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Full text of "Histoire d'Alep"

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KAMAL-AD-DIN 
HISTOIRE D'ALEP 

TRADUITE 

AVEC DES NOTES HISTORIQUES ET GÉOGRAPHIQUES 



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KAMAL-AD-DIN 



HISTOIRE D'ALEP 



TRADUITE ) 



AVEC DES NOTES HISTORIQUES ET GÉOGRAPHIQUES 



PAR 



E. BLOCHET 



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PARIS 

ERNEST LEROUX, ÉDITEUR 

28, RUE BONAPARTE, 28 
1900 



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HARVARD 
[UNIVEPSITYI 

NOV 17 1966 



I MICROFILMED 
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L'HISTOIRE D'ALEP 



{ 



DE 



KAMAL-AD-DIN 

VERSION FRANÇAISE 
D'APRÈS LE TEXTE ARABE 



L'ouvrage arabe dont font partie les extraits traduits en fran- 
çais dans les pages qui suivent, est intitulé : Zoubdat-aUMalah-min 
tarikh'Halah : « la crème du lait sur Thistoire d'Alep », avec un 
de ces jeux de mots que les historiens arabes et musulmans re- 
cherchent avec tant de zèle pour la composition de leure titres. Il 
porte aujourd'hui le numéro 1666 du fonds. arabe de la Biblio- 
thèque nationale. On lit sur le recto du premier folio une note 
dans laquelle un certain Batros (= Pierre), fils de Dîb, d'Alep, a lu 
ce volume à Paris « dans la maison du vizir Colbert en Tan 1680 
du Christ ». 

Le nom de l'auteur, tel que le donne le manuscrit de la Biblio- 
thèque nationale, est « le maître, le Sâhib.,. Kamâldîn (lireKamâl- 
ad - Dîn)-Aboû-Hafs-'Omar-ibn-Ahmad-ibn-Hibat-allah . Son vrai 

nom est: Aboû U-kâsim-'Omar-ibn-Ahmad -ibn-Hi bat-allah ibn 

Abi -Djarada-Kamâl-ad-Dîn-ibn -al- *Adîm-al- Okailî-al-Halabî - al- 
Hanâfî. La charge de kadi d'Alep était héréditaire daus sa famille, 
et il a pris soin de relater deux aventures arrivées à un de ses 
ascendants dans cette charge, sous le règne du célèbre sultan 
d'Alep et de Damas Noûr-ad-Dîn-Mahmoûd. 

Le titre de Sâhib qu'il prend dans le titre de sa Zoubdat fait 
sans doute allusion à ses fonctions. On peut voir sur ce terme 
employé dans le sens de vizir une note curieuse de Silvestre de 
Sacy dans sa Chreslomathîe arabe. 



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f 



/*2 KAMAL-AD-DIN 

r Kamâl-ad-Dîû naquit dans la ville d'Alep à la fin de la 586» année 
de rhégire (1191 de notre ère), et, après une vie assez agitée, alla 
mourir au Caire à l'âge d'environ soixante ans, le 29® jour du pre- 
mier Djoumada de Tan 660 (1262), la deuxième année du règne du 
sultan al-Malik-ath-Thâhir-Rokn-ad-Dîn-Bîbars-al-Bondokdârî *. On 
, connaît en réalité assez peu de chose de la vie de ce personnage 
; qui, comme tant d'autres, alla chercher le calme en Egypte, 
' après une vie de troubles. . 

Il est à remarquer que les principales chroniques musulmanes 
ont/été composées par des officiers de justice ou des ministres qui 
charmaient les loisirs de leur charge, ou ceux moins agréables 
que leur laissait la disgrâce de leurs souverains, à cultiver les 
lettres et rhistoire. • 

Il serait facile d'en citer un grand nombre d'exemples. Ainsi 
l'historien Takî-ad-Dîn-Ahmad-Makrîzî, qui commença, comme bien 
d'autres historiens, par être attaché, suivant ce qu'il raconte lui- 
même, aux bureaux de la chancellerie {divân-al-inshâ, le minis- 
tère des affaires étrangères) ; on lui offrit la charge de kadi de 
Damas, mais ses travaux historiques l'absorbaient trop pour lui 
permettre d'accepter cette lourde charge. Hasan-ibn-*Omar fut 
secrétaire du palais dfe justice, puis de la chancellerie. Le célèbre 
Ahnîad-ibn-Hadjar-al-*Askâlânî fut d'abord substitut du kâdî 
su]^vême {kâdî-al'kodât)y puis kâdî suprême lui-môme. Badr-ad- 
Dîn-aKAînî ou *Aîntàbî fut mohtesib au Caire. 

Les recherches studieuses du kâdî Kamâl-ad-Dîn aboutirent à la 
composition de deux grands travaux, dont l'un est la Zouhdat. 
L'autre, qui porte le titre de : Le désir de la recherche sur Vhis- 
toire d'Alep, était un dictionnaire biographique fort détaillé des 
hommes illustres d'Alep, ou même simplement de gens qui n'ont 
guère fait que passer dans Alep ou régner à une époque donnée 
sur un empire s'étendant jusqu'à Alep. Nous ne possédons, mal- 



1. Vt)ir Makrizi, Solouk dans Quatremère, Histoire des sultans mamlouks, 
tome I, part. 1, page 182. « Cette année, dit Aboû-'l-Mahâsin (Nadjoûm-ath-Thâ' 
hiraty man. arabe 1780, fol. 213), mourut l'imam très instruit, Kamâl-ad-Din- 
Aboû-'l-Kasim-'Omar-ibn-Ahmad-ibn-Hibat-AUah-ibn-Mohammad-ibn-Hibat- 
Allah-ibn-Ahmad-ibn- Yahya-ibn-Zohair- ibn- Haroûn-ibn-Moûsâ-ibn-'Isâ-ibn- 
'Abd-AUah-ibn-Mohammad-ibn-Abi-Djarada-'Amir-ibn-Rabi'ah-ibn-Khavîlad- 
ibn-'Aûf-ibn-'Amir-ibn-'Okaîl-al-'Okaiii-al-Halabi, le fakîh (juriste), le hanéfi, 
le kâtib connu sous le nom d'Ibn-al-'Adim. Quelques historiens font remonter 
sa généalogie jusqu'à Ghaîlân. Il naquit à Alep, le onzième jour du mois de 
Dhoû-'l-hidjdjah de Tannée 586; il étudia les hadiths (traditions) sous la 
direction de son père, de son oncle Aboû-Ghânim-Mohammad et d'autres 
personnes ; il se livra à l'enseignement, rendit des fetvas et composa des 
ouvrages. C'était un imam instruit, versé dans beaucoup de sciences. Il fut au 
nombre des réis connus et des ulémas célèbres. » 



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HISTOIRE DALEP 6 

heureusement, à Paris, qu'un seul volume de cette énorme com- 
pilation. Ce manuscrit, qui porte le n® 2138 du fonds arabe de. 
la Bibliothèque nationale, ne contient qu'une partie assez res- 
treinte de Velif, la première lettre de Talphabet. 

Le British Muséum possède un manuscrit coté MDDXC, Addita- 
menta 23354, qui contient quelques compléments à ce colossal 
ouvrage. Plus tard, il fut continué par un auteur nommé 'Alî-ibn- 
Mohammad-al-Djibrînî et le manuscrit de ce nouvel ouvrage porte 
le no 2139 du fonds arabe de la Bibliothèque nationale. On sait que 
rhistorien Makrîzi avait entrepris, lui aussi, un dictionnaire bio- 
graphique dont le plan était tellement vaste qu'il ne le finit jamais. " 

Les deux travaux de Kamâl-ad-Dîn, et surtout la Zoubdat, furent, 
à une époque beaucoup plus récente, mis à contribution par l'au- 
teur d'une description d'Alep, dont j'ai beaucoup usé pour les 
notes de ma traduction. 

Le titre de Zoubdat (= abrégé) donné par Kamâl-ad-Dîn à son 
travail historique, indique qu'il ne lui a pas donné tout le dévelop- 
pement qu'il aurait dû comporter. Peut-être môme faut-il admettre 
que nous n'avons là qu'une rédaction abrégée d'un ouvrage plus 
étendu. * 

Cette impression s'accentue à la lecture de certains passages 
de l'ouvrage dans lesquels, surtout vers la fin, le style est extrê- 
mement concis. Les sujets et les régimes y sont très souvent omis 
et remplacés par le pronom de la troisième personne, de telle 
sorte que beaucoup de phrases sont très obscures. 

Si l'on n'avait que ce grief à invoquer contre le kâdî Kamâl-ad- 
Dîn, sa réputation n'y perdrait rien ou peu de chose. Mais un fait 
infiniment plus grave est qu'il semble bien qu'il ait copié Ibn-al- 
Athir. 

Peu d'écrits arabes ont été aussi souvent consultés que V His- 
toire d^Alep. La liste complète des travaux qui s'y rattachent a 
été dressée par M. Hartwig Derenbourg {Ousâma-ibn-Mounkidh, 
ch. xii). Je citerai seulement les deux plus importants : 

L'édition d'une partie du texte de Kamâl-ad-Dîn avec traduction 
française, par M, Barbier de Meynard, dans les Historiens orien- 
taux des Croisades, vol. III, Paris, 1884; et les Extraits traduits 
en français, par Silvestre de Sacy, pour F. Wilken. Ces Extraits 
ont été publiés par M. Roehricht dans ses Beitrœge zur Geschichte 
der Kreuzzûge, 1. 1, pp. 209-346. L'édition du recueil des Histo- 
riens arabes commence avec l'expédition de Rodvân et Yaghî- 
syân (490 = 1097) et s'arrête à l'avènement de Noûr-ad-Dîn (541 
= 1146), soit au fol. 169 du ms. Celle de M. de Sacy commence à 
l'année 488 et finit à l'année 569 de l'hégire avec la mort de Noûr- 



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4 KAM AL-AD-DÎN 

ad-Dîn, soit vingt-huit ans après la première. J'ai cru néanmoins 
devoir reprendre la traduction à Fendroit même où s'arrête l'édi- 
tion de M. Barbier de Meynard, afin de ne pas laisser de côté l'his- 
toire si importante des luttes de Noûr-ad-Dîn avec les Francs. 
Je me propose de la poursuivre pour toute la période intéressant 
les Croisades, en élaguant seulement ce qui n'a aucun rapport 
avec ce sujet. 

J'ai employé, pour annoter cette traduction, différents auteurs 
orientaux, dont la plupart sont demeurés jusqu'à ce jour inédits. 
Je me suis astreint pour ceux-ci à indiquer le numéro que le 
manuscrit porte dans le fonds arabe de la Bibliothèque nationale, 
et le folio, de telle sorte qu'on puisse facilement retrouver le 
passage que je traduis ou auquel je fais allusion. 



Al-malik-al-'Adil-Nôur-ad-Dîn-Aboû-l-Kâsim Mahmoud Ibn- 
i69v. Zaugî-Ibn-Ak-Sonkor * monta sur le trône d'Alep après ces 



1. Quelques auteurs arabes en particulier Abou'l-mahàsin (Histoire d'Egypte, 
ms. arabe n» 1780, passim) appellent ce prince Noûr-ad-Dîn-ash-shahîd, Noûr- 
ad-Din le martyr. La réputation de piété et de valeur qui a valu ce surnom au 
sultan d'Alep et de Damas est parvenue jusqu'en Europe. Il en a été de même 
pour le premier sultan ayyoubite du Caire, Saladin. — Le mot shahîd signifie 
proprement : celui qui témoigne. Il s'applique au musulman qui meurt en réci- 
tant la formula : Je témoigne qu'il n'y a pas d'autre Dieu qu'Allah et que Moham- 
mad est son prophète. On le donne aussi au soldat musulman qui toinbe 
devant les infidèles; on ne prend point la peine de laver son corps, car le 
sang versé pour la défense de l'islamisme lave mieux les péchés que toutes 
les ablutions, et on ensevelit le cadavre avec son vêtement qui lui sert de lin- 
ceuil. C'est à cause des luttes continuelles que Nour-ad-Dîn soutint toute sa 
vie contre les Francs que le surnom de shahîd lui a été appliqué. On trouve 
encore ce titre de shahîd appliqué au célèbre sultan mamlouk al-Malik-an- 
Nàsîr Nàsîr-ad-Dîn-Mohammad - ibn - Kalavoûn (xive siècle), dans l'histoire 
de ce prince écrite en arabe par un auteur qui ne se nomme pas, mais qui 
est peut-être Ibn-'Abd-Ath-Thâhir (ms. arabe n« 1705, fol. 2 et 3). 

Beaucoup de titres honorifiques orientaux ont subi la même extension; 
quelques-uns d'entre eux ont même complètement perdu leur sens primitif, il 
est inutile de citer les mots khan ou bey, dont la signification a bien changé 
au cours des siècles. C'est ainsi que le mot Ghâzî, victorieux, que l'on donnait 
originairement aux sultans turcs vainqueurs des infidèles, est porté par le 
sultan Abd-ul-Hamîd-Khân II, qui, dans la guerre de 1877-1878, n'a éprouvé 
que des désastres. 

Le père de Noûr-ad-Dîn, Zangî, que quelques auteurs arabes appellent le 
Roi des Émirs, venait de périr assassiné par ses serviteurs, pendant qu'il était 



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HISTOIRE D ALEP 



i 



événements, au mois de Rabî' second, le mardi dixième no r. 
jour de ce mois, en Tan 541 (1146). Salâh-ad-Dîn-Al-yâgî- 



occupé au siège de la Kal'at-Dja'abar, défendue par 'Ali-ibn-Malik-ibn-SIflim, 
que Farchevêque Guillaume de Tyr appelle Calogenbar ou Caloganbar. Kamal- 
ad-Din (Histoire â^Alep ; ms. arabe n» 1666» f . 169 v.) raconte que Tatabek fut 
tué par un de ses serviteurs auquel il avait fait la veille de sérieuses remon- 
trances, et qu'après sa mort son armée se dispersa. L'historien arabe Aboul- 
mahàsin donne des détails plus complets sur cette catastrophe, dans son 
Histoire d*Égypte (ms. arabe n«> 1780, f. 14 r.) : « En cette année mourut al-Malik- 
aboû-'l-Mothaffar-'Imad-ad-Dîn-Zangî, fils de Tatabek Ak-Sonkor. Son père 
s'appelait Kasîm-ad-dàulah. C'était le même personnage qu' Ak-Sonkor. Il était 
un des familiers du sultan seldjoukide Malik-Shàh, qui lui conféra le gouverne- 
ment d'Alep, d'Homs, et encore d'autres villes. Quand ce prince mourut, son flls 
exerça après lui la souveraineté. C'était Zangi, il régna sur la totalité des pays 
de son père et augmenta son royaume jusqu'au moment où il se fut emparé de 
la Syrie sur Mohammad-ibn-Mahmoûd-ibn-Boûrî-ibn-Toghtakin, après avoir 
combattu avec lui. Zangi devint alors maître de toute la Syrie, quelques années 
se passèrent, jusqu'au jour où il marcha contre la forteresse de Dja'bar. Il 
en combattit le prince Shihâb-ad-Dîn-Sâlim-ibn-Màlik-al-'Okaîlî, et dressa ses 
machines de guerre contre la place. La troisième nuit du mois de Rabi' 
deuxième, trois de ses domestiques se concertèrent pour le tuer et le frappè- 
rent pendant qu'il était étendu sur sa couche, puis s'enfuirent vers la citadelle 
où ils firent connaître ce qui venait de se passer. Zangi avait avec lui ses trois 
enfants, Saïf-ad-Dîn-Ghâzi, Noùr-ad-Din-Mahmoûd, le martyr, et Kotb-ad-Din- 
Maûdôud. Ce fut Noùr-ad-Dîn-Mahmoud, le martyr, qui régna après lui, pen- 
dant que son frère Saïf-ad-Dîn-Ghàzî se rendait à Mausil. » 

L'archevêque Guillaume de Tyr et son traducteur entrent dans des détails 
que ne donne pas l'auteur musulman (Historiens occidentattx des croisades, 
1. 1, p. 714) : « Tandis corn il estoit à ce siège et se penoit d'adresser la vile, 
si com sa coustume estoit, et dégrever ceuls dedenz, li sires de la cité fist 
parler à ses chamberlans qui estoient chastré. Si que une nuit, quand ils 
orent assez mengié et beu del vin, tant qu'il estoit toz yvres, il li corurent sus 
et le deglavierent tout; tantost s'enfoïrent dedenz la vile qui asise estoit, 
ençois que celé chose fust seue par l'ost. » — On lit dans Marino Sanuto (Sécréta 
fidelium Crucis, p. 166) : « Huius tempore, anno videlicet K. CXLY Sanguintis 

Edessenam civitatem capit Deinde ad civîtatem Columbar [Kal'at Dja'abar] 

sitam super Ëufraten, expugnandam accessit; ibi, procurante domino civi- 
tatis, quadam nocte ebrius, ab eunuchis suis interfectus est. Mane vero, omnis 
exercitus ad propria recedit, successitque illi Cotébedintis (Kotb-ad-Din) in 
Mussula (Maûsil), filius eius maior, in Alapia minor Norandinus, » Cet événe- 
ment tragique se passa le 5 du mois de Rabi' second (14 septembre 1146), et 
l'atabek fut inhumé dans la ville de Rakka. 

C'est par suite d'un rapprochement que rien ne justifie que l'atabek Zangi 
a été nommé « li baron Sanguin » ou « Sanguinus ». 

Sur le nom atâbek, voir Quatremère, Histoire des sultans mamlouks de 
VÉgyptCf t. I, part. I, p. 2, n. 

Suivant le géographe arabe Yakout, Mo'djem, II, p. 84, « Dja'abar est une 
citadelle sur l'Euphrate, située entre Bâlis et ar-Rakkah proche de Siffîn. On 
l'appelait anciennement Daùsar. Un homme des Benoù-Roshair, que l'on 
appelait Dja'abar ibn-Mâlik, s'en empara ». 

Le nom Ak-Sonkor signifie « le Sonkor blanc ». Quatremère a consacré à 
ce nom une longue et très intéressante note, dans laquelle il a relevé toutes 
les variantes de ce mot, qui désigne une sorte d'oiseau de proie que les sou- 
verains orientaux s'envoyaient comme cadeau ou exigeaient comme tribut. 
(Histoire des stiltans mamlouks de VÉgypte^ t. I, part. I, pp. 90-95). On trouve 



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6 KAMAL-AD-DÎN 

syâni * se rendit auprès de lui pour prendre en main le gou- 
vernement et veiller au salut de TÉtat. Sur ces entrefaites, 
Joscelin le Franc entretint une correspondance avec les 
Francs de ar-Rol^â ^ et les Arméniens ^ liés avec eux ; il les in- 



plusieurs noms propres analogues chez les officiers d'origine turque ou mon- 
gole, qui servirent sous les Ayyoubites et surtout sous les sultans mamlouks : 
Karâ-Sonkor « Sonkor noir », Sonkor-Ashkar « Sonkor roux », Baî-Sorikory etc. 
L'historien Marino Sanuto le nomme : « Asugur, pater Sanguini, avus 
Norandini » {Sécréta fidelium Crucis, p. 143). Kamfiàl-ad-Dîn (Dictionnaire 
hiographiqvs des hommes illustres d*Alep) a consacré à cet émir une notice 
qui se trouve traduite dans le tome III des Historiens orientaiix des croisades. 

1. Par suite du déplacement d'un point diacritique, ce nom propre d'origine 
turque orientale a été lu Baghisyânî. La lecture Yaghisyâni « Mamlouk de 
Yâghisyân » est prouvée par le sens de ce mot en turc : « Celui qui terrasse 
son ennçmi » {Historiens orientaux des croisades^ t. I, p. 863). Le mot turc 
oriental yâghî « ennemi » a passé, comme on sait, dans la langue persane. 
On trouve aussi la forme abrégée al-Ghisyànî (Derenbourg, Ousâma ibn Moun- 
kidh^ p. 143, n. 1). Le vrai nom de ce personnage est Salàh-ad-Dîn-Mohammad- 
ibn-Ayyoûb - al-Yâghîsiyânî ; il est quelquefois qualifié de amir-al-hadjib 
« l'émir chambellan ». Les historiens arméniens l'ont dédoublé et en ont fait 
deux émirs auxquels ils donnent les noms de Guisan et Aghusan {Chronique 
de Michel; dans Hist. arméniens des croisades^ t. I, p. 328). La transcription 
grecque est laYouicauav. Pour désigner les officiers attachés au service d'un 
prince, l'usage était de faire suivre d'un ya l'adjectif qui entrait dans son sur- 
nom avec malik. Les officiers et mamlouks d'un Malik-ath-thàhir s'appelaient 
les Thàhiris. 

2. La ville nommée ar-Rohâ par les Arabes, est la ville rf'Édesse des auteurs 
occidentaux. Les Arméniens la nomment Ourfa et plus anciennement Ourha. 
A une certaine époque elle porta le nom d'Antioche de la Belle source. 
C'est une ville, dit Yakoût, dans le Djazirah, entre Maûsil et la Syrie, entre 
les deux il y a 6 farsakhs. Elle fut nommée d'après le nom de celui qui la 
bâtit et qui s'appelait Rohâ-ibn-al-Balandî-ibn-Mâlik-ibn-Do'r. C'est cette ville 
que l'historien Guillaume de Tyr appelle Rohès. 

3. Les Arméniens furent, en général, du côté des Francs chrétiens contre 
les Musulmans. On verra cependant dans la suite de cette histoire un prince 
arménien allié avec ces derniers. Cette conduite fut une exception. L'hostilité 
que les Arméniens montrèrent aux Musulmans leur attira de graves dommages 
surtout sous le régne de Malik-ath-thàhir-Bibars et de Malik-al-Mansoûr- 
Kalàvoun. Voy. dans Quatremère {Histoire des sultans mamlouks^ t. II, part. I, 
p. 146) le texte du traité cçnclu avec Kalâvoun par le tahafoûr Lifôn (Léon), 
fils de Haîtoùm, fils de Constantin. Déjà, au moyen âge, les peuples d'Occident 
avaient compris l'intérêt qu'ils avaient à ne pas laisser tomber entre les mains 
des Musulmans le seul pays chrétien de l'Asie, surtout à une époque où les 
provinces, aujourd'hui soumises au sceptre de l'Empire russe et alors limitro- 
phes du royaume, étaient peuplées par des hordes Tatares plus féroces encore 
que les Musulmans de l'Egypte et de la Syrie. On retrouve l'écho de cette 
préoccupation danà Marino Sanuto, Sécréta fidelium Crucis {éd. Bongars, p. 5 et 
32) : « Que vostre haulte seigneurie (le roi de France) encommence la besongne 

du voyage d'outre-mer qu'elle le face à tout lemoings, de dix galées bien 

armées à ccl hommes pour chascune galée pour garder la mer; et trois cents 
hommes à cheval et mille de pied de bonne gent pour garder la terre d'Ar- 
ménie, Car trop seroit grand donjmage et grande honte à toute Chrestienté 

si cette terre se perdoit » « Et habere dignetur respectum piissima mise- 

pcordia vestra ad regnum vestrorum fidelium Armenorum, quod in dentibus 



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HISTOIRE D ALEP 7 

citait à se révolter et à lui livrer la ville. Ils acceptèrent et 
fixèrent un jour auquel îl se présenterait devant la ville. 11 
marcha alors contre la ville, en prit possession; mais la cita- 
delle refusa de se rendre, et il se mit à Fattaquer. La nouvelle 
en parvint à Noûr-ad-Dîn-ibn-Mahmoûd-ibn-Zangî, qui était 
alors à Alep. Il se rendit alors à ar-Rohâ à la tête de son 
armée ; Joscelin se hâta de s'enfuir vers son royaume. Noûr- 
ad-Dîn entra dans la ville, la livra au pillage et emmena pri* 
sonniére presque toute la population, et un fort petit nombre 

d'habitants resta dans la ville * Noûr-ad-Dîn (que Dieu 

lui fasse miséricorde!) ne tarda pas à s'occuper sérieusement 
de la guerre sainte, et, en Tannée 542, il entra dans le pays 
des Francs ; il enleva d'assaut Artâh *, qu'il livra au pillage, 
la citadelle de Mâmoûlah \ Basarfûth *, Kafr-lâthâ ' eti70v. 

quatuor feraram iacet. Ab una parte infra terram habet Leonem, scilicet Tar* 
iaros, quibus rex Armeniae reddit magnum tributum. Ab alla parte habet 
Pardum, videlicet Soldanum (le sultan d*Égypte), qui quotidie dissipât Chris- 
tianos et regrnum. A tertia parte habet Lupuniy scilicet Turchos, qui destniunt 
do minium et regnum. A quarta parte habet Serpentem, videlicet Cursarios 

raaris nostri ». 

Le titre que les Arabes donnent au souverain d'Arménie est takafoûr. Ce 
terme est une déformation du mot tagavor emprunté au persan tàdjvâr et qui 
signifie littéralement « celui qui possède la couronne ». Il arrive que ce nom 
de takafoûr, qui est proprement un mot arménien, désigne Tempereur byzantin 
(voir plus loin, p. 40, n. 1). C'est ce mot qui se trouve dans le nom de Sttb- 
tacfolt roi saint, par lequel, suivant Wildebrand d'Oldenbourg (Itinerarium), 
les Arméniens saluaient leur roi. Quatremère lit avec raison ce nom : Sourp- 
takavor (Histoire des sultans mamlouks, t. I, part, II, p. 124). 

1. La prise de cette ville fut très pénible pour les Francs. « Plus furent li 
Crestiens iriez de celé mésaventure qu'ils n'avoient estez liez del recouvrer. » 

2. Ville dépendante d'Alep, à 20 milles dans le Nord-Ouest. « C'est une petite 
ville dont Ips murs sont tombés en ruines ; elle avait une citadelle bien défen- 
due. Il y avait là une église chrétienne, elle possède des jardins, des sources 
et des villages. » (Description d'Alep, ms. ar. n» 1683, fol. 77, r.) 

« La prise d'Artàh et d'autres villes fut le commencement des conquêtes de 
la dynastie de Zangi et des Ayyoubites que nous raconterons, s'il plaît à 
Dieu » (Aboû'l-mahâsin, Histoire d^Égypte^ ms. ar. n^» 1750, fol. 14, v^). Cette 
même année le sultan de Maghreb, 'Abd-el-Moumin-ibn-'Alî, s'empare de la 
ville de Maràkesh (ihid.), 

3. Citadelle entre Alep et Antioche. Yakout ne donne aucun renseignement 
sur cette place ; peut-être faut-il lire Hisn-mâmoûlah. 

4. On trouve les formes Basarfoût ou Basarfoûth. Basarfoûth, Yakoût, 1. 1, 
p. 621, château-fort de la province d'Alep, à l'époque de Yakoût, était un village ; 
•« cette place, dit-il, avait été détruite ». 

5. Kafarlâthâ est le nom d'une place forte entre Sermin et Shogr (Yakout, 
Mo'âjem, IV, p. 29). « C'est une ville qui possède une mosquée et un menber 
au pied de la montagne 'Amilah, elle est dans les environs d'Alep; entre ces 
deux villes il y a un jour de marche... Sa population est Ismaïlienne.» Il y a 
une autre ville nommée Kafarlahthà, c'est un bourg des environs de *Aza7; 
aux environs d'Alep. Yakout (iMd,) 



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/8 KAMAL-AD-DÎN 

Hàb. Lôrs de l'assassinat de son père, les Francs avaient 
iaenti leurs convoitises s'éveiller, et s'étaient im^iginés qu'ils 
recouvreraient.ee qu'il leur avait pris. Quand ils virent l'acti- 
vité de Noûr-ad-Dîn au commencement de son règne, ils com- 
prirent que leurs espérances étaient mal fondées. Le roi des 
Allemands * se mit en campagne et vint camper devant Damas 
^n raa543 ', et Saïf-ad-Dîn-Ghâzî vint de Mau§il ', au secours 
Hie cet^e ville, ainsi que Noûr-ad-Dîn-ibn-Mahmoûd. Ils arri- 
vèrent tous les deux à Homs. Noûr-ad-Dîn se dirigea vers 
fia'albek et fit sa jonction avec Mo'în-ad-Dîn-Unar * dans cette 

1. L'empereur d'Allemagne dont il est ici question, est l'empereur Conrad III 
qui perdit la plus grande partie de l'effectif de son armée par suite de la per- 
fidie de Tempereur grec Manuel Com'nène. Le prince de Damas était, à cette 

, époque, Modjîr-ad-Din-Abak-ibn-Boûri-ibn-Toghdakin; en réalité il ne jouis- 
sait d'aucune autorité, et le pouvoir appartenait à Mo*in-ad-Dîn-Unar, qui 
avait été mamlouk de son aïeul Toghdakîn. Ibn-al-Athir, Kâmel (Hist. orient, 
des crois., pp. 467-468, 469), prétend que ce fut grâce à une ruse de Mo'in- 
ad-Dîn que Damas dût sa délivrance. Cet émir envoya, en effet, un message 
aux Francs d'outre-mer et aux Francs de Syrie et les décida à abandonner 
la cause de l'empereur d'Allemagne, ils reçurent pour dédommagement la ville 
de Bànîàs. Suivant Ibn-al-Athîr, ce prince vint camper dans le fameux hip- 
podrome vert le Maîdân-aUAkhdhar. 

On trouve en arabe le nom de Conrad transcrit sous la forme Koûrât, dans 
un traité du sultan Kalâvoùn avec les Francs d'Akka (Acre) (Quatremère, Hist. 
des sultans mamlouks, t. II, part. I, p. 1797.) Le personnage dont il y est ques- 
tion est nommé afrêr Koûrât, le frère Conrad, délégué de l'ordre de THÔpital. — 
Aboû-Shâma, éd. de Boulak, p. 52, cite un passage du Kitâh al Ttibâr de l'émir 
Ousàma-ibn-Munkid dont voici la traduction : « Quand le roi des Allemands le 
Franc arriva en Syrie, tous les Francs qui s'y trouvaient se joignirent à lui, 
et il marcha contre Damas. L'armée et la population sortirent contre lui pour 
le combattre. Parmi eux se trouvait le juriste al-Fandalawî, le mâleki et le 
sheikh Abd-ar-Rahmàn-al-Halhoûl. 

Le traducteur de Guillaume de Tyr {Hist.occ. des crois,, t. I, p. 715), appelle 
le prince de Damas Mejeredin. On trouve dans les auteurs arabes, les formes 
Toghdakîn et Toghtakin. C'est ce nom que Ton trouve sous les formes Dolde- 
quinus, Dodequins, li sires de Damas. 

2. On lit dans le Kitâb-ar-Raudatein, d'Aboû-Shàma, éd. de Boulak, p. 51, 
cet extrait du reis Aboû-Ia'iî : « Cette année (543-1148), arrivèrent de Cons- 
tantinople et du pays des Francs, du pays de Roum et de leurs États, des 
nouvelles apprenant que les rois des Francs étaient sortis de leurs pays, et 
parmi eux l'Allemand et al-Fonsh ainsi qu'un certain nombre de leurs plus 
grands personnages en si grand nombre qu'il était impossible de les compter 

dans l'intention d'attaquer les pays de l'Islamisme on dit que leur nombre 

était, un million d'hommes de pied et de cavaliers. On dit même qu'ils étaient 
encore plus nombreux... » Suivant le même ouvrage, p. 52. « Une flotte des 
Francs se présenta devant Soûr et 'Akkâ. Après qu'un nombre d'entre eux 
eut péri soit dans le combat ou par maladie, ils s'avancèrent au nombre de 
300,000 contre Jérusalem. » 

3. Saïf-ad-Din-Ghàzi était, comme on a vu plus haut, p. 5, n., le frère de 
Noûr-ad-Dîn-Mahmoûd-ibn-Zangî . 

4. Le nom de cet officier varie suivant les auteurs musulmans. Le manuscrit 
de Kamâl-ad-Dîn porte visiblement à cet endroit la lecture Unar. Ibn-al-Athîr 



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HISTOIRE D'àLEP 9 

yillé. Le roi des Allemands leva alors le siège de Damas; 
il avait avec lui le fils d'Alphonse *, dont Taieul avait con-^ 
quis Tarâbolos sur les Musulmans. Le fils d'Alphonse avait 
pris aux Francs la citadelle de 'Oraïmah et il avait le dessein 
d'enlever Tarâbolos au comte. Le comte envoya alors des 
ambassadeurs à Noûr-ad-Dîn, qui se trouvait à Ba'albek, pour 
lui proposer d'attaquer la forteresse de 'Oraïmah et de la 
prendre au fils d'Alphonse. Noûr-ad-Dîn se mit en marche avec 
Mo'în-ad-Dîn-Unar, et ils envoyèrent des députés à Saîf-ad-Dîn- 
Ghâzî qui se trouvait à Homs pour lui demander (le les aider. 
Ce dernier leur envoya une nombreuse armée avec ad-Dobaîsî, 
prince de Al-Djazirah ^ Ils vinrent alors camper devant la 
place, dans laquelle se trouvait le fils d'Alphonse, et l'assié- 
gèrent. Les Musulmans l'attaquèrent à plusieurs reprises et 
les mineurs se mirent à saper le mur. Les Francs qui étaient 
dans la ville demandèrent alors à capituler. Les Musulmans 
s'emparèrent de la place et prirent tout ce qui s'y trouvait, en 
fait de cavaliers et de fantassins, d'enfants et de femmes; 
parmi les prisonniers se trouvait le fils d'Alphonse ^ Les 
Musulmans détruisirent la citadelle, puis s'en retournèrent 
à Homs, et Saîf-ad-Dîn-Ghâzî revint à Maûsil. Ensuite, les 
Francs s'assemblèrent pour tenter un coup de main sur le 
territoire d'Alep. Noûr-ad-Dîn sortit à leur rencontre avec son 
armée et les rencontra à Baghrâ *. Les deux partis s'y li- 



donne les formes Anar et Anaz, le .2 dérivant de IV par l'adjonction d'un point. 
A^ou'l-mahâsin (Histoire d'Egypte^ ms. ar. n*» 1780, fol. 71, v. et passim) donne 
la forme Ubar, le b et Vn ne diffèrent que par la position d'un point. La 
forme Ainardus, que Guillaume de Tyr donne à ce nom (Hist. occ. des croi- 
sadeSf t. I), écarte la lecture d'Aboû'l-mahàsin. M. de Slane a lu partout ce 
nom Anar, la vocalisation des différents manuscrits arabes cités plus haut 
semble imposer une lecture Unar. 

1. Le prince désigné par cette expression assez énigmatique de fils d'Alphonse 
est Bertrand, fils naturel d'Alphonse Jourdain, comte de Toulouse, et, par 
conséquent, parent du comte de Tripoli (Tarâbolos). Vby. De Slane, dans Histor. 
orient, des crois. y t. I, p. 470. — C'est donc à son parent qu'il avait l'intention 
d'enlever Tripoli.— On trouve pour le nom^d' Alphonse les variantes al-fonsh, 
adhfônsh. 

2. Le nom complet de cet émir est 'Izz-âd-Dîn-aboû-Bakr-ad-Dobaïsî, prince 
du Djazîrah-ibn-'Omar. 

3. Ibn-al-Athîr (ibid., p. 471), dit du fils d'Alphonse, qu'il fut comme l'au- 
truche qui s'en va chercher des cornes et qui rentre sans oreilles. 

4. Ibn-al-Athir [ibid., p. 471), donne au nom de la ville auprès de laquelle se 
livra le combat le nom de Yaghra (Yaghri), ce nom dérivant du précédent ou 
réciproquement par la place des points. C'est le nom d'une ville située à une 



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10 KAMAL-AD-DÎN 

171 r. vrérent un combat furieux; les Francs y furent mis en pleine 

déroute et un grand nombre d'entre eux ifestèrent prison- 

^ niers; beaucoup périrent et très peu parvinrent à s'échapper. 

C'est à propos de cette bataille que le Scheïkh Aboû-'Abd- 

Allah-al-Kaî§arânî a dit dans une kasidah : 

Comment ne serions-nous pas contents de notre sort, 
quand notre sultan est Mahmoud ^ ! 

// est le glaive de l'Islam et ne se repose que quand les 
jointures de V infidélité ont été tranchées. 

Les belles actions n'existent que parce que Nour-ad-Dîn 
existe ^ 

Noûr-ad-Dîn s'occupa alors activement de restaurer les 
collèges et les caravansérails d'Alep, et y réunit les gens 
savants et les jurisconsultes, llrestaura le collège connu sous 
le nom de al-Halavyeh, en l'an 543 (1148). Il appela auprès 
de lui Borhân-ad-Dîn-Aboû-l'-Hasân-'Alî-ibn-al-Hasan, origi- 
naire de Balkh (al-Balkhi) et docteur hanéflte, et il lui confia 
l'enseignement dans ce collège. Il changea l'appel à la prière 
àAlep et défendit aux muezzins de dire « venez à la meil- 
leure action ^ ». Il s'assit sous le minaret, ayant avec lui les 
hommes de loi et dit : « Celui qui n'emploiera pas l'appel légal, 
jetez-le du minaret la tête la première. » Ils firent alors l'appel 
légal à la prière et cela est resté ainsi à partir de ce jour. 

11 restaura aussi le collège 'Asroûniah pour la secte des 
Shâfe'is \ et il y préposa Sharaf-ad-Dîn-ibn-abî-'Asroûn, le 
collège Nâseri, et il y préposa Kotb-al-Nîshâpûrî, la mos- 
quée al-Ghadâîrî, à laquelle il attribua une fondation pieuse 
et dont il donna la direction au Sheïkh Shou'aîb. Borhân-ad- 
Dîn-al-Balkhî ^ resta à Alep comme professeur au collège 



demi-marche de Darbsâk, près du lac d'Antioche. Aboû'1-fédâ {Hist, orient, 
des crois., t. I, p. 28), donne la même forme, et ajoute que cette ville se trouve 
dans la plaine de al-'Onik. 

1. Noûr-ad-Dîn-Mahmoû4. 

2, . Aboû-Shàma (ihid.y p. 56) donne le texte de 16 vers de cette kasidah. 

3. Voir p. 23. 

4. Dans le manuscrit, les mots la « secte des Shâfe'îs » sont soulignés en 
rouge. 

5. On voit par les noms de ces docteurs qu'ils sont d'origine persane ou 
tout au moins iranienne. C'est, en effet, cette contrée qui a fourni le plus 
grand nombre de savants à l'Islam, soit dans les sciences religieuses, soit dans 



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HISTOIRE d'ALBP 11 

Halâvyeh, jusqu'au moment où il en fut chassé par Madjd- 
ad-Dîn-ibn-al-Dâyah à cause d'une mésintelligence qui éclata 
çntre eux; il y mit comme directeur 'Alâ-ad-Dîn-'Abd-ar- 
Rahman-ibn-Mahmoûd-al-Ghaznavî, après sa mort ar-Râdi, 
auteur du Mohît, et après lui 'Alâ-ad-Dîn-al Kâsânî. 

Saif-ad-Dîn-Ghâzî-ibn-Zangî mourut àMaûçil en Tan 544 *, niv. 
laissant un fils en bas âge. Son oncle Noûr-ad-Dîn se chargea 
de rélever et montra de la sympathie pour lui. Le vizir 
Djamâl-ad-Dîn et Zaîn-ad-Dîn-'Alî s'accordèrent pour donner 
le trône de Maû§il à Kotb-ad-Dîn-Maûdoûd-ibn-Zangî, tandis 
que Noûr-ad-Dîn était plus âgé que lui. Quelques émirs écrivi- 
rent à celui-ci et le sollicitèrent de s'emparer du trône deMaûçil. 
Parmi ceux qui lui écrivirent, se trouvait al-Mokaddam-Abd- 
allah ^ père de Shams-ad-Dîn-Mohammad, qui était gouver- 
neur de Sindjâr, Il écrivit à Noûr-ad-Dîn et s'engagea à lui 
livrer Sindjâr. Ce dernier partit en toute hâte avec une 
escorte de soixante-dix cavaliers choisis parmi les émirs de 
son royaume et s'en alla vers Sindjâr ; il arriva devant la ville 
et envoj'-a des messagers à al-Mokaddam pour lui faire savoir 
qu'il était arrivé. Il venait de s'en aller à Maûsil et il avait 

les lettres. Toute la lexicographie arabe est due aux Persans, ainsi que les 
recueils et les commentaires des poésies antéislamiques. Les commentaires 
les plus estimés sur le Coran, ceux de Tabâri, Zamakhshâri, etc., sont dus à 
des persans. Le Sahih qui est lu dans les mosquées lors des grandes calamités, 
est dû à un persan, originaire de Bokhârâ, et qu'on appelle Bokhàrî. 

1. Cette même année (544 = 1149), dit Aboû-'l-mahâsin [Histoire d'Egypte, ms. 
ar. 780, fol. 15 v.), le sultan al-Malik-al-'Adil-Noùr-ad-Din-Mahmoùd-ibn-Zangî, 
connu sous le nom de ash-Shahid, seigneur de Damas, se battit avec les 
Francs, les mit en déroute, leur tua quinze cents hommes et en fit pri- 
sonnier un pareil nombre ; il retourna ensuite à Alep avec un butin fort con- 
sidérable et ses prisonniers, dont il envoya quelques-uns à son frère Maûdoud. 
Cette môme année (fol. 16 r<>), Noùr-ad-Din s'empara du château de Famià 
(Apamée), et causa un grand tort à Hamàh et Homs... (Kamàl-ad-Din met la 
prise de cette ville en 545). Cette même année (f. 16 v.) « meurt al-Malîk-Ghàzi- 
ibn-Zangî-ibn-ak-Sonkor-at-Turki, frère du sultan Noûr-ad-Dîn-Mahmoûd- 
ash-Shahîd, l'Atàbek-Saïf-addin, prince de Maùsil, c'était l'aîné des enfants 
deZangi. Il mourut à la fin du mois de Djoumàda deuxième, à l'âge de cin- 
quante ans, et il en était resté trois sur le trône. 

Cette année vit aussi disparaître l'émir Mo'în-ad-Dîn-Ubar (lire Unar), mam- 
louk de l'atabek Toktakîn; il gouvernait l'empire des enfants de son maître. 

Cette même année meurt le khalife fatimite al-HâÛth-lidîn-AUah-'Abd-al- 
Madjîd-ibn-Mohammad-al-Mostansir-aKObaîdî. 

Suivant Aboû-Shâma, p. 57, une trêve fut cette année renouvelée pour deux 
ans entre Noûr-ad-Dîn et les Francs. 

2. Ibn-al-Athîr (Hist. orietit, des Crois., I, p. 473) nomme cet officier 'Abd- 
al-Malik au lieu de 'Abd-allah. Malik étant une épithète d'Allah dans le cha- 
pelet musulman, les deux noms reviennent au même. 



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12 KAMAL-AD-DÎN 

laissé son fils Shams-ad-Dîn-Mohammad dans la citadelle. Il 
envoya des gens sur les traces de son père pour lui faire con- 
naître l'arrivée de Noûr-ad-Dîn. Il retourna alors à Sindjâr, 
, et lui remit la place. Il écrivit à Karâ-Arslân *, prince de 
Hisn ', pour le prier d'embrasser son parti, à cause de Tamitié 
qui les unissait, et il se rendit auprès de lui. Quand Kotb- 
ad-Dîn, le vizir Djamâl-ad-Dîn et Zaîn-ad-Dîn apprirent ces 
événements àMaûçil, ils rassemblèrent les troupes et réso- 
lurent d'aller attaquer Sindjâr \ Quand ils furent arrivés àTell- 
'Afar *, le vizir Djamâl-ad-Dîn conseilla de recourir à un arran- 
gement et dit : « Nous l'avons exalté auprès du sultan, et nous 
nous sommes placés dans une position inférieure à la sienne. 
Quant à lui, il montre aux Francs qu'il a du respect pour 
172 p. nous et qu'il nous suit, et il leur dit : Si vous êtes comme 
j'aime que vous soyez, c'est bien ; mais dans le cas contraire, 
je livrerai votre pays au prince de Maûsil et alors il fera de 
vous ce qui lui plaira. Si nous battons Noûr-ad-Dîn, alors le 
sultan aura envie de ce que nous possédons et se dira : 
Certes, celui qu'ils ont vanté, et dont ils nous faisaient peur 



1. Ibn-al-Athîr (t&td.), nomme ce personnage Fakhr-ad-Dîn-Karâ-Arslàn, 
prince de Hisn-Kaïfâ. Le nom Rarà-Arslân signifie en turc oriental « le Lion 
noir ». , 

2. Hisn-Kaïfà, ainsi appelée Hisn-Kaibâ, nom d'une ville et d'une citadelle 
qui dominent le Tigre. Il y avait dans cette ville un pont plus grand que tous 
ceux qui existaient alors et d'une seule arche. Yakout, II, p. 277. 

3. Sindjâr, ville située dans la Mésopotamie à 70 milles environ de Maùsil 
dans l'ouest. « C'est, dit Yakout, III, p. 108, qui donne du nom de cette ville 
une étymologie des plus fantaisistes, une ville très connue dans le pays de 
al-Djazîrah; entre cette ville et Maûsil il y a trois jours de chemin, elle 
se trouve au pied d'une montagne élevée. » Entre cette ville et Ni§îbin 
il y a trois jours de chemin. Suivant l'historien Hamza d'Ispahân, Sindjâr 
serait l'arabisation de Singàr. — « On dit que le sultan Sindjâr, fils 
de Malik-Shâh, fils d'Alp-arslân-ibn-Saldjoûk, naquit dans cette ville et 
qu'il fut -nommé du nom de la ville. Beaucoup de savants, de lettrés et de 
poètes sont originaires de cette ville. » — Suivant le traité de géographie 
contenu dans le manuscrit arabe n» 2214, f. 19 v., « c'était un district fertile, 
arrosé par des fleuves et des sources qui y coulaient; on y recueillait de 
riches moissons de blé et d'orge. La ville était entourée d'un mur de pierre ». 
— Le sultan auquel il est fait allusion plus haut est le célèbre sultan seldjou- 
kide Aboû-l-Hârith-Mo'izz-ad-DiA Sindjâr, sultan Seldjoukide de Perse, né 
en 1086 et mort en 1157, sans laisser d'héritiers. 

4. Ibn-al-Athir (Hist. orient, des Orois.), appelle cet endroit Tell-Iaïar ; Yakout 
donne la forme Talya'far (I, p. 873) et Tall-A'far (I, p. 865). C'est, dit-il, une for- 
teresse et un faubourg (une ville basse), qui se trouvent entre Sindjâr et 
Maûsil, au milieu d'un vadi dans lequel coule un fleuve. Cette citadelle se 
dresse sur une montagne isolée, et Teau du fleuve qui coule auprès est bonne. 
Il y a une autre place du même nom dans le pays de al-Djazirah. 



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V HISTOIRE D*ALEP 13 

était encore plus faible qu'eux, puisqu'ils l'ont battu. Et s'il 
nous met en fuite, les Francs en concevront de l'audace et 
diront : Ceux à l'aide desquels il se défendait étaient plus 
faibles que lui, et en somme, il est le fils du grand atâbek. » 

Aussi fut-il d'avis de faire la paix. Il alla lui-même trouver 
Noûr-ad-Dîn, et tous deux convinrent qu'il remettrait Sindjâr 
à Kotb-ad-Dîn, ainsi que la ville de Ra^bah *, que Noûr-ad-Dîn 
aurait la souveraineté de la Syrie toute entière, et Kotb-ad-Dîn, 
celle du Djazîrah, à l'exception de ar-Rohâ qui était alors en 
la possession de Noûr-ad-Dîn. Ce dernier s'en retourna en 
Syrie et il prit ce que son père l'atâbek Zangî avait laissé 
(dans Sindjâr) en fait de trésors, dont il y avait une quantité 
fort considérable. 

Noûr-ad-Dîn Mahmoûd-ibn -Zangî fit ensuite une expé- 
dition sur le pays des Francs du côté d'Antioche, et mar- 
cha contre la citadelle de Hârim * qui appartenait aux 
Francs; il y mit le siège, dévasta et pilla les faubourgs et 
la campagne, puis se rendit à la citadelle d'Innib ' qu'il 
assiégea aussi. Les Francs s'assemblèrent sous la conduite 
du prince (ai-Brins), seigneur d'Antioche, de Hârim et de tout 
le pays, et se dirigèrent vers Noûr-ad-Dîn pour le forcer à 
s'éloigner d'Innib. Il rencontra les Francs, le mercredi 21 du 
mois de §afar de l'an 544 *, et ils se livrèrent un combat ftirieux. 
Noûr-ad-Dîn, ce jour-là, combattit en personne. Les Francs 
furent battus, et leur déroute fut complète. Un grand nombre 



1. Rahbah, ville sur l'Euphrate, en aval du confluent du Khâboûr. Il y a 
plusieurs villes nommées soit Rahbah, soit Ruhbah, ce qui revient au même, 
comme on sait, dans l'écriture arabe. L'une, Ruhbah, est à une journée de 
marche de Koûfah ; une autre, un bourg près de San'â dans le Yémen à 4 milles 
de San'â; une autre entre Médine et la Syrie, non loin de Wâdî-al-Kurâ. 

2. Hàrim, forteresse située à 35 milles d*Alep vers l'occident et à* 20 milles 
d'Antioche. Les auteurs occidentaux l'appellent Harenc. Smya,nt la. Description 
d*Alep (ms. ar. n» 1683, fol. 61 v.), c'était avant la conquête un endroit où l'on 
élevait des troupeaux. « Elle resta dans le sein de l'Islam jusqu'au moment 
où les Francs s'emparèrent d'Antioche en 358 (968). Ils y bâtirent une citadelle 
pour mettre leurs troupeaux à l'abri des Musulmans. Ils se multiplièrent dans 
cette ville, ils y construisirent des édifices... Après 630 (1232), al-Malik-al- 
Aziz, fils d'al-Malik-Ath-Thâhir, reconstruisit une citadelle très forte dans 
cette ville. <» 

3. La citadelle d'Innib est nommée Nepa, par Guillaume de Tyr (JffisL occid,, 
t. I, pp. 772, 848). C'est, dit Yakout (t. I, p. 369), « un château fort de la contrée 
de *Azâz, des environs d'Alep. »» 

4. Cette année (Aboû-Shâma, p. 69), les Francs dévastent les contrées du 
• Haûrân. 



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14 KAMAL-AD-DÎN 

d'entre eux périreiit et beaucoup restèrent prisonniers. Parmi 
les morts de cette journée se trouvait le prince d'Antioche. 
Il était un des plus considérables parmi les Francs et l'un des 
plus forts. On raconte de ce prince qu'il prenait un étrier 
de 1er et qu'il le pliait d'une seule main. On raconte aussi de 
lui qu'il |)assa un jour monté sur un vigoureux étalon sous 
une voûte dans laquelle se trouvait un anneau ou quelque' 
autre objet qu'on y attache. Il s'y suspendit par les mains, 
172 V. serra son cheval entre ses cuisses et l'empêcha d'avancer. 
Lorsque ce prince eut été tué, son fils Boémond régna 
après lui et sa mère épousa l'autre prince pour gouverner 
la ville jusqu'au moment où son fils aurait grandi, et il resta 
/ avec elle dans Antioche. Noûr-ad-Dîn fit alors une seconde 
campagne contre eux ; les Francs s'assemblèrent et rencon- 
trèrent Noûr-ad-Dîn. Il les vainquit, un nombre considérable 
de Francs périrent ou furent faits prisonniers. Parmi ces der- 
niers se trouvait le deuxième prince, époux de la mère de Boé- 
mond. A partir de ce moment, Boémond resta $eul maître dans 
Antioche... *. Noûr-ad-Dîn se rendit à Afâmîâh ^ en l'an 545 ^ 



1. Ici se trouvent quelques vers peu intéressants. 

2. Afâmîâ. On trouve pour le nom de cette ville les formes Afâmia ou sim- 
plement Fâmîâ. C'est une ville située sur le fleuve Oronte (r'Asi) à 8 lieues 
au nord de Hamâh. Cette ville est nomjnée Appamia par Marine Sanuto (éd. 
Bongars, p, 52). C'est la ville d'Apamée (Yakout, t. I, p. 322). « C'est une ville 
fortifiée des côtes de Syrie, et aussi une ville dépendante de Homs... Quelques 
personnes rappellent Famîâh sous hamza. » Suivant le même géographe, 
Siloûkôs (Séleucus) aurait, six ans après la mort d'Alexandre, bâti al-Lâdhakîah 
(Laodicée), Siloûkiah (Séleucie\ Afâmîah et Bârawwâ, qui est la même que 
Halab (Alep). 

3. Suivant Abou'l-mahâsin (ms. ar. n» 780, fol. 290 v.);; cette année (545 1150) fut 
marquée par les événements suivants : « Al-Malik-al-'Adil campa devant Damas 
et y mit le siège. Le prince de cette ville Modjîr-ad-Dîn lui écrivit et sortit à 
sa rencontre avec le reis Ibn-al-Sôfi, et ces deux personnages lui offrirent leur 
obéissance. Il fit faire la khotbah en son nom après ceux du khalife et du 
sultan, fit frapper son nom sur les pièces de monnaie, tant d'or que d'argent. 
Noûr-ad-Dîn se montra satisfait, revêtit cet émir d'une robe d'honneur, s'en 
retourna à Alep, puis s'empara de 'Azâz. Cette même année vit, au Caire, la 
lutte du vizir Ibn-Misâl-al-Maglirabî et de al-'Adil-ibn-Salar ; les deux person- 
nages rassemblèrent des troupes et en vinrent aux mains. Ibn-Misâl périt et 
Ibn-Salâr le remplaça au vizirat. Les Francs s'emparèrent d"Askalân (Askalon) 
par capitulation, après qu'une quantité considérable de troupes eurent péri. 
Cette lutte se prolongea d'année en année jusqu'au jour où ils s'en emparèrent. 
Les Francs se saisirent de tout ce qui se trouvait dans la place, vivres, pro- 
visions et autres choses. Cette même année mourut l'émir Timurtàsh (pierre 
de fer) ibn-Nadjm-ad-Dîn-il-ghâzî al-Ortokî, seigneur de Mârdîn et de Diar- 
bakr..., il mourut au mois de Dou'lka'dah ; la durée de son règne fut de plu» 
de trente ans, et son fils lui succéda sur le trône. » 



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HISTOIRE D'ALEP 15 

Les Francs se renfermèrent dans la citadelle que Noûr-ad-Dîn 
se mit à attaquer. Les Francs s'assemblèrent et marchèrent 
contre lui pour le forcer à lever le siège. Ils apprirent qu'il 
venait de se rendre maître de la citadelle, qu'il l'avait garnie ^ 
de troupes, gu'il Tavait approvisionnée et qu'il marchait à 
leur rencontre. Ils s'éloignèrent de son chemin et rentrèrent 
dans leur pays. Noûr-ad-Dîn rassembla alors ses troupes et 
marcha contre le pays du Franc Joscelin pour s'en emparer, ns r. 
Joscelin était un des Francs les plus valeureux et des plus 
expérimentés. Il assembla les Francs, accrut leur nombre 
et marcha contre Noûr-ad-Dîn. Les deux armées se rencon- 
trèrent et les Musulmans furent mis en déroute; un grand 
nombre d'entre eux furent tués ou faits prisonniers et le silah- 
dâr * de Noûr-ad-Dîn fut au nombre des captifs. Joscelin s'em- 
para des armes de Noûr-ad-Dîn et les envoya à al-Malik-al- 
Mas'oûd-ibn-Kilidj-Arslân, souverain de Kônîah ^ et lui fit 
dire : « Voilà les armes du mari de ta fille. » Ce fut une chose 
très pénible pour Noûr-ad-Dîn, qui délaissa tout plaisir jusqu'à 
ce qu'il eût pris sa revanche et qui s'ingénia à trouver une ruse 
pour surprendre Joscelin. Mais, sachant que s'il marchait 
contre lui, Joscelin se retirerait dans ses forteresses, il manda 
les émirs des Turcomans et leur promit de leur donner ce qu'ils 
désireraient s'ils s'emparaient de Joscelin. Ils placèrent alors 
des espions auprès de lui. Un jour Joscelin ^ sortait pour se 
rendre à la chasse, quand une troupe de Turcomans le défit. 
Il les allécha par l'offre d'une somme d'argent, qu'il offrit de 
leur payer ; ils consentirent à lui rendre la liberté dès qu'il 
aurait fait venir la somme promise, qu'il envoya chercher 
dans ses forteresses. Quelques Turcomans allèrent trouver 
Ma4jd-ad-Dîn Aboû Bekr ibn-ad-Dâya, le frère de lait de 



1. Voir, p. 24, n. 4. 

2. Guillaume de Tyr (1. XX, ch. 25) appelle le sultan seldjoukide du pays 
de Roum : « Soldanus Iconiensis. » On trouve pour nom de cette ville, dont 
le nom arabe est Roniah, les transcriptions occidentales : « Qoine, Coine, 
Icoine. » C'est la ville d'Iconium. La ville de Koniah était, suivant Yakout 
(IV, p. 204), une des plus grandes villes musulmanes du pays de Roum, c'était . 
la capitale des seljoukides de Roum. Suivant Ibn-al-Hazavî, il y avait dans 
cette ville le tombeau de Platon, dans l'église qui se trouve à côté de la grande 
mosquée. C'est dans cette ville que se trouve le tombeau du célèbre poète 
persan Djalâl-ad-Din, surnommé le Roûmi, l'auteur du Mesnem. 

3. Ce nom propre est écrit en arabe Djôslîn. 



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16 KÀMAL-AD-DÎN 

Nbûr-ad-Dîa, qui Tavait nommé gouverneur d'Alep. Il gou- 
verna sagement la ville au nom de Noûr-ad-Dîn et son ad- 
ministration y fut excellente. Les Turcomans informèrent 
Ibn-ad-Dâya de la tournure qu'avaient prise les affaires. 
Madjd-ad-Dîn envoya une troupe qui cerna ces Turcomans, 
s'empara de Joscelin et ramenèrent à Ibn-ad-Dâya, au 
mois de Moharram de cette même année. Immédiatement 
après cela, Noûr-ad-Dîn marcha contre les forteresses de 
Joscelin. Il s'empara de 'Azâz *, après l'avoir assiégée, le 
18 du mois de Rebi premier de l'an 545, il s'empara aussi 
de Tell-bâshir % de Tell-Khâlid \ Il prit 'Aîntâb *, en 



1. 'Azâz. On trouve pour le nom de cette ville les deux formes *Azàz et A'zàz 
Les historiens occidentaux la nomment Hazarth. C'est, dit Yakout (III, p. 667), 
une petite ville, dans laquelle se trouvait une citadelle ; entre Alep et cette 
ville il y ayait un jour de marche, l'air y était bon, l'eau pure, et on n'y trou- 
vait pas de scorpions. Suivant la Description d'Alep (ms. ar. n* 1683, f. 63 r.) 
c< Sa longitude est de 71 degrés et 25 minutes, sa latitude 36 degrés et 26 mi- 
nutes ; elle était primitivement connue sous le nom de Tell-'Azàz et sa for- 
teresse était primitivement bâtie en briques et en pisé. » Le territoire qui en 
dépendait était assez considérable pour comprendre trois cents villages. En 
Tan 351, le roi de Roum s'en empara ; puis Sa*ad-ad-Daûlah-ibn-Saîf-ad-Daûlah 
la reprit aux Roumis. En l'an 363; survint un tremblement de terre qui ren- 
versa la citadelle. En 658 ; les Tatars s'en emparèrent et la détruisirent ; plus 
tard, al-Malik-ath-Thàhir la rebâtit au prix de 800,000 dirhems. » 

On lit dans le Kitâb-ar-Raiidateîn, p. 71 : Au sujet de la prise de *Azâz, 
Aboû la'lî dit : « Le cinquième jour du mo;s de Moharram, arriva des environs 
d'Alep la nouvelle que l'armée des Turkomans venait de remporter une vic- 
toire sur le fils de Joscelin, prince d"Azàz, et sur ses compagnons et qu'ils 
avaient été emprisonnés dans la citadelle d'Alep. La nouvelle de cette vic- 
toire remplit tous les hommes de joie. Noùr-ad-Din marcha à la tête de son 
armée vers 'Azàz et vint camper auprès de la ville qu'il serra étroitement, et 
qu'il attaqua vigoureusement jusqu'au moment où Allah, qu'il soit exalté, l'en 
rendit maître. » 

2. Tell-Bàshir. C'était, dit Yakout (t. I, p. 864), une citadelle très forte et un 
vaste district dans le nord [plutôt nord-est] d'Alep. Entre ces deux villes, il y 
avait deux jours de marche. Sa population était composée d'Arméniens. « C'est, 
suivant la Description d*Alep (ms. ar. n^ 1683, f. 64 r.), une ville bien connue, 
avec une forteresse. Il y a près de là un fleuve que l'on nomme le Sâdjoûr, l'eau 
de plusieurs sources vient s'y jeter près de la ville d"Aîntâb... Il reçoit un 
affluent qui vient de Tell-Bâshir, ce fleuve se dirige ensuite vers l'Euphrate 
dans lequel il vient se jeter. » Cette place est nommée Turbessel dans les 
historiens occidentaux. 

3. Tell-Khàlid, château-fort de la province d'Alep, au sud-est de Tell-Bâshir 
sur les bords du fleuve Sadjoûr. 

4. On trouve le nom de cette ville sous les deux formes 'Ain-tâb et 'Aîn-tàb. 
.C'est, dit Yakout (t. III, p. 759), une forte citadelle et un district entre Alep et 
Antâkîah (Antioche). C'est, suivant la Description d*Alep (ms. ar. n» 1683, 
fol. 64 r.), « une citadelle bien défendue sur une montagne ; elle possède un 
faubourg (une ville construite au pied de la montagne) et un district. Le fleuve 
de Sâdjoûr sort de ses environs. Cette place dépendait anciennement de 
Daloûk. » 



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HISTOIRE D*ALËP 17 

l'an 550, ainsi que Kouris *, Râvandân S Borcy-ar-ri§âç ^ la 
citadelle d'al-Bîrah \ Kafar-Soûd \ Mar'ash * et Nahar-al- 

1. Koùris, place forte située à plus de deux journées au nord-ouest d'Alep. 
Yakout (t. IV, p. 199) l'appelle Koûrs. C'est, dit-il, une ville ancienne dans 
laquelle on voit des ruines anciennes. 

2. Râvandân, place forte de la principauté d'Alep, à 7 lieues environ 
d'Aïntab. Le Dwân-al-Inshâ nomme cette place Lâvandân ; on trouve les. 
transcriptions occidentales Ravenel, Ravendel (Quatremère, Histoire des 
sultans mamlouks, t. I, partie II, p. 206, note 9). C'était, dit la Description 
d'Alep (ms. ar. n" 1683, fol. 63 v.), « une petite citadelle sur le sommet d'une 
haute montagne tout à fait isolée, et contre laquelle on ne dressa jamais un 
mangoneau ; jamais une flèche ne l'atteignit, elle possédait un petit faubourg 
au pied de la montagne sur laquelle elle se dressait, il y avait près de la 
citadelle un vadi (vallon) du côté du nord et de l'ouest, qui faisait comme u» 
fossé, il y coulait une rivière ». 

3. Bordj-ar-Risâs, la tour de plomb, place située dans le voisinage d'An- 
tioche.. C'était, dit la Description d*Alep (ms. ar. n» 1683, fol. 63 v.), « une ci- 
tadelle très forte et bâtie en plomb (dans la construction de laquelle entrait 
du plomb, sans doute pour relier les pierres). C'était primitivement une tour 
unique construite par les Grecs, dépendante de Doloûk... Elle resta au pouvoir 
des Musulmans jusqu'au moment où les Roumis s'emparèrent de Doloûk, ils 
s'emparèrent aussi du Bordj. Ils en restèrent maîtres jusqu'au moment ou les 
Musulmans la reconquirent ainsi que Doloûk. Plus tard, en 551, le Franc 
Joscelin (Djôslin) s'en empara, la démolit et y bâtit une citadelle recouverte 
de plomb ; puis al-Malik-al-'Adil Noûr-ad-Din s'en empara, augmenta la cita- 
delle et adjoignit à cette place des villages et des bourgs. Ibn-Shacklàd dit : 
« Sa longitude est de 71 degrés et 30 minutes, sa latitude de 30 degrés 30 mi- 
nutes. » — Le sultan mamlouk Bîbars s'empara de Bordj-ar-Risâs et détruisit 
la citadelle. 

4. Aujourd'hui Biredjek, « le petit puits », forteresse sur la rive gauche de 
l'Euphrate, au nord-est d'Alep. Il y a, dit Yakout (t. I, p. 787), plusieurs villes 
portant ce nom; il y en a une proche de Soumaisat entre Alep et les frontières 
du pays de Roûm, c'est une citadelle très forte, dont dépend un vaste canton. 
Il y en a une autre entre Bait-al-Mokaddas (Jérusalem) et Nâbolos (Naplouse) ; 
cette localité fut ruinée par Salah-ad-Din ; une troisième localité de ce nom se 
trouve en Espagne. 

5. Kafar-Soûd, village près de Bahasna. Yakout {Mo^djem, t. IV, p. 288) donne 
à ce village le nom de Kafar-Soût. 

6. Ville de la petite Arménie, à près de 15 lieues dans le nord d' 'Aîn-tàb. 
C'est, dit Yakout (t. IV, p. 498), une ville frontière entre la Syrie et le pays 
de Roum, elle a deux murs et un fossé ; au milieu de cette ville se trouve la 
citadelle. Le mur appelé al-Marvânî fut bâti par Marvân-ibn-Mohammad... 
Ar-Rashîd construisit le reste de la ville. Il y a un faubourg que l'on appelle 
al-Hâroûnyah. 

On lit dans la Description d'Alep (ms. ar. n* 1683, fol. 71 v.) : « Ibn-*Abd- 
al-HakJjc dit que c'était une ville sur les frontières entre la Syrie et le pays de 
Roûm et qu'elle fut construite par ar-Rashîd... Cette ville avait deux murailles, 
et au milieu de la ville il y avait une forteresse appelée al-Marvânî qui avait 

été bâtie par Marvân le rouge, ce fut lui qui en fortifia les citadelles Elle 

avait un faubourg connu sous le nom de Hâroûniyah (construit par Hâroûn-ar- 
Rashid)... Ibn-Shaddàd dit : Elle faisait partie des frontières d'où les Roumis 
se retirèrent quand les Musulmans s'emparèrent du pays, puis elle fut 
détruite. Le khalife Mo'avîah la fit rebâtir et y mit garnison. Quand son fils 
Yazîd mourut, les Grecs tentèrent de nombreuses incursions contre cette ville, 
puis se retirèrent. Puis 'Abbas-jbn-Walid-ibn-'Abd-al-Malik la reconstruisit 
et la fortifia. Il y bâtit une mosquée, et les hommes s'y rendirent. Sous le 

2 



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18 KAMAL-AD-DÎN 

Djoûz *, Les Francs se réunirent et marchèrent contre lui 
pendant qu'il était dans le pays de Joscelin pour s'opposer 
à ses conquêtes, en Tan 547 ^ Quand ils furent prés de 
lui, il marcha à leur rencontre, les joignit auprès de Do- 
ns y. loûk \ La bataille s'engagea, et les Francs furent mis en 
déroute ; un grand nombre d'entre eux furent tués ou faits 
prisonniers. Noûr-ad-Dîn revint ensuite à Doloûk dont il 
s'empara. Quant à Tell-Bâshir, il ne la prit aux Francs 
qu'après avoir conquis Damas. Lorsque les habitants de cette 
ville eurent appris qu'il s'était emparé de Damas et qu'il se' 
disposait à venir les attaquer, comme ils n'étaient pas ca- 
pables de lui résister, ils lui envoyèrent une ambassade pour 
lui ofifrir de lui rendre la ville. Noûr-ad-Dîn envoya .alors 
l'émir Hassan, prince de Manbadj \ à cause de la proximité 

règne de Marwàn, fils de Mohammad, quand il s'occupa de combattre contre 
la population de Homs, les Roumis assiégèrent Mar'^sh ; ils firent la paix à la 
condition qu'ils se retireraient, puis la ville fut détruite. Quand Marwân en 
eut fini avec Homs et l'eût démantelée, il envoya une, armée sous le comman- 
dement d'al-Walid-ibn-Hishâm, en l'an 130 ; ce dernier (f. 72 r.) rebâtit la 
ville. Les Roumis y revinrent encore et la ruinèrent. Enfin Sàlih-ibn-'Ali la 
rebâtit sous le khalifat d'Al-Mansoûr et la fortifia ; il y envoya des gens pour la 
peupler, puis les Roumis la ruinèrent encore en 370. Saîf-ad-Daûlah-ibn-Hamdân 

la réédifia en 341 Kai-Kliosraw-ibn-Kilidj-Arslàn s'empara de cette ville; 

elle resta en sa possession et en celle de ses enfants jusqu'au moment ou 
'Imâd-ad-Dîn s'en empara en 656, mais il ne put la garder. Izz-ad-Dîn-Kaî- 
Kâûs, souverain du pays de Roûm, s'en empara et la donna à quelques-uns de 
ses amis intimes. Mar'ash se trouvait entre Malatîah et Soûmaîsàt; elle 
s'appelait anciennement Nâkinoûk en arménien. 

1. Rivière des noyers, nom d'un château fort dans les environs d'Alep. 

2. En 546, dit Abou'l-mahâsin (ms. ar. n*» 1780, f. 20 v.), le sultan Mas'oud, 
fils de Mohammad-Shàh-ibn-Malik Shah le seldjoukide, entra à Bagdad; le 
vizir Ibn-Hobaïrah et les grands dignitaires de la couronne sortirent à sa 
rencontre et il les combla de marques de respect. Cette même année, Noûr-ad- 
Din retourna à la citadelle de Damas et eut des démêlés avec Modjîr-ad-Dîn, 
prince de Damas. Modjîr-ad-Dîn demanda aide aux Francs. Noûr-ad-Dîn s'en 
alla. En 547, meurt le sultan Mas'oud, fils du sultan Mohammad-Shàh, fils 
de Malik-Shâh, fils du sultan Alp-Arslàn-ibn-Davoûd-ibn-Mîkàîîl-ibn-Sald- 
joûk-bn-Dakmak le seldjoukide. 

3. Forteresse des environs d"Aîntâb. Formes occidentales AAi^s, Doliche, 
Dolica. C'est, dit Yakout (t. II, p. 583), unepetite ville des environs d'Alep, dans 
le 'Avâsim. C'est là que Aboû-Faràs-ibn-Hamdân livra combat aux Roumis. 
D'après la Description d'Alep (ms. ar. 1683, fol» 77 v.), « Ibn-Abî-al-Hakk dit : 
C'est une petite ville des environs d'Alep dans l' Avâsim. Ibn-Shaddâd dit : 

Ibn-Abî Ya'koût dit Ra'bân et Doloûk sont deux districts voisins. Daloûk 

est une ville connue de longue date, elle est riche, il y avait là une citadelle 
élevée construite par les Grecs en pierres de taille. » 

4. Manbadj, forteresse située à deux journées de marche d'Alep, au nord-est 
et à 3 lieues de l'Euphrate. C'est, dit la Description d*Alep (ms. ar. n» 1683, 
fol. 79 r.), « une ville fortifiée, l'air y est pur, et on y trouve de nombreux cours 
d'eau et beaucoup d'arbres. C'est une ville ancienne, les habitations et les 



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HISTOIRE d'ALEP 19 

de Tell-Bâshir et de Manbadj. Celui-ci s'empara de la place 
et la fortifia. La conquête de Damas eut lieu en Tan 547, au 
mois de §afar. Voici quelle en fut la cause : Les Francs 
s'étaient emparés de 'Askalân sur les Égyptiens, en Tan 548, 
et Noùr-ad-Dîn n'avait aucun moyen de les en chasser, car 
Damas se trouvait entre son royaume et 'Askalân. Les Francs 
avaient fort envie de s'emparer de Damas, et ils avaient fixé 
à cette ville une imposition qu'ils percevaient chaque année. 
Noûr-ad-Dîn craignait que les Francs ne s'emparassent de 
cette ville, aussi résolut-il d'user de ruse pour s'en rendre 
maître, parce qu'il savait fort bien qu'il aurait beaucoup de 
mal à la prendre par la force, et que s'il venait attaquer 
Damas, le prince de cette ville enverrait demander du secours 
aux Francs ; que ces derniers l'aideraient par crainte de le 
voir s'en saisir lui-même et acquérir par ce fait une grande 
supériorité sur eux. Il envoya alors des gens à Modjîr-ad- 
Din-Abak-ibn-Mohammad-ibn-Boûrî *, prince de Damas, et 
chercha à se le rendre favorable ; il lui offrit des présents et il 
lui montra son affection jusqu'au moment où ca dernier eut 
en lui toute confiance. Il lui disait en maintes circonstances : 
« Telle personne m'a écrit pour me proposer de me livrer 
Damas »; c'étaient plusieurs émirs de Modjîr-ad-Dîn. Aussi le 
prince de Damas les éloignait de lui et leur confisquait leurs 
fiefs . Quand il ne resta ^lus auprès de lui un seul de ses 
émirs, il en manda un, qui se nommait 'Ata-ibn-Haffât, l'eu- 
nuque. C'était un homme brave, auquel il confia la direction 
de l'état, et Noûr-ad-Dîn ne put songer à s'emparer de Damas 
tant qu'il gouvernerait cette ville. Mais Modjîr-ad-Dîn le fit 
emprisonner et mettre à mort. Noûr-ad-Dîn marcha immédia- 
tement sur Damas. Il avait déjà entretenu une correspondance 
avec les habitants de cette ville et les avait en sa faveur. 
Ceux-ci avaient de l'inclination pour lui, à cause de sa justice, 
de ses sentiments religieux et de ses belles qualités; aussi 



murs y sont construits en pierre. Ibn-Haûkal dit : Elle est proche des fron- 
tières, pour aller de cette ville à l'Euphrate, il y a une petite journée de che- 
min; pour aller à Koûris, il y a deux journées; pour aller à Malatyah quatre 
jours. 

1. Ce prince était, comme on Ta vu plus haut, fort incapable, aussi n'est-il 
pas étonnant que la ruse, grossière d'ailleurs, de Noûr-ad-Dîn ait réussi auprès 
de lui. 



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âO KAMAL-AD-DÎN 

lui promirent-ils de lui livrer la place. Quant Noûr-ad-Din se 
présenta devant Damas, Modjîr-ad-Dîn envoya des ambassa- 
174 r. deurs auprès des Francs, en leur promettant de l'argent et la 
cession de la citadelle de Ba'albek, s'ils voulaient lui porter 
secours et forcer Noûr-ad-Dîn à s'éloigner de la ville. Les 
Francs s'occupèrent alors activement à rassembler leur cava- 
lerie et leurs hommes de pied dans ce dessein. Mais, durant 
ce temps, Noùr-ad-Dîn s'empara de Damas. Les Francs se 
mirent en camp'agne; mais l'affaire n'aboutit point. Les habi- 
tants de Damas avaient livré la ville à Noûr-ad-Dîn en lui 
ouvrant la porte de l'est, et Modjîr-ad-Dîn se réfugia dans la 
citadelle. Noûr-ad-Dîn lui envoya alors un ambassadeur pour 
lui offrir comme dédommagement Homs * et quelques autres 
places. Modjîr-ad-Dîn lui livra alors la citadelle et se rendit 
à Homs. Il entretint ensuite une correspondance avec la popu- 
lation de Damas et Noûr-ad-Dîn en fut informé ; il eut peur 
de lui et lui reprit Homs, en lui donnant en place Bâlis ^ 
Modjîr-ad-Dîn ne fut pas satisfait de cet échange et se retira 
à Bagdad, où il mourut. 

Ensuite Noûr-ad-Dîn marcha contre Hârim qui appartenait 
à Boémond, prince d'Antioche. Il vint mettre le siège devant 
cette ville en l'an 551 ^ Il réduisit les habitants à la dernière 



1. Yakoût donne dans le Mo'âjem (t. II, p. 334), la vocalisation Hims : « C'est, 
dit-il, une ville célèbre, ancienne, grande, entourée de murailles. Du côté du 
sud, il y a une forte citadelle sur une colline élevée, elle se trouve entre Damas 
et Alep, à mi-chemin. » 

2. Voici les renseignements que donne Yakoût sur cette ville [Mo'djem.i. II, 
p. 477) : « C'est une ville en Syrie entre Alep et Rakkah... ; elle était ancien- 
nement sur le bord occidental de l'Euphrate, mais le fleuve ne cessa pas de 
se retirer vers l'orient, en s'éloignant de la ville, de telle sorte qu'aujourd'hui 
(à répoque de Yakoût) il y a entre le fleuve et Bâlis 4 milles. » 

3. En 549 (Aboul-mahàsin ; ms. ar. 1780, fol. 25 v. j « Noûr-ad-Dîn s'empare de 
Damas sur l'émir Modjir-ad-Dîn; beaucoup des habitants de la ville l'aidè- 
rent à cela à cause de la tyrannie extrême de Modjîr-ad-Dîn et des violences 
qu'il exerçait sur la population. En 550, les troupes turques entrèrent dans la 
ville de Nishàpûr, après que se fût livré entre eux et la population de cette 
ville un furieux combat. Les Turcs saccagèrent la ville, firent prisonniers les 
habitants et y massacrèrent trente mille personnes, parmi lesquelles Moham- 
mad-ibn-Tahyà, le scheikh Schafeï; le sultan Sindjâr-Shâh se trouvait au 
nombre des prisonniers; il s'échappa en 551 ». —En 551, suivant Abou'l- 
mahàsîn (ms. ar. 1780, fol. 266 v.), « le khalife al-Moktafî-billah donna à Solaî- 
mân Shâh-ibn-Mohammad-Shâh-ibn-Malîk-Shâh, le seldjoukide, le vêtement 
royal, la couronne, le collier, les bracelets, ainsi qu'un cheval caparaçonné 
d'or, après son oncle Sindjâr-Shâh. Il lui fit jurer que l'Irak appartiendrait 
au khalife, et que Solaîmân-Sliâh n'aurait que ce qu'il conquerrait avec son 



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HISTOIRE d'aLEP 21 

extrémité. Les Francs se réunirent alors et se décidèrent à 
attaquer Noûr-ad-Dîn. Le gouverneur de Hârim écrivit aux 
France pour leur dire : « Ne combattez pas avec lui, car s'il 
vous met en déroute, il s'emparera de Hârim et aussi d'autreé 
villes; nous sommes en force et je suis d'avis que nous fas- 
sions traîner les choses en longueur. » Les Francs députèrent 
alors vers Noûr-ad-Dîn et Ton conclut la paix à condition 
qu'ils abandonneraient la moitié du territoire de Hârîm. 

Noûr-ad-Dîn s'en retourna alors à Alep, et des trem- 
blements de terre se produisirent en Syrie au mois de 
Radjab de l'an 552 ^ Hâmàh fut ruinée, ainsi que Shaî- 
zar ^ Kafartâb ^ Afâmiah, Ma'arrat-al-No'man \ Homs, la 
citadelle de Shoumaîmîs ^ près de Salamiah, ainsi que d'autres 
villes du pays des Francs, dont les murailles furent renver- 



épée autre que T'Irâk. Cette même année mourut Mas'oûd-ibn-Mohammad, 
sultan du paya de Roûm, son fils Kilidj-Arslân-ibn-Mas'oûd régna après lui. » 

1. Le tremblement de terre qui se produisit cette année-là fut terrible et 
sa durée en prolongea l'horreur, il dura pendant quatorze mois consécutifs 
(sept ans suivant Kamâl-ad-Dîn), ce qui est une des durées les plus con- 
sidérables de mouvements seïsmiques que nous connaissions. La Syrie entière 
fut dévastée. Suivant Abou'l-Mahâsîn (ms. ar. n» 1780, fol. 27 v.), « Alep, 
Hamah, Shaïzar et principalement les pays de Syrie et de l'Orient furent dévas- 
tés. Une foule de monde y trouva la mort. Les tours de la citadelle d'Alep et 
de bien d'autres forteresses s'écroulèrent. Or, tout ce qui se trouvait dans 
Shaîzar périt à l'exception d'une seule femme. » Cette femme est évidemment 
réponse de Tàdj-ad-Daûlali. « La citadelle de Fâmiah (Apamée) fut engloutie. 
Tell-Harrân et Nisfîn eurent leurs murailles lézardées. » Les pllis anciennes 
constructions furent ravagées, et le fléau atteignit Bairoût, Saidà, Tarâbolos, 
'Akkâ, Soûr et un foule de forteresses des Francs. 

Cette même année, Noûr-ad-Dîn s'empare de la citadelle de Shaïzar et le 
royaume des Banoû-Munkid s'écroula après avoir duré de nombreuses années 
(Abou'l-mahâsin, ms. ar. 1780, fol. 27 v.). 

C'est cette même année que mourut le sultan Sindjâr, qui s'appelait d'abord 
Ahmed et qui reçut le nom de la ville où il était né. U était né en 479 
(J.-C. 1086). 

En 553, le sultan sedjoukide Mohammad-Shâh conqmert le Khorâsân et 
meurt l'année suivante, 554 (J.-C. 1159). 

2. Sur cette ville et son histoire voir Hartwig Derenbourg, AtUobiosfraphie 
d'Ousâma. 

3. On trouve le nom de cette ville écrit Kafartâb ou Kafartâb, la seule forme 
que connaisse Yakout. « C'est, dit-il (t. IV, p. 289), une ville entre al-Ma'arrah 
et Alep dans une plaine sans eau. Il n'y a rien d'autre à boire que Teau de 
pluie que Ton recueille dans les citernes... Beaucoup de savants sont origi- 
naires de cette ville. » . 

4. Ville située à moitié chemin d*Alep à Hamah, à 20 milles au sud de 
Ma*arra-Nasrîn. 

5. Shoumalmis est le nom d'une citadelle dépendant de la ville de Salamiab. 
On peut voir sur cette place, pour laquelle on possède peu de renseignement». 
Q;uatremère, Histoire des sultans mamlouks, t. II, part. I, p. 248. 



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22 KAMAL-AD-DÎN 

sées. Nôâr-àd-Dîn rassembla alors son armée, car il craignait 
quelque coup de main contre ces villes; il se mit à les rebâtir 
jusqu'à ce qu'il les eût mises à l'abri d'une agression. La cita- 
delle de Shaîzar s'écroula sur le prince de cette ville et sur la 
population, et tous périrent. Il venait de faire circoncire son 
flls et donnait dails son palais un festin auquel il avait invité 
la population de la ville. Il avait un cheval qu'il aimait beau- 
coup, et dont il ne voulait pas se séparer; quand il se trouvait 

m V. dans une réunion, ce cheval se tenait sur sa porte. 

Il était ce jour-là sur la porte quand se produisit le trem- 
blement de terre. Les gens se levèrent pour s'enfuir de la 
maison. Le premier qui sortit, le cheval le frappa d'un coup 
de sabot et le tua ce qui empêcha les autres de s'enfuir. La 
maison tomba alors sur eux et ils périrent \ Noûr-ad-Dîn 
accourut en toute hâte vers Shaîzar. Tâdj-ad-Daûlah-ibn- 
Mounkid était mort ainsi que ses enfants ; et il ne restait per- 
sonne d'autre de la famille que la princesse ^ sœur de 
Shams-al-Moloûk et épouse de Tâdj-ad-Daûlah. On retira 
cette personne de dessous les décombres saline et sauve. Noûr- 
ad-Dîn prit alors possession de la citadelle et en fit recons- 
truire les murailles et les maisons. Noûr-ad-Dîn demanda 
à la sœur de Shams-al-Moloûk de l'argent, et la menaça; 
la princesse lui raconta que sa maison venait de s'écrouler 
sur elle et sur sa famille, qu'on l'avait retirée de dessous les 
ruines, qu'elle ne savait rien et que s'ils possédaient quelque 
chose, ce devait être enseveli sous les décombres... 

175 r. Ces tremblements de terre se répétèrent dans le pays durant 
sept années et y firent périr un nombre considérable d'habi- 
tants. Cette année al-Malik-al-'Adil abolit dans son royaume, 
pendant qu'il était à Shaîzar, les pénalités et les droits de 
douane, dont le montant atteignait 150,000 dinars. Puis Noûr- 
ad-Dîn usa de diplomatie vis-à-vis de Dahhâk et correspondit 
avec lui. Ce personnage était à Ba'albek et s'y était révolté 



1. Ibn-al-Athîr dans Histor. des Croisades^ t. I, p. 506, raconte aussi cet 
incident étrange. 

2. Khàtoun. Le mot khâtoûn est d'origine mongole, le correspondant mas- 
culin est khàkân. Ce mot est devenu en turc oriental kadoûn, et en turc 
osmanly kadîn ou kadin avec le changement que les dialectes turcs font subir 
très fréquemment à l'aspiration kh; on pourrait en citer de nombreux exemples ; 
l'arabe khalifat devenant kalfa, etc, 



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HISTOIRE d'aLEP 23 

après la prise de Damas. Noûr-ad-Dîn ne voulait pas aller 
Tassiéger à cause du voisinage des Francs, puis Dahhâk lui 
rendit la place. Cette année un combat eut lieu entre Noûr-ad- 
Dln et les Francs, entre les villes de Tibériade et de Bânîas. 
Noûr-ad-Dîn mit leur armée en complète déroute au mois de 
Djoumadâ premier de Tan 552. Puis Noûr-ad-Dîn retourna à 
Alep et tomba malade dans la citadelle de la ville en Tan 554, 
d'une grave maladie qui le mit à deux doigts de la mort. 
Son frère cadet se trouvait à Alep, c'était No§rat-ad-Dîn-Amîr- 
Amîrân-Motammad-ibn-Zangî \ Le bruit de la mort de Noûr- 
ad-Dîn fut répandu dans Alep ; alors Amîr-Amîrân rassembla 
le peuple, gagna la population d'Alep et s'empara de la ville 
à l'exception de la citadelle. Il permit aux Schiites de conti- 
tinuer leurs idhans jusqu'à ces mots : « Viens au meilleur 
acte : Mohammad et 'Alî sont les meilleures des créatures, » 
comme c'était leur habitude auparavant. 

Les Schiites penchèrent alors vers lui pour cette raison» 
et une émeute éclata entre les Schiites et les Sunnites. Les 
premiers saccagèrent le collège d'Ibn-'Asroûn ^ et d'autres 
établissements sunnites. Asad-ad-Dîn-Schîrkoûh se trouvait 
alors à Homs, il apprit ces événements, et se rendit à Damas 
pour s'en emparer. Son frère Nadjm-ad-Dîn-Ayyoûb s'y trouva ; 
il le blâma de tout ce qui s'était passé en lui disant : « Tu nous 175 v, 
perds ; ce que tu as de mieux à faire est de retourner à Alep. 
Si Noûr-ad-Dîn est vivant, tu te mettras immédiatement à son 
service; s'il est mort, nous somines à Damas, et nous ferons 
ce que tu voudras. » Il s'en retourna alors à Alep; mais, sur 



1. Le nom sous lequel se trouve le plus souvent désigné ce prince est un 
titre persan signifiant « émir des émirs » et correspondant à l'arabe amîr-al- 
omarâ. La lecture correcte de ce nom est amir-i-amiràn avec Vizafet, L'atâbek 
Zangî son père est souvent appelé, comme on le sait, « le roi des émirs ». 
Kamâl-ad-Din a consacré dans son grand dictionnaire biographique des 
hommes illustres d'Alep (ms. ar. 2138, fol. 205 r.) une courte notice à ce 
personnage, où il ne fait qu'abréger le récit qu'il fait dans son Histoire d*Alep. 
« Nous raconterons, ajoute-t-il, l'histoire de ce prince à l'article Mohammad 
en l'an 560. » Nous ne possédons par malheur qu'un seul volume, contenant 
une partie de l'élif de cet intéressant ouvrage. Aboû-Shàma (éd. de Boulaq, 
p. 107), le nomme Nâsir-ad-Dîn, au lieu de Nosrat-ad-Din. — Ce titre d'amir-i- 
amîràn se trouve aussi appliqué à un prince arménien nommé Soukman II, 
petit-fils de Soukman I«r al-Khothbi, surnommé Shâh-i-Armin (le roi d'Armé- 
nie), qui régna de 1128 à 1185. {Hist. arm. des Croisades, 1. 1, p. 196, n.) 

2, C'est celui que Noûr-ad-Dîn avait restauré quelques années auparavant. 
Voy. ci-dessus p. 10, 



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24 KAMAL-AD-DÎN 

ces entrefidtes, il arriva que Noûr-ad-Dîn reprit ses forces et 
revint à la santé ; on le fit asseoir sur un portique qui dominait 
la ville pour que tout le peuple pût le voir. Il avait le visage 
jauni par sa maladie, et Ton cria au peuple : « Voilà votre 
sultan. » Plusieurs personnes dirent : « Ce n'est pas là Noûr- 
ad-Dîn, c'est un tel », ils voulaient indiquer un homme qui lui 
ressemblait et dont on avait teint la figure en jaune pour 
tromper le peuple. Quand Amîr-Amîrân sut indubitablement 
que son frère avait recouvré la santé, il sortit de sa maison 
qui était située au-dessous de la citadelle, tenant à la main un 
bouclier pour se garantir des flèches. La population Taban- 
(tonna, il se rendit alors à Harrân *, dont il s'empara... Quand 
176 r. Noûr-ad-Dîn fut complètement guéri, il marcha sur Harrân, et 
son frère No§rat-ad-Dîn Amîr-Amîrân prit la fuite, en laissant 
ses enfants dans la citadelle, et Noûr-ad-Dîn s'en empara. Il les 
en fit sortir et la confia à Zaîn-ad-Dîn'Alî-Koutchek, qui avait 
été lieutenant de son frère Kotb-ad-Dîn. Il alla ensuite à 
Rakkah * où se trouvaient les enfants d'Amîrak ' le djandâr * ; 
leur père venait de mourir; plusieurs émirs implorèrent Noûr- 
ad-Dîn pour qu'il les épargnât. Mais Noûr-ad-Dîn s'irrita et 
leur dit : « Pourquoi n'avez-vous pas élevé la voix en faveur 
des enfants de mon frère quand je me suis emparé de Harrân, 



1. C'est, dit Yakoût (t. II, p. 231), une ville très grande et célèbre du Djazîrah ; 
entre elle et ar-Rohâ (Édesse), il y a un jour de marche, et de Harrân à ar- 
Jlakkah, deux jours (voy. note suiv.). Elle se trouve sur le chemin de Maûsil, 
de la Syrie et du pays de Roùm. 

2. C'est, dit Yakoût (t. II, p. 802), une ville connue, sur l'Euphrate; entre 
cette ville et Harrân, il y a trois petites journées. Elle se trouve dans le 
Djazîrah. 

3. Ce mot est un diminutif persan du mot amîr; il signifie le petit émir. 

4. Le djândâr (Quatremère, Histoire des mamlouks, t. I, part. I, p. 14) était 
Tofficier qui introduisait les émirs auprès du souverain. L'arménien a emprunté 
ce terme sous la forme dchantar. Il y avait à la cour des sultans d'Egypte 
plusieurs officiers dont le titre était composé à l'aide de -dàr signifiant en 
persan « celui qui possède ». Il y avait le djandâr qui était maître de la 
garde robe du sultan, le davâdâr, littéralement porte écritoire et en réalité 
officier de la chancellerie du sultan [divan) {ibid.), le silahdâr, nom de plu- 
sieurs officiers qui portaient les pièces de l'armure du prince [ihid.^ p. 159), le 
bashmakddrf nom de deux officiers qui portaient les sandales du sultan {ibid,, 
p. 100), Vostddâr ou ostâd-dâry grand maître du palais {ibid.y p. 25) ; le djou- 
kandâr, officier qui portait le mail qui servait au jeu du sultan {ibid., p. 122). 
li y avait encore les rtA^i&ddr, écuy ers, les tabardâr, enfants de troupe armés 
dSifte hache, de la garde immédiate du sultan et commandés par un amîr- 
tabardâr, L^ bondôkdâry officier ou soldat qui portait le fusil ou Tarbalète du 
fMSÎBee, etc. 



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HISTOIRE D'ALEP 25 

et cependant la pitié à leur égard eut été ce que j'eusse 
préféré. » 

Madjd-ad-Dîn-ibn-ad-Dayâ sortit d'Alep pour aller faire une 
campagne, ^au mois de Radjab de Tan 550 ; il rencontra Jos- 
celin, fils de Joscelin, le battit, le fit prisonnier et le mena 
dans la citadelle d'Alep. 

Les Francs firent alors une expédition sur le territoire 
d"Aîn-tâb, ils y capturèrent des Turcomans et enlevèrent les 
troupeaux. Ils se disposaient à retourner à Antioche quand 
Madjd-ad-Dîn sortit contre eux, les joignit près d'Al-Hoûma et 
les battit. Une grande partie de leur armée fut tuée, le second 
prince fut fait prisonnier et un grand iiombre de gens avec 
lui. Il les conduisit tous à Alep au commencement du mois de 
Doû-lhidja de Tan 556 \ En Tan 557, Noûr-ad-Dîn investit 
Kamâl-ad-Dîn-Aboù'-l-Fadl-Mohammad-ibn-Shahrzôurî de la 
dignité de kadi de tout son empire, et il ordonna aux kadis 
d'écrire leurs pièces comme substituts de Kamâl-ad-Dîn. Ce 
dernier lui prêta serment à Damas au cours de la présente 
année. Le kadi Zakî-ad-Dîn, kadi de Damas, refusa; il fut des- 
titué. Il écrivit à mon grand-père Aboû'1-Fadl à Alep, qui refusa 
aussi. Noûr-ad-Dîn arriva avec Mac^d-ad-Dîn-ibn-ad-Dâyâ ; 
il manda Abou'1-Fadl à la citadelle et lui dit : « Nous avons 
contracté un engagement avec Kamâl-ad-Dîn, et nous lui 
avons juré à ce sujet. Tu n'es pas autre chose que mon délé- mv. 
gué, et lui a le nom de kâdî de tout le pays et pas un autre. » 
Il refusa et dit : « Je ne veux pas être un délégué d'injustice. » 
Alors il investit de la charge de kâdî d'Alep Mohî-ad-Dîn- 
Aboû-Hâmid-ibn-Kamâl-ad-Dîn et Âboû-'l-Mafâkhir-'Abd-al- 

1. En 555 (1160), meurt à Bagdad, à la fin du mois de safar, le khalife abba- 
side Al-Moktafî, et son fils al-Mostandjid-billah-Abou'l-Mouthaffar loûsoul- 
ibn-Mohammad lui succède. Aboû*l-Mahâsin (ms. 1780, fol. 29 v. et 30 r.). 

Cette année, mourut aussi le prince de Ghazna, Khosrav-shàh, flls de 
Mas'oùd et descendant de Sabouktagin ; et le khalife fatimite, Al-Faïz *Isâ- 
ibn-ath-Thàflr-ibn-al-Hàfith-arobaidi (Abou'l-mahàsîn, ms.ar. 1780, f. 30 r.). Sous 
le règne de al-Mostandjid-billah, dit l'auteur du Fakhri, commença la con- 
quête de rÉgypte et l'affaiblissement de l'état des Fatimites dans ce pays. 
Sous le règne de son flls al-Mostadî, la conquête fut complète sous la main 
de Salàh-ad-Din-Ioûsouf-ibn-Ayyoûb (Fakhri; éd. Derenbourg, p. 425). « Sous 
son règne, arrivèrent de bonnes nouvelles à Bagdad, apprenant la conquête 
de rÉgypte et la chute de la dynastie fatimite » {Ibid., p. 429). 

En 557 (J.-C. 1161), suivant l'écrivain arménien Manuel {Historiens orientatuc 
des croisades), le sultan d'Iconium Kilidj-Arslàn etMirân, frère de Noûr-ad-Dîn, 
vont rendre visite à l'empereur de Constantiaople. 



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26 KAMAL-AD-DÎN 

Ghafoûr-îbn-Lokmân le kurde, et cela par Tinstigation de 
MacJjd-ad-Dîn à cause de rinimitié qui existait entre lui et 
mon grand-père. 

Après ces événements, Nour-ad-Dîn rassembla ses troupes à 
Alep, en Fan 557, et marcha sur Hârim, qu'il attaqua. Les 
Francs rassemblèrent alors leur armée et marchèrent contre 
lui. Il leur offrit le combat, mais ils le refusèrent. Ils se mon- . 
trèrent au contraire accommodants, de telle façon qu'il 
retourna à Alep, En Tan 558* il mobilisa de nouveau son 
armée, et entra sur le territoire des Francs, et vint établir son 
camp à al-Bokaya'h ^ située au-dessous- de la citadelle des 
Kurdes (hisn-al-Akrâd) ^; il y mit le siège avec l'intention 
de marcher plus tard sur Tarâbolos *. Mais les Francs se 
réunirent; le grec Doûkas ^ se mit en-campagne avec eux, à la 
tête d'un fort parti de Grecs. Ils tombèrent tous d'accord 
d'attaquer les Musulmans de jour, alors qu'ils se croiraient en 
sûreté. Ils montèrent sur-le-champ à cheval, ne firent aucun 
retard et allèrent le plus vite qu'ils purent jusqu'à ce qu'ils 
fassent proches du camp des Musulmans qui n'étaient pas en 
état de se défendre. Ces derniers envoyèrent alors du monde 
à Noûr-ad-Dîn pour lui faire connaître l'état dans lequel ils se 
trouvaient. Les Francs les culbutèrent totalement, les Musul- 
mans lâchèrent pied et s'enfuirent à la débandade vers Noûr- 
ad-Dîn avec les Francs sur les talons ; ils arrivèrent en même 
temps à l'armée de Noûr-ad-Dîn ; les soldats de celui-ci 



1. En 558 (J.-C. 1162), suivant Aboû*l-mahàsin (ms. ar. 1780, fol. 39 v.) Noûr- 
ad-Dîn alla combattre Kilidj-Arslàn, fils du sultan Mas'oud. Suivant le même 
auteur (fol. 40 r.), Shavâr-ibn-Mohammad-as-Sa'dî vint au Sa'id, il rassembla 
une troupe de gens considérable, tua le vizir du khalife fatimite al-*Adhad 
Roûzbek-ibn-Talài' et devint vizir à sa place. 

2. Nom de la plaine qui s'étend au-dessous du château des Kurdes. 

3. « La citadelle des Kurdes ». Cette forteresse est appelée aujourd'hui le 
Château de la forteresse elle est située dans le Liban ; à 24 milles à peu près 
de Homs. 

4. Cette ville est celle que l'on appelle la Tarâbolos de Syrie (Yakoùt, t. III, 
p. 521). On dit aussi Atràbolos ; ibn-Bachîr dit : « Dans la langue roumie et 
grecque (aghrîkîyyah)^ ce mot signifie les trois villes ; les Grecs (al-yoûnâ- 
nyoûn) l'appellent Taràbolîtah. Et cette forme veut dire de même dans leur 
idiome » les trois villes ». En effet, Tara signifie « trois » et Bolîtah « ville ». 
On raconte que le premier qui la construisit fut l'empereur Ashbârôs. Il y 
a aussi la ville de Tarâbolos du Maghreb, elle est bien connue. » Il y a une 
autre ville du même nom en Asie-Mineure sur la mer Noire; on l'appelle aujour- 
d'hui Tireboli. Elle se trouve entre Trébizonde et Kiresun. 

5. Ce personnage est aussi appelé ad-Doùk par Ibn-al-Athîr, 



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HISTOIRE D'ALEP 27 

n'eurent pas le temps de se revêtir de leurs armes et de monter 
à cheval, de telle sorte que les Francs fondirent au milieu 
d'eux, en tuèrent un nombre considérable et firent de nom- 
breux prisonniers. Doûkas se montrait plus acharné que les 
autres contre les Musulmans, et ses hommes ne faisaient quar- 
tier à personne. Ils se dirigèrent alors vers la tente de Noûr- 
ad-Dîn. Ce prince venait de monter à cheval dans Tintention 
de sauver sa vie par la fuite. Le cheval qu'il avait monté se 
trouvait lié par le pied. Un Kurde descendit alors de cheval, n? r. 
se dévoua pour le sauver et trancha la corde. Noûr-ad-Dîn put . 
s'échapper, mais le Kurde fut tué. Il se montra généreux pour 
ses enfants et leur accorda des pensions. Noûr-ad-Dln arriva 
au lac de Çods * ; entre ce lac et le champ de bataille, il y avait 
la distance d'environ quatre farsakhs. C'est dans cet endroit 
qu'arrivèrent le rejoindre ceux des soldats qui avaient échappé 
au désastre. Plusieurs personnes lui donnèrent alors le conseil 
de quitter ce lieu, « car il pourrait se faire, disaient-elles, que 
les Francs eussent envie de nous venir attaquer ». Il blâma 
ceux qui lui donnèrent cet avis et leur imposa silence en leur 
disant : « Si j'avais en ma possession mille chevaux, je mar- 
cherais contre les Francs; par Allah! je n'entrerai dans 
aucune maison jusqu'à ce que j'aie vengé moh honneur et celui 
de l'Islamisme. » Il envoya alors à Alep et à Damas, il en fit 
venir de l'argent, des vêtements, des tentes, des armes et des 
chevaux ; il les distribua aux gens comme compensation de ce 
qui leur avait été pris, et cela sur leur simple parole. Son 
armée devint comme si elle n'avait jamais été battue et si 
jamais le sort des armes ne lui avait été contraire. Noûr-ad- 
Dîn donna aux enfants de tous ceux qui avaient péri, les fiefs 
de leurs pères. Quand ses compagnons virent les dépenses 
considérables auxquelles il se livrait, ils lui dirent : « Il est 
fâcheux que ton pays soit grevé par une multitude de pensions, 
d'aumônes, de fondations pieuses en faveur de jurisconsultes, 
de fakirs, lecteurs du Korân, de Sofls et d'autres gens de 
même sorte. Ne serait-il pas préférable aujourd'hui d'augmen- 
ter les effectifs de l'armée. » Noûr-ad-Dîn fut vivement fâché de 

1. Yakoût (t. I, p. 516) lit Kadas : « Il est proche de Homs, sa longueur est 
de 12 milles et il a en largeur 4 milles. Il se trouve entre Homs et la montagne 
de Lubnân.., » 



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28 KAM AL-AD-DÎN 

ces paroles et leur dit : « Comment oserais-je supprimer les 
libéralités que je fais à des gens qui combattent pour moi tan- 
dis que je repose sur mon lit, et dont les flèches frappent tou- 
jours au but, pour les transporter à d'autres qui ne combattent 
pour moi que quand ils me voient et dont les armes n'ont pas 
toujours de succès. Ces gens ont un droit sur ma libéralité; 
comment les en priverai-je? » On dit que Borhân-ad-Dîn-al- 
Balkhî * dit à Noûr-ad-Dîn : « Comment voulez-vous être victo- 
rieux quand se trouvent dans votre camp des gens qui boivent 
177 V. du vin, des joueurs de cymbale et de flûte? » Quand Noûr- 
ad-Dîn eut entendu ces paroles, il prit vis-à-vis d'Allah renga- 
gement de se repentir, de quitter les vêtements dont il était 
revêtu ; il s'obligea à porter un habit grossier, et il résilia 
dans son pays le reste des dîmes, des droits de douane et des 
contributions, et il interdit sévèrement de commettre aucun 
délit. Il écrivit dans tout son royaume aux moines et aux 
dévots, pour leur faire connaître la défaite et la captivité des 
Musulmans ; il leur demanda de prier pour eux et d'engager 
les fidèles à faire la guerre aux mécréants. Il écrivit aux 
souverains de l'Islamisme pour leur demander de lui porter 
secours et de joindre leurs troupes aux siennes. Il s'interdit à 
lui-même de coucher sur un lit et s'abstint de n'importe quel 
plaisir. Les Francs députèrent vers lui pour lui demander la 
paix, mais il refusa d'y consentir. Pendant qu'il était au milieu 
de ces préparatifs belliqueux contre les Infidèles, le vizir 
d'al-'Adad en Egypte, Shâvar, vint le trouver à Damas au 
mois de Rabi' deuxième de l'an 559 % pour lui demander asile 



^ 1. Voir ci-dessus, p. 10. 

2. En l'an 559 (J.-C. 1163), dit Aboûl-mahâsin (ms. ar. 1780, f. 40 v.), mourut 
le vizir de Tatàbek Zangi, qui s'appelait Mohammad-ibn-'Alî-ibn-Mansoûr- 
Aboû-Dja'far-Djamâl-ad-Din d'Ispahân. Cette même année « mourut Kotb-ad- 
Din-Maûdoùd ; il avait une grande sagesse pour le gouvernement. Ce prince et 
Zaîn-ad-Din-Koutchek étaient unis par les liens de la plus vive intimité. 
Maûsil fut, durant son règne, l'asile de toutes les infortunes. Personne ne lui 
ressemblait ni ne s'approchait de lui pour la bienfaisance et la générosité. 
Ce fut un prince très religieux et qui faisait de nombreuses aumônes ». Sui- 
vant le même auteur, Kotb-ad-Dîn fit de nombreuses réparations à la Ka'aba 
qu'il enrichit d'ornements en or, et où il bâtit les portes de l'enceinte sacrée. 
Il bâtit aussi la mosquée qui se trouve sur le mont 'Arafah . Il construisit enfin 
un mur autour de la ville de Médine. 

Suivant Ibn-al-Athîr Kâmil, Hist. orient, des Croisades^ t. I, p. 490, les 
Francs, désespérant de s'emparer d'As^alân, avaient levé le siège de la ville, 



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HISTOIRE D*ALEP 29 

et protection contre Darghâm. Ce dernier avait été- en contes- 
tation avec Shâvar au sujet du vizirat et était arrivé à le sup- 
planter dans cette charge. Shâvar demanda à Noûr-ad-Dîn 
d'envoyer une armée avec lui en Egypte pour le rétablir dans sa 
dignité. Il offrit à Noûr-ad-Dîn le tiers des revenus de TÉgypte, 
après avoir payé les troupes, et il consentit à ce qu'il y eût 
un gouverneur demeurant à poste fixe à Miçr avec son armée 
et qui n'agirait que suivant Tordre et le bon plaisir de Noûr- 
ad-Dîn. Celui-ci resta à réfléchir s'il accepterait ces propo- 
sitions ou s'il mettrait à exécution son projet de marcher 
contre les Francs. Il fljiit par prendre une décision et envoya 
Asad-ad-Dîn-Schîrkoûh-lbn-Shâdî \ à la tète d'une armée, au 
mois de Djoumâda, premier de l'an 559, et 11 donna l'ordre à 
Asad-ad-Dîn de rétablir Shâvar dans sa dignité. 

