ils  font  formez  aujourd'hui  dans  le  fein  de 
leurs  mères.     Ces  animaux  imparfaits  furent  appeliez  Tfophttfemim.   C'eft 
un  mot  Hébreu,  qui  en  effet  (îgnifie  contemplateurs  du  Ciel:  &  ils  ob- 
tinrent ce  nom ,  parce  que  ces  animaux  étoient  deftinez  à  contempler  les 
cieux  j  fur  tout  les  hommes,  defquels  le  Poëte  dit  : 


Os  homini  [nblime  dédit  Cœlumque  tueri. 


Oïîd.  Mc- 
tam.  lib.  r. 


Outre  cela  ces  animaux  imparfaits  avoient  des  yeux  à  demi-ouverts,  par 
lefquels  ils  entrevoioient  la  lumière. 

L'air  ayant  jeu é  une  Jplende^r  de  feu  ,    de  Pinflàmation  de  la  mer  &  de  la  Texte  de 
terre  furent  formez,  les  vents  ,  les  nuées  &  les  pluies  du  Ciel  ,    <^m  tombèrent  en  Sanchoaû- 
grande  abondance^  &  les  chofes^  qui  auparavant  avoient  e'te'  mifes  en  des  lieux 
differens  ,  furent  derechef  confondues  par  l^ ardeur  du  Soleil.     Elles  furent  de'ta- 
chees  de  leur  lieu  propre  ,    ^  fe  mêlèrent  dans  Pair.     Elles  eurent  combat  Pune 
contre  Pautre^  de  la  vinrent  les  tonnerres^  les  éclairs ,  au  bruit  du  tonnerre  les  ani- 
maux douez.  d'^intelUgence^  dont  il  a  été  parlé^fe  réveillèrent  comme  d"*  un  femme  il  ^ 
^  commencèrent  a  fe  mouvoir  maies  &  femelles  fur  la  terre  &  dans  la  mer.     Il 
•  achevé l'Hiftoire  de  la  création  des  animaux:  C'eft  qu'après  que  ces  bou- 
les, avoient  été  quelque  tems  à  devenir  animées ,  l'ame  y  étant  entrée,  la 
matière  venant  à  fe  débrouiller  ,  le  Soleil  pénétra  l'air  par  {es  raïons.    Il 
excita  des  pluies.  Se  les  pluies  tombèrent.  Il  échauffa  ces  maffes  informes,  qui 
devinrent  parfaits  animaux,  rompirent  les  envelopes  qui  les  renfermoient, 
comme  autant  de  matrices,  ôc  parurent  au  jour  mâles  Se  femelles.  Nous 
apprenons  de  Diodore  de  Sicile,  que  les  Egyptiens  avoient  une  tradition 
toute  femblable,  touchant  la  première  procréation  des  animaux  du  limon  de 
la  terre.   „  Dans  la  première  origine  des  chofes,  le  ciel  &  la  terre  étoient  Diodor. 
5,  confus,  rien  n'étoitdiftingué.    Enfuite  les  corps  fe  féparerent,  le  monde  £[' ,f^ 
^5,  fe  difpofa  dans  l'ordre  où  nous  le  voyons,  6c  l'air  fe  mit  dans  un  mou-  "p.z. 
5,  vement  qu'il  ne  quitta  plus.   Les  parties, les  plus  fubtiles  montèrent  en 
„  haut  ôc  formèrent  les  Aftres ,   Se  la  région  JÊtherée.  Le  Spleil  ,Se  les 
„  Aftres  furent  dans  un  mouvement  continuel  ,   la  partie  craffe  Se  limo- 
5,  neufe  tomba  par  là  pefanteur  dans  le  Centre.  Mais  cette  matière  étant 
„  auffi  en  mouvement  continuel ,  les  pt^rties  les  plus  humides  fe  fépare- 
„  rent  ôc  compoferent  la  mer  5    Les  piu^  groiiieres  demeurèrent  terre  , 

lii  z  ,5  mais 


5> 

W 

55 
55 
55 
3) 
3> 
55 
55 
5« 
55 
55 
55 
55 
55 


Suite  d» 
Texte  de 
Satichonia- 
thon. 

Vide  Huer. 
Demonûr. 

Evang. 
Piop.  4-  cap. 
4.  Seft.  z. 


In  fragmen- 

tura  Beiofi 


Blat.  in  Phi- 
lebo.  Cicer. 
Jib.s.deNar. 
Deoitim. 

Texte  de 
Saraehonia- 


4.36         HISTOIRE  DES   DOGMES 

„  mais  une  terre  molle,  limoneufe  6c  bourbeufe.  Quand  le  Soleil  vint  à  don- 
„  ner  fur  ce  limon  ,  il  commença  à  fe  lier,  6c  s'étant  fait  une  fermenta^ 
tion  fur  la  fuperficie  ,   il  fe  forma  des  bofles  6c  des  amas,  comme  des 
matières  pourries,  envelopées  dans  des  peaux  délicates.   Ce  que  l'on 
voit  encore  aujourd'hui  arriver  dans  les  marais  ,   où  la  terre  a  été  ref- 
froidie  ,  quand  le  Soleil  vient  à  échauffer  tout  d'un  coup  l'air  ,   6c  ne 
réchauffe  pas  par  degrez,.  La  chialeur  ayant  donc  produit  ces  Embryons, 
la  nuit  ils  fe  nourrifibient  de  la  rofée  qui  tomboit  delTus  ,   6c  le  jour, 
quand  le  Soleil  venoit  à  donner  defîlis,  ils  acqueroient  de  la  folidité. 
Enfances  animaux  s'étnnt  tout  à  fait  formez,,  les  envelopes  6c  les  mem- 
branes qui  les  environnoient,  le  rompirent ,    6c  l'on  vit  paroître  toute 
forte  d'animaux.  Ceux  qui  avoient  une  plus  grande  portion  de  chaleur 
s'envolèrent  en  l'air  ,   6c  devinrent  oifeauxj  ceux  qui  étoient  plus  ter-  - 
rellres  furent  les  reptiles ,  6c  les  autres  animaux  qui  vivent  fur  la  terre,. 
6c  les  plus  humid£s  furent  portez  dans  les  lieux  les  plus  propres  pour 
eux,  où  ils  nagent.  Enfin  la  terre  ayant  acquis  fa  naturelle  dureté,  devint 
incapable  d'engendrer  de  nouveaux  animaux  ;    C'efl  pourquoi  ils  fe. 
multiplièrent  par  la  voye  de  la  génération. 

Sanchoniathon  dit  qu'il  ^trouvé as antic^uitez.  dans ki Livres deTaautf  ton- 
chant  l"^  Origine  du  monde ^  dans  lefquels  il  fait  paroître  la  pénétration  de  [on  efprit^ 
par  les  preuves  ^  les  conje^ures  (^uil  a  imaginées ,  par  lef^nelles  tl  nous  a  donné 
de  grandes  lumières.  11  y  a  toute  apparence  que  ce  Taaut  ell  Moifci  c'efl 
là  le  Livre  dont  il  peut  avoir  eu  communication,  parjerubbahal,  ouGe- 
deon.  C'efl  lui  qui  a  écrit  l'Hiftoire  de  la  naiffance  du  monde ,  c'eft  lui 
qui  a  été  ellimé  l'inventeur  des  lettres,  6c  c'ell  le  plus  Ancien  desHiffo- 
riens,  ce  que  Sanchoniathon  attribue  à  fon  Taaut..  D'où  il  a  pris  le  nom 
de  Taaut  ,  6c  pourquoi  il  a  donné  ce  nom  à  Moïfe  j  cela  ell  allez,  incer- 
tain. Scaliger  ellime  que  ce  nom  efl  pris  de  imnjtohou,  l'un  des  premiers 
mots  du  Livre  de'Ia  Geijefé ,  dont  Moïfe  fe  fert  pour  décrire  le  Chaos , 
comme  on  a  donné  aux  cinq  premiers  Livres  de  Moïfe  ,  des  noms  pris 
des  premiers  mots  du  Livre.  C'efl  pom^quoi  les  Hébreux  appellent  la  Ge- 
ncfe,  Bereshit^  mot  Hébreu  qui  fîgnifîe  au  commencement.  Ainfîily  a 
apparence  que  ce  Sanchoniathon,  qui  avoit  deflein  de  gâter  ,  6c  de  dégui^ 
fer  tout  ce  qu'il  avoit  trouvé  dans  les  Livres  de  Moïie,  a  voulu  altérer 
jufqu'à  (on  nomjôc  luien  a  donné  un,  pris  des  premières  lignes  de  fbn  premier 
Livre,  6c  non  du  premier  mot.  Outre  cela,comme  il  vouloit  attribuer  à  Moï- 
fe des  fables  monflrueufes,  dont  on  ne  trouve  rien  dans  les  vrais  Livres  de 
Moïfe,  il  a  dû  déguifer  fon  nom,  afin  de  n'être  pas  incontinent  convainca 
d'irapodure.  11  n'y  a  guère  lieu  de  douter  que  ceT<?<î^/P^énicien,nefoitle 
Thoth^  ou  leJhoiihdcs  Egyptiens ,  que  les  Grecs  ont  appelle  Mercure  Trif^ 
megiflcj  comme  il  efl  dit  dans  la  fuite  de  ce  fragment  j  6c  duquel  Jam- 
blique  rapporte  qu'il  a  écrit  vi^gt  mille  volumes  de  Livres,  félon  Seleucus, 
6c  félon  Manethon  36.  mille  cinq  cens  vingt-u:inq  volumes,  lis  le  font 
auffi  le  plus  ancien  des  écrivains ,  6c  l'inventeur  des  lettres  ,  6c  de  tou- 
tes les  Cciencesj  ce  qui  convient,  fort  bien  à  Moïfe.  Les  Grecs ,  6c  les  La- 
tins parlent  fouvent  de  ce  Thoth  ou  de  ce  Mercure  des  Egyptiens. 

Ce  furent  les  premiers,  qui  canfacrerent  pour  Dietix\  les  plantes  de  la  terre  ,    Ô" 
les  adorèrent  i&mme.  des  divinitez^yparce  qu'eux  #  leurs  Ancèires  ,  entretenoi$nt 

^- 


ET  DES  CULTES  DE  L»EGLISE.P^r/.III.  437 

^  confervoient  leur  vie  de  ces  alimens  ^  ils  les  fervirent  &  leur  firent  des  encen- 
fèmetîs  ,  &  ces  penfe'es  îomhant  le  fer  vice  divin ,  s"^  accordaient  bien  avec  leur  foi~ 
hleffe ,  &  avec  la  petttcp  de  leur  efprit.  Il  femble  que  Sanehoniathon  attri- 
bue aux  premiers  hommes,  d'avoir  adoré  les  plantes,  parce  qu'ils  tiroicnt 
leur  vie  &  leurs  alimens  de  ces  plantes.  Cette  rêverie  a  pris  fa  naiflancc 
de  ce  que  dit  Moiïe  ,  que  Dieu  pofa  l'homme  dans  le  jardin  d'Eden  , 
pour  le  cultiver,  dans  i'Hebreu  il  y  a ,  &  Dieu  mit  Adam  dans  ce  jardin 
may^,  pour  le  fervir.  Or  ce  mot  ell  le  même  qu'on  employé  quand  il  s'a^  Gen.  2, 
git  d'adoration ,  de  forte  qu'on  auroit  pu  tourner  pour  l'adorer,  aulîi  bien 
que  pour  le  cultiver.  Les  deux  arbres  de  fcience  &  de  vie ,  pour  lefqueîs 
Dieu  commanda  aux  hommes  d'avoir  un  grand  refped:,  &  ce  que  Dieu 
avoit  dit,  fe  vous  donne  toute  herbe  portant femence ,  &  tout  arbre  portant  fruit^ 
&  cela  vous  fera  pour  aliment ,  cfl  le  fondement  de  ce  qu'il  ajoute,  que  les 
hommes  adorèrent  les  plantes,  parce  qu'ils  s'en  nourriflbient.  Dans  le  pre- 
mier âge,  dans  lequel  les  hommes  vivoient  de  fruits ,  ôc  adoroient  les  plan- 
tes, il  dit  que  ces  hommes  étoient  fimples  &  avoient  peu  d'efprit.  C'eft 
l'état  de  l'innocence  de  l'homme  qu'il  a  conçu  ainfi  ,  parce  que  MoiTe 
dit  qu'il  leur  étoit  défendu  de  manger  de  l'arbre  de  fcience  de  bien  ôc  de 
mal.  Il  a  pris  cela  allegoriquement,,  comme  fi  Dieu  lès  eût  iiourris  alors 
dans  une  privation  de  fcience  ôc  de  connoiflance.  Il  s'eil  confirmé  dans 
cette  imagination  ,  parce  qu'il  a  lu  qu'Adam  &  Eve  ne  s'appercevoient 
pas  qu'ils  étoient  nus  ,  &  que  leurs  yeux  ne  furent  ouverts ,  que  quand  ils 
eurent  mangé  du  fruit  de  l'arbre  de  fcience.  Enfin  MoiTe  dit  que  le  Ser- 
pent étoit  plus  rufé  ôc  plus  intelligent  que  les  hommes,  ce  qui  a  faitcon- 
clurre  à  Sanehoniathon,  qu'ils  étoient  dans  une  grande  fimpiicité  ôcbêti- 
fe ,  &  ce  font  aulîi  les  fondemens  de  rHereiie  Socinienne  fur  l'état  d'ia- 
nocence. 

„  Du  vent  Colpia  6c  de  fa  femme  Baau,  que  les  Grecs  appellent  la  nuit.  Texte  de 
5,  ils  difent  qu'yEon,c'eft-à-dire,le Siècle,  & Protogonus ,  c'eft-à-dire,  lef^^^''""^' 
„  premier  néj  furent  procréez  tous  deux  mortels,  & qu'-'Ëon  fut  le  pre-  oudc  phi'- 
„  mier  qui  enfeigna  aux  autres  de  chercher  leurs  aliiuens  dans  les  arbres.  °"''«^'Wi£,. 
„  Ceux  qui  naquirent  de  ce  Protogonus  oc  d'^on,  furent  appeliez  gen-  v^r"^°^°" 
„  re  &  génération  ,  ôc  habitèrent  la  Phénicie  ,    6c  comme  la  vehemen- 
„  te  chaleur  du  Soleil  les  incomraodoit,  ils  levèrent  les  mains  au  Ciel  vers 
„  le  Soleil.  Car  ils  le  cro'ioient  l'unique  Dominateur  du  Ciel,  l'appellant 
j,  dans  la  langue  des  Phéniciens, Bcel  Samen,  c'efl- à-dire  Seigneur  du 
„  Ciel,  &  c'eft  celui  que  les  Grecs  appellent  v^kioç.  „.   Voilà  l'Hiftoire de 
la  création  de  l'homme,  de  fa  chute, ôc de fonexpuifion  hors  du  Paradis, 
bien  abrégée  ôc'  bien  corrompue.     Elle  y  eft  pourtant  tirée  de  MoïTe. 
Le.  vent  Colpia  êc  fa  femme  Baau  créèrent  les  deux  premiers  hommes. 
Colpia  fans  aucun  changement  fignifie  en  Hébreu  ,    voix  de  la  bouche  de   ^T'^A's- 
Diefi,  "Baau,  c'eft  le  Chaosj  &  tous  ceux  qui  ont  la  moindre  teinture  de  la  lan- 
gue fainte,  voyent  bienx|uece  mot  eft  celui  dont  Moïie  fefert  pour  figni- 
fier  le  Chaos,  d"/^i  terre  appellee  tohou  c^  bohou  ^étoit  confufe  &  t^iffreufe  .-Auffi, 
dit -il,  que  les  Grecs  l'appellent  la  nuit.     Car  ce  bohou  ^  ou  Chaos,  étoit 
couvert  de  ténèbres.  Le  favant  Bochartdévive  Baau  de  *"ni3  ,  mot  Hébreu 
qui  fignifie  pafter  la  nuit  :    il  donne  à  Baau  une  lettre  à  la  fin,  hfant  Baautj 
&  voulant  ^q^ue  ce  îirot  fignifie  la  nuit  :    Mais  cette  cofijedure  n'eft  point 

iii  3,  bojfe- 


43^  HISTOIRE  DES  DOGM  ES 

bonne:  il  cfl:  clair  que  Baau  vient  de ùohou^  qui  eft  dans  le  texte  de  Moi- 
fe.  Par  parenthefcilell  bon  de  remarquer,  que  Sanchoniathon  n'a  pu  parler, 
ni  Grec  5  ni  des  Grecs  dans  fon  ouvrage,  parce  qu'il  ne  les  a  point  connus. 
Mais  ce  fragment  eil  le  texte  de  Philon  dcBiblis  qui  a  écrit  en  Grec,  & 
qui  apparemment  a  corrompu  le  texte  de  Sanchoniathonenletraduifanti 
comme  Sanchoniathon  a  corrompu  le  texte  de  Moïlc. 

Qtioi  qu'il  en  (bit ,  cet  énigme  fignifie  que  Colpia  ,  la  voix  de  la  bou- 
che de  Dieu,  a  créé  toutes  chofes  de  ia  [enime  Baau  ,  c'ell-  à  -dire ,  de  Ton 
union  avec  le  Chaos  ou  la  matière.  On  voit  bien  d'où  cela  ell  pris.  Moi- 
le  rapporte  que  Dieu  par  fa  parole  créoit  les  chofes  dans  le  Chaos ,  Se  les 
faifoit  fortir  du  Chaos,  en  difant  t^u'uKe  telle  choje  feit^  que  la  lumière  foit, 
&  la  lumière  fut.  C'eft  donc  la  voix  de  la  bouche  de  Dieu  ,  qui  créoit  les 
chofes ,  ôc  qui  les  engendroit  du  Baau,  du  Chaos.  Il  fait  de  ce  Colpù,  un 
vent ,  Du  vem  Colpia ,  pour  plufieurs  raifons  toutes  tirées  de  Moïie.  La 
première  ,  c'eft  que  Moïfe  dit  que  l'efprit  ou  le  vent,  Je  mot  Hébreu, 
auffibien  que  le  mot  Grec,  fignifie  l'un  &  l'autre,  fe  mouvoit  furlcdeflus 
du  Chaos,  {uvBaaUt  ut  mas  jupra  fœminam  ad  eamfœcundandam.  L'efprit 
ou  le  vent,  qui  partoit  de  la  voix  de  la  bouche  de  Dieu,  couvoit  la  matiè- 
re. Je  ne  doute  pas  que  Sanchoniathon  n'ait  auffi  eu  égard,  à  ce  qui  efi:  dit 
dans  le  chapitre  5.  de  la  Genefe,  qu'après  le  péché  d'Adam,  Dieu  vint 
Dvn  niiS.  parler  à  lui  au  vent  du  jourrVu^  vent  6c  la  voix  de  Dieu  font  la  conjoints, 
&  de  cette  jonétion  cet  Auteur  a  fait  fon  vent  appelle  Colpia  ,  ou  voix 
de  la  bouche  de  Dieu.  Les  Deux  premières  créatures  raifonnables ,  .^î!,on 
&  Protogonus  ont  été  procréez  de  ce  Colpia, ,  6c  de  Baau  fa  femme ,  par- 
ce qu'Adam  ta  Eve,  comme  les  autres  créatures,  furent  tirez  de  la  matière 
&  de  la  terre  par  la  voix  de  Dieu,  c'eft-à-dirc  ,  par  fon  ordre  &  par  fa 
puifiance.  T^rotogonus  le  premier  né ^  c'eft  fans  doute  Adam,  le  premier  de 
tous  \ts  vivans ,  la  fouche  du  genre  humain.  6x£<?»  ou  le  fiecle  c'eft  Eve. 
Pourquoi  Pourquoi  donnc -t-il  à  Eve  le  nom  de  fiecle?  C'eft  peut-être,  parce  que 
sanchonia-    youlant  doDncr  deux  noms  à  ces  deux  premiers  hommes,  qui  marquafient 

thon  appelle  .       .    ,       „  .    ^       .^    ^,  vi     r         i  j      ^  i^  • 

Adsm  Pro-  leur  actiquitc,  cC  qui  lignihalient  qu  ils  lont  les  pères  du  genre  humamj 
^S'^lkfn  ^y^"t  donné  au  mari  le  nom  de  Protogonus^  qui  fignifie  le  premier  engen- 
dré, il  a  voulu  donner  à  la  femme,  pour  diverfifier,  un  nom  qui  fignifiât 
la  même  chofe  fous  un  autre  mot.  Car  IVwv  dts  Grecs,  ôc  le  aSiy  des 
Hébreux,  fignifie  l'éternité,  une  grande  antiquité,  une  longue  durée.  Mais 
je  fais  une  autre  conjcâure,  qui  me  paroît  beaucoup  plus  vrai-femblable, 
c'eft  que  Sanchoniathon  avoit  appelle  la  femme  d'Adam  Alemah ,  qui  fignifie 
fille  ou  femme  vierge ,  &  qui  s'écrit  avec  les  mêmes  lettres,  ôc  vient  de  la  mê- 
me racine  queO/rf»î,  qui  fignifie  fiecle  dans  la  langue  Phénicienne,  ôc  Hé- 
braïque, "ohv  Racine  commune  de  OUm  ÛGc\e,èCy4lemah  vierge,  fignifie 
cacher,  parce  que  les  Jtecles  font  cachez,  ou  dans  le  pafle  ou  dans  l'avenir. 
Et  les  vierges  furent  appellées  Alemah  cachées:  parce  qu'elles  étoientre- 
clufes  ,  Ôc  paroiflbient  peu  en  public.  Or  le  nom  d'Alemah^  que  Sancho- 
niathon avoit  donné  à  Eve,  étoit  fort  bien  imaginé,  il  ne  peut  pas  avoir 
appelle  Eve  oh)p  ,  car  c'eft  un  nom  mafculin ,  qui  n'a  pu  être  donné  à 
une  femme  ,  il  l'a  donc  appellée  Alemah  r^r^hv  ,  qui  eft  le  féminin  de 
Oiam.  Ni  le  mot  de  Trficorôywoç',  ni  celui  d'u' wv ,  n'éroient  pas  alTûrément  dans 
le  texte  de  Sanchoniathon,  qui  a  écrit  en  Phénicien  ôc  en  Hébreu.  Sans 

doute 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Tart.Ul.  439 

doute  Sanchoniathon  donna  à  Adam  le  nom  de  1133  éxcor,  qui  Hgnifie  en 
Hébreu  premier  né  ,  &  à  Eve  il  donna  le  nom  d'Âlemah  v.erge  ,   parce 
que  ce  fut  la  première  femme  ôc  la  première  vierge.   II  y  a  apparence  que 
les  Gnoftiques  avoient  pris  de  la  leurs  ey£ones.C'c{ï  ainli  qu'ils  appelloient  cer- 
taines intelligences,plus  vieilles  que  le  monde. Ces  gens  habiterenCjdit-il^dans 
la  Phénicie  j  c'efi:  pour  donner  l'honneur  à  ion  pais  d'avoir  porté  les  prcmieis 
hommes.     Mais  la  vérité  ell  que  le  Paradis  terreftreétoit  iur  les  rives  de 
l'Euphrate,  &  que  les  premiers  hofnmes  ont  habité  làdTentour.  Le  chaud 
les  Ayant  extrêmement  incomjnodez^^  ils  levèrent  les  mains  au  Ciel  ,    vers  le  Soleil 
qu'ils  regardoient  comme  le  Çepil  Seigneur  des  cieux^  ôc  c'eii  pourquoi  ils  l'ap- 
pelloientBelfamenjen  (iSti  Belfamen ^  {îgnifie  Seigneur  des  cieux,  dans  la 
langue  Hébraïque  &  Phénicienne,  6c  je  comprens  fort  bien  pourquoi  il 
attribue  aux  premiers  hommes,  de  l'avoir  regardé  comme  le  Dominateur 
dit?,  cieux  j  c'eil  parce  que  Moïfe  dans  l'Hiitoire  de  la  création  dit  ,  que 
Dieu  fit  un  grand  luminaire  four  dominer  fur  le  jour  .^  favoir  le  Soleil.     Il  eft 
vrai  que  Moïfe  dit  au  même  endroit,  que  Dieu  fit  la  Lune  pour  dominer 
fur  la  nuit.  Mais  l'empire  de  la  nuit  eil  conté  pour  rien,  ôcla  Lune  vifi- 
blement  tirant  toute  (à  lumière  du  Soleil,  il  ne  faut  pas  s'étonner  fi  le  So- 
leil eft  çonfidcré  comme  le  feul  Dominateur  du  Ciel.  Mais  que  veut- il  di- 
re que  la  chaleur  étant  arrivée ^ils  fe tournèrent  vers  le  Ciel  ?  Je  fuis  perfuadé 
que  cela  eft  tiré  de  ce  que  Moïfe  dit  que  Dieu  ayant  chafle  Adam  du  Pa-     . 
radis,  il  mit  à  la  porte  une  flamme  ,   ou  une  épée  flamboyante,  du  côté 
d'Orient  :  cela  veut  dire,  félon  Sanchoniathon,  que  Dieu  alluma  une  grande 
flamme  ardente,  qui  brûloit  ceux  qui  vouloit  approcher  de  là.  C'eft  une  ima- 
gination fort  femblable  à  celle  de  Tertullien,qui  croit  que  le  Paradis  tcrreilre  Apoiogat, 
ell  feparé  de  nôtre  monde  habitable,  par  la  Zone  torride  inhabitée.  Si  Pa-  "P;4^- 

IX  •  i--  ■''.        .  .   .       ,.      ^       -,  _...,       Et  Thomas 

radtjHm  nomtnemm  locum  dtvmA  amœmtaiu  recifienavs  Santtorum  Spînîthm  zs. 
dejlmatum^  maceria  quadam  ignea  illim  Zona  knotitia  or  bis  fegregatum.     Ou  Qi'^ft-  ^^7. 
bien  c'efb  l'opinion  de  Lyra,  deToilat  &  d'autres,  qui  expliquent  cela  par  timo.' 
un  torrent  de  feu,  quirouloit  autour  du  Paradis  terreftre.    Enfin  qui  s'é- J^^^H'J^*' 
tonnera  que  Sanchoniathon  ait  expHqué  cela  d'un  feu  ôc  d'une  chaleur  ex-  Genefim 
cefiive,  puifque  St.  Ambroife y  a  trouvé  le  feu,  à  travers  lequel,  félon  îtii ,  ^^'^^'^c  j„ 
les  âmes  doivent  pafler  au  dernier  jour  du  jugement,  ôc  Rupert  y  a  trou:  pf.np.  v.i/. 
vêle  feu  du  Purgatoire?  Les  hommes,  dit  S-M^chom^ihon^  fentam  ceite  grande  -SM^^Comm, 
chaleur. levèrent  les  mains  vers  le  Soleil .  c'eft-à-dire  ,  qu'ils  allèrent  habiter '^^  <^^"^'- 
vers  l'Orient  du  Soleil,  &  cela  eft  clair  par  le  texte  de  Moïfe.  Car  il  dit  &  j,.  * 
que  Dieu  mit  les  Chérubins,  6c  l'épée  flamboyante,  pour  défendre  l'entrée 
du  Paradis  du  côté  de  TQiient.  C'eft  une  preuve  que  les  hommes  avoient 
^  choifi  leur  demeure  de  ce  côté  là.  Voyons  comment  Sanchoniathon  cori- 
tinuë  de  corrompre  l'Hiftoire  S^*.  ôc  de  l'enveloper  fous  fes  fables. 


Ç  H  A- 


44.0  HISTOIREDESDOGMES 

CHAPITRE     VI. 

* 

Suite  de  la  7 heologie  Phénicienne. 

,5T~XE  la  race  d'^on  &  de  Protogonus  vinrent  des  enfans ,  qui  étoieot 
Textede  )5  it  jaonels  comme  eux,  &  on  les  appella  des  noms  de  Lumière,  de 
sanchonia-  ^^  Feu  &  de  Flamme,  lefquels  ayant  trouvé  le  Feu,  en  frappant  des 

„  bois  les  uns  contre  les  autres ,  en  enfeignerent  l'ufage  aux  hommes.  Ces 
„ gens  engendrèrent  des  fils,  qui  furpaflbient  l'ordinaire  des  hommes  en 
„  grandeur  de  corps ,  ôc  leurs  noms  furent  donnez  aux  montagnes ,  dans 
„lefquclles  ils  habitèrent,  &  dont  ils  prirent  la  pofieffion.  C'eft  d'eux 
„  qu'ont  tiré  leurs  noms  le  Mont  Cafîius  ,  le  Mont  Liban  ,  Antiliban  Ôc 
-„Brathi.  De  c-es  Geans  vinrent  Memrumus,6c  Hypfuranius,  lefquels 
„ tirèrent  leurs  noms  de  leurs  mères,  qui  étoient  des  femmes  ,  qui  fans 
„  honte  fe  méloient  avec  les  premiers  qu'elles  rencontroient  i^uis  que 
Protogonus  ôCvEon,  font  Adam  &  Eve,  on  ne  peut  doutef  que  les  enfans 
de  Trotogonui  &  d'ex£<7«  ne  foient  Caïn,  Abel,ôc  Seth.  Il  dit  qu'ils  furent 
créez  »?c?r/É'/j,  comme  leurs  pères,  à  caufe  que  l'Hiftoire  Sainte  dit,  qu'A- 
dam engendra  Seth  à  fon  image  &  femblancci  Et  peut-être  auffi  que  cet 
Auteur  fait  mention  de  la  mortalité  des  enfans  d'yEon  ôc  de  Protogonus, 
à  caufe  qu'Abel  fut  mis  à  mort  par  fon  frère  Caïn.  Ces  enfans  d'Adam, 
dit-il,  furent  appeliez  du  nom  de  Feu,  de  Lumière  &  de  Flamme,  par- 
ce qu'ils  trouvèrent  le  Feu,  en  frorant  les  corps  les  uns  contre  \ç.%  autres , 
&  qu'ils  en  apprirent  l'ufage  aux  hommes.  Cela  ell;  corrompu  de  ce  que 
Moïfe  dit,  que  Tubalcaïn  ,  l'un  des  décendans  de  Caïn,  fut  forgeur,  & 
inventa  l'ufage  du  Feu,  pour  former  des  inftrumens  de  fer. 

De  ces  gens  nommez  Fen  ,  Lumière  &  Flamme^  naquirent  les  Geans. 
En  effet  de  la  race  de  Caïn  6c  de  Tubalcaïn,  vinrent  cts  gens  que  Moïfe 
appelle  Geans ,  gens  de  renom  fur  la  Terre.  Il  ajoute ,  que  ces  Geans 
oideiTus  donnèrent  le  nom  aux  montagnes  qu'ils  occupèrent.  Le  Fragment  du  Li- 
mierepame.  ^^^  attribué  à  Enoch  dit,  (]iie  les  Geans  monte-rent  fur  la  montagne  de  Hermo^ 
nim ,  &  cjjH'ds  lui  donnèrent  ce  nom^  a  caufe  du  ferment  d^  exécrât  ion  ,  &  de  fallian' 
ce  ejju' ils  avaient  faite  entr'eux.  En  effet  Cherem  &  Charemd,  (îgnifient  en  Phé- 
nicien &  en  Hebreu,ferment  avec  exécration,  S3nchoniathon  ajoute,  que  de 
cette  race  de  Geans ,  naquirent  Memrumus  &  Hypfuranius.  Bochart  a  fait* 
ici  une  correction  qu'on  doit  recevoir  fans  difficulté.  Ce  Memrumus^èc 
cet  HypfuraniHs ^  ne  font  point  deux  hommes,  comme  l'édition  &  laver- 
fion  de  Vigerus  de  161^.  le  dit.  EVfv!'i6vî(r«v  /;(.vîvp2/xoç,  vial  0  v^yspavioç. 
'  Il  y  a  dans  l'édition  de  Robert  Etienne,  ô  ml  v-l>spcivioç,ÙMemrHmHs ,  qui 
efl  aufîi  appelle  Hypfuranius  ,  au  heu  d' f/ev^ôvîT^v  fxt^vpSju-oç,  il  faut  ailûré- 
ment  lire  ,  èy£vyiè\^  (rcciJ.v^'jpH[.ioç  ^  naquit  Samenrumus  ,  qui  eil  aufîî  appelle 
Hypfuranius.  Le  premier  de  cq.s  noms  efl  pur  Hébreu,  ou  Phénicien, 
r^  311  P?:lî>,  ôc  (ignifie  élevé  comme  le  Ciel,  ou  élevé  aux  Cieux,  &  le  mot 
Bjffurmim  efl  Grec,  &  fignifie  la  même  chofc.  G'ell  Philo  Biblius  qui 

.l'a 


ET  DES  CULTES  DE  VEGLISE. PartAll  4.4,1 

Ta  ajouté  pour  l'explication  dumotSamef)rumusydoms''é\ioitkrvi  Sancho- 
niathon.  Cet  Auteur  confond  toutjSc  défigure  pitoyablement  l'Hiftoire  Sain- 
te. Ce  Samenrumm^t^  rapporté  dans  cette  genealogie,comme  étant  de  la  race 
desGeans.  Cependant  je  fuis  trompé,  fi  ce  n'eflAbel  ou  Enoch,  il  appelle 
Enoch ,  SamenrHmm  élevé  aux  Cieux ,  à  caufe  de  ce  que  Mo'iTe  dit ,  que  Dieu 
le  prit ,  &  qu'on  ne  le  trouva  plus.  Si  c'eft  Abel ,  il  l'appelle  Saimmumus 
élevé  dans  les  Cieux ,  à  caufe  qu'il  fut  agréable  à  Dieu  plus  que  Caïn ,  &  qu'il 
fortit  du  monde  par  une  mort  avancée.    Et  cette  dernière  conjeélure  me 
paroît  plus  vrai-femblable  5  à  caufe  de  ce  que  nous  allons  voir  éç.^  inimi- 
tiez que  Memrumus  eut  avec  fon  frère  VÇous.  Il  ajoute,  que  les  enfans des 
Geansf  renoient  leurs  noms  de  ces  femmes  ^qmfeproft'itHoient  a  tom  venant.     Je  ne 
faurois  douter  que  cela  ne  foit  tiré  de  ce  que  l'Hifloire  Sainte  dit ,  que 
les  fils  de  Dieu  fe  mêlèrent  avec  les  filles  des  hommes,  &  que  dccesac- 
couplemens  vinrent  les  Geans.     Ces  femmes  qui  fe  proflituerent  à  tout 
venant ,  c'étoient  les  femmes  de  la  race  de  Caïn ,  que  Moïfe  appelle  les  fil-  cener*. 
les  des  hommes,     La  plupart  des  Anciens  ont  crû,  que  ces  fils  de  Dieu  Î^^^P^'-Anf. 
étoient  les  Anges,  qui  fe  corrompirent  avec  les  femmes,  ôc  ainfi  ils  ont  AHg.'i.^de 
compris,  que  ces  femmes  étoient  des  filles  perdues  &  des  proftituées ,  &  f'^"&f 
c'eft  pour  cela  que  Sanchoniathon  dit  d'elles ,  qu'elles  fe  mêloient  avec  le  '^^i- 
premier  venu.        _  uSc^l 

„  Or  *  Hypfuranius  pofa  fon  habitation  dans  l'Ile  de  Tyr,&  inventa  l'art  Texte  de 
„  de  faire  des  Tabernacles  avec  des  rofeaux  de  jonc,  &  des  écorces  d'ar-  sanchoaii- 
„  bres,  ôcileut  de  grandes  inimitiez  avec  fon  frère  Ufous.  Ce  fqt  cet  "AtKremeBt 
„  Ufous,qui  trouva  le  premier  l'invention  de  fe  vêtir  de  peaux  de  bêtes,  qu'il  JPP«"é  mc- 
„  avoit  prifes  à  la  chalîe.  Une  grande  tempête  étant  arrivée  dans  Plie 
„  de  Tyr ,  qui  fit  choquer  violemment  les  arbres  les  uns  contre  les  autres, 
,,  cela  fit  fortir  du  feu  qui  embrafa  une  forêt  qui  étoit-là.  Un  arbre  duquel 
„  il  avoit  auparavant  coupé  les  branches  étant  refté,  il  s'en  fervit  com- 
„  me  de  navire,  &  fut  le  premier  qui  ofa  fe  confier  à  la  mer.  Il  éleva 
,,  auffi  deux  colomnes  à  l'honneur  du  Feu  &  des  Vents.  Il  leur  rendit 
,,  le  culte  de  l'adoration,  ôc  leur  facrifia  les  bêtes  qu'il  avoit  prifes. 
„  Quand  cts  de-ux  frères  Hypfuranius  &  Ulbus  furent  morts,  leurs  dé- 
„  cendans  leur  confacrerent  des  bâtons  ou  verges,  ou  des  colomnes,  ils  les 
„  adorèrent ,  &  leur  confacrerent  des  fêtes  annuelles.  Or  plufieurs  fic- 
„  clés  après,  de  la  race  d'Hypfuranius naquirent  Agreus  &  Aiieus,  donc 
„  l'un  fignifieChalTeur,  ôc  l'autre  Pêcheur,  qui  furent  Patriarches  des  Pê- 
„  cheurs  ôcdesChalleurs.  De  ceux-là  naquirent  deux  frères,  qui  trouve- 
„  rent  le  fer  êc  fcs  ufages.  L'un  s'appelloit  Chryfon ,  qu'on  dit  être  Vul- 
„  cain,  lequel  s'adonna  à  l'éloquence,  aux  enchantemens,  &àrartdede- 
„  viner.  Il  inventa  aufii  l'hameçon,  l'appât  6c  la  ligne,  &lcs  barques, 
„  &  fut  le  premier  qui  trouva  l'art  de  la  navigation.  C'efl:  pourquoi  ils 
„  l'adorèrent  comme  Dieu  après  fa  mort,  ils  lui  donnèrent  le  nom  deDia- 
„  michus.  Il  y  en  a  qui  veulent  que  l'art  de  bâtir  des  murailles  de  brique  ait 
„  été  invente  par  ces  frères.  De  ces  enfans  vinrent  deux  jeunes  gens,  donc 
„  l'un  fut  appelle  l'ArtifanjSc  l'autre  fut  appelle  le  Terreftre,  né  du  lieu, 
„  &  ce  furent  ceux  qui  inventèrent  l'art  de  faire  des  briques  avec  delà  ter- 
„  re ,  &  de  les  faire  lécher  au  foleil ,  &  de  faire  dts  toits. 

Il  n'v  a  rien  de  fain  là  dedans.     Car  cet  Auteur  fe  contredit  lui-même, 
Fart.  III.  Kkk  & 


442  HISTOIRE   DES   DOGMES 

&  contredit  tous  les  autres.     Il  fait  Vfons  inventeur  de  l'art  de   la  navi- 
gation, ÔC  cependant  il  attribue  cette  invention  à  Chiyion,  qui  ell  Vul- 
cain,  l'un  des  décendans  d'UfousÔc  d'Hypiuranius.     Il  iait  Vulcain  Dieu 
des  Forgerons,  &  en  même  teras  de  l'éloquence  6c  de  l'art  de  deviner, 
quoi  que' les  Grecs  ne  Payent  fait  que  Dieu  des  Forgerons.     Cependant 
au  milieu  de  tout  ce  chaos  de  fables,  on  voit  quelques  vclliges  de  l'Hif- 
toire  Sacrée.     Cet  Ufous  efh  apparemment  Gain,  qui  eut  de  grandes  ini- 
mitiez avec  Ton  frère  Hypfuranius.     G'eil  Abel  qui  fut  tué  par  fon  frère 
Gain.     Uibus  ou  Gain  inventa  l'art  de  faire  des  habits  des  bêtes,  qu'il 
avoit  tuées  à  la  chalTe,  parce  qu'il  étoit  apparemment  homme  de  chafle, 
étant  laboureur  &  homme  de  campagne,  &  outre  cela,  cruel,  farouche, 
&  aimant  le  iàng,  comme  il  parut  par  le  meurtre  d'Abel,  &  après  ce  cri- 
me Dieu  s'étant  retiré  de  lui,  il  ne  faut  pas  douter  que  fa  férocité  n'ait  au- 
gmenté.    Il  lui  attribue  d'avoir  adoré  le  feu  Scies  vents.     Gela  ne  peut 
convenir  à  Gain  :  car  je  tiens  qu'avant  le  déluge ,   l'idolâtrie  n'étoit  pas 
.  connue,  6c  que  le  péché,  qui  amena  le  déluge,  fut  l'impiété êc  l'Atheif- 
me.     De  la  race  dC Hypfuranius ^  vinrent  les  premiers  Forgerons,   6c  ceux 
qui  bâtirent  des  maifons.     Il  devoit  dire  de  la  race  d'Uiousi    car  Ufous 
.eft  Gaïni    &:  Moïfe  nous  apprend,  que  Gain  lui-même  fut  inventeur  de 
l'art  de  bâtir  des  villes,  que  Tubal  fit  des  Tabernacles,  &  fut  le  Patriar- 
che des  Pafteurs.     G'ell  celui  que  Sanchoniathon  appelle  àypeùgA' ccypoç  -tO^ui 
fignifie  champ,  plutôt  que  à'âypu,  qui  iîgnifiechaiTe  ou  capture.  Tubal- 
caïn  des  décendans  du  même  Caïn,  fut  le  Patriarche  des  Forgerons  des 
inllrumens  de  fer  ou  d'airain ,  ôc  c'efl  celui  que  Sanchoniathon  appelle 
Chrjfon. 

Tubal  fut  inventeur  de  la  i^JMt'ifque ,  &  le  père  de  tous  ceux  qui  touchent  le 
violon,  &  les  orgues,  félon  Moïfe,  6c  c'eft  celui  auquel  Sanchoniathon  at- 
EVû3j«/.  tribuë  d'avoir  inventé  l'éloquence,  les  chants,  ou enchantemens,  5c  l'art 
de  deviner,  lequel  il  confond  avec  Vulcain.  Pour  ce  qui  eft  de  yn^og^ 
KÙro;<;ôwi',  Mr.  Bochart  veut  que  ce  foit  Adam:  En  effet  ce  nom  lui  con- 
vient fort  bien.  Il  eil  appelle  terreftre,  parce  qu'Adam  étoit  fils  de  la 
terre ,  êc  procréé  de  la  terre ,  ôc  né  du  lieu ,  parce  qu'il  avoit  été  pris  de 
la  même  terre  fur  laquelle  il  habita.  Mais  hors  le  nom,  rien  ne  convient 
à  Adam.  Nous  l'avons  trouvé  dans  le  Protogonus,  dont  il  a  été  parlé.  Il 
n'y  a  pas  d'apparence  qu'il  le  faffe  revenir  une  féconde  foisj  au  refte  il  fe- 
roit  bien  difficile  de  deviner,  qui  eft  cet «ùto^ôwv ,  Indigena. 

Dans  la  fuite  du  texte  de  SancJioniathon,  ilyaunelongueHiftoire,  6c 
Généalogie  des  Dieux  Phéniciens,  qui  eft  aflez  différente  de  la  Généalogie 
&  de  l'Hiftoire,  que  les  Théologiens  Grecs,qui  font  les  Poètes ,  ont  don- 
née de  leurs  Dieux,  mais  qui  cependant  paroît  évidemment  avoir  étépui- 
féedansla  même  fource.  C'eil-à-dire,  qu'il  paroît  afléz  que  lesGrecsont 
puifé  leur  Hiftoire  des  Dieux,  de  celle  des  Phéniciens.  Nous  en  touche- 
rons les  principaux  endroits ,  afin  de  voir  en  quoi  les  Phéniciens  6c  les 
Grecs,  s'accordent  ou  s'éloignent. 
Texte  de  ^^^  deux  derniers,  dont  il  a  été  parlé  ^  jQz'o/V  Technites ,  d"  Indigena,  ï7<?» 
sandioaia-  vint  deux  autres -y  dont  Pun  fut  appelle  Agros  ^  &  Pautre  Agvotes  ,  Sadai ,  le 
champ  (jr  le  champêtre.  A  ce  dernier ,  favoir  Agrotes,  on  confacra  unjimulacre 
très  vénérable  ,    avec  un  peut  Temple  portatif ,   qui  fe  traînait  par  des  bœufs 

6cc. 


ET  DES  CULTES  DE  L'E G L I S E. P^r/. III.  443 

Sec.  ceux-là  furent  aujfi.  appeliez^  Titans^  &  ce  furent  eux  cfui  enfeignerent  a  bâ- 
tir des  palais,  (fr  des  enceintes^  autour  desmaifons.  Ils  Uifferent  pour  enfans  Amy- 
nus  &  Magus ,  de  ceux-ci  vinrent  Mifor^  c'^efi-k-dire  facile  a  délter  ^(^  Sydyk^^ 
c^efi-k-dire  ^  jufte.      Aîifor  eut  pour  fils   Taautus  ,  (jui  fut  le  premier  inven- 
teur des  lettres^  que  les  Egyptiens  appellent  Thoth ,  les  Alexandrins  Thoyth^  &  lat 
Çrecs  »J>Hercure.    De  Sydyk^viment  les  Diofcures,  autrement  cppdlez,  les    Caùi- àiôias- 
resy    ou  les  Corjbantes  ^  ou  les  Dieux  Samothraces.    Tout  cela  ell  gâté  par  le  P'''* 
Tradudreur Philo  Biblius,qui  affûrément  n'entendoit  pas  Sanchoniaton. 
Et  Scaliger  a  très-bien  remarqué  qu'il  y  a  ici  une  méprife  de  ce  Philo  Bi-  Comment, 
blius,  qui  a.  pris  Shaddai,^ouY  Sadai.  Le  premier  eft  un  des  noms  qiifr  l'E-  i^Jnenca" 
criture  Sainte  donne  à  Dieu,  que  nous  tournons  tout-puijfant ^  ou  frjjifunt  k^.  >  •'. 
foi-même.     Le  fécond  fignifie  champ  ou  champêtre,  6c  c'efl  de  cette  mé- 
prife, &  du  mélange  de  ces  deux  noms,qu'a  été  fait  le  Dieu  Agrotes,  ou  cham- 
pêtre. Shaddai ,  mal  à  propos  eft  tourné  Agrotes,  par  Philo  Biblius,  qui  n'en- 
tendoit l'Hébreu,  ou  Phénicienjquetrés-médiocrement.  Ce  vénérable  Simu- 
lacre duViitu  Shaddai  ^qu\  étoit  dans  un  Temple  que  des  Bœufs  traînoient , 
c'eft  affûrément  l'Arche  de  Dieu ,  qui  étoit  fon  Symbole,  &dontontranf- 
portoit  le  Temple,  ou  le  Tabernacle,  de  lieu  en  heu.     Ce  qu'il  dit  que  ce 
Temple,  ou  ce  Tabernacle,  fe  traînoit  par  des  Bœufs,  eft  une  ignorance. 
Car'c'étoient  les  Lévites  qui  devoient-porter  l'Arche  6c  le  Tabernacle.  Mais 
c'eft  une  petite  faute  dans  un  Auteur  fi  plein  de  fables  monftrueufes,  & 
nous  allons  voir  la  fource  de  cette  erreur,  &  de  quelle  manière  il  confond 
les  Titans  avec  e^rwjêc  <tAgrot€s  ^  6c  les  fait  enfans  du  terreftre  Indigena. 
Les  Grecs  font  les  Titans,  enfans  du  Ciel  ôc  de  la  Terre. 

'TiTViVsç  yulyjç  rs  nui  oùpavS  àyKak  réavci'  Orpheus 

in  Hymais» 

Cet  Auteur  ne  conte  que  deux  Titans,  6c  les  Grecs  en  font  beaucoup 
davantage.  De  ce  nombre  font  Prometheus ,  Crius,  Pallas  ,  Amytus, 
yEgason  à  cent  mains,  autrement  appelle  Briareus,  6c  Ç)ges ,  qui  étoit  eiiimé 
fils  de  la  Mer  6c  de  la  Terre.  'Ce  que  Sanchoniathon  t^k  Shaddai,  l'un  des 
Titans,  ne  vient-il  point  de  ce  que  le  Dieu  des  Hébreux,  qui  s'appeiloit 
Sh.'iddai^çi  fait  la  guerre  à  toutes  les  autres  divinitez?  Car  les  faufiés  divi- 
nitez  du  P^ganiime  fe  font  bien  accordées,  mais  le  Dieu  d'ifi-aël  leur  a 
déclaré  à  toutes  une  guérie  mortelle.  C'eft  apparemment  la  fource  de  la  fable 
des  Titans ,  qui  ont  lait  la  guerre  aux  Dieux.  Le  Shaddai  des  Hébreux,  a  été 
en  eiïèt  le  ^<rand  ennemi  des  Dieux  Payens,.  6c  par  conféquent  le  premier 
des  Titans.  L'Auteur,  fivoir  Sanchoniathon, remarque  que  les  Phéniciens 
l'appclloient  ôîSvo/xiy/çoç,  le  plus  grand  des  Dieux,  c'eft  le  Dieu  des  Hé- 
breux 5  auquel  les  Phéniciens  donnèrent  ce  nom,  quand  ils  prirent  l'Arche ,  &C 
que  Dagon  leur  Dieu  tomba  en  fa  prefence,  6c  qu'ils  furent  afHigez  de  fouris, 
éc  d'hemorrhoïdes  :  Ce  qui  leur  fit  dire ,  P Arche  du  Dieu  d'^Ifra'elne demeureraSitaud.  s. 
pas  entre  nous ,  car  fa  main  efi  rude  Jurnous  ^dr  fur  Dagon  notre  Dieu.  Et  ilsla,^'^* 
renvoyèrent  fijr  un  chariot,  traîné  par  déjeunes  vaches ,  d'où  fans  doute  a  été 
pris  ce  que  dit  Sanchoniathon,  que  le  Dieu  Shaddai ,  eflimé par  les  Phéniciens  le 
plusgranddes  Dieux ,  avoit  un  Temple  qui  fe  traînoit  par  quelques  couples  de 
bœufs.  Ce  Dieu  Af//or,  qu'il  interprète  délié,  ne  feroit-ce  point  encore  le 
même  Dieu  des  Hébreux ,  ainfi  appelle  par  rapport  à  la  même  Hiftoire ,  félon 
laquelle  le  Dieud'Ifraël  fut  délié  6c renvoyé  libre,  après  une  captivité  de 

Kkk  i  fept 


444  HISTOIREDES   DOGMES 

i'cpt  mois  ?  11  efl  vrai  quc'^1L^'0 ,  ou  aiy^^D ,  en  Chaldéc  fignifie  dcliéjou  déliant, 
peut-être  que  les  Cananéens  donnèrent  ce  nom  au  Dieu  d'ifraël,  parce  qu'il 
avoic  délié  fon  peuple  du  joug  des  Egyptiens.    Je  ne  faurois  m'empêcher 
^  de  croire  que  tout  cela  a  été  tiré  de  ce  qui  ell  arrivé  aux  Phéniciens,  dans 

les  dernières  années  d'Heli ,   6c  au  commencement  de  la  Judicature  de 
Samuel  i  &  c'eft  ce  qui  m'a  fait  dire,que  ce  Sanchoniathon  ne  pouvoit  être  du 
teras  de  Gedeon,  ou  que  cet  ouvrage  n'ell  pas  de  lui.     Nous  avons  dé- 
jà remarqué  que  le  Taafttus,  fils  du  DieUîJ^//or,  ou  délié,  eft  félon  toutes 
les  apparences  Moïfe,  le  premier  inventeur  des  lettres.  Chacun  fait  com- 
bien 4p  commerce  Moïfe  eut  avec  Dieu,  parlant  à  lui  tête  à  tête,  comme 
un  arqj  parle  à  un  intime  ami  i  Se  c'eft  ce  qui  a  donné  lieu  à  la  fable  de 
le  faire  fils  du  grand  Dieu.     Je  fuis  trompé  fi  le  Sydjk^^jn/^e  .n'eik  pris  du 
Melchifedek  de  la  Genefe,  qui, félon  maconje61;ure,étoit  un  Patriarche 
des  Phéniciens,  dont  ils  avoient  fait  leur  grand  Dieu  ,   &  qui  depuis  fut 
appelle  Bahal  par  les  Phéniciens,   &  Jupiter  par  les  Romains.    Je  l'ai 
prouvé  dans  la  première  partie  de  cet  ouvrage ,  parce  que  ce  ^^^  eft,  fé- 
lon nôtre  Auteur,  perc  des  Diofiomoi.     C'eft  ainfi  qu'on  appelloit  en  Grec 
les  enfans  de  Jupiter.     Or  fi  les  enfans  dt  Sydyk^^^onx.  les  enfans  de  Jupiter, 
il  faut  que  ce  Sydyl^  foi t  Jupiter  même.     Cet  Auteur  confond  les  Diof- 
cmr@i^  les  Corybantes  ^  \qs  Cabires^  &  les  Dienx  Samothraces  ^    cependant 
nous  avons  vu  dans  les  chapitres  précedens ,  que  dans  la  Théologie  des 
Grecs,  c'étoit  quelque  chofe  de  fort  différent.     Car  les  Diofcouroi,  c'é- 
toient  Cailor  6c  Pollux,  qui  n'étoient  que  des  Héros.     Les  Cabires  ôcles 
Samothraces,  étoient  les  plus  grands  Dieux.     Les  Corybantes  étoient  fou- 
vent  confondus  avec  les  C^rtf/^-j,  qui  avoient  nourri  6c  élevé  Jupiter,  ôcce 
n'étoient  encore  que  d^s  demi-Dieux.   Mais  ici ,  comme  par  tout  ailleurs, 
il  y  a  uneaffreufe  confufion  dans  l'Hiftoire  des  Dieux  des  Payens.  Pour- 
fuivons  cette  Hiftoire  félon  Sanchoniathon. 
Texte  de         „  Environ  le  même  tems ,  dit-tl^  naquit  un  certain  Elion  ,   ce  qui  fî- 
thoï""'*'   »"»  gnifie  le  Très-haut ,  6c  une  femme  nommée  Beruth.   Ils  engendrèrent 
„  un  ïndigena,  qui  fut  depuis  appelle  Cœlus  ,   à  caufc  duquel  aufii  ce 
„  noble  élément,  qui  roule  au-deflus  de  nos  têtes,  fut  appelle  Cœlum.  Il  eut 
,5  une  fœur  née  des  mêmes  perfonnes ,  qui  fut  appellée  la  Terre,  lequel  nom 
„  l'on  donna  enfuite  à  cet  élément  ainfi  appelle  6cc.  Leur  père  appelle 
v^        5,  le  Très-haut,  fut  tué  par  des  bêtes  farouches,  &  après  fa  mort  il  fut 
5,  mis  au  nombre  des  Dieux.  Cœlus  après  la  mort  de  fon  père  prit  l'Em- 
„  pire ,  &  fe  maria  avec  fa  fœur  la  Terre,  &  eut  d'elle  quatre  enfans  \  Ilus  qui 
,,  eft  appelle  Saturne,  Betilus,  Dagon  qui  eft  le  Dieu  du  froment ,  & 
„  Atlas.     Il  eut  auffi  quantité  d'enfans  des  autres  femmes,  ce  qui  fâcha 
„  fi  fort  la  Terre  fa  première  femme,  qu'elle  fit  divorce  avec  lui,  après  l'a- 
„  voir  chargé  d'injures.  Cœlus,  quoi  qu'il  fût  feparé  d'elle,  venoit  coucher 
„  avec  elle  quand  bon  lui  fembloit,  6c  après  l'avoir  prife  par  force,  il  fe 
5,  retiroit.   Mais  parce  que  ce  Cœlus  vouloit  tuer  les  enfans,  que  la  Terre 
\  „  avoit  eu  de  lui,  elle  alTembloit  fes  forces,  6c  le  repoufloit.  Cependant 

„  Saturne  ayant  atteint  l'âge  d'homme,  par  les  confeils  de  iVîercure  Trif- 
5,  megiiie,  qui  étoit  fon  Secrétaire  &  fon  Confeiller ,  il  entreprit  de  ven- 
5,  ger  ks  outrages  que  Cœlus  avoit  fait  à  fa  Mère.  Il  s'oppofa  vigou- 
,5  reufement  à  fon  père  Cœlus.    Ce  Saturne  eut  aulîl  des  enfans  ,  favoir 

Pra- 


>5 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Part.Ul.  4,^^ 

Proferpine&  Minerve.  La  première,  fdvoir  Proferpine ,  mourut  vierge. 
Et  Minerve  aidée  de  Mercure,  inventa  la  faux  tranchante ,  &  la  Haie- 
barde.  Mercure  par  des  enchantemens  Mggiques,  embrafa  le  courage 
de.s  afTociez  de  Saturne,  pour  faire  la  guerre  à  Cœlus,  en  faveur  de  la 
Terre.  Saturne  donc  aflèmbla  fes  troupes,  donna  la  bataille  à  fon  pè- 
re Cœlus,  le  chaiîa  de  fon  Throne,  &  fe  faifit  de  l'Empire.   Dans  ce 
combat  il  prit  la  concubine  de  fon  père  Cœlus,  qui  étoit  grofle,6c  la 
donna  à  fon  frère  Dagon,  chez  lequel  elle  accoucha  d'un  fils, qui  fut 
nommé  Demaroon.     Puis* Saturne  bâtit  la  ville  de  B,blis  ,  &  l'envi- 
ronna de  murailles.     Il  tua  ôc  enterra  fon  frère  Atlas,  qui  lui  étoit fuf- 
„  peél  &c.  Les  Affociez  dV/^^j,  qui  ell  Saturne,  furent  appeliez £/<?/;/>», 
„  comme  qui  diroit  Saturniens,  Saturne  tua  auffi  fon  fils  S^did,  de  fon 
„  propre  fer,  de  forte  que  tous  les  Dieux  s'étonnoient  de  cette  étrange 
„  conduite  de  Saturne.  Pendant  cela  Cœlus,  qui  étoit  en  exil,  envoya  Af- 
„  tarte,  fa  fille  aînée  avec  deux  autres  fœurs,  Rhea&  Dione,  pour  fe  dé- 
faire de  Saturne ,  mais  Saturne  les  gagna  par  les  carefles ,  Se  les  prit  tou- 
tes deux  à  femmes.    Cœlus  ayant  appris  cela,  ordonna  que  la  Deftinée 
ôc  la  Beauté,  filîent  la  guerre  à  Saturne ,  mais  il  les  gagna  encore  tou^ 
tes   deux  ,   &  les  retint  chez  foi.     Outre  cela  Cœlus  trouva  les  Be- 
tulia,  qui  font  des  pierres  animées,  qu'il  inventa.  Au  refte  Aftarté  en- 
gendra à  Saturne  fept  filles  Titanides,  ou  Dianes,  &  Rhea  lui  donna 
autant  de  fils,  dont  le  dernier  fut  confacré  dés  qu'il  fut  né.  Il  eut  auffi 
de  Dione  des  filles,  &  d'Aftarté  deux  mâles,     Cupidon  &  l'Amour. 
Pour  ce  qui  eil  de  Dagon,  quand  il  eut  trouvé  la  charrue  ,   &  le  fro- 
ment, on  l'appella  fupîer  çyiratrarius.     L'une  des  Titanides  engendra  à 
Sjfdykun  fils,  qui  fut  appelle  Efculape.     Saturne  eut  encore  trois  fils, 
l'un  appelle  Saturne,  du  même  nom  que  Jupiter  fon  père  ,  Belus  & 
Apollon.    Pontus ,  Typho,  &  Nereus,  père  de  Pontus,  écoient-à  peu 
prés  en  même  tems.  De  Pontus  naquirent  Neptune  &  Sidon  6vc.   De- 
maroon fut  père  de  Meiicarthus,  qui  eil  auffi  appelle  Hercule  &c.  Au 
refte  Saturne,  aprésavoir  occupé  le  Royaume  trente- un  an  ,  furpritibn 
père  dans  un  certain  détroit  de  terre,  lui  coupa  les  parties  naturelles, 
auprès  des  Fleuves  6c  des  Fontaines.     Alors  tous  ^cs  efprits  fe  diffipe- 
rent.  ,    êc  le   fang  coulant  de   la   playe  ,    diftila  dans  les  eaux   des 
Fontaines  &  des  Rivières  voifines  ,   l'on  montre   encore  le  lieu  &c. 
Aftarté,  quis'appelloitla  très-grande,  Jupiter,  Demaroon  ,  &:  Adodus 
le  Roi  des  Dieux ,  regnoient  dans  le  Pais ,  par  le  confentement  de  Sa- 
turne. Aftarté  mit  fur  fa  tête  la  tête  d'un  Taureau,  comme  la  marque 
de  la  domination.     Et  comme  elle  faifoit  la  revûë  du  monde,  elle  trou-  ^u  lieu  de 
„  va  une  étoile  qui  tomboit  du  Ciel ,  qu'elle    tua  ,  &  la  confiera  dans  jj'^^^/if/ 
„  l'Ile  de  Tyr.     Au  refte  les  Phéniciens  difent  que   c'eft  Venus,     Sa^-  ù-spiuv^ 
,,  turne  vifitant  le  monde,  donna  à  fa  fille  Minerve  pour  Domaine,  tout  qpî  eft  uac 
„  le  Pais  d'Athènes ,  oc  touché  des   défolations  que  faifoit  une  cruelle  gir,\  «t 
„  pefte,  pour  appaifer  fon  pcre.il  luifacrifiafon  fils  unique,  6c  fe  coupa  ^igie  de- 

f  ,    •       %  y   ^^  .  '  n  c^  .      •       V  ..  V  cendoit  des 

,,  a  lui-même  les  parties  naturelles,  ce  contraignit  tous  les  compagnons  cieux.  Af- 
„  à  faire  la  même  chofe.     Peu  de  tems  après  il  déifia  tJHmh  fon  fils,  "^^é  le  tua, 
,,  qu'il  avoit  eu  de  %hea^  &  ce  font  ceux  que  les  Phéniciens  appellent,  cra.^vîde^' 

„  tantôt  Piuion Après  cela  Saturne  donna  auffi  à  la  DéefiTe  Baaltis,  ^ochan. 

îvkk  3  quipâ«.u.c.î>. 


44.^  HIST  DIRE  DES  D  OGMES 

„  qui  s'appelle  aufîî  Diom,  la  ville  de  Biblis ,  &  à  Neptune  ,  aux  Cabi- 
„  res,  aux  Agrotes,  6c  aux  Pêcheurs,  il  donna  la  ville  de  Bemth,  où 
.,  ils  conlacrercnt  les  reliques  de  Pontus.  Saturne  étant  venu  vers  le  Mi- 
„  di,  il  établit  Taamus  Roi  de  toute  l'Egypte  ,  6c  c'eft  ce  que  les  fept 
,,  frères  CabireSjCnfans  de  5;<fl^fc,  avecEfculape  le  huitième,  ont  lailîé  par 
„  écrit  dans  leurs  monumens ,  par  le  commandement  de  Taautus  lui- 
„  même. 

Ce  Ibnt'Iàles  principaux  Chefs  delà  Théologie  des  Phéniciens,  ou  Ca- 
nanéens, &  les  veritaî>les  origines  des  Dieux,  félon  Philon  de  Biblis  jqiii 
ajoute  que  les  Grecs,  les  plus  poiis&  les  plus  ingénieux  de  tous  les  peu- 
ples, fe  fout  appropriez  toutes  ces  chofes  ,  mais  que  pour  divertir  les 
oreilles  ôc  les  efprits,  ils  ont  ajouté  à  cela  une  multitude  incroïable  de 
fables,  qui  fervent  d'ornement  à  l'Hiftoire.  C'efc  de  ce  fonds  6c  de  cet 
efprit  fibuleux,  qu'Heliode  &  les  autres  Poètes  ont  puifé  toutes  les  fa- 
bles, dont  ils  ont  rempli  le  monde,  comme  font  les  combats  des  Titans, 
&  des  Geans,  6c  autres  contes,  par  lefquelsils  ont  opprimé  ôc  enfeveli 
la  vérité.  En  effet  il  eil:  clair  que  les  Grecs  ont  travaillé  fur  ce  fonds  fabuleux , 
qui  leur  étoit  venu  des  Phéniciens  6c  des  Cananéens ,  ôc  qu'ils  y  ont  ajouté  du 
leur  un  nombre  infini  de  fables.  Mais  il  eft  faux  que  la  fable  des  Geans ,  6c  du 
combat  des  Titans,  foit  du  cru  des  Grecs,  comme  l'ont  dit  quelques  gens.  II 
eft  conilant  que  cela  leur  eft  venu  de  l'Orient;  car  cela  ell  puifé  de  l'Hif- 
toire des  Geans  du  déluge  ,  &  de  la  Tour  de  Babel.  Cette  Généalo- 
gie eft  aiïez  différente  de  celle  des  Grecs.  Heliode  s'accorde  avec  les 
Cananéens,  à  faire  Saturne  fils  deCœlus&deia  Terre.Mais  Platon,  dans 
le  Timée,  fait  Saturne  fils  de  l'Océan  ôc  de  Thetis,  ôc  petit  -  fils  de  Cœ- 
lus  &  de  la  Terre.  L'Océan  (^  Thetis,  dit-il,  furent  enfans  de  Cœltts  & 
de  la  Terre,  &  P Océan  &  Thetis  engendrèrent  Phorcis  ,  Saturne  &  Rhen  ^ 
^  plufieurs  atitres  avec  eux.  De  Saturne  &  de  %hea  vinrent  fnfiter  ^  fn~ 
non  ,  c^  tous  ceux  que  nous  [avons  être  leurs  frères.  Au  lieu  que  nôtre  Phé- 
nicien fait  Profer  pi  ne  &  Miner  ve,  filles  de  Saturne  immédiatement,  au 
contraire  les  Grecs  les  font  filles  de  Jupiter.  Dans  la  Théologie  des 
Grecs,  ordinairement  Cupidon  ou  l'Amour,  eft  fils  de  Venus  6c  de  Mars, 
les  autres  lui  donnent  d'autres  Parens.  Hcfiode  dans  fi  Théogonie,  le 
fait  naître  du  Chaos  6c  de  la  Terre,  comme  le  plus  ancien  des  Dieux. 
In  avibus.  Ariftophanc  dit  fur  la  naiffance  de  Cupidon  :  jI y  avait  un  Chaos  &  uns 
nuit  profonde ,  &  Erehus  noir  &  obfcur  ^  un  Enfer  large  &  profond.  Il  n'y  avoit 
ni  terre  .y  ni  air ,  ni  ciel,  alors  la  nuit  aux  ailes  noires,  produtjtt  d'^ abord  dans  le 
fein  de  PErebe  un  œuf ,  duquel  on  vit  eclorre  ,  par  le  fecours  des  heures  ,  le  defira-- 
ble  amour.  D'autres  le  font  fils  de  Venus,  6c  de  Cœlus,  mais  nôtre  Au- 
teur Phénicien  le  fait  fils  de  Saturne,  6c  de  Dione  ,  laquelle  Dione  eil 
.  Venus.  Il  y  a  ainfi  plufieurs  différences  entre  les  Phéniciens  6c  les  Grecs, 
qui  peuvent  être  remarquées  par  ceux  qui  favent  médiocrement  la  fable. 
C'eft  pourquoi  nous  ne  nous  arrêterons  pas  davantage  là-dellus,  ces  dif- 
férences n'empêchent  pourtant  pas  que  ce  ne  foit  la  même  Théologie, 
car  Sanchoniathon  6c  Philon  de  Biblis,  ne  font  pas  plus  differens  des  Grecs, 
que  les  Grecs  le  font  entr'eux.  Il  n'efi:  rien  de  fi  oppofé  6c  de  fi  di- 
vers, que  ce  que  les  Payens  racontent  des  mêmes  divinitez:  Il  n'y  en  a 
pas  une  qui  n'ait  àz^  pères  6c  mères  toutes  différentes ,  félon  les  diffe- 
rens 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  P^r/^.ÎII. 447 

rens  Auteurs.  Et  ils  ne  s'accordent  pas  mieux,  dans  la  plupart  des  aven- 
tures, qu'ils kur attribuent.  Ce  principe  eft  important  à  retenir,  c'eft que 
la  Théologie  des  Phéniciens  &  Cananéens,  eft  la  même  que  celle  des 
Grecs,  pour  Faire  comprendre  que  les  peines  que  nous  nous  donnerons 
dans  la  fuite  ,  pour  trouver  tous  les  Dieux  des  Grecs  ôc  des  Romains, 
dans  k$  faufles  divinitez,  dont  l'Ecriture  nous  parle,  ne  font  pas  vaines 
&  Inutiles.  Au  refte  ce  texte  de  Sanchoniarhon  mçritoit  bien  un  grand  Com- 
mentaire :  Maison  le  trouvera  répandu  dans  tout  cet  Ouvrage,  quand 
nous  parlerons  de  chacune  des  fauffes  divinitez  des  Phéniciens.  C'eft 
pourquoi,  afin  de  n'être  pas  obligez  à  la  répétition  ,  nous  n'expliquerons 
point  ici  cette  longue  fuite  de  fables.  Seulement  avant  que  de  finir  ,  il 
faut  remarquer ,  <jue  les  noms  de  Saturne ,  de  fupiter ,  de  Proferpine ,  de  Mi- 
nerve, Herctile ,  Neptune^  d^  autres  femblables  noms  des  fanx  T)ieux  ,  c'efl- 
à  dire ,  les  noms  Grecs  de  ces  faux  Dieux,  dont  Sanchoniathon  fait  le  dénom- 
brement, n'étoient  pas  connus  entre  les  Phéniciens.  Mais  Philon  de  Biblis  le 
traduâeur  de  Sanchoniathon,  a  traduit  ces  nems  des  Dieux,  ôc  en  la  place  des 
noms  Phéniciens,  qui  euflent  été  barbares  aux  Grecs,  pour  lefquels  il  tradui- 
foit ,  il  a  mis  des  noms  Grecs.  Celui  que  Sanchoniathon  avoir  appelle  Molok, 
il  l'appelle  Saturne,  ouKpdvoc-  Celui  qu'il  avoit  appelle  ^^W,  Philon  de  Bi- 
blis l'appelle  Jupiter  ou  Z^Oc,  ôc  ainfi  de  la  pliapart  des  autres  :  Car  il  n'a  con- 
fervé  dans  fa  Généalogie  des  Dieux,  que  peu  de  noms  Phéniciens ,  com- 
me ceXmàcDagon  ^  celui  d^^fîarte ,  celui  deBaaltis,  èc  quelques  autres 
plus  connus  des  Grecs  que  les  autres.  Il  faut  aulîi  obferver  qu'on  ne  doit 
pas  croire,  que  les  Grecs  n'ayent  emprunté  de  la  Théologie  des  Phéni- 
ciens &  Cananéens,  que  ce  que  nous  en  lifons  dans  ce  Fragment.  ïleltconf- 
tant  qu'ils  en  ont  tiré  beaucoup  d'autres  chofes,  qui  fe  trouvent  dans  leur 
Théologie,  comme  il  paroîtra  évidemment  dans  la  fuite. 


D  E 


i) 


&  des  Idolâtries 


T>  E  s 


SYRIENS  &  des  HEBREUX. 

SECOND     TRAITE 

Des  Theraphims. 


CHAPITRE      I. 

PaJJages  du  Vieux  ^eflament ,  ou  il  efi  fait  mention  des 

Therafhims, 

Ous  allons  déformais  entrer  dans  l'examen  particu- 
lier de  ces  idolâtries  ,  aufquelles  le  peuple  de  Dieu 
s'eft  laifle  aller  ,  &  dont  la  terre  que  Dieu  s'étoit 
fanâiifiée  a  été  fouillée.  Bien  que  nous  n'ayons  pas 
deflèin  de  fuivre  par  tout  l'ordre,  dans  lequel  l'Ecri- 
ture nous  parle  de  ces  idolâtries  ,  nous  ne  pouvons 
rien  faire  ici  de  mieux  que  de  parler,  avant  toutes 
choies,  de  la  première  idolâtrie ,  dont  l'Ecriture  Sain- 
te nous  parle  ,  c'eft  celle  desTheraphims.  C'efl  le 
premier  nom  d  idcrle,  qui  fe  trouve  dans  le  Vieux  Teflament.  Car  on  le 
trouve  dans  le  premier  Livre  de  Moïfc,  appelle  la  Genefe ,  dans  l'Hiftoire 
de  la  feparation  de  Jacob  d'avec  fon  beaufrere  Laban.  Nous  obferve- 
rons  ici  la  méthode,  que  nous  voulons  obferver  dans  toute  la  fuite ,  qui  eft 
de  rapporter  tous  les  textes ,  où  il  eft  parié  de  l'idole  que  nous  voudrons 
faire  connoître ,  parce  que  cette  rcvûë  générale  de  tous  les  pafTages  ,  où 
il  eft  parlé  d'mie  même  idole  ,  ôc  la  comparaifon  qu'on  en  fera  entr'eux, 
feryira  beaucoup  à  faire  trouver  ce  qu'on  chsrche. 

Jacob 


f^^^si 

B  ^^b^^^^*.^^  i 

ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Tart.Ul.  449 

Jacob  quittant  la  maiibnde  fon  beau-pereLaban,  fans  prendre  congé  de  Textes  oH 
lui,  Rachel  voulut  emporter  les  Dieux  deLaban,qui  étoient  les  Thera-  ^^j"^^ 
phims.   Il  n'eH:  pas  aifé  de  conjecturer  quel  deflèin  elle  avoit  en  faifant  ce-  phims. 
la,  fi  c'étoit  pour  adorer  les  faux  Dieux,  du  Culte defqucls  elle  n'étoit  pas 
encore  bien  revenue,  ou  fi  c'étoit  pour  fe  venger  de  Ion  père,  de  qui  elle 
croïoic  avoir  été  maltraitée.   Ce  dernier  eft  le  plus  vrai-femblable.  Quoi  Gea,  31,15. 
qu'il  en  roit,MoiTe  dit  que  Laban  étant  allé  tondre  [es  brebis  ,    %achel  dérobm 
lesTheraphimsde  fon  père.  Laban  pomTuivant  Jacob,  qui  fe  retiroit,  lui  dit, 
pourquoi  as-tu  dérobé  mes  Dieux  ?  Laban  faifant  vifite  des  meubles  de  Ja-     v.  ^o■ 
cob ,  Rachel  prit  les  Theraphims,  &  les  mit  dam  le  bat  d'^un  chameau  ,  puis     v-  h- 
s'affit  deflus.     Dans  le  Livre  des  Juges,  nous  avons  THiftoire  de  Mica,  jug.17.4. y. 
qui  étoit  de  la  montagne  d'Ephraïm,  où  il  nous  eft  parlé  de  cette  efpece 
d'idole.  La  mère  de  cet  homme  6c  lui,  firent  faire  une  image  taillée ,  é"  une 
de  fonte  ,    &  elles  furent  en  la  mai  fon  de  Mica  s   ainji  cet  homme  appelle  Mica, 
eût  une  maifon  Ue  Dieux ,  &fit  un  Ephod&des  Theraphims ,  &  conJàcraPunde 
fis  fils,  ofui  lui  fervit  de  Sacrificateur.    Dans  le  chapitre  fuivant  il  eft  encore 
parlé  de  ces  Theraphims.     Les  Danitesqui  vouloient  furprendreLaïs  & 
s'en  faifîr  , envoyèrent  cinq  hommes  pour  l'épier,  ces  cinq  hommes  dans 
leur  voyage  paiïerenc  chez  Mica,  y  trouvèrent  le  Lévite  que  JMica  s'étoic 
établi  pour  Sacrificateur  desTheraphims.Ils  le  prient  de  confulterDieu,c'eft- 
à-dire  fes  Theraphims ,  fur  le  fuccez  de  leur  entreprife.  Isl^m  te  prions  que  tu  cfa.  u.j. 
interroges  Dieu ,  afin  que  nous  Cachions,  fi  le  voyage  que  nous  entreprenons  profperera. 
Ces  cinq  hommes  étant  retournez  vers  leur  peuple ,  6c  toute  la  tribu  de  Dan 
montant  pour  fe  faifir  de  Laïs ,  ils  parlèrent  à  leurs  frères  6c  dirent ,  fa- 
vez.-vous  que  dans  cette  maifon  ici  ,   il  y    a   un    Ephod  &  des  Theraphims , 
une  image  taillée  &  une  de  fonte  ?   Voyez  donc  ce   que  vous  avez  à  faire,      v.  14. 
De  concert  avec  le  refte  de  la  troupe  des  Danites ,  ces  cinq  hommes  entrèrent 
dans  la  maifon  de  Mica  ,  prirent  fimage  taillée,  P  Ephod,  les  Theraphims ,  &  l'i- 
mage de  fonte ,  6c  débauchèrent  le  Sacrificateur  qui  s'en  alla  avec  eux. 
Mica  courut  après,  comme  Laban  avoit  couru  après  Jacob  ,   6c  leur  dit 
auffi.    Vous  avez,  enlevé  mes  \Dieux  qne  favois  faits ,  avec  le  Sacrificateur ,  ^ 
vous'  vous  en  êtes  allez,.    Dans  le  premier  Livre  de  Samuel ,  comme  Saiil 
fe  vouloit  excufer  de  ce  qu'il  avoit  épargné  le  meilleur  du  bétail  des  Ha- 
malekites ,  contre  le  commandement  de  Dieu,  qui  lui  avoit  ordomé  de  fai- 
re pafler  les  hommes,  les  femmes ,  6c  les  bêtes  par  le  tranchanWe  l'épée, 
le  Prophète  lui  dit  la  défobéijfance  efh  comme  le  péché  de  devinement ,  &  la  re-  r.Sam.  ïj. 
bellion  eji  comme  les  idoles  &  les  Theraphims,   Saiil  pouriliivant  6c  faifant  cher-  ^'' 
cher  David  pour  le  perdre,  Mical  femme  de  David  le  fit  décendre  par  la  i.sam,!^^ 
fenêtre.  Puis  après  ^SKical prit  un  Theraphim^  &  U  mit  au  lit,  &  mit'  à  fin  a- 
chevet  une  hure  de  poils  de  chèvre ,  &  le  couvrit  d'un  habillement.  Dans  la  vie  ^^^°'^^3* 
de  Jofias  l'Hiftoire  Sainte  dit,  que  ce  bon  Prince  racla  du  Pais  les  efprits  de 
Python^  les  difeurs  de  bonne- aventure ,  &  les  Theraphims. 

Le  Prophète  Ezechiel  dit  au  21.  de  fon  Livre,  le  %qI  deBabylone  /'^v.-^* 
arrêté  au  chemin  fourchu,  au  commencement  de  deux  chemins,  pour  s"*  en  quérir  des 
devins.  Il  avott  poli  les  flèches.  Il  a  interrogé  les  Theraphims,  il  a  regar- 
dé au  foye.  Le  Prophète  Ofée  dans  le  troifiemechap.de  (ts  révélations,  en  ofée3.4. 
faifant  la  defcription  du  trifte  état ,  où  dévoient  être  réduits  les  Ifraëli- 
tes,  dit.  Les  enfans  d'^/fiaèl  demeureront  plufieurs  jours  fans  %pi,  &  fanrGou- 
Part.  IIL  LU  ver- 


450  H  I  S  T  O  I  R  E  D  E  S   D  O  G  M  E  S 

•vetneur  ^  fam  facrifice  &  fans  fiatue,  fans  Ephod  &  fatis  Theraphims.  Enfin  le 
lach.  10.  i.    Prof  hère  Zacharie  parle  de  ces  idoles  en  ces  termes.  Les  Theraphims  ont  dtt 
fmnetéi  &  tet  devins  ont  v»  menfonge,  &  ont  proféré  des  fo--oges  vains, &  ont  propoje 
des  confoUtions  de  vanité.  Ce  font  les  palfages  du  Vieux  Teilament ,  où  il 
ell  parlé  des  l'heraphims.  Les  Paraphrailcs  Chaldées  ont  prefque  toujours 
rendu  ce  mot,  par  celui  de  ^yi^;^^^  qui  lignifie  images  ,   ou  par  celui  de 
f\son,  qui  fignilïe  reflemblan'cé.*    Une  fois  Jonathan  l'a  expliqué  par  le 
mon  MnijiM  ,  qui  lignifie  idoles.  C'elt  au  quinzième  chapitre  du  premier 
de  Samuel.     Apparemment   c'eft  pour  imiter  les  Paraphrailcs  Chaldées  , 
que  les  Interprètes  de  Genève ,  ont  interprété  ce  mot  par  celui  de  Mar- 
moufets.  Les  Interprètes  Grecs,  qu'on  appelle  les  70.  ont  fouvent  retenu  ce 
mot  de  Ô5p«(î)^/>,  le  prenant  quelquefois  pour  un  nom  fingulier,  comme  dans^ 
k  17.  du  Livre  des  Juges,  tantôt  comme  un  nom  pluriel,  comme  au  chap. 
if.  du  premier  Livre  de  Samuel.  Dans  l'Hiftoire  de  Laban,ils  ont  rendu 
ce  mot  par  celui  d'^fôwAa.    Mais  dans  l'Hiftoire  de  Mical,  qui  mit  un  The- 
raphim  dans  le  lit ,  en  la  place  de  David  fon  mari,  ils  ont  tourné  d'aune  ma- 
nière allez  finguliere,  rendant  ce  mot  par  celui  de  vLsvoTûi.(pia  ,  qui  fignifîe- 
vain  tombeau,  ou  un  tombeau  vuide-.     Dans  le  21.  d'Ezechiel,  ils  ont 
tourné  Theraphim  par  yivicrà,.  en  Ofée  par  ^^oi^qm  fignifie  manifefta- 
leurs  ou  declarateurs ,  e'eft  à-dire, difeurs  d'oracles,  6c  dans  Zachariepac 
âiçcCpkyyéixsvoi  ,  ceux  qui  parlent. 

Avant  que  de  tirer  de  tous  ces  paflages,  toutes  les  lumières  que  nousefpe- 
rons  en  tirer  ,  pour  connokre  ce  que  c'eft  que  les  Theraphims ,  je  croi 
qu'on  fera  bien  aifé  devoir  ici  uue  Hiftoire  abrégée,,  des  difïerens  fenii- 
mens  des  Auieurs  là-deflus. 


CHAPITRE     I L 

Uîjlén  des  différentes  opinions ,  des  Juifs  é'  des  Chrétiens  y  des  An-- 
ciens  &  des  Modernes  yjur  ces  'Theraphims. 


Birckci  B.ab-  If.     Es  fecicns  Juifs  dîfoient  que  c'étoit  une  efpece  de  Nécromance  cffro- 

bi  Eliea  "'  ---  —      _ 

cap;  36. 


^l^^lf^^      1   A  T^'^^'i  ^"^^  l'un  de  leurs  Docteurs  dépeint  ainfî.Z/j  tuoient  le  premier  néd'^a-' 


Opinion  ne  famille  ^ils  iHi-coupoient  la  tête ,  l^embatimoient  avec  de  Phutlt  &  du  fely  (ft 

deEubbt  écrivaient  le  nom  de  quelcfue  efprit  malin Çur  une  lame  ^or^^fj"  mettoient  cette  la- 
me fins  la  Ungtte  de  la  tête  coupé ç^  ^  mettoient  lit  tête  dans  la  muraille  \^  s'ap-- 
prochoisnt  d^elle  avec  des  lampes^  &  l* invo^uoient,  (^  elle  par loit  k  eux.  De  la 
"vient  c^ne  les  Theraphims  ont  parlé ^  félon  qu'il  efi  écrit ^  les  Theraphims  ont  par^ 
lé  faujfement.  £t  ce  fut  lia  caufe^pour<juoi  Rachel  les  aéroba^depeur  qu'ils  n'^ap- 
prijfem  à.Laban  le  chemin  par  lequel  9ucobfe  retirait ,  &  auffi  afin  d'extirper  Pi' 
dolatrie  de  la  maifon  de  fon  père,  faeob  qui  nefavoit  rien  de  cela  ^  dit ,  quiconque 
a  dérobé  tes  7 heraphims  m^  ure  fans-délai;  Ce  qui  fort  de  la  bouche  d^unjufie^  ef^ 
comme  ce  qui  fort  de  la  bouche  d'un  Ange.  C^èfi-  pourquoi  %^chel  mourut  en  couche 
quelque  tems  après  .^  ainji  qu'il  eft  écrit  ,  &  comme  fon  ame  fortoit ^  elle  mourut. 
GaiFarei  attribue,  à  ce  Rabbi  EUej^er  un  tout.  auu:e  fcntiment  3  ce  qui  fait 

voir 


ET  DES  CULTES  DE  ^EGLISE.  TartMl.  451 

voir  qu'il  ne  h  point  lu.  Un  Ancien  ParaphrafteChaldée,  dans  fa  Paraphraib 
fur  la  Genefe,  eft  de  la  même  opinionjComme  aufli  Elias  Germanus  entre  les  Elias  Ih 
Juifs  modernes.  Mais  cette  opinion  n'ell  point  du  tout  vrai-femblable.  Et  il  vo^e*ïu° 
n'eft  pas  apparent,  que  Jacob  eût  voulu  demeurer  dans  la  maifbn  de  La-  ïaphha, 
ban ,  Cl  on  y  avoit  exercé  une  magie  aufli  noire  6c  aulîi  décellable. 

Il  y  a  d'autres  Juifs  qui  croient  que  cesThcrapbims,  ctoicnt  des  maniè- 
res de  tables  d'airain,  Allrologiques6c'M.igiques,cn  même  tems,  fcmbla- 
bles  à  des  Cadrans  folaires.  D^ins  ces  tables  on  voyoit  les  momens,  qui 
étoicnt  propres  à  la  divination.  On  donne  cette  opinion  à  un  Rabbin,  nom- 
mé M  )ïre  Ben  Nachraan,  6c  à  un  autre  appelle  Rabbi  Bêchai,  dans  fes 
Commentaires  fur  la  Genefe.  Gaffarel  l'attribue  à  Aben-Efra,  mais  fauf- 
fement.  Ce  Rabbin  fur  la  Genefe  la  rapporte,  mais  il  la  rejette.  Cette 
opinion  eft  fauiTe  d'une  faufleté  notoire  j  car  il  eft  clair  que  les  Thera- 
phjms,  étoient  des  figures  de  relief,  ou  des  ftatuës,  6c  non  pas  des  ta- 
bles. 

L'opinion  la  plus  commune  entre  les  Juifs  ,    eft  que  les  Thefaphims  op'nioH 
étoient  des  figures  humaines,  ou  peut-être  myftiques,  6c  mêlées  de  la  figu-  «^«"^^^j™* 
rc  de  quelques  animaux,  taites  fous  certaines  conitellations  ,   par  les  in-  juifs. 
fluences  defquelles  conflellations ,  ces  figures  ou  ftatuës  recevoient  la  ver- 
tu de  parler,  quand  elles  étoient  confultées  fur  les  chofes  obfcures.  C'eft 
l'opinion  que  Gaffarel  attribue  à  Rabbi  Eliezer  ,  mais  qui  n'eft  point  de 
lui.     C'eft  celle  de  la  plupart  des  Juife  modernes,   de  Salomon  Jarchi 
fur  Ofée  6c  fur  la  Genefe,  ôc  particulièrement,  d'Aben-Efra,  dont  voici 
les  paroles,  tirées  de  fon  Commentaire  ftir  le  3 1 .  de  la  Genefe.  Jlj  a  des 
gens  qui  dirent  que  les  Theraphims ^  font  des  inflrHmens  d^airain, faits  pour  connoi- 
ire  les  parties  des  heures.   U* autres  difent  que  les  Aftrelogues  favent  l'art  de  faire 
des  figures^  qui  ont  la  vertu  de  parler  k  certaines  heures ,  éf  Us  s'appujent  du  té- 
moignage du  texte  de  Zacharie^  qui  dit^  les  Theraphims  ont  parle  çfr  ont  proféré 
chofes  vaines,     z^i^ais  et  n'*efi  pas  le  vrai  fens ,  d*  fejlime  que  les  Theraphims 
étoient  des  figures  humaines  ^  faites  pour  recevoir  la  vertu  des  corps  fuperiectrs.  Aîms 
pour  le  refie^je  ne  faurois  dire  de  quelle  manière  on  s"* en  fervoit.  Aurefle  quelei 
Theraphi?ns  euffent  la  figure  humaine^  cela  efl  clair  par  fHifioirede  Mical,fille  de 
Saul^qui  mit  un  Theraphim  dans  le  lit  de  Davtd^  pour  tromper  les  gardes  qui 
croioient garder  David  dans  le  lit.  Rabbi  David  Kimchi  furie   i .  Sam.  ch.^19.  Cetoîent 
rapporte  ces  paroles  d'Aben-Efra,  6c  femble  s'en  tenir  là,  comme  à  ce  qui  ^"ns"de* 
fe  peut  dire  de  plus  vrai-femblable.  La  plupart  de  nos  Chrétiens  moder-  magie  imt- 
nes,  fe  font  rangez  à  ce  fentimerit  ,  6c  voici  comme  Toftat  répréfente  ces  chrêtieas. 
figures.  C  étoient  des  t  êtes  faites  de  métal  ^  en  certains  tems  marquez,  fous  certains 
afpeBs  de  conflellations ,  &  certaines  conjon^ions  de  Planètes  ,    afin  que  la  ver-  Toftat.  ia 
tu  des  corps  celefl:es  tombât  fur  ces  tètes ,   &  qu'aèdes  devinjfent  capables  de  répon-  ^.^^  jg_ 
dre  a  ceux  qui  les  confultoient .      Et  cela  fe  faifoit  en  partie  par  fAfl^rologie ,  en 
partie  par  la  Nécromance.  Albert  le  Grandy  qui  étoit  de  Pordre  des  "jacobins ,   & 
Frères  Prjcheurs  ^  avoit  fait  une  de  cestêtes^maisSt.Thomoê,  fonDfciple^labrifa 
un  jour. 

Guillaume  de  Malmesburi,  Hiftorien  Anglois,  rapporte  que  Gerbert ,  qui  c^lùi!.  Mai- 
fut  Archevêque  de  Rheims,puis  deRavenne,  6c  qui  devint  Pape  fous  lefis^deGeftis 
nom  .de  Silveftre  II,  6c  non  pas  fous  le  nom  de  Jean  xv.  comme  le  dit  cet  Au-  Regnm  ait- 
teur,//  une  tête  de  font  e^  comme  d''umfiatuë,  fous  certaines  étoiles  &  confie  llaticm^  cap*  i<^.' 

LU  2  au 


inouïes  c.  }. 


452  HISTQÎP^EDESDOGMES 

ait  tcms  tjue  toutes  les  Planètes  recommencm  leur  eour^^  Cette  tète  ne  parîoit  que 
quand  elle  etoit  interrogée^  mds  elle  ne  manquoit  pas  a  dire  la  vérité ^  par  de 
jimfk:  négations  d^  affirmations.     Par  exemple ,  quand  Gerbert  Ini  demandait , 
ferai- je  Tape ,  elle  répondait ,  «ni.  Quand  il  lui  demanda  ,  mourrai-je  avant  que 
d^  avoir  pu  chanter  MeJJe  dans  ferufalem ,  la  tête  répondit  .^non.     Ce  bon  Pape, 
qui  ne  croyoit  mourir  qu'après  qu'il  auroit  chanté  Meflc  dans  Jerufalem  , 
n'avoit  pas   hâte  d'y  aller  i  mais  il  fut  trompé  par  Ton  Démon  j  car  il  y 
avoic  une  Chapelle  à  Rome,  qui  s'appelloit  Jerufalem  :  ce  Pape  y  chanta 
Mefle,  ôc  mourut  incontinent  après.  Ces  (ortesde  têtes  avoient  un  grand 
rapport  avec  les  Talifmans  des  Arabes  ,  bien  que  cette  opinion  ait  d'af- 
iéz  grands  Auteurs,  &  que  Seldenus  femble  pencher  de  ce  côté-là,  ce- 
pendant nous  la  rejettons ,  ne  trouvant  rien  que  d'aflez  moderne,  pour  ap- 
puyer cette  conjed:ure,  car  les  divers  textes,  où  il  eft  parlé  de  ces  Thera- 
phims,  ne  la  favorifent  pas. 

Gaiiarel  entre  les  Modernes,  ne  veut  pas  que  ces  TheraphinsfufTentdes 
idoles.     11  prétend  que  c'étoient  des  images  lacrées  ,  qui  appartenoient 
au  Sacerdoce,  Se  que  c'étoient  ces  mêmes  figures,  qui  font  appelléesC^^- 
rubins  ôc  Séraphins^  de  forte  que  les  figures,  qui  faifoient  ombre  à  l'Ar- 
che, ôc  qui  répréfentoient  myftiquement  des  Anges  ,  félon  lui,  étoient 
tantôt  appeliez  Chérubins^  tantôt  Séraphins ,  à:ta.ntôt  Theraphims.     Il  eft 
vrai  que  le  Schin ,  fe  change  fort  fouvent  dans  la  langue  Chaldaïque  en 
Thau.  Les  Chaldées  appellent  "nn  thor,  ce  que  les  Hébreux  appellent  nii:', 
un  bœuf,  félon  cela,  on  dit,  que  les  Chaldéens  appcUoientTheraphims, 
ce  que  les  Hébreux  appelloient  Séraphins.     Gaffarel  a  emprunté  ce  fenti- 
Moncsusde  ment  dcMoncceus,  qui  prétend  que  les  Theraphims  de  Mica  étoient  des 
reo'î.°!'i!     figures  de  Chérubins ,  &  que  les  Chérubins  étoient  des  figures  de  veaux, 
*o*  ou  de  bœufs,  6c  qu'ainfi  les  Theraphims  n'étoient  point  de  figures  d'i- 

•    doles,dont  l'ufage  fût  défendu  par  la  Loi.     L'autorité  de  ces  deux  Ecri- 
vains, ne  me  paroit  pas  de  grand  poids ,  Gaffarel  eft  deftitué  de  jugemenj;. 
C'eft  un  conteur  plein  de  citations  faufles. 
Carafteie  Moncasus  eft  un  grand  parleur ,  qui  avoit  quelque  pénétration  ^  &  quelque 

de  Monc^us,  connoiilknce  de  l'Ecriture  Ste.Mais  il  étoit  deftitué  de  la  plijpart  des  (ecours. 
Traité  du  ""  qui  font  neceflaircs  pour  bien  écrire  de  la  Critique  Sacrée  :  fur  tout  il  n'avoit 
Veaud'ot.  auoune  littérature  Juifve,&  ne  favoit  pas  même  lire  l'Hebreux'étoit  au  refte 
un  grand  difeur  de  chofcs  inutiles.  Ainfi  je  trouve  que  les  Compilateurs  An- 
glois,  lui  ont  fait  beaucoup  d'honneur  d'avoir  mis  fon  Traité  du  Veau  d'or, 
dans  leur  Recueil  d'Auteurs  Critiques j  mais  ces  deux  hommes,  dont  le 
fentiraent  ne  mérite  pas  grand  refpeél:,  à  caufe  d'eux-mêmes,  s'appuyent  du 
Hieron.  in  témoignage  d'un  grand  Auteur,  c'eft  Saint  Jérôme,  qui  femble  dire  la 
même  chofe  qu'eux,  dans  fon  Commentaire  fur  Ofée  ,  où  le  Prophète 
dit,  qu'^Jfra'él  fera  fans  Ephod  &  fans  Theraphims.  Il  prétend,  que  par  les 
Theraphims  il  faut  entendre,  ou  les  Chérubins,  ouUrim  6c  Thummim. 
Theraphim proprie  appellantur  '^op(pMixciTu  ,  id  eft  figurA  ,  & fimulacra^  quA  nos 
poffumus  in  pruiÇenti  dumtaxat  loco^  Cherubini  &  Seraphini ,  Jive  aliA  quA  in  Tem- 
plt  ornamenta  fieri  jujfa  [unt^  dicere.  Et  peu  après  il  ajoute.  Sine  Ephod  é^ 
Theraphim ,  idefl ,  inftrumentis  Sacerdotalis  habitus.  Premièrement  il  eft  à 
remarquer  que  St.  Jérôme  avoue,  que  le  mot  de  Theraphim  ne  fe  prend 
en  boixne  part,  que  dans  le  feul  paOage  d'Oiée,  in  prAfentf dumtaxat  loco ^ 

dit-ii 


ET  DES  CULTES  DE  UEGLISE.  Part.lW.  ^^^ 

dit-il.  Cardans  Tes  Queftions  fur  la  Genefe,  il  avoue  que  les  Thera- 
phims  font  des  idoles.  Vbi  nuncidola  legimus^T  herafhtm  in  Hebr(Zo  fcriptum 
eft  5  ijuéi,  <iy4(jHil(;i  MùpCpéixecTCi ,  id  <?/?,  figuras ,  vel  imagines  interpretatttr.  Et 
ce  qui  a  porté  Saint  Jérôme  à  croire,  que  dans  cepaiTage  d'Olee,  ilfaloit 
prendre  les  Therapbims  en  bonne  part,  c'eil  l'autorité  des  Septante, 
qui  dans  cet  endroit  ont  tourné  S^xoi,  raot  dont  ces  mêmes  Interprètes  fc 
font  auffi  fervis,  pour  rendre  le  nom  d'Urim  Se  Thiimmim  ,  de  forte  que  fé- 
lon l'intention  des  Interprètes  Grecs,  il  faut  expliquer  ainfi  ce  paffage 
d'Ofée.  Ils  Jàrom  fans  Ephod,  qui  efl  l'ornement  du  Grand  Sacrificateur ,  ç^ 
fins  TJrim  &  Thiimmim ,  cjui  efi  cet  inftrument  qui  fe  met  dans  PS'phod^  pour 
rendre  des  oracles  ^  c'efl-à-dire ,  qu'ils  feront  diftituez  de  l'efpritdeProphe- 
tre.  A  caufe  de  cette  autorité  des  Septante ,  Saint  Jérôme  a  crû ,  qu'ici  les 
Therapbims defignoient  cet  Urim  èc  Thummim.  Ferùm  quia  70.  Ji^xaçincap.j. 
interprétait  funt ,  pro  quibus  Aquila  &  Theodotio  (pwT;c-p,8^  tranfiulerunt ,  & 
hac  ipfa  funt  in  Koysi'aa ,  id  ^fi  in  Rationali.  Hoc  intelltgimus  quod  in  peUore ,  & 
corde  Pontifias  àXyi&£iciiicii0cari(T[j.oç^  id  efi  veritas  &  do^rina  inejje  debeat. 

Mais  fur  tout  il  faut  obferver,  que  Saint  Jérôme  ne  dit  point,  que  les 
Therapbims  fùlTentdes  figures  des  Chérubins.  Il  faut  lire,  pour  favoir 
■fon  fentiment  là-deiTus,  Ion  Epître  à  Marcella.  Pour  ne  copier  pas  tout  Tom  j.f. 24, 
un  grand  paflage,  que  chacun  peut  confulter,  je  me  contenterai  de  rap-  ^jj^jf  jj 
porterie  fommaire  de  ce  qu'il  en  dit.  i.  Il  dit,  qu'Aquila,atournéce 
mot  par  celui  de  y^opC^âiiurà'.  z.  Que  dans  Ofée  les  Septante  ont  rendu. 
ce  mot  par  celui  de  Jîï?vo/ ,  qui  fignifie  manifeftations ,  par  ariufionàUrim 
6c  Thummim ,  qui  étoient  dans  l'Ephod  du  Souverain  Sacrificateur. 
3-  Que  ce  mot  de  Theraphim  figniûe  figurattones ,  vel  figuras  ^&  varia  opé- 
ra^ c'ell-à-dire ,  des  ouvrages  de  lacis,  de  broderie,  &  figurez, qui  étoient 
dans  l'habit  du  Souverain  Sacrificateur,  &  dans  fon  Peéloral ,  011  étoient 
Urim  6c  Thummim.  4.  Et  c'eft  ainfi  qu'il  faut  comprendre  V Ephod  6c  les  The- 
raphims ,  comme  joints  enfemble  dans  l'Hiflioire  de  Mica,  au  Livre  des  Juges, 
6cau{îi  dans  le  pafiage  d'Ofée,  où  par  l'Ephod,  il  faut  entendre  un  ouvrage 
figuré  6c  fait  en  broderie.  Mica  fit  un  Ephod  6c  àcs  Theraphims,  c'eft-à-  dire, 
il  fit  un  Ephod  fait  d'ouvrage  de  Theraphims,  lacé,  brodé ,  6c  figuré.  Les  If- 
raëlites  feront  lans  Ephod,  c'eft- à-dire,  ils  n'auront  plus  de  vêtement  Sa- 
cerdotal, fait  d'ouvrage  exquis ,  comme  étoient  Urim  6c  Thummim.  f .  En- 
fin Saint  Jérôme  dit,  que  le  mot  de  Theraphim^  figni£e  la  même  choie,  que 
le  mot  c>ni")3 ,  non  pas  quand  le  mot  Kerubim  fignifie  des  animaux  ,  mais 
quand  il  fignifie  Tlumarta  arte  contexta  j  car  il  prétend  que  le  mot  jU^^. 
écrit  fans  ^^ ,  fignifie  ,  non  un  animal  myfl:ique ,  mais  opus  varium  atque 
dèpiEîum^un  ouvrage  peint  &  varie:èc  avec  le  vau  il  fignifie  un  animal  myfiique , 
6c  alors  Theraphim  ne  fignifie  pas  la  même  chofe ,  que  Kerubim.  Je  me  fuis 
donné  la  peine  de  déchiffrer  ce  paffage  de  S.  Jérôme ,  non  pas  à  caufe  de  Gaf-, 
farel ,  mais  du  favant  Grotius,  qui  dit,  Cherubinorum  habuijjeformaml heraphim  crotius  in 
cenfet  Hieronymus  ad  Aîarcellam  ^  &  in  Sam.  22.  &  2.  Sam.  6.  24.  Je  fuis  per-  ^'t'- j"d.is. 
fuadé  que  Grotius  cite  S.  Jérôme  en  cet  endroit,  fur  la  foi  de  Galfarel ,  6c' Faute  de 
cela  d'une  manière  fi  peuexaéle,  qu'il  cite  de  Saint  Jérôme  des  Çommen-  ^^jj}*''"*  '^®" 
taires  fur  les  deux  premiers  Livres  de  Samuel,  qui  n'ont  jamais  été,  feu- 
lement parce  qu'il  les  a  trouvez  citez  à  la  marge  de  Gafiàrel  j  ce  qui  nous  fait 
voir  que  les  gj-ands  hommes  ne  font  pas  toujours  originaux ,  6c  qu'ils  copient 

LU  3  fouvent 


45+         HISTOIRE   DES  DOGMES 

louvent  avec  bien  de  l'imprudence,  de  très  méchans  Auteurs.     Au  reftc 

qu'on  examine  ce  pafTage  même  de  S.  Jérôme ,  6c  l'on  verra  qu'il  ne  dit 

rien,  que  ce  que  je  viens  d'expliquer. 

spenccriis,       Speuccrus,  uii  favanc  Anglois,  a  une  opinion  fort  approchante  de  celle- 

Diflettatio    \^      Il  cfoil  quc  Ics  Thcraphims ,  ôc  Urim  ôcThummin,  font  la  même 

de  Urim  Se     ,      ^  ,--      ■  j  ■  ■  r  t  ■■  r 

Thummim.  cnoie ,  que  c  etoient  de  petites  images  en  ngure  humaine,  qui  le  mettoient 
dans  le  Peéloral  du  Souverain  Sacrificateur,  par  lequel  Dieu,  ou  les  An- 
ges par  commiiîion  reçue  de  Dieu,  rendoient  des  oracles.  Il  avoue  que  les 
plus  anciens  Theraphims,  ont  été  compofez  par  des  Payens ,  c'ell-a-dire  par 
les  Chaldéens  ou  Egyptiens,  &  que  c'étoient  des  inftrumens  de  magk, 
&  de  petites  images  d'homme ,  qui  leur  rendoient  des  oracles ,  par  le  mo- 
yen des  Démons ,  mais  il  prétend  que  Moyfe  a  tiré  cela  des  Payens,  com- 
me la  plupart  des  autres  cérémonies  de  la  Loy ,  ôc  qu'à  l'imitation  de  ces 
Theraphims  des  Chaldéens ,  il  fit  de  petites  images  d'homme,  que  l'on 
fourroit  dans  le  Pe<5i:oral  du  Souverain  Sacrificateur,  quand  il  vouioit  con- 
fulter  Dieu.  Moïreappella,dit-il,ces  images  Urim  6c Thummim,  d'un  nou- 
veau nom  qu'il  leur  impofaj  mais  cependant  il  croit  que  l'ancien  nom  de  The- 
raphims, leur  demeura  avec  leur  nouveau  nom,  que  leur  avoit  donné  MoiTe. 
Sa  principale  preuve  eft  tirée  d'Ofée  ,  où  le  Prophète  dit  des  Kraëlites ,  ils' 
feront  fans  Ephod  &  fans  Theraphims.  Il  veut  que  les  Theraphims,  foient 
une  annexe  de  l'Ephod,  &  qu'ici  Ofée  ait  intention  de  dire ,  ils  perdront  l'O- 
racle d^Vrim  &  de  Thummim  ^^  n'auront  plus  l'Ephod  facré,  fait  par  Mo'ï- 
fe,  dans  lequel  eft  cet  Urim  8c  Thummin,autrement  appelle  Theraphim.En- 
fin  il  dit<]uc  l'Ephod  &  les  Theraphims  de  Mica,éîoient  faits  à  l'imitation  de 
rEphod,&de  i'Urim  ôcThummin  de  Moïfe.C'eft- à-dire  que  ce  fut  un  habit 
Sacerdotal,  dans  le  Peétoral  duquel  on  avoit  fourré  ces  petites  images ,  qui 
rendoient  des  Oracles.  Ce  paflage  d'Olée  mal  interprété  eft  caufe  de  l'erreur 
de  Gaftarel,  de  Moncseus,  de  Spencerus,  ôc  de  celle  de  S.  Jérôme.  Et  la 
fource  commune  de  leur  erreur,  c'eft  qu'ils  veulent  que  dans  Oiét^lhe- 
raphim  fe  prenne  en  bonne  part  ;  parce  que  le  deffein  de  Dieu ,  félon  eux, 
eft  de  prédire  que  les  Ifi-aëlites  feroient  un  long -tems,  fans  le  culte  de  Moï- 
fe.  Mais  la  vérité  eft  que  Dieu  veut  dépeindre  précifément,  l'état  où  font 
aujourd'hui  les  Juifs,  fans  Dieu,  ni  vrai, ni  faux,  fans  idolâtrie,  mais  fans 
vrai  culte.  Pourtant  d'un  coté  il  âitf  non ip/îsem  Ephod,  ne^ fie  nh^facrifcinm. 
C'eft-à-dire  point  de  vrai  culte  Mofaïque,  &  félon  la  Loi.  Mais  d'autre 
part,ils  n'auront  point  de  nn^,  Batua^  ni  delTheraphims,  point  de  fiatu'è  &  de 
Theraphims.  Ç'eft-à-dire  qu'ils  ne  feront  pas  idolâtres,  ni  Payens  adon- 
nez à  la  magie.  Or  que  les  Theraphims  ne  fe  puiftent  prendre  en  bonne 
part ,  il  par,  ît  par  le  m.ot  de  Matfeva^fiatii'é,  qui  ne  fe  prend  jamais  en  bonne 
part,  quand  ils'agit  d'une  chofe  qui  eft  adorée  :  Ainfi  le  fens  du  pafiage  eft , 
'Un  tems  viendra  dans  le  i^  ne  l  vous  ferez,  plnJteHrs  Jjecles  ^  fans  adorer  les  Jiatu'és  ^ 
mais  aufftfans  vrai  Dieu  :  fans  confklfer  les  faux  Oracles  des  Theraphims ,  mats 
Auffi  fans  pouvoir  confulter  L)ieft,  par  ZJrtm  dr  Thummim,  <jm  font  dans  l'^ Ephod, 
C'êft  l'explication  de  Kimchi ,  dont  nous  rapporterons  tout  à  l'heure  les 
paroles. 

Ces  trois  opinions  de  Moncseus,  de  Gaffarel ,  &  de  Spencerus,  ne  me 
paroiflent  point  foûtenables.  Et  celle  de  Spencerus  eft  en  quelque  forte 
impie,  nous  en  avons  parlé  dans  la  féconde  partie  de  cet  Ouvrage/,  en 

par- 


ET  DES  CULTES  DE  UEGUSE.  Part.m.  455 

parlant  de  l'Arche  6c  des  Chérubins.  Monc^us  6c  Gaffarel  difent  que  ces 
Theraphims,  étoientdes  figures  de  Chérubins,  femblables  à  ce  queMoife 
6c  Aaron  6c  les  Anciens  d'Ifraël  avoient  vu,  quand  la  gloire  de  Dieu  leur 
apparut,  ainfi  que  cela  eft  rapporté  au  24.  ch.  de  l'Exode.  Tuis  Moife 
C^  Aaron  y  Isladah^  &  Ahihu^  &  [otxmte  &  dix  des  enfans  d' Ifraël  montèrent, &  vi- 
xent  le  Dien  d'Ifraël^  &  deJfoHS  fes  pieds  il  j  avoit  comme  un  ouvraae  de  car- 
reâffx  de  Saphirs^  &  comme  font  les  cieptx  dans  an  tems  ferein.  L'on  prétend 
que  Dieu  leur  apparut,  juftement  dans  la  même  forme  ,  qu'il  apparut  à 
Èzechiel,  environne  de  4.  Animaux,qui  avoient  des  têtes  c^e  Bœuf,de  Lion, 
d'Aigle, 6c d'Homme, 6c  qu'au-defîus  de  tout  cela  Dieu*étoit  affis  fur  unr 
Trône  de  Saphir,  ainfi  qu' Ezechiel  le  répréfente.  Et  au-dejfm-  de  cette Ch.z,y.i9» 
étendue  qui  étoit  fur  les  têtes  des  Animaux  ,  il  y  avait  la  femb  lance  d'un  Trône^ 
comme  qui  verrott  une  Pierre  de  Saphir ,  &  fur  la  femblance  d'^un  Trône  ,  il  y 
avait  comme  U  femblance  d^un  Homme.  Je  trouve  allez  apparent,  que  Dieu 
apparut  alors  à  Moïfe ,  6c  aux  Anciens  d'Ifraël,  dans  une  forme  à  peu  prés< 
fembkble,  à  ce  que  vit  Ezechiel.  Mais  il  n'eft  du  tout  point  vrai-fembla- 
ble,, comme  le  prétend  Monca^us,  que  la  figure  du  Bœuf,  fous  laquelle  Aa- 
ron fit  adorer  Dieu  aux  Ifraëlitcs  ,  fut  tirée  de  là.  Et  il  eft  enco- 
re bien  moins  vrai-femblable  ,,  que  les  Theraphims  ayent  tiré  de  là  leur 
'origine.  D'oii  eft- ce  que  Laban  auroit  appris  à  faire  des  Theraphims,  fur 
le  modèle  d'une  vifion,  qui  ne  devoit  paroître  que  trois  ou  quatre  cens  ans 
après  lui.  Ce  que  ces  Auteurs  fuppolent,  que  les  Theraphims  étoient  des - 
emblèmes  du  vrai  Dieu,  6cque  le  Dieu  Créateur  du  Ciel  6cde  la  Terre,: 
étoit  adoré  fous  ces  emblèmes,  eft  convaincu  de  faux  par  tous  les  textes , 
©il  il  eft  parlé  des  Theraphims  >  car  il  paroît  que  c'étoient  des  idoles ,  6c  " 
mêmes  àç.^  idoles  abominables,  par  lefquelles  on  exerçoit  les  Arts  Magi- 
ques. Auiîî  le  bonRoiJofias  les  extermina  du  pa'is,  comme  l'une  des  abo- 
minations Payennes.  Et  Samuel  pour  dépeindre  à  Saiil  fon  crime  ,  6c  lui: 
faire  connoître,  combien  Dieu  étoit  en  colère  de  fa  défobéïfiance ,  com-^ 
pare  foa  crime  à  l'iidoration  des  Theraphims  ,,<s/ej^^w,  âefi:  comme  les  The" 
raphims. 

Quanta  ee  que  Spencerus  fuppofe,  que  les  Theraphims  étoient  de  pe- 
tites images  humaines,  qui  rendoient  des  oracles  entre  les  Payens,cela  eft; 
allez  apparent,.comme  je  le  ferai  voir  tout  à  l'heure.  Mais  dire-que  Dieu  ait 
itniié  c^tte  abomination ,  6c  (\\CVrim  ^  Thummim  ,  fufiènt  des  images  des 
Theraphims,  qu'on  mît  dans  le  Peéloral  du  Sacrificateur  ,  cela  eft  tout  à 
fait  impie.  S'il  y  a  dans  les  Theraphims  du  Paganifme,  quelque  chofe  qui- 
aiiLiîu  rapport,  avec  ee  qui  fc  pratique  dans  la  Loi  de  Dieu  ,  il  eft  plus- 
jufte  de  croire,  que  le  Démon  a  été  l'imitateur  de  Dieu, que  de  fuppofer 
que  Dieu  fe  rendît  imitateur  du  Démon.  Et  je  ne  fai  comment  on  pour-- 
mix.  s'empêcher  de  concevoir  ,  que  Dieu  auroit  autorifé  par  là  les  abomi- 
nables magies  des  Payens,  qui  ont  toujours  fait  un  fi  grand  ufage  de  ces- 
petites  imagées  dans  leurs  forcelleries*- 


^.  jaî  A^ 


4,56  H  I  s  T  O  I  R  E  D  E  s  D  O  G  M  E  s 


CHAPITRE     1 1  r. 

Les  premiers  Jherafhims'n^ctoient  que  de /impies  Idoles  fans -Magie; 
de  là  font  venus  les  Lares ^  ou  Dieux  domejliques.    Noéé^ 
Sem  ont  été  les  Jheraphims  de  Laban. 


*^ 


A 


Prés  avoir  rejette  tout  ce  que  Ton  a  dit  des  Theraphims ,  voyons  fi 
nous  pourrons  être  plus  heureux  en  conjeétures.    Premièrement, 
'Je  fuppofe  avec  Aben-Efi-a,  qu'il  e(l  bien  prouvé  parl'Hiftoîre  de 
Mical,  qui  mit  un  Theraphim  dans  le  lit  de  David,  que  les  Theraphims 
avoient  la  figure  humaine  :  car  il  eût  été  ridicule  de  mettre  une  autre  fi- 
gure dans  un  lit ,  pour  tromper  des  gens  qui  gardoient  la  chambre  6c  le 
lit.     Il  faloit  qu'au  moins  en  regardant  de  loin,  ils  viflcnt  dans  ce  lit  une 
figure  d'homme,  qu'ils  prenoient  [pour  David, 
tes  Thetâ-       En  fecond  lieu ,  il  eft  très  certain ,  6c  très  clair  par  l'Ecriture,  que  les  Thc- 
phims        raphims  étoient  des  inftrumens  de  magie ,  pour  fa  voir  l'avenir ,  6c  les  chofes 
fnftïimens"  obfcures.  Cela  ell  évident  par  le  texte  du  2  i.d'Ezechiel  ,011  le  Roi  de  Ba- 
de magie  &  bylone  ell  introduit,  faifantdiverfes  fortes  de  forcelleries.// j-'^w^^/^r/^fw ?)?- 
lion/^^'^^"   "^^^^  î  ilcenfuhe lefoye  défis m^imes, ilinterroge lesTheraphims .  Cela  efl: clair  auflî 
par  le  Prophète  Zacharie,  qui  dit ,  les  Theraphims  ont  prononce' menfinge.  Ils  ont 
donne'  de  fanx  oracles.     Ils  rendoient  donc  des  oracles.     3.  Cela  ie  prou- 
ve encore  par  le  paflàge  d'Ofée.     Ils  feront  plufieurs  jours  fans  Ephod  6c 
fans  Theraphitns:  c'eil- à-dire  qu'ils  feront  fans  aucun  oracle  àconfulter, 
ni  faux ,  ni  vrai ,  ni  diabolique ,  ni  divin ,  point  d'Ephod ,  pour  confulter 
Urim  éc  Thummim ,  point  de  Theraphims,  pour  deviner  par  les  Démons , 
'  êc  apprendre  par  leur  moyen  quelque  chofe  de  leur  deftinée.    Rien  n'eft 
Ratw        P^^^  '-^^^^^  ^  P^^^  "^^  ^"^     Commentaire  de  David  Kimchi ,  fur  ce  paflàge. 
D.  Kimchi   Le  Prophète ,  dit-il,  dépeint  les  jours  de  la  captivité' ,  dans  laejuelk  nous fimmes 
in  ofeam    préféntement.     Nohs  n'avons  point  de  Roi  ^   car  nous  fimmes  fius  la  Domination 
des  Rois  des  Nations  ^  &  de  leurs  Princes.     T^ous  n'avons  point  de  facrijîce,  ^ue 
nous  offrions  au  vrai  Dieu^  mais  auffî  n'avons-nous^point  de /latue  ^  ni  d'Idole  e'ie- 
vée  à  Phonneur  des  faux  Dieux.     Nous  n""  avons  point  d' Ephod  fiicre'^qui  nous  ap- 
prenne les  chofes  futures  ^  par  ZJrim  &  Thummim ,  mais  nous  n'avons  point  aujji 
de  Theraphims  confierez,  aux  Idoles ,  e^ui  prédifent  les  chofes  à  venir  \  félon  Vopi' 
nion  de  ceux  qui  croient  en  eux.   Voilà  notre  état  dans  notre  captivité.  4.  L'Hif- 
toire  de  Mica  6c  de  fes  Theraphims,  nous  fait  voir  auffi  que  ces  Thera- 
phims étoient  des  inftrumens  de  divination.  Car  \z^  cinq  Efpions  des  Da- 
nites ,  difent  au  Sacrificateur ,  qui  fervoit  les  Theraphims ,  nom  te  prions  que 
tu  interroges  Dieu,  afin  que  nous  fâchions  fi  notre  voyage  profperera.     Interroge 
Dieu  5  c'eft- à-dire,  interroge  les  Theraphims,  interroge  l'oracle.  Samuel 
en  reprenant  Saiil ,  compare  fon  péché  au  devinement ,  6c  aux  Theraphims. 
Cela  fait  bien  voir  encore,  que  les  Theraphims  étoient  une  efpece  de  ma- 
gie, pour  deviner  i  6c  enfin  quand  l'Hiiloire  fainte  nous  rapporte  ce  que 
ntjofias,  pour  repurger  la  terre  des  abominations  Prennes,  les  Thera- 
phims 


I 


ET  DES  CULTES  DE  rEGLISE.F^f/.III  45;^ 

jîliims  ne  font  pas  mis  au  nombre  des  Idoles,  mais  ils  font  rangez  entre 
les  forcclleries ,  ^  entre  les  inftrumens  &  les  Arts  magiques.  Et  Jofias 
racla  dft  pais  les  elfrits  de  Python^  les  difeftrs  de  bonrw  aventure ,  &  les  Thera- 
phims.  Et  ainfî  voilà  déjà  deux chofes qui  font  confiantes  &  claires;  la 
première  que  les  Theraphims  étoient  des  figures  humaines,  la  féconde  que 
ces  figures  fcrvoient  à  deviner ,  &  que  c'étoient  des  inftrumens  de  ma- 
gie. 

9.  Mais  voici  une  troifiéme  chofe,   qui,  félon  moi,  n'efl  pas  moins  ^"  coi»- 
•certaine  que  les  deux  précédentes ,  c'eft  que  les  Theraphims  n'ont  pas  été  klTThcM'*'' 
des  inftrumens  de  magie  dés  leur  origine.    Par  exemple ,  je  ne  me  per-  p^""»?  ?'o«t 
fuaderai  jamais,  que  les  Theraphims  de  LabanfialTent  des  inftrumens  pour  fnLumcnr 
exercer  la  magie.     Car  je  ne  faurois  croire  que  Jacob,  fipieux&fîfàinr,  '**  ^*s»*" 
eût  voulu  demeuixr  dans  une  maifon,  où  l'on  eût  exerce  une  aufîî, noi- 
re Nécromance.     Et  je  ne  faurois  croire  non  plus  ,    que  Rachel  eut 
voulu  fe  charger  des  inftrumens  d'une  abominable  magie.    Je  croi  que 
les  Theraphims  étoient  au  commencement  de  fimples  fimulacres,  des  ima- 
ges que  l'on  adoroit,   comme  les  Payens  ont  adoré  leurs  autres  fimu- 
lacres.     C'eft-à-dire ,  comme  les  reffemblances  ,   ou  \qs  emblèmes  d'un 
Dieu  invifible,  abfent  ou  éloigné,  qu'ils  avoient  choifi  pour  l'objet  de 
leur  adoration.     C'eft  pourquoi  Laban  les  appelle  fîmplement  y^j- /^/é-^A; , 
Tomqmi  as-tu  dérobé  mes  Dieux?  Je  ne  faurois  douter  que  le  mot  Grec 
&spK%£V£iv  ,   therapeuin ,  qui  ûgnidefervir  &  adorer ,  ne  vienne  du  mot  The- 
raphim.     Et  cela  me  perfuade ,  qu'au  commencement  ces  Theraphims , 
n' étoient  fimplement  que  des  objets  d'adoration. 

4.  Cela  étant  pofé,  que  les  Theraphims  étoient  de  fimples  fimulacres,  LcsThera- 
il  faut  voir  de  quoi  ils  peuvent  avoir  été  les   répréfentations.     Il  n'y  \o^\  "  uê 
a  point  d'apparence  que  ce  fût  de  leurs  grands  Dieux,  de  leur  Bahal,  ^i"  images 
qui  eft  le  Jupiter  des  Occidentaux ,  de  leur  Moloch ,  de  leur  Aftarté ,  fiS,^^^*" 
êc  des  autres  fembkbles  :    qui  étoient  les   emblèmes  du  Soleil,  de  la 
Lune,  &  de  toute  l'armée  des  Cieux,   comme  parle  le  faint  Eiprit. 
En  un  mot  ce  n'étoient  pas  les  images  de  ces  Dieux ,  que  nous  avons 
zppdle'L  Diinaturales,  qui  étoient  le  monde,  ou  quelqu'une  de  fes  parties, 
comme  le  Ciel,  la  Terre,  les  Elemens,  &  les  Aftres.   Car  nous  avons 
remarqué ,  que  nos  Theraphims  étoientf  des  figures  humaines.  Or  il  eft 
conftant  que   les   Orientaux  n'ont  point  adoré  leurs   grands  Dieux, 
fous  des  figures  purement  humaines.     Ils  employoient  des  figures  myfl 
tiques  &  mêlées.    Moloch  tenoit  du  Taureau.     Aftaroth  avoit  des  cor- 
nes fur  la  tête.     Dagon  étoit  demi-poiffon ,   comme   nous  le  verrons 
dans  la  fuite.     Ainfi  ces  Theraphims,  qui  étoient  des  figures  humaines 
toutes  pures ,  étoient  fans  doute  les  images  de  quelques  hommes ,  qu'on 
avoit  confacrez  pour  Dieux. 

Après  avoir  prouvé  que  ces  Theraphims  n'étoient  ni  les  fimulacres,  ni  LesTheia- 
les  emblèmes  des  grands  Dieux ,  je  tiens  que  nous  ne  faurions  dire  rien  ^JU^nt  les 
de  plus  vrai-femblable  que  ceci  ;  c'eft  que  c'étoient  des  Dieux  domefti-  Lares  ou 
ques,  que  les  Latins  ont  depuis  appelle  Lares,  les  Dieux  Tutelaires de  t-hiJesI d'i- 
la  maifon.     i.  Il  paroît  par  l'Hiftoire  de  Laban,  que  c'étoient  des  Dieux  vcrfcspicu- 
particuliers  6c  domeftiques,  car  fi  ces  Dieux  avoient  été  des  divinitezpu-  ^"' 
bliques,  dont  la  garde  eût  été  donnée  à  Laban,  tout  le  peuple  du  pais 
Fart.  III.  M  m  m  fc 


458  HISTOIRE   DES  DOGM  ES 

Le$ThcT3-  *^  reroit  émû  du  vol,  qui  en  avoit  été  fait.     Tout  le  monde  auroit  cou- 
i»i»ims  de     ru  pour  Ics  recourie  :  mais  Laban  cft  le  feul  qui  les  demande  ,    ôc  aufîi 
toientliuc   ^^  '^^^i  Pourçjuoi  as-tH  derohé mes  Dief4x  ?  11  ne  dit  pas  nos  Dieux.  , 
des  Dieux       2,  Le  uom  de  Theraphim ,  &  Ion  origine ,  nous  eft  une  très  bonne  preuve 
qu^!^*"      de  cette  vérité, que  lesTheraphimsétoientdes  Dieux  Tutckires.Jurquesid 
c'eden  vain  qu'on  a  cherché  l'origine  de  ce  nom  :   On  ne  l'a  pas  trouvée. 
Qiielques- uns  croient  que  Theraphim  vient  de  o^sj-it:'.  Séraphins:  mais  nous 
Véritable     avous  déjà  rejette  cette  étymologic.    Ordinairement  on  le  dérive  de  pj"'/!, 
dn"mcK^'°  Tharaph,  qu'ËhasGermanus,  à-àns fin  Thisi;i  ^inierpreiej  waifin  de  wrpita- 
Theiaphiitv  ^^^  c'cft-à-dire,  mai  fin  d' idolâtrie.   Le  Thargum ,  dit-il,  s'ejt  firvt  decemot 
dans  le  Tfiaume  4.4.  oh  il  y  a  dérijïon  &  mocjuirte.     Les  parties  naturelles  d'Anne 
femme  s'happe  lient  aujji ,  ùeth  tourpa  ,  ^  dans  la  langue  Latine  pareillement  ce- 
la  s'^appelle  turpttudo.  Mais  qui  ne  voit  que  ce  mot  de  tourfa ,  6c  tourpata ,  font 
des  mots  queleParaphraile  Chaldée,  ôc  les  Ecrivains  Talmudi{les,ont  em- 
prunté du  Latin,  comme  mille  autres,  qui  fe  trouvent  dans  la  langue 
Chaldaïqueôc  Syriaque  j  On  y  trouve  les  mois àcfikoulator, de /ymphonia, 
de  Categoros ,  &  un  grand  nombre  d'autres ,  que  les  Chaldéens  ont  emprun- 
tez des  langues  étrangères ,  dans  la  décadence  de  leur  propre  langage.   Ainfî 
le  mot  de  Tharaph ,  ôc  de  Tourpa ,  qui  font  entrez  dans  la  langue  des  Rab- 
bins, pour  fignifier  maifon  d'idolâtrie,  bien  long-tems  depuis  le  mot  de  The- 
raphims,ne  peuvent  pas  être  la  fource  de  ce  nom  .D'autres  le  dérivent  de  rs*i, 
quilignîfie  relâcher,  parce  que  les  Idoles  relâchent  la  pieté.  Mais  c'e  II  avec 
aufli  peu  de  luccez.  il  ell;  certain  que  le  nom  de  Theraphims  ^  eil:  celui  que 
les  Payens  eux-mêmes  donnoient  à  cette  efpece  d'Idole.    ,Or  ils  ne  leur 
eufTent  pas  donné  des  noms  infâmes,  tirez  de  mots  qui  (ignifient  turpitu- 
■     de ,  6c  relâchement.  Il  eft  clair  que  les  Theraphims  viennent  de  Ksn,  Rapha^ 
qui  dans  les  langues  Orientales  fignifie,  conferver,  guérir.   Je  foupçon- 
ne  qu'au  commencement  ces  Dieux  s'appelloient  d^siq  ,  Meraphims,  c'eft- 
à-dire  Sanatoresj  DU  Sofpitatores ,  Dieux  Tuteiaires,  Dieux confervateurs, 
parce  que  le  Thau ,  ÔC  le  Ment  des  Hébreux ,  ont  pu  être  facilement  chan- 
gez de  l'un  à  l'autre.     Mais  fans  cela,  le  nom  de  Theraphim  feradérivé 
du  futur  du  Pihel,  dans  la  féconde  perfonne  nstn,  therappe',  qui  iîgnifie  r« 
guériras ,  &  c'eft  la  forme  de  l'invocation ,  dont  les  idolâtres  fe  fervoient, 
pour  invoquer  ces  Dieux  Tuteiaires.     Enfuite  de  ce  verbe  therappe\  on 
a  fait  un  nom  pluriel,    Therapim  ^    qui    ûgniûe  Dieux  confirvateurs^  & 
guerilleurs.  Ceux  qui  entendent  un  peu  la  langue  Hébraïque, auront  pei- 
ne à  nier  ia  vérité  de  cette  origine  ,   &  de  cette  étymologie.     Le  mot 
GrecôfpaTfî^'f/v,   qui  fignifie  guérir,  m'ell  une  nouvelle  preuve  que  les 
Theraphims  étoient  les  Dieux  Tuteiaires  ,    Dit  firvatores  &  Sofittatorcs^ 
Il  jne  femble  que  l'on  ne  peut  nier  que  le  Grec  ôfpftTTfu^.v,  ne  vien- 
ne de  Theraj:^im ,  car  il  n'y  a  point  de  changement.     Et  pourquoi  les 
Grecs  auroient-ils  emprunté  le  verbe,  qui  fignifie  guérir,  de  ces  Idoles, 
il  ce  n'eft  parce  que  ces  Dieux  étoient  eftimez  les  confervateurs  de  la  fan- 
té,  &  de  la  profperité  de  la  famille? 
comparsi-       3"  ^^^^  micux  prouvcf  quc  Ics  Theraphims  des  Orientaux,  étoient  les 
ion à^f-Tht- Lares  des  Occidentaux,  comparons  les  anciens  Theraphims  avec  les  L^- 
!ks  Laies.    ^^^-   ^'  Les  L^ïr^j  des  anciens  Romains  étoient  dellincz  à  la  confeivation 
de  k  maifon.     C'ed  pourquoi  on  les   plaçoit  à  l'entrée  des  maiibns  -y  In 

fortbiii 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  TartAlL  459 

foribus  vero  &  (tAtriis  domornm ,  Ara  ^  focns  &  Lar  familiaris  erant  ^  dit  ^/r- Werum  ge- 
xmderah  Alexandro.  LesTheraphims  pareillement  étoient  des  Dieux  Do- "'*''"'"% 
meftiques  5  comme  cela  paroît  par  THilloire  de  Laban  ,    qui  les  appelle  ^'  "^'  ^^ 
k^  Dieux,  les  Dieux  de  fa  maifon  :     Cela  paroît  aufîl  par  rHillonc  de 
Mica,  qui  fît  des  Theraphims,  pour  attirer  la  benedi6tion  du  Ciel  furfa 
maifon,  c'eli-à-dire,  pour  avoir  des  Dieux  7'utelaires.  Ces  L^r^j étoient 
eftimez,  non  feulement  les  Dieux  des  mailons  particulières,  mais  ils  pré- 
fidoient  fur  Jes  chemins,  ôc  s'appclîoient  Du  vides  ^Dii  comptâtes.  Nous, 
l'apprenons  de  Servius,  fur  le  troifiéme  de  TEneide.   Labeo  m  hhris  ^^^scrvius  m 
app e liant Hr  de  Dits  ,  cjuibni  origo  animalts  eft  ,  ait  ejie  quidam  facr a  ,  f'^^^'^J' Acsldoe. 
anim<£.  lonmanA  vertantur  in  Deos  ^  qui  appelUntur  animales  ,    quod  de  animts 
fiam^hiat^tem  fum  DU  Pénates^  am  'r//W^i.Et  d'Ovide,  qui  dit  en  parlant  de 
la  Nymphe  Larunda,  mère  des  Lares^ 

Fttqt^e  gravis ,  geminofcjue  parit  ^  qm  compila  fervMt  j  p/,  I^^B^ 

Et  vigilant  no[tra  Çemper  in  ^/^de  Lares.  ^^^ 

Or  cela  s'accorde  fort  bien ,  avec  ce  que  nous  lifons  dans  Ezechiel  des 
Theraphims.  Le  "^oi  de  Babylone  s'^eji  arrêté  au  cherain fourchu ,  au  commen- 
cement des  deux  chemins^  &  a  interrogé  les  Theraphims.  C'ell:  que  les  The- 
raphims étoient  pofez  dans  dts  niches,  dans  les  carrefours  des  grands  che- 
mins, parce  qu'ils  en  étoient  les  Dieux  Tutelaires. 

Ce  que  nous  dit  Servius,  que  les  Dii  viales^  6c  compitales ^  étoient  àts 
Dieux  Animaux,  c'eft-à-dire,  des  âmes  confacrées  ôc  canonifées  ,  nous 
mené  à  l'origine  &  à  la  connoifTance  des  Theraphims.  Il  efl  certain  que 
CCS  Theraphims  étoient  des  hommes ,   qui  avoient  été  déifiez  ,   ôc  qui 
étoient  reconnus  pour  avoir  été  des  hommes  j  car  nous  avons  obiervé  que  ces 
Theraphims  étoient  des  figures  humaines  ,  &  que  les  Orientaux  ne  ré- 
préfentoient  jamais  les  grands  Dieux ,  fous  des  figures  purement  humaines. 
Il  faut  ajouter,  que  les  Z^^r^-j  étoient  les  images  des  Ancêtres,  6c  des  illuftres 
de  la  famille  ,  que  l'on  confacroit  par  un  culte  particulier  ,  6c  que  l'on 
addîoit  comme  Dieux.     Voici  ce  qu'en  dit  Alexander  ab  Alexandre  :  In  Airxandar 
foribus  vero  0"  atriis  Domorum  ,  ara  ,  focus ,  &  lar familiaris ,  érant.  T^^am-  dro^Gen""i 
que  focfiS  erat  ara  Deorum  Penatium,  quem  injiar  nmnims  habebant.     In  qmbus  Dier.  lib.  j^ 
non  Deorum  modo  fîmulacra^  quos  Jîngulis  (^dibus  ,    in  Larario  colehiam  ^  fed  ^^^'  **' 
ima^nes  &  exprejfos  vultus ^  qui  ftumilia  decusfHere,&  ornamenium .^  acPrm- 
cipum ,  ac  Tatronorum ,  quos  quifque  colebat  ,  habere  alJueverant.  jQuare  Lu~ 
cms  Fitellius  Vitellii  Pater  ^  Narctjfi  &  'Tallantis  imagines  inter  Lares  coluife  fe- 
runtm.Yj.àiZW%  un  autre  endroit  le  même  Auteur  dit ,  que  devant  les  Loix 
des  12..  Tables,  les  Romains  enfeveliiîbient  leurs  morts  dans  leurs  mai- 
fons ,  dans  des  Tonneaux  ,  6c  dans  des  VaifTeaux  ,   ce  qui  avoit  donné 
lieu  aux  Dieux  Laves,  qua  ex  caufa  Lares  ,  quos  Domejitcos  vovent  Deos ^  ceniaiium 
colère  cœperfint.     Tout  cela  me  perfuade  que  les  Theraphims  de  Laban ,  Dierum  lib. 
étoient  ceux  de  les  Ancêtres,  qui  avoient  été  les  plus  illuftres  ,  dont  il  *'  "^"  ^'   ^ 
avoit  fait  les  Dieux  Tutelaires.    Kircherus  dérive  le  motdeTheraphim, 
d'une  origine  qui   pourroit  confirmer  cette  conjeélure  ,  fi  cette  étymo- 
logie  écoit  véritable.     Il   dit  que  le  mot  de  Theraphim  ,  vient  de  Se- 

Mmm  a  ra- 


4^0         H  I  S  T  O  î  R  E  D  E  S   D  O  G  M  E  S 

rapis;  6c  que  les  Theraphims  ou  Serapinsen  Egypte,  étoient  des  images 
avec  une  tête  humaine ,  fur  un  corps  fans  bras  6c  fans  membres ,  à  la  mode 
des  Egyptiens ,  qui  ne  donnoient  point  de  membres  à  leurs  flatuès  ,  ne 
aliquià  ex  illis  membris  décider  et  collijtone  aut  pmrefa^ione ,  tjmd  illis  magnum 
■piacultim  erat.  Serapis  vient  de  ''l^'sii:^ ,  le  Prinee  mon  père.  Et  ce  feroit  un 
nom  fort  convenable  a  un  Dieu  Tutelaire  ,  pris  d'entre  les  Ancêtres  de 
la  maifon.  Mais  nous  donnerons  dans  le  chap.  de  Belzebub  une  éty- 
mologie  du  nom  Serapis  beaucoup  plus  vrai-femblable. 

Si  j'ofe  pouffer  la  conjedure  plus  avant ,  je  dirai  que  ces  ^Theraphims 
deLaban  étoient  les  images  de  Noé  &  de  Sem  :  de  Noe\  parce  que  c'é- 
toit  le  père  commun  du  monde ,  oc  de  Sem ,  parce  que  c'étoit  le  Patriar- 
che de  la  famille  de  Laban.  Qu'il  y  eût  plufîeurs  images, dans  Toratoi- 
re  deLaban  cela  eil  clair  par  le  nom  de  Theraphims ,  qui  eft  un  nom  plu- 
^^^  riel  5  6c  parce  que  Laban  les  appelloit/f  j  Diei^x ,  6c  non  pas  fon  Dieu.  D'au- 

'^&h|  trepart,  qu'il  n'y  en  eût  pas  plus  de  deux, cela  me  paroît vrai- fembla- 

^^  ble ,  parce  que  Rachel  trouva  moyen  de  les  cacher  fous  le  bât  d'un  cha- 

meau. Il  eût  été  difficile  qu'un  grand  nombre  de  flatuës  eût  été  con- 
tenu dans  un  fi  petit  efpace.  Et  c'eft  dans  cette  conjeélure  que  je  trouve- 
Tonrquoi     la  raifon ,  pourquoi  Ov'idc  parle  des  Dieux  L^r^j- ,  comme  n'étant  que  deux 
Ovide  ne    £|s  ^q  j^  Nymphe  Larunda,  que  Mercure  viola,  en  l'a  menant  aux  enfers, 
deuxTSleux  oii  elle  fut  rclcguée  par  l'ordre  de  Jupiter ,  dont  elle  avoit  révélé  les  amours. 

Lares,  y 

Fîtque  grâvis ,  geminofque  parit ,  ÔCC, 
laftor.  2.  V. 

*^^*  Car  encore  que  depuis  on  ait  multiplié  les   Lares  ,  ôc  qu'on  ait  adoré 

dans  le  Lararinm ,  tous  les  illullres  morts  de  la  famille ,  6c  même  les  Pa- 
trons vivans  ,  cependant  ce  paifage  d'Ovide  nous  apprend  ,  qu'originel- 
lement il  n'y  avoir  que  deux  Lares.  Ce  qui  vient  apparemment ,  de  ce 
qu'originellement  il  n'y  avoit  pas  plus  de  deux  Theraphims  dans  la  mai- 
fon. Tout  à  l'heure,  quand  nous  parlerons  des  Theraphims  de  Mica,  nous 
verrons  une  nouvelle  preuve  de  cela  même,  favoir  qu'il  n'y  avoit  que  deux 
Theraphims.  Or  fî  Laban  n'avoit  que  deux  Theraphims,  6c  que  les  The- 
raphims fuflent  les  Dieux  Mânes,  6c  les  Ancêtres  de  la  maifon,  il  n'y  a 
pas  lieu  de  douter  que  ce  ne  fulfent  Noé  6c  Sem  j  car  il  n'y  en  avoit 
point  qui  dût  emporter  cet  honneur  fur  eux.  Je  croi  même  que  l'un  de 
ces  Theraphims,  Dieux  Tutelaires  de  la  maifon,  fut  étabh  pour  le  con- 
fervateur  à&s  jardins  ^  6c  des  fruits  des  champs.  Ce  fut  Noé  le  pre- 
mier des  Theraphims,.à  qui  l'on  donna  cet  office  ,  6c  depuis  on  l'a  appelle 
Priape,  6c  on  a  mis  fa  llatuë  dans  les  jardins,  cardans  le  chapitre  de  Ba- 
hal-Pehor,  nous  ferons  voir  que  le  Priape  des  Romains  6c  des  Grecs, 
étoit  Noé. 

Voilà  ce  qu'étoient  les  Theraphims  dans  leur  origine ,  c'étoient  les  flatuës 
des  principaux  Ancêtres  de  la  famille  qu'on  adoroit,  6c  aufquels  on  recom- 
înandoit  le  falut  de  la  maifon.  Cela  étant,  il  n'efl  pas  difficile  decom- 
prendre,  où  Mical,  femme  de  David,  pouvoit  avoir  pris  un  Theraphim, 
pour  le  mettre  dans  le  lit,  en  la  place  de  David.  Il  fe  peut  faire  que 
-les  Ifraëlites,  qui.  avoient  rejette  les  idolâtries  des  peuples  voifms,  6c  qui 
-«l'adoroient  pkis  les  Theraphims , .  ne  laifîbient  pas  de  faire  pourtant  des 

ima- 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Part,  lit  462^ 

images  &  des  flatuës  de  leurs  Ancêtres,  qu'ils  gardoient  dans  leurs mai- 
fons,  pour  conferver  leur  mémoire.  Ou  bien  ce  Theraphim ,  qui  le  trou- 
va dans  la  mailbn  de  David,  pouvoit  être  venu  du  fiécle,  dans  lequel  les 
Ifraëlites  s'étoient  corrompus ,  &  avoient  emprunté  cette  efpece  de  culte, 
des  peuples  idolâtres.     Ce  fiécle  n'étoit  point  éloigné,  car  c'étoit  celui 
des  Juges,  comme  il  paroît par l'Hiftoire  de  Mica,ôcderesTheraphims. 
Saiil,  qui  avoit  Tuccedé  immédiatement  aux  Juges,  n'avoit  peut-être  pas 
pris  un  affez  grand  foin  de  repurger  le  païs  d'idolâtrie.     Et  quand  il  y 
auroit  fait  fon  devoir,  il  eil  fort  poffible  que  fans   crime   quelqu'une  de 
ces  flatuës ,  qui  avoient  autrefois  fervi  à  l'idolâtrie  ,   fût  demeurée  dans 
quelque  cohi  négligée  ,  d'oîi  Mical  la  tira  pour  la  mettre  dans  le  lit  de 
David. 


CHAPITRE     IV. 

^es  Theraphims  devenus  infirumens  de  Magie  :  Ils  ont  été  imitez  de 
i' oracle  des  Chérubins,  De  la  Nécromance  des  Syriens. 

IL  faut  fc  fouvcnir  de  ce  que  nous  avons  dit,  i.  que  cts  Theraphims 
étoient  des  flatuës  confacrées  aux  morts  &:  aux   Ancêtres  de  la  famil- 
le j  2,.  qu'au  commencement  ces  flatuës  furent  faites    pour  conferver 
la  mémoire  de  ces  morts  5  3.  que  peu  de  tems  après ,  elles  devinrent  des 
tnflrumens  de  Magie  5  c'efl- à-dire  ,  de  JNécromance.     Au  commence-    . 
menton  fe  contentoit  d'invoquer  les  Dieux  Mânes,  confervateurs  de  la 
maifoîi ,  6c  de  les  adorer  dans  ces  flatuës.     Mais  peu  de  tems  après ,  on 
vint  à  les  interroger,  pour  favoir  leschofes  futures.  Les  Chaldéens,  entre 
lefquels  ces  Theraphims  avoient  pris  nailfance,  avoient  une  merveilleufe 
inclination  pour  les  Sciences  curieufes  ,  &  pour  les  Arts  magiques ,  6c 
ayant  inventé  la  Nécromance,  ou  l'art  de  confulter  les  morts,  ils  ne  trou- 
vèrent rien  de  plus  jufle,  que  de  confulter  chacun  les  morts,  qu'ils  ado- 
roicnt  dans  leurs  maiibns ,  qui  en  étant  les  Patriarches  ,  étoient  les  plus 
intéreffez  à   leur  confervation.     C'efl  cet   art   que   l'Ecriture  appelle 
crnon  t^'m  ,  interroger  les  morts. 

11  efl  remarquable  que  par  tout,oii  l'Ecriture  fait  l'énumeration  des  forccl-  confuiterks 
leries ,  quand  elle  parle  des  Theraphims ,  elle  ne  fait  pas  mention  de  ceux  qui  &  l^H.  ^"^^ 
s'enqueroient  des  morts ,  6c  où  elle  parle  de  s'enquérir  des  morts,  elle  ne  parle  q"e"ï  d« 
pas  des  Theraphims.  Ce  qui  fait  voir  que  l'un  6c  l'autre  font  la  même^chofe,  àc  ^  même 
que  le  texte,quand  il  fait  mention  de  l'un,  ne  juge  pas  necefîàire  de  faire  men-  «i">f«' 
tion  de  l'autre ,  pour  éviter  la  répétition.  Dans  le  fécond  Livre  des  Rois ,  où 
il  efl  rapporté  que  Jofias  racla  du  Païs  les  forcelleries ,  ilell  dit,  tjtt'ildé- 
trmfit  les  efprits  de  Python  ,  les  difems  de  bonne  aventure ,  &  kslheraphims.  Et  il 
n'efl  point  parlé  de  ceux  qui  s'enqueroient  des  morts.     Au  contraire  dans 
le  chapitre  18.  du  Deut.  où  Dieu  défend  toute  efpece  de  Mugie,  il  veut 
qn^on  chajfe  tons  ceux  qui  tifent  de  devinement ,  les  Trognojiiq^ienrs  ,  celui  qui 

M  mm  3  u[î 


4^i  HISTOIRE  DES  DOGM  ES 

ufe  de  prédirions  y  les  Sorciers  ^  les  Enchanteurs  ,  les  efprits  de  Python  ^  les  Di- 
Jears  de  bonne  aventure  ,  &  enfin  ,  ce^ix  cjui  s'^entjuierent  des  morts.     Mais  il 
ne  parle  point  des  Theraphims.     Or  il  n'y  a  point  du  tout  d'apparence, 
que  dans  une  énumeration  aufîi  exafte,  il  eût  oublié  cette  fameufe  efpe- 
ce  de  Magie,  qui  s'exerçoit  par  les  Theraphims.  C'eil  pourquoi  je  con- 
clus que  s^ enquérir  des  morts ^  ëc  interroger  les  Theraphims  ,    c'eil  la  même 
chofe. 
La  forme  de      Or  voici  Comment  je  conçois  qu'étoit  compofé  cet  oracle  des  Thera- 
rotâdedes   phims ,  que  l'on  confultoit.     Les  Orientaux  avoient  dans  une  partie  fc- 
*"""*' crête  de  leur  mai  Ton,  les  reliques  de  leurs  Ancêtres,   ou  s'ils  n'avoient 
pas  des  reliques  de  leurs  pères,  ôc  des  anciens  Patriarches  deia  maifon, 
parce  que  ks  décendans,  étant  en  grand  nombre,  chacun  d'eux  nepou- 
Ke'jor  '-    ^°^^  P^^  avoir  les  corps  de  leurs  Patriarches ,  ils  faifoient  de  vains  torn- 
Ç;^.  beaux ,  c'eft-à-drie ,  des  tombeaux  vuides ,  foit  que  ces  tombeaux fuflent 

de  gazon,  foit  qu'ils  fulTent  de  bois  ou  de  pierre.    Après  cela  je  conçois 
qu'ils  érigeoient  ces  Theraphims,  images  de  leurs  Ancêtres ,  fur  les  deux 
extrémitez  de  ces  tombeaux.  En  un!  mot,  je  me  figure  une  parfaite  con- 
formité entre  l'oracle  des  Theraphims ,  &;  celui  des  Chérubins,  pour  la  for- 
me extérieure.  L'Arche  étoit  une  manière  de  coffre,  qui  avoit  juftementla 
forme  d'un  tombeau ,  ôc  aux  deux  extrémitez  de  cet  Arche  étoient  les  deux 
Chérubins ,  du  milieu  defquels  Dieu  fe  manifeftoit  à  fon  peuple  ,  par  les 
oracles.     Pareillement  le  tombeau  des  défunts  entre  les  Payens,  étoit  au 
milieu  ,  comme  l'Arche  des  I  fr  a  élites ,  &  fur  les  deux  extrémitez  étoient 
les  deux  Theraphims.  Et  fur  cette  machine  ils  exerçoient  la  Nécroman- 
ce ,  ôc  évoquoient  les  âmes  des  morts.  En  concevant  la  chofe  ainfi  ,  je 
loutquoi     trouve  la  raifon,  pourquoi  les  70.  dansl'Hilloire  de  Mical,  qui  mit  un 
Mke^'dî'^'    Theraphim   dans   le   lit,   ont, tourné  K£vcTa<pi«:,  un  vain  tombeau.     Ils 
Theraphim   appellent  le  Thcraphim ,  un  vain  tombeau  ,   parce  qu'on  avoit  accoûtu- 
yo^ï^roilt-  ^^   ^^  ^^^  ériger  fur   de  vains  tombeaux. 

né  un  vain  2,.  Nous  avoHS  aufli  là  dedans  la  raifon,  pourquoi  les  mêmes  Interp.  Grecs , 
dans  FHiftoire  de  jofias,  qui  détruifit  les  Devins  &  les  Theraphims,  en  rete- 
nant le  nom  deô^p^^î^^V?  y  ont  ajouté  celui  de  ôcAvjrdiç.J'avo'jè que  je  lirois  çv>«ç , 
avec  quelques  exemplaires  :  Ce  mot  fignifie  des  colomnes ,  des  llatuës ,  &:  au- 
tres monumens  fepuicraux.  Et  cela  s'accorderoit  bien  avec  la  manière ,  dont 
nous  avons  conçu  la  conftruécion  de  l'oracle  dès  Theraphims.  Car  il  faudroic 
tourner  le  texte  des  70.  Eal  détrmfit  les  Theraphims ,  &  les  tombeaux ,  c'ell-à- 
dire,  les  tombeaux ,  ôc  les  Theraphims,  qui  étoient  defliis.  Mais  quand  on 
retiendroit  le  mot  de  èsKviràç,  ce  mot  y  viendroit  fort  bien, car  il  fignifie  ceux 
qui  évoquoient  les  efprits,  par  certaines  ceremoriics  myftiques  ,  &  c'efi: 
ce  qui  fe  faifoit  fur  les  Theraphims.  En  concevant  de  cette  manière 
l'oracle  des  Theraphims,  on  y  trouve  aufiila  raiibn,  pourquoi  Ofée  met 
l'Ephod  6c  les  Theraphims  en  parallèle,  ou  plutôt  en  oppofition.  Les 
enfans  d'/pael  feront  plufieurs  jours  ,  fans  Ephod  &  fans  Theraphims. 

Par  l'Ephod  il  fi\ut  entendre  l'oracle  entier  d'Urim&Thummim,  qui 
étoit  dans  l'Ephod  ,  &  même  il  y  faut  joindre  l'Arche  &  les  Ché- 
rubins ,  du  milieu  defquels  fortoient  les  oracles.  Oiée  compare  les 
Theraphims  à  cet  oracle,  à  caufe  qu'il  étoit  conflruit  de  mcmc  ,  ayant 
une  image  de  coffre,  ou  de  tombeau,  fur  les  extrémitez  duquel  étoient 

po-  . 


tombeau. 


ET  DES  CULTES  DE  VEGLlSE.Tart.Ul.  4^3 

pofées  deux  figures.  Car  autrement  fi  l'oracle  des  Theraphims  n'avoit 
rien  eu  de  reflbmblantà  l'oracle  des  Chérubins  ,  je  ne  vois  pas  pourquoi 
orée  n'auroit  pas  pris  les  autres  manières  de  deviner,  dont  les  Payens  fe 
fervoient,  pour  les  mettre  en  parallèle,  ou  enoppofition,  avecl'Ephod. 
Je  ne  fuis  donc  point  du  fentiment  de  Moncseus,  de  GafFarel,  &de 
Spencerus,  qui  ont  confondu  les  Chérubins,  ôc  les  Theraphims.  Je  fuis 
perfuadé  que  les  Theraphims  étoient  de  fimples  figures  humaines  ,  ôc 
que  les  Chérubins  au  contraire  étoient  des  figures  compofées  de  quatre 
animaux,  de  l'Homme,  du  Lion,  du  Bœuf,  êc  de  l'Aigle  ,  ainfiqueles 
dépeint  Ezechiel.  Mais  je  croi  pourtant,  que  les  Theraphims  étoient 
aux  idolâtres,  ce  que  les  Chérubins  étoient  dans  le  Sanéluaire  des  Ifraë* 
lites.  Et  c'eft  pourquoi  il  n'y  a^oit  que  deux  Chérubins  ,  comme  nous 
avons  vu  ,  qu'il  n'y  avoit  auiîi  que  deux  Theraphims.  Au  commence- 
ment ce  nombre  de  deux  Theraphims,  venoit  de  ce  que  Laban  ne  recon- 
noiiToit  que  deux  grands  Patriarches,  Noé  &  Sem,  dont  il  voulut  faire 
des  Dieux:  Et  alors  ces  Theraphims  n'étoient  que  deux  fimples  figures  hu- 
maines, fans  tombeau  &  fans  oracle.Mais  quand  les  Theraphims  furent  deve- 
nus des  inftrumens  de  Nécromance,  on  confervace  nombre  dé  deux ,  parce 
qu'on  le  jugea  propre ,  ôc  fuffifant  pour  les  opérations  magiques.  Car  fur  un 
tombeau ,  il  fuffit  qu'il  y  ait  deux  ftatuës ,  l'une  au  pied ,  &  l'autre  à  la  tête.  La 
coutume  de  mettre  des  ftatuës  fur  les  tombeaux  eft  apparemment  venue  de 
là,  elle  eft  arrivée  jufqu'à  nous.  Et  nous  favons  aulfi  que  c'éioit  la  cou- 
tume des  Payens,  d'évoquer  les  Mânes  des  défunts  fur  leurs  tombeaux. 
Quand  ils  ne  pouvoient  avoir  leurs  reliques,  ils  drefibient  de  vains  tom- 
beaux ,  fur  lefquels  ils  faifoient  leurs  évocations.  Virgile  introduit ,  félon 
cette  coutume  ,  Andromaque  évoquant  les  Mânes  de  fon  mari  Heétaj*, 
fur  un  vain  tombeau ,  qu'elle  lui  avoit  dreffé. 

Ltbahat  cineri  Andromache^  manéfcjtie  vocabat  Eneïd.  3. 

HeUoreum  ad  Tunmîtim  ^  viridi  qpiem  cejpite  inanem  v.  joj. 

Sacrarat 

De  la  manière  que  nous  venons  de  dépeindre  l'oracle  des  Theraphims,  L'oracle  des 
il  eft  clair  qu'ii  y  avoit  une  grande  conformité  ,  pour  la  figure  &  la  conf-  Theraphims 
tpjction  ,  entre  cet  oracle  oc  celui  Aes  Chérubins.    Maison  peutdeman^  de  celui  des 
der,  lequel  des  deux  eft  le  plus  ancien,  ôc  lequel  des  deux  eft  forméfur  ^^""'^^"** 
l'autre.  Ceux  qui  veulent  que  Moïfc  ait  emprunté  fes  cérémonies  des  Egyp-  Marsham , 
tiens,  &  des  autres  Nations  Payennes  ,  ne  font  pas  de  difiiculté  de  di- |?^n«t«s 
re,  que  l'oracle  àes  Theraphims  eft  plus  ancien  ,   que  celui  des  Chéru- 
bins 5  ôc  que  celui-ci  a  été  imité  de  celui-là.  En  faveur  de  cette  opinion, 
ils  difent ,  que  Dieu  poi}r  accoutumer  plus  aiiément  (on  peuple ,  à  fuivre 
le  nouveau  culte,    qi^lui    vouloit  donner  ,    s'eft  affujetti  à  imiter  les    ^ 
cérémonies,  qui  étoient ~ établies  dans  les  Religions  Payennes,  que  les 
Juifs  connoiflbient  déjà,  ôc  qui  leur  étoient  familières.     Et  que  Dieu  en 
adoptant  ces  cérémonies,  les  a  fanétifiées.  Mais  après  tout ,  cela  eft  dur 
à  dire,  Se  il  n'y  a  pas  d'apparence  que  Dieu  ibit  l'imitateur  du  Démon, 
au  contraire  le  Démon  eft  l'imitateur  de  Dieu.     Avant  iVloïle  ,  je  croi 
que  les  Religions  Payennes  étoient  encore   très  informes  ,   &  qu'elles 
avoient  peu  de  cérémonies.  La  multitude  s'en  eft  augmentée  peu  à  peu.   Il 
vaut  donc  mieux  dire,  que  l'oracle  des  Theraphims  a  été  formé  fur  celui  des 
Chérubins.  Il 


464         H  ï  s  T  O  I  R  E  D  E  s  D  O  G  M  E  s 

Il  eft  vrai  que  les  Theraphims  font  plus  anciens  que  les  Chérubins. 
Mais  j'ai  déjà  dit  ,  qu'il  n'eft  point  apparent  que  les  Theraphims  ,  des 
le  commencement  de  leur  origine  ,  ayent  fervi  à  la  Magie.  J'eftime 
que  ce  font  les  premiers  fîmulacres ,  confacrez  aux  défunts  ,  feulement 
pour  les  honorer,  &  non  pour  les  confulter.  Il fe peut  donc  faire  ,  qu'a- 
prés  que  Dieu  eut  commande  à  Moïfe,  de  faire  l'oracle  de  l'Arche  ôc 
des  Chérubins,  le  Démon  prit  occafion  de  bâtir  l'oracle  des  Theraphims, 
à  l'imitation  de  celui  de  l'iVrche.  C'eft-à-dire  ,  que  peu  de  tems  après 
l'entrée  des  IfraëHtcs  dans  la  terre  de  Canaan  ,  les  idolâtres  fe  fervirent 
des  Theraphims ,  pour  un  inftrument  de  Magic  6c  de  Nécromance  ,  ôc 
que  l'on  difpola  ces  Theraphims  fur  les  tombeaux,  dans  la  fîtuation,  ou 
les  Chérubins  étoient  pofez  fur  l'Arche.  *  Le  plus  ancien  oracle  de  The- 

Juges  chap.  r'.iphim  paroîtêtre  celui  de  Mica,  car  les  Danites  confulterent  cet  oracle. 

ï7.  Mais  alors  il  y  avoit  déjà  long-tems  que  l'oracle  de  l'Arche  étoit  conftruit. 

Ainfi  les  Payens  avoient  eu  afléz  de  moyen,  &  allez  de  tems,  pour  conftruire 
un  oracle  de  7"  W<3/?W;;,  furie  modèle  de  celui  des  Chérubins.  S'il  y  avoit 
des  preuves  que  l'oracle  des  Theraphims,  fût  plus  ancien  que  celui  des  Ché- 
rubins, ilfaudroit  croire  pourtant  que  Dieu  n'auroiteu  aucun  deflein d'i- 
miter l'oracle  des  Theraphims,  en  faifant  celui  des  Chérubins  ,&  que  ce- 
la fe  feroit  rencontré  par  hazard.  Dieu  n'auroit  pas  voulu  faire  fon  oracle 
fous  une  autre  forme  ,  encore  que  cette  forme  eût  été  profanée  par  la 
Nécromance  des  Payens,  parce  que  cette  forme  étoit  la  plus  propre  àré- 
préfenterlesmyfteresfignifiez  par  l'Arche,  &  par  les  Chérubins. 

On  pourroit  peut-être  adopter  la  conjeélure  de  Moncaeus  ,  c'eft  que 
Melchifedek,  long-tems  avant  Jacob,  dans  l'Hiftoire  duquel  il  nous  eft 
parlé  des  Theraphims, avoit  établi  un  Sanétuaire  ,  prés  de  là  ville  de  Si- 
chem ,  dans  un  fameux  bocage ,  &  que  là  il  fervoit  6c  facrifioit  au 
vrai  Dieu  :  A  quoi  il  faudroit  ajouter  ,  que  Dieu  dés  lors  y  rendoit 
Ces  oracles  ,  entre  les  Chérubins  ,  comme  il  faifoit  dans  le  Sanéluai- 
re  de  Mo'iïè.  Alors  on  diroit  que  les  Theraphims  de  Laban  ont  été 
imitez  des  Chérubins  de  Melchifedek.  Mais  cela  ne  fc  peut  di-^ 
re.  Les  Chérubins  n'ont  affûrément  point  été  connus  aux  fidèles ,  que 
depuis  le  tems  de  Moïfe,  6c  n'ont  pu  l'être.  Car  félon  l'explication , que 
nous  avons  donnée  de  la  vifîon  d'Ezechiel ,  dans  la  Seconde  Partie  de  cet 
Ouvrage ,  les  aniiinaux  appeliez  Chérubins  6c  Séraphins  ,  qui  entroient 
dans  les  vifions  des  Prophètes ,  quand  Dieu  fe  faifoit  voir  à  eux  dans  fa 
gloire ,  répréfentoient  les  MiniUres  de  l'Eglife  Judaïque.  -  Or  ces  Minif- 
tres  n'ont  pu  être  connus  6c  répréfentez ,  qu'après  l'établilTement  de  cet- 
te Eglife.  C'eft  pourquoi  ilen  faudroit  revenir-là,  que  l'oracle  des  Thera- 
phims auroit  été  imité  de  Dieu  comme  par  hazàrd ,  6c  fans  aucune  vue 
d'imitation.  Mais  il  eft  beaucoup  plus  fur  de  s'en  tenir  à  nôtre  première  fup- 
pofitionj  c'eft  que  les  Theraphims  ont  bien  été  de  tout  tems  des  objets 
d'adoration,  mais  qu'ils  n'ont  été  des  inftrumens  de  Nécromance, qu'un 
fiécle  après  Moïfe.  Et  qu'ainfi  l'oracle  des  Theraphims  a  été  imité,  par  le 
Démon ,  6c  formé  fur  celui  des  Chérubins  de  Moïfe.    . 

Ce    que    nous    venons   de   dire  ,   fait   bien     voir    que   ceux-là  fc 
font  fort  trompez,  qui  ont  crû  que  les  Theraphims  étoient  confacrez  au 

vrai 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Tart.lll. 

vrai  Dieu.     Car  origineliement  ils  étoient  confacrez  aux  morts.     Il  eli: 
Vrai  que  les  Thcraphims  ont  eu  quelque  chofe  de  particulier.     Cet  hom- 
me croit  lervir  Dieu  ,  il  fait  une  image  de  fonte,  une  autre  image  taillée, 
&  des  Theraphims,  &  ilditfurladépenfe,  qu'il  vouloit  faire  pour  tout  ce- 
la :  f'^avois  entièrement  âédié  cet  argent  à  l* Eternel ,  ^our  en  faire   une  imcive 
taillée^  &  une  de  fonte.  Je  dirai  quelque  chofe  fur  cette  Hiftoire.     Pre- 
mièrement ,  d'abord  il  femble  qu'il  y  ait  ici,  tout  au  moins,  quatre  figu- 
res, une  image  taillée,  une  de  fonte,  &:  deux  Theraphims.     C'eft  ce 
que  foûtient  St.  Jérôme ,  dans  fon  Epître  à  Marcelk',  que  nous  avons 
cirée  ci-deflùs:  Lyra,  Grotius,  &  les  autres  Interprètes,  prétendent  que 
ces  flatuës  étoient  des  Theraphims,  6c  des  figures  d'Anges  j  mais  que 
ce  qui  eil  tourne  par  images  taillées^  &  de  fonte  ,  fignifie  des  chandeliers 
plats ,  ôc  autres  inilrumens  de  pierre ,  de  taille ,  &  de  fonte ,  pour  l'ufa- 
gc  de  l'Autel.     Ce  fentime;nt  de  Grotius  eil  faux  aflurément.    Ces  ou- 
vrages de  taille,  &  de  fonte,  font  des  images,  aufli  bien  que  les  The- 
raphims.    Mais  je  conjeélure  que  toutes  ces  figures  feréduifent  aux  deux 
Theraphims ,  dont  l'un  étoit  de  fonte ,  &  l'autre  étoit  une  image  taillée, 
&  faite  avec  le  cifeau  ôc  le  burin.     En  effet  dans  le  cinquième  verfet  le 
texte  dit  :  Lui  donc  rendant  cet  argent  à  fa  mère ,  elle  en  prit  deux    cens  pie- 
ces  ^  (^  les  donna  au  fondeur  ^  qui  en  fit  une  image  taillée  ^  &  une  de  fonte  ^ 
&.  elle  s  furent  en  la  maifon  de  zS\€ica.     Il  ne  parle  que  de  deux  pièces, 
c'eil- à-dire ,  de  deux  fiatues  ,  puis  il  ajoute.  fiAinJi  cet  homme ,  favoir  Mi- 
sa ,  eut  une  maifon  de  Dieux ,  &^,  fit  un  Ephod ,  (^  des  Theraphims  ,    ^  eon- 
facra  Pun  de  fes  fils,  qui  lui  fervit  de  Sacrificateur.  Ici  il  ne  parle  plus  d'ima- 
ge de  fonte ,  ni  d'image  taillée.   Il  ne  parle  que  des  Theraphims ,  ce  qui 
fait  voir  que  les  Theraphims,  &  les  images,  dont  il  a  ét^parlé,  font  la 
même  chofe ,  c'ell  pourquoi  dans  le  chapitre  fuivant ,  quand  les  efpions 
àt^  Danites  difent  :  Savez,- vous  que  dans  cette  maifon  ici  il  y  a  un  Ephod ,  (^ 
des  Theraphims  ,   une  image  taillée  ,    &  une  de  fonte  ?  Il  faut  entendre  cela 
ainfî:  Savez-vous  qu'il  y  a  ici  deux  Theraphims,  donti'un  eil  une  ima- 
ge de  fonte,  ôc  l'autre  de  taille?  Et  la  raifon  ,  pourquoi  l'image  de  fon- 
te, &  de  taille,  font  ici  diftinguées  des  Theraphims,  quoi  que  ce  fût  la 
mêaie  chofe,  c'eft  que  toute  image  de  taille  ,  ou  de  fonte  ,   n'étoit  pas 
Theraphims.     Il  faloit  pour  confiruire  un  oracle  des  Theraphims  ,  que 
les  images  fuiTent  fituées,  &  placées  de  certaine  manière  j  c'eil-à-dire, 
qu'elles  fufîènt  pofées  fur  les  deux  extrémitez  d'une  figure  de  tombeau. 
Il  e(l  bien  vrai  qu'au  commencement  toutes  les  images  de  fonte  ou  de 
taille,  pofées  dans  la  maifon,  pour  en  être  les  Dieux  Tutelaires ,  s'ap- 
peiloient  Theraphims,     Mais  quand  on  vint  à  fe  fervir  de  ces  images, 
pour  la  Nécromance,  on  tranfporta  le  nom  de  Theraphims  à  l'oracle  en- 
tier, qui  étoit  compofé  d'une  figure  de  tombeau,  plus  long  que  large, 
&  de  deux  ftatuës  pofées  far  les  extrémitez  :   de  forte  que  ce  texte  de 
l'Hiftoire  de  Mica ,  pour  être  expliqué  félon  fon  vrai  fcns ,  doit  être  pa- 
raphrafé  ainfi.     Et  fJ^i/Cica  fit  faire  deux  images:  une  image  de  fonte ,  P  autre 
de  taille ,  &  il  en  compoÇa  un  oracle  des  Theraphims  ,  fur  lequel  il  établit  fon 
fils  pour  Sacrificateur  ,    éc  il  lui  fit  un  Ephod  ,    c'efl-à-dire  ,   un  vêtement 
facré,  fans  lequel  on  ne  confultoit  jamais  Dieu.     Il  me  femble  que  cet- 
te Paraphrafe  découvre  le  vrai  fens  du  texte,  ôc  enmêmetems  elle  nous 
"■lart.  III.  Nnn  '  con- 


466  HISTOIREDES   DOGMES 

confirme  cette  conjcdurc  que  nous  avons  tantôt  avancée ,   c'efl  qu'il  n'y 
avoit  que  deux  Theraphims  en  chaque  oracle,  &  dans  chaque  maifon. 
î.csThMa-       Après  cela  il  faut  obferver,  qu'alTûrémcnt  Mica  confacra  Tes  Thera- 
phims de    phims  à  Dieu ,  6c  que  fon  intention  fut  de  confulter  le  vrai  Dieu  par  ce 
Sntcon-  moyen.     Ce  qui  paroît  par  ce  que  difcnt  les  Efpions  des  Danites,  auSa- 
facrcz  au     crificatcur  dc  Mica.     Nom  te  prions  ^ue  tu  interroges  Dieu  pour  nous.     Ils 
TmDieu.   j,j.QyQJejjj.  (JQj^c  que  j^Iqu  étoit  confulté  par  ces  Theraphims.     Comment 
cela  fe  peut-il?  Cela  n'eft  point  difficile  à  comprendre,  les  Ifiaelites  ayant 
un  grand  penchant  à  la  fuperftition,  6c  étant  grands  imitateurs  des  ido- 
lâtries de  leurs  voifins,  confervoicnt  pourtant,  parmi  tout  cela,  un  grand 
refpeéb  pour  leur  véritable  Dieu ,  6c  fouvent  pour  accorder  leur  perver- 
fe  inclination ,  6c  la  fuperftition  avec  leur  devoir ,  ils  empruntoient  des- 
cultes des  nations  étrangères,  6c  les  confacroient  à  leur  Dieu.     Cela  fe 
verra  quand  nous  parlerons  du  Veau  d'or ,  6c  des  Veaux  de  Jéroboam  5, 
6c  je  ne  doute  pas  même  que  dans  la  plupart  de  leurs  cultes,  empruntez 
des  Rehgions  Payennes,  ils  n'eulTent  intention  de  les  pratiquer,  en  vue 
de  fervir  leur  véritable  Dieu. 

Les  Theraphims  de  Mica  font  de  cet  ordre.  Cet  homme  avoît  vu  de  ces 
oracles  de  Theraphims.  Il  n'en  comprit  pas  bien  l'abomination ,  ou  il  crût 
qu'on  les  pourroit  fanéli  fier,  en  dédiant  à  Dieu  ces  Theraphims,  que  les 
idolâtres  deftinoient  à  confulter  les  morts:  il  jugea  cela  innocent,  d'autant 
plus  aifément ,  qu'il  reconnut  une  très  grande  conformité ,  pour  l'extérieur^ 
entre  l'oracle  de  l'Arche  6c  celui  des  Chérubins.  Il  fit  donc  un  cofïre ,  une 
image  de  Tombeau  fur  les  deux  extrémitez,  il  y  mit  deux  figures  humai- 
nes, 6c  il  fit  invoquer,  6c  confulter  le  vrai  Dieu,  au  lieu  de  confulter  les 
morts.  Pour  tendre  plus  grande  la  conformité ,  entre  fon  oracle  6c  celui 
du  Sanftuaire  de  Moïfe,  il  voulut  que  fon  Sacrificateur  eût  unEphodfur 
k  corps ,  comme  le  Souverain  Sacrificateur ,  quand  il  confukoit  Dieu. 
Gomment        Au  refte  il  n'eft  pas  aifé  de  dire  précifément,   de  quelle  cérémonie  fc 
©n  confui-  fervoicnt  ceux  qui  confultoient  les  Theraphims:  ils  y  employoient  fans 
iraphûns.      doutc  Ics  facrificcs,  Ics  parfums,  les  oraifons,   les  évocations,  6c  les  au- 
tres cérémonies,  dont  on  fe  Icrvoit  dans  les  évocations  des  Démons,   6^ 
•   des  efprits.    Quant  à  ceux  des  Ifraëlites  qui  faifoient  des  Theraphims ,  pour 
confulter  le  vrai  Dieu,  comme  Mica  ,   il  y  a  apparence  qu'ils  ne  fe  fer- 
_,  voient  pas  de  cérémonies  magiques,  6c  que  cela  fe  failbit  par  de  fimples 
invocations,  adreflées  à  Dieu^ 
i^s  Thcn-       C'eft  aflez  parlé  de  la  conftruétion  de  cet  oracle ,  6c  de  la  manière  dont; 
po'im^padé   on  confultoit  les  Thcraphims.     Mais  voici  une  queftion  encore  plusobf- 
parkuisfia-  curc.     On  demande  comment  les  Theraphims  rendaient  leurs  oracles,. 
6c  donnoient  leurs  réponlès?.  Il  eft  malailé  de  répondre   précifément  à 
cette  queftion.     Mais  il  eft  fort  aifé  de  prouver,  qu'il  n'a  rien  été  dit  de 
De  Ecciefia  plus  improbable  là-^delTus,  que  ce  que  dit  Bellarmin.     11  veut  que  les  fta^ 
îe  "ib^  2?    tues ,  appellées  Theraphims  parlafient  y  6c  rendiflent  leurs  réponfes , .  par 
cap.ïj.seft.  une  voix  intelligible,  qui  fortoit  des  ftatuè's.     Cela  n'eft  appuvé  d'aucu- 
îaendacium.  ne  vraMemblance,  m  d  aucune  autorité.  Par  la  lecture  des  livres  anciens,, 
nous  vo'ions  qu'il  y  avoit  diverfes  voycs,  par  lefquelles  ils  tiroient  des  ora- 
cles des  Démons.     Mais  jamais  on  n'a  ouï  dire,   que  letus  ftatuès  ayent 
parlé,-  pour  prononcer  lem-s  oracles.     Premièrement,  la  plus  ordinaire 

façon 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Part.lll.  467 

façon  de  recevoir  les  oracles,  étoit  par  la  voye  des  Prêtres,  ou  Prêtrei- 
fes,  de  ces  Dieux ,  dans  les  Temples  defquels  les  oracles  étoient  établis ,  ^ 

comme  à  Delphes,  dans  l'oracle  des  Branchides,  &  ailleurs,     z.  Quel- 
quefois c'étoit  par  le  moyen  des  fonges  ,    comme  dans  l'Antre  de  Tro- 
phonius,  ainfî  que  le  remarque  Plutarque,  dans  le  livre  qui  traite  delà  cau- 
le  de  la  ceflàtion  des  oracles.     ^ .  Quelquefois  on  entendoit  des  voix  qui 
fbrtoient  des  Cavernes ,  oii  rcpofoit  l'efprit  qui  rendoit  les  oracles ,  com- 
,  me  It  remarque  Paufanias  de  l'Antre  d'Amphiaraus.     4.  D'autrefois  c'é-  îiïœodcis. 
toit  par  de  certains  mouvemens,  que  l'on  remarquoir,  dans   les  flatuës. 
C'eft  ce  que  Macrobe  remarque  y  apudAntium  promoverijiw^/acra  Fortum-  saturnsLiik 
rftm addenda  refponfa.     f.  En  d'autres  lieux,  les  oracles  fe  rendoient  par  **"^'  *** 
le  fort,  qui  décidoit  de  ce  que  l'on  vouloi*  favoir.  Dans  cette  efpece  de 
divination,  les  fortes  Praneflina,  étoient  les  plus  célèbres.     6.  On  confultoit 
les  oracles  par  écrit ,  dans  des  tablettes  féelées  &  fermées ,  &  ks  réponfes   • 
rcvenoient  écrites  dans  les  mêmes  tablettes ,  fans  qu'il  parût  qu'elles  euf» 
fent  été  ouvertes.     C'eft  ainû  que  Macrobe  dit  que  Trajan  confulta  la 
Déeiîc  de  Syrie ,  dont  l'oracle  étoit  à  Hierapolis.     Enfin  on  peut  voir 
les  livres  de  Divinatiene  de  Ciceron ,  où  il  parle  fort  exaéèement  de  tou- 
tes les  manières  de  Divination ,  par  lefquelles  on  penctroit  dans  l'avenir, 
&  on  verra  qu'il  ne  dit  point ,  que  l'on  confultât  des  ftatuës ,  &  que  ces 
ftatuës  parlafTent. 

*Bellarmm  produit  quelques  exemples  de  ftatuè's,  qui  ont  parlé  :  entre  statues 
les  autres  celui  de  la  Junon  de  Veïes,  à  qui,  dans  le  fac  de  la  ville  de  J"'?°*^^^, 
Veïes,  on  demanda:  F'ifne  tranjtre  Romam?  &  elle  ijijpondit ,  Volo.  Celui 
delaftatuë  de  la  Fortune  féminine,  qui  fut  confacrée  a  l'honneur  des  fem- 
mes, Ôc  fur  tout  de  la  mère  de  Coriolan,  parce  qu'à  là  prière  il  avoit  levé  le 
fîége  de  devant  Rome.  On  dit  que  cette  ftatuë  de  la  Fortune  féminine^  Fortuna 
w«//>^m,  parla  deux  fois:  la  première  fois,  eWeàit^reEle  me  Matrone  vidi<. 
fiisy  &  la  féconde  fois,  rite  me  dicaflis.  Pour  aider  Bellarmin,  nous  lui 
pourrions  fournir  d'autres  exemples  feniblables ,  qu'il  n'a  pas  fû ,  ou  aux- 
quels il  n'a  pas  penfé.  Ovide  dit  que  quand  les  Romairis  demandèrent  à 
Attalus  la  ftatuë  de  Cybelé,  Attalus  l'ayant  rcfufée,  la  ftatuë  parla,  & 
déclara  qu'elle  vouloit  être  à  Rome.  ^ 

eJ^f>4  canam ,  longo  tremuit  cum  murmure  tellus'^  Owd.Faftor. 

Et  Jtc  efi  adytis  Diva  lo^uuta  fuis.  ,  .4.v.2«i. 

Ipfa  peti  valut  :  nejitmora^  mitte  volentem  \ 

D  ignus  Roma  loats ,  quo  Deus  omnis  eat. 

Nous  pourrions  lui  fournir  aufîi  ce  que  dit  Suétone ,  dans  la  vie  de  Cali- 
gula,  que  peu  de  jours  avant  la  mort  de  ce  Tyran,  le  lîmulacre  de  Ju- 
piter Olympien  ,  qu'il  faifoit  démonter ,  pour  Je  tranfporter  à  Rome , 
fe  mit  à  rire  avec  tant  de  force,  que  les  machines,  fur  lefquelles  il  étoit 
foûtenu ,  en  furent  ébranlées ,  &  tou  s  les  ouvriers  mis  en  fuite.  Futura  sucten.  î. 
trais  multa  prodigia  exfitterunt.  Olympii  Jtmulacrum  fovis  ,  (^uod  difoîvi  ^  î-  *^'  *7. 
transferri  Romam  placuerat  ,  tantum  cachinnum  repente  edidit  ,  ut  machinis 
labefaciatis ,  opifices  dijfugerint..  Mais  tous  ces  exemples  ne  font  rien,  pour 
prouver  le  fcntiment  de  Bellarmin  :  Car  la  plupart  de  ces  Hiftoires  font 

Nnn  i  .  recon- 


# 


468  HISTOIRE   DESDOGMES^ 

reconnues  fabuleufes,  par  ceux-là  mêmes  qui  les  rapportent.  L'Hiftorie» 
Tite-Live ,  dit  nettement ,  touchant  la  Junon  des  Veïens  ,   qui  s'appel- 
loit  j'mo  Moneta^  que  le  bruit  quicouroit,  qu'elle  avoit  parlé  étoit  taux^ 
ûHfim  qiitdam  r/filttum  ^    vtfne  ire  Romam  ^nm?  dixijfet  ^  conclamaJJ'e  ceteros, 
jDeam  annidtjfe^  inde  fabnU  adjeBam  ejjè  vocem  quoc^ue  dtcentis  velle  auditam. 
Pour  ce  qui  efl  de  la  Fortune  féminine,  dédiée  par  les  Dames  Romaines^ 
Plutarque ,  dans  la  vie  de  Coriolan  ,  fait  des  reftéxians  très  judicieufes ,. 
pour  en  prouver  la  faulTcté,  il  dit  qu'il  eil:  bien  poffible,   que  les  ftâtuës 
paroiilént  fuer ,  ou  pleurer ,  parce  que  le  bois  6c  la  pierre  renferment  des 
humiditcz,  qui  peuvent  quelquefois  fortir  dehors,   par  des  caufes  natu- 
relles-, qu'il  peut  arriver  auffi ,  que  des    llatuës  fortent  des   efpeces  de 
foupirs ,  &  .des  Tons  inarticule* ,  par  quelque  rupture  violente ,  qui  fe  fera 
faite  dans  leurs  parties  internes.     Mais  qu'il  eïi  abjolnment  impjjii/le ,   qug 
des  fiat»'és  prononcent  des  voix  articulées  ,  parce  que  cela  n'appartient  qu^aux^ 
corps  ^  qui  font  animez,^  &  remuer  par  des  âmes:  Et  il  ajoute  que  Dieu  mê- 
me, &  les  efprits,  ne  fauroient  parler,  que  par  l'entremife  de  certains 
Lib.  4.  de   corps ,  qu'ils  empruntent.  S.  Auguftin  fait  fur  cette  Hilloire  cette  agréa- 
civ.  Dei     blc  rcfléxion ,  que  fi  l'*on  voulait  faire  parler  la  fiât ue  de  la  Fortune  ^  au  moins 
^2-  ^9'       il  faloit  faire  parler  la  fortune  virile  )  &  non  pas  la  féminine  ^   parce  qu'ail  y  a, 
lieu  de  croire ,  que  celles  qui  avaient  dédié  la  fiatue  de  la  Fortune  féminine ,, 
avaient  feint  cette  aventure  extraordinaire  ^    &  ce  grand  miracle^  pour  fùivre 
l'inclination  naturelle ,  que  les  femmes  ont  a  parler  &  à  feindre.     Pour  ce  qui 
ell  de  la  Cybelé  d'Afie,  qui  parla  pour  aller  à  Rome,  ii  fautfe  fouvenir 
que  c'eil  ml  Poëtei*|lii  la  fait  parler,  5c  que  les  fiétions  font  permifesaux 
Poètes.     Et  outre  cela  Ovide  ne  dit  pas  nettement ,  que  ce  fut  la  flatuë 
qui  parla,  mais  que  la  voixfortit  du  fond  du  Temple. 


Et  fie  efl  aâytis  T)iva  loquuta  fuis. 


Mais  quand  même  ces  Fîiftoires  feroient  aulîi  eertaines ,  comme  elles  font 
faufles,  elles  ne  prouveroient  pas  que  les  Theraphirasauroient  parlé.  Car 
ces  flatuës  n'ont  rien  de  commun  avec  les  Oracles  éz%  Theraphims.  Ces 
ftasuës  parlantes  font  rares,  on  n'en  trouve  que  trois  ou  quatre  exemples 
dans  THiftoire,  ou  dans  k  Fdbie.     Mais  il  eût  falu  que  les  Theraphims 
eufient  parlé  tous  les  jours,  ÔC  toutes  les  fois  qu'on  les  auroit  confultez. 
Ces  Theraphims  auroient  parlé,  pour  rendre  des  Oracles,   mais  ces  lla- 
tuës n'ont  parlé,  que  par  prodige,  &  fans  être  eonfultées. 
B^bà  éft        II  y  a  peut-être  quelque  chofe,  qui pourroit  appuyer  cette  opinion,  que 
fSirq^i     ^^^  Theraphims  ont  parlé,  dans  l'Hiftoire  que  faifoient  les  Prêtres  de  Do- 
deux  pi-     done,  que.  deux  pigeons  noirs  ayant  pris  leur  vol,  forcis  de  la  ville  de  The- 
Es' d'E^*^  î^^s  en  Egypte,  l'un  s'écoit  retiré  dans  la  Forêt,  oij  fut  depuis  le  Temple 
gypte         6c  rOracie  de  Jupiter  Hamraon,^  6c  que  l'autre  s'étoit  venu  pofer  fur  un; 
avoientpar-  (3;j^^|-,g  ^g  ij^  Forêt  de  Dodone,  où  il  avoit  parlé  6c  dit,  qu'il  faîoit  éca^- 
blir  là  un  Oracle.     Cela,  dis-je,  pourroit  rendre  un  peu  vrai-ièmblablc,. 
que  le  Démon  a  parlé,  par  les  Theraphims,  puifqu'il  a  parlé  par  desoi- 
feaux,  qui  ne  font  gucres  plus  propres  à  rendre  des  voix  articulées ,  que 
Herod-.  in.  des  ftatuës.     Mais  Hérodote  nous  apprend,  d'où  cette  fable  avoit  tiré  fa 
^"'^■^^'  ^*   naifTancej,  c'efl  q^ue  deux  femmes  j. de  celles  que  l'on  appellc/rfï/rsf/Vrf ,  étant 

par- 


ET  DES  CULTES  DE  L'E G L I S E. P^r^. III.  46 o 

parties  de  Thebes  en  Egypte,  l'une  étoit  allée  dans  la  Libye  ,  oià  elle 
avoit  établi  l'Oracle  de  Jupiter  Hammon ,  &  l'autre  s'en  étoit'  allée  en 
Epire,^  où  elle  avoit  établi  l'Oracle  de  Jupiter  deDodone.  Qu'on  avoit 
appelle  ces  femmes  ,  des  colombes  ,  parce  qu'elles  venoient  de  loin 
&  qu'elles  fembloient  avoir  volé,  &  noires,  parce  qu'effeélivement  el- 
les étoient  noires,  ôc  avoient  la  couleur  6c  le  teint  d'Egypte.  Qu'on  ajoû- 
toit  que  ces  colombes  avoient  parlé  en  voix  humaine,  parce  qu'étant  au 
commencement  barbares,  elles  avoient  appris  à  parler  (fi-ec.  Tout  ce- 
la me  fait  conclurre ,  qu'il  n'y  a  point  du  tout  d'apparence ,  que  les  The- 
raphims  rendiffent  leurs  Oracles,  par  une  voix  articulée,  qui  fortît  de  leurs 
flatuès.     Mais  comme  là-dedans,  on  évoquoit  les  iVIanes  des  morts,  il 


eft  apparent  que  le  Démon  parloit  ,  comme  du  milieu  de  la  terre  ,  qui 
ell  eilimée  la  demeure  des  morts.  Ou  bien  l'imagination  de  celui,  qui 
confultoitles  Theraphims,  étoit  agitée  6c  brouillée  par  l'opération  de 
l'efprit  malin,  pour  prononcer  les  Oracles,  que  le  Démon  lui  diéloit. 


C  H  A  P  I  T  R  E     V. 

^^unè  autre  partie  de  la  Necromance  des  Syriens  ;  des  Efirits  de 

Fython ,  Engajirimuthes  parlant  du  ventre  ^  &  de 

l'Ob  des  Orientaux. 

L  Es  Theraphims  nous  ont  donné  occalîon  de  parler  de  la  Necroman- 
ce des  Orientaux,  ou  Syriens.  N'ayant  pas  delTein  de  revenir  une 
autrefois,  à  parler  de  la  Magie  des  Anciens,  nous  jugeons  à  propos, 
de  donner  ici  un  chapitre  à  l'Hiitoire  d'une  autre  Necromance,  quin'ell; 
.  pas  moins  célèbre  que  celle  des  Theraphims.  C'ell  ce  que  les  Hébreux 
ont  appelle  316{,  oh:  mot  qu'on  n'a  point  entendu  jufqu'ici .  6c  fur  lequel 
\ç.s  Interprètes  ont  befoin  d'être  redreflez.  A  mon  fens  l'ignorance  n'efl 
pas  fi  excufable  fur  ce  fujet,  que  fur  le  précédent.  Car  il  me  femble  qu'il 
y  a  un  peu  de  négligence  ,  6c  nous  verrons  qu'avec  aflez  peu  de  peine, 
on  pouvoit  fe  garentir  de  l'erreur,  où  l'on  eft  tombé ,  6c  trouver  la  vraye 
fignihcation  du  mot  3W ,  oh. 

Par  tout  où  nos  Interprètes  ont  trouvé  ce  mot  ,  ils  l'ont  tourné  par 
efprit  de  Python^  6c  cependant  je  fuis  afluré,  que  l'efprit  de  Python^  &  3^K ,  oh^ 
n'ont  rien  de  commun. 

Par  l'efprit  de  Python ,  nos  Doéles  entendent  c-fes  gcîis ,  qui  fembîent 
avoir  un  Démon  dans  les  entrailles  ,  6c  qui  font  fortir  une  voix  de  leur 
ellomac,  laquelle  on  entend  ,  comme  fî  elle  venoit  d'extrêmement  loin, 
Maimonides  ,  Moïfe  Mikotfi  ,  6c  les  Doâeurs  Talmudiques  ,  dans  le 
"traité  de  Sanhédrin,  exphquent  ainfi  sin*,^^,  6c  le  dé|îniflent,  un  efprit  im- 
par  ,  (jui  fait  fortir  une  voix  des  aines  ^  &  dei  parties  honteufss  ,  comme  d'un 
ouaire.  Enfin  cette  opinion  a  été  extrêmement  confirmée  par  les  70. 
qui  dans  la  plupart -des  lieux  tournent  le  mot  21K,  oh^  par  celui  àUly-yct-' 
ç-p/jau6o?,  niot  quifignifiejàce  que  difent  nos  Savans,  un  homme  qui  par- 

Nnn  5  le 


470  HISTOIREDES  DOGMES 

le  du  ventre.  En  cela  il  y  a  deux  fautes ,  l'une  eft  en  ce  que  l'on  confond 
l'efprit  de  Python ,  avec  le  ventriloijHus ,  comme  (i  c'étoit  la  même  cho- 
fe  i  l'autre  en  ce  qu'on  veut  qu'aïs  foit  l'efprit  de  Python  ,  ôc  le  ventri- 
loqHtis',  &  ce  n'étoit  ni  l'un  ni  l'autre. 

I.  Je  ne  fai  donc  pas  bien  pourquoi  on  veut  que  l'efprit  de  Python,' 
foit  abfolument  la  même  chofe  que  èyyuqpliixj^oç.  Nous  ne  pouvons  mieux 
Gequec'eft  favoir,  ce  me  femble,  ce  que  c'eft  qu'un  efprit  de  Python^  que  par  l'Hif- 
dcVthon'   ^^'^^  9"^  nous4ifons  au  i6*"«.   des  Aftes,  de  cette  fervante  dans  la  ville 
^ ^  ^"^  '  (Je  Philippes  en  Macédoine  ,   qui  avoit  l'efprit  de  Python.     Elle  n'étoit 
pas  i<yyaç()îiJ.vèoç ,  elle  ne  faifoit  pas  entendre  une  voix  murmurante,  qui 
fortît  de  (es  parties  naturelles,  ou  de  fon  cftomac,  car  elle  crioit  à  hau- 
te voix  dans  les  rues  ,   après  les  Apôtres  ,   ces  gens  font  ferviteurs  du  Di^tt 
SoHverain.    Il  me  femble  que  l'efprit  de  Python  ,  cil  proprement  l'efprit 
de  devinement  ,  ainfi  appelle,  comme  on  croit,  à  cauie  d'Apollon  qui 
rcndoit  les  oracles  ,   &  qui  eft  appelle  Pythius,  du  ferpent  qu'il  tua,  ou 
plutôt  du  verbe  xyvôavoixa; ,  qui  tire  tous  (es  tems  de  i:ev^oyjai ,  s'enquérir, 
demander,  parce  qu'Apollon  étoit  celui  que  l'on  confultoit.     Et  cet  ef- 
prit de  Python  faifiilbit  ceux  qui  le  pofledoient,  comme  un  accez  de  phré- 
nefîe ,  ou  de  haut  mal ,  les  faifoit  tomber  en  des  efpeces  d'extafes ,  &  par- 
loit  par  leur  bouche  clairement ,  &  fouvent  avec  une  voix  haute ,  c'eft 
par  cet  efprit  que  la  Pythie  de  Delphes  rcndoit  fes  oracles ,  6c  ces  gcns- 
ià  étoient  appeliez  Msoi.     Cela  n'a  rien  de  commun  avec  les  vemrilocjHi. 
Je  pourrois  là-deflus  apporter  diverfes  preuves  tirées  des  Anciens ,  pour  faire 
voir  que  l'efprit  de  Python ,  ne  fîgnifioit  pas  toujours  ce  que  nous  enten- 
dons par  éyyxçpîiMv^oç.  Je  pourrois  même  montrer ,  que  le  mot  èyyuqplihv^oç^ 
ne  fignifie  pas  toujours  chez  les  Anciens,  ces  gens  qui  parloient  du  ven- 
tre.    Mais  cela  nous  meneroit  trop  loin ,  puifque  je  n'ai  pas  d'autre  def^ 
fein  que  de  dire  ce  que  fignifie  l'nw  des  Hébreux,  6c  des  Syriens.     J'a- 
jouterai feulement  ce  mot ,  que  ces  gens  qui  parloient  du  ventre ,  pou- 
voient  avoir  un  efprit  de  Python ,  mais  que  tous  ceux  qui  avoient  un  ef- 
prit de  Python,  ne  parloient  pas  du  ventre  :  L'efprit  de  Python   eft  le 
genre ,  6c  le  ventriloc^um\  eft  î'efpece.  Et  qu'ainfi  on  n'a  pas  raifonile  croi- 
re, que  par  tout,  oij  l'Ecriture  parle  d'efprit  de  Python,  il  faille  enten- 
dre cela ,  de  ceux  qui  parloient  du  ventre-    Je  fuis  même  fort  afluré ,  6c 
je  le  ferai  voir  tantôt ,  que  par  tout  ^  où   les  Septante  fe  font  fervis  du 
mot  éyytiçpIiLvèoç ^  pour  interpréter  celui  d'aiï?,  d?oh^'ûs  n'ont  point  penfé 
à  ces  ventriioqui^  dont  on  nous  parle. 
Les  msîtîcs       2 .  Si  les  mgaflrimHthes,  èyyuçpiyuv^Qi  îi'  étoient  pas  toûj  ours  les  mcm  es,  que 
ïoiem  Ma-  ^^^  veniriloejHi^iX  eft  encore  bien  plus  certain,  que  les  gens,  que  les  Hébreux 
giciens Né-  appelloicut  ait?  'hjj^ ,  n'avoient  rien  de  commun  avec  les  efprits  de  Python  , 
cromsn-      j^^  ^^^^  ^.^^^  qui  parloicut  du  ventre,  fînon  que  les  uns  6cles  autres ,  exer- 
çoient  des  arts  diaboliques  pour  deviner.     Ces  aïs  "hyi ,  domini oh ,  étoient 
proprement  des  Nécromanciens ,  qui  feignoient  avoir  la  puifîance  d'évo- 
quer les  mânes  des  défunts ,  6c  de  les  faire  parler ,  6c  qui  faifoient  paroîtrc 
les  formes  de  ceux ,  qu'on  vouloit  évoquer ,  dans  un  grand  vaifleau  plein 
d'eau,  6c  en  même  tems,  une  voix  fombre  6c  obfcure  fortoit  de  la  terre, 
comme  fi  elle  fût  venue  du  creux  de  l'abîme ,  où  repofent  les  morts.    Je 
donnerai  tout  à  l'heure  des  preuves  inconteftables  de  cette  vérité.    Mais 

avant 


ciens. 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE. F^r^.III.  471 

avant  cela,  nous  remarquerons  qu'il  y  avoit  diverles  efpeces  de  Nécro- Diverfes 
mance.     i.    Qiielquefois ,  ôc  en  certains  lieux ,  les  Nécromanciens  s'en- ^^"0^^*. 
dormoient  auprès  des  tombeaux  des  morts,  afin  d'avoir  des  fonges  pro-ce. 
phetiques,  &  des  révélations,  par  l'entremife  des  mânes,  ou  des  âmes efp^ê"(?e 
des  défunts.     Defquelles  ils  croyoient,  qu'elles  erroient  autour  des  repul-Néaoman- 
cres,  6c  autour  de  leurs   corps.     Hérodote   dans   Melpomene,  dit  des"* 
Nafamons ,  peuple    d'Afrique  5  ^a^ils  juroiem  par  ceux  ,    c^m  avaient  été 
jnfles  c^  honêtes  gens ,   qu'ils  devinaient  en  touchant  leurs  tombeaux^  &  qu'en 
{"^approchant  de  leurs  fepulcres ,  après  avoir  fait  quelques  prières ,  ils  ï*  endormaient , 
€^  étaient  infiruits  en  fange  ^  de  ce  qu'ails  voulotentfavoir.     z.  Quelquefois  les  seconde  ef- 
Nécromanciens  5  p^r    la    force    de    leurs  charmes,   imitoient    la  re- pecedcNé- 
furreélion ,  &  par  des  conjurations  magiques ,  ils  faifoient  parler  des  ca-  *^'**""""° 
davres.    Nous  en  avons  un  exemple  dans  le  iîxiéme  Livre  de  laPharfa- 
le  de  Lucain,  où  le  Poète  dit,  que  le  jeune  Pompée  employa  une  Ma-     ^ 
gicienne  de  Thefîàlie,  pour  obliger  un  cadavre  à  fe  relever,  Ôc  à  parler, 
pour  lui  apprendre  le  fuccez  de  la  guerre ,  qu'il  avoit  fur  les  bras.     Nous 
.poumons  joindre  plufieurs  autres  exemples  à  celui-ci,  ôc  faire  quantité  de 
citations,  qui  ne  lerviroient  de  rien  ici,  où  il  ne  s'agit  pas  de  faire  para^ 
de  de  littérature.     3.  D'autres  fois  ils  évoquoient,  purement  &  fîmple- Troifieme 
ment  les  mânes  des  morts,  (ans  les  obliger  à  paroître,  fous  des  figures  vi-  Néaoman- 
fibles ,  ni  à  rentrer  dans  un  corps ,  ils  les  exhortoient  feulement  à  parler,  ce, 
&  à  leur  répondre,  fur  ce  qu'ils  vouloient  favoir,.  ôc  ces  évocations-là,, 
ne  fe  faifoient  pas  de  toutes  fortes  de  morts  indifféremment.    C'étoienc 
les  Dieux  ^^«<?j',  ou  les  Lares,  qu'on  interrogeoit  ainfi.     Et  c'eft  là  cet- 
te'efpece  de  Nécromance ,  qui  s'appelloit  deviner  par  les  Tkeraphims  , 
nous  en  avons  parlé  fuffifamment.     4.  Enfin  il  y  avoit  une  efpece  de  Né-  Quatrième 
cromance,  qui  faifoit  paroître  les  morts  en  forme  vifible,  ôc  qui  les  fai-^crom^a- 
foit  parler  en  voix  intelligible.     Et  cette  Nécromance  a  eu  divers  noms,  ce,  à  laqaci^ 
félon  les  divers  inftrumens,  dont  les  Magiciens  fe  fervoient  pour  l'évoca-  poîtefS^ 
tion  des  morts.     Elle    s'appelloit  Gatoptromance  y   quand  on    faifoit   ap.  des  He- 
paroître   \ts   figures  dans  les  miroirs.       Elle    s'appelloit    Gafiromance ,  ^^^^' 
yuqpoy.uvTéiU'i  quand  les  morts  paroiflbient  dans  uBvaifîeau  profond,  dont 
nous  parle  Hcrmolaus  Barbarus,  ôc  Budée,  dansfon  grand  Lexicon ,  fur 
le  mot  èyyaqpl^v^Qi.     Car  ce  dernier  prétend  que  ce  mot  èyyxqptixv^oiy  fî- 
gnifie  quelquefois  ceux  qui  devinoient  par  ce  grand  vaifîeau,  qui  s'appel- 
le yàçp^t  qui  femble  avoir  été  bien  femblable  à  Tnix  des  Hébreux,  ôc  en- 
fin elle  s'appelloit   hydromance,  quand  les  âmes  montoient  en  figure  hu- 
maine dans  l'eau.     Or  nôtre  3lN,o^,efi:juftcméne  cette  dernière  Nécro- 
mance.    Les  images  paroifloient  dans  de  Peau  pure  ôc  claire ,  on  y  entcn- 
doit  quelque  bruit  confus,  ôc  en  même  tems  une  voix  fortoit  de  terre, 
qui  paroillbit  venir  d'extrêmement  loin,  ôc  déclaroit  ce  qu'on  voujoitfa-- 
voir.     Ce  ne  font  pas  là  de  ces  Gonjeâ:ures  fansfondement,  c'efl  une  vé- 
rité claire,  ôc  je  m'en  vais  donner  des  preuves,  qui  fâtisferont  les  Savans, 

I.  Premièrement,  le  mot  Hébreu  35^ ,  fignifie  un  ouaire,  un  tonneau,  Le  mot  «r 
un  vaifTeau  de  quelque  profondeur.     Je  vous  prie ,  qu'effc-ce  que  l'efprit  de  ^S'-Z^^  ^^ 
Python ,  Ôc  le  veninloqtms  1,  ont  de  commun  avec  un  ouaire,  ou  un  vaifîeau 
plein  d'eau?  C'eft,  difent-ils,  que  la  voix  des  z'^wm/c'^^w  ,  fortoit  com- 
me d'un  ouaire.  ,  Voilà  uneplaiiànte  origine.    Ne  paroifibit-elle  pas  plû- 


472  HISTOIRE  DES   DOGMES 

tôt  fovtir  de  leur  eftomac,  ou  comme  d'autres  di'fcnt,  ex  axtUis  &  ptiden- 
dis^  &  par  conféquent,  il  faloit,  comme  les  Grecs,  tirer  les  noms,  de  ces 
fortes  de  Magiciens,  des  lieux,  &  des  parties ,  d'où  leur  voix  fembloit  for- 
tir.  Mais  il  ell  aifé  de  rendre  raifon,  pourquoi  la  Nécromance,  &  l'évo- 
cation des  morts,  s'appelle  niN,*?^.  C'efl  que  cette  évocation  fetàifoitdans 
un  vailfeaa  plein  d'eau,  qui  s'appelloit  3i«,  &  entre  les  Grecs  yiçpsj.  C'é- 
toit  un  vaifieau  large  &  profond ,  6c  pour  ainU  dire  ventru  ,  comme  un 
ouaire.     Et  le  mot  Latin  oùha^  qui  n'eft  rien  autre  chofe  que  le  mot  3\H 
Chaldaifé,  efl  un  vieux  mot  Tofcan,  qui  fignifie  un  vaifieau,  avec  le- 
quel on  faifoit  des  efFufîons  fur  les  tombeaux  des  morts.     Ce  qui  vient 
fans  doute,  de  ce  que  Poh  des  Hébreux  étoit un vailfeau  ,  pour  exercer  la 
Nécromance,  &  dans  lequel  on  évoquoit  les  mortï.     Pfeîlus ,  dans  fon 
■peut  LjWvc  de  Damoniù fis  y  appelle  cet  art  heHavoij^avrefa ,  lecammar.ce^  du 
mot  Aéjtavv] ,  qui  fignifie  un  bafiin.     Il  dit  qu'on  jettoit  quelque  pièce  d'or 
dans  le  bafiin,  &  puis  qu'on  y  verfoit  beaucoup  d'eau,  &  après  on  faifoit 
des  facrifices,  &  des  invoca;:ions  de  Démons,  enfuite  on  entendoit  un 
bruit  fourd,  comme  un  fremilfement,  dans  le  fond  du  vaifieau,  Ie*Dé-« 
mon  y  apparoiflbit  en  forme  vifible,  &:enfinilyparloitàvoixbafie&obf- 
cure.    Cet  art  s'efl  continué  jufques  à  nôtre tems  :  J'en  fai  un  exemple, 
1j  cato-  ^°^^^  i^  P*^^^  ^"^  ^^  j^  ^^^^  quafi  témoin  oculaire ,  parce  qu'il  efi:  arrivé 
piroraance.  daus  un  Hcu  OU  je  dcmcurois,  &  pendant  le  tems  que  j'y  demeurois.  Une 
fille  étant  malade,  dans  le  foupçon  qu'on  lui  avoit donné  un  fort,  fespa- 
rens  firent  venir  un  autre  Sorcier ,  qui  leur  fit  voir  dans  un  verre  plein  d'eau, 
l'image  de  celui  qu'ils  foupçonnoient.  Mais  auparavant  il  les  obligea  à  jetter 
doucement  dans  le  verre  plufieurs  pièces  d'argent ,  jufques  à  ce  que  l'eau  du 
verre  prît  une  figure  convexe  parle  haut,  après  quoi  l'image  parut  :  c'eftlà 
proprement  l'hydromance.  Mais  aujourd'hui  nos  Magiciens  fe  fervent  beau- 
coup plus  fouvent  du  m-iroir,  qui  fait  abfolument  le  m.erae  effet  que  l'eau.  Car 
les  perfonnages  y  paroiiTent,  mais  nous  n'apprenons  pas  qu'ils  y  parlent. Nous 
avons  un  exemple  de  cette  Catoptromance  ion  remarquable,  dans  la  célèbre 
^^Jj>j« ^0- Hiftoire  de  l'Ambafl^adeur  d'Henri  VIL  Roi  d'Angleterre,  qui  étant  à 
rrvii.  Roi    Rome  en  converfuion  avec  le  Pape ,  lui  difoir ,  qu'il  eût  bien  voulu  trouver 
d'Angietei-  quelqu'un,  qui  lui  pût  apprendre  ce  qui  devoit  naître  du  mariage ,  par  lequel 
s'étoit  faite  la  reunion  de  ces  deux  Maifons  fi  ennemies ,  la  Maifon  de  Lan- 
caftre,  ÔC  celle  d'York.  Le  Pape  lui  répondit,  qu'il  y  avoit  dans  Rome  un 
Devin ,  qui  lui  avoit  prédit  qu'il  viendroit  au  Pontificat  j  l'Ambafiadeur  i'al- 
la  trouver,  &  lui  dit  ce  qu'il  defiroit  favoir >  le  Devin  le  fit  entrer  daqs 
une  grande  falle,  oià  il  trouva  un  grand  miroir  fur  la  table,  &  il  lui  ordon- 
na d'obferver  tout  ce  qui  fe  pafleroit  dans  le  miroir ,  fans  rien  dire.     II 
y  vit  entrer,  du  côté  droit  du  miroir,  deux  hommes  Se  deux  femmes ,  Hen- 
ri  Vy  I.  Edoiiard  VI.  Marie  êc  Elizabeth,  non  tous  enfemble,  mais 
féparément  ôc  l'un  après  l'autre:  Ces  perfonnes  faifoient  des  aâions,  èc 
pornoient  fur  eux  des  écriteaux ,  qui  fignifioient  ce  qu'ils  dévoient  faire ,  & 
ce  qu'ils  dévoient  être.     Après  cela,  du  côté  gauche,  parurent  deux  per- 
fonnes, Jaques  I.  6c  Charles!,  dont  le  premier  poitoit  écrit  fur  une  écharpe, 
infeltx  pacis  amaior ,  malheureux  amateur  àe  U paix ^  èc  le  fécond ,  Anglorum  Rex 
ultimus  Imper  ator  ^  Roi  de  s  Anglais  &  dernier  Empereur.  Si  l'on  fa  voit  d'où  nous 
avons  tiré  cette  Hiftoire^on  ne  la  mettroit  pas  au  nombre  des  contes  fabuleux, 
comme  font  ordinairement  ces  fortes  d'Hiitoires.  Mais  la  fâchant  véritable, 

j'en 

) 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Partm.4,7^ 

j'en  ai  fait  une  digrelîîon ,  que  je  ne  me  pardonnerois  pas ,  fi  mon  Hiiloire 
étoit  une  fable. 

Pour  venir  à  nôtre  fujet,  je  difoisque  nos  Devins  fe  fervent  aujourd'hui 
plus  du  miroir  pour  la  Nécromance ,  6c  pour  l'évocation  de  leurs  Démons, 
mais  autrefois,  que  l'ufage  des  miroirs  étoit  plus  rare,  ils  fc  fervoient  de 
Teau  ,  pour  produire  ces  apparitions.  Saint  Âuguftin  eiiime,  que  Numa  NumaPom- 
étoit  Nécromancien ,  &  qu'il  fe  fervoit  de  l'eau ,  pour  évoquer  les  Dieux  P''^"s  etoit 
ou  Démons,  avec  lefqueîs  il  feignoit  d'avoir  commerce.     Ntima  , dit-il, icien?'&*^" 
qui  aucun  ^  ni  Prophète  ^  ni  faim  ify4nge^  n'avait  été  envoyé ^  fut  obligé  (^exercer  exerçoic 
l"^  Hydromance  ^four  voir  dans  L'eau  les  images  defes  Dieux  ^ouf  lut  ot  les  illuRons  de  [es  mancie.  ' 
Démons ,  pour  apprendre  d'eux ,,  (quelles  cérémonies  tl  devoit  établir ,  &  quelle  efpecè  ^|^-.  7-  dç 
de  fervice  divin  il  devoit  introduire.    Et  cette  efpece  de  divination,  au  rapport  de  c.  zî. 
Varron,  a  été  apportée  de  ^erfe  ,  & Numa&Tythagore s''enf)ntfervis i  parce 
moyen  après  avoir  épandu  dufang ,  tls  interrogeoient  les  habit  ans  des  enfers ,  (^  les 
Grecs  appellent  cet  art  TSlJcromance.   Et  foit  qu'on  P  appelle  Nécromance  ^ou  HydrO' 
mancé^jâeflla  même  chofe, parce  que  les  morts  femblent  y  prédire  les  chofes  futures . 

z.  Nous  avons  déjà,  comme  on  peut  voir,  uneafléz  bonne  preuve  de 
ce  que  j'ai  avancé,  furlafignihcationdumot  21X,  ob. 

Mais  je  ne  fai  comment  on  pourroit  douter  de  ce  que  j'ai  dit,  après  la 
leéture  de  l'Hiftoire  de  Saiil,  &  du  fantôme  de  Samuel.  Au  premier  Li- 
vre de  Samuel  chap.  z8.  Saùl  demande  une  femme  llt^  rhv^,  maztrelJe  de 
Pob.  11  la  trouve,  6c  il  lui  dit,  devine-moi  par  2'\iijob  ,  &  fais  monter  vers 
moi  celui  que  je  te  dirai.  Saiil  avoit  deflein  de  parler  à  Samuel.  A  quoi  lui 
eût  fervi  tout  cela,  de  chercher  une  femme  qui  eût  un  efprit  de  Python, 
6c  pourquoi  auroit-il  dit  à  cette  femme,  fais-moi  monter  qui  je  voudrai ,  puis 
que  les  efprits  de  Python,  6c  les  ventriloques ^  ne  femêloient point  d'évo- 
quer les  manes,ni  les  Démons,  6c  leur  métier  n'étoit  quedeprophetiferpar 
eux-mêmes,  6c  par  l'efprit  qui  les  pofledoit  ?  Et  de  plus  ce  que  Saûl  dit  à  ctt- 
tcïemme^devine-moi  par  3W,dr  mefais  monter  qui  je  voudrai;  fait  voir  évidem- 
mcnt,que  cet  niiSjtf^,  étoit  proprement  l'art  de  faire  monter  les  morts.  Et 
en  effet  cette  femme,  appellée  maîtrellé  de  Pob^  31N  nbpi ,  par  la  vertu  de  fon 
art, fît  monter  Samuel  de  la  terrCjôc  je  ne  doute  pas  qu'elle  ne  l'ait  fait  monter 
dans  l'eau,  dans  un  mx,  ou  un  ouaire,  c'efl-à-dire,  ungrandbaffin  pro- 
fond plein  d'eau.  Le  nom  du  lieu  oii  demeuroit  cette  femme,  ne  m'eft 
pas  une  petite  preuve,  que  fa  profefîion  étoit  la  Nécromance,  &]'Hydro- 
mance,  carlelieus'appelloit//(?Wor,  m  p^,  qui  i]gnifie/(?wj-/?£'r^;;K/j-,  fon- 
taine éternelle.  Sans  doute  parce  qu'il  y  avoit  en  ce  lieu ,  des  eaux  trés-vi- 
ves  6c  trés-claires.  Or  nous  favons,  que  le  Démon  affeéte  la  pureté,  6c  il 
elt  certain,  que  les  Nécromanciens  évoquent  les  mânes,  6c les  Démons, 
dans  des  eaux  de  fontaine  trés-claires  6c  très  pures.  A  propos  de  cette 
pureté,  que  le  Démon  afféde ,  je  mefouviens  bien  d'avoir  obfervé  qu'en- 
core aujourd'huijles  Nécromanciens  fe  fervent  d'un  enfant  vierge,  pour  voir 
les  apparitions  qu'ils  font  monter  dans  l'eau,  ou  dans  les  miroirs ,  6c  pour 
entendre  les  voix.  Et  cela  fe  rapporte  parfaitement ,  avec  ce  qu'Apulée ,  Apuk'edç 
dans  fon  Apologie  de  Magia  ,  raconte  comme  l'ayant  appris  de  Varron.  ^^"' 
favoir  qu'une  Nécromancienne  avoit  fait  voir  à  un  petit  garçon  ,  îefimu- 
iacre  de  Mercure  dans  l'eau,  6c  que  cet  enfant  avoit  ouï  reciter  à  ce  fmtô- 
me  i6o.  vers,  qui  contenoient  une  prédiélion ,  de  tout  ce  qui  devoit  arri- 
ver dans  la  guerre  contre  Mithridate, 

PmAU.  Ooo  3.  Voici 


474  HISTOIRE  DES  DOGMES 

:? .  Voici  une  autre  preuve ,  que  Voh  n'étoit  point  refprit  de  PyrBorï^. 
mais  un  art,  par  lequel  on  faifoit  fortir  une  voix  de  terre,  comme  fi  les^ 
Mânes,  que  l'on  évoquoit,  euflent parlé.  Elle fe trouve  dans  le  2p.  d'E- 
Defcription  laïc  V.  4.  oii  le  Prophète  nous  dépeint  parfaitement,  d'oii  fortoit  la  voix 
de  l'ob  pat   j^p^T^^    Et  tH  fems  âhaijfée  ^   &  parleras  comme  de  dedans  la  terre  ,&  ta  parole 
Vieux  Tef-  fera  bijfe ,  comme  fi  elle  fortoit  de  la  potijjiere  ,  dr  ta  voix  s'entendra  comme  de 
îameiu.        dedanS'  la  terre  ,    iîCUt  3W  ,  comme  une  voix  de  tJM^anes  ,  évoquez,  par  an  iV/- 
cromancien ,  &  ta  parole  mnrmurera  ,  comme  fort ant  de  la  poujfiere.     Cela  efl: 
clair,  il  paroît  par  là,  que  la  voix  de  Taii^,  fortoit,  non  pas  du  ventre,. 
neijue  e  pudendri^  mais  comme  de  dedans  la  terre.     Et  je  trouve  le  com- 
Notrbiepaf-  mentairc  de  Kimchi,  très  confîderable  fur  cepalTage.     7«  parleras  de  la 
lîgedeRim-  terre  avts  une  voîx  ba(fe  &  obfcme ,  comme  fi  la  voix  fortoit  de  défions  la  terre ^ 
''"''  ^  ûK  même  fen$  il  dàî  ^  tn  feras  abaiffée  ^  comme  fi  tu  for  tois  de  la  terre.    C^efi^ 

ûîte  félon  fa  coàtame ,  il  répète  la  même  chofs  m  differens  termes.  Et  il  redit 
encore  la  même  chofi,  <]uand  il  ajoute  DIND,  ficut  ob  ,  parce  que  ceux  q4ii  fonP 
lU?  hv^i ,  font  fortir  une  voix  bajfe  des  entrailles  de  la  terre. 

Vous  voyez  qu'il  oe  dit  pas,  que  ces  gens-Là  fiffent  fortir  une  voix  baf- 
fe de  leur  ventre,  mais  dts  entrailles  de  la  terre.     Quoi,  que  la  plupart 
des  Interprètes  modernes  Juifs ,   ayent  fuivi  le  ton-ent  des  Interprètes 
Grecs  êc  Latins,  &  ayent  pris  l'aw  ,  pour  les  ventriloques ,  cependant 
ils  nous  apprenent,  que  les  anciens  Juifs  Tentendoient  comme  moi.  Car 
voici  ce  que  j'en  trouve,  dans  le  Commentaire  de  Rabbi  Levi  BenGer- 
iteffige  de    ^oi^?  ^^r  le  I .  de  Sam.  28.  7.  Il  faut  ^  dit-il,  que  vous  fâchiez^  ,  que  Part 
aakbag,       de  répondre  par  315^,   étoit  defiiné  à  exciter  ^imagination.^  afin  qu  elle  fut  touchée 
de  Pune  des  efpeces  de  divination.      C^efi  pourquoi  la  voix  n  étoit  entendue^    que- 
de  celui  qui  confult&it ,  &  qui  demandait ,  &  il  èntendoit  une  voix  baffe. ^  com' 
me  qui  dirait  une  voix  fort  ant  d'un  ouaire ,  &  de  la  terre.      Ou  bien,  comme  ont 
dit  nos  maîtres  d''heureufe  mémoire^  f affaire  de  /'aiiS  efi  telle:  favoir  que  celui 
qpii  fait  monter  le  mort  .^  n'entend  pas  la  voix  ^  il  voit  feulement  la  figura,  du  mort  ^. 
^  au  contraire  celui  qui  confulîe  &  interroge ,  ne  voit  point  la  figure.^  mais  en^- 
tend  feulement  la  votx ,  qui  répond  a  fes  demandes.     Ainfi  en  ce  lip4^-y.la  ferri' 
me  voit  bien  la  fgure  de-  Samuel ,   mais  elle  n"* entend  pas  fa  voix  ^  dr  d^ autre 
part^  S^ul  ne  vit  pas  la  forme  de  Samuel^  mais  il  entendit  fa  voix.        i 

Nous  voyons  que  dans  la  defcription ,   que  cet  Auteur  nous  Fait  de 

1'|3^^*,  félon  les  anciens  Rabbins,  il  nous  dépeint  très  bien  la  Nécroman- 

ce,  mais  cela  ne  regarde  point  du  tout  les  ventriloques.  Aben-Efra  furie 

L<evitiq;   ip.  31.  ditfurn'jnêiîn,  c  ela  vient  du  mot  ys^,  qui  fignifie  ouaire  ^  eom" 

me  il  fe  lit  Job  7^%.  20.  ouaires  neufs  ^  parce  que  les  ouaires  étaient  le.  fonde" 

ment  de  r.opcration ^  favoir  des  Nécromanciens.     Une  dit  pas,^  que  lavoix 

s'entendît  fortant  d'un  ouaire  ^  mais  que  les  ouaires  ,  c'ell-à-dirc  ,  les 

vaifTeaux  pleins  d'eau,  étoient  le  fondement  de  cette  opération  Magique, 

parce  que  les  Mânes  s'évoquoient  dans  l'eau  ,  ôc  dans  des  vaifTeaux ,  faits 

comme  des  ouaires. 

a^Jf"  ^ï      Préfentement  joignons  la  defcription  de  l'3W ,  que  nous  avons  vu  dans^ 

«b,.  le  2p.  d'Efaïe  v.4.avec  celle,  que  nous  avons  dans  PHifloirc  du  Fantôme 

de  Samuel,  &  nous  aurons  une  parfaite  defcription  ,  de  la  manière  de 

deviner  par  3iïî.  Par  l'Hiftoire  de  Samuel,  il  paroît  que  la  Sorcière  évo» 

^oit.  gar  S"5ê«3  ks  Mânes,  des.  défunts  3.  dans  un  vaifTeau  plein  d'eau  y  ÔC 

far 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  P^^.ÎÏI.475 

par  Efaïe  ,  il  paroîu  qu'après  l'évocation  du  mort ,  une  voix  obfcure  éc 
fombre  fortoit ,  non  des  entrailles  de  la  Sorcière  ,  mais  des  entrailles  de 
la  terre. 

Nous  trouvons  dans  le  même  Efaïe  un  autre  pafîage,  au  8.  chap.^. 
Ip.  qui  nous  peut  aufîî  donner  beaucoup  de  lumière,  (jues^tls  musdifent^ 
enquerez.'Vom ,  &  interrogez.  ni3Kn  fiN*  ,  les  haovoth  ,  les  1S(Jcrowanciens ,  0* 
les  Devins^  qui grommelent  ^  0"  qui  murmurent  ^  dites  ^  le  peuple  ne s'^enquer- 
ra-t^il pas  de  fon  Dieu?  Ira-t'il  pour  les  vivans  aux  morts?  Il  eft  évident 
que  ces  paroles ,  aller  pour  les  vivans  aux  morts ,  fignifient  confulter  les  Né- 
cromanciens 5  &  évoquer  les  çjPKanes  par  leur  arc ,  6c  il  eft  auffi  évident, 
que  CCS  murmures ,  grommelemens ,  ^  aller  pour  les  vivans  aux  morts  ,  font 
des  explications  des  haovoth^  n\2^r\  ,  dont  il  a  parlé  :  &  parconféquent, 
l'aiî?  elt  la  vraie  Nécromance,  &  l'évocation  des  morts. 

Mais  la  difficulté  refte  ,   pourquoi  donc  les  70.  ont  tourné  31N  par  routquoilcs 
éyyctçpiiMv&Gç ,  qui  fignifie  un  ventriloque.     Il  eft  vrai  que  le  mox.à^èyyuçpi-  né°è"°"'' 
.(xv^oç,  &  la  defcription,  que  les  Anciens  nous  en  font,  nous  apprennent  èyym- 
^ue  ces  engaftrimmhes  ^  parloient  du  venfre,  ou  de  l'eftomac,  c'eft  pour-  r^/iwèog. 
^uoi  on  les  appelloit  auÂi  c-rêpvoi/.dvr£iç.     Cela  fc  prouve  par  des  paflages 
d'Hippocrate  5   dans  le  f.  &  6"**.  Livre,  De  morbis  popularibus^  .^^vàcs 
paflages  d'Ariftophane ,   &  de  fes  Scholiaftes ,  dans  la  Comédie ,  qui  a 
pour  titre  FefpA.  On  dit  que  ces  gens  étoient  auffi  appeliez  èvpvKXsrrai , 
d'un  certain  èvpvnhviç,  qui  fut  le  premier  devin  de  cet  ordre. 

Mais  il  faut  favoir  qu'on  appelloit  iyyaarpii^v^oii  généralement  tous  ces 
devins ,  qui  faifoient  entendre  des  voix  fombres  &  qbfcures ,  comme  ve- 
nant de  loin ,  foit  que  ces  voix  fortifient  de  leur  ventre ,  foit  qu'elles  for- 
tiflent  de  la  terre.    Je    pourrois   prouver  cela  par   piufieurs  paflages 
des  Anciens.     Mais  il  me  fuffira  de    faire  voir  ,    que  les  70.   Inter- 
prètes l'ont  ainfî  pris ,  ôc  que  par  éyyci(Trpl(jivèoç ,  ils  entendent  non  un  ven- 
triloque 5   mais  un  Nécromancien ,  qui  fait  fortir  une  voix  creufe ,  ôc  pro- 
fonde de  la  terre.     Cela  eft  clair,  parce  que  le  mot  aiN% qu'ils  tournent 
par  éyyciçp([xvèoç ,  eft  auflî  tourné  par  eux-mêmes  p^ir  (pcovëreg  êa  rujç  y^g  ^ 
ceux  qui  crient  de  la  terre.     Au  8.  d'Efaïe  v.  ip.  ils  ont  ainfl  expliqué 
le  Prophète.     S^ ils  vous  difent  ,    interrogez,  le  s  êyyacrrpi^vèsg ,    &  ceux  qui 
parlent  de  la  terre  ^   ceux  qui  gaz.ouillent ,  ceux  qui  parlent  de  leur  ventre.  II 
eft  certain  que  ces  mots  ,  ceux  qui  parlent  de  U  terre ,  &  ceux  qui  par- 
lent de  leur  ventre ,  font  des  explications  du  mot  èyya.(Trpiy.v^oç.     Et  ainiî 
il  paroît,  que  ce  mot  fignifîe  auflî  bien  les  Nécromanciens ,  qui  font  for- 
tir  une  voix  de  la  terre  ,   que  les  ventriloques  ,    qui  la  font  fortir  de  leur 
ventre.     Ils  ont  donc  reconnu  dans  le  huitième  d'Efaïe ,  que  ce  mot  pou- 
voit  fignifier  l'un  ôc  l'autre  j  mais  il  eft  évident  qu'en  rendant,  3iJ^,  ob,  par 
£yycc(rTplfj.vèoç ,  ils  l'ont  pris,  non  au  fens  de  ventriloquus  ,  mais  pour  celui 
qui  fait  fortir  une  voix  de  deflbus  terre.  .  Cela  paroît  par  deux  paflages 
d'Efaïe,  le  premier   eft  au  chap.   14.  v.  3.   Us  ont   interrogé  les  Idoles  ^ 
&  les  Enchanteurs,  &  les   maN» ,  &  les  Devins,  les  70.  rendent  mia^t, 
par  (^uvHTSQ  èyi  TÎ^ç  yviç,  qui  parlent  de  la  terre  ,   &  le  ^3^^  ?  9"i  ^"it, 
ils  l'expliquent  par  f  yy«(r7-p;|7.uÔ8ç  :  l'autre  paffage  tout  femblable,  eft  ce- 
lui du  chap.  2p.  4.  oii  l'Hébreu  dit ,   tu  parleras  de  la  terre  comme 
3>N,  les  70.  ont   tourné  :    Et  ta   voix  fera  comme  de  ceux  ^  qui  crient  de 

O  0  o  Z  def 


476  HISTOIRE  DES   DOGMES     . 

deJJoHS  terre  :  d'où  il  eft  évident  ,  que  par  èyyaarpi'ixvf^oç,  ilsontdefi- 
gné,  non  les  Fentrilo^ues  j  mais  les  Nécromanciens  ,  qui  font  parler 
les  morts  de  deflbus  la  terre.  Ainfi  je  conclus,  que  par  tout  où 
l'on  trouve  DIN*  6c  r^\l^  ,  il  faut  tourner  ISlécromaince  6c  TSlécroman- 
cien  ^  comme  au  premier  Livre  de  Samuel  28.  "Devine -moi  far  U 
'Nécromancie  ,    &  "me  fais  monter  celui  cjue  je  demanderai. 


D  E 


ET  DES  CULTES  DE  UEGLISE.  Tart.Ul.  477 


E     L'  O  R  I  G  I  N  E 


V  E  s 


SIMULACRES. 

TROISIEME     TRAITÉ. 


deflus. 


CHAPITRE      I. 

k  l' origine  des  Simulacres:    il  l'a  faut  chercher  dans 

(Orient, 


OU  S  avons  dit  en  paflant,  que  les  Theraphims 
font  les  plus  anciens  des  fîmulacresj  cela  eft  vé- 
ritable. C'eft  pourquoi  cet  endrost  permet  que 
nous  traitions  de  l'antiquité ,  &  de  l'origine  des  fi- 
gnes  facrez,  ÔC  des  fimulacres.  Le  mot  àcSimuia- 
crum  vient  àz  fimulare ^  comme  ambuUcrum  ^  vient 
^ambHlare^  comme  lavacrum  ^  vient  de  lavare^  6c 
c'efl  ce  que  les  Grecs  ont  appelle  ê^wAsv  ,  diminu- 
tif du  mot  elhç  :   nous  l'avons  dit  6c  remarqué  ci- 


II  faut  donc  favoir  que  le  culte  des  fimulacrcsôc  ùqs  images,  n'eflpas 
âufî]  ancien  que  l'idolatrre  :   c'eft-un  fî  grand  abaifîement  de  la  fierté  hu-  Les  ftnuià- 
maine,    de  la  voir  profternée  devant  le  bois  &  la  pierre,   qu'elle  a  eu  JJ"  ^"^^ 
quelque  peine  à  en  venir  là.     Le  bon  fens  &  la  raifon  ont  tenu  bon  quel-  veaux  que 
que  temsi)  pendant  que  les  hommes  n'ont  adoré  que  le  Soleil,   la  Lune,  i'^'îoî*"*«' 
les  AftreSj&lesElemenSjils  n'ont  point  eu  d'images,  &  les  fimulacresont 
commencé,  lors  que  l'on  a  commencé  à  fervir,  ëc  à  adorer  des  hommes. 
On  a  voulu  les  rendre  préfens ,  par  des  répréfentations ,  parce  qu'on  ne 
pouvoit  pas  les  rendre  préfens  en  pcvfonne,  à  caufe  que  la  mort  les  avoit 
ravis.     Enfuite  les  hommes  ont  trouvé  cela  fî  commode  ,   d'avoic  dans 
les  Temples  des  objets  qui  arrêtaflent  les  fens ,  &c  qui  attiralTent  l'adora- 
tion 5  qu'ils  ont  fait  des  images  pour  tous  leurs  Dieux ,  fion  feulement  pour 

Ooo  3  les 


478  HISTOIRE  DES   DOGMES 

les  Dieux  animaux,  c'e(l-à-diie  pour  les  hommes  qu'ils  adoraient,  mais 
audi  pour  les  Dieux  naturels,  c'ell-à-dire ,  pour  les  Aftres  ôc  pour  les 
Elemens. 

Au  relie ,  que  le  culte  des  fîmulacres  foit  beaucoup  plus  nouveau ,  qu^ 
celui  des  parties  de  la  nature,  tout  le  monde  en  convient,  &c  tous  les  an- 
ciens Auteurs  nous  en  affûrent.     Les  Perfes,    les  Chaîdéens,  les  Egyp- 
tiens, font  les  auteurs  de  l'idolâtrie.  Or  l'on  nous  allure  que  leur  ancien- 
ne Religion  n' avoir  point  de  fmiulacres.     Eufebe  prouve,   par  le  té- 
moignage de  Porphyre ,   de  Platon ,  ôc  de  plufieurs  autres ,  que  ni  les 
anciens  Egyptiens ,  ni  les  Phéniciens ,  ni  même  les  Grecs ,  n'avoient  point 
£iifel>iu5      eu  au  commencement  de  fimulacres  6c  d'idoles.  Les  premiers  &  les  ancient 
^"^*'^^j^g*"  hommes,  ne  s' occuf oient  point k  faire  des  Temples ^  ni  des  Simulacres ,  parce  que 
cap.  s,         les  Arts  de  la  Teinture  &  de  la  Sculpture ,  &  même  celui  de  bâtir  des  maifons , 
nètoientpas  encore  inventez.  &c.  Entre  lesplus  anciens  hommes  ^  d'entre  les  Grecs , 
dr  d'' entre  les  Barbares ,    on  ne  parloit  point  de  Théogonie ,    ^  de  Généalogie  des 
Dieux,  (^  l'on  ne  favoit  ce  que  cétoit ,  que  d'ériger  des  fimulacres  en  F  honneur 
des  Dieux  mâles ,   &  des  Dieux  femelles  ^  comme  la  vanité'  du  Taganifme  fait 
aujourd'hui. 

A  l'égard  des  Grecs,  cela  eft  moins  certain ,  qu'ils  ayent  été  autrefois 
fans  fîmulacres.  Eufebe  le  veut  prouver  par  un  paflage  de  Platon ,  que 
Hous  avons  déjà  vu,  &  qui  dit  que  les  premiers  hommes  y  qui  habitèrent  U 
Grèce  ^  n'avoient  pas  d'autres  Dieux,  que  ceux  qui  font  les  Dieux  des  Barbares^ 
.  favoir  le  Soleil ,  la  Terre,  &  la  Lune.  Mais  il  y  a  plus  d'apparence,  que 
quand  la  Grèce  fut  peuplée  par  quelques  colonies  des  Peuples  Orientaux , 
ces  Peuples  apportèrent  avec  eux,  le  culte  des  Dieux  animaux ,  &  l'ufa- 
ge  des  fimulacres,  ce  qui  n'arriva  qu'aflez  long-tems  après  la  première  nai{^ 
fance  de  l'idolâtrie.  Quant  aux  Perfes ,  il  eft  certain  qu'ils  ont  confcrvé 
,  long-tems  l'ufage  d'adorer  fans  fîmulacres.  Hérodote  nous  en  efî:  témoin, 

6z.  '  *  -^  ait  que  les  Ter fe  S  n'avoient  ni  Autels  y  ni  Temples,  nifiatuës'y  qu'ils  fe  mo- 
qmient  de  ceux  qui  adoraient  les  Dieux  de  cette  manière  »  Qu'ils  montaient  fur 
les  hauteurs  des  Aiontagnès ,  ^  que  de  là  ils  facrifioient  au  Roi  du  Qel,  qu'ils 
appelaient  fupiter ,  ce  qui  vient ,  dit-il ,  de  ce  qu'ils  n'ont  pas  tiré  leurs  Dieux 
d'entre  les  hommes ,  comme  les  Çrecs.  Ils  ont  confervé  cette  pui'eté  dans  leur 
Religion,  tout  au  moins  jufqu'au  tems  d'Alexandre.  Car  Quinte  Curfe, 
dans  THiftoire  de  la  conquête  d' A  fîe  par  ce  Prince ,  dépeignant  l'état  &  l'or- 
dre de  l'Armée  des  Perfes,  y  parle  d'un  Feu  qu'ils  faifoient  porter  devant 
eux,  6c  des  chevaux  facrez  au  Soleil,  mais  ii  ne  parle  poiat  de  ftatuës, 
ni  d'images.  Pour  ce  qui  eft  des  Egyptiens ,  quoi  que  l'ufâge  des  fî.mula- 
cres  y  foit  très-ancien,  cependant  Lucien,  dans  laDéefî!e  de  Syrie,  nous 
aflure  qu  anciennement  les  Temples  des  Egyptiens  e'toient  fans  fi  atu'és. 

Enfuppofant  que  les  Theraphims  font  les  plus  anciens  fimulacres,  Se  que 
ces  Theraphims  ont  pris  naifiànce  dans  le  païs  àt  Laban  ,  qui  étoit  la  Chal- 
dée ,  ou  la  Mefopotamie ,  nous  fuppofons  auffi ,  que  ces  Chaîdéens  ont  pres- 
que de  tout  tems  eu  des  fimulacres.  Cependant  il  y  a  apparence  que  du  tems 
de  Job,  ils  n'en  avoient  pas.  Job  étoit  contemporain  d'Abraham,  6c 
félon  nôtre  conjeélure,  il  étoit  originaire  de  laChaldée,  6c  de  même  fa- 
mille qu'Abraham.  Or  il  y  a  apparence  que  de  ion  tems  ,  onn'adoroiipas 
encore  les  fîmulacres ,  ou  que  du  moins ,  ce  culte  en  étoit  encore  particu- 
lier, 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Tart.UL  479 

lier,  &  non  gênerai ,  comme  celui  des  Aflres.     Car  dans  le  31.  de  (on  zs.zj. 
Livre,  il  fe  juftifie  d'idolâtrie,  &  dit  cfiHl  n'a  pas  adoré  le  Soleil  &  U  Lune. 
Sans  doute  ,    (î  le  culte  des  lîmukcres  eût  été    alors  en  ufage,  dans  la 
Chaldée,  &  d'une  manière  fort  générale,  il  n'auroit  pas  manqué  de  s'en 
juftifier  auffi.  C'eft  ce  qui  fait,  que  j'ajoute  moins  de  foi  à  l'Hifloire,  que 
font  les  "Juifs,  dont  nous  parlerons  tantôt,  d'oii  l'on  recueille  que  Serug 
&:Tharé,les  pères  d'Abraham,  adoroient  les  ftatuës.  Ce  faux  Culte  s'intro- 
duilit  beaucoup  plus  tard ,  dans  l'Occident.  Varron  alTûre,  félon  le  rapport 
de  St.  Auguftin  ,   que  la  ville  de  Rome  a  été  cent  foixante  Se  dix  ans, 
fans  fimulacres.      Dicit  etïam  antiques  T^manos  ,  plmpjHam  annos  centftm  ^  Aug.  de 
[eptuaginta  ^  Deosjtne  Jtmukcro  colmj]e.    Et  même  ils  s'abftenoient  de  faire  ^K.  ?3i. 
des  fimulacres  ,  par  un  principe  de  Religion  ,   félon  les  principes ,  que 
Numa  avoit  appris  de  Pythagore.    Pythagore  ,  dit  Plutarque,  foûtenoit  l'iutarch.  ia 
que  la  divinité  eil  invifible  ,   pure  ,   incorruptible  ôc  inintelligible}  c'ell'^"™^" 
pourquoi  Numa,  fuivant  les  fentimensde  Pythagore,  défendit  aux  Ro- 
mains 5  de  faire  à  la  divinité  ,   des  images  en  figure  humaine  ,  ou  qui 
eufl^ent  la  forme  de  quelque  animal ,   ou  d'avoir  quelque  répréfentatioa 
de  la  divinité  :   ce  qui  continua  durant  l'efpace  de  178.   ans  >   durant 
lesquels  ils  n'eurent  aucune  ilatuë ,   qui  portât  figure.     iJenys  d'Hali- 
carnafle  dit  la  même  ckofc,  dans  le  premier  Livre  de  fes  Antiquitez. 
Ce  fut  Tarquinius  Prifcus  ,  qui  apporta  cette  idolâtrie  de  la  Grèce  ,   &- 
qui  la  fit  recevoir  dans  Rome,  fur  la  fin  de  fon  Règne  ;  car  il  commença 
à  régner  l'an  147.  de  la  Ville,  &  mourut  environ  l'an  i8f.  Pline  nous  dit 
que  la  prem.iere  flatuë ,  qu'il  a  pu  découvrir  par  Çts  recherches ,  comme 
la  plus  ancienne  dans  Rome ,  ce  fut  une  flatuë  de  cuivre ,  dédiée  à  Ce- 
rés,  laquelle  fut  faite  du  bien  confifqué  furSpurius  Caffius,  que  fon  pè- 
re fit  mourir,  parce  qu'il  avoit  effayé  de  fe  rendre  Souverain  dans  Rome. 
^JRomA  jimulacTHm  ex  <zre  faUum  ,    Cereri  primHm  reperio  ,  ex  peculio  Spurii  Lib. 24. c, a. 
Cajfii  ,    cjHem    regnum    affecîÊhtem  pater    ip(ît4s    interemerat.      Cela  le    doit 
entendre  des  ftatuës  de  métal,  car  autrement  il  eft  certain ,  qu'il  y  avoit 
à  Rome  des  ftatuës,  avant  eelles-là,  mais  elles  étoient  de  bois.  Bien  des 
ficelés  après  l'établiffement  des  fimulacres,  dans  k  Religion  des  Romains, 
il  s'eft  pourtant  trouvé  des  gens  qui  ont  condamné  cet  ufage,  ôcqoi  euf- 
fent  bien  voulu ,  que  Rome  eût  confervé  fon  ancienne  Religion.  Varron 
eft  de  ceux-là,  félon  que  le  rapporte  St.  Auguftin.     Car  il  dit  de  cette 
coutume  d'adorer  les  Dieux  fans  image-     QMod  f  adiopw  manfijfeî  caflm^uy^.  de 
Dti  obfervarentîir  6cc.    qM^i  pHmi  Jimulacra  Deomm  popuUs  pofiîerunt  ,    ii  ci-  cs^^'s'r  ^° 
vitatîbm  é^  metum  dempferunt ,  &  srrorem  addideranî.   Et  le  même  Sî.  Au- 
guftin, cite  un  paftage  d'un  Livre  de  Seneque,  qui  s'eil  perdu,  intitulé 
de  fuperJhtiGne ,  qui  blâme  cette  coutume ,  en  ces  termes ,  fieras  immorta.-  Lib.  «.  de. 
les ,  inviolabîUfijm  Dea^  in  materia  viltjfima  atque  immobili  dedÀcant ,  hcihitu4  ^'^-  ^^^ 
illis  hominum  jtrarmnque  &■  pifiium.    Quidam  vero  mixto  fenfu  ^  diverjis  cor- 
poribus  inducunt  3-.  numina  vocant  ,    cjma  Jt  fpiritu  accepta  fuhito  occurrerent  y 
monftra  habcrenîur.  Il  femble  auffi  que  les  Nations  Occidentales ,  les  Gau- 
lois, les  Bretons,  îesAllemans,  n'ayent  p©int  eu  de  ftatuës.     Au  moins 
cela  eft-il  certain  des  Allemans.   Car  Tacite,  dans  fa  Germanie  ,  dit  ex-  TacitiGes- 
preOement,  cohïbere  parietibus  Deos^  aîqm  tillam  humani  oris  jpeciem  ajJïmiU-  ^'^'^^^'^^^ 
r^  mfas  exijlimanu      Que  les  Allemans  i?ff  renferment  point  leurs  1)ic^x  dans 

d§>S' 


48o  HISTOIRE  DES   DOGMES 

des  Temples  ^    &  ne  croient  pas  (ju'U [oit  permis ,  de  leur  donner  une  figure  hit» 
maine  ,    mais  quils  Ce  contentent  de  leur  confacrer  des  bois  ,  dont  le  plus  cache' , 
efi  ce  ^utls  adorent ,  &  e^u'ils  ne  voient  que  de  la  penfée.  Cependant  il  y  a  des 
choies,  dans  le  même  Livre,  qui  ne  s'accordent  pas  trop  avec  cela.  Car 
il  dit  dans  le  même  lieu  ,    qu^une  partie  des  Sueves  adore  IJis  ,  (ous  la  figure 
d^un  vaijfeau ,  ce  qui  montre  que  c'eft  une  Religion  étrangère.  Une  page  aupa- 
ravant il  dit,  qu''ils  croient  que  les  Dieux  préfident  aux  batailles.  Cefl  pourquoi 
ils  enlèvent  de  certaines  figures  ,  de  leurs  bois  facrez. ,   qpPUs  portent  à  la  guerre. 
Et  fur  la  fin  du  Livre,  il  dit  que  les  AUemans,  qui  habitoient  le  long  de 
la  mer  Baltique ,  adoraient  la  mère  des  Dieux ,  fi)us  des  figures  de  fanglters ,  qui 
rendent  même  ceux  qui  les  portent ,  -inviolables  à  leurs  ennemis.  C'eft  pourquoi 
je  croi  que  le  fens  de  Tacite  ell ,  que  les  anciens  Allemans  ne  peignoient 
point  leurs  Dieux  ,  en  forme  humaine ,  mais  en  autre  forme, comme  Ifis, 
dont  il  parle  ici,  qu'ils  adoroient,  fous  la  figure  d'un  vaifieau,  ôc  la  mère 
des  Dieux  qu'ils  fervoient  ,   fous  la  figure  de  fanglier.     Ce  qui  fait  voir 
que  les  Allemans ,  ne  regardoient  pas  leurs  fimulacres ,  comme  des  ima- 
ges de  la  divinité  ,    mais  feulement  comme  àz?>  emblèmes.     Car  l'on  ne 
s'eft  jamais  imaginé,  qu'une  Déeire  fût  femblable  à  un  vaiiTeau.  Mais  ils 
avoient  confacré  pour  emblème  de  cette  Déeffe,  une  cfpece  de  Navire, 
appelle  Libuma ,  pour  fignifier ,  dit  Tacite ,  qu'elle  avoit  été  amenée  de 
Antiquîtez  ioin.  Et  peut-être  que  c'étoit  de  l'ancienne  fuperftition  des  Allemans ,  qui 
de  ¥auchct.  n'ofoicnt  dotiner  à  Dieu  la  figure  humaine  ,   que  tira  fon  origine  l'idole 
p.444.        ^hmenfiuld^  Dieu  des  Saxons,  que  Charlemagne  fit  abbatre.     A  la  véri- 
té ,  cette  figure  approchoit  de  la  figure  humaine.  Cependant  il  lui  fortoit 
un  Ours  de  l'eftomac.  Elle  avoit  un  Lion,  peint  fur  fon  bouclier ,  6c  dans 
la  main  gauche,  des  balances,  tout  cela  fait  voir  que  ce  n'étoit  pas  une 
image  ,   mais  un  emblème  de  la  divinité ,  félon  l'ancienne  Religion  àt% 
Allemans.     Cet  Irmenfi^ld  étoit  apparemment  le  Dieu  Mars,  car  le  lieu, 
où  étoit  cette  idole  ,   s'appelle  encore  aujourd'hui  Marfpurg ,    ville  dé 
Mars, 
iinefautpas      Mais  pour  revenir  à  l'origine  dcs  fimukcres ,  il  nous  faut  voir  dans  quel- 
ri^nedes^'  ^^  NatioD  Oïl  la  doit  chcrcher.  L'orgueil  des  Grecs  les  porte  à  fe  faire  hon- 
fimuiacres    neur  de  tout.  Un  certain  Epicadus,  félon  le  rapport  de  Macrobc,  attri- 
Greoî/ni     t)tië  la  première  invention  des  ilatuës  à  Hercule,  difant  ,  qu'après  qu'il 
entre  les      eut  vaincu  Gcrion  enEipagne,  il  fit  des  ftaruës  de  Tes  compagnons,  qui 
avoient  été  tuez,  &  qu'il  les  jetta  dans  le  Tibre,  afin  qu'ils  décendilfent 
saturnai.      dans  la  mer  ,   &  qu'ils  allafiènt  flotter  fur  les  rivages  de  leur  pati-ie  ,   ce 
iib.  I.         qu'il  jQt  pour  confoler  les  parens  des  défunts  ,  en  leur  rendant  au  moins , 
Penfanias     les  images  de  ceux  que  la  mort  leur  avoit  ravis.  Paufanias  parle  d'un  cer- 
niads!^^"     tain  Bompalus ,  grand  Satuaire,  qui  fit  un  beau  fimulacre  de  la  Fortune  , 
pour  les  Smyrniens  ,   &  il  prétend  que  ce  fimulacre  ell  des  plus  anciens. 
D'autres  rapportent  l'origine  des  ftatuës,aux  Athéniens.    Quelques-uns 
LiK  4,        veulent  qu'elles  ayent  été  inventées  par  Cecrops.    Hérodote  veut  que  les 
Bibiioc.  1.4.  Egypcjens  en  foient  les  inventeurs.  Diodore  dit  que  ce  font  les  Ethiopiens. 
Et  fi  l'on  veut  voir  un  plus  grand  nombre  de  ces  conjeélures ,  on  les  peut 
Lib.  2.       trouver  daiis  Pline.  Peut-être  que  ce  qu'a  dit  Laélance  eit  le  plus  vrai- 
fcmblable:  c'eft  que  Promethée  a  été  le  premier  inventeur  des  fimulacres, 
5c  que  de  là  eft  venue  la  fable  ,   qu'il  a^t  fait  des  hommes.     Mais  la 

queftioa 


iiiftitiir. 


ET  DES  CULTES  DE  UEGLISE.  TarLlîl.  48r 

^ueflion  eft,  qui  étoitce  Promethée,  où  il  a  vécu,  &  quand  ?  Car  ce 
que  les  Grecs  en  difcnt  eft  tout  fabuleux  :  Si  ce  Promethée  eft  l'un  des 
prochains  décendans  de  Noé  ,  fils  de  Japhet ,  comme  il  eft  appelle  Pa- 
fetigenus-y  il  n'eft  pas  hors  d'apparencç  ,  que  la  Sculpture  ôc  \c^  fimula- 
cres  ayent  été  inventez  de  fon  tems. 

Quoi  qu'il  en  foit ,  tous  ceux  qui  veulent  trouver  l'origine  des  fîmula- 
cres ,  dans  l'Occident ,  fe  trompent.  Les  hommes ,  les  Religions ,  &  les 
Arts  font  venus  de  l'Orient.     Et  les  Theraphims  de  Laban  me  perfua- 
dent ,  quQ.  les  ftatuës  ont  été  premièrement  inventées  dans  la  Chaldée. 
C'ell  le  fentiment  des  meilleurs  6c  des  plus  graves  Auteurs.     St.  Cyrille  l*.  î«. 
d'Alexandrie  dit ,  que  cette  efpece  d'idolâtrie  a  tiré  fon  origine  de  Nim-  fuiLnu"' 
rod,  qui  fit  drefler  une  ftatuë  à  l'honneur  de  (on  fils,  qui  s'appelloit  ?^- 
fiter  Bdm.  St.  Epiphane  prétend,  que  l'Art  de  peindre,  eft  né  du  tems  Pra;fation€ 
de  Serug,  6c  que  ce  Serug  a  été  l'un  des  premiers  Peintres.  l\{ç.  trompe  ^°  ^^°*' 
làns  doute ,  en  ce  qu'il  fait  l'Art  de  peindre  plus  ancien  que  la  Sculpture , 
l'invention  des  Arts  a  commencé  par  ce  qu'il  y  a  de  plus  facile.     Il  eft 
beaucoup  plus  aile  d'imaginer,  de  tailler  un  bois ,  félon  la  figure  humai- 
ne, que  de  placer  des  couleurs  fur  une  Table  dans  un  tel  ordre,  que  par  le 
mélange  de  la  lumière  ,  ôc  des  ombres  ,  on  en  fafîe'des  répréfentations, 
&  des  apparences  de  relief   Mais  il  ne  s'éloigne  pas  de  la  vérité ,  pour  le 
tems  ,  dans  lequel  les  fimulacres  ont  commencé.     Car  il  y  a  apparence, 
que  leur  origine  doit  être  placée  dans  le  fiecle  de  Serug ,  ou  un  peu  avant. 
Car  Serug  etoit  bifaycul  d'Abraham  ,  ÔC  petit-fils  de  Phaleg  ,   durant  la 
vie  duquel  fe  forma  le  règne  de  Babel  &  de  Nimrod,, 

Les  Juifs  veulent  que  les  Ancêtres  d'Abraham  fuflent  non  feulement 
idolâtres,  mais  faifeurs  d'idoles.   Peu  de  gens  Savans  ignorent,  ce  qu'ils 
font  faire  à  Abraham,  que  Dieu  retira  de  l'idolâtrie ,  par  une  vocation  par- 
ticulière. Ils  difent  que  Tharé ,  père  d'Abraham,  vendoit  des  idoles ,   8c  Hiftoîre  de 
qu'un  jour  il  arriva  que  Tharé,  étant  allé  en  voyage,  Abraham  demeura  J^b«h?m* 
à  la  maifon  ,  pour  avoir  foin  des  affaires.     Plufieurs  perfonnes  vinrent ,  &  des  fcs 
pour  acheter  des  images  :  Abraham  leur  demandoit  à  tous  quel  âge  ils  ^"*"^*"w, 
avoient,  l'un  difoit  j'ai4o.  .ans,  l'autre  difoit  j'en  ai  50.  Après  cela  il  leur 
répréfentoit ,  qu'ils  dévoient  avoir  bien  de  la  honte ,  eux  qui  étoient  dé- 
jà fi  âgez  ,  d'adorer  une  ftatuë  qui  n'avoit  qu'un  jour.     Entr'autres  vint  Bercfchit 
une  femme,  qui  apporta  une  petite  offrande  de  farine,  dans  un  plat,  qu'el-^^*'''*'^-^'* 
le  apportoit ,  difoit-elle ,  pour  l'offrir  à  ces.  idoles.  Abraham  ,  quand  la 
femme  fut  fortie,  prit  une  hache,  brifa  toutes  ces  idoles,"  êc  mit  la  hache 
dans  la  main  de  la  plus  grande  de  ces  idoles  ,  qu'il  n'avoit  pas  voulu  bri- 
fer ,  &  laiffa  le  plat  de  farine  auprès.  Quand  Tharé  fut  revenu ,  voyant 
tout  ce  defordre,  il  en  demanda  raifon  à  fon  filsj  Abraham  lui  dit  qu'u- 
ne querelle  s'étoit  émue  entre  les  images ,  à  qui  auroit  le  plat  de  farine , 
qu'une  femme  avoit  apporté.     Qu'elles  s'étoient  battues ,  6c  que  la  plus 
grande  s'étant  faifie  de  la  hache,  qu'elle  avoit  encore  en  main,  avoit  mis 
toutes  les  autres  dans  l'état ,  où  on  les  voïoit.    Là-deffus  le  père  prenant 
la  parole,  lui  dit  en  colère  ;   vous  nous  en  feriez  bien  accroire  ,    que  des 
images ,  qui  n'ont  point  de  fentiment ,  ni  de  mouvement ,  fe  foient  mifes 
en  colère ,  6c  fe  foient  battues  ?  Sur  quoi  Abraham  répondit  :  prenez  bien 
garde  à  ce  que  vous  venez  de  dire.    Car  fi  ces  ftatuës  n'ont  ni  mouve- 
?m,  m,  PpP  ment, 


482  HISTOIRE  DÈS   DOGMES 

ment,  ni  fenriment,  vous  avez  grand  toit  de  les  adorer.  Tharé  indigné 
de  cette  adion ,  &  de  cette  rcponfe  ,  alla  déférer  fon  fils  au  Roi  N  im- 
rod,  qui  le  fit  jetter  dans  le  feu^  d'oii  il  fut  tiré,  &  fauve,  par  la  main 
de  Dieu.  Oeû  pourquoi  le  Seigneur  lui  dit  :  ^e  fuis  le  Seigneur  cjui  t^ai  re^ 
tin  d'Vr  des  ChMéens  ;  c'eil-à-dire,  félon  ces  Meflieurs ,  du/^«desChal- 
déens,  parce  qu'en  effet  Vr^  fignifie  feu  dans  la  langue  Chaldaïque.  Je  croi 
dor.c  que  c'elt  à  peu  prés  à  cela,  qu'on  s'en  doit  tenir,  ôc  que  les  premiers 
fîmulacres  ont  été  faits  quelque  tems  après  la  divifion  à^s  langues,  dans 
ce  fiecle,  &fous  ceNimrod  ,  entre  les  Babyloniens  ,  envirou  lanaiflan- 
ce  de  l'Empire  des  AfTyrienSjôc  de  Ninive:  félon  quoi,  les  Theraphimsde 
Laban  ne  font  pas  les  premiers  fimulacres ,  mais  ils  ont  été  faits  à  l'imi- 
tation des  premiers.  C'eft  dans  la  famille  de  Nimrod  ,  que  cette  idolâ- 
trie a  pris  fa  nailTance.  La  famille  de  Sem ,  qui  avoit  fes  demeures  mêlées 
avec  celles  de  la  race  de  Cham,  &  de  Chus,  emprunta  d'elles  cette  fu- 
perftition.  Ces  deux  Thcraphims  étoient ,  félon  nôtre  conjecture,  les 
images  de  Noé,  &de  Sem.  On  nefît  les  images  de  ces  Patriarches,  dans 
.,  y  •  //  ♦   /-v? ^' leur  famille  ,   qu'après  leur  mort.'T'Noé  mourut_d&x  a$>s  a^aS  la.naif-r 

V  qm  a' 


jjalmmV'preu,^'qift'avoii/fëtne  Abraham  de  la  famille  de  Tharé,  en  avoit 
auffi  retiré  fon  cfprit,  tellement  que  Nacojr  fon  fils,  Bethuel,  ôc  Laban 
fon  petit-fils,  demeurèrent  idolâtres,  &  à  l'imitation  des  enfans  de  Cham, 
ils  firent  les  images  de  leurs  Patriarches  Sem  6c  Noé^  &  les  placèrent  dans 
leur  maifon ,  comme  Dieux  Tutelaires. 

Selon  cette  conjeélure  ,  \ts  Theraphims  &  les  fîmulacres  ,  n'étoient 
point  encore  dans  la  famille  de  Sem  ,  quand  Abraham  fe  retira  en  Ca- 
ran,  6c  enfuite  dans  la  terre  de  Canaan.     Car  je  ne  faurois  être  du  fenti- 


Vidc  Vof- 
flum  de 
idolohtiia 
cap.  3.  lib.  9. 


ment  de  ceux  ,  qui  veulent  qui  Serug  &  Tharé  ,  foient  \t^  premiers  in- 
venteurs ,  &  adorateurs  des  fimulacres.  Il  efl  bien  vrai  que  Jofué  met 
Tharé,  père  d'Abraham,  au  nombre  àt^  idolâtres.  Fos  pères  ont  habité  ait 
delà  du  fleuve  ,  favoir  Tharé  ,  père  d'^  Abraham  &  de  1S(acor ,  &  ont  fervi  à 
d'autres  Dieux,  Mais  par  les  autres  Dieux  j'entens  le  Soleil  6c  la  Lune  , 
qui  étoient  généralement  adorez  de  tous  les  idolâtres  ,  aa  lieu  que  les 
Theraphims,  étoient  une  dévotion  particuHere,  &;qiii  n'étoit  qu'en  cer- 
taines maifons. 

Après  avoir  trouvé  l'origine  des  fimulacres ,  dans  la  famille  de  Nim- 
rod, 6c  dans  la  Chaldée  ,  il  n'cft  pas  mal-aifé  de  comprendre,  comment 
de  là  ils  font  pafTez  au  delà  du  fleuve  Euphrate  ,  font  parvenus  dans  la 
Phénicie,  6c  de  là  dans  l'Egypte,  de  l'Egypte  dans  la  Grèce  ,  6c  enfin 
dans  toutes  les  parties  de  la  terre.  Car  les  hommes  allant  chercher  des  de- 
meures de  heu  en  lieu  dans  ce  tems-là ,  par  tout  où  ils  alloient ,  ils  por- 
toient  les  Religipns  de  leur  pais. 


G  H  A^ 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  ParLllL  483 


CHAPITRE     IL 

^elle  a  été  l'intention  des  premiers  faifeurs  d^ Images ,  le  progrez  de 

cette  Idolatne. 

A  Propos  de  l'origine  des  fîmulacres,  on  demande  quelle  a  été  la  pre- 
mière intention  àcs  hommes ,  quand  ils  ont  drefTé  des  ftatuës  aux 
défunts  ?  Si  d'abord  c'a  été  fimplement ,  pour  conferver  leur  mé- 
moire 5  ou  fi  c'a  été  pour  les  adorer  ?  Chacun  fait  les  conjeétures  du 
Livre  de  la  Sapience  la-deifus  :  c'ell  que  quelque  père,  fort  touché  de  la  chap.  i^. 
mort  de  Ton  fils,  lui  fit  faire  une  ftatuë,  &  la  fit  honorer.  Ou  bien  cela  "f-^k^ 
eft  venu  de  ce  que  les  Rois  ,  qui  ne  pouvoient  être  préfens  dans  toutes 
leurs  Provinces,  fe  font  fait  faire  des  llatuës,  par  lefquelles  les  peuples,  qui 
ne  pouvoient  pofTeder  leur  Prince  en  perfonne ,  ont  imité  &  réprefenté  le 
vifage  de  leur  Roi,  qui  étoit  loin  d'eux,  pour  lui  rendre  leurs  hommages  , 
auffi  bien  dans  fon  abfence ,  que  dans  fa  préfence.  Il  eft  apparent  que  les 
fimulacres  ont  été  faits  d'abord  ,  pour  la  fimple  commémoration  ,  ôc 
non  pour  l'adoration  :  félon  le  mot  du  Poète,  Nemo  repente  fit  tHrpiffimus 
on  a  commencé  par  le  moins ,  on  eft  venu  enfuite  au  plus. 

Une  ehofe  me  paroît -certaine,  c'ell  que  les  premières  ftatuës  ont  été  faites  Par  quels 
à  l'honneur  des  hommes ,  ôc  non  de  ceux  que  les  premiers  idolâtres  ont  re-  eft^JenuJ 
gardé  comme  des  Dieux,  c'étoient  les  Altres.  Jenecroipasqu'ilpût  venir  donnerune. 
dans  l'efprit ,  de  plein  faut ,  de  faire  des  flatuës  en  figure  d'homme ,  ou  Jgj^e  à  des 
d'autres  animaux,  pour  répréfenter  le  Soleil  &  la  Lune,  car  c'eft  une  trop  Aftres. 
grande  extravagance,  mais  voici  comment  cela  s'eft  fait.  D'abord  les  hom- 
mes ont  adoré  les  Aftres ,  6c  les  Elemens ,  en  eux-mêmes ,  ôc  fans  images. 
Enfuite  il  s'eft  fait  des  images  d'hommes  morts  ,  qu'ils  ont  adorées.     Et 
enfin- pour  honorer  leurs  Dieux  morts,  qu'ils  adoroient,  ils  ont  donné  à 
leurs  anciens  Dieux ,  qui  font  les  Aftres ,  les  noms  de  leurs  Rois.  Ik  ont 
appelle  l'un  Bahal,  ou  Jupiter,  l'autre  Aftaroth ,  ou  Junon ,  6c  ont  con- 
facré  des  images,  qui  font  devenues  communes  aux  Aftres  6c  aux  hom- 
mes.  Outre  cela  ,  trouvant  qu'il  y  avoit  quelque  chofe  de  fort  commode 
pour  la  Religion,  d'avoir  toujours  devant  les  yeux  les  objets  de  fon  cul- 
te 5  ils  ont  imaginé  ,  finon  de  faire  des  images  ,  au  moins  des  emblèmes 
des  Dieux  celeftes.  Et  c'eft  pour  cela  qu'ils  ont  fait  des  figures  de  bœufs, 
de  brebis,  6c  d'autres  animaux,  6c  prefque  toujours  des  figures  mêlées, 
pour  adorer  les  Dieux  celeftes ,  fous  ces  emblèmes.  Nous  verrons  dans 
le  Traité  du  Veau  d'or, comme  les  Egyptiens,  s'eftimant  plus  fages  que 
les  autres  hommes ,  ont  pris  les  animaux  mêmes  ,   plutôt  que  les  images 
de  ces  animaux ,  pour  emblèmes  de  leurs  Dieux. 

Il  eft  neceftaire  de  remarquer  aufli,  fur  cette  antiquité  des  fimulacres,  ce  cuite 
que  ce  culte  n'eft  pas  fi-tôt  devenu  public  ,    mais  qu'il  a  commencé  par  pu^S^^u^ 
un  culte  domeftique.   Car  dans  la  Chaldée  ,  d'où  les  fimulacres  ont  tiré  commen- 
leur  origine  ,   il  n'y  avoit  pas  d'autre  Religion  publique  ,  que  celle  du  ^^^^"■^° 

Ppp  X  Soleil? 


H  I  s  T  O  I  R  E  D  E  s  D  O  G  M  E  s 

Soleil,  ôc  du  Feu  ,  parce  qu'ils  étoient  de  la  Religion  des  Perfes ,  dont 
ils  étoient  voifins.  Il  eft  vrai  que  dans  la  fuite,  ils  ont  dégénéré  de  cet- 
te pureté  ,  &  ont  adoré  publiquement  les  fimulacres ,  beaucoup  plutôt 
que  les  Perfes.  Cependant  le  Feu  ,  l'emblème  du  Soleil,  étoit  toujours 
leur  grande  divinité  ,  jufques  dans  les  derniers  tems,  comme  il  paroît  par 
RuffinHif-  le  récit,  qui  fe  lit  dans  Ruffin  ,  d'une  chofe  arrivée  fous  le  Règne  de 
cïïfit{Hque,  Conftantin.  C'ell:  que  les  Chaldéens,  pour  la  gloire  du  Feu  facre  ,  qui 
Livic  2.  '  étoit  leur  Dieu ,  le  portoient  par  toute  la  terre ,  &  le  faiibient  combattre 
avec  tous  les  autrçs  Dieux  ,  qu'il  furraontoit  infailliblement ,  les  fondant 
s'ils  étoient  de  métal ,  les  calcinant  s'ils  étoient  de  pierre ,  les  brûlant  s'ils 
étoient  de  bois.  Mais  enfin  il  fut  vaincu  en  Egypte,  par  la  fraude  des  Sa- 
crificateurs ,  qui  firent  une  grande  ilatuë  confacrée  au  Nil.  La  flatuë 
étoit  vafte  ÔC  creufe ,  &  percée  de  tous  cotez  ,  mais  les  trous  en  étoient 
refermez  avec  de  la  cire ,  avec  tant  d'art  qu'on  ne  les  voyoit  point.  La 
flatuë  étoit  pleine  d^eau ,  6c  fi-tôt  qu'elle  s'échauffa  fous  le  Feu  facré  des> 
Chaldéens,  la  cire  fe  fondit,  les  trous  s'ouvrirent  »  l'eau  coula  de  toutes 
parts  en  abondance  ,   ôc  le  Dieu  des  Chaldéens  fut  étoufé. 

Nous  avons  déjà  remarqué,  que  Laban  appellojt  les  Thcraphiras  fes  Dieux 
en  particulier,  &  que  perfonne  ne  fe  joignit  à  lui  pour  les  recourre,  ce  qui  fait 
voir  que  le  culte  des  fimulacres,  en  ce  tem.s-là,  étoit  encore  particulier,  6c 
non  public.  Quand  eft-ce  donc  que  ce  culte  devint  public  ?  Ce  fut  fans  doute,, 
quand  on  commença  à  bâtir  des  Temples  entre  les  Payens.  Car  ils  n'ont  ja- 
mais eu  de  Temples  fans  idoles,  ôc  fans  fimulacres.  Or  les  Temples  ont  fans, 
doute  tiré  leur  origine  des  fepulcres.  On  peut  lire  ce  qu'ont  écrit  les  an- 
£ufebius     ciens  Pères  là-  deiîlis ,  &  entr' autres  Eufebe.  Ils  foûtiennent  aux  Payens,  <^ue 
SiatpMat.Ev.  /^^^j  Temples  ne  font  rien  efue  des feppilcres^  aufqueh  on  a  donne'  le  beau  nom  de  Tem- 
ples. Et  le  prouvent,  parce  que  même  en  ce  tems-là,  ily  avoit  plufieursde 
leurs  Temples ,  qui  fervoient  de  fepulcres.  Acrifius  étoit  enfeveli  dans  le 
Temple  de  la  Minerve  de  Larifle,  Gecrops  dans  le  Temple  de  la  Minerve 
d'Athènes,  ÔcErichtonius  dans  le  Temple  de  Poliasjlfmarus  dans  le  Temple 
de  Cerés  Eleufine ,  &  ainfi  de  plufieurs  autres ,  dont  ils  font  le  dénombre- 
.   mente.  Si  nous  retournons  à  ce  que  nous  avons  dit  des  Theraphims ,  nous 
verrons  comment  infenfibleraent  les  Temples  fe  font  faits  ,   &  fe  font 
remplis  de  fimulacres.     D'abord  on  fervoit  les  Mânes  des  morts ,  fous 
les  images  des  Theraphims  ,   dans  quelques  parties  fecretes  de  la  mai^ 
fon  ,   qui  étoit  comme  la  chapelle  ,    où  l'on  faifoit  repofer  les  reliques 
des  Ancêtres.     Et  comme  la  pompe  ,  le  luxe  ,   &  la  fuperftition  ,   vont 
toujours  en  croiiîànt,  on  fit  enfuite  des  chapelles  féparées,  &  plus  magni- 
fiques, ôc  enfin  on  bâtit  des  Temples  fur  ces  morts ,  c'elî-à-dire  ,  des- 
lieux publics ,  où  chacun  fe  rangea  pour  la  dévotion.    Et  alors  les  fimu- 
lacres des  morts ,  qu'on  n^àvoit  adorez  qu'en  particulier ,  furent  publique- 
Dchmatiê-  ment  adorez. 

cîensfimû-  ^^  "'Y  ^  P^^  ^^^^  ^^  doutcr,  quc  CCS  fimulacres  ne  fuflent  d'une  matière 
iacres:ies  fort  fimplc.  Et  commc  l'ou  étoit  alors  fort  peu  habile  dans  la  Sculpture ^ 
Slmuilcies  o^  choififibit  fans  doute  les  matières,  qui  fe  laifToient plus  facilement ma- 
ctoient  Tins  nier  ,  ÔC  qui  prenoient  la  figure  qu'on  leur  vouloit  donner.  C'eft  pour- 
ornemenT,  quoi  il  y  a  apparence  ,que  les  premières  flatuës  furent  de  terre  cuite.  Et 
faits  de  tetrc  ce  q^ui  fortifie  cette  conjeéture  ,  c'efl  ce  que  nous  avons  remarqué  ,  que 

BiisoaUes»  les 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  P^r/. III.  485 

les  ftatuës  ont  commencé  dans  le  pais  de  Babylone,  où  Ton  fait  que  les 
hommes  acquirent  l'Art  de  figurer  la  terre  ,   &  de  la  cuire  au  feu ,  com- 
me il  paroît  par  la  tour  de  Babel,  qui  étoit  bâtie  de  brique,  &:parlesfa- 
meufes  murailles  de  Babylone ,  qu'on  a  appellées  Mûri  co^tles.   Mais  afin 
que  ces  Dieux  de  terre  cuite  ,    eufTent  quelque  beauté  ,   on  les  fardoit, 
&  on  y  mettoit  du  vermillon.  Nous  apprenons  de  Pline,  que Tarquinius 
Prifcus  fit  venir  un  certain  Turianus  de  Tofcane ,  qui  lui  fit  la  ftatuè  de 
Jupiter  Capitolin  ,   lequel  étoit  de  terre  ,  au  rapport  de  Varron'j  fiUilem  riin.(.î(5. 
ftiijfe  ,  &  ideb  miniari  foîitum.    Cela  fe  faifoit  fur  tout ,  quand  leurs  idoles  "P-"* 
dévoient  paroître  en  public ,  6c  être  adorées  folennellement ,  c'efl-à-dire 
dans  les  grandes  fêtes.  Jovis  if  fins  ftmtiUcri  fasiem  àiehm  feflis  minio  illtm  fo-  piin.l.j. 
iitam.  "P-7- 

Après  cela  le  bois  ,    qui  cède  facilement  au  cifèau,  &  au  fer  ,  fut  la  Aptes  on  ea 
plus  commune  matière,  dont  on  fe  fervit  pour  faire  des  fimulacres.  Cela ^^ ''^  ^°'®' 
parok  par  les  graves  reprehenfions ,  que  les  Prophètes  faifoient  aux  ido-  Efaïe  44. 
iatres,  aufquek  ils  difbient  :   l'homme  fe  coupe  des  cèdres  ,   il  prend  un^'^'  ^^' 
cyprez ,  &:  un  chêne.  Il  en  prend  une  partie  pour  brûler ,  6c  pour  fe  chau- 
fer.  Sur  l'autre  moitié  il  mange  fa  chair,  il  en  fait  un  fiege,  6c  du  refte  il 
en  fait  un  Dieu ,  devant  lequel  il  fe  profterne. 

Mais  les  Orientaux  ne  demeurèrent  gueres  dans  cette  fimpHcité.     Ils  Enfin  on  les 
voulurent  que  leurs  idoles  fuffent  vénérables ,  par  la  richeffe  de  la  matic-  dvgenf', 
re.   Nous  voyons  que  les  Ifraëlites  firent  leur  Veau,  du  plus  précieux  ded^nsi'o- 
tous  les  métaux.  Toute  l'Ecriture  reproche  aux  Payens ,  leurs  Dieux  d'or  "*"^* 
&  d'argent  ,  6c  cette  magnificence  avoit  plus  de  lieu  dans  l'Orient,  que 
dans  l'Occident.  Lucien,  dans  fon  Jupiter  Tragique,  introduit  Mercure Plaifanteiie 
contredifant  Jupiter  ,   fur  ce  que  celui-ci  avoit  ordonné,  que  les  Dieux  J^^f'gj'jj^J^jj 
d'or  5  dans  le  confeil  des  Dieux  ,  feroient  placez  au-deffus  de  ceux  de  d'or  &  d'a- 
bois, ou  de  cuivre.  C'eft  faire  juflement,  dit  Mercure,  comme  dans  les  2^"^' 
Etats  corrompus,  où  l'on  préfère  les  richefies  au  mérite.  Fera-t-il  beau  voir 
Minerve ,  Apollon ,  Venus  y  6c  tous  cts  autres  Dieux  de  la  Grèce ,  paf- 
fcr  après  ceux  des  Barbares  ?  Car  les  premiers  n'ont ,  tout  au  plus ,  qu'u- 
ne feuille  d'or  maffif.     Par  le  même  ouvrage  de  Lucien ,  il  paroît  que  le 
Neptune  de  Corinthe ,  n'étoit  que  de  bois  ,  6c  que  la  Venus  de  Knide , 
étoit  de  marbre  blanc. 

Plutarque  dans  un  Ouvrage  y  qui  eft  péri,  ^  dontEufebe  nous  acon-  Eufeb.Pî»' 
fervé  un  Fragment ,  dit  que  l'on  ne  faifoit  autrefois  les  fimulacres ,  que  p^"^-  ^"^^^s- 
de  bois.   Le  premier  JîmtiUcre  ^  ^tii  fm  confacré  a  <iy4pollon  par  Er€jîB:hon  dans 
rile  de  DeloSy  e'toit  de  bois  ^  &  on  le  faifoit  voir  dans  les  fêtes  folennelks.    Ce- 
lui de  Minerve  de  U  ville  e'toit  de  bois  aujjl.     Et  les  Samiens  avaient  anjfi:  leur 
fnnon  de  bois.   Et  même  l'Auteur  prétend,   que  les  Grecs  avoient  fait  ce 
choix  par  raiibn ,  6c  par  Religion ,  difant  que  Por  &  ^argent  étaient  des  cou- 
leurs malades  ,  jaunes  &  pâles ^  d'aune  terre  que  le  Soleil  avoit  brûlée  ;    Q^'on 
tmplojoit  quelquefois  de  Pyvoire,  mais  que  c^ étoit  comme  par  extraordinaire  ^   &' 
pour  faire  quelque  montre  de  magnificence.     La  matière  ordinaire  des  fimula- 
cres étoit  le  cuivre,  l'argent  6c  l'or,  entre  les  métaux. 

Il  étoit  rare  d'en  voir  de  fer,  cependant  Paufanias  nous  parle  d'un  Paufan.î.ie, 
Hercule,  répréfenté  combattant  avec  l'Hydre,  6c  il  remarque  en  même^^®^'^*" 
iems,  que  ces  fortes  d'où  vragesétoient  rares,  parce  qu'il  étoit  difficile  de 

Ppp  3  tra=- 


486         HISTOIRE  DES   DOGMES 

travailler  du  fer ,  pour  en  faire  des  figures.  L'yvoire  étoit  fort  eflimé 
pour  cela.  Dentihus  inge^is  pretinm  ^  &  Deorum  Jimnlacris  laadatijfima  ex  m 
tnateries.  Entre  les  bois,  il  y  avoit  du  choix  pour  les  Simulacres,  ôcde 
là  elt  venu  le  Proverbe:  Non  e  cfuovis  Ugno  fit  MercHrms.  Erafme  dans  Tes 
Adages,  explique  cela  de  ces  ftatucs  de  Mercure,  dont  on  fe  Tervoit  dans 
la  magie ,  parce  que  les  Magiciens  ont  leurs  obfervations ,  &  leurs  opé- 
rations ne  le  font  qu'avec  certaines  plantes,  aufquelles  ils  attachent  la  for- 
Apul.  Apo-  ce  de  leurs  charmes.  Apulée  fut  accufé  de  forcellerie,  parce  qu'il  avoit 
log.  I.       f^^j.  f^jj.g  ^J^  Mercure  de  bois.  Il  rapporte  l'origine  de  ce  proverbe  «à  Py- 

thagore. 
Lib.  «.  in       Paufanias  écrit  que  les  Anciens  avoient  accoutumé  de  choifir,  pour  les 
Arcadicis.    ftatuës ,  CCS  fortcs  de  bois ,  l'Ebene,  le  Cyprez,  le  Cèdre,  le  Chêne,  le 
^**^°*       Bouïs,  du  bois  de  l'Arbre  Lotos ,  6c  celui  de  l'If,  que  les  Grecs  appel- 
lent (Tixi\ai,  &  qui  s'appelloit  aufli  Lierre  de  Cilîcie.     Le  Prophète  Efaïc 
en  marque  trois ,  le  Chêne ,  le  Cèdre  6c  le  Cyprez  \  le  Cyprez  à  caufe  qu'il 
refifle  à  la  corruption ,  le  Cèdre  à  caufe  de  là  bonne  odeur ,  6c  le  Chêne 
à  caufe  de  fa  force.     Mais  je  croi  qu'on  s'eft  donné  la  liberté  dans  la  fui- 
te, de  prendre  de.  tout  bois.    Le  plus  précieux  étoit  fans  doute  le  meil- 
leur.    Paufanias  même  dit  que  la  ftatuë  de  Mercure  Cyllenius,  étoit  de 
ibid.  in  Ar-  bois  de  Citron.     Mais  les  ftatuës  de  Priape  ,   étoient  ordinairement  de 
eadicis.       j^Q-^  jg  Figuier,  comme  il  femble  qu'on  le  puifle  conclurre  de  ces  vers 
d'Horace , 

Satyr.  lib.  i.  Olim  truncus  eram  ficulnm  y  inutile  Ugnum  , 

Cftm  faber  incertHs  fcamnum,  facerétne  Priapnm  ^ 
Mduit  ejfe  Deum 

Lib,  14.  CI.  Pline  rapporte  qu'il  fe  trouvoit  même  des  flatuës,  faites  de  bois  de  vigne. 
^ovis  fimuUcrum ,  in  arbe  Topulania ,  ex  uva  confpicimus ,  6c  il  ajoute  que  l'on 
montoit  fur  le  toit  du  Temple  de  la  Diane  d'Ephefe,  par  un  efcalier,qui 
étoit  fait  d'un  feul  tronc  de  vigne.  Cela  efl  alfez  difficile  à  concevoir, 
car  la  vigne  efl:  un  arbriffeau ,  qui  mal-aifement  peut  devenir  un  arbre  d'u- 
ne aflez  grande  force,  pour  fournir  de  matière  à  de  femblables  ouvra- 

Pour  achever  ce  que  nous  avons  à  dire  de  ces  anciens  fimulacres ,  il  efl: 

aifé  de  juger  que  ce  n'étoient  pas  des  chefs-d'œuvres  de  l'art ,  6c  que  ces 

ouvrages  étoient  aflez  brutes.     Car  tous  les  Arts, dans  leurs  commence- 

mens,  ont  été  fort  imparfaits.  Je  ne  faurois  pourtant  tomber  dans  la  pen- 

fée  de  Tertuîlien ,  qui  s'eft  imaginé  que  les  premiers  idolâtres  ont  adoré 

des  mafles  de  bois ,  ou  de  pierre ,  fans  figure ,   6c  comme  il  les  appelle , 

Illumina  caudicaria^  des  troncs  devenus  Dieux  :  à  caufe  qu'ils  nefavoient 

pas  encore  cet  Art,  que  les  Grecs  appellent  'Khccqim.     Car  il  ne  faut  pas 

grand  art,  pour  donner  à  une  pièce  de  bois,  quelque  figure  humaine,  ou 

pour  donner  à  une  maffe  de  boue ,   une  forme  approchante  de  celle  de 

l'homme.     Il  efl  vrai  que  quelques  Nations  ont  eu  pour  objets  de  leurs 

dévotions ,  certaines  chofes  qui  n'avoient  aucune  figure  d'hommes ,  ou  d'a- 

Arnob.ifi,  nimaux.     Clément  d'Alexandrie,  6c  Arnobe  nous  difent,   que  les  Arabes 

p-  i5>û.       adoroiem  une  pierre.  Maxime  de  *Vyï  ait  que c  étoit  une  pierre  quarrée-^  que  les 

.    -  an- 


ET  DES  CULTES  DE  L'E G L I S E. P^r^. III.  487 

anciens  Romains  ont  adoré  tSKars^  fous  la  figure  cCune  demi-peiue^  que  les  Sn^ 
thés  ador oient  un  poignard  ^  que  les  Thtfptens  adoraient  ttn  rameau  ^  pour  U  Déeffe 
Juno  Cynthia.  Les  Icâriens  un  bois  brute  ^  pour  la  Déejfe  Diane.  Ceux  de 
Pejfinunte ,  un  caillou ,  pour  la  tJH^ere  des  Dieux.  Et  les  Samiens  une  plan- 
che,  pour  Junon.  Mais  afîûrément ,  ce  n'étoit  point  par  ignorance  de 
la  Sculpture,  que  ces  Religions  adoroient  ces  objets  informes.  C'étoit 
pour  quelque  myftére,  ou  à  caufe  d'un  long  ufage.  Cen'étoicnt  pas  des 
fimulacres  des  Dieux ,  mais  des  emblèmes ,  cela  efl:  clair  par  la  demi-pi- 
que ,  &  le  poignard ,  fous  lefquels  les  Romains  &  les  Scythes ,  ont  ado- 
ré le  Dieu  de  la  guerre.  Et  nous  voyons  que  dans  lesfiecles,  où  la  Sculp- 
ture 6c  la  Peinture,  étoient  venues  à  leur  perfedion,  cependant  on  ado- 
roit  encore  ces  Dieux  informes.  Le  Dieu  Eliogabale ,  la  grande  divini-  HetodUn, 
té  des  Syriens ,  du  tems  de  l'Empereur  de  ce  nom ,  étoit  adoré  fous  la  "*  *^*"*'^®' 
figure  d'une  pierre  pyramidale.  C'eft  aflez  parlé  de  l'antiquité  des  fimu- 
lacres. 


