Skip to main content

Full text of "Histoire d'Allemagne depuis les temps les plus reculés jusqu'à l ..., Volume 2"

See other formats


This  is  a  digital  copy  of  a  book  that  was  preserved  for  générations  on  library  shelves  before  it  was  carefully  scanned  by  Google  as  part  of  a  project 
to  make  the  world's  books  discoverable  online. 

It  has  survived  long  enough  for  the  copyright  to  expire  and  the  book  to  enter  the  public  domain.  A  public  domain  book  is  one  that  was  never  subject 
to  copyright  or  whose  légal  copyright  term  has  expired.  Whether  a  book  is  in  the  public  domain  may  vary  country  to  country.  Public  domain  books 
are  our  gateways  to  the  past,  representing  a  wealth  of  history,  culture  and  knowledge  that' s  often  difficult  to  discover. 

Marks,  notations  and  other  marginalia  présent  in  the  original  volume  will  appear  in  this  file  -  a  reminder  of  this  book' s  long  journey  from  the 
publisher  to  a  library  and  finally  to  y  ou. 

Usage  guidelines 

Google  is  proud  to  partner  with  libraries  to  digitize  public  domain  materials  and  make  them  widely  accessible.  Public  domain  books  belong  to  the 
public  and  we  are  merely  their  custodians.  Nevertheless,  this  work  is  expensive,  so  in  order  to  keep  providing  this  resource,  we  hâve  taken  steps  to 
prevent  abuse  by  commercial  parties,  including  placing  technical  restrictions  on  automated  querying. 

We  also  ask  that  y  ou: 

+  Make  non-commercial  use  of  the  files  We  designed  Google  Book  Search  for  use  by  individuals,  and  we  request  that  you  use  thèse  files  for 
Personal,  non-commercial  purposes. 

+  Refrain  from  automated  querying  Do  not  send  automated  queries  of  any  sort  to  Google's  System:  If  you  are  conducting  research  on  machine 
translation,  optical  character  récognition  or  other  areas  where  access  to  a  large  amount  of  text  is  helpful,  please  contact  us.  We  encourage  the 
use  of  public  domain  materials  for  thèse  purposes  and  may  be  able  to  help. 

+  Maintain  attribution  The  Google  "watermark"  you  see  on  each  file  is  essential  for  informing  people  about  this  project  and  helping  them  find 
additional  materials  through  Google  Book  Search.  Please  do  not  remove  it. 

+  Keep  it  légal  Whatever  your  use,  remember  that  you  are  responsible  for  ensuring  that  what  you  are  doing  is  légal.  Do  not  assume  that  just 
because  we  believe  a  book  is  in  the  public  domain  for  users  in  the  United  States,  that  the  work  is  also  in  the  public  domain  for  users  in  other 
countries.  Whether  a  book  is  still  in  copyright  varies  from  country  to  country,  and  we  can't  offer  guidance  on  whether  any  spécifie  use  of 
any  spécifie  book  is  allowed.  Please  do  not  assume  that  a  book's  appearance  in  Google  Book  Search  means  it  can  be  used  in  any  manner 
any  where  in  the  world.  Copyright  infringement  liability  can  be  quite  severe. 

About  Google  Book  Search 

Google's  mission  is  to  organize  the  world's  information  and  to  make  it  universally  accessible  and  useful.  Google  Book  Search  helps  readers 
discover  the  world's  books  while  helping  authors  and  publishers  reach  new  audiences.  You  can  search  through  the  full  text  of  this  book  on  the  web 

at  http  :  //books  .  google  .  com/| 


Digitized  byVJ OOQ IC 


*•  I 


V 


Digitized  byVJ OOQ IC 


j!  ^P? 


Digitized  byVJ OOQ IC 


Digitized  byVJ OOQ IC 


HISTOIRE 


D'ALLEMAGNE. 


II: 


Digitized  byVJ OOQ IC 


IMPRIMERIE  D'HIPPOLYTE  T1LLIARD, 

RUE  SArNT-HYÀCINTHE-SAIM-MICHEL  ,  30. 