Noûr-ad-Dîn se dirigea alors vers le pays des Francs du côté 
de Damas, avec le reste des troupes pour les empêcher de 
faire obstacle à Asad-ad-Dîn et à Shâvar dans leur route. Les 
Francs furent alors occupés par le soin de protéger leur pays i^s r. 
des attaques de Noûr-ad-Dîn et ne purent leur faire obstacle. 
Asad-ad-Dîn et Shâvar arrivèrent à Balbaïs. Nâsir-al-Mousli- 
mîn, frère de Darghâm, sortit alors à leur rencontre avec 
l'armée égyptienne et les joignit. Il ftit défait et s'en retourna 
au Caire. Asad-ad-Dîn se dirigea vers cette dernière ville et 
campa sous ses murs le dernier jour du second Djoumâda. 
Darghâm et son frère furent tués dans une sortie. Shâvar reçut 
une robe d'honneur et fut réintégré danfe sa dignité de vizir. 

mais une discorde qui éclata parmi ses défenseurs permit aux Francs de s'en 
emparer. 

1. Cette année, dit Aboû-Shâma (£ÏM6-ar-iîaMda«eiw, p. 139). « Asad-ad-Dîn- 
Shîrkoûh-ibn-Shâdhi se rendit à Misr pour la première fois ; c'était un des 
plus g-rands (l'édition porte la leçon inintelligible akâtr, qu'il faut évidemment 
corriger en akâbir) émirs Noûris, pour s'emparer des pays égyptiens et 
les réunir au royaume de Noûr-ad-Dîn. Asad-ad-Dîn et son frère Nadjm-ad- 
Dîn-Ayyoùb, qui était l'aîné des enfants de Shâdhî étaient originaires de la 
ville de Da vin, ville de la partie extrême de TAdbarbaijàn, contiguë au pays de 
Roûm. Ils étaient Kurdes, de Ravâdhiyyah, qui est la tribu la plus noble parmi 
les Kurdes. » — Les mots Shâdhî et Shîrkoûh sont deux mots persans, le pre- 
mier signifiant joie, le second « lion de la montagne ». On sait qu'il y a en 
turc beaucoup de noms propres composés avec Arslân, lion. Il est quelque- 
fois arrivé que ces noms turcs ont été traduits en persan. En voici un des 
exemples les plus remarquables. Dans ['Histoire de Boukhara, de Nerchàkhy, 
publiée par M. Schefer, on trouve le nom d'un prince Shir-i-Kishvar^ « le lion 
du pays », qui n'est autre chose que la traduction du turc tl-Arslân. M. Schefer. 
C. Pers. I, 15, n. Le nom de Shîrkoûh serait en turc Bâgh Arslân. 



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30 KAMAL-AD-DÎN 

Asâd-ad-Dîn resta en dehors du Caire; alors Shâvar revint 
sur ce qui avait été convenu avec Noûr-ad-Dîn, et il ordonna 
à Asad-ad-Dîn de retourner en Syrie. Celui-ci refusa et réclama 
ce qui avait été fixé. Shâvar refusa de lui donner satisfac- 
tion. Asad-ad-Dîn envoya alors ses lieutenants s'emparer 
de Balbaïs, et exerça son autorité sur les contrées orien- 
tales de rÉgypte. Shâvar s'adressa alors aux Francs pour 
leur demander aide, et leur fit craindre la puissance qu'ac- 
querrait Noûr-ad-Dîn s'il venait à s'emparer de l'Egypte. 
Ils se rendirent à ses sollicitations, car eux aussi à cette 
époque désiraient ardemment s'emparer de l'Egypte. Ils se 
rendirent à Balbaïs. Noùr-ad-Dîn se dirigea alors du côté de 
leurs états pour entraver leurs mouvements, mais cela ne 
changea aucunement leur dessein. Ils laissèrent dans leurs 
états les forces nécessaires pour les garder, et le roi de 
Jérusalem * se dirigea avec les autres Francs vers Balbaïs. Il 
avait demandé aide à un nombre considérable de personnes 

— qui étaient venues en pèlerinage à Jérusalem. Asad-ad-Dîn 
resta à Balbaïs ; les Francs vinrent investir cette place, ainsi 
que l'armée égyptienne. Le siège dura trois mois. Chaque jour, 
matin et soir, Asad-ad-Dîn faisait des sorties, et les Francs 
ne remportaient aucune victoire et le siège traînait en lon- 
gueur, bien que le mur de Balbaïs fût bas et construit en terre. 
Alors Noûr-ad-Dîn entra en campagne dans le but d'attaquer 
le pays des Francs ; il vint camper à Alep, assembla ses troupes 
et envoya des gens auprès de son frère Kotb-ad-Dîn, prince de 
Maûsil, et auprès de Fakhr-ad-Dîn-Karâ-Arslân ^ prince de 
Hisn-Kaîfa, ainsi qu'à Nadjm-ad-Dîn-Ilbenî, prince de Mârdîn \ 

178 V. ainsi qu'à d'autres seigneurs de ces contrées. Kotb-ad-Dîn 
se mit en marche, et le commandant de son armée était Zaîn- 
ad-Dîn-Kutchek. Le prince de Mârdîn envoya de même son 
armée. Quant au prince de Hisn-Kaïfâ, ses courtisans lui 
ayant demandé quel parti il comptait embrasser, il répondit 
qu'il comptait rester en repos, parce que Noûr-ad-Dîn était 
un homme endurci par le jeûne et par les prières et qu'il se^ 
jetait, lui et les gens qui étaient avec lui, dans tous les périls. 

1. Les auteurs musulmans appellent Jérusalem Al-Kuds ouBait-al-Molj:addas. 

2. Le lion noir en turc oriental. 

3. Mârdîn, ville forte de la haute Mésopotamie dans le nord-ouest de Nisibe. 



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HISTOIRE D*ALEP 31 

Le lendemain, ce même prince donna ordre à son armée de se 
tenir prête à entrer en campagne. On lui demanda ce qui Tavait 
amené à changer ainsi d'opinion. Il répondit : « Il est certain 
que si je ne me porte pas au secours de Noûr-ad-Dîn, il m'en- 
lèvera mon royaume, car il a écrit aux dévots et à ceux qui 
ont fait profession de renoncer au monde pour leur demander 
Taide de leur prière, et il les a priés d'exciter les Musulmans à 
la guerre sainte contre les Infidèle^. Chacun de ces religieux 
est assis avec ses disciples et ses compagnons en train de 
lire les lettres de Noûr-ad-Dîn et de pleurer. J'ai grand peur 
que ces gens ne s'unissent pour me jeter l'anathème. » Aussi 
ce prince se prépara-t-il à partir et se mit-il lui-même en cam- 
pagne. Quand toutes les troupes de Noûr-ad-Dîn furent réunies, 
il se mit en marche contre la ville de Hârim, il investit la 
place et dressa ses mangonneaux. Le prince Boémond \ le 
comte seigneur de Tarâbolos, le fils de Joscelin et Daval, 
généralissime des troupes grecques, et le fils de Laôn % roi 
d'Arménie, se mirent en campagne. Ils rassemblèrent tout ce 
qui restait de Francs dans le Sâhel ^ et marchèrent dans 
le dessein d'attaquer Noûr-ad-Dîn. Ce prince recula jusqu'à 
Artâh, pour mieux être en état de leur résister, s'ils venaient 
.l'attaquer et aussi pour les éloigner de leur pays. Il envoya 
ses bagages à Tîzîn * ; les Francs vinrent camper à Sofaîf, puis 
s'en retournèrent à Hârim. Noûr-ad-Dîn les suivit en conservait 
son ordre de combat. Quand les deux armées furent proches 
l'une de Tautre, elles se rangèrent pour la lutte. Les Francs 
se précipitèrent sur l'aile droite des Musulmans, qui était com- 
posée des troupes d'Alep et de celles du prince de Hisn. Les 
Musulmans furent défaits et s'enfuirent jusqu'à venir sous les 
murs de 'Am. Noûr-ad-Dîn était monté sur une colline et im-^ ^^^r- 
plorait humblement Allah la tête nue. Les hommes de pied des 

1. Ce prince est Boémond III, fils de Raimond de Poitiers et seigneur d'An- 
tioche (Voy de Slane, Historiens orient, des Croisades, p. 812). Le mot prince 
se trouve transcrit sous la forme « brins » ; comte est écrit koms. 

2. Comme on le verra plus bas, ce fils de Léon d'Arménie s'appelait Malih. 

3. Le mot sàhel signifie littéralement « rivage », mais il s'emploie dans un 
sens spécial chez les historiens arabes de l'Egypte et de la Syrie, et désigne le 
rivage de la Méditerranée, depuis les frontières d'Egypte. C'est la Phénicie. 

4. Tîzîn; suivant Yakoût (t. I, p. 906), c'est un bourg considérable des envi- 
rons d'Alep, que l'on comptait au nombre des districts de Kinnasrîn ; puis, du 
temps d'ar-Rashîd, il devint de 1' *Avàsim, ainsi que Manbadj et autres places. 



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32 Kamal-ad-dîn 

Francs étaient demeurés au-dessus de 'Am du côté de Hârim a 
Aç-Sofaîf. Zaîn-ad-Dîn-'Ali-Kutchek fondit sur eux à la tête de 
rarmée de Maû§il. Noûr-ad-Dîn avait plîicé cet officier en em- 
buscade à Textrémité de la vallée dans des lieux couverts de 
jonc ; ils attaquèrent les Francs en les prenant par derrière. 
Durant ce temps, la cavalerie des Francs avait tourné bride par 
peur que Tinfanterie ne se laissât entraîner à la poursuite des 
Musulmans et que les Musulmans ne tombassent sur elle 
ensuite. 

L'événement répondit à leur attente, et ils virent que leur 
infanterie avait été massacrée ou faite prisonnière. Noûr-ad-Dîn 
se mit alors à la poursuite des Fraiics, avec ceux des Musul- 
mans qui avaient été précédemment mis en fuite. Les Francs 
furent alors cernés de tous côtés, le combat fut très violent et 
ils y perdirent un très grand nombre d'hommes. Quand la 
victoire se fut nettement inanifestée en faveur des Musulmans, 
ceux-ci s'attachèrent à faire des prisonniers. Ils s'emparèrent 
du seigneur d'Antioche, du prince de Tarâbolos, et de Daval, 
commandant des Grecs, ainsi que du fils de Joscelin. Aucun 
d'eux ne se sauva, sauf Malih, flls de Laôn. On dit que les des- 
cendants de Yâroûk le firent échapper, parce qu'il était leur 
oncle. Le nombre des morts s'éleva au-dessus de dix mille.- 
Noûr-ad-Dîn se dirigea alors sur Hârim et s'en rendit maître 
au mois de Ramadan de cette même année. Il envoya un déta- 
chement de ses troupes dans la province d'Antioche ; les sol- 
dats pillèrent le pays. Son armée s'en retourna cette même 
année à Damas, après qu'il eut autorisé les armées de Maûçil 
et du Diâr-Bakr à retourner chez elles. Il marcha ensuite 
contre Bânîâs *, qu'il assiégea et attaqua. Il avait avec lui son 
frère Nasîr-ad-Dîn-Amîr-Amîrân % dont il était satisfait et à 

1. BànîaB, forteresse, à 2 milles du Jourdain, sur la route de Damas. — Sur 
la prise de Bàniàs, par Noûr-ad-Din, voir Abou'l-mahâsin [Histoire d'Egypte, 
ms. ar. 1780, fol. 41). Cette même année {ibid., f. fol. 41 r.), mourut Amîr-Miràn- 
Nasîr-ad-Dîn-ibn-Zangi-i'bn-ak-Sonkor, le Turc, frère d'al-Malik-al-'Adil. Cette 
même année, le sultan Noûr-ad-Dîn donna le gouvernement (Shihnakiah) de 
Damas à Salàh-ad-Din-ibn-Ioùsoûf-ibn-Ayyoûb. Sur le terme Shihnakiah et 
celui de Shihnah, dont il dérive, voir Quatremère [Histoire des sultans 
mamloukSf t. il, part. I, p. 195, note 2). On remarquera que ce mot n'est pas 
une forme arabe. C'est une arabisation du mot persan Shihnagî qui désigne 
l'office de Shihnah. 

2. Kamâl-ad-Din l'appelle autre part Nosrat-ad-Din ; peut-être n*y a-t-il là 
qu'une variante due au copiste. 



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HISÎrOIR».J)*ALÉP 33. 

qfm) ittavâit fiardonné lès événemeats qui s'étaient ;pa^é$. Au 
siège de . IJârim, .après qu'il : fut * entré sur le : territoire des 
Fraacs, une flèche atteignit Amîr-Amîrân à Toeil et le lui ereva^ 
Nbû'r-ad-Dîn lui dît alors : « Si tu savais quelle récompense 
t'est réservée, tu voudrais perdre Tautre aussi. » Il pressa 
vigoUreusenient le siège de cette place et s'en empara, ravi-nsr. 
tailla la citadelle dans laquelle il plaça une garnison. Il par- 
tagea par parties égales avec les Francs le territoire de Tibé- 
riade * et ceux-ci s'engagèrent déplus à payer annuellement 
un tribut pour ce qui leur restait *. La nouvelle de la conquête 
de Hârim et de Bânîâs arriva aux Francs qui étaient campés 
sous les murs de Balhais, ce qui les détermina à retourner 
dans leur pays. Us envoyèrent alors des députés à Asad-ad- 
Dîn-Shîrkoûh pour lui proposer la paix, car ils espéraient 
arriver à temps à Bânîâs. La convention fut rédigée sous les 
conditions que Shîrkoûh retournerait en Syrie et restituerait 
tous les districts de l'Egypte qui étaient en sa possession aux 
habitants du pays. 

Shîrkoûh ignorait à cette époque ce qui était arrivé à Noûr* 
ad-Dîn en Syrie, et les vivres commençaient à devenir rares à 
Balbaîs. II. sortit alors d'Egypte pour se rendre en Syrie, et 
les Francs se mirent. en marche pour aller secourir Bânîâs» 
mais il n'était plus temps. Durant le temps qu'il était demeuré 
en Egypte, Asad^ad-Dîn-Shîrkoûh acquit une connaissance 
exacte du pays et de la débilité de son gouvernement. 

, Année 561. Noûr-ad-Dîn marcha contre Al-Mantîrah avec 

- 1 

,1. En arabe Taharyyqh. 

2. Ces sortes d'arrangements paraissent avoir été habituels entre les Francs 
et les Musulmans^ On, voit, par un traité conclu entre le sultan mamlouk Saîf*: 
ad-Dîn-Kalâvoûn et la dame Marârît (Marguerite), princesse de Tyr, que le 
territoire de cette principauté fut divisé de la façon suivante : une partie des 
villages fut la propriété exclusive du sultan, une autre de la princesse, tous les 
autres villages furent partagés en parties égales entre le sultan et Margue- 
rite.: « Tçut le revenu, consistant en diver? genre» d'argent et de grains, en 
droits, dîmes, impôts, locations, salaires, fermes, tributs, amendes, droits 
d'héritage, et autres objets de tout genre, grands ou petits, sera divisé par 
portions égales entre les deux parties contractantes » (Quatrçmère, Histoire 
, des suUaris mamlouhs, t. II, app. à la l^® partie, pp. 172-176 et 213-221). 
On comparera de même la division en deux p^rts égales qui fut exécutée du 
temps du célèbre Kotaiba-ibn-Mouslim de la ville de Bokhârà et de tous ses 
revenus, l'une pour les Musulmans et l'autre pour les habitants dans V Histoire 
deBokhârâ dont le texte persan a été publié par M. Ch. Schefer, 1892 (p. 51 et ss.). 
On voit à combien de contestations exposait un pareil partage. C'est sans 
doute un analogue qui fut conclu entre Noûr-ad-Dîn et les Francs. 



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34 KAMAL--AD-DÎN 

en petit nombre de soldats et sans bagages, à Tinsu des 
Francis ; il mit le siège devant cette citadelle et s'en empara par 
Ifit force; ceux qui s^ trouvaient fiirent tués ou faits prison- 
niers, et les Musulmans y recueillirent un butin très considé- 
l'able. Les Francs réunirent leurs troupes pour reconquérir cette 
ville, mais, après s'être rassemblés, ils se séparèrent. Asad- 
ad-Dîn entretint Noûr-ad-Dîn de son projet de retourner en 
Egypte. Quand Noûr-ad-Dîn vit le violent désir qu'il en avait, 
il l'envoya avec deux mille chevaux pris dans la meilleure 
cavalerie de l'armée, en 562. Asad-ad-Din prit la route du 
désert en laissant sur sa droite le pays des Francs, et il arriva 
ainsi en Egypte; il traversa le Nil du côté de l'Occident à 
Atfîh \ se rendit maître de toute la partie occidentale du 
pays, et vint camper à al-Djîzah % qui se trouve en face de 
Miçr \ Il y demeura environ durant cinquante jours. Shâvar 
envoya alors des députés aux Francs pour leur demander 
aide. Asad-ad-Dîn se dirigea du côté du Sa'îd et parvint jus- 
qu'à l'endroit connu sous le nom de al-Bâbaîn -\ L'armée 
180 r. égyptienne et Farmée des Francs marchèrent à sa suite et le 
rejoignirent pendant qu'il rangeait son armée en bataille. Il 
avait mis ses bagages au centre, pour faire croire à Timpor- 
tance de son armée. Il plaça son neveu Salâh-ad-Dîn au 
centré, et lui commanda de céder un peu devant les ennemis 
lorsqu'ils viendraient le charger, et de les attaquer par der- 
rière quand ils s'en retourneraient. Il choisit ensuite parmi 
ceux de ses soldats qui étaient d'un courage à toute épreuve, 
et se plaça avec eux à l'aile droite de l'armée. Les Francs 
chargèrent sur le centre de son armée, qui céda devant eux 
sans rompre les files. Asad-ad-Dîn chargea alors avec ses 
compagnons (de l'aile droite) sur le reste de l'armée des 



1. Ya^oût donne la vocalisation Itfîh. C'est, dit-il (t. I, p. 3ll), une' ville 
dans le Saîd inférieur, en Egypte, sur le rivage du Nil à l'Orient. 

2. C'est, dit Yakoût (t. II, p. 178), une petite ville à Touest de Fostat... ; elle a 
un territoire considérable, des meiUeurs de TÉgypte. Cette ville, qui eut 
autrefois une importance assez grande sous la domination des Mamlouks, est 
aujourd'hui un simple village. C'est à quelques lieues de cette localité que se 
trouvent les pyramides dites de Gizeh, suivant la prononciation égj^ptienne. 

3. Le 9 du mois de Rabi' deuxième, suivant Aboû-Shâma, p. 142. 

4. Il y aune localité de ce nom dans le Bahrain (Yakoût, 1. 1, p. 452). Ce n'est 
évidemment pas celle dont il est question ici. Ce mot, qui est le duel de bâb, 
signifie les deux portes. 



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HISTOIRE D'ALEP 35 

Francs, qui furent mis en fuite et sabrés ; un grand nombre 
d'entre eux périrent ou furent faits prisonniers. Ensuite Asad- 
ad-Dîn se rabattit sur son centre. Quand les Francs virent que 
leurs compagnons avaient péri ou avaient été faits prisonniers, 
ils s'enfuirent à la débandade. 

Asad-ad-Dîn se rendit alors à Iskandariah \ s'empara de 
la ville grâce au concours des habitants et y plaça comme 
gouverneur Salâh-ad-Dîn. Il retourna ensuite vers le Sa'îd, où 
il préleva des impôts. Les Francs et les Égyptiens se réuni- 
rent alors et vinrent assiéger Salâh-ad-Dîn dans Iskandariah. 
Le siège se prolongea jusqu'à l'époque où revint Asad-ad-Dîn. 
La paix fut alors conclue, à la condition que les Égyptiens 
donneraient à Asad-ad-Din la somme de 50,000 dinars, en shs. 
de ce qu'ils avaient déjà pris dans le pays, et que les Francs 
ne resteraient pas dans le pays. La paix fut conclue à ces con- 
ditions, Asad-ad-Dîn retourna vers la Syrie et les Égyptiens 
rentrèrent en la possession de la citadelle d'Iskandariah. 

Quant à Noûr-ad-Dîn il assembla ses troupes cette même 
année et entra dans le pays des Francs du côté de Homs. Il 
vint mettre le siège devant Irkah ^ et pilla le territoire de 
cette ville, il dévasta tout le pays et s'empara de Sâfîthâ ^ et de 
'Oraîmah ; puis, après ces événements, il retourna à Homs, d'où 
il sortit pour faire une expédition contre Bânîâs et Hoûnaîn *. 
Les Francs y furent battus et l'incendièrent. Noûr-ad-Dîn 
y arriva le lendemain ; il en détruisit les fortifications, puis 
s'en retourna. Hassan était alors prince de Manbadj. Ce 
personnage étant venu à mourir, Noûr-ad-Dîn donna la ville 
de Manbadj en flef à son fils Ghâzî-ibn-Hassân. Ce dernier 
se révolta contre lui au cours de cette année. Noûr-ad-Dîn m y. 
envoya contre lui alors une armée, qui s'empara de la place, et 
la donna comme fief à son frère Kotb-ad-Dîn-Nyâl-ibn-Hassân. 



1. C'est-à-dire Alexandrie d'Egypte, viUe trop connue pour qu'il soit néces- 
saire d'insister. 

2. 'Irkah. C'est (dit Yakoût, t. III, p. 653) une ville à l'est de Tarâbolos, dis- 
tante de cette dernière ville de quatre farsakhs ; elle est bâtie au pied d'une 
montagne; il y a environ un mille entre Irkah et la mer; sur la montagne au 
pied de laquelle elle se trouve, se dresse sa citadelle. Suivant Aboû-Bakr-ibn- 
Hamâdhàni, c'est une ville de T'Avâsim entre Rafaniyyah et Tarâbolos. 

8. Château fort du pays des Nosaïris, le manuscrit porte Safînâ. 
4. Nom d'une place forte située sur le plateau qui s'étend à l'occident du 
marais traversé par le haut Jourdain (De Slane, Hist. or. des crois,, p. 828). 



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36' kAM AL-AD-DÎN ' 

C'est ce prince qui fit construire le collège des Hanéfitès à 
Manbadj. 

En l'an 563 ' (1167), Shihâb-ad-Dîn-Mâlik-ibn-'Alî-ibn- 
Mâlik, seigneur de la citadelle de Dja'abar ', sortit pour 
prendre le divertissement de la- chasse. Les Banoû-Kilâb le 
firent prisonnier et le conduisirent à Noûr-ad-Dîn, an mois 
de Ra^ab; ce prince le retint prisonnier, mais le combla dé 
marques d'égards 

Les Francs avaient grande envie de s'emparer de TÉgypte, 
ils s'y rendirent en Tan 564 * et s'emparèrent de la ville de 
Balbaîs, ils se dirigèrent ensuite sur le Caire et attaquèrent 
cette ville. Le khalife al-'Adad envoya alors implorer le 
secours de Noûr-ad-Dîn, et il lui envoya des cheveux de ses 
femmes dans ses lettres. Les envoyés du khalife joignirent 
Noûr-ad-Dîn à Alep, lui offrirent le tiers de FÉgypte et lui 
proposèrent que Asad-ad-Din y séjournât. Ils écrivirent la même 
chose â Asad-ad-Dîn. Cet officier arriva de Homs à Alep' 
auprès de Noûr-ad-Dîn, qui se disposait à le mander auprès 
de lui et qui lui donna ordre d'entrer en Egypte. Il lui donna 
la somme de 200,000 dinars sans compter les vêtements, les 



1. « Cette année» dit Abou'l-mahâsin (ms. ar. 1780, fol. 44 r.), mourut Témir; 
Zaïn-ad-Dîn-ibn-Toghtâgîn-ibn-Mothafîar-acl-Dîn - ibn-Kôkboûri connu sous 
le nom de Kudjûk (persan, kutchuk « le petit », l'arabe remplaçant toujours 
le son tch, qu'il ne possède pas, par dj), le Turc ; il commandait à Maûsil et 
en autres endroits. C'était un homme d'une conduite louable et juste pour ses 
sujets...; il bâtit des collèges, des ponts, des dijgrues. Quand il fut devenu 
vieux, il repiit le pouvoir à Kotb-ad-Dîn-Maûdoûd. ». 

2. « Au commencement de cette année, dit Aboû-Shâma (Kitâb-ar-Raûda- 
tain, p. 152), Noûr-ad-Dîn s'empai*a de la citadelle de Dja'bar et la prit à son. 
possesseur Shihàb-ad-Dln-Bilik-ibn-'Alî-ibn-Bilik-al-'Okailî, de la race de 
'Okaîl des Benoû-al-Musaîb. CettQ place était en sa possession et avait été 
daiis celle de ses pères depuis l'époque du sultan Malik-Shâh. 

1. Abou'l-mahàsin, Histoire d'Egypte (ms. ar. 1780, fol. 45 r.). Cette annéç, 
le sultan al-Malik-al-'Adil-Noûr-ad-Dîn-Mahmoûd-ibn-Zangî, le martyr, s'em- 
para de la citadelle de Dja'abar sur son prince ibn-Mâlik-al-'Okailî. Durant cette 
même année, Asad-ad-Dîn-Shîrkoûh s'avança en Egypte; il avait avec lui son 
neveu Salàh-ad-Dîn-Ioûsouf-ibn-Ayyoûb pour lutter contre les Francs ; ce 
fut la troisième fois qu'ils marchèrent contre FÉgypte et cette fois ils s'en 
emparèrent... par suite de la mort de Shâvar (le vizir du khalife fatimite), 
l'avènement de Asad-ad-Dîn au vizirat, sa mort en Egypte et l'investiture dB 

Salâh-ad-Dîn-Ioûsouf après lui Cette même année mourut l'émir Modjîr- 

ad-Dîn-ibn-Boûrî-ibn-Toghtakîn, auquel Noûr-ad-Dîn avait pris Damas, il 
devint après cet événement émir à Bagdad... Aboû-Shôdja-Shâvar-îbn- 
Mohammad-ibn-Nizar-ar-Ra'adî, vizir d'al- Adliad, fut tué par Djoûrdîk-an- 
Noûrî. — Al-Malik-al-Mansoûr-Asad-ad-Dîn-Shîrkoûh-ibn-Shâdi fut vizir après 
la mort de Shâvar; il était l'oncle de Salâh-ad-Dîn (10 Djoumada second). 



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)ffl[^OIRE.^D':AI.EP 3T 

armes, les Bêtes de sommé et le droit de disposer â^ son gré 
de son armée et de ses trésors. Asad-ad-Din choisit deux mille 
cavaliers da;ns Tarmée dé Noûr-ad-Dîn et lui prit de l'argent; 
et il réunit six mille cavalier^. Il se rendit ensuite avec Noûr- isir. 
ad-Dîn à Damas, où îl arriva à lafin du mois de §afar; puis il 
alla jusqu'à Rà'as-al-miâ* ; Noûr-ad-Dîn joignit là à Asad-ad-Din 
plusieurs émirs; parmi lesquels Izz-ad-Dîn-Djoûrdîk, Ghars- 
ad^Dîn-Kilidj, Sharaf-ad-Din-Bazghash, 'Aîn-ad-Daûlah- 
ibhrBârûk Kotb-ad-Dîn-Nyâl-ibn -Hassan et Salâh-ad-Din, son 
neveu. Il se mit aloi^s en route. Quand il fut prés du Caire, les 
Francs s'en retournèrent dans leur pays. Asad-ad-Dîn arriva 
au Caire le septième jour du mois de Djoumâda deuxième, 
il fit son entrée dans cette ville et se rendit auprès d'al-'Adad 
qui lui remit un vêtement d'honneur; puis il retourna à sa 
tente. Shâvar avait une profonde inimitié pour lui, mais n'osait 
pas la naontrer. Il venait à certaines heures rendre visite à 
Asad-ad-Dîn et agit ainsi durant quelque temps. Un jour, il ne 
trouva pas Asad-ad-Dîn dans sa tente, car il venait de partir 
pour visiter le tombeau de ash-Shâfa'î, qu'Allah soit satisfait 
de lui! Salâh-ad-Dîn et Djoûrdîk vinrent à la rencontre de 
Shâvar à la tête de toute l'armée, le saluèrent et lui apprirent 
qu'Asad-ad-Dîn était parti pour ce pèlerinage. Il leur dit alors : 
« Allons le trouver. » Ils s'en allèrent ensemble ; mais Salâh- 
ad-Dîn et Djoûrdjîk se jetèrent sur le vizir, le précipitèrent à 
terre, pendant que ses gens s'enfuyaient; ils le firent prison- 
nier et envoyèrent prévenir Asad-ad-Dîn qui arriva immédia- 
tement. En même temps arrivait un officier du service particu- 
lier du khalife lui apportant l'investiture du vizirat, et qui lui 
dit : « Il ne manque que sa tête. » Car, leur habitude au sujet 
des vizirs est que celui qui devient plus puissant que son pré- 
décesseur, mette ce dernier à mort. Shâvar fut tué et sa tête 
portée à al-'Adad. On remit à Asad-ad-Dîn la robe d'honneur 
du vizirat, il entra à la citadelle et prit possession de sa dignité 
le 27 du mois de Rabi' deuxième. Les affaires allèrent tran- isJ v. 
quillement jusqu'au moment où Asad-ad-Dîn fut atteint d'une 
maladie de la gorge dont il mourut le vendredi 22 du mois de 



1. Ra'as-al-mâ, localité traversée par la route qui mène de Damas à la 
Mecque et située à 30 milles environ au sud de Damas. 



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â8 KAMAL-AD-DÎN 

Djoumâda deuxième, et sa dignité fut conférée â son neveu 
Salâh-ad-Dîn *. Il y avait un certain nombre d'émirs qui se 
trouvaient avec Asad-ad-Dîn et qui convoitaient le vizirat; 
parmi eux étaient 'Aîn-ad-Daûlah - ibn-Barûk, Saîf-ad-Dîn-al- 
Mashtoûb, et Shihâb-ad-Dîn-Mahmoud-al-Hârimî, oncle ma- 
ternel du sultan Salâh-ad-Dîn et Kotb-ad-Dîn-nyâl-ibn-Hassân. 
Al-'Adàd envoya chercher Salâh-ad-Dîn, l'investit du vizirat 
après son oncle paternel, lui remit un vêtement d'honneur et 
lui donna le titre de al-Malik-an-Nâsir ^ Son gouvernement flit 
bien organisé, il distribua de l'argent et s'interdit de boire du 
vin, et montra une grande activité pour toutes \es affaires de 
l'Etat. 

Le fakîh îsâ-al-Hakkârî était avec lui en Egypte; il enga- 
gea fortement les émirs qui avaient convoité le vizirat à se 
soumettre à Salâh-ad-Dîn. Tous lui donnèrent une réponse 
favorable, à l'exception de 'Aîn-ad-Daûlah-ibn-Bârûk qui lui 

1. Marino Sanuto (Sécréta fidelium cruciSy éd. Bongars, p. 169), dit à ce 
propos : « Erat autem Soldanus sub Galipha, sicut quondam sub Pharaone 
loseph. » Sanuto fait ici un véritable jeu de mots, peut-être involontaire, car 
Salah-ad-Dîn, le premier ministre du khalife et le vrai souverain d'Egypte, 
s'appelait en réalité lousoûf (Joseph). 

2. Ce surnom signifie le « roi victorieux ». Quoique le titre de malik soit 
infiniment inférieur à celui de khalife ou même de sultan^ les souverains 
orientaux ne se montrèrent pas toujours aussi facilement disposés à le donner 
à leurs sujets. Un des émirs mamlouks bahris, nommé Shams-ad-Dîn-Sonkor- 
ashkar, gouverneur de la Syrie, s'était révolté à Damas sous le règne de 
Kalàvoûn et avait pris avec le titre de sultan celui de al-Malik-al-Kâmil (le 
roi parfait). Quand cet émir demanda une amnistie, Ralâvoûn fut très heureux 
de la lui accorder en sanctionnant toutes ses demandes, mais il refusa avec 
la dernière énergie de lui laisser le titre de Malik. Ce titre se donnait aux 
princes de quelques villes, comme Hamâh, dont plusieurs princes portèrent le 
titre» de al-Malik-al-Mansoûr. Durant les premiers siècles de l'Empire otto- 
man, les sultans ne donnèrent même pas le titre de malik aux souverains 
occidentaux. Ils les appelaient kerâly qui est un mot emprunté aux langues 
slaves. Les diplomates européens réclamaient avec insistance, pour leurs sou^ 
verains, le titre de pâdishâh que la cour de Stamboul refuse même au roi de 
Perse. — En 1526, sultan Soleïman, fils de sultan Selim, donne à François P»" 
le titre de pâdishâh; deux ans plus tard, en 1528, il ne lui donne plus que 
celui de bey. L'empereur d'Allemagne était encore plus mal traité, avec le 
titre de nemtche tchâsâri. Quoique la cour de Vienne fît tout pour obtenir le 
titre de pâdishâh, les Turcs préférèrent transcrire le titre latin imperator 
Romanorum en caractères turcs împrâtôr rômânôrôm. Les grands ducs de 
Russie, puis les tsars, recevaient le titre de moskou tchârî. Par le traité de 
Belgrade, la tsarine Anna Ivanowna reçoit en 1739 le titre de împerdtorîttcha, 
transcription du russe. En 1779, Catherine II exige, au traité de Kainardji, le 
titre de pâdishâh. Napoléon l^^ reçut à la fois le titre à.*imperâtôr et de 
pâdishâh. Les journaux publiés aujourd'hui à Constantionple ne se servent 
que de kerâl ou imperâtùr, le premier pour les rois, le second pour les 
empereurs. 



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HISTOIRE d'ALEP 39 

fefusa et retourna auprès de Noûr-ad-Dîn en Syrie. Quant ^ 
al-Malik-an-Nâ§ir, il resta en Egypte comme vizir et en même 
temps comme naïb au nom de Noûr-ad-Dîn... Il manda auprès 
de lui son père Nadjm-ad-Dîn et sa famille et Noûr-ad-Dîn la 
lui envoya avec une armée à laquelle vint se réunir un très 
grand nombre de commerçants. Ces événements se passaient 
en Tan 565 *. Noûr-ad-Dîn craignait pour ces personnes Une 
attaque de la part des Francs ; il se rendit alors à la tête de 
son armée à al-Karak % investit la place et dressa ses ma- 
chines de guerre contre elle. Les Francs se réunirent alors et 
marchèrent contre lui, précédés par le fils de Honfroy ' et le 
flls d'ad-Dakîk. Noûr-ad-Dîn marcha alors à leur rencontre 
avant qu'ils n'eussent fait leur jonction avec le reste de l'armée i82r. 
des Francs. Ils reculèrent par suite dé la peur qu'ils avaient 
de lui, et allèrent se réunir avec le reste de l'armée. Noûr-ad- 
Dîn s'avança dans l'intérieur de leur pays, en saccageant et 
en incendiant ce qui était sur son passage, jusqu'à ce qu'il 
fût parvenu aux pays musulmans. Il campa à 'Ashtarâ * tou- 
jours avec le dessein de continuer la guerre. C'est dans ce 
lieu que lui arrivèrent les nouvelles des tremblements de terre 
qui s'étaient produits en Syrie, et qui avaient porté le ravage 
dans Alep, dont la population s'était enfuie. Ces tremblements 
de terre s'étaient répétés à plusieurs reprises durant plusieurs 
jours. Ceci se passa le 12 Shâval de cette année, le lundi au 
lever du soleil. Il y périt plus de cinq mille personnes, hommes 
et femmes. La mosquée djâmi' d'Àlep avait déjà été détruite 
par les flammes, ainsi que les marchés qui l'environnaient, à 
une époque antérieure, en l'an 564. Noûr-ad-Dîn s'empreâsa 
de là faire rebâtir et de faire réédifler les marchés. On a 
dit que ce furent les Ismaïliens qui l'incendièrent ^ Il apprit 



1. Cette année des Francs se présentèrent devant Damîette (voy. Ibn-al^ 
Athir, année 565). 

2. Voir dans Quatremère (Histoire des sultans mamlouks, t. II, part. I, 
pp. 236-^6), une étude très complète sur cette ville ainsi que toutes les formes 
sous lesquelles les chroniqueurs occidentaux ont transcrit ce nom. 

3. Honfroy, flls d'Honfroy de Toron. 

4. Endroit situé sur la route qui traverse le Haurân et qui mène de Damas 
au territoire de Tibériade. 

5. Je donne ici quelques détails sur la citadelle, les fortifications et la 
grande mosquée d'Alep, d'après la Description topographiqtte d*Alep et de ses 
environs (ms. ar. n» 1683). Quoique cet ouvrage ait des prétentions plus 



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'40 . KÀMÀL-ÀD-DÎK' 

aussi dails ce nïêtrie lieu la môh de Madjd-ad-Dîiï-ibn-ad:-- 
Dâyâh, son frère de lait, qui était survehûel au- mois^^ dre 



modestes que le Khitat de Makrizl ou la Description de Damas', il n'en donne 
paâ moins surtoute cette partie de l'Asie antérieure de» renseignements fort 
curieux. Fol. 167 r. La citadelle d'Alep passait pour une dés trois merveilles du 
monde; le fleuve d*or qui coiile non loin de la ville en éj;ait une autre. Le mur 
d'enceinte de la ville avait 128 tours, le circuit de la citadelle -6625... Fol. 172 r. 
Le premier qui la construisit fut Mikhaiil, d'autres disent le roi Séleucus (voir 
ci-dessus, p. 14, n. 2). Quand Aboû-'Obaîdah s'empara d'Alep, les murs de la 
citadelle venaient d'être réparé» après un violent tremblement de terre arrivé 
avant la conquête et qui avait jeté à terre les murs de la ville et de la cita- 
delle. En l'an 406 (1015) l'une des tours est incendiée. Ces fortifications (fol. 7,r.) 
étaient passées en proverbe dans l'antiquité. Quand Khosrav-Anoshîrvân 
s'empara de cette ville, il reconstruisit la partie écroulée d«s murs en briques 
persanes, dans la portion de l'enceinte située entre la porte des Jardins (&a6- 
al'djinàn, cf. au Caire la porte hâh-al-farâdis) et la porte de la Victoire {fiâb- 
an-nanr), et les .princes de l'Islamisme refirent les tours des murailles. Quand 
le takafoûr (cf. ci-dessus, page 514, n. 2) le roi de Roûm assiégea la ville 
d'Alep et la détruisit en l'an 351 (au mois Dhoû'lkaadah) de l'hégyre (963), 
le prince Saîf-ad-Dîn-Daûlah se sauva de la ville et le takafoûr s'en empara. 
Tout ce qui était dans la place fut tué. Saîf-ad-daûlah rentra dans la ville et 
en fit rebâtir les murailles en l'an 353 (965). Son fils Sa'ad-ad-Daûlah continua 
l'œuvre inachevée de son père. Les Banoû-Mardâsh firent des constructions 
à Alep quand ils s'emparèrent de la ville, comme firent ceux qui régnèrent 
après eux, ainsi Kasîm-ad-Daûlah-Ak-Sonkor et son fils l'atâbek 'Imâd-àd-Dîn- 
Zangî. Son fils Noûr-ad-Dîn Mahmoud y bâtit un avant-mur... Le commence- 
ment de cette construction fut en l'an 535 (1141). Quand âth-Thâhir-Ghyâth- 
ad-Dîn-Ghâzî arriva à la royauté d^Alep, il ordonna de bâtir un mur depuis 
la porte des Jardins {bâb-al-djinân) jusqu'à la porte de la Victoire. Il ordonna 
aussi de creuser un fossé et cela en l'an 592 (1196); il commanda de même de 
relever l'avant mur que Noûr-ad-Dîn avait fait bâtir et de rebâtir le mur d'en- 
ceinte et les bastions La Djami' pu grande mosquée d'Alep n'était pas 

moins célèbre que ses fortifications. On lit au fol. 23 v. : « La mosquée djâmi' 
était bâtie dans un jardin à la place d'une église fort grande qui existait à 
l'époque de l'empire grec. Cette église était consacrée au vocable d'Hélène 
{Hêlânah)^ la mère du grand empereur Constantin (Rostantin). La djâmi' 
d'Alep, suivant la même autorité, était identique à la djâmi de Damas pour 
les revêtements d'or, de marbre coloré et de mosaïques. J'ai entendu dire que 
Solaiman, fils d' A bd- Allah, l'avait construite et que cette mosquée comme celle 
de Damas était une des merveilles du monde. Fol. 24 v. « La djâmi' fut incen- 
diée par le Takafoûr (le souverain byzantin) quand il entra à Alep en 351. 
Quand Saïf-ad-Daûlah rentra dans cette ville il rebâtit une partie de la mosquée. 
Dans la coupole il y avait un bassin à ablutions en marbre blanc de toute 
beauté. »> Après plusieurs embellissements, « quand vint la quatrième nuit 
4u mois, le 27 Shawwâl de l'an 574, sous le règne de Malik-an-Nâsir-Màh- 
moûd, les Ismaïliens l'incendièrent. Les bazars qui étaient autour de la mosr 
quée furent la proie des flammes. Noûr-ad-Din mit tous ses soins à la rebâtir. » 
Comme tant d'autres chefs-d'œuvre de l'art musulman de la bonne époque, 
comme la splendide mosquée de Damas, la djâmi* d'Alep fut détruite par les 
Tatars et leurs alliés... Fol. 25 r. : « Elle fut incendiée à l'époque des Tatars 
^n l'an 669. A cette époque Karâ-Sonkor était naïb (gouverneur) d'Alep . Elle 
fut rebâtie et terminée au mois de Radjab 684, le kadi Shams-ad-Dîn-Ibn-Sakr 

d'Alep présida à sa reconstruction » Fol. 27 r. « Quand les Tatars se furent 

emparés d'Alep, le dimanche dixième jour du mois de safar de l'an 658, le 
roi de Sis (le roi de la p^ite Arménie) entra dans la grande .mosquée et y 



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HISTOIRE? T)*ALKP ^41 

Ramadan de Fàn 565: Noûr-ad-Dîn retourna alors à'Alép et 
vit que les murailles de la ville et ses marcliés étaient ruinés. 
Jl campa ea dehors.de la ville et donna oindre dé reconstruire 
toute: l'enceinte fortifiée^ et de bâtir aussi une seconde enceinte 
<!Oilcérttrique autour de la ville, ce qui forma une double for- 
tiftcation. Ses lieutenants firent restaurer les citadelles et les 
forteresses qui avalent été ruinées, Ba'albèk, Homs, Hamah, 
Bâraîîi * et autres. Noùr-ad-Dln entreprit alors uiie sortie 
iîontre Tell-Bâshir, et il y reçut la nouvelle, de là mort.de son 
frère Kotb-ad-Dîn, survenue à Mauçil au mois dé Dotf 1- 
^hydah. Kotb-ad-Dîn avait d'abord indiqué comme son suc- 
:cesseur^ son fils aîné, 'Imâd-ad-Dîn-Zangî qui était très disposé 
à obéir à Noûr-ad-Dîn, par suite du long séjour qu'il avait fait 
chez lui et dû mariage qu'il avait contracté avec sa fille. Mais 
Fakhr-ad-Dîn-' Abd-al-Masîh et la Khâ4;oûn, fille de Timourtâsh *- i82 v. 
ibn-Ilghâzî % épouse de Kotb-adr-Dîn, mère de Saîf-ad-Dîn- 
Ghâzî-ibn-Kotb-ad-Dîn, se réunirent tous deux pour forcer 

massacra une foule de gens, il y mit le feu du côté de la kiblah (le point vers 
lequel on se tourne pour faire Ja prière^ dans la direction de la Mecque). 
*Imâd-ad-Dîn-al-Kazwînî informa Houlâgoû du vandalisme qu'avaient commis 
les gens de Sis. Le conquérant tartare en fit mettre à mort un nombre con- 
sidérable »... Fol. 27 V. « Op ne pouvait venir à bout d'arrêter l'incendie. Allah 
envoya alors une pluie abondante qui éteignit le feu. » La mosquée de Damas 
^ut moins heureuse. — Asad-ad-Dîn-Shirkoûh-ibn-Shâdî, dont il est souvent 
question dans cette histoire, fit bâtir une autre mosquée djàmi* en face de la 
grande mosquée bâtie par Solaîman às-Solaimàni, et à côté il fit élever son 
tombeau où il fut inhumé dans la suite. — On pourra voir dans Quatremère 
(Histoire des sultans mamlouks, t. II. Appendice à la l*"® partie, pp. 262-288), 
une» description de la grande mosquée de Damas, tirée de Mohammad-ibn- 
Shâkir. Les deux édifices ayant été construits parle môme prince et avec les 
mômes ornements ; la description très complète de la djàmi' de Damas, donnée 
dans cet endroit, pourra donner une idée de celle d'Alep. 

1. C'est, dit Yakout (Mo'djem, t. I, p. 465), une ville que l'on appelle aussi 
Ba'rain, entre Alep et Hamâh du coté de l'Occident. Suivant la même autorité, 
Ba'rin est une petite ville entre Homs et le Sâhil (t. I, p. 276). C'est la même 
ville que Bàrain. 

2. Timûrtâsh signifie en turc oriental « pierre de fer ». Plusieurs noms 
propres mongols sont composés avec des noms de métaux : Altotm-tash 
« la pierre d'or », Timurboghâ, AltoûnboghA, Mankkoutîmoûr^ Djintîmoûr, 
etc. Ce nom de Timûrtâsh se retrouve dans le nom Démir-tâch d'un château 
où fut enfermé Charles XII en Turquie avant d'être transféré à Démotika 
(1712). Il est à remarquer que le nom écrit en turc oriental Tîmûr, et qui 
était porté par le prince que nous appelons Tamerlah, était déjà devenu Ternir 
à son époque, comme le prouve la transcription Ternir bey employée dans les 
K Ordonnances Temir Bey », publiées par M. Moranvillé (Bibliothèqtie de VÉcole 
des chartes, t. LV, an. 1894, pp. 441-464). On y lit (p. 444) : « Et est dit de temir 
qjai vault autant à dire comme fer ». C'est déjà le turc demir. 

3. Le « héros ^errier » (de Slane, Hist^ orient, des croisades, t. I, p. 831), 



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42 KAMAL-AD-DÎN 

Kotb-âdrDîn à changer le testament qu'il avait fait en faveur 
Ae son flis Imâd-ad-Dîn-Zangî, ^t en faire un nouveau pour 
Saîf-ad-Dîn-Ghâzî. Alors Imâd-ad-Dîn se rendit auprès de son 
oncle, et lui demanda protection pour reconquérir son trône. 
Noûr-ad-Dîn se mit aussitôt en campagne, en Fan 566 \ tra- 
versa FEuphrate non loin de la citadelle de Dja'abar au com- 
mencement du mois de Moharram, puis il vint attaquer Rakkah 
dont il s'empara après l'avoir assiégée. Puis il se rendit dans 
la province d'al-Khâboûr ^ et la prit complètement, ainsi que 
dé la ville de Nisîbîn \ Noûr-ad-Dîn séjourna quelque temps 
dans cet endroit avec toute son armée. Le plus grand nombre 
de ses troupes se trouvait à cette époque occupé en Syrie à 
combattre les Francs. Quand toute son armée fut réunie autour 
de lui, il marcha sur la ville de Sindjâr, y mît le siège et 
dreësa contré elle ses machines de guerre. 11 s'empara de cette 
ville et en confia la garde à Imad-ad-Dîn-Zangî, son neveu. 
Il lui arriva dans cet endroit des lettres des émirs qui demeu- 
raient à Maûçil, qui lui offraient de se soumettre à son autorité 
et le priaient de hâter sa marche. Noûr-ad-Dîn se mit alors 
en marche pour Maûsil ; Saîf-ad-Dîn-Ghâzî et 'Abd-al-Masîh 
avaient envoyé Izz-ad-Dîn-Mas'oûd-ibn-Kotb-ad-Dîn vers 
l'atâbek Shams-ad-Dîn-Ildigiz, prince de l'Adarbaîjân et d'is- 
bahân *, pour qu'il leur portât secours contre Noûr-ad-Din. 
lldigiz envoya alors un député vers ce prince pour lui défendre 



1. Suivant Abou'l-mahâsin, Histoire d^Égypte (ms. ar. 1780, fol. 46, r; v.). 
Cette année Noûr-ad-Dîn-Mahmoûd va de Damas à Mausil, et remet cette 
place au fils de son frère •Imâd-ad-Dîn-ibn-Zangî, après des affaires arrivées 
entre lui et entre Fakhr-ad-Dîn-'abd-al-Masih. Cette même année, au mois de 
Djoumâda deuxième, Salah-ad-Dîn-Ioûsouf-ibn-Ayyoûb se mit en campagne 
avec l'armée d'al-'Adad vers la Syrie;, il se dirigea vers Ghazâ, 'Askalân, 
Ramlah. Il marcha contre Ailah. Il y aVait là une citadelle dans laquelle 
se trouvaient des Francs. La flotte vint le rejoindre par mer; il s'empara de la 
citadelle, tua ceux qui s'y trouvaient, puis il y mit une garnison et y laissa 
des munitions. Cette même année mourut le khalife al-Mostandjid-billah- 

Abou'l-Mothaffar-Ioûsoûf-ibn-al-Moktafi-bi-amr-AUah-Mohammad il était 

né en 518. Sa mère s'appelait Tavoûs Kurdjieh, « le paon géorgien ». 

2. Nom de province, c'est le nom d'un grand cours d'eau qui se jette dans 
l'Euphrate. 

3. C'est une ville prospère du pays de Djézireh. Entre cette ville et Sindjâr 
il y a 9 farsakhs; entre elle et Mausil il y a six jours, entre elle et Donaisir 
il y a deux jours, ce furent les Roumis qui la construisirent et Anoûshîrvân 
qui la termina. 

4. Ville de Perse. Ce nom est en pehlvi Sfahân ; en persan, par suite de 
l'arabisation, Isfahàn et quelquefois en poésie Sefahân. 



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Histoire d'alep 45 

d'attaquer Maûçil ; mais Noûr-ad-Dîn le renvoya avec cette 
réponse : « Je vaux mieux que toi pour les enfants de mon frère; 
aussi ne viens pas fintroduire dans cette affaire. Dès que j'aurai 
mis ordre aux affaires de leur royaume, j'aurai avec toi une 
entrevue à la porte de Hamadhân. Tu es le souverain d'un 
royaume immense, et tu en délaisses les frontières au point qUe 
les Kurdjes (les Géorgiens) s'en sont emparés. Moi, au con* 
traire, qui ai eu des revers, moi dont le royaume est à peu prés 
le quart du tien, j'ai combattu avec les Francs, je leur ai pris 
la plus grande partie de leur royaume, et j'ai fait leur roi pri* 
sonnier. » Et il resta devant Maûçil. Les émirs de cette ville mr. 
avaient l'intention de se révolter ouvertement contre 'Abd-al-* 
Massîh et de livrer la place à Noûr-ad-Dîn. ll('Abd-al-Ma88îW 
l'apprit et envoya auprès de Noûr-ad-Dîn pour lui offrir de 
lui livrer la ville, à la condition qu'il en conflrmerait la pos- 
session à Saîf-ad-Dîn. Il demanda pour lui-même une amnistie 
et la permission d'accompagner Noûr-ad-Dîn en Syrie 04 ce 
dernier lui donnerait n'importe quel flef il voudrait. Noûr-ad* 
Dîn s'empara alors de la ville, et y laissa Saîf-ad-Dîn-6hâzî^ 
puis il s'en retourna à Alep, où il entra au moisdeSha'abân 
de la même année. Il écrivit ensuite à al-Malij£**an-Nâ$ir- 
Salâh-ad-Dîn pour lui ordonner de ne plus faire la Khotbah au 
nom d'al-'Adad, mais au nom d'al-Mostadi, le khalife abba- 
side. Salâh-ad-Dîn refusa et s'excusa en alléguant sa crainte 
de voir la population de l'Egypte se soulever contre lui. En 
réalité, il préférait ne pas faire cesser la khotbah au nom d'al- 
'Adad en Egypte par crainte que Noûr-ad-Dîn n'envahît 
l'Egypte et ne la lui arrachât. Il refusa parce qu'al-'Adad et la 
population du pays étaient avec lui. Mais Noûr - ad-Dîn ne 
voulut pas admettre cette excuse et réitéra ses ordres. Le 
khalife al-'Adad était malade à cette époque, on fit alors la 
khotbah en Egypte au nom d'al-Mostadi. Al-'Adad mourut 
sans savoir qu'on avait cessé de faire la prière à son nom. 
D'autres personnes disent qu'il l'apprit avant de mourir. Ces 
événements se passèrent en l'an 567. 

Puis al-Malik-an-Nâsir sortit de Misr pour faire une cam- iss v, 
pagne, il vint camper devant la citadelle de Shaûbak * et l'in- 

1. Voir dans Quatremère {Histoire des sultans mamUmkSy t. II, part^ I, 



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4^ • katAal-ad-dîn- 

tvéstit. Les défenseurs démaiidèrent alors un armistice dé: dix 
jours.: Quand Noûr-ad-Dîn eut appris cette nouvelle; il sortit 
iierDâmas et entra dans le pays des Francs du côté <>pposé. 
On dit à al-Malik-an-Nâi^ir : « Si. Noùr-ad-Dln attaqué des 
Francs de son. côté et toi .dû tien, il s'emparera de leur pays, 
et il t'enlèvera la souveraineté d'Egypte. S'il vient te rejoindre, 
tu seras forcé.dè t'unir A lui et il ne te restera aucune auto- 
rité. Le mieux à faire, c'est deiretourner en Egypte. » Salâh- 
ad-Dîn leva >lors le. siège de Shaûbak pour revenir eii 
Egypte, n écrivit â Noûr-ad-Dîn pour s'excuser en alléguant 
Al le relâchement des affaires d'Egypte et sa crainte des Schiites 
qui préparaient un soulèvement dans Le pays. Noûr-rad-Dîn 
ne voulut pas admettre cette excuse, changea de sentiments 
vis-à-vis :de Salâh-ad-Dîn et pensa â envahir l'Egypte. Al- 
Malik-an-Nâçir en fut informé ; il réunit alors son père Na:djm* 
ad-Dîn, son oncle Shihâb-ad-Din-Takî-ad-Dîn-'Oîûar:èt autres 
émirs. Il leur fit connaître les intentions de Nôûr-ad-Dîn et 
leur demanda leur avis. Aucun d'eux né répondit. Takî-ad- 
Dîn-'Omar se leva alors et dit. « Si Noûr-ad-Dîn vient nous 
tr-ouVer, nous le recevrons les armé^ â la main* » Plusieurs 
applaudirent. Mais Nadjm-ad-Dîn-Ayyoûb, père d'al-Mâlik- 
an-Nâ§ir les désapprouva et dit à son fils : « Je suis ton père 
et voici ton oncle Shihâb-ad-Dîn, nous sommes tes meilleurs 
amis parmi toutes les personnes que tu vois; mais, par Allah! 
si .moi ou ton oncle nous voyions Noûr-ad-Dîn, nous irions 
immédiatement baiser la terre devant lui, et, s'il nous comman- 
dait de te trancher la tête, certes nous le ferions. Si telles 'sont 
nos dispositioûs, pense quelles sont celles des autres. Tous 
ceux qui sont ici auprès. de toi pensent ainsi. Ce pays appar- 
ia* p. tient à Noûr-ad-Dîn, nous sommes ses mamlouks et nous gou- 
yernons en son nom. S'il t'enôtait le. gouvernement, nous 
lui obéirions et nous nous soumettrions à sa volonté. Mon 
avis est que tu lui écrives une lettre respectueuse dans 
laquelle tu lui diras : « J'ai appris que tu voulais te mettre 
en marche pour entrer en Egypte, ce n'en est pas la peine. 
Envoie-moi seulement un de tes esclaves qui m'attachera une 



pp. 236-246), une étude très complète sur cette viUe, ainsi que toutes les formes 
(iouà . lesquelles ,les chroniqueurs occidentaux ont transcrit ce noml ' . - 



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serviette autour <iucoii et (Jui m'àmêriera ainsi vers toL » lls^ 
se séparèrent ensuite. Quand Na(^jm-ad-Dîn-Ayyoûb et al- 
Malik-an-Nâ^r furent seuls, Nadjm-ad-Dîn lui dit : « Comment^ 
as tu pu faire une pareille chose? Ignores-tu que le jour où- 
Noûr-ad-Dîn apprendra que nous avons Tiiitention de lui- 
résister et de le combattre, il dirigera toutes ses forces contre 
nous, et que ce jour-là, iï nous sera impossible de lui résister. 
Si, au contraire, il apprend que nous lui obéissons, il s'occu- 
pera à autre chose. Le destin est dans la main d'Allah. Màis,> 
par Allah! si Noûr-ad-Dîn voulait prendre seulement une de 
nos cannes à sucre, je combattrais contre lui jusqu'à ce que' 
je Fen aie empêché où qu'il m'ait tué. » Il fit ce que son père 
lui avait conseillé; aussi Noûr-ad-Dîn abandonna son plan et- 
s'occupa à autre chose. Il se mit en campagne avec son armée, 
s^'empara des forteresses de Irkah, Saflthâ, 'Oraîmah, sac- 
cagea et ruina le pays des Francs, puis conclut la paix avec 
eux. Les Francs se rendirent après ces événements sur le. 
territoire du Haurân, en Tan 568*, pour y faire la guerre. 
Noûr-ad-Dîn, marcha contre eux, et vint camper à 'Ashtar^, 
puis il envoya ses troupes dans la province de Tibériade, où 
ellesflrent un butin considérable. Après quoi son armée s'en 
retourna. 

Noûr-ad-Dîn avait à sa cour Malîh-ibn-Lâon *, roi d'Ar- 
ménie, auquel il avait conféré un flef pris sur les terres de 
l'Islamisme, et Malîh l'avait suivi dans plusieurs campagnes. 



1. Suivant Abou'l-mahâsin, Histoire d* Egypte (ms. ar. 1780, fol. 68 r.) 
< Cette année, al-Malik-al-*Adil-Noûr-ad-Dîn-Mahmoûd, prince de Damas, 
se rendit à Maûsil, il alla à la mosquée qu'il y avait bâtie et y dépensa en 
aumônes une somme fort considérable. Quand Salâh-ad-Dîn sut que Noûr-ad- 
Dîn était allé .à Maûsil, il sortit de Misr avec son armée, et se rendit en Syrie;- 
il vint mettre le siège devant Karak et Shaûbak, dont il ravagea le territoire.: 
Ce fut le commencement des luttes de Salâh-ad-Dîn. Cette même année 
mourut rémir Nadjm-ad-Dîn-Ayyoûb-ibn-Shâdî-ibn-Marvân, père du sultan 
Salàh-ad-Dîn. C'était un homme intelligent, ferme, courageux, libéral et> 
généreux envers les pauvres et les humbles. Il aimait les gens pieux. 
La cause de sa mort fut la suivante : il monta un jour à cheval et sortit 
par la porte de la victoire (Bâb-an-Nasr), pour se rendre à l'hippodrome. Son 
cheval se cabra, et il tomba sur la tête. Il vécut huit jours et mourut dans la 
nuit du mardi 27 Dhou'l-hidjah. Il fut inhumé auprès de son frère Asad-ad- 
Dîn Shîrkoûh dans le palais royal (dâr-as-Saltânah). Quelques années plus 
tard son corps fut transféré à Médine. Son fils Salâh-ad-Dîn revenait de KaraJt 
quand il apprit la nouvelle de la mort de Nadjin-ad-Dîn, il regretta amère- 
ment de ne pas avoir été alors en Egypte. » f 
' 2. Sur Malîh-ibn-Lâon, voir plus haut, p. 31, n. 2. ^ ^ . _ i 



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46 KAMAL-AD-DÎN 

Cette année, Nôûr-ad~Dîn lui confia une partie de son armée, 
avec laquelle Malîh attaqua Adhanah \ Tarsoûs ^ Ma§îsah \ 
qu'il conquit sur le sultan du pays de Roûm. Il envoya à 
lîîQûr'^ad-Dîn une grande partie de son butin et trente pri- 
sionnieys choisis parmi les grands personnages du pays de 

184 V. . Çil^dj-Arslftn attaqua Dhotl'1-noûn-ibn-ad-Dânishmand, 
prince de Malatyah, et de Sîvâs, s'empara de son empire 
et rea chassa. Ce prince vint alors implorer la protection de 
Noûr-ad-^Din. Celui-ci lui prodigua de nombreuses marques 
d'honneur et envoya prier Kilidj-Arslân de lui rendre ses 
Étatç; mais Kilidj-Arslân n'en fit rien. Notir-ad-Dîn marqha 
silors contre ce dernier, s'empara de Kaîsoûm, Bahasnâ *,, 



1. Adhanah. Nom d'une ville des frontières prês de Masîsah, ville célèbre 
qui a donné naissance a beaucoup de savants. 

2. Suivant la Description d'Alep (manuscrit arabe 1683, fol. 68 r.) « On lit 
dkQXi^ Y Abrégé des pays : C'est une ville entre Antioche et Alep, et le pays <ies 
Roûmis. Entre cette ville et Adanâh il y a six farsakhs... Ibn-Schaddad, dit : 
C'est une ville ancienne, construite par les Grecs, et que l'on appelait ancien- 
nement Abàrsin ; on lui donna ensuite le nom de Tarsoûs... « Haroûn-ar- 
Rashid la rebâtit en 170, elle avait été ruinée auparavant. Ses habitants 
entrèrent dans le sein de Tislamisme après, la prise d'Antioche. Cette place 
avait deux enceintes, un large fossé et six portes dont quelques-unes sont 
blindées en fer, d'autres sont en fer massif. Le nombre des créneaux du mur 
qui entoure la ville çst de huit mille, il y a cent tours. Entre cette ville et le 
pays de Roûm, il y a des montagnes qui se ramifient en collines ; ce sont 
les montagnes qui dominent Antioche, Masîsah, Tarsoûs, et les frontières..... 
Entre la ville de Tarse et la mer, il y a 12 milles. » — On sait que cette villç 
est sur la rive droite du fleuve Rarâ-Soû (eau noire). On lit dans Marino 
Sanuto {Sécréta fldelium crucis, éd. Bongars, p. 140) : « ...Tarsum, unde apos- 
tolus Paulus traxit originem. Hanc civitatem fundavit Tarsis, qui fuit filius 
lavan, filii laphet, filii Noë. Gen. 10. » 

3. Masisah. La Malmistra des écrivains latins ; en arménien Msis. Suivant la 
Description d*Alep (ms. ar. 1683, fol. ^7 r.) : « ce nom comprend deux villes ; 
entre les deux «ouïe le fleuve Djîhan, la ville occidentale est Masîsah, la ville 
orientale Kafr-bîà, on l'appelait la petite Bagdad (Baghdâd as^Soghrâ). Ibn- 
abi-Ia'koûb dît : « Elle fut construite par al-Mansoûr durant son khalifat. C'était 
avant lui un simple poste. Al-Mamoûn bâtit Kafr-bîà ; le fleuve Djihân coule 
entre les deux places ; sur ce cours d'eau il y a un pont ancien, grand et bâti 
en pierres. »» Suivant le même auteur, la citadelle de Masîsah fut bâtie sous le 
règne d"Abd-al-Malik-ibn-Marwân ; il y avait une église qu"OmarTibn-'Abd- 
al-*Azîz détruisit. Ce personnage fit construire une mosquée djâmi' pour les 
gens du pays dans les environs de Kafr-bîâ. Hishâm-ibn-'Abd-al-Malik cons- 
truisit le faubourg de la ville qui souffrit du tremblement de terre de l'an 140. 
On cite encore al-Mansoûr et al-Mahdî comme constructeurs de cette ville ; 
ar-Rashîd y construisit un fossé. Elle fut prise aux Musulmans en 354 de 
l'hégire par le takafoûr. 

4.. Bahasnâ est, suivant la Description d'Alep (ms. ar. 1683, foL 64 v.), « le 
nom d'une grande citadçlle fortement défendue, qui possède un grand fau- 
bourg. La population se compose de Musulmans et d'Arméniens. Autour de 



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HISTOIRE d'ALEP 4? 

Mar'ash, Marzbân \ 

Il s'empara de Mar'ash au commencement du mois de.: 
Dhoû'l-ka'adah et du reste ensuite. Puis il envoya un détache- 
ment de son armée à Sîvâs, dont il s'empara. Après ces vic- 
toires, Kilidj-Arslân lui envoya demander la paix. Sur ces 
entrefaites Noûr-ad-Dîn recevait des nouvelles des Francs 
qui Finquiétérent ; aussi conclut-il la paix avec Kilidj-Arslân. 
Sîvâs fut donnée à Dhoul-no'ûn, avec qui resta un détache- 
ment de l'armée de Noûr-ad-Dîn, qui posa comme condition à 
Kilidj-Arslân de l'aider du secours de son armée dans la 
guerre contre les infidèles. 

Noûr-ad-Dîn et Salâh-ad-Dîn s'étaient concertés sur le plan 
de cette expédition, et ils fixèrent un jour pour livrer bataille 
aux Francs. Celui qui arriverait le premier au rendez-vous 
devait rester en observation et attendre l'autre jusqu'au 
moment où celui-ci le rejoindrait. Salâh-ad-Dîn arriva le pre- 
mier, se rendit devant Karak et y mit le siège. Noûr-ad-Dîn 
vint ensuite et se rendit à ar-Rakîm ^ Il se trouvait à deux 
étapes de Karak quand Salâh-ad-Dîn prit peur. Il était d'avis 
de retourner en Egypte et ceux qui l'entouraient s'accordaient 
avec lui, car ils savaient bien que si les deux armées opé- 
raient leur jonction, Noûr-ad-Dîn aurait la possibilité de 
retirer le gouvernement de l'Egypte à Salâh-ad-Dîn. Il 
retourna donc en Egypte et envoya le jurisconsulte Isa à 
Noûr-ad-Dîn pour s'excuser de son départ en lui donnant, 
comme raison qu'il avait laissé son père Nadjm-ad-Dîn-Ayyoûb 



cette ville se trouvent des jardins et des cours d'eau; elle est limitrophe du 

pays des Arméniens *Izz-ad-Din Mas'oûd-ibn-Kilidj-Arslân-ibn-Solaîmân- 

ibn-Kutlmusch s'empara de Bahasnâ parmi les villes arméniennes en Tan 545, 
et elle resta entre les mains de ses lieutenants jusqu'au mom^t où Noûr-ad- 
Dîn s'en empara en l'an 550. Puis Kilidj-Arslân rentra en sa possession, et 
elle resta en son pouvoir jusqu'en 568. Noûr-ad-Dîn attaqua alors les pays du 
nord contre Kilidj-Arslân. La paix se conclut entre les deux princes à la con- 
dition qu'il lui livrerait Bahasnâ, ses environs et ses forteresses. » Le nom 
de cette ville correspond au syriaque Beit Hasnâ. Il ne faut pas confondre 
cette place avec une autre qui n'offre qu'une légère différence de nom, la ville 
de Baîinasâ, sur laquelle existe un roman historique arabe intitulé le Livre de 
la conquête de Bahnasâ, 

1. Marzbân, nom d'une place forte située près d'une rivière du même n.om 
qui coule vers l'est et se jette dans l'Euphrate près Kal'at-ar-Roûm (De Slane, 
Hist. orient,, I, p. 845). 

. 2. Ar-Rakîm. Il y a un endroit nommé Rakîm, à deux journées au nord de 
Karak. 



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48 l^AM AL-Àt)-DÎN i 

pour le représenter, qu'il avait appris que cèïui'Ci 4â;ait tombé- 
malade, et qu'il craignait qlie, 'Son père venant à mourir, 
le pays n'échappât à son 'autorité. En' réalité, Nadjm-ad- 
Dîn n*ét ait point malade J S*alâh-ad-Dîn envoya av^c le juris-^ 
côiisùlte -Isa' des cadeaux- et de splendîdes présents. ^Isâ 
se rendit alors auprès de Noûr-ad-Dîn, auquel il remit la» 
lettre de Salah-ad-Dîn. Cela fâcha vivemèût Noûr-ad-Dîn,» 
mais il n'en voulut rien laisser pa:raître et dit : « La conser- 
vation de l'Egypte est ce qu'il y a de plus important pour: 
nous. » ' ; : ' ■ 

Quand Salâh-ad-Dîn arriva au Caire, il apprit que son 
père était tombé de cheval, qu'il avait vécu quelques jours 
encore après cet accident, et qu'il était 'mort durant, son 
absence, le 27^ jour du mois de Dhoûl-hïdjah de l'aii 568.: 
Salâh-ad-Din avait grand peur que Noûr-ad-Dîn n'entrât eri^ 
Egypte ^t ne lui enlevât cette province! 11 se mit alors à: 
chercher un autre royaume qui lui servirait de refuge à lui 
et à sa famille si Noûr-ad-Dîn l'en chassait. Il envoya donc 
son frère aîné Toûrânshâh *, avec la permission de Noûr-ad- 
Dîni contre 'Abd-an-Nabî-ibn-Mahdî, qui s'était rendu indé- 
pendant et qui avait interdit de faire la khotbah au nom des 
Abbasides. Toûrânshâh marcha contre lui, s'empara de Zabîd ^ 
d''Adan ^ et de la plus grande partie du Yémen. Salâh-ad-Dîn: 
gardait toujours des marques extérieures d'obéissance aux 
ordres que lui adressait Noûr-ad-Dîn. Et cela dura jusqu'au 
moment où Noûr-ad-Dîn tomba malade d'une maladie de la 
gorge à Damas, où il mourut le mercredi 11 du mois de 
Shavâl de l'an 569*, au moment, où il se préparait à marcher 
contre rÉgypte. 



: 1^ Toûrânshâh est un composé persan signifiant « roi du Toùrân »>, de Toù- 
rân désignant, aux époques anciennes de la Perse, le pays appelé aujourd'hui 
Turkestàn, et habité par des populations d'origine tartare qui furent souvent: 
en lutte avec la Perse. Le Shâh-nâmah (Livre des Rois), est composé, en 
grande partie des luttes épiques entre Iran et Toùrân. On trouve même cette 
opposition entre Iran et Toùrân, jusque dans la célèbre chronique persane du 
vizir du sulta,n mongol Ghâzân, Rashîd-ad-Dîn. . 

2. Zabid, nom d'une ville du Yémen, sur le bord de la mer Rouge. 

3. C'est la ville bien connue d'Adén. 

/4. Voici j comment Abou'l-mahâsin (ms. ar. 1780, fol. 69 r.) raconte ces 
événements : « Salâh-ad-Dîn écrivit à Noûr-ad-Din pour lui demander la per- 
mission de faire entrer ses troupes dans le Yémen. Noûr-ad-Dîn le lui permit. 
Salâh-ad-Dîn envoya alors son frère Shams-ad-Daoûlah-Toûrânshâh-ibn- 



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HISTOIRE D*ALEP • ^ 49 

Il avait fait circoncire son fils al-Malik-as-Sâlih-Isma'îl, à 
Damas, le 5 du mois de Shawâl, et il dépensa de fortes 
sommes d'argent en aumônes et pour acheter des habits aux 
orphelins qui avaient été circoncis en même temps que son 
fils. Son royaume était étendu au point que Ton récitait la 
khotbah en son nom dans les deux villes saintes et nobles 
et dans la contrée du Yémen qui avait été conquise par 
Shamsh-ad-Moloûk. La ville d'Alep fut prospère sous son 

règne à cause de sa justice et de sa bonne conduite i85v. 

Son fils al-Malik-as-Sâlih régna après lui. Il avait onze ans. 
Les émirs lui prêtèrent serment de fidélité à Damas, et al- 
Malik-an-Nâsir-Salâh-ad-Dîn fit faire la khotbah en son nom 



Ayyoûb dans ce pays. Celui-ci se mit en marche. Il y avait alors dans le 
Yémen *Abd-an-Nabi (le serviteur du prophète) ibn-Mahdî, c'était un homme 
violent et téméraire. Shams-ad-Daûlah-Toûrânshàh vint Tassiégrer dans sa 
capitale Zabid, jusqu'au moment où 'Abd-an-Nabî demanda à capituler. Toû- 
rànshâh refusa. Quand •Abd-ad-Nabî se rendit à lui, il le fit enchaîner et 
tous ses compagnons avec lui. II s'empara ensuite de la ville de Sana'a et de 
nombreuses forteresses et villes du Yémen. On dit qu'il conquit quatre-vingts 
forteresses et villes et qu'il s'empara de l'argent et des approvisionnements 
qui s'y trouvaient. *Abd-an-Nabî fut mis à mort. Saîf-ad-Daûlah-Moubàrak- 
ibn-Sonkor fut investi du commandement de la place de Zabid, et 'Izz-ad- 
Dîn-Othmân-ibn-az-Zandjîlî, du gouvernement de tout le reste du pays. Cette 
même année Salâh-ad-Dîn fit prisonnier plusieurs des grands personnages 
de la dynastie des 'Obaidites, comme le grand missionnaire (dà'â-ad-do'àh) 
•Qumârah le Yéménite, et d'autres. Il avait entendu dire que ces gens se réunis- 
saient pour soulever des troubles, qu'ils s'étaient arrangés avec les nègres et 
qu'ils entretenaient une correspondance avec les Francs. Le grand missionnaire 
fut tué et 'Oumârah le Yéménite fut mis en croix. Le kâdi Shams-ad-Dîn-ibn- 
Khallikàn dit que ce personnage s'appelait Aboû-Mohammad-'Oumârah-Aboû'I- 
Hasan-' Ali-ibn-Zaîd-ibn-Badràn - ibn-Ahmad - ibn - Mohammad-al-Halabî-ai- Ya- 
mani. Cette année (f. 69, v.) mourut le sultan al-Malik-al-'Adîl-Noûr-ad-Dîn- 
AboûI-Kâsim-Mahmoûd-ibn-Zangî-ibn-Ak-Sonkor, prince de la Syrie et de 

l'Egypte, connu sous le nom de martyr. Ibn-*Asâkir dit : Il naquit en 511 

et durant le temps de son règne s'empara de plus de cinquante citadelles. 
Misr fut aussi au nombre de ces conquêtes ainsi que les pays dont s'empara 
Salàh-ad-Dîn... Il mourut le mercredi onzième jour du mois de Shavâl et fut 
inhumé dans la citadelle; plus tard, il fut transporté dans le collège qu'il 
avait construit près à'al-Khavâsînf à Damas. Il vécut cinquanterhuit ans et 
régna vingt-huit ans et sept mois. » Makrîzî. Kitâb-as-Soloûk (ms. arabe 1726, 
f. 19 r.) raconte les mêmes événements, à l'an 569. Le même auteur nous 
apprend que cette année, « le 6 du mois de Sha'bàn ; on emprisonna les en- 
fants et les parents d'al-*Adhad ». Suivant le même auteur, la mesure que prit 
Salàh-ad-Din contre les partisans des khalifes détrônés, fut motivée par une 
émeute qui se forma à l'arrivée d*un des fils d'aKAdhad. Beaucoup d'habi- 
tants du Caire conspirèrent contre lui, et correspondirent avec les Francs. 
Makrîzî cite parmi ces personnes, le kàdî al-Fadl-Dyà-ad-Dîn-Nasr-Allah- 
ibn-'Abd-AUah-ibn-Kâmil, le katib 'Abd- as-Sam ad ; le nom du dâH^ad-do'ah 
était *Abd-al-Hayyâr-ibn-'Isma'îl-ibn-'Abd-al-Rawî. 'Oumarah est l'auteur 
d'une intéressante histoire des vizirs d'Egypte, ms. arabe 2147. 



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50 . KAMAL-AD-DÎN 

en Egypte et lui députa un envoyé pour lui porter ses félici- 
tations et lui remettre des pièces de monnaie qui étaient 
frappées à son nom. Cet envoyé devait lui faire savoir qu'il 
était à ses ordres et que Ton ferait la Khotbah en Egypte en 
son nom. Quant à Alep, le gouverneur de la citadelle était 
Djamâl-ad-Dîn-Shâdbakht \ Feunuque, Flndou et affranchi du 
sultan Noûr-ad-Dîn. C'est cet officier qui bâtit le collège des 
sectateurs d'Aboû-Hanîfah à Alep. Il envoya une lettre, 
portée par un pigeon, au jeune prince pour lui apprendre la 
mort de son père. 11 ordonna immédiatement que Ton frappât 
les tambours, les timbales et que Ton sonnât les trompettes ; il 
fit venir les officiers supérieurs et les notables à Alep, ainsi 
que les hommes de loi, les émirs, et il leur dit : « 11 vient d'ar- 
river une lettre apportée par un pigeon qui nous apprend 
que notre maître al-Malik-al-'Adil vient de faire circoncire 
son fils, qu'il Ta institué son héritier et a marché devant lui ^ 
186 r. Tous se communiquaient leur joie à ce sujet et adressaient leurs 
louanges au Dieu très haut. Alors il leur dit : « Prêtez serment 
au fils de notre maître al-Malik-as-Sâlih, comme Ta ordonné 
al-Malik-al-'Adil, en tant que souverain d'Alep, et jurez-lui de 
lui obéir et d'être à son service comme vous avez fait vis-à-vis 
de son père. » 

Alors les différentes classes de peuple lui prêtèrent ser- 
ment... Le vizir d'al-Malik-al-'Âdil-Noûr-ad-Dîn, Mouvafflk- 
ad-Dîn-Khâlid- ibn-Mohammad-ibn-Na$r-ibn-Çaîsarânî était 
au Caire en qualité d'ambassadeur. Tout le monde tomba 
d'accord que l'on investirait du vizirat al-Malik-as-§âliti 
Shihâb-ad-Dîn- Aboû-Sâlih - 'Abd - ar-Rahîm - ibn-Aboû Jâlib- 
ibn-al-'Adjâmî, qui était le notaire du trésor de Noûr-ad-Dîn. 
Shams-ad-Dîn-'Alî, frère de lait de Noûr-ad-Dîn, frère de-Madjd- 
ad-Dîn, était au nombre des émirs les plus considérables de 
Noûr-ad-Dîn. Durant le règne de Noûr-ad-Dîn, il gouverna à 
Alep. 

Il se trouvait à Alep à l'époque de la mort de Noûr-ad-Dîn 

1. Composé persan signifiant « celui qui a une destinée heureuse. » 

2. C'était l'habitude que les sultans, qui avaient tout intérêt à faire recon- 
naître le pouvoir de leur fils de leur vivant, marchassent devant eux, en por- 
tant le ghashîah, insigne de la souveraineté, leur fils étant à cheval. Le sul- 
tan Bibars le fit pour son fils Berekeh-Khân. On en pourrait citer nombre 
d'exemples. 



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HISTOIRE d'aLEP 51 

ainsi que Sâbik-ad-Dîn-'Othmân et Badr-ad-Din-Hasan, ses 
deux frères. Shams-ad-Dîn fut investi du gouvernement d'Alep, 
et monta à la citadelle, dans laquelle il demeura avec Shâd- 
bakht, et Témir Badr-ad-Dîn-Hasan, qui avait été nommé chef 
de la police de la ville. Noûr-ad-Dîn avait envoyé à Maûsil et 
dans d'autres villes de son empire des ambassadeurs pour 
convoquer les troupes, sous prétexte de partir en expédition m v. 
contre les Francs, mais, en réalité, pour envahir FÉgypte. Saîf- 
ad-Dîn-Ghâzî se mit en marche avec Tarmée de Maûçil sous 
le commandement de Sa'ad-ad-Dîn-Kumushtakîn. Noûr-ad-Dîn 
avait anciennement placé ce personnage comme gouverneur 
de Maûçil, et ils étaient déjà à plusieurs étapes quand leur 
arriva la nouvelle de la mort de Noûr-ad-Dîn. Sa'ad-ad- 
Dîn-Kumushtakîn se rendit en grande hâte à Alep. Quand 
à Saîf-ad-Dîn il s'empara du pays de Djazîrah en totalité, à 
l'exception de la citadelle de Dja'abar. Alors Shams-ad-Dîn- 
'Alî-ibn-ad-Dâyâh écrivit à al-Malik-as-Sâlih pour le mander 
à Alep afin d'empêcher Saîf-ad-Dîn, le fils de son oncle, de 
s'emparer du pays du Djazirâh. Les émirs qui étaient avec 
lui à Damas ne purent Tempêcher de se rendre à Alep par 
suite de la frayeur qu'ils avaient que Shams-ad-Dîn-'Alî ne les 
mît en déroute. Shams-ad-Dîn-Mohammad-ibn-'Abd-al-Malik- 
ibn-al-Mokâddam était préposé au gouvernement de Damas, 
ainsi que Kamâl-ad-Dîn de Shahrzoûr, et un certain nombre 
d'autres émirs avec lui. Kamâl-ad-Dîn avait conseillé aux 
émirs d'agir suivant les conseils d'al-Malik-an-Nâ§ir dans 
toutes leurs actions pour qu'on ne pût invoquer aucun argu- 
ment contre eux. Ils en eurent peur et ne le firent pas. 

Sur ces entrefaites, les Francs se mirent en campagne et 
vinrent assiéger la citadelle de Bânîâs. Ibn-al-Mokaddam leur 
envoya un ambassadeur qui leur proposa de l'argent, parce 
qu'il avait peur qu'ils n'allassent porter secours à Salâh-ad-Dîn 
et à Saîf-ad-Dîn. Ils s'en retournèrent alors. Ce fait arriva aux 
oreilles de Salâh-ad-Dîn qui envoya auprès de al-Malik-as- 
Sâlih et le blâma de ne pas lui avoir fait savoir les entre- 
prises de Saïf-ad-Dîn pour s'emparer du Djazîrah, de manière 
qu'il accourût à son secours et le chassât. 

Il dénonça la paix qui avait été conclue avec les Francs, 
leur donna de l'argent et les força à renoncer à une parcelle 



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52 KAMAL-AD-DÎN 

quelconque .du territoire d'al-Malik-aç-Sâlih. Puis il écrivit à 
Kamâl-ad-Dîn et à Ibn-al-Mokaddam ainsi qu'aux émirs : 
•....Il traversa TEuphrate et marcha sur Alep, dont il s'em- 

187 r. para, Sa'ad-ad-Dîn-Kumushtakîn envoya alors à Damas du 
secours à Malik-aç-Sâlih. Quand ce secours fut près de 
Damas, Shams-ad-Dîn-ibn-al-Mokaddam envoya contre lui une 
armée, qui le mit en déroute et le força à s'en retourner en 
fuite à Alep. Shams-ad-Dîn-'Alî-ibn-ad-Dâya y prit l'équiva- 
lent de ce qui lui avait été pris. 

Les émirs qui se trouvaient à Damas furent tous d'avis 
d'envoyer al-Malik-aç-Sâlih à Ibn-ad-Dâyah à Alep, parce 
que cette ville était la plus importante (la mère des cités); 
et ils lui firent parvenir une lettre par laquelle ils lui 
demandaient d'envoyer Sa'ad-ad-Dîn pour s'emparer d'al- 
Malik-aç-Sâlih. Sa'ad-ad-Dîn Kumushtakîn arriva vers eux, 
et tous tombèrent d'accord que Shams-ad-Dîn serait atâ- 
bek de al-Malik-a§-Sâlih ; Shams-ad-Dîn et Djamâl-ad-Dîn 
Shâdbakht jurèrent aux émirs de leur conserver leurs 
flefs. La lettre arriva avec Sâbik-ad-Dîn-'Othmân à Damas. 
Al-Malik-a9-Sâlih, sa mère, ainsi que Sa'ad-ad-Dîn-Kumush- 
takîn et les émirs qui avaient des flefs à Alep , partirent. 
Quand ils furent arrivés entre Hamâh et Alep, Djamâl-ad- 
Dîn-Shâdbakht arriva, à cause de la peur qu'avaient les émirs*^ 
des fils d'ad-Dâyâh *. Sur ces entrefaites Sâbik-ad-Dîn fut 
emprisonné à Kinnasrin et l'on cacha le fait. Ils arrivèrent 
à la porte d'Alep, et Badr-ad-Dîn-Hasan en sortit; ils se sai- 
sirent aussi de sa personne et ils entrèrent par la porte de 

189 r. l'hippodrome (le meidan).... Les émirs de Damas craignaient 
un accord entre Saïf-ad-Dîn et al-Malik-a§-§âlih, Us écrivirent 
contre eux à al-Malik-an-Nâçir §alâh-ad-Dîn loûsouf-ibn- 
Ayyoûb et le prièrent de venir d'Egypte pour s'emparer du 
pays. Ce prince partit alors de Mîçr à la tôte de sept mille 
cavaliers. Les Francs se trouvaient à cette époque sur son 
chemin* Le prince de Bo§ra sortit à sa rencontre; il était 
du nombre de ceux qui lui avaient écrits. Quand §alâh-ad-Din 
arriva à Damas, toutes les troupes qui se trouvaient dans la 



1. Le texte parait ici fortement corrompu; peut-être faut-il comprendre : 
Djamàl-ad-Din-Shàdbakht vint par peur des émirs fila d'Ad-Dàyàh. 



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HISTOIRE D'aLEP 53 

ville sortirent et se rendirent au devant de lui. Il fit son entrée i89v. 
dans Ja ville et descendit dans la maison de son père, qui 
était connue sous le nom de Dâr-al-'Okaîkî. Un des eunuques, 
dont le nom était Raîhân (le basilic), se révolta contre le 
sultan. Ce dernier lui fit savoir qu'il venait comme serviteur 
de al-Malik-as-Sâlih. Cet oflicier lui livra alors immédiate- 
ment la citadelle, et al-Malik-an-Nâ§ir (Sàlah-ad-Dîn) y monta 
et prit Targent qui s'y trouvait. 

Il épousa la princesse (Khâtoûn), fille de Mo'în-ad-Dîn. Elle 
avait été femme de Noûr-ad-Dîn. Il laissa dans la place son 
frère Toghtakîn-Saif-al-islâm, et se rendit à Homs et à Hamâh. 
Ces deux villes faisaient à cette époque partie du fief de 
Fakhr-ad-Dîn-Mas'oûd-ibn-az-Zaïarânî*. C'était un homme 
violent. Il sortit de cette ville après la mort de Noûr-ad-Dîn et 
al-Malik-an-Nâsir s'empara, le 11 du mois de Djoumâda pre- 
mier de l'ail 570, de la ville de Homs ; la citadelle seule résista. 
Les gouverneurs de la citadelle étaient du parti de Noûr-ad- 
Dîn, il laissa dans la ville des gens pour la garder et la gar- • 
nison de la citadelle Tempêcha d'en faire le siège. Il se rendit 
alors à ^amâh et s'empara de la ville au commencement du 
mois de Djoumâda second. Izz-ad-Dîn-Djoûrdik se trouvait 
dans la citadelle. Salâh-ad-Dîn lui envoya dire : « Je suis dans 
l'obéissance d'al-Malik-as-Sâlih et je fais faire la khotbah en 
son nom dans toute l'étendue des pays qui me sont soumis 
et mon but est d'être en paix avec al-Malik-aç-Sâlih 

Djourdîk le fit jurer à ce sujet et l'envoya à Alep pour faire 
la paix et pour remettre en liberté Shams-ad-Dîn-'Alî et ses 
frères; on avait pris leurs fiefs à leurs lieutenants et il ne 
restait plus en leur possession que Shaîzar et la citadelle 
de Dja'abar. Djourdîk laissa dans la citadelle de Hamâh 
ses deux frères pour la garder. Quand Djourdîk tut arrivé, i90r. 
Kumushtakîn le fit jeter en prison, et avertit son frère de 
cela. La citadelle de Hamâh fut alors livrée à al-Malik-an- 
Nâ§ir. Al-Malik-an-Nâsir se rendit alors à Alep; il arriva 
devant la ville le troisième jour du mois de Djoumâda second 



1. Ibn-Wàail, Histoire des Ayyottbites (rns. arabe 1702, fol. 64 r.) ajoute que 
les citadelles de Bàrin Salamiah, Tell-Khâlid et ar-Rohâ (Édesse) faisaieut 
partie du flef de cet émir. 



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54 KAMAL-AD-DÏN 

de Tannée 570 * ; il y mit le siège. Al-Malik-as-Saiih monta 
alors à cheval ; quoiqu'il fût jeune et âgé seulement de douze 
ans, il assembla la population d'Alep et dit : « Je suis un 

1. J'emprunte à Makrizi (Kitâb-as-Soloûk, ms. ar. 1726, f. 21 r.) le récit de 
quelques-uns des événements importants de cette année : « Kanz-ad-Daûlah 
(le trésor de la dynastie), gouverneur (vâli) d'Aswàn, rassembla les Arabes 
et les Nègres et se dirigea vers le Caire dans l'intention de restaurer la 
dynastie Fatimite. Ces gens possédaient une somme d'argent considérable,' 
et il se réunit autour de lui un grand nombre de gens dont il flattait les pas- 
sions. Beaucoup d'émirs de Salah-ad-Din périrent. C'est alors que parut dans 
le village de Tour un homme connu sous le nom d' *Abbas-ibn-Shâdi, qui 
s'empara du pays de Koùs et en pilla les richesses. Le sultan Salâh-ad-Din 
envoya alors son frère al-Malik-al-'Adîl à la tête d'une armée considérable... 
Kanz-ad-Daûlah le rencontra dans les environs de Tour. » — Après la défaite 
de son armée, Kanz-ad-Daûlah fut tué le 7 Safar et al-'Adil rentra au Caire le 
28 du même mois. — Fol. 21 v. « Il (Salàh-ad-Dîn) apprit que le sire comte 
(sir al-Koms), roi des Francs à Taràbolos, avait écrit à la population d'Alep, 
et qu'il campait devant Homs. Quand le sultan s'approcha de Homs, le comte 
s'en retourna chez lui. Salah-ad-Dîn mit alors le siège contre la citadelle, 
dressa ses mangonneaux contre elle jusqu'au moment où il s'en empara par 
suite d'une capitulation, le 21 de Sha'abàn; il marcha ensuite contre Ba'albak, 
l'assiégea jusqu'à ce qu'il s'empara de sa citadelle le quatrième jour de Ra- 
madhân. Il retourna alors à Homs. Il y eut entre lui et l'armée d'as-Sàlih un 
combat aux Cornes de Hamâli, le lundi 19. Salàh-ad-Dîn la battit et la mit en 
déroute et s'empara de tout ce qu'elle avait avec elle. . . » — « Cette année 
(fol. 22 r.), Salàh-ad-Dîn se rendit à Damas, puis quitta cette ville et vint devant 
Mardj-as-Safar. Des envoyés des Francs vinrent alors le trouver pour leur 
accorder une trêve qu'il leur accorda sous conditions... » Djamàl-ad-Din-ibn- 
Wàsil (ms. ar. 1702, f. 67 v.) raconte le même fait en termes identiques. « Cette 
même année (Makrizi, fol. 22 v.) vinrent vers Alexandrie deux cent soixante 
vaisseaux des Sakaliyyah remplis d'infanterie, trente-six transports ftaridah) 
remplis de cavalerie, six autres navires fournis d'engins de guerre, quarante 
autres chargés de provisions. Il y avait cinquante mille fantassins et quinze 
cents cavaliers. Les populations riveraines luttèrent avec acharnement contre 
ces envahisseurs et les troupes du Caire marchèrent contre eux. Le sultan 
Salàh-ad-Dîn s'avança alors contre eux, et Allah mit les Francs en déroute. 
Les Musulmans firent un butin considérable, incendièrent un grand nombre 
de navires des Francs et firent beaucoup de prisonniers. Cet événement se 
passait au mois de Moharram. Les Francs firent une incursion à Bokà'. L'émir 
Shams-ad-Dîn-Mohammad-ibn-'Abd-al-Malik-ibn-alrMokaddam sortit de la 
citadelle de Ba'albak et marcha contre eux. 11 les assaillit, en tua un certain 
nombre et en. fit d'autres prisonniers. Puis al-Mo'aththam-Shams-ad-Daûlah 
sortit contre eux de Damas, les rencontra à*Aîn-Djisr (la source du pont) et 
tomba sur eux. Puis il se rendit à Hamah où se trouvait Salàh-ad-Dîn et se 
rencontra avec lui, le 2 du mois de Safar. Le sultan sortit ensuite de cette ville 
et entra à Damas le 17« (f. 23 r.) jour du mois et resta dans cette ville jusqu'au 
quatrième jour du mois de Rabî* premier. Il se rendit ensuite au Caire, et 
laissa à Damas comme son lieutenant al-Mo'aththam-Shams-ad-Daûlah-Toù- 
rànshàh-ibn-Ayyoûb, il arriva dans cette ville alors que quatre nuits restaient 
encore à s'écouler sur le présent mois. » — C'est au cours de cette année 570 
que Salah-ad-Dîn demanda au khalife abbaside al-Mostadî-bi-amr-Allah un 
firman d'investiture lui garantissant la souveraineté absolue de l'Egypte, du 
Yémen, du Maghreb et de la Syrie, et en général de tout ce qu'il avait conquis. 
Le khalife de Baghdàd s'empressa d'accéder à la demande du jeune conqué- 
rant. (Makrîzî, Kitâb-as-Soloûk, f. 22 r.) — Les Sakaliyyah sont les Siciliens. 



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HISTOIRE d'aLEP 55 

orphelin parmi vous, et vous connaissez les bienfaits que mon 
père a répandus sur vous, et voilà cet homme violent qui vient 
m'arracher mon royaume *. » Il leur fit un long discours et se 
mit à pleurer. Tous les habitants fondirent en larmes avec le 
jeune prince, ils lui offrirent leurs personnes et leur fortune, ils 
convinrent de combattre sous son commandement et de forcer 
Salâh-ad-Dîn à s'éloigner de lui. Les habitants d'Alep faisaient 
des sorties et combattaient al-Malik-an-Nâsir près de la 
montagne de Djôushan, de telle façon qu'il ne put s'approcher 
de la ville. Sur ces entrefaites, Sa'ad-ad-Dîn-Kumushtakîn 
envoya un messager à Sinân, prince des Ismaïliens, et il leur 
offrit une somme d'argent considérable pour assassiner al- 
Malik-an-Nâ§ir. [Quelques-uns d'entre eux] se jetèrent sur 
lui, mais Allah le sauva de ces furieux et ils furent mis à 
mort. Puis Salâh-ad-Dîn resta occupé au siège d'Alep jusqu'à 
la fin du mois de Djoumâda deuxième. Kumushtakîn avait 
dépêché auprès de Saîf-ad-Dîn-Ghâzi pour lui demander 
secours, et Kumushtakîn avait remis en liberté Raimond, 
prince de Tarâbolos, qui avait été fait prisonnier par Noûr-ad- 
Dîn, moyennant le payement d'une somme de 150,000 dinars 
souris, cette même année. Il prit alors la place de Morrî 
(Amaury), roi des Francs. On écrivit d'Alep à ce prince pour - 
lui demander d'attaquer quelqu'une des provinces qui étaient 
alors au pouvoir d' al-Malik-an-Nâsir, afin de le forcer à s'en 
aller. Il alla alors à Homs et y mit le siège. Al-Malik-an- 
Nâçir se retira alors de devant Alep au commencement du 
mois de Radjah. Quand il fut allé assiéger ar-Rastân, les 
Francs décampèrent de devant Hom§, et le sultan al-Malik- 
an-Nâ§ir arriva devant cette ville dont il assiégea la cita- 
delle, jusqu'au moment où il s'en empara, puis il se rendit 
à Ba'albak dont il s'empara ainsi que de la citadelle, le qua-: 
trième jour du mois de Ramadan de l'an 570. 

Quant à Saîf-ad-Dîn-Ghâzî, il réunît son armée, et il écrivit i90v. 
à son frère Imâd-ad-Dîn-Zangî, prince de Sindjâr, pour le 
prier de venir se joindre à lui avec son armée et de réunir 
leurs forces à tous les deux, dans le but de porter secours à 
al-Malik-as-Sâlih. Ce prince refusa, car al-Malik-an-Nâ§ir lui 

1. Djamàl-ad-Dîû-ibn-Wàsil (ms. ar. 1702, f. 64 v.) raconte le même fait. 



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56 KAMAL-AD-DÎN 

avait écrit et lui avait fait convoiter le royaume de Maûçil, 
pour cette raison qu'il était l'aîné de ses frères. Saîf-ad-Dîn se 
rendit alors à Sindjâr qu'il assiégea, et il envoya une armée 
considérable à Alep avec son frère 'Izz-ad-Dîn-Mas'oûd, 
ainsi que les plus grands de ses émirs et Zulf-andâz. Izz-ad- 
Dîn se rendit alors à Alep, et les troupes d'Alep se joignirent 
à lui; ils se rendirent ensemble à Hamâh et attaquèrent 
cette place. Al-Malik-an-Nâçir envoya alors un ambassadeur 
à ses ennemis et leur offrit de leur livrer Homs et Hamâh, 
pourvu qu'on lui laissât Damas, où il résiderait en qualité de 
naïb d'al-Malik-a§-Sâlih. Ils, ne voulurent pas accepter cet 
arrangement et lui dirent : « Il faut qu'il nous rende tout ce 
qu'il nous a pris en fait de pays de la Syrie et qu'il s'en retourne 
en Egypte. » Al-Malik-an-Nâsir marcha alors contre Zul- 
fandâz et rencontra son armée le 19 du mois de Ramadan au 
lieu appelé les « Cornes d'Alep ». L'armée de Maûsil fut mise 
en déroute...; al-Malik-an-Nâsir se mit à sa poursuite et ses 
troupes s'emparèrent d'un butin considérable; une quantité 
considérable d'ennemis furent faits prisonniers, mais il les 
relâcha. Al-Malik-an^Nâçir vint alors devant Alep dont il fit 
le siège; et à ce moment, il interdit de faire la khotbah au nom 
d'al-Malik-a§-Sâlih, et fit disparaître son nom du monnayage 
dans son pays. Quand la longueur du siège pesa aux habi- 
tants, ils lui envoyèrent demander la paix à cette condition 
qu'il garderait les parties de la Syrie qui étaient en sa posses- 
sion et qu'ils feraient de même. Il s'empara de Ma'arrat, 
de Kafar-tâb, et la paix se rétablit entre eux. Salâh-ad-Dîn 
191 r. se retira ensuite de devant Alep dans la première décade du 
mois de Shavâl ; il se rendit à Hamah où il reçut un ambas- 
sadeur du khalife qui lui remit des vêtements d'honneur de la 
part de son souverain. 

La nouvelle de cette défaite arriva à Saîf-ad-Dîn pendant 
que ce prince était occupé à assiéger Sindjâr. Il fit alors la 
paix avec Imad-ad-Dîn en restant sur le statu quo , et il 
retourna à Maûçil. Il s'occupa de rassembler ses troupes, 
et al-Malik-an-Nâçir se rendit de Hamâh à Bârîn. Il y avait 
dans cette place comme gouverneur Izz-ad-Dîn-ibn-az-Za'fa- 
rânî, qui ne possédait pas autre chose. Il l'assiégea jusqu'au 
moment où le gouverneur capitula et la lui rendit. 11 s'en 



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HISTOIRE D*ALEP 57 

retourna ensuite à Hamâh, donna cette place comme fief à 
son oncle maternel Shihâb-ad-Dîn-Mahmoûd-ibn-Takash-al- 
Hârimî, et donna Hom§ en fief à Nâ§îr-ad-Dîn-Mohammad, 
fils de son oncle paternel Asad-ad-Dîn, puis il s'en retourna à 
Damas. 

Ensuite Saîf-ad-Dîn-Ghâzî, prince de Maûsîl, se mit en cam- 
pagne, en Tan 571, et se rendit à Niçîbîn. Il demanda alors 
secours au prince d'Hiçn-Kaîfâ, et au prince de Mârdîn. Une 
armée considérable se rassembla autour de lui, dont le nombre 
atteignait six mille cavaliers. Il resta à Niçîbîn jusqu'au 
moment où vint l'hiver; les troupes commencèrent alors à 
s'ennuyer, et l'argent manqua. Il se rendit ensuite à Àlep, 
traversa l'Euphrate à al-Bîrah et vint camper sur la rive 
occidentale (gauche) du fleuve. 

Al-Malik-an-Nâ§ir se rendit alors à 'Azâz; il vint camper m t. 
devant cette place le troisième jour du mois de Dhou'-LKa'dah, 
l'investit et dressa ses mangonneaux contre elle. Un jour 
Salâh-ad-Din se trouvait assis dans la tente d'un de ses émirs 
nommé Djâoulî et qui était commandant des Asadis *. Un 
Bâthénien se précipita sur lui, lui porta un coup de couteau 
à la tête et le blessa. Al-Malik-an-Nâsir ne dut son salut qu'à 
son casque ; il saisit les mains du Bâthénien dans les siennes, 
sans pouvoir, malgré cela, l'empêcher complètement de le frap- 
per ; mais le meurtrier ne pouvait plus lui porter que des coups 
affaiblis tout en continuant à le frapper de coups de couteau 
sur le col. Le sultan était revêtu d'une cuirasse, les coups 
frappaient sur le collet et les mailles d'acier empêchaient l'arme 
de pénétrer. Saîf-ad-Dîn Bazkoûdj * survint et saisit le poignard ; 
mais le Bâthénien le blessa. Malgré cela, Saîf-ad-Dîn ne le 
lâcha pas jusqu'au moment où il fut tué. Deux autres Bâthé- 
niens arrivèrent, mais ils furent massacrés tous les deux. Al- 
Malik-an-Nâ§ir monta alors à cheval et se rendit à sa tente ; 
il poussa activement le siège d' 'Azâz et s'en empara après un 
violent combat à l'aube du mercredi, douzième jour du mois 



1. Mamlouk de Asad-ad-Dîn-Shîrkoûh. 

2. On trouve dans les manuscrits arabes ce nom propre écrit de plusieurs 
façons, Yaskoûdjj Bazkoûh, Bazkoûdj et même Ayâzkoûdj. Ibn-al-Alhir, 
Hist. orient, des Croisades, t. I, p. 624, donne à ce nom la forme Bazkash. 



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58 KAMAL-AD-DÎN 

de Dhoul-hidjdjah; il quitta ensuite cette place et se rendit à 
Mar^j-Dâbik \ ■ 

Puis il se mit en marche et vint assiéger Alep le vendredi, 
au milieu du mois de Dhoul-hic^djah; il y avait dans cette 
place une armée considérable et la population empêcha al- 
Malik-an-Nâçir de s'approcher de la ville. Les troupes fai- 
saient des sorties vers le camp de l'armée assiégeante et lui 
livraient combat. Quand Tun d'entre eux était fait prisonnier, 
on lui coupait les deux pieds pour l'empêcher démarcher-» 
Les habitants d'Alep s'assemblèrent en armes au-dessous de 
193 r. la citadelle et demandèrent à al-Malik-a§-Sâlih, la permission 
de faire une sortie pour combattre l'armée (assiégeante). 
Un envoyé d'al-Malik-an-Nâsir, nommé Sa'd-ad-Dîn-Aboû- 
Hâmid-al-'Adjamî le kâtib, arriva pour traiter de la paix. 
Les gens d'Alep lui crièrent : « Nous ne voulons pas faire 
la paix. Tiens-toi en repos et ne te mêles pas de ce qui ne 
te regarde point. » On lui lança des pierres et il se retira ; 
mais la foule le poursuivit jusqu'auprès du camp de Salâh- 
ad-Dîn. 

Ensuite des ambassadeurs, chargés de conclure la paix, 
furent échangés entre al-Malik-a§-Sâlih, Saîf-ad-Dîn, prince 
de Maû§il, le prince de Hi§n-Kaifâ, le prince de Mârdîn, et 
al-Malik-an-Nâsir. Les différentes parties se jurèrent d'observer 
le traité et convinrent de se prêter appui contre celui qui se 
parjurerait. La paix fut définitivement conclue, et al-Malifc-an- 
Nâ§ir se retira, le seizième jour du mois de Moharram de 
l'année 572. 

Quand la paix eut été définitivement conclue, al-Malik-a§- 
Sâlih envoya à al-Malik-an-Nâ§ir sa sœur, fille de Noûr-ad- 
Dîn; c'était une toute jeiyie enfant; al-Malik-an-Nâ§ir fit l'ac- 
cueil le plus gracieux à la jeune princesse, lui donna un 
présent considérable et lui demanda : « Que désires-tu en- 
core? » Elle lui répondit : « Je désire la forteresse d'Azâz. » 



1. C'est cet endroit que Yàkoût appelle simplement Dâbik. C'est, dit-il, un 
village proche d'Alep dans la province de *Azàz; entre cette ville et Alep, il y a 
quatre farsakhs. Il y a auprès de cette ville une prairie agréable où campèrent 
les fils de Marvân, quand ils allèrent faire une expédition contre Masisah. 
C'est là que se trouve aussi le tombeau de Solaîmân-ibn-'Abd-al-Malik-ibn- 
Marvàn. 



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HISTOIRE D'aLEP 59 

Ses parents lui avaient appris cette réponse. Le sultan leur 
donna la forteresse et se dirigea vers le pays des Ismaïliens; 
il les assiégea et leur accorda ensuite la paix par Tintermédiaire 
de son oncle maternel Mahmôûd-ibn-Takash K 

Il se rendit avec son armée en Egypte; il y avait dans 
les clauses du traité de paix que Izz-ad-Dîn-Djoûrdîk ' et 
Shams-ad-Dîn-'Ali-ibn-ad-Daïâ seraient remis en liberté ainsi 
que ses deux frères Sâbik-ad-Dîn et Badr-ad-Dîn. Les enfants 
d'ad-Dâïâ se rendirent auprès d'al-Malik-an-Nâçir; le sultan 
les reçut avec beaucoup d'honneurs et leur fit de nombreux 
cadeaux. Quant à Djoûrdîk, il resta au service d'al-Malik-a§- 
Salih. Ghars-ad-Dîn-Kilidj se révolta dans Tell-Khâlid et Sa'd- 
ad-Dîn - Kumushtakîn * se mit en campagne contre lui avec 
Tarmée ; il était accompagné de Toumân. Il assiégea pendant i»^ v. 
un certain temps Ghars-ad-Dîn qui envoya solliciter Tinter- 
cession d'al-Malik-aç -Salîh *; ce prince intercéda alors 
auprès d'al-Malik-an-Nâsir qui accepta cette médiation et lui 
pardonna. Ghars-ad-Dîn sortit de la ville avec ses richesses, 
sa famille et sa suite, et se rendit après cela à Manbadj où il 
descendit près d'ad-Douvaîk à qui al-Malik-an-Nâ§ir avait fait 
don de cette ville en fief. Ces événements se passaient en 
Fan 572. 

Cette même année (572), la population qui habitait la mon^ 
tagne de Summâk ^ se livra à toutes sortes de débauches et 
de scélératesses; ces gens s'intitulèrent eux-mêmes les Purs 
(sufât). Les femmes et les hommes se réunissaient pour boire 
du vin en public; aucun homme n'interdisait à sa sœur ou à sa 

1. L'expédition entreprise par Salâh-ad-Dîn contre les Ismaïliens était la 
réponse à l'attentat qui avait failli lui coûter la vie devant 'Azàz. — Ibn-al- 
Athir (JSist. or. y t. I, p. 626) ajoute qu'il assiégea la citadelle de Masyàth et 
que Sinân, le chef des Ismaïliens, menaça l'oncle de Salâh-ad-Dîn de détruire 
toute sa famille si les hostilités ne cessaient pas. Ses troupes d'ailleurs aspi- 
raient depuis lopgtemps au repos. 