CHAPITRE     III. 

De  l'opnion  que  les  idolâtres  ont  eu  de  leurs  fmulacres ^  &  du  cul- 
te qu^tls  leur  ont  rendu, 

C'Efl:  une  queftion,  qui  dans  ce  fiécîe  eft  devenue  importante ,  à  cau- 
fe du  fervice ,  que  rendent  aux  images ,  une  partie  des  Chrétiens. 
Ceux  qui  rejettent  ce  culte ,  accufent  les  autres  de  conformité  avec 
les  Payens,  6c  difent  que  Dieu  a  condamné  les  hommes ,  qui  ont  adoré  la  divi- 
nité, fous  des  fimuiacres  6c  des  images.  Ceux-ci,  pour  mettre  une  très- 
grande  différence  entr'eux  ÔC  les  Payens,  difent  que  les  idolâtres  Gentils 
ont  adoré  leurs  fimulacres ,  comme  des  Dieux ,  6c  qu'ils  ont  regardé  les 
llatuës,  comme  des  divinitez,  ce  qui  met,  dit-on,  une prodigicufe diffé- 
rence entre  eux  6c  les  Chrétiens,  qui  fervent  6c  adorent  les  images  :  par- 
ce que  les  Chrétiens  ne  rendent  à  leurs  images,  qu'un  culte  relatif.  Ils 
ne  les  regardent  que  comme  des  relTembiances ,  &c  ne  les  confondent  pas" 
avec  les  originaux, 

Calvin  foûtient  au  contraire,  que  jamais  les  Payens  n'ont  regardé  leurs  infl't"t- 3» 
ftatuës,  comme  des  Dieux,  6c  il  le  prouve  par  diverfes  raifons.  Bellar-  Num.9> 
min  lui  fait  là-delîus  un  procez,  l'accufe  de  menfoiige,  réfute  fes  raifons, 
&  entreprend  de  prouver,  que  les  Payens  ont  regardé  leurs  images,  com- 
me de  véritables  Dieux.  Grégoire  de  Valence  ibûtient  la  même  thefe. 
Il  efl  bon  fans  prévention,  de  confiderer  un  peu  la  ehofe  en  elle-même, 
&  de  voir  ce  qu'ont  dit  là-deifus  les  Payens  eux-mêmes.  Car  je  croique 
nous  ne  fau rions  mieux  apprendre  ce  qu'ils  ont  penfé,  que  par  leur  pro- 
pre bouche. 

Ils  n'ont  pas  tous  parlé  de  la  même  manière.     C'ed  pourquoi  il  faiît 
îiécefîkirement  les  partager  en  diverfes  cialiçs» 

3.  La 


4S8  H  I  ST  G  I  R  E  DE  S  D  O  G  M  ES 

Queicsfa-  I-  La  première  eft  de  ceux ,  dont  les  penfées  ont  été  les  plusraifonm- 
gcs,  Scies  bies,  ôc  les  plus  épurées ,  qui  n'ont  regardé  les  fimulacres ,  que  comme  de 
nïnfîegar-fimplesréprefentations,  &  des  figures,  qui  dévoient  être  deftinées  à  rap- 
dé  les  fimu-  peier  dans  l'efprit,  la  mémoire  des  Dieux.  L'on  ne  peut  pas  douter  que 
iacrcs,que^  cc  ne  fût  l'opinion  de  Varron.     Nous  l'avons  ouï  ci-delTus  cité  par  Saint 


comme 


images  8c  Auguftin  ,  difant ,  (jfte  les  %pmains  eujfent  adore  les  Dieux ,  d'une  manière  plus 
mesTs  "  chafie  ,  s'ils  efijfent  continue'  de  les  adorer  fansfiatues  :  Et  que  ceux  cjui  ont  in' 
Dieux,  &     traduit  entre  les  peuples  cet  ufaçe ,  ont  diminue' la  révérence ,  que  Pon  doit  avoir  pour 

non  comme   .      _  .  ,  '      '  '^n  i>  "nt  j  j 

de  viais  les  Dieux ,  d*  ont  ouvert  unefource a  erreur.     JN  ous  ne  devons  pas  douter  non 

De^avir  plus,  quc  cc  ne  fût  le  fcntiment  de  Sencquc,  après  avoir  ouï  ce  que  Saint 

Dci/"''  Auguftin  en  rapporte,  tiré  du  Livre  de  la  Superftition ,  qui  ne  fubfiftc 

I.4.C.  18.  rylus^où   il  blâme  la  folie  de  ceux,  qui  ont  confacré  des  matières  viles,  pour 

ïrcuvcs  par    r         '  J  i        r      ■        ri  i  ■  i  j         '  j  iif 

Varron.        repTcfenter  les  Dieux  immortels ,  &  tnvijwles,  qm  leur  ont  donne  des  corps  d'hom' 
laïScneque.  ^^^  ^  ^  ^^  bètes  ^  &  d'autres  figures  mixtes  ^  compofe'es  de  dtfferentes  ^/peces ,  ap- 
Lib.  7.  c.  7.  pellant  Dieux  des  corps ,  qui  pajjeroient  pour  des  monjlres ,  &  des  prodiges ,  s'ils  ve- 
naient fubttement  a  être  animez.  &  à  marcher.     Si  Ton  veut  voir  plus  ample- 
ment la  penfée  de  Varron  là-defllis,  on  la  trouvera  bien  expliquée  dans  le 
Cap.  7.      feptiéme  Livre  de  la  Cité  de  Dieu  de  Saint  Auguftin.    Il  dit ,  que  les  Anciens^ 
Vairon.        1^^  "^^  inventé  les  ftatu'é  s  &  les  fimulacres ,  avec  les  ornemens  dont  on  les  accompa- 
gne ^  ont  eu  pour  but  défaire  voir  à  l^e/prit  y  Pâme  du  monde,  &fes  parties -,  c'e/f'» 
à  dire ,  les  vrais  Dieux.    Et  que  ceux  qui  ont  donné  aux  Dieux  la  for  me  humaine^ 
ont  eu  en  penfée  .y  que  les  âmes  des  hommes,  qui  font  dans  les  corps  ^  font  très- femm 
blahlesÀ  ces  intelligences  fèparées ,  qui  font  les  Dieux  immortels.     Et  qu'ainfi  on  A 
pofé  l'image  d*un  corps  humain.,  comme  on  met  devant  les  yeux  un  vaijfsau  ,  qui  efi 
le  contenant ,  pour  faire  fauvenir  de  la  liqueur ,  qui  ejl  le  contenu  j  comme  Jî  l'on 
mettait  dans  le  Temple  de  Bacchus  ,  une  pinte ,  pourjignifier  le  vin ,  qui  pour  ^ordi- 
naire efi  contenu  dans  la  pinte.     Pareillement  par  le  Jtmulacre ,  qui  a  une  forme  hu- 
^    maine ,  onjignifie  une  intelligence  (j;  un  efprit  raifonnable  ,  parce  que  la  figure  hu^ 
maine  efi  le  vatfeau  ordinaire  ,  qui  contient  cette  ame  raifonnable  ,  (^  cette  intel- 
Maximus     Hgence.     L'on  cite  aufîî  fur  ce  même  fujet ,  Maxime  de  Tyr ,  Philofophe 
Tyrius        Platonicicu.     En  effet  il  n'efl  rien  de  plus  exprés  pour  ce  fentiment ,  que  les 
»nQ.imzÇia.t  fi^^^^^^^i^^ ^^ fi^^  ^^spour  Pufage  de  la  commémoration  ^  parce  que  l'ejfence  de  Dieu^ 
Diis  ponen-  dit-il ,  efi  au  dejjus  de  nos  fins  ,  nous  tirons  dufecours  des  paroles  des  hommes  ,  des 
*    "^'^  ■  animaux^  des  figures  d'or  ,  d'argent  &  d'y  voire  ,  pour  parvenir  ^  par  le  moyen  de 
ces  chofes ,  à  la  connoifiance  de  la  divinité.     Et  beaucoup  plus  fortement,  dans 
la  même  DifTertation  j  que  comme  les  Lettres  ont  été  inventées ,  pour  peindre  & 
répréfenter  les  paroles,  tellement  que  par  le  fecours  des  Lettres ,  onfupplée  à  la  foi  bief 
fi  de  la  mémoire  des  hommes,     zyiinfi  les  Images  des  Dieux ,  ont  été  fait  es  pour  ai- 
der les  infirmitez.  des  hommes  ,  parce  que  lei  hommes  Attachent  a  ces  images  les  noms 
des  Dieux  ,  &  les  idées  des  chofes  mémorables,  qui  ont  été  faites  par  eux  ,  que  ce 
font  des  aides  (^  des  fecours ,  pour  fi  refiouvenir  d'eux  j  Que  ce  font  des  fymboles  de 
P  honneur  y  qu'on  rend  aux  Dieux,  &  comme  des  trophées,  pour  immortaltfer  U 
mémoire  de  leurs  grandes  aUions.      Ainfi  quoi  que  Dieu  fait  invifible ,  cependant , 
par  rapport  à  notre  infirmité ,  &  a  la  nature  de  t amour ,  qui  veut  voir  ce  qu'il  ai* 
me,  il  ne  fauroit  être  inutile ,  de  fi  firvir  des  chofes  ^  qui  nous  peuvent  rappeller 
la  divinité  dans  la  mémoire  ,  pourvu  que  rien  ne  fe  termine  à  Pimage  ;  &  que 
P  amour  ,  le  refpeîi ,  la  mémoire ,  P  adoration  fait  rendue  uniquement  à  Dieu.  Ils 
n'y  a  jamais  eu  de  ChrétienSjentre  ceux  qui  fervent  les  images,  qui  ayent  par- 
lé 


ET  DES  CULTES  DE  VEGLlSKTar^m.  489 

lé  avec  autant  de  précaution ,  deleurufage,  &  de  la  manière  dont  il  s'en  , 
fautfervir  dans  la  Religion.  Car  cet  Auteur  ne  leur  veut  rendre  aucun  hon- 
neur- Il  veut  que  tout  fe  rapporte  aux  Dieux.  On  pourroit  dire ,  que  ce 
témoignage  n'efl  pas  d'aflez  grand  poids  dans  cette  controverfe ,  parce  que 
■ce  Maxime  deTyr  vivoit  fort  avant  dans  les  fiecles  du  Chriftianirmei  car  il 
vivoit  du  tems  de  l'Empereur  Commode.  11  avoit  grand  commerce  avec 
les  Chrétiens,  Se  pouvoit  avoir  épuré  fes  fentimens ,  par  les  lumières  qu'il 
avoit  empruntées  du  Chriftianifme.  Mais  il  eftbondefavoir,  qu'il  avoit 
pliifé  cela  dans  Ton  Platon  :  Dans  Platon ,  dis-je,  qui  vivoit  au  milieu  des 
idolâtres,  dans  un  fiecle,  ôc  dans  un  lieu,  où  rien  ne  le  pouvoit  indruire, 
•que  Ton  bon  (èns,  ôclaraifon.     Voici  comme  il  parle,     /ly  a  entre  tofttes  les  tixieutoa. 

nations  deux  manières  defervir  les  Dieux.     Car  il  y  a  certains  Dieux .  que  nous  ^^  ^-egibus 

..  ,  ,-',  ^    j»       ^  ^  lib.  ïi.p. 

vofons  ,  &  quenoHs  adorons  en  les  voyant ,  0"  a  attires  que  nom  ne  voyons  pas ,   &  s/y. 

dont  nous  faifons  les  images,  lepjuelles  images  noHS  honorons  ,  cjHoi  ^d'elles  foient 
inanimées ,  farce  qne  par  là ,  nous  efperons  nous  rendre  favorables  les  Dieux  mê- 
mes,  qui  font  vivans  ^  &c.     Il  ajoute  peu  après.  Celui  donc  qui  a  dans  fa  mai- 
fon  fon  père ,  fa  mère ,  ou  fes  ajeuls  dans  la  dernière  vieille fje ,  les  doit  regarder  com^ 
meuntréfor  ^  &  doit  être  perfuadé ^  qu^iln^  a  point  dejîmulacre  de  Dieux  ,  qui 
fajfe  autant  d'honneur  ^  &  autant  de  profit  a  fa  m  ai  fon  qu'yeux ,  pourvu  qu'il  le  s  ho- 
nore comme  il  doit ,  &c.     C^efi  pourquoi  tl  faut  tenir  pour  ajjure\  comme  je  le  viens 
de  dire ,  qu'il  n^  a  point  dejîmulacres  de  Dieux ,  que  nous  devions  plus  honorer ,  que 
nos  pères ,  nosmeresy  &  nos  ayeuls  accablez^  devieilleffe.     Car  Dieu  prend plaifr  à 
l'honneur  y  que  notu  rendons  à  nos  vieux  pères  &  mères  y  &  fans  cela  il  ne  nous 
exaucerait  pas.     Certainement  nos  pères  &  nos  mères ,  nous  doivent  tenir  lieu  de     ^ 
Jtmulacres  j  pins  admirables  ^  plus  vénérables  ^  qu'aucunes  images  inanimées: 
Car  les  chofes    animées ,  quand  nous  les  honorons ,   prient  pour  nous ,   &  nous 
favorifent  tous  les  jour  s.  Au  contraire  ^  quand  nous  les  mépr'tfons^  elles  nom  peu- 
veut  procurer  des  maux.     Afais  lesfîmulacres ,  qui  n'ont  point  à'*ame ,  ne  peuvent 
faire  ni l^un ,  m  l'autre.    C'eft- à-dire,  qu'ils  ne  peuvent  faire  ni  bien ,  ni  mal. 
Il  paroît  par  ces  belles  paroles  de  Platon  5  i.  que,  félon  lui,  les  fimulacres 
font  inanimez    &  par  conféquent  n'ont  aucune  divinité,  l.  Qu'ils  ne  peu- 
vent faire  aucun  bien ,  quand  on  les  honore ,  ni  aucun  mal,  quand  on  les  mé- 
prife.  3.  Que  tout  l'honneur ,  qu'on  leur  rend,  c'efl:  par  rapport  aux  Dieux^ 
que  l'on  efpere  par  là  fe  rendre  favorables.  4.  Que  l'honneur ,  qu'on  doit 
aux  images ,  à  les  regarder  en  elles-mêmes ,  efl  beaucoup  inférieur  à  celui 
qu'on  doit  aux  pères  &  aux  mères.     5.  Que  par  cet  hona-^ur  qu'on  rend 
aux  pères  &  aux  mères,  les  Dieux  fe  trouvent  plus  honorez,  que  par  celui 
qu'on  rend  aux  fimulacres  inanimez,  parce  que  les  Dieux  confidérent  les 
vieillards,  comme  leurs  fimulacres  vivans.  C'étoit-là,  fans  doute  la  Reli- 
gion, non  feulement  des  Philofophes,  mais  des  honétes  gens.  Car  (i  Platon 
ne  fe  fût  fenti  appuyé  du  plus  grand  nombre ,  ôc  du  plus  fort ,  1 1  n'eûr  pas  ofé, 
fans  doute,  fe  déclarer  fi  ouvertement,  après  le  malheur,  qui  venoit  d'arriver  à 
fon  maître  Socrate,pour  avoir  parlé  un  peu  librement  des  divinitez  Payennes. 
Après  cela,  il  n'efl  plus  neceffaire,  de  chercher  dans  le  Chrillianifme  la 
fource   de  ces  fentimens  modérez,  fur  le  culte  des  fimulacres ,  quon  re- 
marque dans  les  Platoniciens  modernes.     Il  ne  faut  pas  s'étonner,  fiCel-  ParCeifus., 
fus  dit  avec  tant  de  force:  Qut  pourrait  s^  imaginer ,  s^il  n'efl  fou  ^  que  ces  fta-^^^^^l^^ 
tues  font  des  Dieux ,  &  non  pas  desfîmptlacres ,  &  des  dom  faits  aux  Dteux  ?  Jam-  contra  c«i. 
Tart.  III.  Q^qq  blique^'™" 


490        HISTOIRE   DES   DOGMES 

«ta.î.ciy.  blique,  dans  fon  Livre  desMyfteres,  difcourt  fur  les  idoles,  ou  images, 
d'une  manière  qu'il  femble  en  condamner  entièrement  Tufage.     Il  dit ,  ^tie 
r homme  ,  ejHt  fait  les  images^  eft  metUeur  cjPt'^clles  y   cju^ilttre  fon  origine  d'Anne  meil- 
kure  caufe  ^   <^H^ainfi  Vhomme  s^oublie^  en  fe  confiant  à  ces  images  ^  (jui  ne  [ont 
foint  animées ,  &  cjui  n'^ont  qn^une  affarence  de  'vie.     Mais  quand  on  exami- 
ne l'Auteur  de  prés  ,  on  voit  qu'il  ne  parle  pas  des  images,  c'ell-à-dire, 
desllatuës,  ou  des  fimulacres,  mais  de  certaines  images,  que  les  Magi- 
ciens, par  leur  art,  élèvent,  ou  dans  l'air,  ou  dans  la  fumée,  pour  deviner 
ParD'ton      par  CCS  images ,  qui  ne  font  que  des  fantômes.     Dion  Chryfoftome  cite, 
chryfofto-    d'uu  nommé  Phidias,  des  paroles  qui  font  extrêmement  à  nôtre  fujet.  Oh 
^^'^^^^'^^'  ne  doit  pas  croire  ^  dit  cet  AuttUY  y<]uhl  ferott  metll  ur  ^  eju  il n'^yem  entre  les  hom- 
mes amènes  Jiat  M'es  ,  ni  images  ^  comme  s'^tl  ne  faloit  tourner  les  yeux  ^  i^he  vers  les- 
chofes  celefies.     Car  tous  cepix  c^ui  ont  cjnel^ue  goût  de  la  véritable  intelligence  ./vé- 
nèrent toutes  ces  chofes^  conjîdermt  qw'Us  voyent  les  Dieux  enx-mêmes  de  loitf, 
tJ^ais  le  fentiment  ^  cjue  les  hommts  ont  de  la  divinité ,  &  le  véhément  amour  ^ 
qu'ails  ont  four  elle ,  les  forte  à  les  honorer  ^&  lesfervir  de  prés ,  en  s^èn  approchant^ . 
&  en  les  touchant.     On  ne  peut  pas  diftinguer  plus  nettement   les  Dieux, 
de  leurs  fimulacres,  ni  dire  plus  clairement,  que  cts  fimulacres  ne  font 
établis,que  pour  confoler  les  hommes^^Sc  de  l'abfence  ôc  de  i'éloignement  de^ 
Dieux,  afin  qu'on  puiiTe  adorer  ces  Dieux  dans  leurs  fimulacres,  comme 
unamantcareffe  fa  maîtrefîe,  en  baifant  fon  portrait.  Les  Pères,  qui  ont 
difputé  contre  les  Payens,  ont  admis  cela,  comme  étant  une  opinion re- 
îar  Ainob.    çûë ,  &  l'out  rcfutéc.     zy^nnum  ijuid  dîcitis,   diibït  Amohcj  forte prafen- 
te-s"libi*  '  ttam  vùbis  (jnamdam  ^  his  numinum  fubexhiberi  fimulacris.   8t  cjuia  Deosvtdere 
p-i$»5.  non  datum  esi  .y  eosjtccoli  ^  iis  &  oJfciofamHniaprizflari^  (^c.  Deos^  incjuitis  ^per 

Jimnlacra-veneramur.     Et  peu  après.    ZJnde  novijfime  fcitis  ^  an  fmtilacra  h^c 
omnia ,  ijiiA  Diis  immorîaltbus ,  vicaria fubfiitutione.^formaîis ,  fimilitudinem  re*  *' 
ferant  habeantqus-  divinam  ?  Comment  favezvous,  dit-il,  que  tous  ces  fi- 
mulacres, que  vous  mettez,  pour  répréfenter  les  Dieux  immortels,  ont 
quelque  refiémblance  avec  la  divinité  ?   Il  reconnoifibit  donc  ,  que,  fé- 
lon les  Payens ,  leurs  fimulacres  n'étoient  pas  des  Dieux ,  mais  qu'ils  étoient 
pofez,  pour  les  répréfenter.     Origene,   difpuiant  contre  Celfus,  reçoit 
cette  réponfe,  l'admet,  la  réfute,  &  ^^çx\  moque,  bien  qu'il  la  recon-- 
noiflé,  pour  être  l'une  de  celles  dont  les  Payens- fe  fer  voient,  pour  excufer 
Pai  Orige-    Icur  idolâtrie.     Qui  efi  l'homme  de  bon  fens  ^  à\t-i\.,  cjui  ne  Ce  moquera  d^  un  fagù 
ne  l'b.  7.     Payen  ^  qui^  après  avoir  magnifiquement  dtfcouru  de  Dieu  ^  jette  les  yeux  fur  les fî- 
fum..  mulacres  .y  leur  adrejfe  fes  vœux,  ou  s'^imagine  qu'il  fe  faut  fervir  de  ces  images  ^. 

four  s"^  élever  aux  originaux ,  de  ces  objets  vifibles  ^  pour  monter  auxinvifibles  ^(fr 
de  ces  [îgnes  &  jymboles ,  pour  monter  aux  chofes ,  quifontfignifiéespar  ces  emblèmes? 
'  Il  reconnoîtdonc,  que  félon  les  Payens,  les  fimulacres  n'étoientque  des 
refiemblances 5  6c  même  des  emblèmes,  pour  élever  i'efpritàla  contem- 
plation des  véritables  Dieux.  S.  Auguflin  difputant  contre  Varron,  aufij- 
jet  de  cette  penfée  ingenieufe  ,  que  nous  avons  raportée,  dans  laquelle 
Varrondit,  que  l'on  répréfenteles  Dieux  en  forme  humaine,  pour  rappel- 
1er  dans  l'efpnt  les  Dieux  Celé{l:es,nes'infcritpoinren  faux  contre  la  répon- 
fe de  Varron,  &  ne  hai  dit  pas ,  vous  déguifez  les  fentimensde  vôtre  Religion. 
Ce  n'eil  point  ià  i'efprit,  dans  lequel  vous  adorez  les  fimulacres,  car  vous 
Jes  regardez  ,   comme  de  véritables  diviniieZi     Seulement  il  le  combat 

pair 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  PartJll^^i 

par  Tes  propres  paroles-,  que  nous   avons  rapportées.     Qii'on  eût   bien 
mieux  fait  d'adorer  les  Dieux  ,  fans  fimulacres  ,    &   qu'ils  ont  diminué 
la  crainte,  &  augmenté  l'erreur.     En  effet  St.  Auguftin  ,   dans  un  au-  Auguft.  m 
tre  lieu  ,  reconnoît  que  c'efl-là  le  fentiment  des  plus  fages  Payens  ,   &  ^^^^^"J- 
qu'ils  adoroient ,   ôc  fervoient  leurs  fimulacres  feulement  ,   comme  des 
mémoriaux  de  là  divinité.      Ftdentiir  autem  fibi  purgaticrts  ejfe  ReUgionïs ,  par  st.  Au- 
^w  âicunt^nec  fimnlacrum  .,    nec  Dinmonium  colo  ,  fed  pe'r  ejfîgtem  corporalem  ^^^^' 
Jignum  rei  intueer  ,   cjpsam  colère  àebeo.     Ita  vero  inîerpretaniHr  Rmulacra  ,  ut 
allô  dicant  fignificûre  terrant  ,  &  alto  mare  ^  jtcut  Nepinni  jlmulacro.     Enfin 
Laélance  reconnoît  ^  que  c'étoit  là  l'une  àç:%  couleurs ,  dont  les  Payens 
couvraient  le  culte  des  fimulacres.     iSlon  ipfa  ,  inqmnnt ,  timemas  fmuU-  Ladisnce. 
tra  ^  fedeoSyad  quorum  imaginern  fiUa  ,   &  quorum  nominibus  confecrata  funt,  ^"^''"'•1'^'' 
Un  Chrétien  de  la  communion  de  Rome,ne  pourroit  pas  dire  plus  fortement, 
nous  n'adorons  pas  les  imagesj  mais  nôtre  adoration  fe  rapporte  aux  objets  , 
dont  les  images  portent  les  noms  ,  ôc  dont  elles  font  les  répréfentations. 

Après  tant  de  témoins,  Payens,  &  Chrétiens,  qui  nous  afiïïrent  que 
le  cuite,  que  les  idolâtres  rencoîent  à  leiiis  fimulacres,  étoit  pure- 
ment relatif,  &  qu'ils  n  oiit  janniis  adoré  les  llatuès ,  que  comme  de« 
refi^emblanccs  des  Dieux  ,  eit-ii  jullr  de  leur  attribuer  un  autre  fenti- 
ment? Je  fuis  afliiré  (^li'on  peut  mér.-es  aller  p'US  avant,  ôc  dire  avec  cer- 
titude, que  les  idolâtres,  en  faifint  des  fimulacres  de  leurs  Dieux ,  n'ont 
point  eu  intention ,  de  réprél.enter  ]qs  Dieux  ,  fous  leurs  véritables  for- 
mes, au  moins  les  Dieux  naturels.  Cétoient  feulement  àcs  emblèmes, 
&  des  figures  myftiques,  pour  leur  rappeller  la  mémoire  des  Dieux.  Ce 
qui  paroitra  par  les  railons  fuivantes. 

Premièrement  leurs  Philofophes  faifoient  profeffion  de  croire ,  que  les  Les  Payens 
Dieux  immortels  étoient  fpirituels  ,  fans  matière,  fans  corps,  &  fans  fi  ^°^^J^^^c' 
gure.     Et  par  conféquent,  ils  ne  pouvoient  regarder  les  fimulacres,  corn- muiacres, 
me  de  véritables  images  des  Dieux.     Pour  ce  qui  eft  du  Vulgaire,  qui  ^"j^^^^"^™* 
favoit  que  l'image  d'Apollon  étoit  confacrée  au  Soleil  ,  celle  de  Cybelé  naux, 
à  la  terre  ,    celle  de   Neptune  à  la  mer,  celle  de  Diane  à  la  lune,  au- 
roit-il  bien  été  aflez  brutal,  pour  s'imaginer  qu'une  itatuë,  en  figure  hu- 
maine, d'un  jeune  homme  fans  barbe,  eût  quelque  relTemblanceavecle 
Soleil?  Que  la  ftatuë  d'une  femme,  qui  étoit  couronnée  de  tours,  fût 
•femblableà  la  terre?  QLi'une  figure  d'homme ,   portant  un  trident  à  la 
main ,  fût  la  véritable  image  de  la  mer  ?  A  moins  que  d'être  de  la  der- 
nière iliupi^ité,  ils  voyoient  bien,  que  ce  n'étoient  que  des  emblèmes. 
Nous  avons. encore  une  preuve  très  fenfiblc  de  cela  ,    dans  les  figures 
extravagantes,  qu'ils  donnoient  fouvent  à  leurs  fimulacres.  Quelques-uns 
avoient  la  forme  d'un  lion.     Inter  Deos  videmus    Leones  ,    tenuijfima  facie,  Arnob.  îik 
dit  Arnobe.  D'autres  avoient  la  figure  de  bœuf,  d'autres  de  brebis,  d'au-  *•  P-  ^'^^■ 
très  avoient  àcs  figures,  compofées  de  plufieurs  animaux  ,    du  chien  , 
du   loup,  du    hon,  comme  la  ftatuë  prodigieufe  de  Serapis,  que  Ma- 
crobc  nous  décrit  dans  le  premier  Livre  de  fes  Saturnales.  D'autres  n'a- 
voient  aucune  figure  d'animaux  ,   c'étoit  une  pierre  quarrée  ,   comme 
entre  les  Arabes,  ou  une  pierre   pyramidale  ,   comme  dans  le  Temple 
d'Eliogabale.     Dans  le  chapitre  précédent,  nous  avons  vu,  que  les  Ro- 
mains ont  adoré  une  demi-pique,  à  l'honneur  de  Mars ,  les  Thefpiens 

Q^qq  2,  une 


492  HISTOIREDESDOGMES 

une  branche  de  citronnier  ,  pour  Junon.  Sommes- nous  obligez  de  croi- 
re, que  ces  gens-là  étoient  aflez  deftituez  de  bon  fens,  pour  croire  qu'il 
y  avoit  des  Dieux  ,  faits  comme  des  bœufs  ,  comme  des  béliers ,  qui 
porraffent  des  cornes,  &  des  ongles  j  qui  fuflent  en  partie  lion  ,  en  par- 
tie io'jp  ,  £c  en  partie  chien  -,  qui  fuÂent  faits  comme  des  pierres  ,  des 
branches,  des  demi-piques,  des  poignards,  &  des  troncs?  N'eft-il  pas 
clair  qu'ils  ne  propofoient  ces  objets,  que  comme  des  emblèmes  de  la 
divinité?  Et  ainfi  il  demeure  confiant,  que  tous  les  Payens,  qui  étoient 
dans  l'opinion,  que  nous  venons  de  propofer,  n'ont  point  adoré  les  fimu- 
lacres ,  comme  des  Dieux.  Et  par  conféquent  les  Papiftes  ne  feroientpas 
plus  purs  que  les  Payens,  quand  ils  ne  regarderoient  leurs  images  que  com- 
me des  mémoriaux. 


M 


CHAPITRE    IV. 

Seconde  opinion  des  Payens  far  leurs  Jimulacr es.  Ils  croymnt  qtit 

les  Dieux  y  étoient  attirez ,  far  la  vertu  di  la  confecration. 

Les  Tafijies  ont  la  même  opinion  de  leurs  images, 

Ais  voici  une  féconde  opinion  ,  qui  fembîe  plus  favorable  ,  & 
plus  conforme  aux  fentimens  que  Bellarmin,&  Grégoire  de  Va- 
lence atti'ibuent  aux  Payens.  C'eft  que  la  plupart  des  Payens  fe  per- 
fuadoient ,  que  parla  vertu  de  la  confecration ,  les  Dieux  étoient  évoquez  5. 
pour  venir  habiter  dans  leurs  ftatuës.  C'étoit  un  des  retranchemens ,  dans  le- 
quel les  Payens  fe  fauvoientjquand  les  Chrétiens  les  preflbientfur  l'adora^ 
tion  de  leurs  images.  Nous  n'adorons  pas  le  bois,  l'argent  &  l'or,  di- 
foient-ils,  comme  fi  ces  métaux  étoient  des  Dieux,  mais  nous  adorons  les 
Dieux  ,  que  la  vertu  de  la  confecration  a  rendus  préfens  à  ces  images. 
Araob.  1.  «.  £rras^incjuiîis ,  & l^iberis ^  nam  neque  nos  ara,  neejne  ami  argentti^fie materias^ 
ne  que  alias ,  quibvts  figna  conficiunt ,  eas  ejfe  per  fe  Deos  ^  &  Religiofa  decerni" 
mus  numina  :  Sed  eos  in  bis  colimHS  ,  eo^cjue  veneramnr  ,  e^ms  dedicaiio  in- 
fert  facra ,  &  fabrilibus  facit  inhabitare  Jimptlacris.  C'efl:  ce  que  difbit  Ar- 
nobe,  en  répréfentant  la  manière  dont  les  Payens  fe  défendoient.  Il  ré- 
fute cette  mauvaîfe  raifon ,  par  des  paroles,  qui  méritent  d'être  rapportées 
dans  nôtre  Langue,  afin  que  tout  le  monde  les  puifi^e  entendre.  Vnfeul  & 
même  'Dieu ,  dilbit-il,  ne  peut  pas  être ,  en  même  tems ,  d^ns plujîeurs  Jimulacres ^ 
&  il  ne  peut  pas  non  plus  être  coupé,  &  partage' en plkjteur s  parties.  Suppofins  <^u^il 
y  eut  daml'Vniversdix  mille  ftatuës  de  Fulcain  ,  un  feul  Vulcainpourra-t'^il  être 
tout  entier ,  en  même  tems  ^  dans  ces  dix  mille  ftatuës?  fe  neîecroi  pas.  Pour- 
quoi ?  parce  que  les  chaifès ,  qui  font  unes  &  jtngulieres ,  ne  peuvent  pas  être  multi- 
^lie'es  ^  en  confervant  entière  leur  Hnite\c^  leur  fimplicité.  Et  les  Dieux  le  peu- 
vent dî' autant  moins  ,   que,  félon  vous , ils  ont  la,  forme  des  hommes. 

Arnobe  ne  favoit  pas  les  myfteres  de  l'ubiquité  d'un  corps,  &  de  fa 
prélence  réelle,  en  plufieurs  lieux,  diftinéls&féparez  tout  à  la  fois  ,ceque 
l'on  a  découvert  du  depuis.  Il  combat  par  cent  bonnes  raifons  cette  vaine 
imagination,  •que  les  Dieux  immortels  viennent  habiter  réellement  dans 

les 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Part.UL  493 

hs  ftatuës.     Et  entr'autres  il  leur  demande,  fi  ainfiéîlqueparla  forcede 
la  confecrationj  les  Dieux  fuflent  comme  attachez  à  leurs  ftatucs,  pourquoi  il 
les  faifoient  garder  avec  tant  de  foin.  Si  apertum  vobis  &  Uquidum  efl  infignorum 
vifcerjbtis  Deos  vivere  (itejue  habitare  cœlites,  cur  eosfub  validijfimis  cUvibus,  tnçen- 
tibîiÇque  fub  clauflris'^  fub  repagulis  aiii^que  ejufmoài ,  cufioditis ,  confervatis ,  attjne 
habetis  inclafos ,  acné  forte  fm  aliquis  ,  aat  noBurnus  irrepat  Utro  ,  &dituis  mille  pro- 
tegitis ,  atijHe  excHbitoribns  mille  ?  Cnr  canes  in  capitoliis  pafcitts?  Cur  anfertbus 
vitium  alimoniÀmque  pr&betts?     Quinirno  ^  Jî  fiditis  Deosijiic  cjje  ^  nec  a  fwnis 
ufpiam  JtmHÎacrtfejue  difcedere  ,   permittite  illis  curam  fui.  Referata  fînt  ataue 
aperta  femper  delubra.     Si  les  Dieux  font  toujours  prés  de  leurs  fimula- 
cres,  pourquoi  gardez  -  vous  ces  fimulacres  précieux  avec  tant  de  foin? 
Le  Dieu  qui  efl  préfent,  ne  gardera-t'il  pas  Tes  ftatuës,  de  la  main  des 
larrons  &  des  brigans  ?     LaCtance  rapporte  cette  même  vifion  ,   6c  la 
combat  à  peu  prés ,  avec  les  mêmes  armes.     Atenim  prAfentes  non  nifi  ad 
fuas  imagines  adfunt.     C'eft  ce  que  difent  les  Payens  ,  fur  quoi  Laélance 
fait  ces  réflexions.     Ita  plane  cfuemadmodum  vulgus  txifiimat  ,  mortuorum  Laaan.inft. 
animas  circa  tumuks  corporum  juorum ,  &  reliquias  oberrare.  Sed  tamen  pofi-  ^'  ^'  ^'  *• 
quam  Deus  ille  pnzfens  effe  cœpit,  jam  Jimulacro  ejusnonopuseji-,   Quaro  enim, 
fiijms  imaginem  hominis  peregre  conjlituti  contempletur  f&pim ,  ut  e,x  ea  folatium 
capiat  abfentis ,  num  idem  fanrn  effe  videatur  ^  fi  eo  rêver fo  at<jue  pr&fente  ,  in 
contemplanda  imagine  perfeveret  ?     Si  les  Dieux  font  préfens  par  la  vertu  de 
la  confecration  5  quand  le  Dieu  cil  venu,  qu'avez- vous  plus  affaire  de  fi- 
mulacres? Ai-je  affaire  du  portrait  de  mon  ami,  quand  je  tiens  mon  ami 
lui-même?  Dei  autem,  eujus  fpirims  ac  numen  ubicjue  diffuÇum  ^  abef^e  num-  idem  ibid, 
i^Ham  poteft  ,  femper  uticjue  imago  fupervacua  efl.     Sed  verentur  ne  cmnis  eo- 
TPtm  "JR^ehgio  tnaniffima  fît  &  vana  ,  f  nihil  in  pr<tfenti  videant  <^uod  adorent. 
Dieu  qui  efl  unefprit  préfent  en  tous  lieux,  n'a  pas  befoin  qu'on  fjpplée 
à  fon  abfenec  par  des  images. 

Il  efl  clair  auffi  que  ,  félon  la  Religion  des  Prêtres ,  6c  des  peuples, 
ks  Dieux  étoient  eflimez  habiter  ou  dans  leurs  images,  ou  prés  de  leurs 
images.  On  le  voit  par  la  coutume  qu' ils  avoient,d'enchaÎ!-i€r  leurs  Dieux, 
quand  ils  craignoient  d'en  être  abandonnez,  Ainfi  les  Tyriens  enchaînè- 
rent leur  Apollon,  quand  ils  fe  virent  preffez  par  Alexandre.  Et  les  Athé- 
niens enchaîncient  l'image  de  la  Viéloire,  afin  qu'elle  ne  les  abandonnât 
pas.  Ce  qui  fait  voir  qu'ils  étoient  perfuadez 5  que  les  Dieux  éroient  com- 
me attachez  à  leurs  fimulacres ,  en  forte  que  l'on  ne  pouvoit  tranfporter 
le  fimulacre,  qiie  le  Dieu  ne  fuivît. 

Ils  croyoient  aufii,  que  quand  on  rumoit,  6c  qu'on  détruifoit  les  fimu- 
lacres, la  divinité  s'envoloît,  8c  fe  retiroit  dans  les  Cieux.     C'eft  ce  que 
le  Sophifte  Olympias  répréfentoit  aux  Egyptiens ,  pour  les  retenir   dans         , 
leur  Religion,  6c  les  empêcher  de  fe  faire  Chrétiens.  Lors  que  Theodo- 
fe  fit  abbatrc  le  Temple  de  Serapis,  6c  ceux  des  autres  idoles,  6c  fit  fon- 
dre les  fimulacres,  il  leur  difoit  :    Qjfil  ne  faloit  pas  abandmmr  la  ^'°%^<?»  sozomene  L 
de  leurs  pires  j   quilfaloit  plutôt  mourir  ,  &  parce  cju^il  les  vci'oit  covflernez.^  7.  cap.  15. 
de  ce  que  les  fiât  Pi'és  de  leurs  Dieux    étoient  jettées  hors  de  leurs  Temples  ^  hrifées 
df  réduites  en  poujficre ,  il  leur  difoit  ,  qu^il  nefaloit  pourtant  pas  qu'ils  aban- 
^onnafjent  leur  'Religion  ^  que  les  images  &  les  fiât  ue s  n' étaient  qu^pme  matie^ 
re  corruptibie  3  qu'on  les  pouvoit  réduire  en  poudre  ^  maïs  que  Us  vertus  &  les 


494  H  I  ST  O  I  R  E  DE  S  D  O  G  M  E  S 

divinitcx,,  (^Hi y  étoient ,  s' envolaient  dans  les  deux.     C'étoit  donc    là  pro- 
prement la  Religion  du  peuple,  &;  celle  dont  les  Prêtres  faifoient  profef- 
fion.     Et  l'opinion  précédente  étoit  celle  des  Phiiorophes ,  des  Sages,  Sc 
des  gens,  qui  fuifoient  un  meilleur  ufiige  de  leur  raifon.     Jugement  com- 
me aujourd'hui,  les  mieux  fenfez  des  Papilles  ,  croient  que  les  images  , 
ne  font  que  de  pures  relTemblances ,  pour  aider  la  mémoire,  pendant  que 
d'autres  croient  de  bonne  foi  ,  que  Dieu  attache  quelque  vertu  à  l'ima- 
ge. Les  Paycns  à  caufe  de  cette  prélënce  de  la  divinité ,  qui  rempliflbit, felort 
eux, les  iîmulacres,trouvoientbon  que  l'onappellât  Dieux,  les iimulacres 
des  Dieux.     Et  ne  pouvoient  foufFrir  qu'on  niât  que  ce  fufîent  des  divi- 
Diogen,      nitez.  Diogene  Laërce  nous  rapporte  ,  que  Stilpon  de  Megare,  en  par- 
Laerc.hb.  z.  ^^^x.  à  quelqu'un  de  la  Minerve  de  Phidias,  lui  difoit  :  ^JM^inerve ^  fille  de 
fiipiîer  ^  nefi -elle pas  Dien?  L'^Athenten  ayant  répondu  ^  ^hohÏ',  Sttlpon  lui  dit  ^ 
celle-ci  n°'e[l  pas  fille  de  imiter ,  mais  de  Phidias  y  ce  que  l'antre  ayant  accordé^ 
il  conclut  ^  elle  n*eB  donc  pas  Dieu.     Il  fut  acculé  de  cela  devant  l'Aréopa- 
ge.    Il  fe  voulut  jufti  fier,  en  difant  qu'il  avoit  dit  que  Minerve  n'étoit  pas 
un  Dieu ,  mais  une  Déelîe  ,    ce  qui  n'empêcha  pas  qu'on  ne  le  fît  fortir 
de  la  ville. 

Mais  ce  n'efl  pas  un  fondement  fuffifanr^  pour  accufer  les  Payens ,  d'a- 
voir adoré  leurs  fimulacres,  comme  des  Dieux  ,    &  d'avoir  crû  que  c'é- 
toient  véritablement  des  Dieux.  Car  fi  cela  étoit,  on  pourroit  imputer  la 
même  opinion ,  à  ceux  qui  fervent  aujourd'hui  les  images.   Ils  croient  de 
bonne  foi,  que  quand  une  image  eft  confacrée,  il  y  a  quelque  vertu,  qui 
s'y  répand ,  &:  qui  s'y  attache.     De  là  vient  que  l'on  y  frotte  des  chape- 
lets, des  linges,  &  d'autres  chofes. 
Parfaite  con-      L'on  croit  que  le  Saint,  auquel  l'image  efl:  dédiée,  préfide  auprès  de  fon 
Sntiraenï  ï'^^g^î  d'une  ûçon  particulière,  pour  y  faire  dts  miracles  :   c'eft  pour- 
emreiePa-  quoi  l'on  v;i  cu pèlerinage,  vers  une  image,  plutôt  qu'à  une  autre.  L'on 
pf'^nifae*^   ^^  perfuadé  auili,  que  le  fecours  du  Ciel,  &  la  vertu  du  Saint  ,elt  fi  fort  at- 
fur  la  veitu   tachéc  à  cettc  image  facrée,  que  fi  elle  n'étoit  plus ,  le  Saint ceflèroit  de  faire 
desimages.  ^^^  miraclcs ,  en  ce  lieu-là.   Cette  penfée  n'empêchoit  donc  pas,  que  les 
Payens  ne  regard afl^ent  les  fimulacres  en  eux-mêmes ,  comme  de  fimpies 
répréfentations  des  Dieux.     Mais  ils  croioient ,   que  les  Dieux  faifoient 
l'honneur  à  ces  fimulacres  confacrez ,  de  répandre  leur  vertu ,  ôc  d'excer- 
cer  leur  puilîancc,  en  la  préfence  de  ces  images.   Ils  eilimoient,  que  les 
Dieux  ne  commençojent  à  déployer  leur  vertu  ,  dans  de  ces  fimulacres  , 
qu'après  la  confecration.  On  croit  la  même  choie  des  images  dans  le  Pa- 
pifme,  &  avant  qu'elles  ayent  été  bénites  &  confacrées,  félonie  Rituel, 
•    il  n'ell  pas  permis  de  les  fervir ,  &  l'on  ne  croit  pas  qu'elles  ayent  aucune 
Mininius      vertu.  EcceftinditHY.  fabricatur:  Nonditm  Dens  efi.  Ecce  plumbatur  ^  conflrtti- 
oTtavio"      ^^'^  ^  erigituY  :  Nec  aâhnc  T)eHS.    Ecce  ornatur^  confecratur  ^  oratur ,   tum  po~ 
firemo  De:is  efl  ,  qnum  homo  ille  voluit  &  dedicavit.    Je  fuis  trompé  ,  Ci  l'on 
ne  pourroit  faire  application  de  ces  paroles  ,    airx  images  d'aujourd'hui , 
en  ôtant  le  mot  de  Dens^  &;  y  mettant  celui  de  San^tts.     On  fond  l'ima- 
ge, on  la  bat  fous  le  marteau,  ce  n'eft  pas  encore  un  Saint.  On  la  plom- 
be, on  la  drefie,  on  la  pofe  :   ce  n'eft  pas  encore  un  Saint.     On  l'orne, 
on  la  confacre  5  on  la  dédie,  on  la  fert.  Alors  voilà  un  Saint.  Après  tout, 
fur  cette  féconde  opinion ,  il  ne  faut  point  attribuer  aux  Payens  autre  cho- 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  !P^rU IL  495 

re,que  cequedifoit  Jamblique,c'c{];  que  quand  une  divinité  a  reçu  en  partage  ^.^^yj*«- 
quelque  partie  de  l'Univers,  Toit  le  Ciel,  foit  la  Terre  ,  foit  des  Villes  «p.s. 
faintes  ,  foit  des  bocages,  foit  des  Temples,  foit  des  liatuèsfacrées,  el- 
le verfe  une  irradiation  fur  toutes  ces  chofes  intérieurement ,  comme  le 
Soleil  remplit  extérieurement  toutes  chofes  de  fes  rayons;  c'eft- à-dire  que 
cette  préfence  de  la  divinité  ,  que  les  Payens  attachoient  à  leurs  ima- 
ges ,  étoic  une  préfence  de  vertu  ,  plutôt  qu'une  préfence  de  fubf- 
tance. 


G  H  A  P  I  T  R  E     V. 

Qpnion  du  faux  Trifmegifte ,  que  les  Jimulacres  âcvenoienî  le  vrai 

corps  des  T>ieMX. 

3.  é^'^\  N  trouve  une  troifiéme  opinion  ,  touchant  la  divinité  des  firiiu- 
\t  lacres,  qui  paroît  plus  forte  que  les  précédentes.  C'eft  qu'il  fem- 
ble ,  que  certains  Payens  ayent  crû  que  la  divinité  ,  évoquée 
par  la  vertu  de  la  confecration  ,  venoit  s^  incorporer  avec  le  (Imulacre  , 
lui  tcnoit  lieu  d'ame  ,  Ôc  faifoit  avec  la  flatuë  un  tout,  femblable  à 
l'homme  ,  qui  eft  compofé  de  corps  6c  d'ame.  C'efl  ainlî  que  St.  Au- 
gullin  a  expHqué  le  fentiment  de  Trifmegifte  ,  félon  que  nous  le  lifons 
encore  aujourd'hui ,  dans  un  Dialogue ,  qui  porte  le  nom  d'EfcuIape^  donillf 
nous  avons  une  verfion  faite  par  Apulée,  ^t  ille  vifibilia,',  &  contre6iabilia  De  Civit. 
fimulacra.,  velnt  ccrpora  Deomm  ejje  ajjerit  :  tnejfe  autem  his  cjuo[dani  Spiritas  f.  ^j.' 
invitâtes  ,  <^ui  valeant  altcjmd,  Jive  ad  nocendum  ^  fve  ad  dejïderia  eorum  com^ 
■plenda  ,  à  (^uibm  eis  divmi  honores  ,  &  cukus  ohfei^ma  deferuntur.  Hos  ergo 
fpiriî}is  invifbiles  ,  per  artem  ijuamdam ,  vifibtlibus  rébus  corporali  materia  co- 
pnlare  ^  ut  fnt  cjuafi  corpora  animata,  illis  fpirttibus  dicata  &  fubdita  Jimnlacra. 
Hoc  ejjè  dicit  Deos  facere  ,  eamqfie  magnam  &  mirabilem  Deos  faciendi  acce- 
ptée hommes  poteftatem.  C'eft  ce  que  dit  St.  Auguftin,  &  en  effet  les  pa- 
roles de  Trifmegiile  fcmblent  fignifier  cela ,  que  les  llatuës  font  animées, 
qu'elles  font  pleines  de  fcns  &  d'efprit ,  qu'elles  favent,  &  qu'elles  con- 
noiifent  l'avenir.  Dominm  &  T^ater^  vel  cjuod  fummum  eft'Deus^  ut  ejfe^ 
Bor  ejl  D eorum  cœlejîium;  ita  homo  effetior  Deorum^  cjui  in  Templts  funt ^  hu- 
mana proximitate  contenti.  Comme  le  Souverain  Dieu,  dit-il ,  eft  celui  qui 
fait  les  Dieux  celeftes,  pareillement  l'homme  a  lapuiiîance  5  de  faire  les 
Dieux  vifibles,  qui  font  dans  les  Temples.  Et  il  ajoure:  fpecies  vero  Deo- 
rum ,  e^t4as  c^fiformat  humanitas  ,  ex  natura  uîraque  conformata  eji ^  ex  divina, 
^u£  pnor  eft  mulio<:jue  divinior  ^  &  ex  ea  cju&  intra  homines  eft  ^  id  eft  ex  mate'- 
ria^  quâ  fnerint  fabrtcatA.  Et  non  folum  i:apitibus ,  fed  membrts  omnthus  .^  totO" 
cjue  corpore  cmfigHrantur.  C'eft- à-dire,  que  ces  efpeces  de  Dieux  que  les 
hommes  font,  font  compofez  de  deux  natures:  l'une  eft  divine  &  celef- 
te»  c'eft  le  Démon  qu'on  évoque,  &  que  l'on  invoque  ,  l'autre  c'eft  îa-^ 
matière,,,  dont  les  fimulacres  font  faits.  Enfin  il  dit  :  ftatuas  Jfclepi  videf. 


49^  HISTOIREDES   DOGMES 

ne  cjuatenus  m  tpfe  dijfidas  Jiattias ,  ammatas  ,fenft  &  fpirttfi  plenas^  tanta&t4' 

lia  facientes  futuromm  pr<i,jciai  ? 
Cepetitii-        Sur  tout  ccU  il  tiuit  remarquer  ,   premièrement  que  cet  ouvrage  n'eft 
vrc intitulé   p(^ipi;  ^q  Trilmegiftc  ,   dont  il  porte  le  nom.     Ce  Mercure  Trilmegifle 
où*^  l'on  '    étoit  un  Egyptien  ,   qui  a  eu  une  grande  réputation  de  flivoir.     Il  vivoit 
trouve  cette  lopp-.tems  avaut  qu'on  parlât  des  Grecs  dans  le  monde  ,  il  a  été  appelle 

opinion,  q  1    .    ^    r  .^  •      r   •  j  vi    '  i  i-»     • 

n'étoitpas    Tnjmegijte  ^  .mot  qui  Iignme  trois  tois  grand  ,  parce  qu  il  etO)t  grand  Roi, 
Mercure      giaud  Sacrîlîcateur  ,&  grand  Propheic.     Et  il  y  a  bien  apparence ,  que 
Triftncgifte.  ce  cclebrc  Egyptien ,  eft  le  Moïfe  des  Juifs.  Les  Grecs  l'appellent  T/?^//?; 
6c  Platon  en  parle  aflez  fouvent.    Sous  le  nom  de  ce  Mercure ,  on  a  fait 
DeMyfte-    Une  infinité  de  volumes  de  Livres.    Jamblique  lui  en  attribue  jufqu'à 
riisseft.  8.   treiite-fix  mille  cinq  cens.  Nous  n'avons  plus  fous  le  nom  de  cet  Auteur, 
'^'^'^'         que  deux  Dialogues ,  dont  runs*appelleT/>»4»<fi^^r,  &  l'autre -^/c/^/^m ,  ou 
ii/£fctiUpiHs  ^  tous  deux  fauxôc  fuppofez,  ôc  tous  deux  compofez  par  des 
Chrétiens.  Quant  au  premier,  le  titre  feulle  découvre.  P/»?<3«dl^#"  le  berger 
des  hommes,  ou  l'homme  berger  i  cequidéfigneJefus-Chrifl,qui  s'appel- 
le le  berger  des  hommes,  fe  fms  le  bon  berger.     Là  dedans  il  difcourt  de 
-Dieu ,  des  efprits ,  des  attributs  de  Dieu  ,  d'une  manière  Chrétienne  & 
Platonicienne  ,  en  même-tems.    Il  y  parle  de  la  génération  éternelle  du 
Fils  de  Dieu  ,  &  la  fuppofition  eft  fi  groffiere  ,  que  l'on  y  trouve  le  mot 
O'pLOB'     de  conftibfiantiel^  qui  ell  particulier  àl'Eglife,  pour  exprimer  la  Divinité 
cm.         de  Jefus-Chrift,   ce  motn'eft  né  que  fur  la  fin  du  troifiéme  fiecle.    11  faut 
dire  la  même  chofe  du  fécond  Dialogue,  appelle ^yc/<?/?/W.  C'cft l'ouvra- 
ge d'un  Chrétien,  qui  fait  parler  ici  un  Payen  ,  qui  lui  fait  dire  de  cho- 
{cs  très  raifonnables  ,   quand  il  le  fait  pai'ler  de  Dieu ,  mais  qui  tout  ex-  . 
)rés  ,  pour  rendre  la  Religion  Payenne  ridicule,  ôc  l'idolâtrie  odieu/e, 
lui  fait  débiter  cette  ridicule  Théologie ,  qui  n'eft  point  la  Théologie  des 
Paycns ,  favoir  que  les  ftatuës  font  animées ,  qu'elles  font  pleines  de  fens , 
ôc  d'intelligence.  Car  il  eft  à  remarquer,  qu'on  ne  trouvera  rien  de  fem- 
bîable,  dans  aucun  Auteur  Payen ,  &  on  ne  lit  pas  même,  que  les  anciens 
Pères ,  dans  leurs  écrits  contre  les  Payens,  leur  ayent  attribué  cette  opi- 
nion abfiirde ,  comme  une  opinion  commune  6c  générale. 
Ou  c'eft  ^^  cette  pièce  n'avoit  pas  été  compofée  par  un  Chrétien, ce feroitl'ou- 

l'ouvrage     vtage  d'un  Phïlofophc  Platonicien ,  &  Magicien  en  même  tems.  Cardans 
nicknMl-'  les  derniers  ûecles,  dans  lefquels  la  Philofophie  Platonicienne  a  été  en.vo- 
gicien,  tels  gue  ,  qui  font  îcs  trois  premiers  fiécles   de  l'Eglife,   il  eft  certain,   que 
?es°phtoni-  ^^  plupart  àts  Philofophes  Platoniciens  célèbres,  ont  été  Magiciens:  ce- 
ciens  mo-   la  fe  peut  voir  par  le  livre  de  famblichus ,  de  Mjjterhs ,  &  par  là  vie ,  faite 
par  Eunapius ,    oii  il  paroît  qu'il  fe  mêloit  d'évoquer  les  efprits,   de 
faire  des  miracles ,   ôc  de  prédire  les  chofes  futures.     Il  eft  clair  encore, 
que  Proclus  ,  autre  célèbre  Platonicien ,  étoit  Magicien ,   on  le  prouve 
Vide  Eufeh.  P*^^"  ^^s  livrcs  qu'on  a  de  lui  de  Sacrifices ,  &  de  Magia  :  Photin ,  Porphyre ,  6c 
1.  5  c.  8.  de  les  autres  Platoniciens  de  ces  fiecles-là,entendoient  aulîiles  Arts  magiques, 
taep.  vang.  Qj.  ji  ^1^  Vrai,    quc  Ics  Magicicns  s'imaginoient  évoquer  \ç.s  Démons, 
&  s'en  rendre  les  maîtres ,  en  les  enfermant  dans  de  certaines  ftatuës ,  qui 
n'étoient  pas  d'une  matière  fimple  ôc  ordinaire ,  mais  compofée  de  diver- 
fes  chofes.    Et  par  un  art  diabolique,  ils  évoquoient  le  Démon  là  dedans. 
Proclus  dans  le  livre ,  dont  nous  venons  de  parler ,  dit  exprefl'ément  qu'on 

fai- 


ET  DES  CULTES  DE  TEGLISE.  Tarf.Ul  ^<^'j 

fàifoit  des  llatuë.s,   mêlées  de  plufieurs  matières,  que  par  ce  mélange, 
on  attiroit  les  influences  celeftes,  &  que  par  la  compofition,   qui  fe  fai- 
foit  depluficurs  chofes,  dont  on  j&ifoit  un  feul  tout,  l'on  faifoit  quelque 
chofe  de  femblabie  à  Dieu,  qui  étant  feul,  eil  élevé  fur  toutes  chofes. 
L'on  peut  voir  la  compofition  de  l'une  de  ces ftatuës magiques, dans Por-  l.  j.Pfsp. 
phyre,  rapportée  par  Eufebe,  Ôc  ordonnée  par  Hécate.  Elle  devoitêtre  ^^''^nfi-ci'. 
compofée ,  félon  l'ordonnance  de  cette  infernale  Déeflë ,  de  i^ë  fauvage, 
qu'on  appeiloit  Moli ,  de  Myrrhe,  d'Encens  d'Arabie ,  deStj^rax,  6c  de 
certains  animaux,  que  l'oracle  appelle  àmuKoc^wTui ,   ce  que  les  uns  tour- 
nent des.  lezars,   les  autres  des  rats ,  les  autres  des  taupes.     On  reduifoit  vide  opus 
tout  cela  en  poudre  ,  puis  on  en  faifoit  une  pâte ,  à  laquelle  on  donnoit  la  ^«^"«f^  <*<= 
ngure  d  Hécate.  Quoi  qu  il  en  foit,  il  eitcertamque  ce  dogme,  que  les 
ftatuës  fuflent  animées ,  n'étoit  point  ordinaire  entre  les  Payens ,  6c  qu'on 
ne  leur  doit  pas  attribuer  cette  penfée ,  pour  fôûtenir  qu'ils  ont  adoré  leurs 
Simulacres,  comme  de  vrais  Dieux. 


CHAPITRE     VL 

^^atrieme  opinion.    Ceji  celle  du  bas  peuple  é-  du  vulgaire. 

4.  XL  refte  que  nous  parlions  du  fentiment,  que  le  vulgaire  pouvoir  avoir 
I  de  ces  fimulacres,  car  la  Religion  des  ftupides  6c  àçis  ignorans,  eft 
prefque  toujours  trés-difFerente  de  la  Religion  des  habiles  gens.  Je 
ne  voudrois  pas  nier,  que  dans  le  vulgaire,  il  ne  s'y  foit  trouvédes  hom- 
mes aflez  ftupides ,  pour  avoir  adoré  de  bonne  foi  les  fimulacres ,  com- 
me des  Dieux.  C'eft  à  eux  qu'il  faut  appliquer  ce  quedifoitS.  Auguftin. 
JIoc  enim  facit^  ^  qHodammoào  extorqmt  illa  figura  membrorum  ^  Ht  animHS  j^  pf^j^j 
vivens  in  fenfibm  cor  ports  magis  arbitretur  fentir»  corpus,  quoà  jko  corpori  Jt-  îu- 
mtïlimum  videt  ^  ^uàm  rotundum  fokm  undaf:jue  dijfufas.  C'eft-à-dire,  que 
le  vulgaire  en  regardant  les  fimulacres ,  6c  leur  voyant  '•des  organes  ex- 
térieurs, tout  femblablesàceux  de  nos  fens ,  fe  trouve  porté  à  croire ,  qu'il 
y  a  là  dedans  un  efprit,  qui  voit,  6c  quifent,  beaucoup  plutôt  que  dans 
le  Soleil,  6c  dans  la  Mer,  dont  la  figure  ne  leur  paroît  pas  propre  au  fen° 
timent.  C'eft  un  raifonnement ,  qu'on  ne  peut  attribuer  qu'à  àts  ftupi- 
des. Car  ce  feroit  faire  tort  à  la  raifon  humaine,  que  de  faire  railbnner 
ainfi  un  homme, qui  auroit  un  peu  de  fens  commun.  Le  même  S,  Au- 
,  guftin  nous  apprend  allez  à  quelles  gens  il  attribuoit  ces  penfées ,  quand 
il  dit  ailleurs.  Verum  tamen  cum  his  locdntur  fedibm  ^  honorubilt  fubîimitate  [,  Epift  49, 
ut  a  precantihus ,  atcjtie. immolantibus  attendantur ,  ipfa  (îrmlitudir.e animatoram  ^'^  *' 
membrorum,  atcjH-e  fenfnum ,  quamvis  infenfata  ér  exmima,  ajficiunt  infirmos 
animos ,  ut  vivere  ac  fpirare  videantur  y  accedente  pr^fertim  veneratione  multitu- 
dinis  ^  t^uâtanms  eis  ctdimimpenditur.  Cela  fignifie  que  l'élévation,  6c  les 
lieux  honorables ,  où  l'on  plaçoit  les  fimulacres,  les  hommages  qu'on 
leur  rendoit,  6c  la  figure  humaine,  qu'on  leur  donnoitji,  induiibit  les  ef- 
pdts  infirmes,  à  croire,  que  véritablement  ils  étoient  animez.  Nous  vo- 
Part.  IIL  Rrr  yons 


Lih.  I.  c.  3. 
Inftitut. 


Âpod  La- 


De  rerum 
tnvêntori- 
bus.  L  6.  c. 


4cr8         H  I  s  T  O  I  R  E  D  E  s  D  O  G  M  E  S 

yons  qu'il  n'attribue  cette  penfée  qu'aux  grofliers  cfprits  infirmes  Se  bas, 
c'eft-à-dire ,  aux  flupidcs.  Aufli  ceux  d'entre  les  Payens,qui  avoientun 
peu  de  bon  fens,  fe  moquoient  eux-mêmes  de  la  fottife  de  ces  ignorans. 
Nous  avons  entendu  Horace,  qui  difoit  des  ftatuës  de  Priape.  0/im 
trnncus  ermm.  fe  n  étais  ^u  un  tronc  de  figuier  ^  inutile  a  toutes  chofes.  Le^ 
Menuifier  a  été  long-tems  en  doute  ^  s'^  il  en  ferait  un/iege  ^  ou  un  Dieu  ,  mais  en- 
fin il  s'efl  d^erminé  a  me  faire  un  Dieu  ,  la  terreur  de  ceux  équivalent  les  jardins. 
ImfugnAtAfunt ,  dit  La6tance ,  a  prudentionbusfalfe.  ReUgtones.  Les  plus  xi- 
ges  le  font  moquez  de  la  Religion  des  fots.  Et  pour  le  prouver,  il  rap- 
porte les  paroles  de  Seneque,  qui  d'it,fmulacra  'Deorum  venerantur ,  illii 
fuppUcant ,  genu  fojito ,  illa  adorant ,  /'////  ajfident  fer  totum  diem ,  aut  afiant  il' 
lis ,  fl-iper/i  jaciunt ,  vi^imas  cddunt ,  &  cum  h<tc  tantopere  fufpiciant ,  fahrot , 
^ui  ilUfecere  contemnunt.  Ils  adorent  les  fimulacres,  comme  des  Dieux. 
Ils  s'agenouillent  devant  eux ,  ils  leur  facrifient  des  viâimes ,  &  ayant 
une  fi  haute  vénération  pour  les  fimulacres,  ils  méprifent  les  ouvriers, 
qui  les  ont  faits.  Le  Poète  Lucile  appelle  enfàns ,  ceux  qui s'imaginoien-t 
qu'il  y  avoit  de  la  vie ,  &  de  la  connoifiànce ,  dans  les  fimulacres.  Vtpuc 
ri  infantes  creâunt  Jigna  omnia  aliéna  vivere  &  ejfe  homines.  Enfin  s'il  y  a  eu 
dts  gens  affez  ftupides  entre  les  Payens ,  pour  croire  que  les  fimulacres 
étoient  de  vrais  Dieux ,  il  ne  faut  pas  en  faire  un  crime  à  la  Religion  : 
car  elle"n'enfeignoit  rien  de  pareil. .  II  y  a  bien  apparence,  qu'entre  les 
Chrétiens ,  qui  adorent  les  images ,  il  y  en  a  dWez  bêtes  pour  les  ado- 
rer ,  comme  s'il  y  avoit  en  eux  quelque  divinité.     Polydore  Virgile  en 

d'ignorans 


qui 

images  qui 


Ludoviais 
Vi^'ez  in 
lib.  8.  cap. 
ï7.  de  Civit. 


Conful- 
tatio  de 
ùnaginibus. 


demeure  d'accord,  llja,  dit^il,  beaucoup  de  fiuptdes 
adorent  tes  flatu'és  de  bois ,  de  pierre,  de  r^ arbre ^  d'' airain^  &  les 
font  peintes  fur  les  murailles ,  comme  fi  elles  avaient  quelque  fentiment^  &  non 
comme  des  images ,  &  qui  s'^y  fient  davantage^  qua  fefus-(Jhri(l ,  ou  aux  autres 
Saints  aufquels  elles  jont  dédiées.  Ludovicus  Vivez  difoit  aufii ,  touchant  le 
culte  des  SaiîitSj  que  plufems  Chrétiens  pèchent  ^  en  faifant  mal  une  banne  cho- 
i>éi  Augufl.  fe  ,  parce  qu'ails  ne  mettent  pas  de  la  différence ,  entre  l'honneur  qu'ils  rendent  k. 
DieUf  &  celui  qu'ails  rendent  aux  Saints.  Je  ne  vais  pas ^  dit- il,  quelle  diffé- 
rence d j  a ,  entre  le  fentiment ,  que  les  Payens  avaient  de  leurs  Dieux ,  &  ce- 
lui qu^on  a  des  Smnts.  L'on  peut  voir  des  chofes  toutes  {èmblables  dans 
Cafiander.  A  eau  fe  de  cela  cette  Eglife,  qui  fait  fervir  les  images ,  trou- 
veroit-elle  bon,  qu'on  l'accuiat  de  faire  adorer  ces  images,,  comme  des 
Dieux ,  ou  comme  des  Saints  ?  • 

Abrégé  (fes  Aprés  ce  quc  nous  venons  de  voir ,  il  eft  difficile  de  n'être  pas  perfiia- 
démonu^K  ^^ '  ^^^^  ^'^^  ""^  témérité  àRellarmin  ,  de  démentir  d'un  ton  fi  ferme,, 
que  ks  Fa-  Calvin ,  dftHs  une  chofe,  dont  là  vérité  efl:  fi  évidente.  Les  preuves  de 
pas^^egardé  ^alvin  demeurent  en  leur  entier.  Ces  preuves  font  premièrement ,  que. 
les  Payens  fouvent  détruifoient  eûx-mêmesleursfimulacres, ôclesfaiibicnt 
fondre  pour  en  faire  d'autres.  Et  l'on  pourroit  rapporter  de  cela  cent 
exemples-.  Or  il  feroit  abfurde  de  s'imaginer ,  que  les  Payens  auroient 
été  afiez  impies,  contre  leur  propre  Religion,  pour  détruire  leurs  pro- 
pres Dieux.  Sa  féconde  preuve,  c'eft  qu'un  feul^ieu,  avoit  un  nom- 
bre infini  de  fimulacres.  Et  qu'il  ne  faut  point  fans  necefi!ïté  at- 
tribuer aux  honMues  des  erreurs  folles.    Or  ce  feroit  une  erreur  folle, 


leuïs  fimu- 
lacres ,  com- 
me   des 
DieuE. 

Tiâ.  Plin.  1. 
î4-  c.  7x  ôc 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  P^r/.  III.  499 

de  croire  que  touS  les  fimulacres  de  Jupiter,  auroient  été  autant  de  Dieux,  Paufan.  in 
&  autant  de  Jupirers.     La  troifiéme  raifon  de  Calvin,    c'eft  que  les  Pa-  ■'^tticis  pho- 
yens  faifoient  tous  les  jours,  de  nouveaux  fimulacres.  Or  ils  ne croyoient  cls' &^'par- 
pas  pouvoir  faire  tous  les  jours,  de  nouveaux  Dieux.     Enfin  fa  quatrié- fî»»- 
me  raifon,  eft  prife  de  l'autorité  de  S.  Auguftin,    qui  dit  fur  le^Pf  115. 
que  le  Payen  difoit ,  fe  non  vifibtls  illud  colère ,  feà.  numcn  (^uod  ibi  invifibt-  Conci  onc 
liter  habit  abat.     C'étoit  la  réponfe  des  moins  habiles,    qu'ils   n'adoroient  ^" 
pas  la  matière  vifible,   mais  la  divinité  invifible,  qui  habitoit  là.    Mais 
S.  Auguftin  ajoute  dans  le  paflage,  que  nous  avons  cité  du  même  lieu, 
que  ceux  qui  fe  piquoient  d'une  dévotion  plus  épurée,  diibient qu'ils n'a- 
doroient,  ni  le  fimulacre,  ni  le  Démon,  mais  qu'ils  fe  fervoient  de  ces 
objets  vifibles,  pour  s'élever  à  la  divinité  invifible. 

Bellarmin  nous  apporte  quatre,  caufes ,  pour  lefquelles  il  veut ,  que  \ts  Fauflèté  des 
Payens  ayent  regardé  leurs  fimulacres,  comme  de  vrais  Dieux.   La  pi"e-q^iî°n\ 
miere,  c'ell  que  leurs  Prêtres,  ôc  leurs  Pontifes,  leleurdifoient.  Cela  ell:  porte  au 
faux,  &  l'on  ne  trouvera  aucun  lieu,  qui  prouve  que  \ts  Prêtres  enfei-  *=*'"""'*• 
gnafl^ent  à  leurs  Peuples,  que  les  fimulacres  étoient  de  vrais  Dieux,  au- 
trement ils  n'auroient  pas  ofé  enfeigner  tout  le  contraire,  comnie  ils  ont 
fait.     Et  les  Sages  Payens ,  ne  fe  font  jamais  plaints  de  cela.     Ils  ont  at- 
tribué cette  grolfiere  penfée ,  à  leur  petit  peuple ,  &  non  pas  à  leurs  Prê- 
tres.   La  féconde  caufe  ,  félon  Bellarmin,  c'eft  qu'ils  voyoient  que  tout 
le  monde  croyoit  cela,  que  les  fimulacres  étoient  animez,  &  que  c'é- 
•toiént  de  véritables  Dieux.  Toijtes  les  obfervations ,  que  nous  avons  fai- 
tes ,  oc  les  pafl^ages  que  nous  avons  rapportez ,  prouvent  bien  le  contrai- 
re.    La  troifiéme  caufe,  c'eft  que  ces  fimulacres  parloient,   par  le  mo- 
yen du  Démon,  ce  qui  leur  perfuadoit  que  c'étoient  de  vrais  Dreux.    Il 
prouve  que  les  fimulacres  parloient ,  par  l'exemple  des  Tîjieraphims ,  qui 
ont  parlé.     Les  Therafkims  ont  parlé  menfinge.  Mais  nous  avons  fait  voir,  zachar.  lo. 
que-cette  fuppofition  eft  fauiTe ,  qu'il  n'y  a  jam.ais  eu  de  fimulacres ,   qui  ^-  ^• 
ayent  parlé ,  pour  rendre  des  oracles ,  &  que  la  ftatuë  de  Memnon ,  qui  par- 
loit  quand  elle  rece  voit  les  rayons  du  Soleil,  la  Fortume  féminine,    &  la 
Junon  des  Veïentes  ,  qui  ont  parlé ,   ne  font  que  des  fables ,  aufquelles 
\ts  Payens  eux-mêmes  n'ont  ajouté  aucune  foi.      4.  Enfin  la  quatrième 
raifon  ,  eft  celle  de  S.  Auguftin,   que  les  idolâtres  voyant  leurs  fimula- 
cres avoir  des  membres,  &  àts  organes,   fèmblables  aux  corps  animez, 
les  croyoient  animez  auiîi.  Nous  avons  expliqués.  Auguftin,  ocfait  voir 
qu'il  n'attribue  ce  fentiment,  qu'aux  ftupides,  &  aux  efprits  bas. 

Les  raifons,  que  ces  Meilleurs  apportent,  pour,  prou  ver  que  les  Pa- RcfiKatms 
yens  ont  regardé  les  fimulacres,  comme  de  vrais  Dieux  ,   n'ont  aucun '^^ '^^'^°ns> 
poids.    Premièrement  ils  difent,  que  les  Payens  eux-mêmes  appelloient  DoSurs^ 
leurs  fimulacres,  Dieux.     J'avoue  que  les  Payens,   6c  même  les  Savans^'P^^" 
d'entr'eux ,  appelloient  leurs  fimulacres ,  Dieux.  Ciceron  contre  Verres,  que  les 
introduit  les  Siciliens,  qui  difoient  qu'ils  n'avoient  plus  de  Dieux,    par-  ^^J^^^^.  ""J^ 
ce  que  Verres  les  avoir  emportez,  c'eft-à-dire,   qu'il  avoir  enlevé  leurs fmiukcres, 
fimulacres i  fefejam-,  nec  Deos  in  fms  urhibMs  ^  sd  cjuos  confugerint ,  habere ^^°'''^'^^.^^_ 
c^md  eorumfimulacra  fanW.{[ma  Ferres^    ex  delubris  religiojijjtmis ,  frfiulijfet.cïctio'm 
f. Les  Ambraciens  font  la  même  plainte  ,   devant  le  Sénat ,    contre  ¥.A-  ^^"^^iV 
yius  Nobilior.     Templa  toM  firbefpôlJata.  omamemiî,     Bimnldcra  Deâm  ^\^\,^ ^z/ 

Rrr  a  '  J^m 


500  HISTOIREDESDOGMES 

■  Deosdewftm  ipfos  cmvulfosexfedibHsfttis ,  abhtosfmjje^  parietes pofie/^ue  nuda" 
tos  ,  (jKos  adorent ,  adejHos  precentHr  ^  &fHpplicent ,  Ambrachienjtbus  nonfùperejfe. 
Ils  n'ont  plus  de  Dieux ,  ils  ne  favent  à  qui  s'adrelîer  ,  ni  à  qui  le  tour- 
ner, pour  prier  &:  pour  adorer.  Quand  Fabius  Maximus  prit  Tarente ,  il  ne 
voulut  pas  qu'on  enlevât  les  ftatuës,  des  Temples  de  leurs  Dieux.  Et  il 
Tit.LiT.lib.  répondit  à  celui  qui  lui  demandoit,  ce  qu'on  en  feroit,  Deos  trntosTaren^ 
*7*  tims  relinejuatnus.  Laiflbns  aux  Tarentins,  des  Dieux,  qui  leur  font  fi  peu 

favorables.  Mais  qui  ne  voit  le  fens  de  ces  expreffions  ?  Cette  figure  n'eft- 
elle  pas  en  ufage  encore  aujourd'hui  j  on  dit  qu'on  place  un  Saint  en  un  tel 
lieu,  pour  dire  qu'on  y  place  fon  image.  On  a  enlevé  un  tel  Saint,  on^  por- 
te en  pompe  ,  &  en  proceffiou  un  tel  Saint  ,  l'Eglife  efl:  environnée  de 
Saints.  Cela  ne  fe  dit- il  pas  ,  &  n?cntend-t-on  pas  bien  ce  que  cela  veut 
dire  ? 

Ils  ajoutent  que  l'Ecrittire,  6c  les  Pères,  difputent  contre  les  Payens  ^ 
6c  les  reprenent ,  comme  ruppofant  qu'ils  eftiraoicnt  ,  que  les  fimulacrcs 
étoient  cie  vrais  Dieux.  C'ell  pourquoi  ils  leur  reprochoient  leur  ftupidi- 
té ,  de  regarder  comme  dts  Dieux ,  des  pierres  brutes ,  des  ftatuës  mor- 
tes,  6c  des  corps  lans  ame  , 

7ei(rus  O  cftrva  in  terras  mim& ,  c^  cœlejlmm  inanes  l 

Sityia  t 

Ladtinftitiit  ^^"-'^  ^^^  Laélance.  Je  répons  que  l'Ecriture  ,  Se  les  Pères  ,  contré  lesp 
Lib.2.  c.  I.  Payens,  ont  parlé  par  raport,  non  pas  à  leurs  penfées  ,  mais  à  leurs  ac- 
tions. Ils  ne  croyoient  pas  que  les  fimulacres  fufîènt  dts  Dieux ,  mais  ils 
les  adoroient,  6c  en  cela  ils  en  faifoienc  de  vrais  Dieux:  Car  il  n'y  a  que 
Dieu,  que  l'on  doive  adorer.  C'eft  le  culte  qui  fait  i'îdole,  6c  qui  de  l'i- 
dole fait  un  Dieu,  fel-on  le  mot  fi- connu  de  Martial}  Ce  n'eft  pas  celui: 
qui  fait  le  fimuîacre ,  qui  fait  le  Dieu }  c'eft  celui  qui  Tadore  ;  qui  cotitillefacit. 
*  C'eft  pourquoi  les  Payens,  en  adorant  leurs  fimulacres  ,  en  faifoient  des 

sr.ir4.  Dieux.  Les  Prophètes,  6c  les  Pères,  dit -on,  réprcfentent  aux  idola- 
^^  "■  '**"  très ,  que  leurs  idoles  n'ont  point  d'yeux  ,  ne  voyent  rien  ,  ne  fentent 
rien}  à  quoi  bon  cela,  s'ils  ont  crû,  que  ce  n'étoicnt  que  de  firpples  ré* 
préfèntations,  6c  non,  d^s  Dieux  ?  Les  plus  brutaux  favent  bien,,  que  les- 
idoles  n'ont  pas  de  fentimcnt.  Jeremie  rapporte  expi-effément  des  idola- 
I«rein.a.i7.  tres,  qu'ils  dilent  apt-  bois,  tu  es  mon  Père ^  &  à  U pierre,  tn  rn^as  engendrée 
Ils. croyoient  donc  que  cette  pierre,  6c  ce  bois  ,  étoient  de  vrais  Dieux. 
St.  Paul  travaille  à  perfuader  aux  Payens  ,  que  ceux-là  ne  font  point  Dieux  ^ 
qui  font  f au  s  de  main.  Ils  eroyoiertt  donc ,  que  leurs  fimulacres  étoient 
Dieux. 

A  cela  je  dis  premièrement,  que  cela  s'adreflbic  au  vulgaire  ,  6c  aux 
ôupides  d'entre  les  Payens,  qui  n'étoient  peut-être  pas  en  petit  nombre. 
Nous  avons  dit  qu'il  n'eft  pas  impofiible,  que  ce  vulgaire  ftupide  6c  igno- 
rant, conçûr  de  la  divinité  dans  ces  fimulacres.  z.  Cela  derruifoit  auffi 
le  fentiment,  de  ceux  d'entre  les  Payens,  qui  s'imaginoicnr,  que  les  Dieux 
étoient  venus  habiter  dans  ces  fimulacres.  Car  ces  gens  difoient  aux  idoles, 
tu  es  mon  Père ,  &  tu  m'as  engendré  ^  prétendant  parler ,  non  au  bois,  6c  à  la 
/  pierre,  mais  aux  Dieux  renfe.raez  dans  ce  bois,  6c  cette  pierre,  ielon  leuf 

imiiioent.  3..  j 'ajoute  que  ces  graves  reprehenfions ,  av-oient  aulli  pour  but  de 

GOU.- 


TE  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  PartAll.  i^oi 

couvrir  de  confufion  ceux  qui  fe  garentiflbient  des  erreurs  du  vulgaire ,  qui 
étoknt purioris  %eligionis,  comme  parle  St.  Auguftin,&;  qui  croyoient  que  ces 
(imulacres  n'étoient  que  de  purs  mémoriaux  :  Car  c'ccoit  un  profond  aveu- 
glcmcnnm  eux,  de  confeflêr  que  les  (imulacres,  n'étoient  pas  des  Dieux, 
&  d'en  faire  cependant  des  Dieux,  par  Tadoration^    On  leur  peut  appli- 
quer ces  belles  paroles  de  La6lance.  Nec  intelligtint  homines  ineptijfimi,  auod,  Laâ^intius 
fi  fentire  Jïmtilacra  ,   &  movere  pojfent  ,    ultro  adoratara  homines  fmfent  ,    A  figionei^'^' 
qaibtis  furit  expolita:  qti*.  ejfent  am  incultHS  ^    aut  horridtts  lapis  ,,   aut  materia  *•  <^'*« 
informis  &  rud/s  ,    mfifmjjent  aê  homine  formata  f    Homo  igitttr  illorum  Quafi 
parens  putandtts  efi  ,  per  chjhs  mantis  nata  fitm  ,  per  qmm  fpectem  ,  figuram , 
pukhritudinem  ,  hahcre  cœpemnt  ,    &  ideo  melior  qui  fecit ,    quàm  cjha  fa^a 
funt.   Fous  &  brutaux  ,  quineconfiderezpas,  que  dans  vos  propres  princi- 
pes ,  fl  les  (imulacres  avoient  du  fcntiment,  ôc  de  la  vie ,  ils  n'attendroient 
pas  de  l'adoration  àes  hommes ,   mais  ils  leur  en  rendroient ,  puifque  ce 
font  les  hommes,  qui  les  ont  tirez  de  leur  néant ,  &  qui  de  matières  bru- 
tes en  ont  fait  des  figures ,  belles  &  polies.     4.  Enfin  il  faut  remarquer  , 
que  les  Pères  ont  fait  tout  ce  qu'ils  ont  pu,  pour  rendre  ridicule  6c  odieux, 
ce  culte  des  fimulacres.    Et  pour  cela,  ils  ont  fouvent  difputé  contre  les 
(imulacres ,  plutôt  félon  les  principes  des  Chrétiens ,  que  félon  ceux  des 
Payens  mêmes.     Quelquefois  auffi  ils  ont  outré  les  chofes  :  Par  exemple 
quand  Tertulliendifoit.  Quantptmatitem  de  fimnlacris^^c.  Tour  moi ^  quand  je  Apolog;  ai- 
confidere  vos  fimulacres ,  je  n*y  vois  rien ,  que  des  matieres^^   qnon  peut  appeller  ^*'*'"° 
les  foeurs  de  nos  chaudrons-^  &  de  nos  vaijfeaux.   Celaeft  bon  danS'les  princi- 
pes des  Chrétiens-,  qui  ne  conçoivent  dans  les  fimulacres,  rien  autre  cho- 
fe  que  la  matière.     Mais  cela  ne  vaut  rien  dans  les  principes  des  Payens , 
qui  concevoient  une  divinité  afîiftante  ,  dans  les  fimulacres ,   ou  proche 
d'eux.  Le  même  Auteur  dit ,  dans  le  même  Livre.  Deos  (^entiltum  pîura  pa^ 
îi-  ,    dum  fiutit  ab  Artificibus  ,   quàm  patiuntnr  Chrifiiani  ,    dum  occidiintur  , 
quod  eos  nolint  adorare.   Que  les  Dieux  des  Payens  fouf&ent  plus ,  pendant 
que  les  ouvriers ,  &  les  Sculpteurs  les  font  ,  que  ne  foufFrent  les  Chré- 
tiens ,   quand  on  les  tue  ,  parce  qu'ils  ne  veulent  pas  adorer  ces  Dieux. 
On  voit  bien  que  cela  eft  outré.  Qir  même  dans  les  principes  des  Payens, 
ces  lèatuës  ne  font  pas  encore  des  Dieux  ,  pendant  qu'elles'  font  dans  les 
mains  de  l'ouvrier.  Ainfi  les  Dieux  nefouffrentrien,  fous  le  cifeau,  fous 
la  Jime  ,&  fous  le  marteau.    Pareillement  quand  les  Percs  ont  fuppofé  ,^ 
dans  leurs  difputes  ,   que  \ts  fimulacres  étoicnt  de  vrai»  Dieux  ,   dans  le 
fentiment  des  Payens ,   c'étoit  afin  de  les  tourner  en  ridicules  plus  fa- 
cilement. 

Mais  après  tout,  ils  n'ont  pas  laiiTé  de  reconnoître  ,  quels  étoient  les" 
veiitables  fentimens  des  Payens ,  touchant  leurs  fimulacres ,  comme  je l'atî 
foitvoir  partant  depaffages,  de  St.  Auguftin,  de  La6î:ance,  d'Arnobejs 
âc  d'Origene,  aufx^uels  j'enpourrois  ajouter  pluneurs  autres. 


>-rr  3,  TR  A  % 


502 


HISTOIRE  DESDOGMES 


T     R      AI     T      E 


'daines  excu- 
fes  des  Juifs 
poui  dimi- 
iluer  le  cri- 
me de  leurs 
peies. 


Talmudici 
ia  Tiaftatu 
de  Sabbatho 
cap.  9. 


Tanchuma. 


D     U 

VEAU   D  Ô  R 

^c  les  Ifraëlïtes firent  &*  adorèrent  dans 

le  Défert. 

i 

PRES  r  Idole  des  Theraphims  ,  nous  rencontrons 
dans  l'Hiftoire  de  l'Ancienne  Eglife  ,  le  Veau  d'or, 
que  les  Ifraëlites  fondirent ,  ôc  adorèrent  dans  le 
défert,  en  fortant  d'Egypte,  au  pied  de  la  monta- 
gne d'Horcb ,  fur  laquellcj  peu  de  jours  auparavant, 
ils  avoient  entendu  la  voix  terrible  de  Dieu ,  qui  leur 
défendoit  de  faire  des  images  taillées  ,  pour  les 
adorer. 

Ce  péché  étoit  horrible ,  flir  tout  à  caufe  des  cir- 
conflances ,  &  découvre  bien  le  fond  de  la  brutalité  de  ce  peuple.  Les 
Juifs  en  demeurent  d'accord,  &  cela  paroît  aflez  par  ce  Proverbe,  qûieft 
demeuré  dans  la  Nation  ,  (^ue  toutes  les  calamitez^  ,  (^ui  leur  arrivent ,.  font 
des  morceAux  du  Veau  d'^or.  Cependant  ils  font  fout  ce  qu'ils  peuvent , 
pour  diminuer  le  crime  de  leurs  Ancêtres,  en  les  excuiânt. 

1.  Premièrement,  ils  difcnt  que  Moïfe  tarda,  &  demeura  dans  la  mon- 
tagne ,  fix  heures' plus  qu'il  n'avoit  prédit.  Durant  cet  efpi;ce  ,  Satan 
s'approcha  des  Principaux  del'Afremblée,  Se  leur  dit,oii  eft  Moïfe,  vô- 
tre Doâeur  ?  Ils  répondirent,  il  eft  monté  en  haut.  Mais  il  a  pafle  de 
fix  heures,  le  tems  qu'il  avoit  marqué  pour  fon  retour.  Sur  quoi  le  Dia- 
ble leur  dit,  Moïfe  eft  mort.  Ils  ne  firent  pas  d'attention  à  ces  paroles; 
alors  le  Diable  leur  fit  ^paroître  un  cercueil.  Ils  fuccomberent  à  cette 
tentation,  &  dirent  à  h.2ccovi^quMt  à  cet  homme  tSHoife^nous  ne  [avons  ceqni 
lui  €Ïi  arrivé ^  fais  nous  des  Dieux  ÔCC. 

2.  Ils  difent  que  ce  ne  furent  pas  les  Ifi-aëlites,  qui  firent  cette  deman- 
de à  Aaron,  mais  que  ce  furent  des  Egyptiens,  qui  étoient montez,  avec 
les  Ifraëlites,  ayant  à  leur  tête  deux  célèbres  Magiciens ,  Jannes  &  Jam- 
brcs.  • 

3.  Pour 


ET  DES  CULTES  DE  VECLISE,  Tart.lU.  503 

j.  Pour  excufer  Aaron,  ils  difent  qu*il  n'ofa  refilter  au  peuple  ,  parce  î^a"»  niiau» 
qu'il  avoit  maflacré  en  fa  préfence  Hur  ,  qui  vouloir  refilter  à  leur  vo-  LlpS 

Ion  té.  Chaldée», 

4.  Ils  difent  encore,  qu' Aaron  ne  fit  pas  le  Veau  d'or,  mais  que  quand  Tanchuma- 
Tor  fut  jette  dans  le  feu,  Satan  y  entra,  &  donna  à  l'or  la  forme  du  veau,  J'^''jf' ""  '** 
ôcque  les  Magiciens  le  façonnèrent.  C'eft  ce  qu'ils  ont  imaginé  de  plus""  '"' 
fpecieux,  pour   excufer   leurs  pères.     Mais  cela  ne  l'efl  point  du  tout , 
non  pas  même  félon  leur  goût ,   ce  qui  paroît  par  ce  Proverbe  que  nous 
avons  rapporté,  t^f^e  toute  calamité,  qui^arnve  à  Jfra'él,  efiune  once  dn  F  eau 


CHAPITRE     I. 

.Première     Q^u  e  s  t  i  0  n. 
^elle  étoit  h  figmre  de  cette  Idole. 

• 

CE  qui  fait  douter  de  la  figure  de  cette  Idole,  c'eft  qu'on  lui  don- 
ne divers  nomsi^le  plus  ordinaire  ,  c'eft  celui  de  h:^V-i'veaH.     Mai* 
il  eft  quelquefois  appelle  bœuf,  y^.    Et  les  Pères  l'ont  fouvent  ap- 
pelle capm  bubulum^  tête  de  bœuf.  Ainfi  l'ont  appelle  Laâ:ance,   St.  Je-  Laftanceiî, 
rôme,Tertullien,  St.  Cyprien,  St.  Ambroife,  Optât  de  Miléve,  &  St.  J^S't.^'"' . 
Auguftin.  On  ne  fait  donc  fi  l'Idole  avoit  la  figure  d'un  veau,   ou  jeune  Hieronymus 
taureau  ,     ou  celle  d'un   bœuf ,   ou  feulement  celle  d'une  tête  de  tau-  [^p^^\ 
reau.  Le  Pfeaume  106.  dit.  Ils  ont  fait  un  Veau  en  Horeb.  Ils  ont  adoré  une  Tcrtuii.ad- 
image  de  fonte  ^  &  ont  changé  celui  qui  f ai  fait  leur  gloire  ^  enlaformed''unbœuf'àxoTc3^'T. 
qui  broute  Pherbe.  Cyprian.de 

Il  s'en  faut  tenir  au  terme  de  bœuf ,  il  eft  plus  vrai -femblable  que  c'é-  AmE^de 
toit  la  figure  d'un  bœuf,  ayant  toute  fa  grandeur,  plutôt  que  celle  d'un  pœnitentia, 
veau.  Le  prodigieux  poids  que  les  Juifs  donnent  à  cette  Idole ,  de  deux  cpiîib.î" 
cens  quintaux,  mettroit  là  chofe  hors  de  doute  ,  fi  elle  étoit  véritable,  p"!"^^"*^" 
mais  je  la  croi  faiifle.  ûm  aiibi,  ' 

Il  eft  certain  que  ^ette  idoktrie  venoit  àes  Egyptiens.  Or  en  Egypte 
on  adoroit  plufieurs  bœufs ,  comme  nous  le  verrons  dans  la  fuite.  Ce  n'é- 
toient.  pas  feulement  des  veaux.  Au  refte  le  mot  de  S^iy ,  entre  les  Hé- 
breux, qui  fignifie  un  veau,  peut  très  bien  fignifier  un  bœuf,  comme 
le  mot  de  Fitula,  qui  fignifie  proprement  une  jeune  bête,  qui  n'a  point 
encore  porté ,  fe  prend  auffi  pour  une  vache  qui  alaitte. 

Bis  venit  ad  mulBram  •)  bis  alit  ubere  fœtus  Edlg  3 

Vttula. 
Quand  les  Pères  l'ont  appelle  caput  bovis ,  ou  capu  bubulum  ,   ce  n'eft  pas 
qu'ils vouluiïent  fignifier  ,   que  la  figure  n' avoit" que  la   tête  du  bœuf. 
Mais  c'eft  au  fens  que  Virgile  difoit,. 


504.  HISTOIRE   DES  DOGMES 

Bina  boum  capita  vobis  Trojâ  gêner atns  Acejles , 
Dat  munera.  .  .  . 

BinA  boum  capita,  pour  bîftos  boves.  Il  faut  bien  qiiie  les  Juifs  ayent  con- 
çu cette  figure  comme  celle  d'un  bœuf,  6c  même  d'un  bœuf  d'une  pro- 
digieufe  groflcur,  puifqu'ils  le  font  pefer  i2.f.  quintaux,  qui  font  plus  de 
5rO.  mille  hvres. 

C'étoit  donc  un  bœuf  >  mais  non  pas  un  bœuf  animé,  mugiflant.  Se 

ayant  apparence  de  vie,  parla  vertu  magique  qui  lui  avoit  donné  l'être. 

Rabbk  Elie-  Lc  Rabbi  Eliczcr  dit,  qne  le  Démon  Samael  entra  dans  le  Veati  ^  ^  cju^ilU 

Siscip^'ls'.  fi^  ^^l^^  ^^^  /^rMwf  <s/« /^^  ,  poftr  fedfiire   Jfrael.     L'impofteur  Mahomet , 

dans  fon  Alcoran,  adopte  cette  fable ,  &  ajoute  qu'Aaron  Auteur  de  ce 

Veau  étoit  Alchamer  ^  c'eft-à-dire  Samaritain.     Et  fa    raifon  ,   eft  que 

les  Samaritains  fe  firent  des  Veaux ,  pour  les  adorer ,  dans  le  Schifme  de 

-    Jéroboam.     Ce   qu'ils  firent  à  l'imitation  d'Aaron  ,   qui  étoit  de  leur 

race. 

Les  Juifs  débitent  beaucoup  de  fables  fur  ce  Veau  d'or ,  dont  nous  ne 

dirons  rien ,  parce  que  la  plupart  font  impertinentes ,  ■&  qu'elles  ne  font 

îSxod.3.T.4.  p^5  demeurées  dans  les  bornes  delà  vrai-femblance.  Par  exemple,  ce  qu'ils 

sic  Rabbi    difênt  du  poids  de  for  ,    qui  entroit  dans  ce  Veau.     Il  pefoit ,  difent- 

Tanchum»;  ils,  dcux  ccns  quiutaux  d'or ,  c'eft-à-dire,  z.2f.  talens,  ce  qui  feroit  bien 

ï&at  '  vingt  mille  livres  d'or  ;  &  le  fondement  de  cela  ,  c'eft  que  le  mot  de 

Hatthuiim.  nsDD,  qui  cft  employé  pour  fignificr  ce  Veau  de  fonte   ,    félon  le  mode 

cabalillique ,  qu'ils  appellent  gematria ,  contient  le  nombre  de  deux  cens 

vint-cinq. 


I 


CHAPITRE     IL 

Deuxième     Q^uestion. 

2)V/^  cette  idolâtrie  a  tiré  fon  origine. 

L  eft  très  confiant ,  que  les  Ifraelites  ne  tirèrent  point  cette  idolâtrie 
de  leur  propre  fonds  ,   ils  furent  imitateurs.     Nos  Savans  ont  'fiiit  de 
grands  traitez  ,   fort  pleins  d'érudition,  fur  ce  &jet  ,  pourfavoir  d'où 
les  Ifraelites  avoient  puifé  cette  abominable  Religion.     Pour  faire  feule- 
ment l'Hiftoire  des  divers  fentimens  de  nos  Auteurs ,  il  faudroit  un  affez gros 
ouvrage.  C'eft  pourquoi  laifTant  à  part  ces  différentes  conjeâures  ,  nous 
nous  arrêterons  à  ce  qui  nous  paroît  le  plus  vrai-femblable. 
iToTchoi-      Qy^^9,"es-uns  ont  dit ,  qu'Aaron  avoit  choifi  la  figure  de  bœuf ,  pour 
fit\r4u°e'  lïïoins  s'éloigner  àz%  inclinations  de  Dieu:  parce  que  Dieu  femble  aimer 
d'wi  bœuf.  \zs  bœufs ,  à  caufe  qu'il  les  reçoit  dans  les  Sacrifices  ,  qu'on  mettoit  fur 
^&%  Autels.    D'autres  au  contraire  difent ,  qu'Aaron  choifit  cette  figure, 

comme 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLlSE.F^r/.ÎI[.  505 

comme  la  plus  ridicule  ,    ôc  la  moins  propre  à  répréfenter  Dieu  ,   afin 
d'éloigner   les    Ifraëlites  du    deflein   de  devenir  idolâtres.     Monc«:us  ^raftaw  it 
précend  qu'Aaron  prit  cette  figure  de  veau  ,  parce  que  c'étoit  celle ,  rco" 
fous  laquelle  Dieu  étoit  apparu  aux  anciens  du  peuple,  parce  qu'ils  le  vi-  ^*'^^*^"' 
rent  aiîîs  fur  un  Chérubin,  qui  avoit  la  figure  de  bœuf.     Mais  il  n'y  a  Moncxiis 
rien  de  cela  dans  THiftoire.     C'eft  une  pure  vifion  de  Monca^us,  qu'il  "jê^-  '''=^'" 
a  voulu  fonder  fur  ce  qui  fe  lit  dans  le  v.  10.  du  chap.  24.  de  l'Exo- 
de,   ^uis  tJ^oifè  ,    Aaron  ,   T^adah,  &  foixante  &  dix  des  anciens  d'Ijraël^ 
montèrent  &  vtrem  le  1)ieH  d'Ifrael^  &  deJJoHs  fes  pieds  y  il  y  avoit  comme 
un  ottvrage  de  carrenHX  de   faphir  ,    &  comme  jont  proprement  les  deux  en 
îems ferem.     Il  n'y  a  là-dedans,  ni  Chérubin,  ni  figure  de  Chérubin,  ni 
figure  de  bœuf,  ou  de  Veau. 

La  plus  vrai-femblable  des  opinions  ,  &  la  plus  généralement  reçue ,  9«!a  étoît 
c'eft  que  cette  Religion  des  Ifraëlites  ,    leur  venoit  d'Egypte  ,  oii  ilf  Sgion  * 
avoient  fait  un  fi  long  féjour,  &  dont  ils  avoient  fans  doute  imité  ,   ôc  ^^^Hvi- 
adopté  les  abominations.    Il  eft  vrai  que  THiftoire  de  leur  captivité ,  tel- 
le que  nous  lH^onnée  Moïfe  ,  dans  les  premiers  chapitres  de  l'Exode, 
n'en  dit  rien.  ^«jMâis  les  autres  Ecrivains  facrez   nous  l'apprennent  fi 
précifèment ,  qifil  eft  impofiible  d'en  douter.     Jofué  difoit  à  ce  peupîe: 
êtet.  du  milieu  de  vous  ces  Dieux ^  aufe^uels  nos  pères  vnt  fervi  en  (J^efopo-  jofué.  i^ 
tamie ,  &  en  Egypte.     Et   le   Prophète   Ezechiel   reproche   aux  deux  "-  ^^• 
maifons  de  Juda  &  d'Ifraël  ,   qu'elles  avoient  paillarde  en  Egypte  ,   dans  Ezechiel 
leur  jeunejfe  ,    &  cjh  elles   n'avaient  pas  renoncé  à  ces  paillardifes  ,   qu^elles  j/è^fûi^^ 
^voient  apporté  d'Egypte.  Saint  Etienne ,  dunslefeptiémechap.  àts  Aébes,  ifem  chap. 
dit  aux  Juifs,  que   leurs  pères  avoient   détourné  leurs  cœurs  ,  vers  l'Egypte  ^  ***  *' 
■é"  avaient  fait  un  Veau.     Ce  qui  fignifie  aflez  clairement  qu'ils  avoient 
fait  le  Veau  ,  en  imitant  les  Egyptiens.     C'eft   ce  qu' avoit  fort  bien 
apperçû  Eufebe  qui  dit  :  Que  e^Kaife  fut  le  premier  Chef  du  peuple  des  Demonfirat. 
^uifs  f '&  que   les   ayant  trouvez^  plongez^  dans  les  fuperjiitions  Egyptiennes  ^^^^-i'^^f- 
^  engagez,    dans  le  cuite    de  plujieurs  Dieux  ,  fut    le  premier    qui   retira 
les  adorateurs  des  fîmulacres  ^   de   ce  faux^  culte  ^  par  des  fuppUces  &  des 
peines  très  feveres.     Laélance   reconnoît  aufii  la  même  choie  ,   en  par-  ^"^'^^  ^'  ^ 
iant  des  Ifraëlites.     Ils  fe  détournèrent  ,   dit-il ,   après  les  profanes  ceremo-  '     '    ' 
mes  des  fuifs.     Et  parce  que  Moife  ,    leur  Chef ,   monta    en  la  montagne  , 
&  y  demeura  40.  jours  ,   ils  fe  firent  la  figure  ,    de   la   tête   de  ce  boeufs 
fu^on  appelloit  en  -Egjfpte  ey^pis  ,  pour  le  faire  marcher  devant  eux. 


fan.Wl/  Sff  CHA- 


5o6 


HISTOIRE  DES  DOGMES 


CHAPITRE     III. 


Ll 


Voyez  Plu- 


Mela ,  &c 
Diôdorus 
Siculus 
lib.  t.  Bi- 
bliothecx. 


Les  Egyptiens  aâoroient  pîufieurs  animaux. 

Es  Egyptiens,  tenus  pour  les  plus  fagcs  &  les  plus  habiles  des  peuples 
Payens ,  fembloienc  avoir  renoncé  aux  plus  (impies  lumières  du  lens 
commun,  dans  le  culte  religieux  qu'ils  rendoient  aux  bêtes.  Mais  il 
cft  apparent  que  ce  culte  brutal  étoit  un  voile ,  qui  cachoit  les  myfleres 
de  leur  Religion  ,  comme  leurs  Hiéroglyphiques  cachoient  les  myfteres  de 
Igur  Théologie,  &  de  leur  Morale.  On  en  pourra  voir  des  preuves  dans 
la  fuite. 

Préfentement  il  faut  remarquer,  qu'ils  adoroient  les  brebis,  les  chats,  les 
&  d'onSI*  chiensjles  ibis ,  efpece  de  cicogne,  les  finges,les  oifeaux  de  pï||^e ,  les  loups, 
pomponius  &  tout  Ics  taurcaux  &  les  bœufs.  Et  ce  que  les  anciens  Autaiirs  nous  difcnt 
là-  deflus ,  ell:  prefque  incroyable ,  fur  tout  ce  que  nous  ràpfîorte  Diodore  de 
Sicile.  Il  nous  dit ,  par  exemple ,  qu'un  Soldat  Romain  penfa  être  déchi- 
ré par  le  peuple,  pour  avoir  tué  un  chat  par  mégarde,  &  que  quand  un 
chien  venoit  à  mourir  dans  la  maifon ,  il  y  avoit  un  grand  deuil.  Dans  les 
famines,  qui  \ts  portoient  quelquefois  à  manger  de  la  chair  humaine,  ils 
s'abllenoient  fcrupuleufement  de  manger  la  chair  de  leurs  animaux  fi- 
erez. 

Cambylès  Roi  dePerfe,  fàifant  la  guerre  aux  Egyptiens ,  Scafliegeant 
Pelufe ,  les  Egyptiens  incommodant  fort  les  Soldats  Perfes  par  leurs  flè- 
ches ,  ce  Roi  s'avifa  d'aflembler  des  troupeaux  de  chiens ,  de  brebis,  d'ibis,, 
dont  il  couvroit  fes  combattans  :  Ce  qui  lui  reuffit  fort  bien ,  car  les  Egyp- 
tiens n'oferent  plus  tirer  fur  les  Perfes. 

Bien  que  toute  la  nation  fût  plongée  dans  cette  étrange  fuperftition  y 
tion,  ou     (3u  culte  des  animaux,  cependant  chaque  ville  Ôc  canton  de  l'Egypte,  avoit 
rçgypte      une  particulière  dévotion  pour  certaine  bête,  à  laquelle  ils  bâtifîbient  des 
îa°°'b"'  Temples.     LavilledeLeontopolis  adoroit  le  lion,  la  ville  de  Mendes  le 
'  bouc,  auquel  ils  donnoient  le  nova  à' Apis ^  quoi  que  ce  nom  fûtconfacré 
à  un  bœuf,  qui  étoit  le  principal  objet  de  l'idolâtrie  de  rEg,ypte.    La. 
ville  de  Mire  adoroit  le  crocodile.     Et  c&s  animaux  étoient  nourris  dans 
les  Temples ,  ou  à  l'entoury  ils  leur  préparoient  des  lits ,  &  àcs  tables  déli- 
cates: Quand  ils  venoient  à  mgurir,  ils  menoient  un  grand  deuil  fur  eux  5,. 
ils  leur  faifoient  des  funérailles  fomptueufes,  ôcde  magnifiques  tombeaux. 
On  peut  voir  cela  dans  Diodore,  &  dans  Hérodote. 

Cette  fuperftition  étoit  déjà  établie  en  Egypte,  du  tems  de  Moïfe  & 
des  Patriarches ,  car  fur  la  propolîtion  que  leur  fit  Pharaon ,  de  permet- 
tre aux  ifraëlites  de  facrifier  dans  le  païs,  Moïfe  répondit ,  finonsfacrifiionS' 
devant  Us  Egyptiens  leurs  abominations ,  ne  nous  lapideroient^ilspas  ?  Dans  le  lly- 
le  des  Ecrivains  Sacrez  du  Vieux  Teftament, les  abominations  des  nations 
fignifient  leurs  Idoles.  Ainfi  Moïfe  veut  dire,  fï nons facrifiïons  en  Egypte 
Ui,  hœufs  &  les  hrebis  ,  ^mfont  l&s  Dieux  des  égyptiens  ^  ils  nous  majjkcrerotent. 

''  C'étoit 


Polyœnus 
litK  5.  de 
Stiagemat 

Chaque  na- 


Dio(î*ms 
BibliothecsB 
|ib.  I.  & 
lleiodotus 
in  lib.  2. 
quidicitui 
Snterpe. 
te  culte  des 
bêtes  étoit 
en  Egypte 
4a  tcms  de 
l^oiTe. 
ÏJCOd,  8.a«, 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  PartAll.  507 

C'étoit  la  raifon  de  ce  que  dit  Moïfe  :  <jue/es  Egyptiens  avoient  en  abomination  Gencfe4«, 
les  'Bergers.     C'eft  parce  que  les  Bergers  ne  failoient  pas  de  difficulté  d'é- 
gorger ,  &  de  manger  les  bêtes ,  qui  compofent  leurs  troupeaux. 

Hérodote  reftreint  cette  haine  des  Egyptiens  aux  feulsgardeursdcpour-  Hetodotus 
ceaux.  Les  Egyptiens  ^  dit-il,  déteftent  le  pourceau  ^  comme  ttne  hête  impure  ^^'^'^^^"^^ 
&  jt  cjttel^fi'Hn  toHchoit  unpomceau ,  mèmeenpajfant ,  il  f doit  qn^il  lavât ,  c^  lui  & 
fes  vétemens ,  dans  le  fleuve  j  (^uffi  les  [euh  garàeurs  de  pourceaux  étoient  exclus 
de  l' entrée  desTemples  y  &  leur  race  e' toit Jî  odieufe  ^  eju^on  ne  fe  mariait  jamais  avec 
eux.  Cependant  nous  allons  voir  tout  à  l'heure  ,  que  les  pourceaux  chez 
les  Egyptiens ,  n'étoient  fouillez ,  ni  pour  les  Autels ,  ni  pour  les  tables ,  car 
ils  les  iacrifioient ,  &  les  man^eoient. 

En  effet ,  que  les  Bergers  en  gênerai  ne  fuflent  pas  l'abomination  des  Les  Egy- 
Egyptiens,  cela  paroît  par  ce  que  Pharaon  dit  à  Jofeph.     Si  tu  cannois  en  ptiensn'a- 
tre  tes  frères ,  des  gens  robuftes  &  vaillans ,  tu  les  établiras  maîtres  de  mon  bétail,  de' l'îiorreuï 
Cela  ne  fut  pas  exécuté,  fans  doute.    Caries  enfans  de  Jacob  n'auroient  po"""  'O"* 
pas  voulu  prendre  le  foin  des  animaux ,  dont  on  faifoit  des  Idoles:  mais  au  "  "^"^'' 
moins  cetexte  fait  voir,  que  les  Egyptiens  avoient  des  Bergers,  &  des  trou- 
peaux.    Et  nous  apprenons  de  Diodore  Sicilien ,  que  les   Egyptiens  ti- 
roient  ufage  de  la  lame,  du  lait  6c  du  fromage  àts  brebis,  6c  qu'ils  fai- 
foient  cas  des  brebis,  qui  apportoient  deux  agneaux  par  an.     S'ils  n'euf^ 
Cent  fait  aucun  ulâge  de  la  laine,  6c  du  lait  de  leurs  troupeaux ,  ils  ne  les 
euffent  pas  tant  eftimez.     C'eft  pourquoi  je  ne  doute  pas  que  Pignorius  ne 
fe  foit  trompé  ,  quand  il  dit ,  <^ue  les  Egyptiens  haijjoient  jufquà  la  laine  des  pignorius 
troupeaux ,  &  la  regardoient  comme  un  trés-méprifable  excrément ,  ne  la  voulant  expofitione 
pas  employer  dans  les  habits  des  Sacrificateurs ,  &  dans  les  langes  ^  dont  ils  enve-  ex.  Fauffe 
lopoient  leurs  corps  morts,  pour  les  enterrer.  Il  cite  là-deiîus  Apulée  dans  Ibn  peofc*. 
Apologie,  6c  fait  dire  ces  paroles  à  Hérodote,  force  un  Egyptien  à  manger 
du  lait  de  brebis. 

Puis  que  les  Egyptiens  adoroient  tant  d'animaux,  on  a  raifon  d'être  en  Quels  uni- 
peine,  dequoi  donc  ils  vivoient,  6c quelles  viétimes  ils  mettoient  furlcuiS  î^icntul 
Autels.  Plutarque  répond,  cju'ilsnefacrifioient  à  leurs  Dieux  ^  que  les  animaux  «ourritutc 
^ue  les  Dieux  ha'i/Jiient  :  or  il  y  avoitfortpeudecesanimaux  haïs  des  Dieux.  ftL^^^' 
La  difficulté  augmente,  fi  ce  que  dit  Hérodote  eft  vrai.  L'Egypte  voifmede  Traité  d'ifis 
la  Libye  w  abonde  pas  en  animaux  y  &  tous  ceux  qui  s  y  trouvent  jonteJttmez.jAcrez.^  Hérodote  in 
tant  les  animaux  domeftiques  que  ceux  de  la  campagne.  Eutcrpep. 

Cependant  Hérodote  ne  s'accorde  pas  avec  lui-même.  Car  dans  le  même  p'îzr. 
UiVïtW  dit.)  il  n  était  permis  aux  Egyptiens  d'immoler  aucune  bête  (  6c  par  confé- 
quent  de  la  manger)  excepté  les  pour  ceaux, les  oyes  ,ies  veaux  .^  &  les  maies  d'entre 
les  boeufs^  qui  étoîcnt  purs.  Nous  verrons  dans  la  fuite  quelle  étoit  cette  pure- 
té, qui  rendoit  les  bœufs  proprel^  pour  l'Autel.  A  préfent  nous  ne  citons 
ce  pafîage,  que  pour  faire  voir,  que  les  Egyptiens  n'étoient  pas  obligez  à 
s'abftenir  de  la  chair  de  tous  les  animaux ,  comme  Hérodote  ferable  l'affir- 
mer. Ce  même  paffage  fait  voir,  que  les  Egyptiens  n' avoient  pas  tant 
d'horreur  pour  les  pourceaux ,  qu'Hérodote  nous  le  dit ,  puis  qu'ils  \t^ 
mettoient  fur  leurs  tables,  6c  fur  leurs  Autels.  Il  avance  même  que  les 
Prêtres  mangeoient  de  la  chair  des  animaux ,  tant  qu'ils  vouloient.  C^Pag.  n^. 
leur  fert  à  table  tous  les  jours  ,  dit- il,  des  viandes  facrées  ^  fur  tout  on  leur  four.- 
fîit  abondamment  de  la  chair  de  boeufs  &  de  celle  d^oifon.  il  dit  auiïï,  que  tous  ^^g- us. 

Sss  2,  les 


5û8  HISTOIRE  DES  DOGMES 

i£s£gipùefis  immolaient  hs  hœ^fs  mkles  ^  mais  U  ne  leur  efi  pas  fermisd'immofer 
Us  fentelks ,  farce  (qu'elles  font  confacréts  à  IJ>s. 
Htiodote  ^ais  il  n'ell  pas  étonnant  qu'Hei'odote  fe  foit  contred'it  ,  car  il  n'étoit 
ignorant  en  pas  favant  dans  les  antiquitez  Egyptiennes  :  Manethus  nous  en  avertit, 
ï^ypiien-  Hérodote^  dit- il,  a  beaucMp  fait  de  fant es  par  ignorance  ,  en  rapportant  ht  af^ 
«es-  f Aires  d"* Egypte.    Et  Ci  nous  en  voulons  croire  Porphyre ,  Hérodote  ne  lâ- 

apud^ofé'-    voit  rien  d'original  fur  l'Hiiloire  de  la  Religion  des  Egyptiensj  il  avoit  tout 
?dJSî's''"'"  P"^  d'Hecata'us  Milefien. 

Appionem.       H  Tembloit  n'avoir  pas  bien  compris  quelles  bêtes  on  facriiîoit  aux 
Porphyrius  Dicux,  ôc  qu'on  mangcoit.    U  appelle  les  bœufs  propres  à  manger  &  à 
Prx'^Evan^  facrifier ,  des  bœpifspurs.     Et  au  contraire  on  mangeoit,  &  on  iacrifioit 
lib.  10. 3.  *  les  bœufs  eftimez  impurs.    C'étoient  ceux  de  couleur  roulTc,  ou  rouge, 
xaôapo/.     qui  étoient  odieux  aux  Dieux  d'Egypte,  à  caufe  que  cette  couleur  étoit 
d'Hkrodote  ^^^^^  '^^  Typhon,  le  grand  ennemi  des  Dieux  Egyptiens  :  S'il  y  avoit  fur 
fur  ks  vie-  un  bœuf  quelques  poils  noirs ,  il  n'étoit  plus  impur ,  on  ne  le  tuoit  pas,  à 
"1^"^^^°'  plus  forte  raifon,  quand  le  bœuf  étoit  ou  noir,  ou  marqué  de  taches  noi- 
l'AuteL       res.     Comme  la  couleur  roulîé,  ou  rouge,  eft  la  couleur  ordinaire  des 
bœufs ,  cette  exception  de  ne  point  manger,  ni  fàcrifrer  de  bœufs noirs^. 
ne  diminuoit  pas  beaucoup  le  nombre  des  bêtes ,  que  les  Egyptiens  pou- 
voient  manger.  On  facrifioitSc  on  mangeoit  fans  fcrupule,tous  les  bœufs 
roux,  parce  que  les  Dieux  les  haïïîbienr.     Mais  tous  les  bœufs  noirs, ou 
ayant  du  noir  éàws  leur  peau,  étoient  confacrez  à  Oiiris.     Les  bœufs  mk- 
les  ,    dit  Hérodote  ,    étoient  confacrez^  k  Epaphus  ;  cJeji  pourquoi  ils  les  exa- 
minent ainjt,  c'^efi  (fie  fi  dans  leur  ex^.men ,.  tls  trouvent  fur  le  bœuf  feu  lemeni. 
un  poil  noir  ^  ils  ne  Pefiiment  plus  net.     Epaphus  c'efl  Ofiris,    auquel  les 
bœufs  étoient  confacrez.     Il  paroît  qu'Hérodote  ne  fe  tiompe  que  dans 
l'application  du  mot  pftr.     Car  il  eft  vrai,   qu'ils  ne  facrifioient  pas  de 
bœufs,  ou  noirs,,  ou  qui  euiïent  quelques  poils  noirs,  non  qu'ils  lesefti- 
mallént  immondes.^  mais  parce  qu'ils  les  adoroient,  comme  des  animaux 
lierez  &  airacz  des  Dieux,  car  nous  venons  d'apprendre  de  Plutarque,^»^ 
les  Egyptiens  ne  facrifioient  que  les  animaux  h^ïs  des  Dieux. 

Entre  les  autres  animaux,,  les  Egyptiens  avoient  une  grande  devotiorï^ 
pour  le  chien. 

Oppida  tota  Canem  venerantur ,  nemo  Dianam. 

Jiivenal  fr 

Tr7a.  de     M^is  fi  nous  en  croyons  Plutarque,  le  chien  étoit  déchii  de  l'honneur  des 
Mde  &  oii-  Temples,  6c  de  l'adoration,  parce  que  durant  laiguer.re,qusCambyfes  avoit 

fait  aux  Egyptiens,  il  avoir,  en  haine  d'eux  &  de  leur  Religion,  tué  leur 
Les  Egyp.  bœuf  Apis ,  l'avoit  jette  à  k  voirie  ,  oti  les  chiens  l'avoient  mangé.  Ce 
îiensado-  qyj  fajfoit  que  Ics  Egyptiens  avoient  cc^  d'adorer  les  chiens.  Cela  n'eft 
quï"oiueV  pas  trop  vrai-femblable.  Carjuvenal,  qui  étoit  bien  pofterieur  à  Camby- 
ks bêtes,      j^s^  nous  vient  de  dire,  que  de  ion  tems,  on  adoroit  le  chien  dans  toutes- 

les  villes  d'Egypte.  C'efi  peut- ênx  pour  confer ver  les  honneurs  divins  au' 

chien,  qu'ils  feignirent  que  les  Prêtres  d'O (iris  avoient  fecretement  enlevé  le: 
HîroJotc  bœuf  Apis,  que  Carabyfes  avoir  tué,  &  l'avoient  enfcveli,.  afin  qu'on  ne 
m  tuterpc.  f^t  pas  Gourir  par  le  monde  ce  bruit ,   que  les  chiens  avoient  mangé  l'un. 

de  leurs  principaux  Dieux,  v&quik.n£  fuifent  pas  obligez  à  dégrader  le 

chien  de  fa  divuiité... 

Non. 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  TartJU.  509 

Non  feulement  les  Egyptiens  adoroient  les  bctes,  mais  ils  adoroient  les  ^^*|f^°«>«»« 
images  &  les  fimukcres  de  ces  bêtes >/«»  E^^ptiensydiCoit  Pamponius  Mela,^<io-  Sacr«  de 
rr^m  Us  images  de  flufieiirs  animaux^  à  pbts  forte raifon  les  Animaux  eHxmêm^s.  "sl»''». 
Et  Strabon  autre  ancien  Géographe  difoit  ,  (jue  les  Egyptiens  n'ont  dans  i.  ^«p.  ^. 
ie/irs  Temples ,  aucun  ftmuUcre  en  forme  humaine  ,  c*étoit  toujours  V image  de  ^"^''o* 
quelque  heie.     En  effet  les  Egyptiens  n'avoient  dans  leurs  Temples,  que  lib.^f?! 
îles  monltres,  ou  figures  de  bétes,  ou  mêlées  de  la  figure  humaine  ôc  de 
la  figure  des  bêtes.  Nous  verrons  dans  le  traité  de  Beclzebub ,  ôc  dans  celui- 
ci,  que  leur  Serapis  étoit  la  plus  horrible  figure  ,  qui  eût  jamais  été  ima-  Hérodote 
ginée.    Et  leur  grande  divinité  Ifîs  avoit  ibn  fimulacre  en  figure  de  fem-  '"^"'"P«« 
ni€,  avec  le  fexe,  mais  elle  avoit  des  cornes  fur  la  tête. 

En  cherchant  l'origine  de  Fidolatrie  des  Ifraëlites ,  pour  leur  Veau  d'or, 
dans  la  Religion  des  Egyptiens,  nous  y  avons  trouvé  le  culte  de  tous  les 
animaux,  &  de  leurs  lîmulacres.  Mais  pour  approcher  de  plus  prés  le  cul- 
te du  Veau  d'or^  il  faut  voir  le  culte  très  fîngulier,  ôctrés  extraordinai- 
re ,  qu'on  rendoit  aux  bœufs  :  Car  il  n'y  avoit  pas  de  bête ,  pour  laquelle 
ils  eufenc  autant  de  dévotion,  que  pour  l'efpece  des  taureaux,  des  vaches 
&  des  \eaux. 


C  H  A  P  I  T  R  E    IV. 

^îs  BMufsfâcrez  et  ad&rtz  entre  les  Egyptiens ,  afpellez  le  bœuf 
Apis  &  le  bœuf  Mnevts, 

LEs  Egyptiens  avoienlî  une  dévotion  générale  pour  toute  Fefpece  des  tagrandè 
bœufs.  Mais  il  y  ayoit  fur  tout  deux  bœufs  très  célèbres,  dans  cet-  pouj^jej" 
te  Religion  Ifiaqùe.  Le  premier  s'appelloit  le  hç&ui  Apis  ,.  &  avoit  Bceuft  Apis 
fon  principal  Temple,  &  même  fa  demeure,  dans  la  ville  de  Memphis,  *^^"*^"° 
que  les  Hébreux  appelloient  f]W,  Muph.  Le  fécond  s^appeiloit  Mnevis ^  Gen«fe4ïi 
éc  demeuroit  en  Heliopolis,  ville  du  Soleil ,,  que  les  Hébreux  appelloient  '  *^* 
{UN*,  (Q«,.&:  dont  Potipherah  ,  du  temsde  Jofeph,  étoit  non  pas  Gouver-      pa 
neur  ou  Prince  y  comme  l'a  crû  Vofîius  ,  à  caufe  de  l'équivoque  du  mot 
Hébreu,   qui  (îgiii fie  Sacrificateur  8c  Gouverneur  ,   mais  Sacrificateur: 
Car  comme  cette  ville  étoit  confacrée  au  bœuf  i^Knevis  ,   Se  au  Soleil, 
à  ell  apparent  que  Potipherah  y  beau-pere  de  Jofeph,  étoit  Sacrificateur 
du  Dieu  Mnevis.  Ce  qui  lui  donnoit  aufH  rang  de  Gouverneur  &  de  Prin- 
ee.  Car  en  Egypte  les  Prêtres  étoientles  maîtres  du  Pais.  Ecoutons  pre- 
mièrement ce  que  les  differens  Auteurs  nous  difent  de  ces  deux  bœufs  ,* 
qui  étoient  les  principales  divinitez  des  Egyptiens. 

Voici  ce  qu'en  dit  Pomponius  Mêla,  ^yipis  étoit  le  Dieu  de  tous  tés- peu-  Lit.  r.  c.  y.-. 
ples^fîvoir  de  l'^Egypte,  c^étûit  un  bceuft  dmt  le  fond  de  la  peau  e'ioit  noir^  dif  Ce_  quVtoir 
tmgue  par  des  taches  forP  extraordinaires.  Il  avoit  la  langue  (^  la  queue  tomes  Apis,  feloai 
différentes  des  autres  bœufs.  Il  en  naijfoit  rarement  ,  &  il  ne  venait  pas  de  la  l'oniponias.. 
copulation  des  animaux  de  fon  ejpece  :  Adais  fa  conception  etoit  toute  divine  ^  & 
tl  étott  con^H  par  le  feu  celefie  :  le  jour  de  fa  natjjance  étoit  un^  grande pte  dans  la^ 
nation^, 

Sff  3,  Pline: 


510        HISTOIRE  D  ES  DOGMES 

piiBiusiib.        P'Vme  rapporte  avec  plus  d'étendue  la  defcription  de  ce  bœuf.  Le  Bœuf 
9.  cap.  46.    ^pis  ^  dit-il,  eft  adoré  comme  un  Dieften  Egypte.     Il  devott  avoir  une  marine 
conjiderable  dans  le  côté  gauche  ^  c'*étoit  une  Lune  dans  fan  croijfant ,    ayant  fes 
Ce  qu'on     cornes  de  couleur  blanche.     Il  avoit  un  nœud  fous  la  langue ,     ^u'^ib  appellent 
fcfnbïus      cantharus.     Il  n'efi  pas  permis  de  le  laijjer  vivre  au  delà  d'*un  certain  nombre 
dmsiebxuf  ^'^fjfjg'fj  ^  Wi;<«/J'  ^uand  les  années  marcjuées  font  écoulées,  ils  le  plongent  (Ir  le  no' 
'         yent  dans  une  fontaine  ,  e^u^ils  appellent  la  Fontaine  des  Sacrificateurs  ;  Et  ils  en 
cherchent  un  autre  pour  le  mettre  en  fa  place.     Ils  mènent  dcutl  fur  fa  mort ,    (^ 
rafent  leurs  cheveux ,  jufqu'^à  ce  qu^ils  en  ayent  trouvé  un  autre.     Ils  ne  font  pat 
long-Hms  fans  en  trouver  un '.  Et  lors  e^ti* ils  Pont  trouvé,  les  Prêtres  le  mènent  à 
Memphis.     Il  a  deux  Temples  ou  deux  Sales  nuptiales ,    qui  fervent  de  préfages 
pour  Us  peuples.     Quand  il  entre  de  lui-même  dans  l'une  decesfales ,  c*efi  union 
augure  ,  mais  s^il  entre  dans  l'autre  y  c'^efl  un  mauvais  préfage.  Pour  les  particu-^ 
liefs  il  leur  rend  réponfe ,   en  prenant  fa  viande  de  la  main  de  ceux  qui  le  conful- 
tent.     Il  refufa  de  prendre  de  la  main  de  Germanicus ,    ce  quillui  offrait  k  man- 
ger ^  aujf  mourut-il  bientôt  après.     Au  refle  ^  quand  il  fe  dérobe ,  &pajjedans 
la  foule  ^  il  y  a  des  Huijfiers  qui  font  faire  large  ,    &  écartent  le  peuple  ^  &il 
ejl  accompagné  d'une  multitude  d*enfans ,  qui  chantent  un  Po'ème  fait  à  fin  hon- 
Lymphati.    neur.  Et  incontinent  ces  enfans  tranfportez,  &  faijîs^prédifent  les  chofes  à  venir.  On 
lui  préfente  une  vache ,  tous  les  ans  une  fois  ,  &  cette  vache  doit  auffi  avoir  fes 
marques  ftngulieres  ,   mais  différentes  de  celles  du  bœuf.     zA  ty^/Cemphis  il  y 
A  un  certain  lieu  dans  le  Nil  ,    qu'ils  appellent  phiole  ,  acaufe  de  fa  figure. 
On  plonge  une  coupe  d^  argent  dans  cette  phiole,  durant  les  j.jours  ,  ^u^on  célèbre 
pour  la  naiffance  du  bœuf  Apis  s  &  l'on  obferve  comme  un  miracle^   que  durant 
ces  fept  jours  perfonne  n'^efl  atteint  par  les  crocodiles.     Mais  le  huitième  jour  ^  à 
lajtxiéme  heure  du  jour ,  la  bête  réprend  toute  fa  férocité. 
Hérodote        Hcrodote ,  qui  en  dit  moins ,  nous  rapporte  pourtant  plus  d^cts  mar- 
in Thaiia.    ques  ,  dont  cette  bête  devoit  être  diftinguée.     Ce  bœuf  Apis ,  àït~ï\^    efi 
^'  ^^^'       le  même  qu'Epaphus.     Il  doit  être  engendré  d'aune  vache  ,    qui  ne  pouvant  con- 
cevoir d'autre  veau,  efl  f râpée  d^un  éclair^    &  elle  en  conçoit  le  bœuf  ^Apis. 
Et  le  veau  ,  qui  eïi  appelle  Apis ,  efi  ainft  marqué  :    il  efl  noir ,    (^  il  a  dans 
le  front  une  figure  blanche  quarrée  ,  fur  le  dos  la  figure  d'un  aigle  ,   un  can- 
îharus  dans  le  'Palais,  d^  des  poils  doubles ,  c^/l-â  dire  ,  allant  à  rebours. 
.«lian.Hifto-      Elian  nous  rapporte  ,  avec  plus  d'exaétitude  que  tous  les  précédens , 
iiumîib.  II.  comment  le  bœuf  Apis  devoit  être  formé,     i.  Il  nous  dit  que  ce  devoit 
eap  10.      être  un  taureau,  &  non  pas  un  bœuf  coupé.     2.  Il  devoit  être  conçu 
de^ia"manic-  d'Un  écîair,  dans  le  ventre  d'une  vache  fterile.     3.  Il  nous  apprend  une 
h  **f  A  ^\    ^^^^^^  certaine.     C'eft  que  les  Grecs  fe  font  trompez ,   en  prenant  le 
dSoit  êtie  veau  Apis  pour  Epaphus  ,  le  fils  d'Io ,  parce  que  cette  lo  fut  convertie 
fait-  en  vache ,  par  la  colère  Ôc  la  jaloufie  de  Junon.   Mais  Voiîîus  a  fort  bien 

prouvé ,  que  le  bœuf  Apis  6c  fon  culte  font  plus  anciens  que  les  fables 
d'Epaphus&d'Io.  4.  Elian  prétend  que  les  Egyptiens  ne  tombent  pas  d'ac- 
cord de  ce  que  dit  Hérodote ,  touchant  les  marques  que  le  bœuf  doit 
porter.  Car  au  lieu  de  quatre  ou  cinq  marques ,  ils  en  pofent ,  dit-il  jjuf^ 
qu'à  vingt-neuf  Ce  qui  rend  fa  peau  comme  toute  couverte  de  fleurs, 
6c  ils  prétendent  que  chacune  de  ces  marques  a  fon  rapport  à  la  nature  de 
quelque  étoile,  ils  veulent  même  qu'entre  ces  marques,  il  y  en  ait  une 
qui  indique  l'afcenfion  du  Nil ,  ôcnine  autre  la  Lune  naiflante ,  ôc  qui 

com- 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  F^rMII.  511 

commence  à  prendre  Tes  cornes,  f.  Quand  le  veau  eft  trouvé  ,  on  le 
nourrit  quatre  mois  de  lait,  dans  une  maifon  bâtie  vers  l'Orient  du  Soleil. 
6.  Après  cela,  les  Secrétaires  facrez  viennent  avec  un  navire,  &  le  mènent 
à  Memphis.  7.  La^  dit  Elian  ,  on  Im  prepare'toutes  les  délices  qui  fe peuvent 
imaginer^  &  des  lieux  faits  exprés  pour  la  volupté  ^  ou  l'on  trouve  des  carrières  ^ 
Avec  un  fable  fort  délié  ^  pour  l'exercer  a  la  courfe  ^  des  vaches  d''uîie  beauté  ra- 
re ,  des  maifons  comme  des  chambres  nuptiales ,  ou  il  entre  quand  il  déjîre  de 
jouir  de  celle  qu'il  aime. 

8.  On  ne  lui  permet  pas  de  boire  de  l'eau  du  Nil,de  peur  qu'il  ne  devien-  fiotarque 
ne  trop  gras,     lis  ont  une  Fontaine  deftinée  à  abbreuver  ce  bœuf ,  ^ks  Sdf&^ofi- 
Prêtres.     Ce  que  dit  aufîi  Plutarque  :    celui  entre  les  troupeaux  duquel  ^^^-  "p-  ?■ 
Apis  avoitpris  naiflance,  étoit  ellimé  trés-heureux,  6c  devenoit  l'objet  de 
l'admiration  des  hommes,     p.  Ce  bœuf  a  le  don  de  prédire  l'avenir,  ^^ 
ce  qu'il  fait  par  des  enfans  qui  chantent  &  qui  danfent  autour  du  bœuf,  le  bœuf 
Et  Plutarque  dit  que  les  enfans  ont  reçu  ce  privilège  de  prophetifer ,  par-  /Jf/f.  "^"n!" 
ce  qu'ils  révélèrent  à  lus  où  étoit  le-  corps  d'Ofîris. 

10.  Le  même  Auteur,  favoir  Elian,  dit  que  les  Egyptiens  comparent 
le  bœuf  Apis  au  Dieu  Horus,  qu'ils  difoient  être  l'Auteur  de  la  fertilité. 
11.11  nous  dit  auffi  qu'un  certain  Roi  d'Egypte  s'étoit  enquis  quel  animal 
étoit  le  plus  agréable  aux  Dieux,  ôc  qu'il  avoit  choilî  le  bœuf  Le  hixu^Mne- 
v^avoitauffi  fes  marques  de  diftinélionj  mais  en  plus  petit  nombre  que  le 
bœuf  Apis^.  Au  moins  eft-il  certain  qu'il  devoit  être  noir  "comme  Apis. 

Ammian  Marcellin,  après  avoir  dit,  comment  Julien  l'Apoftat,  pour  Marceiiin. 
renouveller  &  rétablir  toutes  les  idolâtries,  avoit  fait  chercher  un  bœuf  ^^''-  ^^' 
Apis,  à  cette  occafion  il  nous  rapporte  de  cqs  bœufs  facrez,  à  peu  prés 
les  mêmes  chofes  que  Pline ,  &  voici  ce  qu'il  dit.  Entre  les  animaux^  que 
les  Anciens  ont  confacré  par  le  culte  ,  les  plus  célèbres  font  Ainevis  &  Apis. 
Adnevis  efl  confacré  au  Soleil,  &  jene  voi  pas  qu'ion  en  dife  rien  de  fort  mémo- 
yrable.  Apis  efi  eonfacré  à  la  Lune^  &  il  efi  remarquable  par  les  diver fes  figu- 
res ,  qu^il  devoit  avoir  remues  de  fa  naifance  :  fur  tout  il  devoit  avoir  une  Lune 
en /on  croijfant ,  dans  h  coté  droit  :  quand  il  avoit  vécu  le  nombre  des  années , 
marqué  dans  Its  fecrets  des  livres  myHiques  ^  on  le  faifoit  mourir  dans  Peau  de 
la  Fontaine  facrée  ^  on  lui  préfentmt  la  vache  lo,  fille  d'^Inachus^  qui  devoit  aujfi 
avoir  fes  marques  fngulier es.  Quand  il  étott  mort  ,  on  en  cherihoit  un  autre,. 
Rech'^rche  qui  fe  fatfott  avec  un  deuil  public.  Et  fi  on  en  pouvoit  avoir  un ,  qui 
portât  toutes  les  marques  quil  devoit  avoir  ^  on  le  menait  a  Memphis  .^  belle  viU 
le ,  célèbre  par  la  préfence  du  Dieu  Efculape.  Et  le  bœuf.,  accompagné  de  cent 
Trêiresy  étoit  confacré  y  &  introduit  dans  fa  chambre  nuptiale  y  &  alors  ilcom" 
mençoit  a  être  fier é.  Il  révélait  ks  chofes  à  venir  ^  par  des  fignes  ^  fur  lefquels  on 
pouvoit  fonder  des  conjeBures  certaines  ;  tl paroijjoit  fe  détourner  de  quelques-uni 
de  ceux  qui  le  confultoient ,  comme  il  en  arriva  à  Çermanicus ,  duquel  il  Ce  dé- 
tourna ,  Q-  refufa  ce  quil  lui  voulait  donner  a  manger ,  ce  qui  préfageoit  les  maux- 
qui  lui  dévoient  bien^tôt  arriver. 

De  tous  les  Auteurs  précédens ,  on  peut  recueillir  la  defcription  de  ces- 
deux  bœufs  facrfcz,.  &  fî  l'on  veut,  on  peut  confulter  de  plus  Strabon  , 
lib.  \j.  Lucien,  Itb.  de facnficiis  y  Suidas  fur  le  mot  Serapis  ,  &  fur  tout 
Plutarque,  dans  le  livre  d-Ifis  &  d'Ofiris.  Ce  dernier  nous  apprend  quel- 
qjUC  choie  de  la  fepulture  d'Apis,  que  les  autres  ont  omife.  C'eli  pour- 
quoi 


512  HISTOIREDES   DOGMES 

Lib.deifid.  quoi  il  eft  bon  de  l'emprunter  de  lui,  nom  laijfons,  dit- il,  a  part  les  chofes 
êc  ofiii.  fecretes.  tJ^^'S  ce  que  les  Tr  êtres  font  en  public^  ^u  And  Ht  enterrent  Apis  ^  ne 
^^'  ^^'  diffère  point  des  cérémonies  de  Bacchffs.  Ils  apportent  le  corps  d"* Apis  far  ttn  bat» 
teoH  i  ils  font  vêtus  de  peaux  cle  Ctrf^  ils  portent  en  leurs  mains  des  javelines  , 
ils  crient  de  toute  leur  force  ^  &  font  des  mouvemens  tjiolens  ^  tout  comme  ceux 
cjuifont  plems  de  UfHreur  de  Bacchas.  Ce  qu'il  rapporte  pour  appuyer  Ton 
opinion,  que  le  Dieu  des  Egyptiens  Oiiris,  elt  le  même  que  le  Bacchus 
des  Grecs. 

Par  voye  de  recapitulation,  voici  à  quoi  revient  <:c  que  nousdifent  les 
Auteurs  que  nous  avons  rapportez.       i .  Qut  ces  deux  bœufs  Apis  & 
ïlutnque     Mnevis ,  dévoient  être  noirs ,  particulièrement Mnevis,  qu'on choifiiToit 
c^A^«^'^  toujours  d'entre  les  plus  forts  taureaux.     Le  bœuf  qui  ef^  nourri  à  Helto* 
is-  '     '    polis  ^  aux  dépens  du  public ,  eioiî  appelle  Wlnevis  ^  &  confacré  à  OJtris  ^   &  fé- 
lon le  fentiment  de  <juel<^ues-uns ,  il  étoitpere  d^Ofirti  :  fon  poil  dev oit  être  tout- 
à- fait  noir ,    &  H  avait  les  féconds  honneurs  divins  après  le  bœuf  Apis.     C'efl 
ce  que  dit  Plutarque.     2.  Que  le  bœuf  Apis  étoic  noir  ,     mais  avec 
beaucoup  de  taches  blanches}   une  quarrée  dans  le  front,   un  aigle  fur 
le  dos,    une  Lune  dans  fon  croiiTant,   fur  le  côté  droit}  un  fcarabseus 
fous  la  langue,  des  poils  à  rebours  à  la  queue,    6c  outre  cela  plufieurs 
autres  marques  très  -  fîngulieres  ,    jufqu'au   nombre   de  29.     Il  devoit 
être  conçu  par  un  éclair:  on  le  tranfportoit  à  Memphis,  il  étoit  mis  dans 
un  Temple,  qui  étoit  lane  efpece  de  Palais;  on  ne  le  pouvoit  abreuver  de 
l'eau  du  Nil}  on  ne  le  laiiïbit  pas  vivre  autant  que  la  nature  l'eût  permis, 
maison  lenoyoitdans  le  Nil:  enfuiteon  l'enfeveliflbit  en  grande  pompe, 
&  de  grands  hurlemens.  Tous  les  ans  on  celebroit  fept  jours  à  la  mémoi- 
re de  la  naiflance ,  &  durant  les  fept  jours  ks  crocodiles  ne  pouvoient  fai- 
re de  mal  dans  le  Fleuve.  Il  pouvoit  prédire  l'avenir  pa.r  des  fignea,  par 
fes  regards  ou  fâcheux  ou  doux. 
D'où  pou-       Au  fujet  de  ces  marques  fî  extraordinaires,  qui  fe  trouvoient  dans  le 
«s  m«qu^  b<^"f^  Apis ,  on  pcut  demander.  i.Ce  qu'on  en  doit  croire?  2.  D'oÇi  cela 
extraordi-    pouvoît  vcnir  ?  Pour  cc  qu'on  en  doit  croirc  ,  je  ne  trouve  pas  qu'il  foitjuftc 
fe"îoû-''"*  <ie  démentir  tant  d'Hifloriens,  &  tant  de  témoins.     Mais  pour  la  caufe, 
voient  dans  elle  eil  fort  équivoquc.     La  nature  fe  divertit  quelquefois  à  faire  de  ces 
^pi""       fortes  d'ouvrages ,  qu'on  appelle  auffi  des  jeux  de  la  nature.     Il  fe  peut 
donc  faire ,  qu'une  fois  il  foit  né  un  bœuf  marqué  ,  comme  devoir  être 
ce  bœuf  Apis.     Mais  il  n'eft  nullement  vrai- femblable  que  cela  puiffe  ar- 
--        river  plufîeurs  fois.  Et  fur  tout,  fi  ce  que  dit  Pline  eft  vrai ,  que  quand  Apis 
étoit  mort,onnetardoitpaslong-tems  àentrouverun  femblabie.  Aujour- 
d'hui on  cherçheroit  dans  toute  la  terre,  {ans  en  trouver  un  pareil. 
seniimcnt        Rien  n'cft  plus  vrai-femblable  que  l'opinion  de  St.  Auguftin  ,  qu'il  y 
de  St.  Au-    avoit  là-dedans  de  la  Magie.     Car  tous  les  Prêtres  Egyptiens  étoienc 
lÀb.  18.  de   Magiciens.     Ce  n'*étoit  pas  une  fî  grande  affaire ,  aux  Démons  ,  pour  tront- 
Cjvit,  Del  ^^Y  içj  Egyptiens ,  de  mettre  dans  iHmagination  de  la  vache  ,  qui  devait  conce- 
voir le  veau  y  Cimprejjlon  &  ï^image  d'un  bœuf  ^  tel  qu'on  le  voulait  avoir  :  Ce 
qui  imprimait  dans  le  fruit  conçu  par  la  vache  ^  les  marques  corporelles:  Par  un 
événement  à  peu  prés  femblable ,  à  ce  que  faifoit  facob ,  pour  faire  agneler  aux 
brebis  de  Labm ,  des  agneaux  tachetez.  &  marquetez.. 

Durant  le  Règne  du  Diable,  on  peut  dire  qu'il  faifoit  dans  le  monde, 

& 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.F^r^.IIL  515 

&  dans  la  nature,  à  peu  prés  tout  ce  qu'il  vouloir.  IVÎais  il  n'en  fut  pas 
de  même ,  quand  par  la  mort  de  Jefus  Chriil,  l'Empire  du  Démon  fut  rétréci. 
Alors  on  ne  pouvoit  plus  trouver  de  Dieu  Apis ,  parce  que  le  vrai'  Dieu 
avoit  fait  cefler  les  oracles  des  Démons ,  6c  arrêté  la  force  de  leur  prefti- 
ges.  Spartianus,  dans  la  vie  d'Adrian,  dit  ^ue  cet  Empereur  ayant  mis  or- 
dre AUX  affaires  de  la  grande  Bretagne ,  &  qu'étant  pajfé  dans  les  ■  Gaules  ,  // 
y  eut  avis  d'aune  grande  fédition  émue  à  Alexandrie  ^  à  l'^occaJîond'^Apis^  qu^on 
avoit  trouvé ^  après  t avoir  cherché  inutilement  durant  plufîeurs  années.  Chacun 
des  peuples  d"* Egypte  voulut  avoir  ce  Dieu  ,  pour  le  placer  chez.  foi.  Ce  récit 
fait  voir  que  la  Religion  d'Apis  étoit  à  peu  prés  mife  en  oubli,  puifqu'ils 
étoient  en  difpute  où  le  placer.  Car  autrement  il  eût  été  indubitable  que 
fon  fiége  devoit  être  à  Memphis.  Lorfque  Julien  l'Apoftat  voulut  réta- 
blir cette  fuperftition  Egyptienne  ,  Ammian  Marceliin  ne  nous  dit  pas 
qu'il  y  ait  réùffi,  6c  qu'il  ait  trouvé  le  bœuf  Apis.  Ainfi  cette  Religion  Quand  u 
fut  abolie  long-tems  devant  les  autres  Religions  du  Paganifme,  faute  de  J'Apfjcefr 
pouvoir  trouver  un  bœuf  marqué,  comme  il  devoit  être. 

Pendant  que  le  bœuf  i^is  a  pu  être  trouvé,  6c  placé  à  Memphis ,  la  dé-  Adontioa 
votion  des  peuples  pour  mi  étoit  extrême.     Nous  ne  favons  pas  précifé-  bœuf  Apis. 
ment  quelles  étoient  les  cérémonies  de  fon  culte.     On  fait  feulement  , 
qu'on  facrifioit  des  viélimes  en  fon  honneur.  Et  fur  tout  des  bœufs  roux , 
parce  que  les  Dieux  d'Egypte  avoient  de  l'horreur  pour  le  roux,  à  cau- 
fe  que  c'étoit  la  couleur  de  Typhon  ,  qui  étoit  leur  grand  ennemi.     Si 
l'on  en  croit  Diodore  de  Sicile-,  à  l'avènement  de  ce  Dieu,  quand  il  avoit  Diodomssi- 
été  nouvellement  trouvé,  il  étoit  amené  à  Memphis,  on  le  plaçoit  dans  thecifiKi 
le  Temple  de  Vulcain ,  oij  \qs  femmes  alloient  lui  rendre  un  hommage 
infâme,  6c  plein  de  turpitude ,  c'efl  qu'elles  fe  découvroient  en  fà  pré- 
fence. 

L'attachement  que  les  Egyptiens  avoient  pour  cet  abominable  culte , 
paroît  par  la  fureur  oh  ils  ont  été ,  quand  on  a  donné  des  atteintes  à  cette 
fuperftition.  Les  Rois  de  Perfe  étoient  fouvent  en  guerre  avec  les  Egyp- 
tiens ,  6c  il  femble  qu'ils  en  vouloient  principalement  aux  Dieux  d'Egyp- 
te.    Cambyfes  fe  fit  amener  le  bœuf  Apis ,  6c  le  tranfperça  de   fon  ja-  omrageque 
velot  dans  la  cuifle.     Playe  dont  il  fecha  6c  mourut.     Ce  que  ce  Roi  ht,  S'^^^âus 
dit-on,  pour  fe  venger  de  ce  qu'en  revenant  d'une  guerre,  oij  les  cho-  Egyptiens, 
{ts  n'étoient  pas  bien  tournées  pour  lui ,  il  trouva  la  ville  de  Memphis  feur'bœuf 
en  grande  réjouïflance  ,  parce  qu'on  avoit  trouvé  le  bœuf  Apis.     Ce  Apis. 
bœuf  ainfî  blelfé  fut  enfeveli  par  les  Prêtres ,  félon  Hérodote.  in  xhaiia. 

Mais ,  félon  Plutarque ,  il  ftit  jette  à  la  voirie ,  6c  mangé  des  chiens ,  Piutarque  in 
ce  qui  fit  dégrader  le  chien,  6c  le  bannir  du  nombre  des  Dieux,  comme  &  ofiri.^^' 
nous  l'avons  remarqué  ci-deffus.     Quoi  qu'il  en  foit  ,   il  eft  certain  que* 
cet  accident  caufa  une  grande  affliélion  aux  Egyptiens. 

Darius  Ochus,  autre  Roi  de  Perfe,  leur  fit  encore  un  plus  grand  affront. 
Les  Egyptiens  Pavoient  appelle  âne ,  Darius  leur  fit  dire  que  cet  âne  mangeroit  Plufarq.  lib. 
leur  bœuf;  ce  qu'ail  ne  manqua  pas  de  faire  ,  &  mit  Vâne  en  fa  place.    Si  l'on  ofîr!  cap  ^ 
en  croit  Elian,  ils  en  prirent  une  cruelle  vengeance.  Un  Eunuque  Egyp-  &cap.  14. 
tien ,  nommé  Bagoas  ,   affaffina  Darius  Ochus  ,  6c  le  fit  manger  aux  ^Hi  \\\,[ 
chats.  -  6.  cap.  8.  âc 

Au  refte,  je  ne  faurois  douter  qu'outre  ces  bœufs  vivans  6c  réels,  qu'ils  ^y^°-"?" 
V art.  ni.  Ttt  ado- 


Ils  adoioient 
lesHniuIa- 
cxes  d'Apis. 
MelaLib,  i. 
cap,  s>. 
Sttabolib. 
Ï7. 


514  HISTOIRE  DES  D  OGMES 

adoroient  dans  leurs  Temples ,  ils  n'euflent  aufîi  les  images  ôc  les  fimula 
cres  de  ces  bœufs,  dans  leurs  chapelles.  C'efl:  ce  que  nous  avons  ci-deflus 
aoris,    de  Pomponius  Mêla,  ÔC  de  Strabon. 

*  On  ne  doit  pas  douter  non  plus  que  le  bœuf  Apis ,  avec  routes  les  mar- 
ques requifes  ,   ne  fût  fouvent  difficile  à  trouver  ,     parce  qu'ils  étoient 
obligez  de  faire  étouffer  Apis,  après  un  nombre  d'années  dévie.  En  fui- 
te ils  dévoient  chercher  long  tems,  avant  que  d'en  trouver  un  tout  fem- 
blable.     Et  dans  cet  interrègne,  il  eft  apparent  que  la  figure  du  bœuf 
.^pis,  leur  tcnoit  lieu  du  bœuf  lui-même.     Cette  image   d'Apis  étoit 
jfans  doute  enrichie  par  la  gravure  de  toutes  les  marques,  qu'Apis  devoit 
avoir  fur  la  peau.  Et  cela  fervoit,  premièrement  à  confoler  les  peuples,  qui 
étoient  toujours  en  deuil,  jufqu'à  ce  qu'on  eût  trouvé  un  autre  Apis.  Se- 
condement cela  confervoit  la  mémoire  des  caraéleres,.  qu'on  devoit  trou- 
ver dans  un  Apis  vivant.     Enfin,  comme  ce  bœuf  étoit  le  principal  ob- 
jet de  l'adoration  de  tous  les  Egyptiens,  il  n'elt  pas  apparent  qu'ils  n'eu{^ 
fent  pas  le  fimulacre  dans  leurs  Sanctuaires  du  plus  grand  de  leurs  Dieux , 
ne  pouvant  avoir  Apis  lui-même,  qui  ne  partqk  jamais  deMemphis.  Et 
nous  trouvons  dans  cette  obfervation  deux  choies ,  qui  font  à  nôtre  fujer, 
ia  première  eft  la  réponfe  à  la  queftion, pourquoi  les Ifraëlites ,  imitateurs 
des  fuperftitions  d'Egypte  ,   adoroient  un  Veau  de  fonte,  &  non  pas  un 
Veau  vivant.     C'eft  parce  qu'en  empruntant  les  fuperftitions  d'Egypte, 
ils  vouloient  pourtant  paroître  s'en  éloigner.  Adorer  un  bœuf  vivant  leur 
parut  une  idolâtrie  trop  groffiere,  au  lieu  qu'il  étoit  de  l'ufage  de  tous  les 
peuples  de  l'Orient,  d'avoir  dans  leurs  Temples  des  iimulacres,  avec  des 
figures  de  bête,  ou  tenant  quelque  partie  de  la  bête 

L'autre  chofe  que  nous  pouvons  apprendre  d'ici  ,  e'eft  le  fens  de  ces 
paroles  de  Moïie,  dans  l'Hiftoire  du  Veau  d'or  ,  ttinainiK  ns^^i,  &  il  k 
forma  avec  le  burin.     On  demande,  comment  Aaron  forma  fon  Veau  d'or 
avec  le  burin,  puifqu'il  le  jetta  en  moule,  &  en  fit  une  Idole  de  fonte.'* 
Selon  ce  que  nous  venons  de  fuppofer  ,  que  les  Egyptiens  avoient  dans 
leurs  Temples  l'image  d'Apis  ,  gravée  ôc  caraélerilée  de  toutes  les  mar- 
ques ,  dont  Apis  lui-même  devoit  être  enrichi ,  il  eft  apparent  qu' Aaron 
•    fit  graver  fur  le  Veau  des  Ifraëlites  ,  les  principaux  caraéleres  du  bœuf 
Apis,  ou  peut-être  de  quelques  Aftres.  Cela  eft  plus  apparent  que  lacon- 
jcéiure  de  l'illuftre  ôc  favant  Bochart ,  qui  tourne,  &  Aaron  ramaffa  l^er 
Du  DicB      dans  une  bourfe.    Cette  même  conjeélure  fe  confirme  par  les  paroles  d'A- 
parï Amos!  "^*^^ '  chap.  f .  v.*2f .  citécs  par  St.  Etienne,  Aâeschap.y.  Fous avez.for- 
te  le  Tabernacle  de  votre  Adoloeh  ,    er  Kijoun  ,  vos  images^  ^  l'hernie  de  vos 
Dieux.     Kijoun  ,  c'eft  Saturne  ,  comme  on  s'en  eft  affûré  depuis  qucl- 
*ques  années ,  par  l'Alphabet  des  Egyptiens  ,  que  Kirkerus  a  donné  au 
public,  dans  (on Prodromus  Copius.  Déjà  Aben-Efra  nous  avoit  appris  que 
Kijoun  fignifie  Saturne  ,    ôc  que  dans  la   langue  des  Arabes  cette  étoile 
s'appelle  Keivan,  |NPD,  ce  qui  fans  doute  eft  la  même  chofe  que  le  Kijoun, 
po ,  dts  Hébreux.     On  ne  fa  voit  pas  trop  d'oii  venoit  le  lQ)ephan  ,•  ou 
'^mpham ,  du  feptiéme  des  Aébes.     Mais  Kirkerus  ôc  Saumailë  nous  ont 
appris  que  c'eft  le  nom ,  que  les  Egyptiens  donnent  à  Saturne.  Ainfi  Ki- 
jotin  ÔC  Remphan ,   fignifiant  Saturne  ,  c'eft  l'étoile  ôc  l'image ,  dont  Amos 


Exode.  3o> 


reproche  l'ador  ation  aux  Ifraëlites  du  Délërt , 
Veau  d'or. 


ôc  qui  fut  gravée  fur  le 
G  H  A- 


ET  DES  CULTES  DE  L»E G L I S E. P^r/. III.  51^ 


CHAPITRE     V. 


€e  que  pouvoitfignifïer  cette  ajfreuje  Idolâtrie  des  Egyptiens ,  qui  ado- 
rment  des  bêtes  y  &  entf  autres  les  bœufs  Apts  &  Mnevis  : 
t oient  desfymboles  des  grands  Dieux, 


c'é- 


CEtte  Religion  des  Egyptiens  a  paru  affreufe  &  ridicule  aux  Payens 
mêmes  :  comme  il  paroît  par  la  quatrième  Satyre  de  Juvenal.  Mais  Diverfcs 
plufîeurs  Auteurs  prévenus  par  la  grande  réputation,  qu'avoienf  les  Egyp-  'Stm^A^ 
tiens  de  fcience  ôc  de  fagefTe ,  &  par  conféquent  de  bon  fens ,  ont  imaginé  égyptiens. 
diverfes  chofes  pour  les  excufer.     Par  exemple  Plutarque  dans  Ton  Livre 
d'Ifîs  &  d^Ofirisc.  37.  Diodore  de  Sicile  dans  le  premier  Livre  de  fà  Biblio- 
thèque 5  Porphyre  ,  &  plufieurs  autres ,  ont  travaillé  à  peindre  de  belles 
couleurs  ces  horribles  fuperftitions. 

I.  Les  Egyptiens  eux-mêmes ,  honteux  de  cette  affreufe  Religion,  inven- 
toient  des  febles  pour  la  colorer.     Ils  difoient  qu'un  certain   Typhon,  ^['^^iT'" 
grand  ennemi  d'Ofiris ,  avoit  fait  une  fl  cruelle  guerre  aux  Dieux ,  qu'ils  dcTfi.&'ofi- 
avoient  été  obligez  de  fe  cacher  dans  les   corps  des  animaux ,  l'un  dans  "•  "^-J^. 
le  corps  d'un  bœuf,  l'autre  dans  celui  de  l'épervier,  &c.   Cette  fable  ca- 
che une  Hiftoire,  que  nous  déveloperons  dans  la  fuite. 

2,.  D'autres  en  vont  chercher  la  caufe  dans  l'opinion  de  la  Metempfy-  Porphyrius. 
chofe ,  qui  étoit  généralement  tenue  entre  les  Egyptiens.     Ils  difoient  que 
les  âmes,  6c  mêmes  les  Dieux,  paflbient  dans  les  corps  des  bêtes,  c'efl 
pourquoi  ils  les  adoroient. 

3 .  Quelques-uns  difent  qu^Ofiris  Roi  d'Egypte ,  faifoit  porter  à  Tes  trou-  Coûn;me 
pes  dans  leurs  enfeisnes  militaires,  les  fîsures  de  ces  animaux,  qu'on  \ts  j'  "î""^ 

•  °  1  /o,r-  1  -l'^i  desfigures 

avoit  au  commencement  honorées ,  &  qu  enluite  on  les  avoit  placées  dans  d'animaux 
les  Temples,  pour  les  adorer.  Ce  qui  donne  quelque  efpece  de  couleur  ^^n^iesen- 
a  cette  conjecture  ;  c  eit  que  Dieu  fît  a  peu  près  la  même  choie  quand  il  Hiûks. 
forma  les  camps  des  Ifraèlites,  &  les  divifa  en  bandes.  Il  partagea  les 
douze  Tribus  en  bandes ,  favoir  en  quatre  corps ,  trois  Tribus  dans  cha- 
que corps,  &  une  des  trois  Tribus  portoit  l'enfèigne,  qui  étoit  une  figure 
d'animal.  La  troupe  de  Ruben  avoit  l'Homme  pour  enfeigne  ;  Celle  d^ 
Juda  avoit  un  Lion,  celle  de  Dan  l'Aigle,  &  celle  d'Ephraïm  le  Bœuf 
Pareillement  les  Egyptiens  mirent  dans  leurs  enfeignes  militaires,  les  fi- 
gures de  dilferens  animaux,  qui  demeurèrent  dans  leur  Religion,  écpaffe- 
rent  dans  leurs  Temples.  On  croit  même  que  la  politique  de  leurs  Rois, 
contribua  à  cela.  Ils  furent  bien  aifes  de  voir  leurs  fujets  fe  partager  en 
plufieurs  Seétes ,  afin  de  les  affoiblir ,  &  les  contenir  dans  l'obéïfîànce  par 
cette  divilîon ,  félon  la  maxime  dtvide  &  impera.  En  effet ,  tous  les  peu- 
ples de  l'Egypte  n' adoroient  pas  les  mêmes  animaux.  Tous  à  la  vérité 
adoroient  Apisj  mais  ils  étoient  divifez,  dans  le  culte  des  autres  animaux. 
Les  Lycopolites,  par  exemple ,  adoroient  le  loup ,  &  mangeoient  la  bre- 
bis ,  dont  le  loup  ell  l'ennemi.     Auffi  Diodore  rapporte ,  qu'il  y  avoit  fou- 

Ttt  z  vent 


Les  Egyp- 
tiens ont 
adore  les 
bêtes ,  à 
caufe  des 
utilitezqiii 
leur  en  re- 
venaient. 
PIut.de  Uî. 
&  Ofici.  c. 
39.  Diodo- 
relib.  i. 
Bibliothecx. 

La  vraie  rai- 
ion  ,  c'efl: 
que  ces  ani- 
maux fuient 
établispour 
fynVoyles 
des  grands 
Dieux. 


In  Euterpe 


Irotreptic 

aivcifiis 

Gjntes. 

C-.p.38.îff. 


îtoeesdes 
P. 1  pi  fie  s 
dans  celui 
des  Lgyp- 

tiCHS. 


516         HISTOIRE  DES   DOGMES 

vent  guerre  entre  les  peuples  d'Egypte,  pour  les  diflPerenccs  bêtes  qu'ils 
iidoroient. 

4.  C'cil  une  opinion  très-commune,  qu'on  a  adoré  en  Egypte  les  bêces, 
à  caufe  dès  utilitez  qu'on  entiroic:  Les  bœufs  ^  caufe  de  l'agriculture,  les 
brebis  à  caufe  des  laines,  les  ibis  à  caufe  de  la  Médecine,  &:  parce  qu'ils 
mang.eoient  les  ferpens ,  Tichneumon,  efpecederat,  parce  qu'il  tuoit  les 
crocodiles  :  les  crocodiles  eux-mêiiies,  parce  qu'étant  trés-dangereux  pour 
ceux  qui  voyageoient  fur  le  Nil,  ils  emjîêchoient  les  brigands  deCyrene, 
de  traverfer  le  fleuve ,  pour  venir  pilier  le  pa'ïs:  On  peut  lire  ces  chofes, 
ôc  autres  femblables,  dans  PlutarqueôcDiodore  de  Sicile,  dans  les  endroits 
qui  ont  été  citez. 

f .  ^'iais  la  feule  opinion  véritable,  c'eft  que  les  animaux  adorez  en  Egypte 
étoient  les  fymboles  des  Dieux.  Car  tout  le  monde  fait  que  chacun  des  Dieux 
Pay  ens ,  avoit  fon  animal ,  qui  lui  étoit  confacré ,  ëc  même  qu'il  avoit  fon  ar- 
bre &  ia  plante.  La  colombe  étoit  confacrée  à  Venus ,  le  dragon  &  la 
chouërte  à  Minerve,  les  paonsàjunon  ,  l'aigle  à  Jupiter,  le  coqàEfcu- 
lape  ôc  au  Soleil,  &c.  C'eft  là  l'origine  de  Fidolatrie  Egyptienne.  Les 
Egyptiens  aflignerent  à  leurs  Dieux  certains  animaux,  comme  leurs  fym- 
boles. Ils  furent  introduits  dans  lesTemples ,  comme  furent  les  images  dans 
les  Eglifes  des  Chrétiens,  ôc  enfuite  on  vint  à  les  adorer.  Hérodote  dit  en 
parlant  de  ces  animaux  facrez ,  que  les  Egyptiens  fe  font  un  grand  honneur  àe  les 
nmrrir  ^  (jr  de  les  élever ,  &''c]ue  dMis  cet  honneur  le  fils  fuc  ce  de  apt  fere  ^  tous 
les  h.ibuans  des  villes  payent  lems  vœux  à  ces  anim.itix  ,  ér  par  là  ils  rendent" 
hommage  au  Dieu  ,  à  qui  celte  hête  efi  coûfacrée.  Ces  dernières  paroles  font 
voir  que  la  bête  n'étoit  pas  adorée  comme  le  Dieu,  mais  comme  le  fym- 
bole  du  Dieu  à  qui  elle  étoit  confacrée.  Clément  d'Alexandrie  dit,  ^ne 
les  Egyptiens  regardaient  l'tbis  &  l^ichneHmon^çommelesJlames  des  T)ieHx.  C'eft- 
à-dire  comme  leurs  fymboles.  1 

Plutarque  dans  fon  Livre  d'Ifîs  6c  d'Oilris  dit,  que  les  Egyptiens  avoient 
conlàcré  certaines  bêtes  à  certaines  divinitez,  à  caufe  de  quelque  relTcm- 
blance  ,  ôc  quelques  légères  ombres  de  divinité  qui  étoient  en  elles.  Et 
e'eil  là  le  propre  de  ce  que  nous  appelions  des  fymboles  \  lis  n'ont  pas 
l'effence  &:  la  nature  de  ce  dont  ils  iont  les  fymboles ,  mais  ils  ont  quelque 
rapport  6c  quelque  efpece  de  reffemblance  :  Ceux  qui  ont  étudié  la  matière 
des  Sacremens  doivent  comprendre  cela.  Car  c'eft  de  cette  manière  que 
les  fymboles  facrez  font  regardez  Se  honorez  entre  les  vrais  Chrétiens. 

Les  faux  Chrétiens ,  non  ieuiement  adorent  les  fymboles  dans  les  Sa- 
crentens  :  ils  adorent  les  images  mêmes  ôc  les  ilmulacres  de  leurs  Saints  : 
Oiiand  nous  les  preifons,  ils  répondent,  qu'ilya  bien  de  la  différence  en> 
tje  les  idolâtres  Payens  «Se  eux>  parce  que  les  Payens  adoroient  leurs  lîmu- 
lacres,  comme  des  Dieux.  Nous  avons  convaincu  cette excufe  6c de fauf- 
feté  6c  de  vanité,  dans  nôtre  Traité  des  Theraphims,  6c  dans  celui  de 
Torigine  des  fimulacres.  Nous  les  prelTons,  6c  nous  leur  dilbns  j  des 
animaux  vivans  feroient  bien  plus  propres  à  être  les  fymboles  de  la  di- 
vinité, 6<  à  être  adorez  comme  tels  :  Car  au  moins  ils  ont  la  vie,  le 
mouvement  6c  le  feniiment ,  en  quoi  ils  fymbolifent  avec  la  divinité , 
6^  en  font  une  efpece  d'image.  Cependant  vous  voyez,  comment  les 
Egyptiens  font   devenus  l'horreur  6c    le  mépris  de   tous  les  peuples, 

pour 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Tart.Ul,  517 

pour  avoir  adoré  les  bœufs  Apis ScMnevis  56c  plufieurs  autres  bêtes, com- 
me des  fymboles  des  grands  Dieux. 

Nos  Fapiftes  répondent ,  que  les  Egyptiens  n'ont  pas  adoré  les  animaux 
brutes,  comme  des  Tymboles,  mais  comme  de  vrais  Dieux.  ^ypz.f  ,ditBcl- Extravâ- 
larmin ,  a  été  le  grand  Dieu  des  Egyptiens  ,  &  les  Ifraelttes  ont  cru  cjue  le  Veau ,  ^^^^^  '^9 
cjH'ils  avoient  vu  adorer  en  Egypte,  éioitle  Dieu  du  Ciel.     Et  c^juc  même  les  Ifra'ê-  Lib.z.c.ij. 
lites  crurent ,  qu'ils  avoient  été  délivrez. ,  &  qu'ils  avoient  recule  bienfait  de  leur  ^^i™agini- 
delivrance ^  non  du  Dieu  de  Aloife  ^  mais  d'Apis  leT^ieu  des  Egyptiens.      Celaefl;  Lib.fecundo 
bien  étrange,  que  pour  juftifier  une  faulTe  Religion,  on  transforme  tous^'"'^°' 
les  autres  hommes  en  brutes,  ôc  en  fous  à  lier.      Car  il  eût  falu  que  les  If- 
raëlites  eulTent  été  plus  que  fous ,  pour  fe  perfuader  que  leur  bœuf  les  avoir 
délivrez. 

Cet  endroit  efl:  afîez  important  pournous  y  arrêter  un  peu;  Il  faut  prou-  LesEgy- 
ver  que  les  Egyptiens  n'ont   pas  adoré  les  animaux  facrez ,  comme  des  pas*adorè°ies 
Dieux,  mais  feulement  comme  des  images  &  des  fymboles  des  Dieux,  animaux, 
Mais  avant  cela  on  doitfavoir  que  nous  ne  cherchons  que  lefentimentdes  "àfs^Dieux 
Maîtres  de  cette  Religion,  c'ell-à-dire , des  Prêtres,  ôcdesSavans  Egyp-  niais com-  ' 
tiens..       Car  pour  le  peuple,  il  nous  importe  peu  comment  ils  ont  adoré  bSeî^^''^' 
Apis ,  6c  les  autres  bêtes  facrées.     Il  n'y  a  gueres  d'excez  en  matière  de 
culte,  dont  les  brutaux  &  les  {impies  ne  foient  capables.      Encore  à  pré- 
fent  on  trouveroit  entre  lesPapiites,  mille  &  mille  ignorans  ,  qui  ne  dif- 
tinguent  point  l'adoration  qu'ils  doivent  à  Dieu ,  de  celle  qu'ils  rendent 
à  leurs  images. 

1.  Au  relie  que  les  fages  Egyptiens  n'ayent  adoré  les  animaux,  quecom-  Preuves  que 
me  les  fymboles  de  leurs  grands  Dieux,  cela  doit  être  évident  par  leca-  J^u^^J!?" 
raétere  de  la  Nacion.     On  tombe  d'accord ,  que  les  Egyptiens  ont  pafTé ,  adoré  les 
ÔC  pour  les  plus  favans,  &;  les  plus  éclairez  de  tous  ceux  qui  fe  fontappli-  cjg™^"^^*" 
quez  aux  fciences  5  ils  ont  été  habiles,  même  dans  la  Théologie  naturelle,  comme  les 
Or  il  auroit  falu  qu'isls  euifent  été  ,  éc  les  plus  ignorans,  &  les  plus  bru-  dcT^îds 
taux  de  tous  les  hommes,  pour  adorer  des  bœufs ,  des  chiens  6c  des  ehats^  oicuii. 
comme  de  vrais  Dieux.  LesEgyp- 

2.  Toute  leur  Théologie ,  6c  ir.ême  leur  Philofophie   étoit  couverte  iJ-^Û^tezks"^ 
d'ombres  myiliques:  Ce  qu'autrefois  nous  avons  piouvédans  des  Thefes  Fi"£ii^b;i€s, 
de  Cabbda.     Leurs  Hiéroglyphiques  en  font  foi.     C'étoient  àcs  figures  fages^de"* 
myfterieufes  ,    qui  couvroient  de  belles  ëc  grandes  veritez.     Un  fceptre,  *°"s^" 

au  haut   duquel  étoit  un  œil,  répréfentoit  le  Souverain  des  Dieux ,   ou  scrande" 
pour  mieux  dire  une  divinité  unique  ,  qui  gouverne  le  monde,  avec  une?^^"^^- 
connoiiTance  générale,  êc  une  profonde  fagellTe.  Le  grand  Dieu  qu'ils  ap-  Pnlîofophie, 
pelloient  Kneph  ^  ou  Knejjphis ,  étoit  répréfenté  faifant  forttr  un  œuf  de  fa  b  ou- ^l^^^^'-^'  • 
c^<?,&  ils  appeiioient  cet  œiif  le  Monde  :  C'eft  une  figure  tout  à  tait  parlante  Blypii^ns , 
de  la  Création  du  Monde.     Le  Monde  fort  de  la  bouche  de  Dieu ,  c'eii.  f^^f j;^^^^* 
parce  qu'il  le  créa  par  fa  parole,  ôc  par  le  fouffle  de  fa  bouche,  comme  fymboics. 
parle  David.  LvaS"?""^' 

On  pourroit  trouver  dans  les  œuvres  dePlutarque,  dansEufebe,  dans  en.'''  ' 
les  Livres  de  Jamblichus,  cent  &  cent  emblèmes  Egyptiens,  qui  décou-^^-  ^*' 
vrent  la  profonde  fcience  d£S  Egyptiens ,  dans  les  choies  fàcrées ,  &  j'y  ren- 
voyé les  Ledeurs  curieux. 

Mais  je  ne  puis  omettre  la  Minerve  Egyptienne,  ou  la  Déeiîé  Ifis, 

l'tt  3  adorée 


5^8  HISTOIRE   DES   DOGMES 

La  Minerve  adorée  daiis  la  ville  de  Sais.  Elle  avoit  un  lîmulacre,  fur  lequel  étoient 
dcSaïscft  écrites  ces  paroles,  je  fms  celle  cjui  etois  ^  qui  fuis  y  &  cjui  ferai  ^  &  cjuifmi 
fcmtion.  '  ^oHte  chofe.  C'ell  précifément  l'explication  du  mot  de  febova^  &  la  défini- 
^'"a?'r  ^^o^"^  q"^^  Dieu  donne  de  lui-même.  Je  ne  croirai  jamais  qu'une  Nation, 
&.oiiri.  qui  a  poufle  les  connoiirances  jufques-là,  ait  adoré  des  bœufs ,  comme  des 
Apocai.  I.    Dieux- 

Troifiémc        3 .  Tous  Ics  Auteurs  anciens ,  foit  Payens ,  foit  Chrétiens ,  avouent  que 
preuve.       jgj  animaux,  qu'on   adoroit  en  Egypte  ,  étoient  confacrez  aux  Dieux. 
^-^///spyôj.  Porphyre ,  dans  les  Livres  d'Eufebe,  ci-deflus  citez,  aflure  que  la  tfrebis 
étoit  confacrée  au  grand  Dieu  Créateur,  que  les  bœufs  Apis,  &  Mnevis, 
étoient  confacrez  au  Soleil  &  à  la  Lune.     Or  fi  c&s  animaux  étoient  confa- 
crez aux  Dieux,  ils  n'étoient  donc  pas  repuiez  Dieux  eux-mêmes  ;  car  il 
ne  fut  jamais  dit,  que  l'on  aitconfacré  des  Dieux  aux  Dieux.     MaisPor- 
EufcbePrasp.  phyre,  rapporté  par  Eufebe,  ell  exprés  là-deflus:  Or  que  les  Sgjptieni(  ne 
SliÎ!^  I.  jrgg^f^^jpjjf  p^j  fgj  animaux  brutes  ^  comme  des  Dieux ,  ilparozt,  parce  quedans 
la  plupart  des  lieux  ^  ils  facrifioient  les  bœufs  confacrez.  dans  leurs  fêtes  folemnelles. 
La  preuve  eft  évidente ,  fi  le  fait  eft  bien  certain ,  fa  voir  qu'ils  facrifioient 
aux  Dieux  les  animaux  confacrez,  car  on  ne  lacrifie  pas  un  Dieu  à  un 
autre  Dieu. 
Lib.de  ifi.-       4.  Plutarquc  nous  apprend  un  fait  notable ,  c'eft  qu'en  tems  de  guerre, 
^p  jg        de  pefte,  de  famine,  ou  de  quelque  grande  calamité  ,  les  Prêtres Egyp- 
LesEgyp-    ticus  prcnoicnt  une  de  leurs  bêtes  facrées  ,   &  durant  la  nuit  ils  lui  faK 
Stoient   Soient  de  terribles  menaces ,  fi  elle  manquoit  à  leur  donner  du  fecours  :  fi  le 
leurs  Dieux,  mal  contiuuoit,  ils  fouettoient  la  bête  jufqu'au  fang.     Et  enfin  fi  le  mal  ne 
tuoknr.*  "  ceflbit  pas,  ils  la  tuoient  pour  la  punir  :  Qui  croira  que  des  hommes,  qui 
Quatrième   ne  font  pas  fous ,  vouluflcut  tucr  leurs  Dieux  ?  La  même  obfervation  fc 
Fe"aniBuux  P^'^'^  faire,  fur  ce  qui  a  été  remarqué  ci-deflus,  qu'ils  étoufFoient le  bœuf 
facrez  n'é-   Apis ,  daus  l'cau  du  Nil,  après  l'avoir  adoré  plufieurs  années.    Nos  Pa- 
desfyinbS-  piites  brûlent  leurs  vieux  Saints,  quand  la  pourriture,  &  la  vermoulure 
^"'  \ts  a  défigurez  :  c'eft  parce  qu'ils  ne  croient  pas  que  ce  ,foient  de  vrais 

Saints. 
Diodorus         ^.  Enfin  tous  les  Auteurs  confentent,  que  le  bœuf  Apis  étoit  l'image, 
iibiloî'"''*' les  uns  difent  de  Serapis,  les  autres  d'Ofiris.     Le  feul  Lucien  a  dit,  qu'A- 
Aueuftinus  P'^  ^^oïi  le  grand  Dieu  des  Egyptiens.     Mais  qui  ne  voit  que  c'eft  pour 
de  civitate  rendre  ridicule  la  Religion  d'Egypte?  Comme  il  avoit  dcflein  de  fe  mo- 
reihb.  18.  jjyçj.  en  gênerai,  de  toutes   les  Religions   Payennes,  il  ne  pouvoit  pas 
manquer  de  prendre  la  Religion  d'Egypte  par  fon  plus  mauvais  côté.  Au 
piutarque     rcftc  nous  nc  nions  pas  ce  que  nous  avons  dit  ci-defilis,  ôcque  Plutarquc 
*ufeb^d^ê     ^voit  déjà  remarqué,  (^ue  ce  culte  des  animaux  br Ht  es  rendoit  le  fervice  divin 
Praep.  Ey.     ridicuîe  &  ahfurde  ,  &  que  cela  induifoit  les  ftmples ,  d"  fouvent  lesfages  ,  k  des 
''•         penfees folles  &  impies.     Mais  en  pénétrant  dans  l'efpritde  cette  Religion, 
facdficîis  ^^  ^  ^  ^^^  auteurs ,  nous  foûtcnons  qu'ils  n'ont  jamais  regardé  ces  animaux , 
iQdis&ofi-  que  comme  des  fymboles&des  images  des  Dieux.     Et  que  dans  le  fond, 
lis.  cap.  37.  Y^^^  Religion  étoit  moins  abfurde  que  celle  des  autres  Payens,  qui  pofoient 
des  ftatuës  brutes  &  mortes,  pour  fymboles  de  leurs  Dieux.  Il  efivrai  pour- 
tant que  les  apparences  étoient  contr'eux.  C^eft  pourquoi  toutes  les  autres 
Religions  fe  font  moquées  de  celle-là. 

CHAP, 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Part.UL  519 


CHAPITRE     VL 

S^e  le  bœuf  t^pis  n' et  oit  pas  le  fymhole  du  Dieu  Serapis:  gf/^/vojcz  k 

eioit  le  T>îeu  Serapis  des  Egyptiens  ;  que  Jofeph  n"a  Bee&bab 

pomt  de  part  en  tout  cela.  ^^^^-  ^'^' 

C'Etoitune  opinion,  à  peu  prés  confiante  &  univerfelle  entre  les  an-  Fable  de$ 
ciens ,  que  le  bœuf  Apis  étoit  confacré  à  la  mémoire  d'un  Roi  de  ^"^«^  ^ou- 
même  nom.    Les  Grecs  tenoient  que  cet  Apis  Egyptien  ,  étoit  le  &£?'»?& 
même  que  celui ,   qu'ils  appelloient  Epaphus ,   petit-fils   d'Inachus  Roi 
d'Argos.     Et  voici  comme  ils  en  compofent  la  fable.   Inachus  Roi  d'Ar- 
gos  eut  une  fille,  dont  Jupiter  devint  amoureux.    Junon  en  fut  jaloufe, 
&  la  metamorphofa  en  vache.   Cette  vache  piquée  du  taon  ,  devint  fu- 
ricufe,  &:  courut  toute  la  terre.     Enfin  elle  arriva  fur  les  bords  du  Nil. 
Et  ce  fut  là  que  Jupiter  lui  rendit  fa  première  forme,  &  continuant  dans  îp°/J*o"L 
{es  amours,  il  coucha  avec  elle:  Elle  en  devint  grofîè,  Serait  au  monde  ^^uguft. 
Epaphus,  qui  bâtit  la  ville  de  Memphis.    Cet  Epaphus,  après  fa  mort,  De  clvit. 
fut  mis  au  nombre  des  Dieux ,  &  adoré  fous  le  fymbole  du  bœuf,  par-  ^^'^-  «•  f * 
ce  que  fa  mère  lo  avoit  été  vache.    Cet  Epaphus,  petit -fils  d'Inachus,  piïpam.Er. 
Roi  d'Argos  ,  vivoit  du  tems  de  Moïfe  ,  fi  on  en  croit  Appion  d'Ale-  ^'^-  ^°-  "p° 
xandrie.  Appion  a  été  fuivi  par  plufieurs  Auteurs  Chrétiens ,  comme  Juf-  Herôdot/S 
tin  Martyr,  Clément  d'Alexandrie,  Théophile  d' Antioche ,  6c  plufieurs '^''^'"' *c 
autres.  cîem£ 

Mais  les  Egyptiens  ne  conviennent  pas  de  cela,  que  leur  Apis  foit  Epa-  ^^l^^n.  Jib„ 
phus.  Ce  feroit  un  Dieu  étranger ,  &  Grec  d'origine,  puifqu'il  feroit  petit-  jùiiusTir-* 
fils  d'un  Roi  d'Argos.  Ce  qui  ne  s'accorderoi*  pas  avec  la  vanité  àQs  J^j*^"*  *J»- 
Egyptiens  ,  qui  prétendent  être  les  Doéteurs  de  toute  la  terre ,  &  que  de  Enore* 
leur  Religion  eft  la  plus  ancienne  de  toutes  les  Religions.  Ils  veulent  donc  J'^^^^".^^^' 
que  ce  Roi  Apis,  à  qui  le  bœuf  étoit  confacré  ,  fût  beaucoup  plus  an-  opinion  des 
citn  au' Epaphus  ^  &  Inachus:  comme  nous  l'apprend  Elian.  Voici  ce  qu'en  f^^,^"„^'^ 

j  •     o    ■  1  ri  •  ■«      ^  •  f  '  r  ■  I  i  lur  le  Roi 

ait  buidas.  Il  y  en  a  qm  rapportent  (^u^ay^pis  a  tte  autrefois  un  homme  fort  n-  Apis. 
che  ^  &  %pi  de  Memphis  ^  ville  d'Egypte  ^  ^ui  dams  une  année  ^  oit  le  bled  étoit  ^^^l^^.  . 
rare,   nourrit    les  peuples  d'*  Alexandrie  à  fès  dépens,     y^ prés  fh  mort  en  lui  con- miliam  nh. 
facra  un  Temple  ,  dans  lequel  on  nourrijfoit  un  bœuf,  en  mémoire  de  ce  Roi  ,  suid^s^"'^' 
qui  avott  exercé  Pagrieulture.     On  lit  la  même  chofe  dans  Ruffin  ,  que  le^oceserapis. 
Roi  Apis  avoit  nourri  les  habitans  d'Alexandrie:  Qu'à  caufe  de  cela  on  EcSiib'?" 
lui  avoit  affigné  le  bœuf,  pour  fymbole,  ôc  on  l'avoit  adoré  fous  le  nom  cap.  zj. 

j»A„:„  Les  Anciens 

"  ^PIS.  _  ^  ne  font  p^^ 

Les  Anciens  ne  font  point  exaéls  dans  leur  Chronologie.   Apis  ne  peut  ^^^^^  «Jans 
pas  avoir  nourri  les  Alexandrins.     Car  Alexandrie  fut  bâtie  par  Alexan-  nofo|re^°Le 
dre,  après  qu'il  eut  conquis  l'Egypte.     Et  le  Roi  Apis,  foit  que  ce  fût^°iÂpis, 
Epaphus ,  ou  un  autre,  étoit  beaucoup  plus  ancien  qu'Alexandre,  puif-  Lup  pS* 
que  l'on  fait  vivre  Apis,  ou  Epaphus ,  dans  le  fiécle  de  Moïfe,  •  ''"f  ^p 

-     Undxie. 


520  HISTOIRE  DES  DOGM  ES 

Eufcb.Trsep.      Un  Certain  Ptolemée  Mendefien  ,   qui  avoit  écrit  THiftoire  des  Rois 
Evang.  Hb.  (j'£gypte,  prétend  que  Moïfe  débaucha  le  peuple  d'Ifraël,  &  le  fit  for- 
tir  d'Egypte  fous  le  Roy  Amojîs.   Ces  deux  noms,  de  Mofes  &  à'AmoJts^ 
font  fi  voifins  ,  qu'il  n'eil  pas  poffible  de  ne  pas  voir  qu'ils  ont  été  faits 
l'un  fur  l'autre  :   Ce  Mendefius  étoit  Egyptien  d'cxtraélion  j   &  Prêtre 
de  la  ville  de  Mendcs  :   Mais  il  étoit  devenu  Grec  ,   fous  la  domination 
^'o'^vifnt  (jes  Grecs ,    ôc  il  y  a  bien  apparence  que  fon  Amofis^  qui  efl:  le  Pharaon 
mofisîc'é-  de  Moïfe,  eft  compofé  de  l'Alpha  privatif  des  Grecs,  èc  de  Mofât.  Ainfî 
d*' Roi'd'î;-  ^^  "°"^  fignifieroit  éloigné  de  Moïlè  ,  ou  ennemi  de  Moïfe  :  nous  n'ap- 
gypte,  du    prenons  donc  rien  de  nouveau  de  cet  Auteur  ,  touchant  le  Roi  d'Egyp- 
ucï[^^      te,  fous  lequel  le  peuple  d'Ifraël  fortit. 

Apisn'étoit      L'opinion  qui  a  eu  le  plus  de  cours  entre  les  anciens  Auteurs,  fur  tout 
au  d'^SS-^  ^'^^re  les  Chrétiens  j  c'eft  que  le  bœuf  Apis  étoit  confacré  au  Dieu  Sera- 
rapis.         pis.     Ce  Scrapis  étoit  en  effet  une  des  fameufes  divinitez  des  Egyptiens, 
Mais  il  n'a  rien  de  commun  avec  le  bœuf  Apis  :   Une  fauffe  étymologic 
a  trompé  les  Anciens.  Ils  veulent  que  Serapis  ne  foit  rien  autre  chofe,  que, 
Soros  Apts ,  paroles,  qui  dans  la  langue  Grecque,  fîgnifîent  le  tombeau^  ou 
le  cerctieil  d'Apis.   Comme  fi  ce  Roi ,  nommé  (iApis^  après  fa  mort  avoit 
pris  un  nom  compofé  de  fon  vrai  nom  Apis  ^  &  du  mot  qui  fignifîoit  cer- 
cueil :   Soros  ttApis ,   eft  un  nom  Grec  >   par  conféquent  il  n'a  pas  pris  fa 
naiflance  en  Egypte.   Gérard  Vofîius  a  rejette  cette  étymologie  ,  en  re- 
tenant pourtant  ce  principe ,  qu'Apis  étoit  confacré  à  Serapis. 
H  y  a  eu  H  y  a  bien  apparence  qu'il  y  a  eu  àtuxApis^  l'un  Egyptien,  &  l'autre 

daisKois  ^^.gjgjj.  Qç.  cjernier  étoit  Roi  d'Argos,  fils  de  Phoroneus,  petit- fils  d'T- 
nachus ,  &  tous  prédecefleurs  d'Agamemnon  :  cet  Apis  n'a  jamais  été 
en  Egypte:  l'autre  Apis  étoit  Egyptien,  il  a  bâti  Memphis:  ôc  fut  ado- 
ré en  Egypte.  Mais  ni  l'un  ni  l'autre,  n'ont  rien  de  commun  avec  le  Dieu 
cicmens  Serapis ,  on  a  confondu  ces  deux  Apis.  Clément  d'Alexandrie  dit  <jti'*Apis 
Akx.strom.  ^'^^^^  r^^-  ^•'^lyg^^^  comme  l'écrit  aAriflippe  ,  dans  le  premier  livre  de  VHiftoire 
d'Arcadie.  Ce  fut  lui  qui  bâtit  Memphis  :  &  Ariftceus  dit  que  c'eji  le  même , 
quon  appella  Serapis  ,  &  que  c'^-efl  celui  que  les  Egyptiens  adorent.  Mais  Nym- 
phiodorusd'Amphipolis,dans  fon  troiiiéme livre  des  mœurs  d'Aûe^ditquecet 
Apis  étoit  un  boeufs  qu'ion  avoit  faU  &  embaumé .^  &  qu'on  l' avoit  enfeveli  dans 
le  Temple  du  principal  Démon  ^  ou  Efprit ,  qu'ils  adoraient  î  qu'ion  le  mit  dans  un 
cercueil  appelle  Soros ,  &  que  de  là  efi  venu  le  nom  de  Soros  Apis  ^  Sorapis  ^  & 
enfin  Serapis.  Il  n'y  a  nulle  raiibn  de  tranfporter  ce  Roi ,  d'Argos  en 
Egypte  ,  pour  le  compofer  avec  le  bœuf  Apis ,  ôc  en  faire  un  même 
Dieu.  -Qiiant  à  la  conjeéture  de  Nymphiodorus  ,  que  le  culte  d'ax^^f  y 
auffi  bien  que  le  nom  de  Serapis^  viennent  de  ce  bœuf,  qu'on  avoit  falé, 
&  enfeveli  dans  le  Temple  du  principal  Dieu  d'Egypte  ,  elle  ne  me  pa- 
roît  ni  véritable ,  ni  vrai-fcmblabîe. 

Cette  étymologie  du  nom  de  Serapis,  tirée  de  Soros  Apis,  aparuvrai- 
femblable  à  je  ne  fai  combien  de  Savans ,  Anciens  &  Modernes  ;  à  St. 
Auguftin,  Suidas,  Rufîin,Apollodore, Clément  d'Alexandrie,  Ariftasus 
Deicllioia- Argien.  Entre  les  Modernes ,  Raynoldus  veut  au (îi  qu'Apis  ait  été  le 
41Ï  G*in'rd'  fymbolc  de  Serapis.  Enfin  le  favant  Gérard  Vofîius  ,  prétend  qu'Apis 
vofùus  de  gr  Serapis,  noms  de  Dieux  Egyptiens,  fo*nt  la  même  choie,  Se  que  fous 
ôc?.rib!i?  ces  deux  nonas  efl  caché  le  Patriarche  Jofeph  qu'on  appella  Apis ,  nom 
i.^9•  dérivé 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Partm.fii 

dérivé  de  l'Hébreu  au  Se  aùi  ,    qui  fignifîe  père  &  mon  père  -j    Et  que  \qs 
Rois  d'Egypte,  6c  la  nation ,  lui  donnèrent  ce  nom  ,  à  caufe  qu'il  leur 
avoit  fauve  la  vie  :  On  y  ajouta  la  fyllabe  Sar  ,  qui  en  toute  langue  fîgni-  Etymoiogie 
iîe  Prince.  Car  de  là  eft  venu  nôtre  Sire.  du  nom  de 


Sue. 


On  lui  donna  pour  fymbole  le  bœuf ,  à  caufe  de  l'Agriculture  ,  &  du 
froment,  par  lequel  Jofeph  fauva  les  Egyptiens.  Un  Auteur  ancien, fous 
le  nom  de  St.  Auguftin  ,    dit  (jue  les  Egyptiens  poferent  un  bœuf  prés  Au  tent-  Lib.  de  mn 
beau  de  fofeph ,  à  caufe  du  bénéfice  <jHe  Jofeph  procura  à  la  nation ,   par  l'Agri-  "''f''''"* 
culture:  ér  ^ue  le  bœuf  fert  à  V  Agriculture.    Et  cela  fut  auffi  caufe ,  ^ue  truand  1 1.  ap^if. 
les  enfans  d^Ifra'él  voulurent  adorer  une  idole  ,   dans  le  defert  ,    ils  ne  choifrrent 
pas  d? autre  figure  ^   que  celle  du  veau  i   c^efi-à-dire  ,    qu'ails  firent  un  bœuf 
pfrincipalement  ,  piwce  qu'ails  avaient  vu  cette  figure  adorée  prés  du  fepulcre  de 
Jofeph. 

On  a  remarqué  aufîi  que  Pharaon  vît  en  fonge  fcpt  vaches  grafles ,  ôc 
fept  maigres  ,  qui  lui  préfageoient  les  fept  années  d'abondance .,  &;  les 
fcpt  années  de  difette  3  que  Jofeph  interpréta  ce  fonge ,  &  reçût  de  Pha- 
raon la  eommifîîon  d'avoir  foin  des  bleds  :  ce  qui  fut  caufe  qu'on  lui  don- 
na pour  enfeigne  le  bœuf  ,<x^ue  ce  peut  être  là  l'origine  du  nom  de  Sera- 
pis  ^  qui  fut  donné  à  Jofeph,  ^axnïLî'  Shoravi ,  le  bœuf  mon  père.  On 
appuyé  cela  d'un  exemple  tiré  de  l'Hilloire  Romaine  de  Titc-Live.  Lu- 
eius  Mînutius  fut  honoréd'un  bœuf  doré  ,  qui  fut  pofé  hors  la  porte  , 
appellée  Tergemina,  parce  qu'il  avoit  heureufement  conduit  les  affaires, 
dans  une  année  de  rareté,  ôc  de  cherté  de  bled.  La  tradition  eft,  que  ^ 
l'idole  de  Serapis  avoit  fur  la  tête  un  boiffeau  :  ce  qui  rend  encore  vrai- 
femblaMe  que  c'étoit  Jofeph ,  à  qui  on  donnoit  le  fymbole  du  bœuf ,  & 
que  l'on  coiffoit  d'un  boifleau ,  parce  qu'il  avoit  ramafle  tant  de  bled ,  6c 
qu'il  le  diftribuoit  par  mefure. 

On  veut  auffi  que  le  nom  de  bœuf  (dit  donné  à  Jofeph ,  dans  les  paro- 
les du  33.  chap.  -ir.  17.  du  Deuteronome  ,  fa  beauté efl  comme  celle  d^un 
premier  né  des  taurtaux.  ''Enfin  on  ne  trouve  rien  plus  commode  ,  pour 
rendre  raifon  du  choix  que  fit  Aaron  de  la  figure  de  veau  ,  pour  l'idole 
que  les  Ifraëlites  lui  demandèrent. 

Il  eft  vrai  qu'il  jy  a  là  dedans  quelques  circonftances ,  qui  fe  font  heu- 
reufement  rencontrées,  pour  appuyer  cette  conjeéture  que  le  bœuf  Apis, 
&  le  Dieu  Serapis  ont  été  canonifez,  &  confacrez  à  la  gloire  de  Jofeph. 
Mais  dans  le  fond ,  cette  conjeéture  de  Voffius  n'a  point  dé  folidité. 

I.  Il  n'y  a  nulle  apparence  que  les  Egyptiens,  qui  avoient tant  de  hai-  iin'eft  pai 
ne,  ôc  tant  de  mépris  pour  la  nation  Ifraëlite,  eulfent  voulu  déifier  fon  fephfût  le 

Patriarche.  Dieu  Sera- 

2,.  Cela  ne  fe  peut  accorder  avec  ce  qui  fe  lit  au  premier  chapitre  de  EJ^^f^L^J;^ 
l'Exode  ir.  8.  qu'un  T\pi  fe  leva  qui  n^ avoit  pas  connu  Jofeph.     S'il  l'adoroit 
fous  l'emblème  du  bœuf,  ôc  fous  le  nom  de  Serapis  ,   il  ne  pouvoit  pas 
lui  être  inconnu. 

3.  Les  Ifraëlites  en  fortant  emportèrent  les  os  de  Jofeph  avec  eux. 
Les  Egyptiens  n'auroient  pas  fouffert  cela,  fi  Jofeph  eût  été  adoré  entre 
leurs  grands  Dieux. 

4.  11  n'y  a  gueres  d'apparence  ,  que  Dieu  eût  voulu  permettre  qu'on 
eût  fait  une  idole  de  ce  grand  Patriarche  Jofeph. 

l'art,  ni,  Vvv  f.  L'ado- 


522  H  I  S  T  O  I  R  E  D  E  S   D  O  G  MES 

f.  L'adonition'du  bœuf  entre  les  Egyptiens,  étoit  plus  anciehne  que 
Joi'eph:  Car  l'Hiftoire  de  la  Genefe,  6c  celle  de  l'Exode,  font  voir  que 
les  Egyptiens  avoient  en  horreur  les  Bergers,  fans  doute  parce  qu'ils  man- 
geoient  la  chair  des  Dieux  d'Egypte  :  &  comme  parle  Moiïe  ,   Les  ah' 

Mottvicvo-  ffjinatiom  des  B<;yptiens\  C'eft- à-dire  leurs  Dieux,,  lèion  la  sloie  de  Mai- 

cap.  46.       monides. 

6.  Il  n'eft  pas  vrai  que  Serapis  vienne  ni  de  Soros  zy4pis ,  ni  de  Sarafvi^, 
ni  de  Soravi ,  ni  qu'il  ait  pu  être  Jofeph  :  Car  le  Serapis  des  Egyptiens 
étoit  le  Dieu  Pluton  des  Grecs,  Ôc  le  Beelzebub  des  Phéniciens.  Et  Ton 
nom  jfîgnifie  le  Prince  desfauterelles,  comme  Beelzebub  iïgnifie  le  Dieu 
des  mouches.  C'eft  une  conjeâure  nouvelle  ,  mais  dont  nous  préten- 
dons faire  voir  la  folidité ,  quand  nous  parlerons  de  Beelzebub  ,  Dieu: 
d'Hekron. 

7.  Serapis  ne  peut  *pas  être  Jofeph  j  Car  c'efl:  une  divinité  moderne  en* 
tre  les  Egyptiens,  inconnue  avant  le  règne  des  Ptolemées.  Ce  fut  Pto- 
lemée  Lagus  ,   ou  félon  d'autres  Ptolemée  Soter,  qui  le  fit  apporter  du 

Tacit.  Hif-  Royaume  de  Pont,  ôc  de  la  ville  de  Synope.   On, en  voit  l'Hiftoire  dans 
ciemens'^'  Tacitc ,  dans  Clcmcnt  d' Alexandrie ,  6c  dans  Piutarque.  Ptolemée  averti 
co^'pi"?""^"  fonge  d'envoyer  quérir  cette  idole,  l'obtint  avec  beaucoup  de  peine,, 
que  dans  le  pour  l'apportcr  cu  Egypte, 
'«"'i.l^''^'*       8.  Ce  Dieu  Serapis  eut  fon  Temple  à  Alexandrie.  Mais  le  bœuf  Apis- 

&  d  Oluis.     r      ■         1       '•    -    A  /i  1  •         ,-    A     •      '      •      1      r        I      1       j     O  •         M 

ch3p.  ij.      etoit  adore  a  Memphis,  h  Apis  etoit  le  lyrabole  deberapis,  il  y  a  appa- 
rence que  le  fymbole  auroit  été  placé  dans  le  même  lieu,  que  la  divini- 
•      té,  dont  il  étoit  le  fymbole  :  Ce  n'étoit  donc  pas  un  Dieu  de  l'ancienne 
piutatque     Egypte.     IL cft  vrai  que,  félon  le  rapport  de  Piutarque  &  deTâfiite,  il 
ioûci.^    fe  trouva  que  ce  Dieu  Serapis  n'étoit  pas  inconnu. aux  Egyptiens,  carl'i- 
«p-i3f       dole  que  Ptolemée  fît  apporter  de  Pont,  ne  portoit  pas  le  nom  de  Sera-- 
pis  à  Synope.     Ce  furent,  dit -on,  les  Egyptiens  qui  lui  donnèrent  ce 
nom,  quand  ils  le  virent  ,   ôc  le  reconnurent  pour  être  le  Dieu  Serapis^ 
qui  de  tout  tems,  avoit.  eu  un  Temple  dans-   le  lieu  appelle    Rhacotis, 
Et  félon  Plutarque,  c'éfoit  je  nom  que  les  Egyptiens  donnoient  à  Plu- 
ton. 

S'il  y  a  quelque  chofe  de  vrai  dans  ce  récit,  c'efl:  que  l'orgueil  des 
Egyptiens,  qui  vouloient  que  tous  les  Dieux  tiralTent  leur  origine  de  leur 
Puis,  les  porta,  à  feindre  que  ce  Dieu  étranger  étoit  forti  d'Egypte.  Mais 
le  fîlence  de  tous  lesHiiloriens,  qui  ont  parié  des  anciens  Dieux  d'Egyp- 
te, prouve  aflézque  c'efl  une  fable:  Hérodote  ne  parle  point  de  ce  Dieu 
Serapis.  Et  Plutarque,  &  Diodore  Sicilien ,  qui  parlent  de  Serapis ,  veu- 
lent que  ce  foit  le  même  qu'Ofîris.  Or  Jofeph  le  Patriarche  n'a  rien,  de 
commun  avec  Ofiris,  non  plus  qu'avec  Serapis^. 
■    •  9.  Enfin  la.  figure  monflrueufe  ,   qu'on  avoit  donnée  à  Serapis  ,   qui 

convenoit  fort  bien  au  Prince  des  Démons  Beelzebub  ,  ne  peut  convenir- 
à  Jofeph  ,  les  Ifraëlites  n'auroient  pas  manqué  de  fê^pîaindre  ,  dece  qu'on: 
auroit  donné  une,  figure  affreufe  ,  à  un  fi  faint  Ôc  fi  excellent  Patriar- 
che. ..■.,..  .-V 
ïjgiue  de  Macrobe,  qui  a  voulu  trouver  le  Soleil  par  tout ,. nous,  dépeint  ainfî.lç- 
Macrobius    fîniulacrc  de  Serapis.     Il  y  a^  dit-il ,  ajfez.  de  preuves  (jue  l' Egypte  ^fotis  ce  nom 

SaturnaUib.  4ii  Serapis ^  rend.tome..fon.(idQrAtton.afi.S.9hUy  ce<^Hiparoit ^  lam  en  ce qn^tls ont 
i*.cap;.ip.,.  ^^^, 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  TartML^i^ 

mis  un  boijjeaH ,  ou  panier  fur  U  tète  daJimuUcre ,  ejne  parce  cju'^ils  lui  ont  donné  trots 
tètes  .^  de  trois  Ai jferens  animaux  ^  la  tète  dn  milteii  &  la  plusgrande-^  efl  celle  dn 
lion ,  à  coté  droit  on  voit  fortir  une  tèt-e  de  chien  ,  avec  fa  mine  douct  &  carejjaviey 
Cr  la  tète  delcjpk  la  gauche.  Sur  tout  cela  s^entortrlleune  figvire  de  dragon  ^cjpn 
tourne  tout  autour  de  ces  trois  ah' très  figures  ^  &  les  unit  enfemblc-y  là  tète  du  dra- 
çon  vient  fe  rendre  :à  la  mam  droite  du  monfire.         ' 

Je  ne  Gii  s'il  y  eÛLt  jamais  rien  de  plus  monftmeux,  que  cette  figure. 
En  je  ne  Tai  comment  on  en  pourroit  faire  la  figure  fymbolique  de  Jo- 
feph.  Puis  que  le  boeuf  Apis  n'étoit  ni  Serapis,  nijofeph,  il  faut  voir 
à  qui  ce  bœuf  étoit  véritablement  confacré. 


C  H  A  P  I  T  R  E     VIL 

Lit  Bœuf  Apis  éteit  le  fymbole  de  la  Veejfe  IJis  ;  à-  le  Bœuf  Mne- 
"vis  étoit  le  fymbole  du  Dieu  OJÎris.  Typhon  étoit  ennemi  mortel 
Slfis  &  d'OJiris.  Celles  parties  delà  nature  ont  été  déifiées  pat 
les  Egyptiens  i  fous  ces  trois  noms.  IJïs  n'étoit  f  as  la  Lune,  mais 
la  nature  univerfelk, 

IL  eft  certain  que  fous  les  fymfboles  des  deux  bœufs  facrez  en  Egypte ,  lcj  ^g  _. 
il  faut  chercher  les  Dieux  des  Egyptiens.     Il  cil  pareillement  certain,  tiens  ont  unr 

que  les  Egyptiens,  comme  tous  les  autres  Payens ,  fous  leurs  emblèmes,  Natureîs^"* 
&  fous  leurs  fimulacres ,  ont  adoré  les  Aftres  &  les  Elemens ,  &  qu'ils  y  avec  leurs  _ 
ont  joint  l'Hiftoire  des  premiers  hommes  du  monde ,  qu'ils  ont  confacrez,  ^a^iJi*  ^'^' 
èc  adorez  conjointement,  dans  les  mêmes  Temples,  fous  les  mêmes 
noms.  Et  c'eft  ce  qui  a  produit  une  fi  monftrueufe  Théologie  chez  les 
Payens.  On  les  voit  attribuer  à  des  Aftres,  à  des  étoiles  ôc  à  desélemsns, 
des  aélions  qui  ne  peuvent  convenir  qu'à  des  hommes ,  6c  fouvent  qu'à 
des  hommes  trés-méchans,  ainfi  qu'il  a  été  déjà  remarqué  cy-defllis.  Il 
faut  donc  chercher  dans  la  Théologie  Egyptienne ,  &  les  fecrets  dç  leur 
Philofophie  naturelle,  &c  l'Hiftoire  de  leurs  Ancêtres.  C'eft  ce  qui  fait 
ces  deux  efpeces  de  Dieux  ^  Dieux  Naturels ,  é"  Dieux  Animaux  ,  dont  nous 
avons  donné  la  diftindion  cy-devant.  Les  Dieux  Naturels  font  les  Aftres , 
les  Elemens  ôc  les  principales  parties  de  l'Univers:  les  Dieux  Animaux 
font  les  hommes,  c'eft-à-dire  les  Ancêtres,  que  les  Payens  ont  placé  dans 
les  cieux,  afin  de  ne  plus  manquer  de  divinitez,  &  ne  plus  tomber  dans 
l'atheifrae  de  l'âge,  qui  avoit  précédé  le  déluge.  Ainfi  confiderons  Ifis 
fie  Ofiris  comme  Dieux  Naturels ,  &  comme  parties  de  l'Univers ,  ôc  après 
nous  y  chercherons  l'Hiftoire  des  fondateurs  du  premier  monde. 

Il  faut  tomber  d'accord  qu'Ofiris  eft  le  Soleil.     Plutarque  le  prouve  ôruise'aïc 
très- évidemment  5  dans  fon  livre  d'Ifis  fie  d'Ofiris ,  petit  ouvrage  qu'on   Preuves 
ne  fauroit  trop  relire ,  fi  l'on  veut  favoir  quelque  choie  dans  la  Religion  qu'en  ap- 
des  Egyptiens.     Voici  le  fondement  de  la  conjeéture  de  Plutarque.     i.  Sque."* 
Les  fimulacres  d'Ofirisfont  revêtus  de  vétemensbrillans,  pourrépréfen- 
ter  les  rayons  6c  la  lumière  du  Soleil,  z.  Membrum  virile  eji  ipfi  arreïium ,  JJ^^^'^J* 
c'efbpour  marquer  la  vertu  generative  du  Soleil,  eftimé  père  de  tout  ce  orùis. 

Vvv  2  qui 


524         HISTOIRE   DES  DOGMES 

qui  vit,  foit  plantes ,  foit  animaux.  Sol  &  homo générant hominem.  3.  Dans 
leurs  hymnes  compofez  à  l'honneur  d'Oliris,  ils  prient  celui  qui  repofe 
dans  le  fein  du  Soleil.  C'ell-à.dire  l'intelligence,  qui  conduit  cet  Ailrc. 
4.  Après  réquinoxe  de  l'Automne,  tirant  vers  le  Solllice  d'Hiver,  ils 
célèbrent  en  grand  deuil  une  fête  qu'ils  appellent  ùCpavia-iJ^og  Ofiridis  , 
la  difparution  d'Ofiris  :  par  où  ils  défignent  évidemment  l'abfence  6c 
réloignement  du  Soleil,  f.  Dans  le  même  tems,  autour  du  Solftice 
d'Hiver ,  dans  le  mois  de  Novembre ,  ils  cherchent  Ofiris  ,  ôc  font 
faire  à  une  vache,  fept  fois  le  tour  du  Temple  d'Ofiris,  par  cela  ils  veu- 
lent fignifier ,  que  dans  fépt  mois^ ou  fept  révolutions^ de.  ILune,.  k  Soleil 
reviendra  au  Solftice  d'Eté.  6^  Dans  le  mois  de  Paophi,  qui  eliaprés^ 
réjq.uinoxe  d'Automne ,  tendant  à  l'Hiver ,  ils  célèbrent  une  fête  qu'Hs 
appellent /<?  ^^?o»  «aTO/m :  c'cfl  parce  qu'alors  le  Soleil,  étant  très  avan- 
cé dans  les  lignes  décendans ,  a  perdu  à  peu  prés  toute  fa  force ,  &  il 
a  befoin  de  bâton,  comme  un  vieillard,  dont  la  vertu  &  la  force  dé- 
Satumai.  clinent.  Si  l'on  veut  voir  ce  parallèle  poufie  plus  loin,  il  faut  lire  le  premier 
jib.  I.  cap.  ijvi^  des  Saturnales  de  Macrobe,  &  l'on  ne  pourra  pas  douter  de  cette  ve- 
Diod.  sicui.  rite ,.  qu'Ofiris  ne  foit  le  Soleil.  Diodore  dit  que  le  mot  O/w,  dans  la  langue 
hb.i.Bibho-  Egyptienne,  ûgmûe  %oKv6<^^ciKp.c g  ^  ayant  beaucoup  d'yeux  :  Rien  ne  peut 
fignifier  plus  dillindement  le  Soleil:  félon  la  définition  qu'en  donne  Ho- 
mère. 


thecar. 


0,dyfl«Ei     ,  H'fA/OÇ  ôV  TrdvT    i(Popp^-,    KUl  'XUVT    i'ïïdHCVSl. 

vide  Plut.    Il  eft  fort  apparent  qu'on- a  donné  le  nom  de  Sirius  à  la  canicule,  parce 
cap.  iT'    qu'elle  redouble  6c  la  chaleur  6c  l'ardeur  d'Ofiris ,,  c'eft-à-dire  du  Soleil. 
ofiris^figtii-  Il  ne  faut  pas  oppofer  Piutarqug  à  lui-même,   parce  que  dans  le  même 
goit  auffi  le-jjyj-e^  il  interprète,  Qfiris  par  le  Fleuve  du  Nilj,  car  il  efl  tout  ordinaire 
aux  Poètes ,.  &,  aux  Prêtres  Payens ,   de  cacher  plufieurs  chofes  fort  dif- 
férentes fous  un  m.ême.  nom  5,  &  fous  un  feul  emblème.     Le  Nil,  dans  la 
langue  du  VieuxTeftamentv  s'appelloit  Sichor^  d'où  avec  une  très-peti- 
te tranfpofition  de  lettres,  on  peut  faire  Qfms,.  Le  nom  deT^tl^s,   vient 
PompoBius  auffi  de  l'Hébreu  Nachal\,  qin  figiiifie  Fleuve-.  Pomponius  Mêla  nous  ap- 
fitp.'s.'    ^°  prend  que  les  Ethiopiens  l'appellent  lsluchuï\,c.e.  qui  évidemment  vient 
de  Nackd:  car  dans  \cs  étymologies  ,     les  voyelles  font  contées  pour 
rien,  à  caufe  qu'on  les  change  facilement.  Les  hommes.,  qcii n'aiment  qu'eux- 
mêmes,  font  des  Dieux,   par  reconnoilTancc  de  tout  ce  qui  leur,  efl  uti- 
le: le  Nil  nourrit  l'Egypte,  c'eil  aflèz  pour  en  faire  un  Dieu.  Le  Soleil 
6c  le  Nil,  font  les  caufes  vifibles  de  la  fertilitç  de  l'Egypte  :  unis  enfem- 
•ble  par  un  même  bienfait,  on  les  unit  fous  un  même  nom.     Le  Nil  efl 
ZfOs  A;-  îippellé  dans  Athénée,  par  un  Parmenon  Bizantin^  le  Jupiter  Egyptien. 
yv^noij»        Cette  vérité,  qu'Ofins  efl  le  S.oliel,  me  paroît  afîez ioûtenuë  du  con- 
"Dipnofo-     fentement  de  tous  nos  Savans,  félon  quoi,  du  même  confentement ,  IJts^ 
^"    '  '^"    à  ce  que  l'on  croit,  doit  être  la  Lune.  Car  ces  deux  Aflres,  fi  unis  dans 
la  nature ,  6c  qui  s'unifient  tous  les  mois ,  par  une  efpece  de  mariage ,  auquel 
on  attribue  toutes  les  générations ,  partageoient  chez  les  Payens  tous  les  hon- 
neurs des  Autels ,  6c  étoient  comme  inléparables.  Et  pour  cette  raifon^il  faut 
pardonner  ce  fentiment  à.  nos  Doéles,  qui  trouvent  Ifis  dans  la  Lune  j 

civ 


ET  DES  CULTES  DE  UEGLISE.P^r/.III.  525 

car  il  y  a  de  la  vrai-femblance  :  c'eftlefentiment  de  quelques  Egyptiens , 
félon  Plutarque ,  &  celui  de  Diodore,  dans  les  lieux  cy-deflus  rapportez.^'^'j.'î^^^- 
C'efi  pour  cela,  dit  Diodore,  ^ti'on  donne  des  cornes  à  IJis'.  car  elle  paraît  fous  lAh.i.' 
gette  forme ,  dans  ies  premiers  jom s  de  [on  apparition  :  Et  anjji  parce  que  lebœuf^^^^^^' 
lui  efi  confacré'.  ce  cjni  donna  lieu  de  croire  e^ue  c''efi  la  vache  (^  non  le  bœuf. 

Hérodote  dans  Euterpe ,  dit  qu'Ifis  en  la  langue  des  Grecs  ,  eft  Ce* 
rés,  Mm^'A'!^ ,  les  autres  l'interprètent  par  Vefla  :  nous  verrons  tout  à  l'heu- 
re, que  les  derniers  n'ont  pas  mauvaife  raifon.  Mais  auparavant  il  faut 
entièrement,  tirer  le  voile,  de  delTus  nôtre  Ifîs  Egyptienne  \,  pour  voir  ce 
que  c'eft. 

Certainement  ce  n'étoit  point  la  Lune,  ou  quelque  autre  Aftre,  ni  un  ifis  n'eroît 
clément  particulier,  c'étoit  la  nature  univerfelle:  ce  qui  paroitratrés-évi-  p^i^L""*:. 

j\*  •    r  •         \  c'eton  la  11;!- 

dent  a  ceux  qui  feront  attention  a  nos  preuves.  ture  umver- 

I.  Premièrement  il  efl  certain,  qu'Ifis  &:  Ofiris  ont  été  univerfelle-  îf'^^-. 
ment  les  Dieux  de  toute  l'Egypte:  chacun  des  Peuples  de  l'Egypte  avoit  preuvequ'f- 
fes  Dieux  particuliers.     Tous  les  Egyptiens ,  dit  Hérodote  ,  n''adorent  pas  les^^^J^'^^J^"' 
mêmes  Dieux  ^  excepté  Ifs  &  Ofiris  ^  qu'ils  difent  être  Dtonyjrus  oh  Bacchus.  fclle.  ifis 
Tous  les  Peuples  d'^Eiypte  adorent  ces  deux-là.     Ofiris,   comme  nous  l'avons  l'^^f^J^^^^ 
prouve,  etoit  le  boleil;  or  iiis  ctoit  la  compagne  dOlins,   ex  gouvernoir  gypte. 
le  monde  avec  lui.     Ainfices  deux  divini[ez  doivent  être  les  Souverains,  inLutape, 
6c  les  gouverneurs  du  monde ,  &  les  principes  de  toutes  les  générations. 
Ce  qui  ne  peut  convenir  à  la  Lune,  mais  cela  convient  très-bien  à  la  natu- 
re univerfelle:  car  le  Soleil  eft  le  plus  noble  agent  de  la  nature  univerfelle, 
ilUmipreigne,  pourainfi  dire,  &  la  rend  féconde:  fans  le  Soleil  lanature 
e^^orte,  Se  inféconde.   Aufii  le  Soleil  ne  produit  rien  fans  la  nature  : 
Mais  la  Lune  n'eft  d'aucune  fécondité,  elle  reçoit  la  lumière  du  Soleil, 
mais  elle  n'en  reçoit  aucune  vertu  fructifiante.   Ce  n'eft  point  la  mère  des 
générations  j,  comme  le  Soleil  en  eft  le  père.  Il  n'y  auroit  donc  aucune  rai- 
Ion  de  marieria  Lune  a-vecle  Soleil ,,  comme  ont  fait  les  Egyptiens ,  ainfi 
qu'on  le  fuppofe. 

z.  Il  eft  très  notable ,  que  dans  cette  Théologie  Egyptienne,  Ofinis &  seconde , 
Ifis  étant  l'époux  &  l'époufe,    Ifis  doit  être  regardée  comme  inférieure  quorqJe'î 
à  Ofiris,     Car  c'eft  une  loi  de  la  nature ,  queia   femme  foi t  fourni fe   au  pf>"'e,  rem- 
mari,  &  fon  inférieure.     Cependant  il  eft  certain  j  qu'Ifis  eft  confiderée  fJ^p^rfo'î'kJ 
comme  la  grande  divinité-des  Egyptiens.  Et  Ofiris  femble  être  conté  pour  ^"'f.  Gfms, 
rien,  en  comparailon.     Jls  Pefhmotent  la  plus  grande  Déejfe^&  lui  confacroient  répoîix!' 
laplusgrandefête,  que  je  m^en  vai  rapporter ,  dit  Hérodote.     Dans  le  même  in  Eurejpe 
lieu  ,  il  dit  que  toutes  les  vaches  étoient  les  plus  vénérées  de. tous  les  ani-  P'  ''^' 
siaux,  parce  qu'elles  étoient  confacrées  à  Ifis,  la  grande  Déefie.     Toute 
la  Religion.  Egyptienne  tiroit  d'elle  fon  nom,  elle  s'appelloit ,  cultus  îfi.i- 
cus ,  facra  ifiaca ^  Sacer dotes  Ifiacii  tout  étoit  confacré  à  Ifis,    ôc  non  à 
Ofiris. 

Jfacos  agitant  Mareotica  fflra  tumultut,  Aûrsajas.  - 

Dans  l'explication  menfA  Ifac<z^  de  Laurentius  Pignorius  ,  Ifis  eft  au  mi-  p.  io= 
lieu  de  la  table,  &  commelaReine  fur  unthrône  .  mais  toutes  les  autres 
divinitez  Egyptiennes  n'y  font  aucune  figure.Des  deux  principaux  fy  mboles, 

Vvv  3  .  ado- 


526  H  I  S  T  O  I  R  E   D  E  S  p  Ô  G  M  E  S 

adorez  dans  la  Religion  des  Egyptiens,  Apis  étoitlcplus  noble.  Scie  plus 
adoré.  Or  ilctoit  confacréà  Uis,  &  le  fécond,  qui  n'étoit  rien  en  comparai- 
Ibn,  ôc  s'appelloiti^^/w^t/n-,  étoit  conflicréà  0(iris.  Le  bœuf  Apis  &  Ifîs 
avoient  leur  iiege  6c  leur  Temple  à  Memphis,  ville  capitale:  mais  Oîîris 
ôcle  bœuf  Mncvîsétoient  fur  tout  adorez  àHeliopolis ,  ville  d\in  lècond 
ordre.  C'étoitàh;  Décile  Ifis  qu'on  attribuoit  la  vertu  de  faire  des  miracles. 
Diodorus  8lle  etoit  adorée  pref^ue  par  toute  la  terre  ^  difoit  Diodore  de  Sicile,  dcaufe  des 
Sicuius  Bi-  npiériCom  q  tP  elle  fui  fait ,  car  ondit  qfPelle  paroifloit  en  fon^e  aux  malades,  &  lenr 
apportait  laguenfon.  Rien  deiemblable  ne  le  diloitd  (Jiiris:  Audi  toute  la 
dévotion,  &  des  Egyptiens ,  &  des  peuples  étrangers,  fe  tournoit  du  côté 
d'Ifis.  Ses  images  étoient  répandues  par  toute  la  terre ,  &  il  nyavoit  pas 
une  dévote  qui  n'en  voulût  avoir. 

Jiivenal.  PiElores  qms  nefcit  ab  Ifide  pafci  ? 

§at.  ïz. 

Onpourroit  apporter  beaucoup  plus  de  preuves  de  la  fuperiorité  de  la 
DéelfelfisfurOiins,  {îcelaétoitnécefTaire,  6c  que  cela  fût  contefté  :  mais 
tout  le  monde  en  demeure  d'accord.     On  peut  voir  à  ce  propos  la  pompe 
Ifiaque,  qui  eft dépeinte  dans  Apulée,  dans  le  livre  1 1™«-  de  fa  Métamor- 
pholé.     Or  de  là  on  doit  tirerun  argument  invincible,  qu'Ifis  n'eft  point  la 
Lune  5  ni  aucune  partie  de  nôtre  monde  fenfîble  :  Car  quelle  créature  pour- 
roit  être  placée  au  deffiis  du  Soleil  ?  En  aucun  lieu  du  monde  on  n'a  adoré  la 
Lune  plus  que  le  Soleil.  Au  contraire ,  fi  nous  interprétons  Ifis  par  la  nature 
univerfeile,  il  eft  clair  qu'elle  doit  être  fuperieure  au  Soleil ,  puis  q^MÔli- 
ris ,  ou  le  Soleil ,  ne  font  que  des  parties ,  6c  des  miniftres  de  la  na- 
ture. 
D'ifis,  «c        Auffi  eft-ce  à  ce  fentiment  que  s'arrête  Plutarque^  après  en  avoir  rap- 
ofiiischap.   porté  beaucoup  d'autres  :  JJîs  ,   dit -il  ,    efi  la  partie  féminine  de  la  nature  5 
propre  à  recevoir  tonte  génération  ,  pour  cette  raifon  elle  efl  appellée  par  Tlaton  , 
tà-AW.       nourrice  &  recevant  tout.    Tar  plufieurs  elle  efi  appellée  tJMyrionymos  ^  c'^eJl-A- 
'Kuvls'xyi.    dire^  ayant  mille  noms ,  ou  ayant  des  noms  infinie  ,  parce  (qu'elle  reçoit  toute  forte 
Lib.2.  de    déformes.  Voiîius  dit  qu'elle  eft  ainfi  appellée,  à  caufe  des  noms  6c  épi- 
idoioiatria    thctcs ,  commc  iufinis ,  qu'on  lui  donne  dans  fes  myftercs  :  étant  appel- 
caput  24.     2^g  1^  viUorieufe ,  la  Reine ,  la  triomphante  ,   tantôt  frugifera  ,   tantôt  pela- 
gia  ,  tantôt  d'un  autre  nom.     Et  cet  Auteur  avoue  que  dans  ct^  noms, 
Ifisn'écoit  pas  confiderée  feulement  comme  la  Lune,  mais  comme  la  na- 
ture univerfeile.     Car  pas  un  de  q^^  noms  ne  convient  à  la  Lune:  Mais 
tous  conviennent  parfaitement  à  la  nature  univerfeile. 
Troifîéme        g.  Nous  pouiTious  avoir  de  cela  même  une  grande  preuve,  dans  le 
vientienom  '^^"^  d'i^^j,  Il  Hous  pouvions  bien  favoir  fa  fignification  ,  6c  fon  origine. 
d'ifis:  c'eft  Diodore  dit  que  c'eft  un  nom  Egyptien,  qui  (îgnifie  antiquité.     Ce  qui 
b^eîpSpîe"  "^  conviendroit  pas  mal  à  la  nature  univerfeile  ,  qui  ell  très  ancienne , 
àfignifieria  6c  que  tous  Ics  Paycus  ont  fait  éternelle.     Plutarque    tire  le  nom  d'^/, 
vcrfeUe."^'  ^^  ^'^^'^  Grec  <o-v]|x/,  je  lài,  îcr/oç  6cc.  Ce  qui  conviendroit  auflî  allez  bien 
au  génie  de  la  nature  univerfeile,  qui  efl  Dieu  lui-même,  6c  qui  fait  tout. 
'  Mais  voici ,  fi  je  ne  me  trompe ,  la  véritable  origine  du  nom  d'ifis.   Il  la  faut 
chercher  dans  la  langue  Hébraïque  ,  ou  Chaldaïque  ,    qui  efl  la  même 
que  la  langue  Phénicienne  :  Car  il  faut  fe  refibuvenir  de  ce  principe,  que 

nous 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  TartAll.  527 

nous  avons  pofe  quelque  pan,  que  les  Religions  viennent  du  lieu,  d'où 
font  venus  les  hommes. 

QLiand  la  Tour  de  Babel  fut  bâtie  ,  tous  les  hommes  avoicnt  un  mê- 
ine  langage,  6c  ce  langage  étoit  la  langue  d'Adam  ,  la  langue  de  Noé, 
&  de  tous  les  Patriarches.  Quand  les  langues  furent  divifees  ,  &  que  la 
difperfion  fe  fit,  chaque  famille  emporta  Ces  my  11  ères ,  &  fa  Religion  ,  &c  re- 
tint prefque  tous  les  anciens  termes  co.nfacrez  dans  les- myfteres.  Particu- 
lièrement les  peuples  voi  fins  de  laPhénicie,  comme  étoient  les  Egyptiens. 
Dans  ce  qu'on  pourroit  rafiembler  de  fragmens,  de  l'ancienne  langue  des 
Egyptiens 5 on  y  verroit beaucoup  de  relies  de  la  langue  Phénicienne, ou 
Hébraïque.  Nous  verrons  dans  le  Traité  de  Beelzebub ,  que  Serapis^  fi  cé- 
lèbre en  Egypte,  eft  un  mot  prefque  pur  Hébreu,  &  quafi fans  change- 
ment. Je  croi  la  même  chofe  d'Ifis.  C'eft  un  mot  Hébreu ,  î^siii'' , 
f,efchi  ^  ce  qui  fignifie  ipfa  e(i-  ^  elle  eft.  Entre  I[is  ôc  fefchi^  il  n'y  a  aucune 
différence  qui  puifîe  déguifer,  &  obfcurcir  l'étymologie.  Et  fi  l'on  veut 
une  origine  Hébraïque  du  mot  Ifs ,  fans  le  moindre  changement ,  on  la 
peut  trouver  dans  la  répétition  du  mot,  1:"  jcfi: ,  tî'vc''»  ,?>,  ts^  lifant  fans  points 
voyelles ,.  comme  faifoient  les  anciens  ,  c'efi:  Ifts^  toute  pure ,  elle  efi. 

Ceci  nous  apprend,  d'où  les  Grecs  avoient  pris  le  célèbre  mot  sïy  tU'    ^ 
ffi,  qu'ils  avoient  gravé  fur  lefrontifpice  du  Temple  d'Apollon  Delphien: 
îH  ei-,  c'eft  précifément  le  nom  à^Ifis^  elle  efl.     Et  le  Commentaire  de  ce 
rfierveilleux  nom  fe  trouvoit  au  pied  de  la  (latuë  d'Ifis,  adorée  dans  la 
ville  de  Saïs  en  Egypte,  fous  le  nom  de  Minerve;  fe  fuis  tout  cecjmaàe\  Piùtarqrre 
tout- ce  qui  efB,  &  toptt  ce  cfui  fera.    Ce  qui  convient  à  l'infcription,  qu'on  q^'?*  ^'^•^' 
dit  qui  fe  lit  à  Capouë:    Te  tibi  jura  qiiA  es  omnia  Ifs,   C'eft  le  vrai  nom 
de  jehova,  (jui  eft,  o^ui  et  oit  .^  &  qui  efl  à  venir.  Je  fuis  celui  qui  fuis.   Ce 
fint-là;  difoit  Platon,  dans  fon  Timée  ,  les  parties  du  tems^  être .^ a  e'te\  d' Apud  Eufe- 
fera  ^  c]ue  nous  attribuoriT,  fans  y  penfer^  à  la  nature  éternelle.      Car  nous  par-  b-umPrxp.  ■ 
Ions  d? elle  de  cette  forte.    Elle  e'toit  ^  elle  efl  ^  elle  fera  :    Qjfoi  ^ h'' à  proprement  ii_^c%.  If 
p'irler  ^  k-feultlefl^  lui  convienne.     Gn  feroit  beaucoup  plus  furpris  de  ces 
conformités  avec  la  révélation  divine  ,  fi  nous  n'étions  pas  avertis  ,   que 
\ts  Giecs  ont  tout  emprunté  des  Hébreux,  &  fur  tout  Platon,  qu'on  a 
appelle  iJ^ofes  atticifans-.^  le  Moïfe  Athénien  y.  &  qui  étoit  bien  verfé  dans 
la  Religion  d'Egypte.     Quoi  qu'il  en  foit,  toutes  ces  obfervations  nous 
font  voir  ,.  que  r^i"  des  Egyptiens,,  n'étoit  dans  le   fond  que  la  nature 
univerfelle,  priiicipe  de 'toute  chofe,  £c  que  l'on  a  fait  infinie  ^aufii  bien 
qu'éternelle,  ce  qui  revient  à  l'erreur  de  nos  Spinofiftes  ,  6c  des  autres 
Athées.     Et  ceci  me  fait  conjeélurer  que  les  Egyptiens, dans  le  fond  de 
leurs  myfteres,  ne  connoiflxDient  autre  Dieu,  que  le  monde  &  la  nature 
univerfelle.     C'eft  cela  même   que  les  Mendefiens  d'Egypte  adoroient 
fous  le  nom  de  Tan ,.  qui  fignifie  VVnivers-. 

4.  Ees  fimulacres  faits  pour  la  Déefie  Ifis   fignifient-  évidemment  ce  Qyatfieme; 
que  nous  dilbns,  qu'Ifis  étoit  la  nature  univerfelle.     Nous  en  trouvons  derfimuS^ 
un  très  notable  ,    dans  Y ëxplicatio  GemmA  Auguftdi  ,  du  favant  Mr.  Cu-  "esd'uîs. 
perus.     Il  a  été  emprunté  de  Leonardus  Auguitinus.   Et  Mr.  Cuperus  cuperusKo=> 
nous  en  a  donné  l'Eftampe.   C'eft  un  fimulacre  Egyptien.-  Cela  eft  clair  meii  Apo- 
par  les  bandelettes  5  dont  la  Déefie  eft  enveloppée,  depuis  la  têce  juf- eSiiVtio 
qu'aux  pieds  ..précifément  comme  ces  mumies,  qu'on  a  tirées  des  tom-  GemmsAK- 


beaux 


îfZ» 


528         HISTOIRE   DES   DOGMES 

beaux  d'Egypte.  Elle  a  une  tour  fur  la  tête,  ôc  à  Tes  deux  cotez  deux 
têtes  d'animaux  ,  à  demi-corps ,  qui  fe  tournent  en  haut  avec  effort  , 
pour  regarder  la  Décile.  Je  prendrois  ces  deux  têtes  pour  le  chien  Anu- 
bis,  n'étoit  qu'elles  ont  le  pied  fourchu,  comme  la  vache  ,  ou  la  biche. 
Elle  a  dans  fes  mains  deux  rofcaux  ,  qui  ont  trois  pieds,  6c  du  creux  def- 
quels  fort  une  flâme  ;  &  autour  de  fa  poitrine ,  on  voit  un  collier  de  ma- 
melles, qui  pendent  fur  tout  le  devant  de  la  .figure. 

Il  iiîe  femble  que  c'eft  le  parfait  emblème  deJa  nature  univerfelle.  ILa 
tour  fur  la  tête  fignifie  la  terre  ,  les  deux  rofeaux-,  dont  les  pieds  forment 
des  tridens,  font  l'emblème  de  la  mer,  autre  partie  de  la  nature.     Les 
fiâmes,  qui  fortent  du  creux  de  ces  rofeaux,  &  qui  forment  comme  deux 
lampes,  ibnt  l'air  ôc  le  feu.    Car  le  feu  ne  peut  vivre  fans  air.   La  tour 
qui  eft  fur  la  tête  de  l'Idole,  femble répréfenterCybele,  ou  Cerés.  Car 
c'eft  là  fon  emblème.     Les  mamelles,  qui  font  à  l'entour,  font aufîî très 
propres  à  dépeindre  Cerés ,  la  Décile  des  bleds,  parce  qu'elle  nourrit  les^ 
hommes  6c  les  animaux.     Et  on  ne  fe  trompera  pas  en  difant  cela.     Car 
ifîs ,  Cere'fe ,  Ijis ,  Cerés ,  Vefia ,   Cybele ,  la  Mère  des  Dieux ,  font  une  feule  6c  même  di- 
MciVdès      vinité,  6c  toutes  fignifient  la  nature  univerfelle,  qui  produit  les  hommes 
Dieux  cy-    ^  les  animaux ,  6c  les  nourrit.  Cette  Cerés  efl  appellée  Cerés  mammofa , 
une^même    ^^^^'^  ^'^  mameluë.     Pareillement  Ifis  eft  ici  dépeinte  ,   avec  des  mamelles 
divinité.      autour  dc  la  poitrine ,  6c  une  tour  fur  la  tête  ,  comme  Cybele.     Cette 
Cybele  écoit  réputée  la  Mère  des  Dieux.     C'eft  que  la  nature  univerfel- 
le eft  compofée  du  Soleil,  de  la  Lune,  des  étoiles,  6c  des  élemens,  qui 
font  les  Dieux  du  Paganifme.     Nous  avons  un  paftage  de  Macrobe ,  ad- 
mirable pourfervir  de  Commentaire  à  tout  ceci,  je  le  mets  ici  dans  fa  lan- 
Sâturnal.  lib.  guc  naturelle.     I/ts  cuntla  Rehgione  celebratur ,  quA  eft  vel  terra  ,  vel  natma 
I.  cap.  20.     fgYum   ,   [uhjacçm  Soli.     Htnc   eft  cjMod  continuatis  uberibus  ,     cor  fus  Dca 
omne  denfetnr   ,     ^^^  l'.el  terra  .,  vel  rerum   natur^ff  altu  ^   nutniur  univcr- 
fit  as. 

Voici  nôtre  Ifis ,  <jm  eft ,  ou  la  terre ,  ou  la  nature  univerfelle.  Macrobe 
n'avoit  pas  befoin  de  la  particule  disjonâ:ive,z/^/ ,  parce  qu'Ifis  n'eft  pas 
là  terre  feule.  C'eft  la  nature  univerfelle,  6c  la  terre  par  conféquent , 6c 
qui  dans  les  générations,  fait  une  partie  fi  confidérable  de  la  nature  uni- 
■verfelle.  Son  corps ^  dit  l'Auteur,  eft  environvié  de  mamelles.  C'clt  préci- 
fément  ce  que  l'on  voit  dans  l'Eftampe  de  Mr.  Cuperus  ,  6c  pour  la  rai- 
ibn  qui  eft  fî  bien  exprimée  dans  Macrobe,  parce ^  dit-il,  (]ue  toutes châ- 
p s  font  nourries  par  la  terre  ,  &  par  la  nature  univerfelle.  C'eft  ainfi  qu'on 
peignoit  partout  \x  Déefte  Ifis,  pour  répréfenter la  nature.  Et  aflïïré- 
jnent  on  ne  la  pouvoit  mieux  .dépeindre, 
lus  cxpref-  .Si  Mr.  Cuperus  eût  fait  atteiition  à  cela,  il  n'auroît  pas  regardé  com- 
^^  n^"  i/L  ^^  ^"^  chofe  extraordinaire,  qu'entre  les  Antiques.dont  Boilfard  nous  a  don- 

pellee  la  na-      ,  ,        ^  ^  ^T  -iit^/z^t/- 

lure  univer-  ne  its  li,liampes,  OU  en  trouve  quelques-unes  de  la  Deefie  Ilis  ,  avec  ces 
leiic  ,  &  mamelles ,  &  cette  infcription  (p^^V/j  Tarva/sAa?,  la  nature  univerfelle.  Car  c'eft  le 
So  Joc^'  véritable  myftere ,  6c  le  véritable  nom  d'Ifis.  Et  le  marbre  de  Boifîîird  vient 
&poaiqiîoi.  tres  a  propos,  peur  confirmer  nôtre  conjcéture.  Mr.  Cuperus  n'auroit  pas  dû 
rïpann'^'  ^^'^  P^'"'^  ^'^^  en  peine  ,  pourquoi  dans  un  paiïage  d'Eufebe  ,  la  DéefTe 
rappelle  Vefta  eft  appellée  Ms-iirùéC^cpoç.  Ce  fa  vaut  homme  dit,  Ita  tamen  ut  rnihiàu' 
Cuperus  p.  ^^^'^  f^  i  ^Hid  tlLi  cum  ceniYQ  utiiverfi  héeat  commme.  C'eft  qu'iç/^,  Vef- 
*J4-  ta. 


ET  DES  CULTES  DE  UEGLISE.  Part.lU.  529 

ta,  Cybele,  6c  Cerés,  qui  font  la  même  qu'I/is ,  lignifient  la  nature  uni- 
verfelle,  qui  refide  dans  le  centre  du  monde,  comme  dans  fa  partie  prin- 
-cipale.  % 

Au  reâe ,  fî  l'on  fouhaite  être  inftruit  fui-  cette  vérité  ,  que  nôtre  Ifis 
eft  la  même  que  Cerés ,  ôc  Cybele ,  on  peut  voir  Gérard  VofTius  ,  dans 
fon  Livre  de  Idololatria.  On  verra  que  toutes  les  cérémonies  du  culte  d'Ifis  Lib.i.cip. 
avoient  été  transférées  par  les  Grecs,  dans  la  Religion  de  Cerés  ,  ôc  de  ^*' 
Cybele.  Mais  ce  que  nous  venons  de  dire  ,  fuffit  pour  prouver  nôtre 
conjeélure,  c'eft  qulfis  efl  la  nature  univerfelle,  comme  Macrobe  le  re- 
connok.  -  * 

Dans  ces  fimulacres  d'ifîsjdont  nous  venons  de  voir  ladefcription,on  igs  étoit 
n'y  trouve  pas  les  cornes,  que  lui  attribue  Diodore  de  Sicile ,  dans  le  paf-  Peinte  avec 
fagq^uenousen  avons  cité  ci-deflus.  Mais  les  Payens  n'ont  pas  toujours  été  maVnJn^' 
uniformes  dans  la  defcription,  qu'ils  faifoient  de  leurs  Dieux.  Ils  ne  lespei-  partout; 
gnoient  pas  toiijours  fous  la  même  forme.     Il  n'y  a  pas  lieu  de  douter,  d"  PayeL 
que  ce  que  dit  Diodore  ne  foit  vrai ,  que  la  plupart  des  plus  anciens  fî-  ^^o'^«'  «o^- 
mulacres  d'Ifîs ,   n'euITent  des  cornes  fur  la  tête.     Mais  il  n'en  faut  pas  "^* 
tirer  la  conclufion,  qu'en  tire  Diodore,  que  qette  Déefîe  étoit  la  Lune. 
Prefque  tous  les  Dieux  des  Orientaux  portoient  dts  cornes.    Le  bœuf 
Apis  avoit  ks  cornes,  &  Mnevis  auffi  :  Les  habitans  de  Mendes  ado- 
roicnt  un  bouc  ,   qu'ils  nommoient  auffi  Apis  ,  qui  avoient  ics  cornes. 
Jupiter  Hammon  avoit  la  tête  d'un  bélier.     Le  Moloch  desHammoni- 
tes  avoit  la  figure  du  taureau.  Et  de  là  eft  venu  ,   que  dans  le  ftyle  figuré 
des  Orientaux,  la  corne  eft  l'emblème  de  la  puiflànce.  C'eft  dansccfens 
^ue  l'Ecriture  parle  de  la  corne  des  méchans,  qui  a  été  élevée,  ou  qui 
a  été  rompue  ,   6c  de  la  corne  du  peuple  de  Dieu.     C'eft  la  fource  des  Dansies  vî- 
figures  des  prophéties  de  Daniel ,  6c  de  l'Apocalypfe,  où  tous  les  Rois  ^^p^^^ei^»- 
du  monde  font  répréfentez  ,  comme  des  animaux,  la  plupart  ayant  dts  ma^x  fyra-" 

cornes.  .  defrr"**"^ 

Bien  que  cette  fuperftition  de  donner  des  cornes  aux  fimulacres  dts 
Dieux  ,  n'ait  pas  été  fî  générale  dans  l'Occident.  Cependant  nous 
avons  afi^ez  de  preuves ,  que  la  corne  étoit  l'emblème  de  la  puifiance 
fbuveraine.  Valere  Maxime  rapporte  que  le  Prêteur  Genitius  Cippirs , 
fortant  de  la  porte  de  Rome  fubitement ,  il  lui  vint  des  cornes  à  la  tê- 
te. Et  ayant  confulté  l'oracle  ,  fur  un  événement  fi  extraordinaire,  il  Notafcktiif- 
lui  fut  répondu  ,  ^ue  s'' il  rentrait  dans  Rome ,  il  en  deviendrait  le  Roi ,  cea^i  vaiere  Mm. 
t obligea  à s'^en  bannir  Ini-même  fonr  jamais.  îib.j.  cap.5, 

f.  Nous  avons  trouvé  dansies  noms  delaDéeflèi^^j,  6c dans fes images,  cinquième 
afl^ez  de  chofes  propres  à  appuyer  nôtre  conjeéture,  c{\i'ljïs  étoit  la  Rature  dertymS^ 
univerfelle.     Nous  n'en  trouvons  pas  moins  dans  fesfymboles,  dont  le  plus  icsd'uïs,  & 
noble,  6c  le  plus  célèbre,  étoit  le  bœuf  Apis.     C'étoit-certainement  leTOSaù"*^ 
fymbole  d'Ifis,  6c  non  d'Ofirisj  car  le  plus  veneré  des  animaux  fymboli»  bœufApis. 
ques  des  Egyptiens,  a  dû  fans  doute  appartenir  à  la  principale  des  divini- 
tez,  qui  étoit  Ifis.     Tous  les  Auteurs  confentent  que  le  Bœuf  Mnevis  ^ 
étoit  le  fymbole  dédié  au  Soleil,  aùffi  étoit-il  adoré  à  Heliopolis,  ville  du 
Soleil  ;  Or  il  n'y  a  pas  d'apparence  qu'Ofiris ,  ou  le  Soleil ,  eût  deux  bœufs 
facrez ,  6c  qu'Ifis  n'en  eût  aucun.  C'eft  auffi  de  quoi  conviennent  alTez  tous 
les  Hiftoriens,  qui  ont  parlé  de  la  Religion  Egyptienne. 
*     Van.  m,  Xxx  Qr 


♦ 


rWtarquc 
de  Uî.ôc  Ofv 

li.  C.  22. 


^3« 


530  H  I  S  T  O  I  R  E  D  E  S  DOGMES 

Dansie  Or  dans  cet  emblème  nous  voyons  tous  lestraits  delanature  univeiTelIe. 

kœuf  Apis  Dans  le  fexe ,  c'eft  le  bœuf,.  6C  non  la  vache ,  qui  fembloit  avoir  par 

tous  les  ca-  Ton  lexe  plus  de  rapport  a  la  Ueelie:  Mais  cela  iignihoit  la  rorce  virile  delà 
hnatïre**^  nature ,.  qui  fait  toutes  les  générations.  Ce  n'eit  pas  que  les  vaches  n'euflent 
Huivcrfeiic.  aufli  Icur  relation  à  la  Décile  Ifis.  CarlaDéefleétoiteftimce  Hermaphro-^ 
dite^  àp^evoôïjAu? ,.  parce  qu'engendrant  de  toutes  manières,  comme faiioit  la- 
nature,  elle  devoit  avoir  la  vertu  generarive  des  deuxfexes.  Et  bien  que 
Plutarque  dans  cet  endroit  «applique  cela  à  la  Lune,  cependant  cette  vertu 
generative  ne  peut  convenir  qu'à  la  nature  j  car  la  Lune  iVengendre  rien, 
éc  ne  mérite  pas  d'être  mife  entre  les  principes  de  la  génération. 

2.  Le  nom  d'Apis  feul  fait  bien  voir  qu'il  étoitconlàcréàla  nature  uni- 
verfelle.  Car  ce  mot  fîgnilîe  per^ ,  ou ,  mm  père ,  nom  qui  ne  peut  être  don- 
né qu'au  principe  gênerai  de  lageneration ,  qui  efl  Ifis.  • 

3.  LaDéelle  Ifis^  ou  lanature  univerfelle,.  ell  la  nourrice  de  tous  les  ani- 
maux, comme  Plutarque  l'appelle  t/Ô/jvvi5  c'eft  pouixjuoi  on  lui  a  donné  le 
bœuf  pour  fymbolc,,  animal  qui  a  tant  de  part  à.la  nourriture  des  hommes, 
parce  que  c'eft  le  grand  inftrument  de  l'Agriculture.     II.  eft  vrai  que  vouf- 
lant  donner  à  Ifis,  un  emblème  d'entre  les  animaux,,  on- ne  pouvoir  pas  lui 
en  donner  un  qui  lui  convînt  mieux ,  car  il  portoit  dans  Ces  marques ,  tous  les 
fymboles  des  pai'ties,  qui  compofent  le  monde  &  la  nature  univerfelle. 
Quant  au  bœuf  Mnevis ,.  iL  n'avoit  les  fignes  que  du  Soleil.     Il  étoit  tout 
noir,  c'eft  la  couleur  que  le  Soleil  imprime.  Ses  poils  alloient  à  rebours,  à 
caufe  qu'étant  l'emblème  du  Soleil ,  il  devoit  répréfcnter  le  mouvement 
annuel ,,  par  lequel  cet  Aftre  va  d'Occident  en  Orient,  qui  eft.icrebours' 
du  mouvement  de  l'Univers,  qui  va  d'Orient. eii  Occident. 

4.  Mais  quant  au  bœuf  Apis,,  il  portoit  les  marques  delà  iiature  univer- 
felle. I .  Il  avoit  une  lune  au  côté  droit ,  pour  montrer,  que  la  Déefte  Ifts' 
renferme  ce  que  la  Lune  peut  avoir. devenu  generative.  Il  portoit  une 
figure  d'aigle  fur  le  dos.  C'eft  l'oifeau  de  Jupiter,  ôcle  fyrabole  du  cieL 
Il  avoit  un  efcarbot  dans, la  langue  j  or  l'èfcarbot  étoit  l'un-des  fymboles 
du  Soleil.    Enfin  Elian  conte  jufqu'à  zç.  marques  différentes,  dont- cha- 

Hiftor.Anî-  q^^q  avoit  fon  rapport  fvmboHque,  ou  a  quelque  Aftre,  ou  à-quelque  par- 
u.c. 9.       tie  de  notre  monde  élémentaire.     Ce  qui  lignine  clairement ,  que  cet  ani- 
mal étoit  le  fy.mbole  du  monde  en  gênerai,  &  delanature. 
.  .^^  5.  Toutes  ces  conjeélures  donnent  tant  de  jour  au  célèbre  paftage  du 

preuve  tirés,  cinquième  d'Amos,  qu'il  peut  (êrvir  d'une  nouvelle  preuve ,  quelaDéefîè 
Ifis  eft  la  nature  univerfelle.  P^ousavezporte,  àit\eVîophet€,.  le  7.  aùerna' 
de  de.vêtre  Roi ,  [avoir  Kijoun ,  vos  images  ^dr  Pet  ode  de  vos  Dieux  ^  q  ne  vous 
vous  élis  faits.  C'eft  ainfi  que  le  Prophète  dépeint  l'idolâtrie  du  Veau  dans- 
iedéfert,  le  Tahrnacie  de  votre  Roi.  Ainfieft  appelle  le  bœuf  Apis,  qui.  Cer- 
tainement étoit  le  Roi  dans  la  Religion  des  Egyptiens.  Savoir  Ar//a^«,  c'eft 
la  diviniié ,  à  laquelle  ce  Veau  étoit  confacré.  Kijoun  eft  le  génie  de  la  na- 
ture. Les  Syriens  appellent  la  nature  K3D,  or  /C(?/(j»on'eft  point  autre  que 
KijoMn^^^  avec  la.  forme  Chàldée  &  Syriaque.  Il  eft, vrai  que  les  Juifs 
prétendent  que  {VD  eft  Saturne..  Et* ils  peuvent  avoir  quelque  raifon, 
parce  que  Saturne  eft  ellimé  le  génie  de  la  nature  univerfelle.  Saturne ,  dit 
Denys  d'Haiicarnafi^",  qHelcjnemmcjn^on  Itiidonne ,  comprend  toutela  nature ^ 
€'èjî;itii  qui  dmne  tome  fcli^ité-^  &.  ^.^ireod  tout  parfait.     Ls  génie  de  la  natare 


ïic  bœuf 

Apis  avoit 
les  marques 
de  toutcja 
i^ture. 


,^ltan. 


éj  ch.  5. 
d'Amos. 


l>eny<;  d'Ha- 
ifcîrnalk . 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Partlll^^t 

pofTede  les  deux  fexes  j  c'eft  pourquoi,  par  rapport  au  rexemafculin,  il  cil 
appelle  Samrne.  Et  par  rapport  aufexe  féminin,  il  s'appelle  Jfîs  chez  les 
Egyptiens,  Cerés ,  ou  h\^y^<\rv\p  entre  les  Grecs ,  Cybele ,  6c  Fejla  entre  les  Ro- 
mains. 

Et  l'étoile  de  vos  Dieux ,  ejfisvomvoHi  êtes  faits.  C'eft  que  le  bœuf  Apis  ne 
répréfentoit  pas  une  feule  divinité  particulière  ,  mais  il  étoit  confacréàla 
nature,  qui  comprend  &:  embraffe  toutes  les -étoiles,  &  apparemment  la 
plupart  des  principaux  aftres  étoient  gravez  delTus.  Ce  qui  fait  dire  à  Saint 
Etienne  dans  le  feptiéme  des  Aéles,  cju^th  avaient  ferma  P  armée  des  deux  y 
c'eft-à-dire,  à  tous  hs  Aftres  gravez  fur  le -bœuf  Apis. 

On  neiàuroit  pas  fortir  du  chapitre  d'Ifis&d'Ohris,  fans  dire  quelque  De Typho», 
chofe  de  Typhon,  qui  occupe  unepartie  fi  confidérable,  dans  l'Hifloire bîe^Jdtl?* 
fàbuleufe  de  la  Religion  des  Egj'ptiens.     Ce  Typhon  étoit  frère  d'Ifis  Se  riutaïque. 
d'Ofiris,  tous  trois  enfans  de  Rhea,  5c  du  Ciel.     Ifis  avoitépoufé  Ofiris 
fon  frère;  Typhon,  parjaloufie,  leur  fit  une  cruelle  guerre  à  l'un  &  à  l'au- 
tre, il  battit  Ofiris,  ôcledéfit  en  bataille,  il  tua  Ofiris,  il  Je  coupa,  les 
uns  difent  en  ii.  ou  15.  pièces,  Plutarque  dit  en  40.  &:  les  répandit  par 
toute  l'Egypte  >  liir  tom  il  luicoupa  les  parties  naturelles,  qu'il jetta dans 
le  fleuve,  oii  elles  furenif mangées  parunpoiflbn  nommé  Oxjrinchus.  Ifis 
fit  une  recherche  exaétedes  pièces  du  corps  d'Ofiris,  elle  eut  le  bonheur 
de  les -retrouver^  6c  de  les  raflem'bler,  excepté  la  partie  mangée  par  le 
poiflbn  Oxyrinchus.     L'Hiiloire  eft  longue,  6c  pleine  d'imaginations  6c.^°y^^Çj%_ 
de  fiétions  monfirueufes ,  en  comparaifon  defquelles ,  les  Metamorpho-  téd'iiis.dc- 
fes  d'Ovide ,  6c  les  fixions  d'Homère  ,  font  fages  éc  raifonnables.  El  ^"-u/^u.^û 
quoi  qu'il  en  foit,  Ifis,  laDéefi^e,  ou  la  Reine  d'Egypte,  conçût  une  telle  «j. 
horreur  pour  Typhon,  qu'il  eft  devenu  à  toute  la  nation,  dans  tous  les 
fiecles ,  un  objet  de  mortelle  avcrfion.  Parce  qu'il  étoit  roufieau  de  poil, 
la  Déefi^e ,  6c  tous  les  Egyptiens ,  maudiflent  6c  haïflent  tous  les  animaux 
de  ce  poil,  même  les  bœufs  roux,  quoi  que  l'efpece  des  bœufs  chez  eux 
fût  facrée.     Mais  les  bœufs  facrez  dévoient  être  noirs  ,  en  tout  ou    en 
partie  j  car  les  bœufs  rouges,  fans  un  poil  noir,  étoient  deftinezàla  bou- 
cherie, 6c  à  fervirdeviétimes  pour  les  Dieux,  aufquelson  ne  facrifioit  que 
des  animaux  odieux  à  la  divinité. 

C'étoit  apparemment  en  -haine  de  Typhon,  que  les  Egyptiens  prati- Goûtume 
quloient  une  coutume  fort  finguliere,  quand  ils  avoient  facrifié  un  bœuf  f^j^g^'"! 
rouge ,  ils  coupoient  la  tête  de  la  bête ,  après  avoir  fait  de  grandes  imprécations  fur  tiens ,  d'a- 
cettetête.     Ils  laportoient  au.  marché ^  &s^ilfètrouvoit  un  Marchand  Grec  ^  ai^i  "^^^^"Y^'-' 
la  voulut  acheter ,  on  La  lui  vendoit.     Mats  s  il  ne  s  en  trouvait  point ,  on  lajettoii  dubœuf. 
dans  le  fleuve ,  après  avoir  prononcé  une  exécration  ^  a  peu  prés  en  ces  terrées:  -j'?^/ Euterpe^oa^ 
*i  quelque  mal  qui  menace  ,  ou  toute  l'Egypte  ,  ouceux  qui  ont  ojfert  cette  vi^it>r,e^  Livrez, 
qntl  pmffe  retourner  fur  cette  tète.     Or  cette  tête  étant  d'un  bœuf  rouge, 
étoit  le  fymbolc  de  Typhon,  comme  les  bœufs  noirs  étoient  les  fymboks 
d'Ifis  6c  d'Ofiris. 

Quand  nous  chercherons  les  Dieux  Animaux,  cachez  fous  Ifis,  Ofiris, 
6c  Typhon,  nous  verrons  quelque  chofe  des  myfteres  hiftoriques,  cachez 
fous  ces  fables.  Aujourd'hui  nous  cherchons  les  myfteres  Theologiques, 
ou  Philofophiques ,  car  entre  les  Egyptiens,  la  Philofophie  étoit  envelop- 
pée de  ces  emblèmes.    Je  ne  croi  pas  que  nous  ayons  riçn  à  obferver  là- 

Xxx  2,  deffusj 


532  H  ISTOI  RE  DES   DOGMES 

delRis,  qiie  ce  que  nous  en  a  dit  Plutarque.     II  croit  que  dans  la  Théologie 

Egyptienne ,  Typhon  lignifie  tout  principe  ennemi  d'Iiîs  6c  d'Ofiris ,  c'ell- 

ù-direjenncmi  de  la  nature.  Tantôt  ils  diient  que  e'efl  la  mer,tantôt  la  fcche- 

refle,  qui  empêche  les  générations ,  tantôt  l'ombre  de  la  terre ,  dans  laquelle 

liisou  la  Lune  perd  fa  lumiererquoi  qu'il  eh  foit ,  ce  qu'il  dit  efl  fort  apparent, 

i^sEgyp-     ^'-•^  ^^^  Egyptiens ,  auffi  bien  que  les  Perles ,  adoroientdeux  principes ,  l'un 

tiraste-       mauvais  ëc  l'autre  bon.     Les  Ferfes ,  félon  la  Théologie  de  Zoroaftre, 

priacipes!"^  appclloient  le bon  Oromazes,  ôc  le  mauvais  Arimmins^.  Au  Dieu  bon,  ils 

unbonj'ju-  facrifioicnt  pour  obtenir  fa  faveur ,  au  mauvais,  pour  détourner  fes  méchans 

re  mauvai..  j^n^jj^g^   Plutarque  prétend  que  cette  opinion  des  deux  principes  ,  n'efl 

dcsde"i!x"    point  particulière  aux  Egyptiens  &  aux  Perles  -,  mais  qu'elle  efl  comme 

aoïc?"'  t  g*^"^^^^^  entre  les  Philofophes,ôc  les  Théologiens.  Ce  font  ces  deuxprio'- 

fcnernie  '   cipcs  que  Ics  Egyptiens  appcUoient  FJtSj  &  Typhon.  Les  Siraoaiens ,  Mar- 

Theoiï-'      cionites,  ôc  Manichéens ,  adaptèrent  cette  folle  Théologie. 

gtensda 

Pagaulfaie.  — — — — ___________^____^__________„__^ 

Fiut.  ubi  ""^       — =-=     •=«==____=.        _=—= 

fiiprà.  cap 

C  H  A  P  I  T  R  E    ,V  1 1 L 

■B'I/iSy  d'Ofiris  &  de  Typhon,  hijloriquement ,  &  confiderez  comme 

Dieux  Animattx.. 


a 


N  ne  doit  pas  douter  qu'î fis ,  Ofiiis,     qui  font  le  Soleil,  la  na» 
'tare  ,   ou    le  bon   génie   de  la   nature  ,,  &  Typhon  le   mauvais 
génie  ,  n'ayent  été  des  hommes  j  car  nous  avons  fuppofé,  que  fous 
les  noms  de  toutes  les  divinitez  Payennes ,  étoient  cachées  quelques^par- 
ties  de  la  nature,  6c  en  même  tems  quelques  hommes.     C'efl:  ce  querap- 
Ljb  1  B"bi  poi"'^^  Diodore  de  Sicile  bien  expreflement.     Les  Egyptiens^  à'il-W,  ont  beau-' 
t.  a,  *  coHp  de  traditions  touchant  les  'Diefix  celejiesy  mais  omrs'  ces  Dieux  y  ils  en  con^ 

noijfent  d? autres ,  favoir  des  Dieux  terreflres  ,  e^ui  avaient  été  mortels  j  mais  à 
caufe  de  la  fublimité  de  leur  intelligence:^  &  a  caufe  des  bienfaits  que  les  hommes 
avoiemre^ûs  d'yeux ,,  tls  avaient  été  mtsenpojfejjion  de  l'immortalité.  Queli^ues- 
ttnsde  ces  Dieux  avaient  régné  en  Egypte ,  &  avaient  porté  les  mêmes  noms  que  les 
Dieux  cekfies ,  &  ils  avaient  eu  aujji  des  noms  particulier  s. 

Entre  ces  Dieux  autrefois  mortels  ,  il  conte  le  Soleil,  Saturne,  Jupi» 
ter,  appelle  H'ammon,,  par  quelques-uns,  J'unon,  Vulcain,  Vella,  ôc 
Mercure 3  II  ajoute  que  le  Soleil,  fous  fon  propre  nom  de  Soleil,  avoit 
été  le  premier  Roi  des  Egyptiens.  Que  félon  d'autres ,  c'çiï  Vulcain,  qui- 
a  été  le  premier  Roi.     Que  Saturne  avoit  eu  plufieurs  enfans  de  fa  fem^ 
me  Rhea,  6c  entre-  les  autres,  liis  6c  Ofiris  „  qui.avoi^nt  régné  en  Egyp- 
te. 
L€s?àtriar-       On  ne  peut  douter  que  ces  premiers  Dieux  des  nations  ,  pris  d'entre 
Na"iol?oiit  ^^^  hommes,  n'ayent*  été  les  Patriarches,  6c  les  fondateurs  de  ces  Etats, 
étéieurs      oii  ils  étoicut   adorcz.     Et  il  efl  raifonnable  de    préfumer,  que  ce  font 
'^"*"        les  premiers  pères  du  genre  humain  depuis  Noé.     Car  la  mémoire  de  ce 
qui  s'étoit  palîe  avant  le  déluge  étoit  prefque  entièrement  perie^     L'idola- 
tiic  n'étoit  pas  le  crime  du  premier  monde,  c'était  l'impiété,  6c  ratheif" 

ma. 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Tart.Ul  533 

me.     Les  hommes  n'avoient  garde  de  déifier  les  creacuresj  car  ils  ne  1er- 
voient  aucun  Dieu,  6c  c'ell  pourquoi  Dieu  abîma  ce  premier  monde  j  mais' 
après  le  déluge,  les  hommes,  pour  éviter  un  excez  tombèrent  dans  un  au- 
tre, &  fe  firent  des  Dieux,  des  principaux  de  leurs  Ancêtres,  6c  de  toutes 
les  créatures ,  de  peur  d'en  manquer. 

On  peut  croire  que  dans  l'Hifloirc,  les  Patriarches  des  Egyptiens  fu- 
rent leurs  premiers  Dieux.     Nos  Savans  ont  trouvé  dans  Noé,  ôc  dans  voyez bo- 
{cs  trois  enfans  ,   les  quatre   principales   divinitez  ,  Saturne  ,    Jupiter ,  p^^"  '"^j  ^ 
Neptune,  6c  Pluton,     Cham  fut  appelle  Jupiter  ,  Japliet  fiât  Neptune,    ^*^'"^' 
êcSemfiit appelle  Pluton,  le  Di'eu  des  Enfers. 

Selon  ce  principe,  il  eft  vrai-femblable  que  les  Dieux  des  Egyptiens, 
ont  été  Noé,  Cham,  6c  Mitfi-aïm,  fon  fils.     Et  cela  eft  plus  que  vrai- 
femblable,  puifqu'il  paroît  certain ,  que  la  pofterité  de  Cham  pofTeda  l'Egyp- 
te. Car  elle  ellappellée  dans  l'Ecriture, /^?É'rr(?d^/é'/?^ij-  de  Cham.  Ifrael^d'it 
le  Pf  lOf.  13.  efi  entré  en  Egypte,  Jacob  a  été  étranger  dans  la  terre  de  Cham. 
Et  dans  le  Pfeaume  1 06.  v.  22.  //  a  fait  des  merveilles  dans  la  terre  de  (ham .  Et 
dans  le  Pf.  78.  51.  Ilfrapa  le  s  premiers  nez.  dam  les  7  abernacles  de  Cham.     Ce 
Patriarche  donna  fon  nom  à  toute  l'Egypte ,  laquelle ,  félon  le  témoigna- 
ge de  Plutarque  fut  appellée  Chemia..    Plutarque  veut  que  ce  nom  ait  été 
donné  à  l'Egypte,  à  caufe  de  la  couleur  noire  de  la  terre  dupais ,  le  noir ,  cap.  it. 
9H  la  prunelle  de  l' œil  ^  dit-il,  s^appelle  du.  même  nom  de  chemia.     Mais  il  eft  Traftat.  de 
beaucoup   plus  vrai-femblable,  qu'ellefutainfiappelléedunomdeCham.ih  ^ 
Etienne  de  Bizance  dit,  que  l'Egypte  fut  appellée  ipi^o%U|a/oç,  ou  ipp'^o^i^jy./o?,  ?^^ïh"' 
du  même  nom  de  Cham  compofé  avec  ipf^vj^,  l'un  des  enfans  de  Cham,  in  voce  "^ 
qui,  félon  toutes  les  apparences,  eft  le  même  queMitfraïm  ,  quieftcon-  Af/i^Tr- 
té  dans  le  ro.  ch.  du  Livre  de  la  Genefe,  pour  le  fécond  des  enfans  de  '^^'^• 
(ham.  Chus, Mit fraïm^  Pm  &  Cî«^^«.  Athanafe  Kirkerus  nous  dit,  que  les  in  prodro- 
Cophtes  appellent  encore  aujourd'hui  l'Egypte ,  Xî^/u./ ,  6c  il  y  a  plufieurs  '"°  ^°i^<>' 
noms  de  ville  en  Egypte ,  qui  portent  les  marques  de  la  même  origine , 
comme  '^smik  6c  '■^a%e^{x'ïç ,  6cc.  Ce  n'eft  pas  que,  félon  mon  fentiment, 
Cham  ait  jamais  été  en  Egypte.     Il  lui  étoit  libre  de  choifir  fa  demeure 
entre  fes  décendans  j  6c  nous  avons  vu  qu'il  eft  trés-vrai-femblable  qu'il 
s'arrêta  dans  la  Terre  de  Canaan ,  fous  le  nom  de  Melchifedec ,  c'eft  ce 
que  nous  avons  fuppofé  dans  nôtre  première  Partie. 

Apres  Cham,  il  eft  clair  que  Mitfraïm  a  été  celui,  dont  la  race  a  peu- 
plé  l'Egypte.  Au  moins  eft-il  certain ,  que  les  HebiCux  l'ont  ainfi  crû , 
car  Moïfe  6c  les  Prophètes  n'appellent  point  autrement  l'Egypte,  que 
Mitfraïm  :  or  il  n'y  a  nulle  apparence  que  Moïfe  ait  ignoré  le  vrai  nom 
du  fondateur  de  l'Etat  Egyptien. 

L'Egypte  eft  appellée  1W2  Mat  for  ^  les  fleuves  de  Mat  for  feront fechez..  On 
viendra  à  toi  depuis  Matfor  jufcjH*  au  fleuve:  Et  le  Prophète  Eûiïe  fait  dire  à  Efaï9.  s. 
Sancherib ,  fai  tari  tous  lesrwjjeaux  de  Matfor;    Les  Interprètes  tournent  le  ^^'<^^^^  ''• 
mot  Matfor,  gar  forterelle;  car  en  effet  c'eft  la  fignification  de  ce  mot  2.koisip. 
Hébreu.     Mais  je  ne  doute  nullement  qu'on  ne  doive  adopter  la  conjeélu-  ^*' 
re  de  Bocharti  c'eft  que  Matfor  fignifie  l'Egypte,  6c  que  yî-f///r^i>«  eft  le  pj,,]e„i.^, 
même  nom  que  tJM^atfor^  dans  ce  qu'on  appelle  2\(^«»?i?r«j-  Dualis.  Matfor,  0.24." 
d'où  l'on  a  fait  Matforaïm ,  fignifiant  les  deux  Egyptes,àcaufe  de  l'Egyp- 
te Supérieure,  qui  reçoit  le  Nil  venant  d'Ethiopie,  6c  f  Egypte  Inférieure, 

Xxx  3  dans- 


m 


53+  HISTOIRE   DES  DOGMES 

dans  laquelle  le  Nil  fc  va  rendre  à  la  mer,  par  plulieurs  canaux.     C'clî 
,  aurti  Torigine  du  mot  Mefon^  qui  efl;  le  nom  du  premier  mois  àts  Egyp- 
tiens.    Au  relie  l'Egypte  a  été  appcUce  MaiÇor  ,   ibrtereJTe  ,  à  cauie  de 
fa'fituation,  qui  la  rend  prefque  inaccefliblé  par  les  fleuves. 
cJumaété        \\  y  a  bien  apparence  que  les  Egyptiens  ,  ont  adoré  leur  Patriarche 
Ïg7pnem."  Cliam  ,   Sc  cn  ont  fait  leur  Jupiter  ,   comme  firent  les  Phéniciens.     Ils 
l'appellerent  fuptter  Hammon  :   C'eft  le  nom  dcCham,  fans  autre -déguife- 
ment  que  Taddition  de  la  forme  Chaldaïque,   en  ,  him.  Jupiter  Ham- 
Heïodote.in  mon  a  été  appelle  le  Jupiter  Egyptien  ,   reconnu  Dieu  dans  toute  TAfri- 
Eutupe.      qyç^  parce  que  Cham  a  peuplé  ,  non  feulement  l'Egypte  ,   mais  toutes 
les  Côtes  maritimes  de  l'Afrique.  11  a  été  fameux  par  ics  oracles ,  comme 
chacun  fait. 
Noéfctrou-      Dans  cet  affreux  chaos  de  Théologie  Egyptienne  ,  on  voit  aufîî  quel- 
i'dohtrie's"  ^"^  tracc  dc  Noé.     I .  On  a  confacré  Apis  ,  comme  le  fymbole  du  plus 
Scies  fables  grand  des  Dieux  j  c'étoit  Noé  ,  le  père  des  hommes  &  des  Dieax.  Car  cer- 
xSas^^^'    vainement  de  lui  font  décendus  tous  cts  hommes,  dont  on  a  fait  des  Dieux. 
Noé  eft  appelle  l'homme  de  la  terre ,  riDiNn  c>N  ,  c'eft- à-dire,  cultivant  la 
terre.  Rien  n'étoit  plus  naturel  que  dc  lui  confacrer  le  bceuf ,   le  grand 
inftrument  de  l'Agriculture. 

2.  Le  nomd'^/j/V,  qui  fignifie  mon  père  ^  convient  parfaitement  à  Noé, 
qui  eft  le  père  àts  pères  du  monde.     3.  La  fable  d'ifis  &  d'Ofiris  ,  dans 
Piutarque  ,   félon  laquelle  les  parties  naturelles  d'Olîris  fe  trouvent  per- 
jduës,  de  forte  qu'il  en  falut  faire  un  de  terre  ,  ou  de  plâtre  ,  fans  vertu 
par  conféquent ,  a  bien  du  rapport  avec  l'Hiftoire  de  Cham ,  qui  regar- 
^     da  les  parties  de  fon  père,  yvre  ôc  endormi  :  les  fables  des  Rabbins  ajou- 
tent que  Cham  toucha  ces  parties,  dans  le  deffein  de  rendre  fon  père  in- 
capable de  la  génération. 
Noé.chatn,     Jl  eft  donc  appaiTiit  que  Noé,  Cham,  ScMitfraïm,  ont  été  les  Dieux 
£ffii?paT'  naturels  des  Egyptiens  ,   mais  couverts  d'un  manteau, 6c  enveloppez  de 
ks  Egyp-     tant  de  fables  affreufes ,  qu'il  çft  impoffible  d'y  voir  rien  de  diftinét. 
Ki.?îîs.  L'alTcmblage  de  ces  deux  divinitez,  Ifis  &  Olîris,  avec  Typhon  leur 

fi'ere ,  6c  pourtant  leur  ennemi  mortel ,  donneroit  lieu  de  croire  que  cç:s 
Dieux  Égyptiens  ont  vécu  fur  la  terre,  long-tems  après  Noé  ,  Cham, 
&  Mitfraïm.  Car  ce  Typhon  a  de  grands  caraéleres,  qui  le  rendent  fem- 
voyez  Bo-  blablc  à  Moïfe:  lequel  vivoit  bien  des  ftecles  après  Noé.  Si  ce  n'eft  que 
f"f"'*^A.ni-  nous  adoptions  la  conjeélure  ,  de  ceux  qui  difent  qu'0/?m  a  fîgnifié  tout 
de'vituio  l'Empire  Egyptien,  ëc  comprend  tous  les  Rois  d'Egypte,  que  l'Ecritu- 
£meo.         j.g  Sainte  appelle  tous  du  nom  de  Pharaon.     Ainfi  Moïfe  fe  pourra  placer 

par  tout  où  l'on  voudra,  dans  cette  hypothefe. 
Moïfe  eft  le  Ce  fcroit  aîTûrément  une  chofe  furprenante  ,  que  dans  l'Hiftoire  fa- 
Egyptiens"  buleufc  de  la  Théologie  d'Egypte  ,  on  ne  trouvât  rien  qui  eut  fon  rap- 
Aft.  7.  g.  poit  à  Moïfe  5  qui,  dans  l'Hiftoire  véritable  des  Egyptiens ,  eft  un  per- 
preiives  de  fonnagc  d'une  (î  grande  diftinétion  j  Se  ce  que  les  Egyptiens  fouffrirent 
par  fon  moyen,  eft fî extraordinaire ,  qu'il  en  a  dû  relier  iibs  traces  dans 
leur  Théologie  fabuleufe.  Auffi  en  trouve-t-on  de  conlldérables. 
r.  Typhon  I  •  Typhon  étoit  roux  &  roufleau,  Moïfe  ,  félon  les  apparences ,  étoit 
S'^mot'^'  ^^"^î"^^'  couleur  voiftnedu  rouffeau  :  C'eft  pourquoi  il  eft  dit  de  Moï(e, 
etoii  blond,  qu'il  étoit  divimment  b.em:  le  blond  dans  le  poil,  ^le  blanc  dans  le  teint, 

étoient 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE. P^r/.III.  535 

étoient  des  couleurs  très  rares ,  ôc  par  conféquent  très  eihmées  en  Egyp- 
te 5  &  dans  toute  l'Afrique. 

z.  ILe  nom  de  Typhon  figni  fie  inondation,  dans  la  langue  des  Hébreux,  2.  Typhon 
&  des  Phéniciens,  t)i£2  fignifie  inonder,  &  îs^isit:  thouphono  ,,  inondation.  fn^o"ndrtion. 
G'ell  un  nom  odieux  qu'ils  donnèrent  à  Moiïe  ,   à  caulè  qu'il  avoit  fait  Thouph. 
périr  leur  nation,  &:  leur  Roi,  par  inondation  :  Les  Prêtres,  dit  Plutar- ^lu^rq^^ . 
que  ,    ont  en  abomination  la.  mer  ,    &  appellent  le  fel  écume  de  Typhon  s   &  chap.  15."'^* 
c'f/?  une  des  chofes  c^uon  leur  défend  de  mettre  fur  la  table:  Ils  ne  falnent  jamais 
les  uUoîeSy  ^  les  gens  de  marine^  parce  c^h"*  ils  font  ordinairement  fur  la  mer.  Ils 
ont  aujfi  en  horreur  le  poiffon  ,  quand  ils  veulent  en  hieYogljphi<jues  répréfenter  la 
haine  ^  &  P abomination  ^  tls  peignent  un  poijfon.    C'eil  pour  témoigner  l'abo- 
mination qu'ils  ont  pour  l'adion  de  Moïfe,  qiii  les  fit  fubmerger  dans  la 
mer. 

5.  Typhon  étoit  réputé  le  grand  ennemi  de  leurs  Dieux  ,  &  celui  qui  î.  Typhon 
leur  failoic  une  cruelle  guerre,  ôc  telle  que  les  Dieux  furent  obligez  de  fe  fe^gr/nleT- 
cachery  dans  le  corps  des  bêtes  :  L'un  dans  le  corps  d'uti  bœuf ,  un  au-  nemides 
tre  dans  le  corps  d'une  brebis,  un  autre  dans  quelque  autre  animal.    Ce-  Egyptiens 
.ci  femble  avoir  égard  à  ce  que  Dieu  fit  en  Egypte  ,   où  il  exerça  jugement  'S\nt3tt{uz 
fur  tous  les  Dieux  WEgjpte  s   parce  qu'il  fit  mourir  leurs  animaux-  iacrez  ,  IpoUod.  Li. 
comme  les  autres.  Hyginus 

4.  Typhon s'alîbcia  72.  hommes,  avec  le  fecours  defquels  il  malîacra  E^soi^û.  la. 
fon  frère  OfiriSi     C'eli  Moïfe,  qui  tira  le  peuple  hors  d'Egypte  ,   &  le  Nombres 
conduifit  dans  le  défert  aidé  par  les  70.  hommes,   qu'il  s'aiîbcia  dans  le  "'confor- 
gouvernement ,.  félon  le  confeil  de  (on  beau-pere  Jethro.  "^"é:  Ty- 

f.  Typhon  étoit  frère  d'Ofiris  Roi  de  l'Egypte.  Moïfe  fut  eftimé  fils  m^MoTre*' 
de  la  fille  de  Pharaon,  frère  par  conféquent  du  Roi  d'Egypte.  s'aiTodeyi. 

6.  La  fable  dit  que  Typhon  eut  pour  aide,  &  pour  adjoint,  la  Reine  5°T^hon 
d'Ethiopie,  c'eil  que  Sephora,  femme  de  Moïle  étoit  Ethiopienne,  oti^^^y^P"'?' 
Arabe.  Autrefois  l'i^rabie,  voifinede  lamer  rouge,  portoit  le  nomd'E-  d'Egypte: 
thiopie.  ^JIjI""^ 

7.  Typhon  vint  en  Egypte  pour  faire  k^ guerre  à  Ifis&  Ollris,  mon-  6.  Typhon 
té  fur  ua  âne:  G'eil  pour  cela  qu'ils  ont  l'âne  en  abomination,  &  ils  ap-  f^jJ^'J^^" 
pellerent  âne,  ce  Roi  de  Perfe,  qui  tua  leur  bœuf  Apis.  C'eft  parce  que  d'bthiopie; 
Moïfe  ayant  fa  commiffion  de  Dieu  ,  pour  forcer  Pharaon  à  laîfler  aller  ^oïTeTtiât' 
fon  peuple  ,  tl' mit  fa  femme  &  fe  s  fils  fur  un  âne-^  &-  retourna-  au  Fais  d'^E-  Ethiopien- 
gyp'te.  Et  c'eft  ce  qui  a  donné  lieu  à  la  fable,  que  Typhon,  monté  lur  un  "\„p|j(j„. 
âne,  vint  conquérir  l'Egypte.  vient  en 

8:  Mais- dans  ce  parallèle  de  Typhon  Su  de  Moïfe,  rien  n'eft  fi  remaV-  KqS 
quable  que  ce  que  dit  Plutarque,  ^^ue  Typhon  y  après  avoir  perdu  la  bataille^  raomé  fur 
s'^enjuit  par  fept  jours  fur  un  âne- ,    &.  qu  après  s'être  fauve  ,    thengendra  deux  ^"o^dT  2© 
fils^  ferofolymus  &  ^udéius-.   A  cela  Plutarque  ajoute  fa  réflexion.  Ileflclatr,  ».  Paff^: 
die -il  ,    <^ue  ceux  qui  dfent  cela  ,  veulent  faire  entrer  L'^Htfioire  des  fuifs  dans  pl^uç^aïque! 
cette  fable.    Cela  eft  vrai  y  la  fuite  de  Typhon  durant  i'ept  jours ,  ell  fon-  quifiit  voir 
dée  fur  le  feptiémejour  ,    ou  le  Sabbat,  que  Moïtéinlîitua. dans  le  dé-  t"yp"ens 
fert ,  ôc.fit  obferver  aux  Ifraëlites.  Comme  fi  la  caufede  cette  inilitution  ont  fait  de: 
étoit  la  fuite  de  Moïfe,  Se  de  fon  peuple,  qui  fe  fit  par  7.  jours,  avant  yypjjon^"'^ 
qu'ils  fe  crufiTent  en  lieu  de  fureté.    Mais  la  nailiance  de  Jerofcljn^us  &:  de  "p  h-  ib-- 
ffUus^^  qdi  naquirent  à  Typhon  ;   après  qu'il  eut  étéxhafi'é  d' Egypte- îorJii 

cit- 


5^6  HIST  OIRE  DES  DOG  MES 

elt  encore  plus  parlante.  Et  fait  voir  que  ce  Typhon  n'eft  pas  autre  que 
Moïfe ,  qui  fut  le  Patriarche  ,  &  le  fondateur  de  l'Etat  des  Juifs  ,  dont 
Jcrufalem  dans  la  fuite  fut  la  capitale. 


C  H  A  P  I  T  R  E     IX. 