Digitized  byVJ OOQ IC 


HISTOIRE 

D'ALLEMAGNE 

DEPUIS 

LES  TEMPS  LES  PLUS  RECULÉS  JUSQU'A  L'ANNÉE  1838 , 
PAR  KOHLRAUSCH, 

ANCIEN  PROFESSEUR  , 
INSPECTEUR  -  GÉNÉRAL  DE  TOUTES  LES  ÉCOLES  SUPÉRIEURES  DU  ROYAUME  DE 

HANOVRE  ; 

Traduite  de  l'allemand  sur  la  onzième  édition , 

PAB.  a.  oumxrouuB. 

nmwTKMàiiÊEm  émbmtmon. 


€om*  second. 


LAVIGNE,    LIBRAIRE-ÉDITEUR, 

1  ,   RUE   DU   PAON   SAINT-ANDRÉ. 
1840. 


Digitizedby  VjOOQlC 


Digitized  byVJ OOQ IC 


HISTOIRE 


L'ANCIENNE  ALLEMAGNE, 


SIXIÈME  ÉPOQUE. 

DEPUIS  CHARLES  Y  JUSQU'A  LA  PAIX  DE  WE8TPHALIE. 

1520-1G48. 


L'invention  de  l'imprimerie  encourage  la  composition  et  la  propagation  des 
ouvrages  historiques  ;  leur  nombre  s'accrott  depuis  lors  chaque  siècle.  Es 
même  temps  on  voit  percer  partout  l'amour  des  recherches  scientifiques  et  le 
goût  pour  les  anciens  auteurs  qu'on  avait  négligés. 

Écrivains  qui  ont  traité  Vhistoire  générale  de  cette  époque,  .  r 

1  Paul  Jovius,  né  à  Corne,  1482,  et  mort  en  1552,  évéque  de  Nucérie. 
Hisloria  sui  temporis,  de  1494  jusqu'à  1526. 

2.  Jacq.  Aug.  de  Thou ,  né  à  Paris,  1553,  mort,  1617,  président  du  par* 
lement  et  bibliothécaire  de  Henri  IV;  homme  érudit  et  estimé.  Également 
Historia  sui  temporis,  1543  à  1607. 

3-  Jean  Genesius  de  Sepulvéda,  Espagnol,  historien  de  Charles  Y,  né 
en  1491,  mort  1572.  De  rébus  gcstis  Caroli  V.  Colon.  1657. 

4.  On  peut  encore  nommer  parmi  les  historiens  espagnols  :  Pierre  Salazar, 
T.  II,  1 


Digitized  byVJ OOQ IC 


Prudent  de  Sandoval,  Alphonse  de  UUoa  et  Antoine  de  Vera  Zunnigaet. 

5.  Parmi  les  Italiens  :  Louis  Dolce,  Jean-Baptiste  Adriani  et  Grégoire  Leti. 

6.  Quelques  écrits  particuliers,  généfalepe*  portants  pour  le  temps 
de  Charles  V,  ont  été  recueillis  au  nombre  de  «2,  en  deux  volumes,  par  Simon 
Schard  ; 

7.  Et  en  trois  volumes,  par  Fréber. 
Pour  l'histoire  de  la  réforme,  il  y  a  : 

8.  D'abord  les  écrits  des  réformateurs  eux-mêmes  et  de  leurs  partisans. 

9.  les  œuvres  d'Erasme  4e  Rotterdam,  n*  eq  I407t  inpi^eq  115%  qui 
Sont  en  partie  daas  le  sens  de  la  reforme  et  en  parttetîontre  elle. 

10.  Ulrich  de  Hutten,  qui  soutient  les  nouvelles  idées  avec  non  moins 
d'esprit  que  de  chaleur  (né  en  1480,  mort  en  1525). 