2. Ce mot est sans doute une transcription du mot pehlvi goûrdik, héros. 

3. Ce nom propre est composé avec le mot turc gumtcsh, qui signifie 
« argent ». 

4. Il y a une erreur dans le texte qui donne : il envoya solliciter l'interces- 
sion d'al-Malik-an-Nâsir, et al-Malik-an-Nâsir intercéda en sa faveur. 

5. Là montagne de Summâk, qui tire son nom du fruit nommé Summâk, est 
une grande montagne dans les environs d'Alep, à l'occident. Elle contient un 
grand nombre de villes et de villages dont la population se compose d'Ismaï- 
liens. La plupart d'entre eux reconnaissent pour maître le prince d'Alep. 
Yâkoût {Mo*djam, t. II, p. 21). 



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60 KAMAL-AD-DÎN 

fille d'agir ainsi et les femmes portaient des habits d'homme. 
Quelques-uns de ces scélérats déclarèrent qu'ils reconnaissaient 
Sinân * comme leur maître. Al-Malik-as-Sâlih envoya contre 
eux l'armée d'Alep. Ils s'enfuirent devant elle et se fortifièrent 
sur la cime des montagnes. Sinân envoya intercéder en leur 
faveur, il procéda à une enquête et désapprouva l'état dans 
lequel ils vivaient et dont ils avaient voulu le rendre respon- 
sable en disant agir ainsi suivant ses ordres. Sa'd-ad-Dîn 
fut d'avis d'accepter l'intercession de Sinân en faveur de ces 
révoltés et l'armée se retira de leurs montagnes. Sinân s'ap- 
pliqua alors à la poursuite de leurs chefs et les fit périr 

Après ces événements les Ismaïliens attaquèrent le vizir Shihâb- 
ad-Dîn-Aboû-Sâlih-ibn-al-'Adjamî, le vendredi 4 du mois de 
Rabi premier, de Tannée 573; voici quelle en était la cause. 
Aboû-Sâlih avait excité al-Mo^jâhid-al-Lâlâ * et Djamâl-ad- 
Dîn-Shâdbakht contre Sa'd-ad-Dîn-Kumushtakîn et ils cher- 
chaient à le renverser de la place qu'il occupait. Kumushtakîn 
194 p. l'apprit et écrivit alors une lettre à Sinân, le chef des Ismaï- 
liens, comme une lettre d'al-Malik-aç-Sâlih, pour le prier de tuer 
Aboû-Sâlih, al-Mo4jhâhid et Shâdbakht. Il présenta la lettre 
à al-Malik-al-Sâlih au moment où ce prince sortait pour se 
rendre à la chasse, et il lui demanda d'y écrire quelques lignes ; 
la lettre était en blanc et il n'y avait rien d'écrit dedans. Il 
dit : « Mon seigneur sort et j'aurais besoin d'écrire une lettre' 
en tels et tels termes » ; al-Malik-aç-Sâlih mit son apostille 
sur la lettre ' et il écrivit qu'on pouvait se fier à ce qui s'y 
trouvait contenu. Kumushtakîn envoya alors cette missive 
à Sinân, en la rédigeant comme il le voulait. Sinân ne douta 
pas un instant que l'ordre ne vînt de la part d'al-Malik- 
aç-Sâlih désirant affermir son autorité dans son royaume. Il 
envoya quelques personnes pour tuer Aboû-Sâlth et les deux 
autres personnages. Les meurtriers assaillirent Shihâb-ad- 
Dîn-Aboû-Sâlih au moment où il sortait par la porte de la 
mosquée de l'Est qui se trouvait à l'ouest de sa maison. Les 
deux Ismaïliens qui s'étaient jetés sur lui furent tués, mais 



1. Sinân était, comme on Ta vu plus haut, le chef des Ismaïliens. 

2. Lâlâ est un mot d'origine turque. 

3. Sur l'apostille « 'alama », voir Quatremère, Histoire des sultans Mam* 
loukSf l'appendice à la seconde partie du deuxième volume. 



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HISTOIRE D'ALEP 61 

trois d'entre eux accoururent et se précipitèrent sur al- 
Mo4Jhâhid près du monastère (Khânikâh) de la citadelle. Ils 
se cramponnèrent aux pans de son baghloutak * pour le frap- 
per à coups de couteau. Al-Modjhâhid fit faire un écart à son 
cheval et se dépouilla de son baghloutak. Il se sauva ainsi et 
la foule entoura ceux qui l'avaient attaqué ; parmi eux, il y 
avait deux hommes qui avaient des accointances avec récuyer 
d'al-Modjhâhid. L'un d'eux fut mis en croix ainsi que Técuyer 
et on lui suspendit sur la poitrine un écriteau sur lequel était 
écrit : « Ceci est le châtiment réservé à tous ceux qui rece- 
vront un Ismaïlien ». Quant à l'autre on le fit monter à la cita- 
delle, on le frappa à coups redoublés et on lui perça le coup 
de pied pour lui faire avouer quel motif l'avait poussé à com- 
mettre ce crime. Il dit alors à al-Malik-aç-Sâlih : « Tu as envoyé 
une lettre à notre maître Sinân pour qu'il tue ceux qu'il nous 
a ordonné de tuer. » Al-Malik-aç-Sâlih se défendit d'avoir agi 
ainsi et dit : « Je n'ai rien ordonné de pareil. » Ce prince écrivit 
alors à Sinân pour le blâmer de ce qu'il avait fait à Aboû- 
Sâlih et à al-Mo(^hâhid. Le chef des Ismaïliens lui répondit : 194 v. 
« Je n'ai rien fait que par ton ordre et sur l'ordre de la lettre 
que tu m'as écrite », et il lui envoya la lettre sur laquelle se 
trouvait son apostille, lui ordonnant de mettre à mort les trois 
personnes susnommées. Le prince comprit qu'il avait été joué 
par Kumushtakîn. Les Ismaïliens avaient cherché par tous les 
moyens à tuer Shâdbakht, mais ils ne purent l'attaquer à 
cause de l'extrême précaution qu'il avait de se garder dans 
la citadelle. Sur ces entrefaites, les ennemis de Kumushtakîn 
trouvèrent un moyen de le diffamer et dirent au roi : « Il n'a 
voulu faire tuer ces trois personnes que pour s'emparer de la 
royauté. » 

Hârim était alors en la possession de Sa'd-ad-Dîn-Kumushta- 
kîn, à qui al-Malik-aç-Sâlih l'avait donnée en flef, à l'époque 
où il, l'avait enlevée à Badr-ad-Dîn-Hâsan. Al-Malik-aç-Sâlih 
apprit que Sa'd-ad-Dîn avait l'intention de livrer la place aux 
Francs parce qu'il était d'origine franque et qu'il avait stipulé 
avec eux qu'il leur livrerait cette place contre une somme d'ar- 



1. Sur le mot bag:hloutak, qui est le nom d'un habit d'origine turque, voir 
Quatremère, Histoire des sultans Mamlouks, t. I, p. ii, p. 75, n© 93. 



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62 KAMAL-AD-DÎK 

gent considérable. La preuve qu'il avait bien cette intention 
était qu'il avait mis en liberté tous les prisonniers Francs qui 
étaient enfermés dans la citadelle de cette ville depuis le 
règne de Noûr-ad-Dîn; il relâcha ainsi le prince Arnât. Il 
intercepta le chemin d'al-Karak, fit sortir ses richesses 
d'Alep et les cacha. Un Franc lui écrivit à ce sujet ; il se 
nomnjait le chevalier Badrân, et il envoya quelques lettres 
que Sa'd-ad-Dîn avait adressées aux Francs pour prouver ce 
qu'on lui avait annoncé et peut-être, de plus, le chargea-t-il 
de tout le mal, au point qu'on atteignit le but que Ton s'était 
proposé à son égard. Al-Malik-a§-Sâlih fit alors emprisonner 
Sa'd-ad-bîn, le neuvième jour du mois de Rabî' premier de 
Tan 573...*. 
195 p. Les Francs sortirent d' Antioche pour venir réclamer la red- 
dition de Çârim, et al-Malik-as-§âlih envoya l'ordre d'étran- 



1. Cette année, dit al-Yâfî* (Mirât'al'JDjinân, ms. ar. 1591, f. 177 r.)» eut lieu 
le combat de Ràmlah. Salâh-ad-Dîn partit d'Egypte, il fit des prisonniers et prit 
du butin dans le pays d' *Askalàn. Il se dirigea ensuite sur Ramlah. Les Francs 
le rencontrèrent; ils chargèrent les musulmans et les' mirent en fuite. Le sultan 
Salâh-ad-Dîn et son neveu Takî-ad-Dîn tinrent bon et entrèrent dans la ville; 
les Francs rassemblèrent contre Tarmèe ce qu'il y avait dans la ville ; l'armée 
fut dispersée, les soldats souffrirent de la soif dans les sables et un grand 
nombre d'entre eux périrent. Salah-ad-Dîn tomba alors dans un grand embar- 
ras et battit en retraite. Taki-ad-Din y perdit un fils qui était âgé de vingt ans 
et l'émir, le juriste, *Isa-al-Hakkâri y fut fait prisonnier. Les Francs allèrent 
ensuite assiéger Hamâh durant quatre mois. Suivant Makrizî (Kitâb-as-Soloûk, 
ms. ar. 1726, f, 23 v.), « les Francs allèrent assiéger Hamâh, et les gens de la 
ville les combattirent durant quatre jours,^jusqu'à ce que les assiégeants se reti- 
rassent, puis ils allèrent assiéger Hârim et y mirent le siège durant quatre mois, 
après quoi ils s'en retournèrent chez eux »... Cette même année, suivant le même 
historien, les Francs allèrent attaquer les forteresses de Sadr et de Fakoûs. — 
« Dans les piremiers jours (f. 24 r.) du mois de Rabi !«', les Francs allèrent atta- 
quer Hamâh; les Musulmans marchèrent contre eux et firent prisonnier leur 
chef avec un grand nombre d'hommes qu'ils envoyèrent au sultan Salâh-ad-Dîn à 
Damas ; il leur fit trancher la tète. — Cette même année, le prince {abrins)^ roi 
des Francs â Antioche, alla faire une excursion à Shaïzar. Cette année meurt 
Kumushtakin, le favori de Noûr-ad-Dîn (Aboû-'l-Mahâsin {tiistoire d*Égypte, 
ms. ar. 1781, f. 63 v.), qui était un des plus grands mamlouks de ce prince et 
qui était gouverneur de Mausil. A la mort de Noûr-ad-Dîn il s'enfuit à Alep, 
s'attacha au service de Shams-ad-Dîn-ibn-ad-Daya, puis se rendit auprès d'al- 
Malik-as-Sâlih, fils de Noûr-ad-Dîn, qui lui donna en fief la ville de Hârim. Ce 
prince s'irrita ensuite contre lui et redemanda la forteresse de Hârim après 
l'avoir fait emprisonner. Ses compagnons refusèrent de la lui rendre ; al-Malik- 
as-Sâlih le fit alors pendre la tête en bas. On lit dans la Description d*Alep 
(ms. ar. 1683, f . 26 v.) : « Zaïn-ad-Dîn 'Abd-al-Malik-ibn-'Abd-allah-ibn-'Ad-ar- 
Rahîm-ibn-al-'Adjamî, le Halebite, m'a raconté que son père lui avait raconté 
que dans la nuit du lundi, huitième jour du mois de Shaval 576, Alep souffrit 
d'un terrible tremblement de terre. » 



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HISTOIRE D'ALEP 63 

gler Sa'd-ad-Dîn Kumushtaktn ; cet émir flit étranglé avec 
une corde d'arc *; ses compagnons le virent, mais ils ne 
purent rien faire pour le sauver. On lui brisa les mains et le 
cou, après quoi on le jeta dans le fossé de Hârim. Quand les 
Francs apprirent cette nouvelle, ils s'en allèrent à Shaîzàr, 
Al-Malik-as-Sâlih rentra à Alep, en laissant Tannée dans 
le pays de 'Amm * et de Djâshir, dans les environs de Hârim, 
pour empêcher les Francs de tenter un coup de main contre 
cette place. Ceux-ci se présentaient chaque jour devant Hârim 
pour en demander la reddition ; le commandant de l'armée 
était Toumân Mbn-Ghâzî, l'un des plus grands émirs. 

Les Francs s'en retournèrent vers Hamâh, et y mirent le 
siège, mais il leur fut impossible de s'en emparer. Ils con- 
çurent l'envie de faire révolter les troupes de Kumushtakîn 
dans Harîm ; ils pensaient, en effet, qu'al-Malik-aç-Sâlih n'était 
qu'un enfant, que son armée était peu nombreuse, qu'al-Malik- 
an-Nâsir était en Egypte et qu'il ne pourrait porter secours 
à al-Malik-a$-Sâlih qu'après qu'ils se seraient emparés de 
Hârim. 

Ils vinrent alors camper devant cette place, et parmi eux 
se trouvait un comte {kond kabîr) * qui était un grand person- 
nage parmi les Francs, et qui était venu par mer dans le Sâhel ; 
il s'appelait le comte Kalnat, l'allemand ^\ avec eux se trouvait 
aussi le Prince et le fils de Lâon, ainsi que le comXe {Komes)^ 
seigneur de Tarâbolos. Les gens qui se trouvaient dans Hârim 
se repentirent de ne pas l'avoir livrée à al-Malik-as-Sâlih. 
Les Francs assiégèrent cette ville et la réduisirent à la der- 



1. C'était, en effet, avec une corde d'arc que l'on étranglait les émirs ; on en 
trouvera plusieurs exemples ds^ns l'histoire des sultans mamlouks traduite 
par Quatremère. 

2. 'Amm. Yâkoût [Mo*djam, t. III, p. 716) connaît une ville, ou plutôt un 
bourg, nommée *Ammâ, entre Bâiis et Alep. Cet auteur fait remarquer que ce 
nom est un nom étranger parce qu'il n'a point de troisième radicale. M. de 
Slarie {Historiens orientatuc des croisades, t. I, p. 821) lit ce nom Eimm et 
l'identifie avec l'Emma de l'itinéraire de Peutinger. 

3. Toumân. Ce mot signifie dix mille en mongol et en mandchou {toumen); il 
est passé en persan. La femme deDjingiz-Khan, Dokoûz-Khàtoûn, avait aussi 
pour nom un nom de nombre, dokoûz signifiant neuf. 

4. Le mot kond, au pluriel kounoûd, est bien connu en arabe comme trans- 
cription du mot français correspondant; le mot que nous traduisons par grand 
étant écrit dans le manuscrit sans point diacritique, sa lecture est assez dou- 
teuse, cependant la lecture kabîr « grand », paraît une des plus raisonnables. 

5. Làmanî. 



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64 KAMAL-AD-DÎN 

nière extrémité en la battant avec leurs mangonneaux et 
appliquèrent des échelles contre ses murs pour monter à 
Tassant. Ceux qui étaient dans la place crièrent : « Salah- 
ad-Dîn! victorieux! » Les Francs apportèrent alors la tente 
de ce prince, c'était une de celles qu'ils lui avaient prises 
W5v. dans la déroute de Ramlah, cette même année, et ils leur ap- 
prirent ainsi sa défaite pour aflfaiblir leur dessein, et F armée 
d'Alep marcha ensuite de 'Amm à Tîzîn. 

Année 574 *. Les Francs pressaient activement Hârim, 
ils forèrent des trous de mine dans la colline sur laquelle 
était bâtie la citadelle du côté du midi, et aussi du côté du 
nord, et le mur s'écroula sur ceux qui étaient au dessous de 
lui. U y avait là un angle saillant de la muraille que le sultan 
al-Malik-ath-Thâhir avait fait rebâtir; qu'Allah sanctifie son 
âme ! Les troupes se refusèrent à combattre dans cet endroit 
par crainte que quelque chose ne vînt encore à s'écrouler. 
Les Musulmans envoyèrent un des leurs vers Toumân pour 
demander à al-Malik-as-Sâlih de leur pardonner et de les 
secourir. Toûman dépêcha un envoyé à al-Malik-as-Sâlih 
pour lui faire connaître ces événements. 
Ce prince choisit des hommes d' Alep endurcis aux fatigues, 



1. « Cette année, dit al-Yâfi* (ms. ar. 1591, f. 177 v.), le nâîb de Damas, Far- 
rukh-shàh, neveu du sultan (Salâh-ad-Dîn), sortit de Damas et rencontra les 
Francs. Il les mit en déroute, et un de leurs chefs fut tué. Il était passé en 
proverbe pour sa valeur. Cette même année, le sultan donna Hamâh après la 
mort du prince de cette ville, son oncle maternel Shihâb-ad-Dîn, à son neveu 
al-Malik-al-Mothaffar-Takî-ad-Din-'Omar-ibn-Sliâhanshàh et il lui donna encore 
al-Ma'arrat, M^lnbadj et Afàmiah. » 

« En l'an 574, dit Makrizi [Soloûk, ms. ar. 1726, f. 24), au commencement du 
mois de Rabi deuxième, un corps de Francs vint attaquer la ville de Hamàh. 
Les Musulmans marchèrent contre eux et firent prisonnier leur chef ainsi 
qu*un grand nombre d'entre eux, ils les envoyèrent alors au sultan Salàh-ad- 
Din qui se trouvait à Damas. —Le sultan envoya son frère Shams-ad-Daûlah 
Toûrànshàh pour combattre Shams-ad-Dîn-ibn-al-Mokaddam à Ba'albak avec 
une armée considérable. Ce prince assiégea la ville durant un certain temps ; 
après quoi le sultan se rendit auprès de lui, et resta à assiéger la ville jus- 
qu'aux premières approches de l'hiver. La paix fut alors conclue, et le sultan 
s'empara de Ba'albak, qu'il la donna à son frère Toûrànshàh au mois de 
Shavàl. Cette même année, toujours suivant Makrizi, les Francs^ pendant que 
le sultan était occupé à Ba'albak, construisirent une forteresse pour fortifier 
Baît-al-Ikhrân ; c'est la maison de Ya^koûb (sur lui soit le salut 1). Entre ce lieu 
et Damas il y a environ un jour de chemin, et il est distant d'une demi jour- 
née de Tibériade. Le sultan retourna à Damas, et un envoyé du divan auguste 
(la cour de Bagdad) vint vers lui... Le prince roi des Francs à Antioche alla 
faire une expédition contre Shaizar. » 



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HISTOIRE d'ALEP 65 

leur donna une forte somme d'argent et leur dit : « Je veux que 
vous pénétriez dans la citadelle de Hârim. » Ces hommes arri- 
vèrent devant la place durant la nuit pendant que les Francs 
cernaient la ville. Ils marchèrent à travers leur camp jusqu'à 
ce qu'ils l'eussent traversé, et ils s'écrièrent alors : « Allah 
est grand! Il n'y a pas d'autre Dieu qu'Allah!/ » Ils montèrent 
à la citadelle et les soldats retrouvèrent une nouvelle ardeur, 
après qu'eussent été tués beaucoup de Musulmans de l'armée 
d'Alep dans cet endroit. Les Francs entouraient leur cava- 
lerie et leurs bagages à Deir-Simi'an. Les Musulmans prirent 
aux Francs tout ce qu'ils purent leur prendre et gardèrent le 
chemin de la ville. 

L'armée marcha vers Deir-Atmâ * et rencontra les Francs à 
Atma. Les Musulmans les chargèrent, les mirent en déroute et 
un grand nombre d'entre eux furent tués ou faits prisonniers. 
Le siège de Hârim par les Francs se prolongea durant quatre 
mois, après lesquels al-Malik-as-Sâlih envoya un député vers 
eux pour leur dire : « Al-Malik-an-Nâsir est arrivé en Syrie et 
les habitants de Hârim vont lui livrer la place, de telle sorte 
qu'il va devenir votre voisin. » Il leur donna une somme d'ar- mv. 
gent équivalente à celle qu'ils avaient dépensée durant le. 
siège, la paix fut conclue et les Francs se retirèrent. 

Al-Malik-as-Sâlih partit alors et vint camper devant Hâ- 
rim; les soldats de Kumushtakîn lui rendirent la ville, et al- 
Malik-as-Sâlih leur pardonna leur crime. Il mit comme gou- 
verneur dans cette place Sarkhak, qui avait été djandâr ^ 
de son père Noûr-ad-Dîn. Puis il rentra ensuite à Alep et 
demanda aux lieutenants de Kumushtakin de lui remettre 
la fortune de leur maître. Il fit enchaîner son vizir Ibn-al- 
Tanbî ; cet homme fit apporter une partie de sa fortune; mais 



1. Le texte dit plus laconiquement : ils crièrent, le takbîr et le tahlîl qui ne 
sont, comme on le sait, que des infinitifs de la seconde forme, composés 
d'après les trois principales lettres de ces formules prises comme radicales. 

2. Deir-Simi'ân, signifie le couvent de Siméon et Deir-Atmâ, le couvent de 
Atmâ. Suivant Yâkoût [Modéam-ul-Buldân, t. II, p. 971), Deir-Simi'àn est une 
localité non loin de Damas, près de laquelle se trouve le tombeau de 'Omar- 
ibn-*Abd-al-*Aziz, il y en a une autre du même nom dans les montagnes du 
Liban, ainsi nommé du nom d'un des plus grands chrétiens, Siméon le pur. Il 
y en a enfin, suivant Ibn-Butlân, une troisième près d'Antioche. Quant au 
Deir-Atmâ, Yâkoût ne donne sur cet endroit aucun renseignement. 

3. Sur ce titre voir Revtie de l'Orient latin, troisième année, n« 4, p. 532, note 4. 



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66 KAMAL-AD-DÎN . 

il fut torturé jusqu'à ce (ju'il Teût produite toute entière; 

après quoi il s'évada 

J96 Y. Saîf-ad-Dîn-Ghâzî, prince de Maûsil, mourut, et son frère 
Izz-ad-Dîn^Mas'oud monta sur le trône en Tan 576 * (1181). 
Durant ces deux dernières années, al-Malik-a§-Sâlîh était 
demeuré dans son royaume, répandant ses bienfaits sur la 
population d'Alep et suivant l'exemple de son père Il 



1. « En 575 (Aboû*-l-Mahasîn, ms. ar. 1780, f. 73 v.) meurt le khalife al-Mostadî- 
bi-amr- Allah Aboû-Mohammad-al-Hasan-ibn-Yoûsouf. » Suivant al-Yàfl' (ms. 
ar. 1591, f. 178 r»), Salàh-ad-Dîn vint camper devant Bànîàs, et sa cavalerie alla 
faire une incursion dans le pays des Francs. Il apprit qu'ils se réunissaient 
et qu'ils se préparaient à venir l'attaquer. Le sultan accourut immédiatement 
et les cerna : ils étaient au nombre de dix mille fantassins; ils chargrérent 
les Musulmans, mais ces derniers tinrent ferme contre eux. Les Musulmans 
les chargèrent ensuite, les mirent en déroute, les sabrèrent et en firent prison- 
niers 270, ainsi que leur chef. Ce dernier donna pour sa rançon mille prison- 
niers musulmans et une forte somme d'argent. — « Cette même année (ihid,, 
f. 178 vo), Arslân, prince du pays de Roûm, vint à la tête de vingt mille hommes. 
Taki-ad-Dîn, prince de Hamâh, et Saif-ad-Dîn-al-Mashtoûb marchèrent contre 
lui, à la tête de mille cavaliers, et cernèrent les Roumis qui furent battus. Sui- 
vant Makrizi (ms. ar. 1726, f. 24 v«), « Salâh-ad-Din s'empara de Bait-al-Ikhràn 
le 24 du mois de Rabf second, après avoir combattu et assiégé la ville, il 
y prit cent mille pièces d'armes de toutes sortes, et un nombre considérable de 
provision de bouche et encore bien d'autres choses. Il y fit environ sept 
cents prisonniers, rasa la citadelle et combla les puits... Il alla ensuite à 
Tabariah, Soûr, Bairoût, puis s'en retourna à Damas. La plus grande partie 
de son armée tomba alors malade et un grand nombre de ses émirs mou- 
rurent. » 

Cette môme année, les Francs au nombre de vingt et un mille hommes sont 
battus par Sâlâh*ad-Din. — En 576, dit al-Yàfi' (ms. ar. 1591, f. 179 r*), Salâh-ad- 
Dîn alla assiéger une forteresse du pays d'Arménie, s'en empara et la ruina, 
puis s'en retourna. Il reçut un diplôme d'investiture et des vêtements d'hon- 
neur sultaniens de la part du khalife an-Nàsir-li-Dîn-AUah Le sultan 

Saîf-al-Islâm-ibn-Ayyoûb se rendit dans le Yémen pour y gouverner après 
son frère Shams-ad-Daulah. Cette année, mourut Shams-al-Moloûk-al-Malik- 
al-Mo'aththam-Toûrânshâh (ms. Boûzàn)-ibn-Ayyoûb-ibn-Shâdî ; il était plus 

jeune que son frère Salâ,h-ad-Dîn Ce prince l'envoya dans le Yémen qu'il 

conquit (voir plus haut). Ce pays était alors au pouvoir des hérétiques Bà- 
théniens ; il y resta durant trois ans. Ce fut quand Salâh-ad-Dîn eut appris 
qu'il y avait dans le Yémen un homme nommé *Abd-an-Nabî-ibn-Mahdî qui 
croyait pouvoir conquérir toute la terre, et qui avait déjà conquis une grande 
partie du Yémen ; il s'était emparé des forteresses et faisait faire la khotbah 
en son nom....... Shams-al-Moloûk mourut à Alexandrie, on transporta son 

corps en Syrie et sa sœur Sitt-ash-Shâm le fit inhumer dans le medreseh 
qu'elle avait fait construire en dehors de Damas ; c'est là que se trouvent le 
tombeau de Shams-al-Moloûk, et celui du fils de Sitt-ash-Shâm, Hosàm-ad- 
Dîn. Elle avait été mariée à Nâsir-ad-Dîn .et mourut au mois de Dhoû'-l- 

ka'adah de l'an 616 Cette année (Aboû'-l'-Mahàsin, Histoire d*Égypte, 

ms. ar. 1781 f. 65 r«), mourut al-Malik-al-Ghàzi-ibn-Kotb-ad-Dîn-Maûdoûd, 
fils d' *Imàd-ad-Din-Zangî, fils d'Ak-Sonkor, le turk, *Saîf-ad-Dîn, prince de 
Mausil, neveu du sultan al-Malik-al- Adil-Nour-ad-Dîn-Mahmoud. » Son fils 
Maudoûd lui succéda. 



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HISTOIRE D ALEP 



67 



tomba alors malade d'une maladie d'entrailles, et sa maladie 
s'aggrava... Quand il vit gue son état était sans remède, il 
fit venir les émirs et les troupes et leur recommanda de 
donner le gouvernement de la ville à son cousin 'Izz-ad-Dîn- 
Mas'oûd-ibn-Maudoûd-ibn-Zangî. Ils jurèrent de lui obéir, w r. 
Un certain nombre d'émirs lui dirent : « 'Imad-ad-Dîn est 
aussi le fils de ton oncle et il a épousé ta sœur. Ton père 
l'aimait beaucoup, le traitait affectueusement et c'est lui qui 
s'occupa de son éducation. Maintenant ce prince ne possède 
rien, sauf la forteresse de Sinc^âr. Si tu lui donnais le pays qui 
t'appartient tu agirais bien, car 'Izz-ad-Dîn possède tout le pays 
qui s'étend de l'Euphrate à Hamadân, et dans ces conditions 
il n'a nullement besoin de ton royaume. » Le souverain leur ré- 
pondit : « Je ne Tignore nullement, mais vous savez que Salâh- 
ad-Dîn s'est emparé de nombreuses villes en Syrie, sauf de ce 
qui est en ma possession ; si je donne Alep à 'Imâd-ad-Dîn, 
il ne pourra la garder et §alâh-ad-Dîn s'en emparera. Avec 
cet homme il- ne restera pas un seul endroit appartenant à 
notre famille. Si, au contraire, je donne Alep à 'Izz-ad-Dîn, 
îe lui fournis la possibilité de défendre cette ville avec la 
nombreuse armée qu'il possède et grâce au vaste royaume 
sur lequel il règne. » 

Les émirs approuvèrent ses paroles et ?idmirèrent la sûreté 
de son jugement au milieu d'une si cruelle maladie, alors qu'il 
était encore si jeune. Il mourut le vendredi 20 du mois de 
Radjab de l'année 577 * ; il fut inhumé dans la citadelle d'Alep, 

1. Cette année, dit Makrîzî {Kitâb-as-Soloûk, ms. ar. 1726, f. 25 v»), « on 
apprit que le prince abrins Arnàt, roi des Francs, à Karak, avait conçu le 
projet d'envoyer des (gens) dans le Yémen et d*entrer dans la ville du pro- 
phète (Médine). 'Izz-ad-Dîn-Farrukhshàli sortit alors de Damas avec son armée 
et marcha sur Karak; il mit le pays à feu et à sang, puis revint dans le pays 
de rislâm... Cette année vint un ambassadeur du roi de Constantinople au 
Caire et la paix fut conclue avec ce souverain, au mois de Djoumâda deuxième. 
Cent vingt prisonniers musulmans furent mis en liberté ». Parmi les événements . 
marquants de cette année, Makrîzî cite encore une attaque des Francs à Tan- 
nis où ils s'emparèrent d'un vaisseau marchand, et d'une trêve conclue avec 
le prince des Francs à Tripoli. ' • 

Cette année, suivant Aboù-1-Mahàsin (ms. ar. 1780, f. 75 r.), le sultan al-Malik- 
an-Nâsir^Salâh-ad-Dîn Yoùsouf revint de Damas au Caire et nomma son frère 
*Izz-ad-Dîn Farrukhshâh son naîb. — Il ordonna aussi à son frère Saîf-al- 
Islâm-Toghtakîn de se rendre dans le Yémen, et ce prince fit ses préparatifs de 
départ pour ce pays, — il envoya le khâdim Bahà-ad-Dîn-Karâkoûsh vers le 
Yémen ; ce personnage s'y rendit et emprisonna Saîf-ad-Daûlah-Mobarak-ibn- 
Kàmil-ibn-Munkid ; il était le naîb de son frère Toûrànshàh. 



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68 KAMAL-AD-DÎN 

jusqu'au moment où sa mère eut fait construire Isl khânikâh 
qui se trouve en face de la citadelle, et son corps y fut trans- 
féré. Les émirs envoyèrent alors Djoûrdîk, al-Bosairî, Barghash 
et Djamâl-ad-Dîn-Shâdbakht, émirs de Noûr-ad-Dîn, avec un 
certain nombre de mamloûks de ce prince, vers 'Izz-ad-Dîn 
pour rappeler au trône et ils lui renouvelèrent le serment 
qu'ils lui avaient prêté. 

Quant à 'Alam-ad-Dîn-Solaîman-ibn-Haidar, Hosâm-ad-Dîn- 
Toumân-ibn-Ghâzî et les Arabes résidant dans la ville, ils écri- 
virent dans le plus grand secret à 'Imâd-ad-Dîn, prince de 
Sindjâr. Shâdbakht était gouverneur de la citadelle, il avait la 
garde des trésors qui s'y trouvaient, et c'était lui qui avait la 
haute main sur les affaires du royaume avec les mamloûks 
de Noûr-ad-Dîn. Ce personnage envoya alors des gens à 
'Alam-ad-Dîn-ibn-Haidar et à Hosâm-ad-Dîn-Shâdbakht pour 
leur demander de s'accorder avec lui pour prêter serment à 
'Izz-ad-Dîn à l'instant même ou plus tard. Comme 'Imâd-ad- 
W7 V. Dîn tardait à se rendre vers eux, ils convinrent de prêter ser- 
ment à Izz-ad-Dîn. Quand l'envoyé de l'émir arriva auprès 
d' 'Izz-ad-Dîn, ce prince, accompagné de Moudjâhid-ad-Dîn 
Kâîmâz se dirigea vers l'Euphrate. Il parvint à al-Bîrah; 
Shihâb-ad-Dîn, frère d"Imâd-ad-Dîn, arriva en se cachant 
et se réunit avecToumân et ibn-Haidar. Il leur apprit qu' 'Imad- 
ad-Dîn n'était point éloigné et, à leur tour, ils lui firent savoir 
qu'ils avaient juré obéissance à Izz-ad-Dîn et que le retard 
qu'il avait apporté dans sa marche les y avait contraints. Son 
frère revint alors le trouver, l'en informa et retourna vers 
son pays. 

Quant à 'Izz-ad-Dîn, lorsqu'il arriva à Bîrah, il écrivit aux 
émirs qui se trouvaient à Alep et les pria de venir le trouver. 
Ces émirs vinrent le trouver à Bîrah et l'accompagnèrent 
jusqu'à Alep où il fit son entrée le vingtième jour du mois de 
Sha'abân de cette année. Les officiers et les notables de la 
ville se rendirent au-devant du prince qui monta ensuite à la 
citadelle. Takî-ad-Dîn-'Omar, neveu d'al-Malik-an-Nâ§ir, se 
trouvait à cette époque à Manbadj ; il conçut le projet d'inter- 
cepter le chemin d'Alep à 'Izz-ad-Dîn, quand il arriverait à al- 
Bîrah, parce que ce prince voyageait avec une petite escorte 
et qu'il avait laissé derrière lui ses pages et sa suite. Mais 



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HISTOIRE D*ALEP 69 

Takî-ad-Din et ses troupes ne tardèrent pas à se désister de 
leurs projets et quand 'Izz-ad-Dîn fut arrivé à Alep, Taki-ad- 
Dîn se rendit de Manbadj à Hamâh. La population de cette 
ville les repoussa et acclama Izz-ad-Dîn 

Izz-ad-Dîn s'appliqua à combler de bienfaits les émirs qui, i98 r. 
dès les premiers moments, lui avaient prêté serment, à mal- 
traiter ceux qui lui préféraient son frère 'Imâd-ad-Dîn et à se 
conduire généreusement envers la population d'Alep. Il leur 
donna des vêtements d'honneur et respecta toutes les habi- 
tudes qu'ils avaient prises sous le régne de Noûr-ad-Dîn 
et sous celui de son fils al-Malik-as-Sâliti . Ce prince laissa 
à mon père la charge de kadi d'Alep et à mon oncle celle 
de prédicateur (khatîb) dans cette même ville. Il confirma le 
titre de rais de cette ville à Safî-ad-Dîn-Târik-ibn-at-Tarîra, 
il nomma gouverneur de la citadelle d'Alep, Shihâb-ad-Dîn 
Ishak-ibn-Amirak le djandar, prince de Rakka. Il laissa de 
même à Shâdbakht la charge d'inspecteur de cette citadelle, 
et il nomma Mothaffar-ad-Dîn-ibn-Zaîn-ad-Dîn vâli d'Alep et 
du divan. 

La paix qui régnait entre les Musulmans et les Francs 
cessa à la mort d'al-Malik-as-Sâlih. Shaîkh-al-Hadîd était divisé 
entre les Musulmans et les Francs ; l'armée d'Alep s'empara 
-de la partie qui appartenait aux Francs avant qu"Izz-ad- 
Dîn ne vînt camper à Darbsâk, et ils se Tattribuèrent malgré 
les Francs. La population de cette ville alla trouver Toumân 
qui leur promit la paix *... Il épousa la mère d'al-Malik-a§- 199 v. 
Sâlih, le cinquième jour du mois de Shawâl de cette année, 
après quoi il l'envoya à Maûsil, et prit possession de tous 
les trésors qui avaient appartenu à Noûr-ad-Dîn ainsi qu'à son 
fils et qui se trouvaient dans la citadelle d'Alep. Il prit aussi 
tout ce qui s'y trouvait en fait d'armes, d'instruments de guerre, 
de cuirasses, de casques *, de caparaçons, de flèches et de toutes 
sortes d'engins; il n'y laissa que quelques armes anciennes et 
envoya tout le reste à Rakka. Il laissa dans la forteresse 
d'Alep son fils Noûr-ad-Dîn-Mahmoûd qui était jeune ^t il 
chargea le gouverneur de la citadelle Shihâb-ad-Dîn-Ishâk 

1. Je passe ici deux pages dont la traduction n'est pas absolument indis- 
pensable pour rintelligence de ce qui suivra. 

2. Le mot khôdh écrit avec le (i/i pointé est un mot d'origine persane. 



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70 KAMAL-AD-DÎK 

de veiller sur lui; il confia la ville et Farmée à Mothaffar-ad- 
Dîn-ibn-Zaîn-ad-Dîn, après quoi il s'en alla à Rakka le seizième 
jour du mois de Shâwal. Il demeura dans cette ville durant 
toute la saison du printemps et écrivit à son frère Imâd-ad-Dîn 
pour lui demander de lui céder Sindjâr, pour qu'il puisse plus 
facilement garder et étendre son royaume et aussi parce qu'il 
savait qu'il avait besoin de rester en Syrie pour empêcher al- 
Malik-an-Nâsir de réaliser ses projets sur Alep. Son frère se 
rendit alors auprès de lui et lui céda cette ville; les deux 
' princes se prêtèrent serment sur ce point qu'Alep et la province 
qui en dépendait appartiendraient à Imâd-ad-Dîn, Sindjâr et 
sa province à Izz-ad-Dîn, que tous deux se prêteraient un se- 
cours mutuel en cas de danger, et que Toumân resterait ^avec 
Imad-ad-Dîn. Imâd-ad-Din fit alors partir Toumân; monta à la 
citadelle d'Alep ayant avec lui un sauf-conduit d' 'Izz-ad-Dîn. 
Quant à Izz-ad-Din il envoya à Sindjâr des gens pour en pren- 
200 V. dre possession... Après ces événements Kotb-ad-Dîn-ibn-lmad- 
ad-Dîn arriva à Alep et après lui vint son père 'Imad-ad-Dîn 
accompagné de sa famille, et amenant avec lui ses trésors et 
ses troupes. Il était accompagné de son épouse, fille de Noûr- 
ad-Dîn. Il arriva par le désert du côté de al-Aha§§ S et les 
principaux personnages de la ville d'Alep vinrent à sa rencon- 
tre. Ce prince monta à la citadelle d'Alep le treizième jour du 
mois de Moharram de l'année 578, d'autres personnes disent 
au commencement de ce même mois. Il nomma gouverneur de 
la citadelle 'Abd-a§-Samad-ibn-al-Hakkâl-al-Maûsilî, et il le 
préposa en même temps à l'armée, aux trésors et à la' surveil- 
lance des affaires relatives à la citadelle ainsi que de la charge 
de khâtib et de celle de rais, comme il l'avait été sous le règne 
de son frère et de son cousin. Il nomma à la charge de vizir 
Bahâ - ad - Dîn - Aboû' - 1 - Fath - Na§r- ibn - Mohammad-ibn-al- 
Kaîsarânî, frère de Mouvaflik-ad-Dln-Khalid qiii avait été vizir 
de Noûr-ad-Dîn. Les Schiites demeurèrent, sous le règne de ce 



1. Suivant Yâkoût, qui Consacre une longue notice à al-Ahass {Mo'djam^ 1. 1, 
p. 148), il y a deux localités de ce nom : Tune qui se trouve dans le Nedjd et 
une autre, celle dont il est question ici, qui se trouve dans les environs 
d'Alep. C'est le nom d'un canton assez étendu où se trouvaient plusieurs vil- 
lages, c'est là que vint camper *Omar-ibn-'Abd-al-Azîz. On trouve dans ce 
canton une montagne nommée Shoubaith dans laquelle se trouvaient quatre 
villages. 



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HISTOIRE d'aLEP 71 

prince et sous celui de son frère, soumis aux mêmes règles que 
celles qui avaient été instituées par al-Malik-a§-Sâlih ; il laissa 
Sarkhak dans la ville de Hârim avec la même situation, et il 
ordonna à Shâdbakht de prendre le commandement de 'Azâz 
et de la citadelle de cette ville. Cet émir était le manda- 
taire de la fille de Noûr-ad-Din ; al-Malik-an-Nâsir lui avait 
donné cette place. Ce prince fit la paix avec les Francs et com- 
bla de ses bienfaits la population de la ville d'Alep, comme 
l'avaient fait son oncle et son cousin. Quand al-Malik-an- 
Nâsir apprit ce qui s^était passé à Alep et qu' 'Imad-ad-Dîn 
s'en était emparé, il s'écria : « Par Allah ! nous nous empa- 
rerons d'Alep », on lui répondit : « Tu agiras comme à Tépoque 
où 'Izz-ad-Dîn s'est emparé d'Alep, tu as aussi dit que nous 
nQus en emparerions, cependant elle nous a échappé des mains 
et maintenant tu viens dire : 'Imad-ad-Dîn s'est emparé de la 
ville, nous la lui prendrons. » Le sultan répondit : « C'est parce 
qu"Izz-ad-Dîn possédait une nombreuse armée et était fort 
riche, tandis qu"Imâd-ad-Dîn n'a ni armée ni argent. » 

Al-Maïik-an-Nâ§ir-Salâh-ad-Dîn sortit du Caire le cinquième 
jour du mois de Moharram de cette même année, et la destinée. 201 r, 
voulut qu'il ne rentrât pas en Egypte jusqu'au moment de sa 
mort, après un long espace de temps, durant lequel il étendit 
son empire. Il se rendit à Ilah * et fit en route une expédition 
contre le pays des Francs; Il arriva à Damas au mois de 
Safar, puis il quitta cette ville et marcha vers le Ghoûr ; il fit 
une incursion dans lé pays voisin de Tibériade et de Baîsân *, 
après quoi il retourna à Damas ; puis il marcha contre Baîroût 
et vint mettre le siège devant cette ville ; mais les Francs réu- 

1. Ville' sur le rivage de la mer Rouge. On dit que c'est la dernière ville du 
Hadjaz et la première de la Syrie. Aboû-Zaid dit : « Ilah est une petite ville, 
assôz peuplée, dans laquelle se trouve assez peu de culture : c'est la ville des 
Juifs auxquels Allah défendit de pêcher du poisson le samedi. Ils transgres- 
sèrent son ordre et en punition de ce crime ils furent métamorphosés en singes 
et en cochons. » Aboû 'Obaidah dit qu'Ilah est entre Fostat et la Mecque, sur le 
rivage de la merde Kulzum, et qu'elle est comptée parmi les villes de Syrie; 
de Fostât a,u Djûb-Omaira, il y a 6 milles, à 'Adjroûd 40 milles, à la ville de 
Kolzoûin 35 milles, de là à l'étang de Thadjar deux jours, de l'étang de Kours, 
une étape, de là à Ras-*Akisa une étape, et encore une jusqu'à Ilah. C'est dans 
ce lieu que se réunissaient les pèlerins de la Syrie et de Fostat. Yâkoût 
{Mo'c^aniy t. I, p. 423). 

2. C'est une yille sur le Jourdain, dans le Qhoûr de la Syrie. Elle se trouve 
entre le Haûràn et la Palestine; il y a là la source nommée *Aîn-Foloûs. Cette 
source est légèrement salée. 



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72 KAMAL-AD-DÎN 

nirent leurs forces et le forcèrent à lever le siège. Il rentra 
à Damas et apprit que les habitants de Maûçil avaient écrit 
aux Francs pour l^ui faire la guerre. Cela le détermina à mar- 
cher contre eux, il se mit en marche et vint camper à Alep 
le dix-huitième jour du mois de Djoumâda premier de 
l'année 578 \ puis il alla camper à 'Ain-Ashmoûnith % son 
armée se répandit vers l'est autour de cette ville où il demeura 
durant trois jours. 

Imâd-ad-Dîn lui dit alors : « Va à Sindjâr, prends-la et 
rends-la moi, et je te donnerai en échange la ville d'Alep. » 

. 1. Cette année, dit al-Yâfî (ms. ar. 1591, f. 181 v»), Salàh-ad-Din conquit 
Harrân, Saroûdj, Sindjâr, Nisibîn, ar-Rakka, al-Bîrah, et vint mettre le siège 
devant Maûsil, mais il ne put s'en emparer à cause de la forte position de la 
place. Il lui vint un envoyé du khalife pour lui ordonner de s'en aller; il leva 
le siège, s'en retourna et s'empara d'Alep sur 'Izz-ad-Dîn-Mas'oûd à qui il donna 
Sindjâr en échange... Cette môme année (f. 182 r.), Salâh-ad-Dîn envoya son 
frère Saif-al-Islâm-Toghtakîn dans le Yémen, ce prince s'y rendit et les naibs 
de son frère lui remirent le gouvernement du pays. — Cette année (Abou- 
l-Mahâsin, Histoire d'Egypte^ ms. ar. 1781, f . • 66 v.), mourut l'émir Far- 
rukhshàh-fbn-Shâhânshâh-ibn-Ayyoûb-Aboû-Sa'd-'Izz-ad-Dîn, oncle de Salâh- 
ad-Din, qui l'avait nommé gouverneur en Syrie. — « Cette année, dit Makrizi 
(ms. ar. 1726, f. 27 v.), le sultan se dirigea sur lia, alla faire une incursion 
dans le pays des Francs et alla jusqu'à Karak. Il envoya son frère Tadj- 
•al-Moloûk jusqu'à al-Darb. *Izz-ad-Dîn-Farrukhshâh sortit alors de Damas et 
alla faire invasion sur le territoire de Tibériade et d'Akka, il s'empara de 
Shakif et revint avec deux mille prisonniers et vingt mille têtes de bétail... 
Puis il retourna faire une expédition sur le territoire de Tibériade, il y livra 
un combat furieux aux Francs au-dessous de la citadelle de Kaûkab ; un grand 
nombre de Musulmans y remportèrent la palme du martyre. Le sultan retourna 
à Damas le 10 du mois de Rabî premier et vint camper à al-Ghavâr qui fait 
partie de la province de Haûrân, où il demeura jusqu'au moment où il retourna 
à Alep. » — « Cette année, dit Modjir-ad-Din [Histoire de Jérusalem et d'Hébron, 
édition de Boulak, 1. 1, p. 280), qui est l'année 578 les Francs qui résidaient à 
Karak et à Shaùbak conçurent le projet de se rendre à la ville du prophète 
d'Allah (Médine) pour creuser son tombeau auguste, pour enlever son noble 
corps, le transporter dans leur pays et l'ensevelir chez eux, pour que les Musul- 
mans fussent dans l'impossibilité d'aller auprès de lui en pèlerinagct sans leur 
«payer une somme d'argent. Le prince Arnàt (l'édition porte Arbât contraire- 
ment aux manuscrits) fit un navire, l'amena jusqu'à la mer de Kulzum (la mer 
Rouge) et y fit monter des soldats. Les Francs se mirent en marche dans le but 
de se rendre à la ville sainte. Le sultan Salâh-ad-Din était alors à Harrân 
(l'édition porte Haûrân contrairement aux manuscrits). Quand il apprit cette 
nouvelle, il envoya quelqu'un ordonner à Saif-ad-Daûlah-ibn-Munkîdh, son nâîb 
à Misr d'envoyer l'émir Hosâm-ad-Din-Loùloù le Hâdjïb à la poursuite des 
Francs. Celui-ci se prépara à cette expédition, se mit à leur poursuite et les 
rejoignit alors qu'il n'y avait plus entre eux et la noble cité du prophète 
que la distance d'un jour. Ils étaient environ trois cents et s'étaient joints 
quelques arabes renégats. » Cette audacieuse tentative se termina par la 
capture des Francs qui furent tous conduits prisonniers au Caire. 

2. 'Aîn-Ashmoùnith signifie littéralement la source d'Ashmoûnith ; suivant 
Yâkout [Mo^dôam, t. I, p. 282), c'est une source cq dehors d'Alep, en face de 
cette ville. 



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HISTOIRE d' ALEP 73 

'Imâd-ad-Dîn se repentait, en eflfet, déjà d'avoir changé cette 
ville avec son frère contre Alep, car il s'était aperçu en y 
arrivant que le trésor était vide et cpi'il n'y avait à la citadelle 
ni munitions, ni armes, ni engins de guerre, et qu'il devenait 
ainsi voisin d'al-Malik-an-Nâsir. 

Après ces événements al-Malik-an-Nâsir se mit en marche 
pour traverser l'Euphrate à al-Birah *. Le prince de cette ville 
était alors Shihâb-ad-Dîn-ibn-Ortok, qui reconnaissait son 201 
autorité. Mothaflfar-ad-Dîn-ibn-Zaîn-ad-Dîn traversa l'Eu- 
phrate pour se rendre auprès de ce prince en Syrie, dans 
les environs de Harrân qui était alors en son pouvoir. Izz- 
ad-Dîn, prince de Mausil, lui avait donné cette ville en fief. 
Une inimitié éclata entre ces deux personnages à partir de 
l'époque où il conçut le projet de s'emparer de la citadelle 
d'Alep. Il envoya à plusieurs reprises des ambassadeurs à al- 
Malik-al-Nâsir, qui lui firent convoiter ce pays et l'excitèrent 
à venir. 

Ibn-Zaîn-ad-Dîn revint avec lui et il traversa le fleuve au* 
pont d'al-Bîrah; 'Izz-ad-Dîn arriva avec l'armée de Mausil à 
Dârâ ^ pour empêcher al-Malik-an-Nâsir de marcher sur Alep. 
Quand ce prince eût traversé l'Euphrate, 'Izz-ad-Dîn s'en re- 
tourna à Maûsil. 

Le sultan traversa le fleuve et prit ar-Rohâ à Ibn-al-Za'fa- 



1. On a vu plus haut que cette ville est celle qui est appelée aujourd'hui 
Biredjik « le petit puits » ou Biledjek. C'est à cette localité que se rattache 
un des plus anciens souvenirs et aussi l'un des plus importants de l'histoire 
de la dynastie osmanlie. Ghazi-Sultan-Othmân, fils d'Erthoghrul, s'empara, en 
faisant déguiser quarante de ses meilleurs soldats en femmes, de cette cita- 
delle, et maria son fils Orkhan à Niloûfer, fille du gouverneur de Yar-Hissar, 
qui comptait épouser le gouverneur de Biledjik. 

2. Suivant Yâkoût (MoéCjcim, t. II, p. 516), la ville de Dârâ est une ville au 
pied de la montagne entre Nisibin et Mardîn. On dit que la longitude de 
cette ville est de 57o et deux tiers, que sa latitude est de 36° et demi. Cette 
ville fait partie du Djazirah, on y trouve des jardins, sur des cours d'eau... 
Il y eut auprès de cette ville le camp du roi Dârà-ibn-Dârâ, fils du roi Kobâd, 
quand il rencontra Alexandre, fils de Philippe [Iskender ibn-Filipos) le Ma- 
cédonien (al'Makâdoûni). Ce prince épousa sa fille et construisit à l'endroit 
où se trouvait le camp de Dârâ cette ville, et il lui donna son nom. — Il y a, 
suivant le même auteur, une ville de Dârâ dans les montagnes du Tabaristân 
et une autre dans le pays des Baaoû-'Amir. 

On voit que Yâkoût donne pour étymologie du nom de cette ville le nom 
du roi de Perse, vaincu à Issus et à Arbèles par Alexandre et dont lé parsi a 
conservé la forme ancienne Dàrâb, encore aujourd'hui usitée dans l'onomas- 
tique mazdéenne des Indes. 

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74 KAMAL-AD-DÎN 

rânî *, et il donna cette ville à Ibn Zaïn-ad-Dîn; il prit ensuite 
Rakka qui appartenait à Ibn-Hassân, et la donna à Ibn-al- 
Za'farâni. Les princes des villes de FOrient écrivirent à 
Salâh-ad-Dîn et se reconnurent comme ses vassaux. Salâti-ad- 
Dîn alla ensuite attaquer Ni§îbîn, dont il s'empara; pui^ il 
marcha sur Maûsil, où se trouvait une armée considérable. Il 
lui livra un violent combat, mais ne put réussir à s'emparer 
de la ville. Il se retira alors et marcha sur Sindjâr ; Moudjâhid- 
ad-Din envoya une armée vers cette place, mais al-Malik-an- 
Nâ§ir Tempêcha de s'en approcher et il investit Sindjâr. Un 
émir des Kurdes Zarzâriah ^ qui se trouvait dans une des 
tours, rendit cette tour au sultan, et lui livra aussi l'avant mur 
avec ce qui l'environnait. Le commandant de la ville, Amir- 
Amîran ^ frère d"Izz-ad-Dîn, en fut profondément découragé, 
et capitula avec Salât-ad-Dîn, le deuxième jour du mois de 
Ramadhan de cette année. Salâh-ad-Dîn, s'en retourna ensuite 
à Harrân après avoir arrangé les affaires de cette ville. 

Quand al-Malik-an-Nâçir marcha contre les villes de l'Orient, 
' r. Imâd-ad-Dîn fut d'avis que l'on détruisît les forteresses qui 
entouraient la ville d'Alep, et il envoya des troupes de cava- 
lerie sur les rives de l'Euphrate. Ainsi fut détruite la citadelle 
de Bâlis ; il vint assiéger la citadelle de Kolai'at Nadir, s'en 
empara et la détruisit. Il alla ensuite attaquer les localités 
qui se trouvaient sur la rive du fleuve et les ruina, il s'empara 
des troupeaux et incendia le pont de la citadelle de Dja'bar. 

Il vint ensuite à Manbadj et l'attaqua; il pilla le territoire de 
cette ville et ses incursions s'étendirent jusqu'à la citadelle de 
Nadjm. Il traversa de nouveau l'Euphrate et fit une expédition 



1. Natif de Zaïaraniah. Il y a, suivant Yàkoût (Mo'djam, t. II, p. 931), plu- 
sieurs endroits appelés de ce nom; l'un est un village à une journée de Hama- 
dhân; un second se trouve près de Baglidâd. Il y en a encore un dans le 
delta du Nil. Suivant le môme auteur, t. II, p. 663), Daîr-Za'farân (le couvent 
de Za'farân encore existant aujourd'hui) est une localité proche du Djazira- 
ibn-'Omar au-dessous de la citadelle de Ardoumasht; il y a enfln un Daîr- 
Za'farân non loin de Nisibin. — La citadelle de Nadjm (la citadelle de l'étoile) 
est située sur l'Euphrate à l'est de Manbedj et fut construite par Noûr-ad-Dîn. 
De Slané, Historiens orientaux des Croisades, t. I, p. 849. 

2. C^est sans doute parce que Salâh-ad-Dîn lui aussi était kurde, que cet 
émir trahit le prince de Sindjâr et lui livra la ville. 

3. On a déjà vu plus haut un personnage portant le nom d'Amir-Amirân 
ou mieux d'amîr-i Amirân « l'émir des émirs », et qui n'était autre que le frère 
du Sultan Noûr-ad-Din. 



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HtëtOÎRE d'Alëp ?5 

contre Sâtoûdj \ Il retourna ensuite à Alep, mdiS il ne tarda 
pas à en sortir et il alla ruiner la- fcltteresse d'Al-Kaf zîû * ; il 
saccagea le château de Bizâ'â ^ et la forteresse de 'Azâz au 
mois de Djoumâda second; il ruinà la forteresse de Kafrlathâ 
après ravoir prise à Bakmish qui y régnait. 

Il avait demandé protection à al-Malik-an-Nâsir, car ses 
affaires se trouvaient fort efflbarrassées ; il se décida à sup- 
primer là solde des troupes et réduisit de même les dé- 
penses de. sa maison. Quant â al-Malik-an-Nâsir, il quitta 
Harrân et vint camper à Harzam * au-dessous de la citadelle 
de Mârdîn; cette ville n'excita point sa convoitise, aussi se 
réiidit-il ensuite à Amid ^ au mois de Dhoû-1-hidjdjah. Il avait 
promis à Noûr-ad-Dîn-Mohammàd-ibn-Karâ-Arslân de pren- 
dre cette ville à Ibn-Baîsân et de la lui donner ; il lui avait 
juré d'agir ainsi et il la lui remit dans la première décade du 
mois de Moharram de Tan 579. Il y avait dans cette place de 
grandes sommes d'argent, qu'il donna en même temps que la 
ville à Noûr-ad-Dîn-ibn-Karâ-Arslân. On lui dit de garder 
l'argent pour lui et de remettre seulement la ville à Noûr-àd- 
Dîn ; mais il répondit : « Puisque je donne le tronc, je ne veux 
point garder les branches. » 

Al-Malik-an-Nâsir traversa l'Euphrate pour se rendre en 
Syrie et marcha sur Tell-Khâlid; il mit le siège devant cette 
place; là population capitula au mois de Moharram et la lui 
livra. Après ces événements, il se rendit à 'Aîn-tâb où se 
trouvait Nâsir-ad-Dîn-Mohammad, frère du shaikh Ismâ'îl le 
khazindâr ^ Il se soumit à lui et al-Malik-an-Nâ§ir lui laissa 202 v. 



1. « C'est, dit Yâkoût {Mo'djam, t. III, p. 85), une ville proche de Harrân, 
qui fait partie du Diâr-Modar. Sa longitude est de 62 degrés et demi, plus un 
tiers, et sa latitude de 36 degrés. Elle fut conquise par 'lyad, fils de Ghanain ; 
plus tard, sous le règne d'Amroû, on lui accorda le môme traité qu'à Édesse. » 
Cette ville est à environ neuf lieues d'Édesse, en se dirigeant vers le sud- 
ouest. 

2. Nom d'une citadelle des environs d'Alep, entre Nahr-ai-t)joûz et al- 
Birah (Yâkoût Mo'^am, IV, 259). 

3. Suivant Yâkoût (Mo'djaniy 1. 1, p. 913), Bouzâ'ah ou Bizâ'ah est une ville de 
la province d'Alep, au fond d'un vadi, entre Manbadj et Alep. Entre cette ville 
et Manbadj ou Alep il y a une journée de chemin. 

4. Suivant Yâkoût (Mo'djam, t. II, p. 239), Harzam est le nom d'une petite 
ville située dans un vadi où coule une rivière, il s'y trouve des jardins. Elle 
se trouve entre Mârdîn et Donaîsir dans la province du Djazirah. 

5. Aujourd'hui Karâ-Amid. C'est une des plus grandes villes du Diâr Bekr. 

6. Composé persan signifiant « celui qui garde le trésor »>. 



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76 KAMAL-AP-DÎN 

la place. Quand 'Imâd-ad-Dîn apprit ces événements et qu'il 
fut convaincu que Salâh-ad-Dîn avait Tintention de venir 
attaquer Alep, il choisit parmi les habitants d'Alep des otages, 
. qu'il fit monter à la citadelle ainsi que leurs enfants et leurs 
I parents de peur que la population ne livrât la ville à Salâh-ad- 
Dîn. Il divisa les tours et les portes d'Alep entre les émirs. 
Al-Malik-an-Nâsir vint assiéger Alep, le 26 du mois de 
Moharram de Tan 579, et il livra ce jour-là un violent combat 
à Tannée d'Alep. Hosâm-ad-Dîn-Mahmoûd-ibn-al-Khatloû fut 
fait prisonnier près de Bânkousâ \ Ce ftit lui qui plus tard fut 
gouverneur {shihnah) d'Alep, Tâ^-al-Moloûk-Boûrî-ibn- 
Ayyoûb, frère du sultan §alâh-ad-Dîn, mit en ftiite l'armée 
d'Alep ; il fut atteint d'une flèche de zambourak * qui le frappa 
au genou et lui pénétra jusqu'à la cheville. Il resta quelques 
jours dans cet état et mourut après la prise d'Alep. Il fut 
enterré dans le turbeh de Shihâb-ad-Dîn-al-Hârimî, et son corps 
fut ensuite transporté à Damas. 

Al-Malik-an-Nâ§ir poussa avec une nouvelle énergie le siège 
d'Alep pendant quelques jours, pour venger la mort de son 
frère. Les troupes se réunirent autour de lui et lui réclamèrent 
leur solde, il leur promit de les payer plus tard. Ces hommes lui 
dirent : « Nos vivres sont épuisés, et il nous faut beaucoup 
d'argent pour en acheter, car l'année ^ été mauvaise ». Le 
sultan leur répondit : « Vous connaissez ma situation pré- 
sente et vous savez que je possède très peu de chose. Je vais 
m'emparer d'Alep où il n'y a rien à prendre, tandis que vous 
aurez enflef ses villages. » Un d'entre eux s'écria : « Et qui 
veut s'emparer d'Alep! nous avons besoin d'argent, que le 
sultan vende les parures de ses femmes ! » Le sultan fit alors 
apporter leurs ornements d'or et d'argent et autres choses 
semblables, les vendit et leur en distribua les sommes qu'il 
en tira. 
1^3 r. Les habitants d'Alep faisaient des sorties suivant leur habi- 



1. Suivant Yàkoût {Mo^djarriy 1. 1, p. 472), c'est une montagne non loin d'Alep, 
au nord de cette ville. De Slane [Historiens orientaux, t. I, p. 809) en fait le 
faubourg oriental d'Alep. 

2. Nom persan signifiant « petite abeille ». Ce terme a été appliqué dans la 
suite à des canons de petit calibre portés sur un chameau, que l'on faisait 
agenouiller pour faire feu. L'usage en était surtout répandu en Perse et chez 
les Afghans. 



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HISTOIRE D'ALEP 77 

tude, et ils combattaient avec le plus grand courage sans 
qu'aucune solde leur ait été fixée, mais poussés par un grand 
enthousiasme pour la défense de leur ville et pour Tamour de 
leur souverain. Imad-ad-Dîn réfléchit à la situation; il s'aper- 
çut qu'il n'était pas assez puissant pour se mesurer avec al- 
Malik-an-Nâsir, et que, déplus, son trésor se vidait. Il s'enferma 
une nuit avec Toumân et lui dit : « Que penses-tu de l'état 
dans lequel nous nous trouvons. Voici que le sultan al-Malik- 
an-Nâ§ir est venu assiéger notre ville; c'est un souverain 
puissant et riche, et il y a longtemps qu'il nous tient assiégés. 
Tu sais que j'ai pris possession d'Alep à une époque où il ne 
s'y trouvait ni trésor ni armée. Les soldats me réclament leur 
solde, et je n'ai point d'argent à leur donner pour leur faire 
prendre patience. Je ne vois pas comment tout cela finira. » 
Toumân approuva les paroles du prince, car il avait les 
mêmes pensées que lui, et il lui dit : « Je te dirai tout ce que 
je pense, à la condition que tu n'en diras rien et que tu tiendras 
ta parole de ne rien révéler à personne de ce qui se sera passé 
entre nous. Car, si les émirs apprenaient un seul mot de notre 
entretien, ils soulèveraient une émeute et l'aflTaire tournerait 
contre nous. » Ils se jurèrent mutuellement de ne rien dévoiler 
de leur entretien et foûmân dit alors à 'Imâd-ad-Dîn : « Mon 
avis est qu'il faut livrer Alep à al-Malik-an-Nâsir; nous con- 
serverons ainsi notre réputation et notre dignité; mais il ne 
faut pas attendre le moment où il nous sera impossible de le 
faire, quand notre position sera pire qu'aujourd'hui, alors que 
nous aurons dépensé tout notre argent et que nos soldats 
seront las de la guerre. Salâh-ad-Dîn a coupé toutes les 
récoltes du pays, et son armée et lui-même s'en sont ravitail- 
lés, et nous, nous n'avons fait que nous aflfaiblir. Nous sommes 
cependant assez forts aujourd'hui pour nous faire donner par 
lui tout l'argent et le pays qu'il nous plaira; tandis que nous 
souffrons maintenant des demandes des soldats et de leurs 
réclamations. C'est un grand souverain ; il est roi de l'Egypte 
et de la plus grande partie de la Syrie ; les rois des villes de 
l'Orient lui obéissent et la plus grande partie du Djazirah est 
en sa possession. » 'Imad-ad-Dîn lui dit alors : « Par Allah ! 
Ce que tu viens de dire est aussi mon avis et j'y ai déjà pensé. 
Va vers lui et persuade-le de me donner le Khâboûr et Sindjâr ; 



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78 KAMAL-AD-DÎN 

208 V. ei^ un mot, obtiens de lui tout ce que tu en pourras obtenir. 

Fais ainsi et demande-lui Rakka pour toi-mêi^e » Il fut 

alors convenu qu'al-Malik-an-Nâ§ir prendrait Alep et la pro- 
vince environnante, mais qu'il ne prendrait rien des richesses 
et dès approvisionnements qui s'y trouvaient, ni des instru- 
ments et des armes, qui s'y étaient conservés; qu'il donnerait 
à 'Imâd-ad-Pîn, en échange de cette place, Sindjâr, al- 
Khâboûr S Niçîbîn et Saroûdj, çt que Toumân aurait la ville 
de Rakka..... Il fut convenu avec Imâd-ad-Dîn que les charges 
de prédicateur (Kh^atîb) et de Kâdi seraient réservées aux Ha- 
néfites à Alep, dans la famille de Banoù-al-'Adîm copime cela 
ei^istait auparavant et comme cela était sous le règne d'al- 
^ïa,lik-^s-Sâlih ; ces charges ne devaient point être transférées 
aux Shafeltes. Puraiit ces négociations, la lutte continuait 
chaque jour entre les deux armées, et, des deux côtés, personne 
ne savait ce qui se passait. Tous les jours dix mille combat- 
tants de l'armée d'Alep sortaient de la ville et combattaient 
ayec la plus grs^nde vigueur ; aucun ^es émirs ni personne de 
la population de la ville ne sut ce gui se passait jusqu'au 
moment où les drapeaux 4'al-Malik-an-Nâsir furent arborés 
sur la citadelle, après que les deux souverains se furent jurés 
mutuellement observation du traité. 

La population d'Alep, les émirs Yâroûkis et encore d'autres 
émirs furent stupéfaits. Les émirs yâroûkis craignirent pour ^ 
leurs apanages militaires {khoubs), et les habitants d'Alep 
po]ur leur propre vie, parce qu'ils avaient combattu sans re- 

204 r. lâ,çke al-A([alik;an-Nâsir sous le règne d'al-Malik-as-Sâlih....... 

Safî-ad-Dîn, rais de la ville, vint vers lui ('Imâd-ad-Dîn) et 
le blâma de ce qu'^ ava^it fait. Ce prince se trouvait alors 
daiis la citadelle d' Al^P^ et il n'en était pas encore sorti ; il 
lUfi dit : « C'est une affaire faite », et il se moqua de lui; 
l'açmée d'Alep et la populatiojpi de cette ville envoyèrent 
enswite au sultan al-Mâlik-an-Nâ$ir, 'Izz-ad-Dîn Djoûrdik et 
Z^-ad;Dîii-BiUk qui lui jurèrent fidélité au nom de l'armée et 
des habitants de la ville, le dix-septième jour Afx mois de 
Safar dç l'année 579. L'a^rmée d'Alep et les officiers généraux 



1. Le ^hàboûr est le nom d*un fleuve entre Ra'as-*Aîn et TEuphrate dans le 
Djazjrak. C'est aussi une vaste province. 



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HISTOIRE d'ALEP 79 

se rendirent alors vers al-Malik-an-Nâsir dans THippodrome 
Vert; ce prince leur donna des vêtements d'honneur et ses 
manières lui gagnèrent les cœurs. Quand lapaixftit défini- 204 v. 
tivement conclue, al-Malik-an-Nâsir-Salâh-ad-Dîn se rendit 
auprès de son frère Tadj-al-Moloûk... Le sultan al-Mâlik-an- 
Nâsir était alors campé dans l'Hippodrome Vert et il y resta 
jusqu'au jeudi, vingt-troisième jour du mois de Safar. Imâd- 
ad-Dîn descendit de la citadelle et y laissa Toumân pour la 
gouverner jusqu'au moment où ses naibs la rendraient au 
sultan 

Année 579 *. Le sultan al-Malik-an-Nâsir se mit en marche 
avec Imâd-ad-Dîn et vint camper devant Marc(j-Karâ-Hisâr. 
Le sultan resta dans sa tente jusqu'au moment où arrivèrent 
à 'Imâd-ad-Dîn les envoyés de ses officiers, lui faisant savoir 
qu'ils avaient pris possession de Sindjâr et des endroits qui 
avaient été fixés comme lui appartenant. Les drapeaux d'al- 205 p. 
Malik-an-Nâsir furent alors arborés sur la citadelle, et il y 
monta le lundi vingt-septième jour de Safar de l'an 579. 

Sarkhak, gouverneur de Hârim, refusa de rendre cette place 
au sultan al-Malik-an-Nâ$ir. Ce prince lui offrit de lui donner 
en fief les villes qu'il préférerait. Cet officier afficha des préten- 
tions encore plus exagérées et écrivit aux Francs pour leur 
demander aide. Quelques soldats qui se trouvaient dans la 
citadelle de Hârim en furent informés et craignirent que Sar- 
khak ne livrât cette place aux Francs, ils se jetèrent sur lui, 
l'enfermèrent en prison et envoyèrent informer le sultan 
Salâh-ad-Dîn de ce qui venait de se passer, en lui demandant 

1. Cette année, dit al-Yàfl (ms. ar. 1591, f. 184 v»), meurt Boûrî-ibn-Ay;foùb- 
ibn-Shâ4î surnommé Tàdj-al-Moloûk, frère du sultan Salâh-ad-Dîn. C'était le 
plus jeune de ses frères. — Cette année, dit Aboû-'l-Mahàsin (Histoire d*Égypte^ 
ms. ar. 1781, f. 66 v«), le dimanche 20 de Moharram, Salâh-ad-Din s'empara de 
Amid dans le Diar-bakr, y fit son entrée et vint siéger dans la Dâr-al-Imârat; 
puis il la donna, ainsi que la province qui en dépendait, à Noûr-ad-Din- 
ibn-Karâ-Arslân ; il la lui avait promise quand il était venu auprès de lui ; 
après quoi il s'en retourna à Alep, l'assiégea et la prit à Imàd-ad-Dîn-Zangî, 
fils de Noûr-ad-Dîn le martyr, à qui il donna en échange la ville de Sindjâr. 
— Cette année (Makrîzi, Kitâb-as-Soloûk, ms. ar. 1726, f. 28 v®), « le sultan se 
mit en campagne, le samedi troisième jour du mois de Radjah, dans le dessein 
d'aller à Karak ; il y mit le siège durant un certain temps, puis s'en retourna 
â Damas. » Le même auteur dit que les Francs allèrent faire des pillages à 
Daroûm, mais furent battus par les Musulmans. Sa'd-Din et 'Alam-ad-Din- 
Kaisar se rendirent â Dâroûm et livrèrent bataille aux Francs^ ils les tuèrent 
tous et ils portèrent leurs têtes au Caire le 24 du mois. >» 



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80 KAMAL-AD-DÎN 

à capituler et ses bienfaits. Le sultan leur accorda ce qu'ils 
lui demandaient et prit possession de la citadelle. 

Il laissa 'Aîn-Tâb dans la possession du prince de cette ville, 
et donna Tell-Khâlid à Badr-ad-Dîn Dilderim, prince de Tell- 
Bâshir et Tun des plus grands Yâroûkis *. Il donna 'Azâz en 
. fief à rémir 'Alam-ad-Dîn-Solaimân-ibn-Haidar. Al-Malik-an- 
Nâsir nomma ensuite vâlî de la citadelle d'Alep, Saîf-ad-Dîn- 
Bazkoudj VAsadî, et gouverneur d'Alep, Hosâm-ad-Dîn- 
Toumaîrak ibn-Yoûnis*; il nomma chef de Tadministration 
d'Alep, Nâsih-ad-Dîn-ibn-al-'Omaîd-al-Dimashkî. Il laissa le 
rais Safî-ad-Dîn-Târoûk-ibn-Aboû-Ghânim-ibn-at-Tarîra dans 
sa charge et augmenta le fief qu'il possédait déjà. 

Le fakîh (juriste) Isa fit tous ses efforts pour faire transporter 
la charge de prédicateur d'Alep des Hanéfltes aux Shafe'ites. 
Mon oncle Aboû-al-Ma'âlî fut destitué de cette place, et on y 
y mit à sa place Aboû-'l-Barakât-Sa'îd-ibn-Hâshim. Il agit 
ensuite de même à l'égard de la charge de kadi d'Alep, il 
envoya le kadî Mohyî-ad-Dîn-Mohammad-ibn-Zakî-ad-Dîn à 
Damas en ambassade au kâdî-al-Fâdil. Il le fit venir à Alep 
et lui donna la charge de kâdî de cette ville; mon père fut 
destitué de cette charge ; il a loué Mohi-ad-Dîn-ibn-Zakî-ad- 
205 V. Dîn dans une Kasidah dans laquelle il disait : « Votre prise 
d'Alep au mois de Safar prédit celle de Jérusalem au mois de 
Radjah. » 

Parmi les événements les plus remarquables et les plus 
étonnants de cette époque, arriva la prise de Jérusalem (al- 
Kods) au mois de Radjah de l'année 583. Mohyî-ad-Dîn resta 
Kâdî d'Alep pendant un certain temps, puis il prit pour sup- 
pléaut dans cette charge le Kâdî Zaîn-ad-Dîn-Aboû-'l-Bayân- 
al-Bânyâsî (natif de Bânyâs) et se rendit à Damas. Après avoir 
demeuré quelque temps à Alep, le sultan al-Malik-an-Nâ§ir 
quitta cette ville, le vingt-deuxième jour du mois de Rabî' 
second de l'année 579, et en y laissant son fils al-Malik-ath- 



1. Mamlouk de Yaroûk. 

2. Ce mot semble être un diminutif du mot turc timur qui signifie fer, et 
qui, considéré comme un mot arabe, donne le diminutif Toumair, le k final 
de ce môme mot est le k du diminutif persan, ce qui fait que cette forme inso- 
lite serait la combinaison d'un diminutif arabe et d'un diminutif persan appli- 
qué à un mot turc. Il est vrai que l'on peift lire timîrakt diminutif persan du 
mot timîr, pour timour. 



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HISTOIRE d'ALEP 81 

Thâhir-Ghâzî, qui était tout jeune. Il confia la direction des 
affaires à Saif-ad-Dîn-Bâzkoûdj et se rendit à Damas. Au mois 
de Djoumâda second, il entreprit une campagne et marcha 
contre Baîsân. La population de cette ville s'en était enfuie, 
il la ruina, la saccagea et détruisit sa citadelle. Il marcha 
ensuite contre 'Afar-balâ * qu'il ruina. Puis il détacha un 
corps de l'armée, qui alla saccager an-Nâsirah^ et al-Foûla ' 
ainsi que les villages qui se trouvaient autour de ces deux 
places. Les Francs vinrçnt camper à 'Aîn-al-Djâloût *. Mais 
les Musulmans exécutèrent un mouvement autour d'eux et 
envoyèrent de la cavalerie dans leur pays pour y faire une 
incursion et y piller. Djoûrdîk, Djâoûlî l'Asadî et une troupe 
d'émirs Noûrîs * tombèrent sur l'armée de Karak et de Shaiûbak 
qui était en marche pour aller porter secours aux Francs ; ils 
lui livrèrent un violent combat et firent cent prisonniers après 
quoi ils s'en retournèrent. Les Musulmans eurent encore à 
livrer combat aux Francs,, mais ceux-ci n'eurent pas le courage 
de sortir pour se mesurer avec eux. Le sultan Salâh-ad-Dîn 
retourna à ath-Thoûr% le dix-septième jour du mois de Djou-w 
mâda second; il campa au-dessous de la montagne, épiant 
leur départ pour les battre de nouveau, mais ils se tinrent sur 
leurs gardes et s'en retournèrent en suivant le chemin par lequel 
ils étaient venus. L'armée des Musulmans partit en même temps m r. 
qu'eux et les rejoignit; mais les Francs ne firent aucun mouve- 
ment pour se dégager des Musulmans qui les entourèrent dans 
leur retraite jusqu'à al-Foulâ. La nourriture étant venue à 



1. Nom d^une ville dans le Ghoûr du Jourdain, proche de Baïsàn et de 
Tibériade (Yâkoût, t. III, p. 688). 

2. Suivant Yâkoût {Mo'djamy t. IV, p. 739), « entre cette ville et Tibériade 
il y a 13 milles. C*est là que naquit le messie 'Isa, âls de Marie ». C'est, 
en effet, la ville nommé Nazareth. 

3. C'est le nom d'une ville proche de 'Akkà (Acre). 

4. Nom d'une petite ville agréable entre Baîsân et Nabôlos en Palestine. Les 
Roumis en furent maîtres pendant un certain temps, mais Salàh-ad-Dîn les 
en chassa en 579. Yâkoût {MocTjamf t. III, p. 760). 

5. Emirs de Noûr-ad-Dîn ; comme les Asadis de Asad-ad-Dîn-Shirkoûh. 

6. Ce mot signifie montagne, il est l'équivalent du tsour hébreu. Suivant 
Yâkoût (Mo'djam, t. III, p. 557), « plusieurs savants affirment que le Thoûr est 
la montagne qui domine Nâbolos (Naplouse) »>. Il y a d'autres endroits portant 
ce môme nom, parmi ceux-ci un près de Misr. Thoûr est aussi une mon- 
tagne distante de 4 farsakhs du Jourdain. C'est sur cette dernière montagne 
qu'al-Malik-al-Mo'aththam-'Isâ-ibn-al-Malik-al-'Adil-Aboû - Bakr-ibn - Ayyoûb 
fit construire une forteresse. - 



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83 KAMAL-AD-DÎN 

manquer aux troupes de Salâh-ad-Dîn, elles s'en retournèrent 
à Damas. Le sultan fit son entrée dans cette ville le vingt- 
quatrième jour du mois de Djoumâda second. 

Il résolut d'aller faire une expédition contre 'Azâz et al- 
Karak ; il partît pour ces villes au mois de Radjab et écrivit à 
son frère al-Malik-al-'Adil pour lui ordonner de venir le 
trouver à al-Karak. Le sultan marcha contre cette villes 
rinvestit et saccagea toute la province. Il assaillit le rempart 
le quatrième jour du mois de Sha'bân et en ruina les murs 
à l'aide des mangonneaux. La profondeur: du fossé de cette 
place paralysa ses eflEbrts, et les Francs arrivèrent pour la 
secourir. 

Les Francs s'étant assemblés à al-Khalîl (Hébron), le sultan 
quitta al-Karak et alla camper en face de cette ville; son 
frère al-Malik-al-'Adil arriva d'Egypte et donna à son neveu 
Takî-ad-Din 'Omar le gouvernement de ce pays. Il s'y rendit 
au milieu du mois de Sha'bân, et le .sultan al-Malik-an-Nâsir 
retourna à Damas, accompagné de son frère al-Malik-al-'Adil, 
auquel il garantit le gouvernement d*Alép. Il s'y rendit le 
deuxième jour du mois de Ramadan, et monta à la citadelle 
le vendredi vingt-deuxième jour du même mois. Le sultan 
al-Malik-ath-Thâhir sortit de cette ville ayant avec lui Bâz- 
koudj *. Il arriva auprès de son père au mois de Shawâl, 
et l'on dit que al-Malik-al-'Adil remit au sultan trois cent 
mille dinars misris pour Alep, on dit aussi une somme infé- 
rieure. Le sultan en avait besoin à cause des campagnes qu'il 
faisait, et c'est pour cette raison qu'il donna Alep à Malik-al- 
'Adil, après l'avoir retirée à son fils. 

Quand al-Malik-al-'Adil fut entré à Alep, il nomma gouver- 
neur de la citadelle Sârim-ad-Dîn-Barghoush. Il préposa à l'ad- 
ministration, aux flefs, à l'armée, aux impôts et à la police de 
la ville, Shodjâ'-ad-Dîn-Motiammad-Barghousli-al-Basrâvî ^ 
206 V. Il arriva sous son règne une bataille entre les Hanéfltes et 
les Shafe'ites, et il y eut des blessés de part et d'autre. 



1. Le manuscrit porte ici très clairement la lecture Yâzkoudj. Dans d'autre» 
endroits, on lit Barkoûdj. 

2. Ce souverain, toujours d'après Kamàl-ad-Dîn, s'occupa encore de diverses 
constructions dans la ville et nomma Fakhr-ad-Bin-Ahmad-iba-'Kasbl^î, ins- 
pecteur des vakfs des mosquées. 



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HISTOIRE D'ALEP 83 

Al-Malik-aJ-'Adil les fit venir dans THippodrome vert (mai- 
dân-al-akhdar), réconcilia les deux partis et distribua des 
vêtements d'honneur aux plus grands docteurs des deux 

collèges 

L'ambassadeur du khalife, le grand scheikh {shaîkh-ash- 
shoyoûk) Sadr-ad-Dîn-'Abd-ar-Rabîm-ihn-Ismâ'îl arriva auprès 
d'al-Malik-an-Naçîr dans le dessein de le réconcilier avec 'Izz- 
ad-Dîn, prince de Maûsil. Le k^dî Mobî-ad-Dîn-^Aboû-Hâmid- 
ash-Shahrzoûrî qui ét?iit kâdî d'Alep était venu avec lui de 
Maûsil. Ce personnage fut ensuite nommé kâdî de Maûsil, et le 
kâdî Bahâ-ad-Dîn-Aboû-'l-Mahâsin-ibn-Shaddâd devint kâdî de 
l'armée du siiltan al-Malik-an-Nâ§ir. Il reçut la charge de kâdt 
d'Alep sous le régne de son fils ai-Malik-ath-Thâhîr, et la paix 
ne régna jamais entre ces deux personnages.. . ., Finalement, 207 r. 
les ambassadeurs s'en allèrent sans avoir atteint leur but. Al- 
Malik-al-'Adil quitta Alep au mois de Dhou'-l-tiidjdjah et vint 
célébrer la fête (de la rupture du Jeûne) chez son frère à 
Damas, après quoi il retourna à Alep. Puis le sultan al-Malik- 
an-Nâsir se mit en marche, en l'an 580 \ pour faire une expé- 



1. Suivant al-Yâ*fî (ms. ar. 1591, fol. 186 v% Salâh-ad-Dîn, après avoir inu- 
tilement assiégé Karak, s'empara de la ville de Kulilân, en fit sortir les habi- 
tants et en donna le gouvernement au shérif Mahdî-ibn-As'ad-ibn-*Abd-as- 
Samad-al-Djavâlî. Kuhlân (Yâkoût, Mo>djam al-Bouldân^ t. IV, p. 240) est 
une ville du Yémen, dont on prononce aussi le nom Kahlân; entre cette ville 
et Dhamâr, il y a huit farsakhs, et elle est distante de vingt-quatre farsakhs 
de San'â. Cette même année, suivant al-Ya'fî, mourut le souverain du 
Maghreb, sultan Aboû-Ya'koûb-Ioûsouf-ibn-'Abd-al-Mou'min, qui avait 
conçu le projet de reprendre aux Francs toutes leurs conquêtes en pays 
musulman. Il fit une expédition dans VIfrîkyyah en l'an 575 (1180) et con- 
quit la ville de Kafsah. En 580 (1185), il envahit l'Espagne, il avait avec 
lui une armée considérable. Il mourut au cours de cette expédition au mois 
de Rabî* premier. Cette année (Aboû-'l-Mahâsin, ms. ar. 1781, 67 v.), mourut 
U-ghâzî-ibn-U-beni-ibn-Tîmoûrtâsh ibn-Il-Ghâzi-îbn-Orto^-Kotb-ad-Dîn, prince 
de Mârdîn, au mois de Djoumâda second, laissant deux enfants en bas âge 
et Mohammad-ibn-Karâ-Arslân-Noûr-ad-Din, prince de Hisn-Kaifâ. Le sultan 
lui avait donné la ville d'Amid, il laissa un fils Thâhir-ad-Dîn Shakmân, 
âgé de dix ans. Cette année, dit Makrizi {Kitâb-as-Soloûk^ ms. ar. 1726), le 
sultan sortit de Damas, le mardi au milieu de Rabi' premier et se rendit au 
Pont de bois ; al-Malik al-*Adil vint d'Alep, ayant avec lui Noûr-ad-Dîn-ibn- 
Karâ-Arslân se dirigeant sur Damas le 24 du même mois ; les deux princes 
marchèrent "alors sur Kisva. Le sultan se retira le deuxième jour du mois de 
Rabi* second de Ra'as-al-mâ se dirigeant sur Karak. Takî-ad-Din sortit de 
Misr à la tête de l'armée d'Alep, accompagné des enfants d'Al-Malik-al-*Adil 
et sa famille le mercredi au commencement de ce mois, ils se rendirent à Ilâh 
et arrivèrent auprès du sultan Salâh-ad-Dîn le 19, il se trouvait alors à Karak. 
Les enfants d'al-*Adil arrivèrent le 21 du môme mois, et rencQijtrèçent leur 
père à al-Favar le 25. 



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84 KAMAL-AD-DÎN 

dition contre al-Karak. Noûr-ad-Dîn-ibn-Karâ-Arslân * arriva 
auprès de lui, et se rendit à AÎep ; al-Malik-al-'Adil le combla 
d'honneurs, le fit monter à la citadelle au mois de Safar, puis 
207 V. s'en alla avec lui à Damas. Al-Malik-an-Nâsir sortit de cette 
ville et le rencontra prés du pont de al-Bika' ^ Il se dirigea 
ensuite vers Damas; ils le rejoignirent, et le sultan s'apprêta 
pour son expédition. 

Il se mit en campagne contre al-Karak et fit .venir l'armée 
d'Egypte. Son neveu Takî-ad-Dîn, accompagné de la maison 
d'al-Malik-al-'Adil et de son trésor, arriva auprès de lui, il les 
envoya à Alep. Il vint établir son camp devant al-Karak; les 
troupes cernèrent la citadelle et assaillirent le faubourg. Entre 
le faubourg et la forteresse qui se trouvaient tous deux sur le 
même plateau, il y avait un fossé. Les Musulmans comblèrent 
la plus grande partie du fossé et faillirent s'emparer de la for- 
teresse qui appartenait au prince Arnât. Mais les défenseurs 
de la place écrivirent aux Francs, qui arrivèrent en grand 
nombre à un endroit connu sous le nom de al- Vâla ^ ; al-Malik- 
an-Nâ§ir renvoya ses bagages et s'en alla après avoir ruiné la 
citadelle à l'aide de ses mangonneaux. 

Il leva le siège deKarak au mois deDjoumâda second et 
ordonna à une partie de son armée d'entrer dans le pays des 
Francs; ses troupes assaillirent Nâbolos, la pillèrent, la détrui- 
sirent et y délivrèrent des prisonniers musulmans. Ils en 
firent autant à Sabastîah * et à Djinîn ^ ils s'en retournèrent 
ensuite et entrèrent à Damas avec le sultan. 
Le grand sheïkh (shaikh-ash-shoyoûk) arriva vers lui avec 



1. Ce prince était souverain d'Hisn-Kaifà. 

2. C'est le pluriel du mot buk*âh (pays). C'est un lieu qu'on appelle aussi les 
bikâ' du chien; il est proche de Damas; c'est aussi un vaste canton entre 
Ba'albak, Homs et Damas, on y trouve de nombreux villages (Yakoût, Mo'djam, 
t. I, p. 699). 

3. Village situé à un peu plus d'un mille de Hasbân, elle-même à une dizaine 
de milles de l'extrémité nord de la mer Morte. 

4. La ville de Sabastiah est proche de Soûmaisât. Elle est comptée dans la 
province de cette ville, elle est située sur le haut Euphrate. C'est une ville 
fortifiée. Il y a une autre ville nommée Sabastiah qui se trouve efn Palestine, 
elle est distante de deux jours de Jérusalem, on y voit le tombeau de Zakaryâ 
et celui de Yahya, fils de Zakaryâ, ainsi que ceux de nombreux prophètes et 
saints, elle dépend de la province de Nàbôlos ; Yakoût (Mo'djam^ t. III, p. 33) ; 
c'est de cette dernière ville qu'il s'agit ici. 

5. Djinîn, dit Yakoût {Mo'djam^ t. II, p. 190), est une petite ville entre 
Nâbolos et Baisân. Elle fait partie du canton du Jourdain. 



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HISTOIRE d'ALEP 85 

des vêlements d'honneur envoyés par le khalife an-Nâ§ir 
pour lui, pour son frère al-Malik-al-'Adil ainsi que pour; son 
cousin Nâ§ir-ad-Dîn ; les princes mirent ces vêtements. Quel- 
ques jours après, le sultan donna le vêtement d'honneur qu'il 
tenait du khalife à Noûr-ad-Dîn-ibn-Karâ-Arslân. Un envoyé 
de MothaflFar-ad-Dîn Kokboûrî arriva auprès de lui pour lui 
apprendre que l'armée de Maûçil et l'armée de Kizil * avaient 
assiégé Arbil, qu'elles avaient pillé cette ville et l'avaient rui- 
née. Il annonçait en même temps qu'il venait de les mettre en 
déroute. Il lui conseilla d'aller attaquer Mau§il et il offrit au 
sultan, s'il s'y rendait, 50,000 dinars. Le sultan conclut alors 
un armistice avec les Francs, quitta Damas au mois de 208 r. 
Dhou'-l-ka'ada de Tannée 580, et arriva à Alep; il y séjourna 
jusqu'à la fin de l'année. Il quitta alors cette ville et se 
rendit à Harrân ; et il rencontra Mothaflfar-ad-Dîn Kok- 
boûrî à al-Bîrah, au mois de Moharram de l'année 581. Il 
s'en retourna avec lui à Harrân, et il lui demanda l'argent 
qu'il lui avait promis *. Kokboûrî nia ; le sultan fit alors venir 
son envoyé al-'Alam-ibn-Mâhân ^ et le confronta avec lui à ce 
sujet. Il nia encore; alors Salâh-ad-Dîn le fit jeter en prison, 
lui prit les deux villes de Harrân et de ar-Rohâ, et le retint 
prisonnier jusqu'au commencement du mois de Rabî' premier. 
Il lui rendit sa liberté, par crainte que les gens ne vinssent à 
se détourner de lui. Il lui rendit Harrân et lui promit de lui 
rendre ar-Rohâ. Quand il revint de son voyage, il lui rendit 
en effet cette dernière place. 

Al-Malik-an-Nâsir marcha contre Maû§il. Quand il y arriva, 
la mère d"Izz-ad-Dîn, accompagnée de la fille de Noûr-ad-Dîn 
et d'autres princesses de la famille des Atâbeks vinrent pour 
lui demander la paix et solliciter son alliance. Il les renvoya 
déçues dans leur espoir, pensant que c'était 'Izz-ad-Dîn qui 
les avait envoyées, parce qu'il était dans l'impossibilité de 
défendre Maûsil, et ir s'excusa de la façon dont il agissait 
envers elles. Il s'éloigna d'un farsakh de Maû§il, et la lutte 

1. C'est le nom du prince d'Hamadàn et de l'Azarbeidjan Kizil-Arslàn-Oth- 
màn; ces troupes étaient commandées par Moudjàhid-ad-Dîn Kaîmaz. 

2. Bahà-ad-Dîn donne une autre version de sa disgrâce (^t^^. orient, des 
Crois.y t. III, p. 83). 

3. C'était ce personnage qui était venu trouver le sultan après la défaite des 
troupes de Maûsil et d'Hamadân. 



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86 KAMAL-AD-DÎN 

s'engagea entre les deux armées. Les habitants de Maû§il, 
outrés que Salâti-ad-Dîn eût ainsi renvoyé les princesses, 
offrirent de marcher eux-mêmes au combat; et le sultan re- 
gretta d'avoir agi d'une telle façon. 

Il s'empara de Tell-'Afar et donna cette place en flef à 
'Imâd-ad-Dîn, prince de Sindjâr. Il continua à assiéger Maû- 
§il pendant deux mois ; mais il leva le siège, après avoir 
appris la mort de Shâh-Armin, souverain de Khilât. Une 
partie de la population de cette ville lui écrivit pour lui en 
offrir le trône. Il quitta alors Maûsil, se dirigeant sur Khilât, 
mais la population fit la paix avec Pahlavân, prince de l'Adar- 
baîc^ân. Le sultan vint camper à Myâfârkîn dont le prince 
était Kotb-ad-Dîn-Ilghâzî-ibn-Ilbeni-ibn-Tîmurtâsh, et qui eut 
'vpour successeur Hosâm-ad-Dîn Bouloûk Arslân. Ce prince 
était encore jeune, et le sultan conçut l'envie de s'emparer de 
la ville ; il l'assiégea et l'officier qui y commandait capitula 
avec lui; puis il maria l'un de ses fils à la fille de la Khâtoûn, 
fille de Karâ-Arslân, et, désespérant de s'emparer de Khilât, 
s'en retourna à Maûsil. 

Il arriva à Kafr-Zammâr au mois de Sha'abân de l'année 581 * , 



1. Al-Yàïî ajoute (ms. ar. 1591, f. 186 v.) qu'après le second siège de 
Maûsil, il posa comme conditions que Ton fît la prière en son nom, que le 
prince de Maûsil se reconnaisse comme son vassal et que la ville de Shahr- 
zoûr lui appartint. Suivant le même auteur, la maladie dont fut atteint Salâh- 
ad-Dîn à Harrân lui fit tomber les cheveux et la barbe. — « Cette année, dit 
Aboù'-l-Mahâsin (ms. ar. 1781, f. 77 v"), meurt la Khâtoûn 'Ismat-ad-Din, fille 
de Mo'în-ad-Din-Unar, épouse du sultan Salàh-ad-Dîn ; elle épousa ce prince 
après avoir été l'épouse d'al-Malik-al-*Adii-Noûr-ad-Dîn le martyr. C'était une 
des femmes les plus chastes et les plus nobles, et elle faisait de grandes 
aumônes. Elle bâtit à Damas, le collège des Hanéfites et un caravansérail 
pour les Sofls. Elle fit aussi élever un mausolée sur le mont Kasioûn, dans 
lequel elle fut enterrée. Elle mourut au mois de Radjab et son mari apprit sa 
mort alors qu'il était malade à Harrân ; sa maladie s'aggrava à cause de la 
mort de son épouse. Le frère de cette princesse, Sa*d-ad-Dîn-Mas'oûd-ibn- 
Unar, mourut après elle au cours de cette même année; c'était un des plus 
grands émirs. Salâh-ad-Dîn épousa sa fille Rabî'a-Khâtoûn. Quand Salâh-ad- 
Dîn mourut, celle-ci se maria avec l'émir Mothaffar-ad-Dîn-ibn-Zain-ad-Dîn. » 
— Le mariage de Salâh-ad-Dîn et d"Ismat-ad-Dîn avait été célébré en grande 
pompe à la citadelle de Damas en l'an 572 (1176) (Aboû'-l-Mâhàsin, ms. ar. 
1780, f. 71). Le nom de *Ismat-ad-Dîn a été porté aussi par la femme du pre- 
mier sultan mamlouk *Izz-ad-Dîn-Aîbek, nommée Shadjrat-ad-Dorr, « la bran- 
che de perles ». — Cette année {Soloûk, ms. ar. 1726, 29 v.), le sultan se mit 
en marche et arriva à Harrân, le vendredi, vingt-deuxième jour du mois de 
Safar, il fit emprisonner le prince de cette ville, Mothafîar-ad-Dîn Kok- 
boûrî, et s'empara de cette ville; le deuxième jour du mois de Rabî* pre- 
mier, il quitta cette ville... 11 apprit la nouvelle de la mort de Shâhir-ibn- 



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HISTOIRE d'ALEP 87 

y s^ourna durant quelque temps et il échangea des ambas- 
sadeurs avec Izz-ad-Dîn. Le sultan tomba malade à Kafr- 
Zammâr * et s'en retourna à Harrân* Izz-ad-Dîn envoya 
le kâdî Bahâ-ad-Dîn-ibn-Shaddâd et Bahâ-ad-Dîn-ar-Rabîb 
pour lui donner satisfaction au sujet de la khôtbah et de la 
frappe des monnaies, pour lui oflFrir de mettre en tout temps 
une armée à son service et de prendre possession de 
Sharhrzoûr ainsi que de la province dépendante de cette ville 
et des territoires qui se trouvent derrière le Zâb ^ La maladie 
du sultan s'aggrava à Harrân au mois de Shawâl, on déses- 
péra de le sauver et on répandit le bruit de sa mort. Al-Malik- 
al-'Adil vint alors d'Alep auprès de lui, amenant les médecins 
de cette ville, et il manda les principaux des émirs du pays qui 
se rendirent auprès de lui. 

Al-Malik-al-'Adil conçut alors le projet de se faire prêter 
serment en son nom propre et Nâsir-ad-Dîn, prince de Homs, 
vint dans l'intention de s'emparer de la Syrie. On dit que ce 
prince, lorsqu'il passa par Alep, distribua de l'argent à la 
populace de la ville et qu'il se rendit ensuite à Homs. On 
apprit que Takî-ad-Dîn avait agi en Egypte comme s'il avait 
voulu s'emparer du trône et qu'il s'était conduit comme s'il 
avait été sultan. Salâh-axi-Dîn apprit ces faits, il monta alors 
à cheval, tout le peuple le vit et fut dans la joie. Il fit bâtir 
une maison en dehors de Harrân où il vint demeurer jus- 
qu'au moment où il recouvra la santé. On donne à cette 
maison le nom de maison de la Santé (dâr-al-âfiya). 

Quand il fut guéri, il rendit ar-Rohâ à MothaflFar-ad-Dîn et 



Sakrân, prince de Khilàt, le neuvième jour du mois de Rabr premier. — 
f. 30 V. Cette année mourut al-Malik-al-Kâhir-Nàsir-ad-Dîn-Mohammad-ibn- 
Asad-ad-Dîn-Shirkoûh, prince de Homs, la nuit de la fête du petit Bairam. 

1. Suivant Yâkoùt {Mo'djamf t. IV, p> 288), Kafr-Zammâr est un village 
dépendant de Maùsil. Nasr dit : Kafr-Zammàr est un district étendu de la pro- 
vince de Karda et de Bazabdâ. Entre cette place et Barka'îd, il y a quatre ou 
cinq farsakhs. 

2. Zâb est le nom de deux fleuves dont l'un est appelé le petit Zâb et l'autre 
le grand Zâb. Tous deux se jettent dans le Tigre au-dessous de Mossoûl et 
prennent leur source sur la frontière de TAdarbaidjân. Yâkoût, t. II, p. 902, 
donne quelques renseignements sur ces deux cours d'eaux. 

Bahâ-ad-Dîn-ibn-Shaddâd raconte que l'on vit à Maû^il, dans la maladie 
de Salâ^i-ad-Dîn, une occasion d'obtenir de lui une paix avantageuse, Histo^ 
riens orientaux des Croisades^ t III, p. 80^ Aboû-'l-Feda {ibid.:^ t I, p. 54) 
ajoute aux villes cédées par le prince de Mausil, Karâyili. 



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' 88 KAMAL-AD-DÎN 

lui conféra en fief un sandjak *. Deux envoyés de Maûsil 
arrivèrent et il leur jura d'observer ce qui avait été conclu le 
jour de 'Arafa *. Il apprit la mort de son cousin Nâ§ir-ad-Dîn, 

209 r. prince de Homs ^ et se rendit de Harrân à Alep; il monta à la 

citadelle le dimanche, quatorzième jour du mois de Moharram 
de Tannée 58^*, et y demeura durant quatre jours. 11 se rendit 
ensuite à Damas où Asad-ad-Dîn-Shîrkoûh, fils du prince de 
Homç, le rencontra. Le sultan lui donna la ville de Homs et 
rentra à Damas ^ 

210 r. Le sultan al-Malik-an-Nâsir maria son fils, al-Malik-ath- 

Thâhir, à sa nièce Ghâriat-Khâtoûn, fille d'al-Malik-al-'Adil. 
Al -Malik-ath-Thâhir consomma son mariage avec elle le 
mercredi vingt-sixième jour du mois de Ramadhan. 

Le sultan se disposa ensuite à marcher contre al-Karak * une 
seconde fois; il partit de Damas au milieu du mois de Mohar- 



1. Ce mot est d'origrine turque, il signifie à la fois, comme on le sait, un dra- 
peau et une division territoriale, il en est de même de Tarabe livâ qui signifie 
à la fois drapeau et partie de pays. 

2. C'est en effet le jour d' *Arafa que les deux envoyés d' 'Izz-ad-Din vinrent 
trouver le sultan, Hist. orient. , t. III, p. 86. 

3. Nasir-ad-Din était fils de Shîrkoûh. Suivant Aboû-'l-Feda, Hist. orient., 
t. I, pp. 54-55, ce prince avait écrit à quelques personnages de Damas pour 
leur conseiller de lui remettre la ville quand Salâh-ad-Dîn serait mort. Mais 
il mourut le jour de la fôte des sacrifices, 5 mars 1186, cet auteur laisse à 
entendre que Saladin, ayant appris ses menées, le fit empoisonner. 

4. Cette année, dit Aboû'-l-Mahàsin {Histoire d'Egypte, ms. 1781, f. 68 v.), 
« le sultan Salàh-ad-Dîn revint en Syrie, Shirkoûh-ibn-Mohammad-ibn-Shîr- 
koûh se rendit au-devant de lui, ainsi que Soufra-Khàtoûn et les enfants du 
fils de son oncle Mohammad-ibn-Asad-ad-Dîn-Shîrkoûh et sa femme Sitt-ash- 
Sham qui était la sœur du sultan Salah-ad-Dîn. Cette année, le sultan Salah- 
ad-Dîn-Yoûsouf partagea son empire entre sa famille et ses enfants suivant 
ravis du Kàdî-al-Fadil, il donna l'Egypte à son fils al-'Aziz 'Othmân, la Syrie à 
son fils al-Afdal, Alep à son fils Ath-Thàhir. Il donna à son frère, al-*Adil- 
Aboû-Bekr, dé nombreux fiefs en Egypte et lui donna la place d'Atabek de 
son fils al-'Azîz, il donna Hamâh à son neveu Tàki-ad-Dîn, Ma'arrat, Manbadj 
et les pays qui en dépendent et Mayafarkîn. — Suivant Makrizi {Soloûkf ms. 
ar. 1726, f. 312), il y eut une dispute entre les Francs de Tarabolos et le comte 
alla se réfugier auprès du sultan. Le prince roi des Francs à Karak (Renaud 
de Châtillon) s'empara d'une grande caravane et fit prisonnier tous ceux qui 
en faisaient partie, et refusa d'accéder au désir du sultan qui lui demandait 
de les relâcher. 

5. Non sans avoir pris dans l'héritage de son cousin ce qui lui plaisait le 
mieux. 

6. Cette expédition de Saladin contre le château de Karak fut déterminée 
par l'agression de Renaud de Chatillon, seigneur de cette ville, contre une 
caravane musulmane dont il s'empara. Le sultan jura alors, si jamais il tombait 
entre ses mains, de le mettre à mort. (Aboû-'l-Feda, Hist. orient, ^ t. I, p. 54), 
voir la note ci-dessus. 



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HISTOIRE D'ALEP 89 

ram de Tan 583 * et fit demander à Alep le secours de Tar- 
mée de cette ville; puis il Tenvoya occuper les Francs dans 210 v. 
le pays d'Antioche et les pays du fils de Laôn, parce que ce 
prince était mort et qu'il avait laissé le trône à son neveu. Al- . 
Malik-al-Mothaffar-Takî-ad-Dîn était à Hamâh; le sultan lui en- 
voya un ambassadeur pour lui ordonner d'entrer dans le pays 
de Tennemi. Ce prince arriva à Alep le vingt-septième jour du 
mois de Moharram et descendit dans la maison de 'Afîf-ad-Dîn- 
ibn-Zouraîk, où il y demeura jusqu'au troisième jour de Safar. 

Il alla ensuite à ^ qui était à cette époque en la possession 

de rémir Toumân. Puis il se rendit à Hârim et demeura 
dans cette place jusqu'au moment où il eut fait la paix avec 
eux % dans la dernière décade du mois de Rabi' premier; et 
il alla rejoindre le sultan. 

Quant au sultan, il s'était rendu à Ra'as-al-Mâ et les troupes 
de rislamisme vinrent se réunir à 'Ashtarâ autour de lui, venant 
de Maûsil, de TOrient, de l'Egypte et de Syrie, après qu'il eut 
appris que le prince Arnât avait le dessein d'attaquer le pèle- 
rinage. Il resta dans les environs de Karak, gardant la place 
où il se trouvait, jusqu'au moment ou passèrent les pèlerins de 
la Mecque. Il marcha aussitôt sur Karak et envoya un corps 
de cavalerie qui dévasta le pays attenant à cette ville, ainsi 
que celui de Shaûbak. Le sultan envoya un message à son fils 
al-Malik-al-Afdal, qui prit une division de l'armée et entra sur 
le territoire d' 'Akkâ ; ses troupes mirent cette région à feu et 
à sang. Une troupe de Chevaliers de l'ordre du Temple et de 
l'Hôpital * marchèrent contre les Musulmans, mais ils furent 
vaincus. Un grand nombre d'entre eux furent tués et le reste 
demeura prisonnier; le Grand-Maître de l'ordre de l'Hôpital 
fut tué. Le sultan retourna à l'armée; il en disposa le centre 
et les deux ailes, l'aile droite et l'aile gauche, l'avant-garde 

1. Cette année (Makrizi, Soloûk, ms. ar. 1726, f . 31 r.), le sultan sortit de 
Damas pour aller lutter contre les Francs, le samedi l^^ Moh. ; son fils était à 
Ra'as-al-Mà, il vint assiéger Bosra, resta pour protéger le pèlerinage jusqu'à ce 
que les pèlerins eussent passé à la fin du mois de Safar, après quoi il marcha 
contre Karak à la tète de 12,000 cavaliers. 

2. Le mot est illisible dans le manuscrit, il semble qu^il y ait Dârâ. 

3. -Avec la population d'Antioche. Al-Mothaflfar avait sous son commande- 
ment dans cette campagne les troupes de Maûsil, commandées par Mas*oud 
Ibn-Za'farâni, et celles de Mârdîn. 