Quellion.    Si  les  Ifra'élites  dans  le  Veau  d'or ,  ont  eu  intention  d'à* 

dorer  les  Dteux  d'Egjfte  Apis ,  IJis  &  Ofris ,  ou  s'ils  ont  vou. 

lu  adorer  le  vrai  Dieu ,  dans  cefymkok  Egyptien. 


c 


'Eft  une  queftion  de  quelque  importance  ,   de  favoir  quelle  a  été 
l'intention  des  Ifraëlites ,  quand  ils  firent  6c  adorèrent  le  Veau  d'or. 
Nous  avons  vu  que  cette  fuperflition  étoit  montée  hors  d'Egypte 
avec  eux.     Que  le  Veau  d'or  devoit  naturellement  être  confacré  au  bœuf 
Apis,  à  Ifis  Ôc  àOfiris.  Mais  eft-il  pofîîble  qu'ils  eufTent  intention  d'ado- • 
rer  ces  faufles  divinitez  ,   les  Dieux  du  Pais  de  leur  efclavage  ?  Les  ido- 
lâtres d'entre  les  Chrétiens,  le  prétendent  ainfi,  afin  d'éluder  la  preuve, 
dont  nous  nous  (ervons  contr'eux.    Ils  adorent  des  crucifix  ,   des  images 
de  la  Trinité,  des  Saints,  des  Saintes,  &  des  Anges.  Nous  combattons 
ce  malheureux  culte ,  par  l'indignation  que  le  vrai  Dieu  conçût ,  lors  que 
les  Ifraëlites  le  voulurent  adorer ,  fous  la  figure  d'un  bœuf.     Nous  ado- 
rons ,  nous  dit-on ,  le  vrai  Dieu ,  Créateur  du  Ciel  &  de  la  Terre ,  dans 
les  images  de  la  Trinité.     Nous  adorons  le  Sauveur  du  monde  ,  crucifié 
pour  nôtre  falut ,  dans  les  images  du  crucifix.     Ce  ne  font  pas  de  faux 
Dieux.   Nous  les  adorons  ,  en  rendant  feulement  un  culte  relatif  à  leurs 
images  :  cela  ne  fauroit  déplaire  à  Dieu.  Nous  oppofons  à  cela  l'exemple 
des  Ifraëlites,  qui  voulurent  adorer  leur  Dieu,  le  vrai  Dieu,  quilesavoit 
tirez  d'Egypte  ,  fous  l'emblème  d'un  bœuf  :   ce  qui  excita  tellement  la 
Exode        colère  de  Dieu ,  qu'il  fut  tout  prêt  de  les  détruire  fur  le  champ.  Laijfe  moi  fat- 
3  z.  1  o.        Y^e  ^  difoit-  il  à  Moïfe ,  &je  con fumer  ai  ce  peuple  ,*&  je  te  ferai  devenir  une  grande 
nation.  Les  Papilles  répondent  à  cela,  qu'il  n'eft  pas  vrai  que  les  Ifraëlites 
ayent  eu  intention  d'adorer  le  vrai  Dieu.  Ils  foûtiennent  qu'ils  adorèrent, 
dans  ce  Veau,  le  bœuf  Apis,  ôc  les  divinitez  Egyptiennes ,  aufquelles  ce 
Veau  étoit  confacré.  C'ell  ce  qu'ont  voulu  établir  Bellarmin  &  Grégoire 
Lib.2.  de    de  Valence.   Bellarmin  ditj  que  les  Ifraëlites  ont  eftimé  ,  que  le  bœuf  <iy4pis 
Triumphan-  /^<,/;  /^  Dim  dit  Ciel  i  c*efi  pourquoi  ils  lui  drefferent  cette  image  du  Veaud'^or  ^ 
cap.  n.    "    &  crurent  que  de  ce  bœuf  (fApis  ils  avaient  re^â  le  bienfait  de  leur  fortie  hors 
Qregor.  de    (i'> Egypte ,  gT  non  pas  du  Dieu  de  Moïfe. 

idoioiatiia.  Le  Jefuitc  Grégoire  de  Valence  poufîe  re:#travagance  ,  jufqu'à  foûte- 
"P-  J.  nir ,  que  jamais  les  Ifraëlites  n'ont  eu  defîein  d'adorer  le  vrai  Dieu ,  dans 
les  fimulàcres,  en  fe  prollernant  devant  eux.  Au  contraire,  nôtre  Cal- 
vin prétend  que  les  Ifraëlites  n'ont  pas  adoré  les  Dieux  d'Egypte  ,  mais 
que  fous  la  figure  de  ce  Veau  ,  ils  ont  voulu  fervir  Je  vrai  Dieu,  qui  les 
avoit  tirez  d'Egypte.  Cette  opinion  s'accorde  mieux  avec  le  bon  fens,&r 
avec  les  termes  de  l'I^ftoire. 

Sans 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Part.llL  537 

Sans  neceilîté  on  ne  doit  pas  attribuer  des  fentimens  brutaux  à  des  hom- Les  in-scii- 
Tïies ,  qui  ne  font  pas  reputez  pour  intenfez  :  11  n'eil  pas  iufte  d'attribuer  aux  '"^"^  ^°"- 

i  j  •  I-  •       ^  1  •  r^      ■>  •     /    r  lu  adorer  le 

hommes  des  erreurs  qui  ne  loient  pas  humaines.  Orç  auroiteteuneerreui  vrai  Dieu, 
felle  aux  liVaèlites,  <icCc  perfuader  que  ce  bœuf,  qu'ils  venoient  de  fondre,  ^°"^'^  ^'"^ 
étoit  le  Dieu  Créateur  du  ciel  &  de  la  terre.  Et  vu  les  inih-uétions ,  qu'ils 
iivoient  déjà  reçues  d' Aaron  ôc  de  Moiife ,  ils  ne  pouvoient  s'imaginer  que  le 
bœuf  Apis,  ou  la  Déelîe  Ilis,  les  eût  délivrez  d'Egypte,  puifqu'au  con- 
traire ces  Dieux  étoient  reputez  leurs  ennemis,  étant  les  Dieux  prote<5leurs 
des  Egyptiens ,  leurs  oppreileurs. 

2,.  Aaron ,  quoi  qu'il  eût  fait  paroître  infiniment  de  foiblefTe ,  favoit  pour- 
tant bien  ce  qu'il  faifoit ,  &  ce  qu'il  avoit  intention  de  faire  ;  Il  difoit  aux  If- 
raëlites,.,  en  parlant  de  la  confecration  de  l'Idole,  quifedevoit  faire  le  len- 
demain, demain  c^esiU fête  a  P Eternel^  àfehova.  Et  on  ne  trouvera  pas  d'e- 
xemple, que  ce  nom  de  JEHO  VA,  incommunicable  à  toute  créature,  ait 
jamais  été  donné  à  aucune  Idole,  fehova  étoit  le  nom  propre  du  Dieu  des 
Ifraëlires,  comtrte  Moloch  étoit  le  nom  propre  du  Dieu  des  Hammonites. 
L'Arche  de  MoiTe  eft  quelquefois  appelléejehova ,  parce  quec'étoit  le  fym- 
fbole  de  fa  préfence.  Ainfi  on  peut  conjecturer  que  cet  auguftc  nom  dcje- 
hova  eft  imprudemment  donné  par  Aaron  au  Veau  d'or ,  parce  qu'il  le  re- 
gardoit,  comme  on  regarda  du  depuis  les  figures  des  Chérubins  dans  le  Sanc- 
tuaire, qui  reçurent,  au  moins  quelquefois,  le  nom  de  Jehova,  parce  que 
Dieu  étoit  réputé  habiter  entre  les  Chérubins,  ôcqu'ilyrendoit  fes  oracles. 
Aaron  voulut  auffife  perfuader,  que  le  vrai  Dieu  honoreroit  le  Veau  d'or, 
qui  lui  étoit  confacré,  de  fa  préfence  :  àcaufe  dequoi  il  crût  qu'on  lui  pouvoic 
donner  fon  nom. 

5.  Qç.^oxxlicitei'DkMX  ^  olfra'él,  cfm  t'ont  tiré  hors  d'Egypte.     Ce  font  les  Exode  a  t. 
parolef  des  Ifraëlites,  quand  ils  virent  le  Veau  d'or.     Aaron  pour  reâifier  ^• 
cts  paroles ,  qui  avoient  l'air  infenfé,&  pour  ramener  ce  peuple  à  quelque  ef- 
pécederaifon,  fit  ce  qui  fuit.  Ce  cfu* Aaron  ajAnt  vu  ^  il  bktit  un  Autel  devant  v.  i. 
ce  Feau  ^  cria  ,  difznt  ^  demain  ily  aura  fête  folennelle  à  P  Eternel^   c'étoit  pour 
leur  faire  comprendre  que  le  Dieu,  qui  les  avoit  tirez  d'Egypte,  étoit  leur 
Jehova ,  ôc  que  ce  Veau  n'étoit  que  fon  fymbole.     Quelques  brutaux  que 
fuflent  les  Ifraëlites ,  il  n'eft  pas  raifonnable  de  leur  attribuer  d'autre  penfée, 
que  celle-là,  c'eftque  le  Veau  d'or  étoit  l'emblème  du  Jehova,  auquel  il 
étoit  confacré.  Et  comme  ils  avoient  obfervé,  que  les  Egyptiens  adoroient 
Ifis,  leur  Souveraine  divinité,  dans  l'emblème  d'un  bœuf  vivant,  jIs  crû- 
rent auffi  qu'ils  pouvoient  adorer  leur  grand  Dieu  fous  le  fîmulacre  d'un 
veau. 

4.  Nous  pouvons  tirer  une  nouvelle  preuve  de  la  vérité,  que  nous  foû  te- 
nons, de  Phiftoire  des  Veaux  de  Jéroboam ,  qu'il  établit ,  &  fit  adorer  en  Dan 
&  en  Betbel  j  Dans  la  fête  de  la  confecration  de  ces  Veaux ,  on  employa  les 
mêmes  paroks ,  dont  on  fe  fervit  dans  la  confecration  du  Veau  du  défeit.  Ce  Rois,  iz.it 
fint  là  tes  Dieux  ^  qui  t^ont  tiré  hors  d'^  Egypte  :  Or  il  eft  certain,  autant  qu'une 
çhofe  le  peut  être ,  que  dans  l'intention  de  Jéroboam ,  ces  Veaux  en  Dan  6c 
çn  Bethel  furent  pofez  à  l'honneur  du  Dieu  des  Ifraëlites ,  Créateur  du  ciel 
§c  de  la  terre,  &  libérateur  de  fon  peuple.  Il  ne  faut  donc  pas  attribuer  auy - 
Ifraëlites  du  défert  d'autre  penfée,  que  celle  qu'eurent  Jéroboam ,  &  fes  Prê- 
tres ,  puifqu'ils  n'employent  que  les  mêmes  termes. 

Part  III.  Yyy  f.  Au 


538        HISTOIRE  DES  DOGMES 

Lesiftaëii-       f.  Au relie,  cen'étoit  pas  une chofe extraordinaire  entre  les  Ifraëlites, 
"*j°"yYai°'  d'adorer  Dieu ,  je  dis  le  vrai  Dieu,  fous  des  images  6c  des  Idoles:  nous  en 
Dieu ,  fous  avons  un  notable  exemple ,  dans  le  livre  des  Juges ,  6c  dans  le  fait  de  Mica  :  la 
luEcs*  i?"?   ^^^^  confacra  une  bonne  fomme  d'argent ,  pour  faire  une  image  taillée  ajeho- 
va.     Après  cela  ayant  rencontré  un  Lévite ,  ellefe  l'établie  pour  Sacrifica- 
teur des  Theraphims ,  ou  Marmoufett ,  qu'elle  avoit  fait  faire ,  6c  dit,  main^ 
tenant  je  cannois  ^tiefehova^  l'Eternel  y  meferadtt  bien,  parce  que  j'ai  un  Lé- 
vite pour  Sacrificateur  -,  elle  avoit  donc  intention  d'adorer  fon  fehova ,  fon 
Dieu  Souverain  fous  les  images  de  ces  Theraphims.  Lors  que  les  Danites  lui 
enlevèrent,  6c  fon  Lévite,  6c  fon  Dieu,  il  ell  aulfi  très-certain  qu'ils  n'a- 
voient  pas  deflein ,  de  renoncer  au  vrai  Dieu  de  la  nation ,  mais  de  l'adorer 
fous  ces  fymboles. 

6.  Les  défenfes  fi  exprefies ,  6c  tant  de  fois  réitérées ,  aux  Ifraëlites ,  de 
ne  point  adorer  le  vrai  Dieu  fous  des  formes  vifibles ,  font  bien  voir  que  ce 
Peuple,  dans  fes idolâtries ,  avoit fouvent intention  d'adorer  le  vrai  Dieu, 
fous  des  figures  corporelles,  d'hommes  6c  de  bêtes.  C'eft  pourquoi  Moïfe 
Cent.  chap.   Ics  avertit  en  termes  fi  forts ,  ^M*ils  prijjint garde  k  ïeun  ames^  &  quHls  n'avaient 
"♦•'*'  V  H  Çur  la  montagne  aucune  reffemblance^  ni  d^  homme,  ni  de  femme  ^  ni  de  maie  ^ 

ni  de  femelle,  nid'^aucune  bete,  ni  d' aucun  aifeau ,  ni  d^aucun  reptile,  ni  d'aucun 
poijfon.     Il  leur  donna  cet  avis,  prévoyant  bien,  que  comme  les  Egyptiens 
adoroient  leurs  Dieux ,  fous  toutes  ces  images ,  ainfi  les  Ifraëlites ,  imbus  de 
leurs  fuperllitions ,  pourroient ,  en  les  imitant ,  non  pas  adorer  les  Dieux 
d'Egypte,  mais  le  vrai  Dieu,  fous  ces  emblèmes  Egyptiens. 
Efaïe4o.  18.      j.  Efaïedifoit,  a  ijuoiferez.'VousreJfembler  le  Dieu  fort?  &  truelle  refjembloft^ 
^"i^-^S'     ce  lui  approprierez'vous  ?  Ces  paroles  fignifient  clairement,  que  les  Ifraëlites 
avoient eu deffein  derépréfenter,  6c d'adorer  le  vrai  Dieu,  dans  des  ima- 
ges.    Pourquoi  donc  les  Ifraëlites  du  défert  ne  pourroient- ils  pas  avoir  eu; 
la  même  intention? 
Les  ïayens      8..  Il  y  abicu  plus  j  c'cfî  qu'il  n'cll  pas  improbable ,  que  les  Payens  eux- 
wa^^Dieu^*  mêmes  n'ayent  eu  dellëin  d'adorer  le  vrai  Dieu,  dans  leurs  images.    S. 
dans  leurs'   Paul  étant  dans  la  ville  d'Athènes ,  en  vifitant  les  lieux  de  dévotion ,  il  y  dé- 
fimuiacres.    couvrit  unautcl,  {ui' Icquélézoïtécrk  OU  Die u  in connui  cet  Autel  n'étoit  pas- 
Aâes  17.     fans  ilatuë ,  ou  image,  car  lors  qu'ils  érigeoient  un  Autel  à  quelque  divinité  , 
âuffi-tôt  ils  y  pofoient  ley&w«/<ïc-r^  du  Dieu»     C'étoit  la  coutume  conftante 
In  Attîcis,  des  Grecs,  on  le  peut  voir  dans  Paufanias,  dans  la  defcriptipn  de  k  Grèce: 
dsr"&  pâf-  Silaftatuën'étoit  pas  fur  l'Autel  même,  au  moins  elle  étoit  pofée  enquel- 
6tn.  que  lieu  éminent,  d'oii  elle  pouvoit  être  vue  par  ceux  qui  facrifioient  à 

l'honneur  du  Dieu ,  6c  qui  le  vouloient  invoquer.     Nous  l'apprenons  de  ces 
paroles  de  S.  Augullin ,  fur  le  Pf.  49.  Perfonne^  dit-il ,  ne  doute  que  les  Idoles 
ne  [oientprive'es  de  tout  fentiment  >  cependant  tjuandon  les  voit  honorablement  placées- 
dans  un  lieu  élevé  j  où  elles  peuvent  être  vues  par  ceux  cjm  facrifient ,  &i}ui  les 
invocjuent  avec  des  membres  figurez,  commeji  elles  étoient  animées ,  encore  qt^  elles 
Ççien  tfans  ame  y  &  deflituées  de  fentiment ,  elles  ne  laijfent  pas  d^  induire  a  erreur  les 
Xmmhaàtefprit  s  faibles.     Les  fimulacres  étoient  fituez.  à  l'Occident  de  l'Autel,  qui 
^'Jj/^^*  étoit  à  rOrient,     Or  le  Dieu  inconnu  des  Athéniens,  étoit  le  vrai  Dieu. 
Maïuna.  1.  4.  Car  S.  Paul  leur  dit ,  é^efl.  celui  que  nous  vous  annonçons.-     Il  ne  faut  pas  croire  , 
dit-il,  que  la  divinité fbitfemblabk  a.or  ,  ou  â  argent.  Il  y  avoit  donc  fur  cet  Au- 
tel milimulacred'or  3,  oud'argent  :  6c  dans  ce fimulacre , les  Athéniens  pré-" 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.P^r/.IIL  539 

tendoient  adorer  le  vrai  Dieu ,  &  St.  Paul  leur  avoue  que  c'eft  le  Créa- 
teur du  Ciel  &  de  la  Terre. 

Et  même  le  Jupiter  des  Payens  ,  dans  le  fond  ,  étoit  le  Dieu  Sou- 
verain, îe  père  des  hommes  &  des  Dieux.  Ce  qui  eft  la  définition  du  vrai 
Dieu ,  qui  a  créé  les  hommes ,  &  les  Anges  ,  qu'ils  appelloient  Dieux , 
ou  Démons.  Il  n'y  a  donc  aucune  difficulté  à  fuppofer ,  que  les  Ifraèlites  fi- 
rent une  figure  de  Veau  d'or  ,  à  l'honneur  du  vrai  Dieu,  Créateur  du 
Ciel  &  de  la  Terre. 

Mais ,  dit-on ,  ils  n'adorèrent  pas  le  vrai  Dieu  ,  encore  qu'ils  en  éuP- 
fent  intention.  Il  eft  vrai:  Dieu  n'accepte  point  les  cultes  ,  qui  lui  font 
rendus  en  des  manières ,  &  des  formes ,  qui  font  défendues.  C'eft  pour- 
quoi les  Ifraèlites  furent  traitez  d'idolâtres ,  fans  avoir  égard  à  leur  in- 
tention. On  dit  encore,  q^'\\^  ox\x. adoré d'^autres  Dieux ^  dans  ce  Veauj  i. Sam,  1.7. 
ce  font  les  paroles  du  Livre  de  Samuel  qui  ne  regardent  pas  précifément  l'i- 
dolatrie  du  Veau  d'or.  Mais  il  eft  pourtant  vrai  qu'on  peut  dire  ,  qu'ils 
ont  fervi  d'autres  Dieux,  dans  le  Veau  d'or,  parce  qu'un  tel  culte  défen- 
du par  la  Loi,  &  rejette  de  Dieu,  eft  adopté  par  le  Démon.  Et  ce  Veau 
d'or  du  défert ,  étoit  véritablement  un  faux  Dieu  ,  &  par  conféquent  un 
Dieu  étranger. 

Les  Ifraëlites  difent  à  Aaron  ,  fais-nous  des  Dieux  qui  marchent  devant 
mus.  Et  ils  crièrent  en  voyant  ce  Veau,  voila  tes  Dieux  :  Le  Dieu  dei 
Ifraëlites  étoit  unique.  Ainlî  ces  D/^«a:,  en  nombre  pluriel ,  doivent  être, 
dit-on,  d'autres  Dieux  que  le  Dieu  d'Ifraël.  Mais  cela  fignifie  feulement, 
fais-nous  les  images  de  notre  Dieu ,  afin  que  nous  voyons  nôtre  Dieu ,  dans 
les  images  fenfîbles,  comme  toutes  les  autres  nations.  Aurefte  les  Idoles  font 
appellées  des  D/>«.v.  i .  Par  une  figure  très  commune,  qui  donne  à  l'image 
lenomdel'original.  i.Et  aulîi  parce  que  c'eft  proprement  le  culte  qui  fait 
un  Dieu:  Outre  que  le  mot  de  l'original  Elohim^  convient  au  vrai  Dieu, 
qui  eft  unique,  comme  aux  faufles  divinitez ,  qui  font  en  grand  nombre. 


G  H  A  P  I  T  R  E     X. 

.    De  la  Fête  célébrée  pour  la  dédicace  du  Feau  dam  le 

Défert. 

CE  qui  refte  d'obfervations  à  faire  fur  l'Hiftoire  du  Veau  d'or, font 
peu  importantes  :  La  plus  importante  regarde  la  Fête  de  la  dédi- 
cace. 
L'Hiftoire  nous  dit  qu'ils  célébrèrent  une  fête  pour  laconfecrationde 
cette  Idole.     Ce  qu* Aaron  ayant  vu ,  il  hâtit  là  un  Autel  devant  le  Veau ,  é"  Exode.  32. 
fit  crier  ^  demain  fera  la  fête  V  Eternel  ,    &  le  lendemain  au  matin  ,  ils  fe  levé-  ^'  *° 
rent  ^  ^  immolèrent  des  facrifices  de  frofperitez.,     St  le -peuple  s'affit  pour  man-' 
ger  &  pour  ioire^  ô"  fe  leva  pour  jouer ,     Il  ne  faut  pas  douter  que  ce  ne  fût 
la  Fête  de  la  dédicace  :  puifque  ce  fut  le  premier  jour  du  culte  rendu  à 
cette  Idole.     On  immola  des  vp^imes  ^  dr  des  facrifces  de  projperitez..  Moïfe 

Yyy  2,  n'a- 


1 


540  HISTOIRE   DES   DOGMES 

n'avoit  pas  eiicore  donné  les  Loix  des  laciiflces.     C'ell  pourquoi  il  efl 
apparent  qu'on  fliivit  en  cette  Fête  les  cérémonies  des  nations.  Et  peut- 
être  celles  là-même ,  qui  étoient  obiervécs  en  Egypte. 
Cérémonies      Herodotc   tait  la   dcfcription  d'uQC  Fccc  folennelle,  qui  fe  célcbroit , 
ri?nfS'ns    ^'^^^  ^^  ^'^"  appelle  BubalHs ,  à  l'honneur  de  la  Décile  Kls,  qui  avoit  la 
)eurs  grands  ]e  principal  dc  ics  Tcraplcs.   Et  voici  ce  qui  s'y  faifoit  de  plus  confide- 

ï.  On  facrifioit  un  bœuf  roux,  dans  lequel  il  ne  devoit  pas  y  avoir  un 
feul  poil  noir.  Car  un  Tcul  poil  auroit  fauve  le  bœuf. 

2.  Ils  aîlumoîént  un  grand  bûcher.  Ils  faifoient  un  grand  épanche- 
raent  de  vin  fur  la  vi6i:imc.  A*pi'ésavoir  invoqué  la  Déefle,  onégorgeoit 
ia  bête. 

3.  Enfuite  on  lui 'coupoit  la  tête  5  8c  on  faifoit  fur  elle  les  imprécations, 
que  nous  avons  ci-dellus  rapportées  :  qui  ont  affez  de  rapport  avec  la  cé- 
rémonie ordonnée  par  la  Loi ,  qui  étoit  de  charger  la  viélime  du  Sacri- 

-  iîce  Propitiatoire  de  tous  les  péchez,  en  les  confeffànt  fur  fa  tête.  Car 
^ssind-  cette  têie  ,  chez  les  Egyptiens  ,  étoit  une  expiation  pour  toute  la  na- 
i..?u.x.-      lion. 

4.  Ils  prenoicnt  les  reins  6c  les  graiflesdé  la  bête  immolée,  ôcles  brû- 
loient  à  l'honneur  de  la  divinité. 

f.  lis  coupoient  les  jambes,  les  cuiiîës ,  les  reins ,  les  épaules  de  la  vic- 
time, &  lui  rempliffoient  le  corps  de  pain  purifié,  de  raifins  fecs,de  miel,,  À 
d'encens ,  de  myrrhe ,  6c  d'autres  choies  odoriférantes.  \ 

6.  z^prés  avoir  farci  le  corps  de  la  viâime  ,  ils  y  verfoient  du  vin  8c 
de  l'huile,  6c  la  jettoient  au  feu. 

7.  Pendant  que  la  viétime  brûloit  ,  ils  fe  frapoient  les  uns  les  au- 
tres. 

8.  Après  tout  cela,  des reftes de  la vi(5î;ime,  8c des  parties  qu'ils avoient 
retranchées ,  ils  faifoient  un  grand  repas ,  8c  bûvoient  largement.  Hé- 
rodote affûre  que  dans  cette  fête  d'iiîs,  on  confumoit  plus  de  vin,  que 
dans  tout  le  reile  de  l'année.  Il'faloit  que  la  débauche  fût  ex ceiîive.  Athe- 

i£th«nzus    néearailbn  de  dériver  le  verbe  /x£ÔL/av,qui  ilgnifies'enyvrer, dc/xerà  ôuf^v,. 
qui  lignifie  après  avoir  fâcrifié.     C'efî  qu'en  effet  les  débauches  étoient 
àts  fuites  des  facrifices.     Il  fe  commettoit  auiîi  beaucoup  d'obfcénitez. 
Hérodote  l'inlinuë  aflez  ,  en  difant  que  durant  le  lacrifiee,  ils  s'entre- 
frapoient  dans  des  endroits ,  ^«V/  n^ étoit  pas  permis  de  nommer.     C'eil:  pour- 
quoi les  Rabbins  n'ont  pas  mauvaife  raifon  d'interpréter  ces  jeux  des  If- 
ïnTanchu-  raëlitcs,  daus  la  fêtc  du  Vcau,  ^a.Y,revelatiopudendorum^  (^  ejfujïo  fangm'- 
nis,     A  ces  obfcénitez  prés,  les  cérémonies  Egyptiennes ,  oblêrvéesdans 
leurs  facrifices ,  avoient   aflez  de  rapport   avec  les    iàcriiices   Mofaï" 
ques. 
lête  des  îf-      Sans  doutc  c'ell  à  cette  fête  qu'on  doit  rapporter  ce  que  dit  Amos ,, 
laëlitespoui  ^^^j-  avez.  porté  le  TaberuMle  de  votre  "^oi^  oh  de  vôtre  tSKoloch:   Car  c'e- 
fdonAmos!  toit  la  coûtume  dés  Payens,  de  porter  en  pompe  leurs  Idoles ,  dans  leurs 
grands  jours  de  fête ,  fous  des  Tabernacles  portatifs ,  qui  s'appellent  aut- 
jourd'hui  U  CkaJJt  du  Samt^èc  qui  s'appelloit  à  Rome  ThenfaflU  Tkenfe^vehic^- 
lo^Euteige. /<«  Deortim.     Hérodote  nous  apprend  que  cela  fe  faifoit  auffi,  dans  les  fê- 
tes Egyptiennes.     lU  mettoient^,  dit- il,  Us.fmuUcres.  dans  un  petit  Temple  de- 
bois 


ma. 


ET  DES  CULTES  DE  VEGLlSE/FartAll.  541 

his  (dore,  &  on  fatfoit  promener  ce  petit  Temple  portatifs  dans  tous  les  Temples^ 
ou  maifons  facrées.  Le  char  e'îoit  trahie  par  les  Prêtres  ^  dr  fur  le  char  on  met- 
iott  la  chapelle ,  &  le  Jtmulacre  étoit  dedans.  C'efl:  la  vraie  defcription  de  la 
fête,  que  célébrèrent  les  ïfraëlites  dans  ledéfert. 

Buliinger  &  Louis  de  Dieu  croyent  que  le  Tabernacle  ,    dont  parle  sniîingcï, 
Amos  ,   étoit  le  Tabernacle  fait  par  Moïie,  dont  les  Ïfraëlites  abuferent  oie^Tn^'^*^ 
à  idolâtrie.     Ce  font  de  qç.%  éblouiffemens  ,  qui  arrivent  quelquefois  aux  cap.  Aft. 
Savans,  &  qu'on  ne,  fauroit  comprendre.      Moife  étoit  au  fomrnet  de  la  éwange  de 
montagne ,  q>\x  Dieu  lui  donnoit  le  tableau  ,  &  le  devis  de  ce  myllerieux  suiiinger , 
Tabernacle.     Ce   devis  ne  fut  exécuté  qu'affez  de  tems  après  le  retour  de Dieu°"liï 
de  Moïfe,  6c  les  ïfraëlites  cependant  portoient,  dit -on,  ce  Tabernacle '^''"a'"^f"»^ 
à  l'honneur  de  Moloch ,  ou  d'Apis,  dans  le  fait  du  Veau  d'or.  Cette  fête  d'or„" 
pouvoir  avoir  auffi  quelque  choie  de  femblable  à  celle,  dont  parle  Plutar- 
que:  Environ  le  Solfiiee  d'^  Hiver  ^  dit-  il,  dans  la  fête  ^  c^ui  s'^appelîe  recherche  De  kl  «ç 
d'OJtris  ^  on  menott  une  vache ,  ou  la  femelle  d'un  hœnf ,    &  on  lui  faifoit  faire    ^"•"P-^'^^ 
fépt  fois  le  tour  du  Temple  ^  &  cette  Cérémonie  s'appellott,  la  recouverte  d^Ofiris  ^ 
eu  la  révolution  du  Soleil  :   comme  fi  la  Déejfe  eut  alors  fouhaité  les  eaux  à^ Hi- 
ver j  d^  on  faifoît  ces  fept  tours ,  ou  circuits ,  parce  que  la  courfe  du  Soleil ,  de- 
puis  le  Solfiiee  d'' Hiver  juj^u^â  celui  d' Eté ^  étoit  de  fept  mois. 

Entre  les  Egyptiens  c'étoit  une  grande  rejouïllance  ,  ôc  une  grande 
fête,  que  celle,  dans  laquelle  on  folennifoit  la  mémoire  d'Ofiris  retrouvé. 
Comme  aufîi  celle  à^  Apis  ,  quand  on  avoit  découvert  un  bœuf,  qui  en 
avoit  toutes  les  marques.  Les  ïfraëlites ,  félon  toutes  les  apparences  ,  fi- 
rent de  femblables  rejouïiîances  ,  comme  ayant  retrouvé  dans  leur  Veau 
d'or  ,  &  le  bœuf  Apis  qu'ils  avoient  abandonné  ,  &  leur  Dieu  conduc- 
teur ,  qui  leur  avoit  paru  comme  perdu  ,  depuis  le  départ  de  Moï- 
fe. 

Dans  le  lo'"^.  verfet  du  chapitre  de  l'Exode  ,  qui  contient  cette  Hif-  <^e.^"«, 
toire  du  Veau  d'or,  ileftdit,  cjue  tJMoïfe  prit  ce  Veau.^  &  le  hruU  au  feu  ,  de'ieVeau, 
îl  le  fit  moudre,  &  réduire  en  poudre  ,   &  le  jetta  dans  l'eau  ,  pour  le  faire  boi- 
re aux  ïfraëlites.    On  demande^comment  on  peut  brûler  de  l'or  ,    qui  ne 
peut  être  confumé  par  le  feu  ?  Le  ïuif  Aben-Efra  dit  que  cela fe lit,  xr^r  Aben-Efe 
la  vertu  de  certame  matière  ,    qui  étant  jettee  lur  1  or,  le  conlume  ce  le 
réduit  en  poudre.     Mais  coirame  il  ne  dit  pas  ce  que  c'efl:  :  on  n'eil  pas 
obligé  de  le  croire.  11  vaut  mieux  entendre  qu'il  fondit  le  veau  d'or,  Se 
le  calcina,  autant  que  l'or  peut  être  réduit  en  poudre, &ieita  cette  pou-  . 
dre  dans  l'eau  ,   en  figne  de  malediélion  :  Afin  que  les  ïfraëlites  bu  (lent 
leur  |5eché,  &  en  portallent  la  peine. 

Lors  que  Moïfe  reprocha  au  Prêtre Aaron  ,   fon  crime  &r  fa  lâcheté, 
en  s'exGufant  il  dit,  f  ai  jette  Por  dans  le  feu  ,  &  il  enefi  fini  tm  Fean.    Ces 
paroles  font  demander  ce  qu'a  voulu  dire  Aaron.  Le  Rabbin  Salomon  saîomon 
Jarchi  prétend,  qu'Aaron  avoit  voulu  dire  pour  s'excufer  j  fans  mauvaii'e^^^^,^'  ^" 
intention  j'ai  jette  l'or  dans  le  feu,  ôcfans  que  je  m'en  fois  autrement  mê- 
lé ,11  en  eil  forti  un  Veau.    Et  les  Juifs  veulent  que  le  Démon  ibit  ioter-  vkie  Lucam 
venu  là  dedans,  &  qu'il  ait  formé  ce  Veau,  pour  induire  le  peuple  à  ido-  fn"^^og"p™ 
latrie.     Le  fens  le  plus  fimple  eft  ,   qu'Aaron  interdit  &  n'ayant  rien  à 
répondre  à  Moïfe  ,   pour  fortir  plutôt  de  fa  confulion  ,  lui  confefla  en 
deux  mors  fon  péché,  6c  lui  dit,  il  ell  vrai,  prejîé  par  le  peuple  je  leur 

Yyy  i  ai 


542  HISTOIRE  DES  DOGMES 

ai  fait  ce  Veau  d'or.  Et  ainfi  les  paroles  d'Aaron  ne  fîgnifient  rien  autre 
chofe,  finon,  iieft  vrai  que  j'ai  pris  l'or  qu'ils  m'ont  donné  ,  ôc  j'en  ai 
foimé  le  Veau. 


CHAPITRE     XI. 

7)es  Veaux  de  Jéroboam,  fofez  en  "Dan  ér  en  Btthel. 


L 


Es  Veaux  que  Jerobbam  éleva  en  Dan  &  en  Bethel ,  ont  trop  de 
,  rapport  avec  celui  du  défert ,  pour  les  mettre  dans  un  traité  à  part. 
C'eft  la  même  idolâtrie  pour  la  forme ,  &  pour  la  matière ,  quoi  que 
la  fource  en  foit  apparemment  différente.  Tout  le  monde  en  fait  l'Hif- 
toire  :  Dieu  pour  punir  Salomon,  de  ce  qu'il  s'étoit  lâchement  détourné 
après  les  idoles  de  (es  femmes  étrangères ,  permit  que  ce  florilîànt  Etat , 
à  la  tête  duquel  il  avoit  été  mis  fût  déchiré  fous  le  commencement  du 
règne  de  Roboam  5  fon  fils.  Jéroboam,  l'un  de  fes  ferviteurs ,  lui  déta^- 
cha  par  la  révolte  dix  Tribus  ,  qui  demeurèrent  toujours  féparées  ,  ]\xÇ~ 
qu'à  la  deftrudion  du  Païs  ,  par  les  Rois  d'Afîyrie  &  de  Chaldée.  Ce 
Prince  révolté  comprit,  que  fi.  ces  peuples,  la  Tribu  de  Juda,  &  les  dix 
Tribus  d'Ifraël,  fe  trouvoient  en  même  lieu,  au  moins  trois  fois  l'année, 
comme  la  Loi  l'ordonne  ,  incontinent  la  mailbn  de  David  travailleroit  à 
débaucher  fes  fujets ,  &  à  refermer  la  brèche,  qui  avoit  été  faite  au  Royau- 
me. Ceft  pourquoi  Jéroboam  défendit  à  fes  fujets ,  d'aller  à  Jerufalem 
pour  le  fervice  divin ,  &  il  leur  établit  deux  Sanéluaires ,  l'un  en  Dan, 
du  côté  du  Septentrion ,  &  l'autre  en  Bethel ,  au  Midi ,  fur  les  frontiè- 
res du  Royaume  de  Juda.  Et  dans  ces  Sanéluaires  il  pofa  deux  Veaux 
s.  Rois  d'or ,  très  célèbres  dans  l'Hiftoire  des  Rois.  Ce  fut  là  qu'il  ordonna  aux 
fo^i^i!"  Ifraëlites  des  dix  Tribus ,  de  porter  leurs  offrandes ,  &  de  faire  leurs  dé- 
votions. 

Le  traité  du  Veau  d'or  ,   d'oii  nous  venons  de  fortir  ,  nous  épargnera 
du  tems  &  de  la  peine,  dans  le  fujet  préfent. 
Jéroboam        La  première  queflion  que  l'on  fait,  c'eft  d'où  Jéroboam  a  pris  ce  faux 
fiux culte    culte,  ôcqu'ell-cequi  J'a porté  à  confacrer  des  Veaux  à  fon  Dieu.  Mon- 
d'Egypte,    c^cus ,  qui  a  voulu  croire  que  le  Veau  du  Défert,  étoit  la  figure  d'unChe- 
Sîïg-temr  l'Libin  i  &  cela  dans  un  tems  ,  où  les  Chérubins  étoient  encore  inconnus 
demeuré,     aux  Ifraëlites,  ne  peut  pas  manquer  de  dire,  que  les  Veaux  de  Jéroboam 
étoient  des  figures  de  Chérubins;  Car  alors,  les  Chérubins  étoient  con- 
nus en  Ifraël ,  &  il  n'eft  pas  hors  de  vrai-femblance  ,  que  ces  Chérubins 
eufTent  en  partie  la  figure  d'un  veau.  Car  les  animaux,  dont  Ezechiel  nous 
donne  la  defcription,  dans  le  premier  &  le  dixième  chapitres  de  fes  Révéla- 
tions, comme  de  Cherubinsjavoient  une  tête  d'homme,  une  d'aigle,  une  tête 
de  lion,  ôc  une  de  bœuf.  Or  la  tête  de  bœuf  étoit  la  plus  eminente,  &  la  plus 
vifible,  dans  les  figures  qu'on  en  donnoit.     On  peut  revoir  là-defîus,  ce 
que  nous  en  avons  dit ,  dans  la  Seconde  Partie  de  cet  Ouvrage  j  où  nous 
avons  parlé  de  l'Arche  ôc  de  fes  Chérubins.     Quoi  que  cette  conjeélure 

de 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Part.lU.  543 

de  Moncaeus  foit  un  peu  plus  vrai-femblable  en  cet  endroit,que  dans  le  Veau 
du  défert ,  cependant  nous  ne  faurions  l'accepter.  Et  nous  trouvons  beaucoup 
plus  vrai-femblable ,  de  tirer  cette  idolâtrie  de  Jéroboam,  de  la  même 
Iburcc  que  le  Veau  d*or.  C'eft  de  l'Egypte  :  Jéroboam  y  avoit  fait  un 
long  fejour,  chez  5<?/2i^>w  Roi  d'Egypte.  Et  ce  fut-là  qu'il  pafla  tout  le 
tems  de  fa  difgrace,  quand  il  fut  obligé  de  quitter  la  Cour  de  Salomon, 
Se  fa  patrie.  Au  refte,  les  paroles  delà  confecration  de  l'Idole  furent  les 
mêmes,  que  celles  qu'on  employa  dans  la  confecration  du  Veau  du  défert. 
Ce  font-ici  tes  Dietix ,  ô  fjraè'l,  (jui  î^ont  thé  hors  dupais  d'Egypte.  Il  y  a  toute 
apparence,  qu'il  n'employa  cette  formule,  dans  la  dédicace  de  fes  Veaux, 
que  pour  infinuer  à  fon peuple,  qu'il  n'étoit  pas  nouveau  à  la  nation  d'a- 
dorer leur  divinité  fous  ces  emblèmes. 

Il  eft  remarquable  que  les  Veaux  dejeroboam  font  appeliez  ^w^iyw/Z/^j-,  Dufcxede 
eu  dejemesvaches.    La  Bible  des  Grecs  dit ,  que  Jeroboam.fit  deux  Genifles  *^"  ^""*" 
d'or ,  Ivo  SctixxKstç  xpacLç.  Ainfî  le  dit  Jofephe ,  f  «<?  feroboam  fit  deux  Çenijfes    -, 
d'^er ,  &  leur  confacra  deux  Temples.     Le  Livre  de  Tobie,  en  parlant  de  la  re-  i.  Rois  ill 
volte  ôc  dufchifme  de  Jéroboam,  àiit^quetoutesksl  ribm  révoltées  facrifierem  ^'•.  ... 
àBahal^  la  je  une  vache.  La  plupart  des  anciens  Interprètes  difent,  que  les  t^cX 
Hiftoriens  fe  font  fervis  de  ce  terme,  fîgnifiant  une  femelle,  pour  abailler ,  *^°^^  *=•  ^' 
&  pour  attirer  du  mépris  fur  ce  culte  établi  par  Jéroboam  :  Mais  beaucoup  Queftion  fî 
plus  fouventjon  donne  à  ces  deux  Idoles  le  nom  de  Veaux.  Et  il  n'efl  pas  fans  ]"  oboam'^*^ 
vrai-femblance,  que  comme  il  y  avoit  deux  Veaux,  les  Ifraëlites  idolâtres  croient  de 
avoient  obfervé  de  leur  donner  les  deux  fexes ,  c'eft- à-  dire ,  que  l'un  répré-  Amélie""  ^^ 
fentoit  le  mâle ,  &  l'autre  la  femelle:  ce  qui  ne  s'étoit  pas  fait  peut-être  par 
hazard}  mais  par  l'infpiration  deceux,  qui  avoient  fuggeré  à  Jéroboam  la 
figure  de  ces  Idoles.  La  Religion  d'Ifis,  d'où  ce  culte  de  Jéroboam  étoit 
apparemment  décendu,  faifoit  la  Déeife  mâle  6c  femelle  ,.aulîi  avons-nous 
vu  qu'elle  portoit  les  deux  fexes ,  &  même  nous  apprenons  d'Arnobe,  que  Arnob.  con» 
dans  les  hymnes,  ôc  célèbres  invocations  des  faux  Dieux  ,  on  fefêrvoitde  i"îï"e^; 
ce  formulaire ,  five  tu  Deus ,  five  tu  Dea ,  foit  que  tu  fois  un  Dieu ,  ou  une 
Déeffe.   Et  dans  les  hymnes  d'Orphée ,  â  l'honneur  de  Minerve ,  on  ehan- 
toit  «po-viv   y.èv  Kdi  ôî^Auç  sCpvg,  tu  es  mâle  6c  femelle. 

La  principale  queftion  qui  fe  fait  ici ,  c'eft  à  quelle  divinité  ces  Veaux  de  LesVeius 
Jéroboam  étoient  confacrez ,  ou  aux  Dieux  d'Egypte,  ou  à  quelqu'un  des  ^^3^"°* 
Bahalins,  des  Phihftins,  &  Phéniciens.     La  queftion  doit  être  répondue,  «oient 
félon  les  preuves  que  nous  avons  données  ci-deffus,  que  le  Veau  du  défert  H^J^T^ 
étoit  confacré  au  vrai  Dieu  :  Car  toutes  ces  preuves  donnent  toute  leur  Dieu. 
force  au  culte  de  Jéroboam  ,  pour  montrer  que  les  Veaux  de  Dan  6c'  de 
Bethel  étoient  confacrez  au  vrai  Dieu  j  6c  outre  ces  preuves  jl'Hiftoire  des 
Rois  en  fournit  d'autres,  6c  plus  fortes. 

1.  Jéroboam,  aulTi  bien  que  les  idolâtres  du  défert,  fait  crier  devant 
les  Veaux,,  dans  la  fête  de  leur  dédicace  :  Ce  fi^nt-fà  tes  Dieux ,  ê  îfi\^ëi,cjut 
t'ont  tiréhorsdupaïs  d'Egypte.  C'étoit  donc  au  Dieu  de  Moïfe  que  les  Veaux 
étoient  confacrez.  Car  ils  ne  pouvoient  pas  être  aiîêz  infenfez  pour  croi- 
re, que  des  Idoles,  qui  fortoient  du  fourneau  dans  le  moment,  leseufient 
délivrez  tant  de  fiecles  auparavant. 

2.  Il  eft  clair  que  ce  culte  àts  Veaux,  n'eft  pas  regardé mr  lesHifto-  L'aaionde 
riins  bacrez ,  6c  par  les  Prophètes ,  comme  une  idoiatrie  purement  payen-  «e  fut  Eas> 

ne. 


54+  H  I  S  T  O  I  R  E  D  E  S  p  O  G  M  E  S 

ifgiidîc,  lie.  Ils  y  mctretu  une  extrême  diiîerence.  L'a6biondeJeroboara  futcon- 
ipoSe""*^  fidcrce  comme  un  rchifme,  très- criminel,  à  la  vérité,  mais  non  pas  corn- 
totale.  me  une  apoilalic  totale.  L'Hiiloire  de  la  révolte  deii dix  Tribus,  fait  par- 
ler jéroboam  ,de  manière  qu'il  paroît  qu'elle  ne  comprend  pas  ce  Jéroboam, 
Tofeph.  Ant.  commc  ayant  fait  changer  de  Religion  aJes  peuples.  11  leur  répréiènte 
hb.g. C.3.  ^^ç.  |g  yj..^-  j^jçj^j  ^^^  p,^^,  tout,  qu'il  n'eil  attaché  à  aucun  lieu,  èc  qu'on 
le  peut  auiîi  bien  adorer  en  Dan  &  en  Bethel  qu'à  Jeruialem. 

Tous  les  Princes  iuccefieurs  de  Jéroboam  ,  qui  n'ont  adoré,  dc  fait  ado- 
rer que  les  Veaux ,  font  confiderez  comme  bien  moins  coupables ,  que  ceux 
quiadoroient ,  &  iraifoient  adorer  lesBahalins.  Achab  fut  le  premier  des 
fuccefleurs  de  Jéroboam ,  qui  adora  les  Bahahns  ,  à  la  perfuafion  de  la 
malheureufe  Jezabel,  fille  du  Roi  des  Sidoniens.  Surquoi  l'Hilloire  Sainte 
dit  ,  que  ce  Prince  ne  fe  contenta  pas  de  fuivre  le  péché  de  Jéroboam  ,en 
i,R.oist(î.  adorant  fes  Veaux  5  ^c.  mats  cjhiI  fervit  à  Bahal,  &fe  pro/lerna  devant  Imi^ 
V. 3 1.32.3 j.y^^^^^  (jQf-^gg^  ^  If^j  dre£a  tm  Autel,  dans  unTemple ,  cjh'iI  lui  bâtit  enSama- 
rie  ,  &  cjii^tlfit  plus  que  tous  les  Rois  d'*Ifra'él , .  qui  avaient  été  devant  lui ,  pour  ir- 
riter PEternel. 

Au  contraire,  les  Rois  de  Saraarie ,  qui  fans  renoncer  au fchifmede Jé- 
roboam, Ôc  fans  quitter  le  culte  des  Veaux,  s'appliquoient  à  la  deftruc- 
tion  des  Temples  &  des  Sacrificateurs  de  Bahal,  étoient  regardez  com- 
me ayant  du  zélé  pour  la  gloire  du  vrai  Dieu. 
Elle  n'a  pas      Lors  quc  le  Prophctc  Elie  provoqua  les  ferviteurs  de  Bahal,  &  qu'il  en 
Tux°d[x^      fit  égorger  quatre  cens  tout  à  la  fois ,     il  fe  plaignit  à  Dieu ,  que  les  dix 
TiibusTa-    Tribus  avoicot  démoli  les  Autels  du  vrai'Dieu,  qu'ils  avoient  tué  fes  Pro- 
veaïx°"mals  phctcs ,  6c  qu'il  étoit  dcmcuré  lui  feul.     Il  ne  fe  plaint  point  des  Kraèli- 
ceiic  des      tcs ,  qui  adoroienD  Igs  Veaux  :  &  ce  fiîence  fait  voir ,  que  le  culte  des  Veaux 
pourquoi     n'étoit  pas  regardé  comme  tout  à  fait  abominable.   Il  difoit  aux  Ifraëlites, 
"la- .         jufcjues  à  quand  clocherez»- vous  des  deux  cotez.?  JîP Etemel  efl  Dieu,  fuivezrlet 
é.zi.       '  Mais  fie' efi  Bahal,  Çuivez^-le.     Il  ne  parle  pas  contre   les   adorateurs    des 
Veaux,  &  il  fuppofe  qu'ils  étoient  encore. dans  les  intérêts  du  vmiDieu. 
Lors  qu'il  fe  plaignit  'é\  douloureufement  à  Dieu,  de  ce  qu'il  étoit  demeu- 
chap.  19,     ré  feul ,  il  lui  fut  répondu ,  je  me  fuis  refervé  fept  mille  hommes ,  qui  n'^ont  pas 
T.  18.  ployé  le  genou  devante  ah  al  ^  &  dont  la  bouche  ne  Papas  batje.     Il  ne  dit  pas, 

qui  n'ont  pas  ployé  le  genou  devant  les  Veaux.  Dieu  favoit  bien  que  l'on 
adoroit  ces  Veaux  à  fon  honneur,  &C  quoi  que  cela  lui  fût  infiniment  dela- 
gréable ,  cependant  il  y  mettoit  une  grande  différence. 

Lors  que  Jehu  détruifit  la  maifon  d' Achab ,  il  anéantit  auffi  dans  tou- 
te l'étendue  du  Royaume  d'Ifraël,  le  culte  des  Bahalins.  Il  difoit  à  Jo- 
a.  des  Rois  nadab  Rechabite  5  fon  ami  :  vi€n&  voile  zélé  que  j'^aipourV  Eternel.  En  effet 
10.  t«.  fon  2,éle  le  porta  à  détruire  la  maifon  de  Bahal,  qui  étoit  en  Samarie,  & 
à  mettre  à  mort  tous  les  Sacrificateurs;  ce  qui  fut  agréé  de  Dieu.  Il  en  fut 
loué.  Mais  l'Hiftoire  ajoute,  que  fehu  ne  fe  détourna  point  des  péchez.  deferO' 
boam ,  fils  de  TSlébat ,  favoir  des  Veaux  d'^or  ,  qui  étaient  en  Bethel  &  en  Dan. 

La  même  obfervation  fe  peut  faire  fur  l'Hiftoire  des  Rois  fuivans,  quand 
il  eft  dit  qu'ils  avoient  toujours  adhéré  au  Dieu  de  leurs  pères ,  c'eft  toujours 
avec  cette  claufe,fo«^^/o/.f  il  ne  fedétaurna  pas ^des  péchez,  de  feroboam,fils  de  Nébat, 
Si  ces  Veaux  d'or  de  Bethel  ôc  de  Dan ,  avoient  été  confacrez  aux  faux 
Dieux,  ou  aux  Dieux  d'Egypte,  ou 3  comme  d'autres  veulent, à Moloch, 

Dieu 


25. 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Part.lU.  54^ 

Dieu  des  Hammonites,  qui  avoit  aufîi  la  figure  d'un  bœuf,  Dieu  auroïc 
abominé  ce  culte,  comme  la  plus  groffiere  idolâtrie.  Ce  qui  fait  voir,  que 
ces  Veaux  étoient  véritablement  confâcrez  au  Dieud'Ifraël. 

5.  Apres  cela  on  veut  favoir,  par  quel  culte  les  Rois  de  Samarie  ado-.Jctoboam 
rerent  Dieu  dans  les  Veaux  de  Dan  6c  deBethel,  fi  ce  fut  par  des  cere- [^oJdônaé" 
monies  imitées  des  Payens ,  ou  félonies  Loix  de  Moïfe.    Nous  répondons  par  ulol 
fans  hefiter,  que  ks  dix  Tribus,  dans  leur  révolte,  fuivirent  les  Loix  de 
Moïfe. 

I.  Si  cela  n'étoit  pas,  Dieu  n'auroit  pas  manqué  de  le  leur  reprocher 
par  fes  Prophètes ,  ce  qui  ne  fe  trouve  nulle  part.  Seulement  il  eft  remar- 
qué, que  Jéroboam  changea  le  jour  de  la  fête  du  feptiéme  mois,  c'étoic 
la  fête  des  Tabernacles,  ëc  au  lieu  qu'elle  fe  devoit  célébrer  le  quinzième 
jour  du  feptiéme  mois ,  qui  répond  à  nôtre  mois  de  Septembre,  il  la  remit 
au  quinzième  du  mois  fuivant.  Or  le  qmnz^iéme du  hmtiéme  mois  ^  favoir  au  \,  Roisit, 
mois  qtî^il  avoit  inventé  de  Im-mème ,  il  offrit  fur  PAatel  (^u^il  avoit  fait  en  Bethel^  ^'  ^  ^' 
&  il  y  célébra  lafète  folmnelle  atix  enfansd^Ifrael  s  &mème  il  ojfrttfur  l''  Autel^ 
eny  faifmt  des  encenfemens.  S'il  avoit  apporté  d'autre  changement ,  l'Hif- 
toire  n'auroit  pas  manqué  de  le  remarquer.  L'Hiftoire  Sacrée  dit ,  au  mois 
que  feroboam  avoit  inventé. .  Il  ne  dit  pas  que  Jéroboam  eût  inventé  lafè- 
te, ou  les  cérémonies  de  la  fête,  mais  feulement  le  mois:  pourquoi  il  fit 
ce  changement,  il  n'eft  pas  aifé  de  le  deviner. 

z.  Mais  il  me  fembife  que  nous  avons  une  évidente  preuve  de  cette  véri- 
té, qu'il  ne  fe  fit  aucun  changement  dans  le  culte,  par  l'Hiftoire,  qui  fe 
lit  au  fécond  des  Rois  chap.  17.  Salmanafar  Roi  d'Afiyrie    tranfporta  les^ 
dix  Tribus  hors  de  leur  terre,  ôc  y  fit  habiter  des  peuples,  qu'il  avoit  ti- 
rez d'Afiyrie  &de  Chaldée  :  ces  peuples  idolâtres  emportèrent  avec  eux 
leurs  Idoles,  &  les  fervirent.     Mais  il  fut  rapporté  à  Salmanafar  que  des 
lions  les  mangeoient,  parce  qu'ils  n'adof oient  &  ne  fervoientpas  le  Dieu 
du  pais.     Et  le  Roi  d''AJJjrie  donna  ordre  ^  qu'on  envoyât  encepaïs-làun  des  Sa-  ^  Rois  Vf. 
crificateurs  ^  qu'on  avoit  tranfportez.  de  Samarie^  &  il  demeura  en  Bethelj  &  les  ^'^ 
enfeigna  àfervir  le  Dieudupaïs.     Le  remède  réufîit ,  &  l'on  n'a  pas  appris^ 
que  depuis  cetems,  les  lions  ayent  dévoré  ces  nouveaux  habitans:  Or  ce- 
ci fait  voir  clairement,  que  les  Sainaritains  adoroient  le  vl'ai  Dieu,  qui  les 
avoit  mis  en  pofieffion  de  ce  païs-lâ,  &  que  le  culte,  qu'ils  lui  rendoient, 
étoit  celui-là  même  que  Moïfe  leur  avoit  commandé ,   autrement  ce  culte 
n'auroit  pu  être  agréable  à  Dieu,  ni  l'obliger  à  retirer  les  lions  qu'il  avoit 
envoyez. 

Depuis  ce  tcms-là,  la  Religion  de  ces  nouveaux  peuples  devint  mixte. 
Ils  adorèrent  le  vrai  Dieu  dans  le  Sanduaire  de  Bethel,  ôciln'y  agueres 
lieu  de  douter  que  ce  ne  fût  encore  fous  la  figure  du  Veau  dejeroboam  jcar 
ce  Sacrificateur  ne  pouvoitenfeigner  que  ce  qu'il  avoit  pratiqué  j  mais  cha- 
cun de  ces  peuples  retint  aufii  fes  faux  Dieux.  Auffi  ils  adorèrent  en 
même  tems  le  Dieu  d'îfraèl,  Ôc  leurs  Idoles.  Dans  la  fuite  nous  aurons 
lieu  de  parler  de  ces  Dieux  des  Afiyriens,  tranfportez  en  Samarie. 

On  doit  attribuer  à  la  haine  immortelle,que  lesjuifs  ont  toujours  eu  contre  n  efl  faux 

les  SamaritainSjl'accufation  qu'on  leur  fait,  d'avoir  facrifié  des  hommes  à  l'î-  |".^Jj^'^|^jj 

dolé.  C'eft  fur  un  paflage  d'Ofée  mal  entendu  que  cette  calomnie  eft  fondée  :  faâifié^des 

ppi:'>  c^S.iy  DIX  ^n3i?,  ce  que  l'on  peut  traduire ,  f^^.v  qmfacrifient  m  homme,  \°^^^l^^^ 

Fart.  IIÎ.  %!%  bai- o[<e3i.z. 


546         HISTOIRE  DES  DOGMES 

baiferont  les  F(aftx;^de^  ainfi  que  l'ont  entendu  les  70  Interpretcs,qui  .ont  lu' 
inlocum.     ^x\^\  ^  facrifiez.  y^Vlm^tï^ù?^  facrifîtz.  des  hommes .  S.  Cyrille  d'Alexandrie, 
Thcodoret ,  &  St.  Jérôme  l'ont  aufîi  interprété  des  facrifices  d'hommes , 
comme  fi  les  idolâtres  cuiïènt  eu  deflcin  de  dire ,  eelai  qui  portera  fa  dévo- 
tion juf^u'â  jàcrifer  fin  fis ,  aura  l*honneur  de  haiÇer  les  Veaux.     LeTalmud 
dans  le  Traité  Sanhédrin  ,  Salomon  Jarchi ,  &  plu  fleurs  autres,  fuivent 
cette  interprétation.     Aben  Efra  interprète  ce  paflage  du  meurtre  desin- 
nocens ,  &  le  Chaldée  traduit ,  ceux  (^ni  facrifient  aux  œuvres  des  mains  de 
l'homme.     Mais  l'interprétation  la  plus  naturelle ,  eft  celle  que  lui  donne  le 
Rabbin  Kimchi ,  celui  d'^entre  les  hommes  qui  voudra  facrifier,  baifira  les  Veaux. 
C'eft  une  phrafe  fort  ordinaire  dans  la  Langue  Sainte  ;  on  éclipfe  la  lettre 
3 ,  qui  lignifie  la  prépofition^» ,  &  entre.  Le  Prophète  Efaïe  dit,  mK  >Tmf<, 
les  pauvres  hommes  ^  ipour  les  pauvres  d'entre  les  hommes. 
Ortbaifoît,       Ainfi  tout  cc  qu'on  peut  recueillir  de  ce  paflage  d'Ofée  touchant  le 
ou'hnwinî  ^"^^^  ^^^  Vcaux  de  Jéroboam ,  c'eft  que  leurs  adorateurs  les  baifoient , 
i'honneuï     OU  baifoicnt  la   main   à  leur  honneur  :  C*  qui  fe  trouve  généralement 
dçi'idolc.     pratiqué  par  tous  les    idolâtres,     fe  me  fuis  referve'  fept   mille   hommes^ 
qui  nom  pas  fléchi  le  genou  devant   Bahal  ,   &    dont   la    bouche  ne  l'a  pas 
baifé.     Quand  on   ne  pouvoit  approcher  l'Idole  pour  la  baifer,  ou  que 
le  Dieu  qu'on  adoroit  étoit  im  Àllre,  on  baifoit  la  main  pour  lui  faire 
Job  31.  %6.   honneur.  Job  difoit  qu'en  regardant  le  Soleil  &  la  Lune,  fon  cœur  n'a- 
voit  pas  été  feduit,  &:  qu'il  n'avoit  pas  baifé  fa  m*n  :  On  voit  que  cet- 
te coutume  eft  bien  ancienne  ,  6c  qu'elle  a  pris  naiflance  dans  l'Orient;, 
mais  elle  a  pafl^é  dans  l'Occident,  6c  a  duré  jufques  dans  les  derniers  fic- 
elés du  Paganifme,  d'oij  elle  eftaufli  pafl^ée  entre  nos  Chrétiens   idolâ- 
tres, qui  baifent  leurs  images  par  dévotion.  Minutius  Félix  dans  fon  Oéta- 
vius    dit  que,  C^cilius  ayant  apper^u  un  Jtmulkcrede  Serapis^  avoit  enfetour° 
Apol^.  r.  ^^^^  "^^^^  V  Idole  approché  fa  main  de  fa  bouche ,  &  Pavoit  baifée.     Apulée  di- 
foit de  quelqu'un ,  que   s'^il  pajfoit  auprès  du  Temple  de  quelque  Dieu  ^  il  fe- 
faifoitun  fcrupule  d'*'approcher  fa  main  de  fa  bouche  pour  adorer, 
D'oujero-       Il  ne  me  refl:e  plus  qu'une  obfervation  à  faire  fur  cette  Hifloire  des 
çp!fSaîfeih  Veaux  de  Jéroboam  :  Elle  regarde  le  choix   qu'il  fit,  pour  établir  des 
t<urs.  -      Miniftres  des  Autels  de  fes  Veaux.. 

3.  Chronit       Tous  les  Sacrificatcurs  de  la  famille  d'Aaron ,  h.  tous  les  enfàns  de  Lcvi , 
i3.i4.&ii.  qui  avoient  leurs  villes,  Ôc  leurs  habitations  entre  les  dix  Tribus  révoltées  j 
ne  voulurent  pas  adhei^r  au  fchifme  de  Jéroboam,  &  fe  retirèrent  dans  les 
terres  de  la  domination  des  Rois  de  Juda  5  ce  que  firent  aufli  beaucoup  de 
^         familles ,  qui  craignoient  Dieu  ;  ce  qui  fortifia  beaucoup  la  Maifon  de  Da- 
vid, ôcréduifit  Jéroboam  à  la,neceflité  de  fe  faire  d.es  Sacrificateurs  d'une 
autre  famille,  &  d'une  autre  Tribu.     L'Hiftoire  de  fon  fchifmedit,  qu'il 
i,Reg.ii.   fe  fit  des  Sacrificateurs  pour  fes  hauts  lieux ,  Pî?n /Tî^po,  ce  qui  peut  être 
^^'  tomnéy  des  extremitez.  du  peuple. y    &  que  les  Auteurs  de  nôtre  Vulgate  ont 

rendu  d^s  dernier  s, du  peuple.  L'interprétation  n'eft  pas  bonne,,  mais  c'efl 
une  petite  bevûe:  Jéroboam,  qui  vouloit  matre  fa  nouvelle  Religion  en 
crédit,  n'auroit  pas  voulu  l'expofer  au  mépris  de  là  Nation,  en  lui  donnant 
pour- Mini  flires,^  dQS  gens  de  laJie  dU  peuple.  Ainfi  ce.  mot,  doit  être  tour- 
né, d'mtre  le  peuple  ^,  ou  du.milieu  du  peuple'.  Et  c'efl:  ce  qu'il  fignifie  en 
JJjJ^^^  beaucoup  d'autres  paflàges.    Jofèph  choiftdes  hommes  d'£ntre fes  frères  ^  pour 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Tan.lU.  547 

lesprefenter  à  Tharaon.     Le  texte  Hébreu  dit,  de  l* extrémité  de  [es  frères. 
David  dit,  que  la  voix  des  deux  va,  &  fi  répand  dans  les  extrémités,  de  la  terre  ^  PH  ij.4. 
c'eft-à-dire,  dans  tonte  la  terre.     Dans  l'Hilloirc  delà  tranfportation  des  dix 
Tribus,  le  Texte  dit,  que  les  peuples ,  que  le  Roi  d'Aflyrietranfporta  en 
Samarie,  fe  firent  des  Sacrificateurs  aniv^":!0,  de  leurs  extrémitez.^  c'eft-à-  voi  lec». 
dire,  duiailieu  d'eux.     Ainfi  l'Hiftoire  des  Rois  d'Ifraël  veut  dire,  que  p^emiM" 
Jéroboam  choifit  des  Sacrificateurs  d'entre  le  peuple.     Ce  furent  tgus  J«vrcde« 
ceux  qui  le  voulurent  êtrej  ce  qui  eft  aflèz  nettement  expliqué  dans  la  ^°"' 
fuite. 

Au  i-efte  on  ne  doit  tirer  de  cette  Hiftoire  aucune  conclufion  favorable, 
ni  à  Jéroboam ,  ni  à  nos  Chrétiens  idolâtres  ,  qui  v/culent  introduire  les 
images  Se  leur  culte,  dans  le  fervice  divin.  Le  péché  àcs  Rois  de  Sama- 
rie, qui  adorèrent  le  vrai  Dieu,  dans  des  Veaux  d'or,  étoit  moindre  que 
celui  de  ceux,  qui,  par  une  apoftafie  entière,  fe  livroient entre  les  mains 
des  Prêtres  Payens  ,&  adoroient  les  Bahalins.  Mais  cela  n'empêche  pas 
que  le  peéhé  de  Jéroboam,  fils  de  Nébat,  qui  adora,  &  fit  adorer  àts 
Veaux  en  Bethel  &  en  Dan ,  ne  foit  marqué  comme  un  crime  atroce,  qui 
attira  la  malediétion  de  Dieu  fur  les  dix  Tribus. 

Il  eil  remarquable ,  je  l'avoue,  qu'Elie  &  Elifée,  les  plus  grands  fàifeurs  Pourquoî 
de  miracles  qui  ayent  été  entre  les  Prophètes ,  depuis  Moïfejufqu'àJefus-^ç^J^g^" 
Chrift,  ayent  vécu  jufqu'à  la  fin,  au  milieu  de  ce  peuple  idolâtre  &  fchif-  grands  aro- 
matique.    Elie  jufqu'à  fon  tranfport  au  ciel,  Elifée  jufques  à  fa  mort,  ^^^^^^^j,^^* 
Dans  l'Hiftoire  de  ces  deux  Prophètes,  outre  les  grands  miracles  qu'ils  fi- leur  vie  eu- 
rent, il  y  a  deux  fingularitez  remarquables.     La  première ,  que  le  Pro-  mjtl^J^*^' 
phete  Elie  fut  tranfporté  au  Ciel  en  corps  &  en  ame ,  ce  qui  n'a  été  fait  en 
faveur  d'aucun  autre,  non  pasmêmedeMoïfe.    L'autre fingularité, c'eft 
qu'Elifée  fit  des  miracles  après  famoiti  fon  corps  reffufcita  un  mort,  qu'on 
avoit  mis  par  hazard  dans  fon  tombeau;  ce  qui  n'a  aucun  exemple  dans 
l'Hiftoire  Sainte,  ni  du  Vieux,  ni  du  Nouveau  Teftament.  Dieu  voulut 
que  tout  cela  fe  fît,  pour  empêcher  la  véritable  Religion  de  périr  entiè- 
rement entre  les  dix  Tribus  :  car  félon  que  cette  Nation  étoit  encline  à 
l'idolâtrie  5  elle  feroit  tombée  dans  une  entière  apoftafie ,  fi  Dieu  ne  les  avoit 
foûtenus  par  ces  deux  hommes  fi  extraordinaires.  Elifée  fut  même  en  gran- 
de faveur  dans  la  Cour  des  Rois  d'Ifraël:  ce  que  Dieu  voulut,  afin  de  main- 
tenir &  conferver  le  refte  de  Çgs  vrais  adorateurs ,  qui  étoient  demeurez 
entre  les  fchifmatiques.    C'eft  ce  que  nous  avions  à  dire  au  Veau  d'or ,  Ôc 
des  Veaux  de  Jéroboam. 


Mnà  la  tmjiémt  PartiCo 


z^zi  %  eïs^ 


HISTOIR 


E  S    D  O  G  M  E  S 

ET    DES 

C    U    L    T    E 

BONS  ET  M  AU  V  A  IS 

D  E    V  E  G  L  I  S 

Dans  les  deux  premiers  Périodes.    - 
Q^UÂTRIEME    PARTIE 

Divifée  en  plufieurs  Traitez. 


PREMIER    TRAITE. 

JD>j  Dieux  des  Cananéens  on  Sjriens.   De  t  idolâtrie  de 
Bahal'Pehor^Dieudes  jVIoabiteSj  deKemos,  autre  Dieu 
des  Moabites  3  de Mifheletfeth  deMaasa^  de  Naba.y 
Qfc,  Beth-B^haUMehon.^ 


€    H    A    P    t    T    RE     E 

71?:^/^^  y  ok  il  eff  ^arlé  de  BahaUTehor,  ■ 

E  troifîéme  faux  culte,  dans  lequel  nous  lifons  ,  que  îè  peu- - 
pie,  de  Dieu  ibit  tombé,  c'eft  celui  de  Bahal-Pehor ,  Dieu  des 
Moabites-,  &:   des  Madianites.     On  en  liii  l'Hiftoire  dans 
'le  Livre  des  Nombres,    aJor^  IJrael  demeuroh  en  Sittim^   ^chap.  2j^, 
le  peuple  fommença^  a  paillarder  avec  les  filles  de  Jkîàab ,  car  elles  can-  ^'  *•  ^^^■ 
vUrentle  peuple  aux  façrifices  de  leurs  Dieux  ^  &  le  peuple  mangea  ^  &fe  projler- 

Zzz   Z  n^' 


Ffeaume 

lo6.  2.?. 

Ofée  9-19. 
Nombres, 
ji.  15.16. 


Diuûus  in 
:î^um.c.25. 


-Nomb.  -23. 


Voi  îîomb. 

:âî.l8.ÔC3I 
ï  6  Jofué 

.a,  17. 


ApoUinatis 
Catena  in 
Ifalmos,  in 
Ifal.  105. 

DcDiis^- 
lis  Syntag. 


ÏSîlOCUEQ. 


550         HISTOIREDESDOGMES 

na  devant  leurs  Dieux.  Et  Ifrael  s"* accoupla  a  Bahal-  Pehor ,  dont  la  colère  de  Biea 
s^£mhafa  contre  Jfraël.     Il  eft  bon  de  répréfenter  ici  les  autres  paflàges ,  où 
ilell  parléde  ce  Bahal-Pehor,que  les  Septante  appellent  BeeXCî)fiyc'p,Beel-Phe- 
gor.De  ces  textes  on  pourra  tirer  quelque  lumière  pour  connoatre  quelle  étoit 
.cette  divinké.  Us  s"* accouplèrent  à  Bdhal-Pehor^^  mangèrent  les  facrificcy des  mdrts. 
Giee  dïijlls  font  entrez  a  Bahal-  Pebcr ,  &fefont  détournez,  a  une  chofe  hontêufe.  Et 
Maïfe  leur  dit,  ■navez.-vouspas  garde' -en  vie  toutes  les  femmes?  F'oicice  font  el- 
les ,  ejui^  k  la  parolede  Balaam ,  ont  donné  occajîon  aux  enfans  d' Ifrael  de  pécher  contre 
PSternel ,  au  fait  de  Pehor ,  dont  avint  laplaye  en  l'aJJemUée.  Quelques-uns  de  nos 
Interprètes  prétendent ,  quece  Dieu  des  Moûbites  étoit  le  grand  Bahal  des 
Orientaux,  ëc  le  Jupiter  des  Grecs,  6c  des  Romains^  &  qu'il  étoit  appelle 
Phegor^c^uÇe  de  la  inontagne,dans  laquelle  il  étoit  adoré  ;  comme  Jupiter  étoit 
appelle  Olympius ,  de  la  montagne  de  l'Olympe ,  ^Hodonaus^  dôla  forêt  de 
Dodone.     En  effet  il  y  avoit  dans  le  pais  des  Moabites ,  une  montagne 
appellée  Pehor,  comme  il paroît  par l'Hiftoire  de  Balak ôcde  Balaam.    Et 
Balak^  conduijît  Balaam  fur  lefommet  de  Pehor ,  ^ui  regarde  vers  le  défert.  Cepen- 
dant il  y  a  plus  d'apparence,  que  k  montsignea  tiré  Ton  nom  du  Dieu,  & 
que  le  Dieu  n'a  point  pris  Ton  nom  jde  la  montagne  j,  car  ce  Dieu  eft  JCqu- 
vent  appelle  Pehor  fîraplement.    Ce  qui  fait  voir  que  d*étoit  fon  nom  pro- 
'  pre,  &  qui  lediftinguoit  dçs  autres  Bahals,c'eft- à-dire,  des  autres  Dieux 
des  nations  voifines. 

Pour  {avoir  quel  étoit  ce  Dieu  desMoabites,  il  faut  que  nous  ayons  re- 
cours à  ce  principe,  que  nous  avons  pofé  comme  très-certain^  dés  le  com- 
mencement. C'eft  que  toutes  les  divinitez  des  Grecs,  &  des  Romains, 
font  venues  d'Orient,  en  changeant  feulement  de  nom.  Ainfî  fous  les  noms 
des  Dieux  des  Payens  d'Orient,  nous  devons  trouver  les  divinitez  de  l'Oc- 
cident. Il  faut  favoir  comment  s'appellpit  ce  Bahal-Pehor  entre  les  Grecs. 
Plufieurs  Auteurs  Grecs  ont  crû ,  que  c'étoit  le  Saturne  des  Payens.  Left- 
mulacre  àe  Bahal  ejt  placé  dans  le  lieu  appelle  Phegor  4  Les  Grecs  expliijuent  Bahat 
par  B élus ,  &difent^  quecefi  Saturne.  Cette  opinion  pourra  nous  fervir  dans 
ia  fuite,  pour  reconnoître  la  vérité. 

Seldenus  a  crû  que  ce  Beel-Phegor  étoit  Pluton,  à  caufedu  pafTage  du 
Pfeaume  10(5.  Etcopulatifunt  cum  Bahal-Pehor  ^  &  comederunt facrijicia  mor^ 
tuQr^m.  Ils  fe  font  Mcouplez.  à  "Bal-^Pehor  ,  &its  ont  mangé  les  facrifices  des 
morts.  Par  ces  facrifices  des  morts ,  il  entend  les  facrifices  qui  fe  fai- 
foient  aux  Dieux  Infernaux.  Mais  il  n'eft  point  du  tout  neceffaire  d'expli- 
quer ces  paroles  aiiîfî.  Par  les  morts  il  faut  entendre  tous  les  Dieux  qui 
étoient  pris  d'entre  les  hommes.  C'eft-à-dire  tous  les  Dieux  Payens,  qui  dans 
la  vérité  étoient  t^us  des  hommes  morts.  C'^ft  ainfî  que  l'explique  Saint  Au- 
guftin  Mortuishominihus^  tamquamDiis^facrificarknt.  Ils  facrifioient  aux  hom- 
mes morts,  comme  à  des  Dieux.  Cela  étoit  connu,  &  cpnfefle  même  des 
Payens,  qui  avouaient  que  la  plupart  de  leurs  Dieux  ayoientété  des  hommes. 
Euhenverus avoit  fait  l'Hiftoirc  de  leur  naiflance ,  de  leur  vie,  &  de  leur  mojx, 
x'-cft  ce  que  nous  avons  prouvé,  enparlant  de  l'Idolâtrie  en  gênerai. 

C'eft  une  tradition  conftante,  entre  les  Hébreux  anciens  ôc  modernes, 
que  cette  Idole  étoit  un  Dieu  obfcéne,  une  Idole  de  turpitude,  c'éfl^à- 
dire  5  dont  la  figure  étoit  (aie ,  &  la  manière  de  le  fervir  aufïï ,  céla&racau- 
fe  qu'en  décrivant  l'Hiftoire  de <:ettqfale divinité,  nous  ferons  obligez  de 

rap- 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  P^r/.lV.ffr 

rapporteï  beaucoup  de  chpfes ,  qui  ont  fait  beaucoup  de  peine  à  nôtre  ima^ 
gination.     On  les  a  couvertes  du  voile  d'une  langue  étrangère ,  ou  de  mots 
honêtes  ,  On  ne  s'eft  pourtant  pas  Tatisfait  là-defîus.   Ce  font  des  écueils 
qu'on  ne  peut  éviter  quelquefois,  mais  il  n'y  faut  pas  revenir  fouvent.  Ap- 
paremment les  Juifs  ont  tiré  cette  opinion  des  paroles  d'Ofée.     Ils  font  entrez, 
àBahal-Pehor  f  d^  Je  font  détournez  D^y^h  eîç  ûktxûwiV  ,  vers  une  chofe  honteu/è. 
Origene  l'avoit  appris  des  Do6leurs  Juifs.     Beel-Phegor ,  Idoli  nomen efi ,  quod  ofëe c  ^.r». 
ftfud  Madianitai  t  prafèrtim.  à  muUeribus  colebatur .     ^f^l^f^Jf^i^^go  Idoli  mjfierits^^^^^.^°^° 
€onfecratus  efi  Ifra'êl'.interpretationemnominis  ipjïus  cum  requireremus  attentius\ 
inter  Hebr^a  namina  hoc  tantum  invenimus  fcriptum  ^  ejuodBeel-ThegorJîtfpicies 
turpitudinis,      Nolkit  tamen  declarare  tjua^  vel  (jualis  fpeciet  ^  vet  cujus  effet 
turpitudinis.     Hmefiati    credo  conjulens^  <]ui  'mterpretatus  eji  ^  uti  ne  auditum 
polluer  et  audientium.     Igitur  ckm  multA  Jtnt  turpitudinum  fpeaies  ^  Beel-Phegor 
appelUtur  nna  quidam  expluribut.  Les  Juifs  modernes  font  paflez  plus  avant , 
&  fe  font  imaginez  que  l'on  fervoit  ce  Dieu  par  une  a£bion  falc.    Maimonides  woreNc. 
dit,  qu'on  fe déeouvroit  devant  ce  Dieu,  pour  l'adorer.  Lecultequonren-  p°K.'î!cip. 
doit  a  cette  Idole ,  qt^on  appeUtitTehor  ^  c'^efi  qHonfed^'couvroitlespartiesfales  de-  ^^' 
vantlui,     Cefl  pourquoi  la  Loi  commandoit  aux  Sacrificateurs ,  qu'ils  euffent  des 
caleçons  dans  les  heures  du  facrifice^  &  leur  défendait  démonter  k  P Autel  par  degrez^^ 
afin  quHlne  leur  arrivât  pas  defe  découvrir,  Salomon  Jarchi  nous  en  apprend  da- 1  ©s  >c.  25.  %i. 
vantage.     On  Tappelloit  B/ïW-*P^Aor ,  dit-il,  eoqHoddifiendebantcorameo 
foramen  podicis  ^  &  fiercus  off^erebant.  C'eft  une  ridicule  imagination,  qui  n'a 
pas  de  fondement.     Car  il  n'ya  pas  d'apparence  que  le  Démon,  quiaffec'- 
toit  les  honneurs  divinsjfe  fût  fait  fcrvir  par  un  hommage  fi  honteux  6c  lî  fale.- 


CHAPITRE     rL 

Mahal'Thegor  eft:  kPriape  des  Grecs,  é^des  Ramains,  Dr^Mtphe-^ 

lètfeîk'de  Mauca.- 


s 


Aint  Jérôme  avoitappris  de  la  tradition  des  anciensjuifs,  que  ce  Bahal-  Libï.î.k 

PeHor  étoit le Priape  des  Grecs,.  &  des  Romains,  Phegorinlingua  He-  Jov»"- 

br&a  Priapus  appelktun     Et'dans  fon  Commentaire  fur  Ofée.  Jpjî  amem  edu-cl^^  ' 


9.V.ή» 


[ii  ex  t/£gyptofornicatifum  cum  Madianitis ,  &  ingrejfifunt  ad  Bahal-  Phegor ,  Ido- 
îiim  Moabitarum^  quemnosPRIAPVMpojJumus  appellàre.  Denique  inter- 
pretatur  Beel-Phegor  idolum  tentiginem  habens ,  id  efi infummitatepellem ,  ut  tur- 
pitudinem  membri  virilii  ofienderet.  On  lit  dans  le  Commentaire  du  mê- 
me Saint  Jérôme ,  furie  quatrième  chapitre  du  Prophète  Ofée,  un 
paflage  fort  do6ï:e  fur  le  même  fujet,  queje  rapporterai,  quoi  qu'il  foit  un 
peu  long»  C'eft  à  propos  de  ces  paroles  de  Dieu ,  qui  dit  par  le  Prophète, 
Je  ne  punirai  point  vos  filles,  quand  elles  auront  commis  fornication,  ni 
les  femmes  de  vos  enfans,  quand  elles  auront  commis  adultère,  6cg.  car 
dles  facrtfieni  avec  lès  putains^  nnti'p CJ?,  fur  quoi  ildit ,  P^ocem  nwip  y  q^od  ç^^^^^  ^  j^, 
Affilia  iwiXXuyixévccv,  Symrftachus  êra/pav  ^,  "jo.rêTëXeqxévm,  Iheodotion  yi-s%M- 
^jlj.ivuvi  interprctati  fmt  ^  mseffeminaîosvertimm^  ni  fsnfum  verbi  nofirorum 

auribm 


552  HISTOIRE  DES  DOGMES^ 

aurihfis  panderewfii.     Ht  funt  ^  cjHos  hodle  Matri  ^  non  deornm  ,  fed  damoni»" 
rum  fervientes ,   Gallos  vacant  ,*    eo  ^md  de  hac  gente  truncatos  Ubidine   %9' 
tnani  in  honorem  Atys  {quem  Eunuchum  Deat^eretrix  fecerat)  facerdotes  tî- 
lius  manciparint.     'Tropterea  mtem  Gdlomm  gentis  hommes  ejfeminamur  ,  ut 
qui  urhem  Romanam  ceperant  hac  feriantur  ignominia,  IJitufmodi  idololatria  erat 
in  JJrael ,  cohmibm  maxime  faiminis  Beel  -  Fhegor  ,    ob  obfcœni  magnitudmem  , 
quem  nos  Priapum  pojfumus  appellare.  IJnde  &  Afa  'B^ex  tulit  excelfa  de  popu~ 
la  :    &  hujufcemodi  facerdotes ,  &  matrem  de  ^^gptjio  depofuit  imperio  ,  jïciu 
Scriptura  tejlatur^  dicens ,  &  fecit  z^fa  réiium  ante  confpeUum  Domini  ,  Jtcut 
David  pater  ejus  ,  &  abJÎHlit  effeminatos  de  terra ,  purgavitque  omnes  fardes  ido- 
lormn  ,    cjuéf/fecerant  patres  eJHS.  Infuper  &  »yK<^acam  matrem  Çnam  •Amovit^  fie 
ejfet prince p s  in  facris Priapi^&  in  luca  ejus  quem confecraverat  -.[ubverthque  fpe- 
cum  eJHS  ^  &  conf régit  jimulâcrpim  turpijfimum  y  &  combujjit  in  torrente  Cedron. 
'Excelfa  autem  no:i  abfiuUt  &c.  fciendum  autem  quod  in  pr&fenîi  niti'np,  mere- 
irices^  leçis.Tç  idefi  facerdotes  ^  Priapa  mancipatasvocet.    zÀliis  auîem  in  locis  vi' 
vos  exeÛos  Ubidine  D^ùi'lp  ^Kedeshtm  ^  legimus  ^Efaia  dicente ,  nai  àixirciluTui  Ma- 
Taiivpi£V8(Ti^  âvTÏZv  ,  id  efi  ,    illufores  dominabuntur  eorum  »   pro  quo  in  Hebrdtù 
•     fcriptum  efi  ,    &  CJ'lî'np  dominabuntur  eorum  ,    qmd  nos  in  effeminatos  verti- 
mus,   Aqmla  autem  èvi^XKayiiêvsç  if^ierpretans  ^  ideji  matatos  y  hoc  ojiendere  vo- 
luit  ^  qmd  fnam  nataram  mtttaverint  ,    &  de  viris  faUi  Jïnt  fœmina.     Sym^ 
machus  èrai'paç  propriè  meretrices  appellavit ,  70.  TST£Xe(rp.6V8ç  ^  id  efi  confecra- 
tos  ,    &  iniîiatos  ,  ut  cuit  or  es  idolorum  ofienderent  ,    Theodotion  ^sx^Pk^ij-s^sç  , 
îd  eji   à  populo  feparatos  ,    qui  fihi  videbantur   à   vulgo  plus   aliquid   ha- 
here. 

On  ne  fauroit  s'empêcher  d'admirer  en  paflant^  d'au  St.  Jérôme  peut 
avoir  tiré  cette  étrange  étymologie  du  nom  de  (falli ,  que  portoient  les 
Prêtres  de  Cybele,  c'eft,  dit-il,  que  les  Romains  les  prenoient  de  la  na- 
tion des  Gaulois  ,  Se  leur  ôtoient  les  parties-de  la  génération  ,  en  ven- 
"rite-Live  gcance  de  ce  que  les  Gaulois  av oient  autrefois"  furpris  la  ville  de  Rome. 
iib.  zp.  Comme  fi  ce  nom  de  ^/âwoi  n'avoit  pas  été  donné  aux  Prêtres  de  Cy- 
bele, du  tems  qu'elle  étoit  encore  en  Phrygie  ,  &  avant  qu'elle  eût 
été  tranfportée  à  Rome.  Ovide  tire  ce  nom  du  fleuve  Gallus,  qui  étok 
en  Phrygie,  êcqui  rendoit  fous  ceux  qui  en  bûvoient. 

Faft.  4.  Chy  îgitur  Galîps  qui  fe  excidère ,  vocamm. ,  .  ,  - 

vide^  &  C^w  tanto  à  Phrygia  G  allia  diflet  humus  t 

Feftum.  Inter ,  ait  ^  virtdem  Cjbelem^  altâfque  CeUnas  ^ 

Amnis  it  inÇana  nomine  (jallus  Aqua. 
Qui  bibtt  inde  furit.      .     .      .     ..;,  «.„:  ii^-  .      . 

■  •  *  ■  '"^  * 
Mais  pour  ce  qui  regarde  nôtre  fujet,  il  paroît  par  ce  pafiage  de  St.  Jé- 
rôme. i.Que  félon  lui  Bahal-Phegor  eft  le  Priape  des  Grecs, &  des  Ro- 
mains. 2.  C^e  les  niLî'np  ,  dont  parlé  Oféc,  dans  lepaflàge,  lequel  il 
explique,  félon  les  Juifs,  étoient  les  Prêtrefles  de  Priape,  &  que  cette  di- 
vinité obfcéne étoit  principalement  adorée  &  fervie,  par  les  femmes,  ob 
obfcœni  magnitudinem.  5.  QueMaaca,  Mered'z4.fa,  étoit  la  grande  Prê- 
treiTe  de  ce  Dieu  Bahal-Pehor,  ou  Priape.  Le  paflàge,  que  St.  Jérôme 
cite  entier,  fe  lit  au^premier  des  Rois,  chap.  if.  1 1.  ^  %,  Chron.  chap. 

ij*.  II 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Tart.lY.  553 

If.  Il  y  a  félon  l'Hébreu  ,  yifn  ota  à  Maaca ,  fa  Mère ,  la  domination ,  par-  Ce  .quec'ctt 
ce  (Qu'elle  avott  fait  MipheletÇeth\  dans  un  bocage.  Il  brifa  (on  KJHtpheletfeih,  é'  *^hekne^' 
le  brâla pre's  du  torrent  de  (edron.     Mais  la  Vulgate  Latine  a  tourné,     nyffà  deMaaca, 
éloigna  fa  vJM^ere  Aiaacd ,  afin^  cjuelle  ne  fttt  pins  grande  Prêtrejfe ,  dans  les  fa-  ^H^f^ 
crifices  de  'Triape  ,  &  dans  le  bocage  cjpp'eUe  lui  avait  confacre\  &  il  renverfafa 
caverne  ^  &  brûla  ce  fale  Jîmulacre  d.ans  le  torrent  de  Cedron.     Les  G/ecs  ont 
aujourd'hui, félon  l'exemplaire  du  Vatican.  Et  A  fa  éloigna  fa  Mcre.,parce  ejH^elle 
avoitfait  uneaffembUe  dans  fon  bocage^&  A[a  retrancha  fes  cavernes^  onfes  cachet-  T.vvo^o\i- 
îes^é'les  brûla  au  torrent  de  Cedron.  Ce  mot  de  cruvoJoç ,  que  nous  tournons  af  x^raJ-J- 
rembléej6c  qui  peut  fignifier  coïtum^  &  celui  de  y^urucvasiç^  qui  fignifie  appa-  «rf/ç. 
remment  des  retraites  pour  des  actions  inipures ,  donnent  lieu  de  croire  que 
l'Interprète  Grec,  auffi  bien  que  l'Interprète  Latin,  a  compris  que  ccMiphe-  £e  Miphe- 
letfeth  de  Maaca  ,  étoit  une  divinité  fàle  &  obfcéne ,  qui  fe  plaifoit  à  être  ^"^eth  de 
fêrvie  par  les  fales  adions  de  la  chair.     Le  mot  nsfSso,  Mipheletfeth ,  Beeiphegot 
fîgnifie  proprement  tsrreur  6c  épouvantement y  ^\ts  Juifs  Modernes  croient j  ^  ^'^'^pe- 
que  c'eft  un  nom  général  pour  les  idoles,  rnaiyS  n^ï^  ntî»^!;  Nt'>nc',/)^r-j(.abbiLevi, 
ce  qnil  donne  de  la  frayenr  à  ceux  qui  les  fervent.     Mais  il  y  a  plus  d'appa-  ^  Kîmchi 
rence ,  que  c'étoit  le  nom  d'une  idole  particulière  ,   car  nous  ne  voyons 
•  pas  que  -ce  nom  foit  donné  à  aucune  autre  idele  qu'à  celle  de  Maaca. 
Les  Talmudifles  difent  que  c'étoit  une  figure  fale,  imago  vinUs  ff^entbri y  nimui. 
cui  ejuotidie  inequitabat.     Qeft  aflïïrément  de  cette  tradition ,'  que  Tinter-  T"^'™^. 
prête  Latin  a  pris  fon  Priape,  6c  les  70.   leurs  mrcc^va-eig.    Certainement  tna!«p°/. 
l'origine  du  mot  n3f'?30,  Miphelctféth,  femble  fàvoriferla  conjecture  de 
l'Interprète  Latin  ,   car  il  fignifie  précifément  terriculamentum ,  un  épou- 
vantailj  or  on  fait  que  c'étoit  l'office  de  Priape  dans  les  Jardins  5 

Womofîfque  ruber  cufto^t  ponatur  in  hortis ,  Tjbulle, 

Terreat  us  fava  falce  Priapus  aves .  '  Eieg.  lib.  «. 

■'  ^  Eleg.r. 

Olim  Truncus  eram  &c.  Horat.Satyr. 

Maluit  ^  effe  Deum.   DemindeegofHYHmj-viumqus  Lib.i.Sat.t. 

Maxima  formido.  ...... 

Selon  cela  le  Mipheletfeth  àt  Maaca  ,   &  le  Bahal-Tehor  des  Moabitès , 
étoient  la  même  divinité.*  Car  enfin  je  ne  trouve  pas  de  conjeébure  plus 
vrai-femblable  que  celle  de  St.  Jérôme  j  c'eft  que  ce  Bahal  -  Pehcr  étoic 
Priape.    Aufii  la  plupart  de  nos  Doétes  l'ont  embrafiee.  Le  mot  de  Ba- 
hal-Pehor ,  *ii;^9  S;?i ,  fignifie  précifément  un  Dieu  découvert ,  'De^s  aper-  MaCus  ia 
tm  ,   or  c'eft  ^a  définition  de  Priape,  que  l'on  peignoit  nuJtm'^  apertùs ^  ^^-{^^"zS^  "^' 
nens Uva pudendum  fuum  intentum.     Et  les  Poètes,  Auteurs  de  ces  infâmes  èiarius  fn 
Epigrammes  ,  qu'on  intitule  Priapaa  ,   ou  /»/»/  in  Priapum  ^  s'eKprimdit  f^""^""^ 

ainfi*  Suidas  in  Vg 

'   cePiiapus» 


Tan,  IF,  Aaaa  Sim- 


554  H  I  S  T  O  I  R  E  D  E  S  D  O  G  M  E  S 

^  j    jj  Simpliciîer  tibi  mç  qmàcumqHe  efl  dicere  oporteî ^ 

Natura  eft  qmniam  femper  aperta  mihi. 

Epig.  14.  2^os  vapp^i  fitmiis ,  &  pujilla  mlti 

%iiris  numina  :  2.{os  pudore  puljb 
'StaTrms  fnh  fove  coUis  apertis. 

Epvg.  9.  JVec  mihijît  crimen  quad  metjtula  fe?nper  aperta  efi. 

Qn  peut  ajouter,  que  ce  que  ce  Dieu  des  Moabites  avoit  donné  le  nom 
à  l'une  de  leurs  montagnes  ,  qui  s'appeîîoit  T^hor^  de  ion  nom,  prouve 
qu'il  étoit  adoré  dans  cette  montagne ,  ôc  qu'aînlî  c'étoit  un  Dieu  cham- 
pêtre &  ruftiquç.  Et  tel  étoit  auffi  Priape,  que  TibuUe  ôc  Ovide  appel- 
lent  agricoU^ 

i,î^i.  Lihatum  az'i^içolam  ponimr  ante  Dmmi 

Enfin  il  eft  clair  par  le  jLivre  des  Nombres,  que  la  fornication  étoit  com-» 
me  çonfacrée  à  ce  Dieu  "Bed-Phegor  3  car  les  Ifraëlites  s'accouplèrent  à 
BahaUPehor,  &  aux  filles  Moabites  en  même-tems.  Et  cela  convient  aufli 
bien  à  Priape  j  Car  l'on  n'avoit  fait  ce  Dieu  memhofor  aquo^  que  pour 
fignifier  fa  lafciveté  j  c'ell  pourquoi  ils  l' appelaient  Dem  faUx ,  ' 

Epigr,  14.  Une  hue  quifqfih  es  in  Dei  falaçi^ 

^Diverti  grave  ne  pHta  facelhm. 

Là  même  il  le  répréfente  comme  trouvant  bon  ,  que  l'on  fe  fouillât  du 
crime  d'impureté ,  avant  que  d'entrer  dans  fes  Temples  j  cai'  il  ajoute 

Et  Ji  noSle  fuit  puella  tecum^  ~ 

"  •  Hac  re ,  quod  mettHU  adiré  non  efi. 


CHAPITRE     III. 

Le  BesLPbegor  des  CMoahitesy  &  le  Triafe  des  Romains  ^  étoit  ^ 

le  Tatriarche  Noé. 

Ais  je  croi  que  les  remarques ,  qui  me  refient  à  faire,  donneront 
encore  beaucoup  plus  de  vrai-femblance  à  cette  conjedure.  En 
fuppofant  donb  que  Beel-Phegor,  Dieu  des  Moabites,  efl  le  mê- 
me que  Priape,  il  faut  chercher  l'origine  de  cette  divinité,  oc  qui  ell  ce- 
lui des  anciens  Patriarches,  qui  a  été  adoré  fous  ce  nom^là.  Car  je  poie  . 
encore  comme  une  chofe  certaine,  que  toutes  lej  idolâtries  des  Payens 
ont  tiré  leur  origine  de  l'Orient ,  ôc  que  ko  Orieataux  ont  fait  des  Dieux 

des 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Part.YV.  fff 

des  Patriarches  ,  &  de  ceux  que  la  tradition  leur  apprenoit  avoir  été  les 
fources  de  leur  race.  C'eft  ainil  que  dans  la  fuite  nous  verrons ,  *qae  le 
Saturne  des  Payens  étoit  Noé  ,  Ôc  que  Jupiter  ,  Neptune,  &  Pluton, 
étoient  les  trois  enfans  de  Noé ,  Sem ,  Cham ,  ôc  Japhet. 

M.  Huet  5  félon  la  refolution  qu*il  avoft  prife ,  de  trouver ,  à  quelque  Etrange  ii- 
prix  que  ce  fût,  dans  fon  Moïfe  toutes  les  divinitc2Payenne3,y  veutaxiffi  M^nljet, 
trouver  Priape.     Mais  en  vérité  il  y  a  lieu  de  s'étonner  ,   qu'un  homme  ^^^  ^^"' 
d'une  fi  grande  érudition,  ait  voulu  produire  une  conjeélure  appuyée  fur  PriapedaHs 
des  preuves  fî  foibles,  &{i  peu  fenfées.     S'il  faut  trouver  Priape  6c  Beel- ^^'^^^«• 
Phegor  dans  quelqu'un  des  Patriarches,  je  {liis  trompé  fi  l'on  ne  peut  fai-Huet  de- 
re  des  conjeélures  plus  raifonnables,  Ev°ngîprop, 

La  première  penfée  qui  m'eft  venue ,  c'eft  que  les  Moabites,  fous  leur  4.  c  s.  v.  ù 
Beel-Phegor ,  adoroient  celui  qui  a  été  le  Patriarche  de  leur  nation  j  C'eft 
Lot  :  car  Moïfe  nous  apprend  ,  qu'après  la  deftruâion  de  Sodome  ,   les  cenefe  r^. 
Jilks  de  Lot ,  croyant  que  toute  la  terre  avoit  été  embrafée  avec  Sodo-  Le  Priape 
me,  &  ne  voyant  point  d'homme  qui  peut  approcher  d'elles,  enyvrerent  fe"p^uvoît 
leur  père  ,   couct^erent  avec  lui ,  &  conçurent,  6c  l'aînée  enfanta  un  fils  être  Lot 
qu'elle  appella  Moab  ,  3Na  ,  ejuafi  3K0  ,  •  à  pâtre:  parce  qu'elle  l'avoit  con-  [.^"g  ^amai- 
çû  de  fon  propre  père.     Et  c'efi  le  père  des  t^Koahites  jnf^iies  à  ce  jour.    Et 
cette  conjeélure  me  paroiffoit  vrai-femblable  ,   parce  que  ce  "ii^s  '^V'^  , 
Dem  apertHs ,  revelatns  ,    Dieu  découvert ,    me»»paroiilbit  avoir  allez  de 
rapport  avec  ce  Lot',  dont  les  filles  découvrirent  la  nudité.     Ce  Dieu  , 
que  l'on  répréfente  avoir  renoncé  à  toute  honte,  6c  le  découvrir  à  la  vue 
des  hommes ,    me  fembloit  répréfenter  Lot,  qui  le  fouilla  avec  (es  fil- 
les, 6c  qui  fe  découvrit  aux  yeux  de  celles ,  qui  dans  fa  folitude ,  6c  félon 
leur  penfée,  lui  tenoient  heu  de  toute  la  terre.  »  ' 

Mais  après  y  avoir  bien  penfé,  je  ne  faurois  quafi  douter,  que  le  Beel- 
Phegor  des  Moabites ,  6c  le  Priape  des  Payens ,  ne  foit  Noé.     Premie-  Genefej, 
rement  Bahal-Pehor  ,  comme  nous  avons  vu,  fîgnifie  un  Maître  ,  ou  un  "*^'' 
Dieu  découvert.  11  eft  clair  que  cela  convient  admirablement  à  Noé,  qui 
de  fon  tems  étoit  le  Père,  le  Maître,  6c  le  Roi  du  genre  humain,  &qui  u  eft  plus 
fe  découvrit  aux  yeux  de  fes  enfans ,  s'étant  cnyvré.  Et  Noé ,  lahurear  de  ^'^p'^^i^^^^K 
Ja  terre ,  commenta  de  planter  la  vigne ,  &  but  du  vin  ,  &  s'enyvra  ,  &  fe  àé^  -^^l^  \  *'*' 
couvrit  an  milieu  de  fm  Tabermcle.  Ce  texte  contient  quatre  circonftances, 
qui  font  autant  de  caraéteres  ,   par  lefquels  nous  pourrons  connoître  fî 
nôtre  conjecture  eft  bien  fondée,     i .    Noé  eft  laboureur  de  la  terre. 
2.- Et  particulièrement  c'eft  lui  qui  cultive  la  vigne.     3.  Il  s'enyvre  ,   6c 
fe  découvre  au  milieu  de  fon  Tabernacle.     4.  Ajoûtons-y  un  quatrième' 
caractère  ,   c'eft  qu'il  a  été  le  réparateur  du  genre  humain  ,   &  le  Père' 
de  tous  les  hommes  d'aujourd'hui.  Nous  .verrons  que  tout  cela  fe  rencon- 
tre très  bien  avec  le  Priape  des  Payens.  Voyons  donc  ce  qu'ils  nous  ont  * 
appris  de  cette  divinité,    i .  Ils  le  peignoient  genitalibus  apertis ,  c'eft  pour 
la  raifon  que  nous  avons  dite ,  ^oé fe  découvrit  ^ç.  z.  llsle  faifoientfans 
oreilles ,  ce  que  perfonne  n'a  remarqué ,  6c  qui  fe  voit  pourtant  dans  cet- 
te Epigramme  deTheocrite,  où  il  envoyé  un  chevrier  prier  Priape  pour  Theocme' 
lui  ,   afin  qu'il  puifTe  perdre  l'amour  qu'il  avoir  pour  Daphnis ,    6c  voici  ^^'^'  "*" 
comme  il  décrit  fa  ftatuë ,  tu  trouveras  nnefiatuë  de  figuier,  nouvellement  fai- 
te ,  aymt  trois  jambes^  le  bois  m  efi  brute,  &  couvert  de  fon  écorce^  &  n'ayant 

Aaaa  z  point 


556         HISTOIRE  DES   DOGME  S 

•  fomt  ^oreilles ,  âvs'urôv.  C'eft  apparemment  pour  répréfenter  l'état ,  6cle 
profond  {ommeil ,  où  le  vin  avoir  jette  Noé ,  qui  l'avoit  rendu  fourd ,  6c 
lui  ayant  ôté  le  fentiment ,  expofa  fa  nudité  à  la  vue  des  hommes.  5.  On 
fait  que  l'on  donnoit  à  Priape  des  parties  monftrueufes ,  c'eft  cette  troi- 
lîéme  jambe  que  lui  donne  Théocriten,  à  caufe  de  fa  grandeur  :  Horace 
l'appelle  un  pau ,  .  ^  •    . 

satyr.  8.  Obfcœnoqm  mber  forreBus  ab  in^uine  païm. . 

Tl  eut  difpute  avec  un  des  ânes  de  Bacchus  là-defius. 

liftanf.  Inter  eum  T^riapumaue  orîum  efi  certamen. 

jib.  1.  cap,    C'étoit  pour  reprefenter  la  vertu  générât] ve  de  Noe  ,   qui  fut  le  pe- 
-î  P-5»-     re'de  tous  les  hommes  ,  futor  totins  gemris  hummi.    4.  Cela  fe  confirme 
par  les  titres  qui  font  donnez  à  Priape  ,    &  qui  conviennent  propre- 
ment à  Noé-  Orphée  dans  un  hymne,  fait  à  l'honneu^de  Priape,  l'ap- 
pelle TrpwToyovoç,  Primogenittts ^  le  premier  né,  parce  que  Noé  eil  le  pre- 
mier homme  du  fécond  monde.    Là  même  Orphée  appelle  Priape  tto- 
^uo-TTopo; ,   abondant  en  femence.   Pour  la  même  raifon  on  lui  donna  les- 
parties  naturelles,   d'un^  fi  prodigieufe  grandeur  ,   favoir  à  caufe  de  b. 
multitude- d'enfans  qui  font  fortis  de  lui.     Theocrite  dans  l'Epigramme, 
que  nous  avons  citée ,  l'appelle  %(iidéyovoç.  Noé.  eft  véritablement  tel,  car- 
«    il  eft  le  père  de  tous  les  hommes.     Parce  qu'en  qualité  de  premier  hom- 
me, &  de  père  commun  j  il  eft  regardé  comme  la  fource  de  la  fertilité,  les 
femmes,  afin  de  n'être  pas  fteriles,  injîdebant  ipflus  membro. 
Atnob*.  in        Mutinus  &  Priapc  étoient  le  même  Dieu.   Et  Arnobedit  de  ce  Dieu, 
Gentes.  ■  ■^-  ^j;:|^^^/y^j  ^    cMJus  tmmanibus  fuàenàis  ,    honentique  fa[cino  vefiras  inequitars^. 
Laa.  de      matrofias ,  &  aufpicabtle  diciîis  &  optatis.  Laêlance  n'a  pas  oublié  cette  im- 
•  lib.^^c.'fo.  pureté,  &  Mutinns ^  in  cujus Jlnu pudendo'nubentes  prajtdent ,  ut  illarumpH'- 
diciîiam  prior  Dcus  delibajje  videatun  Ce  -qu'ils  difent  de  Mutinus ,  St.  Àu- 
DeCivit.     guftin  le  dit  de  Priape.    Triapus  nimis  mafculpts  ^  fttper  cujus  immaniffimum 
f 3P.  s>.  '  °    ^  tHTpijJimMm  fafciniim  fédère  nova  nupta  JHbebatur  ,   more  honefiijfimo  &  reii' 
giojifimo  matronarttm.    Cela  s'appelloit/fi/c-/«/!f?»,  parce  qu'il  détournoit  le- 
charme,  qui  eût  pu  empêcher  la  copulation,  ôc. la  génération,  Ôc  com- 
Comment.   me  dit  Vives  ;  SicHt  ergo  in  agris,  fie  &  in  nuptiis  Priapm  feminttm  Deus  co- 
Auguftîni    kbattir  5  ne  fœçanditas  femintim  impedirettir.   Il  n'eft  pas  étonnant  qu'ils  euf^ 
«tatwn.      fent  choifi  pour  rompre  la  force  du  charme , ,  qui  empêche  la  génération , , 
ce  Noé  qui  étoit  le  père  du  genre  humain. 

Noé  étoit  laboureur,  jardinier  6c  vigneron.     Voila  les  titres  de  Priape. 

Nous  avons  vu  comme  Tibulle  l'appelle.  D^-^/y^'^nf^/^.  Paufanias,  au  rap- 

Bebiii     port  de  Lilius  Gyraldus ,  aflure  qu'il  étoit  honoré  par  les  paiïàns ,  dans 

sywagma.8.  î^s  licux  OU  il  y  avoit  des  parcs  de  brebis  ,  6c  de  chèvres  ,   6c  des  eflàins 

d'abeilles.  Et  lelon  les  Mythologjftcs ,  on, ne  lui  donnoit  cette  prodigieu-^ 

fe  grandeur  dans  les  parties  de  la  ^génération  ,  que  pour  répréfenter  la 

in  lib.  de    vcrtu  geucrative  de  la  terre. 

r^m^d  ¥°"  ^^  ^^  réprçfentoit  ayant  le  fein  rempli  de  toutes  fortes  de  fruits  ,  6c 
»e, du  Dieu  unc  come  d'abondance ,  ^  pour  fignifier  cela  même-,  c'eft  qu'il  eft  le  Dieu 
***'        '  ~     '  d.e. 


I 


n 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.P^r/.IV.  557 

de  la  fertilité.     Or  Noé  ed  celui ,  qui  par  une  culture  plus  parfaite  ,   a 
Goiiimencé  à  rendre  la  terre  plus  fertile.     Il  avoit  auprès  de  lui  un  plat , 
ou  un  difque ,  difcus,  pour  répréfenter ,  dit  Suidas,  la  rondeur  de  la  ter-  la  voce 
re,'  dont  il  fait  la  ifécondité.     On  fait  aulîî  iju'il  étoit.le  Dieu  des  Jar- 7rp;«xo?. 
dins  y 

^  Sèd  mber  hortomm  cttfios  membrojîor  Aquo,  Priipïs 

Epig.  r. 

Enfin  Lilius  Gyraldus  nous  dit  ,  que  les  Romains  peignoient  Priape ,  in 
fpeciem  arreSht  agricoU ,  comme  un  laboureur.  C'efl:  donc  nôtf e  Noé,  la- 
boureur de  la  terre,  vir  terra. ^  comme  l'appelle  Moïfe.  ^''K, 
Noé  eft  le  premier  qui  a  cultivé  la  vigne.  C'eft  pourquoi  Priape  a  une  '""^^ '^' 
intendance  particulière  fur  les  vignes.  Sa  ftatuë  tenoit  une  ferpe  dans  la 
main .  droite.     Tibulle  nous  dit  que  c'étoit  pour  chalîèr  les  oifeaux. 

Terreat  fit  fh^afalce  PriapHS  aves.  Tibulie 

ty4rmatmctirvaJïtmihifalce'Deiis^-  hb.  i.  8c 

Mais  cela  eft  ridicule,  on  les  chaiîe  mieux  avec  une  perche.  C'ell  pour- 
quoi il  eft  clair  que  Phurnutus  a  bien  plus  de  raifon^  qui  dit,  quod  ea  adY\mm\xias 
pfttandas  vites  mamur  y  c'efi-parce  e^ne  c^efi  l'infirumem ,  avec  lequel  on  taille  les^^^  ^^^^^' 
1/^ignes.    Ce  qui  fait  voir  qu'il  ne  faut  pas  interpréter  faix ,  par  une  faux  à 
faucher,  mais  par  une  ferpe,  car  on  ne  coupe  pas  les  vignes  avec  une  fauxs  ^ 

Theocrite ,  en  dépeignant  le  Temple  de  Priape  ,  dit  qu'il  y.  avoit  une 
vigne  àj'entourj.  '' 

"E'-vèx  'TtêpKTi'JxvTaf^OTÇivéTcaiç  eKmi  â[iT£Koç^- 
Zlbi  cirmmfufa  efi  racemofa  cum  cafreolis  vitis. 

Et  Strabon  ,  en  nous  apprenant  que  la  ville  de  Lampfaqae  ,    êc  le  Pais 
voifîn  ,   adoroient  Priape  ,    nous  apprend  âuffi  quer  c'étoit  à  caufe  des 
vignes  ,    don^le  Païs    étoit   plein.     'PfofeBo  homines  ad  enm  colendHm^}^^^^- 
moti  funt  :     IS^m  &.  %egio   &  finitima  Pariana  ,    &   Lampfacena  vineii  ^on  Vrocnl, 
ahfmdat^  unde  Xerxes  Lampfacum  Themijiocli  in  vintim 'dedtt ,  -  Cela  fait  voir  abi«itio, 
clairement  que  Priape  étoit  le  Dieu  des  vignes  ,   auffi  bien  que  celui  des 
champs.  Ce  qui  convient  très  bien  à  N8é.   L'étymologie,  que  quelques 
gens  ont  donnée  du  nom  de  Priapus  ,   eft  connue  de  tout  le  monde^ 
DNns  ,   Priab  ,  en  Hébreu  fîgnifie  Père  des  fruits.    Si  cela  convient  bien 
à  Priape.,  Dieu  des  Jardins,  cela  ne  convient  pas  moins  bien  à  Noé,  qui 
a  cultivé  la  terre  :  6c  cela  convient  à  l'un  &  à  l'autre  parfaitement ,   par- 
rapport  au  raiîîn  ôc  à  la  vigne.  Car  le  rai  fin  mérite  d'être  appelle  le  fruit 
par  excellence,  6c  celui  qui  le  cultive  ,   a^ns  ^  le  pêne  du  fruit.     C'dl 
d'ici  apparemment  que  nous  pouvons  tirer  la  raifon  ,  pourquoi  ordinaire^ 
ment  on  faifoit  la  ftatuë  de  Priape  de  figuier. 


Aaaa  ^  Olïm 


558  HISTOIRE  DES  DOGMES 

Hotit.  Olim  tmncus  emm  ficulnm ,  inutile  Ugnum  y. 

s«yt.  8»  Cfim  faher  incerttis  fiammm  faceretne  ■  Priapum  y 

Malfiit  ejfe  Denm y%  ' 

Theocr.  Zvmvcv  evpvi^iç  âpTi')'Kv(P6ç  iôuvov. 

Epig.  4.    • 

C'eft  parce  que  le  figuier  6c  la  vigne,  dans  la  Syrie,  étoient  plantez  en 
même  lieu ,  èi  leur  culture  appartenoit  aux  mêmes  gens ,   &  à  la  même 
i.B.ois4.zî.  divinité.  Aufîi  l'Ecriture  Sainte  ne  les  fépare  prefque  jamais.   Et  fuda  & 
2.  Rois        Ijra'él  habitaient  en  ajfârance  ,    chacun  dans  fa  vigne  &  fousfonfigmer.     Faites. 
Efaie  34.  4.  accoïd  avec  moi^  &  que  chacun  mange  de  fa  vigne  &  de  fin  figuier.  Toute  leur 
}ctem.s.i7.^arm£e  tombera  ,    comme  tombe  la  femlle  deHa  vigne  &  celle  du  figuier.     Elle 
'  "■    mangera  les  fruits  de  tes  vignes  &  de  tes  figuiers.     Je  gâterai  fies  vignes  <é^  fies 
"^^     '^'^°'  figptters^  defcjuels  elle  a  dit  ^  ce  font  mes  fialatres.    En  ce  jour-là,  dit  L'Eternel  des 
armées ,    chacun  de  vous  appellera  fin  prochain  fous  fà  vigne  &  fious  fion  figuier. 
H  étoit  raifonnable  qu'on  fît  à  Priape  des  lîmulacres  àts  bois  ,   fur  lef- 
quels  il  préiîdoit.    Il  ne  prélîdoit  point  dans  les  forêts ,  mais  fur  les  Jar- 
dins ,  &  fur  les  champs  qui  fe  fement.  Dans  les  champs  la  vigne  &  le  fi- 
guier étoient  les  deux  principales  plantes  j  la  vigne  ne  pouvoir  pas  fervir 
à  faire  une  ftatuë,  on  ne  pouvoit  donc  prendre  que  le  figuier.     Les  of- 
frandes qu'on  faifoit  à  Priape,  étoient  aulîi  d'une  divinité  champêtre  ;  c'é- 
toit  du  lait  ôc  des  gâteaux. 

,  Virg.Eclog.  Sinmn  laUis ,  dr  hactibi  iiba  ,  Priape ,  qmtannis 

^' ^•^^*  -Exfieùiare  fiât  efi,  cufios  es  pauperis  horti. 

•  Nunc  te  marmoreum  pro  tempore  fecimus ,  attu^ 
Si  fiœtura  gregem  fuppleverit  f  aureus  efto. 

Ces  deux  derniers  vers  font  voir  que.Virgile  croïoit,  qu'on  pouvoit  faire 
des  Priapes  d'or  6c  de  marbre.  Mais  après  l'autorité  d'Horace  ôc  de 
Theocrite  ,  je  ne  fal  fi  l'on  ne  peut  pas  foupçonner  qu'il  s'eft  trompé, 
car  Priape  étoit  une  divinité  du  bas  ordre,  ruftique, 6c cha,mpêtre. 

îriapxa  T^^os  vappA  fiumus ,  ^  pufitlU  culti 

^^^^'  ^^'  "Ruris  numina. 

■  * 

Or  il  n'y  a  pas  d'apparence  que  des  païfans  fe  filTent  des  Dieux  de  mar- 
bre, encore  moins  d'or. 

Enfin  Noé  efi;  lefauveur  du  monde,  6c  fon  refiaurateiir,  6c  nous  voyons 
des  traces  de  cela  dans  les  titres,  qui  font  donnez  à  Priape.  Il  eft  appel- 
lé  crpcoToyovot; ,  &  'KaiUyovoi-t  comme  nous  avons  déjà  vu ,  par  rapport  à  ce 
Apud  Lii.  q|£  Noé  a  rétabli  k  mond«.  Cornutus,ou  Phurnutus,  dit  que  Priape  étoit  ap- 
?/nug!  8.  P^^^  rB%viTv^(;  6c  (rwrvjp ,  i'artifan,  le  fauveur.  Le  premier  de  ces  titres  nous 
déiigne  la  fabrique  de  l'Arche.  Le  fécond  le  monde  que  Noé  a  fauve  du 
nautVage,  par  le  moyen  de  l'Arche.  Le  même  Phurnutus  dit  que  c'efï: 
un  bon  Démon ,  genius.  Certainement  ce  nom  convient  très  bien  à  Noé , 
qui  a  confervé  le  monde  36c  qui  en  eft  le  Père.    Ne  feroit»ce  point  d'ici 

qu'il 


DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  îP^r/.IV.  559 

idroit  tirer  la  raifon,  pour  laquelle  on  lui  donnoit  des  ailes:  Suidas 


ET 

qu'il  faudî 

BOUS  dit,  que  c'étoit  à  caufe  dé  la  vïtefîe  du  mouvement  du  Soleil,  donc 
il  croit  que  Priapeétoit l'emblème,  cequi  eftaflezvraî-femblable,  car  le 
Soleil  étoit  caché  fous  toutes  les  Idoles  des  Orientaux. 

Mais  dans  l'ordre  des  Dieux  Animaux,  fuppofant  que Priape ell nôtre  Noé apprit 
Noé,   on  peut  dire  qu'on  lui  a  donné  des  ailes,  à  caulede  la  vîtefleavec  deh  navig" 
laquelle  il  gliiîbit  fur  les  eaux,  dansfon  Arche.  Et  il  y  a  lieu  de  croire  que  ^'«n. 
Noé  apprit  de  Dieu  Part  de  la  navigation,  6c  qu'à  l'imitation  de  ce  grand 
vaifleau ,  qui  l'avoit  porté  fur  les  eaux  du  déluge ,  il  en  fit  de  moindres  pour 
naviger  fur  la  mer  5  &  fur  les  rivières,  &qu'àcaufede  la  légèreté,  avec  la- 
quelle ces  vaifTeaux  étoient  pouffez  fur  l'eau ,  on  donna  des  ailes  à  celui  qui 
les  avoit  inventez. 

J'ai  remarqué  que  les  fables  font  entrer  l'âne  dans  la  plupart  des  aven-  L'âne  entre 
tures  de  Priape,     Premièrement  on  dit,  qu'un  âne  un  jour  fut  caufe  qu'il  leTiSures 
ne  pût  fatisfeire  fa  pafîîon  butale.     Ovide. nous  en  fait  l'hiftoire  fort  am.-  depriape, 
plement.     Les  Dieux  s'étoient  aiTembkz  à  une  fête  deBacchus.  Après  la  FdaXntde 
chaleur  de  la  débauche  chacun  s'endormit ,  6c  avec  les  autres  la  Nymphe  l'ânefle  de 
Lotis,  dont  Priape  étoit  amoureux.     Le  Dieu  s'étoit  gliffé  auprès  d'elle,  ^^^""' 
&  étoit  prêt  à  fe  fatisfaire,  qiaand  râne''de  Silène,  qui  étoit  de  la  fête,  fe 
init  à  braire. 

Bcce  ruderis  raacoSilem  veBor  afelîm  q^jj  p^^ 

Intempejîïvor  edidit  ore  fonos.  Lib.  i, 

Territa  confugit  Nympha^  ÔCc.  v.438. 

Priape  en  colère  de  l'affront  qui!  reçût,  tua  ce  miferablcâne  :  depuis  on 
a  facrifié  un  âne  à  Priape , 

^  Caditftr  &rigido  cujJodi  ruris  afellm.  '  fopl'à 

Laélance  dit ,  que  c'étoit  la  Déefle  Vefta ,  à  la  pudicité  de  laquelle  Priape  La^^-  de 
dreffoit  embûche,  &  non  la  Nymphe  Lotis.  C'ell  pourquoi  il  dit,  qu'à  Lib!i^^'^ 
Rome  les  Veiiaies.couronnoient  l'âne,  pendant  qu'on  le  facrifioit  à  Lamp- 
faque,  fur  les  Côtes  de  l'Hellefpont.  LemêmeLaétance,  dans  le  même 
lieu ,  dit  5  que  les  deux  étoiles ,  qu'on  voit  dans  le  figne  du  Cancer ,  ôc  qu'on 
appelle  les  deux  ânons,  font  les  deux  ânes  quifervirent  au  pereBacchus,  à 
traverfer  un  fleuve ,  qu'il  n'auroit  pu  paffer  fans  eux,  dansfon  voyage  des 
Indes ,  &  que  Bacchus,  pour  recompenfe,-donna  à  l'un  d'eux  le  pouvoir  de 
parler.  Et  qu'en  fuite  Priape  entra  en  difpute  avec  cet  âne.parlant,  de  ab~ 
fioeni  wagmtukine  ,  &  que  Priape  ayant  été  vaincu,  de  dépit  il  tua  le  vain- 
queur. 11  me  femble  que  dans  ce  chaos  informe  &  impur,  j'ei^trevoi  quel- 
que chofe  emprunté  del'Hifloirede  Noé,  Scde  celle  deBalaam,  &  de 
Balak,  qui  me  confirme  dans  la  penfée ,  que  Baal-Pehor  eft  Priape,  & 
que  l'un  &  l'autre  font  Noé.  Cetrs  fête,  dans  laquelle  les  Dieux  s'enyvrent 
&  s'endorment,  me  femble  être  tirée  de  l'aétion  de  Noé,  qui  dans  l'une 
de  fes  fêies  abufa  du  fruit  de  la  vigne ,  qu'il  avoit  plantée ,  &  s'cny vra  : 
cette  violence,  que  Priape fepréparoit  de  faire  à  la  DéeffeVêfta,  quieftla 
terrCjComme  chacun  fait, ][îgnifie,ce  me  (em\)ie.compreJfionemterr<x,^  &ejfiijto^ 
mmfemims,  utfokm  ehkf  vm&fervenî^s  effitndere.  Et  enfin-cetâne ,  qui  vient , 


C.2K 


5^o        HISTOIRE  DES  DOGM  ES 

&  qui  trouble  Priape,  mefemble  tiré  de  l'aôuondeCham  envers  Ton  père 
Noé, dont  il  troubla  le fommeilôcle repos. par  ion  imprudence.  Peut-être 
que  le  voifmage  d'u  mot  de  nwn,  chamor,  qui  fîgnifie  âne  en  Hébreu, 
&  du  nom  de  Cham ,  eil  caufe  qu'on  a  changé  Cham  en  un  ânç.  L'autre 
fabie  reOemble  en  quelque  chofe  à  l'Hiiloire  de  Balaam  ôc  de  Balak ,  l'ânef- 
fcde  Balaam  eil  dans  THidoirele  feulâne  qui  ait  parlé.  Et  je  ne  fai  fi  dans 
la  fable  3  il  y  en  a  d'autre  que  celui  de  Bacchus  à  qui  il  donna  la  parole,  pour 
le  recompenfer  de  ce  qu'il  l'avoit  bienlèrvi  dans  le  trajet  d'un  fleuve.  La 
4ilpute  que  Priape  eut  avec  cet  âne,  reflemble  à  la  querelle  de  Balaam  contre 
Ion  ânelTe ,  laquelle  il  voulut  tuer.  Le  fujet  as  la  difpute ,  qui  félon  la  fable, 
étoit  de  oùfcœm  r^nigmtfiiiine ,  peut  âYo'w  été  pris  du  fujet  ^  qui  obligea  Balak , 
Roi  de  Moab ,  ôc  dont  le  Dieu  étoit  Priape ,  .à  vouloir  détruire  Ifraèl.  O^- 
Jcœni  ntagnimdo.^  dans  là  Mythologie ,  fignifie  lafertihté  de  la  terre,  &la 
Nombtes  vertu  qui  produit  les  fruits.  Balak  elt  en  peine  des  fruits  de  fa  terre,  en 
-i-.4.  voyant  la  multitude  des  Ifraëhtes,  &  il  dit  aux  Anciens  de  Madian ,  w^ï/»- 
îenant  cette  mrdtitude  léchera  tont  ce  efui  efl  aj.'^entotir  de  nous ^  comme  le  bœu^'lé- 
the  Pherh  dm  champ.  Kniuïte  Moab  donne  autorité  par  fon  Dieu  Pwape,  ou 
Beel-Phegor,  à  Balaam  pour  maudire  le  peuple.  Balaam  parfavec  une  inten- 
tion fecrette  de  maudire  Ifraël  en  faveur  de  Beel-Phegor  ,qui  eft  Priape.  L'â- 
nefle  fur  laquelle  il  eft  monté  s'y  oppofe ,  cpmriîc  ne  voulant  pas  fuivre  les  in- 
tentions de  Priape ,  ni  favorifer  fes  inf  erêts.  Elle  refifte ,  elle  parle,  Balaam 
tenant  leparti  de  Priape,  &  des  Moabites  ,1a  veut  tuer.Je  pourrois  ajouter  que 
.Bacchus  e{lNoé,felontoutes  les  apparences,puis  qu'il  dû  le  Dieu  du  vin  6c  de 
la  débauche.Or  Priape  8c  Bacchus  font  affûrément  la  mêmedivinité,xomme 
on  pourroit  le  prouver  facilement,  entr'autres  parles  Priapes  appeliez  Thaiïi 
ècJrhyphallf ,  qui  étoientdesfîgures  obfcénes,  qui  feportoient  en  pompe  dans 
les  fêtes  de  Bacchus.  J'abandonne  ces  conjectures  au  jugement  des  Savans. 
Vois.  Aug.  -A"  r^^^^  P^^'  toutes  ces  raifons,  qui  meperfuadent  que  Priape  6c  Beel- 
dcciv.  Dei.  Phcgor  foftt  Noé ,  je  ne  veux  point  faire  de  préjudice  à  la  penféedeceuX 
Liîium^Gy-  qui  difcnt,,  que  Priape  efl:  le  Soleil,  j'avoue  que  toutes  chofes  fe  ren- 
i*id.  syntag.  contrcnt  fort  bienavec  cette  conjeéture.  L'étymologie  du  mot  ^t^^is^Priaif^ 
iûGentes.  P^^e  dcs  fruits ,  convient  bien  au  Soleil  j  cette  eflProyable  obfcénité,  qu'on 
ne  veut  pas  repeter,  peut  être  un  emblème  de  la  vertu  génératrice  de  cet 
Ailre,  qui  engendre  toutes  chofes:  Pour  la  même  raifon  les  titres  de  Trpw- 
réyovoç,  de  icoXva'Ko^oç ,  de  Traidoyo'jog  ^  conviennent  auffi  très-bien  au  Soleil, 
Les  ailes  qu'on  donnoit  à  Priape ,  6c  la  rondeur  du  difque ,  qu'on  lui  met- 
toit  en  main ,  fignifioit,  félon  Suidas ,  la  vîtefle  du  mouvement  du  Soleil ,  6c 
la  rondeur  de  fbn  orbej  le  fceptre ,  que  les  Egyptiens  lui  mettoient  en  main , 
fîgnifîoit  que  le  Soleil  eil  le  Roi  du  monde  6c  des  Aitres.  Ce  qu'on  faifoit 
Pf  iape  Dieu  des  jardins ,  des  champs ,  6c  des  vignes ,  ce  qu'on  lui  donnoit 
une  corne  d'abondance ,  ce  qu'il  étoit  appelle  ùonus  ddmon  ,  genius ,  tout 
cela,  dis-je,  convient  très-bien  ^u  Soleil.  Mais  l'un  n'empêche  point  l'au- 
tre. Il  eit  très-certain  que  chaque  nom  de  divinité  Payennedéfigne  quel- 
qu'un de  ces  Dieux ,  que  l'on  appelle  Di? Animales ,  qui  ont  été  des  hom- 
mes, 6c  en  même  tems  quelqu'un.de  ces  Dieux ,  qui  s'appellent  2)«  iV^/»- 
r.ales^  qui  font  ou  des  allres,  ou  des  élemens,  ou  quelqu' autre  partie  du 
monde.  De  là  eft  venue  la  confufion  de  la  Théologie  Payenne.  L'idoîa- 
trie  a  commencé  par  les  Aftres,  enfuite  on  eft  venu  à  adorer  des  hom- 
mes 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.P^r/.lV.  561 

mes  morts  ,  on  a  donné  à  ces  hommes  les  noms  des  Aftrcs  ,  Se  l'on 
a  confondu  dans  la  Fable  ,  les  aventures  des  hommes  avec  les  vertus 
&  les  proprietez  de  l'Aftrc  ,  &  de  là  ell:  venu  cet  embarras ,  êc  cet- 
te confudon  ,'  qui  fait  ?a  croix  des  Mythologiftes.  Ainfi  rien  n'empê- 
che ,  que  fous  le  nom  de  Beel-Phegor  ,  ôc  de  Priape  ,  ne  foient  ca- 
che-z  Noé  d'entre  les  Dieux  Animaux  ,  ôc  le  Soleil  d'entre  les  Dieux 
Naturels.  Nous  verrons  régner  la  même  confufîon  dans  toutes  les  au- 
tres divinitez  Payennes. 


C  H  A  P  I  T  R  E     IV. 

jD//  Dieu  KemoSi  c'eji  le  même  que  Beel-Phegor.  VeNabo^de  l'o- 
racle de  Baal-Thegor, 

NOus  trouvons  un  autre  Dieu  des  Moabites,  ou  le  même  Dieu  fous 
un  autre  nom.  C'eft  celui  deKeraos.  Malheur  fur  toi  Moab  ^  peu-  Nomb, 

pie  de  Kemos  ^  tu  es  perdu.    Alors  Salomon  bâtit  un  haut  heu  à  Kemos  ,  ^\^'' 
Vahomination  des  Moabites.  Et  le  T^oi  profana  les  hauts  lieux  &c,  que  Salomon  2.  Rois 
avoit  bâtis  à  Kemos  ^  V abomination  des  Moabites.  Jeremie  en  prophetifant  la  feremie   % 
deftruélion  de  Moab ,  dit ,  Kemos  fera  tranfporté.     Et  Moab  fera  honteux  à  7.  &  u. 
caufe  de  Kemos.    Ce  Kemos  eft  aufli  appelle  Dieu  des  Hammonites.     Car  juges 
Jephté  en  parlant  au  Roi  de  Hamraon,  lui  d't  ,   n'^aur ois-tu  pas  ce  que  ton  "•^♦• 
Dieu  Kemos  t''auroit  donné?  ^ 

St.  Jérôme  eftime  que  ce  Kemos  efl  le  même  que  Beel  -  Phegor.     In  Hieron,  in 
7\[abo  erat  Chamos  idolum  confecratum  ,  quod  alio  nomine  appelUtur  Beel-Phegor^  Efajxcap, 
êc  les  Interprètes,  qui  font  venus  depuis, font  entrez  danscefentiment.  Et 
je  ne  doute  pas  que  cela  ne  foit  vrai,  parce  que  dans  toute  l'Hiftoire  Sain- 
te ,   il  ne  nous  eft  plus  parlé  de  Beel-Phegor  ,   excepté  quand  ileft  fait 
mention  du  péché  des  Ifraëiites  avec  les  filles  de  Moab  ,  (i  ce  n'eft  une 
feule  fois  au  34.  ch.  du  Deuteronomev.6.  L'Idole  des  Moabites  toujours 
depuis  eft  appellée  Kemos.  Or  il  n'y  a  pas  d'apparence,  que  les  Moabites 
ayent  changé  de  Dieu,  après  le  fait  de  Pehor.    Ainfi  c'eft  un  autre  nom 
de  la  même  divinité.    Et  en  effet  fi  nous  y  regardons  bien,  nous  verrons 
les  mêmes  perfonnes  fous  Chamos,  que  nous  avons  trouvées  fous  Baal- 
Pehor,  favoir  Priape  &  Noé:  li^i^D,  ce  mot  Hébreu  fignifie  manié  ,  ou  cis,  pai- 
comme  manié,  co;jtre^atus ,  c'eft  ainfi  qu'il  eft  interprété  par  Philonjuif  f/J^'^'j.ç"' 
ùiç  4/v]^«(2)vi,'xci.  Certainement  cela  fe  rapporte  fort  bien  à  Priape,  Pater  con-  Lib.  2.  aiie- 
treVtationum  noBurnarum.    Lui-même  étoit  répréfenté  contreèians  membrum  g°''-  ^^g'^. ., 
fuum  virile  ^  ohfcœnum  Uva  tenens.  Cela  ne  tombe  pas  moins  jufte  fur  Noé,  '     ' 

cujus  pudenda  à  Chamo  contre5lata  dicuntur,  unde  enervatus  efl  ,  comme  le  rap- 
porte le  faux  Berofe  ,    d'Annius  de  Viterbe.     La  conjeélure  du  favant  vofliusde 
Voiîius  eft  aufîi  très  vrai-femblable  ,  que  ce  Chamos  des  Moabites  eft  le  °jjf '".I^Jf 
Dieu  YLaTy^oç  des  Grecs  ,   qui  étoit  le  Dieu  des  banquets.     Et  j'y  trouve  liK.  c.%.  ' 
tant  plus  aifément  nôtre  Noé  ,   qui  par  fa  débauche  ôc  fon  yvrefle  ,   a 

Part,  IF.  Bbbb  donné 


ç6i  HISTOIREDES   DOGMES 

donné  lieu  à  fa  pofterité  de  le  faire  Dieu  des  banquets  ,  &  des  fef- 
tins. 
Nebocftic  Nous  ti'ouvons  cncorc  un  autre  nom ,  que  St.  Jérôme  croit  être  le  nom 
lieucùBeci-  ^i'unc  Idole  des  Moabites ,  6cla  même  Idole  que  Beel-Phegor&Chamos. 
doKora-  C'eft  Ncbo  ,  dont  il  elt  parlé  en  Eiaïe.  Bel  efi  tombé  fur  [es  genoux.  Nebo 
^'"-  efi  chnfur  le  nez..    Et  dans  un  autre  lieu  ,  la  charge  de  ^^[/Coab  &c.  t^i/Coah 

'^  '^'  hurlera fitr  Nebo  &fur  Medeba.  Il  y  avoit  aufîi  une  montagne  ainfi  nom- 
Deuterono-  ï^^éc.  Monte ,  dit  Dieu  à  Moïfe,  fur  cette  montagne  de  Habarim^  en  la  mon- 
me  32.  49-  ti.mie  de  Nebo ,  ^tù  efi  an  Pais  de  Moab  &c.  &  tu  mourrm  en  la  montagne  &C. 
chap.  3.4,  ^t  Aioïfe.  monta  des  campagnes  de  Moab  fvr  la  montagne  de  Nebo  &c.  &  Mop- 
''  î'  *'  Ce  ferviteur  de  l Eternel  mourut  au  Vais  de  Moab ,  &  Dieu  l'enfevelit  en  la  val- 
lée ,  vis-à-vii  de  Beth-Pehor  ,  ou  du  Temple  de  Pelior  ,  car  n^l,  beth^ 
en  Hébreu  fignifie  maifon  ,  ou  Temple.  La  comparaifon  de  ces  lieux 
enfemble  fait  voir.  1.  Qu'il  y  avoit  une  montagne  dans  lePaïsde  Moab, 
qui  s'appelloit  Nebo.  2.  Que  fur  cette  montagne  ,  ou  prés  d'elle,  il  y 
avoit  une  ville  du  même  nom.  3.  Il  elt  vrai-femblable  qu'il  y  avoit  là 
quelque  célèbre  Temple  de  l'Idole  ,  pour  laquelle  Idole  les  Babyloniens 
curent  depuis  de  la  dévotion  ,  Se  la  joignirent  à  leur  Dieu  Bel.  C'eft 
pourquoi  Efaïe  les  conjoint:  Bel  efi  tombé  fur  [es  genoux  ^  TSljbo  efi  chu  fur 
is  nez..  4.  Cette  montagne  de  Nebo,  &  le  Temple  qui  étoit  bâtideflus, 
n'étoit  pas  abfolument  le  même  ,  que  celui  de  la  montagne  de  Phegor, 
llir  laquelle  étoit  bâti  le  Temple  de  Bcel-Phegor.  Car  le  Deuteronome 
dit ,  que  le  lieu  où  mourut  &  fut  enfeveli  Moïlë ,  étoit  vis-à-vis  de  Beel- 
Phegor  ;  or  il  mourut  &  fut  enfeveli  dans  la  montagne  de  Nebo.  f .  Il 
eft  apparent  que  ce  Temple,  &  cette  montagne  de  Nebo  ,  étoit  le  lieu 
où  le  Dieu  des  Moabites  rendoit  fes  pracles.  Car  Nebo  fignifie  Prophé- 
tie, n«i23 ,  l'Idole  s'écrit  133,  en  retranchant  le  HeScV^leph.  Or  il  n'y  a 
rien  fi  ordinaire  dans  cette  langue,  que  de  retrancher  quelques-unes  de 
ces  lettres  qu'ils  appellent  (jmefcentes  ,  quand  il  y  en  a  plufieurs  à  la  fin. 
6.  Enfin  il  n'eft  pas  néceffaire  de  dire  que  ce  Nebo  fût  autre  que  Bahal-» 
Pehor  ,  mais  ce  mot  fignifiant  Voracle^  il  y  a  apparence  que  c' étoit  l'o- 
racle de  Pehor,  ôcdeKemos,  félon  le  fentiment  de  St.  Jérôme  ,  qui  dit 
fur  le  If.  d'Efaïe  v.  2.  in  l^abo  erat  Kamos  Idolum  confecratum ,  cjuod  alio 
nomine  appellatur  Beel-Phegor ^  ôcfur  le  46.  d'Efaïe  v.  i.  'X<(abê&  ipfunt  Ido' 
lum  (^uodinterpretatur  Prophetia^  divinatio. 
V.  ï7.  Nous  hfons  dans  le  13.  chapitre  de  Jofué  ,   les  noms  de  certaines  vil- 

les ,   qui  furent  données  à  la  Tribu  de  Ruben  j   qui  femblent  être  les 
noms  de  certains  Dieux  des  Moabites.  Bamoth  Baal,  ^  Beth-^aal-Mehon^ 
pî;a  Sj;d  n>2  ,  le  premier  nom  fignifie  les  hauts  lieux  de  Bahal ,   &  le 
Chap.  32.    fccond  le  Temple  de  Baal'Mehon.   Au  Livre  des  Nombres  ,   ôc  dans  Eze- 
ïz.zi.9.     chiel,  le  même  lieu  eft  appelle  BaaUMehon  ,  en  ôtant  le  mot  de  Bethou 
]eï.i^.2},  <je  Temple.  Et  dans  Jeremie  U  eft  appelle  Beth-Mehon  ^  en  ôtant  le  mot 
de  Bahal  :  Il  eft  apparent  que  dans  ce  lieu  il  y  avoit  eu  quelque  Temple,  fa- 
meux par  les  oracles  du  Bahal  des  Moabites  ,   car  ces  villes  avoient 
appartenu  à  Moab.    Et  ce  Bahal  ne  peut  être  autre  que  ce  Bahal-Pehor  : 
le  mot  de  pyo,  Mehon  ,    fignifie  habitation.     Ainfi  'Beth-Bahal-Mehon  ^. 
jfignifierait  biea  le  Temple  de  Bahal  habitant ,  ou  l'habitation  de  Bahal  : 

comme 


PET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Part.lV.  563 

comme  les  Romains  appelloient  un  de  leurs  Dieux  ^npiter  Stator.  Mm 
j'aimerois  mieux  le  dériver  de  pi^D,  mehonen^  qui  fignifie  devin,  obferva- 
teur  des  tems  ou  des  faifons  j  c'eft-à-dire  qu'il  y  avoit  là  un  Collège  de 
faux  Prophètes  ,  &  de  devins ,  qui  prophetifoient  fous  la  conduite  ,  ôc 
par  les  infpirations  4®  Bahal-Pehor. 


1 


IL  TRAI- 


04 


HISTOIRE  DES  DOGMES 


II.    T    R    A    I    T    E 

E   MOLO  CH 

jyim  desHammonïtes ,  de  Anamekch^ 
AdrammekchiDïeux  de  Sepharvaim.de 
Kijoim  :  des  Dieux  des  Gaulois  Tauta-- 
tes  3  Tharanes ,  Hefus  &c. 


c  H  A  P  I  T  P^  E     L 

Revue  des  textes ,  où.  il  eji^arlé  de  ^Âolocb, 

^^^^^^^il  Es  Hammonites  étoicnt  frères  àz^  Moabites  ,  '  en-^ 
fans  de  Lot  ,    décendus  de  i'incellueux  accouple- 
ment avec  fes  deux  filles.  Moab  étoit  le  fils  de  Taî^ 
née ,  ôc  Hammon  celui  de  la  cadette.    C'efl  pour- 
quoi il  efl  raifonnable  5  après  avoir  parlé  dts  Dieux 
àts  Moabites  ,  de  parler  de  ceux  des  enfans  de 
Hammon,  puifquc  le  peuple  de  Dieu  s'efl  laifie al- 
ler à  adorer  ces  faux  Dieux ,  auffi  bien  que  les  autres. 
Je  croi  qu'il  faut  commencer  par  faire  la  revue  de 
tous  les  pafiages,  dans  lefquels  il  nous  eft  parlé  de  ce  Moloch,  Dieu  des 
Hammonites.     Th  diras  aujfi  aux  enfans  d'/fr^.el  ,    cjuicovKjHe  des  enfans  d'^If 
rael ,  oh  des  étrangers  qui  fejoHrnent  en  /(ra'él  ,    donviera  de  fa  lignée  k  Moloch , 
i.Rois  II.5.  oji  le  fera  rrsomir  de  moxî,  le  feu  fie  Paffommera^  de  pierres.     Et  Salomon  chemi- 
na après  Milcom  ,  l"* abomination  des  Hammonites  &c.    Et  il  bâtit  un  haut  liea 
a  Kemos  ^  t  abomination  des  ^JTKoabites  ^  &  à  A-folach  ^    ^abomination  des  en- 
fans de  Hammon.      fojtas  profana  Topheth  ,    ^«/  était  dofis  la  vallée  du  fils  de 
Hinncm  ,    ^^fn  qu'il  ne  fey vît  plus  àancun  ,    ponr  y  faire  pajjer  fon  fils  ou  fa  fille 

Jeremie       par  le  fêK  à  Jldoloch.     Mi  ont  édjfé  Us  hauts  lieux  de  Topheth ,  qui  eji  en  la  val- 
7.31.  //, 


Levitiqiie 


i.Ro's 
î3.  io. 


ET  DES  CULTES  DEVEGLlSE.TartAV,  ^65 

lee  du  fils  de  Hinnom  ,  ponr  brûler  leurs  fils  &  leurs  filles  aufieu,  ce  cj%e  je  n'ai 
"pas  commandé.     Pomtant  voici  lesjours  vimnent^  dit  V  Eternel^  ^u'^elle  ne  fiera 
fins  appellée  Topheth  ^  ni  la  vallée  du  fils  de  Hinnom  ^  mais  U  vallée  deiuerie  ^ . 
&  on  enfevelira  en  Topheth^â  caufie  cju^il  li^y  aura  plus  a'^antre  lieu.  Sors  vers  U  Jeremîe  i^. 
vallée  du  fi/s  de  Hinnom  t>CC.  &  crie  les  paroles  que  je  te  dirai,  Di  donc,  Roi  de  ^'^' 
'juda ,  &  vous  habitans  de  ferupilem ,  écoutez,  la  parole  de  l'Eternel,     ay^infi  a 
Ait  l'^JE-ternflJi^s  e,rwfie^  ^dfi  'X)i(iid'^:(fr(iefi^  :itmci  j^jn[tp-  Vi^isfi0ire.  ,V,enir.miM^l 
fur  ce  lieu  ,  tel  que  quiconque  V entendra  les  oreilles  lui  [corneront  ,  .parce  q-u'i'h 
m'^ont  déiaiffié'^  &  ont  rendu  ^e  lieu  ici  étrange  Scç.  &  hnt  rempii,  ceJiùudufiang 
des  mnocens  ,  &  ont  bâti  ies  hauts  lieux  de  Bi^iha^l ,-  pour  brûler  au  fie  u  leurs  fils 
four  holocaufies  à  B<,.hal  6cc.  Tourtant  les  jours  viennent  que  ce  lieu  ne  fiera  plus 
dppellé  Topkeih  ,    ni  la  vallée  du  fils  de  Hiv^nom   ,    mais  :la  vallée  d^  tuerie, 
ii^uhas  .étojt  .âgé  de  zo .  Jins  .quand  li-conitmençû  â  .^régner  :^c.  M  fit  .aufii  des  en-  z.Chion. 
\<cènfemens  en  U  vallée  Au  fils  de  Mimmm  ,  &  fit  brMer^  défies  fils  au  fieu  ,  félon  ^^'  ^'^'^' 
les  itribaminaticuj  des  .nations.  Xane  donneras  point  de  ta  lignée ,.  pourlafiairepafi  ^evmqut 
fer  devant  Mùloch. 

Il  ell:  clair  par  ces  paflàges  ,  que  cette  Idole  s'appelloit  quelquefois 
Miilkom^  cQC\m  s'écricen  Hébreu  jzjdVq,  lefquelles  lettres  fans  points  ou 
fans  voyelles ,  fe  peuvent  prononcer  tJM^aleki^m^  on  "Milkcm  ,  ie  premier 
û^xïs^^lemfiRoi^   & 'le  fécond  ell  le  nom  proprede 'l'Idole  :   deilà  \^ient 
.qu'en  certains  palTages ,  oîj  le  mot  ^±112  fe  trouve  ,   quelques  Interprè- 
tes le  lifent  Meîkom  ,    &  le  prenent  pour  l'Idole  des  Hanimonites.     Par 
exemple  i. Ghron.  10.2. où  il  eft  parlé  delà prife  de  Rabba, capitale  des 
enfans  de  Hammon ,  «par  ©avid ,  nous  lifons..  Et  David  prit  laxom^onne .de 
Mur  'Roi  ;a:ho  Malé'^im  ,    de.dejfus  j!k  tête  ,    ii^ trouva  qr-i'cUe  o-voitie  poids 
à^un  taUnt  dhr.     Mais  les  Grecs  ont  tourné  m»;  J/\<5ibé  àu^l^rov  çs0xvov  Msi- 
•'-%oiL  ,  rrë SaiTihécoç  âvTtàv.    Et ^la  verfî'on  iLatine, -ôC'St.  Jérôme.  7"»/// tî^/<fî^ 
David  coronam  fi4slchom  de  capite  ejus. 

Jl  y  a  encore  un  paflage  conlidérabîe  dans  Amos,  où  nous  lifons  félon  '*'""'  ^^^^'' 
VMchveUj  l^oU'S  avez.porté  le  Tabern^îcle  de  votre  Roi  &  les  -/mages  de  lOjpun  ^ 
&  P.étoik  de  7jos  Dieux ,  -quevou^s  mous  Jtesfiaits.  Mais  -k:  Vulgate  Latincca 
tourné,  portafiis  1  ahcrnaculum  Mdioch  veftri  ,  -&  imaginem  Idalorum  vefir:0' 
74im.  Sidus  Dei  vefiri  Rempham^  fiçuras.  quas  fecifiis  vobis  adorare  cas.  C'eft 
ce  célèbre  paiTage  que  St.  Etienne  a  rapporté  ,  dans  fon  difcours  aux 
Juifs  ,  .&  que  St.  Luc  cite  ainfî.  Fous  avez^ porté  leTabernacie  de  Âdoloch^  Aaesy.^î,- 
<&  Piétoik  de  Z'ôtr-£  Dieu 'R^emj  hum  ,  lefquelles  figures  vousavez..  faites  pour  les 
^adorer.  De  tous  ces  paflàges  on  recueille  facilement  fans  le  fecours  à^s 
Conimentaires  ,  ï» 'QLîe  les  Harnmonites  avoient  une  Idole ,  qui  s'appel- 
loit t^iUiQi  Moloch ^  tantôt  Milkom  ^  &  même  quelquefois  'Si.hal,  comme 
cela  fe  voit  par  le  palfage  du  chap.  ip.  de  Jeremie,  parce  que  le  nom  de 
Bàbâleïoiîup'nom'Commun  à  toutes  les  Idoles,  i.  Qiie  le  fervice,  qui 
fe  rendoit  à  cette  Idole  ,  étoit  de  faire  paffer  leurs  enfans  par  le  feu  en 
fon'honneuf  5  ou  de'îes  lui  fàcri£er ,  &'les  brûler  en  fa^préfence.  3>Que 
les  ifraëjites -adoptèrent  cet  abominable  culte5"&Iui  établirent  un  lieu  dans 
une  vallée,  prés  de  Jerufalem,  qui  s'appelloit  la  vallée  du  fils  de  Hinnom ,  èc 
autrement  Topheih.  4.  Que  le  bon  Roi  Jofias  détruifit  cette  Idole ,  &  pro- 
fana, cette  vallée,  en  enfaifant  une  tuerie  6c  un  fepulcre,  c'eit-à-direune 
voirie,  félon  la 'prédiélion  du  Propbete  Jeremie. 

B-bbb  3_,  C  H  A' 


566 


HISTOIRE  DES  DOGMES 


CHAPITRE     II. 

Defcription  de  l'Idole  de  tMoloch  félon  les  Rabbins  :  on  brâhit  des 

enfans  à  fin  honneur.  D^j^drammekch,ér  jinamelech, 

^ieux  de  Se^harvaim. 


V 


Oici  ce  que  nous  apprenons  de  cette  idolâtrie  ,  par  le  Re- 
cours des  Commentateurs ,  &  des  Auteurs  Juifs.  Nous  n'avons  rien 
de  plus  remarquable  là-deflus  ,  q«e  le  paflage  d'un  certain  Rabbi 
Simeon,  dans  un  Commentaire  Cabaliftique  fur  toute  la  Bible  ,  intitule 
D^pS^j  mot  qui  fignifie  bonrfe  ^  efcarcelle  ,  parce  que  ce  Commentaire  eft 
un  ramas  de  toutes  fortes  de  pièces.  Voici  ce  qu'il  dit  lur  le  chap.  7"*. 
de  Jeremie.  „  Encore  que  toutes  les  maifons  des  Idoles  fuflent  dans  la 
„  ville  de  Jerufalem,  celle  deMoloch  étoit  hors  de  la  ville,  dans  un  lieu 
5,  féparé.  Comment  étoit  faite  l'Idole  de  Moloch  ?  C'étoit  une  ftatuë 
55  qui  avoit  une  tête  de  bœuf,  ôcles  mains  étendues,  comme  celles  d'un 
^  homme  ,  qui  ouvre  les  mains  pour  recevoir  d'un  autre  :  l'Idole  écoit 
„  creufe  par  dedans.  Il  y  avoit  fept  chapelles  bâties,  au  devant  defqucl- 
„  les  étoit  élevée  cette  Idole.  Celui  qui  ofFroit  un  oifeau,  ouunpigeon- 
5,  neau ,  entroit  dans  la  première  chapelle.  Celui  qui  ofFroit  une  brebis  , 
„  ou  un  agneau ,  entroit  dans  la  féconde.  Celui  qui  prélentoit  un  mou- 
3,  ton,  dans  la  troifiéme.  Celui  qui  offroit  un  veau,  dans  la  quatrième, 
5,  Celui  qui  ofFroit  un  bouveau ,  entroit  dans  la  cinquième.  Celui  qui  of- 
3,  froit  un  bœuf,  dans  la  fîxiéme.  Et  enfin  celui  qui  ofFroit  fon  propre 
„  fîls,  entroit  dans  la  feptiéme.  Et  baifoit  l'Idole  de  Moloch,  félon  ce 
„  qui  eft  écrit  en  Ofée  13.  2.  ant?  »n3î  5  vitttlum  ofcnlamur  .,  ceux  qui 
„  facrifiem  un  homme  baifent  le  veau.  L'enfant  étoit  pofé  devant  Mo- 
„  loch.  On  mettoit  le  feu  fous  l'Idole,  6c  on  le  faifoit  rougir,  jufquesà 
„  ce  qu'il  fût  brillant  comme  de  la  lumière.  Et  alors  les  Sacrificateurs 
3,  prenoient  l'enfant ,  &  le  mettoient  dans  les  mains  rouges  &  embrafées 
„  de  Moloch ,  6c  afin  que  les  pères  6c  mères  n'entcndifîcnt  pas  les  cris  de 
5,  leur  enfant  ,  on  fonnoit  du  tambour  ,  6c  c'efl  pourquoi  le  lieu  a  été 
„  appelle  Topheth, qui  vient  du  mot  c)in,  thoph,  D>9n,  thuppim,  qui 
5,  fignifie  tambours.  On  appelloit  aufîi  ce  lieu  Hinnom,  à  caufe  du  ru- 
„  giflement  des  enfans ,  du  mot  oro  ,  naham  ,  qui  fignifie  rugir  ,  ou 
„  bien  parce  que  les  Sacrificateurs  de  Moloch  difoient  aux  pères,  "|*?  mi», 
5,  jehené  lak ,  cela  vous  fera  profitable. 
8.abbiBekai  Sclon  un  autrc  Rabbin  ,  l'utilité  qu'on  leur  promettoit ,  c'étoit  la 
i^^zT"'  confervation  de  tous  leurs  autres  enfans.  Les  pères  &  mères  étaient  perfia" 
dez. ,  dit-il ,  ^ue  par  la  vertu  de  ce  facrifice ,  tous  leurs  autres  enfans  e'chaper oient 
U  mort  ,  &  que  par  eux  ils  auraient  une  vie  toujours  heureufe.  L'Hiftoirc 
de  ce  Commentateur  eft  vrai  femblable  :  excepté  dans  ce  qu'il  dit ,  que 
la  vallée  s'appelioit  Hinnom  de  nfiham  ,  qui  fignifie  rugir,  car  il  eft  clair, 

par 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  P^r^.IV.  567 

par  les  paflages  de  Jeremie  &  des  Chroniques ,  que  ce  lieu  avoit  tiré  (on 
nom  de  quelque  particulier,  à  qui  elle  avoit  appartenu,  ôcqui  s'appelloit 
Hinnom,  &  le  fils  de  Hinnom.     En  Hébreu  tzunK^J,  gehemon ,  ou  ge- 
henna  5  d'oii  vient  le  mot  célèbre  de  yssvva  rë  Trvpog ,   par  lequel  Nôtre  Matth.  j. 
Seigneur  a  defigné  l'enfer ,  &  le  feu  éternel.     Il  avoit  emprunté  ce  mot  "'  **• 
des  Hébreux ,  qui  appelloient ,  ôc  qui  appellent  encore  ainfî  ,  le  lieu  du 
tourment  des  damnez.     Et  nous  apprenons  d'eux  pourquoi  ils  ont  em- 
prunté, pour  fignifier  l'enfer,  le  nom  de  cette  vallée ,  oîi  l'on'brûloitles 
enfans  à  l'honneur  de  Moloch.    Gehinnom^  difent-ils,  efi  un  lieu  proche  de  Rabbi  Kim- 
ferHjalem  ,  très  méprife\  dont  on  avoit  fait  une  voirie:  on  y  jettoit  les  immondi-  ^^'  *"  ^^^^" 
ces  ^  &  les  cadavres  des  fuppliciezi  ,   &  pour  confumer  toutes  ces  impur etez^  <"*  J   ♦ 
entretenait  un  feu  perpétuel.      Et  de  là  ejl  venu  enfuite  que  le  jugement  des  im- 
pies ^   &  le  lieu  dans  lequel  ils  foujfriront  des  peines  éternelles  ,  s''efi  appelle  ge- 
hennam. 

II  y  a  ici  de  la  diverfité  entre  les  Auteurs  Hébreux,  touchant  le  culte  Queflionfî 
qu'on  rendoit  à  cette  Idole.  11  y  en  a  beaucoup ,  qui ,  apparemment  pour  fimpîiment 
diminuer  le  crime  de  leur  nation  ,   foûtiennent  qu'on  ne  brûloit  pas  les  P^flèr  les 
enfans  à  l'honneur  de  Moloch  ,   mais  feulement  qu'on  les  paflbit  à  tra-  fe'^feu^,  o»  fi 
vers  du  feu,  en  préfence  de  l'Idole,  pour  les  purifier.  Etla  Vulgate  La-  Ç"!"  bru- 
tine  femble  favorifer  ce  fentiment ,  dans  le  chap.  18.  du  Deuteronome,  °'' 
V.  10.  non  inveniatur  in  te  qui  lufiret  filium  fuum  ^  aut  filiam  fuantper  ignem. 
Et  les  Grecs,  au  même  lieu ,  fe  font  fervis  du  mot  Tef^imèalpcav ,  purifiant. 
//  nefe  trouvera  point  entre  toi  d'homme  qui  purifie  fon  fis  ,   ou  fa  file  ,  par  le 
feu.  Au  lieu  qu'il  y  a  dans  l'Hébreu  n^npo,  qui  fafle  pafîer,  comme  dans 
le  Levi tique.     Rabbi  Salomon  Jarchi  dit ,   que  Pon  allumait  deux  grands  Jatchi  in 
bûchers ,  &  que  les  pères  donnoiem  leurs  enfans  aux  Sacrifcateurs  de  Moloch^  qui  c^j^jr'" 
faifoient  pajfer  ces  enfans  au  milieu  des  deux  bûchers  enflammez..     Mais  Rabbi 
Levi  Ben  Gerfom  prétend ,  que  c'étoient  les  pères  eux-mêmes ,   qui  fai- 
foient pafier  leurs  enfans  au  milieu  de  ces  deux  feux  allumez ,  en  préfen- 
ce de  ridole  ,   &  par  permiffion  de  fes  Sacrificateurs.    Moloch  étoit  une  Raiebag.m 
Idole  ,  dans  laquelle  on  adoroit  le  feu.    Et  le  père  donnoit  une  partie  de  fes  enfans  i%V-^^^ 
aux  Sacrificateurs  de  cette  Idole ,  pour  les  faire  pajfer  lui-même  par  le  milieu  du 
feu  ,  avec  la  permijfion  des  Sacrificateurs,     Et  tl  femble  que  dans  ce  fervice  ,    il 
faifoit  alliance  avec  l* Idole ^  en  lui  donnant  de  fa  femence.   Et  de  là  ilparoh  qu'ils 
ne  faifoient  pajfer  par  le  feu  ,    qu'aune  partie  de  leurs  enfans.     fefiime  qu'ils 
avaient  intention  d'' adorer  dans  cette  Idole  la  Planète  de  Mars  ,  qui  cft  appellee 
DnNO    rougijfant^  à  caufe  de  fa  rougeur.     Car  il  domine  fur  le  feu  brûlant  > 
comme  cela  fe  voit  dans  les  fugemens  des  Planètes.  Or  ilfe  peut  faire  que  ce  faux 
culte  ait  été  emprunté  des  Égyptiens  ,    ou  des  Cananéens.      C.'ell  auflî  le  fenti- 
ment du  fameux  Maimonides,  dans  cetems-là,  dit- il,  les  adorateurs  du  feu  MoreN^- 
faifoient  favoir  aux  hommes  y  que  tous  les  enfans^  fils  &  filles  ,    que  Pon  ne  fe-  j°/c!'^.'  ' 
roit  point  pajjer  par  le  feu  ^  mourraient ,  d^fans  doute  parce  qu'on  leur  perfuadoit 
cela  ,  /'//  fe  hâtaient  de  le  faire  ,    car  ils  craignaient  pour  la  vie  de  leurs  enfans. 
çyiu  refle  la  chofe  étoit  aifée ,  car  ils  ne  faifoient  que  pajfer  leurs  enfans  à  travers 
le  feu  ^  &  ne  les  brûlaient  pas.   Mais  Aben-Efra  eft  dans  un  fentiment  con-  Aben-Efts 
traire  i  il  croit  qu'on  les  brûloit,  &  verbum  ad  traducendum  valet  ad^mn-  18,^1?"^ 
burendum  ^  dit-il.  jÉHl 

Cette  opinion  d' Aben-Eïf a  eft  non  feulement  la  plus  vrai-femoBire ,  Preuves 

mais 


568  H  I  S  T  O  I  R  E  D  E  S  D  a  G  M  E  S 

loit  les  en-   mais  je  la  croi  la  feule  véritable,  le  mot  *i^n;>n ,  dont  rEcriture  Sainte  fe  fert  en 
àM^toch^"  quelques  endroits,  n'exclut  point  du  tout  la  combuftïon.   Au  contraire  on 
dit  d'une  chofe  qu'on  brûle,  autant  qu'elle  peut  être  brûlée,  qu'on  la  fait 
paffer  par  le  feu.   C'etl  ainfi  qu'on  parle  des  Métaux,  Scdes  Minéraux, 
&  quand  on  dit  d'une  ville,  qu'un  vainqueur  l'a  fait  paiTer  par  le  feu, cela 
ne  fignifie-t-il  pas  qu'il  la  brûlée  5c  embrafée?  Mais  cela  ne  peut  pas  fouf- 
frir  de  difficulté,  puifque  l'Ecriture  s'explique  là-deflus  fi  nettement elle- 
chap.  \6.     même.  11  n'y  a  qu'à  lire  ce  que  Dieu  dit  par  Ezechiel.     Tu  as  fris  tes  ba- 
17.20.  zi.     çf^g^  magnifiijues  ^  faites  de  mon  or  &  de  mon  argent^  que  je  Cavois  données^  xt" 
en  as  fait  des  images  d'' hommes  mâles  ,    &  commis  fornication  avec  elles  6cc. 
^  Tu  as  pris  auff  tes  fis  &  tes  files  ,    que  tu  m'avais  enfantez.,  &  les  as  facrifiez. 
four  être  confumez..  Efi-ce  peu  de  chofe  de  tes  fornications  ^  que  tu  ayes  ofe  égor- 
ger mes  fils  ^  &  les  ayes  livrez,  pour  les  faire  pajjer  par  le  feu  à  Phonneur  de  tes 
images  ?  Ici  nbi,  facrifier,  Six,  manger  ou  confumer,  i^nii»,  égorger  g 
&  ")i3j;n  faire  paflei*  par  le  feu  ,  évidemment  fe  prennent  pour  la  même 
:chofe.  -' 

Dieu  par  le.  même  Prophète  âât^elles  ont  fait  pajfer  leurs  enfans  par  lefeu, 
pour  les  confumer ,  ou  l'on  voit  que  faire  pajfer  par  le  feu,  ôc  confumer^  fi- 
gnifient  la  même  chofe.  Auffi  le  Pfeaumeio6.  dit,  ils  ont  facrlfié  leurs  fils 
0  leurs  filles  aux  Démons, 
Vide  vof-        Les  textes  d'Ezechiel ,  que  nous  venons  de  produire ,  ne  làuroient  fouf- 
orr^&     ^'^''  ^^  fentiment  de  ceux,  qui,  pour  reconcilier  ces  paflages,  qui  leur  fem- 
progiidoio-  blent  oppofez,  difcntque  i'onfaifoit  l'un  6c  l'autre:  qu'ordinairement  on 
ht.iib.2.     faifoit  paffer  fimpîement  les  enfans  par  le  feu,  fans  les  brûler,  4<5f/^^r»<«//5- 
nem  ^  c'eft-à-dire,  pour  expiation  6c  purification.     Mais  que  dans  les  cas 
extraordinaires,  &  dans  les  grandes calamitez ,  ils brûloient  quelques-uns 
de  leurs  plus  chers  enfans  à  l'honneur  de  l'Idole.    Je  ne  fai  fi  on  pour- 
roit  trouver  des  preuves,  &  des  exemples  de  ces  purifications  des  enfans 
Grotius      par  le  feu.     Le  favant  Grotius  croit  que  les  Syriens ,  pour  corriger  cette 
Denreron.    crucllc  coûtumc  dc  facrificr  dcs  cnfans ,  voulurent  dans  la  fuite  prendre  ce 
cig.  10.     mot  '-\^'2VT\  Jaire pafer  ^  dans  unfens  plus  commode,  &  l'expliquer,  par, 
faire  paffer  par  le  feu  fimpîement,  fans  brûler.  Mais  il  croit  que  cet  adou- 
ciffement  n'a  été  invente  qu'afléz  long- tems  après  l'origine  de  ce  culte  j  car 
il  tient  pour  afiuréque  la  Loi  faite  par  les  Auteurs  de  cette  idolâtrie,  vou- 
loit  que  les  enfans  fufient  brûlez.     Et  il  n'apporte  point  de  preuves  de  cet 
adouciflément  apporté  à  la  Loi  des  idolâtres ,  par  une  bénigne  interpréta- 
tion  au  mot '^'>^pr\  faire  paJJer.     Ainfi  j'ai  peine  à  croire  que  jamais  cette 
Detafête    coûtume  ait  été  connue  dans  la  Syrie.     La  coutume  des  anciens  païfans 
lîua^ckez^^"  d'itaîie,  de  paffer  à  travers  du  feu  pourfe  purifier,  dans  cette  fête  qu'ils 
les  Latins.    appcUoient 'P^/z7/«« ,  peut  être  venue  de  là.     Pahliatamprivataquampublica 
^hoUaften  fi^"^  apud Rufiicos ^  utcumfanoconjeUisfiipuUsignemmagnumtranfiUat^hisTd- 
Horatii,       Itlihus  fefe  cxpiari  credentes. 

Ovid.Faft.  Âdoxque  per  ardcntcs  flipulds  crepitantis  acervos 

lik  4.779.  Trajicias  céleri  jlrenua  membra  pede. 


l)ÉÉ|fcIe  qu'il  y  avoit  trois  feux,  difpofez  par  ordre,  au  travers  defquels  il 
Faî^rTauter  :  car  le  Poète  dit 


l       _     

Certe 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  SP^r/.IV.  569 

Certè  ego  trAnfilii  pojitas  ter  in  ordine  flammas,  Ity,  v."7»î; 

Mais  il  n'eft  pas  aifé  de  prouver  que  cette  coutume  ait  été  dans  laPateftine, 
précifémenc  comme  en  Italie.  Ovide  rend  cette  raifon  de  cette  cérémonie, 

pmnUpurgM  edax  ignis ,  vitmmqus  metdli 
Excoqpfit, 

Mais  quand  cette  coutume  feroit  venue  des  Phéniciens ,  il  ne  s'enfuivroit 
pas  qu'elle  auroit  été  empruntée  fans  changement.  Il  fe  petit  faire  que  de 
ce  que  les  Phéniciens  faifoient  brûler  des  hommes  à  l'honneur  de  Moloch, 
pour  purifier,  &  expier  les  crimes  d'une  nation,  ou  d'une  famille ,  les  Ro- 
mains ayent  tiré  la  coutume  de  pafler  au  travers  du  feu,  dans  la  fête  de  Pa- 
ies,^ pour  expiation.    Mais  on  fait  allez  que  lès  Occidentaux  en  emprun- 
tant'les  coutumes  de  l'Orient  ^  les  ont  changées  ôc  altérées  j  particulière-   . 
ment  celles  qui  étoient ,  ou  fales  ou  cruelles;     Peut-être  peut-on  rapporter 
auffi  à  ce  culte  de  Moloch,  auquel  on  brûloit  des  hommes  pour  expiation, 
la  coutume  qui  a  été  autrefois  de  fe  purger  des  crimes  dont  on  étoit  foupçon- 
néjpar  l'épreuve  du  feu.  Coutume  qui  a  été  en  ufage  même  entre  nos  Chré- 
tiens d'Occident.  Car  nous  apprenons  d'Aventin,-  dans  fes  Annales  de  Ba-  Aventinas 
viere,  que  dans  les  accufations  dont  on!  ne  pouvoitfavoir  la  vérité,  la  per- Bi?i"oruf^    * 
fonne  accufée  plongeoit  fa  main  dans  de  l'eau  chaude,  oucmpoignoit  un  ^^^•'^ 
fer  chaud.     Et  il  rapporte  les  paroles  de  la confecration  de  l'eau  chaude, 
ôc  du  fer  chaud ,  qu'il  a  tirées  de  quelques  vieux  Ceremoniels.     Ce  font 
des  prières  à  Dieu  &  à  Jefus-Chrift ,  pour  obtenir  de  lui ,  que  la  perfon- 
ne  innocente  ne  foit  point  offeiîjfée  par  l'eau  bouillante ,  ôc  par  le  fer  embra- 
fé  :  cela  eft  fort  ancien.     Car  Sophocle  dans  fon  Antigone  introduit  les  sophocies 
gardes,  aufquels  leRoiCreon  avoic  donné  à  garderie  corps  mort  de  Poly-  ^''^"''S^^®* 
nice ,  6c  qui  s'en  étoient  mal  acquitez ,  qui  offrent  de  prouver  leur  inno- 
cence en  paflant  par  le  feu ,  ce  qu'ils  appellent  xDp  Up%siv.    Mais  pour  en 
revenir  à  nôtre  MoloCjh,  il  eft  certain  que  l'on  brûloit  les  enfans  à  fon  hon- 
neur, ôc  qu'on  ne  les  faifoit  pas  fimplement  pafler  par  le  feu,  puis  qu'E- 
Zechiel  expliqu e  tairç  palTer  par  le  feu ,  par  con fumer ,  hrûler  &  facrifler. 

Au  relie  il  n'y  a  ^iicun  lieu  de  douter  que  les  Dieux  des  Scpharvaïtes ,  Js|^î«"s 
Adrammelech  &  Hanamelech,  ne  fuflent  la  même  divinité  que  Moloch.  v%m,  ^^' 
Mais  ceux  de  Sepharvmm  bruloient  leurs  vnfansaufeuÀ  Adrammelech  &  Hmams"  ■^^^l*^^" 
lech ,  les  Dieux  de  Sepharvaïm.    Le  nom  6c  le  culte  prouvent  clairement  qfUe  Haname- 
c'étoit  la  même  divinité.     Car  Melec,  Molech ,  Milcom ,  Sec.  Signifient ^f^J*. 
Roi,  dans  les  langues  Orientales,  6c  les  additions  de  ^dar  $c SeHana^  jj,  ^^*'^* 
ne  font  quedesfurnoms  ajoutez  à  Meiech ,  pour  exprimer  quelques-uns  des 
attributs  de  ce  Dieu.  Adrammelech  fignifie  Roi  magnifique  &  puiflant, 
du  mot  Tiî^,  &  Hanamelech  fignifie  Roi  répondant,  ou  exauçant,  flexible 
aux  vteux  &  aux  prières,  du  verbe  7W  Af^»<«^,  qui  fignifie  répondre,  dans 
les  langues  de  l'Orient. 


P^rt.lV.  Ce  ce  CHA- 


5f« 


HISTOIRE  DES  DOGMES 


C  H  A  P  I  T  R  E     IIL 

Molôch  e/l  le  Saturne  des  Grecs  é'  des  Remains.    Le  Ihautates 
des  Gaulois  e(t  aujjï  Saturne,  'De  Hefas  &  Jaranesy  autres^ 

Dieux  Gaulois, 


de  Idolo}. 

Ralebag  in 
Levhic.  it. 


J^îrcheins 
ProJrom. 
Coptus.  Co 
u'î.p.  366. 


L  eft  tems  de  voir  qui  efl:  ce  Moloch ,  êc  (bus  quel  nom  il  a  étc  connu 
^  fervi  des  autres  Payens.  Il  eft  tout  à  fait  apparent  que  c'cftlcSaturna 
des  Grecs  &:  des  Romains  :  que  les  Grecs  ont  appelle  Kpovo«.  Voffius 
cite  un  Antonius  Fonfeca ,  qui  veut  que  ce  fût  Priape  :  &  nous  venons  de 
voir  un  texte  de  RabbiLevi  Ben  Gerfom,  qui  tient  que  c'étoit  Mar^j  le 
fondement  de  fon  opinion ,  c^eft  que  Moloch  fembloit  être  le  Dieu  du  fcu^ 
à  caufe  qu'on  brûloitles  hommes  en  fon  honneur:  Or  Mars,  à  caufe  dcl* 
couleur  rouge ,  femble  être  le  Dieu  du  feu.    Mais  ces  conjeâurcs  n'ont  au- 
cune vrai- femblance,  quoi  qu'on  les  puiflè  appuyer  de  l'autorité  desAftro- 
îogues  Egyptiens ,  qui  dans  la  Table  des  Planètes  donnent  à  Mars  le  nom  de 
Moloch .     Il  eft  certain  que  tous  les  Modernes  avouent  que  Moloch  eft  Sa- 
turne.    La  chofe  eft  claire  par  elle-même.  i.  Le  nom  de  Moloch  fignifie 
Roi  :  Les  Maftbrethes  ont  ponétué  Molec,  qui  fignifie  régnant ,  &  les  70. 
Interprètes  5  au  dix-huitiéme  6c  vingtième  du  Levitique ,  ont  tourne  (^p^wv^; 
ta  ne  donneras  pas  de  tafemence  pourfervir ,  t(^  âpx'^vri ,  af^  Prince  ,au  Domina' 
teur.    Or  il  eft  clair  que  ce  nom  convient  très-bien  à  Saturne ,  chacun  fait 
que  la  Théologie  des  Payens  le  faifoitlePère  des  Dieux,  6c  au  commen- 
cement leur  Roi,  avant  qu'il  eût  étéchafl'é  du  trône  par  fon  fils  Jupiter. 
Onomacrite  dans  {q.^  hymnes ,  attribuez  à  Orphée,  Tàppelle  0fwv7r«T)^p. 
^Vë  ncii  «y  Jpwv ,  le  pet  e  des  hommes  d"  des  Dieux,  Et  il  eft  certain  que  Xf^  anciens- 
ont  donné  à  la  Planète  de  Saturne,  une  Sur- Intendance  générale  fur  tou| 
.  rUnivers.     Tacite  s'imagine  que  les  Juifs  avoientconfacrélefeptiémejou^ 
à  l'honneur  de  Saturne,  duquel  il  dit,  c^uode feptem fiderihm^  apteismortam 
les  regmttir  ^  aktffimo  orbe  &  pracipuapotentia  fiella  Satwniferatur.      jQ^tede^ 
fept  Planètes  ^ui  gouvernent  lemonde,celle  de  Satmne  efi  la  plus  élevée  &  la-pius  pftifi 
veays à^Ba- fante.     Et  voici  commc  parle  Denys  d'Halicarnaiîe  de.Saturne.    Iln'efi 

hc.  Antiq.  /  ,  .*  n-       >  n        •     i>  w     i-  r       '    ^  o 

Rom.  lib.  7.  f  <*' ^'^^^'^^  (^t'-e les  anciens ayentejrtme  cette  terre^  f avoir  t  Italie  ^  conjacree  aiso^ 
tfirne  ^  parce  ^ue  ce  Çenie  efi  l'^aMeur  ,  la  fonrce  é"  la  perfeBion  de  toute  fdiciie-^ 
foit  qu'on  Psppeileie  Tems ,  comme  les  Grecs ,  [oit  qt^on  P  appelle  Saturne ,  comme  Ui 
'^maim ,  quelque  nom  qu^on  lui  donne  ^  ilrenferme  toute  lanature  du  monde,.  Le 
îiomdeKpovof  que  lui  ont  donnples  Grecs,  ne  vient  point ,  comme  on  l'efti- 
me  de  x'^i^QQ,^  qui  fignifie  le  tems,  ces  deux  mots  ne  s'écrivent  pas  par  les 
mêmes  caractères ,  quoi  qu'ils  fe  prononcent  à  peu  prés  de  même. 

Pour  moi  je  fbupçoone  queKpovoç  vient  de  i^"^  ,  cornu  ,  wnp-,  karno,. 
e^^'^**  cjf^^  t  cornutus.     Et  ce  nom  eft  venu  de  la  figure,  que  les  Phéniciens, 
iannéàsa-  donnoknt  à  Moloch ,  c'étoit  une  tête  de  bœuf  chargée  de  cornes.  Eze- 
k$  Gi«s,    ^^^^^  ^"^^  ^^^  paroles  ytu  as  fait  desjiatués  d'^hommes  maies ,  &c.  &  asprts.  tes  fils. 
&  tes^lles  que  tu  m'^avQisenfanttK»,^^  les  leur  asfafri/iezinous  apprend  que  cette 

Idole 


in  hymno 
SaturnL 


Tacîte4ib, 
Hift.  non 
longe  ab 
Initio. 


©*oQ  vient 
k  mot 

K.pdvoç 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  P^r^.IV. 571 

Idole  de  Moloch ,  auquel  ils  facrifioient  leurs  enfans,  écoit  une  figure 
d'homme  mâle  ,  mais  cela  n'empêche  pas  que  fur  cette  figure  d'homme, 
ils  n'cuflênt  mis  la  tête  d'un  bœuf.  Car  nous  verrons  dans  la  fuite,  que 
les  Orientaux  n'avoicnt  gueres  d'Idoles,  dont  la  figure  fût  purement  hu- 
maine. Ils  y  méloient  quelque  chofe  des  autres  animaux,  afin  de  rendre 
ia  figure  plus  terrible ,  &  imprimer  de  la  frayeur  dans  l'cfprit  du  vulgai- 
re. Sur  tout  il  y  en  avoit  peu  à  qtii  ils  ne.  donnaflenr  dts  rornes ,  parce 
qu'eptre  les  Orientaux ,  la  corne  étoit  l'emblème  de  la  puiflànce ,  ôc  de  la 
domination ,  ainfi  que  nous  l'avons  obfervé  dans  le  Traité  du  Veau 
d'or. 

z.  Sur  tout  il  eft  clair  que  le  Moloch  des  Syriens,  étoit  le  Saturne  des  vide Dcn^ 
Grecs  6c  des  Romains,  par  la  reflemblance  du  culte,  ce  font  les  facrifices  d'Haiiear- 
^e  viâimes  humaines.     Varron  recite  que  les  Pelafgiens  chaflèz  de  leur  &EufS'.*° 
païs,  ôc  ne  fâchant  où  aller,  reçurent  ordre  de  l'oracle  qu'ils  confulterent,  J^^.^.f?- 
de  fe  retirer  en  Italie,  &  quand  ils  y  feroient  arrivez,  de  fàcrifier  des  hom-  il"  '  "'** 
mes  à  Pluton  ôc  à  Saturne.  ^  «obf  s^° 

Kec^  neQ)a.Ky,v  4^i^,  nui  tô^  'î"«Tp»  Tréix^ers  <ps>ru.  facrifiez.  des  têtes  a  Vluton^  &  eft'  aal.  ùb.  i.  ' 
voyexi  un  homme  an  Père  Saturne.     Ce  mot  (pwT<x  ell  ambigu,  &  fignifieun  ^-J- 
homme  ^  &  des  lumières.     Hercule  fc  rencontrant  en  Italie  perfuada,  dit  lib.i.c.V. 
Varron,  aux  habitans  du  païs  de  renoncer  à  ces  horribles  facrifices,  6c 
d'offrir  à  Pluton  des  images  en  forme  humaine ,  6c  à  Saturne  des  lumiè- 
res. Suajît  ^  6cc.  mfauftis  fucrificiis  infaufia  mutarent:  inftrentes  ditinonho- 
minum  capita^  fed  ofcHU  ad  humanam  ejjigiem  arte  (îmulata ,  &  aras  Saturnias 
mn  maBando  viros^  fed  accents  Inmimbus  excolentes  ^  quia  non  fol  km  virum 
fed  &  lumina  (pîarufgnificat.  Latium.  L'ancien  nom  de  cette  partie  de  l'Italie, 
qui  eft  auprès  de  Rome,  vient  évidemment  de /^f^r^.     C'eft  la  même  ori- 
gine que  celle  du  mot  de  Saturne,  quifignifie  précifément,  caché,  y^/»r, 
"iino  en  Hébreu ,  d'oîi  il  efl  apparent  que  ce  païs  étoit  confacré  à  Saturne, 
6c  de  là  toute  l'Italie  efl:  appellée  5rf/«m4.     Et  ainfî  cela  rend  encore  plus 
probable,  que  les  facrifices  des  Latins,  ou  Saturniens  ^  fe  faiibient  à  Satjjr- 
ne,  6cà  Moloch. 

On  fait  aufîi  que  les  Gaulois  facrifioient  des  victimes  humaines  à  leur  ciceto  in 
Thautates  :  Quis  ignorât ^àil  Ciceron,  Gallos  ufque  adhmc  diem  retinere  illam  tm^  ^If^^^^ç^^ 
manem  ac  barbaramconfuetudinem  hominum  immoUr.dorum.  Laélance  dit,  Çalli  Laftsnce de ' 
Hefu7n  &  Thautatem^ruore  hnmano  pUcabant^t  fai bien  que  l'opinion  conîœu-  \^!^l'^^^^^; 
ne  eft  que  Thautates  efl  Mercure.     Mais  il  efl  beaucoup  plus  vrai-fem-  x{. 
èlable,que  le  Thautates  des  Gaulois  étoit  Saturne,  i.  Car  c'étoit  entr'eux  SmVfvL 
la  grande  divinité.  Deum  maxime  Mercurium  colunt ,  hujus  fum  plurima  [i-  inir.c  r^ 
mulacra ,  é'c.     Or  il  n'y  a  pas  de  raifon  pourquoi  ils  eufient  placé  Mercu-  ^^f;^\i 
re  au  defîWde  tous  les  autres  Dieux  :  Quant  à  Saturne,  la  raifon  en  efl  vifi-  ca:far  de 
blej  carfeion  lefentiment  commun,  il  étoit  le  Père  ^  le  Prince  de  tous  f^".''^'"" 
les  Dieux.    2.  Ce  Thautates  efl  apparemment  le  Thaauius  des  Phéniciens ,  vencabîe 
dont  parle  Eufebe,  fur  le  rapport    de  Sanchoniathon,  que  les  Grecs  ont  ÎEalJ^ 
appelle  Mercure  Trifmegifle ,  que  Platon  appelle  0£uô.     Voici  ce  qu'en  dit  g^^ami  T>\m 
Sanchoniathon,  Saturne  étant  venu  vers  le  tSKtdi^etablit  le  DieuThaamtus  Roi  fur  Eufâbî-i  f* 
^fl«rf/'£^^^^^.CeThaautus  ou  Thautates  Egyptien  étoit  donc  contemporain  PrjpETaa&- 
de  Saturne,  il  étoit  fon  ami  6c  fon  Miniftre ,  il  n' efl  donc  pas  étonnant  que  le  in°] 
Dieu  Saturne,  enpalîant  la  mer  de  la  Côte  d'Afrique  dans  les  Gaules,  ait 
é  Ce  ce  2,  changé 


î.C.rr. 

in  Phiiîsfc 


572         HISTOIRE  DES  DOGMES 

LeThaiitî-  changé  de  nom,  &  que  les  Gaulois  ayant  donné  à  Saturne  le  nom  de  Mer- 
tes  des  Gau- cure,  OU  de  Tliautates  fon  Minière.  II  me  femble  que  cette  étymologie  eft 
tume?&  p'ôur  le  moins  auffi  vrai-femblable ,  que  celle  que  donne  Camden,  S  que 
noiiMercu-  MonficurHuet  a  adoptée ,  d'eu,  q\ie7hautatesûgmûc  Dieu  des  chemins  <^  par- 
on'ircmk^  ce  que  Diii/  fignifie  Dieu  en  vieux  Breton,  Ôç  7 aithûgniûe  chemins.  Denys 
Camden  d'Halicamafle-aÛtire  que  les  Celtes  adorent  Saturne ,  ôcCice^onditexpref- 
J.I6.  '  *  féïDcntj  S.<itm-tf»^  ■^^^igo^'^'^viKoe  /lAOccidentemcolunt.  Remarquez  ces  deux 
Huct  De-  mots,  vulgo  6c  mAxim'é ,  où  eflnl  ce  Dieu  qu'on  adoroit  le  plus  ficen'efl 
EvâV^top-  7  haut  Aies  l  Volîius  dit ,  qu'il  ne  fait  comment  les  Gaulois  appelloient  Satur- 
4.  c.  7.§.  3.  i^e.  On  ne  Te  trompera  pas ,  (1  l'on  veut  croire  comme  nous ,  qu'ils  Tappel- 
cS  '  ^'  lo'ient  7 haatat es.:  Les  propres  Remarques  de  M.  Huet  ferviront  à  foûtenir 
Sem' n"    iiôtre  fentiment  contre  le  fîen.    ' 

iib.  3.  I .  Depuis  quelques  années  on  a  trouvé  à  Tournay,  dans  le  tombeau  de 

Chilperic,  une  tête  de  bœuf  d'or  ,  avec  une  image  du  Soleil  dans  le 
fi'ont.     On  tient  que  c'étoit  l'image  de  quelqu'une  des  divinitez  des  Gaulois: 
Cela  peut  être ,  ëc  (i  cela  ell  ainfi ,  6c  que  ce  fût  l'image  de  leur  Dieu  7hau' 
tates^  c'eft  une  preuve  de  la  vérité  de  nôtre  conjecture  ,  que  leThaatates  des 
Gaulois  étoit  le  Moloch  des  Syriens,  6c  le  Saturne  des  Romains  6c  des 
Grecs ,  car  il  eft  certain  que  Moloch  avoit  la  tête  de  bœuf,  6c  l'on  peut  bien 
lui  avoir  peint  le  Soleil  dans  le  front ,  car  il  efl  certain  auffi  que  Satur- 
ne ,   comme,  la  plupart  des  autres   Dieux  ,    fe  rapportoit   au  So- 
leil., 
fiutaïquc  in      2.  Plutarque  nous  apprend  que  les  Cimbres,qui  étoicnt  Celto-Scythes3 
Mario».       Scdécendus  des  Gaulois,  apportèrent  avec  eux  en  Italie  un  taureau  d'ai- 
rain, qu'ils  adorpient ,  6c  par  lequel  ils  juroient.     Or  il  eft  certain  que 
Tes  ftatuës  de  Moloch  étoient  d'airain  ,   6c  qu'elles  avoient  la  figure  de 
bœuf,  au  moins  dans  la  plus  confidérable  partie,  qui  eft  la  tête.  Car  au 
refte  il  feroit  difficile  de  rendre  raifon,  pourquoi  les  Gaulois  auroient  fa» 
crifié  des  hommes  à  Mercure,  qui  a  toujours  été  conçu  comme  une  di- 
vinité bénigne,  6c  fort  éloignée  de  la  cruauté. 
Hcfus  &tz        Pour  ce  qui  eft  de  leur  Hefus  6c  de  leur  Taranes ,  il  eft  moins  difficile 
au  "e"  Dieux  de  concevoir  pourquoLils  leur  facrifioient  des  hommes  5, 

des  Gauloiso . 

Liicaii.iib.2i.  HorrénpjHe  feris  altaribus  Hejks  ^ 

dium.™^°  ^^  TT^r^w/; ,  Scythic^  non  mitior  Ara  Dian^^ 

Saturne tote  Car  Hcfus  étoit  le  Dieu  Mars  ,  le  Dieu  de  la  guerre,  qui  aime  le  fang~ 
P^pur  un"  humain.  Et  Taranes  fîgnifioit  /^  Dien  Tonnant,  c'e^  le  Jupiter  des  Grecs  5, 
bieufaroH^  qui,  comme  il  eft  terrible  dans  fa  colère,  veut  du  fang  humain  pourfe  fa- 
p/lLTfj«I,Vtisfaire.  De  Taranes  s'eft  fait  Tanares,  d'où  les  Latins  ont  fait  Tonare  , 
mUr.choiKusi^^x  Q^  demeuré  aux  hWem^ins  Donderi  II  ne  feroit  pas  ai fé  de  compren- 
\wnjiZflih>  dre  pourquoi  ils  auroient  tellement  renverfé  l'ordre  de  la  Théologie  Pa- 
htir^Ams de.  yennc,  Quc  de  donner  à  Mercure  le  degré  au  deftlis  de  Tùpi[er  Tonnanto 
YideVoC-T  Ce  quc  Ceiar  allure  pourtant  qu  us  tailoient.  Deum  maxtme  tyvlercHnfim. 
d"'ut'f°  ^^^^^t  '  htiJHsfpint  flurima  fimnlacra  ^  hnnc  omjjifim  inventorem  artinm  fernnt , 
Pi- 481;  hune  viaram  atcjMe  ttinernm  ducem  :  hune  ad  quix.fi us  fecuniA  mercaturaÇque 
b^o^G^il  hibere  vim  maxirnara  arbitrant ur.  At  certis  diebus  ,  humants  quoqite  hofiiis 
'ii.>.i.  '  litAre  f^is  hdct.  Au  relie  le  ièiuiraent  de  Denys  d'Halicarnafiè  eft  confor- 
me. 


ET  DES  CULTES  DE  VEGLISE.  Part.lV,  <^7^ 

me  au  nôtre,  favoir  que  le  Dieu ,  auquel  les  Gaulois  facrifioient  des  hom- 
mes ,  étoit  Saturne.   On  dit  que  les  anciens  immolaient  des  hommes  à  Saturne   Lib.  t.''Aa- 
ce  qui  fe  faifoit  auffi  àCarthage  ,   quand  elle  fuhfîfl oit  -^  ^  ce  qui  ^e  fait  encore  ^3'  ^°'"- 
Aujourà^hui  entre  les  Gaulois ,  &  quelques  peuples  de  f  Occident.  febuim  lib" 

Deux  chofes  peuvent  avoir  trompé  Céfar,    6r  ceux  qui  le  fuivent ,  la  ^''^^' 
première  ce  que  les  Gaulois  faifoicnt  leur  Satumcjou  leur  Thautates, Dieu  des 
chemins  &  de  la  marchandife,  ce  qui  convient  au  Mercure  des  Grecs  j  la 
féconde  que  le  nom  de  Thautates  femble  être  le  même  que  Theut  h,  ouïe 
Thaautus  des  Egyptiens.   Et  c'eft  le  nom  que  les  Grecs  donnoient  à  Mer- 
cure Trifmegifte:  Ce  qui  n'a  rien  de  commun  dans  le  fond  avec  le  Mer- 
cure yMeflàger  des  Dieux,  que  le  nom  :  lequel  j'eftime  qu'on  a  confon- 
du avec  Saturne,  Au  refte  il  n'y  a  rien  d'éloigné  de  la  vrai-femblance  que 
ce  Dieu  Thautates  ait  tiré  fon  nom  d'Egypte  ,   &  que  les  Gaulois  ayent 
emprunté  des  Carthaginois  les  viélimes  humaines ,  puifque  Tacite  trouve 
vrai-femblable  que  le  culte  de  la  DéefTe  Ifis  étoit  palTé  de  l'Egypte  juf- 
que.s  dans  la  Germanie.  ^Fars  Suevorum  &  IJidi  facrificat ,  unde  caufa  &  origo  Tacite  de 
pereqrino  facro  non  comperi  î  niji  quod  Jianum  ipCum  in  modnm  Lihurna  lîç-ura-  *ioï«bus 
tum  doc&t  aavectam  Reltgîonem.  Noniongè 

Nous  ne  trouverons  gueres  de  lieux  ,  où  l'on  ait  adoré  Saturne  ,  oii  ^^  ^°^"°- 
l'on  ne  lui  ait  aufîi  facrifîé  des  hommes.     Athenagoras  aflûre  qu'il  étoit  Athenagoras- 
fervi  de  cette  manière  dans  l'Ile  de  Crète,  (poivMsç  y.al  KpîjTfç  tJv  Kpovov  £v  aS&fmh 
TuTç  TSKVoCpov/uiç  éèpyi(Tytevov ,  dit- il ,  ijle  etiam  auEloreft  in  eo  quod  de  Cretenjîum  t     p    , 
facrificiis  edidit  ,  puer  os  olim  Saturne  immolari  àCmeiibus  folitos  fuijjè.     Les  ginois  ont" 
Rhodiens  lui  facrifioient  auffi  un  homme  tous  les  ans ,  le  6.  du  mois  de  ^^^^%  \^^?^- 

-r    M,   ^  ■'  ne,  &lui 

Juillet.  omfacrifié 

Mais  ce  fera  fur  tout  des  Carthaginois  que  nous  apprendrons  certaine-  ^^""«^f^^s. 
ment,  que  leMoloch  des  Orientaux ,  auquel  on  facrifioit  des  enfans,  étoit  l'oiphyrius 
Saturne,    i.  Les  Carthaginois  étoient  une  Colonie  des  Phéniciens ,  fortis  bfum  Hb.^ 
de  la  ville  de  Tyr,  qui  eft  fur  les  Côtes  maritimes  de  la  Paleftine.     Qui  ^•^^' 
veut  être  inftruit  de  cette  vérité  peut  lire  ceux  qui  en  ont  écrit ,  6c  entre 
tous  les  autres  M.Bochart,  où  1  on  verra  que  la  langue  Punique  ou  Car-  îarsz 
thaginoife  eft  la  langue  Tyrienne  ,  Hébraïque  &  Cananéenne.     On  le^^ft 
prouve  par  l'explication  des  vers  en  langue  Punique,  quifetrouveutdans^î. 
le  Pœnulus  de  Plante ,  ôc  qui  font  de  l'Hébreu  très  peu  altéré.  rars  %. 

1.  Les  Carthaginois,  en  fortant  de  Canaan,  emportèrent  les  cultes  ^nb^S's.^^' 
les  Dieux  de  leurPaïs,  entr'auties  cette  horrible  coutume  de  brûler  leurs 
enfans  à  l'honneur  de  leur  Idole.  C'eft  un  f-iit  conftant,  &  qu'on  leur  a 
reproché  de  tout  tems.   Platon  le  di:  en  ces  termes.   2^ous  n'' avons  pas  /^^inDîaiop^ 
smtume  de  facrtfier  des  hommes  ,   &  cela  pajjè  entre  nous  pour  une  exécration.  ^^^^ 
Jldais  cela  efi  ujtté  entre  les  Carthaginois. 

3.  Il  eft  clair  que  les  Carthaginois,  en  fortant  du  Païs  des  Cananéens, 
ne  purent  emporter  aucune  autre  divinité,  à  laquelle  on  facrifiât  des  hom- 
mes, que  ce  Moloch ,  qui  eft  quelquefois  appelle  Bahal.  Car  iln'yavoit^ 
point  d'autre  divinité,  à  laquelle  on  offiit  des  viél:imes  humaines. 

4.  Ce  Dieu,  auquel  les  Carthaginois  ikcrifioient  des  hommes,  eft  ex- 
preflement  appelle  Saturne  partons  les  Auteurs,  excepté  par  Pline,  qui 
eftime  fauftement  que  ces  faciifices  fe  faifoient:  en  l'honneur  d'FIercule. 

Les  Carthaginois t  dit  Lactaoce,  facrifant  a  Saturne  des  vi^imes  humaines,  &  '^^  [^i'^^-*^ 


Ce  ce  3  quand 


C.   2Î. 


574  HISTOIRE  DES  DOGMES 

auatjd  ils  furent  vaincus  par  Âgathocles ,  Roi  de  Sicile ,  fe  perftiadant  que  Dieu 
étott  irrité  contr^etix ,  tls  immolèrent  tout  a  la  fois  deux  cens  enfans  de  maifons 
nobles  ^  afin  de  mieux  appaifer  la  divinité.  Platvon,  dans  le  partage  que  nous 
venons  de  citer  de  lui ,  dit  auffi  expreflement  que  les  Carthaginois  facri- 
fioient  leurs  enfans  à  Saturne-  Chacun  d'eux^  dit-il,  facrificKt  leurs  enfans  à 
Saturne  ,  comme  apparemment  vous  le  favez..  Si  Ton  veut  avoir  plus  de  té- 
Lib.  de  Ci-  moignagcs  de  la  vérité  de  ce  fait,  on  peut  confulter  St.  Augufiin  &  les 
„;.  n.;  lik  j^^-^-gs  CÛ2.  n'cft  pas  contcfté.  Et  afin  qu'on  ne  puilTe  pas  dire  que  les 
Carthaginois  ont  imité  leurs  Ancêtres  ,  &  la  Religion  du  Païs  dont  ils 
font  fortis  ,  en  immolant  à  Saturne  des  victimes  humaines ,  comme  il$ 
avoient  vu  qu'on  en  immoloit  dans  le  Païs  des  Phéniciens  à  Moloch ,  fans 
qu'il  foit  néceflaire  de  dire  que  Moloch  &  Saturne  foient  le  même  Dieu. 
Il  eft  à  remarquer  ^ue  les  Anciens  nous  difent  expreffément  que  les  Phé- 
niciens adoroieflt  SaturiK ,  &  lui  immoloient  leurs  enfans.  Les  Phéniciens^ 
dit  Porphyre  ,  dam  Us  gra^s  dangers  de  guerre  ,  de  pejie  ,  oh  de  famine  , 
choifjfoient  a  la  pluralité  des  voix  ^  t^fnslqu^nn  de  ceux  qui  leur  éoient  les  plus 
chers ,  &  Pimmoloient  à  SaWrns, 


vit.  Dei  lib. 
7.  cap.  19. 
Tettullien , 
Apologéti- 
que cap.  9. 
Minutius 
Félix  dans 
fon  Ofta- 
vius. 

St.  Jei  ôme 
in  cap.  7. 
Jeremiae. 
lib.  z.  de 
Abftinent. 
ab  animali- 
bus  apud 
Ëufebium 
libr.  4.  c.  \6. 
iPrscp.Evang. 


CHAPITRE     IV. 

Conformité  du  culte  des  Théniciens  à  leur  tJHoloch  ,   ^  celui  des 
Carthaginois  à  leur  Saturne. 


Lib.  18. 


MAis  nous  verrons  encore  mieux  que  Saturne  eil  Moloch ,  par  la 
conformité  des  Cérémonies ,  avec  lefquelles  on  leur  lâcrifioit  des 
hommes,  i.  On  offroit  des  enfans  à  Moloch,  &  nous  ne  lifons 
pas  qu'on  lui  facrifiât  des  hommes,  ou  des  femmes.  L'on  facrifioit  aufîî 
des  enfans  à  Saturne.  Juftin,  l'abbreviateur  deTrogue  Pompée  ,  appelle 
ces  viélimes  impubères.  En  parlant  des  Carthaginois  ,  il  dit ,  que  quand 
ils  étoient  travaillez  de  pefte  entr'autres  maux  ,  ils  fefervoient  pour  re- 
mède d'un  culte  fanglant  6c  abominable,  quippe  hominesut  viBimai  imrno^ 
lahant ,  (^  impubères  ,  qu&  &îas  etiam  mifericordiam  provocat ,  aris  éidmo~ 
t'ebanf. 


Silius  Itali» 
eus.  Bell. 
Punie, 


TertuîL 
Apolog.  C.p. 
DeCivit. 

Dei  lib.  7. 


Alosfuit  in  p&pulis ,  quos  cendidit  advena  Didû\    . 
Pefcere  c&àe  Deos  veniam ,  ac  flagranttbus  arts 
Infandum  di5îu ,  parvos  imponere  natos. 

Tertuîlien.  Cum  propriis filiis  Saturnus  non  pepercit ,  extrkneis  u-tique  non  par" 
cendo  perfeverabat  ^  ejuos  quidem  ipjî  parentes  fui  ojferebant.  St.  Auguftin  les 
appelle  ^^^ri7j-.  Ideo  à  quibufdam  pueri  Saturno  foliti  funt  immoUn  ^  ut  à  Tœ- 
nis.  2.  Afin  que  les  viéèimes  humaines  fulTent  agréables  à  la  divinité  , 
on  vouloit  que  ce  fuilènt  les  pères  &  mères  eux-mêmes,  qui  les  offrifTent, 
&  cela  fans  paroirre  affligez  .,  ôc  fans  verfer  des  larmes.  C'étoit  à  cette 
intention  que  4'on  jouoit  des  inftrumens  dans  ces  déteflables  fêtes ,  pour 

char- 


ET  DES  CULTES  DE  VE G Ll S E,  Pan, JV.^^ 

charmer  la  douleur  de  ces  mifèrables  mères.     C'eii  ce  que  nous  difenc 
les  Hébreux  du  fervice  de  Moloch.   Et  c'ell  précilémcni  ce  que  les  an- 
ciens nous  apprenent  auffi,  du  fervice  de  Saturne  encre  les  Curchaginois. 
Plutarque,  en  parlant  de  ces  déteftables  facrifices,  die  que  dans  Cartha-  De  ufuper- 
ge  ,    ceux  ^fii  n  avaient  pas  d^enfam  poffr  les  Jacnjîer  ,    en  achetaient  des  pau-  vide  Sc^"''^ 
vresy  comme  on  acheté  des  agneaux  &  des  chevreaftx.  Et  qiiiLfalon  cjue  la  me-  Diodorum 
re  qui  les  avott  vendus  ,   ajfifiât  au  fier  ifice  fans  donner  aucune  marque  d'emo-  ^.j^^^'°''^^f^ 
tion^  fans  pleurer  nifoupirer^  autrement  elle  perdait  le  prix  ds  fin  fils  ,   qui  ne 
laijfiit  pas  d'hêtre  facrifie.     Il  n'y  a  rien  plus  remarquable  que  ce  qu'il  ajou- 
te j  outre  cela  autour  de  lafiatuë,  à  quifiefaifoit  ce  facrifice ,  tout  était  plein  de 
joueurs  d'i,nfirumens  ^  de  tambours  y  de  fiâtes  ^  &  de  hautbois  ,  afin  qn^onn  en- 
tendit pat  le  cri  de  t enfant.  C'eft  précifément  ce  que  les  Hébreux  iwus  di- 
fent  diu  fcrviee  de  Molocb,  oeil  femble  que  Pktarque  les  ait  copier  dans 
cet  endroit.    Il  fkloit  même  faire  en  forte ,  que  devant  le  facrifice  l'en- 
fant ne  pleurât  pas.    Saturno  in  nonmllis  Afric&  partibus  à  parentibus  infantes  Mlnutius  ia 
immolabantur  ,  blanditiis  &  ofculo  comprimenu  vagitum^  ne  fiebilts  hofiia  im-  °^'^'<'* 
moletur,  Tertullien  dit  la  même  chofe.  Jnfantibus  klandiebantur  ,  ne  Ucry-  ubifuprî. 
mmîe^  immolitrcntur.     5..  Enfin  fi  l'on  compare  la  defci-iption  ,  que  Dio- 
dore  de  Sicile  nous  donne  de  la  ilatuë  du  Saturne  ,  auquel  les  Carthagi- 
nois facrifioient  leurs  enfàns  ,-  on  voit  qu'elle  reflemblc  bien  à  celle  du 
Moloch.  des  Phéniciens.     Oétoit^  dit-ilj  une  grande  fiatuë  d^ airain  ^  ^«^Bibiioth. 
s'tendoit  les  mains  en  les  inclinant  vers  la  terre  ^  en  forte  que  t enfant  qu^on  met-  ^f^^'  ^'^° 
toit  dejfus'y  tombait  dans  une  fojfe  où  il  y  avoit  du  feu.     C'eft.  là -même  que  Edic  Henri- 
Diodorc- raconte  l'horrible  facrifice,  que  firent  les  Carthaginois  de  deux"^'^^^' 
cens  de  leurs  enfans  tout  à  la  fois ,  pour  appaifer  Saturne ,  qui  leur  fem- 
bloit  irrité  contr'eux  ,   par  la  bataille  q.u'ils  avoient  perdue  contre  Aga- 
thocles.   Au  relie  il  ell  évident ,  que  c'eft  de  cette  horrible  coutume  de 
facrifîer  des  enfans  à  Molochv  qu'eil  venue  la  fable  des  Poètes  ,   qui  di-  Origine  de 
fent  que  Saturne- dévora  fes  enfans,  comme  Diodore  le  remarque  au  mê-  s»fume'd6 
me  lieu.     Et  cela  même  nous  efl  une  nouvelle  preuve  ,  que  Moloch  &  vo5:oit  fes 
Saturne  font  le  même  Dieu.     Louis  Vives  nous  raconte  que  de  (on  tems  iJÏV.  de 
les  Efpagnols  découvrirent  une  Ile  dans  l'Amérique  ,  qu'ils  nommèrent  ^^^'f-  ^s* 
Caroline  ,  dans  laquelle  ils  trouvèrent  de  grandes  flatuës  d'airain  creufes  ^'  ^^' 
par  dedans  ,   les  mains  jointes  &  étendues  ,  dans  lefquelles  ils  mettoient 
les  enfans  (p'ils  immoloient  à  ces  Dieux,  &  qu'ils  brûloient cruellement,, 
en  mettant  le  feu  fous  la  flatuë  d'airain.    Certainement  c'eft  là  propre* 
ment  la;  defcription  que  les  Juifs  nous  donnent  d»  l'image  de  Moloch.  Et 
il  y  a  apparence  que  de  Carthage  ce  culte  s'efl  répandu  jufques  fur  les 
Côtes  de  l'Afrique,  &  qu'en  fuite  les  Africains  ont  porté  leur  culte  aux 
Côtes  de  l'Amérique,  qui  font  oppofées^ 

Mais  fî  les  preuves  que  rtous  en  avons  apportées  jufques  ici,  neparoif- 
fbient  pa&fuffifantes,  il  me  femble  que  nous  en  avons  une  dans- le  pafTage 
d'Amos  ,  dont  il  a  déjà  été  parlé  ,  qui  ne  peut  plus  laifTer  de  difficulté, 
î^ous  avez^  porté  le  Tabernacle  de  votre  Rai  CS3D\'0  ,  ou  de  votre  %SHoloch  j.^ç^  Amos  î,2.c. 
les  images  de  Ktjoun ,  ^  l*  étoile  de  vos  Dieux ,  que  vous  vous  êtes  faits,  i.  Il 
eft  à  remarquer  que  ce  Roi  eft  afiïïrément  Moloch  :  &  en  effet  ces  let- 
tres ,  CD^jSn  ,  que  les  Maflbrcthes  ont  ponétué  oJWalke.kem ,  vôtre  Roi , 
poucroieiit  auffi  bien  être  lues  par  Molkeksm ,  vôtre  Moloch,  Et  en  eiFec 

c'eft 


que 


57^  H  I  ST  G  I  R  E  DE  S  D  O  G  M  E  S 

c'efl  ainli  qu'ont  lu  les  Interprètes  Grecs,  l'ancien  Interprète  Latin,  8c 
St.  Jérôme.  Mais  de  quelque  manière  qu'on  life,  il  efl:  certain  quec'eftlà 
même  chofej  car  il  n'y  avoit  que  cette  Idole  des  Hammonites  ,  que  les 
Phéniciens  appellalTent  Molec,  Moloch,  Milcom,  Melec,  tous  noms 
qui  fignifient  Roi  &  Dominateur. 

2.  En  fuite  le  Prophète,  pour  faire  comprendre  qui  efl:  ce  Moloch  „ 
l'explique  par  jva ,  Kijoun.  On  a  été  affez  iong-tems  en  p^ine  de  lavoir 
lûiocHtn.  qui  étoit  ce  Kijoun.  Dn  foupçonnoit  que  c'étoitsSaturne«  Aben-Efra 
nous  l'a  voit  dit  j  i^t^enlangHe  Perfem^-^^y^^  HgniÇi^ù  SatUrnt  ^  ôcqueKijoutï 
c'eft  le  Keivan  des  Perfes.  Mais  on  n'en  avoit  pas  eu  de  certitude  juf- 
ques  à  nôtre  fiecle.  La  Verfîon  des  70.  avoit  verfé  de  l'obfcurité  fur  cç. 
pallage,  plutôt  que  de  la  lumicrje,car  ils  avoient  tourné  Kijoun  par  Rhe- 
phan ,  ou  Rempham.  Vous  avez,  porté  le  Tabernacle  de  Moloch ,  &  V étoile 
de  votre  Dieu  Rempham.  L'on  ne  favoit  ce  que  c'étoit  que  ce  Dieu  Rem- 
pham, &  je  ne  m'amuferai  pas  à  rapporter  les  divers  fentimens  desDoétes 
là-dclTus.  Mais  enfin  nous  avons  l'obligation  à  Monfieur  de  Saumaife,  de 
nous  avoir  appris  que  Rhephan  ou  %empham  ,  dans  la  langue  des  Egyp- 
tiens ,  fignifie  la  Planète  de  Saturne  ,  ce  qu'il  prouve  par  un  Alphabet 
de  la  langue  Egyptienne,  qui  lui  a  été  envoyé  de  Rome,  oii  l'on  trou- 
ve les  noms  des  fept  Planètes,  que  Kircherus  nous  a  auffi  donné  dans  fon 
Prodromus  Coptus. 

Cela  étant  connu ,  il  n'y  a  pas  lieu  de  s'étonner  que  les  Juifs ,  Auteurs 
delà  Verfion  qu'on  appelle  des  70.  ayent  tourné  Idjonn^T^^v Rhephan^  par- 
ce qu'ils  écrivoient  en  Egypte  ,   6c  qu'ils  dévoient  nommer  cette  Idole 
d'un  nom  ,  qui  fût  connu  de  ceux  au  milieu  defquels  ils  écrivoient.     Ils 
vivoient  dans  un  fiecle  ,  &  dans  un  lieu  ^  oii  ils  ne  pouvoient  pas  igno- 
rer„  comment  on  appelloit  Saturne ,  dans  la  langue  des  Cananéens.  Ainfî 
je  conte  pour  certain  que  nous  avons  le  témoignage  d'Amos,  pour  prou- 
ver que  Moloch ,  efl  Saturne  5  appelle  Rhepham  par  les  Egyptiens ,  6c 
videVof.    Kijoun  par  les  Phéniciens^   Car  je  ne  doute  pas  que  Moloch  6c  Kijoun, 
p.Ts?!       dans  ce  pafiage  d'Amos,  ne  foient  le  même  Dieu.   F'om  avez,  porté  le  Ta- 
J?i'^?       kernacle  de  votre  Moloch.     C'étoient  ce  que  les  Latins  appelloient  Thenfa^ 
naflè  Anti-  vehicuU  Deorum ,  des  pavillons ,  des  dais ,  fous  lefquels  ils  portoient  leurs 
v^deieftH    divinitez  en  Procefiîon  :  &  :ks  images  de  Kijoun  ,  c'étoient  les  images  de 
dignaapud  Moloch ,  qui  éioieBt  fous  le  Tabernacle  portatif.    U  fera  bon  de  dire  un 
dfe  facrificrs  "^^^  ^^^  piiflant ,  de  ces  traofportations  ,  parce  que  cela  nous  apprendra 
p.  113.        quelque  chofe  du  culte  qu'on  rendoit  à  Moloch,  6c  en  même  tems  nous 
naTiuml!^"   ^^^^'^'^''^s  l'origine  des  Px  occffions  des  Papilles ,  qui  femblent  avoir  emprun- 
Eufcb.saa-  té  des  Payens  cette  coutume  de  porter  en  pompe  les  reliques  &  les  ima- 
mrrat^^ïib?  ê^^  ^^  Icurs  Saints.   Elles  écoient  ordinaires  entre  les  Romains  ces  tranf- 
I.  c.  10.      portations  des  divinitez ,  particulièrement  dans  ces  jeux,  qu'ils  appelloient 
mo°diao'   C^rcenfes.  Les  Pontifes  ,&  tous  les  Prêtres  de  leur  Religion,  marchoient 
àyp:V^î5    en  pompc.    Extremum  pompa  agmen  claudebmt  deorum  fimulacr a  ^  i^fita  hume- 
adificatum    risJjaj^Ubantur  à  viris  ,  eamqpte  pr/^ferebiV'H  formam  ,  cjua  finguntùr  nfud  GrA' 
■    (7)-,L/_  ^^^i  ^'^'  Tumpipplicia  dits  hdîqtie  magnï  à  Senatu  dtcemuntitr,  cfptos  Pomifices^  (^ 
ihevQv  h    -^'-^i^^-yes^  &  Quindecimviri^  Septernvins  fimt^l iiji  bodaUbm  AHgufialibm  edcrent , 
Ç)o/y.''^Vi ,   dit  Tacite.  Et  le  même  Auteur  nous  ap|î'rend  qu'après  la  morr  de  Ger- 
TemJkira    ïïi^i'ûcus  5  cntr'autrcs  honneurs  qu'on  lui  ordonna ,  on  voulut  que  fa  fta- 

tuë 


Tsaiplura. 


,  %gT  DES  CULTES  DE  VEGLÏSE.PartAV,<çj7 

tuc-allât  devant  celles  de  tous  les  Dieux,  dans  les  Jeux  Circenfes.  Hono- TtcU.  Aa- 
rejy  ut  quii  amore  m  (jermmicHm  ,  ant  tngenio  valijitis  ,  reperti  decreitque  &C.  "*''  ^' 
Ludos  Circenfes  ebtirnea  effgies prairet .  Vehitur  enimjîmulacrum  Dei  Heliopolitani  Macrob. 
ferculo^  veht  in  pompa  Circenjîtim  vehnntur  Deorum  Jîmulaîra.     Suétone  nous  suê/"^'*^'' 
apprend  que  Titus  fit  le  même  honneur  à Britannicus ,  avec  lequelil  avoit  tùo. 
eu  une  grande  liaifon  dans  Ion  enfance ,  fiatuam  ei  nurtam  in  paiatio  pofmty 
&  alteram  4X  ehore  equeflrem  ^  quA  Circenjî  pompa  hodiécjue  prAfertur  ,  dedica- 
vit.     Cette  coutume  eft  décenduè  des  Egyptiens ,  comme  on  le  peut  voir 
dans  des  paiTages,  que  nous  avons  citez  d'Hérodote  ,  ôc  elle  étoit  appa- 
remment venue  des  Phéniciens  en  Egypte. 

Il  faut  retourner  à  nôtre  Moloch  ôc  à  nôtre  Kijotin ,  qui  font  la  même  Traa.  de 
<^iviiîité ,  ^voir  Saturne.  Nous  les  avons  trouvez  tous  deux  entre  les  Phé-  «0"^°^'*' 
niciens  d'Orient^  par  le  paflage d'Amos.  Je  croi  les  avoir  rencontrez aufîi  Quelques. 
joints  enfemble  entre  les  Phéniciens  de  TOccident  ,  qui  font  \qs  Cartha-  S°gin^?s"dB 
ginois,  par  un  paflage  du  Pœnulus  de  Plante.   Milphio  demande  au  Car-  l'^nuius  de 
thaginois  ,T«  qm  zjinam  non  habes ,  qtiid  hanc  venifii.  in  urbem ,  aut  ^nid  qtidt,-  pi^quez^* 
ritis^  Que  viens-tu  faire  en  cette  ville  ^  toi^qui  n^as  point  d^ argent  ou  des  cein-  P^"*^  ^?  <=o°- 
tures^  &  que  cherchez.~vous?  L,^  Romain  fait  une  équivoque  fur  z.ona^  quifî-  nosconjec-*^ 
gnifie  bourfe  &  ceinture.  Les  Carthaginois  ne  portoient  pas  de  ceinture.  '"'^"• 
Le  Carthaginois  répond  Muphurfa  mo  in  lechi  ana  j  où  il  me  femble  qu'on  ^^'^'^•^'^' 
trouve  ces  mots  Chaldées,  Meparnefa  Molech  Kiana,  Nî30  'fjri  î^diso, 
qui  fîgnifîent  ^  àelui  qui  domine  la  nature  me  nourrit^  voulant  dire  quefoas^ 
la  proteétion  de  Saturne,  qui  nourrit  toute  la  nature,  il  n'avoit  pas  be- 
foin  d'argent.  On  ne  peut  pas  répondre  plus  à  propos ,  aux  railleries  d'un       ^ 
îiomme  qui  vous  demande ,  que  venez  vous  faire  ici  fans  argent  ? 

Au  refte  dans  le  mot  Molech  kiana,  nous  avons  nôtre  Moloch  ^  6c  nôtre 
Kijotin ,  &  nous  y  avons  en  même  tems  la  raifon  ,  pourquoi  Saturne  efl 
appelle  Kijoun,  c'efl:  que  ,  comme  a  bien  remarqué  Louis  de  Dieu  ,  la  inAft,cap. 
nature  en  Syriaque  eft  appellée  M3''3  Kijana  ,  or  Saturne  eft  eftimé  le  ^"^^' 
Maître  &  le  direéleur  de  la  nature ,  comme  il  paroit  par  le  paflage  de  De- 
'  nys  d'Halicarnafle ,  que  nous  avons  cité  ci-defllis.  Ainfi  c'efl  comme  G. 
le  Carthaginois  répondoit  j  Molec  Kijaun ,  qui  efl:  le  Maître  de  la  nature , 
me  nourrit,  &  tu  n'as  pas  befoin  de  t'enquerir  ce  que  je  viens  faiie  ici  • 

(ans  argent.  Il  paroît  que  le  caraéteredes  Carthaginois  étoit  d'être  fuperf- 
titieux,  &  d'avoir  à  tout  propos  les  noms  de  leurs  Dieux  dans  la  bouche,. 
Ainiî  dans  la  même  Scène  un  peu  plus  bas ,  on  y  lit  ces  mots  du  Cartha- 
ginois ,   Çnnebel  Balfamen  rafan  ,    qui  font  apparemment  une  impréca- 
tion contre   Milphio  ,    qui  fe  moquoit  de  lui,   que  je<léchifre  ainiî, 
:|l^'^?^  paii'Sj^a  *~?a3',  f en ab bal  Balfamen  roshan,  qui  fignifient  :  que  Jupiter  ren- 
de abominable  leur  perfonne,  ou  leur  tête.  Le  mot  de  Baalfamen  y  eft  fans  cor- 
ruption ,   &  nous  apprenons  de  Sanchoniathon  ,   que  les  Phéniciens  ap-  ApudEcfe 
pelloient  le  Soleil,  qui  étoit  leur  Jupiter,  Beelfamen,  Ce  qui  eftprefque  le.p.'^Eyjjjg^ 
pur  Hébreu,  a^aii'  Si?i  Bahal  Shamaim ,  le  Seigneur  des  cieux.  Aurelle  lib.^.  c.io, 
il  y  a  lieu  de  croire  que  c'eft  laeonclufion  du  difcours  du  Carthaginois, 
duquel  on  s'étoit  fi  long-tems  moqué.  Et  c'efl;  l'ordinaire  des  gens,  après 
qu'ils  ont  long-tems  foufFert  la  raillerie  ,  de  fe  venger  par  quelque  im- 
précation.    Les  vers  Puniques  ,   qui  font  dans  la  Scène  précédente  ,   & 
que  M.  Bochart  a  fi  heureufement  déchifrez  ,    font  voir  la  vérité  deBochatr.  în 
Part.  IK  Dddd  >  ^Q^Mcgn, 


.Slfei- 


578  HISTOIRE  DES  DOGMES     '?^ 

ce  que  nous  avons  dit,  que  les  Carthaginois  avoient  tin  flyle  dévot ,' 
foient  fouvent  entrer  les  Pieux  dans  leurs  difcoursj  car /7^««o  commence 
par  une  action  de  grâces  aux  Dieux  de  ce  qu'il  étoit  heureufement  arrivé, 
&  il  dit  qu'il  avoir  l'image  de  Ton  Dieu  gravée  dans  ce  qu'il  appelle  tejfe- 
ra  hofpitalis  ,  Deum  hofpitalem  ac  tejjeram  memm  fero.  Ou  comme  a  tour- 
né M.  Bochart ,  jlgillum  hofpkii  efi  tabula  fculpta ,  ^U£  fcn/ptura  ejl  Dens  mem. 
Ce  qui  me  confirme  dans  la  penfée  que  le  Afolechiana  eft  le  nom  de  Ton 
Dieu,  dont  il  difoit  avoir  la  fcuîpture  ,  oc  qui  étoit  fans  doute  le 
Dieu  de  Ton  Pais  ,  c'^eft  (JHoleck^  Kijonn  ,  le  Roi ,  ou  le  Dieu  Sa- 
turne. 


CHAPITRE     V. 

Saturne  &  Moloch  femhlent  être  la  Planète  de  Saturne  : 

c'ejl  h  Soleil. 


ÙHais 


D'où  vient 
la  fable  de 
Saturne  de'- 
throné  par 
Jupiter,  & 
coupé  par 
k  même. 

Ici  il  y  a 
aae  grande 
confufion 
dans  la  fable: 
quelques- 
uns  difent 
que  ce  fut 
Saturne  qui 
coupa  les 
genitoires 
de  ion  £$ïe 


L  ne  nous  relie  plus  qu'à  voir  quels  Dieux  Naturels,  &  quels  Dieux 
Animaux  font  cachez  fous  les  noms  de  Moloch  &'  de  Saturne.  Pour 
ce  qui  eil  des  Dieux  Naturels,  il  femble  qu'il  eft  difficile  de  croire  que 
"ces  noms  défignafient  un  autre  Aftre  ,  que  la  Planète  qui  porte  le  nom 
de  Saturne,  qui  eft  placée  dans  l'orbe  le  plus  élevé,  au  deiîbus  des  étoi- 
les fixes.  Le  nom  de  Moloch  ,  qui  fignifie  Roi,  femble  lui  avoir  été 
donné  à  caufe  de  fon  élévation.  Et  par  \cs  pafiages  de  Denys  d'Halicar- 
naflè  dans  le  premier  Livre  de  Tes  Antiquitez  Romaines,  &  de  Tacite  dans 
fa  Germanie,  il  paroît,  que  l'on  eftimoit  que  cette  Planète,  qui  eft  fiipe- 
rieure  par  fa  fituationjavoit  auffi  une  domination  univeifeile  fur  tout  l'U- 
nivers ,  &  fur  toute  la  nature.  C'étoit  la  penfée  des  anciens  Aftrologues^ 
Mais  ceux  qui  font  venus  depuis,  étant  revenus  de  cette  opinion ,•  ont  re- 
connu qu'il  y  avoit  de  l'injullice  adonner  à  la  Planète  de  Saturne  la  domi- 
nation (ur  la  nature,  laquelle  appartient  fi  évidemment  au  Soleil ,  dont 
les  influences  font  incomparablement  plus  fenfibles  ,  c'eft  pourquoi  ils 
ont  déîhrôné  la  Planète  de  Saturne ,  pour  placer  le  Soleil  fur  le  thrô- 
ne. 

Et  c'eft  apparemment  de  là  qu'eft  venue  la  fable  ,  qui  dit  que  Jupi- 
ter, qui  certainement  eft  le  Soleil,  a  déthrôné  Saturne.  C'eft  peut- être  auflî 
de  ce  même  changement  d'opinion  des  Philofophes ,  qu'eft  venue  cette 
autre  fable,  que  Jupiter  coupa  les  parties  deftinées  à  la  génération  de  Sa- 
turne, êc  les  jetta  dans  la  mer,  d'où  naquit  Venus.  Car  cela  peut  figni- 
fier  que  les  premiers  Philofophes  avoient  attribué  à  Saturne  la  préfidence 
fur  \ts  générations,  que  les  Philofophes  fuivans  la  lui  ont  ôtée,  qu'ils  l'ont 
donnée  au  Soleil,  ôC'à  la  mer,  c'eft-à.dfrc  à  l'eau  ,  car  ils  ont  fait  deux 
principes  de  génération  i  la  chaleur  du  Soleil  &  l'humidité  de  la  mer. 
De  la  jonélion  defquels  deux  principes  eft  née  Venus,  c'eft-à-dire  la  ver- 
tu produélive  ôc  générative,  qui  fait  toutes  les  générations,  &  toutes  les 
corruptions,  qui  fe  font  au  monde, 

fc  r  Pour 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Tart.lV.  579 

Pour  prouver  que  le  Saturne  des  Grecs  n'eft  autre  que  la  Planète  qui  Cœius.d'da 
porte  ce  nom ,  on  pourroit  ajouter  que  le  nom  de  Saturne  ,    qui  figniiïe  nus"'d*au^ 
caché  ^  convient  bien  à  la  Planète  ainfi  nommée,  qui  eft  oblcure  Se  fom-  très  que  ce 
bre,  plombée,  &  qui  ne  fait  pas  grande  figure  dans  l'armée  descieux.  On  q"i^ies"oii. 
peut  dire  auffi  que  la  Planète  de  Saturne  a  toujours  été  eftimée  melancho-  paàsatumc, 
lique,  noire  ôc  trifte  ,  &  les  Aftrologues  difent  que  les  enfans,  qui  naif-  îfé;"cFui-" 
fent  fous  la  domination  de  cette  Planète,  font  envieux  ,  malins,  fuper-  gentius  ia 
bes  ,  avares ,  ôc  cruels.     Et  ce  peut  être  la  raifon  pourquoi  les  Payens ,  &ctmu-° 
prefque  en  tous  lieux,  lui  ontfacrifié  ces  noirs,  triftes  ôc  cruels  facrifices  'us-  vide 
lie  vidimes  humaines.  ..    _  _  «iS^c 

'    Cependant  après  tout  cela ,  j'en  reviens  à  dire  qu'il  efl  beaucoup  plus  satumo. 
apparent  que  Moloch  ou  Saturne:  eft  le  Soleil.  Ce  nom  de  Moloch  nous  cornSî"^  '^ 
fîgnifie  cela.    Il  n'y  a  que  le  Soleil  qui  mérite  ce  beau  liom  du  Roi  des  l'b-^.c.z. 
Aftres  :  &  fî  l'on  a  donné  la  Royauté  à  Saturne ,  cela  ne  peut  pas  avoir  été  Moiochsc 
fait  par  le  vulgaire,  qui  peut-être  n'a  jamais  obfervé,  ni  diflingué  Satur-  font'^autt"^ 
ne  dans  la  foule  des  étoiles.     Or  fans  doute  l'idolâtrie  des  étoiles  a  pris  queieso- 
fon  origine  du  peuple,  &  non  des  Savans,  6cpar  conféquent  il  eft  certain  ^"'* 
que  la  Royauté  &  la  Souveraineté  attribuée  aux  Aftres,  félon  le  fentiment 
des  idolâtres  ,doit  convenir  à  l' Aftre ,  qui  a  toujours  paffé  dans  l'efprit  du 
vulgaire  pour  l'Aftre  dominant.     Saturne  eft  eftimé  fils  du  Ciel ,  par  la        " 
Théologie  des  Occidentaux  ,  auffî  bien  que  par  celle  d^s  Orientaux. 
Sanchoniathon ,  Hiftorien  qui  étoit  avant  le  fac  de  Troye  ,   &  que  l'on  vide  Bo- 
croit  avoir  été  du  tems  de  Jerubbahal,  qui  eft  Gedeon  ,   nous  a  dit  que  w'^ar?^. 
Cœlus ,  après  avoir  pris pojfejfion  de  f empire  ,  époufa  UTerre,  qui  étoit  fa  fœnr ,  cap.  uit. 
&  qnil  en  eut  quatre  enfans  ,  llus  qui  eft  appelle  Saturne ,  Betylus^  Dagon ,  qpti  p^^"    ^^  ' 
préjîde  fur  le  froment ,  é"  Atlas.  Selon  cela  Saturne  eft  conté ,  pour  le  fils  aîné  ^'b.  ï.  c.'io», 
du  Ciel.  Ce  qui  ne  peut  convenir  qu'au  Soleil.  Car  fi  le  Ciel  peut  être  con- 
çu comme  le  père  commun  de  tous  les  Aftres ,  dont  il  eft  femé  ,  la  pri- 
mauté &  l'aînefTe ,  fans  conteftation  ;  doit  appartenir  au  Soleil ,  &  non  à 
une  Planète  obfcure ,  &  inconnue  du  peuple. 

Mais  ce  nom  di'llus ,  que  Sanchoniathon  donne  à  Saturne  ,  eft  remar- 
quable. Il  eft  certain  que  ce  mot  vient  de  l'Hébreu  S.^  ,  qui  fignifie 
£)/>«,  ôcle  grand  Dieu,  le  Dieu  fort.  Or  il  eft  clair  que  ce  nom  de  Dieu 
fort,  &  de  grand  Dieu,  a  toujours  été  refervé  au  Soleil.  Le  même  San- 
choniathon, dans  le  même  lieu  ,  nous  dit  que  l'on  donnoit  quatre  ailes  à 
Saturne.  Le  DieuThaautus^  àit-W,  ayant  déjà  fait  l'^tmage  du  Cief  fît  auffi 
les  images  de  Saturne ,  de  'Dagen  ^  &  des  autres  Dieux ,  Et  même  il  imagina 
de  donner  à  Saturne  ces  marques  de  fa  dignité  %oyale.  C  eft.  qu'il  lui  mit  deux 
yeux  dans  le  derrière  de  la  tète ,  .&  deux  autres  devant ,  &  deux  de  ces  yeux 
fe  fermaient  à  demi  ,  d'aune  manière  douce.  Il  ïm  donna  auffdeux  atles  fur  cha- 
que épaule ,  dont  deux  étaient,  étendues  ,  & 'deux ;étoient:abbat n'es  (fj-refferrées. 
Je  ne  m'arrête  point  à  la  penfée  de  Sanchoniathon,  qui  veut  que  cet  em- 
blème fignifie  les  qualitez  d'un  bon  Roi  ,  la  prudence  &:  la  vigilance. 
Mais  je  croi  que  c'eft  l'emblème  du  Soleil ,  qui  a  des  yeux  devant  &  der- 
rière ,  c'eft-à-dire ,  qui  éclaire ,  oc  qui  verfe  des  rayons  de  toutes  parts. 
De  ces  yeux  il  y  en  a  deux  à  demi- fermez,  qui  jettent  des  regards  doux, 
c'eft  l'Orient  Se  l'Occideni,  dans  lefquels  le  Soleil  ne  darde  que  des  ra- 
yons foibles  6c  languilTans ,  ôc  les  deux  autres;  font  les  rayons'llu'il  darde 

Dddd  i  avant 


580 


HISTOIRE  D  E  S  D  O  G  M  E  S 


1. 11. 


Saturne 
étoit  Je 
Dieu  qui 
feic  le  teœs. 

Oni. 

Faftorum 

lib.  I. 

In  libris 
mipti^um 
Phiiolog.  fie 
Meicuiii. 

Liv.  des 
Queftions 
Rom.  queft. 
12. 

Grpheus 
hymnô 
Sïtiirni 
oç  IwKa.- 
v5.ç  (xèv 
ciTUvra , 

àurôç. 
Qui  confu- 
ntiis  omnia, 
5c  rurfus  ea 
producis 
ipfe. 

Sopiiocles 
in  Eledra. 

yàp  £v- 

Geoç, 
tetnpus 
enim  facilis 
eft  Deus. 
Laftantius 
lib.  1.  divin. 
Inftitut. 
Cl  12. 
Cicero 
de  Lib.  2; 
Natura  Deo- 
jom. 
Voir  de 
Idolol. 


avant  midi  ôc  après,  qui  fon^t  des  rayons  fort  vigoureux,  &  doht  on  ne 
fauroit  fupporter  l'éclat.  Les  quatre  ailes  dé  Saturne ,  dont  deux  étoient 
étendues,  6c  les  autres  étoient  reflerrées»,  c'efl-à-dire ,  fe  repofoient,  ré- 
préfentent  la  vîtefîe  infatigable  du  Soleil ,  qui  vole  toujours  ,  êc  qui  a 
toujours  deux  ailes  qui  fe  repofent,  pendant  que  les  autres  travaillent ,  de 
forte  qu'il  vole  toujours  fur  des  ailes  fraîches  ,  ôc  nouvellement  repo- 
fées.  ; 

En  paffant  je  remarquerai  que  ces  quatre  ailes  du  Saturne  des  Phéni- 
ciens, dont  deux  voloient,  &  deux  étoient  ferrées,  &  pai*  conféquent  le 
couvroient ,  me  femblent  avoir  été  empruntées  des  ailes  des  Chérubins^ 
de  deux  defquelles  ils  voloient,  6c  des  autres  ils  fe  couvroient.  Mais  fur 
tout  il  me  paroît  clair  que  Saturne  étoit  le  Soleil ,  parce  que  l'image  de 
Saturne  étoit  aifûî-ément  l'emblème  du  tems. 

Cette  faux  qu'il  avoit  en  main,  fignifioit  que  le  tems  moiÛbnne toutes 
chofes.  C'eft  pourquoi  il  eft  apipdlé  falciger  y 


tAnte  perenato  falciger  orbe  D^us:»      - 

Marti  anus  Capella  dit  qu'on  lui  mettoit  dans  Pime  des  mains  un  Dragon,, 
qui  vomiflbit  des  fiâmes,  &  qui  fe  mordoit  la  queue.  C'eft  l'emblème  de 
l'année,  dont  la  fin  fe  joint  au  commencement,  ôc  qui  eft  compofée  de 
jours  pleins  de  fiâmes  ôc  de  lumière.  Chacun  fait  qu'on  a  attribué  à  Sa- 
turne de  dévorer  fes  enfans.  Cela  eft  auffi  Tembieme  du  tems,  qui  s'ap- 
pelle temptis  edax  rerumyèc  qui  Gpnfume' tout  ce  qu'il  nous  produit  j^  c'eft^ 
pourquoi  on  lui  facrifioit  des  enfans. 

Plutarque  rapporte  à  cela  ce  que  l'on  dilQit,que  Saturne  eft  le  père  de- 
la  vérité,  parce  que  le  tems  découvre  toutes  chofes.  Le  Saturne  des  Phé- 
niciens, félon  Sanchoniathon ,  peutauffi  fort  bien  être  expliqué  du  tems* 
Il  avoit  deux  yeux  devant,  ôcdeux  derrière.  C'eft  le  tems  pafié,  qui  re- 
garde derrière  ,  &  le  tems  futur  qui  regarde  au  devant.  Il  avoir  des» 
ailes,  c'étoit  pour  fignifier  la  vitefîe  du  tems.  Enfin  chacun  fait  que  c'é-^ 
toit  le  fentiment  général  des  Grecs  ,  que  Saturne  étoit  le  tems.  C'eft 
pourquoi  ils  prétendoient  que  Kpovoç  venoit  de  Xpo voç.Ainfi  le  dit  Laélancc- 
jQuid  e^md  ipjï  Saturno  non  divinum  modo  fènjkm  ,  fid  humanttm  ^uo^ue  adi' 
munt ,  cum  affirmant  eum  effe  Saturnum  ,  qui  curfum  &  converjtonem  fpatio- 
YHm  d^  tempomm  continet ,  eumque  Çracè  idipfum.  nomen  haberey  Kpûvoç  lenim- 
dicitur,  qmd  efi  idem  qmd  yi^^^ôsioq.  Ce  font  les  paroles  deCiccron  que  Lac- 
tance  emprunte.  Le  mot  de  Saturne,  qui  fignifiec^iït/;/,  nous  exprime  bien  la* 
nature  du  tems  ,  qui  eft  caché  tout  entier  dans  le  pafle  ôc  dans  l'avenir,, 
&  dont  le  préfent  n'eft  rien.  C'eft  pourquoijes  Hébreux  appellent  Xtfie^ 
de  ,  ou  le  tems,  dW,  hah^m-y  du, verbe  oSy  ,  halanty  qui  fîgnifie  «■<«- 
cher. 

Cela  pofé  que  Saturne  eft  rèrableme du  tems,  il  eft  clair  qu'il  eft  beau* 
coup  plus  raifonnable  de  chercher  fous  ce  nom  le  Soleil ,  que  la  Planète 
de  Saturne  j  car  jamais  cette  Planète  n'a  été  confiderée  comme  la  mefurc 
du  tems. 

La  conjeéture  de  Voflîus  eft  aflez  probable,  que  ces  fept  chapelles,  qui, 
félon  les  Hébreux,  étoient  prés  de. la ftatuè  de Moloch,répréfentoient les 

fept. 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Part.lY.  fSi 

fept  Planètes  ,  au  milieu  defquelles  le  Soleil  eft  le  Moloch,  ou  le  Roi. 
On  peut  ajouter  que  Saturne  étoit  eftimé  père  de  l'Agriculture.  Simula.  Macrob. 
çXftm  eJHs  indicio  eft.  Huic  Deo  injttiones  furculomm  ,  pmoïâmqHe  eàncatio-  nb?!,"?, 
nés ,,  &  omnium  ejtifcemodi  fertilium  tribaimus  difciplinas;  &  le  même  Auteur 
ajoute.  Cyrenenfes  etiam^cum  rem  divinam  eifacium^  ficis  recentibus  coronati" 
tur,plAcentÀf(^ue  mm  ho  mijfuant^melUs  (^  frud:tium  repertorem  Saturnum  exijii- 
mantes.  Orphée  dans  l'hymne  de  Saturne,  Rappelle  ytm^%vfi^  Prince  de  la 
génération  >  Virgile  l'appelle ,  Vitifator , 

Vitifator  fervatis  curvam  ft*b  imagine  falcem  iEaeid.7, 

Satunmf^fie  fenex ,  Jan/^fie  bifrontis  imago  y 
Keftibnlo  afiabant. 

L'on  voit  bien  comment  tout  cela  peut  venir  de  ce  que  Saturne  eft  le 
Soleil  :  lequel  Soleil  eft  le  Prince  de  la  génération,  celui  qui  produit  les 
fruits,  &  fait  croître  les  bleds.  Mais  la  chofe  me  paroît  afTez  claire  pour 
n'avoir  pas  befoin  de  plus  de  preuves,  C'eft  aflez  des  Dieux  Naturels  ca- 
che?, fous  Moloch  &  Saturne. 

Il  faut  donc  préfentement  voir  quels  Dieux  Animaux,  c'eft-à-dire,  quels 
hommes ,  on  adoroit  fous  le  nom  de  Moloch  ôc  de  Saturne. 


CHAPITRE     Vh 

^is  Dieux  Animaux,  ou  des  hommes  adorez  fous  les  noms  dt  Sa^ 
turne  &  de  Moloch.  Adam  ô*  -Noe'  s'y  trouvent:  . 

LA  voye  que  l'on  doit  fuivre  pour  découvrir  de  femblables  chofes  5^ 
eft  d'examiner  les  circonftances  de  l'Hiftoire  Fabuleufe  ,  &  en  faire 
comparaifon  avec  les  circonftances  qui  fe  lifent  dans  l'Hiftoire  Sain- 
te ,  voir  par  exemple  de  quels  père  6c  mère  on  fait  naître  ces  Dieux,  quels- 
enfans  on  leur  donner  quels  mariages  on  leur  attribue,  quelles a6tions  on 
leur  fait  faire.  Ici  dans  l'Hiftoire  Fabuleufe  de  Saturne  la  confufioneft 
terrible,Gar  les  Anciens  ne  s'accordent  prefque  dans  aucune  des  circonf" 
tances. 

Par  exemple  Platon  donne  à  Saturne  l'Océan  &  Thetis  pour  Père  ôc  ^V'^f^- 
pour  Mère  ,  &  les  autres  le  font  naître  de  Cœlus  ôc  de  la  Terre  ;  fenv  iibro  de  '" 
blablement  fur  le  nombre  de  fes  enfans  ,   ôc  fur  leurs  noms ,   il  y  a  une  univerfitate, 
grande  diverfité  d'opinions  dans  la  Fable.  Mais  nous  fui vrons  les  opinions 
les  plus  communes.  Au  refte  je  ne  croi  pas  que  nous  devions  chercher  un 
feul  homme  dans  le  Dieu  Moloch  ,  ou  Saturne.    Je  fuis  comme  aftïïré 
qu'il  n'y  a  point  de  divinité  Payenne  ,  dans  l'Hiftoire  de  laquelle  les  Poè- 
tes 6c  les  Théologiens  du  Paganifme  n'ayent  fait  entrer  les  aventures  de 
plufîeurs  perfônnes,  qu'ils  ont  confondues  enfemble.  Les  Grecs  ont  ajoûié    - 
aux  inventions- des  Phéniciens  ^  Egyptiens,  d'oîi  ils  ont  tiré  leur  Theo- 

Dddd  3,  logieo 


582        HIST  OIRE   DES  DOG  MES 

logie.   Et  les  Romains  ont  encore  ajouté  leurs  fi6tions  à  celles  des  Grecs , 

&  de  là  efl:  venue  la  prodigieufe  confuïîon  de  l'Hiftoire  Fabuleufe  des  Dieux. 

Je  ne  faurois  douter  que  les  Payens  n'ayent  confondu  plufieurs  perfonnes, 

dans  celle  de  Saturne  &  de  Moloch.    Mais  entre  les  autres  on  y  voit  Ici 

aventures  d'Adam ,  de  Noé  &  d'Abraham. 

Adam  eft        Premièrement  il  eft  certain  qu'il  eft  impofîible  de  n'y  pas  reconnoître 

•achéfous    Adam.     I.  La  naifTance  de  Saturne,  que  les  Poètes  difent  être  fils  de  la 

ou  Moloch  Terre  ôc  du  Ciel,  eft  évidemment  tirée  de  la  création  d'Adam,  qui  eft  fils 

des  Anciens.  ^yQçl^  c'eft-à-dirc,  dcDieu,  8c  de  la  Terre,  parce  que  Dieu  forma  foit 

corps  de  terre.    C'eft  pourquoi  il  a  été  appelle  Adam ,  an« ,  ex  nom , 

terra.  ''^ 

z.  Il  £iut  ayouëi'  auffi  que  ces  jours  heureux  du  Règne  de  Saturne, 
que  les  Poètes  nous  dépeignent  avec  tant  d'élégance  ,  ont  bien  du  rap- 
port à  ce  que  les  Théologiens  nous  apprenent  de  l'état  d'innocence  d'A-; 
dam.  Car  on  peut  dire  de  l'un  Se  de  l'autre. 


Ovid,  Me-  f'^er  erat  aternum  ,  flacidique  tcpentibns  auris 

^^^''^- "f-  JUtilcebant  z,ephiri  natos  Jîne  ferftine  flores. 

A4ox  etiam  fruges  tellus  marata  ferebat , 

Isljc  renovatus  ager  gravidis  cmebat  arifl^is. 

Flfimina  jam  la5iis ,  jam  fiumina  neElaris  ibant , 

FUvdque  de  viridi  flilUbmt  ilice  mella. 

suptàdiaus      3.  Saturne  eft  conté  par  \cs  Poètes,  6c  pour  le  premier  des  Rois,  & 
yevâ.^x'^ç^  pour  le  plus  ancien  des  hommes, 

ab  Onoma-    '  *  , 

critofubno-  . 

P^ei\?mne  Tip<JiTi(TaQç  /xèv  uvuqsv  hi'X^ovlm  Kpovoç  hd(>!jyj , 

de  Saturne. 

Saturne  le  premier  a  règne'  fnr  les  hommes  ^  dit  Orphée.  Ante  SatHrnum  Deus 
Âpologet.  pênes  vos  ncmo  efl- j  diloit  Tertullien.  Ab  illo  cenfasvel  potioris  ^  velnotioris 
cap.  10.  divinitatis.  Itaque  qmd  de  origine  cenfliterit ,  id  &  de  pofleritate  eonveniet.  Sa". 
tHrham  itaque  neque'Diodorus  Gruicus  ^  aut  Thdlus  ^  neque  C<^jfii^s  Severus  ^  aut 
Cornélius  2\(epos  ,  neque  ullus  Commentator  ejufmodi  antiquitaîum ,  aliud  quàm 
hominem  promulgaverunt^  Or  il  eft  certain  qu'Adam  a  été  le  premier  hom- 
me 6c  le  premier  Roi ,  car  il  étoit  né  le  Maître  de  tous  les  hommes,  puif^ 
qu'il  étoit  leur  père  commun.  4.  Saturne  fut  chafle  de  ion  thrône ,  6c 
incontinent  l'âge  d'or  cefîg. 

Ovid.  Aie-    ■  Tofiquam  Saturm  tembrofa  in  T art  ara  mijfo 

**'"•  ï'  Sub  fove  iSHundm  çrat  s  fubiltque  argentea  proies 

Amo  deterior. 

Adam  fut  chafle  du  Paradis  Terreftre,  il  cefla  de  régner  fur  fcspaffions, 
&  l'âge  d'or  5  ce  bienheureux  état  d'innocence,  difparut.  f.  Peut-être 
que  ce  nom  de  Saturne  vient  de  ce  qu'Adam  fe  cacha  de  devant  Dieu, 
qitand  Dieu  l'appella  après  fa  chute.  Car  nous  avons  vu  que  Satur  veut 
dire  caché.  6.  D^ns  le  liecle  de  Saturne  la  fervitude  étoit  inconnue,  & 
la  contrainte  auffi. 

A» 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  TartAY,  583 

e^ttrea  prima  fit  a  efl  £tas  ,  ^u<&  vindice  nuUo  Ovid.  lîb.  i. 

Sponte  Çho,  fine  Uge  fidem  reUHmque  colebat. 
Posna  metftfypte  aberant, 

%egni  ejus  t empara  felicijfima  feriintur  :  cum  propter  rerum  copiam  ,  tum  etîam  Macrob. 

qptod  numquam  aiiifcjHam  ferviîio ,  vel  Ubertate  difcrimmabatur  ,  atini,  l'es  infel-  ^'^'  ^'.•^*' 
■ï.    ,  /i  •'      V  ;     r-  !•/  r      •       /•         •  ^-      ,,  turnalium. 

ligfpoteji  qma  SaturnalwHs   tota  Jervis   Itcentta  permittitur ,    dit   Macro- 
be. 

Dans  ces  Saturnales  les  èfclaves  fe  mettoient  à  table  avec  leurs  maîtres, 
&  même  fouvent  les  maîtres  fervoient  leurs  èfclaves  ,  félon  le  témoigna* 
ge  du  Poète  Accius ,  que  Macrobe  cite  au  même  lieu. 

"";  Cumejue  àiem  célébrant  per  agros  urbefque  fere  omnes  Vofl:  li&< 

Exercent  epulii  Uti ,  famulofi^ue  procurant  ^'  *'• 

QuifcjHe  [nos  :  Noflrtfque  itidem  &  moi  traditfis  illinc 
Jfie  5  ut  cftm  dominis  famnli  tune  epulentur. 

^P  Juftin,  l'abbreviateur  de  Trogue  Pompée,  dit  la  même  chofe  enprofe5au 
43.  livre  de  fon  abbregé.  Sans  doute  cela  ne  s'accorde  pas  mal  avec  \ç,^ 
premiers  fiecles  du  monde  fous  Adam  ;  dans  lefquels  tous  les  hommes 
étoient  égaux ,  parce  qu'ils  étoient  tous  frères.  Juftin  dans  le  même  lieu 
dit  que  tout  étoit  conmiun,  tanta  jtifiritia  fmjfe  fertur,  ut  neque  [ervierit  Çub 
illo  qmfcfuam  ^  neqtte  cjtiia^uam  privata  rei  habuerit.  Cela  s'accorde  encore 
avec  l'état  d'innocence,  7.  Nous  avons  vu  que  Saturne  étoit  laboureur , 
qu'il  eft  appelle  rtt tfat or ^qu^ on  l'avoit  établi  Dieu  des  arbres  ôc  de  leur 
culture.     Cela  convient  admirablement  à.  Adam  5  qui  fut  mis  dans  le  Pa-  » 

radis  Terreftre  pour  en  cultiver  les  arbres.     Et  rufiicttatis  hic  cnhor  fuit,  Cyprianus 
inde  falcem  ferens  fenex  pingitar  ^  dit  St.  Cyprien.  v^nitateT"'''^ 


CHAPITRE     VII. 

Il  y  a  flus  de  caractères  de  Noé  que  d'Adam  dans  Saturne  é^  Mo- 
loch.  Noé  ejî  aujjî  caché  fous. le  Dieu  Saturne, 

\Jo\  que  l'on  rencontre  dans  Saturne  beaucoup  dechofes  d'Adam, 
cependant  il  s'y  en  trouve  beaucoup  davantage  de  Noé  ,  parce 
que  Noé  étoit  moins  éloigné  du  fiecle  des  fables  ,  &  qu'il  n'eft 
point  arrivé  de  déluge  qui  ait  englouti  fes  eiifans,  &  aboli  h  mémoire  de 
ics  aâ:ions.  Outre  que  tout  ce  qui  fe  lit  dans  les  fables  ,  a  été  imité  ou 
corrompu  des  livres  de  Moïfe,  ou  du  moins  eft  venu  de  la  même  tradi- 
tion, dans  laquelle  Moïfe  a  puifé  ,  fous  la  direûion  du  St.  Efprit.  Et 
ainfi  plus  les  fables  font  prés  d'e  cette  fource  de  la  tradition,  ôc  plus  l'on  y 
rencontre  de  traces  de  la  vérité. 

î .  Toutes  les  chofes  qui  fe  trouvent  dans  Saturne ,  qui  con^ennent  à 

Adam 


584        HISTOIRE  DES  DOGMES 

Adam -en  qualité  de  premier  homme  èc  de  Prince  du  genre  humain, r>ea- 
vent  auffi  convenir  à  Noé  en  qualité  de  Réparateur  du  genre  humain.  C'efl 
pourquoi  il  e(l  peut-être  appelle  fils  du  Ciel,  le  premier  des  Rois,  le  père 
des  Dieux,  yevdpx^Q  :  il  peut  être  appelle  fils  du  Ciel  comme  Adam  :  car  en- 
core qu'il  fût  né,  &  non  pas  créé,  cependant  le  déluge ,  qui  avoit  inondé  la 
terrcjavoit  comme  aboli  la  mémoire  de  toutes  les  chofes  quiavoient  précé- 
dé. La  pofterité  n'a  pointconnu  les  Ancêtres  de  Noé,  elle  l'a  regardé  com- 
me le  premier  homme,  &  comme  l'ouvrage  delà  main  de  Dieu.     Nous 
pouvons  ajouter  la  remarque  deTertullien,6cde  Laélance,  qui  vient  foit 
Lafibnt.       à  nôtre  fujet.     £hearamus  ergo  quid  veritatis  fulf  hac  figura  lateat.  Minatius 
inftiïï!"*.     FœliXy  ineolihro  qui  O^avim  infcribitur,  ftc  argumentatmefi:  Saturnum  cùm 
71.     *       fHgams  ejfet  à  fiîio^  in  Italiarnque  veniffit,  Cœlifilmm  àiBum  ,  quodjoleamm  eos^ 
cap""lo,       quorum  virtutem  mir.emur ,  mt  qui  repentim  advenerint^  de  cœlo  decidijfe  dicere: 
ApolQf .       terra  autem^  quod  ignotisparentibui  natos ,  terra  filios  vocamm.      De  repentinit 
U         hominibus  dicitur^e cœlo  cecidit ^  6cc.  Terra  filios vulgus  dicitquortfm genus  in^ 
.certum.    On  appelloit  fils  du  Ciel  les  grands  hommes ,  dont  l'origine  étoit 
inconnue,  6c  fils  de  la  Terre ,  les  hommes,  qui  d'une  bafie  naiiîance  s'é- 
Jevent  par  les  faveurs  de  la  fortune.     Gela  peut  être  appliqué. à  Noé,  qui 
itoit  fils  du  Ciel  de  cette  manière.  4, 

z.  Les  Poètes  difent  que  Saturne  étoit  fils  de  la  Terre,  le  texte  deMoïfe 
appelle  Noé  nonj^n  i:'»!^ ,  vir  terra,  l'homme  de  la  terre.  Le  premier  peut 
être  venu  du  fécond:  Les  Mythologiftes  peuvent  avoir  ouï  dire,  que  Noé 
étoit  homme  de  la  terre ,ce  qui,  félon  l'intention  de  MoiTe,fignifie  qu'il  étoit 
laboureur,,  &  qu'il eultivoit  la  terre;  mais  il  leur  a  plû  de  prendre  cela^  " 
comme  fi  Moïfe  avoit  voulu  dire  qu'il  étoit  fils  de  la  Terre ,  comme  en  ef- 
fet le  mot  t^^'N  fignifie  quelquefois  fils ,  rrinvj  li'^N  ^nsp  f  ai  acquis  un  homme  de 
Bochart  in    pdrT Etemel jà\(oïi  Eve,c'efl-à-dire,j'ai  acquis  un  fils.  M.  Bochart  aime  mieux 
phaieg  pars  croire,  que  les  fables  ont  pris  le  mot  ti"'K,  pour  mari,  homme  de  h  terre  ^ 
l.cap.  I.       c'eft-à-dire,  mari  de  la  terre  :  car  il  eft  Certain  que  l'on  fait  Saturne  mari 
de  Rhea,  qui  dans  la  vérité  eft  la  terre.     Mais  auffi  d'autre  part  on  le  fait 
iils  du  Ciel  ôcde  la  Terre;  Il  mefemble  donc  qu'il  v^ut  mieux  le  prendre 
dans  le  premier  (ens ,  ôc  entendre  que  Noé  dans  la  Mythologie  eft  fils  de 
la  Terre ,  parce  que  quoi  que  Rhea  foit  la  terre  dans  la  Mythologie,  cepen- 
dant dans  la  fable  on  la  diftingue  de  la  TeiTe ,  que  l'on  fait  mère  de  Saturne, 
-^  non  fa  femme. 

3.  Il  eft  bien  aifé  de  comprendre  pourquoi  Noé  eft  appelle  le  Prince  de 
la  génération ,  yfvap^y? ,  puis  qu'il  eft  le  fécond  Adam ,  d'où  font  fortis 
tous  les  hommes, 

4.  Peut-  être  que  fon nom  de  Saturne ,  qui  fignifie  €aché,  vient  d^ce  qu'il 
a  été  renferme  un  an  entier  dans  l'Arche.  Si  nous  ne  favions  bien  que  ce 
mot  eft  Hébreu  d'origine,  &  non  Latin,  nous  pourrions  adopter  l'étymo- 

cicctolib.2.  logie  des  Latins.     SaturnusmtemefiappelUtus^  quodfaturetur  mnis,  &cela 

Deorum,     s'accorderoit  bien  avec  l'Hiftoire  Sainte,  parce  que  Noé  eft  le  dernier  des' 

dSm*"^*     f^a^tpoA'o/,  gen*  de  longue  vie  qui  ont  précédé  le  déluge,  car  il  vécut  neuf" 

cens  cinquante  ans,  &  fon  fils  Sem  ne  vécut  que  fix  cens  ans.Si  nous  voulions 

Genefes..&  tirer  Saturnus  de  ^^for.  Semeur,  comme  fait-entr'autresMartianusCapella, 

*''  il  eft  clair  que  Noé  eft  le  vrai  Sator ,  &  à  l'égard  des  hommes ,  dont  il  eft 

le  père,  ëi à  l'égard  des  plantes,  qu'il  a  cultivées.   Les  noms  de  Moloch 

&de  Kijoun,  que  les  Orientaux  ont  donné  à  Saturne,  conviennent  auiïï 

très- 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  TartlY.  585 

très-bien  à  Noé.  Le  premier  figniiie  Roi  5  Noé  étoit ,  &  le  père  ôc  ie 
Roi  des  hommes.  •  Le  fécond  vient  du  verbe  Koun,  pi,  qui  fignifîe  dans 
la  Langue  Sainte ,  firmare ^  reparare^ affermir ^refiouyer.  AinfiKijounj  fî- 
gnifie  précifément  le  Reftaurateur ,  qui  eft  le  vrai  nom  de  Noé. 

f .  Nous  avons  vu  que  l'on  donnoit  à  Saturne  l'équipage  d'un  Labou-  ^'"'"■• 
reur;  On  lui  mettoit  une  faux  à  lamain,  ôco|idit,  qn^Uprefide  fur  laver- i^.      "^^'' 
tH  des  fruits,  &  fur  l'Agriculture^  &  c^eji  ce  cjue  fignifie  fa  faux,     11  ell"  clair 
que  cela  convient   à  Noé,  qui  étoit    Laboureur,  naiKHiî'W,  vir  terra ^ 
qui  a  le  premier  cultivé  la  vigne ,  &  connu  la  vertu  de  fon  fruit. 

6.  Ce  que  l'on  dit  de  l'âge  d'or,  êc  de  la  félicité  du  règne  de  Saturne, 
durant  lequel  la  fervitude  étoit  inconnue,  peut  aufîi  s'accorder  très-bien 
avec  ce  que  nous  pouvons  imaginçr  de  Noé  après  le  déluge.  Première- 
ment fon  nom  mj,  Noé  figniiie, cela,  repos,  tranquillité,  paix.  Ainlî  ie 
règne  de  iV(?/  fignifie,  à  prendre  fon  nom  pour  un  nom  ^/•/?é'//^?^,  comme 
parlent  les  Grammairiens ,  un  règne  paifible  &  tranquille.  Outre  cela  ï\ 
eft  apparent,  que  pendant  que  la  famille  de  Noé  fut  petite,  la  pieté  y  fut 
bien  cultivée,  &:  la  paix  grande.  Il  n'eftpas  vrai-femblable  que  dts  gens 
nouvellement  fortis  des  eaux  du  déluge  fufiént  méchans,  après  avoir  vu 
un  fî  terrible  effet  de  la  vengeance  de  Dieu  contre  les  crimes.  Il  ne 
pouvoit  alors  y  avoir  des  efclaves  j  car  ils  étoient  tous  pères  Ôc  en- 
fans. 

7.  La  fable  dit,  que  Saturne  dévora  fes  enfans,  cela  eft  tiré  de  ceqiSe  HeCodeia 
Noé  par  le  déluge,  lequel  il  prédit,  &  en  quelque  manière  fit  venir  ftir  ^^°J°'*^  • 
la  terre  ,  conluma    tous  les  hommes.     Saturne  dévora  (ts  enfans ,  ex-  J^J  ^^ri- 
cepté  ces  trois,  Cham,  Sem  &  Japhet,  qui  furent  cachez  dans  l'Arche,  ^^y^  p^.^y 
ce  font  ces  trois  enfans ,  Jupiter,  Piutonôc  Neptune,  que  leur  mère  Rhea  kê%si 
déroba  à  la  fureur  de  leur  père.  têvôoç 

8.  Saturne  coupa  les  parties  de  fon  pe*re  Cœlus ,  &  les  jetta  dans  la  mer,  «^«'Tov. 
&  de  là  naquit  Venus.  Cela  ne  vient-il  point  de  la  même  fource,   favoir  fii°os,*ie 
de  l'Hiftoire  du  déluge?  Noé  coupa  les  parties  de  la  génération  du  Ciel  ^  R-heaiugc- 
parce  qu'il  fit  venir  un  déluge ,  qui  étouffa  tous  les  animaux  que  le  ciel 

avoit  produits.  Mais  Venus  qui  eft  la  vertu  générative,  emerfit  ex  illts 
undisy  elle  fortit  de  ces  ondes,  elle  fe  cpnferva  dans  ce  déluge,  &  repara 
les  ravages  que  le  déluge  avoit  caufez. 

-  p.  Nous  avons  vu  que  les  Phéniciens ,  félon  le  rapport  de  Sanchionia- 
thon ,  donnent  deux  yeux  à  Saturne ,  dans  le  derrière  de  la  tête ,  &  autant 
devant,  c'eft- à-dire,  qu'ils  le  faifoient /'i/rowj.  Ce  qui  fait  voir  que  ce  Sa- 
turne des  Phéniciens,  étoit  le Janus  des  Latins,  6c que  l'un  ôc  l'autre  écoit 
Noé^  On  a  déjà  bien  remarqué  que  ce  nom  de  Janus  vient  évidemment 
de  l'Hébreu  Jain  ,  avec  la  terminaifon  Latine  ajoutée.  Ce  mot  j^ain  fi- 
gnifie  vin,  ScFon  fait  allez  pourquoi  on  a  pu  donner  un  tel  nom  à  Noé, 
Quoi  qu'il  en  foit,  ce  Saturne  à  deux  faces  eft  évidemment  Noé,  qui  a 
vu  les  deux  mondes,  l'un  devant ,  &  l'autre  derrière  lui, 

10.  Si  nous  examinons  la  defcription  que  Martianus  Capella  nous  fiit 
de  la  ftatuë  cie  Saturne ,  nous  verrons  encore  trés-elairement ,  que  Noé 
ctoit  caché  fous  cette  divinité.     P^erùm  Sator  {Satoris  enim  nomine  Saturnus  ApudLî- 
quocjue  efi  appellatus)  grejfibus  tardis  acremoratorincedit^glaucôque  amiclHteUus  î>"m^GyraI- 
tapHt  pr&tendebat  ûammivomumqusmdam  draconem  caudd  f^a  ultima  devoran-  t3gm,4.de 
Tm.  IF,  Eeee  Je?n,  s^'»^"°- 


}anus  t05)i3 
■ieax  font 
Moé. 

Voyage de 
Satume  en 


SitQrnal. 
lib.  I.  c.  ï 


Lib.  I. 


586  HISTOIRE  DES  DOGMES 

tem^i^tiem credebant anninomine  numerumperdocere ^ipJtMs  autem  caniciesprHwojfs 
mvibm  cmdicabdit.  C'étoit  donc  la  figure  d'un  vieillard  tout  blanc,  dont 
la  tête  étoit  couverte  d'un  capuchon  de  couleur  de  veid  de  mer ,  ayant  en 
la  main  une  faux ,  Se  un  dragon ,  dont  le  corps  faifoit  un  cercle ,  &  fe  ve- 
noit  mordre  la  queue.  C'étoit  un  vieillard  tout  blanc,  parce  queNoéeft 
le  plus  ancien  de  tous  les  hommes  depuis  le  déluge.  "Il  étoit  couvert  d'un 
capuchon ,  dont  la  couleur  étoit  femblable  à  celle  de  l'eau  de  la  mer ,  c'étoit 
pour,  répréfenter  comme  Noé  étoit  forti  des  eaux  du  déluge ,  la  tête  com- 
me toute  baignée  deceseauxdel'Oeean.  Ce  dragon  qui  faifoit  un  cercle, 
6c  dont  la  queue  fe  joignoit  avec  la  tête,  répréfentoit  les  deux  mondes , 
avant  le  déluge  &  après,  la  queue,  c*eft-à-dire,  la  fin  du  premier  monde, 
fe  joignoit  à  la  tête,  c'eft- à-dire,  au  commencement  de  l'autre.  Et  cet- 
te union  fe  faifoit  en  Noé. 

II.  Tout  le  monde  fût  l'Hiftoire  du  voyage  de  Saturne  en  Italie,  où 
il  fut  reçu  par  Janus,  6c  demeura  cachépour  fe  mettre  à  couvert  des  per- 
fecutions  de  Jupiter,  qui  l'avoit chalfé  du  ciel ,  ôc  lui  avoitôté  le  thrône. 
Le  païs  eh  prit  le  nom  àc  Latmm^k  htendo.  Il  apprit  à  Janus,  qui  regnoit 
alors  en  Italie ,  l'art  de  cultiver  les  hommes ,  &  les  champs.  Car  il  ci^ 
vilifa  les  peuples, 6c  leurenfeignal'Agriculture. Etjanus,  enreconnoifTan- 
ee  des  obligations  qu'il  avoit  à  Saturne ,  lui  fit  part  de  (on  Royaume ,  & 
fit  battre  une  monnoye,  d'un  côté  de  laquelle  étoit  la  tête  de  Janus  à  dou- 
ble vifage ,  &  fur  le  revers  un  Navire ,  en  mémoire  du  navire  qui  avoit  ap- 
porté Saturne  en  Italie.  On  en  lit  FHiftoireenprofedafisMaerobe,  ôc  en. 
vers  dans  les  Fafles  d'Ovide. 

Caufa  ratis  piperefi  ^  Tufcum  rate  venit  mamnem 

Ante  pererrato  falcifer  orbe  Detis. 
Hae  ego  SaturnHm  memini  tellure  receptum  ^ 

Cœliiibus  réunis  à  fove  pulfm  erat. 
Inde  àiu  genti  manfit  Saimnia  nomen. 

Di^a  ejjuoijHe  efi  Latium  terra  y  latente  De&. 
At  bona  pofteritas  puppim  formavit  in  ^e  ^ 

Hofpitis  adventum  tefiificata  Del. 


acldoloium 
Taaitate. 
Apologet. 
fap.  tfr. 

I 


Monaeye 

Komaine. 
Comtneni 
elle  étoit 
maïqnécSc 
(Otittjuoi. 


Et  même  Macrobe  remarque,  que  quoi  que  îamoiînoye  ne  fut  pîusarinfî 
marquée ,  cependant  les  cnfans,  en  faifant  tourner  une  pièce  de  monnoye 
en  l'air  ,  difoient ,  capita  ant  navim.  *y£s  ita  fmjfe  fgnatunt  hodiéque  inteU 
ligitur  in  de&  Infu ,  mmpHeri  denaries  infublimej;aciantes^  capita  attt  navim ,  lufH 
telle  veritatis  y  exclamant.  C'eftjuftemenf  comme  nos  enfens,  qui  deman- 
dent aujourd'hui  croix  oh  pile.  Et  la  remarque  de  Macrobe  peut  donner 
oceafion  à  nos  curieux,  de  rechercher  d'où  vient  quenosenfans  appellent 
aujourd'hui  ;)/7f ,  la  face  dans  laquelle  efV  imprimé  l'écu  avec  les  armes,  & 
croix ,  la  face  fur  laquelle  ell  marquée  la  tête.  Les  Anciens  veulent  mê- 
me que  Saturne  ait  appris  à  Janus  l'art  de  graver  des  lettres ,  6c  de  faire  de 
la  monnc^e.  Hic  littéral  imprimer e^  hic  (ignare  nammos  in  Italiaprimus  inftttmt^ 
ttnde  Ararium  Saturni  vocatur.  Tertullien  dit  la  même  chofe.  Ab  ipfoprimum  y 
tabula,  &  imagine fignatus nummus y  &  inde  étrario pr<zjîdet.  En  eftetlesRo- 
B^ijis  avoient  mis  le  Tbréfor  de  la  Republique  dans  le  Temple  de  Saturne. 

PltL"-^ 


ET  DES  CULTES  DE  L'E G L I S E. y^r^. I V.  587 

Plutarque  nous  en  rend  une  raifon  plus  vrai-femblable  que  celle-là.  Ils  y  pla-  Q."eftioaj 
çoient  non  feulement  leur  argent,  mais  auffi  leurs  Archives,  leurs  Titres  qS.  4*. 
Se  leurs  Rcgiftres.     Les  livres  appeliez  Elephamini ^  oià  étoient  écrites  les 
2f.  Tribusde  la  ville,  étoicnt  auffi  tardez  dans  ce  Temple  de  Saturne.  Plu-  LesArchi- 

::  •  17       •    •         j  •  JT     ..  1  •        j  1     vesdeRome 

tarque  rejette  1  opinion  de  ceux  quidilent  que  cela  venoit,  de  ce  que  du  étoient  gâ- 
teras de  Saturne  la  iuflice  reenoit ,  &c  que  l'avarice  &  le  vol  n'avoient  pas  de  <i^"«if"sifi 

,.  1      r      /      •  11  -1  -^'i.      Temple  de 

lieu  5  parce  que  toutes  choies  etoient  communes.    11  croit  plus  vrai-lembla-  saturqe  arec 
ble  que  cela  venoitde  ce  que  Saturne,  comme  Dieu  de  T Agriculture,  efl:  'li^'"^^"*^ 
le  Dieu  de  l'abondance  6c  dts  richefîes  ;  c'eil  pourquoi  d'autres  difent  qu^on 
donne  à  Saturne  Oyj- pour  femme ,  d'oii  vient  Opes^  richeflès.     Il  efl  cer- 
tain que  parmi  tout  cela  on  y  voit  quelque  ombre  des  aventures  de  Noé. 
Ce  Navire  qui  ëtoit  marqué  d'un  côté  fur  la  monnoye  Romaine,  avectine 
tête  à  double  vifage  de  l'autre,  répréfentoit  d'un  côté  Noé  voyant  les 
deux  mondes ,  6c  de  l'autre  l'Arche ,  ce  grand  vaifléau ,  à  la  faveur  duquel 
il  échapa  des  eaux  du  déluge.     Ce  que  le  Temple  de  Saturne  ell:  choifi-pour 
le  lieu  oii  l'on  conferve  les  Archives ,  6c  particulièrement  les  Regiftres  des 
Tribus  5  c'efl:  parce  que  Noé  eft  communis  fatorgenerjs  hummi.  C'efl  le  père 
commun ,  qui  tient  le  Regiftre  de  la  naiffance  de  ^t^  enfans.    Ce  qu'on  lui 
donne  le  thréfor  en  garde,  parce  qu'il  eft  le  Dieu  de  l'abondance ,  en  qua- 
lité de  Dieu  de  l'Agriculture  3  c'efl:  parce  que  Noé  étoit  Laboureur  de  la 
terre.     A  la  veritéjc  n'ai  encore  pu  découvrir  par  quelle  machine  on  fait  ve- 
nir Noé  en  Italie,  car  le  lieu  oij   Tondit  ^ue  l'Arche  s'arrêta,  6c  oii 
Noé  débarqua,  ne  meparoîtpas-avoir  rien  decommun  avec  l'Italie.  Moïfe 
l'appelle  Ararm.  Jofephe  prétend  que  c'eft  rArmenie,6c  que  la  montagne  ^^-ukA-^ 
for  laquelle  elle  s'arrêta  s'appelle /ïfoK/Kwpîuà/ftJî/.  licite  un  Nicolas  de  Da- ^'*'' '^' ^' 
mas,  qui  appelle  cette  Montagne  j5^m.  Il  dit,  que  ce  lieu  en  Arménie  a 
long-teras  été  appelle  àrotccrvipiov,  la  décente  ou  la  fbrtie,  parce  que  Noé 
fbrtit  de  l'Arche  en  cet  endroit.    Je  foupçonne  donc  que  cette  fable  du  11  y  a  dans  le 
voyage  de  Saturne  en  Italie   vient  de  l'orgueil  des  Romains,  qui  fe  fai:  voyage  de 
foient  honneur  de  tout,  6c  qui  n'oublioient  rien  pour  relever  la  gloire  de  liurqu^ef- 
leur  pais  6c  de  leur  nation.     Non  contens  d'être  venus  deTroye ,  décen-  «suerappoit 

, .,  •  J         ^  3VCC  Ipq 

dus  d'Enée,  6c*du  fang  des  Dieux ,  ils  ont  ete  bien  aifes  de  perfuader  que, aventures 
leur  païs  avoit  eu  l'honneur  d'avoir  pour  Rois,  le  père  des  Dieux  6c  des  ^^n°«- 
hommes,  6c  la  plus  ancienne  divinité  du  monde.     Il  y  aune  vieille  Tradi- 
tion, qui  fe  lit  dans  Epiphane ,  êc  dans  la  Chronique  d'Eufebe,  9^1  dit,  j..  j^^^^ 
que  Noé  auprès  de  Rhinocorura ,  dans  les  confins  de  l'Egypte  6c  de  l'A-  hsreCâ^, 
rabie',  avoit  partagé  le  monde  à  fes  trois  enfans  par  foit,  donnant  a  Cham  ^ÔukT' 
îa  Libye,  à  Sem  i'Afie,  à  Japhet  l'Europe ,  quelques-uns  ajoutent  que  Eufebii' 
Noé  s'embarqua ,  6c  alla  mener  fes  enfans  fur  les  rivages  dés  terres  qu'il  leur.JJ^^°""^°*^ 
avoit  données.     Si  l'onpouvoit  être  affûré  de  l'antiquité  de  cette  fable,  on 
diroit  que  l'Hiftoire  du  voyage  de  Saturne ,  ou  de  Noé  en  Italie,  auroit 
tiré  fon  origine  de  là.     Mais  je  crains  fort  que  cettefabledeladivifîondela 
terre  par  Noé,  ne  foit  plus  nouvelle,  6c  ne  foit  née  dans  le  premier  ou  le 
fécond  fîécle  de  l'Eglife,  puifqu' Africanus ,  Auteur  fort  connu  à  ceux  qui 
ontlûEufebe,  eft  le  plus  ancien  de  ceux  qui  en  ont  parlé  ;  6c  c'efl  de  lui  ap- 
paremment qu'Eufebe  l'a  emprunté. 

12.  Mais  il  faut  pourfuivre  nôtre  parallèle  de  Saturne  6c  de  Noé.  On  Lestmis 
fait  bien  que  la  fable  donne  trois  enfans  à  Saturne,  Jupiter,  Neptune,  6c  ^^'^nscie 

E  e  e  e  i  rlutoo:  cham  &  ' 


588  H  1  S  T  O  I  R  E  D  E  S   D  O  G  M  E  S 

japhet.ont  Pluton.  Ccs  trois  enfiins  partagèrent  le  monde  entr'eux,  Jupiter  eut  l'em- 

fait  trois  «j^g  ^^  Cicl ,  Ncptunc  cclui  de  la  mer,.  &;  Pluton  celui  des  dïifers.    Le 

entre  les  lavaut  M.  Bochart  nous  prouve^tres  bien  que  les  trois  entans  de  Saturne 
phSèpS-  ^o"^  ^^s  ^^^^^  ^^^  ^^  Noé,  Cham,  Sem,  &  Japhet.     Que  Cham  ell  le 

ne.sïpiu-  Jupiter  des  Payens,  Japhet  leur  Neptune,  ôc  Sem  leur  Pluton.    Le  par- 

Bo"iiart  in  ^^S^  *^^^  ^^'^^^  cnBins  de  Saturne  paroît  tiré  du  partage  de  la  terre  entre 

riuieg.  les  trois  fils  deNoe. 


CHAPITRE     VIII. 

D'où  vient  la  fable  y  que  Jupiter  coufa  les  parues. -de  Saturne. 


vîdeLnium  1 3.  f"^  E  CCS  trols  fils  de  Saturne  ,  Jupiter  lui  coupa  les  parties  de  la 


f  ^^a'f^^d         \Jf  génération.  Les  fables  font  un  peu  cohfufes  ici  :  car  on  dit  la 
Âuimo.'  même  chofe  de  Saturne ,  qu'il  fe  révolta  contre  fon  père  Cœ- 

lus ,  &  le  coupa.   Cependant  Fulgentius  in  A4yîhologicis ^  6c  Gornutus  dans 
fon  livre  de  T^at^tra  Deôrum ^diCcnt  que  ce  fut  Jupiter  qui  fit  cette  violen" 
ce  à  Satui-ne,  nous  l'avons  déjà  ci-defiiis  remarqué.  Quoi  qu'il  en  foit5ilefi; 
certain  que  cette  fable  eft  tirée  de  l'aélion  que  Cham  fifà  fon  père  Noé , 
&  ceci  confirme  la  conjeélure  que  Saturne  eft  Noé,  Cham  vit  la  nudité' 
de  fon  père,  il  ne  la  cacha  pas,  mais  il  en  avertit  fés  frères.  Voila  le  tex- 
te, 6c  l'on  a  glofé  làdefîus  d'une  étrange  manière.     Quidam  dicnrit  <jHod 
In  Gène-     cdfiravit  e^m- ^  alii  quod  coivit  cum  ipfo ,  dit  Salomon  Jarchi  ,    èc  avec  lui 
{un.  9.        plufieurs  autres  Rabbins.  C'eft  de  là  que  le  faux  Berofe  d'Anniusde  Vi- 
terbe  a  tiré  fa  fable,  que  Cham  mania  les  parties  de  fon  père,  &  par  la 
force  des  charmes  le  rendit  impuilîànt.  Bochartfait  une  conjeâure  tout  à 
fait  ingcnieufe,  c'ell  que  dans  le  texte  Hébreu,  il  y  a  i.m^  vejagged  ,  qui 
fignifie  &  il  le  révéla  ^    ou  rannon^a.     En  confervant  les  mêmes  lettres, - 
fubilituant  d'autres  points,  on  peut  lire  iJi''! ,  vajaggody(\m  fignifie  d"  refetavit,^ 
dr  il  le  coupa.  Cela  iroit  bien,  n'étoit  les  mots  qui  fuivent  ,   *&  il  le  reveU 
k  [es  deux  frerei^  qui  eîoiem  dehors.     Il  n'y  auroit  pas  de  f^ns,  à  dire  ,.  &  il 
le  coupa  à  fes  deux  frères,  qui  étoient  dehors,     Ainfi  je  ne  doute  nulle- 
ment que  cette  fable  ne  vienne  5   de  ce  que  Cham  eft  le  plus  jeune  àzs 
Moé  n'en-    fils  dcNoé,  ôcquc  dcpujs  la  nai^ance  de  ce  fils  il  n'engendra  point.  Im^ 
geiidra  pas    pofuit  finem  virtHti^generativiZpatris^  ideo  exfecui^e  cenfetur.  Et  eneftetnous- 
luge.  ne  lifons  point  de  Noé,  comme  des  autres  Patriarches,  qu'après  la  nai^- 

fance  de  fon  premier  né  il  ait  engendré  fils  &  filles,  ni  devant  ni  après  Ig^- 
6eiiei;5.33.  déluge.  Et  Noé  âgé  de  cinq  cens  ans  engendra  Sem,  Cham  6c Japhet. 
Cham  cft  nommé  le  fécond  ,  mais  tout  le  monde  convient  qu'il  étoit  le 
plus  jeune,  &:  par  conféquent  étant  venu  le  dernier,  il  eft  aufïï  la  der- 
rière produélion  de  la  vertu  génèrative  de  fon  père.  Il  eft  vrai  que  fur  la  fin- 
de  nôtre  première  Partie  page  ipi.  on  trouvera  une  fuppofition  qui  ne  s'ac- 
corde pas  avec  cette  dernière  conjeéture  :»  on  y  fuppofe  que  Noé  ôc  fa  femme 
purent  avoir  de  nouveaux  enfans  après  le  déluge.  Mais  c'èft  ce  qu'on  appelle 
une  fauire  pofition,  avancée  pour  montrer  la  loiblefie  de  l'argument  d'ifaac 
Voffius,  qui  veut  fuivre  le  calcul  des  76.  pourruinèrl'autorité  du  texte  He^ 
breu. 
Noé  chaïïe       jA.  Ce  SatuTiie  fut  chaîTé  par  Tes  enfans,  pa^îiculierement  par  Jupiter. 


ET  DES  CULTES  DE  L'E G L î S E. P^^r^. IV.  589 

On  lai  ôta  l'Empire  ,  &  Tes  trois  enfans  le  partagèrent  entreux.  Il  çit  fans,coraîne 
clair  que  cela  eft  encore  de  l'Hifloire  de  nôtre  Noé ,  ôcde  la  divifion  des  ^""''*^- 
langues.  Pendant  que  la  famille  de  Noé  après  le  déluge  ne  fut  pas  nom- 
breufc,  il  en  demeura  fans  doute  8c  le  Maître  6c  le  Roi.  Par  fon  autori- 
té il  y  -fit  régner  la  pieté  &  la  paix,  ramena  une  efpece  d'état  d'innocen- 
ce, écun  âge  de  tranquillité,  qui  adonné  lieu  à  l'âge  d'or,  cj^^on donne 
à  Saturne.  Mais  quand  Tes  enfans  furent  devenus  grands  ,  ils  fe  révoltè- 
rent 6c  partagèrent  l'Empire,  C'efl-à-dire,  que  quand  les  enfans  des  fils 
de  Noé  furent  multipliez-,  ce  qui  fe  fit  en  peu  de  tems,  ils  ne  reconnu- 
rent plus  l'empire  de  leur  ayeul,  ils  s'écartèrent  en  divers  lieux  ,  6c  fur 
tout  depuis  la  divifion  des  langues,  chaque  famille  prit  fon  quartier  dans 
la  terre  ,  6c  Noé  fut  entièrement  oublié ,  6c  vécut  en  particulier  dans 
quelque  coin  de  la  terre. 

If:  Saturne  eft  jette  en  prifon  par  Jupiter,  6c  envoyé  mêmes  dans  ces  Que  figniSe 
demeures  fombres  qu'ils  appelloienc  Tartara.  l'cxii  de  Sa- 

turne aux 

KiLuTç  n  ^^-KuTç  TupTupov  &e.  ^"^"'• 

Tar  mes  confeils  le  vieux  Smuyyig  efi  cmhé  >Efchiîus.  m 

Dans  P enfer  avec  Ces  alluz.  6cc.  *  ''^"S-  l''^^- 

"Pour  moi  je  fuis  le  plus  troriipé  du  monde,  fi  cette  fable  ne  vient  de  cet  siience 
étonnant  filence,  dans  lequel  eft  enfevelie  la  mémoire  de  Noé  depuis  fa  ^/onnant  de 
fortie  de  l'Arche.     H  éroit  encore  vivant  quand  Abraham  vint  au  monde.  iuiNoT 
Car  il  vécut  trois  cens  ans  après  le  déluge,  6c  Abraham  naquit  ipz.  ans 
après  le  même  déluge.     Cependant  il  n'eft  non  plus  parlé  de  lui  qoe  s'il 
eût  été  abîmé -fous  terre,  6c  renfermé  dans  une  caverne  profonde,  feparé 
du  commerce  de  tout  le  genre  humain. 

i5.  Entre  les  preuves  que  Noé  eft  le  Saturne  des  Payens,  Bochart  en  satumefiit' 
apporte  une  très  curieufe.  C'eft  que  Saturne,  félon  les  Poètes,  avoitfait  qi/aucui 
une  Loi  que  perfonne  ne  vît,  fans  être  châtié,  la  nudité  des  Dieux.  C'eft  morte! ne  ^ 
pourquoi  A6teon  fut  changé  en  cerf,  6c  déchiré  par  (qs  chiens,  pour  avoir  dis  DieîxT 
vu  Diane  toute  nuë.  Et  Minerve  rendant  raifon  pourquoi  elle  avoit  aveu-  fans  être 
glè  Tirefias,  qui  l'avoit  tûë  dans  le  bain,  s'excufe  ainfî  à  la  mère  de  ce  ^""'* 
Tirefias  ,    ce  n  efi  pas  moi  qui  fai  prive'  de  U  vue  ,    c'^efi  la  Loi  de  Saturne  ,  Cailimachus 
laquelle  ordonrie  cjue  fi  quelque  mortel  entreprend  d.e  regarder  les  Dieux  ,  /'/  fait  *°  "y™"- 
puni.     Et  effet  il  y  a  toute  apparence  que  cela  eft  emprunté  de  la  male- 
diéèion,  que  Noé  prononça  contre  k  famille  de  Cham,  parce  qu'il  avoir 
vu  fa  nudité,  6c  ne  l'avoit  pas  couverte. 