11.  Jean  Sleidanus,né  à  SIeida  en  i5Q6,  mort  en  1556,  professeur  de 
droit  à  Strasbourg  et  historien  de  la  ligue  de  Schmalkade.  Comment  arius  de 
statu  religionis  et  reipublicœ,  Carolo  y  cœsare. 

12.  George  Spalatin,  né  en  1482,  mort,  1545,  aumônier  et  secrétaire  de 
l'électeur  Frédéric-le-Seje,  qui  prit  une  grande  n**à  ja  diète  d'Augsbourg, 
1550,  les  annales  delà  réforme,  en  outre,  la  vie  de  plusieurs  papes  de  son 
temps  et  d'autres  petits  écrits  qui  se  trouvent  dans  les  collections  de  Menken  ; 
Scriptore*  germ, 

15.  Veit  Louis  de  Seckendorf,  né  1626,  mort  1692,  quoique  non  contem- 
porain, il  n'en  est  pas  moins  sûr;  parce  que,  étant  ministre  de  Saxe  à  Gotha,  il  a 
puisé  dans  les  originaux  des  archives  de  la  ville.  Comment,  hist.  et  apologeti- 
cusde  lutherianismo,  en  réponse  à  Hist.  Lutherianismi  du  jésuite  Louis 
Maimbourg  (né  à  Nancy  1610  et  mort  en  1686),  qui  mérite  cependant  d'être 
remarquée. 

14.  Des  écrivains  encore  postérieurs,  au  commencement  du  dix-huitième 
siècle,  entre  autres  Jean-Joachim  tyuller,  Valentin  Loscber,  Qf  J^ejuBanfi/etc., 
«tonnent  une  nouvelle  clarté  aux  pièces  relatives  à  Ja  réforma  et  s'appuient 
fur  des  manuscrits  conservés  dans  les  archives. 

Pour  Vhistoire  de  la  Confession  d'Augsbourg  particulièrement, 

15.  David  Chitrœus,  né  1550,  mort  1600,  professeur  à  Wittemberg ,  à 
Hostock,àHeImstœdt,  qui  fut  chargé  par  Maxirailien  II  défaire  un  plan  de 
discipline  pour  l'église  protestante  d'Autriche  et  collaborateur  de  l'acte  Fof- 
mula  Concordiœ.  Hist.  Confess.  Augustanœ.  Il  parle  aussi  4e  Charles  V, 
<Je  Ferdinand  Ier  et  de  Maximillien  II. 

16.  George  Cœlestin ,  aumônier  de  l'électeur  de  Brandebourg ,  «art 
4P  1576.  Hist.  Comitiorum  Augustes ,  1550,  celebratorum. 

Pour  la  guerre  de  Schmalkade  : 

17»  Louis  4'AyUa,  Espagnol,  générai  4e  Çbajrl*  y,  CmmmMm  4$  ta 


Digitized  byVJ OOQ IC 


SOURCtS    iJISl'OftlQUBS.  ff 

guerre  de  Ckmrles  Ven  Germanie,  2  vol;  ouvrage  écrit  en  espagnol ,  traduit 
m  lali*  a  Anvers,  1550.  Il  est  tout-à-fait  pour  Charles  et  par  conséquent 
ennemi  des  protestants. 

48.  Frédéric  Hortleder,  né  1579,  mort  1640,  conseiller  du  prince  de 
Weiraar.  Traité  et  Développement  des  Votifs  de  la  Guerre  contre  la  Ligue  d* 
Schmalkalde;  il  a  puisé  dans  les  archives  de  Weimar. 

Pour  le  concile  de  Trente  : 

19.  Paul  Sarpi,  né  à  Venise,  1552,  mort  en  1625,  mofneet  conseiller  de  la 
ville.  Histoire  du  Concile  de  Trente  ;  ouvrage  écrit  en  ilal'en,  édité  à  Londres, 
en  1619,  sous  le  nom  de  Petrus  Suavis  ;  en  Allemagne,  en  1761,  sous  celui  de 
Rambecb;  à  Halle,  1761. 