4. Voici en arabe les noms de ces ordres, dawâyah va al-osbitâriyyah. 



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90 KAMAL-AD-DÎN 

et l'arrière-garde ; il fixa à chacun sa place et se prépara lui- 
même au combat. Il vînt camper à al-Ukhùvana * près de 
Tibêriade. Le comte % prince de cette ville, était entré en 
relations avec le sultan, en violation de ses.engagements avec 
les Francs. Ceux-ci lui envoyèrent le patriarche, des prêtres 
sur. et des moines qui le menacèrent d'annuler son mariage 
et de l'excommunier. Le comte dut s'excuser, quitta le parti 
du sultan et revint vers les Francs. Les Francs se mirent alors 
tous en route pour s'assembler à SafiFoûrià \ Le sultan partit 
le jeudi sept jours avant la fin du mois de Rabî' deuxième (23 
dudit mois); il. laissa Tibêriade sur ses derrières, gravit la 
montagne et marcha contre les Francs ; mais ceux-ci ne bou- 
gèrent pas de leurs tentes. Le sultan descendit alors et ordonna 
à l'armée d'en faire autant; lorsque la nuit tomba, il plaça des 
troupes en face des Francs, pour les observer et les empêcher 
d'attaquer les Musulmans. Il descendit à Tibêriade avec un 
petit détachement, attaqua la ville et s'en empara à une heure 
du matin ; ses troupes la saccagèrent et l'incendièrent. Quand 
ils apprirent la prise de Tibêriade, les Francs s'avancèrent 
contre l'armée des Musulmans; le sultan s'en retourna alors 
à son camp et les deux armées se rencontrèrent. Elles se 
livrèrent un combat, mais la nuit vint les séparer. Les Musul- 
mans brûlaient de recommencer la lutte contre les Francs et 
ils passèrent la nuit à s'exciter mutuellement *. A l'aube du 
jeudi, cinq jours avant la fin du mois, chacune des deux ar- 
mées examina ses positions de combat ; les Musulmans virent 
qu'ils avaient le Jourdain à dos et le pays de l'ennemi devant 
eux. Ils chargèrent alors de tous les côtés, le centre chargea 
aussi, en criant tous ensemble d'une seule voix. Le comte prit 
la fuite au commencement du combat et s'enfuit vers Soûr "'i 



1. Suivant Yâkoût [Mo'djam^ t. I, p. 333), il y a plusieurs localités portant 
ce nom; la première, celle dont il est question dans le texte de Kamàl-ad-Dîn, 
est une localité voisine du Jourdain, qui fait partie de la province de Damas. 
Elle se trouve sur la rive du lac de Tibêriade ; la seconde est une localité voi- 
sine de la Mecque, une autre se trouve entre Basra et Nibâdj. 

2. C'est le comte Raymond de Tripoli. 

3. C'est le nom d'une ville et d'un canton dans les environs du Jourdain en 
Syrie et proche de Tibêriade (Yàkoùt, Mo*djam^ t. III, p. 402). 

4. Ibn-al-Athir, HisU orient., t. I, p. 683, ajoute que les Francs ne pouvaient 
se procurer d'eau. 

5. Ibn-al-Athir, ibid.y dit que Taki-ad-Din laissa échapper le comte. 



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HISTOIRE d'ALEP 91 

un détachement de troupes musulmanes se mit à sa pour- 
suite ; il s'enfuit tout seul, tomba malade * et mourut au mois 
de Radjab. 

Les Musulmans entourent le reste de Tarmée des Francs 
de tous côtés, et une partie d'entre eux prit la fuite ; ils pour- 
suivirent les fuyards, et pas un seul n'échappa. L'autre 
partie de l'armée des Francs se réfugia sur la colline de 
Hittîn. Hittîn * est un village auprès duquel se trouve le 
tombeau de Sho'aîb (sur lui soit le salut!). Les Musulmans 
les attaquèrent vigoureusement sur cette colline; ils mirent 
le feu autour d'eux ^ Les Musulmans leur tuèrent beaucoup 
d'hommes et la soif en fit aussi périr un grand nombre. La 
position des Francs devint de plus en plus critique jusqu'au 
moment ou ils se rendirent à discrétion. Leurs chefs, le roi 
Djafrî *, le prince Arnât, prince de Karak, le frère du roi, le 211 > 
fils d'Honfroi, les enfants de la princesse, le prince de Djobaîl, 
le grand-maître de Tordre du Temple et le grand-maître de 
l'ordre des Hospitaliers furent faits prisonniers ainsi qu'une 
multitude innombrable de gens de moindre condition, à tel 
point qu'un seul Musulman emmenait vingt Francs captifs. 
Ils firent prisonniers dans cette bataille plus de trente mille 
Francs, tant hommes que femmes et enfants. Un nombre con- 
sidérable de leurs chefs et d'autres gens y périt, et depuis 
que les Francs étaient venus dans les provinces maritimes de 
la Syrie, ils n'avaient jamais subi une pareille défaite. Parmi 



1. D'une pleurésie, dit Bahâ-ad-Dîn [Hist. orient. ^t. III, p. 96). 

2. Suivant Yàkoût (Mo^âjam^ t. II, p. 291), « Hittîn est un village entre 
Arsoûf et Césarée, Tibériade et Akkâ, à deux farsakhs de Tibériade, où se 
trouve le tombeau de Sho'aîb, comme le disent les deux hâfith AboûM-Kàsim- 
al-Dimashkî et Aboù-Sa'd-al-Maroûzi »... L'auteur y mentionne la bataille 
décrite plus haut et ajoute que dans cette bataille le roi des Francs, auquel 
il donne le titre de Far'oûriy et qu'il nomme Arbât (lire Arnât), prince de Karak 
et de Shaubak, fut tué. Le tombeau de Sho'aîb se trouve dans un petit village 
nommé Khiyàra. — Il y a une seconde localité nommée Hittîn en Egypte entre 
al-Farmâ et Tennis. 

3. Ibn-al-Athir prétend que ce fut par un hasard tout fortuit qu'un Musul- 
man mit le feu aux herbes sèches {ihid., t. I, p. 684). 

4. Bahâ-ad-Dîn [Hist. orient. y t. III, p. 95) donne le môme nom au roi de 
Jérusalem ; ce nom, qui est quelquefois vocalisé Djofrî, correspond à Geoffroy, 
mais Bahâ-ad-Dîn, comme Kamâl-ad-Dîn, confond toujours Geoffroy et Guy de 
Lusignan, qui était à cette époque sur le trône. Aboû-'l-Féda [Hist. orient. ^ 
1. 1, p. 56) remplace ce nom par « le grand prince des Francs ». 'Imad-ad-Dîn, 
dans le Fath-al-Kussi, lui donne son vrai nom de Guy. — Arnât est Renaud 
de Chatillon; le fils d'Honfroy (Honfri) est Honfroy de Thoron. ' 



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92 KAMAL-AD-DÎN 

tous les trophées que les Musulmans ramassèrent dans cette 
journée se trouvait la croix de laCrucifl;xion; c'était un mor- 
ceau de bois enfermé dans un étui d'or incrusté de pierres 
précieuses. Les Francs croyaient que c'était sur elle que leur 
Seigneur avait été mis en croix et qu'on lui avait fixé les 
mains sur cette croix avec des clous. Les Francs l'apportèrent 
durant le combat, pensant qu'elle attirerait sur eux la bénédic- 
tion du ciel et ils rélevèrent sur une longue pique. Le sultan 
voulut que l'on mît à mort le grand-maître de l'ordre du Temple 
et le grand-maître de l'ordre des Hospitaliers, et son ordre fut 
exécuté. Quant au roi Djafrî, il le combla au^ contraire de 
marques d'honneur et le fit asseoir avec lui dans le vestibule * 
de sa tente; il fit aussi venir avec lui le prince Arnât. Le 
sultan offrit au roi Djafrî une boisson à l'eau de rose ^ avec 
de la neige, le roi en but, car il avait alors grand soif, puis il 
la présenta au prince Arnât. Le sultan dit alors à l'interprète : 
« Dis au roi : « C'est toi qui lui as tendu la coupe à Arnât et 
non moi. » L'habitude des Arabes est, en effet, telle que, 
lorsque le prisonnier reçoit à manger et à boire de la main de 
son vainqueur, il n'a rien à craindre pour sa vie. Or, le sultan 
avait fait vœu deux fois, que, si Allah lui donnait la victoire 
sur Arnât, il le mettrait à mort. La première, quand il conçut 
le dessein de se rendre à la Mecque et à Médine et d'en 
enlever le tombeau du Prophète (qu'Allah prie sur lui et lui 
donne le salut!); la seconde fois, quand le sultan eut conclu 
une trêve avec lui, et qu'ils se furent mutuellement juré de 
212 r. veiller à la sécurité des caravanes qui se rendaient de Syrie 
en Egypte. Une grande caravane, très riche et.composée d'un 
grand nombre d'hommes, parmi lesquels plusieurs soldats, 
vint alors à passer auprès de lui. Le maudit se parjura, les fit 
prisonniers, s'empara de leurs richesses et leur dit : « Im- 
plorez maiîitenant l'aide de Mohammad ! » Le sultan apprit ce 

. 1. Dahliz,* ce mot qui est persan, car il se trouve déjà en pehlvi, signifie, à 
proprement parler, le vestibule. Il est venu ensuite à désigner la tente royale 
elle-même, les historiens de l'époque des Ayyoubites et des Mamlouks en 
offrent tant d'exemples qu'il est inutile d'en citer. 

2. Djulâb, ou persan gul-âb eau de rose, l'arabe prononce quelquefois comme 
ici djuUâb, c'est de ce mot que les occidentaux ont fait julep. La neige avec 
laquelle les souverains rafraîchissaient leurs boissons venait souvent de pays 
fort éloignés, et les Mamlouks d'Egypte avaient un service régulier pour l'ap- 
porter du Liban au Caire. 



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HISTOIRE D'ALEP 93 

fait et lui envoya un ambassadeur pour Teifrayer et lui faire 
des reproches de sa conduite ; il lui demanda de rendre ce 
qu'il avait pris et de remettre les gens en liberté. Arnât 
refusa d'en rien faire et le sultan jura alors qu'il le tuerait le 
jour où il le battrait. Sâlâh-ad-Dîn se tourna vers Arnât et lui 
répéta ses paroles, puis il ajouta : « Eh bien! je t'ai battu 
grâce à Mohammad! » Il lui offrit de se convertir à Tlslâm; 
mais Arnât refusa. Le sultan tira son sabre, le frappa et lui 
trancha l'épaule ; ceux qui étaient présents l'achevèrent et le 
jetèrent à la porte de la tente. Quand le roi Djafrî vit cet 
affreux spectacle, il ne douta point que le même supplice ne 
lui fût réservé, mais le sultan le fit venir auprès de lui, le ras- 
sura et lui dit : « Ce n'est pas l'habitude que les rois tuent les 
rois, mais celui-là a transgressé toutes les bornes ; d'ailleurs il 
n'arrive que ce qui doit arriver. » 

Ensuite, le dimanche vingt-cinquième jour du mois, le sultan 
se mit en marche et vint camper devant Tibériade. La prin- 
cesse * qui s'y trouvait capitula avec lui et lui livra la cita- 
delle. Le mardi suivant, il marcha vers 'Akkâ et vint mettre 
le siège devant cette ville le mercredi dernier jour du mois. 
Il l'attaqua le jeudi premier jour du mois de Djoumâdâ pre- 
mier, s'en empara et délivra quatre mille prisonniers musul- 
mans qui s'y trouvaient renfermés. Il prit tout ce qu'il trouva 
dans la ville ; après cette conquête, l'armée se divisa en plusieurs 
corps, et après 'Akkâ, elle conquit Césarée (Kîasârîâ), Nâbolos, 
Haifâ^ Saffoûria, Nâsarîa, Shakîfet Foula. Les Musulmans 
s'emparèrent de toutes ces places, subjuguèrent leurs habi- 
tants et s'emparèrent de leurs biens. Le sultan se rendit 
d' 'Akkâ à Tibnîn % il attaqua cette place et s'en empara le 



1. C'était la femme du comte de Tibériade qui s'y était réfugiée lors de la 
prise de Tibériade par Saladin. 

2. Suivant Yàkoût (Mo'djamy t. II, p. 381), « il y a deux localités portant ce 
nom, l'une près de Médine et l'autre est une forteresse sur le rivage de la 
mer de Syrie près de Yâfà, elle demeura dans la main des Musulmans jus- 
qu'au moment où la conquit Kondafrî (Godefroi), celui qui s'empara de Jéru- 
salem en Tan 494; elle resta au pouvoir des Francs jusqu'à ce que Salâh-ad- 
Din-Yousoûf-ibn-Ayyoûb s'en emparât en l'an 583, et la ruina ». Parmi les 
personnages célèbres de cette ville Yâkoût, d'après le Târîkh Dimashh ou 
Histoire de Damas, cite le hâflth Ibrâhim-ibn-Mohammad-ibn-'Abd-ar-Raz- 
zâk-aboû-Tàhir. 

3. Suivant Yàkoût {Mo*djam, t. I, p. 824), Tibnîn est un village dans les 
montagnes des Banoû 'Amir, qui domiie la ville de Bànîàs entre Damas et Tyr. 



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94 KAMAL-AD-DÎN 

dimanche dix-huitième, jour du mois de Djoumâda premier. Il 
se dirigea ensuite sur Saîda dont il prit possession le mercredi 
vingtième jour du même mois; après cela il marcha contre 
Baîroût dont il s'empara le vingt-sept du même mois ; la 
212 V. ville de Djobail * se rendit à ses lieutenants, pendant qu'il 
était occupé au siège de Baîroût. Le sultan marcha ensuite 
contre" 'Askalân et y mit le siège, le dimanche vingt-sixième 
jour du mois de Djoumâda premier, après qu'il se fût em- 
paré sur son chemin de quelques localités telles que Ramla \ 
Youbnâ ^ et Dâroûm *. Il resta à 'Askalân, tandis que son 
armée s'empara de Ghazâ, de Beit-Djibrîn ^ d'al-Natroûn, 



1. Suivant Yàkoût (Mo'djam, t. II, p. 32), « c'est une ville qui fait partie de 
la province maritime de Damas dans le quatrième climat. Sa longitude est de 
60o et sa latituderde 34«. C'est une ville célèbre à l'orient de Baîroût à trois 
farsakhs de cette dernière ville. Elle fut conquise par Yazid-ibn-Aboû-Soflân 
et elle resta en la possession des Musulmans jusqu'à ce que Sandjil le Franc, 
qu'Allah le maudisse I vint camper devant elle. Il l'assiégea et une flotte venant 
de l'Occident vint lui porter secours. Sandjil (Saint-Gilles) envoya alors des 
ambassadeurs aux habitants de cette ville ; et ceux-ci capitulèrent avec lui ; 
il leur jura d'observer la capitulation et ils lui livrèrent la place. Ces événe- 
ments se passaient en l'an 492... Elle resta aux mains des Francs jusqu'au 
moment où Salâh-ad-Dîn Yoûsouf s'en empara quand il conquit tout le Sahel 
de la Syrie en l'an 583. Il plaça dans cette ville une population de Curdes pour 
la garder, cette garnison y demeura jusqu'en Tan 593 ». 

2. Suivant Yâkoùt {Mo'dôam, t. II, p. 817), « Ramla est le nom d'une grande 
ville en Palestine (Filistin) c^ui est ajourd'hui ruinée. Il y avait là une halte 
pour les Musulmans. Elle se trouve dans le troisième climat et sa longitude 
est do 550 et deux tiers (40'), la latitude de 32» 40'. Al-Mohallabî dit que 
Ramla fait partie du quatrième climat et qu'un nombre considérable de 
savants sont originaires de cette localité ». Il y a dans les pays musulmans 
plusieurs localités portant le nom de Ramla; un lieu de halte en ruines (à 
l'époque de Yàkoùt), sur le bord du Tigre, vis-à-vis le quartier de Kartch à 
Bagdad, — un village dans le pays des Banoù-'Amir dans le Bahraîn, — un 
lieu de halte à Sarkhas, — une autre localité nommée la Ramla des Banoû- 
Vabr dans le Nedjd. — Entre la Ramla de Palestine, qui est de beaucoup la 
plus connue, et Jérusalem il a 18 milles; suivant Yàkoût, c'est dans cette loca- 
lité que se trouvait la capitale du roi David, de Solaiman et de Robo*am, fils 
de Solaiman. 

3. Yàkoùt {Mo*djam, t. IV, p. 1007) donne au nom de cette ville la, forme 
Youbnà, à étant réprésenté par î. C'est une petite ville proche de Ramla, on 
y voit le tombeau de Sahhâbî, d'autres personnes disent que c'est le tombeau 
d'Aboù Horaira, et d'autres le tombeau d"Abd-allah-ibn-Aboù-Sarh. 

4. Sur Dâroùm voir Quatremère, Histoire des sultans Mamlouks, 1. 1, part. II, 
pp. 237, ss. Suivant Yàkoùt, t. II, p. 525,, c'est une forteresse que l'on trouve 
après Ghazà quand on se dirige vers l'Egypte, elle est distante de la mer 
d'un farsakh. Salah-ad-Dîn la ruina en l'an 583. 

5. Beit-Djibrîn est pour Bail-Djibril « la maison de Gabriel ». Dans le dia- 
lecte arabe de Syrie, archaïque d'ailleurs à beaucoup de points de vue, le 
son l est souvent, dans les noms propres surtout remplacé par le son. n. Sui- 
vant Yàkoùt (Md"djam-al-Buldân, t. I, p. 776, « c'est une petite ville entre 
Jérusalem et Ghazà; entre Beit-Djibrîn et Jérusalem, il y a deux étapes, et un 



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HISTOIRE D'ALEP 95 

de Bait-Lahm * et de la mosquée d'al-Khalil % (sur lui soit 
le salut!). 

Il se rendit à Jérusalem (Beît-el-Makdis) ' et vint l'assiéger 
le dimanche, quinzième jour du mois de Radjab de l'année 583; 
il campa du côté de l'Occident. La ville était remplie de com- 
battants, tant cavaliers que fantassins; il s'y trouvait plus de^ 
soixante mille soldats, sans compter les femmes ni les enfants. 
Il se transporta ensuite du côté du Nord, le vendredi, ving- 
tième jour du même mois, et dressa ses mangonneaux contre 
la ville ; il pressa la ville d'assauts et de combats continuels, et 
il l'accabla sous le nombre de ses archers, jusqu'au moment où 
il commença à faire miner le mur gui était proche du ravin de 
l'Enfer \ du côté du nord. 

Quand les assiégés virent cela, quand ils comprirent qu'ils 
n'avaient pas à espérer de salut et que tout leur pays subirait 
le même sort que ceux qui avaient été soumis par le sultan, le 
reste des défenseurs de la ville rentra à Jérusalem; Ibn-Bârzân 
sortit de la place et se rendit auprès du sultan pour la lui 
rendre et pour intercéder en faveur de ses sujets. Il fut convenu 
avec Saladin que les Francs sortiraient de Jérusalem avec 
leurs richesses et leurs familles et que l'on prendrait à chaque 
homme dix dinars, à chaque femme cinq dinars, et à chaque 
enfant non arrivé à l'âge d'homme deux dinars ^ Tous ceux 
qui ne purent payer cette somme furent réduits en captivité. 

La somme qui fut ainsi prélevée sur ceux qui sprtirent de la 
ville, monta à deux cent soixante mille dinars de Tyr, et en- 
viron seize mille Francs furent réduits en esclavage. 

Le sultan avait placé à chaque porte un émir dont il était sûr, 213 r. 
pour prendre aux Francs la somme qui leur avait été imposée; 
mais ils déjouèrent cette surveillance et ne donnèrent pas ce qui 

peu moins jusqu'à Ghazâ. Il s'y trouvait une forteresse qui fut détruite par 
Salâh-ad-Dîn quand il chassa les Francs du Sahel. Il y a, entre Beit-Djibrîu 
et 'Askalân, un vadi que l'on croit être le vadi de la fourmi qui adressa la 
parole à Solaiûiàn, fils de David, sur lui soit le salut I 

1. Beit-Lahm est la ville de Bethléem. 

2. On pourra voir sur cette ville, qui est la même qu'Hébron, le mémoire de. 
Quatremère dans Histoire des sultans Mamlouks, t. I, part. II, pp. 239 ss. 

3. C'est par erreur que nous avons transcrit plus haut Bait-al-Mokaddas, les 
règles de la grammaire arabe imposant les deux formes : Bait-al-Makdis 
« maison de la Sainteté », ou al-Baît-al-Mokaddas « la maison Sainte ». 

4. Vâdi djahannam, 

5. Bahâ-ad-Dîn-ibn-Shaddâd (Hist. orient., t. III, p. 101), dit un dinar. 



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96 KAMAL-AD-DÎN 

avait été promis. Il est certain que le nombre [des habitants] était 
tel que nous l'avons mentionné *, Ibn-Bârzân mit en liberté dix- 
huit mille pauvres * pour lesquels il paya trente mille dinars. 

Salâh-ad-Dîn prit possession de Jérusalem le vendredi, 
vingt-septième jour du mois de Radjah, et Ton y fit la prière 
du vendredi, le vendredi suivant, quatrième jour de Sha'bân. 
Ce fut Mohyî-ad-Dîn-ibn-Zakî-ad-Dîn qui fit la khotbah et c'est 
lui qui est aujourd'hui kâdî d'Alep. Le sultan fit arracher les 
croix de la Coupole de la Roche, du Mihrâb de David et il 
supprima tous les cabarets qui se trouvaient dans la Masdjid- 
al-Ak§a. Les églises et les chapelles des chrétiens furent 
détruites et l'on construisit à la place des mihrabs et des mos- 
quées. Le sultan resta quelque temps à Jérusalem, puis il 
quitta cette ville le vingt-cinquième jour du mois de Sha'bân, 
et alla camper devant Tyr (Soûr) après que son fils al-Malik- 
ath-Thâhir fut venu le trouver d'Alep, le dix-huitième jour du 
mois de Ramadan, avant qu'il ne fut arrivé devant cette ville. Il 
campa devant Tyr, le vingt-deuxième jour du mois de Rama- 
dan, y mît le siège et l'attaqua. Il fit venir la flotte égyptienne ; 
pendant quelques nuits les équipages ne firent pas bonne garde 
parce qu'ils pensaient n'avoir rien à craindre du côté de la 
mer, quand tout à coup arriva de Tyr la flotte des Francs; une 
partie des marins égyptiens furent faits prisonniers, d'autres 
furent tués \ Cet échec déconcerta l'ardeur du sultan, qui leva 
le siège de Tyr le 2 du mois de Dhoû-'l-Ka'dah, et licencia * 
ses soldats, qui se rendirent dans leur pays. Quant à lui, il 
demeura à 'Akkâ jusqu'au commencement de l'année 584 ^ 



1. En lisant : fa annahu kâna amanat 'ala tahkîk al-addat 

2. C'est-à-dire qu'il paya pour eux la contribution de guerre qui avait été 
fixée et dont le non paiement eut entraîné leur captivité. 

3. La flotte musulmane était sous le commandement de l'amiral 'Abd-al- 
Mohsin et la défaite que les Francs lui infligèrent se place à la date du 
27 shavval (30 décembre), Bahâ-ad-Dîn, Hist. orient.^ t. III, p. 102. 

4. Le texte se sert ici du mot persan dastoûr, qui signifie en général per- 
mission, ou congé donné à des soldats. Ce mot signifie aussi un prêtre dans 
la langue des Parsis. Le pluriel arabe appliqué à ce mot a donné Desâtir, qui 
est le titre d'un livre sur les sectes bien connu en Orient. 

5. Ce fut, suivant al-Yà'fî (ms. ar. 1591, f. 190 r.), le frère de Salâh-ad-Dîn, 
al-Malik-al-'Adil, qui s'empara de la citadelle de Karak au mois de Rama- 
dhân. — Cette année mourut Ousâmah-ibn-Mourshid, le grand émir, Mou- 
vayyad-ad-Daûlah-Aboû-Mothaffar-al-Kanâni-ash-Shaizarî (ms. Shirazî), l'un des 
héros les plus célèbres de l'Islam et l'un des poètes les plus lus. 

Parmi les événements marquants de cette année, Makrizi i^Soloûk, ms. ar. 



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HISTOIRE d'ALEP 97 > 

La population de Hoûnaïn avait envoyé des députés au sultan 
quand il était devant Tyr; il leur accorda une capitulation et 
envoya des troupes pour prendre possession de cette villéi Le 
sultan se mit ensuite en marche et vint camper à Hisn-Kaûkab \ 
dans les premiers jours du mois de Moharram de cette année. 213 ▼. 
Il avait placé des troupes autour de cette place pour la garder 
de l'invasion d'une troupe armée. Une nuit les Francs dé- 
jouèrent leur surveillance et les cernèrent à 'Afarbalâ; ils 
tuèrent le chef de ces troupes, Saïf-ad-Dîn, frère de Djâoûlî. Le 
sultan se mit alors en marche et vint camper devant la place 
avec celles de ses- troupes qui étaient demeurée^ avec lui à 
'Akkâ. Son fils al-Malik-ath-Thâhir était parti de cette ville 
pour retourner à Alep, et son frère al-Malik-al-'Adil retourna 
en Egypte. 

Le sultan investit la citadelle de Hisn-Kaûkâb, mais s'aperçut 
qu'elle était fortement défendue, aussi se retira-t-il en laissant 
Kâimâz al-Nadjmî ^ pour l'assiéger, puis il se rendit à Damas. 
Il quitta ensuite cette ville au milieu du mois de Rabî' premier 
et marcha vers Homs. Il vint camper auprès du lac de Kods. 
Imâd-ad-Dîn Zangî, prince de Sindjâr, se rendit vers lui et 
les troupes d'Imâd-ad-Dîn se réunirent à son armée. Le sultan 
vint camper avec ces troupes sur la colline qui se trouvfe en 
face de la citadelle des Kurdes ^ au commencement du mois 



1726, f. 33 r. et ss.) mentionne les suivants : le siège du château de Kaûkab, 
rémir Sàrim-ad-Dîn-al-Nadjarî y demeura à la tète de cinq cents cavaliers. 
Le sultan préposa à Safad l'émir Toghril le Khazindâr^ à la tète de cinq cents 
cavaliers, et il envoya à Karak et à Shaubak, l'émir Sa'd-ad-Dîn-Kamsabâ- 
l'Asadi. Suivant le même auteur, outre Jérusalem, Salâh7ad-Din s'empare aussi 
d'Antarsoûs qu'il démantèle et incendie, puis de Djibala et de Laodicée où les 
Musulmans s'emparèrent d'un butin considérable... « Quand le sultan s'empara 
de la ville de Baghràs, le prince [àbrins), roi des Francs à Antioche, envoya 
vers lui pour lui demander la paix. Le sultan lui accorda sa demande à la con- 
dition qu'il remettrait en liberté tous les prisonniers musulmans qui y étaient 
renfermés et dont le nombre s'élevait à mille. Le prince de Sindjâr retourna 
vers sa capitale et le sultan se rendit à Alep où il demeura quelque temps ; 
puis il quitta cette ville et alla à Damas à la fin de Sba'bân. Kamsabâ n'avait 
pas cessé, durant ce temps, d'assiéger Karak. Il finit par s'emparer de la 
citadelle et avec elle de la ville de Shaûbak. 

1. « La forteresse de l'Étoile ». Cf. pour un synonyme la forteresse de 
Nadjm : suivant Yâkoût (Mo^djam-al-Boûldân, t. IV, p. 328), c'est le nom d*une 
forteresse sur la montagne qui domine Tibériade (Tabaryyah). Elle est for- 
tement défendue et domine le Jourdain (al-Ardan), Salâh-ad-Dîn la conquit, 
après quoi elle fut ruinée, 

2. Mamlouk de Nadjm-ad-Dîn-Ayyoùb. 

3. Hisn-al-Akrâd. 



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98 KAMAL-AD-DÎN 

de Rabî' deuxième, et U envoya dire à al-Malik-ath-Thâhir 
à Alep et al-Malik-al-Mothaflfar de venir se réunir à lui et de. 
camper à Tîzîn, en face d'Antioche, pour garder ce côté. Les 
deux princes se mirent en marche, ils arrivèrent à Tîzîn, au 
mois de Rabî' second, 6t leurs troupes se joignirent à lui 
dans ce même lieu. Le vendredi, quatrième jour du mois de 
Djoumâda premier, il se mit en marche pour aller chercher 
Tennemi ; il entra dans le pays des Francs et alla faire une 
incursion sur le territoire de Safîthâ, 'Oraîmah et autres 
places de leurs états. 

Il alla ensuite à Antarsoûs, le sixième jour du mois de 
Djoumâda premier, s'arrêta en face de cette place, et l'ob- 
serva. Il envoya rappeler Taile droite de son armée et lui 
ordonna de venir camper sur le bord de la mer, il donna de 
même à Faile gauche Tordre de venir camper sur le rivage de 
la mer de l'autre côté. Quant à lui-même, il campa dans l'endroit 
où il se trouvait alors. L'armée investit ainsi la place, l'extré- 
mité des deux ailes se trouvant sur la mer. Il l'attaqua pendant 
que l'on terminait le campement, et les soldats montèrent 
sur le mur ; il s'empara ainsi d'assaut d' Antarsoûs, les troupes 
214 r. prirent tout ce qui s'y trouvait et il détruisit les murailles 
de la- ville. 

Il marcha ensuite contre Djibala, et son fils al-Malik-ath- 
Thâhir le rencontra au milieu de sa route avec ses troupes qui 
étaient restées à Tîzîn. Il arriva à Djibala le vendredi 18 du 
mois. L'armée n'avait pas encore terminé ses préparatifs de 
campement quand il s'empara de la ville. Ce fut le kâdî et la 
population qui était musulmane et vivait sous la dépendance 
des Francs, maîtres de Djibala, qui lui livrèrent cette place, à 
l'exception toutefois de la citadelle qui était fortement dé- 
fendue; le sultan l'attaqua et il s'en empara par capitulation, 
le samedi dix-neuvième jour du mois. 

Il se rendit de là à Lâdakîah et vint l'assiéger le jeudi vingt- 
quatrième jour du mois de Djoumâda premier. Cette ville 
possédait deux citadelles ; le sultan l'attaqua et s'en empara. 
L'armée en tira un butin considérable, 

La nuit sépara les combattants ; mais, à l'aube du samedi, 
les Musulmans se précipitèrent à l'attaque des deux citadelles. 
Ils minèrent le mur sur une étendue de soixante coudées et 



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HISTOIRE d'ALEP 99 

les Francs comprirent alors que leur perte était certaine, aussi 
demandèrent-ils à capituler le vendredi, vingt-cinquième jour 
du mois de Djoumâda premier, et ils lui rendirent la ville le 
samedi. 

Le sultan quitta Lâdakiâh le dimanche et vint camper devant 
Sahioûn S le mardi vingt-neuvième jour du mois de Djoumâda 
premier. L'armée investit complètement la ville qui fut attaquée 
de tous les côtés avec une extrême violence.- Le flls du sultan 
Salâh-ad-Dîn, al-Malik-ath-Thâhir, la lit battre à coups de maur 
gonneaux, jusqu'à ce qu'il eut ruiné une partie du mur d'en- 
ceinte de la place et produit une brèche praticable. A l'aube du 
vendredi, deuxième jour du mois de Djoumâda second, le sul- 
tan marcha à l'assaut de la ville. Il ne fallut pas plus d'une 
heure pour que les Musulmans fussent montés sur les murs du 
faubourg. Ils s'y précipitèrent et la population du faubourg se 
réfugia dans la citadelle, que les Musulmans attaquèrent ; les 
défenseurs demandèrent alors à capituler. Ils lui livrèrent la 
ville aux mêmes conditions que celles qu'il avait faites à Jérusa- 214 v. 
lem quand cette place lui avait été livrée. Le sultan y demeura 
jusqu'à ce qu'il se fut emparé de quelques forteresses, telles 
que al-Ghîd, de la citadelle de Djamâhirîn ^ et de la citadelle 
de Balâtonos. Puis il quitta cet endroit et campa devant Ba- 
kâs/, qui est une citadelle très forte, dépendante de la pro- 
vince d'Alep, sur le bord de l'Oronte (al-'Asî); il y a un cours 
d'eau qui sort d'au-dessous d'elle. Il y campa le mardi, sixième 
jour du mois de Djoumâda deuxième, sur la rive de l'Oronte. 

1. Sahioûn. Suivant Yâkoût {Mo'djam, t. III, p. 438), Aboû-'Amroû. a dit : 
« Sahioûn est un nom grec, on dit que c'est Jérusalem »... Pour Yâkoût, 
c'est endroit connu près de Jérusalem, et un bourg où se, trouve l'église de 
Sahioûn. — Sahioûn est de. même un château fort des côtes de Syrie et de la 
province de Homs. C'est de ce dernier endroit qu'il est parlé ici. On peut ■ 
voir une description de cette ville, dans les Historiens orientaux des Croi- 
sades^ t. I, p. 721. 

2. La citadelle de Ghïd ou Ghaîd n'est point connue de Yâkoût; quant à celle 
dont le nom est transcrit ici, Djamâhirîn, Yâkoût connaît une forme Dja- 
mâhirya, qui est une citadelle proche de Djibala dans le Sahel de la Syrie. La 
forme donnée dans le manuscrit pourrait se lire Djamâhirtîn. 

3. Suivant Yâkoût (Mo'djam, 1. 1, p. 704), « c'est une citadelle des environs 
d'Alep sur le bord de l'Oronte {al-Asî). Il y a là une source qui sort de dessous 
la citadelle. Entre cette place et les frontières de Masîsah, il y a une autre 
forteresse nommée al-Shôghr, Entre ces deux, il y a un vadi comme un fossé 
nommé al-Shogr. De nos jours, dit Yâkoût, cette place appartient au prince 
d'Alep, al-Malik-al-'Azîz-Mohammad-ibn-al-Malik-ath-Thahir-Ghâzî-ibn-Salâh- 
ad-Din-Yoûsouf-ibn-Ayyoûb ». 



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100 KAMAL-AD-DÎN 

Le sultan monta avec une faible escorte à la citadelle qui se 
trouve sur une montagne qui domine TOronte; il l'investit de 
tous les côtés et l'attaqua vigoureusement avec ses mangon- 
neaux. Il la prit d'assaut le vendredi, neuvième jour du mois 
de Djoumâda deuxième, fit prisonnier tout ce qui restait dans 
la place et s'empara de tout ce qui s'y trouvait. Cette forte- 
resse possédait une petite forteresse que l'on appelait âsh- 
Shoghr * et qui en était voisine, on passait de l'une à l'autre par 
un pont. Le sultan la battit avec ses mangonneaux jusqu'au 
moment où les défenseurs demandèrent à capituler. La gar- 
nison lui livra la place après trois jours, le vendredi seize du 
môme mois. 

Le sultan retourna alors vers ses bagages et envoya, le sa- 
medi, son fils al-Malik-ath-Thâhir vers une citadelle que l'on 
appelle Surmânya. Ce prince l'attaqua avec la dernière vi- 
gueur, et s'en empara le vendredi vingt-troisième jour du 
même mois. Toutes ces victoires consécutives lui arrivèrent le 
vendredi, et c'est ainsi que Jérusalem fut prise un vendredi. 

Le sultan se rendit ensuite avec une petite escorte vers Hiçn- 
Barzoûiah * que l'on citait en proverbe à cause de sa forte 
position, il était entouré de vallées de tous les côtés, et son 
élévation était de plus de 570 coudées. Le sultan réfléchit, et 
il persévéra dans son intention de l'assiéger. Il fit venir ses 
bagages et le reste de l'armée, le samedi vingt-quatrième 
jour du mois de Djoumâda deuxième. Les bagages arrivèrent 
au pied de la montagne, et à l'aube du dimanche le sultan 
monta sur la montagne avec les troupes, les mangonneaux et 
les instruments nécessaires au siège. Il investit la citadelle, 
215 r. il dressa les mangonneaux contre elle et combattit nuit et 
jour. Le mardi, il divisa son armée en trois corps et il fixa à 
chaque corps un jour durant lequel ce corps combattrait, pour 
que l'attaque ne se ralentît pas un seul instant. 

Le tour du sultan arriva, et ce fut lui qui s'empara en per- 
sonne de la ville. Il monta à cheval et commanda la charge. 
Les troupes chargèrent comme un seul homme, montèrent 



1. Ash-Shoghr. Voir la note 3 de la page précédente. 

2. Suivant Yâkoût, Mo*djamy t. I, p. 564, la prononciation vulgaire de ce 
mot était Barzîâh. Il est inutile de transcrire le reste de son article, car il est 
conçu dans des termes absolument identiques à ceux que Ton trouve ici. 



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HISTOIRE d'ALEP tOl 

sur les murs, se précipitèrent dans la ville, pillèrent tout ce 
qui s'y trouvait et firent prisonnière toute la population. Le 
sultan retourna vers ses bagages, fit venir le prince de la ville 
et avec lui dix-sept personnes. Le sultan ressentit de la com- 
misération pour lui, lui rendit sa liberté, ainsi qu'aux per- 
sonnes qui l'accompagnaient, et il les envoya vers le prince 
d'Antioche pour se concilier ses bonnes grâces, parce qu'ils 
étaient de sa famille. 

Le sultan se mit ensuite en route et vint camper à Darb- 
Sâk, le vendredi huitième jour du mois de Radjab de cette 
année. Il attaqua vigoureusement la place avec les mangon- 
neaux et commença à miner le mur au-dessous de la forte- 
resse de sorte que le mur s'écroula. Les Francs le garnirent 
avec des troupes pour empêcher qui que ce fût d'y monter. 
Toutes les fois qu'un d'eux venait à être tué, on mettait à 
sa place un autre pour le remplacer sur le mur. Les Francs 
demandèrent enfin à capituler, à la conditioji qu'ils pour- 
raient se retirer sains et saufs et emporter avec eux leurs 
vêtements, mais rien autre chose. Le sultan s'empara ainsi 
de la ville le vendredi vingt-deuxième jour du mois de Radjab, 
et la donna à 'Alâm-ad-Dîn-Solaîman-ibn-Haîdar. Il quitta 
cet endroit à l'aube du samedi vingt-troisième jour du même 
mois, et alla camper devant Marj-Baghrâs. Un détachement 
de' l'armée cerna Baghrâs et se tint en surveillance * à la 
porte d'Antioche, pour que personne ne put sortir de la ville. 
L'armée attaqua la ville avec violence; les défenseurs deman- 
dèrent à capituler, et il fut convenu qu'ils obtiendraient les 
mêmes conditions qu'Antioche. 

Le sultan prit possession de la ville le deuxième jour du^is^ 
mois de Sha'ban de cette année. Ce même jour, il retourna à 
son camp, et les habitants d'Antioche lui envoyèrent demander 
la paix. Il la leur accorda^ poussé par l'ennui extrême que 
ressentait l'armée; 'Imâd-ad-Dîn, prince de Sindjâr, ne faisait 
que demander de retourner dans son pays. La paix fut donc 
conclue entre le sultan et le prince d'Antioche, pour Antioche 
seulement, et non pour un autre pays des Francs, et à cette 
condition qu'il remettrait en liberté tous les prisonniers musul- 

1. Yazak, soldat de garde, est un mot persan. 



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102 KAMAL-AD-DÎN 

mans qui se trouvaient chez eu^ ; la trêve devait avoir une 
durée de sept mois^ si quelqu'un venait à son secours, sans 
quoi il livrerait la ville au sultan. Al-Malik-ath-Thâhir pria 
son père de venir avec lui à Alep. Il s'y rendit avec lui et 
y fit ison entrée le onzième jour du mois de Sha'bân. Il de- 
meura dans la citadelle durant trois jours en qualité d'hôte 
d'al-Malik-ath-Thâhir. Ce prince répandit ses bienfaits sur une 
grande partie de Tarmée de son père; mais le sultan conçut 
alors quelques craintes de sa conduite *; il partit d'AIep le 
quatorzième jour du mois de Sha'bân et arriva à Damas 
avant le commencement du mois de Ramadhân. 

Dans les premiers jours du mois de Ramadhân, il se mit en 
marche et alla camper devant Safad. Il dressa les mangon- 
neaux contre la place et la combattit sans relâche jusqu'au 
moment où il s'en empara par capitulation, le quatorzième 
jour de Shawâl. 

Les troupes qu'il avait placées pour faire le siège de Karak, 
poursuivirent sans relâche le siège de cette place pendant 
tout ce long espace de temps, et les Francs qui s'y trouvaient 
le supportèrent patiemment jusqu'au moment où leurs muni- 
tions et leurs provisions étant épuisées, ils furent réduits à 
manger leurs bêtes de somme et à envoyer des députés auprès 
du frère du sultan, al-Malik-al-'Adil/Ce prince se trouvait non 
loin de cet endroit et assiégeait quelques citadelles. Ils lui 
demandèrent à capituler; al-Malik-al-'Adil accéda à leur de- 
mande et prit possession de la place. Il s'empara de même de 
Shaûbak et d'autres citadelles voisines des deux précédentes. 

Le sultan alla ensuite de Safad à Kaûkab et vint camper sur 
la montagne. L'armée cerna la citadelle et combattit jusqu'à 
ce qu'il lui fût possible de miner le mur. Les habitants de- 
216 r. mandèrent alors à capituler, et le sultan s'empara de la place 
au milieu du mois de Dhoû-'l-ka'dah. Il se rendit ensuite à 
Jérusalem, où il fit son entrée le vendredi, huitième jour du 
mois de Dhoû-'l-hidjdjah; puis, il marcha sur 'Askalân, et il 
prit congé de son frère al-Malikal-'Adil, qui se rendait en 
Egypte. Salâh-ad-Dîn donna à son frère la ville de Shaûbak 
en échange d' 'Askalân et se rendit dans le Sâhel. 

1. Parce qu'il avait peur que son fils n'achetât ainsi son armée. 



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HISTOIRE D'ALEP 103 

Année 585 ^ Salâh-ad-Dîn se trouvait a cette époque à 'Akkâ ; 
il se rendit à Damas, où il entra au commencement du mois 
de Safar. Puis, le troisième jour du mois de Rabî' pi'emier, 
il se rendit à Mardj-Foloûs, dans Tintention d'aller faire le 
siège de'Shakîf-Arnoûn ^ Il partit de Mardj-Foloûs et alla à 
Mardj-'Oyoûn ^ qui est un lieu proche de Shàkîf-Arûoûn, le 
dix-septième jour du mois de Rabî' premier. La situation 
devint critique pour les Francs et ils commencèrent à man- 
quer de vivres. Le comte Arnât *, prince de Shakîf, se rendit 
auprès du sultan. C'était un des Francs les plus considé- 
rables et les plus rusés. Il lui témoigna de l'obéissance et de 
Tamitié, lui promit de lui livrer la place et lui dit : « Je veux 
que tu m'accordes un délai, afin que je puisse mettre mes 
enfants et ma famille en sûreté et les garantir des Francs; je te 
livrerai ensuite la citadelle et tu me donneras à Damas un 
endroit quelconque où je demeurerai, ainsi qu'un fief pour moi 
et ma famille. Laisse-moi maintenant demeurer à Shakîf pour 
que je puisse mettre mes enfants en sûreté. » 

Le sultan y consentit et Arnât revint à plusieurs reprises 
auprès de Salâh-ad-Dîn. Il y avait une trêve entre lui et An- 



1. Suivant al-Yâ'ô (ms. ar. 1591, fol. 192, ><>), « au commencement du mois de 
Sha'bàn de cette année, Salàh-ad-Dîn se rencontra avec les Francs, les Musul- 
mans furent mis en déroute et beaucoup d'entre eux furent tués. Mais le 
sultan et les héros de Tlslâm tinrent bon^ les chargèrent, les sabrèrent et la 
terre s'effrondrà sous le poids des cadavres ». — Le siège d''Akkâ se prolon- 
gea durant vingt mois et plus et les Francs vinrent par mer et par terre au 
nombre de 600,000 hommes. Cette année (Aboû-'l-Mahasin, ms. ar. 1781, 
fol. 70 ro), mourut Témir Toumân-ibn-'Abd-AlIah, le Noûrî, prince d'ar-Rakka; 
il mourut dans la nuit du 15 Sha bân — et lé jurisconsulte *Isa-al-Hakkâri- 
Dyâ-ad-Dîn, qui assista à la conquête de Misr avec Asad-ad-Dîn Shîrkoûh ; 
c'est lui qui fut le médiateur entre les émirs et le sultan Salàh-ad-Dîn 
quand il fut investi du vizirat par al-'Adad après la mort de son oncle 
Asad-ad-Dîn-Shîrkoûh, Suivant Makrizi (Kitâb-as-Soloûk, ms. ar. 1726, 
fol. 33 et ss.), le sultan était à 'Akkà, puis il s'en alla à Damas au mois 
de Safar..., il assiégea Shakif-Arnoûn. — Cette année, mourut Hosâm-ad-Din 
al-Khilàti, durant la nuit du mardi vingt-septième jour du mois de Radjab, 
et l'émir Hosâm-ad-Dln-Toumân, le mercredi treizième jour du mois de 
Sha'bâri, et l'émir 'Izz-ad-bîn-Nousak-ibn-Djinkoû au mois de Sha'bân; il 
était fils de l'oncle maternel du sultan Salàh-ad-Dîn, et Sharaf-ad-Dîn-Aboû- 
Sa'd-*Abd-allah-ibn-Aboû-*Asroûn à Damas, le mardi onzième jour du mois 
de Ramadhan. 

2. Shakif Arnoûn est une forteresse proche de Naplouse entre cette dernière 
ville et le rivage de la Méditerranée. 

3. Yakoût [ModCjam^ t. IV, p. 488) se borne à dire que c'est une localité sur 
le rivage de la Syrie. 

4. Arnât est la transcription arabe du mot français Renaud. 



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104 KAMAL-AD-DÎN 

tioche dont le terme approchait et il en était préoccupé- Il avait 
envoyé prier Takî-ad-Dîn de réunir les troupes qui se trouvaient 
dans les environs ainsi que celles qui se trouvaient devant 
Antioche. Il apprit en même temps que les Francs s'étaient 
rassemblés dans la ville de Soûr en nombre considérable. Il 
avait été convenu avec Arnât que ce dernier lui livrerait Shàkîf 
au mois de Djoumâda second, et Salâh-ad-Dîn séjournait à 
Mardj-'Oyoûn, en attendant* le moment qui avait été flxé. 
216 V. Durant ce temps, Arnât achetait dans le marché des Musul- 
mans, des vivres (et des armes) et fortifiait ainsi la place de 
Shakîf-Arnoûn. Le sultan avait une opinion favorable d' Arnât 
et ne voulait pas écouter les propos de ceux qui Finfor- 
maient de sa fourberie et de son stratagème. Quand il ne resta 
plus pour arriver au terme fixé que trois jours, Arnât vint 
trouver Salâh-ad-Dîn pour lui parler de la reddition de Shakîf- 
Arnoûn. Il invoqua comme excuse ses enfants et sa famille, 
en lui disant que le marquis {al-markîs) n'avait pas permis 
quils vinssent le rejoindre, et il sollicita un nouveau délai *. 
Le sultan reconnut sa fourberie, il s'empara de lui et le fit 
garder étroitement '\ Arnât consentit alors à livrer la cita- 
delle. Le sultan l'envoya ^ avec un détachement de son armée 
sous les murs de Shakîf et il somma la garnison de se rendre. 
La garnison refusa. Arnât fit alors venir un prêtre, lui parla 
dans sa langue et le prêtre répéta aux soldats francs ce 
qu' Arnât lui avait dit. Ils s'entêtèrent dans leur refus et le 
sultan comprit alors que c'était une chose convenue avec le 
prêtre. On le renvoya alors au sultan qui l'envoya à Bânîâs. 
Salâh-ad-Dîn marcha contre Shakîf, l'investit et poussa vigou- 
reusement le siège de cette ville. Il confia à des gens le 
soin de le garder jusqu'au moment où Shakîf se rendit, après 
que le prince de cette ville eut souffert les tourments les plus 



1. De neuf mois, suivant Bahâ-ad-Din [Hist, orient.) t. III, p. 130. 

2. Bahà-ad-Din [ibid.y p. 130) dit que le sultan le fit loger dans une tente à 
côté de la sienne où il le faisait étroitement surveiller. 

3. Le manuscrit porte sayyaray c'est sans doute une faute pour sayyarahu. 
Cette histoire est fort mal racontée par Kamâl-ad-Din. L'auteur de la vie de 
Saladin (ibid. p. 130) nous apprend que le sultan et le prince de Shakif 
convinrent chacun d'envoyer un homme devant la ville et que ces deux 
hommes en prendraient possession au nom de Saladin, et que, devant le 
refus de la garnison, le prince se rendit à Shakif le 18 du mois de Djoumâda 
second. 



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HISTOIRE d'aLEP 105 

cruels ; on le remit en liberté, sous conditions, le dimanche 
quinzième jour du mois de Rabî' premier de Tan 586 ^ 

Quant au reste des Francs, le sultan avait promis à leur 
roi que, lorsqu'il lui livrerait 'Askalân, il lui rendrait la liberté. 
Il le mit, en effet, en liberté à Antarsoûs, à Tépoque où le 
roi lui ;flt remettre cette ville, et il lui fit promettre de ne plus 
jamais porter les armes contre les Musulmans. Ce prince viola 
sa parole et il s'unit avec le marquis {al-markis % seigneur 
de Soûr. L'armée se trouvait avec une quantité des Francs à 
la porte de Soûr ; il y eut alors entre eux et les Musulmans 
des combats et des luttes ; les dommages qui se produisirent 
au cours de ces événements furent égaux de part et d'autre, 
et les belligérants se séparèrent dans les derniers jours du 
mois de Djoumâda second de cette année. 

Les Francs allèrent assiéger 'Akkâ ; ils vinrent camper de- 217 r. 
vaut la place le mercredi, huitième jour du mois de Radjab. Le 
sultan se mit en marche, vint camper auprès d'eux en dehors 
d' 'Akkâ et les empêcha de cerner la ville ; il campait devant la 

1. Parmi les événements importants de cette année se trouve la ptise de la 
ville de San'â, dans le Yémen, par Saîf-al-Islâm, frère de Salâh-ad-Din, et la 
mort de Yoûsoûf-ibn-*Ali-Zaîn-ad-Din, prince d'Arbil ; son frère Mothaffar-ad- 
Din lui succéda (Aboû-'l-Mahâsin, ms. ar. 1781, f. 70 r.). « Cette année, dit 
Makrizî (Kitàh-aS'Soloûky ms. ar. 1726, f . 34 v.), les Francs terminèrent les trois 
tours qu'ils avaient construites vis-à-vis d' 'Akkà en sept mois et qui domi- 
naient la ville... Les Francs pressèrent alors vigoureusement le siège de la ville 
et la peur des Musulmans s'accrut. La guerre devint plus acharnée des deux 
côtés jusqu'à ce que les trois tours furent incendiées. Il y eut entre la flotte 
des Égyptiens et les vaisseaux- des Francs de nombreux combats dans lesquels 
périrent un grand nombre de Francs. Le roi des Allemands entra alors dans 
Jes pays musulmans ; ces luttes coûtèrent la vie à un grand nombre de Francs. 
Le roi 'Izz-ad-Din-Kilidj d'Arslân, le Seldjoukide, attaqua les Francs, son ar- 
mée fut mise en déroute à Koniâh. Us assaillirent alors cette ville et incen- 
dièrent ses marchés. Les Francs marchèrent vers Tarsoûs dans l'intention de 
se rendre à Jérusalem et de reconquérir ce que le sultan leur avait pris en 
fait de villes et de forteresses. Leur roi vint alors à mourir et son fils lui 
succéda. » Le souverain dont il est question ici est Frédéric Barberousse qui 
mourut après s'être baigné dans le Cydnus, son fils est le duc de Souabe. « II, 
ibid.f se dirigea sur Antioche et le sultan envoya une grande partie des troupes 
qu'il avait avec lui au siège d' 'Akkà, du côté d' Antioche, et une grave épi- 
démie s'abattit sur le reste. Il ordonna de détruire les fortifications de Tibé- 
riade, de Jafia, d'Arsoûf, de Césarée, de Saïda... Les Francs s'enhardirent alors 
par suite du petit nombre de troupes qui restaient au sultan. Ils se mirent en 
campagne et pillèrent la tente (turc oriental ôtak, turc Osmanly ôda) d'al- 
Màlik-al-'Adil. Les Musulmans leur livrèrent combat et les battirent, il y périt 
1,000 hommes. » 

2. C'est le marquis de Montferrat, dont il est question ici; on peut voir dans 
la vie de Saladin (Hist. orient.^ t. III, p. 12) que ce ne fut pas sans difficultés 
que cette alliance fut conclue. 



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106 KAMAL-AD-DÎN 

partie de Tenceinte qui regarde le Nord. La porte Nord d' 'Akkâ 
était ouverte, et les Musulmans y entraient et en ressortaient li- 
brement. Les Francs étaient du côté du Sud et la porte connue 
sous le nom de Porte de l'œil de BodVit(bâb''azn-al-bakar), qui se 
trouvait en face d'eux, avait été fermée. Les Francs se tenaient 
prêts à combattre du côté de la ville et du côté de T armée, et il y 
eut entre les Musulmans et les Francs de nombreux combats. 
Le vendredi vingt- troisième jour du mois de Sha'bân arriva, 
les Francs firent une sortie et se rangèrent en bataille ; leur roi 
était au centre ayant devant lui TÉvangile. Les Musulmans 
s'apprêtèrent aussi pour le combat. L'aile gauche des Francs 
marcha contre la droite de l'armée musulmane où se trouvait 
al-Malik-al-Mothaffar et cette aile recula devant leur attaque. 
Le sultan la renforça en faisant venir des troupes du centre 
de son armée. Le centre fut ainsi dégarni; l'aile gauche de 
Tarmée franque se retira, mais les Francs profitèrent de 
l'affaiblissement du centre de l'armée musulmane pour le char- 
ger; ils le rompirent ainsi que la plus grande partie de l'aile 
droite. La déroute s'étendit jusqu'à al Fakhvâna *. Il y eut 
même des fuyards qui poussèrent jusqu'à Damas, et lès 
Francs arrivèrent jusqu'à la tente du sultan. 

Ce jour-là les Francs tuèrent Aboû-'Alî-al-Hosaîn-ibn-'Abd- 
allah-ibn-Ravaha. Il avait fait l'éloge du prophète (qu'Allah 
prie sur lui et lui donne le salut !). Il s'était arrêté devant son 
tombeau et il avait composé une kasidah rimant en b ; il disait : 
(( Prophète d'Allah! Chaque poète reçoit un don pour ses poé- 
sies, et moi, pour ma récompense, je te demande le martyre! » 
Allah exauça son vœu. Ce jour-là furent aussi tués le major- 
dome (?) du sultan et son échanson. 
L'aile gauche des Musulmans tint ferme et le sultan s'écria, 
217 V. en s' adressant aux restes de son armée : « Musulmans ! » 
L'aile gauche des Francs revint vers l'armée musulmane, mais 
les troupes se rassemblèrent derrière eux, les chargèrent et les 
mirent en déroute. Les Musulmans les poursuivirent et leur 
tuèrent environ 7,000 hommes ^ Quant à eux ils ne perdirent 
guère dans cette affaire que 150 hommes. 

1. Bahâ-ad-Dîn {Hist. orient., t. III, p. 142) donne la même leçon et l'édi- 
teur fait remarquer qu'il faut sans doute lire Okhouvana. 

2. Bahà-ad-Dîn (ibid, p. 144) doute que le nombre fut si élevé. 



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HISTOIRE d'ALEP 107 

La guerre dura sans interruption entre les deux partis, nuit 
et jour, et ils se livrèrent de nombreux combats ; Thiver 
arriva et les Musulmans en éprouvèrent beaucoup de dom- 
mage. Ils se rendirent auprès du sultan et lui conseillèrent de 
quitter 'Akkâ et d'aller à al-Kharroûba \ pour augmenter la 
distance qui séparait les deux armées. Ils agissaient ainsi par 
suite de la peine qu'ils avaient eu et des combats incessants 
qu'ils avaient eu à livrer. 

Le sultan se rendit à al-Kharroûba; les Francs étaient ré- 
pandus autour d' 'Akkâ et l'entouraient de tous les côtés. Ils 
avaient des rapports constants avec les Francs de Tyr; il leur 
vint de cette ville des vaisseaux qui assiégèrent 'Akkâ par 
mer, ce qui découragea les Musulmaûs qui s'y trouvaient. Les 
Fraucs se mirent à entourer letfr armée d'un fossé comme s'ils 
voulaient investir 'Akkâ; ils lui donnèrent la forme d'un crois- 
sant dont les deux extrémités venaient se réunir à la mer ; ils 
construisirent sur ce fossé et de leur côté un mur dont les deux 
extrémités aboutissaient sur la mer et ils le garnirent de diffé- 
rents instruments de guerre. Les Francs recevaient des ren- 
forts leur venant par mer tant en provisions de bouche qu'en 
soldats et en armes, à ce point qu'on leur envoyait des lé- 
gumes frais et des primeurs de l'île de Chypre et qu'ils leur 
arrivaient le surlendemain. 

Le sultan Salâh-ad-Dîn envoya vers le khalife et vers les 218 r. 
rois de l'Islam pour leur demander aide et secours. On apprit 
en même temps l'arrivée du roi des Allemands (Malik-al- 
AZamdn) à Constantinople à la tête de six cent mille hommes, 
parmi lesquels l'on comptait trois cent mille combattants et 
trois cent mille valets d'armée, gens d'escorte ou artisans. On 
raconte qu'il y avait dans son armée vingt-cinq mille génisses 
qui portaient les armes et des fourrages. Les Musulmans per- 
dirent tout courage et en furent épouvantés. Il ne leur restait 
d'autre espérance que de voir les Oudj * et Kilidj-Arslân barrer 
le passage à ces envahisseurs. Aucune de ces prévisions ne se 
réalisa ; le roi des Allemands s'avança et fit des expéditions dans 
la contrée jusqu'à Marisa. Allah envoya alors sur les Francs 

1. AI-Kharroûba, Suivant Yàkoût (Mo'djam, t. II, p. 423), c'est le nom d'une 
place forte sur le rivage de la mer de Syrie et qui domine la ville d' *Akkâ. 

2. Nom d'une tribu de Turkomans. 



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108 KAMAL-AD-DÎN 

une terrible peste, une grande chaleur et la famine. Ils furent 
obligés de sacrifier leurs bêtes de somme et de tuer les bœufs 
qui traînaient leurs chariots. Chaque jour, il mourait mille 
hommes et les Francs tuaient les bêtes de somme de ceux 
qui venaient de mourir. Ils arrivèrent ainsi à Antioche, et il 
ne restait pas la dixième partie de leur armée. Au nombre 
des morts fut leur roi * qui était venu faire une campagne en 
Syrie, en Tan 544, et qui avait assiégé Damas. Il se noya à 
Tarsoûs, dans un fleuve que Ton appelle al-Fâtir. Ce prince 
entra dans le fleuve, y nagea et s'y noya; on dit aussi qu'il 
s'y mit à nager et que, comme l'eau était très froide, il tomba 
malade et mourut. On retrouva son corps, on le fit bouillir 
dans du vinaigre et on rassembla ses ossements pour les enter- 
rer à Jérusalem. Il avait désigné son fils pour son héritier 
présomptif et tout le monde s'accorda à ratifier ce choix. Ce 
prince tomba malade à al-Thaniyyât ^ ; il resta dans ce lieu, 
mit un grand comte à la tête de son armée et l'envoya vers 
Antioche. Ce comte se rendit alors à Antioche et mourut dans 
cette ville. Le prince d' Antioche (al-brins) sortit de la ville, 
alla trouver le roi et le pria de venir chez lui, dans l'espé- 
218 V. rance qu'il y mourrait et qu'il pourrait s'emparer de ses biens. 
Le fils du roi des Allemands avait divisé son armée en trois 
corps à cause du grand nombre de ses soldats. Le premier 
corps passait sous Baghrâs sous le commandement du comte 
dont il vient d'être parlé, quand l'armée d'Alep tomba sur lui 
et lui fit prisonnier deux cents hommes; cette même armée 
tomba aussi sur ifne division importante de l'armée franque qui 
était allée faire du fourrage ; un grand nombre de Francs furent 
tués et les Musulmans firent environ cinq cents prisonniers. 

Quand le roi des Allemands arriva à Antioche, il enleva 
cette ville au prince qui y régnait, et il y déposa ses trésors. 
Il en partit le mercredi vingt-cinquième jour du mois de 
Radjah de l'année 586, se dirigeant sur 'Akkâ. Une telle épi- 
démie s'abattit alors sur les Francs que sur dix hommes un 
à peine survécut, et ils ne sortirent pas d' Antioche avant de 



1. C'est de Frédéric Barberousse dont il est question ici, son fils portait le 
titre de duc de Souabe. 

2. Sans doute la même localité que Yâkoût nomme Thaniyya-al- Ukàb, ville 
qui se trouve dans la Ghoûta de Damas. 



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HISTOIRE D'ALEP 109 

ravoir remplie de leurs tombes. Leur roi arriva à Tarâbolos à 
la tête d'environ un millier de cavaliers, et il aurait sufl3 d'une 
centaine de Musulmans pour les faire tous prisonniers. Ils 
arrivèrent ainsi à 'Akkâ exténués et ne pouvant être d'aucune 
utilité; le fils du roi des Allemands mourut dans cette ville au 
mois de Dhoû'-r-hidjdjah de l'an 586. 

La flotte égyptienne arriva aux Musulmans à 'Akkâ, elle ' 
comptait cinquante navires; sur sa route vers 'Akka, cette es- 
cadre captura un navire de guerre et plusieurs navires francs, 
fit prisonniers leurs équipages et prit les richesses qui se trou- 
vaient à bord. Elle eut encore à supporter plusieurs rencontres 
avec la flotte franque qui bloquait 'Akkâ, mais les Musulmans 
furent victorieux et ils entrèrent dans la ville. Ils s'emparèrent 
de tout ce qu'ils y trouvèrent en fait de vivres et d'armes; 
l'entrée des Musulmans dans cette ville eut lieu le lundi qua- 
torzième jour du mois de Sha'bân de l'an 586. . 

Ce même mois, les Francs envoyèrent des navires à la Tour 
des Mouches (bordj-ad-dubbân), qui se trouve sur la porte du 
port d"Akkâ; ils placèrent sur le pont de leur navire une tour 
qu'ils remplirent de bois et de naphte dans l'intention de s'avan- 219 r. 
cer avec leur navire, et quand ils seraient à proximité de la 
Tour des Mouches, d'incendier la tour qui se trouvait sur le 
pont, de l'amener jusqu'au pied de la Tour et de tuer ainsi les 
soldats qui la défendaient. Ils prirent donc ce navire et y allu- 
mèrent un grand feu dans l'intention de le faire aborder à la 
Tour des Mouches quand l'incendie aurait atteint sa plus grande 
intensité. Il remplirent un autre navire de pièces de bois pour le 
lancer au milieu de la flotte musulmane et l'incendier, et, de 
plus, ils placèrent sur un troisième navire des soldats sous une 
tortue pour empêcher qu'ils ne fussent atteints par les flèches et 
pour qu'ils se tinssent dessous. Ils conduisirent le navire vers 
la tour et mirent le feu à leur engin; ils lancèrent le naphte, 
mais le vent étant venu à souffler contre eux, leur bateau fut 
incendié et l'équipage périt, le second vaisseau prit aussi feu 
et les Musulmans s'en emparèrent; le troisième, sur lequel se 
trouvait la tortue \ chavira avec ceux qui étaient dedans. 

1. Ce mot désigne ici une sorte de superstructure blindée sous laquelle les 
Francs abritèrent leurs matelots; et c'est probablement la surcharge qu'elle 
apporta au navire, en surélevant son centre de gravité, qui le fit retourner. 



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110 KAMAL-AD-DÎN 

Cette année, au mois de Rabî' premier, les Musulmans incen- 
dièrent les engins de guerre que les Francs avaient construit 
pour les combàtti'e. C'était une grande tour * que Ton faisait 
avancer vers la ville sur des roues; il y avait dessus des soldats 
et des mangonneaux. Un homme de Damas, nommé 'Alî-ibn-an- 
Nadjâs, se dirigea vers cette tour; il jeta dessus à plusieurs re- 
prises du haut du mur des projectiles remplis de naphte ; le vent 
soufflant de Touest, cela causa Tincendie de ces engins de 
guerre avec tout ce qu'ils renfermaient tant hommes que choses ; 
malgré cela les Francs s'acharnèrent au siège d' 'Aldtà, et la 
garnison qui se trouvait dans cette place perdit patience. Il 
arriva alors d'Egypte des navires dans lesquels se trouvaient 
des vivres ; mais les troupes gaspillèrent ces provisions. 

Au mois de Rabî' premier, un grand nombre de vaisseaux 
arrivèrent du pays des Francs, il s'y trouvait des milliers de 
combattants Francs, des plus considérables, parmi lesquels 
se trouvaient deux rois ^ Tun se nommait le roi de France 
219 V. {nl-Malik-al'Fransîs) ^ l'autre le roi d'Angleterre (al-Malik- 
Anglitar). Tous les deux attaquèrent 'Akkâ aveclaplus grande 
violence et ils firent le plus grand dommage au mur d'enceinte. 
La garnison avait très peu de vivres et d'armes. Le sultan 
ordonna que l'on armât un grand navire de Bâiroût, qu'on le 
garnît abondamment d'armes, de provisions de bouche et de 
soldats et qu'on lui donnât la tournure extérieure et l'appa- 
rence d'un vaisseau franc. On prit un certain nombre des sol- 
dats francs qui se trouvaient captifs des Musulmans et on les 
plaça sur le pont * du navire; on embarqua en même temps des 
Musulmans connaissant la langue des Francs. Ils s'habillèrent 
à leur mode, rasèrent leur barbe, prirent avec eux des porcs 
et mirent une croix sur les voiles du navire. 

Les Francs s'imaginèrent que c'était un renfort qui ^eur 
arrivait de leur pays ; les Musulmans manœuvrèrent pour 
entrer dans le port d' 'Akkâ, saluèrent les Francs dans leur 
langue et leur annoncèrent qu'il y avait derrière eux d'autres 

1. Ibn-al-Athir, Hist, orient., t. II. 

2. Le roi d'Angleterre dont il est ici question est Richard Cœur-de-Lion, et 
le roi de France, Philippe-Auguste. 

3. Makrizi nomme Louis IX, al-fransîs « le français ». 

4. Littéralement, à l'extérieur du bateau, soit sur le pont, soit sur le bor- 
dage extérieur, pour qu'ils soient bien en vue. 



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HISTOIRE D'ALEP 111 

renforts qiii augmenteraient leurs forces et leur assureraient 
la victoire. Les assiégeants ne se doutèrent de rien et lais- 
sèrent le navire entrer dans le port, Le^ Musulmans entrèrent 
ainsi dans 'Akkâ et ils firent parvenir à leurs coreligiotinaires 
qui se trouvaient dans la ville, les vivres, les armes et les 
troupes qu'ils avaient amenés avec eux. Cette ruse réussit 
complètement. C'était là une occasion qu'il ne convient pas 
de renouveler; mais les Musulmans s'enhardirent du fait 
qu'elle avait réussi et il leur prit envie de recommencer. Ils 
envoyèrent de Bâiroût un grand navire et ils le chargèrent, 
comme la première fois, d'armes, d'engins de guerre et de pro- 
visions pour une somme supérieure à 5,000 dinars ; ils y firent 
monter sept cents soldats musulmans. La nouvelle de ce fait 
arriva aux Francs, qui firent une étroite surveillance et atten- 
dirent pendant plusieurs jours, croisant sur la mer. Les Mu- 
sulmans s'approchèrent d' 'Akkâ et essayèrent, mais en vain, 
d'entrer dans le port ; la flotte anglaise qui arrivait d'Angleterre 
et qui était forte de vingt et une voiles * rencontra le navire 
musulman. Ils se combattirent durant deux jours; les Musul- 220p. 
mans résistèrent malgré l'infériorité de leur nombre et cou- 
lèrent trois navires francs. Ils virent qu'ils n'avaient à attendre 
aucun salut et que si les Francs s'emparaient du navire, ils en 
tireraient une grande force, et qu'ils les réduiraient en capti- 
vité et en esclavage. Il y avait à bord, un habitant d'Alep, qui 
était tailleur de pierre ^ et qui habitait près de la Porte des 
Quarante (Bâb-al-Arbâ^în), et se nommait Ya'koûb ; cet homme 
était commandant des djandârs. Il descendit dans la partie 
basse du navire, il prit sa hache et en perfora la muraille du 
bateau. L'eau s'y engouffra et il sombra ; les infidèles ne purent 
s'emparer de rien, sauf de deux hommes qu'ils recueillirent sur 
les flots, ils les recueillirent sur leur escadre, et ces hommes 
leur apprirent comment cet événement s'était passé \ 

1. Bahâ-ad-Dîn (Hist. orient., t. III, p. 221) parle de quarante voiles. 

2. Hadjdjâr, ce mot signifie aussi « celui qui lance les pierres avec les 
machines » . Ce sens peut aller ici. Ibn-al-Athir dit que cet homme était chef 
des djandârs (Hist. orient., t. II, p. 43). Kamâl-ad-Din, qui semble avoir eu 
sous les yeux une copie défectueuse de cet auteur, dit seulement qull était 
commandant d'une « troupe ». 

3. Cet événement est aussi rapporté par les historiens occidentaux ; cepen- 
dant ils prétendent qu*au moment où le navire musulman sombrait, son équi- 
page se précipita à Tabordage des galères anglaises. Richard Cœur-de-Lion 



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1 



U2 KAMAL-AD-DÎN 

Quand cette nouvelle arriva à 'Akkâ, elle fit perdre tout 
courage aux troupes de la garnison. Les troupes se déses- 
pérèrent et un certain nombre d'émirs s'enfuirent dans de 
petits bâtiments. Cette désertion accabla ceux qui restaient 
dans la place ; en même temps le mur de la ville était de plus 
en plus ruiné par les attaques des assiégeants. Les habitants 
d"Akkâ renoncèrent à continuer la lutte et ils écrivirent au 
sultan qui leur permit de traiter avec les Francs, de leur livrer 
la ville et d'avoir la vie sauve à ce prix. Les Francs leur 
accordèrent la paix à la condition qu'ils leur livreraient la 
ville, ainsi que tout ce qui s'y trouvait en fait d'instruments 
de guerre, d'équipements, d'armes, de navires et autres 
choses; qu'ils leur payeraient une contribution de guerre de 
200,000 dinars, qu'on leur remettrait quinze cents prisonniers 
du commun et cent d'une haute situation qu'ils choisiraient 
eux-mêmes, ainsi que la Croix de la Crucifixion. A cette con- 
dition, le reste pourrait sortir sain et sauf avec leurs familles, 
leurs biens et leurs effets. On avait promis 10,000 dinars au 
Marquis (al-Markis) parce que c'était par son entremise que 
le traité avait été conclu et 4,000 à ses troupes; les Francs 
jurèrent d'observer ces dispositions et ils prirent possession 
d'^Akkâ le vendredi dix-septième jour du mois de Djoumâda 
second * de l'année 587 ^ . 



aurait ordonné de massacrer tous les marins en réservant toutefois les offi- 
ciers dont il comptait tirer une bonne rançon (Mills, Histoire des croisadesy 
traduction française, t. II, p. 277). 

1. Bahâ-ad-Din {Hist. orient., t. III, p. 237) parle seulement de 500 prison- 
niers d'un rang ordinaire; et, suivant lui, le marquis Conrad de Monferrat 
n'aurait eu que 4,000 dinars; quant à ses troupes il n'y est point fait allusion, 

2. « Cette année, dit al-Yà'fî (ms. ar. 1591, f. 193 ro),la détresse que les Francs 
faisaient peser sur 'Akkâ s'aggrava, les Musulmans souffrirent de la famine et 
livrèrent la ville par capitulation. — Cette année meurt le prince de Hamâh, 
al-Malik-al-Mothaffar-'Omar-ibn-Shâhanshàh-ibn-Ayyoûb, l'un des héros de 
l'Islam, frère du sultan Salâh-ad-Dîn. -- Suivant Makrizî [Kitàh-as-Soloùki 
ms. ar. 1726, f. 35 r®), cette année eurent lieu des combats entre la population 
d' 'Akkâ et l'émir qui les commandait Bahà-ad-Dîn Raràkoûsh et les Francs. Le 
printemps arriva, l'armée du sultan vint alors et il marcha contre les Francs 
pour porter secours à la garnison d'*Akkâ. Les Francs serrèrent la place de près 
et poussèrent activement le siège; ils dressèrent contre elle leurs manjaniks 
et la lutte dura jusqu'au moment où les Francs s'emparèrent d'*Akkâ, le ven- 
dredi dix-septième jour du mois de Djoumâda deuxième ; ils y firent prisonniers 
les Musulmans qui s'y trouvaient, ils répondirent de leur rançon et sortirent 
dans l'intention d'aller lutter. Le sultan les rencontra et les mit en déroute. Il 
y eut alors des pourparlers de paix et on traita de la mise en liberté des pri- 
sonniers; mais cela n'aboutit pas. Le 27 du mois de Radjab, les Francs firent 



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HISTOIRE d'ALEP 113 

Mais ils violèrent ce traité, firent prisonniers tous les 
Musulmans qu'ils trouvèrent dans la ville, et se les parla- 220 v. 
gèrent ; ils prirent leurs richesses, leur volèrent leurs vête- 
ments et leurs armes, et massacrèrent deux mille deux cents 
otages en un seul jour, parce qu'ils pensaient qu'ils étaient 
pauvres {fukarâ) et qu'ils n'avaient pas de quoi se racheter; 
ils réduisirent en captivité ceux dont ils espéraient tirer de 
l'argent ou au sort desquels le sultan (Salâh-ad-Dîn) s'intéres- 
serait. Les Francs restèrent à 'Akkâ durant quarante jours, 
al-Malik-an-Nâçir se tenant éloigné d'eux *. Ils quittèrent 
ensuite cette ville, se dirigeant sur 'Askalân, et le sultan 
marcha à leur rencontre pour les empêcher de s'éloigner 
du rivage de la mer. Les Francs se rendirent de 'Akkâ à 
Yâfâ qui en est distante d'un jour de marche. Il y eut entre 
les Francs et les Musulmans des luttes et des combats ; comme 
le sultan avait peur que les Francs ne s'emparassent d'As- 
kalân, il arriva dans cette ville avant eux et la ruina. Il en 
fit sortir les habitants au mois de Ramadhân de l'année 587. 

Les Francs demeurèrent à Yâfâ et le sultan se rendit à 
Ramla; les Francs s'empressèrent de faire des constructions 
à Yâfâ et d'y pratiquer des travaux de défense. Après quoi 
ils partirent de cette ville et vinrent à 'Askalân qu'ils se 
mirent à rebâtir. Ils se rendirent ensuite à Dâroûm et l'assié- 
gèrent à trois reprises différentes. La troisième fois, ils s'en 



venir les prisonniers musulmans ; ils se précipitèrent sur eux d'un seul coup 
et en tuèrent ainsi un grand nombre... Les Musulmans se jetèrent aussi sur 
eux et ils se livrèrent un combat furieux où périt de chaque côté un grand 
nombre des combattants. Quand fut arrivé le mois de Sha'bân, les Francs mar- 
chèrent sur Askalân, le sultan se mit à leur poursuite et les renconti;a le 14 de 
ce mois à Arsoûf. Les Musulmans furent mis en déroute, mais le sultan tint 
ferme jusqu'au moment où les Musulmans se furent réunis autour de lui. — Le 
sultan s'en retourna alors le 19 de ce mois et vint camper devant 'Askalân dans 
l'intention de la détruire, dans l'impossibilité où il se trouvait de la garder... » 

— « Cette année, suivant le même auteur, moururent *Alam-ad-Dîn-Solaimân- 
ibn-Haîdar au mois de Doû-'l-hidjdjah et al-Malik-al-Mothaffar-Takî-ad-Dîn- 
*Omar-ibn-Noûr-ad-Dîn-Shâhanshâh-ibn-Ayyoûb-ibn-Shâdî, prince de Çamâh. » 

— «Cette môme année, suivant Aboû-Shàma {Kitâh-ar-Raudatain, édition de 
Boulak, t. II, p. 182), le roi de France {al-Malik-al-Fransis) Qi le roi d'Angle- 
terre [al-Malik-alrAnglitera] et d'ai-utres princes qu'eux deux vinrent rejoindre 
les Francs qui se trouvaient en Terre Sainte... (ibid,, p. 183) ; le roi d'Angle- 
terre vint d'abord à Kubrûs (l'île de Chypre), le 26 du mois de Rabi second, et 
il se prépara à faire une descente à 'Akkâ pour s'emparer de cette ville sur 
le. prince qui la possédait* 

1. Ces mots sont aux trois. quarts effacés dans le manuscrit. 



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114 KAMAL-AD-DÎN 

emparèrent par capitulation. Le troisième jour du mois de 
Dhoû-1-hidjdjah, le sultan (Salâh-àd-Dîn) retourna avec son 
armée à Jérusalem, il y fit des constructions * et la fortifia ; il 
rendit difficile le chemin qui y conduisait et en creusa plus 
profondément le fossé. Il plaça al-Malik-al-'Adil pour observer 
les Francs à Ramla. 

Cette année mourut al-Malik-al-Mothaffar-Takî-ad-Dîn à 
Manâzkird ^ qu'il était en train d'assiéger, après avoir livré 
un combat à Bektimur, prince de Khilât, et Tavoir battu. 

Année 588 ^ Le sultan était à Jérusalem et Al-Malik-al- 



1. Sur ces constructions, voir Ibn-al-Athir {Hist. orient., t. II, p. 55). 

2. Yâkoût (Mo*djam, t. IV, p. 648) cite une ville de Manàzdjird qui est la 
même que Manâzkird, ou plutôt, suivant la prononciation persane exacte, 
Manazgird; cet élément -gird représente une altération, d'ailleurs assez inex- 
plicable, du participe passif -karta du perse et signifie « fait par ». Cf. les 
noms de ville 'Arabgird, Darâbgird, etc. — Les Arabes en ont fait -djird 
parce qu'ils ne possèdent point le son g. « La population de cette ville, dit 
le géographe arabe, prononce Manâzkird ; c'est une ville célèbre entre Kbilàt 
et le pays de Roûm, et elle fait partie" de l'Arménie; sa population est armé- 
nienne et roumane. » 

3. Cette année, suivant Aboû-Shamâ {Kitâb-ar-RaûdatatUy éd. de Boulak, 
t. II, p. 196), rémir 'Izz-ad-Din-Djoûrdîk alla faire plusieurs expéditions sur 
le pays des Francs et en ramena des prisonniers et du butin ; en particulier 
au mois de Moharram où il pilla Tibna. Le 2 Safar, il fit une incursion sur le 
territoire d'Ascalon et y fit trente prisonniers. Durant la nuit du 14 Safar, un 
corps de troupes, commandé par Fâris-ad-Dîn-Maimoùn, se mit en embuscade 
iprès de Tibna pour guetter le passage des Francs ; ceux-ci furent faits pri- 
sonniers avec leurs bagages. Saif-ad-Dîn-al-Mashtoûb leur rendit la liberté 
contre une rançon considérable, sur laquelle les Francs versèrent d'abord une 
somme de 50,000 dinars et donnèrent des gages pour le reste. — Cette même 
année, le marquis, prince de Tyr, est assassiné par deux hommes qui, après 
s'être convertis au christianisme, entrèrent dans les ordres, on découvrit 

'ensuite qu'ils étaient affiliés à la secte des Ismaïliens. Son successeur est 
nommé par Aboû-Shama Kond-hari^ transcription fautive de Comte Henri (de 
Champagne) ; ce prince épousa la. veuve du marquis Conrad qui, suivant 
Aboû-Shama, était alors enceinte. — Makrizî (Soloûk, ms. ar. 1726, fol. 36 r.), 
ajoute les renseignements suivants : « Cette année, les Francs s'emparèrent 
de la forteresse de Daroûm ; l'armée égyptienne sortit alors dans l'intention 
de se rendre auprès du sultan. Les Francs les cernèrent et s'emparèrent de 
tout ce qu'ils avaient avec eux. Les Musulmans se dispersèrent dans le désert ; 
les Francs leur firent cinq cents prisonniers et s'emparèrent d'environ trois 
mille bêtes de somme ; après quoi ils s'en retournèrent à leur camp. Les 
Francs avaient depuis longtemps le désir de reprendre Jérusalem ; ils se mirent 
alors en marche, mais il se disputèrent et vinrent camper à Ramlah; ils 
envoyèrent des députés au sultan pour lui demander la paix. Ce prince sortit 
alors de Jérusalem le 20 Radjah et marcha sur Jaffa qu'il assiégea ; il combat- 
tit sans relâche contre les Francs qui s'y trouvaient jusqu'à ce qu'il leur prît 
la ville de force. Les troupes y trouvèrent un butin considérable, il s'empara 
de la citadelle et en fit sortir les Francs qui s'y trouvaient. Un secours impor- 
tant de l'armée franque mit alors à la voile, il comptait cinquante navires. » 
Cette division navale, arrivée après la chute de la ville, alla faire une expédi- 



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HISTOIRE d'ALEP 115 

'Adil à Ramla; les Francs avaient en leur possession ce que 
les Musulmans avaient conquis autrefois entre 'Akkâ et Da- 221 r. 
roûm; il leur était impossible de s'éloigner du rivage de la 
mer par crainte que les Musulmans ne vinssent à les couper 
de leur flotte. Cette année, la trêve fut rompue *. Al-Malik-al- 
Man§oûr-ibn-Takî-ad-Dîn se révolta contre le sultan à Myâ- 
fârkîn, à Harrân, à Édesse, à Soûmaîsat. Le sultan envoya 
vers lui son fils al-Malik-al-Afdal et lui donna en fief ces villes 
de rOrient *. Il se rendit ensuite à Alep, accompagné de son 
fils al-Malik-Ath-Thâflr 

Le sultan tomba malade d'une fièvre aiguë, le jeudi dixième 221 v. 
jour du mois de Safar; son intelligence s'était troublée, le 7, 
et la parole lui manqua. La maladie se porta au cerveau et il 
mourut après treize jours de maladie, à l'aube du mercredi 
27 de Safar de Tan 589 \ 

Le jour de sa mort, il n'y avait dans son trésor qu'un seul 222 r. 
dinar souri et quarante-sept dirhems d'argent. On faisait la 
prière à son nom dans toutes les chaires depuis les contrées 
les plus lointaines du Hadramaût au sud, jusqu'aux frontières 
du pays de l'Arménie au nord ; depuis Târâbolos à l'occident, 
jusqu'à la porte de Hamadân à l'est. On frappait les dinars et 



tion le long de la côte et la paix survint à la fin du mois de Sha'bàn ; la 
trêve sur mer et sur terre fut conclue pour trois ans et trois mois à partir du 
11 Sha'bàn. — C'est cette année que meurt Kilidj-Arslân, souverain dlconium. 

1. Cette trêve avait été conclue le vingtième jour du mois de.ShaT)an 588. 
Voir la note précédente et Ibn-al-Athir (Hist. orient.^ t. II, p. 65). 

2. Les auteurs musulmans entendent par villes, ou pays de l'Orient, cette 
partie de l'empire ayyoubite. 

3. Cette année (al-Yâ'fî, ms. ar. 1591, f. 196 r.) mourut le prince de la Mecque 
Davoûd-ibn-*Isa-ibn-Foulaitah- ibn- Kàsim- ibn-Mohammad- ibn- abî-Hâshim, 
l'Alide, al-Hasanî. 

<« Cette année, qui est la première du règne du Sultan al-'Aziz-'Otbmân en 
Egypte, suivant Aboûl-Mahâsin {Histoire d'Egypte, Ms. ar. 1779, f. 36 r.) mourut 
l'émir Bektimur le Shàh-i-Armin et le sultan Mas'oûd-ibn-Maûdoûd-ibn-Zangî- 
ibn-Ak-Sonkor-*Izz-ad-Dîn, prince de Mausil, qui était le neveu du sultan al- 

Malik-al-'Adil-Noûr-ad-Din le martyr Il sortit de Mausil pour aller combattre 

al-Malik-al-*Adil-Aboû-Bakr-ibn-Ayyoûb. Al-*Adil était alors à Harrân après 
la mort de Salah-ad-Dîn. Il revint malade et mourut au mois de Ramadhàn. Ce 
prince avait régné treize ans et quelques mois. » « Cette même année, suivant 
Makrizi (Kitâb-as-Soloûk, ms. ar. 1726, f. 36 r.), le sultan était à Damas et al- 
Malik-al-'Adil alla faire une expédition contre Karak. C'est à cette époque que 
revint du Yémen al-Malik-al-Mo'izz-Isma'il-ibn-Saif-al-Islâm-Thàhir-ad-Dîn- 

Toghtakîn au milieu du mois de Safar Toghril-Bek-ibn-Arslân-ibn-Toghril- 

bek, ,flls du sultan Mahmoud, fils de Malik-Shâh, fils d'Alp-Arslân... ibn- 
Saldjoùk, fut tué le 24 du mois de Rabi premier, ce fut le dernier souverain 
Seldjoukide qui régna dans l'Adjem. » 



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116 KAMAL-AD-DÎN 

les dirheins de tous ces pays à son nom; les armées de ces 
contrées obéissaient à ses ordres et marchaient sous ses éten- 
dards ; il était souverain de TÉgypte, de toute la Syrie, du 
Djazirah, du Diâr-Bekr et du Yémen. Ce prince avait pour 
vizir le kadî al-Fâdil-'Abd-ar-Rahmân-ibn-'Alî-al-Baîsâuî, qui 
était passé maître dans Fart épistolaire. 

Son fils, le sultan al-Malik-ath-Thâhir-Ghâzî-ibn-al-Malik- 
an-Nâ$ir-Yoûsoûf- ibn-Ayyoûb, devint souverain d'Alep, de 
Bîrah, de Kafartâb, de 'Azâz, de -Hârim, de Shaîzar, de 
Bârîn, de Tell-Bâshir, et il régna dans Alep. Il répandit ses 
bienfaits sur ses sujets, se concilia leur cœur par sa généro- 
sité et il fit le bien suivant les conseils de son père. Les habi- 
tants d'Alep éprouvèrent en même temps la joie et la dou- 
leur ; il leur attacha au cou le collier des bienfaits et de la 
générosité, il appela auprès de lui les plus grands comme les 
plus humbles de ses sujets et s'attacha les riches et les pauvres. 
Il était d'un visage gai, et c'était un des rois que l'on craignait 
le plus, un des plus autoritaires, mais aussi l'un des plus 
sensés et des plus généreux. Chaque année, une multitude de 
gens se pressaient à la porte de son palais, poètes, lecteurs 
du Kor'ân, fakîrs et gens semblables. Il les accueillait tous 
avec bonté et générosité, et les comblait de ses dons et de 
ses bienfaits. Jamais, depuis l'époque de Saîf-ad-Daûlah-ibn- 
222 V. Hamdân, une telle multitude ne s'était réunie à la porte d'un 
souverain; il dépassait même Saîf-ad-Daûlah par sa modestie, 
ses vertus et sa générosité. 

Le prince de Maûsil, 'Izz-ad-Dîn, se mit en campagne, après 
avoir fait alliance avec Imâd-ad-Dîn et le prince de Mâre- 
dîn, pour prendre Harrân et ar-Rohâ, à al-Malik-al-'Adil, au 
mois de Rabî' second de cette année. Il fit halte à Donaisir *. 
Al-Malik-al-'Adil campa à Harrân et demanda à al-Malik- 
ath-Thâhir et al-Malik-al-Afdal de le secourir en lui envoyant 



1. « Donaîsîr était, dit Yâkoût (Mo^djam^ t. II, p. 612), une ville grande et 
célèbre située dans le Djazirah et proche de Màrdin, entre ces deux villes il 
y a deux parasanges. On l'appelle aussi d'un autre nom qui est Koûtch Hisar ; 
je l'ai vue quand j'étais jeune, dit-il; c'était un village; je la revis trente ans 
après, et c'était une grande ville, comme il n'y en a pas de pareille, elle est 
grande, très peuplée et possède beaucoup de marchés. Il n'y a pas dans cette 
ville de fleuve qui coule au milieu d'elle, aussi les habitants boivent-îls de 
l'eau de puits, qui est agréable et bonne. »» 



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HISTOIRE d'ALEP 117 

leurs troupes. Al-Malik-ath-Thâhir envoya son année, sous 
le commandement d'al - Malik - al - Mansoûr - ibn - Takî - ad- 
Dîn. Àl-Malik-al-'Adil vint camper devant Saroûdj et s'en 
empara. Quand à 'Izz-ad-Dîn, il tomba malade et s'en retourna 
à Maûsil, sans avoir une seule fois rencontré l'ennemi. En- 
suite, al-Malik-al-'Adil vint camper devant Rakka et s'en 
empara; il donna cette place à son neveu, al-Malik-ath-Thâflr, 
après quoi il se rendit avec son armée à Nisîbîn, et donna en 
fief les villes de Al-Khâboûr et de Kannâ \ La paix fut con- 
clue au mois de Sha'bân. 

Les Yârôûkis et leur commandant Dilderim, prince de 
Tell-Bâshir, se conduisaient d'une manière orgueilleuse et 
maladroite envers al-Malik-ath-Thâhir, et ils ne s'étaient pas 
montrés empressés à lui faire leur cour durant la vie de son 
père. Ils honoraient Badr-ad-Dîn-Dilderim comme un grand 
personnage, et tous lui faisaient un cortège d'honneur comme 
s'il eût été sultan. Ces personnages avaient comme fiefs les 
meilleurs villages de la montagne de as-Soumâk et d'autres 
endroits. Quand al-Malik-ath-Thâhir devint souverain d'Alep, 
ils continuèrent à se conduire envers lui d'une façon aussi 
insensée qu'auparavant. Aussi ce prince fit-il emprisonner leur 
chef Dilderim dans la citadelle d'Alep et le fit charger de 
chaînes, il chassa le reste des Yârôûkis d'Alep, confisqua leurs 
fiefs et réclama à Dilderim la ville de Tell-Bâshîr. Ce dernier 
refusa; cela se passait en Tan 590 ^ 

Sur ces entrefaites, une discorde éclata entre al-Afdal et 
al-Malik-al-'Azîz à cause de deux émirs Nâseris. L'un d'entre 
eux s'appelait Maîmoûn al-Kasrî et l'autre Sonkor-al-Kabîr, 223 1 
qui avaient en leur possession un certain nombre de citadelles. 
Ces deux émirs avaient peur qu'al-Malik- al-Afdal ne les fît 
jeter en prison ; ils se rendirent en Egypte et se déclarèrent 
contre al-Afdal. Ils demandèrent tous deux à al-'Azîz d'entrer 
à son service, à la condition qu'il leur garantirait ce qu'ils 
possédaient. Al-Malik-al-Afdal fit alors des fiefs avec le terri- 

1. La ville de Kannâ était située non loin de Shahrzoûr, suivant Hamadânî 
cité par Yàkoût \Mo*djam^ t. IV, p. 78). — Il y a une autre ville dont le nom 
s'écrit de même et se lit Kanâ dans le Sa'îd. 

2. « Cette année (Makrizi, Kitâb-as-Soloûk, ms. ar. 1726, f. 40V),le 16 du mois 
de Rabi* second, Dja'far-ibn-Shams-ad-Dîn marcha contre les Francs et alla 
faire une incursion contre Djobaïl. » 



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, 118 KAMAL-AD-DÎN 

toire qui leur appartenait, tandis qu'al-Malik-al-'Azîz leur 
donna la ville de Nâbolos *. Cette ville avait été donnée à titre 
de fief à Ibn-al-Mashtoûb qui refusa de s'en dessaisir en faveur 
des deux émirs susdits et se rendit auprès d'al-Malik-al-Afdal. 
La discorde éclata entre les deux princes à ce sujet, Al-Malik- 
al-'Azîz vint camper devant Damas au mois de Djoumâda 
deuxième, distribua son territoire en fief et l'attaqua; al-Malik-. 
al-Afdal envoya alors prévenir son oncle de ce qui se passait. 
Al-Malik-al-'Adil partit de son royaume qui était à Torient de 
TEuphrate, avec quelques troupes et vint trouver al-Malik-ath- 
Thâhir Ghâzî à Alep. Ce prince le fit monter à la citadelle de 
cette ville et le logea dans la maison où se trouvait la fille 
d'al-Malik-al-'Ada, Ghârîat-Khâtoûn, son épouse \ Al-'Adil 
demanda à al-Malik-ath-Thâhir de s'unir à lui pour marcher 
au secours d'al-Malilc-al-Afdal et d'apaiser la rancune qui était 
dans le cœur des deux rois; ath-Thâhir y consentit. Al-Malik- 
al-'Adil lui dit ensuite : « Je suis ton hôte, et on doit accorder 
une faveur à son hôte, c'est pourquoi, en cette qualité, je te^ 
demande Dilderim. » Al-Malik-ath-Thâhir y consentit et le 
remit en liberté. . 

Al-'Alam-ibn-Mâhân était au service du sultan al-Malik- 
ath-Thahir et remplissait auprès de lui les fonctions de vizir. 
Il conseilla au prince de faire arrêter son oncle al-Malik-al-, 
'Adil. Mais le prince d'Alep refusa et dit à son vizir ^ « C'est 
mon oncle et je dois le considérer ^ comme mon père. » 11 fit 
descendre Dilderim de la citadelle et ce dernier se rendit le 
jour même à Tell-Bâshir. Al-Malik-al-'Adil et al-Malik-ath- 
Thâhir marchèrent ensuite au secours de al-Malik-al-Afdal, 
Jv. après que ce prince eût cédé à al-Malik-ath-Thâhir, Djabala *, 



1. La ville de Nâbolos est la ville bien connue en Occident sous le nom de 
Naplouse, où vivent, comme l'on sait, les derniers Samaritains. 

2. Le texte répète ici, épouse du sultan al-Malik-ath-Thâhir. 

3. Litt. : Sa place (est) la place du père, que Ton pourrait traduire : il se 
conduit envers moi comme un père, avec moins de probabilité. 

4. Djabala est, suivant Yâkoût {Mo'djanij t. II, p. 25), une célèbre forte- 
resse sur le rivage de la Syrie, elle fait partie de la province d'Alep et est 
proche de Laodicée. Voici ce que raconte Ahmad-ibn-Yahyâ-ibn-Djâbar : 
« Quand Oubada-ibn-as-Sâmat fut libre du côté de Laodicée en l'an 17, Obaîda- 
ibn-al-Djarrah l'envoya vers cette ville (Djabala). Il arriva avec ses troupes à 
une ville nommée Balda qui se trouve à deux farsakhs de Djabala; il s'empara 
de la ville qui fut détruite et dont la population émigra. Moravia bâtit Dja- 
bala ; cette place appartînt aux Roumis qui s'en enfuirent à l'époque où les 



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HISTOIRE d'ALEP 119 

Laodicée et Balâtonos \ et le territoire de ces. villes en 
totalité, pour qu'il Taidât contre son frère. Quand cette 
cession eut été accomplie, al-Malik-al-'Âdil et al-Malik-ath- 
Thâhir se joignirent à al-Malik-al-Afdal ; al-Malik-al-'Azîz 
s'éloigna alçrs de Damas, et entre les trois souverains eut 
lieu un échange de notes qui aboutit à une entente et à la 
paix, sous cette clause que les états d'al-Malik-al-Af^al res- 
teraient dans le statu quo, et que de même, il n'y aurait rien 
de changé à ce qui était en la possession de Maîmoûn et de 
Sonkor-al-Kabir, et que ces deux personnages seraient les 
vassaux d'al-Malik-al-'Azîz. Les diverses parties jurèrent 
d'observer ce traité, au mois.de Scha'bân de l'année 590. Al- 
Malik-al-'Azîz s'en, retourna en Égj^te, al-Malik-ath-Thâhir 
à Alep, et al-Malik-al-'Âdil dans son royaume en Orient. 

En l'an 591 ^ le kadî-Bahâ-ad-Dîn-Aboû-1-Mahâsin-Yousoûf 
ibn-Rafi'-ibn-Tamîm passa au service d'al-Malik-ath-Thâhir; 
il se rendit à Alep auprès de ce prince qui lui donna la charge 
de kadî d'Alep et l'inspection des fondations pieuses de cette 
ville, après avoir destitué de sa charge Zaîn-ad-Dîn-Aboû-1- 
Baîân. Le kadî Bahâ-ad-Dîn remplit auprès de lui les fonc- 

Musulmans s'emparèrent de Homs. Ils y mirent une garnison et Mo'avia 
construisit dans cette ville une citadelle en dehors de l'ancienne forteresse 
des Roumis ; cette dernière fut peuplée de moines qui y adoraient leur dieu 
suivant leur religion. Cette ville resta aux mains des Musulmans dans les 
meilleures conditions, jusqu'au moment où la force des Roumis s'accrut, et 
ils s'emparèrent alors des frontières. Djabala fut prise en Tan 305 après la 
mort de Saîf-ad-Daulah. Elle resta en leur possession jusqu'en 475. Les Francs 

la prirent ensuite à Fakhr-al-Mulk » Il y a plusieurs endroits portant en 

arabe le nom de Djabalah, Yâkoût en cite un dans le Nedjd entre deux loca- 
lités nommées l'une ash-Shouraif et l'autre ash-Sharaf, un troisième dans le 
Hedjâz. Ce nom propre étant tiré de djàbal montagne, on conçoit qu'il puisse 
s'appliquer à beaucoup de localités. 

1. Balâtonos est une citadelle fortement défendue sur le rivage de la Syrie, 
proche de Laodicée, elle dépend de la province d'Alep. 

2. Cette année, dit Aboû'-l-Mahâsin (Histoire d*Égypte, ms. ar. 1779, f. 37 r.), 
al-Malik-al-'Azîz donna la ville de Nabolos en flef à Fâris-ad-Din-Maimoùn 
al-Kâsrî, ainsi que sept cents cavaliers. — Cette année eut lieu le combat 
de Zallaka entre Ya'koûb-ibn-Yôusouf-ibn-*Abd-al-Mou'min et entre Alfonse, 
roi de Talitila. l\ s'était emparé de la péninsule espagnole et pendant que 
Ya'koûb était occupé à lutter contre des rebelles qui s'étaient révoltés contre 
lui. Suivant Yâkoût {Mo^âjern, t. II, p. 939), al-Zalâka est une ville en An- 
dalousie non loin de Kartabah. — Cette même année, dit Makrizi [Kitâh-aS' 
Soloûky ms. ar. 1726, *f. 42 v.), arriva une lettre du souverain du pays de 
Roùm annonçant que tous les habitants du pays de Roûm s'étaient réunis 
à lui et qu'il traitait les Musulmans avec grands égards, qu'il leur avait 
ordonné de construire une djâmi' (grande mosquée), et qu'on y avait fait la 
prière du vendredi ainsi que la khotbah. 



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120 KAMAL-AD-DÎN 

tions de vizir et de conseiller. Al-Malik-al-Afdal craignait 
que son frère al-Malik-al-Azîz ne vînt assiéger Damas en 
Tan 591, comme il l'avait déjà fait Tannée passée. Il se rendit 
alors à la forteresse de Dja'bar où il trouva son oncle al-Ma- 
lik-al-' Adil ; il lui proposa de se rendre vers lui à Damas pour 
le défendre contre al-Malik-al-'Azîz s'il marchait contre lui, 
que cette campagne aboutit à la paix ou à toute autre chose. 
Les deux princes se mirent d'accord sur ce point, et al-Malik- 
al-'Adil se rendit à Damas. Ensuite al-Malik-al-Afdal alla à 
Alep chez son frère al*Malik-ath-Thâhîr, et lui proposa de lui 
donner son aide contre al-Malik-al-'Âzîz; mais il ne le trouva 
224 r. pas franchement décidé à marcher avec lui contre Damas. 
Ath-Thâhir posa entre autres conditions à al-Afdal que le 
prince de Hamâh, al-Malik-al-Man§our-Mohammad-ibn-Takî- 
ad-Dîn, Izz-ad-Dîn-ibn-al-Mokaddam, prince de Bârîn, et Badr- 
ad-Dîn-Dilderim-ibn-Yâroûk, prince de Tell-Bàshir, seraient 
tous soumis à ses ordres et qu'ils dépendraient de lui; que les 
villes qui leur appartenaient rentreraient dans le nombre de 
celles d'al-Malik-ath-Thâhir et qu'ils feraient partie de ses 
troupes. Ils Tabandonnèrent et allèrent trouver son oncle al- 
Malik-al-'Adil. Ce souverain avait intercédé auprès d'ath- 
Thâhir en faveur de Dilderim, et ath-Thâhir l'avait mis en 
liberté par égard pour lui ; al-'Adil s'était porté garant que 
Dilderim serait soumis à ath-Thâhir et qu'il resterait à ses 
ordres. Au bout de quelque temps, l'émir était passé au service 
d'al-'Adil ; al-Malik-ath-Thâhir demanda que son oncle exé- 
cutât les conditions qui avaient été convenues entre eux deux 
et qu'il ne lui enlevât pas ainsi ses vassaux. Al-Malik-al- 
Afdal se rendit à Damas pour statuer avec son oncle sur les 
demandes d'al-Malik-ath-Thâhir ; mais ce prince n'obtint pas 
une seule des choses qu'il demandait. Il se retira alors du 
parti des deux souverains et envoya exhorter vivement al- 
Malik-al-'Azîz à marcher contre eux, parce qu'al-Malik-al- 
Afdal aimait al-Malik-al-'Âdil ej l'avait chargé de toutes ses 
affaires. Les envoyés d'al-Malik-al-'Azîz vinrent trouver al- 
Malik-ath-Thâhir pour faire alliance avec lui et lui porter 
secours. Al-Malik-ath-Thâhir lui prêta serment au mois de 
Radjah de cette année et al-Malik-al-'Azîz partit d'Egypte au 
mois de Ramadan avec les émirs Asadis et les Kurdes. 



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HISTOIRE D*ALEP 121 

Al-Malik-ath-Thâhir se mit en campagne, et vint camper à 
Kinnisrîn ; il célébra dans cet endroit la fête de la rupture 
du jeûne. Al-Malik-al-'Aziz célébra la même fête à al-Favâr. 
Al-Malik-al-'Aziz avait l'intention de marcher sur Damas et 
d'y mettre le siège. Aboû-'l-Hidjâ-as-Sâmîn, avec les Moha- 
râniens et les Asadiens, partit le quatrième jour du mois 
de Schavvâl, et ils marchèrent sur Damas. Al-Malik-ath- 
Thâhir marcha de Kinnisrîn * à Karâ-Hisâr ^ dans le dessein 
d'assiéger la citadelle de Manbadj qui était en la possession 224 v. 
de al-Malik-al-Mansoûr, prince de Hamâh. Quand al-Malik- 
ath-Thâhir arriva à Bouzâ'â, il apprit que l'armée avait ourdi un 
complot contre al-Malik-al-'Azîz et que celui-ci était parti de 
devant Damas. Al-Malik-al-'Adil et al-Malik-al-Afdal le pour- 
suivirent jusqu'en Egypte. Al-Malik-ath-Thâhir revint alors 
à Karâ-Hiçar, jusqu'à la fin du mois de Schavvâl, et il rentra 
à Alep. Il y apprit que al-Malik-al-'Adil et al-Malik-al-Afdal 
avaient poursuivi al-^Malik-al-'Azîz jusqu'en Egypte, et qu'ils 
étaient campés à Balbaïs. Al-Malik-al-Azîz entra à Miçr et y 
confirma son autorité. Al-Malik-aï-'Adil comprit qu'il n'y avait 
rien à feire contre ce prince, et il écrivit au kadi al-Fadil 

pour lui demander une entrevue Les choses s'arrangèrent 

avec al-Malik-al-'Azîz, et il fut convenu qu'il pardonnerait aux 

Asadiens Al-Malik-al-Afdal s'en retourna, accompagné 

de Aboû'1-Hidjâ-as-Samîn; al-Malik-al-'xldil demeura avec 
al-Malik-al-'Azîz à Misr et s'allia avec lui. Cela détermina 
al-Malik-ath-Thâhir à abandonner la cause d'al-Malik-al-'Azîz 

1. Yâkoût {Mo'djam, t. IV, p. 184) connaît deux villes de ce nom, il dit : 
Kinnisrîn est une ville distante d'Alep d'une étape du côté de Homs, près de 
rAvàsim, quelques personnes comptent même cette ville dansTAvàsim-EnSOl, 
les Grecs conquirent Alep et tuèrent toute la population de cette ville. Les ha- 
bitants de Kinnisrîn furent épouvanté! et prirent la fuite ; les uns traversèrent 
TEuphrate, les autres allèrent trouver à Alep Saîf-ad-Daûlah-ibn-IJapidân, qui 
se servit d'eux pour renforcer sa garnison. On dit aussi que cette ville fut détruite 
en l'an 355, avant la mort de Saîf-ad-Daûlah. — Il y a une autre ville nommée 
Kinnisrîn, auprès de laquelle se trouverait le tombeau du prophète Sàlih, et où 
l'on verrait les traces des pas de sa chamelle; mais Yâkoût prétend qu'en réa- 
lité ce tombeau se trouve dans l'Yémen, à Shabva ou à la Mecque. Cette 
ville, dit-il, fut conquise, en l'an 17, par 'Obaîda-ibn-al-Djarrah en même temps 
que Homs. 

2. Karâ-Hisâr, en turc la citadelle noire, le mot hisâr étant arabe. Y^ici les 
renseignements que donne Yâkoût sur cette localité : « Karâ-Hisâr est une 
grande plaine dans le nord d'Alep, où vint camper Salâh-ad-Dîn. » Ce n'est pas 
la seule localité qui porte ce nom, car le même géographe cite encore : un 
Karâ-hisâr, à un jour d'Antioche, et un autre non loin de Kaisariah (Césarée). 



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122 KAMAL-AD-DÎN 

et à se mettre du côté d'al-Afdal. Al-Malik-al-Afdal avait 
agi avec ruse envers al-Malik-al-'Azîz, et avait caressé Tes- 
poir de devenir sultan des pays de Tislamisme, de faire ré- 
citer la khôtbah et de faire frapper la monnaie à son nom, 
Il entendit répéter des propos d'al-Malik-al-Afdal, qui exci- 
tèrent sa colère contre ce prince; il s'entendit alors avec 
al-Malik-al-'Azîz pour se rendre avec lui en Syrie, afin d'y 
établir les règlements qui étaient en vigueur dans tous les 
• r. pays de Tislamisme. Al-Malik-ath-Thâhir envoya son frère, al- 
Malik-az-Zâhir-Dâoûd, ainsi que le kadi Bahâ-ad-Dîn, ka^i 
d'Alep, et Sâbik-ad-Dîn-'Othmân, prince de Shaîzar, en Tan 592, 
auprès d'al-Malik-al-'Aziz, pour apaiser cette discorde, et re- 
venir aux conditions de la paix et aux conventions qui avaient 
été fixées entre eux. Les envoyés arrivèrent, mais al-Malik- 
al-'Âdil et al-Malik-al-'Azîz étaient partis pour se rendre à al- 
Barkah, au mois de Rabi' premier de cette même année ; de 
telle sorte qu'ils revinrent sans avoir obtenu aucun résultat de 
leur mission. Ils apprirent à al-Malik-al-Afdal quels étaient 
leurs desseins envers lui et lui dirent qu'al-Malik-al-'Azîz avait 
projeté, d'accord avec al-'Âdil, de faire réciter la prière en son 
. honneur et de faire frapper la monnaie à son nom. Cette nou- 
velle le jeta dans un trouble profond. 