17.  Dans  les  livres  de  la  Préparation  Evangelique  d'Eufebe  ,  entre  la 
multitude  de  rares  6c  de  curieufes  pièces,-  qu'il  nous  a  fauvées  du  naufrage, 
nous  avons  un  fragment  de  l'Hiftoire  d'Âbydenus  Allyrien  ,   dans  lequel  Notd^iie 
cet  Auteur  rapporte  l'Hiftoire  du  déluge  ,    d'une  manière  remarquable  J'^SJj^j 
pour  nptre  fujet.     C'eft  pourquoi  je  rapporterai  ce  fragment  ici  entier,  touchant 
tî>4  celui-ci  fiu£cederent  plufieur s  autres  dans  V Empire  ,  &  entre  les  autres  »«  pHift'o^edu 
nom?Ké  Seifithrus.     Auquel  Seîfirhrus  Saturne  donna  avis  qu'ail  y  aurait  d,ans  peu  déluge. 
une  pluye  terrible  ,  .  (j;  qui  inonder  oit  tout  s    II  commanda  qu'on  ferrât  tous  les  Eufeb.  de 
écrits  dans  Hehopolis  ^  ville  des  Sippariens.  Lui  ^  ayant  obe'ï  aux  commandemens^'^"-  . 
du  Dteu,  entreprit  une  navigation  du  côté  de  P Arménie  ^  durant  laquelle  tl  fut  $>.  c.  \Zi 

Eeee  ^5  fur- 


590  HISTOIRE   DES  DOGMES 

ptrprts  par  ces  pluyes  ,  ^ui  lui  avaient  été  prédites.     Or  trots  joun  après  que  la 
t-empete  eut  commencé  h  fe  relâcher  ,    il  laiffa  aller  des  oijeaux,  pour  voir  y  ils 
ponrroient  trouver  (Quelque  terre  découverte.     tJPK^is  ces  oifcaux  ne  voyant  par 
tout  cfu'^une  va/h  mer ,   &  ne  trouvant  aucun  lieu  àajjeoir  le  pted  ^  retournèrent 
a  Setjithrus  ,    (27"  les  oife^-iux  qu'ail  cnvoj>i  en  fuite  firent  la  même  choje.     eJPKais 
après  avot^jf ait  cela  par  trois  fois^  il  obtint  ce  (juHl  fouhaitoit^  car  enfin  les  oifeaux 
revinrent  avec  du  limon  à  leurs  plumes.     Incontinent  les  Dieux  le  tranfporterent 
du  milieu  des  hommes  ^  &  il  ne  fut  plus  vu.    Cependant  f on  vaiffeau  s'' alla  ren^ 
dre  dans  P  Arménie  ,  &  fournit  aux  habit  ans  du  lieu  du  bois  .,  dont  ils  font  des 
préfervatifs  ,  .&  des  remèdes  que  l'on  pend  au  cou.     Il  eft  clair  que  c'eft  là 
rHilloire  du  déluge  de  Noé  ,    6c  on  ne  fauroit  du  tout  la  méconnoître, 
-Antiquit.     fi  l'on  ajoûtc  ce  que  Jofephe  en  dit,  à  ce  que  Mo'iTe  en  avoit  écrit.     Or 
liUi.  c.  5.    Qi;,  yoit  ici  que  l'Hiftorien  a  coupé  en  deux  une  feule  perfonne.     Il  ap- 
pelle celui  qui  donna  l'avis  aux  hommes  d'alors  ,  du  déluge  qui  devoit 
'  venir,  Saturne,  6c  il  appelle  Seifithrus  celui  qui  fe  fauva  en  Arménie  dans 
un  vaifléau.     Cependant  il  eft  certain  que  celui  qui  prédit  le  déluge  ,  eft 
le  jriême  qui  fe  fauva  dans  l'Arche,  ôc  s'en  alla  en  Arménie,  ou  en  Ara- 
rat.   Ainfi  en  rejoignant  ce  que  cet  Auteur  a  féparé ,  on  voit  que  Satur- 
ne, Seifithrus ,'  &  Noé,  font  le  même  homme.  En  pafiant  je  remarque- 
Libro  de     rai  quc  la  circonftance  de  l'enlèvement  de  Noé  eft  empruntée  de  l'Hif- 
judsis,       toire  d'Enoch.  Je  fuis  afîuré  que  fi  l'on  vouloit  examiner  avec  exactitude 
l'Hiftoire  fabuleufe  de  Saturne  ,  on  j  trouveroit  beaucoup  plus  de  vefti- 
ges  de  l'Hiftoire  de  Noé. 
Hifttoire  Mais  j'en  fuis  las  >  feulement  pour  fatisfaire  à  la  promefle  que  j'ai  faite , 

fice^S-  ^^  prouver  que  les  Payens  ont  caché  plufîeurs  de  nos  Patriarches,  Ibus  la 
btahamdé-  même  Idolc,  j'ajoûtcrai  un  pafTagc  de  Porphyre ,  qui  nous  apprend  que 
a"  u?ÉHfè-  ^^^  Phéniciens  avoient  renfermé  fous  leur  Saturne ,  Abraham  le  grand  Pa- 
biumPrx-  triarchc  des  Juifs.  Cé-^a:,  dit-il,  qui  étoient  dévouez,  au  facrifice  ^  étoient  égor- 
par.  Eyang.  g^^  ^^^ç  quelques  Cérémonies  myftiques.  (far  Saturne,  que  les  T^héniciens  ap" 
&  iib.  4.  pelknt  Ifrael ,  &  qu'ails  cenfacrermt  après  fa  mort ,  ^  qu'ils  adorèrent  fous  Vétoi- 
Anob  tl  ^^  ^^^  porte  fon  nom ,  régnant  en  ces  lieux  ,  ^  ayant  un  fils  unique  d'aune  Nym- 
—,^2»  jn  P^^  ^^  pais ,  nommée  Anobreth  ,  (^  qui  à  caufe  qu'ail  étoit  unique  ^  fe  nommoit 
gmh  conci-  j^ehoud  ,  mot  qui  fignifie  unique  en  langue  Phénicienne  ,  une  cruelle  &  dange- 
picns,  qui  ^^^j^  guerre  étant  furvenue  contre  le  pais,  tl  immola  ce  fils  unique  fur  un  Autel  ^ 
grace.M.Bo-  quâ  avoit  bâti.  Et  Sanchoniathon  peu  devant  avoit  aufti  dit  de  Saturne, 
"  uldm  '^pha-  ^^'^^  avoit  offert  fon  fils  unique  en  holocaufle  ,  qu'il  s^ étoit  coupé  Us  parties  de  la, 
leg.  génération^  &  qu'il  avoit  obligé  fies  compagnons  à  faire  la  même  chofe.  C'eft  ainiî 

Prïpaî." "  ^^  ^^  ^^^  Hilloriens  fabuleux  ont  défiguré  l'Hiftoire  Sainte.    Quoi  qu'il  en 
Evang.  de    foit,  d.aus  ccttc  confufion ,  on  y  voit  que  Saturne  étoit  Abraham  ^  félon  les 
ihoÎT^'    P^éi^iciens.  Car  ce  qu'ils  l'appellent  Ifrael^  c'eft  une  eiTCur  qui  a  confon- 
du le  grand-pere  Ôc  le  petit-fils ,  Abraham  &  Jacob ,  le  nom  d'Anobreth , 
qu'il  donne  à  la  mère  de  ce  fils  unique  ,   ne  doit  pas  empêcher  qu'on  ne 
reconnoifle  Sara.     Car  enfin  ce  facrificc  de  ce  fils  unique  a  trop  de  rap- 
port avec  le  facrifice  d'Ifaac,  pour  n'être  pas  le  même,  ôcaflurémentce 
n'eft  pas  fans  vrai-femblance,  qu'on  dit  que  \ç>^  Phéniciens  peuvent  avoir 
emprunté  de  là  la  coutume  de  facrifier  des  enfans.     Il  eft  vrai  que  le  mot 
Jehoud,  nin»,  fignifie  unique  dans  la  langue  Phénicienne,  mais  cepen- 
dant 


ET  DES  CULTES  DE  UEGLISE.  TmAY,  <oi 

dant  je  fuis  trompe,  ficenom  n'eft  donné  à  Ifaac  par  une  autre  erreur, 
qui  confond  Ifaac  avec  l'un  de  î^s  décendans,  favoir  ;./;W^ ,  d'où  ]a  na- 
tion a  pris  le  nom  de  Jehouàei ,  \ts  Juifs.  Ce  que  Saturne  fe  coupe  les 
parties  de  la  génération  ,  &  oblige  ^ts  alliez  <ru^^«';^«ç  à- faire  la  même 
chofe,  eft.  apparemment  pris  de  ce  qu'Abraham  fe  circoncit,  &  obligea  toii^ 
les  maies  de  fa  maifon  a  faire  le  femblable. 


lïL  TRA!^ 


59* 


HISTOIRE  DES  DOGMES 


h  ^l?i  ^Yo  #  ^i  ^h  'fâ  'f^  ^^'^  ^i.  %  •  %  ^fi^i  %  •  ^  %  ^3t  %  i^  ^  '^  ^J^  •''.'?(  -"^  ^i>  ^ 


III.     TRAITE 

DE    B  A  H  A  L 

Et  des  Bahaïms  7  de  Belus^  Belenus,  Elio^ 

^balus  &^c.  de  J^upiter  Hammon , 

de  Nimrod^  Cham  &c. 


Nomb. 


CHAPITRE     L 

textes  dû  t Ecriture  ^  ou-il  eft  parlé  de  Bahal^des  Baha- 
Im  ^  Qf  des  Bahdhws, 

L  n*yapas  de  faulTe  divinité-  plus  célèbre  dans  l'E- 
criture Sainte  que  Bahal,  ôc  nous  ne  faurions  mieux 
la  placer  qu'apalis  Moloch ,  puifque,  félon  toutes  les 
•apparences,  Moloch  6c  Bahal  font  le  père  6c  le  fils. 
Les  paflagqg  du  Vieux  Teflament ,  où  il  nous  eft 
parlé  de  Bahal,  font  en  fi  grand  nombre,  qu'il  feroit 
difficile  de  les  répréfenter  tous.  Cependant  il  faut 
rapporter  ici  les  principaux  ,  pour  voir  fi  nous  en 
pourrons  tirer  quelque  lumière  ,  qui  nous  appren- 
ne quelle  étoit  cette  divinité.  Entré  les  Moabites  il  y  avoit  des  hauts 
lieux  ,   qui  s'appelloient  les  hauts  lieux  de  Bahal.     Et  quand  le  matin  fut 


venu . 


,  Balakjprit  Balaam  ,  &  le  fit  monter  atix  hauts  lieux  de  Bahal  ^  d'où  il 
Juges  j.  g^.  vit  le  bout  du  peuple.  Dans  l'Hilloire  de  Gedeon ,  il  nous  eit  extrêmement 
parlé  de  ce  Bahal.  Gedeon  démolit  fon  Autel .,  &  coupa  le  bocage  qui 
étoit  auprès  ':  les' gens  du  lieu  s'en  mirent  en  colère  ,  &  voulurent  faire 
mourir  Gedeon.  Mais  Joas  père  de  Gedeon  le  défendit,  &  dit,  fi  Bahal 
e£:  Dieu^  cju^il  prene  la  caufe  pour  lui-même ,  de  ce  ^ue  Pan  a  démoli  pin  Autel. 
Et  ïï  appella  le  nom  de  fon  fils  ferubb(éd ,  qui  fignifie  que  Bahal  prene 

^  querelle 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  F^r^.IV.  593 

querelle ,  ou  cju'il  plaide  ôc  difpute  ,   favoir  contre  ceux  qui  ont  démoli 
Ton  Autel  ,  6c  coupé  Ton  bocage.     C'ell:  apparemment  là  le  Jerombahd , 
duquel  le  fameux  Sanchoniarhon  dit  avoir  emprunté  une  partie  des  cho- 
fes,  qu'il  a  fait  entrer  dans  fon  Hiftoire  7r«pà  toO  îe^o\i.^uKov  lepéaç  rou  ô^ct/ Eufebe 
leva  y  OU  comme  a  Porphyre  Uu  ,  fur  quoi  l'on  peut  voir  entr'autres  M.  Ev^S"'iit> 
Bochart  dans  fon  Phaleg,  dans  le  dernier  chapitre  de  la  féconde  Partie.  i.^cTp^'iô.sc 
Mais  il  ne  nous  eft  parlé  de  ce  Bahal  en  aucun  lieu  davantage,  que  dans^^'^^v'^^V* 
l'Hiftoire  d' Achab ,  de  Jezabel  fa  femme ,  &  du  Prophète  Elie.     y4chab  I^''^-?.^ 
fils  de  Homrifit  ce- qui  eft  defagréable  à  Dien^  plus  c^ne  tous  ceux  cjm  avaient  été  i.koïsi*. 
devant  lui.     Comme  jî  ce  lui  eut  été  feu  de  chofe  de  cheminer  dans  tous  les  péchez.  *°'  *  '•  **• 
de  feroboam  ,  ftls  de  IS^ébat  ^  il  prit  a  femme  fez.abel,  fille  d^Ethbahal,  Roi  des 
Sidotîiens ,  pMÏs  s'en  alla  &  fervit  à  'Bahal ^  &  fe  profterna  devant  lut ,  &  dref- 
pi  un  ayfutel  à  Bahal  en  la  maifin  de  Bahal ,   çjui  eft  en  Samarie, 

Dans  le  i8*"«.  chapitre  du  même  livre  ,  qui  eft  le  premier  des  Rois, 
nous  avons  cette  admirable  Hiftoire  du  procez  d'Elie ,  &  des  Prophètes 
de  Bahal ,  pour  favoir  qui  étoit  le  vrai  Dieu  ,  l'Eternel  ou  Bahal.  Elie 
demande  qu'on  aflemble  les  400.  Prophètes  de  Bahal,  &  leur  propofe 
de  facrifier  Ao^s  viâimes  fans  feu  ,  lui  fur  un  Autel  qu'il  bâtiroit  à  fon  ' 
Dieu ,  eux  fur  l'Autel  de  Bahal ,  &  que  celui  qui  feroit  brûler  (ts  viéli- 
mes  5  en  faifant  tomber  le  feu  du  Ciel  pour  les  confumer  ,  feroit  eftimé 
le  vcrirable  Dieu.  Ils  "acceptèrent  cette  propofition.  Ils  prirent  un  bouveau  i.roîs 
^û'on  leur  donna  ^  &  V apprêtèrent .^  ^invoquèrent  le  nom  de  "Bahal  ^  depuis  /e'**^^-'*- 
ma/tinjufcjues  a  midi ,  dijant^  Bahal  exauce  nous.  Mais  il  n'y  avait  ni  voix  ni 
réponfe  ,  &  ils  fautoient  d'outre  en  outre  pardejfus  P Autel  qu'ion  avoit  fait  ôcc. 
Ils  criaient  donc  à  haute  voix  ,  &  fefaifoient  des  incifîons  avec  des  couteaux  ^ 
des  lancettes ,  félon  leur  coutume  ^  tant  que  le  fang  en  coulait.  Elie  fe  moquait 
d^eux ,  dr  difoity  criez,  â  haute  voix  ^  car  il  efl  Dieu^  mais  il  penfe  à  quelque 
chofe ,  ou  il  eft  occupé  à  quelque  ajfaire ,  ou  il  eft  en  voyage ,  peut-être  qu'il  dort, 
&  il  s"^ éveillera. 

Le  même  Prophète  dans  le  chap.  fuivant,  fe  plaignant  qu'il  étoit  de-  Châp,fj>.tg. 
meure  feul  dans  les  dix  Tribus  ,  qui  n'eût  point  participé  à  l'idolâtrie  ? 
Dieu  lui  répondit,  ^e  me  fuis  refervé  fept  mille. hommes  en  Ifra'èl^  favoir  tous 
les  genoux  qui  n'ont  pas  ployé  devant  ^ahal ,  &  toute  bouche  qui  ne  Pa  point 
baifé.  Nous  avons  dans  l'Hiftoire  de  Jehu  le  récit  de  la  manière  dont  a.p.oîs£o. 
ce  Prince  détruifit  le  Temple  de  Bahal  &  ^ts  ftatuës,  tua  tous  fes  Sacri- 
ficateurs, &  fit  de  fa  maifon  un  lieu  de  retraits,  &  brûla  (es  images. 

La  malheureufe  Hathalia  avoit  établi  dans  Jerufalem  le  culte  du  mê- 
me Dieu.     Et  Joas  fous  la  conduite  8c  par  l'ordre  du  Souverain  Sacrifi- 
cateur Jehojada,  détruifit  cette  Idole.     Et  tout  le  peuple  du  païs  entra  dans  t.R.oi«rr. 
la  maifon  de  Bahal,  &  la  démolirent ,  enfembk  les  autels ,  &  briferent  tntiere-    ' 
ment  les  images.     Ils  tuèrent  auffl  Mattan  Sacrificateur  de  Bahal  devant  fes  Au- 
tels,    Il  eft  dit  des  dix  Tribus,  qu'ayant  déUtftéies  commandemens  de  Dieu ,  z.RoîsxfK 
ils  fe  firent  des  images  de  fonte  ,  favoir  des  deux  Veaux  ^    &  fe  firent  des  boca-  *^* 
ges  ^  &  fi  profternerent  devant  toute  l'armée  des  deux  ,    &  fervirent  à  Bahal.  . 
Et  de  Manafie  ,  qu'il  redrejfa  les  isy^uteL  de  Bahal ,  6cc.  fe  profterna  devant  t.Ko\sii.i, 
toute  l'armée  des  cicux ^  &  leur  firvit.  Dans  l'Hiftoire  delà  reformation  de 
l'Eglife  que  Jofias  fit,  nous  lifons  qu'il  ordonna  à  ceux  qui  avoient  la  gar- 
de des  vaifleaux  ,   qu'ils  tiraffent  hors  du  Temple  de  f  Eternel ,   tous  les  vaif-  zB-o-ssî, 
Part.  ir.  Ffff  '  féaux  "^-^^ 


594  H  I  S  T  O  I  R  E  D  E  S  D  O  G  M  E  S 

*  ^Tnl^•^î  feanx  <jHi  avaient  été  faits  pour  Baal^  *  four  les  bocages  ^  &  pour  toute  l'armée 
lifcr  pour  ^^.j-  çicux ,  &  (^ti*il  les  brâla  hors  de  ferufalem  dans  la  campagne  de  Cedron  j  ^«V/ 
Les  bocages  abolit  les  Camars,  ou  Sacrificateurs  i^ue  les  Rois  de  Juda  avotent  établis ,  quanà 
ne  v'5"nÇ'"  on  faifoit  des  encenfemens  ftir  les  hauts  lieux.  Il  abolit  aujfi  ceux  cjui  fatfoient 
puifquec'eft  des  encenfemens  à  Bahal ,  au  ^oleil  ^  à  la  Lune  ^  aux  Afires ,  bref  à  toute  l'ar^ 
une  énume-  j^/^  ^^^  cieUX. 

faux  Dieux,  Il  y  a  plufieurs  autres  paHages ,  particulièrement  dans  les  Prophètes , 
vafflëaix"*  OLi  il  ell  parlé  de  Bahal,  mais  je  ne  croi  pas  qu'ils  nous  pulTent  donner 
ctoientcon-  plus  de  lumière, pour  arriyfràla  connoiiTance  de  cette  divinité, que ceux- 
nondêkurs  ^^  '  ^'^^  pourquoi  uous  n'en  rapporterons  pas  davantage.  Il  y  a  feulement 
Autels  &  deux  choies  importantes  à  remarquer:  la  première  ,  c'efl  que  l'Ecriture 
bocages.  p^j.jg  fouvent  des  Bahals  au  pluriel ,  ou  Bahalins ,  a^^yi .  Les  enfam  d'^If^ 
Des  Bahals  raël  firent  ce  c^ui  efl  désagréable  â  l'Eternel ,  &  fer  virent  aux  Bahalins.  Et 
«ipfutfeT  ^^'"'^  ^^  chap.  fuivant  :  Ils  oublièrent  l'Eternel  leur  Dieu  ,  &  fervirent  aux 
Juges.  2.11.  Bahaltns,  &  aux  bocages.  Et  au  premier  livre  de  Samuel.  Ils  crièrent  à  PE^ 
Vû1"a'ns^ie  ^^^^i^~j  ^  dirent  ^  nous  avons  délaijjé  P Eternel  ^  &  avons  fervi  aux  Bahalins.  Il 
même  livre  y  a  mille  autres  endroits,  où  il  eil  parlé  des  Bahals  au  pluriel  :  Ce  qui  faif 
8.33.  8c4o.  ^Qj^.  ^^y^^  y  avoit  plufieurs  divinitez  qui  étoient  ainfi  appellées.  Ou  bien 
T.Sam.  12,.  CQS  mots  au  pluriel  lignifient  la  pluralité  des  ftatuës  conl'acrécs  au  même 
^^'  Dieu  ,  6c  qui  avoient  divers  noms ,  félon  la  diverfité  des  lieux  j   comme 

autrefois  les  Payens  donnoient  au  même  Jupiter  divers  furnoms ,  comme 
d'Olympien,  de  Dodonéen  &c.  félon  les  lieux  oi^i  il  étoi:  adoré.  Ainfî 
aujourd'hui  la  même  Nôtre  Dame,  félon  les  Papilles,  s'appelle  en  un  heu 
deMonferrat,  en  un  autre  de  Liefle ,  en  unautredeLprette  ,  en  un  au- 
tre des  Ardillieres.  C'eft  pourquoi  on  pourroit  dire  les  Nôtres  Dames  en. 
général.  Mais  nous  verrons  dans  la  fuite  qu'il  ell:  plus  apparent,  ou  plu- 
tôt qu'il  ell  certain,  que  plulieurs  Dieux  differens  portaient  le  nom  de  Ba- 
jferem.îs».  hal.  Nous  avons  déjà,  vu.  comme  le  nom  de  Bahal  étoit  quelquefois 
^-  *•  donné  à  Moloch. 

Les 70,.. ont-      L'autre  choie  remarquable^  c'efl  que  Ce  Dieu  Bahal,  par  les  70^  In- 

padé^dt^Ba*-  tcrpretcs  cll  fouvent  defigné.  comm.e  une  Déelîe,  aulH  bien  que  comme 

hai  comme   uu  Dicu 3:  Car  fouvcnt  ils  cojillruifent  ce  mot  avec  àts  articles  féminins, 

^^uiie    ee-  domine  au   i.Sam.  7.  4.    ^spiaKov  .ràg  BsîaAz/x,.  Us  détruiftrent  les  fiatues  de 

jerem.  z  x3.  Lî  Désjfe  Bahal ,    ou  ils  détruifirent  les  Bahaiines.     K«/  itov  elcuv  oî  ùeoi  a-a 

"'^'*      êcc.  eèvQV  ri^  BxaK.   Ils  ont  facrifié  à  la  'Déefe  Bahal.    èTci^urs  /Swjaàs  ^vfiicl'j 

TVi  BpcaK.      Vous  avex.  établi  des  ^Autels  pour  fair^  des  parfums  à,  la  Déeff&' 

JtKm,i9.s..Bahal:     Kai  cjjKûîo/xviû-av  v-^^lu  t^BuocK^  6cc.     Et  ils  ont  édifié  des  hauts  lieux 

à^  la  Déejfe  Baal ,  pour  br filer  Imrs  fils  par  le  feu  ,    ce  que  je  n^ai  pas  com^ 

Iferem. 3*..   mandé:.     K«/  4^o^ôi^vi(rav  -raV  B.w|u,s^'$  tvÏ  BuxA  h  (pdpayyi  vtov  6vvo[jl,,  &  Us  oni 

©ieea.s.     édifié  des  iAutels  en  la  vallée  de  Hinnom  ^    à  la  Déefii  Bahal.     Et  en  Ofée 

ciiirvj  ^£  è'Koivfs  XP^<^^'  î<â:/\  àpyvçSt  t^  BccuKy.  &  elle  a  confacréfon  or^  #  fin  ar- 

cent,  à  la.  Déefie  Bahal.     Et  enfin  St.  Paul  en  i'onziéixie  de  l'Epître  aux 

Kom.  V.  4.  dit  in  huy^^uv  yovv  Ty  B««A.    3s  n'ont  pas  fiéchi  le  genou  devant: 

Bahals  Voila  ce  que  l' Ecriture  nous  apprend  de  cette  divinité,  &fur  quoi- 

îituis  ayons  préfentemen^  àfairenos  réflexions  &  nos  remarques, 


■'^..  M;  Ol' 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  TartAY,  595 


CHAPITRE      IL 

Vu  nom  de  Bahal,  comment  il  s'ejl  répandu  par  tout  ;  noms  j)r  après 
dans  lefquels  il  efl  entré.   D'EUogabalus, 

CE  nom  de  Bahal ,  Vi ,  (îgnifie  Seigneur ,  Maître  &  Mari  5  8c  c'étoit 
uns  doute  le  nom  qu'ils'  donnoient  à  leur  Dieu  Souverain,  à  celui 
qu'ils  conce  voient  Maître  des  hommes,  des  Dieux,  &  de  toute  la 
nature.  Ce  nom  a  tiré  Ion  origine  de  la  Phénicie  ,  car  Bahal  eft 
un  Dieu  des  Phéniciens.  11  eft  clair  que  Jezabel ,  fille  d'Ethbahal, 
Roi  des  Sidoniens ,  en  entrant  dans  la  maifon  d'Achab  apporta  cette  divi- 
nité de  la  ville  de  Sidon.  C'étoit  donc  le  Dieu  de  Tyr  6c  de  Sidon,  ôc  le 
principal  de  leurs  Dieux.  Mais  ce  Dieu  étoit  connu  fous  ce  même  nom 
dans  toute  l'x^fie.  C'eft  le  même  Dieu  que  le  Bel  des  Babyloniens,  dontle 
Vieux  Teftament  parle  allez  fouvent.  Bel  efi  tombé  fur  fes  genoMx  :  Neboefi  ^^^^^  ^  ^ 
chàfur  le  nez.  Dites  ^  Babylone  a  étéprife ,  Bêla  été  rendu  honteux,  fe  punirai  aujfi  Jeiem.  50.L 
'Bel  en  Babylone.  Car  '?j;i  &  bv^  ,  Bahal  6c  Behel,  ne  différent  qu'en  dia-  ^^^"*  ^'■'^^' 
leéle.  Ce  même  nom  êc  ce  même  Dieu  a  pafle  chez  les  Carthaginois,  qui 
étoient  une  Colonie  des  PhéniciensiTémoins  les  noms  d^Annibal^d:  Asdrubat^ 
d'Adherbal^  tous  noms,  dans  la  compofîtion  defquels  on  faifoit  entrer  le 
Belou  leBaaly  qui  étoit  le  nom  de  la  divinité  du  Pais,  félon  la  coiitume  des 
Orientaux,  entre  lefquels  les  Rois ,  ôc  les  importans  d'un  Etat,  faifoient 
entrer  dans  leurs  noms  le  nom  de  leurs  Dieux.  Le  Père  dejezabel ,  femme 
d'Achab,  s'appelloit  Ethbaal,  ou  comme  les  Grecs  Vappellcnt /thobalus , 
parce  que  le  Dieu  des  Sidoniens ,  dontifétoit  Roi,  s'appelloit  Baal.  Ce 
Roi, auquel  Sanchoniathon  dédia  fonOuvrage,s'appelloitAbibalus, com- 
me l'afiûrc  Porphyre  lib.  4.  contra  Chrijlianoj',  A'/3;/3^Aû»  Bv,pvriccv  rt^v  îçopletv 
à-jcfMi:^  Entre  les  Rois  de  Tyr  il  y  en  a  auffi  un  qui  porte  le  même  nom 
Abibaîus,  félon  que  le  rapporte  Jofephe lib.  i  contre  Appion,  d'un  Hiftorien 
des  Phéniciens  appelle  Dius.  Ce  nom  eft  le  même  qu' Abimelech,  le  Roi  mon 
pcre,  d'autres  l'interprètent  Bêlas  ou  Bahal^  eft  mon  père ,  parce  que  les  Rois 
des  Phéniciens  fe  diloient  décendus  de  Jupiter  Belus.  Nebucadnetfar  eft  com- 
pote de'T^ebo,  l'un  des  Dieux  de  Babylone,  comme  ilparoît  par  ces  paroles 
d'Efaïe,  Bdefi  tombé  fur  fes  genoux,  Neboefi  chû  far  le  nez,.  Et  ce  nom  Nebu- 
cadnetfar ,  lyh'nDinD  ,  me  femble  fîgnifîer  ferviteur ,  ou  efclave  du  Dieu 
Nebo.  Car  psnx  en  Syriaque  fîgnifie  être  mis  en  fervitude.  Les  noms 
qu'on  impofa  à  Daniel,  6c  à  fes  trois  compagnons,  étoient  compofez  de 
la  même  manieie,  Daniel  fut  appelle  Beltshatfar,c'e{ï-a-du-e ,  Thréforier 
du  Dieu  .Si? ^.  Ananias  fut  nommé  ^/^aîr^^c/;,  qui  ûgniûc  démon  doux.  Msfael 
fut  nommé  Mifach  y  de  la  Déeffe  Sac  ^  ou  Sefach,  qui  étoit  une  divinité 
Babylonienne.  Et  enfin  Hazarias  fut  appelle  oyfbed  2\[ego  .^  qui  fignifîc 
ferviteur  de  Nego,  'autre  divinité  de  Babylone,  qui  femble  avoir  été  l'é- 
toile que  l'on  appelle  CpuaC^ô^oi^^  lucifcr;  de  ma,  qui  lignifie  luire.  LePa- 
raphrafte  Chaidée  appelle  cette  étoile  5  «n.i3 ,  dans  le  14.  ch.  d'Efaïe  v.  1 1 . 

Ffff  â  Les 


r.  Rois  t^ 


î   30. 


596         HISTOIRE  DES  DOGMES 

Les  Hébreux  avoient  la  même  coutume ,  prefque  dans  tous  leurs  noms 

ils  foifoienc  entrer  l'un  des  noms  de  Dieu  ,   feho,  fah  ,  El.   Jehonaihan, 

Jefchanjah ,  Ezechiel  ,  Sedekiah.  Les  Carthaginois ,  décendus  des  Phéni- 

^^^  ciens ,  avoient  confervé  cette  coutume  de  leurs  Ancêtres,  ^nmbal  figni- 

derive  Af-    fie  cxaucé  ,  OU  favorîfé ,  par  Bahalj  a^fârabal,  de  di ,  fignifie ,  recherché 

^ya 'ins*    P^^  Bahal  j  ^y^dherbal  fignifie  aidé  par  le  Dieu  Bahal.  D'oià  il  eil  clair  que  les 

Domiaus  '  Carthaginois  avoicnt  unDieuquis'appelloit  Bahal.     Nous  apprenons  d'un 

ccinaus.     ancien  Géographe ,  qu'il  y  avoit  dans  la  Libye  une  ville  appellée  Balis^  prés 

Stephanws     dcCyrenc,  ainf  nommée,  ô.\X.-'\\^  d^un  certain  Balis,  qtd  a  là  [on  Temple.  Ce 

deuibibus.  ^^^^.^  ^^  apurement  le  Baal  des  Carthaginois. 

Le  nom  de  Comme  dans  le  Traité  précédent  nous  avons  vu  que  leThaut,  ouïe 
Bahal  vient  Thaautus  dcs  Egyptiens ,  a  traverfé  la  mer ,  ôc  eft  paffé  dans  la  Gaule , 
&s'efltï-"^'  oî^i  ila  été  adore  fous  le  nom  de  Thmtates  ^  il  en  eft  arrivé  de  même  au 
panduen  j)iey  Bahal  &  Bel.  Il  eft  pafle  en  Gaule,&  y  a  été  connu  fous  le  nom  de  Belenm, 
de  l'Occ'i-  C'étoit  l'une  des  quatre  principales  divinkez  des  Gaulois ,  Thauîates ,  Hefasy 
dent.  T'^r^^^jSc  >5^/i?«»j".  Le  premier  c'eft  Mercure,  félon  l'opinion  commune,  de. 

Gaulois.      félon  moi,  Saturne,  le  fécond  Mars,  le  troifiéme  Jupiter,  ôcle  quatrième 
Apollon.  Ce  Dieu  Belenusétoitmême  pafféen  Italie  avec  les  Gaulois,  qui 
s'y  étoient  habituez,  &  c'étoit  le  Dieu  de  la  villed'Aquilée  ,jufques  dans  les 
derniers  tems  de  l'Empire.     Comme  il  paroît  par  Julius  Capitolinus,  & 
Juiius  Capi-  par  Herodien,  dont  le  premier  dit,  i]fue  iJHaximin  ajfiegeam  A^mUefansla. 
Maximinis.  po'Avoir  prendre ,  envoya  fis  AmbajfadeHrs  four  perfi^ader  au  peuple  de  fi  rendre , 
cjue  le  peuple  était  à  peu  prés  perfitadé ,  mais  que  Menophilus  &  fin  Collègue  s*y  oppo- 
jerent ,  en  dtfitnt ,  q^e^'le  Dieu  BELENVS  avoit  promis  par   les  Devins^  que 
Lib.  8.        Maxiwin  firoit  vaincu.     Herodien  l'appelle  fîf//j,  ôcdit  qu'ils  avoient  une 
Gnuerus      particulière  dévotion  pourlui ,  &  qu'ils  eftimoient  que  c'étoit  Apollon.  On 
ve^t."^'      ^^^  auffidansGruterusdiverfes  Infcriptions,  trouvées  dans  la  ville  d'Aqui- 
lée,  à  ce  Dieu  Belenus.    APOLLINI  BELENO  ,  in  honorem  C.  Petti, 
APOLLINI   BELENO  C.      Aquileienf.   Fœlix.     Ce  nom  de  Beknus 
Seid.  syn-    fcmblc  être  pur  Hébreu,  ou  Chaldée,  :i'i3î<  ^i?3  Beelenos,  c'eft-à-dire, 
tagma  2.      le  Maître  àts  hommes.     Seldenus  &;  Voftîus  foupçonnent  avec  aflcz  de 
voiïïiis  lib.  vrai-femblance  que  le  Belatucadrus  ,    6c  VAbelUo  des  Aiicicns  Bretons  6c 
z.deidoioi.  Gaulois,  vicnt  encore  delà.  Car  on  Ht  dans Gruterus,& dans Camdènus, 
"^*^'^*       ces  Infcriptions,  trouvées  dans  la  Gaule  ôc  dans  l'Angleterre.     DEO 
SANCTO    BELATUCADRO    Aurehus ,    &c.     Item  BELATU- 
CADRO  JUL.  CÏVILIS,  ôcc.  DEO   ABELLIONl  TAURINUS, 
ôcc.     Puifque  ce  Dieu  Bahal,  avec  auffi  peu  de  changement,  eft  demeu- 
ré il  long-tems  dans  l'Occident ,  il  ne  faut  pas  s'étonner  qu'il  fe  foit  auflî 
confervé  dans  l'Orient,  qui  eft  le  lieu  de  fa  naiflance.    On  le  trouve  en- 
tre les  Dieux  des  Paimyreniens  >  afîez  connus  par  la  fameufe   Zenobie. 
Cette  partie  de  la  Syrie  adoroit  entre  fes  Dieux  ^gUbelus  6c   Malach^ 
bdus^  comme  il  parok  par  une  grande  table,  qui  fut  enlevée  du  Temple 
infeîpt.      ^"^  Soleil ,  quand  Aurelien  prit  la  ville  de  Palmyre ,  &  une  longue  ïnfcrip- 
&6.  tion,  qui  fe  lit. toute  entière  dans  Gruteru^.     Malachbelus  fignifie  le  Rot 

Bel  ou  Bahal,  ôc  ^^/z^^/^î/j,  révélation  ou  oracle  de  Bel,  du  verbe  n^4,  qui 
lignifie  révéler.  Enfin  je  croi  que  nous  devons  chercher  la  même  divini- 
té dans  ce  Dieu  des  Syriens,  dont  Antoninus  Varius,  cemonftre  fi  con- 
nu dans  THiftoii-e  Romaine ,  prit  le  nom,  parce  qu'il  en  avoit  été  Sacri- 
ficateur. 


ET  DES  CULTES  DE  VEGLlSE/Fart.lV.  ^^^7 

fîcateur.     On  l'écrit  fort diverfement,  ks uns ^ y4Iaga^a/fis,ks autres E/a-^^. 
gaé>aius,  qudqucs-uns  Heldogaifaifts  ;  mais  les  Grecs  &  les  Latins  récrivent  dianus    ^ 
Iq  plus  (buvent  Helio^al^alus^  E'KioycîliccXoç,  non  i^^ioyd{iciXoç.  èKctiaya,- 

îl  efl:  certain,  premièrement  que  ce  mot  eft  tout  pur  d'origine  Syria- ^.'^^^'•. 
que,  Se  qu'il  n'y  faut  pas  chercher  le  mot  i^Kiog  Soleil,  qui  efl  Grec.  Se-  i/nusfiir 
condement  qu'il  eil  compofé.     Mais  nos  Doéles  font  extrêmement  par- ^^'"P^''^''?'> 
tagez  fur  l'origine,  èi  la  fignifîcation  de  ce  nom.     La  plupart  le  lifent  csui àxu' 
Alagahalus^  6c  quelques-uns  veulent  que  cela  fignifie  ,  le  Dieu  créateur,  de  ^j''"°  ^^' 
El  5c  EU ,  qui  iignifîe  Dieu  dans  les  Langues  Orientales ,  &;  de  V3j,  qui  vide  Fuiier. 
chez  les  Syriens  lignifie  créer ,  former.     C'elt  l'opinion  de  Fullerus ,  éc  de  J^'^"^'-  'J^* 
Volîius.  D'autres ,  comme  Seldenus ,  le  dérivent  de  Vav  &  hv^ ,  Agal  &  saimâflum  ^ 
Baaljle  premier  mot  fignifie  rond,  &  le  mot  entier  fignifieroit,  Dem  rotnndus,  hiïS*^*-. 
Z5Ù$  èi:i'/.vA.Ulioi  ,  nom  qui  ne  conviendroit  pas  mal  au  Soleil ,  qui  étoit  ^'"m- 
adoré  entre  les  Syriens  fous   ce  nom  d'EUogabaltis.     Outre  que  cela  fe  idof  iit* 
pourroit  bien  rapporter  à  l'image  de  ce  Dieu,  telle  qu'Herodien  nous  la  ^•^-  s.'sûi, 
répréfente.     Oétoit  une  pierre  notre  ronde  par  le  bas  ^  dr  cjtti  jînijjoit  en  pointe  par  i^^^^^'  ^\ 
lehafii,  c'eft- à-dire,  proprement  que  c'étoit  une' pyramide  fur  laquelle  ^"Èiiogab. 
étoient  gravées  diverfes  figures  myftiques,  &  qu'on  ellimoit  décenduë  f  no'niongè 
du  Ciel.     Cette  conjeélure  de  Seldenus  efi;  aflurémeut  allez  belle  &  vrai-  abinuio. 
femblable:  Mais  cependant  j'aime  mieux  retenir  la  leçon  la  plus  ordinai- 
re de  ce  mot  Eliogabalus  ,  éKioyalinÀDj ^  6c  dire  que  ce  nom  eft  compoféde 
trois  mots  Hébreux  p>'7j75n."i3  &  hi}^,  le  premier  fignifie  élevé, haut,  fu- 
preme,  le  fécond  luire  Ôc  luifant  ,&  le  troifiéme  efl  le  nom  du  Dieu.     Les 
tiois  mots  compofez  feroient  Elionagabalus ,  qui  fignifie  le  Dtea  élevé  luifum  , 
qui  efi: la  vraye définition  du  Soleil.     T)^£lionagabiîlus\&  temsafait  Elionga^ 
bains  ^  ^  tnÇiu  Eliogabalns ,  fins  aucun  changement  confiderable. 


C  H  A  P  I  T  R  E     I  I  L 

Baal  eft  à'nnfexe  amhigu.  Dieu  éf  ^éejjeyauffi  bien  que  Venus  é' 

la  Lune. 

7..  A  Prés  avoir  parlé  des  divers  noms  que  ce  Dieu  a  portez  dans  les  diver- 
/A^fes  nations,  où  il  eft  pafîe ,  il  me  femble  qu'il  eft  bon  de  parler  de 
ion  fexe.  Et  la  difficulté  eft  fondée  fur  ce  que  les  Septante  le 
font  trés-fouvent  féminin,  &  en  font  une  Déefle,  comme  il  paroît  par  tous  les 
pafiages  que  nous  avons  citez.  Je  n'ai  découvert  dans  le  texte  Hébreu 
aucune  raifon  de  cette  penfée  des  Juifs  Grecs,  car  il  me  femble  que  Ba- 
hal  dans  le  texte  Hébreu,  eft  toujours  mafculin.  Mais  fans  doute  ils 
avoient  appris  de  la  tradition  des  Phéniciens  qu'il  y  avoit  une  Déefie  Ba- 
hal,  aufii  bien  qu'un  Dieu  du  même  nom.  Nous  la  trouvons  exprefle- 
ment  cette  Déelfe,  fous  le  nom  de  la  Déefte  Baaltîs^  dans  ce  mémorable 
Fragment  qu'Eufebe  nous  a  confervé  de  Sanchoniathon ,  ôcde  Philo  Bi-  ^"^eb.  de 
blius  fon  Interprète,  touchant  la  Théologie  des  Phéniciens.  Enfuite  Sa- \S^i^^^\f^ 
ttirne  ,  dit  Sanchoniathon ,   donna  à  la  JDéefe   Baaltis ,  qui  s'^ appelle  aujjî 

Ffff  5  Dione^ 


59^    ''^^  -  H  I  S  T  O  I  R  E  DE  S  D  O  G  M  E  S 

^^^■^^ione'.'U  ville  de  'Biblm.     Dans  la  fuite  nous  verrons  que  ce  Bahaj  étoiti 
iu.in\\ç,  Soleil^  &  cette  Baaltis  étoit  aflurément  la  Lune.     On  doit  remarquer 
-■  que  Moïfe  ,   dans  l'Hiftoire  de  la  Création  du  Monde  ,  dit  que  Dieu, fit 

\t^    deux  grands     Luminaires  ,    le    Soleil    &    la    Lune   ,    ppu.r  4o- 
■y\  <  ■•.'.  miner Xur  le  jour  &  fur  la  nuit.  De  là  fam  doute ,  elt  venu  que  ces  deux 
'"^"v^'VpTAftres  ont  été  appeliez  Bahalins^  les  àommatmrs,     Et  la  Lune  ayant  toû- 
*-ix;      jours  été  conçue i,  par  la  plupart  à.tz  Théologiens  Payens ,   comme  une 
''^'  divinité  féminine ,  à  caufede  fon  humidité,  de  là  froideur,  &de  la  foiblcf- 

fe  de  {t%  rayons,  il  ne  fe  faut  pas  étonner lî  les  juifs  Grecs  ont  parlé  de 
"^    ■  ^,  jdeux  Bahals,  l'un  mâle  &  l'autre  femelle.  Ils  faifoient  même  Venus  mâ- 
fctflïftiafijife'le  ôc   femelle.     Macrobe    dit   ,     qu'un    Poëte    nommé    Cœlius.  l'a- 
'    voit  ^pfeWée  polkmem^fee  Deum  Fenerem  ,  nonDeam:  ôc  que  dans  l'Ile  de 
Cypre,  on  la  peignoit  avec  de  la  barbe.  Et  pmam  eamdsm  marem  m  fcs' 
ntinam  ejfe.     ^Arifiophânei  eam  à(i)fiôdirov  appellat.  Et  Levinus  eftcité  làmê^' 
Ibidem  vide  me5difant,  Vencrem  igitur  almum.  adorant  ^Jive  fœmina  Jive  mas  efi  ^ita  ut  al' 
^^^         mano^i'lHca  efi.\    ^  •       vj   /,•.,  .■  '.      '  .       ,  , 

-'":  On  petit  diïe  auffi  que  l'oà  fait  Bahal  ,  tantôt  Dieu  6c  tantôt:  Déefle,. 

à  caufe  de  l'incertitude  où  ils  étoient  de  fon  fexe.  Car  Arnobe  remarque 
que  dans  leurs  invocations  ils  avoient  accoutumé  de  dire  ,  Jtve  tu  Dem 
Amob.  c^v^-jtve  tH  Dea.  TS^j^m  confuefiis  in  precibm  dicere ,  Jtve  tu  Deasjlv^  tu  Dea^qu* 
tra  Gentes  di^bitatiortis  cxceptio  dare  vos  dits  fexum  disjftn5lione  ex  ipfa  déclarât. 
procui'ab  Et  même  ccu-x  qui  étoient  les  plus  favans  dans  leurs  myfleres ,  faifoient 
vidT'st  A  ^^^  Dieux  hermaphrodites,  ayant  les  deuxfexes ,  pour  exprimer  la  vertu  gé- 
Geiiiumiiiî.  nérativc  6c  féconde  de  la  divinité.  Ils  l'appelloient  «ppevoôîiAuv ,  6c  dans  les 
Vide  forma-  hy^^es  attribucz  à  Oi'phée,  ils  parlent  ainfi  à  Minerve,  apa^v  i^èv  nul  Ôîj- 
lasBiiffoaii.  Auc  è'Ovç  ,■  tu  es  maie  &  ferfielle.  Plutarque  in  Traélat.  de  Illde  6c  Oiîride, 
'    :  a  tire  delà  fa  penfee,  d  ^s  vovç  ô  èsog  ^ppfvoôvjAu?  wv  Çwi^  yiai  0i2?  àTrsHvvia-s  Kôyov 

srs'pùvvovv  ^yiixtspyôv.  Or  Dieu^  fuiefi-  u-ne-intdltgence  maie  (S'  fenulle  ,  étant  la 
vie  &  la  lumière  ,  a  enfante'  un  autre  verbe  ^  qui  efi  l"^ intelligence  créatrice  du 
monde.  >'      j^ 

Tout  le  monde  fait  que  les  Orientaux  adoroient  la  Lune  comme  Dieu 
St.  Auguftin  Se  DéeîTe,  6c  qu'on  difoit  Lunus  Deus  ,  &  Lima  Dea.  Ils  ejiiment  ,  dit 
*°^D  'c^'  P'iLi'^''iî'9'JC  5  ^^<?  l'^  Lune  efi  la  mère  du  monde  ,  &  lui  donnent  une  vertu  de 
Dei.  nous    'wale  &  de  femelle  ^  (^mi't)  ^p<rêvûôi^.Auy- 

Kf^lvoit  Enfin  il  y  en  a  qui  s'imaginent  que  dans  les  lieux,  où  les  yo.Interpre- 
un  hymne,  tcs  mettent  Bahal  au  genre  féminin,  il  n'y  faut  pas  chercher  tant  de  myf- 
on"difoir^  tere,  mais  qu'il  faut  foufentendre  quelque  mot  comme  e/Kwv,  image,  rii  Bi- 
ju^Mr  Cm-  ah.,  pour  Tk)  cJ-yiovi  rov  Ba«A,  à  l'in^agede  Baal.  L'Auteur  du  Livre- de  To- 
gitT/gZ-  ^'^  femble  •fav.orifer  cette  conjeéture;  car  en  parlant  de  Tapoilafiedes  dix 
tnx'^Ke.  Tribus,  qui  fe  retirèrent  de  delîous  la  domination  de  lamaifondeDavid, 
l^éSqTe  ^^t  qu'elles  iacrifierent  r^  BxaK  t^Ï  dx^âhsi ,.  à  la  vache  Baal ,  il  met  Baal 
c'etoit  parce  au  féminin,  parce  qu'il  le  conllruit  avec  ^diJ^ccKig^  qui  eft  féminin  ,  &  ils 
CgmE"e  appellent  les  Veaux  de  Dan  6c  de  Bethel ,  des  vaches  par  opprobre  WjS, 
monde, dans /^^^,î««^?,  comme  difent  les  Rabbins. 

lequel  eft        *? 

enfermée  •        ' 

toute  vertu  ' 

générativfc. 

Vide.Jocum. 

Vide  Fulier. 

MifcelL  Ub»  '"^  r-  U  4 

J>.  C,  7^  Kjtl  Ao 


ET  DES  CULTES  DE  L*E G L ï S Ev  P^r^. IV.  f^^ 


G  HA  P  I  T  R  E     IV. 

^//  fervice  qiCon  rendoit  a  Babaî  :  des  danfes  des  Anciens  dans 
kurs  facnfices  y  du  baifer  de  la  main  à  l'honneur  des 

Idoles. 

3.  "¥*  T  Oyons  préfênrement  le  fervice  qu'on  î-endoit  à  ce  t)iéu  BahaL    • 
\/  Je  laifle  à  part  les  facviftceS',  les  Temples  ,  les  Autels  ,    les  in- 
vocations, 6c  les  génuflexions  -,  parce  que  ce  font  dès  eultes  qu'on 
a  rendus  à  toutes  les  divinitez.  Mais  il  y  en  a  trois  ou  quatre  pour  Bahal, 
qui  font  remarquables  entre  les  autres:  Le  premier,  qu'on  lui  immoloit  de^  -ci:j;;^cO 
enfaais.     Us  ont  bâti  des  hauts  lieux  de  Bahaly  pôfir  hrâlêr  mu  fen  leurs  fils  en  G.'i^.  y.*^"^ 
loolocaufieaBAkal;  dit  Jeremie.  Le  2.  c'eft  qu'on  fau toit  à  rëntôiîr,  6c  fur 
l'Autel  de  BahaL     Et  ils  fautoient  pardejfas  i^ Autel  loutre  en  outre  ,    eft-il  i.  roîsi?,. 
dit  des  Sacrificateurs  de  Bahal.  Le  3*^^.  c'eft  que  ces  Sacrificateurs  de  Ba- ibidem, 
hal  Ce  faifoient  des  incijions  avec  des  couteaux  &  des  lancettes  ,  tant  me  le  fang 
en  coulait.  Et  le  4™^.  c'eft  qu'ils  le  balfbient^  d*  tôitte  Ifotickè  fM  he  Pa potnt  ck,j9. 
haife'.  .,,...     /..,>v,:.;    i  .    .'.     ■    -\_  ^ïv  .•.  -.   >   ^    :i 

Pour  ce  qui  efi:  du  premier  culte,  c'efï-à-dirc^,  du  facrifice des enfans, 
nous  en  avons  parlé  dans  le  cliApitre  précèdent  ,.  âC  nous  avons:  fait  voir 
que  ce  Bahal  de  Jeremie  ^  en  cet  endroit,-  efl:  le  Moloch  desHammonites. 
La  féconde  chofe  qu'ils  faifoient ,  c'eft  qu'ils  palîbient  pardefius  l'Autel,  Danfes  des 
il  y  a  dans  THebreu,  irics> ,  c'eft  Un  mot  qui  fignifie  paffer  à  la  vérité  ,  d"nîk  fer- 
mais il  fignifi^e  aufîi  clocher.     Et  le  Prophète  Ehe  s'en  fert  en  ce  fens  vke  divin, 
dans  le  même  ciiap.  fuÇcjHtSA  quand  ^  dit-il,  elocherezj-vous  des  deux  cotez  y 
il  y  a  dans  l'Hébreu  C>nc3  on.s*  ^n^J  li?,  ufyue  dum  clandicahitis  ^  -^m^  Sj?      "^  ^  ■ 
c:'»3];Dn  ,  fuper  duos  ramos,  fur  deux  branches.    J'explique  donc  cela  des  Céqueveat; 
danfes  que  faifoient  ces  Sacrificateurs  autour  de  l'Autel  >   car  enfin  dânsj^]^^^^'^' 
les  danfes  on  cloche  ,  c'eft-à-dire  ,  on  fe  penche  tantôt  fur  un  côté ,  §C  ^mUchché-, 
tantôt  fur  l'autre,  en  paftant,  c'eft- à-dire,  en  faifant  âts  paiïades.     Or  ^««''«^îî.a 
que  ce  fût  la  coutume  de  danfcr  dans  les  facrifices ,  cela  eft  fi  connu  qu'à 
peine  a-t'il  befoin  de  preuve.     Cela  fembloit  fi  efi^entiel  aux  fêtes  ,   que 
le  mot  de  m^  qui  fignifie  fête  ,   en  a  tiré  fon  origine  ,   car  il  vient  de 
j-in,  qui  fignifie  danfer.   Dans  fa  f^te  du  Veau  d'or,  û  tH  dit  c/ne  le  peu-  Exode  jz.rf, 
pie.  s'aj/ît  pour  manger  ^  pour  hoiré'^  ^  fu^lfè  leva  pour  jouer  j    c'ell-  à-dire , 
pour  danlèr.   Et  JVÎoïfe  déeendant  de  la  montagne  dit,  qu'ail  entendait  une 
•ûpix  d^  chanterie.     Dieu  même  s'étoit  accommodé  à  cette  coutume ,  il  la 
fouffl"oit  dans  les  fêtes  qui  fe  faifoient  pour  lui:  David  danfe  devant l'Ar-  2. Samuel**- 
che,  6c  s'en  fait  un  honneur.  Et  le  Pfalmifte  nous  dépeignant  une"  fainte       i-^'v-' 
fête,  dit,   O  Dieu  ils  ont  vAtesdér^ArGhes\ Us  démarches  de  mon  Dieu  ,  ^^/ i'^<f '•*''*" 
ift  mon  '^oi^  allant  au  lieu  Saint.    >  Lès  ehafïïrés  aUcient  devant ,  puis  itpre's  les   ^'^  " 
joueurs  d'itifirumens ,   &  les  jeunes  filles  fônnàik  du.tahmrin.  Il  y  avoit  même 
entre  les  iVliniftres  des  chofes  facrées ,  chez  les  Romains,  des  Prêtres  de. 

Mars,, 


6oo  HIST  OIRE  DES  D  O  GMES 

Féftus  in      Mars  ,  appeliez  Salit  ,    à  faltando  &  faliendo.     Sdios  à  faliendo  &  faltandâ 

voccSalii.     diôhs  ejfe  ^  /juamvis  dubitart  non  debeat  ^  tamen  PaUmon  ait  Arcada  cjHemdam 

fitijfe  nomine  Salium ,  (juem  zy£neai  à  ^JM^antinAA  in  Italiam  deduxerat  ,    e^ui 

jHvenes  Italtcos  iv6T?^iov  fiiltationem  docuerit._    At  Critolaum  ,    Saonem  ex  Samo- 

thrace  cum  iy^^nsa  Deos  Pénates  ,    cjtù  Lavinium  tranfinlerit ,  faliare  genns  fal- 

Aatiquit.     tandi  infiimijje  ^  a  quo  appellatos  Salios.    Et  Denys  d'Halicarnafle  les  définit 

^""'  ^"     faltatores  ,   &  laudaiores  Deomm^  belli  prafidum.     De  là  vient  que  Tufage 

de  la  flûte  ,  de  la  trompette ,  êc  des  autres  inftrumens  de  mufique  ,    qui 

font  deftinez  à  conduire  &  animer  la  danfe  ,  étoit  ordinaire  dans  lesfa- 

crifices. 

o/i3eiib.  I,  Cantabat  facris  ^  cantabat  tibia  ludis  ""  1- 

de  Ponto.  ^nte  Deum  Matrem  cornn  tibicen  adunco. 

Cum  cMiit  y    exiguA  qiiis  flipis  Atanegist^ 

Contra Geû-  Et  de  là  Amobc  prend  occadon  de  parler  ainfi  aux  Payens.  Etiamne  dii 
tes,  lib.7.  ^^is  tinnitibdi  ^  ^  t^HaJfationibtiS  cymbalorum  ajficittntHr  ?  Etiamne  tympanis  ^ 
Vide  piura  etiamne  jjfmphomis  ?  qtiid  ejjicium  crepitm  fcabillornm  ?  Le  Poète  Calphur- 
'iiuTmo^'  "^"5»  S^^  vivoit  du  tems  de  Diocletien,  rapporte  l'origine  de  cette  coû" 
bii.  in       tume  à  Numa, 

Stuckio  de 

facrificiis  «      .  .        -        ,      ;.  ri       -t  > 

Gentiliutn  Pacts  opus  docuit  j  jtiptc^He^JiientwHs  àrmfs, 

NataUCo-  Inter  facra  tubas  ^  non  inter  bella,  Jonare. 

mitep.jf. 

Le  Siflmm  d'Ifîs  efl  connu  de  tout  le  monde  5   &  le  bruit  des  cymbales 
qui  fc  faifoit  à  Ton  fervice. 

La  troifiéme  Cérémonie  de  ce  culte  de  Baha;l5  c'efi  qu'ils  fe  dé.chique- 

toient  la  peau  avec  des  canifs,  &  des  lancettes  ,  &  fe  couvroicnt  de  leur 

propre  fang.  Jeremie  fait  mention  de  cette  furieufe  fuperilition.  Mais  il 

en  parle  comme  d'une  Cérémonie  ,   qui  fe  pratiquoit  daos  le  deuil  qu'on 

ï6,  «.      menoit  fur  les  morts.     On  ne  les  lamentera  point ,  &  on  ne  fefer^  amcune  in^ 

peuteton.    cifion^  ffi  on  ne  Je  rafera  point  pour  eux.  C'eft  ce'  que  la  Loi  défend,.»^  vous  f ai- 

V''\         tes  aucune  inçifion pour  un  mort.     Mais  il  eft  certain  aui3S  que  ces  incifions 

xs.i7.  8c     fe  faifoient  en  faveur  des  Dieux  ,   6c  comme  pour  faire  de  foi-même  un 

*'^"^'         facrifice  fanglant.  Chacun  fait  que  cela  fe  pratiquoit  dans  les  facrifices  de 

Bellone,  &  de  la  mère  des  Dieux. 


Luwn.Ub.1.  Tum  e]uos  feclis  ^ellona  lacertis 

ulwa  me-  SAva  movet^cecinere  Deos  i  criném^ue  rotantcf 

^'""*'  .  Sanguinei  populis  ulularunt  triflia  GalU, 

Et  Martial,  &  Statiusi 

Sutius  «^'^  Thr^ga  terrifias  genitrix  Idaa  cruentum 

Thd».  X»....  Elîcit  ex  Adytis  confumtaque  brachia  ferro. 

•*-  -'  Alba  minus  jAvis  lacer antur  brachia  cultris , 

Cumfurit  ad  Phrygios  Enthea  turba  modes. 


Seneque 


ET  DES  CULTES  DE  L'EaLISE.  PmlY.Goi 

Seneque  dans  la  Medée  Ad.  4.  Scen,  i. 

71?^*'  nudato 
TeBore  M/ntioi  facro  feriam 

Brachia  cnltro , 
tj^tanet  nofier  fanguis  ad  aras. 

La  quatrième  Gercmonie  5  c'efl:  le  haifar^  &  tonte  hottche  qui  ne  Pu  point  La  coutume 
èaife.  Certainement  le  baifer  étpit  réputé  entre  les  Anciens  pour  un  a6fce  ''^.''"^"** 
d'adoration.  C'eft  pourquoi  David  dit  du  fils  de  Dieu,  baifez.  le  fils^c'Q^-  SofeUe» 
à-dire,  adorez  le.  Les  idolâtres  Jeroboamites  ,  pour  adorer  les  Veaux  de  ^^°'"* 
Jéroboam,  les  baifoient.  Sacrificantes  ex  hominibas  vitHltim  ofculantur.   Où^L** 
St.  Jérôme  a  tourné  vitttlum  adorantes ,  6c  Aquila  HarxCliikouvTsç.    Dans  le  *^"  ***** 
culte  de  Moloch  nous  avons  vu  que ,  félon  les  Do6fceurs  Juifs ,  ceux  qui 
oflFroient  leurs  enfans  baifoient  l'Idole.    Cependant  il  y  a  lieu  de  douter  (î 
les  idolâtres  baifoient  l'idole  même  de  Bahaî ,  ou  bien  baifoient  feulement 
leur  main  en  fon  honneur.  Ce  dernier  me  paroît  plus  vrai^femblable,  ppe- 
mierement  parce  que  la  ftatuë  du  Dieu  étoit  poféc  in  Sacrario ,  in  Adytis^ 
dans  les  lieux  les  plus  vénérables  des  Temples ,  où  il  n'étoit  pas  permis  à 
tous  d'approcher.    2.  On  les  pofoit  au  deffiis  des  Autels  ,  qui  n'étoient 
pas  acceffibles  à  tout  le  monde.     5 .  On  les  pofoit  en  lieu  élevé ,  &  com- 
me parle  Saint  Auguftin ,  locantnr  fedibm  honorabili  fublimitate ,  ut  à  precan-  tom.  %. 
tibus  atijffte  immolantibm  attendantur  ,  ôc  par  conféquent  on  ne  les  pouvoit  ^^^'  *** 
atteindre  pour  les  baifer.    4.  Enfin  nous  ne  voyons  point  par  les  monu- 
mens  des  Anciens  ,  que  ce  fût  la  coutume  de  baifer  les  Dieux  pour  les 
adorer.    Mais  nous  voyons  que  les  idolâtres  baifoient  leurs  mains ,  pour 
rendre  hommage  à  leurs  divinitez.  Minutius  Félix  dans  fon  Oâravius ,  Cad- 
îim  fmulacro  Serapidis  denotato ,  ut  vfilgHS  fuperfiitiofus  folet ,  manum  ori  ad^  -^ 

movens  ofcfilftm  labiés  prejjit.     Je  ne  faurois  m'empêcher  de  remarquer  e^ 
pafîant  ,    que  d'Ablancourt  dans  fa  tradu6fcion  a  gâté  ce  texte  ,    car 
il  tourne  que   Cecihus  baifi  l'Idole  de  Serapis ,   &  cependant  Minu- 
tius  Fclix  dit  feulement,  qu'il  baifa  fa  main.  Apulée  dans  fa  première  Apo- 
logie.  Si  fanum  aliqHod  pratereat  ^    nefas  habet  adorandi  gratia  ^   mmum  la- 
bris  admovere.  In  adorando  dextrans  ad  ofculumrtferimHS^  totum  corpus circHm-  îîinelib.m, 
agimm.     Lucien  dans  le  livre  Tr^p/  dp^Jio-fwçj  en  comparant  la  manière  d'à-  ^'  ^ 
-dorer  des  Indiens  à  celle  des  autres  Payens,  dit  rv5o<  fVf/^àv  IsjO^v  m&q&M- 
7eç  'jrpoaevxovTsii  rou  v^Klom  ,  ov  wcTTrep  v[[Le7ç  nûffeivreç  ï^ycO/xsôcj  evTeX^  ^ptSv  eïvxi  ry,v 
ivx'^v.    C'eft-à-dire  que  les  Indiens  dés  le  matin  prient  le  Soleil,  mais  que 
les  autres  fe  contentent  de  baifer  la  main  en  fon  honneur.   Vieille  coutu- 
me des  idolâtres,  dont  Job  fait  mention  dans  fon  livre  ,  Ji j*ai  regarde  le  Cap.î!t.â<s, 
Sokil  en  fa  fplendenr  ,  &  la  lune  cheminant  glorieafement  ^  &  fi  mon  cœptr  a  été 
trompé  enfecret ,  &  fi  ma  -bouche  a  haifé  ma  main.    Enfin  St.  Jérôme  fe  juf-  Apoiog.  ?. 
tifiant  de  ce  qu'il  avoit  tourné  le  paflage  du  13.  d'Ofée,  pzrvitulftm  ado-  gny^^;^*' 
rat^y  6c  non  ofcptlemini  ^  fe  défend  ainfi,  ^"îU'a ,  nashekott  ^  verbam  e  verbofi 
interpreteris,  deofcalamini  dicitur  :  quod  ego  nolens  tr  ans  ferre  putide ,  fenfum  ma" 
gis  feqHfitus  fam  ,   ut  dic^rem  Adorate^  qai  enim  adorant  foUnt  deofcttlari  ma- 
Part,  JF\  ^ggg  nnm^ 


éoi  HISTOIREDESDOGMES 

num  ,    &  eapita  fubmittere  ,    qnod  fe  'Beams  fob  elementis  ac  Idolis  fecijfe 
negat. 
B'où  vient       C'eft  apparemment  de  cette  coutume  qu'eft  venu  le  mot  Latin ,  ado- 
i'adorarcdes  yg  .  ^pi^jî  ad  OS  admoveo.     Car  de  toutes  les  étymologies  qu'on  donne  du 
^*''"*'        verbe  adorare,  je  n'en  trouve  pas  de  plus  apparente.    Et  même  le  verbe 
Grec  Trpoo-vtuverv  5  qui  fignifie  adorer,  pourroit  bienvenir  de  la  même  cou- 
tume ,  car  le  mot  wu  fignifie  baifer.  Quoi  que  ce  verbe  puifie  avoir  été 
formé  à%Q  rov  muvàç,  parce  que  les  chiens  fe  couchent ,  &  fe  profternent 
devant  leurs  Maîtres.     Toutes  ces  raifons  me  perfuadent  qu'il  faut  inter- 
préter ces  paroles  ,   &  toute  bouche  qm  ne  fa  pomt  baifé^non  du  baifer  de 
l'Idole  5    mais    de  celui   de  la  main  pour   rendre   hommage  à   l'I- 
dole, bb  ai!>'i>i^4  ; 
Xe  Bahai         Je  pcnfc  quc  c'eft  à  peu  prés  là  toute  la  lumière  que  nous  pouvons  ti- 
des  Phéni-    ^^j.  ^g  l'Ecriturc  Sainte ,  touchant  cette  faufle  divinité.     Mais  afin  de  la 
paTfeDieu  micux  counoîtrc ,  il  faut  voir  quel  nom  elle  a  porté  quand  elle  a  pafTé  de 
o'c?d'^"     l'Orient  dans  l'Occident,  entre  les  Grecs  &  les  Romains.  Il  y  a  des  Au*- 
taux.          teurs  qui  croyent  que  c'eft  le  Mars  des  Grecs  6c  des  Latins  :   les  Sacrifi- 
cateurs de  Mars  s'appelloient  Salii^  àefultare^  d>€  ceux  de  Bellone  fedé- 
chiquetoient  la  peau.  Cela  eft  conforme  à  ce  que  l'on  faifoit  à  l'honneur 
de  Bahal,  ôc  pourroit  confirmer  cette  conjedure,  que  Mars  eft  Bahal  ,fi^ 
la  Nini  fuc-  d'aillcurs  elle  n'étoit  combattue  par  plufieurs  raifons.     Cedrenus  die ,  les 
«flore  Tbu-  ^ïïyyjgfj^  dréjferent  cette  première  fiatue  à  Mars,  &  l'adorèrent  comme  Dieu  ^ 
fappelUnt  Baal^  mot  cjui  Jîgnifie  Mars ,  le  Dieu  de  la  guerre:  fans  doute  cet- 
te opinion  eil  venue  de  ce  qu'ils  dérivoient  le  nom  de  Bal ,   ou  de  Bel^ 
du  Grec  Bixoç,  qui  fignifie  un  trait  ^  un  dard^  comme  fi  les  Aflyriens  euf- 
fent  fû  le  Grec,  &  eufiènt  emprunté  les  noms  de  leurs  Dieux  de  la  lan- 
gue Grecque.  C'eft  ce  qu'a  voulu  infinuer  l'Auteur  d'uneChronique  Grec- 
que ,  qu'on  appelle  la  Chronicjue  d'' Alexandrie  ,  parce  que  l'Auteur  prend 
le  nom  de  Pierre  d'Alexandrie  ,   &  qu'on  le  croit  avoir  été  Patriarche 
d'Alexandrie  dans  le  quatrième  fiecle.     Cet  Auteur  dit  que  fupiter  eut  un 
fis  de  J-unon  ,  cju^il  appella  Bclus ,  parce  que  V enfant  étoit  très  aigu  ,  Zlc(.  to  shas. 
êivTccTov  TovTcciT^a  ;    ou  comme  dit  Cedrenus  ^^à  to  oi^vn/vyjrov  ehui  ,   parce 
qu'il  étoit  fort  vif,  &  qu'il  avoit  le  mouvement  prompt.     Cela  s'appelle 
Graculorum  nuga  nugacifima  :  ils  y  font  tombez  par  ignorance  des  langues 
Orientales. 

Mais  cette  mauvaife  étymologie  mife  à  part  ,  afilârément  ils  ne  font 
pas  fi  ridicules  qu'on  le  croit ,  de  dire  que  Baal  étoit  le  Dieu  Mars,  par- 
ce que  parlant  là  du  Baal,  ou  du  Bel  des  Babyloniens,  ils  n'ont  pas  tant 
de  tort  dédire  que  c'étoitMars:  car  le  Bel  des  Babyloniens  c'eft  le  Nim^ 
rod  de  l'Ecriture,  qui  fut  un  pu ijjant  chajjeur  devant  P Eternel ^  c* eil-Ti-dive , 
un  grand  Conquérant ,  6c  le  premier  qui  a  fâ  ôc  pratiqué  le  métier  de  la 
guerre.  C'eft  pourquoi  il  n'eft  pas  hors  d'apparence  que  de  cet  homme 
ils  en  ayent  fait  le  Dieu  de  la  guerre.  Cependant  il  eft  certain  que  les 
Grecs  &les  Latins  ont  crii  que  le  Bel  des  Babyloniens  étoit  leur  Jupiter, 
car  ils  ne  parlent  point  de  ce  Dieu  des  Chaldéens  ,  que  fous  le  nom  de 
Jupiter  Belus.  Et  même  Sanchoniathon  Phénicien  l'appelle  ainfi,  difant 
que  Saturne  eut  trois  enfans ,  dans  un  lier4  appelle  Perea.  L'aine'  appelle  Satur- 
ne  comme  [on  père  y  le  fécond  Jupiter  "Belus^  ©'  le  troijieme  Apollon»     Sur  tout 

com- 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Tart.lY,  603 

comme  nous  parlons  ici  du  Bahal  des  Sidonicns  &  des  Tyriens ,  qui  n'a 

rien  de  commun  avec  Nimrod,  nous  pouvons  affûrer  que  Bahal  n'eft  pas 

le  Dieu  Mars.  Ce  n'eft  pas  non  plus  Saturne,  quoi  que  Servius  l'ait  ainll 

crû.    AJJjrios  confiât ^  dit-il,  Saturnum^ciHem  eumdem  &  Solem  dtcant ^  fit-  in  primum 

mnémqMe  colmjfe  :  qu£  numina  etiam  apud  Afros  pofiea  culta  funt ,  unde  &  lin~  •'^eid. 

gna  Punica  Bal  Deus  dicitur.  Apud  AJJjrios  autem  "Xd  dkitur  qitadam  facrorum 

rations  &  Satumm  &  Sol. 

Certainement  Saturne  &  Moloch  font  quelquefois  appeliez  Bahal,  par- 
ticulièrement dans  le  10.  de  Jeremie.  Mais  dans  ce  lieu  le  mot  de  Bahal  ubifogià, 
eft  un  nom  général  ,  comme  celui  de  Dieu  ,  6c  défigne  toute  forte  de 
divinitez.  Car  il  eft  vrai  que  les  Phéniciens  appelloient  Dieu  Bahal.  Mais 
entre  leurs  Dieux  il  y  en  avoit  un  qui  portoit  particulièrement  ce  nom. 
Et  c'eft  celui  dont  nous  parlons. 

Le  Bahal  àts  Tyriens  &  des  Sidoniens  étoit  afTûrément.le  ZfO;  des  Bahai  eft  le 
Grecs  ,   Se  le  Jupiter  des  Latins.     Perfonne  n'eft  plus  en  état  de  nous  oucmaur 
inftruire  là-defllis,  que  le  fameux  Sanchoniathon  ,  lui-même  Phénicien, 
de  la  ville  de  Beruth.    Il  étoit  du  tems  que  ce  Bahal  étoit  fervi  avec  le  ' 
plus  de  zèle.  Car  il  vivoit  du  tems  de  Gedeon,  à  ce  que  l'on  croit.  Dans  voi  Bochart 
le  fragment  que  nous  avons  de  Sanchoniathon ,  ôc  qu'Eufebe  nous  a  con-  2!^^  ^?"' 
fervé,.  il  nous  dit  expreflement  que  ce  Dieu  des  Phéniciens  étoit  appel- 
lé  Bad-famein ,  ou  Beel-femein ,  nom  qui  lignifie  Seigneuries  Cieux,  6c 
que  le  Beel-lcmein  eft  le  Zîuç  des  Grecs.     Quand  la  chalem-  efl  excejjive  ,  Eufeb.lib.r. 
dit-il  ,    Us  Phéniciens  lèvent  les  mains  vers  le  Soleil.    Car  ceft  lui  qu'ils  recon-  Ev^g^c  i© 
noijfent  pour  être  Punique  modérateur  des  deux  ^  &  pourtant  ils  l'appellent  BeeU 
Samen ,  c'efi-à-dire ,  en  la  langue  Thénicienne ,  le  Seigneur  du  Ciel ,    &  entre 
les  Çrecs  il  s"*  appelle  Zsuç,  Jupiter.     Après  Sanchoniathon,  qui  peut  mieux  Bien  que  ees 
nous  en  inftruire  que  St.  Auguftin ,  voifin  de  Carthage  &  des  Carthagi-  J^oj'ej^g 
nois,  qui  étoient  Colonie  des  Phéniciens?  Voyez  un  grand  paflage,  qui  puiflentêtte 
-eft  dans  \t /\.Tom.  qu&fi.   in  Judiccs ,   qu&fi,  16.  où  Jupiter  eft  appelle  ^f^fjj"^'^"" 
.  Baal-famen.   En  effet  le  nom  de  Bahal,  de  Seigneur  ôc  de  Maître  ,   qui  maisde  foB 
emporte  une  Sur-Intendance  fur  toutes  chofes,  convient  bien  à  ce  Jupiter,  "yion^^e 
que  les  Payens  ont  fait  le  Père  &  le  Maître  des  hommes  &  des  Dieux.  eMs,  eiics 
-  C'eft  le  même  Dieu,  qui  dans  l|||Lîérae  lieu  eft  appelle  êX/oùv,  6c  qui  eft  in-  paVdè^^rou- 
terpreté  v-^çog.     C'eft  un  mot  tout  pur  Hébreu  jvS;;,  Elion,  qui  en  ef-  ver  ce  que 
-fet  fignifie  très  haut,  nom  qui  convient  bien  à  ce  Souverain  des  Dieux.  "g^JoS.*' 
Il  eft  vrai  que  comme  il  y  a  plufieurs  Jupiters  dans  la  Théologie  Payen- 
;  ne,  il  n'eft  pas  aifé  de  démêler  lequel  étoit  adoré  entre  les  Phéniciens , 
fous  le  nom  de  Bahal.     Mais  cela  ne  nous  eft  pas  fort  néceflàire  pour  le 
préfent ,  ôc  nous  confîderons  ici  Jupiter ,  caché  fous  le  Bahal  des  Phéni- 
ciens ,  comme  un  nom ,  par  lequel  les  Payens  ont  voulu  fignifier  le  plus 
grand  des  Dieux  :   dans  la  faite  nous  examinerons  quel  eft  l'homme  ,  ou 
plutôt  quels  font  les  hommes,  qu'on  a  déifiez  fous  ce  nom. 

Cepend&nt  il  y  a  quelque  lieu  de  s'étonner  que  le  Dieu  Bahal,  enpaf- 
fant  dans  l'Occident ,  n'ait  pas  confervé  dans  {es  noms  des  marques  de 
fon  origine.  Car  enfin  on  ne  voit  pas  bien  ce  que  le  nom  de  ZeO? ,  & 
.  celui  de  Jupiter,  ont  de  commun  avec  celui  de  Bahal,  qui  fignifie  Maî- 
tre &  Seigneur.  Z.-Oç  femble  venir  de  Çviv,  vivre,  parce  que  ce  Dieu  eft  le 
grand  principe  de  la  vie,  le  père  des  hommes  &  des  Dieux..  Les  Latins 


604        HISTOIRE  DES  DOGMES 

cieeto  4c    ont  dcrivé  Jupiter  de  ;«w  :  Sed  ipfe  Jupiter  y  id  efi  juvans  Pater  ^  <](iem  ton- 

Natuta Deo-  ygyj^j  cajtbus  appcllamus  à  JHvando  Jovem ,  à  Po'ètts  Fater  divumque  hominitm- 

*""*'  '  '      aue  dicitur.     A  Majortbm  AUtem  nojiris  Optimus  tJHaximHs  :  ér  quidem  ante 

QptimHS^  id  eft  bentfîcentijfimHS  ^  ejiiàm  tJHaximtis  ,    <^uia  majus  e(i  certécfne 

gratifts  prodejfe  omnibus ,  <juâm  opes  maxtmas  habere.     Je  laiiTe  là  le  ZfDç  des 

Grecs,  dont  nous  parlerons  tantôt.  Mais  le  Jupiter  des  Latins  a  plus  de 

liaifon  pour  le  nom  ,    avec  le  Bahal  des    Phéniciens  ,    que   l'on   ne 

penfe. 

Le  jupiteï       Premiercnfient  il  ne  faut  point  s'embarrafler  du  nominatif /«/>>> ^r,  car  ce 

<j«  Latins    j^'gj^  qu'un  abbregé  de  Jovifpiter.     Ce  nom  de  Pater  eft  l'épithete  cora- 

jéhova  des  mune  lie  tous  les  Dieux,  Diefpiter ,  Marfpiter.  Aind  il  faut  chercher  le  vrai 

«îbreia.     x\ovs\  écctU'itu^incaJibus converfs^commfÇ)2iï\t  Giceron.  Jovis^Jovi^ Jovem, 

Jove.   En  effet  Ennius  dans  le  Diftique ,  où  il  a  ralTemblé  tous  les  Dieux 

qu'ils  appelloienc  SeleUi^  ou  Confentes^  l'appelle  ^ovi. 


Vidie  Fulk-  Or  il 


MinervA^  Ceres^  "Diana  ^  Venus  ^  Mars  ^ 
''---'    '^^eptunuSf  Fulcanusy  <tApollo. 


Jum^  Vefia^  Aiinervay  Ceres^ 
tS^ercurius  <y  Jovi^  l^eptunus^ 


clair,  &  tous  nos  Savans  en  demeurent  d'accord ,  queîe/tfv^Sc 
car*  Mif.*  ^^  ^'^'^^  ^^^  Latins  vient  du  Jehova,  8c  Jehovi  des  Hébreux.  G'eft  le  nom 
cciï.  seiden.  du  grand  Dieu  mn> ,  que  le  Démon  a  emprunté  prefque  iàns  déguife- 


Syntagm 
c.  I. 

.Les  noms 
Latins  des 
Dieux  font 
plus  recon- 
noilTables, 
pour  être 
venus  des 
Orientaux 
que  les 


ment. 


A  propos  de  cela  je  ne  (aurois  m'empécher  de  remarquer  que  les  noms, 
que  les  Romains  donnoient  aux  Dieux  ,  confervoient  oeaucoup  plus  de 
marques  de  leur  origine ,  que  ceux  des  Grées.  Je  veux  dire  que  leur  ori- 
gine ,  décenduë  de  la  langue  Phénicienne  &  Hébraïque,  eft  beaucoup 
plus  reconnoiflable  que  dans  les  noms  des  Dieux  de  la  Grèce. 

En  voici  des  exemples,  le  Zeùç  des  Grecs  ne  paroît  pas  avoir  été  tiré  des 

noms  Crées,  noms  Pbéniciensy  Mais  Xejovis  des  Romains  vient  évidemment  de  la  Palefti-; 

Etymoio-  ne,  &  du  nom  de  Jehova.  Luna^  une  autre  divinité  des  Romains,  vient  de  p> , 
loun,  qui  fignifie  pafler  la  nuit,  ou  de  naV,  qui  fignifie  blaiiche  ou  luifante. 
Mars  vient  de  po  ,  marats,  qui  fîgnifie  être  violent,  fort,  &robufte,  ce 
qui  cc^vient  bien  au  Dieu  de  la  guerrfi^  Mercurius  vient  de  IDO  ,  ma- 
car ,  qui  fîgnifie  vendre  ,  parce  que  Mercure  eft  le  Dieu  des  marchands» 
^alUs  vient  de  l^tSs ,  pale ,  qui  fignifie  admirable  ^  à  caufe  de  la  mervcil- 
leufe  naiflance  de  Pallas ,  du  cerveau  de  fon  père.  Et  qui  fait  fi  le  Démon 

fbrî'oHgine  n'a  pas  emprunté,  &la  fable,  &le  nom  de  cette  Déefle ,  du  fils  de  Dieu, 

du  nom  qyj  gfl-  j^  Sagefle  éternelle  de  Dieu,  la  pfoduélion  de  fon  cerveau,  c'eft- 
à-dire  de  fon  intelligence  ?  Fils  auquel  le  Prophète  Efaïe  donne  le  nom 
de  NtVa,  pelé  ,  ou  pàla.  Son  mm  fera  appelle  t»^Q  ,  ^admirable.  Fenus 
fans  changement ,  vient  de  n^33 ,  venoth ,  fuccoth  venoth.  C'eft  ainfî 
qu'on  appelloit  le  Temple  de  Venus  dans  l'Orient.  Ceres  vient  de  y^^ , 
cerets,  comme  la  terre.  Or  on  fait  que  Cerés,  Cybele,  la  Terre,  font  la 
même  divinité.  Fejta  fans  changement  vient  de  Mnw'KT  veshtah,  &ignis^ 
parce  qu'entre  les  Romains  elle  palîbit  pour  Dea  focorum.  Fis  autem  ejus 
ad  aras  ^  focos  pertinet.  Jtacfue  in  ea  Dea  ,  ^ud  eji  rerum  cufios  infimarum , 
omnis  0'  precatio  &  facrificMio  extrema  efi.  C^elicerta ,  que  les  Grecs  ont 
appelle  Polcmon ,  vient  de  t<mp  ^Sa  MeUc  K^retha ,  qui  fignifie  Roi  de 

la 


gies  des 

noms  des 

Dieux;  de 

Jovis. 

Luna. 

Mars. 

Mercuihis. 

Pallas. 

Conjeâure 


Pallas. 

Efaïe  5.  J. 
Venus. 

Cerés. 

Veftj. 

Cieeto  de 
Mat.  Deor 
lib.  2. 
àleliccita. 


7ubalcain<r 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  PartAVéof 

la  ville ,  parce  que  c'écoit  le  même  que  l'Hercule  Tyrien  ,  le  Démon 
Tutelaire  de  la  ville  deTyr.  MfX/WpÔoç  ô  ml  H'p«xXvjç,  dit  Sanchoniathon, 
pour  Hercule  nous  verrons  tantôt  que  c'efl:  un  nom  tout  pur  Hébreu  & 
Phénicien.  On  prétend  que  Belbna  vient  deBellum  ;  Mais  qui  fait  fi  Belkm  ne 
vient  pas  de  Belîona^  ôc  Bellma  de  l'Hébreu  ^3j;  S;?n  Beelhom,  qui  ligni- 
fie Dieu  d'oppreflion  ?  Nepttmm  vient  de  nnsj,  ôcau  pluriel  J*re:,  éten- 
du ,  à  caufe  de  la  vafte  étendue  de  la  mer. 

Et  ce  n'efl  pas  feulement  dans  les  noms  des  Dieux  ,  c'eft  en  général 
dans  toute  la  langue  Latine  ,  que  l'on  voit  de  coniîderables  veftiges  de 
la  langue  Phénicienne  ,  ou  Hébraïque.  Le  motus  des  Latins  vient  évi-  vuicanus  de 
demment  du  ttio  des  Hébreux.  Rete  de  r^\2n-  reicht.  Sc^ptmm^  quifem- 
ble  pur  Grec  ,  vient  pourtant  de  ta^antî',  farbit,  ou  fahit-,  car  par  une 
fimple  tranfpolîtion  de  confones  vous  en  hitesfaptri^  ou  fahri.  De  j^i^s 
pécha  ^  vient peccare.  De  Soo, /^«R?/,  qui  fignifie  reflemblancc  ,  vient 
Jimilis.  De  pp  &  de  I3ip  ,  Keren^  Karno,  vient  cornu,  de  nio,  mouth, 
vient  mors^  oltm  vient  de  a7>y ,  olam ,  d'où  fe  fait  D^];o ,  meoUm  ^  qui  ligni- 
fie précifément  Votim  des  Latins.  On  en  trouveroit  mille  ôc  mille  au*- 
Ères  y  pour  peu  de  peine  qu'on  fe  voulût  donner  de  les  chercher.  Le 
P.  Simon  prétend  que  le  Latin  vient  du  GreCy&  le  Grec  du  Chaldaïque  :  au 
contraire  on  peut  montrer,  par  cent  6c  cent  étymologies,  que  le  Latin  vient 
de  l'Hébreu.  Et  cela  fans  doute  vient,  de  ce  que  les  côtes  d'Italie  avoient 
an  grand  commerce  avec  les  Côtes  de  la  Libye ,  qui  étoient  prefque  tou- 
tes peuplées,,  ou  de  Colonies  des  Phéniciens ,  telle  qu'étoit  Carthage,  ou- 
de  fugitifs  qui  s'étoient  fauvez  de  la  Paleftine  ,  quand  les  Ifraèiites  la 
conquirent  fous  la  conduite  de  Jofué.  Aufli  lit-on  dans  Procopius ,  dans 
l'Hilloire  de  l'expédition  de  Belifaire  en  Afrique,  contre  Gelimer,  Roi 
des  Vandales ,  que  Ton  avoit  trouvé  une  colonne  vers  les  Côtes ,  fur  la- 
quelle étoient  écrites  ces  paroles  en  langue  Piiénicienne,  *»a  a^mi.  wn3« 
D^riDN^n  yiLfS'rn ,  mus  fommes  ceux  qui  nous-fimmes  tnfuii  de  devant  Jofué  le 
brigand. 

Après  cette  digreffion  je  reviens  à  mon  Jovi ,  qui  a  tiré  fon  origine  du 
Jehova  des  Hébreux  Et  je  dis  qu'on  ne  doit  pas  s'étonner  fi  te  Bahal  des 
Phéniciens,  en  pafiant  la  mer  pour  venir  en  Italie,  a  pris  le  nom  du  Ba- 
hal, &  du  grand  Dieu  des  Ifraëlites.  Ils  étoient  en  même  pais,  en  mê- 
me province,  ôc  fouvent  en  même  ville.  Car  ce  malheureux  culte  de  Ba- 
hal a  été  fouvent  établi  jufques  dan^  Jerufalem.  Les  Phéniciens,  ôc  fou- 
vent  les  Ifraëlites  ,  appelloient  le  Dieu  Souverain  de  l'Univers  Bahal  ^ 
d'autres  dans  le  même  lieu  l'appelloient  Jehova  &  fehovi.  Il  ne  faut  donc 
pas  trouver  étrange  qu'on  ait  confondu  ces  deux  noms ,  puis  qu'ils  figni- 
fioient  la  même  cho/e.  Ec  ainfi  il  ne  faut  pas  que  la  diverfité  des  noms 
Kous  empêche  de  reeonnoître  le  Bahal  des  Phéniciens ,  dans  le  Jupiter  des 
Ladns.. 


Gggg  I  C  HA- 


6oé  HISTOIRE  DES  DOGMES 


CHAPITRE     V. 

Les  ^ieux  Naturels  cachez  fous  Bahal,  c^ejî  le  Soleil,  le  Jupiter 
des  Grecs.  De  l'Hercnle  Jjrien. 

L  faut  préfentement  que  nous  voyons  quelles  créatures  on  a  déifiées 
fous  ces  noms  de  Bahal,  dejovi,  de  Jupiter.  Nous  fuppofons  tou- 
jours comme  un  principe,  que  fous  chaque  nom  de  Dieu  font  cachez 
des  Dieux  Naturels ,  DU  ISlatmdes ,  &  des  Dieux  Animaux ,  DU  Anima- 
les. Il  fiiut  commencer  par  les  Dieux  Naturels.  On  ne  peut  douter  enfa- 
jçon  du  monde,  que  le  Dieu  Naturel,  caché  fous  le  nom  de^^W,ne  (oit 
le  Soleil.  Sanchoniathon ,  qu'on  peut  appelîer  le  Théologien  àt^  Phéni- 
ciens, nous  le  vient  de  dire  nettement,  que  les  Phéniciens ,  c'eft-à-dire, 
Tyr,  Sidon,  &  toute  la  Côte  ,  regardoit  le  Soleil  comme  l'unique  mo- 
dérateur du  Ciel,  hc  qu'ils  l'appellent  'Beel-famein^  ou  BmUfamen,  qui  li- 
gnifie Seigneur  dts  Cieux. 

2.  Cela  même  eft  clair  ,   parce  que  prefque  jamais  l'Ecritui'e  ne  parle 
de  cette  Idole  Bahal,  qu'elle  n'y  joigne  Aftoreth  ,   &  toute  l'armée  des 
*  Juges  2. 13.  cieux.    Us  fervirent  à  Bahal  &  a  Aftaroth.   Ils  firent  ce  qtii  efl  âéfaoréahle  à 
lugts  10.6.  P Eternel ,  &  fervirent  aux  Bahalins  ^  &  à  ^Aflaroth.  Jofias  commande  qu'on 
^.Rois  23.   tire  les  vaijfeaux  ,  cjui  avaient  été  faits  four  ^ahd^  four  les  bocages  ^  (^  pour 
toute  r armée  des  cteux  ^  pour  les  brûler.     //  abolit  au ff  ceux  qui  faifoient  des 
encenfemens  à  Bahal ,    au  Soleil  ^  à  la  Lune  ^  (jr  aux  Aftres^  bref  a  toute  Var- 
mée  des  deux.  Cette  Aftoreth  ell  affûrément  la  Lune ,  comme  on  le  prou- 
vera dans  la  fuite.   Et  cette  artnée  àc^  cieux  ,  ce  font  les  Planètes  Bc  les 
étoiles,  que  les  idolâtres  adoroient.     Ainfi  Bahal,  Aftoreth,  &  Tarmée 
des  cieux,  qui  font  mis  erifemble  ,  fignifient  le  Soleil  ,   la  Lune  ôc  les 
étpiles. 

g.  Servius  ,  fur  le  premier  de  l'Enéide  ,  nous  a  dit  la  même  chofe  , 
que  le  Bal  des  Aflyriens  eft  le  Soleil.  Lingua  Punica  Deus  dicitur  "Bal; 
apud  zy^jjjnos  autem  Bel  dicitur  quadam  facrorum  ration e  &  Saturnus  (jr 
Sol. 

4.  Les  divers  noms ,  que  ce  même  Dieu  a  portez  dans  la  Syrie  ,  font 
voir  que  c'eft  le  Soleil.  Les  Alîyriens  Palmyrcniens  i'appelloient  Agltbe- 
lus ,  c'eft-à  dire,  Deus  revehns.  C'eft  à  caufe  dq  la  lumière  de  fes rayons, 
qui  découvrent  tout.  Ils  I'appelloient  aufîi  Aidachelus  ^  compofé  de  Ba- 
hal &:  du  mot  Aîekkjy  qui  iignifie  Roi ,  parce  qu'il  eft  le  Roi  des  Aftres, 
ôc  qu'il  paroît  le  Roi  de  l'Univers.  Mais  fur  tout  le  nom  d* Eliogabalus ^ 
qu'il  portoit  dans  la  Syrie  ,  voifine  de  la  ville  d'Emefe  ,  eft  une  defcrip- 
tion  du  Soleil,  fcloii  que  nous  l'avons  déchifré  ,  car  il  fignifie.  Dieu  fu" 
premejuifant. 

Et  même  dans  l'Occident ,  en  traversant  tant  de  mers,  ce  nom  a  por- 
té la  même  divinité  ,  qu'on  adoroit  à  Tyr  &  Sidon.  L.e  Eelenus  des 
Gaulo'S,  &  des  AqMileïens,  écoit,  iclon  eux,  Apollon.  Les  infcriptions 

le 


ET  DES  CULTES. DE  VEG  LISE.  Part  AV.  607 

le  poitcnt,  zApollim  Beleno.  Julius  CapitolinuB  6c  Herodien  nous  Je  difent 
dans  Ja  vie  des  Maximins.  Or  on  fait  bien  qu'Apollon  étoit  le  So- 
leil. 

f.  Ce  que  les  Phéniciens  feiToient  le  Dieu  Bahal,  tantôt  mâle  tantôt 
femelle,  prouve  cela  même.  Car,  félon  la  remarque  de  Seldenus,  cela 
fe  faiibit  pour  lignifier  la  vertu  générative  des  Dieux  ,  qui  font  mâle  & 
femelle,  c'eft-à-dire,  qui  renferment  en  eux  tout  ce  qui  efl  nécelTaire  à 
Ja  génération.  Or  il  ell  connu  que  le  Soleil  a  toujours  été  conlideré  5 
comme  la  fource  &  la  caufe  de  toutes  les  générations  ,  qui  le  font  au 
monde.  • 

<î.  En  un  mot  il  eft  certain  que  le  'Soleil  étoit  le  grand  Dieu  des  Sy- 
riens ôc  des  Ailyjriens.  Entre  tant  de  témoignages,  on  peut  conter  celui 
de  Macrobe  ,  Accise  qnià  <iy4[jyrii  de  Solis  potenjia  opinent^ir .  Deoenim  ,  qpum  Saturnal.iib, 
[ummum  maximu^nque  venerantHr  .f  Adad  nomen  dederunt.  Ejpts  nomims  in^^'^""^'^^' 
terpretatio  Jtgmficat  unm.  Par  l'Ecriture  il  ell  clair  que  ce  grand  Dieu  chez 
eux  étoit  Bahal,  d'oià  je  conclus  que  Bahal  çÇi  le  Soleil, appelle  l'unique 
ôc  le  Souverain  des  Dieux. 

7.  Il  n'y  a  perfonne  qui  ne  fâche  que  la  ville  de  Tyr  étoit  confacrée  à 
Hercule,  &  que  c'étoit  la  grande  divinité ,  Se  le  Patron  de  la  ville.  Or 
il  ell  malaifé  de  douter  que  cet  Hercule  Tyrien  ne  fût  Bahal ,  &  ne  fût 
le    Soleil    même.     Hérodote    dit  s'être    tranfporté   à   Tyr   tout   ex-  „     , 

r  A  TT  ii'^5-1  •  /rrT-i  111        Hérodote 

près,  pour  connoitre  cet  Hercule,  v^  il  y  avoit  trouve  ion  lempled  u-  lib. z.p.izo. 
ne  grande  magnificence,  &  rempli  de  riches  dons.     Entr'autresùne  co-  ' 

lonne  d'émeraude,  qui  brilloit  la  nuit,  ôcjettoit  une  grande  lumière, ap- 
paremment parce  que  les  Sacrificateurs  mettoient  dans  cette  colonne ,  qui 
étoit  creufe ,  un  flambeau.  Quoi  qu'il  en  foit,  cela  étoit  deiliné  à  répré- 
fenter  la  lumière  du  Soleil ,  qui  brille  en  tout  tems.  Hérodote  ajoute  que 
par  les  entretiens  qu'il  eut  avec  les  Sacrificateurs ,  il  fut  perfuadé  que  cet 
Hercule  Tyrien  étoit  infiniment  plus  ancien  ,  que  l'Hercule  àç.%  Grecs. 
Que  c'étoit  un  des  grands  Dieux  ,  6c  que  l'Hercule  Grec  n'étoit  qu'un 
Héros ,  ou  demi-Dieu. 

Au  relie  le  nom  prouve  que  c'étoit  le  Soleil.  //^rf«/(f  ell  pur  Phénicien,  d'où  Bahai 
•^ID  ^^KH  Heir  coul^  fignifie  dans  cette  langue  ,  illuminât  omnia  ,  il  éclaire  d'aeiaiï'™ 
toutes  chofes.  Je  ne  lai  pas  fi  jamais  le  Soleil  a  porté  à  Tyr ,  ou  à  Cartha- 
ge  le  nom  à"*  Hercule,  je  croi  même  que  non,onrappelloit  ou  Bahal  ^  ou 
ojMoloch.  Mais  il  y  a  apparence  qu'entre  les  éloges  de  Bahal,  ils  {net- 
toient celui-ci,  "713  T«n  Hetr  cul,  qui  dans  leur  langue,  fignifie  illuminant 
toutes  chofes. 

Les  Romains ,  dans  le  commerce  qu'ils  avoient  .avec  Carthage  ,  ont 
pris  connoilfance  de  leur  Théologie,  &;  ont  vu  qu'ils  donnoient  à  leur  Ba- 
hal ,  le  titre  6c  l'éloge  de  Hcir  cul.  ils  en  ont  fait  premièrement  leur  ms 
Hercle ,  6c  me  Hercule.  Et  même  leur  Hercule  :  Et  de  là  efl  venu  que 
celui  que  les  Tyriens,  &  leurs  enfans  les  Carthaginois  ,  appelloient  Ba- 
hal ,  les  Latins  l'ont  appelle  Hercules. 

Quoi  que  cette  étymologie  ne  foit  pas  fi  fenfible  dans  le  nom  Grec  d'Her- 
cule, R'paxKytÇ,  cependant  les  Anciens  Grecs  Se  Latins  ,  fms  avoir  con-E„reh.-pr3;ji, 
noilfance  des  langues  Orientales,  n'ont  pas  laiiTé  de  lentir  cette  vérité,  e-îï^- 3-' 
Porphyre  dérive  H'p«kAî^^  ,  ài;o  tov  nKuaèai  jpog  âépa,  ex  eo  qmd  frângatur  <ï<^  ManobsStc, 

fit' 


6o8         HISTOIRE   DES   DOGMES 

Aérem ,  parce  que  les  rayon?  du  Soleil  ,  fe  rompent  dans  Tair.     Macrobe 
Satum.lib.i,  dit:  Et  rcvcra  Herculem Solem  ejfe ^  vd  res  nomine  claret.  Héraclès  enimqmi 
"^' *°'       almd  e[i  mjî,heras ,  idefla'éris^  cleos^  idefi^loria?  A  cette  raifon  il  en  ajoute 
plufieurs  autres  pour  prouver  cela  même,  qu'Hercule ^ft  le  Soleil.   Cer- 
tainement les  douze  travaux  d'Hercule,  femblent  avoir  été  inventez  fur 
les  douze  fignes ,  que  le  Soleil  vifite  tous  les  ans.  Si  l'on  veut  voir  cette 
énigme  développée ,  6c  Hercule  dévoilé ,  pour  y  voir  le  Soleil ,  on  peut  con- 
Lib.  i.dc    fulter,  entre  les  Anciens,  Macrobe,  &  entre  les  Modernes,  Voffius.  Ce 
idoioLcap.  q.jg  j-jQ^g  ç^^  avons  dit  fuffit  pour  nôtre  fujetj  &  pour  faire  voir  que  le 
grand  Dieu  de  Tyr&de  Sidon  eftleSoleiL 

8.  Il  femble  que  ce  que  nous  avons  dit  ,  que  Babal  eft  le  Jupiter  des 
Grecs  6c  des  Romains ,  6c  le  Soleil,  ne  s'accorde  pas  avec  l'opinioncommu- 
St.  Auguftm  i^e.  Car  les  Mythologifles  anciens  6c  modernes  crt^ent- que  Jupiter,  eft 
sprés  Vairon  cet  air  pur  qui  environne  les  Aftres  ,  qui  s'appelle  <j£ther  ,  6c  que  Junon 
jupkeiffic  fignifie  l'air  qui  environne  la  terre ,  6c  qui  s'étend  jufques  aux  globes  de 
monde  iib.  la  LuHC.  Ecoutons  Ciccron  pour  tous  les  autres.    Huncjovim  Emius.  ta 

7.  de  Civit.  n       \    i-    ■  ^     -^     j- 

Dei  cap.  76.  ff^pra  diKt ,  tirmcupatf  tta  dicens. 

De  Natuia^ 

îib.  a.  AJpice  hoc  fiblirue  cMdens  y  quem  invocant  omnes  fovem^ 

Plmmpjtie  alto  in  loco  idem  : 

Cfti  quod  in  me  eft  execrabnr  hac^  qm  lacet  ^  qmcquià  ep. 

Hanc  etiam  augures  mfiri^  CHmdicuntfovefulgente,  tenante ,  dicunt  enim  caS' 
lo  fulgeme  ,  tonant£.  Euripides  autem  ,  ut  multa  praclare  ,  fc  hoc  hre- 
viter  , 

F'ides  fubîime  fufum  immoderaîum  ^jhera^ 

Qui  tenero  terram  circumveElu  ampleEiitur^ 

Hune  fummum  habeto  divum ,  hune  perhtbeto  Jovem, 

Aèr  autem  ,'  ut  Stdici  difputant ,  interjeBus  intermare  &  cœlum  ,  Juntnis  no- 
mme confexratur. 

N'en  dépiaife  à  Ciceron ,  à  fon  Euripide ,  jSc  à  fes  Stoïciens ,  nous  di- 
rons que  Macrobe  eft  beaucoup  plus  raifonnable ,  quand  il  dit.  'l^ec  ip- 
Satornai.iib.  fe  Jupiter  Deorum  %€x  Solis  naturam  videtur  ^xc^dere.  Il  en  apporte  divcr- 
3.  c.  a.  |£5  belles  preuves  ,  qu'on  peut  lire  dans  la  fource.  Et  fur  tout,  ce  qui 
fait  davantage  à  nôtre  ftijet,  il  prouve  que  le  Jupiter  des  Afly riens  eft  le 
Soleil ,  par  la  forme  fous  laquelle  ils  le  répréfentoient.  Simulacrum  erat 
aureunt^fpecie  imberbi^  dextr^  elevata  cum  fiagro  ,  in  aurigdi.  modum.  Lava 
tenet  fulmen  &  fpicas  ,  qu£  cuniia  Jovis  Soltfque  confociatam  potentiam  démon- 
trant. Hujus  Templi  Religio  etiam  divinatione  prapollet  ,  qua  ad  Apollinis  pO' 
tejiaîem  refertur ,  qui  idem  atque  Sol  eft.  Le  Simulacre  e'toit  d'or.  C'eft  le  mé- 
tal 6c  la  couleur  du  Soleil:  //  n'avait  point  de  barbe  ^  parce  que  le  Soleil  eft 
toujours  jeune.  //  avait  en  main  un  fouet  ^  on  attribue  au  Soleil  un  char  6c 
de^  chevaux,  ôc  un  fouet  par  conféquent.  Dans  fa  main  gauchcilyavoit 

U 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Tart.lY.  609 

'la  foudre  &  des  épies,  ha/ofidre  eft  pour  Jupiter,  &  les  /pics  pour  Je  So- 
leil. Ce  qui  fait  voir  que  c'eil  une  feule  &  même  divinité.  En  effet  )f 
:a-t'il  apparence  qu  on  eût  donné  à  V<ty£iher  le  nom  du  plus  grand  dts 
Dieux,  au  préjudice  du  Soleil,  dont  la  domination  eft  fî  fenfible? 

Au  refte  les  autoritez,  que  Ciceron  tire  d'Ennius  ,font  contre  lui.  Car  Les  çrcas 
ce  [ublime  candens  ^   &  ce  <^uo  lucet^  cjjiiic<^md  eH  ^  ne  peuvent  êtrerappor-  i'o",^àériv« 
tez  qu'au  Soleil.  Pour  lejupiter  des  Libyens,  qui  s'appelloit  Jupf'cer  Ham-  quiTntfie' 
mon,  il  eft  impoffible  de  douter  que  ce  ne  fût  le  Soleil,     Son  nom  nous  ^^^}^-  vide 
l'apprend  non,  kamma^  en  langue  Phénicienne,ôc  Hebraïque,fignifie  le  Soleil,  &  i'ijjum^ 
ÔC  □'Jan,  dit  Aben-Efta ,  étoient  des  maifons ,  ou  des  chapelles ,  faites  en  voh-  Gyraldum 
tes ,  comme  des  chariots^  pour  adorer  le  Soleil.     La  figure  de  fon  Simulacre  p! "ô^qua^/ 
fembloit  fignifier  la  même  choie,  car  il  avoit  des  cornesde  bélier,  quel-  'P^  "i^uant 
ques-uns  difent  de  bœuf,  ce  qui  répréfentoit  5c  la  domination  du  Soleil  AbTn-Efra 
iùr  \t?.  autres  Aftres  (^  la  force  de  fos  rayons,  Ideo  &  Ammonem  ^  quem  ^«^faï- 17. 
■Deum  Solem  occidentem  Lihyes  exiflimmt  ^  artetinis  cormbus  fingunt  .qmbus  ma-  23.  v!  12°'* 
xime  id  animal  valet  ,  Jtcut  radiis  Sol.     Nam  &  aptiid  Gréicos  olvo  rS    aépaç  Y®^  i^^to- 
Kpioç  appellatftr.  Enfin  le  lieu ,  où  le  Temple  de  ce  Jupiter  étoit  bâti ,  en  ^Tl^]  '  *" 
eft  encore  une  preuve:  c'étoit  dans  le  milieu  des  déferts  de  la  Libye,  qu'on  ,^^"°^-sat. 
peut  veritablemaïc  appeller  l'empire  du  Soleil  ,  pujfqu'il  y  darde  fes  ra-  iièft'én^a- 
yons  les  plus  brûlans.     On  peut  ajouter  ce  que  remarque  Quinte- Curce,  §^'^"^- 
que  dans  une  forêt,  proche  du  Temple  de  ce  Jupiter  Hammon ,  il  y  avoit  ceTb.%.'"^' 
une  Fontaine  miraculeufe,  qu'on  appelloit  la  Fontaine  du  Soleil.     C'cft  ^'^^^j^  ^^ 
aftez  pour  montrer  que  le  Jupiter  des  Grecs  ôc  des  Latins ,  auffi  bien  que  l'idoie  de 
le  Bahaî  des  Phéniciens,  eft  le  Soleil.  Et  fi  ces  preuves  ne  fuffifoient  pas,  ■^™.'"o«' 

.     .      „.        .     '       V  .    •       .         ,      ^  '  ;    ..    _  r   ""î  ctoit  com 


on  peut  voir  le  Chapitre  oii  nous  traiterons  du  culte  du  Soleil  ôcc.  me  un  nom- 

bril d'éme- 
-'  raude,ôcde 

-.        — - —    ■ ■ ^  pierre  pré- 

ckufe., 

C  H  A  P  I  T  R  E     Vï. 

Les  Dieux  Animaux  cachez  fous  Bel  &  Babal,  font  Mimroà  é^ 
Cham ,  des  trois  Enfans  de  Noé. 

MAis  il  faut  voir  prëfentement  quels  Dieux  Animaux , ou  quels  Hom- 
mes, on  a  confacrez  fous  les  noms  de  Jupiter,  &  de  Bahai,    S'il 
n'y  avoit  eu  qu'un  Jupiter,  cela  feioit  plus  aifé  à  découvrir.  Mais 
il  y  en  a  un  très  grand  nombre.     Cicerod  en  reconnoît   trois  ;    deux  nez 
en  Arcadie,  dont  l'un  avoit  Aither  pour  Père ,  qui  engendra  Proferpine,  ^.^^^^  ^^ 
Cerés,  Liber:  l'autre  engendré  par   Cœlys ,  qui  fut  Père  de   Minerve.  j.'ïeNat/ 
Le  troifiéme  Jupiter  étoit  de  Crète,  fils  de  Saturne,  enfeveii  dans  lamé-  J^^^jg^^,""^" 
me  Ile  de  Crète,  oi^i  l'on  montre  fon  tombeau.     Mais  Liiius  Gyraldus  syn/agrâ™*, 
nous  aflure  qu'on  ajoute  jufques  à  trois  cens  Jupiters.     Chaque  peuple  ^^^[^i*^^  ^^ 
avoit  fon  Jupiter,  6c  il  y  a  bien  apparence  que  toutes  les  Nations  avoient 
déïfié  leurs  grands  hommes,  aufquels  ils  étoient  redevables  de  leur  origi- 
ne, de  rétablifîèment  de  leur  état,  ou  defqueîs  ilsavoient  reçu  quelque 
bien  confiderable.     Si  donc  on  vouloit  débrouiller  toute  PHiltoire  fabu-  vide  vof- 
ieufe  des  Jupiters,  pour  la  confronter  avec  les  évenemens  desgrands  hom-  fii^m  i'^.  *• 

,-^  tr-r         '   '^  TTtii  cap,  1 4.  de 

^m.  IIL  Hhhh  mes  14S101, 


^la        HISTOIRE  DES  DOGMES 

mes  de  l'Hiftoire,  ce  feroit  une  grande  affaire  ,  &  peut-être  qu*on  n*en 
•fortiroit  pas  à  fon  honneur,  parce  qu'à  caufe  de  l'antiquité ,  l'Hiftoire  eft 
û  fort  confondue  avec  la  Fable ,  que  l'une  fouvent  n'ell  pas  plus  véritable 
que  l'autre. 

Mais  nous  ne  cherchons  ici  que  celui  qui  étoit  caché  fous  le  Bahal  , 
ou  Jupiter  des  Phéniciens  ,  ou  tout  au  plus  fous  leBeel  des  Babyloniens. 
Que  fous  ces  noms  fufîent  cachez  de  vrais  hommes,  on  n'en  peut  douter 
en  façon  du  monde  ,  car  on  leur  attribue  des  pères ,  des  mères ,  des  en- 
fans  ,  des  mariages  ,   des  guerres  ,   des  enlevemens ,  des  adultères  &c. 
èc  mille  autres  allions,  qu'on  ne  fauroit  rapporter  à  la  Phyfiologie, com- 
me ont  efîayé de fiire quelques- uns,&  entre  les  autres  PoTphyre,  Savant 
lui  Chryfippe,  dans  le  fécond  livre  de  NatHra  Deomm ,  ôc  un  nommé  Dio- 
genes  Babylonius ,  comme  nous  l'apprend  Ciceron. 
ApudEufc-       Eufebe  s'infcrit  en  faux  contre  toutes  les  interprétations  Mythologiques 
c'"Td?prx-  ^^s  anciens  Sages  6^  Philofophes  Payens.    Et  afin  que  la  Religion  Payen- 
par.  Évang.   ne  demeurât  auffi  ridicule  qu'elle  paroît  ,  il  prétend  que  l'on  doit  pren- 
dre au  pied  de  la  lettre  les  fables  des  Poètes.     Lefquels  Poètes,  comme 
I  De^Nltu-  ^'^  reconnu  Ciceron  ,  ira  inflammatos ,  &  Ubidîr.e  f mentes  indtixerHm  Deos^ 
ra  motam.  fecermncjHe  ^  ut  eorum  bella  ^  pugnas  ^  pr^elia,  vulnera  viàeremus:  odia  prater- 
eHy  dtjjidia^  difcordias  ^  ortas  y    interitm  ^  querelas  ^  lamentationes  ^   ejfafas^in 
.    .         omrà  intemperantialibidines  ^  adulteria  ^  vincula  ,  cnm  hpimMo  génère  concubi" 
tHs ^  77iort(Hléf^iie  ex  immortali procréâtes.     Les  Payens,  qui  ont  voulu  jufti- 
fier  leur  Théologie ,  trouvent  dans  toutes  les  fables  de  grands  myfteres  de 
Phyfiologie,  pour  l'explication  de  la  nature,  6c  des  chofes  qui  s'y  font. 
i.zàs'èiiùs'  ^Pf^  'J^oijue  vnlgmris  faperditio  communis  idololatrm  j  dit  Tertullien,  cumin 
Marcionem  yjy»«/  cris  denominibusK^'fabulisveterHmmQrtîiorumpudet,  adinterpretationem 
naturaltum  refugit ,  &  dedecus  fuum  ingenio  obumbrat  \  figurans  fovem  in  fub- 
ftantiam  fervidam  ,  c^  Junonem  in  a'érem  ,  Çecundum  fonum  (jr&corum  vocabti' 
leram.  Item  Ve[iam  in  ignem  ^  &  Jl4agnam  Alatrem  in  terram  feminalia  de- 
mejj^im  ^  lacertis  aratam  ,  lavacrii  rigatam. 

Mais  Euiebe  réfute  ces  explications ,  &  c'eft  à  cela  qu'il  employé  la 
plus  grande  partie  du  fécond,  6c  du  troillérae  Livre  de  Prdp.  Evang,  Je 
penfe  que  ni  les  uns  ni  les  autres  n'ont  raifon.  Car  il  ell  impofliblede  rap- 
porter tout  ce  que  les  Payens  ont  dit  de  leurs  faux  Dieux,  à  laPhylique. 
Mais  auffi  il  y  a  beaucoup  de  chofes,  qui  peuvent  y  être  rapportées.  Et  ce- 
la n'eilpas  étonnant,  car  puifqu'ileft  certain  que  fous  les  mêmes  noms, 
ils  ont  confacré,  &  adoré  des  Hommes,  des  Aftres,  &  des  Elemens,  il 
eft  clair  que  dans  leur  Théologie,  ils  ont  dû  confondre  les  aélions  des  hom- 
mes ,  avec  les  vertus  àes  Aftr^s  &  des  Elemens.  Ainfî  après  avoir  trouve 
le  Soleil  fous  nôtre  Jupiter  Phénicien,  6c  Babylonien,  il  faut  y  chercher 
des  hommes. 

Pour  ce  qui  eft  du  Bd  des  Babyloniens  ,  jevoique  -tous  les  Hiftoriens 
conviennent  ,  que  c'étoit  un  des  fondateurs  de  la  ville  ,  &  de  l'Empire 
des  Babyloniens.    Servius,  fur  ces  paroles  xie  l'Eneïde  lib.  i. 


Cx- 


ET  DES  CULTES  DE  VEGLlSKTart.lV.  6ii 

(^(zlataejue  in  auro 
Fortia  faBa  pat rum ,  ferles  loftgiffima  rerum 
^er  tôt  dff^a  viros  antiqua  ab  origine gentis. 

S€rvius,dis- je,confond  le  Belus  Aflyrien  ,ou  Chaldéen,avec  le  Beîusjou  Bahaî  ' 
Tyrien ,  prétendant  qu'entre  les  Ancêtres  ,  dont  Didon  avoit  fait  graver  les 
^its  &  rHifloire,étoit  ce  Belus  Aflyrien ,  fondateur  de  Babylone.  Si  Didon  a 
eu  un  Bel  ,  ou  Belus,  entre  fes  Ancêtres,  il  a  dû  être  Phénicien  &  Ty 
rien ,  &  il  n'a  rien  de  commun  avec  le  Belus  des  Babyloniens.  C'eft  pour- 
quoi cette  généalogie  de  Didon  qu'on  trouve  dans  Servius,  efl  trés-faufle., 
II  conte  pour  Ancêtres  de  Didon ,  fupiter ,  Epaphus  ,  Belus prifcus  ,  yîge* 
mr ,  T^hœnix ,  BcIm-s  minor ,  <jm  &  Mètres ,  ÀloXy  Dido  &  ^ygmalion. 

Le  Belus  des  Babyloniens  eft  le  fondateur  de  Babylone,  le  Père  de  Ni- 
nus ,  mari  de  Semiramis:  Cyrille  d'Alexandrie  nous  dit,  que  ce  Belus  ^ibros. 
s'appclloit  aufîi  Arbelus,  &  que  c'eft  le  premier  homme  qui   ait  été  cïial"'"*" 
confacré,  ôc  adoré  comme  Dieu ,  après  fa  mort.  Que  les  Aflyriens  &  leurs  itemEufo» 
voifins  l'adorèrent ,  ôc  lui  offrirent  des  Sacrifices.     Ce  Belus  efl:  ou  Nim-  chîôîîico. 
rod,  ouïe  fils  de  Nimrod  :  Selon  le  fentiment  d'Aventin  c'ell  le  fils  de  Annal 
Nimrod,     Anm  regni  Tmfconis  centejîmo   duodevicejîmà ^  Behs  fnpiter  ^  fi^it*^  lib.  i.g.iu 
Nimbroti ,  Rex  Babyloniorum  fecundm  nature fatôque  coricejjït  ^  Nmns  films  Ta- 
tri  in  Regno  fuccedens  ^  [en  m  divina  Jiirpe  natus  vider  et  ur^  feu  pietate  motus  ui 
memoriam  defun^tgenitoris  coleret ,  feu^  quod  magis  credam,  infiinBu  maligenii^ 
farentem  confecrat  ^  pro  Deo  ab  omnibus  coït  prdicipit  ^  eidem  divinos  defert  hono- 
res ,  &  ab  omnibus  deferri  ediBo  jub et , 

Mais  Eufebe,   Saint  Jérôme,  Saint  Auguftin,  &  la  plupart  des  Moder- Eufeb.  m 
nés  après  eux,  mettent  Nimrod  pour  le  premier  fondateur  de  l'Empire  ^!^^'^°J^''^°- 
des  AfTyriens,  &  le  font  Père  deNinus,  d'où  Ninive  tira  fon  nom,  de  cap. 2."ia  * 
forte  que  félon  leur  fentiment ,  Belus  eft  Nimrod ,  &  en  effet  cette  conjec-  2^""^^ 
ture  s'accorde  bien  avec  ce  qui  eft  dit  de  ce  Nimrod  ,  dans  lech.  lo.  de  la  civi't.Deî 
Genefe  ^  Et  Chi-ts  engendra  Nimrod ,  qui  commenta  a,  être puiffant  fm  la  terre.  Il  ^^'  ^*'  ^^° 
fut  unpmjjant  chajfeur  devant  l'' Eternel,  c''efi  pourquoi  en  dit ,  comme  Nimrod  lé 
putjfant  chafem  devant  t^ Eternel  ^  &  le  commencement  de  fon  Règne  fut  Bahel^  Srec, 
Accad^Calné^  aupdis deScinhar.  Decepaïs-làfortit Afur ,  qm bâtit  7\[inive ^df 
les  rues  de  la  ville,   &  Calah  ,  ^  %efen  entre  Ninive  &  Calah ,  qui  efiunegraft^ 
de  ville.     Cela  fignifie  bien  clairement  que  ce  Nimrod  fut  le  premier  Con- 
quérant, ôc  qu'il  bâtit  des  villes,  ôcaffujettit  tous  fes  voifins.  SesparensÔc 
ks  amis  lui  donnèrent  le  nom  de  Bel ,  qui  fignifie  Seigneur  6c  Maîrre, 
mais  ceux  qu'il  avoit  vaincus  6c  foûmis,  lui  donnèrent  le  nom  de  iV/wr£i<^5 
qui  fignifie  rebelle ,  parce  qu'il  fut  le  premier  qui  ufurpa  la  domination  fur 
fes  frères,  qui  étoicnt  libres  comme  lui:  Moïfe  lui  â  confervé  fon  nom  de 
Nimrod,  parce  que  la  famille  de  Sem  ,  d'où  étoitdéGenduMo'ife,  fup- 
porta  impatiemment  fa  domination.     Mais  les  Affyriens ,  pour  fe  faire  hon- 
neur de  ce  Conquérant ,  lui  ont  confervé  le  nom  de  ^el  ^  ou  de  Bal^  que 
'-lui-même  s'étoit  donné.     Les  paroles  de  Moïfe,  de  cepaïs-lkfortit  AJJur^ 
doivent  être  tournées,  &  de cepaïs-là  il fortit en  AJfur ^  &  s'' emparant d'^AJfyrie 
il  bâtit  Ninive  ^  &c.     Car  Affur  eft  un  des  décendans  de  Sem,  &  il  n'y  a 
point  du  tout  d'apparence,  qu'au  milieu  du  récit  ^  que  Moïfe  fait  de  i'é- 

Hhhh  i  tablif- 


Ch.  î.  6. 


LeBahal  des 
Phéniciens, 
e'eft  Cham, 
>eur  grand 
îiîîiarchc. 


6i2         HISTOIRE  DES   DOGMES 

tabliflement  de  l'Empire  de  Nimrod ,  ôc  dans  la  Table  Généalogique  des» 
enfans  de  Cham ,  il  falTe  mention  d'Aflur ,  qui  ell  des  enfans  de  Sem.     Et 
en  effet  le  Prophète  Michée  appelle  l'Aflyrie  le  Païs  de  Nimrod  5  //;<:o«- 
Soï  hochet- fumeront  la  terre  d''yJ(^rie  avec  Pé^ee,  &  le  païs  de  Nimrod  avec  lettrs  lances.     Ce 
pa!spïilia   ^"-'t  ^"^"^  ce  Nimrod,  Fondateuï  de  l'Empire  d'Aflyrie  ,  dont  on  a  fait  le 
îib.4.  c.  12  Jupiter  Bclus,  &  que  les  Babyloniens  ont  adoré  fous  le  nomde'Sf/. 

Mais  pour  leBahaldes  Phéniciens,  il  y  a  apparence  que  c'eft  Cham  ,  le 
grand  Patriarche  des  Phéniciens  6c  des  Cananéens.  Celui-là  même  que- 
nous  avons  prouvé ,  dans  la  première  Partie  de  cet  ouvrage ,  être  Melchi- 
fedec,  le  grand  Pontife  de  la  Nation,  le  Chef  de  la  Religion,  qui  avoit  éta- 
bli fon  fîege  dans  le  païs  de  Canaan,  dans  la  Paleftine,  &  dans  la  Phénicie 
même,,  puifqae  cela  eftfîvoilîn,  ôc  renfermé  dans  une  fi  petite  étendue^ 
qu'elles  peuvent  pafTer  pour  un  même  païs  :  car  la  Phénicie  occupant  les  Co- 
tes maritimes  de  la.  Palelline,  renfermoit  le  mont  Liban ,  &  les  villes  de  Tyr 
6c  de  Sidoiî. 

Au  refte  je  trouve  dans  SancHoniathon  ,  ou  Philo  Biblius ,  un  Sydyd 
ou  Sydek  ,  qu'il  interprète  Julie ,  que  je  croi  être  nôtre  Melchiledec 
Roi  de  Jullice  ,  comme  nous  ti" avons  déjà  ci-defilis  remarqué.  Par 
ce  Fragment  de  Sanchoniathon  ,  que  nous  avons  ci-deiîus  rapporté 
tout  entier,  il  paroît  que  Sjdik^^- ou  Sjdek.^  qui  eft  nôtre,  Melchifedec 5 
eft  le  Père  des  Càhhirej,  c'eil-à-dire  ,  des  grands  Dieux.  Il  faut  donc 
que  ce  foit  le  Jupiter  des  Payens,  fî  fouvent  appelle  le  Père  àes^ 
Dieux.  Le  Jupiter  des  Phéniciens  étoit  Cham,  6c  ce  Cham  eft  le  même 
Melchifedec.     11  n'y  a  donc  rien  de  plus  vrai-femblable  que  cela ,  c'eft 

,  ou  leur  Bahal  5. 
qui  etoit  lerere  ae  toute  leur  race,  leur' 
Patriarche,  6c  qui  avoit  durant  plufieurs  ficelés  tenu  les  rênes  de  l'Etat ^ 
6c  manié  les  affaires  de  la  Religion  dans  laPaleftine,  auquel  Abraham  lui- 
même  avoit  rendu  hommage  ,  6c  avoit  donné  les  dîmes  du  butin.  Ce  qui 
peut  encore  avoir  été  une  occafîon  aux  Cananéens  de  faire  de  Cham ,  ou 
de  Melchifedec,  un  Dieu.  Car  on  fait  bien  que  de  tout  tems ,  la  coutu- 
me a  été  de  confacrer  la  dîme  des  dépouilles  des  ennemis  aux  Dieux,  6c 
principalement  à  Jupiter..  Témoin  le  Jupiter  Feretrim  des  Romains  ,  au- 
quel ils  offroient  ce  qu'ils  appelloient  o/)/w<i  fpolia  5  c'eft-à-dire,  les  dé- 
pouilles du  Général  de  l'Armée  ennemie,  à  l'exemple  de  Romulus^  qui 
confacra  à  Jupiter  les  dépouilles  du  Général  des  Sabins. 

Supiter^  hdcmdie  tibi  viBima  corruet  Acron, 
Voverat  & [polmm^corruit  ille  Jovi, 

Ajoutez  à  cela  les  remarques  de  nos  Savans,  qui  prouvent  que  Noéefl 
le  Saturne  des  Payens,  que  ces  trois  fils  de  Noé ,  Sem,  Cham  6c  Japhet , 
font  les  trois  fils  de  Saturne ,  Jupiter,  Neptune  6c  Pluton ,  6c  que  Chamefl 
Jupiter,  ce  que  l'on  prouve,  i.  Par  lenomdeHammon,  qui  eft  demeuré  à 
Jupiter,  6c  fous  lequel  il  a  été  adoré  dans  l'Egypte  6c  dans  la  Libye ,  comme 
nous  en  afîûre  Hérodote.  Les  Egyptiens ydÀt-W  ^donnent  à  fupiter  lenom  deHam- 
mon.  Ham  6c  Hammon  viennent  l'un  de  l'autre,  6c  il  ne  faut  pas  trouver 
étrange  que  nous  dérivions  ici  le  Jupiter  Hammon  de  Cham ,  après  l'avoir 

dérivé 


que  les  Phéniciens  6c  Cananéens ,  ont  fait  leur  grand  Dieu , 
le  Père  des  autres  Dieux ,  celui  qui  étoit  le  Père  de  tout 


Stopert.lib. 
4i  Eleg.ïo, 


ET  DES  CULTES  DE  VEGLlSE.ParLlV.6ii 

dérivé  de  rvzn,  chammah  qui  (îgnifie  le  Soleil.  Car  comme  fous  un  mê- 
me nom  on  adoroit  des  Aftres  &  des  Hommes,  iln'eft  pas  étonnant  qu'un 
même  nom  ait  deux  origines.  De  ce  C^i^w^,  ou  Ham^  quifignifie  chand  ^brû- 
lant ^  on  a  judicieufement  remarqué,  que  le  ZîOçdes  Grecs  pourroit  bierr 
êtrç  dérivé  de  Çew,  ferveo.  Mais  quand  il  le  faudroit  dériver  de  Ç>iv,  vivre^ 
cela  n'empêclieroit  pas  que  le  nom  de  Zîù?  n'eût  été  donné  à  Jupiter,  à 
caiife  de  la  fignification  de  celui  de  Ham  ,  ou  £ham^  qui  fignifie  brûlant, 
chaud  i  car  la  chaleur  eft  le  principe  de  la  vie.  2.  L'aétion  de  Cham  qui 
vit  la  nudité  de  fon  père,  a  donné  lieu  à  la  fable,  que  Jupiter  le  coupa, 
ôc  c'eft  un  autre  indice  que  Chameft  Jupiter. 

3.  Ce  que  l'on  a  donné  à  Cham  la- fouveraineté  fur  les  Dieux  6c  fur  les 
hommes,  au  préjudice  de  Sem,  Se  de  Japhet,  qui  étoient  fes aînez,  vient 
de  ce  que  la  pofterité  de  (ham  obtint  la  première  domination,  ôcla  pre- 
mière Monarchie  par  Babylone,  êc  par  Ninive.  Etlesenfans  de  Sem  6c 
de  Japhet  leur  furent  foûmis.  Or  il  eft  naturel  à  ceux  qui  dominent  defe 
prévaloir  de  leurs  avantages,  6c  de  s'attirer  toute  la  vénération  qu'ils- 
croyent  néceiTaire  pour  affermir  leur  domination ,  à  quoi  ne  fert  pas  peu 
l'opinion  que  ceux  qui  dominent  font  décendus  des  Dieux.  On  peut  ajou- 
ter à  cela  y  que  les  vertus  militaires  étant  les  plus  brillantes  aux  yeux  des  • 
hommes ,  ce  font  auffi  elles  qui  induifent  plus  facilement  à  donner  de  la 
divinité  aux  mortels.  C'ell  pourquoi  la  plupart  des  Héros,  que  l'antiqui- 
té Payenne  a  confacrez ,  ont  été  de  grands  Capitaines.  Pour  Gham,  je 
ne  croi  pas  qu'il  ait  jamais  fait  de  guerres  de  grand  éclat:  Mais  fon  pe- 
tit-fils Nimrod,:  6c  fes  décendans ,  s'étant  érigez  en  Conquerans,  6c  eii' 
maîtres  de  l'Univers  ^  de  leur  Patriarche  ils  ont  fait  un  Dieu,  6c  ils  firent 
Gham  leur  Père  le  fouveràin  des  Dieux  6c  des  hommes. 

4.  Si  nous  cherchons  le  chemin,  par  où  le  Bahal  des  Phéniciens  a  palTé,' 
6c  en  Egypte  6c  dans  la  Libye ,  fous  le  nom  de  fupiter^  Cham ,  Ham ,  oti  fn^ 
puer  Hammon ,  nous  n'aurons  pas  beaucoup  de  peine  à  le  trouver.      Quant 
à  l'Egypte,,  il  y  a  été  porté  par  Mitfraim,  le  fécond  fils  de  Cham,  qui  cer- 
tainement a  été  le  Père  des  Egyptiens.  C'eft  pourquoi  dans  la  langue  Sainte 
l'Egypte  s'appelle  de  ce  nom  on^o,  Mitfraim.     Et  même  nous  appre- 
nons de  Plutarque,  que  les  anciens  Egyptiens  appelloientleurpaïsXvijLcï::^,  în  Trahira 
à  caufe  de  la  noirceur  de  la  terre,  dit-il.  Mais  il  eft  beaucoup  plus   appa-  oruide. 
rent  que  le  nom  de  Chemia^i^uï  a  été  donné  à  l'Egypte ,  vient  de  Cham  père 

de  Mttfraim.   Auffi  l'Ecriture  appelle  fouvent  l'Egypte,  la  terre  de  Cham.  l'f-js-^Ji- 
Le  mot  de  Cham  fignifiant  brûlé,  chaud ,  fignifie  auffi  noir  6c  roux  de 
brûlure.     C'eft  pourquoi  fi  Tétymologie,  que  Plutarque  donne  du   nom 
Xh]u,/«,  que  l'Egypte  a  porté,  n'éft  pastoutàfaitjufte,  au  moins n'eft-el* 
.  le  pas  tout  à  fait  mauvaife. 

Pour  la  Libye ,  il  eft  encore  aifé  de  comprendre  comment  Cham  y  îhaieg  Pars; 
a  été  adoré,  fous  le  nom  de  Jupiter  Hammon.  Je  ne  dirois  pas,  com- Jg^'^J* '• 
me  Bochart  ,  qu'il  a  été  relégué  dans  les  arides  fablons  d'Afrique , 
ou  parce  qu'il  a  été  le  plus  jeune  de  fes  frères  ,  ou  parce  qu'il  a 
été  maudit.,  de  fon  Père.  Premièrement  il  eft  certain  que  l'Afrique 
eft  tombée  en  partage  aux  enfans  de  Cham ,  6c  que  fa  pofterité  l'a  oc- 
cupée,  âc  c'eft  pourquoi  elle  a  été  appellée  Ammonis^  ^Ammonia^  Ki^Cv^ 
Z^?i(  %oKvwvu[j.oç j,  6cc.  dit  Stephanus  ancien  Chorographe  5  La  Libye,  «'^de^tïus,: 

Hhhh  3  Afrique^ 


éïi.         HÏSTOIREDES  DOGMES 

yjfrtijue ,  efl  mr  pais  <jm  porte  divers  noms ,  témoin  Polyhiflor  ,  elle  s'*appell0  terre 
Olympienne^  Oceanie^  Efihatie,Koryphie,  Hefperie ,  Ortjgiù ,  Ammonis.    Elle 
is'appelle  terre  Olymptenne  ^  c'efi:  parce  qu'elle  a  été  occupée  parlesenfansdc 
celui  dont  on  a  l'ait  le  Jupiter  Olympien ,  ou  comme  parloient  les  Phéni- 
ciens Beelfamen.     Elle  a  été   nommée  Ammonis  ,  à  caufe  que  ce  Jupiter 
Olympien,  à  qui  elle  efUombée  en  partage ,  s''âppdloitA??mfo»,  ou  Hant. 
Mais  iansceîa,  au  moins  favons  nous  que  l'Egypte  a  été  occupée  par  le  fils 
de  Cham,   &  il  y  a  apparence,  comme  nous  venons  de  le  dire,  queCham 
y  a  été  adoré  dans  la  ville  de  Diofpolis ,  que  l'Ecriture  Sainte  appelle  m  poj>î, 
videBo.      Amon  no  ^  ouT^eammon.  On  ne  doit  pas  fe  faire  une  difficulté  de  ce  que  le 
fupîi'"       nom  de  Cham ,  ou  Ham  5  s'écrit  avec  une  aipiration  forte,  par  un  Cheth,  au 
jetem,  4«.   lieu  que  le  Amonno  des  Prophètes  s'écrit  fans  afpiration  ,  par  Aleph.     Il 
Jo'  f r*^  "    ne  faut  pas,  dis-je  9  conclurre  que  H^am ,  &  Amon  ,  foient  differens ,  car  il 
nàifum-hA.  n'eli  rien  il  ordinaire  que  de  voir  perdre  à  un  mot  Ton  afpiration.  Cham  étant 
donc  adoré  en  Egypte ,  il  n'ell  pas  di^içile  de  comprendre  comment  il  a  pu 
paHer  de  l'Egypte  dans  la  Libye. 

Mais  enfin,  6c  c'eft  ce  que  je  trouve  le  plus  vrai-femblable,  il  y  peut 
ètr&  pafTé  de  Carthage.  LesTyriens,  quand  ils  partirent  de  chez  eux, 
emportèrent  avec  eux  leur  Bahal,  avec  cette  tradition,  que  ceBahals'ap- 
pelloit  Chan?^  ouHam.  Et  quand  ils  eurent  bâti  Carthage,  leur  commer- 
ce fut  grand  avec  les  Libyens ,  de  forte  qu'il  fut  trés-aifé  au  Dieu /f4îK?,  on 
H'-mmoiî  ^dç  s'établir  dans  la  Libye  :  fur  tout  parce  que  les  Libyens  virent 
que  fous  lesaufpices  de  ce  Dieu  Tyrien,  les  Carthaginois  avoient  établi 
um  Cl  liori  fiante  Repobliqae,  ils  adoptèrent  facilement  un  Dieu^  dans  le- 
quel ils  ÇA'ûixnt  recomioîtrc  tant  de  pouvoir. 


IV.  TRAI. 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE,  Part.lV.6ii 


IV.     TRAITE 

DESAUTRES 

B  A  H  A  L  I  N  S 

T)eBahalS[fe-phon^  de  BahaliBerîth\  de  Beel-Zehub^  de 
Dagon,  Ô^c,  De  Nergaly  Nibechasy  Tartach^Ashima , 
Aretfd^  Diemde  Sehir:  Adrammelech^  Anamelech, 
Nîfrochy  Rimmon. 


CHAPITRE     I. 

BahaLBerith  ,   Dieu  ou  Déejje  des  Sichemites.    Tremiere  con- 
jecture 5  que  feft  le  Jupiter  Fœderalis.     Seconde  conjeditire ,  que 
BûhaLBeriîh  j  qui  aprisfen  nom  de  la  ville  appelkeen  Phénicien 
Beruthj  étoiî  ajfûrement  une  Véejj'e^  cJ"  non  pas  un  Dieu. 


'xAppelle  Bahalins  tous  les  faux  Dieux  de  la  Palefli- 
ne,  &  des  Nations  voifines,  entre  lefquelles  le  nom 
de  Bahal  Çignifioïi  Dieft  en  général,  ^Bahalimjjgni- 
fioit  les  Dieux.  Ainfî  après  avoir  parlé  de  Bahal,  ou 
du  Dieu  qui  étoit  ainfi  appelle  abfolument,  ôc  fans 
épithete  ,  il  faut  dire  quelque  chofe  des  ancres  Ra- 
bais, dont  le. nom  étoit  compofé  de  quelque  naot, 
qui  étoit  ajouté  à  celui _de  Bahal.  Tel  étoit,  félon 
le  fentiment  ^ts  Rabbins,  Bahal  -  Tfephon ,  Baal- 
Berith,  Baal-Pehor,  Baal-Zebub.  Pour  ce  qui  eft  de  Bahal-Pehor ,  nous 
en  avons  fait  un  chapitre  à  part ,  en  parlant  des  Dieux  des  Moabites. 
Quant  à  Baal-Tfephon ,  comme  félon  le  fentiment  des  Juifs ,  c'étoit  plu- 
tôt une  figure  magique  ,  qu'une  divinité  diftinfte  des  autres ,  nous  n'en 
dirons  rien ,  n'ayant  pas  deffein  de  dire  de  la  Magie  des  Syriens  autre  cho- 
fe ,  que  ce  que  nous  en  avons  dit  dans  le  Traité  des  Theraphims,  ôc  dans 
le  chap.  de  TOb. 

Il  faut  tionc  commencer  par  B^ai-Berith.  Je  ne  fai  qu^un  feul  lieu ,  où  Bf^aîBe- 

II 


6i6  HISTOIRE  DES  DOGMES 

il  nous  foit  parlé  de  cette  divinité.   C^c(l  dans  le  8.  &  le  9.  chap.  du  îi-- 
Jugeschap.   vre  des  Juges.     Et  il  ai/int  après  ^ue  Gcdeonfut  mort  ^  que  les  enfaris  d'Ifraëï 
^'  ''■         fe  de'toHrnerent  ^  &  paillarderent  après  les  BahuUns  ^  &  s'établirent  Baal-Berith 
Chap,  p.  4.   pour  Dieu.   Et  dans  le  chap.  Suivant  ,    il  eftdit  queleshabitansdeSichem 
tirèrent  foixante  &c  dix  pièces  de  la  maifon  de  Baal-Berith  ,   &  les  don- 
nèrent à  Abimelech  ,   l'un  des  enfans  de  Gedeon  ,    &  qu'il  ^'en  fer- 
vit  pour  lever  à.çs>  foldats ,  6c  tuer  tous  les  frères.     Ce  même  Dieu  étoic 
appelle  Berith  tout  fimplement  ,   car  dans  le  même  chapitre  il  eil  dit, 
V.  45.      qite  les  Stchemiîes  fe  retirèrent  dans  le  fort  de  la  maifon^  ou  du  Temple  du  Dieu 
Benih ,  r~in3  Hn  no ,  c'eft-à-dire  ,   que  ce  Temple  de  Berith  étoit  en 
même  tems  la  citadelle,  le  fort,  l'arfenal,  &  le  Thréfor  des  Sichemites. 
Qusft.Rom.  Plutarque  nous  apprend  que  les  Romains  mettoient  auffi ,  leurs  Archives, 
^^'  6c  le  Thréfor  public ,  dans  un  Temple ,  c'eft  celui  de  Saturne.  Nous  n'a- 

vons prefque  point  d'autre  fource  ,   d'oii  nous  puiflions  tirer  quelque  lu- 
mière pour  connoîu'e  cette  ÊaulTe  divinité,  .que  fon  nom.  Et  là-defllis  il  y 
a  divers  fentimens. 
prcmkrc         Premièrement  le  mot  de  rr'ii ,   Berith  ,  en  langue  Phénicienne  & 
B°hi!-teîtth  î^ebraïque  fignilie  alliance.     Ainiî  le  Dieu  Baal-Berith  peut  être  inter- 
ctï  le  Jupiter  prêté  5  par  le  Dieu  des  traitez^  &  des  alliances.     Et  en  effet  c'eft  ainfi  que 
de^Lattns    '^  comprcneut  la  plupart  des  Auteurs.     Le  Paraphrafte  Chaldée  tourne 
Munfter  in  C3Vp  S^3 ,  Deus  juramenti ,  aut  fœderis.     Erant  olim  ^  dit  Munfter  ,  apud 
s.Jud.v.4.   CmanAos  multi  dit,  qui  communi  nomme  vocabanturBahd^  quodDominum-& 
Maoiflrum  foncit  ,  feà  habuit  quilibet  Bahal  nomen  proprium  ,   ut  Baal-Zebub  , 
id  efi,  Deus  mufcarum  ;  Baal-Pehor ,  id  efi  Deus  voracitatis  ;  Baal  Berith,  Do' 
In  Jud.        minus  fœderis.  Drufius  dit  auffi,  Baal-Berith ,  fie  vocabatur  numen  Sichemi- 
^•33'         tarum,  &  valet  m  Jî  dicas  fupiter  fœderis  ^  id  efi  fœderatus.   Les  70.  Inter- 
prètes, &  la  Vulgate  Latine  de  St.  Jérôme,  n'ont  pas  pris  le  mot  de  B^- 
rith  ,  pour  un  nom  propre ,  mais  pour  un  nom  appellatif.  Car  les  Grecs 
,ont  dans  leur  Bible ,  £Ôv)J<û;v  aùroïq  Ti$  BduK  ^/«ôi^kvjv  ,  rë  eïvxi  avroTç  hvtov  elç 
èeov.   Et  là  Vulgate ,  percujferunt  cum  Baalfœdus  ut  effet  eis  in  T>eum.     Les 
Grecs  &  les  Latins  ont  donc  pris  Berith  ,  pour  alliance,  ayant  tourné  & 
ils  firent    alliance  avec   Bahal  ,    afin  qu'il  fut  leur.   Dieu.     Il  y   a    mê- 
me des  Juifs  qui  l'ont  ainiî  entendu  :    Entre  les  autres  un  certain  Rab- 
înjudiccs    bi  Efaïe,  que  Buxtorf  a  mis  à  la  marge  de  fa  Bible,  izin  \"]h  r\'^^^  hv^  *'3 
4:ap,  s.         mioan  iTÙ  ,  Pinterpretativn  efi  ,  que  les  Sacrificateurs  des  hauts  lieux  entrèrent 
en  alliance  avec  l'^Idole.     Mais  Ralebag  &  Rachi  eftiment  que  c'ell  un 
nom  propre,  ioîJ'  -js,  tel  efi  fon  nom  ,  dit  Rachi,  Sya  cu^nVî^S  anS  idb' 
ïnjudices    T~i'»^3  hv'2  n%T  lûU'îi'  "iHî^ ,    &  Hs  choifirent  pour  leur  Dieu  un  Bahal ,    dont  le 
*^^'  *•        mn}  étoit  Bahal-  Berith  ,    dit  Ralebag.      Il  eft  bien  vrai  que  ,   félon  la 
Phr^fe  Hébraïque,  nni  Si^a,  lignifie  un  homme  avec  qui  on  eft  en  al- 
liance. Ainfi  on  pourroitinterpreter  ce  Dieu ,  p^r  Jupiter  Fœderatus,  c'cûr 
ià-dire  ,   le  Dieu  avec  lequel  on  auroit  traité  alliance^   que  l'on  auroit 
choifi  pour  fon  Dieu.    Mais  il  feroit  beaucoup  plus  raifonnable  de  l'in- 
terpréter ,  par  Jupiter  Fœderalis  ,  le  Dieu  préfidant  fur  les  alliances.     On 
peut  donc  conjeâiurer  que  ce  Jupiter ,  que  les  Sichemites  choifirent  pour 
leur  Dieu,  eft  le  Bahal,  ou  lé  Jupiter,  de  toute  la  Phénicie.    Mais  que 
dans  ce  lieu-là  il  portoit  le  titre  de  Jupiter  des  alliances ,  parce  que  c'é- 
toit  celui  que  les  hommes  prévoient  à  témoin  de  leur  fidélité,  ÔC par  le- 
quel ils  juroient  pour  la  confirmation  de  leurs  alliances. 

Et 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Tariiy.  617 

Et  ce  qui  confirme  cette  conjedbure,  c'eft  qu'efFedivement  le  Jupiter 
des  Payens  avoit  divers  titres ,  félon  la  diverfité  des  nations.     Et  il  étoit  i 

adoré  en  un  lieu  fous  un  éloge,  &dans  un  autre  lieu  fous  un  autre  titre. 
Ainfi  ilsavoient  un  Jupiter  appelle  héaioç  ôc  hsTy^cioç^  deprecabilts^  exora- 
ble,  qui  fe  laifle  fléchir.  Et  au  rapport  de  julius  Pollux  ,  c'étoit  l'un  des  PoJiux  On*- 
trois  Dieux  ,  par  lefquels  Solon  permettoit  de  jurer  ,   héaio;^  ncMpc-iog  ôc  ["^'J'^^J' 
é^ciH3çy,iiioç >  fHpiter  exorahle  ^  pHrifiant^  &  chaj]ant  les  maux.     Les  Lacede-  Pauianias  is 
môniens  avoient  un  Jupiter  qu'ils  appelloient  Cofmetas^  c'eft-à-dire,  Sou-  ^«o^iciï. 
veraindu  monde.     Dans  l'Ile  d'Eubée,  aujourd'hui  de  Negrepont,  Ju- 
piter avoit  un  Temple  fous  le  nom,  de  7.eùç  èiriyixp^iQQ ^  Jupiter fruclifiant.  Hefydiios. 
Il  y  en  avoit  cent  autres  de  cette  nature,  comme  è%itvii^ioç  ZîO?,  Jupiter 
feant  fur  le  Tribunal,  I^^oq  Xsùç,  év(Jiy,ixoç  ZïOç  &c. 

2.  Mais  ce  qui  augmente  &  fortifie  cette  conjeélure,  c'eft  que  Jupiter 
a  été  connu  entre  les  Grecs  &  les  Latins ,  fous  ce  même  nom  de  Jupiter 
Fœderatm  ^  on  Fœderalis.   Colehamr  ,  dit  Lilius  Gyraldus  ,    &  in  fœderihfis  Hiftot.&c«- 
fanciendis  apud  Cr&cos  évépuiog  Z?ù;,  à  JHramento  videlicet  appellatus.    En  ef-  J"^  ^^'^" 
fet  Paufanias  dit  cxprelîément  que  dans  le  lieu ,  oîà  fe  celebroient  les  jeux  Paufanias  # 
Olympiques, le  Sénat,  ou  le  Confeil  s'aflembloit  dans  un  efpace,  où  étoit  ^°^^""*- 
le  fîmulacre  de  Jupiter  ,   fornommé  opaiog,  qui  tenoit  des  foudres  dansfes 
deux  mains,  pour  fîgnifier  qu'il  puniroitde  toutes  fes  foudres  les  violateurs 
des  fermens.    Les  Romains  avoient  un  femblable  Jupiter  ,  qu'ils  appel- 
loient J^^^p/V^r  Z,/«;7/>,  ou  Lapideus  ^  Jupiter  la  Pierre,  ou  Jupiter  de  Pierre. 
^uid  igitur  jmabo  per  fovem  Lapidem  %^mmo  'vetujiiffimo  more  ?  dit  Apu-  lalibrode 
lée.  Et  ce  nom  étoit  venu  d'une  Cérémonie ,  qu'ils  obfervoient  en  con-  JJ/°  *°"*' 
firmant  leurs  traitez>  ils  prenoient  une  Pierre  enmain,ôcdifoient,  fifaens 
falUm^  me  Diefpiter  falva  urbe  ar<:é^m  bonis  ejiviat  y  ut  ego  hune  Upidem.  Po-    Feftus. 
lybe  dans  fon  Hiftoire  ,   &  Tite  -  Live  dans  la  fienne  ,  nous  remarquent  vide  Eraf- 
cette  cérémonie  ,   dans^  la  paix  qui  fut  conclue  entre  les  Romains  à  les  chiïîad??' 
Carthaginois ,  après  la  première  guerre  Punique.     Et  voila  la  forme  du  centuiias. 
ferment ,   comme  Polybe  dit  qu'il  fut  exprimé  ôc  conçu  par  celui  qu'ils  poiy^.lfb.,. 
appelloient  Fœcialis.  &  qui  fut  auffi  eravé  dans  une  table.     Si  je  fais  cette  Tite  Li?e 

n  ^  r  i     r  r  ■    ^     F       ■  •        J  r  Decad  i, 

aliiance  &  ce  Jerment  de  bonne  foi,  &  jans  intention  de  tromper^  que  toute  prof-  iib_i. 
perité  me  puijfe  arriver  de  la  part  des  Dieux.  tJM^ais  s'il  en  efi  autrement ,  cjue 
tous  les  autres  demeurent  fains  &  faufs^  &  que  je  puijfe  pe.  i-  jeul  au  milieu  des 
loix  de  ma  patrie  ,  dans  ma  propre  maifon ,  &  dans  mes  fepulcres  ^  comme  cette 
pierre  tombera  de  ma  main  j  &  fans  rien  ajouter  ,  incontinent  iljetta  la  pierre 
hors  de  fa  main.  Je  foupçonne  que  le  Jupiter  Arbitrator  des  Romains  étoit 
encore  le  même  Dieu  ,  &  qu'il  étoit  appelle  Arbitrator  ,  quafi  tefiis  & 
arbiter^  qui  in  fœderibus  &  juramentis  invocabiUtur.  Il  avoit  un  Temple  ap- 
pelle icevrciiîvXo))  t  dans  la  région  Palatine,  comme  le  rapporte  P.  Viélor  in 
lîb.  de  urbis  RomAregionibus.  Si  quelqu'un  avoit  de  l'amoiïr  pour  cette  con- 
jeélure  ,  il  pourroit  encore  l'appuyer  par  fétymologie  du  mot  Berith^ 
qu'on  peut  dériver  deî*<in,  qui ^entr' autres  fignifications,fignifie  couper. 
On  fait  que  les  Hébreux,  auffi  bien  que  les  Latins  ,  ÔAÇent  ferire  foedus ; 
nnn  ry\'-\'2  ,  à  caufe  de  la  cérémonie  de  tuer,  &;  d'immoler  une  viélime 
pour  la  confirmation  des  traitez.  De  forte  qu'on  pourroit  interpréter  Ba- 
hal-Berith ,  Deus  percujfionis  ^  fcilicet  ^  fœderis  &  vitiimA.  Voila  ce  que  l'on 
'Fart.  IF.  liii  peut 


6i8  HISTOIRE   PES  DOGMES 

peut  imaginer  pour  le  fentiment  de  ceux,  qui  croyenc  que  Bulial-Berith 
étoit  le  fnpiter  Fœderalii  des  Payens. 
ucor^ic  On  peut  encore  faire  une  conjeéture  ,    qui  n'a  gueres  moins  de  vrai- 

r"'^^"de  '  rembLmce.  C'eft  que  le  Bahal  des  Sichemites  avoit  emprunté  ion  nom. 
B^aSrydi  de  la  ville  de  Beryth ,  Berythos.  Il  y  avoit  plufieurs  villes  de  ce  nom  :  Il 
'ïdeBe-  y^'"*  ^''°^'-  ""^  entre  les  villes  des  Gabaonites,  qui  s'appelloit  en  Hébreu. 
i)thenïhé-  rm«3 ,  Bcroth,  ou  Beruth  ,  qui  tomba  dans  le  partage  des  Bcnjamites. 
ToflSp  17  ^^  y^'"*  ^voit  une  autre  de  même  nom  dans  l'Arabie,  *lelon  le  témoignage 
&!?. i>.  de  Stephanus  ancien  Géographe.  Mais  il  eil  certain  qu'il  y  en  avoit  une- 
DeUibibu.'.  dans  la  Phénicie,  qui  étoit  fituée  entre  la  mer  &  le  mont  Liban,  au  dei* 
fus  de  Sidon ,  en  tirant  du.  cdté  d'x^ntioclie ,  6c  aujourd'hui  elle  s'appel- 
le encore  Baruth. 

Lemnius  AnûquÀmque  TfTon ,  Beryti  &  mœma  grata,. 

Simon  es 

Afro"7'°   'Stephanus  nous  dit  que  cette  vilte  étoit  ainli  appellée ,  S/à  ro  ew^m,  ^y,p. 
^  '  yàp  70  (ppsap  TTCip  avToTç  ^  à  eaufe  de  l'humidité  de  fa  fituation  ,   parce  que 

Ber^  dans  leur  îajngue  ,  (ignifie  puits.  Cela  eil  vrai ,  càx  Berotk^  ou  Be- 
ruth ,  (ignifie  en  Phénicien,  ôc  en  Hébreu  ,  des  puits.  C'eil  de  cette  vil- 
le de  Beruth,  ou  Beryth,  qu'étoit  le  fameux  Sanchoniathon,  Hiilorien 
êc  Théologien  des  Phéniciens  j.  qui  dit  de  cette  ville  de. Beryth  ,  félon 
ApudEufeb.  la  vcrtion.  de  Philo  Bibîius,  que  Saturne  dbnna  U  ville  de  Beryth  ,  à  T^lèptu^ 
Bnep.Evang.  ^^^  ^  ^^^.^^  Cabires-,  aux  laboureurs  &  pêcheurs^  qui j  confacrerent  les  reliques  de 

Pontt-is^  le  père  de  1S[eptune.. 
ExPorphy.       Ce  fut  à  Ablbalus ,  Roi  de  cette  ville  de  Beryth,  que  Sanchoniathon 
Hoiib.^..    dédia  fon  ouvrage,  comme  nous  l'avons  v.û  ci-devant.     A'/3/|3aAw- Bi^pu-i^jy^ 
rv^v  'iqoçiiuv  àvu^i'.   .Les  Sicbemites  très  aflïïrément  avoient  emprunté  leur 
Bahal  Berith  des  Phéniciens  ,  dans  le  voifmage  defqucls  ils  étoient.     Et 
il  fe  peut  taire  que  ce  Bahal  fût  le  Bahal  de  la  ville  de  Beryth  ,   Jupiter 
B^rythius..  Car  tout  le  monde  fait  que  les  Dieux  des  Payens  fe  dillinguoient 
par  les  noms  des  lieux,  dans  lefquels  ils  étoient  adorez.     Ainli  il  y  avoit 
\e  Jupiter  Capitolinus  ^  Dodonttus ,  Idaus ,  &C.  Ce  qui  rend  vrai- femblable 
cette  conjeélure,  c'eil  que,  félon  le  fentiment  des  Doébes  ,   J,crubbahal\j. 
qui  eil  Gedeon,  eil  le  ferombahal ^  Sacrificateur  du  Dieu  Jao,  avec  le- 
quel ferombahal  Sanchoniathon  dit  avoir  eu  commerce  ,  6c  avoir  eu  de 
lui  des  mémoires,  d'où  il  a  tiré  fon  Hiiloire  6c  fa  Théologie.  Ce  Sancho- 
niathon étoii  Berytien  ,   comme  nous  l'avons  vu: ,  6c  par  conféquent  il 
avoir  pour  Dieu  Jupiter  Berytien ,  le  Dieu  de  fa  ville.  Il  eut  grand  com- 
merce avec  Jerubbahal,  qui  demeuroit  fouvent  en  Sichem  ,   oij  il  avoit 
une  concubine.  Il  fe  peut  faire  que  ce  Berytien  ,  venant  voir  Jerubbahal 
en  Sichem,  ait  corrompu  le  peuple  ,   6c  lui  ait  appris. le  culte  de  ce  faux 
Dieu  Baal- Beryth  ,  ou  fupiter  Berytien. 
îhaîeg  îart      Tout  ccla  a  de  la:  vrai-femblance.     Mais  cependant  fans  balancer  ,  je 
&  çap^uUim,  jT^g  range  dans  le  fentiment  de  l'illultre  Bochart  ,  qui  tient  que  ce  Dieu. 
n'écoit  pas  le  Bahal  des  Tyriens  &  Sidoniens.    Que  c'étoit  à  la  vérité  un- 
des  Dieux  des  Phéniciens  ,   mais  un  Dieu,  différent  des  autres  Bahahns. 
Il  n'avoit  pas  tiré  fon  nom  de  la  ville  de  Beryth  ,  mais  il  avoit  donné 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Part.lY.  619 

îe  nom  à  la  ville.  Ce  faux  Dieu  s'appelloit  proprement  Beryth  ,  ou  Be- 
Yiiih ,  &  le  nom  de  Bdod ,  qui  efl  mis  devant ,  dans  le  cornpoié  Bahal- 
Benihy  ne  fait  point  partie  du  nom  propre  j  c'eit  un  nom  appellatif,  com- 
me parlent  les  Grammairiens  :  C'eft  ie  nom  du  2)/>«  ,  ôc  c'eft  tout  de 
même,  comme  fi  l'on  difoit ,  le  Dieu  Berith.  Cela  eft  clair  par  le  texte 
du  livre  des  Juges.  Car  celui  qui  efl  appelle  Bahal-Benth  dans  le  S"^*^. 
chapitre,  eft  appelle  El-Berith  dans  le  neuvième,  ce  qui  fignifle  le  Dieu  v.  ^&. 
Berith.  Bahal  ôc  El  font  deux  mots  Hébreux,  ou  Phéniciens,  qui  figni- 
iient  tous  deux  Dieu,  ou  Seigneur.  Le  premier,  (avoir  B^ïW,  étoitlemot 
des  idolâtres  ,  "&  celui  d'£/  étoit  employé  par  les  ïfraëlites ,  pour  figni- 
iier  Dieu  j  ainiî  ce  que  le  Livre  des  Juges  appelle  ce  Dieu  Berith  ,  tan- 
tôt Bahal-Berith ,  6c  tantôt  El-Berith  ,  eft  une  preuve  que  les  mots  B^hal 
&  €1  font  des  noms  appellatifs ,  qui  ne  fignifîent  autre  chofe  que  le 
Dieu.  Voyons  préfent€ment  quel  eft  ce  Dieu  Beryth.  Bochart  croit  que 
c'eft  une  Déefîè  ,  appel iée  B(?r<?É''  par  les  Grecs  ,  dont  le  Poète  Nonnus  inDioKyfia* 
parle  très  fouvent ,  qu'il  dit  avoir  été  demandée  en  mariageparBacchus.'Jj^  j^'^-^^' 
Ajoutant  qu'elle  lui  fut  refufée,  Se  en  fuite  mariée  à  Neptune.  Il  la  fait 
iîlle  de  Venus  &  d'Adonis.  Et  dit  que  c'étoit  la  DéefTe  de  la  ville  de  Be- 
ryth, à  laquelle  elle  avoit  donné  le  nom. 

Il  ne  faut  pas  que  l'on  foit  furpris  fi  Baal-Berith^  dont  le  Livre  des  Ju-  Bahai-Berkk 
ges  parle  comme  d'un  Dieu,  fe  transforme  fubitement  en  une  Déefle.   Il  ^\^l 
eft  vrai  <]u'il  l'appelle  El ,   Elohim  ,   Bahal^  qui  font  des  noms  mafculins. 
Mais  la  raifon  en  eft  claire  ,  c'eft  que  le  diale6le  des  Hébreux  n'a  point 
de  nom  qiri  fîgnifie  Déejfe  ,   à  caufe  que  les  ïfraëlites  ne  reconnoifToient 
point  de  fexe  dans  la  divinité.    Les  Phéniciens  dans  leur  diale^Sle  avoient 
leur  Bahalaiij  qui  fignifie  ma  Dame  ,   ou  tna  De'ejje  ,   d'où  les  Grecs  ont  Commeîcs 
fait  la  Déefle  Baaltis.  Mais  les  Juifs  ne  connoifTant  pas  de  Péeflè,  &n'en  \llf^]t^f^ 
voulant  pas  reconnoître  ,    appelloient  tous  les  Dieux  des  Paycns  Baalim ,  Dame. 
6c  Elohim.     Ainfi  quoi  qu'entre  les  Dieux  des  Syriens,  dont  les  Pi-ophe- 
tes,  &  les  Auteurs  des  Livres  du  Vieux  Teftament ,  parlent  fî  fouvent,  La  Langue 
il  y  eût  des  Déeflës  auflibien  que  des  Dieux,  cependant  jamais  ils  ne  par-  sainte  n'a 
:]ent  deDéeflés,  &  ils  appellent  cts  Déeps  ,  Dieux  ^  d'un  nom  maiculin.  deD/#r& 
Ainfi  Aftoreth  ,  ou  Aftarté,  qui  certainement  étoit  une  Décile  ,  eft  ap   pourquoi, 
^pellée  Dieu  des  Sidoniens  ,    6c  non  Déefle.     Et  Salomon  fe  détourna  après  i.  Roîsrr. 
Aftoreth,  Dieu  des  Sidoniens  ,  &  ils  adorèrent  Aftoreth  ,    Dieu  des  Sidoraens.'^-^'^^-'^^' 
Mais  après  ce  que  nous  en  dit  Sanchoniathon  ,   il  n'y  a  plus  de  lieu  df 
douter  que  Beryth  ne  fût  une  Déefle.  Car  il  étoit  Phénicien,  il  étoit  Be- 
rytien,  &  de  la  même  ville  oii  cette  Divinité  s'adoroit.  Et  voici,  ce  qu'il 
dit  dans  On  pafl'age,  que  nous  avons  déjà  cité  ,  de  la  généalogie  qu'il  a 
faite  àQ^  Dieux  Phéniciens,  -auto!,  tûvtovç  ylvBTul  tlç  èKiovv  ucchoCp-evog  v'^yçcg^ 
nai  ^Kfià'  T^'sypijJvyiBvjp'évè''.  '  Dans  le  meme'tems  cjue  ceux-là  naquirent.^  uncn- 
iain  nommé  èlion  ,    (îppeîlé  le  Souverain^   c^r  une  femme  e^ui  s'' appelle  Beruth 
^c.  On  peut  ajourer  à  cela^  pour  ceux  qui  favent  un  peu  d'Hébreu,  que 
les  terminaiibns  en  ri>,  ni,  ithèzenuth,  font  des  terminaifons  toûjouiis 
féminines,  fur  tout  dans  les  noms  propres  niaSo ,  nnin"».  Am(i Berith, o\i 
Beruth,  eu  afliirément  une  femme. 


ïiii  z  G  H  A« 


éio         H  I  s  T  O  I  R  E  D  E  s  D  O  G  M  E  s 


CHAPITRE     II. 

Notables  conjeEîures  fur  le  nom  de  la  T)éejfe  Berith  3  que  c'eji  la 
Cybele  des  Grecs:  qu'elle  a  tiré jon  nom  é;' fon  origine  de  l'^Hifloi" 
re  de  la  création  3  &du  Ferbe  qui  créa  le  (Monde, 


p 


Our  favoir  quelle  étoit  cette  divinité,  6c  quels  font  les  Dieux  Ani- 
maux,  &  Nctturels,  cachez  là-defTous,  il  faut  écouter  ce  même 
Sanchoniathon ,  qui  dit  avoir  eu  des  Mémoires  d'un  des  Sacrifica- 
teurs du  Dieujao,  c'eft-à-dire,  du  Dieu  d'Ifraël ,  quis'appelloitjehova. 
ApudEufeb.  Dans  le  même  tems  naquirent  un  nommé Elien  ^  appelle'  le  Souverain  ,  &unefe' 
sitao.  ^*  *  ^slls''i^mme'e  Bermh.  Ces  deux  perfonnes  occupèrent  le  Païs  voijin  de  Bihlos, 
&  engendrèrent  un  fils  terreflre  &  ne'  de  la  terre  mème^  «ûro^ôwv,  lequel  enfuit^ 
ils  appellerent  Cœlus^  duquel  aujji  le  noble  élément ,  qui  roule  au  dejfus  de  nousy 
fut  appelle  Cixlum,  a  cauje  de  ja  beauté.  Ce  Ccelus  eut  une  fœurnée  aujfi  desmê^ 
mes  Père  ^  Mère ,  favoir  Elion ,  &  Beruth  ,  qui  fut  appellee  la  Terre ,  nom  que  , 
P  on  donnât  depuis ,  à  caufe  de  fa  beauté  ^  a  ce  noble  corps  que  nous  appelions  ain-^ 
Jï..  Or  leur  Père  appelle  Elion  ,  ou  le  Souverain^  fut  tué  par  des  betes,  ^  après 
fa  mortfes  enfans  le  mirent  au  nombre  des  Dieux  ,  &  lui  firent  des  Sacrifices  &  des 
encenfemens^  Ccelus  ayant,  fuceedé ^  &  pris  P  Empire  après  luij  époufa  la  Terre , 
fa  fœur^  &  il  eut  d'aède  quatre  fils 3  Ilus^  qui  efi  Saturne  y  Betjlus  3  Dagon  ^  au^ 
trement  appelle  Sito  3  cefi-a-dtre  ^  celui  quipréfidefur  le  froment  ^.  &  Allas. 

Seroit-ii  poffihle  de  retirer  quelque  vérité  de  deflbiis  cet  amas  cons» 
fus  de  fables?  Nous  avons  déjà  vii  ce  texte  de  Sanchoniathon j  mais 
fans  en  avoir  fait  grand  ufage.  Voyons  fi  nous  y  pourrions  comprendre 
quelque  chofe.  Voici  ce  que  j'en  penfe.  1.  Cet  Slion  3  qu'il  interpre.- 
te  par  v^içog  j  le  Souverain,  &  le  Très-haut,  eft  un  mot  tout  pur  Phéni- 
cien >.  &  tout  pur  Hébreu  rvSi?,  Elion,  mot  qui  en  effet  lignifie  le  5o«- 
verain3  &  c'eil  un  des  noms  de  Dieu,,  Créateur  du  ciel  &:  de  la  terre.  Ce 
€«n^e.  14.  fut  le  nom ,  fous  lequel  expreffément  Melchifedee  bénit  Abraham ,  heni 
foît  Abrani  de  par  le  Dieu  fort  Elion.  Or  Abraham  jura  au  Roi  de  Sodome, 
qu'il  ne  prendroit  rien  du  butin ,,  par  le  même  Elion  ,.Sauverain,  Créateur 
du  ciel  &de  la  terre.  Ainlîcet  Elion  de  nôtre  fabuleux  Théologien,  qui 
a  engendré  un  fils,  nommé  Cœlus,  &une  fille  qui  a  porté  le  nom  de  Ter- 
re ,  eft  clairement  le  vrai  &  le  grand  Dieu. 

2..  Quelle  doit  donc  être  cette  Beryth ,.  avec  laquelle  il  engendra  Cce- 
lus &  la  Terre?  Une  dit  pas  que  c'eil  fa  femme,  ni  qu'il  l'époufa;  ce 
que  dans  la  fuite  il  dit  expreffément  des  autres  Dieux  ôc  Déeflcs,-  dans 
cette- monftrueufe  généalogie  des  Dieux  i  II  dit  fimplement  qu'ils  engen- 
drèrent Cœlus.  Par  cette  Baruth ,  ou  Beruth,  eft  défignée  la  venu  créati- 
ve d'£//o»,  du  Dieu  Souverain:,  t^na,  ^^r^,  dans  lalangye  des  Phéniciens  5 
fîgnifie  créer,  &  Kfini,  beiruth ,  &  berttha,  «fignifie  la  création  en  Chai- 
daïque  ôcen  Syriaque.  Cette  vertu  créative  de  Dieu,  en  bonne  Mytho- 
logie,. 


ET  DES  CULTES  DE  VEGLISE.  Part.lV.  621 

îogie,  me  paroît  être  fa  parole;  &  Dieu  dit  ejtte  la  Inmiere  foit  (^  la  lu- 
mière fut  \  de  forte  que  dans  la  Théologie  de  Sanchoniathon,  félon  nôtre 
conjecture  5  cette  Berith,  ou  Bermh,  elH'intelligence  divine ,  6clafagef- 
fe  du  Père ,  qui  a  créé  le  ciel  &  la  terre ,  &  que  la  révélation  nous  fait 
connoitre  comme  une  perfonne  diflinéhe ,  dans  l'adorable  divinité.  Oi- 
Elion  n'eft  point  appelle  le  mari  de  Berith^  parce  que  dans  la  véritable  Théo- 
logie, que  Sanchoniathon  a  corrompue,  la  vertu  créative  du  Dieu  Sou- 
verain n'eft  point  repréfentée  comme  la  femme  d'Ilus ,  mais  comme  Ja 
vertu  émanée  de  lui. 

5.  Cet  Elion,  &  Beruth ,   engendrèrent  un  homme,   qu'il  appelle 
eV/yf/oc,  «ÛTop^ôwy,  indigena ^  a  îenanatus.     Il  eft  clair  quec'eft  Adam, qui 
efl  l'homme  créé  de  la  terre  même  qu'il  habita:   cette  fille  fœur  de  cet 
homme ,  avec  laquelle  il  fut  marié  ,   ôc  par  laquelle  il  devint  Père  des 
Dieux,  Saturne ôcc.   c'eft  Eve  la  mère  de  tous  lesvivans,  &  de  tous  les 
hommes,  dont  \ç.s  Payens  ont  fait  des  Dieux.  Mais  ce  fils  ôl  Elion  ^   ou  du 
Souverain ,  '  eil  auflî  appelle  le  Ciel.  C'eû  parce  que  fi  Adam  par  fon  corps 
étoit  èTîlyeioç^  terreftre ,  il  étoit  eelefte,  à  caufedel'amequeDieuluiavoic 
infpirée:  fa  femme  efl  appellée /<;!  7>rrf  feulement ,  parce  qu'il  n'efl  pas  dit 
que  Dieu  lui  foufHa  infpàation  dévie,  comme  il  ell  dit  d'Adam:   il  n'efl 
parlé  que  de  la  formation  de  fon  corps ,  comme  fî  elle  eût  été  toute  terre  & 
toute  matière.  Mais  fur  tout  Adam  &  Eve  font  appeliez  le  Ciel  êc  la  Terre ,  à 
caufe  que  ce  font  les  deux  premiers  hommes  du  monde  j   comme  le  Ciel 
êc  la  Terre  font  les  deux  premières  6c  principales  parties  de  l'Univers  : 
Et  parce  que  le  Ciel  &  la  Terre  font  conçus ,  comme  les  deux  principes 
de  la  génération  de  tous  les  animaux,  le  Ciel  comme  le  mâle,  &  la  Ter- 
re comme  celle  qui  efl  empreignée  par  la  vertu  du  Ciel,  ainfî  Adam  & 
Eve  ont  été  la  iburce  de  tous  les  autres  hommes  :  Et  enfin  parce  qu'il  efl 
familier  aux  Théologiens  du  Paganifme  de  confondre  les  Dieux  Naturels 
avec  les  Dieux  Animaux,  il  ne  faut  pas  s'étonner  fi  celui-ci  confond  le 
Ciel  &  la  Terre,  qui  font  les  Dieux  Naturels,  avec  Adam  &  Eve,  qui 
font  les  Dieux  Animaux.     Mais  que  veut  dire  ce  qu'il  ajoute  qu'Elion ,, 
le  Souverain  &  le  Très-haut,  mourut  i-/.  au/xé'oAîïi^  ôv)p/wv ,    ex  congrejfn  fera^ 
Yum.     Pour  moi  je  foupçonne  que  c'efl  encore  ici  un  mélange  des  aven- 
tures du  Dieu  £lion^  avec  celles  de  fon  fils  «l/to'^ôwv,  qui  eft  Adam.  C'ell 
le  combat  du  Serpent  avec  Adam  6c  Eve,  dans  lequel  ils  font furmontez 
par  cet  animal,  qui  leur  caufa  la  mort  en  les  engageant  dans  la  révolte. 

Pour  revenir  à  nôtre  Beryth ,  Déefîë  des  Berytiens ,  félon  Sanchonia- 
thon, le  Théologien  des  Phéniciens,  ce  feroit  la  vertu  créative  de  Dieu  : 
Mais  je  ne  penfe  pas  que  les  Sacrificateurs ,  6c  XtsAijflagogiàit  cette  Déef- 
fe,  rcmontaiTent  fi  avant.  Et  je  fuis  le  plus  trompé  du  monde,  fi  dans 
leur  intention,  cette  Eerjth  Vi  kxo\t  la  terre  même,  ou  la  vertu  générati- 
ve  de  la  terre.  C'efl  ce  que  nous  pouvons  recueillir  de  Nonnus,  qui,  dans 
fes  Dionyfiaques,  fait  cette  Berith^  qu'il  appelle  Beroé^  fille  d'Adonis  6c 
de  Venus.  Nous  verrons  dans  la  fuite  comme  Adonis  efl  le  Soleil ,  ôc 
Venus  efh  la  vertu  générative  du  Ciel ,  &  de  la  nature  en  général.  Or 
cette  vertu  générative  de  ia  terre  vient  de  ces  deux  principes  :  d'Adonis  , 
ou  du  Soleil,  de  Venus  ôc  de  cet  efprit  génératif ,  qui  ell  répandu  dans 
toute  la  nature,  6c  qui  a  fa  fource  dans  le  Ciel.  Le  nom  fignifie  cela- 
même,.  .  liii  ^  Saa- 


622  H  I  S  T  O  I  R  E  D  ES  DOGMES 

Sanchoniatbon.a  pu  croire  que  Bermb  venoit  de  Bara^  créer.     Mais  H 
y  a  plus  d'apparence  que  les  derniers  Phéniciens  l'ont  dérivé,  oudenns,, 
parah,  qui  figniiié  fruétifier,    ou  de  ni3  .^barah  ^  qui  fignifie  manger,   le 
nourrir.     Ainii  nnnVys,  baal-berith^  ou  nnsSj;a  ,   ùaal-pc-riih,  fignifîe  la 
DéelVc  frudtilrante,  ou  la  Déefle  nourrilllante,  &  c'ell  la  defcription  de 
la  terre.     Et  c'eil  à  mon  fens  laDéefie  Cybele  des  Grecs  6c  des  Romains. 
Il  y  a  apparence  que  cette  Beryth  eft  la  Déefle  Syrienne,  dont   Lucien 
nous  a  laiflë  un  livre.  Lucien  ne  lui  donne  point  de  nom.  C'eltquelenogi 
de  Déefle  lui  demeura  par  excellence,  parce  qu'étant  Cybele  Mère  des 
Dieux,  elle  nieritoit  être  appellée  la  Déefle  Amplement,   comme  étant 
la  Mère  de  toutes  les  autres  Dée&s.     Et  c'efl:  pour  cela  même  que  Ton 
culte  l'emporta  fl  fort  fur  celui  de  toutes  les  autres  divinitez.  Car  Lucien 
dit ,  <^«'z7  ny  avoit  rien  de  plus  augufle ,    ^  de  plus  beau ,    <:^ue  [on  Temple. 
Qu' outre  les  ouvrages  de  grand  prix  ^    ^  les  ojfrandes  qui  y  font  en  tréi- grand 
mombre ,  il  y  avoit  des  marcjues  d'aune  divinité  préfente '^  qu^ony  voyait  le  s  fiât  ues 
fuer ,  fe  mouvoir ,  rsndre  des  oracles ,  &  Pon  j  entcndoit  fouvent  du  bruit ,  les 
porta  étant  fermées.     Au  rcftc  il  répréfente  que  le  concours  des  dévots,  ÔC 
les  folemnitez  de  cette  DéeflTe  étoient  furprenantes.     C'efl;  parce  qu'étant 
la  Mère  des  Dieux,  on  la  conflderoit  plus  que  îDutes  les  autres  Déeflés, 
Tout  ce  que  nous  dit  Lucien  de  cette  Déefle  Syrienne  convient  bien  à  Cy- 
bele ,  quoi  qu'il  eflime  que  c'efl;  Junon.  Laftatue ,  dit-il  ,-^/?  fur  un  char  tiré 
par  des  lions ,  elle  tient  un  tambour  à  la  main ,  &  elle  esî  coiffée  de  tours ,  comme  les 
Lydiens  la  dépeignent.  Il  efl  vrai  qu'il  dit  dans  la  lùite  qu'elle  a  quelque  chofe 
des  autres  Déefiès.  Car  elle  tient ,  dit-il ,  unfceptre  dans  une  main ,  c^  dam  l'' autre 
une  quenomlle ,  ^lle  a  la  tête  couronnée  de  rayons ^elle  efl  coiffée  de  tours ,  ellexfi  cein-- 
te  d'aune  échjîrpe  ^  comme  Fenus  Vranie.  Je  ne  croi  pas  que  cela  fait  capable 
de  rendre  Cybele  méconnoiflable.  Ce  Sceptre  convient  très -bien  à  la  Mè- 
re des  Dieux,   qui  doit  être  la  Reine.     Cette  quenouille  montre  qu'elle 
eft  femme ,   ^  qu'elle  domine  fur  (on  fexe.     Ses  rayons  répréfentent  la 
lumière  du  Soleil,  qui  couronne  la  terre,  &  qui  la  rend  fertile:    l'échar- 
pe  eft  un  ornement  de  toutes  les  femmes,  qui  peut  être  donné  à  Cybele, 
ciaiid.  \ib.    comme  à  toutes  les  autres.     Au  refle  les  lions,  les  tours  fur  la  tête,  &le 
Proferplns.*  tambour ,  foHt  reconiloître  Cybele  clairement,  Bland/jue  Leones  Submifereju- 
Lib.  I.        (;as ,  adyî/fcjuegavifa  Cybele  ^  Exilit  ,&pronasmtendit  ad  ofculaturres.    Et  poul- 
ies tambouts  voici  le  témoignage  de  Lucrèce.  Tympana  tanta  fonant  pal- 
•lib.  z.  mis  ^&  cymhaUcircum:Concavaraucifonominantur  cornuacantu.  St  phrygiofli- 

mulat  numéro  cava  tibia  mentes.  Et  Catulle  in  Carminé  de  Berecynthia  cr  Aiy.Se^ 
qmfnir.î  Phrygiam  ad  Dommn  Cy bêles ^  Phrygia  ad  nemora  'Dca  ubi  cymbalumfonat^ 
vox  ubi  tympana  rehoat.  Ajoutons  à  cela  ce  que  Lucien  dit,  que  les  Sacrifica- 
teurs de  la  Déefl^e  de  Syrie  étoient  coupez ,  &  même  ils  portoient  l'habit  de 
femmes,  &  n'ont  point,  dit-il,  d'autres  occupations  que  celles  des  fem- 
mes. Il  dit  encore  que  dans  les  fêtes  folemnelles  de  cette  Décnè,  quel- 
ques-uns pour  lui  faire  honneur  .entrant  en  fureur  au  fondes  tambours,  (c 
coupent  les  parties  naturelles,  puis  courent  tous  nuds  par  la  ville,  te!i.tnt 
leurs  parties  dans  la  main,  ^  la  première  maifon  où  ils  les  jettent ,  eft 
obligée  de  leur  fournir  un  habit  de  femme.  Evidemrnént  cela  le  fait  en 
l'honneur  delà.  Déefl'e,  qui  coupa  Atys.  Aufli  Lucien  avouë-t-i! -y^V/^ 
ojfii  dire  à  une  perfonne.dîgne  de  foi  ^   que  C€  Templea  été  confacré  à  Rhea^  ou 

Çybe^ 


ET  DES  CULTES  DE  L^EGLÏSE.  P^r^r.  IV.  623 

Cybele^  par  Atys^  cfui  a  le  premier  enfeigné  anx  hommes  fesmy[}eres.  Car  tout 
ce  cju'en  favent  les  Lydiens  ^  la  Phrygiens ,  &  les  Samcthraces  ^  vient  de  lui  qui 
étott  Lydien,  Depuis  qpte  Rhe a  Veut  fait  Eunuque  ^  il  vécut  en  femme  ^  il  en 
prit  l'habit  ^  &  en  cet  état  il  courut  le  monde  ^  ou  il  divulga- fes  cerenionies  &  . 
fis  my  fier  es.  Et  lors  qu'il  fut  arrivé  en  Syrie  ^  &  qu'il  vit  qt^e  les  Peuples  de 
delà  PEuphrate  ne  le  voulaient  pas  recevoir  ^  il  s''y  arrêta  &  y  hâtit  un  Temple  à 
la  Déejfe ,  comme  plufeurs  chofès  le  témoignent. 

C'eit  pourquoi  je  fuis  furpris  que  Lucien  abandonne  ce  fentiment  (îbien 
fondé,  pour  lliivre  une  tradition  fort  incertaine,  &  qui  n'a  aucun  fonde- 
ment, que' ce  Temple  étoit  dédiéàjunon.  Cette  DéeOe  Syrienne  eft 
donc  notre  Beryth,  &  Tonne  fe  doit  pas  faire  une  difficulté  de  ce  que  la 
ville  de  Beryth,  où  fut  premièrement  adorée  la  Décile  Cybele,en:  à  quel- 
que diftance  de  la  ville  de  Hierapolis,  oii  étoit  le  Temple  de  cette  fa- 
meufe  Déelle  Syrienne,  Beryth  étant  vers  la  JMer,  Se  Hierapolis  du  côté 
du  fleuve  Euphrate.  Car  il  eft  bien  aifé  de  concevoir  comment  une 
divinité  ,.  dans  une  même  Province ,  peut  palfer  d'une  ville  à  l'au*-- 
rre. 

Au  refte  Apulée  eft  abfolumentde  ce  fentiment,  que  la  T>ç,t^ç^  Syrien- 
ne efl:  Cybele,  la  Mère  des  Dieux  ,  qui  per  plateas  &  oppida  crmhalis  & 
crotalis  perfonantes ,  Deamque  Syriam  circumfer entes ,  mendicare  compellent  Dekm 
Matrem.  lib.  8.  Il  parle  de  ces  impolleurs,  qui  portant  l'image  de  Cy- 
bele de  lieu  en  lieu,  demandoient  en  fon  nom,  6c  maudiilbient  ceux  qui 
refufoient  de  donner.  Et  cependant  Apulée  ailleurs  confond  la  Déeffe 
de  Syrie  avec  Junon,  comme  Lucien,  car  voici  comme  il  introduit  Pfy- 
€hé  invoquant  Junon  ,  quam  cunclus  Oriens  Syria  veneratur  ,  &  omnis  Occi- 
dens  Lucinam  appelUt.  Meta.  lib.  6. 

Perfonne  n'a  mieux  pénétré  dans  les  myftercs  de  cette  Religion  de  Cy- 
bele, que  Macrobe,-  il  dit  qu'Atys  ,  eft  le  Soleil  ,  &  Cybele  la  Terre,  saturmi- 
Et  il  nous  apprend  qu'il  y  avoit  entre  les  cérémonies  du  culte  de  cette  ^^'''  ^' 
Déeffe  ,  un  deuil  femblable  à-  celui  qui  fe  faifoit  dans  les  myfreres  d'Ifis, 
&  de  la  Venus  Syrienne ,  fur  la  mortd'Ofiris,  6c d'Adonis,  qui  ilgnifioit 
le  deuil,  où  fetrouvoit  la  terre  dans  i'abfence  du  Soleil,  Pr&cipuam  au- 
ter»  Solis  in  his>  ceremoniis  vert-i  ration  em  hinc  etiam  pot  efl  inteîltgi ,  quod  ri- 
tu  eoruni'  'Aurci(icc<rci  finita  ^.  ftmulation é^ue  luEius  peralla  ,  celebratur  Utitia  exor- 
dium  ad  o^avum  Calendas  Aprilis^quemT)iem  HUarium  appellant,qua  primùm 
tempore ,  Sol  diem  longiorem  no^e  profundit. 

Ainfi  la  Berith  des  Phéniciens  ^•c't^  cette  divinité  que  les  Grecs  6c 
les  Romains  ont  appeliéc  Rhea,  Ops,  Cybele.  Cette  Cybele  eft  cette 
T)étÇ\Q  Phrygienne,  qui  fut  apportée  à  Rome  par  Scipion  Nafica,  après  LivîiMk 
la  féconde  guerre  Punique.  Elle  porte  divei's  noms.  On  l'appelle  ^^' 
Dyndymene ,  Peffinuntia  ,  Àîygdonia  Mater ,  Mater  Phrygia-^  Mater  Deorum , 
Berecynthia.  Ce  dernier  nom  me  paroît  tout  pur  Phénicien  ou  Hébreu, 
Oi>  veut  qu'elle  ait  été  ainfi  appellée  de  la  ville  de  Berecynihus.  Mais  il 
eft  bien  plus  raifonnable  de  croire  que  la  ville  atiré  fon  nom  dcîaDéefle, 
car  Berecynth  fignifie  ,  demeure,  de  la  Déefe  Bere ^  ou  Berith^  ny^yy^'^  ,  Bf- 
Y£:sklnat.  Le  nom  de  Cybeie  eft  encore  Phénicien  ,  comme  nous  allons 
voir  tout  à  l'heure,  quand  nous  rendrons  raifon  pourquoi  ce  nom  lui  a  été 
donné,. 

Oir 


ta.  Hefy- 
chiusinvocc 


Jib.  2» 


624  HISTOIREDESDOGMES 

Or  il  n'cll  pas  mal-aifé  de  concevoir ,  comment  cette  Déefle  desPhé- 
niciens  a  pafîe  en  Phrygie,  car  elle  n'a  eu  qu'à  couler  le  long  de  .la  Côte 
de  l'Afie ,  qui  s'étend  depuis  le  Liban  ÔC  la  Syrie  ,  jufques  aux  Côtes  de 
l'Afie  Mineure  ,  le  trafic  des  Tyriens  6c  des  Sidoniens  étant  extrême- 
ment grand  dans  toutes  ces  Côtes.  Sur  tout  fi  l'on  confidere  que  la  Déef- 
fc  Bertth  étoit  la  terre,  comme  nous  venons  de  le  montrer,  il  fera  diffi- 
cile de  douter  que  Cyhele  6c  'Berith  ne  foient  la  même  Déefie.  Or  que 
Cybele  fût  la  terre ,  ôc  la  vertu  générative  de  la  terre  ,  cela  n'a  pas  be- 
foin  de  preuves ,  puifque  cela  efl;  confefle  &  reconnu  de  tous  les  Mytho- 
logifles. 

1 .  C'efi  pourquoi  cette  Déefle  a  été  appellée  Cybete  ,  non  pas  d'une 
montagne,  ou  de  quelque  place  de  Phrygie  ,  comme  l'ont  eftimé  Stra- 
bon,  Stephanus,  &  Hefychius.  Mais  du  mot  Hébreu  Sip  ,  Kibbely  qui 
fignifie  recevoir ,  parce  que  la  terre  reçoit  les  femences  pour  les  rendre  avec 
ulure ,  comme  les  Latins  l'ont  appellée  Ops ,  ab  opibns ,  parce  qu'elle  pro- 
duit les  richefles  5  ou  bien  de  Sno ,  Sabal ,  qui  fignifie  porter ,  à  caufe  qu'elle 
porte  les  hommes,  les  animaux,  &  les  plantes. 

2.  C'eft  pour  cela  même  qu'on  lui  mettoit  des  tours  fi.n'  la  tête  ,  & 
qu'on  l'appeiloit  Turrigera  j  parce  que  la  terre  porte  les  villes- 

Muraliqm  caput  [ummum  cinxere  corona, 
Eximiis  munitA  locis  ÔCc. 


C'eft  pourquoi  elle"  eft  appellée  Aima  parens  quap  alamna. 

^.ncid,  lik  Aima  paretts  IAm  Deum.  . 

5^"-  TunigerAque  mbes  bijugiqtie  ad  fr£naleones. 

Les  Grecs  l'appelloient  MuTu^  comme  il  paroît  par  ces  paroles  de  Proclus 
fur  le  Timée  de  Platon,  MuTu  0f wv ùxarv)  &c.  Maïa  la  Souveraine  des  Dieux. 
C'eft  un  mot  Chaldée  Nl^ss  ,  maia,  qui  fignifie  l'eau,  parce  que  la  mer 
fait  un  même  Globe  avec  la  terre,  ôc  que  la  fécondité  de  k  terre  vient  de 
fon  humidité. 

5.  Pour  la  même  raifon  on  lui  mettoit  dans  la  main  droite  àts  épies  de 
,'  bled,  &  une  poignée  de  miîlet ,  comme  cela  iê  voit  dans  une  antique, 
qui  fubfifle  encore  aujourd'hui  ,  &  dont  nous  parle  Gruterus  dans  fon 
Recueil  d'Infcriptions.  Cela  répréfenfoic  la  terre,  quife  charge  de  bleds 
&  de. grains. 
41  4.  L'on  fait  que  les  Prêtres  de  Cybele  fe  déchiroient  la  ^chair  & 
la  peau ,  jufques  à  fe-mettre  tout  en  fang  ,  à  Thonneur  de  cette  Déef- 
fe. 


<pyvd.  Fafto. 
mva  iib.  4. 


AloUefjue  minijîri 
Cadmt  jaEiatis  vtUa  membra  comis. 


?>.ois.  ï8.  Nous  avons  vu  que  la  même  chofe  fe  faifoit  dans  les  facrifices  du  Bahal 
des  Sidoniens.  Et  il  y  a  bien  apparence  que  cela  fe  faifoit  aufii  dans  les 
fcf  vices  de  la  Déelfô  des  Berythiens ,  2c  que  par  là  ils  vouloient  répréfen- 

ter 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  F^yt.lV.  625 

ter  la 'terre  ,  dont  on  déchire  la  fuperiicie  pour  la  rendre  fertile. 
f.  Enfin  le  nom  de  Mère  des  Dieux,  qui  elt  donné  à  Cybele ,  fait 
voir  que  c'eiï  la  Berkh  ,  ou  Beruth ,  des  Phéniciens.  Car  Sanchoniathon  nous 
a  dit  ci'devant  que  cette  Beruth,  s'accouplant  avec  EUon  eut  de  lui  Cœlns^ 
&  la  Terre,  defquels  naquirent  enfuite  Ilus,  ou  Saturne  ,  Betylus ,  Da- 
gon ,  6c  Atlas ,  Ôc  tous  les  autres  Dieux.  Il  ell  vrai  que  les  Poètes  & 
les  Mythologiftcs  font  Cybele  femme  de  Saturne,  ôc  non  pas  fa  Grand- 
Mere,  comme  Sanchoniathon.  Mais  ce  n'eft  rien  que  d'avoir  confondu 
la  mère  6c  la  fille  ,  à  des  gens  qui  ont  confondu  le  Ciel  avec  la  Terre, 
l'Hiftoire  &  la  Fable  ,  6c  qui  font  des  généalogies  des  Dieux  monftrueu- 
Çes  ,  6c  où  tout  efl  rempli  de  confufion  6c  de  défordre. 

Voilà  ce  que  nous  avions  à  dire  àts  Dieux  Naturels  cachet  fous  la  Déefie 
Éerith. Quant  aux  Dieux  Animaux,il  eft  difficile  de  trouver  fous  cette  Berich, 
la  Cybele  des  Phéniciens ,  autre  femme  qu'Eve  ,  la  Mère  de  tous  les 
hommes,  6c  par  conféquent  Mère  des  Dieux  Payens ,  qui  oiit  été  des  hom- 
mes. Il  eft  vrai  que  lafable  attache  à  cette  Cybele  mille  aventures,  dont 
il  efl  impoffible  de  découvrir  les  traces  dans  l'Hilloire  d'Eve,  6c  il  eft  ap- 
parent que ,  félon  leur  'ordinaire  ,  ils  ont  affemblé  les  évenemens  de 
plufieurs  vies  ,  6c  les  aventures  de  pluficurs  femmes,  pour  en  compo- 
fer  leur  Cybele.  Mais  quoi  qu'il  en  <  foit ,  l'ancienne  Cybele  doit 
être  Eve. 

1.  Il  n'eft  pas  étonnant  qu'on  ait  donné  un  même  nom  à  la  première 
des  femmes,  Mère  de  tous  les  hommes,  6c  à  la  terre  la  mère  de  tous  les 
animaux. 

2 .  Cet  Atys ,  fi  célèbre  dans  la  fable  de  Cybele  dont  elle  étoit  amou-  c.  lib.  n 
reufe  5c  jaloufe,  qui  fut  tué,  auquel  on  coupa  les  parties  de  la  génération,  5*^' "^^  *^* 
fur  lequel  elle  mena  un  fi  grand  deuil ,  me  paroît  être  Abel ,  qui  fut  tué 

par  fon  frère.  Et  ce  qu'il  fut  tué  avant  qu'il  eût  eu  des  enfans,  de  forte 
qu'il  mourut  fans  laifler  de  pofterité ,  eft  fignifié ,  ce  me  femble  ,  per  ca- 
firationem  ^ttinis.  Car  il  eft  certain  que  les  Poètes ,  dans  leurs  fiélions, 
ont  fouvent  répréfenté  la  fterilité  ,  6c  la  privation  de  pofterité  ,  par  cet 
emblème  3  c'eft  ce  qui  paroît  par  la  ^ble  de  Saturne,  coupé  par  fon 
fils,  ce  qui  vient  de  ce  que  Noé  n'eut  plus  d'enfans  après  Cham.  ;. 

3 .  Les  fables  difent  que  cet  Atys  fut  tué  aux  champs.  Cela  peut  ve- 
nir de  ce  que  Caïn  dit  à  fon  frère,  dans  le  deflein  de  le  tuer,  miî'an2''A:, 
Allons  aux  champs.  Car  encore  que  ces  mots  ne  fe  lifent  pas  dans  l'Hé- 
breu 5  ils  fe  trouvent  dans  l'Exemplaire  Samaritain  ,  6c  dans  le  Grec 
des  70. 

4.  De  plus  quoi  qu'il  y  ait  une  prodigieufe  diverfité  entre  les  Auteurs, 
fur  la  table  de  Cybele  6c d' Atys, ils  conviennent  aftez  que  cet  Atys  étoit 
berger,  excepté  Servius,  qui  le  fait  Prêtre  de  Cybele.  Ter tullicn  l'appel- J '^PJ™'»' 
le  FajhdioJMS  Pafior ,  Cj/hele  Pajîoremffifpiratfafiidiofum.  Abel  étoit  aufti  ber- Apologer.  r. 
ger,  connne  nous  l'apprend  Moïfe.  ^^■ 

f .  La  Déefie  devint  amoureufe  d'Atys  ,  dans  fa  vieillefte.     La  Déejfs  Libro  de  s^ 
iQoea^  d  if  Lucien,  ne  fatt-elle  pas  une  chofe  homeufe   ,    étant     déjà    vieille^      '^^^^' 
&  Âierc  de  tant  de  Dieux ,  de  s'^abandonner  a  P amour  des  jeunes  gardons  ,  d" 
d?en  ctre  jdouÇe  ?    C'eft  parce  qu'Eve  étoit  déjà  âgée.  Mère  de  plufieurs 
hommes  ,  quand  Abel ,   qu'elle  aimoit  ,  lui  fut  ravi. 

P^m.  IF,  Kkkk  «J.  Or 


626  H  I  ST  G  I  H  E  DE  S  D  O  G  M  E  S 

vidcAmob.      6,  On  fait  la  jaloufie  caufe  de  la  morcd'Atys.     Ileil  vrai  que  ce  fut  la 

lib.  i.         jaloufie  de  la  Déefle  même,  parce  qu'elle  ne  le  pouvoit  induire  à  l'aimer. 

Mais  à  des  Poètes,  en  genre  de  fidlions,  il  n'a  pas  été  difficile  de  tranf- 

pofer  la  jaloufie  fur  la  Déefie.     Car  dans  le  fond  il  eft  vrai  que  ce  fut  la 

jaloufie  de  Gain,  qui  fut  caufe  de  la  mort  d'Abel. 

7.  Enfin  le  grand  deuil  que  meneGybele  fur  fon  Atys,  me  femble  avoir 
tiré  fon  origine  du  nom  d'Abel,  car  S3N,  Ebel^  ou  Âbel^  fignifie  deuil  dans 
la  Langue  Sainte.  Il  eil  vrai  que  le  fils  d'Eve  s'écrit  h^n^beM^  qui  figni- 
fie vanité ,  mais  rien  n'efl:  fi  aifé  que  de  confondre  ces  deux  noms ,  qui  fe 
prononcent  de  même.  Les  Grecs  n'ont-ils  point  formé  Atys  d'^iVv] ,  mxa, 
par  allufion  à  Abel ,  dont  le  nom  fignifie  deuil,  ou  vanité ,  &  qui  fut  tué 
par  fon  frère?  _ 

Au  refte  toutes  ces  aventures  amoureufes,  dont  on  a  enfeveli  cette  Hif- 
toire ,  ne  viennent  que  du  tour  de  l'êfprit ,  fi  du  cœur  humain  ,  qui  fe 
plaît  à  des  fidlons  fales.  C'eft  pourquoi  ils  ou  converti  la  tendrefle  d'u- 
ne mère,  en  l'amour  d'une  amante  ,  la  jaloufie  d'un  frère  en  la  jaloufie 
d'une  femme  pofledée  par  une  pafiion  impure,  &  la  privation  de  la  pof- 
terité  en  la  privation  des  parties  qui  la  produifent. 


C   HA   PITRE     IIL 

Ve  BeeUZebub.  Toutes  les  conjeSfures  de  nos  Savans  font  toutes  fauf- 
fes  fur  le  Dieu  Beel-Zebub.  Ce  n^ep  pint  le  Bahaly  ou  le  Jttpter 
des  Syriens.  Ceft  le  Fluton  des  Grecs  :  le  Prince  des  mauvais 
Démons:  Notables  conjectures  la-dejfus. 


V 


Oici  un  autre  Bahal  ,  dont  il  eft  peu  parlé  dans  le  Vieux  Tefia- 

ment,  mais  dont  le  nom  fe  lit  fort  fouvent  dans  les  Evangiles.  G'efi: 

Beel'Zehaby  que  les  Hébreux  prononcent  Bnal-Zsbub  ^  &  les  Grecs 

Beel-Zebfil.   Il  en  eft  parJé  au  commencement  du  fécond  Livre  des  Rois, 

2.Roisi.z.  dans  THiftoire  de  la  mort  d'Ach-Azia  ,   Roi  d'ifraël ,   fils  d'Achab.     Et 

Achazja,  tomba  par  les  treillis  de  la  chambre  haute ,  cjui  e'toit  en  Samarie ,  dont 

il  devint  malade.  Et  envoya  des  mejjagers  ,  &  leur  dit ,  Allez. ,  enquereTirVOUs 

deBahal-Zebub^Dieft  deHekron  ,  oh  d'Accaron  ,  fi  je  relèverai  de  cette  mata- 

V.  3.      die.  Cts  meflagers  furent  rencontrez  par  le  Prophète  Elie,  qui  leur  dit, 

N'y  ■a-t'^ il  point  de  Dieu  en  Ifrael,  que  vous  alliez,  pour  vous  enquérir  de  Baal" 

f  Zebub ,  Dieu  deHekron  ?  Et  le  Prophète  étant  allé  vers  Achazia  lui-mê- 

,  V.  15.      me,  lui  dit,  Ainfi  a  dit  le  Seigneur ,  parce  que  tu  as  envoyé  des  meJfagerSypour 

î'^enquerir  de  Baal-Zebub ,  Dieu  de  Hekron ,  comme  s'il  n'y  avait  point  de  Dieu 

en  Ifra'êl ^  tu  ne  décendras  pas  du  lit ,  fur  lequel  tu  es  monte'.     G'eft  ce  Beel- 

Zebuljdont  il  eft  afl^ez  fouvent  parlé  dans  les  EvangeHftes,  fous  le  nom 

de  Prince  des  Diables  ,  &  par  la  vertu  duquel  les  Juifs  difoient  queNô- 

Matth.  10.    tre  Seigneur  Jefus-Chnft,  jettoit  hors  les  Démons.     S'ils  ont  appelle  le  père 

Qtîap,i2.a4,  ^^  famille  Bed^Zebul, combien  plus  fes.  Domefiques?  Et  les  Tharifiens  ayant  en-- 

ten- 


ET  DES  CULTES  DE  UEGLISE.  ParLiy.Gij 

tendu  cela  difoient  ,    cet  homme  ne  jette  hors  les  Dtables  ,    ejne  par  Beel-Ze- 
hnly  Trince  des  Diables. 

Je  ne  trouve  point  de  fujet ,  où  les  lumières  de  nos  Savans  demeurent  LesCrîti- 
Çi  couites^ ,   &  ou  leurs  conjedures  foient  fî  peu  vrai-lemblables.     Il  ell  J^^/o^f^i 
vrai  qu'on  trouve  peu  de  fecours  chez  les  Anciens,  pour  la  connoiflànce  reuffi,dans 
■de  cette  divinité.  Cependant  fi  on  eût  voulu  fe  fervir  de  ce  qu'on  y  trou-  nionst^tôu- 
ve,  je  croique  l'on  auroit  été  plus  loin  qu'on  n'a  été,  &  c'eft  ce  que  nous  chant  BeeV 
ell'ayerons  de  faire.     Les  70.  ont  tourné  les  paroles  du  fécond  Livre  des  ^  "  • 
Rois,   par  celles  -  ci,  £V<Ç^îT;^<^«ré  èv  tc^  BduK  (xvTav  ôfèv  A'undpav.    Enquêtez.- 
-vous  de  Bahal  Mouche  ,  Dieu  d^Âccaron.     St.  Grégoire  de  Nazianze  fem- 
ble  avoir  pris  ici  le  mot  à'Accaron  ,  pour  le  nom  du  Dieu  ,  &  non  de  la 
"ville,  oh.  il  étoit  adoré.  Car  il  dit ,    Ils  ne  chercheront  plus  la  Mouche  Dieu  in  JuHaanni 
Accaron ,  ou  s'^il  y  a  quelque  chofe  de  plus  ridicule.     Jofepbe  ,  qui  a  fuivi  les  °"'"  ^' 
70.  tourne  aufli  ôfôç  [i^vra^  le  Dieu  JPKourhe^  Il  envoya,  dit-il  d'Achazia  , 
îrpoç  Tov  A'îi'/apwv  ôsov  |xu?«v.    C'eft  l'interprétation  dumot  Bahal- Zebub  ^  car 
Zebub  en  Hébreu  Cigniûe  Mouche^'^ahalZebub  fignifie  donc  le  Dieu  Mou- 
che, ou  le  Dieu  des  mouches.  Le  nom  de  Baal-Zebul^  avec  une  L,  à  là 
fin,  au  lieu  du  B,  fignifie  ou  le  Dieu  de  fumier  &  de  fiente,  ou  le  Dieu 
de  l'habitation.  CarenChaldée  î>{'73t  fignifie  fumier,  &  Si3î  en  Hébreu 
fignifie  demeure,  habitation. 

Nos  plus  grands  hommes  croyent  que  ce  Bahal- Zebub  eft  le  grand  Ba- 
hal des  Sidoniens  ôc  des  Tyriens  ,    qui  eft  le  Jupiter  des  Latins  &  des 
Grecs.    Drufius  foupçonne  qu'il  fut  appelle  Baal-Zebub  ,  Dieu  Mouche,  Dtufiusa«â 
parce  qiie  fa  ftatuë  avoit  la  figure  d'une  mouche  ,    c'eft- à- dire ,  que  fur  ?e"^rând^' 
un  corps  humain  il  avoit  une  tête,  qui  tenoit  quelque  chofe  de  la  mou-  Bahai  des 
die ,  lëîon  la  coutume  des  Syriens ,  qui  compofoient  ainfi  \cs  figures  de  "^y"^**®* 
leurs  Idoles  ,  mêlées  de  la  forme  humaine  ,    Ôc  de  celle  de  quelque  ani- 
mal.    Et  pour  le  nom  de  Beel-Zebul  ,  qui  fignifie  Dieu  de  fiente  ,   il  fe  Drufius  in 
perfuade  qu'il  lui  a  été  donné  par  les  Juifs,  par  derifionêc  par  opprobre,  ^^^^'  "* 
au  même  (èns  que  l'Ecriture  fainte  appelle  fouvent  les  Idoles  a^'S^'^x,  Se 
C3»'7i\':i ,  des  néants  ,    &  des  Dieux  de  fiente.     Le  grand  Scaliger  efti-  in  lib.  de 
me  que  l'un  &  l'autre  de  ces  noms,    êc  Beel- Zebub,   Dieu  Mouche  ,  &  ^T'cmpÏT 
Beel-Zebul^  Dieu  de  fumier,  font  des  noms  infâmes ,  que  ce  n'étoient  pas  ^um  in  . 
les  véritables  noms  de  cette  Idole.     Mais  que  les  Juifs  l'appelloient  aiWfi  paJTr^" 
par  raillerie,  x^svcicUcaç .,  qu'autrement  fon  vrai  nom  étoit -SW-Ze^<«c/? ,  ou 
Bahal- Zebachim^  qui  fignifie  Dieu  des  facrifices.  Volîius  adopte  cette  con-  De  idoloiat. 
jeélure,  &;  la  trouve  la  meilleure,  nam  verijîmilis,  dit-il,  mihi  femper vi-  '•*•*'•'*• 
fa  ejî  conjeUura  ingenio  doBrindque  eximii  Scaligeri ,  qui  Bahal-  Zebub  per  ^oh- 
temptum  ejjè  faSnm  putabat ,   ex 'Babal-Zebachim  ,  quod  Jtgnificat  facrificiorum 
■fve  v.'^iimarum  Dominum,   Le  favant  Grotius  eft  de  la  même  opinion.   Il 
croit  aufii  que  ce  Beel-Zebub  eft  celui  que  les  Phéniciens  appelloient 
Beelfamen  le  Dieu  des  Cieux.    Mihi  valde  p lacet ^  dit- il,  quod  à  viris  optime  inMatth. 
de  Sacra  Hijloria  meritis  efi  annotatum.  Solitos  gentium  Deos  ab  Hebr&is  appel- 
lari' nominibm  in  conîumeltam  mutatis.    En  efïèt  cela  anive  quelquefois  aux 
Prophètes,  de  changer  des  noms  honorables,  qui  fe  donnoient  à  certains 
lieux ,  ôc  à  de  certaines  chofes  ,  &  de  leur  donner  des  noms  infâmes  ,   à 
caufe  qu'elles  avoient  été  fouillées  par  l'idolâtrie.  Les  Prophètes  ont  chan- 
gé le  nom  de  Bethel,  qui  fignifie  mai/oit  de  Dieu  ,  en  celui  de  Bethaven  , 

Kkkk  i  qui 


Horar  He- 
hia'icx  in 
Macfii-  c.  u. 
V.  24, 

In  Talmiid. 
Traft.  San- 
hcdiin. 


R.aîfon  fauf- 
fe  de  Scali- 
ger ,  &  de 


gerum,  & 
Grotium , 
ubi  fupià. 


628        H  I  S  T  0 1  R  Eï  P  E  S  D  O  G  M  E  S 

qui  fignifie  maifon  d'imcjuité^  à  caufe  de  ridolairie  de  Jcroboam5quî  avoit 
placé  l'un  de  fcs  Veaux  dans  ce  lieu  de  Bethel.  Sur  cet  exemple  les  Juifs 
ont  pris  cette  coutume  5  6c  Ligtfoot  en  rapporte  plufîeurs  exemples.  Ils 
s'en  étoient  même  fait  une  efpece  de  Loi ,  &  c'étoit  une  de  leurs  maxi- 
mes ,  ^He  toute  raillerie  efi  défendue  ,  excepté  celles  ^ui  contribuent  a  tourner 
Pidolatrie  en  ridicule.  C'eft  pourquoi  quand  un  impofteur ,  un  faux  Pro- 
phète ,  une  Idole  ,  un  lieu  profané  par  l'idolâtrie,  porte  un  beau  nom, 
&  d'une  pieufe  (îgnification,  ils  le  changent,  iis  le  tronquent,  ils  l'altè- 
rent, pour  en  faire  un  nom  infâme.  C'eit  ainli  que  ces  malheureux,  pour 
dérober  à  Notre  Seigneur  ce  beau  nom  de  fefus  ,  yw^ ,  qui  fignifie  Sau- 
veur 5   l'ont  changé  en  celui  de  Jeshu  ,  w*^  qui  ne  fignifie  rien,' 

Après  cela ,  quand  on  demande  pourquoi  les  Ecrivains  facrez  ont  par 

mépris  appelle  le  Dieu  à^Accaron^  Diea  des  mouches.  Onditquec'eftpour 

Groti^s  Jur  l'oppofer  au  Dieu  d'ifraël,  dans  le  Temple  duquel  on  ne  voyoit  pas  une 

^'°î!f  de  '^"  mouche.    En  efïèt  c'eft  une  des  merveilles-,  que  les  juifs  nous  racontent 

Beei-zebub,  du  Tcmplc  i  La  multitude  des  viétimes,  qu'on  égorgtoit,  faifoit  de  ce 

îîieu^des     li^u  uuc  vraye  boucherie.  Ainfî  le  fang&la  chair  de  ces  viélimes,  qu'on 

îhiliftins.    égorgeoit  en  fi  grande  abondance  ,   devoit  attirer  une  grande  multitude 

ïirke  Avoth  de  CCS  falcs  animaux.   Cependant  fi  on  en  croit  la  tradition  des  Juifs,  on 

cap.j.§.6.7.  n'y  en  voyoit  jamais  aucune.     Au  contraire  dans  les  Temples  àts  faux 

Vide  scaii-  Dicux  ,  les  moùches  y  abondoient ,  qui  faliflbient  toutes  les  viétimes,  de 

forte  que  par  mépris  ils  appelloient  le  Bahal  des  Phéniciens ,  le  Dieu  6c  le 

Bahal  des  mouches.  Ce  font  là  des  conjeélures ,  à  mon  fens  ,  bien  faul^ 

(cs^  6cbien  peu  fondées,  quelque  bien  imaginées  qu'elles  paroifient.  Car 

enfin  cela  n'efl  appuyé  que  fur  le  nom  de  ce  Dieu  ,  6c  fur  une  tradition 

des  Juifs,  qu'il  n'y  avoit  pas  de  mouche  dans  le  Temple  de  Jerufalem,  qui 

n'eft  peut-être  pas  fort  certaine. 

n  devoit  7       I.  Outre  cela  ,  quand  cela  feroit  vrai ,   pourquoi  le  Dieu  d'Accaron 

avoir  moins  auroit-il  plûtôt  été  appelle  le  Dieu  des  mouches ,  que  le  Bahal  des  Sido- 

de  mouches     .  r         ,    .    ,     '■Â-^     ■  ia/tiijtt  •        -,1^7- 

dans  le  niens ,  quc  celui  des  iyriens,  que  le  iVioloch  des  Hammonites  ?  Yavoit- 
DieîÏAc-  ^^  moins  de  viélimes  égorgées  dans  leurs  Temples  ,  6c  devoit-il  y  avoir 
caron  que  moins  de  mouches  ?  Au  contraire,  le  Dieu  d'Accaron  étoit  des  moins  cé- 
lèbres. L'honneur  que  lui  fit  Achazia  cfl  peut-être  le  feul  hommage  , 
qui  lui  ait  été  rendu  par  le  peuple  de  Dieu.  Au  moins  c'eil  le  feul ,  dont 
l'Ecriture  nous  parle.  Au  lieu  que  nous  voyons. à  tous  coups  les  IfraëHtes 
retomber  dans  l'idolâtrie  des  autres  BahaHns.  Ainfi  fon  Temple,  étant 
moins  fréquenté,  devoit  avoir  auffî  ,  6c  moins  de  viétimes, 6c moins  de 
mouches. 

2.  De  plus  ce  que  l'on  dit,  que  les  Ecrivains  facrez  ont  accoutumé  de 
changer  les  noms  honorables  des  faux  Dieux,  en  des  noms  d'ignominie, 
n'eft  pas  véritable.  Il  cfl  vrai  qu'ils  donnent  aux  faux  Dieux  des  noms 
jgj  j^Qjjjj  généraux ,  qui  font  infâmes ,  ils  les  appellent  les  y^^o?»/»^f/o»/,  les  Dieux 
des  Idoles,  de  néant  ^  les  Dieux  de  fiente.  Maison  ne  voit  pas  qu'ils  changent  les  noms 
propres  des  Idoles,  en  autres  noms ,  qui  foient  des  noms  d'ignominie.  Ils 
les  appellent  par  leurs  noms ,  Bahal ,  Moloch ,  Bahal  -  Pehor ,  Dagon , 
Aftoreth ,  6cc.  Il  eft  vrai  que  le  nom  de  Bethel  eft  quelquefois  changé 
en  celui  de  Bethaven  ;  Mais  c'étoit  le  nom  d'un  lieu ,  6c  non  d^une 
Idole. 

*     *  3-  c 


dans  les  au- 


Les  Ecri- 
vains facrez 
du  Vieux 
Teftamejit 
ne  changent 


ET  DES  CULTES  DE  VEGLISE. Parf.W.  629 

3.  Il  faut  remarquer  encore  que  ce  font  les  Prophètes ,  qui  dans  leurs  Les  Hifto- 
graves  repreheniions,  &  dans  leurs  difcours  pleins  de  figures ,  changent  Jj^SéSilnt 
■arnli  les  noms  honorables ,  en  noms  infâmes.    Comme  Jeremie  ,  en  par-  point  les 
lanc  de  la  vallée  du  fils  de  Hinnora,  dit  qu'elle  ne  feroit  plusainfi  appel-  KeSdef 
lée,  mais  qu'on  rappelleroit  vallée  de  tuerie.     Mais  dans  les  livres  Hillo-  idoles, 
riques  cela  ne fe fait  point,  les  chofes  &les  lieux  y  font  toujours  appeliez  Cap.  ip. «. 
par  leurs  noms.     QLioi  que  Bethel  fût  profané  par  l'un  des  Veaux  de  Je-  ' 
roboam ,  &  qu'Ofée  l'eût  appelle  Bethaven ,  par  opprobre ,  cependant  \ts 
Livres  des  Rois,  &  des  Chroniques,  ne  l'appellent  jamais  autrement  que 
Bethel     II  n'y  a  donc  nulle  apparence  que  l'Auteur  du  premier  chapitre 

du  fécond  Livre  des  Rois,  en  raifant  une  Hiftoire  dans  un  llyle  firnple, 
nous  aille  parler  d'un  Dieu,  dont  jamais  il  ne  nous  a  été  parlé  ailleurs ,  fous 
un  nom  faux,  6c  fait  à  plaifîr. 

4.  Mais  fur  tout  il  faut  remarquer  que  ces  noms  ignominieux ,  donnez  aux  Les  noms 
faufles  divinitez ,  n'ont  jamais  été  employez,  que  par  ceux  qui  avoient  cts  Jfj""'"',''. 
faux  Dieux  en  abomination.  Ici  ce  nomefl  donné  au  Dieu  d'Accaron  par  toient  ja- 
Achazia,  qui  vauloit  en  faire  fon  Dieu ,  qui  croyoit  en  lui ,  &<3ui  avoitde  jJ^^J'^J^^^yj 
la  foi  en  fes  oracles.  C'eft  lui  qui  parle ,  &  qui  dit  à  ^es  Serviteurs ,  Allez,  con-  Dieux  par 
fulter  pour  moi  Bahal-Zehub ,  Dieu  d'Accaron.  vodolei/^* 
'^\    f.  Enfin  il  ne  faut  pas  s'imaginer  que  ce  titre.  Dieu  des  mouches,  ou  honorer. 
Chajfe-mouches  ,   fut  un  nom  de  mépris  &  d'infamie.  Carileft  certain  que  Dieu  des 
les  Payens  ont  donné  à  leurs  Dieux  de  femblables  épithetes ,   fans  avoir  ^"ë'îJ'o" '^j 
<ieirein  de  les  tourner  en  ridicules.     Ils  avoient  un  Hercule,  qu'ils  appel-  chaCe-mou- 
loient  %opvftï7r/wv,  Locufiarius^  à  caufc  qu'il  avoit  chafie  les  fauterelles.  Un  pj^'yjj'^jj^''^ 
Apollon ,  qu'ils  appelloient  u^vioarévoç ,  tueur  de  rats,  dont  fait  mention  Euf-  de  mépris. 
tache,  le  fameux  Commentateur  d'Homère  (ur  l'Iliade,  Sec.  Un  Dieu 

qu'ils  appelloient  y^viéova .,  Mafcarms  ^  Dieu  Mouche,   &  des  mouches ,  pihie  lib,- 
dont  parle  Pline,  c'eft  celui-là  même  qu'il  appelle  ii.vîy.ypoç.  Les  Romains  ^.p.ô.ub.i©, 
avoient  anfîî  leur  Hercule  [i^vlay^oç  .jChajfe-mouches  ^  comme  nous  l'apprend 
Clément  Alexandrin.     Duquel  Hercule  Solin  dit,  facellum  Hercnks in  Fo-  in  Protrc- 
ro  Boario  efi  y  in  ijm  argumenta  convivnUta  majefiatis  ipjtus  rémanent .     Nam  ^^^^.°- 
Àivinitus  illo  neque  canibus  necjue  mufcii  ingrejfus  efi.     Etenim  cum  vifceratio-  zo.  ubi  de 
nem  facricoUs  daret ,  Myagrum  'Deum  dicitur  imprecatus^  clavam  vero  in  aditu  re-  '"ft^fV^ione 
liqmjfe^  cHjui  olfatlu  refugerent  canes.     Si  cela  eft,  le  Temple  d'Hercule  du  &  Pinario- 
Marché  aux  bœufs  de  Rome  avoit  encore  plus  de  privilège  que  le  Tera-  '"^* 
pie  de  Jerufalem ,  puis  qu'il  n'y  entroit  ni  chiens ,  ni  mouches. 

Au  refte  Grotius  n'y  penfe  pas,    quand  il  dit  que  ct%  titres  de  ^vlaypog,  De  jupîtei: 
de  o-jx/iôeùç,  (xvioyirôvoç  j  ne  fe  donnoient  qu'à  de  petites  div'mitez ^minorum chL^"^"^' 
numinum  funt  vocabula.  Mais  qu'ici  le  Dieu ,  dont  il  eft  queftion ,  eft  le  grand  "^i  %rà. 
Dieu  des  Phéniciens.     Il  n'a  pas  penfé  que  Jupiter  lui-même  eft  appelle 
ÂTo^v/oç,  ChaJ^e-mouches ,  6c  qu'au  commencement  des  Jeux  Olympiques, 
Jeux  facrez  à  Jupiter,  on  facrifioit  à  ce  Jupiter  Chaffe- mouches,  à  l'imita- LiiiWcîy- 
tion  _d'Hercule,  qui  en  facrifiant,fe  trouvant  incommodé  des  mouches,  "''^"s  sya- 
facrifia  à  Jupiter  «Trojxuioç,  &  incontinent  toutes  les  mouches  s'envolèrent  pau&nïas' m 
au  delà  du  fleuve  Alphée.     Ce  n'eft  pas  que  je  croye  que  ce  Jupiter  Chaf-  ^'^",'f'"^» 
fe-mouches,  fût  le  Jupiter  fouverain  des  Dieux,  comme  je  m'en  explique-  primo, 
rai  tantôt.    Mais  tout  au  moins  c'étoit  un  des  grands  Dieux,  car  le  nom 
de  Jupiter  ne  fe  donnoit  pas  à  ceux  que  Grotius  appelle ,  minora  numina, 

Kkkk  3  .  OuU'C 


630  HISTOIRE  DES  DOGMES 

Outre  cela,  Apollon  n'étoit  pas  un  petit  Dieu,   qui  s'appelloit  pourtant 

ffixivèeoç,  de  (T/x/vôoç ,  qui fignifie un  rat ,  èc  fx^vionTÔvog,  tueurderats.  Noms. 

qui  ne  font  pas  plus  grands  que  {''Apomyos  des  Grecs,  oc  XtBahal  Zebnb 
Syntagm,  2.  des  Phéniciens.  Il  eft  donc  fans  doute  que  Seldenus  a  raifonde  dire  que 
de  Dus  sy-  Beel-Zebub  ctoit  le  vrai  nom  de  l'Idole  des  Accaronites,  ôcnous  verrons 

dans  la  fuite  qu'ils  avoient  de  bonnes  raifons  de  l'appcller  ainfi. 
Seldenus  n'a      Scldcnus  a  cu  raifou  d'abandonner  Scaliger  ôc  Grotius,  dans  ce  qui  rc- 
rencontre     p.x\(\ç,  )e  nom  dc  Cette  Idolc.     Mais  il  n'en  a  pas  eu  de  le  fuivre,   en  ce 

Qu  une    pât"  o  _  1  ' 

tie  de  la  ve-  qu'il  a  crû  quc  XtBahal-Zebnb  des  Accaronites ,  eioit  le  Beelfamen ,  le  Dieu 
"'^'  des  Cieux,  6c  le  grand  Jupiter  des  Payens.     Le  foible  de  cette  opinion 

paroît,  quand  ces  grands  hommes  font  obligez  de  rendre  raifon,    pour- 
Ponrquoi     9^^^^  ^^  Bahal  dcs  Accaronites  eft  appelle  le  Prince  des  Diables.     Selde- 
Beei  zebub  nus  confelTc  ingenucmcnt  qu'il  n'en  fait  rien.    Atqui  cjuamobrem  ad  princi' 
le  Frincedes  P^^  d<zmoniorHm  àenotiindum  nfurpeturBeel  Zebnb ^aut  heel'Zibul,fateoYoriginem 
Diables.      me  omnino  latere.    J'ai  autrefois  crii  que  le  Prince  des  Démons  étoit  appel- 
Lococitato.  1^  ^-j^p^  Beel-Zebub^  Prince  des  mouches,  parce  que  les  Démons  font  ap- 
peliez les  Princes  de  k  puiiTance  de  l'air  ,    ôc  nous  font  répréfentez  re- 
gnans  6c  volans  dans  les  airs,  comme  ces  falesinleéles,  qui  fe  trouvent  par 
tout  pour  incommoder  les  hommes. 
In  Matth.        Grotius  dit  là-defTus  ce  qui  fe  peut  imaginer  de  mieux  ,  félon  fon  opi- 
op.  lo.  24.  j^Jq,-,^     C'ell  que  les  Juifs  inftruits  par  les  Prophètes ,  croyant  que  tous  les 
faux  Dieux  étoient  de  mauvais  Démons,  avoient  appelle  le  Prince  de  ces 
Démons  par  opprobre  du  même  nom,  dont  les  Payens  appelloient  le  Prin- 
ce de  leurs  Dieux ,  pour  leur  faire  comprendre  ,  que  tous  leurs  grands 
Dieux  n'étoient  que  de  mauvais  Démons".   Quelque  bien  imaginé  que  ce- 
la paroiiTe.    cela  ne  fatisfait  pas.     Qu-  i.  fi  pour  faire  honte  aux  Payens, 
les  Juifs  vouloient  donner  au  Prince  des  mauvais  Démons  lenom'du  Prin- 
ce des  Dieux  du  Paganifme,  ils  dévoient  choiiir  un  des  noms  illuilresque 
les  Payens  ont  donnez  à  leurs  grands  Dieux,comme  Bahal,Moloch,  ou  quel- 
que autre femblable ,  6c  non  pas  choifir  un  nomobl'cur,  peu  connu,  peu 
ufité,  6c  qui  portoit  un  caraéiére  de  baifeife,  qui  ne  le  rendoit  pas  véné- 
rable aux  Payens  mêmes,   comme  eft  le  nom  de  Beel-Zebub,  Dieu  des 
mouches. 
Les  Juifs         Oucre  cela,  nous  ne  voyons  pas  que  ce  nom  de  Beel-Zebub  fût  celui  que 
îïmce^deV^  Ics  Juifs ,  daus  Icur  Théologie,  donnoient  ordinairement  au  Prince  des 
Diables  Af- Diables.     Ils  l'appellent  tantôt  Afmodéc ,  6c  tantôt  Sbamael.     Le  Para- 
shatnad.      phtaftc  Gftaldée,  fur  le  premier  chapitre  del'Ecclefiafte,  l'appelle  ainfî, 
inThisbi     ^^  rapport  d'Elias  Germanus,  o^TU'i  NiîSa  n^ii'N ,  Afmodieus,/'r/>7c^;7j^^ 
voce  ^        moniorum.     Et  dans  le  même  endroit ,  cet  Elias  Germanus  dit  qu'il  s'ap- 
nai^'bî    pgjig  Shamael ,   □'Jtaîi'n  ^a  ifi»Kn,   le  chef  de  tous  les   Satans.   Dans  un 
In caput  «it.  Commentaire  Cabahftique,   intitulé  Rabboth  ,   ils  difent  q^&  cet  ^Ange 
Deuteio-      Shamael,    Trince  de  tous  les  Démons  ,  parlait  à  tons  momens  de  la  mort  de 
iJA€oi[e ,  &  difoit^  quand  viendra  le  moment  auquel  MoïÇe  mourra ,    afin  que 
je  décende ,  &  que  je  ravijfe  fon  ame'î     Ainfi  Afmodée,  ou  Shamael,  eft 
le  nom  de  ce  Prince  des  Démons^  dans  la  Théologie  des  Hébreux,  6c 
Beel-Zebub  eft  4e  nom  du   même   Démon,    dans  la  Théologie   des 
Capei  in      iP^iyeiis.     C'cil  pourquoi  ce  n'eft  pas  la  peine  de  foupçonner,  comme  faiu 
îpicUcgio.   Louis  Gipel,  que  les  Juifs  ont  changé  le  aom  du  Pnace  des-Diables ,  de- 
puis 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Tart.lY,  631 

puis  Nôtre  Seigneur  Jefus-Chrift.     Mais  il  eft  clair  que  les  Evangelilles ,  Matth.  n. 
écri'^atîc  pour  initruire  les  Payens ,  ont  donné  au  Prince  des  Démons ,  le  ^^ 
nom  que  leur  Théologie  lui  donnoit. 

Quel  ell:  donc  ce  Prince  des  Démons,  c'eft-à-dire,  le  Prince  des  Dieux  Beci-zebub 
Mânes,  àç,s  Dieux  dts  enfers?  G'eft  Pluton.  Ec  je  ne  faurois  douter  que  &°nonTu-"' 
ce  Beel-Zebub  ne  foit  ce  Pluton.  Car  i.  ce  nom  de  Prince  des  Démons  piter;  preu- 
lui  convient  parfaitement.     Il  cil  vrai  que  dans  la  Théologie  Payenne,  ^^^'*^'^^^*- 
Je  nom  de  Démon  fe  prend  fou  vent  en  bonne  part.     Et  les  Philofophes  Le  nom  de 
Platoniciens  appelloient  ainfi  les  efprits,  qui,   félon  eux,   occupoient  le  Démona- 
milieu  entre  les  Dieux  celeftes  &  les  hommes.  Ils  les  plaçoient  dans  l'air  femun^"" 
entre  le  ciel  &  la  terre,   ôc  les  faifoient   médiateurs.     Ita  ejfe  mediosDa-  bon  génie. 
mones  i'nter  Deos  ^  homines^  tamc^ttam  intemuncios  &  interprètes  ,<jm  hincferantpe-  ^"de  Civïf 
titiortes  nofiras  ^   inde  référant  beoram  fuppetias.  G'étoit  la  Philofophie  d'A-  Deicap,  2z. 
pulée,de  Plotin,  de  Porphyre,  de  Jamblique,  &  des  autres  Platoniciens,  êSsocra-*' 
contre  lefquels  St.  Augullin  difpute  d'une  manière  fl  do61:e,dans  les 7. 8.  tïs. 
p.  10.  Livres  de  la  Cité  de  Dieu. 

Cependant  il  ell  certain  que  le  nom  de  Démon  fignifioit  dés  ce  tems-  Mais  il  fi- 
la, entre  le$  Payens,  les  efprits  malins,   qui  font  fous  la  domination  du  foùventun* 
Roi  des  enfers.  Et  même  Apulée,  grand  Philofophe  Platonicien,  &ap-  efpritmaiia. 
paremmenc  grand  Magicien,  reconnoitque  les  Démons,  mêmes  ceux  dont 
il  a  fait  des  médiateurs  font  fujets  aux  mêmes  vices  ,   que  les  hommes  : 
Car  voici  comme  il  les  dépeint ,  T)£mones  funt  génère  anim.ilia,  animo  pajfiva  ubi  fupri. 
mente  rationalia  ^  corpore  a'érea^  tempore  Merna.     Et  fur  tout  il  eil  à  remar- 
quer, qu'ils  confeflbient  qu'il  y  avoit  quelques-uns  de  ces  Démons,  par- 
ticulièrement ennemis  des  hommes,  ofores  homtnum.     Ex  hoc  ferme  D&mo- 
num  numéro ,  dit  Apulée ,  'To'èt<&  folent ,  haudproculà  veritate^  ofores  &  amn-  1°  ^'^-  ^^ 
tores  (^tiorumdam  hominum  Deos  fingere  \  hosprofperaric^evehere^tllos  contra  ad-  tis. 
verfari ,  ^  affligere.     Igitur  dr  mifereri  c^  indignan ,    &  angi  &  htari ,  em' 
némcfue  humant  animi  faciem  pati,  ac  fîmilt  motu  cor  dis  &  falo  mentis  ^  perom- 
nes  cogîtationum  afiusflu^iuare.  Nous  apprenons  même  de  St.  Augullin  que 
le  vulgaire   des  Payens    prenoit  le  nom  de  Démons  en  mauvaife  part. 
Qu'on  s'en  fervoit  pour  injurier  les  gens,  comme  au  jourd'hui,&  que  c'é- 
toit  un  outrage  de  dire  à  quelqu'un,  tu  as  le  Démon.  Et  hanclo^uendicon- 
fuetudinem  in  tantum  populi  ufquequacjtte  fequuti  funt  ,    ut  eorum  etiam  ,  qui 
^agani  appellantur^  &  Deojmultosae  Damones  colendos  ejfecontendunt^  nullus 
fere  fît  tam  litteratus  &  doftus  ,     qui  audeat  in  laude  ,    vel  fervo  fuo  dicere  , 
^D&monem  habes^  fed  quiUbet  hoc  dicere  voluerit ,  non  fe  aliter  acctpt  quàm  maie- 
dicere  voluijfe  dubitari  nonpojjit. 

Porphyre  va  plus  avant ,  quoi  que  grand  ennemi  de  la  Théologie  des  PorphyriuS' 
Chrétiens  ,  il  avoue  qu'il  y  a  un  grand  nombre  de  Démons  méfaifans ,  &  '^^^^rf^ 
tout  à  fait  méchans.     Les  Démons  de  cette  efpece ,  dit- il,  demeurent ordtnai-  nem. 
rement  ,  &  roulent  dans  les  lieux  les  plus  voifins  de  la  terre ,  à  dejfein  de  faîis- 
faire  leurs  cupiditez,  ,    &  il  n'y  a  aucunes  fortes  de  crimes  qu'ails  ne  tentent.     II 
ajoute ,  que  ces  efprits  malheureux  font  tout  ce  qu'ails  peuvent  pour  nous  déta- 
cher de  la  connoijfance  des  Dieux  ^  pour  nous  engager  à  les  fervir.    Qîfîls  pren- 
nent la  forme  des  grands  Dieux ,  pour  féduire  les  hommes  ;  qu'ils  travaillent  à 
enflammer  la  concupifcence  des  hommes  ^   voulant  fe  mettre  eux-mêmes  dans  la 
place  des  grands  Dimx,    Cela  fait  voir  que  les  Démons  étoient  méchans, 

même 


632  HISTOIRE  DES   DOGMES 

même  félon  les  Payens.     Ec  même  c'étoità  ces  mauvais   Démons  ,  que 
quelques-uns  attribuoient  les  enthoufiafmes  ,   ôc  les  infpirations  de  leurs 
Prophètes,  comme  il  paroît  par  un  pafiage  de  la  même  lettre  de  Por- 
phyre à  Anebon,que  nous  rapporterons  ailleurs.     Celui  qu'ils  ont  appel- 
le le  Prince  des  Démons,  n'eil  donc  point  leur  Bahal ,  leur  Jupiter,  qui 
ell  un  Dieu  celefte  &  bon.     Mais  Pluton  Dieu  malin  ,   méfaifant ,  qui 
avoit  fous  lui  les  efprits,  qu'ils  appelloient  Larv<z  ^  Lémures ,  les  Furies  , 
Proferpine,  les  Harpyes,  ôc  autres  efprits  malins,  connus  dans  les  écrits 
viJeScLud.  des  Poctcs,  6c  même  dans  ceux  des  Philoiophes.     Entr'autres  d'Apulée, 
ubium  aIik".  ^'J^  P^^"^^  ^^^^  amplement  de  ces  Lémures,  Larva,  genii  ,  dans  le  Traité 
de  civit.     du  Dieu  de  Socrate.     Car  il  ell:  à  remarquer  qu'ils  établilToient  un  Prin'- 
Dcj.cap.ii.  ^g  £jj,  ^^^^  jgg  efprits  méfaifans.  * 

Libro  de         Porphyre  prétend  qu'il  s'appelloit  SERA  PIS.     Ce  tPefi  pas  fam  raifon  , 

oracuiis,       dit-il,  e^ue  nous  foHpcotmons  que  les  Démons  font  fuj  et  s  à  SE\R^Â7IS.  Car  nous 

1^  4^Prxp'.  tombons  dans  cette  penfe'e ,  non  feulement  par  fes  fymboles  &  fes  figures ,  fous  lef- 

Evang.  cap.   quelles  on  le  répré fente ,  mais  auffi  parce  que  toutes  les  chofes ,  qui  ont  la  vertu ,  opi. 

*^'  àJ'appmfer  ^  ou  de  réprimer^  la  malice  de  ces  Démons,  Je  rapportent  â  Pluton.  Et 

le  Dieu  SE  RAT /S  efi  le  même  que  Pluton^  qui  commande  aux   Démons  ,  c^ 

qut  donne  des  fymboles  &  des  figures  ,  p^ar  lefquelles  on  les  peut  détourner  ,  (^ 

chajfer. 

C'ell  apparemment  fur  ce  principe  connu  entre  les  Payens ,  que  Pla- 
ton enfeigne  les  manières  de  chafler  les  mauvais  Démons ,  que  les  Juifs 
accufoient  N.  S.  J.  C.  de  chafier  les  Diables  par  le  Prince  des  Diables. 
TUitarch  de  Pltitarque  dit ,  SERAPIS  n'efi  autre  chofe  que  Tluton  ,   &  Ifis  que  Proferpi- 
îfid.  c.  13.     ne ,  comme  le  dit  itArchemaçhus  de  Plie  de  ISlegrepont  ,    ^  Heraclite  de  Pont 
efijme  que  l'oracle  ,   qui   était  en  la  ville  de  Campus  ,   étoit  V oracle  de  Plu" 
ton. 
Tat  le  livre       -^^  ^^^^  l'opiniott  de  Porphyre  Se  de  Plutarque,  qui  croyent  que  SE- 
dc  jambii-  RAPIScft Pluton ,  le  Prince  des  Démons,  ell:  très  confîderable ,  Scnous 
S,ii  pa^oît  y  trouverons  de  quoi  foûtenir  nôtre  conjeétiure  touchant  Beel-Zebub ,  Dieu 
que  les  Dé-  Je  Hckron. 

mons 

étoient  pref- 
que  tous 

inéchans.  '  '  "'■-—'       ■  ■     •     .    . '  ' 

VoiSeâr.  z. 
cap.  2. 3.4. 

^'^'''-  CHAPITRE     IV. 

Serapis  efi  Thton  :  preuve  par  fa  Jiatuë  ^  par  la  Jïgnification 
àii  nom  de   Serapis  ,   qui  veut  dire  T^ieu  des  fauterelles  , 
'  ou  des  Harpyes,    Origine  de  la  fable  é'  du  nom  des  Har» 
pyes. 

Voi  d-ieî- 
fjs  le  Trai- 
té du  Veau   Tp     E  Dieu  Serapis  eft  connu  pour  avoir  été  l'une  des  fâmeufes  divinitez 


L 


videH:fto-'   I    j  d'Egypte.  Mais  fon  origine  eft  un  peu  incertaine.  Il  y  en  a  qui  croyent 
ïiutlrcrtb  ^""^^  ^^  Dieu  a  de  touttems  été  connu  aux  Egyptiens.  Mais  d'autres 

de  ifide'sc'  croycnt  que  c'eft  un  Dieu  étranger,  que  Ptolemée  Lagus,  félon  Tacite, 
T3du]i  ^  ^^  Ptolemée  Soter  ^  félon  Plutarque  ,   firent  venir  d'Allé  ,   du  pais  de 

Hiftok    "  Pont, 


ET  DES  CULTES  DE  L'ÉGLISE.  Part.lY,eii 

Pont ,  de  la  ville  de  Synope ,  ou  comme  dit  Tacite  ,  de  Seieucic.    De 
quelque  lieu  que  Ptolemée  l'ait  amené, je  le  tiens  Phénicien  d'origine, 
comme  tous  les, autres  Dieux,  &  fon  ncm  nous  l'apprendra  tantôt,  c'eft 
nôtre  Beel-Zebub ,  quis'appelloit  aufli  Serapis.  Porphyre  fou pçonne au f- Macrobe. 
fi  la  même  chofe,  peut-être  à  caufe  de  Tes  fymboles,  bk  rdv  (tv[xÇ,ôKu<j  ,  c'eft  ^"cJp.'Vô?' 
à  dire,  par  la  figure  de  fonfimuiacre.     C'eft  qu'on  lui  donnoit  trois  têtes, 
au  milieu,  U  tête  d'^un  lion  y  à  côté  droit,  celle  d^un  chien  ,  à  gauche,  celle 
d'*m  loup.  En  effet  cette  monftrueufe  figure  ne  peut  convenir  qu'au  Prin- 
ce des  Démons.     Elle  a  bien  du  rapport  à  ces  ftatuës,  que  les ,  Indiens 
dreftènt  à  l'honneur  du  Diable,  dans  leurs  Pagodes,  ou  Temples.     O^y^ 
tre  cela  on  peut  remarquer,  qu'il  leur  étoit  ordinaire  derépréfenterlesdi- 
vinitez  infernales,  fous  trois  têtes.  Hécate,  Reine  des  enfers ,  avoit  trois  Libro  de 
têtes  :  peut-être  eft-ceàcaufe  de  cela  que  les  Latins  V^ppcWoiem  tr if ormis ,  ESÏi).  4. 
plutôt  que  pour  les  trois  noms  qu'elle  portoit,  s'appellant  la  Lune  dans  les  c.  î3. 
cieux ,  Diane  dans  les  bois ,  Hécate  dans  les  enfers.  Au  moins  eft-il  certain 
qu'elle  même  fe  donnoit  trois  têtes  :  Dans  un  oracle  fameux ,  qui  fe  lit  dan*^ 
Porphyre ,  elle  fe  dépeint  ainfi , 

Face  de  bœnf  ^  ayant  trois  têtes  ,  cruelle  ,  &  portant  des  javelots  d*or.  Tout 
le  monde  fait  auffi  que  le  Cerbère ,  le  chien  qui  gardoit  le  veftibule  du  Pa- 
lais de  Pluton ,  avoit  trois  têtes.  virgfî. 

Cerherus  h&c  ingens  latratu  régna  trifauci  Trakéd'îfii. 

Ferfenat ,  adverfo  recubms  immanis  in  antro.  eu.  té- 

moigue  le 

Il  eft  donc  apparent  que ,  félon  la  conjeâ:ure  de  Porphyre  ,  on  avoit  ^f^Jr^^ 
nné  trois  têtes  à  Serapis,  pour  marquer  qu'il  étoit  Prince  du  même  heu,  tuëfm^ppl 


ippor- 


dont  Hécate  étoit  la  Reine,  &  Cerbère  le  gardien.  A  quoi  onpeutajoû-  '^l2if%. 
ter  que  le  même  Auteur  nous  apprend ,  qu'auprès  de  Serapis  on  peignoit  ««^/e  A/-  " 
le  chien  à  trois  têtes.  ^  Eîw'/ 

Car  voici  ce  qu'il  dit  dans  le  même  livre  deOracuUs-,  ceux-ci^  c'eft- à-  séime,con- 
dire ,  ces  mauvais  Démons ,  font  ceux  far  lefquels  domine  Serapis  ,  ô"  ils  font  ^c't'l'rufiA- 
Jîgnifiez.  par  le  chien  à  trois  têtes.  Parce  que  le  mauvais  Démon  fe  trouve  dans  tvidePimon,- 
ees  trots  élemens  ^  l'^eau  ^  la  terre  ^  Pair.  ^Î/^S'aT* 

Mais  que  SERAPIS  foit  Pluton ,  le  Prince  des  Démons,  qu'eft-ceque  /""^^  '«'» 
cela  a  de  commun  avec  nôtre  Beel-Zebuh  ?  Voici  ce  que  c'eft.  Beel  Zebub  ^fL\oi^^ 
fignifie  Prince  des  mouches.  SERAPIS  fignifie ,  comme  je  croi  le  pou-  c'êtoitscmp,,, 
voir  prouver,  Prince  des  fauterelles.     Il  n'y  a  pcrfonne  fi  peu  verfédans  IZI»"1au-' 
les  Langues  Orientales,  qui  ne  voie  d'abord  que  le  nom  de  SERAPIS,  ^/^f^'^'. 
eft  d'origine  Hébreu,  &  Phénicien.   Cette fyllabe  Sar^  qui  fignifie Prin-:^/f:««/^^/;,^! 
ce,  dans  la  lan<ïue  Phénicienne  ,   &  d'oii  vient  nôtre  Sire,,  le  fait  voir.  ?'  '^^yf 
Les  (jrecs  1  ont  dérive  de  o-cpoç«d7r/;,  le  cercueil  d  Apis,  ce  que  nous  avons  r^pis,  qui 4 
refuté,  dans  le  Traité  du  Veau  d'or.     Mais  les  Modernes  le  dérivait  de  ^l^ZâT 
Sarabi^  i3N"ii:',  qui  fignifie  en  Phénicien,  ou  en  Hébreu  ,  le  Prince  mon  tie^  appdicm 
père.     Pour  moi,  je  le  dérive  de  Sararbi,  ^n^nj:',  qui  fignifie  Prince  des  NotSie 
fauterelles  ,  ou  Prince  des  Harpyes j  ayirbeh ,  Arbim  ,  en  Hébreu  fignifie  conjeaure 
des  fauterelles.  ^  1?„"*|„°;,, 

Premièrement  j'eftime 5  que  le  nom  d'àp7rui« vient  de  là,  Les  Harpyes,  "oni>  &  de 

fm.  ir.  LUI  '  î^^^A^",^"' 


634  HISTOIRE  DE  S  DOGMES 

fclon  les  Poètes,  font  des  monilres  dévorans,  qui  fortent  des  enfers ,  ôc 
qui  confument  tout. 

Virgile  Trifiius  hatidillis  monjirtim  ^  nec  favior  tilU 

MiKià.  î.  Pejiis  &  ira  Deptm  ^  fiyg'^^  f^f^  extalit  undis  ^ 

yirginei  volncrum  vhUus  ,  fœdijfima  ventris 

hghivies  ^  '^ric^que  mmt4S  ^&  pallida  fem^er 

Ora  fume. 

C'efl:  une  defcription  poétique  des  fauterelles. 

:         ;      Les  fauterelles  Ibnt  la  terreur  de  l'Afrique  éc  de  l'Afie, où  elles  font  des 

dégâts  épouvantables,  rongent  les  bleds ,  non  feulement  jufqu'aux  racines, 

Matthiok    mais  elles  mangent  les  racines  mêmes.     Et  l'on  dit  qu'il  y  en  a  de  trois 

ruîe°ùb.^T.    P^^'^s  de  longueur  dans  les  Indes, des  jambes  defquelles  on  fait  des  fcies, 

c.4"$.  ces  animaux  font  affreux,  outre  qu'ils  font  des  dégâts  horribles.    Ain-fiiî 

ne  faut  pas  s'étonner  (î  leur  nom  efl  devenu  abominable ,  ôc  fî  les  Poètes, 

qui  transforment  toutes  chofes ,  en  ont  fait  des  furies  montées  des  enfers. 

Et  qui  fait  fi  ce  n'eft  point  à  caufè  de  cette  idée-,  que  les  Poètes  avoient 

Apocaiypfe  donné  dcs  fauterelles ,  qu'ils  avoient  transformées  en  Harpyes ,    que  St. 

*'  Jean  a  tiré  ces  images ,   fous  lefquelles  il  nous  répréfente  les  playes  ,  qui 

fuivent  la  cinquième  trompette.   Ce  font  des  fauterelles,  qui  avoient  des 

,  faces  d'homme,  qui  avoient  des  ailes,  &:  qui  montoient  avec  la  fumée  du 

tatfaitecon-  puits  de  l'abîme,  c'eil  -  à  -  dire ,  de  l'enfer.    Certes  cela  reïTernble  bien  à 

ne'k'sHaï'  ^^^  Harpycs  de  Virgile,  qui  avoient  des  faces  de  femme  ,  qui  étôient  ai- 

pyesduPoë-  lécs ,  6c  qui  fortoicnt  des  enfers  ,  Jijgiis  fefe  ejfemnt  undis.   Et  pour  faire 

SiIrSue-  voir  que  cen'ell  pas  le  hazard,  qui  a  faitcetté  rencontre,  on  pourroit  mon- 

reiiesdesc.   trer  quc  St.  Jean,  '^^i^.s  fes  vidons  Apocalyptiques,  a  pris  fes  images  6c  les 

•""*  figures  des  longes  Ôc  des  vifions,  non  feulement  des  Prophetesj.mais  aufli 

dts  images,  félon  lefquelles  les  Payens'èxpliquoient  leurs  vifions  Scieurs 

fonges.     Comme. cela  fe  peut  voir  en  comparant  les  OneirocriticjHes  ^   ou 

^Apotelefmata  infomnior^m  d'Apomafar   Arabe  ,   avec  \ts  vifions  de  St. 

Jean.  ,    •.       .  .  ,      ^ 

Au  refte, le  mot  Hébreu  '>l1^<,  àrbi,, a  tant ^e, rapport  à  celui d'«p7ri;/a, 
qu'il  ne  peut  pas  y  en  avoir  davantagef  Car  ceux  qui  favent  un  peu  la 
fcience  des  étymologies  ,  favent  .que  le  èc  pe  ne  font  qu'une  même  let- 
tre, c'efi;-à-dire,qu'el1esfe  mettent  l'une  pour  l'autre. 

Ainfi  pour  revenir  à  nôtre  Beel-Zebub ,  qui  efl  Pluton,on  ne  peut  rien 
voir  de  plus  voifin  du  nomBeel-Zebub,  qui  fignifie  Dieu  des  mouches,  que 
Sararhi,  d'où ,  en  ôtant  an  r  à  caufè  de  la  rudefFe,  on  a  fait  Sarabi-^  &  Sa- 
rapis,  qui  fignifie  Dieu  des  fauterelles  ,^  ou  dps  Harpyes.  Or  nous  ver- 
rons tantôt  pourquoi  on  a  appelle  Plutoii^  Pieu  des  mouches,  ôc  Prince 
des  fauterelles. 


G  H  A- 


ET  DES  CULTES  Qt  VEQLlSE.Part.lY,  6if 


if  ,»3nuri 


C  H  A  P  I  T  R  É     V. 

Véritable  origine  du  mm  d'Acheron^  le  fleuve  des  enfers  y  ô'  de 
CharonleBatteiier  d'enfer:  Tlùton  a  traîné  par  tout  avec  lui  le 
mm  d'Acheron.  Et  far  tout  on  exerçoit  la  Nécromance  dans/es 
Temples, 

z.  ~Ë%  Our  le  préfent ,  je  pafle  à  une  féconde  preuve  que  Beel-Ze6ub  efl: 
wT^  Pluton.  C'eft  le  nom  â'Acheron,  ôc  d'y^ccaron^  qui  font  fi  fort  le 
même  nom ,  6c  fi  peu  dégùifez ,  qu'on  ne  faurok ,  ce  me  femble, 
le  meconnoître.  <iAcvaron  eft  le  nom  attaché  au  Dieu  'Beel-  Zebub  ,  6t 
Acheron  eft  attaché  îrîfeparablement  à  Pluton.  Et  Achazia  ,  dit  l'Ecri- 
ture, envoya  des  meflagers  à  Baal-Zebub  ,  Dieu  d*Accaron<y  ou  méméj^ 
lèlon  le  Grec  dts  70.  au  Dien  aAccaron  ,  on  ne  peut  pas  s'empêcher  de 
voir  ici  l'origine  du  Dem  Acherontis  des  Pa^yens ,  du  Dieu  de  rAcheron. 
Chacun  fait  que  c'eft  ainfi  que  s'appelloit  le  fleuve  infernal  ,  affez  préss 
duquel  étoit  bâti  le  Palais  de  Pluton.  Et  je  ne  faurois  douter  que  cela  ne 
vienne  de  ce  que  Beel-Zebub,  ou  Pluton,  a  été  fervi  &  adoré  dans  (ix/c- 
caron^  &y  avoit  un  Temple  fuperbe.  Par  ce  nom-d'Accaron,  oud'Ache- 
ron,  les  Poètes  expriment  quelquefois  la  divinité  même  de  Pluton  .:  té- 
moin la  Junon  de  Virgile  5 

Fle^ere  Jl  nequéo  Superos  ^  zAcheronta  moveho..      -  vEKeid.7, 

C'eft-à-dire  j'appellerai  Pluton  &  fes  Furies  à  mon  fecours.  Nous  appre- 
nons de  Pline  que  les  Cyreniens  connoiflbient  ce  Dieu  ,  fous  ce  même 
nom,  CyrenÀïci^  dit-il,  Achorem  Deum  invocant  ^  mufcarum  mnltitudme  pe-  ^^^'''■°'  '^^0 
fiilentiam  ajferente :  qu<z  protinus  intereunt i^quam  litatum  eft  ilU  Deo.  Il  mefem-    - 
ble  qu'on  ne  fauroit  pas  meconnoître  le  Dieu  d'Accaron  ,  qui  s'appelloit 
Beel-Zebub,  &  Dieu  des  mouches,  parce  qu'il  les  chaflbit.     Il  eft  vrai 
qu'il  y  a  variété  de  leçon  dans  Pline,  &:  que  d'autres  lifent  Elei  Myagron 
Deum  invocant  ^c.  Mais  pour  moi ,  il  me  femble  qu'il  eft  clair  qu'on  doit 
joindre  ces  deux  leçons  Gn(ç.mh\e.\invoemtCyrendïci  Achorem,  &  Elei  Deum  CotndtioaJ., 
(JAJiciypov^c.  les  Cyreniens  &  les  Eliens  invoquent  <i^thorem  ,  le  Dienqui  chuÇ"  ^j'pr^^f^' 
fe  les  mouches.     Au  refte  il  eft  facile  de  comprendre  ,  d'oii  les  Cyreniens         "  '  '"^ 
ont  tiré  le  Dieu  Chafle-mouches.     Car  ^ccaron^  ou  Achorem^  eft  Beel- 
Zebub,  l'un  des  Dieux  des  Phéniciens.   Or  les  Carthaginois  étoient  une 
de  leurs  colonies,  qui  avoient  emporté  avec  eux  tous  les  Dieux  de  Tyr. 
Les  Carthaginois, 6c  les  Cyreniens,  çtoient  fur  la  même  Côte  de  rAfri-: 
que,  en  tirant  vers  le  Détroit  de  Gades'.  Outre  que  les  Phéniciens  avoient* 
un  très  grand  commerce  fur  toute  cette  Côte-là ,  de  forte  qu'il  a  été  trés' 
aifé  aux  Cyreniens,  d'emprunter  des  Phéniciens  leur  Dieu  zAccaron^  ou 
t^chorem ,  qui  eft  Beel-Zéub, 

LUI  2  g.  Pour 


L'oracle  de 
Beel-Zebub, 
qu'Achazia 
envoya  con- 
fulter ,  étoit 
Hoe  Necio- 
oiance ,  lieu 
où  l'on  évo- 
quoit  les 
Mânes. 


Keroiote 
in  Tcipli- 
ckoie. 


Fauffes  éty- 

mologies 

d'Acheion, 


Les  Phéni- 
ciens ont 
certaine- 
ment connu 
&  adoré 
Pliiton:  Et 
eela  fous  fon 
vrai  nom 
qui  eft  celai 
de  Beel- 
|?îebùb. 

Eufeb.  lib.T. 
Praep.Evang, 
cap.  10. 


^36  HISTOIRE  DES  P  O  G  M  ES 

5.  Pour  rendre  cette  preuve  plus  claire,j'en  ajoute  une  autre,  qui  me  pa- 
roît  bien  remarquable.  Je  fuppofe  que  cet  oracle  ,  qu'Achazia  envoyoit 
confulter,  pour  lavoir  s'il  releveroit  de  fa  maladie,  étoit  un  de  ces  Tem- 
ples confacrez  à  Pluton  ,  &  aux  Dieux  des  enfers  ,  qu'ils  appeljoient 
Uéwo^jiccvrsixj  que  Çiceron  appelle  quelque  part ,  ■i^vxoiJ'Oivrsiu  ,  &  dont 
nous  avons  parlé  dans  le  chapitre  d'Ob.  C'eft  là  qu'on  exercoit  la  Né- 
cromance,  6c  en  invoquant  Pluton  ,  le  Dieu  des  Mânes ,  ils  évoquoient 
les  Mânes,  pour  favoir  d'eux  l'avenir:  Or  il  faut  remarquer  que  dans  les 
lieux,  ori  l'on  a  bâti  de  ces  N£xuO|àavTf/a ,  Temples  de  Nccromance,  con- 
facrez à  Pluton  ,  ce- Démon  y  traînoit  avec  lui  le  nom  d'Acheron  ,  ou 
d'Accaron  ,  lieu  dans  lequel  il  avoit  été  premièrement  honoré.  Nous  ap- 
prenons d'Hérodote  que  dans  l'Epire  ,  proche  d'un  lieu  appelle  71?^/^ 
pm/s,  'il  y-  avôit  un  fameux  Temple  de  Pluton,  l'un  de  ces  Nsuvoi^ccvrem  y 
011  l'ame  d'Euridice  fut  évoquée  par  Orphée  fon  mari,  &  que  de  là  eft  ve- 
nue la  table  des  Poètes  ,  qui  difent  qu'Orphée  tira  fa  femme  des  enfers. 
Et  que  da,ns  le  même  heu  Periandre  ,  Tyran  de  Corinthe  ,  fit  évoquer 
l'ame  de  fa  femme  Melifle,  à  l'imitation  d'Orphée.  Or  ce  Temple  étoit 
fitué  prés  d'un  fleuve,  nommé  Acheron.  Et  voila  encore  nôtre  Accaron  joint 
avec  Pluton,  ôc  avec  un  oracle  de  Nécromance.  Là-même  étoit  un  ma- 
rais, appelle  Achemfia  Palus,[d''on  fortoit  ce  fleuve  Acheron,  qui  traverfoit 
l'Epire ,  6c  arrofoit  Ja  ville  de  T^îw^o/^i. 

C'eft  fans  doute  la  véritable  origine  du  mot  Acheron,  que  quelques-uns  - 
dérivent  de  l'Alpha  privatif  des  Grecs,  &  de  %«/pwv,  comme  qui  diroit,, 
fans  joye  5  d'autres  d'âxoç  &  pswv  ,  qui  roule  des  chagrins.  Les  autres  le 
dérivent  de  l'Hebrcu  (nn«,  akaron  ,  qui  fignifie  ,  pofiremus  ,  extremus, 
parce  que  c'eft  la  fin  des  aventures  de  l'homme  j  mais  toutes  ces  éty- 
mologies  tombent  d'elles-mêmes  devant  la  nôtre.  Ne  voit-on  pas  aufiî 
dans  le  Charon  des  Poètes ,  qui  eft  le  Battelier  des  enfers,  V Accaron  des 
Phéniciens?  Ainfi  il  eil  clair  que  toute  la  Théologie  Plutonique  a  tiré  fon 
origine  du  Dieu  d'Accaron,  ville  des  Phéniciens ,  6c  fi  nous  avions  plus  de 
monumens  de  cette  Théologie  des  Phéniciens  ,  nous  en  pourrions  ap- 
porter beaucoup  plus  de  preuves. 

4,  Nous  en  apporterons  pourtant  une  ,  tirée  de  ce  qui  nousreftede 
cette  Théologie  Phénicienne  ,  qu'Eufebe  nous  a  confervé  dans  ce  frag- 
ment de  Philon  de  Biblis,  6c  de  Sanchoniathon ,  que  nous  avons  cité  plu- 
fieurs  fois.  Il  paroît  par  ce  fragment  que  Pluton ,  6c  le  culte  de  Pluton , 
n'étoit  pas  inconnu  aux  Phéniciens.  En  effet  il  n'y  a  point  eu  de  grands 
Dieux  dans  l'Europe,  entre  les  Grecs  6c  les  Romains,  qui  n'ait  été  con- 
nu 6c  fervi  dans  la  Phénicie  ,  6c  qui  ne  foit  pafté  de  là  dans  l'Occident. 
Philo  Biblius  nous  dit  donc  ,  que  Saturne  fe  coupa ,  6c  obligea  tous  (es^ 
compagnons  à  faire  le  ièmblable.  Et  (juepen  de  tems  après  il  mit  an  nombre 
des  Dieux  fon  fils  ^y^fith  ,  ^»';7  avoit  en  de  'Mjoea.  Et  c^eft  celui  que  les 'Phé- 
niciens ^  dit  Philo  Biblius,  appellent  tantôt  la  mort  &  tantôt  Platon.  eyK»th^ 
en  langue  Phénicienne ,  ou  Hébraïque ,  fign:«fie  précifément  la  mort.  Il 
n'eft  pas  étonnant  qu'ils  appellaflènt  Muth,  la  mort^  celui  qu'ils  conce- 
voient  comme  le  Prince  de  la  mort,  6c  de  l'enfer.  Mais  que  veut-il  di- 
re ,  que  tantôt  ils  l'appelloient  Pluton  ?  Certainement  Pluton  n'eft  point, 
ttn  nom  Phénicien.  Philonjfelon  fa  coûtumcja  rendu  le  nom  de  ce  Dieu  Phé- 
nicien 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Tart.lV.  637 

nicien  en  Grec.  ïi  veut  donc  dire  que  tantôt  ils  l'appelloient  Mmh ,  la  moit 
du  nom  de  fon  Empire,  &  tantôt  de  Ton  nom  propre,  qui  répond  à  celui 
de  Pluton  entre  les  Grecs:  Et  ce  nom  eft  apparemment  Beel-Zebub  ^  & 
Sararhi^  Dieu  des  mouches,  ou  des  fauterelks:  cela  étant  pofé,  que  \qs 
Phéniciens  connoiiîbient  Pluton ,  &  le  contoicnt  entre  leurs  Dieux ,  fous 
quel  nom  le  trouverons-nous  d'entre  ceux,  dont  l'Ecriture  parle?  Ce  ne 
fera  pas  fous  celui  de  Moloch,  de  Bahal,  de  Bahal-Pehor,  ni  dts  autres 
dont  nous  avons  trouvé  la  lignification  :  ce  ne  peut  être  donc  que  fous  le 
Beel-Zebub,  Dieu  d'Accaron. 

Au  refte  le  nom  de  Bahal ^  qui  efl  mis  devant  celui  de  Zehub  ,   &  qui  !-«  ocd- 
femble  être  Jupiter  ,   ne  doit  pas  empêcher  que  l'on  ne  reconnoiHè  Plu-  donne"  à "'^^ 
ton  dans  Beel-Zebub ^  parce  que  Bahal  ell  un  nom  général,  comme  nous  ^'"to»  'e 
l'avons  remarqué  plufieurs  fois  ,  qui  fe  donne  à  tous  les  Dieux,     Outre  ph?/^-^"^ 
cela,  quand  Bahal  fignifieroit  Jupiter,  il  faut  favoir  que  les  Occidentaux 
ont  donné  ce  nom  dejupiter  à  Pluton,  auflî  bien  que  les  Orientaux.  Vir- 
gile l'appelle  fHpiter  Stygius  ^ 

Sacra  fovi  Stygio  quétrite  incepta  par  an,  j£a&ià  4, 

Et  le  Poète  Silius  l'appelle  le  noir  Jupiter, 

T^igro  forte  fovi^  cm  tertia  régna  laborant.  Lii,.  «.^ 

Ils  l'ont  auflî  appelle  infemus  fufiter  ,  &  le  nom  de  Dis ,  qui  ell  un  àt% 
noms  dont  les  Latins  appellent  Pluton,  eft  le  nominatif  du  hk  des  Grecs , 
qui  lignifie  Jupiter.  AulH  eft-il  appelle  F&jovis^  c'eft- à-dire  ,  Jupiter  fi- 
nillre,  à  qui  on  facrifioit,  non  pour  en  avoir  du  bien,  mais  afin  qu'il  ne 
fît  pas  de  mal.  Oi-phée  ,  dans  l'hymne  des  Eumenides  ,  l'appelle  Zbùq 
%ôowoç, Jupiter  terreftre,  àyviz/ ôuy^rip^ç  jatyaAo/a  ^;ôç  ;^ô(;v/(j;(j 5  dit-ilj  des 
Furies ,  les  filles  pitres  du  grand  "Jupiter  terrefire. 

Il  ell  tems  de  voir  pourquoi  on  a  donné  à  Pluton,  le  nom  de  Dieu  des  pourquoi  oas 
mouches,  ôc  de  Prince  des  fauterelles.    i.  Il  faut  favoir  que  les  mouches  ^  f^"  ^^"toe 
ôc  les  fauterelles  ,  étoient  deux  des  plus  grands  fléaux  de  l'Orient  &  du  mou"che7&: 
Midi ,  de  l'Afrique  &  de  l'Afie.  Les  fauterelles  palîent  à  travers  ces  pa"îs-  **«  ^^"'«* 
là  comme  des  nuées.   Elles  ne  lailfent  aucune  verdure  après  elles,  ni  fur  ^^  "° 
la  terre,  ni  fur  les  arbres ,   6c  elles  volent  de  lieu  en  lieu  avec  une  telle 
vkeffc,  qu'en  moins  de  rien  elles  ont  dévoré  des  Provinces  entières.   De 
forte  que  les  orages ,  les  grêles ,  les  vents ,  &  autres  fléaux  de  Dieu  ,   ne 
font  rien  en  comparaifon.     C'ell  pourquoi  Pline  les  appelle  Deornm  ira  yb.  n, 
pefiis.    Et  là-même  il  dit  qu'elles  brillent  même  les  plantes  à  \ts  toucher,  "p.zi», 
qu'elles  palfent  les  mers  ,    &  immmfis  traSins  dira  meffibus  contegunt  nube. 
C'ell  dans  le  même  endroit  qu'il  dit ,  qu'il  y  en  a  aux  Indes  de  trois  pieds 
de  longueur.  Et  dans  u<n  autre  endroit  il  dit ,  qu'il  y  en  a  de  quatre  cou- 
dées, c'ell- à -dire,  de  fix  pieds.  Enfin  elles  font  Ç\  grandes  ,   qu'on  en 
mange,  ôcSt.JeanBaptilleenvivoit  dans  le  défert. 

Les  mouches  ne  font  pas  un  moindre  fléau.  On  fait  alTez  quel  dégit 
elles  peuvent  faire  aux  fruits  ,  même  dans  nos  climats  ,  qui  ne  font  pas 
excellîvement  chauds.  A  plus  forte  railbn  dans  le  Midi,  &  l'Orient,  où 
les  fruits  ,  dont  on  tire  le  plus  grand  profit ,  font  les  figues  &  les  rai- 
fins  ,  à  quoi  les  mouches  s'attachent  le  plus.  Enfin  Pline  nous  dit  que  la 
multitude  des  mouches  ell  fi  grande  dans   le  païs  des  Cyreniens , 

LUI  3  qu'elles 


Lib.  2. 
cap.  4$. 


De  Natura 
Deoium. 
lib,  z. 


In  Potphy- 
rio  de  Ora- 
culis. 
Ubi  fupià. 


638        HISTOIRE  DES  DOGMES 

qu'elles  y  caufent  la  pelle  ,  iSHt^fcamm  multituàine  pefiikntiam  afférente. 
C'eft  lui-même  qui  nous  dit  que  ces  Cyreniens  fi  fort  tourmentez  des  fau- 
terelles  avoient  entr'eux  une  Loi ,  qui  ordonnoit  de  leur  faire  la  guerre 
trois  fois  par  an.  i.En  caflant  leurs  œufs,  avant  qu'ils  foient  éclos.  z.En 
tuant  leurs  petits.  3.  Et  enfin  en  les  tuant  toutes  grandes.  Matthiole  fur 
Diofcoride  nous  dit,  qu'en  l'Ile  de  Lemnos  il  y  a  auiîî  une  Loi, qui  im- 
pofe  à  chaque  famille  une  certaine  mefure  de  fauterelles ,  qu'ils  doivent 
apporter,  &:en  prendre  quittance  d'un  Officier  public  établi  pourcela}6c 
que  dans  la  Syrie,  les  garnifons  contraignent  le  peuple  à  faire  la  guerre  à 
ces  animaux.  Il  ne  faut  donc  pas  trouver  étrange  que  les  Phéniciens,  Cy- 
reniens,  &  autres  peuples  fi  fatiguez  de  cesinfeéles,  euflent  un  Dieu  <it'^?'?'//«- 
cator^  tout  exprés  contr'eux. 

2.  Or  il  eft  clair  que,  félon  leur  Théologie,  ils  dévoient  choifir  Pluton. 
Car  c'eft  lui  qui  étoit  eftimé  le  Maître  6c  l'Auteur  de  tous  ces  fleaux,qui  fai- 
foient  tant  de  mal  aux  hommes,parce  que  c'étoit  lui  à  qui  étoit  attribuéerin- 
tendance  fur  la  nature  inférieure,  l'eau,  la  terre  &  l'air.  Plutonem  Sapien- 
tes  antii^m  vim  ac  namram  ejfe  terr(X.  credidemm,  dit  Natalis  Cornes.  En  ef- 
fet Ciceron  le  dit  expreflement ,  Terrena  autem  vis  atque  natura  Diti  patri 
dedicata  efi  ,  qui  dives ,  m  apud  Cjr&cos  TrAa'rwv,  quod  recidant  omnia  in  ter" 
ram^  &oriantHr  à  terris.  Orphem  in  Hymno^  'K\i'rm  êç  aaréxstg  ya/vjç  xXvjiSaç 
aTtûdvfii  Pluton  qui  tiens  les  clefs  de  toute  la  terre,  c'eft-à-dire,  la  domi- 
nation. Comme  donc  tous  ces  infectes  naifi^ent  de  la  terre,  ôc  de  fa  cor- 
ruption ,  ils  étoient  compris  fous  la  domination  de  Pluton. 

Outre  cela,  les  Payens  fe  perfuadoient  que  les  nuées  de  ces  animaux , 
qui  dégâtoient  leur  Païs ,  ne  leur  venoient  pas  fans  quelque  fort,  &  par  le 
mauvais  office  que  leur  rendoit  quelque  mauvais  Démon.  Or  nous  avons 
vu  que,  félon  la  Philofophie  Platonicienne ,  ôc  félon  celle  du  vulgaire, 
Serapis ^  ou  Pluton,  eft  eftimé  le  Prince  des  Démons,  «ç  yiuru%uvEi  à  èeoç 
e^-jiv  \)%o  %sïpy,  <)  dit- il,  lefquels  mauvais  Démons  font  reprimez,  par  ce  Dieu,  qui 
les  tient  fous  fa  puijfance.  Particulièrement  pour  être  délivrez  des  mouches, 
ils  avoient  befoin  du  fecours  de  ce  Dieu  ,  parce  qu'ils  pouvoient  s'aider 
tontre  les  fauterelles  ,  &  leur  faire  la  guerre.  Mais  pour  les  mouches  , 
rien  ne  les  en  pouvoit  délivrer  que  celui  qui  les  envoyoit. 

3 .  Enfin  il  faut  remarquer  que  les  Dieux  des  enfers  étoient  eftimez  cau- 
fes  de  tous  les  maux ,  &  on  leur  facrifioit ,  non  pour  obtenir  d'eux  quel- 
que bien ,  mais  afin  qu'ils  ne  fifl^ent  pas  de  mal ,  ou  qu'ils  cefTaflént  d'en 
faire.  C'eft  pourquoi  dans  ces  facrificcs  tout  étoit  noir  &  fombre. 
i.  Ils  ne  fe  faifoient  que  la  nuit.         * 


Virgile 
^neid.  6. 


Idetn. 


Tum  Régi  Stygio  noBurnas  inchoat  aras. 

2.  Les  ^iétimes  étoieni  noires. 

Hue  cafia  Sibylla 
ISQgrarum  pecudum  te  fanguine  ducet. 

5.  On  égorgeoit  les  viélinies  dans  des  fofl^es ,  afin  que  le  lieu  fût  plus  fombre 
Se  plus  proche  des  enfers  j  ôc  l'on  faifoit  afperfîon  du  fan^  de  la  vidime  dans 
la  fofte. 

~   At0 


ET  DES  CULTES  DE  L%GLlSE,Tart,lV,  639 

Aut  proctil  egejla ,  fcrohihHS  tellure  âuahus ,  OvW.  Mc- 

Sacra  f(\cit  ^cnlirôÇque  in  gHttura  velleris  atri  ^^^'  7. 

Conjicit  ^  &  fatnlas  ferfnndit  fanguine  fojfas. 

Et  même  pour  fîgni fier  qu'ils  n'attendoient  aucun  bien  de  ces  Dieux  in- 
fernaux ,  ils  leur  facrifioient  des  animaux  fteriles. 

iy£neas  matri  Eummîdum  inagn£(jue  forori  Mnt\à.  6 

Enfe  ferit  ^  fierilémque  ttbi  Proferpina  vaccAm.  v.  ij©- 

Comme  ils  n'attendoient  aucun  bien  de  ces  Dieux ,  ils  craignoient  de  - 
leur  part  t-oute'fortede  maux ,  en  cas  qu'ils  ne  les  appaifallent  pas5&  fur  tout 
ces  armées  de  mouches  ôc  de  fauterelles ,  qui  couvroient  la  terre ,  leur 
paroifîbient  venues  des  enfers  :  C'eft  pourquoi  félon  leurs  principes ,  ils  ne 
pouvoient  s\idrefler  à  d'autres  qu'à  Pluton,&  aux  Dieux  des  enfers,  pour 
en  être  délivrez.  Sur  tout  parce  que  c'étoit  une  maxime  de  leur  Théo- 
logie, que  les  arrêts,  .qui  avoient  été  prononcez,  &  les  fléaux  envoyez, 
par  un  de  leurs  Dieux,  ne  pouvoient  être  révoquez  par  un  autre.  Tout  le 
monde  fait  là-deflus  la  fable  de  Tirelias, 

At  pater  omnipotens  {vfeque  enim  licet  irrita  cuiquam  Cvîde' 

FaUa  Dei  fectjfe  Deo)pro  lumineadempto^  ET^^' 

Scire  fittura  dédit  ^  p<znamque  levavit  honore.  jus, 

Ainfî  les  Dieux  infernaux  étant  confiderez  comme  les  Rois  de  ces  armées 
d'infeéles,  on  ne  pouvoit  s'adrefler  qu'à  eux  pour  en  être  délivré.  On  ne 
doit  donc  plus  trouver  étrange  que  Pluton  fût  appelle  Prince  des  mouches 
&  des  fauterelles,  puifque  c'étoit  lui  qui  les  envoyoit,  6c  lui  qui  lesre- 
tiroit,  félon  leur  fentiment.  Et  il  ne  faut  pas  croire  que  ce  fût  un  nom 
d'opprobre:  Au  contraire  ce  nom  fignifioit  un  Empire.  Je  ncdoutepas 
au  refis  que  ce  Jupiter  â7ro|xu/oç,  ou  ^wo^viç  ,  auquel  Hercule  avoit 
facrifié ,  ëc  auquel  on  facrifioit  ordinairement ,  au  commencement  des 
Jeux  Olympiques,  pour  être  délivré  des  mouches,  ne  fût  ce  même  Pluton, 
pour  toutes  les  railons  que  je  viens  dédire,  &  principalement,  parce  que 
les  mouches  font  fous  la  domination  de  Pluton. 

.  Quant  au  nom  de  Beel-Zebul,avecuneL,  àlafîn,  j'efHmequec'eftune 
corruption  introduite  par  les  Grecs,  qui  ont  trouvé  que  la  prononciation 
à^  deux  Beta.  dans  la  dernière  fyllabe  de  Beel-Zebub  étoit  rude.  Et  les 
r.atins  y  ont  apporté  un  autre  changement,  mettant  leD,  à  la  fin  Beei- 
Zebud,  au  lieu  de  rL,&;  du  B,  Autrement  fî  nous  étions  affûrez  que  les 
Phéniciens  eux-mêmes  eufîent  donné  à  ce  Prince  àts  enfers  le  nom  de 
Beel-Zebul,  aufîi  bien  que  celui  de '5^ ^/-Zf  ^^^ ,  il  feroit  fort  aiféde  conce- 
voir pourquoi  ils  auroient  donné  à  Plutop,lenom  de  Beel-Zebul.  Si  l'on 
vouloit  le  tirer  du  Chaldée  nSdî,  qui  fignifie  fumier,  on  pourroit  foup* 
çonner,  félon  la  conjedure  de  Seldenus ,  qu'ils  l'ont  appelle  ainfi,  au 
même  fens  qu'Orphée  difoit  de  Jupiter. 


64,0         H  I  S  T  O  I  R  E  D  E  S  D  O  G  M  E  S 


rianzcnum 

inv^eaiva""'        '-^'^^  excelkm  fiipiter^    le  plus  grand  des  Dieux  ^    enveloppé  de  fumier. 
I-  C'eft- à-dire,  qui  remplis  la  terre,  qui  pénètres  la  poudre,   §c  qui  es  le 

principe  de  toutes  les  générations ,  félon  la  Philofophie  des  Poètes. 

&mi.  5.  Spiritus  iritus  alit ,  totâmque  ttrfufa  per  art  m 

eJ^ens  agitât  mole.m ,  df  magno  Ce  corpore  mi/cet. 
Inde  hommum  pecudumque  genus ,  vitAqm  volantum , 
Et  quA  marmoreo  fert  monjira  fub  aquore  Pontus.  , 

Comme  Pluton  eft  le  Dieu  qui  préfide  dans  les  entrailles  de  la  terre,  qu*il 
fîgnifie  la  vertu,  qui  la  pénètre  6c  qui  l'agite,  on  pourroitfoupçonner  que 
les  Payens  Pauroient  ainfî  appelle  "Beel-Zebul^  pour  fignifier  qu'il  préfide 
fur  la  terre  êc  dans  la  pouffiére. 

Mais  il  vaudroit  beaucoup  mieux  le  dériver  de  S^aî ,  mot  Hébreu  & 
Phénicien,  qui  lignifie  habitation.  Beel-Zebul,  Dieu  de  l'habitation  kajt 
ëzfixk"^  >  c'eft-à-dire ,  de  l'habitation ,  d'oij  l'on  ne  revient  jamais ,  irremea- 
bilisunda^  comme  l'appelle  le  Poète. 

-'Siaeid,  6.  Evad/tque  celer  ripam  irremeabilis  unda. 

En  effet  il  n'e/1  point  éloigné  de  la  vrai-  femblance ,  que  les  Phéniciens  , 
ayant  honte  de  ce  nom  de  Beel-Zebub ,  Dieu  des  mouches ,  qui  donne  une 
idée  fi  bafle  de  cette  divinité ,  l'ont  avec  le  tems  changé  en  'Beel-'Zebnl ,  Dieu 
de  l'habitation  éternelle.  Ce  qui  ne  convient  pas  moins  bien  à  Pluton  que 
l'autre,  &  qui  le  fait  concevoir  fous  des  images  plus  honêtes.  Mais  après 
tout,  le  plus  fur  eft  de  retenir  l'étymologie  du  Dien  des  mouches^  comme 
k  feule  véritable. 

Il  faudroit  préfentement  voir ,  fuivant  la  méthode  que  nous  obfer- 
vons ,  quels  font  les  Dieux  Animaux  &  Naturels ,  cachez  fous  le  Pluton 
des  Grecs ,  6c  le  Beel  -  Zebub  des  Phéniciens.  Mais  je  ne  fai  fi  nous 
Beei-zebub.  pourrons  donner  de  grandes  lumières  là-defius.  Pour  ce  qui  eft  des 
Dieux  Naturels,  il  eftmal-aiféd'y  en  trouver  d'autres,  quecelle  que  nous 
avons  apprife  de  Ciceron ,  c'eft  que  Pluton  eft  Terrena  vis  atque  natura 
6cc.  Comme  Cybele,  Cerés  6cc.  fignifientla  fuperficie  de  la  terre,  qui 
produit,  6c  qui  porte  les  moiflbns  6c  les  fruits,  pareillement  Pluton  figni- 
.fie  cettavertu ,  qui  eft  répandue  dans  les  entrailles  de  la  terre.  Et  c'eft  peut- 
être  pourquoi  les  Poètes  ont  marié  Proferpine ,  fille  de  Cerés ,  avec  Pki- 
ton ,  pour  fignifier  que  cette  vertu  interne  de  la  terre  fe  marie  6c  s'unit 
avec  k  vertu ,  qui  fort  de  la  fuperficie  de  cette  même  terre.  C'eft  aufiî 
delà  fans  doute,  qu'eft  venu  ce  que  les  Poètes 6c  les  Théologiens  du Pa- 
gamfme  ont  confondu  Tluton^  2i\tcPlutHs^  irhërog^  Dieu  des  richefies. 
Parce  que  les  biens ,  dont  les  hommes  font  les  plus  idolâtres ,  6c  par  lef- 
quels  ils  s'eftiment  riches,  c'eft  l'or  6c  l'argent,  6c  les  autres  métaux ,  qui 
font  dans  le  Royaume  6c  fous  la  domination  de  Pluton:  car  autrement  je 
tombe  dans  le  fentiment  de  Lilius  Gyraldus,  que  Pluton  6c  Piutus  font 
deux  divinitez  dift'ereïites.     Et  k  confufion  que  l'on  a  fait  de  ces  deux 

divi- 


Pes  Dieux 
Naturels  a 
chez  fous 
Pluton  8c 


ET  DES  CULTES  DE  UEGLISE.  Part.lV.64,1 

divinitez  efl  caufe  qu'on  attribue  à  Plucon,  Roi  des  enfers ,  des  chofes  qui 
ne  lui  doivent  point  convenir:    Par  exemple  qu'il  avoit  habité  en  Efpa- ceograph. 
gne,  comme  le  dit  Strabon  :  ceil  parce  qu'autrefois  l'Eipagne  étoit  aux  ^• 
Orientaux  de  la  Méditerranée,  ce  que  nous  font  aujourd'hui  les  Indes  Occi- 
dentales, c'eft-à-dire,le  lieu  des  mines ,  6c  d'où  venoit  l'argent  &  l'or.  Ce  qui 
convient  mieux  à  Plutus  5  qu'à  Pluton.  Ils  difent  encore  que  ce  Dieu  étoit  Atiftoph»- 
aveugle,  ôc  que  Jupiter  lui  ôta  les  yeux  par  envie,    parce  qu'il  favorifoic  °«- 
toujours  les  bons,   &  Jupiter  vouloit  que  les  richelles  fuflent  données  à 
i'aventure.     Cela  convient  bien  à  Plutus ,  Dieu  des  richefles ,  qui  dillri- 
buë  Tes  biens  fans  confiderer  le  mérite,  mais  ne  convient  pointa  Pluton. 