20.  Pour  répondre  à  Sarpi,  qui  a  écrit  trop  librement,  il  y  a  l'Histoire  dn 
Concile  de  Trente,  par  le  Jésuite  Sfortia  Palavicini ,  né  à  Rome  en  1607,  mort 
«11667. 

Biographies  de  quelques  hommes  célèbres  de  ce  temps. 

21.  Adami  Reisneri  comm.  de  vitâ  et  reb.  gest.  Georgii  et  Cusp* 
Frundsbergiorum;  Francfort,  1568. 

22.  Joachim  Camerarius,  né  en  1500 ,  mort  1547,  ami  de  Melanchthon , 
profess.àTubingenetà  Leipsig,  Vit  a  Melanchthonis,  et  aussi  Vita  Mauritii 
electoris. 

25.  Gœtz  de  Berlichingen,  mort  en  1562;  sa  vie,  par  lui-même. 

24.  Sébast.Schsrtting  de  Burtenbacb,  général  des  villes  dans  la  guerre  de 
Schmalkade;  sa  vie,  par  lui-même^ 

25.  La  troisième  et  quatrième  partie  du  Recueil  de  Schard,  Script,  rer. 
germ.  sont  à  consulter  pour  le  temps  de  Ferdinand  rr  et  de  Maïunilien  II. 

Pour  tout  te  temps  jusqu'à  Ferdinand  II  et  même  au-delà,  et  itio 
tout  pour  la  guerre  de  trente  ans  : 

26.  Prantois  Christ,  comte  de  Rhévenbuller,  conseiller  impérial  et  gran<T- 
mattre,  mort  en  1650.  Annales  Ferdinandei,  de  1578  à  1657, 

27.  Nicolas  Bellus  ;  Affaires  d'Allemagne  pendant  la  paii  comme  pendant  la. 
guerre,  sousMathias  et  Ferdinand  II,  de  1617  à  1640. 

28.  Guillaume  Lamorroian,  jésuite,  confesseur  de  Ferdidand  II,  mort 
en  1648  ;  Virtutes  Ferdinandei,  à  Vienne,  1637. 

29.  Pierre-Bapt.  Burgus,  génois  et  témoin  oculaire  des  actions  de  Gustave 
Adolphe, par  conséquent  en  sa  faveur.  Comm.de  Bello  Suecico,  del6l8  à  1632. 

50.  Bberh.  Wassenberg  d'Emmerich,  historien  de  Wladislas,  roi  de 
Pologne.  Florus  Germanicus  de  BeUo  inter  Ferd*  II  et  III,  et  eorum 
hottes  ab  anno  1618-40  gesto;  très  zélé  contre  les  protestants. 

31.  De  même  que  les  bis  oriens  italiens  de  la  guerre  de  trente  ans  :  Jos. 
Ricci,  Jac*  Damiaoi,  Galeazzo  Gualdo,  etc. 

i. 


Digitized  byVJ OOQ IC 


«4  sixième  époque.  1520 — 4648. 

32.  Phil.  de  Schcmnitz,  historien  et  conseiller  en  Suède,  mort  en  1678.  La 
guerre  des  Suédois  en  Allemagne  en  9  parties,  dont  deux  seulement  ont  été 
imprimées  ;  les  autres  sont  conservées  dans  les  archives  de  Stockholm. 

53.  Le  célèbre  Samuel  Puffendorf,  conseiller  et  historien  à  Stockholm,  en 
dernier  lieu  conseillera  Berlin,  mort  en  1694*  Son  ouvrage,  De  rébus  suecicit 
sub  Gust.  Adolpho  usquè  ad  abdicationem  Christine?. 

34.  TobiasPfanner,  conseiller  de  Saxe,  né  1640.  Bist*  pacis  Westph* 

35.  Avec  l'année  1617  commence  l'ouvrage  Theatrum  Europœum; 
19  vol .  composés  par  plusieurs  écrivains,  souvent  de  peu  de  mérite. 