Quand les envoyés furent arrivés à Alep, al-Malik-ath-Thâhir 
envoya des députés à son frère al-Malik-al-Afdal pour renou- 
veler la paix entre eux deux, et ils se jurèrent un appui et une 
aide mutuels. Ensuite, un émir vint trouver al-Malik-ath- 
Thâhir; c'était 'Alam-ad-Dîn-Kaisar, le nâseri, émir djândâr de 
son père al-Malik-an-Nâsir ; al-Malik-ath-Thâhir lui donna 
en fief la ville de Laodicée, qu'il avait prise à Ibn-as-Salâr, 
et il envoya al-'Alam-ibn-Mâh^n pour voir ce qu'il y avait 
dans cette citadelle, pour la remettre à Ibn-Kaîsar, y placer 
une garnison et faire prêter serment aux troupes en son 
nom. Al-'Alam-ibn-Mâhân tenait, à cette époque, auprès d'al- 
Malik-ath-Thâhir la place de vizir. Quand il fut arrivé à 
Laodicée, et qu'il fut entré dans la citadelle, il eut envie de 
s'emparer de cette ville et conçut le dessein de se révolter. Il 
se fit prêter serment par la garnison ; une partie des soldats 
refusèrent de le faire, écrivirent à al-Malik-ath-Thâhir et se 
saisirent d'Ibn-Mâhân. Al-Malik-ath-Thâhir se hâta de marcher 



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HISTOIRE d'ALEP 123 

vers Laodicée ; il monta à la citadelle et fit comparaître devant 
lui Ibn-Mâhân. 

Il lui fit couper une main et arracher un œil; il fit tuer un de 
ses serviteurs favoris et fit couper la langue et une oreille à 225 v. 
Badr-ad-Dîn-ibn-Mâhân, son parent. Puis il fit écorcher un 
gouverneur chrétien, qui se trouvait dans la place, s'empara 
de tout ce qui appartenait à Ibn-Mâhân et le distribua. 

Il rentra ensuite à Alep, ayant avec lui Ibn-Mâhân. On Tavait 
fait monter sur un âne, la tête tournée vers la queue ; on lui , 
avait mis sur la tête un soulier de femme et on lui avait attaché 
au cou sa main coupée. On lui fit faire le tour de la ville dans 
cette posture, pendant qu'on le frappait à coups de gourdin. On 
le fit ensuite monter à la citadelle. Le portier de la citadelle, 
Ibn-Manifah, vint au-devant de lui et lui dit : « Je saurai bien 
avoir raison de toi. » Il tira son soulier de son pied et lui en 
porta un coup furieux. Ibn-Mâhân fut emprisonné dans la cita- 
delle. Quelques personnes racontent qu'alrMalik-ath-Thâhir 
voulait éviter de donner Laodicée en fief à Ibn-Kaî§ar, qu'il 
écrivit à Ibn-Mâhân pour lui ordonner de se révolter et qu'il 
fut ensuite obligé d'agir comme il le fit; mais c'est là une as- 
sertion fausse. 

Quand le sultan al-Malik-ath-Thâhir fut revenu de Laodicée, 
il envoya une partie de l'armée d' Alep, pour secourir son frère 
al Malik-al-Afdal. Al-Malik-al-'Azîz et al-Malik-al-'Adil vinrent 
à Damas et mirent le siège devant cette ville. Al-Malik-al-'Azîz 
s'en empara par une trahison, qui permit à al-Malik-al-'Adil 
d'entrer dans la place par la porte Bâb-al-Toûma, et à al-Malik- 
âl-'Azîz d'entrer par la porte Bâb-al-Faradj/Al-Malik-al-Afdal 
sortit alors de la citadelle et reçut en échange de Damas la 
place de Sarkhad \ où il se rendit. Al-Malik-ath-Thâfir se 
rendit à Alep auprès de son frère al-Malik-ath-Thâhir; ce der- 
nier le combla de marques d'honneur et le reçut avec distinc- 
tion. Ces événements se passèrent au mois de Sha'bân de 
l'an 592 \ 

1. Sarkhad. C'est le nom d'une ville voisine du pays de Hoûvân et qui fait 
partie de la province de Damas ; c'est une citadelle bien défendue, un beau 
et grand district (Yàkoût, Mo'djam-at-Boldâriy t. III, p. 380). 

2. Cette année, dit al-Yâ'fî (ms. ar. 1591, f. 213 v.), al-*Aziz marcha contre 
Damas pour la troisième fois ; il avait avec lui son oncle al-*Adil. Les deux 
princes .mirent le siège devant Damas. L'armée d'al-Afdal complota alors 



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124 KAMAL-AD-DÎN 

Al-Malik-ath-Thâhir s'occupa alors activement de faire 
creuser les fossés d'Alep, et de fortifier la ville. Il envoya 
le kadî Bahâ-ad-Dîn et Ghars-ad-Dîn-Kilidj vers al-Malik-al- 
'Azîz, pour lui demander de faire alliance avec lui. Mais ce 
dernier était déjà retourné en Egypte, en laissant al-Malik-al- 
'Adil à Damas. 

Al-Malik-ath-Thâhir alla ensuite à Mardj-Dâbik, et séjourna 
dans cet endroit. Il arriva que le prince de Mar'ash avait 
. fait invasion sur le territoire de la ville de Ra'bân * ; il 
► r. envoya alors devant lui son armée à 'Aîn-tâb. Le prince de 
cette ville, Hosâm-ad-Dîn-ibn-Nâsir-ad-Dîn, fut saisi de crainte; 
il garda avec soin la citadelle, et Tarmée vint camper dans la 
banlieue de la ville, pour bien faire voir qu'elle ne venait pas 
faire le siège de la citadelle, mais à cause de la violence de la 
grêle et de la neige. 

Le prince deMar'ash envoya ensuite vers al-Malik-ath-Thâhir, 
pour lui présenter ses excuses, il se reconnut comme son sujet 
et lui jura fidélité. Le sultan se rendit à Râvandân, et resta 
dans cette ville durant trois jours, il marcha ensuite de nuit 
sur 'Azâz. Cette place était au pouvoir des lieutenants de 
rémir Saîf- ad-Dîn - ibn-'Alam - ad-Dîn-'Alî - ibn-Solaîmân-ibn- 
Haîdar. Cet officier était malade à Alep. Le sultan voulut 



contre lui, et les soldats ouvrirent les portes de la ville à al-'Azîz et al- 
*Adil. Ces deux princes entrèrent dans' la ville au mois de Radjah. 

Cette année, dit Abou-1-Mahâsin (ms. ar. 1779, f . 37 v.), il y eut un second 
combat entre le sultan Ya'koùb et Alfonse, roi des Francs, après qu'Alfonse 
eut réuni une armée considérable. Ils se rencontrèrent (f. 38 r.) et se livrèrent 
un terrible combat. Allah donna la victoire aux Musulmans. Yâ'koûb mit 
Alfonse en déroute, le poursuivit et Tassiégea dans Tolitila. Il dressa ses màn- 
gonneaux contre la ville, la réduisit à la dernière extrémité et ne se lassa point 
qu'il ne l'eut prise. Alors sortirent vers lui le fils d'Alfonse, ses filles et §es 
femmes. Ya'koûb s'en retourna alors àKartabah et resta quelques mois dans 
cette ville pour partager le butin. Ensuite des ambassadeurs envoyés par 
Alfonse vinrent le trouver pour demander la paix. Ya'koûb la lui accorda pour 
une durée fixée. 

1. Ra'bân. Suivant Yâkoùt {Mo'djanif t. II, p. 791) : « c'est le nom d'une ville 
des frontières entre Alep et Soumaîsat, proche de l'Euphrate, et que l'on 
compte au nombre des villes de T'Avâsim. Cette citadelle qui se trouve au 
pied d'une montagne, fut saccagée pa» un tremblement de terre en l'an 340. 
Saif-ad-Daùlah envoya Aboû-Farâs-ibn-Hamdân, avec un détachement de 
l'armée ; ce général rebâtit la ville en trente-sept jours. » Dans le livre des 
conquêtes {Kitàb-al-fotoûh)^ il est dit qu'Aboû-'Obaidah-ibn-al-Djarrâh en- 
voya en l'an 16, après la conquête de Manbadj, 'Aiad-ibn-Ghanam à Ra'bân 
et à Doloûk. La population de la ville traita avec lui de la paix aux mêmes 
conditions que celle de la ville de Manbadj. 



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HISTOIRE d'ALEP 125 

monter à la citadelle à cause de la violence de la pluie. Les 
gens qui y étaient refusèrent de le laisser entrer, sans que 
Saîf-ad-Dîn lui en donnât la permission. Il se rendit alors à 
Darbsâk, où se trouvait Rokn-ad-Dîn-Altâs *, cousin de Saîf-ad- 
Dîn ; il se saisit de lui et retourna à Alep, en grande colère. 
Il entra lui-même dans la maison de Saîf-ad-Din, le fit mettre 
dans une litière, et l'envoya à 'Azâz pour qu'il lui livrât cette 
dernière ville ainsi que tout ce qui s'y trouvait ; il chargea 
Hosâm-ad-Dîn-'Othmân-ibn-Toûmân de le surveiller et de l'ac- 
compagner. Saîf-ad-Dîn remit la ville aux lieutenants du sultan 
al-Malik-ath-Thâhir, et ceux-ci s'en retournèrent auprès de 
lui à Alep. Quand cette aventure arriva à Saîf-ad-Dîn, la 
ville de Darbsâk était en son pouvoir; c'est-là que se trou- 
vaient sa fortune et ses lieutenants. Il y avait dans cette place 
de nombreux prisonniers francs ; ceux-ci arrivèrent par ruse 
à briser leurs fers; ils s'emparèrent de l'arsenal, se revê- 
tirent des uniformes des Musulmans et se tinrent dans la ci- 
tadelle. Le gouverneur se fortifia dans la citadelle avec une 
troupe de soldats et il combattit contre ses prisonniers. 

Quand al-Malik-ath-Thâhir apprit ce qui se passait, il partit 
en toute hâte et marcha sur Darbsâk. Il se trouva que le gou- 
verneur avait eu raison des prisonniers et les avait mis à 
mort. Le sultan retourna alors à Hârim, puis il rentra à Alep où 
il resta jusqu'à la fin de l'année 592. Le kâdî et Ghars-ad-Dîn 
Kilidj revinrent vers lui, lui apportant la réponse d'al-Malik- 
al-'Azîz, au sujet de la conclusion de la paix entre lui et ce 
prince. 

Al-Malik-al-'Adil partit vers son royaume dans les provinces 226 v. 
d'Orient et son fils al-Malik-al-Kâmil-Mohammad arriva à Alep, 
pour rendre visite à son cousin, al-Malik-ath-Thâhir. Ce prince 
avait demandé à son père qu'il lui fît cette visite; il se ren- 
dit en personne à sa rencontre et l'accueillit de la façon la plus 
hospitalière; puis al-Kâmil partit pour aller rejoindre son père. 
Sur ces entrefaites, Sarbak se révolta contre al-Malik-ath- 
Thâhir dans Ra'bân ; cette ville lui avait été donnée en échange 
de Hârim, et lui-même était un des plus vaillants mamlouks 
de son père. Al-Malik-ath-Thâhir fit semblant de se mettre en 

1. Ce mot est très diflicilement lisible dans le manuscrit. 



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126 KAMAL-AD-DÎN 

campagne pour aller faire une expédition ; mais il marcha vers 
Kinnisrîn, puis il inclina un peu sa route sans que personne s'en 
aperçût, et il arriva enfin à Ra'bân. Il campa devant la place, 
et resta durant quelques jours sans l'attaquer; ces événements 
se passaient au mois de Ramadhân de l'année 593; Le sultan 
coupa toutes les moissons du pays ; Sarbak revêtit ses armes, 
monta à cheval, accompagné d'un certain nombre d'hommes 
qui avaient revêtu leurs armures ; il ouvrit la porte de la cita- 
delle, se rendit devant le sultan et implora de lui son par- 
don. Al-Malik-ath-Thâhir lui fit grâce, et lui rendit Ra'bân. Il 
se dirigea ensuite vers Alep, et séjourna dans cette ville jusque 
dans les premiers jours du mois de Doû'l-hidjdjâ de Tan 593 *. 

Al-Malik-al-'Adil était parti pour le Ghoûr, parce que les 
Francs s'étaient mis en mouvement de ce côté ; il était accom- 
pagné par des troupes de secours, qu'il tenait d'al-Malik-ath- 
Thâhir. 

Le sultan al-Malik-ath-Thâhir reçut des lettres qui lui appri- 
rent que les Francs se proposaient d'aller à Djabala et à Lao- 
dicée. Ce prince se mit alors en campagne et vint à al-Athârib *. 
Il envoya des tailleurs de pierre ^ et des sapeurs pour détruire 
les deux forteresses de Djabala et de Laodicée. Ce fut al- 
Moubâriz-Akdjâ qui alla détruire Djabala; il en renversa les 
murs, détruisit les maisons et en fit sortir les habitants. 
Ghars-ad-Dîn Kilidj et ibn-Toumân allèrent détruire Laodicée ; 
ils minèrent la citadelle, l'incendièrent, en enlevèrent les 



1. Cette année (al-Yâ'fî, ms. ar. 1591, f. 241 v»), « al-'Adil s'empara de Jafifa. 
Cette même année les Francs prirent Baîroût aux Musulmans et Témir de 
cette ville s'enfuit jusqu'à Saîdâ. » — Cette année, dit Aboû-'l-Mahâsin (ms. 
ar. 1779, f. 38 v°), mourut l'émir Toghtakîn-ibn-Ajryoûb, frère du sultan SaJàh- 
ad-Dîn, qui était décoré du surnom de Saîf-al- Islam. Il était gouverneur du 
Yémen et il régnait depuis Zabîd jusqu'au Hadramaût. Il mourut à Zabîd et 
après lui, son fils Shams-al-Moloùk-Ismâ'îl fut gouverneur. — Cette même année 
(Makrizî, Kitâb-as-Soloûk, ms. ar. 1726, f. 46 r»), al-Malik-al-*Adil, prince de 
Damas, s'empara de Jaffa, il fit dans cette ville un grand nombre de prisonniers 
et beaucoup de butin ; il s'éloigna alors de Jaffa et se rendit vers Saidâ et 
Baîroût, qu'il ruina toutes deux. Il pilla Baîroût et les habitants de cette ville 
s'enfuirent. Il envoya ensuite vers al-Malik-al-*Azîz, pour lui demander aide, 
ce prince lui envoya alors une armée. Il sortit du Caire le premier du mois 
de Shawâl et marcha vers Balbaîs. Puis al-Malik-al-'Azîz trouva bon de licen-~ 
cier son armée. 

2. Athàrib. C'est, dit Yâkoût (Mo^djarriy t. I, p. 114), une citadelle célèbre 
entre Alep et Antioche; elle est distante d*Alep d'environ 3 farsakhs. 

3. Ou des gens qui lancent des pierres avec les machines. 



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HISTOIRE d'ALEP 127 

munitions, et détruisirent la ville. La population sortit de la 
place et Tarmée resta pour guetter l'arrivée de Tennemi et 
mettre le feu aux poutres qui avaient été placées dans les trous 
de mine * ; mais aucun ennemi ne se présenta. 227 r. 

Le prince (d'Antioche) vint par mer au-dessous de Markab 
et manda Ghars-ad-Dîn et Ibn-Toumân. Ces deux personnages 
se rendirent auprès de lui, et ils eurent avec lui un entre- 
tien sur le bord de la mer. Il leur conseilla de ne pas ruiner 
la ville de Laodicée, et leur apprit que les Francs avaient 
conquis Saîdâ et Baîrût ; ils s'en retournèrent alors à Soûr, et 
ils envoyèrent des gens pour en avertir le sultan, qui se trou- 
vait à Rihâ. Ce prince ordonna de réédifler ce qui avait été 
démoli à Laodicée, et se rendit à Hârim, où il arriva au mois 
de Moharram de Tan 594 ^ et où il demeura pendant un certain 



1. C'était, en effet, l'habitude, tout en forant des galeries dans l'épaisseur des 
murs d'une citadelle, d'étayer les murs de la cavité ainsi formée avec de fortes 
pièces de bois. Quand Ton jugeait que la solidité de la muraille était suffisam- 
ment compromise, on imprégnait ces pièces de bois de naphte, et on y mettait 
le feu ; ce qui déterminait Téboulemént du mur de la place. 

2. Cette année meurt le prince de Sindjâr, al-Malik-*Imàd-ad-Dîn-Zangî-ibn- 
Maûdoûd. -— Cette année (Aboû-'l-Mahâsin, ms. ar. 1779, f. 39 r.), moururent 
les personnages suivants : l® « Djourdîk-ibn-'Abd-Allah, l'émir Noûrî. C'était un 
des plus grands émirs d'al-Malik-al-'Adil-Noûr-ad-Dîn-Mahmoûd le martyr. Il 
passa ensuite au service du sultan Salâh-ad-Din et l'accompagna dans toutes 
ses expéditions et ses guerres, depuis le jour où Shâver eut été tué à Misr ; 
2° Zangi-ibn-Mau'doûd-ibn-Zangî-ibn-Ak-Sonkor-*Imâd-ad-Din, prince de Sind- 
jâr et neveu de Noûr-ad-Dîn le martyr. Salâ-h-ad-Dîn eut pour lui autant d'égards 
qu'en avait eu Noûr-ad-Dîn, et il lui donna de l'argent et des présents. Ce 
prince mourut à Sindjâr. Quand il fut à la dernière extrémité, il légua son 
royaume à l'ainé de ses enfants, Kotb-ad-Dîn-Mohammad, qui fut surnommé 
al-Malik-al-Mansoûr. — Cette même année {ibid., f. 39 v»), mourut Kaîmâz-ibn- 
*Abd-*Allah-Modjâhid-ad-Din, le Khâdim roumi, qui commandait à Mausil. 
C'est lui qui construisit la grande mosquée Modjhâhidiyya, le collège, le 
caravansérail et l'hôpital [Btmâristân), en dehors de Mausil sur le Tigre. — 
Suivant Makrizi (Kitâb-as-Soloûky ms. ar. 1726, f. 46 r<»), « cette année les 
Francs qui étaient venus par mer se répandirent en Syrie, ils s'emparèrent de 
la citadelle de Baîroût, et ils tuèrent un grand nombre de Musulmans dans 
les environs de Jérusalem (al-Kods); ils y firent de nombreux prisonniers et 
en remportèrent beaucoup de butin. Al-Malik-al-'Adil envoya alors quelqu'un 
au Caire pour demander secours à al-Malik-al-*Azîz. Les troupes égyptiennes 
vinrent vers lui, il en vint aussi de Jérusalem et encore d'autres endroits. Al- 
Malik-al-'Azîz se mit en marche lui-môme, avec le reste de l'armée égyptienne, 
pour aller combattre les Francs. Il vint camper à Ramlah le 26 de Safâr. 
Les émirs Salehis et les Asadis, parmi lesquels se trouvaient Shams-ad-Din- 
Sonkor, le davadâr, Sarai-Sonkôr et *Alâ-ad-Dîn ainsi qu'un certain nombre de 
Kurdes vinrent alors rejoindre al-'Adil qui se trouvait à Tabnin. Al-'Azîz mar- 
cha sur leurs traces, et il y eut entre eux et les Francs de violents combats. — 
Cette même année (f. 47 r»), al-Malik-al-*Adil se rendit de Damas à Mârdîn et 
assiégea la place ; il s'empara de ses faubourg. — Cette même année, les Francs 



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128 KAMAL-AD-DÎN 

temps. Il retourna ensuite à Laodicée, réédifla cette ville et 
ses villages, puis il se rendit à Alep. 

Ghars-ad-Dîn-Kilidj vint à mourir; ses enfants se révol- 
tèrent dans les citadelles qui avaient été en son pouvoir, à sa- 
voir Darkoûsh *, Shoghr, Bakâs, Shakîf-Ar-Roûdj *, et ils refu- 
sèrent de les livrer au sultan al-Malik-ath-Thâhir. Ce prince se 
mit alors en campagne, marcha contre eux, les assiégea, leur 
prit leurs forteresses et les en chassa ; puis il leur pardonna 
leur rébellion, et leur assigna une pension annuelle. L'un d'eux, 
Saîf-ad-Dîn-'Alî-ibn-Kilidj, se rendit auprès de lui. 

Année 595 ^ Al-Malik-al-'Azîz mourut à Misr, et des dis- 
sensions éclatèrent parmi les émirs. Les émirs Asadis pen- 
chaient vers al-Malik-al-Afdal, et les Nâseris vers al-Malik-al- 
'Âdil. Les Nâseris durent céder malgré eux, et on appela 
al-Malik-al-Afdal. Ce prince vint de Sarkhad au Caire, où il 
fit son entrée. Ses deux frères vinrent au-devant de lui, à deux 
journées de marche de cette ville, et se fièrent à sa promesse 
qu'il ne serait que le représentant et le précepteur d'al-Malik-al- 
Mansoûr-Mohammad-ibn-al-Malik-al-'Azîz. Alors, al-Hadjdjâf 
et Tchahârkas vinrent trouver Maîmoûn, à Jérusalem. Al- 



vinrent faire une incursion sur le territoire d'Akkâ, qu'ils pillèrent, et où ils 
firent prisonniers un grand nombre de personnes. Le sultan al-Malik-al-'Adil 
revint alors de Harràn à Damas, au mois de Ramadhân, puis au bout d'un mois 
il s'en retourna alors vers les provinces de l'Orient à Màrdîn.. . 

1. Yàkoût {Mo'djam-al'Bouldân, t. II, p. 568) se borne à dire que c'est une 
citadelle non loin de la ville d'Antioche (Antakiah), et qui fait partie de la pro- 
vince nommée al-*Avâsim. — Le môme géographe {ibid.j t. III, p. 309) note une 
place nommée Shakif-Darkoûsh, qui est une citadelle des environs d'Alep, 
située en face de Hârim. 

2. Shakif-ar-Roûdj. Yâkoût (Moc^am-al-Boldân,t. II, p. 828) ne connaît pas 
la ville de Shakif-ar-Roùdj, mais simplement celle de ar-Roûdj ; dont il dit ce 
qui suit : « C'est un des districts d'Alep, il est bien connu; il se trouve à l'oc- 
cident d'Alep, entre cette ville et al-Ma'arrat; il en est fait mention dans les 
Chroniques. » 

3. Parmi les morts illustres de cette année, se trouve le souverain du Maghreb, 
Aboû-Yoûsouf-Ya*koûb-ibn-'Abd-al-Moûmin, surnommé Amir-al-Moûminin, 
Ce prince est connu par une expédition en Espagne, et les défaites qu'il infligea 
aux Francs. Çalàh-ad-Din avait songé à s'en faire un auxiliaire dans ses luttes 
contre les Croisés. Suivant al-Yà*fi (ms. ar. 1591, f. 218 r.), « le sultan Salàh- 
ad-Dîn lui avait envoyé un ambassadeur, pour lui demander secours contre lès 
Francs qui venaient du pays du Maghreb vers l'Egypte et le Sâhel de la Syrie. 
Mais comme il ne donnait pas à Ya'koûb le titre de « prince des Croyants » 
(amîr-a?-mow*mintn), maia seulement celui de « prince des Musulmans » 
{amîr-al-Muslimîn), cela le fâcha, et il ne voulut point accorder à Salàh-ad-Din 
ce qu'il lui demandait. » Ce prince eut pour successeur sur le trône du Maghreb 
son fils Aboù-'Abd-AUah-Mohammad-ibn-Ya'koûb, surnommé an-Nâsir. 



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HISTOIRE d'ALEP 129 

Malik-al-Afdal fit jeter dans les fers son frère al-Malik-al- 
Mouvvayyad, ainsi qu'un certain nombre d'émirs qui avaient 
entretenu une correspondance avec al-Malik-al-'Adil. Al- 
Malik-ath-Thâhir envoya son vizir, Nithâm-ad-Dîn-Aboû'l-227 v. 
Mouvvayyad-Mohammad-ibn-al-Hosaîn, à son frère al-Malik- 
al-Afdal, pour le féliciter sur son élévation au gouvernement de 
rÉgypte. Il resta auprès de ce prince durant un certain temps; 
il reçut à plusieurs reprises des ambassadeurs d'al-Malik-al- 
'Âdil, qui assiégeait alors Mârdîn et qui était sur le point de 
s'emparer de cette place. Al-Malik-al-Afdal se rendit à Da- 
mas, et al-Malik-ath-Thâhir sortit pour se rendre à Hârim, 
à cause d'une surprise des Francs du côté de 'Amk *, et d'une 
expédition qu'ils avaient faite contre les Turkomans dans ce 
même pays. Il envoya un détachement de son armée à Kha- 
nasira, pour couper le chemin à al-Malik-al-'Âdil, dans le cas 
où ce prince marcherait sur Damas. Durant ce temps, al-Malik- 
ath-Thâhir fit la paix avec les Francs, et se rendit à Mardj- 
karâ-Hisâr S à la fin du mois de Radjah de Tan 595. Al-Malik- 
al-'Adil alla jusqu'à Tadmor * et traversa le désert pour se 
rendre à Damas. Al-Malik-al-Afdal vint camper devant Damas 
au milieu du mois de Sha'bân de cette même année ; une 
partie de son armée campa dans le Maidân, l'autre partie des 
troupes entra dans la ville par trahison des habitants et elles 
crièrent : « Vive al-Malik-al-Afdal! » Ce fut Madjd-ad-Dîn, 
frère du fakih 'Isa, qui entra dans Damas et pénétra jusqu'au 
marché, et les troupes se mirent à boire de la bière. Al- 
Malik-al-'Âdil sortit alors de la forteresse et les chassa de la 
ville. Plusieurs soldats complotèrent contre al-Malik-al-Afdal, 
et entrèrent dans Damas durant la nuit. Après ces événements, 



1. 'Amk. On trouve dans Tonotnastique géographique arabe plusieurs loca- 
lités portant ce nom : Tune où vint camper Mahomet, quand il assiégea la 
place d'at-Tâif, une autre voisine de Médine, et qui fait partie du pays des 
Banoù-Mozainah. Yàkoût fait remarquer que l'on dit *Amkà, comme l'on 
dit Sakrâ sans tanouin. Un autre endroit du même nom se trouve dans le 
Vàdî-al-Korà. 'Amk était aussi, du temps de Yàkoût, un district dans les 
environs d'Alep en Syrie; il dépendait primitivement d'Antioche. (Yàkoût, 
MoéCôam-al-Boldânyi. III, p. 736.) 

2. Ce nom de lieu signifie : la prairie du château noir. Yàkoût ne donne pas 
de renseignements sur lui. Voir plus haut la note sur Karà-Hisàr. 

3. Tadmor. C'est le nom de la ville bien connue de Paimyre. Suivant Yàkoût 
{Mod'jam, t. 1, p. 828), elle se trouve à cinq jours d'Alep. 



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130 KAMAL-AD-DÎN 

son autorité s'affaiblit, et il se retira au Pont de Bois. Al- 
Malik-ath-Thâhir s'en alla à Hamâh, et Saîf-ad-Dîn-Toghril le 
Thâhirî rencontra un détachement de l'armée de Hamâh qui se 
dirigeait sur Manbadj. Toghril le battit, fit prisonnier les 
soldats qui le composaient, et les amena au sultan al-Malik- 
ath-Thâhir. Ce prince les fit remettre en liberté, et les renvoya 
en leur laissant leurs uniformes et ce qui leur appartenait. 
Quand al-Malik-ath-Thâhir arriva à Hamâh, l'armée qui se trou- 
^ r. vait dans cette place voulut s'opposer à ce qu'il traversât le 
pont ; mais il le traversa de force et mit le siège devant la place. 
Al-Malik-al-Mansoûr, qui y régnait, conclut la paix avec 
lui; il s'engagea à lui payer un tribut annuel et il envoya son 
armée à son service; al-Malik-ath-Thâhir lui donna en fief la 
ville de Bârîn, qui appartenait à Ibn-al-Mokaddam. Le prince 
de Hamâh marcha contre cette place pour aller l'assiéger, 
pendant qu'al-Malik-ath-Thâhir envoyait un ambassadeur à 
Maûsil, pour ordonner au prince de cette ville d^aller secourir 
Mârdîn, et d'en éloigner ainsi al-Malik-al-Kâmil et al-Malik-al- 
'Âdil. Al-Malik-ath-Thâhir arriva à Damas, où il rejoignit al- 
Malik-al-Afdal, et les deux princes campèrent dans le canton 
de Dârîâ. Puis ils marchèrent contre la ville et l'attaquèrent. 

Al-Malik-ath-Thâhir apprit que Tchachârkâs, Ousâma, Sarâ- 
Sonkor et* autres, avaient projeté d'entrer dans Damas pour 
porter secours à al-Malik-al-'Âdil. 11 envoya alors une armée, 
sous le commandement de Saîf-ad-Dîn-ibn-'Alam-ad-Dîn, pour 
les empêcher d'entrer dans Damas et de porter ainsi secours 
à al-Malik-al-'ÂdiL; mais ces émirs suivirent des chemins 
différents, et ils parvinrent jusqu'à al-Malik-al-'Âdil, auquel 
ils furent du plus précieux secours. 

Il n'y eut, en réalité, pas d'autre armée que celle d'Alep qui 
combattit durant tout le temps du siège, car l'armée égyp- 
tienne agissait avec la plus grande hypocrisie. Les troupes de 
Maû§il arrivèrent à Mârdîn, en chassèrent al-Malik-al-Kâmil 
et pillèrent ce qui se trouvait dans son camp. La nouvelle 
de ce succès se répandit dans l'armée qui se trouvait devant 
Damas. Al-Malik-ath-Thâhir envoya une armée, sous le com- 
mandement de Saïf-ad-Dîn, dont nous venons de parler, vers les 
provinces orientales, pour qu'elle fît sa jonction avec les trou- 
pes de Maû§ilet qu'elles allassent assiéger ensemble les villes 



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HISTOIRE D'ALEP 131 

qu'al-Malik-al-'Âdil possédait en Orient; il donna la ville de 
Saroûdj en flef à Saîf-ad-Dîn. Il avait été convenu avec les 
habitants de Maûsil qu'on leur rendrait les villes de Saroûdj 
et d'ar-Rakka. Quand ils apprirent que le Sultan avait 
donné Saroûdj à Saîf-ad-Dîn, ils se séparèrent de lui et^ssv. 
retournèrent chez eux. L'armée d'ar-Rohâ se mit en cam- 
pagne et alla attaquer Saîf-ad-Dîn S qui fut chassé de Sa- 
roûdj. Al-Malik-al-Mansoûr, prince de Hamâh, prit Bârîn au 
mois de Dhoû-l-ka'dah à Ibn-al-Mokaddam, à qui il donna 
ensuite en échange la ville de Manbadj, comme nous le racon- 
terons plus loin. Des ambassadeurs venant des provinces 
orientales arrivèrent auprès d'al-Malik-ath-Thâhir, qui se 
trouvait à Damas, et il fut convenu entre les ambassadeurs et 
le sultan d'Alep, que les villes de Harrân, ar-Rohâ, Rakka et 
Saroûdj appartiendraient au prince de Maûsil, et qu'ils s'uni- 
raient ^ contre ceux qui les viendraient attaquer. Ils jurèrent 
d'observer ces clauses au mois de Dhoû-l-hicJljdja de l'an 595. 

En l'an 596 ', le siège de Damas continua ; un très grand 
nombre de soldats portaient des provisions pendant la nuit et 
les vendaient aux habitants de la ville. Al-Malik-al-'Adil 
dépensa tout son trésor, après quoi il emprunta des 
sommes considérables aux marchands, et il ordonna de faire 
des outres pour les envoyer en Egypte. 11 manda auprès de lui 
son fils al-Malik-al-Kâmil, qui se trouvait dans les provinces 
orientales, et ce prince rassembla ses troupes. Al-Malik-ath- 
Thâhir envoya des courriers * à Saîf-ad-Dîn-ibn-'Alam-ad-Dîn 
et à al-Malik-al-Mançoùr, prince de Hamâh, et ils firent leur 
jonction dans la ville de Salamiah ^ pour empêcher al-Malik-al- 

1. Le personnage auquel le sultan avait donné Saroûdj . 

2. Litt. : qu'ils ne feraient qu'une main contre ceux qui seraient contre eux. 

3. C'est cette année que meurt Tukush-ibn-'Raslân (Arslân) Shâh-ibn-Ubar- 
al-Malik-*Alâ-ad-Din-Khvarizmshâh, dont l'empire s'étendait des frontières 
de la Chine et de l'Inde jusqu'à la porte de Bagdad. C'est cette môme année 
que meurt le kadi-al-Fâdil-*Abd-ar-Rahim-ibn-*Ali-ibn-al-Hasan... le fameux 
secrétaire du sultan Salâh-ad-Dîn. Cette année (Makrizi, Kitâb-as-Solouk, 
ms. ar. 1726, f. 50 r°), on fit la khotbah à Hamâh au nom d'al-Malik-al-*Adil 
ainsi qu'à Alep et y frappa la monnaie à son nom. Al-Malik-al-'Adil nomma 
son fils, al-Malik-al-Mo'aththam-Sharaf-ad-Dîn-*lsa, son naîb (lieutenant), à 
Damas, et son autre fils, al-Pâiz, naib Aq^ provinces orientales; il laissa à 
Alep, son neveu al-Malik-ath-Thâhir, et à Hamah, al-Malik-al-Mansoûr. 

4. Pour les prévenir de l'arrivée d'al-Kâmil. 

5. Salamiah. Suivant Yàkoùt, c'est le nom d'un gros bourg des environs de 
Maûsil, à l'est du Tigre ; entre elle et Maûsil il y a huit 8 farsakhs. 



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132 KAMAL-AD-DÎN 

Kâmil de passer; mais ce prince passa avec une armée consi- 
dérable, et ils ne purent s'opposer à son mouvement. Après cet 
échec, ils se rendirent à Hamâh; Saîf-ad-Dîn-ibn-'Alam-ad-Dîn 
partit et alla avertir le sultan al-Malik-ath-Thâhir de ce qui 
s'était passé. Al-Malik-al-Kâmil arriva à Damas; et al-Malik- 
ath-Thâhir et al-Malik-al-Afdal se rendirent à Mardj-as-Sofar \ 
puis à Ra'as-al-Mâ. Ensuite al-Malik-ath-Thâhir partit à la* 
dérobée avec une toute petite escorte, et se rendit dans les 
> r. environs de Sarkhad, accompagné par al-Malik-al-Moudjâhid, 
prince de Homs ; il alla ensuite du côté dQ Samâvat, et ils se 
rendirent à Tadmor. Après cela al-Malik-ath-Thâhir se rendit 
à Alep. 

Les mules chargées de bagages vinrent après lui sans les 
chameaux par le désert, et arrivèrent à al-Kariatain ^; 
al-Malik-al-Kâmil les rencontra dans cet endroit, alors qu'il se 
dirigeait vers les provinces orientales. L'armée d'Alep tomba 
sur un corps de ses troupes et le battit. Quand arriva al-Malik- 
al-Kâmil, les bagages du Sultan (al-Malik-ath-Thâhir) étaient 
déjà parvenus à al-Kariatain; il envoya implorer le général de 
l'armée d'Alep, 'Alam-ad-Dîn-Kaîsar-al-Nâsirî, en lui disant : 
« Il n'y a entre vous et nous que du bien, aussi rendez-nous 
ce que vous nous avez pris. » 'Alam-ad-Dîn agit ainsi, et al- 
Malik-al-Kâmil se dirigea vers l'Orient ; les mules arrivèrent 
à Alep le 19 du mois de Rabî' premier. Quant à al-Malik-al- 
Afdal, il partit de Ra as-al-Mâ pour se rendre en Egypte ; 
emmenant avec lui les bagages d' al-Malik-ath-Thâhir et ses 
trésors. 

Al-Malik-al-'Adil sortit alors de Damas, le poursuivit jus- 
qu'en Egypte et entra dans ce pays. Al-Malik-al-Afdal s'enfuit 
à Sarkhad et al-Malik-al-'Adil prit les rênes du gouvernement de 
l'Egypte, en qualité de régent et de tuteur d'al-Malik-al-Man- 
§oûr-Mohammad-ibn-al-'Azîz. Il renvoya à al-Malik-ath-Thâhir 
ses trésors ainsi que tout ce qui restait de ses bagages, et il les 



1. Mardj-as-Soffar est une localité proche de Damas. 

2. Plusieurs localités portent le nom de al-Kariatain, ou au cas direct al- 
Kariatân, signifiant les deux villages. On en trouve de ce nom, sur la route du 
pèlerinage qui mène de Bassora à la Mecque, et dans le pays des Banoû- 
Souhaîm; celle dont il est question dans Kamâl-ad-Dîn, est un grand village 
qui fait partie de la province de Homs, sur le chemin du désert. 



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HISTOIRE d'aLEP 133 

fît escorter par quelques-uns de ses officiers, de telle façon qu'ils 
arrivèrent à Alep au milieu du mois de Djoumâda premier. Le 
sultan (d'Alep) se trouvait à Tell-as-Sultân \ il rentra à Alep, 
et des envoyés d'al-Malik-al-'Adil vinrent Ty trouver pour lui 
demander de contracter une alliance avec ce prince ; mais il 
n'y voulut point consentir. Il quitta Alep et s'en alla à Bakâs 
et à Hârim, puis il tomba malade et rentra à Alep. Sa maladie 
s'aggrava, aussi il appela auprès de lui, dans la citadelle, les 
dévots qui se trouvaient dans la ville, tels que Aboû-l'-Hasan- 
al-Fâsî, mon oncle Aboû-Ghânim et 'Abd-ar-Rahman-ibn-al- 229 v. 
Ustâd, et il leur demanda de prier pour lui. Il guérit de sa 
maladie au mois de Dhoû-'l-hidjdjah de l'année 596. 

Le prince de Homs et le prince de Hamâh abandonnèrent 
son parti et se mirent tous les deux du côté de son oncle, al- 
Malik-al-'Adil. Le prince de Hamâh retira la ville de Bârîn à 
Izz-ad-Dîn-ibn-al-Mokaddam, et lui donna en place Manbadj, à 
l'instigation d'al-Malik-al-'Adil; Ibn-al-Mokaddam mourut à 
Afâmiah, et son frère cadet se rendit à Manbadj. 

vSur ces entrefaites, al- Malik- al- 'Âdil devint souverain 
d'Egypte et interdit que l'on fît la prière au nom d'al-Malik- 
al-Man§oûr-ibn-al-'Azîz, ainsi que de graver son nom sur les 
monnaies. Les groupes se divisèrent : les uns voulaient pour 
sultan al-Malik-al-'Adil et se reconnurent comme ses sujets; les 
autres voulaient al-Malik-al-Man§oûr, fils d'al-'Azîz. Tchahâr- 
kas,al-Ha(]ljdjâf et autres se séparèrent de leur parti, quittèrent 
l'Egypte et allèrent se joindre à al-Malik-al-Afdal. Ce prince se 
rendit auprès de son frère, le sultan al-Malik-ath-Thâhir, à Alep, 
le dixième jour du mois de Djoumâda premier de l'an 597 S 

1. Tell-as-Sultân, « c'est le nom d'une localité distante d'une journée de 
marche d'Alep, proche de Damas ; il s'y trouve un caravansérail (khân), et un lieu 
de halte pour les caravanes, connue sous le nom de Founaidak. Il y eut dans 
ce lieu un combat entre Salâh-ad-Dîn-Yoûsouf-ibn-Ayyoûb et Saif-ad-Dîn Ghâzi- 
ibn-Maûdoûd-ibn-Zangî, prince de Maûsil, en l'an 581, le 10 ShavâJ. » (Yâkoût, 
Mod*jam, t. I, p. 867.) 

2. Cette année, dit al-Yâ'fi (ms. ar., 1591, f. 221 r.), la famine et la mortalité 
pesèrent sur l'Egypte. Il est impossible de décrire ce qu'elles furent, et cela 

dura jusqu'à la moitié de l'année suivante Il mourut les trois quarts de la 

population du pays. C'est au cours de cette année (Aboù-'l-Mahâsin, ms. ar. 
1779, f.49 r.), que moururent l'émir Asadî, Bahâ-ad-Din-Karakoùsh,qui avait bâti 
le château de la montagne au Caire et les murailles de cette ville..., et Mobam- 
mad - ibn - Mohammad - ibn - Dj âmid -ibn - Mohammad-ibn-'Abd- AUah-ibn -'Alî- 
ibn-Mahmoûd-ibn-Hibat-AUah-Aboû-'Abd-Ailah, l'imam très savant, 'Imâd-ad- 
Dîn-al-isfâhânî. 



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134 KAMAL-AD-DÎN 

ayant avec lui al-Hadjdjâf, et ils lui apprirent * que Tchahârkas 
se trouvait dans le Ghoûr avec l'armée. Les deux princes 
convinrent d'aller assiéger Damas, et al-Malik-ath-Thâhir 
envoya demander du secours à Maûsil. Il se mit en cam- 
pagne avec son frère al-Malik-al-Afdal, et tous deux 
allèrent attaquer la ville de Manbadj. Al-Malik-ath-Thâhir 
s'empara de cette place, fit prisonnier Ibn-al-Mokaddam et 
le fit emprisonner ^ ; il donna cette place à al-Hadjdjâf, à 
titre de fief, après en avoir ruiné la citadelle. Ibn-Fâkhir- 
Sa'd-ad-Dîn-Mas'oûd se trouvait dans la citadelle de Nadjm, 
en qualité de nâîb d'Ibn-al-Mokaddam, et sa sœur y était 
avec lai; cet ofiicier rendit la forteresse à al-Malik-ath-Thâhir, 
qui lui donna en échange un village, dépendant de la ville 
d' 'Azâz. Al-Malik-ath-Thâhir remit cette place à al-Afdal ; il 
se rendit ensuite à Afâmîah, accompagné de Ibn-al-Mokad- 
dam et il le châtia devant la place, pour que les habitants la 
230 r. lui livrent, mais ils n'en firent rien. Il l'envoya à Alep, où il le 
fit emprisonner ; il vint ensuite camper devant Kafartâb et 
s'en empara, puis alla à Ma'arrat-al-No'man, la saccagea, 
et s'empara de tout ce qui se trouvait dans le trésor public. 
De là il se rendit à Hamâh, campa devant la place au mois 
de Sha'bân, et l'attaqua jusqu'à ce que le prince de cette ville, 
al-Malik-al-Man§oûr, eût conclu la paix avec lui, au prix de 
30,000 dinars et se fût allié avec lui. Il marcha ensuite surHoms 
et fit la paix avec le prince de cette ville, al-Malik-al-Moud- 
jâhid, qui s'allia aussi avec lui. Après ces succès, il vint camper 
devant Damas, et manda auprès de lui Tchahârkas et Karâdjâ 
qui étaient dans le Ghoûr. Mais ces deux émirs refusèrent de 
venir ; le sultan al-Malik-ath-Thâhir alla les trouver en per- 
sonne, les flatta jusqu'à ce qu'ils fussent résolus à partir avec 
lui, après qu'al-Malik-al-Afdal eut donné Sarkhad en fief à 
Karâ(][jâ, et eut fait sortir sa mère et sa famille de cette place. 
Ils vinrent camper devant Damas, et s'apprêtèrent à attaquer 
cette place, mais Tchahârkas ne fut pas de cet avis, car il était, 
dans le fond, du parti d'al-Malik-al-'Adil, et il dit : « Ce que 
nous avons de mieux à faire, c'est de nous rencontrer avec 

1. Au sultan d'Alep. Ils, dans cette phrase, représente al-Afdal et Hadjdjâf . 

2. Cet Ibn-al-Mokaddam est le frère cadet de celui qui était mort à 
Afâmîah. 



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HISTOIRE d'ALEP 135 

al-'Adil. Quand nous l'aurons vaincu, nous aurons ensuite 
tout ce que nous voudrons. » 

Al-'Adil était parti d'Egypte et était venu camper à Karak, 
et de là il se rendit à Nâbolos. Quand Tchahârkas vit combien 
al-Malik-ath-Thâhir tenait à assiéger Damas, il s'enfuit de 
Tarmée, et alla trouver al-Malik-al-'Adil à Nâbolos. Karâdjâ 
s'enfdit à Sarkhad et s'y révolta. Tous les deux abandonnèrent 
leurs tentes et leurs bagages, et le sultan ath-Thâhir livra le 
tout au pillage ; ce prince marcha alors avec ses troupes contre 
Damas, et il attaqua vivement la ville. Son armée incendia al- 
'Okaiba et pilla les caravansérails. Al-Malik-al-'Adil écrivit 
au prince de Maûsil ; ce prince s'allia avec lui, et abandonna le 
parti d' al-Malik-ath-Thâhir, après qu'il fut arrivé à Ra'as-al- 
'Aîn. Al-Malik-al-Fâîz, fils d'al-Malik-al-'Adil, partit des pro- 
vinces de rOrient, pour chercher à jeter le trouble dans le 
pays du sultan al-Malik-ath-Thâhir, et pour détourner son 
esprit du siège de Damas. 230 v. 

Al-Malik-ath-Thâhir fit partir Moûbariz-ad-Dîn-Akdjâ, qui 
était un des plus grands émirs d'Alep, et avec lui une portion 
de l'armée. Cet émir se rendit à Bâlis * et pilla cette ville, 
puis à Manbàdj qu'il assiégea. Al-Malik-al-Fâîz arriva devant 
cette place, et les troupes qui étaient avec Akdjâ prirent la 
fuite vers Bouzâ'â; al-Fâîz entra dans Manba^j, rebâtit la cita- 
delle et la fortifia ; puis il partit de cette ville, et alla à Bouzâ'â 
à la recherche de l'armée d'Alep. Cette armée recula devant lui 
et rétrograda vers Alep ; al-Fâîz resta quelques jours à Bouzâ'â. 
Les habitants d'Alep furent épouvantés de sa marche et les 
paysans prirent la fuite; après quelques jours, al-Fâîz retourna 
auprès de son père à Nâbolos. Al-Malik-al-'Adil envoya un 
corps de secours pour entrer dans Damas, mais al-Malik-ath- 
Thâhir apprit ce fait alors que ses troupes avaient déjà entouré 
Damas. Il dressa une embuscade aux troupes envoyées par 
al-'Adil, ses soldats tombèrent sur elles et leur tuèrent un 
grand nombre d'hommes, une autre partie prit la fuite et 
il n'entra dans la ville de Damas qu'un très petit nombre de 
soldats. Le prince de Hamâh dénonça son traité; il marcha 



1. Peut-être faut-il lire Nâbolos, les deux lectures sont possibles dans l'état 
du manuscrit; toutefois celle de Bàlis me parait plus vraisemblable. 



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136 KAMAL-AD-DÎN 

du côté de ar-Roûdj *, y fit des incursions, et pilla le dis- 
trict de Shaîzar. Les troupes d'Alep se rendirent à Manbadj ; 
mais al-Malik-ath-Thâhir les rappela à lui, et elles vinrent le 
trouver à Damas; le siège traîna en longueur et les troupes 
s'impatientèrent. Une dispute éclata entre al-Malik-al-Afdal 
et al-Malik-ath-Thâhir au sujet de Damas, car al-Malik-ath- 
Thâhir voulait cette ville pour lui tout seul, parce qu'il avait 
fait tous les frais de l'expédition, qu'il y avait dépensé beaucoup 
d'argent, et qu'il l'avait assiégée avec son armée. Al-Afdal 
entendait aussi l'avoir à lui seul, parce que c'était une ville lui 
appartenant, et qu'il n'avait donné Sarkhad que dans l'espérance 
d'en prendre possession. Leur querelle en arriva à ce point 
qu'al-Malik-ath-Thâhir se retira ainsi que Maîmoûn-al-Kasrî, 
Sarâ-Sonkor, Aibek-Foutaîs, al-Baki-al-Fâris et al-Kunaîsî. 
Al-Malik-al-Afdal partit aussi et vint à Homs auprès du prince 
231 r. de cette ville; al-Malik-al-Moudjâhîd; le fils de ce prince, al- 
Malik-al-Mansoûr-lbrahîm épousa la fille d' al-Malik-al-Afdal. 
Al-Malik-ath-Thâhir alla faire une expédition sur le territoire 
d'Hamâh, mais al-Malik-al-Mansour, prince deHamâh, l'apaisa 
en lui donnant de l'argent. Après cela, il marcha sur Manbadj ; il 
voulait prendre cette ville d'assaut et passer au fil de l'épée tous 
ceux qui s'y trouvaient, parce qu'ils avaient embrassé le parti 
d'al-Malik-al-Fâîz. Les émirs intercédèrent auprès du sultan 
et ils obtinrent la paix à condition que la ville lui serait livrée, 
que les habitants se considéreraient comme ses sujets, et qu'il 
leur pardonnerait. Ils lui livrèrent Manbadj qu'il donna en fief 
à Ibn-al-Mashtoûb, au mois de Moharram de l'année 598 *. 



1. Ar-Roûdj. C'est un des cantons d^Alep, à l'ouest de cette ville, entre elle 
et al-Ma'arrat (Yàkoût, MocCjam, t. II, p. 828). 

2. Cette année (al-Yâfî, ms. ar. 1591, f. 224 r»), « moururent le prince du 
Yémen et son fils al-Malik-al-Mo'izz-Ismâ'il-ibn-al-Malik-Saif-al-Islàm-Togh- 
tagîn-ibn'-Nadjm-ad-Din-Ayyoûb. C'était un homme d'une conduite répré- 
hensible, et adonné à l'ivrognerie et à la tyrannie, il prétendit au khalifat. 
Deux de ises émirs, qui étaient frères, se précipitèrent sur lui et le tuèrent. 
Après lui régna un de ses frères, un enfant qu'on appelait an-Nâsir-Ayyoûb. 
Cette même année, mourut Loùloù, le hâdjib al-* Adil. C'était un des grands 
de l'État ; c'était lui qui avait été le chef des héros qui étaient allés combattre 
les Francs, alors (qu'ils tentèrent une expédition par mer contre la ville du 
Prophète (Médine). Les musulmans furent victorieux. On dit que Loûloû partit 
avec la certitude de remporter la victoire et qu'il prit avec lui des chaînes sui- 
vant le nombre des Francs. Ils étaient plus de trois cents guerriers de Karak 
et de Sl^aûbak, avec une troupe d'Arabes renégats. Quand il ne restait plus 
entre lui et Médine qu'un jour de marche, il les rejoignit. Loûloû offrit de 



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HISTOIRE d'aLEP 137 

Après ces événements, il rentra à Alep, et il donna en fief à 
Maîmoûn-al-Ka§rî la ville de 'Azâz, la ville de Shaikh et la 
ville de Havvâr * ; il donna à Aibek Foûtaîs un fief qui le satisfit 
et Sarâ-Sonkor le quitta. 

Le sultan enleva Afâmiah à Ibn-al-Mokaddam et lui donna 
Râvandân en échange. Le vizir du sultan al-Malik-ath- 
Thâhir, Aboû-Ghâlib-^Abd-al-Wâhid-ibn-al-Hosaîn-al-Bagh- 
dâdî mourut au mois de Sha'bân de l'année 599. Il avait 
d'abord été à la cour d'al-Malik-an-Nâçir; après sa mort, il 
passa à Alep où il devint vizir. Al-Malik-ath-Thâhir eut pour 
vizir après lui, Nithâm-ad-Dîn-Aboû-'l-Mouvayyad-Moham- 
mad-ibn-al-Hosain. 

Al-Malik-al-'Adil arriva à Damas, et al-Malik-al-Moudjâhid, 
prince de Homs, se rendit auprès de lui avec al-Malik-al-Afdal. 
Le sultan eut pitié d' al-Malik-al-Afdal et lui donna la province 
de Shabakhtân, Djamlîn *, Mouvazzar ^ la citadelle de Sin * 
et Soumaîsat. Al-Malik-al-Afdal s'y rendit et al-Malik-al-'Adil 



l'argent aux Arabes. Ceux-ci cernèrent les Francs avec lui. Les Francs 
furent Jiumili es et cherchèrent un refuge dans la montagne; Loùloû les pour- 
suivit et monta après eux avec une foule de gens. On dit que le nombre des 
personnes qui montèrent poursuivre les Francs fut de neuf cents. Les Francs 
eurent peur d'eux et se rendirent ; Loùloû les fit tous enchaîner, puis il 
marcha avec eux vers le Caire. Le jour où ils y entrèrent fut un jour 
mémorable. 

1. Il y a deux localités nommées Havvâr, l'une dépendant d'Alep, entre 
'Azâr et al-Djoûma, l'autre est un village dépendant de Manbadj (Yâkoût, 
Mod*jam, t. II, p. 354). 

2. Shabakhtân est le nom d'une province de la Haute Mésopotamie dans 
laquelle se trouvent les forteresses de Tell-Kourâd et de Tell-Basmat (Yâkoût, 
Mo'djam^ 1. 1, pp. 864 et 869). Dans le manuscrit de l'histoire d'Alep, la forme 
oscille entre Shabakhtân, Shaïktàn, Shabahtân, etc. De même on trouve tantôt 
Djamlîn, tantôt Hamlîn. Ce nom se trouve sous la forme Shabakhtân dans la 
Chroniqv^ de Bar-Hebreus. La forteresse de Tell-Kourâd est nommée Kourâdi 
par le même historien ; la localité nommée Mavazar, qui est évidemment celle 
que les historiens musulmans nomment Mouvazzar, en faisait aussi partie. — 
On trouve dans cette région une ville nommée Tell-Moûzan (Ibn-al-Athir, 
Histoire des Atdbeks de Maûsil, dans Historiens orientaux des Croisades, t. II, 
pp. 338 et 345). 

3. Mouvazzar est le nom d'un canton dans le Djazira. Voir la note précé- 
dente. 

4. Il y a plusieurs localités nommées Sinn; l'une, nommée Sinn Barmâ est 
une ville sur le Tigre, au-dessus de Takrît, elle possède un mur d'enceinte et 
une grande mosquée; il s'y trouvait des églises chrétiennes. Une seconde est 
une citadelle proche de Soumaîsat, elle est connue sous le nom de Sinn Ibn 
'Otaîr; c'était un homme des Banoû Nomaîr. On connaît encore deux Sinn, 
l'une est une montagne près de Médine, non loin d'Ohod, l'autre dépend de la 
ville de Raî (Yâkoût, Mo'djamy t. III, p. 169), 

10 



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138 KAMAL-AD-DÎN 

vint à Hamâh. Al-Malik-ath-Thâhir entretint une correspon- 
dance avec lui, jusqu'à ce que la paix fut conclue entre eux, 
aux deux conditions suivantes : qu'ath-Thâhir ferait réciter à 
Alep la khotbah en Thonneur d'al-'Adil et qu'il ferait frapper sur 
la monnaie son nom avec le sien. Cette convention fut conclue 
au mois de Djoumâda deuxième de Tannée 598. L'ambassadeur 
231 V. d'al-Malik-al-'Adil, Shams-ad-Din, monta dans le menber (en 
chaire) au moment où Ton faisait la prière au nom de son 
souverain et jeta sur la foule un grand nombre de pièces 
d'or. 

Al-Malik-ath-Thâhir apprit qu'Ibn-al-Mashtoûb avait l'inten- 
tion de le trahir. Il envoya alors l'armée à Manbadj et lui prit 
la ville; puis il lui pardonna. Il démantela la citadelle et les 
murs d'enceinte, et Al-Mashtoûb partit pour l'Orient. Al-Malik- 
ath-Thâhir rassembla les Arabes dans Dâbik pour percevoir 
la dîme que l'on prélevait sur les troupeaux des nomades *. 
Ibn-al-Mokaddam avait peur de lui, aussi il se sauva dans la 
ville de Râvandân dans le dessein de s'y révolter. Al-Malik- 
ath-Thâhir se mit à sa poursuite, mais Ibn-al-Mokaddam ne 
l'attendit pas, et ne demeura qu'une seule nuit dans la citadelle 
de cette ville, après quoi il se rendit auprès de Badr-ad-Dîn- 
Dilderim à Tell-Bâshir, fuyant toujours devant le sultan. Ath- 
Thâhir arriva devant cette place et l'assiégea. Les troupes qui 
s'y trouvaient la lui rendirent; il s'empara de tout ce qui s'y 
trouvait en fait d'approvisionnements et d'argent, et il y réta- 
blit Tordre. Il partit ensuite de cette ville et marcha sur Man- 
badj, puis il envoya des renforts à al-Malik-al-Kâmil, fils de 
son oncle al-Malik-al-'Adil qui, à cette époque, était occupé 
à faire le siège de Mârdîn, parce que le prince de cette ville 
penchait pour l'alliance de Rokn-ad-Dîn-ibn-Kilidj-Arslân. Le 
sultan vint ensuite camper à Badâiâ et les affaires s'arran- 
gèrent entre lui et le prince de Mârdîn, puis il revint à Alep 
après avoir passé par Bîrah. 

Un nombre considérable de Francs vinrent par mer en Tan 
599 ^ Une partie d'entre eux arrivèrent du côté d'Antioche en 

1. Sur cette taxe, voir Quatremère, Histoire des sultans mamlouks^ t. I, 
partie I, p. 189. 

2. Cette année, dit al-Yàïî (Ms. -ar. 1591, 224 v.) : al-'Adil triompha de ses 
mamlouks, il éloigna al-Malik-al-Mansoûr-ibn-al-'Azîz-ibn-Salâh-ad-Dîn et lui 



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HISTOIRE d'ALEP 139 

passant près de Laodicée, par terre. A cette époque Laodicée 
formait le fief de Saîf-ad-Dîû-ibn-'Alam-ad-Dîn. Les Francs 
traversèrent le pays de Laodicée malgré les Musulmans, et 
ils avaient grande envie de s'emparer de cette ville; mais 
Saîf-ad-Dîn sortit contre eux avec son armée et leur livra ba- 
taille. Allah accorda la victoire aux Musulmans. Les princes 232 r. 
et les chefs des Francs furent faits prisonniers, ainsi que leur 
roi qui était borgne. Un grand nombre d'entre eux périt, et 
les prisonniers, le roi, les chefs de l'armée, les chevaux, les 
armes furent conduits à Alep ; le tout formait un butin consi- 
dérable. 

Al-Malik-al-Afdal se révolta contre son oncle al-Malik-al- 
'Adil dans les villes que ce prince lui avait données. Al-'Adil 
envoya une armée contre lui et lui reprit Shabakhtân, Djamlîn, 
al-Mouvazzar, Saroûdj et Sinn. Al-Malik-ath-Thâhir marcha 
contre la forteresse de Nadjm et l'enleva à al-Malik-al-Afdal 
à qui il l'avait donnée auparavant, dans la crainte que son 
oncle ne s'en emparât. 

La mère d'al-Afdal vint alors à Alep pour demander à al- 
Malik-ath-Thâhir ce que lui voulait son oncle al-'Adil et le 
prier de lui faire rendre les villes qui lui appartenaient. 11 en- 
voya à Damas avec la princesse, Saîf ad-Dîn-ibn-'Alam-ad-Dîn 
pour s'occuper de cette affaire. Mais al-'Adil ne voulut point 
rendre à al-Afdal la moindre de ces villes, sauf cependant 
Soumaïsât, et il lui imposa comme conditions de se tenir tran- 
quille à l'avenir sur ce point. 



fixa comme résidence la ville d'ar-Rohâ. — Cette même année, dit Makrizi 
(Kitâb-as-Soloûk, ms. ar. 1726, f. 53 r»), les Francs arrivèrent à *Akkà et les 
Siciliens se mirent en mouvement pour venir attaquer l'Egypte. Alors cinq 
cents cavaliers et cent hommes de pied partirent d'Alep pour aller porter se- 
cours à al-Malik-al-*Adil qui se trouvait à Damas. On reçut une lettre de 
Nâsir-ad-Din-Mankoùvarsh-ibn-Khumartakîn, prince de la ville de Sahîoûn, 
annonçant que le roi d'Arménie était venu camper au pont de fer {djisr-al- 
hadîd)j dans l'intention d'aller attaquer Antioche... Cette même année, les 
Francs de Tarâbolos et de Hisn-al-Akràd (la citadelle de Curdes) et d'autres 
places se proposèrent d'attaquer la ville de Hamàh. Al-Mansoûr marcha contre 
eux le troisième jour du mois de Ramadhân, et leur livra bataille. Il les mit 
en déroute, leur fit nombre de prisonniers et leur prit beaucoup de butin. 
On apprit que les Francs étaient arrivés à 'Akkâ par mer, au nombre d'environ 
soixante-dix mille et qu'ils voulaient s'allier avec les Arméniens pour attaquer 
les Musulmans. Une troupe de Chevaliers de l'Hôpital étant sortis (53 v°) du 
château des Curdes, al-Mansoùr marcha contre eux, leur tua beaucoup de 
monde et leur fit de nombreux prisonniers. Le reste s'enfuit à la débandade. 



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140 KAMAL-AD-DÎN 

En Tannée 600 * on apprit que les Francs s'étaient mis en 
mouvement du côté de Djabala et de Laodicée. Le sultan en- 
voya Tarmée contre eux, avec Tordre de détruire ces deux 
places. Les Francs ne bougèrent pas, et la forteresse de 
Laodicée fut détruite, ainsi qu^une ancienne forteresse, qui 
était du côté du nord. Cela arriva après que Laodicée eut été 
prise au fils du djandâr ^ Saîf-ad-Dîn. 

Cette année un fils naquit au sultan al-Malik-ath-Thâhir, et 
et il reçut le nom d'al-Malik-a§-Salih. Il vit le jour au mois 
de Safar; le sultan en ressentit une grande joie, et la ville et 
la citadelle furent pavoisées. Les troupes revêtirent leurs 
plus beaux uniformes, le sultan prit ses habits de gala et il 



1. Cette année (al-Yà*fî, ms. ar. 1591, f. 225 v.), une dispute éclata entre le 
prince de Maûsil, Noûr-ad-Din, et son oncle Kotb-ad-Dîn, prince de Sindjâr. 
Kotb-ad-Dîn demanda secours à son voisin al-Malik-al-Ashraf-Moùsa, qui 
était à Harrân. Al-Ashraf arriva et ils livrèrent bataille au prince de Maûsil 
qui fut vaincu; un certain nombre de ses émirs fure/it faits prisonniers. Ils 
firent ensuite la paix à la fin de Tannée et Al-Ashraf épousa la sœur du 
prince de Maûsil. Cette même année, les Francs s'emparèrent de Fuvvah et 
la détruisirent. C'était une jolie petite ville dans laquelle ils y pénétrèrent 
par la bouche de Rosette [Famm-Rashîd) sur le Nil. — Suivant Yâkoût 
(Mo'djam^ t. III, p. 924), Fouvvah (avec un dhamma puis un teshdîd, d'après 
le mot fouvvah qui est une racine avec laquelle on teint les habits en rouge) 
est une petite ville sur les bords du Nil dans les environs de Misr près 
de Rashîd. Entre Fouvvah et la mer il y a environ cinq ou six farsakhs; 
cette ville possède des marchés et beaucoup de palmiers. — (Le mot arabe 
fouvvah signifie « garance ».) — Cette année, dit Makrizi {Kitâb-as-Soloûk^ 
ms. ar. 1726, f. 53 v.), la paix fut conclue et signée entre al-Malik-al-'Adil et 
les Francs, et les troupes furent licenciées. Cette même année, le fils de 
Laôn vint camper devant Antioche, lui donna l'assaut, et assiégea le prince 
[al-àbrins) dans la citadelle. Ath-Thâhir partit d'Alep pour lui porter se- 
cours. — Les Francs enlevèrent la ville de Constantinople aux Grecs. — Les 
Francs se réunirent à 'Akkà de tous côtés dans Tintention de s'emparer de 
Jérusalem, Al-*Adil sortit de Damas et écrivit aux autres rois pour leur de- 
mander aide, il vint camper près de At-T'or à quelque distance d' 'Àkkâ, 
tandis que l'armée des Francs campait à Mardj-'Akkâ. Ils allèrent faire une 
incursion contre Kafr-kîâ, et y firent prisonniers tous ceux qui s'y trouvaient, 
et saccagèrent cette localité. L'année se termina sur ces entrefaites. — Cette 
même année, mourut Rokn-ad-Dîn-Solaîman-ibn-Kilidj-Arslân-ibn-Mas'oûd-ibn- 
Kilidj-Arslân-ibn-Solaîmân. .. ibn-Saldjoûk, souverain du pays de Roûm, le 
sixième jour du mois de DhoûM-Ka'da. Après lui régna son fils 'Izz-ad-Dîn- 
Kilidj-Arslàn qui était alors très jeune. — Cette même année (f. 542), il y eut 
un violent tremblement de terre qui se fit sentir en Egypte, en Syrie, dans le 
Djazirah, dans le pays de Roûm, en Sicile, dans l'île de Chypre [kuhrus), 
à Maûsil, et. dans Tlràk. Il s'étendit même jusqu'à Sibta (Ceuta) dans le 
Maghreb. 

2. Bjân dâr est composé des deux mots persans djâmeh « vêtements » et 
dâr « celui qui possède ». Les musulmans y voient un composé du mot d^ân 
« âme ». On le trouve aussi sous la forme djàmdâr. 



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HISTOIRE D'ALEP 141 

alla avec son armée se livrer à des jeux guerriers dans THip- 
podrome de la Petite Porte. 

Au mois de Moharram de Tan 601 *, le roi des Arméniens, 232 v. 
le fils de Laôn, l'un des descendants de Bardas al-Fakkâs qui 
vivait à Tépoque de Saîf-ad-Daûla}i, vint attaquer inopinément 
Antioche. Al-Malik-ath-Thâhir envoya alors d'Alep une armée 
pour porter secours au prince de cette ville. Quand ces troupes 
arrivèrent à TOronte (al-'Asî), le fils de Laôn fut réduit à l'im- 
puissance; Tarmée d'Alep le surveilla étroitement, et le força 
à battre en retraite après lui avoir tué un nombre considérable 
de soldats. L'armée d'Alep retourna ensuite chez elle. Le fils 
de Laôn dénonça la trêve et alla faire une incursion sur le 
territoire de 'Amk, où il enleva les troupeaux. Il s'occupa 
aussi de reconstruire une citadelle qui était en ruines dans la 
montagne, à proximité de Darbsâk, pour rendre le passage 
plus difficile ; en même temps il écrivit au sultan, et lui de- 
manda de le laisser régler tout seul ses comptes avec An- 
tioche, lui offrant de lui restituer tout ce qu'il avait pris à 
'Amk. Le sultan y consentit et une trêve fut conclue à ces con- 
ditions. Le fils de Laôn vint alors camper devant Antioche; il 
saccagea la province environnante et une grande famine sévit 

1. Suivant al-Yâ'fî (ms. ar. 1591, f. 226, v*»), c'est cette année que les Francs 
s'emparent du royaume de Constantinople. 

Suivant Aboû-'l-Mahàsin {Histoire d*Égypte, ms. ar. 1779, f. 51 v.), les 
Francs arrivèrent à Hamâh à l'improviste et surprirent les femmes qui se bai- 
gnaient à la porte de la ville dans TOronte. Al-Malik-al~Mansoûr-ibn-Taki- 
ad-Din fit une sortie contre les Francs, les attaqua, leur infligea une défaite 
complète, et mit leur armée en fuite. Cette année, suivant Makrizi {Kitâh-as- 
Soloûk, ms. ar. 1726, f. 54 r»), la paix qui existait entre al-Malik-al-'Adil et les 
Francs expira et la trêve fut continuée pour quelque temps. Les Francs sti- 
pulèrent que Jaffa leur appartiendrait ainsi que la moitié de Ludd (Lydda) et 
de Ramlah. Le sultan accepta ces conditions et ses troupes se disloquèrent. 
Al-Malik-al-*Adil se rendit ensuite au Caire, et descendit à la Maison du 
Vizirat [dâr-al-vizârat). Son fils ai-Mali k-al-Kàmil resta au Château de la 
Montagne pour régler les affaires de l'Egypte. — Cette même année, mourut 
l'émir 'Izz-ad-Dîn-Ibràhîm-ibn-al-Djouvaînî, vâli (gouverneur) du Caire, à la fin 
du mois de Djoumâda premier. — Cette année arriva la nouvelle que les 
Francs s'étaient emparés de Constantinople. — Les Chevaliers Francs de 
l'Hôpital allèrent faire en nombre considérable une incursion à Hamâh, parce 
que la trêve qui les liait était arrivée à son terme; ils mirent le pays à feu 
et à sang, après quoi ils s'en retournèrent. — Les Francs firent une expédi- 
tion contre Homs, où ils tuèrent des Musulmans et en emmenèrent en capti- 
vité; Al-'Adil sortit alors du Caire et se rendit à la Birkat-al-Djubb^ puis s'en 
retourna. — Les Francs de Tarâbolos firent une expédition contre Djibala 
et Laodicée {Lâdakiah), ils y tuèrent nombre de Musulmans, y firent un grand 
butin et en emportèrent de nombreuses dépouilles. 



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142 KAMAL-AD-DÎN 

dans la ville, mais le sultan al-Malik-ath-Thâhir ravitailla la 
place. 

Année 602 *. Cette année, au mois de Djoumâda premier, 
le fils de Laôn envoya une armée qui arriva à Timproviste, 
durant la nuit de la Nativité (la nuit de Noël), jusque dans 
le faubourg de Darbsâk. La population du faubourg lui livra 
bataille avec l'aide de ceux des soldats qui se trouvaient dans 
les maisons du faubourg. Les Arméniens ne purent les vain- 
cre, et aux premières lueurs de Taube ils se répandirent dans 
le territoire d' 'Amk, où ils massacrèrent tous les Turkomans 
qu'ils y trouvèrent. Us continuèrent leurs déprédations jusqu'au 
moment où le jour fut dans son plein, et revinrent vers 'Amk. 
Les armées de l'Islamisme accoururent vers cette contrée, 
mais elles ne purent poursuivre les Arméniens qui se réfli- 
gièrent dans la montagne de Loukkâm ^ Durant la nuit, ils 



. 1. Cette année, dit Aboû-'l-Mahâsin (ms. ar. 1T79, f. 52 r«), « Nàsir-ad-Din, prince 
de Màrdin, se rendit à Khilàt, comme il l'avait écrit aux habitants, et s'en 
empara. Al-Malik-al-Ashraf-Mousâ, le Shâh-i-Armin^ fils d'al-Malik-al-'Adil, 
vint ensuite assiéger Donaîsir, et donna la ville de Màrdin en fief. Quand Nâsir- 
ad-Dîn apprit cela, il retourna à Màrdin après avoir payé 100,000 dinars et 
Khilât ne lui fut pas livrée. » — Cette année, le roi d'Arménie, fils de Laôn vint 
faire une expédition sur le territoire d'Alep et s'empara des troupeaux qui 
paissaient dans les environs de Hârim. Le sultan al-Malik-ath-Thâhir s'étant 
mis en marche, le fils de Laôn s^enfuit et ath-Thâhir s'empara d'une forteresse 
qu'il avait construite au-dessus de Darb-sâk ; après l'avoir détruite, il s'en 
retourna à Alep. — Cette même année (f . 520), mourut Mas'oûd-ibn-Sa'd-ad- 
Din, gouverneur de Safad, il était frère de Badr-ad-Dîn-Maudoûd, gouverneur 
de Damas, et tous les deux étaient fils du hâdjib Moubârak-ibn-'Abd-allah. — 
Cette année (al-Yâ'fî, ms. ar. 1591, f. 228 r»), al-Malik-al-Avhad-Ayyoûb-ibn-al- 
Âdil s'empara de la ville de Khilât. — On lit dans Aboû-'l-Mahàsin {Histoire 
d*Égypte, ms. ar. 1779, f. 52 r*»), les Francs vinrent assiéger J^oms ; al-Malik- 
ath-Thàhir-Ghâzî, prince d'Alep, avait envoyé al-Moubâriz-Yoùsouf-ibn-Khat- 
lidj-Halebi vers cette ville pour porter secours au prince de Homs, Asad-ad- 
Din. Le combat éclata entre eux et les Francs, Samsam fut fait prisonnier ainsi 
que Teunuque du prince de Homs ; après quoi les Francs s'en retournèrent 
dans leurs états. 

2. La montagne de Loukkâm se trouvait en Arménie et dominait les villes 
d'Antioche, de Masîsa, de Tarsoùs, ainsi que tout le pays environnant (Yâkoût, 
Mo*djam^ t. III, p. 324). Les géographes arabes voyaient dans cette montagne 
une continuation des montagnes de Palestine connues sous le nom de Liban. 
Suivant Yâkoût {ibid., t. III, p. 347), la chaîne de montagnes qui borde la 
côte de la mer Rouge se continue par le Liban jusqu'à la mer des Khazars. 
La partie qui se trouve en Palestine est le Bjabal-el-Hamaly la partie qui 
longe le Jourdain (on ne voit pas clairement la différence que fait ici le 
géographe) est le Bjàbal-al-Djalil, à Damas on l'appelle Sanîr (l'anti-Liban), 
à Alep, à Hamâh, à Homs, Luhnân (Liban), à Antioche, Koullâm. De là, cette 
chaîne se prolonge vers Malatiah et Soumaisât jusqu'à la mer de Khazar et 
on l'appelle Kabak. 



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HISTOIRE D'ALEP 143 

furent assaillis par une tempête de neige qui fit périr une 
partie de leurs chevaux et de leurs bêtes de somme. Ils écor- 
chèrent des brebis et se couvrirent de leurs peaux pour se 
garantir de la violence du froid. 

Al-Malik-ath-Thâhir envoya Tune des armées d'Alep sous 233 r. 
le commandement de Maîmoûn-al-Kasri, accompagné d'Ai- 
bek Foutais. Ces deux généraux vinrent camper à Hârim; 
une portion de l'armée, commandée par Ibn-Toumân, se rendit 
à Darbsâk, et Saîf-ad-Din ibn-'Alam-ad-Dîn alla camper avec 
ses troupes à Tîzîn. Presque tous les jours, il y avait des 
combats entre le corps d'armée qui était campé à Darbsâk et 
l'armée du fils de Laôn qui se trouvait à Baghrâs. 

Le sultan sortit d'Alep au mois de Sha'bân de cette même 
année, se dirigeant vers Mardj-Dâbik pour entrer dans le pays 
de Laôn. Quand il réunit ses soldats, son oncle al-Malik-al- 
'Adil, ainsi que d'autres princes de l'Islamisme, lui envoyèrent 
des troupes de secours; il resta à Mardj-Dâbik jusqu'à la fin 
du mois du Jeûne (le mois de Ramadhân). Le fils de Laôn se 
mit en marche pendant la nuit par des chemins détournés, et 
passa par des routes différentes de celles que gardaient les 
avant-postes de Tarmée d'Alep. A l'aube, il arriva dans 'Amk, 
sans que les Halébins se fussent aperçus de son approche ; il 
assaillit les troupes qui étaient avec Maîmoûn et pénétra jusqu'à 
leurs tentes. Les Arméniens combattaient sans ordre ; aussi 
les Musulmans leur tuèrent beaucoup d'hommes, et il n'y en 
eut que très peu qui échappèrent à ce massacre. Le roi d'Ar- 
ménie battit en retraite, et Saîf-ad-Dîn partit de Tîzîn pour 
porter secours à l'armée de Maîmoûn, mais quand il arriva, 
les Arméniens étaient partis. 

Le sultan al-Malik-ath-Thâhir apprit la nouvelle de cette 
victoire alors qu'il se trouvait à Dâbik; il se mit en marche 
avec les troupes qu'il avait autour de lui et vint camper à 
'Amk où se trouva réuni un nombre considérable de soldats 
d'Alep et de Turkomans. 

Le fils de Laôn envoya un ambassadeur au sultan al-Malik- 
ath-Thâhir pour lui promettre de lui obéir et de démolir la 
iforteresse qu'il avait bâtie près de Darbsâk. Le sultan refusant 
d'accepter ces conditions, le roi d'Arménie offrit alors de 
renvoyer les paysans d' 'Amk qull avait fait prisonniers et de 



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144 KAMAL-AD-DÎN 

repeupler les villages dépendants de cette ville. Plusieurs 
ambassades furent échangés pour arriver à la conclusion de 
la paix qui fut signée, à la condition que le fils de Laôn dé- 
truirait la forteresse qu'il avait bâtie près de Darbsâk, qu'il 
rendrait tout ce qu'il avait pris au cours de ses incursions, 
qu'il mettrait en liberté tous les prisonniers Musulmans qui se 
trouvaient entre ses mains, et qu'il n'entreprendrait plus rien 
contre Antioche. La paix fut fixée pour une durée de huit 
années. La forteresse voisine de Darbsâk fut détruite, et il 
rendit ce qu'il s'était engagé à rendre. Le Sultan rentra à 
233 V. Alep en l'an 603 \ et donna le grade d'émirs à plusieurs de 
ses Mamlouks et de ses officiers. 
En l'an 605 ^ les Francs firent une expédition contre 

1. Cette année, suivant Makrizi {Kitab-as-Soloûk, ms. ar. 1726, f. 54 v»), les 
incursions dès Francs se multiplièrent, al-Malik-al-'Àdil fit une expédition 
contre 'Abbâsa, puis s'en retourna à Damas. Quelque temps après, il sortit de 
cette ville pour marcher sur Homs. Les troupes vinrent vers lui de tous côtés 
et un grand nombre de soldats se réunirent autour de lui. A la fin du mois de 
Ramadan, il marcha vers les environs de la citadelle des Cijrdes {Hisn-al- 
Akrâd^ le manuscrit porte la leçon inintelligible Ha'sh-al-Akrâd), il assiégea 
cette place et y fit prisonniers 500 hommes, il y fit un butin considérable et 
s'empara aussi de l'autre citadelle. Il vint ensuite assiéger Tarâbolos et s'en 
retourna vers Homs au mois de Doû'-l-hidjdjah. 

2. En 604, dit Makrizi [Kitàb-as-Soloûk, ms. ar. 1726, fol. 55 r«), al-Malik- 
al-'Adil s'en retourna à Damas, après avoir conclu la paix avec le prince des 
Francs à Tarâbolos ; il envoya ses deux précepteurs, l'émir al-Dhikr-al-*Adil 
et le kâdi de l'armée Nadjm-ad-Dîn-Khalîl-al-Masmoûdî, au khalife, pour lui 
demander l'investiture des provinces d'Egypte, de Syrie et de Khilàt. Quand 
les deux envoyés arrivèrent à Bagdad, le khalife an-Nâsir-li-Din-Àllah les 
combla de marques d'honneur et usa envers eux des meilleurs procédés. Il 
agréa la demande du sultan, et envoya le sheïkh Shihàb-ad-Dîh-Aboû-Dja'far- 
*Omar-ibn-Mohammad-ibn-'Abd-Allah-ibn-Mohammad-ibn -'Amouia-el • Shahr- 
zoûri, pour porter le diplôme et le teklid au sultan, ainsi que des vêtements 
d'honneur pour le sahib Safî-ad-Dîn-ibn-Shakr et pour les fils d'al-Malik-al- 
'Adil, al-Malik-al-Mo'aththam,al-Malik-al-Ashraf et al-Malik-al-Kâmil. Quand 
l'ambassadeur du khalife fut arrivé près d'Alep, ai-Mali k-ath-Thâhir sortit à 
sa rencontre avec son armée et lui fit de grands honneurs... L'ambassadeur 
partit d'Alep, accompagné du kadi Bahâ-ad-Dîn-ibn-Shaddàd, et se rendit au 
Caire où il remit les vêtements d'honneur à leurs destinataires. — Cette même 
année (f. 55 v»), al-Malik-al-Kàmil termina le château de la Montagne et le 
choisit comme résidence à la place de la maison du vizirat. Ce fut le premier 
souverain de Misr qui y résida. 

En Tannée 605, dit Aboû-'l-Mahâsin (Ms. ar. 1779, f. 53 vo), « les Francs 
de Tarâbolos et ceux du Château des Curdes {Hisn-al-Akrâd) s'entendirent 
pour venir faire une expédition dans la province de Homs. Ils se mirent en 
marche vers cette place et l'assiégèrent. Asad-ad-Dîn-Shirkoûh, prince de 
cette ville était trop faible pour leur résister. Son cousin al-Malik-ath-Thâhir- 
Ghâzî, roi d'Alep vint à son secours, et les Francs s'en retournèrent à Tarâ- 
bolos ; Al-Malik-aKAdil, sultan d'Egypte, apprit cela ; il partit alors d'Egypte 
avec son armée pour aller leur faire la guerre; il vint attaquer 'Akkâ, et le 



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HISTOIRE d'ALEP 145 

Hamâh. Al-Malik-ath-Thâhir envoya d'Alep un corps de 
troupes pour porter aide à Tarmée de cette ville. En même 
temps, al-Malik-al-'Adil vint camper devant Jérusalem, et* sa 
cavalerie fit des incursions jusqu'à Tarâbolos. Ses troupes 
détruisirent plusieurs citadelles, puis hivernèrent dans la ville 
de Hamâh, jusqu'au moment où commença le printemps. Al- 
Malik-al-'Adil s'en retourna à Damas, et son fils al-Malik-al- 
Aschraf revint dans les villes qu'il tenait de son père. De là, 
il se dirigea vers Alep ; al-Malik-ath-Thâhir vint au-devant de 
lui et fit tout ce qu'il put pour lui être agréable. Il le logea 
dans son propre palais, qui se trouvait dans la citadelle 
d'Alep, et lui offrit des cadeaux précieux, en armes, en che- 
vaux, en objets d'or, en pierres précieuses, en mamlouks, en 
jeunes esclaves et en vêtements qui valaient 50,000 dinars. 
Au bout de sept jours, il lui fit ses adieux à Karâ-Hisâr, et 
retourna à Alep. 

Cette même année, Kaî-Khosrav, fils de Kilidj-Arslân, atta- 
qua le royaume du fils de Laôn et demanda au sultan d'Alep, 
al-Malik-ath-Thâhir, de l'aider dans cette entreprise. Ce prince 
lui envoya une armée commandée par Saïf-ad-Dîn-ibn-'Alam- 
ad-Dîn, accompagné d'Aîbek Foutais. Ils opérèrent leur jonc- 
tion à Mar'ash et vinrent camper devant Bartoûs en l'an 605 ; 
ils s'emparèrent de cette ville, ainsi que d'un certain nom- 
bre de forteresses du pays appartenant au fils de Laôn. Le 
prince arménien envoya demander protection à al-Malik-al- 
'Adil qui envoya des ambassadeurs à Kaî-Khosrav et à al- 
Malik-ath-Thahir, pour intercéder en sa faveur. Kaî-Khosrav 
accorda alors la paix au fils de Laôn, à la condition qu'il 
rendrait la forteresse de Baghrâs aux Chevaliers de Tordre 
du Temple \ qu'il ne tenterait aucune expédition contre 
Antioche et qu'il restituerait les sommes d'argent qu'il avait 
laissées en dépôt chez lui, durant la vie de son frère Rokn-ad- 
Dîn, à l'époque où il avait peur de lui. Comme il avait eu des 
sujets de crainte à l'égard de son frère, il s'était rendu à Alep 

prince de cette ville fit la paix avec lui. Il se remit ensuite en marche et alla 
camper auprès du lac de Homs. Il fit des incursions dans le pays de Tarâ- 
bolos et prit une petite forteresse dans cette province. 

1. On verra plus loin que les Chevaliers du Temple, possesseurs de Baghrâs, 
cherchèrent à s'emparer de plusieurs places musulmanes et que leur ville fut 
prise et démantelée par l'armée du sultan d'Alep. 



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146 KAMAL-AD-DÎN 

et était resté durant un certain temps auprès d'al-Malik-ath- 
Thâhir K Mais al-Malik-ath-Thâhir craignit que Rokn-ad-Dîn 
né prît ombrage du séjour de son frère à Alep, qu'il ne devînt 
son ennemi et qu'il ne vînt à lui demander ce qui lui était 
impossible de donner *. C'est pourquoi Kaî-Khosrav quitta 
Alep et se rendit chez le fils de Laôn ; mais ayant encore eu 
peur de son frère ^ Kaî-Khosrav s'enftiit d'auprès de son 
hôte, en lui laissant en dépôt une somme d'argent considé- 
rable. Le fils de Laôn la conserva chez lui et ne la lui rendit 
qu'à l'époque de cette trêve; il lui remit en même temps tous 
les prisonniers musulmans qui se trouvaient, dans ses états, 
et s'engagea à ne pas attaquer les possessions du sultan al- 
Malik-ath-Thâhir. Les renforts venus d'Alep revinrent alors 
dans cette ville. 
234 r. En l'an 606, al-Malik-al-'Adil partit de Damas et demanda à 
al'Malik-ath-Thâhir de lui fournir un renfort de troupes, pour 
les emmener dans les Provinces Orientales dans sa marche 
contre Khilât, dont il voulait repousser les Kurdjs. Le sultan 
d'Alep lui envoya un détachement de son armée, et il traversa 
l'Euphrate. Quand il fut arrivé à Ra'as-al-'Aîn, les Kurdjs 
s'enfuirent de Khilât. Le prince d'Amid se rendit auprès d'al- 
'Adil, qui marcha sur Sindjâr à la tête de son armée, et 
qui, après avoir donné en fiefs la province d'al-Khâboûr et 
Nîsîbîn, vint camper devant Sindjâr dans l'intention de l'as- 
siéger. Mothaffar-ad-Dîn-ibn-Zaîn-ad-Dîn intercéda auprès de 
lui en faveur du prince de Sindjâr, mais il ne voulut point 
l'écouter. 

Il poussa activement le siège de Sindjâr au mois de Djou- 
mâda deuxième; Noûr-ad-Dîn, fils d' 'Izz-ad-Dîn, prince de 



1. En lisant akâma 'and al-Malik-ath-Thâhir, et non 'andctou comme le 
porte à tort le manuscrit. 

2. C'est-à-dire les trésors de Kaî-Khosrav. On peut comprendre que le sou- 
verain d'Alep avait peur, soit que Rokn-ad-Dîn n'exigeât qu'il lui livrât son 
frère Kaî-Khosrav, ce qui eût été trahir les lois de l'hospitalité, soit qu'il 
demandât les sommes qu'il avait emportées avec lui. La première interpré- 
tation me parait la plus vraisemblable. Il n'est pas probable qu'il faille com- 
prendre que Kaî-Khosrav lui aurait demandé de l'aider à détrôner son frère 
Rokn-ad-Dîn, ce que ath-Thâhir n'aurait évidemment pas pu lui accorder. 

3. Le texte dit simplement et « lui eut peur de lui ». On pourrait entendre 
il eut peur du fils de Laôn et lui laissa ses trésors, quoique cette interpré- 
tation soit peu satisfaisante. 



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HISTOIRE d'ALEP 147 

Maûsil, s'occupa * alors de secourir son cousin. Il fît alliance 
avec Mothaffar-ad'Dîn ; les deux princes se jurèrent une aide 
réciproque et jetèrent la dissension dans une partie de l'armée 
d'al-Malik-al-'Adil. Cela fait, ils envoyèrent tous deux une 
ambassade à al-MaKk-ath-Thâhir pour lui offrir de le placer 
sur le trône, de faire réciter la prière du vendredi en son hon- 
neur et ,de faire frapper la monnaie à son nom *. 



1. Littéralement : « réclama le droit de... »> 

2. Voici, d'après plusieurs historiens arabes, le récit des événements des 
années 607-612 qui est très écourté dans Kamàl-ad-Dîn. 

« Cette année (607) (Aboû-'l-Mahâsin, ms. ar. 1779, f. 54, v.), mourut Arslân-ibn- 
'Izz-ad-Din-Mas'oûd, l'émir Noûr-ad-Dîn, l'Atâbek, prince de Maûsil ; c'était 
un homme orgueilleux, hautain et téméraire, qui se plaisait à verâei- le sang. 
Il fit jeter en prison son frère 'Imâd-ad-Din, et l'y laissa durant plusieurs 
années jusqu'à ce qu'il y mourut. Arslân mourut au mois de Safar, laissant 
deux fils, al-Kahir-Mas'oùd et Zangî. 11 recommanda à Badr-ad-Dîn-Loù'loû' 
de mettre Mas'oûd sur le trône et de laisser Zangi demeurer à Shahrzoûr. » — 
« Cette année, dit Makrizi (Kitâb-as-Soloûk, ms. ar. 1786, fol. 56 v°), les Francs 
se dirigèrent vers le Sàhel et s'assemblèrent à 'Akkâ. *Al-Malik-al-'Adil partit 
alors de Damas ; puis la paix fut conclue entre ce prince et les Francs. — Al- 
Malik-al-'Adil commença la construction de la citadelle de Tour près d' 'Akkâ. 
Il se rendit ensuite à Karak, où il demeura durant quelques jours, puis il 
s'en retourna en Egypte et fit son entrée au Caire, et vint descendre dans la 
Maison du Vizirat. — Cette même année, mourut l'émir Fakhr-ad-Din Tchahâr- 
kas (ce nom qui est persan signifie « les quatre personnes »). 

« Cette année, suivant le même auteur, arriva au Caire un commerçant 
nommé Guillaume le Franc, le Génois (KUiâm-al-firandji-al-djanavi), qui se 
rendit auprès d'Al-Malik-al-'Adil et lui fit cadeau de quelques objets précieux. 
Le souverain en fut émerveillé et ordonna que cet homme restât attaché à sa 
personne ; au fond, ce n'était qu*un espion que les Francs avaient envoyé en 
Egypte pour le succès de leurs entreprises ; mais al-'Adil ne voulait rien 
écouter de ce qu'on lui disait de lui. » 

En 608 (Al-Yâfî, ms. ar., 1591, f. 232 r.) un envoyé de Djalâl-ad-Din-Hasan, 
le célèbre prince Ismaïlien d'Alamoùt vint à Bagdad pour traiter de l'entrée de 
ses compatriotes dans l'Islam. Ils avaient prouvé qu'ils n'appartenaient point à 
la secte des Bathéniens, et ils avaient bâti des mosquées et des djâmi' (mos- 
quées où l'on récite la prière du vendredi) ; de plus, ils avaient observé le 
jeûne du Ramadan. Le khalife en fut réjoui. — « Cette année, dit MakriîSi {Kitâb- 
as-Soloûkf ms. ar. 1726, f. 57 r^), mourut la mère d'al-Malik-al-Kâmil, le lundi, 
vingt-cinquième jour du mois de Safar. Cette princesse fut inhumée dans le 
tombeau de l'imam Shâfâ'i. Son fils établit autour de la tombe des lecteurs du 
Coran et y fit de nombreuses aumônes. — Trois mille commerçants et pro- 
priétaires Francs se réunirent à Alexandrie; al-Malik-al-*Adil se mit en 
marche ; il fit arrêter les marchands et confisqua leurs biens, après quoi il fit 
jeter les propriétaires en prison. 

En 609 (al-Yà'fi, ms. ar. 1591, f. 234 r»), il y eut un grand combat en Espagne 
entre an-Nâsir-Mohammad-ibn-Ya'koûb et les Francs. AUali donna la victoire 
à l'Islam. Un grand nombre de Musulmans y périrent. Ce combat est connu 
sous le nom de bataille d'al-*Ukâb. 

Cette même année, dit Aboù-'l-Mahâsin (Histoire d'Egypte, ms. ar. 1779, f. 56 r«), 
« al-Malik-al-'Adil et ses fils, al-Kàmil, al-Fàiz, et al-Mo'aththam se réunirent 
à Damiette pour y combattre les Francs, l'émir Ousàma était alors au Caire, 



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148 KAMAL-AD-DÎN 

235 V. Année 611. Cette année, les Ismaïliens ayant assailli le fils 
du prince dans une église d'Antarsoûs et l'ayant tué \ le 
prince réunit une troupe de Francs et vint mettre le siège 
devant leurs forteresses. Il leur tua du monde et fit des pri- 
sonniers, puis il alla assiéger le château de Khavâbî. Les 
Ismaïliens écrivirent alors au sultan d'Alep pour lui demander 
aide contre le prince. II. leur envoya un corps de secours 

236p.de deux cents hommes, puis il fit partir un détachement 
de son armée pour surveiller le Comte, afin que ses deux 
cents hommes puissent entrer dans le château de Khavâbî 
et empêcher les Francs de s'en emparer. Il envoya égale- 
ment d'Alep une armée, sous le commandement de Saîf-ad- 
Dîn-ibn-'Alâm-ad-Dîn, pour occuper les Francs du côté de 
Laodicée et empêcher ainsi les troupes du Comte d'entrer 
dans le château de Khavâbî. Quand les Francs eii eurent été 
informés, ils dressèrent une embuscade aux fantassins et aux 
cavaliers qui les surveillaient, s'emparèrent d'un certain 
nombre d'hommes de pied qu'ils massacrèrent et firent pri- 
sonniers trente cavaliers. Cet événement se passa le onzième 

et il vint les trouver sur une lettre que lui écrivit al-Malik-ath-Thâhir-Ghâzi, 
prince d'Alep. — Cette même année (ibid., f. 56 v») mourut al-Malik-al-Avhad- 
Nadjm-ad-Dîn Ayyoûb, fils du sultan al-Malik-al-'Adil-Aboû-Bakr, sultan 
d'Egypte. Il était prince de Khilàt et d'autres villes sous le règne de son 
père, al-Malik-al-*Adil. Il a été raconté plus haut comment ces villes lui 
furent enlevées. 

En 610 (al-Yâfî, ms. ar. 1591, f. 234 r»), mourut le prince du Magreb, sur- 
nommé prince des croyants {amir'al-Mou'minîn) Mohammad-ibn-Ya*koûb-ibn- 

Yoûsoûf-ibn-'Abd-al-Mou'min En Tan 599, il alla assiéger la ville de Fez 

et s'en empara, puis il assiégea al-Mahdîah durant quatre mois, après quoi U 
s'en empara. On dit que dans cette expédition il dépensa cent vingt charges 
d'or. 

1. En 611 (Aboù-1-Mahâsin, Histoire d'Egypte, ms. ar. 1779, f. 57 v»), al-Malik- 
al-Mo'aththam-*Isa-ibn-al-Malik-al-'Adil enleva la forteresse de Sarkhad à 
l'émir Karàdjâ et lui donna en échange de l'argent et des fiefs. — Al-Malik- 
al-'Adil partit de Syrie pour se rendre en Egypte (f. 58 r«), il arriva au Caire 
et alla loger dans la Maison du Vizirat {dâr-al-vasarat). Son fils al-Kâmil 
resta dans le Château de la Montagne ; il avait avec lui le Franc Guillaume 
(voir année 607) dans la Maison du Vizirat. 

En 612, dit Makrizi {Kitâb-as-Soloûk, ms. 1726, f. 58 v»), « les Francs s'em- 
parent d'Anlioche et tuèrent les Musulmans qui s'y trouvaient ; cette place 
appartenait à al-Malik-al-Ghàlib-'Izz-ad-Dîn-Kai-Kaoûs. 

En l'an 614, dit Makrizi {ibid., f. 602), les Francs reçurent à 'Akkâ à plusieurs 
reprises des secours venant par mer du pays de Roûm et du reste de leurs 
possessions ; parmi eux, il y avait quelques-uns de leurs souverains. Les Francs 
avaient rompu la paix et s'étaient promis de prendre Jérusalem ainsi que 
tout le pays du Sâhel (toute la côte de la Méditerranée). Al- Adîl s'en alla 
alors à Nàbolos et vint campera Baîsân, puis il marcha contre les Francs. 



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HÏSTOIRE d'ALEP 149 

jour du mois de Radjab. Immédiatement, al-Malik-al- 
Mo'aththam, fils d'al-Malik-al-'Adil, partit de Damas à la tête 
de son armée et entra sur le territoire de Nâbolos pour le 
mettre au pillage. Il n'y laissa pas un seul village sans Tavoir 
pillé et ruiné. Il rapporta de cette expédition un butin consi- 
dérable et en ramena un grand nombre de prisonniers. Les 
Francs levèrent alors le siège du château de Khavâbî et ren- 
dirent la liberté aux prisonniers musulmans qui faisaient 
partie de l'armée du sultan al-Malik-ath-Xhâhir. Ils lui en- 
voyèrent une ambassade pour lui exprimer leurs regrets de 
ce qu'ils avaient fait et pour le flatter ; ils se séparèrent ensuite 
sans avoir atteint leur but \ 

Année 613. Cette année, il y eut des échanges d'ambassades 
entre le sultan al-Malik-ath-Thâhir et le sultan Kaî-Kâoûs-ibn- 
Kaî-Khosrâv, et il fut convenu entre les deux souverains que 
le sultan d'Alep serait le vassal de Kaî-Kâoûs. Al-Malik-ath- 
Thâhir fit alliance avec lui, par la crainte qu'il éprouvait de 
son oncle. Kaî-Kâoûs y consentit volontiers et partit lui-même 
pour se rendre sur les frontières de ses états. Le sultan se 
repentit de son action et il pensa que le soin de conserver sa 
maison était son premier devoir, et que ce qu'il avait de mieux 
à faire était de faire cause commune avec son oncle. Il envoya 
alors le kâdî Bahâ-ad-Dîn, kâdî d'Alep, en Egypte, auprès 236 v. 
d'al-Malik-al-'Adil, avec une lettre par laquelle il l'assurait 
qu'il voulait vivre en bonne intelligence avec lui; il lui an- 
nonçait en même temps qu'il avait reconnu, comme héritier 
présomptif de son trône, son fils, al-Malik-al-'Azîz-Mohammad, 
fils de la fille d'al-Malik-al-'Adil et lui demandait de recon- 
naître par serment ces dispositions. 

L'ambassadeur partit pour l'Egypte ; le sultan avait disposé 
les chevaux de la poste {berîd) le long de la route, de façon 
à être informé rapidement du résultat de son ambassade 
auprès d'al-'Adil. Il voulait voir ce qu'il avait à faire et comp- 
tait se rendre auprès de Kaî-Kâoûs, au moindre fait qui lui 
inspirerait de la crainte de la part de son oncle. Au milieu de 
toutes ces afl'aires, il s'occupait activement de préparer son 



1. L'auteur ajoute que, cette même année, le sultan al-Malik-ath-Thâhir fit 
réparer les bastions d'une partie de l'enceinte fortifiée d'Alep. 



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150 KAMAL-AD-DÎN 

armée et de la mettre en état de se rendre vers Kaî-Kâoûs, 
pour faire sa jonction avec lui, et pour aller d'abord attaquer 
le pays du fils de Laôn. Ce prince s'était en effet emparé d'An- 
tioche, et le sultan d' Alep était fort gêné de ce voisinage, parce 
qu'il savait que le fils de Laôn avait des accointances avec 
son oncle. Sur ces entrefaites, al-Malik-ath-Thâhir reçut 
d'Egypte, du tâdi qu'il avait envoyé en ambassade, la nouvelle 
qu'ai -Malik- al -*Adil lui accordait tout ce qu'il lui avait 
demandé. Il tomba alors dans un grand embarras, ne sachant 
plus de quel côté se tourner. 

Kaî-Kâoûs pressait le sultan d'Alep de venir le trouver et 
lui rappelait qu'il l'attendait. Comme al-Malik-ath-Thâhir avait 
beaucoup d'affection pour ce prince, il se trouvait dans une 
cruelle incertitude, qui lui, causait un violent chagrin; tantôt 
il prenait la résolution de se rendre auprès de Kaî-Kaoûs, 
mais il réfléchissait immédiatement qu'al-'Adil s'était allié avec 
lui, et il ne voyait pas comment il pourrait abandonner son 
parti pour aller se joindre au sultan du pays de Roûm, car 
s'il le faisait, c'était détruire l'accord qui régnait entre eux 
deux. Il abandonnait alors l'idée de se rendre auprès de Kaî- 
Kâoûs. Au même moment, il pensait aux liens qui l'unissaient 
au souverain de Roûm, et à la promesse qu'il lui avait faite de 
venir se joindre à lui, et il voyait que, s'il ne le faisait pas, il 
s'aliénerait Kaî-Kâoûs. Son armée était déjà en marche, qu'il 
ne savait encore à quel parti se résoudre ; il prit enfin celui 
de s'excuser auprès du sultan du pays de Roûm d'une manière 
convenable. 

Mais, par suite delà tension d*esprit et du chagrin qu'il avait 
éprouvés, il tomba gravement malade au mois de Djoumâda 
second de l'an 613. Sa maladie s'étant aggravée et son état 
ayant empiré, il réunit les officiers de la ville et ses émirs 
237 r. et leur demanda de prêter serment à son fils, al-Malik-al- 
'Aziz-Mohammad, après lui, à son fils al-Malik-as-Sâlih- 
Ahmad, et après lui, à son neveu, qui avait épousé sa fille, al- 
Malik-al-Mançoûr-Mohammad-ibn-al-Malik-al 'Azîz. Il nomma 
l'émir Saîf-ad-Dîn-ibn-'Alam-ad-Dîn, commandant de l'armée, 
et Shihâb-ad-Dîn-Toghrîl, l'eunuque, gouverneur de la cita- 
delle, ainsi que préposé au trésor et à l'éducation de ses 
enfants, à l'administration du palais et du harem. Il fit venir 



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HISTOIRE D'ALEP 151 

Badr-ad-Dîn-Aidamir, qui était gouverneur (vâlî) de la cita- 
delle d*Alep, et lui donna à titre de flef, en plus de ce qu'il 
possédait déjà, la citadelle de Nadjm, avec les approvisionne- 
ments et les munitions qui s'y trouvaient renfermés et, de plus, 
neuf autres villages choisis parmi les meilleurs. Les frères du 
sultan jurèrent d'observer ces dispositions, mais il craignit 
les intentions de son frère al-Malik-ath-Thâflr- Khidr qui 
demeurait à al-Yâroûkiah *; il lui donna Kafrsoûd et lui 
ordonna de se rendre dans cette place. Il s'y rendit, mais 
al-Malik-al-Zâhir le devança et s'empara de cette ville, ainsi 
que d'al-Birah, de Haroûs, de Marzbân, de Nahar-al-Djoûz, de 
Karzin ^ et de 'Amk. 

Le sultan al-Malik-ath-Thâhir (qu'Allah lui fasse miséri- 
corde!) mourut dans la citadelle d'Alep, le 25 du mois deDjou- 
mâda second de l'année 613. La nouvelle de sa mort fut cachée 
ce jour-là, jusqu'au moment où il fut enterré dans le mau- 
solée qui se trouvait à côté du grand palais qu'il avait fait 
construire dans la citadelle d'Alep. Le lendemain de sa mort, 
on fit monter à cheval ses deux fils, al-Malik-al-'Azîz et al- 
Malik-a§i-Sâlih. Tous les deux, vêtus de noir, descendirent de 
cheval au bas du pont de la citadelle, et les plus grands per- 237 v. 
sonnages de la ville vinrent à leur rencontre. 

Le kadî Bahâ-ad-Dîn revint de son ambassade d'Egypte le 
mardi suivant ; le vizir Ibn-Abî-Ya'lî s'était déjà emparé du 
gouvernement et commandait aux grands comme aux petits. 
Bahâ-ad-Dîn monta à la citadelle et vint trouver Shihâb-ad- 
Dîn-Toghrîl. Il lui conseilla de ne pas laisser ainsi le vizir 
s'emparer du pouvoir, et décida qu'il fallait assembler les 
émirs et tenir conseil, pour charger l'un deux de prendre les 
rênes du gouvernement, mais qu'en tout cas on ne ferait rien 
de contraire à son avis. 

Les émirs se réunirent à cet effet dans la Maison de là Jus- 
tice, et ils convinrent à l'unanimité qu'al-Malik-al-Man§oûr, 
fils d'al-'Azîz, serait atâbek de l'armëe, qu'il aurait le droit 
de distribuer les fiefs, et que le soin de pourvoir aux charges 

1. Faubourg" d'Alep qui fut détruit Tannée précédente à cause des travaux 
de fortifications qu'y fit faire le sultan al-Malik-ath-Thâhir. 

2. Karzin, nom d'une citadelle des environs d'Alep, entre Nahar-al-Djoùz et 
al-Bira. 



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152 KAMAL-AD-DÎN 

religieuses appartiendrait à Shihâb-ad-Dîn-Toghrîl. Ils prê- 
tèrent serment à al-Mansoûr de se conformer à ces disposi- 
tions; il monta ensuite à cheval et tous les émirs lui firent 
escorte. Al-Malik-al-'Azîz et al-Malik-aç-Sâlih mirent pied à 
terre et vinrent siéger dans la Maison de la Justice. Al-Malik- 
al-'Azîz occupait la place de son père, al-Malik-al-Sâlih, son 
frère, se tenait à côté de lui, et al-Malik-al-Mançoûr était à 
côté des deux princes. 