Pour  les  Dieux  Animaux ,  c'eft- à-dire  les  hommes ,  que  l'on  a  confa-  Dieux  Anî- 
crez  fous  le  nom  de  Beel-Zebubj&de  Pluton,  il  y  a  apparence  qu'il  y  en  Suspfutor 
a  pîufieurs.     L'IUuftre  Mr.  Bochart  prétend  que  c'eft  Sem ,  que  les  Ido-  &  Beei-ze-' 
lâtres  eurent  en  abomination ,  à  caufe  qu'il  étoit  Patriarche  de  cette  famille,  phajeg  pait. 
qui  fe  diftingua  des  autres  par  fon  adhérence  au  vrai  Dieu,  ôcquifutenne-  ^-  ''b-  i. 
mie  de  l'idolâtrie.  Que  pour  cette  raifon  ayant  donné  l'Empire  du  Ciel  à  fon  opinion  de 
Frère  Cham ,  fous  le  nom  de  Bahal  &  de  Jupiter,  6c  celui  de  la  Mer  à  fon  bochart  que 
irere  j^aphet ,  fous  le  nom  de  T^eptune ,   ils  firent  celui-ci  Dieu  des  enfers  :  to™,^  & 
Que  par  le  même  principe  de  haine  6c  d'envie  ils  formèrent  de  fon  nom  po"iq«oi- 
aii*,  Sem ,  noQii' ,  qui  fignifie  défolation ,  i^pciv/a-foès ,  d'où  enfuite  eft  ve- 
nu le  mot  Grec  cc^yis,  l'un  des  noms  de  Pluton  ,   qui  fignifie  invifible. 
Je  nefauroisrien  prononcer  là-defTus,  finon  que  fi  les  Payens  ont  fait  de    ccéSviÇ' 
Sem  Pluton ,  Roi  des  enfers ,  je  ne  crois  pas  que  ce  foit  pour  fe  venger 
de  ce  que  Sem  étoit  ennemi  des  idolâtres.  Car  je  luis  perfuadé  que  Cham  6c 
Japhet  n'ont  pas  été  plus  idolâtres  que  Sern.  Et  ce  que  la  race  de  ces  deux 
Patriarches  fe  donna  incontinent  à  l'idolâtrie,  n'eft  pas  une  preuve  que 
le  chef  de  la  maifon  fût  idolâtre.     Car  la  même  conclufion  pourroit  être 
tirée  contre  Sem:  puifque  la  plus  grande  partie  de  fa  pofterité  devint  ido- 
lâtre durant  fa  vie.     Et  même  les  juifs ,  qui  font  afiez  jaloux  delà  gloire 
&  de  l'honneur  de  leurs  Ancêtres,   difent  que  ce  fut  Serug  de  la  famille 
de  Sem,   le  grand-pere  d'Abraham,  qui  inventa  l'ufage  des  fimulacres.  Jofiié  chap. 
Et  certainement  Tharé ,  père  d'Abraham ,  étoit  idolâtre.  '"*' 

Si  donc  la  haine  a  fait  les  enfers  le  partage  de  Sem ,  ily  a  plus  d'apparence  n  eft  pius 
que  cela  fe  fit,  après  que  lesenfans  d'Ifraél  eurent  conquis  la  terre  de  Ca-  apparent  que 
îiaan,  6c  chaflé  fes  habitans,  qui  étoient  Phéniciens.   Ces  gens,  pourfe  né€ns&*" 
venger  de  la  race  de  Sem ,  qui  leur  étoit  venu  enlever  leur  païs ,   firent  phéniciens , 
de  leur  Père  le  Dieu  des  Enfers,  6c  le  premier  des  mauvais  Démons.  Eufebe  pa/îes^dé- 
prétend  que  le  Pluton  des  Gr^cs  étoit  bien  plus  nouveau  que  cela  :  car  il  dit  cendans  de 
^u'OrcHS ,  autrement  appelU Aïàoneus^  quiefi  Pluton ^étoit  Roi  des  Mohjjes  Qu'il  rentle  Piin- 
avoît  un  grand  chien  ^  appelle  Cerbère'.  queThefée  &  Pirithor4s  firent  dejfem  d^en-  ce  desmsu- 
lever  ^  &  de  le  lui  ravir.  Que  ce  chien  dévora  1?irithous  ^  &  allô it  faire  la  me-  mons. 
me  choje  â  Thefée ,  n''e'toit  qu'Hercule  arriva ,  qui  le  délivra.      Que  de  la  eft  ^"^^'"s  in 
ne'e  la  fable ,  qui  feint  qu'Hercule  tira  le  Cerbère  des  Enfers.    Et  il  fait  vivre  cet  chronico 
Orcus  après  Moïfe,  du  tems  des  Juges.     Cyrille  d'Alexandrie  dit  qu'il  J^ J^"^^"^- 
vivoit  19 f.  ans  après  Moïfe.     S'il  y  a  quelque  vérité  dans  cette  opinion 
d'Eufebe  cela  fortifie  nôtre  conjeêlure,  que  la  transformation  de  Sem  en  Lib.  i.  coa- 
Dieu  des  enfers ,  ne  s'eft  faite  qu'après  l'expulfion  àts  Cananéens  hors  de  "um'!"^^^' 
kur  terre  par  Jofué.    Je  ne  fai  fi  dans  la  fable  de  Pluîon,   du  rapt  de.Gen.  34, 
"Pm.lN,  Mmmm  Pro- 


642         HISTOIRE  DES   DOGMES 

Piorerpine,6<:  de  Ton  retour  aux  enfers ,  il  n'y  entre  point  quelque  chofe  de 
l'Hilloirc  du  rapt  de  Dina ,  par  Sichcm,fils  d'Hemor ,  qui  après  cette  aâion 
fut  envoyé  aux  enfers ,  lui  &  tous  fes  fujcts ,  par  les  enfans  de  Jacob ,  qui 
les  firent  tous  pafler  par  l'cpce. 


CHAPITRE     V. 

'De  Dagon.       Il  vient  de  T>ag ,  foijfon  en  Thénicien.  Et  non 

de  Vagan^  froment  ^  comme  fa  crû  Thdon  de  Btblis.  Diverfès 

erreurs  de  ce  Thilon:  Dagonéîoit  Neptune,    DerceiO)  Deejfede 
la  Mer ,  elle  avoit  la  figure  de  piffon. 

Oici  encore  l'un  desBahalins,  ou  des  grands  Dieux  des  Phéniciens, 
c'eft  Dagon  :  Et  nous  ne  pouvons  pas  douter  que  les  Ifraelites  ne 
fe  foient  fouillez  de  cette  idolâtrie,  comme  des  autres,  puifqu'ils 
font  accufez  d'avoir  adoré  les  Bahalins  en  général.  Ce  Dagon  étoit  le 
Dieu  d'yîfdod^  que  les  Grecs  appellent  (t^z.ot^  ou  Az^otus^  lieu  aflez con- 
nu par  l'Hiftoire  fainte.  Il  fubfiftoit  encore,  6c  portoit  le  même  nom, 
du  tems  des  Apôtres.  Car  l'Hiftoire  àts  Aétes  nous  dit  que  Philippe , 
Aftes  8.40.  après  avoir  baptifé  l'Eunuque  de  Candace,  Reine  des  Ethiopiens,  fut  en- 
levé par  î'Efprit  de  Dieu ,  6c  tranfporté  en  Azote. 

Le  premier  endroit ,  où  il  nous  eft  parlé  de  ce  Dieu  Dagon ,  c'eft  au 
livre  des  juges.  Qiiand  les  Philiftins  fe  furent  rendus  maîtres  de  Samfon, 
par  le  moyen  de  Dalila,  ils  lui  crevèrent  les  yeux,  le  menèrent  à  Afdod. 
Et  les  Gouverneurs  des  Philifims  s'' ajfemblerent  pour  faire  un  grand  facrifice  à 
Dagon  leur  Dieu ,  &  four  fe  réjouir ,  &  ils  dirent^  noire  Dieu  a  livré  entre  nos 
mains  Samfon  nôtre  ennemi  ■&€.  Et  comme  ils  avaient  h  cœur  enjoye  ils  dirent^ 
fattes  venir  Samfon,  afin  eju'il  nous  fa(fe  rire. 

L'Hiftoire  de  ce  qui  arriva  à  ce  Dagon,   en  la  préfence  de  l'Arche, 
eft  célèbre,  6c  fe  lit  au  premier  livre  de  Samuel.  Les  Philiftins  ayant  rem- 
Ghap.  5.     porté  une  grande  viéloire  fur  les  Hébreux ,    dans  les  derniers  jours  de  la 
vie  d'Heli  Souverain  Sacrificateur,  ils  emmenèrent  l'Arche  de  Dieu,  qui 
fe  trouva  dans  le  Cainp  des  Ifraelites,  6c  la  confacrerent  comme  une  ri- 
che dépouille  à  Dagon,    Dieu  d'Afdod.        i.  Les  Philtflins  donc  prirent 
P  Arche  de  Dteu^  &  la  menerept  dans  la  mai  fin  de  Dagon  .^    &  h  poferent  aH' 
prés  de  Dagon.     2.   Le  lendemain  ,  quand  les  Afdo dien s  fe  furent  levez.  .^  voici 
'Dagon  éroirfombé  fur  fa  face  en  terre  j  devant  P  Arche  de  l'Eternel:     Mais  ils 
prirent  Dagon  ,    ç^  le  remirent  dans  fin  lieu.      g.  Derechef  ils  fe  levèrent  le  len- 
demain de  bon  matin  ^  Ô"  voici  Dagon  étoit  tombé  fur  fa  face  en  terre  ^  devant 
r  Arche  de  l'' Eternel,     Sa  tête  (f^   les  deux  paumes  défies  mains  étoient  coupées 
finr  le  fiuil  ^  feulement  Dagon  étoit  demeuré  prés  d^elle ,  c^efl-à-dire  de  l'Arche. 
4,  Pour  cette  cauÇe  les  Sacrificateurs  de  Dagon  ,^  &  tous  ceux  c^ui  entrent  dans 
fin  Temple ,  ne  marchent  point  fur  le  fieuil  de  Dagon  en  Afdod  Jufques  a  ce  jour-' 
d''hui. 

Les 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Part.lY.  64,5 

Les  Ifraèlites  ayant  été  battus  une  autrefois  par  les  mêmes  Philiflins, 
fur  la  fin  du  règne  de  Saul,  qui  fe  tua  le  jour  de  cette  bataille,  pour  ne  pas 
tomber  vif  entre  les  mains  de  (ts  ennemis,  les  Philiftins  lui  coupèrent  la 
tête  5  &  après  l'avoir  promenée  dans  toutes  leurs  villes  ,   &  préfentée  à 
tous  leurs  faux  Dieux ,  enfin  ils  l'attachèrent  dans  le  Temple  de  Dagon.     Ce  i.  chtoa. 
Dieu  continua  d'avoir  fon  Temple  en  Afdod,  ou  Azot,  durant  tous  les  fie-  ^°-  "• 
clés,  dans  lefquels  régna  l'idolâtrie,  jufques  au  temsdes  Maccabées.  Car 
l'Auteur  du  premier  dts  livres,  qui  portent  leur  nom  ,    dit  ^hc  Jonathan  ,.  Maccab 
/'^«  des  Maccabées  ^  ayant  battu  l'armée  â^ Apollonius  (Jénér al  deBemetrius  ^  ils  »«>•  «3- 
s^ enfuirent  en  Aut ,  &  entrèrent  en  Beth- Dagon  ^  qui  étoit  le  Temple  de  leur 
Idole  ,    pour  j^e  fauver  là   :   nui  e/trvjAÔov  sîg    B^iô^aywv  ,    ro  sI^coKeTov  uvrm. 
Mais  Jonathan  mit  lefen  en  Az.ot  ,  &  brûla  le  Temple  de  Dagon  ^dr  tous  ceux 
qui  sy  étaient  réfugiez.. 

Nous  n'avons  prefque  point  de  plus  fûre  lumière  pour  connoître  les  Deux  et^ 
anciennes  divinitez,  que  leurs  noms.     C'ell  pourquoi  il  faut  bien  confi-  «^^oicgiesdu 
derer  le  nom  de  celle-ci.     Dagon  peut  être  tiré  de  ;n,  dag,  qui  fignifie  quTfo?t°*^' 
poifTon  dans  la  langue  Phénicienne,  ou  de  pn  ,   dagan  ,   qui  fignifie  bk\  nfonsTri 
^froment  dans  la  même  langue.     En  effet  il  y  a  deux  opinions  fur  Da-  DieuDagon. 
gon  félon  ces  deux  étymologies.     Les  uns  veulent  que  ce  Dagon  ait  pris 
Ion  nom  de  dagan  ,  froment,  6c  qu'il  fignifie  le  Dieu,  qui  préfidoit fur- 
la  culture  des  champs.     C'eft  l'opinion  même  de  Philo  Bibhus,  le  Tra- 
duâeur  de  Sanchoniathon  Phénicien.     Cœlus  ^  dit  Sanchoniathon,  épou- 
fa  laTerre  fa  fœur ,  &  il  eut  quatre  enfans  d'elle^  Saturne  qui  fut  au  (fi  appelle 
Ilus ,  Betylus  ^  &  Dagon  <y  oçiçia-lruv^    qui  eft  le  Dieu  du  froment.     Et  peu 
après;  Or  Dagon,  parce  qu'il  avoit  trouvé  l'art  de  femer  le  blé  &  Tufa- 
ge  de  la  charrue  ,  fut  appelle  Jupiter  Aratrius,  ZfOç  âpôrpioç.    C'efl:  une  Eufeb.Prsp. 
vifion  &  une  méprife  de  Philo  Bibhus.     Dans    ce  confiderable  frag-  ^^ang.  lib. 
ment  de  Sanchoniathon ,  que  nous  avons  dans  Eufebe,  il  faut  bien  difiin- 
guer  ce  qui  eil  de  Sanchoniathon,  &  ce  qui  eft  de  fon  Traduéèeur.     Car 
Philo  Biblius  ne  fe  tient  pas  toujours  dans  les  ter-mes  d'un  iunple  Traduc- 
teur, il  eft  fouvent  Commentateur  ôc  Paraphrafte.     Et  il  n'entend  pas 
toujours  le  texte  qu'il  veut  paraphrafer.  Sanchoniathon  avoit  dit  fimple- 
ment  que  Dagon  étoit  l'un  des  fils  de  Saturne,  Philo  Biblius,  quifavoit 
que  dag  an  fignifie  froment,  s'eft  imaginé  qu'il  faloit  dériver  de  là  le  Dieu 
Dagon,  &  du  fien  il  a  ajouté  que  ce  nom  fignifie  o-/ra)v,  Se  qu'il  lui  fut 
donné  parce  qu'il  avoit  trouvé  le  froment  &  la  chârruë.  Au  reftenosSa- 
vans  ont  remarqué  plufieurs  femblables  bevûës  deceTradu6]:eur,dans  ce 
petit  fragment ,  ce  qui  fait  qu'on  ne  fe  doit  pas  trop  fier  en  lui ,  èc  qu'il 
fe  faut  fervir  de  fon  propre  jugement  pour  reconnoître  les  lieux  ,  où  il 
s'eft  trompé  &  lesdiftinguerde  ceux,  où  il  a  fidèlement  rapporté  les  ehofes, 
comme  elles  étoient  dans  le  texte  de  Sanchoniathon.  -, 

Scaliger  avoit  déjà  remarqué  que  Philo  Biblius  s'étoit  trom.pé  dans  la  Dîverfesbe^ 
verfion  du  nsi»,  fchaddai ,  le  confondant  âvecfchadai ,  le  premier  fignifie  j'ûësdePhi- 
le  Dieu  fort  &  puiflànt,  &le  fécond  fignifie  les  champs.  Sanchoniathon  Hi",  dansU 
àvoit  mis  entre  les  plus  anciens  Dieux  ni^^N,  Elfchaddai ,  qui  dans  la  g^'''""  ^^ 
langue  Phénicienne  fignifie  le  Dieu^^rand,  .puifiant,  &  pofiédant  tout  Âon. 
en  foi-même.     Mais  fon  Traduéteu^ifant  nt^'  h^  ,  £1  fchadai ,  en  a  fait 
Ô£Ôî«ypoTV]ç,.  un  Dieu  ruftique,  ou  un  Dieu  dés  champs, 

Mmmm  2.  Mais 


6l4>  HISTOIRE   DES  DO  GM  E  S 

phaiegparr.  Mais  Mr.  Bochai'C  y  a  remarqué  une  bcvûë  beaucoup  plus  confidera- 
^.h  .2.cap,  i^j^^  C'ell  que  Sanchoniathon  avoir,  dit  que  le  Dieu  Cœlus  avoir  inventé 
Origine  des  &  tfouvé  àts  picnes  ointes ,  qu'on  appeiloit  Betjilta.  Les  Phéniciens  avoient 
pimes  vo-  un  grand  refpeâ:  pour  cette  pierre,  fur  laquelle  Jacob  dormit  en  s'enal- 
ijntesdes  ]ant  en  Chaldée ,  ôc  fur  laquelle  durant  l'on  fommeil  il  eut  cette  admirable 
ctatk'it.  viiion  de  l'échelle.  A  fon  réveil  il  oignit  cette  pierre  d'huile,  &  appel^- 
^*'  la  le  lieu  Bethel^  qui  lignifie  maifon  de  Dieu.     Les  Cananéens  firent  en- 

iuite  de  cette  pierre  une  [dole,  au  moins  les  Juifs  le  difent  ainfi  ,  8c  il  y 
a  beaucoup  d'apparence,  parce  qu'il  eft  certain  qu'à  l'imitation  de  Jacob, 
ils  oignirent  dans  la  fuite  des  pierres  confacrées  à  leurs  Dieux ,  &  ils  les 
appelierent  Betjlia  ^  du  nom  de  Bethel,  oii  Jacob  avoit  oint  cette  premie- 
rs 1047.       re  pierre.     Photius  rapporte  de  Damafcius,  que  prés  d'^HliolopoUs  ,  ville  de 
Syrie  pr'oche  du  Mont  Liban  ,  zyiÇclepiaàes  monta  fur  le  Liban  ,  &  y  vit  plu- 
ftears  de  ces  pierres  ^  qu'ion  appelle  Bety-lia^  oh  'Betylion  ^  dont  on  dit  des  merveil- 
les étranges.     L'une  de  ces  merveilles  ,   qu'ils  raeontoient  de  ces  pierres 
ointes ,  c'eil  que  quelquefois  elles    s'éle voient   en  l'air.     Car  ce  même 
Damulbius  dit,  au  rapport  de  Photius,  e^ii  il  avoit  va  l'une  de  ces  pierres  fe 
mouvant  en  l'air.     Philo  Biblius ,  qui.  avoit  ouï  parler  de  ces  merveilles , 
a  jugé  que  de  ces  pierres  ointes  il  faloit  fiiire  des  pierres  vivantes.     Et  au 
Entreprife    ^^^^  9^^  Sanchoniathon  avoit  dit.     Et  le  Dim  Cœlus  inventa  ces  pierres  Qin\ 
de  Philo  Bi-  tes ,  cju  on  appelle  Betylia  ,  Philo  Biblius  a  dit.    Et  le  Dieu  (^œlus  inventa  par- 
tabk'aitera-  ^'^  ^^^  extraordinaire  ces  pierres  animées^  qu^on  appelle  Betylia.     Mr.  Bocharc 
tioii  du  tex-  foupçonne  que  cela  vient  de  ce  que  Sanchoniathon  avoit  écrit  o^a»!:,  n&^- 
choahtïon.  shaphim  ^  qui  lignifie  ointes,  ÔC  que  Philo  Biblius  a  lu  Cli'sa.,  nephashim^ 
qui  fignifie  les  âmes.    Mais  fans  cela  il  y 'a  apparence  que  Philo  Biblius,, 
ayant  oui  dire  que  ces  pierres  voloient,  Ô£  qu'elles  étoient  animées,  a  vou- 
lu faire  dire  cela  à  Sanchoni.athon ,  très  ancien  Auteur ,  afin  de  mieux  ap- 
puyer la  fuperltîtion  de  fon  teras. 

Au  refte  pour  la  juftificaîion  de  Philo  Biblius ,   ri  ne  faut  pas  dire  quer 
Sanchoniathon  peut  lui-même  avoir  avancé^cette  fable ,  que  ces  pierres 
appelléesBetyha  voloient.  Car  il  eft  certain  que  ce  conte  eft  moderne ,  né; 
depuis  la  mort  de  Sanchoniathon,  &  qu'on  n'en  trouve  rien  dans  les  plus  an- 
ciens. Entre  les  bevûës  de  Philon  de  Biblis  on  pourroit  conter  ce  que  Mr.  Bo- 
chart  remarque  aufii.  Sanchoniathoiiavoit  dit  qu'Aftarté  rencontrant  une  es- 
pèce d'aigle,  appelle  içfp/«,qui  tomboit du\Ciel ,  elle  latua  6c  laconfacra. 
On  lit  aujourd'hui  dans  le  texte  de  Philon,  qu'elle  trouva  une  étoile  volante > 
qu'elle  tuaj6c  la  confacra.Mais  c'eft  plutôt  une  faute  desCopifteSîque  de  Phi- 
lon ,  qui  fans  doute  avoit  écrit  àçspla  -,  efpece  d'aigle ,  au  lieu  qu'on  lit,  àçipa* 
Vide  Dtu-        H  étoit  neccftaire  d'appuyer  un.  peu  fur  les  bevûës  de  Philon  de  Biblij,, 
H^b^Tb^'    P°"'*  ^°^^  délivrer  du  joug  de  fon  autorité  ,  fous  lequel  Samuel  Bochart 
quïft.  8*.  '  nous  veut  aflèrvir.  Comme  s'il  n'y  avoit  aucuiTe  raifonde  révoquer  end  oii- 
Si^?Ani-  ^^  ^^  q^fun  ancien  Hiftorien^  tel  qu'eft  Sanchoniathon  ,   qui  eft   Phéni- 
maiibus  Par.  cieu,  nous  dit  de  la  Religion  des  Phéniciens.  C'eft  pourquoi  il  veut  que  Da- 
quî^cSà*'"  S°'^  vienne  de  dagm  froment,  6c  fignifie  le  Dieu  du  froment.  Quant  à  moi  né- 
fentiunt.     gligcant  l'autorïté  des  Grecs ,  je  me  range ,  fans  balancer  ,  au  fentiment 
dem°  w'  des  Hébreux, qui  eftiment  que  DAGON  ,  vient  de.D^9^,poiflbn,  Ôcque 
me  ôc  demi-  Cette  idolc  avoit  la  forme,  que  les  roëtes  donnent  aux  Tritons ,  qu'il  étoit 
J^'^Q*      demi- homme  6c  demi-poiflbo. 

From- 


ET  DES  CULTES  DE  L'E G L I S E.  P^r^. IV.  64,5 

Frons hom'mem  fréifert ,  in  pîfcem  dejînit  alvus ,  y   :. 

SfumeA  femtfero  fub  pérore  murmmat  unda.  ^Eneid.  la. 

On  dit  que  DAGON ^  depuis  le  nombril  en  bt^s ,  avoit  laform^  de poiffon  y  T<-imchï  in  z., 
Ô'  que  pour  cette  caufe  on  Pappelioit  DACJON^  &  depuis  le  nombril  en  hautil^^"^'^'  ^'  ^' 
avoit  la  forme  ^homme^  ainjî  qu'ail  efi  écrit  ,  &  les  deux  paumes  de  [es  mains 
furent  trouvées  coupées  fur  le  feuily  &  c'^efi  Pinterpretatton  de  ce  qui  e(i  dit^  pjT 
I'''7i?  nNlî'J,  &  Dagon  refiafeul^  c' efi- à- dire,  qutl  ne  refla  que  laformede  poif- 
fon.  Ce  font  les  paroles  deKimchi,  aufquelles  on  peut  ajouter  celles  d'A- 
barbinel  fur  le  même  lieu.  Nos  Doreurs  mus  ont  appris  que  Dagon ,  depuis 
le  nombril  en  haut  (^en  bas,  avoit  la  forme  de  poijfon.  Jldais  il  avoit  des  pieds 
&  des  mains  félon  la  forme  humaine.  EtR.  S.  Jarchi  Jl  TMcni  ^'«^'y  dSî:  .Rale- 
bag  eft  d'un  avis  contraire,  car  il  dit  »  un^  fimiy  Sv  D^v  tzinn  n^iti»  cnW  j"y. 
Leur  Idole  était  une  image  en  forme  humaine.  Les  Rabbins  ne  s'accordent  pas 
exaétement,  car  Abarbinel  &  Jarchi  5  femblent  vouloir  dire,  que  toute  la 
ilatuë  de  Dagon  étoitune  figure  de  poifîbn,  excepté  qu'elle  avoit  des  pieds 
&  des  mains  d'homme.  Mais  l'opinion  de  Kimchi  eft  beaucoup  plusvrai- 
femblable ,  c'eft  quç  lehautétoit  de  l'homme,  ôc  le  bas  dupoiflbn. 

Et  il  faut  avouer  qu'il  appuyé  fa  conjeâure  par  une  interprétation  du  ^ 
texte  trçs  ingenieufe  6c  très  apparente.     Car  le  texte  dit ,    que  Dagon  avoit  ta  fof. 
étant  tombé  devant  l'Arche  une  féconde  fois  ,  fa  tête  &  Çç.^  deux  mains  '"^  ^'^'"^^ 
turent  coupées  fur  le  feuil  de  la  porte ,  &  Dagon  toutfeul  re(ia  fur  foi.  Le 
Paraphrafte  Chaldée  a  tourné  Ws^v  ")Nn!:*N  \\rr\  rT"»siJ  ninS  ,  6c  le  corps  de 
Dagon  refla  feul  fur  foi.     Ce  que  nos  Interprètes ,  6c  tous  les  Modernes 
ont  fuivi.  Mais  il  ell:  beaucoup  plus  apparent  qu'il  le  faut  entendre  com- 
me Kimchi ,  que  la  tête  6c  les  mains ,  ce  qu'il  avoit  de  la  forme  humai- 
ne, lui  fut  ôté,  6c  que  Dagon  refla  feul,  c'efl- à-dire  ,  qu'il  ne  refla  que 
ce  qu'il  y  avoit  de  poifTon.     Car  il  n'y  a  pas  de  raifon  pourquoi  le  tronc 
de  Dagon  ,   privé  de  tête  6c  de  mains  ,   qui  font  les  principales  parties ,  vide  piura 
auroit  confervé  le  nom  de  Dazon^  par  oppofîtion  à  la  tête  6c  aux  mains,  apudKirchc- 
n  etoit  que  ce  tronc  etoit  le  vrai  Dagon,   ceit-a-dire  ,  le  vrai  poif- ^gypt.  sya- 
fon.  tm^.^.  ^ 

On  dit  que  de  delTous  la  queue  de  ce  poifîbn  nailToient  deux  pieds,  fur 
lefquels  il  étoit  appuyé  ,  6c  c'étoit  l'opinion  des  70.  qui  ont  ajouté  à^L- 
(poTspa  Tx  /%vvî  t£v  toiJ'wv  uiiTH  ù(pVjÇiV.ix.éMU^  &  les  deux  plantes  de  fe s  pieds  étoient 
emportées.  Cependant  l'édition  de  Londres  idfijl  faite  fur  l'exemplaire 
du  Vatican  y  au  lieu  du  mot  ttoJwv,  les  pieds,  met  xsip^v,  les  mains ,  félon 
l'Hébreu,  «^ 

AfTûrément  la  conjeélure  de  Seldenus  efl  fort  vrai-fembkble,  C'eft  que  Le  Dieu 
le  Dieu  Oannesj  que  les  Babyloniens  adoroient,  étoit  le  même  que  leDa-  Oannes.-coîî-, 
gon  des  Phéniciens.     Car  il  efl  certain  que  les  Chaldéens  ont  adoré  lessddenusde 
mêmes  Dieux,  6cfouvent  fous  les  mêmes  noms.  Berofe  rapporté  par  Eu- ^"^^y"^» 
febe  dit  que  cet  Oannes  avoit  le  corps  de  poijfon,  &  au  devons  de  la  tète  ^  po-  in  chroni^ 
fée  fur  ce  corps  ,  une  autre  tète  humaine  ^  qui  fortuit  de  dejjous  la  tète  de  poijjbn^  ^°' 
qui  pareillement  avoit  les  pieds  d'un  homme  .^  fartant  de  dejfous  une  queue  de  poif- 
fin ,  &  ayant  une  voix  humaine.    Berofe  ajoute  que  ce  monflre  fortoit  tous 
les  matins  de  la  mer  rouge  ,   venoit"  en  Babylone  ,   6c  retournoit  le  foir 

Mmmm  5  dans 


6+6  HISTOIRE   DES  DOGMES 

dans  la  mer.   Et  qu'il  avoic  enfeigné  aux  hommes  les  fciences  &  les  Arts. 

;  Seldenus  cite  encore  Apollodore,  qui,  fur  le  rapport  du  même  Berofe  ,- 

dit  que  du  tems  d'-^dorachus,  Roi  des  Chaldéens,  qui,  félon  Berofe,  étoit 

long-tems  avant  le  déluge  ,   il  fortit  de  la  mer  un  monllrc  demi-homme 

ôcdemi-poiffon,  qui  avoit  nom  Odacon  ,  QMwj^  aflïïrément  cet  Odacon  ^ 

a  bien  du  rapport  en  toutes  chofes  avec  nôtre  Dagon,  le  nom  y  ell  entier 

fans  altération. 

Dâgon  étoit      Mais  voici  ce  qui  me  perfuade  le  plus  que  DAGON  avoit  la  forme  de 

DieÏÏe  h^  poiffou,  coutre  le  fentiment  de  Druîius ,   de  Bochart,  de  Ralebag  ,   & 

Mer.  autres. 

I .    C'eft  que  ,    félon  coûtes  les  apparences  ,   ce  Dieu  Dagon   étoit 
Neptune.     Car  après  avoir  pofé ,  &  prouvé  plufieurs  fois  ,   que  tous  les 
Dieux  des  Grecs  6c  des  Latins ,  font  venus  de  l'Orient ,  ôc  particulière- 
ment des  Phéniciens  j   il  cil  clair  qu'entre  les  Dieux  des  Phéniciens ,   il 
faut  que  nous  y  trouvions  au  moins  les  principaux  Dieux  des  Grecs  6c  des 
Latins.  C'eft- à-dire  Saturne  &  fes  trois  fils,  Jupiter,  Neptune,  &  Plu- 
ton.     Nous  avons  trouvé  Saturne  dans  le  Moloch  des  Phéniciens  ,   Ju- 
piter dans  leur  Baal ,  Pluton  dans  leur  Baal-Zebub.  Il  faut  trouver  Nep- 
tune, Scnous  ne  le  {aurions  rencontrer  que  dans  nôtre  Dagon.  Certaine- 
ment il  n'y  a  pas  d'apparence  que  les  Phéniciens ,  qui  étoient  fur  le  bord 
de  la  Mer,  qui  tiroient  de  cet 'élément  de  fi  grands  ufages,  par  le  grand 
commerce  ,  &  qui  fi  fouvent  faifoient  des  voyages  fur  la  Mer  ,  n'eulfent 
pas  un  Dieu  préfidant  fur  la  Mer.    Aufiî  Philo  Biblius  nous  apprend  ex- 
prefiement,  que  la  divinité  de  Neptune  leur  étoit  connue,  car  il  dit  que 
Ubi  fuprà.    Satîime  ^  félon  la  Théologie  des  Phéniciens,  donna  la  ville  de  Berythiï  Nep- 
tune^ &  aux  Cabires^  laboureurs  &  pêchems ,  qm  J  confacrerent  les  reliqueida 
Dieu  Tontm,  Ils  connoiffoient  Neptune,  mais  ils  ne  le  connoiflx)ient  pas 
fous  le  nom  de  Toast^ihv-,  dont  fe  fert  Philo  Biblius.  Car  c'eft  un  nom  qui 
n'a  été  connu  qu'aux  Grecs ,  ce  n'eit  point  fon  nom  Phénicien.  Or  il  eft. 
raifonnable  de  croire  qu'entre  les  Phénicien*  Neptune  avoit  tiré  fon  nom, 
ou  de  la  mer  ,   ou  des  poilTons ,   for  lefquels  il  avoic  la  domination  ,   èc 
qu'il  en  avoit  la  figure,  félon  la  coutume  des  Syriens,  dont  toutes  les  Ido- 
les étoient  mêlées  de  figures  d'homme  &  de  bête, 
î.  DeNa-        1.  Je  voi  quc  Ciceron  nous  dit  que  les  Syriens  adorent  les  poifibns, 
rum.°^°"    p^fi^^  Sy^^  veneranttir.    Xenophon  nous  afiure  la  même  chofe,  en  parlant 
Lib.  de  Cyti  du  fleuve  Chalus.    Il  étoit  rempli  ^  dit-ii  ,  de  grands  poijfons  apprivoifez  ,  que 
expe  itio-    ^^^  Syriens  adoraient  co^Kfl^e  des  Dieux  ,    &  ne  foHjfroient  pas  qn'on  lem  fit  ait' 

cun  mal^  non  plus  qu'eaux  pigeons. 
inPtotre-    ^  Clément  d'Alexandrie  nous  le  dit  auffi,  les  Syro- Phéniciens  n"" adorent  pas 
P^co.  ^^g^  moins  dé  zjle  les  coiffons  ,  que  les  Eliens  adorent  fupiter.    Eft-il  apparent 

que  ceux  qui  adoroient  les  poiflbns  n'eufient  pas  dans  leur  Temple  quel- 
que Idole ,  où  la  figure  du  poilfon  entrât  ?  Et  où  la  trouverions-nous  cette 
Idole  que  dans  nôtre  Dagon  ? 
LaDéeffe         II  eit  vrai  qu'il  y  avoit  une  Déefl^e  entr'eux,  qui  étoit  répréfentée  fous 
^ïkhfigu-  ^^  niême  figure,  partie  d'homme,  partie  de  poifibn.  Mais  c'eft cela mé- 
le  de  poif-   me  qui  me  perfuade  que  Dagon  avoit  la  même  figure  :    car  cela  ne.  leur 
'*^*'  étant  pas  extraordinaire  ,  6c  ce  mélange  de  la  figure  du  poiflbn  ,   6c  de 

l'homme,  leur  étant  familier ,  il  y  a  bien  apparence  qu'ils  la  donnèrent  à 

celui 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.SP^r^IV.  647 

celui  qui  étoit  leur  Neptune.  Cette  Déeiïe,  qui  étoit  en  partie  poiflbn, 
en  partie  femme ,  s'âppclhit  Derceto^  ou  Derce ,  Mère  deSemiramis,  ôc 
c'ell  aflurément  la  même  Déeflè  ,  qui  eft  auffi  appellée  Atergatis  ,  ainfi 
nommée  quaii  Ji  "in^ ,  addir  dag,  qui  fîgnifie  poiflbn  magnifique,  félon 
Voflius  6c  Seldenus.  Strabon  Vap^dleAtargata,  au  delà  dnfieuve  eft:  Bam-  Lib.ifi. 
bjca,  appellée  autrement  Edefe ^&,  la  ville  facrée ^  ou  l'on  fert  Atargata  la  Déef- 
fe  Syrle-me,  &  fur  la  fin  du  même  livre,  en  parlant  du  changement,  que 
l'on  apporte  dans  les  noms,  il  en  donne  pour  exemple  Atargata^  qm s'ap- 
pelle Atharas^  &  que  Ctejîas  appelle  Derceto. 

Diodore  le  Sicilien  nous  rapporte  l'origine  de  cette  Déefle  6c  de  fon 
culte.  Le  paflage  mérite  d'être  répréfenté  ici  entier.  C'eft  dans  l'Hiftoire 
de  la  naiflance  deSemiramis.  Il  y  a  en  Syrie  um  ville  nommée  A fcalon ,  prés  de  'Diodotc 
laquelle  efi  kn  lac  profond ,  &  fort  abondant  en  poijfons;  dans  le  voifmage  de  ce  lac  \^^i^' 
eji  le  Temple  de  Pillufire  Déejfe ,  que  les  Syriens  appellent  Derceto^  qui  a  un  vi- 
fage  de  femme  ,  &  le  refte  du  corps  de  poijfon.  Et  les  plus  habiles  du  pais  en 
rendent  cette  raifon  ici.  Ils  difent  que  Venus  ayant  du  chagrin  contre  cette  Déef- 
fe,  la  rendit  amour  eu fe  d"^  un  jeune  homme  Syrien  ^  ajfez.  bienfait,  d"^  entre  ceux 
qui  facrif  oient  ,  que  Décrète  ayant  couché  avec  ce  jeune  homme ,  en  conçut  me 
file  ^  mais  qu'étant  confufe  du  crime  qu''elle  avait  commis^  elle  tua  le  jeune  hom- 
me ,  expofa  Penfant  qu'elle  avait  mis  au  monde  dans  un  lieu  dé  fert,  ^  fe  précipi- 
ta dans  le  lac  ,  ou  elle  fut  changée  en  poiffon.  Et  delà  eflvènu  que  les  Syriens 
encore  aujourd'hui  ne  mangent  pas  les  poijjons^  mais  les  adorent  comme  des'Dieux. 
En  fuite  il  raconte  comment  cette  petite  fille  expofée,  qui  fut  depuis  la 
Reine  Semiramis,fut  nourrie  par  des  pigeons,  ce  qui  fait  que  les  Syriens 
adorent  auffi  les  pigeons  comme  des  divinitez. 

Ovide  l'appelle  Dioné  ,  &  fait  l'Hiitoire  autrement.  Il  dit,  qu'étant 
pourfuîvie  par  Typhon  ,  elle  s'enfuit  dans  la  Paleftine,  fe  trouva  fur  les 
bords  de  l'Euphrate,  tenant  Cupidon  entre  {ç,s  bras.  Qu'entendant  du 
bruit  ellefe  jetta  dans  l'eau,  &  fut  reçue  par  deux  poifTons,  lefquels  orït 
enfuite  été  placez  dans  les  cieux. 

Nec  mora ,  profiluit ,  prfces  fuhiere  gemeïli  ,  -  i-'^-  ^• 

Tro  quo  nunc  cerms  ftdera  numen  habent,  v.  471. 

Inde  nef  as  ducunt  genus  hoc  imponere  menfîs , 
TSle  violent  timtdi  pifcibus  ara  Syri. 

L'un  &  l'autre  conviennent  que  les  Syriens  ne  mangent  point  de  poiflbn  , 
perfuadez  que  le  ventre  &  les  pieds  leurenfleroient.  Porphyre  rapporte  des  Porphyrii» 
vers  de  Menandre  là-deflus  ,   dont  c'efl:  ici  le  fens ,  regarde  l'exemple  des  ^f°  ^ 
Syriens ,  quand  ils  mangent  du  poifon  par  intempérance  ,  le  ventre  &  les  pieds  -Lv^mv 
leur  enflent  ,    c'ck  à  cela  qu'on  croit  que  Martial  faifoit  aliulion  ,    quand  àiïox^ç, 
il  difoit , 

furo  per  Sjrios  tibi  tumares-.  Lib.  4. 

Ep.  43, 

Les  Tyriens  habitans  en  Jerufalem  vendoient  du  poiflbn  aux  Ifraëlites, 
Neh.  13.  16.  Il  faloit,  ou  qu'ils  ne  fufi^ent  pas  infcétez  de  cette  fuperfli- 
tioD ,  ou  que  n'en  voulant  pas  manger ,  ils  ne  fiffent  pas  confcience  de  les 

vea^ 


648         H  I  s  T  O  î  R  E  D  E  s  D  O  G  M  E  s 

vendre,  ou  enfin  que  le  commerce  avec  les  juifs  leur  eue  tiiii, perdre  une 
partie  de  leur  iuperlHtion.  Tous  les  Syriens  ne  s'abilenoient  pas  de  poif- 
fon,  mais  feulement  les  Sidoniens,  &  ceux  qui  avec  eux  adoroient  A  (tar- 
te: Artemidorus  dv^/poKp/T/viwv  lit).  ï.  C.9.  /%0'J«ç  vravr^ç  ^VÔ/bo-;,  tài^v  avpov  n- 
vwvt£v''Sîv  h''qccprvi'j  (Ts^Dixivm^  tous  les  Syriens  mangent  du  poiffon ,  excepté 
quelques-uns  qui  adorent  Aftarté. 

Mais  pour  revenir  à  i'Hiftoire  de  Diodore,  il  dit  i.  que  cette  Déefle 
étoit  adorée  à  Askalon,  or  Askalon  étoit  toute  voinne  d'Azot,  où  étoit 
adoré  DAGON.  CarAfdod,  ou  Azot,  &.i\skalon  ctoient  deux  des  cinq 
Gouvernemens  des  Philiftins.  GazajAfdod,  ou  Azot,  Askalon,  Gath, 
&  Hekron ,  étoient  les  cinq  Gouvernemens.  2 .  Il  dit  que  cette  Déefle 
avoit  le  vifage  d'une  femme,  Ôcle  corps  de  poiflbn:  c&s  deux  chofes ren- 
dent vrai-fembiable  la  conjedure  de  ceux  qui  croyent  que  Dagon  eft  une 
Déefle  ,  &  que  c'efl:  cette  Derceto ,  que  les  Syriens  fervoient.  Ce  qui 
augmente  la  vrai  -  femblance  ,  c'efl:  que  les  Auteurs  Grecs  nous  parlent 
fort  fouvent  de  cette  Déefle  Syrienne,  demi-femme  &  demi-poiflbn.  Lu- 
cien nous  en  rend  conte  comme  témoin  oculaire,  f'^ai  vh^  dit-il,  Pimage 
Lucian.  de  àe  D^Yceto ,  ^mfait  un  étrange  fpeEiacle ,  elle  efi  femme  par  la  moitié  du  corps. 
oJMiais  depuis  les  cuijjes  jufques  aux  extrémités  des  pieds  ,  s'' étend  une  longue 
queue  de  poijfon.  Pline  en  parle  auflï ,  ôc  à  caufe  de  cette  figure  extraordi- 
naire ,  il  l'appelle  prodigiofk.  Ibi  auîem  prodigiofa  tyftergatis ,  Gracis  autem 
Derceto  di£la ,  colitur.  Or  de  DAGON ,  on  ne  voit  pas  qu'il  en  foit  par- 
lé mille  part ,  de  forte  qu'il  y  a  lieu  de  foupçonner  que  cette  Derceto 
d'Afcalon,  qui  étoit  auflîi  adorée  à  Emefc,  ell  nôtre  Dagon. 

Je  ne  faurois  pourtant  me  ranger  dans  ce  fentiment.  i,  Dagon  efl:  un 
nom  mâle  ,  &  une  terminaifon  mafculine.  2.  Non  feulement  les  Hé- 
breux, 6c  le  Texte  facré  l'appellent  toujours  Dieu,  mais  les  Grecs,  qui  ont 
quelquefois  fait  Bahal  féminin  ,  font  toujours  Dagon  mafculin.  Ajoutez 
que  Sanchoniathon  le  fait  aufl^  mâle,  &  le  conte  entre  les  quatre  fils  de 
Cœlus,  Saturne,  Betylus,  Dagon,  Atlas.  3.  Rien  n'empêche  qu'il  n'y 
ait  eu  deux  divinitez  ,  l'une  mâle  &  l'autre  femelle  ,  qui  ayent  été  ado- 
rées dans  la  même  contrée,  fous  la  même  forme,  mêlée  de  l'homme  ôc 
du  poiflbn.  Au  contraire  il  efl  apparent  que  les  Phéniciens  ont  donné  à 
la  mer  ,  deux  divinitez  fouveraines,  l'une  femelle  6c  l'autre  mâle  ,  auflî 
bien  que  les  Grecs.  Car  il  efl  à  remarquer  ,  que  comme  la  Théologie 
Payenne  donnoit  à  Jupiterjunon,  pour  compagne  du  règne  du  Ciel,  à  Plu- 
ton  5  pour  compagne  6c  Dame  des  enfers ,  Proferpine  3  ainfi  ils  ont  don- 


t.  Sam 

6. 17. 


Conjeaure 
que  Dagon 
&  Derceto 
font  la  mê- 
me divinité'. 


DcaSyiia. 

Lib.  5.C.  2î 
de  Cœle- 
Syria. 


Amphitrite 
eft  fille  de 
Doris.  En 
Phénicien 
on  diroit 

dorhatha,  fille 

de  Doris.  Je  .  .     „ 

f'?D^^"'  ^^^  ^  Neptune  ,  Amphitrite  pour  femme  6c  Reine,  dans  l'Empire  de  la 
to,  oiiDor-  nier.  Selon  cela  nôtre  Dagon  d'Afdod  efl  Neptune,  &  Derceto  d'Afcalon , 
ceta.ne      ^  pcu  de  licuës  de  là,  efl  Amphitrite,  fille  de  Doris  6c  de  l'Océan.  4.  En- 

pourioif  pas  ^  ^  .,   ^  r  ■  i  a^      t>-  r  i  ,      .    ^,       , 

être  venu  hu  û  ic  pcut  lairc  quc  le  memeDieu,regnant  lur  toutcla  mcr,  ctoit  rcprc- 
tantSuf^"  fente  en  un  lieu  comme  un  mâle,  favoir  en  Afdod  ,  6c  en  un  autre  lieu 
dansieca-  commc  uue  femelle,  favoir  en  Aicalon,  pourfignifier  la  fécondité  de  cet 
fcr?u"ï^'  éle^^'C^tî  c["i  produit  6c  qui  nourrit  tant  d'animaux.  Nous  avons  remar- 
chaidée,  &  que  cu  parlant  de  Baal^  que  les  Dieux  font  fouvent  appelfez  mâle  6c  fe- 
Sth°ftpar- ^^^^^^*  Aux  témoignages,  que  nous  en  avons  apportez  dans  cet  endroit, 
iaitement    OD  pcut  aioûtei  cc  vers  d'Orphée, 

femblablesu         r  J  r         » 

caph,  2,  .  . 

Zevç 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  TarilY.  649 

Y.svç  upavjv  yivero ,  'Zsùg  xy^^poTog  sitrero  vv}x,(pvj ,. 
qu'Apulée  a  ainli  tournez, 

fnpter  &  mas  efl ,  &  femina  nefiia  mon.  Lib.  de 

Mundo. 

Au  refte  fî  les  Grecs  n'ont  point  parlé  de  Dagon  ,  c'eft  parce  qu'appa- 
remment le  culte  de  Derceto  l'a  fî  fort  emporté  fur  celui  de  Dagon,  qu'on 
a  négligé  celui-là,  à  caufe  de  celle-ci.  Ce  qui  peut  venir  de  ce  qu'avec 
le  tems  on  efl:  venu  à  confondre  Atergatis,  &  Derceto,  avec  la  Venus  Sy- 
rienne :  laquelle  Venus  Syrienne  eft  enfin  venue  à  effacer  le  culte  ,  & 
quafî  la  mémoire  des  Bahals,  des  Molochs,  êc  des  autres  Dieux  Phéni- 
ciens &  Syriens ,  tant  elle  efl  devenue  célèbre.  Que  Derceto  ait  été  con- 
fondue avec  la  Venus  Syrienne ,  cela  paroît  par  le  paflage  d'Ovide ,  que 
nous  avons  rapporté,  qui  l'appelle  Dione  5  c'efl  un  des  noms  de  Venus, 
&  il  lui  met  Cupidon  entre  les  bras.  Strabonla  confond  aufïï  avec  la  Déef- 
fe  Syrienne  dans  les  paroles,  que  nous  avons  citées  de  lui.  Et  M.Bochart 
la  confond  avec  Aftarté,  Sed  meo  judicio  potior  eft  Feterum  Sentent ia  ,  ^«^  De  Animag- 
*Dagon ,  &  Atergatis ,  velAftarte ,  plane  diverfa  funt  numina.  Nous  verrons  \^^  ^^^'  ^' 
ailleurs  fî  l'on  a  raifon.  Quoi  qu'il  en  foit ,  je  ne  doute  pas  que  cette 
confufîon ,  qui  eft  ancienne  ,  ne  foit  caufe  que  Derceto  a  effacé  la  mé- 
moire de  Dagon.  Je  foupçonne  aufîî  que  les  Syriens ,  quand  ils  ont  eu 
commerce  avec  les  Grecs,  ont  reélifié  les  figures  de  leurs  Idoles,  &;  les 
ont  ramenées,  au  moins  la  pliâpart,  à  la  figure  humaine.  Car  au  commen- 
cement il  eft  certain  qu'ils  n'avoient  quafi  pas  d'Idoles,  dont  la  figure  ne 
fût  mutée  de  l'homme  ôc  de  quelque  bête  ,  comme  nous  avons  plufieurs 
fois  remarqué.  Or  il  n'y  a  pas  d'apparence  que  du  tems  de  Pline  ,  6c  de 
Lucien ,  les  Syriens  euffent  d'autre  Divinité  biformis ,  ou  tnformis ,  que 
Derceto  ,  autrement  ils  n'auroient  pas  remarqué  ce  mélange  de  formes 
dans  Derceto ,  comme  quelque  chofe  de  prodigieux  &  d'étrange ,  fi  cela 
avoit  été  ordinaire.  Je  croi  donc  que  la  divinité  de  Dagon ,  ayant  tou- 
jours été  en  Phénicie ,  fa  ftatuë  a  été  reétifiée  êc  ramenée  à  la  figure  hu- 
maine ,  ôc  que  c'eft  la  raifon  pourquoi  les  derniers  Auteurs  ne  par- 
lent point  de  la  figure  extrordinaire  de  Dagon,  Se  ne  remarquent  que  Der^ 
ceta 


*lAruVf,  Nnnn  C  H  A. 


650  H  I  s  T  O  I  R  E  D  E  s  D  O  G  M  E  s 


C  H  A  P  I  T  R  E     VII. 

^es  Vieux  Naturels  &  Animaux  cachez  fous  Dagon  :  les  T>ieiix 
Naturels  c'eji  la  CMer  ,  &  l'Efpnt  répandu  dans  cet  élément , 
qui  lui  donne  fes  mouvemens.  Les  Dieux  Animaux  font  Japhet 
deuxième  fis  de  Noé. 

Dagon eft le  "rjRéfentement  en  fuivant  l'ordre,  que  nous  avons  obfervé  jufquesici, 
DieuNeptu-  l"^  il  faut  voir  quclle  divinité  Grecque  6c  Latine  eft  cachée  fous- ce  Da- 
^^*  -*"    gon  des  Phéniciens.  Mais  j'ai  déjà  dit  mon  fentinent  ià-defîlis ,  c'eil 

que  je  ne  me  faurois  perfuader  que  ce  fût  autre  que  Neptune  ,  le  Dieu 
de  la  Mer:  fa  figure  de  poiflbn  le  prouve  5  car  il  n'y  a  aucune  raifon  pour- 
quoi ils  eullent  donné  une  figure  de  poifibn  à  un  Dieu  celefte.    Le  nom 


fonnable  de  préfumer  que  les  Phéniciens  avoient  un  Neptune,  auffi  bien 
qu'un  Saturne,  un  Jupiter  ,   &  un  Pluton  ,   nous  ne  le  faurions  trouver 
fous  autre  nom,  que  celui  de  Dagon.  Il  eft  vrai  qu'il  y  avoit  d'autres  Dieux 
Marins ,   qu'on  pouvoit  auffi  répréfenter  fous  la  même  foi-me.     Mais  ce 
Dagon  femble  être  le  Roi  de  tous  les  autres,  car  nous  voyons  par  i'Hif- 
toire  de  Samfon,  qu'il  étoit  confideré  par  les  Philiilins,  comme  le  grand 
Dieu,  &  qu'ils  croyoient  que  c'étoit  lui  qui  leur  avoit  livré  Samfon.  Ainfi 
dans  l'Hiftoirede  l'Arche  êcde  Dagon,  il  eft  appelle  fimplement  le  Dieu 
dts  Philiilins ,  Dagon  notre  Dieu.     Il  n'y  a  pas  d'apparence  qu'ils  lui  euf- 
fent  fait  tant  d'honneur,  fi  c'eût  été  l'un  àts  Dieux  inférieurs. 
Les  divini-       Je  remarquerai  ici  en  pafiant ,   que  les  divinitez  Phéniciennes  ont  eu 
neVn'ont    ^^urs  rcgncs ,  fclou  les  differens  tems.    Il  y  a  apparence  que  du  tems  des 
pas  unijours  Jugcs  cc  Dagon  étoit  celui,  pour  lequel  ils  avoient  le  plus  de  dévotion, 
ment  en      Moloch  cut  fou  tcms  ,   quand  la  fureur  les  pofiedoit  de  faire  pafler  leurs 
voguccom  -nhuis  par  le  feu.   Du  tems  d'Achab  &  des  Rois  d'Ifraël,  l'on  ne  parloit 
àwY^'.inlt,  que  de  Bahal,  qui  étoit  le  Dieu  àzs  Sidonicns.  Cela  eft  toujours  arrivé 
r&ba'r^  aina.  Selon  que  le  Démon  par  de  faux  mn-acles attiroit  la  dévotion,  tan- 
tôt en  un  lieu  ,  tantôt  en  un  autre ,  les  Idoles  perdoient  leur  crédit ,  ou 
l'augmentoient.    Si  Dagon  eft  Neptune,  nous  avons  auffi  lieu  de  croire 
que  Derceto'^étoit  la  Reine  de  la  Mer,  la  femme  de  Dagon,  c'eft  pour- 
quoi on  lui  donnoit  une  figure  compofée,  comme  celle  de  Dagon  j  fice- 
la eft,  Derceto  étoit  l'Amphitrite  des  Poètes  Latins  &  Grecs.  Les  Egyp- 
tiens appelloienr  la  Mer  Typhon ,  ôc  l'avoient  en  horreur,   c'eft  pour- 
quoi les  Prêtres  ne  mangeoient  point  de  fel,  &  ne  faluoient  jamais  les  gens  de 
piutarch.      Marine.     La  raifon  eit  que  la  Mer  englouriflbit  le  JNii ,   qui  eft  leur 

a  ,  cap.  17.      y  Q^Q^g  préfentement  quelles  parties  du  monde  ,  ôc  quels  hommes  on 

avoit 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  P^r/.IV.  651 

V  oit  déifiez  fous  ces  noms.  Quant  aux  Dieux  Naturels  ,  ou  parties  du 
inonde,  cachées  fous  Dagon  &  Neptune,  je  croi  qu'il  n'y  faut  chercher 
que  ce  que  les  autres  y  ont  déjà  trouvé.  Ce  qui  ell  clair  &  reconnu  de  tout 
le  monde.  C'eft  que  Neptune  eft  la  Mer,  Ôc  Tefprit  qui  conduit  cet  élé- 
ment 5  &  qui  y  caufe  tant  de  differens  mouvemcns  ,  &  tant  de  généra- 
tions. Et  comme  tout  le  monde  fait  cela,  il  n'eft  pas  befoin  que  nous  ap- 
puyons davantage  là-deîfus. 

Pour  ce  qui  eft  des  Dieux  Animaux, c'efl- à-dire  des  hommes,  Bochart 
croit  que  c'ell  Japhet.    Et  que  la  divinité  de  la  Mer  lui  a  été  donnée ,  à 
caufe  que  fon  partage,  6c  celui  de  (es  décendans,a  été  dans  les  Iles,Pe- 
ninfules,  6c  terres  au  delà  de  la  Mer,  c'eil-à-dire,  dans  l'Europe,  félon 
ce  que  remarque  Laétance,  Neptuno  maritime  omnia  cum  infulis  obvenerunt,  DeFalfaRe- 
„Ce  qu'il  appuyé  du  témoignage  de  Euhemerus  Mefîinien,  quia  faitPHif-  cap.Tit^"'' 
toire  des  Dieux ,  tirée  des  inlcriptions  6c  des  monumens  des  Temples , 
pour  montrer  qu'ils  avoient  tous  été  hommes  ,   6c  qu'ils  étoient  morts. 
Ennius,  qui  a  tourné  cet  Auteur,  6c  qui  l'a  fuivi ,  dit,  Jupiter  hnperium 
Neptuno  dat  maris ,  ut  infulis  omnibus  ,    &  <juiz  fecundum  mare  loca  fmit  omni- 
bus ^regnaret.  Bochart  prétend  que  le  nom  Grec  de  Neptune,  Tocrf/Jwv,  eft 
Phénicien,  6c  fignific  étendu,  de  {i3'»Li'9 ,  qui  fignifie  cela  miémej  à  eau-  PesMtan, 
fe  de  la  vafte  étendue  de  la  Mer.    Le  Latin   Neptunus  peut  venir  d'uae 
même  origine.  Japhet ,  ou  Japhté ,  ou  Jipheté ,  vient  de  la  racine  nns , 
qui  fignifie  élargir,  Niphete ^  Niphetin ,  d'oii  vient  en  fuite  TS^eptunus ^  fi-  orîginedu 
gnifie  large  6c  étendu.    Et  le  mot  v£<?ôt;v,  par  lequel  les  Egyptiens  figni-  "«"^  ^^ 
fioient  les  extremitez  de  la  terre,  les  Promontoires,  6c  tout  ce  qui  tou-    ^^'"''^' 
choit  la  Mer  ,   peut  être  la  fource  immédiate  d'oii  eft  venu  le  ^eptutius 
des  Latins.     Mais  vicpôuv  peut  venir  du  nom  de  Japhet ,   ou  de-t?iphete\    . 
étendu,  6c  ainfi  ils  auront  toujours  une  même  origine.  Cette  Nephthys 
eft  aufti  appeliée  Nephthé  par  Plutarque  deliid.chap.7.  6c  Nephthys  au  piutarquede 
chap.  18.  où  il  dit  qu'elle  fut  mariée  à  Typhon,  6c  qu'elle  fignifie  les  con-  ifi&ofiti 
fins  de  la  Mer  ;  6c  quand  le  Nil  débordé  fe  mêle  avec  les  rivages  5c  Pro-  *^  ^^''^'    ^^' 
montoires  de  la  Mer,  il  appelle  cela  l'adultère  d'Ofiris  ,6c  de  Nephthys, 
vé(D8v'j.  Evidemment  de  là  vient  Neptunus^cav  il  n'y  a  aucun  changement  5  ni 
différence  entre  le  Nephtan  des  Egyptiens,  6c  le  Neptunus  des  Romains,  que  la 
terminaifon  en  us ,  que  les  Latins  ont  ajoutée.  Il  eft  vrai  que  Japhet  eft  pafle 
entre  les  Grecs  avec  moins  de  changement,  car  on  ne  peut  pas  douter  que 
le  japetus  des  Grecs  ne  foit  le  Japhet  des  Hébreux ,  6c  en  effet  les  Grecs  font 
décendus  de  Japhet  par  Promethée,qui  eut  E'a^vjv  de Pyrrha,  l'une  de  fes 
femmes,  d'oij  font  venus  E"aav)V£ç,  les  Grecs.  Mais  cela  n'empêche  pas  que  le 
même  perfonnage  n'eiit  pafté  chez  eux  fous  un  autre  nom  ,  c'eft  celui  de 
TtcaeLàm^  6c  fous  une  autre  idée,  c'eft  celle  de  Dieu  de  la  Mer  :   à  caufe 
des  differens  évenemens  &  circonftances ,  dans  lefquelles  une  même  pei'-     • 
fonne  s'eft  rencontrée,  qui  ont  donné  lieu  à  multiplier  les  perfonnes. 

Japetus  eft  dans  la  fable  l'un  desGeans,  qui  firent  la  guerre  à  Jupiter, 
en  accumulant  montagne  fur  montagne.  Cette  guerre  des  Geans  contre 
le  ciel  eft  venue  de  l'Hiftoire  de  la conftruétion  de  la  tour  de  Babel:  6c 
Japhet,  fils  deNoé,  étoit  fans  doute  du  nombre  de  ceux,  qui  formèrent 
le  dclTein  de  bâtir  cette  tour.  D'autre  part,  dans  la  Théologie  des  mê-  • 
mes  Grecs,   la  même  perfonne  eft  ^^p^eWée  Neptune^  Dieu  de  la  Mer, 

Nnnn  i  parce 


652  HISTOIRE  DES   DOGMES 

parce  que  peu  de  tems  après ,  dans  le  partage  de  k  terre  ,  Japhet  eut  le 
pais  au  delà  de  la  Mer.   Et  comme  ces  pais  leur  étoient  inconnus  ,    & 
qu'ils  avoient  vu  partir  la  race  de  Japhet  fur  des  vaifleaux,  les  ayant  vu 
fur  la  Mer ,  &C  ne  fâchant  ce  qu'ils  ccoient  devenus ,  cela  donna  occafion 
Origine  de    à  la  fable  de  Neptune  ,   &  des  Tritons ,  6c  autres  divinitez  maritimes  , 
T-^^'^n  h"    ^'•^'^^s  difoient  habiter  dans  la  Mer.     Ce  font  là  les  conje6lures  les  plus 
bi'tansdeU    vrai-fcmblablcs ,  qui  fe  puiflent  faire  là-deflus,  fi  ce  n'ell  qu'on  peutajoû- 
*'^"'  ter  que  Noé  me  lemble  auiîi  caché  fous  ce  Dieu  Dagon ,  ou  Neptune  j 

car  enfin  cet  Empire  de  la  Mer ,  me  paroît  convenir  parfaitement  ,à  ce- 
lui ,  qui  s'ell  rendu  Maître  de  la  Mer ,  qui  a  flotté  plufieurs  mois  fur  les 
eaux  du  Déluge,  &  qui  efl:  échapé  lui  feul  des  eaux,  qui  ont  détruit  tous 
les  autres.  Il  efl  ordinaire,  6c  même  cela  efl  perpétuel,  aux  fables, de 
confondre  le  père  avec  le  fils. 

Pour  ce  qui  efl  de  Derceto,  que  nous  efHmons  être  Amphitrite ,  fem- 
me de  Neptune ,   les  Hifloriens  la  font  mère  de  Semiramis.     Ils  difent 
qu'elle  étoit  Phénicienne ,  du  pais  d'Afcalon.   Ainfi  il  y  a  apparence  que 
c'eft  quelqu'une  des  femmes  de  la  race  de  Canaan ,  que  Semiramis  ,  qui 
devint  Reine  de  Babylone ,  fit  mettre  au  nombre  des  divinitez  après  fa 
mort  :    afin  de  rendre  fa  naifTance  plus  illuflre ,  èc  fe  pouvoir  dire  fille 
^'une  Déeiîe  ,  &  pour  cacher  la  honte  de  fa  naifîànce  ;  car ,  félon l'Hifl 
Diodore  Si-  toirc  de  Diodore  ,   Semiramis  vint  d'une  couche  de  fornication.  C'étoit 
Bibiiothei  l'ordinaire  des  grands  hommcs,  dont  la  naifîànce  étoit  obfcure ,  ou  tachée 
de  quelque  infamie  ,  de  la  couvrir  du  voile  de  quelque  belle  fable ,  où  il 
Coutume     entroit  toujours  quelque  Dieu.     C'efl  ainfi  que  Romulus  ,  pour  couvrir 
eSr??e"s'^^    fa  uaiffànce  hontcufe  par  le  crime  de  fa  mère  %hea  Sylvia  ,   voulut  faire 
Payens,  de    ciwe  qu'il  étoit  fils  de  Mars.     Alexandre,  dont  la  Mère  Olympie  n'é- 
DKuïeïue  ï<^i^  F'^^  apparemment  fort  fage  ,  fut  bien  aife  de  cacher  l'infamie  de  fà 
leiuîAn-      mère,  &  fa  honte,  fous  la  fable  de  Jupiter  ,   qui  vint  coucHer  avec  el- 
le ,  dans  la  forme  d'un  ferpent.     Il  y  en  a  cent  exemples  de  cette  na- 
ture dans  l'Hifioire.  On  peut  ajouter  aufïï  que  c'étoit  la  folie  des  grands 
entre  les  Anciens,  de  vouloir  décendre  de  quelque  Dieu  ,  ou  de  quelque 
Héros.  Les  Rois  de  Macédoine  fe  difoient  décendus  d'Hercule  ,  Olym- 
pie  Mère.  d'Alexandre  difoit  qu'elle  étoit  du  fang  d'Achille.    Ainfî  pour 
avoir  des  Dieux  dans  leur  maiicn  ,   ils  déifioient  leurs  parens.     Et  c'efl 
peut-être  encore  pourquoi  Semiramis  fit  de  fa  mère ,  la  DéefTe  Derceto, 
ou  Atergatis, 


cate«. 


CHAPITRE     VIII. 

Les  Vieux  des  Orientaux  îranfportez  en  Samarie.  Nergaly  Ashima^ 
ce  font  divers  noms  du  Soleil. 

E  font  là  les  priifcipaux  Dieux  de  la  Palefline.  Avant  que  de  pafler 
aux  Déefles  ,   il  faut  dire  quelque  chofe  de  quelques  autres  divini- 
tez ,  dont  le  culte  a  fouillé  la  Terre  Sainte ,  mais  dont  nous  ne  fa- 
yons  rien  que  les  noms.     Ce  font  cts  fliux  Dieux,  qui  furent  appor- 
tez dans  la  Samarie  ,   après  que  Salmanafîàr  en  eut  enlevé  les  dix  Tri- 
bus. 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  TartW.  655 

bus.  Il  y  envoya  des  peuples  qu'il  tira  de  l'Orient.  Et  le  Rdi  des  Affy-  z.R^îs.ir. 
riens  fit  venir  des  gens  de  Babel  ^  de  Cuth ,  de  Hava,  ,  de  Hamath  ,  ç^r  de  Se-  *'♦• 
pharvaim  ,  &  les  fit  habiter  dans  les  villes  de  Samarie  ,  en  la  place  des  cnfans  d'Ifra'èl. 
Tous  ces  peuples  apportèrent  avec  eux  leurs  Idoles.  Les  gens  de  Babel 
firent  Succoth-Benoth  ^  ceux  de  Cuth  firent  Nergal^ceux  de  Hamath  firent  Ashi- 
ma  ^  les  Haviens  firent  TSljbk^s  &  7 arîak^  Mais  ceux  de  Sepharvaim  bruloi&nt 
_  leurs  enfans  a  zAdrammelech  &  Anamelech.  Pour  ce  qui  eftde  Succoth-Be- 
noth ,  nous  la  renvoyons  au  chapitre  desDéeffes,  &ron  aura  quelque  cho- 
fe  de  coniîderable  à  en  dire.  Quant  aux  autres,  ce  font  des  divinitez in- 
connues. Excepté  Adrammelech  &  Anamelech ,  dont  nous  avons  parlé 
dans  le  chapitre  de  Moloch ,  &  qui ,  félon  toutes  les  aparences  ,  font  le 
même  Dieu  que  ce  Moloch.  Les  Grecs  ont  fort  déguifé  ces  divinitez 
dansjeur  Verfion.  Ils  appellent  la  DéefTe  de  Babel  SwKwôBev/ô,  la  divini- 
té de  Cuth  E'pyà?^,  celle  de  Hamath  AV;/xàô,  celle  de  Hava  E'|3AaÇfp,  nom  fort 
éloigné  àe  T^ibchaz.  Ils  ont  confervé  les  noms  de  T^^r^^^,  »  d^Adramme-^ 
leih  &  (^Anamelech.  Mais  il  leur  a  plû  de  faire  de  tous  ces  Dieux  des 
Déciles,  excepté  Adrammelech  ôc  Anamelech,  car  ils  ont  mis  devant  tous 
ces  noms  l'article  féminin,  rviv.  Il  ne  feroit  pas  aifé  de  deviner  pourquoi, 
car  il  y  a  plus  d'apparence,  qu'excepté  Succoth-Benoth,  c'étoient  tous 
des  Dieux  mâles. 

Le  premier  de  ces  faux  Dieux,  c'eft  Nergal  Sjn''3,Dieu  des  habitans  oeNergii, 
derKuth.     Les  Juifs  veulent  que  Succoth-Benoth  ,    fût  une  poule  avec  (es  ^a^^^^f~ 
pouffins,  6c  que  1S[ergal  fût  un  coq.     Voici  le  paflage  du  Talmud ,  d'oià  Juifs  contre 
en  fuite  tous  les  autres  ont  puifé.     '^abbi  fuda  a  dit,  fitr  le   rapport  d'^un  Jranfpox"/ 
autre  Eabbin^  les  hommes  de  'Babel  firent  Succoth-'Benoth.     jQu'efi-ce  que  ce-  enSamarie. 
lai  c''efi une  T ouïe.     Les  habitans  de  Kuth firent  Nergal.     Qu'efi-cecjuecelé? 
c^efi  un  coq ,    SlJii'in.     Ceux  de  Hava  firent  Ashirna  :  c''€ft  un  boucfauvage.  Ceux  xaimud 
de  Hava  firent  Nibel^as  &  Tartak^^  cefi- à-dire  ^  un  chien  &  un  me.     ^eux  de  ^^^i^.Sinbe- 
Sepharvaim  brûlèrent  leurs  fils  &  leurs  filles  à  <iyidrar/imelech  ^  zy^namelech.    ^^' 
-dUtoit  le  mulet  &  lecheval^dontlepremiers^appelloit  Adrammelech  ^fi^voir  le  mu- 
let ,parce  qu'ail  contribue  à  la  magnificence  de  fon  maître  ^&  le  chevals' appelle  Ana- 
melech^ parce  qu^il  efi  doux  &obéïJfant  à  fon  maître  au  jour  de  la  bataille.  C'efl:  i"  Com- 
de  là  qu'ont  puifé  RachijKimchi  ,&  Abarbinel.  Ce  dernier ,  (iivoir  Abar    """'. 
binel ,  conte  cette  idolâtrie  pour  la  ilxiéme.     La  fixiéme  efpece  d"* idolâtrie ^  2..  Reg. 
dit-il ,  efî  celle  dans  laquelle  les  Payens  ont  adore'  quelque  animal ,   s''imaginant 
qu'il  y  avait  en  lui  quelque  vertu  fpirituelle  ,  qui  lui  avait  été'  in^.primée  par  les 
chofes  fupérieures.     Tels  ont  été  Afiaroth  &  Dagon.^  Idole  des  Thihfiins.    Telle 
aufii  a  été  Pidolatrie  du  ^'Dragon ,  ou  de  la  grande  baleine ,  que  nos  pères  difeni  avoir 
éiétué par  Daniel,     Atnfi  les  Chaldéens  ,    qui  vinrent  pour  habiter  la  terre à^ If- 
raël ^  firent  Succoih-Bmoth ,  qui  fignifie  des  poules  avec  leurs  poufilns  Çy-'c. 

Mais  ce  font  de  pures  viiions  des  Rabbins ,  ou  plutôt  de  malignes  ca- 
lomnies des  Juifs,  inventées  par  la  haine  qu'ils  avoient  contre  les  Sama- 
ritains. Ces  Samaritains ,  contre  lefquels  les  Juifs  confervent~"encore  au- 
jourd'hui une  haine  immortelle ,  étoient  décendus  de  ces  Peuples ,  que 
SalmanaOar  avoit  tranfoortez  enSamarie.  Pour  rendre  les  enfans  odieux, 
ils  ont  Voulu  exaggerer  l'idolâtrie  des  Pères,  ôc  les  rendre  exécrables  ôc 
ridicules,  par  les  vils  anini  aux ,  qu'ils  leur  imputoient  d'avoir  adoré.  Car 
Cl  on  examine  quel  cfl  le  fondement  de  ces  opinions  des  Juifs  ^  on  veri^ 

Nnnn  5  qu'il 


mentariis  ixs 
cap.    17. 


654        HISTOIRE   DES   DOGMES 

qu'il  n'y  en  a  aucun  j  ou  que  cela  n'ell  Fondé  que  fur  defaulfes  ctymolo- 
gies.  Far  exemple  Succoth-Benoth ,  félon  eux ,  c'ell  une  poule  avec  les  pouf- 
fins,  à  caufe  que  ^idlj»  lignifie  un  coq,  &  licmih  fignifie  des  filles  &  des 
enfans,  V.r3  elt  un  coq,  à  cauie  de  quetque  rellemblance  qu'il  y  a  entre 
Sj-)i  ,  ncrg:il  ,  ôc  S*).i:in,  tarnegol,  qui  lignifie  coq.  Nibekas,  c'eft  un 
chien  abboyanc  avec  véhémence,  à  caufe  que  nn:  fignifie  abboyer.  Ce 
font  Kl  des  impertinences,  qui  ne  font  pas  dignes  d'être  refutées.  C'ell 
pourquoi  je  fuis  allez  lurpris  que  le  fivant  Grotius  en  ait  adopté  une  partie. 
Annot.  in    'NerqaL  dit-il,  était  une'Déeèe.  qu'ion  adorait  fms  la  forme  d'une  poule  Chh- 

2.  Reg.  17.      ^   ^     Z       .1  I  ■         r  u     J'         /  c-  •  '^      i  -, 

31.  vage.,  &  Ashtma  jatis  celle  a  un  voue,     b  imaginant  que  ces  D>Tj;iii',  dont  il 

cap.H-M.  ell:  parlé  en  Efaïe,  font  ces  boucs  ,  ou  Satyres,  que  les  Samaritains  ado- 
roient.  Pour  nous  en  laiflant  ces  étymologies  malignes,  nous  tirei'onsjdes 
noms  de  ces  faux  Dieux  toute  la  lumière  que  nous  pourrons. 

Quant  à  la  lignification  de  Nergal^  elle  me  paroît  fort  aifée  à  trouver, 
Ta  ,  ou  13,  dans  la  langue  Cananéenne  &  Chaldaïque,  fignifie  un  feu,  un 
VoiProverb.'fliimbeau ,  uuc  lauipc.  D'i^/îi'"!  13  Proverb.  14.  20.  La  lanipe  desméchans.  hn 
53^/2°.  29.  vient,  oudcSS."!,  galal,  ou  de  nSj  ,  gala:  le  premier  fignifie  rouler,  6c 
Exod.  3p. ,  le  fécond  fignifie  découvTir,  manifeiler,  6c  par  conféquent  1S[ergalûgni- 
^^'  Çic  flAn'ibean  roulant^  ou  flambeau  éclairant.     Et  il  n'eft  pas  malaifé  de  de- 

viner que  c'eft  le  Soleil,  qui  eft  indiqué  par  ce  nom,   &  qui  étoit  adoré 
par  les  Peuples  de  Cuth.     Chacun  fait  au  refteque  les  Perfes  ôclesChal- 
déens  adoroient  le  Soleil.     Et  nous  parlerons  de  cette  idolâtrie  en  fonlreu. 
Ashima.  Ashima  eil  le  nom  de  l'Idole  du  Peuple  de  Hamath.  Kî3''îi'ï^,   c'cik.  celui 

cequïndit  qtie  les  Juifs  difènt  avoir  eulaforme  de  bouc.     Il  eft  bien  vrai  que  lesPa- 
s.  jciôme,   yens  ont  eu  des  Dieux  champêtres,  aufquelsilsdonnoient  cette  forme ,  tel 
étoit  Pan,  &  les  Satyres,  les  divinitez  des  bois,  que  l'on  peignoit  avec 
dzs  oreilles  hautes  &  pointues,  5c  des  pieds  de  bouc. 

Horat.  Ub.  Bacchum  in  remotis  carmina  rupihus 

n -v\"^^'"*  l^'^idt  docentem.     Crédite  pollen , 

NjmphÀfqiie  difcentes-j   &  aures 

Capripedum  Saîjrorum  acutas, 

îaEutcrpe.  Pan  eft  appelle  par  Hérodote  fô<7C7rpoVwToc.  Les  Peintres,  dit-il,  répré- 
[entent  Pan  ^  comvne  font  les  Grecs  ^  avec  un  vtfage  de  chèvre  &  des  jambes  de 
bouc.  Ce  n'efi  pas  cjuHts  crojent  cjfiilfoiî  ainjtfait  :  car  ilsfavent  bien  qutlefi 
fimblMe  aux  autres  Dieux.  C'ell- à-dire,  que  c'ell  fimpLement  une  figu- 
re fymbolique.  Les  Juifs  prétendent  que  ce  font  ces  Dieux  boucs  &  chè- 
vres ,  que  l'Ecriture  appelle  n'<^)'^V^,  Shehirim\  comme  au  Le  v.  1 7. 7.  c^  quih 
nefacrifient  plus  Dn^j;!^  ,  Vashehirim ,  aux  Démons  ,  avec  lefquels  ils  ont  pat!- 
%rdé.  Et  en  Efaïe  chap,  34.  14.  en  faifant  la  defcription  d'une  extrê- 
me défolat  ion,  dans  laquelle  feroient  réduites  les  habitations  des  hom- 
mes ,  il  dit  que  le  luiton  ,  i^j/Lî' ,  criera  à  fon  compagnon  ,  êc  qu'ils 
'-s'entr'apelleront.  Maimonides  après  avoir  parlé  des  Egyptiens  ,  qui 
adoroient  les  brebis ,  &  avoient  en  abomination  les  Bergers ,  dit  quily  en 
a  d'^autrej  ^ui  adorent  les  Démons  ,  efiimam  qu^iU  avaient  la  forme  de  boucs ^ 
Cefi  pourquoi  ils  appelloient  les  Démons  ^'^'y^y^  .^  c'^eft-à-dtre  ^  boucs.  Laquelle 
fipmii>n^  d:i  tenu  de  Moïfe ,    étoit  déjà  fort  étendre.     C'efi  pourquoi  il  dit  au  chap, 

17- 


ET  DES,  CULTES  DE  L'EGLISE.  P^rMV.  655 

17.  dfi  Levhiqtie'f  ."j .  ils  ne  facrifieront  plus  mx.  D^l^^/ti^j  aux  boHCS^^;  ou  aux 
Démons ,  fins  la  forme  de  boucs.  Et  de  là  veiwit:.  cju'' entre  ces  gens  il  était  défen- 
du  de  mmgerdeU  chair  de  bouc.  Parce  que  ce  mot  Tj?'^  figiiifie  velu ,  plein 
de  poil  comme  un  bouc,  on  croit  que  le  Saint  Efp  rit  dé  (igné  les  Démon? 
fous  cette  figure  des  Satyres,  fous  laquelle  les  Payens  les iéi'voient , &  la- 
quelle même  on  dit  qu'ils  ont  empruntée  quelquefois,  pour  apparoîcre  aux: 
hommes.  Si  l'on  en  croit  S.  Jérôme,  dans  la  vie  de  Paul  Herraite,  S. 
Antoine  en  trouva  un  en  traverfant  les  déferts  de  l'Afrique,  pour  aller 
chercher  Paul.  IS^ec  mora  inter  faxofam  convallem ,  haud grandemhommi~ 
culum  videt ,  aduncis  naribus^  fronte  cornibus  afperata^  cujus  extrema  pan 
corporis  in  caprarum  pedes  dejînebat.  Ce  Satyre  préfenta  à  S.  Antoine  des 
dattes ,  &  S.  Antoine  lui  demanda  qui  il  étoit,  à  quoi  ce  monflre  lui  ré- 
pondit. Mortalis  ego  fum ,  d"  unus  ex  aceolis  Eremi  ,  qms  vario  deluja 
erroregentilitas ,  Faunos  ^Satjropjue  ^  &  Incubas  vQcans^  colit.  Legatione  fungor 
Gregis  mei.  T^recamur  ut  pro  nobis  communem  Deum  depreceris ,  c^uem  pro 
falute  mundi  venijfe  cognovimus  ;  &  in  univerfam   tervam  exiit  fonus  ejus. 

Peut-on  s'empêcher  de  remarquer  en  paiîant  le  caraétere  inféparable  Efprit  des- 
des  Légendaires,  &  de  ceux  qui  fe  font  mêlez  d'écrire  les  vies  des  Saints,  ^^°Jg"^j|.^'Jg^ 
c'eft  d'aimer  à  forger  des  fables,  quelque  habiles,  ôc  quelque  honêtesgens  fables, 
qu'ils  ayent  été  d'ailleurs.  Car  enfin,  il  n'y  a  rien  dans  les  Légendes  mo-  ' 
dernes,  qui  forte  plus  de  la  vrai-femblance ,  que  les  deux  vies  de  Paul  5c  s_  jeiôme  a 
d'Hilarion,  qui  ont  été  compofées  par  S.  Jérôme.  Elles  font  rempHesd'Hil-  e^i  lapande 
toires  de  la  force  de  celle-ci.  *^"  ^  ^"'' 

Pour  retourner  à  nos  Satyres ,  ce  qu'ajoute  S.  Jérôme  eft  encore  plus 
furprenant.  C'eft  que  pour  empêcher  qu'on  ne  doute  de  la  vérité  de  cet- 
.te  apparition,  il  raconte  que  du  tems  de  Conftantin,  onprit  dans  ledé- 
fert  l'un  de  ces  Satyres  vif,  qu'on  1  amena  à  Alexandrie,  ou  il  mourut, 
&  qu'on  embauma  fon  corps,  pour  le  conduire  à  Antioche  ,oià  étoit  alors 
l'Empereur.  On  peut  ajouter  à  tout  cela  les  dépofitions  des  Sorciers,  & 
leurs  confeffions,  qui  pofent  que  dans  leurs  alîembiées  noéturnes,  le  Dé- 
mon leur  apparoît  en  forme  de  boue.  Tout  cela  peut  fervir  à  prouver 
qu'il  n'eft  pas  impoflible  quelaconje6î:ure  des  Juifs,  fur  le  Dieu  Ashima, 
foit  véritable.  Mais  ce  n'eft  pas  allez  pour  prouver  qu'une  chofe  eft 
vraye ,  d'avoir  prouvé  qu'elle  eft  pofhble.  Ainfi  je  n'en  fuis  pas  plus  per- 
fuadé,  que  le  Dieu  Ashima  fût  un  Dieu  Pan,  un  Faune,  un  Satyre >  en 
forme  de  bouc. 

Elias  Germanus  veut  que  ce  fût  un  finge,  fmia.  Il  veut  que  le  mot  inThisbi, 
Ashemai  vienne  d'Ashima.  //  me  femble  beaucoup  plus  fur  .^  dit-il,  de  dire  '"J^^.» 
<^ue  ce  mot  vient  de  ce  qui  efidit^  &  ils  firent  Ashima^  qm  tfi  un  finge  ^  lequel 
en  effet  en  langue  vuli^aire  s^ap pelle fimia.  Et  de  la  vient  qu'on  appelle  un  vieilUrd 
nsOL^N,  Ashemai  .f  comme  qm  dir  oit  fait  comme  un  finge.  Je  ne  vois  pas  d'autre 
fondement  de  cette  conjecture  que  la  reflemblance-,  qui  eft  entre  le  mot 
latin  fimia ,  cc  le  nom  Ashima.  Ce  qui  eft  un  peu  ridicule  de  dériver  le 
nom  d'une  Idole  de  l'Orient,  d'un  mot  latin. 

S'il  m'eft  permis  de  faire  ma  conjecture,  je  dirai  qu'il  eft  vrai-fembla-   Notasie 
ble  que  h^wn  vient  deh'^o  Nti>  ,   Esh  maia  ,  il, n'y  a  du  tout  qu'une  pe   îu"']e^Dku 
tite  tranfpofition  d'une  feule  lettre,  mettant  le;W  après  le  me7n^  au  lieu  Ashima, 
que  dans  Ashima,   îvê^^Ji^N,  il  eft  devant  le  rnsm.    Et  avec  ce  petit  chan-  Haaïth,^ 

gement 


656  HISTOIREDESDOGMES       " 

cernent  ce  mot  fignifie  Ufeu  des  deux  ^  «r2Li'!:'«.  Veut-on  même  ne  point 
fairedetranfpofitionjlilezNO'  ^^,€sh\om(i^€zÇt-'^-^\xc^igniidïmnus^ç,içx!i\oyjiX' 
nalier,  ou  le  feu  perpétuel ,  ouïe  feu  qui  fait  le  jour,  ôc  tout  cela  figni- 
fie le  Soleil,  6c  le  feu  fon  emblème.  Or  on  fait,  &  nous  prouverons  dans 
la  fuite ,  que  le  Soleil  &  le  feu  étoient  les  Dieux  des  païs ,  d'où  ces  Na- 
tions avoient  été  tranfportées. 


CHAPITRE     V  1 1  L 

'De  Nibechaz. 


Lib.  I.  Bi- 

bliothecae 
pag.is.  6c 
16. 


LEs  Haviens  firent  îna3 ,  8c  pmn,  Nibecliaz  ScTarthak ,  le  premier,fêîon 
les  Rabbins,  étoit  un  chien  vehementer  latrans ^commc  dit  Abarbineljpar- 
ce  qu'il  le  dérive  de  n33 ,  nabach^  qui  fignifie  abboyer.  Certainement  il  y 
avoit  un  Dieu  en  Egypte ,  auquel  on  donnoit  en  hiéroglyphique  la  for- 
me d'un  chien.   Il  s'appelloit  Anubis, 

OmnigenumqHe  Deâm  monïira  &  Uîrator  Anubis. 

Sur  ce  paflage  Ser vius  dit ,  Anubis  dicitur  latrator ,  e^uia  capite  canino  pingi" 
tur.  Et  il  ajoute ,  in  larario  etiam  conÇecrahmtm  ea  figura  ,  &  lares  vefiie- 
bantur  pellibus  caninis,Ht  Jtgnificaretur  eos  ejfe  domus  cu/î-odes..Ejt  Diodorele  Si-* 
cilien  dit ,  qu' OJiris  ,  allant  à  la  conquête  du  monde  ,  fut  accompagné  de  deux 
grands  hommes  ,  Anubis  &  Aiacedo ,  qui  empruntèrent  leurs  armes  ,  ou  enfei- 
mes^  d&s  animaux  y  avec  le  [quels  leur  courage  avoit  du. rapport  ,  qu  Anubis  fè- 
vêtit  d'aune  peau  de  chien  ^  (^  Aîacedo  d'aune  peau  de  loup.  Oeft  pourquoi  ces  bêtes^ 
font  adorées  par  les  Egyptiens.  Quant  au  chien,  Juvenal  nous  l'a  déjà  dit  plus  d'u- 
ne fois.  .  .    • 


Jaycnaîi*. 
Satyia.  ïJ. 

Libro  de 
îûde.c.  6. 


Loco  fapïà 
«iuto. 


Oppida  tôt  a  çanem  veneranîur ,  tjems  Dianam. 

Minutius  Félix ,  dans  fon  Oélavius ,  l'appelle  K.vvo^i(JiuUç ,  IJîs  peràitumft" 
lium  cum  Cynoce^halo  fuo  ^(jr  aliis  facerdotibus  luget  ^plangit ,  inquirit.  Le  mot 
Anubis  femble  être  Hébreu  nnin,  Hanoubeh ,  latrator.  Selon  le  fentiment 
de  Plutarque,  cet  Anubis  étoit  Mercure ,  répréfenté  hieroglyphiquement 
par  cet  animal ,  qui  eft  le  lymbole  de  la  vigilance.  Une  preuve  de  cela, 
c'efi:  qu'il  était  principalement  adoré  à  Hermopolis  ,  ville  d'Egypte ,  qui 
étoit  confacrée  à  Mercure.  Hune  volunt  eife  Mercurium ,  quia  canenihileji 
fagacius  i  dit  Ser  vius. 

Mais  je  doute  que  cette  fuperftition  foit  jamais  pafl!ee  du  Midi  d^ns 
l'Orient.  Toutes  les  autres  Nations  avoient  en  abomination  cette  monf- 
trueufe  idolâtrie  des  Egyptiens.. 


ET  DES  CULTES  DE  L'E G L I S E. /V^. I V.  6f7 

jQuis  nefcit ,  Voîujt  Bhhjnice ,  qtialia  demevs  Juvenal.  Sat, 

z/i,^ptfis  portenta  colatf  &c.  *^ 

G'eft  pourquoi  le  culte  qui  a  été  rendu  au  chien  dans  l'Egypte  ,  ne 
^peut  en  façon  du  monde  rendre  vrai-femblable  la  conjedure  des  Juife. 
ISQbchas  n'eft  donc  pas  cela,  mais  il  eft  bien  difficile  de  dire  cequec'eft. 
■pna,  behach,  fignilEïe /«/><?  dans  le  dialeéte  Chaldaïque,  pni3,«/'^/;^y^,qui 
-approche  fort  de  ?na3 ,  nihchas,  fîgnifieroit  luifant,  c'eft-à-dire  ,  que  ce 
ieroit  le  Soleil.  Kimchi  nous  aflûre  qu'il  y  en  a  qui  lifentjni],  nibchan^^^t-'^^' 
au  lieu  de  nibchas.  Ce  moiÇ\gmÇLQro\texplorator  ,  perfcrutator.  Et  ce  nom  "^'  *^'*'' 
conviendroit  auffi  fort  bien  au  Soleil  ,  qui  pénétre  toutes  chofes.  Mais 
' i'étymologie  à  laquelle  je  m'arrête  ,  c'eft  celle-ci,  fns  ,  fignifie  rapide  , 
dans  la  langue  Hébraïque ,  îns  en  Chaldaïque  fignifie  fauter,  courir,  fe 
^hâter.  De  là  s'eft  formé  rns3 ,  niphchas ,  qui  eft  abfolument  le  même 
que  Tn33,  nivechas.  Dn  fait  que  le  B.  8c  le  I?.  en  toute  langue ,  fe  chan- 
gent facilement,  parce  qu'il  y  a  une  très  grande  reflemblance entre  leurs 
Ions.  Selon  quoi  ce  nom  fignifie  rapidm^  fefiinans  ^  fubflîem  ^àc  c'eftl'un 
des  noms  du  Soleil.  Car  enfin  je  tiens  qu'on  peut  affûrer  que  les  Chal- 
déens,  &  les  Perfans,  adorant  fur  tout,  &  prefque dans  toutes  leurs  Ido- 
les ,  le  Soleil  &  le  Feu ,  nos  conjeâures  fe  doivent  toujours  tourner  de 
ce  cote-la. 


C  H  A  P  I  T  R  E     Xe 

Le  VieuTJRTJK  n'efl  paint  Vâne.  Nous  tf avons  pas  âpprà 
qu'on  ait  ador^  V âne  nulle, part.  D^Adrammelech  ,  &  ^Aname^ 
iech ,  àes  Dieux  de  Sebir^  du  Dieu  Aretfa^  du  Dieu  Rimmon,  ài^ 
vinité  adorée  chez  les  Syriens  de  Damas  ^du  Dieu  Ntfrochi  Dieu  de 
Sennacherik 

TArtak  eft  l'autre  Dieu  des  Haviens  ,  pmn ,    c'eft  l'âne,  difent  Ladant.  de 
les  Hébreux.     Il  eft  vrai  que  l'âne  eft  fort  entré  dans  la  Fable  &  FaifaReiig. 
dans  la  Théologie  des  Payens.     Chacun  connoît  l'âne  de  Silène,  6c  '  '^•'^^2'^^- 
les  deux  ânes,  qui  aidèrent  Bacchus  à^paft'er  un  fleuve  ,  dans  fon  expé- 
dition aux  Indes.     Ce  qui  leur  mérita  la  place  dans  les  cieux  entre  hs 
étoiles ,  dans  la  confteMation  du  Cancer  ,   où  les  Aftronomes  obfervent 
deux  étoiles  nebuîeufes  ,   que  les  Anciens  ont  appelle  AfelU ,  \qs  ânons. 
Dans  la  Théologie  myftique  6c  fabuleufe  des  Egyptiens  \  il  y  étoit  aufli 
fort  pailé  de  l'âne.    C'étoit  le  (ymbole  de  Typhon.  Mais  bien  loin  qu'ils 
Tadoraflent,  ils  l'avoient  en  abomination,  ils  précipitent  les  ânes  roux  y  par-  Deifid.c.rÀ 
rtf,  dit  Plutarque,  que  Typhon  a  été  rouge  ^  (^  de  la  couleur  â^ un  âne  rouge.  Et 
les  habitans  des  villes  de  Bujiris  &  de  Lycopolis  ,  font  fcrupule  de  former  de  Ia 
trompette ,  parce  que  ce  fon  rejfemble  au  cri  de  Pane.     En  un  mot  ils  efiiment 
que  Pane  ejîr  un  animal  fouillé.     Au  lieu  d'en  faire  un  Dieu  ils  en  faifoient 
une  vidime  à  leurs  Dieux.  Les  Grecs  le  facrifioient  à  Priape. 

fàït.  IV.  Oooo  C&di-' 


658  HISTOIREDESDOGMES 

o»id.  Faft.  C^ditHr  &  rtgido  cufiodi  ruris  afelltts. 

lib.  1.V.440. 

In  Protre-  ^^^  Scythcs  le  facrifioient  au  Dieu  Mars,  félon  le  témoignage  de  Clément 
piico.  d'Alexandrie.  Cofmas  de  Prague ,  dans  la  Chronique  de  Bohême ,  nous 
Bohîmi?ô^°  apprend  que  les  Bohémiens  facrifioient  l'âne  à  Jupiter ,  à  Mars ,  à  Bello- 

non  longé     ne,    &  à  PlutOU. 

mitiu  y[^is  je  n'ai  lu  nulle  part  qu*on  ait  adoré  l'âne.  Ainfî  c'eft  une  pure 
fiélion  des  Juifs,  qui  n'a  pas  de  fondement.  Et  c'eft  fe  moquer  des  Lec- 
teurs que  d'aller  chercher  des  raifons  ,  comme  ont  fait  quelques  gens  , 
pour  Icfquelles  on  a  adoré  l'âne. *]n"),Rathak,enChaldaïquefignifieun  chariot: 
peut-être  poun oit-on  dériver  pmn  de  là,  &dire  que  ce  mot  fignifie  le 
chariot  du  Soleil ,  ou  le  Soleil  monté  fur  un  char.  On  fait  bien  que  c'efl: 
l'idée ,  fous  laquelle  les  Poètes ,  ôc  les  Théologiens  Payens  ,  ont  conçu 
cet  alire,  c'eit  celle  d'un  homme  qui  conduit  un  char.  Ils  ont  dit  de 
Phaëcon: 

Ovide  Me-  Chyths  petit  ille  patemos^ 

tamorph.  Inque  diem  alipediim  jfts  &  modèramen  equarHm, 

Le  caph  au  lieu  du  coph  ne  doit  pas  faire  de  la  peine  à  ceux  qui  fâvent 
la  fcience   des  étymologies  ,  car  on  ne  peut  pas  faire  un  plus  petit  chan- 
gement. 
Adram-        Adrammclech  &  Anamelech  font  le  mulet  &  le  cheval,  félon  ces  me- 

Anameicch.  ^^^  Rabbins.  Il  y  en  a  d'autres  qui  difent,  comme  le  rapporte  Kimchi, 
qu'Adrammeîech  étoit  répréfenté  fous  l'image  d'un  paon,  &  Anamelech 
fous  celle  d'un  phaifan;  Ces  fables  font  auffi  peu  fondées  les  unes  que 
les  autres.  Il  efl  vrai  que  le  cheval  entre  les  Perfes  ,  étoit  confacré  au 
Soleil,  entre  les  Grecs  à  Mars,  &  à  Neptune.  Le  paon  étoit  l'oifeau 
de  Junon.  Mais  pour  le  mulet  ôc  le  phaifan  ,  je  ne  me  fouviens  pas  qu'ils 
foient  entrez  dans  la  Théologie,  &  dans  le  culte  des  Payens ,  pour  être 
/brvis  ôc  adorez.  Adrammelech  fignifie  Roi  magnifique,  &  Anamelech 
Roi  débonnaire.  Sous  l'un  ôc  l'autre  nom  étoit  caché  Saturne  ,  6c  l'un 
ôc  l'autre  fe  rapportoit  au  Soleil ,  qui  ell  Roi ,  parce  qu'il  femble  régner 
■  fur  l'Univers,  donnant  aux  Aftres  leur  lumière  ,  &  à  la  terre  la  vertu  de 
produire.  11  eft  Roi  magnifique ,  à  caufe  de  fon  admirable  beauté,  ôc 
il  eft  Roi  débonnaire ,  parce  qu'il  fait  tant  de  bien  à  la  terre  ôc  à  {qs  ha- 
bitans. 

Dieuat  de  Tous  CCS  Dieux ,  dout  uous  venons  de  parler ,  nous  font  peu  connus. 
Mais  ceux,  dont  parle  le  fécond  Livre  des  Chroniques  ,  dans  l'Hiftoire 

%.  chioniq.  d'Amatfia  ,   nous  font  encore  beaucoup  plus  inconnus.     Quand  Amatjia, 

i5.  ï4.  eut  défait  les  lâuméens ,  il  apporta  les  Dieux  des  enfans  de  Sehir ,  &  fe  les  éta' 
bliî  poHY  Dieux ^  &  fe  projierna  devant  enx^&lenr  fît  des  encenfemens.  Nous 
ne  favons  rien  de  ces  Dieux  de  Sehir.  Les  Iduméens  étoient  enfànsd'E- 
iâii,  &  il  y  a  apparence  qu'ils  avoient  confacré  leurs  Ancêtres  ,  c'eft- à- 
dire ,  Abraham  ôc  Ifaac ,  félon  la  coutume  des  Orientaux.  Mais  nous 
ne  favons  pas  fous  quels  noms.  Il  n'y  a  pas  d'apparence  que  ces  Dieux 
<des  Iduméens,  fuflent  les  mêmes  que  ceux  des  Phéniciens ,  dont  nous  avons 

pajf- 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  TarLlY.  6^9 

parlé,  ou  dont  nous  parlerons.     Car  l'Hiftoire  Sainte  ne  diroit  pasqu'A- 

matfia  les  amena  à  Jerufalem  ,  &  les  adora.     Par  ces  paroles  il  fignifk? 

que  ce  faux  culte  étoit  auparavant  inconnu  à  Jerufalem.     Mais  le'cuke 

des  Bahalins  de  la  Paleftine  ,  ne  pouvoit  être  ni  nouveau  ,  ni  inconnu 

dans  la  Judée,  où  fouvent  il  avoit  été  établi,  fous  les  règnes  précedens.  j4fa 

et  a  les  Aruels  des  Dieux  des  étrangers^  &  les  hauts  lieux  ^  Q-brifa  les  fiât  ues,  *•  Chroajq. 

&  coHpa  les  bocages.     Et  il  paroît  par  l'Hiftoire,  que  fouvent  les  Rois  de  ^'^'  ^' 

Juda  fe  font  joints  à  l'idolâtrie  des  dix  Tribus,  qui  outre  leurs  Veaux,  ado- 

r oient  les  Bahalins. 

Je  voi  que  quelques  gens  veulent  trouver  une  Idole  appellée   Aretfa,  Lesieu 
dans  le  feiziéme  chapitre  du  premier  Livre  des  Rois.     Et  Zimri  fon  fervi-  ^'^"^^• 
tsur  y  Capitaine  de  la  moitié'  de  fes  chariots  fit  une  confpiration  contre  Ela,  lors  Enchiridio"* 
qn'il  étoit  en  Tiretfa^  buvant  &  s'enyvrant  en  la  maifon  d''iyîretfa.     Le  Para-  '°'^°'^"™ 
phrafte  Chaldée  tourne  ,  lors  qu'ail  buvoit  &  s^enjvroit  dans  le  Temple  d^A-  nium.  v.  9, 
jretfii  ,  Idole  qui  étoit  proche  du  Valais  en  Tiretfa.     Cela  eft  venu  de  l'ambi-  ^"*ocei<io- 
guité  du  mot  n>a,  qui  en  effet  fe  prend  fouvent  pour  Temple,  Beth  Da- 
gon ,  Beth  Pehor ,  Beth  Bahal.     Si  c'étoit  une  divinité ,  ce  feroit  la  ter- 
re j^  que  les  Payens  ont  appellée  Cybele  ,   car  mïi.s  fignifie  précifément 
h.  terre.     Mais  l'opinion  des  Juifs  eft  plus  vrai-femblable  ,  qu'Aretfa  eft 
ici  le  nom  d'un  homme  ,  duquel  il  eft  dit ,     Quod  erat  piper  domum  in 
Tiretfa.     Le  Chaldée  a  crû  que  ces  paroles  fignifioient  que  cette  Idole 
étoit  jointe  au  Palais  du  Roi  Ela  en  Tiretfa ,  mais  elles  fignijSent  que  cet 
Arctfa  étoit  chef  de  la  maifon,  ou  maître  d'hôtel  du  Roi  d'ifraël  en  Ti- 
retfa ;  c'eft  pourquoi  le  Roi  bûvoit  Ôc  s'enyvroit  chez  lui. 

Enfin  entre  les  Dieux  qui  nous  font  peu  connus ,   &  dont  par  confé-  Rimmon. 
quent  nous  avons  peu  de  chofes  à  dire ,,  nous  pouvons  conter  Rimmon, 
pieu  des  Syriens,  qui  étoit  adoré  à  Damas,  5c  Nifroch,  Dieu  deNini- 
ve,  dans  le  Temple  duquel  Sennacherib  fut  tué  par  fes  enfans.  Il  eft  par-    : 
lé  du  premier  dans  l'Hiftoire  de  Naaman  Se  d'Elifée.  Et  Naaman  dit  a  Ehfée^  3..  Roisj^ 
V Eternel  veuille  pardonner  cette  chofe  ici  à  f>n  Serviteur  y  c'efi  que  quand  mon  *** 
Maître  entrera  en  la  maifon  de  %immon  ,  pour  fe  profierner  là  ^   &  qu'il  s*ap- 
pmera  fur  ma  main ,  je  me  profierner  ai  en  la  maifon  de  "^RJmmon.  L  Eternel  me 
veuille  pardonner  cette  chofe  ici  ,  truand  je  me  profiernerai  en  la  maifon  de  %im' 
mon.     Ce  Dieu  ne  paroît  plus  dans  l'Hiftoire  fainte  ,    &  ne  fe  rencontre 
point  ailleurs.   C'eft  pourquoi  il  eft  abandonné  aux  conjedures.    Serarius 
prétend  que  c'eft  Venus,  parce  que  pan  fîgnifîe  une  grenade ,  &  que  les  pom- 
mes de  cet  arbre  étoient  confacrées  à  Venus.  Scaliger  veut  que  ce  foit  Jupiter  .Animadmi: 
tonnant.  Seidenusabienjugéquece  nom  p^i  vient  de  p>T,  ou  pan,  qui  E™^"""* 
fignifie  être  haut.  Et  qu'ainfi  ce  Dieu  eft  le  même  que  les  Phéniciens  ap-  sanchoni*- 
pelioient  Elion  ,    c'eft -à- dire  C'-sP,çoç,  comme  l'interprète  Philo  Biblius.  JuSm 
Ce  Souverain  ,  cet  élevé,  c'eft  le  Soleil  même,  qu'ils  appelloiçnt  ^(»/  Hb.  r.  c. io„ 
fimm,  ;Evâng. 


Oooo  %  C  H  A- 


66o        HISTOIRE  DES  DOGME  S 


CHAPITRE     XI.    - 

NISjROCH  leT>ieu  de  Senmchtrib ,   avoit  la  figure  de  J^  aigle. 
Ofinion  de  Kirkerus  que  c^ et  oit  nnepece  de  l'Arche. 

jfnt  3?.,  fit  "l^T  C)us  n'en  favons  gueres  davantage  de  Nifroch  ,  Dieu  de  Ninivc. 
i  Roisip.    1^^  C'étoit  le  Dieu  de  ce  Sennacherib,  qui  vint  infolemment  infulter 
Ezechias ,  en  fe  moquant  de  la  confiance,  qu'il  avoit  en  Ton  Dieu. 
Qjie  ton  DieH  m  t'abHfe  j>oint  ^  dit- il  j  auquel  m  te  confies  ^difant^  fer ufalem  ne 
fera  point  livrée  en  la  main  du  %pi  des  AJfyriens.     Mais  Dieu  ayant  combattu 
pour  Ezechias ,  &  détruit  en  une  feule  nuit  cent  quatre-vingt-cinq  mille 
hommes  de  fon  armée  ,   il  fut  obligé  de  fe  retirer  avec  précipitation,  ôc 
en  grand  defordre.  EtSancherib  Roi  des  AJJyriens  partit  de  là^  s''enalU\  fien 
teteurna ,  &  fe  tint  en  7\(jnive.    Et  il  arriva  que  comme  il  e'toit  projlerné  en  la 
Maifon  de  l^ifroch  fon  Dieu  ,    qu^Adrammelech  &  Sharetfer  fes  fils  le  tuèrent 
avec  Pépée.     Nous  lifons  dans  Hérodote  une  Hiftoire  extrêmement  pro- 
pre à  confirmer  ce  que  l'Ecriture  nous  dit  de  ce  Sennacherib.   Il  n'y  eut 
jamais  un  plus  infolent  bkfphemateur  contre  tous  les  Dieux,     ©ufont  less 
Dieux  des  Nations  que  mes  pères  ont  de' truites?  De  Gozjtn,  de  Car  an  ^  de  Ret- 
feph,  des  en  fans  d'^Hedein^  qui  font  en  Tel  a  far  l  ces  Dieux- là  lés  ont-ils  déli- 
vrez, ?    Où  font  les  Dieux  de  Hamath  ,    d^Arpad,  de  Sepharvaim  ^  de  Henah,. 
&  de  Hiva?  Pour  confondre  ce  monftre ,  &  lui  prouver  qu'il  y  avoit  un^ 
Dieu  plus  puiffant  que  lui ,  &  que  fon  Dieu  ,  le  Seigneur  ne  voulut  pas 
'<        que  les  hommes  entrafient  dans  la  vengeance  ,   qu'il  vouloit  prendre  de 
cet  impie.    Il  envoya  un>  Ange,  qui  frapa  de  pelle,  comme  dit  Jofephe,, 
iSf.   mille  hommes  en  une  nuit,  dans  fon  armée ,  &  mit  le  refte  en  dé- 
înEuterpe   route  :   Dicu  lui  fît  encore  une  femblable  chofe  en  Egypte.     Hérodote 
îib.z.p.i63.  j^Q^jg  g^  ç^^^  THiftoire,  comme  je  m'en  vais  la  rapporter.     Apres  celui-ci: 
Ces  gens  de  un  Prêtre  de  f^ulcain,  nomme'  Sethon,  monta  fur  le  trône  de  l^ Egypte.  Il  febrouil- 
lypte^"   ^^  ^"^^^  ^^^  &^^^  d'e'pe'e  Egyptiens.     Il  les  méprifa  comme  n'en  ayant  pas  befoin. 
étoient  un    Et  entr'*autres  injures  qu'il  leur  fit ,  il  leur  ôta  les  douz.e  journaux  de  terre  ^  que 
partViîs  ne  /^-^  préde'cejfeurs  leur  avaient  donnez,  à  chacun.     Cela  fut  caufe  que  Sancherib^ 
fe  m^ioient  %oi  des  Arabes  &  des  AjJ^riens,  étant  entré  en  Egypte  avec  une  grande  armée  ^, 
ksautiest&  '^^  abandonnèrent  ce  Sethon ,  &  ne  voulurent  pas  le  fecourir.     Alors  ce  Roi  ^'^- 
n'avoient     gypxe  Sacrificateur ,  ne  fâchant  quel  confeil  prendre ,  entra  dans  une  foie  ,   &  fi 
tre'métkr  p'>^ofiernant  devant  lefimulacre  de  fon  Dieu  ,  fe  mit  à  déplorer  les  maux  ,    auf" 
qpe  la  guer-  quels  il  allait  être  expofé.     Il  s'' endormit  au  milieu  de  fes  lamentations.^  ^  duranf 
fin  fammeil\  le  Dieu  lui  apparut  ^  Pajjurant  qu'ail  ne  fouffr irait  aucun  mal,  qu'il 
Notable       iroit  au  devant  des  Arahes^&lui  envoyeroit  du  fscours.  Le  Prêtre  rafjuré par  ce 
ce  qui  arriva  y^'^^^î  ayant  pns  avec  lut  ceux  des  Egyptiens^  qui  le  voulurent  jmvre ,  poja  fon 
aSennxhe-  ^^mp  à  Pelufe ,  car  c'^étoit  par  là  qu^on  voulait  entrer  en  Eçypte.    Il  ne  fut  Çuivi 
u,  que  ae  gens  de  ville  &  de  métier ,  marchands ,  regrateurs ,  artijans ,  or  gens  de 

trafic.     Quand,  les  ennemis  furent  venus  jufques  au  lieu^  oft  était  campée  l^ar- 

nïée 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.P^r^.lV.  66r 

mée  de  SET  HO  N  ,  ils  fe  trouvèrent  attaquez,  par  une  horrible  mnltitude  de 
rats  fauvages  ^  qui  la  nuit  rongèrent  tous  leun  harnais ,  leurs  troujfes^  leurs  arcs^ 
^  les  courrojes  de  leurs  boucliers.  Et  le  matin  fe  voyant  fans  armes  ,  la  terreur 
les  faift^&  ils  fe  retirèrent  avec  grande  perte  de  leurs  gens.  €t  dans  ce  tems-làon 
pofa  une  fiatuë  de  pierre ,  re'prefentam  ce  Sennacherib  dans  le  Temple  de  Fulcain^ 
où  elle  efl  encore  aujourd'hui ,  tenant  en  fa  main  un  rat  avec  cette  infcription , 
ES  EME  TIS  OPEQN  EïSEBHS  ESTQ.  ,  qui  me  regarde  apprene  à  crain- 
dre les  Dieux > 

Certainement  Sethon ,  Roi  d'Egypte  ,  ne  fe  fût  jamais  avifé  de  met- 
tre cette  célèbre  infcription  fur  la  llatuë  de  Sennacherib  ,  fî  cet  infolent 
ne  fe  fût  moqué  des  Dieux  d'Egypte  ,  comme  il  avoit  fait  de  ceux  des 
autres  Nations.  Et  Dieu  n'eût  pas  pris  la  caufe  de  Sethon,  &  des  Dieux 
d'Egypte  en  domtant  Sennacherib  par  des  rats  ,  fî  lui-même  n'eût  été 
interefïe  dans  les  blafphémes  de  ce  fuperbe  tyran.  C'eft  pourquoi  la  main  du 
€iel ,  en  pourfuivant  fa  propre  vengeance  ,  lui  ôta  la  vie  aux  pieds  de 
fon  Dieu  Nifrœh ,  qu'il  avoit  voulu  élever  fur  tous  les  Dieux  de  la 
terre. 

J'ai  trouvé  cette  Hiftoire  eonfiderable ,  6c,  digne  que  nous  fifîions  une  Gonformîté 
petit©  digreffîon  pour  elle,  tant  à  caufe  qu'elle  donne  beaucoup  de  jottr  à  fa^c!é?'a^e?* 
celle  des  démêlez  qu'eut  Ezechias  avec  ce  Prince ,  que  parce  qu'il  efl  rare  la  profane 
à  l'Hiftoire  profane ,  de  fe  rencontrer  avec  l'Hiftoire  fainte.     Et  je  dirai  ^ft"«""^* 
cela  en  paflant  en  faveur  d'Hérodote  ,   dont  tant  de  gens  ont  voulu  dé- 
crier la  bonne  foi  ôc  le  jugement ,   qu'il  n'y  a  gueres  d'Hiftorien  ,   qui 
dans  les  chofes  anciennes  ,   s'accorde  mieux  avec  l'Hiftoire  facrée.     Par  Euterpeia. 
exemple  dans  le  même  livre,  nous  y  voyons  l'Hiftoire  deNecus,ou  Ne-  ^■^^^' 
eo,  Roi  d'Egypte  ,  la  guerre  qu'il  fit  aux  Syriens ,  &  la  viéloire  qu'il 
remporta  fur  eux  en  Magueddo,  ou  Ma^olo,  félon  Hérodote,  confor- 
me à.  ce  que  nous  en  trouvons  écrit  au  fécond  Livre  des  Rois ,  chap. 
23. 

.  Pour  revenir  à  Nifroch ,  les  70.  î'appellenr  Mfo-^pà^,  ou  Mfô-opà%  ,   en  »-ois  cbap. 


58. 


un  lieu,  ôc  Naê^pà^,  bu  A'^apà^jdans  un  autre  lieu: les  Juifs  ont  fur  ce  Efàïe'jy!, 
Dieu  une  affez  étrange  vifion.     Voici  les  paroles  de  Salomon  Jarchi ,  inEfaïam 
maSs»  im^n^jnD:!:  vnbN  inDl  n^a,  lamaifon  de  Nifroch  fon  Dieu  ,   c^efi-à-  "P.37.V.J8. 
dire  une  planche  de  P Arche  de  Noé.     Dans  la  langue  Chaldaïque ,  ou  Afly- 
rienne  tdî,  nefer  ,  fignifie  une  planche.   Ils  veulent  que  le  nom  de  Nif- 
roch {oix.  compofé  de  ce  iNZ^jf^r,  &  A/bÂ,  ou  A?i?/,  commequidiroit,  nia  id3,  *' 
Is^efarnoch^,  la  planche  de  Noé.     C'eft  fur  cela  que  Kircherus  a  établi  fa  opînionde 
conjeélure,  que  ce  ISlJfroch  étoit  une  petite  figure  de  coffre  ,  qui  répré-  iw\n&^'^ 
fentoit  l'Arche  de  Noé,  ôc  fous  laquelle  on  adoroit  Noé,  ou  Janus.     Il  fondée  Noé 
dit  que  cette  petite  Arche  etoit  adorée  par  les  AfTy  riens,  fous  le  nom  de  rim"ge  d\i. 
T^froch.     Cette  conjeâure  paroît  établie  fur  de  très  foibles  fondemensr  ^  ?""® 
0n  dit  que  le  déluge  6c"  l'Arche  de  Noé  ont  été  connus  aux  Payens  , 
particulièrement  aux  Orientaux  :   cela  eft  vrai ,  l'Arche  s'arrêta  fur  les 
montagnes  d'Ararat.  Tous  les  Savans  reconnoiffent  cette  Ararat  pour  être  ^^^'  ^• 
l'Arménie.  Il  n'y  a  que  la  fauife  Sibylle,  qui  fe  dit  fille deNoé,  laquelle  Edit.^ PaiC 
veut  que  cette  montagne  d'Ararat  foit  en  Phrygie  ,  proche  de  la  fourcc  ^^^^' 
du  fleuve  Marly as,. 

Oooo  9  ^ffir" 


602 


HISTOIRE  DES  DOGMES 


Vcrfioti 
Latine  du 
paflTage  de  U 
Sibylle. 


Genefe  t.  4. 


z,  Roîsip. 

Jofephe 
Antiq.  lib.  i, 
e.4. 


Eurebe  lib. 
9.  cap.  12. 
Prsp. 
EvangeL 


Apud  Jofe- 

phum. 

Ubifiipià. 


^Jfurgit  PhrnU  mous  (^uidam  in  finibns  atr£ , 
Arduus ,  ait  a  petens ,  Ararat  quem  nomine  àtcunt , 
Qtiod  fatale  fmt  illic  evaiere  cunUis^ 
OptatÀcjue  frui  tandem  chard^ue  falate  s 
Fltiminis  ftnde  alit  Marjy<&  manat'origo. 

Mais  rinterprete  Latin  au  lieu  des  montagnes  d'Ararat ,  dit  que  l'Arche 
s'arrêta  fur  les  montagnes  d'Arménie,  fuppofant qu' Ararat  eft l'Arménie. 
Les  Grecs,  dans  l'Hiltoire  de  Sennacherib , difent  que  fes  fils,  après  l'a- 
voir tué  j  s'enfuirent  en  Arménie,  tournant  ainfi  l' Ararat  du  texte  Hébreu. 
Jofephe  cite  deux  Hiftoriens  célèbres ,  Berofe  Chaldécn ,  &  Nicolas  de 
Damas ,  Syrien ,  qui  tous  deux  difent  que  l'Arche  s'arrêta  dans  l'Armé- 
nie. Berofe  appelle  la  montagne  Mons  Ko[>huluv^  des  Kordyens.  Nicolas 
de  Damas  appelle  cette  montagne  Baris. 

Et  je  ne  fai  fi  ce  n'efl  point  de  là  que  les  Egyptiens  ont  appelle  la  Bar- 
que ,  dans  laquelle  on  pafibit  les  âmes  aux  enfers  ,  Baris ,  empruntant  lé 
nom  de  la  montagne ,  où  s'étoit  arrêtée  cette  fameufe  Barque  ,  dans  la- 
quelle les  hommes  fe  fauverent  dss  eaux  du  déluge.  Eufebe  nous  rap- 
porte auiîi  un  fragment  d'Abydenus ,  que  nous  avons  vu  ci-deflus  ,  qui 
afllire  que  ce  fut  dans  l'Arménie  que  s'arrêta  l'Arche.  Tous  ces  Hiftoriens, 
Berofe,  Nicolas  de  Damas,  Abydenus,  étoient  Payens  ;  aufquek  Jofe- 
phe ajoute  Jérôme  l'Egyptien,  éc  Mnafias,  6c  plu  fieurs  autres  :  cela  fait 
bien  voir  que  l'Arche  de  Noé,  &  l'Hiftoire  du  déluge  étoient  fort  bien 
connues  dans  l'Orient ,  &  dans  les  Hiftoires  des  Payens ,  &  que  c'étoic 
une  tradition  conftante  entre  les  Payens,  que  l'Arche  de  Noé  s'étoit  ar- 
rêtée dans  l'Arménie.  On  peut  ajouter  que  l'Arménie  étoit  voifine  de 
l'Afiyrie,  comme  il  paroît  aflez  parce  qu'Efaïe  &  l'Hiftoire  facrée  récif 
tent,  que  les  enfans  de  Sennacherib,  Roi  d'Aflyrie,  ayant  tué  leur  père 
à  Ninive ,  fe  fauverent  en  Ararat  ,  ou  en  Arménie ,  comme  dans  un  lieu 
de  fureté,  prochain  de  Ninive.  Et  ainfi  s'il  y  avoir  quelque  fuperftition 
dans  P  Arménie  à  l'égard  de  cette  Arche  de  Noé,  cette  fuperftition  pou- 
voit  aifément,  je  l'avoue,  être  paflTée  de  l'Arménie  à  Ninive,  pour  y  fai- 
re le  Dieu  Nifroch.  Cependant  chacun  voit  aftez  que  cela  ne  fuffit  pas., 
pour  prouver  que  dans  l'Armenie'on  adorât  Noé,  fous  la  figure  d'u- 
ne Arche,  6c fous  le  nom  de  Nifroch.  S'il  y  avoit  quelque  fuperftition 
dans  les  païs  Orientaux,  qui  eût  l'Arche  pour  objet,  il  y  a  plus  d'appa- 
rence que  c'eft  celle  que  les  Juifs  nous  infinuent.,  favoir  qu'ils  difoient 
avoir  quelque  planche  de  l'Arche  de  Noé ,  qu'ils  confervoient  comme  une 
précieufe  relique,  6c  pour  laquelle  ils  avoient  une  grande  vénération.  Car  en 
effet  c'eft  ce  que  nous  apprend  Berofe ,  qui  rapporte  que  même  de  fon  tetns, 
On  difojt  que  Pon  avoit  encore  dans  V Arménie  ,  préi  de  la  montagne  des  (jor- 
dycns^  une  flanche  de  P  Arche  de  Noe\  du  bitume  de  laquelle  les  habttans  du  païs 
rafoient  un  peu^  &  le  portaient  fur  eux  comme  un  pui(fant  pré fervatif  contre  tou- 
tes fortes  de  maux.  Si  l'on  avoit  adoré  la  figure  de  cette  Arche  ,  en  ijne- 
moii-e  de  ce  ^îerveilleux  événement  du  déluge,  il  y  a  bien  apparence  que 
ce  .Berofe  nous  en  auroit  aufli  dit  quelque  chofe. 

Mais  à  propos  de  ce  3erofe,  ôc  de  ce  Dieu  Nifroch ,  Jofephe  nous  en 

rap- 


ET  DES  CULTES  DE  VE G Ll S KTart.lV,  66^ 

rapporte  un  fragment  de  Berofe ,  qui  contient  l'Hiitoire  de  la  défaite  de  Sen-  jofeohe 
nacherib  ôc  de  ia  mort ,  remarquable  parce  qu'il  eft  abfolument  femblable  à  ^miq.  lib. 
ce  que  l'Hiftoire  Sainte  nous  en  dit:  qu'il  aiîiegea  Jerufalem^  ôc  que  dés  "'  "^'** 
la  première  nuit  du  fiegc,  une  pelle  envoyée  extraordinairement  du  Ciel, 
lui  enleva  iSf.  mille  hommes.  Et  Berofe  pourfuivant  l'Hiftoire  de  la  mort 
de  ce  Roi,  dit  qu'il  s'en  retourna  à  grandes  journées  dans  fes  Etats^qui  éroient 
appelle  le  Royaume  de  Ninus,  &  qu'après  y  avoir  fait  très  peu  defejour, 
il  fut  tué  par  les  deux  plus  âgez  de  {es  fils,  nui àvsTé&vj r^ ivîuivu^ A'pdaHV] 
heyo[x.hai.     Gelenius  a  tourné,  occifas  efi  in  ipfi  Templo  Arafci ,  cjuem  pY&ci' 
puo  ctiltH  digmbatur.     Il  fut  tué  dans  le  Temple  d'Arafcus  ,  pour  lequel  il 
avoit  une  particulière  dévotion.     On  croiroit  par  cette  verfion  de  Gele- 
nius que  félon  Berofe,  le  Dieu ,  dans  le  Temple  duquel  il  fut  tué,  s'ap- 
pelloit  uirafcus.     Mais  ce  n'efl  pas  cela.     Car  les  paroles  du  texte  Grec 
iîgnifient,  &  il  fut  confacré  comme  un  don,  ou  comme  une  vitîime ,  dans  fon 
propre  Temple,  appelle  i/irafcus.     Ainfi,  félon  Berofe,  il  femble,  félon  1^ 
conttruélion ,  que  ce  ne  fût  pas  le  nom  de  l'Idole ,  mais  le  nom  du  Tem- 
ple. Maisje  trouve  pourtant  plus  vrai-femblable  que  cet  Arafcus  eft  nôtre 
Nifroch.  Ce  nom  d'AmfcHstïk  corrompu  de  celui  de  Nifroch ,  6c  fe  rappor- 
te bien  à  celui  d'Afarach,  que  lui  donnent  \ts  70.  dans  le  28.  chapitre 
d'Efaïe.  ,  .  • 

Pour  moi  je  croi  qu'au  lieu  ôî'h.^poicKvi  >  il  faut  lire  A'pao-jis.  A'vfiriôv]  tw  idlcpvcofi 
A'p«(rj<8  hsyoy.é\'ai^  Il  fut  dévoue'  comme  une  vi^ime  dans  fin  propre  Temple  ^ 
^ui  était  appelle  le  Temple  d'Ara  fi  us. 

Certainement  Nifroch  ,  oif  plutôt  Nifrach ,  po:! ,  car  les  Anciens  y  Nifroch 
mettoient  toujours  un  «,  ôc  non  pas  un  o,&  lïihicnt  Me  for  ac  h  ^  Meferach^  fcmWefi- 
^'tapâx.     Ce  Nifrach,  dis- je,  fignifie  aigle ^  ou  aiglon fàe  *ît  -hj*: ,  A/"*?/ iîgion."" 
cher  rac  ,    qui  fignifie  un  aigle  tendre  ,   un  jeune  aigle.     Cela  me  feroft 
fbupçonner  que  Jupiter  Belus  a  été  adoré  entre  les  AlTyriens  fous  la  figu- 
re ^e  l'aigle  6c  fous  le  nom  de  Nifroch.     Il  eft  certain  premièrement  que 
\es  Rois  Chaldéens,  Aflyriens,  6c  même  les  Rois  Perfes,  ont  toujours 
eu  une  particulière  dévotion  pour  la  mémoire  de  Belus,   duquel  ils  pré- 
tendoient  être  décendus.     Comme  il  paroîfpar  cette  belle  correélion  de 
Scaliger.     Dans  la  defcriptîon  que  Quinte-Curfe  avoit  donnée  du  char  de 
Darius  on  lit,  Dijiinguebant  intemitemes  gemma  jugum  ,  ex  ejuo  eminebant  dm^^^y^'^^'- 
éiurea  Jimulacra  cubitalia^   quorum  alterum    in  alterum  belli  gère  bat  ejfigiem. 
Scaliger  nous  avertit,  qu'il  faut  lire,    quorum  alterum  Nim^  aherpim  Beli  .^^  Emcn- 
gerebat  efigiem.     Il  y  avoit  deux  figures ,  dont  lune  répréfemoit  ISljnus  &~l'au-  dat.  temp. 
tre  Belus.       Cela  fait  voir  que   Belus  6c  Ninus  étoient   les  Dieux   6c  ^^^'  ^' 
les  Héros  ûes  Rois  de  l'Orient.     Ainfi  il  n'y  a  pas  d'apparence  que  Stn- 
nacherib  eût  une  particulière  dévotion  pour  une  autre  divinité ,  que  pour 
Jupiter  Belus.     C'eft  pourquoi  j'eftime  que  Nifroch  eil'Behs.  On  lui  don- 
na pour  fymbole  l'aigle,  la  raifon  n'en  eft  pas  difficile  à  comprendre.  Cet 
oiièau  eft  unoifeaude  chafie6cde  proye,  Nimrod,qui  eft  Belus,  comme 
r>ous  l'avons  vu  ci-deftùs,  eft  appelle  dans  l'Ecriture  puiflàntchaiTeur de- 
vant l'Eternel.     L'Aigle  eft  eftimé  le  Roi  des  oifeaux,  il  n'eft  pas  éton- 
nant qu'on  l'ait  donné  pour  fymbole  à  celui,  qui  s'eft  rendu  maître,  ôcqui 
s'eft  fait  Roi  des  nations;  Surtout  Sennacherib,  voulaiu  faire  le  conqué- 
rant, 6c  reoiplilTant  l'Afie  6c  l'Afrique  de  Ja  terreur  de  fes  armes,  dévoie 

avoir 


66+         HISTOIRE  DES  DOGMES 

avoir  une  particulière  dévotion  pour  fou  Belus ,   fous  le  fymbole  de  l'ai- 
gle, qui  ell  unoileaude  conquête, 

Si  nous  confiderons  que  fous  le  même  nom  de  Jirpiter  Belus ,  les  Orien- 
taux ont  adoré  &  Nimrod,  qui  s'eil  fait  Roi  des  hommes,  6c  le  Soleil, 
qui  eft  le  Roi  des  Aftres ,  cela  nous  rendra  cette  conjeâure  encore  plus 
vrai  -  femblable  j  que  Nifroch,  qui  fignifie  un  jeune  aigle,  a  été  le  Dieu 
d'Aflurrépréfenté  par  un  aigle,  car  l'aigle  eflFoifeau  du  Soleil,  tantàcaufe 
de  ion  vol,  qu'il  prend  extrêmement  haut,  de  forte  qu'il  femble  s'appro- 
cher de  cet  Altre,  que  pour  la  bonté  de  fes  yeux,  qui  peuvent,  à  ce  que 
l'on  dit ,  regarder  le  Soleil  fixement.  A  quoi  l'on  peut  ajouter  l'Hiftoire  ou 
la  fable  des  Naturalifles ,  qu'il  éprouve  fes  petits  aux  rayons  du  Soleil. 
Liicânus  lib.  IJtque  fovis  volucer  calido  ct^m  protfilit  ovo 

^'  -*  Implames  natos ,  Solis  convertit  in  or  tus  , 

jQui  potuerepati  radios ^  &  lumine  reUo 
Sujiinmre  diem  cœli ,  fervantur  in  ^ff^s.^ 
jQjii  Phœbo  cejfere ,  Jacent. 
Et  même  l'Ecriture  Sainte  prend  l'aigle  pour  le  fymbole  des  Rois  Chaî- 
Ezechiei.     décns ,  fuccefleurs  de  ce  Belus. Ezechiel ,  qui  étoitdu  nombre  des  tranfportez 
*7-y''j       enBabylone,  dit  au  17.de  fon  livre  en  prophétifant  la  ruine  de  Jerufalemc 
Ainfi  a  dit  le  Seignenr  ^  un  grand  aigle  k  grandes  ailes ,    &  de  long  plumage  ^ 
plein  de  plumes  de  diverfes  couleurs ,  comme  en  façon  de  broderie ,  ejt  venu  au 
V.  îî.      Liban  ^  &  en  a  enlevé  la  cime  d'*un  cedre^     Puis  enfuite  expliquant  cela  en 
termes  moins  figurez,  il  dit_,  Di  maintenant  à  la  Maifon  rebelle ,  ne  favez.' 
'VOUS  pas  que  veulent  dire  ces  chofes-là!  Di^%oici  le  '^oi  de  Babylone  efivenuen 
'Jérusalem  ^  &  a  pris  le  Roi  &  fes  Princes  ^  &  les  a  emmenez,  avec  foi  en  Baby- 
lone.     Le  Prophète  a  peut-être  égard  à  ce  que  l'aigle  étoit  l'emblème  de 
l'Empire  des  Affyriens,  &  de  Belus  leur  Dieu,   Enfin  tout  le  monde  faic 
que  l'aigle  étoit  l'oifeau  de  Jupiter. 

Qualem  miniflrum  fulminis  alitem  ^ 
^ibToâ*.  CuiRex  deorum  regnum  in  aves  vagas 

Permifit. 
C'étoit  le  plus  fidèle  interprète  des  deftinées,  dont  Jupiter  étoit  eflimé 
le  maître:  car  entre  les  tugures  quife  tiroient  du  vol  des  oifeaux,  onob- 
fervoit  fur  tout  celui  de  l'aigle  ,   comme  préfageant  les  évenemens  les 
plus  importans  ,  dit  Seneque.     Cùm  aquildi  hic  honor  datus  e\} ,  m  magna- 
senecâ        yum  rerum  facereî  aufpicia.  Nous  avons  vu  que  le  Jupiter  des  Grecs  &  des 
îibî^ictz.  Latins  leur  efi:  venu  de  l'Orient,   6c  il  y  a  bien  apparence  que  l'aigle, 
Eufebe nous  fyjjiijole  de  Jupiter,,  étoit  venu  du  même  lieu,  &  par  conféquent  il  eft 
mem^que^  aflez  apparent  que  les  AfTyriens  avaient  adoré  leur  Jupiter ,  fous  la  forme 
lesEgyp-    de  l'aigle.    Au  refte  ce  qu'ils  lui  donnoient  le  nomd'^zW<?«,  ou  de  jeune 

tiens  ont        .    -      *3  .  '      /h  \i  '  •   ^    j     tn-  ■       n  •  • 

adoié  l'ai-  aigle ,   c  etoit  pour  repreienter  J  éternité  de  Dieu ,  qui  elt  toujours  jeu- 

^^'ii  a^"'^i-  ^^  '  ^  ^'■"  ^^  vieillit  jamais. 

quechofede       On   pcut   obfcrvcr  quc   les  Egyptiens   avoientj  un  pareil  emblème 

royal  hb.    ^g  Yçxxx  Dicu  Souvcrain ,  c'eft  l'épervier ,  autre  oifeau  de  proye ,   qui  eft 

2.  dePrœp.  ...  ^^-r  ,,  *  '        ^  ,  .  i      ,  • 

Ev.  cap.  I.  un  petit  aigle.      INous  1  apprenons  par  ce  fameux  hiéroglyphique  ,  qui 

P-  '^''        étoit  fur  le  veftibule  de  la  Minerve  de  Sais  en  Egypte.     //  y  avoit ,  dit 

Traftatu  de  Plutarquc ,    UH  petit  enfant ,    un  vieillard ,  un  epervter ,  un  poijfon  ^  &  à  la. 

'fin  un  çhjËvaï  de  rivière ,    ou  hippopotame.     Et  cet  emblème  fîgnifioit ,  0  vous 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Tart.lY.  66^ 

(jfui  Arrivezi^  i^  vous  qui  vous  retirez,,  "vous  tous  pajjans ^  jeunes  &   vieux ^ 
Dieu  hait  tonte  violence  &  injufiice.     Car  par  i'épervier  ils  répréfentoient 
Dieu,  par  le  poiflbn  la  haine,  &  par  l'hippopotame,  l'injufticeÔc  la  vio- 
lence ,  parce  qu'on  tient  qu'il  tue  ion  père ,  &  par  violence  s'accouple  à  ' 
fa  mère. 

Ilyavoit,  dit-on,  des  peuples  en  Egypte ,   appeliez  Tenty rites,   qui 
adoroient  I'épervier.     Les  Tentyrites ,  dit  Elian,  adorent  les  ép,erviers.     IlyHift.  natur. 
avoit  auffi  des  peuples  en  Egypte,  qui  adoroient  les  aigles i  les  7hei>awsj^'^°'^'  ^*' 
dit  Diodore  Sicilien,    adorent  l'aigle,  parce  e^ue  cet  animal  leur  pa.r oh  royal ^ 
é"  digne  de  la  majeflé  de  fupiter.     Ainfi  pour  toutes  ces  raifons,  il  melèm-    ,, 
ble  queNifroch  étoit  Jupiter  Belus  ,  adoré  fous  l'emblème   d'un  aigle.    ^  *  ^' 
Je  ne  Taurois  m'empêcher  de  faire  reflbuvenir  que  ce  Jupiter  Belus ,   des 
Babyloniens ,  fondateur  de  leur  Empire ,  eft  le  Nimrod  de  Moïfe.     Et  en 
même  tems  je  remarque  que  7^/roch ,  6c  Nimroà  font  fort  voifins ,  &  en 
voulant  honorer  la  mémoire  de  ce  fondateur,  ils  ont  changé  fon  nom  de 
iVîf>»r<?^,  .qui  fignifie  rebelg^nceluj-,_^e  Nijrochj  qui  fignifie  un  jeune 
aigle.  aJàe^  jji^-yv ,  ^/i^^fi-'Tî^^^»^  Hl^  F'  ^'^  ' 

Je  ne  fai  plus  qu'une  divinité  mfefeulitfc ,  dont  il  nous  foit  parlé  dans 
l'Ecriture ,  ôc  dont  nous  n'ayons  rien  dit.  C'efl:  Thammus ,  dont  nous 
parle  Ezechiel  quelque  part.  Mais  comme  on  eftime  que  ce  Thammus 
eft  Adonis,  l'amant  de  Venus ,  je  voi  qu'il  efl  inféparable de  cette  Déefîe. 
Ceft  pourquoi  il  faut  le  réferver  pour  le  chapitre  d' A iloreth,  &  de  Suc- 
coth  Benoth ,  oîi  nous  aurons  à  parler  de  la  Venus  Syrienne. 


^an  IV.  Pppp  V.  TRAÎ-- 


V 


666 


HISTOIRE  DES   DOGMES 


V.      TRAITE 


DES     DIVINITEZ 


I  N  I  N  E  S, 


D^^^ftaroth^  Asherah  y  Smcoth  -  Benoth  ,  la  DéeJJe  Sj- 
riemie  5  l/enm  Uranie  ,  Derceto  ,  Atergatis  Qfc. 


CHAPITRE     I. 

De  k  BeeJJe  Ajlarolhy  defes  divers  noms.  Que  c*  et  oit  une  T>éeJJe^. 
^  non  un  Dieu:  du  mm  ^'Asherah.,  quatre  autres 
noms  de  la  même  Déeffe. 

s^^^^^^^^^^^2||'  Otis  avons  parlé  de  la  Mère  des  Dieux  ^  que  les  La^ 
iWsiL-.f^&^'^i^Âl^faPi.-Mm  |-ij^g  5j;  }çg  Grecs  ont  appellée  Cybele.  Nous  l'avons 
trouvée  fous  le  nom  de  T^aal  Berith.  Parée  que  lea 
Auteurs  l'ont  prife  pour  un  Dieu,  nous  avons  bien 
voulu  la  laifTer  entre  les  divinitez  mafculines.    Mais 
on  doit  être  averti  que  cette  Bahal-Berith  ^  étant  la 
vraye^é'j't?/ des  Grecs5&  JaC)'/'Ê'/-e,Mere  des  Dieux.Elle 
devroit  être  à  la  tête  de  ce  Traité  des  divinitez  fé- 
minines.   C\^  la  Mère  :  parlons  des  Filles  &  des- 
autres Déefles.    La  première  ôc  la  plus  célèbre  que  nous  rencontrons  eft 
^fiarothj   Déefle  des  Sidoniens,   qui  eft  prefque  inféparable  de  Bahal> 
car  où  ii  nous  eft  parlé  du  culte  de  Bahal ,    il  nous  y  eft  auffi  prefque 
toujours   parlé  d'Aftaroth.     Par  exemple  dans  le  livre  des  Juges  il  eft 
dit,    chap.    2.    If    que  les  enfans  d^Ifra'él  abandonnèrent  l'Eternel^  &  fer~^ 
virent   a   Bahal  &   a  Jîfiaroth.     Au  cinquième  chapitre  du  même  Livre 
f.    7.   l'Auteur  Sacré  dit   encore  ,    &  ils  firent   ce  qui  e^   déplaifmt  à 
P Eternel.     Ils  oublièrent  P Eternel  leur  Dien  ,    (^  fervirent  aux  "Bahalins  & 
k  Aflaroth.     C'eft  ainfî,  qu'il  y  a  dans  le  Latin  de  la  Vulgate.     Mais 
dans  FHebreu ,  &  dans  le  Grec  des  70.     on  lit ,    ils  fervirent  aux   Baha- 
lins  &  aux  bocages.     Dans  le  dixième  chapitre  f.  6.    Tuis  les  enfans  d^ïf- 
mél  rsiçmmencerent  à  faire  ce  qtfi  de'pkit  k  t^ Eternel  5  &  fervirgm  mjf  Baha- 

Um 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Part.lY.GSf 

lins   dr  à  AJiaroih  ^    favoir    aux    Dieux    de  Syrie  ^    aux    Dieux   de    Stdon , 
aux  Dkux  de  tSHoab ,    aux  Dieux  des  enfans  de  Hammon  j    ^  aux  Dieux 
des  PhiUfiins.     11  nous  ell  auffii  parlé    de   cette  divinité  au  premier  de 
Samuel,  chap.  i.  f.  ■^.     Si  vous  vous  retournez,  de  tout  votre  cœur  à  l'E~ 
tcrnely    ôtez.  d'' entre  vous  les  Dieux  des  étrangers  ,  &  Afiaroth    &c.     Alors 
ks  enfans  d'ijraël  êterent  les  Bahaltns  &  Afiaroth  ,    &  fervirent  à  ï*Eternel. 
au  chap,  12.  7,  du  même  livre  ¥.  10.  Ils  crièrent  à  l'Eternel  &  dirent,  i-esTcont 
nous  avons  péché ,    nous   avons  fervi  aux  Bahalins  ^  &  à  Afiaroth.     l'Hif-  à.cc.ii^re'iost 
toire   fainte   dit,    qu'après   la  défaite   de   Saul  ,    les   Philiftins ,   «z/- i.  samuei 
renî  fis  armes  au   Temple  à^<tAftaroth.     Ce   fut   l'une    des  fauffes  divini-  ^^'  ^'  ^''' 
tez,  que  Salomon   fervit    par  l'indu^lion  de  Ces  femmes,    &  Salomon  ^Koischs^, 
chemina  après  Afioreth,  Dieu  des  Sidoniens.     Et  les  hauts  lieux  qu'il  lui  bâ-  "*  ^^' 
tit  durèrent  jufques  au  t€ms  de  Joas ,   duquel  il  eft  dit  (juil  profana  les  2  Rois  2î>. 
hauts  lieux  qui  étoient  vis  à  vis  de  ferufalem  .^    à   la  main  droite  de  la  mon-  ^^' 
tagne  des  Oliviers ,  que  Salomon  avott  bâtis  a  Afiu)reth  ,    V abomination  des  Si- 
doniens.    Dans  les   premiers  de  ces  pafiages  ,    ce   mot  s'écrit  n^nii^i; , 
Aftaroth  5  ôc  dans  les  deux  derniers  il  s'écrit  mn^p  ,  Aftoreth.  Cette  pe- 
tite différence,   qui  n'eil  que  dans  la  ponéiuation ,   ne  fauroit  empêcher 
qu'on  ne  reconnoilTe  la  même  divinité  dans  ces  deux  noms.  Il  ell  certain 
qu'on  l'a  prononcé  encore  d'une  troifiéme  manière  Pnnii^pyAfiereth.'Nous 
verrons  tantôt  quelle  eft  celle  qui  doit  être  préférée. 

La  première  chofe  que  nous  avons  à  établir,   touchant  cette  divinité,  Aftaroth  . 
c'eft  que  c'étoit  une  Déeffe,  &  non  pas  un  Dieu.  Le  texte  Hébreu  l'ap-  Déeffe""8c 
pelle  bien  un  Dieu:  Salomon,  dit-il,  chemina  après  Aftaroth,  Don'ï  \iV»s*,  «on  pas  «a 
Dieu  des  Sidoniens.     Mais  cela  ne  fait  pas  une  difficulté,  parce  que  nous  °'^"° 
avons  déjà  plufieurs  fois  remarqué  que  le  dialeéte  Hébreu  n'a  pas  de  nom, 
pour  fignifier  les  divinitez  féminines ,  les  Prophètes  appelloient  les  Dieux 
&  les  DéeJJçs  des  Payens    indifféremment  du  nom  de  Dieux.     JVÎais  an 
refte  tous  les  Savans  tombentd'accordqu' Aftaroth  ,ou  Afturethjétoitune 
DéeîTe,  &  cela  ne  peut  pas  être  révoqué  en  doute  le  moins  du  monde. 
Car  il  n'en  eft  pas  de  cette  divinité,  comme  des  autres  de  l'Orient,    dont 
le  nom  a  été  très- peu  connu  dans POccident.     Le  nom  de  celle-ci  eft 
très  connu  entre  les  Grecs  &  les  Latins,  qui  l'appellent  Afiarta^  ou  Af. 
t-arté ,  6c  la  reconnoiilént  pour  être  l'une  des  Déciles  des  Phéniciens.  Ci- 
ceron  en  parle  dans  letroiiiéme  Livre  de  T^tura  Deorum.  D.ins  lepaflage 
oii  il  conte  quatre  Venus,  la  première  fille  du  Ciel  &  du  Jour,  la  fécon- 
de née  de  l'écume  delà  Mer.     La  troifiémefîiîe  de  Jupiter  &  de  Dioné,   ' 
qui  fut  mariée  à  Vulcain  ,  ôc  qui  eut  Anteros  de  fon  adultère  avec  Mars.  "^ 

La  quatrième  eft  nôtre  Aftarté ,  quarta  Sjria ,  lyrique  concept  a ,    quiz  Ajlarte 
vocatur  ,    quam  Adonidi  nupfifie  traâitum  efi.     Saint  Auguftin  étoit  voifîn" 
des  Carthaginois,  qui  étoient  une  colonie  des  Phéniciens ,  &  nousappre-' 
nons  de  lui  qu' Aftarté  étoit  une  Décfte  des  Carthaginois ,  qui  étoit  venue 
d'Orient  avec  eux.      Et  fervirent  'Bahal  &  les  Afiartés.     Solet  dici  Bahal  q^^^q^^  i-^ 
mmenejjè  apud  gentesillarum  partium  fovis^  Aftarté  autem  funonis^  quod  Im-  '^^-'^['j^^ 
gua  Punica  putat-ur  oftendere  &c.  funo  autem  fine  dubitatione  ab  illts  Afiarte 
vocatur.     Lucien,  dans  le  Livre  de  la  DéeiTe  Syrienne,   dit,  qu'/Zj  (^Lucien  de 
aujfi  un  grand  Jemple  en  Phémcie  ^  entre  les  Sidoniens  ^   qui  eft  dédié  à  Afiar-  ^^^  ^>'^'*-' 
té,  que  feftime  être  la  Lme..    Fiiilo  Biblïus,  dans  le  Fragment  qu'^El^fe-:' 

Pppp  a  be 


668  H  I  S  T  O  I  R  E  D  E  S  D  O  G  M  E  S 

be  nous  a  confervé,  &  qui  efttiré  de  Sanchoniathon,  parle  fouvent  de 
cette  Ailarté,  comme  d'une  des  Dcefles  des  Phéniciens,  qui  efl:  fille  de 
Cœlus.  Durant  ce  tems-la^  comme  Cœlus  était  exilé ,  ilenvoya,  fa  fille  Afiarté^ 
qai  et  oit  vierge  ,  avec  fes  deux  Cœurs  Diane  &  Rhea  ,  c^  et  oient  fes  trois  filles  , 
pour  tuer  frauduletifement  Saturne.  Mais  Saturne  gagna  ces  deux  filles  , 
coucha  avec  Altarté,  en  eut  fept  filles  6c  deux  mâles,  Cupidon  5c  l'Amour. 
Enfin  les  70.  Interprètes  expliquent  toujours  l'Aftarothjl'Afioreclijdu  Tex- 
te Hébreu  ,  par  h^âprvi ,  d'un  nom  féminin,  excepté  au  lo.  chap.  des 
Juges ,  où  confervant  le  mot  comme  il  eft  dans  l'Hébreu  ,  ils  ont  mis 
A  ç«pàô,avec  l'article  tcuç^  qui  efl;  pluriel  &  Féminin,  comme  fi  ce  mot  figni- 
fioit  plufieurs  Déefîes.  Si  l'on  avoit  befoin  d'autres  preuves  que  cette  Ailarté 
eit  une  Déeiîe,  on  en  trouveroit  quantité.  L'Auteur  de  ces  deux  fcenes, 
qui  avoient  été  ajoutées  à  la  Comédie  de  Plaute ,  appeilée  Mercator,  dans 
le  quatrième  A6ie,  l'appelle  Diva^ 

Diva  Afiarte  hominum  Deordmque  vis ,  vita ,  falus. 

Puifque  le  fexe  de  cette  divinité  n'efl:  pas  conteflé,  il  n'efl:  pas  neceflairc 
d'en  apporter  plus  de  preuves.  Il  faut  examiner  Ton  nom,&  voir  fi  nous  en 
tirerons  quelque  lumière.  J'ai  remarqué  déjà  que  les  Hébreux  le  pronon- 
cent de  deux  manières.  En  certains  lieux  ils  difent  nnnii'y  ,  Allaroth, 
&en  d'autres  r^'^rwv  ^  Aflioreth.  J'ai  dit  auffi  que  les  Phéniciens  l'ont  ap- 
peilée, rDTWV .  Cela  efl:  clair,  parce  que  les  Grecs  ôc  les  Latins  ont  ap- 
pelle cette  DétÏÏQ  Aftarté  ,  êvçâpTyi.  Ce  qui  faifoit  voir  que  les  Orien- 
taux 5  dans  le  dialeéte  Chaldaïque,  rappelloient  l^îmnsi'j; ,  Afl;arta.  Or 
Afl:arta  vient  d'Ailereth,  &non  pas  d'Afl:aroth,ou  d'Aftoreth.  Car  ceux 
qui  ont  quelque  connoifl^ance  de  ces  langues  Orientales ,  favent  que 
Knim'i?,  efl:  la  forme  emphatique  ,  comme  parlent  les  Grammairiens, 
du  mot  im.ni^y .  Je  ne  doute  pas  que  le  plus  ancien  de  ces  trois  noms,  6c 
le  vrai  nom  de  cette  divinité,  ne  loit  ay^ftaroth.  Et  les  autres  ont  été  for- 
mez de  celui-ci  par  quelque  corruption.  C'efl:  celui  dont  le  texte  fe  fert 
le  plus  fouvent ,  car  il  n'écrit  que  deux  fois  <iyifioreth ,  ôc  jamais  <t/^fis' 
reth. 
jofués».  10,  La  capitale  ville  de  Hog,  Roi  de  Bafçan  ,  s'appelloit  Aftaroth,  6c  non 
&13.U.  31.  pas  Aflioreth.  Elle  étoit  firuée  au  delà  du  Jourdain  ,  ôc  fut  du  partage 
de  Manafle.  Dans  le  14'"*.  chap.  de  la  Genefe  ,  il  nous  ell  parlé  d'un 
lieu  appelle  Aftharoth  ,  où  Kedor  -  lahomer  battit  les  Rephaïms.  Ce 
peut  être  le  même  lieu ,  où  depuis  Hog ,  Roi  de  Bafçan ,  habita  :  Quoi 
qu'il  en  foit ,  cette  ville  avoit  apparemment  tiré  fon  nom  de  cette  Déefl'e , 
adorée  dans  le  païs.  Car  on  fait  bien  qu'il  étoit  ordinaire  de  donner  aux 
villes  &  aux  hommes,les  noms  des  Dieux  6c  des  Déefl^es,  6c  cela  me  confirme 
dans  la  penfée  que  le  nom  de  la  Déefie  étoit  Aftaroth ,  d'où  la  ville  avoit  pris 
fon  nom.  Les  Hébreux  croyent  qu'elle  étoit  ainfi  appeilée,  à  caufe  que  fes 
images  6c  fes  fl:atuës  avoient  la  forme  d'une  brebis ,  6c  le  fondement  de 
cette  conjeélure ,  c'efl:  que  le  mot  ry^rw}} ,  Aftaroth^  dans  la  Langue  Sain- 
te fignifie  des  brebis ,  6c  des  troupeaux.  Il  fe  trouve  en  ce  fens-là  dans  le 
7.  du  Deuteronome  v.  13.  6c  dans  le  chap.  28.  4.  dans  l'un  6c  l'autre 
endto^  il  ell  conilruit  avec  le  mot  |N2f ,  qui  fignifie  troupeau.de  brebis, 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  PartAY.  669 

"|3Ny  rrnni^v  ,  les  brebis  de  ton  troupeau.  G'ell:  le  lentiment  de  Kim- 
chi,  [N2fn  ni3p3  ani  rsnn^v  n-)W3  n^^iti*!;  cj^o'^ïj  c'étoient  des  images 
faites  en  forme  de  brebis,  qui  font  les  femelles  du  troupeau. 

C'ell  une  conjedure,  que  j'ai  paffionnément  fouhaité  de  pouvoir  con-  La  Déeffe 
iîrmer  par  quelque  bonne  autorité,  parce  que  cela  s'accorderoit  très  bien  ^tnt^T 
avec  la  figure  ,   qu'ils  avoient  donnée  à  leur  Jupiter  ,  ou  Bahal ,  c'étoit  d'Aflaioth, 
une  tête  de  bélier.     Et  toi  fupiier  ,  foujfriras  tu  toujours^  difoit  Moraus,  Luckn. 
e^Hon  te  donne  des  cornes  ^  &  c[H*on  t'adore  fo  h  s  h  figure  (X'un  bélier  ?   Comme  L'afiemblèe 
je  tiens  pour  certain  qu'Aftaroth  efl  Junon,  je  trouve  qu'il  n'y  avoitrien**"^^^"^' 
de  mieux  penfé,  en répréfentant  le  mari  comme  un  bélier,  de  répréfen- 
ter  la  femme  comme  une  brebis.     Mais  par  malheur  nous  ne  trouvons 
rien  ,   qui  favorife  cette  conjecture.     Au  contraire  on  trouve  plutôt  des 
chofes,  qui  la  détruifent. 

Il  y  en  a  d'autres,  qui  avouent  que  laDéefTe  Aftaroth  a  pris  fon  nom 
d'Aftaroth,  qui  fignifie  brebis,  ou  troupeau,  à  caufe  que  cette  Déefle  efl 
Venus,  laquelle  préfidefur  la  génération  de  toutes  chofes,  &  particuliè- 
rement des  animaux,  félon  ce  que  difoit  Lucrèce, 
—-"•►—-  Per  te  omne  genus  animantttm 
Comiptur  ^  vifiî^ue  exortum  lumina  foUs . 
C'eft  le  fentiment  de  Bochart.   Mais  cette  raifon  me  paroît  tirée  de  fort  peAnîma- 
loin  ,   outre  qu'Aftarté  n'eft  pas  Venus.    Mr.  Huet  ,  qui  veut  trouver  lîb! 2."c.' 43. 
par  tout  fon  Moïfe  ,    6c  fa  femme  Sephora  ,   veut  que  la  Déefîe  Allarté 
fût  la  femme  de  Moïfe  ,   6c  qu'elle  ait  été  appellée  Aftaroth  ,   à  caufe 
qu'elle  étoit  bergère,  ou  mariée  à  un  berger.  Aftartenomen  habet  ab  Afta-  Demon- 
roth^  cjHod  grèges  fonat  ,  utpote  Hxor  ^J^ofis  viri  fecuarim  rei  dediti  ^  de  génère  Prôp.4^*"^* 
Ifraëlitarum,  qui  erant  viri  pafiores  oviurrt.    Je  laiffe  à  juger  aux  Savansde  cap.  10, 5. 5. 
la  folidité  de  cette  conjeélure. 

Il  y  a  dans  l'Hiftoire  Sainte,  favoir  dans  l'original  Hébreu  ,  un  mot -'^^f"*''*' 
qui  approche  fort  de  celui   d'Aftaroth.   C'eft  Asheroth  ,   niiD'^î ,   qui  quenws' 
fe  lit  entr'autres  dans  le  troifiéme  chap.  du  Livre  des  Juges,  v. 7.  Et  ils  ^vonstour- 
fervirent  aux  Bahalins ,  izj^^;;3n  nN ,   6c  aux  bocages ,  ^-l'n^:'^*^  nNi ,  &  S  cSnè- 
Haasherot.  Les  70.  Interprètes  ont  tourné  iKârpsvc-av  t^  Bûcuh,  nci  toTç  âKa-eiri ,  ""^ntun  des 
coherunt  Bahal  &  Lucos.     Grotius  veut  croire  qu'Asherot  ,   6c  Aftaroth,  taité, 
font  deux  noms  d'une  même  divinité ,  que  l'un  vient  de  l'autre ,  ou  plu- 
tôt que  c'eft  un  même  nom  prononcé  un  peu  différemment.     Et  qu'ainii  Gfotius  in 
Aftaroth  n'a  point  pris  fon  nom  des  brebis,  mais  des  forêts  6c  des  boca-  c^.l"i3. 
ges  5   dont  elle  eft  la  mère.     Car  il  veut  qu'Aftaroth,  ou  Aftarté  ,  foit 
la  terre,  ou  la  Déefle  Cybele.  Cette  opinion  eft  vrai-femblable  ,  à  caufe 
de  la  conftruclion  de  ces  mots,  ils  fervirem  les  Bahalms  dr  asheroth.   Car 
Aftaroth  eft  ordinairement  jointe  avec  lesBahaHns,  ainfîl'un  fembleêtre 
ici  mis  pour  l'autre.  Outre  que  l'on  ne  dit  gueres  fervir  des  bocages,  pour 
dire  fervir  dans  des  bocages.     Cette  conjeélure  eft  encore  fortifiée  par 
l'Hiftoire  d' Achab ,  6c  par  celle  de  ManafTé.     Celle  d'Achab  dit  que  ce  !■  R«g.  î^- 
malheureux  Prince  prit  à  femme  Izebel,  fille  d'Ethbaal,  ou  comme  l'ap-  ^'' 
pelle  Jofephe  Ithobalus  ,  Roi  de  Sidon,    Cette  Sidonienne  amena  avec 
elle  fes  Dieux  6c  fa  Religion  ,  6c  corrompit  Achab  6c  tout  Ifraëî.     De 
forte  qu' Achab  fsrvit  à  Bahal  &  fe  projferna  devant  lui.   Il  drejfa  un  Antel  à  y.  31. 5532 . 
Bahal  dam  le  Temple  qu'il  lui  bâtit  en  Samarie.  L'Hiftoire  ajoute  qu' Achab 

Pppp  5  fit 


670  HISTOIRE  DES  DOGMES 

filAsherA^  nitJ'N*  ,  nous  avons  tourné  uné>ocage.  Mais  il  y  a  bien  appa- 
rence que  cette  Ashera  ,  ell  nôtre  Aftarté.  Car  Aftarté  étoit  la  grande 
DéelTedes  Sidoniens,  comme  Bahal  en  etoit  le  grand  Dieu.  Et  il  n'y  a  pas 
d'apparence  que  cette  fuperiîitieufe  Jezabel  eût  amené  Bahal  avec  elle  , 
ôc  eut  négligé  Altarté,  divinité  qui  marchoit  toujours  côte  à  côte  avec  Ba- 
hal, &  qui  de  plus  étoit  de  même  fexe  qu'elle  ,  pour  laquelle  par  con- 
féqueut  elle  devoit  avoir  plus  de  dévotion.  C'eil  le  fentiment  d'Abarbi- 
nel.  Il  tient  (\vCAshera  étoit  une  Déefle  ,  &  la  Déefle  Aftarté.  Car  dans 
fes  Commentaires  fur  Jeremie  ,  parlant  de  la  Reine  des  cieux  ,  dont  le 
'r  Prophète  par)';  au  44.  de  Tes  Révélations  v.  18.  il  dit:  fe  vof4s  ai  déjà  dit 

:  mon  fentiment ^c  eji  <jHe  Baal^  qu^tls  ont  adore\  ejl  le  Soleil^  qt^ils  appeUoientauiJl 

Aïûloch  ,  cefi'à-dire  Roi^  parce  (^u*il  étoit  Roi  fur  tous  les  enfans  dP orgueil.  Et 
Asherah ,  a  Uquelle  ils  fervoient  auffî^  étoit  la  Lune,  <^ui  étoit  appellée  la  Reine  de^ 
deux  ,  comme  rScriture  appelle  le  Soleil  le  %oi  Moloch.  Ainfi  elle  appelle  la 
Lune  "'Rjine  du  Ciel.  Et  comme  le  Soleil  à  P égard  de  la,  Lune  efi  appelle  Baaly 
parce  ejuau  regard  de  la  Lune  il  efi  comme  un  Seigneur  &  un  mari  ,  cjui  com- 
munique a  fa  femme  de  fa  gloire ,  &  d,e  fa  fpknàem ,  amji  la  Lune  efi  appelles 
Ashera^  qui  efi  un  nom  du  genre  féminin^  comme  fi  elle  étoit  la  femme  du  Soleil^ 
laquelle  il  aime  &  qu'il  défire. 
ï,R.ôis2i,3.  L'Hiftoire  Sainte  nous  dit  que  Manaiïe  redreffa  les  Autels  de  'Sahalj 
&  fit  zAsherah  ^  comms  av oit  fait  Achab  "R^i  d'Jfraël^  ce  que  nous  avons 
tourné ,  &  ft  un  bocage.  Mais  il  ell  beaucoup  plus  naturel  de  tournefj 
//  redreffa  les  <iAntels  de  Bahal  &  fit  zAfiaroth ,  comme  avoit  fait  Achab  6cc. 
Car  Bahal  &  Aftaroth  vont  toujours  enfemble.  Sur  tout,  cela  eft  clair 
a.  Rois  31.  P^i'  ^^  ^"i  eft  ajouté  dans  l'Hiftoire  de  Manafle.  llpofaaufji  Plmage  d'^A- 
v-.  7.  shera  qu'ail  avait  faite  dans  la  maifon^  de  laquelle  Dietj  avoit  dit  A  David  & ,  à 

I  Ko"     g  ^^l'O'^on  ,  je  mettrai  mon  nom  à  perpétuité  dans  cette  maifon.     Nous  avons 
îs.  tourné  ,  Vtmage  du  bocage  qu'' il  avoit  faite  &c.  cela  n'a  pas  de  fens.  Cela 

€0  pourroit  avoir  en  nôtre  langue,  6c  lignifier  l'image  tirée  du  bocage.  Mais 
ceux  qui  ont  tant  foit  peu  de  connoiflànce  du  génie   de  la  langue  Hé- 
braïque, voyent  bien  que  les  mots  du  texte  fignifient  ,  la  fiatue  qui  répré- 
fentoit  Ashera ,  r~n!i'«n  Sds.  Car  fi  le  l'ens  étoit  qu'il  ôta  la  llatuë  qu'il  avoit 
pofée  dans  le  bocage,  pour  la  mettre  dans  le  Temple  de  Jerufaîem,  il  yau- 
roit  dans  le  texte  niLî'Knp'7D3  .^fiatuamehco.     Eliedità  Achab,  aiîem- 
ble  moi  les  4fo.  Prophètes  de  Bahal,  &  les  400.  Prophètes  n'^^^^d'Af- 
hera  ,  c'eft-à-dire,  d'Aftarté, que  Jczabel  avoit  apportée  de  Sidon  avec 
Ton  Bahal.     C'eft  encore  ainfi  qu'il  faut  expliquer  le  pafiage  des  Juges 
ehap.  6.  if.  28.     Gedeon  détruifit  l'Autel  de  Bahal  6c  coupa  Ashera, 
mi^Kn,  nousavonstournélebocage,  qui  étoit  auprès  de  lui.     On  lit  aufii 
quelque  part  que  les  femmes  fàifoicnt  des  courtines  ^ouy Ashera,  m{^'«  ,c'eft- 
à-dire,  pour  la  Déefte  Aftarté,  car  on  ne  fait  pas  des  courtines  pour  revê- 
tir dts  bocages. 
vieiez.Rois.    ♦  Procopius  de  Gaza  ,  ancien  Commentateur  ,  eft  abfolument  de. cette 
procop.       opinion,  çaroîiles70.  Interprètes  ont  mis  «Ao-oç,  mot  qui  fignifie  bocage^ 
Gaz.  in  C3p.  \\  obfervc  q["ue  les  autres  Interprètes  tournent  Asheroth,  ou  Afiaroth  ,    6c 
2,3.7.2..  eg.  ^^,.^^  entendent  par  ce  nom  Aftarté,  qui  eft  Venus.  To  Ss  uKa-og  oî  homoi 

hhv  ÊÇ'^cr^v  fv  Tï^  Ôe/û3  v£$.  Il  dit  la  même  chofe  fur  le  jy.ch.  du  fécond  des 

Rois. 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  TartlY.  6jî 

Rois.  C'eft  pourquoi  fur  le  verfet  4.  du  7.  chap.  du  premier  de  Samuel, 
oii  il  y  a  félon  l'Hébreu ,  &  ils  oterent  les  Bahalins  &  Afiaroth ,  &  félon  les 
Grecs,  &  ils  oterent  les  Bahalins ,  &  les  bocages  d'^Aftaroth^  TàaAo-j^  A'ç^pwô..  i. Sam.7.  ^ 
Il  obferve  qu'Aquila  a  tourné  tî]?  Nçâpr^çàyâKiiuTa ,  les  ftatuës  d'Aftarté. 
Et  même  il  y  a  apparence  que  les  70.  ont  lu  Asheroth  dans  l'Hébreu ,  au 
lieu  d'Aftaroth.  Car  dans  le  troifiéme  verfet  ils  ont  rendu  Aftaroth  par 
a?i(rvj,/«;  rk  uKcv\^  êc  dans  le  verfet  fuivant ,  oij  Aftaroth  fe  trouve  enco- 
re, ils  ont  tourné,  comme  nous  venons  de  voir.  Ta  «Ao-vî  A'ç«pwô  Jes  boca- 
ges d'Aftaroth.  Quoiqu'il  en  foit,  il  eft  clair  que  les  70?*^ont/œn^ns  corr^ 
qu" Asheroth  &  A/laroth,  étoient  des  noms  qui  fe  rapportoient  à  la  même 
divinité,  lavoir  à  la  Déeft^e  des  Sidoniens. 

Aflurément  ils  ne  fe  font  pas  trompez  ,  &  celui  qui  prendra  la  peine 
d'examiner  les  paftiiges  oii  ce  mot  Asheroth  fe  rencontre,  en  fera  perfuadé. 
Par  exemple  quand  il  eft  dit  que  Jofias  ordonna,  qu'on  tirât  hors  de  la 
maifon  de  Dieu  les  vaijfeanx  qui  ^voient  été  faits  four  'Baal^  pour  Asheroth ,  ^fKoTs  2|j 
&  fonr  toute  l'armée  des  deux  ,  n'eft-il  pas  clair  que  Bahal  eft  le  Soleil,  '^'  *' 
Asheroth  la  Lune,qui  s'appelloit  auftî  Aftarté,&  l'armée  des  cieux,c'eft-à-di- 
re,  les  étoiles.'*  Et  deux  verfets  après,  il  eft  dit,  que  fojïasfit  emporter  de 
la  maifon  de  P^Eîernel  Asberah ,  ce  que  nous  avons  tourné  le  bocage  ^  ^  te 
fit  porter  au  torrent  de  Cedron ,  &  le  brûla  dans  la  vallée  de  Cedron^  eju^il  la 
reduifit  en  poudre ,  &  la  jetta  fur  le  fepulcre  des  enfans  du  peuple.  Qui  ne 
voit  que  dans  le  Temple  de  Jerufalem ,  il  ne  pouvoit  pas  y  avoir  de  bo- 
cage, de  la  manière  que  ce  Temple  étoit  fait?  Ainli  il  eft  clair  que  cette 
Asherah  étoit  une  Idole. 

Je  fuis  donc  perfuadé  qu'Aftaroth  ,  &  Ashera  au  fingulier,  ou  Ashe- 
rot  aupluriel^  font  deux  noms  de  la  même  Déeft^e  Aftarté.     Mais  -je  ne 
croi  point  avec  Seldenus ,  o^ Ashera  &  Asheroth  ftgniliât  les  fimulacres  de 
bois  de  cette  Déefle  ,   car  ce  favant  homme  s'imagine ,  que  les  Hébreux  2.  Rois  i%, 
avoient  appelle  les  ftatuës  d'Aftarté  par  opprobre  Asherah  êc  Asheroth,  corn-  ^'  ^' 
me  qui  diroit  Dieux  de  bois  &  de  -bocage.     Simulacra,  dit-il,  igitur  li-  y^j    ^ 
gnea  Ajiarte  ,  feu  r^  Afioreth  dicata  Ashertm  &  Asheroth  ^  feu  lucos  di5iafen-  Selden.  synr- 
îio ,  ut  &  ad  nomen  fîmul  alluderetur  ,  &  tam  impari  divtmtati  materia  con-  de^Aftoieth' 
tumelia  ipfo  vocabulo  exprobraretur. 

Je  ne  donne  point  non  plus  dans  la  conjeéï:ure  de  Grotius,  quia  crû 
qu'Aftaroth  ôcAsht^roth,  eft  un  même  nom  prononcé  un  peu  différem- 
ment. Je  fuis  perfuadé  que  ce  font  deux  noms  d'une  même  Déelîè,  auf- 
fî  differens  que  Luna  6c  Diana.  Et  nous  verrons  tout  à  l'heure  ce  que 
fîgnifient  ces  deux  noms,  6c  pourquoi  les  Sidoniens  les  ont  donnez  à  leur 
Déefle  ,  quand  nous  aurons  dit  un  mot  de  l'erreur  des  GrecSjau  fujet  de  nôtre 
Afiaroth  &  AJiarté. 

Les  Grecs  ne  font  jamais  heureux  en  étymologies,  parce  que  ne  fâchant  que  in  voce 
le  Grec ,  ou  croyant  cette  langue  plus  ancienne  que  toutes  les  autres,ils  y  veu-  A'çpo^p- 
lent  trouver  l'origine  de  tous  les  noms.  C'a  été  l'erreur  de  Suidas,  qui  dit  X^- 
qu' Aftarté  a  tire  fon  nom  du  mot  Afire  ,  exsi  à%Q  nroù  AVpa  è'jçmvix.luv.  Et  itlé^ts^ 
c'eft  apparemment  de  là  qu'eft  venue,  l'erreur  d'Herodien,  dans  la  vie  d'An-  °^^  appelle 
toninus  Bafilianus,  autrement  appelle  Heliogabale.  En  décrivant  les  ex-  "yrL^ÎL. 
travagances  de  ce  Prince,  il  dit  qu'il  voulut  marier  fon  Dieu  Heliogaba-  ^iie  n'a  )V 
le  avec  Pallas ,  qu'il  fit  arracher  le  Palladium,  ou  la  ftatuë  de  Pallas  que  les  STom  S 


ex 


é72         HISTOIREDESDOGMES 

Romains  adoroicnt  dans  un  lieu  fecret,  6c  qui  n'avoit  pas  été  remuée  de- 
puis qu'elle  avoit  été  apportée  de  Troye  :  qu'il  fit  apporter  ces  deux  fi- 
niulacres  dans  fa  chambre  pour  les  marier  enfemble.  Mais  que  pafîant 
de  folie  en  folie ,  &  ayant  penfé  que  cela  ne  pouvoit  plaire  à  cette  Déef- 
Herodian.  fe,  qui  étoit  polTcdée  de  l'amour  pour  la  guerre  ,  //  envoja  quérir ,  dit-il , 
Hifto.hb,  5.  Iq  jlfj^iilacre  d?Vranle^  pour  laqftelle  les  Carthaginois^  &  toute  l' Afrique  avaient 
une  particulière  dévotion.  On  dit  que  ce  fut  Didon  la  Phénicienne^  qui  l* appor- 
ta 5  quand  elle  bâtit  f  ancienne  Carthage ,  &  quelle  coupa  le  cuir  d^un  bœuf.  Les 
africains  Rappellent  Vranie  ,  &  les  Phéniciens  ,  Aftroarche  ,  eflimant  que 
c'èfi  la  Lune.  Apurement  Herodian  s'ell  trompé,  quand  il  a  dit  que  les 
Phéniciens  appelloient  leur  Déefle  Afiroarche.  C'eft  d'Aftarté  dont  il  par- 
le,  &  parce  que  cette  Aftarté  eft  effeébivement  la  Lune,  qui  eft  la  Reine 
des  AilreSjil  a  crû  qu'ils  dévoient  l'appeller  Aftroarche ,  àito  tî^ç  rm  uarpm 
«P^vJÇî  de  l'Empire  qu'elle  a  fur  les  Ailres,  comme  fi  les  Phéniciens  euf- 
fent  parlé  Grec.  Si  donc  en  rapportant  Aftarté  à  la  Lune  on  trouve  quel- 
que raifon  dans  cette  étymologie  ,  parce  que  la  Lune  peut  à  jufte  titre 
être  appellée  AVTpo«p%j^ ,  c'eft  purement  par  hazard. 

Laiiîant  donc  là  toutes  ces  taulTes  étymologies ,  je  viens  à  celle  que  jç 
croi  véritable ,  &  que  Ton  n'a  point  encore  rencontrée.     Pofons  que  le 
vrai  6c  l'ancien  nom  de  cette  Déefle  ,   c'eft  Afiaroth ,  c'eft  ainfî  que  l'E- 
criture l'appelle  le  plus  fou  vent ,  6c  dans  les  livres  qui  font  les  plus  an- 
vetîtabk     cieus ,  commc  font  le  Livre  àts  Juges  6c  ceux  de  Samuel.  Aftaroth  pref- 
d'AftSoth'!  ^^^^  ^"^^^  aucun  changement,  vient  de  i-int?  r\rwv  ,  Afta  orot,qui  fignifie 
fe&.-'k-àiil,  facit  lumina  ^  qui  fait  ou  rend  des  lumières.  Certainement  ôc  évidemment 
Èferes^"  Aftarté,  c'eft  la  Lune,  6c il  eft  clair  qu'elle  a  pu  juftement  tirer fonnoni 
c'eftiaLu-  de  la  lumière,  puifque  de  tous  les  Aftres  noélurnes c'eft  le  plus  lumineux. 
°^'  Le  nom  de  Diane  ,    qui  eft  un  dts  noms  de  la  Lune  ,  me  paroît  ve- 

nir d'une  femblable  origine,  car  je  le  dérive  de  Dies  qui  fignifie  jourj 
parce  que  la  Lune  ,  fait  une  efpece  de  jour,  quand  elle  eft  dans  fon 
plein, 
îomquoiia       Les  Phéuicicns  ne  l'appelloient  pas  feulement  fource  de  lumière,  au  fin- 
défignéepar  g^licr  ,    mais  des  lumières  au  pluriel,  à  caufe  des  trois  lumières  différentes 
àts  lumières  que  la  Luuc  donne, celle  du  foir,  quand  elle  eft  dans  fa  première quadra- 
&no""L-'  ture,  celle  du  matin,  quand  elle  eft  dans  la  féconde,  6c  celle  de  toute  la  nuit, 
miere  au  fin-  quand  elle  eft  dans  fon  plein.     Ainfî  les  70.  Interprètes  fe  font  trompez 
quand  ils  ont  pris  ce  mot  pour  un  pluriel  ;  s'imaginant  que  cela  fignifioit 
plufîeurs  Idoles  de  la  même  DéefTe,  6c  ils  ont  tourné  ruTç  AVT<s;pwô,  aux 
Aftaroths.  Et  l'Auteur  de  la  verfion  que  St.  Auguftin  a  fuivie  dans  fes 
queftions  fur  les  Juges  a  tourné,  &  fervierunt  Mhal  &  Afiartibus.     Il  eft 
vrai  que  c'eft  une  terminaifon  pluriele  ,  mais  la  pluralité  ne  fe  rapporte 
pas  à  la  Déefle  i  c'eft  aux  lumières  5  c'eft-à-dire  ,  aux  diverfes  phafes  de 
la  Lune ,  qui  étoit  adorée  fous  le  nom  de  cette  Déefl^e. 
vctitîbie        Je  viens  à  l'autre  nom  d'Aftarté,  c'eft  Ashera  6c  Asheroth.  II  eftcer- 
du  mo°^^*  tain  que  ce  mot  fignifie  des  bois  6c  des  bocages.  Et  il  n'eft  pas  mal-aifé 
Ashera ôc     de  Comprendre  pourquoi  la  Lune  a  eu  ce  nom.     Car  on  fait  que  Diane 
A^heïor.     ^^  j^  j^^^^g  ^^^  j^^.^^  -^^  ^^^  ^,ç^  auflî  laLune. 


H- 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLÏSE.  Tart,lV.6ji 

Sufpiciens  altam  Lmam  jic  voce  precatnr ,  Virga. 

TTfi  Dea ,  tu  prafens  mjiro  fttcctirre  labori ,     ,  /Eneid,  9.  , 

AflroYPtm  decHs  (^  nemorum  Latonia  endos.  v.+oj. 

Aind  Asheroth  répond  au  nom  de  Diane,  comme  Aftaroth  à  celui  de 
k  Lune.  Je  trouve  même  que  Diane  a  porté  le  nom  d'Aftarté dans  l'Oc- 
cident. Les  Tjrrichiens ,  dit  Paufanias ,  ont  dam  leur  pais  le  Temple  de  Dia-  v^mus  ia 
ne  ^firate'e  ^  &  lacanfe  pour  laquelle  ils  Pont  atnjt  nommée ,  efl  qH^ilsdifentqHe  ^^conicis. 
t armée  des  Amazj)nes  s'^arrêta  dans  ce  Iten-la^  &  nepajïa  pas  pins  avant.  Il  dé- 
rive ce  nom  de  l'alpha  privatif  des  Grecs,  &  du  mot  arpâToçy  armée.  Et  moi 
j'eftime  que  cette  Diane  fut  nommée  Aftrat^a  d'Aftarté,  la  Déti^Q  des  Phé- 
niciens ,  qui  étoit  Diane. 

Les  Romains  avoient  leur  Diane  Nemorenjis  ,  qui  étoit  aufîi  appellée  Suetone  iib, 
Erycindy  du  bois  d'Aricia ,  qui  étoit  dans  le  voilinage  de  'Rome.     Le  Sa-  ^• 
Crificateur  de  la  DéefTe  étoit  appelle  T^morenfis  Rex.  IS^jmorenJt.  Régi  quoà 
muliis  jam  annis  potiretur  facerdotio  ,    validiorem  adverfarittm    fnbornavit 
dit  Suétone  de  Caligula.     C'efl  un  nom  tout  femblable  à  celui  à' Asheroth^ 
que  les  Phéniciens  donnoieht  à  leur  Décile. 


^  lU 


CHAPITRE     IL 

D'Afiarté  ér  de  trois  autres  T>éeJJes  y  qu^on  a  confondues  en  Sy^ 

ne.  Des  quatre  VéeJJes  Syriennes  3  qu'il  faut  démêler ,  Afiarté^ 

"DercetOy  Venus  'Uranie^  &  la  Véejfe  Syrienne. 

POur  connoître  cette  Déefîe  Aflarté  ,  il  fauteflaïerde  la  démêler  des 
autres  avec  lefquelles  on  Ta  confondue.  La  Syrie  avoit  quatre  Dé- 
efles,  dont  l'Hiftoire  eft:  à  la  vérité  un  peu  confufe  ,  c'eft  pourquoi 
il  faut  quelque  peine  pour  les  diitinguer.  La  première  étoit  nox.xc.All art é. 
La  féconde  s'appelloit  Derceto  ou  Ater'gatis.  La  troifiéme  étoit  la  F'enus 
Vranie^  qui  étoit  adorée  au  Mont  Laban.  La  quatrième  étoit  la  DéelTe  . 
Syrienne,  dont  Lucien, ou  un  autre  Auteur  ancien,  a  laifTé  un  petit liyre 
fous  le  titre  he  Dea  Sjria.    Mr.  Huet  les  a  confondues  toutes  quatre  en  hu«  bem. 

une.  Evang.p. 

Premièrement  pour  Atergatis  ou  Derceto,  la  plupart  des  gens  veulent  voyez  bo- 
que  ce  foit  la  même  qu'Aftarté.  Vofîius  attribue  à  Ailarté  d'avoir  été  re-  charrdeAnî- 
préfentée  par  une  figure  partie  poiflbn,  partie  femme,  êcparconféquent  iib.  f.caplg] 
il  la  confond  avec  Atergatis  ou  Derceto.  idoH.b'^^ 

Mais' cette  con;;'6i:ure  n'eft  pas  apparente.   Aftarté  étoit  adorée  chez  cap.zr."^' 
les  Sidoniens.  G'étoit  leurDéefle,  l'Hiftoire  de  Salomon  nous  le  dit,  6c  Aftartén'eft 
Lucien  plus  de  mille  ans  après  le  confirme,   comme  témoin  oculaire.  P^s  Derceto, , 
Il  y  a  (^ujfi^  dit-il,  tin  grand  Temple  en  Phénicie  entre  les  Sidoniens^^jui-ejl  dé- 
dié a  Aftarts.     Mais  le  Temple  de  Derceto  étoit  à  Afcalon,  ce  que  nous 

Fart.  IV.  QH^9  -avons 


674  HIST  OIRE  DES  D  OGMES 

avons  appris  ci- delÎLis  de  Diodorc  Sicilien   dans  le  chapitre  de  Dagon. 
C'étoit  donc  la  DéelTe  des  Afcalonires,  qui  étoient  l'un  des  cinq  Gouver* 
nemens  des  Phiîiftins.     De  plus,  il  eft  certain  que  la  ftatuë  de  Derceto 
ou  d'Atergatis  étoit  demi- femme  &  dcmi-poiiTon.  Or  celle  d'Aftarté  étoit 
toute  femme ,  excepté  qu'elle  avoit  ou  une  tête  de  bœufjou  au  moins  des  cor- 
VA\Çeh,  de    ncs  de  bœuf  iur  la  tête.    Car  Philo  Bibiius  dit ,  c^vCÂfiarté  mit  fnr  fa  pro- 
l-^-^''^^^' pre  tête  ia   tête  d'un  taureau,   comme  le  fgne  &  lamarcjmde  l"^  Empire.     Et 
''*  Lucien,  qui  nous  parle  d'Aftarté,  Ôc  du  Temple  qu'elle  avoit  entre  les  Si- 
doniens ,  ne  nous  dit  point  qu'elle  eût  la  figure  de  poiflbn.    Au  contraire 
il  diftingue  fort  nettement  A  ftarté  de  Derceto,  6c  ne  donne  la  figure  de 
poiilbn  qu'à  cette  dernière.  Derceto  enfin  eft  la  mère  deSemiramis,  rien 
de  femblâble  ne  fe  dit  d'Aftarté.     D'oij  je  conclus  que  nôtre  Déeffe  Af^ 
tarte ,  &  Derceto  ne  font  point  la  même.- 
Ucfceto.         Hérodote  confond  auffi   Venus    Uranie  avec  Dfcrceto,   car   il  dit, 
nifsunnle*  ^/^É"  les  Scythes^  éîmt  àms  U  Valefiine  dans  la  ville  à^/4fcalon  ,  la  plupart  nu 
yA:z\Kd'tLi- jirent  point  de  mal,    mais  ^PielqHes-uns  pillèrent  le  Temple  de  Fenus  ZJranie  , 
^*^'^'''*'        mi  ejl  le  Temple  de  cette  DeeJJê  le  pins  ancien ,  parce  que  le  Temple  que  cet* 
te  DéeJJè  a  dans  P lie  de  Cypre  <y  efi  venu  de  celui-là  ,  comme   l'^ avancent  les  Cy^ 
priûts.     Et  même  ce  [ont  les  Phéniciens  fortis  de  Syrie  ^  qui  ont  b^âti  le  Ttmpk 
de  Cythere. 

C'étoit  la  Déefle  Derceto  qui  avoit  fon  Templeà  Afcalon ,  8c  non  pas  la- 
Venus  Syrienne ,  qui  étoit  adorée  à  Biblis ,  6c  fur  le  Mont-Liban.  Mais 
les  Grecs  ont  confondu  toutes  les  divinitez  Afîâtiques. 
Aftâité  n'eft  On  confond  encore  Aftarté  avec  la  Venus  Syrienne  ,  qui  avoit  unTem- 
gasia  Venus  p]e  famcux  vcrs  les  racines  du  Liban.,  Mais  parce  que  nous  devons  un 
kD^ffeSyr  chap.  à  cette  Venus  Syrienne, à  caufe  du  Thammus  d'Ezechiel,nous  re» 
lienne  de    fervons  ce  que  nous  avons  à  dire  là-deflus,  que  nous  puifîions  en  parler  à 

iiiKicn,  r      j 

L'on  veut  de  plus  que  nôtre  Aftartê  foit  la  célèbre  DéefTe  Syrienne  , 
dont  a  écrit  Lucien.     Mais  je  croi  qu'on  a  tort.  Car  Aftarté  avoit  fon 
Temple  entre  les  Sidoniens  fur  le  bord  de  la  Mer  Méditerranée ,  6c  la 
Déelîè  Syrienne  avoit  le  fien  fort  loin  de  là  à  Hierapolis ,  prés  du  Fleuve  Eu- 
phrate  -,    Aftarté  avoit  des  cornes  de  bœuf  fur  laj  tête ,  6c  la  Déefle  Sy- 
rienne,, félon  le  rapport  de  Lucien,  avoit  des  tours   fur  la  tête.     C'é- 
toit Cybele',  comme  nous  l'avons  fait  voir  dans  le  chapitre  de  Bahal-Berith  s 
ôc  Aftarté  eft  Junon ,  comme  nous  le  ferons  voir, 
A«"sa"s        On  a  pareillement  tort  de  confondre  Atergatis ,  avec  la  Dcefle  Syrien- 
Déeffe^y*  ne,  quî  étoit  adorée  à  Hierapolis.  Pline  6c  Strabon  font  les  Auteurs, ou 
"^""!"\^r  les  occafions  de  cette  bevûë.    Le  premier  dit,  qu' Atergatis  étoit  adorée 
ne  &  de     dans  la  Ville  appellée  Bambyce  ^  autrement  Hierapolis  ^& par  les  Syriens  Ma^ 
gog.  Le  fécond,  favoir  Strabon,  dit,  qu'eau  delà  du  jfleuve  esî  Bamhyca ,  ap 
'  pelle e  autrement  Edejfe ,  ^  la  ville  facrse  Vepuwohtg ,  ou  l^on  fert  zAtergata  h 


Strabon 
Pline  lib, 

1:^2;       'Deejfe  Syrienne, 


la 


Pline  dit  la  même  chofe  que  Strabon.  Et  parce  que  l'un  8c  l'autre 
ont  dit  qu'on  adoroit  Atergatis  à  Vepuitohg  on  a  conclu  que  cet  Ater- 
gatis eft  la  même  Déefle,  que  Lucien  appelle  la  Déefle  Syrienne ,  parce 
que  celle-ci  étoitadoréeà  tepccitoT^g.  Mais  c'eft  une  bevûë  de  Strabon.  Il 
a  £ris  tepci'!tohç  pour  Afcalon  ,  car  c'étoit  dans  ce.  dernier  lieu  qu'on  ado- 
roit; 


ET  DES  CULTES  DE  LVEGLÎSE.  PartlY.Gj^ 

-'roît  Atergatis.  Ce  qu'il  ajoute  eft  faux  aulîi,  que  cette  Atergatafût  laDé- 
>elîe  Syrienne. 

Enfin  nous  ne  faurions  fuivre  dans  ces  Antiquitez  obfcures  un  guide  Le  véritable 
plus  fur,  que  l'Auteur  du  petit  livre  de  la  Déejfe  Syrienne  ,  qui  efl  entre  YwTde%n 
les  œuvres  de  Lucien.  Je  ne croi  pas  que  l'Auteur  foit  Lucien  lui-même  j  syri^nyx. 
car  cet  Auteur  efl:  fuperftitieux  &  rapporte  de  bonne  foi  ,  comme  veri-  P"^""^^- 
tables,  tous  les  faux  miracles ,  que  l'ondifoit  qui  fe  faifoient  dans  le  Tern- 
ie de  cette  Déeffe.    Et  Lucien  efl:  un  profane,  qui  fe  moque  de  toutes 
des  Religions.     Mais  je  croi  cet  Auteur  plus  digne  de  foi  que  Lucien ,  il 
efl:  ancien  fans  doute-,  il  efl:  judicieux,  il  étoit  Syrien  de  Nation,  il  étoit 
initié  aux  myfl:eres  de  Venus  de  Biblis  ,  6c  par  conféquent  il  étoit  très 
inftruit  des  myfl:eres  de  la  Religion  des  Syriens.     Cet  Auteur  diflinguc 
nettement,  comme  témoin  oculaire,  ces  quatre  Déeflès  que  l'on  confond. 
ID' Afl:arté  il  dit,qu'elle  avoit  un  grand  Temple  dans  le  païs  àcs  Sidoniens.  De 
Derceto,  que  fa  figure  étoit  derni-poiflbn  &  demi-femme.  De  la  Venus  de 
^.Biblis,  qu'elle  a  dans  cette  ville  un  grand  Temple  ,  oii  l'on  célèbre  tous» 
.les  ans,  les  myflreres  d'Adonis,  aHfqmls^  dit-ii,  je  fuis  initié.   Et  enfin  de 
la  Dédie  Syrienne  il  dit ,  qu'elle  avoit  fon  Temple  à  Hierapolis,  &  que 
fa  fl;atuë  répréfente  une  figure  de  femme  fins  mélange  de  figure  de  bête 
ou  de  poiffon,  comme  celle  de  Derceto.  Et  c'efl:  par  cela  que  cet  Auteur 
réfute  la  penfée  de  ceux  qui  croyent  que  ce  Temple  d'Hierapolis  étoit 
confacré  à  Derceto,  autrement  appellée  Atergatis ,  félon  l'erreur  de  Strabon, 
fur  laquelle  Pline  a  encoi'e  enchéri.    Car  Strabon  a  fimpiement  dit  que 
la  Déefle  Syrienne,  qu'on  adoroit  à  rfip«7roAiç, étoit  Atei^ata.     Mais  il  n'a 
point  dit  qu'elle  y  fût  adorée  fous  la  figure  d'une  femme  ôc  d'un  poif. 
fon.   Pline,  qui  favoit .d'une  part  qu'Atergatis  étoit  répréfentée  comme 
une  femme  demi-poiflbn,    ôc  de  l'autre  trompé  par  Strabon,  croyant: 
qu'Atergatis  étoit  adorée  à  ï'fpiToA/ç ,  il  a  joint  ces  deux  cbofes  énfembleç. 
'&  a  dit  qu'à XepiX7roA/$5  on  adoroit  la prodigieufe  Atergatis^  c'efl:.à-dire  cet- 
te figure  prodigieufe  de  demi-femme  ôc  demi-poifibn.  Ce  qui  efl:  faux. 


:    _  -.C  H  A  P  r  T  R  E     IIL 

'^il  nom  Aftarté  a  porté  dans  l'Occident ,  parmi  les  Grecs  o"  les 
Romains.  Si  c'ejl  Cybele^  Venus  ^  oujimon. 

PRéfcntement  il  faut  voir  quelle  efl:  celle  des  DIvinitez  Romaines  &  Afiatté 
Grecquc-s ,   qui  a  porté  ce  nom  d'Aflarté  entre  les  Phéniciens ,    ou  ^g^'f^; 
quel  nom  Aftarté  a  pris  en  paflant  dans  l'Occident.    -Grotius  veut  Grecs  sc  des 
que  ce  foit  Cybele  ,  &  il  efl:  fuivi  de  Mr.  Huet.     La  penfée  de  Grotius  ^^""^• 
eft  fondée  fur  le  mot  Jshera^ qui  fignifieun bocage, parce  que  Cybele  étoit  "  ■■*"^" ^' 
adorée  dans  des  bocages,  felmi  ce  témoignage  d'Ovide  Meramorph.  7. 


676         HISTOIRE  DES  DOGMES 

Templa  Deum  Matri ,  qU(Z  c^uotidam  clams  Echion 
Fecerat  ex  voto  nemorojïs  abditafilvis, 

C'eft  un  fondement  qui  me  paroît  aflez  fragile.  L'opinion  de  Monfieur 
Huet  eft  appuyée  fur  ce  que  Seldenus  6c  lui  ,  confondent  nôtre  Aftarté 
avec  la  Déelfe  Syrienne  de  Lucien  ,  laquelle  eft  affûrément  Cybele  ,  la 
Mère  dzs  Dieux.  Mais  je  fuis  afluré  que  ces  habiles  gens  fe  trom- 
pent. 

L'opinion  la  plus  courante  ,  c'eft  qu' Aftarté  eft  la  Venus  des  Grecs 

£c  àts  Latins.     Les  Modernes  font  en  cela  foûtenus  du  témoignage  des 

DeNatcra    Ançicns.   Ciccron  conte  nôtre  Aftarté  pour  la  quatrième  Venus,   quarta 

Deoriim  3.   ^yy^^  Tjrôque  concerta  ,    qti&  <iyîjiar.te  vocatur  ,    quant  AUvnidi  nupjijfe  aiunt. 

Philo  Biblius ,  dans  le  fragment  deSanchoniathon,  dit  aufli  tj^v  $è  A'çap- 

rviv  cpomaeç  t^^v  A'(|)po^/TV]v  eivai  héyaci.      Les  T^hémciens  difent  qu  Aftarté  ejl 

*FenHs.  Procopius  de  Gaze  fe  range  dans  ce  fentiment ,  après  avoir  inter-. 

prêté  le  Ta  uKgv\  AVrapwô,  des  70.  par  uyah^LaTa.  A'crrapTviç ,  félon  ïa  verfion 

d'Aquila,  il  ajoute  que  cette  Aftarté  eft  Venus.    Ce(i-  ainjt^  dit-il,  qu'ib 

appellent  Venus  ,   ht  ayant  donne'  fin  nom  du  mot  K(jt^ov.     Suidas  eft  dans" 

la  même  penfée  ,  &  nous  donne  la  même  étymologie  du  nom  d' Aftarté, 

Aflarxé ^  dit-il  ,  qui  eft  app elle e  par  les  Grecs  Ven^s,    Car  ils  difint  dans  leurs 

.  fahhs ,  que  c'eft  P étoile  du  jour. 

Mais  quelque  exprés  que  foient  ces  témoignages,  je  ne  faiirois  m'y  ren- 
dre 5  &  je  ne  doute  pas  que  cette  erreur  ne  vienne  ,  de  ce  que  l'on  a 
confondu  mal  à  propos  nôtre  Aftarté  ,  avec  la  Venus  Syrienne.  Je  fai 
bien  qu'il  y  a  une  grande  confufion  dans -la  Théologie  Payenne  ,  &  que 
Junon,  Diane,  Venus,  Aftarté  6cc.  font  peut-être  dans  le  fond  la  même 
Apulée  chofe,  qui  a  été  adorée  fous  tous  ces  difïerens  noms,  Apulée  dans  Pon- 
lib.  II.  Me-  2iéme  de  fa  Metamorphofe  veut  que  Diane  ,  Venus  ,  Junon  ,  Miner- 
samorp  ».  ^^  ^  j^  Mcrc  des  Dieux ,  Proferpine  ,  Gérés ,  Beilone ,  Hécate  ,  Rham- 
nuiia ,  Ifis  ,  foient  une  feule  &  même  Déefte.  Cujus  numen  unicum  mut- 
fiformi  fpecie  ^  ritu  varia  ,  nomine  multijugo  ^  toius  veneratur  orbis.  Et  que 
cette  divinité  à  diverfes  formes  ,  eft  rerum  naiura  ,  parens  ,  elementorum 
omnium  domina ,  f&calorum  progentes  initialis  ,  regina  manium  ,  prima  c£li- 
tum^i  Deorum  Dearumque  faciès  uniformis ,  qua  cœli  luminofa  culmina  ^  maris 
faUibria  fiumina^  inferorum  deplorata  flemia^  nutibus  fuis  difpenfat.  Mais  quoi 
qu'il  en  foit ,  bien  que  ce  fût  la  nature  univerfelle,  cependant  parce  qu'el- 
le étoit  adorée  en  des  lieux  diftérens ,  fous  des  images  dift^erentes,  avec 
des  cérémonies  ôc  des  dévotions  différentes  ,  &  que  le  Vulgaire  les  pre- 
noit  pour  des  divinitez  différentes,  on  ne  les  doit  pas  confondre. 

Je  fuis  abfolument  dans  le  fentiment  de  ceux  qui  tiennent  qu' Aftarté 
c'eft  junon.  i.  Nous  en  avons  un  témoin,  qui  me  femble  au  defllis  de 
tous  reproches,  a  caufe  qu'il  étoit  voifin de Garthage ,  c'eft  St.Auguftin. 
il  faut  favoir  que  les  Carthaginois,  Colonie  des  Phéniciens ,  avoient  em- 
porté avec  eux  tous  les  Dieux  de  la  Phéhicie.  Nous  y  avons  trouvé  Mo- 
loch  &  Bahai.  Il  eft  certain  qu'ils  avoiei%  auffi  emporté  Aftarté  ,  qui  y 
avoit  retenu  fon  nom  ,  6c  qui  s'appelloit  encore  ainfi ,  même  du  tems  de 
St.  Augullin.     Et  il  nous  aflûre  que,  cette  Aftarté  eft  Junon.     Nous 

avons 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  F^r^. IV.  ^17 

avons  {ts  paroles,    funo  autem  fine  dubitatione  ah  illis  li^^fiarte  vocatur.    Sans  Quift.  i«. 
aucun  doute  Junoii  eft  appellée  par  eux  Aftarté.     On  ne  fauroit  narlèr '"^"'^'"'* 
d'un  ton  plus  ferme.  Je  ne  croi  pas  qu'i-  eût  voulu  parler  ainfi,  s'il  n'eût 
été  bien  informé  ,   &  fi  ce  n'eût  été  l'opinion  conilante  des  Africains. 
Aufîî  c'étoit  un  fentiment  reçu  de  tout  le  monde  ,    que  Carthage  étoit 
fous  la  proteélion  de  Junon. 

Quam  fanofertur  terris  magis  omnibns  unam  *  virgii. 

^ofthabita  coluijfe  Samo.  "*"•  ^• 

jFufjo ,  &  Deorum  cimfquis  amkior  Hoiat. 

Afris ,  inulta  cejferat  impotent  • 
Tellure. 
Or  cette  Junon ,  la  Patrone  des  Carthaginois  ,  ne  pouvoit  être  une  au- 
tre  Déefle  que  l'Aftarté  des  Phéniciens.  2.  L'extravagance  d'Eliogaba- 
le ,  qui  envoya  chercher  cette  Déefle  Carthaginoife ,  pour  la  marier  avec 
fon  Dieu  ,  dont  Herodien  nous  a  parlé  ,  eft  une  preuve  de  cela  même. 
Car  le  Dieu  d'Eliogabale  étoit  le  Jupiter  des  Phéniciens,  ou  Syriens,  com- 
me nous  l'avons  remarqué  après  tous  nos  Maîtres.  Or  il  eft  apparent  que 
cet  emporté  ,  dans  les  accez  de  fa  folie,  conferva  encore  cette  efpece  de 
raifon.  C'eft  qu'il  jugea  qu'il  étoit  raifonnable  de  marier  fur  la  terre ,  ceux 
qui  étoient  mariez  dans  les  cieux ,  félon  leur  Théologie.  Et  feion  cela , 
la  Déefle  qu'il  fit  venir  d'Afrique  de  voit  être  la  Junon  Phénicienne  ,  j'é- 
poufe  de  Bahal,  ou  de  Jupiter. 

3.  Cette  union  perpetueMe,  que  nous  avons  remarquée  dans  l'Ecriture 
Sainte  de  Bahal  avec  Aftaroth  ,  ou  avec  Asherah ,  qui  eft  nôtre  Déefle 
Aftarté,  me  perfuade  aufli  que  c'étoit  le  mari  &  la  femme,  dans  la  Théo- 
logie des  Phéniciens.  Prefque  jamais  l'Hiftoire  Sainte  ne  parle  de  Bahal , 
êc  des  Bahalins  ,  qu'elle  n'y  joigne  Afiaroth.  Et  même  le  Livre  des  ju- 
ges 5   dans  l'Hiftoire  de  Gedeon  ,   dit  c\\JiAihera  ,   niu>«n  ,   étoit  deÎTus 

r  Autel  de  Bahal  :  car  c'eft  peut-être  ainfi  qu'il  faut  tourner  le  texte,  &  voici  Juges  s.  ^^. 
PApitel  de  Bahal  avait  été  démoli^  &  Asherah,  l'image  d' A  ftarothjf  iï?  étoit  deJptSj 
V^i?  5  étoit  coupé.  Bahal  &  Aftaroth  étoient  l'un  6c  l'autre  les  grandes  divinitez 
desSidoniens.  Je  ne  m'oppoferois  pourtant  pas  que  dans  cet  endroit  des  Ju- 
ges, on  laifl'ât  la  fignification  àç.  bocage  au  mot  ^jW^,  parce  qu'il  convient 
mieux  à  l'Hiftoire  ,  &  qu'on  dit ,  couper  un  bocage,  &  non  pas,  cou- 
per une  Idole.  L'infâme  Jezabel  femme  d'Achab  ,  &;  fille  du  Roi 
de  Sidon  ,  les  apporta  en  Samarie  toutes  deux.  Elle  avoit  quatre  cens 
"cinquante  Prophètes  de  Bahal,  6c  400.  iXAihera^  c'eft-à-dired'Aftaroth. 
Car  il  n'y  a  nulle  raifon  de  tourner  ici,  comme  on  Ï2àx.^Trophetes  de  boca- 
ges. Je  vous  prie  quels  étoient  ces  Prophètes  du  bucage.  Pourquoi  les  eût- 
on  diftinguez  àts  Prophètes  de  Bahal,  puifqu'il  m.  certain  que  Bahal  étoit 
fervi  dans  les  bocages  ?  Or  nous  avons  vu  que  le  Bahal  des  Sjdoniens 
croit  le  Jupiter  des  Phéniciens,  &  par  conféquent  il  y  a  toute  forte  de  rai- 
fon de  croire  que  cette  Aftaroth,  ou  Asheroth,  qui  en  eft  inféparable^  eft 
la  Junon  des  Phéniciens,  mariée  avec  leur  Jupiter. 

4.  C'eft  pour  cette  raifon  que  cette  Aftarté  eft  nommée  lu-^y/çv) ,  maxi- 

ma,  la  plus  grande,  par  Sanchoniathon  Phénicien.    Afiarté  cjtù  efi  appel-  Enfebeda 
lée  la  très  grande  ^    Jupiter  ^  Demaroon  ^  &  le  Roi  des  Dieux ,  Adodus  ^  ^^^'^t'"  lib^i!  cap."ill 
ïent  dans  ce  pais  par  le  confentemenî  de  Saimne.  Et  Afiar té  mit  fur  fa  propre  tê- 

Q.qqq  3  te 


Jerem.7.  ï  J, 
Jerem.  ^. 


Iq  rébus 
Aflyriacis. 

Apud  Con- 
feranos  in 
Novempo- 
pulonio  re- 
peiituihcec 
infaiptio^ 


678  HISTOIRE  DE  S  D  O  G  ME  S 

te  la  tête  arm  taureau  ,  pour  marcjue  de  la  dignitc  Impériale,  Elle  cil appellée 
la  très  grande  ôc  la  Reine ,  parce  qu'elle  étoit  la  Reine  des  Dieux ,  étant 
mariée  à  Jupiter  le  Roi  des  Dievx. 

5".  Je  ne  doute  point  aufîi  que  ce  ne  foit  la  même  ,  que  le  Phénicien 
Sanchoniatlîou  ,  dans  le  même  endroit ,  appelle  Baaltis.  Car  ceux  qui  fa- 
vent  un  peu  d'Hébreu ,  favent  aufîi  que  Baaltis  eft  un  fubftantif  fémini-n, 
formé  de  Baal ,  comme  qui  diroit  la  Baale  ,  ou  la  femme  de  B^hal  3  de 
n'7V3,  BahalatjOuBahelet,  qui  fîgnifie  Dame  ou  Maîtrefîe,  kïdikBaaU 
ti  5  qui  fignifie  oSÏ€adame  ,  ou  notre  Dame.  11  eft  vrai  que  ce  Sanchonia- 
thon  diftinguc  Baaltis  d'Aftarté,  Il  les  fait  fœurs,  6c  dit  que  Baaltis  s'ap- 
pelloit  aufîi  Dioné.  Mais  on  ne  doit  pas  s'arrêter  à  cet  Auteur  ,  quand 
il  eft  évidemment  contraire  à  ceux:  qui  ont  écrit  avec  plus  d'exaditude. 
Car  il  eft  plein  de  confufîon  6c  de  contradidions ,  dans  cette  petite  Hil» 
toire  qu'il  a  faite  des  Dieux  Phéniciens. 

6.  Ileftclairaufîiquec'eft  celle  que  Jeremie  appelle  la  Reine  des  Cieux. 
Les  fils  amajfent  le  bois  ^  les  feres  allument  le  fea^  &  les  femmes  pétrijfent  la  pa* 
te  ^  pour  faire  des  gâteaux  à  la  Reine  des  Cieux.  Et  ailleurs  les  Juifs  fe  plai- 
gnent ainfî.  Depuis  le  tems  qm  nous  avons  ceffe  de  faire  des  encenfemens  à  la 
Reine  des  cieux,  &  de  lui  faire  des  afperfions ,  nous.avons  manqué  de  tout.  Aftar- 
té  étoit  appellée  Reine  des  cieux,  parce  qu'elle  étoit  la  femme  de  Bahal. 
.Qr  nous  avons  vu  que  ce  Bahal,  félon  les  Phéniciens,  étoit  appelle  Bal- 
famen^  qui  fîgnifie  Roi  des  cieux.  Ainfî  il  eft  clair  que  celle  qui  s'appelloit 
"Bahalat-famen  ^  ou  félon  le  dialecte  Hébreu.,  Malecath-famen  .^  Reine  àcs 
cieux,  étoit  Junon,  qui  partageoit  avec  Jupiter  l'Empire  du  Ciel.  C'eft 
la  même  qu'Abydenus  appelloit  Beltis ,  qui  vient  de  Baaltis.  Et  Selde- 
nus  nous  parle  d'une  'Beli-fama  ,  dont  on  trouve  le  nom  dans  une  infcrip- 
tion.  MINERVE  BELI-SAM^  (^  VALERIÙS  MONUM.  Se- 
lon fa  conjeélure ,  c'eft  nôtre  Aftarté,  Ôc  nôtre  Reine  des  deux,  car-^É*- 
li-fama^  c'eft  le  mot  Hébreu  ^^/^,  onBelti-famaim. 


CHAPITRE     IV. 

Afiarté  c'éîoit  la  Lune,  De  la  l^éejje  AlUat  entre  les  Arabes* 

D^Uraniê. 


s 


Elon  nôtre  méthode  ,  voyons  à  préfent  quel  Dieu  Naturel,  c'eft-à- 
1  dire  ,  quelle  partie  de  la  nature  étoit  adorée  fous  le  nom  â? Aftarté^ 
entre  les  Phéniciens,  &  de  Junon  6c  d'H'pfij  entre  les  Grecs ,  &  les  La- 
Cicer02.de  tins.  Les  Stoïciens  prétendoient  que  Junon  fignifioit  l'air.  A'êr  autem,  ut 
NjtuiaDeo-  Stoïci  difputant  ,  interjeBus  inter  mare  &  cœlum  ,  funonis  nomine  confecratur. 
Cette  opinion  s'eft  fort  répandue  entre  les  Théologiens  du  Paganifme. 
Mais  il  eft  certain  qu'originellement  lajunon  de  l'Occident,  6c  l'Ailartéde 
l'Orient  ,  c' étoit  la  Lune.  Je  fuis  trompé  même  fi  le  nom  de  Juno  ne 
vieat  de  Luna ,  car  ;on  difoit  Lunus  6c  Luna.  L..  6c  ï.  dans  les  caraûerjes 

Ro- 


ET. DES  CULTES  DE  VEGLISE.  Part.lV.  67^ 

Romains  font  fi  voifins  ,    qu'ils  ont  pu  être  facilement  changez  l'un  j„  p^j  g 
pour  l'autre.     ï.  Lucien  nous  apprend  que  c'étoit  la  tradition  des  Sido-  ùa. 
niens  qu'Aftarté  étoit  la  Lune,     //j  4,  dit-il,  un  grand  Temple  en  Fhénu 
cie  parmi  les  Sidoniens  ^  qui  efi  dédié  a  Afiarté^  que  je  croi  être  U  Lune  ^  en- 
core qtÛPin  Trètre  dn  Temple  m'ait  dit  que  c^eft  Europe ,  la  fœur  de  Cadmus ,  ^ 
la  fille  d'*Agenor .     z.  Le  nom  d'Aftaroth ,  dont  nous  avons  trouvé  l'origi- 
ne dans  FHebreu  niiN  nnti'i? ,  A  fêta  orot ,  fecit  lumina ,  nous  aflûre  de  la  mê- 
me chofcj  que  c'eft  la  Lune,  qui  a  trois  phafes»  ou  trois  lumières  diffé- 
rentes.    3.  L'autre  nom  que  lui  donne  l'Ecriture,     Asherah ,   ou  Ashe- 
roth,  qui  répond  au  nom  de  Diane,  comme  nous  l'avons  vu,   nous  ap- 
prend auÏÏi  que  cette  Aftarté  étoit  la  Lune ,    puifque  Diane  étoit  la  Lu- 
ne.    Selon  ce  mot  fî  connu,  Diana  in  fihis,  Luna  in  cœlis.      4.  Il   ell  njujincnc- 
certain  que  Baha-l  5^  ou  Jupiter  yr  étoit  le  Soleil,   il  eft  donc  raifonna- !«>  D'ans 
ble  de  croire  que  la  divinité,  que  Ton  donnoit  pour  compagne  à  Ju~  iÊieca\e"iiî 
piter,  étoit  la  Lune,  qui  partage  avec  lui  l'Empire  du  Ciel,    &  qui  re-  in^"?» 
gne  fur  la  nuit,  comme  il  règne  fur  le  jour.     f.  Par  la  Reine  descieux, 
dont  parle  Jeremie,  on  ne  peut  douter  qu'il  n'entende  la  Lune.  Or  cet- 
te Reine  dts  Cieux  étoit  l'Aftarté  des  Phéniciens  ,  &  par  conféquent 
Aftarté  eft  laLune.    6.  Il  n'eft  pas  moins  évident  q«e  la  Junon  des  Oc- 
cidentaux étoit  la  Lune  ,  qu'ils  appelloient  Juno  Lucina.     Luna  a  lucen-Gxtïo  s.  de 
do  nominata^  eademenim  Lucina.     Itaque^ut  apud  Gràcos  Dianam ,  eÀmquelu-  Ratura  Deo- 
ciferam  ^ficapudnoflroiJummmLucinam  in  pariendo  in'UQcant^  '        . 


fmoLucinaferopemsfiyvameohfecro^-  '    terent  îa 

Andria.  AâC 


Et  Catulle. 


3.  Se.  I. 


Tft  Lucina  dolentihus'  ,  Carm.  in 

Jitno  ditla  puerperis,:  uiSjuuiT 

C'eft  pour  cette  raifbn  que  les  Calendes  étoienrconfaçréésàjunon,  parce 
que  Junon  eft  la  Lune ,  qui  fâifoit  autrefois  le  commencement  des  mois  lunai- 
res, quand  elle  étoit  nouvelle.  Vt  omnes  idus  fovi ,  ita  omnes  Calendas  funoni  tri» 
butas  j&  Farronis  (^  Tontificalis  confirmât  auHoritas ,  quodetiam  Laurenfes patriis  j^ja^rob 
religionibm fermant  ^  quiô'  cognomen  De£,  ex  cdremoniis  addiderunt  ^  Calendarem  Satum.iib». 
funonem vacantes,  Sed^  omnibus Calendisamenfe Martio ad Decemhem huicDea  •'  ^^' 
fupplicant,.  %^m(&  quoque  Calendis  omntbus ,  pr&ter  quod  Tomifex  minorin  Ca- 
na  calata  rem  divinam  facit  funoni.  Etiam  regma  facrorum  ,  id  efl  régis  uxor^, 
porcam  vel  agnam  in  regia  funoni  immolât.     Aqua  etiam  fanum  funonium  co" 
gnominatum  diximus^quod  illi  Deo  omnis ingrejfus ^huic  Deàcuniii  Calendarùm 
dtes  videntur  afcripti.     Cùm  enim  initium  mmjïum  majores  noftri  ab  exortu  Lu» 
na  fervavmnt^  inde  lunoni  Calendas  addix^runt^  Lunam  &  funonem  eamdem  pU' 
tantes. 

Si  les  Grecs  ont  crû  que  leur  hV  fîgnifie  l'air ,  je  crois  qu'ils  ont  écé 
trompez  par  la  relTemblance  des  noms  j  cai- i^V  vient  d'«îip,  par  une  lïmple 
tranfpofition  de  lettres.  7.  A\i  refte  comme  la  Lune  eft  la  grande  divini- 
té des  Orientaux,  il  n'y  a  pas  lieu  de  douter  que  ce  ne  foit  celleàlaquel- 
k.iis  ont  donné  le  nom  de  Reine^   Hérodote  nous  apprend  que  les  Ara-  lî,.  j.'^J]^ 

bes 


68o        HISTOIREDESDOGMES 

bes  l'ont  adorée  fous  le  nomd'Alilat,  &d'Alitta.     11  dit  en  parlant  des 

Arabes.     Us  ne  reconnoijfent  &  n'adorent  comme  Dieu  ,   cjue  Dionyjïus  ^   <jails 

appellem  Vrouilt,^  &  Vranie ,  (ju"  ils  appellent  Alilat.     Et  ailleurs  en  parlant 

In  Tl)aU?     de  la  Religion  des  Perfes.     Ils  facnfient ,  dit-il,  aa  Soleil  &  à  la  Lme ^  à, 

fivchb.  j.p.  i^  terre  ^  aCian^aufen  &aux  vents ^  &  anciennement  ils  ne  faifoient  desfèr- 

*  ^*  vices  cjH'^a  ces  chofes.     tSM^ais  ils  ont  appris  des  AJfynens  &  des  Arabes  a  facri" 

fier  à  Vranie.     Or  lesAJfyriens  appellent  Wenus  Militta  ^   les  Arabes  rappellent 

Alitta^  &  les  Perfes  Mithra.     11  ell  claii"  que  cette  Alilat  ou  Alitta,  vient 

de  i'Hebreu  thhry  ounV^n],  halilah,  ou  haleilaf,  qui  fîgnifie  la  nuit  parce  que  la 

Lune ,  qui  étoit  adorée  fous  ce  nom  ,  brille  la  nuit,  &  en  eil  la  Reine. 

J'entre  tout  à  fait  dans  la  penfée  de  ceux,  qui  ont  dit  que  les  Mahome- 

tans  Arabes  ont  pris  le  CroifTant ,  qu'ils  mettent  fur  les  hauts  des  Tours , 

comme  les  Chrétiens  y  mettent  des  Croix ,   de  l'ancienne  Religion  des 

Arabes ,  qui  adoroient  la  Lune ,  6c  non  pas  de  la  fuite  de  Mahomet ,  qui  fe 

fauva  de  Medine  à  la  Mecque ,  dans  la  nouvelle  Lune. 

Mais  à  propos  de  ces  paflages  d'Herodore,  voici  un  autre  nom  de  nô- 
tre Aftarté,  fous  lequel  elle  eft  connue  entre  les  Anciens.      C'ell  celui 
à''Vranie.     Et  ce  nom  fait  bien  voir  encore  que  cette  DéefTc  eft  la.  Lune. 
Les  Grecs  fe  font  perfuadez  que  ce  nom  f  gnifioit  la  celefte ,  parce  qu'en 
—      effet  ov;)civoç,  en  Grec  fîgnifie  le  Ciel,  &covpuvioç  Ôc  ovpcivU  fîgnifie  celefte. 
voff.  ub,     Voflius_  s'imagine  que  ce  n'eft  pas  que  les  Afly riens  appellaflent  cette  Déef- 
i.  cap.  21.    fe  Vranie  ^  dans  leur  langue.     Mais  qu'ils  lui  donnoient  un  nom  qui  figni- 
uxani^rqul  fioit  cclcfte ,  &  que  les  Grecs  ont  rendu  par  celui  d'Uranie.  Mais  je  fuis 
ne  vient  pas  abfolumcnt  dans  le  fentimcut  de  Fullerus,  qui  tient  que  le  nom  d'Vrame  eu 
oXu°n'    Phcnicien,  de  la  même  fignification  que  celui ,  que  les  Syriens  donnoient 
mot  Syrien,  à  nôtre  Aftarté.     11  ne  faut  donc  pas  le  dériver  du  Grec  apavwç.  Mais  de 
sddeï^^""  l'Hébreu  pi«  ^^ii^î ,  ouran ,  &  ourani ,  qui  fîgnifie  lumineux  ,  &  le  nom 
N^3"!l«  ^urania,  fignifie  fans  changement  lumineuiè  &  luifante.  Ainfî  Aftarté , 
c'eftprécifémentlaJunoLucinaà  lucendo  des  Latins.  Mais  ici  furxrenom 
d'Uranie ,  il  faut  remarquer  une  erreur  de  Paufanias ,  &  apparemiuent^es 
autres  Grecs,  qui  ont  trompé  nos  Savans,  ôc  leur  ont  perfuadé  que  ce 
nom  d'Uranie  étoit  un  des  titres  de  Venus,   &  qu'ainfi  Uranie  étoit  la 
inAttieis    Vcuus  Syrienne,  qui  depuis  étoit  pafTée  en  Grèce.  Paufanias  dit.  Tlusloin 
?:  14.  du    ^g  i^  gjj.  lejg}^ple  de  Venus  Vranie  ^  oudelaVenus  celefte ^cjue  les  AJJyriens  ont 
adorée  les  premiers  ;  enfmtcles  habitans  de  Taphos ,  dans  lUle  de  Cypre ,  ceux  d'^Afca.- 
,  lon^  dans  la  Pakftine  ,  apprirent  d'eux  fin  culte.     Apres  cela  les  Cjtheriens  l'ap- 
prirent  des  T^he'niciens.     Enfin  ce  fiut  ^ABge'e  y  qui  apporta  dans  Athènes  cette  dé- 
votion ^  quand  il  crut  que  ce  qu'il  n^avoitpas  d^enfans,    &  les  calamiteZi   qui 
arrivèrent  à  fies  fœurs  ^  venaient  de  la  colère  de  Venus.     Et  peu  après  il  ajoute 
que  fiur  cette  Venus  Vranie  il  y  avoit  une  inficriptton  ,    qui  fiaifioit  voir  qWelle 
Lib.  î.  c.  4.   étoit  Paznée  des  Parques.     Sozomene  dit  la  même  chofe  que  la  Venus  Syrien- 
ne s'appclloit  Uranie,   Apulée  eft  tombé'dans  la  même  erreur.    11  con- 
P- ^?-      fond  la  Lune,  Venus  Uranie,  &  Cerés.    Regina  cœlt s  five  tu  Ceres  alu- 
ma  firugum  parens  originalis ,  quin  reperta  Utatafilia  vetuftiz  glandes  &c.  Mais  j'o- 
pdée"        fe  aiTûrer  que  les  Grecs  &  le^  Latins  fe  font  trompez ,  quand  ils  ont  crû 
Lib.  I.  cap.  qu'Uranie  étoit  un  titre  de  la  Venus  Syrienne.     C'étoit  le  nomdejunon. 
morpb.*      Cela  eft  clair  par  le  paffage  d'Herodien,que  nous  avons  cité,   011  il  dit 
expreilément ,   que  celle  que  les  Phéniciens  appelloient  Aftroarche ,  ou 

Aftar-- 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Part.W,  68i 

Aftarté,  Vranie^  cfiimam  que  c'efi  la  Lune.     Au  refte  Hérodote  ne  favo- 
rife  point  du  tour  cette  confufîon  de  la  Déefle  Uranie  avec  la  Venus  Sy-  Fwrt«  rcmou 
rienne  :  au  contraire  il  les  diflingue  fort  nettement."  Il  dit  bienqu'Uranie^ll"'^'!' 
s'appelloit  Alitta  chez  les  Arabes,  mais  une  dit  pas  que  Adylitta^  quicer- ^'<^'',  ««'« 
tainemeiît  étoit  la  Venus  Syrienne,  s'appellât  Uranie:     Ainfi comme  ov) ^l'^"^^^^ 
a  tort  de  confondre  Aftarté  6c  la  Venus  Syrienne,  on  a  tortaufîidecon-  '"•/'«  '« 
fondre  leurs  épithetes.     Le  titre  à'Vranie^  qui  fignifieluifante,  convient  ^'11/;!;^'"'''' 
très-bien  à  Altarté,  qui  étoit  la  Lune.  Mais  il  ne  convient  pointa  la  Venus  ^^^"-"^  '>""- 
yriisnne,  qui  etoit  la  nature  en  gênerai,  comme  je  le  ferai  voir.  div/rfiiaiem 

Apres  avoir  vu  quelle  partie  de  la  nature  étoit  adorée  fous  le  nom  d' Af- <?"^''''"  . 
tarte,  il  faudroit  voir  quelle  femme  étoit  cachée  là-deflbus.  C'eft  la  fem-^Tr^"'^ 
me  de  Moïfo-,  Sephora,  (î  l'on  en  croit  Monfieur  Huet.      Je  ne  m'op-  ^P"'^^  ... 
poferois  pas  à  cette  conjedure  ,   mais  j'avoue  que  je  ne  la  goûte  pas  3  u. 
&  je  ne  la   voi  appuyée   d'aucun  fondement.     .  Puifque  Bahal  eft  Ju- 
piter ,     6c  que  l'un  ôc  l'autre  eft  Gham  ,  je  croirois   plutôt  qu' Aftarté 
6c  Junon,  étoit  l'une  des  femmes  de  Cham,  la  Mère  des  Cananéens  de 
des  Phéniciens.       Mais  c'efl:  une  conjedure  dont  nous  ne  (aurions  ap- 
porter aucune  preuve  ,    parce  que  l'Ecriture  ne  nous  ayant  rien  dit 
des  aétions  6c  des  aventures  des  femmes  de  Cham,  deSem,6cdeJaphet, 
nous  ne  faurions  comparer  ces  aventures  avec  celles  des  DéeftesdelaFable, 
pour  en  tirer  des  lumières.     Lucien,  dans  la  DéefTe  Syrienne ,  nous  ap- 
prend qu'il  y  avoit  une  vieille  tradition  entre  les  Prêtres  du  Temple  d'Af- 
tarté,  que  cette  DéelTe  étoit  Europe,  fille  d'Agenor,  6c  foeur  de  Cad- 
mus  :  cela  ppuiToit  être  5   n'étoit  qu' Aftaroth ,   ou  Aftarté,  eft  apparem- '^"'<'"' 
iment  plus  vieille  que  Cadmus.     Le  Jefuite  Petau  met  Cadmus  dans  hc.».  part.i.' 
commencement  des  Juges.     Mais  il  y  a  apparence  qu'Aftaroth  étoit  con- 
nue entre  les  Phéniciens ,  avant  que  le  Peuple  d'Ifraël  fortlt  d'Egypte. 


CHAPITRE     VL 

De  la  Fenus  Syrienne  ô-  de  Thammus. 

JE  viens  à  une  autre  DéejTe  Syrienne ,  c'eft  leur  Venus.  L'Ecriture  ne 
nous  en  parle  pas ,  que  je  fâche.    Mais  elle  nous  parle  d'Adonis  fous 
le  nom  de  Thammm.     Et  cet  Adonis  eft  inféparable  de  Venus.  C'é- 
toit  une  même  dévotion,  un  même  Temple,  6cles  mêmes myfteres. 
C'eft  Ezechiel ,  qui  nous  parle  de  ce  Thammus.     //  me  fit  donc  entrer  par  Cap.  8.VVÎ4 
le  guichet  delà  porte  de  Umaifon  de  PStemel^  Cjui  efi  vers  Aquilon  ^  &  voici  il 
y  avoit  la  des  femmes  ^  qui  et  oient  ^ffifes  en  pleurant  Thammus.     Nous  ne  ti- 
rerons aucune  lumière  fur  ce  Thammus,  des  monumens  à&s  Rabbins  j 
comme  ils  n'avoient  aucune  teinture  de  la  littérature  d^s  Payens ,   par  le 
fecours  defquels  il  faut  connoître  leurs  divinitez ,  ils  ne  fauroient  nous  en 
rien  apprendre.     Ce  qu'ils  endifent  font  des  fables.     Par  exemple,  Kim-  ï"  îocutr! 
chi  dit ,  que  c'étoit  une  image,  dans  le  creux  des  yeux  de  laquelle  on  ver-  ^^^  "^^^^° 
foit  du  plomb,  6c  quand  on  yappliquoit  du  feu,  die  pleurois.    Maimo- 
Part.  IV.  Rrrr  mdcs 


* 


682        HISTOIREDESDOGMES 

r  Ne-  "i^^s  dit  cjHfThiimmus  était  un  faux  Prophète ^qui  vouloil  perfuader  un  certain  Trin^ 
Tothim.  ce  d'^adorer  les  fept  planètes ,  &  les  douze  ftgnes  :  Surquoi  ce  Prtnce  avott  commandé 
qu'ion  le  jh  mourir  d'aune  mort  cruelle.  La  nuit  même  de  cette  exécution  toutes 
les  Idoles  de  toutes  les  parties  de  la  terre  s^uffemblerent  dans  le  Temple  de  "Baby- 
loae^  autour  de  la  grande  image  d'or,  qui  étoit  Pimage  du  SoUtl fufpendue en- 
tre  le  ciel&  la  terre.  Cette  Idole  fe  jetta  fur  le  pa'r^é  duTemple  .^  &  tomes  les  au- 
tres Idoles  étaient  à  Pentour^  pendant  que  1  hammus  leur  récitait  fis  aventures. 
Et  toutes  ces  Idoles  à  ce  récit  pleurèrent ,  &  lamentèrent  toute  la  mut.  Et  quand 
le  matin  fut  venu  elles  s^envolerenî  toutes ,  &  retournèrent  chacune  dans  leursTem- 
pies.  C'cit,  dit-il,  de  là  qu'eil  venue  la  coutume  de  pleurer  Thammus. 
Cette  fable  eft  fans  fondement.  Il  faut  poferpour  principe  que  cette  ido- 
lâtrie étoit  empruntée  de  quelqu'un  des  peuples' voifms  delajudée,  com- 
me toutes  les  autres.  C'eft  pourquoi  il  faut  voir  fi  dans  le  voifinage  de  la 
Judée  nous  verrons  quelque  chofede  femblable. 

Là-defllis  il  n'y  a  rien  de  plus  apparent  quecequ'a  dit  S.  Jérôme,  dans 
fes  Commentaires  fur  Ezechiel  en  expliquant  le  paflage  de  Thammus. 
în  s.Ezecb.  Le  tcxtc  de  S.  Jérôme  ell  long,  je  neletranfcrirai  pas  ici,  mais  il  revient 
de"s'Teiô-  ^  ^'^^''  ^^  ^^\on  la  fable  des  Payens,  Adonis  étoit  le  mignon  de  Venus, 
nvîkni       un  très  beau  garçon,  qui  fut  tué  par  un  fanglier  au  mois  de  Juin,  6c qui 
opïorTé^&^pî'^s' étoit  reiiufcité,  Ôc  que  le  mois  dejuinavoit  emprunté  fon  nom  de 
approuvé,    lui.     Quc  daus  cc  mois  les  femmes  avoient  accoutumé  deluicelebrerune 
fête  foiemnelle ,  dans  laquelle  premièrement  on  le  pleuroit  comme  mort, 
Enfuite  onle  chantoit,  &  onle  louoit  comme  reflufcitc,  ôc  comme  vi- 
vant.    Il  ajoute  que  les  fages  Payens  interpretoient  cette  fable  d'Adonis 
mourant  &  relTufcitant,  des  femences  qui  tombent  enterre,  quis'ypour- 
rillént,  &  qui  regerment.     C'étoit  donc  Adonis  le  mignon  de  Venus, 
que  les  femmes  de  Jerufaîem  pleuroient.     Il  me  femble  qu'on  ne  peut  pas 
douter  de  cela,  quand  on  a  lu  ce  que  nous  apprenons  des  Hiftoriens ,  tou- 
chant cette  Venus  Syrienne. 
In  DeaSyria    I  .C'eft  cellc  que  l'Auteurjfous  Ic  nom  de  Lucien5appeIlelaVenusdeBibIis, 
^°"nK"'  &  ce  qu'il  en  dit  eft  trop  remarquable  pour  être  négligé,  quoi  qu'il  foit  un  peu 
long,  f'ai  vu ,  dit-il ,   à  'Biblis  le  grand  Temple  de  Fenus  ,  ok  Von  célèbre  tous  les 
^QtihU^zÇ-  ans  les  mifleres  d'Adonis  ^aufquels  je  fuis  initie.   Car  on  dit  que  ce  fût  en  cepais-là 
îendu^  Lu-^  '^^'^^  ^^^  '^''^^  P^^  ^^  j'^?7^AVr ,    &  en  mémoire  de  cette  aventure  an  lui  fait  tous 
cien  fur       les  ans  un  deuil  public ,  ou  Pan  fe  bat  (^  fe  lamente ,  puis  on  lui  drefje  desfune' 
amante  d\A-  ^^'^^^'^■'  comme  à  un  mort ,  bien  que  le  lendemain  on  célèbre  fa  refurreùlton  ,  car 
doaiï.         on  dit  quil  s'^efl  envolé  dans  le  Ciel.     Et  Pan  fe  rafe  la  tête ,  comme  font  les. 
Egyptiens  à  la  mort  du  bœuf  Apis.     Les  femmes  qui  ne  veulent  pas  être  ra- 
fées ,  font  contraintes  de  fe  profiituer  tout  un  jour  aux  étrangers ,    &  P argent 
qui  vient  de  là  eft  confacré  à  la  Dée^e.     Mais  il  y  a  des  Bibliens  qui  di- 
fent  que  c''efi  pour  Ofiris ,  que  fe  font  toutes  ces  cérémonies  ^  &  qu'ail  eft  enter- 
ré en  leur  pais ,   (^  non  en  Sgypte.     Et  pour  marque  de  cela  ,    il  arrive  tous 
les  ans  une  têie  faite  de  Papyrus.^  qui  eft  portée  par  mer  d"* Egypte  à  BibliSy 
en  tejpace  de  fept  jours.     Et  je  Pai  vue  moi-même.     Il  y  a  encore  une  autre 
merveille  dam  ce  pais-la.       C'eft  qpPune  rivière  qui  porte  le  nom    d"^ Adonis .^ 
t  &  q^-i  couls  du  Liban  dans  la  mer ,  change  à,e  couleur  en  certain  tems  ,    c^ 

teint  la  mer  comme  de  fang.      Ce  que  Pon  regarde  comme  un  miracle  ^  Ô"  c'eft 
U  îsms  quon  prend  pour  célébrer  lei  myfteres  d'Adonis^  parce  qu'on  croit  que  ce 

fut 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.P^r/.IV.  683 

fut  alors  ijuilfiit  blejfé  dans  hforèc  du  L?'^4«.  L'Auteur  ajoute  peu  après. 
Du  refle  je  fais  monté  de  Biblis  fur  le  Liban  ,  le  chemin  d^k-ue  journée ,  mur 
voir  un  Temple  de  Venus  fort  ancien  ,  cjui  a  été  bâti  par  Cynire.     C'eft  cette 
Venus,  qui  eft appellée auflî  Jphacis,  ou  Aphacitis  ,    dont  parle  Sozome-  Hift.  EccieC 
ne.      Conflantin^  dit-il  j  détruift  le  Temple  de  Venus  ^  quiefl  en  Aphacus  ^  <?«.  Iib.2.csp.4, 
tour  du  Mont  Liban  ,    &  prés  du  fieuve  Adoras  ^c.     Ils  difent  qu'^à  certain 
jour  de  Vannée  ^  après  une  invocation  à  la  Déeffe  ^  on  y  voyait  comme  une  étoi" 
/(?,  cjui  fe  levait  du  fommet  du  Mont  Liban  ^  &  i]ui  en  courant  s'^alloit  précipi- 
ter dans  le  fleuve,  &  ils  difoient  que  cette  étoile  était  Vranie ,  car  âejl  ainft  qu'ils 
fippelloien^  Fmus.     Socrate  place  auffi  en  Aphacus  ce  Temple  de  Venus,  socrates  Ub. 
lequel  Conftantin  détruifit.   Pareillement  ^  dit-il,  il  démolit  le  Temple  de  Ve-  ^j^'  '^^^jg. 
nus ,  qui  était  en  Aphacus ,  &  abolit  toutes  les  cérémonies  impures  &  honteujes    fiaft. 
qui  fe  faifoient  en  ce  lieu-là.     Eufebe,  dans  la  vie  de  Conftantin  ,   pofe  ce 
Temple  de  la  Venus  d' Aphacus  au  fommet  du  Mont  Liban,  êc  dit  qu'il 
étoit  bâti  hors  du  chemin,  dans  un  lieu  écarté  au  milieu  du  bois.     Et  il 
nous  répréfente  les  abominations  qui  s'y  faifoient ,  en  ces  termes.  C^étoit 
comme  une  école  d^* impureté  à  ceux  qui  étaient  adonnez,  à  la  luxure ,  ^  qui  avaient 
amolli  &  énervé  leurs  corps  par  leurs  débauches.  La  certains  hommes ,  lafcifs  & 
efjéminez^ ,  &  qu'ion  ne  peut  appeller  des  hommes  ,  fe  fouillant  dans  une.  infâme 
prof  it  ut  2  on  j  appaifoient  le  Démon  ^  &  lui  fer  voient.     Outre  cela  dans  ce  Iteù-là 
on  fe  fouillait  avec  les  femmes  d'aune  manière  abominable  ^  ^  fous  le  nom    d'un 
faux  m^.riage ,  ils  s'' accouplaient  clande(rinement  ,&  Ton  commettait  dans  se  Tem- 
pie  les  plus  fales  allions ,  comme  dans-un  lieu  impur.  Et  il  n'y  avait  perfanne  qui 
châtiât  ces  crimes  ^  au  qui  les  connut  ,  parce  que  les  gens  braves  &  honêtes  n^o- 
foient  pas  approcher  de  là. 

Macrobe  l'appelle  la  Venus  Architidis.  Seldenus  veut  que  nous  liiîons  samm.  iik 
Aphactttdis.     Il  a  fans  doute  plus  de  raifon  que  Voffius  ,    qui  lit  Feneris  J;„"J;/'^' 
Atergatis  ,  ou  Dêrûetidis  5   car  ce  que  cette  leçon  de  Voffius  fuppofe  eft  de  Mactobe 
faux,  que  Dercetô,  ou  Atergatis,  eft  la  même  DéeiTe.que  la  Venus  Sy-  yenus"^ 
rienne.     Macrobe  nous  dit  que  le  fimulacre  de  cette  Déefle  répréfemoit 
une  femme  en  deuil,  couverte  d'un  voile,  le  vifage  trifte  ,    Ôc  dont  les 
larmes  paroiiToient  couler  fur  fon  vifage.     Simulacrum  hujus  'Dca  ,  in  mon- 
te Libano  ,  fngitur  capite obnupto ,  Jpecie  triBi^  faciem  manu  Uvaimra  annUum. 
fuftinens,  lachryma  vifoneconfpicientium  manare  credimtur . 

Il  y  a  quelque  différence  entre  les  Auteurs  pour  la  (ituation  de  ce  Tem-oi^erenccs 
pie  &  du  iimulacre  de  cette  Venus.     Car  les  uns  la  mettent  dans  la  ville  ^'^"ç^u/^r 
.de  Bibios,  les  autres  fur  le  (ômmet  du  Mont  Liban,  6c  les  autres  dans  un  le  lieu  où 
lieu  nomjné  Aphacus.  Biblis,  ou  Bibios,  étoit  une  ville  (ituée  aflezprés  5!°^'  1^^^ 
des  racines  du  Mont  Liban.    Zoilme  nous  apprend  la  fituationd' Aphacus.  la  venus  sy- 

Aphaca  eji  un  lieu  entre  Heliopolis  &  Biblus  ,  où  il  y  a  un  Temple  de  Venus,  fon^  rêcon- 
Je  fuis  trom|^  fi  on  ne  les  peut  accorder  ain(î  par  Lucien.  C'eft  que  le  Lucien^" 
Temple  de  venus  Biblienne  étoit  dans  la  ville  de  Biblus.  Maisilyavoit 
un  autre  Temple  de  la  même  Déefle  ,  ôc  pour  la  même  dévotion  fur  la 
montagne  du  Liban.  Car  Lucien  dit  qu'il  étoit  monté  une  journée  de 
chemin  fur  le  Liban,  pour  voir  un  Temple  de  Venus  fort  ancien  ,  qui  a 
été  bâti  par  Cynire.  C'eft  fans  doute  le  Temple  d'Aphacus ,  £<;  c'eft  là 
où  fe  ceiebroient  principalement  les  myfteres  delà  Déefie.     Le  boisôcla, 

Rrrr  z»  foli- 


684        HIST  OIRE   DES   DOGMES 

folitude,  oïl  il  étolt  bâti,  étant  propre  pour  les  myllercs  ,  fur  tout  pour 
des  myfteres  infâmes. 
De  la  fêre       De  touT  ccla  il  paroît  qu'à  certain  tcms  de  l'année  les  Phéniciens  avoicnt* 
d* Adonis,    j^jj^g  îèie,  dans  laquelle  les  femmes  menoient  deuil  Ôcpleuroient  avec  leur 
Venus,  affligée  de  la  perte  de  fon  Adonis.  Et  comme  Biblus  ,  &  Apha- 
cus,  étoientvoilines  de  la  Judée,  il  n'eil  rien  de  plus  vrai- femblable  que 
cecij  c'eft  que  les  femmes  Juifves  ,  dans  le  Temple  de  Jerufalem,  cele- 
in  schoiiîftc  broient  la  fête  dcVenus,6c  de  cet  Adonis.Cette  fête  s'appelloit  chez  les  Grecs 
Anftophi-^    A'5wv/«fl-ap? ,  &  ils  l'interpretoient  d£7r/TcSî  A"Jwv/ ôpîjvoç,  deuil  fur  Adonis  ^d\\. 
ais,i..pa£x.  i^g^^i^jyg  Et  il  y  a  apparence  que  les  Hébreux  celebroient  cette  fête,  à 
l'imitation  de  leurs  voifîns,  dans  le  mois  de  Juin,  environ  le  Solfticed'E- 
•  té  :  car  les  Juifs  appelloient  le  mois  de  Juin  Thami^uz ,  &  le  Solftice  d'Eté , 
mVi  ns»pn  ^revohiîioThammuz.,  Mais  d'oii  vient  ce  nom  de  Th^mmus,ôc 
quel  rapport  avoit-il  avec  Adonis?  C*eft  dequoi  l'on  ne  trouve  rien  dans 
les  Anciens.     Pour  moi  je  croi  que  c'eft  une  des  épithetes  d'Adonîs,  & 
qui  vient  de  ifôn ,  lham[u\  en  changeant  de  (îtuation  les  deux  dernières 
lettres;  Thamfu  Çigmûe  perfeBus  ipfe,  un  homme  parfait,  ce  qui  con- 
vient parfaitement  à  celui  qu'on  faifoit  le  mignon  de  Venus. 
Lsfêted'o-      ^^  ^^^^  '^  ^"^  remarquer  que  ce  deuil  de  Venus  pour  Adonis ,  eftab- 
firisperduSc  folumcnt  fcmblablc  à  celui  d'Ifis  en  Egypte,  pour  la  perte d'Ofiris.  Car 
éftTa"même  ^^^^  ^^  même  qu'en  Egypte  cette  fête  avoit  deux  parties,  dont  l'une  s'appel- 
que  celle     loit  «cpûw/fT/^oç   OJiridîs ,  dans  laquelle  les  femmes  pleuroient  la  perte  d'Ofiris, 
ion°&"  ef-  ^  l'autre  s'appelloit  £vp£(Tiç ,  fon  retour,  dans  laquelle  les  femmes  fe  ré- 
fafcité.       jouilToient ,  parce  qu'Ofii'is  étoit  retrouvé.     Pareillement  dans  cette  fête 
d'Adonis,  Lucien  nous  apprend  qu'il  y  avoit  deux  parties ,  premièrement 
on  pleuroit  Adonis  mort  &  perdu.  Puis  on  le  celebroit  comme  reflufci- 
té.     Auffi  Lucien  nous  remarque-t'ilque  c'étoitle  fentimentdesBibliens, 
que  cette  fête  étoit  confacrée  à  Ofiris.     Et  la  preuvônqu'il  en  apporte , 
comme  témoin  oculaire,  eft  forte.    C'eft  que  tous  les  ans  on  envoyoit 
d'Egypte  à  Biblos  un  vaifleau  ,  comme  une  tête  de  bois  flottante,  qui 
fans  guide  paftbit  la  Mer  en  fept  jours.  Ce  que  Procopius  nous  explique  plus 
inifaïan.     amplement,  en  difant:  que  tous  les  ans  l^  hahitam  à'^ Alexandrie  préparent 
ï«.  X.         un  pot  ^  QT  y  renferment  une  lettre  ^  adreffée  aux  femmes  de  Biblos^  ejui  leur 
apprend  qu^  Adonis  efi  retrouve'.     Enfuit  e  féellant  ce  pot  ils  le  mettent  fur  la  Mer^ 
ils  font  fur  lui  ijuelques  cérémonies^  ils   lui  commandent  de  partir.     Et  ce  pot 
part  incontinent   tout  feul,  &   s*en  va  à  Bihlus  ,  ou   il  fait  cejjer  le  deuil  des 
femmes. 
:Pâffagc  du        C'eft  par  cette  coutume  que  Procopius  explique  le  commencement  du 
J^Éfaï^^ê  -    ^^'  ^^^P*  des  Révélations  du  Prophète  Efaïe,  oîi  nous  lifons ,  félon  l'He- 
jliqHé.        breu.  tyKalheur  au  pa'ù ,  qui  fait  ombre  de  fes  ailes  ^  qui  efi  par  delà  les  fleu- 
ves de  Cus^  qui  envoyé  des  Amba^'adeur s  par  %^A^er  ^  dans  desvaiffeaux  dejonc^ 
difant ,  allez,  meffagers  de  viteffe.     Les  Grecs  ont  tourné ,  qui  énvoyent  desga^ 
ges ,  ou  des  otages ,  par  la  Mer ,  &  des  lettres  de  papier^  ou  dejonc,  értço7\.à,ç  Bi'^hivaç» 
Le  mot  cn>ï  ,  que  nous  avons  tourné Ambafadeurs,èc  que  les  Grecs oçt  tour- 
né dy^v]pa ,  gages^ou  oV^^w,fignifie  auftî  des  Images,ou  des  Idoles^de  forte  qu'on 
pourroit  tourner ,  Malheur  au  peuple ,  qui  envoyé  des  Idoles  par  Mer^  dans  des  vaif 
féaux  dejonc^&  qui  difent ^allez.  vzte.Ceh  conviendroit  encore  mieux  auxEgyp- 
liens,  qui  envoy oient  par  Mer  tous  les  ans  le  nom  d'Adonis ,  ou  d'Ofiris ,  re- 
trou- 


ET  DES  CULTES  DE  L' E G L I S E. P^r/f. IV.  68f 

trouvé.  Je  tiens  donc  que  la  Venus  Syrienne  étoit  la  même  que  l'Ifis 
des  Egyptiens,  &  qu'Adonis  eft  Ofiris.  Stephanus  de  Urbibus  les  prend 
pour  les  mêmes,  6c  dit.  Amathus  efî  une  ville  de  (jpre  fort amienne ^  dam 
laquelle  on  adoroit  Adonis  OJîris ,  quiefl  Egyptien ,  c^  que  les  Cypriots  ,  &  les  Phe'-. 
niciens  s'attribnent.  Mais  cela  me  paroîf  clair  parce  que  le  Prophète  Eze-» 
chiel,  dans  le  chap.  où  il  parle  deThammus,  dit,  qu'ail  entra  &  regarda , 
&  voici  toute  figure  de  reptiles  ^  &  de  bêtes  ^  chofes  abominables.  Et  tous  les 
Dieux  de  fiente  de  la  maifon  d^Ifiaël  étaient  peints  fi^r  la  muraille  ^  tout  à  f  en- 
tour.  C'eft  le  culte  d'Iûs^cultus  Ifiacus,  que  les  Ifraëlites  avoient  adopté, 
6c  joint  avec  la  Venus  de  Biblis,  qui  eft  î'Ifîs  des  Egyptiens.  Or  l'on  fait 
bien  que  dans  cette  Religion  d'ifis  ,  on  adoroit  prefque  toutes  fortes  de 
reptiles  6c  de  bêtes  ,  les  ferpens  ,  les  crocodiles,  les  chiens,  les  chats, 
les  bœufs ,  les  moutons ,  les  loups ,  les  fînges ,  l'ibis  : 

crocodilon  adorât  Juvenal.Sat 

^ars  hac:  illa  pavet  faturam  ferpentibus  ibint  ïj. 

Effigies  facri  nitet  aurea  cercopitheci. 

lUtc  ctzruleos^  hic  pifi:em  fluminis^  illic 

Oppida  tota  canem  venerantur^  nemoT^ianam  ècc. 

Ainfî  Ifis  6c  la  Venus  Syrienne  font  la  même  Déefle.  Mais  cette  Ve- 
nus n'eft  pas  la  même  qu'Aftarté,  comme  nous  l'avons  déjà  remarqué 
ci'devant. 

Je  ne  fai  pourquoi  l'on  veut  que  la  Syrie  n'eût  qu'une  Déefle ,  fous  dif- 
ferens  noms ,  pendant  que  toute  la  terre  en  avoit  tant.  Il  me  femble  que 
nous  ne  faurions  lui  en  donner  moins  que  les  quatre  ,  que  Lucien  diftin- 
gue  (î  nettement,  Derceto,  Aftarté  ,  la  Venus  Syrienne  ,  6c  la  Déefle 
Syrienne.  L'autorité  de  Ciceron ,  qui  nous  a  dit  ,  qu'Aftarté  tfi  la  Venus  j-jp  g^  j»^ 
Syrienne ,  née  de  la  ville  de  Tyr ,  ejui  a  été  mariée  à  Adonis ,  ne  me  paroît  pas 
d'aflez  grand  poids  ,  pour  nous  faire  renoncer  aux  preuves  ,  que  nous 
avons  du  contraire.  Afl:arté  étoit  la  DéeflTe  des  Sidoniens ,  6c  la  Venus 
Syrienne  étoit  adorée  à  Biblis.  La  première  étoit  Junon,  6c  la  féconde 
eft:  appellée  Venus  par  tous  les  Auteurs.  Venus  eft:  jointe  avec  Adonis , 
dans  la  Religion ,  6c  dans  les  myfi:eres.  Il  n'y  a  que  ie  feul  Ciceron ,  qui 
ait  marié  Afl:arté  avec  Adonis.  Nous  ne  lifons  rien  dans  les  Auteurs ,  qui. 
nous  puifle  faire  foupçonner  que  dans  les  fêtes  d'Afl:arté  ,  on  pleurât  la 
perte  de  fon  amant,  &  qu'en  fuite  on  fe  réjouît  de  fa  refurredion,  comme 
on  faifoit  dans  celle  de  Venus. 


Rrrr  3  CHA' 


686  HISTOIRE  DES  DOGMES 


CHAPITRE     VIL 

Dietîx  Naturels  cachez  fous  Venus  ér  Aàonis  ,  c'^efi  Ifis  ,  la  m- 
'^  ture  univerfelle ,  &  le  Soleil, 

IL  me  femble  qu'il  ne  nous  fera  pas  difficile ,de  pénétrer  dans  les  myf- 
teres  de  Philofophie  ,   qui  étoient  cachez  fous  Venus  6c  Adonis ,   ôc 
voi  vomus        quels  Dieux  Naturels  on  adoroit  là-deflbus.     Je  ne  fuis  point  du  fenti- 
Jib.2.  c.zr.  jj^gj^j.  jjg  j,g^^j^  q^^  veulent  que  Venus  fût  la  Lune.  Pour  Adonis,  i'avx)uë 
que  c'eft  le  Soleil.     Le  nom  d'Adonis  convient  très-bien  à  cet  Aftre,  car 
ce  nom  fignifie  Seigneur,  dans  la  langue  Phénicienne,  nnx  jAdoni,  com- 
me prononcent  les  Hébreux ,  c'eft-à-dire ,  Monfeigneur,  comme  Bahali.  Le 
nom  de  Thammuz. ,  ou  7 amÇn ,  qui  fignifie  perfedion  &  beauté ,  convient 
aufîi  très  bien  au  Soleil. 
Ce  quec'eft      Mais  quant  à  la  Venus  Syrienne  ,  je  ne  doute  point  que  ce  ne  foit  la 
que  laDéef-  naturc  univerfelle  ,  &  la  vertu  générative  qui  y  efi:  répandue  par  tout. 
Comment."    C'cll  pour  Cela  que  cette  Déefl^e ,  félon  le  témoignage  d'Hérodote ,  eft 
inFragm.    appcllée  par  les  Allyriens  Mylitta.  C'efl:  un  mot  Afiyrien  qui  fignifie  gc 
neratriXj  mdtSw  ,  Mulidta.  Scaliger  l'a  bien  vu,  &  cela  n'étoitpasdif- 
ee  quec'eft  ficile  à  reconnoître.     Hefychius  nous  dit  que  chez  les  Chaldéens  &  Ba- 
pim^»nï'   byloniens  Venus  s'appelloit  èsisQdr'y  ce  nom  peut  venir  de  e]S"T,  dalaph, 
Hefychius.    qui  dans  Laugue  Sainte  fignifie  y?ï7/<îr^j  dégoûter.  Non  pas,  comme  a  crû 
sym^gm.  a.  Seldenus,  par  aliufion  àcc  que  difent  les  Grecs,que  Venus  s'appelloit  A'cppoh'- 
c.  ^4-         Tvj  àro  tS  àcppb,  qtiajî  ex  (tilUme  fpfima.     Mais  parce  que  c'efc  la  nature, 
qui  diftille,  &qui  fait  tomber  les  pluy  es  fur  la  terre,  pour  la  rendre  féoon- 
DehDéefîè  de.     Elle  s'appelloiL auffi  Salambo.  EUus Lampridius  nous  ditqu'Eliogaba-- 
viu"£iiôA"  ^^  n'oubliant  aucune  des  fuperllitions  de  fon  païs,  CdY  il  étoit  Syrien,  fit 
baii,apud°    celcbrcr  la  fête  de  cette  Venus  Syrienne  ,   avec  les  lamentations  ,  ôc  les 
dfunf""       ^^^^  dejoye,  qui  expient  ordinaires  dans  cette  fuperflicion.     Sdambonem 
etiam  ojn/ii  plan^n ,  &  jaaatlone  Syriaci  calm-s  exhihmt,   Hefychius  nous  ap- 
prend que  cette  SaUmbo^  cefi  Fenus  entre  les  Babyloniens.  Ce  nom  peut  fi- 
gniûer  pax  in  ipfo,  ii  nh'^^  il  y  a  paix  en  lui.  Et  cela  ne  conviendra  pas 
mal  à  la  nature,  dont  les  parties  font  fi  admirablement  liées,  6c  s'entre- 
tiennent dans  une  perpetqelle  union.     Cette  étymologie  me  paroît  plus 
Vofr.iib.2.   vrai  -  femblable    ,     que    celle    que    yoffius    a    adoptée    ,     ôc    tirée 
^'  ^-  du  grand  Etymologicum.  C'eft  que  Sdan^bo  vient  de  o-^Aoç,  qui  fignifie  mou- 

vement ,  &  aufii  ia  Mer  ,  à  caufe  que  Venus  tient  l'ame  dans  un  mou- 
vement ôc  dans  une  agitation  perpétuelle  ,  par  les  défirs  &  par  les 
foins.  ^ 

s/nt.a.c.  4.      Seldenus  nous  apprend  que  Venus  entre  les  Arabes  étoit  appellée  Cabiir 
ou  Cuhar.     Et  il  nous  cite  un  paflage  d'une  Catechefe  ,   compofée  pour 
l'inilruâion  des  Sarrazins,  dans  laquelle  on  leur  fait  abjurer  leurs  fuperf- 
titions,  6c  entr'autres  on  leur  fait  dire.  f'anmhematifeceHx  qui  adorent  l' af- 
tre 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Tart.lV.  6S7 

tre  du  matin  ,  ou  l^ étoile  du  jour  èmO^'y^oc, ,  i^  Venus  cjtte  les  Arabes  appellent 
dans  leur  langue  (^abar.  Vous  voyez  que  cette  Catechefe  diftingue  Venus 5 
de  rétoile  du  mktin.  Aiafi  cette  étoile  appellée  fW^opoç,  Lucifer  ,  n'eft 
pas  la  même  chofe  que  (^abar ,  mot  qui  Çignikt grand ^  dans  les  langues  Orien- 
tales T33.  Or  ce  nom  convient  à  la  nature  mieux  qu'à  quoi  que  cefoit; 
car  la  nature  eft  le  grand  principe  de  toutes  chofes. 

Dans  le  Traité  du  Veau  d'or,  je  penfe  avoir  prouvé  très  évidemment 
qu'Ifis  eft  la  nature  univerfelle.  Or  il  eft  clair  que  la  Venus  Syrienne  eft 
la  même  qu'Ifis,  tant  par  le  rapport  qu'il  y  a  entre  leur  culte,  que  parce 
que  \qs  femmes  Egyptiennes  j  quand  elles  avoient  cefle  de  pleurer  Ofiris, 
donnoient  avis  aux  femmes  de  Biblis  ,  qu'elles  cefîaifent  de  pleurer  Ado- 
nis. C'eft  pourquoi  il  eft  clair  aufti  que  nôtre  Venus  Syrienne  eft,  comme 
I/is ,  la  nature  univerfelle. 

Nous  trouvons  dans  les  notes  de  Grotius ,  fur  fon  livre  de  la  Vérité  de  Page  40. 
la  Religion  Chrétienne  ,   une  tradition  touchant  la  Venus  Syrienne,  qui  ^^'"«"i" 
me  paroit  divme  pour  prouver  mon  lentmient ,  que  Venus  eft  k  nature 
univerfelle.     C'eft  que  Venus  eft  venue  d'un  œuf  couvé  par  des  pigeons. 
Il  cite  un  paflage  de  Nigidius ,  tiréduSchoîiafte  de  Germanicus  ,  en  ces 
termes.    Ibi  ovum  invenijfs  mira  magnitudinis ,  ejt^od  volventes ,  in  terram  eje-  Libro  ad 
c^unt ,  at(^He  ita  coj^mbam  infedijje  ,     &  pojîr  alicjiiot  aies  exclupjfe,  Deam  Sy-  ^*<="'i"™- 
m,  (^titz  vocatur  Venus.    Et  un  autre  d'Ampelius  :  Dicitur  &  tn  Euphratis 
fluvio  ovum  pifcis  columbam    adfedijfe  dies  plurimos   ,    rj  exclHpjJe  Deam  béni- 
gnam  ^  &  mifericordem  homintbus ,  ad  bonam  vitam.     Cet  œuf  couvé,  d'oii 
eft  née  Venus,  évidemment  eft  le  Chaos  ,   fur  lequel  l'Efprit  couvoit , 
nsmD  ,  Merachephet ,  incubabat.  C'eft  la  vraye  figni/îcation  du  mot,  qui 
exprime  ,    félon  le  fentiment  de  tous  les  Hébreux  ,  l'aélion  d'un  oiîèau , 
qui  couve  fes  œufs.     Or  quelle  eft  cette  Venus  ,   qui  eft  fortie  de  ce 
Chaos ,  de  cqi  œuf  couvé.'*  il  eft  clair  que  c'eft  la  nature  univerfelle.     Et 
par  conféquent  la  Venus  Syrienne  eft  la  nature  Univerfelle.    De  cette  fa- 
ble fans  doute  eft  venu  le  refpeél  que  les  Syriens  avoient  pour  les'  pigeons^ 
ÔC  que  les  Poètes  Grecs  ont  aiellé  dts  pigeons  au  char  de  Venus. 

Perfonne  n'a  approché  plus  prés  de  cette  vérité  que  Macrobe.  ^do-  Satum.ub.i, 
mm^  dit-  il  ,  cjuoqMe  Solemejfe  non  dubitatur^  infpeUa  Rcligione  <t/4ffjriorum  ,  "P- 
apud  cjuos  Veneris  ^^rchitidis  &  Adonis  maxima  olim  veneratio  viguit ,  qnam 
nunc  î^hosnices  tenent.  Nam  HPhyfici  ternz  fuperius  HemtfphdriHm  ,  cujus  par- 
tem  incolimus  ^  Veneris  appellatione  coluerunt ,  inferius  vero  Hemifphi&rium  terra 
Projerpinam  vocaverunt.  Ergp  apud  AJJjrtos  ,  five  Phœnices^  lugens  inducitur 
Dea,  ^uàd  Sol  annuogrefuper  duodecttn  Jignorum  ordinem  pergens  ^  partemijuo- 
que  tnferions  Hemifpht&rii  ingreditur  ^  quia  de  duodecim  Jignis  Zodiaci  ^  fex  fu- 
periora ,  fex  inferiora  cenfentur.  Et  cum  e[i  in  infcrioribus  ,  C^  ide'o  dies  bre» 
vicres  facit  ^  lugere  creditur  Dea  ^  tamquam  Sole  raptu  mortis  îemporalis  amijjo  ^ 
^  à  Proferpina  retento ,  quam  nuwen  terra  inferioris  circuli ,  <&  Antipodum  dixi- 
mus.  Rurfâmque  Adonim  redditum  Ver.eri  credunt  ^  cum  Sol  evi5tis  fex  Jignis 
annuis  inferioris  ordinis ,  incipit  noflri  circuli  lujtrare  Hemifph&rium  cum  tncre^ 
mento  luminis  ^  &  dierum.  Ab  apro  autem  interemptum  Adonim  tr-idunt  ^  hie- 
mis  imaginera  in  hoc  animait  frgent es  ^  quod  aper  htfpidus  ô"  (vfper  gaadet  lacis 
humtdis  c^  lutojts ,  pruinâque  conteBis ,  propriéque  hîtrrïali  frutiu  paicttur glan- 
de.    Eniuite*il  nous  dépeint  leûmulacre  de  la  Venus  Syrienne,  comme 

nèus 


21. 


688  HISTOIRE  DES   DOGMES 

nous  avons  vu,  ceft- à-dire,  d'une  femme  en  deuil,  qui  eft  voilée,  qui 
appuyé  fa  tête  fur  fa  main  gauche,  6c  qui  pleure.  Puis  il  ajoute ,  cjjua  ima^ 
go  ,  prAterojtiam  tjHod  Ingentis  ejîr  ^  {ut  dixtmus , )  ,De&  ,  t^irréi  quocjne  hiemalis 
efl  ,  ojtio  tempore  obnnpta  nubibus ,  foie  vidnata  ,  fiupet ,  fontépjue  velml  terra 
vchU  uberius  man/mt  :   agricjHe  iterum  fuo  cultu  vidai  mœfiam  fuifaciem  mon- 
firant.  Sed  cum  Sol  emerfertt  ab inferioribus partibtts  terrât^vernalifc^ue  (zqmnoïlii 
tr(tfi(greditftr  fines ,  aagendo  diem  ,    tune  (^  f^enus  Uta^  ^  pulchira  virent  arva 
fegetibus ,  prata  herbis ,  arbores  folUs.  Ideo  Majores  nofiri  Apnlem  men[em  Ve^ 
mri  dicaverunt. 
ï.î  Mytho-       Tout  celaalloit  le  mieux  du  monde,  fî  Macrobe  n'eût  pas  tant  refler- 
M^robe      ^^  ^^  Mythologie  5   &  n'eiit  pas  reftreint  la  Venus  Syrienne  à  cet  hemif- 
teaifiçe.      phere  de  la  terre ,  qui  nous  eil  connu ,  ôc  qui  eft  échauffé  par  les  rayons 
du  Soleil  ,   quand  il  eft  dans  nôtre  Solftice.     Il  eft  vrai  que  la  Fable  dit 
qu'Adonis  ayant  été  tué  par  un  fanglier ,  Venus  ne  pouvant  fouffrir  d'en 
être  privée,  décendit  aux  enfers  pour  le  ramener,  que Proferpine  en  étant 
.  Stt  îiiumuto  devenue  amoureufe,  ne  vouloit  point  le  rendre  à  Venus.     Mais  qu'enfin 
UafkTheo-  ^^  compofition  fut  faite  par  l'entremife  de  Pluton,  8c  qu'il  fut  arrêté  qu'A- 
ctiti ,  in      donis  feroit  llx  mois  à  Proferpifie ,  ôc  fix  mois  à  Venus.  Mais  je  voudrois  que 
ixijii  î.       Macrobe  eût  interprété  un  peu  autrement  cette  fable,ôc  qu'il  eût  dit  que  Ve- 
nus eft,  non  feulement  cefhemifphere  de  la  terre,  qui^ft  fous  nos  yeuî^ 
mais  cette  partie  de  la  nature  univcrfell^e ,  qui  nous  eft  connue.  Que  Pro- 
ferpine fîgnifie  cette  autre  moitié  de  la  nature,  qui  eft  dérobée  à  nôtre 
vûë.   Et  que  ce  deuil  de  Venus  répréfente  le  trifte  état ,  où  la  nature  eft 
réduite  dans  l'abfence  du  Soleil.  Car  ce  n'eft  pas  la  terre  feule,  qui  lan- 
guit durant  l*Hiver,  c'eft  toute  la  nature.  Ildevoit  dire  que  la  joye,  que 
l'on  fait  paroître  dans  la  célébration  des  myfteres  de  Venus,  quand  Ado- 
nis eft  retrouvé  ,   fignifie  la  joye  de  la  nature  en  général ,   au  retour  du 
Soleil.     Et  de  cette  manière  toutes  chofes  s'accorderoient  le  mieux  du 
monde  avec  nôtre  conjeébure,  &  la  Venus  Syrienne  ne  feroit  pas  reftrein- 
te  à  la  terre  feule. 

Car  je  ne  voi  pas  pourquoi  les  Syriens  ,  qui  adoroient  la  terre  fous  le 
nom  de  Berith  ,   ou  de  Déefle  limplement ,  l'euiTcnt  encore  adorée  fous 
le  nom  de  Venus.     Il  vaut  mieux  dire  que  fous  les  noms  de  leurs  quatre 
Déeiïès  ,    ils  adoroient  quatre  chofes  différentes.  Sous  le  nom  d'Afiarte\ 
la  Lune ,  la  Reine  des  cieux  :  fous  le  nom  de  Déejfe  Syrienne,  Cybele  ou 
la  terre  :   fous  le  nom  d'Atergatis  ,   ou  Derceto  ,   qui  avoit  la  figure  de 
poiflbn  ,  depuis  la  ceinture  en  bas ,   la  Mer  ,   que  les  Grecs  appelloient 
Amphitrite  :   ôc  enfin  fous  le  nom  de  Venns  ,   la  nature  univerfelle  ,   qui 
mariée  avec  Adonis ,  qui  eft  le  Soleil ,  eft  le  principe  de  toutes  les  géné- 
rations du  monde, 
nyasppa-       Voila  quels  font  les  Dieux  Naturels,  qui  étoient  enveloppez , fous  les 
ve"&  Abd'  voiles  de  la  Venus  Syrienne ,  &  de  fon  Adonis.  Mais  pour  les  Dieux  Ani- 
foni^chez   maux ,  c'eft-à-dirc,  les  hommes  adorez  fous  ces  noms ,  je  ne  les  connois 
*'  ^  ^^'    point.     Si  ce  n'eft  que  je  trouve  vrai-femblable  que  fous  le  nom  de  Ve- 
nus,   les  Syriens  ont  confacré  Eve ,   la  Mère  de  tous  les  vi vans.     C'eft 
pourquoi  ils  lui  ont  donné  le  nom  dç.  Mylitta ,  qui  Çignide.  genitrix  ^  parce 
qu'elle  eft  la  Mère  de  tous  les  hommes.  Ils  l'ont  appellée  Cabar ,  la  gran- 
de, parce  qu'elle  eft  la  Mère,  &  comme  la  tige  univerfelle  detoutlegen- 
*  re 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  TartAV.  6%j 

dre  humain.  La  mort  d'Adonis,  le  deuil  de  Venus  fur  cette  mort ,  Se  fa  joyc 
furie  retour  à  la  vie  de  ce  garçon  qu'elle  aimoit,peut  avoir  été  tiré  de  \% 
mort  d'Abel ,  de  la  douleur  qu'en  eut  Eve  ,  &  de  la  joyc  qu'elle  eut  , 
quand  elle  vit  en  quelque  forte  reflufciter  ce  fils,  dans  un  autre  que  Dieu 
lui  donnai  ce  qui  lui  fit  dire,  Dieu  m'a  donné  une  mtre  femenc^  en  la  place 
d'Ahel,  J'abandonne  ces  conjedures  auxSavans. 


CHAPITRE    VIL 

De  Succoth'Benpth y  ou  Venus  Babylonienne, 

Voici  Venus  (bus  un  autre  nom,  ou  peut-être  une  autre  Venus,  mais 
félon  moi  c'eft  la  même.  C'eft  la  Venus  des  Babyloniens.  Je  ne  fai 
qu'un  lieu  oii  il  i^ous  foit  parlé  de  cette  Venus ,  oii  elle  efl  appellée 
Sticcoth  'Benoth.   C'eil'dans  l'Hiltoire  du  tranfpert  des  Tribus  par  Salma- 
naflàr  Roi  d'Aflyrie.  Ce  Prince  fit  venir  de  l'Orient  divers  peuples  pour 
habiter  en  Samarie  :  favoir  des  gens  de  Babel,  de  Kuth,  de  Hava,  de  Ka- 
math  &:  de  Sepharvaïm.  Chaque  nation  fit  Ces  Dieux  ^  &  les  mirent  dans  les  2.  Rois  t?^ 
maifons  des  hauts  lieux  qu^avoient  faits  les  Samaritains.    Chaque  nation  les  tnie  '^' 
dans  les  villes  dans  lefquelles  ils  habitoient.    Car  les  gens  de  Babel  firent  Succoth" 
Benoth.     Les  Hébreux  difent  que  cette  Succoth-Benoth  ,  étoit  une  poule 
avec  (ts  pouffins  :   C'eft  une  vifion  que  nous  ayons  déjà  rejettée  dans  le 
chapitre  de  Nergal.     Ils  veulent  que  >wd  ,  fignifie  un  coq,  àcaufe  d'un  NotaWe  er- 
paflage  de  Job,  oî^i  il  y  a  n:>a  ^ix''?  \rù  >o,  ce  que  la  Vulgate  Latine  a  ^^l^^'l\f^ 
tourné,  quis  dédit ga lia  intelligent iam ?  qui  a  donne' intelligence  au  coq  ?  Cefi  Jobchap.j». 
une  vieille  tradition  des  "^R^abbins^  que  leurs  maîtres^  n"" entendant  point  le  mot  de  *'  ^^' 
^id::',  run  d^eux  appelle'  Rabbi  Simeon  voyageant  en  Afrique ,  il  entendit  qu'ails  Talmud. 
appelloient  une  époufée  ^£3:3  ,  une  Nymphe  y  &  un  coq ,  MDty ,  d"  que  cela  lui  ap-  \ll^^°^^' 
prit  le  fins  de  ce  pajfage',  il  a  donné  intelligence  ^  ^IDîi'S  .    De  ce  finguiier  maf-  cap.  3. 
culin  vient ,  félon  eux ,  Succoth ,  qui  doit  ngnifier  la  femelle  d'un  coq }  ^py  Abar- 
une  poule  ou  des  poules.     En  y  ajoutant  Benoth,  qui  fignifie  des  filles  ou  zlReg."^ 
des  enfans,c€]a  fera  une  poule  avec  fes  filles.  Cela  eft  digne  de  Tefprit  de 
ces  grands  maîtres.   Cependant  il  y  a  des  Chrétiens  qui  y  ont  voulu  trou- 
ver du  fens.  Si  je  m'en  Ibuviens  bien,  Kircher  veut  que  fous  cette  poule , 
6c  fous  ces  poLiffins,  les  Babyloniens  adoraflènt,  comme  fous  un  emblème,  ^F^^ms. 
quelques-unes  de  ces  conllellations ,  où  les  étoiles  font  preflees ,  &  corn-  oedip!" 
me  amoncelées,  telles  que  peuvent  être  les  Pléiades, les Hyades,  ou  celles '^^sypr. syn- 
. qu'on  appelle  Vergiliac.  «gi"-4- 

Il  y  en  a  d'autres  qui  veulent  que  cette  poule  fût  l'emblème  de  Venus  5  Tradition 
parce  qu'il  y  avoit  une  tradition  entre  les  Babyloniens ,  qu'un  grand  c^ui ^esBJbyUi- 
avoit  été  rencontré  fur  le  bord  du  fleuve,  que  les  pigeons  l'avoient  couvé,  "içjjs  furja 
&  qu'après  quelques  jours  il  en  étoit  forti  une  Déelî'e  ,   qui  eft  la  Déefié  venus"'^^   * 
de  Syrie ,  qui  s'appelle  Venus.  On  croit  que  cela  pouvoit  être  v€nu  de  V'^^  Gro- 

i>r-»-n     ■         j     1     /^  •'  V     -1      n     î-  \ir^r     •  •       ■  tium  de  Ve» 

1  Hiitoire  de  la  Création  ,  ou  il  elt  dit  que  1  Elprit  couYOït  nsnirj  ,  incu-iit,  Reiig 
Furt.  IV.  ■    Siff  ^^k/chiift. 


690  HISTOIRE  DES  DOGMES 

Chrift.  in    babdt  m^dlina ,  comme  une  poule  fur  le  monde ,  6c  de  làeft  éclofe  la  na- 
ub^i  P40.  ^wre,  que  les  Payens  ont  adorée  fous  le  nom  de  Venus. 
.  Mais  après  tout,  je  penfe  que  les  peines  que  l'on  fe  donne  pour  embel- 

lir ôcpour  éckircir  la  penfée  des  Doéteurs  Juifs  eft  aflez  inutile.     On  les 
fait  plus  habiles  qu'ils  ne  font.    Et  je  croi  qu'ils  n'ont  jamais  penfé  à  Ve- 
nus,&  à  la  manière  dont  les  Babyloniens  difoient  qu'elle  étoit  née.  Au  refte 
comme  cela  n'eft  foiitenu  d'aucun  témoignage  des  anciens ,  je  croi  que 
SeHcn.  Syn-  nous  dcvous  le  laiflcr  là  5   &  nous  tenir  à  la  penfée  de  Seldenus ,  de  Vof- 
cal!"^?!'      fi^s  ,   de  Grotius  Se  d'autres  habiles  Auteurs  ,    qui  croyent  que  c'eft  ici 
Voir,  de      1^  Venus  Babylonienne,  adorée  fous  fes  images ,  Ôc  fes  emblèmes  ordi- 
!ib.  z.  c.  21.  naires. 

ïîrotivis  in       Ji^remicrement  il  efl  certain  que  c'eft  ici  une  divinité  Babylonienne  , 
car  ce  font  les  gens  de  Babel ,  qui  la  font  dans  le  p.us  de  Samarie.     De 
plus  c'eft  une  divinité  féminine,  car  la  fignification  du  nom  le  montre.  Le 
mot  fi'gnifiej  Tentoria  filiarum ,  les  Tabernacles  des  jdles,   C'étoit  donc  aflu- 
rément  îe  Temple  de  quelque  Déede  ,   autrement  on  ne  l'auroit  pas  ap- 
pelle le  Tabernacle  des  filles.     Ce  n'étoit  donc  pas  proprement  le  nom 
de  la  divinité,  c'étoit  le  nom  de  fon  Temple.  Et  ceux  de  Babel  firent  le 
veîitabk     Tabewack  j  c'eft-à-dire,  le  Temple  de  Venus.  Je  ne  doute  pas  que  le  nom 
dJ^Stn  de   ^^  Venus  ne  foit  venu  de  là>  Benoth^  ou  Fenoth^  ôc  Venus  ^  font  trop  voi- 
Ycws.        fins  pour  en  douter j  ceux  qui  lavent  les  langues  Orientales,  ôclafcience 
des  étymologies ,  ne  peuvent  raifonnablement  rejetter  celle-ci.     Elle  eft 
beaucoup  plus  raifonnable  ,   que  celle  de  ceux  qui  veulent  que   Feneris 
vienne  ^V-^mU^  par  quelque  tranfpofttion  de  lettres.     Car  outre  qu"L^- 
rmie  n'étoit  point  Venus  ,    mais  fanon ,   il  y  auroit  beaucoup  plus  de 
changement  à  faire  pour  tirer  Veneris  d'Ui'anie  ,  que  pour  tirer  Venus ,  de 
Affteufe       Venons.   Car  c'eft  ainfi  que  les  Hébreux  lifent  le  mot  nm .     Au  refte 
3edeîa^"  uous  allons  apprendre  d'Hérodote,  de  Strabon^  &  du  Livre  de  Baruch, 
Venus  Baby-  pourquoi  le  Tcmplc  de  Venus  a  été  apj>ellé,  le  Tabernacle  des  filles.   Voi- 

lonienae.       ^.  ^^  ^^.^^  ^j,.  ^ej-odote. 

inCHo  „  Il  y  a  une  fale  coutume  entre  les  Babyloniens,  c'eft  quetoutes leurs 

Lib.  I.  p.$>2.  ^^  femmes  font  obligées  une  fois  en  leur  vie  de  s'expofer  dans  le  Temple 

„  de  Venus,  ôcfe  proftituer  à  quelque  étranger.  Celles  qui  font  riches, 

„  &  qui  ne  veulent  pas  coucher  avec  des  étrangers  ,  fe  tiennent  devant 

„  le  Temple  de  la  Déefte,  dans  leurs  chariots,  fous  des  lieux  voûtez. ,  & 

*  i-jy.a[Kd-    „  leurs  domeftiques  font  derrière  elles.    Mais  la  plupart  font  ceci.   C'eft 

f  vî^/.         5,  qu'elles  font  affifeS  dans  le  Temple  de  Venus ,  ayant  le*  temples  cou- 

„  ronnées  de  bouquets,  6c de  guirlandes,  les  unes  s'en  vont,  &  les  autres 

„  viennent.     Il  y  a  des  allées  qui  font  diftinguées  par  des  cordeaux  ,   6c 

„  qui  vont  de  tous  cotez ,  où  les  étrangers  fe  promènent  pour  vifîter  ces 

3,  femmes ,  6c  choifir  celles  qui  leur  plaifent.     Au  refte  quand  une  fois 

„  elles  ont  pris  place  dans  le  Temple  ,    elles  n'oferoient  plus  retourner 

„  chez  elles  que  quelque  étranger  ne  leur  ait  jette  une  pièce  d'argent 

^5  dans  le  giron,  &  ne  les  ait  emmenées  avec  lui  hors  du  Temple  ,  pour 

.,,  coucher  avec  elles.  Or  il  faut  que  cet  étranger  en  donnant  l'argent  di- 

„  fe.    J'invoque  la  DéelTc  Mylitta  pour  toi  i  car  les  Aflyriens  appellent 

5,  Venus  Mylitta.  Et  il  n'eft  pas  permis  de  rejetter  cet  argent ,  quelque 

,5  petite  que  foit  la  fomme  ,  parce  qu'on  le  dcftine  à  un  ufage  facré.    Il 

»  n'efj 


ET  DES  CULTES  DE  L*E G L I S E. î'^rA I V.  691 

5,  n'ed  pas  permis  non  plus  à  une  femme  de  ref'ufer  un  étranger  ,  il  faut 
5,  qu'elle  fuive  fans  choix  celui  qui  le  premier  lui  préfente  de  l'argent. 
5,  Enfin  quand  une  femme  a  couché  avec  un  étranger  ,   elle  ell  réputée 
„  avoir  fait  ce  qu'il  fàloit  pour  fe  rendre  la  DéQ(re  favorable,  &  elle  s'en 
.  „  retourne  chez  elle.     Après  cela  elle  eft  chafte,  &  pour  rien  du  monde 
.  5,  on  n'obtiendroit  d'elle  une  femblable  faveur.   Celles  qui  font  belles  ne 
.  jj  demeurent  pas  long  -  tems  dans  le  Temple,    Mais  les  laides  font  obli-      ^ 
5j  gées  d'y  faire  un  long  féjour ,  avant  que  de  pouvoir  fatisfaire  à  h 
5j  Loi  5  6c  quelquefois  il  faut  que   ces  pauvres  créatures   attendent  là 
„  jufqu'à  trois  ou  quatre  ans.     Dans  l'Ile  de  Cypre  il  y  a  une  Loi  fort 
„  femblable.  „     Straboit  raj^forte  la,  même  chofe  en  moim  de  termes.     „  C'eit  Strabon.  iç, 
„  la  coutume  de  toutes  les  femmes  Babyloniennes  ,   d'avoir  affaire  avec 
5,  quelque  étranger ,  elles  viennent,  ou  plutôt  fe  préfentent  à  lui  en  foule, 
„  ôc  fort  ornées,  chacune  étant  couronnée  d'une  cordelette  ou  guirlande,  q^^j^^,^-,; 
5,  ÔC  celui  des  étrangers  qui  veut  en  jouir  lui  jette  de  l'argent  dans  le  gi- 
„  ron ,  6c  couche  avec  elle  l'emmenant  hors  du  Temple  ,  6c  cet  argent 
,5,  eft  confacré  à  Venus.  „ 

C'eft  de  ces  pafîàges  qu'on  tire  des  lumières  pour  expliquer  ce  qui  fe  Expiicatioa 
'  lit  dans  le  Livre  de  Baruch  ,   oii  décrivant  les  idolâtries  des  Chaldéens,  Sarïcï^*' 
6c  Babyloniens ,  il  dit  ,  que  les  femmes  environnées  de  cordes  font  ajffes  par  les  au  chap.  5*. 
chemïns,  èvy.t'ïiacii  rà  TrtTvpx^  faifant  feft  de  paille ,  (ont  tourné  les  Interpre-  ^'^^"^^^ 
tes  de  Genève  <i)  &  quand  quelqvî'Hne  d!^  elles  attirée  par  quelque  paffant  a  cou-  La  Vuigate 
ché  avec  lui,  elle  reproche  a  fa  voijîne^  qu'ion  ne  lui  a  pas  fait  le  même  honneur  ^H'^^^^ 
qu^à  elle  ^  (^  que  fa  corde  n^a  pas  été  rompue.     Il  eft  clair  que  c'eft  la  mê-  oiimum. 
me  coutume  dont  ont  parlé  Hérodote  6c  Strabon.    Ce  qui  femble  être  "ii^^aiô-. 
différent  ,  c'eft  qu'Hérodote  dit  que  les  femmes  étoient  aflifes  dans  le  cum- 
Temple,  6c  Baruch,  qu'elles  étoient  aftifes  dans  les  chemins.     Mais  par 
les  chemins  il  faut  entendre  les  petits  fentiei  s  qui  étoient  formez  par  \t$ 
-cordeaux  qui  divifoient  les  Rangées  des  femmes.  Baruch  dit  que  l'on  rom- 
poit  la  corde  quand  on  vouloit  avoir  l'une  de  ces  femmes.     Ce  qui  a  fait  Jide  vôC 
croire  à  quelques  InterpreteSy^qu'fe  par  cette  corde  il  faloit  entendre  une  cein-  \{h.t%. 
i:ure,ou  écharpe,  qui  leur  couvroit  feulement  les  parties  honteufes,  laifîànt  *'''. 
voir  le  refte  ,  afin  d'enflâmer  la  concupifcence  àts  paflans.     M.u's  il  y  a 
plus  d'apparence  qu'on  les  faifoit  fortir  de  deflbus  la  corde,  6c  que  cette 
corde  étoit  le  cordeau,  derrière  lequel  elles  étoient  rangées.  Buruch  par- 
le d'une  cérémonie,  dont  Hérodote  6c  Strabon  ne  difent  rien,  c'eft  que 
cts  femmes  faifiient  fumer  du  fin  ,    ou  de  la  farine.     C'eft  ainfi  qu'on  peut   - 
tourner  plutôt  que ,  faifoieht  feu  de  paille.  Ce  que  dit  Hérodote  peut  don-  Ub.  r.p.^;, 
ner  de  la  lumière  à  cela.     Oefi  que  toutes  les  fois  qu^un  Bahj/lonien  couchait 
^vec  fa  femme  ,  //  mettait  un  parfum  fur  le  feu ,  &  la  femme  *de  fin  coté  en  fai^ 
foit  autant.     Le  lendemain  au  matin^  ils  fe  lavent  tous  deux  ,    &  ne  touchent  à 
rien  avant  que  de  s'' être  lavez.. 