Pour  quelques  hommes  remarquables  : 

36.  Actions  du  Duc  de  Saxe-Weimar,  par  Ernest  Sal.Cyprian  Go- 
tha, 1729. 

37.  La  vie  de  Wallenstein,  par  Galeozzo  Gualdo.  A  Lyon,  1643. 

38.  Lettres  originales  de  Wallens'ein,  de  l'année  1627  à  1634,  qui  donnent 
une  nouvelle  lumière  sur  sa  vie  et  son  caractère,  mises  au  jour  par  Fred. 
Fœrster,  à  Berlin,  1828. 


Élection  de  l'empereur  Charles  V. 

Le  trône  impérial,  vacant  par  la  mort  de  Maximi- 
lien ,  demandait  un  successeur.  L'état  de  ten- 
sion dans  lequel  e'tait  l'Europe  et  la  confusion  qui 
régnait  en  Allemagne,  où  le  droit  de  la  force  sem- 
blait vouloir  se  relever  après  la  mort  du  vieil  empe- 
reur, exigeaient  un  souverain  d'une  main  puissante, 
pour  maintenir  l'équilibre  à  lintérieur  comme  à 
l'extérieur.  La  guerre  continuait  toujours  entre  l'Es- 
pagne et  la  France ,  au  sujet  de  l'Italie  ;  or  ni  Tune 
ni  l'autre  des  deux  puissances  n'avait  de  droit.  Il  ne 
convenait  qu'à  l'empereur  de  de'cider  quelque  chose 
sur  ce  pays  incapable  de  se  gouverner  par  lui-même. 


Digitized  byVJ OOQ IC 


ÉLECTION    DE   CHARLES   V.  6 

À  Test,  les  Turcs  menaçaient;  la  Hongrie,  affaiblie 
par  une  mauvaise  administration  aussi  bien  que  par 
la  mollesse  et  le  luxe  du  peuple ,  ne  pouvait  plus 
servir  de  boulevard  contre  eux,  et  par  conséquent 
l'empereur  avait  encore  à  se  porter  le  protecteur  de 
l'Europe  de  ce  côté.  Deux  grandes  guerres  s'étaient 
élevées  dans  le  sein  de  l'Allemagne.  Leduc  Ulric  de 
Wurtemberg  ayant  une  injure  à  venger,  était  tombé 
tout  d'un  coup,  dansl'hiverdel519,surla  ville  libre 
de  Reutlingen ,  Favait  emportée  de  vive  force  et  se 
Tétait  appropriée;  et  comme  il  ne  fit  aucune  attention 
aux  avertissements  de  la  ligue  de  Souabe  que  l'empe- 
reur avait  chargée  de  conserver  la  tranquillité  inté- 
rieure, celle-ci  lui  ayantfait  la  guerre  l'avait  chassé  de 
son  duché. — Dans  la  Basse-Saxe,  il  s'était  élevé  une 
guerre  encore  plus  sanglante.  Deux  gentilshommes, 
seigneurs  de  Saldern ,  mais  vassaux  de  l'évéque  de 
Hildesheim,  lui  avaient  déclaré  la  guerre;  ils  étaient 
soutenus  par  les  ducs  de  Wolfenbutten  et  de  Kalem- 
berg  ;  tandis  que ,  de  son  côté ,  l'évéque  trouvait  un 
appui  dans  le  duc  de  Lunebourg  et  les  comtes  de 
Lippe,  de  Hoya  et  de  Diephollz.  Le  28  janvier  1519, 
les  deux  partis  en  étaient  venus  à  une  bataille  dans  les 
plaines  de  Soltau,  dans  le  Lunebourg;  l'armée  de  l'é- 
véque avait  remporté  la  victoire  ;  un  grand  nombre 
des  adversaires  étaient  prisonniers,  et  û,000  étaient 
restés  sur  le  champ  de  bataille. — De  pareils  exemples 
étaient  dangereux.  La  landefriede  (paix  du  pays)  avait 
à  la  vérité  mis  finaux  brigandages  des  simples  cheva- 
liers ;  mais  si  l'on  voulait  que  les  princes  ne  prissent 