Après ces événements, survinrent des troubles, et les frères 
d'al-Malih-ath-Th^hir virent avec colère le pouvoir qu'avait 
al-Mansoûr. Sur ces entrefaites, arriva un ambassadeur du 
souverain du pays de Roûm, Kaî-Kâoûs, qui était campé près 
de la frontière du pays et qui attendait l'arrivée du sultan al- 
Malik-ath-Thâhir. Quand il eut appris sa mort, il envoya au 
souverain d'Alep un ambassadeur pour lui présenter ses com- 
pliments de condoléance, et pour lui conseiller de rester allié 
avec lui. Il lui donnait en même temps le conseil de prendre 
al-Malik-al-Afdal comme Atâbek des armées, parce qu'il était 
l'oncle d'al-Malik-al-'Azîz, et que c'était l'homme qui pouvait 
le mieux veiller au gouvernement et à la sécurité de son em- 
pire. Les émirs égyptiens, tels que Moubâriz-ad-Dîn-Yoûsouf- 
ibn-Khutlukh, Moubâriz-ad-Dîn-Sonkor-al-Halabî et Ibn-Abî- 
• Zakri le Kurde, ainsi que d'autres, étaient d'avis que l'on 
suivit ce conseil et dirent : « Al-Malik-al-Afdal est en effet un 
grand prince, et personne ne pourra mieux que lui veiller 
au salut de l'état; s'il se charge du gouvernement d'Alep, 
il aura la puissance nécessaire pour tirer vengeance de son 
238 r. oncle et lui prendre son royaume. » Mais le kâdî Bahâ-ad- 
Dîn, Saif-ad-Dîn-ibn-'Alam-ad-Dîn, Saîf-ad-Dîn-ibn-Kilidj et 
plusieurs autres furent d'un avis tout différent et dirent : « Si 
nous agissons ainsi, al-Malik-al-'Azîz sera pris entre deux 
dangers; car al-Malik-al-'Adil est un puissant souverain et il 
est le sultan d'Egypte. Dans ces conditions, le royaume nous 
échappera des mains ; car, s'il est vainqueur, il nous l'enlè- 
vera, et s'il est vaincu, nous ne pourrons empêcher al-Malik-al- 
Afdal de devenir plus puissant que son neveu et de le dépouiller 
de son royaume. Il agira vis-à-vis de lui comme al-Malik-al- 
'Adil a agi envers le fils d'al-Malik-al-'Azîz. Al-Malik-al-'Adil a 
reconnu comme souverain d'Alep, al-Malik-ath-Thâhir et, après 



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HISTOIRE d'aLEP 153 

lui, son fils al-Malik-al-'Azîz, le fils de sa flUe, qui demeure 
dans la citadelle d'Alep. Nous lui demanderons de tenir le 
serment qu'il a prêté, et il défendra Alep, de même que les 
autres parties de son empire. Les affaires financières seront 
du ressort de Shihâb-ad-Dîn-Toghrîl, qui est gouverneur de la 
citadelle. Nous n'avons rien de mieux à faire que de le choisir, 
car c'est lui qui possède le trésor dans la citadelle où il réside. 
Il châtiera ceux qui s'opposeront à lui ; c'était d'ailleurs en lui 
que le sultan al-Malik-ath-Thâhir avait placé sa confiance. » 
Tous les émirs ratifièrent ce choix, et l'on rédigea le texte 
d'un serment que prêtèrent tous les émirs et les officiers 
de la ville, pour témoigner leur fidélité et leur obéissance 
à al-Malik-al-'Azîz, et après lui à son frère al-Malik-a$-Sâlih, 
ainsi que de leur attachement pour son atâbek Shihâb-ad- 
Dîn-Toghrîl. Tous les émirs agirent ainsi, les uns de bon 
gré, les autres à contre-cœur. On bannit le vizir Ibn-abî-Ya'lî 
après l'avoir destitué. Les choses furent ainsi fixées dans les 
derniers jours du mois de Sha'bân de cette année. Le vizir 
Ibn-abi-Ya'lî quitta la ville d'Alep au mois de Ramadan, et 
Toghrîl resta seul pour gouverner le royaume et les cita- 
delles. Il distribua des sommes d'argent et des fiefs et ne 
s'écarta jamais dans toute sa conduite de l'avis du kâdî 
Bahâ-ad-Dîn, de Saîf-ad-Dîn-ibn-'Alam-ad-Dîn et de Saîf-ad- 
Dîn-ibn-Kilidj. Il donna à titre de fief la ville deDarbsâk à238v. 
'Alam-ad-Dîn-Kaîsar, et la ville de Laodicée au fils de l'émir 
des Turkomans. 'Alam-ad-Dîn-Kaîsar fut envoyé auprès d'al- 
Malik-az-Zâhir pour le blâmer de s'être emparé de plusieurs 
villes. Ce prince le retint prisonnier et lui dit : « C'est moi qui 
suis le plus digne de régner, car je suis l'héritier présomptif 
de mon frère et le peuple m'a prêté serment. » Il conçut le 
dessein de s'emparer d'Alep; il rentra bientôt dans l'obéis- 
sance, et fit faire la khotbah au nom du sultan, mais il stipula 
que les places dont il s'était emparé lui resteraient. On con- 
sentit à lui donner satisfaction sur ce sujet. Quand Shihâb-ad- 
Dîn-Toghrîl eut été installé dans sa charge d'atâbek, un cer- 
tain nombre de mamlouks Thâhiris * en conçurent du dépit. 
'Izz-ad-Dîn-Aîbek le djamdâr Thâhiri ayant montré le premier 

1. Mamlouks du sultan défunt al-Malik-ath-Thâhir. 

11 



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154 KAMAL-AD-DÎN 

son mécontentement, un certain nombre de mamlouks Thâ- 
hiris et de soldats vinrent se grouper autour de lui. Il écrivit 
à 'Asad-ad-Dîn-Aktoûghân *, gouverneur de Hârim, et convint 
avec lui qu'il le viendrait trouver avec tous ceux qui s'étaient 
joints à lui, et qu'il lui ouvrirait les portes de la citadelle. Il 
l'assura que lorsqu'ils seraient arrivés, d'autres viendraient 
se joindre à lui, car ils occupaient alors un rang important. 
On avait fait monter à la citadelle les troupes de Hârim et 
on les y avait installées; elles étaient commandées par Mou- 
bâriz-ad-Dîn-Ayyoûb, fils d'al-Moubâriz-Akdjâ. Les soldats 
eurent peur que le gouverneur Asad-ad-Dîn-Aktoùghân ne se 
laissât détourner de son devoir, ils désapprouvèrent quelques 
points de sa conduite et songèrent à se mettre en sûreté. 
Ils s'entendirent pour garder la citadelle avec le plus grand 
soin; Aîbek le djamdâr partit pour se rendre à Hârim, il s'ar- 
rêta au-dessous de la citadelle et voulut y monter; mais les 
troupes de la garnison s'y opposèrent, ainsi que les émirs; 
ils ne laissèrent pas au gouverneur la possibilité de faire un 
seul mouvement et le surveillèrent étroitement. Aîbek se 
rendit alorsàDarbsâk; il voulait bien aussi s'emparer de cette 
place par quelque ruse, mais il n'y réussit pas. 

Altoûn boghâ * se révolta dans la citadelle de Bahasnâ, et 
embrassa le parti de Kaî-Kâoûs, souverain du pays de Roûm. 
L'ordre se rétablit ensuite, et le trouble cessa à la fin du mois 
de Shavâl de cette année. 
239 r. Al-Malik-al-'Adil vint d'Egypte en Syrie, et envoya un 
officier auprès de l'atâbek pour lui dire de sa part des choses 
flatteuses; puis il envoya un vêtement d'honneur à al-Malik- 
al-'Aziz, ainsi qu'un étendard (sandjak), et il lui fit tous les 
serments possibles pour le tranquilliser et lui inspirer con- 
fiance. 

Il arriva alors que les Francs vinrent par mer, se ras- 



1. Ak toughàn est un nom turc oriental qui signifie le faucon blanc. Le mot 
toughàn revient souvent dans l'onomastique turque, on trouve Karà toughân, 
le faucon noir; Toughàn tîmoûr, le faucon de fer. C'est ce mot que l'on trouve 
avec la chute de Yn dans le nom propre de Toghtigin qui est pour Toughàn 
tigin « le prince faucon ». On trouve, en effet, le fils d'Ayyoûb, que tous les 
historiens musulmans nomment Toghtegin, appelé par le géographe Yàkoût 
Toughantigin, ce qui en est une preuve suffisante (Mo'djam, t. III, p. 265). 

2. Ce mot en turc oriental signifie « le veau d'or » . 



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HISTOIRE d'ALEP / 155 

semblèrent dans le pays d'^Akkâ et se mirent à faire des incur- 
sions dans le Ghoûr. Al-Malik-al-'Adil fut refoulé devant eux 
jusqu'à 'Adjloûn. puis jusqu'au Haûrân; les Francs arrivèrent 
enfin à at-Toûr et l'attaquèrent; mais la victoire resta aux Mu- 
sulmans; un grand nombre de Francs furent tués, et ils s'éloi- 
gnèrent de cette place qui fut détruite par al-Malik-al-'Adil. 
Les Francs marchèrent alors contre Damiette et vinrent camper 
devant cette ville. Ils étaient séparés de Damiette par le Nil 
et al-Malik-al-Kâmil campait en face d'eux. Al-Malik-al-'Adil 
manda son fils, al-Malik-al-Ashraf, auprès de lui; ce prince 
se dirigea vers Homs à la tête de son armée, pénétra dans le 
pays des Francs pour les détourner du siège de Damiette, 
et entra dans Safltha. Les Francs ruinèrent le faubourg de 
cette ville, pillèrent tout le district et saccagèrent les forte- 
resses qui se trouvaient dans ses environs; ils pénétrèrent jus- 
qu'aux faubourgs de la citadelle des Kurdes (Hi§n-al-Akrâd), 
qu'ils pillèrent et ils assiégèrent la citadelle dont ils faillirent 
s'emparer; pendant ce temps, al-Malik-al-'Adil demeurait à 
'Alkaîn. 
Année 615 \ Kaî-Kâoûs, souverain du pays de Roûm, se mit 



1. On lit dans AbouM-Mahâsin {Histoire d'Egypte^ ms. ar. 1779, f. 60 v*) : 
Cette année, les Francs vinrent camper à Damiette au mois de Rabi' premier ; 
al-Malik-al-*Adil se trouvait à Mardj-as-Sofar, il envoya les troupes qui se 
trouvaient avec lui, en Egypte, vers son fils al-Malik-al-Kàmil. Al-Malik-al- 
Mo'aththam resta dans le Sàhel (la Palestine) avec l'armée syrienne pour 
combattre les Francs (qui étaient en Syrie) et détourner leur attention de 
Damiette. — Le dernier jour du mois de Djoumâda premier, les Francs prirent 
à al-Kâmil la Tour de la Chaîne (hurâj-al-silsilah) \ al-Kâmil envoya alors 
le Sheïkh des Sheïlihs, Sadr-ad-Dîn, à son père al- Adil pour lui apprendre 
cet événement, al-*Adii se frappa la poitrine avec les mains, tomba malade 
et mourut. — Au mois de Djoumadâ second, al-Malik-al-Moaththam rencontra 
les Francs dans le Sâhel de la Syrie et leur livra combat; Allah donna la 
victoire aux Musulmans. Les Francs perdirent beaucoup de monde et mille 
chevaliers de Tordre de l'Hôpital furent faits prisonniers ; on les conduisit à 
Jérusalem portant leurs drapeaux renversés (f. 61 v»). Cette année mourut al- 
Malik-al-Kâhir, prince de Maûsil, laissant un enfant en bas âge, nommé 
Mohammad. L'émir Badr-ad-Dîn Loû'loû' renvoya Zangî, frère d'al-Kàhir; il 
prit le gouvernement de Maûsil et gouverna le royaume de Mohammad. Cette 
année, le douzième jour du mois de Rabi* premier, suivant al-Yàfî (ms. ar. 1590, 
f. 155 V*) al-Malik-al-Ashraf Moûsa, souverain de Khilât, de Diar Bekr et 
d'Alep, battit le souverain du pays de Roûm, Kaî-Kaoûs; ensuite, al-Ashraf 
réunit son armée avee l'armée d'Alep et entra dans le pays des Francs pour 
les détourner de Damiette ; le souverain de Roûm envahit alors le pays d'Alep 
et prit plusieurs de ses districts. Al-Malik-al-Ashraf marcha contre Kai-Kàoûs, 
il envoya les Arabes à l'avant-garde, ils cernèrent les Roumis et les mirent 
en fuite. — Cette même année, al-Malik-al-Mo'aththam rencontra les Roumis 



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.156 KAMAL-AD-DÎN 

en marche, accompagné d'al-Malik-al-Afdal, pour chercher à 
s'emparer d'Alep. Il était encouragé dans cette entreprise par 
ce fait qu'un certain nombre d'émirs désiraient l'avoir pour 
souverain. Plusieurs d'entre eux lui avaient écrit et il leur avait 
envoyé des diplômes. Parmi eux se trouvait 'Alam-ad-Din- 
Kaîçar, à qui il accorda un flrman pour Abulustân *. Ces émirs 
profitèrent de ce qu'al-Malik-al-'Adil était occupé à lutter 
contre les Francs pour conclure une alliance avec al-Malik- 
as-Sâlih, prince d'Amid. Qi;ant à Kaî-Kâoûs, il voulait le 
royaume d'Alep pour lui seul, et il n'employait al-Afdal que 
239 V. comme un instrument propre à faire réussir ses projets. Les 
émirs d'Alep qui préféraient al-Afdal, lui écrivirent (pour le 
presser de venir); ce prince assembla alors ses troupes et em- 
mena avec lui des mangonneaux. Au mois de Rabî' premier, il 
se mit en marche, vint camper devant Ra'bân, l'assiégea et s'en 
empara. L'atâbek Shihâb-ad-Dîn envoya Zaîn-ad-Dîn-ibn-al- 
Ustâd comme ambassadeur auprès d'al-Malik-al-'Adil, pour 
lui demander secours contre le sultan du pays de Roûm * et 
contre al-Afdal. Al-Malik-al-'Adil écrivit à son fils al-Malik- 
al-Ashraf, et lui ordonna de marcher au secours d'Alep avec 
son armée ; il lui envoya de l'argent et il plaça al-Malik-al- 
Moudjâhid, prince de IIom§, en présence des Francs. 

Al-Malik-al-Ashraf se mit en marche et vint camper à Alep 
dans l'Hippodrome vert ; les émirs sortirent à sa rencontre pour 
aller lui présenter leurs hommages, il leur fit prêter serment 
et leur donna des robes d'honneur. Mânî', émir des Arabes, 
vint trouver ce prince avec une troupe fort nombreuse. Les 
Arabes firent de grands dégâts à Alep, mais al-Malik-al-Ashraf 



et les battit. Il leur tua un grand nombre de soldats et fit prisonnier 
cent cavaliers... il ruina Bâniàs et plusieurs villes qui étaient contiguës 
aux possessions deâ Francs; ces localités étaient les meilleures de la Syrie. 
On croit qu'il agit ainsi par peur que les Francs ne s'en emparassent. 
Il ruina de même une citadelle très forte, qui avait été construite sur une 
montagne, parce qu'il ne pouvait la garder, à cause de sa pénurie d'argent 
et d'hommes. 

1. C'est-à-dire qu'il lui conféra la ville d' Abulustân en fief ; Yàkoût (Mo*âjaYn^ 
1. 1, p. 94) ne connaît pas la forme Abulustân, mais bien Abulustaîn forme 
d'un duel au cas oblique. C'était le nom d'une ville célèbre du pays de Roûm 
qui, à l'époque de Yâkoût, était au pouvoir des Musulmans; elle était proche 
de la ville d'Absous. 

2. Ar-Roûmî, littéralement « le Roùmî », suffit à désigner le souverain do 
Roum. 



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HISTOIRE D'ALEP 157 

les flattait par suite du besoin qu'il avait d'eux. *Alam-ad-Dîn- 
Kaîçar partit de Darbsâk, se rendit auprès du souverain du 
pays de Roûm, et leva l'étendard de la révolte. Nacljm-ad-Dîn- 
Altoûn-boghâ, vint de Bahasnâ pour se joindre à lui et le 
sultan du pays de Roûm s'empara de Marzbân. Il se rendit 
ensuite à Tell-Bâshir, qui était, à cette époque, au pouvoir du 
fils de Badr-ad-Dîn-Dilderim. Il vint canàper devant cette 
place, y mit le siège et s'en empara, mais il ne donna à al- 
Malik-al-Afdal aucune des villes qu'il avait conquises. C'est 
alors que ce prince fut convaincu des mauvaises intentions du 
sultan de Roûm à son égard. De là, Kaî-Kâoûs marcha sur 
Manbadj dont les habitants lui ouvrirent les portes. Il avait, 
parmi ses officiers, un homme nommé Sârim-ad-Dîn-al-Man- 
badjî, qui avait des partisans dans la ville de Manbadj. Il 
lui donna le gouvernement de cette ville, et il s'appliqua à 
réparer les murs et à les remettre en bon état. 

Al-Malik-al-Ashraf partit d'Alep et se rendit à Vâdî-al- 
Bouzâ'â dans l'intention de rencontrer le sultan du pays de 
Roûm ; il était accompagné d'un certain nombre d'émirs. Il 
vint camper à Vâdî-al-Bouzâ'â, et le sultan du pays de Roûm 
envoya mille cavaliers choisis parmi les meilleurs de son 
armée sous le commandement du soûbâshî * de Sîvâs. Ces 
cavaliers arrivèrent à Tell-Kabbâsîn ^ 

Les Arabes tombèrent sur eux et les cernèrent ; al-Malik-al- 240 r. 
Ashraf monta à cheval et se dirigea vers eux, mais les Arabes 
les avaient déjà massacrés ou faits prisonniers. Ils envoyèrent 
leurs captifs à Alep ; on les fit entrer dans la ville, en battant 
du tambour devant eux, et on les mit en prison. Quand Kaî- 
Kâoûs apprit cette nouvelle, il partit de Manbadj ; al-Ashraf 
leva son camp, se mit à sa poursuite, et lui captura des déta- 
chements de son armée, jusqu'à ce qu'il arriva à Tell-Bâshir ; 
il campa devant cette ville, l'assiégea et s'en empara. Il la 
remit aux naïbs d'al-Malik-al-'Azîz et leur dit : « Cette ville 
a primitivement appartenu à al-Malik-ath-Thâhir (que Dieu 



1. Le mot Soûbâshî est un mot turc oriental, qui existe aussi en turc 
osmanli, soit Soûbàsbi, soit Soûbâshî. On trouve ce mot employé à plusieurs 
reprises dans les inscriptions arabes des Seldjoukides du pays de Roûm. 

2. Tell-Kabbâsîn. C'est un des villages de 1' 'Avâsîm qui fait partie de la 
province d'Alep, des environs de Shabakhtân (Yâkoût, Mo'âjam, 1. 1, p. 869). 



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158 KAMAL-AD-DÎN 

prenne pitié de lui!), il désirait ardemment la reconquérir, 
aussi je la rends à son fils. » 

Cela se passa au mois de Djoumâda premier de Tan 615. 
Plus tard, en Fan 618, l'atâbek Shihâb-ad-Dîn-Toghrîl posséda 
cette ville ainsi que tous les villages qui en dépendaient. 

Après ces événements, al-Malik-al-Ashraf marcha sur 
Ra'bân et Tel^-Khâlid, et s'empara de ces deux places; il con- 
quit de même Bourdj-ar-Risâs et donna le tout à al-Malik-al- 
'Azîz. Quant à la ville de Ra'bân, elle fut donnée en fief à Saîf- 
ad-Dîn-ibn-Kilidj. Al-Ashraf revint triomphalement à Alep et 
alla camper à Bankoûsà. 

La nouvelle de la mort d'al-Malik-al-'Adil (que Dieu lui 
fasse miséricorde!) arriva sur ces entrefaites. Ce prince étant 
tombé malade à 'Âlkaîn, se mit en marche pour se rendre à 
Damas, mais il mourut en chemin, au mois de Djoumâda 
second de Tan 615. L'atâbek Shihàb-ad-Dîn écrivit aux émirs 
pour les en avertir. Al-Malik-al-Ashraf se trouvait alors près 
de la ville d'Alep, quand on lui apprit la mort d'al-Malik-al- 
'Adil. Il tint alors une audience dans sa tente pour recevoir 
les compliments de condoléance. Les grands de la ville et les 
émirs allèrent lui présenter leurs hommages, les poètes com- 
posèrent des poésies à la louange d'al-Malik-al-'Adil et les 
prédicateurs prononcèrent devant lui son oraison funèbre. 
Quand la cérémonie eut pris fin, Tatàbek Shihâb-ad-Dîn 
240 V. envoya proposer à al-Malik-al-Ashraf, de s'asseoir sur le trône 
à la place de son père, de faire réciter la khotbah à son nom 
dans tout le pays, de faire frapper la monnaie à son chiflFre et 
de prendre le commandement de l'armée d'Alep. Il répondit : 
« Non, par Allah ! Je ne changerai pas une seule des décisions 
qui ont été fixées par mon père. » Il fut convenu entre l'atâbek 
et al-Ashraf, sur l'avis du kâdi Bahâ-ad-Dîn, de Saîf-ad-Dîn- 
ibn-'Alam-ad-Dîn et de Saïf-ad-Dîn-ibn-Kilidj, que l'on ferait 
la khotbah à Alep et dans .toutes ses dépendances, au nom 
d'al-Malik-al-Kâmil, et après lui au nom d' al-Malik-al-Ashraf, 
puis à celui d'al-Malik-al-'Azîz, et que l'on graverait sur les 
monnaies le nom d'al-Malik-al-Kâmil et celui d'al-Malik-al- 
'Azîz. Il fut entendu de plus que ce qui concernait les troupes 
et les fiefs dans l'armée d'Alep serait du ressort d'al-Malik- 
al-Ashraf. 



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HISTOIRE D'aLEP 159 

La maison d'al-Malik-ath-Thâflr, qui se trouvait dans Yâroû- 
kiyya *, fut déménagée à son intention. Il s'y installa et on lui 
assigna pour ses revenus Sarmîn, Bouzâ'â et al-Djabboûl ^ 
dans la province d'Alep. Il reçut des ambassadeurs venant de 
tous les côtés; ils se sentaient attirés vers lui et devenaient les 
habitués de son hôtel. Ce n'était pas autre part que se traitaient 
les affaires relatives à l'armée et aux flefs. Les grands de la 
ville allaient très souvent chez lui pour lui faire leur cour et 
il leur donnait des vêtements d'honneur. L'hiver de l'année 
615 se termina et l'an 616 commença. 

Année 616 \ Al-Malik-al-Ashraf donna des flefs aux soldats 
d'Alep et arrangea les affaires des émirs de cette ville, mais 
il ne fit rien sans prendre l'avis de l'atâbek Shihâb-ad-Dîn. 
Il y eut alors de la part des émirs égyptiens des commen- 
cements de sédition, car ces émirs voyaient d'un mauvais œil 
l'autorité qu'il avait à Alep; ils avaient peur qu'il ne s'en 

1. Nom d'un quartier d'Alep, voir plus haut. 

2. Voir plus loin la note sur cette ville. 

3. Cette année, dit Aboû-1-Mahâsîn (ms. ar. 1779, f. 66 r»), al-Malik-al- 
Mo'aththam-'Isâ, prince de Damas, fit raser Jérusalem. Ce prince s'était rendu 
auprès de son frère al-Malik-al-Kâmil au sujet de Damiette pour la première 
fois. Ayant appris que les Francs avaient le dessein de conquérir Jérusalem, 
il donna l'ordre de saccager cette ville. On dit à ce prince : « La Syrie est 
dégarnie de troupes et si les Francs s'emparent de Jérusalem, ils seront 
maîtres de la Syrie tout entière. » Al-*Aziz-Othmân et 'Izz-ad-Dîn-Aibek Vostâdâr 
étaient alors à Jérusalem ; al-Mo'aththam leur écrivit pour leur donner ordre 
de détruire la ville ; les deux émirs différèrent l'exécution de cet ordre et 
dirent : « Nous sommes ici pour garder la ville. »> Al-Mo'aththam leur écrivit 
alors une seconde fois pour leur demander si les Francs s'en étaient emparés, 
s'ils avaient tué tout ce qui était dans la ville et s'ils commandaient à la 
Syrie et aux pays de l'Islam. On fut alors obligé de détruire la ville et on 
commença par abattre le mur, le premier jour du mois de Moharram. Une 
grande clameur s'éleva dans la ville, les femmes et les jeunes filles sortirent 
ainsi que les vieillards et toutes les autres personnes, et se réfugièrent 
dans la Koubbat-as-Sakhra et dans la Masdjid-al-Aksa. Tous ces gens s'ar- 
rachaient les cheveux, lacéraient leurs vêtements et se livraient au plus 
affreux désespoir. Ils s'enfuirent, abandonnant leurs richesses et leurs familles. 
Makrizi {Soloûk, ms. 1726, f. 66 v») ajoute qu'on n'épargna qu'une seule des 
tours de la ville, la tour de David, qui se trouvait à l'occident de la ville. 

Parmi les morts de cette année se trouvent, *Izz-ad-Dîn Kai-Kàoûs-ibn- 
Ghyâth-ad-Dîn-Kaî-Khosrav-ibn-Kilidj-Arslàn, souverain de Koniah, après 
avoir conquis Arzen-ar-Roûm (Erzeroum) sur son oncle Toghruî-Shâh, fils de - 
Kilidj-Arslân et Ankoria sur son frère Kâi-Kobâd. Son frère *Alà-ad-Dîn Kai- 
Kobâd lui succéda; — le prince de Sindjâr, Kotb-ad-Dîn-Mohammad-Zangî ; son 
frère *Imâd-ad-Din-Shàhinshâh lui succéda*; mais son autre frère, al-Malik-al- 
Amdjad ne tarda pas aie faire tuer. — Sitt-as-Shâm, fille de Témir Nadjm-ad- 
Din-Ayyoûb, sœur de Salâh-ad-Din ; elle avait épousé son cousin, Nâsir-ad- 
Dîn-Mohammad-ibn-Shirkoûh, prince de Homs; elle fut mère de Hosàm-ad- 
Din-Lâdjîn (Makrizi, Soloûk; Aboû'l-Mahàsin, Histoire d'Egypte), 



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160 KAMAL-AD-DÎN 

emparât et qu'il ne les punît pour se venger de leur préférence 
pour al-Malik-al-'Afdal. Il eut vent de quelques parties de 
leurs intentions, mais il tint ferme sur tous les points. 

Des ambassadeurs de son frère al-Malik-al-Kâmil arrivèrent 
à Alep, pour lui demander d'envoyer un corps de secours à 
Damiette. Ibn-al-Mashtoûb avait tenté de le renverser et de 
donner le pouvoir royal à son frère, al-Malik-al-Fâîz. Mais 
le sultan l'avait banni d'Egypte après qu'il eut abandonné le 
campement où il se trouvait en face des Francs, quand ils 
241 r. eurent traversé le Nil, pillé ses tentes ainsi que le camp de 
Damiette, et qu'ils eurent empêché le ravitaillement de cette 
ville. 

Al-Malik-al-'Ashraf prit le parti d'envoyer comme renfort 
à al-Malik-al-Kâmil les émirs qui avaient projeté de le trahir; 
c'étaient Moubâriz-ad-Dîn et Ibn-Khutlukh-Sonkôr, tous les 
deux émirs d'Alep, Ibn-Kahrân et d'autres. Ibn-Khutlukh, 
craignant quelque chose de la part d'al-'Ashraf, lui demanda 
de jurer qu'il ne lui arriverait pas malheur. Il le lui jura, les 
envoya auprès de son frère al-Malik-al-Kâmil, et tous restèrent 
à son service. 

Cette même année, Noûr-ad-Dîn, prince de Maûsil, mourut, 
laissant un fils en bas âge; Badr-ad-Dîn-Loû'loû', qui était 
le mamloûk de son aïeul, pourvut à l'éducation de ce jeune 
prince, et fit réciter la khotbah au nom d* al-Malik-al-Kâmil 
et d'al-Malik-al-Ashraf. Alors Zangî, fils d"Izz-ad-Dîn, se 
révolta et s'empara d"Imâdia \ citadelle très forte dans 
laquelle se trouvaient les trésors de Maûsil. Il enleva cette 
citadelle avec la complicité des troupes qui y tenaient gar- 
nison, et projeta ensuite de s'emparer de Maûsil : « Je vaux 
mieux, disait-il, que n'importe qui pour prendre la tutelle des 
fils de mon frère. » Mothaffar-ad-Dîn, prince d'Irbil, lui 
fournit l'aide qui lui était nécessaire pour mettre son projet à 
exécution. Quand Badr-ad-Dîn-Loû'loû' apprit cela, il envoya 
un ambassadeur à al-Malik-al-Ashraf, à Alep, pour lui deman- 



1. Suivant Yàkoût {Mo'djam, t. III, p. 717), 'Imâdia est une citadelle forte- 
ment défendue, et très considérable qui se trouve au nord de Maûsil et 
qui dépend de la province de cette ville. Elle fut construite par 'Imâd-ad- 
Din-Zangi-ibn-Ak-Sonkor en l'an 537. Il y avait dans cet endroit avant cette 
époque une citadelle nommé Ashib, qui avait été détruite par les Kurdes. 



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HISTOIRE d'ALEP 161 

der du secours. Ce prince lui envoya 'Izz-ad-Dîn-Aîbek-al- 
Ashrafî,et'Imâd-ad-Dîn-ibn-Saîf-ad-Dîn-'Alî-al-Mashtoûb. 

Après avoir été banni d'Egypte, Ibn-al-Mashtoûb était venu 
à Hamàh et avait demeuré à la cour du prince de cette ville, 
al-Malik-al-Mançoûr. Il écrivit à al-Malik-al-Afdal et rassem- 
bla une troupe considérable de Kurdes et de brigands * ; le 
prince lui fournissait de l'argent et des hommes pour l'aider 
à atteindre son but. Il se décida à se rendre avec toute sa 
bande auprès d' al-Malik-al-Afdal, et à prendre du service dans 
son armée, grâce à l'aide du prince de Hamâh et du sultan de 
Roûm. Il partit iiùmédiatement et entra dans le pays d'Alep. 
On se trouvait alors au printemps, et les chevaux de l'armée 
étaient au vert dispersés dans la campagne. Il arriva à Kin- 241 y. 
nisrîn, puis de là à Tell-'Aran, et parvint jusqu'au Sâdjoûr, 
enlevant sur son chemin tous les chevaux et les autres 
animaux qu'il trouvait. Quand al-Malik-al-Ashraf apprit ce 
qui se passait, il fit monter à cheval tous les soldats qui se 
trouvaient alors auprès de lui et les envoya à sa poursuite. 
Parmi les troupes d'Ibn-al-Mashtoûb, se trouvait Imâd-ad- 
Dîn, prince de Karkisyâ^; l'armée d'al-Ashraf l'atteignit sur 
les bords du Sâdjoûr. Ibn-al-Mashtoûb était accompagné de 
Nadjm-ad-Dîn-ibn-abî-'Açroûn ; tous deux furent fait prison- 
niers et amenés devant al-Malik-al-Ashraf qui leur pardonna. 
Il donna Ra'as-al-'Aîn en fief à Ibn-al-Mashtoûb, qui resta 
avec lui, dans le quartier nommé Yâroûkiyya, jusqu'au com- 
mencement du mois de Sha'bân de cette même année. 

Al-Malik-al-Ashraf partit pour ses états d'Orient, dans le 
but de régler la question de Maûçil. Le prince d'Irbil et 
Zangî avaient battu Loû'loû' et Aîbek l'Ashrafl devant Maû- 
çil. Al-Malik-al-Ashraf vint camper à Harrân, avec l'armée 
d'Alep. 

Cette année, mourut Kaî-Kâoûs, sultan du pays de Roûm, 



1. Littéralement : maîtres du ravage. 

2. Karkîsyâ. Suivant Yâkoût {Mo'djam, t. IV, p. 65, sq.), ce mot est arabisé 
de Karkîsyâ. C'est une ville qui se trouve sur le Khâboûr ; elle aurait reçu 
son nom de Karkîsyâ, fils de Tahmuras (roi légendaire de Perse). Voici, sui- 
vant l'astronome grec Ptolémée, les coordonnées de cette ville : longitude 
64» 45', latitude 35o. Quand 'Ayas-ibn-Ghanam conquit le Djazîra en l'an 19, 
il envoya Habîb-ibn-Moslama-al-Fakhrî vers Karkîsyâ; ce général traita cette 
ville comme Rakka. 



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162 KAMAL-AD-DÎN ' 

et il eut pour successeur son frère Kai-Kôbâd. Ce prince 
envoya des ambassadeurs à al-Malik-al-Ashraf et conclut un 
traité avec lui. 

Au commencement de cette année, Jérusalem fut déman- 
telée, et les Francs qui assiégeaient Damiette reçurent des 
renforts qui leur arrivèrent par mer ; la peste se mit dans la 
garnison de Damiette, qui se trouva dans l'impossibilité de 
défendre plus longtemps la place. Le dixième jour du mois 
de Ramadan, les Francs, profitant de llncurie de ses défen- 
seurs, lui donnèrent Tassant; al-Malik-al-Kâmil séjourna dans 
les environs de cette ville avec ses troupes et fit construire 
une ville qu'il nomma al-Mansoûrah, où il demeura en face 
des Francs. 

Année 617 ^ Au commencement de cette année, Al-Malik- 
al-Ashraf était à Ilarrân et Ibn-al-Mashtoûb dans son fief de 
Ra'as-al-'Aîn. Ce dernier parvint à s'insinuer dans la con- 
fiance du prince de Mârdîn et tous deux convinrent de se 
révolter contre al-Malik-al-Ashraf et de réunir une troupe de 
Kurdes. La nouvelle en étant arrivée à al-Malik-al-Ashraf, 
242 r. Ibn-al-Mashtoûb prit peur et s'enfuit à Sindjâr. L'ofllcier qui 
gouvernait la ville de Nisîbîn au nom d'al-Malik-al-Ashraf, lui 
barra le chemin et lui livra bataille ; il le mit en fuite et dis- 
persa son armée. Il se rendit alors à Sinc^jâr, où Kotb-ad-Dîn, 
prince de cette ville, lui donna asile. Al-Malik-al-Ashraf 
envoya demander à Kotb-ad-Dîn de lui livrer Ibn-al-Mashtoûb, 
mais il n'y voulut point consentir. Al-Malik-al-Ashraf s'étant 

1. Cette année (Aboû'-l-Mahâsin, ms. ar. 1779, f. 67 v»), eut lieu la première 
apparition des Tatars qui traversèrent le Djihoùn; ils apparurent pour la 
première fois venant du Mâ-varà-an-Nahr (la Transoxiane) en Tan 615. Avant 
de traverser le Djihoùn, ils attaquèrent Bokhârâ et Samarkand dont ils mas- 
sacrèrent ou emmenèrent prisonniers les habitants. — Cette même année 
(f. 68 r"*), Mohammad-ibn-'Omar-ibn-Shâhanshâh-ibn-Ayyoûb-al-Malik-al-Man- 
soûr, prince de Hamâh, mourut dans sa capitale et y fut inhumé. Son fils 
aîné, al-Malik-an-Nàsir-Kilidj-Arslân régna après lui ; il eut des démêlés avec 
al-Malik-al-Kâmil — et Mahmoûd-ibn-Mohammad-ibn-Karâ Arslân-ibn-Ortok- 
al-Malik-as-Sàlih-Nàsir-ad-Din, prince de la ville d'Amid, mourut à Âmid au 
mois de Safar; son fils Mas'oûd régna après lui. 

Cette année, au mois de Radjab, dit Abou -1-Mahâsin {Histoire d*Égypte, 
ms.ar., 1779 f., 67 v., eut lieu la bataille de Baralloûs, entre al-Malik-al-Kâmil, et 
les Francs; Allah donna la victoire à al-Kâmil et les Francs perdirent dix mille 
hommes dans cette bataille. Les Musulmans s'emparèrent de leurs chevaux et 
de leurs armes, et les Francs s'en retournèrent en fuite à Damiette. — La ville 
de Baralloûs est, suivant Yâkoùt (Mo^âjam-al-Bouldân, t. I, p. 593), une petite 
ville sur la rive du Nil, près de la mer, du côté d'Alexandrie. 



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HISTOIRE D'ALEP 163 

mis en marche contre lui, Ibn-al-Mashtoûb quitta Sindjâr et se 
rendit à Tell-'Afar où il leva l'étendard de la révolte. Ibn-Sa- 
brah se dirigea contre lui avec l'armée de Maû§il et al-Malik- 
al-Ashraf arriva devant Sindjâr dont il s'empara. Il l'enleva au 
prince qui y régnait et lui donna en place la ville de Rakka; 
Loû'loû' conquit Tell-'Afar et la rendit à al-Malik-al-Ashraf. 
Ibn-al-Mashtoûb alla demander asile à Loû'loû' qui le lui ac- 
corda par ordre d'al-Malik-al-Ashraf; ensuite il le livra à ce 
prince, qui le fit charger de chaînes et emprisonner à Sindjâr. 

Al-Malik-al-Ashraf se rendit à Maûsil, ayant avec lui l'armée 
d'Alep; il resta campé en dehors de cette ville jusqu'à ce qull 
eut réglé toutes les affaires qui la concernaient avec le prince 
d'Irbil et qu'il eut conclu la paix avec lui. Al-Malik-al-Fâîz 
vint d'Egypte pour demander des secours; il arriva à Alep 
et vint camper dans l'Hippodrome vert. De là, il se rendit à 
Maûçil auprès de son frère al-Malik-al-Ashraf; il resta auprès 
de lui en dehors de la ville durant un mois, puis il mourut. 

Al-Malik-al-Ashraf partit deMaûçil après avoir réglé toutes 
les questions pendantes de cette ville et passa l'hiver à Sindjâr. 
Il fit emprisonner Hosâm-ad-Dîn-ibn-Khashtarîn, un des émirs 
d'Alep, à cause d'une certaine trahison qui était venue à sa 
connaissance ; il le fit charger de chaînes et l'envoya, ainsi 
qu' Ibn-al-Mashtoûb, à la forteresse de Harrân où ils furent 
tenus en prison jusqu'à leur mort. Il fit aussi arrêter le fils 
d"Imâd-ad-Dîn, prince de Karkîsyâ, s'empara de la ville de 
'Anâ * et d'autres places qui étaient en la possession du fils 
d"Imâd-ad-Dîn, après quoi il se rendit à Harrân. Son frère 222 V. 
al-Malik-al-Mo'aththam partit de Damas et vint le trouver au 
mois de Moharram de Tannée 618; il convint avec lui de se 
rendre en Egypte pour en chasser les Francs. Il équipa ses 
troupes, ordonna à l'armée d'Alep de se mettre en marche pour 
venir se joindre à lui et traversa TEuphrate. Il fit sa jonction 
avec l'armée d'Alep et marcha sur Damiette avec son frère al- 
Malik-al-Mo'athlham. Les Francs sortirent de Damiette et 
vinrent camper en face des Musulmans. Les Musulmans cou- 

1. 'Anà. C'est (Yâkoût, Mo'djam, t. III, p. 594) une ville célèbre qui domine 
TEuphrate et qui possède une citadelle très forte, entre Rakka et Hit, elle 
fait partie de la province du Djazirah et les poètes transforment son nom en 
'Anàt. 



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164 KAMAL-AD-DÎN 

pèrent la digue du Nil, de telle sorte que le camp des Francs fut 
submergé, et de plus ils leur barrèrent le chemin et les empê- 
chèrent ainsi de revenir à Damiette. Ensuite les Musulmans 
s'avancèrent contre les Francs et les cernèrent. Ils deman- 
dèrent alors à capituler et à rendre Damiette, et les Musul- 
mans prirent possession de cette ville le vingtième jour du 
mois de Radjah de Tannée 628. Al-Malik-al-Mansoûr, prince 
de Hamâh, était mort au mois de Dhoû-'l-Ka'da de l'an 617 
et son fils aîné, al-Malik-al-Mothaflfar se trouvait à Damiette 
auprès de son oncle, avec quelques troupes qui lui avaient été 
envoyées pour Taider dans la guerre contre les Francs. Son 
autre fils, al-Malik-an-Nâsir s'empara d'Hamâh et envoya 
demander à Tatâbek Shihâb-ad-Dîn de le protéger et de se 
faire l'interprète de sa cause auprès de son oncle al^Malik-al- 
Ashraf. Il offrait de se considérer comme son vassal et de 
faire réciter la khotbah à son nom; il demandait en retour 
qu'il s'opposât à ce qu'on vienne l'attaquer. Ces propositions 
donnèrent lieu à un échange de notes ; elles furent acceptées 
et il prêta serment à al-Ashraf à ce sujet. 

Al-Malik-al-Ashraf quitta l'Egypte et arriva dans ses états ; 
il écrivit à l'atâbek Shihâb-ad-Dîn une lettre dans laquelle il 
lui disait qu'à l'époque où ils avaient conclu leur entente, en 
l'an 615, on lui avait offert Djabboûl \ Bouzâ'â et Sarmîn ^ 
qu'il avait accepté cet arrangement pour que leurs adver- 
saires et les ennemis de leur pays connussent qu'ils étaient 
étroitement alliés, mais qu'à l'heure présente, comme tout le 
monde était bien persuadé de ce fait, il avait résolu de remettre 
ces villes aux naibs de son suzerain, al-Malik al-Azîz. Cette 
243 r. offre fut acceptée, et al-Malik-al-Ashraf donna ordre aux gou- 
verneurs qui le représentaient dans ces places de se retirer. 

En l'année 619, al-Malik-al-Sâlih, fils d'Al-Malik-ath- 
Thâhir, partit pour se rendre à al-Shoghr et Bakâs. On lui 
donna ar-Roû(^ et Ma'arrat Miçrîn ^ et on lui fixa un certain 



1-2. Voir plus loin. 

3. Ma'arrat Misrin est le nom d'une petite ville et d'un canton distants 
d'Alep d'environ cinq farsakhs et en dépendant (Yâkoût, Mo'djamy t. IV, 
p. 574). Suivant la Description d'Alep, m s. ar. 1683, f. 61 r, cette localité por- 
tait aussi le nom de Ma*rrat-Kinnisrin ; les habitants buvaient de l'eau de 
pluie. Elle a été entourée d'un mur d'enceinte construit en pierres, dont il ne 
restait plus trace à l'époque où écrivait l'auteur. 



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HISTOIRE d'ALEP 165 

nombre de chambellans et de mamlouks pour faire le service 
auprès de lui. Cela eut lieu au mois de Djoumâda premier 
de cette même année. 

Au mois de Dhoûl-hidjdjah de Tan 619, al-Malik-an-Nâçir, 
prince de Hamâh, étant sorti pour prendre le divertissement 
de la chasse, al-Malik-al-Mo'aththam-'Isa, prince de Damas, 
l'apprit et partit en toute hâte de Damas pour arriver à Hamâh 
avant qu'al-Malik-an-Nâsir n'y fût rentré et pour s'en emparer. 
Al-Malik-an-Nâsir apprit quel était le dessein d'al-Mo'aththam 
et arriva avant lui à Hamâh. Quand al-Malik-al-Mo'aththam 
arriva devant Hamâh, il trouva qu'al-Malik-an-Na§ir y était 
déjà revenu et vit que son entreprise avait échoué; il se rendit 
alors à Ma'arrat-an-No'mân et fit main basse sur toutes les ré- 
coltes. L'atabek Shihâb-ad-Dîn lui envoya alors des cadeaux 
qu'il lui fit porter à Ma'arrat par Mothaffar-ad-Dîn-ibn-Djoûr- 
dik; et il les trouva à son goût. 11 donna pour excuse de son 
expédition, qu'il avait reçu une lettre que lui avait adressée 
al-Malik-al-Kâmil, lui ordonnant de rechercher et d'arrêter un 
de ses officiers (Khadim), qui s'était enfui d'auprès de lui, et 
qu'il s'était mis en campagne pour le poursuivre. Quand il fut 
arrivé près de Hamâh, le prince de cette ville lui témoigna du 
mépris, ne lui assigna pas d'endroit où il put descendre, et ne 
lui envoya pas de provisions comme il eût dû le faire ; il alla 
même jusqu'à l'accuser de crimes qu'il n'avait d'ailleurs point 
commis. Al-Malik-al-Kâmil et al-Malik-al-Ashraf étaient alors 
en Egypte. 

Année 620 *. Cette année, al-Malik-al-Mo'aththam se rendit 
à Salamiah, après avoir mis un gouverneur à al-Ma'arrat ; il 
laissa de même un officier à Salamiah pour le représenter, 
puis il résolut d'aller assiéger Hamâh. Le prince de cette 
ville se disposa à soutenir le siège ; al-Malik-al-Mo'aththam 
chargea les Arabes d'intercepter les convois de vivres qui se 

1. Suivant Aboû-'l-Mahâsin (Histoire d'Egypte, ms. ar. 1779, f. 690), le 
souverain du Maghreb , Yoûsouf-ibn-Mohammad-ibn-Ya'koûb-ibn-Yoûsouf- 
ibn-'Abd-al-Mou'min-ibn-'Ali Sultan al-Mostansir-Billah, surnommé « prince 
des croyants », prince du Maghreb, mourut cette année. Il n'y eut jamais, 
parmi les Benî-'Abd-al-Moù'min, d'homme de plus belle apparence que ce 
prince, il ne laissait point d'enfant. La famille royale s'accorda alors pour 
investir de l'autorité suprême, Aboû-Mohammad-'Abd-al-Vâhid-ibn-Yoûsouf- 
ibn-'Abd-al-Moû'min-ibn-*Alî. Ce prince gouverna mal et manqua de précau- 
tion. Yoûsouf était né en l'an 594 et régna vingt ans et deux mois. 



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166 KAMAL-AD-DÎN 

rendraient à Hamâh, ainsi que d'empêcher les troupes de s'y 
243 V. rendre pour renforcer la garnison, et il fit passer la caravane 
par Salamiah. Les habitants de Hamâh ftirent découragés par 
ce fait qu'Hosâm-ad-Dln, fils de Témir des Turkomans, avait 
fait alliance avec al-Malik-al-Mo'aththam et avait épousé la 
fille du prince de Sahyoûn. C'était Saîf-ad-Dîn-ibn-Kilidj qui 
avait conseillé de le placer à Laodicée et qui s'était porté 
garant de lui. Il se rendit alors auprès de lui et ne refusa pas 
de lui livrer la ville, ce qu'on dit à son propos n'est point 
vrai. Saîf-ad-Dîn-ibn-Kilidj laissa dans cette place son frère 
'Imâd-ad-Dîn et partit pour Alep, accompagné parHosâm-ad- 
Dîn, et il y resta jusqu'à ce qu'il n'eût plus de sujet de craindre 
al-Malik-al-Mo'aththam. La ville lui fut rendue, et Hosâm-ad- 
Dîn, le hâdjib, naîb d'al-Malik-al-Ashraf, vint le trouver à 
Alep. Il eut une entrevue avec l'atâbek Shihâb-ad-Dîn, et lui 
apprit qu'al-Malik-al-Ashraf lui avait écrit de se rendre auprès 
d'al-Malik-al-Mo'aththam et de le forcer à s'éloigner des 
états d'al-Malik-an-Nâsir. L'atâbek savait que ce qui s'était 
passé n'était point parvenu à la connaissance d'al-Malik-al- 
Kâmil, ni à celle d'al-Malik-al-Ashraf, et qu'ils ne s'étaient 
pas entendus pour amener ces événements. Ce fut pour lui 
parler dans ce sens que le hâdjib se rendit auprès de lui ; 
Nâsih-ad-Dîn-Abotl-'l-Ma'ali-al-Fârisi, l'un des émirs d'Alep, 
vint du Caire, envoyé en qualité d'ambassadeur par al-Malik- 
al-Kâmil. Quand Al-Malik-al-Ashraf s'était rendu en Egypte à 
la cour d'al-Malik-al-Kâmil, il avait emmené avec lui le hâdjib 
qui réglait toutes les affaires. Naçîh-ad-Dîn lui dit : « Al- 
Malik-al-Kâmil ordonne à notre maître de se retirer et de 
cesser les hostilités. » Il obéit à cette injonction et la paix fut 
conclue entre le prince de Hamâh et lui. Il se rendit alors à 
Damas, et Nâsih-ad-Dîn s'en retourna en Egypte. 

Le corps d'al-Malik-ath-Thâhir fut transporté du sépulcre 
où il avait été inhumé dans la citadelle, dans la chapelle qui se 
trouvait dans le collège que l'Atâbek lui avait fait construire, 
et il y fut déposé le premier jour du mois de Sha'bân de 
l'année 620. 
244 r. Al-Malik-al-Ashraf arriva d'Egypte à Alep au mois de 
Shavvâl de cette même année; al-Malik-al-'Azîz se rendit au 
devant de lui et il descendit dans son camp qui était établi au 



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HISTOIRE D'ALEP 167 

sud et à Touest du Makâm, prés de Karanbyâ *. Il avait apporté 
avec lui un vêtement d'honneur pour al-Malik-al-'Azîz de la 
part d'al-Malik-al-Kâmil, ainsi qu'un étendard. Al-Malik-al- 
'Azîz et la population de la ville sortirent ensuite pour le 
saluer, et les gens entrèrent dans la tente pour présenter leurs 
respects au sultan al-Malik-al-Azîz ; ce jour-là al-Malik-al- 
Ashraf fit dresser des tablas pour le peuple. Quand le festin fut 
terminé et que tout le monde fut sorti de la tente, il fit appor- 
ter les robes d'honneur envoyées par al-Malik-al-Kâmil ; il 
les remit à al-Malik-al-'Azîz et resta debout devant lui pour 
lui témoigner son respect, puis il fit amener le cheval (envoyé 
par al-Kâmil) et l'y fit monter, après quoi il porta le ghashiah ^ 
devant ce prince, jusqu'à ce qu'il fût sorti du camp ; al-Azîz 
se rendit à cheval jusqu'à la citadelle, et al-Malik-al-Ashraf 
resta à Alep pendant dix jours. 

Al-Ashraf ayant décidé avec les émirs de détruire la cita- 
delle de Laodicée, l'armée se dirigea vers cette place et la 
détruisit dans cette même année. Il se rendit ensuite à Harrân, 
et son frère, al-Malik-al-Mothaffar-Shihâb-ad-Dîn-Ghâzî, se 
révolta contre lui dans Khilât. C'était son autre frère, al- 
Malik-al-Mo'aththam, qui l'avait poussé et déterminé à cette 
action, à cause du secours qu'al-Malik-al-Ashraf avait donné 
précédemment au prince de Hamâh. Al-Malik-al-Ashraf donna 
Tordre qu'on lui envoyât des troupes d'Alep. Une puissante 
armée, dans les rangs de laquelle se trouvaient Saîf-ad-Dîn- 
ibn-Kilidj, 'Alam-ad-Dîn-Kaîsar et Hosâm-ad-Dîn-Buldak, étant 
venue le rejoindre en l'an 624, il marcha contre Khilât. 
Mothaffar-ad-Dîn, prince d'Irbil, et al-Malik-al-Mo'aththam, 
prince de Damas, se concertèrent pour pousser une pointe, 244 v. 
l'un du côté de Maûsil, l'autre du côté de Homs, dans le but 
de détourner al-Malik-al-Ashraf de Khilât. Al-Malik-al-Ashraf 
pria le sultan d'Alep de lui envoyer un corps d'armée pour 
demeurer dans Sindjâr, dans la crainte que le prince d'Irbil 



1. Sur le Makâm, voir l'appendice à la traduction; le nom de localité 
Karanbyâ m'est inconnu, je ne suppose cependant pas qu'il faille changer la 
leçon du manuscrit en Kabr-al-Anbyâ « le tombeau des prophètes », la correc- 
tion serait trop considérable pour un manuscrit généralement correct, copié 
sur l'autographe et revu par l'auteur. 

2. Sur le ghashiah, voir Quatremère, Histoire des sultans Mamlouks^ tomel, 
part. I, p. 1, n. 4. 



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168 KAMAL-AD-DÎN 

revînt attaquer cette ville. Al-Malik-al-Mo'aththam entra en 
canfipagne et fit une incursion du côté de Homs et de Bârîn, il 
arriva jusqu'au lac de Kods, puis il rebroussa chemin. 

Al-Malik-al-Ashraf arriva devant Khilât, livra bataille à 
son frère al-Mothaflfar qui avait commencé les hostilités, et 
le força à se réfugier dans Khilât. La population de la ville 
ouvrit les portes à al-Mothaflfar, qui se retrancha dans la 
forteresse, jusqu'au moment où son frère al-Malik-al-Ashraf 
lui eût pardonné sa rébellion. Il sortit alors pour se rendre 
vers lui, et al-Ashraf lui laissa la ville de Myâfârkîn. 

Al-Malik-al-Ashraf s'en retourna avec Tarmée d'Alep au 
mois de Ramadhân, et il alla passer Thiver à Sin^jâr. Cette 
année, des tours qui se trouvaient sur la portion du mur 
de la citadelle d'Alep contiguë à la Porte de la Montagne 
s'écroulèrent à la fin du mois de Dhoû'-l-Ka'da... Cette même 
année, au mois de Safar, al-Malik-al-Afdal mourut à Soumaî- 
sât; son corps fut transporté à Alep, et il y fut déposé dans 
le tombeau où sa mère était déjà inhumée. 

Année 623. Mohyî-ad-Dîn-Aboû'-'l-MothaflFar^ibn-al-Djoûzî 
arriva à Alep avec un vêtement d'honneur, envoyé à al-Malik- 
al-'Azîz, par l'imâm ath-Thâhir, qui était monté sur le trône du 
245 r. Khalifat en l'an 622, après la mort de son père, l'imâm an- 
Nâçir; le sultan al-Malik-al-'Azîz revêtit ce vêtement d'hon- 
neur et monta à cheval * pour faire la parade. L'ambassadeur 
du Khalife porta également un vêtement d'honneur à al-Maiik- 
al-Ashraf, qui s'en revêtit, à al-Malik-al-Mo'aththam et à al- 
Malik-al-Kâmil. 

Al-Malik-al-Mo'aththam écrivit au Khvârizmshâh, et le 
poussa à s'emparer des états de son frère al-Malik-al-Ashraf. 
Il partit ensuite de Damas et vint assiéger Homç, après avoir 
envoyé une troupe d'Arabes qui saccagèrent les villages des 
alentours. C'est alors qu'arriva Mâni' à la tête d'un corps 
d'Arabes envoyé par al-Malik-al-Ashraf pour secourir Hom§. 
Ces Arabes pillèrent les villages dépendants de al-Ma'arrat 
et de Hamâh. Quand al-Malik-al-Mo'aththam arriva à Homs, 
Mâni' et les Arabes d'Alep et du Djazîrah ftirent repoussés 



1. Ici se p ace une description de ce vêtement que je crois inutile de 
traduire. 



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HISTOIRE d'ALEP 169 

jusqu'à Kinnisrîn ; ils vinrent camper à Karâ-Hî§âr, laissèrent 
leurs femmes montées sur leurs chameaux à Mardj-Dâbik et 
allèrent à la légère dans les environs de Homç. Il y eut plu- 
sieurs combats entre Mâni' et les Arabes de Damas; on 
envoya alors d'Alep vers Hom§, une armée qui y arriva avant 
qu'al-Malik-al-Mo'ath-tham y soit venu mettre le siège. L'ar- 
mée d'Alep arriva en même temps que Tarmée de Damas. 
Les deux armées se livrèrent bataille, après quoi Tarmée 
d'Alep entra dans Hom§. 

Al-Malik-ai-Ashraf se trouvait à Rakka quand il apprit que 
Kaî-Kobâd s'était mis en campagne, qu'il avait entrepris une 
expédition contre le prince d'Amid et qu'il s'était emparé de 
Hiçn-Man§oûr * et de al-Kahtîn. Al-Malik-al-Ashraf envoya 
un corps de secours à Amid, mais l'armée du sultan de Roûm 
rencontra ses troupes et les mit en fuite. Al-Malik-al-Ashraf 
s'en retourna à Harrân, et le reste de l'armée d'Alep partit 
faire le siège de Kinnisrîn, pour secourir le prince de Homs. 245 ▼. 
Une épidémie s'abattit sur l'armée d'al-Malik-al-Mo'aththam, 
les bêtes de somme moururent et la plupart des hommes tom- 
bèrent malades ; ce prince partit de Homç au mois de Ramadan 
de cette même année. Après ces événements, al-Malik-al- 
Ashraf se rendit en personne à Damas, et se joignit à son 
frère al-Malik-al-Mo'aththam, empêchant ainsi le mal de 
s'accroître. La ville de Damas fut décorée en l'honneur de 
l'arrivée d'al-Malik-al-Ashraf, et l'on y construisit des arcs de 
triomphe; al-Malik-al-Mo'aththam afficha une grande joie de 
son arrivée et lui donna le droit de disposer de ses trésors. 
Mais ses sentiments intimes étaient loin de concorder avec 
ceux qu'il montrait, et il entretenait une correspondance secrète 
avec le Khvârizmshâh. Il reçut même un habit d'honneur de 
ce souverain et s'en revêtit. Quand le mois de Ramadan fut 

1. C'est une ville qui fait partie de la province de Dîâr Modar et qui se 
trouve à Toccident de TEuphrate, entre Soumaîsât et Malatiyya ; elle possède 
une enceinte fortifiée et un fossé; on y accède par trois portes; au milieu de 
cette ville, se trouve une enceinte fortifiée et une citadelle. Depuis Hisn 
Mansoûr jusqu'à Zibâtra, il y a une étape. On l'appelle ainsi du nom de 
Mansoûr-ibn-Dja'vana-ibn-al-Hàrith-al-'Amiri-al-Kasrî, qui demeurait dans 
cette ville à l'époque de Marvân-ibn-Mohammad. Ce fut Mansoûr ibn-Marvân 
qui fit reconstruire cette place après que les Grecs [ar-Roûm) l'eurent ruinée. 
Yàkoût {Mo'djam-al'Buldân^ t. II, p. 278) et Description d'Alep, ms. ar. 1683, 
f . 168 r. 

n 



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170 KAMAL-AD-DÏN 

écoulé, les deux princes partirent de Damas et allèrent à Mar4).: 
Deux ambassadeur» d'Alep vinrent les trouver dans cette loca- 
lité ; c'étaient le kâdl Zaîn-ad-Dîn-ibn-al-Ustâd, suppléant du 
Ifâdî Bahâ-adDîn et Mothafifar-ad-Dîn-ibn-D)Oûrdîk. Ils avaient 
pour mission de leur demander le renouvellement du serment 
qui avait été prêté à al-Malik-al-'Aziz et à TAtâbek. Les ambas- 
sadeurs s'aperçurent qu'al-Malik-al-Ashraf était dans la com- 
plète dépendance d'al-Malik-al-Mo'aththam, et qu'il cherchait 
à le flatter par tous les moyens. Al-Malik-al-Ashraf n'osa pas 
traiter seul avec eux et ne voulut rien faire sans l'assentiment 
d'al-Malik-al-Mo'ath^ham. Al-Mo'ath^ham stipula de nom- 
breuses clauses, et, durant deux mois, ils échangèrent plu- 
sieurs ambassades avec l'Atâbek d'Alep, jusqu'au moment où 
ils apprirent que le Khvârizmshâh campait devant Kbilât et 
l'assiégeait. Le Çadjib 'Ali se trouvait dans cette place comme 
naïb d'al-Malik-al-Ashraf. Une partie des troupes du Khvâ- 
rizmshâh donnèrent l'assaut à Khilât, mais la population de 
la ville et la garnison leur résistèrent et les en chassèrent. Al- 
Malik-al-Ashraf accorda à son frère tout ce qu'il lui deman- 
dait; les deux princes firent venir les ambassadeurs d'Alep et 
leur prêtèrent le serment demandé. 
Le Khvârizmshâh se retira, leva le siège de Khilât et 
246r. al-Malik-al-Mo'aththam alla passer l'hiver dans le Ghoùr 
avec al-Malik-al-Ashraf* Al-Ashraf était comme un prisonnier 
aux mains d'al-Malik-al-Mo'aththam, et il n'osait le contredire 
en aucune chose* Al-Mo'aththam changeait constamment 
d'avis vis-à-vis de son frère, et toutes les fois qu'al-Malik-al- 
Ashraf lui avait donné son consentement à une chose qu'il 
voulait faire, il changeait de dessein et lui en demandait une 
autre. Les deux princes restèrent ensemble jusqu'au commen- 
cement de l'année 624 *. La correspondance d'al-Malik-al- 
Ashraf avec Alep fut interrompue par suite des nombreux 



1. Cotte uinédf suivant Makrizi {Kitdlhas^Soloûk, ms. ar. 1726, f. 78 r), 
un ambassadeur de Tempereur de Constantinople et un ambassadeur du roi 
des Francs vinrent au Caire et apportèrent à al-Halik-al-Kâmil des cadeaux 
et des présents magnifiques. — Al-Malik-al-Kàmil ordonna de détruire la 
ville de Tennis qui était une des plus belles de toute TÉgypte; elle n'était pas 
relevée de ses ruines à Tépoque à laquelle écrivait Makrizi* Cet auteur fait 
remar(|uer que cette année la fête de la rupture du jeûne ooïncida avec la fête 
des Juifs et celle des Chrétiens (Pâques). 



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HISTOIRE D^ALEP 171 

espions par lesquels son frère le faisait étroitement surveiller, 
et il lui créa par les succès qu'il remportait une situation dont 
il avait horreur, parce qu'il se trouvait complètement sous sa 
dépendance. 

Je revins du pèlerinage au mois de Safar de cette année; 
al-Malik-al-Ashraf me manda auprès de lui, et me chargea 
d'aller remettre à TAtâbek Shihâb-ad-Dîn une lettre dans 
laquelle il lui faisait le récit de ce qui s'était passé entre lui et 
son frère; il lui apprenait que son frère avait changé aussi 
souvent et aussi vite d'opinion avec lui, que le caméléon change 
de couleur et que rien de ce qui avait été fixé entre eux deux 
n'avait duré. « Il m'a demandé, disait-il, que l'Atâbek * lui 
jure de lui porter aide et secours (quand il en aurait besoin), 
de ne point s'allier avec al-Malik-al-Kâmil * contre lui et, au 
cas où al-Malik-al-Kâmil viendrait à l'attaquer, de le soute- 
nir contre ce prince. » 

Quand l'Atâbek apprit ce qu'al-Malik-al-Mo'aththam avait 
demandé à son frère al-Malik-al-Ashraf, il refusa de donner son 
consentement â une pareille chose ' et il dit : « Quant à moi, 
al-Malik-al-Ashraf m'a fait jurer fidélité â al-Malik-al-Kâmil, 
et parmi les choses auxquelles je me suis engagé par serment, 
il y a que je ne dois conclure aucun traité avec un quelconque 
des rois, dans n'importe quelle occasion, sans l'ordre d'al- ^ 
Malik-al-Kâmil. Puisqu'al-Malik-al-Mo'aththam veut que je 
lui fasse cette promesse, qu'il m'apporte un ordre d'al-Malik- 
al-Kâmil m'enj oignant de le faire et de l'aider contre lui. » 

Quand al-Malik-al-Ashraf vit qu'il était tombé dans les 
filets * de son frère, et qu'il ne pourrait s'en tirer qu'en lui 
promettant de l'aider sur tous les points qu'il lui deman- 
dait, al-Malik-al-Mo'aththam lui fit jurer d'embrasser son 
parti contre al-Malik-al-Kâmil et contre les princes de Hamâh 
et de Hom§. Cela tranquillisa al-Mo'aththam, qui donna à 2^6 v. 
al-Malik-al-Ashraf la permission de s'en aller. Ce prince 

1. L'Atâbek Shihàb-ad-Dîa à qui la lettre en question était adressée par 
al-Ashraf. 

2. Le sultan d'Egypte. 

3. Comme on le verra plusieurs fois plus loin dans la suite de cette histoire, 
les Halebins ne se sentaient pas de taille à intervenir dans les discussions 
qui s'élevaient entre les différents princes ayyoubites et le sultan d'Egypte. 

4. Litt. : « dans les nœuds coulants. » 



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172 KAMAL-AD-pÎN 

arriva à Rakka au mois de Djoumâda second de cette même 
année. 

Al-Malik-al-Ashraf revint alors sur toutes les décisions 
qu'il avait prises avec al-Mo'aththam, et il expliqua le serment 
avait prêté * en disant qu'il ne l'avait fait que forcé, sachant 
qu'il ne pourrait se tirer des mains de son frère qu'en lui 
accordant tout ce qu'il lui demandait. Al-Malik-al-Mo'aththam 
regretta beaucoup de l'avoir laissé partir et envoya les 
Arabes à Hom§ et à Hamâh où ils firent beaucoup de dégâts 
et de pillages. 

L'armée dé l'Empereur, souverain des Francs, qui était très 
nombreuse, arriva à 'Akkâ. A cette même époque, les princes 
de Hom§ et de Hamâh cherchaient à s'emparer des posses- 
sions d'al-Malik-al-Mo'aththam ; ils lui envoyèrent des ambas- 
sadeurs pour lui demander de leur donner quelque dédomma- 
gement de ce qu'il leur avait pris. Al-Mo'aththam sentit alors 
le besoin de flatter son frère, et il lui fit demander de conclure 
une alliance avec lui; mais al-Ashraf lui reprocha durement 
la conduite qu'il avait tenue envers lui, ainsi que les desseins 
qu'il avait formés contre lui et contre sa famille. Sur ces 
entrefaites, al-Malik-al-Mo'aththam tomba malade à Damas où 
il mourut le dernier jour du mois de Dhoû-1-Ka'da. Son fils 
al-Malik-an-Nàsir régna après lui. 

Cette même année, les villes d"Aîntâb, de Râvandân et de 
Zoûb furent livrées à al-Malik-as-Sâlih-ibn-al-Malik-ath-Thâhir 
et on lui prit en échange ash-Shôghr, Bakâs et leurs dépen- 
dances ^ Cette même année, le Hâdjib rassembla tous les 
soldats qu'il put trouver et les mena dans l'Adharbâidjân; 
il s'empara de la ville de Khoûi \ de Salmâs et prit la femme 
d'Uzbek; elle se trouvait dans la ville de Khoûî et ce fut 
elle qui la lui livra; elle avait été mariée avec le Khvâ- 
rizmshâh. 

Al-Malik-al-Kâmil partit du Caire lorsqu'il apprit la mort 
de son frère. Al-Malik-an-Nâçir envoya demander à son oncle 
al-Malik-al-Ashraf de le secourir et de le protéger ; son am- 



1. C'est-à-dire pourquoi il avait juré. 

2. Litt. « et ce qui lui appartenait en même temps que ces villes. » 

3. Sur la ville de Khoûî, voir Barbier de Meynard, Dictionnaire géographique 
de la Perse^ p. 220. Sur Salmâs, ibid,^ p. 315. 



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HISTOIRE d'ALEP 173 

bassadeur, qui se nommait Ibn-Mousak, se rendit auprès d'al- 
Malik-al-Ashraf à Sindjâr et le pria de venir à Damas. Al- 247 r. 
Ashraf partit pour Damas et al-Malik-al-Kâmil vint établir 
son camp à Tell-al-'Adjoûl en face des Francs. 

Al-Malik-al-Ashraf envoya au sultan d'Egypte Saîf-ad-Dîn- 
ibn-Kili4J pour le prier de laisser Damas en la possession de 
son neveu, et il lui fit dire : « Nous reconnaissons tous ton 
autorité, et aucun de nous ne cessera d'être ton allié. » L'am^ 
bassadeur lui dit combien al-Malik-al-Ashraf désirait posséder 
Damas. 

Quant à al-Malik-al-'Azîz, il tint cette année une séance 
dans la Maison de la Justice, comme son père avait Thabitude 
de le faire. On lui présenta des réclamations, il y donna satis- 
faction et ordonna d'y faire droit. Les kâdîs se présentaient 
chez lui toutes les nuits du vendredi, et s'entretenaient en 
sa présence de questions juridiques et religieuses. La fête de 
la rupture du jeûne étant arrivée, ce prince distribua des vête- 
ments d'honneur à tous les émirs, aux officiers de la ville et 
aux fonctionnaires. Il célébra pompeusement cette fête et la 
foule y accourut de toute parts; c'était la première fois qu'elle 
était célébrée à Alep depuis l'époque de la mort d'al-Malik-ath- 
Thâhir. 

L'Empereur, roi des Francs, arriva à 'Akkâ, et al-Malik-al- 
Kâmil établit son campement à al-'Aoûdjâ; al-Malik-al-Ashraf 
partit de Damas et se rendit auprès de lui pour renouveler le 
serment qu'ils s'étaient mutuellement prêté. 

Les troupes de secours partirent d'Alep vers la lin du mois 
de Moharram de l'année 626 * et vinrent camper dans le Ghoûr 

1. Cette année (Aboû'-l-Mahâsin, ms. ar. 1779, f. 73 v.), al-Malik-al-Kâmil 
donna Jérusalem à l'Empereur, roi des Francs. La nouvelle de la reddition de 
Jérusalem aux Francs étant arrivée (en Egypte), un grand tumulte éclata dans 
la foule. L'Empereur occupa Jérusalem pendant qu'al-K&mil et al-Ashraf 
étaient occupés au siège de Damas. Il ne resta à Jérusalem que durant deux 
nuits et s'en retourna à Jaffa, après avoir fait beaucoup de bien à la popula- 
tion de la ville. — On sait que l'Empereur Frédéric Barberousse était sous le 
coup d'une excommunication quand il conclut le traité qui livrait Jérusalem 
aux Chrétiens. La plupart des nobles francs étaient tout à fait hostiles à 
l'Empereur, les uns par ce qu'il était retranché de l'Église, les autres pour des 
raisons purement politiques. Les Templiers et les Hospitaliers allèrent même 
jusqu'à offrir à al-Kâmil le tnoyen de s'emparer par trahison de l'Empereur, 

Le récit des événements très importants de cette année et des suivantes, 
ayant été fort écourté par Kamàl-ad-Din, je ne crois pas inutile d'emprunter 
quelques renseignements à l'historien arabe Makrizi. 



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174 KAMAL-AD-DÎN 

(ou à al-Ghoûr). Al-Malik-al-Kâmil fit la paix avec les Francs, 
et il fut stipulé dans le traité qu'il leur donnait Jérusalem à 

Al-Malik-al-Kâmil n'avait point tant peur d'al-Malik-al-Ashraf qui était comme 
on l'a vu un assez pauvre caractère, que de son frère al-Mo'aththam ; comme 
il savait ce dernier très entreprenant et très capable de fomenter une coali- 
tion contre lui, il prit le parti de s'adresser au Ûls du Khvàrizmsbàh et à l'Em- 
pereur Frédéric Barberousse. On lit dans le Soloûk, ms. ar. 1726, f . 72 v« : 
« Al-Malik-al-Kàmil envoya un ambassadeur auprès du sultan Djalàl-ad-Dîn, 
fils du Khvârizmshàh. Il envoya de même l'émir Fakhr-ad-Dîn-Yoûsouf, le 
fils du Sbeïkh des Sheïkhs auprès du roi des Francs, pour l'engager à venir à 
'Akkâ. 11 lui promit de lui donner plusieurs des villes de Palestine qui appar- 
tenaient aux Musulmans s'il voulait se charger de combattre son frère. L'Em- 
pereur, roi des Francs, envoya une armée pour débarquer dans le Sdhel; 
quand ai-Mali k-al-Mo'athth^m apprit ce fait, il écrivit au sultan Djalâl-ad-Din, 
fils du Khvârizmshàh, pour lui demarider secours contre al-Malik-al-Kâmil, 
en lui promettant de faire réciter la Khotba à son nom dans toute l'étendue 
de son empire et de faire frapper la monnaie à son chiffre. Djalàl-ad-Din lui 
envoya alors un vêtement d'honneur qu'il revêtit et avec lequel il traversa 
toute la ville de Damas. Puis il défendit de faire la Khatba au nom d'al- 
Kâmil. » 

Quand al-Kâmil connut la conduite de son frère, il partit du Caire avec son 
armée et vint camper à Balbaïs au mois de Raraadhân. Al-Mo'aththam lui 
envoya alors une lettre ainsi rédigée : « Je jure par Dieu, qu'à chaque étape 
que tu feras pour venir m'attaquer, je distribuerai en aumônes mille dinars 
AUX pauvres, car toute ton armée m'est dévouée, comme le prouvent les lettres 
que j'ai entre les mains, et je te ferai prisonnier toi et tes soldats. » 

Al-Mo'aththam eut soin de faire parvenir en secret cette lettre au sultan 
d'Egypte, et il lui envoya officiellement une seconde missive dans laquelle U 
jxrotestait <de son dévouement sans bornes pour lui. 11 faut croire qu'al- 
Mo'aththam n'exagérait pas trop quand il prétendait avoir dans les mains la 
preuve que beaucoup d'émirs égyptiens lui étaient vendus, car al-Kàmil 
renonça à poursuivre la campagne et revint au Château de la Montagne. A 
peine arrivé, il s'empressa de faire jeter en prison ou d'exiler plusieurs émirs 
dont il n'était pas sûr. 

« Cette même année, continue Makrizi, f. 73 r«, arriva l'ambassadeur envoyé 
par le roi des Francs au sultan al-Malik-al-Kâmil. Il lui apportait des cadeaux 
très précieux et de riches présents* Il lui offrit plusieurs chevaux, parmi les- 
quels le propre cheval du roi des Francs, avec un caparaçon d'or incrusté 
de pierres précieuses. Le sultan lui envoya des provisions de bouche pour la 
route d'Alexandrie au Caire, et il alla le recevoir lui-même à quelque distant» 
du Caire. 11 le combla de marques d'honneur et lui assigna comme demeure 
dans cette ville, la maison du vizir Safi-ad-Din-ibn-Shâkir. Il envoya des pré- 
sents au roi des Francs, parmi lesquels il y en avait qui provenaient de 
r'Irâk, de la Syrie, de l'Egypte et de la Perse, et leur valeur était bien supé- 
rieure à ceux du roi des Francs. 

En l'an 625, l'Empereur Frédéric Barberousse arriva à 'Akkâ et mit al^Kâmil 
en demeure de tenir les promesses qu'il lui avait faites. Le sultan d'Egypte 
se trouva dans un grand embarras, car son frère al-Mo'aththam venait de 
mourir et il n'avait plus besoin de l'aide des Francs ; d'autre part, ceux-ci ne 
voulaient pas s'en retourner chez eux les mains vides, sous prétexte qu'al- 
Mo'aththam était mort dans l'intervalle et qu'ils étaient devenus inutiles. 
Al-Kàmil ne considérait pas sans crainte la perspective d'une nouvelle guerre 
contre les Francs, car al-Malik-al-Ashraf, ou d'autres princes ayyoubites, 
auraient très bien pu fournir des secours à l'Empereur d'Allemagne, pour se 
débarrasser de lui et en finir avec une autorité qui leur pesait lourdement. 

Makrizi, f. 75 v®, raconte qu'au cours de cette année, l'émir Fakhr-ad-Dîn, 



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HISTOIRE D'ALEP 175 

rexception dé la Sakhràh et de la Masdjîd-al-Akça; de plus, 
les Francs ne devaient exercer aucun droit de souveraineté 



dis du Slieïkh des Sheïkhs, et le Shérif Shams-ad-Dln Armayî, kkdl de Tarmée^ 
se rendirent plusieurs (ois en ambassade auprès de l'Empereur Frédéric. On 
finit par convenir que les Musulmans céderaient Jérusalem, telle qu'elle se 
trouvait, c'est-à-dire démantelée, et que les Francs ne pourraient pas en rele- 
ver le mur d'enceinte. Toute la banlieue de la ville restait aux Musulmans. 

De plus, les Musulmans conservaient la propriété exclusive du Haràm-al- 
Sharif et le droit d'y célébrer toutes les cérémonies de leur culte, tandis que 
les Francs n'avaient le droit d*y entrer que pour faire leurs dévotions. Malgré 
ces restrictions, le but suprême des Francs, la conquête de la ville sainte, 
n'en était pas moins obtenu, et sans grandes peines. Ce traité fut le résultat 
de la démarche inconsidérée qu'al-Kâmil avait faite auprès de l'Empereur 
d'Allemagne. La reddition de Jérusalem aux Francs produisit dans tout l'Islam 
.oineprofonde impression, et un blâme universel s'éleva contre le sultan d'Egypte. 
Celui-ci qui, de gaieté de cœur, s'était placé dans une situation à peu près 
inextricable, tâchait de faire croire que le mai était, en réalité, moins graud 
qu'il ne le paraissait. « Je n'ai cédé aux Francs, disait-il (Makrizi, Soloûk, 
75 V*), que des églises et des maisons en ruines, tandis que la Mosquée (le 
Harâm-al-Sharîf) reste dans son état primitif (c'est-à-dire qu'elle n'était 
point transformée en église chrétienne) et qu'on y observe les pratiques 
de l'Islam ; de plus les Musulmans gardent le pouvoir sur la province et les 
villages environnants- » 

Ces raisons spécieuses n'empêchèrent pas, d'abord qu'il dut se justifier 
auprès du Khalife de Bagdad, et ensuite que le traité négocié par le fils du 
Sheïkh des Shei"]ths n'eut un énorme retentissement et un effet moral déplo- 
rable dans l'empire ayyoubite. 

« Le sultan [ibid.y f. 76 r.) envoya des'oflGlciers à Jérusalem pour ordonner aux 
Musulmans d^en sortir' et de remettre la ville aux Francs. Les habitants fon- 
dirent en larmes et poussèrent de grandes clameurs ; les imams et les mufiZ' 
^in^ se rendirent au camp d'al-Malik-al-Kâmil et firent à sa porte l'appela 
la prière à contre temps. Ce procédé blessa vivement le sultan qui ordonna 
de leur arracher tout ce qu'ils avaient avec eux, en fait de rideaux d'étoffe», 
de candélabres et d'autres instruments du culte, et il les chassa en leur disant : 
« Allez vous-en où il vous plairai » — L'Empereur, roi des Francs, envoya 
demander au sultan la permission d'entrer à Jérusalem et cette demande lui 
fut immédiatement accordée. Il envoya même le kâdî de Naplouse, Shams-ad- 
Dîn, auprès de l'Empereur, pour l'accompagner à la Mosquée et lui Caire visi- 
ter tout ce qu'il y avait à voir. L'empereur admira la Masdjid-al-At^ça ainsi que 
toute la Sakhra et gravit les degrés du minber. 

« Ayant aperçu un prêtre chrétien qui tenait les Évangiles à la main et s'ap- 
prêtait à entrer dans la Masdjid-al-Aksa, il l'apostropha rudement et menaça 
de châtier quicouque agirait ainsi sans permission : « Nous sommes ici, dit-ilf 
les Mamlouks du sultan al-Matik-al-Kâmil ; c*est par pure Menveillançe 
quHl nous a gratifiés de ces églises.... » 

Le kâdî de Naplouse interdit aux muezzins de faire l'appel à la prière durant 
la nuit, pour ne pas importuner l'Empereur', le lendemain, le souverain lui 
demanda : « Pourquoi les muezzins n'ont-ils pas appelé, durant la nuit, les 
fidèles à la prière, du haut des menbers. » ~ Le kâdî lui répondit : « Ton 
esclave ieur a défendu de le faire, par respect pour l'Empereur et pour l'hono- 
rer. » — « Tu as eu tort d'agir ainsi, répliqua Frédéric Barberousse, car mon 
principal but, en venant à Jérusalem, était d'entendre, durant la nuit, appeler 
les Musulmans à la prière et les invocations à Allah. » 

Le lendemain, l'Empereur revint à 'Akkâ et, en attendant le moment de se 
rembarquer pour l'Europe, comme il était très versé dans les sciences exactes, 



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176 KAMAL-AD-DÎN 

en dehors de la ville. Al-Malik-al-Kâmil leur donna de même 
Bethléem (Baît-Lahm) ainsi que les villages qui se trouvaient 
sur leur route depuis 'Akkâ jusqu'à Jérusalem. 

Al-Malik-al-Ashraf quitta al-Kâmil et vint rejoindre l'ar- 
mée d'Alep et al-Malik-an-Nâsîr, fils d'al-Malik-al-Mo'ath- 
tham, à qui il dit : « J'ai fait tous mes elQForts pour ce qui te 
regarde auprès d'al-Malik-al-Kâmil, mais il ne veut pas renon- 
247 V, cer à ses vues sur Damas. Voici son dernier mot : « On don- 
nera les villes d'Orient à Al-Malik-an-Nâ§ir et toi * tu prendras 
Damas. » 

Al-Malik-an-Nâsir s'aperçut alors que tous les deux s'étaient 
entendus pouf lui prendre Damas. Il avait avec lui Aîbek-al- 
Mo'aththamî, qui lui conseilla de s'en retourner à Damas ; le 
prince fit lever son camp et se mit en marche sans qu'al- 
Malik-al-Ashraf eut pu l'en empêcher. 11 revint à Damas et 
s'empressa de la mettre en état de défense. 

Al-Malik-al-Ashraf partit alors avec l'armée d'Alep ; il vint 
camper devant Damas et coupa les conduites qui amenaient 
l'eau dans la ville. L'armée de Damas fit une sortie, livra un 
violent combat aux assiégeants, et ramena l'eau dans la ville. 
Al-Malik-al-Kâmil arriva au n\ois de Djoumâda premier avec 
l'armée d'Egypte, et établit son campement sous les murs 
de Damas. 

Le kâdî Bahâ-ad-Dîn, accompagné des personnages impor- 
tants d'Alep et des 'adel, se rendit à Damas dans le but de 
demander la flUe d'al-Malik-al-Kâmil pour al-Malik-al-'Azîz. 
Le kâdî arriva devant Damas du côté de Domaîr ^ Al-Malik- 
al-Kâmil sortit pour se rendre à sa rencontre, il le fit des- 
cendre dans son camp qui était proche du Meshhed-al-Kadam 



il charmait ses loisirs en envoyant à al-Kâmil des questions très ardues sur la 
géométrie et les mathématiques. Le sultan d'Egypte les faisait résoudre par 
'Alam-ad-Dîn-Kaisar et envoyait les solutions à l'Empereur; 

A la fin du mois de Djoumâda second, Frédéric retourna dans ses Etats; il 
avait déclaré à Fakhr-ad-Dîn, que s'il avait forcé al-Kâmil à lui rendre Jéru- 
salem, ce n'était point qu'il eût envie de s'emparer de cette ville ou d'une 
autre, mais qu'il n'avait agi ainsi que pour ne pas se déconsidérer aux yeux 
des Francs. 

1. Cette phrase s'adresse à al-Ashraf. 

2. La ville de Domaîr est, suivant Yâkoût (Mo>djam t. III, p. 382), une 
localité proche de Damas; elle comprend une forteresse et un village et se 
trouve sur les limites du territoire de Damas proche du canton de Samavât. 
Il y a une seconde localité portant le nom de Domaîr près de la ville d"Omân. 



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HISTOIRE D'ALEP 177 

et le mena dans sa tente. Le kâdî présenta à al-Malik-al- 
Kâmil les cadeaux qu'il avait apportés. 

Le Sultan d'Egypte lui assigna ensuite comme demeure * le 
palais * d'al-Malik-al-'Azîz à al-Marra. Al-Malik-al-Kâmil se 
rendit auprès de lui à plusieurs reprises jusqu'à ce que le 
mariage fut décidé, et qu'on apporta l'or qui devait être payé 
pour la dot, les jeunes servantes, les eunuques, les dirhems et 
autres différents objets. Le contrat fut signé en présence d'al- 
Malik-al-Ashraf dans la mosquée de la Khâtoûn (Masjdid- 
Khâtoûn). Ce fut 'Imâd-ad-Dîn, fils du Sheïkh des Sheïkhs, qui 
fut chargé par al-Malik-al-Kâmil de dresser le contrat de ma- 
riage de sa fille, Fâtima-Khâtoûn. La dot fut fixée à cinquante 
mille dinars, et le kâdî Bahâ-ad-^Dîn approuva le contrat au 
nom d'al-Malik-al-'Azîz. Cette cérémonie eut lieu le matin du 
dimanche 16 du mois de Radjah. Après la prise de Damas, al- 221 v. 
Malik-al-Kâmil donna des vêtements d'honneur au kâdî et à 
toutes les personnes qui composaient sa suite, ainsi qu'au 
Hadji Bashar, précepteur d'al-Malik-aK'Azîz ^ ; le kâdî et ses 
compagnons s'en retournèrent alors à Alep. Il fut convenu 
qu' al-Malik-al-Kâmil prendrait à al-Malik-al-Ashraf les villes 
de Harrân, d'ar-Rohâ, de Rakka, de Saroûdj et de Ra'as- 
'Aîn, et qu'il lui donnerait Damas en échange. 

Al-Malik-al-Ashraf marcha contre Ba'lbek, l'assiégea et 
l'enleva au prince qui y régnait. L'armée alla ensuite à Hamâh 
par ordre d' al-Malik-al-Kâmil, et l'assiégea pour obliger le 
prince de cette ville à la rendre à al-Malik-al-MothalQFar, fils 
d'al-Malik-al-Man§oûr. Le prince de Hamâh, al-Malik-an- 
Nâçir, se rendit auprès de lui, alors qu'il était campé à 
Madjma'-al-Moroûdj. Il le retint prisonnier jusqu'au moment 
où il eût remis la place à son frère, et il lui donna en échange 
la ville de Bârîn. Après cela, al-Malik-al-Kâmil alla à Rakka, 
et le Khvârizmshâh vint assiéger Khilât. Ibn-Zaïn-ad-Dîn 
était en secret son allié, le prince d'Amid l'était ouvertement 
et faisait réciter la khotba en son nom. Les habitants de 
Khilât, réduits à la dernière extrémité, demandèrent à capi- 



1. Litt. : « il le transféra au palais. » 

2. Djôshk^ ce mot est la transcription arabe du mot persan koshk emprunté 
en turc sous la forme kieushk, et dont on a fait kiosque en français. 

3. Amîr Idlâ, le mot lâlâ est un mot turc. 



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178 KÀMAL-AD-DÎN 

tulef, maïs le Khvârizmshâh leur refusa toute capitulation et 
la place fut enlevée d'assaut le vingt-huitième jour du mois 
de Djoumâda premier de Tan 627 *; les habitants furent pas- 
sés au fil de répée, et les femmes et les enfants emmenés 
en captivité. 

Le huitième jour du mois de Djoumâda premier, le sultan al- 
Malik-al-'Aziz devint père d'un enfant qui naquit d'une jeune 
esclave; il lui donna le nom de son père et pour surnom al- 
Malik-ath-Thâhir-Ghâzi. La ville fut pavoîsée, on construisit 
deg arcs de triomphe, toute l'armée revêtit de beaux uni- 
formes et Ton dressa des zoûrak ' depuis la citadelle jusqu'à 
la ville. Les gens montèrent dedans, une poulie tomba sur la 
tête d'une de ces personnes, qui tomba au pied de la citadelle 
et se tua. Le sultan donna Tordre de ne plus dresser de ces 
ZQÛrak dans la suite. 
248 V. Dans le courant de cette même année, il lui naquit un autre 
fils auquel il donna le surnom d'al-Malik-al-'Adil, et encore 
un autre, le sultan al-Malik-al-Nâsîr, qu'il désigna comme 
devant lui succéder après la mort des deux premiers. 

Al-Malik-al-Kâmil, al-Malik-al-Ashraf et le sultan du pays 
de Roûm, Kaî-Kobâd, firent alliance contre le Khvârizmshâh, 
et al-Malik-al-Ashraf demanda au sultan d*Alep de lui envoyer 
un corps de troupes comme renfort. Al-Malik-al-'Azîz et l'Atâ- 
bek lui envoyèrent une armée sous le commandement de 
'Izz-ad-Dîn-ibn-Modjalla. Al-Malik-al-Ashraf entra en cam- 
pagne, alla se joindre au sultan du pays de Roûm et marcha 



1. Cette année, dit Makrizi (Soloûky f. 78 r»), l'émir Fakhr-ad-Dîn, fils 
du Sheïkh des Sheïkhs, arriva de Bagdad. On reçut également un ambassa- 
deur, envoyé par TEmpereur, roi des Francs; il apportait une lettre pour 
al-Malik-al-Kàmil qui se trouvait à Harrân ; il avait aussi avec lui un présent 
pour l'émir Fakhr-ad-Dîn. Al-Malik-al-Kâmil revint de Harrân au Caire. Cette 
même année (f. 7S V) les Francs allèrent attaquer Hamâh; al-MothaflEar- 
Taki-ad-Dîn tomba sur eux ; ils perdirent beaucoup de monde et un grand 
nombre d'entre eux furent faits prisonniers. Cela se passa au mois de 
Ramadîiân. 

2. D'après le dictionnaire de Lane, zoûrak signifie « un petit bateau ^. Saas 
doute ces zoûrak étaient-ils des réunions de nacelles enlevées par une roue, 
ou des nacelles courant sur des rails de bois ; on pourrait encore penser à 
des fils de fer ou à des cordes tendus entre les murs de la citadelle fit ceux 
de la ville sur lesquels roulaient des poulies soutenant des nacelles où se 
plaçaient une ou plusieurs personnes ; ce serait en tout cas quelque chose 
d'analogue aux chevaux de bois et autres manèges qui sont dressés sur les 
places pendant les réjouissances publiques. 



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HISTOIRE D'ALEP 179 

vers Arzangân *. Les deux armées se livrèrent bataille et les 
troupes du Khvârizmshâb fUrent mises en déroute le vingt- 
neuvième jour du mois de Ramadhân; Un vent violent soufflait 
à la £ace des soldats du Khvârizmshâb et cela causa leur 
déroute; ils renconlrérent sur leur chemin des tessons de 
poterie, la plupart d'entre eux tombèrent dessus en fuyant et 
se tuèrent. Al-Malik-al-Ashraf se rendit à Khilât, la reprit et 
fit la paix avec les Khvârizmiens. 

Année 628 ^ Les Francs s'étaient mis en mouvement et 
l'armée d'Alep était entrée en campagne sous le commande- 
ment de Badr-ad-Dîn-ibn-al-Malî ; ces troupes firent une incur- 
sion du côté de al-Markab % elles pillèrent la citadelle de 
Boulouniâs * et la ruinèrent; les prisonniers flirent envoyés 
à Alep. Il y eut ensuite un nouvel engagement entre les Mu- 
sulmans et les Francs, et un certain nombre de combattants 
périt des deux côtés; durant cette bataille le vent soufflait à 
la figure des Musulmans. On envoya des troupes d'Alep à la 
moitié du mois de Rabî' deuxième. 

La pluie cessa de tomber à Alep, ce qui causa le renché- 
rissement des denrées. Les habitants furent obligés d'aller 
chercher de l'eau à Bânkoûsâ; la pluie finit par revenir et le 
prix des denrées baissa un peu. 

Une trêve fut conclue entre l'armée d'Alep, d'une part, et les 

1. Yâkoût {Mo'djanif 1. 1, p. 215) connait cette viUe sous là forme d'Arzan- 
djân tout en faisant remarquer que la population indigène prononçait Arzan- 
gân; c'est une ville arménienne entre le pays de Roûm et Khilât, proche 
de Arzan-ar-Roûm (Erzeroum), la plupart de ses habitants étaient arméniens 
mais il y avait aussi des musulmans qui étaient les notables de la ville. 

2. Cette année, dit Aboû-'l-Mahâsin {Histoire d^Égypte, ms. ar. 1779, fol. 75 r»), 
mourut Bahràm-Shâh, fllsde Farrukhshéth, fils de Shâhanshâh, fils d'Ayyoûb, 
al-Malik-al-Amdjad, prince de Ba'lbek. Le sultan Salâh-ad-Dîn lui avait 
donné Ba'lbek à la mort de son père en l'an 578; Bahrâm-Shâh y demeura 
cinquante ans jusqu'à ce qu'al-Maïik-al-Ashraf-Moûsa, fils d'al-*AdiI, l'assié- 
gea et le fit sortit de la ville. Son cousin Asad-ad-Din, prince de Homs, secou- 
rut al-Malik-ad-Amdjad qui se rendit en Syrie. Il y demeura jusqu'à ce que 
quelques-uns de ses mamloûks le tuèrent par trahison. Makrizi {Solouh, f. 78 v«) 
place cet événement à la fin de l'année 627. 

3. C'est, dit Yâkoût (Mo'djam, tome IV, p. 500), le nom d'un endroit où 
se trouve une ville et une citadelle fortement défendue, qui dominent le 
rivage de la mer de Syrie et la ville de Boulouniâs. Aboû-Ghâlib-Himâm-ibn- 
Mohadhdhab-al-Ma'arri raconte dans sa Chronique, au cours du récit des 
événements de l'année 454, que les Musulmans y construisirent un château- 
fort nommé ai-Markab sur le bord de la mer à Djibala. C'est un château tel 
que tout le monde dit n'en avoir jamais vu ua pareiL 

4. Sur cette ville, voir la note précédente. 



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180 KAMAL-AD-DÎN 

Chevaliers du Temple et de THôpital, de l'autre, le vingtième 
249 r. jour du mois de Sha'bân de cette même année. Ce fut aussi 
cette année que le sultan al-Malik-al- Azîz prit en main le 
gouvernement de son royaume, et que Tatâbek Shihâb-ad- 
D!n lui remit les trésors. Ce prince plaça des gouverneurs 
dans les citadelles, et se fit prêter serment par. les troupes, 
puis il alla en personne inspecter les forteresses et les places 
fortes de son royaume. 

L'Atâbek Shihâb-ad-Din monta à cheval le quinzième jour 
du mois de Ramadhân de cette même année, et descendit de 
la citadelle, accompagné par la foule. Ce fut la première fois 
qu'il en sortit depuis le jour où était mort al-Malik-ath-Thâhir. 
A plusieurs reprises, il retourna y loger * jusqu'à ce que le 
sultan al-Malik-al-' Azîz eût fait venir auprès de lui son épouse, 
la flUe d'al-Malik-al-Kâmil. L'Atâbek resta alors un certain 
temps dans la citadelle, puis il en descendit et alla demeurer 
dans sa maison, qui était connue sous le nom de « (maison du) 
prince d"Aîn-Tâb » et qui était située en face de la Porte de la 
Citadelle. 

Cette même année, al-Malik-al-'Azîz prit comme vizir, le 
khâtib de la citadelle, le fils de Zaîn-ad-Dîn-'Abd-al-Mohsin- 
ibn-Mohammad-ibn-Kharb, qui en avait été aussi khâtib * et 
il lui accorda toute sa confiance. Au mois de Shavvâl, al- 
Malik-al-' Azîz envoya en Egypte le kâdî Bahâ-ad-Dîn, pour 
aller chercher son épouse, la fille d'al-Malik-al-Kâmil, et la lui 
amener. Le kâdî demeura quelque temps en Egypte jusqu'au 
moment ou al-Malik-al-Kâmil se rendit à Damas avec sa fille; 
quand il fut arrivé dans cette ville, il l'envoya à Alep, en la 
faisant accompagner par plusieurs personnes, parmi lesquelles 
Fakhr-ad-Dîn-al-Bânyâsî et le shérif kâdî de l'armée. Le vizîr 
d'al-'Azîz et les grands de l'état partirent de Hamâh ^ et se 
rendirent au devant de cette princesse ainsi que les notables 



1. Litt. : « ensuite il retourna à la citadelle et il en redescendait de temps 
en temps, jusqu'à ce que... » 

2. Astaûzara-al'Malih-al-Aztz Khatxb al-ka'lat va ibn-khâtibihâ Zaîn-ad- 
Dtn; il ne faut évidemment pas comprendre qu'al-'Azîz prit en même temps 
comme vizir le khâtib de la citadelle et le flls du khâtib de la citadelle. 

3. Hamâh est à peu près à moitié chemin entre Alep et Damas. Al-Malik- 
al-'Aziz, souverain d'Alep, avait envoyé ces personnages à la rencontre de la 
princesse égyptienne. 



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HISTOIRE P'ALEP 181 

d'Alëp. La mère du sultan qui était sa tante, alla aussi au 
devant d'elle venant du Puits des Turkomans, et le reste de 249 v. 
rarmée la rencontra à Tell-as-Sultân. Le frère du sultan, al- 
Malik-as-Sâlih, se rendit au-devant d'elle à la tête de son 
armée qu'il avait équipée avec soin. L'armée revint en bel 
ordre et se rangea par bataillons dans al-Vadîhî. Le sultan 
se rendit alors à al-Vadîhî et il entra de nuit avec son épouse 
dans la citadelle victorieuse (al-Mansoûrah) *, au mois de 
Ramadan de Tannée 629 \ 

Les habitants d'Alep avaient attaqué leur mohtesib, Madjd- 
ad-Dîn-al-'Adjami, à cause du renchérissement des denrées; 
le ritl de pain avait, en effet, atteint le prix de dix kartâs ^ 
Les prix diminuèrent ensuite et il eut été possible de vendre 
le ritl cinq kartâs et demi. Le lieutenant du mohtesib monta 
alors à cheval et taxa le prix du ritl de pain dans la ville 
à six kartâs. La population se précipita sur lui et courut 
à son bureau pour assassiner son substitut. Les émeutiers 
saccagèrent son bureau et de là allèrent à sa maison pour en 
faire autant. Le gouverneur de la ville et l'émir 'Alam-ad-Dîn- 
Kaî§ar descendirent de la citadelle et apaisèrent l'émeute 
après qu'un certain nombre des insurgés furent montés chez 
le sultan et eussent imploré son intervention contre le mohte- 
sib. Us assaillirent Kamâl-ad-Dîn-ibn-arAdjami, frère du 
mohtesib et sous-chef au bureau des successions *, et le lapi- 

1. Autre nom de la citadelle d'Alep. On pourra voir sur cette forteresse 
quelques détails dans l'appendice. 

2. Cette année, dit Aboû-'l-Mahâsîn [Histoire d*Égypte, ms. ar. 1779, f. 75 yo), 
les Tatars vinrent dans le Djazîra et à Harrân, ils mirent le pays à feu et 
à sang et emmenèrent de nombreux prisonniers. Al-Malik-al-Kâmil partit 
alors du Caire et arriva dans le Diàr-Bekr; il se joignit à son frère al-Ashraf- 
Moûsa et ils s'unirent pour repousser les Tatars ; la population de Harrân 
était déjà sortie pour aller combattre les Tatars; il n'en était revenu qu'un 
petit nombre, et les Tatars s'en retournèrent chez eux après des luttes qui 
tournèrent à l'avantage des Musulmans; guand al-Kâmil apprit le départ des 
Tatars, il vint camper devant la ville d'Ami d ayant avec lui son frère al- 
Ashraf, il l'assiégea et s'en empara ainsi que d'autres citadelles. 

3. Kartîs^ ou kartâs^ qui font tous deux au pluriel karâtis, est le nom 
d'une toute petite espèce de monnaie ; suivant un passage de notre auteur 
{Histoire d*Alep, ms. ar. 1666, f. 169 v») un dinar valait 50 kartîs. D'après le 
Soloûk de Makrizi, ms. ar. 1726 f. 375 v% on employait comme monnaies, à 
Damas, des petites pièces de cuivre {fels) nommées kartîs. Les kartîs valaient 
six fels et l'on comptait vingt et quatre kartîs pour un dirhem d'argent. 

4. Mvân al'hashr signifie littéralement « le bureau de l'administration, 
chargé du recouvrement et de la gestion des successions dévolues au fisc 
faute d'héritiers ». 



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182 KAMAL-AD^DÎN 

dèrent à coup de pierres. Il prit la fuite, se cacha dans plusieurs 
rues S puis il se réfugia dans la grande mosquée. Les insurgés 
voulurent encore Ty poursuivre, mais le préfet de police le 
protégea. 

Cela se passa le dix-septième jour du, mois de Sha'bân de 
l'an 629. 

Al-Malik-al-'Aziz sortait souvent pour se rendre à la chasse 
et pour tirer de Tarbalète dans les environs de 'Amk et dans 
d'autres endroits. Plusieurs de ses officiers lui conseillèrent 
de se rendre à la citadelle de Tell-Bâshir, de s'en emparer et 
de l'enlever aux naîbs de son Atâbek, Shihâb-ad-Dîn Toghril, 
en lui laissant le c2Lntoïi(ru8tâk)qm en dépendait, sans aucune 
250 r. citadelle. La nouvelle en arriva à l' Atâbek qui envoya dire 
au gouverneur de la forteresse de Tell-Bâshir de ne pas ré- 
sister à al-Malik-al-'Azîz et de la lui rendre ; mais comme il 
s'y trouvait des trésors qui lui appartenaient, il se les fit 
apporter. 

Le sultan étant parti d'Alep se dirigea vers 'Azâz qui 
appartenait à la mère de son frère, àl-Malik-as-Sâlih, et à ses 
enfants, les Bénî-Altoûnboghâ. L' Atâbek Shîhâb-ad-Dîn lui 
avait donné cette placé en échange de Bahasnâ, après que 
Kaî-Kâoûs eût tué Altoûnboghâ. Al-Malik-al-'Azîz monta à la 
forteresse, y plaça un gouverneur pour le représenter et laissa 
en leur possession les cantons dépendant de cette place. 

D"Azâz le sultan se rendit à Tell-Bâshir; il monta à la cita- 
delle, y mit un gouverneur et retira cette place aux lieutenants 
de son Atâbek. 11 apprit alors que Shihâb-ad-Dîn avait fait 
enlever de Tell-Bâshir les trésors qui s'y trouvaient. Il envoya 
immédiatement des soldats pour arrêter en chemin les gens 
de TAtâbek, et ils leur reprirent les trésors. Le sultan pensait 
qu'il y avait une somme considérable, mais il fut trompé dans 
son attente; il renvoya le tout à l' Atâbek qui ne voulut point 
le reprendre, et lui fit dire : « L'argent que j'ai amassé n'était 
point pour d'autre que pour toi. » Le sultan rentra ensuite à 



1. Doroûb, pluriel de darb, signifie aussi une cour intérieure communiquant 
avec la rue par une impasse et sur laquelle donnent quatre, cinq ou six corps 
de maison. Dozy, Suppléments aux Dictionnaires Arabes^ t. I, p. 429. On 
pourrait donc traduire, et peut-être avec plus d'exactitude « il se cacha dans 
plusieurs cités ». 



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HISTOIRE d'ALEP 183 

Alep et tous ces événements se passèrent au mois de Rama- 
dan de l'an 629. 

Le suhan al-Malik-al-Azîz sortit ensuite pour aller tirer 
Tarbalète du côté de Hârim; il se rendit de là à Darkoûsh S 
puis à Afâmiah, en Fan 630 ^ Le prince de Shaîzar, Shihâb- 
ad-Dîn-Yousoûf-ibn-Mas'oud-ibn-Sâbik-ad-Dîn, ne fit rien pour 
bien le recevoir et ne lui envoya que peu de provisions; encore 
ne consistaient-elles qu'en une petite quantité d'orge. Il en 
chargea un âne, qu'il fit ramasser à cet effet dans la ville de 
Shaîzar \ Le sultan fut très vexé de ce procédé ; aussi quand 
il fut rentré à Alep, il manda Saîf-ad-Dîn-ibn-Kilidj le Thâhirî ' 
et l'envoya à al-Malik-al-Kâmil pour lui demander la permis- 
sion d'aller assiéger Shaîzar et de s'en emparer* Cette ville 250 v, 
relevait d'Alep *, mais il craignait que Shihâb-ad-Dîn-Yoûsouf 
ne demandât aide à al-Malik-al-Kâmil, et que ce prince n'in- 
tercédât en sa faveur, de telle sorte qu'il ne pourrait réussir 
dans son entreprise. Saîf-ad-Dîn se rendit à Damas et convint 
avec al-Malik-al-Kâmil qu'al-Malik-al-'Azîz serait maître d'agir 
comme il le voudrait; il envoya des gens à son souverain pour 
le lui faire savoir. AKAzîz mit alors son armée en campagne 
et fit partir les parcs ^ L'armée vint camper devant Shaîzar et 



1. Yâkoût {Mo'âjamf t. II, p. 569) se borne à dire que Darkoûsh est une for- 
teresse près d'Antioche. L'auteur de la Description d'Alep (ms. ar. 1683, 
f. 62 V.) nous apprend qu'il y avait là anciennement un château (^TiaK/") ; quand 
les Francs construisirent Hârim, ils bâtirent un fort dans cet endroit. On 
trouve dans cette localité une grande mosquée et un faubourg; elle se 
trouve sur le bord de l'Oronte. 

2. En 630, dit al-Yâfî (ms. 1590, f. 166 v.), meurt Idris, flls du sultan Ya'koûb, 
qui fut reconnu comme souverain en Espagne ; il alla ensuite à Marâkesh et 
s'en empara. Il supprima le nom d'Ibn-Toûmert dans la khotba. 

3. Le verbe sakhkhara^ qui est employé ici, signifie : « imposer à quelqu'un 
une corvée, lui faire faire un travail sans le payer », et aussi : « s'emparer d'un 
animal pour un usage quelconque, le réquisitionner sans payer à son pro-* 
priétaire la somme qui devrait lui revenir ». Ce fut un procédé insultant qu'em- 
ploya le prince de Shaîzar, car il aurait dû envoyer les provisions destinées 
au sultan sur des bètes de somme lui appartenant, au lieu de ramasser un 
âne quelconque dans la rue. 

4. Par conséquent, al-Malik-al-'Azîz aurait pu, suivant toutes les règles du 
droit, aller l'assiéger sans en demander la permission à qui que ce soit, mais 
il craignait de s'attirer la colère du puissant sultan d'Egypte en agissant sans 
son agrément. 

5. Le mot zardkhânah^ emprunté au persan, a été expliqué par Quatremère, 
Histoire des sultans mamlouhs, 1. 1, 1^® partie, p. 112, et signifie un arsenal. 
Mais il est certain que cette signification ne va pas dans beaucoup de passages. 
On ne peut évidemment emmener des arsenaux en campagne ; il est donc 
probable qu'il faut entendre par ce mot, dans beaucoup de passages, et en 



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184 KAMAL-AD-DÎN 

l'état major * fit enlever toutes les récoltes qui se trouvaient 
dans le territoire dépendant de la ville. Saîf-ad-Dîn-ibn-Kili4j 
arriva de Damas et le sultan partit en personne d'Alep. 11 fit 
dresser les mangonneaux contre la ville du côté de la mon- 
tagne et il laissa des mangonneaux africains en face de la porte 
de Shaîzar, puis il envoya dire au prince : « Par Allah! je te 
jure que si un seul de mes soldats est tué, je te ferai pendre 
par représailles! » Le prince de Shaîzar, eflfrayé et ne sachant 
quel parti prendre, ordonna alors aux arbalétriers * qui se 
trouvaient dans la citadelle, de ne pas lancer de flèches contre 
Tarmée du sultan. 

Al-Malik-al-Kâmil envoya au sultan d'Alep deux courriers, 
porteurs de cinq mille dinars égyptiens, pour qu'il pût prendre 
à son service les hommes dont il avait besoin pour le siège de 
Shaîzar, et al-Malik-al-MothalQFar-Mahmoûd, prince de Hamâh, 
vint se joindre à lui avec son armée. Shihâb-ad-Dîn-Yoûsouf 
lui envoya alors offrir de se rendre, à condition qu'il garderait 
les richesses qu'il possédait à Shaîzar, et qu'on jurerait de 
respecter ses propriétés à Alep. Le sultan lui ayant accordé 
sa demande, il se rendit auprès de lui et lui livra la ville. 
Al-Malik-al-'Azîz accomplit tout ce qui avait été stipulé et 
monta à la citadelle. 11 resta quelques jours à Shaîzar et 
rentra ensuite dans Alep. 

L'Atabek Shihâb-ad-Dîn-Toghril-ibn-'Abd- Allah tomba 
malade à la fin de cette année, et sa maladie le conduisit au 
tombeau, durant la nuit du lundi 21 du mois de Moharram 
de l'année 631 \ Le sultan al-Malik-al-'Azîz-Mohammad, flls 
251 r. d'al-Malik-ath-Thâhir, se rendit auprès du défunt durant cette 
même nuit, et suivit à pied le convoi, depuis la maison mor- 
tuaire jusqu'au moment où Ton fit la prière sur le corps, après 
qu'il fut sorti par la porte aKArba'în. L'Atabek fut inhumé 
dans la turbeh qu'il s'était fait construire près de Tell-al-Kî- 

particulier celui-ci, la réunion des voitures qui transportent les munitions et 
les armes de rechange, autrement dit un parc. 

1. C'est ainsi que je traduis le mot « divan ». 

2. Djarkhiyya, pluriel de djarkh% formé de djarkh, 

3. Cette année (Aboû-'l-Mahâsin, Histoire d*Ègypte, ms. ar, 1779, f. 77 r«), 
arriva un ambassadeur envoyé par Tempereur des Francs à al-Malik-al-Kâmil ; 
il apportait des présents parmi lesquels un ours blanc, dont le poil ressemblait 
à celui d'un lion. Cet animal descendait dans la mer, se jetait sur les poissons 
et les mangeait; il apportait aussi un paon blanc. 



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HISTOIRE d'ALEP 185 

kân * et dont il avait fait un collège ^ pour les sectateurs dé" 
rimâm Aboû-Hanîfah (qu'Allah soit satisfait de lui!). Le sultan 
versa des larmes abondantes sur son cercueil et assista à la 
cérémonie funèbre pendant les deux jours qui suivirent sa 
mort ' dans le collège qu'il avait fait construire, et dans lequel 
se trouvait la turbeh du sultan al-Malik-ath-Thâhir (qu'Allah 
lui fasse miséricorde!). 