Cela  femble  lignifier  qu'ils  regardoient  cet  acbe  comme  une  pollution,  ^ 
que  par  le  parfum  ils  la  vouloient  expier,  6c  s'en  purifier  le  lendemain  en 
fe  lavant.  Ainfi  ces  femmes  qui  étoient  rangées  au  cordeau  ,  en  attendait 
un  étranger  qui  les  emmenât  pour  coucher  avec  elles,  faifoient  leur  par- 
fum de  préparation,  afin  que  rien  n'arrêtât  la  confommation  de  leur  vœu. 
Mais,  pourquoi  faifoient-ils  fumer  rà  Tr/rupa  ?  c'étoient  des  gâteaux  faits  de 
"    '  "Sfff  2,  fâi> 


g9i         HISTOIRE  DES  DOGMES 

fanne,  où  l'on  avoit  laifTéle  un.     Theocrite,  dans  h  Pharm^ceutria ,  in- 
troduit fà  Sorcière,    qui  dit  vuv  èva-u  rà  'Kirvpa.  Je  m>en  vais  ficrifier  du  fort. 
C'e(l-à-dire,  je  m'en  vais  jetter  au  feu  des  pains  de  farine  avec  le  Ton:  Ap- 
paremment c'étoit  quelque  chofe  de  femblable  à  ce  que  les  Latins  appel- 
loient,  MoLi  filfa,  c'étoit  de  la  farine,  -quifc  builoit  au  feu  dans  les  ikcri- 
ficcs  :  Theocrite  dans  le  même  lieu ,  dit  KhCPiru  to  rpStrov  %vpi  tcLustch,  Pre- 
11^      mierement  la  mole  fe  confume  au  feu.     Mais  nous  aurons  occasion  ailleurs  de 
parler  de  cette  cérémonie  :  quoi  qu'il  en  foit,  cela  eft  plusvrai-femblable 
que  ce  que  dit  Grotius,  que7r«Ti/p«  n'eft  pas  Grec,  que  c'eft  le  mot  He- 
Grot.  !n      brcu  HiL^s  ,  qui  fignifie  ouverture,  rimam,  êcquele  fenseft  que  ces  fem- 
Baruc.  c.  6.  ^^^  ^^  attendant  des  amans  fe  parfumoient,  fuffHmigahant  naturam. 
La' Venus  Au  refte  je  ne  doute  point  que  cette  Venus  Babylonienne  ne  fût  la  mé- 

nSh'mï  me  que  la  Venus  Phénicienne,  que  l'on  adoroità  Biblis,6c  fur  le  mont  Li- 
me quek    ban,  c'eft-à-dire,  une  Venus  impure,  la  'Dk.t^zàç,  la  débauche,  6c  des 
nkicnne.^    dércglcmcns  Vénériens.     Ainfii  les  Grecs  n'ont  pas  euraifon  de  donner  le 
r\^dtVenHi  Vrame2i  la  Venus  Aflyrienrie,  car  c'étoit  véritablement  la 
Venus  7rav5vi|xoç,  volgivaga. 

Pour  éclaircir  ce  fait,  il  faut  remarquer  que  les  Grecs  avoient  deux  Ve- 
nus, l'une  qui  étoit  chafte,  qui  préfidoit  furies  amitiez  honétes,  &  l'au- 
tre étoit  la  Venus  impudique,  &  la  patronne  âts  femmes  qui  fe  profti- 
Apniée  par-  tuoieut.     La  première  s'appelloit  Vranie,  ou  celeftcî  6c  l'autre  s'appel- 
Jit'^^vTus-  ^°^^  Tixv^vîfxoç.       Platon   parle   de  ces    deux  Venus   dans    fon  banquet. 
Apoiog.  I.    Comme  il  y  a  .^    dit  -  il ,  deux  Venus  ^  il  y  a  aujfi  deux  amours:  cjui  peut  nier 
non  longe    ^^'^/  ^Py  ^^^  glg^ix  F'enus  ?  T^Cj  en  a- 1- il  pas  une  plus  ancienne  que  Pautre  ^  qui 
vCa,  poim  de  mère  ,  &  qui  efl  fille  du  Ciel ,  que  nous  appelions  Venus  Uranie  ,  otk 
celefle  r  Et  C  autre  qui  eïlplus  jeune,  fille  de  Jupiter  ^  de  Dioné ,    que  nous  ap- 
pelions pandemos ,  âefl-à  dire  publique  &  commune  &c.     L'amour  de  la  Venus 
panâemos  efl  auff  un  amour  commun.  Il  fe  jette  fur  toutes  chofes  indifféremment^ 
c'^ejl  celui  que  tes  mécham  aiment:  les  gens  n''ui?4ànt  pas  moins  les  femmes  que  les 
garçons ,   &  .de  ceux  qu'ils  aiment ,  tls  en  aiment  les  corps  bien  plus  que  les  âmes. 
ElUc'ov.       Pauîanias  nous  dépeint  l'une  6c  l'autre  ,  au  derrière ^  dit-il ,  efi  u^  portique^ 
qui  a  été  bâti  des  dépouilles  des  Corcjréens^  la  cour  qui  efi  attachée auTemple^  & 
c^ui  ejî  à  découvert  ,n''efl  pas  loin  de  là.   La  Venus  qui  efi  adorée  dans  ce  lieu ,  s'' appel- 
le P^enus  Z/ranie^  le fimulacre  ej}  de  ^ouvrage  de  Phidias  ^  d'or  &  di'jvoire.^O'  la 
Dée[fe  efi  répréfentée  appuyant  Pun  de  fes  pieds  fur  une  tortue.     Et  cette  tor- 
inTraft.  de  tuë,  fcîon  k  glofc  dc  Plutarquc ,  (îgnifioit,  que  les  femmes  mariées  dévoient 
d.cap.+o.  ^^^./^^^  i^  maifon ,  &  le  filence.     C'elt  pourquoi  elle  s'appelloit  Venus  oly.a- 
f>oç  ,  la  Venus  garde- maifon.  Incontinent  Pauiànias  ajoute.  LacourduTem- 
le  efi  environnée  d'aune  muraille ,  fur  laquelle  il  y  a  un  rebord ,  &  fur  le  rebord 
efi  placée  une  fiatu'é  d'airain ,  eonfacrée  k  Venus  xav^^jxoc  ,  populaire  &  publi- 
que ^  qui  efi  montée  fur  an  bouc  fait  d*  airain,  comme  la  Venus  ^   Pouvrage  e[i 
de  Scopas.     fe  Uiffe^  dit-il,  a  ceux  qui  fe  font  une  affaire  de  cette  forte  de  fcien- 
ce ,  à  rechercher  ce  que  fignifioit  cette  tortue  &  ce  bouc.      Cela  n'efl  pas  diffi- 
cile à  deviner:  la  tortue  étoit  l'emblème  de  la  chafteté,  6c des  femmes 
qui  fe  tiennent  chez  elles.  Et  le  bouc  e(l  l'emblème  de  la  lafciveté.  C'eft 
L-iins  Gy    pourqiioi  l'on  ne  pouvoit  mieux  choifir  pour  répréfenterles  impuretezde 
itf  de^Dm  ^^"^te  Venus  populaire, publique,  6<:quileprofl:ituëàtoutlemonde.  C'eft 
gcotium.     elle  que  les  habitans  d'Abydos appelloient  Venus  raeretrix,  à(^po'^ir^%6pv.vi , 

.  6c 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Part.lY.  6^3 

Se  qu'ils  veneroîent  fous  ce  nom  5  Se  les  Athéniens,  fous  celui  de  haipa 

A'CPpoh'rvi. 

.    Or  il  faut  remarquer  que  cette  Venus  publique  &  populaire  n'étoit  Venus Ura- 

pas  la  même  divinité  que  renus  Vranie^   ou  celefle.     Car  Venus  Uranie  mÊnTe^iLi* 

c'étoit  Junon  :  cela  eft  clair,  parce  que  c'cft  elle  qui  préfîdoit  furies  ma-  Junon. 

riages,  6c  fur  les  accouplemens  honêtes ,  c'eft  pourquoi  on  i'appelloit  Py-o- 

niiha  funo. 


Prohuha  ^nid  fum ,  qnid  ad  hf.c  HymlenAd  venitis  ^^Uç  j^^. 

Sacrât  tam.  p.  V,  7, 

Spelnncam  Dido ,  dpix  &  Trojanns  eamdem  ^^' 

Deveniunt  ^  prima  ^  TelÎHs^  &  from4ba  fnm  -  Virg.<£neW 

Dant  jigrmm^  4-v.  165. 

C'eft  elle  qu'on  avoir  établie  fur  tout  ce  qui  regardoit  le  mariage. 

tSKaBant  leSîas  de  more  hidentes , 
Légiféra  Cereri ^  Phoeboe^ae^  Tatrtque  LyAo.  ^a?*'^    "*' 

funoni  ante  omnes ,  ç'^i  viticla  jugalia  cura. 

C'eft  elle  qui  préfidoit  fur  les  aceouchemens  ,  6c  qu'on  appeîloit  Juno 
Lucina^  6c  à  laquelle  les  femmes  en  travail  difoient,  fer  opem.  Il  eft  clair 
que  tous  ct^  offices  appartiennent  à  Venus,  qui  eft  la  X^tç.'&t  de  la  géné- 
ration, 6c  par  conféquent  cette  Junon  doit  être  Venus.  Cen'cftpasune 
fimple  conjeélure ,  les  Grecs  appelloient  cette  Junon ,  pronuba  Venus  'fu- 
m.  C'eft  Paufanias  qui  nous  l'apprend.  „  Pour  ce  qui  eft  du  Temple  in  LacQsû- 
„  de  Junon  ùxfp%c/p/«ç;,  il  a  été  bâti  par  le  commandement  de  l'Gracle,  *^i«' 
„  quand  le  fleuve  Eurotas  fe  déborda  extraordinairement  fur  tous  les 
,,  champs  d'alentour.  La  ftatuë  qui  eft  de  bois  eft  antique ,  6c  ils  l'ap- 
„  pellent  Venus  Junon.  Quand  les  mères  marient  leurs  filles ,  elles  font 
55  des  facrificcs  à  cette  Déefle.  „ 

Cela  s'accorde  fort  bien  avec  ce  que  nous  avons  prouvé  dans  le  cha-  ^^^^^  ^^^_ 
pitre  d'Aftarté,    que  le  nom  d'Uranic  n'étoit  pas  celui  de  la  Venus  nie  étoit  h 
Syrienne  ,   mais  celui  de  la  Junon  Syrienne.    Car  quoi  que  les  Grecs  Jj^^°°^J^j. 
fe  foient  trompez,     6c  ayent  fouvent  confondu  Uranie    avec  Venus  3  voir  Aftaitc, 
cependant  on  trouve  que  dans  le  fond  leur  Uranie  n'étoit  point  Ve-yeîuTsy- 
nus,  c'étoit  Junon.     Et  leur  erreur  vient  de  ce  qu'ayant  tiré. de  la  Sy-  nciine. 
rie  ce  nom  à^Vrmie^  ils  n'ont  pas  apperçû  que  c'étoit  le  titre  d'Aftar- 
té,    Déefle  des  Sidoniens,  6c  ont  crû  que  c'étoit  celui  de  la  Déefle 
de  Biblis,  qui  véritablement  étoit  Venus.  Ils  ont  trouvé  chez  eux  le  nom 
à'Vrame ^  bien  qu'il  tût  Syrien  d'origine,   6c  qu'il  fîgnifiât  luifante,   qui 
eft  le  titre  de  la  Lune,  ils  ont  crû  qu'il  étoit  Grec,  6c  qu'il  fîgnifioit  ce^ 
lefte^  8c  l'ont  appliqué  à  leur  Venus  chafte.  Et  parce  qu'en  voyageant  dans 
la  Phénicie  ils  y  ont  enfuite  trouvé  une  Vrmie ,  ils  ont  crû  que  c'étoit  le  titre 
de  Venus  en  ce  païs-là,  comme  dans  le  leur,  quoi  que  dans  la  vérité  ce  fût 
le  titre  de  Junon.     Mais  que  la  DéeîTe  de  Biblis  ne  fut  point  la  Venus  Ura- 
nie des  Grecs,  il  eft  clair,parce  que  Wrmie  des  GrecSjétoit  une  Déefle ,  dans 
le  culte  de  laqueilêvil  n'y  avoit  rien  d'impur,  6c  qui  préftdoit  furies  ma- 

Sfff  3  riageâ 


694         HISTOIRE  DES   DOGMES 

riagcs  honêces.     Au  lieu  que  la  Venus  du  Mont  Liban  étoit  une  impu- 
re divinicc,  à  l'honneur  de  laquelle  les  femmes  le  proftituoient ,  comme 
nous  l'a  dit  Lucien.     Et  dans  le  Temple  de  laquelle  fe  commettoient. 
d'horribles  abominations  ,   comme  nous  l'a  dit  ci-deflus  Eufebe.     C'cft 
pourquoi  je  conclus  que  la  Venus  Babylonienne,  à  l'honneur  de  laquelle 
fut  bâti  le  Temple  ,   appelle  Smcoth - Bemth  ,  6c  la  Venus  Phénicienne, 
étoient  abfolument  la  même  DéelTc ,  fi  ce  n'eft  que  la  Venus  Babylonien- 
ne étoit  encore  plus  débauchée ,  6c  plus  infâme,  que  la  Venus  Phénicien- 
ne du  Mont  Liban.   C'ell:  cette  DeefTe,  qui  avoit  un  Temple  fur  les  ri- 
Vaiere        vages  de  l'Afrique,  dans  un  lieu  appelle  Siccdt^  dont  parle  Valere  Maxi- 
MâKime      ^le.    SiccA  efi  fanum  F'eneris  ^  in  i^md  fe  mdtrondi,  conferebant  ^  atc^ne  itide  fro^ 
**■'''  *    rident  es  ad  qu^fium  dotes  corporis  injuria  contrahebant.    Du  tems  de  Procopc 
ce  lieu  s'appelloit  Sicca  Feneria  ,   6c  il  le  met  à  trois  journées  de  Cartha- 
Lib.2.  de    ge.  La  conjeélure  de  Seldenus  eft  pleine  de  vrai-femblance ,  que  ce  SiccA 
Beiio  Van-   y^cneïis  ^  eft  venu  de  la  Phénicie.  Il  y  a  du  rapport  entre  S^ccoth  di  Sicca , 
'  "^'  ^'^'  &  entre  Fenffs  &  Benoth.  Et  il  eft  aifé  de  concevoir  comment  cette  Déef- 
fe  eft  paffée  d'Afie  en  Afrique.     Toute  la  Côte  de  Carthage  étoit  pleine 
de  colonies,  venues  de  la  Paleftine.  Ce  que  dit  Valere  Maxime,  que  les 
femmes  fe  proftituoient  dans  ce  Temple  pour  gagner  de  l'argent ,  eft  ii 
femblable  à  ce  qu'Hérodote  dit  de  la  Venus  Babylonienne,  qu'il  eft  im- 
poffible  que  ce  ne  foit  pas  la  même.     Cette  fale  divinité  pafla  première- 
ment dans- nie  de  Chypre ,  qui  étoit  voifine  du  continent  del'Afie.  Car 
Hérodote  nous  apprend  que  les  femmes  fe  proftituoient  dans  le  Temple 
de  la  Déefle ,  dans  cette  Ile.  De  là  ce  culte  abominable  fe  répandit  dans 
toute  la  Grèce. 
strabon  Tout  le  mottdc  fait  ce  qui  fe  faifoit  à  Corinthe.   C'eft  qu'il  y  avoit  .un 

Temple  de  Venus ,  oii  les  Corinthiens  avoient  confacré  plus  de  mille 
Courtifanes,  qui  fe  vendoient,  mais  fort  chèrement.  D'où  eft  né  le  Pro- 
verbe ,  non  licet  omnibus  adiré  Corinthum  ,  tous  ne  font  pas  aflez  riches 
pour  jouir  <ie^  plaifirs  de  Corinthe.  Tout  cela  venpit  originellement  du 
Succoth-Benoth  àes,  Babyloniens. 

Au  refte  nous  n'avons  pas  befoin  de  nous  étendre  à  expliquer,  quelle 
partie  de  la  nature  étoit  adorée  fous  cette  Venus  Babylonienne.  Pmf- 
que  c'eft  la  Venus  'kû.vI'a^^loq  ,  impure  &  volgivaga  ,  c'étoit  l'amour  fale, 
charnel,  brutal,  c'eft-à-dire,  la  concupifcence,  qu'ils  avoient  déifiée.  Il 
n'eft  pas  malaifé  de  comprendre  comment  fous  la  même  Déefle  ils  ado- 
^oien-t  toute  la  nature  ,  ôc  en  même  tems  la  brutale  concupifcence  ,  qui 
eft  la  fource  de  l'amour  charnel.  Car  fous  la  Déefle  Venus ,  qu'ils  ap- 
pelloient  Mylitta^  Genitrix^  ils  adoroient  la  nature,  en  tant  qu'elle  eft  le 
{■  priîidpe  de  toutes  les  générations.  Et  parce  que  de  toutes  les  générations 

qui  fe  font  au  monde,  ia  plus  confiderable  c'eft  celle  de  l'homme,  ils  ont 
donné  particulièrement  le  nom  de  Venus  à  la  vertu ,  qui  préfide  fur  cet- 
te génération ,  &  qui  en  eft  la  çaufe ,  c'eft  l'amour  de  la  copulation  ,  & 
h  chair,  qui  le  révolte  contre l'efprir. 


VL  TRAÎ- 


ET  DES  CULTES  DE  L"EGLISE.  Tm.lY.  69? 


VI.     T    R    A    I    T    E 

DE  Q^UELQ^UES  AUTRES 

D  I  V  I  N  I  T  E  Z 

Moins  connues ,  &  dont  les  noms  font  moins 
fréquens  dans 

LÈCRITURE, 

Comme  font  G  ad  ,  Ment ,  Sefach ,  Mahu^m ,  BahaU 
^fe^houp  Adargemah. 


CHAPITRE     I. 

De  Gady  &  de  Meni  du  Si),  ch.  d'Efaïe. 


;^^&&i£me^ifsf^ 


ïài£^St^^sB71^fiSSf^^Sl^^ 


chofe. 


Ufques  ici  nous  avons  parlé  de  ces  divinitez  ,  qui 
font  reconnues  i  c'eft-à-dire  de  ces  noms,  dont  tout 
le  monde  convient,  &  dont  l'Ecriture  Sainte  fe  fert 
pour  dédgner  quelqu'une  des  faufles  divinitez  des 
Payens.  11  refte  à  parler  de  quelques  autres  noms, 
de  la  fignification  defquels  tout  le  monde  n'efl:  pas 
d'accord.  Parce  que  quelques-uns  veulent  que  ce 
foient  des  noms  de  Dieux  ,  &  les  autres  croyent 
que  ce  font  des  mots ,  qui  lignifient  toute  autre 


Les  premiers  de  cçs  Dieux  inconnus  font  ceux  dont  parle  Efaïe  dans 
le  6f .  de  fon  Livre  au  Verfet  il.  St  vous  qui  ahmàonnez^  le  Seignem^  &  qui 
cubltez.  la  montagne  de  ma  fainteté  ,  qui  drejjez.  la  table  à  Cad,  IJiV  ,  &  qui 
faites  des  afperjtons  à  Meniy  ^3oS .   Voici  deux  noms ,  Cad  &  Mmi ,  qui  fem- 

blent 


Paflage 
d'Abaibinel 


Gad  eft  la 
Conftella- 
tion ,  &  le 
Génie  qui 
préfide  à  la 
^aifTance. 

Rabbi 
Kimchi  ia 
Efaïam  6j, 
II. 


Selon  I*an- 
cienne  rra- 
dttjon  des 


696  HISTOIRE  DES  DOGMES 

blent  être  deux  noms  de  faux  Dieux ,  à  l'honneur  defquels  on  faifoit  des 
facrificcs  ôc  des  afperfions.  Les  Théologiens  de  Genève  ont  tourné. 
Aïais  vous  deferteurs  de  t Eternel  ,  &  qui  oubliez,  la,  montagne  de  ma  fainteté  ^ 
qui  drefjez.  la  tahle  à  P armée  des  deux ,  &  fourni ffez.  afperjîon  à  autant  qu'on  en 
peut  conter.  Les  Grecs  ont  interprété  ce  paflage  ainli.  yous  qui  m'^a-vtz. 
aùandonne\  &  avez^  oublié  ma  fainte  montagne  ,  vous  préparez,  une  table  au  Dé' 
mon,  &  emplijfcz.  la  mixtion  pour  la  Fortune.  La  Vulgate  Latine  tourne  un 
peu  différemment ,  qui  ponitis  Fortuna  menjam ,  &hb<!itis  fuper  eam.  Il  y  en 
a  d'entre  les  Hébreux,  qui  ne  veulent  pas  trouver  ici  de  divinité,  mais  qui 
croyent  que  Dieu  reproche  ici  fimplement  aux  Ifraëlites  leurs  débauches. 
Par  Cad  ils  entendent  une  troupe  de  gens  ,  parce  que  "n:i ,  gadad^  en 
Hébreu,  flgniiîe  venir  en  troupe,  ou  en  foule.  Par  Meni ,  ils  entendent 
un  nombre ,  parce  que  le  verbe  manah  en  Hébreu  lignifie  nombrer  ,  ou 
conter:  G'eft  l'interprétation  d'Abarbinel,  dans  fon  Commentaire  fur  ce 
paflage.  „  Il  veut  dire  qu'ils  ne  fe  Ibucient  pas  de  la  défolation  de  Je- 
„  rufalem,  &  qu'ils  dreOéntla  table  aune  multitude  ,  à  Gad  ,  c'eft-à- 
„  dire  à  une  aflcmblée,  félon  la  fignification  de  ces  mots  i3-ii;i>  nnj ,  Ge- 
„  nefe  45?.  qui  fignifienr,  une  troupe  courra  fur  lui,&:  Meni  regarde,  ÔC 
fignifieîe  nombre,  °]Dî3)3,mimefach,fignifie  le  vin  mixtionnéôcc.  Ildir,, 
vous  abandonnez  le  Seigneur,  parce  qu'ils  ne  croyoient  point  à  lui ,  Ôc 
ne  le  prioient  pas  pour  la  délivrance  dejerufalem.  Et  il  ajoute,  vous 
oubliez  la  montagne  de  ma-faintetéi  parce  que  cette  montagne  étoit 
défolée,  ôc  vous  ne  menez  pas  deuil  fur  elle.  Vous  n'avez  pas  d'autre 
foin  que  celui  de  boire  Ôc  de  manger  dans  vos  afl'emblées ,  de  tuer  des 
bêtes  pour  en  manger  la  chair,  6c  d'inventer  des  mixtions  &  des  liqueurs 
de  vin  compofé,  parce  que  vous  dreflez  la  table  à  Gad-,  c'eft-à-,dire, 
que  vous  dreflez  à  vôtre  focieté  une  table  ,  pour  leur  donner  à  man- 
ger, jufques  à  les  fouler  ,  Se  vous  empliflez  des  brûvages  mixtionnez 
à  ^Meni.  G'eft  comme  s'il  difoit ,  vous  préfentez  des  coupes  de  ce 
vin  délicieux  en  quantité ,  félon  le  nombre  des  conviez ,  qui  font  dans 
la  compagnie.  „ 

Mais  je  voi  que  la  plupart  des  Interprètes ,  tant  Juifs  que  Chrétiens , 
tiennent  que  ce  font  ici  des  noms  de  fâufles  divinitez  ,  au  moins  Gad, 
êc  que  le  Prophète  reproche  au  peuple  leur  idolâtrie.  Le  Paraphrafte 
Çhaldée  tourne ,  ils  drejjent  des  tables  aux  faux  Dieux  ,  &  mêlent  des  cou- 
pes a  leurs  Idoles.  Les  Grecs  ont  entendu  que  ces  tables  lé  drefibient  au 
Pémon,  Se  à  la  Fortune.  Kimchi  dit  fur  c^  paflage  d'Efaïe,  que  ce  Gad 
flgnifîe  quelque  étoile  heurcufe  y  qui  préfîde  à  la  naifllance  des  hommes, 
„  (Jady  dit -il,  fignifîe  quelque  étoile ,  ou  conftellation  favorable  i  car 
5,  c'efl:  comme  file  Prophète  difoit,  ils  offrent  ôc  facrifient  à  quelqu'une 
5,  des  étoiles.  Rabbi  Moïfe,  le  Sacrificateur,  dit  que  c'eft  l'étoile  de 
3,  la  Juflice  ,  qui  eft  Jupiter  ,  parce  qu'on  l'appelle  ainfi  dans  la  langue 
5,  des  Arabes.  Ces  paroles,  ôc  ils  empliflént  le  vin  mixtionné  à  tJHeni^ 
5,  fignifient  des  afperfions  qu'ils  faifoient  à  Meni-,  "c'elt  le  nom  d'une  étoi- 
„  le  :  Il  y  a  des  Interprètes  ,  qui  difent  que  ce  mot  fignifie  des  étoiles, 
„  dont  le  nombre eft défini  ôc  conté,  ÔC  que  ce  font  lesfept  Planètes,  „ 
C'eft  une  tradition  fort  ancienne  entre  les  Hébreux  ,  que  Gad  fignifîe 
la  bonne  fortune,  c'eft- à-dire, l'Aftre,  ôc  le  Génie,  qui  préfidefur  les 

oaiflànce 


5> 


5> 


ET  DES  CULTES*  DE  L'EGLISE.  Part.lY.G^j 

îiaiflances  heuî'euiès.  Et  ilsdifent  que  ce  m%t  leur  ell  venu  des  Chaldéens,  juifs,  caj 
&  des  Arabes,  qui  de  tout  tems  ont  fort  aimé  l'Aftroloffie.     G'efb  félon  J'g"'^'^ '» 

fi•,-        .      '        ...  .  •      /  •    -    I-      I  Y        »        •  bonne  fot- 

gnihcation  qu'ils  ont  interprète  ce  (^ui  le  lit  dans  le  chapitre  neu-  cuac. 

viéme  de  la  Genefe  v.  ii.    Lea  ayant  donné  à  Jacob  fa  fervante  Zilpa, 
cette  fille  conçût ,   &  mit  au  monde  un  fils ,  fur  lequel  Lea  dit  en  fa  lan- 
gue nj3,  bagad.  Les  Modernes  tournent  venit  turma^  troupe  eft  arrivée, 
tkj'ai  bien  du  penchant  à  croire  que  c'eil  le  vrai  fens  de  ce  paflage,  parl- 
ée que  ce  nouveau  fils ,  qui  lui  étoit  né  ,   augmentoit  la  troupe  de  teux 
qu'elle  avoit  déjà.     Mais  les  Anciens  tournent,  la  bonne  fortune  eft  arri- 
vée, xyù  M^îQï^înN,  c'eijjiainfi  qu'a  tourné  un  ancien  Paraphrafte  ,   qui 
s'appelle  Jonathan  >  &:  Onkelos  "iJi  Mnx,  ïbenreufe  étoile^  on  U  bonne  for - 
tnrne  eji  arrivée.    Autrefois  les  Juifs  fuperftitieux  dreffoient  un  lit  magni-  VoiLexkoa 
fique  dans  la  maifon  ,   qui  ne  fervoit  à  perfonne  qu'à  celui  qu'ils  appel-  ^If  ?"y'^ 
loient  rrinn  ic' ,  le  Prince  de  la  maifon.    Et  ils  l'appelloient  aufii   çj^tajfal^  ce  Gad. 
c'eft-à-dire ,  L'étoile  ^  la  conftellaîion^  qui  règne  dans  la  naiifance  ,  la  bonne 
fortune.     Ils  appelloient  ce  lit  t<in  ND-iy  ,  le  Ut  de  Cad.     Salomon  Jar- 
chi  nous  apprend  auffi  qu'ils  avoient  un  Proverbe  N;?  pu^'Oi  nji  ^j  ,   donne 
lui  une  bonne  fortune  Cad  ,   &  que  jamais  il  ne  fe  lajfe.     Ils   s'en  lèrvoienC 
quand  ils  vouloient  bénir  quelqu'un,     Ainfi,  félon  les  Hébreux,  GadeH 
un  Aftre ,  ou  une  conftellation  jointe  avec  le  génie  ,  qui  préfide ,  &  qui 
fait  les  naiflances  heureufes.    J'avoue  que  cela  me  paroît  vrai-femblable , 
auffi  bien  qu'à  beaucoup  d'autres.   Car  les  Juifs  avoient  emprunté  toutes 
les  fuperftitions  des  nations  voifines,  auffi  bien  que  leurs  idolâtries.   Et  il 
eft  certain  qu'ils  étoient  fort  attachez  aux  vanitez  de  l'Aftrologie.    Com- 
me donc  ils  préparoieiit  un  lit  dans  la  inaifon  à  cet  heureux  génie  de  la 
nailTance ,  il  y  a  apparence  qu'ils  lui  dreflbient  une  table  chargée  de  mets. 
St.  Jérôme  a  encore  trouvé  en  Egypte  les  reftcs  de  cette  fuperftition  ; 
car  il  nous  aflure  que  tous  les  derniers  jours  de  l'année  on  drelfoit  une  ta- 
ble *à  la  bonne  fortune  de  cette  année-là.     Efi  autem  in  cun^is  mbibm^  &  Hieronymus 
maxime  in  st/£gjpto  ^  &  in  zyilexandria  ^  idololatris,  vêtus  confuctudo  ^  ut  f^ld-  l'^J^^^^"^ 
m.o  die  anni  y   &  menjis  eorum  ^  quiextremin  efi  ,  ponant  menfam  refertam  varii 
gêner is  epulis^  QT  poculum  muflo  mixtum^  vd  fr&tenti  anni ,  vel  futuri  ,  fclici- 
tatem  aufpicantes.     Hoc  autem  faciebant  &  Ifraelit a  ^omnium  fimidacrormnpor- 
tenta  vénérantes ,  Q'  nequaquam  altari  viUimas ,  fed  hujufcemodi  meyifr  libafpm- 
debant. 

Quant  ^Meni^es  Hébreux  ne  font  pas  fi  bien  d'accord  entr'eux  ce  que  c'eft.  ce  que  cVâ 
Nous  avons  vu  par  le  rapport  de  Kimçhi,  que ,  félonie  fentiment  de  plu-  '^"^  ^^^^'  ■ 
fieurs  ,  Meni  dérivé  du  verbe  m'anab  ,    qui  fignifie  conter  ,    defigne  ua 
nombre  d'étoiles  conté  &  défini,  c'eft-  à -dire,  les  fept  étoiles  errantes. 
Et  lui-même  eftime  que  c'elt  le  nom  d'une  étoile.   Salomon  jarchi,  qui 
eftime  que  Gad  eïk  une  conftellation  ,   croit  que  f^Usni  fignifie  nombre. 
Cad ,  dit- il ,  eft  le  nom  à? une  Idole  ^  qui  éî oit  faite  à  Pintention  de  P  Aftre ,  ofù 
de  la  conftellation  ,  qui  préfide  aux  naiftances  heureufis  ^  félon  cet  ancien  Tro- 
verbe  ,    que  Cad  le  rende  heureux  ,    &  qu'ail  n'y  ait  pas  de  laftitude  pour  lui. 
Vous  empliftiz.  des  bruvages  compofez^  à  Meni  ^  c'^efl-à-dire ,  filon  le  no^nbre  des 
Sacrificateurs  de  l'Idole ,  vous  empliftez.  des  coupes  de  vin  mixtionné.    Ixlais  il  y 
a  plus  d'apparence  que  ce  Mem^  auffi  bien  que  (fjid,  eft  une  des  étoiles , 
que  les  Aftrologues  font  préfider  àla  naiftance.  Et  que  par  l'un  &rautr£ 
Tm.  lY.  _  Tttt  de 


698  H  î  S  T  O  î  R  E  D  E  S   D  O  G  M  E  S 

de  ces  noms ,  font  aufîi  ententius  les  génies  attachez  à  ces  étoiles  ,  qui 
continuent  de  conduire  la  vie  de  ceux  ,  à  la  naiflance   defquels  ils  ont 
Mactol»,      préfidé.     Ainfî  c'eil  ce  que  les  Latins  ont  z^pdlé  DuTutelares  ^lesDicux 
^at^i .  î.    r^m-gj^jj-gg  ^  ^  igg  Grecs  âeo/  xp^^oi,  c'efl:  de  là  qu'efl  venue  l'opinion  des 
Mahometans ,  qui  donnent  à  chaque  homme  deux   génies  aflilîans  ,  qui 
l'accompagnent  jufques  au  jour  du  Jugement.  Mahomet,  avoit  puifé  cela 
des  Arabes  Tes  Ancêtres. 
Des  Aftxes       Ill'eile  de  voir  quelles  font  ces  deux  étoiles,  qui  prcfîdoient  àî-anaif- 
qui  piéfi-     fance  des  hommes.     Si  l'AHrologie  ancienne  étoit  ablblument  femblable 
naîirancedes  à  l' Afliologic  modcme  5  il  feroît  ailé  de  le  devine*  Car  depuis  long-tems  les 
hommes,     ^ftrologues  appellent  Jwpïicr  fort  me  majeure ,  parce  qu'il  eft  médiocrement 
chaud  &  humide.   Venus  fortune  mineure  ,   parce  qu'elle  eft  auffi  chaude 
5c  humide,  mais  non  pas  dans  la  jufteiîe  du  tempérament  de  Jupiter.  Sa- 
turne au  contraire  eft  très  malin  ,    &  s'appelle  infortune  majeure. ,  parce 
qu'il  eft  froid  6c  {te.  Mars ,  qui  eft  médiocrement  mahn  ,  s'appelle  infor- 
tune mineure^  parce  qu'il  eft  fec  &  fouverainement  chaud.     Le  Soleil  ôc 
Mercure  font  indifferens,  bénins ,  ou  mahns ,  félon  qu'ils  fe  rencontrent  fi- 
gurez avec  les  autres  Aftres.     C'eft  pourquoi  jls  ne  s'appellent,  ni  fortu- 
ne, ni  infortune.     Enfin  parce  que  la  Lune  a  peu  de  chaleur,  &  beau- 
coup d'humidité,  elle  s'appelle  fimplemént  fortune^  fans  ajouter  bonne,, 
ou  mauvaife.     Selon  ces  principes,  il  femble  que  ce  Gad^  CQsJHeni  de- 
vroient  être  les  Planètes  de  Jupiter  &  de  Venus,  qui  font  les  deux  Aftres 
les  plus  fortunez  ,  ôc  d'où  les  Aftrologues  tirent  les  plus  heureux  préfa- 
ges.     En  effet,  félon  la  tradition  de  ce  Rabbi  Moïfe  ,  le  Sacrificateur 5 
dont  Kimchi  rapporte  le  fentimen^,  (jM  eft  Pétoile  de  fujitce.     C'eft  ain- 
fi  que  les  Rabbins  appellent  Jupiter.  Et  dans  leur  Aftrologie  ,    auffi  bien 
M  iifterus    ^l'j'^^^  ^^^^^  ^^^  Grecs,  Jupiter  eft  un  Aftre  très  fortuné.  Munfter  nous  af- 
in cenefim.  fûre  que  c'eft  ce  qu'ils  appelloient  niu  'hxo  ,    Maz^z^altoh ^  la  bonne  étoile,. 
^"''  "•        Cad  exponunt  pro  pnï  ,  fovePlanetay  quem  dio  nomine  vocant  3W  h\Ô  ,  fortU" 
tunam  bonam  ^  quod  in  liberorum  procreatione  falubrem  immittat  infiuentiam  , 
unde  puelU  defponfata  traditur   mnulus  ,    in    quo  fcriptum  eji  n.lD  7!î2 ,  Mazr 
mahob. 
?srerîusin       Je  vol  de  nos  Chrétiens  9  qui  par  Gad  entendent  la  Planète  de  Marsj,. 
Efaiam  cap.  g^  pat  Meni  la  Pîanctc  de  Mercure  ,   auquel  ils  facrifioient  pour  être  heu- 
reux dans  leur  commerce,  parce  que  Mercure  eft  le  Dieu  des  Marchands, 
Mais  je  croi  qu'il  vaut  mieux  chercher  l'explication  de  ce  myftere  dans 
Lib.  6.  ad-  r  Aftrologie  des  Anciens.  Jean  Pie  Comte  de  la  Mirande,  dit  que ,  félon- 
veisùs  Af-    lâ  diftribution  d'un  ancien  Hermès  Egyptien ,  dans  un  livre  intitulé    Tra- 
uoiog.c.18.  y^pg'^^^  j£3  Cgpç  Planètes  portoient  des  noms,  qui  exprimoient  leurs  quàli- 
tezêc  leurs  influences,  le   Soleil  s'appelloit  ây^ôoç  ^c//y.wv,  le  bon  démon ^ 
Jupiter  s'appelloit  vïkv],  z/i^ïo/V^, Mercure  àvâym-)  né£effite\V enus  epug .iPa" 
G3d  dans     ^''^^j  Mars  ToA/.i.«j  la hardieJfe^Siiturne  vsfj^sa-tÇ',  laven^eance.Uâputequcçet 
Efaïe  fem-  Hermes  avoit  donné  ces  noms  aux  Planètes ,  en  imitant  les  Aftrologues,. 
S  Lunef""  '^^^  l'avoient  précédé  j  lefquels  avoient  appelle,  la  Lune  rvxvi ,  la  fortune. 
Cela  fe  rappporte  afi^ez  bien  à  ce  que  dit  Macrobe,  qui  en  prouvant  que 
Mercure  étoit  le  Soleil,  &  que  fon  caducée  fignifioit  la  vertu  du  Soleil, 
qui  préfide  fur  les  générations  ,  dit  que  les  Egyptiens   mettoient  quatre 
Dieux,  ou  quatre  Planètes  j  pom^  préfider  fur  la  naiflance  des  hommes,, 

le. 


ET  DES  CULTES  DE  VEGLISE. Part. IV.  699 

le  Soleil,  qu'ils  appelloient  5«^>wv  5  la  Lune,  qu'ils  appelloient  tvz^-,  la  for- 
tune. Venus,  qu'ils  appelloient  epws ,  l'amour ,  ôc  Mercure ,  qu'ils  appelloient 
â'jdyyivi^lz  nécelîité.  Argumentum  cadmei  adgenituram  qHoque hominHm^qudigene-  Saturnal, 
Jts  appelUtur  ^  i^gjptii  protendunt  :  Deos  prafiites  hominlnafienii  qnatHor  adefe  ^  '  ^' 
memorantes  ^  SafiMovciy  tv%v]V,  sçnara,  mâyAyçj.  Et  duos  priores  Solem  ^  Ltt- 
nam  intelUgi  volunt ,  quod  Sol  au^or  fpiritus  ,  caloris  ,  ac  Inminis  ,  hummA 
'vita  genitar  &  cujîos.efi.  Et  ideo  nafcentis  damon^  ide[i  Deus,  cred,itur  ^  LH" 
na  rvxy].^  qma  corpomm  praful  efi  ^  qtédifortHitor^m  varietate  ja^antnr. 

Il  paroît  par  là  que  par  tu^v],  ils  entendoient  la  Lune  ,  qu'ils  appel- 
loitni fortum.  Et  en  effet  ce  nom  lui  efl  encore  demeuré  dans  l'Aflrolo- 
gie  moderne ,  car  on  appelle  la  Lune ,  fortune.  Seldenus  nous  cite  un  Af-  syntag.  t. 
trologue,  appelle  Vettius  5  qu'il  a  vu  manufcrit,  &  qu'il  croit  êtreauffi"^"/' 
ancien  que  Ptolomée  ,  dont  il  rapporte  les  paroles.  Les  partages  ,  ou  les 
lots  ^  KAîjpo/,  de  la  fortune^  '^vx^?^  &  du  démon  ,  datiji^ovog,  Jtgnifient  le  Soleil 
^  la  Lune.  Car  la  Lune  qui  s"^  appelle  fortune^  étant  &  ï  égard  du  monde ,  corps 
&  efprit ,  voijlne  de  la  terre ,  ^  envoyant  [es  influences  fur  nous  ,  fait  la  mê- 
me chofe  ayant  domination  fur  notre  corps.  Et  le  Soleil  a  l'égard  du  monde  , 
étant  Inintelligence  &  le  Démon,  il  excite  les  âmes  des  hommes  aux  entreprijès^ 
&  il  eft  caufe  &  principe  des  aBions  &  des  mouvemens^  par  fa  propre  effcace  ^ 
^  par  fa  nature  douce  ^  &  qui  attire  l^ amour. 

Tous  ces  pafîàges  font  voir  que  ce  que  les  anciens  ont  appelle  tû%vj,  c'é- 
tok  la  Lune ,  ôc  par  conféquent  cela  femble  prouver  que  le  i:i ,  Gad,  des 
Orientaux,  qu'ils  expliquent  par  fortuna ,  6c  tu%vî,  efl  la  Lune  aufîi.  Et 
cela  nous  ouvre  le  chemin  pour  nous  mener  à  la  connoiffance  de  Meni,  M«nic'ca 
qui  efl  l'affocié  de  Gad ,  dans  Efaïe.  Il  y  a  lieu  de  croire  que  c'efl  ce-  le  bon^Dé- 
loi,  que  les  Aflrologues  ont  appelle  S««//,wv,  qu'ils  joignoient  toujours  à"^°"* 
Tu%v] ,  en  matière  de  nativitez.  Aufîi  les  70.  Interprètes  ont  tourné  Sai- 
fj.6viov ,  préparant  la  table  rîxt  laipjjViiA^  au  Démon.  Il  y  a  quelque  change- 
ment dans  l'ordre.  Car  au  lieu  que  dans  l'Hébreu,  Gad,  qui  fîgnifie,/^/'- 
tuné  .,  efl  devant  Meni^  qui  figniiie  Démon,  il  efl  après  dans  le  Gi'Qc^ 
&  o«//xcov  efl  devant ,  & 'J'i^^n 5  fortune  ^  efl  enfuite.  Mais  on  prétend  que  le 
changement  dans  l'ordre  ,  ne  doit  pas  empêcher  qu'on  ne  ibit  affûré 
qu'ils  ont  rendu  Meni,  par  laiiJÀvicv  ^  ôc  gad  ,  par  tu^i^,  fortune.  Selon 
cesfuppofitionsjle  Sccl^^oûv  fera  le  Soleil  ,  que  l'on  ne  fepare  gueres  de  Ija 
Lune.  Et  il  n'efl  pas  étonnant  que  les  anciens  Aflrologues  ,  trouvant 
que  les  influences  du  Soleil  &  de  la  Lune  ,  font  les  plus  fenfibles  dans 
les  corps ,  les  ayent  fait  préîider  fur  les  nativitez ,  &  leur  ayent  donné  la 
principale  domination  fur  la  conduite  des  hommes ,  comme  aux  deux  prin- 
cipaux génies. 

Au  refle  Grotius,  pour  la  confirmation  de  cette  conjeélure,  nous  ap- 1»  Efaï.  e^.. 
prend  que  Meni  étoic  l'un  des  noms  du  Soleil  entre  les  Orientaux.     Et  "" 
Monfîesîr  Huet  a  fort  nettement  étendu ,  dans  fes  notes  furie  14^^.  T'o- orSnern" 
me  d'Origene  fur  St.  Jean  ,   ce  que  Grotius  n'avoit  dit  qu'en  peu  de  li-  Tom.  14,  m 
gnes.    Il  prétend  que  Miiv  chez  les  Grecs  fignifie^mi?^  &  que  de  là  efl  Meiuft'uffi 
venu  le  Latin  Mânes  ^  les  eiprits,  ou  les  génies.  Et  que  le  Soleil  efl  lege-  des  noms 
nie ,  ou  celui  qui  préfîde  fur  le  génie ,  parce  que  c'efl  lui  qui  excite  l'ac-  ^"  '^^"^° 
tion  ôc  le  mouvement.   Entre  les  Phrygiens  &:  les  Arméniens ,   Meni  fi- 
gnifioit  le  Soleil.     ^Armeni^  le  nom  du  pais,  fignifioit  montagne  du  So- 

Ttîc  a,  leil. 


700         H  I  S  T  O  I  R  E  D  E  S  D  O  G  M  E  S 

leil,  parce  que  ce  Royaume  étoit  montueux,6<;conracréau  Soleil.  Stra- 
Geograph.  bon,  apiés  avoir  parlé  de  Cabira  capitale  d'Arménie,  ajoute  „ qu'il  y  a 
strab.iib.i2.  ^  ^^^  TcmpIc  qu'ou  appelle  le  Temple  de  Mcnis  Pharnaces,  auquel  ap- 
„  partient  un  bourg,  nommé  Armeie,  qui  eft  une  efpece  de  ville,  dans 
9)  laquelle  il  y  a  beaucoup  d'efclaves,  6c  d'où  dépend  un  territoire  confacré 
„  au  Temple,  dont  le  Prêtre  du  Temple  touche  le  revenu.  Et  les  Rois 
„  ont  une  il  grande  dévotion  pour  ce  Temple ,  que  leur  ferment  le  plus  in- 
5,  violable,  c'eft  par  la  fortune  du  Roi,  6c  la  table  de  Pharnaces.  C'eilun 
,,  Temple  de  h  Lune,  comme  celui  qui  eft  dans  l'Albanie,  6c  ceux  qui  font 
,,  dans  iaPhrygie,  fous  lemêmenomdeTempkde  Menis,  dans  un  lieu 
^5  qui  porte  auilï  ce  nom.  ^ 

11  eft  certain  qu'il  y  a  bien  des  chofes  dans  ce  pafTage  de  Strabon,  qui 
peuvent  beaucoup  fervir  à  éclaircir  ce  que  c'eft  que  leMem  d'Efaïe.  lOn  croit 
que  Strabon  s'elt  trompé  jquand  il  a  crû  que  ce  Temple  étoit  dédié  à  la Lu- 
ce  ieule,  êc  qu'il  a  été  trompé  par  le  nom  de  Men ,  qu'il  a  dérivé  dep^yy 
qui  (ïgiTiûe  mois ,  6c  de  Mvvi ,  qui  fignifie  la  ISune ,  dans  la  langue  Grecque. 
]e  ne  conviens  pas  tropquecefoit  une  erreur  de  Strabon.  Grotius  araifon 
de  croire  que  ce  Menis  des  Arméniens  6c  des  Phrygiens,  eft  le  Meni  d'Efaïe, 
mais  je  ne  fai  s'il  a  raifon  quand  il  dit  que  ce  Meni  eft  le  Soleil,     i.  Au 
moins  il  eft  apparent  que  ce  Temple  dédié  au  Soleil ,  étoit  auffi  dédié  à 
kLune,  comme  à  l'autre  génie  préfidant  ftir  les  nativitez.     g.  Ce  qu'il 
dit  que  le  ferment  le  plus  laint,  que  l'on  faifoit  dans  cette  nation,  c'étoit 
par  la  fortune ,  6c  par  la  table  de  Pharnaces ,  me  paroît  avoir  un  grand  rap- 
port avec  ce  que  dit  Efaïe,  vofis  drefez.  la  table  kÇnd^  ou  a  h  fortune.  Ce- 
la fignifie  donc,  félon  ma  conjeârure ,  que  ce  Temple  de  Menis  enArmenie 
étoit  dédié  à  la  fortune,  c'eft-à- dire  ,  à  (J^iâ^  6c  principalement  à  lafor- 
tune  du  Roi.     Que  dans  ce  Temple  il  yavoit  une  table  dreftee,  qui  étoit 
fî  facrée,  que  l'on  ne  pouvoit  jurer  par  unechofe  plusfainte.     Sur  cette  ta- 
ble étoient  fans  doute  des  viandes  facrées,   qu'on  préfentoit  aux  génies 
qui  étoient  fervis  dans  ce  Temple,    c'étoit  le  Soleil  6c  la  Lune.     Je'  ne 
faurois  même  m'empêcher  de  foupçonner  que  la  table  du  Soleil,  fî  célè- 
bre entre  les  Ethiopiens,  a  pris  ion  origine  de  là.     Voici  comme  Héro- 
dote la  dépeint.      On  dit  que  U  table  du  Soleil  eft  ainft  faite.     Il  y  a,  dans  le 
fduxbomg  un  Pré ,  que  les  Magiftraîs  de  chaque  ville  chargent  la  nuit  de  toutes 
La  table  du  fortes  de  bêtes  à  quatre  pieds  rôties,   &  quand  le  Soleil  eft  levé  il  eft  permis  atout 
ks^Ethio-^  /£>  monde  de  venir  manger  la.     Les  habit  ans  du  païs  difent  que  {:''eft  ta  terre  ^ 
piens.         qui  produit  &  qui  donne  cela  continuellement.     Cela  vient  de  ce  que  dans  les 
hbro\^''^  Temples  confacrez  au  premier  des  génies,   qui  eft  le  Soleil,  il  y  avoir 
jambiichus  toûjours  unc  table  dreiîée,  6c  des  vins  délicieux  préparez:  c'eft  ce  que 
«ôiL^^  ^'   veut  dire  le  Prophète,  vêus  drejjèz.  une  table  À  Gad,    &  préparez,  des  vins  à 
Meni.     Et  cela  fignifioit  que  ce  génie  de  la  nature  eft  le  père  de  l'abon- 
dance, 6c  celui  qui  nourrit  les  hommes.     Enfin  pour  prouver  que  ce  Me- 
1^,  ,^       ni  eft  le  Soleil ,  on  cite  Jamblichus ,  dans  la  vie  de  Pythagore.  Il  dit  que 
Pythagore  ne  voulait  pas  manger  de  coq ,  parc^  que  cet  animal  eft  confacré  [iv^^i. 
Cela  devroit  fe  tourner,  au  mois.     Mais  cela  n'auroit  pas  de  fens  :  il  faut 
que  ce  Meni  fût  le  Soleil ,  car  en  eftet  le  coq  eft  l'oifeau  du  Soleil ,  com- 
EUa£on  4.    me  nous  l'apprend  Paufanias.     Certainement ^  dit-il,  ils  difent  que  le  coq  eft 
façré  au  Soleil ,  k  i^aufe  qu'ail  annonce  fin  retour.  Suidas  dit  la  même  chofe ,  que 

Pytha- 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  F^r/.ÎV. 701 

Pythagore  ne  vouloit  pas  manger  de  coq ,   parce  qu'ail  étoit  [acre  au,  So-  Suidas 

^^^^-        ^  ^  _  thagoras. 

Après  avoir  rapporté  de  bonne  foi  tout  ce  qui  peut  prouver,  que  Gad 
ctoit  la  Lune,  &  Àîeni  le  Soleiljjenelliurois  m'empêcher  de  dire  .ma  con-  ^oi^fi^^ 
jeâ-ure.     Je  trouve  fort  apparent  que  Gnd  6c  Meni  font  les  deux  génies  Meni  la  li?- 
qui  prélident  fur  la  génération ,  ôc  les  deux  Ailres,  qui  régnent  fur  lesnati-  ^^' 
vitez.     Je  trouve  aufîi  fort  vrai-femblable  que  ces  deux  Aftres  font  le  So- 
leil &  la  Lune.     Mais  j'avoue  que  j'ai  du  penchant  à  croire  que  Cad  efl 
le  Soleil,  ôc  que  Ment  efl  la  Lune.     i.  Parce  que  quand  ces  tieux  Aftres 
font  joints  enfemble ,  le  Soleil  marche  toujours  devant  la  Lune.     Ici  Gad 
eft  devant,  Meni  vient  après,  vom  dreJJèzU  table  a  Gad ^    &  préparez,  des 
afperjîons^  ou  des  vins  mixtionnez^à  Meni.  2. Il  me  femble  encore  qu'il  efl 
clair  que  le  Soleil  efl  le  grand  principe  des  générations ,  6c  que  la  Lune  n'efl 
que  le  fécond.    Ainfi  dans  l'enumeration  de  ces  génies ,  qui  préfîdent fur 
la  génération ,  on  a  dû  mettre  le  Soleil  devant ,   6c  par  conféquent  Gad 
efl  le  Soleil.  3 .  Il  efl  encore  vrai  que  de  cts  deux  Ailres,  le  Soleil  efl  le  plus 
bénin ,  6c  celui  duquel  on  reçoit  des  influences  6c  plus  fenlibles  6c  plus 
falutaires  5  6c  par  conféquent  on  l'a  dû  mettre  pour  la formne  majeure.  Ainfi 
je  croirois  que  c'efl  celui  que  les  premiers  Aflrologues  ont  appelle  Gad , 
ou  bonne  fortune.     Je  croi  que  les  raffinemens  d'Aflrologie  ,   qui  ont 
donné  le  nom  de  fortune,  ou  à  la  Planète  de  Jupiter,  oii  àîa  Lune,  font 
plus  nouveaux  :  6c  que  les  premiers  Aflrologues ,  qui  n'avoient  pas  enco- 
re perfeélionné  cette  fcience,  ont  crûquel'Allrele  plus  fortuné  étoit  ce- 
lui duquel  ils  recevoient  des  biens  plus  fenfjbles.  4.  Par  ce  moyen  nous 
n'aurions  pas  befoin  de  fuppofer  un  changement  d'ordre  dans  la  Verfîoii 
des  Septante.     Car  le  mot  de  Démon ^  qui  efl  le  Soleil,  félon  les  remar- 
ques qui  ont  été  faites,  y  répond  au  Cad  des  Hébreux,  6c  le  mot  ^%l,» 
que  les  Grecs  eftimoient  être  la  Lune,  répond  à'ce  Meni  du  texte  d'Efaïe. 
Ainfi  bien  qu'ils  ayent  fuivi  l'opinion ,  qui  avoit  déjà  prévalu  entre  les  Af- 
trologues  de  leur  tems,  que  la  Lunemeritoit  d'être  appellée  la  bonne  for- 
tune plutôt  que  le  Soleil ,  néanmoins  on  voit  qu'ils  ont  crû  que  Gad  figni- 
fioit  le  Soleil,  6c  que  A/^h?  iîgnifîoit  la  Lune.  f.  Outre  tout  cela,  j'avoue 
que  je  trouve  tant  de  rapport  entre  la  table,  que  les  Ethiopiens  drefToient 
au  Soleil,  6c  ces  paroles  d'Efaïe,  vous  drejfez.  la  table  à  Gad^qu^je  nefau- 
rois  m'empêcher  de  foupçonner  que  Cad  eu  le  Soleil.   6.  Enfin  il  e.fl  fî 
apparent,  ce  me  femble,  que  Mi^vi^,  Mené ^  qui  fîgnifîe  la  Lune  ,  entre  • 
les  Grecs,  6c  Mi^v  ,  qui  fîgnilie  mois  ,   vient  de  Meni^  que  je  ne  faurois 
m'empêcher  de  croire  que  zJMem  6c  Mvivv]  fignifîent  un  même  A  lire.  Et  _ 
qu'ainfî  le  Mewid'Eiaïeefl  la  Lune,  6c le  Mjivii  des  Grecs.  7.Jepourrois 
encore  m'appuyer  de  l'autorité  de  Strabon,  qui  nous  a  dit  exprefféraentî 
que  le  Temple  de  Meni^  dans  l'Arménie,  efl  un  Temple  de  la  Lune,  6c  il 
ne  parle  pas  du  Soleil.  Ce  n'efl  pas  queje  ne  trouve  apparent  que  ce  Tem- 
'ple  ne  fut  confacré  6c  au  Soleil  6c  à  la  Lune.  Mais  il  portoit  le  nom  de 
Temple  de  la  Lune  feule  5  fi  nous  en  croyons  Strabon, 


Tttt  i  CHA- 


yoï  H  I  S  T  O  I  R  E  D  E  S  D  O  G  M  E  S 


CHAPITRE     II. 

^e  Sefacby  divinité  des  Babyloniens ,  &  des  Perfes  ;  de  la  fêteap- 

pellée  Sakea  &  de  laDéeJJeAnaitis. 


V 


Oici  une  autre  divinité  ,  fi  c'en  eft  une  ,  dont  l'Ecriture  ne  parle 
que  peu ,  6c  dont  nous  ne  dirons  auili  que  peu  de  chofe  :  G'eft  la 
Déefle  Sach^  ou  Sefakc  Ce  mot  fe  trouve  en  deux  endroits  de  Jere- 
Chap.a5.  V.  lïiie.  Ainjï  ma  ait  le  Seignenr ,  le  Dieu  d'^If^ael^  prende  ma  main  la  coupe  de 
^^'  ce  vin,  de  cette  fureur  ici ,    &  en  fai  boire  à  toutes  les  nations  ÔCc.     c^  tous 

V.  26.         les  Rois  ^Aquilon  aujfi  ,    tant  prochains ,  que  lointains  ,  à  tous  les  "Royaumes  , 
qui  font  fur  le  deffus  de  la  terre.     Et  le  '^oi  Sefac  en  boira  après  eux.   Et  dans 
Châp.  il.     un  autre  lieu  du  même  Prophète.     Comment  a  étéprife  Sefac ,   &  comment 
*^»  a  été  fai  fe  la  louange  de  toute  la  terre?  comment  Babylone  a-t^eïle  été  réduite  en 

étonnement  parmi  les  nations.     Tous  les  Interprètes  tombent  d'accord  que 
cette  Sçefçac ,  c'efl:  Babylone  ,  êc  que  le  Roi  de  Sçefçac  c'eft  le  Roi  de 
Babylone.      Mais    on   demande  pourquoi  Babylone    eil   ainfi    appel- 
lée. 
scfach  in-        Les  Hcbrcux  veulent  que  ce  nom  lui  foit  donné  par  un  de  leurs  modes  Ca- 
un^dermo-  balifliques.Ils  appellent  ainfi  certaines  manières  d'expliquer  l'EçritureSainte^ 
des  cabaiif-  poury  trouvcr  tout  ce  que  bon  leur  femble.Ilsenont  treize,  dont  les  trois 
3"*^^*    principaux  font  6'^;»^m<« ,  Themoura,  Notaricon.    Themoura,  qui  fignifie 
changement,  comprend  diverfes  manières ,  ôc  l'une  des  plus  célèbres  c'efl 
celle  qu'ils  appellent  w^T)'^  ,   Atbash.    C'eft  un  renverfement  des  lettres 
de  l'alphabet  ,  par  lequel  la  figure  deftinée  à  fignifier  la  première  lettre 
eft  employée  ,  difent-ils,  pour  fignifier  la  dernière  j   la  figure  de  la  fé- 
conde lettre  fignifie  la  pénultième,  &  ainfi  de  toutes  les  autres  ,   en  ré- 
trogradant. Par  exemple  dans  leur  langue  cette  figure  «,  qu'ils  appellent 
aleph  ,  felqn  ce  mode  Cabaliftique,  doit  fignifier  ie  n,  thau,  qui  eft  la 
dernière  lettre  de  leur  alphabet,  le  tî',  fchin  ,  qui  eft  la  pénultième  let- 
tre, doic  fignifier  le  beth  ,   qui  eft  la  féconde  ,   ôc  au  contraire  le  beth 
doit  fignifier  le  fchin.     En  un  mot  c'eft  une  manière  d'écrire  en  chif- 
fre, qui  donne  aux  caraélcres  une  autre  fignificationque  celle  qui  leur  eft 
ordinaire.  Selon  ce  mode,  dans  'y^^ ,  Sheshah^  les  deux  fchm  lignifient  deux 
Hierony-     beths ,  Sc  le  caph  fignifie  le  lamed.     Ainfi  ce  mot  déchiffré  fignifie  S33, 
rai^  m  lo-  gj-|3g|_  St.  Jérôme,  qui  avoit  appris  cela  de  fes  Maîtres  Hébreux, nous  le 

donne  comme  une  conjeélure  qu'il  approuve. 
sefak  étoit  Mais  nos  Savans  Modernes  ne  l'approuvent  pas  ,  6c  je  croi  qu'ils  ont 
viniterd*^^"  raifon.^Car  je  croi  que  le  Saint  Efprit  n'a  jamais  pratiqué  ces  modes  Ca- 
Babjio-  baliftiques.  Ils  foupçonnent  donc  que  cette  Sefac  étoit  quelque  divinité 
des  Babyloniens  ,  &  que  le  Prophète  a  voulu  defigner  Babylone  par  Ip 
nom  de  l'une  de  fes  Idoles  par  opprobre  ,  ce  qui  eft  afl^ez  ordinaire  auk 
Prophètes.     Bel  efi  tombé  [ur  fes  genoux  ^  IS^ebo  eft  tombé  fur  le  nez.  ,   dit  le 

Pro- 


niens. 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  P^^.lV.  70 ^ 

Prophète  Efaïe,  pour  fignifier  que  Babel  ik  Moab  dévoient  périr.  Gro-  Eù'ic^$.  ï. 
tius  conje6î:ure  que  Mefihak^^  nom  qui  avoit  été  donné  à  l'un  des  compa- 
gnons de  Daniel,  étoit  compofé  du  nom  de  cette  divinité  3  félon  la  cou- 
tume 5-  qui  étoit  ordinaire  aux  Orientaux  ,  de  donner  aux  hommes  des 
noms  tirez,  êccompofez  de  ceux  de  leurs  «Dieux.  Daniel,  qui  a  nom  Bel-  ^^nici  4,», 
tefiharfar,  félon  k  nom  de  mon  Dieu.  Et  même  les  Hébreux  en  ufoient  de 
mêmejprefque  dans  tous  leurs  noms  entroit  le  nom  de  Dieu  £/, /^^Z?,  &  une 
partie  du  nom  de  Jehova.  fehonathan  ^  fehofaphat  ^  feshagmah  ^  Ez.echieL 

Mais  la  difficulté  c'efl  qu'on  ne  trouve  rien  de  ce  Dieu  ,   ou  de  cette  on  ne  twu- 
"Déc^e: Shac j  ou  Sheshac.    Seulement  on  trouve  qu'entre  les  Babyloniens, pJ/tJnd?*^^ 
êcies  Perfesjil  y  avoit  une  fé'te,  qui  s'appelloit  SiZM£«,  Sacea,  ou  cwn^/^cfju,^'^^^^  ou 
qui  duroit  cinq  jours,  &  durant  laquelle,  les  .Maîtres  fervoient  leurs  ef- £ Auteuis' 
claves.     Ainli  c'étoit  des  efpeces  de  Saturnales.    C'ell  Athénée  fur  tout  Anciens. 
qui  en  parle,  6c  qui  dit,  que  Berofe,  dans  le  premier  livre  de  l' Hifioire  de Ba-  |?ypnofoph. 
èjlone ,  rapporte  que  le  Çsizjéme  du  mois  de  Lom  on  célèbre  à  Bahjlone  la  fête  de  635,  ^' 
Sakea  p^ar  cinq  jours.     Durant  îefquels  la  coutume  efi  que  les  Maîtres  obéïjfent  à  La  fête  ap- 
leurs  Serviteurs^  é"  /'^^»  d'yeux  efl  Aiaitre  de  la  maifon,  'étant  revêtu  d'un  vê-  chez  les  Per- 
tement  %ojal.     Ils  P appellent  Zoganez.:  Cte/tas  parle  aufjl  de  cette  fête  ^  dans  /^  ^«.' «toit de 
fecondlivre  de  P Hifioire  Terjique.     C'effc  apparemment  la  même  fête ,  dont  naies. 
parle  Dion  Chryfoilome ,   &  qu'il  appelle  o-«>{xwv  «prvj.  Ne  vous  fouvenez.-  ^'"'  '♦•  ^'^ 
vous  pas  y  dit-il,  de  la  fête  des  Sacs  ^  que  les  Perfes  célèbrent,  dans  laquelle  ils 
prenent  quelqu'un  de  ceux  qui  font  condamnez  à  la  mort  ,    ^  qui  doivent  être  Exemple" 
expofez,  au  fupplice?  Ils  le  mettent  fur  le  trône  du  %oi^  &  lui  donnent  un  vête-  câtafttoph^ 
ment  Royal  ^  &  durant  l'es  jours  de  la  fête  lui  font  goûter  toutes  fort  es  de  délices^  dans  cette 
jufques  à  lui  permettre  de  coucher  avec  les  concubines  du  "^Roi^  perfonne  ne  l'em-  s^a,'^^ 
pêche  de  faire  tout  ce  qu'ail  veut.    Et  quand  la  fête  efl  finie ,    ils  le  dépouillent  ^^ 
le  fouettent  &  le  pendent. 

Mais  perfonne  ne  nous  en  fauroit  apprendre  davantage  là-defîus  quc^affagede 
Strabon.     C'eft  pourquoi  je  ne  ferai  pas  difficulté  de  copier  ce  qu'il  en  i'oilSne^"ds 
3,  dit.  Il  dit  donc  qu'il  y  avoit  vers  la  merCafpie,  certains  peuples  Noma- «"s'fêre, 
,j  des,&;  Scythes, qui s'appelloient  auOi  Sak^^lts Saques.   Ces  Saques  fai- p^Jfls.^^' 
„  foient  des  courfes  fur  la  Perfe ,  6c  même  fouvent  perçoient  tout  le  pais , 
„  jufques-là ,  qu'ils  occupèrent  la  Baâriane ,  6c  la  meilleure  partie  de  l'Ar-  strabon  lib,- 
„  menie,  qu'ils  nommèrent  Sakafene,  de  leur  nom.  Et  s'avancèrent  juf-^^' 
3,  ques  à  la  Cappadoce,  qui  eft  proche  du  pont  Euxm ,  que  l'on  appelle 
„  le  pais  de  Pont,    Mais  un  jour  qu'ils  faifoient  une  fête,  en  confumanc 
3,  le  pillage  5  qu'ils  avoient  fait,  les  Empereurs  de  Perfe  les  ayant  atta- 
5,  quezla  nuit,  les  défireat  abfolument.  Après  cette  viéloire  les  Perfes  char- 
„  gèrent  de  terre  une  grande  pierre,  qui  étoit  au  milieu  de  la  campagne  ^ 
„  6c  en  firent  une^fpece  de  montagne  ,  qu'ils  environnèrent  d'une  mu- 
„  raille ,  6c  y  ayant  bâti  un  Temple  ,  confacré  à  la  DéelTe  Anaitis  ,   &> 
5,  aux  Dieux  Araanus  6c  Anaudatus,  qui  font  les  Dieux  des  Perfes ,  ils  éta- 
„  blirent  une  fête  appellée  Saca,  qui  fe  célèbre  encore  par  ceux  quiha- 
5,  bitent  dans  le  païs  de  Zela.   Car  c'ell  ainfî  qu'ils  appellent  ce  lieu.  ,5, 
Peu  de  lignes  après  il  raconte  un  peu  autrement  l'Hiftoire  ,   fur  le  rap- 
port de  quelques  gens.     „  Il  y  en  a  quelques-uns,  qui  difent  que  Cyrus^^ 
„  ayant  mené  fon  armée  contre  ces  Saques,  il  fut  battu  6c  s'enfuit.     Et 
3,  qu'ayant  campé  dans  le  lieu  ,   oit  il  avoit  laiffé  fon  bagage,  il'fe  retira. 


5-5. 


Vol  Voir. 

lib.  1,  cap. 


DelaDécffe 
Aaaitis. 


704  HISTOIRE   DES  DOGMES 

„  de  Ton  camp,  ôc  le  laifla  rempli  de  toutes  fortes  de  biens,  ôcprincipa- 
5,  lement  de  vin ,  ^'éloignant  un  peu  ,   &  autant  qu'il  le  jugea  à  propos 
„  pour  ion  cieilein,  les  Saques  venant  attaquer  ce  camp,  ôcle  rencontrant 
„  iàns  dérenic,  &  plein  de  vivres  délicieux,  en  prirent  avec  excez.  Cy- 
5,  rus  revint  du  lieu  ,   oîi  il  s'^toit  caché  ,   &C  les  ayant  furpris  ,   les  uns 
„  profondément  endormis  ,   &  les  autres  danfant  ,   6c  fans  armes ,  il  les 
„  attaqua  6c  les  défit ,  de  forte  qu'ils  périrent  tous.  Cyrus  croyant  qu'un 
5,  fi  heureux  fuccez  ne  lui  pouvoit  venir  que  de  la  divinité  ,   il  confacra 
„  ce  jour  à  la  Déefle  du  pais.  11  appella  la  fête  Sacxa.  Ainfi  l'on  célèbre 
„  cette  fête  dans  tous  les  lieux,  oia  cette  Déelfe  a  des  Temples.  Et  du- 
„  rant  les  jours  de  la  fête  on  fait  des  Bacchanales ,  les  hommes  &c  les  fem- 
„  mes  boivent  enfemble,  le  jour  6c  la  nuit ,  jufques  à  ce  qu'ils  tombent 
5,  abbatus  par  le  vin  ôc  par  le  fommeil.  „     Il  n'eil  pas  apparent  que  cet- 
te fête  ait  été  inftituée  par  Cyrus,  parce  que  fi  elle  étoit  déjadutemsde 
Jeremie,  6c  des  Rois  de  Babylone,  elle  étoit  avant  Cyrus,  qui n'efi  venu 
que  depuis.  Et  même  il  y  a  apparence  qu'elle  fut  célébrée  premièrement 
entre  les  Babyloniens  ,  avant  que  de  palTer  aux  Perfes.   Mais  le  fond  de 
l'Hiftoire  eft  apparemment  véritable,  c'ell  que  cette  fête  fut inflituée par 
les  Rois  de  Babylone  ,   ou  de  Perfe  ,   après  qu'ils  fe  furent  délivrez  des 
Saqties  :  que  cette  fête  étoit  de  vrais  Saturnales ,  6c  des  Bacchanales,  6c  qu'elle 
étoit  dédiée  à  l'honneur  de  la  Déefie  Anaitis. 

Or  cette  Déefle  Anaitis ,   l'une  des  divinitez  des  Perfes  ,  étoit  appa- 
remment Diane  6c  la  Lune.     Plutarque  le  croit  ainfi ,  car  il  dit ,  dans  la 
vie  d'Artaxerxes  ,  qu'Artaxerxes  appelle  Mnem-on  fit  A^afie  ^  Ça,  coffcubi- 
Prêtrejfe  de  la  Diane  â'èchatme  ^  qu^ils  appellent  ^''-jcariç,  afin  qi^elle  pa^at 


ne 


în  Laconi- 
cis. 


55 


h  refie  de  [es  jours  en  chafiete'.  Et  Paulànias  dit  que  les  Lydtens  avaient  un  Tem 
pie  de  Diane  ^  Cous  le  nom.  d* Anaitis.     Il  eft  vrai  que  Strabon  dit  des  chofes 
de  cette  Déeife  Anaitis ,   qui  donnent  lieu  de  croire  que  c'étoit  Venus 
straboniib.  plutôt  que  Diane.  Voici  comme  il  parle.  „  Les  Medes  6c  les  Arméniens  ont 
une  grande  dévotion  pour  les  divinitez  des  Perles.  Et  fur  tout  les  Ar- 
méniens font  fort  dévots  pour  Anaitis,  à  laquelle  ils  ont  bâti  un  Tem- 
ple en  Acilifene  6c en  d'autres  lieux.     Et  là  ils  ont  établi  beaucoup  de 
fcrviteurs  6c  de  fervantes,  ce  qui  n'eft  pas  étonnant.  Mais  ce  qui  l'ell 
„  davantage  ,   c'efi  que  les  plus  importans  de  la  nation  lui  confacrent 
„  leurs  filles  vierges^  6cc'efi:  la  coutume,  qu'après  qu'elles  ont  étélong- 
5,  tems  expofées  dans  le  Temple  de  la  Déefie ,  6c  qu'elles  fe  font  prolti- 
5,  tuées  ,  on  les  marie  ,    6c  il  n'y  a  perfonne  qui  fafie  difficulté  de  \es 
„  époufer.  „     Cette  profiitution  des  filles  dans  fe  Temple  d'Anaitis  ,  a 
bien  du  rapport  avec  ce  qui  fe  faifoit  dans  le  Temple  de  la  Venus  Baby- 
lonienne, ^i  donc  l'on  pofe  que  cette  Anaitis  efi  une  des  divinitez  de 
Babel ,  il  ne  fera  pas  diflîcile  de  comprendre  pourquoi  Jeremie  l'a  ap- 
pellée  Sefach.     Les  fêtes  prennent  fouvent  les  noms  des  Dieux,  aufquels 
elles  font  confacrées.  Mais  il  n'efl:  pourtant  pas  étonnant  que  Ton  donne  à 
une  divinité  le  nom  de  fa  fête.     C'ell  pourquoi,  comme  la  fête  deSacea 
étoit  dédiée  à  Anaitis,  Jeremie  a  bien  pii  défigner  la  divinité  par  le  nom 
de  fa  fêuej  fur  tout  parce  qu'il  avoit  deflein  de  parler  myfierieufement, 
6c  en  fiyle  de  Prophète.      Comme  je  n'ai  point  de  conjeéture  plus  vrai- 
femblable  que  celle-là,  je  m'y  arrête  fort  volontiers. 

C  H  A^ 


3> 


ET  DES  CULTES  DE  L'E G L I S E.  P^r^,  1 V.  fo^ 


C  H  A  P  I  T  R  E     JIÎ. 

T>u  7}ieu  Mahuzzim.  Ce  font  les  Romains  adorez  &fervisfar  ÂH" 

tiochus  Epîfhanes.  '        ' 

Oici  une  autre  divinité ,  qui  a  bien  donné  de  l'exercice  aux  Inter- 
prètes. C'eft  le  Dieu  Mahuzzim,  dont  parle  Daniel  dans  le  cha- 
pitre onzième  de  Tes  Révélations.  Toutefois  il  honorera  en  fon  Jkge  V.  î*.  ^ 
le  Dieu  Mahuzjzjry^  ^  il  honorerai  ,■  dis-j*  ,  le  Diea  que  [es  pères  n'ont  point  con- 
nu^ par  des  pre'fens  d'or^  d'argent^  de  pierres  pr^'cieufes ,  &  de  chofes  défit  Mes. 
On  demande  qui  eft  ce  Dieu  Mahuzzim  ?  Et  là-delTus  il  y  a  tout  autatift' 
de  penfées  que  de  têtes,  i^eldenus  n'en  veut  rien  dire ,  comme  d'une 
chofc  abfolument  inconnue.  Mais  je  ne  croi  pas  qu'il  foit  auffi  difficile  de 
découvrir  ce  que  c'eft  ,  comme  il  ie  l'efl:  itaaginé.  Le  texte  Grec,  qui  efl 
de  la  v-erfion  de  Theodotion,  a  confervé  le  mot  Maozim,  '-ta}  èév  Maa- 
Çf/V  6cG.  la  Vulgate  a  fait  la  même  chofe,  Def^m  antem  tJlfaoz.rm  venera- 
bitur.  Mais  d'autres  ont  tourné,  le  Dieu  des  forces^  ou  des  fortifications.  Ec 
en  effet  nDn;)^ ,  fîgnifie  forces,  munitions,  &  fortereiïes.  Les  uns  ap- 
pliquent ces  paroles  à  l'Antechrift ,  6c  les  autres  à  Antiochus  Nlluflre,  le 
.grand  ennemi  des  Juifs ,  êc  de  leur  Religion.   Nicolas  de  Lyra,  Bellar-  " 

min-,  &  quelques  autres  5  difent  que  c'eft  le  nom  propre  de  l'Idole,  &  du 
Démon ,  auquel  l'Antechrift  fervira.  Car  encore  qu'il  doive  faire  pro- 
feffion ,  félon  eux,  de  méprifer  tous  les  Dieux,  cependant  en  fecret  il  au- 
ra un  Démon  ,  en  la  prote6î:ion  duquel  il  fe  mettra ,  &  qu'il  adorera, 
Theodoret  croit  que  ce  fera  le  nom  que  l'Antechriil  fe  donnera  à  lui-  , 

même:  Il  s'appellera  le  Dieu  des  forces.  Quelques-uns  entendant  ces  pa- 
roles d'AHtiochus  Epiphanes  ,   difent  que  par  ce  Dieu  Maozim  ,    ou  le 
Dieu  des  forces ,  il  faut  entendre  le  vrai  Dieu  ,   qu'Antiochus  fut  con--' 
traint  de  rcconnoître  &  de  confefTer  ,   félon  i'Hiftoîre  ,   qui  s'Qn  lit  au 
chap.  p.  du  1^^.  livre  des  Maccabées.  Mais  on  nelït  point  là  qu'il  ait  envoyé 
des  préfens  d'or  &  d'argent,  ôc  de  pierres  précieufes,  au  Temple  de}c- 
rufalem.  Grotius  eftime  que  le  Dieu  des  forrerelTes,  c'eil  Mars,  que  les^HOanieîeïE 
Poètes  font  Dieu  de  la  guerre,  &  que  les  Phéniciens  appelloient  Â''X<^?5  jiuaaus'^n 
du  mot  pîir,  Aziz,  qui  lignifie  fort,  6c  qui  vient  d'une  mecie  racme que  ^^y^ao  lo- 
Maozjm. 

De  ce  mot  il  tire  fort  ingenieufement  celui  de  Mitgazjn.    Cela  cit  fort  origine  an 
vrai-femblable  ,   parce  que  le  v  des  Hébreux  eil  fouvent  changé  en  ^,21^'^"^^" 
•comme  dans  le  mot  Gomorre  ,   qui  fe  lit  dans  l'Hébreu  Omorrha^    avec- 
un  ];>  &  Beth-Phegor  5  que  les  Hébreux  lifent  Beth -  Pehor ,  par  haïn. 
Grotius  ajoute  auffi  que  le  Dieu  inconnu,  dont  il  eil  parlé  dans  le  même  Coniedure 
verfet,  c'eft  le  BaalSamen  ,  ou  le  Jupiter  Olympien  des  Tyricns  ,    &  p^oSS'"''* 
qu'Antiochus  Epiphanes  ordonna  qu'on  adorât  cette  Idole.     11  dit  de  ^auflè. 
plus  que  les  Hébreux  appellent  encore  aujourd'hui  la  Planète  de  Mars ,. 
Fan.  IV,  Vvvv  Moàim^ 


Voi  Pf  27 
&  28.SC3I 
&  37. 


706        HISTOIRE  DES  DOGMES 

Modtm ,  □""IND ,  qu'il  dérive  de  Maozj^im ,  en  changeant  le  Z,  en  D,  Mmâim. 
Mais  ce  grand  homme  fe  trompe  évidemment,  ou  bien  il  veut  tromper  les  au- 
tres. Car  il  fa  voit  bien  fiins  doute  que  les  Juifs  ne  lifcnt  pas  les  lettres  onNO, 
par  Moàim ,  mais  par  Maadim ,  ôc  qu'ils  le  dérivent  d'^tdam  ,  être  rou- 
ge, à  caufe  de  la  couleur  rougeâtre  &  enflâmée  de  la  Planète  de  Mars. 
11  Te  trompe  encore  quand  il  dit  que  le  Bal-Samen  des  Tyriens  étoit  un 
Dieu  inconnu  aux  Macédoniens,  prédecefleurs  d'Antiochus  :  car  le  Bal' 
Samen  des  Tyriens  étoit  aflurément  le  Jupiter  Olympien  des  Grecs.  Ce- 
la ne  fe  peut  pas  dire  non  plus  de  Mars  que  ce  fût  un  Dieu  inconnu  à 
Antiochus  ,  car  îl  n'y  a  voit  pas  de  divinité  plus  connue  entre  les 
Grecs. 

Il  y  en  a  qui  interprètent  a^î'i;?^ ,  par  5«/jxov;« ,  ôc  prétendent  que  ce 
font  ces  efprits  médiateurs  entre  Dieu  6c  les  hommes ,  que  les  Platoniciens 
appelloient  J^^ixovfç,  parce  que  le  mot  de  W^  ,  Maos^  d'oti  vient  le  plu- 
riel Maozzim,  fignifie  fouvent  dans  les  Pleaumes  protecteur,  défenèur. 
C'eli  un  des  noms  que  David  donne  fouvent  à  Dieu  ,  >?yo ,  Maoxzi, 
mon  défenfeur,  mon  protedeUr.  Et  les  Grecs  ont  fouvent  rendu  ce  mot 
par  celui  de  v%£pci(î%iqi]ç^  qui  fignifie  protecteur.  Ainfi  l'on  s'eft  imaginé 
que  ces  Maozzim  ,  étoient  les  efprits  proteéleurs ,  \j%spci<smqcil  ^  qui  font 
médiateurs  des  hommes  devant  Dieu.  Cette  dernière  conjecture  efttrés 
belle,  mais  on  la  doit  renvoyer  au  fens  myflique,  qu'on  trouve expUqué 
dans  nôtre  accomplifTement  des  Prophéties. 

C'ell  allez  parler  des  fentimens  d'autrui,  il  faudroit  tout  un  jour  pour 
les  rapporter  tous.  Ceit  pourquoi  je  me  contenterai  de  dire  ce  que  j'en  pen- 
fe.  je  croi  donc  que  celui,  dont  il  ell  ici  parlé,  c'eft  Antiochus  l'illuf- 
tre,  ou  Epiphanes.  Tout  le  monde  en  convient  aflez,  6c  cela  eft  clair. 
Ce  Dieu  JVIaozzim  ,  qu'il  devoit  glorifier  ,  par  dts  hommages  ,  6c  des 
préfens,  ce  font  les  Aigles  Romaines ,  c'efl  l'Empire  Romain.  Dieu  dit, 
cet  orgueilleux  eOayera  de  s'élever  fur  tous  les  peuples,  il  mépriferatous 
les  Rois,  il  les  foulera  aux  pieds,  6c  travaillera  à  fe  les  rendre  tributaires. 
C'eft  ce  que  fîgnifîent  affûrément  les  paroles  de  cette  Prophétie.  ^<?  Roi 
fera  félon  fa,  volonté  ^  &  fe  magnifier  a  par  dejffts  toHî  fort ,  &  proférera  des  cho- 
fes  étranges  contre  le  fort  dès  forts ,  &  profperera  jtifcfHes  a,  ce  qne  ^indignation 
ait  pris  fin  ^  &  ne  fe  fondera  pas  dti  Dieu  de  fe  s  pères  6cc.  Une  [e  fondera  d'an- 
C\un  Dieu ,  car  il  fe  magnifiera  p^r  deffus  tous. 

Cela  ne  fe  doit  point  expliquer  de  la  Divinité,  car  on  ne  lit  point  que 
cet  Antiochus  ait  été  impie  dans  la  Religion.  Au  contraire  la  cruelle  per- 
Athéè^ou"'  ^ecution  qu'il  excita  contre  les  Juifs,  ne  vint  que  d'un  faux  zèle  qu'il avoit 
impie, com-  pour  {ç.s  Dicux ,  doiit  il  vouloit  établir  le  culte  par  toute  la  terre.  Cela 
eil  allez  clair  par  les  Livres  des  Maccabées.  Les  Dieux ,  fur  lefquels  An- 
tiochus s'élève  ,  font  des  Rois,  6c  il  ell  ordinaire  de  concevoir  les  Rois 
couîme  des  Dieux  ,  6c  d'en-'parler  en  ces  termes  ;  fai  dit^  vms  êtes 
Dieux. 

[ncontinent  après  le  Prophète  ^outtfrofitesfois  il  honorera  enfonfegeMahoz.' 
z,im  le  Di en  des  forces^  il  honorera  le  Diene^ue  fes  pères  n'ont  point  connn  ^  par  or  ^ 
argent,  pierres  précieufes  ^  or  chofes  déftrahles.  C'ell -à-dire  ,  ce  Prince  fu- 
perbe,  qui  s'cievera  fur  tous  fes  voifins,  fera  contraint  de  rendre  hom- 
liiage  aux  Aigîes  Romaines,  de  payer  tribut  aux  Romains,  6c4efecon- 

fer- 


Le  Dieu 

Maozzim , 
ce  font  les 
Aigles  B.0- 
mjiaes. 

Daniel  ii. 
36.37. 


Antiochus 
Epiphanes 


me  on 
luppoft 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Tart.lY,  767 

{êrver  dans  leur  faveur  par  de  riches  préfens.  Il  me  femble  qu'il  fera  dif- 
ficile de  douter  de  la  vérité  de  cette  interprétation,  quand  on  auracon- 
fîderé  ce  que  je  m'en  vais  dire. 

1.  Que  le  Prophète  ne  dit  pas  ,  il  adorera  ,  ou  il  fervira  ,  qui  font  \ç%  . 
termes  qui  expriment  le  culte  religieux,  mais  il  fe  fert  du  verbe  naD»,  il 
glorifiera.  C'eft  le  terme,  dont  l'Ecriture  fe  fert  ordinairement  pour  ex- 
primer les  hommages  civils.  Et  il  dit  de  plus,  qu'il  le  glorifiera  par  des 
préfens  d'or,  6c  d'argent,  6c  de  pierres  précieufes.  Ce  font  les  tributs,, 
ëc  les  dons,  par  lefquels  on  rend  hommage  à  des  fuperieurs.  Si  ceMaoK.' 
z.im  étoit  une  divinité,  il  auroit  plutôt  dit ,  qu'il  le  glorifieroit  par  de^ 
facrifices  6c  des  offrandes.  Ce  n'eftdonc  pas  d'un  Dieu ,  dont  il  s'agit  dans 

le  fens  Littéral,  c'eft  d'un  Empire,  ou  d'un  Empereur. 

2.  Ce  mot  de  Maozzim,  quifignifie  force  6c  puilîance,eft  abfolument 
le  même  que  le  nom  de  Rome,Pwjxvî,  fîgnifieforce,6cjenefauroism'em- 
pêcher  de  croire  que  le  Prophète  fait  allufion  à  ce  nom  ,  6c  à  fa  fîgnifi- 
cation.  Si  nous  voulions  tourner  le  nom  de  Tw\i.am,  6c  de  Romam^^n  Hé- 
breu, on  ne  le  pourroit  tourner  autrement  que  pzr  Alahos^zim,  qui  figniûè 
précifémenr  la  même  choie. 

3.  De  plus  il  faut  remarquer  que  les  Aigles  Romaines  étoient  des  ef-  videcta» 
peces  de  divinitez  ,  devant  lefquelles  les  foldats  fe  profternoient.     Aufîî  Jj*™  '" 
Tacite  les  ^p'peWe  propria  legionum  numina.  Exclamat^irent ^  fe^uerentnr Ro-  y^^^^j 
manas  aves  propria  legionum  numina.  Suétone  raconte  qu'Artaban  adora  \es  ^poi  \l 
Enfeignes  Romaines.  Artabanm  tranfgrejfm  Ettphratent  aquilas  &  fgna  Ro- 

mana ^  Cafarumque  imagines  adoravit.  Et  Tertullien  dit: Religio  Romanorum 
tota  caftrenjts  y  Jtgna  venerattir ,  pgnajnrat ,  Jigna  omnibus  Dits  praponit.  Ain- 
fi  il  ne  faut  pas  s'étonner  lî  le  Prophète  les  appelle  nni^o  nn^î<,  le  Dieit 
des  forces. 

4.  Enfin  tout  cela  s'accorde  admirablement  avec  l'Hiftoire.  Car  en 
effet  Antiochus,  qui  étoit  la  terreur  de  toute  l'Afie,  étoit  lui-même  tri- 
butaire des  Romains.     Ils  avoient  eu  affaire  avec  fon  père ,  environ  l'an 

f<î2.  de  la  ville  de  Rome.    Antiochus  le  Grand  devenant  redoutable  aux  Appua  ia 
Romains,  ils  firent  delTein  de  l'abailTer.  La  guerre  dura  trois  ans  ;  An-  x^îè^LlV 
tiochus  fut  battu,  la  paix  fe  fit,  à  condition  qu'Antiochus  cederoit  aux  Hv.  î». 
Romains  toutes  les  Provinces  de  l'Afie,  qui  font  au  deçà  du  MontTatf- 
rus,  6c  qu'il  payeroit  une  fomme  de  cinq  cens  talens  contant ,   pour  les 
frais  de  la  guerre ,  deux  mille  cinq  cens  talens ,  quand  le  Sénat  auroit  ra- 
tifié le  Traité ,  6c  dix  mille  cinq  cens  à  payer  en  diverfes  parties ,  durant 
î'efpace  de  douze  ans.     Et  ce  tribut  ne  fut  pas  éteint  au  bout  des  douze 
ans.     Antiochus  Epiphanes  le  continua  pour  acheter  la  paix  ,  6c  n'avoir 
pas  fur  les  bras  de  fi  redoutables  ennemis.  Cela  fe  voit  dans  l'Hiftoire  du 
î'econd  Livre  des  Maccabées,  qui  dit  que  ^Nicanor  ordonna  un  tribut  m  Lib.z.c.î, 
Roi  Antiochus  Epiphanes ,  t^ui  devoit  revenir  aux  Romains ,  [avoir  deux  mille  ^^' 
talens ,  &  que  ce  tribut  fui  fourni  de  l^ argent  provenant  de  la  vente  des  prifon' 
mers  Juifs ,  qu'on  vendott  pour  efdaves.  11  paroît  donc  qu' Antiochus  pâyoit 
un  tribut  annuel  de  deux  mille  talens  aux  Romains.     De  plus  il  ne  faut 
pas  douter  qu'il  ne  leur  fît  quantité  de  préfens  de  pierreries ,  6c  de  cho- 
fes  précieufes ,  comme  le  Prophète  le  marque. 

Peut-être  dira- t'on  que  cela  ne  s'accorde  pas  avec  les  paroles  deX)anieI, 

y  vv  v  2,  qui 


t^.p.  I.  "II, 


708         HISTOIRE  DES  DOGMES 

qui  dit  que  ce  Dieu,  qu'Antiochus  devoir  glorifier  par  des  préfenSjétoit  in* 
connu  à  fes  pères.  Or  ce  fut  Antiochus  le  Grand ,  père  d'AntiochusEpi- 
phanes ,  qui  eut  affaire  avec  les  Romains ,  qui  fut  battu  .par  eux  ,  &:  qui 
leur  paya  tribut.  Je  répons,  que  l'on  ne  doit  pas  diftinguer  ici  Antiochus 
Epiphanes  de  fon  père  Antiochus  le  Grand ,  parce  qpe  les  affaires ,  qu'eut 
Antiochus  le  Grand  avec  les  Romains  ,  furent  du  tems  même  d'Ando- 
chus  Vllàtfire,  fon  fils,  &  lui-même  dans  cette  guerrefut  donné  pour  ota- 
ge aux  Romains,  comme  nous  l'apprenons  du  premier  Livre  des  Macca-f 
bées.  D^ eux  fort it  cette  méchmte  racine  Antiochns  l'^Illuftre  ,  fils  du  Roi  Art" 
tlochm:  lequel  Ayitiochpts  ï^lllufire  àvoit  été  donné  en  otage  a  %pme.  Il  efttoûr 
jours  vrai  que  ce  Dieu,  c'eft-à-dire,.  les  Aigles  &  la puiflance Romaines, 
ne  furent  point  connues  des  pères  d' Antiochus.  Il  honorera  un  Dieu^  que 
fes  pères  n^auront  point  connu.  Car  par  les  pères  il  faut  entendre  les  Ancê- 
tres, Et  il  eâ  certain  que  les  Ancêtres  d' Antiochus  n'avoient  pas  fenti 
les  forces  Romaines  ,  lui  6c  fon  père  les  avoient  fenties  en  même  tems» 

Mais  pour  donner  plus  de  lumière  à  cette  interprétation, eflayons  d'en- 
tendre le  verfet  fuivant ,  qui  alîurément  eft  très  difficile.  Il  y  a.  mot  à 
mot,  félon  FHebreu,  &  faciet  munitionihus  eJ^Cabuzzim  eum  Deoextra-» 
neo^  quem  a^.ofcere  multipliçabit  gloriam  ^  &  dominari  faciet  eos  fuper  multos, 
(^  terram  dtvidet  in  preîio.  Les  Théologiens  de  Genève  ont  tourné  ,  Et 
il  exploitera  dans  les  plus  fortes  forterefes  ,  tenant  le  parti  du  Dieu  inconnu , 
qu'ail  aura  connu  ,  &  leur  multipliera  la  gloire ,  &  les  fera  dominer  furpluflears^ 
&  leur  partagera  le  pais  pour  loyer.  Je  croi  qy'on  peut  mieux  tourner  la  pre- 
mière partie  de  ce  verfet,  en  difant,  Il  fervira  de  forterejfe  à  (JM^aoz.im ^&, 
àonnera  gloire  à  ce  Dieu  étranger^  qu!il  s''ejforcera  de  reconmitre  &  d^honOf^ 
rer.     - 

Voila  une  féconde  fois  nôtre  eJ^4i?2;.?W ,  c'èfl  Rome ,  6c  lès  Aigles  Row 
maines.  Le  Prophète  dit  qu'Antiochus  leur  fervoit  de  rempart  6c  de  for- 
tereffe,  parce  qu'il  mit  le  Mont  Taurus  entre  les  Romains  6c  lui,  leur  don-» 
nant  toutes  les  Provinces  au  deçà  du  Mont  Taurus.  Il  ajoute  qu'il  s'ef- 
forcera de  reconnoître  6c  d'honorer  ce  Diea  inconnu,  c'eft-à-dire,.  ce  puii^ 
fant  Erat  5  dont  les.  Princes  dsl'Afie  avant  lui ,  n'avoient  pas  connu. la 
puilTance.  C'eft  ce  qu'il  avoit  déjà  dit,. qu'Antiochus  feroit  tributaire  des 
ï^omains.  Il  dit  enfin,  qu'il  les  fera  dominer  fur  plufieurs ,  &  leur  parta- 
gera le  païs.  C'eft  parce  qu'Antiochus  céda  aux  Romains  ces  belles  Pro- 
vinces, qui  font  au. deçà  du  Mont  Taurus,  6c  il  acheta  d'eux  la  paix,  ea 
partageant  avec  eux  fon. Empire. 

Au  refte  nous  ne  prétendons  pas  par  cette  interprétation  littérale  faire 
aucun  préjudice  à  l'inferpretation  myftique ,  qui  regarde  l'Antechrift.  Il 
faut  hre  là-delfus  le  quatorzième  chapitre  de  la  première  partie  de  nôtre. 
accompUlTement  dçjs  Prophetie^s. 


CHAV 


ET  DES  CULTES  DE  L*EGLISE,P^r^.iy.  709 


CHAPITRE     IV. 

Baal'Tfephon.  Cetoit  le  nom  d'un  lieu  ,  non  d'un  T>ieu  :  de  CMar^ 

gemah  ,,  &  des  iMonceaux  appeliez  CMomeaux 

de-zMercurê. 

E  n'ai  qu'un  mot  à  dire  de  Baal-Tfephon.  On  lui  fait  bien  de  l'hon- 
neur de  le  mettre  au  nombre  des  Dieux,  car  c'étoit  le  nom  d'un  lieu. 
Mais  il  aplû  aux  Rabbins,  qui  révent  quafi  toujours  ,  de  dire  que 
c'étoit  le  nom  d'une  Idole.  Dieu  dit  à  Moïie  ,  ^arle  aux  enfans  d'Ifra'él  ^  Exod.  14.- 
cjH  ils  fe détournent  ^  &  t^n'ihfe  campent  devant  Tihahiroth  ,  entre  Migdol  ^  ^'  *' 
la  Mer ,  vis-k-vis  de  Bahal-Tpphon  &c.  Lors  Pharaon  dira  des  enfans  d' Jfraelj 
ils  font  embarraffez.  &  enlacez^dans  le  pais  ,  le  defert  les  a  enfermez.^ 

Selon  la  glofe  des  Juifs,  le  Bahal-Tfephon  étoit  une  Idole  Magique, 
que  les  Magiciens  de  Pharaon  avoient  formée  fous  certaines  conftellations, 
6c  qu'on  avoit  placée  proche  la  Mer  rouge,  pour  obferver  les  enfans  d'If- 
raël,  pour  les  enlacer  &  les  empêcher  de  pafier  outre.  C'eft  pourquoi 
la  Paraphrafe  de  Jonathan  ^  6c  le Targum  de  Jerufalem ,  tournent D^iijn  [S!^, 
l'Idole  Tfaphon,  Aben-Efra  ,  dans  fes  Commentaires  fur  ce  palTage , 
étend  cette  Fable.  Et  je  croi  que  tout  le  fondement  de  cette  imagination, 
c'efl  que  dans  la  Langue  Sainte  77^//7^^,c'eft-à-dire,  obferver,  aguetter. 
Tfaphon  fignifie  donc  obfervation ,  fpeculation ,  &  ainfi  Bahal-Tfephon 
doit  fîgnifier  le  Dieu  obfervant  3, ou  aguettant.  C'eft  aflez  en  dire  là- 
deflus. 

Pour  ne  rien  oublier  de  ce  qui  a  paffé  pour  nom  de  divinité,  il  faut  di-  Margemah/ 
reun  mot  de  Margemah-^  naxi'û  ,  que  l'Interprète  Latin  a  tourné  v^tfrs/^j 
Mercurii ,  le  monceau  de  Mercure.     Sicut  qui  mittit  lapidem  in  acervtim  p,^@veib. 
JHercmii  y  ita  ^ui  tribait  infpienîi  honorem.      Celui  t^ui  fait  honneur  au  fou  eft  ^^'  s- 
fembUble  a  celui  qui  jette  une  pierre  dans  le  monceau  de  Aiercure.     Il  feroit 
aflez  difficile  de  deviner  pourquoi  la  Vulgate  a  ainiî  tourné  ,   car  entre 
Moprgemah,  &  Mercurius-^  il  y  a  une  fi  petite  reffemblance  ,   qu'il  n'y  a 
point  d'apparence  que  ce  foit  la  même  chofe  ,  bien  que  Goropius  Be- 
canus  les  dérive  tous  deux  d'un  même  mot  de  la  langue  Teutonique. 
Mais  fon  ouvrage  eft  rempli  de  ces  fortes  de  rêveries.   11  y  en  a  qui  tour-  Aben-E&â, 
nent  ce  Margemah,  par  un  monceau  de  pierres,  parce  que  C3:n,  fignifie 
lapider ,  &  qui  traduifent  ainll  le  paflage  de  Salomon  ,  donner  de  l'honneur 
à'un  fou^  c''efl  comme  qui  jetteroit  une  pierre  dans  un  monceau  de  pierres  ^  c^eii- 
à-dire,  que  c'eft  faire  une  chofe  inutile. 

Les  Anciens  entendent  par  ce  mot  une  fronde.  Les  Grecs  ont  tourné  vide  scaii- 
iv  (7(pev^6v^^  &  le  Chaldée  î^p^ps,  qui  met  une  pierre  dans  une  fronde  ^  &  |"-  ^^ 
qm  fait  honneur  à  un  fou  ^  c''efl  tout  un,  c'eft-à-dire,  que  l'un  &  l'autie  ne  temp,ç,cap, 
dure  eueres.  Et  que  cet  honneur  rendu  à  un  fou  pafîe  vîte.romme  la  pierre  qui  ^  ^-  f^^"', 
iort  de  la  honde.  vouant  a  la  coutume ,  a  laqueile  l'Ancien  Interprète  Latm  gir». 
à  eu  égard ,  elle  eft  très-  connue.    Mercure  étoit  eftimé  le  Dieu  des  che- 

Vvvv  3  minsj. 


710  HISTOIRE  DES  DOGMES 

Et  Diufîum  mins,  fa  ftatuë  étoit  dans  les  carrefours.  Et  en  fon  honneur  on  faifoitdc 
Deorum  gi'''ir»<^s  monceaux  de  pierres ,  dans  lefquels  les  paflàns  fe  faifoient  une  dévo- 
Proveib.  Z4-  tiott  de  jetter  une  pierre.  Les  Commentateurs  d'Homère  rapportent 
v^deLUiutn  l'oHgine  de  cette  coutume  à  la  fable,  qui  dit,  que  Mercure  étant  accufé 
Gytaid.syn-  par  Junon  du  meurtre  d'Argus,  il  fut  jugé  par  les  Dieux  ,  &  abfous  à  la 
sddenura  foUicitation  de  Jupiter.  Mais  que  pour  faire  paroître  à  Junon  qu'ils 
syntagtn.  2.  détcftoient  pourtant  l'aftion  de  Mercure ,  ils  jetterent  à  (es  pieds  cha- 
voff  lib.  2.  cun  fa  pierre.  Ef  de  là  efi  venu  ,  félon  Didyme,  c^tte  les  hommes  f^nt  da 
c.  î2.  ubi  monceaux  de  pierres  le  long  des  grands  chemins  y  a  l'honneur  de  Mercnre  ,  farcd 
Didymus  quil  préfide  [uY  les  chemins^  en  imitant  les  Dieux  qui  l^avoieut  abfous  ^  &  ils 
Euftathius  appellent  ces  monceaux  les  butes  de  Mercure  ,  êpfJ^aioKoCPot. 
ïno  y  eam  j^  ^^  femblc  quc  le  fens  du  partage  des  Proverbes  n'eft;autre  que  ceci^ 
De  illo  litu  Celui  qui  rend  de  Phonneur  a  un  fou,  n^efi  pas  plus  fage  que  celui  qui  s'*amufe  à 
m?nidfsïb.  ^f^^lj^^  ^^^  pierres  dans  un  chemin,  ce  qui  ne firtqu^a  faire  trébucher  lespajjam, 

de  IdoloU' 
ma, 


VII.  TRAI. 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  P«rMV.  711 


VIL     TRAITE 

pu      CULTE 

DU    SOLEIL, 

X>e  la  Lune ,  des  Planètes  Qf  des  Etoiles ,  dti  Feu ,  des 

chevaux  con/acre^  au  Soleil ,  détruits  far  Jojias , 

Ô^  des  Chammanim. 


C  H  A  P  I  T  R  E     I. 

Erreur  de  quelques  Anciens ,  qui  ont  crû  que  les  AJlres'  avaient  été 
donnez  àe  Uieu  aux  nattons  pur  divimtez.     On  a  crâ  que  les 
/îfires  étaient  animez.  Le  Soleil  adoré  par  les  Ter/es  fans  Tem- 
ples ni  Chapelles.     Coutume  d'adorer  en  je  tournant  ver  s  l'Orient, 
Des  Chammanim  entre  les  Juifs. 

L  eft:  certain  que  tous  les  Dieux,  dont  nous  venons  de 
parler ,  font  le  Soleil ,  la  Lune ,  ôc  les  étoiles.  Ce- 
pendant il  faut  faire  un  chapitre  à  part  de  l'adoration 
du  Soleil  &  de  la  Lune,  5c  des  autres  Aftres,  parce 
qu'effedivement  il  efl  appaa-ent ,  qu'outre  le  culte 
qu'on  rendoit  aux  Aftres,  fous  les  noms  ôc  fous  les 
iimulacres  de  Moloch,  de  Bahal,  6c  d'Aftarté,  on 
les  adoroit  eux  -  mêmes  fans  déguifement  de  nomâj 
Car  la  plupart  des  hommes ,  fur  tout  du  vulgaire,  ne 
favoient  pas  diftinétement  ce  qu'ils  adoroient  fous  les  noms  de  Moloch,  de 
Bahal,  &  d'Aftaroth.  Le  Soleil  Scia  Lune  étoient  cachez  fous  ces  noms 
allûrément.  Mais  outre  cela  il  y  a  apparence  que  Ton  adoroit  expreiTé- 
mentle  Soleil ôc  la  Lune  fans  images,  en  fe  profternant  devant  eux,  ou 
devant  la  lumière  6clefeu,  qui  font  leurs  emblèmes.    C'eft  pourquoi  en 

beau- 


# 


712         H  I  s  T  O  ï  RE  DES   DOGMES 

beaucoup  de  lieux  du  Vieux  Tcftament  il  nous  eft  parlé  de  ce  culte  du  So» 

leil,  ôc  de  la  Lune,  ôc  des  autres  Aftres.     Dieu,  qui  prévoyoit  que  fon 

Peuple  fe  laifleroit  aller  à  cette  efpece  d'idolâtrie,  l'adéfenduë  exprcfîement. 

Deutero-      De  peur  cjii^élevdnî  tes ymx  vers  le  Ciel ^  &  q.H* ayant  vu  le  Soleil^  ^  la  Lnne^ 

'  '**     '  C^'  les  e'toiks  ,    <^Mi  eji  toute  Parmée  des  Cietfx ,    t/4  ne  fois  poujfe  k  te  profierner 

devunt  eux  ^  &  ne  lesferves,  vu  qne  û Eternel  ton  Dien  les  adonnez^  en  partage 

à  tOMS  les  peuples  j  c^uifontfoHsleCieli 

Opinion  de       Les  dernières  paroles  de  ceLpaflage  ent  donnéilieu  à  unC' opinion  étran- 

Mi">*"-  ge,  qui  mérite  bien  d'être  examinée.     Onavoit  bien  remarqué  que  Juftin 

ment  d'A-  Martyr,  dans  fon  Dialogue  àTryphon,    difoit  que  Dieu  avoit  donné  le 

\"*"^"^>^  Soleil  pour  être  adoré.     Dieu,  dit- il,  avcit  bien  donné  ait  commencement  le 

que  les  Af-  Sôiêil  pour  être  adore  ^  amji  qtiiL  ejt  écrit.     tJ/vlMs  jamms  on  na  vu  perfonne 

très  ont  été  yguidy  mourir  pour  la  foi  an  Soleil .  an  lietd,  que  tous  les  ionrs  on  voit  descende 

donnez  xcx.        '  \  •>  y  i     n  r      /-»      n.       ^  r  ^        ■ 

fiycas^oui  tomes  fortes  <^m  Tftefirent  poftr  le  nof!^  de  fejHS-Lhrijr  ^  &  pour  r.eJe  pas  remer. 
Dieux""    Clément- d'Alexandrie  depuis  a  dit  la  même  chofê  plus  clairement;  ÔC  plus 
-Stroaijï.  5«   expreflement  encore  ;  Dieu  a  donné  le  Soleil  &  U  Lune  pour  être  adore?^ ,  com- 
me dit  la  Loi  ^  afin  que  les  j09mm.es  ne  ftiffent  pas  tout  a  fait  Athées,    "D'-abord 
l'on  ne  comprenoit  pas  bien  où  ils  avoient  pris  cette  étrange  opinion,  ôc 
fur  tout  l'on  ne  fa  voit  pourquoi  ils  attribuoient  cela  à  l'Ecriture  6c  à  la 
Loi.     Comrae  il  efl  écrit  ^  dit  S.Juftin.  Comme  dit  la  Loi  ^  dit  Clcment  d'A- 
lexandrie.    On  foupçonnoit  que  cela  pouvoit  venir  de  ce  que  MoiTe  dit, 
que  Dieu  créa  au  commencement  deux  grands  luminaires,  pour  dominer 
fur  le  jour  6c  fur  la  nuit.    'On  avoit  lieu  de  croire  que  les  Anciens  s'étoierit 
perfuadez  que  dans  l'intention  de  Dieu,  le  Soleil  &  la  Lune  avoient  été 
*  établis  pour  être  conîiderGS  pac  les  nations,  comme  les  Dieux  de  la  nuit  ôc 

du  jour,  6c  pour  les  maîtres  du  monde.  Mais  on  a  trouvé  le  dénouement 
Tom.2.  p.  de  ce  myftéte  dans  l'ouvrage  d'Origeneiur  S.  Jean  ,  que  nous  a  donné 
*^'  Monfieur  Huet ,  qui  nous  apprend  que  les  Anciens fondoicnt  .cette  opinion 

fur  les  paroles  du  paflage ,  que  nous  avons  rapporte.  Dieu  Usa  difinbuées, 
OH  données  en  partage  k  tous  les  Peuples  qui  font  fou  sic  Ciel.  Ils  fe  font  imagi- 
nez que  Moïfe  vouloit  dire  que  Dieu  avoit  diftribué  le  Soleil,  la  Lune,  6c 
les  étoiles,  aux  Gentils,  pour  être.leurs  .Dieux ,  afin  qu'ils  les  adoraflent, 
&  qu'il  s'étoitrefervé  pour  lui  le  peuple  d'ifraël.  Jl  eft  vrai  que  les  paro- 
les de  Moïfe  font  capables  de  recevoir  ce  fens-là.  Mais  il  eft  fi  oppofé  au 
fens  commun,  à  laraifoB,  êc  à  la  Religion  ,  qu'il  eft  furprenant 
que  des  Chrétiens  ayentpû  y  tomber.  Et  cela  nous  doit  apprendre  deux 
chofes ,  la  première  qu'il  n'eft  pas  toujours  fur  de  prendre  pour  fens  de 
l'Ecriture  ce  qui  faute  d'abord  aux  yeux  5  l'autre,  qu'il  ne  s'en  faut  pas  toû* 
jours  tenir  aux"  interprétations  des  Anciens, 

Mais  je  voique  Juftin  Martyr,  &:  Clément  d'Alexandrie,  ne  font  pas 
lesfeuls  qui  ont  bronché  fur  cette  pierre.  S.  Auguftin  a  de  bien  prés-ap- 
Qiisftionnm  proché  de  leur  erreur.  Car  voici  ce  qu'il  dit  fur  ce  paOage.  ISlonitaki- 
Deuteiono-  &^^  ^^  tâmquam  Dempr&ceperit  ea  colik  gentibus  ceteris^  à  populo  fuo  non  co'' 
miiim.  li  i  fed  quod  prafcivit  gentej  ipfs  honorem  exhibituras ,  O  tamen  prafciens  crea^. 
s.^Anguai-î  vit  j  populum  ver 0  fuum  futur um  effe  qui  talia  non  coleret.  Ce  n'eftpas,  dit- 
apptoche  de  il  ^  que  Dieu  ait  commandé  aux  peuples ,  d'adorer  le  Soleil  ôc  la  Lune. 
c.HC  .a,      J^ais  il  a  prévu  que  les  nations  les  adoreroient,  ôç  il  n'a  pas  laifle  de  les 

crées 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  TartlY.  713 

créer  daijs  cette  vue.    Je  voi  i^ême  qu'il  y  en  a  entre  les  Hébreux ,  qui  ""-^ 

font  tombez  dans  une  penféej^peu  prés  femblable  ilir  ce  texte. 

Un  Rabbin  appelle  Merïle  Gerundenfis,  Efpagnol,  dit  ^<^He  tons  les peM- 
pies  de  U  terre  ont  um  étoile ,  c''efi-a-dir» ,  une  Tlanete  ^  &  un  Aflre  dominant^ 
AH  dejfns  def(j fiels  les  Anges  de  Dieu  font  e'tablis.  Oefi  ce  (jue  jîgnifie  dans  le  Li- 
vre de  Daniel ^  le  Trince  de  Terfe  ^  &  leTrince  du  Royaume  de  favan.  Cejl 
pourquoi  les  nations  fe font  de  ces  Asîres  des  Dieux,  aufojuels  ils  fervent.  Mais 
Dieu  dit  aux  enfans  d'ifraél  ,  le  Seigneur  vous  a  {:hoiJis  ,  car  vous  êtes  fan 
héritage,  vous  n"^  établirez,  fur  vous  aucun  Prince  que  lui.  G'eft-à-dire  ,  félon  Lucas  bm- 
l'interpretation  de  Luc,  Evêque  de  Burgos  ,  que  ce  Juif  &  quelques  au-  f^^^  "» 
très  croyent  que  Dieu  a  établi  fur  chaque  nation  le  Soleil ,  la  Lune ,  ou  une 
autre  Planète,  pour  dominer  fur  elle,  6c  quec'eft  la  raiîbn  pourquoi  les 
peuples  les  ont  adorées. 

La  Vulgate  d'aujourd'hui ,  pour  lever  l'équivoque ,  a  ajouté  le  mot  de 
Miniflerium  ^  qutz  creavit  Dominus  in  mînijlerium  cunSlis  gentibus ,  quafub  ca- 
lo  funt.  •  Et  en  effet  c'efl  laie  vrai  fens,  &;  c'eft  la  raifon  pourquoi  Dieu 
défend  qu'on  les  adore.  Vous  n'adorerez  pas  le  Soleil  8c  la  Lune ,  car  bien 
loin  d'être  les  Dieux  de  la  terre  :  ils  ne  font  que  les  miniftres  8c  les  fervi- 
teurs  des  hommes.  La  Verfîon  des  Septante  a  laiffé  toute  Tambiguité, 
car  elle  a  tourné  conformément  à  l'Hébreu ,  Dieu  les  a  difiribuez^  k  toutes 
ies  nations  qui  font  fous  le  Ciel. 

Il  eft  tems  de  retourner  à  nôtre  fujet ,   c'eft  l'adoration  du  Soleil ,  de  Que  le  so-^ 
la  Lune,  ôc  des  étoiles.     Et  il  faut  voir  premierement.les  paffages,  où  leii  Jui-mê- 
il  nous  en  eft  parlé.     Ce  culte  eft  une  féconde  fois  défendu  dans  le  chap.  adorlpref- 
17.  du  même  Livre  du  Deuteronome,  où  Dieu  commande  que  l'on  faite  quepartoa- 
mourir  par  lapidation,  celui  qui  aura  ete  convaincu  d  avoir  fervi  a  d  autres 
Dieux  y  &  de  s^ être  projlerné  devant  eux^  foit  devant  le  Soleil,  Çoit  devant  la  chap.  17.  j. 
Lune ,  ou  devant  quelque  chofe  que  ce  foit  de  P armée  des  Cieux.     Dans  l'Hif- 
toire  de  Jofias,  l'Hiftoire  Sainte  nous  dit  que  ce  Prince  abolit  les  Camars^  2.  Rois  2*, 
^u  Sacrificateurs  ^  que  les  Rois  de  fuda  avaient  établis  quandon  faifoit  des  encen-  s-  ". 
fimens  aux  hauts  lieux  ^  parles  villes  de  fudi ,  &  autour  de  fer  ufalem.     Il  abo- 
lit auffi  ceux  qui  faifoient  des  encenfemens  à  Bahal^  au  Soleil ,  a  la  Lune ,  aux 
Afires  &  à  toute  V armée  des  Cteux  &c.     Il  ota  aujjl  les  chevaux^  que  les  %pis 
de  fuda  avaient  placez,  à  Vhonneur  du  Soleil,  de  Pentree  delà  »yKatfon  de  l'E- 
ternel, vers  le  logis  de  Nethammelec  Eunuque^  f tué  en  Parvarim  y&  brûla  au 
Jeu  les  chariots  du  Soleil.     Ce  culte  OU  adoration  du  Soleil  avoit  paffé  juf- 
ques  en  Egypte.     Car  Jeremie  prédifant  la  ruine  de  ce  païs  dit ,  que  Ne- 
bucanetfar  brûlera  les  Dieux  d'Egypte ,  //  brifera  auffi  les  fiatu'és  de  la  maifon 
du  Soleil,  laquelle  efl  au  païs  d^ Egypte.  Il  n'y  a  pas  d'apparence  que  ce  fût 
Ofiris,  ni  Ilis,  quoi  qu'Ofiris  fût  le  Soleil.  Mais  je  croi  que  c'étoientdes     • 
ftatuës  coTifacrées  à  l'honneur  du  Soleil ,  fous  le  nom  de  Soleil.  Enfin 
l'on  ne  peut  pas  douter  que  le  Soleil  n'ait  été  adoré  immédiatement  Ôc  fans 
voiles,  en  lui-même  par  les  Syriens,  &  enfuite  par  les  Hébreux,  après 
le  témoignage  d'EzechieL     //  me  fit  entrer  au  Parvis  de  la  Maifon  de  PE- 
ternel,  ^  voici  -à  t entrée  du  Temple^  entre  le  porche  &  P autel,  environ  vingt 


£zech.  S.tC 


cinq  hommes^  ayant  leur  derrière  contre  le  Temple  du  Seigneur,  &  ils  avoient 
les  vifages  tournez,  du  coté  de  POrient,  &  ils  fe  profiernoienî  vers  POrimt  ^ 
■devant  le  Soleil. 

Part.  IV.  Xxxx  II 


714,  H  I  ST  G  I  R  E  D  E  S.  D  O  G  M  E  S 

les  PiYcns       11  eft  certain  que  c'eft  la  plus  ancienne  de  toutes  les  idolâtries.  I^es  hom- 
ont  crû  que  ^^^  aprés  Ic  déluge,  ayant  perdu  la  connoiflance  du  vrai  Dieu  ,  &  leur 
e^toiianimé.  confciencc  les  prellànt  dechercherSc  d'adorer  une  Divinité,  leur  ame  plon- 
gée dans  lesfens,  &  dans  la  matière,,  n'a  rien  trouvé  qui  Fût  plus  digne  de 
leur  admiration,  &  de  leur  adoration,  que  ce  grand  Aftre.     En  voyant 
les  mouvemens  réglez  de  ce  grand  corps ,  &  les  utilitcz  que  TUnivers  en 
reçoit,  ils  n'ont  pas  crû  que  ces  merveilles  pufient  être  produites,   fans 
qu'il  y  eût  là-dedans  quelque  vaile  intelligence.     Et  ce  n'étoit  pas  feule- 
ment l'opinion  du  vulgaire,  que  le  Soleil  étoit  animé ,  c'étoit  le  fentiment 
desiliges  Payens.     Ciceron  l'attribue  aux  Stoïciens,  6c  les  fait  parler  ai  n- 
2.  Dénatura  {] ,  //dera  Athereum  locumobtinent ,  (^ui  ijf^oniam  îenuijfmus  efi ,  (^  femper  agi- 
Deoiwin.      t^tnr  &  vigct ,   necejfe  efi  ejuod  animal  in  eo  gignatur  y   idem  «jmcjue  fenfn  acer-^ 
rimo,  &  mobîlitate  celerrima  ejfe.     Et  en  effet  Zenon  parle  ainfi  dans  Sto- 
b'.rus  ,  (j^e  le  Soleil ,  U  Lune ,  ^&  les  étoiles ,  font  des  feux  huUns  ,  pleins  de 
pigejfe  &  d'intelligence,     G'étoit  le  fentiment  de  l'Ecole  de  Platon ,  &  de 
Platon  lui-même ,  comme  il  paroît  parle  Dialogue  intitulé  Spinomis.^t  c'efl 
îhiio  Ju-     ^^  Platon  que  Philon  Juif  avoit  emprunté  cette  Philofophie.     //  a  pltt,, 
dsus  iibro    dit- il ,  a  l'Antetir  de  l'Univers  de  remplir  toutes  fes  parties  d"* animaux  ^  c'*eji 
e  boiuniis.  p^j^y^^fji    jI  ^    ^/j  igf  animaux  terresîres  fur  la  terre ,     les  poijjons  dans  la 
mer  &  dans  les  eaux ,     &  dans  le  Ciel  les  étoiles.     Car   chacune  (belles  efi 
non  feulement  un  animal^  mais  une  intelligence  trés-pure,  C'eft  de  cette  mê- 
me fource  qu'Origene  a  puifélamême  opinion,  qui  a  été  condamnée  com- 
me l'une  de  les  herefies.     C'eft  qu'il  croyoitque  les  i\ftrcs  étoient  animez. 
Mais  au  lieu  d'en  faire  des  Dieux ,  il  en  faifoit  des  créatures  criminelles. 
Lib.  u        Puifque  la  r  ai fon  prouve  ^  dit- il,  ^ue  toutes  les  chofis  du  monde  font  créées ,   ^ 
Tïtpi  ip-     q^  entre  les  chofes  créées  Un  y  a  rien  qui  nefoit  fujet  à  changement  ^&  c]ui  ne  fait 
Xm  c.  y.  ^^n^^yig  de  bien  &  de  mal  ^    les  nôtres  riront  pas  raifon    de  dire  que  les  Cieux 
eïiune  que   ne  peuv^it  changer  ,     &  que  le  Soleil^   la  Lune  ^  &  les  étoiles  ne  font  pas 
^^^ ^f^^^^^^^  capables  de  recevoir  le  mal ^  ècc.     7\(ous  efiimons  que  ce  font  des  animaux^ 
an'imau-v.     parce  que  l' Ecriture  dit  qu'ils  reçoivent  les  commandemens  de  Dieu  ^    ce  qui 
ne  fe  ptut  dire  que  des  animaux  raifommbhs.     fat    donné  commandement  à 
toutes  les  étoiles. 
Lib.  2.  de       Mais  ce  qui  eftplus  étrange,  c'eft  que  S.  Auguftin  n'a  pas  ofé  définir 
Geneli  ad    "}e  Contraire.     Sokt  qu^ri^  dit-il,  utrùm  cœh  lumtnaria  ifia  confpicua  Jtnt  fo- 
imeiam.      y.^  ^^  habcant  reclores  quofdam  fpiritus  fuos  ^&  Jt  habent^  utrùmab  eis  vit  aliter 
infpirenîur  ^  ftcut  animantur  carnes  per  animas  animalium  ^  an  fola  pr&fentia  fine 
ulla  permixttone.     Et  là-defîlîs'il  répond,  fervata  femper  moderatione  piagra- 
vitatis  nihil  crederedere  obfcuratemere  debemus .  Enfin  il  y  a  des  Scholailiques, 
ôc  des  Auteurs  modernes,  à  qui  ce  fentiment  n'a  pas  déplu.   Et  entre  les 
autres  Tycho  Brahé,  ce  fameux  Aftronome,   dans  une  lettre  écrite  l'an 
demiei"      ^  59'-'-  àRbotmaunus,  parle  ainH,    Mais  tous  ces  mouvemens  fk  font  dant 
fificies  Ty-  les  corps  c€le[res  ,     d'aune  manière  bien  plus  vive  &  plus  excellente  ,    que  dans 
a  eu  k  mt  ^^^  animaux  îerrefires  &  aquatiques  :   Car  U  divine  Philofophie  des  ^Platoniciens 
me  ftuti-     n''a  pas  eu  mauvaife  raiÇon  d'enfeigner  ^  que  tout  le  Qel  efi  animé ^    &  que  les 
"**="*•  Gorps  celefies  font  des  efpeces  d'animaux  rempfis  d'^un  efprit  de  vie.      Il   ne  faut 

donc  pas  s'étonner  que  le  vulgaire ,  £c  des  hommes  greffiers ,  comme 
étoicnt  ies  premiers  hommes ,  ayent  crû  que  le  Soleil  &  la  Lune  étoient 
animez,  6c  que  c'étoient  les  Dieux  qui  gouvernoient  le  monde. 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.y^r/.ÎV.  7K 

II  eft  certain  que  l'idolâtrie  a  commencé  par  là.  Le  Livre  de  Job,  qui  ^^s  pfus  a»- 
eft  aflurément  très-ancien,  nous  l'apprend ,  quand  il  introduit  Job  fejuf-  hSeeftfv 
tifiant  du  crime  d'idolâtrie  ,  &  difïmt ,  /'e  n'atpoint  regardé  le  Soleil  cjUAnd  doration  du 
il  brille  ,  ni  U  Lune  qui  chemine  en  fa  lumière:    mon  cœur  n^ a  point  ét>é  feduit  u^Lune'  "^^ 
en  fecret ,  ni  ma  bouche  n^a  point  batfé  ma  main  ,  car  feut  été  une  initjuité  toute  Cap.  j  i.  2«. 
évidente^  &  feujfe  renié  le  Dieu  fort ,  cjtù  efi  là  haut.     S'il  y  avoit  eu  dans  ^^' 
fon  fiécle,  &  dans  fon  pais,  d'autre  idolâtrie  en  ufage,  il  y  a  apparence 
qu'il  s'en  ieroit  juftifié  ,  comme  de  celle-là.     C'eft  ce   que  nous  avons 
d'éja:  obfervé  ci-detant.     Platon  même  a  crû  que  le  Soleil  &  la  Lune 
avoient   été  les  premiers    Dieux   des    Grecs  ,    6c  qu'ils   n'en   avoient 
pas  adoré   d'autres.     îlmefemble^  dit -il,    que  ceux   qui  ont  les  prefniers  laCmyio. 
habité  la  Grèce  n^ adoraient  comme  Dieux  ,    que  ceux  lefquels  la  plupart    des 
Barbares  reconnoijfent  pour  des  divinités, ,  ce  font  le  Soleil ,    la  Lune ,    la  terre , 
&  Us  étoiles.     Diodore  Sicilien  eft  dans  le  même  fentiment.     Les  plus  an-  Lib- 1-  bî- 
ciem  des  hommes  ^  dit-il,  contemplant  l'^Vniv  ers  avec  admiration^  &jettaf]tles    ^      "'' 
yeux  fur  le  (fiel  avec  etonnement ,  ils  ont  efiimé  que  le  Soleil  &  la  Lune  étoient 
ks  Dieux  éternels  &  principaux ,   &  ils  ont  appelle  Pun  Opris ,  &  l"^ autre  Ifis. 
Et  ils  les  adorèrent  d'abord  fans  Temples 5  fans  ftatuè's,  &fàns  images,  fur 
le  haut  des  montagnes,  fous  des  arbres,  &  dans  des  bocages.  C'eft d'oii 
les  hauts  lieux  &  les  bocages ,  dont  l'Hiftoire  Sainte  parle  fi  fouvent ,  ont 
pris  leur  origine.     Les  Perfes  &  les  Chaldéens  font  aflurément  les  plus 
anciens  des  hommes,  parce  que  ce  fut  fur  les  rivages  de  l'Euphrate,  que 
les  hommes  commencèrent  \  former  un  corps  de  Republique  après  le  dé- 
luge ,  quand  ils  bâtirent  la  tour  de  Babel ,  au  lieu  où  depuis  fut  bâtie  la 
ville  de  Babylone.    Gr  ces  plus  anciens  des  hommes  n'adoroient  que  les 
Aftres  &  les  Elemens.     Voici  ce  que  nous  en  dit  Hérodote.     CV/?  ici  la  Lib.  i,  cii©, 
'^ligion  des  Perfes.     Ils  ne  batijjent  pas  de  Temples,  ils  ne  font  point  de  ftatu'és^  ^'  ^^' 
&  n'' élèvent  point  d^  Autels,  &  même  ils  accufent  de  folie  ceux  qui  le  font.  CPeJl 
à  mon  avis,  parce  qu'ails  n'efliment  pas,  comme  font  les  Grecs  .^que  les  Dieux  ayent 
pris  naijfance  des  hommes.     Ils  ont  de  coutume  de  monter  fur  le  fommet  des  mon- 
tagnes les  plus  élevées  ,  &  ils  y  immolent  deshojlies  à  Jupiter.      Cejl  ainjîqu^ils 
Appellent  la  rondeur  du  Ciel.     Ils  facrifient  au  Soleil  &  à  la  Lune  ,   a  la  terre  , 
m  feu ,  k  Peau ,  &  aux  vents  ,    &  de  toute  antiquité  ils  ne  facrifient  qu'a  ces 
chojes.   Eufebe ,  après  avoir  rapporté  \qs  paroles  de  Diodore  Sicilien ,  pour 
prouver  que  les  Egyptiens  n'adoroient  autrefois  que  le  Soleil  &  la  Lune, 
nous  dit  que  les  anciens  Phéniciens,  ou  Cananéens,  n'adoroient  aufti  que 
les  Aftres  &  les  Elemens.     Cela  étant  ainjt  a  Pegard  des  Egyptiens ,   on  trou-  Lib.  i.  de 
ve  que  les  phéniciens  ont  été  dans  le  même  fentiment ,  &tls  enfeignent  .dans  leur  cap.%f^' 
Théologie  que  leurs  premiers  DoEies  ^qui  ont  étudié  les  Sciences  naturelles,  n^ont 
reconnu  pour  divinitez,  que  le  Soleil,  la  Lune,   les  autres  Planètes,  &  les  ele- 
mens,  &  les  chofes  qui  leur  font  conjointes.     En  effet  ^ns  le  même  chapi- 
tre il  prouve  cela  par  les  paroles  de  Sanchoniathon,  ^  de  Philo  Biblius, 
tous  deux  Phéniciens,  ou  Cananéens.  Il  dit  âuCCi  que  ces  premiers  hommes  n'a- 
voient  pas  bâti  de  Temples ,  ni  fait  àe  fîmulacres ,  &  que  Part  de  peindre ^de graver, 
de  faire  des  fiatu'és^  ni  même  ^elui  de  bâtir  des  maifins,  n'' et  oit  pas  encore  inventé. 

11  fe  trompe  fans  doute  en  ce  qu'il  dit  que  Part  de  bâtir  des  maifonsn'é-  LesaitsTom 
toit  pas  encore  inventé,  dans  letemsque  les  hommes  adoroientja  divini-  qu"eie"dda- 
té  fans  Temples  &  fans  fîmulacres. ,   Car  la  plupart  des  arts  font  plus  an-  gç, 

Xxxx  2,  "ciens 


7i6         HISTOIREDES  DOGMES 

ciens  que  le  déluge,  principalement  celui  de  bâtir  desmaifons.  La  pofte- 
•  rite  de  Gain  bâtit  des  villes,  6c  lui-même  en  bâtit  une  qu'il  appella  He- 
noc.    Jubal  inventa  la  Mulîque ,  6c  les  inflrumens.     Tubalcaïn  fut  in- 
venteur des  arts  qui  forgent  toutes  fortes  d'inftrumens  de  fer,  ôc  tout  ce- 
la avant  le  déluge.     Au  lieu  queridoluirie,  les  Temples,   6c  les  (îmula- 
cres,  ne  font  venus  au  monde  qu'après  le  déluge.       Si  l'on  en  croit  Por- 
phyre, non  feulement  les  premiers  hommes  n'adoroient  que  les  Dieux 
naturels,  qui  font  le  Soleil,  la  Lune^  les  Aftres,  6c  les  élemens,   ils  ne 
tib.  2.       leur  {acrifioieni  même  que  des  herbes  èc  des  fruits.  »  Les  arbres ,  dit-il , 
%epi  jv\ç  font  devant  les  anmaax-f  &  ia  terre  prodaifoù  annuellement  les  plantes  ^  devant 
Twv  f^-    cjH^il y  eût  des  bêtes.     Et  les  anciens  prenant  les  racines^  les  feuilles ,    &    les 
■A/v%uv     plantes  entières  ^  les  brûlaient^  &  par  cette  efpece  de  facrtfice ^    ils  fe  rendaient 
'  '*  favorables  les  Dienx  celefies^   &  confacr oient  k.  Ploonmear  de  ces  divimtez.  des 

feux  immortels. 

C'eft  une  erreur  de  Porphyre  :  car  il  n'ell  pas  vrai  que  les  premiers 
hommes  n'ofFrilTent  à  Dieu  que  des  racines,  des  feuilles,  6c  des  fruits. 
Le  f.icrifice  d'Abel  nous  apprend  bien  que  dés  le  commencement  du  mon- 
de on  a  ofïert  à  Dieu  des  animaux.  Mais  ce  qu'il  établit  que  les  hom- 
mes n'adoroient  au  commencement  que  les  Dieux  celeftes  j,  c'eft-à-dire , 
le  Soleil,  la  Lune  6c  les  étoiles,  efltrés  vei'itable.  Les  Phéniciens  6c  les 
Egyptiens  furent  apparemment  les  premiers,  qui  gâtèrent  cette  Théolo- 
gie, où  l'on  voyoit  quelque  efpece.  de  pureté.  6c  de  raifon ,  6c  mêlant  les 
hommes  avec  les  Aftres ,  ils  firent  une  monflrueufe  Théologie  ,  6c  con- 
fondirent enfin  le  culte  des  Héros  avec  celui  des  Dieux  celeftes.  Cepen- 
dant ils  retinrent  toujours  le  culte  du  Soleil,  6c  de  la  Lune,  non  feule- 
ment enveloppé  fous  les  noms  de  Bahal  &  d'Aftaroth  ,6c  autres ,  mais  fans 
voile  6c  fans  déguifement  fous  leurs  vrais  noms.  C'eiî  pourquoi  ils  avoient 
certains  lieux,  où  le  Soleil étoit  particulièrement  fervi. 

Je  croi  par  exemple  que  les  eaux  6c  le  lieu ,   qui  font  appeliez  dans  îe 
livre  de  Jofué  \m^  py,  hen  shemesh  ,  c'efl-à-dire,  la  fontaine  du  Soleil, 
J6fiifcï5.7-fur  les  frontières  de  Juda ,  avoient  tiré  leur  nom  de  là.     Tuis  cette  fr  on  fie- 
re  pajfera  par  les  eaux  de  la  fontaine  du-  Soleil ,  &  fes  iffues  Ce  rendront  à  lof  on' 
taine  de  Roguel.  Cette  fontaine,  dis-je,  6c  le  lieu ,  qui  étoit  auprès ,  avoient 
autrefois  été  confacrez  au  Soleil.     Il  y  avoit  auffi  dans  le  partage  des  en- 
fans  de  Dan  une  ville,  qui  s'appelloit  v^m^  "^''^^hir  shemesh^.c'eÛ-à'dire y 
la  ville  du  Soleil.     Et  il  y  a  apparence  que  ce  lieu  étoit  auffi  confacré  à 
l'honneur,  du  Soleil.     Outre  ces  lieux ,  dans,  leiquels  on  adoroitle  Soleil , 
fans  doute  ils  l'adoroient  dans  tous  leurs  Temples,  6c  dans  toutes  leurs 
demeures,  lors  qu'il  fbrtoit  de  deiTus l'Horizon ,  félon  ce  que  nous  lifons 
D'ûoeft     en  Ezcchiel,  que  les  hommes.de  Juda  adoroient  le  Soleil  levant.    Et  de 
Sume     là  efl  venue  la  coûtmne  de  fe  tourner  toujours  du  côté  de  l'Orient  ^  dans 
d'adorer  datous  ks  fàcrificcs,  qui  fc  faifoicnt  aux  Dieux  celeftes. 

coté  de  l'O-.  '    ^  ' 

lient. , 

viigii.  JlliadfftrgentemconverJîMmtnafolem, 

^jjf  ^^"^  D^nt  fruges  manihm  falfas  ^  &  temporaferro 

Summa  rtotant  pecudum  ^  paterif^ne  altartalibant. 

.    Gar  pour  les  Dieux  infernaux,  on  leur  facrifioit  quand  le  Soleil  fe  couthe. 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  PartAY.  71/ 

&  l'on  fe  tournoit  vers  l'Occident.     C'eft  apparemment  pourquoi  r3ieu  On  adoroir 
voulut  que  fon  Sanduaire  fût  au  couchant  du  Soleil,  6c  que  ceux  qui  l'a-  inf^'^"* 
doroient  en  Jerufalem  fe  tournalTent  du  côté  de  l'Occident,  pour  prendre  le  en  fc  tom- 
contre- pied  du  culte  dts  Payens.Pour  faire  revenir  les  Juifs  de  cette  adoration  [Îq*  Y" 
du  Soleil,  il  voulut  qu'en  facrifiant,  les  Ifraëlites  lui  tournaflent  le  dos. 
Ce  furent  apparemment  les  Payens,  qui  apportèrent  dans  l'Eglife  Chré- 
tienne la  coutume  d'adorer  vers  l'Orient  ,  ce  que  le  Pape  Léon  I.  con- 
damne comme  une  fuperftition ,  qui  ne  doit  pas  être  foufferte.  Quodfieri^  scrmo.7: 
dit- il,  partim  ignorant i<z  vitio  ,  partim  Paganitatis  fpiritu ,  multum  taie  fcimus  fj^g^"'^'^' 
#•  dolemns.    Quia  et  fi  quidam  forte  creatorem  potim  pulchri  ÎUminii  cjuàm  ip^ 
fitm  lumen  ^  quod  efi  creatura^  venerantur  ^  abfiinenàum  tamen  eft:-  ab  ipfa  hu- 
jufmodi  officii  fpecie  :  quam  cum  in  nojiris  invertit  qui  Deorum  culium  reliquit^ 
nonne  hane  fecum  partem  opinionis  vetufid^  tamquamprobabilem^retentabit^quam 
Chrifiianié  &  impiis  viderit  ejfe  communem  ? 

Le  Soleil  fut  donc  long^tems  adoré  entre  les  Orientaux ,  fans  Temples 
ôcfans  autels.  Et  les  Perfes  furent  ceux  qui  conferverent  le  pluslong-tems 
cette  coutume  ,  puifqu'ils  Tavoient  encore  du  tems  d'Hérodote.  Mais 
en  fuite  on  vint  à  bâtir  des  Temples  àl'honneur  du  Soleil,  ehczles  Chai- 
déens  &  les  Phéniciens,  &  après  cela  chez  les  Perfes.  Car  Strabon  nous 
recite,  dans  un  paflage  que  nous  avons  cité  de  l'onzième  livre,  que 
les  Perfês,  après  une  vi6loire  remportée  fur  les  Saques^  bâtirent  un  Temple 
à  Anaitis ,  ^  aux  Dieux^  Amanus  &  Anaudatus ,  qui  font  les  Dieux  des  T^er- 
fes.  Cet  Amanus  étoit  le  Soleil,  ou  fon  fymbole,  comme  nous  le  dirons 
dans  la  fuite. 

Les  Hébreux  empruntèrent  cette  fuperftition  des  Syriens  Ôc  des  Phéni-  DescîiaBî.^ 
eiens.  Us  bâtirent  des  Temples  à  l'honneur  du  Soleil,  6c  ce  font  les  Tem-  Sebieux'^f& 
pies  qu'ils  appelloient  Jyi2»?»?<i»^»?,  ou  Chammanim  ^    CD^SOn  .     Il  nous  en  «  que  c*é- 
cft  fort  fou  vent  parlé  dans  le  Vieux  Teflament.    Dieu  dans  le  Levitique  chap.zô.jG, 
dit,   9e  détruirai  vos  hauts  lieux ^  &  exterminerai  vos  Hammamm.   Le  fécond  2.  dcsChro- 
livre  àt^  Chroniques  dit,  que  Jofias  fît  démolir  les  autels  des  Eahalinsy  &  Jiiqueschap, 
les  Hammanim  ,  qui  e'toient  pardejfus  eux.  Le  Prophète  Efaïe  en  parle  aufti.  tfaïe  chapo 
Il  dit  en  un  lieu  ,    on  ne  regardera  plus  aux  autels  ,    qui  font  les  ouvrages  des  ^^*  ^° 
mains  des  hommes  ^ni  aux  bocages, ni  aux  Chammanim,-  Et  dans  un  autre  lieu,  le 
Prophète  dit  que  quand  Dieu  fera  l'expiation  des  péchez  de  J^coh^les  pierres  Edj.  5?. 
de  l' autel  feront  broyées  Cr  pilées^  comme  fi  elles  et  oient  de  plâtre^  &  que  les  au- 
tels  &  les  Chammanim  ne  fubfifieront  plus.  Ezechiel  dit  au  lixiéme  de  fon  li- 
vre. F'os  autels  feront  defolez^  ,   (fr  vos  Chammanim  feront  brifez,.     Lesinter-   v=  4, 
prêtes  ne  font  pas  bien  d'accord  de  ce  que  c'étoit  que  ces  Chammanim. 
RabbiSalomonJarchi,  6c l'Auteur  d'un  livre  intitulé  Befichta^  difentque 
e'étoient  des  images ,   qu'on  adoroit  en  la  préfence  du  Soleil.     Cétoient^  i"  Leviiv 
dit  Jarchi  ,   des  Idoles  ,   lef^uelles  ils pofoient  fur  les  tours  ,    &  parce  qu'' elles  ^  '^  ' 
étoient  expo  fées- au  Soleil^  ils  les  apvelloient  Chammanim.  Il  eft  certain  que  c'é- 
toit quelque  chofe,  qui  regard  oit  le  culte  du  Soleil,   car  ce  mot  figniiie 
folaria.  Hamma,  dans  la  langue  des  Juifs ,   fignifie  le  Soleil,  non,  de  là 
vient  évidemment  Chamman ,  6c  au  pluriel  Chammanim  ,  qui  fignifie  ou 
des  ftatuës  ,  ou  des  Temples  du  Soleil.     Mais  qui  examinera  de  prés  les 
lieux  que  nous  venons  de  citer,  verra  évidemment  que  ce  font  les  lieux, 
où  l'on  adoroit ,  6c  non  les  fimulacres  que  l'on  adoroit.     L'Ecriture  les 

Xxxx  3  joint 


p%         HISTO  IRE  DES  D  OG  MES 

joint  avec  les  bocages ,  je  détruirai  vos  bocages ,  &  vos  Hammanim.    Il  eft 
clair  que  les  bocages  font  les  lieux,  où  étoient  pofées  les  Idoles  ,   &  les 
Chammanim  auffi.  En  d'autres  lieux  les  autels  font  joints  aux  Hammanim. 
Les  autels  &  les  Hammanim  ne  fubjijlerom  plus.    Ce  font  donc  les  lieux  fous 
iefquels  étoient  bâtis  les  autels.     Mais  cela  eft  clair  par  ce  que  dit  le  fé- 
cond des  Chroniques  ,  fofids  fit  démolir  les  autels  ,    &  les  Hammanim  ,    qui 
étoient  pardejjus  eux.    Les  Hammanim  étoient  donc  pardelïïi^  les  autels,  ÔC 
les  couvroient  comme  des  Tabernacles.   Il  eft  vrai  que  les  70.   tournent 
ce  mot  fort  différemment.     Dans  le  Levitique  ils  ont  tourné  ivKiMx  xstpo- 
îTo/viTft;,  des  Iimulacres  de  bois  faits  de  main.   Ailleurs  ils  tournent  eUuKci^ 
ailleurs  BhKv'yiJ.xra.  Dans  le  livre  des  Chroniques  ils  tournent  v-i^viKu.  Jo'fias 
fit  démolir  les  autels  des  Bahalins ,  6c  les  hauts  lieux ,  qui  étoient  au  def- 
fus  des  autels.     Déjà  ils  reconnoiffent  qu'en  cet  endroit  les  Chammanim 
font  les  lieux  de  l'idolâtrie,  &non  les  Idoles.  Mais  ils  n'ont  en  nul  lieufî 
î7.  s.        bien  rencontré  ,   que  dans  le  paflage  d'Ezechiel,  où  ils  tournent  rs^évYi^ 
^^^*'*      les  Temples.   St.  Jérôme  a  auffî  tourné  ce  mot  dans  Efaïe,  par  celui  de 
Levit.26.30.  'Delubra  ,  Temples.  Ce  que  fait  auffi  la  Vulgate  Latine,  bien  que  par  tout 
34*^4.'°°*     ailleurs  elle  touYnz  Jimulacra.     C'cft  le  fentiment  d'Aben-Efra.    Cétoient  ^ 
Ezech.  6.4-  dit-il,  des  maifons  voûtées^  faites  à  l'honneur  du  Soleil ,    en  forme  de  chariot  ^ 
inEfaï.i7?8.  ^^  ^^^  reffembUnc^s  de  chariot  ,  faites  à  l'honneur  du  Soleil,  comme  il  efi  écrh 

'  dans  V ouvrage  de  Manaffé. 
i^esOiamma-     Aflurément  ce  Juif  a  très  bien  rencontré  ,   &  l'on  n*en  peut  pas  dou- 
dïchapd-   ^^^i  ^  ^'o"  examine  l'Hiftoire  dejofias,  félon  qu'elle  eftau  fécond  Livre 
îes voûtées,  dcs  Rois  ,   ôc  dans  le  fécond  des  Chroniques.     Dans  le  premier  endroit 
cHmSk**"   l'Auteur  dit ,  que  Jofas  brûla  au  feu  les  (Chariots  du  Soleil.   Il  ne  parle  point 
couverts,     des  Chammanim,   Au  contraire  dans  le  Livre  des  Chroniques,  il  dit  que 
Jo^as  fît  démolir  les  Chammanim  .^  qui  étoient  fur  les  autels  de  Bahal,  6c 
il  ne  parle  point  des  chariots  du  Soleil.     Or  il  n'y  a  pas  d'apparence ,  ni 
que  le  fécond  Livre  des  Rois  eût  oublié  de  parler  des  Chammanim  ,  qui 
étoient  fi  confîderables  ,  ni  que  le  fécond  des  Chroniques  eût  oublié  de 
parler  des  chariots  du  Soleil^  qui  font  fi  finguliers.  D'olî  il  eft  clair  que"  les 
Chammanim^  ôcles  chariots  du  Soleil,  font  la  même  chofe.  Et  le  mot  de 
Chammanim  fîgnifie  précilément  des  lieux  deftinez  à  loger  le  Soleil.  Voi- 
ci donc  ce  que  c'eft.  Ils  faifoient auprès  des  bocages,  fur  les  hauts  lieux, 
des  chapelles  voûtées, ayant  la  figure  d'un  char,  6c  dans  ces  chapelles  ils 
bâtifTpient  des  autels ,  fur  Iefquels  ,   ils  mettoient  l'Idole  de  Balial ,   qui 
étoit  le  Soleil,  &  auprès  de  lui  ils  plaçoient  le  fymbole  du  Soleil,  c'eft- 
à-dire,  un  feu  immortel,  qui  étoit  entretenu  au  dépens  du  public   Cela 
répréientoit  le  Soleil,  que  les  Poètes,  ^  les  Théologiens  du  Paganifme, 
ont  conçu  comme  étant  porté  dans  un  char,  ôc  le  feu,  qui  étoit  auprès, 
répréfentoit  fa  lumière.  Il  eft  clair  que  les  images  de  Bahal  étoient  dans 
cts  Chammanim  V  par  lepafl^age  des  Chroniques  ,   qui  dit  que  ^ofias  dé^ 
îruijît  hs  autels  des  Tiahalins ,  &  les  Chammanim ,  qui  éf oient  pardeffus. 


C  H  A- 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Part.lV.71^ 


CHAPITRE     II. 

jD«  culte  que  les  Terfes  rendoient  au  Feu  é-  au  Soleil,   Du  Dieu 
Amanus  ^  defes  Temples:  des  Chammanim y  &des  chevaux 

du  Soleil, 

^  ^^  Es  Chammanim  des  Syriens  avoient  tiré  leur  origine  de  k  Reli- 
^f  .gion  des  Perfes,  &  des  Chaldéens ,  qui  adoroient  ie  Feu,  comme 
le  fymbole  du  Soleil.  Il  y  avoit  un  Dieu  dans  la  Perfe  ,  appelle 
Amanus^  dont  Strabon  nous  parle  dans  l'onzième  6c  dans  le  if™*.  Livre 
de  fa  Géographie.  Je  tombe  dans  la  penfée  de  Grotiusôc  de  Voiîîus,  qui 
croyenc  que  cet //^î^^-^»»^  vient  de  même  Iburcequenos  Hammanim^  parce 
que  les  Hammanim  étoient  les  voûtes  &  les  chariots  faits  à  l'honneur  du  Soleil, 
&  cet  AmatîHs  femble  tirer  (on  nom  de  Hammah^  qui  fignifie  le  Soleil. Cepen- 
dant cet  Amanus  entre  les  Perfes  avoit ,  félon  le  rapport  de  Strabon ,  ôc 
des  Temples  oc  des  itatuës.  En  quoi  Strabon  ne  s'accorde  pas  trop  bien 
avec  lui-même.  Car  il  dit  après  Hérodote  ,  dont  je  croi  qu'il  a  copié 
\ts  paroles,  que  les  Terfes  ne  font  ni  autels  ^  ni  fimu'és  ,  qu^ils  facrifient  en  des  Lib.  ir 
lietix  élevez^  ,  qHtls  efliment  que  le  ciel  efl  ftifiter  ,  qnils  adorent  le  Soleil ^  Geogr^ 
lequel  ils  appellent  Mithra  :  qu'ails  adorent  au jfi  la  Lune  ^  Venus  ^  le  feu ,  la  ter- 
re ,  les  vents ,  &  Peau.  Mais  peu  de  lignes  après  il  ajoute.  11^  a  de  grands 
enclos ,  qu^îls  appellent  itvpcièeTa ,  au  milieu  defquels  il  y  a  un  autel ,  fkir  lequel 
les  Adages  gardent  un  feu  immortel ,  au  milieu  de  beaucoup  de  cendres.  Ils  en- 
trent tous  les  jours  dans  ce  lieu  ^  pour  y  faire  de  certaines  oraifons  ^  qui  durent  bien 
une  heure.  Là  ils  fe  tiennent  devant  le  feu,  ayant  en  leurs  mains  un  faifceau  de 
verges ,  ^  fur  leur  tête  une  mitre ,  dont  les  cordons  leur  pendent  par  devant  & 
par  derrière  ,  cjy  ceux  de  devant  viennent  jufques  fur  leurs  lèvres.  C'eji  ce  qui 
Ce  fait  dans  les  Temples  d'Anaitts  &  d''Amanus  ,  car  ces  divinitez  ont  là  leurs 
jemples  ,  &  on  porte  la  (latu'é  d''Amanus  en  pompe  ,  c'efl  ce  que  J'ai  vu  moi- 
même. 

Ce  qu'il  dit  du  Temple  d'Amanus,  d'Anaitis,  des  autels,  fur  îefquels 
on  nourrit  ie  feu ,  &  de  la  flatuë  du  Dieu  Amanus,  ne  s'accorde  pas  trop  . 
bien  avec  ce  qu'il  venoit  de  dire,  que  les  Perfes  ne  drefîëntni  autels,  ni 
llatuës.  Mais  je  croi  qu'il  avoit  pris  cela  d'Hérodote  ,  &  i'avolt  inféré 
dans  fon  Hilloire ,  fans  prendre  garde  que  cela  ne  s'accordoit  pas  avec  ce 
qu'il  avoit  vii  lui-même.  Quoi  qu'il  en  foit,  on  l'en  doit  croire  fur  ce  qu'il 
dit  avoir  vu.  C'eft  qu'il  y  avoit  des  enclos  ,  où  l'on  nourriflbit  le  feu 
immortel  fur  un  autel,  que  ces  enclos  s'appelloient  %vpci^eiu^  c'eli- à-dire, 
les  Temples  du  feu  ,  que  le  Dieu  Amanus ,  dans  le  même  lieu  avoit  fon 
Temple,  auffibien  que  la  Déeflë  Anaitis.  Et  cela  s'accorde  fort  bien 
avec  nos  Chammanim ,  dans  Iefquels  îa  ftatuëdeBahal,  qui  eil  véritable- 
ment l'Amanus  des  Perfes  ,  écoit  pôfée  ,  avec  un  feu  immortel  au- 
près. 

Ce 


I 


720  HISTOIRE  DES  DOGMES 

Ce  paflàge  de  Strabon  nous  apprend  que  les  Pcrfes  adoroient  le  feu., 
&  cela  nous  eft  auffi  confirmé  par  tous  les  Auteurs,  Ôc  Profanes  6c  Eccle- 
fîaftiques. Quinte  Curce,décrivant  l'ordre  de  la  marche  de  l'armée  de  Darius, 
ilb.  3.         dit,  cjn'on  portoit  du  feu  fur  des  antehà'^  argent,  en  grande  cérémonie  ^ils  f  avaient 
en  JingPtliere  7/eneration  ,  l^appeliant  lefeti  éternel  &  f^cre' ,    &  les  eJ^ages  ve' 
noient  après  chantant  des  hymnes  à  la  façon  du  pais.  Le  même  Auteur  nous  in- 
troduit Darius,  conjurant  fes  foldats  par  le  feu,  comme  par  l'une  de  Tes 
,Lib.  4.        divinitez.     Je  vous  prie  donc  par  les  Dienx  Tmelaires  de  cette  Couronne  ,  par 
le  feu  éternel ,  que  l'on  porte  fur  les  autels  ,  par  la  fplendeur  dn  Soleil  ,  tjm  nait 
.^Strâbo  ubi    dans  Venceinte  de  mon  %pyaume.     Ils  avoient  tant  de  refpe6l:  pour  Je  feu  , 
.foprà.  Que  ft  queli^u'un  avoit  fouffle'  dejfus  -,  y  avoit  jette  quelque  chofe  de  mort  ,  ou  de 

la  boue  ^  on  le  punijfoit  du  dernier  fupplice.  Les,  Auteurs  de  l'Hiftoire  Eccle-^ 
;lîaftique  nous  parlent  auffi  de  ce  culte  ,  à  propos  du  zèle  indifcret  d'un™ 
certain  Evêque  de  Perfe,  appelle  Audas ,  qui  brûla  l'un  de  ces  Temples 
dédiez  au  feu ,  qu'ils  appelloient  'Kvpeïa.,  &  'Kvpci^eïci,    Ifdigerdes ,   Roi  de 
Perfe,  lui  ordonna  feulement  de  le  faire  rebâtir  ,  ce  qu'il  refufà,  8c  cela 
^heodoret   caufa  une  cruelle  perfecution  contre  les  Chrétiens  dans  la  Perfe.  Elle  dju- 
Hift.  Eccief,  J.JJ  p    ^i^s^  ^  \\  y  périt  un  nombre  incroyable  de  perfonnes.  Et  Socrate 
1 .5.  C.39.  ^^^^^  recite  une  fourbe  que  firent  les  Mages,  qui  cachèrent  fous  la  voûte 
socïâtes.      du  Temple  dédié  au  feu ,  au  le  Roi  de  Perfe  venoit  faire  ïts  dévotions , 
■lih.  7.  cfp.  8.  un  homme  qui  lui  crioit  qu'il  fê  donnât  bien  de  garde  d'écouter  Maru- 
thas ,  Eveque  de  Mefopotamie .,   que  Conftantin  lui  avoit  envoyé ,  par- 
ce que  c'étoit  l'ennemi  de  fes  Dieux.   Fourbe  qui  fut  découverte  par 
l'adrefle  de  Maruthas,  &  feverement  punie. 
Les  Chai-        Pour  nous  approcher  plus  prés  de  la  Syrie,  6c  de  la  Judée,  6c  pour  voir 
ïoSu  ajffi  comment  le  culte  du  feu  a  palle  dans  jces  Chammanim  ,   dont  nous  par- 
k  feu.        Ions  -,  nous  pouvons  remarquer  que  les  Chaldéens  adoroient  au/îi  le  feu. 
Il  y  avoit  une  ville  dans  laChaldée  ,    qui  s'appelloit  Vr  des  Chaldéens. 
-Genefe       C'étoit  la  patrie  d'Abraham.  Et  Tharé prit  fon fils  Abraham^  &  Lot  fils  de 
^^  ^^'        fon  fils  .^  qui  était  de  Har an  ^  &  Sarài  fa  belle-fille  ^  femme  d? Abraham  ^  &for'- 
Uktonymvis  tirent  enfemble  d'Vr  des  Chaldéem.  Ce  mot  Vr^  T15<,  fignifie  le  feu,  6cune 
2"aïc  i?^"  vieille  tradition  des  Juifs  dit ,  que  Tharé  6c  Abraham  furent  chalTez  de 
.Genefimin  Chaldée ,  parce  qu'ils  ne  voulurent  pas  adorer  le  feu,  &  mémequ'Abra- 
^^^'  "°       hamyfut  jette  dedans,  6cque  c'ell  ce  que  Moïfe  veut  dire,  qu'Abraham 
fortit  âCVr^  c'ell-à-dire  du  feu  des  Chaldéens,  dans  lequel  il  avoit  été  jette. 
Les  Juifs  d'aujourd'hui  ont  encore  cette  tradition  dans  leurs  Gommentai- 
.  res.     Au  moins  eft-il  apparent  que  et  lieu  s'appelloit  ainfi  ,   parce  qu'il 
Eufeb.ub.9.  y  avoit  une  dévotion  célèbre  pour  l'adoration  du  feu.     Eufebe  rapporte 
rSp.Evang.  ""  palfi^ge  d'Eupoîemus ,  Hiftorien ,  qui  parle  de  cette  ville  fous  le  nom 
de  Ka|x«p/vv]  ,   Camarine  efi  une  ville  de  Babylone  ,    que  quelques-uns  apptllent 
inGenef,     Vrie  ^  ce  qui  fignifii  la  ville  des  Chaldéens.  Drufîus  conjeélure"  qu'elle  fut  ap- 
^■^^'        pellée  Camarine ,  à  caufe  que  les  Sacrificateurs  du  feu  y  demeuroient.  Or 
les  Sacrificateurs  des  Idoles  dans  le  Vieux  Teftament,  s'appellent  anm, 
Kemarim.     Cette  conjecture   eli:  bonne  6c  bien  pleine  de  vrai-fem- 
blance. 
d*  cM^^"      ^\y^  peu  de  gens  qui  n'ayent  ouï  parler  de  l'Hiftoire ,  que  nous  avons  déjà 
déens  fut     racontée,6c  que  Ruffin  6c  Suidas  rapportent  des  ChaldéenSjqui  fous  l'Empire 
TlfDkux^"^"  grand  Conftantin,  voulant  prouver  que  leur  Dieu  étoit  plus  puifTantque 

^  d'Egyptç,  tous 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  T^rtW,  721 

tous  les  Dieux  de  la  terre,  parcoururent  le  monde  en  portant  le  feu,  qui  conr  Ruffin  Hift- 
fumoit  ou  fondoit  tous  les  fimulacres  des  Dieux ,  6c  demeuroit  ainfi  vido-  ^"^^^"  ^^^' 
rieux.  Mais  enfin  il  fut  opprimé  par  la  fraude  des  Sacrificateurs  d'Egypte  ,suidasin 
qui  firent  une  grande  ilatuë  du  Nil,toute  percée,  mais  dont  les  trous  n'étoient  pu,.*"'^'"^' 
fermez  que  de  cire.    Ils  la  remplirent  d'eau  ,  &  tout  aufli-tôt  que  la  cire 
fentit  le  feu  du  Dieu  des  Chaldéens,  les  trous  s'ouvrirent  ,  &  l'eau  cou- 
lant de  toutes  parts  éteignit  6c  furmonta  le  feu.     Cela  fait  voir  que  les 
Chaldéens  adoroient  le  feu.  Et  comme  la  Chaldée  étoit  voifine  de  la  Sy- 
rie, 6c  la  Syrie  de  la  Judée,  il  n'eft  pas  difficile  à  comprendre  commeiit 
iQsChammamm^  où  l'on  adoroit  le  feu  6c  le  Soleil  js'introdui firent  dans  le 
culte  des  Juifs  idolâtres. 

Les  chevaux  confacre^  au  Soleil ,   que  Jofias  ôta  de  la  porte  du  Tem-  J>«  chevaux 
pie,  ont  une  grande  liaifon  avec  nos  Chammanim,  ou  chariots  du  Soleil.  jofiasôV^"^ 
//  Ota  aujfi  les  chevmx  ,    ^ue  les  Rois  de  fuda  avaient  pojèz.  à  r honneur  du.  So" 
leil  ,    de  l'*entrée  de  la  mdifon  de  Dieu  ,    ven  le  logis  de  V Eunuque  Nethamme-' 
lec ,  .&  bmla.au  feu  les. chariots  du  Soleil.     Il  ne  faut  pas  s'imaginer  que  ces 
che^vaux  du  Soleil  fufl'ent  deftinez  à  tirer  les  chariots  du  Soleil ,   comme 
il  femble  d'abord.     Car  cts  chariots  étoient  des  voûtes  fondées  en  terre , 
faites  ou  de  pierre,  ou  de  bois,  dans  lefquelles  on  nourrifibit  le  feu  confa- 
çré  au  Soleil  ;   cela  ne  fe  traînoit  pas.  Mais  6c  ces  chariots  du  Soleil  ap- 
peliez Chammanim  ,   ^ct^  chevaux  confacrez  au  Soleil ,   venoient  d'un 
même  lieu ,  c'étoit  de  la  Perfe.     Nous  y  avons  déjà  trouvé  nos  Cham- 
manim,  dans  leurs  Tyrées^  ou  Pyrathées.  Nous  y  trouverons  aufiî  i'ado-  > 
ration  du.Soleil,  6c  les  chevaux  qui  lui  étoient  conlàcrez. 

Premièrement  donc  il  efl;  certain  quelesPerfes  adoroient  le  Soleil  j^esPerfes 
qu'ils  appelloient  Mithra.,   Strabon  nous  le  dit  dans  le  paîTage ,  que  nous  soîeu  foîs 
avons  cité  de  lui.  Ils  adorent  le  Soleil^  lequel  ils  appellent  Âitthra^  6c  dans  le  le  nom  de 
livre  onzième  ,   ils  n^ adorent  comme  Dieu  que  le  Soleil ,    &  lui  facrifient  des  Lib,  ij. 
chevaux.  Hérodote  l'avoit  dit  avant  lui.    Des  Dieux  ils  n^adorent  que  le  So-  ^°^\ 
leil  ,    &  lui  facrifient  des  chevaux.     Mais  il  s'eft  trompé  fur  le  nom  de  lib.  i.   • 
Mithra,  ou  de  Mithres.    Les  tyJffyriens^  dit-il,  appellent  Kenus  tS\€ylitta^ 
les  Arabes  Alftta ,  &  les  Perfes  Mithra.   Ce  n'eiî  pas  Venus  que  les  Perfes 
appellent  Mithra,  c'eftle  Soleil.  Trcfgue  Pompée, 6c Juftin,fon  Abbre-  Hiflor. 
viateur,  difènt  la  même  chofe  ,   Soler^  unum  Deum  Perfe.  effe  credunt  ,   &  ^  '^ 
e^uos  eidem  Deo  facratos  ferunt.    Mais  il  faut  entendre  les  textes  d'Hérodo- 
te, de  Strabon,  6c  de  Jullin  ,   quand  ils  difent  que  les  Perfes  n'adorent 
pas  d'autre  Dieu  que  le  Soleil,  félon  ce  que  dit  Hefychius  Ml^p'/jÇ  è  %?Zroç 
ëv  Uéçtcaiç  èsoç^  Aîithres  efi  le  premier  des  Dieux  entre  les  Perfes.  Car  il  efl  cer- 
tain, par  le  rapport  d'Hérodote  même  ,   6c  de  Strabon,    qu'ils  adoroient 
d'autres  Dieux  que  Mithra,  qui  eft  le  Soleil.     Piutarque  nous  apprend 
qu'il  y  avoit,  félon  leur  Théologie,  trois  génies  dominans ,  l'un  ti'és  bon 
&  bienfeifant,  6c  l'autre  malin  6c  méfaifanr,  6c  un  troifiéme  qui  tient  le 
milieu  entre  \<is  deux,  qui  eft  Mithra^  ou  Mithres.  AinCi Mithra  n'eft  pas 
le  feul  Dieu  des  Perfes,  6c  même  il  femble  que  ce  n'étoit  pas  le ,plus  grand 
.de  leurs  Dieux  ,   comme  le  difent  Heiychius  6c  tous  les  autres  Auteurs, 
puifqu'Oromazes  étoit  au  deflus  de  lui 

La  plupart  des  anciens  Sages ,  dit  Plutarqise,  efliment  qu'ail  y  a  deux  Dieux  ^  Traité  d'ifis 
dant  l'emploi  eji  oppofe\  Pun  ejl  Auteur  de  tous  les  biens  ,  &  l'autre  de  tous  les  <..  j^. 
Part.  IF,  Yyyy  maux. 


712  H  ISTO  IRE  DES  DOGM  ES 

maux.  îis  aj>pellent  celai  qui  produit  les  biem ,  'Dieu ,  &  celm  qui  produit  les- 
maux  Démon.  "Cefi  ainfi  que  les  appe/loit  Zoroafire ,  te  Adage ,  qui  a  vém^ 
a  ce  que  Pon  dit^  cinq  cens  ans  avant  la  guerre  de  Iroye.  Il  appeÛoit  le  Dieu- 
bienfaifant  Oromaz.es  ^  ç!^  le  méfaifant  Arimanius.  Il  difoit  a^jjiquè  f^un  reffem-^ 
bloit  a  la  lumière  plus  qu'à  aucune  autre  chofe  fenfibk  ,  &  l'autre  aux  ténèbres 
&  à  V Ignorance  ^  &  qu'ail  y  en  avait  un  entre  les  deux  ^  qui  s'appelloit  Aiithres. 
Ceft  pourmoi  les  Perfes  appellent  encore  aujourd'^hui  ce  Médiateur .  Mithres.  Il 


L'Hetefiar-       Quand  je  conlidere  cette  Théologie  Perfienne,  6c  que  je  me  fouviens 


que  Mwés   que  l'Herctique  Manés,  qui  pofoit  deux  principes  j  comme  Zoroailre, 
heref/des  étoic  Perfati ,  jenefaurois  m'empêcher  dé  croire  qu'il  avoit  emprunté  foa 
Peifes,ôcdes  opinion  des  Mages  de  Perfe.  Et  celui  qui  comparera -la  Théologie  de  cet 
Se"   ^    Hérétique ,  félon  qu'elle  nous  eft  rapportée  par  les  Anciens ,.  avec  celle 
de  Zoroaftre,  que  Pluîarque  nous  rapporte  ici,  n'en  pourra  pas  douter. 
Il  paroît  même  par  St.  Augullin  que  les  Manichéens  avoient  une  grande 
vénération  pour  le  Soleil  ,  ^  (c  tournoient  vers  lui  pour  prier ,  ad  Solis^ 
Lib  20  con- cD'^^'^  ve^ra  oratio  circumvolvitur^  leurdit  cet  Ancien.  C'étoitunede  leurs 
waFauftiim  rêveries,  que  Jefus-Chrill  montant-  au  Ciel  avoit  laiiîe  fon  corps  dans  le 
«a^  u        Soleil,  6c  ils  fondoient  cela  fur  ces  paroles  du  Pfeaume  ip.  félon  l'Inter- 
prète Latin  ,  poÇuit  Tabernaculum  fuum  in  Sole  i  au  lieu  qu'il  y  a ,  félon  l'Hé- 
breu ,  pofuit  1  ahernaculum  Soli  in  eis^ 

Au  refte  ce  que  Mithres  ,  ou  le  Soleil,  qui  n'étoit  que  le  médiateur 

entre  ces  deux  principes,  étoit  pourtant  adoré  par  les  Perfes,  comme  le 

plus  grand  des  Dieux,  vient  apparemment  de  la  Religion   du  vulgaire. 

Ces  deux  principes,  Oromaaes  &  Arimanius ,  n'étoient  connus  que  des^ 

Mages,  qui  étoient  les  dépofîtaires  des  fecrets  de  la  Théologie.     Mais 

le  vulgaire  ne  reconnoilToit  pour  divinité  fenlîble  que  le  Soleil ,  fous  le 

nom  de  Mithra,     Ce  Mithra  avoit  les  myileres ,  à  peu  prés  comme  Cé« 

*  rés.     TertuUien  nous  apprend  que  l'on  y  étoit  initié  par  une  cérémonie  5, 

mo.«p.V.   femblable  à  nôtre  Baptême.     Pour  entrer  dans  la  confrairie  de  Mithra,, 

il  faloit  faire  une  efpéce  de  Noviciat  ,   ôc  paiTer  par  quatre-vingts  épreu- 

De  "*  No-  ves  de  peines  &  de  douleur  ,   afin  d'acquérir  une  habitude  de  force  ,  ôc 

kurs  épreu-  uuc  efpccc  d'infcnfibilité,  ou.  d'apathie,     La  fére  de  ce  Dieu  s'appelloit 

v€s,   voi    ^yi/fithriaca.     Athénée  nous  rapporte  une  fingularité  de  cette  fête,  c'eft 

Spencerus  ,.,      ,/      -  .  t»     •    j      1      •       •    r  v     »  1 

fiu  le  pre-  qu  il  n  ctoit  pas  permis  au  Roi  de  boire  julques  a  s  enyvrer ,  que  dans  ce 
îorVeïe  ^^""'^  ^^^^'  ^^''^^  >  ^^^  Athcnée,  dans  le  f&ptiéme  livrede  fes  Hijioires  en  parle- 
contre  Cel*  airjji.  De  tottt&s  les  fêtes^  il  n?y  a  que  celle  que  les  Perfes  célèbrent  à  Phonneur 
^*°-  de  Mithra^  dans  laquelle  ii foit  permis  au  Roi  de  s' enyvrer  ^  &  celan^efi permis^ 

qu'à  lui.  Il  danfè  à  la  manière  des  Perfes  ,  &  aucun  des  habit  ans  de  V  Afe  ne 
lib.  10.  cap.  Pofe  faire ,  ils  s'^abfiiennent  toui  de  dan  fer  en  ce  jour.  Les  chevaux  étoient 
19.  p.  -»4.   confacrez  à  ce  Dieu  Mithra,  ^rce  que  c'eft  le  Soleil ,  &  que  le  cheval 

étant  le  plus  vite  de  tous  les  animaux,  il>étoit  le  plus  propre  à.répréfen- 

ter  la  rapidité  de  cet  Aâre,  felonJa  penfée  d'Ovide. 


'BUcat'i 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Part.lY,  yi^ 

Plaçât  eqiio  Perjîs  radiis  hyperioyia  cinBftm  ,  Ov\d,  nh  t  * 

TsledetPir  céleri  vi^iima  tarda  Deo.  _  Fiftorum. 

Mais  afin  qu'ils  fymbolifaflent  mieux  avec  la  lumière  du  Soleil  ,  il  faloit 
que  c€s  chevaux  facrez  fuflent  blancs.     Quinte-Curce  en  nous  racontant 
l'ordre  de  la  marche  de  l'armée  de  Darius,  dit  eju^afrés  k  Soleil  venoit  un  ^^ 
■ohar  ,  confacré  à  Jupiter  ,   tiré  far  des  chevaux  blancs  ,  &  fuivi  d^nn  Cour  fier        '  - 
d'extraordinaire  grandeur  ^  cju^ds  afpelloient  le  cheval  du  Soleil.    Ceux  ^ui  con- 
duifoient  les  chevaux  étoient  vêtus  de  blanc ,  &  avaient  des  baguettes  d''or  à  la 
main.  La   même  chofe  fe  voit  dans  la  vie   d'Apollonius  par  Philoftrate.  Lib.  r. 
Dans  la  fête  de  Mithra  les  chevaux  en  faifoient  la  principale  pompe.  Et  i"  Athe- 
CafaCîbon  nous  rapporte  que  Strabon  dit  quelque  part,  que  du  Royaume  ".^j™^'*'*^' 
-des  Medes  on  envoyoit  tous  les  ans  au  Roi  de  Perfe  ,   plus  de  2,0.  mille 
de  ces  chevaux  célèbres,  qu'on  appeiloit  ^^'«r i^/ii ,  pourlafolemnitéde 
cette  fête  de  Mithra. 

Mais  on  peut  demander  fî  ces  chevaux  ,  confacrez  au  Soleil ,  étoient 
tous  deftinez  à  être  des  vi<5times  5   ou  s'il  y  en  avoit  quelques-uns  qu'on 
nourrît  à  l'honneur  du  Soleil,  pour  être  fon  fymbole  ,   comme  on  nour-  Le  cheval 
dflbit  le  bœuf  Apis  en  Egypte  à  l'honneur  d'Ifis.   Les  Auteurs  ne  s'ex-  fes"!oi/iT 
priment  pas  nettement  là-deilus.  fymboiedi 

On  ne  peut  pas  nier,  après  k  témoignage  de  Juftin,  d'Hérodote,  de  ^^^^^^' 
Strabon,  de  Philoftrate,  d'Ovide,  qu'ils  ne  facriiialîènt des  chevaux  au 
Soleil.  Cependant  je  ne  doute  pas  qu'ils  n'euftent  de  ces  chevaux  con- 
sacrez, qui  n'étoient  pas  dellinez  à  fervirdeviétimes,  mais  que  l'onnour- 
Tiflbit  exprés ,  ou  pour  tirer  les  chariots  du  feu  &  du  Soleil ,  ou  pour  fer- 
vir  d'emblèmes  à  cet  Aftre.  Tel  étoit  fans  doute  ce  Courfier  d'une  ex-- 
îraordinaire  grandeur,  dont  nous  parle  Quinte-Curce,  qui  s'appelloit  le 
cheval  du  Soleil.  Je  croi  auiîi  que  le  cheval ,  pour  lequel  Cyrus  fe  mit 
fi  fort  en  colère  contre  le  Fleuve  Guindez ,  étoit  du  nombre  de  ceux  que 
l'on  ne  tuoit  pas.  Car  fi  le  Fleuve  ne  lui  eût  enlevé  qu'une  des  victimes 
de  fon  Dieu,  il  n'y  avoit  pas  Ifeu  de  s'en  mettre  fi  fort  en  colère  ,  puis- 
qu'il étoit  fort  aifé  d'en  retrouver  d'autres.  C'eft  pourqi^i  il  y  a  apparence 
que  c'étoitun  fymbole  de  la  divinité, 

L'Hiftoire  en  eft  fi  finguliere,  que  je  ne  faurois  m 'empêcher  de  la  rap-  Hiftoîredc 
porter  ici ,  comme  Hérodote  nous  l'a  donnée.   Cyrus  alloit  faire  la  guer-  cyîusRoidc 
re  aux  Babyloniens.  Il  fut  arrêté  par  le  Fleuve  Guindez,  qui  fe  vajctter  J'erre, con 
dans  le  Tigre.     „  L'un  des  chevaux  blancs ,  qui  étoient  confacrez  ,  fort  cuinTez! 
5,  fringant  ,   ayant  entrepris  de  pafler  ce  Fleuve ,  il  fut  englouti  dans  un  Lib.  i. 
.,  des  tournans,  &  décendit  dans  le  eouffre.     Cyrus  fouffrant  impatiem- p-  1^. 

,,  '  1      •T'i  1    •  ■     r  •        1  j      1  J         ^  Le  Fleuve 

3,  ment  1  outrage  que  le  l'ieuve  lui  avoit  tait,  le  menaça  de  le  rendre  11  Guindez 
^,  petit  que  les  femmes  le  pourroient  .pafler  à  pied  ,  fans  avoir  de  l'eau  juf-*^°"P^^" 
„  ques  au  genou.     Ayant  fait  cette  menace  ,   il  la  voulut  exécuter.     IlparCyiu», 
„  remit  rexped;tion  de  Babylone  à  un  autre  tems,  il  divifafes  troupes  en 
,5  deux  corps,  dont  l'un  fut  deçà,  Se  l'autre  delà  le  Fleuve  ,  &  les  oc- 
„  cupa  à  faire  cent  quatre-vii  gis  canaux  ,  de  chacun  des  côrez  de  la  ri- 
vière, ôc  il  y  fit  couler  les  eaux  du  Fleuve.     Quoi  qu'une  irés-grande 
,,  multitude  de  gens  fût  employée  à  cet  ouvrage,  cependant  l'armée  y 

Yyyy  a  „  fus 


contre 
ieuve 


m 


714  H  I.S  TOI  RE  DES   DOGMES 

tut  occupée  tout  l'Eté.  Ainlî  Cyrus ,  après  avoir  châtié  le  Fleuve  Guin- 
„  dez  ,  en  le  divifant  en  trois  cens  foixante  branches ,  pourfuivit  Ton 
„  dellein  contre  Babylone  le  Printems  fuivant. 

Voila  ce  me  femble  un  notable  cxemple.de  la  vanité  ,   &  de  la  folie 
.  des  Grands ,  Se  qui  mérite  bien  d'être   comparée  aux  extravagances  de 
Xei-xes,  qui  faifoit  fouetter  la  Mer,  parce  qu'elle  brifoit  le  pont  de  bat- 
tcaux  qu'il  vouloit  jetter  fur  le  Détroit  de  la  Thrace. 
Les  chevaux      Mais  pout  revenir  à  nos  chevaux  du  Soleil  ,  on  ne  doit  plus  être  en 
femïèn!     P^'^''^  ^'<^^  étoicut  vcttus  Ics  chcvaux  confacrez  à  l'honneur  du  Soleil,  que 
avoir  été  in-  les  Rois  dc  Juda  avoient  pofcz  à  l'entrée  du  Temple.     Je  croi  que  l'ori- 
MaiaîS.^"  gine  de  cela  doit  être  rapportée  à  Manafle.  Car  il  n'y  a  point  eu  de  Prin- 
ce fur  le  throne  de  Juda,  qui  ait  porté  la  rébellion  contre  Dieu  auflîloin. 
Il  alla  chercher  quafi  jufques  au  bout  du  monde  des  abominations^  pour 
en  remphr  Ifraël ,  6c  il  ne  faut  pas  s'étonner  s'il  emprunta  des  Perfes  cet- 
te fuperftition.  Je  ne  doute  pas  que  ces  chevaux  confacrez  au  Soleil  par 
les  Rois  ,   ne  fuflent  le  fymbole  de  cet  Aftre.     Ils  n'étoient  pas  defli- 
nez  à  être  des  viftimes.     Car  le  texte  dit  qu'ils  étoient  confacrez  &  don" 
nez  au  Soleil.     On  ne  j)arle  pas  ainfi  des  bêtes  qu'on  offre  fur  l'AuteJ. 
On  dit  qu'on  les  facrifie  à  l'honneur  de  la  divinité.  Mais  on  dit  des  Tem- 
ples, des  ftatuës  ,  &  des  fymboles ,   qu'ils  fontpofez,  ou  élevez  à  l'hon- 
%»  neur  de  quelque  Dieu. 

Tradition        Cela  clî  faus  doute  plus  vrai-femblable  que  ce  que  dilênt  les  Hébreux,, 
ce"dïvaS*  &  une  partie  de  nos  plus  favans  Interprètes  modernes.  Les  Juifs  veulent 
du  Soleil     que  ces  chevaux  du  Soleil  fuflent  ainfi  appeliez,  parce  qu'on  s'^en  fervoit 
qu'Sôp?é*e'  pc>ur  courir  au  devant  du  Soleil.     Voici  comme  Kimchi  rapporte  cette 
par  des  Si-  ti"aditîon  de  fes  maîtres,     fojïas  fit  cejfer  aujji  ce  (jh  avaient  accoutumé  de  fai' 
au^filois  11.  ^^  ^^^  ^^"  '^^  fuda^  qm  fervoient  au  Soleil.   Oesî  cjuHls  donnaient  des  chevaux- 
qui  étaient    tout  frets  four  l^ idolâtrie  ;  on  montait  dejfus  ,  &    on  alloit  au  de- 
'vmt  du  Soleil ,  au   matin  ijuand  tl  Ce  levé ,  depuis  h  tieu  ou  était  t entrée  de 
la    maifon    de    Dieu  ,    juÇques   à   la  chambre  de  Tslethammelec.     Salomon 
Jarchi  dit  la  même  chofe.     Ceux  qui  adoraient  le   Soleil  avoient  des  che- 
vaux tout  prêts  four  aller  au  devant  du  Soleil  au  matin^   Pour  ce    qui   eft 
des  chariots  du  |^îeil ,   dont  il  eft  parlé  au  même  lieu  ,     ils  s'^imaginenc 
que  c'étoient  les  chariots,  aufqueîs  on  atteloit  les  chevaux  pour  aller  au 
devant  du  Soleil.     C'étaient  les  chariots  dés  chevaux ,  dit  Kimchi,  avec  lef 
qHel's  on  alloit  au  devant  du  Soleil.  Le  Rabbin  LeviBen  Gerfom  dit  la  mê- 
me chofe,  ôc  je  ne  fai  perfonne  qui  ne  le  croye.  Même  le  lavant Grotius. 
croit  que  les  chariots  étoient  du  nombre  de  ces  attelages  confacrez  au  So- 
leil y  dont  'parle  Heliodore  ,  au  dixième  livre  de  fon  Hilloire  Ethiopi- 
que. 
les  chevaux     Nous   avons  fuppofé   ci-devant,  que  ces  chariots  du  Soleil  n'étoient 
dusoieiin'é- pj^g  ^^^  yj-^^jg  chariots ,  mais  des  chapelles  voûtées  en  forme  de  chariots, 
d£s  ftatuës, félon  le  fentiment  d'Aben-Efra:  Selon  quoi  il  ne  faut  pas  croire  que  ces 
^^"j°"jj[*   chevaux  du  Soleil  fuifent  de  vrais  chevaux,  c'étoient  des  figures  de  che- 
vaux,        vaux  de  bronze,  ou  de  marbre,  confacrez  &  pôfez  à  l'honneur  du  So- 
leil.    Le  texte  de  l'Hiftoire  Sainte  le  démontre.   11  dit  que  les  Rois  d'c 
Juda  avaient  pofé  les  chevaux  &c.   C'eft  le  terme  propre  ,   dont  on  fe 
icn  pour  les  llatuës.    Jamais  cela  ne  s'eil  dit  des  animaux  vivans.    Il  eft 

■■     .  -  -  ■  dit 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.P^r/.  IV.  725 

dit  que  Jofias  èta  ces  chevaux^  c'eft  encore  le  terme  propre  pour  fi  unifier 
qu'on  enlevé  des  Itatuës ,  &  qu'on  les  renverfe. 


CHAPITRE      III. 

De  l'adoration  de  la  Lune^  desTlanetesy  &  des  Etoiles  fixes.  Du 
culte  de  Fenus  ;  l'adoration  de  Mercure ,  ^  l'origine  dejes 

divers  noms. 

QUant  à  la  Lune,  il  eft  encore  certain  qu'outre  qu'elle  étoit  adorée 
fous  la  ftatuë  d'Aftoreth  ,  Déefle  des  Sidoniens  ,  &  fous  le  nom 
de  Reine  des  cieux  ,  on  l'adoroit  aufîi  elle-même  fous  le  nom 
de  Lune.  Sur  tout  Xts  Magiciens  la  reconnoiflbient  pour  leur  principa- 
le divinité,  &  pour  celle  qui  préfidoit  aux  enchantemens ,  comme  il  pa- 
roît  par  la  Pharmaceutria  de  Theocritc  ,  où  ce  vers  eft  iî  fouyent  re- 
péré, 

(ppdi^SO  /XW    TOV  epUi^^  oèsv  IK670  ToVvâS  CShdvCi^^ 

dis  moi,  vénérable  Lune  ,  d'où  vient  mon  amour.  Je  croi  que  dans  les 
Hammanim,  qui  étoient  des  chapelles  voûtées  en  forme  de  chariot,  on 
mettoit  les  ftatuës,  non  feulement  de'Bahal,  maisd'Aftoreth,  &  qu'on 
y  entretenoit  un  feu  facré  à  l'honneur  de  la  Lune,  auffibien  que  du  So- 
leil. Car  le  fécond  livre  des  Chroniques  dit  exprefTément ,  que  les  Ham-^ 
manim  étoient  bâtis  au  defllis  des  Autels  des  Bahalins.  Or  par  XcsBaha" 
Ims  il  faut  entendre  le  Soleil  ôc  la  Lune,  dont  l'un  étoit  appelle  Bat -fa- 
men^  le  Roi  des  cieux  ,  d^  V autre  Bahalat-Jkmen ^ou  iJ^aiecat h- famm,  la 
Reine  des  cieux. 

Après  la  Lune  viennent  les  étoiles  ,  &  les  Planètes  ,  aufquelîes  il  eft 
indubitable  que  les  idolâtres  de  la  Syrie  ont  auffi  fervi ,  8c  par  imitation  les  ha- 
bitans  de  la  Judée.  Les  Planètes  font  appellées  rvh^o  ,  ^JP'/fazz.alothy&c 
les  étoiles  fixes  font  défignées  par  ce  nom  général  ,  arwee  des  cieux.  Le 
Roi  Jofias  abolit  les  Sacrificateurs  ,  qui  faifoient  des  encenfemetis  à  Ba- 
hal,  au  Soleil,  à  la  Lune,  aux  Mazzaîoth,  mot  qui  lignifie  les  Planè- 
tes, ôc  à  toute  l'armée  des  cieux,  c'eft-à-dire,  aux  étoiles  fixes. 

Je  ne  croi  pas  que  du  tems  des  Rois  dejuda  les  Planètes  fufTent  adorées  Lesnom« 
fous  les  noms,  qu'on  leur  a  donné  du  depuis.     Les  Grecs  ont  donné  à  ''H*  ^^fu^"* 
la  plus  haute  de  toutes  les  Planètes  le  nom  de-  Saturne  ,  &  l'ont  ado-  les  Eanetes,. 
rée  fous  ce  nom.   A  la  fui  vante  ,  ils  ont  donné  le  nom  de  Jupiter,  à  la  ^^^^  °'"  ^^^ 
troifiéme  le  nom  de  Mars,  6c  aux  deux  inférieures  les  noms  de  Venus  &  les  gjccs!^ 
de  Mercure.     Mais  le  Moloch  des  Syriens ,  qui  très  alTûrément  étoit  le 
Saturne  àt^  Romains  6c  des  Grecs ,  étoit  le  Soleil.  Le  Jupiter  de  la  Sy- 
rie, qui  étoit  leur  Bahal,  n'étoit  point  la  Planète,  qui  porte  cenomjC'é- 
toit  encore  le  Soleil.     La  Venus  de  Biblis  ,  6c  celle  de  Babylone  ^  n'é- 

Yyyy  3  toir 


TiG         HISTOIRE  DES   DOGMES     ? 

toit  point  TAlbe  du  point  du  jour,  c'ctoit  la  nature  générative de  toutes 
.  chofes.     De  forte  que  ce  font  les  Grecs  qui  ont  fait  ce  partage,  &  qui 
ont  afligné  les  noms  à  chacune  de  ces  Planètes,   pour  les  fervir  diftindlc- 
ment. 
Les  riane-      Quant  aux  Syriens,  il  ne  nousparoît  point,  parce  que  nous  avons  de 
adoiScon-  ^îonumcns  de  leurs  antiquitez ,  qu'ils  ayent  adoré  les  Planètes  ,    &  les 
jointen^nt  étoiles,  d'un  cultc  fcparé ,  &  dans  des  Temples,   qui  fuffent  particulie- 
leuViaïu-  lement  dédiez  à  chacune  d'elles.     Autrement  il  leur  auroit  falu  un  pro- 
ae.  digieux  nombre  de  Temples  &  d'Autels.  L'Auteur  du  livre  delaDéefîe 

de  Syrie ,  entre  les  Oeuvres  de  Lucien ,    n'a  trouvé  éts  Temples  corifa- 
crez  qu'à  la  Terre,  au  Soleil,  à  la  Lune,  &  à  la  Nature.     Mais  il  ne 
nous  parle  d'aucun  qui  fût  confacré  à  quelque  Planète ,  ou  à  quelque  étoile 
fixe.    Je  croi  donc  que  les  Juifs  idolâtres,  ôc  les  Syriens, dont  ils  imitoient 
l'idolâtrie ,  regardoient  les  Planètes  Se  les  étoiles  fixes ,  comme  des  dépen- 
dances du  Soleil  &  de  la  Lune.  En  effet  ils  appelloient  ces  deux  Aifres  le 
Roi  &  la  Reine  des  Cieux,   ôc  les  étoiles  ils  les  appelloient  les  Armées 
'  des  cieux,  c'eft- à-dire  les  ferviteurs,  &  comme  les  gens  qui  formoientla 
Cour,  6c  la  fuite  de  ces  deux  Majeftez  celeftes.     Ainfî  je  croi  qu'ils  ado- 
roient  les  Planètes ,  &  les  étoiles ,  non  par  unculte  diftingué ,  mais  con- 
jointement avec  le  Soleil  Ôc  la  Lune,  dans  les  mêmes  Temples,  parles 
mêmes  dévotions ,  6c  par  les  mêmes  facrifices.    Je  ne  doute  pourtant  pas 
que  dans  leurs  hymnes,  Ôc  leurs  prières,  ils  n'euflent  quelques  formules 
pour  invoquer  les  Planètes,  6c:  cette  Armée  des  Cieux ,  après  qu'ils  avoient 
invoqué  le  Soleil  ôc  la  Lune,     il  y  a  aufîi  apparence  que  les  fept  Planè- 
tes, 6c  les  principales  étoiles  fixes, avoient  leurs  noms,6c  qu'elles étoient 
Efawchap.  învoquécs  lous  ces  noms.     Les  Hébreux  appelloient  Venus  H^lel^  SVm 
54- 13.     yr[\i^ \y\  ^  Heki  fils  àe  V^Aurore  ^  dit  Efaïe.     ïl  y  avoit  une  conftellation 
qu'ils  appelloient  '^^Di,  que  quelques-uns  croyent  être  celle  qu'on  appelle 
rOrion.     Mais  il  n'y  a  pas  d'apparence  qu'ils  euflent  donné  des  noms  a 
toutes  les  étoiles  fixes.     Ainfi  elles  étoient  adorées  pour, la  plupart  en 
gros,  6c  fous  ce  nom  général  d'Armée  des  cieux. 
Du  cidte  de      Comme  l'étoile  de  Venus  eftla  plus  brillante  de  toutes,  auffi  eft-cecel- 
ksTrXs.    le  dont  le  culte  a  été  le  plus  diftingué.     Les  Arabes,  6c  les  Sarrazinsl'a- 
Le  Moine    doroient  avec  la  Luiïç.     Euthymius  Zigabenus  rapporte  que  les  anciens 
duia.'^ie-   Ifraaëlites,  6c  lesSarrazins,  qui  fontdécendus  d'eux ,  avoient  une  grande 
de  inPaao-^jéyotion  pour  Une  pierre,  fous  laquelle  ils  difoient  qu'Abraham  avoit  con- 
nu Ag^',  leur  mère,  6c  à  laquelle  il  avoit  attaché  fon  âne  dans  le  facri- 
fice  d'Ifaac-     Et  ils  appelloient  cette  pierre  la  tête  de  V^enus.     ftifijHesaH 
làido  Vioo- fcf^s  de  r Empereur  Hemclifts  ,  les  Sarraz.if}s  cm  fervi  hs  Idoles^   adorent  lé" 
pli^  toile  dn  jour  ^  &  Venus  ^  cju* ils  appellent  Chabar  en  leur  langue  ^  mot  qui  fignifie 

grand.  Ce  fondes  paroles  d' Euthymius,  oîî^l  diftingué  Venus  de  l'étoi- 
le du  jour,  entendant  par  Venus  la  Lune,  qui  aflïirément  étoit  la  gran- 
de divinité  des  Arabes.  C'eft  pourquoi  ils  l'appelloient  C^<^2^<«r.  Mais  à 
ce  culte  de  Venus,  il  joint  celui  de  l'étoile  du  jour,  6c  il  n'eft  pas  éton- 
nant que  les  Juifs  voi fins  des  Arabes,  ayent  emprunté  d'eux  cette  idola- 
învitaHi-  trie.  S.  jcrôme  nous  alfûre  auffi  quc  c'étoit  Une  idolâtrie  Arabe ,  quecel- 
jationis.  j^^^  l'étoile  du  jour,  en  parlant  de  S.  Hilarion  fameux  folitaire  de  Syrie. 
Vadens  in  defirtum  Cadt'sad  unamde  dtfcipulis  fms  vtfe?2dtim^  cum  infinno  ag- 

minê 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  PartlY.yiy 

mifieMomchomm  pervertît  Elufam.^o  forte  aie  qm  anniverfaria  folemnitas  om- 
tjem  oppidi  populum  in  Temptum  Venerii  congregaverat.  Colunt  autem  illam  ob 
LtHoiferum  ,  cujtts  cultai  Saracenornm  natiG  dedita  efi. 

Je  ne  doute  pas  non  plus  que  le  culte,  &  la  Théologie  de  Mercure,  ne  De  Mercure, 
foit  venue  de  l'Orient.  Les  Babyloniens  i'appelloient  2f%fç,  fi  nous  en  cro-  ^^  ^^f^^^A 
yonsHefychius.  Et  c'eiT:  peut-être  de  ce  ^syjq  qu'eft  venu  Sarfekim  dans  gineVe°fès 
Jeremie.  Car  fi  l'on  examine  tous  les  noms  de  ces  Princes,  on  trouvera  qu'ils  """""^  ^'^^' 
font  compofez  de  noms  de  faux  Dieux.  Les  Juifs  l'appellent  D>"7ipirj  ,  je  uouve 
Markolis.  Voffius  dérive  ce  nom  deS^n,  racal,  qui  fignifie  ncgotier,  ^^"'Tçy^t- 
parce  que  Mercure  étoit  le  Dieu  des  Marchands.  On  l'a  fait  aufli  le  Melfager  un  àSvûn- 
de  Jupiter.  •    fo^^^^'^^" 

Il  eft  clair  que  cette  Théologie  vient  des  Afironomes,&  par  conféquent  s'î)Vei?e^ 
des  Chaldéens,  qui  font  les  premiers  auteurs  de  rAflrologie.     C'eil:  qu'ils  LiK'a 
ont  obfervé  que  Mercure  fuit  toujours  le  Soleil  ^  jamais  il  ne  s'en  éloigne  3a."' 
de  plus  de  trente  degrez.     Le  Jupiter  des  Orientaux  e'efl  le  Soleil,  6c  nkL^ffc 
parce  que  Mercure  ne  s'éloigne  jamais  de  cet  Aftre,   ils  ont  pris  occafion  s'appeiie 
de  feindre  qu'il  eft  toujours  là  pour  attendre  (qs  ordres.     Mais  ils  dévoient  n!$l^àa 
aufiî  remarquer  qu'il  n'en  part  jamais  pour  les  exécuter.  C'eft  décela  mé-  ^i«"  Ser- 
ine qu'eft  venue  la  Théologie,  qui  fait  ce  Mercure  Dieu  du  difcours  6c  fres'appeïé 
de  l'éloquence,  car  s'il  eft  ie  Mefiager  de  Jupiter,   pour  aller  porter  les  ^^'^'g'^^ ^^t^o, 
ordres  6c  déclarer  fes  volontés,  il  faut  qu'il  fâche  parler,  6c  qu'il  s'expri-  autre^Dku 
me  noblemertt,  6c  d'une  manière  digne  de  la  Majefté  eelefte  qui  l'envo-  j"^*'^^' 
ye.     C'eft  paer  cette  raifon  que  les  Lycaoniens  prenant  Paul  6c  Barnabas  Poiuquoi 
pour  des  Dieux,  qui  éroient  décendus  du  Ciel,  appellaient  Barnabas  Ju-  Mercure  efi 
piter,  6c  Paul  Mercure,  parée  que  Paul  avoitledondela  parole,  6c  qu'il  riioquence,. 
parloit  au  nom  de  tous  deux.     C'eft  à  mon  fens  de  là  qu'eft  venu  le  nom  de 
Cafmtlus,  ou  de  Cam  il  fus ,  qui  a  ét€  donné  à  Mercure.  Macrobe  nous  dit 
que  les  Tofcans  I'appelloient  Camillus.     Statius  Tullianus  de  vocabuiis  re-  Mkrobe  Sa- 
THm  ïib.  I.  ait  dixijfe  (^aUimachHm  1  ufcos-CamillumappeHare  MercHrium  ^cjuo  t";"' 
vocabulo  fîgmf.cant  pramimfi'mm  Deùm.  Inde  Virgilius  ht  Metabmn  CamiUam    ^  "^'  ^'  ^'' 
AppellaJJefiltam ,  Diana  fctlket  pr(Wtinijiram,    Nam  Qr  PacuvifiS-  mm  de  Me' 
dea  loqueretur , 

CœlittimCamiîU  expeBatit  advenir^  fahe  ho/pita.' 
'B^omani  ijHoôiHe  pueros  &  puellas  mbiles  &  invefhs  camillos  &  camiîlas  appela  ft" 
lant  y  flaminicariim  &  flaminum  pri&mim[iros.     Mais  il  femble  que  les  Grecs 
rappelloient  viâuix.iKoç  ;  Au  moins  le  Scholiafted'Appollonius  le  nomme  ainfi, 
dans  le  pafiàge  que  nous  avons  cité  au  chapitre  de  Bahal,  il  dit  qu'il  y  a  in  r.  Argo* 
quatre  Dieux  appeliez  Cabires  entre  les  Samothraces,  Axieros,  Axioker- nautic^H. 
fbs,  Axiokerfa,  6cCafmilusi  qu' Axieros  eft  Cerés  ,  Axiokerfa ,  Profer- 
pine,  Axiokerfos,  Pluton,  &  Gafmilus ,  Mercure,  Miniftre  des  Dieux. 
Varron  écrit  aufii  Cafmtlus.  Cajmilu-s  ndminatHr  inSamothraces  myft^eriis  Deus  Lib.  *,  de 
quidam ,  adrhtmfier  Dtis  magms.     Mais-  les  Bœotiens  l'écrivoient  Cadmilus.  J"^*  ^"^' 
Cadmus  rPefi ^pas  feulement  un  nom  propre^  cefi  auf[ï  une  des  epitheîes  de  Mer~ 
cme  ,  d'^opi  vient  Cadmilus  dans  Lycophron.     G'eft  ce  que  dit  un  Auteur  an- 
cien, cité  par  Phavorinus.     En  effet  Lycophron ,  danslaCafiàndre,par- invoceCacî- 
lc  de  ce  Cadmilus,  6c  le  Scholiafte  dit^  Cadmilus^  c^e/l  le  Mercure  des  ^û?*?- "'j^^; 
ùens^  qui  fut  père  de  Mjrttlus^  le  cocher  d  Oemmaus.     je  croi  que  les  vrais  ceoeraph 
»oms  font  Cadmilus  y    6c  Cafmtlus.    Bochart  le  dérive  de  onn,  chadama^  Patt.z. 


7î8  HISTOIRE   DES  DOGMES 

LiK  2.C.  57.  S'-ii  fignifie-fervir  en  Arabe,  ÔcdW,  qui  fignifie  Dieu.-  Voffius  veut  qu'il 
2.R.ois  a.   vienne  des  Kcmarim  ,  onoD.     C'ell  ainfique  les  Syriens  ôc  Phéniciens  ap- 
cii.-fstuckius  peUoient  les  minillrcs  des  Sacrificateurs  de  leurs  Dieux.      De  Kamarim 
lib.  deSacri-  il  fait  CnfmArtm  ^  comme  âc  pœna  on  ^iakpœfna  ^deCamenayCame/na.     En 
dctSpdo-  ^^^^^  on  a  fait  dcKamar,  Camillus,  par  duninution,  comtiïe  on  a  fait  la- 
ïiefoi.  67.    pillus,     de  lapij.     C'elt  auffi  la  conjedure  de  Grotius.     Cette  étymolo- 
gie  elt  un  peu  violente.     Pour  moi  je  tire  ce  nom  de  Mercure ,  de  O/w//- 
la^  ou.  Cafmiihim  ^  qui  fignifie  en  Hébreu  ^<^/(fr/w/?4r<?/(?j,  \hn\£?n.  On  ne 
peut  pas  mieux  nommer  celui  qui  étoit  le  Dieu  de  la  parole  ,■&  l'Ambaflà- 
deur  des  Dieux  j  Cadmil^ s  vient  de  Cadem  milUy  nSoDip  ,  qui  fignifie  fai- 
re aller  les  paroles  devant.     Ce  qui  convient  encore  parfaitement  à  ce- 
lui qui  parle  au  nom  des  Dieux.  De^cenom  qu'on  donnoit  à  Mercure  fans 
doute  eft  venu  celui.de  Camillm  èc  Camilla.  C'étoitainfique  les  Romains 
appcUoient  déjeunes  garçons  &  de  jeunes  filles  de  maifons^oblcs,  quifèr- 
voient  les  Sacrificateurs  dans  les  facrifices,  jufques  à  ce  qu'ils  eufient  at- 
©cnis  d'Ha-  teint  l'âge  de  puberté.     On  en  voit  la  figure  fur  la  colomne  de  Tmjan  que 
iKaï.hv.2.   pQj^  montre  à  Rome^  Un  petit  garçon  ayant  la  tête  couronnée  d'une  ban- 
delette facrée ,  tient  en  fa  main  un  petit  feau ,  ôc  verfe  du  vin  ,   ou  quelque 
autre  liqueur,  dans  la  coupe  que  Traj  an  préfentoitdansle  facrificc. 

On  a  feit  Mercure  Dieu  des  chemins.     C'efl  de  là  même  que  cela  vient, 
parce  qu'ils  avoient  obfervé  qu'il  étoit  toujours  proche  du  Soleil , .  6c  lui 
donnant  le  titre  de  Miniilre  affiliant  toujours  devant  Jupiter,   pour  aller 
où  Jupiter  le  veut  envoyer.     Il  faut  que  celui  quia  la  chaMp  d'aller  por^ 
ter  des  ordres  par  tout ,  fache  les  chemins ,  6c  le  Dieu  Méfier  des  Dieux 
naturellement  doit  être  le  Dieu  des  chemins.  Comme  ©n  va  de  l'un  à  l'autre, 
ce  peut  être  la  raifon  pour  laquelle  on  l'a  fait  auffi  le  Dieu  des  Marchands , 
à  caufe  des  longs  voyages  aufquels  oblige  le  Commerce.  Ainfi  toute  la  Théo- 
logie de  Mercure  tire  fon  origine  du  voifinage  de  la  Planète  de  ce  nom 
.avec  le  SoleiL     Au  refle  c^eflunDicu  qui  n'a  pas  tiré  fon  origine,  du  vul- 
gaire, comme  le  Soreilôc  la  Lune.   Car  comme  ces  deux  Aflresfe  diftinr- 
guent  entre  tous  les  autres,  &:  que  le  vulgaire  même  fent  leurs  influences, 
je  ne  doute  pas  que  cenefoitle  vulgaire,  qui  les  ait  déifiez.     MaislaPla<- 
nete  de  Mercure  n'efl  point  connue  du  peuple,,  elle  eft  petite,,   &  préc- 
is que  toujours  invifibleà  ceux  qui  n'entendent  rien  dans  l'Aflronomie,  par- 
ée qu'elle  eft  prefque  toujours  enfevelie  dans  les  rayons  du  Soleil. 
îLcs  3»  Pia-       t)^s  trois  Planètes  fuperieures  la  plus  belle  &  la  plus  brillante  c'eft  Jupi- 
iietesfupe-  ter,  à  laquelle  Ics  Aftronomes  ontlaifie  le  nomdeftiné  au  Roi  des  Dieux 
s^SrnV,      6c  des  hommes.     Nous  avons  dit  plufieurs  fois  que  ce  nom  de  Jupiter  ori- 
^^'^^rsScju-  ginellement  appartenoit  au  Soleil;  Mais  les  Aftrologues  ont  j-ugé  à  propos 
!>:&:' ir  de  laifier  au  Soleil  le  nom ,  fous  lequel  il  étoit  connu  du  vulgaire,   &  de 
wji  culte,    tranfporter  à  la  plus  brillante  des  Planètes  fuperieures  le  nom  que  Ja  Re- 
.iduavec  ligiou  avoit  anciennement  donné  au  Soleil.  Comme  cette  FI  ariette  eft  très 
J^'"  'J"  ^""  remarquable ,   il  n'y  a  pas  d'apparence  que  les  Orientaux  l'ayent  oubliée 
'  '  dans  leurs  fervices.     Et  puifque  les  Payens  de  l'Occident  l'ont  h  fort  dif- 
tinguée,   6c l'ont  adorée,  il  eft  vrai-femblable  que  cette fuperftition leur 
eft  venue  d'Orient ,  comme  toutes  les  autres.     Mais  je  n'ai  rien  de  parti*- 
culier  à  dire  de  ce  culte ,  non  plus  que  de  celui  de  Saturne ,  6c  de  Mars,  qui 
font  les  deux  autres  Planètes  fuperieure§.    Je  ne  dirai  rien  davantage  non 


ET  DES  CULTES  DE  VEGLISE,  TartAV.  729 

plus  de  l'adoration  des  étoiles  fixes,    fi  ce  n'efi:  qu'il  eft  certain  que  les 
conftellations  ont  eu  leurs  noms ,  âés  le  tems  des  premières  obfervations 
Allrologiques,  au  moins  la  plupart.  Outre  le  S^ds,  dont  nous  avons  par- 
lé, qui  le  trouve  dans  le  très-ancien  livre  de  Job,    on  y  trouve  encore, 
dans  le  même  lieu  ,  ti'j;  &  nooj   dont  le  premier  eft  la  Conflellation  de 
la  grande  Ourfe,  6c  le  fécond  celle  des  Pléiades,  félon  le  fentiment  des 
Interprètes.     Il  eft  certain  encore  que  ces  étoiles  fixes  étoient  adorées 
dans  l'Orient  comme  des  Dieux,  aufli  bien  que  les  Planètes.     Outre  le 
témoignage  de  l'Ecriture ,    qui  dit  qu'ils  adoroient   toute  l'armée   des 
cieux,  nous  en  avons  une  preuve  dans  un  paffage  d'unanciea  Aftrologue 
d'Antioche,  nommé  Vettius  Valens,   que  Seldenus  nous  rapporte ,  où 
cet  Aftrologue  conjure  fes  Difciples  de  garder  le  filence,  par  toutes  les 
étoiles,  comme  par  autant  de  Dieux.     ^  conjure  ceux  qui  liront  ceci  far  SeWenus 
Vorhe  [acre  du  Soleil ,  fmr  les  cour  fes  inégales  de  la  Lune ,  &  par  les  vertus  des  if  ""p  i. 
autres  <t/fjires ,  de  tenir  ceci  cachée  &  de  ne  le  pas  révéler  aux  ignorans ,   ^  à 
€eux  quine  font  pas  initiez  à  nos  myfteres'.  qu^ ils  fe Conviennent  de  leur  Maître ^ 
&  qu'ails  lui  rendent  honneur.  Que  toute  profperité  arrive  à  ceux  qui  feront  ce 
ferment ,  &  qui  le  garderont  religieufement  >    que  les  Dieux   ci-deffus  nommez, 
leur  foient  propices.     Mais  que  tout  mal  puiffe  arriver  à  ceux  qui  feront  le  cor," 
tréiire. 


Tart.  IV,  Zzzz  VIII.  TRAI- 


yjo 


HISTOIRE  DES  DOGMES 


VIII.     TRAITE 

D  E  U  X.l  DOLATRIES 

Particulières  au 

PEUPLE  D  ISRAËL, 

VE^hod  de  Gedeon ,  ^  le  Serpent  d'^airain ,  du  Dra^ 

gon  des  Babyloniens,  Idolâtries  dont  les  Juifs  ont 

été  faujjement  accufe^. 


Juges  î.  21. 
jufques  au 
a?. 


CHAPITRE     I. 

Bijîoire  de  l'Ephod  de  Gedeon  :   Céîoit  apparemment  une  enfe/gne 

militaire  )  que  ce  Capitaine  fit  pour  être  le  monument  defes 

'ui^oireSi  o^  le  Jignal  de  f es  Combats. 


Ufques  ici  nous  avons  parlé  des  Idolâtries,  que  les 
Juifs  ont  empruntées  ,  &  imitées  de  leurs  voifins. 
Mais  en  voici  deux ,  dont  ils  femblent  avoir  été  les 
Auteurs ,  6c  qui  leur  ont  été  particulières.  La  pre- 
mière c'eft  l'Éphod  de  Gedeon  ,  dont  voici  l'Hif- 
toire ,  comme  nous  l'avons  dans  le  livre  des  Juges. 
Après  que  Gedeon  eut  détruit  les  Madianites  ,  & 
remis  les  Ifraëlites  en  liberté  :  „  -Ils  lui  dirent  tous 
„  d'un  accord,  Domine  fur  nous  ,  toi  &  ton  fils, 
&  le  fils  de  ton  fils,  car  tu  nous  as  délivrez  de  la  main  deMadian.  Et 
Gedeon  leur  répondit,  je  ne  ferai  point  votre  Roi,  ni  mon  fils  après  moi, 
mais  ce  fera  l'Eiernel  qui  dominera  fur  vous.  Mais  Gedeon  leur  dit, 
je  vous  ferai  une  requête,  c'eft  que  chacun  de  vous  me  donne  les  bagues 
qu'il  a  remportées  pour  butin.  Car  les  ennemis  avoient  des  bagues  d'or, 

„  parce 


59 


33 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  TartAV/i^t 

.,,  parce  qu'ils  étoient  ïfmaëlites.  Et  ils  répondirent  nous  les  donnerons 
„  très  volontiers,  &  étendant  un  manteau,  chacun  d'eux  jettadeflus les 
5,  bagues  qu'ils  avoient  butinées,  ôcle  poids  des  bagues  d'or,  qu'il  avoit; 
55  demandées  fut  de  mille  fept  cens  ficle§  d'or  ,  fans  les  colliers ,  bagues 
5,  de  fenteur ,  ôc  vétemens  d'écarlate  ,  qui  étoient  fur  les  Rois  de  Ma- 
55  dian,  &  fans  les  chaînes  qui  étoient  au  cou  de  leurs  chameaux.  Puis 
•59  Gedeon  en  fit  un  Ephod  5  6c  le  pofa  en  fa  ville  ,  qui  étoit  Ophra ,  & 
,5  tout  Ifraël  paillarda  après  lui  5  en  ce  lieu  -  là ,  ce  qui  tourna  en  laqs  à 
,5  Gedeon  &  à  fa  maifon.  55 

Il  n'y  a  rien  qui  ne  foit  difficile  dans  cette  Hiftoire.  Il  eft  mal-aifé  de  Cequ'étoît 
favoirce  que  c'ell  que  cet  Ephod  de  Gedeon  5  &  comment  il  devint  e^^eol'*^ 
l'objet  de  l'idolâtrie  de  ce  peuple. 

L' Ephod  eft  l'un  des  habits  du  Sacrificateur.  La  defcription  nous  en 
cft  faite  dans  le  28.  de  l'Exode,  &  nous  avons  étendu  cette  defcription 
'dans  la  féconde  Partie  de  cet  Ouvrage,  félon  ce  que  nous  en  avons  appris 
des  DoâeuTS  Juifs  5  &de  Jofephe  l'Hillorien.  C'étoit  une  efpecede  pe- 
tit manteau  à  la  Grecque,  £pomis  Gracamca.  USpomis  écoit  un  ornement  juiius  Poi- 
des  femmes,  qu'elles  mettoient  fur  leurs  épaules.  L' Ephod,  félon  que  le  J^jft^^JJ*' 
décrit Maimonides 5  étoit  un  grand  voile,  qui  déccndoit  par  derrière juf- 
-ques  aux  talons,  j&finifibit  par  devant  au  droit  de  l'eftomac.  Et  de  part 
&  d'autre  on  mettoit  deux  épaulieres ,  qui  attachoient  ce  voile  au  Peéto- 
ral  5  que  le  Souverain  Sacrificateur  portoit  fur  fon  eftomac.  Mais  je  ne 
trouve  pas  de  vrai-femblance  que  l' Ephod  de  Gedeon  fût  ainfi  fait  ;  car 
cette  figure  d'Ephod  étoit  faite  pour  yenchafler  l'Oracle,  c'eft-à -dire,  le 
Pe6î:oral,  oui  étoient  Urira  &  Thummim. 

Il  faut  donc  remarquer  que  k  verbe  "Bt^,  dans  la  Langue  Sainte,  (îgni- 
£e  fimplement  couvrir,  &  qu'un  Ephod  fignifie  un  vêtement.  En  effet  un  L'Ephoi 
Ephod  fignifie  fouvent  dans  l'Ecriture  une  chemife  de  lin  ,  qui  couvroit  Jon  facré  ^ 
le  corps  entier,  depuis  les  pieds  jufques  à  la  tête,  par  devant  &  par  der-  étoit  com- 
riere  ,  &  de  tous  cotez  ,  aflèz  femblable  à  cet  habit  des  Sacrificateurs  ,  ^ande^cfee- 
<jue  l'Ecriture  appelle nanD,  la  tunique,  &  que  St.  Jérôme  appelle  Cami-*mï{é. 
Jta.  Cette  féconde  efpece  d'Ephod  n'étoit  pourtant  pas  un  habit  de  Sacri- 
ficateur 5   ou  tout  au  moins  il  n'étoit  pas  pour  les  feuls  Sacrificateurs , 
chacun  en  pouvoit  porter.     Car  l'Ephod  Sacerdotal  étoit  particulier  au 
Souveram  Sacrificateur.  Mais  nous  avons  vu  que  Samuel ,  petit  garçon^ 
êc  qui  n'étoit  pas  dcîlarace  Sacerdotale, en  portoit  uni  que  les  Sacrifica- 
teurs ordinaires  en  portoient,  ôc  que  David,  quand  il  fit  tranfporter  l'Ar- 
che fous  le  Tabernacle  ,   qu'il  lui  avoit  fait  dreflèr  en  Jerufalem  ,  étoit 
revêtu  d'un  Ephod  de  lin.     C'étoit,  à  mon  fens  ,  une  grande  chemife, 
&  un  long  furplis,  qui  fe  mettoit  fur  tous  les  autres  habits. 

Et  j'eibme  que  c'étoit  la  forme  de  l'Ephod  de  Gedeon  ,  c'eïï-à-dire,  Laformede 
tju'il  fit  faire  comme  une  grande  vefle  ,  qu'il  appella  Eph&d  ;  première-  G^Seo^  ■** 
ment  parce  qu'elle  étoit  tilluë  &  compofée  à  peu  prés,,  comme  l'Ephod 
du  Souverain  Sacrificateur,  de  pourpre,  d'or  ,  de  cramoifi  ,  &  de  fin 
lin,  6c  enrichi  de  pierreries.  Et  de  plus,  parce  qu'elle  avoit  la  figure  de  ces 
vétemens  longs  ,  que  Ton  appelloit  un  Ephod.  Voila  ce  que  je  croi 
^e  la  figure,  &  ce  que  nous  dirons  de  fon  ufage  confirmera  ce  que  nous 
venons  de  dire  de  fa  forme, 

Zzt%  2,  A 


Quxft.  lib.7. 
Quïft.  4t. 

Opinion  de 
St.  Augiiftin 
furl'ufige 
de  cet 
mphod  n'eft 
pas  vrai- 
semblable. 


îî  efî  appa- 
rent que  cet 

Tîphod  fut 
deî^iné  à 
ëcre  un 
monument 
<Jc  la  viftoi- 
le  de  Ge- 
«kon. 


Jarchi  in 
UKum. 


la  locnm. 


732        H  IST  01  RE  DES   DOGMES 

A  quelulage  donc  fît -il  cet  Ephod  ?  St.  Augudin  croit  qu'il  le  fît  à 
rimitation  de  l'Ephod  du  Souverain  Sacrificateur,  &  que  par  l'Ephod  il 
faut  ici  entendre  tous  les  vaifleaux  du  San6luaire,  comme  fil' Hilloiredi- 
foit ,  Gedeon  fit  l'Ephod  ,  &  toute  fa  fuite,  c'eil-à-dire  ,  un  Taberna- 
cle, &  tous  les  vaifl'eaux  du  fefvice.  Tellement  que  Gedeon,  fa  maifon, 
&  tout  le  peuple  d'Ifraël  ficrifierent  dans  Ophra  ,  prés  du  Tabernacle 
qu'avoit  bâti  Gedeon,  6c  laiflant  le  Tabernacle  de  Moïfe  ,  &  les  habits 
Sacerdotaux  d' Aaron ,  que  Moïfe  avoit  faits ,  ils  fe  fervirent  de  ceux  qu'a- 
voit faits  Gedeon.  Ainn  ils  n'adorèrent  pas  les  Idoles ,  mais  ils  adorèrent 
Dieu  dans  un  autre  lieu ,  &;  dans  un  autre  Tabernacle  ^  &  firent  fon  fer- 
vice  avec  d'autres  vaifleaux  ,  que  les  vaifleaux  facrez.  Ce  qui  étoit  une 
rébellion  évidente.  Mais  cette  opinion  de  St.  Auguflin  eil  finguliere,  èi 
je  trouve  que  celle  des  Juifs  eft  beaucoup  plus  vrai-femblable.  C'eft  que 
Gedeon  fit  cet  Ephod  pour  un  monument  de  fa  viâoire  fur  les  Madiani- 
tes.  Ce  fut ,  dit  Salomon  Jarchi ,  poftr  être  nn  monument  de  la  grande  déli' 
vrance  qti'il  avoit  faite ,  &  four  faire  vair  combien  e't  oit  grande  la  force  des  en- 
nemis vaincus ,  puifjue  des  ferds  pendans  d'oretUes  des  captifs  on  avoit  amajje 
cette  grande  maffe  d^or  ,  qui  étoit  dans  cet  Ephod.  Rabbi  Levi  Ben  Gerfom 
dit  aufli  que  Gedeon  de  cet  or  fit  tin  Ephod  ,  cefl-a-dire^  une  efpece  de  ceinture 
pour  conferver  la  mémoire  de  cette  miraculeufe  viBoire.  Et  enfin  David  Kim- 
chi  eil:  dans  le  même  fentiment.  Oeji  que  Gedeon  des  dépouilles  des  Madsa" 
nites  fit  une  efpece  de  ceinture  ,  ou  de  vêtement  d''or  ,  ^  le  pofa  en  fa  ville  pour 
être  un  monument  de  cette  grande  délivrance.  Il  h  fit  avec  bonne  intention^  mais 
après  fa  mon  les  enfans  'd'/jrael  fe  corrompirent  après  cet  Ephod  ,  ^  s'' en  firent  un 
T)ieu.  Cependant  nos  Rabbins  ,  d^heureufe  mémoire  ,  difent  que  (Je  de  on  fa  cet 
Ephod  pour  fe  profier ner  lui-même  devant  y  félon  ce  qui  eft  dit  dans  le  texte  y  & 
Gedeon  en  fit  un  Ephod.  Cela  efl;  beaucoup  plus  apparent.  Et  il  n'eft  rieiî 
fi  naturel  que  ce  defir  de  conferver  la  mémoire  de  fes  aétions,  peut-être 
même  que  Gedeon  avoit  une  vûë  pieiife  &  dévote  ,  c'étoit  de  confacrer 
cet  ouvrage  à  Dieu  ,  en  mémoire  du  miracle  qu'il  avoit  fait  de  détruire 
deux  cç:\-\^  mille  hommes,  avec  trois  cens  hommes  armez  de  cruches  de 


terre ,  &  de  flambeaux. 


Gedeon 
n'employa 
pas  tout 
l'or  du  bu- 
tin, dans 
cet  £phod. 


De  quel 
poids  étoit 
cet  Ephod , 
ou  l'or  des 
dépouilles. 


Pour  ce  qui  eft  de  la  penfée  de  Rabbi  Salomon,  que  nous  venons  de 
citer,  je  ne  fai  fi  elle  eftjufte..  Il  prétend  que  Gedeon  fit  entrer  dans  cet 
Ephod  tout  l'or  de  la  dépouille  des  Madianites,  pour  faire  voir  combien 
avoit  été  grande  la  multitude  des  ennemis  défaits,,  puifque  de  leurs  bagues 
feules  on  avoit  fait  un  fi  grand  ouvrage.  Le  poids  de  ces  bagues  étoit  de 
mille  fept  cens  ficles.  Le  ficle  Hébreu  pefoit  quatre  dragmes  ,  félon  le 
fentiment  de  ceux  qui  ont  mieux  examiné  les  poids  des  Anciens,  c'eft-à- 
dire,  qu'il  pefoit  une  demi-once.  Si  vous  partagez  mille  fept  cens  demi- 
onces  en  livres ,  donnant  \6.  onces  à  chaque  livre,  vous  ferez  quarante 
deux  ou  40.  trois  livres  d'or.  Or  il  n'eft  pas  aifé  à  comprendre  comment  on  a 
pu  faire  entrer  autant  d'or  dans  un  feul  vêtement ,  dont  le  fond  étoit  af- 
fïirément  d'écarlatte,  de  pourpre,  6c  de  fin  lin.  Il  eft  vrai  que,  félon  la 
(uppofition  de  ceux  qui  veulent  qu'il  y  eût  deux  efpeces  de  ficles  ,  l'un 
f'acré,  6c  l'autre  commun ,  que  le  facré  pefât  quatre  dragmes ,  6c  le  com- 
mun deux  dragmes  feulement,  on  pourroit  rabattre  la  moitié  toute  entière,, 
&  réduire  les  41.  livres  d'orazi.  Mais  il  faut  remarquer  qu'outre  l'or  des, 

bagues 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  F^rMV.  733 

bagues  d'oreilles,  qui  montoit  à  1700.  fîcles,  il  y  avoit  encore  d'autres 
bagues,  des  boëtes  de  fenteur,  des  colliers,  6c  des  carquans, qui  étoient 
auffi  d'or,ôc  qui  montoient  peut-être  à  bien  plus  que  les  bagues  d'oreilles.  Et 
il  eft  dit  de  tout  cela  que  Gedeon  en  fît  un  Ephod ,  aufli  bien  que  des  ba- 
gues. St.  Auguflin  ruppofe  qu'il  étoit  d'or  maffif.  Et  que  c'ell  ce  que  figni' 
fie  ce  que  dit  le  texte,  qu'Aie  pofa^  c'eft-à-dire,  que  ce  vêtement  fc  loû- 
tenoit  tout  feul ,  parce  que  ce  n'étoit  pas  une  étoffe,  mais  une  mafle  fon- 
due ,  en  forme  de  vêtement  &  de  manteau.  Mais  cela  ne  s'accorde  pas 
bien  avec  fon  fentiment.  Car  il  n'eft  pas  aifé  de  concevoir,  comment  un 
Sacrificateur  auroit  pu  foûtenir  fur  fes  épaules ,  en  faifant  le  fervice,  un 
fî  grand  poids.  Ainîî  je  trouve  fort  apparent  qu'on  doit  interpréter  le  tex- 
te de  cette  manière  ,  c'eft  que  Gedeon  prit  une  partie  de  ces  dépouil- 
les, &:  en  compofa  cet  Ephod  ,  pour  conferver  le  fouvenir  de  fa  viétoi- 
re  ,  &:  referva  le  refte  pour  l'ufage  de  fa  maifon  ,  qui  depuis  ce  tems-là 
fut  riche  &  confîderable  en  Ifraël ,  jufques  à  ce  qu'elle  prit  fin  en  Abi- 
melcch. 

Mais  il  refte  une  grande  difficulté  fur  cet  habit  ,  pourquoi  Gedeon  rour<iuoi 
choifit-il  une  forme  de  vêtement  pour  un  monument.^  N'étoit-il  pas  plus  J^'^^°° 
naturel  d'élever  quelque  colomne  ,   quelque  flatuë  ,  quelque  pyramide,  forme  de 
obelifque,  arc  de  triomphe,  ou  quelque  autre  édifice  femblable,  comme  [00*^^0"' 
on  a  fait  du  depuis?  Je  ne  fai  fi  ces  fortes  de  monumens  étoient  en  ufage  mcmr 
du  tems  de  Gedeon.     Au  moins  eft-il  certain  que  les  arcs  de  triomphe, 
les  obelifques ,  6c  autres  femblables  pièces  d' Architeâ:ure,  n'étoient  point 
connues,  dansées  fiecles.    Les  bâtimens  y  étoient  groffiers ,  6c  l'Archi- 
teélure  fort  fimple.     Cela  paroît  par  le  devis  du  Temple  dé  Salomon , 
dans  lequel  il  n'y  avoit  point  du  tout  d'Axchiteéture.  Ce  n'étoit  que  qua- 
tre murailles,  fur  lefquelles  on  avoit  pofé  un  plat- fond,  6c  au  deflus  du 
plat- fond  une  plate-forme.  Si  cet  édifice,  au  refle  fi  beau  6c  fi  magnifique,     ' 
étoit  d'une  ltruâ:ure  fi  fimple  ,   il  n'y  a  pas  d'apparence  qu'alors  on  eût 
inventé  ces  chefs  -  d'oeuvres  d'Architeéèure,  que  les  Conquerans  ont  fait  ' 

élever  pour  immortalifer  leurs  viéèoires.  Qiiant  aux  fiatuës  ,  nous  ne 
voyons  pas  que  les  Princes,  6c  les  Rois  du  peuple  d'Ifraël,  en  ayent  érigé 
pour  fe:  vir  de  monument ,  de  peur  que  le  vulgaire  ne  vint  à  en  abufer  par 
idolâtrie. 

Tout  au  moins  Gedeon  auroit  pu  élever  quelque  mafie  énorme  de  pier-  Cnéicvoïc 
re,  qui,  fans  être  faite  félon  les  règles  de  l'Architecture,  auroit  pu  con-  meit^des 
ferver  la  mémoire  de  la  défaite  des  iVladianites.   Cela  étoit  affez  de  l'ufa-  montioyes, 
ge  de  ces  premiers  tems.     Quand  Jacob  6c  Laban  traitèrent  alliance  en-  dSi'pTenest 
fcmble ,  le  Patriarche  prit  une  pierre,  6c  la  dreffa  pour  enfeigne  ,  6c  dit  po'«  ^onu- 
à  fes  frères  ,  amalfez  des  pierres  6c  en  faites  une  pile.     Ce  qu'ils  firent,  ™^"^' 
6c  mangèrent  fur  cette  pile  de  pierres.  Laban  en  fa  langue  l'appella/^^^r  Genefe 
Sahadmha  ,   6c  Jacob  en  la  fienne  l'appella  Galh'ed  ,   l'un  6c  l'autre  nom  ^^•'*^° 
fignifie,  la  pile  du  témoignage.  Les  Rubenites  6c  les  Gadites,  6c  la  de- 
mi-Tribu de  Manaffé  ,   après  avoir  reçu  leur  partage  au  deçà  du  Jour- 
dain ,  le  travericrent  pour  aider  leurs  frères  dans  la  conquête  du  refte  du 
païs.     Quand  la  terre  fut  partagée  ,  ils  s'en  retournèrent  chez  eux  ,   6c  Jofué^i.ie. 
bâtirent  un  grand  Autel,  prés  du  rivage  du  Jourdain,  du  côté  de  la  terre 
de  Canaan.    Cela  épouvanta  les  autres  Tribus,  6c  ils  crûrent  que  leurs 

Zzzz  3  frères 


734.         H  I  S  T  O  I  R  E  D  E  S   DO  G  M  E  S 

frères  vouloient  bâtir  Autel  contre  Autel,  &  fe  feparer  du  fervicedeDicu. 
Mais  la  chofe  étant  éclaircie ,  on  trouva  que  cela  ne  fut  bâti  que  pour  être 
un  tHonument  à  la  pofterité  ,  &  pour  apprendre  aux  enfans  de  ceux  qui 
avoient  leur  demeure  au  deçà  du  Jourdain  ,  qu'ils  avoient  leur  part  au 
Tabernacle  6c  à  l'Autel  de  Dieu,  quoi  que  le  Jourdain  fût  entr'eux  &  le 
Tabernacle. 
CctEphod,  Gcdcon  pouvoit  imaginer  quelque  chofe  de  femblable.  Et  en  un  mot  il 
ou  vête-      femble  qu'il  ne  pouvoit  rien  faire  de  moins  bien  penfé  ,  <3ue  de  faire  une 

ment,  etoit  i       ^         i  j      r         •  cv    •  t        i-      •  iv     i    rr- 

apparcm-     robe  pour  être  un  monument  de  les  victones.    Je  dn-ai  la-dellus  ce  que 
Si'Hr    j^  penfe.  Je  croi  que  cet  Ephod ,  ou  cette  robe  de  Gedeon ,  étoit  l'en- 
ou  érea-'     feigne  des  armées ,  le  figne  militaire  ,   fous  lequel  s'aflembloient  les  Sol- 
hgaeKe"    ^^'^^  >  ^  ^^  fîgnal  du  Combat.  Si  cela  eft  ainfi,iilnefautpas  s'étonner  que 
Gedeon  ait  choifî ,   pour  conferver  la  mémoire  de  la  défaite  des  Madia- 
nites,  ce  qui  étoit  le  lignai,  &  l'étendart ,  fous  lequel  les  Soldats  avoient 
combatu. 
rufagcdes       Pour  éclaircir  cette  conjeâure  j  6c  pour  la  confirmer,  il  efl:  neceflaire 
nii'iltmS     '^^  f^i^^  quelques  remarques.  Et  premièrement  il  faut  fe  fouvenir  que  l'u- 
cfi  fortan-    fage  des  étendarts,  &  des  enfeignes  militaires,  eft  d'une  très  grande  an- 
^'^"'  tiquité.  Nous  en  avons  un  remarquable  exemple  dans  la  defcriptiondek 

^,  marche  du  peuple  d'Ifraël  ,  qui  marchoit  dans  le  defert ,  dans  un  ordre 

Nomb.2.2.  de  guerre.    Les  enfans  d'*ljraël  fe  camperont  un  chacun  fous  fa  bannière ,  félon  les 
enfeignes  des  maifons  de  leurs  pères.  Et  une  vieille  tradition  d&s  Juifs  dit,  que 
dans  ces  quatres  bannières  générales,  dont  Moïfe  marque  diftinâement 
l'ufage,  il  y  avoit  la  figure  de  quatre  animaux.  Dans  celle  de  Juda,  fous 
laquelle  marchoient  trois  Tribus ,  étoit  peinte  l'image  d'un  Lion  ;   dans 
celle  d'Ephraïm,  la  figure  d'un  Taureau  j  dans  celle  deRuben,  l'image  ■ 
d'un  Homme  j   Ôc  enfin  dans  l'étendart  de  Dan  ,   il  y  avoit  une  Aigle. 
Dans  ces  enfeignes  on  mettoit  quelques  emblèmes,  C'eft  ce  que  fignifient 
Chap.  t.  4.    ces  paroles  du  Cantique  de  Salomon,  oùl'Epoufe  dit,  fin  enfiigne,  ou  fa 
bannière ,  quil  étend  fur  mui^  c^efi  l'amour.  Et  dans  le  même  livre  l'Epou- 
fe  dit  encore ,  mon  bien-aimé  eft  un  p,orîe-enfeigne  choifî  entre  dix  mille ,  parce 
que  pour  porter  les  enfeignes ,  on  choifiiîbic  toujours  àz^  gens  bienfaits, 
robuftes ,  &  forts. 
La  forme         Aprés  celâ  GO  peut  remarquer  que  la  forme  ordinaire  des  enfeignes  mi- 
défcnfei-     lïtaires  étoit  celle  d'un  grand  voile  étendu.     Et  déjà  cela  ne  fe  rappor- 
gnes  miii-    tcroit  pas  mal  avec  la  figure  de  l'Ephod  Sacerdotal  ,    fi  nous  fuppoiions 
commed'ua  ^^  l'Èphod  de  Gcdeon  eût  précifément  la  forme  de  celui  du  Souverain 
grand  voii€.  Sacrificateur.  Car  il  eft  certain  que  félon  la  defcription  des  Hébreux,  ce 
n'étoit  qu'un  grand  voile,  qui  couvroit  le  Souverain  Sacrificateur  ,   de- 
puis la  tête  julques  aux  pieds  par  derrière,  ôcqui  tenoit  par  devant  à  deux 
épaulieres.  Pareillement  auftî  les  enfeignes  militaires  étoient  de  grands  voi- 
les, qui  tenoient  à  un  bois  traverfant  par  deux  cordons,  comme  par  deux 
épaulieres.     Mais  il  femble  que  fi  l'enfeigne  militaire,  que  Gedeon  vou- 
lut élever  &  conferver  ,   eût  été  de  cette  forme  ,   l'Auteur  du  livre  des 
L'Ephod  de  Juges  auroit  dû  i'appeller  fimplement  un  voile.  C'eft  pourquoi  je  croi  que 
^^^ç^fj/gnj  cette  enfeigne  militaire  eft  appellée  Ephod  ,  ou  vêtement,  parce  qu'elle 
miiicaite,     étoït  fcmblable  au  Labarum  des  Romains.     C'étoient  deux  bois,  qui  fe 
fg^v.!jJJej,^  traverfoient  en  forme  de  croix.     Celui  qui  croifoit  l'autre  étoit  tout  au 

haut , 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE. P^r^.IV.  73^ 

haut,  &  un  voile  d'or  éc  de  pourpre,  fait  comme  la  calaque  du  Général  jLabarumdes 
étoit  fufpendu  à  ce  bois  traverfant,  qui  entroit  dedans ,  &  faifoit  comme  mdn"^<r"f 
deux  épaules  ,   qui  foûcenoient  cette  cafaque  ,   qu'ils  appelloient  Paluda-  cijptionde' 
mentHm.     C'eft  ainfî  que  le  dépeint  Jofeph  Scaliger  ,   &  cette  defcrip-  "  ^^bamm. 
tion  fe  rapporte  aflez  bien  à  celle  d'Eufebe,  quand  il  dépeint  l'enfeigne,  c^^^; 
que  Conftantin  fit  faire,  pour  être  portée  à  la  tête  de  fes  armées.  Or  ce  Jn  sexuîra 
ne  fut  pas  Conftantin,  qui  fut  le  premier  inventeur  de  cq Labamm^zom-  \1^\'q 
me  Eulëbe  femble  le  vouloir  fignifier.  Cette  enfeigne  étoit  ancienne  en-  Eufeb/ub. 
tre  les  Romains.   Sozomene  nous  l'apprend  aflez  quand  il  dit,  que  Conf-  Je  vita 
tantin  admirant  les  Propheites  touchant  feftis-Chnfi  ,    cjfti  lui  avaient  été  expli-  Conft. 
^nées  par  les  Prêtres  ,    donna  ordre  à  des  gens  habiles  &  entendm  ,    de  chan-  ^^™'^^'^*  " 
ger  Péîendart^  (jne  les  "B^mains  appelloient  Lab arum  ^  c^  de  le  mettre  en  forme 
de  croix  ^  enrichie  di  or  &  de  pierres  precieiifes.    Cette  enfeigne  militaire  étoit  en 
beaucoup  plus  grande  conjideration ,  ^«^  les  autres ,  parce  qu'on  avoit  accoutumé 
de  la  porter  immédiatement  devant  V  Empereur ,  &  les  Soldats  fe  projîernoiem  de- 
vant elle. 

Le  Labarum  avoit  toujours  eu  une  forme  fort  approchante  de  la  croix, 
&  Conftantin  ordonna  qu'on  fît  en  forte  que  la  figure  de  la  croix  à  l'ave- 
nir y  fût  plus  diftinde.     Quoi  qu'il  en  foit ,    il  eft  certain  que  l'on  éle- 
voit  dans  les  Camps  un  voile,  qui  avoit  la  forme  de  cafaque,  ou  de  clie- 
mife  j  pour  fignal  du  Combat ,  6c  que  la  coutume  en  étoit  ancienne.  Plu- 
tarque  dans  la  vie  de  Fabius  dit  ,   que  pom  fignal  du  Combat^  on  élevait  au 
dejfus  de  la  tente  du  Çénéral  une  cafaque  d'*écariate.     Car  les  Aigles  Romai- 
nes étoient  bien  à  la  vérité  des  fignes  militaires,  qui  marchoientà  la  tête 
des  armées;  mais  ce  n'étoicnt  pas  les  feules  enfeignes.  Car  avant  Marins  Enfeîgnes 
il  y  en  avoit  quatre  autres  avec  l'Aigle,  le  Minotaure  ,  le  Sanglier  ,  leo^S'Aigie 
Loup,  le  Cheval.  Il  eft  vrai  que  Marins  ,   dans  fon  fécond  Confulat  re-  aj'ant  ^a- 
trancha  ces  quatre  enfeignes ,  6c  ne  iaifla,  que  TAigle.  Mais  outre  ces  Ai-  pSe  iib. 
gles,  dont  chaque  légion  avoit  la  fienne,  il  y  avoit  une  bannière  généra-  '°-'*' 
le ,  qui  n'abandonnoit  point  la  tente  du  Général ,  &  qu'on  élevoit  feule- 
ment, quand  on  vouloit  donner  le  fignal  du  Combat.    Vexillum^  ôîïiQq,' 
Çzx  ^proponebatur-i  quod  erat  injïgne  cum  ad  arma  concurri  oporteret.  Les  Aigles 
étoient  toujours  dreflees.  La  figure  de  ï* Aigle  étoit  dW ,  elle  étoit  fous  un  petit  Dion  chry- 
couvert  ,    comme  une  efpece  de  petite  chapelle  ,    cela  étoit  attaché  au  haut  d'aune  ijvre'de  '**'' 
médiocre  haleharde  ^  dont  le  bout  d^embas  étoit  aiguifé.     On  la  fichait  en  terre  ^  l'Hiftoire 
quand  les  troupes  entroient  en  quartier  d'hiver  ,   &  on  ne  l'arrachait  point  que     ™' 
toute  l^armée  ne  marchât.     Chaque  légion  avoit  fon  Aigle,  êc  ces  Aigles  des 
légions  étt)ient  toiijours  élevées,  particulièrement  quand  l'armée  murchoir. 
Mais  pour  l'étendart  de  pourpre,  ou  d'écarlate,  il  ne  s'élevoit  que  quand 
il  faloit  combattre. 

Au  refte,  afin  qu'on  ne  dife  pas  qu'il  y  a  trop  loin  de  Gedcon  auxRo-  L'ufagedes 
mains,  &:  de  la  Paieftine  à  l'Italie  ,   pour  comparer  le  Labarum  àcs  ar- miiS"cn 
mées  Romaines  avec  l'Ephod  de  Gedeon  ,  il  eft  bon  de  remarquer  que  fo™e  de 
les  autres  nations  ,  &  même  quelques-unes  de  celles  qui  étoient  voifines  aufljVnt%°' 
de  la  Judél^,  ont  eu  la  même  coutume.  les  autres 

Suidas  nous  apprend  que  les  Scythes  pour  étendarts  militaires  àvoient  des  ^î^uô.vfà 
linges  ^  ou  dés  voiles  .y  peints  de  diverfes  couleurs ,  fur  lefqueis  on  vojoit  des  figu^  tT^iKsTci. 
Vf  s  ,  ^  fur  tout  de  ferpens  ,    &  que  ces  linges  étoient  pendus  au  haut  d'aune  me- 

diocre 


]imius  in 
OeneC  g.  p, 
ôcNot.  in 
Apologet. 
ïcuulL 


QaxÇt,  ij, 


736         HISTOIRE  DES  DOGMES 

(diocre  perche ,  ou  pertuifane.  Quelques-uns  croyenc  que  les  Pcrfcs  auffi  por- 
•  toient  pour  étendart  une  robe  Royale  ,  qui  étoit  de  pourpre,  qu'ils  ap- 
pelloient  Candjs.  Enfin  pour  me  recueillir,  j'eilime  que  Gedeon  imagi- 
na cetEphod,  ou  pour  être  l'image  de  fes  enfeignes  militaires,  fousJef- 
quelies  il  avoit  vaincu  le5  Madianites ,  ou  bien  comme  une  efpece  de 
Trophée,  car  c'étoit  la  coutume  d'attacher  après  la  vidoire  les  dépouil- 
les des  ennemis,  6c  principalement  les  habits  de  leur  Chef,  à  quelque  bois 
élevé,  afin  que  cela  fût  vu  de  tout  le  monde.  Les  Litins  appelloient  cela 
Oftm-a  fpolia.  Plutarque,  dans  la  vie  de  Romulus,  dit,  que  Romulus  les 
arracha  au  Chef  des  ennemis,  Scjes  confacra  à  Jupiter  Feretr'u.s.  Et  dans 
{es  Queflions  Romaines ,  il  nous  dit ,  que  l'on  étoit  obligé  de  conferver 
précieufemcnt  les  choies  confacrées  aux  Dieux,  6c  de  les  garentir  de  la 
ruine  qui  leur  eft  inévitable  par  le  tems.  tJPKais  que  pour  les  dépouilles  pri~ 
fes  fur  les  ennemis  ^  on  les  laijjott  périr  dans  les  Temples  fans  les  refaire  ,  quand 
elles  commençoient  à  périr  de  vieiUeffe.  Il  fe  peut  faire  que  Gedeon  ,  des  ro- 
bes d'écarlate  6c  de  l'or  des  Madianites,  fit  une  efpece  de  robe  ,  ou  de 
cafaque,  précieufe,  qu'il  éleva  comme  un  Trophée,  pour  être  le  monu- 
ment de  fa  viéloire ,  6c  fon  enfeigne  militaire. 


CHAPITRE     IL 


Comment  les  Ifra'élites  adorèrent  l'Ephod  de  Gedeon. 

PRéfentement  il  faut  voir  de  quelle  manière  le  peuple  d'Ifraël  fe  cor- 
rompit après  cet¥jphoà ^  & paillarda  après  lui.,  pour  me  fervir  des  pa- 
roles du  texte.  On  ne  doute  pas  que  ce  terme  ne  fignifie  ici  une 
fornication  fpirituelle.  C'efl  ainfi  que  toute  l'Ecriture  appelle  Tidolatrie. 
Il  s'agit  donc  de  favoir  comment  les  Ifraëlites  firent  une  idole  del'Ephod 
de  Gedeon.  Comme  nous  n'avons  aucun  fecours  là-defiiis,  il  faut  fe  con- 
tenter de  nos  conjeélures. 

Premièrement  il  n'y  auroit  pas  d'abfurdité  à  dire  que  les  Ifraëlites  ado- 
rèrent ce  Trophée.  Cela  étoit  brillant,  compofé  d'or,  de  pierreries  ,  6c 
d'écarlate.  Le  vulgaire  fe  conduit  par  les  fensj  cet  éclat  l'éblouifibit ,  6c 
facilement  il  pût  pafler  de  l'admiration  à  l'idolâtrie.  Au  refte  ce  que  cet 
Ephod  n'avoit  aucune  forme,  ni  d'homme,  ni  de  bête  ,  fous  lefqueîles 
figures  on  adoroit  les  faux  Dieux  ,  ne  doit  pas  faire  de  difficulté.  Car 
il  eft  certain  que  les  Payens  ont  fouvent  adoré  des  Idoles ,  qui  n'avoient 
la  figure  d'aucuns  animaux.  TertuUien  nous  dit  que  les  hommes  ont  ado- 
ré au  commencement  des  troncs  d'arbres  fans  forme  ,  Deos  Caudicaj-ios  , 
comme  il  les  appelle  élégamment.  Et  Arnobe  reproche  cette  brutaHté 
Atnob.lib.<î.  aux  Paycns ,  Informem  Arabes  lapident ,  Acinacem  Scythi&  natioms ,  ramum 
pervincA  Thefpios  ,  lignur/}  Acarnes  pro  Diana  indolatum^  Pejfinuntios  Jdtcem 
pro  Deum  ^JA/Catre  ,  pro  Marte  "^manos  haftam ,  Varronis  ut  indicat  mufa. 
L'on  peut  voir  cela  plus  amplement  prouvé,  6c  expliqué  dans  le  chapitre, 


Dieux  in 
fjJimes  ado- 
rez par  les 
laycQS. 


Lîb. 

de  Idol.  «.  3. 


p.  ip<s. 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  F^r^. IV.  Jij 

où  nous  avons  traité  des  flmuîacres.  Sur  tout  les  Hébreux  pouvoient  fa- 
cileraent  fe  porter  à  adorer  cts  Dieux  informes,,  parce  qu'ils  étoient  ac- 
coutumez à  le  proilerner  devant  l'Arche,  qui  n'àvoit  que  la  forme  d'utt 
coffre,  Ôc  dont  ils  ne  voyoient  jamais  même  la  figure  ,  parce  qu'elle  ne 
fortciit  point  en  public  qu'elle  ne  fût  couverte  d'un  voile.  On  pourroit 
donc  fuppofer,  que  Gedeon  ayant  élevé  ce  monument,  ou  comme  uneen- 
ièigne  militaire,  ou  comme  un  Trophée  remporté  furies  ennemis,  &  l'a- 
yant confacré  à  Dieu,  le  peuple  l'avoit  adoré.  Car  en  effet  les  Anciens 
rend  oient  une  efpece  d'adoration  aux  Trophées.  Cruces  adorutis^  quando  TertirHian«î 
vtSlorias  adoratis^  cum  irop^is.  Cruces  imeftina  [nnt  trof£.orHm.  C'eft  ce  que  ^^P^'^S-'' 
difoit  élegamrhent  Tertullien.  Cependant  je  ne  faurois  me  perfuader  que 
l'idolâtrie  formelle  de  l'Ephod,  ait  commencé  dans  le  cem5  même  de  Ge- 
deon, parce  que  le  texte  fignifie  clairement  que  Gedeon  &  fa  famille  com- 
mirent a  l'égard  de  cet  Ephod  ,  le  même  crime  que  tout  le  peuple.  Car 
il  efl  dit,  que  ceU  fut  en  laqs  a  Gedeon^  ^  à  toute  fa  mmfon.  Si  donc 
k  peuple  commis  idolâtrie  fur  cet  Ephod  ,  Gedeon  fut  auffî  idolâtre. 
Gr  je  ne  faurois  croire  que  Gedeon  lui-même  foit  tombé  dans  l'i- 
dolatrie,  ce  fut  lui  qui  abattit  l'Autel  de  Bahal,  &  reforma  l'Eglife  de 
.  fon  tems.  Eti'Hiiloire  dit  cxpreffément  que  le  peuple  ne  devint  idolâ- 
tre, &  n'oublia  îe  Seigneur  qu'après  la  mort  de  Gedeon.  Et  il  avmt ,  ^ 
^rés  ejue  Gedeon  fut  mort^  que  les  enfans  d^lfrd'êl  fe  détournèrent^  &  paillarde^ 
rem  après  les  Bahaltns,  &  s^ établirent  Bahal-Berith  pour  Dieu.  Amjt  les  sn- 
fans  d'Ifraël  n^urent  point  de  fouvenance  de  V Eternel  leur  Dieu. 

Je  croi  donc  que  Gedeon  conlàcra  à  Dieu  cet  Ephod,  qu'il  avoit  fait  Gedeonéw- 
pour  monument  de  fa  viéîroire.  Sa  Rehgion  vouloit,  que  cette  pièce  confa-  viiedeD^êu 
crée  à  Dieu  fût  pofée  dans  le  Tabernacle,  félon  la  coutume  générale,  dans  fa  ville 
qui  pendoit  dans  les  Temples  des  Dieux,  les  prefens  qu'on  leur  faifoit.  fon  Ephod, 
L'épée  de  Goliath,  qui  fut  confacrée  à  Dieu  par  David,  fut  mife  dans  le  ^g^f/^^f' 
Tabernacle  :  &  c'eil  où  David  la  trouva.     Le  Sacrificateur  lui  dît  ,    voici  viaoïre. 
Pépéede  Goliath  Je  Philtjhn^  que  tu  as  tué  dans  la  vdlee  du  Chêne  ^  elle  efl  en    ^*  ^^^'^^^ 
veloppée  d'un  drap  dtrnere  VEphod.     L'Ephod  de  Gedeon  devoit  donc  être 
en  Silo,  où  étoit  alors  établi  le  fervice  de  Dieu.  Mais  par  vanité   il  mit 
cet  Ephod  confacré  dans  fa  ville.  Cependant  il  regarda  toujours,  &  lui 
6c  tout  le  peuple,  cette  pièce  comme  une  précieuie  rehque , dédiée  à  ce 
Dieu,  qui  les  avoit  miraculeulement   délivrez  de  la   main  de  Madian. 
Tous  les  peuples  avoient  une  grande  confideration  pour  lespréfens,  qu'on 
faifoit  aux  Temples  de  leurs  Dieux,  &;  les  Juifs  entre  tous  les  autres.  Et 
cette  vénération  alla  fi  loin,  qu'avec  le  tems  elle  dégénéra  en  fuperilition, 
julqués^là ,  que  les  Juifs  du  tems  de  Nôtre  Seigtieur  Jefus  Ch.  mettoient  ces 
dons  au  delTus  du  Temple  même.  Celui  qui  jure  par  le  Temple,  ce  n^ejirien^ 
difoient-ils  ,  ratais  celui  qui  jure  par  l'or  dti  Temple  ^  il  efl  coupable.  Fou  &  aveu- 
çW^lequel  efl  plfis  grand^  ou  Por ,  qui  efl  fanUifié  par  le  Temple  ,    ou  le  Temple 
qui  fan^ifie  l'or.     Ils  difoient  encore,  que  quand  un  homme  avoit  dit  à 
fon  père,  tout  ce  que  je  pourrois  vous  donner  elt  confacré  au  Temple,  il 
n'étoit  plus  obligé  de  rien  donner  à  fon  père.     C'eil  le  fens  de  ces  paro- 
les de  Nôtre  Seigneur  :   Fous  dites,  tout  don  qui  efl  de  par  moi  fera  à  ton  profit. 
Il  faut  tourner,  Tout  ce  qui  pourroit  être  à  ton  profit  de  ma  part  ^  efl  un  don f ai i  J^^Jf^'^j^" 
Part.  IF.  Aaaaa  «i/^  M,aûh.v.5.* 


73^         HISTOIRE  DES   D  p  G  M  E  S 

(M  Temple.  Bien  que  peut-être  les  chofes  n'allaflent  pas  encore  jufques  à 
cet  excez  du  tems  de  Gedeon,   cependant,  il  ne  faut  pas  douter  que  l'on 
ne  conGderâî,  comme  des  chofes  très  faintes  ,  tout  ce  qui  étoit  confacré 
à.  Dieu.     Cet    Ephod  ,  entre  toutes  les  chofes,  qui  étoientconfacrées  à* 
la  divinité,  étant  la  plus  remarquable,  le  peuple  conçût  une  grande  vé- 
nération pour  lui.     Gedeon  lui-même  le  regardant  comme  un  mémorial 
important  de  la  viéloire ,  que  Dieu  lui  avoit  fait  remporter ,  voulut  apparem- 
ment célébrer  dans  le  lieu ,     où  il    avoit   mis  cet  Ephod  ,  quelque  fête- 
folennelîe  ,  pour  aélion  de  grâces  de  la  viét-oire,   dont  il  étoit  le  monu-^ 
ment ,  fans  doute  il  lui  bâtit  un  Tabernacle  ,  ou  un  Temple.  Car  l'Hif- 
toire  dit,  qu'il  le  mit  en  fa  ville,  elle  ne  dit  pas  qu'il  le  mit  en  fa  maifon.. 
Il  le  mit  en  fa  ville,  c'eft-à-dire,  qu'il  lui  éleva  un  édifice  pour  le  loger  j, 
il  y  bâtit  un  Autel,  il  y  fit  des  facnfices,  il  y  célébra  des  fêtes.  Je  croi 
même  qu'il  le  regardoit  comme  im  fymbole  de  lapréfencede  Dieu,  à  peu 
prés  femblable  à  l'Arche,  ou  al' Ephod  du.  Souverain  Sacrificateur.  Et  le 
peuple  s'y  alfembloit,  non  feulement  le  jour  de  ces  fêtes,  mais  dans  les  au- 
tres jours,  pour  y  faire  fes  dévotions.     Ces  dévotions  fe  faifoient  à  l'hon- 
neur de  Dieu,  je  n'en  doute  pas.    Car  il  n'ell  pas  apparent  que  Gedeon 
eût  commis  6c  fouffert  une  telle  brutalité,  c'eft  d'adorer  untiflu  d'écar- 
îate  &  d'or,  qu'il  avoit  fait  faire..    Cependant  ce  culte  ne  laifïa  pas  d'ê- 
tre défagréable  à  Dieu,  parce  que  c'étolt  un  culte  fchifmatique  ,   fi  ce. 
n*étoit  pas  un  culte  abioluraent  idolâtre.   Car  Dieu  avoit  marqué  le  lieu 
où  il  vouloit  être  a4oré,  les.  facrifices  ôcles  fêtes,  qu'ort  faifoit  par  tout 
ailleurs,  ne  lui  pouvoient  être  agréables ,  &  tout  au  plus  Dieu  lestoîeroit. 
Les  Samaritains ,  du  tems  de  nôtre  Seigneur  Jefus  Chrifl:,,avoîent  repurgé 
leur  culte,  &  fervoient  Dieu  félon  la  Loi ,  comme  les  Juifs.    Néantmoins 
parce  qu'ils  étoient  dans  le  Schifme,  &  qu'ils  adoroient  dans  la  montagne 
Sr.  îcanch.   ^^  Guerizim ,  Jefus  Chrift  leur  dit  ,    Voi^s  adorez,  ce  cjhc  vous  ne  conmijfez^ 
4-  foint ,  nous  adorons  ce  que  nous  connoijfons ,  car  le  fa/ut  eft  des  fttifs. 

Pourquoi, &      ^^^  P^^t  objcéler  ce  que  l'Hiftoire  dit ,  que  les  enfans  d'Ifraël  paillar- 
commeatAe  derent  aprés  cet  Ephod,  &que  ce  terme  fignifie  non  pas  le  Schifme,  mais. 
deon^.Scdes  l'idolatric.     Je  répons  que  ce  mot  fignifie  tout  ce  que  les  Rabbins  ontap- 
ifraëiites      pelle,  n^î  m^y ,  avodaz.ara.    C'elt-à-dire,  le  culte  étranger,  tout  fer- 
phod,eftV  ^^^^  oppofé  à  celui  de  la  Loij  foit  que  ce  culte  fe  rapportât  au  vrai  Dieu,. 
f  elle  paijiar-  f^lon  l'intcntion  de  celui  qui  le  faifoit ,  foit  qu'il  fe  rapportât  à  une  faufle 
ajeikf"      divinité.    Quand  le  peuple  d'Ifraël  fit  un  Veau  d'or,  &  l'adora  ,  il  avoit 
intention  d'adorer  Dieu,  fon  intention  ne  le  garent it  pas  du  crime  d'ido- 
lâtrie. Et  il  eft  certain,  que  fi  les  Ifraëlitcs,  fans  abandonner  Dieu  ,  &fans 
fe  faire  des  images  ,  avoient  voulu  fervir  Dieu  par  des  cérémonies   tout 
oppofées  à  celles  deMoïfe,  leur  culte auroit  été  une  abomination.   Et  le 
St.  Efprit  auroit  dit,  qu'ils  auroient />^/7/<îr^/ aprés  d'autres  Dieux.     Car 
il  faut  favoir,  qu'afin  qu'un  culte  fe  puilTe  terminer  à  Dieu ,  il  faut  que  Dieu- 
le  veuille,  &  qu'il  l'accepte.     Un  culte  ne  fe  termine  point  à  Dieu  mal» 
gré  qu'il  en  ait.     Ainfi  il  eft  conftant  que  toute  fuperftition  eft  une  ef- 
pece  d'idolâtrie.   Les  fuperftitieux  ont  beau  dire  qu'ils  ont  intention  d'a- 
dorer le  vrai  Dieu.  La  divinité,  qui  rejette  6c  qui  repouffc,  pour  ainfi  dire,. 
ce  faux  culte,  empêche  qu'il  ne  le  termine  àelle.  Cependant  il  faut  qu'ua- 
culte  fe  termine  à  quelque  chofe ,,  ôc  com-me  le  culte  fuperftitieux  ne  fe 

peut 


IT  DES  CULTES  DE  VÊGLlSE.Ta/LlV.  739 

peut  terminer  au  vrai  Dieu ,  que  d'ailleurs  il  ne  fe  termine  point  à  aucu- 
ne Idole  connue ,  il  refte  qu'il  fe  termine  à  la  vanité  des  imaginations  du 
fuperllitieux.  Et  c'eft  proprement  cette  vanité  de  Ton  imagination ,  qui 
eft  Ton  Idole.  Pour  appliquer  tout  cela  à  Gedeon,  parce  que  lui,  &  fa 
maifon,  &  fon  peuple, établirent  un  nouveau  fervice  de'Dieu,  ôc  avec  de 
nouvelles  cérémonies ,  auprès  de  fon  Ephod ,  il  efl  certain  qu'il  fe  rendit 
coupable -d'une  efpece  d'idolâtrie. 

On  peut  encore  faire  une  difficulté  là-deflus,  c'eft  qu'alors  Dieu  tôle-  Pourquoi 
Toit  les  façrifîces,  qui  lui  étoient  faits  dans  les  hauts  lieux,  quoi  qu'il  eût  ^a'Jpunqué 
établi  fon  nom,  fon  fervice,  Se  fon  Tabernacle  en  Silo.  Ce  n'eft  pas  une  l'on  laai- 
chofe  qui  pmfTe  être  conteftée,  que  l'on  ne  facrifiât  dans  les  hauts  lieux ,  JautsfSux^ 
&  que  ces  façrifîces  ne  fuflent  agréables  à  Dieu.     Manoah^pere  de  Sawfûn^  J"ges  u. 
prit  un  chevreaH  de  lait ,    &  un  gâteau ,  &  les  offrit  à  l* Eternel  fur  le  rocher,  ^^' 
Et  Dieu,  ou  fon  Ange,  remonta  au  Ciel  aveclaflâme  du  lâcrifice , pour 
-faire  voir  qu'il  l'agréoit. 

Samuel  faifoit  un  facrifice  fur  un  haut  lieu  en  Rama,  quand  il  vit  pour  i-  sat».  9. 
la  première  fois  Saiil,  &  l'oignit  pour  Roi.  Il  facrifia  aufîî  fur  un  haut  heu  i.  sam.  is, 
en  Bethlehem  ,  quand  il  oignit  David  pour  fucceder  à  Saiil.  Sur  cela 
l'on  peut  dire,  pourquoi  ce  qui  fe  faifoit. alors  innocemment  pour  les  autres, 
€fl-il  imputé  à  crime  à  Gedeon  ?  Si  l'on  pouvoit  facriiier  dans  les  hauts 
lieux,  011  le  Tabernacle  n'étoit  pas,  pourquoi  Gedeon  auroit-il  péché  en 
facrifiant  dans  fa  ville  ,  auprès  de  fon  Ephod  ?  Je  répons ,  que  de  la  ma-  w 

niere  que  je  conçoi  l'aétion  de  Gedeon,  je  trouve  une  grande  différence 
entre  cette  aélion,  &  les  facrifices,  qui  fe  faifoient  dans  les  hauts  lieux. 
Ces  façrifîces  fe  faifoient  avec  toutes  les  cérémonies  ordonnées  parla  Loi. 
On  ne  bâtiflbit  pas  de  Tabernacle  dans  ces  hauts  lieux  ,  on  n'y  établif- 
foit  pas  un  nouveau  fervice ,  on  n'y  pofoit  aucun  objet  feniîble  ,  qui  fût 
regardé  comme  le  fymbole  de  la  préfence  de  Dieu,  on  n'y  celebroit  point 
de  fêtes  folennelles  pour  la  nation.  C'étoit  des  cultes  de  particuliers  , 
faits  pour  une  famille,  ou  tout  au  plus  pour  une  ville.  Mais  Gedeon^ 
félon  ma  fuppofition ,  bâtit  un  nouveau  Tabernacle  pour  fon  Ephod ,  lui 
confàcra  un  Autel,  fit  célébrer  des  fêtes  folennelles  de  toute  la  nation, 
auprès  de  cet  Ephod.  Il  regardoit  lui-même  cette  pièce  comme  un  fignc 
fenfible  de  la  préfence  de  Dieu  dans  ce  lieu-  Tout  cela  fans  doute  étoit 
fuperllitieux,  ôc  contraire  à  la  Loi  de  Dieu.  Outre  tout  cela,  je  ne  voudrois 
pas  nier  que  ce  peuple,  qui  étoit  naturellement  porté  à  l'idolâtrie,  n'ait  ren- 
du une  vénération  excefîive  à  cet  Ephod.  Non  pas  en  le  regardant  com- 
me une  divinité,  mais  en  leconfidèrant  par  rapport  à  Dieu,  auquel  il  étoit 
confacré.  Et  par  rapport  à  cette  grande  viéloire,  que  Dieu  leur  avoir  don- 
née, dont  il  étoit  le  monument.  Et  ainfîily  avoit  quelques  dégrez  de  vé- 
ritable idolâtrie,  dans  le  refpeét  qu'ils  avoienr  pour  lui.  C'eft  ce  que  j'ai 
pu  imaginer  de  plus  vrai-femblable  fur  cette  Hiftoire.  Il  faut  paiferàcelk 
Â^à  Serpent  d'airain. 


lAaaaa  % 


740         HISTOIRE   DES  DOGMES 


CHAPITRE     III. 

Vu  Serpent  £  airain ,  entant  qu^iï  devint  un  objet  à'tdolaîrie.     Le 

Viable  s'eji  fait  adorer  frefqne  par  tout  fous  la  figure  d'un 

ferpent.    Efculape  adoré  fous   un  ferpent.     Serpens  adorez  en 

Egypte  :   des   Ophites   contez    entre   les    Se^fes    du   Chnfita' 

mjme. 


o 


NT  peut  conGderer  dans  le  Serpent  d'airain,  oul'Hifl:oire&  rescir- 

conliances,  qui  donnèrent  occafion  à  Moiïe  de  l'élever  dans  le  dé- 

fert  5  ou  le  myftere ,  6c ce  qu'il  avoit  de  typique ,  par  rapport  à  Nôtre 

Seigneur  Jefus-Chrid,   6a  bien  enfin,  entant  que  pour  les  Ifraëlites^ 

il   devint    un    objet   d'idolâtrie  ,     ôc   fut  brifé    par   Ezechias.     C'efî 

fous  ce  dernier  égard  que  nous  le  eonfiderons  ici  ,.  6c  nous  ne  dirons 

Exercitatio'"  ''i^"  '^^^  ^^^^  autrcs,.  Fcnvoyantles  Leéteurs  au  Traité  que  Buxtorf  a  fait 

nesaiHifto- îà-deffus  ,  au  livre  de  Mr.  Bochait  de  Animalibiis  ,  6c  aux  Commenta- 

fœTetts&c.  teurs,  qui  ont  écrit  fur  le  Pentateuque.  Ainfi ,  félon  nôtre  defîèin,  nous 

Exercir.  6.   ne  dcvons  nous  attacher  qu'à  l'examea  de  ce  que  nous  lifons  au  fécond 

Anîa"nbns.  Livre  à^s  Rois,  dans  l'Hiltoire  d'Ezechias.     Cefl  qu'il  ôra  les  kantsUeux^ 

pirt.2.ub.3.  /■/  brifa  les  ft-atti'ês  ^  coupa  les  boc<:iges ,  d"  hrojia  le  Serpent  d'airain  ,  parce  c^ue 

îIroJs  18.4.  /^y^«^-f  ^  ces  jours- là  les  enfans  W/fraël  Itti  fatfoient  des  encenfemens  ,  ^  //  Pap" 

pella  Nechiifian. 

Qimnd  a  C'cil  Ic  fcul  cndroit  où  il  nous  foit  parlé  de  l'adoration,  qui  a  étéren- 

«°?T^""    due  à  ce  Serpent.     Mais  il  eft  clair  par  le  texte  qu'écrie  a  duré  long-tems. 

du  Serpent    C'eft  cc  quc  lignifient  ces   paroles   ,    fup^ms  à.  ces  jeurs-la  les  enfi^ns  d'If- 

d'aïuia.       raël  lui  faifoiem  des  encenfemens.    C'ett-à-dire  ,  depuis  les  jours  qu'Ifraël 

commença  à  devenir  idolâtre,  jufques  aux  jours  d'Ezechias,  Maisiln'efl: 

p\s  aifé  de  marquer  précifément  le  tems  ,   auquel  cette  idolâtrie  a  com- 

Ratbi  Kim-  mencé.   David  Kimchi  ef  f«ne  que  ce  ne  fijt  que  fous  les  Rois  de  Juda. 

chi  in  lo-     Après  cjH^Ezjchias  eut  va ,   dit-il ,  (^ue  les  enfans  d^ffraël  s'^égaroient  après  lui  , 

Opinion  de  il-  f  l^'^'^  &  ^^  brifa  ,.  parce  que  les  erfans  d'^lfrael  Ini  faifotent  des  encenfemens. 

ce  Ribbin,  jnfqiiei  à  ces  joHrs-là.     Cefi-a-dire  ,    depms  le  tems  que  les  Rois  de  fuda  s'é^ 

commença    totenî  corYompus  ,    &  que  les  enfans  d' Ifràel  s^éloient  adonnez,  a  l'idolâtrie  ,  les 

que  '^o^^^^'à  Jfraëhtes  lui  faifoient  des  encenfemens.     A  caufe  qu'ail  ejl  écrit   quiconque  l'aura 

da..  regardé  vivra  ,   ils  s"^ imaginèrent  qu'ail  étoit  propre  a  être  leur  médiateur  ,  ^ 

qu'il  était  digne  iCêtre  adoré. 
/prarem-         Miis  je  trouve  plus  d'apparcncc  qu'il  a   été  adoré  par  les   Ifraèlites,, 
ment  cette  même  du  tcms  dcs  Jugcs, ôc  dés  qu'ils  ont  commencé  à  êire idolâtres.  Car 
cûmn"nça    jc  uc  conçoi  pas,  Comment  ils  auroient  adoré  des  Idoles  étrangères,  de  la 
désietems   vertu  dclquelles  ils  ne  pouvoient  avoir  aucune  preuve  ,    6c  ne  fe  fuilent 
pas  portez  a  lervu-  une  figure,  qui  d  ailleurs  avoir  tous  les  caractères ,  qui 
peuvent  rendre  une  figure  vénérable.  Elle  avoit  étéfaite  par  le  comman- 
dement. 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Pm.lY.  741 

clément  de  Dieu  ,  6c  par  leur  Souverain  legiflateur  Moïfe ,  dont  ils  ref- 
peéloient  toujours  la  mémoire.  Elle  éroit  ancienne  ,  elle  avoit  fait  de 
grands  miracles.  Ainfi  il  n'eft  pas  étonnant  que  leur  fuperftition  fe  foit 
tournée  de  ce  côté-là.  Il  fcroit  étonnant  au  contraire  qu'elle  ne  s'y  fût  pas 
tournée. 

Il  eft  vrai  que  la  figure  deferpent,odieu'e  aux  hommes,  les  devoit  éloi-  Pourquoi  la 
gnerde  cette  idolatriej  mais  cela  ne  les  arrêta  pas^  c'eft  parce  qu'ils  voyoient  r*^""^^  ^^ 
adorer  des  Dieux,,  fous  des  formes  prodigieufes  ,   Moloch  fous  celle  d'un  o"fei!ft, 
taureau  ,  qui  avoit  des  mains  ;   Dagon  fous  la  figure  d'un  homme  demi-  "'«'^"'g"a 
poiflbn  }   Baal-Berith  fous  la  forme  d'une  femme  ,    qui  portoit  des  tours  de%efte"^ 
jur  fa  tête  ,   Beel-Zebub,  Dieu  d'Accaron,  dans  une  llatue,  qui  avoit  ^'*°^"^^'  ' 
une  tête  de  chien,  une  de  loup,  6c  une  autre  de  lion. 

Mais  outre  cela  M  me  femble  que  c'eft  une  remarque  digne  d'être  fai-  Le  Demon 
te.  C'eft  que  le  Démon  ,  pour  confiicrer  la  forme ,  fous  laquelle  il  avoit  fcf^ier'W- 
paru  à  Eve ,  l'avoit  feduite  ,   6c  fous  laquelle  il  avoit  été  maudit ,   6c  9"e  par 
comme  pour  rendre  faux  cet  oracle  de  Dieu  ,    je  mettrai  inimitié  ^»- iaTgure°d!f 
tre  le  ferpent  &  la  femme^  ,    &  entre  la  femence  de  la  femme  c^  celle  du  fer^  feipent, 
pnt ,   viiîblement    a  fait   tous   fes  efforts  pour  tourner   la   fuperftition 
des  îiommes  ,   6c  leur  idolâtrie  ,  du  côté  de  cette  affreufe  bête.     Telle- 
ment que  malgré  l'averfion  naturelle  ,   que  les  hommes  ont  pour  cet  ef- 
froyable animal,  6c  dont  ils  ne  fe  peuvent  défaire,  cependant  il  n'y  en  a  point 
qu'on  ait  autant  adoré,  ni  en  qui  on  ait  plus  mis  de  divinité.  Chacun  fait 
qu'il  étoit  confacré  à  Efculape  ,   6c  qu'on  adoroit  ce  Dieu  dans  le  corps 
d'un   grand  ferpent.     L'Hiftoire  Romaine  nous  apprend  ,  i^ue  durant  x/wé- Titus Liviu*^ 
fefie  5    qui  ravageait  la  ville  de  "^ûme  ,    les  '^mains  envoyèrent  des  Ambajfa-  Epitome"* 
deurs  ^  pour  apporter  d'Epidaure  à  Rome  ^  l^  fig^^  d^EfcuLipe.    C étoit  un  g?  and  ^icuhpe 
ferpent  ,    qui  entra  volontairement  dans  leur  vaifeau.    Ils  apportèrent  ce  ferpent ,  fansh^figure^ 
dans  lequel  il  ejl  certain  que  le  Dieu  habitait  ,    c^  quand  le  vaiffeau  eut  abordé  ^'^^  fe^- 
Plle  du    Tibre  ,    le  Dieu  étant  décendu  volontairement  dans  le  même  lieu  ,    on  con[oint*  ■ 
conJAcra^n  Temple  à  Efculape.  Et  même  dans  les  lieux  ,  oii  Efculape  étoit  ^^^'^  ""« 
adlJHfbus  des  ftatuës  de  figure  humaine,  on  lui  mettoir  en  main  un  bâ-  fcrpilt.*^ 
ton  5"  autour  duquel  étoit  un  ferpent.   Et  voici  comme  Ovide  le  dépeint, 
tel  qu'il  étoit  dans  les  Temples , 

Qualis  in  dde 

-   Efe  folet ,  baculumque  tenens  agrefle  finifiray  Aîetam.  i:- , 

(^Afanem  longA  dextra  deducere  barba.  ^'^'  \^'^^^  '' 

Après  quoi  Efculape  parle,  6c  dit, 

^one  metus^  veniam,  Jîmulacrdque  noflra  relinquam  , 
Hune  modo  ferpent em  ^  baculum  qui  nexibus  ambit  ^ 
Perfpice  ^  &  ufque  nota^  vifum  ut  cogna fcer e  poffls.. 

L'Hiftoire  du  Dragon  dts  Babyloniens  eft  connue  de  tout  le  monde.  .   . 

Mais  je  n'oferois  la  produire  comme  une  preuve  ,    que  les  hommes  ont 
adoré  les  fei'pens  ,  car  elle  eft  trop  apocryphe.      Aucun  ancien  Hiftorien  Kfio'atif 
ne  nous  dit  que  les  Babylonips  ayent  adoré  un  Dragon.    Un  certain  Juil"  olg^/"' 
affez  moderne,  nommé  Joféph  Ben  Gorion  ,    eft  le  feul  Auteur  qui  en  apoaypJie,- 
parle^maisil  eft  clair  quecejuif  apuifé  ce  qu'il  en  dit  de  l'Hiftoire  apo- 

Aaaaa  i  cryphe^  .    ^ 


JofephBcn 
Gorion 
lib,  MO. 


5) 

,îï 
» 

95 
3> 


jElian.Hif- 
tor.  Anim. 
iib.  lo. 

C.  3-1. 


Culte  que 
les  Egyp- 
tiens ren- 
doient  au 
ferpent 
Theimutis. 


Le  ferpent 

^toit  Tun 

des  plus 

vénérables 

fymboles 

de  la  Reîi-   35 

gion  d'E-      „ 

gypte. 

Lib.  I.  c.  ïo.  55 
Prspar. 
"ïivangclicK. 

55 

55 


741         HISTOIREDES   DO  G  M  ES 

cryphe  de  Bel  6c  du  Dragon,  que  les  Grecs  avoient  ajoutée  au  texte  de 
Daniel.  Voici  ce  qu'il  en  dit  :  „  Daniel  forçant  de  la  préfence  du  Roi^ 
prépara  des  inftrumens  de  fer, faits  comme  les  dents  des  peignes,  avec 
lefquelles  on  apprête  le  lin,  &  les  joignit  par  dedans,  po-fant  tête  con- 
tre tête,  6c  les  pointes  étoient  tout  à  fentour ,  bien  limées  6c  bien  ai- 
guës. En  fuite  il  couvrit  les  pointes  de  diverfes  fortes  de  viandes,  prin- 
cipalement de  graille,  de  fuif,  6cd'autres  chofes  graffes.  Il  y  mit  aufli  une 
couche  de  foufre  6c  de  poix.  Et  de  cette  manière  les  dents  aiguës 
étoient  cachées.  Le  tout  avoit  la  figure  d'un  des  pains  ,  que  l'on  met 
fur  l'autel.  Daniel  l'ayant  jette  dans  la  gueule  du  Dragon  ,  cette  bête 
avalla  ce  tourteau ,  6c  le  dévora  avec  avidité.  Mais  quand  cela  fut  dé- 
cendu  dans  fes  entrailles,  la  chaleur -fit  fondre  la  graifle  6c  le  fuif.  Les 
pointes  d'acier  fe  développèrent,  elles  percèrent  6c  déchirèrent  les  en- 
trailles du  Dragon.  Cet  animal  commença  à  fentir  de  grandes  dou- 
leurs ,  6c  mourut  le  lendemain.  „  Cette  fable  eft  un  peu  différente  de 
celle  de  l'apocryphe,  qui  ne  fait  entrer  dans  le  tourteau,  quedelapoix, 
de  la  graiffe  6c  de  la  bourre,  6c  point  de  fer.  C'efl;  le  caractère  du  men- 
fonge  d'être  différent  de  foi-même.  Mais  fî  le  Démon  ne  s'eft  pas  fait 
adorer  entre  les  Babyloniens  ,  fous  la  même  forme  ,  fous  laquelle  il  fè- 
duifit  Eve,  il  l'a  fait  en  bien  d'autres  lieux.  L'Egypte,  fi  célèbre  par  les 
monftres ,  dont  elle  a  fait  ûqs  Dieux ,  n'a  pas  oublié  le  ferpent. 

Il  y  avoit  une  certaine  efpece  d'afpic,  appelle  Thermutts^  pour  laquelle 
ils  avoient  une  fînguliere  vénération.  C'eft  Eîien  qui  nous  l'apprend,  6c  ce 
qu'il  en  dit  n'étant  pas  long,  eft  allez  curieux  pour  être  rapporté  -tout  en- 
tier ,  6c  dans  Çqs  termes.  „  Il  y  a  une  certaine  efpece  d'afpic  que  les 
Egyptiens  appellent  Thermutis.  Ils  difent  qu'il  eO;  faint  ,  6c  ils  ont 
pour  lui  une  fouveraine  dévotion.  C'ell  pourquoi  ils  en  couronnent  les 
fîmulacres  d'Ifîs,  comme  d'un  diadème  Royal.  Ils  foûtiennent  qu'il  n'efl 
point  ennemi  du  genre  humain  ,  qu'il  ne  fait  jamais  de  mal  aux  honê- 
tes  gens,  6c  ne  tue  que  les  méchans.  Si  cela  efl  ainfi,  on  pourroit  di- 
re, que  la  vengeance 6c  la  juftice ,  qui  préfîde  fur  l'Univers,  auralSHu 
refpeéî;  pour  cet  afpic  ,  qui  feroit  fi  clairvoyant  pour  voir  les  crimes, 
6c  fi  fevere  pour  les  punir.  Il  y  en  a  d'autres  qui  difent  que  c'efl  Ifis , 
5,  qui  l'envoyé  punir  les  malfaiéteurs.  Les  Egyptiens  content  jufques  à 
.5,  feize  efpeces  d'afpics  ,  mais  ils  croyent  qu'il  n'y  a  que  celui-ci  qui  foit 
5,  immortel.  C'cft  pourquoi  dans  tous  les  coins  de  leurs  Temples,  ils  bâ- 
.55  tilTent  de  petites  voûtes  foûterraines ,  comme  des  chapelles,  dans  lef-» 
,5  quelles  ils  nourriffent  le  Thermutis,  avec  de  la  graille  de  bœuf,  qu'ils 
5,  lui  donnent  à  manger  de  tems  en  tems.  „  • 

Le  ferpent  étoit  l'un  des  plus  vénérables  de  tous  les  fymboles  de  la  Religion 

des  Egyptiens.  Eufebe  nous  en  fait  l'Hiftoire  allez  au'  long,  tirée  de  Philo  Bi- 

blius ,  Traduâeur  de  Sanchoniathon  en  ces  termes.     5,^  Thaautus  attribuoit 

35  quelque  divinité  à  la  nature  du  Dragon,  6c  des  ferpens,  6c  les  Phéniciens, 

5,  6c  les  Egyptiens,  ont  approuvé  fon  fentiment.  Car  en  effet  ces  animaux 

font  beaucoup  plus  abondans  en  efprits  que  les  autres  reptiles.   Ils  ont 

une  nature  de  feu,  6c une  vîteffe  qu'on  ne  fauroit  exaggerer  6cc.  C'ell 

pourquoi  cet  animal  eft  eftimé  facré,  6c  il  entre  dans  les  myfteres  6cc. 


55 
55 


55 


li  eft  immortel ,  6c  il  fe  refout  en  lui-même 


car  il  ne  fauroit  mourir 
„  natu- 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  TartlY,  743 

5,  naturellement.  Il  faut  qu'il  meure  par  la  violence  de  quelque  coup. 
j.  Les  Phéniciens  l'appellent  bon  Démon  ,  &  les  Egyptiens  l'appellent 
93  Kneph,  Kvvj(î),  &  lui  donnent  une  tête  d'épervier  ôcc.  quand  ils  répré- 
j,  Tentent  le  monde,  ils  peignent  un  cercle, dont  le  fondeft  d'azur,  par- 
j,  femé  défiâmes,  ôcau  milieu  du  cercle  s'étend  un  ferpent,  qui  a  la  té- 
55  te  d'épervier,  le  tout  ell  fort  femblable  à  la  figure  du  0,  thêta  Grec. 
53  Leur  intention  eft:  de  répréfenter  le  monde  par  ce  cercle  ,  ôc  le  bon 
}).  Démon  par  le  ferpent,  qui  s'étend  au  milieu  du  cercle. ,, 

Il  eft  clair,  que  puifque  ce  ferpent  répréfentoit  le  génie  du  monde ,  6c  audace  Ju 
i'efprit  qui  l'anime  ,  il  faloit  que  ce  fût  le  fymbole  du  Dieu  confervateur  î!)lTd*onna 
&  créateur  de  l'Univers ,  en  quoi  l'audace  du  Démon  paroît  horrible  ,  ^'^^P^t  q"i 
d'avoir  donné  à  Dieu  la  figure  que  lui-même  a\^oit  empruntée  pour  faire  moli^^mt 
la  guerre  à  Dieu.  Outre  cela  les  Egyptiens  répréfentoienc  l'année  par  un  jp^ge,'  le 
ièrpent,  qui  faifoit  un  cercle,  ôc  qui  fe  mordoit  la  queue.  erpenr. 

il  y  a  bien  apparence  qu'une  partie  de  cette  Théologie  Egyptienne,  L'Hiftoîre 
venoit  de  l'Hiftoire  de  nôtre  Serpent  d'airain,  fait  parMoïfe.  Le  Thaau-  JaiS?*^  - 
tus  ,   dont  Sanchoniathon  parle  fi  fouvent ,   pourroit  bien  être  Moïfe.  ^«nné  lieu 
G'efl  une  des  conjedures  les  plus  vrai-femblables  deMonfieur  Huet.  Car  gk  16^/°^°* 
les  Phéniciens  difoient  de  leur  Thaautm  ,   qu'il  fut  le  premier  inventeur  égyptiens, 
éti  caraéteres  6c  des  lettres.     Que  Saturne  le  fit  Roi  de  toute  l'Egypte  j  peni?  ^"" 
que  c'eft  lui  qui  a  écrit  l'Hiftoire  des  Dieux.     Cela  peut  convenir  à  Moi-  JnDemon- 
fe  ,.  qui  eft  eftimé  le  plus  ancien  dt  tous  les  Ecrivains ,   qui  domina  fur  EvangeiL. 
l'Egypte,  par  la  verge  qui  la  domtoit,  6c  qui  écrivit  l'Hiftoire  de  Dieu, 
ôc  de  Çts  enfans.     Ce  que  dit  Sanchoniathon  ,   dans  le  paftage  que  nous 
venons  de  voir  ,   que  Thaautus  attribuoit  quelque  divinité  au  ferpent  y 
vient  apparemment  de  ce  que  Moïfe,  éleva  le  Serpent  au  defert,  6c obli- 
gea le  peuple  à  le  regarder,  pour  être  guéri.  De  là  même  apparemment 
eft  venu  le  ferpent  d'Efculape  ,   le  Dieu  de  la  Médecine.     C'eft  par- 
ce que  par  le  regard  de  ce  Serpent  d'airain  les  Ifraëlites  avoient  été 
guéris. 