Digitized  byVJ OOQ IC 


6  SIXIÈME  ÉPOQUE*  1S20 — 1648. 

pas  leur  place  et  qu'ils  ne  continuassent  pas  la 
guerre,  afin  d'agrandir  leursdomaines,  bien  qu'enréar 
lité  il  n'y  eût  pas  encore  d'exemple  d'un  prince  entiè- 
rement ruiné  par  une  guerre  particulière,  il  fallait  un 
empereur  puissant  qui  pût  soutenir  l'autorité  des  lois* 

Maximilien  avait  dans  le  cours  de  son  règne  ga- 
gné plusieurs  voix  à  son  petit-fils,  Charles,  déjà  roi 
d'Espagne;  mais  beaucoup  de  princes  pensaient  qu'il 
fallait  y  réfléchir  mûrement  avant  de  donner  la  puis- 
sance impériale  à  un  souverain  qui  régnerait  sur  la 
moitié  de  l'Europe;  car  Charles,  comme  héritier  des 
maisons  d'Espagne  et  d'Autriche  ,  possédait ,  outre 
l'Espagne  et  le  royaume  de  Naples  et  de  Sicile,  les 
belles  provinces  autrichiennes,  et  tout  l'héritage  de 
Bourgogne  dans  les  Pays-Bas.  Si  à  une  pareille  gran- 
deur on  ajoutait  encore  l'éclat  de  l'ancienne  couronne 
impériale ,  il  était  à  craindre,  ainsi  le  pensaient-ils, 
que  sa  maison  ne  devînt  trop  puissante  et  ne  conçût 
l'orgueilleuse  pensée  d'en  imposer  à  la  liberté  des 
princes  allemands  et  de  rendre  l'empire  héréditaire 
et  indépendant  en  Allemagne. 

D'un  autre  côté,  il  avait  pour  compétiteur  à  la  cou- 
ronne impériale  le  roi  de  France,  François  Ier.  Le 
pape  favorisait  son  élection,  du  moins  il  en  prit  l'ap- 
parence ;  d'ailleurs  le  jeune  roi  s'était  fait  une?  grande 
réputation  par  sa  première  expédition  chevaleresque 
en  Italie ,  et  son  peuple  élevait  son  mérite  jusqu'aux 
nues.  Les  envoyés  français  remirent  aux  princes  élec- 
teurs, assemblés  à  Francfort,  un  écrit  panégyrique 
de  leur  maître,  dans  lequel,  à  propos  du  grand 


Digitized  byVJ OOQ IC 


ÉLfcCTIOff  DE   CHARLES  V.  T 

danger  qui  menaçait  de  la  part  des  Turcs  ,  on  con- 
cluait ainsi  :  «  Celui-là,  en  effet,  serait  bien  fou  qui* 
datis  un  temps  où  l'orage  menace  d'éclater,  balaie 
cerait  encore  à  confier  au  plus  habile  le  gouvernail 
du  vaisseau.  » 