Cette même année, qui est l'année 631, al-Malik-al-Kâmil 
partit du Caire, et s'Unit avec son frère al-Malik-al-Ashraf pour 
aller attaquer le royaume ^du sultan Kaî-Kobâd-ibn-Kaî- 
Khosrav. C'était la peur qu'ils avaient éprouvée quand le 
sultan de Roûm s'était emparé de Khilât et l'avait enlevé aux 
lieutenants d'al-Malik-al-Ashraf qui les avait déterminés â 
lui déclarer la guerre. Les deux princes partirent de Damas, 
et al-Malik-al-Moudjâhid, prince de Hom§, ainsi qu'al-Malik- 
al-Mothaflfar, prince de Hamâh, entrèrent en campagne avec 
eux. Al-Malik-an-Nâçir, prince de Karak, se joignit à eux et 
ils arrivèrent à Manbadj avec la permission du sultan al- 
Malik-al-'Azîz. Ce prince envoya à Manbadj, au sultan 
d'Egypte, une grande quantité de vivres, des parcs et son 
armée sous le commandement de son oncle, al-Malik-al- 
Mo'aththam; ces troupes se mirent en marche du côté de 
Tell-Bâshir. Al-Malik-az-Zâhir-Dâoûd, fils d'al-Malik-an-Nâsir, 
se rendit également auprès d'al-Malik-al-Kâmil. Le prince de 
Soumaîsàt, al-Malik-al-Mofaddal-Moûsa, le prince d"Aîn-Tâb, 
al-Malik-as-Sâlih, fils d' al-Malik-ath-Thâhir; al-Malik-al-Mo- 
thaflfar-Shihàb-ad-Dîn, flls d'al-Malik-al-'Adil, al-Malik-al- 251 v. 
Hâflth son frère, et d'autres princes, vinrent aussi se joindre à 
lui, de telle sorte que seize tentes royales {dahlîz) se trou- 
vèrent réunies dans le camp de l'armée. 

Le sultan du pays de Roûm envoya un ambassadeur à al- 

1. Suivant Yâkoût {Mo'djam, t. IV, p. 217), TeU-kîkân est une localité en 
dehors d'Alep. D'après cet auteur, les habitants de la Syrie appeUent un cor- 
beau kâk et en font le pluriel kikân que Ton trouve ici ; ce mot signifie donc 
la « colline des corbeaux » ; il y a aussi une localité de ce nom dans le Tabaris- 
tàn (voir Barbier de Meynard, Dictionnaire géographique de la Perse, p. 468) 
et une citadelle de Kikân dans l'Yémen proche de San*â,. 
, 2. Litt. : « il l'avait consacré en vakf comme collège... » 

3. C'était au cours de cette cérémonie, que la famille du défunt recevait les 
compliments de condoléances. Quatrèmère, Histoire des sultans Mamlouks, 
1. 1, partie 2, p. 164. 

13 • 



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186 KAMAL-AD-DÎN 

Malik^al-'Azî? Qt lijji fit dire : « J'apprauve qpae tu, Taîcles de 
tes tçpuçes Qt de. teç richesses à la condition que t^ ne viennes 
pas continjiellement l>ssîéger (?) ». Al-Malik-al-Kâmil lui par- 
donija de juêpip et \^^ deux princes furent satisfaits de la façon 
dont il ayait agi. 

Al-Malik-al-Kâmil partit avec ses troupes au com^nenceraent 
de Vannée 632 * et arriva sur les bords du Nahr-al-Azrak 
(le fleuve bl^u), sur la route du pays de Roûra. Les troupes de 
Rpûm vinrent camper au sud de Zallî, entre cette ville et le 
Derbeçd, prés de Npârkaghâl. Elles y construisirent un mur 
et combattirent du haut de ce mur, empêctiant ainsi qu'on ne 
montât jusqu'à elles. L'armée syrienne étant venue à manquer 
de vivres, al-M^lik-al-Kâmil se mit en marche vers la ville de 
Bahsfsnâ et yint camper auprès du lac d'Anzanîb. Le prince de 
Khartabift * se ^:'endit auprès dp lui, se déclara prêt à lui obéir, 
et lui conseilla de se diriger du côté de ses état§. Al-Màlik- 
al-Kâmil marcha vers Khartabirt, mais un détachement de 
Tarmée du sultan du pays de Roûm tomba sur une partie 
de son armée, dans laquelle se trouvait al-Malik-al-Mothaflfar, 
prince de IJamâh, et Shams-ad-Dîn-Savâb, et la mit en 
déroute; les soldats qui réussirent à se sauver se réfugièrent 
dans Khartabirt, où le sultan du pays de Roûm, Kai-Kobâd, les 
vint assiéger jusqu'au moment où ils demandèrent à capituler 
et sortirent de la ville. Il les remit en liberté et prit possession 
de la ville de Khartabirt ; il accorda son pardon au prince de 
cette ville et lui donna en échange quelques fl.efs dans son 
royaume. 

Al-Malik-az-2âhir tomba malade à l'armée et on le trans- 
porta à Bîrah, où sa maladie s'aggrstva. Un de seç fils désirant 

■1. Cette année, dit Aboû-1-Maljâsin {Histoire cCÉgypte, ms. ar. 1779, f . 78 r«), 
la dix-septième du règne d'al-Malik-al-Kâmil, en Egypte, rarmée du sultan 
du pays de Roûm se mit en campagne et vint assiéger la ville d'Amid ; elles 
y demeurèrent pendant quelques jours. Elles s'en allèrent ensuite camper 
devant Soûvaida et s'en emparèrent. Il y eut une épidémie considérable en 
Egypte, dans un mois il mourut plus de trente mille hommes. 

2. C'est, dit Yâkoùt [Mo'djam, tome II, p. 417), un nom arménien porté par 
une ville que l'on appelle Hisn Zyâd. Elle se trouve à l'extrémité du Diar- 
Bekr,du côté du pays de Roûm. Elle est séparée de Malatiyya par deux jours 
de chemin et par l'Euphrate. Le géographe arabe nous apprend que le t médial 
de Khartabirt pouvait tomber et qu'on avait alors pour nom de cette ville 
Kharbirt. Il cite à l'appui de ce fait un fragment d'une kasîda d.e l'émir 
Ousama-ibn-Mounkidh. ! 



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HISTOIRE D*ALEP 187 

s'emparer de cette ville, s'empressa de la fortifier; mais al- 
Malik-az-Zâhir l'ayant appris, envoya un de ses officiers 
auprès du sultan al-Malik-al-'Azîz et le pria de venir le 
trouver. Il le fit monter à la citadelle où il se trouvait, et lui fit 252 r, 
don des forteresses qui étaient en sa possession, ainsi que de 
ses trésors, tout en réservant une partie de ses richesses pour 
ses enfants. 

Az-Zâhir mourut à Bîrah *, le sultan d'Alep se trouvant 
auprès de lui, dans les premiers jours du mois de Safar de 
Tannée 632. Le sultan y demeura un certain temps pour 
mettre de Tordre dans les affaires et y plaça un gouverneur 
pour le représenter. 

Le kâdî Bahâ-ad-Dtn-ibn-Shaddâd mourut à Alep le mer- 
credi quatorzième jour du mois de Safar de Tannée 632. 
Kamâl-ad-Dîn-ibn-al-'Adjâmi postula pour obtenir la place de 
kâdî d'Alep et il écrivit dans ce but au sultan qui ne voulut 
pas la lui accorder. Al-Malik-al-'Azîz étant revenu de Bîrah 
à Hârim, Ibn-al-'Adjamî vint le trouver; mais il refusa de lui 
accorder une audience. Il offrit au sultan, pour obtenir la 
charge de kâdî d'Alep, une somme de soixante mille dinars 
et promit de lui donner chaque année, sur les plus-values des 
fondations pieuses consacrées aux aumônes * et sur les 
recettes provenant de la rédaction des contrats, une somme 
de cinquante mille dirhems; mais le sultan repoussa toutes 
ces propositions et écrivit au kâdî Zaîn-ad-Dîn une lettre dans 

1. Al-Malik-az-Zâhir était l'un des fils du sultan Saladin. Makrizi {Soloûh^ 
ms. 1726, f. 81 recto) donne le septième jour du mois de Safar. Il se nommait 
Aboû-Solaïman-Daoûd et était le vingt-deuxième fils de Saladin. Il était né 
en Tan 573 de l'hégire ; c'était un prince instruit, qui aimait les savants et les 
gens de talent (Al-Yaf'î, ms. ar. 1590 f. 170 v»). Cette même année, suivant 
le même auteur, l'émir Shams-ad-Dîn-al-Savâd, le tavâshi Kâmilî mourut 
dans la ville de Harrân dans les dix derniers jours du mois de Ramadhân. 

2. Litt. : « Sur les excédents de recettes des vakfs des aumônes et l'écriture 
des contrats. » Il y avait, et il y a encore aujourd'hui en Orient, des vakfs de 
tout genre; il y en a qui consistent à donner une bibliothèque à titre inalié- 
nable à un collège pour que les étudiants puissent s'en servir. Dans d'autres on 
donne un certain nombre de propriétés immobilières, maisons ou domaines, 
dont le revenu est destiné à tel ou tel emploi. Ces revenus peuvent recevoir 
l'attribution spéciale d'être distribués en aumônes, c'est ce qu'on appelle « le 
vakf des aumônes »; or le revenu des biens immobiliers est sujet à toutes 
sortes de variations; il peut arriver, dans certaines années, que le revenu soit 
supérieur à la somme que le donateur comptait garantir par un capital immo- 
bilier, et c'est justement une partie de ces sommes qu'Ibn-al-*Adjamî offrait 
à al-'Azîz, se réservant sans doute de faire main basse aur le reste. 



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188 KAMAL-AD-DÎN 

laquelle il lui ordonnait de rendre la justice au peuple, comme 
il avait l'habitude de le faire, jusqu'au moment où il revien- 
drait à Alep. Quand le sultan fut de retour, Ibn-al-'A4jamî 
renouvela ses offres avec insistance, dans Tespérance de les 
faire agréer, et il fit en outre de très grands cadeaux aux 
familiers du sultan. Ceux-ci l'engagèrent à accepter les offres 
d'Ibn-al-'A4Jamî et à lui donner la charge qu'il sollicitait. 
Mais le sultan, s'inspirant de l'exemple de son père et s'appli- 
quant à faire le bien, ne voulut pas vendre à prix d'argent 
les charges de la religion, il s'attacha à la prospérité de ses 
sujets et satisfit ainsi Allah et le Prophète. Le vendredi 
quatorzième jour du mois de Rabf premier de l'année 632, ce 
prince investit de la charge de kâdî d'Alep et de ses dépen- 
252v. dances, le kâdî Zaîn-ad-Dîn-Aboû-Mohammad-ibn-'Abd-ar- 
Rahman-ibn-'Olvan, connu sous le nom d'Ibn-al-Ustâd, qui 
avait été le substitut du kâdî Bahâ-ad-Dîn. 

Al-Malik-al-Kâmil revint à la tête de la grande armée qu'il 
avait emmenée avec lui, sans avoir atteint le but qu'il se propo- 
sait. L'hiver survint et sépara les belligérants, qui s'en retour- 
nèrent chacun dans son royaume. Quand l'hiver fut passé, le 
sultan du pays de Roûm, 'Alâ-ad-Dîn-Kaî-Kobâd, alla faire 
une expédition dans le Djazîra et s'empara de Harrân, d'ar- 
Rohâ et de Rakka; ses troupes réduisirent les habitants de 
ces villes en esclavage comme s'ils eussent été des infidèles; 
cette expédition eut lieu au mois de Dhoû-'l-tidjdja de l'an- 
née 632. Al-Malik-al-Kâmil s'étant mis en marche du côté du 
Djazîra, le sultan du pays de Roûm recula et il reconquit cette 
province ; il fit raser la citadelle et la ville de Rohâ. Le sultan 
d'Alep lui envoya son armée dans les provinces de l'Orient 
ainsi que des parcs de munitions *. Ces événements se pas- 
sèrent durant les deux mois de Djoumâda de l'année 633 *. 



1. Zardkhânâh, voir plus haut rexplicatipn de ce terme. 

2. Cette année, dit Aboû-'l-Mabâsin {Histoire d'Egypte, ms. ar. 1T79, f. 79v<>), 
le sultan al-Malik-al-Kàmil reconquit sur le sultan du pays de Roûm, Hârran, 
ar-Rohâ et encore d'autres villes. Il ruina la forteresse de Rohâ et vint 
camper devant Donaisir qu'il détruisit aussi ; il était accompagné de son frère 
al-Malik-al-Ashraf. Ils reçurent une lettre de Badr-ad-Dîn-Louloû, adressée à 
al-Malik-al-Ashraf qui disait : « les Tâtars ont traversé l'Euphrate, au nombre 
de cent escadrons {tolb), chacun de ces escadrons comprenant cinq cents cava- 
liers et ils sont arrivés jusqu'à Sindjâr. Mo'in-ad-Din-ibn-Kàmâl-ad-Dîn est 
sorti avec ses troupes, mais il a trouvé la mort dans le combat qui s'est 



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i 



HISTOIRE d'ALEP 189 

Pendant ce temps, al-Malik-al-'Azîz resta dans son royaume 
mettant tous ses soins à bien gouverner ses états et à rendre 
ses sujets heureux en les comblant de ses bienfaits. 

Année 634 *. Cette année, le sultan s'irrita contre Son vizir 
Zaîn-ad-Dîn-ibn-Harb et le consigna dans son hôtel, qui se 
trouvait dans la citadelle d'Alep. Il mit à sa place, à la tête 
du divan, le vizir Djamâl-ad-Dîn-al-Akram-Aboû'l-Hasan-'All- 
ibn-Yoûsouf-al-Kaftî-al-Shaîbânî. A la fin du mois de Safar, 
le sultan se rendit d'Alep à an-Nakîra, puis à Hârim; il alla 
à une lieue de là pour tirer de l'arbalète; après s'être livré 
à cet exercice, il ne put résister au plaisir de se baigner dans 
l'eau froide * et fut saisi d'un accès de fièvre. Il rentra aus- 
sitôt à Alep déjjà très malade, et flit reçu par toute la popu- 



livré à la porte de Sindjâr. Les Tatars se sont ensuite retirés, puis ils sont 
revenus » ; cela détermina al-Malik-al-Ashraf à partir pour les provinces de 
rOrient. — Cette môme année, les Khvarizmiens attaquèrent le prince de 
Mârdin; ce prince marcha contre eux et leui: livra bataille. Ils s'emparèrent 
de la ville de Nisibin, et l'incendièrent. Ils traitèrent cette ville encore plus 
durement qu'al-Malik-al-Kâmil n'avait traité Donaîsir. 

Il y eut cette année, en Egypte, une violente épidémie qui dura pendant 
trois mois, il mourut au Caire et à Misr plus de onze mille personnes sans 
compter celles qui périrent dans le Rif. Cette môme année, les Francs s'em- 
parèrent de la ville de Cordoue (Kartaba) en Espagne. Makrizi, Solouky 1726, 
f. 81 ro. 

1. Cette année, suivant Aboû-l-Mahâsin (Histoire cCÉgypte, ms. ar. 1T79, 
fol. 80 V»), les Tatars vinrent camper devant Irbil; ils l'assiégèrent durant un 
certain temps et s'en emparèrent. Ils massacrèrent les habitants et s'empa- 
rèrent des filles qu'ils emmenèrent en captivité et qu'ils violèrent ; les puits 
et les maisons servirent de totnbeau à la population de cette ville. Aitikin (le 
prince lune), mamlouk du khalife qui se trouvait dans la citadelle, résista 
courageusement aux Tatars. Mais ceux-ci minèrent les murs de la citadelle 
et ils pratiquèrent des galeries forées dans l'épaisseur de ses murailles (ou 
peut-être des tranchées couvertes pour s'approcher des murs). La garnison 
manqua d'eau et beaucoup de soldats périrent de soif. Les Tatars allaient 
s'emparer de cette ville, quand ils levèrent le siège au mois de Dhoû-'l- 
hidjdja; il leur fut impossible d'emporter toutes les sommes d'argent et le 
butin dont ils s'étaient emparés. — Al-Malik-as-Sàlih-Nadjm-ad-Dîn-Ayyoûb, 
fils d'al-Malik-al-Kâmil, prit à sa solde les Khvarizmiens de Djalâl-ad-Dîn. 
Ces troupes vinrent le trouver et quittèrent alors le pays de Roûm. — Cette 
année mourut al-Malik-al-*Azîz-Mohammad, fils du sultan al-Malik-ath-Thâhir- 
Ghâzî, fils du sultan Salâh-ad-Dîn et souverain d'Alep. Il était né au mois 
de Dhoû-'l-hidjdja de l'an 629. — C'est également cette année que mourut au 
mois de Moharram, al-Malik-al-Mohsin-Ahmad, fils du sultan Salàh-ad-Din. 
Il était âgé de cinquante-sept ans. 

Pour contrebalancer l'alliance des princes de Syrie contre lui, al-Malik-al- 
Kâmil envoya le kàdî al-Ashraf, fils du kâdî al-Fâdil, à an-Nàsir-Davoùd, 
prince de Karak, pour l'inviter à venir le trouver en Egypte et à faire alliance 
avec lui. Le prince de Karak étant venu au Caire, y fut reçu avec des hon- 
neurs royaux (Makrizi, Kitâb-as-Soloûk, ms. ar. 1726, f. 82 v^). 

2. Ou de se laver avec de'Teau froide. 



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190 KAMAL-AD-DÎN 

lation qui s'était portée au-devant de lui. La fièvre persista si 
longtemps que sa maladie prit un caractère très grave, et que 
Ton désespéra de le sauver. 11 fit alors prêter serment à son 
253 r. fils al-Malik-an-Nâ§ir-Salâh-ad-Dîn-Yoûsouf-ibn-al-Malik-al- 
'Azîz, et m'envoya à 'Aîn-Tâb, auprès de son frère al-Malik-a§- 
Sàlih> pour lui faire jurer de le reconnaître comme souverain 
d'Alep. Je revins après sa mort, qui eut lieu au mois de Rabî' 
premier de Tannée 634. 

Les deux émirs Shams-ad-Dîn Loûloû'-al-Amînî et 'Izz-ad- 
Dîn-'Omar-ibn-Mahalla, prirent les rênes du gouvernement ; 
le vizir, le kâ4î DJamâl-ad-Dîn-al-Akram et Djamâl-ad-Daou- 
laiirlkbâl-al-Khâtoûnî prenaient part aux délibérations. Quand 
ils étaient tombés d'accord sur quelque point, Djamâl-ad- 
Dîn-lkbâl-al-Khâtoûnî se rendait chez la grand'mère du 
sultan al-Malik-an-Nâsir, mère du sultan al-Malik-aT-Azlz, et 
il lui faisait savoir qu'ils avaient pris tel parti à l'unanimité. 
La princesse lui permettait alors de faire exécuter leur déci- 
sion, et c'était elle qui écrivait les apostilles sur les diplômes 
et sur les lettres. 

Ces quatre personnages furent d'avis d'envoyer en ambas- 
sade le kâdî Zaîn-ad-Dîn, kâdî d'Alep, et l'émir Badr-ad-Dîn- 
Badr-ibn-Aboû-'l-Hidjâ, en Egypte, auprès d'al-Malik-al- 
Kâmil, pour lui demander de reconnaître par serment al- 
Malik-an-Nâsir, et pour s'assurer de son amitié. Les deux 
ambassadeurs emportèrent avec eux la cuirasse d'al-Malik- 
al-'Azîz, ainsi que sa cotte de mailles, son casque et emme- 
nèrent son cheval de guerre. Al-Malik-al-Kâmil montra 
beaucoup de douleur et d'affliction de la mort du sultan 
d'Alep, mais il ne témoigna pas beaucoup d'attention aux 
ambassadeurs et ne leur fit que peu de présents. Il jura de 
reconnaître al-Malik-an-Nâsir comme sultan, mais il demanda 
aux deux ambassadeurs s'ils n'étaient point d'avis de donner 
le commandement de Tarmée à al-Malik-as-Sâlih, fils d'al- 
Malik-ath-Thâhir, et de lui confier aussi l'éducation d'al- 
Malik-an-Nâsir. Ils ne trouvèrent pas bon de suivre ce 
conseil. 

Quelque temps après ces événements, al-Malik-al-Kâmil 

253 V. envoya un vêtement d'honneur à al-Malik-an-Nâçir, mais sans 

cheval ; il envoya aussi plusieurs robes d'honneur aux émirs 



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HISTOIRE D'aLEP 191 

du royaume. Il fit porter, par un ambassadeur particulier, uh 
vêtement d'honneur pour le remettre à al-Malik-a§-Sâlîh, quand 
il serait arrivé auprès de ce prince à 'Aîn-tâb. Les émirs qui 
gouvernaient Alep éprouvèrent de la crainte de la conduite du 
sultan d'Egypte, et la grand'mère du sultan en conçut un vif 
dépit. Les régents furent d'avis qu'al-Malik-an-Nâsir se revê- 
tit des vêtements d'honneur que lui avait envoyés al-Malik-al- 
Kâmil, mais ils décidèrent qu'aucun des émirs ne se pare- 
rait de ceux qu'il leur avait fait porter. Ils ne voulurent 
point recevoir l'ambassadeur qui était chargé d'aller trouver 
âl-Malik-as-Sâlih avec le vêtement d'honneur d'al-Kâmil et ils 
ne le laissèrent pas aller à 'Aîn-tâb. Cette conduite du sultan 
d'Egypte leur inspira de la défiance à son égard. 

Quant à al-Malik-al-Ashraf, son frère al-Maïik-al-Kâmil 
lui avait joué une série de tours qu'il avait sur lé cœur et qui 
lui étaient fort pénibles. L'un des griefs d'al-Ashraf contre al- 
Kâmil, était que ce dernier lui avait enlevé les provinces 
d'Orient, qui formaient son domaine, à Tépôque où il lui avait 
donné la ville de Damas *, et qu'ensuite il lui avait retiré plu- 
sieurs des localités qui dépendaient de cette ville ^ 

Sur ces entrefaites, il arriva que le sultan du pays de Roûm, 
Kaî-Kobâd, s'empara de Khilât * et cette conquête rétrécit 



1. C'était un arrangement courant chez les Ayyoubites, et ce n'était pas de 
cela que se plaignait al-Ashraf, mais bien de ce que des places qui lui avaient 
été données, lui avaient été retirées postérieuremeut, sans qu'où lui fournit 
une compensation suffisante. 

2. Et qui, par conséquent, lui appartenaient. 

3. Khilât. Suivant Yâkoût (Mo'^am, t. II, p. 45lf), la ville de Khilât, dont il 
a été souvent question dans cette histoire, était la capitale de l'Arménie 
moyenne. C'est une ville très riche, située dans le cinquième climat et dont 
les coordonnées sont : long. 64» 50' et lat. 39® 4(y. Il y a, près de cette ville, un 
lac qui n'a pas son pareil dans le monde ; on y pèche un poisson qu'on appelle 
tarrykh etque l'on exporte dans tous les autres pays. « J'en ai vu de ces pois- 
Sons, dit Yâkbùt (ibîd., p. 458), à Balkh et je me suis laissé dire qu'on en 
trouvait même à Ghazna, qui est distante de Khilât dé quatre mois de che- 
min. C'est là une dés choses les plus étranges du monde. » Suivant Ibn-al- 
Kalbi, le lac de Khilât est une des choses les plus extraordinaires que l'on 
puisse voir, car pendant dix mois il n'y a dedans ni grenouilles, ni écrevisses> 
ni un seul poisson. Mais chaque année, pendant deux mois, le poisson y appa- 
raît. Cet auteur affirme que ce fait étrange est le résultat d'une incantation du 
grand magicien Blinâs qui l'aurait exécutée à la demande du grand Kobâd. 
Suivant Edrisi, traduction de Jaubert, II, p. 327-328, ce lac, qui n'est autre 
que le lac de Van, avait 55 milles sur 27 milles. On ne comprend pas très bien 
Fétonnement de Yâkoût quand Edrisi nous apprend que le tarrykh était salé 
avant d'être expédié. Il n'y a là rien de si extraordinaire. Le p'olssoii li'étàit pas 



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192 KAMAL-AD-DÎN 

encore les possessions d'al-Malik-al-Ashraf. Chaque année, 
al-Malik-al-Kâmil s'arrêtait à Damas, quand il se rendait 
dans les provinces de TOrient, il y demeurait durant un cer- 
tain temps, et al-Ashraf était obligé de lui offrir une hospita- 
lité complète. De plus, le sultan d'Egypte mit la main sur les 
domaines qu'il * possédait à Harrân, à Rakka, à Saroùdj, à 
Rohâ et à Ra'as-'Aîn ^ ainsi que sur toutes les propriétés 
dans ces contrées. Il avait conquis Amid, avec l'aide d'al- 
Ashraf, et il ne lui avait pas donné la moindre parcelle de 
terrain de ce pays. Al-Ashraf espérait au moins qu'al-Kâmil 
prendrait Khilât au souverain du pays de Roûm, pour la lui 
donner, mais là encore ses espérances furent déçues. 

Al-Malik-al-Ashraf conclut alors une alliance avec le prince 
de Hom§, al-Malik-al-Modjâhid, et avec al-Malik-al-Mothaffar, 
prince de Hamâh. Les trois princes se décidèrent à déclarer 
la guerre à al-Malik-al-Kâmil et se répartirent entre eux les 
différentes provinces qui composaient son royaume ^ Ils 
envoyèrent un ambassadeur à la Régente ainsi qu'aux émirs 
d'Alep, et leur demandèrent de faire alliance avec eux contre 
al-Kâmil, en leur montrant tout ce qu'ils avaient à craindre de 
ce prince et des projets que son ambition lui faisait concevoir 
contre Alep. Cela détermina les Halebins à entrer dans cette 
coalition et ils s'engagèrent à faire cause commune avec eux ; 
ils envoyèrent eux-mêmes des ambassadeurs au sultan du pays 
254 p. de Roûm, Kaî-Kobâd, pour lui demander d'imiter leur con- 
duite. Les ambassadeurs arrivèrent, mais Kai-Kobâd mourut 
avant de pouvoir leur donner audience; ils apprirent à son 
fils Kaî-Khosrav, le but de leur mission et ce prince s'engagea 
par serment envers eux. 

Les confédérés décidèrent d'envoyer une ambassade en 

le seul article d'exportation de cette contrée ; les roseaux que Ton trouve en 
abondance autour du lac de Van étaient envoyés jusque dans Tlràk, où ils 
servaient à chauffer les fours des boulangers. On y trouvait également de 
l'orpiment et une excellente argile qui servait à faire des cruches en terre 
poreuse pour rafraichir l'eau et qui se vendaient jusqu'au Caire. 

1. Al-Malik-al-Ashraf. 

2. Yâkoût (Mo^djam, t. II, p. 731) dit que c'est une des grandes villes du 
Djazira entre Harrân, Nisîbîn et Donaîsir. Elle est distante de quinze farsakhs 
de Nisibîn. Cette localité tire son nom du grand nombre de sources qui y jail- 
lissent ; toutes ces sources se réunissent en un seul cours d'eau qui est le 
fleuve Khâboùr. 

. 3. En cas de victoire. 



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HISTOIRE D'aLEP 193 

Egypte à al-Malik-al-Kâmil, avec un ambassadeur d'Alep. Ils 
lui tinrent le discours suivant : « Nous avons tous fait alliance 
et nous te demandons de ne pas recommencer à sortir d'Egypte 
et à venir porter la guerre en Syrie. » Il leur répondit : « Je 
suis très aise que vous soyez tous d'accord sur ce point. 
Mais, à votre tour, faites-moi également la promesse solen- 
nelle que vous ne viendrez pas attaquer * mes états et que 
vous ne toucherez à rien de ce qui m'appartient. Dans ce cas 
je serai tout prêt à vous accorder ce que vous réclamez de 
moi. » Son ambassadeur arriva, mais al-Malik-al-Ashraf tomba 
malade et ne s'occupa plus que de lui-même. Cette affaire 
traîna ainsi en longueur jusqu'à sa mort, comme nous le 
raconterons plus loin. 

En Tan 634, Shihâb-ad-Dîn, prince de Shaîzar, et Kamâl- 
ad-Dîn-ibn-'Omar-ibn-al-'Adjamî s'entendirent pour envoyer 
à Damas un homme nommé 'Izz-ad-Dîn-ibn-al-Atâni, auprès 
d' al-Malik-al-Ashraf, et pour lui faire proposer d'entreprendre 
une expédition contre Alep. Ils lui promettaient de lui fournir 
de l'argent, et le prince de Shaîzar lui assurait que la plupart 
des émirs d'Alep étaient dans les mêmes opinions que lui; Ibn- 
al-'Adjamî, de son côté, lui aflSrmait que ses parents et un 
grand nombre d'Halébins étaient de son parti et tout prêts à 
le soutenir ; il posait comme conditions à al-Malik-al-Ashraf, 
qu'il lui donnerait la charge de kàdî d'Alep ^ L'envoyé de 
Shihâb-ad-Dîn et d'Ibn-al-'Adjamî se rendit auprès d'al-Malik- 
al-Ashraf ; il eut des entrevues av^c un des familiers de ce 
prince et lui raconta dans quel but il était venu à Damas. Al- 
Malik-al-Ashraf ne voulut pas recevoir ce personnage, et il 
fit répondre à ceux qui l'avaient envoyés, qu'il ne se rendrait 
jamais coupable d'une telle trahison, et qu'il ne commettrait 
pas une action aussi malhonnête contre les descendants d'al- 
Malik-ath-Thâhir. Falak-ad-Dîn-ibn-al-Naçîrî m'a raconté que 
c'était lui qui avait servi d'intermédiaire entre le sultan al- 254 v. 
Malik-al-Ashraf et 'Izz-ad-Dîn, l'envoyé du prince de Shaîzar 



1. Litt. « qu'ils (les confédérés) ne viendront pas attaquer mes états et qu'ils 
ne toucheront à rien... » 

2. C'était ce personnage fort peu rccommandable qui, deux ans auparavant, 
en l'année 632, avait offert de l'argent à al-Malik-al-*Azîz pour obtenir la place 
de kkdi d'Alep. 



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194 KAMAL-AD-DÎN 

et dlbn-al-'Adjamî. La nouvelle de ce fait étant parvenue aux 
oreilles de la Régente et des émirs d'Alep, ils envoyèrent des 
gens pour se saisir d''Izz-ad-Dîn. Quand cet individu arriva 
à Alep, il fut arrêté à la porte de T'Irâk et conduit à la cita- 
delle ; on lui fit subir un interrogatoire sur ce qui s'était passé 
et il raconta toute Tafifaire. On le mit dans un cachot, on lui 
rasa la barbe, puis il fut envoyé à Darbsâk où il fut mis en 
prison. Quant à Ibn-al-'Adjamî et au prince de Shaîzar, on les 
fit monter à la citadelle où on les chargea de fers. Toutes les 
richesses du prince de Shaîzar furent confisquées, mais les 
régents n'osèrent point toucher à celles d' Ibn-al-'Adjamî dans 
la crainte de s'aliéner sa famille. Ces deux hommes restèrent 
en prison depuis le mois de Djoumâda de Tannée 634, jusqu'à 
l'époque de la lûort d'al-Malik-al-Kâmil en Tan 635, où on les 
remit en liberté. 

Cette même année 634, après la mort d'al-Malik-al-'Azîz, il 
arriva qu'un émir des Turkomans nommé Kanghar rassembla 
autour de lui une troupe de Turkomans. Il vint commettre 
des dévastations sur les frontières du pays d'Alep, du côté de 
Koûris et d'autres villes, et saccagea de nombreux villages. 
Ses troupes se livraient à leurs dévastations, puis elles entraient 
dans l'empire du sultan de Roûm. L'armée d'Alep sortit, 
marcha contre eux et les mit en fuite ; les émirs d'Alep avaient 
peur que ces expéditions des Turkomans ne fassent faites 
d'après l'ordre du sultan de Roûm; aussi envoyèrent-ils un 
ambassadeur à ce souverain pour savoir à quoi s'en tenir. Il 
désavoua l'action de l'émir des Turkomans et lui ordonna 
de restituer tout ce qu'il avait pris dans le pays d'Alep; 
l'émir en rendit une partie et cessa ses déprédations et ses 
pillages. 

Le souverain du pays de Roûm offrit lui-même de conclure 
une alliance défensive et offensive avec le sultan al-Malik- 
an-Nâsir et de repousser tous ceux qui viendraient attaquer 
son empire. Al-Malik-an-Nâçir lui envoya alors de beaux 
présents qu'il lui fit porter par Sharaf-ad-Dîn, fils de l'émir 
255 r. djandâr; le souverain du pays de Roûm reçut l'ambassadeur 
d'Alep avec les plus grands honneurs. Le sultan d'Alep lui 
envoya en secret un ambassadeur nommé Avhad-ad-Dîn, qui 
exerçait la charge de kâdî à Manba^j. Le souverain diî Roûm 



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HISTOIRE d'ALEP 1Ô5 

jura une amitié inaltérable à al-Malik-an-Nâsir et s'engagea à 
repousser ceux qui viendraient attaquer ses états. 

Cette même année, les chevaliers du Temple partirent de 
Bâghrâs et vinrent faire des incursions sur le territoire de 
'Amk; ils emmenèrent les troupeaux de moutons des Turko- 
mans et beaucoup de bétail appartenant à d'autres gens. Al- 
Malik-al-Mo'aththam, fils d'al-Malik-an-Nâsir, se mit en cam- 
pagne avec Tarmée d'Alep; les Halébins vinrent camper 
devant Baghrâs et l'assiégèrent durant quelque temps, jusqu'à 
ce qu'ils eussent pratiqué des brèches sur plusieurs points du 
mur d'enceinte. Les troupes qui défendaient la place avaient 
épuisé leurs approvisionnements et les Musulmans étaient 
sur le point de s'en emparer, quand le prince, seigneur des 
Francs à Antioche, envoya intercéder en leur faveur après 
s'être vivement emporté contre eux. Les Musulmans furent 
d'avis de lui accorder ce qu'il demandait ; ils conclurent une 
trêve avec les Templiers et s'en retournèrent à Alep après 
avoir levé le siège. S'ils étaient restés deux jours de plus 
devant Baghrâs, les assiégés n'auraient pas pu continuer la 
résistance. L'armée d'Alep s'éloigna après avoir livré à la 
plus affreuse dévastation la ville et ses environs, puis elle vint 
camper à Darbsâk. 

Les Templiers rassemblèrent leurs troupes et envoyèrent 
demander du secours au prince de Djobaîl ainsi qu'à d'autres 
seigneurs francs; ils réunirent ainsi une armée considérable 
et marchèrent du côté de Hadjar Shoglân * vers Darbsâk. 
Ils pensaient qu'ils pourraient surprendre le faubourg par la 
négligence des habitants et qu'ils atteindraient facilement leur 
but. Mais les soldats qui se trouvaient dans le faubourg étaient 
prêts à repousser les Francs, et une partie des troupes qui se 
trouvaient dans la citadelle descendirent pour les renforcer. 
Ils combattirent les Francs dans le faubourg avec la plus 

1. Suivant Yâkoût (Mo'djam-al-Bouldân, tome II, p. 214), Hadjar-Shoglàn 
est une forteresse dans la montagne de Loukkâm, près d' Antioche, et elle 
domine le lac de Yaghrà. Elle appartenait, du temps de l'auteur, aux Tem- 
pliers, qui, suivant son expression, étaient des gens qui avaient voué leur vie 
à la lutte contre les Musulmans, ne se mariaient pas et se divisaient en 
moines et en chevaliers. Le lac de Yaghra {ibid.^ tome I, p. 516) recevait les 
eaux de l'Oronte, de 1' 'Afrin et du « fleuve noir » qui viennent tous les deux 
des environs de Mar'ash. Ce lac est aussi connu sous le nom de Sâloûr, du 
ûa|û d'uh poUso^n qu'on y trouve en nombre considérable. 



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196 KAMAL-AD-DÎN 

grande vigueur et les repoussèrent. Ils luttèrent contre eux 
jusqu'à ce que la nouvelle de cette attaque fût parvenue à 
Tarmée d'Alep. Ces troupes montèrent immédiatement à cheval 
et arrivèrent sur les Francs qui étaient fatigués et dont les 
chevaux étaient fourbus; les Halébins tombèrent sur eux et 
ils s'enfuirent dans une confusion inexprimable. Un grand 
V. nombre d'entre eux périt dans ce combat, les Musulmans 
s'emparèrent de leurs chevaliers, et firent prisonniers leurs 
gens d'armes. Plusieurs de leurs chefs se trouvèrent parmi 
les captifs; quelques-uns de leurs chevaliers et des soldats se 
réfugièrent derrière des arbres dans la montagne, mais ils 
furent aussi faits prisonniers; il n'y eut que très peu de Francs 
qui parvinrent à s'échapper. Les Musulmans rentrèrent à Alep 
avec les têtes des morts et les prisonniers ; ce fut un jour 
mémorable. On enferma les prisonniers dans la citadelle et 
on les fit ensuite descendre dans le fossé. Cette bataille décou- 
ragea les Templiers dans le Sâhel et ils ne s'en relevèrent 
jamais. Ces gens-là aspiraient à dominer à la fois les Musul- 
mans et les Francs. 

Cette même année 634, 'Alâ-ad-Dîn-Kaî-Kobâd, souverain 
du pays de Roûm, mourut à Kaîçariyya, dans les premiers 
jours du mois de Shavvâl. Je fus envoyé, en qualité d'ambas- 
sadeur, auprès de son fils, Ghyâth-ad-Dîn-Kaî-Khosrav, qui 
lui avait succédé, pour lui présenter les compliments de condo- 
, léance de mon souverain, et pour renouveler avec lui l'alliance 
l aux mêmes conditions que celles qui avaient été fixées avec 
son père. Je reçus son serment au mois de Dhoû-'l-Ka'da; il 
avait fait prisonnier Kîrkhân, chef des Khvârizmiens, et le 
reste de ses troupes s'enfuit du pays de Roûm. Les Khvâriz- 
miens saccagèrent sur leur route tout ce qui leur tomba sous 
la main et traversèrent l'Euphrate. Al-Malik-as-Sâlih, fils 
d'al-Malik-al-Kâmil, les attira auprès de lui et leur donna des 
fiefs dans le Djazîra. 

, Al-Malik-al-Ashraf mourut à Damas le cinquième jour du 
mois de Moharram de l'an 635 *. Il donna cette ville à son 
frère al-Malik-a§-Sâlih-lsmâ'îl, qui renouvela les traités d'al- 
liance avec tous les alliés d'al-Malik-al-Ashraf. Al-Malik- 

1. Cette année (Aboû-'l-Mahâsin, Histoire d'Egypte, ms. ar. 1779, f. 81 v«), 



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HISTOIRE d'al:êp 197 

al-Kâmil piartit alors du Caire et marcha sur Damas; on 
envoya des secours d'Alep à Damas, et al-Malik-al-Modjâhid 
envoya son fils al-Malik-al-Mançoûr, pour défendre le prince 
de cette ville. Al-Malik-al-Kâmil vint camper devant Damas et 201 v. 
Tassiégea durant quelque temps ; al-Malik-al-Mo.thaffar, prince 
de Hàmâh, se retira du parti de ceux qui soutenaient, al- 
Malik-as-Sâlih et alla trouver al-Kâmil à qui il apprit tous les 
événements qui s'étaient passés. Il s'était brouillé avec le 
prince de Hom§, à qui il avait demandé de lui donner la ville 
de Salamia, pour que leur alliance ait lieu aux conditions 
fixées. 

Je partis d'Alep, accompagné de Témir 'Alâ-ad-Dîn-Tàîbo- 
ghâ le Thâhirî, pour rétablir Tentente entre le prince de Homs 
et le prince de Hamâh ; mais chacun d'eux refusa à l'autre ce 
qu'il désirait. Le prince de Hamâh voulait que le prince de 
Homs lui donnât la ville de Salamia, amsi que la citadelle 
qu'al-Malik-al-Moudjâhid avait rebâtie et qui est connue sous 



les Khvârizmiens se révoltèrent contre al-Malik-as-Sàlih-Ayyoûb, flls d*al- 
Malik-al-Kàmil, et ils voulurent se saisir de lui. Il s'enfuit à Sindjâr, aban- 
donnant son trésor et ses bagages, que les Khvârizmiens pillèrent entière- 
ment. Quand al-Malik-as-Sàlih fut arrivé à Sindjàr, Badr-ad-Dîn-Loû'loû' 
marcha contre lui au mois de Dhoûl-'l-Ka'da et l'y assiégea. Al-Malik-as-Sâlih 
lui envoya un ambassadeur pour lui demander la paix, mais il refusa de la 
lui accorder et dit qu'il ne lui manquait plus que de l'emmener prisonnier à 
Bagdad. C'est alors qu'al-Malik-as-Sâlih fut obligé d'envoyer un de ses officiers 
auprès des Khvârizmiens, ses premiers ennemis, qui se trouvaient alors à Har- 
rân, pour leur demander de venir à son secours. Ceux-ci voyant qu'il y avait du 
butin à ramasser, partirent immédiatement, en laissant leurs bagages derrière 
eux et infligèrent une sanglante défaite aux troupes de Badr-ad-Dîn-Loû'loû'. — 
Cette année mourut al-Malik-al-Ashraf-Aboû-'l-Fath-Mousà, le Shâh-i Armin, 
fils d'al-Malik-al-*Adil-Aboû-Bakr, flls de l'émir Nadjm-ad-Din-Ayyoûb, frère 
du sultan d'Egypte al-Kâmil, qui mourut à Damas, il était né en^ l'an 578 de 
l'hégire, au Caire, dans la citadelle de Zamarrud « la citadelle de l'Émeraude », 
une seule nuit avant son frère al-Malik-al-Mo'aththam. On dit aussi qu'il était 
né à Karak. Suivant Makrizi, al-Malik-al-Asliraf mourut d'une maladie d'esto- 
mac, qui l'empêchait d'absorber n'importe quel aliment. Il ne laissait qu'une 
.fille, et c'est pourquoi il laissa le trône à son frère 'Imâd-ad-Dîn (Soloûk, 
f. 83 ro). — ainsi que le kàdî d'Alep, Zain-ad-Din-Aboû-Mohammad-'Abd-AUah- 
ibn-*Abd-ar-Rahmàn . 

Suivant Makrizi {Soloûkj ms. ar. 1726, f. 83 r»), 'Imad-ad-Dîn-Isma*il, succes- 
seur d'al-Malik-al-Ashraf,, ne put déterminer le prince de Hamâh à s'allier 
avec lui, comme il l'avait fait avec al-Ashraf, parce qu'il se sentait disposé à 
se ranger du côté d'al-Malik-al-Kâmil. D'après le même auteur {ibid., f. 83 v*»), le 
Khalife de Bagdad, inquiet des mouvements des Mongols qui marchaient sur 
sa capitale, envoya un ambassadeur auprès d'al-Malik-al-Kâmil pour prier ce 
prince de lever une armée pour lui. Le Khalife lui fit remettre une somme de 
cent mille dinars dans ce but, mais le sultan la lui renvoya et flt supporter 
tous les frais de cette expédition au trésor public. 



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t98 KAMAL-AD-DÎN 

le nom d0 Shoumaîmîs, mais al-Malik-al-Moucyâhid nous dit : 
« Cette forteresse a été reconnue par serment comme m'appar- 
tenant, et le prince de Hom§ m'avait juré de respecter tout ce 
qui se trouve en ma possession. ^> Aussi refusa-t-il de lui don* 
ner satisfacti^cMî sur ce point. Nous revînmes à Hamâh et nous 
rapportâmes^^^âu prince de cette ville les propos d'al-Mou^jâhid; 
nous Jui dîmes qu'il considérait sa réclamation comme un 
cas de rupture de Talliance qui existait entre eux. Le prince 
de Hamâh nous répondit : « C'est lui qui a rompu l'alliance 
qu'il avait contractée avec moi, car il a conçu contre moi une 
haine violente, et il a essayé de corrompre une partie de mon 
armée. » Il lui imputa plusieurs crimes sans que ces accusations 
eussent le moindre fondement. Il nous dit : « Il faut absolu- 
ment que j'aille attaquer le prince de Hom§ ; quand al-Malik- 
al-KâmiL ira assiéger Hom§, je m'y rendrai en même temps 
que lui et je l'assiégerai aussi, et je ferai tout ce qui dépendra 
de moi pour arriver à mon but. Quant à Alep, je donnerais 
ma vie et ma fortune plutôt que d'aller attaquer un seul village 
qui en dépend, et de violer les serments que j'ai prêtés à la 
princesse ainsi qu'à al-Malik-an-Nâsir! » Je lui répondis : 
« Mon seigneur sait bien qu'il existe une alliance entre nous 
et le prince de Hom§ et que nous ne l'avons pas dénoncée. 
Si quelqu'un vient attaquer le prince de Hom§, nous sommes 
déterminés à marcher à son secours, et quand l'armée d'Alep 
sera arrivée au secours du prince de Hom§, que fera mon 
seigneur? » — Al-Malik-al-Mothaffar me répondit après quelque 
hésitation * : « Eh bien! je lui livrerai bataille, et tous ceux 
qui m'attaqueront, je les combattrai! » Nous écrivîmes cela à 
Alep et nous reçûmes l'ordre de revenir. Nous partîmes immé^ 
256 V. diatement sans aller prendre congé du prince de Hamâh, et 
nous arrivâmes à Sâdî^ durant la nuit du lundi, premier jour 
dumoisjde Djoumâda premier de l'année 636. Le mihmândâr 
vint au-devant de nous avec des vêtements d'honneur et les 
présents d'usage, mais je ne voulus rien accepter de lui. 

Nous arrivâmes le mardi suivant à Alep, et l'on acquit la 
certitude que le prince de Hamâh s'était abouché avec le sultan 



1. Oa peut-être : vivement. 

2. Peut-être Sabàdî. 



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HISTOIRE d'ALEP 199 

aJ-MaJilf-^l-KâmU et qu'il lui avait complèteiaent 4évoilé les 
événemoï^ts qui s'étaj^ent passés récemment. 

Quant à Damas, al-Malik-al-Kâmil en continua le siège, 
jusqu'au moment où il accorda la paix à al-Malik-aç-Sâlih, à la 
condition que ce prince garderait les deux villes de Ba'lbek 
et de Boçra, et que lui prendrait possession de Damas, le 
dix-neuvième jour du mois de DJQumâda premier de cette 
année. Il fut encore stipulé que le sultan d'Egypte ne causerait 
aucun dommage aux troupes de secours qui étaient venues 
d'Alep et de Homs, et ces troupes sortirent de Damas sous 
cette garantie. Al-Malik-an-Nâsih et l'armée d'Alep revinrent 
à Alep; on manda al-Malik-al-MQ'^ththam et Ijbs proches 
parents (Ju sultan, ainsi que les émirs, et toutes ces personnes 
prêtèrent serment au sultan al-Malik-an-Nâ§ir ain§i qu'à la 
régente, suivant leur rang. Après cela, les grands personnages 
de la ville et les notables vinrent aussi prêter serment, et les 
troupes et le peuple vinrent après eux jurer fidélité au sultan 
et à la régente. 

La population d'Alep se prépara à soutenir un siège, en 
accumulant dans la place des munitiQi^s et des vivres, du bois 
et ce qu'il fallait pour c]iarger les arbalètes ; on transporta 
des pierres pour les mangonneaux aux portes de la ville, et pn 
enrôla un certain nombre de Khvârizmiens et d'autres gens. 
Kanghâr le Turkoman étant arrivé, prit aussi du service^ans 
l'armée d'Alep, et on lui donna le commandement des Turko- 
mans.Une partie de l'armée d'al-Malik-al-Kâmil s'enfuit à Alep 
et l'on prit également ces troupes au service du sultan al- 
Malik-an-Nâsir. On envoya plusieurs ambassadeurs au sultan 
du pays de Roûra, pour lui demander d'envoyer un corps de 
secours à Alep; ce prince envoya un renfort composé de 
ses meilleures troupes, et promit aux Halebins de leur en 
envoyer encore d'autres ; mais ils trouvèrent que ce que le sul- 
tan du pays de Roûm leur avait envoyé était très suffisant. 11 
envoya un ambassadeur à al-Malik-al-Kâmil, pour lui conseil- 
ler d'abandonner son projet d'aller attaquer Alep, mais le sul- 257 r. 
tan d'Egypte ordonna de partir dç Damas et de marcher sur 
Alep; il fit sortir les tentes et les étendards, puis tomba 
malade et mourut à Damas, dans la citadelle, le vingt et 
unième jour du mois de Radjab de l'année 635. 



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200 KAMAL-AD-DÎN 

Quand la nouvelle de sa mort fut arrivée à Alep, on célébra 
dan§ la ville un service funèbre, auquel le sultan al-Malik-an- 
Nâ§ir assista pendant deux jours. On donna Tordre à l'armée 
de se rendre sur-le-champ à Ma'arrat-an-No'mân ; elle se mit 
en route et alla assiéger cette ville sous le commandement 
d'al-Malik-al-Mo'aththam. Ensuite un ambassadeur d'-al-Malik- 
al-Mothaflfar, prince de Hamâh, arriva et chercha à raccom- 
moder les choses par ses flatteries, mais on ne prit point 
garde à lui et on ne lui accorda môme pas une audience. On 
envoya des mangonneaux qui furent dressés contre la cita- 
delle de Ma'arrat-an-No'mân. 

Sur ces entrefaites, un ambassadeur du sultan Ghyâth-ad- 
Dîn-Kaî-Khosrav arriva et demanda à la régente de resserrer 
les liens qui unissaient les deux dynasties, en. accordant la 
main de la fille du sultan al-Malik-al-'Azîz, sœur du sultan al- 
Malik-an-Nâsir, à son maître, offrant en retour une sœur du 
sultan Ghyâth-ad-Dîn, pour le jeune souverain d'Alep. On ac- 
cepta ces propositions, et la foule s'étant réunie dans le palais 
du sultan, dans la citadelle, on dressa le contrat de mariage 
du sultan Ghyâth-ad-Dîn avec la princesse Ghaziat-Khâtoûn. 
Ce contrat fut dressé suivant le rite de Tlmam Aboû-Hanîfa 
(qu'Allah soit satisfait de lui!) ; à cause de la jeunesse de la 
fiancée, la dot fut fixée à 50,000 dinars ; le contrat fut reconnu 
et agréé au nom du sultan Ghyâth-ad-Din-Kaî-Khosrav, par 
l'ambassadeur qu'il avait envoyé et qui se nommait 'Izz-ad-Dîn. 
Ce personnage est aujourd'hui kâdî deDoûkât. Quand le con- 
trat eut été signé, on répandit des pièces d'or. 

On reçut au même instant, par un pigeon voyageur, la nou- 
velle de la prise de Ma'ar-rat-an-No'mân. On battit les tam- 
bours pour célébrer ces deux événements heureux. Cela se 

257 V. passait le * de l'année 635. L'armée d'Alep continua sa 

route * et vint assiéger Hamâh. Le prince de cette ville fit 
alors bâtir un mur de briques entourant ' la ville du côté du 
Sud. La ville de Hamâh fut saccagée et toute la province 
environnant cette ville fut dévastée. Sur ces entrefaites, un 
ambassadeur envoyé par al-Malik-a§-Sâlih, fils d'al-Malik- 

' 1. La date manque dans le manuscrit. 

2. Après la prise de Maarrat-an-No*mân. . ^ . . 

3. Dans la partie extérieure de la ville. 



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HISTOIRE d'aLEP 201 

al-Kâmil, arriva et voulut intercéder en faveur du prince de 
llamâh ; mais on ne lui accorda point ce qu'il demandait et 
on s'excusa en alléguant que c'était le prince de Hamâh qui 
avait commencé. L'ambassadeur demanda ensuite, au nom 
de son souverain, de contracter une alliance offensive et 
défensive avec les habitants d'Alep, et qu'ils voulussent bien 
négocier la paix entre lui et le sultan du pays de Roûm ; mais 
il reçut une réponse qui ne le contenta guère. On reçut aussi 
des ambassadeurs envoyés d'Egypte par al-Malik-aKAdil, fils 
d'al-Malik-al-Kâmil, demandant également de faire alliance 
avec le souverain d'Alep et d'entretenir avec lui les mêmes re- 
lations pacifiques que celles que l'on entretenait avec son père. 
Ils demandaient de plus que l'on fît à Alep la prière au nom 
d'al-Malik-al-'Adil ; mais on ne leur accorda aucune de ces 
demandes. Les ambassadeurs s'en retournèrent en Egypte 
sans avoir rien obtenu . 

Cette même année, on arrêta Kanghar le Turkoman, on le 
mit en prison dans la citadelle d'Alep et on confisqua ses tentes 
et ses troupeaux. 

Je partis d'Alep, le quatrième jour du mois de Shavvâl de 
l'année 635, me rendant dans le pays de Roûm pour arrêter les 
conditions de l'alliance du sultan al-Malik-an-Nâsir, du sultan 
Ghyâth-ad-Dîn-Kaî-Khosrav et de la sœur du sultan du pays 
de Roûm \ Cette princesse était la fille de la tante d'al-Malik- 
al-'Azîz, père d'al-Malik-an-Nâsir. Le sultan Kaî-Khosrav apprit 
mon arrivée alors qu'il avait l'intention de se rendre dans les 
environs de Kônia; il retarda son départ à cause de moi 
et envoya un courrier au défilé d'Akdjâ ^ avant que je fusse 
arrivé à Abulustân, pour me presser de me rendre vers lui. Ce 
courrier m'apprit que le sultan Kaî-Khosrav avait retardé son 
départ à cause de moi ; il envoya ensuite un second courrier 
qui arriva jusqu'à Samandou et qui me pria également de me 
hâter en me disant que le sultan avait diflPéré de partir pour 



1. La sœur du sultan du pays de Roûm devant épouser le sultan d'Alep et 
réciproquement. 

2. Akdjâ Derbend; ce mot entre dans le nom de la ville bien connue 
d'Akdjâ. Kirmân « le marché blanc », située dans la Bessarabie, en face 
d'Ovidiopol. On trouve plus souvent, à la place d'Akdjâ Kermàn, le nom 
d'Akkerman. Akdja, ou aktcha est en turc un dérivé du mot ak « blanc » et 
signifie « qui tire sur le blanc, blanchâtre » . 

14 



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202 KAMAL-AD-DÎN 

m' attendre ; il m'envoya encore un troisième courrier pour 
258 r. me faire dépêcher, et j'arrivai enfin à Kaî§ariyya tandis que 
le sultan se trouvait à. Kaikobâdîyya. Ce prince me manda 
auprès de lui et ne me laissa point arrêter à Kaîsariyya; il 
m'accorda une audience le jour même de mon arrivée, le mardi, 
seizième jour du mois de Shavvâl de Tannée 635. Il voulut 
bien consentir à conclure le mariage, et chargea Kamâl-ad- 
Dîn-Kâmyâr de dresser avec moi le contrat de sa sœur Malika 
Khâtoûn, fille du sultan Kaî-Kobâd, avec le sultan d'Alep. 
Nous entrâmes alors à Kaîsariyya et le sultan Kaî-Khosrav 
fit venir le kâdî de la ville ainsi que les témoins. Je dressai le 
contrat avec Kamâl-ad-Dîn-Kâmyâr, et la dot fut fixée à cin- 
quante mille dinars sultaniens, tout comme pour le mariage 
de Kaî-Khosrav avec la sœur d'al-Malik-an-Nâsir. Le sultan 
étala ce jour-là de nombreux meubles et des objets d'or et 
d'argent en quantité inouïe. Je répandis les dinars que j'avais 
apportés d'Alep, au nombre de mille, et l'on dépensa dans le 
palais du sultan des sommes considérables à jeter des pièces 
d'or et d'argent et à distribuer des vêtements et des sucreries. 
On frappa les tambours dans le palais et il montra la plus 
grande joie de cet heureux événement. J'envoyai immédiate- 
ment un de mes compagnons de route à Alep pour y annoncer 
la signature du contrat. On battit les tambours dans cette ville 
et l'on remit des vêtements d'honneur au messager ; je revins 
ensuite à Alep et j*y rentrai le jeudi, neuvième jour du mois de 
Dhoû-1-Ka'da; le sultan al-Malik-an-Nâsir (qu'Allah lui donne 
la victoire!) vint au devant de moi le jour de mon arrivée. 

Pendant que se passaient tous ces événements, l'armée 
d'Alep assiégeait toujours la ville de Hamâh. Avant que le 
contrat de mariage de sa sœur n'eût été signé, le sultan Kaî- 
Khosrav avait envoyé à Alep l'émir Kamar-ad-Dîn le khâdim, 
qui était connu sous le nom de roi d'Arménie {Malik^t- 
2^Y, Armin), en qualité d'ambassadeur. Cet émir apportait un 
diplôme par lequel le sultan du pays de Roûm donnait à 
al-Malik-an-Nâ§ir les villes de Rohâ (Édesse) et de Saroûc^j. 
11 fut convenu avec ce souverain qu'ai -Malik- al- Mothaffar- 
Shihâb-ad-Dîn-Ghâzî, fils d'al-Malik-al- Adil ferait réciter la 
khotba en son nom, et il lui donna la ville de Harrân en fief; 
il donna de même à al-Malik-al-Mançoûr, prince de Mârdîn, 



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HISTOIRE d'aLEP 203 

les villes de Sindjâr et de Nisîbtn; à al-Malik-al-Mo(]yâhid, 
prince de Homs, la ville de 'Anâ ainsi que d'autres places de 
la province de Khâboûr; ces villes appartenaient à al-Malik- 
a§-Sâlih, flls d'al-Malik-al-Kâmil. Il fut encore convenu que le 
sultan Kaî-Khosrav prendrait Âmid et Soumatsât, ainsi que 
la province qui en dépendait. Les Khvârizmiens s'étaient 
révoltés contre al-Malik-as-Sâlih, s'étaient emparés de ses 
états et l'avaient réduit à s'enfuir. 

L'ambassadeur de Kaî-Khosrav fut comblé de bienfaits 
quand il arriva à Alep, et on lui fit des dons considérables. 
On accepta le diplôme qu'il apportait, mais la régente ne 
voulut point diminuer les états de son neveu * et elle ne lui 
prit rien. Al-Malik-a§-Sâlih l'apprit, et lui envoya un ambas- 
sadeur pour lui offrir ce pays et tout ce qu'il possédait. Il lui 
fit dire : « Tout ce pays t'appartient, et si tu veux envoyer un 
de tes lieutenants pour en prendre possession, je lui livrerai 
toutes les villes que tu voudras. » La régente remercia son 
neveu de l'offre qu'il lui faisait, et lui dit de bonnes paroles 
pour l'encourager. Al-Malik-aç-Sâlih fit ensuite la paix avec 
les Khvârizmiens et leur donna en fief les villes de Harrân et 
de Rohâ, ainsi que quelques autres places. 

Les Khvârizmiens avaient fait alliance avec al-Malik-al- 
Man§oûr, prince de Mârdîn, et ils vinrent attaquer le royaume 
d'al-Malik-as-Sâlih-Ayyoûb. Ils y firent des incursions et 
vinrent camper devant Harrân dont la population prit la fuite. 
Al-Malîk-a§-Sâlih fut épouvanté de la marche des Khvâ- 
rizmiens et se cacha; après cela, il reparut à Sindjâr où 
vint l'assiéger le prince de Maûçil, Badr-ad-Dîn-Loû'loû'. Il 
avait laissé son fils al-Malik-al-Moughîth dans la citadelle de 259 p. 
Harrân ; ce prince eut peur des Khvârizmiens, et il s'enfuit en 
se cachant dans les environs de la citadelle de Dja'bar, mais 
les Khvârizmiens se mirent à sa poursuite et lui enlevèrent 
tout ce qu'il possédait ainsi que ses compagnons ; malgré cela 
il parvint à se sauver avec quelques-uns de ses soldats, 
arriva à Manbadj, et implora la protection de sa tante. On lui 
envoya, quelques gens d'Alep, mais on lui conseilla amicale- 



1. En prenant les deux villes de Rohâ et Saroûdj, comme le lui permettait 
le sultan Seldjoukide, car ces villes lui appartenaient. 



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204 KAMAL-AD-DÎN 

ment de ne point venir dans cette ville ; on lui dit qu'il était à 
craindre que le sultan du pays de Roûm ne vînt à le réclamer 
et qu'il serait impossible aux Halebins de refuser de le lui 
livrer. Al-Malik-al-Moughith s'en retourna alors à Harrân, et 
il reçut une lettre de son père, lui ordonnant de s'unir aux 
Khvârizmîens et de se rendre vers lui avec eux, pour re- 
pousser le prince de Maûsil, Badr-ad-Dîn-Loû'loû'. Le prince 
agit suivant les ordres de son père, et partit avec les Khvâ- 
rizmiens à la recherche de l'armée de Maûçil. Les troupes de 
Badr- ad -Dîn -Loulou' levèrent le siège de Sindjâr à leur 
approche et prirent la fuite, mais les Khvârizmiens les rejoi- 
gnirent, leur tuèrent beaucoup de monde et pillèrent leurs 
bagages. Ce fut grâce à eux qu'al-Malik-aç-Sâlih triompha 
des troupes de Maûsil. 

L'armée du sultan de Roûm arriva à Amid, y mit le siège et 
s'empara d'une de ses forteresses; mais les Khvârizmiens se 
mirent en marche pour aller attaquer les troupes de Roûm 
qui levèrent le siège d'Âmid sans avoir pu venir à bout de la 
résistance de cette ville. 

Cette même année, le sultan Kaî-Khosrav envoya Izz-ad- 
Dîn, kâdî de Doûkât comme ambassadeur à Alep ; il proposa 
aux Halebins de faire réciter la prière du vendredi en l'hon- 
neur du sultan Kaî-Khosrav et de faire frapper la monnaie à 
son nom. Les émirs et l'armée étaient toujours occupés au 
siège d'Hamâh ; aussi la régente hésita à accéder à ces pro- 
positions, mais on lui conseilla de le faire. Elle accepta alors 
officiellement, et on fit la prière sur le menber d'Alep au nom 

de Kaî-Khosrav le vendredi de l'an 635. Ce jour-là, 

rémir Djamâl-ad-Daûlah-Ikbâl assista à la prière, et l'ambas- 
sadeur du sultan du pays de Roûm monta sur le menber; 
il répandit des dinars quand on eut cité le nom de son souve- 
rain dans la khotba; Témir Djamâl-ad-Dîn jeta de même des 
pièces d'or et d'-argent et remit un vêtement d'honneur à 
259 T. celui qui avait fait la prière. Le sultan témoigna ce jour-là 
une aussi grande joie qu'à Kaîsariyya, le jour où fut signé le 
contrat de mariage d'al-Malik-an-Nâsir avec sa sœur. 

Le siège de Hamâh traînait en longueur; la régente n'avait 
nullement Tintention d'enlever cette ville à son neveu, mais 
elle voulait seulement le réduire à une telle extrémité qu'il dût 



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HISTOIRE d'aLEP 205 

abandonner son projet d'aller assiéger Ma'arrat-an-No'mân. 
L'armée finit par se lasser, aussi on la rappela à Aïep où elle 
arriva le de Tannée 636. 

Al-Malik-al-Djavâd-Yoûnis-ibn-Mamdoûd, fils d'al-Malik-al- 
'Adil, s'était emparé, après la mort du sultan al-Malik-al- 
Kâmil, de la ville de Damas, ainsi que des trésors qui s'y 
trouvaient du temps d'al-Kâmil *. Il se montra prêt à obéir à 
al-Malik-arAdil, et il envoya un ambassadeur à Alep pour 
demander que le sultan al-Malik-an-Nâsir voulut bien l'aider 
et s'alliât avec lui. Mais on ne fit aucune attention à ses 
paroles, et on refusa de se mêler des affaires qui existaient 
entre lui et al-Malik-al-'Adil. Al-Malik-al-Djavâd avait très 
grand peur d'al-'Adil, aussi il envoya un ambassadeur à 
al-Malik-as-Sâlih-Ayyoûb, fils d'al-Malik-al-Kâmil, et ils 
firent alliance à ces conditions qu'al-Malik-a§-Sâlih pren- 
drait possession de Damas, et qu'il donnerait en échange à 
al-Djavâd les villes de Rakka, de Sindjâr et de 'Ana. 

Al-Malik-as-Sâlih partit des provinces de l'Orient, accom- 
pagné des Khvârizmiens au mois de Djoumâda premier de 
l'an 636 ^; il se rendit à Damas que lui remit al-Malik-al- 
Djavâd, au mois de Djoumâda second de cette même année. 
Il écrivit à sa tante, la régente d'Alep, pour lui apprendre 
ces événements, et lui offrir de faire alliance avec elle à 
telles conditions qu'elle voudrait. Il lui demandait aussi de lui 
fournir des secours pour qu'il puisse s'emparer de TÉgypte. 
Mais la princesse lui répondit qu'elle ne voulait pas se mêler 
des affaires qui le regardaient lui et son frère, car, leur dit- 
elle, « vous êtes tous les deux les enfants de mon frère ». 
Aussi refusa-t-elle de lui accorder les secours qu'il lui avait 
demandés. 

Al-Malik-al-Djavâd se rendit alors à Rakka, mais les260r. 
Khvârizmiens l'en chassèrent; de là il alla à Sindjâr, où il 



1. Litt. : « dans la compagnie de.... », c'est-à-dire des trésors qu'il y avait 
déposés. 

, 2. C'est l'année de ravènement d'al-Malik-al- Adil-Aboù-Bakr au trône en 
Egypte. — Suivant Makrizi, al-Malik-al-Djavâd tyrannisa les habitants de 
Damas et comme ses devoirs de souverain l'empêchaient de prendre le plaisir 
de la chasse, il écrivit à al-Malik-as-Sâlih-Nadjm-ad-Dîn-Ayyoùb que la ville 
de Damas lui appartiendrait quand il voudrait lui donner en toute propriété 
Hisn-Kaifâ et une autre ville. 



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206 KAMAL-AD-DÎN 

resta durant un certain temps; et ensuite à 'Anâ. Badr-ad- 
Din-Loû'lou' marcha sur Sindjâr à cause des intelligences 
qu'il y avait dans la place, et s'en empara au mois de Rabi' 
premier de Tannée 636. 

Quant à al-Malik-a§-Sâlih, il se rendit à Nâbolos et séjourna 
dans cette ville. Il écrivit aux émirs égyptiens, mais al-'Adil 
mit la main sur leur correspondance, et fit arrêter ceux qui 
lui avaient écrit, de telle sorte que son entreprise échoua. 

Al-Malik-a§-Sâlih-Isma'îl, son oncle, partit à Timproviste 
de Ba'lbek et le prince de Hom§, al-Malik-al-Mou^jâhid, partit 
de Hom§. Ils pénétrèrent tous deux dans Damas ; al-Malik- 
aç-Sâlih-Isma'îl en prit possession; il assiégea la citadelle pen- 
dant un jour ou deux et s'en empara. Cela se passa au mois 
de Rabî' premier de Tannée 637 *. 

Al-Malik-al-Moughîth, fils d'al-Malik-a§-Sâlih, fut arrêté et 
emprisonné dans la citadelle de Damas. Quand al-Malik-aç- 
Sâlih, fils d'al-Kâmil *, eut appris ce fait, il marcha sur Damas 
et arriva au défilé de Fik ; mais comme il ne trouva pas que 



1. Cette année, dit Aboû - 'l - Mahâsin {Histoire d'Egypte, ms. ar. 1779, 
f. 86 V, 87 ro), al-Malik-as-Sâlih-Isma'îl, prince de Ba'lbâk, alla attaquer la 
viUe de Damas, il était accompagné d'Asad-ad-Dîn-Shirkoûh, prince de Homs, 
il s'empara de cette ville le mardi, vingt-troîsième jour de Safar. — Cette 
même année, meurt Nâsir-ad-Dîn-Ortok, prince de Mârdin,rortokide; al-Malik- 
al-Mo'aththam-'lsa, fils d'al-*Adil, avait épousé sa sœur. C'est elle qui a bâti 
le collège (medreseh) et le mausolée qui se trouvent près du Pont Blanc au 
Kasioùn. Elle n'y fut pas inhumée parce qu'après la mort de son mari al- 
Mo'aththam, son corps fut transporté auprès de celui de son père à Mardin. 
Nâ§ir-ad-Dîn-Ortok fut étranglé par son fils qui était ivre. 

Cette même année, mourut al-Malik-al-Modjàhid-Asad-ad-Din-Shirkoûh, fils 
de Mohammad-ibn-Shirkoûh - ibn-Shâdi, prince de Homs. C'était le sultan 
l?alâh-ad-Dîn qui lui avait donné la ville de Homs, après la mort de son père 
Mohammad-Shîrkoûh, en l'an 581. Il demeura dans cette ville jusqu'en 
l'année 637 et il protégea les Musulmans contre les attaques des Francs et des 
Arabes. Il mourut à Homs le mardi, vingtième jour du mois de Radjab, et 
y fut inhumé. 

Parmi les événements marquants de cette année, Makrizi {Kitâb-as-Soloûk, 
ms. ar. 1726) mentionne une bataille que l'armée égyptienne du Sâhel livra 
aux Francs, le dimanche 14 du mois de Rabî' premier. Les Francs furent 
battus et laissèrent, aux mains de leurs vainqueurs, quatre-vingts chevaliers 
et deux cent cinquante hommes. Ils en avaient perdu dix-huit cents dans cet 
engagement, tandis qu'au dire de notre auteur, les pertes des Musulmans ne 
se seraient élevées qu'à dix soldats. Suivant le môme historien, f. 94 r®, le 
prince du Magreb, 'Othman-ibn-'Abd-al-Ha^k-ibn-Mahmoùd-ibn-Aboû-Bekr, 
émir des Banoû-Marin fut tué cette année ; ce fut le premier prince de cette 
dynastie, qui arriva à un grand pouvoir et qui s'empara des contrées litto- 
rales du Magreb. Ce prince avait accablé ses sujets de taxes et d'impôts. 

2. Son père. 



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HISTOIRE D'ALEP 207 

son armée lui fut suffisamment dévouée, il s'en retourna à 
Nâbolos. Al-Malik-an-Nâçir, prince de Karak, envoya des gens 
qui se saisirent de lui, et le conduisirent enchaîné à la forte- 
resse de Karak où il fut emprisonné. 

La discorde éclata entre al-Malik-an-Nâ§ir et son oncle al- 
Malik - a§-Sâlih-Isma'il, parce que ce dernier s'était rendu 
maître de Damas; al-Malik-al-'Adil et son oncle al-Malik-a§- 
Sâlih s'allièrent ensemble; al-Malik-an-Nâ§ir en conçut une 
telle colère, contre al-'Adil,- qu'il alla jusqu'à faire sortir al- 
Malik-a§-Sâlih, fils d'al-Malik-al-Kâmil, de sa prison de Karak 
et à partir avec lui ; al-Malik-aç-Sâlih-Na^jm-ad-Dîn-Ayyoûb 
écrivit aux émirs égyptiens qui arrêtèrent leur sultan al-Malik- 
al-'Adil à Balbaîs, durant la nuit du vendredi 8 du mois de 
Dhoû-'l-Ka'da de l'an 637. 

Al-Malik-aç-Sâlih-Nadjm-ad-Dîn-Ayyoûb arriva en Egypte 260v. 
et fit son entrée au Caire, à l'aube du dimanche vingt-qua- 
trième jour de ce même mois. Je me trouvais à cette époque 
au Caire, en qualité d'ambassadeur accrédité auprès d'al- 
Malik-al-'Adil, pour le féliciter de la victoire que son armée 
avait remportée à Ghaza sur les Francs. J'étais de plus 
chargé de lui demander d'envoyer les filles d'al-Malik-al- 
'Adil, ses tantes, sous ma conduite, à leur sœur, la régente 
d'Alep. 

Al-Malik-a§-Sâlih-Nadjm-ad-Dîn-Ayyoûb m'accorda une 
audience le mardi, onzième jour du mois de Dhoû-1-Hidjdja et 
me dit : « Tu baiseras la terre devant la princesse S tu lui 
diras que je suis son serviteur et que j'ai pour elle la même 
déférence que pour al-Malik-al-Kâmil ^ Je suis tout entier 
à son service, et je suis prêt à exécuter ses ordres sur 
tout ce qu'elle me commandera. » Il me chargea de tenir un 
pareil discours au sultan al-Malik-an-Nâ§ir, et je partis du 
Caire. J'eus une entrevue avec al-Malik-a$-Sâlih-Isma'îl, fils 
d'al-Malik-al-'Adil, le quatrième jour du mois de Moharram 
de Fan 638 ; ce prince me chargea d'une lettre pour la 
régente d'Alep ; il lui demandait de lui fournir de l'aide et des 
secours contre al-Malik-aç-Sâlih-Na^jm-ad-Dîn-Ayyoûb, sultan 



1. Litt. « le voile auguste ». 

2. Litt. « qu'elle tient auprès de moi la place d'al-Malik-al-Kàmil ». 



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208 KAMAL-AD-DÎN 

d*Égypte, si ce dernier venait l'attaquer. Mais à cette époque 
la régente ne voulut rien lui accorder 

Les Khvârizmiens avaient tenté un coup de main en cette 
même année 637, contre Oûshîn, village dépendant de la ville 
de Bîrah. Ils voulurent aussi s'emparer des autres places qui 
se trouvent dans les environs de cette ville, et se rendirent 
maîtres de la forteresse de Harrân, à l'époque où al-Malik- 
a§-Sâlih était emprisonné à Karak. Leur convoitise s'étendit 
sur les pays voisins, et al-Malik-al-Hâfith-Arslân-ibn-al-Malik- 
al-'Adil fut très incommodé par eux dans les environs de la 
citadelle de Dja'bar. Ce prince les flatta et leur ofiFrit de l'ar- 
gent, mais ces offres ne servirent qu'à augmenter encore la 
cupidité des Khvârizmiens. 
261 r. Sur ces entrefaites, al-Malik-al-Hâflth tomba en paralysie, 
et il eut peur que son flls n'en profitât pour se révolter contre 
lui. Il écrivit alors à sa sœur, la régente d'Alep, pour lui 
demander de lui céder en échange de la citadelle de Dja'bar 
et de Bâlis, quelque chose d'équivalent. Il fut convenu que la 
princesse lui donnerait en échange la ville de 'Azâz et quel- 
ques autres endroits dont la valeur égalait celle de Dja'bar 
et de Bâlis. On envoya alors d'Alep des troupes pour prendre 
possession de la citadelle de Dja'bar, au mois de Safar de 
l'année 638 ^ 

Ce même mois, al-Malik-al-Hâfith arriva à Alep, et il monta 
à la citadelle, transporté dans une litière; il y trouva sa sœur 
la régente, et on lui donna comme demeure la maison connue 



1. Cette année est la première du règne d'al-Malik-as-Sàlih-Nadjm-ad-Din- 
, Ayyoûb en Egypte. — Cette année, dit Aboû-'l-Mahâsîn (Histoire d'ÉgypiCy 
* ms. ar. 1779, f. 94 r^), al-Malik-as-Sâli^l-Ismâ'il livra la ville de Shakîf au 
prince de Saida, le Franc. Il destitua Ibn-'Abd-as-Salam de sa place de 
khâtib et le fit jeter en prison. — Cette année, parut, dans le pays de Roûm, 
un turkoman, nommé Bàbâ. Cet homme voulut se faire passer pour pro- 
phète, et ses partisans criaient : « Il n'y a pas d'autre Dieu qu'Allah, et 
Bàbà a été envoyé par lui pour nous gouverner. » Il réunit autour de lui 
une foule de gens, mais le sultan du pays de Roûm envoya contre lui une 
armée, qui rencontra ses partisans et leur livra quatre batailles dans l'une 
desquelles périt Bàbâ. 

C'est cette année que le sultan d'Egypte flt jeter les fondations de la cita- 
delle de l'ile de Raudha. Suivant Aboû-'l-Mahâsin (ms. ar. 1779, f. 94 v«), il 
fallut exproprier pour cela plus de trente mosquées et couper six mille pal- 
miers. — Cette année arriva à Myàfàrkîn, un ambassadeur envoyé par le Khà- 
kàn, souverain des Mongols ; cet ambassadeur apportait une lettre, par laquelle 
il ordonnait aux rois de rislàm de lui abandonner leurs royaumes. * " 



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HISTOIRE d'ALEP ^09 

SOUS le nom de Maison du Prince d''Aîn-tâb, au-dessous de la 
forteresse; la citadelle de 'Azâz fut remise à ses officiers. 
Quelque temps après, les Khvàrizmiens se mirent en cam- 
pagne et vinrent faire des incursions sur le territoire de la 
citadelle de Dja'bar; ils poussèrent jusqu'à Bâlis, où ils com- 
mirent toutes sortes de pillages et de dévastations. Aucun des 
habitants de cette ville ne fut épargné, sauf ceux qui l'avaient 
abandonnée et qui s'étaient réfugiés à Alep où à Manbadj. 

Ce même mois mourut le kâdî Djamâl-ad-Dîn-Aboû-'Abd- 
AUah-Mohammad-ibn-'Abd-ar-Rahmân-ibn-'Olvân, kâdî 
d'Alep; après sa mort, sa dignité fut donnée à son neveu, qui 
était son substitut, Kamâl-ad-Dîn-Aboû-'l-'Abbâs-Ahmad, flls 
du kâdî Zaîn-ad-Dîn-Aboû-Mohammad. 

L'armée d'Alep marcha contre les Khvàrizmiens, sous le 
commandement d'al-Malik-al-Mo'aththam-Toûrânshâh, fils 
d'al-Malik-an-Nâ§ir-Salâh-ad-Dîn. Les Halébins vinrent cam- 
per à an-Nakira, puis ils allèrent de là à Manbadj où ils 
demeurèrent pendant un certain temps. Les Khvàrizmiens se 
rassemblèrent dans Harrân; Tarmée d'Alep n'était pas aussi 
homogène que la leur, car une partie de cette armée avait 
été envoyée au secours du sultan du pays de Roûm pour 
faire face aux Tatars, une autre se trouvait dans la cita- 
delle de Dja'bar, et une troisième était dispersée dans dififé- 
rentes citadelles, telles que Shaîzar, Hârim et autres. Les 
Khvàrizmiens partirent avec leurs effectifs complets ; ils étaient 261 v. 
en très grand nombre, et dans leurs rangs se trouvaient al- 
Malik-al-Djavâd-ibn-Mamdoûd, le flls d'al-Malik-al-Hâflth, 
et a]-Malik-a§-Sâlih-ibn-al-Malik-al-Modjâhid, prince deHom§. 
Cette armée se composait de plus de douze mille hommes, et 
l'émir 'Alî-ibn-Hadîtha, qui avait abandonné le parti des Halé- 
bins, vint la rejoindre à la tête d'un parti d'Arabes. Toute 
l'armée des Khvàrizmiens passa l'Euphrate au pont de Raklca 
et ils arrivèrent jusqu'à la rivière Bou-Djabbâr. Une par- 
tie de l'armée d'Alep qui se trouvait à Manbadj l'ayant appris, 
se mit en marche et vint camper à Vâdî-al-Bouzâ'â. Le len- 
demain matin, les deux armées se rangèrent en bataille; l'ef- 
fectif de Tarmée d'Alep ne dépassait pas quinze cents cava- 
liers. Les Khvàrizmiens s'avancèrent sous le commandement 
de Bérékeh Khân, de Saroû Khân, de Berdi Khân, de Koush- 



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210 KAMAL-AIHDÎN 

loû Khân et d'autres émirs, d'al-Malik-al-Djavâd, du fils d'al- 
Malik-al-Hâflth et du flls du prince de Homs; l'armée de 
Mârdîn était venue renforcer les Khvârizmiens. Ils traver- 
sèrent le fleuve d'or (Naàr-ad-dahab), et les deux armées se 
rencontrèrent à Bîrah, qui est un village dans la vallée, le 
jeudi vingt-quatrième jour du mois de Rabi' second de 
t( KAj.vii^ro y^^ ggg L'armée d'Alep se précipita vivement sur les Khvâ- 
rizmiens et les fit reculer, mais ceux-ci se jetèrent sur 
elle en très grand nombre; 'Ali-ibn-Haditha, l'émir des 
Arabes, sortit d'entre les jardins * {baîn-al-Basâtîn) et arriva 
sur les derrières de Tarmée d'Alep ; il tomba sur les valets 
d'armée et sur les écuyers {rikâbdâriyya), les entourant 
de tous les côtés. 

Ces gens s'enfuirent, toujours enveloppés par les Khvâriz- 
miens, se dirigeant vers les domaines de la régente qui 
s'étendaient de Bouzâ'â à Alep ; ils parvinrent ainsi à Ribâthâ 
et à Tall-Fîthâ *, poursuivis par les Khvârizmiens qui leur 
tuaient du monde et leur faisaient des prisonniers. Ils arri- 
vèrent dans les environs d'al-'Arabiyya et de Farkadîn, ayant 
toujours les ennemis sur les talons. Les Khvârizmiens firent 
prisonnier al-Malik-al-Mo'aththam après que ce prince se fut 
* bravement conduit dans le combat et qu'il eût reçu de graves 
blessures; ils s'emparèrent aussi de son frère No§rat-ad-Dîn 
et de tous les émirs. Il n'y eut qu'une petite partie de l'armée 
d'Alep qui réussit à se sauver; al-Malik-aç-Sâlih, fils d'al- 

Malik-al-Afdal, fut tué dans ce combat, ainsi que flls 

d'al-Malik-az-Zâhir, et un grand nombre de soldats. 

Les Khvârizmiens s'emparèrent des bagages de l'armée 
d'Alep; les Arabes qui étaient leurs alliés en pillèrent la plus 
grande partie et firent encore plus de mal en s'emparant des 
richesses de l'armée que n'en firent les Khvârizmiens eux- 
mêmes. Les Khvârizmiens vinrent camper près de Haîlân ^ 
et ils s'étendirent sur le fleuve jusqu'à Fâfîn * ; ils fixèrent 

1. Peut-être de Tendroit appelé baîn-al-Basâtîn. 

2. Yâkoût [Mo'djam, tome I, p. 863) connaît deux localités de ce nom ; 
Tune Talfîâtha, qui est un des villages de la ghoûta de Damas, et une autre 
Talfita, qui est un village de Sanir également dans la province de Damas. 

3. C'est, suivant Yàkoût (Mo'djam, t. Il, p. 372), un village près d'Alep, d'où 
sort une source bouillonnante qui est amenée dans la ville par des canaux. 

4. Suivant Yàkoût (Mo*âéam^ t. III, p. 845), Fàfân est une localité située sur 
le Tigre au-dessous de Myàf&rkîn. 



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HISTOIRE D'ALEP 211 

à * un certain nombre de soldats une rançon, grâce à laquelle 
ils purent se racheter et recouvrer ainsi leur liberté. Durant 
cette nuit, les Khvârizmiens s'enivrèrent et massacrèrent 
plusieurs de leurs prisonniers ; les autres en furent efifrayés, 
les Khvârizmiens leur fixèrent ce qu'ils voulurent pour leur 
rançon et ces gens la payèrent. Il y eut un certain nombre 
de soldats d'Alep qui rachetèrent ainsi leur liberté, mais il 
y en eut d'autres à qui les Khvârizmiens prirent leur rançon, 
et qu'ils ne relâchèrent point. 

On prit aussitôt toutes les précautions nécessaires pour 
éviter qu'Alep ne fût surprise, et on donna l'ordre aux offi- 
ciers ' qui commandaient dans la ville de pourvoir à la garde 
des murailles et des portes. La population d'Alep fut épou- 
vantée, et les gens qui demeuraient dans la campagne en 
dehors de la ville, saisis de peur^ apportèrent dans Alep tous 
les meubles et les différents objets qu'ils purent transporter. 
Les deux émirs Shams-ad-Dîn-Loû'loû' et 'Izz-ad-Dîn-ibn- 
Modjalla restèrent dans la ville avec des troupes dont le nom- 
bre ne dépassait pas deux cent cavaliers. Ces hommes mon- 
tèrent à cheval et sortirent d'Alep pour s'enquérir de ce que 
faisaient les ennemis. Ceux-ci envoyèrent, dans les cantons 
dépendant d'Alep, des détachements de cavalerie qui les 
dévastèrent. Ces cavaliers s'avancèrent jusqu'aux villes de 
'Azâz, Tell-Bâshir, Burdj-ar-Risâs, jusqu'à la montagne de 
Sim'ân, jusqu'à Havvâr et du côté de 'Amk. Ils tombèrent 
à rimproviste sur les habitants de ces localités; ces malheu- 
reux ne pouvaient leur échapper, car ils rattrapaient ceux 
qui réussissaient à prendre la fuite ; ils emmenèrent un nom- 
bre incalculable de femmes, d'enfants, de têtes de bétail, et 
s'emparèrent d'un très grand nombre d'objets mobiliers et 
d'ustensiles. 

Les Khvârizmiens firent subir aux femmes des Musulmans 
des outrages qu'aucun infidèle n'eût commis envers elles, et 262 v. 
l'on n'a même jamais entendu raconter que les Karmathes 
eux-mêmes eussent agi d'une telle façon. Ils s'en retournèrent 



1. C'est-à-dire qu^ils les forcèrent à se racheter sous peine d*ôtre massacrés. 

2. Mokaddam, ce mot a beaucoup de sens dans les auteurs arabes et signifie 
capitaine, maréchal, majordome, commandant d'un petit navire, agent ou 
officier de police. Dozy, Supplément aux Dictionnaires arabes, t. Il, p. 317, 



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212 KAMAL-AD-bÎN 

ensuite à Bôûzâ'âet à al-Bâb \ Ils firent subir aux habitants 
de ces deux villages toutes sortes de mauvais traitements; 
ils les forcèrent à avouer où ils avaient caché leurs richesses 
et leur prirent tout l'argent qu'ils purent trouver. Ils en 
tuèrent un certain nombre, et s'emparèrent des objets mobi- 
liers et des troupeaux qui s'y trouvaient. Quelques-uns de ces 
gens s'étaient enfuis à Alep à l'époque de la bataille, avec 
leurs femmes et les objets qu'ils avaient pu emporter; ils se 
sauvèrent ainsi. 

De là, les Khvârizmiens marchèrent sur Manbadj ; la popu- 
lation s'était retranchée derrière ses murailles et avait barri- 
cadé les endroits où il n'y avait point de murs. Les Khvâriz- 
miens se précipitèrent à l'assaut de la ville, le jeudi vingt et 
7 tx«.,i2x(rO ujjî^jïjç JQuj. ^^ jjjQjg ^Q Rabî' second de l'année 638, et ils 

massacrèrent une grande partie de la population; ils détrui- 
sirent les maisons, fouillèrent dans la ville et s'emparèrent 
d'une quantité considérable d'argent; ils emmenèrent en capti- 
vité les enfants et les femmes. Ils manifestèrent leur impiété 
par- les violences auxquelles ils se livrèrent sur ces malheu- 
reuses : plusieurs d'entre elles s'étant réfugiées dans la mosquée 
djâmi', les Khvârizmiens pénétrèrent dans le sanctuaire, se 
précipitèrent sur elles et les violèrent dans la mosquée même. 
L'un de ces barbares s'empara d'une femme qui tenait serré 
sur sa poitrine un enfant à la mamelle; il le lui arracha et 
le broya contre terre; il se saisit ensuite de la mère et partit. 
La nouvelle de la défaite de l'armée d'Alep arriva à Homs, 
au prince de cette ville, al-Malik-al-Mançoûr-Ibrâhim ibn-al- 
Malik-al-Moudjâhid. Ce prince s'était proposé, quelque temps 
auparavant, d'entrer dans le pays des Francs pour y faire une 
incursion; il avait auprès de lui une partie de son armée ainsi 
que des troupes de Damas, le tout s'élevant à un millier de 
cavaliers. Il partit immmédiatement avec ces troupes, et il 

1. Nom d'une localité appelée aussi Bâb-Boùzâ'a qui se trouve du côté du 
Wâdi-Boutnân et qui dépend de la province d'Alep; elle est distante de Man- 
badj d'environ deux milles et de dix milles d*Alep. On y faisait des étoffes de 
toile, qu'on exportait en Egypte. L'auteur de la Description d'Alep^ ms. ar. 1683, 
dit que al-Bàb et Bouzà'à sont deux grands villages ou plutôt deux petites 
villes séparées par le Wàdî-Boutnân. Il y avait à al-Bàb des cavernes dans 
lesquelles les habitants se cachaient à l'approche de l'ennemi. Une grande 
partie de la population était Ismaïlienne. L'Atâbek Shihàb-ad-Dîn-Toghril y 
construisit uç ôaràvànsérail public et un collège. . 



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HISTOIRE p'aLEP 213 

arriva à Alep, le samedi vingt-troisième jour du mois de 
Rabî' second de cette même année. Le sultan et la population 
sortirent de la ville et se rendirent au devant de lui jusqu'à 
So'da ; le prince de Hom§ vint ensuite camper à al-Hazâra. On 
disposa à son intention, ce même jour, la maison de 'Alam-ad- 
Dîn-Kaiçar-ath-Thâhiri, qui se trouvait dans Tancien mousalla m r. 
de la fête ; il s'installa dans cette maison, et il fut convenu 
avec lui qu'il prendrait le commandement de l'armée d'Alep. 
Les deux souverains se jurèrent mutuellement d'observer les 
conditions qui furent fixées. 

Je fus envoyé en qualité d'ambassadeur à al-Malik-a§-Sâlih- 
Ismall, fils d'al-Malik-al-'Adil, pour recevoir le serment de 

ce prince. J'arrivai à Damas et je le fis jurer le du. 

mois de Djoumâda second de cette même année. Je lui deman- 
dai de fournir à Alep un secours en hommes plus considé- 
rable que celui qui se trouvait alors dans cette ville, et il envoya 
un second corps de secours. On mit en liberté les chevaliers 
de l'ordre du Temple qui étaient détenus à Alep, car on trouva 
qu'ils avaient été suffisamment punis ^ 

Quand les Khvârizmiens eurent appris que les troupes se 
réunissaient à Alep, ils partirent de leurs fiefs et revinrent 
s'assembler à Harrân. Leur dessein était de traverser l'Eu- 
phrate et de marcher en toute hâte sur Alep, avant que 
l'armée de cette ville ne fût au complet ; ils pensaient que 
dans ces conditions les Halebins s'empresseraient de traiter 
avec eux. 

L'émir des Arabes, 'Ali-ibn-Hadîtha, avait abandonné les 
Khvârizmiens, et Thâhir-ibn-Ghannâm était entré au service 
du sultan d'Alep ; on lui donna la charge d'émir de tous les 
Arabes, la régente le maria avec une des filles de sa maison 
et lui constitua un fief dont il fut très satisfait. 

Le lundi, sixième jour du mois de Radjah, de Tannée 638, Lk ^.iXMr\ 
les Khvârizmiens partirent de Harrân, pour revenir attaquer 
Alep; ils arrivèrent à Rakka et traversèrent l'Euphrate. La 



1. Oullika al-asari min al-Davaviyya alladhîna kânoû hi-Halah istikfâ 
lisharrihim. Peut-être faut-il entendre qu'on les mit en liberté, parce que le 
dommage qu'ils causaient par leur entretien et leur nourriture était déjà 
suffisant et qu'on ne voulait pas les garder à la veille d'un siège où toutes les 
ressources devaient être réservées aux défenseurs de la ville. 



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214 . KAMAL-AD-DÎN 

nouvelle de leur marche étant arrivée à Alep, al-Malik-al- 
Mançoûr, prince de Homç, fit sortir sa tente, et la fit planter 
à Test de la ville, dans le canton de Nîrab * et de Djîbrîn \ Les 
troupes sortirent également de la ville avec leurs tentes, 
qu'elles disposèrent autour de la sienne. Les Khvârizmiens 
arrivèrent à al-Fâyâ ^ à Deîr-Hâflr *, puis à Djabboûi ^ et 
ils se répandirent dans le canton de al-Nakira. Al-Malik-al- 
Mansoûr et ses troupes restèrent dans leur camp ; les vedettes 
des Khvârizmiens étaient à Tell 'Aran et celles d'al-Malik- 
263 V. al-Mançoûr, à Boûshlâ. Les Arabes harcelaient les Khvâriz- 
miens, mais cela ne les empêcha pas de faire beaucoup de mal 
dans le pays, car ils brûlèrent les maisons dans les villages, 
et ils s'emparèrent de tout ce qu'ils purent trouver. Cepen- 
dant le dommage fut moins grand cette seconde fois que la 
première, car les habitants de toute la contrée ayant été 
épouvantés (de la première attaque des Khvârizmiens, avaient 
enlevé tout ce qu'ils avaient pu) et les ennemis ne purent piller 
que ce qu'il leur avait été impossible d'emporter. L'armée 
d'Alep dififéra de marcher contre les Khvârizmiens et de les 
attaquer, parce qu'elle n'avait pas complété ses effectifs ; les 



1. Nîrab est aussi le nom d'une localité près de Damas (Yâkoût, Mo'djam^ 
t. IV, p. 855). 

2. Djîbrîn, ou Djîbrîn-al-Fostak, est un gros bourg situé à deux milles 
d'Alep. 

3. C'est, suivant Yâkoût (Mo*djam, t. III, p. 849), un canton situé entre Man- 
badj et Alep. Il dépend de Manbadj et est situé au sud de cette ville, non loin 
du Vâdî Boutnân. On voyait dans ce canton, du temps de l'auteur, des villages 
prospères avec de beaux vergers. 

'4. C'est, suivant Yâkoût (Mo'djam, t. II, p. 253), un village entre Alep et 
Bâlis. 

5. Yâkoût {Mo'c^am^ t. II, p. 29) consacre une assez longue notice à cette 
ville dont nous extrayons ce qui suit : « C'était un gros bourg qui se trouve non 
loin de la saline d'Alep. C'est dans cette localité que prend sa source le fleuve 
appelé Nahar Boutnân, du nom d'un vâdi célèbre, ou fleuve d'or. Ce cours 
d'eau laisse ensuite déposer du sel dont on approvisionne la plus grande 
partie de la Syrie, ainsi qu'une partie du Djazîrah et cela donne lieu à un 
commerce de cent vingt mille dirhems par an. » Le même auteur fait un assez 
triste portrait des habitants de cette ville, car il affirme qu'ils étaient connus 
pour leur impiété qui n'avait d'égales que leur inhumanité et leur duplicité. 
Sous le règne du sultan d'Alep, al-Malik-ath-Thâhir, fils de Salâh-ad-Din, on 
nomma, comme gouverneur de Djabboûi, un homme connu pour sa sévérité. 
Cela exaspéra les habitants qui s'ameutèrent, marchèrent sur Alep et vinrent 
calomnier le gouverneur devant le sultan. Celui-ci le destitua, mais un des 
habitants lui ayant fait connaître secrètement dans la suite, ce qui s'était 
passé, le sultan les châtia et leur méchanceté devint proverbiale. (Voir plus 
loin la note sur la « Saline d'Alep ».) 



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HISTOIRE d'aLEP 215 

Khvârizmiens reculèrent, vinrent camper près de aç-Sâflya * et 
marchèrent jusqu'à Sermîn ^ qu'ils livrèrent au pillage. Ils 
entrèrent dans cette « ville de sûreté ' », dans laquelle les habi- 
tants avaient rassemblé une grande quantité de leurs biens 
mobiliers dans la pensée que les Khvârizmiens n'oseraient pas 
en approcher par crainte des Isma'ïliens ; mais ils y péné- 
trèrent de force et pillèrent tout ce qui s'y trouvait; ils retour- 
nèrent ensuite à Ma'arrat-an-No'mân. L'armée d'Alep, sous le 
commandement du prince de Homç, al-Malik-al-Mansoûr, 
vint camper à Tell-as-Sultân, puis revint à al-Hiyyâr *. Les 
Khvârizmiens arrivèrent à Kafartâb, dont les habitants s'en- 
fuirent et ils l'incendièrent ; de là, ils marchèrent sur Shaî- 
zar, et les habitants de ce canton se réfugièrent dans la ville 
qui se trouvait au-dessous de la citadelle. Les ennemis 
assaillirent le faubourg, et la ville située au-dessous de la 
citadelle résista durant un jour ; mais le lendemain ils se 
précipitèrent à l'assaut et ils pillèrent tout ce qui leur fut 
possible de piller. La garnison de la citadelle les accabla 
de traits ^ et de pierres et leur tua un nombre considérable 
d'hommes. 

Les Khvârizmiens apprirent que l'armée d'Alep faisait ses 
préparatifs pour venir leur livrer bataille et qu'elle avait pris 



1. Ville qui dépendait d'Alep. Suivant Yàkoùt {Mo*djam, III, p. 83), elle a reçu 
son nom de Sarmîn, fils de Yafaz, flls de Sâm, fils de Noé. La population de cette 
ville, qu'al-Meidani identifie, on ne sait trop pourquoi, avec Sodome, se com- 
posait d'Ismaïliens. 

2. Nom d'une ville qui se trouvait près de Deîr Kunnâ, près de No'maniyya. 
Elle dominait le Tigre et, à l'époque du géographe Yâkoût, elle était en ruines. 
Le môme auteur {Mo*c{jam, t. III, p. 362) fait remarquer qu'un grand nombre 
d'employés des bureaux de la chancellerie étaient originaires de cette ville. 

3. Les Ismaïliens avaient ainsi des places où leur sécurité, ainsi que celle 
de leurs hôtes, était garantie. 

4. Suivant Yâkoût [Mo^âjam^ t. II, p. 373), cette localité, qui est aussi connue 
sous le nom de Hiyâr-bani-'l-Ka'ka*, est un canton dépendant du territoire de 
Kinnisrin. Al-Walîd-ibn-*Abd-al-Malik le donna en fief à al-Ka*ka'-ibn-Khou- 
laîd. Ce canton est distant de deux journées de chemin d'Alep. Suivant l'auteur 
de la Description d'Alep, ms. ar. 1683, f. 59 v», c'était une ville ancienne qui, 
à son époque, était devenue un lieu de campement pour les Arabes nomades. 
Beladori, dans son Livre des climats, atteste que cette localité était connue 
avant l'Islam. 

5. Le mot djoroûkh est le pluriel de djarkh; ce mot a été emprunté au per- 
san tcharkh, pehlvi tchakhr (sanscrit cakra); il signifie étymologiquement 
une roue, puis de là une roue à lancer des projectiles et enfin le projectile 
lui-même. 



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216 KAMAL-AD-DÎN 

position entre eux et leur pays \ Ils se dirigèrent vers le can- 
tonne Hamâh et ils le traversèrent du côté du sud. 

Les troupes d*Alep se mirent en marche pour aller com- 
battre les Khvârizmiens, qui se dirigèrent du côté de Sala- 
miyya et, de là, dans les environs de ar-Rou§âfa ^ L'armée 
d'Alep fut instruite de leur mouvement et elle se mit en mar- 
che pour leur couper le chemin. Une troupe d'Arabes tomba 
sur eux près de ar-Rou§âfa ; les chevaux des Khvârizmiens 
étaient épuisés, eux-mêmes étaient harassés par une marche 
264 Y. forcée et affaiblis par le manque de vivres et de fourrages. Ils 
jetèrent tous leurs bagages et tout le butin qu'ils avaient avec 
eux ; ils remirent en liberté une troupe de prisonniers dont ils 
s'étaient emparés à Alep, à Shaîzar et à Kafartâb, et ils se 
dirigèrent à marche forcée sur Rakka. Les Arabes et les trou- 
pes qui étaient avec eux s'occupèrent à piller ce dont Tennemi 
s'était débarrassé. Les Khvârizmiens arrivèrent à l'Euphrate 
en face de Rakka, à l'ouest et au nord d'al-Bâlîl ^ à l'aube 
\<j vcApAo^v ^jj lundi, cinquième jour du mois de Sha'bân. 

Al-Malik-al-Man§oûr arriva à Siffîn avec l'armée d'Alep, et 
il se mit en route à marches forcées pour arriver à l'Euphrate 
avant les Khvârizmiens, dans le dessein de se mettre entre eux 
et le fleuve et de les empêcher de le traverser pour passer à 
Rakka. L'armée d'Alep arriva une heure après les Khvâriz- 
miens qui s'étaient retranchés dans le Bostân-al-Balîl ; ils 
gardaient * les portes, avaient élevé des palissades pour se 
garantir et s'étaient entourés d'un fossé. Les Halebins les 
combattirent jusqu'à une heure avancée de la nuit, et leur 
enlevèrent un grand nombre des bestiaux qui leur apparte- 
naient; mais comme ils n'avaient point de fourrages à donner 
à leurs bêtes et qu'eux-mêmes manquaient de vivres, ils 
retournèrent durant la nuit à leur campement de Siffln ^ Un 

1. C'est-à-dire que les Halebins coupaient toute retraite aux Khvârizmiens. 

2. Cette ville, qui est aussi connue sous le nom de Rousâfa de Hishâm- 
ibn-'Abd-al-Malik, se trouve à l'occident de Rakka, du côté du désert, et elle 
est séparée de cette dernière ville par quatre parasanges. C'est la même lo^ca- 
lité que celle que Ptolémée nomme Rhesapha; elle -portait au moyen âge le 
nom de Sergiopolis. 

3. Sur cette localité, voir Yâkoût [Mo'dôam, t. I, p. 735). 

4. On pourrait traduire « ils s'étaient emparés des portes ». 

5. Siffin est le nom d'une localité près de Rakka, sur la rive de l'Euphrate ; 
elle se trouve à l'ouest de Rakka et de Bâlis. C'est là que se livra la bataille 



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HISTOIRE d'aLEP 217 

certain nombre de fantassins s'étant couchés à al-Balîl et s'y 
étant endormis, les Khvârizmiens tombèrent sur eux et les 
massacrèrent. 

Les Khvârizmiens traversèrent TEuphrate et arrivèrent à 
Rakka; ils avaient perdu la plus grande partie de leurs bêtes 
et la plupart d'entre eux marchaient à pied. Ils envoyèrent 
des gens à Harrân, et on leur ramena de cette ville des ani- 
maux sur lesquels ils montèrent ; ils se mirent alors en mar- 
che pour s'y rendre. 

Al-Malik-al-Man§oûr voulut traverser TEuphrate au pont 
de la citadelle de Dja'bar, mais il lui fut impossible de le faire 
à cause du manque de fourrages et de vivres. Il marcha sur 
al-Bira avec ses troupes; il traversa le fleuve avec Tarmée 
et tous ses gens, et vint camper entre Saroûdj et ar-Rohâ. Les 
Khvârizmiens arrivèrent pour surprendre ses avant-postes, 
mais ceux-ci en furent avertis et se tinrent sur leurs gardes 
durant toute la nuit. L'armée d'Alep se mit en marche et les 264 v. 
Khvârizmiens reculèrent; ils furent poursuivis par les Halé- 
bins jusqu'à Saroû(^, de telle sorte que leur projet échoua. Ils 
arrivèrent à Harrân, où ils rassemblèrent un grand nombre 
d'hommes ; ils allèrent jusqu'à forcer les habitants d'Harrân à 
marcher avec eux pour augmenter le nombre de leurs sol- 
dats. Us arrivèrent non loin de Rohâ à une montagne que 
l'on appelle Djalahmân (?), ils se réunirent sur le sommet de 
cette montagne, s'y rangèrent en bataille et ils augmentèrent 
le train * de leur armée en y ajoutant des chameaux. Ils 
placèrent des étendards d'étoffe dorée sur leurs chameaux 
pour effrayer l'armée d'Alep par leur grand appareil guerrier. 

L'armée d'Alep sortit de son campement après l'arrivée 



entre 'Ali et Mo'aviyya en Tannée 37 dé l'hégire, au commencement du mois 
de Safar. On n'est point d'accord sur le nombre des combattants de l'une et 
l'autre armée ; on prétend qu' 'Ali était à la tête de 90,000 hommes et que 
Mo'aviyya en commandait 120,000. Yàkoût se range plutôt à l'opinion suivant 
laquelle l'armée d' 'Ali aurait compté 125,000 hommes et celle de Mo'aviyya 
90,000. Cette préférence vient tout naturellement du désir d'un Sunnite d'al- 
térer la vérité au détriment des Shiites. 'Ali fut tué dans cette bataille, ainsi 
que 25,000 hommes de son armée ; quant à Mo'aviyya il perdit dans cette 
bataille, 45,000 hommes (Yakoùt, Moâ^jam, t. III, p. 402. 

1. Savâd^ ce mot signifie littéralement le bagage d'un officier général et, 
dans un sens encore plus large, les tentes, parcs, animaux, et tout ce qui 
sert à une armée. W. Lane, An Arahic-English Lexicotty Book I. —Part 4, 
p. 1462, col. 2. 

15 



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218 KAMAL-AD-DÎN 

d'une estafette de l'armée du sultan de Roûm qui annonçait 
que son armée marchait au secours d'al-Malik-ai-Mansoûr. On 
venait justement de replier les tentes pour se mettre en 
marche, et cela décida ce prince à ne pas attendre plus 
longtemps. L'armée partit et arriva en face des Khvârizmiens, 
le mercredi vingt et unième jour du mois de Shavvâl de 
6 vviAT .^'>^ Y^^ ggg j^çg Khvârizmiens furent battus et leur armée anéan- 
tie ; ils prirent la fuite et l'armée d'Alep les poursuivit jus- 
qu'au moment où la nuit vint séparer les combattants. L'ar- 
mée d'Alep tourna bride, et les Khvârizmiens arrivèrent à 
Harrân, ils y prirent leurs femmes et s'enfuirent après avoir 
installé dans la citadelle de cette ville un gouverneur pour 
représenter leur général Bérékéh-khân. Al-Malik-al-Mansoûr 
arriva à Harrân avec l'armée d'Alep; il laissa une partie de 
ses troupes pour faire le siège de la citadelle, et avec le reste 
il poursuivit les Khvârizmiens qui fuyaient devant lui, jusqu'au 
Khâboûr. Dans leur fuite, les Khvârizmiens jetèrent leurs 
bagages et abandonnèrent plusieurs de leurs enfants ; ils 
vinrent camper sur les bords de l'Euphrate qui se trouvait sur 
leur chemin, mais durant la nuit, il survint une inondation 
dans laquelle un grand nombre d'entre eux furent noyés. Ils 
entrèrent ensuite dans la ville de 'Ana et s'y réfugièrent parce 
que cette ville appartenait au Khalife *. 