Les  Génies  proteéleurs  des  villes ,  6c  des  autres  lieux ,  qu'on  appelloit  ifidore 
Dieux  Tutelaires ,  étoicnt  adorez  fous  le  fymbole  des  ferpens  ,   félon  ig  ^J^'g-'ib-ii^, 
témoignage  d'Ifîdore.  Et  deux  ferpens  peints  à  l'entrée  d'un  lieu,  étoient 
une  marque,  que  le  lieu  étoit  confacré  à  quelque  Héros  ,   ou  à  quelque 
Dieu».  C'eft  ce  que  veut  direPerfe  dans  (on  ftyle  obfcur,, 

Pinge  dms  angpta  :  pueri  ^  fic&r  efi  locfis^  extra  ,  Satyis  r. 

Mette.  vcif:ii4. 

Allez.y  enfans^  ne  faites  pas  vos  ordures  la  dedans  ^  c'ejf  un  lien  faint ,  on  y  voit 
la  peinture  de  deux  ferpens.  Ariftophane  ,  dans  la  Comédie  intitulée  Plu- 
tus,  dit,  deux  Dragons  fortirent  du  Temple,  6cfonScholiafte ajoute qu'er^/- 
nairement  on  pofoit  deux  Dragons  auprès  des  Héros.  Virgile  raconte  qu'Enée,. 
en  facrifiant  aux  mânes  de  (on  père  Anchife,  vit  un  ferpent  fortir  de  fon 
tombeau,  &  fut  en  doute  fi  c'étoit  le  Génie  ou  le  Dieu  Tutelairedu  lieùj, 
ou  celui  de  fon  père. 


Dixira$ 


74f         HISTOIRE  DES  DOGMES 

.Cneid.  |.                 DixerAt  htec  :  adytis  cum  luhricHS  angms  ab  imij 
Sepiem  iyigens  gjros ,  fiptena  volumtna  traxit , 
Amplexui  placide  tum'ilum  (JTC, 
Ohjlup'ut  v^fï^  çyEneas  s  tlle  agmlne  longo 
Tandem  inter  pMeras  ^  C^  lerna  poculaferpenSy 
Libavitcff^e  dapes ,  rurfHfcjtie  innoxins  imo 
Shccejfùi:  tumtilo  ,  &  depafia  ait  aria  licfHÎt. 
Hoc  magis  inceptos  genitori  infiaurat  honores  , 
Incertulque  genmmns  loci ,  famulumne  parentis 
Ejfe  pmet, 

serpenssdo-      Enfin  il  n'y  a  point  de  lieux  Ci  cachez  ,  6c  fi  reculez,  dans  le  monde, 
j5''«"^'^"f-  où  le  Démon  n'ait  porté  cette  idolâtrie  monftrueufe.  Erafmus  Stella  dans  les 
Lib.  I.  An-  autiquitcz  de  Borulîie ,  ou  de  Pruffèjdit  que  les  habitans  de  ce  païs,  barbares 
ruffi''^'  d°"   ^^  fouverain  degré,  n'ayant  autrefois  aucune  Religion,  commencèrent  par 
VuiSsl        l'adoration  des  ferpens.  Sigifmond  Baron  de  Herberllein,  dans  les  Rela- 
tions de  Molcovie  ,  dit  que  dans  la  Samogitie ,  de  Ion  tems,  les  hommes 
adoroient  encore  un  ferpent  pour  divinité.    Le  même  fe  faifoit  dans  la 
Lithuanie.     Et  il  y  a  des  païs  dans  les  Indes,  où  l'on  adore  encore  au- 
jourd'hui les  ferpens. 

Je  ne  regarde  pas  ce  que  nous'avGns  dit  de  l'adoration  des  ferpens  y 
abfolument  comme  une  digreflicn.    Car  je  croi  que  le  culte  du  ferpent  ti- 
re fon  origine  ,  en  partie  du  miracle  ,   que  le  ferpent  d'airain  fit  dans  le 
defert  fur  les  enfans  d'Ifraëî ,  en  partie  de  THiftoiie  de  la  tentation  du  pre- 
mier homme  ,   dans  laquelle  le  Démon  fe  cacha  fous  la  forme  d'un  fer- 
pent, duquel  Moïfe  difoit  ,    ejfi^il  étoit  le  pins  avife'  de  tous  les  animaux  des 
champs.     Les.  chofes  s'obfcurciiTent,  &  fe  grollifient  en  même  tems ,   en 
s'éloignant  de  leur  fource.    Cette  tradition  qu'un  ferpent  avoir  parlé  ,  6c 
qu'il  avoit  été  jugé  le  plus  fin  des  animaux,  s'eft  enflée  jufques-là  que  l'on 
eft  venu  à  donner  de  la  divinité  au  ferpcnr.     Il  eil:  certain  qu'il  y  a  eu 
des  hérétiques  dans  l'antiquité  ,   qu'on  a  appeliez  Ophites^  qui  ont  adoré 
îrensUib. I.  le  ferpcut,  8c  qui  l'ont  adoré  par  rapport  à  la  tentation.  Ils  difoient,  fe- 
refes'"''  ^'  ^^^^  ^'•-  ^^"Cnée  ,   que  la  Sagejfe  s' étoit  fait  ferpent  ,    &  qu'elle  s' était  oppofée  att 
cap.  34.  ad    créateur  d^Ada^n  \  quelle  avoit  donné  la  connoifance  à  l'homme ,  &  qu  à  caufe 
^""''         de  cela  il  avoit  été  dit  ,  qne  le  ferpent  étoit  le  plus  fage  de  tous  les  animaux.  St 
que  la  fiiuation  des  intefiins  dans  P homme ,  q ni  font  pliez.  &  replie:^  ,  comme  les 
ferpens  ,    montre   qu'il  y  a  en  mofis  une  fnhjîance  cachée  ,  qui  engendre  la  figure 
Origenes     des  ferpens,    Origeiîc  cuntre  Celfus  en  dit  des  chofes  fort  curieufes.   Cel- 
fum,"?!'  ^^^^  reprochoit  aux  Chrétiens  ,  qu'il  avoit  vu  un  certain  diagramme,  fait 
p. 292.  8c    par  eux  ,   qui  fentoit  fort  la  magie.  Il  étoit  compofé  de  dix  cercles,  dé- 
uivantes.     ^.^.-^^^^  j^^  uos daus  Ics  aUtrcs ,  fur  un  même  centre,  le  plus  petit  étant ren- 
Theoiogie   fermé  dans  un  plus  grand ,  chacun  de  ces  cercles  ayant  fon  nom.  Le  plus 
fcmSïbie?'  g''""d  s'appelloit  Leviathan  ,   ou  l'ame  univerfeile  ,  le  plus  petit  s'appel- 
cesk  des     loit  Bebemoth ,  &  fur  le  tout  étoit  marquée  une  greffe  ligne  ,    large  6c 
•gypticns.    i;j(5ij-e^  en  forme  de  diamètre,  qui  coupoit  tous  les  cercles  par  la  moitié, 
qui  s'appelloit  îa  geeiiie.  Origene  expliquant  ce  diagramme,  montre  que 
c'elt  celui  desOphites,  ôcdit  que  dans  ces  cercles  étoient  écrits  les  noms 

de 


ET  DES  CULTES  DE  UEGLISE.  P^r^.IV.74^ 

de  fept  Démons ,  que  ces  gens  adoroient.  Et  entr'autres  chofes  il  confir- 
me ce  qu'avoit  dit  îrenée  ,   qu'ils  foûtenoienc  que  le  ferpent  étoit  bon, 
qu'il  avoit  été  le  Do6teur  d'Adam  6c  d'Eve ,  ôc  qu'il  leur  avoit  appris  à 
-    connoitre  le  bien  &;  le  mal. 

J'ai  rapporté  cela,  parce  qu'il  me  paroît  avoir  un  très  grand  rapport  avec 
la  Théologie  des  Egyptiens ,  dont  nous  avons  parlé.  Ces  cercles  des 
Ophites ,  &  le  culte  du  ferpent ,  approche  de  cet  emblème  célèbre  des 
Egyptiens  ,  qui  peignoient  un  cercle  parfemé  de  traits  d'azur  &  de  fiâ- 
mes ,  au  milieu  defquels  étoit  un  ferpent. 

Les  Ophites  étoient  proprement  des  Magiciens ,  à  qui  l'on  fait  bien  de  ophiresmâi 
l'honneur  en  les  mettant  entre  les  fe<5tes  du  Chriflianifme.     Car  fi  ce  mS^not». 
qu'Origene  nous  dit  au  même  lieu  efl:  véritable,   ils  n'a  voient  pas  labredeshe- 
moindre  teinture  du  Chriftianifme  j  puifque  perfonne  n'étoit  reçu  à  leurs  c3fanif- 
myfi:eres ,  qui  n'eût  auparavant  maudit  ôc  renié  Jefus-Chrift.  Je  croi  donc  me. 
que  ces  gens  étoient  une  branche  de  la  Religion  Egyptienne ,  plutôt  que 
de  la  Religion  Chrétienne. 

Pour  achever  ce  que  nous  avions  à  dire  du  Serpent  d'airain ,  il  ne  nous 
refl:e  plus  qu'un  mot  à  ajouter,  touchant  fa  dernière  defl:inée.  C'eft  qu'E- 
Zechias  le  brifa,  6c  l'appella  par  mépris  Nechafian^  c'efl:-à-dire,  une  pie- 
ce  d'aiî-ain.  Il  n'y  a  là- deflus  qu'une  difficulté  confiderable.  C'eft  que  l'on  comment 
demande,  pourquoi  les  Princes  dévots  &  religieux  ,   qui  ont  vécu  ^vant  ^pjj'^^J°^ 
Ezechias, comme  Afa  ÔC  Jofaphat,  en  repurgeant  l'EgUfe  de  Juda  d'ido- épargné ri- 
latrie  ,   n'avoient  pas  aboli  cette  Idole  avec  les  autres.    Je  ne  croi  pas  pei^d'âf"' 
qu'on  puifle  dire  que  du  tems  d'Afa  oc  de  Jofaphat,  le  Serpent  d'airain  n'a-  rda, 
voit  pas  été  adoré.  Car  j'ai  déjà  dit  que  cela  ne  me  paroît  pas  vrai-fem- 
blable  ,   6c  les  paroles  du  texte  difent  que  jufques  aux  jours  d' Ezechias 
les  enfans  d'Ifraël  lui  faifoient  des  encenfemens.     Ce  qui  fignifie  qu'ils 
l'avoient  adoré  de  tout  tems. 

Buxtorf  nous  rapporte  le  fentiment  d'un  certain  Rabbin,  nommé  La-  Buxtorf 
viedo  ,    qui  croit  que  les  Rois  pieux  ,   qui  avoient  précédé  Ezechias  ,  SlÊpeL" 
avoient  épargné  le  Serpent  d'airain  ,  bien  que  de  leur  tems  les  enfans  tis  ^nei. 
d'Ifraël  lui  filfent  des  encenfemens ,  parce  que  ce  n'étoit  pas  une  idolâtrie,  *^'  ** 
à  caufe  que  ces  encenfemens  ,  qui  fe  faifoient  au  Serpent,  ne  fe  faifoienr  opinîon.du 
pas  à  l'honneur  du  Serpent,  mais  à  l'honneur  de  Dieu  ,  6c  en  niemoire  J^'^^^Jç^g 
du  miracle,  que  Dieu  avoit  fait  par  ce  Serpent.  Mais  qu'Ezechias  voyant  cuite  n'étoit 
que  cela  avoit  l'apparence  d'idolâtrie  ,   à:  qu'à  l'avenir  ce  Serpent  pour-^""*"^**^^" 
roit  être  en  achoppement ,  parce  que  la  fuperltition  augmente  toujours , 
il  le  brifa.  Ce  fentiment  n'a  pas  de  vrai-femblance.  L'Eglife  Judaïque  ne 
favoit  pas  les  diftinûions  ,   qui  font  aujourd'hui  fi  célèbres  dans  l'Eglife 
Latine ,  d'adoration  relative 6c  abfolH'è.  Et  l'on  ne  favoit  pas  encore  en  ce 
tems  ,  qu'il  fût  permis  de  faire  des  encenfemens  à  des  llatuës,  6c  à  des 
images ,  à  l'honneur  de  Dieu. 

L'opinion  de  Kimchi  n'eft  pas  vrai-fembîable  non  plus.  <tAfa  &  fofa-^ 
phat ,  dit-il  ,  n'ont  pas  détruit  k  Serpent  d'airain  ,  quand  ds  abolirent  f  idolâ- 
trie^ parce  ^hUs  ne  s'étaient  pas  apperçfts  ejft'on  l'adorât ,  ou  qit'on  lu/fzt  des  en-' 
cenfemens  durant  leur  tems.  Cefi  pourquoi  ils  le  con fer  voient  comme  un  monn*  ■ 
ment  du  miracle.  Ce  Serpent  étoit  fans  doute  conlervé  dans  un  lieu  public, 
ôc  ij  n'y  a  pas  d'apparence  qu'on  ait  pu  lui  faire  des  encenfemens ,  fans 
Pan,  /r.  Bbbbb  '  que 


74.6  HISTOIREDES  DOGMES 

que  cela  foit  venu  à  la  coniioifTance  des  Rois.  Ainfi  l'on  ne  peut  dire  au- 
tre chofe ,  finon  qu'Alii  6c  Jofaphat  conferverent  un  grand  refpeâ:  pour 
cette  relique  ,  qu'ils  firent  confcience  de  détruire  une  pièce  vénérable 
pour  fa  grande  antiquité,  ÔC  par  les  miracles  que  Dieu  avoit  faits  par  el- 
le >  qu'ils  le  contentèrent  de  défendre  au  peuple  de  l'adorer.  Mais  qu'E- 
voyant  que  les  foins ,  qu'on  avoit  pris  pour  empêcher  1' 
fevpent,  n'avoient  pasreiifli,  il  avoit  paiîepardeifus  les  ce 


zecnias , 
tion  de  ce 


adora- 
confide- 


rations,  qui  avoient  retenu  fes  Ancêtres.  Et  pour  faire  revenir  le  peuple 
de  la  grande  vénération,  qu'ils  avoient  pour  cette  pièce  antique  ,   "— ■- 


Voi  Mas- 
sham  Chio- 
nicii  Canon- 
itcî  defeiti 
ftation.  3J. 


l'avoit 


traité  par  mépris  de  Gmiplc  pièce  d^airain^  ôc  enfin  l'avoit  brifé,  pourôter 
abfolument  cette  pierre  de  fcandale ,  fur  laquelle  ce  peuple  avoit  bronché. 
Bien  que  j'aye  déclaré  dés  le  commencement ,  que  je  ne  veux  point  par- 
ler de  la  guerifon  miraculeufe  ,  que  Moïlè  procura  par  ce  Serpent  d'ai- 
rain, cependant  je  ne  faurois  m'empêcher  de  donner  avis  qu'on  doit  être 
en  garde  do  côté  de  l'erreur  de  Marsham,  Gentilhomme  Anglois  très 
favant  ,  mais  trop  hardi  en  eonjedures.  Selon  lui ,  ce  Serpent  fut  une 
efpece  de  Talifman,  ou  figure  magique,imitée  des  Egyptiens,  qui  avoit  la 
vertu  de  guérir  la  morfure  du  ferpent.  Et  il  infinuë  que  c'efl  de  là  que 
les  Hébreux  avoient  pris  la  coutume  d'enchanter  les  lerpens.  Ce  qu'on 
peut  voir  Pf.  f8.  &  Jeremie  8.  17.  C'eli  transformer  MoiTe  en  un  Magi- 
cien d'Egypte.  Cette  guerifon  fut  toute  miraculeufe  6c  typique. 


CHAPITRE     I 


îympofia- 

Ktov 

Lîb,  4.  C;  5» 

Tiemierc 

calomnie 

d'avoir  ado- 

xé-  le  poui- 

ceaiv 


Idolâtries  dont  les  Juifs  ont  été  faujjement  accu  fez» 

Prés  avoir  parlé  des  idolâtries,  dont  les  Juifs  fe  font  véritablement 
rendus  coupables,  il  n'y  a  pas  moyen  de  finir,  fans  dire  àleurjufti- 
fication  au  moins  un  mot  de  celles  ,  dont  on  les  a  accufez.  On 
les  a  accufez  d'adorer  l'âne,  le  pourceau,  le  ciel  &  Bacchus.  Il  n'eftrien 
de  plus  injufle,  &  de  plus  faux.  Les  Grecs  6c  les  Romains,  qui  ont  for- 
naé  contr'eux  ces  accufations  ,  n'ont  eu  connoifTance  de  leur  Religion  , 
que  depuis  la  captivité  de  ce  peuple  en  Babylone  :  depuis  lequel  tems  il 
efl  certain  qu'ils  ont  eu  une  averfion  épouvantable  pour  l'idolâtrie  ,  6c 
n'ont  trempé  en  aucun  culte  des  Idoles  des  Payens ,  bien  éloignez  d'a- 
voir adoré  le  pourceau. 

L'accufation  d'avoir  honoré  le  pourceau  fe  trouve  dans  Plutarque  , 
dans  fes  propos  de  table.  Ou  il  introduit  un  Callillrate  ,  difant  que  les 
juifs  ne  mangeoient  pas  de  la  chair  de  pourceau,  par  refpeér  qu'ils  avoient 
pour  cet  animal,  à  caufe  qu'en  fouillant  avec  le  mufeau  il  avoit  appris 
aux  hommes  l'art  du  labourage.  Il  appuyé  cette  conjeélure,  que  les  Juifs 
ne  s'abilenoient  pas  de  la  chair  de  pourceau  par  abomination  ,  fur  ceci,, 
c'eft  que  s'ils  avoient  de  l'horreur  pour  le  pourceau  ils  le  tueroient,  com- 
me les  Magiciens  tuent  les  fouris  j  aujieu  qu'il  leur  efi;  défendu  de  tuer 
^t^  pourceaux  3  aulîi  bien  que  d'en  manger.  Mais  ces  gens- là  nefavoient 

pas 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Part.lY.-j^j 

pas  que,  félon  la  Religion  des  Juifs  ,  un  homme  étoit  fouillé  auffi  bien 
en  touchant  une  bête  louiilée  ,  qu'en  la  mangeant.  Et  c'eft  pourquoi 
ils  n'ofoient  la  tuer  ,  parce  qu'en  la  tuant  il  eût  falu  la  toucher.  Cette 
abilinence  de  la  chair  de  pourceau ,  commandée  au  Juif,  ell  allurément 
le  fondement  de  cette  accufation  ,  &  ce  qui  a  fait  dire  à  PetroniusAr- 
biter 

^uàdus  licet  &  porcinum  numen  aâoret ,  in  Frag- 

Et  cœli  fummas  advocet  amtculas ,  mentis. 

ISli  tamen  &  ferro  facciderit  inguinis  oram.  6cc. 

Dans  le  même  lieu  Plutarque  accufe  auffi  les  Juifs  d'adorer  l'âne.    Ils  seconde 
Js'abfiiennent ,  dit-il ,  ^^  lièvre  &  le  hâïjjènt  ,   comme  une  bête  impure ,  à  caufe  comTies 
de  la  rejfemhlance  qu'il  a  avec  Pane  ,    lequel  ils  révèrent  myjiiquement.     Tous  Juifs^d'avoir 
les  Savans  favent  la  fable  de  Tacite.     C'eil  que  les  Juifs  adoroient  l'âne,  "^°"  ^'^°^- 
parce  qu'en  fortant  d'Egypte  ils  étoient  prêts  à  mourir  de  foif  dans  le  de-  Hiftor.iib.?. 
fert,  quand  ils  rencontrèrent  une  grande  troupe  d'ânes  fauvages  ,  qui  les 
conduifirent  à  une  fontaine.     Ce  qui  leur  fit  avoir  tant  de  reconnoifîance 
pour  cet  animal  ,   qu'ils  en  confacrerent  la  figure  dans  leur  Sanétuaire. 
Ceci  a  tiré  fon  origine  d'Appion,  Grammairien,  qui  vivoit  du  tems  de 
Tibère,  de  Caïus,  &  de  Claude,  &  qui  a  été  refuté  par  Jofephe.  C'efî:  Apudjofe- 
lui  qui  dit  que  le  Sanftuaire  ayant  été  ouvert  du  tems  d'Antiochus  l'illuf-  admfaf'^" 
tre,  on  y  trouva  une  tête  d'or,  qui  avoit  la  figure  de  celle  d'un  âne.  Et  Appionem. 
c'eftdelà,  dit-on,  qu'eft  venue  l'accufation ,  qui  a  été  faite  aux  Chré- 
tiens d'adorer  l'âne.     TertuUien  dit  qu'un  de  ces  calomniateurs  avoit  fait  "^"taii. 
peindre  le  Dieu  des  Chrétiens  avec  des  oreilles  d'âne,  revéïu  d'une  Ion-  Apoioger. 
gue  robe,  tenant  un  livre  en  fa  main  ,  le  pied  avec  une  corne  ,   comme 
les  chevaux  &  les  ânes  en  ont,  avec  cette  infcription,  Deus  ChriJI-ianorumJ'^^^p^^'^^  . 
Ononychites.     Dans  ce  tems -là  les  Payens  ne  diftinguoient  point  les  Juifs  chart.  De 
des  Chrétiens  ,  à  caufe  qu'ils  adoroient  le  même  Dieu  créateur  du  mon  pg'Jj'^/^jl,'''^ 
de  ,   &  étoient  également  ennemis  de  tous  les  faux  Dieux  du  Paga-  cap.rs. 
nifme. 

Nos  Savans  demanderit  quel  peut  être  le  fondement  de  cette  calomnie. 
Quelques-uns  croyent  que  cela  eil  venu  de  ce  que  èpavoc^  qui  figiiifie  îe 
ciel,  s'écrivoit  par  abbreviation  àvoç^  mot  qui  approche  fort  de  celui  qui 
fignifie  âne  ,  &  que  les  Payens  ayant  lu  quelque  part  que  les  }u\Çs  ado- 
roient 8V0V,  le  ciel  j  lifant ,  ou  par  ignorance,  ou  par  malice,  &voç,  qui 
lignifie  un  âne  ,  ils  ont  débité  cette  fable  §  que  les  Juifs  ont  adoré 
l'âne. 

Le  Févre  de  Saumur,  Régent  de  la  féconde  Cîafle  ,  très  heureux  en  Notate 
conjeârures  ,  en  fait  une  ici  qui  eil  ingenieufe.    Il  obferve  que  celui  qui  de  Tana" 
bâtit  le  Temple  Schifraatique ,  que  les  juifs  avoient  en  Egypte,  s'appel-  J^j^j^'^  ^^^ 
lokOniasy  que  tout  le  Canton  en  prit  le  nom.     C'étoit  dans  la  Province i^critK^*^ 
d'Heliopohs,  que  le  Temple  fut  appelle  OVs  vxoç:  &0'vifn?v,  la  ville  bâricg*^^^'^^     , 
par  Onias.    Sur  quoi  les  Payens  inventèrent  la  fable ,  que  VznQ ,  appelle  chab'ro-' 
onos  en  Grec ,  étoit  adoré  dans  ce  lieu-là.    Monfieur  Bochart  foupçonné  ^^^'^^' 
que  cela  vient  de  ce  que  le  mot  pieo  en  langue  Egyptienne  fignifie  un 
âne  ,  ôc  que  les  Egyptiens  ayant  fouvenfouï  dire  aux  Juifs  ces  mots  , 

Bbbbb  z  •'i 


748  HISTOIRE   DES   DOGMES 

mn''  >9,  qui  fe  prononcent /?«<^o ,  ôc  qui  fignifient  la  bouche,  ou  la  parole 
dejehova,  l'avoient  malignement  confondu,  avec  leur^^^o,  pour  avoir 
lieu  d'accufer  les  Juifs  d'adorer  l'âne.  Dans  toutes  ces  conje6lures  il  pa- 
roît  de  l'érudition  &  de  l'efprit. 

Mais  je  croi  que,  quand  on  aura  examiné  ce  que  j'ai  dit  des  Chérubins, 
on  ne  doutera  point  que  ma  conjeâure  ne  foit  préférable  à  toutes  les 
autres.  J'ai  prouvé  que  les  Chérubins  avoient  quatre  faces,  i .  d'homme ,  2.  de 
lion,  g.  d'aigle,  ÔC4.  de  bœuf.  11  n'eft  pas  difficile  de  prendre  l'une  de 
ces  têtes  6c  d'eo  faire  la  tête  d'un  âne,  fur  tout  celle  de  bœuf,  fi  vous  en 
changez  les  cornes  en  grandes  oreilles ,  elle  ne  revient  pas  mal  à  celle  d'un 
âne.  Dans  le  delîein  qu'avoient  les  Payens  de  rendre  ridicule  &  odieu- 
fe  la  Religion  des  Juifs ,  il  n'eft  pas  étonnant  qu'ils  ayent  fait  cette  petite 
metamorphofe.  Ils  auroient  pu  les  accufer  d'adorer  un  bœuf,  mais  cela 
ne  les  eût  pas  rendus  odieux ,  parce  que  les  Egyptiens  avoient  cette  fu- 
perfticion.  Ils  ne  les  ont  pas  accu  fez  non  plus  d'avoir  adoré  l'aigle  &  le 
lion,  parce  que  ces  animaux  ont  quelque  chofe  de  noble  &  de  grand.  Ayant 
donc  oui  dire  que  les  Juifs  dans  leur  Sanétuaire  avoient  eu  [autrefois  des 
iîgures  extraordinaires ,  qui  étoient  d'or ,  6c  en  effet  les  Chérubins  qui 
couvroient  l'Arche  étoient  d'or ,  ils  en  ont  fait  cette  tête  d'âne  de  pur 
or,  dont  parle  Appion.  Il  eft  vrai  que  du  temsd'Antiochus  Epiphanes, 
auquel  tems  Appion  attache  fa  fable  de  la  tête  d'âne,  trouvée  dans  le  Sanc- 
tuaire, il  n'y  avoit  plus  d'Arche,  ni  de  figures  de  Chérubins:  mais  Ap- 
pion pouvoit  avoir  appris  par  tradition  comment  étoient  faits  les  Chéru- 
bins ,  6c  ce  qu'en  avoit  écrit  Ezechiel. 

s.  Calomnie      Qiiant  à  la  troifiéme  accufation ,  d'avoir  adoré  le  ciel ,  que  leur  font  Ju- 

^'ïëid  &  vénal  ôc  Pétrone , 


te 

les  nuées. 


/«»»(*'  2\(/7  prêter  tinhes  &  cœli  numen  adorant, 

£t  cœli  fummas  advocet  auricuUs. 

ïl  n'eft  pas  difficile  de  deviner  pourquoi  c*eft  que  les  Juifs  faifoient  pro- 
feffion  de  n'adorer  que  le  Dieu  des  cieux.    Ils  n'avoient  point  d'images , 
ni  de  ftatuës ,  ils  appelloient  Dieu  à  témoin  de  leur  innocence ,  en  levant  les 
yeux  &  les  mains  au  ciel,  &  vers  les  nues.    En  effet  les  Juifs  n'adoroient 
que  ce  qu'ils  appelloient  cceli  numen ,  le  Dieu  du  ciel ,  mais  ils  n'adoroient 
pas  cœhm  numen^  le  ciel  comme  un  Dieu.     Cependant  c'eft  ce  que  Juve- 
nal  veut  infinuer,  difant  que  les  Juifs  adorent  les  nuées,  &  la  divinité  du  ciel, 
©eiaeran-       Je  viens  à  la  dernière  accufation ,   c'eft  d'avoir  adoré  Bacchus.    C'eft 
de  accufa-    ccUc  fur  laquelle  Plutarque  appuyé  davantage ,  &  il  prétend  les  en  con- 
dvoi/ïck.-  vaincre  par  bien  des  preuves.     Il  ne  fera  pas  fans  doute  defagréable,  ni  inu- 
lé  Bacchus.  tile,  quc  nous  faffions  une  revue  de  ces  preuves.     Il  dit  que  cela  fe  prou- 
ve par  le  tems  de  leur  plus  grande  fête ,  qui  fe  celebroit  dans  l'Autonne. 
ïlutatque,    Hs  ï' Appellent  ^  dit- il ,  le  feme^  &  le  célèbrent  dans  le  terni  des  vendanges'.  Ils 
Ubifupia.    dreffent  des  tables  au  milieu  des  mes  y  chargées  de  toutes  fortes  de  fruits  ^  &  font 
affis  fous  des  feuillages ,  &  fous  des  tijftts  de  branches  ,  principalement  de  vigne 
&  de  lierre ,    &  ils  appellent  le  jour  de  devant  le  jour  des  Tabernacles.     Peu  de 
jours  après  ils  célèbrent  une  autre  fête ,   où  les  myjleres  de  Bacchus  paroijjent  a 
découvert.     Ils  portent  des  rameaux  en  une  main  &  desThjrJès^  &  entrent  ainjl 

dans 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Part.lV.y^c^ 

dans  leur  Temple.     Nous  ne  [avons  pas  ce  qu^  ils  y  font.     Mais  il  efl  apparent 
qu'ils  y  célèbrent  les  Bacchanales  ^  car  ils  je  fervent  àe  trompettes  &  de  clairons 
dans  les  hymnes  qu'ails  chantent  a  leur  Diett. 

Dans  le  mois  de  Tifri  les  Hébreux  avoient trois  jours folennels,  lèpre-  ^^"^<^  f^*" 
mier  étoit  le  premier  jour  du  mois  de  Tifri ,  qui  s'appelloit  la  fête  des  trom-  cer'emoni^ 
pettes.     Le  fécond  étoit  le  dixième  du  même  mois ,  c'étoicje  Jeûne,  ou  le  ^^  ^^  ^"*= 
jour  des  expiations.  Et  le  troifîéme  étoit  le  if.du  même  mois,  qui  corn-  ^mdti^^^' 
mençoit  la  fête  des  Tabernacles,  laquelle  duroit  jufques  au  zz.  dans  la- 
quelle les  Juifs  en  effet  dreffoient  des  cabinets  de  verdure,   &  des  bran- 
ches, fous  lefquelles  ils  mangeoient.     La  plupart  des  chofes  que  Plutar- 
que  remarque  fe  faifoient  en  effet  dans  ces  fêtes.  Mais  s'il  eût  étéinflruit 
des  myfleres  de  leur  Religion ,  il  auroit  fû  que  le  premier  jour  étoit  fo- 
lennel ,    à  caufe  que  c'étoit  le  premier  jour  de  Tan  j  que  le  fécond  étoit 
une  humiliation  &  un  jeûne,  Se  non  pas  une  fête  de  Bacchusj   &  que  la 
troifîéme  fête  étoit  à  la  vérité  une  fête ,  ôc  une  réjouïfTance ,  mais  qu'elle 
étoit  établie  à  l'honneur  du  Dieu  des  cieux ,  &  non  pas  de  Bacchus,  que 
ces  Tabernacles  de  verdure,  fous  lefquels  ils  logeoient,étoient  les  images 
de  leur  pèlerinage  dans  le  défert. 

Cette  fête  étoit  deflinée  à  rendre  à  Dieu  grâces  des  fruits  de  la  terre,  & 
c'eil  pourquoi  on  la  celebroit  après  la  vendange,  au  mois  de  Tifri,qui  répond 
à^ôtre  Septembre.  Les  clairons  ôc  les  trompettes ,  dont  il  parle,  entroient 
à  la  vérité  dans  la  Mufique  des  hymnes,  quifechantoient  dans  le  Temple. 
Mais  cela  ne fîgnifioit point  le  Dieu  Bacchus,  puifque  cela  étoit  commun 
à  toutes  les  Religions,  de  chanter  les  hymnes  à  leurs  Dieux  avec  des  inf- 
trumens  de  Mufique. 

*Pacis  opus  docuit ,  jufttque  fîlentihus  armis  j  Calphurnius 

Inter  facra  tubas ,  non  inter  bella  [onare.  prima* 

Plutarque  tire  une  autre  preuve  du  nom  de  Lévites  :  ce  font,  dit-il,  2.  Fauflè 
ceux  qui  jouent  des  inflrumens ,   comme  de  luts  ôc  de  harpes.     En  eiFct  J[^"^*'  ^^ 
c'étoit  un  des  offices  des  Lévites.  Il  dérive  ce  nomd''Evius,  qui  étoit  l'un  thée^Junê 
des  noms  de  Bacchus.     Et  ce  nomd'Evius  étoit  donné  à  Bacchus,  à  eau-  J^^  j^'^J^ 
fe  du  mot  E'voT^  que  les  Bacchantes  repetoient  perpétuellement  dans  les  nom  de  u~ 
fêtes  de  Bacchus.     Cela  efl  fi  froid,  qu'il  ne  mérite  pas  qu'on  le  réfute.     '^""' 

Il  ajoute  que  le  mot  de  Sabbat ,  qui  fignifieles  fêtes  ordinaires  des  Juifs,  ^  p^^g-^ 
peut  venir  de  a3or,  mot  que  les  Bacchantes  joignoient  à  celui  d'E'vor,  &  pieuve,tiré« 
c'efl  delà  que  Bacchus  fut  appelle  .5^^^?,^.^^.     Cela  n'eft  pas  mal  imaginé.  ^«1"°^  ^^'°' 
Mais  il  auroit  appris  des  Juifs,  s'il  avoit  voulu  s'en  enquérir,  que  le  mot 
Sabbat  fîgnifie  repos ,  &  qu'ils  appellent  ainfi  lefeptiéme  jour  delafemai- 
ne,  parce  qu'ils  cefient  toute  œuvre  en  ce  jour-là. 

Il  ajoute  que  dans  ce  jour-là  les  Juifs  s'enyvroient,  6c  fe  traitoient  les  4.  Fauflc 
uns  les  autres.  Je  croi  que  cela  eft  fondé  fur  ce  que  le  Sabbat  chez  eux ,  n'é-  Pf^"''^* 
toit  jamais  un  jour  de  jeûne.     Ce  que  les  anciens  Chrétiens  obfervoient 
aufîi.     C'eft  une  pure  calomnie,  car  ils  n'ofoient  même  préparer  à  man- 
ger dans  leur  Sabbat ,  &  chacun  fe  tenoit  chez  foi. 

Il  croit  avoir  une  preuve  invincible ,  dans  ce  qu'il  y  avoit  des  clochettes 
attachées  au  bas  de  la  robe  du  Souverain  Sacrificateur  des  Juifs,  qui  fon- 

Bbbbb  5  noient 


Souverain 

.'^actifica' 

tcur. 


6.  Fauflc 


Joreph.  1 

E.    14. 


7fo  HISTOIRE   DES  DOGMES 

y.  Faufle  n  icnt  avec  un  grand  bruit,  quand  il  marchoit,  parce  que  ce  bruit  avoit 
preuve, tti^e  jj^,  vapporL  rivcc  celui  qui  fetaifoit  dans  les  facrificesnoéturnesdeBaccbus, 
Js^aJlache's  qu^'U  -dp-pdloix  Njiclelia.  11  elt  vrai  qu'il  y  avoit  des  clochettes  au  bas  de 
à  l'Habit  du^.j  j-oi^e  (JLj  Sacrihcatcur ,  mais  ce  n'étoit  pas  à  deflèin  d'imiter  les  iacri- 
ficcs ,  &  les  teces  de  Bacchus.  Les  Juits  &  les  Chrétiens  cherchent  le 
myiiere  de  cela,&  la  plupart  des  derniers  croyent  que  ces  clochettes  Ton- 
nantes fignifioient  la  voix  de  l'Evangile  ,  que  les  Prédicateurs  doivent 
faire  retentir  en  entrant  dans  le  Sanéluaire. 

Plutarque  obferve  auffi,  qu'il  y  avoit  fur  les  murailles  de  leur  Temple 
^'^"^'uief  '^^^  figures  de  tambours,  &  de  Javelots,  ou  de  Thyrfes:  c'ellquedansla 
de  vignes  5c  dcfcription  du  Tcmplc  de  Salomon ,  il  avoit  lu  que  les  murailles  étoientcou- 
de  pampres,  y^j-t^s  ^^.^  lambris  doré,fur  lequel  il  y  avoit  des  branches  de  Palmes  en  de- 

QUI    et 01  eue  1       /      -x  11 

au  veftibuie  mi-reliefjentrelacces  Ics  unes  dans  les  autres,Peut-etre^ue  par  ces  Thyrfes, 
ïseiodef^i^  entend  cette  vigne,  ôc  ces  pampres,  avec  les  railîAs,  qui  étoient  d'or 
en  relief,  fur  la  muraille  du  vfllibule  du  Temple,  &  cette  vigne  étoit  d'ur- 
ne fi  prodigieufe  grandeur,  que  les  raifins  étoient  de  la  hauteur  d'un  hom- 
me: pour  les  tambours,  je  nefai  où  il  les  a  pris ,  fi  ce  n'efl:  qu'il  prenne  des 
fleurs  épanouies ,  pour  des  figures  de  tambours.  Mais  comme  cette  er- 
reur ne  pouvoit  naître  que  delavûë,&quePlutarquen'a  jamais  vu  le  Tem- 
ple deSalomon,  ni  même  celui  d'Herode,  il  n'ellpas  aiféde  deviner  qui 
lui  adit  qu'il  y  avoit  des  tambours,  taillez  fur  les  murailles  du  Temple  de 
Jerufalem  :  Apparemment  il  a  imaginé  cela ,  afin  de  trouver  plus  aifement 
le  culte  de  Bacchus  dans  le  iervice  des  Juifs. 

Il  avoit  remarqué  que  dans  la  Loi  de  Moïfe  il  ell  défendu  de  mettre  du 
miel  fur  l'Autel,  il  trouve  encore  Bacchus  là  dedans:  c'eft,  dit-il,  parce 
que  le  miel  gâte  le  vin.  C'ell  plutôt  parce  qu'il  jette  une  fort  mauvaife 
odeur,  &  que  Dieu  ne  vouloit  point  de  fumée  fur  fon  autel,  qui  ne  fut 
de  bonne  odeur.  Enfin  il  prouve  que  Bacchus  e(l  le  Dieu  des  Juifs,  par- 
ce qu^ entre  flufeurs  fortes  de  pHnitions  qu'ails  ont ,  la  plus  honteufe  c'efi  celle , 
far  laquelle  on  défend  le  vin  a  ceux  qui  font  punis  de  ce  châtiment ,  pcnr  autant 
de  tems  qtî'il  plah  à  celai  qui  aie  pouvoir  d''imp9fer  les  peines.  Je  croi  qu'il  a 
pris  cela  delà  Loi  du  Nazareat,  par  laquelle  celui  qui  faifoit  vœu  d'être 
Nazarien,  s'aftreignoit  à  ne  pas  boire  du/ vin.  Et  parce  que  leNazadenal- 
loit  couper  fes  cheveux  au  Temple ,  6c  y  faire  les  autres  cérémonies  du 
vœu,  en  prefence  des  Sacrificateurs,  Plutarque s'ell  imaginé  que  c'étoic 
le  Sacrificateur,  qui  impofoit  cette  neceffité  de  ne  point  boire  du  vin.  Ou 
bien  ceia  vient  de  ce  qu'il  avoit  oui  dire  des  excommuniez,  parce  que  l'ex- 
communié étoit  feparé  du  commerce  de  ïç.'&  frei-es,  &  ne  pouv^oit  être  à 
même  table  avec  eux,  tout  le  tems  queduroit  le  lien  de  fon  excommunica- 
tion, on  s'efl  perfuadé  qu'étant  éloigné  des  tables  communes,  on  lui  avoit 
défendu  l'ufage  du  vin.  Quoi  qu'il  y  ait  bien  des  fautes  dans  tout  ce  dif- 
coursde  Plutarque,  il  paroît  pourtant  qu'il  avoit  plus  pris  de  connoiflan- 
ce  des  cérémonies  des  Juifs ,  que  les  autres  Payens  qui  en  ont  parlé. 


7.    Faufle 
preuve. 


8.  Fauffe 
preuve. 


IX.  TRAî. 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  TartAY,  751 


DES     HAUTS     LIEUX, 

Des  Bocages,  &des  Temples 

E    LI  D  O  L  Ei 


T>es  Sacrificateurs ,  des  Sacrifices ,  Qf  des  Cérémonies  de 

leur  Culte. 


CHAPITRE     L 

Des  hauts  lieux  &  des  bocages.  Ce  font  les  plus  anciens  Temples, 
^lujieurs  nations  n'en  ont  pas  eu  d'autres.  Les  Hébreux  en  ont 
fait  grand  ufage  :  le  chêne  &  le  guy  de  chêne  ont  été  facrez  :. 
fameux  bocage  dans  le  fauxbourg  d'Antioche. 

Our  avoir  une  connoiÏÏance  un  peu  raifonnabîe  du 
cuke  idolatrique  des  Syriens  &  des  Hébreux,  après 
avoir  examiné  les  noms  de  leurs  Idoles  ,  il  faudroit 
parler  des  lieux ,  dans  lefquels  ils  les  adoroient ,  des- 
Miniftres  de  l'idolâtrie  ,  &  des  Cérémonies  de  ces 
faulles  Religions.  Et  ce  feroit  un  champ,  qui  nefe- 
roit  pas  moins  grand,  que  celui  d'où  nousfortons^ 
fi  nous  voulions  entrer  bien  avant  dans  ce  fujet. 
Mais  comme  ce  que  nous  écrivons  eft  deftiné  à 
éclaircir  l'Hiftoire  du  Vieux  Teftament,  il  n'eli  pas  befoin  de  nous  éten- 
dre, que  fur  les  chofes  qui  fervent  à  l'intelligence  de  cette  Hiftoire.  G'efî 
pourquoi,  fans  nous  engager  à  rapporter  tout  ce  que  nous  favons  des  fu- 
perftitions  Payennes  ,  qui  avoient  cours  entre  les  Grecs  ÔC  Jes  Romains,. 

nous 


7fi  HISTOIRE  DES  DOGMES 

nous  rapporterons  feulement  ce  qui  fera  le  plus  pour  rintelligence  de  cel- 
les ,  dont  l'Ecriturc  Sainte  nous  parle. 
Des  hauts         Premièrement  il  faut  parler  des  lieux  ,  où  fe  faifoient  ces  dévotions 
boTf  *^"  criminelles.  L'Ecriture  les  défigne  par  trois  noms,  les  hauts  lieux,  niD3, 
bamoth  ,   les  bocages  ,  asherim ,  □niî'k^  ,    &  les  Temples ,  qu'ils  appel- 
loient  n''3,  Maifon.     Il  eft  certain  que  les  hauts  lieux  ,  &  les  bocages, 
font  avant  les  Temples ,  6c  que  ce  font  les  plus  anciens  oratoires ,  oii  les 
hommes  ont  fait  leurs  dévotions.     Il  eft  parlé  très  fouvent  de  ces  hauts 
lieux ,  &  de  ces  bocages ,  dans  le  Vieux  Teftament.  Je  croi  que  le  pre- 
V.  13.     mier  lieu,  où  il  nous  foit  parlé  de  bocages,  c'ell  le  34.  de  l'Exode.  F'ous 
démolirez,  leurs  Autels ,  vous  bri ferez,  leurs  fiât  u'és  ,    CT  couperez,  leurs  bocages, 
V.  jo-      Et  le  chapitre  z6.  du  Levitique  eft  le  premier  endroit,  où  il  foit  parlé  de 
hauts  lieus.  fe  détruirai  vos  hauts  lieux,  &  exterminerai  vos  chapelles  confacrées 
au  Soletl.   Le  premier  bocage,  dont  l'Ecriture  parle  ,  c'eft  celui  de  Ba- 
Juges       hal,  qui  fut  coupé  par  Gedeon.  Et  dans  cette  nuit-là  P Eternel  dit  à  Çedeon , 
'  *^*       prens  le  bouveau  d^entrc  les  bœufs  ,  ejui  font  à  ton  père ,  favoir  le  deuxième  bon- 
veau  âgé  de  fept  ans ,  efr  démoli  ï  Autel  de  Bahal  ^  qui  efi  à  ton  père  ,  &  coupe 
le  bocage  ,   qui  efi  dejjus.     ^t  le  premier  haut  lieu  ,    dont  l'Ecriture  fafle 
mention,  c'eft  celui ,   fur  lequel  Samuel  facrifidit  ,   quand  Saùl  le  vint 
1.  Samuel     rencontrer ,  pour  avoir  des  nouvelles  di?s  ânefles  de  fon  père  Kis.     Hâte 
*■  '*'  toi  maintenant ,  car  aujourd'hui  il  efi  venu  m  la  ville ,  parce  qu^il y  a  aujour- 

d'hui un  facrifice  pour  le  peuple^  fur  le  haut  lieu.     Ce  n'eft  pas  que  les  boca- 
ges, &ies  hauts  lieux,  ne  foient  beaucoup  plus  anciens  que  Gedeon,  & 
que  Samuel.   Car  je  ne  doute  pas  que  ce  n'ayent  été  les  premiers  Tem- 
ples des  hommes.  C'eft  une  vérité  fort  reconnue. 
Uufagedes       Dans  les  premiers  fiecles  du  monde,  les  hommes  n'étoient  pas  habiles 
derhauts  ^  ^^  Archîteâurc.    La  plupart  n'habitoient  que  fous  des  tentes  ;  ôc  outre 
Heux,eftauffi  cck,  jc  croi  qu'ils  fe  perfuadoient  que  la  divinité  ne  pouvoit  être  fervie 
k  monde.*  plus  à  fon  gré,  que  dans  les  lieux  d'où  l'on  découvroit  l'Univers,  qui  eft 
le  grand  Temple  de  la  divinité.     Cette  coutume  de  facrifier  à  Dieu  en 
des  lieux  découverts ,  &  particulièrement  fur  des  lieux  élevez ,   fe  voit 
dans  le  Livre  de  la  Genefe  ,   qui  contient  l'Hiftoire  du  premier  monde. 
Aufîî-tQt  que  Noé  fut  forti  de  l'Arche  ,  il  bâtit  un  Autel  &  facrifia  def- 
fus.  Par  tout  où  les  Patriarches  fe  tranfportoient ,   ils  dreflbient  des  Au- 
tels ,  prés  de  leurs  tentes.  Jacob  en  revenant  de  chez  La;ban ,  facrifia  fur 
la  montagne.     Abraham  par  le  commandement  de  Dieu  ,  facrifia  fur  la 
montagne  de  Moria.   Ce  ne  font  donc  pas  les  idolâtres  ,  qui  ont  les  pre- 
miers choifi  ces  fortes  de  heux  pour  y  fervir  la  divinité.    La  coutume  en 
eft  venue  fans  doute  de  l'ancienne  Eglife  avant  Moïfe.  Pour  donner  à  ces 
lieux  deftinez  à  la  dévotion  tout  l'ornement ,  &  toute  la  beauté,  dont  la 
nature  fans  art  eft  capable ,   ou  bien  ils  choififibient  des  coupeaux  de 
montagnes,  fur  lefquels  ilyavoit  des  arbres &de  l'ombrage,  ou  ils  plan- 
toient  eux-mêmes  de  grands  arbres  ,   qui  faifoient  de  grandes  voûtes  de 
verdure  au  deîTus  de  leurs  Autels ,  &  c'eft  ce  qu'ils  appelloient  des  boca- 
ges. Sans  doute  cela  fe  faifoit  au  commencement  fans  fuperftition  ,   mais 
en  fuite  on  vint  à  fe  faire  une  necelîîté,  ÔC  une  dévotion,  du  choix  de  ct^ 
lieux.  On  fe  perfuada  que  Dieu  youloit  être  fervi  en  des  lieux  Hbres ,  ôc 
qui  n'étant  point  bornez  par  des  murailles ,  répréfentaflent  mieux  l'infi- 
nité 


ET  DES  CULTES  DE  LTGL I S E.  P^r/.  IV.  753 

^nité  de  Dieu,  &  fa  connoifiance ,  qui  ne  peut  être  empêchée  par  aucun 

iVoile. 

Hérodote  nous  dit  que  les  Perfes  accufoient  de  folie  la  coutume  dé\)â-  Nations  qm 

tir  des  Temples  à  la  divinité.     Ils  ne  drejfent  point  de  fi  Mues  a  l'honneur  des  ^"L'^'^J'' 

Dieux  ,    ils  ne  leur  hâtijfent  ni  Temples ,   nt  Autek  ,   &  regardent  cela ,   d'ms  fans  Tem- 

cetîX  qui  le  font .  comme  une  folie.      CV/?   parce  que  ,    feUn  mon  fentiment ,  ils  Ç'"^  ^',"* 
*  ■'  r        I       ,-,  /       T^  ■  •    /  f  •'  .    .     '   I      Autels ,  les 

ne  croyent  pas ^  comme  j ont  les  Grecs  ,  e^ue  les  Dieux  ayent  tire-  leur  onime  des  Perfes. 
hommes.  Ils  ont  de  coutume ^quand  ils  immolent  des  viUimes  a  fupiter ,  démon-  ciTo'l'ib'  '^ 
ter  fur  le  fommet  des  montagnes.     Le  même  Auteur  nous  apprend  que  les  p- 62. 
Scythes  non  plus,  ne  bâtifToient  pas  de  Temples  à  leurs  Dieux,  excep- 
té à  Mars.    Tacite  en  fa  Germanie  nous  dit  la  même  chofe  des  anciens 
Allemans.     Ils  ne    croyent  pas  qu^il  Çoit  de  ht  grandeur  des  Dieux  de  les  pein-  Les  anciens 
dre  comme  des  hommes ,  ou  de  les  renfermer  dans  les  Temples  ,  mais  ils  fe  con-  <2ermains. 
tentent  de  leur  confacrer  des  bois  &  des  hoc  âges  ^  dans  le  fond  defcjuels  il  y  a  un 
lieu  fecret  ,   auquel  ils  donnent  le  nom  de  là  divinité  ,  &  n''ofent  l^  approcher  par 
-refpeB.  Alexander  ab  Alexandre  rapporte  la  même  chofe  àt^  anciens  ha-  ceniai  oie- 
bitans  de  Bithynie,  que  pour  adorer  Jupiter  ,  ils  montaient  fur  les  fommets  des  mmAiexaa- 
mentagnes^   &  fans  Temples  adorount  le  Dteu,  en  le  faluant  fous  le  nom  de  Pap-  xandro  iib' 
f^,  &  les  Scythes  fous  celui  de  Pappaus.  2.  cap.  22, 

Cette  dévotion  pour  les  bocages  ,  ôc  les  hauts  lieux  ,   étoit  gravée  fi  Biîhyn^e  & 
avant  dans  le  c<Eur  des  hommes ,   qu'on  ne  pût  y  renoncer  même  après  '^^  scytiùe. 
qu'on  eût  bâti  des  Temples.     De  forte  que  dans  toute  l'étendue,  6C  des 
lieux,  ôc  des  tems,  dans  lefquels  le  Paganifme  a  régné  ,   rien  n'eft  plus 
fameux  que  la  -dévotion  des  bocages.  Et  même  je  ne  voi  pas  que  les  Hé- 
breux, quand  ils  fe  font  kiflez  aller  à  l'idolatiie ,  ayent  fouvent  adoré  les 
faux  Dieux  ailleurs  que  fîir  les  hauts  lieux  ,   êc  dans  les  bocages.     C'eft 
pourquoi  les  Prophètes  leur  reprochent  fi'fouvent ,  qu'ils  s'étoient  fouillez 
'  fous  tout  arbre  verdoyant.  Le  Prophète  Efaïe  leur  dit ,  Fous  lous  échauf-  Efaîe.  17, 
J'ez..  après  les  chênes ,   ^  fous  tout  arbre  verdoyant  y  égorgeant  les  enfans  par  les 
vallées,  &  fom'les  quartiers  des  Rochers.  Et  Jeremie,  Tu  as  trotté  pailUrdant  jejen,  ^  ^^ 
fur  toute  haute  colline  ,  &  fous  tout  arbre,  verdoyant.     Et  dans  le  chapitre  fui- 
vant,   Ain fi  m'a  dit  P  Eternel^  dans  les  jours  de  fofias.   N'^  as-tu  pas  vu  ce  que  5c  j.  «, 
'€ette  rebelle  d^Ifraël  a  fait^  (far  elle  s"^ en  efl  allée  fur  toute  haute  montagne  ^  CT 
^fous  tout  arbre  verdoyant  ^-  &y  a  paillarde.  Je  ne  voi  que  deux  ou  trois  Tem- 
ples bâtis  à  l'honneur  de  l'Idole  dans  la  Terre  Sainte.  Le  plusconfiderable 
c'eft  celui  qu'Achab  fit  bâtir  dans  la  ville  de  Samarie  à  l'honneur  de  Ba- 
hal,  qui  fut  rafé  par  Jehu  ,  6c  qui  ne  fut  point  relevé  du  depuis.  Carc'eft 
ce  que  fignilient  aflez  clairement  cts  paroles.     ///  tirèrent  <tujjï  lesfiatues  2,  R.ois 
hors  de  la  m  ai  fin  de  Bahal ,   &  les  brûlèrent,  &  démolirent  Uflatue  de  Bah  al.  ^7' 
Ils  démolirent  auff  la  maifon  de  Bahal ,  &  en  firent  des  retraits  ,  jufques  à  ce 
jourd'^hui.     La  malheureufe  Hathalia,  fœur  d'Achab,  imitant  les  (iiperf- 
titions  de  fa  belle-fœur  Jezabel,  fit  aufii  bâtir  un  Temple  à  l'honneur  de 
Bahal  ,  dans  la  ville  de  Jerufalem  ,  car  le  23.  chapitre  du  fécond  Livre 
des  Chroniques  dit, qu'après  la  mortd'Hathalia  tout  le  peuple  entra  dans 
la  maifon  de  Bahal,  &  la  démolirent,  &  briferent  Çqs  Autels  &  fes ima-  , 
ges ,  ils  tuèrent  auffi  Mattan   Sacrificateur  de  Bahal  devant  les  Autels. 
On  ne  lit  pas  que  les  autres  Rois  de  Juda  ayent  bâti  de  Temples  à  l'hon- 
neur de  l'Idole.    Mais  du  tems  des  Juges  les  habitans  de  Sichem  bâtirent 
Part.  IF.  Ccccc  ua 


10, 


754  HISTOIRE  DES   DOGMES 

2.  Rois  un  Temple  à  l'honneur  de  Bahal-Berith.  //;  facrifioient  ,  &  faifoiem  des 
^^'  ^  encenfemens,  fur  les  hauts  lieux  ^  &  fur  les  coteaux  ,  &  fous  tout  arbre  ver- 
^    A  K  ,  ^dojant.     Il  ellvraiqu'Achaz  ,  oere  d'Ezcchias  ,  fit  bâtir  à  Jerufalenci,  à 

Grand  Autel     ./  ^  i  i*         irtiii^        i-        îi-i  •        a» 

fait  par  la  portc  du  Temple,  un  grand  Autel  iemblable  a  celui  qu  il  avoit  vu  a 
miuTioVdc  I^'^f^'^s,  &  fit  reculer  l'Autel  des  holocauttes  ,  qui  étoit  à  la  porte  du 
celui  de  Da-  Tciiiple  ,  6c  Ic  tranfporta  vers  le  Septentrion  ,  pour  y  mettre  fon  Autel 
SIs^Àutcr*  en  la  place  j  refervant  l'Autel  des  holocauftes  pour  confulter le  Seigneur. 
profane,  Mais  cct  Autcl  n'étoit  pas  confacré  à  l'honneur  de  l'Idole. 
J^s'aSa-  Manafie  poufla  plus  avant  la  profanation:  Car  il  eft  dit ,  t^u'tl bâtit  des  Aur 
trie.  tels  à  toute  Parwe'e  des  deux  ,   dam  les  deux  Parvis  de  la  mai  fon  de  l^  Eternel^ 

'■  Rois  16.  ^  (^H^il  dofa  riry/age  d^Ashera,  ou  d'Afiaroth  ^  daas  cette  maifon  ,    dont  Dieu 
5.  7.°'^  "''  A'^oit  dit  a  David  &  à  Salomon  fon  fils ,  je  mettrai  mon  nom  a  perpétuité  dans 
Mamffé  a    cette  matfon.  Ce  fut  lui,  qui  porta  l'abomination- de  l'idolâtrie  le  plus-loin. 
JriSÏ^d'1-    Car  hors  lui  il  n'y  a  point  eu  de  Roi  à  Jerufalem  ,  qui  ait  fait  adorer  les 
doiatrie  plus  Idoles  dans  le  Temple.     Ils  fe  contentoient  de  leur  confacrer  des  boca- 
ïucêtr«.^"  ges ,  Se  des  hauts  lieux  à  k  campagne ,  ou  de  leur  bâtir  des  Temples  fé- 
parez,  fans  que  pour  cela  on  difcontinuât  le  fervice  continuel  du  Tem- 
ple à  l'honneur  du  vrai  Dieu.     Ainfi  ils  faifoient  un  méknge  de  la.  Reli- 
gion Mofaïque ,  avec  la  Religion  Payenne ,  adorant  les  faux  Dieux  à  la 
campagne,  &  le  Seigneur  iîans  fon  Temple. 
te  chêne         Entre  les  arbres,  dont  étoi^nt  compofez  ces  bocages ,    Efaïe  nomme 
"éïfalfe"  ^^  chêne,  vous  vous  échauffez,  après  les  chênes.  Ce  n'eft  pas  feulement  par- 
des  bocages  ce  quc  c'cft  de  tous  les  arbres  des  forêts  celui ,  qui  étend  le  plus  loin  Tes 
di'jup"iîer"'  branches ,  qui  donne  le  plus  d'ombrage ,  &  qui  par  conféquent  eft  le  plus 
propre  à  faire  des  bocages.  Mais  c'étoit  principalement  parce  que  cet  ar- 
bre étoit  confacré  à  Bahal,  qui  étoit  le  Jupiter  des  Orientaux.     La  fu- 
perflion  en  pafTa  d'Orient  en  Occident.  Car  en  tous  lieux  le  chêne  a  été 
un  arbre  facré.     Particulièrement  entre  nos  Gaulois  ,   defquels  Maxime 
Seim.  38.     de  Tyrdit,  qu'ails  ador oient  fupiter  ^  &  qu'au  lieu  de  fiatue  ils  l'adoroient fous, 
un  grand  chêne.     C'eft  pourquoi  leurs  Sages,  ÔC  les  Maîtres- de  leur  Reli- 
gion ,  &  des  chofes  faintes ,  s'appelloicnt  Druides ,.  du  mot  Drus ,  qui  fî- 
gnffie  chêne  dans  la-  langue  Grecque. 
Lib.  î«.44.      C'eft  delà  fans  doute  que  venoît  le  refpeâ:  extraordinaire  qu'ils  a  voient 
Kefpeft      pour  le  Guy  ,    qui  croît  fur  les  chênes.     Pline  nous  apprend  qiue  quand 
de  chêne:  ce- ^/j  avoient  trouve  le  chêne  ^  jur  lequel  etott  cru  le  (juy,  jacre,  ils  Jacrtjiotent  fius: 
lemonies     p arbre ,  &  fatfoient  de  grands  repas.      €n(uite  on  amenoit  deux  taureaux  blancs^ 
quelles  on    qui  avoient  les  cornes  liées.     Le  Sacrificateur  vêtu  d'un  habit  blanc  montait  fur 
k  recueil-    p  arbre ,  coupoit  le  Guy  avec  une  ferpe  d'or  ^  &  le  laiffoit  tomber  fur  un  linge  blanc^ 
qu'ion,  tenoit  au  deffous.  Après  cela  on  immoloit  encore  une  viUime  ,  en  priant  la 
divinité  de  rendre  heureux  le  préfent  du  Çuy  a.ceux  ^  au fquels  elle  Pavait  fait .  Ce 
qui  étant,  fait ,  ih  fe  perfuadoient  que  ce  Guy  mis  &  infufé  dans  le  breuvage  ,, 
guerijfoit  toutes  fortes  d'^animaux.  defierilité,.  &  étoit  un  remède  Jouverain  con- 
tre les  venins. 

Apparemment  ces  bocages,  qu'on  avoit  plantez  à  l'honneur  de  quel- 
que Dieu  ,  étoient  compofez  principalement  des  arbres  confacrez  à  la 
divinité ,  qu'on  vouloit  adorer  en  ce  lieu-là.  Et  comme  les  bocages  de 
Jupiter  étoient  de  chêne  ,  ceux  d'Apollon  par  exemple  étoient  de  lau* 
riex,  parce  que  cet.  arbre  étoit  confacré.  à  Apollon.. 


ez 

m- 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.P^r/.IV.  7ff 

C'eft  fans  doute  de  là  qu'avoit  tiré  (on  nom  ce  fameux   bocage  d'A-  ^^^^e"»  *>», 
pollon,  qui  étoic  dans  le  fauxbourg  de  la  ville  d'Antioche,  &  qui  s'ap-  "IVapoÎ- 
pelloit  Daphné,  c'eil-à-dire,  le  laurier,  ou   le  bocage  de  laurier.     So- 1°"  J*°^  ^* 
zomene,  dans  fon  Hiftoire  Ecclefiaftique ,  nous  le  dépeint  comme  le  vrai  d'AntSe, 
Palais  de  la  volupté ,  ôc  comme  un  lieu  enchanté,  oh.  tous  les  objets  fol-  ^'"P"/^'^' 
licitoient  la  concupifcence,  6c  reveilioient  les  fiâmes  de  la  chair.     Auffi  raeuoient, 
remarque-t'il  que  les  honêtes  gens  ,  ôc  les  perfonnes  graves,  fe  faifoient  J'ozomTé 
une  honte  d'approcher  de  ce  lieu,  qui  étoit  deltiné  à  fatisfaire  les  plus^îb.  j.  i».' 
brutales  paflîons.     Car  on  ne  venoit  en  ce  lieu  que  pour  y  chercher  les 
plaifîrs  de  la  chair  ,   6c  lî  quelqu'un  y  étoit  fans  faire  l'amour,  ilpalToic 
pour  un  ftupide  ,  6c  l'on  le  regardoit  même  comme  un  impie,  qui  profa- 
noit  ce  lieu  deftiné  auxplaifirs6c  à  la  volupté.  Et  cela  me  fait  penferque 
c'eft  une  des  raifons ,  pourquoi  le  Démon  a  pris  plaifir  d'être  fervi  dans 
les  bocages,  c'eft  que  les  bois  font  des  lieux  propres  aux  plaifîrs impurs,, 
que  le  Diable  a  prefqae  toujours  afFeété  de  faire  entrer  dans  fon  culte ,  6c 
qu'il  a  favorifez,  le  plus  qu'il  a  pu.     Nous  avons  vu  dans  le  chapitre  de 
Thammijs ,  6c  de  la  Venus  Syrienne ,  la  defcription  qu'Eufebe  nous  fait, 
dans  la  vie  de  Conftantin,  des  abominations  horribles  ,   qui  fe  commec- 
toient  dans  le  célèbre  bocage  de  la  Venus  d'Aphacis ,  fur  le  Mont  Liban. 
Ces  deux  exemples  5  le  bocage  d'Apollon  au  fauxbourg  d'Antioche,  6c 
celui  de  Venus  Aphacite  j'nous  font  voir  que  la  coutume  de  confacrer  des  bo- 
cages aux  faux  Dieux ,  a  duré  autant  que  le  Paganifme.  Pline  nous  affû- 
re  que  cette  fuperftition  étoit  autant  en  vogue  de  fon  tems ,  qu'elle  avoit 
été  autrefois.     Il  dit  en  parlant  des  arbres,  Hacfuere  n^mifjftmTempia^mnAib.iz^ 
prifcoque  ritu  fmpUcia ,  rnra  etiam  nttnc  Deo  prdcellentem  arborem  àiamt ,  nec  ^'  *' 
magis   anro  fnlgentia  atijue  ebore  fimnlacra  ^  (^uàm  lucos  ^  &  in  Us  filent itt  ado- 
ramm.    C'eft-àdire,  que  non  feulement  lès  arbres  avoient  été  les  pre- 
miers   Temples    des   Dieux  ,    mais   qu'alors  même  les  PaïTans  confa- 
croient  à  la  divinité  quelque  arbre  d^une  grandeur  extraordinaire,  6c  que 
l'on  refpeétoit  ces  bocages ,  oij  regnoient  le  filence  6c  les  ombres ,  plus 
que  les  limulacres  brillans  d'or  6c  d'ivoire.     Les  Loix  Romaines  ,  qu'on 
appelloit  des  12.  Tables,  ordonnoient  c]ii*a  la  campagne  on  édifiât  des  boca-  %.  Leg.  de 
ges  a  Phonneur  des  Dieux.     Et  cela  leur  paroiifoit  (i  elfentiel  au  fervice  cii-R--i'S~io*ûe. 
•vin,  qu'ils  en  faifoient  même  au  milieu  des  villes,  comme  il  paroît  par 
ce  vers  de  Virgile, 

Lucm  in  urbe  fuit  média  ^  hti^imus  umbra. 

yEaeid.  i. 
^  V.  44J, 

Et  même  ils  ne  bâtilToient  pas  de  Temple ,  auprès  duquel  il  n*y  eût  un 
bocage.  Virgile  dit  que  Didon  bâtit  un  Temple  dans  le  bocage  ,  qui 
étoit  au  milieu  de  la  ville  de  Carthage. 

Hzc  Templum  funmi  ingens  Sidonia  Dido 
Condebatjdonis  optflentum  ^  CS^^umine  Diva. 

Le  fameux  Temple  de  Jupiter  Dodonien  en  Epire,  écoit  accompagné 

Ce  ce  2,  à'un 


756  HISTOIRE   DES   DOGMES 

d'un  bois  de  chênes,  .où  logepient,  à  ce  qu'ils  difcient ,  deux  pigeons,, 
qui  rendoicnt  des  oracles. 
piiaci6.<»+.  Pline  nous  apprend  qu'à  Rome  ,  dans  le  lieu  appelle  ExcjuiHa  ^  il  y 
avoit  un  Temple  de  Lucine,.  accompagné  d'un  bocagç,  dans  lequel  il  y. 
avoit  un  arbre  de  lotos,  d'une  vieillcfTe  extraordinaire  ,  car  il  lui  donne 
plus  de  fco.  ans.  QiLielques  Latins  ont  crû  que  la  Deeire.Lucine  avoit  tiré 
ion  nom  de  ce  bocage  ,   Lucma  à  luco. 

OvHius  in  Gratta  Lucin£  dédit  hdc  tibi  nomina  lucus , 

^^^"S-  yd  qfiia  prtncipinm  ttir'Dea  lncn  habes. 

Enfin  les  hauts  lieux  5c  les  bocages  étoient-eftimez  fi  fort  necefiaircs 
au  fervice  à^^  Dieux,  que  les  Grecs  ont  tiré  de  là  le  nom  qu'il^sont  don- 
né aux  Autels.  Car  il  eft  clair  que  le  /Swjoiôf,  bomos  ^fies  Grecs,  qui  figni» 
fie  Autel, vient  de  l'Hébreu  miisa,  bamos,  qui  fignifie  les  hauts  lieux. 
Comme  toute  la  Religion  &  les  Dieux  des  Grecs  6c  d^s  Romains  font  ve- 
nus de  la  Syrie  ,  il  ne  faut  pas  s'étonner  fi  l'on  trouve  auflrdansce  païs- 
là  l'origine  des  hauts  lieux  6c  des  bocages. 

Qi-iand  il  n'y  avoit  pas  de  Temples,  il  eft  certain  que  Dieu  trouvort 
bon  ,   qu'on  lui  facrifiât  dans  les  hauts  lieuX;  ôc  dans  les  bocages;     Mais 
parce  que  les  Payens  avoient  rendu  abominables  ces  lieux ,  par  la  multi- 
tude des  idolâtries:,  6c  des  impuretez,  qu'ils  y  avoienf  commifes  ,   Dieu 
déiéndit  l'ufage  de  ces  hauts  lieux.  Il  fit  conflruire  le  Tabernacle,  6c  ne 
voulut  point  qu'on  lui  facrifiât  ailleurs.  Cependant  la  fuperftition  des  bo- 
cages avoit  pénétré  fi  avant  ,  qu'elle  ne  pût  être  arrachée  des  efprits  des 
peuples.     Et  depuis  que  le  Temple  de  Salomon  fut-  Mti  ,   quoi  que  les- 
Rois  Afa ,  Amatfia,  6c  Jofaphat,  eulîent  fait  tous  leurs  efforts  pour  ex-- 
tirper  les  racines  de  l'idolâtrie,,    on  continua  pourtant  à  facrifier  au  vrai 
Dieu,  dans  les  bocages,  6c  fur  les  hauts  lieux.    Et  même  Dieu  toléra  ce 
culte,  6cfouvent  l'agréa,  particulièrement  avant  que  le  Temple  fût  bâti. 
Car  nous  voyons  que  de  faints  hommes,  comme  Samuel,  Manoah,  père 
%      de  Samfon,  Gedeon,  6c  plufieurs  autres,  ont  facrifié  fur  les  hauts  lieux 5. 
ôçn'en  ont  pas  été  répris:  ôcmême  fouvent  ïk  l'ont  fait  par  lecomman-*- 
dtnjent  de  Dieu  ,  comme.  Gedeon  .6c  Manoalïi 


G  H  A- 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  TartlY,  757 


C  H  A  P  I  T  R  E     I  L 

^es  Temples  de  l'idolâtrie  :  qui  en  font  les  premiers  inventeurs  :  le 
fameux  Temple  d' Hierapolis  y  des  cellules  des  Dieux  y  des 
Autels  y  des  tables  y  des  feuxfacrez. 

Prés  avoir  parlé  des  Hauts  lieux,  il  faut  parler  des  Temples.  Il  eu 
^  certain  que  les  Dieux  des  Syriens  ont  eu  les  leurs  ,  même  devant 
que  Dieu  eût  le  fien.  Dans  le  9*"^  du  Livre  des  Juges  il  nous  eft 
parlé  de  la  maifon  du  Dieu  Berith.  Et  dans  le  feiziéme  chapitre  du  mê- 
me livie  ,  il  efl  parlé  du  Temple  de  Dagon ,  où  l'on  faifoit  jouer  Sam- 
fon  en  prefence  du  peuple  ^  &  que  Samfon  renverfa  fur  lui  ôc  furlesfpec- 
tateurs.  Dans  le  cinquième  chapitre  du  premier  de  Samuel,  nous  avons 
la  célèbre  f-liftoire  des  maux  ^  que  l'Arche  prife  par  les  Philiftins  leur  fit 
durant  fa  Captivité;  par  laquelle  il  paroît  que  ce  Dagon avoit  un  Temple 
en  Afdod,  ou  Azot.  Car  l'Arche  fut  mife  dans  ce  Temple  auprès  de  Da- 
gon,  &  l'Idole  fut  renverfée  êchriféco .  Les  armes  de  Saiil ,  après  fà dé- 1. Sam. 
faite  &  fa  mort,  furent  mifes  dans  le  Temple  d'Aftaroth.  Enfin  comme ^^•^°* 
la.chofe  eft  fanscontefte,  elle  n'a  pas  befoin  de  preuves-. 

La  première  queftioH  que  l'on  peut  faire  fur  ces  Temples,  regarde  leur  Des  in?en- 
antiquité  ;  îi  e:^  malaifé  de  définir  de  quel  âge  ils  font ,  &  quand  ils  ont  Tempksdes 
commencé.  Les  Grecs,  qui  eflayent  de  s'attirer  la  gloire  de  toutes  les  in-  Pajens, 
ventions  ,   difent  qu'Epimenides  de  Crète  fut  le  premier  qui  bâtit  des 
Temple.  Il.hAùt  un  Temple  à  .Athènes  à  Phomear  des  Dieux  vénérables^  eont' 
me  le  rapporte  Lobon  de  U  ville  d'^Jrgos  ^  dans  [on  livre  des  Poètes  ;  on  dit  mè' 
me  que  c'efl  le  premier  qui  a  expié  &  purifie' les  matfons  &  les  champs^  &  qui' 
a  bâti  des  Temples.     Ce  font  les  paroles  de  Diogene  Laërce  ,   dans  la  vie 
d'Epimenides.  Mais  Epimenides  eft  trop  jeune  pour  avoir  été  le  premier  Epimenides: 
invenMur  des  Temples»   Diogene  le  place  environ  la  47^=.   Olympiade,  "'^po'if'e 
ceit-a-aire  ,  près  de  lix  cens  ans  devant  JNotre  beigneur,  tous  les  règnes  des  Temples 
des  derniers  Rois  de  Juda.     Or  alors  le  monde   etoit  plein  de  Tem-  ^^  ^^^"^• 
pies.  ,  ^         , 

Hérodote  8c  Strabon  demeurent  d'accord  que  les  Egyptiens  font  les  Herodor. 
premiers  5. .qui- ont  élevé  des  Autels,  àcs  fimulacres ,  6c  des  Temples ,  à  io^^ii,^"^". 
î'ibonneur  des  Dieux.     Pour  moi  je  ne  doute  point  qu'il  n'en  fiille  cher- 
cher l'origine  dans  la  Phénicie.     Et  que  les  Chaldéens,  6c  après  eux  les  Leschaj- 
Gananéens,  n'ayent  été  les  premiers  inventeurs  de  ces  édifices  pieux.  Mais  cSnéens 
je  croi  qu'il  eft  impolfible  de  marquer  précifément  le  tems  de  leur  ori-  rbntkspre- 
gine.  Il  y  a  apparence  que  du  tems  de  Jacob  àdàe  Laban,  on  commen-^ij^er'^' 
çoit  à  avoir,  finon  des  Temples,  au  moins  des  chapelles,  6c  àes  oratoi-  '^^^^^h 
res.  Car  je  croi  que  les  Theraphims  deLïiban,  qui  lui  furent  dérobez  par 
fa  fille  Rachel,  ètoieotfes  Dieux  Tutelaircs  6c  dnmeftiques,  quiavoient 
leur  oratoire  dans  fa  maifon  même.     Nous  ne  faurions  deviner  par  l'Hif- 

Ccccc  3  toire 


Heradoi.  i. 


In  Corin- 

tJiiacis. 


3Lib.  16. 49. 


Melalib.i. 
17.  Ibi 
Ephefi  eft 
Dianx  cla- 
îiffimum 
Templum 
quod  Ama- 
zones Afiï 
potentes  fa- 
cxaffe  tra- 
duntnr. 

Faufanias  in 


758         H  I  S  T  O  I  R  E   D  E  S   D  O  G  M  E  S 

toire  de  Mo'iTe  ,   fi  du  temps  de  la  captivité  des  Ifraëlites  en  Egypte,  les 
Egyptiens  avoient  des  Temples  ou  non.  Les  plus  anciens  de  tous  les  Tcm- 

Î>les  de  ridole,  dont  l'Ecriture  parle,  c'eft  celui  de  Bcrith  ,  qu'Abime- 
ech  brûla:  .&  celui  de  Dagon,  que  Samfon  renverfa.  Or  Abimelech  ju- 
geoit  Ilraël  ijn  peu  plus  de  1200.  ans  devant  Nôtre  Seigneur  Jeflis-Chri^l, 
&  Samfon  jugea  Ifraèl  environ  60.  ans  après  Abimelech  ,  trois  cens  cin- 
quante ans  après  la  fortie  du  peuple  hors  de  TEgypte  ,  prés  de  quatre 
cens  ans  devant  la  première  Olympiade.  Je  regarde  donc  ces  deux  Tem- 
ples, celui  de  Baal-Berith  ,  &  celui  de  Dagon  ,  comme  étant  des  plus 
anciens. 

Hérodote  nous  parle  d'un  autre  Temple  très  ancien  dans  le  même  païs. 
C'étoit  celui  de  Fenm  Vrmie ,  de  la  ville  d'Afcalon ,  lequel  fut  pillé  par 
les  Scythes.  Tous  les  Temples,  de  l'antiquité  defquels  les  Grecs  nous  ont 
parlé,  font  à  mon  avis  plus  modernes.  Faufanias  dit  que  le  Temple  d'A- 
pollon Theatius ,  fur  k  territoire  des  Trezeniens  ,  cil  le  plus  ancien  d^s 
Temples.de  la  Grèce-,  &  qu'il  fût  bâti  par  Pytheus,  rayeul  Enaternelde 
Thefée.  Cela  tomberoit  dans  le  tems  des  Juges ,  car  Eufebe  ,  dans  fa 
Chronique,  place  Thefée  environ  le  tems  de  Xl^ola,  qui  fuccedaà  Abi- 
melech fils  de  Gedeon. 

Pline  nous  dit  qu'il  y  avoit  à  Sagunre  un  Temple  de  Diane ,  bâti  par 
Zacinthus  deux  cens  ans  avant  lefac  de  Troye,&  que  la  même  Déefie, avoit 
dans  l'Aulidc  un  Tetnple  j  qui  étoit  aufiî  bâti  quelques  fiecles  devant  la 
guerre  de  Troye.  Or  on  place  la  guerre  de  Troye  environ  le  tems  de 
Jaïr  Juge  d'Ifraël,  30Ô.  ans  après  la  fortie  des  enfans  d'Ifraël  ,  environ 
1200.  devant  Nôtre  Seigneur  Jefus  -  Chrift.  Selon  quoi  les  Temples  de 
Diane  auroient  été  bâtis  du  tems  des  premiers  Juges  d'Ifraël. 

Eufebe,  dans  fa  Chronique.,  rapporte  au  tems  de  Samfon  l'embrale- 
ment  du  Temple  d'Ephefe  par  les  Amazones.  Il  faloit  que  ce  Tem- 
ple fût  bâti  long- tems  devant.  Au  contraire  Solin,  6c  Mêla,  difent  que 
ce  furent  les  Amazones  ,  qui  bâtirent  le  Temple  de  Diane.  Mais  Pau- 
(ânias  prétend  qu'il*efl  beaucoup  plus  ancien  que  les  Amazones.  Quoi 
qu'il  en  foit  ,  nous  ne  faurions  rien  tirer  de  certain  de  tout  cela  ,  parce 
que  ce  période  de  l'Hifloire  Grecque  eft  celui  que  Cenfbrinus  a  juftemenc 
appelle  jxt;6i>îov5  fabuleux,  C'eft  l'âge  des  Hercules,  des  Thefées,  4^  des 
autres  Héros  de  la  Grèce ,  dont  l'Hiftoire  eft  fi  remplie  de  fables ,  qu'il 
eft  comme  impoffible  d'y  démêler  aucune  vérité.  Et  tout  ce  que  l'on  en 
peut  tirer  fur  nôtre  fujet,  en  y  joignant  les  lumières  de l'Hiftoire  Sainte, 
c'eft  que  Ton  a  commencé  à  bâtir  les  Temples  dans  le  période ,  qui  s'efl 
écoule  depuis  ia  fortie  du  peuple  d'Ifraël  hors  d'Egypte ,  jufques  aux 
Rois  d'Ifraël.  Je  foupçonne  que  le  Tabernacle  ,  qui  fut  conflruit  par 
le  commandement  de  Dieu  ,  a  donné  occafion  aux  Payens  de  bâtir  des 
Temples  à  leurs  Idoles.  Car  le  Tabernacle  étoit  véritablement  un  Tem- 
ple portatif,  les  Temples  àç.s  Grecs  femblent  être  du  fiecle  de  leurs  Hé- 
ros. Car  Hérodote  nous  infinuë  que  l'origine  des  Temples  entre  les  Grecs 
vient  de  ce  que ,  félon  eux ,  le5  Dieux ,  c'eft-à-dîre ,  leurs  Héros,  avoient 
tiré  leur  origine  des  hommes.  Ainfi  les  premiers  Temples  des  Grecs  fu- 
rent les  fepulchres  de  leurs  grands  hommes.  C'eft  ce  qu'ont  prouvé  les 
anciens  Chrétiens ,  Laj5lance  ,  Eufebe  ,  &  avant  eux  Clément  d'Alexan- 
drie, 


ET  DES  CULTES  DE  L'ÉGLISE.  P^r^. IV.  759 

drie  ,  dans  le  difcours  ,  qui  poite  pour  titre  Trotrepticon  ad  Gentes  U 
leur  fait  voir  que  les  Temples  de  leurs  Dieux  n'étoient  que  des  fepulchres 
d'hommes  morts.  Il  le  prouve  par  le  Temple  de  Minerve  de  LariiTe^ 
dans  lequel  Acrifiusétoit  enfevelij  par  le  Temple  de  la  citadelle  d'Athè- 
nes, qui  étoit  le  fepulchre  deCecrops.  Ils  difent  qu'Erichthonius  étoit  en» 
feveli  dans  le  Temple  de  Polias  j  qu'Hyperoche  ôc  Laodice  font  enfeve- 
lies  dans  Pile  de  Delos,  dans  le  Temple  d'Apollon.  Et  ainfi  de  plu.fieurs 
autres.  Eufebe  a  pris  la  peine  d'extraire  ce  fragment  de  Clément  d'A- 
lexandrie ,  &  de  l'inférer  dans  le  fécond  livre  de  la  Préparation  Evange- 
lique,  dans  le  chap.  6. 

Pour  ce  qui  eflde  k  figure  6c  de  la  forme  de  ces  premiers  Temples  des  Les  anciens. 
Syriens ,  il  efl  malaifé  d'en  rien  dire  d'aflîiréj  ce  que  l'on  peut  croire,  c'eft  JoS " 
qu'iljn'y  avoit  pas  grande  Architeéture.  Et  fi  je  ne  me  trompe,  ils  étoient  wnds. 
ronds ,  c'eft-à-dire ,  que  c'étoient  dts  tours.    Premièrement  cela  paroît 
iparce  qu'ils  faifoient  des  Temples  de  leurs  Idoles  leurs  forterefTes.  Ce  qui 
paroît  par  i'Hiftoire  d'Abimelech  y  les  habitans  de  Sichem  étant  prefîèz 
par  Abimelech ,  leur  ville  étant  prife,  Tom  les  Seigneurs  de  la  Tour  de  Si-  J"S«  5.45» 
ehem  fe  retirèrent  dans  le  fort ,  ^m  étoit  la  maifon  dn  ^Dieu  Baal-Berith.  Or  on 
fait  que  k  forme  ronde  eft  celle  qu'on  a  donnée  aux  premières  forteref- 
fes  5   &  il  n'y  a  pas  même  bien  longtems  qu'on  n'avoit  que  àts  tours  , 
autour  des  murailles  des  villes  y  pour  les  rendre  fortes.    J 'appuyé  encore 
cette  conjeélure  par  l'Hiftoire  de  Samfon.  La  maifon  de  Dagon  étoitap-  I"sesi5, 
puyée  fur  deux  piliers,  Samfon  fe  fit  mettre  entre  ces  deux  piliers,  il  les 
embraflli ,   6c  en  les  renverfant  il  fit  tomber  tout  l'édifice.     Il  eft  clair 
qu'il  faloit  que  cet  édifice  fût  rond  y  car  les  piliers  étoient  fort  proches 
l'un  de  l'autre  ,   puifque  Samfon  les  pût  embrafler.     Tout  l'édifice  étoit 
appuyé  fur  ces  deux  colomnes.     Et  cela  ne  fe  peut  rencontrer  que  dans 
un  bâtiment  d'une  forme  ronde.  Et  même  dans  les  fiecîes  fuivans  je  trou- 
ve que  c'étoit  k  forme  ,  qu'on  donnoit  le  plus  ordinairement  aux  Tem- 
ples.    Lilius  Gyraldus  rapporte  de  Vitruve  &  de  Varron ,.  que  les  Tem-  Liiius  Gy- 
ples  de  Jupiter  Foudroyant,  du  Ciel,  du  Soleil  j.  ôc  de  la  Lune,  étoient  "^"^"^  ^^^' 
bâtis  fans  couverture,  expofer  à  l'air  ^  &  en  forme  ronde,  parce  que  le  vftmviu's 
mouvement  Aç,s  Afti-es  étoit  circulaire,  6c  qu'ils  regardent  tout  l'Univers. ^^^'  ''^•^'' 
Il  dit  que  le  Temple  de  Vefta  étoit  auffi  rond,  à  caufe  que  cette  DéefTe 
eft  la  terre,  dont  la  figure  eft  ronde  ,   6c  que  les  Temples  de  .Bacchus 
avoient  k  même  figure.     Enfin  tout  le  monde  fait  que  le  célèbre  Pan- 
théon de  Rome  étoit  de  figure  ronde.     Il  fubfifte  encore  aujourd'hui,  6c 
on  en  a  fait  une  Eglife  confacrée  à  Nôtre  Dame,  qu'on  appelle  la  Ro- 
tonde.    A  quoi  l'on  peut  ajouter  que  le  Temple  de  la  Déeife  Vefta  étoit 
rond,  fitué  dans  la  vallée  entre  le  Mont  Capitolin  6c  le  Palatin,  où  il  fe 
voit  encore  aujourd'hui  fous  le  nom  de  Sainte  Marie  de  Grâce  ,    Plutar- 
que  dans  la  vie  deNuma.  Dit  que  Nnma  bâtit  un  Temple  à  Fejlapour  la  gar- 
de  du  feu  éternel.  Il  le  fit  rond ,  non  pas  pour  répréfenter  la  terre,  comme  fi  Ve(la 
étoit  la  terre^   mais  afin  qutl  eut  la  figure  de  rZ^nivers,  au  milieu  due^f^el  le 
feu  efi  placé  ,  félon  le  fentiment  des  Pythagoriciens  ,  qui  l appellent  Ve^a  ,    ^ 
runiîé. 

Sans  doute,  k  ftrudure  des  Temples  étoit  fîmple  au  commencement  s 


jGo        HISTOIRE   DES   DOGMES 

&  fans  magnificence.  Ovide  dit  quelque  part  qu'ils  ctoient  fi  petits ,  qu'à 
peine  Jupiter  y  pouvoit  tenir. 

Fiftorum  I.  fuppiter  mgufla  vix  totus  fiabat  in  ade. 

InijHe  fovis  dextra  fiUile  fnlmen  erat. 

Quand  les  Dieux  n'étoient  que, de  bois,  &  qu'à  peine  les  ftatucs  avoient 
quelque  figure  humaine  ,  les  DU  Cattdicarii ,  comme  les  appelle  Tertul- 
licn,  ne  meritoient  pas  d'être  magnifiquement  logez.  Mais  la  ruperftidon 
ôc  le  luxe  augmentant  en  mêmetems,  les  Dieux  font, devenus  d'or ,  & 
les  Temples  Ibperbes. 

Les  Payens  les  bâtirent  à  peu  prés  fur  le  modèle  du  Temple  de  Jeru- 
Liideodeh  fa«lem  ,    dans  lequel  il  y  avoit  divers  appartemens.     Lucien  nous  dépeint 
s''!!?'^^    ainfi  celui  de  la  Déeflé  Syrienne,  c'eft- à-dire,  de  Cybele,  qui  étoit  à 
Hierapolis,    Il  étoit  ceint  de  deux  murs,  c'eil-à-dire,  qu'il  y  avoit deuî| 
parvis,  l'un  dans  lequel  on  entroit  d'abord  ,  .êc  quand  on  l'avoit  traver- 
sé ,   on  rencontroit  une  autre  muraille  ,    qui  failbit  l'enceinte  d'un  nou- 
veau Parvis  ,  ÔC  ce. dernier  Parvis  étoit  de  cent  toifes  de  diamètre.     Le 
Temple  étoit  au  milieu  de  ce  dernier  P-arvi5 ,  il  étoit  tourné  vers  l'Orientj 
c'eft-à-dire  que  le  cœur  du  Temple  regardoit  l'Orient ,  6c  la  porte  étoit 
tournée  vers  l'Occident,  &'i;'étoit  ainfi  qu'étoient  fituez  la  plupart  des 
Befcription  Tcmplcs  dcs  Paycns ,  parce  qu'ils  adoroient  le  Soleil  Levant.     Et  Dieu 
pks  àS'    tout  au  contraire  voulut  que  Ton  Temple  fût  tourné  vers  POccidcnt,  afin 
îayens,  &  qye  les  JuiFs  ne  fuflent  point  tentez  d^adorer  le  Soleil  levant  .    &  qu'ils 
celui  de  la    lui  toumaflent  le  dos  danis  leurs  adorations.     L'on  montoit  à  ce  Temple 
Déeflede    ^jg  Cybele,  par  des  degrez,  car  le  fol  étoit  élevé  hors  de  terre  de  douze 
^  ^'         pieds.    Et  cela  parce  que  c'étoîent  des  Dieux  celeftes,  qui  étoient  ado- 
LiiiusGy-    rez  dans  ce  Temple.   Car  les  Temples  des  Dieux  infernaux  étoient  foû- 
vtaone^o-  terrains:  le  fol  de  ceux  des  Dieux  terreftres  étoit  au  niveau  delà  terre, 
co  fuprà      6c  ceux  des  Dieux  celeftes  étoient  élevez  de  terre. 
.eitâtQ.  L'on  montoit  donc  au  Temple  de  la  T^éoi^Q  de  Syrie  par  de  petits  de- 

grez de  pierre,  qui  conduifoient  àunPortique  d'une  ftTudure  admirable; 
\^s  portes  du  Temple  étoient  d'or,  6c  il  en  étoit  tout  couvert  par  dedans 
6c  par  dehors.     Le  Temple  étoit  divifé  en  deux  parties,  dont  l'une  étoit 
le  Sanétuaire  ,  où  l'on  montoit  par  degrez  >  il  eft  vrai  que  le  Sanéluaire 
étoit  tout  ouvert ,  cependant  il  n'étoit  permis  qu'aux  principaux  Prêtres 
d'y  monter.  Et  dans  le  Sanétuaire  étoient  les  images  des  Dieux  j  dehors 
étoit  un  grand  Autel  d'airain  ,   autour  duquel  il  y  avoit  grand  nombre 
L€  Temple  de  ftatuës.  Il  eft  clair  que  tout  cela  eft  imité  de  la  forme  du  Temple  de 
ét?if  iS^  J^J'ufalem  i  dans  lequel  il  y  avoit  plufieurs  Parvis ,  un  Temple  divifé  en 
de  celui  de  deux  parties,  dont  l'une  etoit  le  Sanéluaire,  oi^i  le  feul  Souverain  Sacrifi- 
jei  aem.    ^,^^^^^.  entroit,  6cdeliors  le  grand  Autel,  appelle  l'Autel  d'airain,  ou  l'Au- 
tel des  holocauftes. 
iiy  avoit  Pourfuivons  la  dcfcription  des  Temples  des  Payens.     Il  y  avoit  à  la 

deîiaîoirS  P°^te  dcs  Tcmples  des  lieux,  oi^i  l'on  fe  la  voit,  6c  quand  la  commodité 
la  porte  des  du  licu  le  pouvoit  fouftHr  ,    il  y  avoit  des  lacs  ,   c'eft-à-dire,  des  baffins 
kuTufasê?'  pleins  d'cau  de  fource  6c  de  fontaine,  oii  l'on  fe  lavoit  ,  avant  que  d'en- 
trer dans  le  Temple.  Et  il  y  en  a  qui  croyent  que  ces  lavoirs  s'appelloient 

Delubra^ 


"ET  DES  CULTES  DE  L*E G L I S E.  P^r^. IV.  761 

■Delptbra  ,    nom  qui  iignifie  fouvent  les  Temples  tout  entiers.     Deluymm     * 
di5îum  propter  lacum^  in  qno  manui  ablnumur  ^  ditServius,  fur  le  4.  deTE- 
«eide.     Mais  d'autres  veulent  que  Dehbrum ,  fût  le  lieu ,  oii  l'on  pofoit 
le  fimulacrede  la  divinité,  qui  étoit  comme  un  parquet  environné  de  ba- 
luftrades.    Ils  dérivoient  Delnbrfimydt  Deus yCovcm\Q  (^andeUbrum  vient  de  d»où  yie^it 
cmdeU.y   &  fignifie  le  lieu  oii  l'on  pofe  k  chandelle.    C'eft  une  opinion,  '^^ot de 
qui  eit  avancée  par  Varron,   félon  Macrobe.     Dêtubrum  dii  œfiimant  in    ^"'^"'"* 
^tto^  prAter  adem  ,  Jtt  are  a  adfumpta  Deûm  caufâ  ^nt  eflin  Circo  FUminio  fo-  ^"°  'q.*  ^ 
vis  Statoris.     Altiin  cjuo  loco  jimuUerum  dedicatum  efi  ^  fient  locus  in  cj  no  fige-  narum. 
rem  candelam  Candelabrnm  appellatur  ^    ita  in  cffio  Deum ponerent  nvminatum  ^J^^.^^^'^'- 
De/abmm.  La  première  opinion  a  quelque  chofe  de  plus  apparent,  fi  l'on  Laftantius 
a  égard  à  l'étymologie.  Car  comme  de  Lavo  {c  hit  Labrtim ,  ainfide  Di-  £? 'apid  ' '^'^ 
.Ifio  ie  pourroit  faire  aifément  Delnbrum.  Mais  quoiqu'il  en  foir,  ileft  cer-  Maaôbiuia 
tain  qu'autant  qu^ilspouvoient,  ils  bâtiflbient  leurs  Temples  prés  des  eaux.  siLnS!'^' 
Et;  ceux  qui  alloient  à  leurs  dévotions  fe  kvoient  dedans.     St.  Juftin  di-  lib.j.  c.4. 
fbit  ,    €eHX  qui  entrent  dans  les  Temples  fiont  faire  ^ur  eux  des  afperfions  ,  j[?»/'/  MinMat- 
iis  offrent  de  Penuns  &  des  gâteaux  aux  Dieux  :  d'autres  fie  lavent  tout  entiers  ^^  ^°'^ 
.  avant  que  d'entrer  dans  les  Chapelles  des  Dieux, 
-  Et.pour  cet  ufage  ils  avoient  des  Officiers  à  k  poite  de  leurs  Temples, 
t|ui  faifoient  afperiion  fur  ceux  qui  y  entroienc.  Cela  paroît  par  la  célè- 
bre Hiftoire  de  Valentinien,  qui  fut  depuis  Empereur.     Il  fuivoit  Julien  Theodoret. 
au  Temple  de  la  Fortune,  &  les  portiers  lui  ayant  jette  de  l'eau  luftrale,  ^^^•^•"P'^^= 
il  donna  un  foufflet  à  celui. qui  Tavoit  pollué  par  cette  afperfion.     Quand 
il  n'y  avoit  pas  de  fontaine  prés  des  Tetnples,  on  apportoit  de  l'eau  d'ail- 
leurs ,  que  l'on  puifoit  en  de  certaines  fontaines  kcrées.   A  'Rome  c'étoic 
la  fontaine  de  Juturne  , .  à  Athènes  celle  de  Callirhoé  ,   à  Trézene  celle 
d'Hippocrene.  Et  il  ne  faloit  pas  que  les  vaifleaux^  dans  lefquels  on  met- 
toit  cette  eau  facrée  ,   fuflent  pofez  à  terre.     Il  faloit  que  les  Minières  , 
qui  faifoient  cette  afperfion  ,  îestinfîent  toujours  en  l'air ,  c'efl:  pourquoi 
ct%  vaifTeaux  étaient  fi  pointus  par  le  bas  ,  qu'ils  ne  pouvoient  du  tout  y 
repofer  fans  tomber  fur  le  côté  ,  &  fans  répandre  l'eau  qui  étoit  dedans,  sic  servttfs 
à  caufe  de  cela  on  appelloitces  vaifîcaux /«r?//^  àfmdendo.  oonatus. 

En  entrant  dans  le  Temple  on  rencontroit  ,  comme  aujourd'hui  dans  ïi  y  avoit  ua 
les  Eglifes  des  Chrétiens,  un  grand  efpacc  ,   qu'ils  appelioient  Tpo^^pojaov ,  fe!"oùl'oï 
qui  étoit. profane,  -c'ell-à-dire.,  dans  lequel  on  fe  promenoit,  on  parloit,  po"*'"'' ^e 
on  vendoit,  à  peu  prés  comme  dans  un  marché.  Les  Grecs  rappelloient  &c,'"^"^°  . 
i^ôvuov^  qui  figniSe  le  devant  du  Temple  5  Ôcpéut- être  que  le  mot  de 
pïofiafium  vient  de  là  ,  'cjuafi-Antefanum.    Plus. avant  il  y  avoit  cette  partie 
du  Ternpkc,  qui  s'appeiloit  Cella,cGÛ  ce  que  l'on  appelle  aujourd'hui  le 
Chœur,  oii  étoit  placée  l'image  de  la  divinité.  Vitruveen  fait  k  defcrip- 
tion  dans  le  4.  Livre  de  fon  ouvrage  fur  l'Archite-âure.    Et  Tite  Live 
parle  de  la  Cellule  de  Jupiter.    Cafiigatum  enim  ab  en  populum  ait ,  quod  eum^^^-  ^^• 
.perpetuo  Coyifulem  ,  ^  DiUatorem  veUet  facere  :  'prohibnijfe  fiatuas  fibi  in  Qi' 
-mitio  ^  in  Koftris  ^  tn  Curia ,  in  Capitolio ,  in  Cella  ^ovis  poni. 

Ces  Cellules  fe  fermoient -,  &  étoient  environnées  au  moins  de  grands  cdfulefol^ 
baluilres,  car  Aulu-Gelle  dit  que  Scipion  l'Africain  fe  faifoît  ouvrir,  tous  l'o"  pofpit 
les  matins  avant  jour  ,   la  Cellule  de  Jupiter  ,   &  qu'il  y  demeuroit  long-  d^sDieS. 
liems,  comme  pour  délibérer  avec  le  Dieu  ,   fur  les  affaires  de  k  Repu-  ^"'o^^": 
Tart,  W.  Ddddd  blique.  auzic"^!'!^ 


762  H  I  s  T  O  I  R  E  D  E  s  DO  G  M  E  S 

»  blique.  Litteris  mandaverunt  Scipionem  hune  zAfricainHm  Çolitttm  ejje  noBis' 
extrento  ,  prinfijuam  dilucnlaret ,  in  Cdpitolium  ventitare ,  &juhere  apertri  Cel- 
Um  'jovîs  ^  atcjue  ibi  fohtm  dm  demorari  ^  ejuafi  conÇultantem  de^epublica  cum 
]ove.  Il  y  avoit  plulîeurs  de  ces  Cellules  dans  un  Temple.  Mais  dans-cha' 
que  Cellule  on  ne  pouvoir  mettre  qu'une  feule  divinité; 

Le  Livre  de  la  Déefie  de  Syrie  ,  entre  les  œuvres  de  Lucien  ,   nous 
apprend  le  premier  ,  Ib'eil  que  dans  un  Temple  il  y  avoit  plufieurs  fimu- 
lacres,  &  plufieurs  Cellules,  car  dans  le  Temple  d'Hierapolis ,   qui  ell. 
dcciit  dans  ce  Livre,  il  y  avoit  des  ftatu  es  de  Jupiter  ,   de  Cybcle,  d'A- 
pollon, d'Atlas,  de  Mercure,  de  Lucine,,  &  une  Cellule  pour  le  Soleil ,. 
dans  laquelle  il  n'y  avoit  pas  de  llatuë,  parce,  dit  cet  Auteur,  qu'ils  ne 
font  point  de  répréfentation  du  Soleil ôc  de  k  Lune,  àcaufe  que  ce  font 
des  Dieux  aflez  vifibles-par  eux-mêmes. 
yaier.  Max.      Valere  Maxinae  nous  apprend  la  féconde  chofë ,  c'efï  qu*on  ne  pofoit 
lib.r.cap.i.  p^^  dcux  fîmulacres  dans  une  même  Cellule.  Ciim  Marcdlm  quintum  Von^ 
ftilatttm  gerens ,  Templmn  Homri  &  Vinuîi ,   Cla[tidia  prim  ,    dtinde  SyracH" 
fiipotitus  ^  nt^ncHpaîïS.votis  ^^  debitum  Deo  confecrare  vellet  ,  à  Collegio  hontifi" 
mm  impediws  efi ,   negantc  nnam  Cellam  duobfts  1)iis  n^e  dicari.     Futurum- 
enim  fi  quid  prodigii  in  ea  accidiffet , ne  dignafceretptr  utrirsm  divinam fieri opoT" 
ter  et:  nec  dnabus  nifi  aertis.  Diii  nnà  fucrifieari  folere.     Cette  règle  fouffroit. 
^xitRona.  des  exceptions ,  car  Plutarque  nous  apprend  qu'il  y  avoit  un  même  Autels 
^,. .  ~   ,   dédié  à  Hercule  &  aux  Mufes.    Paulânias  dit  qu'Apollon  ôc  Mercure 
avoient  un  Autel  commun,  pai-ce  que  Mercure  avoit  mvente  la  Lyre,  ^. 
cicero  in  «-Apollon  la  guitarrc.  Et  Cicerondit  que  Bacchus,  &  fon  fils  Arilleus,  qui' 
et  oit  l'inventeur  de  l'huile',  avoient  un  Autel  conimun  à  Syracufe.     Ce 
font  ces  Cellules  qu'Arnobc  appelle  Tuguriola^  ÇoncUvia.     Itanon  prim^ 
Lib,  «.  ad     &  maximac&nttimdia  efi  habttattone  Deas  habere  difiriUos  f    TtigurioU  Mis. 
Gcnita,       dare^  Conclavia  &  CdlMas  fabricart  ?' 

Je  ne  doute  pas  que  de  ces  Cf//<ene{bitvenuIemot  dcpiceUtim^^f^cellÀ^-^, 
qtiafi  Citera  celU^  des  Chapelles }  carenefïet  ces  Cellules  étoient,  non  ce 
qu'on  appelle  des  niches,  mais  ce  que  l'on  appelle  aujourd'hui  des  Cha- 
pelles. 

Derrière  ces  Chapelles  &  Cellules,,  étoient  cette  parties  du  Temple,, 
qu'on  appelloit  oV<o-6o Jcf^ev  j  le  derrière  du  Temple.  Et  ainfî  il  y  avoit  trois 
iiridcTuine- principales  parties  des  Temples,  la  première  étoit  XQpronaon^  ou  la  par-- 
iib"\^c,^7]  tie  de  devant,  qui  comprenoit  le  veitibule,,  les  portiques,,  ôc  les  prome- 
êtPubiium  noirs.  La  féconde  comprenoit  les  C^/Z^/é-x  des  Dieux,,  qui  y  étoient  r  enfer- 
Si^'ieV  races  j  la  troifîéme.  étoit  le  derrière  duj Temple,,  appelle  a/z/W^j^fW.  Il 
gionibus  eft  aifédc  connoître  préfêntement  d^où  les  Chrétiens  ont  emprunté  la  îoï^ 
ïorme  de*  înc  dc  Icurs  Eglifcs.  Il  cfl  clair  que  c'eft  des  Temples  dts  Payens,  car 
ftfuiuée'ckï  ^^^^^  font  fèmbkblcs  àces  defcriptions,  que  nous  venons  de  faire, 

Jaycati 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Part.lV.  je) 


CHAPITRE      III. 

Dts  tneuMes  des  Temples ,  des  tyiuteîs ,  des  Tables ,   &  des  Lam- 
fes  ardentes  i  des  procejfions  y  des  torches  éf  des  feux  Jacrez. 

OUtre  les  ftatuës,  qui  feifoieilt  les  ornemcns  de  ces  Temples,   on  y  Des  Aweu 
voyoit  trois  principales  pie<:es,  les  Autels,  les  Tables  &  les  Lampes,  ^"/f^?'^' 
Il  efl:  afTez  connu  que  tous  les  Temples  avoient  leurs  Autels,  car  corn-  matière ,  & 
me  les  facrifices  étoient  les  principales  parties  du  culte,  il  cft  clair  qu'un  ^«^^w»^*- 
Temple  ne  :pou voit  pas  être  làns  Autel ,  &  chaque  Autel  avoit  fa  ftatuë,  qui 
fignifioit  à  quelle  divinité  l'Autel  étoit  confacré ,  ^od  nttmen  haùeant,&  Tom.î*, 
pro  fiumine  accipiant  ilUm  fiamam  ^  aratefiamr,   dit  S.  Auguftin.     Lama-  S""-^* 
tiere^n  étoit  fort  diverfe.     Athénée  dit  qu'il  y  avoit  un  Autel  d'orâ  Ba-  Lib.  ♦. 
bylone,  fur  lequel  onn'immoloit  que  des  animaux  de  lait,  ^  quitettoient  ^''^ 
encore.    Gn  en  faifoit  de  gazon , 

In  medioque  focos^  .&  Dlis  commmihus  arttt  Virgîi. 

graminm.  f^ctip. 

Mais  la  matière  Ja  plus  ordinaire  étoit  la  pierre ,  &prmcipaletftent  le  mar- 
bre. 

çyi4^4Ymoreas  fiam  fuhii  canum  Jtmulacrapir  arMo 

C'eft  à  quoi  Martial  fait  allufîon. 

Et  cum  thure  merôcjHe  ^viElimÀqtfe  -  1«artîal  ï  » 

Libetm  tibi ,  candidas  ad  aras.  '        "        Epig.  92. 

Je  n'ai  pu  bien  devioer  où  feplaçoient  les  Autels.  Dieuâvoîtcomman-  oàfepia- 
dé  que  l'Autel ,  fur  lequel  on  devoit  facrifier,   fût  dehors  fans  autre  cou-'J^^J^^  *^ 
verture  quele  ciel.     Il  femble  que  les  Paycns  doivent  avoir  imité  cela. 
Autrement  fi  les  Autels  avoient  été  dans  les  Temples,  la  fîimée  des  fa- 
crifices auroit  inceflam  ment  rempli  ces  lieux  d'un  air  ténébreux  5  &  d'une 
odeur  puante.     En  effet  l'Auteur  du  livre  de  la  Déefie  de  Syrie  dans  Lu- 
cien ,  dit  que  le  grand  Autel  des  facrifices  étoit  hors  du  Temple.  Gar  après 
avoir  décrit  le  dedans  du  Temple,  il  ajoute,  Dehors  il  y  a  un  grand  Ameî 
^airain^  avec plnfiefirs  ftatues y  tant  de  %QisqHs  de  Sacrificateftrs.     Ces  Au-  DequaîTe 
tels  étoient  ordinairement  couronnez  de  verdure  ,   félon  le  Dieu  auquel  Jùteir'  ^^ 
l'Autel  étoit  confacré.  Ceux  d'Apollon  étoient  couronnez  de  laurier ,  ceux 
de  Minerve  de  branches  d'Olivier,  ceux  du  Dieu  Pan  de  branches  de 
Pin,  ceux  de  Jupiter  de  l'arbre  appelle  Efcuîm.    Ils  y  mettoienc  même- on  faifoit 
du  ^azon,  6c  c'eft  la  raifon  pourquoi  l'on  veut  qve  les  Poëtès  ayent  ap-  J^^  ^^^^ 
f  elle  hsAu.teh ^raminea  &  herbojk,  » 

Ddddd  %  '€r^'- 


764  HISTOIRE  DES  t)  O  G  M  E  S> 

sîHuslib.  4.  Gramineas  undis  firavit  focialibus  aras. 

ovid.  Plaçât  odoratis  herbofas  ignibns  aras. 

JMet.  ij. 

Mais  il  y  a  plus  d^apparence  que  les  A\Xich  gr aminée  étoient  des  Autels  de 
gazon. 

Outre  l'Autel  àt^  holocauftes ,  qui  étoit  hors  du  Saneluaire,  Moïfe  avoît 


i.esTiyens  lur  lequel  on  taiiojtiumeri.enQeqs  devant  JJieu.     je.neaoute  pas  que, 
r°  Autels''^  Payens  n'euflent  de  ces  Autels ,  qui  nefervifleiit  qu'aux  parfums.     Cepen- 
pour  les      dant  il  eft  certaiq  queles  Autels  des  facrifices  feryoient  aufîi  à  faire.i)rûler 
pafums.      l'encens ,  c'eil  pourquQi  Properce  dit , 

j^ij,,  3_  Inde  coronatas  i^i  thiire  piaverls  aras^., 

Pcxir  la  même  raifon ,  les  Autels 5 fur  lefquels  011  facrifijôit!)  font, appelles-, 

thfiricrema. 

VitgiL,  Thuricremis  chm  do'na imponeret  artsU 

j?";j'*"_  Sape  Deos  ftipplex  ^  ut  tu  fcelerate  valerep^ 

Epift. 2. ,  Sum  prece  jhuncremis  deveneratafocis... 

Dido  ad 

n'y  avoît  des     L^s  Tables  étoient  auffi  un  meuble,  fort  ordinaire  dans  tous  leurs  Tém-> . 
Tables  dans  p|es ,  &  CCS  trois' chofes  vont  quafî  toûjours  eufembic ,  ara^foci^  ^mm-. 
leur  uflgc"'/^-     Deorum  ignés  ^  folemnes  met^d  f  abditi  &  pénétrâtes  foci  ^    dit  Ciceron. 
In  oiatione  ^^^  Tablcs  leur  fervoient  à  pofer  leurs  mets  facrez,  leurs  liqueurs ,  donc 
«k  Arufpi-  l'effafîon  fe  devoit  faire  à  l'honneur  des  Dieux,  ,6c  leurs  offrandes.   Nous 
wmrefpon-  ^yons  fur  Cela  un  patTagc  de  Macrobe,  qui  mérite  d'être  rapporté  entier^ 
parce  qu'il  nous  inftruit  parfaitement  bien,  non  feulement  de  l'ufage  des 
Tables  dans  les  Temples  y  mais  ayiifi  des  autres  meubles ,,  dont  les  Tem- 
3atHinal.J.s..p]es  étoient  remplis.     In  fanis  alia  vaforum.  Jimt  ^  &:facra  fupellé^lis^  alla 
■sâp'*»>        ornamentorum.     Q^a  vaforum  funt  ^  infiar  habent  cjuibus  femper  facrificiacon" 
f,cmntur  ^ ,  quorum  re-KunH' principem  locum  obtinet  menfa  ^  in  qua  epuU  libationef' 
^ue  &  fiipes  reponuntur:  ornameKita  verjo  funt  clypeii  coronA^   0"  hujufeemodi: 
dçnaria.     Neqae  enim  donaxiA  dedi-CAntur  eo^tempone  ^   cjuo  delftbra  facrantur. 
^t  vero  menfa  aruUque  eodem  die  quo  &des  ipfa  dedicari  folent.     Z^nde  menfa, 
hoc  ritu  dediçata  in  Templo^  ara ufum ^  religipnemobtinet pulvinaris .  Ergo apud:> 
Èvandrum  quidem.  fit  jujia  libatio  ^quippe  apud  eam  menfinm^isiuA  çum  ara  ma".- 
xima  more  utique  Religionis  fuerat  dedkata,  &  m  locaftcrato  é"  inter  ipfafi'^ 
cra,  in  quibus  epulabanjur,     C'eftce  quedit  Mgcjobie.àpropos.deGevsrs.' 
de  Virgile.         ' 

££1^.9.  .....  .  c  .  .  .  omnes  = 

ÏH'  menpi  ÎAti  UbÀnt  f  DjvQfque  precantur.  , 

'^  . 

ï>ans  ce  paflage  Màcrobe  diftingue  ces  trois  cho^QS  -ar4  maxéma  ,   arula^ 

&:  mçpfii    Le  grand  Autel ,  les  petits  Autels , ,  ôç  lesTahles.  Je.  conjedu- 


FT  D-E S  CULTES  DE  VE G Ll SE. Tart AV.  76'^ 

re  que  le  grand  Auuel  étoit  dehors  à  la  porte  du  Temple,  que  les  petits  Au- 
tels étoient  dans  le  Temple,  6c  fervoient  à  faire  brûler  des  parfums,  pour 
remplir  le  lieu  de  bonne  odeur.  Lucien  dit  du  Temple  delà  Décfle  de  Sy- 
rie, On  y  fem  une  odet^r^  telle  qu^on  dit  qiiilyadans  l'Arabie  PHenreufe  ^  qui 
dure  fort  long-tems^  &  qui fe  fait  fèntir  de  fort  loin  ^  de  forte  qu'on  s' en  fouvient 
toute  fa  vie. 

C'étoit  fur  ces  Tables  que  fe  faifoientles  repas,  qui  fuivoient  lesTac^s*-  Des  «pas 
^Qts^  6c  dont  S.  Paul  parle  aflez  fouvent  dans  fes  Épîtres,  quand  il  dé-  îeTxabîes 
fend  aux  fidèles  de  s^afleoir  dans  le  Temple  de  l'idole  pour  manger.    Si        .  . 
quelqti^m-te  voit ,  toi  qui  as  de  la  connoijfance ,  être  à  table  au  Temple  dePido-  %',  jo"°   ' 
le^  laconfcience  de  celui  qui  efi  foible^    ne  fera-t^elle  pas  induite  à  manger  des 
ehpfes  faarifie'es  aux  Idoles"?  Macrobe-,  dans  le  lieu  que  nous  venons  de  citer 
Q.]ome^quia ,  quad  retl'e  fieri  noverat ^  ab  omnibus  fîmul  in  Templo  epulantibus ^ 
id  nifî facratt&  afftdentibus  menfk  fa6ium  ejfe  memoravit.     Il  y  avoit  quelques- 
unes  de  ces  Tables,  qui  n'étoient  que  pour  l'ornement  6c  la  magnificen- 
ce, parexemple  celles  d'or.  Denys,  Tyran  de  Syracufe ,  fit  ôter  du  Tem- 
ple d' A  jîollon  ces  Tables  d'or;  Et  parce  qm  fur  ces  tables  ^felon  la  coutume  des 
Grecs  ,  on  Itfoit  ces  paroles  Bonorum  Deorum^  aux  Dieux  bons ,  je  veux ,   dit- 
il,  tirer  quelque  tffage  de  leur  bonté.  C'efteeque  Ciceron' rapporte  de  ce  ty^-  Lib.3.  de 

ygn  -        -  -  NaturaDeo*" 

Les  Tablés  qui  étoient  pour  l'iifàge  étoient  dé  bois.  Denys  d'Halicar- 
nafle  dit,  qu'il  avoit  vu  dans  les  Temples  les  repas  facrez.^préparez.  aux  Dieux  fur 
des  Tables  de  bois,  fftr  lefquelles  ^  dans  des  plats  de  terre  ,  ilj  aveit  de  Fvrge 
cfiite  i  des  gâte^ux-^  quelques  fruits  ^  Ç^T  autres  chofes  femblahies\  de  fort  petit 
eout^  &  d^hn  très  médiocre  appret\  On  voit  évidemment  que  cela  étoit  imi- 
té de  la  Table,  qui  étoit  dans  le  Temple  de  Jerufalem,  fur  laquelle  on  ne 
pofoit  que  des  pains',  appeliez  de  propontion,c'£Û- à-dire  y  des  mets  fort 
iîmples. 

Les  lampes,  lés  flambeaux,  6c  lés  torchés,  étoient  encore  un  autre  or- l'es  tam- 
nemént  ordinaire  dans  les  Temples  des  Payens,  fur  tout  dans  leurs  fêtes:^,"'ent"daES 
Tertullïen  leur  parle  ainfi,     Cur  dieUto  nec  laureis  poflesobumbramus,    «é-f  les  Temples, 
lucernis  dtem  infringimus  f  Quis  Philofophumjacrifkare^aut  dejerare  ^  aut  la^-  inApoIoge- 
cernas  meridie  vanas  proferre  compellet-f  *"^°* 

Laétance  s'étend  davantage  contre  l'inutilité,  6c  la  vanité  de  cette  cé- 
rémonie, d'allumer  en  plein  jour  des  flambeaux, , dans  les  fêtes,  6c  dans 
Îês  Temples  de  la  divinité.  Si  cœlefie  lumen ,  quod  diamus  folem ,  contemplari  infiitut;  - 
velim  ,  jam  fentiam  quod  non  indigeat  lucernis  eormn  Deus  ^  qui  ipfe  in  ufum  '  '  ■"^'*' 
hàminis  tam  claram^  tam^candidam  lucem-  dédit  &c .  'I^m  igitur  mentis  fu» 
campos  putandus  efi ,  qui  auBori  &  datori  luminis  candelarum  &  cerarum  offert 
fro  muneref'QQ  n'étoir  pas  encore^la  coutume  des  Chrétiens  encetems-ià, 
d'allumer  des  torches  dans  les  Temples ,  durant  le  jour ,  autrement  les  An- 
ciens n'eneuflent  pas  fait  une  afi^aireaux  Payens. 

Sur  tout^ans  leurs  procefliôns  folennelles ,   ils  portoient  dés  flambeaux  • 
&"  des  torches  allumées:  Par  exemple,  dans  la  fête  de  cette  Diane,  que- 
les  Romains  appelloient  T^emoralis^  ou  Nemorenfs^  dont  le  Temple  étoit 
dans  la  forêt  Aricine,  prés  de  Rome,  ils  alloient  depuis  la  ville  jufques 
à-cettÊ' forêt  portant  des  flambeaux  allumez  dans  leurs  mains. 

Ddddd  3  ç»mi 


jS6        HISTOIRE  DES   DOGMES 

lïopctt.  t>  Cùm  vidct  accenjts  dévot am  cmrere  tadis 

In  nemus ,  &  trivU  numina  ferre  Dea. 

Otfidius  in  Sccpè  potens  voti  frontem  redimita  coronis 

^••^^S'  Fœmma  Incentes  portât  ab  urhe  faces. 

vfage  des  Les  Grecs  avoient  une  fête  à  rhonneur  de  Promethée ,  dans  laquelle  ils  per- 
Sc'des^toi"  '  toient  des  flambeaux,  en  courant  depuis  l'Académie,  oii  Promethée  avoit 
chcs.  un  Autel ,  jufques  à  la  ville.     Dans  l*  Académie  il  y  a  nn  Autel ,  confacréa  Pra- 

methée ,  ok  les  hommes  allument  des  flambeaux  ^    &  cornent  de  toute  leur  force 
vers  la,  ville.     Car  c^ejl  une  efpece  de  jen ,    dans  lequel ,  pour  gagner  ,   en  doit 
£onferver  fo9  flambeau  allumé  en  courant.     Celui  ^  dont  la  torche  s'* éteint  pendant 
qu'il  court  ^  doit  céder  fa  place  à  celui  qui  marche  après  lui,   dont  la  torche  efi 
encore  ardente ,  (jr  fl  celui  qui  a  pris  la  place ,  laijje  aujjî  mourir  fa  torche ,  il  ce' 
de  à  un  troifléme,  &  ainfl  des  autres.     Et  fl  aucun  ne  peut  conferver  fa  torche  al- 
fauTïniasia  lumée  ^  la  pdme  ne  fe  donne  k  perfonm.     C'cft  Paufanias  qui  nous  rapporte 
^""**       cela.     Mais  fur  tout,  cette  coutume  d'allumer  des  flambeaux  à  l'hon- 
neur des  Dieux,  fe  remarque  dans  la  Religion  d'Ifîs  en  Egypte.  Héro- 
dote nous  dit,  que  tous  les  ansonfaifoit  unlacriêce  dans  la  ville  de  Sais. 
HcroJotc     Et  quand  on  efi  arrivé  dans  cette  ville  pour  facrifier  ^  tout  le  monde  allume  des 
^^'^- "S- ^'!'  lampes ,  pleines  d'^huile  ^  où  ils  mettent  du  fei ,  avec  une  fort  grojji  mèche ,  &  U 
Origine  des  laiffent  brukr  toute  la  nuit  À  l'aw-  s  c'^efi  pourquoi  cette  fête  efi  appelles  hux^oT^cci», 
toiciiesar-   allumement  des  lampes.     Ceux  â^  entre  les  Egyptiens  ^  qui  ne  fe  trouvent  pas  a  cet» 
ies  procef-    te  fête  ^  font  obligez,  d'allumer  au(fl  ces  lampes,  la  nuit  que  fe  fait  de  facriflce,. 
fiops.  Et  ainfi  ces  lampes  luifent  &  fint  allumées  dans  cette. . nuit  ^   non  feulement  dans 

la  ville  de  Sais ,  mais  dans  toute  l'Egypte.  Apulée  dans  l'onzième  de  fa  Mc- 
tamorphofe,  en  décrivant  une  proceflionfoiennelle,  qui  fc  faifoit  à  l'hon- 
neur d'Ifis,  pour  le  bon  fuccezd&lanavigation,  dit  que  le  Souverain  Pon- 
tife ,  ôc  les  femmes ,  ôc  les  hommes ,  portoient  des  torches  ardentes  dans 
leurs  mains.  MagnuspratereafexusHtriufquenumeruslucernis^tAdis^certis^ 
&  alio  génère  facium  lumine  fiderum  cœleBium  flirpem  propitiantes  ^c.  quorur» 
•  primus  lucernam  pr<tmicnntem  çlaro  ponigebat  lumine.  La  DéelTe  Gei'és  efi 
appellée  7  adifera, , 

.©vid.ï;ift.î.  Q^^^  ^^^  Ti&difera  nunc  habetJlle  Dea. 

Il  efl;  clair  que  les  Chrétiens  ont  emprunté  d'ici  la  coutume  de  porter  des 
flambeaux  &  des  cierges ,  dans  les  dévotions ,  qu'ils  appellent  des  procef- 
fîons.  Les  torches  étoient  employées  dans  les  myfteres  de  Cerés^  auifî 
bien  que  dans  ceux  d'Ifis. 

« vid.  îaft.4,  Hlic  accendit  géminés  pre  tampade  pinus. 

Hinc  Cereris  facris ,  nunc  quoque  tada  Âatur^ 

De  la  Religion  &  du  culte  des  Dieux ,  on  les  a  fait  pafler  dans  les  céré- 
monies, par  lefquelles  on  a  voulu  honorer  les  hommes.  Suétone,  dans 
la  vie  de  Caligula,dit  qu'il  entra  dans  Rome,  inur  altaria  ,&  wflimas  ,ar' 

âentéf 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  TartlY.  j^y 

dentéfcfue  tAdas  ^  entre  les  ^tels ,  les  viâimes,  &  les  torches  ardentes. 
Servius  fur  le  cinquième  de  l'Eneïde,  dit  qu'on  alloit  au  devant  des  Rois 
avec  des  torches.  In  honorem  %egHm  cum  facibns  fracedebatur  à  populo.  Et 
Plutarque  dépeignant  la  manière,  dont  Pompée  fut  reçu,  dit  cjue  le  lieu  inPomfcia 
ne  pouvait  contenir  la  foule  du  peuple^  <^Me  les  places  étaient  pleines  de  gens  y  aui 
fatfoiem  des  fefiins  ^  &  ^f^e  plttjîeurs  couronnez,  de  fleurs  ^  &  portant  des  torches 
ardentes  y  le  reçurent ^  &  l^accompagnerent.  Herodien  dépeignant  la  pompeufe 
entrée  de  Caracalla  dans  Alexandrie,' dit  auffi  que  toute  la  foule  &  des  fol- 
dats  6c  du  Peuple  portoient  des  flambeaux. 

Les  feux  facrez  ont  trop  deliaifon  avec  ces  Lampes,  pour  n'en  pas  dire  î>"  fcuxTa- 
un  mot ,  avant  que  de  quitter  les  Temples.  Nous  avons  parlé  du  culte,  "'^ 
que  les  Orientaux  rendoient  au  feu,  car  il  étoit  adoré  par  les  Perfes,  par  „  ^  ^  ^ 
ks  Chaldéens ,  &  par  les  Syriens ,  dans  leurs  Chammanim.  Hérodote  nous 
apprend  que  les  Perfes  ne  vouloient  pas  brûler  leurs  corps  morts ,  à  caufe 
de  cela,  parce  qu'ih  jugeoieat  qu'iln'étoit  pas  convenable  de  donner  de  la 
ehair  morte  à  mangera  celui  qu'ils  adoroient  comme  un  Dieu.  Et  Maxi- 
me de  Tyr  dit,  que  quand  ils  facrifîoient  au  feu,  en  jettantlaviélime  de- 
dans, ils  difoient,  Ede  Domine  ignis  ^  mange  Seigneur  le  feu.  Mais  outre 
€es  feux  j  qui  étoient  adorez,  il  y  av oit  des  feux  fâcrez,  que  l'on  nourri!^ 
Ibit  dans  les  Temples ,  dans  les  lieux,  qu'ils  appelloient/o«,  des  foyers, 
qui  étoient  des  elpeces  d'Autels ,  pofez  dans  le  lieu  le  plus  fecret  du  Tem- 
ple, qu'ils  appelloienty^cr^//^;».  Le  feu  facré  de  Veila  ell  connu  de  tout 
le  monde.  A  la  garde  duquel  feu  Numa  avoit  établi  ces  Vierges,  quis'ap- 
pelloient  Veftales:  Il  y  a  apparence  qu'il  y  avoit  de  ces  feux  (acrez  dansJaic 
plupart  des  Temples,  quoi  qu'on  ne  lesconfervât  pas  avec  tant  de  foin  6c 
de  vénération.  Car  Ciceron  dans  le  paflage,  que  nous  avons  tiré  de  TO- 
raifon  de  AruÇpicum  re[pmfis  i  dit  en  gênerai  D&^rum  ignés: ,  fakmnes  menfa^. 
ahditi  &penetraleifoci.  Ce  qui  donne  lieu  de  croire  que  tous  les  Dieux  avoienc 
leurs  feux  facrez.  Plutarque  dit  que  Numa  ,  à.  l'imitation  des  Grecs  y 
înit  dans  un  Temple  rond  un  feu  perpétuel,  &  établit  des  Vierges  pour  le 
conferver.  Si  ce  fut  à  l'imitation  des  Grecs,  les  autres  nations,  6c  les  au- 
tres Dieux ,  avoient  donc  auffi  des  feus  facrez  6c  des  foyers. 

Il  y  avoit  des  endroits  où  les  feux  facrez  femblent  avoir  été  confervez  lîyâvoitdes 
chez  les  Prêtres.  Feftusdit,  ignem  ex  domo  Flaminisejf'err'tncn licehat ^mji ret  cheziesPxê-; 
divina  gratia.     S'il  n'étoitpas  permis  de  tirer  du  feu  de  la  maifon  du  F]^  ""• 
men,  que  pour  les  facrifîces,   il  femble  que  le  feu  facré  étoit  gardé  dans  Auiu-ceife 
fe  maifon  j  car  il  ne  me  paroîc  pas  vrai-femblable  qu'on  mk  fur  les  Autels  cap.  i^. 
du  feu  commun.  Quoi  qu'il  en  foit,  ce  paflage  nous  fait  voir  que  tous  les 
leux,  dont  on  fe  fervoit  pour  les  facrifîces,    n'étoient  pas  tirez  du  feu 
de  Vefta..    Je  ne  fai  même  fi  l'on  trouve  des  paflages ,  qui  prouvent  que  ce 
feu  de  Vefta  fervît  aux  facrifîces ,  quoiquecefoitlefentiment  de  quelques 
Modernes.    Il  me  femble  que  ce  feu  étoit  feulement  confervé,  comme 
pour  être  l'emblème  de  la  divinité.     Veila ,  félon  les  Pythagoriciens ,  étoit 
rUriivers,   6c  le  feu  étoit  placé  au  milieu  de  l'Univers.    C'eft  pourquoi 
Numa,  qui  étoit  Pythagoricien,  bâtit  le  Temple  de  VeHa  rond  ,  6c  y 
plaça  le  feu  au  milieu.    Comme  nous  l'apprenons  par  un  paflage  de  Plu- 
tarque ,  que  nous  avons  cité  au  commencement  du  chapitre.  Denys  d'Ha- 
JicarnaiTe  traite  fort  au  long  de  ce  feu,,  dans  Ici,  defes  Antiquités  Romai* 

ECS,- 


768         HISTOIRE  DES  DOGMES 

nés.  Mais  je  nevoi  pas  qu'il  ydife  que  ce  feufervît  à  quelque  chofe.  Plu' 
tarque ,  dans  la  vie  de  Camille,  dit  que  ce  feu  fervoit  à  faire  des  purificatio  ns  : 
Les  attires  croyent  qu*à  l'imitation  des  Grecs ,  le  feu  brûle  dam  le  veflibule  du 
Temple  y  pour  faire  les  purifications.  Mais  que  les  autres  meubles  facrez,  font 
cachez,  dans  les  lieux  les  plus  fecrets  du  Temple  ^  &  que  perfonne  ne  les  voit ,  & 
ne  les  connaît ,  que  les  f^efiales^ 


CHAPITRE     IV. 

T>es  Sacrificateurs  e^  tJHmifires  des  /autels  chez  les  Payens. 
Les  femmes  -  ne  pwvoient  être  UHiniJires  du  fervice  ,  félon 
la  Loi.  <Jiiais  certaines-  nations  Pajennes  ont  m  leurs  Tri- 
trejfes. 

'Eft  aflez  parle  des  Temples,  il  faut  dire  quelque  cliofe  des  Sacri- 
ficateurs &  des  Miniftres  des  Autels  de  l'idolâtrie.     L'Ecriture  leuf 
donne  deux  noms,  leprerniereltceluide  fî>3n3,  cohanim^  qui  figni- 
fie  en  général  Sacrificateurs.     Le  fécond  c'efi:  celui  de  Qi'-tD^  ^Kemarim,  & 
ce  nom  fignifie  proprement  les  Sacrificateurs  de  l'Idole,    &  apparem- 
ment les  Sacrificateurs  du  feu.    Car  ce  mot  vient  de  "ras  ,  "iods,  mkemar^ 
qui  fignifie  être  brûlé ,  échauffé.     Il  eft  dit  de  ]q|las  qu^ilfit  ceffer  les  Ke^ 
marim ,  que  les  Rois  de  fuda  avaient:  établis-^  &  là  même  on  ajoute  qu'il  fit 
cefier  ceux  qui  faifoient  des  encenfemens  au  Soleil,  à  la  Lune,  &  à  l'ar- 
mée descieux.     îl  eft  clair  que  ces  Kemarim  étoient  les  mêmes,  que  ces 
gens  qui  faifoient  des  encenfemens  au  Soleil ,  &  au  feu,  qui  écoit  fon  em- 
blème ici  bas. 
©es  Kamaîs      Nous  avons  ci-dcflus  remarqué  qu'il  y  avoit  dans  le  pais  de  Babylone 
^earï"^"'  Une  ville,  appcliéc  C2;;2<în;2^,  qui,  félon  la  conje6lure  deDrufius,   étoit  la 
demeure  principale  de-ces  Sacrificateurs  du  feu.     Mais  ce  mot  de  Kema- 
rim s'eft  étendu  plus  loin,  &  l'Hifloire  Sainte  déilgne  par  ce  nom  tous  les 
Sacrificateurs  des  idoles.    Ofée  appelle  ainfi  les  Sacrificateurs,,  que  Jéro- 
boam avoit  établis  pour  le  fervice  des  Veaux  deBethel.   L^s  habitons  de  Sa^ 
marie  craindront,  a  canfe  des  jeunes  vaches  de  Bethuven  ^  car  fon  peuple  mènera 
deuil  fur  elles ,  &  aujji  les  Kemarim  pleureront ,  â  caufe  qu^an  aura  enlevé' fa^loi- 
re.     Nous  ne  pouvons  tirer  aucune  lumière  de  l'Ecriture  âjr  \t%  ordres  de 
ces  Sacrificateurs.     Il  pai-oît  feulement  qu'il  y  en  avoir  un  grand  nombre, 
puifque  pour  le  feul  Bahalil  y  avoit  quatre  cens  cinquante  Sacrificateurs, 
êc  pour  Allarté  quatre  cens.     Ce  qui  parqît  par  l'Hiftoire  de  l'aâjiond'E- 
jRois.  18.  lie^  q^ji  les  fit  tous  égorgei%     Encore  qu'ils  foient  appeliez  Prophètes, 
cependant  il  paroît  qu'ils  ëtoient  aulîi  Sacrificateui^s ,  car  ce  furent  eux  qui 
firent  lefacrificeàBahal. 

Quand  Jehu  détruifit  ôc  la  maifon  d' Aéhab,  &  le  Temple  de  Bahal ,  l'Hif- 
2  Rois  10,  toire  dit  qu^ijl  envoya  par  tout  Ifruel^'^ir  tous  lesferviteurs  deJBahal  vinrent.  Il 
^^-  ^i^n  demeura  pas.m,  qui  n'y  vint ,  0"  ils  entrèrent  en  la maifm  de  Bahal  ^  &  la 

'  <maifa^ 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Tart.YSf.  769 

■maifbn  de  Bah d.  fut  remplie  depuis  fin  bout  jiifques  à  P autre.  Pur  les  fervi- 
teurs  de  Bahal  je  n'entens  pas  ceux  ,  qui  avoient  de  la  dévotion  pour 
cette  Idole,  j'entens  fes  Sacrificateurs,  car  le  peuple n'entroir  point  ain- 
£  dans  les  Temples  pour  y  {acrifier,c'étoit  le  privilège  des  Sacrificateurs. 
I?aifque  la  maifon  en  étoit  remplie,  il  faloit  qu'ils  fufîent  en  grand  nom- 
bre.- 

L'Ecriture  ne  nous  difant  rien  de  ces  Sacrificateurs,  il  faut  chercher 

ailleurs,  afin  que  ce  chapitre  ne  foit  pas  tout  à  fait  vuide.     Mais  je  ne 

m'y  étendrai  point,  &  ne  dirai  que  des  chofes  générales.     Car  ce  ièroit 

une  grande  affaire  ,  Ç\  nous  voulions  parler  des  Sacrificateurs  des  Grecs 

6c  en  fuite  de  ceux  des  Romains,  à^ç,^  Totitiens^  Pinariens^  des  Tomifes^ 

des  Augures ,  des  Prêtres ,  ou  Fkmines  de  Jupiter ,  de  Mars ,  de  Qi-iirinus^ 

àts  Saliens,  àts  Veftales  ,  ôcc.  Je  renvoyé  nos  Leélcurs  à  ceux,  qui  ont 

■fait  des  traitez  exprés  fur  ces  matières.     Ce  que  je  veux  dire  du  Sacer- 

.doce  du  Paganifme,  c'efl  principalement  par  rapport  à  celui  de  la  Loi  de 

Moïle ,  pour  voir  ce  que  le  Démon  a  tiiré  ,  &  a  imité ,  de  la  Loi  de 

■Dieu. 

Avant  que  de  confiderer  les  ordres  àccts  Sacrificateurs,  je  parlerai  de  du  fexe  des 
leur  fexe.    La  Loi  de  Moïfe  ne  donnoit  aucune  part  aux  femmes  dans  Piètres, 
ile  fervice  du  Temple,  6c  dans  les  chofes  du  Sanéluaire,  non  pas  même  ^,^3  femmes 
■dans  les  emplois  les  moins  impor^ans.   Il  faloit  moudre ,  pétrir ,  cuire ,  iaver ,  Se 7ar?aS*' 
Ôcc.  dans  le  Tempje,  tout  cela  fe  faifoit  par  les  Sacrificateurs  ,  ^  Levi-  Jacerdoce  ^ 
tes.     Mais  le  Paganifme  a  donné  l'honneur  du  Sacerdoce  aux  femmes,  (k  Moïfe!* 
;Le  fameux  Temple  de  la  Diane  d'Ephefe  étoit  fervi  par  une  Prêrrelle,  ^^''^  ^^^^^ 
qui  devoir  être  vierge  ,   ce  me  lemble  ,  puiique  Diane  etoit  vierge  ,  &  être  Prêtref- 
grande  amatrice  de  la  virginité.     C'eft  pourquoi  je  ne  compr^ns  pas  trop  ^«dansks 
bien,  ce  que    dit  Plutarque  de  Camme-,  femme  de  Sinatus  Galatien,  divinkez  " 
qu'elle  étoit  Préureflè  de  Diane  en  Galatie,  Payennes. 

Il  me  femble  qu'on  peut  conclurre  que  laPrêtreiTe  deDiane  devo'têrre  fj^s^eJ!* 
vierge,  par  i'Hi (loir e  d'Antiochus  IIÏ.  qui  ayant  vu  l'une  de  ces  Prétrcf-  meuxdes 
fes  admirablement  belle  ,    fortit  du  Temple,  de  peur  d'en  devenir  amoa-  ^^"™"- 
reux.     Si  cette  Prêtrefie  n'eût  pas  été  obligée  à  une  virginité  perpétuel-  dij's  nSies 

le,    il  auroit  pii  l'époufer.  -  <^es  Anciens 

Dans  le  Temple  de  Diane  il  y  avoît  un  Collège  de  vierges ,  &  il  efl;  '^' 
apparentque  celle  qui  préfidoit  fur  ce  Collège,  devoit  être  vierge  auffi. 
C'eft  pourquoi  quand  Plutarque  dit  que  Camme  étoit  Prêtrefie  de  Diane, 
cela  fignifie  feulement  qu'elle  étoit  de  la  confrairie  des  femmes  ,  qui  fe  confa- 
croient  àDiane,mais  ces  confrères  n'étoient  pasSacrificateurs^à  parler  propre- 
rhent.  Seulement  ayant  une  particulière  dévotion  pour  la  Déeflé,  ilsaf- 
fiiloient  foigneufement  à  fes  fervices.  Et  en  effet  Plutarque  prouve  que 
Camme  étoit  Prêtreffe  de  Diane,  p^rce  c^u^on  la  voyait' fouvmt  ma.griîficfi4e-.  - 
ment  ornée  dans  les  facrifices  publics  ^  é"  dmsJes  procejjiom  folennelles  de  U 
Déejfe. 

Les  facrifices  de  Cerés,  8c  fes  mylleres ,  étoient  entre  les  mains  des  fem- 
mes, ôc  les  hommes  n'y  avoient  pas  de  part.  Jufques-là  que  dans  la  cé- 
lébration de  fes  myfteres,  il  faloit  chafl'er  du  Temple  tous  les  animaux 
mâles,  de  quelque  efpece  qu'ils  fuffent.  Ciceron  reproche  à  Clodius qu'il 
^voit  violé    par  un   adultère  les   fecrets  inviolables  ,   éc  inacceffibles 

J^m,  IF,  -  Eeeee  mix 


V.   3Î0. 


7/0         H  I  S  T  O  I  R  E  D  E  S  D  O  G  M  E  S 

inOrit.de  aux  liommcs,  0ccf4ta,  &  ntaribus  mn  invifafolùm,  fed  etiam  maudit  a  ^  fa- 
''IrînS™  ^^'^1  i^f'^p^^^^^^  fi^^^^^  pervertit.  Et  dans  un  autre  lieu  ,  en  accufant  Ver- 
Inô.Veriina.  l'és  dc  facrilcge ,  il  dit,  SacrariumCererii  efi  apud  Catiuetifes  eademT^eltgio- 
ne ,  c^Hi  Rom£  ^  qua  in  ceteris  locis ,  qua  prope  in  toto  orbe  terrarum.  In  eo  [a- 
crario  intimo  fmt  Jîgnum  Cereris  peranti^utim  ,  e^uod  viri  non  modo  cujufmodi 
ejfet  ^  fcd  ne  ejje  q^iidem  fciebant.  Aditus  enim  in  id  facrariam  non  efi  viris  ^ 
fiera  pur  rfJHlieres  a^c  virgines  confia  filent  :  hoc  fignum  noBu  clam  ifiius  fiervi^ 
ex  illo  rellgio/jffimo  ^  at<^He  antiqfiifiimo  fiuno^  [uftHlerum.  Si  l'on  en  croit  ce 
qu'en  dit  Juvcnnl,  c'étoient  de  terribles  myllere.<  ,  &  une  étrange  chaf- 
teté,  que  celle  de  ces  Prêtrefles  de  la  bonne  Dééfle.  Elles  nevouloicnt 
pas  fouffrir  un  rat  mâle  ,  ni  regarder  la  figure  de  quelque  animal 
mâle. 

Conficimundefugitmm., 
S.nyia.    .  ^  Jntulerit ,  uhi  velari  pi^tura  jubetttr 

Q^Acumque  alterins  fexus  imitaîa  figuram  efi. 

riirtar.         ^"^  fetilement  elles  mettent  les  hommes  hors  des  Temples  de  U  De'efiê ,  qtiAnd  U 
Qu«ft.  20.   fervice  fie  fait  ^  mais  elles  en  chafient  tout  ce  qui  eH  du  fiexe  maficulin. 

Et  cependant  au  milieu  de  leurs  myfleres,  elles  faifoient  ouvrir  les  por- 
tes à  leurs  adultères ,  recevoient  toutes  fortes  d'hommes,  &  s'il  ne  Tetrou- 
voit  point  d'hommes,  elles  couchoient  avec  des  ânes. 

f,im  fias  efi  j  admitte  viros  ,  jam  dormit  adultère  6cc. 
QuAritur ,  &  défunt  homines ,  mora  nulla  per  ipjam^ 
Quo  minus  impofito  clunem  fummittat  afello. 


CHAPITRE      V. 

Ce  n^eîoient  pas  la  coutume  de  donner  ordinairement  des  femmes 
pour  Trêtreffes.  Ni  la  ^éejje  de  Syrie ,  ni  les  autres  ^éejfes 
n' avaient  point  de  Vrêtrejfes.  Elles  étaient  fervies  par  des  hom. 
mes ,  fur  tout  far  des  hommes  coupez. 

MAis  cette  coutume  de  donner  aux  femmes  l'honneur  du  Sacerdo- 
ce, n'a  pas  été  en  ufage  entre  les  anciens  Orientaux  ,  ni  même 
entre  les  Romains.  C'eft  la  molefle  à^tz  Grecs  qui  l'a  établie. 
L'Hiftoire  du  Vieux  Teftament  nous  parle  fouvent  des  Prêtres  de  l'Ido- 
le ,  mais  jamais  des  Prêtrefles.  Nous  avons  vu  qu'il  y  avoit  dans  la  Sy- 
rie plulîeurs  Déefles,  Aftarté,  Derceto,  Venus,  &  Cybele,  quieft  la 
même  que  Cerés,  &  la  bonne  Déefle  des  Romains. 
Mais  pas  une  de  ces  Déefles  n'étoit  fervie  par  des  femmes.     Lucien , 

dans 


ET  DES  CULTES  DE  ^EGLISE.  PartAY.jji 

dans  k  Décile  de  Syrie,  nouspirle  fort  des  Sacrificateurs  de  cette ijécl^ 
Te,  mais  il  ne  dit  pas  qu^il  y  eût  de  Prêtreiles.  Il  n'y  avoit  pas  de  culit? 
plus  fale  6c  plus  efïcminé,  que  celui  de  cette  fauiiè  divinité.  Cependant 
elle  étoit  lervie  feulement  par  des  hommes  ,  que  l'on  avoit  rendus  fem- 
mes ,  autant  qu'on  le  peut  ,  en  leur  coupant  \t%  parties  naturel- 
les. 

Lucien  tire  l'origine  de  cette  coutume  de  ce  que  fit  Combabe,  jeune  Lucien  dan- 
Seigneur  d'une  beauté  rare.  ^  La  Reine  Stratonice^en  devint  amoureufe.  ^^  V^-^ï^'ic 
Le  Roi  fon  mari  avoit  donné  à  Combabe  la  conduite  de  cette  Princefiè    ^^■"^'• 
pourra  mener  à  Hierapolis  accomplir  un  vœu,  qu'elle  avoit  fait  dy  bâtir  Smbb/& 
un  Temple  à  l'honneur  de  Junon.     Ce  jeune  Seigneur  fe  douta  bien  de  ce  ^^  -"'O"»-. 
qui  4rriva  ,  c'efl  que  la  Reine  deviendroit  amoureufe  de  lui,  6c  le  fclli-r  v 
citefoit  de  commettre  avec  elle  une  infidéhté  contre  fon  Prince.     Pour  t  ^S"^^' 
fe^  mettre  à  couvert  d'une  tdle  tentation  il  fe  coupa.  Ce  qu'il  avoit  pré- 
vu arriva,  il  fut  obligé  de  fiiire  connoître  à  Stratonice  ce  qu'il  étoit.  Cet- 
te Princefîe  n'exigea  plus  rien  de  lui,  mais  elle  vécut  avec  lui  dans  une 
familiarité,  qui  éclatta  ,  qui  vint  jufques  aux  oreilles  du  Prince,  6c  qui 
obligea   Combabe   à  retourner  à  la  Cour  ,  rendre  conte  de  là   con- 
duite. 

Il  fe  juftifia  en  faifant  l'Hiftoire  de  fon  aventure  ,  le  Prince  touché  de 
l'adion  de  ce  jeune  homme ,  le  combla  de  bienfaits  ,  6c  le  renvoya  au- 
près de  la  Reine.  Elle  bâtit  un  Temple,  félon  fon  vœu.  Combabe  enfun 
le  Souverain  Sacrificateur,  6c  lui,  6c  tous  les  Sacrificateurs,  quiéioienc 
fous  lui,  étant  coupez,  prirent  des  habits  de  femmes.  Mais  aucune  fem- 
me ne  fut  reçue  au  Sacerdoce.  L'Auteur  dit  bien,  qu^rl y  avoit  une  autre 
multitude  de  gens  ^  cjui  fervoient  ntux  cérémonies  ^    comme  jonem s  de  flûtes      ^ 
de  chalumeaux ,  &  Tr  êtres  courez.  ,  fans  conter  des  femmes  éprifes  de  fureur 
prophétique.     Mais  ces  femmes  ne  fervoient  pas  aux  facrifices.  L'Egypte 
étoit  encore  un  autre  règne  de  la  fuperftition.  Cependant  on  n'y  voit  point 
de  Prêtrefles.     Rien  n'eil  plus  commun  dans  THifloire,  que  les  Sacrifi- 
cateurs Ifaques,  Sacerdotes  ijïaci.     Mais  on  ne  parle  point  de  PrêtreiTes. 
Apulée,  dans  la  defcription  de  cette  Pompe  Ifiaque,  dont  nous  avons  dé- 
jà parlé  ,  fait  fouvent  mention  des  Prêtres ,   mais  jamais  dts  Prêtref- 
les. 

11  e il:  vrai  qu'Hérodote,  en  faifant  l'Hifioire  de  l'origine  de  l'oriicle  de 
Dodone,  6c  de  celui  de  Jupiter  Hammon  ,  raconte  que  deux  femmes 
félon  la  tradition  des  Egyptiens ,  furent  enlevées  parles  Phéniciens,  dé 
la  ville  de  Thebes  en  Egypte  ,  6c  que  l'une  fut  menée  dans  la   Libye, 
oiî  elle  établit  l'oracle  de  Jupiter  Hammonjêc  l'autre  dans  i'Epire,où  elle  éta- 
blit l'oracle  de  Jupiter  Dodonéen,     Et  que  delà  efl venue  la  fable  des 
Grecs,  qui  difent,  que  deux  colombes  noires  avoient  établi  ces  oracles 
6c  que  l'une  d'elles  parla  fur  un  des  chênes  de  la  forêt  de  Dodone.  Il  die 
que  ces  deux  femmes  étoient  Prêtrefles  de  Jupiter ,  dans  la  ville  de  The- 
bes, d'oi^i  il  femble  qu'on  pourroitconclurreque  \ts  Egyptiens  donnoient 
le  Sacerdoce  à  àes  femmes.     Mais  Hérodote  s'eil  trompé  ,   ou  par  Prê- 
trefles il  entend  Prophetefl'es,  telles  qu'étoient  cts  femmes  fat idtcs  ,  qui 
refidoient  dans  les  Temples  des  Dieux,  pour  prophetifer.  Telle  étoit  k 
Pythie  de  Delphes,  qui  étoit  la  Propheteflc,  6c  non  la  Piêa-eflèd'Apol- 

Eeeee  a  loii. 


772  HISTOIRE  DESDOGMES^ 

Ion.  Nous  avons  déjà  vu  que  le  nom  de  Sacrificateur,  ôc  celui  dePro-- 
phcte  le  confondant,  fouvent  les  Sacrificateurs  de  Bahal ,  &  d'Ailartc^^ 
l'ont  appeliez  Prophètes ,  dans  les  livres  des  Rois.  C'eft  ainii  qu'on  doic 
interpréter  Hérodote,  afin  qu'il  ne  fe  contredife  pas  lui-même.  Carau- 
pi  us.  tremcnt  il  dit  cxprcfitmcnt  dans  le  même  livre,  qn'^entre  les  Egyptiens  les 
femmes  ne  font  Prêîrejfes  ^  ni  des  DéeJJes  ^  ni  des  Dienx ,  qne  ce  font  le  s  hommes^ 
qui  font  le  firvice  des  DiCiiX,  &  des  Dsejfss. 

Enfin  je  fuis  perfuldé  que  les  Romains  n'ont  point  conféré  non  plus 
le  Sacerdoce  aux  feram^es.  Leurs  Veil;aîcs  n'étoient  point  àts  Prétreiîcs, 
c'étoicnt  des  Vierges  facrées,  femblables  à  celles,  qu'on  appelle  aujour- 
d'hui Rcligicufes.  Leur  office  n'étoit  pas  de  facrifier ,  mais  de  garder  le. 
feu  facré,  &,  les  reliques  de  la  Religion. 

Ces  femmes,  qui  celebroient  les  myfteres  de  la  bonne  Déefl'e,  fouslc 
fceau  d'un  inviolable  fecret,  n'étoient  pas  non  plus  les  Frétrefles  de  cet- 
te divinité.  Car  ilefl  certain  que  les  Sacrificateurs  de  cette  Décile  étoient 
des  hommes  coupez,  qu'ils  appdîoien.t  Galli ,  non  pas  cju'ils  fuflent Gau- 
lois de  Nation  ,   comme  s'eft  imaginé  St.  Jérôme  ,  mais  pour  la  raifon , 
que  nous  en  ayo.ns.donnée,dans.le  chapitre.de  'Bahal-Tehor ^. tirée. àesFsi£-> 
tes  d'Ovide, 
oxigîne  des      Aiufi  ces  femmes  étoient  juflement  ce  que  font  aujourdliui ,  celles  qui- 
confrairies   ç^y^^   mcmbrcs  dc  ccs  confrairics ,  qui  font  confacrées  à  quelque  Sainte , 
îBc.  ^^^       qui  vivent  fous  certaines  Loix ,  &  qui  célèbrent  des  fêtes  ,  qui  leur  font 
particulières.     Et  de  là  ,  par  parenthefe  ,  on  peut  voir  d'où  ces  confrai- 
rics ont  été  imitées.     En  un  mot  dans  tout  ce  que  les  Anciens  &  lesJVÏo- 
dernes,  nous  difent  du  Sacerdoce  des  Romains,  on  ne  voit  point  que  cet  . 
honneur  entj-'eux  eût  été  conféré  à  aucune  femme.     S'il  y  en  a  eu,  c'é- 
toknt  des  dévotions  Grecques,  &  étrangères. 

Telles  étoient  les  dévotions,  qui  fe  faifoient  par  des  femmes,  àPhon»- 
neur  de  Cerés.  Car  Ciceron  appelle  expreffément  ce  culte ,  un  culte  Grec, 
Qrat.  pro.  &  CCS  Prêtrcfics  dcs  Prêtrcffcs  Grecqucs.  Sacerdos  illa  ,  ^te  Gracum  il^ 
^rneho  UidfacTum  (Jereris  monftïareî  ^  &faceret.  Sacra  Cereris  per  Çracas  fewper  cu- 
rât a  frnt  Sacer dotes.  J'ai  lu  quelque  part  que,  les  fenimes  faifoient  à  Ro- 
me, des  facrifices  à  l'honneur  de  Carmenta,  mq-e  d'Evandre  ,  &  on  en 
apportoit  Plutarque  pour  témoin,  dans  la  cinquante-fixiéme  des  Queftions 
Romaines.  Mais  il  ne  dit  rien  de  femblable.  ïl  dit  feulement  que  les 
Dames  Romaines  avoient  fondé  le  Temple  de  Carmenta  ,  &  qu'elles  le 
reveroient  beaucoup.  On  trouve  dans  le  même  livre  de  Plutarque,  dans 
la  Qiîefuon  cinquantième,  quelque  chofe  j^qui  paroît  plus  fort.  C'eft  en 
cherchant  la  raifon  pourquoi  le  Sacrificateur  de  Jupiter,, qu'ils  appelloient 
Fhimen  Diulis  ^  étoit  obligé  de  renoncer  au  Sacerdoce,  quand  fa  femme 
mouroit.  Entr'autres  raifons  il  rend  celle-ci.,  Ceji  que  h  femme  de  ce 
Prêtre  s'^emplojoiî  avec  fon  mari  au  fervice  des  Dieux  ,  parce  qu'il  y  avoit  plai- 
deurs ceremontes  qu'il  ne  pouvait  faire  ^eul,  il  faloiî  que  fa  femme  fut  préfente. 
Ce  n'eft  pas  que  la, femme  mît  la.  main  à  l'œuvre,  en  qualité  de  Prêtref- 
■  fe.  Mais  la  première  partie.de  cette  raifon  doit  être  expliquée  par  la  fé- 
conde, elle  s'employoit  avec  fon  mari  au  fervice  des  Dieux.  C'eft- à-di- 
re, que  leurs  myfteres  vouloierit  qu'elle  fût  préfente.  Je  foupçonneque 
s^léioit.pour  répréfenter  l'union  conjugale. de  Jupiter .6c  de  Junon.   Il  eft 

vrai- 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Part.lY.  jj^ 

Vrai  encore  qu'il  y  avoit  à  Rome  un  Temple  de  Diane,  oij  les  homme.-  fintarch. 
ne  pouvoient  pas  même  entrer  ,  bien  loin  qu'ils  pullent  en  être  Prê- rJ^?"}. 
très. 

Mais  il  eft  certain  aufl]  j  qae  c'étoit  encore   une  dévotion  étrangère. 
Les  Grecs  avoient  tant  de  confideration  pour  le  fexe  féminin,  que  dans 
rile  de  Go,  le  Prêtre  d'Hercule  ne  pouvant  être  femme,  étoit  habille  en 
femme.     Au  contraire  les  Romains  gardoient  en  cela  fi  fort  la  bienfean- 
ce,  que  les  femmes  ne  goûtoient  pas  même,  ce  qui  venoit  de  defllis  le 
grand  Autel  d'Hercule  5  parce  que  ce  Héros  n'avoit  rien  eu  de  féminin. 
Il  cW  vrai  auffi  que  les  Veftales  étoient  quelquefois  appellées-  Prêtrefles ,  voi  piu- 
Saeer dotes ,  témoin  la  Loi,  Sacerdos  cafia  e  cafiis  ^  pura  h  puns.  Mais  fou-  tarque. 
vent  le  mot  de  Sacerdos ,  fe  prend  pour  une  perfonne  conilicrée  à  l'hon-  RSm.^q"^©. 
neur,& au fervice d'une ciivinité,aufens  que  Plutarque  appelle  Gamme  ,  la  ^  q-Gr«q. 
ferfîme  de  Sinatus,Prêtre{îé  de  Diane,  comme  nous  venons  deîe  voir.  Des  re-  *^"'  ^ 
ligieufes  en  ce  fens  peuvent  être  appellées  Sncerdotes.  Mais  nous  prenons 
ici  ce  mot  de  Sacerdos  ,  pour  celui    qui  immole  les  vi  ai  m  es  ,  &  fait  ]^ 
fer  vice  public.     Aulu-Gelle  rapporte  la  formule  dont  le  Souverain  Pon- 
tife fe  lervoit ,    quand  il  prenoit  une  fille  pour  être  Veftale ,  Sacerdotem 
Kefialem    quA  facra  faciat.     Qux,   ÇOTJSJtet  Sacerdotem  Veflalem  facere  pro 
popnlo  Romana  QHiritibHS.  q.  %2tei  quA  opîuma  lege  fovit.  4.  Ita  te  amata  ca- 
pio, . 

îl  eft  vrai  que  dans  cette  formule  la  Veftale  eft  cxpreiTément  appci- 
lée  Prêtrefle  ,  &  il  eft  dit  qu'elle  eft  prife  pour  faire  le  fervice  divin. 
Mais  par  le  fervice  divin  il  faut  entendre  des  prières,  &  quelques  autres 
cérémonies,  qui  fe  faifoient  à  l'honneur  de  la  DêefTe.  Mais  nous  ne  H- 
fons  pas  que  les  Veftales  milfent  la  main  au  fang  des  facrifices. 

Après  le  lêxe  des  Sacrificateurs  ,  je  viens  à  leurs  ordres.  La"  Loi  de 
Moïie  avoir  fon  Pontife  ,  fon  Souverain  Sacrificateur ,  qai  étoit  Maître  de 
tous  les  autres.  Les- Romains  avoient  auffi  leur  Souverain  Sacrificateur  5 . 
le  Chef  de  tous  ceux  qui  approchoient  deschofes  faintes,  les  Veftales  mê- 
mes lui  étoient  foûmifes.  Quand  elles  laifix^ient  éteindre  le  feu  facré  ,  il 
Içur  donnoit  le  fouet.  Il  gar^oittous  les  livres  facrez ,  dans  lefquels  étoient 
écrits  les  rites  ,  &  les  cérémonies,  qui  dévoient  être  obfen'ées  dans  le  fer- 
vice des  Dieux.  G'eft  lui  que  l'on  confultoit  j- pour  favoir  quelles  viéli- 
mes  on  dévoie  offrir,  à  quels  jours,  6c  dans  quels  Temples,  &  c'étoit 
lui,  qui  avoit  le  foin  de  fournir  l'argent  pour  la  dépenfe,  on  le  tiroit  du 
tréfor  public.  11  étoit  même  le  dépofitaire  de  ces  Tables ,  &  de  ces  Faftes ,  qui 
refiêmbloient  à  nos  Alm-anachs,&  à  nos  Ephemerides,oii  l'on  voyoit  les  mou-  ■ 
vemens  du  Soleil  &  de  la  Lune ,  leurs  cîaangemens ,  leurs  éclipfes ,  6c  les  fêtes 
marquées  en  divers  mois.  Mais  je  ne  croipas  qu'il  mît  lui-même  la  main 
aux  facrifices. Il  yavoit  encore  entre  lesRomainsun  aurreSouverain  Sacrifica- 
teur, qui  s'appello!t  Rex  Sacroram^  le  Roi  des  facrifices.  Il  fut  établi 
quand  Rome  chafia  fes  Rois ,  &  établit  des  Gonfuls  Les  Rois  étoient 
Pontifss,  on  crût  que  la  Religion  fouffriroit  un  notable  préjudice  ,  Se 
que- ce  feroit  quelque  chofe  de  mauvais  augure,  inaufpkatHm  ^  fi  les  facri- 
fices ne  fe  faifoient  plus,  fous  la  direélion  d'un  Roi.  G'eil  pourquoi  ils 
,  établirent  cette  charge,  prur  répréfenter  le  Roi  dans  les  facrifices.  Ge- 
pendant  ils.  le  fournirent  au  Souverain  Pontife  ,  de  peur  q^ue  s'il  eût  été 

Eeeee  3  leur- 


774.  H  I  ST  G  I  RE   DES   DO  GM  E  S 

leur  Souverain  ,  ce  ne  fût  une  efpecc  de  Roi  ,  dignité,  dont  ils  crai- 
gnoient  jufques  aux  ombres.  Au  relie  ce  Roi  des  iacrificcsne  fut  qu'un 
vain  nom  ;  car  on  ne  voit  pas  quel  emploi  il  avoit.  Les  Romains 
avoient  doncuniiommc,  qui  avoit  la  furintendance  générale  de  toutes  les 
chofcs  faintcs,  dans  leur  ville,  mais  non  pas  dans  leur  Empire. 

Je  ne  trouve  point  que  la  même  chofe  le  foit  oblérvée  dans  les  autres 
.villes,  èc  dans  les  autres  Etats.     Nous  ne  voyons  pas  que  les  Syriens euf- 
fent  un  Souverain  Pontife  de  leur  Religion  ,  ni  les  Babyloniens  ,   ni  les 
Gvccs  auflî.     Chaque  divinité  avoit  fon  Temple  ,    &  chaque  Temple 
fon  Souverain  Pontife.     Mais  ce  Pontife  n'avoit  point  Je  puiflance,  fur 
les  Sacrificateurs ,  qui  fervoient  les  autres  divinitez  ,  6c  dans  les   autres 
Lib. 2.  p.    Temples.     Il  femble    pourtant  que  la  Religion  d'Ilis  eût  fon  Pontife, 
ii^«  car  Hérodote  dit  ,  ^^^e  chaque  Prêtre  n' et  oit  pas  affeBé  ati  fervice  d'^n  feul 

Dieu^  mais  de  tous  ^  &  qn  ils  avoient  leurT^ontife  Souverain^  auquel  le  filf  fuc" 
cedoit ,  quand  le  père  étoit  mort.  Apulée  dans  l'onzième  de  la  Metaraor- 
phofe  ,  nous  parle  fouvent  du  Souverain  Pontife,  qui  l'initia  aux myf- 
teres  d'Ilîs.  Il  lui  donne  le  titre  ,  de  Sacerdos  M^xîmus  ,  de  Summus 
Sacerdos ,  de  PrimariuS  Sacerdos  ,  de  Pr&cipuus  Sacerdos ,  de  ^/^ntijfitu7n  pri' 
mus.  Mais  peut-être  ce  Pontife  n'étoit  pas  le  Souverain  de  toute  la  Re- 
ligion Egyptienne,  ni  dans  tous  les  lieux,,  où  le  Culte  Iliaque  pouvoit 
être  établi.  Il  étoit  feulement  Pontife  de  ce  Temple  d'Iiis,  qui  étoit  dans 
le  lieu ,  oh.  fe  trouva  Apulée. 

L'Auteur  du  Livre  de  la  Déefie  de  Syrie,  nous  parle  auiîî  du  Souve- 
rain Pontife  du  Temple  de  la  Déellè,  qu'on  adoroit  à  Hierapolis.  Ilya, 
dit-il,  plujteurs  Prêtres  ,  dont  les  uns  font  emplcytz^  à  égorger  les  vi^limes  ,  les__ 
autres  a  faire  des  effi-ifons  .ceux-là  à  porter  le  feu^  ceux-ci  à  fervir  à  l'Autel.  H 
y  en  avcit  de  mon  îems  plus  de  trois  cens  feulement  occupez,  aux  facrifces.  Ils 
font  tous  habilUz.  de  blanc  ^  &  portent  un  chapeau  fur  la  tête.  Mais  le  SouvC' 
rain  Tcntife  cjl  ve'tu  de  pourpre  ,  avec  une  tiare  d^or  ,  &  s'élit  tous  les  ans.  Il 
cil  clair  que  chaque  Temple  au  moins  avoit  fon  Souverain  Sacrificateur, 
êc  fans  doute  le  Démon  avoit  imité  cela  des  ordres,  que  Dieu  avoit  don- 
nez pour  le  Temple  de  Jerufalem  ,  où  il  y  avoit  un  Sacrificateur  au  def- 
fus  de  tous  les  autres. 

La  Loi  de  Moïfe  avoit  ordonné  pour  le  Sacerdoce  une  certaine  famille, 
c'étoit  la  Tribu  de  Levi,  8c  la  famille  d'Aaron  ,  dont  l'on  prenoit  tou- 
jours ceux  qui  ctoient  deilinez  à  faire  le  fervice  divin.  Je  ne  fai  com- 
ment les  Syriens,  &  les  Phéniciens,  en  ufoient  à  cet  égard.  Je  croi  que 
leurs  Sacrificateurs  fe  prenoient  indifféremment  de  toutes  les  familles. 
T.  Ro's  Jéroboam  ,  qui  fe  détourna  après  les  fu perditions  étrangères  ,  établit 
des  Sacrificateurs  d'^cntre  le  peuple ,  qui  n'^étoient  pas  de  UiTribn  de  Levi.  Mais 
il  n'eil  pas  d't  qu'il  ait  delliné  certaines  familles  particulièrement  à  cela. 
Entre  les  Romains  il  ell  certain  que  les  d;gnitez  de  Pontifes,  d'Augu- 
res, de  Sacrificateurs,  de  Veitales ,  n'étoient  attachées  à  aucune  fiimil- 
le,  tout  le  monde  y  pouvoit  prétendre,  6c  y  pouvoit  arriver. 

Au  commencement  le  Collège  des  Pontifes  n'étoit  compofé  que  de 

quatre  pcrfbnnes ,  qui  dévoient  être  des  familles  Patriciennes  ,  ^dt  Sc- 

.nateurs.  Mais  quand  le  peuple  eût  obtenu  d'avoir  part  à  toutes  lesdigni- 

rez  de  la  République  -^  fou,3^1e  Confukt  de  M.  Valerius  5c  de  Q.  Apii- 

leiusj 


.Ï2.  31. 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  FartAY.jj:^ 

leius  ,   on  y  en  ajouta  quatre  autres  ,   qui  étoient  créez  d'entre  le  peu- 
ple-    .  

Mais  les  Egyptiens  avoient  imite  les  Hébreux  ,  ils  avoienr  leurs  famil-  Lesprofef- 
Ics  Sacerdotales  ,  êc  jamais  la  dignité  de  Piètre  ne  padbir  en  d'autres  fa~  linlhéTs^^ 
milles  j  feulement  le  Roi ,  de  quelque  maifon  qu'il  fût,  devoir  être  admii  ^^^  ^'^'^-^i" 
dans  le  Collège  des  Sacrificateurs.     Hérodote  dit  qutl  y  avott  fept  ordres  ^^    ^^^^^" 
d'hommes  dms  l'Egypte.  Le  premier  étoit  celui  des  Sucïijica'.eHrs  ^  h  [econd  des  ï"  ^uterpe 
gens  de  guerre  ,  le  troijiéme  des  Bergers,  le  quatrième  des  porchers  ,  le  ancjuié- 
me  des  marchands  ^  le  Jixiéme  des  Interprètes  ^  Ôr  le  feptié,ne  des  gens  de  zJ^Cer. 
Et  CCS  gens  -  là  ne  s'allioient  jamais  enfemble.     On  ne  paijoit  pas  d'une 
profeffion  à  l'autre.  C'eft  pourquoi  les  Sacrificateurs  étoient  toujours  dç. 
même  famille  5  6c  les  marchands  toujours  fils  de  marchands. 

Selon  la  Loi  de  Moïfe  ,  les  Sacrificateurs  avoient  des  habits  particu- 
liers, qui  les  dillinguoient  du  peuple,  au  moins  durant  le  tems  qu'ils  fer- 
voient  a  l'Autel.  Et  ces  habits  étoient  blancs ,  6c  fimples ,  faits  de  Im, 
excepté  ceux  du  Souverain  Sacrificateur ,  où  il  entroit  de  l'or  6c  de  la 
pourpre.  Les  Syriens ,  qui  étoient  voifins  de  la  Judée ,  avoient  emprun- 
té cela  des  Juifs.  Leurs  Sacrificateurs  étoient  tout  habillez  de  blanc,  6c 
portoient  un  chapeau  fur  leur  tête,  c'eft-à-dire ,  un  bonnet ,  ou  une 
toque. 

Lucien  vient  de  nous  le  dire  ,  dans  la  Déefle  de  Syrie.  Le  Souverain 
Pontife ,  félon  le  rapport  du  même  Auteur,  étoit  habillé  d'or  6c  de  pour- 
pre, aulîi  bien  que  celui  des  Juifs. 


CHAPITRE     VL 

Beau  far aliele  dufervice  de  la  T>éeJJ'e  de  Syrie  ,  ér  de  celui  du 

Temple  de  Jerufalem. 

IL  eft  clair  que  le  fervice  de  cette  Dée.^e  de  Syrie  avoit  été  prefquc 
tout  entier  emprunté  des  cérémonies  de  la  Religion  Judaïque.    Et  je 
ne  faurois  m'empêcher  d'en  faire  ici  un  petit  parallèle  ,  avant  que  de 
pafler  outre- 

1.  Nous  avons  déjà  vu  que  le  Temple  de  la  Déefle  d'Hierapolis  étoit 
environné  de  deux  Parvis,  comme  celui  de  Jerufalem. 

2.  Qu'il  y  avoit  à  la  porte  de  ce  Temple  un  grand  Autel  d'airain.  C'eft 
ainî)  précifément  que  s'appelloit  l'Autel  des  holocauftes ,  qui  étoit  à  la 
porte  du  Temple ,  l  Autel  d'^airain.  Il  eft  vrai  qu'il  n'étoit  plus  d'airain 
dans  le  Temple  de  Salomon,  ni  dans  celui  d'Herode,  mais  il  en  coiifer- 
voit  toujours  le  nom. 

■3.  Ce  Temple  de  la  Déefle  de  Syrie  étoit  divifé  en  deux  parties ,   dont 
Vune  étoit  le  San^uatre  ,    où  il  n'étoit  permis  d^entrer  qu'aux  principaux  W^enire 
les  Prêtres.   Cela  étoit  imité  du  Temple  de  Jerufalem,  qui  écoit  divifé  en 
deux  parties ,  le  lieu  Saint ,  6c  le  Heu  Trés-Saint.'  ■  Les  feuls  Sacrifica- 
teurs 


778  HISTOIRE  DES   DOGMES 

tcurs  entroient  dans  le  premier ,  èi  le  ieul  Souverain  Sacrificateur  dans  le 
fécond. 

4.  Les  Sacrificateurs  de  la  Déefle  de  Syrie  écoient  divifez  en  deux 

■ordres,  11  y  avoit  le  Souverain  Pontife  du  Temple,  ôc  les  Sacrificateurs, 

qui  étoient  au  deilbus  de  lui.     C'ctoit  la  même  chofe  dans  la  Religion 

des  Juifs.     Nous  venons  de  voir  que  les  habits   de   ces   Sacrificateurs 

-étoient  femblables  à  ceux  des  Sacrificateurs, du  Temple  de  -Dieu. 

f.  Outre  les  Sacrificateurs  ,  iij  avoit  une. autre  multitude  de  gens  ,  cful 
fer  voient  aux  cérémonies^  comme  [ont  les  joueurs  de  flûtes  (^  d^infirumens.  Ce- 
toient  les  Lévites  de  la  Loi  de  Moïfe  ,  qui  (ervoient  les  Sacrificateurs , 
dont  l'office  étoit  déchanter,  de  fonner de, la  trompette,  &  de  jouer  àç^ 
inltrumens,  dans  les  facrifices. 

6.  On  facrifioit  deux  fois  le  jour  dans  le  Temple  d'Hierapdlis ,  le  foir 
êc  le  matin.  C'eft  le  facrifice  continuel,  qui  fe  faifoit  auÛi  deux  fois  le 
jour ,  dans  le  Temple  de  Jerufalem. 

7.  Il  y  avoit  une  fête  ,  <ians  laquelle  on  apportoit  dé  l'eau  de  la  mer.,  ' 
êc  on  en  faifoit  efRifion  dans  le  Temple  à  l'honneur  de  la  divinité.    C'é-  , 
toit  une  imitation  de  cette  effufion  d'eau  ,  qui  le  faifoit  dans  la  fête  des 
Tabernacles ,  avec  tant  de  réjoyïfiance. 

8.  Les  bêtes  qu"" on  immoloit  dam  leTewple  ^  étoient  le  hœuf^  la  brebis^  &  la 
chèvre  ,  mais  on  n'y  facrifioit  jamais  de  purceau.  Il  eft  clair  que  cela  eil 
imité  de  la  Loi  de  Moïfe,  félon  laquelle  on  n'offroit  fur  l'Autel  que  ce« 
trois  fortes  de  bêtes  à  quatre  pieds ,  le  bœuf,  la  brebis,  la  chèvre.  Et 
le  pourceau  étoit  de  tous  les  animaux  le  plus  impur ,  pour  le  facri- 
iîce. 

p.  La  plus  grande  fête  ,  qui  fe  célébrât  dans  ce  Temple ,  c'étoit  au 
Printems.  On  l'appelloit  la  fête  du  bûcher  ,  ou  de  la  torche.  Ceux  cjui 
vendent  à  cette  fête  facrifioient  une  brebis^  Paprêtoient  ^  &  îa. mangeaient.  On 
Me  la  facrifioit  pas  dans  le  Temple ,  mais  après  avoir  amené  la  viclimeà  P Autel ^ 
&  fait  les  effinfions  ^  on  la  ramenoit  chez^  foi  ,  où  Ton  faifoit  fes  prières  ,  &  fou 
facrifice.  11  eil  clair  que  tout  cela  eft  emprunté  de  la  fête  de  Pâque^  qui 
fe  cclebroit  au  Printems  ^  dans  laquelle  chaque  famille  immoloit  un 
agneau  ,  l'on  menoit  l'agneau  au  Temple  ,  il  y  étoit  égorgé  ,  on  faifoit 
l'afpcrfion  du  fang.  Mais  on  lerapportoit  à  la  maifon  ,  oii  l'on  faifoit 
les  prières,  les  hbat ions  des  coupes  ,  .&  le  repas  ,  qui  font  les  fuites  du 
facrifice. 

10.  11  y  avoit  à  Hierapolis  une  autre  forte  de  facrifice  ,  qui  fe  faifoit 
en  cette  façon.  On  couronnoit  la  viétime,  puis  on  la  lâchoit  de  la  porte 
du  Temple  ,  d'oi^i  elle  fe  précipitoit  en  bas  du  roc  ,  fur  lequel  il  étoit- 
bâti ,  &  fe  rompoit  le  cou.  Qui  ne  voit  que  cela  étoit  pris  de  la  cérémo- 
nie du  jour  des  Propitiations,  dans  lequel  on  envoyoit  le  bouc  Azazel  au  de-  ^ 
fertj  couronné  d'une  bande  d'écarlatte,  Se  on  le  précipitoit  du  haut  d'un 
rocher? 

1  i.  Quand  les  Prêtres  eunuques.de  la  Déefle  étoient  morts,  leurs  com- 
pagnons les  portoient  fur  leurs  épaules,  hors  de  la  ville.  Mais  ils  demeu- 
roient  fouillez  par  fept  jours  ,  &  n'bfoie.nt  rentrer  dans  le  Temple  qu'ils 
Jie  fe  fuiTent  purifiez.  Et  même  quand  ilsavoient  vu  un  corps  mort,  ils 
■jétoicnt  fouillez  jufques  au  lendemain,  6c  n'entroient  point  dans  le  Tera- 

,pk.. 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Part. lY.'^ 7 y 

;ple.  Les  païens  du  mort  demeuroient  fouillez  durant  trente  jours,  ôcdans 
tout  ce  tems  l'entrée  du  Temple  leur  étoit  interdite.  Les  Romains  avoienc 
auffi  établi  la  même  Loi  pour  le  Prêtre  ,  qui  s'appelloit ,  Flamen  'JDiaîis , 
Locum  in  quo  bujium  efi  numquam  ingreâitur  ,    mortuum  nn^quam  attin-  Aulu-Gell. 
.git^funmtamen  exfequition  religio.  Evidemment  cela  eft  tiré  de  la  Loi  de  Moï-  ^''''  "•  '*' 
fe.  Ce  font  les  feuillures  légales,  dont  l'une  étoit  l'attouchement  d'un  mort, 
après  laquelle  il  faloit  fe  purifier  par  fept  jours,  avant  que  d'entrer  au  Temple. 
12.   C'étoit   une  partie  de  la  dévotion  de  ceux  qui  adoroient  cet- 
te Déefle  dans  le  Temple  ,    de  fe  faire  rafer  ,    ôc  de  confîicrer  leurs 
cheveux  à  la  Déeffe.     Ils  pratiquoient  une  coutume  ,    qui  étoit  de  laijfer^itohs  At 
croître  les  cheveux  aux  enfans  ,  jufques  à  ce  qu'ails  fujfent  grands  ,   puis  de  lej  fôu''^'"^"' 
couper  dans  le  Temple^  &  de  les  confacrer  à  Dieu ,  dans  un  vafe  d'or^  oud'^ar-  de  Lucie», 
^ent,  fur  lequel  ils  écrivaient  leur  nom.     Cela  étoit  pris  du  vœu,  6c  dts  cé- 
rémonies du  Nazareat,  dans  lequel  on  commençoit  par  faire  couper  les 
■cheveux -5  Puis  dans  toute  la  durée  du  vœu,  on  laiffoit  croître  ces  che- 
veux, &  à  la  fin  on  les  rafoit  dans  le  Temple  ,   6c  on  les  jettoit  dans  le 
feu,  fur  lequel  bouilloit  la  chair  du  facrifice.  Des  gens  dans  les  principes 
de  Spencerus  ôc  de  Marsham,  ne  manqueront  pas  de  dire  que  Moïfe  a 
tiré  toutes  ces  cérémonies  des  Syriens.     Mais  le  bon  fens  &  la  foi  nous 
obligent  à  croire  que  ces  eeremoniesavoient  été  empruntées  de  la  Loi  de 
Moïfe,  par  les  Payens, 

13.  Je  reviens  aux  habits  des  Sacriiîcateurs,  dont  j'àvois  commencé  dei'«i'ie«Ês 
parler.  Nous  venons  de  voir  que  ceux  de  Syrie,  à  l'imitation  des  Prêtres  du  éSknt  ha- 
Temple  de  Dieu,  s'hatbilioient  de  lin,  &  de  blanc.  Ceux  d'Egypte  fai-  ^.J'^ez  de 
foient  la  même  chofe,    ils  s'habilloient  de  lin  blanc.     Apulée  ,  dans  la  ^'"  ^^^^^' 
Pompe  Ifiaque,  décrit  ainfi  l'ornement  des  Prêtres  d'Ifis,  &  de  ceux  qui 
étoient  initiez  à  fes  myfteres.     Tune  influum  turbtz  facris  divinis  initiât  a  ,  Metamorpfi, 
viri  feminAque  omnis  dignitatis,  '^  omnis  Atatis  ,  linteA  vejlis  candore puro  lu-      '  ^^' 
minojt.     Sed  ay^ntiflites  Sacrorum  proceres  illi ,  qui  candido  linteamme  cinUi  , 
pe^orale  ad  ujque  vefligia  JtriElim  inve5li  poîentijfimofum  Deûm  proferebant  in- 
Jfgnes  exuvias.     C'eft  pourquoi  le  Collège  des  Sacrificateurs  d'ifîs  eft  il 
fou  vent  appelle  iiniger,  porte-lin ,  par  les  Poètes  Latins. 

Cum  areie  liniaero  circtimdatus  ^  &  çre^e  càlv^.  ,  Juvenal, 

à>    &  O  ^  ^    <i>  5atyr.<î. 

Munc  Dea  linigera  colitur  cêleberrima  turba.  Ovid.  r, 

Metam. 


Nec  tu  linigeram  fieri  quid  pojfit  ad  Jfim  ovidc 

QuAfieris.  \  ^™|;;f' 

-  Linigeri  fuginm  Câlvi ,  fijirataqpis  turbâ.  Martialis. 

Ce  n' étoit  pas  un  ufàge  nouveau,  ni  qui  fût  du  tems  des  Auteurs,  que 
nous  venons  de  citer.  Car  Hérodote,  beaucoup  plus  ancien  qu'eux ,  nous 
dit  que  tous  les  Sacrificateurs  Egyptiens  étoient  vêtus  d^habits  de  lin  ,  qui  fe  la-  Euterpis 
voient  tous  les  Jours ,  c'eft- à- dire,  qu'ils  nemettoient  jamais  cesfurplis  deux  ^"^  ' 
jours  4e  fuite.  Ils  ne  portent  ^  dit-il,  qfic  des  habits  de  lin,  &  des  fandales  de 
bois  de  papyrus  ^  dr  il  ne  leur  ejl  pas  permis  d^en  porter  d'aatres.     En  cela  ils 
étoient  differens  des  Prêtres  Juifs,  qui  ne  portoient  les  habits  blancs  que' 
dans  le  Temple  ,  lors  qu'ils  étoient  en  femaine  pour  le  fervice.   Ce  n'é- 
Parl  IV.  Fffff  toient 


Lipfe  in 


Les  Trêtres 
Payens  la 
plûpait 
avoient  h 
tête  couver- 
te, dans  le 
fervice  di- 
vin. 

Aul  i-Gell. 
lib.  I  o.  I  j . 

Quxft. 
Rom.  40. 


Plaute  ifl 
Curculione. 


Ancienne 
coû,tumè 
de  couvrir 
fa  tête  par 
lefped. 
Quïft.  10. 
f :  I  r. 
Seneca 
Epift,  64. 
Sailuftius 
apud  .Non- 


Les  Prêtres- 

«t'iflS 

e'toient 
lafez-,  Si- 
décou  verts, 
dans  le  ier- 
Yke  divin. 


Gap,  6.  3  o. 


778  HISTOIRE   DES  DOGMES 

toient  pas  les  Syriens ,  6c  les  Egyptiens  feuls ,  dont  les  Prêtres  fuflcnt 
habillez  de  blanc.  Bien  que  les  Sacrificateurs  entre  les  Grecs ,  6c  les  Rou- 
mains, fuflent  divcrferaent  vêtus,  félon  les  diverfes  divinitcz,  au  fervice 
defquelles  ils  étoient  attachez,  cependant  il  y  en  avoit  beaucoup  qui por- 
toient  le  blanc.  Tertullien,  dans  Ion  Pdlmm^  nous  apprend  quelesFrc- 
trefles  de  Céres,  &ceux  qui  étoient  initiez  à  fes  myfteres  ,  etoient  vê- 
tus de  blanc,  ceux  de  Saturne  étoient  vêtus  de  pourpre  ,  ceux  de  Bello- 
ne  de  noir.  Lipfe  nous  dit  ,  que  les  Prêtres  Romains  étoient  auffi  vê- 
tus de  blanc,  dans  les  grandes  fêtes.  On  facrifioit  à  Junon  en  habit  blana 
Les  Vellales  étoient  auffi  habillées  de  blanc ,  quand  elles  faifoient  le  fer- 
vice à  lu  Déeiïc,.&;  l'on  facrifioit  à  Céres  au  mois  d'Avril,  en  bar 
bit  blanc,  avec  des  lampes  ,  quand  on 'lui  facrifioit  une  truya. 

Je  trouve  encore  ceci  de  commun  entre  les  Sacrificateurs  Payens  ,.  & 
ceux  du  Temple  de  Jerufalem ,  c'eft  leur  ornement  de  tête.  Outre  qu'il 
étoit  blanc,  il  ne  partoit  point  de  defllis  leur  tête,  dans  le  fervice  divin, 
excepté  ceux  d'Ifis,  non  plus  que  celui  des  Sacrificateurs  Hébreux,, qui 
faifoient  le  fervice  ayant  la  tête  couverte.  h,cFlamen  Dialis  enixe  les  Ro- 
mains portoit  le  bonnet  blanc,  Albogalems.  Mais  il, étoit  le  feul.  Is  folùm 
habet  Galerum  ,  vel  (juod  iJM^aximm ,  vel  qmâ  fom  immolât  a  hofiia  alha  fîeri. 
oporteat.  Et  Plutarque  nous  apprend  ,  -^h^ il- ne  pouvait  être  jamais  plus  de. 
trois  nuits  hors  de  %pme ,  &  que  jamais  ilnotoit  l'ornement  de  Ça  tète.^  pour  Ce. 
découvrir.  Le  même  Auteur  ftous  dit  que  l'on  facrifioit  aux  Dieux  ,  6s_ 
qu'on  les  adproit  la  tête  couverte, 

^^is  hic  eji\  qjii  opertocapite  ^y^fculàpium^ 
Salut at^  id  eji  adorM  ac  veneratur. 

Ce  qui  paroît  étrange,  parce  que  dés  ce  tems-là  ce'toit  la  coutume^  quanS^ 
on  renconiroit  d^ s  gens  de  refpetî  ,  Jt  en  avoit  la  tête  couverte  de  Ça  robe  ,  de  la 
découvrir.  En  efet  Seneque  met  cette  cérémonie  entre  les  aétions  ,  par 
lefquelle.s  on  témoignoit  fa  foûmiffion.  Si  ConÇulem  vtdero^  aut  Pratorem, 
omnia  ,  qutbus  honor  haberi  JoJet  ^.faciam ,.  equo  dejïliam  ,.  caput  aperiam  ,  Çe^ 
mit  à  eedam.  Et  Sallufte,  quibus  de  caujïs  Syllam  in  viBorta  Di5iatorem  Jibi 
equo  deÇcendsre^  Çurgere  de  Çella  ,  caput  aperire  folitum.  Cette  coutume  des 
Prêtres  Payens,,  de  fe  tenir  la  tête  couverte  dans  le  lèrvice  ,  venoit  ap- 
paremment des  Juifs  ,  qui  adoroient  la  tête  couverte  ,  &  entre  lefquels 
couvrir  fa  tête  étoit  un  aâe  de  foûmifiion,  ôc  une  marque  de  ilijettion, 
C'eiî;  la  raifon  pourquoi  St.  Paul  veut  que  les  femmes  ayent  la  tête 
couverte  ,  pour  marque  d'obéïfllmce.  Non  feulement  en  adorant  les 
Dieux  ,  ils  laillbient  fur  leur  tête  la  couverture  ordinaire  ,  mais  ils  fe 
couvroie.nt  d'un  voile,,  pour  marquer  leur  humilité.  C'eft,  ce  qui  fe  peut 
voir  dans  cet  endroit  de  Plutarque  ,  lequel  nous  venons  de  citer.  Jç  ne 
fài  pourtant  fi- cela  s'eft  obfervé  par  tout.  Car  dans  le  Livre  de  Baruc, 
cette  Epître  ,  qui  eft  attribuée  à  Jeremie  ,  répréfente  les  Sacrificateurs 
Babyloniens  ayant  la  tête  nue..  Les  Sacrificateurs  Ce  tiennent,  dans  leurs  Tem- 
ples^ avec  leurs  robes  déchirées  ^  la  tête- &  la  barbe  raÇe-^  &  portant  les  têtes 
découvertes.  Ce  qui  pou  voit  être  une  marque  de  deiiil,  &  non  de  réf. 
^eét.     Les  Sacrificateurs  Egyptiens  avoient  la  tête ,  rafe, ,   6c  tous  les 

troii. 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  TartAY.  jj<y 

trois  jours  ils  fe  Faifoient  rafer  tout  le  corps,  nous  dit  Hérodote,  afin  de  inEutwpR 
n'avoir  aucun  poil  ,  &  qu'aucune  ordure  ne  s'y  pût  an-étcr.    C'cfl  pour- 
quoi ce  Collège  des  Sacrificateurs  d'Ifis  eft  appelle  cahHs,^  chauve,,  aufîi 
bien  que  Itniger^ 

Linigerifugiunt  cdvi  fflratâqut  tftrba. 

Tar  tOHt  ailleHrs  ,   dit  Hérodote  ,  les  Prêtres  portent  de  longues  chevelures- 
mais  en  Egypte  ils  font  rafex.. 

II  y  a  de  plus  apparence  que  fur  cette  tête  ,  parfaitement  rafe ,  il  n'y 
avoit  aucune  couverture.  Car  Apulée ,  dans  la  defcription  de  la  Pompe 
Ifiaque  ,  dont  nous  avons  parlé  ,  dit  des  femmes  initiées  aux  myfteres  , 
ilU  limfiâo  tegmine  crines  madidos  ehvoluta  ,  que  leurs  cheveux  mouillez 
étoient  couverts  d'un  linge  blanc.  Mais  des  hommes  il  dit ,  hi  capHlum 
deraf  fnnditus  vertice  prmitentes.  Que  leurs  cheveux  coupez ,  6c  rafez  juf- 
ques  aux  racines  ,  laiflbient  voir  une  tête,  &  une  peau  luifante.  Ce  qui 
lignifie  que  ces  têtes  rafées  n'étaient  pas  couvertes. 


CHAPITRE    VIL 

€>h/ervations  de  la  Religion  Payenne ,  tirées  de  la  Loi  de  Dieu ,  fotir 
les  Mimjires  des  Autels, 

A  Loï  dans  fes  Sacrificateurs  demandoit  une  grande  pureté  corpo-  LesTrêwes 
relie.   Il  faloit  qu'ils  fuflent  entiers ,  6c  qu'aucun  de  leur  membre  ne  ^^^l^l  ^^^ 
fût  difforme  ,    ou  ne  leur  manquât.     A  l'égard  de  la  perFe6bi  on  du  entiers  ea 
corps-,   les  Payens  ne  fe  faifoient  pas  toujours  une  necefiité  ,   cfue  leurs  ^"'^^°''^^- 
Sacrificateurs  l'euflent  entière.     Au  contraire  il  foloit  que  les  Prêtres  de 
Cybele  fiiflent  coupez.  Et  dans  l'Orient  la  plupart  des  Temples  des  Déef^ 
fes  étoient  lervis  par  des  Eunuques.     Ce  .qui  fait  une  brèche  au  parallèle, 
que' nous  avons  trouvé-entre  les  Sacrificateurs  de  la  Déelfe  de  Syne  ,  ôc 
ceux  du  Temple  dejerufalem.  Mais  à  cela  prés,  ils  exigeoient  pourtant 
que  leurs  Prêtres  fulfent  entiers  de  corps.  Gdui  que  les  Romains  appel- 
loient  Flamm  .Dialis,ne  pouvoit  exercer fbn  Sacerdoce , s'il  n'ét-oit  marié , 
Se  en  état  de  l'être.  Il  eft  certain  que  les  loix  Romaines  demandoient  l'in- 
tcgrité  du  corps,  dans  les  Miniftres  des  chofes  faintes  ,  témoin  la  Loi, 
facerdos  integer  Jît.  Sur  quoi  on  lit  dans  les  Controverfes  de  Seneque.  Me-  Lib.  4. 
tellus  'Tomifex  ,    cum  arderet  f'^efla,  Temphm  ^    dum  TdUdium  rapit^  oculos^^^^'^-  ^^ 
perdit,  SacerdoîiumilU  negatur.  MetoUus  Souverain  Pontife,  dans  un  em- 
brafement  du  Temple  de  Vefta  ,  fe  jetta  dans  les  fiâmes  pour  fauver  Le 
Palladium,  il  y  perdit  la  vûë  ,  &  on  refufa  de  lui  continuer  la  dignité  du 
Sacerdoce.  Sur  quoi  l'iVuteur  des  Controverfes,  en  explication  de  la  Loi, 
dit,  Sacerdos  non  integri  corporis~~^qua[t  mali  ominisresvitanda  eji.  Hoc  in  vicii- 
^s  notatur  y  quanîo  m^.gjs  in  Sacerdotibus  ?   Une  autre  Loi  difoit,  Sacerdos 

Ff  f  f  f  Z,  €^fia 


780        HISTOIRE  DES  DOGMES 

Seneca  c>ijtii  e  cafiis ,  pura  e  puris.  Sur  quoi  Seneque  dit,  Ambitiofa  lex  efl  ^  ad  Sa- 
contr.  cerdotium  notas  non  fanBitatis  tantum  ,  fed  felicitatis  admittit ,  in(]uirit  in  mo^ 
Hes  vefta-  rei  ,  in  corpus,  in  vitam.  La  Loi  efticrupuleufe,  elle  examine  non  feule- 
^**-  ment  la  famtcté  de  la  vie  ,   mais  l'heurcufe  naiflance  ,   elle  examine  les 

Qiixft.        mœurs  ,  le  corps  ,    ^  la  vie.     Plutarque  nous  dit  t^tiH  étott  défendu  aux . 
Rom.  73-      Prêtres  d'aller  confalter  ^    &  obferver  le  vol  des  oifeaux-^    quand  ils  avaient 
quelcfue  ulcère  fur  leur  corps. 

Parce  que  s'il  n'eft  pas  permis  de  préfenter  aux  Dieux  aucune  viétime 
défectueufe,  àp^us  forte  raifon  les  Miniftres  des  chofes  faintes  ne  doivent 
point  faire  leur  office,  qu'ils  ne  foient  eux-mêmes  bien  fains,  &  bien  nets. 
Or  ï^nkere  efi  une  efpece  de  mutilation.  Ces  dernières  paroles  lîgni- 
iient  aflez  clairement ,  que  les  homrnes  mutilez  étoient  exclus  du  facer- 
doce.  Et  je  ne  doute  pas  que  cette  Loi  ne  fût  généralement  obfervée 
dans  toutes  les  Religions. 

Il  efti- fiez  clair  parce  que  nous  dit  Hérodote,  du  grand  foin ,  que  les 
Sacrificateurs  Egyptiens  prenoient  de  la  pureté  de  leur  corps ,   que  les 
défauts  naturels  les  auroient  rendus  incapables  d'adminiftrer  les  chofes 
fàintes.     Us  fe  rafoienttout  le  corps  de  trois  jours  en  trots  jours:  Ils  fe  lavaient 
tous  les  jours  trois  fois  ,  dans  de  Peau, froide^   &  deux  fois  la  nuit;  ils  lavaient  ' 
leurs  habits  tous  les  jours  :^   ils  n^ofoiem  même  regarder  des  fèves  ,   parce  que  ce 
légume  éîoit  réputé  fouillé  entre- les  Egyptiens,    Pour  une  plus  grande  pureté  ils  fe 
ctrconcifoient ,  ayant  plm  d'égard  à  la  netteté,  qu'^à  la  bienfeance.  Il  eft  clair  que 
dts  gens  ,   qui  avoient  tant  d'av©rfion  pour  àés^  fouillures  ,   qui. ne  font, 
qu'adhérentes,  n'auroie,nt  pas  fouffert  des  défauts  de  corps ,  qui  font  des 
déformitez  inhérentes.    C'êfl  ainll  que  le  Démon  afïeéte  une  pureté  ap- 
parente,.pendant  qu'il  plonge  les-hommes  dans  des  fouillures  fpiritu elles  ^ 
ëc  corporelles ,  qui  ne  fe  peuvent  jamais  laver. 
obfervances      La  Loi  de  Moïfc  foûmcttoitlesMiniftres  des  chofes  faintes  à  des  loix- 
[^^^^Y^P?^"^  plus  rigourcufes  &  plus  feveres  ,  que  le  commun  des  hommes.     Les  Sa- 
îresdu  fei-  crificateurs  ne  pouvpient  époufèr  une  répudiée  ,   ni  une  fijle  fbupçonnée - 
te'S paries  ^^  mauvaifç  vie,  ni  une,  étrangère  ,   il. leur  étoit  défendu  d'affilier  aux 
Payens.       funcrailles  de  qui  que  ce  foit ,  que  de  leurs  proches.    Il  ne  leur  étoit  pas- 
Levitique    pei-jjjjs  d'arrachcr  leurs  cheveux  dans  le  deuil.     Le  Souverain  Sacrifica- 
teur n'ofoit  découvrir  fa  tête  ,.ni  déchirer  Çts  vétemens.    Ils  ne  lui  étoit 
pas  permis  de  rendre  les  honneurs  de  la  fepulture  à  perfonne  ,   non  pas^ 
même  à  fon  père,  ou  à  fa  mère.     Il  ne  pouvoit  époufer  qu'une  vierge,. 
Les  Payens  ont  encore  imité  cela,  ils  ont  chargé  leurs  Sacrificateurs  d'u- 
ne multitude  d'obfervances  5  pour  les  diftinguer  du  peuple  &  du  vul- 
gaire. 

Les  Prêtres  Egyptiens  n'ofoient  manger  de  poîflbn  ,  ils  fe  fouëttoient 
durant  les  facrifices,  ils  fe  lavoient  fou  vent,  ils  fedéchiquetoisntlapeaUj, 
Heroiete  ils  obfervoient  mille  cérémonies  pénibles.  Les  Prêtres  Romains  étoient. 
inEuterpe.  ^uffi  fujcts  à  divcrfcs-chofes,  aufquelles  le  vulgaire  n'étoit  pas  fournis,  par- 
Grandes  &  ticulieremerrt  le  Prêtre  de  Jupiter ,  appeWé Fiamen  Dialis.  Il  ne  lui  étoit. 
oSvatToS  P^s  permis  démonter  à  cheval,  ni  de  regarder  une  armée  en  bataille,  ni 
êt?t'ob"  ^^'^^*  '   "^  ^^  porter  un  anneau  qui  ne  fût  caffé  ,   ni  de  fouffrir  qu'on, 

rigé  le  Fia-  cnlcvât  du  feu  defamaifon,  que  pour  le  facrifice,  ni  de  porter  un  nœud.' 
Seeîle'^  fa  tête  j  ou  à  fa  ceinture,  nide  fairerafer  Recouper  fon  ppilpar  un  efcla- 

ve,.., 


ET  DES  CULTES  DE  L'E G L I S E. P^^r/.  I V.  781 

ve,  ou  un  affranchi,  il  faloitque  fon  barbier  fût  une  perfonne  libre.     II  Noa.  Attî- 
îfofoit  manger  de  fèves,  ni  de  la  chair  de  chèvre,  ni  même  regarder  de  "rumiib. 
la  chair  crue,  6c  du  lierre,  ni  toucher  de  la  farine  éc  du  levain,  foit  qu'ils  lîàtl'tch.' 
fuflent  mêlez  oufeparez,  ni  faire  le  fervice  divin,  quand  ilavoit  perdu  fa  ^"^^• 
femme, ni fe dépouiller  nudàla  vue  du  Soleil,  6c  du  ciel,  ni  découvrir  fa  40°™"^*?; 
tête  , ..ni  coucher  trois  nuits  hors  de  fa  maifon,  ni  monter  dans  une  échel-  ^°^-  "°- 
le,  plus  haut  que  trois  degrez,  ni  répudier  fa  femme,  ni  toucher  un  mort,  ULo'i'dé- 
ni  faire  des  funérailles,  ni  encrer  dans  un  lieu  où  ilyavoit  un  bûcher.   Il  ^^'^^°'^^  a« 
faloit  queles  pieds  de  fon  lit  fuflent  couverts  d'une  petite  boue,  que  per-  de"lfe"ïfas' 
fonneque  lui  ne  couchât  dans  ce  Ht,  qu'il  cachât  ce  que  l'on  coupoit  de  {ï'^^ter  à 
fa  barbe,  de  fes  ongles,  6c  de  fes cheveux,  fous  quelque  arbre  heureux,  degïez.^" 
Il  n'ofoit  même  nommer  les  noms  du  chien  6c  de  la  chèvre,  ni  pafler  par  5'/"^^' 
un  chemin ,  au  deflus  duquel  il  y  eût  une  treille ,  6c  des  branches  de  vigne,  cek^  même 
Il  ne  pouvoit  exercer  aucune  Magiftrature.    La  femme  de  ce  Prêtre,  qui  IS^"^"^ 
s'appelloit  Flaminka-,  étoit  aufli  obligée  aux  mêmes  obfervances.  î.UneVou- 

11  avoit  d'autre  part  ces  privilèges  ,   de  ne  pouvoir  être  contraint  à  u°g  ^po"fei 
jurer  en  jugement,  6c  le  Préteur  en  entrant  en  charge  promettoit  entr'-  diee.^  " 
autres  cîiofes  folennellement ,  dé  ne  point  exiger  de  ferment  àts  Vierges  thS^uT' 
Veftales,.6c  du  Sacrificateur  de  Jupiter.     Saceràotem  Veftalem ,  &  FUmi-  ^oit. 
mm  Dialem  ^.momni  mea-^furifâidione  jnrare  non  cogam.     Un  Maflîermar-  dereffamea 
choit  devant  Jui  5  avec  un  faifleau  de  verges  j  il  fefaifoit  traîner  dans  l'un  oiaiis. 
dé  ces  équipages  de  Magiftrat,  qu'on  ^Tppelhiz  Sedes  Cfirulis ,  qui  étoit  une  AuiumCel- 
chaire  roulante.     Si  un  prifonnier,entroit  dans  fa  maifon,  il  faloit  le  dé-  ^i"™» 
lier,  6c  faire  décendre  les  liens  parle  toit  de  la  maifon,  dans  la  rue:  liun 
homme  condamné  au  fouet  fe  jettoit  à  Ces  pieds  j  on  ne  pouvoit  exécuter  la 
fentence  ce  jour-làv 

Les  Veftales  avoient  aufli  de  femblables  privilèges-,  on  né  pouvoit  les  cranj  prb- 
obliger  à  jurer,    6c  fi  un  criminel  condamné  rencontroit  par  hazard  une  ^^'^s^  ''"- 
Veilale-,  en  allant  au  fupplice,  onfaifoit  affirmera  la  Veftale,  que  le  ha-  AiexaSex 
z-ard  l'avoit  conduit  là,  6c  en  fuite  on  donnoit  grâce  au  criminel.  Les  Vef-  f  ^ÎP^°" 
taies  entroient  dans  cette  Religion,  depuis  fix  ans  jufques  à  dix.   Nonobf-  cap.  iz!  ^' 
tant  la  jeunefl^e,  tout  aufli-tôt  qu'elle  avoit  mis  le  pied  dans  la  maifon  de 
Vefta ,  elle  étoit  en  liberté  6c  dégagée  de  l'autorité  de  fon  père ,  fans  éman-  ^uiu  Geii. 
cipation,&  elle  pouvoit  teiler.     Leur  crédit  étoit  fi  grand  dans  la  Répu- 
blique ,  que  quand  il  naiflbit  des  differens ,  6cdes  guerres  civiles ,  entre  les  Pomponius 
citoyens,  on  fe  fervoit  de  l'intercefl^on  des  Veftales,  pour  les  appaifer.  •^^'"^'■ 
Elles  étoientles  dépofitaires  des  teftamens,  6c  de  tous  les  fecrets ,  qu'on 
ne  vouloit  mettre  au  jour  qu'en  certain  tems.  Elles  étoient  crues  en  témoi- 
gnage fur  leur  fimple  parole.     On  portoit  devant  elle  les  faiflèaux,  qui 
etoient  les  marques  delà  Magiftrature.     Elles  pouvoient  mettre  chez  el- 
les en  fureté  les  efcîaves  fugitifs,  6c  leur.doiiner  la  liberté.     D'autre  part 
elles  avoient  leurs  règles  de  feverité.     Elles  ne  fe  pouvoient  marier ,  ni 
fortir  de  cette  Rehgion,  qu'à  30.  ans.  Car  depuis  dix  ans  jufques  à  20. 
elles  étoient  fous  la  difcipline  des  anciennes,  pour  être  inflruites.   Depuis 
20.  jufques  à  30.  elles  faifoient  le  fervice,  6c  inftruifoient  les  jeunes,  après 
cela  elles  pouvoient  fe  marier.      Mais  fi  elles  étoient  furprifès  en  crime 
d'itnpudicité,  durant  leur  tems  de  Religion,  on  les  enterroit  toutes  vivesj - 
fi  elles  laifToient  éteindre  le  feu  facré ,  on  leur  donnoit  le  fouet  :  fi  elles  vou- 

Fff ff  5  loient: 


.     ^^i  HISTOIRE  DES   DOGMES 

loient  foitir ,  elles  étoient  toujours  fous  la  garde  d'une  des  vieilles  Rèîi- 
gieufes  de  la  maifon,  qui  les  accompagnoit.  Il  faloit  qu'elles  euflent  le 
corps  fans  défaut ,  la  langue  point  empêchée ,  l'oreille  point  pelante ,  qu'el- 
les fulîént  de  père  Se  mère  libres ,  &  même  qui  n'eufîènt  exercé  aucun 
art  fordide.  On  les  pouvoir  mettre  malgré  elles  dans  cette  Religion ,  car 
elles  dépendoient  du  Souverain  Pontife,  qui  choififfoit  2,0.  jeunes  filles, 
ôc  puis  on  jettoitle  fort.  Celle  fur  laquelle  le  fort  tomboit,  étoit  con- 
trainte d'entrer  dans  la  maifon  de  Verta,  même  malgré  le  père  &  la  me- 
origine  des  TC.  On  pcut  voit  cn  tout  cck  l'origine  des  coûlumes  6c  des  ufages  des 
LoixMonaf-  p^piftes ,  daus  les  loix  Monaltiques. 

Papiftes."        La  Loi  deJVloïfe,  outre -les  principaux  Minières  des  chofes  faintes, 
qu'elle  appelloit  des  Sacrificateurs ,  avoit  ordonné  dons  le  Temple  plu- 
fieurs  autres  Officiers  ,  pour  le  tenir  net,  pour  couper,  ôc  pour  appor- 
ter le  bois,  pour  garder  le  Temple,   pour  chanter  dans  le  fervice,  pour 
.^préparer  les  viâiimes  6cc.     Les  Religions  Payennes  ont  obfeiTe  ce  mê- 
me ordre.    Ils  avoient  établi  au  deflbus  de  leurs  Sacrificateurs  beaucoup 
de  Miniflres  inférieurs. 
:Destibiciiies,     Premièrement  il  y  en  avoit  qu'ils  appélloient //^/V^m ,  ^Uticmes.  Car 
ceque'c'é-  nous  avons  vû  pluficurs  fois  dans  Gcc  Ouvrage ,  que  la  flûte,   ôcles  au- 
u)itque  le  ^j-es  Inllrumens  de  Mufique,  étoient  ordinaires  .dans  les  facrifices.   C'eft 
lesRoitiins.  à  quoi  Ovide  a  égard  quand  il  dit ,  # 

Faft.  <î,  '  QuiX,ntUY  m  fcena  ciiva  tma ,  qudintur  ans. 


'/■=> 


Qtj2eft,E.om.  Plutarqu€  nous  dit,  que  -Nama  Imr  donna  de  grands  &  de  confderdUes  prh. 

^^'  leges  de  fin  tems ,  à  caufe  de  la  grande  dévotion  qu'il  avoit  foar  les  Dieux.   Et 

-farce  que  les  Tribus  militaires  leur  voulurent  oter  ces  privilèges ,  ils  Je  retirèrent^ 

&  fortirent  de  Rome.     Le  Peuple  ne  put  fiujfrir  cela  ^     &  fe  fit  une  affaire 

de  confidence  de  les  rappûler-y   parce  qu^on  ne  joueit  plus  de  la  fiât e  dans  les 

fiacrifices. 

Ceux  qu'ils  appelloient  //V/V/«^j  jouoient  d'un  certain  inlîrument  ,   que 

les  Latins  appelloient  Ittuus:     C'eft  ainfi  qu'ils  appelloient  aufii  la  mar- 

Âuiu-Geiie  que  de  la  dignité  des  Augures.     C'étoit  un  bâton  court  ,  menu  par  un 

hb.s-c. 8.   i^QLit,  gros  par  l'autre,  .&  courbe. par  le  gros  bout,  félon  la  defcription 

d'Aulu-Gelle,     Avec  <;e  bâton  les  Augures  obfervoient  le  vol  des  oi- 

feaux,  &:  marquoient  les  efpaces ,  qu'ils  appelloient  ^^/?^/^/*i.     Cicerondit 

que  cette  crofiè  Augurale  ^'appelloit  Ittuus ,  à  caufe  qu'elle  reflembloit  à 

Lib.  î.  de   cet  inftrument  de  Mufique  qui  portoit  le  même  nom.     Lituus  id  efi  in- 

Pivinat,       curvum  fsr  .leviter  à  fiummo  infiexum  bacillum  ^  quod  ab  illius  litui ,  quo  cani- 

îur,  mmen  habet .     Ainfi  ce  motiignifioit  auffi  un  inflrument  aflez  fem- 

blable  à  nos  trompettes,  étroit  par  un  bout ,  large  par  l'autre,  ^courbé 

par  le  bout  large.     C'étoit  un  inflrument  de  guerre. 

^FAi^id  6  ^^  ^^^^°  pugnas  infignis  obibat  &  hafia.  ■ 

Ovid.  Pift,  fam  lituus  pugnafigna  daturus  erat, 

JMâis  on  s'en  feryoit  auffi  dans  les  facrifices,  comme  félon  la  Loi  deDieu 

les 


ET  DES  CULTES  DE  L^EGLISE.  P^r/.IV.  'j^i 

les  Juifs  fonnoient  de  latrompette ,  dans  tous  leurs  facrifices  ordinaires  5c 


extraordinau'es. 


II  y  avoit  une  autre  forte  de  Minières  At^  chofes  faintes ,  dons  nous  avons  Des  umim- 
déja  parlé,  que  les  Latins  appelloient  Camilli  &;Camillas.     C'étoient  de  J.^^uel"^^' 
jeunes  garçons  6c  déjeunes  filles,  habillez  de  vétemens  Sacerdotaux ,  étoit  km 
couronnez  de  guirlandes,  ôc  de  bouquets  de  fleurs,     Ils  étoient  fortfem-  vS*Denys 
blables  à  ce  que  l'on  appelle  aujourd'hui  des  enfans  de  chœur.  Leuroffi-  d'Haiicar- 
€e  étoit  de  donner  les  coupes,   de  verfèr  le  vin  pour  faire  les  effufions,  Sf^jobof' 
de   donner  les  plats,  les  couteaux,   6c  de  rendre  de  femblables  fervi- «• 
ces. 

Il  y  avoit  des  gens,  qu'ils  appelloient  P<?/4!,   dont  on  dit  que  l'office  Des Popa:,8c 
étoit. d'amener  les  victimes  à  l'Autel,  de  les  lier  ôc  de  les  éeorser.       deiems  ' 

&     &     •  offices. 

S-HccinBl-que  cdent  ad  nova  fiera  popa'.  Pïopcit.'4, 

Ils  étoient  demi- nus,  les  bras  retroullfez,   §C  leur  habit  ceint  ôc  ferré, 

afin  d'être  moins  embarraffez  en  égorgeant  la  viâime.    Suétone,  en  ré- 

préfentant  la  cruauté  de  Caligula,  qui  tuoit  des  hommes  comme  en  jouant, 

dit  qu'il  aflbmma  l'un  de  ces  Miniftres  auprès  des  Autels.    Admota  alta-  Lib.4.c.3^r 

ribus  vi^ima  fuccin^us  pop  arum  habim ,  elaîo  alte  mdleo  cultrarium  maUavit. 

Caligula  habillé  en  pop a^  tua  celui  qui  devoit  tuer  la  viâ:ime.     Ce  font  ces 

mêmes  gens,  qui  font  appeliez  ^«/rr-^w ,  èct^i^imariù 

Enfin  il  y  avoit  d'autres  Officiers,  qu'on  appelloit  des  Hérauts,  6tdes 
Huiffiers-,  Fracones ,  Li^ores ,  dont  l'office  étoit  d'écarter  le  peuple  dans 
les  grandes  foules,  d'impofer  filence  à  ceux  qui  menoient  du  bruit,  ôcde- 
chaifer  dehors  ceux  quine  pouvoient  alîifteraux  myfleres,  en  àïhnx.pro-- 
€Ul  efie  profani. 

Exefto  ^  pour  <?A:fM  efto^  c'étoit  le  mot,  dont  on  fe  fèrvoit  dans  ces  for- Apud  Fê- 
tes de  proclamations,  ,//oy?/x>  vin^us ,  mtilier  ^  virgo^  É'.v<?/?t?,  que  l'ennemi,.^""*' 
que  les:  captifs ,  que  \ç,%  femmes ,  que  les  filles,  fortent. 


CHAPITRE     VIÎL 

'^es  facrifces  des  Tayens.    Les  holocaujies  feu  en  ufage  entre  Us: 

'Tajens.    Cérémonies  âes  Grecs  dans  leurs  facrifices  ^ar 

Homère.  Celles  des  Egypicns^av  Hérodote. 

A  Prés  avoir  parlé  des  Temples,  &  des  Sacrificateurs,  iînousrefteà 
dire  quelque  chofe  des  facrifices ,  6c  dès  cérémonies  des  Payens.  C'eft 
là  le  plus  vafte  champ  de  la  littérature  humaine ,   6c  la  matière  de 
plufieurs  volumes ,  que  nous  n'avons  pas  deffein  de  tranfcrire  ici  ;  Nous  rap- 
porterons feulement  ce  qu'il  y  a  de  plus  conlîderable ,  par  rapport  aux  facrifi- 
ces 6c  aux  cérémonies  ordonnées  dans  la  Loi  de  Moïfe,  pour  voir  en  quoi  \q: 

Démon  ■ 


784        HISTOIRE  DES  DOGMES 

Démon  a  été  rimitateur  de  la  divinité, Ôc  en  quoi  il  s'en  eft  éloigné.  Et 
nous  réduirons  le  tout  à  ces  trois  chofes ,  les  efpeces  des  facrifices, ,  la  ma- 
tière des  facrifices,  &  les  cérémonies  des  iacrifices. 

La  première  chofe  qui  doit  être  confidérée,  ce  font  les  diverfes  efpe- 
ces de  facrifices.     La  Loi  de  Dieu  en  connoifloitcinq.  La  première  étoic 
l'holocaufte ,   la  deuxième  le  facrifice  pour  le  délit,   la  troifiéme  l'obla- 
tion  pour  le  péché,  la  quatrième  le  facrifice  de  profperitcz,   la  cinqtïié- 
fiie  étoit  l'offrande  des  chofes  mortes,  des  fruits,  des  Hqueurs  ôcdes  gâ- 
teaux.   Les  trois  premiers  facrifices  étoient  des^facrifices  de  propitiation 
ôc  d'expiation ,   le  quatrième  étoit  d'adion  de  grâces ,   6c  le  cinquième 
étoit  prefque  une  dépendance  des  autres.     L'on  ne  fauroit  fuivre  cette  divi- 
fîon  dans  l'examen  des  efpeces  de  facrifices,  qui  étoient  en  ufage  entre 
XcsPayens  les  Payens.     Premièrement  ils   n'avoicnt  point  d'holocaultes  :   car  c'é- 
<'ep"'*j^°js- toient  des  facrifices  dans  lefquels  la  bête  étoit  confumée  toute  entière^  il 
pas  eu  l'ufa- n'en  demeuroit  rien,  ni  pour  le  Sacrificateur,   ni  pouf  celui  4]ui  faifoit 
Fauft'^^'  ^^^^^  ^^  facrifice.    Dans  tout  ce  que  nous  avons  de  monumensde  l^Anti^ 
quité  Grecque  ôc  Romaine ,  nous  n'y  trouvons  rien  de  femblàble.   Dans 
tous  les  facrifices  des  Payens  on  n'offroit  àia  divinité  qu'une  partie  de  la  bê- 
te, &  l'on  retenoit  l'autre  pour  la  manger.     Entre  Jes  Juifs  il  n'y  avoir 
que  les  facrifices,  qu'ils  appelloient  de  profperitez,  dont  il  fût  permis  de 
manger  à  celui  qui  prifentoit  laviélime.Lesljolocaufles,,  &  les  facrifices 
pour  le  péché ,  &  pour  le  Sacrificateur ,  pour  l'aflemblée  du  peuple ,  étoient 
abfolument  confumez  par  le  feu.    Dans  les  facrifices  pour  le  péché,  qui 
étoient  pour  les  particuliers ,  6c  dans  ceux,  qu'ils  appelloient  ..pour  le ^5/- 
Mt,  on  ne  faifoit  fumer  fur  l'Autel  que  les  grailTes ,  les  rognons,  6c  la- 
queuë  de  la  bête ,  le  relie  appartenoit  aux  Sacrificateurs.,    mais  celui  qui 
avoit  amené  la  viélime  n'y  avoit  pas  de  part.     Enfin  dans  les  facrifices^, 
qui  s'appelloient  de  profperitez,,  on  ne  faifoit  fumer  fur  l'Autel  que  les 
grailTes,  la  chair  appartenoit  au  Sacrificateur  ,  6c  aufacrifiant.     Et  c'eft 
avec  ces  feuls    facrifices  que  ceux  des  Payens  .avoient  quelque  rap- 
port. 

Il  y  a  lieu  de  croire  que  les  holocauiles  étoient  en  ufage  entre  les  Pa- 

mSesho-yens  dans  la  naiflàncc  de  l'idolâtrie.  Car  avant  la  Loi  de  Moïfe  ileflcer- 

locauftes      ^^[y^  ^  qu'cntrc  ceux  que  les  Juifs  appellent  les  Noachides-,  les  holocauftes 

lSg&  entre  ètoicnt  fort  Ordinaires.    Le  Livre  de  la  Genefe ,   qu'on   peut  appcller 

lesjayens.  l'Hiftoire  des  Noachides,  en  parle  fort  fou  vent.     Et  même,   fi  l'on  en 

croitf  les  Juifs ,  dans  ces  fiecles-là  l'on  n'ofiroit  que  des  holocaulles.   C'efi: 

pourquoi  dans  le  Temple  de  Jerufalem ,  ils  ne  vouloient  recevoir  aucune 

viélîme  des  étrangers,  6c  des  Payens^  que  pour  l'holocaufle  ,  prétendant 

que  c'eft le  fcul facrifice,  qui,  félon  les  anciennes  loix,   fût  permis  aux 

décendans  de  Noé.     Il  paroit  mênie  par  l'Hiftoire  Sainte ,  que  du  tems 

des  fuccefleurs  de  Salomoii^  '6c  de  Jéroboam ,  la  coutume  n'en  étoit  pas 

sRois  ta'.  ci"'Core  abolie.     Car  le  2.  Livre  des  Rois  dit  que  Jehu  fit  aîTembler  tous 

les  Sacrificateurs  de  Bahal ,  fous  prétexte  de  lui  faire  un  facrifice  folen- 

nel.     Et  que  ces  Sacrificateurs  entrèrent  dans  le  Temple  de  Bahal  ^  pom 

faire  des  facrifiees  &  des  hdocanfies.     L'Hiftoire  ajoute  qu'après  qu'on  eut 

achevé  de  faire  Vholocaftfie  à  Bahal,  Jehu  fit  entrer  quatre  vingts  Archers^ 

^ui  tuèrent  tous  les  Sacrificateurs. 

L'on 


ET  DES  CULTES  DE  V EG LISE. Part.lV.  785 

L'on  ne  peut  pas  bien  favoir  quand  cette  coutume  cefili.  On  dit  que 
■ce  fut  du  teins  de  Promethée.  Et  voici  ce  qu'en  rapporte  un  Auteur  Pa- 
yen,  qui  vivoit  du  tems  d'Augufte  ,  &  qui  étoit  i'un  de  Tes  Affranchis, 
c'eil  Hveinus.     Quand  les  Anciens  faifoient  des  facrifîces  aîix  T>itPix  immcr-  ^ygious  in 

^   ;  j  •         -/  ■      "^     -^     A  ,  j  r  1  CT  Adrouomi- 

sels^  en  grande  cérémonie ,  tls  avotent  accoutiime  de  conjamcr  les   vicitmcs  tou- co  voéùco, 
tes  entières  dans  le  fea.     Mais  corfîme -les  pauvres  fonv oient  a  peine  foutenir  cet-  ^?"^  Ltiium 


Gyrald. 


If. 


•7^  de'penfe ,  on  dit  que  l^romethée ,  a  qui  Pon  attribue  d"* avoir  fait  les  hommes  ,  Syutag, 
^  k  canfe  de  l'admirable  excellence  de  Pe/prit    ,     oi^tmt  de  fupiter  qu'ion    ne  jet- 
'  Serait  dans  le  feu  qu'aune  partie  de  la  viUime  ,  c^  qtt'on  reti endroit  l'autre  pour 
fin  ufage^  &  la  coutume  a  confirmé  cela  du.  depuiu     II  ajoute  que    Prome-  ^romethée 
thçe,  pour  fe  mettre  en  poflefîîon  de  cette  grâce  ,  que  Jupiter  lui  avoit  pjxSr  ^'^^ 
■  accordée ,  offrit  deux  taureaux ,  dont  il  mit  premièrement  les  foyes  fur  l' Au  - 
tel,  en  fuite  il  fépara  la  chair  des  os,  il  mitla  chair  dans  l'unedes peaux 
de  bœuf,  les  os  dans  l'autre  peau  bien  couverts ,  6c  donna  le  choix  à  Ju- 
piter.    Lequel  croyant  qu'il  y  avoit  de  la  chair  dans  l'une  ôc  dans  l'au- 
tre peau,  fut  trompé  ,    &  prit  celle  où  il  n'y  avoit  que  des  os.     Et  de- 
rpuis  cela.^  dït-ii,  dans  ' les  facrifices  folennels  ^    &  qui  fe  font  à  l'honneur  des 
y-Dieux  y  on  mange  une  partie  de  la  chair  ^  &  Pon  confume  l'autre  par  le  feu.  Le 
relâchement  des  Payens  devint  même  fi  grand  à  cet  égard,  que  Tertul-  sordideav*.^ 
lien  leur  reproche  qu'ils  ne  donnoient  plus  à  leurs  Dieux,  que  ce  qu'il  y  [âSfices!^^ 
-avoit  de  moindre  dans  la  viélime.     fe  ne  m'^arrête  pas ,   dit-il,  k  la  qualité' k^oiog^û- 
>de  vos  facrifices  ^  où  je  fai  que  les  bêtes  ^  que  vous  immolez  font  les  plus  vieilles ^  ^^^  '  *  ^^ 
^  les  plus  gÀte'es ,  que  vous  puiffiez  trouver.     Quand  les  hojiies  font  bonnes  &' 
grojfes ,  vous  en  retenez  ce  qu  elles  ont  de  meilleur^  &  vous  nojfrez  à  vos  di- 
vinitez  que  les  extsremitez  mutilées ,  que  vous  coupez  de  chaque  pièce ,  qui  eft  ce 
que  vous  avez  accoutumé  de  d,onner  ^  quand  vous  êtes  dans  vos  maifins ,  avoschiens^ 
r^  a  vos  valets. 

Il  y  avoit  de  certaines  viétimes ,  qu'on  appeiloit  prodigua  hoflia, ,  qui  fe  ^"^f^^^^*^ 
çonfiamoient  tout  entières  ,   prodiguts,  koflm  vocantur^  qu<tconÇumuntur:un- 
de  homines  luxuriofi ^  prodigi.     Mais  nous  ne  favons  comment  on  les  confu- 
moit  entières.     Il  y  a^  pourtant  apparence  que  c'étoit  par  le  feu ,  &  ain- 
iî  c'étoient  à^s  holocauftes.     Mais  il  faloit  que  cette  efpece  de  facrifice 
fût  peu  en  ufage,  puifqu'il  nous  en  eft  fi  ppu  parlé  dans  les  Auteurs  an- 
ciens.    Il  y  avoit  une  autre  efpece  de  viétime,  qu'on  appelloit /?ro?frw'^ ,  Autres  Hc- 
que  quelques-uns  ont  pris  aufii  pour  des  holocauftes.     Voici  comme  en  î^^s^J.'JJ?" 
parie  Macrobe.     Sacnficium  apud  Vet  ères  fuit ,  quod  vocabatur  protervia^  invu. 
eo  mos  erat  ut  fquid  ex  epùlis  ftiperfuijfet ,  igné  -confumeretur,    Htnc  Catonis  jo-  Saturnal.Jib» 
eus.     Namque   Albidiiwi   quidam  ,     qui  fua  bona  comedijfet ,  &  novifflmè  ^' "^°  ^' 
domum ,  qua  ei  reliqua  erat  ,  incendia  perdidijjet  ,   Protervtamfecife  dtctb^'il , 
quod  comeffe  non  potuerit^  id  combujfife.     C'ell-à-dire  ,  Il  y  avait  une  efpece  de 
facrifice  entre  les  Anciens  y  qui  s'' appelhit  Protervia,    La  coutume  etoit  ,  que  (i    - 
■quelque  chofe  refloiî  du  repas  ^  qui  fe  faifoit  après  le  facrifice  ^  on  le  c  on  fumait  au 
feu.     Par  alluf  on  a  cette  coutume  Caton-dit  un  jour  un  bon  mot.     IJn  certain-    - 
homme  .^  nommé  Albidms  .^  après  avoir  confumé  tout  fon  bien  .y  perdit  par  un  ent- 
brafeme,nt  fa  maifon ,  la  feule  chajè  qui  lui  refait.     Il  a  fait  te  facrifice  ,  appelle 
jProtervia,  dit  Caîon ,  ce  qu'ail  n* a  pu  manger ,  il  l^a  brûlé. 

Mais  ileft  clair  parce  pafiage  même  ,  que  ces  Protervi<z  n'étoient  pas 

des  holocauftes.    Car  on  faifoit  un  repas,  on  mangeoit ,  ôc  l'on  ne  jet- 

Tan,  IK  Qgggg  toit 


786  HISTOIRE  DES   DOGMES 

toit  mcme  au  t'en  ,  que  ce  qui  demeurcit  de  refte  du  repas.  Je  fuis  trom* 
pé,  fi  les  ProdigA  hofliA^  de  Feflus  ^  &  les  ProtervU  deMacrobc,  n'étoicnt: 
la  même  chof-,  &  la  penfée  de  Caton  va  là,  puifqu'il  compare  la  con- 
duire d'un  pro  'igue,  aux  cérémonies  dece  facrifice,  cii  l'on  confumoit 
tout,  ou  par  la  bouche  ,  ou  par  le  feu.     C'eft  cette  efpece  de  facrifice  , 
que  Fcltus  appelle  propter  viam  ,  que  l'on  faifoit  à  Hercule  ,  ou  au  Dieu 
Fcftus.        SuKus,  quand  on  vouloir  entreprendre  un  voyage,  propter  vJam  fit  facrift- 
cmm  ,  cjHod  efi  projicifcendi  gratia^  Herculi ,  aut  Sanco  ,  ejui  fcthcet  viarum  efl 
I>eHs.     La  raiibn  pourquoi  on  brûloir  ce  qui  refloit  du  repas  ,  eft  claire, 
c'eit  parce  que  ce  facrifice  fe  faifoit  pour  la  profperité  d'un  voyage.   Or 
un  voyageur  ne  referve  rien  pour  le  lendemain. 
Eliaîtôjv        Paufanias    parle    d'un   facrifice   d'un    mouton    noir  ,   que  les  Ma^ 
3.  p.  i6o.    gj(].j.j^ç5   faifoient   tous   les  ans  dans  l'Elide  ,    dont  fls  ne  donnoient 
rien  au  Sacrificateur  ,  mais  feulement  ils  en  donnoient  le  cou  ,  à  celui 
qui  fournifibit  le  bois ,  il  femble  que  ce  fût  donc  un  holocaufte.     Mais 
quoi  qu'on  ne  donnât  aucune  partie  de  la  viftime  au  Sacrificateur  ,  il 
ne  s'enfuit  pas  qu'on  la  confumât  tout  entière  par  le  feu ,  les  offrans  la  man- 
geoient.  Enfin  on  trouve  de  certains  facrifices,  faits  à  l'honneur  de  Vuîcain , 
dans  lefquels  on  dit  que  la  viflime  étoit'  donnée  tout  entière  au  feu,  dont  Vuî- 
cain étoit  le  Dieu .  Mais  outre  que  cela  n'eft  pas  bien  confiant ,  Vulcain  étoit 
l'un  de  ces  Dieux,  quin'étoient  pas  beaucoup  fêtez,  de  forte  que  le  culte- 
qu'on  lui  rendoit,  &  les  facrifices  qu'on  lui  faifoit,  étoient  fi  rares,  qu'ils 
.   ne  tenoient  aucune  place  ùonfiderable ,  dans  les  cérémonies  de  la  Reli- 
gion; 
lies  facrifices      II  n'y  a  quc  Ics  feuls  facrificcs  d'hotïïmes ,  qui  fu fient  dés  hoîocauftes; 
Mofenrdes  ^^^  ^^^  Natious ,  qui  ont  été  affez  barbares  pour  facrifier  des  hommes,, 
hoiocauftes.  ne  l'ont  pas  été  aflez  pour  en  manger  la  chair.     C'eft  pourquoi  ils  la  fai- 
foient confumer  tout  entière  par  le  feu.  Mais  je  ne  croi  pas  que  cela  doi- 
ve faire  une  exception  à  nôtre  règle,  qu'il  n'y avoit pas  d'holocauftes  en- 
tre les  Payens,  parce  que  nous  parlons  des  facrifices  de  bêteis.     Il  y  avoif 
fansdouteaufiî  quelques  facrifices  de  bêtes ,  dont  on  ne  mangeoit  pas, 
comme  ceux,  dans  lefquels  on  facrifioit  un  chien,  un  âne  ,   ou  un  che- 
val.    Mais  fi  l'on  ne  mangeojt  pas  de  la  chair  de  ces  facrifices  ,   c'étoir 
par  accident,  |)arce  que  les  bêtes  facrifiées  n' étoient- pas  bonnes  à  man* 
ger. 

Pour    prouver  que    l'ufâge  de    confumer  les    viéèimes  tout  entières- 

fur  les  Autels,  étoit  inconnu  aux  Payens,  je  veux  feulement  rapporter  la 

manière,  dont  fe  faifoient  les  facrifices,  tir^e du  plus  ancien  des  Poètes, 

Se  du  plus  ancien  des  Hiftoricns  Grecs  ,  dont  nous  ayons  les  ouvrages. 

Le  Poète  c'eft.  Homère ,  qui  nous  décrit  ainfi  un  facrifice  folennel,  que 

les  Grecs  firent  pour  appifer  Apollon  ,  qui  avoit  envoyé  la  pefte  dans 

leur  armée,  à  caufe  du  rapt  de  Chiyfeïde ,  qu'on  avoit  enlevée  à  Chry- 

fes,  fon  père,.  Sacrificateur  d'Apollon  :  on  la  lui  renvoya.   Ulyfl^e  en  lui 

Iliade  iib.i.  remettant  fa  fille,  dit,-  „  0Chryfes,  Agamemnon,  le  Roi  des  hommes, 

•*'^'        „  m'a  envoyé  pour  t'aménef  ta  fille,  &  pour  facrifier  à  Phœbus  unehe^ 

„  catombe  facrée,.  afin  d'appaifer  envers  les  Grecs  le  Dieu  ,  qui  leur  a 

y,  fait  fentir  tant  de  maux.     Après  qu'il  eut  ainfi  parlé,  il  remit  la  fille 

3Ç.  entre  les. mains  de  Chryfes,  qui  la  reçût  avec  joye.     Et  tout  aufiî-tdt 

.  "  ,,  ils. 


ET  DES  CULTES  DE  VEGLlSE.PartAV.7^r 

„  ils  fe  préparèrent  au  facrifice  ,  &  mirent  î'hecatombe  en  bon  ordre , 
3,  autour  de  l'Autel.  Ils  fe  lavèrent  les  mains,  ôc  prirent  la  farine  d'or- 
5,  ge  avec  le  Tel,  ôc  Chryfes,  ayant  levé  les  mains  vers  le  ciel,  proiK)nça 
),  cette  prière  à  haute  voix.  Exauce  moi,  Apollon,  qui  portes  un  arc 
„  d'argent,  protedeur  de  Chryfes ,  qui  règnes  dans  Cilla ,  ÔcdansTene- 
3,  dos.  Tu  m'as  exaucé  autrefois,  quand. je  t'ai  prié ,  ôc  tu  m'as  fait  grand 
i^  honneur.  Car  à  ma  prière  tu  as  bien  fait  du  mal  aux  Grecs,  exauce 
„  moi  encore  aujoui-d'hui 5  6c  les  délivre  de  la  pefte  qui  les  défoie.  Il 
5,  conçût  ainfi  fa  prière,  6c  Apollon  l'exauça.  Mais  après  qu'ils  eurer^t 
s,  prié ,  6c  répandu  la  farine  falée ,  ils  prirent  la  tête  de  la  viétime ,  6c  la 
55  retirèrent  fur  le  dos,  puis  ils  regorgèrent,  ils  Técorcherent ,  coupe- 
5,  rent  les  cuifles,  les  couvrirent  des  graifles  ,  en  faifant  deux  lots  ,  fur 
„  lefquels  ils  mirent  les  petits  morceaux  ,  6c  le  vieillard  de  Sacrificateur 
55  les  mit  fur  le  feu,  6c  verfa  defîus  du  vin.  Les  jeunes  gens, qui étoient 
5,  auprès  de  lui,  avoient des  broches  dans  leurs  mains.  Quand  les  cuifTes 
5,  furent  confumées 5  6c  qu'ils  eurent  man^é  les  entrailles,  ils  coupèrent 
5,  le  refte  par  morceaux,  6c  les  mirent  dans  les  broches.  Ils  les  firent 
y,  fért  bien  rôtir,  puis  les  tirèrent.  Quand  ils  eurent  achevé  le  facrifi- 
,5 -cé  5  ils  préparèrent  le  repas.  Ils  mangèrent  enfemble  ,  autant  qu'il 
5  leur  plût.  Mais  après  qu'ils  eurent  bû  6c  mangé  fuffifamment ,  dejeu- 
5,  nés  gens  couronnèrent  les  coupes  pleines  de  vin  ,  6c  les  diftribue" 
5,  rent  à  tous  ,  ainfi  chacun  recommença  à  boire.  Et  toute  la  jeuneflè 
^,  de  la  Grèce  chantoit  cependant  Aes  Cantiques  à  l'honneur  d'ApoI- 
,5  Ion. 

Par  cette  defcription  il  cft  clair  que  Vôn  ne  confùmbît  fur  l'Autel, que 
les  cuilTes  de  la  viélimej  on  enveloppoit  les  cuifles  avec  les  graifles,  6c 
on  y  joignoit  de  petites  pièces,  que  l'on  coupoit  de  diverfes  autres  par- 
ties de  la  -bête.  Et  c'efl;ce  que  Tertullien  veut  <dire,  qu'ils  coupoient  les 
extremitez.  des  pièces,  pour  les  donner  à  leui-s  Dieux.     Mais  le  refle  Te 
rôtiflbit,  6c  fe  bouiiioit,  6c  l'on  en  faifoit  un  repas.     Cela  même  paroît  voi  ci-dèfi 
dans  la  defcription,  qu'Hérodote  nous  fait  des  facrifices  des  Egyptiens'.^lfVeàu'^^ 
,5  Voici  la  manière  dont  ils  facrifient,  dit-il,  on  amené  la  v.^élime  ,  qui  d'or^,  cha- 
5,  eft  marquée  d'un  fceau,  au  pied  de  l'Autel ,  oii  elle  doit  êrte  immo  [^"^J' 
5,  lée.    'On  met  le  feu  au  bois ,  puis  on  fait  une  efFufion  de  vin  fur  la  five  lib.  z. 
j5  viélime,  vis  à  vis  du  Temple,  6c  après  avoir  invoqué  la  divinité,  on  cérémonies 
,5  égorge  la  bête,  on  lui  coupe  la  tête  ,  6c  on  va  la  vendre  au  marché  ,2^^ ^^'^^^^f^ 
5,  fi  l'on  y  rencontre  quelques  marchands  Grecs^   que  fi  l'on  n'en  trouve  tiens. 
,5  pas  5  on  la  jette  dans  l'eau.    Mais  avant  tout-,  on  prononce  une  maie--  voyez  ci- 
„  diéiion  avec  exécration  fur  cette  tète  ^  conçue  en  ces  paroles  ;  que  fi  du^'eaîi"" 
5,  quelque  mal  menace  5  ou  ceux  qui   immolent,  ou  toute  l'Egypte,  il  d'or,  chaj, 
.5,  puifle  tomber  fur  cette  tête.  Et  les  Egyptiens  .généralement  dans  tous^°' 
.„  leurs  facrifices,  6c  dans  tous  leurs  Temples,  obiervent  ces  deux  cho- 
,5  ks ,  lefFufion  du  vin  fur  la  viélime  ,  6c  la  malediélion  de  la  tête  6cc. 
,5  Après  qu'ils  fe  font  préparez  par  le  jeûne  la  veille  d-e  la  fête ,  &c  qu'ils 
5,  ont  dormi,  ils  immolent  un  boeuf,  ils  l'écorchént,  ils  vuident  le  ven- 
5,.  tre,  puis  ils  y  remettent  les  entrailles , 6c  les  graifles,  coupent  lescuif- 
„  fes,  les  reins,  les  filets  des  reins,  les  épaules,  6c  ic  cou.     Cela  fait,  ils 

environnent  la  carcafié  du  boeuf  ainfi  décharnée  de  pain  net^  de  miel, 

Ggggg  a  ^e 


53 


788         HI  ST  OÏRE  D  ES  D  OG  ME  S 

de  l'a'.fins  l'ecs ,  de  figues ,  d'encens ,  de  myrrhe ,  6<;  d'autres  aromates, . 
L'iwam  rempli  6c  farci  de  toutes  ces  chofes,  ils  le  brûlent,  en  y  ver- 
,  fant  beaucoup  de  vin  &:  d'huile  deflus ,  &:  ils  font  ce  facrifice  à  jeun. 
„  Pendant  que  le  facrifice  brute,  ils  fe  fouettent,  6c  après  qu'ils  fe  font 
„  fouettez ,  K<!:^réparent  le  fellin  de  ce  qui  ell  refté  du  facrifice.  Ils 
»,  facrifient  les  bœufs  mâles,  qui  font  nets,  6c  les  veaux,  mais  ils  ne  fa- 
5,  crificnt  point  de  vaches,  parce  qu'elles  font  confacrées  à  Ifis.  „ 

11  paroît  que  les  Egyptiens  ôtoient  à  leurs  victimes  ce  qu'il  y  avoit  de 
meilleur,  6c  de  plus  charnu  ,  les  cuifles,  les  épaules,  les  filets  desrein-s,. 
6c  le  cou  ,  6c  en  faifoient  un  grand  repas  après  le  facrifice.  Ainfi  il  elt 
î.îb.4.  confiant  que  les  Payens  nefailoient  point  d'holocaufles.  Hérodote  nous 
^!  ^7<^-  dépeint  aufli  dans  un  autre  lieu  la  manière  ,  dont  ks  Scythes  facrifioient. 
Elle  a  quelque  chofe  d'aflèz,  particulier  ,  mais  elle  convient  avec  ks  au- 
tres en  ceci ,  c'eft  quils  prenoient  une  partie  de  la  vidime  pour  la  man- 
ger. Ainfi  il  n'y  avoit  pas  d'holocaufle  ,  dans  la  Religion  Pa-î- 
yenne. 


CHAPITRE     IX, 

Sacrifice f  des  ^^ayens  divifez  en  diverfes  clajfesy  félon  les  fins  qu'uni 

s'y  frofofoit  ;  les  facnfîces  profiUatoires  ;  les  impetratoires  j,, 

les MicioariJUques  y  è"  ^^^  divinatoires, 

'Efl  pourquoi  ne  pouvant  ranger  les  facrifices  du  Paganifrne^  fous 
les  mêm€s  clafles  ,  que  ceux  des  Juifs  y  pour  en  faire  la  comparai- 
ibn ,  il  faut  divifer  les  facrifices  de  la  Loi  en  diverlês  efpeces  ,  par 
r  ipport  aux  diverfes  fins ,  pour  lefquelles  on  les  offroit.  Selon  quoi  je 
trauve  trois  efpeces  de  facrifices  entre  les  Hébreux. 

I.  Ceux  qui  s'appelloient  propitiatoires,  fimplement  deflinez:  à  appai- 
fer  la  divinité  ,  juilerrient  irritée  pour  les  péchez  des  hommes.  De  ce 
nombre  étoient  les  holocaulles ,  les  facrifices  pour  le  péché ,  6c  les  facri- 
fices pour  le  délit. 

z.  La  féconde  efpece  efl  de  ceux  que  l'on  me  permettra  d'appeîler  /'«?- 
fetratotres.  Ils  étoient  deftinez  à  obtenir  de  Dieu  les  biens,  dont  on  avoit 
befoin.  La  Loi  en  parle  dans  le  chap.  y^^.  du  Levitique.  Elle  les  appel- 
le y^É'r/)?(r(f/.4f  l'tr»  5  ou  offrandes^ volontaires j  car  c'efl  pour  obtenir  quel- 
que grâce  du  ciel,  que  l'on  fait  des  vœux.  C'étoit  des  facrifices  de  prof^ 
peritez.  Mais  ils  avoient  cela  de  différent  des  autres,  c'eft  qu'il faloit que 
H  chair  des  autres  facrifices  de  profperitez  fût  confumée  ,  6c  mangée  le. 
jour  même  du  facrifice  5,  mais  il  étoit  permis  de  manger  la  chair  de  ces 
facrifices  impetratoires ,  deux  jours  de  fuite. 

3.  La  troifiéme  efpece  de  facrifices  c'étoit  ceux  qu'on  appelle  eurha-^ 
njîlqties ,  deftinez  à  rendre  des  adions  de  grâces.  La  Loi  en  parle  dans  k 

lie.u> 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  TarilY.  789 

lieu,  que  nous  venons  de  citer.  Oefi  ici U  Loi  du  facrijîc&  de profperitez^^ Jt  -Ltvh.j: 
quelqu'un  l^  offre  four  rendre  grâces ,  il  offrira  avec  le  fkcrifice  des  tourteaux  fans  "•  ^^• 
levain  ,  pétris  à  Phuile.     Les  Payons  avoient  ces  trois  efpeces  de  facri- Trois  èrpe- 

fi  ces.  ^^s  defacri- 

L  Ils  avaient  des  facrifices  de  pr-opitiation  ,  pour  appaifer  la  colère  de  icTp^ycis, 
leurs  Dieux,  de  cet  ordre  étoit  celui  des  Grecs  ,   dont  nous  avons  vii  la  ^"  i?'7°'^ 
defcription  par  les  paroles  d'Homère.     Apollon  irrité  par  l'enlèvement  Sifice.  ^ 
de  Chryfeïde  ,   fille  de  Ton  Sacrificateur  ,   envoya  la  pefle  dans  l'armée  îremiere 
des  Grecs.  On  eflayad'appaifer  la  divinité  parce  iacrifice.  Tous  les  Auteurs  fices'^V'"^ 
Latins  nous  parlent  de  ces  facrifices  deftinez  à  appaifer  la  colère  des  Dieux,    tiatoues.  ^" 

AD.  Egone  in  (zdem  Vmeris?  ut  Venerem  Plaû^is  in  ^ 

'fyopiïièm,  ÀG.^  Bio^anirata  efi?  AD.  propitia  hercle-ej^,  îfcudoîo. 

Sèx  agnosimmolavi  ^  nec  potui  tamen  lnP«nul©i' 

^ropitiam  Venerefn  facere ,  ut  effet  mihi  j ,. 
Quoniam  Ittare  nequeo  ^  ahii  illinc  illico. 

Bîine ,  en  parlant  àts  utilitez  qu'on  reçoit  des  brebis ,  dit ,  Magna  &  pe-  Lib.  8.  c.  ^y;- 
côri  gratia  ,  vel  in  placamentis  Deorum^  vel  in  ufu  vellerum,     Ciceron,  en 
parlant  des  facrifices.    Numquam  civïtas  mji'ra  ,  fine placatione  'Deorum  im-  Lib.  deDi- 
wcrtalium^  îmta  èffepctuiffet.  C'étoit  ce  deiîein  d'appaifer  la  divinité ,  qui  ^^""^°"^' 
\qs  a  obligez  à  mettre  fur  les  Autels  jufques  à  des  viétiraes  huihaîties. 

II.   Ils  avoient  auffi  les  facrifices  impetratoires-,   c'eft-à-dire  qu'ils  -fà-  secoude 
c^rifioient  à  leurs  Dieux  ,   pour  faire  profperer  leurs  deflèins.     Enée,  en  faScésim-^ 
quittant  la  Sicile  ,   où  la  tempête  Tavoit  jette  ,  pour  aller  chercher  l'I-  petiatohe*. 
îalie  ,  facrifie  aux  Dieux  de  la  mer ,  afin  d'obtenir  d'eux  un  heureux 
voyage. 

Très  Eryci  viîulos  ^  ^tempejlatihmagnam  Mndà.Vi]3.f.;- 

Citdere  deinde  jubet  folvique  ex  ordine  funes,  y-z/a. 

Jpfe  capHt  tonft  foltîs  €vin^us  oliv& , 

Stans  procul  in  prora  ,  pateram  tenet ,  extaque  falfos 

Porrictt  in  jinUas  ^  ac  vina  liquentiafundiî. 

Et  dans  le  même  livre,  afin  d€  fe  rendre  les  mêmes  Dieux  favorables,  il  * 

conçoit  ainfi  fon  vœu  &  fa  prière, 

DU  qtiihus  imper imn  Pelagi^  qnoruin  £qmra  cHrdS ^ .  Y.zi$<, 

Hoc  vobis  htus  candtntem  in  Uttore  taurum      .  .  ' 

ConJlitUÀm  4'nte  aras ,  voti  rêUs  extaque  falfos  Scc. 

Didon ,  pour  obtenir  du  ciel  le  fuccez  du  deffein  qu'elle  ayoit  d'arrêter 
Eriée  à  Carthage,  ôc  de. l'époufer,  préfente  fes  facrifices, 

Trincipîo~'delubra  ddeunt ^  pacémqae  per  aras  IJb.4. v.  jV- 

Èxquirtifft  ,'maUdnt  le 51  as  de  moreMdéntes. 

ogggg  ^,  m.  Ils 


Troific'me 
efpecc,  les 
facrifices 
euchàtifti- 
qaes. 

D'où  vien- 
nent les 
mots  de 
viftima  6c 
hoftia. 
Ovid.Faft.r,. 


790  H  I  S  T  01  R  E   D  E  S  D  O  G  M  E  S 

III.  Ils  avoient  leurs  facrifices  d'a6tions  de  gnicesi  6c  celaeil:  fi  con- 
nu ,  qu'il  ell  inutile  d'en  rapporter  des  preuves ,  &  des  exemples.  C'elli: 
de  cet  ufage  des  iacrifices  qu'on  prétend  que  viennent  les  mots  de  vifti- 
me,  &:d'hofi:ie,  vtLÎima  à  vincendo^  hojlia  ab  hofljbus.  Parce  qu'on  ofiroit 
des  viébimes  pour  aflion  de  grâces ,  de  ce  que  l'on  avoit  vaincu  les  en- 
nemis. 

ViUtjna  cjUA  cecidit  dextra  vi^rice  vocatur, 
Hoflibus  à  vi^is  hofiia  nomen  habet. 


Les  Grecs  appelloient  ces  vi£limes  ^vdlut  xupiçvipioi  ^  ^valu-j  xa.piqv]pm  ro^ 
Ub.  10.      èso7ç  eTirsKsv  to  Iviiiociof. ,   dit  Denys  d'Halicarnafiè ,  en  parlant  des  adions 
de  grâces  ,  que  les  Romains  rendirent ,  ^piés  avoir  <  été  délivrez  d'une 
pefte. 
prefagcsque     Lcs  Paycns  avoient  une  quatrième,  fin  dans  leurs  facrifices,,  .  qui  étoic 
des^flcrï'^    incounuë  aux  Hébreux.   C'étoit  de  conlûlter  la  deftinée  fur  l'avenir, ,   6c 
âces.         fur  le  fuccez  de  leurs  defleins.  Tels  étoient  ces  facrifices,  que  les  Gêné' 
raux  d'armée  faiibient  avant  que  de  donner  des- batailles.  Ils  n'étoient  pas 
tant  deftinets  à  fc  rendre  les  Dieux  favorables ,   qu'à  chercher  6c  décou- 
vrir quelle  étoit  leur  volonté.,   touchant  le  fuccez  de  ce  ^ue  l'on  entre- 
prenoit.  Ils  tiroient  dotîc  des  préfages  de  tout.  Par  exemple  c'étoit  un 
jpauvais  augure ,  quand  la  viétime  fe  faifoit  traîner  à  l'Autel,  6c  ne  s'y  laif- 
foit  pas  conduire  facilement  :  quand  elle  échapoit  des  mains  du  viélimai- 
re,  quand  elle  détournoit  la  tête  pour  éviter  le  coup,  quand  après  avoir 
été  frapée  elle  bondiflbit  ,  6c  faifoit  quelque  mugiflcment  épouvantable  : 
quand  elle  tomboit  fur  le  dos,,  au  lieu  de  tomber  fur  le  nez.     Lucain  en- 
tre les  figues  5  qui.  précédèrent  la  triile  journée  de  Pharfale ,  conte  ee-» 
lui-ci. 


VidePIi- 
ïiium  lib. .?. 

■4i. 


Tamus:  ^ 


.Difiujfa  f^git  ah  ar^ 


Suétone  raconte  de  Cefar  ,  que  la  viétlme  lui  étant  échapée  comme  il 
facrifioit,  il  négligea  ce  mauvais  augure,  6c  ne  laifTa  pas  d'aller  combat- 
tre Scipion6c  Juba. 


i£neid.  2. 

W,  223, 


Cldmores  Jtmul  horr endos  ad  Jtdera  tolht: 
jQjfales  mtigitus  ftigit  cum  faucius  ad  aram 
Tarn-us  ^  &  ipcertam  excuffit  çervice  fe^urim. 

Une  viélime,  pour  être  d'heureux  prélâge,  devoit  fe  laifler  offrir  com- 
me volontairement.  G'eft  pourquoi  ils  éprouvoient  fa  patience  de  diverfes 
manières.  Ils  lui  arrachoient  du  .|3oil  lur  le  front,  ils  lui  verfoient  du  vin 
entre  \cs  cornes,  ils  lui  paA^oient  le  couteau  couché  6c  de  travers,  depuis 
la  tête  jufques  à  la  queue,  le  long  de  l'épine  du  dos.  Et  même  pour  met- 
tre fa  patience  à  toute  forte  d'épreuves,  ils  lui  verfoient  de  l'eau  dans  l'o- 
reille ,  wî  è-i:i-jsv\^  rciiç  TsKsraTç ,  afin  qu'elle  'donnât  un  figne  de  confente- 
sient  au  facrifice  ,  dit  un  ancien  Auteur  ,  appelle  Myrtilus,  cité  par  le 

Sch©- 


ET  DES  CULTES  DE  L»EG  LISE.  P^r/.IV.  791 

Scholiafte  d'Apollonius,  au  fécond  des  Argonautiques.  Si  elle  foufïroit  tout 
cela  fans  regimber  ,  &  fans  relilknce,  on  efperoit  que  le  facrificc  feroit 
heureux.  Quand  elle  étoit  tombée  après  le  coup  de  marteau  ,  fi  elle  (e 
débattoit  à  terre  violemment ,  c'étoit  encore  un  mauvais  préfage.  On  ti- 
roit  aufîi  des  préfages  defes  mugiffemens.  Car  il  faloit  qu'après  avoir  re- 
çu le  couteau ,  elle  mourût  doucement,  engemiflànt,  en  foufl3ant,  ôc  en 
pouffant  fortement  fon  fang  à  gros  bouillons.  On  approche  la  victime  ^^Librodefi- 
P Autel \  (dit  Lucien,  en  fe  moquant  des  facrifices)  on  V égorge  en  U  pré-  "ificiis, 
fence  dtDieu^  elle  jette  des  cris  UngmJJans  ^  &  trifies^  ^ui  font  comme  V  augure 
dufacrifice.  En  fuite  elle  poujfe  des  accens ,  qui  deviennent  toujours  de  pins  faibles 
en  plus  foibles  ,  ^  qui  par  leurs  changemens  répondent  au  fon  des  flûtes.  Qui 
fourroit  douter  que  cela  ne  foit  très  agréable  aux  Dieux  ? 

Mais  fur  tout  les  augures  fe  tiroient  de  l'infpedion  des  entraillés  ,  que 
Pon  examinoit  avec  un  grand  foin,  avant  que  de  paffer  plus  avant.  On 
mettoit  la  viélime  fur  une  table ,  qui  s'appelloit  Anclabris  ,  &  là  les  Au- 
gures examinoient  exadement  les  entrailles , ôc  fui- tout  le  cœur,  le  foyc, 
&.les  poumons» 

Infl aurai  que  dkm  donis^pecudmnque  rtchpfo  ^  ^^g-,^    . 

TeUoribus  inhians  fpirantia  conjulit  exta.  Vs  «4. 

Heu  vatum  ignarA  mentes^  quid  vota  fur  entem^. 
j^id  delubrajuvanî?  ~ 

Si  ces  parties  éfoient  belles  ,  faines  ,  &  telles  qu'elles  doivent  être,  dé- 
toit un  heureux  préfage.    Au  contraire  ,  fi  ces  parties  manquoient ,   ou 
étoient  gâtées ,  ou  mal  formées ,  l'éfroi  fe  répandoit  fur  le  vifage  des  af- 
fîftans.  U  femble  que  Dieu  ait  quelquefois  permis  que  ces  épreuves  ayent 
réiifîî,  pour  donner  efficace  à  cette  erreur.  Cefar,  peu  de  jours  avant  fa  ciceron  dé- 
mort, faifant  immoler. une  viétime. lé  premier  jour  qu'il  parut  en  public,  as!uh^°' 
dans  unechaife  dorée  ,  &  un  vêtement  de  pourpre  ,  on  ne  trouva  point 
de  cœur  à  la  bête ,  le  lendemain  on  ne  trouva  point  de  tête  au  foye  de  la      - 
viélime.     Mais  Ciceron  réfute  folidement  ces  fuperflitions ,   dans  le  fc- 
co'nà  livre  de  Divination  e.   Gaput  jecoris^  dit -il,  ex  omni  parte  diligentijjimè 
conjiderant  ,  Jt  vero  id  non  efi  inventum  ^  nil  putant  accidere  potuijfe  trifiiuÈ^ 
H&c  obfervari  certs-  non  potuerunt ,  ut  fuprà  docui ,  funt  igitur  artis  inventa  non 
vetufiatis  y  fi  efi  ars  ulla  rerum  incognitarum  ,    cum  rerum  autem  natura  quam 
cognationem  habent"^  Peu  de  gens  ignorent  le  bon  mot  d'Annibal ,   que  le 
même  Ciceron  rapporte  dans  le  même  livre.     %,ex  Prufias  cum  ay^nnibali 
apud  eum  exulànti  pugnare  placer  et  ,,  negabat  fe  audere  quoÀ  exta  prohibèrent. 
An  tu^  inqùtt ,  caruncuU  vitulina  m  avis  quàm  veteri  Iniperatori  credere  ?  Au- 
nibal  étoit  d'avis  que  Prufias  donnât  la  bataille  ,  Prufias  difoit  qu'il  n'o- 
fôit,  parce  que  les  entrailles  de  laviélimene  lui  promcttoientriendebon. 
Aimes- tu  mieux ,  lui  répondit  Annibal  ,    croire  le  cœur  d'un  veau  ,   que  les 
cmfeils  d^un  vieux  (Capitaine  y  confimmé  dans  la  fcience  dé.  la  guerre?  l^es  Grecs 
appelloient  cet  art  ait'Kuyx^oiJ^uMrsîu ,  Se  ^TruroaHOTrlei  ,   devinement  par  les- 
entrailles  ,  infpedion  du  foye.     Plutarque  ,   dans  le  traité  des  Oracles, 
dit  que  la  figure  des  entrailles ,  &  leurs  diverfes  qualitez.  prçfagent  aux  hommes^ 
ilavenir.   Ai  i'^l  rwv  (TTrAay^vwv  ^t^o^^aî  p  ytal  zoiQTVjrêç  ,  ^podyiKçiKTiv  «vôpwTo;ç  ro. 

fuiAAov». 


792         HISTOIRE  DES   DOG  MES 

p,'sKh.ov.  Jamblichus  ,  qui  a  écrit  un  volume  des  myileres  des  Egyptiens., 
Se  particulièrement  de  la  divination  ,  n'a  pas  oublie  celle-ci,  en  partictiUer^ 
dit-il,  l^ame  des  animaux ,  oh  le  Démon  qui  préjjde  fur  eux  ^  oh  le  mouve- 
ment de  fair^  ou  les  influences  du  ciel  ejui  les  environnent  ^  changent  les  entratl- 
les  des  vitiimes  ,  filon  c^tî'il  plah  aux  Dieux.  ZJ ne  preuve  de  cela  ,  c'f/?  cjue 
fiuvent  on  les  trouve  fans  coeur  ^  ou  privées  de  quelques-unes  de  leurs  principales, 
parties^  fans  le  [quelle  s  les  animaux  ne  pourraient  vivre. 

Ce  font  là  les  principales  efpeces  de  facrifîces ,  aufquelles  toutes  les  au- 
tres peuvent  être  rapportées.  Et  ces  efpeces  de  facrifîces  n'étoient  pas 
différentes  en  cérémonies  5  car  on  les  faifoit  de  la  même  minière  ,  ôc  el- 
les n'étoient  diftinguées  que  par  l'intention  de  ceux  qui  facrifioient.  Et 
même  dans  unfeul  facrifice,  on  fe  propoibit  fouvent  plufieurs  de  ces  fins 
©nfemble,  l'on  facrifioit  pour  appaifer  les  Dieux,  pour  obtenir  d'eux  des 
faveurs,  ôç  pour  apprendre  quel  devoit  être  le  fuccez  d'un  deiTem,,  que 
l'on  avoit  formé,  ou  que  l'on  vouloit  former. 


CHAPITRE     X. 

r 

Des  victimes  i  é^  de  la  matière  des  offrandes  y  viEiimes  humaines:^ 
vi^imes  prifes  prefque  de  toutes  les  b  et  es  y  le  pourceau  ^  le  chien  ^  le 
cheval  3  des  oifeaux.  ^ejîion  ^  Jï  onfacrifoit  des  pot£o7is,  Offran^ 
des  de  chofes  mortes. 


A 


Prés  avoir  parlé  des  différentes  efpeces  de  facrifîces  des  Payens,  en 
les  comparant  à  ceux  des  Hébreux,  nous  parlerons  de  la  rpatiere, 
c'eft-à-dire,  des  bêtes,  ôc  des  chofes,  que  l'on  préfêntoitenfacri- 
fîce.  La  Loi  de  Moife  n' avoit  établi  que  trois  efpeces  de  bêtes  à  quatre 
pieds,  ôcdeuxd'oifeaux,  pour  les  facrifîces ,  le  bœuf,  fous  lequel  étoient 
contenus  le  veau  &  la  jeune  vache  ;  le  mouton  ,   fous  lequel  il  faut  ren- 
fermer la  brebis  6c  l'agneau  :  la  chèvre ,  fous  laquelle  il  faut  comprendre 
le  bouc  &  le  chevreau.  Les  deux  efpeces  d'oifeaux  nets  pour  le  facrifîce, 
étoient  le  pigeon  6c  la  tourterelle.  Les  Payens  ne  fe  font  pas  referrez  en 
des  bornes  fi  étroites.  Il  n'j  a  guère  de  chofe  vivante,  qui  ne  pût  être  la 
matière  de  leurs  facrifices.     11  eft  vrai  qu'ils  n'offroient  pas  toutes  fortes 
d'animaux  à  tous  les  Dieux.  Ce  qui  étoit  propre  pour  les  facrifices  d'un 
de  leurs  Diexix,  n'eût  pas  été  reçu  fur  les  Autels  de  l'autre. 
Sacuhces  de      Premièrement  il» ont  immolé  des  hommes ,  ôc  nous  en  avons  déjà  rap- 
huÏÏinesen  V^^'^^  ""  grand  ucmbre  de  preuves,  6c  d'exemples,  dans  le  chapitre  de 
ufige  autre-  Moloch  ,  qui  cft  le  Satumc  des  Occidentaux  ,  aufquels  on  peut  ajouter  5 
lemonde"'^  fi  l'on  vcut ,  ccux-ci.     11  y  a  pcu  de  gens  qui  ne  coniioiffent  la  cruelle 
Diane  des  Scythes,  à  laquelle  ils  facrifioient  des  étrangers  ,  6c  ceux  que 
Lib.T.  de     le  naufrage  avoit  jettez  fur  leurs  bords.   Erat  lex  apud  Tauros ,  ditLaéèan- 
FaiiaReh^.  ^g^  ^^^  Dian<x.  hofpites  im.melarentur  ,    &  id  facrificium  muitis  tempori^m  ceU- 


x:ap.  il, 

bratum  eft. 


Br 


ET  DES  CULTES  DE  VEGhJSE.Tart.lV,  793 

Et  Tarants  Scythica  non  mitior  ara  Diana  >  Lucân.iib.T« 

Le  même  La£î:ance  nous  dit  que  Teucrus  immola  une  hoflie  humaine 
à  Jupiter ,   dans  Salamine  de  l'Ile  de  Cypre  ,   qu'il  laifîa  cette  horri- 
ble Religion  à  fa  poflerité  ,  &  qu'elle  y  lUt  retenue  jufques  au  tems  de 
l'Empereur  Adrien  ,   qui  l'abolit.     Il  rapporte  un  horrible  exemple  dts  A  Catthag^ 
Carthaginois,  qui  ayant  été  contraints  par  Agatocles,  Roi  de  Sicile,  de 
Geiîèr  ces  horribles  facrifices  de  vi6time*  humaines ,    furent  long -tems 
fans  en  offrir,  &  imputèrent  une  grande  calamité,  qui  leur  arriva  ,   à  la 
colère  des  Dieux  pour  l'interruption  de  cts  facrifices  d'hommes.  Et  pour  ^«^«nnius 
expier  leur  négligence ,  ils  facrifierent  pour  une  feule  fois  deux  cens  en  -  SlaniTum 
fans  des  plus  nobles  familles  de  la  ville.  ubifuprà. 

Porphyre,  dans  fes  livres ,  où  il  prouve  qu'on  ne  devroit  point  man- a  sahminc. 
ger,  ni  facrifier  d'animaux,  en  rapporte  aufîi  d'effroyables  exemples.  Il  ^orphyr. 
dit ,  en  parlant  de  ce  facrifice  des  Salaminiens ,  dont  Laitance  nous  a  dé-  ^Î-^J'^' 
ja  parlé ,   qu'on  offroit  une  viâime  humaine  à  Agraulus ,   fils  de  Ce-  -^Ju^Sv 
crops  ,   &  de  la  Nymphe  Agraulide  ,   Se  qu'enfuite  ce  facrifice  fe  fit  à  «xo^î^c. 
l'honneur  de  Diomede.    On  faifoit  faire  trois  fois  le  tour  de  P Autel  an  jeune 
homme  ^    qui  devait  être  immolé ,    après  cela  le  Sacrificateur  lui  donnait  d'une 
■pique  dans  l'efiomac ,  fuis  on  le  bruloit  fur  nn  bûcher .  Dans  la  ville  d'^Heliopolis  idem  ibî- 
en  Eçypte,  on  fkcriftoit  des  hommes  à  ?unûn.  On  choififfoit  les  hommes^  &  on  les  'l^™.-  ^,. 

'V^  .  ,  /^  ■       ^    ^    ri       I  i  I  ■        •>         I  r  Hehopohs 

exammott  avec  les  mêmes  cérémonies  ,    c^  \elon  les  mêmes  règles  qu'on  ohfervoit ,  d'Egypte. 
quand  on  choijtjfoit  des  veaux  four  le  facrifice  ,  afin  d^y  trouver  les  mêmes  mar- 
ques,  qui  dévoient  être  dans  les  bêtes  propres  pour  t^ Autel:  on  en  immolait  trois 
en  un  jour.     Mais  Manethon  dit  que  le  Roi  Amofis  ord.onna  qu'on  mettroiten  la 
place  trois  images  de  cire  ,    #  qu'ion  ne  facrifieroit  plus  d'hommes.     Peut-être 
cela  eff-il  moins  étonnant  de  ces  nations  barbares.     Mais  il  eft  furpre- 
nant  que  les  Grecs,  qui  fe  font  toujours  piquez  de  politeffe,  foient  tom- 
bez dans  une  fi  horrible  barbarie.     Dans  les  lies  de  Chios  ^  &  de  Tenedos ,  ibidem âpod 
on  de'ehiroit  un  homme  à  l'honneur  de  Bacchus  Omadius  ,    comme  le  rapporte  ^.  c.  lé/  ' 
Svelpis  Caryflius  s  &  Apollodore  dit  qu''à  Lacedemone  on  facrifoit  un  homme  à  îJ'^p-Evaag, 
Mars.  C'eil  le  même  Porphyre  qui  nous  l'apprend.  Etmêraeilailu.re,fur  Dansiesnes 
le  témoignage  de  PaI]asHiii:orien,f«tf  jufques  au  tems  de  P  Empereur  Adrien  ^  deSiSaî 
les  facrifices  d'hommes  étaient  or  dÀn  air  es  par  toute  la  terre,  fufqms  à  ce  tems-là^ 
on  facrifion  à  Laodicée  de  Syrie  une  vierge  à  l'honneur  de  Minerve  j  les  Duiva- 
tiens  ,   peuples  d"^ Arabie  ,  facrifioienî  tous  les^ans  un  jeune  gardon  fitr  l'Autsl , 
qui  leur  tenait  lieu  de  fimulacre  ,    &  V enfeveli foient  après  P avoir  immolé  ^  ^ 
même  les  Grecs  ,  quand  ils  allaient  combattre^  efayoient  d'appaifer  les  Dieux  par 
du  faitg  humain.    Ce  fut  Adrien  qui  abolit  tous  ces  facrifices. 
-  Les  Romains  font  ceux  chez  qui  l'on  en  a  moins  vu.  Cependant -on  j 
en  trouve  des  exemples.  Plutarque  nous  en  rapporte  un  confiderable.  Une  Qusfiîoneç, 
Vierge  Velbile  allant  à  cheval  fut  frapée  d'un  coup  de  foudre  &romba,en  ^°'"^'-Qt^*'- 
-tombant  {es  parties  naturelles  furent  découvertes.  Les  devins  confuîtez  ré-  a  Rome 
pondirent  que  bien-tôt  quelque  chofe  paroîtroit ,   qui  feroit  honteux  au™^'^'^* 
corps  ôc  à  la  Rel'gion  des  Veiiales.    En  effet  on  découvrit  bien-tôt  trois 
Vellales  ,   qui  avoient  violé  les  loix  de  l'honneur  ,  &  de  leur  Religion, 
On  châtia  les  Veftales  du  fupplice  ordin;ifre:  l'on  confulta'en  fuite  iesli- 
^art.  IV.  Hhhhh  Yies 


794.  HISTOIRE  DES  DOGM  ES 

vres  des  Sibylles  fur  cet  accident,  qu'on  regardoit  comme  un  proJige  y 
&  l'on  trouva  dans  ces  livres  qu'il  faloit  facrifier  aux  Malins  efprits  deux 
hommes  de  nation  Grecque,  ôc  deux  Gaulois ,  &  les  enterrer  vifs  fur  le 
lieu,  où  l'accident  étoii; arrivé ,  ce  qui  fut  fait. 
jj^nskPc-      Enfin  Jofeph  Acolla ,  dans  fon  Hilloire  naturelle  des  Indes,   nous  ap- 
iou,& dans  prend  que  le  Démon  avoit  infpiré  cette  fureur  aux  peuples  de  l'Amérique,. 
leMexique.  g^  même  l'avoit  pouflee  à  un.excez  épouvantable.     Dans  les  maladies  de 
Hiftoire  des  l'Inqua,  Roi  du  Perou ,  dans  les  guerres,  &  pour  le  fuccez  de  fesaffai- 
indesiib. s.  res,  les  Pcruvicns  fiicrifîoient  ju^ques  à  dix  entàns,  de  quatre  à  fîx  i.ns, 
&  dans  le  jour  de  la  cérémonie  du  couronnement  de  ce  Prince,  ilsfacri- 
fioient  jufques  à  deux  cens  enfans ,  de  quatre  à  dix  ans  :    quand  lîn  père 
étoit.rralade,  ils  facri£oient  fon  fils  au  Soleil',,  ou  au  Firaçocha,   en  le 
priant  qu'il  fe  contentât  du  fils,  &  qu'il  épargnât  le  père.     Les  Mexi- 
quains  ont  fLirpalTé  toutes  les  autres  nations  dans  cette  barbarie. 
Sacrifices  H  ^^  vrai  ^u'ils  ne  facrifioient  que  les  prifonniers  de  guerre  ,  qu'ils 

des  Mexi-    avoicut  pris ,  êc  non  leurs  propres  enfans ,  comme  les  Péruviens.     Ilsfai- 
^^^"""       foient  coucher  cts  miferables  viétimes  fur  le  dos ,  fur  une  pierre  aiguë  6c 
tranchante,  ils  leur  ouvroient  l'eftoraac,  leur  arrachoient  le  cœur,  ôcle 
montroient  au  Soleil  tout  fumant,  ôc  rouloient  le  corps  le  long  des  de- 
grez  du  Temple.  Ils  y  revenoient  fouvent,  6c  ne  facrifioient  jamais  moins 
que  quarante  &  cinquante  de  ces  miferables  ,   &  fbuvent  cela  alloit  juf- 
ques à  pkdleurs  centaines.     Les  Efpagnols  ont  reflenti  quelquefois  les 
efrets  de  cette  fureur.     Ils  virent  de  leurs  yeux  un  foir  facrifier  foixante, 
&  dix  de  leurs  foldats  prifonniers  de  guerre.  Et  ils  trouvèrent  écrits  dan^ 
vh\  fuprà.    une  chambre  ces  mots.     Ici  fut  prifonmer  un  tel  malheureux  avec  [es  corn- 
^^P;  ^2-      pagnons ,  e^ue  ceux  de  Tercufco  orit  Jasnfie.     Jofeph  Acofta  rapporte  un  fait 
étrange,  qu'jl  dit  pourtant  être  véritable,  qu'un  de  ces  prifonniers  Efpa- 
gnols, ayant  l'eflomac  ouvert,  &  le  cœur  arraché,   le  corps  fajis  cœur 
roula  en  bas  aux  pieds  d'autres  Efpagnols,  qui  étoient  fpeâ:ateurs,   fic 
prononça  en  mourant  ces  paroles ,  Chevaliers ,   ils  m'ont  tue'.     Les  Efpa- 
gnols le  leur  ont  bien  rendu  avec  ufure ,  par  les  cruautez  inouïes ,  qu'ils 
ont  exercées  fur  ces  miferables  peuples.     En  quoi  ils  font  plus  inexcufà- 
bles  que  les  Indiens ,,  qui  faifoient  ces  barbares  facrifices  d'hommes ,  par 
necefiité ,  par  Religion ,  6c  pour  obéir  à  une  tyrannie  du  Démon ,  de  la- 
quelle eux-mêmes  avpient  horreur,   &  dont  ils  étoient  las.     Mais  c'eft 
une  chofc  prodigieufe  que  des  Chrétiens,   contre  les  principes  de  leur 
Religion,  puifieiit  de  gayeté  de  cœur  facrifier  tant  de  miUions  d'hommes 
à  leur  avarice ,  Ôc  à  leur  barbarie.     Celui  qui  veut  être  inflruit  du  détail 
de  ces~  cruautez ,  n'a  qu'à  lire  le  livre  de  Bartholomeo  de  las  Cafas,   qui 
en, doit  bien  être  crû,  puifqu'ilétoit  EvêqueEfpagnolkii-même,  Jecon- 
clus  cet  article  du  facrifice  de  viétimes  humaines ,  par  ces  belles  paroles  ^ 
que  Sihus  fait  dire  à  Arailce,  femme  d'Annibal,  comme  on  alloit  facri" 
£er  fon  fils  Afpar.. 


Qm- 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  Tart.lY.  795 

Qm(&  porrb  h^c  pietas  delnha  cifpergere  tabe?  Siliu$ 

Heu  prima  fcekrftm  cauÇa  mortalibus  Agris  corum  ^alf '" 

TSlaturam  nefcire  Deum  \  f^fla  ite  precart  cakera. 

Thnrepioj  didif^ue  feros  avertite  ritPts. 
Mite  &  cognatum  efi  hommi  T>em. 

Après  les  hommes  viennent  les  bêtes,  6c  entre  les  bêtes  les  bœufs, les  ^"  bœufs, 
agneaux  ôc  les  moutons.     Encore  que  l'on  offrît  toutes  .fortes  de  vid:i- tons.b^ïï' 
mes  aux  faux  Dieux ,   il   eft  pourtant  vrai  que  ces  trois  fortes  de  bêtes  ,^  chèvres, 
que  Dieu  avoit  choifies  pour  foi,   le  bœuf,  le  mouton,   &  la  chèvre,  fexts  aux  ' 
étoient  prefque  les  feules  que  l'on  ofFroit  ordinairement  aux  Idoles  :  nous  ^^"*  Cieux, 
avons  vu  qu'on  n'offroit  point  d'autres  victimes  dans  le  Temple  de  la 
Déefl'e  de  Syrie,  dont  Lucien  nous  parle.     Les  bêtes qu^on  immole^  dit-il, 
font  des  taureaux ^  des  vaches,  des  brebis ^  &  des  chèvres  ^    mais  on  n'y  facri- 
fie  jamais  de  pourceau  ^  (^mi-que  quelques-uns  crojent  que  ce  n'efl  point  par  abo- 
mination,^ mais  par  refpeU,     Pline  appelle  les  hœuisopima  &  lamijjîma  Deo-  Lib.g.  4.  j^ 
rum  placatio ,  parce  que  c'étoit  la  plus  ordinaire  viétime,     Homère  a  ex- 
trêmement aimé  les  defcriptions  des  facrifices,  ce  qui  fait  qu'Ariilophane  ^"  vefpis, 
lui  a  donné  le  nom  de  Cp/Aoôurvjç,  amateur  de  facrifices  ^  on  en  voit  dans  le 
premier,  dans  le  fécond,  dans  le  huitième  de  l'Iliade,  dans  letroinéme, 
,ôc  le  neuvième  del'Odyffée,  dedans  plufieurs  autres  lieux:  Mais  par  tout 
il  fait  facrijfier  des  bœufs ,  ou  des  moutons.  On  facrifioit  le  bœuf  prefque 
.à  tous  les  Dieux. 

TaurumlSJ^ptHm^tamnnttibiiptïlcheTApolls,  ^neid,  vk, 

gil.  3.  y.  15. 

<On  offroit  une  vacheà  Proferpinc^ 

Enfe  ferit  fierilémque  tibi  Trofer^inii  vaccant.  .«neid.r. 

Après  le  bœuf^  il  n'y  avoit  gueres  de  bêtes,  qu'ils  facrifiaOent  davan-  onfjcnfioit 
îage  que  le  pourceau,  qui  étoit  l'abomination  des  Juifs ,  ôc  de  leurs  Au- foute"bête! 
tels.     On  facrifioit  une  truye  àCerés,  à  caufe  que  cet  animai  efi;  enne-  Le  pour- 

CC3H. 

mi  des  bleds. 

Prima  Ceres  avid<zgamfa  efi  fanguinepor ex.  OvideFâft 

On  facrifioit  un  pourceau  à  la  Terre , 

Tellmem  porco  ^  Sfivanumla5îepiabant.  lib.  ^z. 

îl  y  en  a  qui  veulent  que  dans  ce  paflage  d'Horace  on  iife  porca,  &  qui 
diiënt  que  c'étoit  une  truye  qu'on  offroit  à  la  Terre.  En  efiet  Arnobe 
le  dit  ;  Telluri  matri  ingens  immolatur  fcropha  fœta.  Ce  paflage  d'Horace 
•dit  qu'on  offi-oit  du  kit  aux  Sylvains,  mais  on  leur  facrifioit  auiîi  des  pour- 
ceaux. 

Hhhhh  &  C^dë" 


Epift.  I, 


796  H  I  S  T  O  I  R  E  D  E  S   D  O  G  M  E  S 

juvciwl.  Cddere  Syhano  forcHm  quadrante  lavari. 

Satyr.   6.  V. 

On  offioit  le  même  animal  à  celle  que  les  Romains  appellbient  la  bonne 
Décile. 
juvenai.  Aî(^He  boMm  tenerA  pUcant  abdomine  porcA,] 

^tyt.  3.  V. 

1».  ,         « 

Il  y  avoiE  des  Temples^   &  àts  Dieux,   qui  n'euflent  pu  fouffrir  ces 

offirandes.  Lucien  nous  a  dit  qu'on  n'offroit  point  de  pourceau  à  la  Déef- 
fe  àe  Syrie.  Ce  qui  fans  doute  leur  venoit  àcs  Juifs  leurs  voifins.  Il  y 
avoit  un  Temple  de  Jupiter  dans  la  Myfie  ,  oii  il  n'étoit  pas  permis  de 
tuer,  ni  de  manger  du  pourceau. 

11  femble  que  le  Démon  ait  quelquefois  imité  k  divinité ,  &  d'autrefois 

Le  Akii,  qy'ji  ^ii;  pj-js  à  tâche  de  lui  être  contraire.  Le  chien  n'étoit  pas  moins  en 
abomination  pour  les  facrifices  des  Juifs,  que  le  pourceau.  Et  Dieu  le 
dit  en  termes  qui  expriment  un  même  degré  d'horreur,  pour  ces  deux  ani- 
maux. Celui  qui  facrifie  une  brebis ,  efi  comme  celui  e^ni  couperait  le  cou  à  un 
chien  j  &  celui  cjui  offre  un  gâteau  ^.  comme  celui  qui  offrirait  le  fang  d'un  pour- 
ceau.  Cependant  le  chien,  auffi  bien  que  le  pourceau,  étoit une  viélime 
affez  ordinaire  fur  les  Autels  du  Démon. 

Plutarque  nous  apprend  qu'on  fàcrifioit  un  chien  à  la  DéefTe  Gcnita 
Mana ,  qui  avoit  la  furintendance  des  enfantemens ,  que  les  Argiens  fa.- 

Qpcift.        crifîoient  la  même  bête j  à  la  DéefTe  Ilithya  ,  qui  préfidoit  aufîî  fur. les  ac' 

Eom.  52.  couchemens  >  6c  que  les  Grecs  facrifioient  un  chien  à  Proferpine.  Les 
Romains  en  facrifioient  auffi  dans  les  Lupercales.  C'étoit  une  fête  qui- 
fe  celebroit  au  mois  de  Février,  pour  la  purification  de  la  ville.  Dans  cet- 
te fête  des  hommes  nus  ,  'comme  des  infenfez,  courericnt  dans  les  rues, 
frapoient  de  courroyes  ,  qu'ils  portoient  dans  leurs  mains  ,  tous  ceux  qui 
fe  rencontroient.  Durant  douze  joui-s  on  faifoit  des  facrifices  propitia- 
toires pour  les  morts ,  âc  l'on  repurgeoit  la  ville  de  Rome ,  par  des  facri- 
fices, par  le  feu,  &  par  l'eau,  &  l'un  de  ces  facrifices  [de  purification 

Tiut  Quift.  c'étoit  celui  du  chien.  On  peut  trouver  étrange  ce  que  Plutarque  nous 
apprend  à  ce  fujet.  Le  chien  eft  un  des  plus  fales  des  animaux,  6c  il,  a 
toujours  été  Pembleme  de  l'impureté.  Cependant  cet  Auteur  nous  dit , 
prefque  tous  les  Grecs  univerfellement  immolent  un  chien ,  dans  leurs  facrifices  de 
purification  ,  jufquâ  ce  jourd'hui  s  Ils  portent  à  Troferpine ,  entr' autres  facrifices 
de  purification ,  de  petits  chiens.  Et  ils  effuyent  tout  à  Pentour  avec  de  petits 
chiens ,  les  hommes  qui  ont  befoin  d'hêtre  purifiez. 