Mais,  hialgré  l'assurance  de  ces  discours,  les  princes 
sentirent  le  danger  de  nommer  un  roi  de  France 
empereur  d'Allemagne;  et  après  avoir  offert  kt 
couronna  à  l'électeur  de  Saxe,  Frédéric-le-Sage, 
qui  la  refusa  i  mu  par  les  plus  généreux  sentiments, 
parce  que  sa  maison  n'avait  pas  assez  de  puissance 
peur  opposer  une  digue  aux  difficultés  du  tempe,  efi 
recfrmhanda  le  jeune  roi  d  Espagne;  alotsles  élec- 
teurs considérant  qu'il  était  du  moins  un  prince 
allemand  ,  le  petit- fils  de  l'empereur  M  aximilien,  qui 
avait  emporté  au  tombeau  leur  vénération,  l'élurent 
le  28  jet»  1519.  Ces  représentants  toutefois  furent 
obligés  de  souscrire  avant  1  élection  un  compromis 
qui  portait  :  «  que  l'empereur  ne  ferait  ni  alliance 
ni  guerre  avec  un  étranger,  sans  l'approbation  des 
prince*)  et  qu'il  n'amènerait  non  plus  dans  l'intérieur 
de  l'empire,  aucun  soldat  étranger.  Que  les  emplois 
de  l'empire  et  de  là  cour  seraient  donnés  à  des  Allé* 
manda  d&  naissance;  qu'il  ne  tiendrait  aucune  diète 
hors  de  l'Allemagne;  que,  dans  les  affaires  de  Fe*** 
pire  t  soit  pat*  écrit ,  soit  de  vive  voix ,  on  n'emploie* 
rait€fuel  le  larigage  allemand  ou  latin;  que  plus  tard  r 
aidé  des  états  %  il  ferait  entièrement  disparaître  ces 
ligues  commerciales  qui  avaient  jusqu'alors  tout 
conduit  par  fatur  atgeat  et  disposé  de  tout J  à 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


8  sixième  époque.  4520 — 1648. 

gré  (*);  qu'il  ne  mettrait  aucun  pays  au  ban  de  l'em- 
pire, sans  des  raisons  bien  authentiques  et  sans 
un  jugement  en  forme;  qu'enfin  il  passerait  en  Alle- 
magne le  plus  tôt  possible  et  qu'il  y  ferait  son  prin- 
cipal séjour.  * 

Les  envoyés  jurèrent  tous  ces  points  et  bien  d'au- 
tres, au  nom  de  leur  maître,  et  promirent  qu'il 
paraîtrait  prochainement  dans  l'empire. 

Le  jeûne  roi  gouvernait,  il  est  vrai,  déjà  depuis 
deux  ans;  mais  le  monde  ne  le  connaissait  pas  encore. 
Un  grand  nombre  de  personne  n'avaient  conçu  de 
lui  que  peu  d'espérance.  La  mort  prématurée  de  son 
noble  et  chevalier  père,  Philippe-le-Beau ,  la  folie 
de  Jeanne,  sa  mère,  sa  séparation  d'avec  son  frère 
Ferdinand  qui  avait  été  élevé  en  Espagne ,  sa  propre 
jeunesse  passée  parmi  des  étrangers  dans  les  Pays- 
Bas,  tout  cela  l'avait  forcé  de  tout  concentrer  pro- 
fondément au-dedans  de  lui-même  et  de  prendre  de 
bonne  heure  cette  discrétion  qui  lui  faisait  cacher  à 
tout  le  monde  ce  qu'il  pensait  intérieurement.  De 
plus  il  n'arriva  que  lentement  à  cette  clarté  et  cette 
indépendance  d'esprit  qui  plus  tard  Font  rendu  si 
grand  ;  il  semblait  alors  qu'il  se  laisserait  gouverner 
par  ses  conseillers.  Il  n'y  avait  que  les  gens  les  plus 
versés  dans  la  connaissance  des  hommes  qui  eussent 
remarqué  les  lumières  concentrées  au  fond  de  son 
âme.  Dans  un  grand  tournois  à  Valladolid,  le  jeune 


(*)  Cette  clause  est  principalement  contre  la  Hanse  qui  existait  encore  et 
montre  la  triste  jalousie  des  princes  pour  la  liberté  et  la  prospérité  des  villes, 


Digitized  byVJ OOQ IC 


ÉLECTION    DE    CHARLES    V.  9 

roi,  qui  depuis  son  enfance  aimait  les  exercices  des 
chevaliers ,  parut  armé  de  pied  en  cap  et  fit  quelques 
courses  avec  son  premier  écuyer.  Il  rompit  trois 
lances  avec  lui  et  chaque  fois  les  airs  retentirent  des 
cris  de  joie  du  peuple  ;  car  le  jeune  prince,  qui  n'avait 
pas  encore  dix-huit  ans  et  passait  pour  être  faibleet  fa- 
cile à  influencer,  parut  dans  le  plus  noble  maintien  et 
avec  toute  la  vigueur  d'un  chevalier;  sur  son  bouclier 
on  ne  lisait  que  ce  mot  :  Nonduni  !  pas  encore.  Ceux 
qui  en  comprenaient  tout  le  sens  attendaient  avec 
impatience  le  moment  où  il  pourrait  paraître  agis- 
sant par  lui-méme- 