Quand on apprit cette bonne nouvelle à Alep, la ville fut 
pavoisée pendant plusieurs jours, et on battit les tambours. 
On amena à Alep les étendards des Khvârizmiens, ainsi que 
265 r. les prisonniers qu'on leur avait faits. La citadelle de Harrân 
résista durant plusieurs jours, après quoi elle se rendit aux 
Halébins. On en fit sortir les émirs d'Alep et les parents 
du sultan qui y étaient prisonniers. Badr-ad-Dîn Loû'loû', 
prince de Maûçil, accourut devant Nisibîn et Dàrâ, et s'em- 
para de ces deux villes ; il délivra à Dàrâ, l'oncle du sultan, 
al-Malik-al-Mo'aththam-Toûrânshâh et il l'invita à venir à 
Maûsil. Il lui offrit des chevaux, des habits et de nombreux 
présents, après quoi il le renvoya à l'armée d'Alep. Cette 
armée s'empara de Harrân, de Rohâ, de Ra'as-'Aîn, de 



1. Et par conséquent qu*ils n'avaient pas à craindre la poursuite d'al-Malik- 
al-Mansoùr. 



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HISTOIRE d'aLEP 21^ 

Djamlîn, de al-Mouvazzar, de Rakkâ, ainsi que des districts 
dépendants de ces villes. Al-Malik-aï-Man§oûr s'empara de 
Tell-Khâboûr et de Karkîsyâ ; les ofllciers du sultan du pays 
de Roûm prirent possession de Souvaidâ, après que Tarmée 
d'Alep s'en fût déjà emparée, parce qu'elle faisait partie de la 
province d'Amid. 

Les troupes de secours envoyées par le sultan du pays de 
Roûm arrivèrent après la défaite des Khvârizmiens. On leur 
envoya des vêtements d'honneur et on leur témoigna beaucoup 
de bienveillance. Les Halébins marchèrent ensuite vers Âmid 
et se rencontrèrent avec les troupes du sultan du pays de 
Roûm ; les deux armées assiégèrent cette ville jusqu'au moment 
où il fut convenu avec le prince qui y régnait, et qui était le 
fils d'al-Malik-as-Sâlih, qu'on lui laisserait la propriété de 
Hisn-Kaîfâ, ainsi que de la province qui en dépendait, mais 
qu'il leur livrerait la ville d'Âmid. 

Les Khvârizmiens demeurèrent dans les états du Khalife 
jusqu'au commencement de l'année 639 * ; ils en sortirent alors 
et se dirigèrent sur Maûsil ; ils firent alliance avec le prince 
de cette ville, à la condition qu'il leur paierait un tribut et 
qu'il leur donnerait la ville de Nisibîn. Ils s'allièrent aussi 
avec al-Malik-al-Mothaflfar-Shihâb-ad-Dîn-Ghâzî, fils d'al- 
Malik - al - 'Adil, prince de Myâfârkîn. Ce prince envoya 
annoncer ce fait aux Halébins, et il leur demanda de faire 
alliance avec lui, et de lui promettre qu'au cas où le, sultan 
du pays de Roûm viendrait l'attaquer, ils le défendraient 
contre lui. 11 avait, en effet, peur de ses desseins, mais les 
Halébins refusèrent de lui accorder l'alliance qu'il sollicitait. 265 v. 

Les Khvârizmiens arrivèrent auprès du prince de Myâfârkin 
et ils convinrent d'aller attaquer la ville d'Âmîd. Les troupes 
sortirent alors d'Alep sous le commandement d'al-Malik- 
al-Mo'aththam-Toûrânshâh, et elles marchèrent sur Ilarrân 
au mois de Safar de Tan 639. Les Halébins et les troupes du 
sultan de Roûm marchèrent ensemble sur Âmîd et forcèrent 
les Khvârizmiens à s'éloigner de cette ville. Ils revinrent 

1. Cette année, suivant Aboû-'l-Mahâsin {Histoire d'ÉgyptCf ms. ar. 1779, 
f. 94 yo), le sultan d'Egypte, al-Malik-as-Sâlih, fit construire les collèges qui 
se trouvent entre les deux palais {bain-at-^asrain) au Caire. Cette année, il y 
eut au Caire une éclipse totale de soleil. Makrizi, Solouk^ ms. ar. 1726. 



^w, .\XLt» 



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220 KAMAL-AD-DÎN 

ensuite à Myâfârkîn; ils firent des incursions sur les terri- 
toires qui en dépendaient, mirent le pays au pillage et s'éta- 
blirent fortement en dehors de la ville. Les troupes alliées 
arrivèrent et s'arrêtèrent près de Myâfârkîn; elles livrèrent 
une série de combats aux Khvârizmiens jusqu'à ce que les 
deux parties conclurent la paix, à la condition que le souve- 
rain du pays de Roûm leur retirerait les fiefs qu'ils possé- 
daient dans son empire, et qu'ils devraient habiter sur les 
frontières. Il fut de plus convenu que la princesse, régente 
d'Alep, donnerait à son frère al-Malik-al-Mothaffar, quelque 
chose qui lui ferait plaisir, sans spécifier d'autres conditions, 
et qu'ils seraient tous, ainsi que Shihâb-ad-Dîn Ghâzî, les 
amis sincères de tous ceux qui entreraient dans leur alliance. 
Le prince de Mârdîn prêta serment au sultan al Malik-an- 
Nâsir, souverain d'Alep, et l'armée s'en revint. Mais rien de 
ce qui avait été arrangé ne tînt. 

Les ambassadeurs d' al-Malik-al-Mothaffar, et ceux des 
Khvârizmiens arrivèrent à Alep, et s'en retournèrent sans 
avoir conclu une entente ; on renvoya d'Alep les prisonniers 
des Khvârizmiens. Al-Malik-al-Mothaffar et les Khvârizmiens 
se mirent en campagne, arrivèrent à Maû§il, et le prince de 
Mârdîn fit de nouveau alliance avec eux. Ils campèrent devant 
Maûsil, saccagèrent tout le pays environnant, et emmenèrent 
les bestiaux ; puis, ils retournèrent du côté du Khâboûr. 

Sur ces entrefaites, al-Malik-al-Mansoûr, prince de Çoms, 

arriva à Alep ; le sultan al-Malik-an-Nâsir et les principaux 

266 r. personnages de la ville sortirent et se rendirent au-devant de 

lui à al-Vadîhî. Ce prince arriva le devant Alep, 

ou il vint habiter la maison de 'Alam-ad-Dîn-Kaî§ar ; il rassem- 
bla l'armée et se dirigea vers le Djazîra. 

Al-Malik-al-Mothaffar et les Khvârizmiens arrivèrent à 
Ra as-'Aîn après qu'al-Malik-al-Mansoûr eût traversé l'Eu- 
phrate. Les habitants de cette ville et les troupes qui s'y trou- 
vent se retranchèrent derrière ses murailles; ils avaient avec 
eux un certain nombre d'archers et d'arbalétriers francs. Ils 
entrèrent dans cette ville après avoir accordé la vie sauve 
aux habitants et firent prisonniers les soldats qui s'y trou- 
vaient. 
Al-Malik-al-Mansoûr revint avec l'armée vers Harrân, tan- 



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HISTOIRE d'aLEP 221 

dis qu'al-Malik-al-Mothaffar et les Khvârizmiens revenaient à 
Myâfârkîn. Ils renvoyèrent les troupes qu'ils avaient avec 
eux et qu'ils avaient prises àRa'as'-Àîn. Al-Malik-al-Man§oûr 
se dirigea ensuite avec son armée vers Âmîd ; les troupes 
d'Alep se réunirent avec celles du sultan du pays de Roûm 
qui se trouvaient dans cette ville, et elles y demeurèrent, atten- 
dant l'arrivée du reste de l'armée de Roûm avec la tente impé- 
riale * pour aller assiéger Myâfârkîn. 

Cette année, al-Malik-al-Hâflth-Ârslân-Shâh, fils d'al-Malik- 
al-'Adil, mourut dans la forteresse de 'Azâz, et on transporta 
son cercueil à Alep. Le sultan al-Malik-an-Nâçir et les grands 
personnages de la ville sortirent au-devant du cortège funèbre 
et firent la prière sur le corps. Ce prince fut inhumé dans le 
Ferdoûs (le Paradis) % dans le monument qu'avait bâti sa sœur, 
la régente d'Alep. Les naïbs du souverain d'Alep, al-Malik- 
an-Nâ§ir, prirent possession de la citadelle de ' Azâz sans aucune 
difficulté. Ces événements se passèrent au mois de Dhoû-'l- 
hidijdja de l'an 639. 

Les Tatars firent une expédition du côté de la ville de Arzan-ar- 
Roûm * et les troupes du pays de Roûm eurent fort à faire pour 
les combattre ; ils poussèrent leurs incursions jusqu'à la ville 
de Khartabirt. Al-Malik-al-Man§oûr et l'armée d'Alep crai- 
gnaient que ces Tatars ne demeurassent dans le pays et qu'à 266v. 
chaque instant ils eussent à redouter une attaque de leur part; 
les Tatars revinrent ensuite à Ra'as'Aîn. Al-Malik-al-Mothaf- 
far et les Khvârizmiens marchèrent vers Donaîsir, et al-Malik- 
al-Man§oûr se dirigea vers al-Djourdijab. Il marcha avec 
l'armée d'Alep contre ces envahisseurs et apprit qu'ils avaient 
campé à al-Khâboûr; il poursuivit sa route vers cette localité et 
vint camper à al-Madijdal *. Un grand nombre de Turkomans, 
commandés par un émir nommé Ibn-Doûdî, s'étaient joints aux 
Khvârizmiens. Une femme raconta que ce personnage avait 
dit à al-Malik-al-Mothaffar : « Je battrai leur armée avec ces 



1. Va akâmoû yantatharouna ioomoûl 'asâhir-ar-Roûm ma' al-dahliz. C'est- 
à-dire l'arrivée du sultan et de ses troupes. 

2. Nom d'un collège à Alep, voir l'appendice. 

3. Arzan-ar-Roûm est la ville bien connue d'Erzeroum. 

4. Suivant Yâkoût (Mo'djam, t. IV, p. 418) Madjdal est le nom d'une ville 
dans le Khàboûr, à côté de laquelle se trouve une colline surmontée d'un châ" 
teau fort. 



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222 



KAMAL-AD-DIN 



bergers * qui sont avec moi. » Le nombre de ces bergers s'éle- 
vait à soixante-dix mille, sans compter la cavalerie turkomane. 
Al-Malik-al-Mothaffar ç'étant mis en campagne vint camper 
non loin de Madjdal ; al-Malik-al-Mansoûr apprit sa marche, 
et rémir-Shams-ad-Dîn-Loûloû'-al-Amînî lui conseilla de mar- 
cher en toute hâte et à Tinstant même contre eux. L'armée 
d'Alep partit immédiatement et rencontra Tennemi qui avait 
établi son campement, le jeudi, vingt-troisième jour du mois 
l,%h^^'xx^c^ de Safar, de Tannée 640 ^ Les deux armées montèrent à cheval 
et engagèrent la lutte. Le combat était à peine commencé, 
qu'al-Malik-al-Mothaflfar et les Khvârizmiens prirent la fuite; 
leur campement se trouvant entre eux et l'armée d'Alep, les 
fuyards purent s'échapper quoiqu'un grand nombre d'entre eux 
furent tués. Les Halebins se précipitèrent sur les tentes des 
Khvârizmiens et sur les pavillons où se trouvaient les femmes 
et les bagages. Ils pillèrent tout ce qui se trouvait dans le camp, 
se saisirent des femmes et leur arrachèrent leur argent ainsi 
que leurs parures et leurs ornements d'or; pas une seule 
n'échappa. Al-Malik-al-Mansoûr entra dans la tente d'al-Malik- 
al-Mothaffar et s'empara de toutes les richesses qui s'y trou- 
vaient, ainsi que de tout ce qui était dans ses appartements. 
L'armée fit, dans cette journée, un immense butin, en chevaux, 
en mules, en chameaux, en troupeaux et en dififérents engins 
de guerre. On conduisit les troupeaux qui avaient été pillés à 
Maûsil, à Alep, à Hamâh et à Homs, et le nombre en était 
tellement grand que les soldats vendirent une tête de bétail 
267 r- pour une somme extrêmement faible. On battit les tambours 
à Alep en réjouissance de cette victoire, et la ville fut pavoisée 
pendant plusieurs jours consécutifs. 
Al-Malik-al-Man§oûr rentra avec son armée à Alep ; le . 



1. Djavâniba, pluriel de djoûbân, mot persan (tchoùbân). 

2. Cette année, dit Aboù-'l-Mahâsin {Histoire d'Egypte, ms. ar. 1779, f. 95 v»), 
il y eut, à Bagdad, une épidémie qui causa beaucoup de maladies. Le kha- 
life al-Mostansir-billah-Aboû-Dja*far-al-Mansoùr-ibn-ath-Thâhir-bi-amr-Allah- 
aboû-Nasr-Mohammad-ibn-an-Nâsir-li-dîn-Allah-Ahmad, mourut et Ton mit 
sur le trône son fils al-Mosta'sim. — On dit qu'il mourut empoisonné à Taube 
du vendredi 20 du mois de Djoumàda second ; il mourut de s'être piqué avec 
un canif empoisonné. Cette année mourut Kamàl-ad-Dîn, fils de Sadr-ad-Din, 
le grand sheikh, au mois de Safar, dans la ville de Gbaza; il avait été battu 
par al-Malik-al-Djavad, à la tète de Tarmée d'al-Malik-an-Nâsir-Daoûd, prince 
de Karak. 



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HISTOIRE d'alep 223 

sultan al-Malik-an-Nâ§ir quitta sa capitale et se rendit à la 
citadelle de Dja'bar, puis de là, à Manbadj, au-devant de ses 
troupes. Il les rencontra et rentra avec elles à Alep, le mer- 
credi, premier jour du mois de Djoumâda premier de Tan 640. 
Al-Malik-al-Mansoûr partit d'Alep durant la nuit du vendredi 
troisième jour de ce même mois, accompagné par un détache- 
ment de troupes d'al-Malik-an-Nâçir ; il voulait aller attaquer 
le pays des Francs du côté de Tarâbolos. 

La maladie dont la régente avait été atteinte quelque temps 
auparavant, s'aggrava, et elle mourut durant la nuit du ven- 
dredi, onzième jour du mois de Djoumâda premier de Tannée 
640, qu'Allah Tait en pitié ! Elle fut ensevelie dans le mausolée 
qui se trouve dans la citadelle, en face du sarcophage dans 
lequel était inhumé son fils al-Malik-al-'Azîz, qu'Allah les 
prenne tous deux en pitié! Cette princesse était née dans 
la citadelle d'Alep, à l'époque où son père al-Malik-al-'Adil 
en était gouverneur, en Tan 582. J'ai entendu dire que quand 
elle vint au monde, son père avait un hôte chez lui, et que 
lorsqu'il apprit sa naissance, il lui donna, pour cette raison, le 
nom de Daifa. 

Al-Malik-an-Nâsir prit alors en main le gouvernement de 
son royaume, et il s'inspira des conseils de son vizir Djamâl- 
ad-Dîn-al-Akram et de l'émir Djamâl-ad-Daûlah-Ikbâl-al- 
Khâtoûnî. Le sultan signa des diplômes par lesquels il faisait 
savoir qu'il reconnaissait à l'émir Djamâl-ad-Daûlah-Ikbâl- 
al-Khâtoûnî la possession de la moitié des revenus que l'on 
tirait de la saline d'Alep *. ainsi qu'une partie des revenus 



1. On appelle saline d'Alep, mallahat Halab^ un étang dans lequel vient se 
jeter le « fleuve d'or ». Les eaux de toutes les rivières contiennent, comme 
l'on sait, une quantité, d'ailleurs très faible et variable, de chlorure de sodium. 
Quand ces eaux pénètrent dans une dépression de terrain sans issue, peu 
profonde et offrant une grande superficie, il peut arriver, surtout dans les pays 
très chauds, que l'évaporation soit suffisante pour rendre invariable, d'une 
année à l'autre, le volume de l'eau contenu dans l'étang ainsi formé. On com- 
prend que dans de telles conditions, cette eau arrive à un degré de saturation 
suffisant pour laisser déposer du sel sur les bords de l'étang. En hiver, l'apport 
d'eau étant plus considérable que dans les autres saisons, l'étang sort des limi- 
tes qu'il avait en été, pour y revenir dès que le débit du fleuve qui l'alimente 
a diminué. L'eau qui reste sur ses berges en s'évaporant, laisse déposer du sel 
en cristaux. La salure de ces lacs est d'ailleurs différente de celle de l'Océan. 
C'est ainsi que s'explique sans recourir à l'hypothèse de la mer intérieure 
sibérienne, le degré de salure qu'ont atteint les eaux du lac d'Aral, formé par 
le Syr-Daria et l'Amou-Daria. On trouve dans V Histoire de Palmyre, dont l'im- 



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224 KAMAL-AD-DÎN 

ordinaires produits par les machines élévatoires, qui en- 
traient dans le trésor public et qui lui avaient été assignés 
(au sultan) jusqu'à l'époque de sa majorité. Il donna en 
toute propriété au vizir Djamâl-ad-Dîn-al-Akram une partie 
des biens des naîbs du trésor public. Le sultan venait tenir 
séance dans la Maison de la justice tous les lundis et tous 
267 V. les jeudis après être monté à cheval, et on lui exposait les 
plaintes. Il donna des vêtements d'honneur à ses émirs et aux 
grands personnages de la ville, il donna en fief la ville de 
'Azâz à l'émir Djamâl-ad-Daûlah, ainsi que la citadelle de 
cette ville et tout ce qui avait appartenu à al-Malik-al-Haflth, 
fils d'al-Malik-al-'Adil. Il lui fit aussi don de tous les entre- 
pôts qui se trouvaient dans ces localités. Cela eut lieu le 
vingt et unième jour du mois de Djoumâda de Tan 640. 



pression a été arrêtée par la mort de son auteur, M. de Saint-Martin, des ren- 
seignements assez curieux sur la saline d'Alep pour trouver ici leur place. Cet 
ouvrage est conservé, moitié en bonnes feuilles, moitié en épreuves et en manus- 
crit, dans le ms. n« 9 des papiers de Saint-Martin à la Bibliothèque nationale. 

« Tout près (de Hagla), dit-il (p. 65), est un lac ou un étang salé assez con- 
sidérable. Copper lui donne 10 milles anglais d'étendue. Selon Soyouthi, il a 
deux parasanges dans tous les sens... La surface de ce lac se concrète et Ton 
en tire du sel qui s'exporte dans toute la Mésopotamie. Du temps de Soyouthi, 
il était affermé pour 20,000 dirhems par an (lisez 28,000)... Il est alimenté par 
les eaux d'une rivière que l'on appelle le fleuve d'Or, Al-nahar-addheheh^ et qui 
est regardé par les habitants d'Halep, comme le même que le torrent de Buth- 
nan (vâdî Butnàn) qui arrose une vallée de ce nom, entre Manbedj et Halep, à 
une journée de marche l'une et Fautre. 

« La plupart des rivières qui coulent de la Syrie vers le Désert (p. 31) roulent 
des eaux saumâtres, qui ne tardent pas à se perdre dans les sables ou dans des 
fondrières qui forment quelquefois des espèces de marais ou de petits lacs 
plus ou moins salés; aucune cependant ne donne naissance à des salines aussi 
considérables que celles qui se trouvent au S. de Palmyre, ou qui méritent 
d'être remarquées, à l'exception de la saline d'Halep... Celle-ci se trouve à une 
petite distance de la capitale de la Syrie, dans les environs de Djahhoûl (la 
Gabbulse de Procope) où se réunissent les eaux de la vallée de Bouthnan^ non 
loin de l'antique Hiérapolis. » 

On lit ce qui suit sur la saline de Damas dans une Lettre du sieur Oranger à 
Monseigneur le comte de Maurepas^ datée du 26 janvier 1736, et dont une 
copie se trouve dans l'ifi^^oire de Palmyre de Saint-Martin : « A une bonne 
lieue et demi de la ville, marchant droit à l'Ouest-Sud-Ouest, on trouve une 
vaste saline qui a à peu près deux lieues de long sur trois quarts de lieue de 
large. Le sel s'y forme naturellement par le moyen des eaux de pluie qui y 
déposent ce minéral conjointement avec les eaux saumâtres d'une petite rivière 
qui déborde en hiver... Ces salines sont affermées 5,000 piastres par le Tef- 

terdar (turc defterdar) de Damas aux habitants du village d'Agi roude 

Les salines de Palmyre fournissent non seulement du sel aux habitants de 
Damas et de Hemz, qui n'en usent pas d'autre, mais encore à la plus grande 
partie des villes et villages de la dépendance de ces deux pachalis. » Histoire 
de Palmyre» Ms. n^ 9 des papiers de St-Martin, folio 274 v«. 



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HISTOIRE D*ALEP 225 

Les Khvârizmiens et les Turkomans commirent des actes 
de brigandage dans les villes du Djazîra; l'armée d'Alep, 
sous le commandement de l'émir Djamâl-ad-Daûlah, sortit 
pour les combattre au mois de Djoumâda second; ces troupes 
allèrent se réunir à Ra'as-'Aîn. Les Khvârizmiens se réunirent 
aussi de leur côté ; ils firent leur jonction avec le prince de 
Mârdin et se retranchèrent sur la montagne. 

L'armée d'Alep arriva et vint camper en face d'eux au pied 
de la montagne (sur laquelle se trouvaient les Khvârizmiens); 
les troupes creusèrent un fossé autour d'elles. Les deux armées 
se livrèrent plusieurs combats, et l'armée d'Alep fut très 
éprouvée dans cette localité par le manque de vivres et de 
fourrages, jusqu'au moment où le lieutenant du sultan du pays 
de Roûm, l'émir Shams-ad-Dîn-al-Ispahânî, arriva auprès d'al- 
Malik-al-Mothaffar-Shihâb-ad-Dîn-Ghâzî, du prince de Mâr- 
din et des Khvârizmiens. Cet émir parvint à conclure la paix, 
et il fut stipulé que l'on donnerait Ra'as-'Aîn au prince de 
Mârdîn, que le sultan du pays de Roûm contenterait les 
Khvârizmiens en leur donnant Khartabirt et quelque territoire 
dépendant de ses états; quant à al-Malik-al-Mothaffar-Ghâzî, 
il devait recevoir la ville de Khilât. 

Les troupes d'Alep prirent alors le chemin du retour, 
avec l'ambassadeur du sultan du pays de Roûm. Le sultan 
al-Malik-an-Nàsir se rendit au devant de son armée jusqu'à 
Manbadj, et l'ambassadeur entra à Alep le samedi dix-neu- UAtVrU^^H^ 
vième jour du mois de Shavvâl. Le sultan et son armée y 
firent leur entrée le mardi suivant, vingt-deux du même mois. 

L'ambassadeur du sultan de Roûm avait apporté avec lui 
de grandes sommes d'argent pour enrôler des troupes destinées 
à aller combattre les Tatars, et il demanda dans les diflférents 
pays qu'on lui envoyât des troupes dans ce but. Le sultan 2^8 v. 
d'Alep lui envoya un corps de secours sous le commande- 
ment de Nâsih-ad-Dîn-al-Fârisî, au mois de Dhou'l-hidjdjah 
de l'année 640; le sultan Ghyâth-ad-Dîn vint à la rencontre 
de ces troupes jusqu'à Sîvâs, il leur fit le meilleur accueil et 
les gratifia de dons considérables. Il donna le commandement 
de l'armée à Nâçih-ad-Dîn-Aboû'-l-Ma'ali-al-Fârisî. Cet événe- 
ment réjouit les habitants du pays de Roûm et l'arrivée du 
secours envoyé d'Alep fortifia leur courage. Le sultan se 



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^6 KAMAL-AD-DÎN 

rendit de Sîvâs à Akshahar et il y apprit l'arrivée des Tatars; 
il envoya plusieurs de ses émirs et une partie de l'armée d'Alep 
en reconnaissance. Les troupes de Roûm rencontrèrent l'en- 
nemi et engagèrent la lutte ; après plusieurs charges, les Tatars 
prirent la fuite devant elles, mais ils revinrent de nouveau à 
la charge en plus grand nombre et l'armée de Roûm fut mise 
en fuite à son tour. Les troupes d'Alep tinrent ferme et atta- 
quèrent à plusieurs reprises les Tatars. Mais des soldats pla- 
cés en embuscade sortirent de droite et de gauche et les cer- 
nèrent; aucun des soldats d'Alep ne se sauva, à l'exception de 
ceux qui chargèrent l'ennemi et réussirent à faire une trouée 
par laquelle ils s'échappèrent. Ce combat eut lieu le jeudi 
treizième jour du mois de Moharram de l'an 641 K Le sultan 
l./Yn/iaj^ du pays de Roûm prit la fuite durant la nuit du vendredi, et les 
habitants de Roûm s'enfuirent à Alep et dans la province qui 
en dépend. Les Turkomans firent des expéditions sur les 
frontières du pays de Roûm et pillèrent tous ceux qui se 
rendaient en Syrie. 

Fin de l'histoire d'Alep. 



APPENDICE I 



Je ne crois pas inutile de donner ici, sur la topographie de 
la ville d'Alep, quelques détails empruntés à la Description 
d'Alep, ms. ar. 1683 de la Bibliothèque nationale. 



1. Cette année, suivant Aboû'-l-Mahâsin [Histoire cCÉyypte, ms. ar. 1779, 
f. 96 r»), il y eut un échange d'ambassadeurs entre le sultan d'Egypte, al-Malik- 
as-SâlihrNadjm-ad-Din-Ayyoûb et son oncle al-Malik-as-Sâlih-Isma'îl, sou- 
verain de Damas. Al-Malik-al-Moughîth, fils d'al-Malik-as-Sàlih-Nadjm-ad-Din, 
se trouvait prisonnier à Damas d'al-Malik-as-Sâlih-Isma'îl, ce dernier le fit 
remettre en liberté et on fit la khofbah^ dans le royaume d'Isma'îl, au nom du 
sultan d'Egypte ; mais cela ne dura point et Isma'îl fit emprisonner une seconde 
fois al-Malik-^l-Mougrhîth. 



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HISTOIRE d'alep 227 



La Citadelle *. 

On attribue la construction de la citadelle d'Alep à Mikhâll 
ou Séleucus. Cette citadelle était bâtie sur une hauteur qui 
domine la ville et elle était entourée d'un mur ; on y pénétrait 
anciennement par deux portes. 11 y avait au milieu de la cita- 
delle un puits dans lequel on descendait par un escalier de 
cent vingt-cinq marches. 11 s'y trouvait un couvent pour les 
Chrétiens. Quand Khosrav-Anoû shirvân s'empara d'Alep, il 
bâtit, en même temps que le mur de la ville, plusieurs parties 
de la citadelle. A l'époque où Aboû-'Obaîda conquit Alep, le 
mur de la citadelle venait d'être ruiné par un tremblement de 
terre qui avait eu lieu quelque temps auparavant; ce général 
fit rebâtir l'enceinte fortifiée. Nicéphore (Nikafoûr), empereur 
des Grecs s'empara d'Alep en l'an 351, mais la citadelle, 
dans laquelle s'étaient renfermés une troupe d'Alides et de 
Hashimides lui résista énergiquement. A cette époque, la 
citadelle ne possédait pas un mur bien solide, car elle avait 
beaucoup soufifert quelque temps auparavant d'un tremblement 
de terre, de telle sorte que la garnison de la citadelle se 
protégea contre les flèches que lançaient les assiégeants en 
entassant des bats-d'âne. 

Le neveu de l'empereur fut tué d'un coup de pierre tiré de 
la citadelle, et pour venger sa mort, les Grecs firent périr 
douze mille prisonniers musulmans qui se trouvaient en leur 
possession. Après avoir saccagé la ville d'Alep, l'empereur 
dut renoncer à tout espoir de réduire la citadelle, et il traita 
avec la garnison. Depuis cette époque, les souverains qui ont 
régné sur Alep ont mis tous leurs soins à la reconstruction de 
la citadelle. Quand Saîf-ad-Daûlah entreprit de rebâtir le mur 
d'Alep, il en reconstruisit plusieurs parties ; son fils Sa'd-ad- 
Daûlah l'imita et établit sa demeure dans son enceinte. 

Les Mardashites l'entourèrent de murs. Les souverains qui 
leur succédèrent suivirent cette tradition, jusqu'au règne 
d"Imâd-ad-Dîn-Ak-Sonkor et de son fils l'Atabek Zengi, qui y 



1. F» 17 rectd. 



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228 KAMAL-AD-DÎN 

apportèrent de très grandes améliorations. Toghtikin * ybâtit 
une tour du côté du sud et y déposa ses trésors ; le nom de ce 
prince se trouvait écrit sur la tour. Noûr-ad-Dîn y fit de gran- 
des constructions, et en particulier un hippodrome (Maïdân) 
dans lequel Ton planta du gazon; c'est cette circonstance qui 
lui fit donner le nom d' « Hippodrome Vert ». Son fils, al-Malik- 
a§-Sâlih, fit restaurer le bashoura qui était très ancien, et y fit 
graver une inscription pour relater ce fait. Tous les princes 
ayyoubites continuèrent l'œuvre de leurs devanciers, mais 
al-Malik-ath-Thâhir-Ghyâth-ad-Dîn-Ghâzi s'y distingua parti- 
culièrement; il construisit dans la citadelle une vaste citerne 
et des greniers pour serrer les récoltes. Il fit démolir le 
bashoura et aplanir le sommet de la hauteur sur laquelle 
était bâtie la citadelle. Il fit reconstruire la porte plus haut, 
dans la position où elle se trouvait du temps de l'auteur de la 
Description d/Alep. La porte était primitivement voisine du 
sol de la ville et elle était contiguë au bashoura. Son ébou- 
lement en 606 fit de nombreuses victimes; le sultan fit alors 
construire à cette porte un pont qui la mettait en communi- 
cation avec la ville. Il fit également bâtir deux tours pour 
flanquer cette porte et percer trois autres portes; chacune 
de ces portes fut confiée à la garde d'un officier ; il y éleva 
encore des casernes et des bureaux pour les fonctionnaires. Il 
ouvrit dans le mur de la citadelle une porte qu'il nomma la 
Porte de la Montagne, à l'est de la Porte de la Citadelle. 

En l'an 616, on trouva dans la terre du fossé de la citadelle 
dix neuf lingots d'or pur, qui pesaient 96 ritl; suivant la 
mesure d'Alep, le ritl valait 720 dirhems. Al-Malik-ath-Thahir 
y construisit encore la « Maison de la gloire » {dâr-^iWIzz) 
et la maison des Colonnes [dâi^-ad-awâmid). Peu de temps 
après son mariage avec Daîfa-Khâtoûn, au mois de Djou- 
mâda premier de l'an 609, un incendie dévora leurs apparte- 
ments dans la citadelle. La partie détruite fut rebâtie et nom- 
mée le « Palais des statues » (Dâr-al-Shakhoû§). 

En Tannée 622, sous le règne d'al-Malik-al-'Azîz-Moham- 
mad, fils d'al-Malik-ath-Thâhir-Ghâzî, dix tours de la citadelle 

1. La transcription exacte de ce nom propre turc est plus exactement, 
Toghatikin, nous gardons ceUe de Toghtikin qui a été employée dans tout 
le reste de l'ouvrage. 



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HISTOIRE d'alep 229 

s'écroulèrent avec leurs courtines, et une partie du pont 
qu'avait fait construire al-Malik-at-Thâhir s'écroula égale- 
ment. L'Atàbek Shihâb-ad-Dîn-Toghrîl s'occupa de le faire 
réparer, il réunit des architectes qui lui conseillèrent de faire 
des constructions depuis le point le plus bas du fossé jusqu'à 
la montagne. Mais l'Atâbek trouva que ce projet l'entraîne- 
rait dans des dépenses exagérées, et qu'il demanderait un 
temps trop considérable; aussi ne flt-il pas réparer sérieu- 
sement les dégâts, ce qui permit plus tard aux Mongols de 
s'emparer de la citadelle par ce point faible. Le neuf du 
mois de Rabî' premier de l'an 658, ils détruisirent les fortifi- 
cations et tout ce qui se trouvait dans leur enceinte, de telle 
sorte qu'il ne resta plus un seul endroit habitable. 

Après les ravages des soldats d'Houlâgou, la ville resta 
ruinée jusqu'à l'époque d'al-Malik-al-Ashraf-Salâh-ad-Dîn- 
Khalîl, fils de Kalâvoun (assassiné en 693). Tîmoûr-Koûrkân 
à son tour saccagea la citadelle d'Alep et l'émir Saîf-ad-Dîn 
la rebâtit par Tordre du sultan mamelouk al-Malik-an-Nâ§îr- 
Faradj, fils de Barkoûk. 

Châteaux d'Alep *. 

Parmi les châteaux (Kasr) d'Alep, on trouve un Château 
construit par Moslama, fils d"Abd-al-Malik, en l'an 90 — un 
autre par son frère Solaïmân, fils d"Abd-al-Malik — le châ- 
teau de Khounâsira *, construit par 'Omar-ibn-'Abd-al-'Azîz 
— un château construit par Sâlih-ibn-'Alî-ibn-'Abd-AUah-ibn- 
'Abbâs dans le village de Batyâs ^ — Un château bâti par 
'Abd-ad-Mâlik, fils de ce Sâlih ; il est connu sous le nom des 
« deux maisons » et se trouve en dehors de la porte d'An- 
tioche — un château construit par Mourtida-ad-Dâulah * prés 
de la porte du Paradis {Bâb-ad-Djinân), dans l'intérieur de 
la ville — un château bâti par Saîf-ad-Daûlah-ibn-Hamdân à 
Halaba \ 

1. F» 22 et ss. 

2. Nom d'une ancienne petite ville, faisant partie de la province d'Alep. 

3. Nom d'un village en dehors d'Alep. 

4. Son nom était Aboû-Nasr-Mansoûr Loû'loû*, c'était un des affranchis 
des Beni-Hamdàn. 

5. Village près d'Alep dans l'ouest de cette ville. 



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230 kamal-ad*dîn 

Mosquées d'Alep*. 
Les mosquées djâmi d'Alep. 

Sur la grande mosquée d'Alep, voir plus haut sous la 
rubrique de Tannée 564. — Il y a, en dehors d'Alep, une autre 
mosquée djâmi', construite par Asad-ad-Dîn-Shîrkoûh, fils de 
Shâdî ; à côté de cette mosquée, étaient bâtis un collège et un 
mausolée où se trouvait enterré Asad-ad-Dîn. A Bankoûsâ se 
trouvait la mosquée al-Koûrdî-al-Hakkâri. 

A rintérieur d'Alep, on remarquait la grande mosquée d'Al- 
toûn-boghâ, non loin de l'Hippodrome noir; elle fut édifiée 
en 723, elle avait deux portes, l'une qui donnait dans l'inté- 
rieur de la ville et une qui conduisait en dehors; — la dijâmi'- 
an-Nâsiriyya bâtie sur l'emplacement d'une synagogue, qui fut 
détruite en l'an 727; — la djâmi' de Mankelî Boghâ, près de la 
porte de Kinniçrîn, elle fut construite en 778; — la djâmi' de 
Yilboghâ le Nâsirî, bâtie sous le règne du sultan mamlouk 
d'Egypte, al-Malik-ath-Thâhir Barkoûk; — la djâmi' de Ta- 
grî-Bardî, vice-roi de Damas, bâtie par cet émir en l'an 796, 
quand il était gouverneur d'Alep ; elle se trouvait près de la 
rue des Turkomans; — la djâmi' d'Akboghâ, gouverneur 
d'Alep, bâtie en 801. Elle était soutenue par des colonnes en 
marbre jaune; le mausolée de l'émir Akboghâ se trouvait dans 
cette mosquée. Après avoir été gouverneur à Alep, Akboghâ 
fut envoyé à Tarâbolos, puis à Damas; il revint ensuite à Alep 
où il mourut en l'an 806, avant d'avoir vu achever sa mos- 
quée. Ce fut l'émir Demirdâsh (Timoûrtâsh), gouverneur 
d'Alep qui la termina — la djâmi' du Tavâshî (eunuque), — 
la djâmi' de Bektimour el-Karnâ§i, près du fossé de la cita- 
delle et de la porte des Quarante ; — la djâmi' as-Saravî ; — 
la djâmi' du Mihmandâr, près de la porte de la Victoire ; — 
la djâmi' des Shi'ites, près de la porte d'Antioche ; — la 
djâmi' du Khâkân; — la djâmi' de Khvâdjâ; — la djâmi' de 
'Isa; — la dijâmi' de Bahîstâ. 

A l'extérieur de la ville, se trouvaient environ vingt 

1. F» 23 verso et ss. 



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HistoiRE d'alep 231 

grandes mosquées, parmi lesquelles nous citerons Iti djâmi' 
de la citadelle. Il y avait anciennement, dans la citadelle, deux 
églises chrétiennes dont Tune était consacrée au patriarche 
Abraham. Sous le règne des Merdashites, on bâtit à sa place 
une mosquée qui est connue sous le nom de Makâm d'Ibrâhîm 
supérieur. 

Al-'Athîmî raconte, dans sa chronique, qu'en Tan 435, on 
trouva à Ba'albek, dans une châsse de pierre portant une ins- 
cription *, la tète de Jean, fils deZacharie; elle fut transportée 
à Homs, puis, de là, à Alep dans le Makâm. Elle y fut placée 
dans une châsse de marbre blanc, que Ton déposa dans le 
« Trésor », près du mihrab. Al-Malik-al-'Adil-Noûr-ad-Dîn 
restaura le « Trésor » qui fut incendié sous le règne d'al- 
Malik-ath-Thâhir-Ghâzî, en Tan 609. A cette époque, il s'y 
trouvait des approvisionnements militaires en grande quantité, 
et le tout fut anéanti. Il n'y eut que la châsse où était déposée 
la tête de Jean, fils de Zacharie, qui échappa au désastre ; 
elle fut transportée dans la djâmi' principale d'Alep, après 
que le gouverneur de la citadelle, Saîf-ad-Dîn-Aboû-Bakr- 
ibn-Yîlboghâ, et Tinspecteur des arsenaux, Sharaf-ad-Dîn-Aboû 
Khâmis, eurent déclaré que c'était bien la tête de Jean, fils de 
Zacharie ; elle tut déposée à Test du minier. 

La seconde église chrétienne a été également convertie en 
une mosquée qui se nomme le Makâm d'Ibrahim inférieur. 
C'est ce qui explique que Ton trouve quelquefois cette expres- 
sion : « les deux Makâm, ». 

Cette seconde djâmi' fut rebâtie par al-Malik-al-'Adil Noûr- 
ad-Dîn, qui y consacra un vakf et y adjoignit un collège pour 
les sectateurs de l'Imam Aboû-Hanifa. Ces deux mosquées 
furent saccagées par les Mongols. 

Mosquées ordinaires et autres monuments religieux ^ 

La mosquée qui se trouve dans le Marché des forgerons 
(Soûk-al-Haddâdîn); — la mosquée de Ghoût, près de la porte 
de r Irak, à l'intérieur de la ville ; — la mosquée de Noûr 



1. Mankoûr, peut-être simplement ciselée. 

2. Fo 32 verso. 



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232 KAMAL--AD-DÎN 

(la mosquée de la lumière), près de la porte de Kinnisrîn dans 
une tour ; — la mosquée de Ghâçâîrî. Suivant l'auteur de la 
Description d*Alep, citant un passage de la Chronique de 
Mohammad-ibn-'Alî-al-'Athîmî, cette mosquée fut élevée par 
Aboû*-l-Hasan-'Alî-ibn-al-Hamid-al-Ghâsâîrî, puis réédifiée 
sous le nom de mosquée de Sho'aib par Sho aib-ibn-Abi-1- 
Hosaîn al-Andâlousî, le juriste. Al-Malik-al-'Adil-Noûr-ad- 
Dîn-Mahmoûd attribua un vakf à cette mosquée et y fit un 
collège pour les Shafé'ites; — la mosquée du Makam d'Ibra- 
him; on y montrait une pierre sur laquelle on prétendait 
qu'Abraham s'était assis ; cette pierre était conservée dans le 
mihrab; dans le portique du sud se trouvait une pierre avec 
une cavité ; on racontait que c'était dans cette pierre qu'Abra- 
ham trayait ses vaches. On sait que les Musulmans font 
dériver le nom d'Alep (Halab) de la racine arabe halaba, qui 
signifie traire les vaches. Du côté du nord, vers la porte de 
Kinnisrîn, se trouvait le tombeau du juriste Mashraf-ibn-'Abd- 
AUah-al-Hanafî. Quand al-Malik-ath-Thâhir-Ghyâth-ad-Dîn- 
Ghâzî fit recreuser le fossé d'Alep , il fit répandre la terre 
autour du tombeau de Mashraf dont il fit transporter le corps 
au pied du mont Djoùshan; — la mosquée de Khidr que l'on 
prétend être un monument antéislamique ; — la mosquée de 
Mar-Bîtâ, que l'on appelait anciennement « la Demeure des 
Prophètes », elle fut construite par 'Imâd-ad-Dîn-Ak-Sonkor, 
prince d'Alep, et dotée par ce prince de vakfs; — le Meshhed 
de la prière, au nord et à l'extérieur d'Alep, en dehors de la 
Porte de la Victoire; — le Meshhed d"Alî, construction 
ancienne en dehors de la porte Bâb-al-Djinân, bâtie dans un 
endroit où Ton vendait du vin; — le Meshhed de Yoûnis; — 
le Meshhed-al-Dakâ, à l'occident d'Alep. Ce monument avait 
reçu ce nom par suite de la circonstance suivante : Saîf-ad- 
Daùlah avait un belvédère sur la hauteur qui domine le 
Meshhed; il venait s'y asseoir pour attendre le courrier qui 
venait se présenter devant lui pour lui apporter la nouvelle du 
retour de la caravane. La citerne qui se trouve au nord du 
Meshhed fut construite sous le règne des Merdashites. En 
l'an 582, Kasîm-ad-Daulah-Ak-Sonkor fit construire une 
seconde citerne au sud et il y fit graver une inscription pour 
en perpétuer le souvenir; Noûr-ad-Dîn y construisit également 



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HISTOIRE d'alep 233 

une citerne. Le reis Safî-ad-Dîn-Târoûn-'Alî-al-Bâlishî, rets 
d'Alep, plus connu sous le nom d*Ibn-Tarîrâ, fit démolir la porte 
de ce Meshhed qui avait été construite par Saîf-ad-Daûlah. Il la 
fit rétablir plus belle qu'elle ne Tétait auparavant. Sous le 
règne d'al-Malik-ath-Thâhir-Ghyâth-ad-Dîn-Ghâzî, le mur du 
sud du makâm s'écroula et ce prince le fit rebâtir; sous le 
règne d'al - Malik - al -Nâsir - Yoûsouf - ibn-al - Malik - al - ' Azîz- 
Mohammad, fils d'al-Malik-ath-Thâhir, ce fut le mur du nord 
qui s'écroula à son tour, et il fut également rebâti par ses 
ordres. Quand les Mongols s'emparèrent d'Alep, ils sacca- 
gèrent le makâm, pillèrent tout ce qui s'y trouvait et détrui- 
sirent les citernes et les portes. Le sultan al-Malik-ath-Thâhir 
(Baîbars) le fit rebâtir; — le Meshhed de Hosaîn, construit 
sous le règne d'al-Malik-a§-Sâlih, fils de Noûr-ad-Dîn; il fut 
terminé en 585. Quand les Mongols s'emparèrent d'Alep, ils 
enlevèrent de ce Meshhed les différents objets qui servaient à 
l'exercice du culte ; — le Meshhed-al-An§arî, dans le quartier 
nommé Yâroûkiyya au sud du mont Djoûshan — le Meshhed 
rouge (Meshhed-al'ahmar) sur le sommet du mont Djoûshan, 
au sud du précédent ; — le Meshhed d' 'Ali, à l'ouest du fleuve 
Koûyouk; — la chapelle (makam) d'Abraham à l'est d'Alep. 
Dans le village de Roûhîn qui dépend de la montagne de 
Siméon, se trouve un meshhed où l'on voit les tombeaux de 
trois prophètes. 

Les Collèges \ 

Le collège al-Zodjâdjiyya, bâti par Badr-ad-Daûlah-Aboû- 
'r-Rabï'-Solaimân-ibn-'Abd-al-Djabbâr-ibn-Ortok , prince 
d'Alep ; ce fut le premier collège bâti à Alep, il fut commencé 
en l'an 526 ; — le collège al-'Asrouniyya ; ce collège fut d'abord 
la maison de Aboû-'l-Hosaîn-*Alî-ibn-Abî-al-Thouriyya, vizir 
d'Ibn-Mardash. Ce fut al-Malik-al-'Adil-Noûr-ad-Dîn- 
Mahmoûd qui le transforma en collège en Tannée 550 ; — le 
collège al-Nifariyya-al-Noûriyya, bâti par Noûr-ad-Dîn-Mah- 
moûd, en 544 ; — le collège al-Kawâmiyya, à Tintérieur de la 
porte des Quarante, près de la rue al-Firârat, en face du 

1. Fo 39 recto et ss. 



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234 KAMAL-AD-DÎN ^ 

château d'eau d'al-Malik-al-'Adil; à Vintérieur de ce collège 
il y avait un caravansérail pour les kalenders ; — le collège 
al-Sâdjiyya, bâti par le kâdî Bahâ-ad-Din-Aboû-'l-Mahâsin- 
Yoûsouf-ibn-Râfr-ibn-Tâmim, appelé couramment Ibn- 
Shaddâd, en Tan 601; — le collège Thâhiriyya, qui était 
connu à Tépoque de Tauteur de la Description d'Alep^ sous 
le nom de « Collège impérial » al-Sultaniyya, en face de la 
citadelle ; il fut bâti par al-Malik-ath-Thâhir-Ghâzî. Quand le 
sultan mourut, ce collège n'était point terminé et il rest^ 
quelque temps ainsi ; Shihâb-ad-Din Toghrîl, TAtâbek d'aï- 
Malik-al-'Azîz, le fit terminer en Tan 629 ; — le collège al- 
Asadiyya, bâti par Asad-ad-Din Shîrkoûh; — le collège al- 
Ravâdjiyya, bâti par Rokn-ad-Din-Aboû-'l-Kasîm-Hîbat-Allah- 
ibn-Mohammad-ibn-'Abd-al-Wâhid ibn Aboû-1-Wafâ ; — le 
collège al-Sho'aibiyya, qui est une mosquée connue sou3 le 
nom d'al-Ghasâîrî. Quand Noûr-ad-Din devint souverain d'Alep, 
il y construisit des collèges, et, en particulier, il fit de cette 
mosquée un collège pour le shaîkh Sho'aîb-ibn-Aboû-1-Hasan- 
ibn-Hosaîn-ibn-Ahmad-ibn-Andalousî; il a déjà été parlé plus 
haut de ce collège au paragraphe des mosquées ; — le collège 
al-Zobaîdiyya, bâti par Ibrahim ibn-Ibrâhîm, connu sous le 
nom du frère de Zaîd-al-Kayyâl (celui qui mesure le blé); il 
fut terminé en 655; — le collège al-Badriyya, construit par 
Badr-ad-Dîn-Badr, aflfranchi d' Imâd-ad-Dîn-Shâdî, fils d'al- 
Malik-an-Nâçir-Salâh-ad-Din-Yoûsouf-ibn-Ayyoûb. 11 se trou- 
vait au bout de la rue du Bazar, et était disparu à Tépoque de 
l'auteur de la Description d'Alep ; — le collège al-Saîfiyya, 
bâti par l'émir Saîf-ad-Dîn-'Alî-ibn-'Alam-ad-Dîn-Solaîmân- 
ibn-Haîdar; il fut terminé en l'an 617; il était ruiné à l'époque 
de l'auteur de la Description d'Alep; — le collège al-Sharîfa, 
construit par le shaîkh, l'imam, Sharaf-ad-Din-aboû-Thâlib- 
'Abd-ar-Rahman-ibn-Aboû-Sâlih-'Abd-ar-Rahîm, connu sous 
le nom d'Ibn-al-'Ac(jami ; la construction de ce collège lui 
coûta plus de 400,000 dirhems, et il lui assigna des vakfs très 
importants ; son fils, Mohyî-ad-Dîn-Mohammad y enseigna 
jusqu'à sa mort ; il fut tué dans le sac de la ville par les Mon- 
gols. 

En dehors d'Alep, se remarque le collège Thâhiriyya, qui 
fut bâti par le sultan al-Malik-ath-Thâhir-Ghâzî, il fut terminé 



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HISTOIRE d'alep 235 

en 616; — le collège Haraviyya, bâti par le sheikh Aboû-'l- 
Hasan-'Alî-ibn-Bakr-al-Haravî, au sud d'Alep; U fut détruit 
par les Mongols ; — le collège du Paradis (al-Fardoûs), bâti 
par la sultane Daîfa-Khàtoûn, fille du sultan al-Malik-al-'Adil- 
Saîf-ad-Dîn ; elle y éleva un mausolée, un collège et un cara- 
vansérail; elle y plaça plusieurs sofis, lecteurs du Coran et 
juristes; — le collège Baldoukiyya, construit par Témir 
Hosâm-ad-Dîn-Baldouk, aflTranchi d'al-Malik-ath-Thâhir ; — 
le collège Kaîmariyya, construit par Témir Hosâm-ad-Dîn-al- 
Hasan-ibn-Abî-'l-Favâris-al-Kaîmarî, dans le voisinage du 
AfaMm (d'Ibrahim), en Tan 646; — le collège de la Mon- 
tagne, contrait par l'émir Shams-ad-Dîn-Aboû-Bakr-Ahmad- 
ibn-Aboû-Sâlih-'Abd-ar-Rahîm-ibn-al-'A(^amî ; il y a un mau- 
solée dans lequel cet émir a été inhumé, il était réservé aux 
Shafi'ites et aux Malékites, il fut terminé en l'an 595; — le 
collège construit par l'émir Shams-ad-Dîn Loû'loû', affranchi 
d'Amîn-ad-Dîn-ibn-Yaman, affranchi de Noûr-ad-Dîn-Arslân 
(Raslân)-ibn-Mas'oud, prince de Mausil; — le collège du 
Makâm, bâti par Bahâ-ad-Dîn, qui était plus connu sous le 
nom d'Ibn-Abî-Sâl; — le collège construit par 'Izz-ad-Dîn- 
Aboû-'l-Fath-Mothaffar-ibn-Mohammad-ibn-Sultân-ibn-Fâtik- 
al-Hamawî, dans le Makâm (d'Ibrahim), il fut terminé en 
l'an 652. 

Collèges des Hanéfites dans Alep. 

Le collège al-Halâviyya, qui fut fondé par Noûr-ad-Dîn 
quand il s'empara d'Alep ; il fut commencé en l'an 544; il était 
bâti sur l'emplacement d'une église chrétienne, bâtie par 
Hélène, sœur de Constantin, qui fut changée en mosquée par 
Ibn-Khashshâb ^ 

Le collège Shâdbakhtiyya, fondé par l'émir Djamâl-ad-Dîn- 
Shâdbakht, l'eunuque (khâdim) indou; — le collège al- Atâ- 



1. En l'an 518, quand les Francs assiégèrent Alep, ils violèrent les tombeaux 
qui se trouvaient en dehors de cette ville et brûlèrent ce qu'il y avait dedans. 
Le kâdi al-IIasan, fils du kàdî Aboûl-'l-Fadl-ibn-Khashshâb-al-Halabi, fit jeter à 
bas quatre des églises chrétiennes qui se trouvaient dans Alep; la famille de 
cet ibn-Khashshàb posséda le village de Hoûta, près d'Alep, jusqu'au règne 
d'al-Malik-as-Sàlih, fils de Noûr-ad-Din, Description d'Alep^ ms. ar. 1683, 
f . 45 r«. 



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236 KAMAL-AD-DÎN 

bakiyya, construit par TAtâbek Shihâb-ad-Dîn-Toghrîl, du 
temps du sultan al-Malik-ath-Thâhir-Ghâzî; il fut incendié par 
les Mongols, puis reconstruit après cet événement ; — le col- 
lège Haddàdiyya, bâti par Hosàm-ad-Dîn-Mohammad-ibn- 
'Omar-ibn-Lâdjîn, neveu de Salâh-ad-Dîn. C'est une des quatre 
églises chrétiennes qui furent transformées en mosquées par 
Ibn-al-Khashshâb; il était abandonné à Tépoque de l'auteur 
de la Description d'Alep; — le collège Djourdikiyya, bâti par 
rémir Izz-ad-Dîn-Djoûrdik-al-Noûrî, en 551; — le collège 
Mokaddamiyya, bâti par Témir Izz-ad-Dîn-'Abd-al-Malik-al- 
Mokaddam ; c'était Tune des quatre églises converties en mos- 
quées, par Ibn-al-Khashshâb, à laquelle on ajouta ce collège, 
qui fut commencé en Tan 545; — le collège Djaouliyya; — 
le collège Toumâniyya, bâti par Témir Hosâm-ad-Dîn-ibn- 
Toûmân, émir de Noûr-ad-Dîn. Ibn-Shihna raconte qu'il y 
avait dans ce collège un endroit réservé aux femmes ; — le 
collège Hosâmiyya, bâti par l'émir Hosâm-ad-Dîn-Mahmoûd- 
ibn-Khatloû, à l'ouest dé la citadelle, entre la citadelle et le 
fossé; — le collège Asadiyya, en face de la citadelle, connu, 
à l'époque de l'auteur de la Description d'Alep, sous le nom 
de Tavashiyya (collège de l'Eunuque), bâti par l'eunuque 
Badr-ad-Dîn, du temps d'Asad-ad-Dîn-Shîrkoûh; il fut détruit 
par le molla Mohammad, inspecteur des fondations pieuses 
en 935; — le collège Kilidjiyya, bâti par l'émir Modjâhid-ad- 
Dîn-Mohammad-ibn-Shams-ad-Dîn Mahmoud -ibn-Kilîdj le 
Noûrî; il fut terminé en l'an 550; — le collège Ghoutaisiyya, 
bâti par Sa'd-ad-Dîn-Mas'oûd, fils de l'émir 'Izz-ad-Dîn-Aîbek, 
connu sous le nom de Ghoutaîs *, contemporain d*Izz-ad-Dîn- 
Farrukhshâh, fils de Shâhânshâh, fils d'Ayyoûb, prince de 
Ba'lbek. 11 fut détruit à l'époque de Tîmoûr; — le collège 
Madjdiyya, ainsi nommé de Mac(jd-ad-Dîn-ibn-ad-Dayâ ; il 
était non loin du tombeau du prophète Baloukyâ. Il fut absolu- 
ment ruiné en 936; — le collège Madjdiyya al-Baranîyya, 
qui était totalement détruit à l'époque de l'auteur de la Des- 
cription d'Alep; le terrain sur lequel il était bâti conserva, 
jusqu'à l'époque de cet historien, le nom de al-Madjdiyya. 
Ibn-Shihna, dans sa Chronique, citait encore parmi les collèges 

1. Dans Kacnal ad-Din,ce nom est écrit Foujais. 



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HISTOIRE d'alep 237 

hanéfites on shafe'ites d'Alep : le collège Asvadiyya, bâti par 
rémir 'Izz-ad-Dîn-Asvad-Zakânî ; il n'en restait pas trace à 
répoqne de l'auteur de la Description d'Alep; — le collège du 
Nakîb, bâti par le nakîb 'Izz-ad-Dîn-Aboû-1-Fotoûh-al-Mur- 
tida-ibn-Ahmad-al-Ishaki-al-Mouthanî-al-Hosâmî, sur la mon- 
tagne de Djoûshan; — le collège Dakkakiyya, bâti par 
Mohaddab-ad-Dîn-Aboû-'l-Hasan-'Alî-ibn-Dakâk, détruit 
entièrement à Tépoque de l'auteur de la Description d'Alep; 
— le collège Djamâliyya, bâti par Djamâl-ad-Doûlah-Ikbâl- 
ath-Thahirî, qui y aflFecta en vakfs, trois bains, quatre fours à 
Nîrab et quatre fours à Dâbik * ; — le collège 'Alâiyya, bâti 
par le sâhîb Kamâl-ad-Dîn 'Oraar-ibn-'Ahmad-ibn-Hibat-AUah- 
ibn-Abî-Djarada, connu sous le nom d'Ibn-al-'Adîm, à l'ouest 
d'Alep ; il bâtit son mausolée dans ce collège, où il y avait 
un pavillon (djoûsk) et un verger (bostân). Sa construction 
fut commencée en l'an 639 et il fut terminé en 649. 



Les Portes ^ 



La Porte de Kinnisrîn, ainsi nommée parce que c'était par 
elle que l'on sortait pour se rendre au village de Kinnisrîn. Il 
se pourrait qu'elle ait été bâtie par Saîf-ad-Daûlah-ibn Ham- 
dân, car, à l'époque de l'auteur de la Description d'Alep, on 
lisait le nom de ce prince sur une des tours qui la flanquaient. 
Elle fut restaurée par al-Malik-an-Nâçir-Yoûsouf, fils d'al- 
Malik-ath-Thâhir, fils de Salâh-ad-Dîn-Yoûsouf-ibn-Ayyoûb, 
en l'an 654. On employa à sa reconstruction les pierres d'une 
des tours de la forteresse qui avait été élevée par Moslama, 
fils d"Abd-al-Malik, et on y transporta la porte de Rakka, que 
l'on y adapta. Cette porte se trouvait primitivement dans le mur 
d"Amoûriyya, d'où le khalife abbasside al-Mo'tasim l'avait fait 
transporter à Samarra en l'année 223 de l'hégire, quand il 
s'était emparé de cette localité. Après la ruine de Samarra, elle 
avait été transportée à Rakka. Quand les Mongols s'emparèrent 

1. Connu dans l'histoire de Kamàl-ad-Din, sous le nom de Djamàl-ad-Din 
Ilj:bâl-al-Khàtoûnî. 

2. F* 11 verso et ss. 



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238 KAMAL-AD-DÎN 

d'Alep, ce fut la première chose qu'ils saccagèrent dans la 
ville; d'après Ibn Shaddâd, cet événement avait été prédit par 
un shaïkh nommé Sharaf-ad-Dîn-Mohammad-ibn-Moûsa-al- 
^aûrànî. Quand le sultan mamlouk Baîbars al Bondokdârî 
reprit Alep, il fit arracher les plaques de fer laminé qui cou- 
vraient la porte de Kinnisrîn ainsi que les clous, et fit 
transporter le tout à Damas et au Caire. 

La porte de rirâk; c'était une construction ancienne, car on 
lisait sur plusieurs des bastions qui en dépendaient le nom 
d'Aboû-'Olvân-Thamâl-ibn-Sâlih-ibn-Mardâsh qui vécut à Alep 
un peu après l'année 420 de Thégire. Devant cette porte se 
trouvait un hippodrome (maîdân) que fit construire al-Malik- 
?il-'Adil-Noûr-ad-Din-Mahmoûd-ibn-Zangî, en l'an 553. Cet 
hippodrome avait deux portes. 

SuivaAt l'historien Ibn Khatîb, cette porte était ruinée à son 
époque, et il n'en restait pas pierre sur pierre; on se bornait à 
montrer l'endroit où elle se trouvait anciennement, au nord de 
la mosquée du Tavashi, près des bains d'or (Hammam- al- 
Dahab). L'auteur de la Description d*Alep (Sâhib-al-ctsl) 
rapporte que le sultan mamlouk bordjite al-Malik-al-Mou- 
vayyad-Shaîkh fit faire des constructions pour rétablir la 
porte de 1' 'Irak dans l'état où elle se trouvait à l'époque des 
Ayyoubites, mais qu'après sa mort les travaux furent inter- 
rompus, et qu'on abandonna la réfection du mur d'enceinte de 
la ville. 

A l'est, cette porte était voisine de la Porte du Palais de 
Justice, que personne n'avait franchie à cheval, sauf al- 
Malik-al-Thâhir-Ghyâth-ad-Dîn-Ghâzî qui l'avait bâtie ; — à 
l'est, se trouve également la Petite Porte, celle par laquelle on 
sort de dessous la citadelle, du côté du fossé et du Monastère 
de la Citadelle, quand on se dirige vers le Palais de Justice. 
En dehors de cette porte, se trouvaient les deux portes que fit 
rebâtir al-Malik-ath-Thâhir Ghâzî; l'une d'elles était appelée 
également la Petite Porte; elle s'ouvrait au bord du fossé* et 
elle conduisait à l'hippodrome qui a été mentionné plus haut. 

La Porte des Quarante (bâb-al-arbazn). L'auteur de la 
Description d'Alep dit que Ton n'est point d'accord sur l'éty- 
mologie de ce nom. Quelques personnes prétendaient qu'il 
lui avait été donné parce que quarante mille personnes étaient 



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HISTOIRE d'alep 239 

sorties par cette porte en une seule fois. Quoi qu'il en soit, 
l'historien Ibn-Khatîb nous apprend qu'à Tépoqùe du sultan 
mamlouk al-Malik-al-Ashraf-Barsbâî, elle était complètement 
tombée en ruines, et qu'il n'en restait plus que quelques vesti- 
ges. Quand ce souverain ordonna de rebâtir le mur extérieur 
de la ville, on jeta à bas ce qui en subsistait encore, de telle 
sorte qu'il n'en resta plus trace. L'historien Bahâ-ad-Dîn-ibn- 
Shaddâd raconte que le sultan ayyoubite al-Malik-ath-Thâhir 
Ghâzî fit verser devant la Porte des Quarante un amas de terre 
qu'il fit extraire du fossé de Roûm (Khandak-^r-Roûm); il le 
nomma al-Moutavathir nom dérivé de al-Vouthira qui est un 
chemin tout près de la montagne; il entoure la citadelle 
jusqu'à la porte Bab-al-Kanât; il y fit percer trois portes. Ces 
grands travaux ne furent terminés que sous le règne de son 
fils al-Màlik-al-'Azîz-Mohammad. Il donna à la porte méri- 
dionale le nom de Porte du Makâm, parce qu'en sortant par 
cette porte on se dirigeait vers le Makâm de Khalîl (Abraham). 
Du temps de l'auteur de la Description d'Alep, cette porte 
était connue sous le nom de Bâb-al-Kobaïs. Elle était voisine 
à l'est de la Porte appelée Bâb-al-Nîram; cette dernière porte 
avait reçu ce nom parce qu'elle conduisait au village de 
Nîram ; elle était voisine de la porte Bab-el-Kanât (la porte 
des Canaux). Les conduites d'eau qu'ai -Malik-ath-Thâhir 
avait fait construire pour amener l'eau de Hailân dans Alep 
passaient par cette porte, et c'est cette circonstance qui lui 
avait fait donner le nom de Bâb-al-Kanât. A l'époque de l'au- 
teur de la Description d*Alep, on l'appelait Porte de Ban- 
koûsâ, parce que c'était par cette porte qu'il fallait passer 
pour se rendre dans le village de Bankoûsâ, situé au nord- 
est d'Alep. Près de cette porte il y avait des mosquées 
djâmi' et des mosquées ordinaires, des bains, des marchés 
et des caravansérails (khânât). 

Du côté du Nord, la porte des Quarante était voisine de la 
porte de la Victoire (Bâb-an-Nasr) qui, anciennement, avant 
l'époque où vivait Ibn-Shaddâd, était connue sous le nom dé 
porte des Juifs, parce qu'elle était proche du quartier où ils 
habitaient. Cette porte conduisait au cimetière des Juifs. Ce 
fut le sultan ayyoubite al-Malik-ath-Thâhir-Ghâzî qui chan- 
gea son nom en celui de Porte de la Victoire. Il y fit ajou- 



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2 10 KAM AL-AD-DÎN 

ter * quatre portes, il y avait entre chaque groupe de deux 
portes une esplanade (dergâh) et Ton pouvait passer de Tune à 
l'autre. Il fit construire un pont qui partait du fossé et condui- 
sait aux boutiques où Ton vendait les céréales. Il y avait sur 
son emplacement un amas de terre et de cendres ; Ibn-Khatib 
raconte, dans sa Chronique, qu'avant cette époque il y avait 
sur ce remblai de terre et de cendres une porte par laquelle on 
sortait pour aller à Nâsoûrah, qui est un canton situé en 
dehors d'Alep. 

La porte la plus voisine était la porte du Paradis (bâb-al- 
Farâdîs), située à Toccident de la ville ; c'est al-Malik-ath- 
Thâhir-Ghyâth-ad-Dîn-Ghâzî qui la fit bâtir. Il construisit au- 
dessus de cette porte une tour très élevée et bien fortifiée. 
Elle fut fermée après sa mort, et elle resta close jusqu'à ce que 
son petit fils al-Malik-an-Nâçir la fit rouvrir. 

L'auteur de la Description d'Alep fait remarquer qu'Ibn- 
Khatîb, dans sa Chronique, ne parle point de la porte du Para- 
dis (Bâb-al-Farâdîs), mais que, dans le passage où il mentionne 
la destruction de l'enceinte fortifiée d'Alep, il parle d'une porte 
nommée Bâb-al-Faradj qui était aussi appelée Bâb-al-Kanât 
(la porte des canaux) et que, de plus, il cite encore une autre 
porte nommée Bâb-al-Faradj, dans le voisinage de la citadelle. 
Il nomme la porte, qui vient ensuite, la porte Bâb-al-Djinân (la 
porte du Paradis); dans ces conditions et il est possible que la 
porte Bâb-al-Farâdis et la porte Bâb-al-Djinân n'en fassent 
qu'une seule, car djinân est synonyme de farâdîs; ces deux 
mots signifiant également « paradis ». 

L'auteur de la Description d'Alep, citant un passage d'Ibn- 
Shaddâd, nous apprend que la porte la plus voisine de la pré- 
cédente était la porte nommée Bâb-al-Djinân c'est-à-dire Porte 
du Paradis, et qu'elle était ainsi nommée parce qu'elle con- 
duisait aux jardins qui se trouvent en dehors d'Alep; elle était 
percée de deux ouvertures. Elle était connue, à l'époque de 
l'auteur de la Description d'Alep, sous le nom de Bâb-al- 
Faradj ou encore de Bâb-al-'Ibârat. 

Elle était voisine de la porte d'Antioche, ainsi nommée 
parce qu'on y passait pour prendre la route qui conduisait vers 

1. Litt. : il plaça dessus. 



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HISTOIRE D'aLEP 241 

cette ville. Elle avait été détruite à Tépoque où Tempereur grec 
s'était emparé d'Alep, en Tan 351. Saîf-ad-Daûlah la rebâtit^ et 
al-Malik-an-Nâçir-Salâh-ad-Dîn-Yoûsouf la fit rebâtir de Tan 
643 à Tan 645. Il fit construire au dessus de cette porte deux 
grandes tours et la munit d'un avant-corps. Elle était percée 
de deux ouvertures. 

La porte la plus voisine était la porte de la Félicité (Bâb- 
as-Sa'adat); elle conduisait à Thippodrome qu'avait fait bâtir 
al-Malik-an-Nâçir en Tan 645. Elle était surmontée de plu- 
sieurs tours et était munie d'un avant corps. Ibn-al-Khatib 
ne mentionne pas non plus cette porte, car elle était tombée 
en ruines bien avant son époque et il n'en restait plus trace. 
Quand le sultan mamlouk al-Malik-al-Mouvayyad-Shaikh 
ordonna de restaurer l'enceinte fortifiée d'Alep, on trouva à 
cette place une porte murée; l'auteur de la Description 
d'Alep suppose que c'était la Porte de la Félicité. 

Ibn Shaddâd fait encore mention de deux anciennes portes 
d'Alep ; la première était appelée porte de la Tour (Bâb-al- 
Bourdj) ; elle se trouvait du côté des bains de la Citadelle 
(Hammâm-al-Kaçr) ; al-Malik ath-Thâhir la fit démolir et il 
n'en restait plus trace à l'époque où écrivait l'auteur de la 
Description d'Alep. La seconde de ces portes se trouvait à 
la tête du pont qui traverse le Koûyouk en dehors de la porte 
d'Antioche, elle était nommée « porte du Salut » (Bâb-al- 
Salâmat). Elle avait complètement disparu à l'époque de 
l'auteur de la Description d'Alep. Les Grecs l'avaient détruite 
à l'époque de Saîf-ad-Daûlah. 

Les Bains *. 

Il y avait, à l'intérieur d'Alep, soixante et onze établisse- 
ments de bains et trente et un bains particuliers, — en dehors 
d'Alep, vingt-huit bains, — à al-Yâroûkiyya, treize bains, — 
en dehors de la porte d'Alep, six bains, — - à Halaba, trois 
bains, — en dehors de la porte du Paradis, sept bains, — 
dans les jardins (al-Basâtin), vingt-quatre bains, — à Ramâda 

1. F® 48 verso. 



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242 KAMAL-AD-DÎN 

et Bankoûsâ, onze bains. Le nombre total de ces établisse- 
ments était pour Alep et les environs de 195. 

Bains qui se trouvaient dans V intérieur de la ville d*Alep *. 

Parmi ces bains, Fauteur de la Description d*Alep cite les 
bains de Asintimour qui sont voisins du collège qu'il avait fait 
construire en dedans de la porte Bâb-al-Nîram, — le Ham- 
mâm-an-Nâ§irî, près du marché aux chevaux, — le Hammam 
d'Ougoulbeg, près du marché aux moutons, — le Hammam 
du naib Azdemir, en dedans de la porte du Makâm, à main 
droite, quand Ton sort de la ville, — le Hammam d'Or, près 
de la rue de la Chesnaie, — le Hammam du fils d'Ougoulbeg, 

— le Hammam de Ibn-Yakîn, — de Balabân, — du Sultan, 
près de la Porte des Quarante, au bord du fossé, — d'Azdemir, 
r— le Hammam Nec^jashî, non loin de la djâmî' du Mihmândâr, 

— de Souvaikah, — le Hammam de Tell Bedjsita, — de 
Shams-Lou'lou', — de Moughân (ou des Mages ?), — le 
Hammam du Couvent (Hammàm-ad-daîr), — le Hammâm-al 
Wasanî, près du collège Ashraflyya, — le Hammam ar- 
Roumî, près de la djâmi de Menkeli-boghâ, — le Hammam 
al-Hindânî, près de la djâmi de Taghrî-Bardî, — du Kâdî, en 
face de la citadelle, — le Hammam du Secret, aussi appelé 
Hammam du Palais de Justice. 

Parmi ceux qui se trouvent en dehors de la ville, notre 
auteur cite les suivants : le Hammam al-'Adjamî, — le Ham- 
mam al-Nadjâshîn, près de Thôtel de Zaîn-ad-Dîn-al-Mar'a 
shî, — le Hammâm-al-Basâniyya, — le Hammam des forge- 
rons, à Bankoûsâ, — le Hammam appelé al-Askadjî, également 
à Bankoûsâ, — le Hammam de Khâ§-bek, à Bankoûsâ, — etc. 



Revenus d'Alep *. 

L'auteur de la vie d'al-Malik-ath-Thâhir, intitulée : « Le 
Collier de pierres précieuses sur l'histoire du sultan al-Malik- 
ath-Thâhir » ('oukoûd-al-(\javâhir fï sïrat-al-Malik-ath-Thâhir) 



1. F« 85 recto. 

2. F» 54 verso et ss. 



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HISTOIRE d'alep 243 

Montakhab -ad-Dîn-Aboû-Zakaryâ-Yahy a-al-Halabî rapporte 
qu'un gouverneur d'Alep nommé Karîm-ad-Daûlah al-Naçrânî, 
lui avait dit qu'en 609 de Thégire les revenus totaux de la 
principauté s'étaient élevés à 6,984,500 dirhems. Voici quel 
était le budget des recettes d'Alep sous le règne d'al-Malik- 
an-Nâ§ir Salâh-ad-Dîn. 

Revenus en dirhems produits par 

1. La « Dâr-al-Markoûd » 1,200,000 

2. La dîme 600,000 

3. Le droit prélevé sur les marchandises déposées 

dans les caravansérails * ' 200,000 

4. Les marchés aux chevaux, aux chameaux, aux 

bœufs 380,000 

5. Le bureau {dâr) du district intérieur 350,000 

6. Les droits sur les fruits ^ 100,000 

7. Le bureau (dâr) du district situé en dehors de 

la ville ; 80,000 

8. Les droits sur le raisin vert 50,000 

9. Les droits sur les inhumations 150,000 

10. Le marché à la farine.. 100,000 

11. La teinture de la soie 80,000 

12. Le marché aux moutons 450,000 

13. Le marché aux moutons des Turkomans 300,000 

14. Les solives de bois ' 50,000 

15. L'affermage de la fabrication des tapis * 40,000 

16. Les fonderies. 5,000 

17. La terre a foulon ^ 20,000 

18. La gomme des acaciats verts * 20,000 

1. Vakâlat peut-être, les droits de tutelle ou de procuration. 

2. Bathikh^ litt. : melons ; je crois que ce mot est pris ici dans un sens plus 
général, comme dans le passage du Fakhri cité par Dozy, Supplément aux 
dictionnaires arabes, vol. I, p. 472, col. 1. 

3. Arsat^ ce mot n'est donc pas seulement employé au Magreb dans ce sens 
comme le dit Dozy dans son Supplément, 

4. Traduction très conjecturale : Samân aUavthâr, je ne sais si dans ce pas- 
sage il ne faudrait pas comprendre Samân comme monopole. 

5. C'est d'après Lane {Arabic-English Dictionary, T. I, p. 285) une terre argi- 
leuse qui sert à laver les habits et que l'on emploie aux bains en guise de 
savon. Cf. Dozy Supplément aux Dictionnaires Arabes, T. I, p. 137. 

6. Cette traduction est des plus conjecturales, le manuscrit lit Samrat-al- 
khadir ou al-hasr car les points diacritiques ont été ajoutés après coup. 
Samourat^ d'après Lane (Arabic-English Dictionary^ Book I, part, iv, p. 1425), 
est le nom de l'acacia gummifère ; le Dictionqry Fersian, Arabie and English 
de Johnson y voit l'arbre nommé « épine d'Egypte » (page 714). D'autre p«rt. 



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244 KAMAL-AD-DÎN 

19. Les jardins 50,000 

20. L'hôtel des monnaies 100,000 

21. Les tanneries 400,000 

22. Les pépinières et jardins fruitiers * 100,000 

23. Les entrepôts de bois à brûler et de charbon 20,000 

24. Les fabriques de savon 10,000 

25. Impôt prélevé sur les biens mobiliers des Arabes. 100,000 

26. Le sel exporté ^ 350,000 

27. Les abattoirs 100,000 

28. Les droits d'examen passés au Khân-as-Sultân .... 100,000 

29. La soude 20,000 

30. L'étoupe « 100,000 

31. Impôt prélevé sur les biens mobiliers des Tur- 

comans 150,000 

32. — sur leurs troupeaux 30,000 

33. — sur leurs moutons * 100,000 

34. Cadeaux et présents [600,000] 

35. Le Khân-al-Sultan 80,000 

36. Les prisons 60,000 

37. La Bohairat-ad-dammat 20,000 

38. [Sa valeur ^] , [600,000] 

39. L'indigo 20,000 



Samrà signifiant « blé » on pouvait être tenté de lire Samrat-al-hadar « le 
blé des Arabes qui ne sont pas nomades, mais qui habitent dans les villes », 
sur l'expression ahl-al-hadar désignant cette catégorie d'Arabes, voir Bianchi 
et Kieffer, Dictionnaire Turc-Français, Tome I, p. 703. 

1. Hakoûrah signifie spécialement les champs plantés de plantes légumi- 
neuses. Lane indique pour ce mot le sens de pièce de terre enclose dans 
laquelle on cultive des arbres. 

2. Le mot madjloûh qui se trouve employé ici est généralement traduit, dans 
les dictionnaires, par importé. Ce sens ne convient évidemment pas ici, car 
l'on sait qu'Alep exportait une grande quantité du sel qui était fourni par la 
saline du Vàdi Boutnân. 

3. Voir Dozy, Supplément^ I, p. 701. Ce nom signifie aussi un arbre dont les 
racines sont amères (la gentiane ?). 

4. Havâlî, voir Dozy, Supplément^ \. I, p. 341. 

5. Kîmatha. Je ne sais ce que signifie ici ce mot de klmat; il a généralement 
le sens de « valeur ». Si l'on adopte ce sens, il faut comprendre que l'étang 
appelé Bohaïrat al-dammat représentait un capital de 600,000 dirhems. Elle en 
rapportait, en effet, 20,000, autrement dit 3,33 pour 100. Le mot de kimat a éga- 
lement le sens de somme que l'on dépense pour mettre un terrain en valeur. 
Mais outre qu'on ne voit pas trop en quoi consisterait la mise en valeur d'un 
lac, la somme qui y aurait été dépensée parait bien forte pour Fintérôt de 3,33 
pour 100. En tout cas, cette somme ne doit pas sans doute entrer dans le compte 
des recettes d'Alep, car l'exportation du sel, qui représentait le rapport de la 
saline d'Alep et qui, comme on sait, était considérable, ne s'élevait qu'à 
350,000 dirhems. 



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HISTOIRE d'alep 245 

40. Les armures de fer * 50,000 

41. Le chanvre 50,000 

42. La soie 80,000 

43. L'impôt foncier.^ 30,000 

44. L'affermage des fumiers 10,000 

45. Les successions dévolues au fisc faute d'héritiers. . 300,000 

Total en tenant compte de l'article 38 7,905,000 

Total en défalquant de cette somme l'article 38. . 7,305,000 



APPENDICE II 

Inscriptions arabes de Noûr-ad-Dîn et des souverains 
Ayyoubites dans la ville d'Alep. 

Ces inscriptions sont traduites sur le texte qu'en a donné 

M. le docteur Bishof, dans l'appendice à sa Chronique d'Alep 

rédigée en arabe et intitulée : Kitâb-tohaf-al-anbâ fi'taarîkh 

Halab-alshohbâ (Les présents des nouvelles sur Thistoire 

.d'Alep la cendrée *), taalifal-Doktôr Bishôf aUDj armant *. 



1. Kahânoûd. Ce mot ne se trouve dans aucun dictionnaire; je crois qu'il est 
composé du mot persan kàbâ qui, comme on sait, désigne une sorte de tunique 
ouverte (Bianchi et Kieffer Dictionnaire Turc-Français, voL II, p. 432 ; John'son 
Dictionnary Persian. Arabie and Englishy p. 946). Ce mot est évidemment à 
rapprocher de kahâghand^ « casaque », composé du mot persan âghand qui 
se retrouve dans la composition du mot persan kazâghand, qui a à peu près le 
même sens. J'ignore la nature du mot noûd ou ânoûd, dernier élément de kahâ- 
noûd. Peut-être faut-il y voir andoûz thème de composition du verbe andoû- 
khtan^ amasser. Il ne serait même point besoin de supposer dans le manuscrit 
une faute de copiste pour expliquer la chute du d médial dans ànoûdh pour 
an(d)oûdhj car l'on n'ignore point que ces longs mots, composés de deux 
éléments étrangers, étaient quelquefois abrégés par les Arabes par la suppres- 
sion arbitraire d'une ou plusieurs lettres. C'est ainsi que le mot que nous avons 
cité plus haut kabâghand se trouve aussi, sous la forme kabâghad, avec chute 
du n. Le sens donné par le composé kabâ-andoûz paraît être « habit bourré, 
rembourré, matelassé » ; kazâghand et kabâghand ont le même sens car le 
mot âghand est le participe passif du verbe âghanden qui signifie a bourrer, 
farcir ». 

2. En lisant kharâdj; la lecture djazâdj donnerait le sens de « vente à 
l'encan ». 

3. Ainsi appelée à cause de la couleur grisâtre de ses murailles. 

4. Imprimé à l'imprimerie des Jésuites de Beiroût en l'an 1880. 



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246 KAMAL-AD-DÎN 



Inscription gravée dans la grande salle (ou sur le portique) 
Iwân * du Meshhed (p. 151) : 

Au nom de Dieu ! 

A ordonné la construction de cet Iwàn béni, le pauvre 
esclave qui réclame la miséricorde du Dieu très haut, 'Amir- 
ibn-Aboû-'l-Façll, qu'Allah lui pardonne ses péchés, le 22 du 
mois de Rabî' de Tannée 522. 

Inscription du collège du Khân-al-Toutoun * (p. 140) : 

Au nom d'Allah, clément et miséricordieux ! 

Cette construction fait partie de ce qu'a consacré comme 
wakf, pour gagner la faveur d'Allah le tout puissant, sous le 
règne d'al-Malik-al-'Adil-Mahmoûd-ibn-Zangî (ibn)-Ak-Son- 
Ifor, le pauvre esclave qui réclame la miséricorde d'Allah, 
Mohammad .ibn-'Abd-al-Malik-ibn-Mohammad, en l'an 524. 
Allah sera miséricordieux envers celui qui lira cette ins- 
cription et qui fera une prière pour la remise des péchés du 
donateur. 

Inscription gravée sur la porte du collège al-Halaviyya 
{Bâb-al'Halaviyya) (p. 138) : 

Au nom d'Allah, clément et miséricordieux ! Celui qui vient 
ici en méditant une bonne action en remporte dix fois la 
valeur. 

Cette construction heureuse et bénie a été restaurée et 
transformée ^ en collège pour les juristes qui appartiennent à 
la secte de l'imâm Aboû Hanîfa (qu'Allah soit satisfait de lui !) 
par notre maître, l'émir, le grand général % le très illustre, le 
grand prince, le roi sage et docte, le champion de la foi, l'aidé 
d'Allah, le victorieux, le glorieux, le parfait, celui à qui la 
religion prête secours et dont le glaive propage la foi de l'Is- 
lam, l'élu des créatures par sa victoire, Kasim-ad-Daûlah, le 
soutien de ce que les hommes ont choisi, la couronne des rois et 

1. Le caravansérail du tabac, sans doute le marché où Ton vend le tabac à 
Alep. 

2. Litt. : et elle a été bâtie comme un collège pour... 

3. Isfahsalâry terme emprunté au persan sipahsâlâr. 



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HISTOIRE d'alep 247 

des sultans et leur gloire, le gardieH des pays des Musulmans, 
le soleil des plus hautes vertus et leur firmament, le vainqueur 
des idolâtres, le destructeur des hérétiques, des impies et des 
athées... Aboû-'l-Kâsim-Mahmoûd (ibn) Zangî-ibn-Ak-Son- 
kor, le défenseur du Commandeur des Croyants, par les soins 
d"Abd-as-Samad-al-Tarsoùsî, le pauvre esclave qui se recom- 
mande à la miséricorde d'Allah, au mois de Shavvâl de Tannée 
543^ 

Inscription gravée sur la mosquée du Shaïkh 'Abd-Allah 
(p. 138) : 

Au nom d'Allah, clément et miséricordieux! 

A édifié et a élevé cette mosquée bénie, pour se rapprocher 
d'Allah, le Très-Haut (louanges lui soient rendues!), et dans le 
désir d'obtenir son agrément et son pardon, l'esclave, le 
pauvre (qui espère) en sa miséricorde, Aboû-Sâlim-Moham- 
mad-ibn-'Ali-ibn-Ahmad-ibn-'Abd-al-Latîf-ibn-Zahboûd, qu'Al- 
lah lui fasse miséricorde ! B]n l'année 558. 

Inscription de la mosquée de la Citadelle, au sud (p. 135) : 

Au nom d'Allah, clément et miséricordieux ! 

A ordonné d'élever cette mosquée. Sa Majesté (al-Makâm) 
al-Malik-al-'Adil-Noûr-ad-Dîn, qui a besoin de la miséricorde 
d'Allah, Aboû-'l-Kâsim-Mahmoûd-ibn-Zangî-ibn-Ak-Sonkor, 
qu'Allah lui pardonne ses péchés, ainsi qu'à ses pères, et qu'il 
lui accorde la grâce d'une bonne fin. E]n l'année 563. 

Inscription gravée sur la porte du Meshhed (p. 151) : 

Au nom d'Allah, clément et miséricordieux! 

A été construit le monument commémoratif (meshhed) de 
notre seigneur Hosaîn, fils d"Alî, fils d'Aboû-Tâlib (que la 
paix d'Allah soit sur eux deux!) sous le règne de notre maître 
al-Malik-ath-Thâhir, le sage, le juste, le sultan de l'Islam et 
des Musulmans, le seigneur des rois et des sultans, Aboû-1- 
Mothaffar-al-Ghâzî, fils d'Al-Malik-an-Nâsir-Yoûsouf-ibn- 



1. Le nom complet du prince, sous le règne duquel a été gravée cette inscrip- 
tion et dont une partie manque, est à restituer : Al-Malik-al-'Adil-Noûr-ad-Din. 
C'est, en eflFet, du célèbre Atàbek d'Alep qu'il s'agit ici. 



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248 KAMAL-AD-DÎN 

Ayyoûb, le défenseur du Commandeur des Croyants, en 
Tannée 572. 

Inscription gravée sur une pierre au-dessus du puits qui se 
trouve dans le Makâm (p. 135) : 

Le pauvre esclave qui a besoin de la miséricorde d'Allah, 
Shâdbakht-al-Malikî-al-'Adilî a consacré en wakf éternel, en 
faveur de la mosquée du Makâm dans la Citadelle victo- 
rieuse * le village connu sous le nom de Yanâmil. 

Inscription gravée sur la porte de la mosquée du Makâm 
dans la citadelle (p. 135) : 

A ordonné sa construction, al-Malik-a§-Sâlih-Noûr-ad-Dîn- 
Aboû-'l-Fath-lsmâ'îl-ibn-Mahmoûd-ibn-Zangî-ibn-Ak-Sonkor, 
le défenseur du Commandeur des Croyants, et il en a chargé le 
pauvre esclave Shâdbakht, en Tannée 585. 

Inscription de l'Hôpital (Bîmâristân) situé près de Bahar- 
miyya (p. 139) : 

A ordonné sa construction notre maître (al-maûla), le sou- 
verain, le roi, le savant, le juste, le champion de la foi, le 
très glorieux, le parfait, Salâh-ad-Doûniâ-wa-'d-Dîn-Kasîm- 
ad-Dâulah, celui dont les actions réjouissent le Khalifat, la 
couronne des rois et des sultans, celui qui établit la vérité de 
la foi par des preuves irréfiitables, qui fait vivre la justice dans 
le monde, qui anéantit les hérétiques, qui massacre les impies 
et les polythéistes \ Aboû-'l-Çâsim-Mahmoûd-ibn-Ak-Sonkor, 
le défenseur du Commandeur des Croyants, qu'Allah éter- 
nise son règne! (Cette construction a été exécutée) par les 
soins du pauvre esclave qui réclame la miséricorde de son 
maître, 'Atbah-ibn-As'ad-ibn-al-Mau§îlî. 

Inscription gravée sur la porte Bâb-al-Faradj (p. 152): 

Cette construction * bénie a été restaurée sous le règne de 
notre maître le sultan al-Malik-al-Ashraf, le victorieux, fils 



1. Nom de la citadelle d'Alep. 

2. Les chrétiens. 

3. Le texte arabe porte simplement taarikh, litt. : cette date a été restaurée. 



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HISTOIRE d'alep * 249 

d'al-Malik-al-'Azîz, par les soins de Son Excellence (al-Ma- 
karr) al-Saîfî-al-Ashrâft, gouverneur de la Citadelle victo- 
rieuse à Alep la bien munie. 

Inscription gravée sur la porte de la grande mosquée à 
Alep en dehors de la Kellaseh (p, 148) : 

Au nom d'Allah! 

A élevé cette mosquée bénie, éous le règne de notre maître 
le sultan al-Malik-ath-Thâhir-Ghâzî, qu'Allah éternise son 
règne ! le pauvre esclave qui réclame la miséricorde de son 
Dieu, 'Alî-ibn-Solaïmân-ibn-Haîdar, qu'Allah lui pardonne ses 
péchés ainsi qu'à ses pères ! en l'année 606. 

Inscription gravée sur le mur oriental de Ylwân du Meshhed 
(p. 151): 

Au nom d'Allah, clément et miséricordieux ! 

Allah! prie sur notre seigneur Mohammad l'élu, sur 'Alî 
le bien-aimé, sur Fatîma la brillante, sur al-Hasan l'élu, sur 
al-Hosaîn le martyr, sur Zaîn-aKAbidîn, Mohammad-al-Bâ- 
kir, DjaTar as-Sâdik, Moûsa al-Kâthim, 'Ali-ar-Rida, Moham- 
mad-al-Djavâd, 'Alî-al-Hâdî, Hasan-al-'Askerî et sur notre 
seigneur Mohamînad-ibn-al-Hasan-al-Kâ'îm-bi-amrillah *. En 
l'an 608. 

Inscription gravée sur la porte du Meshhed (p . 151) : 

Au nom d'Allah, clément et miséricordieux! 

Allah ! prie sur Mohammad le Prophète, sur 'Ali le bien- 
. aimé, sur al-Hasan, mort par le poison, sur al-Hosaïn, le 
martyr, l'infortuné, sur 'Alî-Zaîn-al-'Abidîn, sur Mohammad- 
al-Bâkir, l'étendard de la religion, sur Dja'far a$-Sâdîk, le 
fidèle, sur Moûsa-al-Kâthim, le juste, sur 'Ali-ar-Rida, le 
pur, sur Mohammad, le généreux, le pieux, sur Ali-al-Hâdî, 
le chaste, sur Hasan-al-'Askerî et sur le maître de la preuve 

1. Ces noms sont ceux des douze imâms vénérés par les Shiites de Perse. 
Je ne crois point utile d'entrer ici dans de longs détails sur la légende de 
rimâm el-Kà'im, car cette étude sortirait du cadre de la Revue de VOrient 
latin. Je me contenterai de dire que Timâm el-Kâ*im, l'imàm caché, n'est 
autre que l'adaptation du Messie des Mazdéens, Bahrâm Amâvand. Je me 
réserve, d'ailleurs, de revenir bientôt sur ce point fondamental du shiisme et 
de la doctrine de plusieurs sectes arabes. 

17 



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2^ KAMAL-AD^BiK 

(Sâhièhal'kwdjdjat). Que soient pardonné» tons eenx qui 
vienaént dsins ce monument M 

Inscription gravée sur le mur du sud (p. 152) : 

Au nom d'Allah I 

La construction de cet endroit béni a été ordonnée par 
notre maître, le sultan al-Malik-ath-Thâhir-Ghyâth-ad-rDounlâ- 
wa'd-Dîn-Aboû-l-Mothaflfar-a)-Ghâzî, fils de Salâh-ad-Dîn- 
Yot)souf. Qu'Allah éternise son régne I En Tan 609. 

Inscription gravée sur la porte de l?i grande mosquée dans 
la Citadelle (p. 135): 

Au nom d'Allah ! 

A ordonné sa construction notre maître, le sultan al-Ma- 
lik-ath-Thâhir, le savant, le juste, le champion de la foi, le 
protégé d'Allah, le victorieux, le glorieux, Ghyâth-ad-Dounîâ- 
wa-'d-Dîil-Aboû-'l-Mothaffar-Ghâzî-ibn-al-Malik-an - Nâ§ir-Sa- 
lâh-ad-Dîn-ibn-Yoûsouf-ibn-Ayyoûb, qu'Allah éternise son 
règne! En l'année 610. 

Inscription gravée sur la porte de Shaîkh'Motisin{p. 151): 

Au nom d'Allah, clément et miséricordieux ! 

Ce monument a été restauré sous le règne de notre maître 
al-Malik-ath-Thâhir-Ghyâth-ad-Dounîâ- wa-'d- Dîn-Ghâzî, fils 
d'al-Malik-an-Nâçir-Yoûsouf, fils d'Ayyoûb, par celui qui a 
besoin de la miséricorde d'Allah, le Très-Haut. 

Inscription gravée au-dessus du Shabâk du collège as-Sul- 
tâniyya (p. 141) : 

Ceci est la sépulture {turbaf) du sultan al-Malik ath-Thâhir- 
Ghâzî, ftls d'al-Malik-an-Nâ§ir-Salâh-ad-Dîn, celui qui a 
délivré Jérusalem des mains des infidèles. Qu'Allah sanctifie 
leurs âmes et qu'il accorde sa miséricorde à ceux qui ont 
pitié d'eux! 

Inscription gravée sur la porte de la voûte dans la citadelle 
(p, 136) : 

1. Cette inscription ne porte point de date et, comme en le voit, rien dans 
ce qu'elle contient ne permet de la dater. 



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HISTOIRE d'ALEP 251 

A ordonné sa construction, notre maître, le suHan al- 
Malik-ath-Thâhir, le savant, le juste, le champion de la foi, le 
victorieux, le glorieux, al-Ghâzî-lmâd-ad-Doûn!â-wa-'d-Dîn 
Aboû"'l-MothaflFar ibn (Salâh-ad-Dîn) Yoûsouf-ibn-Ayyoûb, le 
défenseur du Commandeur des Croyants. 

Inscription gravée sur la mosefuée voisine de la porte du 
ShérifZadèh(p. 142): 

Cette mosquée bénie a été construite par le pauvre esclave 
qui réclame la miséricorde d'Allah, lyân-ibn-'Abd-Allah-al- 
Samânî, sous le règne de notre maître le sultan, al-Malik-al- 
'Azîz, qu'Allah éternise son règne ! en Tannée 615. 

Inscription gravée sur le collège Koushibyya (p. 143) : 

Au nom d'Allah, clément et miséricordieux ! 

Ce (collège) a été édifié pour qu'on y fasse la lecture des 
traditions {hadith), qu'on les y commente {nak), qu'on les 
apprenne par cœur {hifth), qu'on vienne les entendre, pour 
l'enseignement du Coran Auguste, pour qu'on y récite (ikâmat) 
les cinq prières, pour qu'on y fasse le prône du vendredi {djo- 
maat) suivant ce qu'a fixé dans le contrat de donation éter- 
nelle {fi'Shart'al''wakf), sous le règne du sultan al-Malik- 
al-'Azîz, et sous le règne de son frère, al-Malik as-Sâlih, le 
dévot, le juste, Toghrîl-ibn-'Abd- Allah, l'affranchi de la mère 
du sultan al-Malik-ath-Thâhir-Ghâzî-ibn-Yoûsouf. Que Dieu 
voile ses fautes de sa miséricorde ! Au mois de Rabî' second 
de Tannée 618. 

Inscription gravée sur la Porte du collège aç-Sultâniyya, en 
face de la porte de la Citadelle (p. 14) : 

Au nom d'Allah, clément et miséricordieux! 

L'ordre de bâtir ce monument a été donné sous le règne du 
sultan al-Malik-al-'Aztz-Ghyâth-ad-Dounîâ-wa-'d-Dîn-Moham- 
mad, fils du sultan al-Malik-al-Mothaffar-Ghâzî, fils du sultan 
al-Malik-an-Nâ§ir-Salâh-ad-Dounîâ-wa-'d-Dîn, celui qui a déli- 
vré Jérusalem, la maison sainte d'Allah, des mains des infi- 
dèles, (qu'Allah lui donne dans les bosquets du paradis un 
asile éternel, et qu'il éternise le règne du sultan al-Malik-al- 



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252 KAMAL-AD-DÎN 

'Azîz et ses desseins de justice!) Ce couvent * et ce mausolée 
ont été construits par le régent de son empire * et son tuteur, 
le pauvre esclave qui réclame la miséricorde de son Dieu 
tout-puissant, Shihâb-ad-Dîn - Aboû- Sa'îd - Toghril-ibn-'Abd- 
AUah-al-Malakî, ath-Thâhirî, qu'Allah lui pardonne ses 
péchés ! Il en a fait un collège pour les deux sectes, un ora- 
toire ^ pour les deux écoles, pour l'enseignement du droit 
théologique des Shafe'ites et des Hanéfltes, pour les savants 
qui consacrent leurs veilles à la science, qui règlent leur con- 
duite sur les meilleurs exemples *, pour ceux qui ont été choisis 
dans les deux sectes pour professer dans ce collège qui con- 
tieijt une mosquée et un édifice dans lequel se trouve inhumé 
le sultan al-Màlik-ath-Thâhir, qu'Allah sanctifie son âme ! qu'il 
lui donne la récompense de la lecture (des livres) de science 
(religieuse qui se font dans ce monument), ainsi que la béné- 
diction du Coran et de sa récitation! Allah lui a donné la meil- 
leure récompense et il a gagné sa faveur en décidant que 
les professeurs seraient choisis parmi les sectateurs de la 
doctrine shafe'ite, ainsi que l'imâm qui fait la prière dans la 
mosquée et celui qui fait l'appel à la prière. Qu'Allah leur par- 
donne leurs péchés à eux tous! Année 620. 

Inscription de la mosquée de la Kaltaniyya, près de la 
porte de Fer (p. 142) : 

Ceci est ce qu'avait ordonné de construire l'esclave, le 
pauvre (qui espéra) en la miséricorde et en la générosité 
d'Allah le Très-Haut, qui rendit grâces à son Dieu quand il 
répandit sur lui ses bienfaits, Aboû-Sa'îd-Toghrîl-ibn-'Abd- 
Aflah-al-Malakl-ath-Thâhiri, qu'Allah agrée ses prières et lui 
accorde ses récompenses ! C'est une mosquée dédiée à Allah 
le Très-Haut, dans laquelle se font les cinq prières, chacune 
dans son temps ; les professeurs et les juristes hanéfites y 
demeurent suivant les conditions qui ont été fixées par lui 
dans l'acte de donation éternelle {ft-kitâb-al'wakf), Allah 



1. Tekieh, litt. : l'endroit où Ton s'accoude, couvent de derviches. 

2. Litt. : celui qui est chargé de son affaire, le curateur de son empire, qui se 
tient dans les règles de sa garde. 

3. Litt. ; un endroit pour lire le Coran. 

4. Litt. : Qui suivent le chemin des meilleurs exemples. 



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HISTOIRE d'alep .253 

décida qu'il mourrait dans la ville d'Alep ; il fut inhumé dans 
ces lieux où il avait exercé sa justice et montré son attache- 
ment pour le Corail Auguste, comme il Tavait décidé. On n'a 
point trouvé bon de changer ce qu'il avait fixé. Cela en 
Tannée 620. 

Inscription gravée sur le sépulcre d'Aboû-'r-Ridjâ, dans la 
Kellaseh (p. 143) : 

Au nom d'Allah, clément et miséricordieux ! 

La construction de cet édifice béni a été ordonnée sous le 
règne de notre maître, le sultan al-Malik-àl-'Azîz-Ghyâth-ad- 
Dounîâ-wa-'d-Dîn, le sultan de Tlslâm et des Musulmans, 
Aboû-'l-Mothaflfar-Mohammad, fils d'al-Malik-ath-Thâhir- 
Ghâzî, fils de Yoûsoilf, fils d'Ayyoûb, qu'Allah éternise son 
règne! par le pauvre esclave qui réclame la miséricorde 
d'Allah, le Tout-Puissant, 'Alî-ibn-Aboû-'r-Ridj a, dans les pre- 
miers jours du mois de Ramadhân de Tannée 633. 

Inscription gravée sur une voûte (p. 136) : 

Au nom d'Allah, clément et miséricordieux ! 

A ordonné sa construction notre maître le sultan al-Malik- 
al-'Azîz-Ghyâth-ad-Doûnîâ-wa-'d-Dîn, le soutien * de l'Islam et 
des Musulmans, descendant de rois et de sultans, qu'Allah 
fasse durer son régne ! Il a chargé de cette œuvre., le pauvre, 
l'esclave qui réclame la miséricorde d'Allah, Saîf-ad-Dîn 
Bektâsh ' al-Maliki-al-'Azîzî. 

Inscription gravée sur le monastère Fal-fîararah (p. 142) : 

Ce monastère {ribât) béni a été construit sous le régne de 
notre maître, le sultan al-Malik-an-Nâsir-Salâh-ad-Dounîâ- 
wa- 'd-Dîn-Yoûsouf-ibn-al - Malik - al - ' Azîz - M oh ammad- ibn-al- 
Malik-ath-Thâhir-Ghâzî-ibn-Yoûsout-ibn-Ayyoûb, le défenseur 
du Commandeur des Croyants, en l'an 635. 



1. RokUy litt. : le pilier. 

2. Ce nom est écrit sans points, de sorte que la lecture est incertaine. 
Bektâsh est un nom turc oriental biep connu, qui signifie « le compagnon du 
prince » ; on 1^ trouve plus tard très employé en Egypte à l'époque des sultans 
mamlouks. 



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1 



864 KAMAL'AD-lrfN 



Inscription dé là ïnosquée du Paradis {Djâmi-aUFardoûs), 
(p. 150): 

Cette construction a été ordonnée par Son Altesse, la dé- 
funte princesse S 'Ismat-ad-Dounîâ-wa-'d-Dîn-Daflyya-Khâ- 
tôôû, flUe du sultan al-Malik-al-'Adil-Saîf-ad-Dîn-Aboû-Bakr- 
ibn-Ayyoûb (qu'Allah couvre leurs péchés du voile de sa 
miséricorde!) sous le règne de notre maître, le sultan al- 
Malik-an-Nâ^ir, le savant, le juste, le champion de la foi, 
Taidé d'Allah, le victorieux, le glorieux, Salâh-ad-Dounîâ-wa- 
*d-Dîn-Yoûsouf, fils d*al-Malik-al-'Azîz-Mohammad, fils d'al- 
Malik-ath-Thâhir-Ghâzî, fils de (Salâh-ad-Dîn)-Yoûsouf-ibn- 
Ayyoûb, le défenseur du Commandeur des Croyants. Qu'Allah 
lui donne des victoires glorieuses ^ ! 

Inscription gravée sur le mihrâb dans le collège al-Hala- 
viyya(p. 139): 

Au nom d'Allah, clément et miséricordieux ! 

Ce mihrâb a été restauré sous le règne de notre maître, le 
sultan, le roi victorieux, le champion de la foi, l'aidé d'Allah, 
le glorieux, al-Malik-an-Nâsir-Salâ^i-ad-Doûnîâ-wa-d-'Dîn, le 
sultan de l'Islam et des Musulmans, qui protège et défend 
Toppreésé contre l'oppresseur, qui fait régner la justice dans le 
monde, qui anéantit les infidèles et les hérétiques, Aboû-1- 
Mothaffar-Yoûsouf-ibn-Mohammad ^ le défenseur du Com- 
mandeur des Croyants, qu'Allah fasse durer son règne ! qu'il 
lui donne des victoires glorieuses, qu'il élève ses étendards 
au-dessus de tous les autres et qu'il illumine ses décisions 
(burhân) ! (Il a été restauré) par les soins du pauvre esclave 
qui réclame la miséricorde d'Allah, 'Omar-ibn-Abm!ad-ibn- 



1. As-sitr-ar-râfV'XJca al-hidjdjâh-al-niant'al-ynalika-ar-rahtma; l'édition de 
Beyrout porte à tort as-sirr-ar-râfV qui n'a aucun sens. 

2. Cette inscription n'est point datée, mais elle est, comme on le voit par 
ses termes mêmes, postérieure à la mort deDaflyya-Khàtoûn, c'est-à-dire à 
l'année 640 de l'hégire. 

3. l\ régna à Alep, où il fut le dernier souverain ayyoubite, de l'année 634 à 
Tannée 658. 



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HISTOIRE d'alep 255 

Hibat-AUah-ihn-Mohammad-ibn-Abî-Djarada * ; qu'Allah lui 
accorde son pardon ainsi qu'à ses pères! en l'année 643. 

Inscription gravée sur le mur qui se trouve près de la porte 
des Jasmins (p. 142) : 

Cette construction bénie a été édifiée sous le règne du sultan 
très grand, du roi auguste, le dominateur des peuples ^ le 
seigneur des Arabes et des Persans {sîd al-Arab wa-'l- 
Adjam), al-Malik-an-Nâ§ir-Salâh-ad Doûnîâ-wa-'d-Dîn-Mou- 
ghîth-al-Islâm-Yoûsouf-ibn-al-Malik-al-'Azîz-Mohammad- 
ibn-al- Malik-ath -Thâhir - Ghâzî- ibn - Yoûsouf-ibn- Ayyoûb, 
Commandeur des Croyants ' ; qu'Allah éternise son règne ! 
(Elle a été édifiée) par les soins de l'émir illustre al-Ashrafî 
{al'Makarr-alashrafî) au mois de Ramadhân de Tannée 655. 

Remarque. 

Il est intéressant d'observer qu'une partie du protocole 
impérial des sultans osmanlis remonte aux Ayyoubites. On 
trouve, en effet à Alep, une inscription du sultan Moham- 
mad Khan gravée dans le Collège al-Halaviyya ainsi conçue 
{Kitâb tohaf-al-Anbâ, p. 139) : 

Au nom d'Allah, clément et miséricordieux! 

Ce collège k été restauré sous le règne de notre maître le 
sultan très grand, l'empereur illustre *, le dominateur des 
peuples, le sultan des Arabes et des Persans, notre Maître le 
Sultan victorieux, Mohammad Shah, fils du Sultan Ibrahim, 
Khân, qu'Allah lui donne des victoires glorieuses ! 

1. Ce personnage n'est pas autre que Kamâl ad-Dîn-ibn-al-'Adim, l'historien 
d'Alep; une partie de sa chronique a été traduite dans les pages qui 
précèdent. 

2. Litt. : qui possède les nuques des peuples, mâlik rikâb al umam. 

3. Il doit y avoir ici un mot de passé soit dans l'inscription, soit, ce qui est 
plus probable, dans la copie. Il faut évidemment lire Nâsir-amir-al-Mou'mi- 
nirij le défenseur du Commandeur des Croyants, comme dans plusieurs des 
inscriptions précédentes. Jamais à ma connaissance un Ayyoubite n'a pris le 
titre de khalife. 

4. As-Sultan-al-a'tham wa-l-Khakân-al-akram. Ce titre se retrouve dans 
l'inscription du sarcophage de Timoûr. Revue archéologiquSy janvier-fé- 
vrier 1897, pp. 72 et 73. 



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ERRATA 



Pagre 4, Dote 1, Ibn-'Abd-ath-Thâhir n'est point l'auteur de la vie de Moham- 

mad'ibn -Ka 1^ vofin . 
V^gR 11, lig^ne 5, lire : Kâshâni, à la place de Kàsàni. 
Pag^e 17, note 4, lire ! al-Baît-al-Mokaddas. 
Pag-e 21, note 1, lire : Ma'rrat-Misrin. 
Pag-e 40, noti?, ligne 18, lire: Saîf-ad-Daûlah. 
Page 5(1, ligne 8 du texte, avant la fin, lire : que Ton donnerait la charge de 

vizir dans la g^onvcrnement d*al-Malik-as-Sâlih, à Shihâb-ad-Din-Aboû-Salih.... 
Pago 57, note 2^ lire : Yazkoûdj. 

Page frli ligïio 11, lire : que le sultan al-Malik-ath-Thâhir a fait rebâtir... 
Page 72h, note 3, ligne 11, lire : gouverneur de Damas...; — ligne 20, lire : et 

vint camper dans le Ghoùr... 
Pa^e &S, lïgîiB 5 du texte à partir du bas, lire : Ghâziyya-Khâtoûn. 
Page 125, ligne i^ lire : Rokn-ad-Dîn-Iltâsh. 



[Estcait rjo la Revue de VOrient latin, t. III, IV, V et VI.] 



Le Puy. — Imprimerie R. Marchessou, boulevard Carnot, 23. 



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