în  Lâconi-  Paufanias  nous  apprend  que  les  Lacedemoniens  làcrifioient  au  Diea 
Mars  un  petit  chien,  ettimant  que  cette  bête,  qui  ell  privée,  &  cepen- 
dant très  courageufe,  devoit  être  agréable  à  ce  Dieu  delaguerre.  Enfia 
les  Sabéens ,  6c  les  Thraces ,  facrifioient  des  chiens  à  Hécate» 

©^  Exta  canum  Trivia  vidi  libare  Sabacs  ^ 

Et  quicumque  tuas  accolit  iy£me  niveSo 

j^âsjç^        L'âJie  eft  auffi  un  animal,  qui  paroit  bien  peu  propre  au  facrifice.    Ce.- 


R,9m.  6g. 


as, 


ET  DES  CU.LTES  DE  L'EGLISE.  Part,  IV.  797 

pendant  nous  avons  vu  dans  le  chapitre  de  Bahal-Pehor,  qu'on  le  facri- 
£oit  à  Priape  pour  une  fort  fale  raifon. 

Ct&ditttr  &  rigido  cufiodl  rmis  afellus.  O^de  Faft 

I.    V.     34a. 

Pindare  dit  que  les  Hyperboréens  ofFroiffnt  à  Apollon  des   hécatombes  Hndarus  ia 
d'ânes.  -  ^'y^^"*- 

ù^mikHt''  fceAÔwv  v'h.ki  ràç  ovwu  k^ciTÔiJ:Ç>ciç% 

Pour  ce  qui  eft  du  cheval  ,Sil  y  a  une  raifon  évidente  pourquoi  on  lefacri-  Le  cheval, 
fioit  à  Mars.  Le  cheval  eft  ranimai  de  la  guerre  ,&  Mars  en  eftleDieu, 
On  peut  voir  là-deffus  Plutarque  dans  fes  Queflions  Romaines.  Il  nous  Q.u«ft.  ?7, 
dit  que  tous  les  ans  le  13.  de  Décembre  on  facrifioit  à  Mars  un  cheval, 
auquel  on  coupoit  la  queue ,  on  la  portoit  au  Temple ,  appelle  %egia. 
Et  deux  troupes  de  gens,  l'une  qui  venoit  de  la  Rue  facrée ,  l'autre  de 
la  Rue  Sahuria ,  combattoient  à  qui  en  auroit  la  tête.  Les  Perfes  facri- 
fioient  auffi  le  cheval  au  Soleil. 

,      Plaçât  equo-  Perjîi  radiis  hyperiona  cinEinm,^  Ovid; 

Les  Scythes ,  les  Maflàgetes  ,  faifoient  auffi  la  même  chofe,   félon  cessraboiib; 
qu'en  rapportent  Strabon  ôc  Hérodote.     C'étoit  à  Mars  que  les  Scy-  "Herodoti. 
thés  imraoloient  le  cheval ,  &  ils  adoroient  ce  Dieu  fous  la  figure  d'un  276.''^'  ^' 
poignard ,  comme  nous  l'apprend  Hérodote  dans  le  même  lieu. 

Le  bouc  étoit  principalement  deftiné  pour  les  facrifices  de  Bacchus.     Le  bouc. 

\'  .  .  .  Baccho  capsr  omnibHS  aris  virgiL_ 

Ctzditur ,  &  V  et  ère  s  ineunt  profcenia  Indi.  mm^^'^ 

Ergo  rite  fuum  Baccho  dicemus  honorem' 
Carminihus  patriis  UncéÇque  dr  liba  fer  émus  ^ 
Et  duUm  cornu  ftabit  facer  hircus  ad  aram". 

On  en  offiioit  pourtant  aux  autres  Dieux.  Les  Lacedemqniens  avoient  une  Pauranîas  iE> 
Junon  qu'ils  appelloient  sy£gophaga ,  mange-chevre,  à  laquelle  ils  facri  fioient  trcheviS 
des  chèvres.     On  offioit  auffi  une  chèvre  à  Efculape,    Dieu  des  Méde- 
cins, &  delafants. 

Pour  ce  qui  eft  du  bélier,  du  mouton,  Ssdela  brebis,  nons  avons  dé- 
jà dit  que  c'étoit  les  viélimes  les  plus  ordinaires  fur  les  Autels.     Il  y  en  a 
même  qui  croyent  que  le  mot  ariesy  qui  fignifie  bélier,  vient d'<^m ,  Au-  ifi«îor- 1*- 
tels,     ^ries  matlaî^r  ad  aroa. 

L'on  ofFroit  auffi  des  oi féaux  aux  Dieux.     La  célèbre  Hiftoire  de  laphtoîn 
mort  de  Socrate,  nous  apprendroit  que  l'on  facrifioit  un  coq  à  Efculape,  P^^idone. 
quand  nous  ne  l'apprendrions  pas  d'ailleurs.     Ce  Philofophe,  prêt  à  ren- piifeV  d'en- 
dre  l'ame ,  après  avoir  bu  la  ciguë ,  s'avifa  de  dire  à  fon  ami  qu'il  fe  fou-  "^  ^"  oi- 
vint  de  payer  un  coq  à  Efculape. 

On  facrifioit  auffi  le  coq  à  l'honneur  de  la  Déefle  de  la  nuit,  félon  ces  Lecoqi- 
¥er&  d'Ovide , 

Hhhhh  i  'J^Bi 


798  HISTOIRE  DES   DOGMES 

NoUi  DciC  noBis  cr/flatus  uclitur  aies , 

Qi^ad  tipidnm  vigili  provocat  ore  diem. 

piutarqr.e.  I.      Lcs  Egyptiens  fâcrifioient  à  Anubis  un  coq  blanc,  bzï  Hermanubis  un 
om"^"^^  ^  ^°^  couleur  de  lafran.  * 

incoiin-  Paufanias  nous  apprend  que  les  Trezeniens  appaifoient  par  le  facrifice 
Uiiaçis.  d'un  coq,  le  vent  AtVicus ,  qui  gâtoit  leurs  vignes,.  Scieurs  bleds.  Cela 
fe  faiioit  avec  cette  cérémonie.  Deux  hommes  prenaient  un  coq  ^  dont  Us  ai- 
les étaient  blanches  ^  &  chacun  le  prenant  par  une  aile  ^  ils  le  déchiraient.  '^Puis 
chacun  d'eux  tenant  en  fa  main  la  partie  ducoq  ^qui  lai  était  demeurée  ^  ilsfai- 
foient  le  tour  des  vignes  en  courant^  puis  étant  revenus  au  lieu  d^où  tls  étaient 
partis  ^  tls  enterr oient  le  coq. 

Les  Egyptiens  fâcrifioient  des  oyes  à  l'honneur  d'Ifis  ,  à  ce  que  dit 
în  Euierpc.  f^gj-odote.     Athénée  dit  que  les  Phéniciens  fâcrifioient  àfs,  cailles  à  Her- 
cule. ^  , 
ç^Lisftion,         Il  efl  fort  incertain  fi  l'on  a  facrifié  des  poifibns.    Plutarque  le  nîe  ab- 
touchant  les  folument ,  &  dit  qu'il  n'y  a  aucun  poilfon,   qui  [oit  propre  au  facrifice  y  ni 

qui  put  être  préjente  aux  Dieux. 
sympofiâ-        Cependant  Athénée  dit  quelque  part,  que  les  Bœtiens  fâcrifioient*  aux 
Màv  Dieux  certaines  anguilles,  qu'ils  appelloient  .^t'/^/^^.f,   du  Lac  Copaïs.f 

<Juxft.  8.     qu'ils  les  couronnoient  comme  des  viétimes,  &  les  couvroient  de  cette 
Athenxus.    farine  falée ,   que  les  Latins  appelloient  mola  falfa.     Et  il  rapporte  d'An- 
1  •  7'C.  13.  j.jgQj-^,^j5  Caryftius,  que  les  pêcheurs  ont  accoutumé  de  facrifier  "à  Nep- 
tune le  plus  grand  des   Thons  qu'ils  prenent,   ôc  appellent  ce  facrifice 
Thjmea. 

il  eft  certain  qu'ils  offroient  aufiî  à  leurs  Dieux  des  chofes  inaaiméeSj 
tantféches,  que  liquides.    ]Par  exemple  du  lait , 

.  .  .  Sjlvoiîum  laBe  piabant. 

-du  bled  êcde  la  farine.  Deos  fruge  coU  &  mola  fdfa  fuppîicariinfihuit  Numa 
iA).u.c.2,  Tompilius^  dit  Pline.     Cette  Mole  falée  cil  une  chofe  bien  célèbre  dans 
les  facrifices  des  Payens:  les  Grecs  l'appelîoients'Aâ:/  ^  Homère  8 ao^utû;/- 
c'étoit  de  la  farine  d'orge  mêlée  avec  du  fel,  dont  on  faifoit  afperfion  fur 
la  viélime.  Mais  nous  en  parlerons  bien-tôt.  Ils  offroient  du  vin ,  de  l'hui- 
le ,  de  l'encens ,  des  fleurs ,    des  fruits ,   c'eil  -  à  -  dire  que  toutes  chofes 
Vide  vof-    avoient  leur  ufage  dans  les  facrifices.     Ils  offroient  auflî  des  gâteaux  de 
^f^J'^'^'^^diverfes  efpeces,  les  Grecs  lés  appelloient  Tfô-^ava  ^  6c  il  n'y  avoit  guère  de 
49.  &"  Stuc-  facrifices  (ans  ces  gâteaux ,  que  les  Romains  appelloient  liba:     Ils  en  of- 
Akxîncfer   fr^ï^nt  uue  partie  aux  Dieux,  &;  le  refte  fe  imingeoit  dans  le  feftin,  qui 
ab  Aiexan-  fuivoit  le  facrifice. 

dro.  lib,   a, 

C.   22,  ^  ■ 

..  .  .  .  Et  adorea  liba 
Ter  herbam  fubjieiunt  epulis. 

*  ^  Voici  comme  Caton  dépeint  la  compofition  de  ces  gâteaux.     Cafeum  be- 

ne  ters  in  mort  aria  ,    tibi  bene-triveris  farin&  fUgincA  libram  admifceto  ^  aut  fl 

voies 


ET  DES  CULTES  DE  UEGLISE.  P^r^.IV.  799 

voles  tenerius  effe  ^  felibram  jimihginis  folum  eodem  tndito  permiCcetéc^He  cum 
eafeo  hene  ,  in  de  favum  faciîo  ,  &  folia  fubdito  in  fur  no  calido  ,  ea  co^jhiîo  leviter. 
Trenez^  dn  fromage  ,  &  le  broyez^  bien  dans  un  mortier  ,  mêlez..y  me  livre  de 
farine  de  fegle  ^  on  Ji  vous  le  voulez^  pins  délicat ,  ajoutez^  une  demi  ~  livre  de  fî~ 
ne  fleur  de  farine  de  froment ,  &  les  pétriffez  bien  enfemble,  faites  vos  gâteaux, 
mettez,  des  feuilles  defous ,  &  les  faites  cuire  doucement  dans  un  four  chaud.  Ou- 
tre le  fromage  il  femble  qu'on  y  mettoitdumiel,  au  moins  dans  ceux  que 
l'on  ofFroit  à  Bacchus ,  car  Ovide  dit 

1s(omine  ab  auUoris  ducunt  libamina  nomen  :  Faft.  \, 

LibÀcjue  quod  fanBis   pars  datur  inde  focis  : 

Liba  Deo  fiunt  fuccis  quia  dulcibus  idem. 

Gaudet  ^  &  a  Baccho  mella  reperta  ferunt. 
Il  prétend  que  Bacchuseft  le  premier  qui  a  enfeigné  aux  hommes  à  facrifier. 
Antetniïsortus  ar&fine  honore  fuerunt .  Et  de  là  vient  que  les //^^,  ou  libami- 
»^,  ont  tiré  leur  nom,  deZ/^fy,  l'un  des  noms  de  Bacchus.  Et  parce  que  Bac- 
chus  avoit  auffi  découvert  le  miel,  on  en  mêloit  dans  les  gâteaux  des  fa- 
crifices.  Mais  cela  efl  affez  connu,  outre  que  nous  avons  encore  à  en 
dire  quelque  chofe  en  parlant  des  cérémonies  des  facrifices.  C'eft  pour- 
quoi nous  finirons  ici  l'article  de  la  matière  des  facrifices ,  pour  parler  des 
cérémonies  qu'on  y  obfervoit. 


CHAPITRE      XL 
jyes  ceremenics  ohfervées  dans  les  facrifices > 

LA  première  de  ces  cérémonies,  c'étoit  le  choix  des  viélimes.  On 
les  choififibit  entre  toutes,'  ôc  il  faloit^que  ce  fuflent  les  plus  belles 
bêtes  du  troupeau.  Il  eft  vrai  ,que  Tertullien  leur  reproche ,  que 
s'il  y  avoit  quelque  bête  rogneufè ,  8c  malade ,  c'étoit  celle  qu'ils  ofFroient 
aux  Dieux'.  Mais  c'étoit  une  corruption,  qui  n'étoit  pas  autorifée  parla 
Religion ,  au  contraire  elle  vouloit  qu'on  offiît  ce  que  Ton  avoit  de 
meilleur* 

•yKaBant  kUas  de  more  bidentes  ,  ^"f$.  "^'  ' 

Légifère  Cereri. 

Feftus  dît  qu'on  les  appelloit  egregia^  tamquam  agrège  fekSf a. 

Après  avoir  choifi  les  viétimes,  on  les  amenoit  à  l'Autel ,  &:  il  femble  que 
cela  fe  faifoit  par  ces  gens  ,  qui  s'appelloient  p^pte  ,  &  viBimarii ,  dont 
nous  avons  parlé.  Cependant  Ciceron  èc  Pline  difènt,  qu'on  choififlbit 
des  gens,  qui  étoient  particulièrement  deflinez  à  cela,  6c  qu'on  les  éli- 
foit  à  la  pluralité  des  voix,  quand  le  Cenfeur  faifoit  la  revûë  du  peuple. 
Cùm  cenfor  populum  luftraret  bonis  ominibus  ,  ijui  hochas  ducerent  eligebantur,  cicero  s. 
C^r   publicis    Infiris    etiam   nomina    ducentium    vi^imas  projpera    eligemus,^^''^'^^,^^^' 

Dan8c3g"V '*•' 


/^ 


800         H  I  s  T  O  I  R  E  D  E  s  D  O  G  M  E  s 

Dans  les  facri'fices  folennels  on'accompagnoit  la  viétime  juiques  à   l'Au- 
tel, avec  des  flûtes,  des  hautbois,  &  divers  autres  inftrumens  de  mufi- 
que.     La  vidiine  étoit  couronnée  de  fleurs  ,  avoit  le  front  6c  les  cor- 
^  nés  dorées. 

virc.'Encid.  Et  ftattiam  ant€  aras  curvata  froiîte  JHvenctim. 

C'eft  pourquoi  Juvenal  dit  qu'elles  avoient  le  front  brillant^ 

Sîtyi.  12,  s.  gcd  procul  extenfnm  petulam  cjptath  hoïiia  funem  ^ 

Tarpeio  fervata  fovi ,  fromémqtie  cornfcat. 

Et  ailleurs, 

Tarpemm  limen  adora, 
Sâtyr.  6,  47'  Tronus  &  auratam  fumni  c&âe  juvencam.^ 

Si  tihi  contigertt  capitis  matrona  pudici. 


Lib.  i6« 

c.  43. 


On  peignoit  auffi  les  cornes  de  diverfes  couleurs.  Car  Pline ,  en  parlant 
.du  luxe  de  fon  tems,  parle  de  cette  coutume  :  Tingi  animdium  comua^ 
Àmtes  fecari ,  fgntim  ebore  diflinguL  Encore  qu'il  ne  dife  pas  précifément^j 
que  ces  cornes  peintes  fufîent  des  animaux ,  qu'on  alloitlacrifîer,  cela  efi 
pourtant  apparent.  On  couronnoit  l&s  vidimes  de  verdure ,  Se  de  bran- 
■ches  prifes  des  arbres  confàcrez  au  Dieu  ,  auquel  on  les  vouloit  facrifier. 
Quand  la  vi6time  étoit  à  l'Autel ,  les  facrifians ,  avant  que  de  la  toucherj 
lavoient  leurs  mains. 

Homère»  %ép-vrsi/«VTû  Is  ezaTCi.-^  au!  êho^vraç  âvsKovTO. 

iliad.  4.  •    ■ 

lis  lavèrent  leurs  fnains  ^  &  prirent  la  mole  faUe .  Il  y  avoit  une -eau  facrëe, 
^^^'  '**  qui  étoit  particulièrement  deftinée  à  cette  cérémonie.  Car  Thucydide 
parle  d'une  eau  ,  dont  il  n' étoit  pas  permis  de  puifer  ^  que  pour  s'' en  laver  les 
mains  ,  dans  les  facrifices.  Et  particulièrement  ceux  qui  avoient  trempé 
leurs  mains  dans  le  fang  humain ,  ne  pouvoient  approcher  des  chofes  fain- 
tes ,  avant  que  de  s'être  lavez.  C'efl  pourquoi  Virgile  fait  dire  à  Enée  par- 
lant à  fon  père. 

z-v!?!?.                 Tu genitor  cape  facra  manu  ^  patriofque  pénates^ 
tJH^e  bello  ex  tanto  digrejfum ,  &  aede  recsnti^ 
AttreUare  nefas  ^  donec  meflumine  vivo 
Ahluero ,  , 


Lavemens 
avant  que 
facrifier 


s  Ceux  qui  dévoient  faire  les  facrifices ,  non  feulement  étoient  obligez  de 
facrifier.  ^^  ^^  lavcr ,  mais  auffi  de  s'y  préparer,  en  s'abflcnanc  de  certaines  viandes ,  ôc 
Abftinence  fouvcot  de  vin ,  par  l'cfpacc  de  plufieurs  jours.  Ordinairemenf  c'étoit  dix 
^de'cer-  jours  ,  ÔC  quelqucfois  wenlt  ■)  puri  menft-ruo  ejie'dicumur  ,  qui  facrorum  caufa 
ti\nts  w'ua.-  toto  menfe  in  c.eren^oniis  fynt  ,  ideft,  puri  funt  certis  rébus  carendo^  dit  Fef- 
tg"  «^ica-  j.^^^    £^  quelques-uns  veulent  que  le  mot  de  cérémonie  .vienne  de  là  ,  «i 


carendo; 


ET  DES  CULTES  DE  TEGLISE.  ParLlY.îoi 

carendo.     Pour  être  admis  aux  mylleres  d'Ifis,  il  s'y  faloit  préparer  par 

une  abftinence  de  vin,  de  chair,  ÔC  de  viandes  délicates,  durant  dix  jours. 

Il/fid  plane  cun^is  arbitris  prxciptt  decem  contmms  iltis  diehus  cibariam  volHpt^-  apu!.  Me- 

tem  coercerem,  neque  ullptm  animal  epm  ç^  invinim  ejjem.     Ils   s'abftenoient  ^^«lo^phofc. 

aufîi  des  femmes.  ^'''*  "' 

Vos  qmque  ahejje  jt^heo ,  difcedito  ah  arts  Tibulfc 

Cm  tulit  hefierna  gaudia  no6le  Venus,  O"  s'abfte- 

Cafiaplacmfipms^c.  î«femS„. 

Jlie  petit  veniam ,  qmties  non  ab'fiinet  uxor  TuvenaL 

■Concfibim  [acris  obfervmdifqm  diebtis.  sat.  6, 

Et  cela  s'apelloit  dans  la  langue  des  Latins  vivere  in  cafio^  àyveveahxi ,  dans 
celle  des  Grecs. 

Avant  que  de  commencer  les  cérémonies  du  facrifice ,  on  faifoit  l'ex-  l'cxcom^ 
communication,  c'cfl-à-dire,  que  l'on  chafîbit  les  profanes ,  6c  ceux  qui '"'^"i^^io" 
étoient  dans  quelque  état,  ou   dans  quelque  coulpe  ,  ou  d'un  fexe,  qui faSfîce!' ^* 
les  rcndoit  incapables  d'affifter  au  fervice  du  Dieu ,  ou  de  la  DéefTe  à  la- 
quelle on  alloit  facrifier.  Feftus  dit  qu'il  y  avoit  de  certains  facrifices ,  oii 
rhuiffier  crioit  à  haute  voix,  Uoflis^  vin^m^mulier^virgo  ^exefto^  que  tout  Qi-îcft.Rom, 
ennemi,  tout  captif,  toute  femme,  6c  toute  fille,  forte.  î- 

Plutarque  ilous  apprend  qu'il  y  avoit  à   Rome  un  Temple  de  Diane ,        '  ^^ 
où  les  femmes  n'entroient  point ,  6c  un  autre  de  la  Déeflè  Leucothea ,  oii 
l'on  ne  laifîbit  point  entrer  de  fervantes.    Que  les  femmes  ne  goûtoient 
point  de  ce  qui  venoit  de  deiTus  le  grand  Autel  d'Hercule.     Enfin  cha- 
cun fait  que  le  héraut  crioit  avant  la  cérémonie ,  procul  efls  prof  mi. 

ProcHl  ô  procul  efie  profam,  *         Virg.^nêid, 

vates,    toîoque  abjijiite  lnca,  '6. 


Et  l'on  ne  doit  pas  douter  que  les  Chrétiens  des  premiers  fîecles,  n'euf-  DePufage 
fent  pris  de  là  leur  coutume  de  faire  fortir  les  Pénitens  ,  les  Catechume-  ^es  prie- 
nes,  6c  les  Energumeoes ,  quand  ils  vouloient  célébrer  le  myftere  de  l'Eu-  fhcrifîccs/* 
chariftie.  •  .  ^îïsKnc 

Quand  Texcommunication  étoit  faite  ,  il  femble  que  l'on  pourfuivoit  de  myfteàis 
par  une  prière  adreffée  à  la  divinité,  que  l'on  fevouloit rendre  favorable.  -^• 
Au  moins  c'eil  ainfî  qu'Homère  nous  décrit  les  cérémonies  du  facrifice , 
qu'Agamemnon  fit  faire  par  Chryfes  ,    pour  appaifer  Apollon.     Exauce  nja  i.  vi^jg 
moi  ^  Apollon  .f  qui  portes  un  arc  d'argent  ^o.     On  voit  la  même  cérémonie  ^^P"- 
obfervée  dans  le  troifiéme  livre  de  la  même  Iliade,  6c  prefquepar  tout, 
oii  ce  Poète  fait  l'Hilloire  de  quelque  facrifice. 

:   Il  y  avoit  une  cérémonie  importante ,  6ç  confiderable ,  dans  les  facrifi-  on  ne  met- 
ces  des  Juifs  j  que  je  ne  trouve  point  dans  ceux  àt^  Payens.   C'elt  qu'en-  n°fm  fur^î 
tre  les  Juifs  avant  qu'on  égorgeât  la  viélime ,  celui  qui  la  préfentoit  met-  tête  de  u 
toit  fa  main  fur  la  tête  de  l'animal,  ^  confeflbit  fes  péchez  ,   en  difant,  mSs'fut 
fai  péché  ^'  f  ai  fait  méchamment  ,  je  me  fuis  rebellé  ,  j'ai  commis  tels  &  tels  l' Autel. 
srimes  y  mais  je  reviens  par  la  repentmce  y  &  f  offre  ce-fte  bête  pour  expiation. 
Part,  IV,  liiii  ~  Par 


8o2  H  1  ST  O  L,R  E   DES  DO  GM  E  S 

Par  cette  aélion  la  tête  de  la  viftime  demeuroit  chargée  des  péchez  de  ce- 
lui, pour  qui  l'on  facrifioit.  Je  nevoi  pas,  dis-je ,  que  Ton  fît  la  même 
choie  entre  les  Payens.  11  eft  vrai  qu'Alexander  ab  Alexandre  nous  dit 
que  le  Prêtre,  avant  que  de  iâcrifier,  fe  confelToit  coupable , témoignoit 
Biei.Genia.  iîi  repentance,  &  demandoit  pardon.  Quin  etiam  obfervatum  invenimus-, 
iib.4.cap.5  7.  f^^  ^j,fi  Y^y^  àïvlnAm  faUnrus  erat  ,  ad  fuam  levandam  culpam  ,  fe  imprimis 
renm  âicere  cUbeat ,  er  nox&  pœn'itere ,  &  fats-ri  admijfnm  ,  VHltumcjHe fummït' 
tere  ^  &  ad  omnem  modeïi'mm  fngere.  Mais  il  ne  marque  pas  que  cette  con-^ 
feiîion  fe  fît  par  celui ,  pour  qui  on  égorgeoit  la  vi6lime. 

Nous  avons  rapporté  une  coutume  des  Egyptiens ,  tirée  d'Hérodote , . 
qui  me  paroît  avoir  bien  plus  de  rapport  avec,  la  cérémonie   des  Juifs. 
G'eft  que  de  toute  viâime  la  tête  étoit  exécrable  ,  non  feulement  ils  ne 
la  mettoient  pas  fur  l'Autel,  ils  ne  vouloientpas  même  la  manger.  Après 
l'avoir  coupée,  ou  ils  la  vendoient  à  des  étrangers, ou Jls  la  jettoient dans 
la  mer.     Il  me  femble  que  cela  pouvoit  venir  de  ce  qu'ils  regardoient  k 
tête  de  la  viélime ,  comme,  chargée  des  péchez  de  la  nation ,  ce  qui  don- 
ne lieu  de  croire  qu'ils  faifoient  quelque  confeffion  fur  cette  tête,  ou  tout 
au  moins,  ils  croy oient  que  fans  confeflion. ,,  tous  les  péchez  du  peuple^ 
décendoient  fur  cette  tête, 
jofeph         Jofeph  Acofta,  dans  fon  Hifloire  naturelle  des  Indes,  dit  que  les  ha- 
Âcofta ,  Hif-  5jt;ans  du  Pérou  fe  confeiïbient ,  avant  que  de  faire  leurs  facrifices.  Mais 

îOire  natu-  ,  ,  r  m  ■     r  i  y  i  r 

îeiie.  Livre  que  l  IncjHci  ^  OU  L  Empereur ,  ne  confejjott  Jes  péchez,  a  aucun  homme ,  mais  feu-" 
j.-xbap.^  2s.  y^e^i  ^^  Soleil^  afin  que  le  Soleil  les  rapportât  au  grand  Dieu  Firacocha  ,  d* 
11  V  avoit  '^^'^^  ^^^  ^^^^  pardonnât.  Apres  fa  confejfion  V.  inqua  fs-  lavait  dans  une  eaucou^ 
auiïî  confef-  rante  ,  en  difmt  ces  paroles  ^  f'ai  dit  mes  péchez^,  an  Soleil^  toi  rivière^  re^oi"- 
chez  avam:^"  ^^"^  î  &  Igs  porte  a  la  mer  ^  afin  qu'ils  ne  reparoijfent  jamais. 

Au  Ijeu  de  la  cérémonie  de  mettre  fa  main  fur  la  tête  de  laviélimejUs^ 
avoient  celle  de  mettre  la  main  fur  l'Autel  ,  en  invoquant  la  divinité. 
MaCI-obe  nous  l'apprend  fort  difi:in6leme(nr.  Multifariam  enim  legimut 
qmd  lit  are  fol  a  non  poffit  oratio ,  nifi  &  is^  qui  Deos  precatur  ^  eîiam  Aran»mA'^- 
nibus  appréhendât.  Et  là-deflus  il  cite  ces  vers  de  Virgile. 


le  facrifice, 
entre  les 
Péruviens- 


iSneid.  4». 


Talibus  oranîem  àiBis  ^  arafque  tenentem 
Audtit  Omnipotens,     .     .     ,.    ,. 


Item, 


.  j  ^  Talibus  orabat  diUis ,  art^fque  tenebat: 

Et  encore  ailleurs,  pour  prendre  les  Dieux  à  témoins ^ 


/Eneld.  12. 


3.ib,  «=, 


Tango  aras  ,  medios  ignés ,  &  numina  teïior. 

Il  rapporte  que,  félon  le  fentiment de  Varron  ,  lemot^r^  vient  d'a^ft; 
parce  que  les  Autels  avoient  des  efpeces  d'<«»/fi-  qu'on  empoignoit.  Apu- 
lée confirme  cette  coutume.  Car  en  dépeignant  Pfyché,  qui  cherche  un 
afyle  contre  les  fureurs  de  Venus ,  il  la  fait  arriver  à  un  Temple  de  Ju» 
non,  de  laquelle  elle  empoigne  les  Autels.    Tune genibm  nixa y  &  manl 


bm- 


C.7. 


ET  DES  CULTES  D'EVE  GLISE.  Part.lV.  803 

eus  aram  tepentem  atnplexa  ,  deterjis  ante  lachrymis ,  fie  adprecatrtr  :  tJH'a'rm 
fovis  germana  &  conjuga  &c.  C'étoit  quelque  chofe  de  femblable  aux  cor- 
nes de  l'Autel  des  holocauftes,  que  l'on  prenoit  quand  on  cherchoit  un 
afyle. 

Quand  les  oraifons  étoient  faites,  on  prenoit  la  mole  falée,  c'étoit,  au 
rapport  d'Eulkthius ,  Commentateur  d'Homerc,  fur  le  troifiéme  de'l'I- 
liade,  de  la  farine  eP orge ,  mêlée  avec  du  fel  ^  dont  on  fatfoit  afperfton  fur  les 
vlUimes  confacréts.  Cette  farine  étoit  légèrement  détrempée  d'eau  ,  non 
:pas  jufques  à  en  compofer  une  pâte,  mais  feulement  pour  donner  quelque 
liaiion  à  la  farine,  &  au  fel.  De  cette  farine  falée  on  faifoit  afperfion  fur 
la  bête  ,  ôc  fur  tout  le  corps.  Cette  cérémonie  étoit  (î  ellèntielle  aux 
facrificels,  qu'on  n'en  faifoit  jamais  fans  cela.  tSHaxime  in  facris  intelli-  Lib 
gitur  falis  auBoritas ,  ejuando  nulla  conficiuntttr  fine  mola  falfa  ^  dit  Pline.  Il 
ell  clair  que  cela  ell  imité  de  la  Loi  de  Dieu  ,  qui  difoit  ,  toute  ablation  ^^  la  mole 
fera  faUe  de  fel .  11  n'eft  rien  plus  connu  que  cette  mole  falée,  &  à  pei-  Smpofition 
ne  eft-il  parlé  de  facrifice  quelque  i^art,  qu'il  ne  foit  fait  mention  de  cet-  ^  ^°"  "^3- 

^Sparge  molam ,  &  fragili  incenàe  hitumine  virg.  Eclog. 

.Lauros»  '  ,  «. 

■Ipfa  mola  ^  manihufque  piis  altaria  juxî'A^  .«neid.  «?.. 

ZJnum  exuta  pedem  ^  vinclis  in  V£sie  recin^a 

Telîatur  &c.  '  ■ 

31s  l'appelloient  aufîî /^//^ /r/^^fx. 

famcjue  dies  infanda  aderat ,  mihifacra  parari^  Yîfg.jEneii 

Et  falfa  fruges  j  ^  circum  t empara  vitt<z, 

Homère  ,  qui  efl  exaét  dans  les  defcriptions  des  facrifîces  ,  n'en  fait  vide  ii^d.a 
•point,  où*  il  ne  marque  l'efrufion  de  cette  farine  falée.   Fcitus  dit  que  le  ^  ^'^^i'^- 
mot  d'immolatio,  qui  iîgnifie  toute  l'aélion  du  facrifice  ,  vient  de  l'efFu- 
fîon  de  la  mole  falée  ,   tant  cette  cérémonie  étoit  effentielle,  puifqa'eile 
a  donné  le  nom  à  tout  le  facrifice. 

Il  y  a  voit  de  certains  Prêtres  entre  les  Romains ,  qui  n'ofoient  manier 
delà  farine,  comme  étoit  leFlamen  Dialis.  On  dit  que  celui-là.  faifoit  l'af- 
perfion  avec  du  fel ,  &  <ie  l'orge  en  grain ,  qui  n'étoit  point  moulue.  Ce- 
la ne  laifToit  pas  de  s'appeller  mola  à  molendo  ,  la  mbulu'è  falée. 

Ovide  dit  que  cette  cérémonie  avoit  une  vertu  particulière  ,  pour  rea- 
jdre  les  Dieux  favorables  aux  hommes. 

^nte  Deos  homini  quod  conciliare  valerët  'Paftot.  \. 

Far  erat  ^  &  puri  lucida  mica  falis , 

Parce  que  c'étoit  le  facrifice  que  les  Anciens  offroient  aux  Dieux,  avant 
gue  l'on  eût  l'ufage  de  leur  immoler  des  vi6times. 
Après  que  la  mole  falée  avoit  été  répandue  fur  la  vidirae  vivante  ,  oxa 

liiii  2i  iai- 


go4        H  I  S  T  O  I  R  E  D  E  S   D  O  G  M  E  S 

faifoit  auffi  une  effufion  de  vin  fur  le  front  de  la  même  bêce  ,  entre  les 
deux  cornes, 

o/id.i-îc-  Admoti  quotïei  1  emplis  âum  vota  facerdos 

'^"^'  7-  Concipit ,  &  fundit  purum  inter  cornu  a  vinum, 

jEaeid.  ^.  QuattHOY  hîc  pùmum  nigrmtei  terga  jnvencos,,. 

Confiitfiit^  fronts jue  infpergitvina  facerdos. 

On  faifoit    ]7^  aillcurs  le  même  Poëtc  dit, 

aaffi  des  li- 


bations de 
vin  fur  I4 
viftime, 


Ipfa  tenens  dextra  pâteram  pulcherrima  Did&^ 
MazU.  ^.  CandentisvaccA  média  inter  corntiaffindit. 

Sur  quoiServius  obferve,  que  l'on  penclioit  la  coupe  pour  faire  cette  e^ 
fufion,  en  tenant  toujours  la  paume  de  la  main  vers  le  ciel,  quand  on  fa-- 
crifioit  aux  Dieux  Celefles.  Mais  qu'on  renverfok  abfolument  ôcla  tafle^ 
&  la  main ,  quand  on-facrifioit  aux  Dieux  des  enfers. 

Cérémonie       Quand  le  viu  avoit  été  verfé  fur  la  tête  de  la  vidime,  oiilui  arrachoit 

du  potrâe  du  poil  du  front,,  6c  on  le  jettoit  dans  le  feu. 

la  victime, 

pour  le  biû-  , ,     .  - 

ier.>  Et  fummas  carpens  média  mter  cornua  fetass 

^•c&xi,  6,  Ignibus  imp.onit  y  facra  libamina  prima^ 

C'étoit  la  coiitumc  des  Grecs ,  auffi  bien  que  des  Romains  j  car  Hômc-^ 
re,  dans  le  troifiéme  de  l'Iliade  ,  décrivant  un  facrifice,  dit,  Atrides  tit- 
rant le  couteai4^  qu'il  avoit  toujours  pendu  au  fourreau  de  fon  épe'e  ^  arracha  des 
poils  de  dejfus  la  tête  des  agneaux.  Er  dans  un  autre  lieu ,  il  dit,  queNeftor, 
ajant  commence' par  la. prière  ,  arracha  du  poil  de  la  tête  de  la  viUime.  ,  d^  le. 
jet  ta  dans  le  feu, 

U  vifôme       Enfin  l'on  venoit  à, égorger  la  viélime.    Il  faloit  qu'elle  fût  debout  en, 

2|oîgéf'dl-  recevant  le  coup. 

bout. . 

virg.iEaeid.  -^^  flatuAm  ante  aras  aurata  fronte  juvencum, , 

i-- 

îckm  Gtcsr  Et'duElm  cornu  jlahit  facer  hircuj  ad^aram. . 

Les  viétimaires  ,  à  qui  appartenoit  la  charge  d'égorger  ,  attendoient  îe 

lignai ,  &  n'ofoient  frapper ,  qu'ils  n'en  reçuflènt  l'ordre.  C'eft  pourquoi 

ils  difoient ,   en  regardant  celui  qui  préfidoit  fur  le  facrifice,  agon  ,    ou  ,. 

Ayuncer-    agone ?  pour  agamne?  fraperai-je  ?  Gvide,  en  parlant  d'une  fête  appellée 

que  îr vie- ^^^'^'^^^^  5  foupçonne  qu'elle  a  pris  fon  nom  de  Vagon  des  viâimai^ 

timaire  at-     rCS. 
îen^Qit. . 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  PartlY.lof 

Nominis  efe  potefi  piccinBus  cAufa  itSHinifier  ,  Faft.  j^ 

Hofiia  cœlitihus  ^uo  feriente  cadit, 
^Ht  calido  jlri^ios  tinclarHS  fangnine  cultros 

Serrer  agatne  rogat  ^  nec  niji  JHJfm  agit, 

C^uaiid  on  facrifîoit  aux  Dieux  du  ciel,  on  rebrouflbit  la  tête  de  la  vidi- 
me  fur  le  dos  ,  aiîn  qu'elle  regardât  le  ciel  ,  pendant  qu'on  l'égorgeoit. 
Mais  fi  le  facrifice  étoit  pour  les  Dieux  des  enfers,  on  lui  baifîbit  la  tête 
vers  k  terre,  comme  le  rapporte  le  Scholiafle  d'Apollonius,  fur  le  pre- 
mier des  Argonautica  ,  ôc  Euflache  ,  Commentateur  d'Homère ,  fur  le 
premier  de  l'Iliade,  en  ces  mots.  Quand  ils  facnfioient  aux  Dieux  Celefies\^.  ' 
ils  tir  oient  le  cou  de  la  bête  en  arrière  ^  afin  quelle  regardât  les  deux.  Et  So' 
fhoclefemhle  établir  c^la.^  quanà,il  àit^  il  l' égorgea  en  le  tirant  en  haut .  Mais, 
quand  tlsfacrifiolentaux-Heros^  ùu  à  quelques  morts  que  ce  fut ,  on  tour  mit  la, 
tête  de  la  vi5iirKe  en  bas-y  pour  Pe'gorger. 

»  Nous  en  fommes  préfentement  à  l'effufjon  6c  à  l'afperjfîon  du  fang.  C'é- 
toit  une  grande  affaire  entre  les  Juifs ,  6c  l'on  peut  dire  que  l'efïufion  & 
l'afperfîon  du  fang,  étoit  k  principale  partie  du  facrifice.  C'étoit  la  céré- 
monie la  plus  propitiatoire,,  le  fang  fera,  propitiation  pour  Pâme  ,  dit  le  Le- 
giflareur..  G'eft  pourquoi ,  pendant  que  l'un  des  Minillres  égorgeoit  k 
vidime,  un  autre  préfentoit  un  vailfeau  ,  dans  lequel  on  recueilloit  foi- 
gneufement  le  fang  , ,  pour  en  fuite  en  faire  afperfion  fur  l'Autel ,  ôc  fur  les 
chofes  qu'on  vouloir  purifier. 

Je  ne.  voi  pas  que  les  Payens,  dans  la  plupart  de  leurs  facriiîces,  iifTent  Nataiis  Co» 
une  fort  grande  confideration  du  fang  des  vidimes.  Il  y  a  même  des  Au-  Soijubii 
teurs  qui  prétendent  que  quand  on  facrifîoit  aux  Dieux  Celefles  ,  l'on  n'a-  cap-  lo- 
voit  aucun  égard  au  fang,  on  le  laifîbit  couler  à  terre  fans  cérémonie,  on  ^'«^ufion 
ne  le  recueilloit  point ,-  on  n'en  faifoit  pas  d'afperfîon.     En  effet  dans  la  l'afpeifiô? 
plupart  des  defcriptions  de  facrifîces ,    que  \ts  Auteurs  Grecs  ôc  Latins,  ^^  fefairou 
tant  Poètes  qu'Hiftoriens,  nous  ont  laiffées,on  ne  trouve  point  qu'il  y  foit  fou'siesVa-^ 
parlé  du  fang,  ni  d'aucune  afperfion  du  fang.  Outre  celles  que  nous  avons  "ifiees, 
tirées  d'Hérodote,  &  d'Homère,  en  voici  encore  deux.  La  première ell 
tirée  du  7,   Livre  des   Antiquitez  Romaines  de  Denys  d'Halicarnafîe. 
5,  Quand  k  pompe  étoit  paflee,  les  Confuls  immoloient  incontinent  \ç.s 
5,  bœufs,  avec  les  Sacrificateurs,  ôc  avec  ceux  qui  étoient  Gonfacrezau 
5,  Minifiere  des  Autels.     Et  cela  fe  fait   avec   les  mêmes  cérémonies , 
5,  qu'entre  nous,     Gar  premièrement  ils  lavent  leurs  mains ,  6c  purifient 
5,  la  viétime  avec  une  afperfion  d'eaux  luftrales.    Ils  répandent  fur  fa  tête 
5,  k  mole  falée,  ils  font  une  prière  ,  puis  ils  ordonnent  aux  viétimaires 
„  d'égorger  la  viétime.     Pendant  cela  quelques-uns  de  ceux  qui  étoient 
55  préfens ,  frapoient  k  viélime  encore  vivante  par  les  temples ,  avec  de^ 
5,  mafTuës  ,.    les  autres  mettoi^nt  deffous  la  bête  des  féaux ,   afin  qu'el- 
„  le  tombât  delTus ,  puis  on  l'écorchoit ,  on  la  coupoit  en  pièces ,  6c  l'on 
3,  prenoit  les  prémices  des  inteftins,  6c  des  autres  membres.  Oncouyroic 
5,  ces  particules  choifies  de  farine  d'orge ,.  ou  de  kmole  falée,  6c  on  i'ap- 
,,  portoit  à  ceux  qui  fervoient  à  l'Autel.    Lefquels  allumant  le  feu  met- 
55  toient  ces  particules  choifies  fur  l'Autel,  6c  faifoient  fur  le  feu,  6c  fur 

liiii  5  55  1© 


5Î 

crifice 


55 


55 
55 


55 

55 


8o6         HISTOIRE   DES   DOGMES 

le  Hiciifice  une  eflFufion  de  vin.,,  Voici  une  autre  defcription  d'un  fa- 
ifice  5  tirée  d'Apollonius  au  8.  de  Ces  Argonautiques.  „  Alors  Ancce 
frapa  d'une  hache  de  cuivre  le  cou  de  l'autre  bœuf ,  ôc  lui  coupa  les  nerfs. 
La  bête  tomba  à  terre  fur  fesdeux  cornes.  Ses  compagnons  incontinent 
regorgèrent,  l'écorcherent,  la  coupèrent  par  quartiers,  &par  pièces, 
6c  fur  tout  les  cuifles  facrées ,  6c  les  ayant  couvertes  de  grailles,  ils  les 
mirent  dans  le  feu  s  ôc  Jafon  fit  delTus  l'afperflon  de  la  mole  fa- 
lée.  5, 

Ni  dans  l'une,  ni  dans  l'autre  de  ces  defcriptions ,  il  n'eft  point  parlé 
du  Gmg,  ni  de  l'afperlion  du  fang.  Cependant  il  y  a  d'autres  paflagesdes 
Anciens,  par  lefquels  il  femble  qu'on  recueilloit  le  fang  des  vidimes ,  6c 
qu'on  en  faifoit  afperfion  fur  l'Autel.  Par  exemple  Lucien  en  fe  raillant 
Lîb.  de  fa-  des  facrifices  ,  les  dépeint  ainfi.  Enfmte  le  Sacrificateur  ouvre  l'efiomac  de 
crificiis.  i^  viâime ,  &  lui  arrachant  les  entrailles^  comme  un  Cyclope ,  il  en  tire  le  cœur. 
Puis  il  arrofe  du  fang  le  tour  de  P Autel.  Kui  to  uly^a  r^  jSw^at^  7r6p/%6wv.  C'eft 
juftement  la  cérémonie,  que  les  Juifs  obfervoient  dans  leurs  facrifices.  Ils 
faifoient  afperfion  du  fang  tout  autour.de  l'Autel.  Il  femblc  auffi  que  Vir- 
gile fait  allufion  à  cette  cérémonie.,  quand  il  dit.. 


iiclog.Y.  .     .     •     '     '     îllius  (tran^ 

S&fe  tener  nofiris  ab  ovtUbus  imbmt  agnm, 

Euftache  fur  Homère  dit  la  même  chofe  ,   qu'ils  appelîoient  le  vaifleau^ 

.    '   où  l'on  recevoit  le  fang  ,   u\'^om  à%b  rs  uiilutoç.   Et  qu'en  fuite  on  verfoit 

le  fang  deflus  l'Autel,  heira  TrpwTOi/  «//xa  ley^o^evoi  tw  /Swju,»  è'i^é%so'\i. 

@a  faifoit       Pour  ce  qui  eft  des  Dieux  Mânes,  6c.de  ceux  des  enfers ,  la  chofe  efl 

fioTdufang,  ^^"^  difficulté.   On  recevoit  le  fang  de  la  vidime  dans  un  vaifleau ,  6c  oa 

•  en  facrifiant  en  faifoit  cfiTufion,  ou  fur  l'Autel,  ou  dans  la  mer.  Apollonius  décrivant 

^f  naux^    "^  facrifice  des  Argonautes  à  Neptune  ,  dit,  ayant fatt  la  prière  il 


7  or 


Lib.  4.  Ar- 
gonaut. 


£Beid.  6. 


De  l'exeo- 

ïiation  de 
la  bête. 


la  viSlime  au  dejjus  de  la  mer^  &  fit  jaillir  le  fang  de  dejfus  la  poupe.  Et  Virgi 
le  ,  dans  la  defcription  d'«  facrifice  ,  que  fit  JEnée  aux  Dieux  infernaux., 
pour  décendre  dans  les  enfers ,  dit  que  l'on  reçût  le  fang  de  la  viâimje 
dans  des  coupes ,  .c'étoit  fans  doute  pour  en  faire  l'efFufion , 

Supponunt  alii  cultros  ^  tepidumque  crmrem 
Sufcipiunt  pateris.. 

Je  trouve  fort  vrai-femblable  que  cette  afperfion  du  fang  ne  fe  faifoit  point 
dans  les  facrifices ,  faits  aux  Dieux  Celeftes;.  Car  je  ne  fai  comment  Ho- 
mère, fi  exa6t  dans  fes  defcriptions ^  -6c  les  autres  Auteurs,  auroient  ou- 
bhé  de  parler  de  cette  cérémonie  fi  importante.  Ceux  qui  ont  dit  que  l'on 
faifoit  afperfion  du  fang  fur  l'Autel,  avoient  vu  faire  cette  cérémonie  dans 
quelques  facrifices  ,  6c  ils  ont  oublié  de  aous  dire  que  cela  ne  fe  faifoit 
pas  dans  tous. 

Après  l'efFufion  du  fang  vient  l'excoriation  de  la  bête ,  6c  la  difieélion , 
fur  lefquelles  'û  n'y  a  rien  de  particulier  à  remarquer.  Les  Juifs  arran- 
geoient  les  parties  de  la  bête  fur  l'Autel,  dans  le  même  ordre  ,  oîj  elles 
font  .dans  l'animal  vivant.  Mais  les  Payens  n'obfervoient  rien  de  fembla- 

ble. 


ET  DES  CULTES  DE  VEGLlSE.PartAV.  807 

-ble.  Car  ils  ne  mettoient  point  d'animaux  entiers  fur  les  Autels.  Ils  le 
contentoient  d'en  prendre  certaines  parties  ,  de  les  envelopper  de  graif- 
fe,  &  de  les  jetterfur  l'Autel.  Il  paroît  par  les  dcfcriptions  ,  qu'Apollo- 
nius &  Homère  font  des  facrifîces  ,  que  la  co{itume  des  Grecs  étoit  de 
confacrer  les  cuifles  à  l'Autel ,  de  couper  des  autres  membres  des  particu- 
les, de  les  envelopper  fur  les  cuifTes  avec  les  membranes  gralTes ,  êc  en  fuite 
de  les  brûler.  Mais  les  Romains  trouvèrent  moyen  d'épargner,  Se  de  mé-  Q."ci>es  p«' 
nager  ces  cuiflès  ,  ôc  ils  fe  contentoient  de  couper  de  petites  parcelles,  noïïrAuI 
dans  les  entrailles  ,  6c  fur  les  chairs ,  qu'ils  enveloppoient  de  graiffe  ,  ôc  '^'• 
on  les  mettoit  fur  le  feu  de  l'Autel.  Cela  paroît  parla  defcription  ,  que 
nous  avons  rapportée  de  Denys  d'Halicarnafle  ,  qui  appelle  les  particu- 
les deilinées  aux  Dieux  à7r«p%^/,  les  prcmices.  Et  en  effet  ils  fe  perfua- 
doient  que  ces  prémices  étant  données  à  là  divinité,  toute  la  mafle  étoit 
fanélifiée,  de  forte  qu'ils  en  mangeoient  comme  d'une  viande  fainte.  Ces 
particules  étoient  apparemment  prifes  des  parties  les  plus  délicates ,  ôc. 
fur  tout  des  filets  des  reins  ,  c'eft  ce  que  femble  fignifier  Ovide  ^  quand: 
iî  dit  5, 

C£forum^ue  hoHmfihris  de  more  crematîs,  Mètamorph,- 

lib.  13* 

ÀVant  que  de  mettre  ces  particules  au  feu,  otifaifoit  deflus  une  féconde 
afperfion  de  la  farine  avec  le  fel,  appellée  U  mole  falée.  La  première  fc 
faifoit  fur  la  béte,  pendant  qu'elle  étoit  vivante  ,  mais  la  féconde  fe  fai- 
foit  fur  les  parties  de  la  bête,  que  l'on  mettoit  fur  l'Autel.  On  peut  ob- 
ferver  cela ,  fi  l'on  veut  relire  les  deux  dcfcriptions ,  que  nous  avons  rap- 
portées de  Denys  d'Halicarnafle,  &  d'Apollonius,  oàces  deux  afperfîons 
font  très  diftinélement  marquées. 

Quand  la  chair  étoit  fur  l'Autel  y.  dans  le  feu  ,   ils  jettoient  defius  de  EffuTion.  dé 
l'encens,  &  faifoient  ce  qu'ils  appelloient  Itbationes ^  effufions  de  vin  ,  ^vf^^dV*" 
d'huile  ,    &   cela  aidoit   à  augmenter  le  feu  ,.  &  àconfumer  la  vic-i'^uiie. 
timCo 

7 hure  dato  fiammis .  vinoque  in  thura  profufo.  ovidcMe- 

Et  cette  effufion  fe  faifoit  ordinairement  par  trois  fois,  parce  que  le  nom- 
bre de  trois  étoit  fort  obfervé  dans  les  cérémonies  facrées , 

Ter  lii^Hido  ardentem  prfudit  neUare  flammam,  eeùrgîc.4> 

Ter  Jïammt  ad  fummum-  teUi  fubjeUa  rehc^i,  ^^'<** 

Us  verfoient  aufii  de  l'huile, 

Et  folida   imponît  tamortim  vifcerâ  flammii^:  ^neid.  ^ 

Pingue  fupe'rque  olcHm  fnndens  ardent ib-us  extis. 

En  cela  les  facrifices  des  Payens  étoient  differens  de  ceux  de  la  Loi 
de  Moïfe,,  car  les  effufions  de  vin  nefe  faifoient  pas  fur  la  vidime,  ni  fur 

lé- 


8o.8  HISTOIRE   DES   DOGMES 

le  feu ,  mais  feulement  fur  le  pied  de  l'Autel ,  6c  l'on  ne  faifoit  pas  d'al^ 

perfion  d'huile.     Il  elt  vrai  que  la  Loi  ordonnoit  une  portion  d'huile  pour 

chaque  facrifice,  mais  c'étoit  pour  faire  les  gâteaux  du  facrifice. 

Afpctfions        II  y  avoit  des  facrifices,  dans  lefquels,  au  lieu  de  vin.,  on  fe  fcrvoitdc 

fiii^ii""^'^'^^'^»  pour  les  effufions.     Entr'autres  dans  les  facrifices  de  la  Déeffe  Ru- 

avec  du  îait  mina.     Plutatquc  nous  dit  que  les  femmes,  qui  facrifient  à  la  Déejje  Rumina^ 

,&  de  l'eau.  Yé^anàent  dn  lait  fur  leur  facrifice  ^  Qy  ny  apportent  &  n'y  boivent  pas  de  vin. 

C'elt  parce  que  cette  Déelfe  Rumina  écoit  la  Déeffe  des  nourrices ,  de 

%Hma ,  qui  fignifie  mamelle.   Sur  tout  les  afperfions  de  lait  étoicnt  en  ufa- 

ge  dans  les  facrifices  aux  Dieux  champêtres,  les  Sylvains,Pan,  6c  la  Déeffe 

Pales.     Servius  dit  qu'il  y  avoit  des  fêtes  5    dans  lefquelles  on  faifoit  les 

afperfions  à  l'honneur  de  la  Décile  Vella  ,    fans  vin,  avec  des- eaux  du 

■Tdiuvm  poï»'  fleuve  Numicus.     Et  Suidas  allure  que  les  Afmeniens,  dans  les  facrifices 

"àat'^ubZu  qu'ils  faifoient  à  l'Aurore,  à  la  Lune,  au  Soleil,  àUranie,6cauxJNrym- 

Horar.        phes,  faifoicnt  leurs  effufions  avec  de  l'eau,  où  l'on  avoit  détrempé  du 

Tibuile  ér  miel.     Il  fcmblc  même  que  dans  les  facrifices,  on  faifoit  des  efïufions  de 

^vto"fPgnê  lait,  &  de  miel  avec  celles  du  vin,  car  Silius  Italicus  dit  au  ij.desguer^ 

laaepaim,  res  Puuiqucs , 

£orpora  lanigerum  procumhmt  leEia  hidentum^ 
•  ftindmt  mella  fuper  'Bacchique  &  laStis  honoremi 

Encens  au-  £jj  même  tcms ,  afin  de  rendre  îa  fumée  du  facrifice  de  bonne  odeur,  on 
connu  aux'   jcttoit  fur  Ic  fcu  abondancc  d'aromates,  outre  l'encens.     Autrefois  avant 

anciens   Pa  -   _    .  -^  .  „       .  .  . 

yens  de 


que  l'Orient  fût  connu  aux  nations  Occidentales ,  elles  fe  contentoient  de 


i'occidenr.  brûler  ce  qu'il  y  avoit  de  plus  odoriférant,  dans  leur  climat 

^Ovid.Fafl:,  i,  Thura  nec  Euphrates ,  n^c  miferat  India  cofium  5 

Nec  fuerant  nohis  cognitafila  croci. 
^y^ra  dabat  fumos  herbis  contenta  fabinis  , 
Et  non  exïguo  laurus  adujia  fono. 

De  la  ver-  La  vcrvenc  étoit  une  herbe  facrée  entre  toutes  les  autres.  On  en  ccwi- 
k  fab'iiS/^  ronnoit  Jes  Autels,  les  vidiraes,  6c  les  Sacrificateurs,  6c  on  la  faifoit  mê- 
heibesfa-    mc  fumcr  dans  le  facrifice. 

crées, 
ïropertitis. 

îlinelib.aj  Flore  facella  tego ,  ver  béni  s  compita  v^eU'y 

S'il»  Et  crepat  ad  veteres  herba  fabinafocos.  ^ 

Pline  dit  que  cette  herbe  fabine  étoît  fèmblable  de  feuillage  au  tJtma- 
ris,   6c  au  cyprez,  qu'on  s'en  fervoit  au  lieu  d'encens ,  dans  les  facrifices. 
On  la  cueilloit  avec  la  main  droite  fans  fer ,  on  faifoit  un  facrifice  avant 
que  de  la  cueillir  ;  celui  qui  la  cueilloit  étoit  vêtu  de  blanc,  6c  devoit  être 
nus  pieds,  mais  les  pieds  lavez. 
Divers  bois      Oi'i  obfervoit  même  de  confumer  le  facrifice ,  dans  dts  bois  de  bonne 
j'rûiezfur    odeur,  comme  font  le  laurier,   l'olivier,  6c  le  myrthe.     Il  n'étoit  pas 
félonies  '  permis  de  mettre  toute  forte  de  bois  fur  les  Autels.     Chaque  Dieu  avoic 
DicHx,       une  efpece  de  bois ,  qui  lui  étoit  confacré ,  6c  on  s'en  fervoit  dans  les  fa- 
crifices 


ET  DES  CULTES  DE  L'EGLISE.  TartTV.  809 

crifices.     Le  myrthe  pour  V'enus,   le  chénc  pour  Jupiter,  le  fi  eue  pour  i" ''Mo  Je 
Mars,  le  peuplier  blanc  pour  Hercule,  ou  le  cormier.     Cela  varioltmé-^*"''^"'^  "'* 
;me  fclon  les  païs.     Les  Sicyoniens  ne  brûloient  que  du  genièvre  ,  dans 
leurs  facrifices.     Dans  le  Temple  de  Delphes ,    Plutarque  nous  apprend 
qu'on  n'entretenoit  le  feu  facré  ,  &  immortel ,  que  du  bois  de  laurier. 

Qiiand  on  avoit  donné  aux  Dieux  ce  qui  leur  appartenoic,   alors  on  Des  feftîni 
préparoit  les  viandes  pour  le  repas ,  on  en  rôtifToit ,   on  en  faifoit  bouil-  ^^j^^^  ^'^/^; 
îir,  l'on  fe  mettoit  à  table.     Mais  je  ne  m'arrêterai  point  à.  rapporter  les  ceremôniei 
cérémonies  de  cqs  repas.     Car  il  y  en  avoit  un  trés-erand  nombre,  onvl^'T  *^" 
chantoit,  on  y  danloit,  on  y  jouoit  desinltrumens  de  Muiique,  iurtout  bre. 
de  la  flûte ,  Se  de  la  trompette,  on  y  faifoit  de  nouvelles  effulions  de  vin 
à  l'honneur  des  Dieux,  on  y  chantoit  des  hymnes,  on  brûloit  les  langues 
des  vidimes  à  l'honneur  de  Mercure,  parce  qu'il  étoit  le  Dieu  de  l'élo- 
quçnce,  on  fe  lavoir  plufieurs  fois.     Mais  je  ne  veux  point  m'étendrefur 
toutes  ces  cérémonies.     Ceux  qui  liront  Homère,    Apollonius  dans  fes 
Argonautiques ,  les  Poètes ,  &  les  Hiftoriens  Grecs  &;  Latins ,  pourront 
remarquer  tout  cela.     Apres  que  le  facrifice  ,  ôc  le  feftin   étoîent  ache- 
vez ,  on  congedioit  l'aflemblée. 

Apulée,  dans  la  defcriptipn  d'une  pompe  d'Ifis,  dit  que  quand  la  ce- Meramoiph, 
remonie  fut  achevée,  l'un  des  Sacriiîcateurs  qu'on  appelle  Scribe,  Çramma-  "• 
teus^  monta  fur  une  chaire,  fit  des  vœux  pour  la  profperité  de  l'Empe- de°ces"a?" 
reur,  du  Sénat,  des  Chevaliers,  6c  de  tout  le  peuple  Romain,  6c  qu'enfin  Semblées 
ri  congédia  l'aflemblée  par  ces  paroles  "Kciolç  ^(^sciç ,  envoi  &  congé  pour  la  on*ks  co«° 
pHples.     C'eli  ce  quel'Eglife  Latine  a  imité,   6c  d'où  elle  a  tiré  fon  ite  ge^ioit. 
mijfa  efl.     Le  Héraut  difoit  aufii  ilicet^xnoz,  par  lequel  on  fignifioit  qu'il 
étoit  tems  de  fe  retirer,  ire  licet^  6c  l'on  s'en  fervoit  dans  les  aflemblées 
de  Juftice,  6c  dans  les  funérailles,  aufiî  bien  que  dans  les  facrifices  ,pour 
congédier  les  affiilans.     C'eft  ce  que  j'avois  à  dire  de  la  Religion  des  Pa- 
jeiis. 


F      I      N. 


Fm.m,  Kkkkk  TA^LE 


X  jLjl       À-}        Â~/        X-jj 


DES 


T  I  E  R  E  S 


A 


ÂB  E  »  N  E  G  o.  Signification  de  ce  nom  >  $  5  ^ 
Abel.  LesPayensen  ontfait^eur  Atys,^z5 
jdhelliû.    Quelle  divinité  c'étoitj  591^ 

Abîmslech.  Koi  de  Guerar  n'étoit  pas  idolâtre, 

^5  .     .       . 

uihimelech.  Signification  de  ce  nom  ,  595 

Ah'aham.  Depuis  Adam  jufqu'à  Abraham  il  n'y 
a  eu  que  deux  hommes,  5 

tAhraham.  Pourquoi  il  donna  la  dîme  de  toutd 
Mekhifedcc,  117.  liavoitKeturapourfem- 
me  dés  la  vie  même  de  Sara,  kîo.  Sur  quelle 
Montagne  il  voulut  facrifier  fon  fils  ,  zo6. 
Comment  les  Juifs  interprètent  ce  que  Moï(e 
dit ,  qu'Abram  fortit  d'JJr  des  ChaldéenSj407. 
481.   481.  720 

Ahr{tham.  SonHiftoiredéguifée,  590 

Abfçdom.  S'il  étoit  Nazarien,  3 8(î 

Ab'^denus.  Notable  Fragment  de  cet  Auteur  tou- 
chant Noé,  &i'Hilt"oire  du  déluge,         589 

Accaron.  Dieu  d'Aecaron ,  quelle  divinité  c'é- 
toit,  (Î27,  61%.  ^35 

Acheron.  Véritable  origine  du  nom  d'Acheron  , 
^35.  Pluton  a  traîné  par  tout  avec  lui  le  nom 
d'Acheron,  636.  Fauiles étymologies  de  ce 
nom,  iUà. 

'Adam.  QLielie  étoit  la  fcience  d'Adam ,  3.  De- 
puis Adam  jufqu'à  Abraham  il  n'y  a  eu  que 
deux  hommes,  3.  11  étoit  Prophète,  24,  Tra- 
ditions &  fables  fur  le  lieu  delà  fepulture  d'A- 
dam ^  9>4.9  5.  En  quel  lieu  il  fut  créé,  94.  9^. 
Dieu  ne  lui  donna  qu'un  feul  commandement 
pofitif,  108 

Adam.  Cequelesjuifsdifent  fur  la  création  du 
premier  homme ,  15a.  Ce  qu'en  dit  Platpn, 
153.  154.  Platon  décrit  la  chute  du  premier 
homme  par  une  Fable,  154 

Adam.  Il  efl  caché,  fous  Saturne  ou  Moioch.  $  Si 


Adanti  Si  Adam  a  été  le  premier  homme ,  Vo'je%>  : 
Pre-Adamites. 

Adonis.  Explication  de  fon  Hiftoire  fabuleufe  , 
^82.1^87.^88.  C'efiThammus,  68z.  Def- 
cription  de  la  fête  qu'on  cclebroit  à  fon  hon- 
neur ,  îbid.  684.  C'efl  la  même  que  celle . 
d'Olîris  perdu  &  retrouvé ,  ibid.  C'eft  Ofî- 
ris,  <î8  5.  C'eft  le  Soleil,  ^21.  ^8^ 

Adorare.  Etymologie  de  ce  mot,  6oz 

Adoration.  D'où  elt  venue  lacoûtunie  d'adorer- 
du  coté  de  l'Orient,  716.717- 

Adrammelech.  Quelle  divinité  c'étoit,  5^9.  ^$g_ 

zAdullen.  Peines  contre  les  adultères,  139.. 
Quelle  peine  écheoit  aux  hommes  mariez  qui- 
fe  corrompoient  avec  des  filles,  139., 

Afrique.    Pourquoi  appellée  Ammonis  ,     613-. 
6i/\.    &  Olympienne,    614.     Divers  noms 
qu'elle  a  portez,  zï"//^. 

Aglibelids.  Qiielle  divinité  c'étoit,       59^.^0^. 

Agonalia.  D'où  cette  fête  a  pris  fon  nom,  804, 

^graulus.  On  lui  facrifioit  des  hommes,    793 

Aigle,  De  quelle  manier£j^l  éprouve  fes  petits, 
66^.  Cet  oifeau  étoit  le  fyrabole  des  Rois 
Chaldéens,  66^.  Il  étoit  adoré  des  Egyp- 
tiens, 6(^4.  66  <^  ■ 

Aigles  Romaines.  Defignées  par  Mahuzzim;  7060 .. 
Honneurs  qu'on  leur  rendoit,  707 

Ainez.  Quatre  privilèges  attribuez  aux  aînés, 
avant  Mo'ife,  5^.  Ce  que  c'étoit  que  labé- 
nédidion  de  l'aîné  dans  ks  familles  àes  Pa- 
triarches, 57.  Les  aînez  des  familles  des  Pa- 
triarches enétoient  les  Sacrificateurs  nez,  <^6. 
57.  S'ils  avoient  feulsleidroit  de  Sacrificatu- 
re,  57.  58.  D'où  eft  venue  la  coutume  de 
fandifier  tous  les  aînez  à  Dieu,  ^8.  Dieu  mie 
les  Lévites  à  leur  place,  58.  En  quel  fens 
les  aînez  avoient  le  droit  de  la  Sacnficaturc, 

.    59- 


DES    MA 

P  Ç9.  Les  aînez  avoientledroitdeSacrificatu- 
re  cOmme  par  excellence,  mais  fans  ruiner  le 
droit  des  autres,  6"! 

Alagflb-filHs.  Quelle  divinité  c'écoit,  597 

Alilat.  Quelle  divinité  c'cit,  6ÏÏ0 

yllhia.  Quelle  divinité  c'eft  ,  6^80 

Allemans.  Ils  n'avoient  pas  de  Temples,  zoi. 
De  quelle  manière  ils  répréfentoient  leurs 
DieKX,  479.  480 

Amanus.    Quelle  divinité  c'étoit,  719 

Amende,  Des  amendes  pécuniaires  fous  la  Loi, 

-388  ^ 

■Ammn.  PourqBpi  fa  foeur  lui  dit  qu'il  pourroit 
l'époufer,  14^ 

Amojis,  Roi  d'Egypte,  pourquoi  ainfî  appelle, 

520 
Amour.  Origine  de  l'amour  félon  Platon,  154 
Amphitrîte.    Quelle  divinité  c'étoit,  ^48 

Anaitis,  Quelle  divinité  c'étoit,         704.  719 
^«^;»»e/ec^.  Quelle  divinité  c'étoit,    6^3.^58 
Ane.   II  étoit  en  abomination  entre  les  Egyp- 
tiens,  555.  ^57.  Les  Veflales  couronnoient 
cet  animal ,  pourquoi  ,  559.    On  le  facri- 
fioit  à  Priape  , /^/^.  ^57.  Placé  entre  les  étoi- 
les, 6^57.  on  le  facritioit  à  Mars,  &  à  quel- 
ques autres  divinitez  ,    ^59.  79^.  Aucune 
nation  ne  Pa  adoré  ,  ihid.    On  a  accufé  \t$ 
Juifs  d'avoir    adoré    Pane  ,    747.     Et   lès 
Clifétiens ,  îbîd.  Origiiie  de  cette  calomnie , 
îbïd. 
-congés.  Ils  ont  été  créez  avant  le  commencement 
du  monde  fenfible^  435 

^^mnttux,  La  diflinftion  des  animaux  nets  & 
non  nets  eft  plus  ancienne  que  le  déluge,  98. 
99.  Si  l'ufage  de  la  chair  des  animaux  étoit  per- 
mis avant  le  déluge,  99.  Si  on  en  mangeoir, 
173.  174.  D'où  venoit  la  difiindion  des  ani- 
maux nets  &  non  nets  ,  •^9.  Pourquoi  Dieu 
déclare  certainsanimauximpurs,  99 

.^nnêe  de  reldchc.  Voyez.ïé'ichQ. 
^^nnées.  Les  années  félon  Moïfe  étoieilt  de  dou- 
ze mois,  jSz 
zAnnihal,  Signification  de  ce  nom  ,  59^ 
t^nnîhd.  Réponfe  qu'il  fit  à  Prufias ,          Tj  r 
■Annoche.  Impuretez  qui  fe  commettoient  dans 
un  fameux  bocage  dans  le  fauxbourg  de  cet- 
te ville,  '                          '                      755 
Antîochm  Epi(>hiines  ,.  n'étoit  point  Athée,,  ou 
impie,  comme  on  le  fuppcfe,                   70^ 
Anubis,  Sous  quelle  forme  il  étoit  adoré  en  Egyp- 
te, 6-^)6.   C'étoicMerciwe,  félon  Plutarque, 
ibid.  Quelles  bêtes  on  lui  facrifioit,           798 
-Aphacus.  Situation  de  cette  ville,  68,3 
ApS'   Le  bœuf  Apis ,  adoré  par  les  Egyptiens , 
.50.9.  Où  il faifoit  fa  demeure,  li^ii^.  5Z(î    Ce 
qu'é,Loit  le  bœuf  Apis  félon  Poniponius  Mêla , 
ibid.  félon  Pline  ,  510.  de  quelle  maniereil 
rendoit  fesréponfes,   510    511.   Defcriptiou 
de  la  manière  dont  le  bœui  Apis  devoit  être 


T  I  E  R  E  S. 

fait,  ibid.  çii.  Cérémonies qu'oaobfervoic 
à  fa  mort,  510,  511.  èc  quand  on  en  avoit 
trouvé  un  autre,  510.  511.  513.  SafepuJtu- 
re,  5ii.  D'où  pouvoient  venir  ces  marques 
extraordinaires  qui  fe  trouvoientdans  le  bœuf 
Apis,  512,.  Quand  la  Religion  d'Apis  ce/Ta  , 
Ç13,  Adoration  rendue  au  bœufApis,  513. 
Il  eft  tué  &  mangé  par  un  Roi  de  Pcrfe ,  508 . 
513.  On  adoroit  aulTi  fon  fimulacre,  514. 
Ce  bœuf  étoit  difficile  à  trouver,  513.  514 
Apis.  Fable  desGrccs  touchant  Apis  &  Epaphus, 
519.  En  quel  tems  a  vécu  le  Roi  Apis,  519. 
Apis  n'e'toit  pas  confacré  au  Dieu  Serapis, 
520.522.  IlyaeudeuxRois Apis,  520.  Si  le 
bœuf  Apis  elt  Jofeph ,  520.  521.  Le  bœuf 
Apis  étoitcoufacréà  Ifis,  52^.  529.  Dans  le 
bœuf  Apis  on  trouve  tous  les  carafteres  de  ta 
nature  uni  ver  felle,  ^30.  Ce  que  fignifie  le 
nom  d'Apis,   530.  C'eft Noé,  534 

Apollon.  ExpUcation de fes aventures, 414,  Mots 
gravez  fur  le  frontifpice  du  Temple  d'Apol- 
ion  Delphien  ,  527.  Appelle  tueur  de  rats,' 
6z$.  De  quels  arbres  étoient  compofez  fes 
.bocages,  754.  Impuretez  qui  fe  commettoient 
dans  celui  qu'il  avoit  àAntioche,  755 

Apôtres.  Ils  ne  préchoient  ordinairement  que 
dans  les  Synagogues ,  /^6.  Pourquoi  ils  trou- 
vèrent tant  de  facilité  à  faire  de  nombreufes 
converfîons,  47.  Pourquoi  ils  affcmblerenc 
un  Concile  à  Jerufalem,  48  Leur  décret  con- 
tenoit  les  préceptes  des  Noachides  ,  44,  49^; 
Addition  notable  dans  ce  décret  ,  félon  plu- 
lîeurs  anciens  exemplaires ,  49  Pourquoi  ils 
yontomis  deux  préceptes  desNoachides,49o 
50.  Pourquoi  ils  aftreignent  leurs  Profelytes 
à  l'obfervation  d'un  commandement  purement 
ceremoniel,  50.  Pourquoi  ils  joignent  la  dé- 
fenfe  de  manger  du  fang  avec  ladéftnfe  delà 
paillardife,  50 

A^a.  Etymologiedecemot ,  S02 

. /^r<a!^e5.  Quoi  que  décen.ius  d'Abraham,  ils  ont 
toujours  porté  un  caraâere  de  ma'edifti'on  ^ 
77.  Ils  adoroient  une  pierre,  48^,  LeurcuU 
te  pour  Vertus,  726" 

^rc-en-cîèl.  Cen'étoitpas  Un  Sacrement,  125 
A^rche  d'Alliance.  Defcription  du  corps  de  l'Ar- 
che, 229.  Ç5'/«/i'.  De  fon  Propitiatoire,  2  30.' 
2  3.5,  D„e  fes  Chérubins,  231.  232.  233.  234, 
Pourquoi  cette  Arche  étoit  fi  vénérée,  134. 
2  3  5.Diversnomsqu'elleavoit,235,  Pourquoi 
on  ne  fit  pas  d'Arche  dans  le  fécond  Temple, 
Z35,  2,39.  Pourquoi  Dieu  rendoit  fes  Ora- 
cles .du  milieu  de  cette  Arche,  ibid.  Dans 
l'Arche  il,  n'y  avoit  que  les  deux  Tables  de  la 
Loi  î  ^^è-  S'il  y  avoit  deux  Arches ,  237, 
Elle  fe  portoit  fur  les  épaules,  238 

tA'-etfa.  Ce  que  c'étoit,  Ê59 

Aries.  Etymojogie  decenom  ,  797 

^Arimanius.  Quelle  divinité  c'étoit  ^  72?. 


AnfWJÎe.  Signification  de  ce  nom,  .   6^$ 

arméniens.  Comment  on  appelle  le  Chef  de  leur 
Religion,  i?? 

Arnobe.  l^aflage  d'Arnobe  ,  où  il  combat  l'ubi- 
quité d'un  corps  &  la  préfence  réelle ,       49i' 

Ans.  Ils  font  plus  anciens  que  le  Déluge,      715 

AJaph,'  h.  cosnpofc  divers  Pfeaumes,  294 

Afdrubaî.  Signification  de  ce  nom  ,  59^ 

Asherah.  Cequec'étoitjôiJj.  ^fuh.  Etymo- 
logie  de  ce  nom,  671 

Asherot.  Ce  que  c'étoit  ,  66^.  ^  Juîv.  Ecy- 
mologie  dece  nom,  67 z,   C'eft  Diane  ,  67 j 

Ashlma.  Qiieile  divinité  c'étoit  ,  655.  ^54. 
^55  Notable  conjedure  fur  cette  divimté, 
655.   ^56^ 

Afmodée.   C'étoit  le  Prince  des  Diables,        630 

AjJ'sinblées.  Dinsqueh  lieux  fe  faiioient  les pre- 
«li^reidllemb  ce  des  iiomincf  pour  le  fervice 
divin.  lio  11  n'y  avoit  point  d'aflemblces 
publiques  avant  .Vloife,  no.  lii.  Quand  s'eft 
établie  la  coûumc  du  s'airembler  le  jour  du 
Sabbat^  izz.  Des  airembiees  qui  le  taifoient 
auprès  des  Prophètes,  izz.   12.5 

Ajfiierus,  dontilefl  parlé  dans  l'Hiftoire  Sainte, 
quel  Roi  c'étoit,  .  H^ 

Aji^roth.  Sous  quelle  figure  étoit  repréfentée  cet- 
te divinité  ,457.  Elleell  prefque  toûjoursin- 
féparablc  de  Bahal ,  666.  divers  noms  qu'on 
lui  a  donnez,  667.  66%.  66<j.  C'étoit  une 
DéefTe,  &  non  pas  un  Dieu  ,  66y.  C'eft  la 
même  qu'Aftarté,  667.66'i  Pourquoi ainfi 
nommée  ,  66^.  669.  671.  C'eft  la  Lune, 
67 z.  67-^ 

Ajlurté.  Elle  n'eft  pas  Derceto ,  ^75 ,  Ni  la  Ve- 
nus Syrienne  ,  ni  la  D'elïc  Syrienne  de  Lu- 
cien ,  (Î74.  Quel  nom  elle  a  porté  dans  l'Oc- 
cident, (Î75.  C'eft  la  Junon  des  Grecs  &  des 
Romains  ,^75.  ï^ fulv.  &  la  Baaltis  des  Phé- 
niciens,  <j78.  Ellecftappcllce  Uranie,  pour- 
qaoi,  680.  Quelle  femme  étoit  cachée  fous 
ce  nom  ,  ^Si 

Afiarté.  Quelle  divinîté  c'étoit,  667.  66%.  ^ 
fulv.  Origine  de  ce  nom,  félon  les  Grecs,  67 1 . 
Véritable  origine  de  ce  nom,  67Z.  C'eft  la 
Lune ,  ibîd.  67^ 

Afiereth.  Voyet  Aftaroth. 

Afioreth.  Voyez.  Aftaroth. 

Aflres.  Les  Aftres  ont  été  les  premiers  faux 
Dieux,  405.  Sentiment  de  quelques  Philo- 
fophes  que  les  Aftres  font  animez,  ^06 

Aftres.  Repréfentez  par  des  ferpcns  ,  pourquoi , 
41  ^.  Par  quels  degrez  on  eft  venu  à  donner 
une  figure  humaine  à  des  Aftres  ,483.  Aftres 
qui  préfident  à  la  naiflance  des  hommes,  ^98. 
Erreur  de  quelques  Anciens  ,  que  les  Aftres 
ent  été  donnez  aux  Payens  pour  être  leurs 
Dieux,  711.  &  qu'ils  étoient  animez,    7x4 

Atargiita.  Quelle  divinité  c'étoit ,  6'47 

Jtter^Aîh.  Quelle  divimté  c'étoit  ,    ^47,    Elle 


BLE 

n'eft  pas  la  Déefle  Syrienne,  €7^ 

Athéniens.  Quel  étoit  le  Dieu  inconnu  des  Athé- 
niens, ^  538 

Alîs.  Aimé  par  la  Déefle 'T^ybele,  malheur  qui 
lui  arrive  à  caufe  de  cela,  411.  SonHiftoiie 
fabuleufe,  6zi.  expliquée,  ^15.  C'eftAbel, 
îbid. 

Augure.  D'où  \qs  Anciens  tiroient  les  augures, 
790    791 
.  Augufte.  Son  fouper  des  douze  Dieux,       421 

Autel.  Antiquité  des  Autels,  loo.  izq.  Ilsfer- 
voient  d'azyle,  801.  805 

Autel  des  Holocauftes.  Defcrrptron  de  celui  qui 
étoit  dans  le  Tabernacle,  245.  de  celui  qui 
étoit  dans  le  Temple  de  Salomon  ,  îbid.  de 
celui  qui  étoit  dans  le  Temple  d'Herode  , 
24^.  Pourquoi  il  devoir  être  fur  le  partage 
deBenjarain,'  241s'.  Commentil  étoit unazy- 
le,  247.  Il  y  avoit  ordinairement  trois feux». 
320. 32  r.  Comment  le  Sacrificateur  nettoyoic 
cet  Autel ,  îbid. 

Autel  des  Parfums.  Sa  defcriptron ,  24^ 

A^uel.  Dqs  Autels  du  Paganifme,  de  leur  ma- 
tière, &  de  leur  ufage  ,763.  Où  ils  fe  pla- 
coient  ,  ibid.  de  quoi  on  les  faifoit  ,  ibîd^ 
Lt$  Payens  avoient  aufTi  des  Autels  pour  les 
parfums ,  76^4.  11  n'y  avoit  point  d'Autel  fans- 
fimulacre  parmi  les  Payens,  538.  Divers  bois 
brûlez  fur  les  Autels  félon  les  Dieux  ,     SoS' 


Aaltis.  Quelle  divinité  c'étoit,  ^^7, 
C'eft  la  même  qu'Aftarté,  678 

Babyloniens.  AftVeufes  impuretez  qu'ils  commet- 
toient  dans  le  Temple  de  Venus,  6$i.  Cé- 
rémonies qu'ils  obfervoient  quand  ils  cou- 
choient  avec  leurs  femmes,  6^x 

Bdcchus.  Conformité  de  fon  âne  avec  l'Hiftoi- 
redeBalaam,  559.  ^^o.  Bacchus&  Priape 
font  la  même  divinité,  560.  C'eft  Noé  , 
ibîd.  On  a  accufé  les  Juifs  de Pavoir adoré, 
pourquoi  ,  748.  ^  fuiv.  On  lui  facrifioit 
des  hommes,  793.  Quelles  bêtes  on  lui  fa- 
crifioit ,  797.  Chofes  qu'il  a  inventées  , 
799 

Bahal  Quelle  partie  du  monde  on  adoroit  fous 
ce  nom  ,  412.  414.  Quel  homme  c'a  été, 
444.  C'eft  Jupiter,  457.  603.   605 

Bahal.  C'étoit  un  nom  commun  à  toutes  les  Ido- 
les ,  5(î5.  ^03.   616 

Bahal.  Textes  de  l'Ecriture  où  il  eft  parlé  de 
Bahal,  592.  ^  fuiv  Ce  que  fignifient  les 
Bahals  ou  Bahalins,  594.  Les  Septante  par- 
lent quelquefois  de  Bahal  comme  d'une  Déef- 
fe,   $94.  pourquoi,  ^^7 

Bahal.  Signification  &  origine  de  ce  nom,  59^. 
Par  quels  peuples  ce  Dieu  ctoiî  adoré ,  ihid^ 

C'eft 


DES    MATIÈRES. 


C'efi  le  même  que  le  Bel  des  Babyloniens, 
ilrid.  que  le  Balis  des  Carthaginois  ,  ^9^. 
Que  le  Belenus  des  Gaulois  ,  ibid.  Le  nom 
de  Bahat  vient  de  l'Orient,  &  s'eil  répandu 
en  divers  lieux  de  l'Occident,  ibid. 

Bahal.  Il  eft  d'un  fexe  ambigu.  Dieu  &:  Déefle , 

597.  Du  fervice  qu'on  lui  rendoit,   599.  ^5* 

fuiv.   Le  Bahal  des  Phéniciens  n'eli  pas  le 

Mars  des  Occidentaux,  602, 

Bahal,  Le  Dieu  naturel  caché  fous  le  nom  de  Ba- 
hal efl  le  Soleil  ,  60S.  C'efl  l'Hercule  Ty- 
rien,  607 

JBahaî,  Le  Bahal  des  Phéniciens  ,  c'efl  Cham 
leur  grand  Patriarche ,  6iz 

Bnhal  Berîth.  Conjedure  que  c'étoit  le  Jupiter 
Fœderalis des  Latins,  616,  Autre  conjefture 
que  lé  nom  de  Bahal-Berith  vient  de  la  ville 
deBerith,  61%.  C'étoit  une  Décffe  ,  ^19. 
Quelle  étoit  cette  divinité  ,  6zo,  ÎS"  fwv. 
C'eil  la  Terre,  6zi.  &laCybele  des  Grecs, 
ézi.  C'eft  Eve,  625 

^a'^^al-Pekor.  Textes  où  il  eft  parlé  de  Bahat- 
Pehor,  549.  ij  (aîv.  appelle aufTiBeel-Phe- 
gor ,  5  50.  Quel  Dieu  c'étoit  ,  ibîd.  Pour- 
quoi appelle  Phegor  ,  ibld.  551.  C'eft  le 
Priape  des  Grecs  &  des  Romains ,  551.  C5' 
fuîv.  Cette  divinité  étoit  principalement  fer- 
vie  par  les  femmes ,  552.  Ce  Dieu  pouvoit 
être  Lot,  Patriarche  des  Moabites ,  555.  Il 
eft  plus  apparent  que  c'eft  Noé  ,  ibld.  559. 
5^0.  Bahal- Pehor  eft  le  Soleil  ,  <^6o.  11  eft 
aulfi  appelle  Kemos  ,  $5l.  En  quel  lieu  il 
rendoit  (q%  oracles,  5.^i 

Bahd-Tfephon,  Qtielle  divinité  c'étoit ,  ^15. 
709 

Bahal- Zebach.  Quelle  divinité  c'étoit,        ézy 

Bahal  Zebub.  C'eft  le  même  que  Beel  Zebub, 
6z6.  Que  iïgnihe  cenom,  ^i?*  F^^^eA^Beel- 
Zebub. 

JBahal-Zebul.  Foye^  Beel-Zebul. 

Baifer.  On  baifoit  les  Idoles,  ou  la  main  à  l'hon- 
neur de  l'Idole  ,  <^^6.  Coutume  de  baifer  la 
main  pour  adorer  les  Idoles,  ^01 

Balaam.  Il  n'étoit  pas  un  faux  Prophète,  mais 
un  très  méchant  homme  ,  53.  Marques  in-, 
dubjtabies  que  Balaam  prophecifoit  au  nom 
dru  vrai  Dieu,  &  n'adoroit  que  le  vrai  Dieu, 
54.  Pourquoi  Dieu  lui  ayant  permis  d'aller 
trouver  le  Roi  de  Moab  s'y  oppofa  enfuite, 
54.  Dieu  parle  à  Balaam  face  à  face  comme 
avecMoïfe,  35.  Jamais  l'efprit  de  Prophétie 
fl'a  dit  de  plus  belles  chofes  que  par  la  bou- 
che de  Balaam  ,  51Î.  Sa  Prophétie  touchant 
ieMelTie,  ibid.  Il  s' étoit  aquis  la  réputation 
d'infaillible,  jiî.  Balaam  pechoit  contre  le 
St.  Efprit,  16.  57.  Pourquoi  Balaam  eft  ap- 
pelle Devin  d'un  nom  odieux,  57.  î^t.  Pier- 
re n'a  point  appelle  Balaam  faux  Prophète, 
37.  Ce  quefjgnifiç  ce  qui  eft  diîqueBakam 


alloit  chercher  des  enchantemens  ,  ^j,  3 S. 
La  patrie  de  Balaam,  j8.  Il  a  été  le  dcrmer 
des  Prophètes 'entre  les  nations  ,  39.  Con- 
formité de  fonHiftoire  avec  la  Fable  de  l'âne 
de  Bacchus,  a^co 

Baptême.  L'inftitution  du  Baptême  attribuée  à 
Jacob,  lûo.  D'où  étoit  venue  la  coutume  de 
la  primitive  Eglife,  de  dépouiller  ceux  qu'on 
baptifoit,  &  de  leur  donner  des  habits  nou- 
veaux, 103.  Les  Juifs  baptifent  les  femmes 
étrangères  qui  fe  marient  à  des  Juifs  ,  103. 
D'où  eft  venue  la  coutume  de  vêtir  de  blanc 
les  nouveaux  baptifez,  270 

Baruch.  Explication  du  chap.  VI.  v.  42.43.  de 
fon  Livre ,  6$  i 

Bath.  Quelle  efpece  demefure  c'étoit,       250 

Beel  Phegcr.  Voyez  Bahal- Pehor. 

Beel-Samen.  Si  c'eft  la  même  divinité  queBeeî- 
Zebub,  ^27.  630 

Beel-Zebuh.  C'eft  le  même  que  Beel- Zebul,  6z6, 
Que  ftgnifie  ce  nom,  522.  ^27.  Les  Criti- 
ques ont  mal  reufti  dans  leurs  opinions  tou- 
chant Beel- Zebub,  ibid.  Pourquoi  ainfi  ap- 
pelle ,  ibld.  628.  Quelle  divinité  c'étoit, 
^27.  i^  fuiv.  Ce  nom  n'étoit  pas  un  nom 
de  mépris  ,  6z^.  Pourquoi  Beel-Zebub  eft 
appelle  le  Prince  des  Diables  ,  (Î30.  C'étoic" 
Pluton  ,  &  non  Jupiter  ,  preuves  de  cela , 
631.  ^  fuiv.  C'eft  le  même  que  Serapis,  ^33. 
L'Oracle  de  Beel- Zebub,  qu'Achazia  envoya 
confulcer  ,  c'étoit  une  Necromance  ,  6^6. 
Des  Dieux  Naturels  cachez  fous  Beel-Zebub, 
^40.  Dieux  animaux  cachez  fous  Beel-  Ze- 
bub, (Î41.  C'eftSem,  fclon Bochart ,  ibid. 

Bsel-Zeb:d.  C'efi  le  même  que  Beel-Zebub ,  6z6. 
^39.  Qiie  lignifie  ce  nom ,  1Î27.  ^39.  (^40. 
Pourquoi  ainfi  appelle  ,  ^17.  ^28.  Quelle 
divinité  c'étoit,  ^27 

Bel.  C'eft  le  même  que  Bahal,  595.  Quel  hom- 
me étoit  caché  fous  le  Bel  des  Babyloniens, 
^10.  ^11.  C'eft  Nimrod ,  ^02.  Le  Jupiter 
des  Grecs,  ibîd. 

Bel    Hiftoire  de  Bei  &  du  Dragon  apocryphe, 

741 

Belentis.  Quelle  divinité  c'étoit,  59^.(^0^ 

Bellarmîn.  Faulfeté  des  raifons  par  lefquelles  il 

vouloit  prouver  que  les  Payens  ont  regardé 

leurs  iîmulacres   comme  de   vrais   Dieux  , 

499 
Bellone.  Cérémonies  qui  fe  pratiquoient  dans  fes 

facrtfices,  600 

Bellone.  Etymoîogie  de  ce  nom,  ^04 

Beltshatjar.  Signification  de  ce  nom,  595 

Belus    Sous  quel  nom  adoré  des  AlFyriens,  665. 

Behitacadrus.  Quel  Dieu  c'etok,  5  9<? 

Eetiir  en  quelqu'un.  Ce  que  cette  exprefTion  li- 
gnifie dans  l'Ecriture,  6.  7 
Bsnedîèîîon.  Ce  que  c'étoit  que  la  Benjtdiâion 
Kkkkk  3      ~             '  ^s 


T      A      B 

de  l'aîiic  dans  les  familles  des  Patriarches ,    . 

Bergers.  Pourquoi  les  Egyptiens  les  avoient  en 
abomination,  507.  Ils  n'avoient  pas  de  l'hor- 
reur pour  tous  les'  Bergers ,  ïbîd. 

Berlth.  Voyez.  Bahai-Berith. 

Beryth.  Villes  qui  ont  porté  ce  nom,  6iS 

Beroc.  Quelle  Déeile  c'étoit ,  61^.  6zi 

Betes.  Il  yavoit  du  myitere  dans l'occifion  ordi- 
naire des  bëtes,  87.  Bêtes  dont  il  étoit  per- 
mis démanger,  97.  Quelles  écoient  les  bëtes 
nettes  pour  les  facrifices,  ihid. 

Betylia,.  Origine  àe$  Betylia ,  ^44 

Bibk.Dt  la  Veriîion  des  Septante,  183.  L'Hébreu 
eft  plus  digne  de  foi  que  la  Verfion  des  Sep- 
tante, 18$.  ï^  ftûv.  Opinion  de  S.  Augullin 
fur  cette  Verfîon ,  i%6.  Opinion  de  S.  Jérô- 
me ,  187.  Hiftoire  de  la  naiflance  de  cette 
Vcrfion,  187.  Réponfe  aux  objedions  con- 
tre le  Texte  Hébreu  &  pour  la  Verfîon  des 
Septante,  188.  ^ fuiv.  D'où  eft  venue  la 
p  rande  diverfité  qu'il  y  a  entre  l'Hébreu  &  cet- 
te Verfîon  fur  la  durée  de  la  vie  dès  Patriar- 
ches, .155.   19^ 

Biblh.  Situation  de  cette  ville  j  68  3 

Sccages.  Ils  font  plus  anciens  que  les  Temples-, 
•     201.   Des  bocages  où  l'on  adoroit ,    751. 
Leur  ufage  eit  aulTi  ancien  que  le  monde, 
ibîd, 

■Bœuf.  IlétoitadoréenEgypte,  soé".  509.  Pour- 
quoi, 51^.  Il  étoit  confacré  à  Ofirisj  508. 
Onlefacrifîoità  touslesDieux,  79^ 

Bois.  Les  premières  aiTemblées  des  hommes  fe 
faifoient  dans  les  bois,  izo 

Bouc.  Il  étoit  adoré  en  Egypte,  .50(1.  A  quels 
Dieuxonlefacriiioit,  797 

brebis.  Adorées  en  Egypte ,   50^,    Pourquoi, 

hritamilcHs.  Honneurs  qu'on  lui  rendu  après  fa 
mort,  .577 


A  B  A  t,  E.   Des  modes  Cabalilliques  des 
_       Juifs ,  yoi 

■Cabale.  Théologie  Myflique  des  Juifs.   Voye?:. 
,    Juifs. 

C^^zVff.  Des  deux  Cabires,  ,^xz,  4^5 

Cadmtis.  En  quel  tems il  a  vécu,  68  r 

Cdin.  Du  péché  de  Gain  ,  74 

■Cdiphe.  Si  en  déchirant  fesvétemens,  il.tranf- 

,.    greffa  la  Loi,  2.8i 

•Caievdes.  Ce  que  c'étoit ,  115 

Calvaire.  Pourquoi  ainfî  appelle,  95 

Calvin.  Ses  raifons  pour  prouver  que  les  Payens 

n'ont  pas  regardé  leurs  fîmulacres  comme  des 

Dieux,  458.  499 

■Cambyfes.  AdreiTe  dont  Cambyfes  fe  fervit  pour 

Vaincre  les  Egyptiens ,   50 5.  Il  tue  le  bœuf 


L      E 

Apis,  ^  508.  ^ij 

CamiUes.  Ce  que  c'étoit  entrcles Romains,  718. 
Origine  de  ce  nom,  ji.7,  728.  Quel  étoit 
leur  office,  785 

Camp,  Tradition  des  trois  Camps,  3(^8 

Canaan.  La  maledidion  prononcée  contre  Ca- 
naan ne  regardoit  pas  le  premier  âge ,  67 
Camcde.  Pourquoi  elle  elt  appellée  Sirius ,  524 
Carême  des  Juils ,                                            344 
Carnaval  des  Juifs,                                        ^^.^ 
Carthaginois    Ils  étoient  Une  Golonic  de  Phéni- 
ciens,  575.  Ils  facrifioient  leurs  enfans  à  Sa- 
turne, 573 .  574.  Conformité  du  culte  des  Car- 
thaginois à  leur  Saturne ,  &  de  celui  des  Phé- 
niciens à  leur  Moloch,  ^74.  ^  fuiv.  Ils  étoient 
.naturellement fortfuperiiitieux,  577.  Ilsado- 
ToientBahal ,                                   595-  Ç9<J 
Caton.  Bon  mot  qu'il  dit furun  homme  qui  avoit 
confumé  tout  fon  bien,  ■                         78.^ 
Catoptromance.  Cequec'eft,        38.  471.  471 
Cecrops.   Pourquoi  il  fut  appelle  double,        1^8 
iCelfus.   Son  opinion  touchant  les  fîmulacres  , 

489 
Cerbère.  Comment  on  le  répréfentoit,         tfjj 
Cérémonie.  Etymologie  decenom,  8o3 

Cerés.  Ses  myfteres ,   41  x.  76^.    Cerési  Ifîj, 
Vefta ,  &  Cybele ,  font  une  même  divinité , 
fignifiant la  nature  univerfelle,        528.  519 
Cerés.  Etymologie  de  ce  nom,  /So^i^.  Quelles  bêtes 
onlui  facrifioit.,  yç)^ 

Chair.  Si  l'ufage  de  la  chair  des  animaux  étoit 
permis  avant  le  déluge ,  99.  &  fî  on  en  man- 
geoit,  ^   ^  _       17  ^.  174 

Chaldéens.  Ils  ont  donné  aux  fept  jours  de  la  fe- 
maine  les  noms  des  fept  Planètes,  107.  Quelle 
étoit  leur  Théologie,  420,  Ils.adoroient  le 
Soleil  &  le  feu ,  484 

Cham.  Quel  fut  fon  partage  dans  la  divifîon  de  la 
terre,  68.  C'eft  Mekhifedec  ,7^.  Reflexions 
fur  les  endroits  odieux  de  la  vie  de  Cham,  71. 
Atroces  accufations  dont  on  charge  fa  mé- 
moire ,  ibîd.  Pluficursle  confondent  avec  Zo- 
l'oaftre,  72.  73.  Les  Afriqaains  en  ont  fait 
leur  Jupiter  Hammon, 73. 533  534.  588.  613^ 
Quel  fut  le  péché  de  Chîyii,  74.  76.  Dequoi 
il  étoit  type,  76.  Cham  n'a  pas  été  maudit 
par  fon  pcre,  mais  Canaan  fonfils,  pourquoi, 
77»  Les  décendans  de  Çham  n'ont  aucune 
marque  de  maledidion  particuhere,  77.  La 
.maiedidion  prononcée  contre  lui  é-toit  typi- 
que, 7^.  Pourquoi  Dieu  changea  le  nom  4je 
Cham^  80.  Pourquoi  les  Payens  en  ont  fait  leur 
Jupiter ,  80.  Dernière  preuve  que  Cham  elt 
Mekhifedec,  80.  Il  étoit  le  Sidec  des  Phéni- 
ciens, 80 
Cham.  Quel  Dieu  les  Payens  en  ont  fait,  414. 
Il  étoit  adoré  par  les  Égyptiens  ,  ilîd.  534. 
Les  Phéniciens  en  ont  fait  leurBahal,  "612. 
Les  Egyptiens  &  les  Libyens  leur  Jupiter  ,615 

e-ham- 


DES    MATIERES. 


GhammanÎM.  Ce  que  c'étoit ,  717.  C'étoient 
des  Chapelles  voûtées  ,  comme  des  chariots 
couverts,  718.  719.  Comment  ils  s'intro- 
duifirent  parmi  l.es  Juifs,  jzx 

CharMniens.  Il  n'elt  pas  vrai  que  les  Chananéens 
du  tems    d'Abraham    fuflent  généralement 
idolâtres,  6^.  Preuves  Je  cela  ,         6'^.  6 S 
Chandelier.     Defcription  du  grand  Chandelier 
du  lieu  Saint  j  240.  Que  fignifioient  fes  lam- 
pes s-  241 
Chantres,  Quel  étok  leur  office ,  291.  ^  fuiv. 
Qui  étoient  les  maîtres  Chantres  dont  il  eft 
parlé  dans  le  Livre  des  Pfeaumes,         254 
Ghaos.  Les  Payens  avoient  emprunté  la  defcrip- 
tion  qu'ils   font  du    Chaos   des   Livres  de 
Moïfe  ,  4J2.  Le  Chaos  a  été  créé  avant  le 
commencement  du  monde  fenGbIe ,         433 
Charon.  D'où  il  a  tiré  fon  origine  ^■.          6^6 
■Chat.  Il  étoit  adoré  en  Egypte,                  50e 
Chêne.  Pourquoi  il   étoit   confàcré  à  Jupiter,. 
120. 201 . 7  54.  Refpeâ:  pour  le  Guy  de  chêne  ; 
cérémonies  avec  lefquelles  on  le  recueilloitj 

Ghrubîn.  Quelle  figure  avoient  les  Chérubins 
du  Propitiatoire,  231.  232.  233.  Pourquoi 
il  n'y  avoit  pas  de  figures  de  Chérubins  dans 
le  fécond  Temple,  233.  Myfterc  des  quatre- 
faces  des  Chérubins  ,  ibid.  Pourquoi  dans 
Ezechiel  la  tête  de  bœuf  eft  nommée  Ché- 
rubin par  difiindion,  233.  Véritable  figure 
des  Chérubins  de  l'Arche  ,  234.  Pourquoi 
Dieu  eft  dit  habiter  au  milieu  des  Chérubins, 
ibid.  Des  deux  grands  Chérubins  que  Salo- 
mon  fit  faire  dans  le  lieu  Très- Saint  ,234. 
238.  Pourquoi  les  Qherubias  regardoient 
tête  baiiTée,  2^4.  235 

Chérubins.  Conformifé  à<:s  Chérubins  &  des 
Theraphims  5  4^2.  En  quoi  ils  difteroienr, 
453.  L'Oracle  des  Theraphims  a  été  imité 
de  celui  des  Chérubins,  46^3. 

Chevd.  A  quelles  divinitez  il  étoit  confacré, 
^58.  7i2.  723.  797 

Chèvre.  A  quels  Dieux  on  la  facrifioit,-      797' 

Chîen.  Il  étoit  adoré  en  Egypte,  50^.  598. 
^5^.  Pourquoi  on  ceffa  de  l'adorer  ,  508. 
^13.  A  quelles  divinitez  on  l'ofFroit  en  fa- 
crifice .  79^ 

chrétiens.  Les  premiers  Chrétiens  recevaient 
trop  facilement  tout  ce  qui  favorifoit  leChrif- 
tianifme,  25.  28 

Ciceron.  Comment  il  définit  la  divinité  ,     41 1 

Ciel.  On  a  accufé  les  Juifs  de  l'avoir  adoré, 
pourquoi ,  748 

Circenfes.  (Jeux)  Cérémonies  obfervées  dans 
les  Jeux  Circenfes,  571J 

drconcifion,  La  Circoncifion  au  commence- 
ment n'étoit  pas  un  Sacrement  de  toute  l'E- 
glife,  125.  Dans  quel  tems  elle  devint  un 
Sacrement  de  l'Eglife ,  ibid.   Elle  ne  fut  pas 


obfervée  dans  le  défert,  12^, 

Circoncifion.  De  la  circoncifion,  3'ji.  Canons 
des  Juifs  fur  la  circoncifion,  351.  Pourquoi 
elle  fc  faifoit  le  huitième  jour,  3^1.  351. 
Qui  étoit  le  Minifire  de  ce  Sacrement,  3151 

Ccdus.  Il  étoit  Roi  dans  l'Ile  de  Panchaia,4o3. 
Ses  enfans,  ibid. 

Combabe,  Hiftoire  de  Corababe  &  de  Stratoni- 
ce,  _  771 

Commandement.  La  diâerence  des  commande- 
mens  moraux  &  des  ceremoniels,  171 

C(7»a7e  aflemblé  à  Jerufalem  parles  Apôtres. 
Voyez  Apôtres. 

Concubines.  La  différence  qu'il  y  avoit  entre  les 
Concubines  &  les  autres  femmes,  158 

Confrairies,  Origine  des  confrairies  du  Papif- 
me,  772, 

Coq.  Il  étoit  confacré  au  Soleil ,  700.  Pythagore 
n'en  vouloit  pas  manger  ,  pourquoi ,  ibid, 
A  quels  Dieux  on  le  facrifioit ,  797 

Corneille  y  le  Centenier, étoit  Profeiyte  de  la 
porte,  4ç, 

Cornes.  Les  Dieux  des  Orientaux  portoient 
prefque  tous  des  cornes ,  ^29.  C'eft  l'em- 
blème de  la  puiflance,  ibid.  Hiftoire  d'un 
homme ,  à  qui  il  vint  fubitement  des  cornes 
à  la  tête,  529 

Corybantes.  Ce  que.  c'étoit,  423.  427 

Crocodile.  Il  étoit  adoré  en  Egypte,  50(î. pour- 
quoi,  5i(j- 

Cruciflxion.  Elle  n'étoit  pas  en  vfage  parmi  les 
Juifs,  389 

Culte.  Ce  que  c'eft,  2.  Deux  fortes  de  culte, 

Cîtlte  volontaire  félon  la  Loi ,  en  quoi  il  confif- 
toit ,  372,  Dieu  acceptoit  certains  fervices 
volontaires,  373.  divihon  générale  du  culte  ; 
volontaire,  i^zW.  Les  fervices  volontaires  n'é- 
toient  libres  qu'à  l'égard  de  la  matière,  & 
non  de  la  forme  ,  374.  375»  Quel  fervice  " 
volontaire  eft  agréable  à  Dieu  dans  le  culte  des 
Chrétiens,  375 

Cupidon.  Sa  naiflance  félon  AriftopKane,   446" 

Curetés.  Quels  Dieux  c'étoient,  422,  427 

Cybele.  Cybele  ,  Ifis ,  Vefla:&  Cerés,  font  une 
même  divinité  ,  fignifiant  la  nature  univer- 
felle,  528.  529 

Cybele.  Par  quels  Prêtres  elle  étoit  fervie  , 
772 

Cybele.  Pourquoi  fes  Prêtres  étoient  appeliez 
Galli,  ...  51^ 

Cybde.  Pourquoi  on  lui  mettoit  des  tours  fur 
la  tête,  6\i.  Pourquoi  appeilée  Maia  ,  ibid. 
Pourquoi  on  lui  mettoit  dans  la  main  des  épis 
de  blé  &  une  poignée  de  millet,  ibid.  Sts 
Prêtres  fe  déchiroient  la  chair  ,  pourquoi, 
^24.  ^25 

Cybele.  C'eft  Eve,  ^25.  C'eft  la  Déefle  Berith 
~  dçs  Sichemites,  ^22.  &  la  Déefle  Syrienne, 

ibid. 


T      A      B 

Clid.  Ses  divers  noms,  ^zj.  C'ell  la  Terre, 
6^4.  Pourquoi appeliée  Cybele, ^  Ops,  îi>id. 
Sous  quelle tigure  elle  étoit  adorée.  487 

Cymbde.  De:  Cymbales  dont  on  fefervoitdans 
Je  Temple,  zsz.  293 

Cyrus.  En  quel  temsil  vivoit ,  z.  Sa  colcre  con- 
tre le  fleuve  Gumdez  ,  72,3 


D 


A  c  T  Y  L I  I D  ^  I.  Quels  Dieux  c'étoient. 

. 4^7 

'■Dagon.  Sous  quelle  figure  il  école  repréfenté  , 
457.  Textes  où  il  eil  parlé  deDagon,  641. 
Ea  quel  lieu  étoit  fon  Temple,  6â^%.  6^^. 
Deux  étymologies  du  mot  Dagon,  qui  font 
deux  opinions  fur  le  Dieu  Dagon  ,  ^43.  Il 
étoit  demi-homme  &  demi.poiflon ,  (Î44. 645 . 
Cette  Idole  avoit  la  forme  humaine,  ^45. 
C'eft  le  même  que  l'Oanes  des  Babyloniens, 
ïbîcL  C'écoit Neptune, 646. ^48.  6<^o.  Con- 
jedure  que  Dagon  &  Derceto  font  la  même 
divinité  ,  (Î48.  Pourquoi  les  Grecs  n'ont 
point  parlé  de  Dagon  ,  (^49^  Japhet  eft  caché 
fous  ce  nom,  6^\.  &Noé,  6<^z 

Danfe,  Des  daafes  des  Anciens  dans  le  fervice  di- 
vin, 599 
David.  Ce  que  (îgnifioit  l'aftion  de  David  ,qui 
répandit  l'eau  que  fes  preux  avoicnt  été  cher- 
cher au  péril  de  leur  vie ,  85 
jyéuicace.  (Fête  de  la)  Origine  de  cette  Fête  , 
349.  3-50.  On  aliumoic  des  lampes  dans  tou- 
tes les  maifons,  pourquoi,                        350 
Déejfe.  La  Langue  Sainte   n'a  point  le  mot  de 
Déeffe  ,&  pourquoi ,                                619 
Délit.  Sacrifice  pour  le   Délit.     Voyez,  facrifi- 

ce. 
Délit.  En  quoi  il  diffère  du  péché,  -311 

Delubrmn,  D'où  vient  ce  mot,  760.  'j6i 

Déluge.  Grandes  lumières  que  la  génération  de 
Noé  a  pu  tirer  de  l'Hiftoire  du  déluge,  5. 
Comment  on  peut  concevoir  qu'il  y  eut  un 
fi  grand  nombre  d'hommes  fur  la  terre  cent 
ans  après  le  déluge,  191.  193.  Quels  étoient 
les  crimes  des  hommes  avant  le  déluge,  404. 
Notable  Fragment  d' Abydenus  touchant  l'Hif- 
toire du  déluge,  589 
Dhnons.  Quels  Dieux  c'étoient  entre  les  Payens, 
419.  430  Ce  nom  fe  prend  fouvent  en  bon- 
ne part  entre  les  Payens,^3i.  Mais  plus  fou- 
vent  en  mauvaife  part ,  ibid.  Qui  étoit  le 
Prince  des  Démons,  630.  G^z 
Dercé,  Quelle  divinité  c' étoit,  ^47 
Derceto.  Quelle  divinité  c'étoit  ,  6^S.  6/\7. 
Origine  du  culte  qu'on  lui  rendoit  ,  (Î47. 
Gonjedure  que  Dagon  &  Derceto  font  la 
même  divinité  ,  648.  C'eft  Amphitrite,i^W. 
li^o,  On  l'a  confondue  avecla  Venus  Syrien- 


L      E 

ne,  (j49-  avec  Aftarté,  ihîd.  Quels  Dieux 
Animaux  font  cachez  fous  cette  divinité, 
651.  Elle  n'eft  pas  Aliarté,  (J73.  ni  Venus 
Uranie,  674 

Dettes.  Du  relâchement  des  dettes ,  qui  fe  fai- 
foit  Tannée  de  relâche,  3^5-  Canons  pour 
la  remife  des  dettes ,  35^ 

Deviner.  Le  mot  de  deviner  ne  fè  prend  pas  tou- 
jours en  mauvaife  part,  38 
Dévots,  Caradere  des  faux  dévots,               $4 
Diable.  Qui  étoit  le  Prince  des  Diables,  feloii 
les    Payens  ,  (Î30     S^z.  Selon  les  Juifs  , 
îb'id. 
Diable.  Il  s'eft  fait  prefque  adorer  par  tout  fous 

la  figure  du  ferpent,  741.  i^  fuiv. 
Diane.  Efcalier  fort  remarquable  du  Temple  de 
Diane  à  Ephcfe ,  48^.  Sous  quelle  figure  elle 
étoit  adorée,  487,  Appellée  Allratée  ,pour- 
<juoi,  (Î73.  Et  Erycine,  îbid.  Sa  Prêtrefle 
devoit  être  vierge,  76^9 

Diane.  Origine  dé  ce  nom,  671.  OnluioftVoit 
des  vidimes humaines,       '  791 

Didon.  Ses  Ancêtres ,  félon  Servius  ,  ^11 

Dieu.  Ses  fréquentes  apparitions  ont  rendu  fon 
exiftence  &  fon  eflence  très  fenfibles  aux  Pa- 
triarches ,  ,7.  Jacob  n'a  pas  ignoré  fa  toute- 
prefence,  7 

Dieu.  Pailages  tirez  des  écrits  de  quelques  fages 
Payens  ,   d'où  il  paroît  qu'ils  ont  reconnu 
l'Unité  d'un  Dieu,  414.  ^  fuîv. 
Dieu.  Définition  de  la  Divinité  par  quelques  fa- 
ges Payens ,  41^ 
Dieu.  En  quelle  forme  il  ap|>arut  à  Moife  &  aux 
anciens d'Ifraël ,  45^.  Les Ifraëlites  ont  ado- 
ré le  vrai  Dieu  fous  des  Idoles,  ^38.  Les  Pa- 
yens ont  eu  le  même  deffein,  ibid. 
jyieux.  Opinion  des  Juifs  touchant  les  mefures 
qu'on  doit  garder  avec  les  faux  Dieux,  54, 
eft  refutée,   54.  ^^.  Le  nom  des  Dieux  em- 
ployé pour  les  Magiftrats  dans  l'Ecriture, 

If 

Dieux.  Les  Aftres  ont  été  les  premiers  faux 
Dieux,  405.  Généalogie  des  Dieux,  408. 
Sous  les  noms  des  divinitez  Payennes  étoit 
caché  le  monde  avec  toutes  fes  parties,  412. 
Les  Payens  adoroient  fous  une  même  divini- 
té, une  partie  du  monde,  un  corps  naturel, 
&  un  homme,  414  418 

Dieux.  Incroyable  nombre  de  Dieux  entre  les 
Payens,  418.  Divifez  en  Dieux  Naturels,  & 
Dieux  Animaux,  ïl^iâ^.  Quels  ont  été  les  hom- 
mes dont  les  Payens  ont  tait  des  Dieux,  419. 
Divifion  des  Dieux  félon  Jamblique&  les  Pla- 
toniciens modernes,  419.  420.  Claffcs  fous 
îefquelles  les  Grecs  &  les  Romains  rangeoient 
leurs  Dieux,  421.  (3"  fuiv.  Des  Dieux  Ma- 
jorum  ^  Minonim  Gentîum  ,411.  Des  Dieux 
confentes  (5"  ele^i  ,  ibid.  Des  Dieux  feledi , 
412,    Des  Dieux  Sampthraces   &  Cabires 

fbidi 


D  E  s    M  A 

i^z'i.  "Des  Dieux  Pénates ,  415.  ^  fuiv.  Des 
D'itwyiVîdes  ,^z6.  459.  Des  Dieux  iwi/gere;, 
:<i^z6.  Dqs  DaHyli  Idâi ,  417.  Des  Lares,  429. 
457.  ^  Juîv.  Des  Génies,  419 

■'Dieux.  Généalogie  des  Dieux  félon  la  Théolo- 
gie des  Phéniciens  ,  44i.  ^ fuiv. (don  cqWq 
des  Grecs ,  44(3.  Plaifanterie  de  L  ucien  fur  \qs 
Dieux  d'or  Se  d'argent,  48<.  Les  Payens  ré- 
préfentoicnt  leurs  Dieux  fous  des  figures  ex- 
travagantes ,  49 1 
'Dîeisx.  Q&s  Dieux  Naturels  te  Animaux,  52  j. 
Les  Dieux  des  Orientaux  portoient  prefque 

aous  des  cornes,  52p.  Les  Patriarches  des 
Nations  ont  été  leurs  Dieux,  ^jz.  De  quelle 
manière fe  taifoi^nt  kstranrportationsdes  di- 
vinitez,   576.  Aucunmortel  nepouvoit voir 

-la nudité  des^Dieux  fans  être  puni,  5 89.  La 
plupart  étoient  Hermaphrodites ,  558.  648. 

■Dieux.  Les  noms  Latins  des  Dieux  font  plus  re- 
connoiiTables  pour  être  venus  des  Orientaux, 
que  les  noms  Grecs ,  ^04.  Les  divinitez  Pe- 
yennes  n'ont  pas  toujours  été' également  en  vo- 
gue, é^o.  Coiatume  des  grands  entre  les  Pa- 
yens  de  mettre  des  Dieux  entre  leurs  Ancê- 
tres, ^  652, 

Dieux  Celefies.  On  fetournoit  vers  l'Orient  dans 
\ts  facrifices  qu'on  leur  offroit ,  71 S 

Dieux.  Dieux  informes  adorez  par  les  Payens, 
73<S 

'Dragon.  Hiftoire  du  Dragon  àç%  Babyloniens 
Apocryphe,  741 

Dme.  De  la  grande  dime,  300.  Seconde  dîme, 
&fadefi«nation  ,  ibid.  Quelle  jétoit  la  dim€ 
deiatroifiéme  année,  300.  301.  Sammete- 
tale  des  dîmes  ,  301.  De  la  dîme  des  trou- 
peaux, 5  02.De  quelle  manière  ces  dîmes  étoient 
difiribuées,  302,  Ce  que  les  Juifs  donnent 
aujourd'hui  au  lieu  de  dîmes,  303 

-DïmedQ  la  pâte  s'obferve  encore  entre  les  Juifs, 

Diodoreàe  Sicile.  Ce  que  les  Prêtres  Payens  ont 
retranchéjie  fon  livre ,  408 

Dîoné.  Son  Hiftoire,  félon  Ovide,  6^47 

Di'vorce.  Il  eft  défeitdu  par  l'inftitution  du  maria- 
ge, 133.  150.  lêi.  Le  vrai  divorce  n'étoic 
pas  en  ufage  dans  l'Eglife  avant  Moïle ,  1 60. 
Sentimens  des  Juifs  &  des  Chrétiens  fur  le  di- 
vorce, ii»i.  IlétoitpertnisparlaLoide  Moï- 
fe ,  ibid.  Divorce  entre  les  Grecs  &  les  Ro- 
mains étoit  fort  ufilé,  16 z.  Les  femmesentre 
les  Juifs  ne  pou  voient  donner  la  lettre  de  di- 
vorce, 1^2.  Deuxexemples  de  femmes  Juif- 
ves ,  qui  ont  répudié  leurs  maris,  î6z.  Le 
divorce  s'établit  fort  tard  errre  les  Romains, 
ï^5 .  Dieu  a  difpenfé  les  Patriarches  de  la  Loi 
qui  défend  le  divorce,  16^3 

pppne.  Gequec'eftj  a 

Part.  IV. 


T  î  E  R  E  S, 


EAu  de  Jaloufie.  Voyez,  JalouRs. 
Eaux  Ameres,     c'étoit  l'eau  de  Jalbufe, 
371.  Voyez,  Jaloufie. 
Egli/e.  Sa  durée  divifée  en  trois  grands  périodes^ 
I.  De  fes  Dogmes  avant  la  Loi ,  2.  ^  fuiv. 
L'Eglife  avant  le  déluge  a  été  aufli  favante  que 
celle  quia  fuivi  le  déluge,  4.  Articles  de  Foi 
qu'elle  a  crvn&  connus,  i^.  17.  20.  De  quelle 
manière  Dieu  infrruiloit  (on  Eglile  avant  Moi. 
fe,  21.   32.  Elle étoit instruite  par  des  com- 
merces fenlibles  avec  la  divinité,  2ï, 
Egli/e,  L'Eghfe  avant  Mo)fc  n'avoit  point  d'af- 
femblées  publiques,   120.121,     Elle  n'étoic 
pas  alors  diflinguée  par  nations ,  mais  par  fa- 
milles, 12-Ï.   Eglife  avant  Abraham  n'avoic 
point  de  Sacremens,  1 24.  L^Eglife avant  Mbï- 
fe  n'avoit  point  de  difcipiine  générale,   ii.60 
Abrégé  des-caraderes  de  cette  ancienne  Egli- 
fe, 127.  iz8.     Pourquoi  les  Juifs  appellent 
cette  ancienne  Eglife  Chaos,  128. 129.  Dé- 
finition de  l'Eglife  ,   félon  les  Catholiques 
Romains,!                                                   ^3^ 
eglife.  FormedesEglifes  empruntée  des  Payens, 

762. 
Egypte,  Appellée  Chemia,  &  pourquoi  ,533.^15;. 
&  Matfor,  <^yi.  Son  Dieu  engloutit  les  au- 
tres Dieux,  721 
égyptiens.  Leur  Théologie  eftla  fourcede  celle 
des  Grecs  &  des  Romains,  410.  Exphcation 
de  ce  qui  paroît  affreux  dans  leur  Théolo- 
gie, 411.  412.  413.  SoUs  la  multitude  de 
leurs  Dieux  ils  reconnoiffoient  l'unité  d'un 
►Dieu,  4i<5.  Ils  ne  donnoient  point  de  mem- 
bres à  leurs  ftatuës,  pourquoi,  4^0 
Egyptiens,  Ils  adoroientplufieurs animaux,  506'. 
Ils  cachoient  les  rayfieres  de  leur  Religion 
fous  des  Hiéroglyphiques ,  ibid.<,i'j.  Moyeii 
dontCambyfes  fcfervit  pour  les  vaincre,  ï'^/V. - 
Chaque  Province  de  l'Egypte  adoroit  certaines 
bêtes  ,  ibid.  51^.  Le  culte  des  bêtes  étoit  ea 
Egypte  dutemsde  Moïfe  j  ié'/io 
Egyptien!.  Pourquoi  ils  avoient  en  âbominatioiî 
Iqs  Bergers-,  -^07.  Ils  deteftoient  les  pour- 
ceaux &  le?,  gardeurs  des  pourceaux,  félon 
Hérodote,  -ibid.  Ils  n*â'aient  pas  d'horreur- 
pour  tous  les  Bergers,  ibid>  Quels  anjrpaux 
lervoient  à  la  nourriture  des  Egyptiens ,  ihîd» 
Quels  boeufs  ils  facrifioient  ,  $08.  531.  Ils 
adoroient  auffi les  fimtilacresdes  bêtes ,  509 
Egyptiens.  La  grande  dévotion  qu'ils  avoient 
pour  les.  bceufs  Apis &Mnevis,  509.  ^fuîv, 
Diverfès  excufes  en  faveur  des  Egyptiens  fur 
Je  culte  qu'ils  rendoient  aux  bêtes,  515.  Ils 
ont  adoré  les  bêtes,  à  caufedesutilitez  qu'ils 
en  retiroient ,  51^.  La  vraie  rai  fon  ,  c'éft 
^ue  ces  animaux  étoienf.  établis  pour  fy;mb.io=. 


v^  iï^     À      B 

îes  des  grands  Dieux,  fJ6.  Procès  des  Pa- 
pittes  dans  celui  des  Egyptiens,  ihid.  Preu- 
ves que  les  Egyptiens  n'ont  adoré  les  animaux 
facrez,  que  comme  'es  fymboles  des  grands 
Dieux,  517.  518.  Ils  fcbuëttoient  leurs  Dieux, 
&  même  les  tuoient.  51?.  Ils  ont  uni  leurs 
Dieux  Naturels  avec  leurs  Dieux  Animaux., 

Egyptiens.  Ils  ne  connomoienî  d''a'utre  Dieuj 
que  le  monde  &  la  nature  univerfelle ,  517' 
coutume  finguliere  des  Egyptiens  d'anathe- 
matifer  latête  du  bœuf,  531.  Les  Egyptiens 
tenoient  deux  Principes,  l'un  bon  &  l'autre 
mauvais  ,  ^32..  Qui  étoientles  hommes  dont 
ils  ont  fait  leurs  Dieux,  '^^■^.  554 

Egyptiens.  Ccremonie  d-es  Egyptiens  dans  leurs 
grands  facrifices,  540.  Les  Prêtres  Egyptiens 
ne  mangeoient  point  de  fcl ,  pourquoi,  650. 
Cérémonies  de  leurs  facrificss-,  787 

Elie.  En  aueKcns  Eîifés  peut  avoir  demandéla 

double  portion  de  fan  efpric,   57-   Pourquoi 

•  Eiien'a  pas  reproché  aux  dix  Tribus  l'adora- 

.  t'ion  des  Veaux  j  mais  celledes  Bahalins,544. 

Pourquoi  Elie,  wnli  grand  Prophète,  a  vé- 

-cu  toutefa  vie  entre  ces  fchifmatiques ,    ^47. 

EMoga.bde.  Sous  quelle  figure  iléEoit  adoré, 487. 
Quelle  divinité  c'étoit ,  597.6015^. 

lUifée  En  quel  fens  Elifée  peut  avoir  demandé 
le  double  de  l'efprit  d'Elie  ,  5,7.  Pourqvîoi 
Elifée,  un  fi  grand  Prophète,  a  vécu^  toute 
fa  vie  entre  des  fchifmatiques,  547 

Emblème.  Différence  des  Emblèmes  Se  des  Types, 

E-ncem.  Combien  d'^enceas  on  brûloit  tous  Ifes 
jours  dans  le  Temple  ,  jzi.  Cérémonies  qu'on 
oBfervoit>  quand  on  le  portoit  dans  le  lieu 
Saint,  3Z2,.  Quand  on  le  faifoit  fumer,  325 
Eïiée.  Son  voyage  en  Italie  elt  fort  douteux,  424, 
Sous  quel  nors  il  étoiî  adore' par  les  Romains, 
4Z  6. 
Enjantemtnî.  Cérémonies  de  la  purification  de 
l'enfa-ntement ,.  3^7- 

Enfers..  Coaiment  en  répr«fentoit  les  Dieux  des. 
Enfers,  (Î53.  Pourquoi  onfacrifioit  aux  Dieux 
éts  Enfers ,  6  3  8,  De  quelle  manière  on  faifoit: 
.  .ces fasrifices ,.  ^38.  ^39.  716-*  71-7? 

Eng-^JkimHthes.  VoyeZi  Ventriloques,. 
Ewchi  lî  aétéleplus  illyftre  àts  Prophètes  àur 
>  premier  monde ,  z'4.  Livre  q.u'onluia  attri- 
.  tîuç,  z.x,  Z'f^  Sragtnens  du  Livre  d'Enoch ,. 
i^v  Ce  Livre  éteic  d'un impolieur,.  28,,  Qiii 
a  vécu  après  .la  naiiîance  de  Hôtre  Seigneur  j, 
-  ihid.   Preuves  décela^  zj.  Il  étoit  Chiétien,. 
2-9-  CJ  fmv.  D'GÙ;c'eii    qu'il  â  pds.  QccaGon 
de  forger  cet  Ou  Visage.,.      '  31 

Enjeign^,^  Coutume  de -: mettre  dies  Sgor-es.  d'ari- 
maij'-i  dans  Les  enfeignes militai re5> 51  <^i  II^-. 
fage.  des  enfÊJgfitîs  njilitaires  "îâ  fort  anciea  ,. 
•  ^3,4^  Leur  forme.  ordinaire>.  ikiâ».  2±% 


LE 

Epaphits.  Si  c'efi  la  même  chofe  qu'Apîs,   ^ro^ 

'  ^19.  Fable  des  Grecs  touchant  Apis  &  Epa- 

phus,  ^  519 

Epha.  Quelle. efpeee  de  mefurc  c'ctoit,       z^a 

Epervier.  Adoré  en  Egypte  ,  664^.  66<^' 

Ephod.  Sa.defcription,  272.731.  Qui  avoir  droit 
de  revêtir  l'Ephod,  2.78. 

Ephod  de  Gedeon.  Voi  Gedeon. 

Efdie.  Explication  des  Scrapbims  d'Efaïe  ,  231.,. 
232.  Explication  du  XVIIL.  Chapitre  de  fon 
Livra,  (Î84 

Ejm  La  maledidSion  prononcée  contre  Efaii  ne 
regardoit  que  fes  derniers  décendans,  67.  Le 
péché  d'Efaii  n'eft  point  ce  qu'on  lui  attribué"  j, 
75.  Pourquoi  il  eft  appelle  profane,  58.75.  Il  y 
a  de  la  témérité  à  dire  qu'Efaù  ait  été  datnné,  . 
78.  79.  Il'  ne  paroîc  pas  être  d'un  méchant 
.  caradere  dans  l'Hiftoire  Sainte,  79. 

Efclaves.  Etrange  opinion  des  Juifs  fur  les  ma-- 
riages  à-es  Efclaves  Profelytes  ,  14-3.  144; 
Efclaves  de  quatre  fortes  entre  les  Juits,  143». 
Du  relâchement  des  Efclaves  entre  les  Juifs, 
35<î.  359.  Canons  iim  ce  relâchement  ^^ 
ihid. 

Efculape.  l\  étoit  adoré  fous  la  figure  d-'un  fer- 
pent  ,  741.    Quelles  bëces  on  lui.facrifioit^ 

Efdras.  Le  Quatrième  Livre  d'Efdras  a  été  com- 
pofé  par  un  Chrétien  ,  iS 

Efpagnols.  Cruaucez  qu'ils  exercèrent  dans  les  In- 
des, ^  ■  ^  794. 

St^  Ejpm.  Caraderes  du  péché  contre  le  St'.  Ef- 
prit,  j7- 

E^'éej^s.  Ils  obfervoient  le.  Sabbat  avec  une  ri- 
gueur ridicule,  3fj. 

Ephiopiens.  Peniée  ridicule  d'im  Auteur  Moder- 
ne fur  l'origin*  de  la  noirceur  des  Ethio- 
pien*, _  7|.; 

Etoiles.  De  l'adoration  deS'  Etoiles  3  72.  f. 
72^ 

Etranger  qui'efi  dedans  tes  prtss  ,  qui  il  faut 
entendre  par  ces  mots ,  4  3  •   5  5  s»- 

Evangile.  Pourquoi  le  tems  d-e  i'Evangile  efi: 
appelle  l'an  acceptable  du  Seigneur  ,    35$v 

Euchariftie.  En  quel  tems  Jefus  -  Chrift  l'inâi- 
tua,  332.  533.  Paflage  d'Arnobeoùilcom-. 
bat  l'ubiquité  d'un  corps  &  la  pr-efenee  réel- 
le, 49t. 

E've.  Les  Phéniciens  en  ont  fait  leur  Berith,  & 
les  Grecs  leur  Cybele,^  6^2  ç 

Euhemerus.   Fragment  de  l'Hifloire  des  Dieux 
par  Euhemerus,  40&.  Hiftoire  de  cet  Euhe- 
,  merus.,  ibid.  Jugement  des  fages  Payens  tou- 
chant Eu  heraerus  ,  409 

Excommunication.  Quelle  peine  c^étoit  entre  les 

-  Jaifs,  392.   Des  etpe^es d'Excommunication, 

■ihid..  393;;.   De  l'origine  de  l'fiKcommanica— 

îioajf^   391.  332,   Exconamunication   ufitée 


DES    MATIERES. 


«titre  lesPajfens,  355.  Diverfesobfervaciôns 
fur  l'Exconuyunicacion  Judaïque,  394.  Des 
eftets  de  cette  Excommunicanon  ,  3.5)5.  Si 
rfixcommunicatiotî  excluoic  de  l'ufage  des 
cliofesfaintes,  395.  Caufespouriefqueiles  on 
excemmuniok ,  ^96.  De  rabfoktion  des  ex- 
communiez ,  ^9(î 
Excommunication  des  Chrétiens,  391^ 
Ez.echieL  Explication  des  animaux  d'Ezechael, 
251.  231 


FAbius  Maxim  us.  Ce  qu'ilfitàla  prifc 
de  Tarente,  500 

Ifible,  D'où  vient  la  prodigieufe  confufion  <5ui 
e{t  dans  Ja  Fable,   581,   58a.    Ce  que  l'on 
/doit  penfer  des  interprétations  que  les  Phi- 
lofophes  Payens  donnoient  à  leurs  Fables  , 
610 
Marine.  Offrande  de  fine  farine  pour  le  péché, 

"Femmes.  En  quel  fens  les  femmes  prophetifoient 
dans  l'Eglife,  294.  Elles  avoient  part  au  fa- 
cerdoce  entre  lès  Payens,  769.  Quels  peu- 
ples ont  introduit  cet  ufage,  770    77i 

Feu.  Du  feu  décendu  du  Ciel,  254.  Si  ce  feu 
fut  faus  le  fécond  Temple,  255.  Divers  mi- 
racJes  de  ce  feu ,  254.  2  55.Cétoitle  fym- 
bûle  du  Soleil  ,  &  ri  étoit  adoré  de  divers 
peuples  ,  407.  720.  767.  Dieu  des  Chal- 
déçns ,  comment  il  fut  vaincu  en  Egypte, 
484.  720 

Feu.  Coutume  d'examiner  les  criminels  par  le 
feu,  5()9 

Feu.  Feux  facrez  dans  les  Temples,  76^7 

Fêtes,  S'il  y  avoit  des  Fêtes  folennelles&  publi- 
ques avant  Moïfe  ,  119.  Fëtcs  folennelles, 
325.  Miracles  qui  arrivoient  dans  les  Fêtes 
folennelles,  ibid.  Les  Juifs  ne  jeûnoient  ja- 
mais dans  leurs  Fêtes,  ^^ 

Fête.  Les  Payens  portoient  dans  leurs  Fêtes  \qs 
fîmulacres  de  leurs  Dieux  fous  des  Tabernacles 
portatifs,  540.  541 

Flambeau.  Origine  des  flambeaux  dans  lespro- 
cefTions,  76^^,  766 

Fiamen  Dialis.  Il'renonçoit  au  Sacerdoce, quand 
fa  femme  mouroit,  772.  Qualité  requife  en 

,  lui,  779.  Scrupuleufesobfervationsaufquel- 
les  il  étoit  obligé  ,  780.  Privilèges  qu'il 
avoit,  781 

ForvîcAîion.  Si  la  fimple  fornication  étoit  défen- 
due avant  Moïfe  ,  157.  Elle  n'étoit  fujet- 
te  à  aucune  peine,  138.  De  quelle  maniè- 
re la  regardoient  les  Grecs  &  les  Romains, 

Fortune.   Les  anciens  donnoient  ce  nom  à  la 

Lune,  <Î9  9 

Fouet,  De  1«  peine  du  fouet,  389.   Pour  quels 


péchez  on  ordonnoit  cette  peine,  5J9.  350. 
Manière  dont  on  foucctoit  les  coupables, 
390.  Des  trente-neuf  coups  qu'il  étoit  per- 
mis de  donner,  &  pourquoi  non  plus,  390. 
Ce  fupplice  n'cntrainoit  après  loi  aucune  in- 
famie, ni  diminution  de  dignité,  ibld. 


G 


GAeaoniteî,   Ils  ctoient  les  valets  dc« 
Lévites,  29,5 

Cad.  Ce  qu'entend  Efaïe  par  ce  nom,  lîg^.  iS 
fuîv.  C'eft  la  conflellation  6i  le  génie  qui  pré- 
fideàlanaidance,  ()96'.  Selon  les  Juifs  ,  c'eft  la 
bonnefortuiie,^9^.iS97.  Cenomfémble  défi» 
gnerlaLune,  i^Z.  C'eiUe  Soleil  félon  l'Au- 
teur, 70  ï 
Gaffarel.  Soncaraderè ,                                454 
Gaflromance.  Ce  que  c'eft,  471 
Gâteaux.  Offraitdesdesgareaux,  31^.  comment 
elles  fe  f^ifoient ,  317 
Gâteaux.  Compofition  des  gâteaux  qu'on  offroit 
aux  Dieux,                                       798.  799 
Gaulois.Quds  ctoient  leurs  principaux  Dieux^  5  9(> 
Gedeon.  Hiiloire  de  fon  Ephod ,  730.  Ce  qu« 
c'ctoit ,  7^1.     Sa  forme,  731.    Sou  ufage, 

732.  Gedeon  n'employa  pas  tout  l'or  du  bu- 
tin dans  cet  Ephod,  7  31.  De  quel  poids  étoit 
cet  Ephod ,  ibid.  Pourquoi  Gedeon  donna 
une  forme  de   vêtement  à  fon  monument  , 

733.  C'étoit  une  enfeigne  militaire,  734. 
fort  femblable  au  Labarum  des  Romains, 
ibid.  Comment  ks  Ifraëlites  adorèrent  cet 
Ephod,  73^.  C5'y«'i'.  Gedeon  établit  un  fer- 
vice  de  Dieu  dans  fa  ville  en  faveur  de  foa 
Ephod,  717.  Pourquoi  le  péché  de. Gedeon 
bc  des  Ifraëlites  eft  appelle  paillardife  ,  738. 
Pourquoi  Gedeon  pèche,  puifqu'onfacrifioic 
dans  les  hauts  lieux,  7$^ 

Gehennu  fignifie  l'Enter,    pourquoi,  5^7 

Génies.  Ce  qu'étoient  les  Dieux  qu'on  appelloit 
Génies,  419.  430 

Genita  Mana.  Quelle  divinité  c'étoit,         7<jS. 

Genitius  Cippas.  Il  lui  vint  fubitement  des  cor- 
nes à  la  tête,  529 

Germanicus.  Le  bœuf  Apis  refufa  de  prendre 
ce  qu'il  lui  préfentoit,  510.  5  11.  Honneurs 
qu'on  lui  rendit  après  fa  mort,      57^.  ^77 

Gonorrhée.  Comment  fe  faifoit  la  purificationdc 
cette  maladie,  i6S 

Grains.  De  quelle  manière  oncoupoit  une  poi- 
gnée des  premiers  grains,  333 

Gratjfes.  Explication  du  commandement  de  brû- 
ler les  grailTes,.  87,.  différence  entre  la  dé- 
fenfe  de  manger  du  fang  ,  &  celle  de  man- 
ger de  la  graille,  87.  Il  n'étoit  pas  permis 
aux  Ifraëlites  d'en  manger.  314.  Toutes Igs 
grailfes  étoient  confacrées  à  Dieu,  -jjj- 

Grecs.  Comment  ils  dj.Yifçi6,at leurs  mois,  11$ 

Luu  2     y^, 


T      A 

lis  ont  tiré  leur  Théologie  de  celle  des  Egyp- 
tiens &  <les  Phéniciens, 410.  ^^6.  447.  De 
qui  ils  font  décendus,  ^51 

Grecs.  L'Eglife  Grecque  ne  mange  pasdefang, 

17.^ 
Grenade.  Ce  fruit  étoit  confacré  à  Venus, ^5» 
Grotius.  Ses  Livres  fur  l'Ecriture  Saintcdoivent 

être  lus  avec  précaution ,  1^ 

Guerfçonltes     Quel  étoit  leur  office  ,  250 

Guindez,     Fleuve  ,  coupé   en    360.   canaux  , 


H- 


H  A  Al  M  AN  I  M.  Ceque  c'étoît ,  717^  7i§; 
719 

Hmamelech.  Quelle  divinité  c' étoit,  ^ifj 

Harpye.  Notable  conjedure  touchant  l'origine 
du  nom  &  de  la  fable  des  Harpye^ ,  6^35.(^34. 
Leur  defcription,  ^34.  Parfaite  conformité 
entre  les  Harpyes  de  Virgile  ,  &  les  faute- 
relles  de  S.  Jean,  Hfid, 

Hajfidéens.  Leur  origine-,.  37* 

Haut  lien.  Des  Hauts  lieux,  où  l'on  adoroit, 
751.  Leur  ufage  eft  auflî  ancien  que  le  mon- 
de, 75* 

Hazazel.  Cérémonies  du  Bouc  Hazazel ,  339^ 
340.  341.  Tradition  notable  fur  le  fil  d'écar- 
late ,  -qu'on  lioit  entre  (qs  cornes ,  340. 341 

Hécate.  Defcription  d'une  ftatuë  magique,  or- 
donnée par  Hécate,  497-  Elle  étoit appelîée 
Triformis ,  pourquoi  ,633.  Quelles  bêtes  on 
lui  facrifioit,  796 

Hélène  Reine  des  Adiabenes  ,  magnifique  pre- 
fent  qu'elle   fait   au  Temple  de  Jerufalem, 

tieliegabalus.  Quelle  divinité  c'etoit ,  597.  ^0(> 
Heraclite.    Pourquoi  appelle  ténébreux,       413 
Henri  VIL  Roi  d'Angleterre,  Hiftoire  notable 
4e  ce  Roi ,  472 

Hercule.  Que  flgnifient  fes  trayaiux,  412.  6qZ. 
L'Hercule  Tyrien  efi  le  mênae  que  Bahal , 
^07.  Etymologie  de.  ce  nom  ,  6oj.  60%, 
Surnommé  Locuftarius  ,  pourquoi,  ^29. 
ChafTe- mouches,  ibid.  D'où  eft  venue  la  fa- 
ble qu'Hercule  tira  Cerbère  des  Enfers, 
^41.  San  Prêtre  étoit  habillé  en  femme  , 
773.  Les  femmes  negoûtoientpasde  ce  qui 
avoit  été  fur  fon  Aut^l ,  îbid. 

Héritage,  Du  retour  des  Hefitagefr  Pan  du  Ju- 
bilé, 160 
Merodias  répudia  fon. mari 5  cç- qîti  étoitcontre 
les  Loix,  \^z 
Hérodote.  Il  étoit  ignorant  en  antiqurtez  Egyp- 
tiennes, 508.  Ses  hiftoires s'accordent  fouvent 
avec  l'Hiftoire  facrée,            "                 G61 
ÏÏe/Hs.  <^el  Dieu  c' étoit  p                 57-2.  55^ 


BLE 

Hierapolis.  Defcription  du  Temple  d'Hierapoliîy 
7^0.  Parallèle  du  fervice  de  ce  Temple,  ^ 
de  celui  de  Jerufalem  ,  775,  (3"  fuiv. 

Hifioire.  L'Hiltoire  du  Monde  avant  Cyrus  efl. 
toute  remplie  de  fables  ,  2.  Conformité  de 
l'Hiftoire  facrée  avec  la  profane  eft  très  ra- 
re, 66  l 

Holocapffle.  Quel  facrifice  c'étoit,  89.  Les  ho- 
locauftes  étoient  plus  ordinaires  au  commen- 
cement du  monde  que  les  autres  facrificcs  5, 
91.  Pourquoi  il  eft  plus  fouvent  fait  men- 
tion des  holocauftes  que  des  autres  facrifi-f 
ces,  96,  On  n'y  facrifioit  que  des  animaus 
mâles,  98 

Eokcaujle.  Del'Holocaufte,  50^.  ^  fulv.Qn^- 
litez  que  devoit  avoir  la  bête  qui  étoit  of- 
ferte en  holocaufte  ,  30e.  307.  Cérémonies 
qu'on  obfervoit  en  offrant  l'Holocaufie  j 
307.  308.  Pourquoi  il  étoit  offert,  308.. 
309.  Diverfes  fortes  d'Holocauftes ,  ibid.  Il 
étoit  acompagné  des  offrandes  des  gâteaux  j 
316,  Un  Payen  pouvoit  offrir  des  Holocauf- 
tes dans  le  Temple  de  Jerufalem  ,  89.  319, 
Beaucoup  de  chofes  manquoient  dans  ces  ho- 
locauftes,. ibid, 

HoloccMfîe,  Les  Payens  depuis  long-tems  n'ont, 
pas  eu  l'ufage  des  holocauftes ,  784.  Mais 
anciennement  ils  étoient  en  ufage  entr'euxj., 
ibid.  Pourquoi  les  Juifs  ne  recevoient  aucu- 
ne victime  des  étrangers  que  pour  l'holocauf- 
te  ,  ibîd'  Preuves  que  les  Payens  n'avoient- 
point  d'holocauftes ,  78$.  ^  fmv« 

Homme.  Création  &  chute  de  l'homme ,  feloa 
la  Théologie  àQ^  Phéniciens,  437" 

Homme.  Sacrifices  de  vidimes  humaines  en 
ufage  autrefois  par  tout  le  monde  ,  792, 
C5'  fah.. 

HoJHe.  Des  Hofties  Prodigae ,  78^.  De  celles 
qu'on  appclloit  Proterviae.,  ibid,. 

Hoftie.  Etymologie  de  ce  mot ,  790 

Hiits.  En  quel  endroit  étoit  fitué  ce  pays,     11 

Hydromancet  Ce  quec'eft,  38,  471. 


J 


47^- 


A  c  0  Bi  II  a  connu  la  toute  préfence  de  Dieu, 
7.  Explication  de  fon  Oracle  fur  le  Mef- 
fie,  8.  Comment  il  faut  entendre  ce  qui  eft.: 
dit,  qu'il  acheva  fa  femaine,  115/ 

yaloufie.  Eau  de  Jalouiîe.  Dans  quels  cas  on 
faifoit  boire  l'eau  de  Jaloufie,  370.  Céré- 
monies qui  s'obfervoient  quand  on  lîlâifoiî 
boire,  iUd.  Compofition  de  cette  eau,  37O0. 
571.  On  l'appelloit  eaux  ameres,  pourquoi, 
371.  Evénement  miraculeux  qui  ai^rivoitàla 
femme  qui  avoit  pris  les  eaux  ameres  ,  ibid, 
fîngularité  dans  la  Loi  des  eaux  ameres  g 
ibid. 

'm,  %Qrx  opinion  teuchant  îes  fîraula»: 

sres. 


D  E  s    M  A 

cres,  489.  490.  Il étoit Magicien,         49^ 

^itnus.  C'étoit  le  Saturne  des  Phéniciens,  585. 
C'ctoit  Noé  j  ibîd.  Il  reçoit  Saturne  daac 
fon  Royaume,  58^.  Monnoye  qu'il  fait  bat- 
tre ,  ibïd. 

Japet.  Lejapet  des  Poètes  eftjaphet  fécond  fils 
deNoé,  9Z.  6<,i 

Japhet.  Quel  fut  fon  partage  dans  la  divifion  de 
ia  terre,  ^8.  71.  C'dt  Neptune,  53  3.588« 
Il  efl  caché  fous  le  nom  de  Dagon  &  de  Nep- 
tune ,   6ji.    Origine  du  nom  de  Japhet  , 

•  il>id.  C'eit  le  Japetus  des  Grecs  ,  52.. 
6.^1 

Ibis,  II  étoit  adore  en  Egypte,  50^.  Pourquoi, 

Ides.  Ce  que  c'éîoît ,  1 1  ^ 

Idolâtrie.  Origine  de  ce  mot  ,  400^  404.  Ce 
qu'il  fignifie,  4,0a.  Quels  peuples  ont  été  les 
premiers  Idolâtres,  ^06.  407 

idolâtrie.  Deux  efpeces  d'Idolâtrie  ,  401.  De 
l'Origine  &  de  l'antiquité  de  l'Idolâtrie  ,403. 
Elle  n'a  point  précédé  le  déluge,  404.  Elle 
eft  née  de  l'impiété  des  hommes  avant  le  dé- 
luge, 404.  En  quel  tems  elle  a  commencé, 
405.  Quel  a  été  le  premier  objet  de  l'Idolâ- 
trie, 40/.  (3"  fulv,  La  plus  ancienne  Idolâ- 
trie, eft  l'adoration  du  Soleil  &  de  la  Lune, 

715 

Jdoîe,  Origine  de  ce  mot,  400.  Le  mot  d'Ido- 
le fignifie  toute  forte  de  répréfentations  , 
401.  Différence  entre  image  &  Idole,  401. 
401.  Autre  fîgnification  du  mot  d'Idole  , 
401 

^cle.  Les  Ifraëlites  ont  adoré  le  vrai  Dieu  fous 
des  Idoles,  538.  On  baifoit,  oulesldoles, 
ou  la  main  à  l'honneur  de  l'Idole,  54^.  Cou- 
tume de  baifer  U  main  pour  adorer  les  Ido- 
les, 60  L 

Idole.  Si  les  Ecrivains  facrez.  changent  les  noms 
des  Idoles,  ^27.^28.  6t.^ 

St.Jecm.  H  a  emprunté  les  idées  &  les  termes 
de  la  Cabale  Judaïque,  153.  Explication  des 
animaux  de  St.  Jean,  2.31.  232.  D'où  il  a.- 
pris  les  images  de  fesvifions  Apocalyptiques,' 

Jehova.  La  prononciation  dece  nom  e'toit  igno- 
rée fous  le  fécond  Temple,  280 

J-ephté.  La  fable  du  facrifice  d'Iphigenie  a  été 
empruntée  de  Jephté  ,  20t.  581.  De  fon 
Vœu,  380.  S'il  fit  mourir  fa  fille ,  zHd. 

jferoboatn.  Des  Veaux  qu'il  pofa  en  Dan  &  en 
Bethel,  542.  ^  fitîv.  D'où  il  avoit  pris  ce 
faux  culte ,  ïbid.  Du  fexe  de  ces  Veaux ,  543. 
Ces  Veaux  étoient  confacrez  au  vrai  Dieu  , 
537.  543.  L'adion  de  Jéroboam  ne  fut  pas 
regardée  comme  une  Apollafie  totale  ,  543. 
544.  Pourquoi  Elie  n'a  pas  reproché  aux  dix 
Tribus  l'adoration  des  Veaux,  mais  celle  des 
Bâhalins ,  544.  Jéroboam  fuivic  le  culte  or- 


T  I  E  R  E  S. 

donné  par  la  Loi,  54^.  Il  eft  faux  que  les 
dix  Tribus  ayent  facrifié  des  hommes  à  ces 
Veaux,  $45.  54^.  D'où  Jéroboam  tira  fes 
Sacrificateurs,  54^ 

Jefus-Chrifi.  Le  mariage  eft  un  type  de  fon  union 
avec  l'Eglife ,  152.  La  Cabale  Judaïque  fem- 
ble  avoir  connu  ce  myftere  ,  152.  irj.  En 
vain  veut- on  reconcilier  les  deux  généalogies 
de  Jefus-Chrift  par  la  Loi  duLevjrat ,  167, 
Pourquoi  il  n'entra  en  office  qu'à  l'âge  de 
trente  ans  ,  288.  En  quel  jour  il  célébra  fa 
Pâque,  329.533.  Pourquoi  les  Juifs  ne  l'ex- 
communièrent pas  ,  puifqu'ils  excommu- 
nioient  ceux  qui  le  confelToient ,  3  ^è 

Jefns  -  Chrifi,  App<;llé  Jeshu  par  les  Juifs  j 
6zZ        "  , 

Jethro.  Il  étoit  Paycn,  félon  Iès  Juifs,  42 
J-eme.  Les  Juifs  ne  jeûnoient  jamais  dans  leurs- 
Fêtes,  338.  343.  Ni  les  Chrétiens,  le  fa- 
medi ,  &ledimanche,  338,  Jeûne  folennel 
entre  les  Juifs,  338.  343,  Obfervations  fur 
les  Jeûnes  des  Juifs,  &  la  manière  de  ks cé- 
lébrer, 343.  Quatre  Jeûnes  établis  durant  la 
captivité ,  3  44 

lUith^n.  Quelle  divinité  c*e'îoitj  795 

llus.  Ce  que  c'eft  dans  la  Théologie  des  Egyp- 
tiens, 433.  434 
Image.  Différence  entre  image  &  Idole,  401. 
402.  Horreur  que  lesjuifs  ont  pour  les  ima« 
ges,  405.  Quelle  a  été  l'intention  des  pre- 
miers faifeurs  d'Images,  483.  Du  culte  que 
hs  Idolâtres  ont  rendu  à  leurs  Images,  487. 
iS"  Juiv.    Parfaite  conformité  de  fentimens 
entre  le  Papifme  &  li  Paganifme ,  fur  la  vertu- 
des  images,                                     494.  498 
Indigetes,  Des  Dieux  îndigetes,  42 (î.  K3  ftûv,. 
Pourquoi  ainfi  appeliez,  418: 
j?o^.  De  fon  Livre,  &  de  fa  Théologie,  8.  ^ 
fuîv.  Opinion  profane  de  ceux  qui  fontjidê 
J'Hiftoire  de  Job  une  fidion,  8.  Preuves  de 
la  vérité  de  cette  Hiftoire,  9. 10.  Son  Livre 
eft  écrit  envers,  10.  Job  a  vécu  avant  Moi- 
fe,  10.  II.  Pourquoi  Jofephe n'a  fait  aucu- 
ne mention  de  Job  ,    10.   Job  a  ignoré  ks 
miracles  que  Dieu  fit  en  Egypte,  11.  De  la 
patrie  &  de  la  famille  de  Job,  12.  Il  étoit  fils 
de  lîuts  neveu  d'Abraham,  12.  Il  a  été  con- 
temporain d'Ifaac,  13.   Qui  eft  l'Auteur  de 
fon  Livre,  13.  Moïfe  n'en  eft  pas  l'Auteur, 
33,  lly  a  apparence  que  Salomon  en  a  été  le 
traducteur,  14.  L'Original  dece  Livre  étoit 
Arabe ,  14   Ce  Livre  eft  admirable  pour  la 
providence  divine ,  15.  lia  connu  la  refur- 
redion,  16.  Preuves  de  cela ,  ibîd.  La  Mo- 
rale du  Livre  de  Job  eft  excellente,  17- 
Job.  Explication  du  XXXVIil.   Chap.  v.  3?. 

^89 
Jofeph.  Ce  que  c'eft  queledevinementdugobe-' 
let  dejofeph,  38.  Si  le  Patriarcliejofeph  a» 
UIH  3  été 


T      A     B 

Ici.  LePayen  quieûtobfervélaLoiétoit  digne 
de  mort,  518.  Ou  relifoit  la  Loi  toute  eii- 
liere  l'année  de  Relâche  ,  557.  Des  Peines 
aul'quelles  étoient  fournis  les  Violateurs  de  la 
Loi,  387.  (^fuiv. 

Lot,  Reflexions  fur  le  changement  de  fa  temme 
en  une  ftatuë  de  fel,  6.  Le  péché  de  la  fem- 
me de  Lot  eft  un  péché  typique  ,  76.  Sous 
quelle  divinité  les   Moabites   l'ont  adore , 

loup.  Il  étoit  adoré  en  Egypte,  50e.  515 

Lucien.  Plaifanterie  qu'ail  fait  fur  les  Dieux  d'or 
&  d'argent,  4^5 

Zucîle ,  fentiment  de  ce  Poëte  touchant  les  fimu- 
lacres,  49  8 

Lucina  Jum.  Voyez  !}um  LUcïna.  Origine  de 
fon  nom,  75^ 

tucîus  Mîmitm,  On  lui  fait  prefent  d'un  bœuf , 
pourquoi,  5^1 

Zme.  Solennité  des  nouvelles  Lunes  ,  324. 
Comment  on  contoic  les  nouvelles  Lunes  , 
ibîd.  Comment  on  faifoit  favoir  les  nouvel- 
les Lunes  par  tout  Ifraël  ,  51$.  De  quelle 
manière  les  Juifs  les  content  aujourd'hui , 
ibîd, 

Zme.  Elle  a  été  l'objet  de  l'adoration  des  pi-e- 
miers  Idolâtres  ,401?.  407.  Quel  nom  elle 
avoit  entre  les  Phéniciens ,  597.  598.  Selon 
les  Orientaux  la  Lune  étoit  mâle.ScfenielLes 

^tme.  Etymologle  de  ce  nom ,  '^04 

,£«22^.  De  l'adoration  de  la  Lune, -7t^.  Onl'ap- 
pelloit  fortune,  (J 9 9.  C'eftlamcmequ'Aftar- 
téjé7z.679.  Pourquoi  la  Lune  eft  defignée 
par  des  lumières  au  pluriel  ,  672,:  C'eît  la 
même  que  Jnnon  ,  679.  Origine  de  ce  nom, 
ihid.  Sous  quel  nom  elle  a  été  adorée  par  les 
Arabes,  6'79.  ^80.  La  plus  ancienne  idolâ- 
trie eft  l'adoration  du  Soleil  &  de  la  Lune, 

715 
Zuftratîon.  Comment  les  Payens  faifoient  leurs 
iuftrations,  loi 


M 


MAaca,  Mère  du  Roi  Afa.  Elle  étoit  la 
grande  Prêtrefle de  Bahal-Pehor,  55i. 
Cequec'eft  que  fon  Miphletfeth ,  555 

'Maccabées.  De  quelle  brancheils  fortoient,  z6i. 
Ils  joignoient  la  dignité  Royale  avec  la  Sacer- 
dotale, z6i 
Mages.  Leurs  mariages  étoient  inceftueux,  r48 
Magiciens,  De  quelle  manière  ils  évoquoientles 
Démons,  49^ 
Magazi».  Origine  de  ce  mot ,  705 
Màhometans.  Confacrcnc  le  Vendredi  à  leurs  dé- 
votions ,  1Q4.  Ils  ne  mangent  pas  d.e  fang , 
173 
Mahm^x^lm^  Quelle  divinité  c'ctoit ,  705.   Ce 


L      E 

font  les  Aigles  Romaines ,'  joS 

Main.  Deux  manières  dé  laveries  mains  entre  les 
Juifs,  350.  Les  lavemens  des  mains  uficez  de- 
vant les  facrifices,  lOi.  C'étoit  une  marque 
d'innocence,  îbid. 

Malachbelus.  Quelle  divinité  c'étoit,   59(5.606 
ManaJJ'é.  Il  a  pouffé  le  crime  d'idolâtrie  plus  loin 
que  fes  Ancêtres,  7^-^ 

Mânes.  Opinion  des  Anciens  touchant  les  Mânes, 
419.  Gomment  on  les  confultoit,  471 

Manés.  D'où  il  avoit  puife  fon  herefie  ,    410. 

42,1.  71^ 
Margemah.  Ce  que  c'étoit,  709 

Mariage.  Des  mariages  des  Patriarches  ,131.  i^ 
faiv.  L'inftitutiondu mariage,  131. 133.  Le 
commandement  de  fe  marier  obligeoit   les 
hommes  &  non  les  femmes,  félon  les  Juifs, 
aji.  Les  Hébreux  faifoient  grand  casdu  ma- 
riage, 131.  Des  droits  &  des  loix  du  mariage, 
,133,144.  De  quelle  manière  les  Anciens  con- 
traâoient  leurs  mariages,  134.  ^ fuiv.  'Dtè 
.mariages  dans  les  degrez détendus,  140,  ^ 
fiiiv.  Deux  cas  feulement  défendus  dans  les 
mariages  avant  Moïfe ,  140.  141.  Si  ces  ma- 
riages dans  les  dégrez  défendus  étoient  illé- 
gitimes félon  le  droit  naturel  ou  pofitif,  141, 
Etrange  opinion  des  juifs  fur  les  mariages  des 
Efdaves  Profelytes,\i43.  144.  Les  Juifs  ne 
reconnoilToient  pas  d'autres  loix  que  pofitiveî 
.dans  toute  l'affaire  du  mariage,  145.  Autre 
tradition  des  Juifs  fur  le  mariage  très  para- 
doxe, 145.  Si- les  degrez  défendus  entre  les 
Chrétiens  font  des  loix  pofitives  ou  naturel- 
les, 14^.  147.  Les  mariages  des  Occidentaux 
étoient  plus  honëtes  que  ceux  des  Orientaux, 
.148.  Les  mariages  des  Romains  étoient  dans 
un  degré  de  grande  honéteté  ,    148.  149. 
■La  Polygamie  8c  le  divorce  font  contraires  à 
l'inftitution  du  mariage,   150.155.  161.  Le 
mariage  eft  un  type  de  l'union  de  Notre  Sei- 
gneur Jefus-  Chrift  8c  de  fon  Eglife  ,    1 5Z. 
155.    Si  les  féconds  mariages  font  permis, 
159.  La  défenfe  à  un  beau-frere  d'époufer  fa 
belle- fœur  ne  peut  être  une  Loi  de  nature, 
.166 
Mars.  Sous  quelle  figure  les  Romains   &  les 
Scythes  l'adoroient,  487.  C'étoit  l'Hefus  des 
Gaulois,  572,.  De  fes  Prêtres ,        599.^^0 
Mars.  Etymoiogie  de  ce  nom  ,    ^04.   Il  n'eft 
point  le  Bahal  des  Phéniciens,  601.  On  lui 
îacri&oit  des  hommes  ,   793.    Quelles  bêtes 
on  lui  facrifioit,  79^.  797 

Marshamus.  Il  eft  trop  hardi  dans  l'explication 
de  l'Ecriture,  ^4^- ^75 

Matthieu.  Explication  du  v.  5.  du  Chap.  15.  de 
St.  Matthieu,  737 

Maxime  de  Tyr,  Il  a  reconnu  l'unité  d'un  Dieu, 
415.  41^.  Son  fentiment  touchant  les  fîmula- 
cres,  488 

Mdchi^ 


DES    MATIERES. 


464 

^04 

499 
^95. 


Mekhîfedec,  De  Melch'ifcdeç  &  de  fon  Sacer- 
doce, 61.  (jf  fuiv.  Ce  n'écoic  point  Jefus 
..Chvill,  6z.  C'étoit  un  véritable  homme, 
6^.  Ou  étoit  cette  Salem  dont  il  étoit  Roi, 
jhïd.  Il  étoit  l'un  des  trois  Patriarches  fils 
de  Noé,  6j.  Opinion  des  Juifs  que  Mel- 
chifedec  étoit  Sera  n'eft  nullement  à  mépri- 
fer,  (fji.  71.  Pourquoi  Melchifedec  eft  dit 
fans  père  &  fans  mère,  69.  Difficultez  con- 
iîderables  contre  k  fuppofition  que  Melchi- 
fedec étoit  Sem ,  71.  71,  Melchifedec  etoi't 
Cham,  7i.  Melchifedec  dans  le  fentiment 
commun  eH.  un  Prince  Cananéen ,  80.  Pour- 
quoi Dieu  changea  le  nom  de  Cham  en  ce- 
lui de  Melchifedec ,  80.  Dernière  preuve  que 
Cham  étoit  Melchifedec  ,  8q.  Melchifedec 
étoit  le  même  que  le  Sidec  des  Phéniciens, 
80 

Melchifedec.  Du  facrihce  de  Melchifedec,  55/ 
Fable  des  Orientaux  fur  ce  fujet,  93.  94. 
Il  a  véritablement  facrifié,96.  Pourquoi  Abra- 
ham lui  donna  la  dîme  de  tout  ,  117.  Quel 
Dieu  les  Payens  en  ont  fait  ,  444.  Il  avoit 
établi  un  Sanduaire  prés  de  Sichem  ,  félon 
quelques-uns, 

Melîcerte.  Etymologie  de  ce  nom , 

Memnon.  Fable  touchant  fa  fiatuë , 

Mens.  Ce  qu'entend  Efaïe  par  ce  nom 

^  fmv.    C'eft  le  Soleil  &  le  bon  Démon'. 
699.  C'eft  la  Lune,  félon  l'Auteur,       701 

Men/îrual.  (le  fang)  Comment  l'expiation  s'en 
faifoit,  ^66 

Mer.    Les  Egyptiens  l'avoient   en  horreur  , 

Mer  d'airain.  Sa  defcription ,  z^o 

Merarites.  Quel  étoit  leur  office,  z^o 

Mercure  Trifinegl(le.  Quel  homme  c'étoit,  43a'. 
Opinion  qu'on,  lui  attribue  que  les  fimulacres 
devenoient  le  vrai  corps  des  Dieux,455.  Le 
Livre  intitulé  Afdepius,  qui  lui  efl attribué, 
n'eft  pas  de  lui  ,  49^.  En  quel  tems  il  vi- 
voit  ,  îhid.  Pourquoi  il  a  été  appelle  Trif" 
ii)egifte,î^/^.Les  Livres  qu'on  lui  attribue  font 
fuppofez  i  ibîd. 

Mercure.  De  quelle  manière  les  Grecs  le  répré- 
fentoient,  4i5 

Mercure,  Explication  du  Proverbe,  Kon  è  qm- 
fvis  ligna  fit  Mercurias^  48  lî 

Mercure.  Ce  n'eft  pas  le  Thautates  des  Gaulois, 
571.  571,575.  Etymologie  de  ce  nom  ,  ^04. 
C'étoit  l'Anubis  des  Egyptiens  ,  félon  Plu- 
tarque,  ^^5^.  Que  lignifioit  fon  Caducée, 
C^%.  Il  étoit  Dieu  des  chemins,  709»  De  les 
monceaux,  710 

Mercure.  De  ion  culte»  &  de  l'origine  de  fes 
divers  noms,  727.  Pourquoi  on  l'a  fait  Dieu 
de  l'éloquence,  îbid.  des  chemins,  7z8.  Et 
des  Marchands ,  îb'id. 

Utjfie.  Explication  du  premier  Oracle  qui  prédit 
Part,  IV, 


la  venue  ,  4.  Il  a  été  bien  connu  du  tems 
d'Abraham;  6.^7.  Explication  de  l'Oracle  d« 
Jacob,  g 

Mexiquaivs.  Cérémonies  de  leurs  facrifices , 
794 

Mica.  Remarques  fur  l'Hiftoire de  Mica,  dont 
il  eft  parlé  dans  le  Livredes  Juges,  41Î5.  Les 
Theraphims  de  Mica  étoient  confacrez  au  vrai 
Dieu  ,  ^66.    Des   Theraphims   de  Mica 

MicaL  D'où  elle  avoit  pris  le  Theraphim  qu'el- 
le mit  à  la  place  de  David  ,  4<)0.4^i.  Pour- 
quoi dans  cette  Hiftoire  les  Septante  ont  tour- 
né un  vain  tombeau,  4^4 

Milkom.  C'eft  la  même  divinité  que  Moîoch , 
5(^5.  VoY^  Moîoch. 

Minerve.  Elle  étoit  mâle  Se  femelle  ,  598.  Fa- 
meux Hiéroglyphique  fur  le  Veftibule  de  la 
Min&rve  de  Sais,  66/^  On  lui facrifioit  une 
vierge,  79  j 

Mîphel-tfeth.  Ce  que  c'eft  <juc  le  Mipheletfeth  de 
Maaca,  y-. 

Miroir.  Les  devins  s'en  fervent  pour  deviner, 
471.  47i^  Hiftoire  notable  fur  ce  fujet, 
472 

Mithra.  Quelle  divinité  c'étoit,  721.  Culte 
qu'on  lui  rendoit ,  722, 

Mitfrdïm.  Il  a  été  adoré  par  les  Egyptiens,  533. 

Mnevis,  Il  étoit  confacré  à  Oiîris  ,  52^.  52^." 
5  3  o.  Le  Bœuf  Mnevis  adoré  par  les  Egyptiens , 
5©9.  Oùilfaifoit  fademeure,?^/i.  52^.  De 
quelle  manière  H  devoit  être  fait,  511.  512. 
On  adoroit  aufti  fon  fimùlacre,  514 

Mois.  Comment  les  Grecs  &  les  Romains divi- 
foient  leurs  Mois ,  113.  Ils  fe  contoient  félon 
les  Lunes  entre  les  Hébreux ,  324 

Mole  falée.  Ce  quec'étoit,  798.803.  Son  ufa- 
ge  dans  les  facrifices ,  .  80  ? 

Moîoch.  Textes  où  il  eft  parlé  de  Moîoch,  ^^6^, 
(^fuiv.  Noms  qu'on  lui  donnoit,  5(15.  Cul- 
te qu'on  lui  rendoit ,  5^5.  Dsfcription  de 
l'Idole  de  Moîoch,  félon  les  Rabbins,  56^6^. 
On  brûloit  des  enfans  à  fon  honneur  ,  ibid. 
Queftion  fî  on  faifoit  fimplement  pafler  les 
enfans  parle  feu,  ou  fî  on  les  brûloit,  5^7, 
5^8.  5^9 

Moîoch.  C'eft  le  Saturne  des  Grecs  8c  des  Rq.* 
mains,  570.  Ç5'/«^'o.  t^elle  figureles  Phé- 
niciens donnoient  à  cette  Idole  ,  457.  570. 
C'eft  le  Thautates  des  Gaulois  ,  571.  571. 
Conformité  du  culte  des  Phéniciens  à  leur 
Moîoch,  &  celui  des  Carthaginois  à  leur  Sa- 

'  turne,574.  ^  fuiv.  Quelques  mots  Cartha- 
ginois du  Pœnulus  de  Plaute  expliquez,  pour 
confirmer  que  leur  Saturne  étoit  Moîoch  , 
?77 

Moîoch.  C'eft  le  Soleil,  579"  i^fuiv.  Que  fî- 

gnifioient  les  Chapelles  ^ui  étoient  prés  de 

Mramrana  fs» 


T      A      B 

h  ftatuë  ,  ^30.  581.  Adam  eft  caché  fous 
cette  divinité,  581.  &  Njé,  419.583.  tST 
fuh, 

MoncAHs.  SoiiCara£lere,45i.  Fauffe  conjeftu- 
re  de  Moncxus  fur  le  Veau  d'or,  $05 

Monde.  Combien  il  a  duré  depuis  la  Création 
jufqu'àlaLoi,  175.  I7<>.  181.  ^ julv.  Opi- 
jaions  de  plufieurs  narions  fur  l'antiquité  du 
monde,  194.  19$.  Comment  le  monde  a 
été  crée  félonies  Phéniciens,  43i.  'i^ fuiv. 
Si  le  monde  intelligible  ,  &:  le  monde  fen- 
fible,  furent  créez  en  même  tems,         453 

Monnaye  Romame,  Comment  elle  était  mar- 
quée, &  pourquoi ,  585 

Montagnes,  Les  premières  affemblées  des  hom- 
mes pour  le  fervice  divin  fe  faifoient  fur  les 
montagnes,  120 

Monumem^  Comment  on  les  faifoit  ancienne- 
ment, 73  5 

Mort.  Cérémonies  de  purification  pour  l'attou- 
chement d'un  mort,  5^7.  Attouchement  d'u- 
ne bete  morte,  fouilleure  légale,  iG<) 

Morts.  S'enquérir  des  morts,  ce  que  c'eft  dans 
l'Ecriture  ,  46:1.  Diverfjïs  manières  de  les 
confulter ,  471 

Mouche.  Dieu  des  mouches,  à  quelles  divinitez 
on  a  donné  ce  nom  ,  ^tf.  6zs).  ^34.  639. 
Cenomn'étoit  pas  un  nom  de  mépris,  ^19. 

•^39 

Meïfe.  îl  n'a  pas  été  le  premier  învenfeur  des 
Lettres,  21.  i^fuïv.  Il  a  exercé  le  Sacerdo- 
ce, 59.  S'il  a  eu  deux  femmes,  150.  Il  eft 
appelle  Tâaur  par  Saachoniathon,  436.443. 
444.  En  quelle  forme  Dieu  lui  apparut,.  45  5. 
Il  cille  Typhon  des  Egyptiens,  534.  535. 
C'eft  le  Thaautus  des  Egyptiens ,  743 

Mtififde  Dis  ers  inftrumens  de  la  Mufîque  du 
Temple,  291.  Diverfité de  Cantiques  qui  fe. 
chantoient  ,  ou  fe  jouoient,  félon  Its  diffe- 
ren5  jours,  293.  De  l'ordre  dans  lequel  on 
jouoit  de  ces  inftrumens,  z^^ 

Muth.  Quelle  divinité  c'étoit,  C^6 

MmjîMs,  Dieu  des  Payens,  409,  Quelle  divi- 
nité c'étoit,  55^ 

Myliita.    Quelle   divinité  c'étoit  ,    680.  62^6. 

ésa. 


N 


NAhaman.  II  étoit  Profelyrede  laPor. 
te,  43.  Explication  des  paroles  d'Elizée à 
Nahaman,  53 

Naijjance.  G^nie  <}ui  prélîdoità  la  naiflancedes 
hommes,  félon  les  Juifs  ,  696.  Des  Aftres 
qui  préfident  à  la  naifîance  des  hommes, 
698 

Sature.  La  nature  univerfelîe  répréfentée  par 
Iffs,  525.  ^  fuîv.  Dans  le  bœuf  Apis  oa 
trouve  tous  les  çaraftçres  de  U  nature  uni- 


verfelîe, 530.  Répréfentée  parvenus.  6 g(î. 
687 

Naz^areat.  Du  Vœu  du  Nazarcat,  581.  Ç3'j'uivi 
ChofesdontleNazarien  étoit  obligé  de  s'abf- 
tenir,  381.  38Z,  Il  n'y  avoit  que  la  fouillu- 
re  pour  un  mort  ,  qui  anéantit  les  jours  du 
Nazareat  ,  382,.  383.  j8$.  Chofes  que  le 
Nazarien  devoît  faire,  383.  (^  fuiv.  Preu- 
ves q.ueles  Nazariens,  en  entrant  dans  leur 
Vœu,  étoient  obligez  à  la  purification,  aux 
facrifices,  &àferafer,  ihid.  La  fouillure  ou 
la  fainteté  du  Nazarien  étoit  principalement 
dans  les  cheveux  ,  384.  Cérémonies  de  la 
conclufion  de  ce  Vœu  ,  385.  Des  peines 
aufquelles  étoient  foûmis  ceux  qui  violoient 
la  Loi  du  Nazareat  ,  385.  Diverfes  curiofi- 
tez  tirées  de  la  tradition  des  Rabbins  toti- 
chani  le  Nazareat,  386.  Samfon  n'étoit  pas 
abfolu ment  Nazarien  ,  58(î.  387 

Neho.  C'eft  le  lieu  où  Beel-Phegor  rendoit  fes 
oracles,  ^^t, 

NtBucadnetfar.  Signification  de  ce  nom ,        595 

Necromance.  De  la  Necromance  des  Syriens, 
464.  Diverfes  efpeces  de  Necromance,  471. 
Temples  où  l'on  exer^oit  la  Necromance  j, 

Nego,  Quelle  divinité  c*étoït,  595^ 

Nephthys.  Quelle  divinité  c'eft,  ^'51 

Neptune.  Cç  qu'il  lignifie,  412.  C'eft  Japhet ,. 
533.  5S8..  651.  Etyraologie  dccenom,  604» 
6^1.  C'eft  le  Dagon  des  Phéni-ciens  ,  64^(i^ 
^48.  650.  Noé  eft.  aufti  caché  fouscenom, 
6<i,i.   Quelles  betes  on  lui  facrifioit ,     79$ 

Nergd.   Quelle  divinité  c'étoit ,  (,53.  <J^4. 

Nethinlens.  Quel  étoit  leur  office,  z<)&. 

Nimrod.Les  Babyloniens  en  ont  fait  leur  Bel,^oz<, 
^11.  Pourquoi  appelle  Nirarod  ;  j^'^.  Pour- 
quoi Bel ,  md^ 

Nihechas.  Qaelle  divinité  c'étoit  ,    6^53.  6^4. 

Nil.  Réppéfenté  par  Ofîris,  51-4 

Nifroch.  Quelle  divinité  c'étoit,  è&o.  Opinion 
de  Kirkerus,  66 1.  Ce  nom  femble  fignifier 
un  aiglon,  663.  C'étoit  Belus,  îb'id» 

Noachides.  Origine  des  fept  Préceptes  appelhz 
desNoachides,59.Enumeration&:explicatio« 
de  ces  fept  Préceptes  ,  40.  Ils  contiennent 
l'abrégé  du  Decalogue,  ibid.  Dieu  donna  ces 
commandemens  à  Adam-dans  le  Paradis  ter- 
reftre  ,  félon  les  Juifs  ,  39.  Comment  ils 
prouvent  cela ,  41.  Trois  chofes  remarqua- 
bles dans  leientiment  des  Juifs  fur  ces  Pré- 
ceptes ,  41.  42.  Ils  les  regardent  comme  le 
'Jus  Naturale ,  qui  oblige  toutes  les  Nationsj. 
41.  42.  Ces  Pr-éceptes  faifoient  toute  la  Reliv. 
gion  des  Fidèles  avant  Abraham  ,  félon  les 
Juifs  ,  42.  Ils  croyent  qu'ils  font  fuffifans. 
pour  fauver  les  hommes,  ihid. 

Noachides.  Les  Payens  (^ui  obfer voient  les  Pré- 
ceptes. 


DES    MATIERES. 


-ceptesdes  Noacliides  étoieac  iauvez  ,  félon 
le$  Juifs,  4a 

Noachides.  Le  décret  des  Apôtres  contient  les 
Préceptes  des  Noachides,  44.  49.  La  i^^eli- 
gibn  des  Noachides  étoit  tort  approchante  de 
la  Religion  Chrétienne,  5z.  Des  deux  pre- 
miers l^réceptes  des  Noachides,  52.  i^/mv. 
En  quoi  contîfioit  le  cuJte  externe  des  Noa- 
chides j  55.  i^ Juïv.  Ils  avoienc  l'ufage  des 
facrifices ,  55.  Qui  étoienc  les  Sacrihcateurj 
parmi  eux,  5^,  ^ fuiv. 

Hoces.   Si  [gs  fécondes   noces  font  permifes , 

Noé.  H  étoit  Prophète  ,  3Z.  Il  reçût  une  réité- 
ration du  commandement  de  lacrifier  ,  83. 
84.  Da  facrihce  de  Noé  en  fortant  de  l'Ar- 
che, ^  97.  58 

Noé.  Qii^Dieu  les  Phéniciens  en  ont  fait,  419. 
Il  étoit  un  des  Theraphims  de  Laban,  4^0. 
LesPayens  en  ont  fait  leur  Dieu  Priape,  ihid. 
C'eli  Saturne,  535.  Il  a  été  adoré  par  les 
Egyptiens,  533.  534.  C'elt  Apis.  534.  C'efl: 
Bahal-Pehor  ou  le  Priape  desMoabites,  555. 
-  ï^ fitlv.  ^(îi.  Il  aprit  de  Dieu  l'art  de  la  na- 
vigation, 559.  Les  Payens  en  ont  fait  leur 
Bacchus,  5^0 

'Roé.  Conformitez  de  Noé  avec  Saturne,  583. 
.^  fulv.  Avec  Moloch  &:  Kijoun  ,  584.585. 
Qye  fignifie  fon  nom,  585.  Les  Pa)ens  en 
ont  fait  leur  Janus,  585.  Le  partage  du  mon- 
de qu'on  dit  qu'il  fit  à  fes  enfans ,  eit  fabu- 
leux ,  ibid.  Les  Payens  ont  fait  trois  divinicez 
defes trois  enfans,  587.588 

îfloé.  Il  n'engendra  pas  après  le. déluge  ,  588. 
Silence  étonnant  Je  l'Ecriture  fur  Noé  589. 
Notable  fragment  d'Abydenus  touchant  Noé, 
&rHiftoire du  déluge,  589 

Noé.  C'eft  le  DagoH  &  le  Neptune  des  Payens , 

Noé.  Sur  quelle  montagne  s'arrêta  fon  Arche , 
<^87.66i.66z.  Si  les  Payens  avoient  quelque 
connoillance  de  cette  Arche,  ibid. 

Nones.  Ce  que  c'étoit,  115 

Nuées.  On  aaccuféles  Juifs  de  les  avoir  adorées, 
pourquoi ,  748 

Ntimk  PompUus.  Il  étoit  Nécromancien  ,  & 
excrçoit  l'Hydromancie,  475 

Nmdines.  Origine  des  Nundines  Romaines  , 
■113.  Eiles  n'étoient  que  pour  la  ville  de  Ro- 
me 114.  Trois  raifons  de  leur  établiflement, 
ibîd.  Quand  cefla  l'ufage  des  Nundines  , 
Ï14.  115 


O 


Anes.  Qiielle  divinité  c'étoit ,  6'4^ 

Ob  Ce  que  c'étoit  entre  les  Orientaux  , 
46'9.47o,  473.  Ce  qu'étoient  les  Maîtres  de 
l'Ob,  470.  471.  473.  Defcription  de  l'Ob 


par  riicrituie  du  Vieux Teflamenr, 474.  Ma- 
nière de  deviner  par  Cfb ,  474.  475.  Pour- 
quoi les  Septante  ont  tourné  Ob  par  Ventri- 
loque ,  47  c 

Ochus ,  Roi  de  Perfe  ,  affront  qu'il  fait  auic 
Egyptiens,  ^  51  j 

O^raiides  des  chofes  féches  &  liquides,  i,i6. 
l^  fptiv,   des  pixmiers  fruits  ,     Z99.   300. 

Ojfrande  volontaire.  Différence  entre  le  Vœu  & 
l'offrande  volontaire  ,   373.    De  quoi  fe  fai-, 
foient  les  offrandes  volontaires  ,   374.    Elles 
étoient  en  beaucoup  plus  grand  nombre  que 
celles  du  fervice  ordinaire  ,  374 

0|^;ïWi^^;  des  chofes  inanimées,  798 

Olympiade.  Combien  d'années  comprenoit  une 
Olympiade,  114 

OfKer.  Qi-elleefpece  de  mefure  c'étoit,       z5o 

0?2ilion.  Compofition  de  l'huile  avec  laquelle  fe 
faifoit  Tondion  du  Souverain  Sacrificateur, 
z84.  Manière  dont  on  faifoit  l'ondion  , 
z85 

0???i«j.  Il  bâtit  un  Temple  en  Egypte,  zzî 

Ophites.  Leur  Théologie  femblable  à  celle  des 
Egyptiens ,  744.  De  leur  Diagramme ,  ibid.. 
Mis  mal  à  propos  au  aombre  des  Hérétiques  du 
Chriltianifme,  745 

Ops.  Pourquoi  on  la  fait  femme  de  Saturne, 
587 

Oracle,  Ceflation  de  tous  les  oracles  faux  &  vé- 
ritables, quand  &' pourquoi ,  i8i.  Divcrfes 
manières  dont  le  Démon  fe  fervoit  pour  ren- 
dre fes  oracles ,  4^7 

Orcus.  C'eft  le  mcme  que  Pluton  ,  6/\i.  Ex- 
plication de  fon  Kiftoire  fabuleufe,  félon  Eu- 
febe ,  ibid. 

Orient  D'où  eft  venue  la  coutume  d'adorer  du 
côté  de  l'Orient  71^.717 

Oromaz.es.  Qn  lie  divinité  c'''toit ,  721 

Orphée.  Orit;ine  de  la  fable  qu'Orphée  tira  fa 
femme  des  enfers ,  6i,& 

Ofée,  Explication  des  Verf  3.4.  5.  du  Chap. 
3.   d'Ofce  ,    175.   27^-    455-   454-   4$^» 

Ojiris.  Ce  que  ceDieu  fignifioit ,  412  415,  Le 
Bœuf  lui  ctoit  confacré,  50S.  C'dl  iv.  So- 
leil, 523.  525.  Preuves  qu'en  apporte  Pîu- 
tarque,  523.  524.  Il  fignifioit  aulTi  le  Nil, 
524.  Il  étoit  adoré  dans  toute  l'Egypte  525. 
Ifis  quoi  que  l'époufe  avoit  a  fuperiorité  fur 
Ofîri.s  qui  étoit  répoux,  525.  LebocufMne- 
vis  lui  étoit  confacré,  52^  529  539 

Ojiris.  T-ué  par  Typhon  ,  531.  D;;  quiil  étoic 
fils  ,  ibid.  Defcription  de  la  fête  ,  qui  ^'ap- 
pelloit  recherche  d'Ofiris,  541,  Lafêted'O- 
lîris  perdu  8e  retrouvé  eft  la  même  que  celle 
d'Adonis  mort  &  reflTufcité  ,684.  C'eii  Ado- 
nis, ^Sf 


Mmmmm  £ 


Oeuvres 


T      A 

Oeuvres  de  feirerogatlon ,  «e  cjue  c'eii  ,    J7i. 
57S. 


PAiiLARDisE  Spirituelle.  Ce  que 
l'Ecriture  entend  par  la,    .  738 

:§ams  de  propofition.  De  leur  grandeur  &  de  leur 
arrangement ,  24a.  Ce  que  fignifioienj  ces 
pains,  i4J 

P/ïïV;.  Le  pain  levé  ne  fe  mettoit  point  fur  l'Au- 
tel, ^    ^  317 

Palilia.  Quelle  Fête  c'étott,  1<î8 

PalUs.  Etymologie  de  ce  nonij  604 

Pan.  Voix  qui  cria,  le  Grand  Pan  eft  mort , 
4i(J 

^>ï;7.  Quelle  divinité  c'étoit ,  <ff4. 

Tàqtie.  Dans  la  Pâque  tous  les  Chefs  de  famille 
exerçoient  la  Sacrificature,  ^o.  Pourquoi  Dieu 
ajoura  le  Sacrement  de  la  Pâque  à  la  Circonci- 
fion,  -  12^ 

p.ique.  Pourquoi  elle  fut  inftituée,  }25.  Quel 
jour  elle  fe  celebroit,  îhîd.  Qualitezque  de- 
voit  avoir  l'Agneau  Pafchal  y  jiiî.  On  ne 
pouvoit  célébrer  la  Pâque  qu'en  Jerufalem , 
}Z6.  La  Fdque  étoic  un  vrai  facrifice  ,  ^z6. 
527.  Chacun  égorgeoit  fa  Pâque ,  527-  Hy 
avoit  dans  la  Pâque  Sacrement  &  facrifice, 
327.  De  quelle  manière  on  mangeoit  l'A- 
gneau, .       .      ,  32'7 

Pâ^ue,  Cérémonies  ajoutées  â  la  célébration  de 
la  Pàque  par  la  tradition  des  Juifs,  528.  £5* 
fulv.  Touchant  l'Agneau ,  328.  Exaditude 
àes  Juifs  à  la  recherche  du  levain  ,  ibîd.  De 
quelles  perfonnes  étoit  compofée  la  Compa- 
gnie, 328.  329.  Cérémonies  pour  égorger 
ÏQs  agneaux,  329.  Eii  quel  jour  le  Seigneur 
célébra  fa  Pâque,  ibîd.  333.  Ordre  du  re- 
pas Pafchal,  329.  ^ fu'iv.  Dans  quelle  lî- 
tuation  ils  mangeoient  la  Pâque,  330  Con- 
clufion  du  fouper  Pafchal  ,  333.  Ce  qu'oa 
faifoit  !e  lendemain  de  Pâque,  353; 

pâque.  Seconde  Pâque,  334.  Obfervationsfur 
ia'^conde  Pâque  ,  îhïd.  Différence  entre  cet- 
te Pâque  &  la  première ,  félon  les  Rabbins , 

335: 
Paradu  terrefirSi   Ea  quel  Ikmiil  étoit  GtUe  , 

5  5-439' 

Paredrîn,  ce  que  c^etoit^  224 

farfum.  Il  ne  fecompofoitqueparles  Sacrifica- 
teurs ,  294.  Cérémonies  qu'on  obfervoit 
«juand  on  portait  le  parfum  dans  le  lieu 
Saint,,  *        32Z. 

fâte.  La  dime  de  la  pâte  s'^obferveeacore  entre 
les  Juifs,  33(5' 

Patriarches.  Leur  connoifTance  fur  la  Religion 
n'a  pas  été  auffi  bornée  qu'on  nous  la  repré- 
sente ,  z.  Ayant  Adam  pour  précepteur  ils 
Be  gouvoient  pas  être  ignorans ,    3.   lis  ont. 


BLE 

été  comme  témoins  èculairesde  lacreatrojî^ 
ihîd.  Ils  avoient  la  tradition  fûre  &  facile , 
ibid.  Prmcipales  veritez  qu'ils  ont  connues , 
4.  (3'  Mv.  L'exiftence  &  l'elTence  de  Dieu 
leur  ont  été  très  fenfibles,  7 

Patriarches.  Abrégé  de  leur  Théologie  avant 
Mt'ife  ,  15.  17.  S'ils  ont  connu  le  myllere 
de  la  Trinité,  17.  (^  fuiv.  Leur  Reh'gioa 
approchoit  plus  de  la  Religion  Chrétienne 
que  la  Juifve,  20.  52.  Leur  Religion  étoit 
fortlimple,  52.  De  leur  culte,  52.  ^fuiv. 
En  quoi  confiftoit  le  culte  externe  des  anciens 
Patriarches,  55.  ^ fuiv. 

Patriarches.  Grande  diverfité  qu'il  y  a  fur  la  du- 
rée de  la  vie  des  Patriarches ,  entre  le  Texte, 
Hébreu  &  laVerlïon  des  Septante,  183.  iS 
fmv.   D'où  eft  venue  cette  div^té  j    19  5» 

Patriarches.  Si  les  hommes  du  premier  monde 
n'étoient  pas  fi  tôt  en  âge  de  puberté,  que  les 
hommes  d'aujourd'hui ,  188.189.  I92k 

St.  Paul.  Il  a  emprunté  les  idées  &  ks  termes 
de  la  Cabale  Judaïque,  i$3.  Du  Vœu  qu'il 
fit  à  Cenchrée,  384 

Payen.  Le  Payen  qui  eût  obfervé  la  Loi  étois 
digne  de  mort  ,  318.  Il  pouvoit  offrir  des 
Holocauftes  dans  le  Temple  de  Jerufalem  , 
319.  Beaucoup  de  chofes  qui  manquoient  à 
ces  Holocauftes  des  Payens,  315 

Payent.  De  leur  Théologie,  407.  ^ftiîv.  El- 
le eft  monfirueufe,  407.  Elle  attribuoit  aux 
Dieux  desadions  fales  &  impures,         409 

Payens.  Ilsfemblent  avoir  reconnu  l'unité  d'un 
Dieu  ,  414.  415.  Excufes  pour  couvrir  les 
horreurs  de  la  Théologie  Payenne,  410. 411. 
Refutées  ,  411.  Trois  fortes  de  Théologie: 
entre  les  Payens  ,  ibid.  Seconde  excule  des 
Payens, 41 1.412.  Refutée,  413.  Leur  der- 
nière excufe,  414;. 

payens.  Ils  cachoient  leur  Philofophie  fous  des 
énigmes  &  des  fables,  412.  Ils adoroient  fous 
une  même  divinité  ,  une  partie  du  monde, 
un  corps  naturel,  &  un  homme,     414.418: 

Péché.  Sacrifice  pour  le  péché.  Voyez,  facri- 
fice. 

Péchés  Péchez  commis  par  erreur  ,  310.  312.^ 
Péchez  qui  meritoient  la  peine  de  retranche- 
ment,  311.  En  quoi  il  diffère  du  délit  j, 
312 

Péché  contre  le  St.  Efprit.  Caraderes  de  ce  pè- 
che, .       ,    .       37 

Péché.  Partie  des  péchez  des  Anciens  étoient  ty- 
piques ,  74.  La  plupart  des  péchez  typi- 
ques font  légers  confîderez   en  eux-mêgieS;, 

75 
Peclord.  Defcription  du  Peâoral  du  Souvcraîa 

Sacrificateur,  273 

Pehor.  Voyez.  Bahal-Pehor. 
Peines  légales.  Des  peines  auxquelles  étoient  fou- 
rnis 


D  E  s    M  A 

mis  les  violateurs  de  la  Loi  Ceremonielle, 
387.  (3"  fuiv. 

Peines  le^aleu  Les  coupables  n'étoient  pas  fou- 
rnis aux  peine  légales j  387.  Pourquoi,  388. 
Sous  le  premier  Temp.e  les  peines  étoient 
toutes  adminiflrées  par  le  Magiitrar,      388 

Peines  corporelles  entre  les  Juifs,  388 

Teinture.  Origine  de  cet  Art,  481 

Pénates.  Des  Dieux  Pénates  des  Romains,  423. 
^ [uiv.  Leurs  noms  étoient  inconnus, pour- 
quoi ,  4'-4.  Origine  du  mot  Pénates,  425. 
Deux  fortes  de  Dieux  Pénates,  ^zG 

Pentecôte,  Divers  ncms  qu'on  luidonnoit,  335. 
En  quel  tems  elle  fe  celebroit  ,  ihid.  Céré- 
monies folennelles  de  cette  Fête,  i\G 

Pere'jre,  (Ifaacla)  Auteur  de  la  fede  des  Pré- 

Adamites.  Hiftoire  abrégée  de  fa  vie&defon 

Livre  ,  176.  Abrégé  de  fon  fyfteme ,   177. 

-i^  fulv.  Fondemens  fur  lefquels  il  a  appuyé 

fon  fyfieme,  180 

Perfes.  Ils  n'avoient  pas  de  Temples  ni  de  Ci- 
mulacres  ,  "zox.  478.  Quels  Dieux  ils  ado- 
roient ,  407.  ^3 1.  Ils  adoroient  deux  prin- 
cipes, l'un  mauvais  &  l'autre  bon,  53a 
'Péruviens.  Cérémonies  de  leurs facrifices,  794. 
80a 

Phdlï.  Comment  Jamblique  explique  l'horrible 
cérémonie  de  l'éredion  des  Phalli  dans  les 
Fêtes  des  Payens,  415 

Pharifiens.  Ils  n'étoient  pas  tous  de  la  Tribu  de 
Levi,  303.  Pourquoi  ils  fe  lavoient  fï  fou- 
vent,  3^9,  Leur  origine,  372.  373-  Pour- 
quoi ils  furent  ainfî  appeliez  ,  373.  Pour- 
quoi Jefus  Chrifl  leur  en  veut  tant,  ibid. 

575, 

Phéniciens.  Ils  ont  été  les  inventeurs  des  let- 
tres ,  2  1.  Leur  Théologie  ell:  la  fource  de 
celle  des  Grecs  &:  des  Romains,  4ra 

Phéniciens.  Abrégé  de  leur  Théologie  tirée  du 
Fragment  de  Sanchoniathon ,  430.  iS  f«iv. 
Quels  peuples  étoient  compris  fous  le  nom  de 
Phéniciens,  431.  Les  Grecs  ont  tire  leur 
Théologie   de  celle   des  Phéniciens,   446'. 

447_- 

Phéniciens.  D'où  ils  ont  emprunté  la  coutume 
de  facrifier  des  enfans,  590 

Thldion.  Son  fentiment  touchant  les  Gmula- 
cres,  .  490 

Philon.  Il  n'étoit  pas  favant  dans  les  antiquitez 
Judaïques ,  6^0 

Phîlo  Bibiius ,  Tradudeur  du  li  re  de  Sancho- 
niathon ,  431.  Diverfes  bevûës  de  cet  Au- 
teur ,    dans  la   verfîon  de   Sanchoniathon , 

Ph'ûofophie.  Les  Anciens  cachoient  leur  Phi!o- 
fophie  fous  des  énigmes  &  des  fables,  412» 

>4^3 
Phinées ,  Souverain  Sacrificateur.  Fables  Judaï- 
ques touchant  fa  longue  vie,  25? 


T  I  E  R  E  S. 

Photin.  Il  ctoit  Magicien,  49^ 

Pierre.  Les  Arabes  adoroient  une  pierre,    48^ 

pierre.  Origine  des  pierres  volantes  des  Sy=. 
riens,  644 

pigeon.  D'où  fcfl  venue  la  Fable  que  deux  pigeons 
noirs  fortis  d'Egypte  avoient  parle,  4(^8 

pigeons.  Les  Syriens  le's  adoroient  ,  pourquoi  3 
^47.  687 

Planète,  De  l'adoration  des  Planètes,  72 5. 728. 
Les  noms  qu'elles  portent  aujourd'hui  leur 
ont  été  donnez  parles  Grecs,  725.  Elles 
ont  été  adorées  conjointement  avec  le  Soleil 
&  la  Lune,  72^ 

Platon.  Il  femble  qu'il  a  eu  quelque  connoiflan- 
ce  du  myfiere  de  la  Trinité,  19.  Il  a  imité 
la  Cabale  Judaïque,  fur  la  création  du  mâle 
&  de  la  femelle,  153.  154.  Il  décrit  la  chu- 
te du  premier  homme  par  une  fable,  154J 
Son  Timce  eft  inintelligible,  413.  Il  a  en- 
seigné l'unité  d'un  Dieu ,  414.  415.  Son 
fentiment  touchant  les fimulacres, 48 9.  Pour- 
quoi appelle  le  Moïfe  Athénien  ,  527 

Platonicien.  La  plupart  des  Platoniciens  moder- 
nes ont  été  Magiciens ,  49^ 

Pluton.  C'eft  le  même  que  Beel-Zebub,  (S  3 1. 
^  fuiv.     &   que   Serapis  feloij  Porphyre  3 

Plut  on  appelle  Dieu  des  mouches  &  des  faute- 
relles,  6^^.  pourquoi,  ^37.  Il  a  traîné  par 
tout  avec  lui  le  nom  d'Acheron,  6^6.  Les 
Phéniciens  ont  certainement  connu  &  adoré 
Pluton,  ihid.  Il  a  été  auïïl  appelle  Jupiter, 
^■37.  Des  Dieux  Naturels  cachez  fous  Plu- 
ton,  6'40.  Pourquoi  les  Poètes  ont  marié 
Proferpine  avec  Pluton,  ^40 

pluton.  Confondu  avec  Plutus  >  ^40.  Dieux  Ani- 
maux cachez  fous  Pluton,  6^1.  C'efl  Sem, 
félon  Bochart  ,  ^33.  ^88.  641.  Explication 
de  l'Hifloire  fabuleufe  de  Pluton  ^  felôn  Eu- 
febe,  ibid. 

plutus.  Dieu  des  richeffes ,  confondu  avec  Plu- 
ton ,  (Î40.  On  a  dit  qu'il  habitoit  en  Efpa- 
gne, pourquoi 3(^41.  Jupiter  lui ôta  lesyeuXj 
pourquoi,  ibid. 

poijfons.  Les  Syriens  les  adoroient  ,  6^6.  Si 
l'on  a  facrifié  des  poiffons,  798 

Polygamie.  Elle  eft  défendue  parl'infiitution  du 
mariage,  133.  150.  De  la  Polygamie ,  149. 
(S' fuiv.  Qui  eft  le  premier  qui  a  eu  p!u- 
fîeur s  femmes,  149.  Le  droit  Civil  &  Cano- 
nique des  Juifs  ne  met  aucun  crime  dans  la 
Polygamie,  i^/i.  La  Polygamie  n'a  jamais 
été  aprouvée  entre  les  fidèles,  1 50.  Elle  eft 
défendue  dans  la  Loi,  ibid.  Raifons  qui  font 
voir  que  la  dsfenfe  de  la  pluralité  des  fem- 
mes eft  une  Loipofîtive,  151.  155.  15^» 
Etat  de  Uconfcience  des  Anciens  dans  la  Po- 
lygamie, i^ô.  Quatre  efpeces  de  Polygames 
ibid.  Il  n'étoit  pas  défendu  aux  Rois  d'avoir 
M  mm  m  m  ?  plu- 


B 


pluficurs  femmes,  i$*J 

Polygamie.  Comment  Dieu  après  avoir  défen- 
du la  Polygamie  par  la  Loi  en  donne  dirpcu-  ■ 
fe  par  la  même  Loi  ,  157.  La  Polygamie 
étoit  rare  entre  les  Grecs  &  les  Romains  , 
157.  L'Empereur  Valeniinien  fit  une  Loi  par 
laquelle  il  permit  à  chacun  d'cpoufer  deux 
femmes,  158.     Delà  Polygamie  fuccefTive, 

Pop£.  Quel  ctoit  leur  office,  785 

Porphyre.  Il  fembie  qu'il  a  eu  quelque  connoif- 
fance  du  my^ere  de  la  Trinité,  19.  Ilécoïc 
Magicien,  ^9^ 

Portiers.    Que!  croit  leur  office,         290.  291 
Po^tit'herah  y  beau  père  de  Jofeph,  quelle  charge 
il  a''oit,  509 

Poune.'îii.  Il  étoit  en  abomination  parmi  les 
Egyptiens,  feion  Hérodote,  507.  On  a  ca- 
lomnié le;  Juifs  d'avoir  adoré  le  pourceau , 

746 

Tré.Adawites.  Qui  eft  l'Auteur  de  cette  Sefte, 
176.  Abrégé  du  Syfteme  Theologique  des 
Pré-Adamices ,  ,  177^  &"  fuiv.  Fondemens 
fur  lefquels  ce  Syfteme  eft  apuyé,  180 

Prèdejîmmon.  Types  qui  la  répréfentent ,   78. 

79  .  ,  . 

Prémices.  En  quoi  confiftoit  l'ofirande  des  Pré- 
mices, 2.59.  500.  Cérémonies  qu'on  obfer- 
voit,  ^        299-333 

Prépuce.  Ce  que  c'eft  que  le  Prépuce  en  géné- 
rai, 351 

Préfizge.  Pféfages  que  l'on  tiroit  des  facrifîces, 
75)0 

fiaps ,  Dieu  des  Pàyens  j    409,     C'efl   Noé  , 
450.  De  quel  bois  étcieuc  faites  fes  fxatuës, 

Pm-î/ie.  C'eft  Bahal-Pehor  ,  5^1.  De  quelle 
manière  l'on  peignoic  ce  Dieu,  553.  554. 
555.  Illuuon  de  Mr.  Huet  qui  veut  trouver 
Priape  dans  Moïfe ,  5  -5  5.  Le  Priape  des  M oa- 
bires  pou  v  oit  erre  Lot,  leur  Patriarche  ?wW. 
Il  cft  plus  apparent  que  c'eft  Noé  ,  ibid.  ^5" 
fuîv.  561.  II  eft  auffi  appelle  Mutinus,  ^56'. 
Pourquoi  il  tenjuit  une  ferpe  à  la  main,  557. 
Pourquoi  on  faifoit  ordinairement  fa  ftatuë 
de  figuier,  557.   558 

Prîape.  Qi^ielles  offrandes  on  lui  oft'roit,  558. 
Pourquoi  on  lui  donnait  des  aîJes  5  559.  L'â- 
ne entre  dans  toutes  les  aventures  de  Pria- 
pe, pourquoi,  559.  Bacchus  &  Priapefont 
la  même  divinité,  5<îo.  Priape  eft  le  Soleil, 
56^0.  On  lui  facrifioic  l'âne,  ^57.  Quelles 
bêtes  on  lui  offroit,  797 

Prière,  Pourquoi  Moïle  ne  parle  que  parocca- 
fîon  de  la  prière  ,  55.  Les  Juifs  faifoient 
leurs  prières  debout ,  257.  De  Pufage  8c 
multitude  des  prières  dans  les  facrifices  , 
8si 

Principe.    L'opinion  des  deux   principes  ctoit 


L      E 

comme  générale  entrcles  Théologiens  du  Pa- 

ganilme,  U^ 

Proc'efion.  Origine  des  proccfllons  ,  575.  765. 

Troclus.  Il  étoit  Magicien,  49;; 

Promethée.  Il  écoit  hlsde  Japhet ,  92.  LcsGrecs 
lui  attribuent  l'origine  de  la  coutume  de  man- 
ger la  chair  des  vidimes,  92.  Exphcatiunde 
la  Fable,  qu'il  avoit  fait  des  hommes,  480. 
Quel  homme  c'étoit ,  481.  Il  trompe  Jupi- 
ter,   ^        ^  785, 

Promethée,  Fête  à  l'honneur  de  Promethée, 
766 

Prophètes.  Caraderes  des  faux  Prophètes  ,  35. 
L'extrême  corruption  du  cœur  n'eft  pas  une 
preuve  de  la  fauftcté  des  infpi rations,     37 

Prophètes.  Ce  qu'étoient  les  aflemblées  des  Pro- 
phètes, dont  il  eft  parlé  4ans  le  Vieux  Tefta- 
ment,  122.  12  j 

Prophétie.  L'efprit  de  Prophétie  étoit  héréditai- 
re dans  les  lat^il  les  des  Patriarches,  25.  32. 
Il  fe  trouvoit.auffi  entre  toutes-les  nations ,  3  3. 
L'efprit  de  Prophétie  ne  fut  renfermé  dans 
une  feule  nation  qu'après  Moïfe,  i'}.  Quand 
a  cefîe  l'efprit  de  Prophétie,  280 

Prophétie.  Deux  fortes  de  Prophéties  ,  70.  En 
quel  fens  les  femmes  prophctifoient  dans  i'E- 
glife,  ^  294 

Propitiations.  La  veille  du  jour  des  propitiations 
on  élifoitun  fwbftitut  au  Souverain  SacriHca- 
ceur,  296.  Le  Souverain  Sacrificateur  ne  por- 
toit  pas  fes  habits  magnifiques  le  jour  "des 
propitiations,  281.  Pour  quelle  occafion  ce 
jour  fut  inftirué  ,  358.  Cérémonies  de  ce 
jour,  359.  f^ fuîv.  Cérémonies  des  deux 
Boucs,  339-  340.  Pendant  ce  jour  le  peuple 
s'abftenoit  de  cinq  chofes,  340 

Profelytes.  Lesjuihen  faifoient  de  deux  fortes, 
42.  Des  Profclyces  de  la  juflice  ,  ibid.  Des 
Profelytes  de  la  porte,  43.  En  quel  fens  ils 
étoient  légalement  fouillez  ,  ibid.  44.  Un 
Juif  u'ofoit  manger  â  la  table  d'un  Prufelyte 
de  la  porte,  mais  il  le  pouvoit  recevoir  à  fa 
table,  43.  Les  Efclâveî  des  Juifs  étoient  Pro- 
felytes de  la  porre  ,  4.3.44.  Les  Profelytes 
éroient  reputez  être  dans  la  voye  de  falut  , 
44.  Les  dévots  dont  il  eft  parlé  aux  Ades  à^s 
Apôtres  étoient  des  Profelytes  de  la  porte,  44. 
47.  Troisremarquesimportantes  touchant  les 
Profelytes  de  la  porte,  45 

Profelytes.  Les  Profelytes  delaporteavoient  un 
lieu  feparé  dans  les  Synagogues  des  Juifs 
difperfez,  4.6'.  Quoi  qu'ils  euifent  abjure  le 
Paganifme  ,  ils  étoient  cependant  appeliez 
Grecs  &  Gentils  ,  47.  Il  ne  leur  étoit  pas 
permis  de  pratiquer  les  cérémonies  Juifves, 
47.  Il  étoit  aifé  de  les  convertir  au  Chriflia- 
nifme,  48.  La  plus  grande  partie  des  pre- 
miers Gentils  convertis  étoient  des  Profelytes 

ds 


DES    MATIEP^ES. 


de  la  porte  ,  48.  Quand  on  a  ceffé  de  rece- 
voir les  Profelytes  avec  folennité ,  51.  Opi- 
nion terrible  des  Juifs,  que  les  Profelytes  de 
Ja  porte  n'étoicnt  pas  obligez  à  (andifier  le 
nom  du  vrai  Dieu,  ni  àTadorer,  53 

Trofelytes.  On  lavoit  les  Profelytes  de  la  porte, 
103.  Etrange  opinion  des  Juifs  fur  lesmaria- 
ges  des  Profelytes  de  lajultice,  145.  Et  fur 
ceux  des  efdaves  Profelytes  de  la  porte  , 
143.  144 

Projelyies.  Cérémonies  de  l'initiation  des  Pro- 
felytes ,  '  351 

Projerpine.  C'efl  la  même  qu'Ilîs  ,  félon  Por- 
phyre, 61%.  Pourquoi  les  Poètes  l'ont  ma- 
riée avec  Pluton,  640.  Quelles  bêtes  on  lui 
facrifioit,  795.  75^ 

'ïl^Q(T'i^\jv6Tv.  Etymologiedecemot,  602, 

Prof^erité,  Sacrifice  de  Profperitez,  Foyj^  Sacri- 
fice. 

Projlernatîon,  fe  faifoit,de  trois  manières  entre  les 
Juifs,  2,57 

Tfemme.  Pourquoi  quelques  Pfeàumes  font  ap- 
peliez Pfeaumes  de  degrez,  zzz 

Pfemme,  Diverfitè  des  Pfeaumes  qui  fe  chan- 
toient,  oufe  Jouoient,  dans  le  Temple,  félon 
les  differens  jours ,  Z9  3.  De  quelle  manière 
on  les  chantoit,  294 

Ptolemée  Vhiladelphe.  Prefens  qu'il  fait  aux  Juifs, 

T/urifications.  Elles  étoient  en  ufage  avant  Moïfe , 
100.  Le  lavement  étoit  une  cérémonie  de 
purification,  loi.  Ufitées  parmi  les  Payens, 
ICI.  Avec  quoi  &  comment  ces  purifications 
fe  faifoient,  ihid.    3^4.  tS  fiiîv. 

Purifications.  Le  changement  d'habits ,  cérémo- 
nie de  purification  fort  ancienne  &  fort  géné- 
rale, 103 

Purification.  Eau  de  purification,  comment  on  la 
faifoit,  3^3.  Sifon  fe  fervoit  del'eau de  pu- 
rification dans  toutes  les  fouilleures,        367 

Purim.  De  la  Fête  de  Purim,  349.  Originede 
cette  Fête,  îl^id.  Elle eit devenue  le  Carnaval 
des  Juifs,  34? 

Pythagore.  Sa  morale  étoit  énigmatique  ,  ex- 
plication de  quelques-uns  de  fes  énigmes  , 
413.  Il  reconnoiffoit  l'unité  d'un  Dieu  5  414. 
Comment  il  définifToit  la  divinité,4i5  Sen- 
timens  qu'il  avoit  de  la  divinité,  .      479 

Pythie,  Quelle  femme  c' étoit ,  772 

Python.  Efprit  de  Python,  ce  que  c'eft  ,  4^9. 
470. 


Q 


UiRiNUS.  Quel  Dieu  c' étoit,       427 


R 

RA  c  H  E  L.-  Pourquoi  elle  déroba  les  Dieux 
de  fon  père,  449.  450.  Ce  que  c'étoit 
que  ces  Dieux,  457.458. 459.  4(^0.484 

Rehecca.  A  qui  elle  s'âdrefla  pour  s'enquérir  de 
rEterncl,  66 

Rechahites.  Leur  Vœu,  375 

Relâche.  Année  de  relâche,  354.  Canons  pour 
l'année  de  relâche  ,  354.  355.  Du  relâche- 
ment des  dettes,  355.  Canons  pour  la  remife 
des  dettes,  356^.  Du  relâchement  des  Servi- 
teurs, 35^.  La  répétition  de  la  Loi  fe  faifoit 
cette  année,  357.  En  quel  tems  cette  année  a 
été  abolie,  358 

Religion.  De  quoi  elle  eftcompofée,  2.  Lacon- 
noiflance  des  Anciens  fur  la  Religion  n'a  pas 
été  aufli  bornée  qu'on  nous  la  répréfente,  zi 
i3^  fuiv. 

Religions.  Elles  font  venues  de  l'Orient ,  410^ 
418 

Réprobation.  La  réprobation  de  quelques  an- 
ciens Patriarches  étoit  typique,  &  ne  regar- 
doit  que  leurs  décendans,  78.  79 

Retranchement.  Peine  de  retranchement,  ce  que 
c'elî ,  12^.  39  t.  Péchez  qui  meritoient  la 
peine  de  retranchement,  511.  391 

Remphan.  Quelle  divinité  c'étoit,        514.  571? 

Rimmon.  Quelle  divinité  c'étoit,  ^59 

Rois.  On  ne  les  oignoit pas  tous,  z6%.  Ilsn'é- 
toient  pas  oints  avec  de  l'huile  facrée,    284 

Romains.  Comment  ils  divifoient  leurs  mois, 
113.  115.  Les  mariages  des  Romains  étoient 
dans  un  degré  de  grande  honéteté  ,  148. 
149.  Quels  étoient  les  Dieux  Tutclaires  de 
leur  Empire  ,  42'3-  42-4.  425.  Leur  Empire 
défigné  par  Mahuzzim,  701? 

RcrmiUis.  Sous  quel  nom  il  étoit  adore  par  les 
Romains,  427 

Rumina.  Quelle  divinité  c'c'toitj  808 


S  A  EBAT.  Le  jour  du  Sabbat  ne  fe  fanâi- 
fioit  point  avant  Moïfe  ,  40.  Si  l'obfer- 
vation  du  Sabbat  cft  de  tout  tems,  104,  Rai- 
fons  de  ceux  qui  tiennent  pour  l'antiquité  du 
Sabbat,  10  5.  Le  Sabbat  connu  &  révéré  de  tou- 
tes les  nations  Payennes  ,  105.  io6'.  116. 
Les  Romains  regardoieni  le  jour  du  Sabbat 
comme  uniour  malheureux,  107.  117.  Rai- 
fons  de  ceux  qui  nient  l'antiquité  du  Sab- 
bat, 107.  Le  commandement  du  Sabbat  ne 
fut  pas  donné  à  Adam,  108.  Dieu  donna  aux 
Ifraëlites  le  Sabbat  pour  des  raifons  qui  n'é- 
toient  bonnes  que  pour  eux,  108.109.  Au- 
toritez  &  témoignages  contre  l'antiquité  du 
Sabbat,  109,  113,  Le  premier  Sabbat  fe  cé- 
lébra 


T      A      B      L 

lebra  dans  le  defert ,    i  lo.  Si  lejour  du  Sab-      Sacrificauurs 
bateft  le  fepticme  jour  delà creacion du  mon- 
de, iio-  m 

Sabhdt.  Examen  des  paroles  de  Moïfepourran- 
iic|uité  du  Sabbac,  Ii8. 119 

Subbat.  Ce  que  c'eft  que  le  couvert  du  Sabbat, 
dnnt  il  elt  parlé  dans  le  Livre  des  Rois  , 

Sabbat.  De  quelle  manière  on  avertiflbit  le  peu- 
ple la  veille  du  Sabbac  qu'il  faloic  ceffer  l'ou- 
vrage .  2,94 
Sabbat.  Du  fervice  du  Sabbat ,  32.4 
Sabbat.  De  l'origine  du  Sabbat;  j^a.  Canonsdc 
rcbfervadon  du  Sabbat ,  3-55.  Les  Juifs  peu- 
Vent  fe  défendre  le  jour  du  Sabbat,  353.  Ce 
que  c'eft  que  le  chemin  d'un  Sabbat,  îé'/«ff  Des 
aflemblèes  quife  faifoientce  jour-là,       353 
Sabbat  d'années ,  3  54 
Sabbat.  Di^  grand  Sabbat  d'années,  358.  £5* 

fuïv. 
Sabine.  Ufage  que  les  Payens  fàifoient  de  cette 
plante,  808 

Sac.  Quelle  divinité  c'étoit,  59$ 

Sacelkm.  Etymologie  de  ce  mot,  7^^ 

Sacerdoce.  Les  femmes  avoient  part  au  Sacerdo- 
ce entre  les  Payens,  769.  Quels  peuples  ont 
introduit  cet  ufage,  770.  772. 

Sach.  Ce  que  c'eft,  702. 

Sacrement.  L'Eglife  avant  Abraham  n'avoit  point 
■  de  Sacremens,  124.  Ce  qui  eft  requis  dans 
tout  Sacrement,  ii<5.  Pourquqi  il  y  a  deux 
Sacremens,  12-5.  Quelle  différence  il  y  a  en- 
tre les  Sacremens  &  les  facrifices ,  125.  Si 
l'E^life  eft  en  droit  d'éloigner  les  pécheurs  des 
Sacremens,  388 

Sacrificateur.     Des  Sacrificateurs  de  l'ancienne 
Egîife  avant  Moyfe,  <,6.  ^  fuiv.  Les  aîiiez 
des  familles  en  étoient  les  Sacrificateurs  nez, 
56'.    Parmi  les  Anciens  les  Rois  étoient  Sa- 
crificateurs, $8.  Si  les  aînez  avoient  feulsle 
droit. de  Sacrihcature,  ^7.  ^8.  EnqueHens 
les  aînez  avoient  le  droit  de  la  Sacrificature, 
59.   Tous  les  Chefs  de  famille  l'exerçoient  , 
59.  Ce  droit  fe  conferva  même  après  Moï- 
fé,  ^o.    Les  particuliers  faifoient  l'office  de 
■Sacrificateurs,  même  durant  la  Loi  deMoï- 
fe,  ^o.  ^i'.  Pendant  que  les  enfans  étoient 
encore  dans  la  maifon  paternelle  ,  ils  n'a- 
voient  pas  droit  de  facrifier,  61,     Les  aînez 
^ivoient  le  droit  de  Sacrificature  comme  par 
•  excellence ,  mais  fans  ruiner  le  droit  des  au- 
tres ,    6i.   Apres  le  déluge  il  y  eut   trois 
Grands  Sacrificateurs  dans  le  monde,        ^8 
Sacrificateur.  Pourquoi  chaque  Chef  de  famille 
étoit  né  Sacrificateur ,  122,  Les  Sacrifitcateurs 
en  fervice  étoient  comme  Nazariens,     2^4 
Samficmeur.  De  leurs  vctemens,  270 

Sacrifi.caieur,   En  quoi  confiftçient  leurs  reve- 
nus, at)9.  ^  fuiv. 


E 


Ils  étoient  examinez  par  le  grand 
Sanhédrin,  283.  288.  De  quelle  manière  fe 
faifoit  cet  examen,  ibid.  Cérémonies  de  leur 
confecration ,  283.  ^  futv.  288.  Tous  les 
Sacrificateurs  dévoient  être  de  la  famille  d'Aa- 
ron,  287.  Quel  étoit  leur  office,  ibid.  zSS, 
Ils  furent  divifez  en  plufieurs  clalîes  ,  ibîd. 
Qiie  devinrent  les  familles  Sacerdotales  apré« 
la  captivité,  287.  288.  A  quel  âge  ils  en- 
troient en  charge,  288.  Ils  avoient  lachar- 
ge  de  fonner  de  la  trompette  ,  291.  lis 
compofoient  le  parfum ,  294 

Sacrificateur.  L'ordre  &  la  manière,  qu'ils ob- 
fcrvoient  dans  le  fervice  ordinaire  du  Tem- 
ple, 520.  (^  fuiv. 
Sacrificateur.  Du  Souverain  Sacrificateur,  2^8. 
(S' Juiv.  Il  faloit  qu'il  fût  de  la  famille  d'Aa- 
ron,  258.  2^2.  Lifte  des  Souverains  Sacri- 
ficateurs, 259.  CS?"  fuiv-     Cette  dignité  fut 
jointe   à   la   Rojale  fous  les  Maccabées  , 
26^1 
Sacrificateur.  (Souverain  )  Desqualitez  requifes 
pour  obtenir  cette  charge  ,    z6z.    ÏS  fuiv. 
Il  ne  devoit  y  avoir  aucune  tache  dans  fa 
naiflance,  2^2.  Si  la  Polygamie  lui  étoit  per- 
mife,  2^2.  2^3.     Il  devoit  avoir  l'âge  re- 
quis, 21Î3.  6f  l'intégrité  dans  les  parties  vi- 
fîbles  du  corps ,  zCt,.  Péchez  qui  exduoient 
du  Souverain  Sacerdoce,  2(f4 
Sacrificateur,    (Souverain)  De  fon    autorité  , 
26^4.  Si  le  Souverain  Sacrificateur  étoit  unique, 
2^5.  S'il  y  avoit  pluralité  de  Souverains  Sa- 
crificateurs du  tems  de  Jefus  Chritt  ,     z66» 
Ce  titre   étoit    donné  a  plufieurs  perfonnes 
qui  n'étoient  pas  Souverains  Sacrificateurs, 
ibid.     Des   droits   du    Souverain   Sacrifica- 
teur, z66.  Z67.  ^  fuiv.  Il  dîvoit  être  oint 
neceffairement  ,   2^8.  S'il  avoit  le  don  de 
Prophétie,                       ,  2^9 
Sacrificateur.  (  Souverain  )  De  (qs  vétemens ,  270. 
^  fuiv.  De  fa  mitre,  271.  Du  roquet,  i^^. 
de  i'Ephod  ,  272.  du  Pecloral  ,    173.     Le 
Souverain  Sacrificateur  ne  portoit  pas  fes  ha- 
bits magnifiques  le  jour  du  grand  Jubilé  , 
281.  Ses  habits  étoient  gardez  dans  une  Ci- 
tadelle,282.  Il  ne  lui  étoit  pas  permis  de  dé- 
chirer fes  vécemens,  282 
Sacrificateur.  (Souverain)  De  quelle  manière  & 
par  qui  il  étoit  élu  ,    283.    Cérémonies  de 
l'inftallation  du  Souverain  Sacrificateur,  283. 
^  fuiv.  Compofition  de  l'huile  avec  laquelle 
il  étoit  oint  ,  284.  Manière  dont  on  faifoit 
l'ondlion,  285 
Sacrificateur.  (  Souverain)  Du  grand  Vicaire  du 
Souverain  Sacrificateur,  29^ 
Sacrificateur.  (Souverain  )  Sacrifice pourle  pé- 
ché qu'il  offroit  pour  lui-même,  309. Com- 
ment il  fe  préparoit  pour  le  jour  des  Propi- 
tiations,  539.   Il  devoit  officier  ce  jour- là 

ca 


DES    MATIERES. 


-«n  habit  bfatic ,  î^id.  Comment  on  doit  en- 
tendre qu'il  ejlcroit  une  fois'l'au  dans  le  lieu 
Trcs-Saint,  540 

SacrificAteur,  Des  Sacrificateurs  des  Payens,76  8. 
^  juiv.  Du  Sexe  des  Sacrificateurs,  769. 
De  leurs  ordres  ,  77  j 

SAcrïficMeur.  Quel  étoit  l'office  du  Souverain  Sa- 

•  crificâteur  parmi  les  Romains,  773.  du  Roi 
<ies  facrifices,  ibîd.  Les  autres  nations  n'ont 
pas  eu  de  Souverains  Sacrificateurs,        774 

-Sacrificateur.  Des  habits  des  Sacrificateurs  Pa- 
yens,  775.  777.  780.  Ils  avoient  la  plupart 
4a  tête  couverte  dans  le  fervice  divin,  780. 
Les  Egyptiens  avoient  la  tête  rafe ,  778 

■  Sacnficateurs.  (  Payens  )  Ih  dévoient  être  en- 

tiers en  leur  corps,  779.  Obfervances  feve- 
res  pour  les  Miniftres  du  fervice,  imitées  par 
les  Payens ,  780 

.Se,crîfices.  Les  adorateurs  du  vrai  Dieu  u-foient 
-du  nombre  de  fept  dans  leurs  facrifices,  34, 
Les  Idolâtres  du  nombre  de  trois,  3^.  Quel- 
quefois aulTi  de  celui  de  fept  6c  de  cinq, 
ibîd. 

'Sacrifices.   La  Loi  des  facrifices  étoit  conteneë 

.  fous  le  commandement  d'épandre  le  fang ,  5^. 

L'ufage  des  facrifices  étoit  établi  dans  la  Re- 

ligiondes  Noachides,,  55 

Sacrifices.  Pourquoi  appeliez  Propitiatoires,  75 

■  S/ïcr^^cef. 'De  Porigine  des  facrifices,  81.     ^ 

fuîv.  La  Loi  des  facrifices  n'eft  pas  une  Loi 
naturelle,  81.  Ils  font  d'infiitution  divine  , 
8z.  Les  facrifices  étoient  destypes,  83.  Gro- 
tius  ,  qui  les  croit  d'invention  humaine, re- 
futé, 83.  Noé  reçûtune  réitération  du  com- 
luandement-de  facrifier,  8,3.  Preuves  de cet- 
' te  vérité  ,  84.  Ç5f  piv.  Toute  eflufion  de 
.  fang  des  bêtes  eft  un  facrifice ,  84.  (^  Juiv, 
87.  83.  .Dans  le  défert  toute  bëte  égorgée 
étoit   un  facrifice,  85.  Le  commandement 

•  de  brûler  lesgraifles  Srladéfenfede  les  man- 
ger ,  étoit   auffi  un  facrifice  ,  86".  Le  com- 

. mandement  de  facrifier  ayoit  étéauffi  don- 
.^é  à  PEglife  avant  le  déluge  ,   88.     Pour- 
quoi ce  Culte  s'cft  répandu  dans  toutes  les 
nations,  88.  89 

:  Sacrifices.  Des  dîïFerentesefpeces  de  -facrifices, 
89.  ^  fuiv.  Si  l'Eglife  avant  Moife  avoit 
toutes  ces  efpeces  de  facrifices,  89.  (Jfuw. 
Preuve  qu'avant  Moïfe  il  y  avoit  d'autres  fa- 
crifices que  des  holocaufles  ,  91.  9Z.  Cou- 
tume de  manger  la  chair  des  vidimes  ,  91» 
$z.  Si  avant  Moïfe  on  n'oftroit  pas  à  Dieu 
des  chofes  feches,  91.  Du  facrifice  deMej- 
,chifedec,  93.  Trois  efpeces  de  facrifices ufï- 
tez  avant  Moïfe  ,  96.  Pourquoi  il  ett  plu« 
fouvent  fait  mention  des  holocaufles  que  des 
autres  facrifices,  9^ 

■Sacrifices.   Quelle   étoit  la  matière  des  anciens 
facrifices  avant  la  Loi  5  97.  ^  Julv.  Quel- 
Part.  ÎV. 


les  étoient  ks  bctes  nettes  pour  les  facrifiJ 
ces,  ^y, 

Sacrifices.  Les  cérémonies  des  anciens  facrifices 
ont  été  les  mêmes  que  Moïfe  établit  du  de- 
puis, 9.9.  Si  ces  facrifices  fefaifoient  fur dej 
Autels  ,  100.  Les  lavemens  des  mains 
étoient  fouvent  employez  devant  les  facrifi-^ 
ces,  iQj 

Sacrifice.  Quelle  différence  il  y  a  entre  les  fa- 
cremens  bc  les  facrifices  ,  12,^ 

Sacrifice.  Il  étoit  permis  aux  particuliers  d'égor- 
ger ks  vidimes  de  leurs  propres  facrifices, 
295.  ioj.  Une  partie  des  Loix des  facrifices- 
que  Dieu  donna  à  Moïfe  n'étoient  que  des 
Loix  renouvellées,  98.  Dans  quels  lieux  on 
pouvoit  facrifier,  zo6.-z^6.  En  quelles  oc- 
cafions  on  mettoit  la  main  fur  la  tête  de  la 
viftime,  ^^s 

Sacrifice.  Cinq  fortes  de  facrifices ,  30^.  De 
l'Holocaulte  ,  Voyez.  Holocaufte^  Des  offran- 
des qui  étoient  des  dépendances  des  facri- 
fices, jj5 

Sacrifice.  On  ne  pouvoit  facrifier  ni  manger 
des  viâimes  facrées  hors  de  Jerufalem ,  31  i 
3i(f.  Proportion  de  l'huile  &  du  vin  qu'on 
offroit  dans  les  facrifices  ,  .31^.  Tous  les  fa- 
crifices avoient  leur  afperfion  de  vin,  3-17. 
On  ne  pcuvoit  contraindre  perfonne  â  facri- 
fier, ^  3,8 

Sacrifice.  A  qui  il  étoit  permis  de  faire  des  facrifi- 
■ces,3 1 8. Exemples  d'étrangers  pour  lefquels  on 
a  facrihé  ,  318.  319.  Quels  facrifices  on 
(pouvoit  recevoir  des  étrangers,  319.  Les 
Ifraëlites  en  fouillure  légale  ne  pouvoient  fa- 
crifier,  3  r  9 

Sacrifices.  Les  Anciens  danfoienf  daiTS  leurs  fa- 
crifices, 599.  Pourquoi  Dieu  ordonna  aux 
Juifs  de  fe  tourner  du  côté  de  l'Occident, 
quand  ils  facrifioient,  717 

Sacrifice.  Trois  efpeces  de  facrifices  entre  les 
Hébreux,  785 

Sacrifice.  De  la  matière  des  facrifices  791.  t.T 
,/uiv.  Sacrifices  de  viftimes humaines  en  ufa- 
,  ge  autrefois  par  tout  -  le  monde  ,  792.  F^ 
fuiv, 

Sa,crifice.  Des  cérémonies  obfervées  dans  les  fa- 
crifices, 791.  Gr/«/v. 

Sacrifice  continuel.  Cérémonies  de  ce  facrifi- 
ce, ,  .        .  ■  5^f 

Sacrifice  pour  le  délit.  Différences  entre  le  fa- 
crifice pour  le  péché,  &:  celui  pour  le  délits 
511.  51a.  Diverfes  fortes  de  ces  facrifi- 
ces, •  3 1  j 

Sacrifice  pour  le  péché.  Quelles  bêtes  on  y  im» 
nioloit  ,  509.  Plufieurs  fortes  de  facrifices 
pour  le  péché,  309.  Four  le  Souverain  Sa- 
crificateur, 309.  Pour  toute  la  Congréga- 
tion, 310.  Pour  les  parnculiers,  ihid.  Pour 
quelle  forte  de  péchez  ces  facrifices  étoieiic 
N  n  n  n  n  ci» 


T      A     B 

oflTe'tts,'    •■.  ■■•  ::••    •      ■  ^'  ■■■  _-  ■■  -310 

Smifices  de  Profperitez,  pourquoi  ainfi  appel- 
iez, ji?»  Dtverfes  forces  de  ces  facrifices  , 
J13,  314.  Cérémonies  des  facrilîces  de  prof- 
peritez, 514.  31$.  Il  y  avoic  quatre  fortes  de 
pâtiircrie,,  31^ 

Sacrifice.  Des  facrifices des  Payens,  78  3 .  ^ fulv. 
Diverfes  efpeces  de  facrifices  ,  784.  Quels 
étoienc  en  ufage  entre  les  Payens  ,  îbid.  Ils 
ie  font  vantez  d'avoir  vii  décendre  le  feu  du 
ciel  fur  leurs  facrifices,  51.  Ils  offraient  aux 
Dieux  des  chofes  fsches ,  53. 

Sacrifice.  De  quel  Jàth  fe  tournoient  les  Payens 
quand  ils  (a^rifioient,  7Ï1J.  717.  Sordideava- 

.  rice  dans  les  facrifices  des  Payens,  785.  Des 
{dicx'i'nce.sprûpîer  vïam  .j  7^61  La  manière  dont 

,  fe(aifoient  les  facrifices,  félon  Homère ,  7^6. 

Cérémonies  des  facrifices  des  Egyptiens ,    787 

Sacrifice.   Trois  efpeces  dfe  lacrifices  entre  [qs 

^  Payenspar  rapport  aux  fins  du  facrifice,  78$. 

„j750.  De«  propitiatoires ,  789.  Des  impetra- 

•;^\Q\rts ,  ibid.  Des  euchariftiques,  790 

Sacrifice.    Quelles  bëces  on  facrifioit  aux  faux 

Dieux,  795.  <^  juiv.  Préfages  que  les  Payens 

i  tiroient  des  facrifices,  790 

Sacrifice^  L'excommunication  précedoit  le  facri-' 

fice,  801.  De  l'ufageSi  multitude  des  prières 

dans  les  facrifices ,  îbid.  Les  Payens  ne  mec- 

•  toient  pas  la  main  fur  la  tête  de  la  vidime  , 
comme  les  Juifs,  801.  Mais  ils  mettoient  la 
main  fur  l'Autel ,  8oi.  L'eliufion  &  l'afper- 
lîon  du  fang  nefefaifoientpas  dans  les  facri- 
fices des  Payens,  805,.  Defcription  d'un  fa- 
crificeparDenysd'Halicarnaife,  805.  Et  par 
.Ancée,  3ofî.  On faifoit  pourtant  l'afperfion 
du  fang  en  facrifiant  aiix  Dieux  internaux,8o^. 

-  Des  afperiîons  qui  fe  faifoienc  dans  les  facri- 
fices, 808 

Sagan.  Qiiel  étoit  fon  office,  ^97 

SÀea,  Fête  chez  les  Perfes,  étoit  de  vrais  Sâr 
ti4rnales,  705.  Cérémonies  &  origine  de  cet- 
te Fête,  ibido 

Salambo.  Quelle  divinité  c' étoit  j.  686 

Salem.  Où  étoit  cette  Salem  dont  Melchifedec 
étoit  Roi,  ^3- 

Sfiliens.  Quel  étoit  leur  office,.      •        600.  602, 

Saiomé  répudia  fon  mari,  ce  qui  étoit  contre 
les  loix,  i6z- 

Salomon.  S'il  •a  été  damné,  76 

S(imnrîta,im.  Schifme des  Samaritains diviféiveii^ 

,  trois  périodes,  117..  Ridicule accufacion  des 

Juifs  contre  les  Samaritains,  é'^j 

Samothraces,  Des  Dieux  Samothraces  ,  411. 
4Z3 

Samfon.  Il  n'étoit  pas  abfolument  Nazariefi , 
iU.  387 

Samuel.  S'il  a  eu  le  privilège  de  confulter  Dieu 
par  Urim  ,  178 

^m^ml.  Remarques  fur  l'appaçjtion  du  fantôme- 


LE 

de  Samuel,  '  475-, 

Sanchoniathon.  Quel  homme c'étoît,  431.432. 
Fragment  tiré  de  fon  Hiftoire,  432,  i^ jutv, 
Diverfes  bévues  de  fon  Traducteur  ,  ^45 
Sang.  De  la  défenle  de  manger  du  fang-,  170. 
Faux  fens  des  Juifs  touchant  cette  dctenfe  , 
îbid.  Si  tous  les  dccendans  de  Noé  ont  été 
obligez  des'ablleniidufang  ,  171,  Pourquoi 
Dieu  défend  l'ufage  du  fang  fous  la  m^me 
peine  qu'il  défend  l'idolatne,  171.  Divtrfes 
obfervations  des  Juifs  fur  cette  défenfe  ,  172. 
Pourquoi  lesApo'.ies  dans  lejr  Concile  dé- 
fendirent l'ufage  du  fang  ,  173.  Le»;  Grecs 
&  les  Mahomexans  ne  mangent  pas  de. fang  3. 

Sang.  Explication  du  commandement  d'épandr©: 
le  fang ,  84.  Toute.effufion  de  fang  des  bêres 
eftunfacrificej.  84.  ^  fuîv.  87.  88: 

Smg.  Différence  entre  k' défenfe  de  manger  du 
fang,  &  celle  de  manger  de  la  graille  >  87. 
Cérémonies  pour  couvrir  le  fang  répandu  j 
88.  Que  fignifioit  cette  cérémonie,        ibid^ 

Sanhédrin.  Il  étoit  divifé  en  trois  Confiftoires; 
De  combien  d'hommes  chacun  étoit  compofé, 
2.22.  Dans  quelle  chambre  le  Grand  Sanhé- 
drin prenoit  fes  feances  ,  224.  De  combien 
deperfonnesil  étoit  compofé,  z66.  fon  Au- 
torité, Z67,  Il  éxarainoit  les  Sacrificateurs  , 
285 

Sattsrnales.  Privilèges  qu'avoient  les  efdaves 
pendant  ces  fêtes ,  585; 

Saturne.  Il  étoit  Roi  dans  l'Iîe  dé  Pânchaïa  j 
408.  SesEnfans,  îbid.  532.  G'eft Noé, 4190. 
533.  Sous  quels  noms  il  étoit  adoré  en  Egyp- 
te, 5-14,  C'elt  le  génie  de  la  nature  univer- 
felle,  ■       5.30 

Saturne.  C'eft  la  même  divinité- que  Mblochs 
■  570»   CST  fuîvé   D'où  vient  le  mot    Kpovoç 

-  donné  à  Saturne  par  les  Grecs,  ^70.  On  lui 
facrifioit  des  hommes ,  571.573.  Il  a  donné 
fon  nom  à  l'Italie,  571.  Saturne eft le Thau- 
tates  des  Gaulois,  571.  Conformité  du  culte. 
des  Carthaginois  à  leur  Saturne,  &  celui  des 
Phéniciens  à  leur  Moloch,  574.  {^5* /«/-y.  Ori- 
gine de  la  fable,  que  Saturne  dévoroit  fes  en- 
fans,  57s,  Quelques  mots  Carthaginois  du 
Pœnulus  de  Plante  expliquez,  pour  confirmer 

•  que  leur  Saturne  étoit  Moloch,  577= 

Saturne.  Pourquoi  il  eft  appelle  Kijpun  ,  577. 

-  D'où,  vient  la  fable  de  Saturne  détrôné  p'ar 
Jupiter,  &  coupé  par  le  même,  578.588.  Le 
Saturne  des  Grecs  n'eft  pas  la  Planète  qui  por- 
te ce  nom,  578.  579.  Mais  le  Soleil  ,  579.' 
^  fuiv.  Pourquoi  on  lui  attribue  quatre 
yeux,  579.  585.  Et  quatre  ailes,  580.  Pour- 
quoi il  tenoit  une  faux àla main,  580.  C'efi 
le  Dieu  qui  fait  le  tems  ,  ibîd.  Pourquoi  il 
tenoit  dans  l'ufte  de  fes  mains  Im  dragon  3 
ibîd.  Il  étou  eltimé  Père  4e  l'Agriculture  , 


ES    MATIERES. 


S&itime.  Il  y  a  une,  grande  contukon  dans  (on 
Hitloire,  581.  Adam  cil  caché  fous  cette  di- 
vinité ,  581.  Conformitez  de  Saturne  avec 
Noé  ,  j8j.  ^~  fuiv.  Origine  du  nom  de  Sa- 
turne ,  584.  Ce  que  lîgmiie  ce  qu'on  dit 
qu'il  dévoroic  fes  entans ,  585.  Et  qu'il  cou- 
pa les  parties  de  fon  père,  ibîd.  588.  Le  Sa- 
turne des  Phéniciens  étoit  le  Janus  des  Latins, 
58;-.  Defcription  de  la  flatuë  de  Saturne,  585. 
58().  Son  voyage  en  Italie,  586.  Il  enfeigna 
l'art  de  graver  des  lettres,  &  de  faire  de  la 
monnoye,  586.  Les  Romains  avoient  mis  le 
Tréfor  public  &  les  Archives  dans  fon  Tem- 
ple, pourquoi ,  58^.587.  Pourquoi  on  don- 
ne à  Saturne  Ops  pour  femme ,  ^87. 

Saturne.  Que  fignifie  l'eîtil  de  Saturne  aux  en- 
fers ,  589.  Il  fait  une  Loi  qu'aucun  mortel 
ne  vît  la  nudité  des  Dieux  fans  être  puni  , 
589.  Abraham  <:aclié  fous  le  Saturne  des  Phé- 
niciens, 550 

Saturne.  Sa  Planète.  Vertus  que  les  Anciens  Af- 
trologues  lui  attribuoient,  57 S 

Satyres.  Qiielles  divinicez  c'étoient ,    ^  54.  ^  5  5 

Sauterelles.  De  quelle  manière  les  Cyreniens  leur 
faifoient  la  guerre  ,  ^38.  Dégâts  qu'elles 
font,  634.637.  Parfaite  conformité  entre 
\ts  Harpyes  de  Virgile ,  ^  los  Sauterelles  de 
St.  Jean ,  iUd. 

-Sauterelles.  Prince  des  Sauterelles ,  quelle  divi- 
nité c'étoit,  633.  634.  638 

Sceba.  DelaReincdeSceba,  dequelPaïs,&de 

quelle  Religion  elle  étoit,  43 

-Scipïon  l'Africain.  Il  s'enfermoit  tous  les  matins 

dans  la  Cellule  de  Jupiter,  761 

Scythes.  Ils  a'avoient.pas  de  Temples  5  zoi 

I^e^éiJ.êvoij  dont  il  eft  parle'  dans  les  A-des  des 
Apôtres,  quelles  gens  c'étoient,        -44.  47 

5(?;^;V.  Des  Dieux  de  Sehir,  658 

Seifithrus.  La  Fable  lui  att-ribuë^e  que  l'Ecriture 
raconte  de  Noé,  -589.  590 

Sel.  Les  Prêtres  Egyptiens  ^ri^en-mangeoient  pas , 
pourquoi,  650 

Sem.  H  habita  long-tems  dans  la  Chaldée,  ^^■. 
•Opinion  des  Juifs  que  Melchifedec  étoit  Sem 
n'eix  nullement  à  méprifer,  69.71.  Difficul- 
tez  confiderables  contre  cette  opinion  ,  71. 
Quel  fut  fcn  partage  dans  la  divifion  de  la 
t^rre,  C%  ■ 

Sem.  Il  étoit  undesTheraphimsdeLaban,4io. 

.  C'eft  Pluton  ,  553.  588.  C'eft  Pluton  &: 
Beel-Zebub,  félon  Bochart,  641 

Semaines.  Les  Anciens  divifoient  leurs  jours  par 

,  femaines  ,  107.  Qui  a  donné  les  noms  des 
fept  Planètes  aux  fept  jours  de  la  femaine-, 
107 

Semaines,  De  l'origine  &  de  l'antiquité  des  fe- 
maines,  III.  iS"  ftiî'^.  Les  Patriarches  divi- 
foient le  tems  par  femaines,  même  avant  l'ob- 
fervâtion  du  Sabbat,  m.  Preuves  que  Tu- 


fage  de  divifet:  les  mois  en  femaines  a  été  de 
toute  ancienneté  dans rOrient,  112.  Ladi- 
vilîon  du  tems  en  femaines  eft  plus  ancienne 
que  la  diviiion  en  mois  &  en  années  ,  113. 
Quand  l'ufage  des  femaines  s'introduilît  entre 
\qs  Romains,  iitf 

Setniramis.  HiftoiredefanaifTance,      647.  6<,i. 

Semence.  Flux  de  femence  ,  fouilleure  légale  « 
comment  ^'qvi.  faifoit  la  pur  jfication ,  369 

SemoSancus^  Dieu  des  Tofcans,  tranfporté  à 
Rome,  42,8 

Seneque.  Il  a  reconnu  l'unité  d'un  Dieui  415". 
fon  fentiment  touchant  les  fimuiacres,  488, 
498 

Sennacherib.  Notable  Hiftoirede  ce  qui  lui  ar- 
riva en  Egypte,  660.  Hiftoire  de  fa  mort, 
félon  Berofe,  665 

Séparation.  Eau  de  feparation,  comment  on  la  fai- 
foit, 363.  Pourquoi  elle  étoit  ainfi appellée , 
364.  De  quelle  manière  on  fefervoit  de  cette 
eau  ,  364.  n  l'on  s'en  fervoitdans  toutes  les 
fouilleures,  367 

Séparation.  Quellepeine  c'étoit,  387.  Pour  quels 
péchez  on  ordonnoit  la  feparation ,  ibicL 

Sept.  Le  nombre  de  fept  employé  par  les  adora- 
teurs du  vrai  Dieu  dans  les  cérémonies  fa» 
crées,  54.  D'où  eft  venu  le  refped  que  tou- 
tes les  nations  ont  eu  pour  le  nombre  de  fept, 
10-5.  II S.  C'eft  un  nombre  de  perfection. 

Septième  jour.  Voyez  Sabbat. 
Septième.    Quel  feptiéme  jour  étoit  facré  entre 
les  Payens,  il7 

Serapis.  Quelledivinité  c'étoit»  5io. ^21,  Si  c'eft 
Jofeph ,  520.  <ii.  522.  Ce  que  fignifie  .ce 
•nom,  522.  Par  qui  cet:e  Idole  fut  apportée  ea 
Egypte,  ibid.  Figure  de  Serapis,  522.  523. 
Le  Bœuf  Apis  ne  lui  étoit  pas  confacré,  520, 
522.  523 
Serapis.  C'eft  le  mÇme  que  Pluton  ,  félon  Por- 
phyre, 632.  Origiaede cette  divinité,  6 ^t, 
^33.  C'eft  le  même  que  Beel-Zebub,  633, 
Comment  on  le  r^épr éfentoita  ibid.  Que  figni  - 
fie  ce  nom ,  i^i^- 

Serpent.,  Il  étoit  un  des  plus  vénérables  fymbo- 
ies  de  la  Religion  d'Egypte,  742.  Ce  qui  a 
"donné  lieu  à  cette  Théologie,  743'  Origine 
•du  culte  des  ferpens,  744.  Le  Démon  s'eft 
fait  prefque  adorer  par  tout  fous  la  figure  du 
ferpent,  7^1.(3'' fuiv.  Il  étoit  confacré  i 
Efculape ,  ibid. 

^Serpent  d'airain.  Quand  a  commencé  l'idolâtrie 
■du  Serpent  d'airain  ,  740.  Pourquoi  la  figure 
•du  ferpent  odieufe  ri'éloigna  pas  le  peuple  da 
'Cette  idolâtrie,  741  Comment  Afa  &  jofa- 
phac  ont  épargné ceïte Idole,  74^-.  Erreur  de 
Marsham  fur  ce  Serpent,  74<î 

Service  volontaire.  Voyet  Culte,  volontaire. 
Sefaçh.  Quelle  divinité  c'étoit,   $95..  702.  îii- 
N  an  an  2.  '  tS'f^ 


TA      B 

tcrpreté  par  un  des  modes  Cabaliftiques  des 
]uifsj  70i.  C'ccoic  une  des  divinicez  des  Ba- 
byloniens j  il^id. 

Shamafl.  C'ctoic  le  Prince  des  Diables,         1^30 

Sichem.  Ce  qu'étoit  le  Sanâuaire  qui  étoit  en 
'  SJchem,  6^.  6^ 

Sicle.Qnd  poids  c'etoit  parmi  les  Hébreux,  731. 
♦  Du  lîcle  du  SanCcuaire  ,  304- 

Sidec  entre  Its  Phéniciens  étoit  Melchifedec,  80 

Sidrac'h.  Signihcation  de  C8  nom,  595 

Sili/efire  II.  Pape.  Une  tête  de  ibnte  lui  prédit 
qu'il  feroi:  un  jour  Pape,  &  le  tems  de  fa 
mort,  ^    451.452, 

àisneon  le  Jufte.  Qiiel  homme  c'étoit  ,  a 80. 
340 

SimuLacre.  Cequec'eft,  401.401.  De  l'origine 
des  {îmulacres;,  477-  tS [ulv.  Lesfîmulacres 
font  plus  nouveaux  que  l'Idolâtrie,  477.  478. 
En  quel  tems  s'introduifit  l'ufage  des  (îmula- 
cres d  Rome,  479.  Il  ne  faut  pas  chercher 
-  rorigine  des  fimulacres  entre  les  Grecs ,  ni  en- 
tre les  Romains  ,  480.  Mais  dans  la  Chal- 
dée ,  481.  Quelle  a  été  l'intention  des  pre- 
miers faifeurs  des  fimulacres,  483,  Le  cuite 
èitî.  fimulacres  n'étoit  pas  public  au  commen- 
cement, 483.  En  quel  terni  il  devint  public, 
484 

simulacre.  De  quelle  matière  les  anciens  fimula- 
<  cres  étoient  faits ,  484.485.  Plaifanterie  de 
Lucien  fur  le,s  Dieux  d'or  &  d'argent,  485. 
Quelle  opinion  les  Idolâtres. ont  eu>de  leurs- 
fimulacres,  &  quel  culte  ils  leur  ont  rendu  , 
487.  ^ fuîv.  Que  les  fages&  les  plus  fenfez 
n'ont  regardé  les  fimulacres  ,.  que  comme 
des  images  &  des  emblèmes  des  Dieux  ,  Se 
non  comme  de  vrais  Dieux,  488.  ^  fuiv. 
498.  Les  Payens  n'ont  regardé  leurs  fimula- 
cres ,  que  comme  des  mémoriaux ,  49 1 

ShnuUcre.  Les  Payens  croyoient  que  les  Dieux 
étoient  attirez  fur  les  fimulacres  par  la  ver- 
tu-de  la  confecration,  491.  (^  fuïv.  Pour- 
quoi ils  enchaînoient  leurs  Dieux,  493.  Opi- 
nion qu'ils  avoient  que  les  Dieux  fe  reti- 
roient  dans  les  cieux  ,  lors  qu'on  décruifoit 
leurs  fimulacres ,  493.  Conformitède  fenti- 
inens  entre,  le  Papifme&cle  Paganifme  fur  la 
vertu  des  images,  494.  498.  De  quelle  ma- 
nière les  Payens  expliquoient  la  préfence  des 
Dieux  prés  de  leurs  fimulacres,  495 

Sîmdaere.  Opinion- du  faux  Trifmegifte  ,  que 
les  finiulaeres  devenoient  le  vrai  corps  àQS 
Dieux,  495.  ^  fuiv^-  Opinion  du  bas  peu- 
ple &  du  vulgaire  touchant  les  fimulacres,49'7. 
(3'  fuiv.  Abrégé  des  preuves  qui  démontrent 
que  les  Payens  n'ont  pas  regardé  leurs  fimu- 
lacres comme  des  Dieux ,  498.  Réfutation  des 
raifons ,  par  où  les  Dodeurs  Papiftes  prou- 
vent que  les  Payens  ont  regardé  Iqs  fimulacres 
«pmpie  de  vrais  Di^ux,  493  • 


L      E 

simulacre.   Les  Payens  ont  adoré  le  vrai  Diett* 

dans  leurs  fimulacres  ,    538.    Les  fimulacres 

étoient,pofez  à  l'Occident  de  l'Autel,  5  3  8.  Les 

Payens  portoient  dans  leurs  fêtes  les  fir^iula- 

cres  de  leurs  Dieux  fous  des  Tabernacles  por» 

tatifs,  540.  541.  Onbaifoitou  les  fimulacres, 

ou  la  main  à  l'honneur  du  fimulacre  ,  54e 

Singe,  Il  étoit  adoré  en  Egypte ,  50^ 

Sire.  Etymologie  de  ce  nom ,  <^i i 

Sittim.  Ce  que  c'étoit  que  le  bois  de  Sittim, 

2Z9 

Socmte.  Il  avoit  deux  femmes,  x^j.  Condamné 
à  la  mort  pour  avoir  meprifè  les  Dieux,  415. 
Ce  qu'il  fit  en  mourant ,  417 

Socmte.  Cequ'étoitleDémondeSocrate,    419 

Sodome;  Combien  PHifioire  deSodome  pouvoie' 
apprendre  de  chofes  aux  anciens  Fidèles ,       6 

Soleil.  Il  a  été  un  des  premiers  faux  Dieux ,  40^, 
407.  Il  eft  caché  prefque  fous  tous  les  noms 
des  Dieux,  4^9.  Répréfentépar  OfiriSj  525. 
11  a  été  le  premier  Roi  des  Egyptiens ,  felon- 
Diodore,  532.  Répréfenté  parPahal-Pehor 
&  par  Priape,  i^jso 

Sdeil.  C'eft  le  Saturne  dés  Grecs,  &le.Moloch: 
des  Phéniciens,  579.  ^  Juiv.  Les  Idolâtres 
baifoient  la  main  en  fon  honneur ,  60 1 .  Il  étoic 
adoré  par  les  Phéniciens  fous  le  nom  de  Ba- 
hal  ,  606.  Répréfenté  par  Adonis,  6zi, 
ûZ6,  Appelle  Meni  entre  les  Orientaux,  699. 
Defcription  de  la  Table  du  Soleil ,  700.  Le 
Coq  lui  efl  confacré ,  70a' 

Soleil.  Il  a  été  adoré  prefque  par  toute  la  terre , 
7x3.  Les  Payens  ont  crû  que  le  Soleil  étoic 
animé  ,  714.  La  plus  ancienne  Idolâtrie  eft 
l'adoration  du  Soleil  &  de  la  Lune,  715.   Il  a' 
été  adoré  long-teros  fans  Temples,  717.  De*» 
Chariots  du  Soleil,  718.    De  fes  Chevaux, 
dont  parle  l'Ecriture  ,  72.x.   Les  Perfes  l'a- 
doroient  fous  le  nom  deMithra,  jz  r.   Pour- 
quoi las  chevaux  lui  étoient  confacrez,  yzz,. 
7'2'3.  Si  on  les  lui  facrifioit,  ou  s'ils  en  étoienf 
feulement  le  Symbole  ,   723.     Ces  chevaux- 
femblent  avoir  été  introduits  parmi  les  Juifr 
par  Manaffc,  'jz^.  Tradition  fauffe  des  Juifs 
fur.  ces  chevaux,  ibid.  Ce  n'étoit  pas  de  vrais 
chevaux,  mais  des  llatué's,  724.  72^: 

Soleil.  Quelles  bêtes  on  lui  facrifioit,  79  7 

Sophocle.  Paflage  de  Sophocle,  où  il  femble  re- 
connoître  l'unité  d'un  Dieu  ,  414' 

Souilleure.  Les- fouillcures  légales  étoient  dôdi- 
verfes  fortes ,  3  6^.  Des  grandes  fouilleures 
légales;,  &  de  leurs  purifications  ,  3^4. .^~ 
fuiv.  Les  fouillez  fouilloient  tout  c*  qui  les 
touchoit  ,  368.  Ils  dévoient  être  hors  du 
Camp  ,  ihid.  Des  fouilleures  accidentelles, 
3éf8.3(î9.  Comment  ces  fouilleures paflbieat- 
d'un  fujet  à  l'autre,  16^.  Ce  qui  faifoit  pro- 
prement une  fouilleure  légale  ,  31^5).; 

SeiiiUem,  Différence  entre  les  fouilkures  legaJes, . 


D  E  s    M  A 

Bi  les  criminelles,  387 

Spencertts.   U  e(l  trop  hardi   dans  l'explication 

de  l'Ecriture,  ^  275 

Staiionaire.  Des  hommes  ftationalres ,  ^57.  Quel 

écojt  leur  office,  298 

Stutiié.  Les  flatuës  des  Egyptiens  n'avoient  point 

de  membres,  pourquoi,  460 

Sfatu'é.  Satuës  qu'on  dit  avoir  parlé,  451.45a. 

467.  4.99. 

Statué.  De  l'origine  des  ftatues,  480.  481. 
Quelle  a  été  l'intention  de  ceux  qui  ont  ks 
premiers  dreiié  des  flatuës  auxdétunts,48  5. 
De  quelle  matière  étoient  faites  les  premières 
fhcuës  ,  484.  485.  De  quelle  manière  les 
Magiciens  prétendoient  y  évoquer  les  Dé- 
mons,  4^6 

Sttrllité.  Elle  étoit  odieufe  fous  l'Ancien  Tefta- 
ment,  152.  Raifon  de  cela ,  135 

Stflpon  de  Megare.  Raillerie  qu'il  fait  fur  une 
fiatuë  de  Minerve,  494 

Stratomce.  Hiûoire  de  Combabe  &  de  Strato- 
nice ,  771 

Sitccûth-Benoth.  Quelle,  divinité  c'étoit ,  ^53, 
689.  ÏS  fui'U' 

Supplice.  Supplices  capitaux,  ufîtez  entre  l'es  Juifs, 
388.  389. 

Sjlvmns-.  Quelles  offrandes  on  leur  ofFroit,  795 

Synagogues.  Il  y  avoit  un  lieu  feparé  pour  les 
Profelytes  de  la  porte ,  4<î.  De  l'âge  des  Sy- 
nagogues, 123.  Il  ne  s'y  fait  aucun  culte  pu- 
blic, s'il  n'y  a  au  moins  disperfonnes,  298. 
leur  origine,-  353 

Synagegue.  Ce  que  c'eft,  être  jette  Hors  de  la 
Synagogue,  393 

Syriens,  Ils  adoroient  les  poiiTons  ,  6^^.  &  les 
pigeons-,  647.  Ils  ne  mangeoint  point  de 
poiffon,  ibid 

Syrie.  Quelle  étoit  la  Déefïb  Syrienne,  6ii.. 
Defcription  de  fa  fiatuë  &  du  culte  qu'on 
lui  rendoit,  ibid.  Son  Temple,  <3'22. ^23.76^0 

Syrie  Diftindion  des  quatre  Déefies  qu'on  ado- 
roit  en  Syrie,  673.  La  D.éefïe  Syrienne  de 
Lucien  n'eft  pas  Derceto,  ^74.  Lucien  n'eft 
pas  Auteur  du  Traité  de  la Déeffe  Syrienne, 
«74.  Par  quels  Prêtres  elle  étoit  fervie,  771 
Parallèle  du  fervice  de  la  Déefle  de  Syrie  & 
de  celui  du  Temple   de  Jerufalem  ,   775. 


TA  AU  T.  Ce  que  c'étoit  entre  les  Phéni- 
ciens, ^  436.  443  M44 
Tabernacle.  Le  premier  modèle  des  Temples  a 
été  pris  du  Tabernacle,-  zcz.  Defcription  du 
premier  Tabernacle  ,  201.  ÏS  fuiv.  Divers 
tranfports  du  Tabernacle,  205 
Tabernacle.  DeTcripîion  du  Parvis  du  Taber- 
nacle,,                             ÉÊjL  205 


T  I  E  R  E  S. 

Tabernacles.  Fête  des  Tabernacles  ,  pourquoi 
elle  fut  infiicuée,  345.  Cérémonies  de  cette 
Fête,  345.  (S"  J»i'^'  Cérémonie  nctab'e , 
l'épanchement  de  l'eau,  346.  347.  Grande 
rcjouifiance  pour  l'épanchement  de  l'eau, 
348.  Raifons  de  cette  réjouillance  ,  ibid. 
Singularitez  dans  les  facrifices  de  cette  Fête, 
34(î.  347.  Ordre  des  cérémonies  de  la  Fê- 
te, ^  348 

Table.  Des  Tables  qui  étoient  dans  les  Temples, 
7^4.  Des  repas  facrez  qui  fe  faifoient  fur 
ces  Tables,  7^^ 

Table  delà  Reine  des  Adiabenes,  qui  étoit  dans 
le  Temple  d'Herode ,  zi5.   153 

Tables  de  la  Loi.  Dimenfionde  ces  Tables,2  35 

Table  des  pains  de  propofition ,  fa  defcription , 
241.  242.  De  quelle  manière  on  arrangeoit- 
les  pains  de  propofition  fur  la  Table  ,  242. 
Où  étoit  pofée  la  Table,  243 

T'able  de  Ptolemée  ,  qui  étoit  dans  le  Temple 
d'Herode.. Sa  defcription  j.  ~         252 

Tàranes.  Quel  Dieu  c'étoit,  572.  59^ 

Tartak.  Quelle  divinité  c'étoit,  ^53.  ^57 

Taureau.  Il  étoit  adoré  en  Egypte ,  50^ 

Temples.  Il  n'y  avoit  pas  de  Tem-ples  avant  le 
déluge,  120.  De  l'antiquité  des  Temples, 
201.  102.  Les  Idolâtres  n'ont  pas  eu  de 
Temples  avant  le  tems  des  Juges,  201.  Peu- 
ples qui  n'en,  ont  jamais  eu  ,  ibid.  Le  pre- 
mier modèle  des  Temples  a  été  pris  du  Ta- 
bernacle de- Moïfe  ,  202.  qui  a  le  premier 
bâti  àts  Temples,  202.  Les  Temples  ont  ti- 
ré leur  origine  desfepulcres,  484.  Nations 
qui  ont  adoré  fans  Temples,  753 

Temple  de  Jerufalem  étoit  la  plus  riche  maifon 
du  monde  ,  304.  De  certaines  fingularitez 
du  Temple,,  tirées  de  la  tradition  des  Juifs, 
254.  Miracles  qui  fe  faifoient  dans  lé  Tem- 
ple ,  254.  255.  z^6.  Du  refped  que  l'on 
avoit  pour  le  Temple  en  prenant  chacune  de 
its  parties  par  degrez,  255.  De  quelle  ma- 
nière il  faloit  entrer  dans  le  Temple  ,  25^. 
2^7 

Temple.  Le  grand  nombre  des  inftrumens  & 
uftenfiles  fervant  au  Temple ,  251.253.2  54. 
Divers  inftrumens  dé  lamufîquedu  Temple, 
291.  De  l'ordre  dans  lequel  onjouoitdeces 
inftrumens,  293 

Temple.  De  fon  revenu,  302.   303.  504. 

Tmiplè.  L^brdre  &  la  manière  du  fervice  ordi- 
naire ,  qui  fe  faifoit  dans  le  Temple  chaque 
jpur,  320.  i^  Juiv..  Combien  d°èncens  orv 
brûloit  tous  les  jours  dans  le  Temple  ,  322 
En  quel  tems  on  portoit  le  bois  dansleTem- 
ple  ,  3  50.  Le  Temple  ne  pouvoit  pofleder 
de  fonds  en  propre  ,  378.  Il  n'y  avoit  pas 
de  mouches,  félon  les  Juifs,  ^28.  Vénéra- 
tion qu'avoient  les  Juifs  pour  l^î  préfens 
«qu'on  taifbit  au  Temple,  757 

Nnnnn  3,  Ten%' 


T      A      B 

Tef^^pîe.  Parallclc  du  fervice  du  Temple  de  Je- 
rufalem ,  &  de  celui  de  la  Déefle  de  Syrie, 

77  5  •  ^M'»' 
Temple  de  Salotmn.  Sa  Situation,  20^.  Sa  def- 
"  ciiptioii,  107.  i^fuîv,  Defcription du  Por- 
che, io8.  Du  lieuSaiat,  205.  Du  lieu  très 
Saint,  ibîd.  Ce  cju'il  y  avoit  ,  -2-37'  2,38. 
Bitimetis&ornemens  autour  du  Temple  ,210. 
Les  deux  parvi:,  ibid.  Ce  que  c'eft  que  le 
couvert  du  Sabbat ,  dont  il  eft  parlé  dans  le 
livre  des  Rois,  210.  Combien  le  Temple  a 
duré,  ^ïi 

Temple.  (Second)  Sa  de<"cription ,  zii.  Il  n'y 
avoît  point  d'Arche,  23';.  239.  Chofesqui 
y  manquoicnt;,  279.280.  Des Miniltres dont 
il  eft  fait  mei  tion  fous  le  fécond  Temple  ^  2  5  ^. 
Des  Intendans  des  finances  du  Temple ,  297 
Temple  d'Hehode.  Ce  que  fit  Herode  pour  bâ- 
tir un  nouveau  Tem;^le,zi2.  Defcription  de 
ce  Temple ,  2 1 2 .  CJ  faiv.  Defcription  de  l'in- 
térieur du  Temple ,  zi^.  ^fdv.  duVelii- 
bule,  21^.  Du  lieu  Saint,  2  i(f.  Du  lieu  très 
Saint,  ibid,  Defcription  de  la  Montagne  du 
Temple,  217.  (S"  Jkîv.  Des  portes  du  Tem- 
ple, 217.  218.  Des  Galeries  autour  du  Tem- 
ple, 2i3.  En  quel  endroit  du  Temple  étoient 
les  Marchands  que  Je{us-Chriftch.aira,2i9. 
Quelle  étoit  la  paroi  entre-moyenne  dont 
S.  Paul  parle  ,219.  Defcription  des  parvis, 
Z20.  221.  De  la  porte  de  Nicanor,  222, 
Desbâtimèns  dans  le  circuit  des  hommes,  8c 
des  Sacrificateurs,  223.  De  la  boucherie  du 
Temple,  22^.  De  l'Autel  des  Holocauftes, 
ibid.  Z/\6 
Temple  de  Guerîdm.  Hiftoire  de  l'origine  de  ce 
Temple,  2-18 

Temple  d'Onias.  O  rigi  ne  de  ce  Temple ,       228 
Temple.  Des  Temples  de  l'idolâtrie,  757.     ^ 
^iiiv.  Des  inventeurs  des  Temples  des  Payens, 
757.  Figure  des  anciens  Temples,  7^9.  Leur 
defcription,  'j6o.  ÏS  /«w.    Imitée  de  celui 
de  Jerufalem ,  ibld^   Des  meubles  des  Tem- 
ples, 7<î9'C5^  ('■ti'<J' 
Tems.  Il  fe  divife  naturellement  en  années ,  en 
mois,  &  en  femaines,  112.    La  divifion  du 
tems  en  femaines  elt  plus  ancienne  que  la  di- 
vifion en  mois  8c  en  années,   113.    Manière 
de  divifer  le  tems  chez  les  Grecs  &  les  Ro- 
mains,                               ■  IÎ-.5 
Terre.  Divifion  de  la  T^rre  entre  les  enfans  dg 
Noé,  68.  Comment  on  peut  concevoir  que 
!a  terre  fût  (î  fort  peuplée  cent  ans  après  le  dé- 
luge, &  du  tems  d'Abraham  ,    192.193.  194 
Jerre.  C'efi  la  Déede  Berith  des  Sichemitcs^  61 1 . 
LaCybele  des  Grecs,  624.  Quelles  bêres  on 
lui  facrifioit ,  795 
Tsrtullïet}.  Il  étoit  fort  crédule  ,  31 
Tefianient.  Pluueurs  faits  citez  dans  le  Nouveau 
Teftament  comme  tirez  du  Vieux,  qui  ne  s'y 
trouvent  pas,                                           31 


L      E 

Tête.  Quelle  marque  c'étoic  entre  les  Juifs  d'à- 
voir  la  tête  couverte,  ^  778 

Thaautas.  C'efi  Moïfe,  74  j 

Thamar.  Si  Judal'cpoufa,  141. 142 

Thamar,  Sœur  d'Abfçalom ,  pourquoi  elle  dit  à 
fon  frère  Amnon,  qu'il  pourroitl'époufer,  14^ 

Thammus.  Quelle  divinité  c'étoit,  681.  ^  Juiv, 
6'84.  Sentiment  de  S.  Jérôme  approuvé,  682. 
Il  y  a  apparence  que  c'eft  Abel,  688 

Thmtates.  Véritable  origine  de  Thautates  grand 
Dieu  des  "Gaulois  ,  571.  C'ctoit  le  Moloch 
àts  Syriens,  &le  Saturne  des  Romains,  571. 
572.  D'où  étoit  venue  la  coutume  de  lui  fa- 
o-ifier  des  hommes  ,  573.  Quelle  divinité 
c'étoit,  1J56 

Tharé,  père  d'Abraham.  SonHiftoire,  &  de 
fes  fimulacres,  .481 

Théologie.  La  Théologie  des  Anciens  contenoit 
cequ'il y  a d'efl'entiel dans  la  Religion ,      17 
TheologîePayenne,    Voyez  Payens. 

Theraphîm.  Palfages  du  Vieux  Teftament,  où  il 
eft  fait  mention  des  Theraphims ,  ^^%.^ fuiv» 
Hifioire  des  différentes  opinions  des  Juifs  & 
des  Chrétiens  fur  les  Theraphims,  450.  ^ 
fuïv.  Opinion  de  l'Auteur,  456.  Ils  avoient 
la  figure  humaine,  ibîd.  G'étoientdesinltru- 
mens  de  magie  &  de  divination  ,  ibid.  Mais  au 
commencement  ils  n'ont  pas  été  des  inftru- 
mens  de  magie  ,  457.  Les  Theraphims  n'é- 
toient  que  \qs  images  des  Ancêtres ,  ibid.  $c 
les  Dieux  Lares,  ibid.  des  Theraphims  de  La- 
ban  ,  457.  458.  459.  460.  482.  Véritable 
origine  du  mot  Theraphim ,  -41^8.  Comparai- 
fon  des  Theraphims  &  des  Lares,  458.  459, 
Originellement  il  n'y  avoit  que  deux  Thera- 
phims dans  lamaifon,  -^^o.  465 

Jheraphim.  Comm.ent  ils  devinrent  de';  inftru- 
mens  de  magie,,  461.  464.  Conlulter  les 
Theraphims  &  s'enquérir  des  morts  ,  c'eft  la 
même  cbo[Q ,  ibjd.  La  forme  de  l'oracle  des 
Theraphims,  46.2.  Conformité  entre  l'oracle 
■des  Chérubins,  &  celui  des  Theraphims  5/^/^. 
L'oracle  des  The'raphims  a  été  imité  de  celui 
des  Chérubins,  463 

Theraphims.  A  qui  étoient  confacrez  les  The- 
raphims, 464.  465.  Les  Theraphims  de  Mi- 
ca étoient  confacrez  au  vrai  Djeu  ,466.  Com- 
ment on  confultoit  les  Theraphims,  ^66./\ti 
-Comment  ils  rendoient  leurs  oracles  ,  466. 
^  fuiv.  Les  Theraphims  n'ont  point  parlé 
|)ar  leurs ftatuës,  466.  Les  Theraphims  font 
les  plus  anciens  des  Simulacres,  477 

Thermuùs.  Culte  que  les  Egyptiens  rendoient 
au  ferpent  Thermutis ,  742 

Ti^o/^  des  Egptiens.    Ce  que  c'eft  ,  436 

Thammîm.    Voyez  Urim. 
Tombeau.  D'où  eft  venue  la  coutume  de  mettre 
des  ftatuës  fur  les  Tombeaux,  465 

Tréforier.  Des  Tr^^iers du  Temple,  297 

Trinité.  SilesAtW^s  Patriarches  ont  connu  le 

myftere 


DES    MAT  1ERE  S. 


re  de  la  Trinité  ,   17.  ^  fuh.    Si  Jes 
Paycns  l'oi)t  connu,  19^  Vtglife  avant  le  dé- 
luge l'a  connu ,  .  ,.v,  20 
Trhon-f.  Orignie  de  la  fable  des  Tritons,        652 
Trois..-  lUes.ktoIarres  uf  oient  du  nombre  de  Trois 
,  "'dans  leurs  cérémonies,  If 
.Trompette:  Eetè  des  Trompettes ,  557.  En  quoi 
coiilùtr/it  cette  Eëte,  ibid.  Raifoas  de  cette 
fokniiice,. .                '        ■,...■                338 
^^rompétte    Des  Trompettes  .dont  on  -fe  fervoit 
dans  le,  i  emple ,  291.  Leisfeuis  Sacrificateurs 
avoient  la  charge  de  loaner  de  la  trompette, 
292.  Dans  quelles  occaiions  oii  fonnôit  de  la 
Jrompette                                          293.  294 
Tro<je,  En  quel  tems  elle  a  été  détruite ,         202 
Turcs.  Origine  de  leur  Croiflanî,                  680 
Tycho  Brahé.  Il  croyoit  que  les  Afires  étoient 
animez,,                                                   714 
Type..  Cequec'eft,  7^.  76.  Différence  des  Ty- 
pes  &  des  emblèmes  ,    83.  Ce  qu'on  appelle 
ratio  typica.  dans  les  Types  eft  toujours  d'inf- 
.    titmionr,           •                                           15^ 
Typhon.  Ce  qu'il  lîgnifioït,4î;2-.  532.  D'où  ve- 
noit  la  haine  que  les  Egypriens  avoient  con- 
tre lui ,   531.  De  qui  il  etoit  fils,?^/û/.   C'eft 
Moïfe  ,  534.  53,5.    Ce-que  fîgnifie  le  nom 
-    de  Typhon,                                                535 
Tyr.  Cette  ville  étoit  confacrée  à  Hercule,  ^07 


V 


¥ 


A  c  irE.  Entre  tous  les  animaux  c'étoit  ce- 
lui que  hs  Egyptiens  honoroient  Je  pins , 

Vache  roujfe.    Cérémonies  de   l'immolation  de 
cette  Vache,   36a.  Nombre  des  Vaches  brû- 

•    léss.,   3153.  On  engardoiflacendre,       ibid> 

yalentinien.  il  ht  une  Loi ,  par  laquelle  il  permit 
à  chacun d'époufer  deux  femmes,  158 

Valentinîens.  D'où,  ils  avoient  tiré  leurs  iEones , 
420.  439  " 

T^arronK  Son  fentj'menî  toucbant  les  fimùlacre&j 

488 
\yeaif.  Des  Veaux  que  Jéroboam  établit  en  Dan 
&enBetheI,  537.  542.  ^  Juiv.  Dufexede 
ces  Veaux,  543.  A  qui  ils  ctoientconfacrez, 
543.  Pourquoi  Elle  n'a  pas  reproc^ïl  aux  dix 
Tribus  l'adoration  des  Veaux,,  mais  celle  des 
Bahalins,  544.  Par  quel  cultt-' Jéroboam  ado- 
ra ces  Veaux  ,  545.  11  ell  faux  que  les  dix 
Tribus  ayent  facrilîé  des  hommes  à  leurs 
Veaux,  ^45.  541? 

'Wem  d'or.  Proverbe  des  Juifs  tiré  du  Veau  d'or, 
502.  503.  Vaines  excufes  des  Juifs  pour  di- 
minuer le  crime  de  leurs  Pères  ,  ihid.  Quel' 
le  étoit  la  figure  de  cette  Idole,  503.  Quel 
poids  les  Juifs  lui  donnent,  503.  504.  D'où 
cette  Idolatiie  a  tiré  fon  origine,  503.  504. 
^  JhIv.  Pourquoi  Aaron  choifit  la  figure 


d'un  bœuf,  504.  Cela  étoit  imité  dé  la  Reli- 
gion de  Egyptiens  y  ^o< 

Veati  d'or.  Pourquoi  les  Ifraëlites  adorèrent  ua 
Veau  de  fonte,  &:non  pas  un  Veau  vivant, 
514.  Comment  Aaron  forma  le  Veau  d'or 
avec  le  burin,  ibid.  Quelle  a  été  l'intention 
des  Ifkëlites,  quand  ils  firent  &  adorèrent  le 
Veaud'or,  53^.  Çj'/wf-' Us  ont  voulu  ado- 
rer le  vrai  Dieu  fous  le  Veaud'oF,  537.  De 
la  fête  célébrée  pour  la  dédicace  de  ce  Veau, 
539.  ^  fuiv.  Ils  imitèrent  les  cérémonies  des 
Egyptiens,  -540.  ^41.  Fête  des  Ifraëlites 
pour  le  Veau  d'or  félon  Amos  ,  5-40.  541. 
Ce  que  Moïfe' fit  de  ce  Veau,  541.  Ce  qUe 
lignifient  hs  paroles  d'Aaron,  parlefquelles 
il  prétend  s'excufer,  541 

Ventriloques.  Quelles  gens  c'étoient ,  4(19.470, 

■475 

Venus.  Ce  qu'elle  fîgnifie,  4-12»  ^21.  Que  fîgni- 
fie fa  naiffance  de  la  mer,  578.579.585.  Elle 
étoit  mâle  &  femelle,  598.  On  lui  conlacroit 
les  pommes  de  grenade,  ^^5 

Venus,  Quatre  Déefies  qui  portoient  ce  nom, 
66j.  Etymologie  de  ce  nom ,  ^04.  ^90.  Pour- 
quoi on  attelloit  des  pigeons  à  fon  char,  6Bj, 
Explication  de  fon  Hiftoire  fabuîeufe  ,  6S7. 
688.  Deujf  Venus  i  l'une  chafte^  &  l'autre 
impudique,  ^9i.  695.  6^4^  Impuretez  qui 
fe  commettoient  dans'foa  Temple  à  Corin- 
the ,  ^94 

Venus.  Du  culte  de  Venus  par  les  Arabes ,  72^. 
Ce  qu'ils  entendoient  par  la  tête  de  Venus , 

•   ibid.' 

Venus.  Delà  Venus  Babylonienne,  ^89.  Tradi- 
tion fînguliere  des  Babyloniens  fur  la  naiflan- 
ce  de  Venus,  689.  Aftreufe  impureté  qui  fe 
commettoit  dans  fon  Temple  ,  6^0.  Quelle 
partie  de  la  nature  étoit  adorée  fous  cette 
Venuî,  -v  694 

Venus  pandemos.  Quelle Déefle c'étoit,       409 

Venus.  De  la  Venus  Syrienne  ,  ^81.  ^  fuiv. 
Notable  pafTage  de  Lucien  fur  cette  Venus, 
^82.  Abominations  qui  fe  falfoicntdans  fon, 
Temple  ,  683.  Sentiment  de  Macrobe  fur 
cette  Venus,  ibîd.  Différences  entre  les  Au- 
teurs furie  lieu  où  étoit  fon  Temple  j  recon- 
-ciliées '/izV/.  C'eft  Ifîî,  ^85.  ^87,  C'eft  la 
nature  univcrfelle ,  685.^87.  Appellée  My- 
litta,  pourquoi,^8^.  Et  Salambo, pourquoi , 
ibid.  Sous  quel  nom  connue  par  les  Arabes , 
C^6.  Hiftoire  de  fa nailTance 5  6^7.  Ily  a  ap- 
parence que  c'eft  Eve  j^  é'8S' 

Venus.  Pourquoi  appellée  Aphrodite,  C8S 

Venus  Urame..  Cen'eftp"asDercet03^74.  Quelle 
divinité  c'étoit,  692.  C'elllamêmeque Ju- 
non,  6^}.  C'étoit laJunoaSyrienne,& non 
la  Venus  Syrienne,  ^93 

Verwne.  Ufage  que  les  Paycns  faifoient  de  cette: 
plante;  '  808 


T  A  B  LE    DES 

Vefin.  Si  elle  étoit  la  divinité  tutelaire de  l'Em- 
pire Romain  ,  42-5.  4i<î.  ^'^^\  Vefta,  Ilis, 
Cybeie ,  &  Ceres,  ionc  une  même  divinité, 
fîgaifîant  la  .nature  univerfelle  ,  ^iS.  ^529. 
.Du  tèu  lacré.de  Vella ,  &defonufage,  767. 
768 

Vefia,.  Etymologie  de  ce  nom ,  ^04 

Vétewens.  Le  changement  de  vétemens,  céré- 
monie de  purincacjon  fort  ancienne  &  tort 
gevieralcj  105.  Et  quand  on  vouloit  fe  pré- 
fenter  devant  Dieu  ,  ibid.  Le  changement 
d'habits  étoit  en  ul'age  dans  le  .Baptême  de  la 
primitive  Eglife,  105 

Vejlales.  Quel  étoit  leyr  office  ,772"  Formule 
dont  on  le  fervoit  quand  on  les  recevoit,  773., 
Privilèges  des  Veftales,  781.  Leurs  Règles, 
ibidc 

Vîùlîme.  La  coutume  de  manger  la  chair  clés  vic- 
times étoitavantMoife,  .9^1.5?"  LssPayens 
l'avoient  auiU  j  9^^ 

Viélime.  D'où  vient  ce  mot,  790 

Vi^Hme.  Elle  dévoie  fe  laifler  offrir  volontaire- 
ment, 790.  De  quelle  manière  on  éprouvoit 
fa  patience,. ffe"^.  Vidimes  hum.aines  autre- 
fois en  ufage  par  tout  le  monde  ,  -792.  CS* 
fuiv,  Viâ;imes.prifesd'entreiesoifeauXj7i97. 
Si  l'on  afacrifié  des  poiflbns,  758 ., Du  choix 
desvidinjes,  799.  Et  de  quelle  manière  on 
les  menoit  à  l'Aufceî ,  :799'  800 

.yîHlme.  Les  Payens  ne  mettoient  pas  la  main  fur 
la  tête  de  la  vidime,  comme  les  Juifs,  8or. 
Cérémonie  d'arracher  du  poil  de  la  vidi  me 
pour  la  brûler,  804.  Cérémonies  qu'on  ob- 
fervoit  quand  on  l'égorgeoit,  8.04.  Quelles 
parties  de  la  vidinje  on  corifacroitirAuçel, 
807 

.Vigne.  Un  efcalier J&it  d'ju»  feultroncjde vigne, 
48^ 

Vœu.  Ufagedes  Vœux  dans  l'Eglifedes^Patriar- 
ches,^  5. Différence  entre  le  Vœu  &  l'Offrande 
volontaire,  373.  Diverfes fortes  de  Vœux, 
.^76.  Vœu  des  Rechabites,  37^.  Delà  ma- 
nière des  lïmples  Vœux  &  de  leuriprme ,  ibid. 


M  A  T  1  £,  XV  '^  . 

Oa  pouvoic  vouer  un  homme  qui  nctom 
point  à  loi ,  même  un  Payen ,  ihid.  à  quel 
âge  les  perforines  pouvoient  être  vouées,  8c 
de  leur  eitimationfuivant  leur  âge,  377.  Ob- 
iervations  iur  les  bêtes  dévouées  ,  377.  Sur 
les  maifons  &  les  champs  dévouez,         378 

.Vœu.  Des  Vœux  par  Cherem  ou  par  interdit-» 
379.  Différences  encre  ces  Vœux  ,  &  les 
limples  Vœux,  ibid.  Les  hommes  vouez  par 
interdit  étoient  mis  à  more  fansmifericorde, 
.ibid.  Le  Vœa  de  JepKté  étoicde  cette efpe- 
, ce ,  3  8a 

iVœu.  Ce  qui  étoittieceffaire  pour  la  validité  des 
Vœux,  «,  5S1 

Vœu  du  Nrizare/Xt,   Voyez,  Nizitest. 

JJrame.  Quelle  diviqiré.  c'étoit ,  .680.  Origine 
de..eeaoiiL,  ibid* 

Urim.  Ce  qu'ilya'de  certain  touchant  U ri  m  & 
Thumjnim,274.  Ce  que,c'étoit,a7<).  Urim 
&  Thuramim  font  fouvent  défignez  par  le 
nom  d'Ephod,  2,77.  Comment  Dieu  rendoit 
fes  oracles  par  Urim  ,  Z77.  Où  on  interro- 
geoitDieu  ,  277.  Qui  avoit  droit  de  coaful- 
terDieu,  278.  Qui  avoit  droit  de  confulter 
cet  oracle,  278.  Si  ces  oracles  étoient  irré- 
vocables, 279.  pe  la  manière  dont  on  con- 
fultoit  cet  oracle  jï^/W.  Du  tems  qu'^  duré  cet 
oracle,  •275.  iS® 

Urotdt.  Quelle  divinité  c'eft ,  689 

Vulcdn.  Ce  qu'il  fignifie,  412.  II  a  été  le  pre- 
mier Roi  des  Egyptiens,  félon  quelques-uns, 
.c5f2.  On  lui  facrifioit  rarement,  ,1%% 

% 

XEn  o  P  HA  N  E.  De  quelle  manière  i^feirso- 
quoit  de  ceux  qui  répréfentoienf  Dieu 
-luus  une  figure  Humaine,  414 


z 


Oroastre.  Qtù  il-étoit,       71.^^. 


Fin  (Je  la  Tabk.