Ce moment  arriva.  Il  était  empereur  d'Allemagne, 
et  il  fallait  décider  promptement  s'il  abandonnerait 
désormais  l'Espagne  pour  aller  prendre  les  rênes  de 
son  nouvel  empire.  Cette  grande  nouvelle  n'apporta 
aucun  changement  dans  ce  jeune  prince  de  vingt  ans. 
«  Notre  roi,  qui  maintenant  est  empereur,  dit  un  té- 
moin oculaire ,  semble  ne  considérer  comme  rien 
la  plus  grande  fortune  qui  puisse  arriver  à  un  mortel; 
sa  force  de  caractère  et  son  phlegme  sont  si  ex- 
traordinaires, que  l'on  dirait  qu'il  a  la  boule  du  monde 
sous  les  pieds.  »  La  résolution  qu'il  avait  à  prendre 
aurait  été  pour  un  homme  ordinaire  une  décision 
très  difficile.  L'Espagne  était  en  grande  fermentation, 
et  même  presque  tout  en  feu  ;  de  puissants  partis 
étaient  en  présence  les  uns  contre  les  autres:  l'auto- 
rite  royale,  une  noblesse  puissante  et  des  villes  riches 
et  orgueilleuses.  En  Allemagne,  il  allait  trouver  un 
empire  agité,  en  désordre,  et  surtout  la  grande  lutte 


Digitized  byVJ OOQ IC 


40  sixième  époque.  1520—1648. 

de  religion  qui  déjà  avait  commence'  et  sur  laquelle 
tous  les  yeux  étaient  fixés.  Les  Espagnols  étaient 
même  mécontents  de  voir  leur  roi  revêtu  de  la  di- 
gnité impériale  ;  ils  craignaient  de  ne  former  qu'un 
royaume  secondaire  sous  un  puissant  dominateur. 

La  plupart  des  membres  du  conseil  de  Charles 
lui  conseillaient  de  ne  pas  abandonner  le  royaume 
qu'il  tenait  de  ses  pères,  pour  une  possession  incer- 
taine ou  du  moins  difficile  à  conserver  j  mais  son  gé- 
nie voyait  dans  la  circonstance  le  moment  d'une 
détermination  audacieuse  et  indépendante  :  il  se  trou- 
vait jetë  sur  une  carrière  de  gloire,  il  s'y  lança  sens 
crainte  et  sans  hésitation.  Ce  fut  encore  danslenréme 
temps,  lorsqu'il  était  en  route  pour  aller  prendre 
possession  de  la  couronne  d'Allemagne ,  qu'arriva 
la  nouvelle  qui  annonçait  l'acquisition  faite  en  son 
nom  d'un  deuxième  empire  dans  le  nouveau  monde 
qu'on  venait  de  découvrir,  l'immense  empire  du 
Mexique.  Un  esprit  plus  commun  aurait  été  accablé 
sous  le  poids  de  pareils  événements  ;  mais  pour  notre 
jeune  héros  de  vingt  ans,  ils  ne  firent  que  hâter  sa  ma- 
turité et  en  former  un  homme.  La  moitié  du  globe 
avait  besoin  de  sa  sollicitude,  et  depuis  ce  moment 
il  se  montra  toujours  un  souverain  qui  agit  pa?  lui- 
même  et  embrasse  tout  de  son  œil  clairvoyant. 

Charles  débarqua  d'Espagne  dans  les  Pays-Bas  et 
passade  là  en  Allemagne.  Le  22  octobre  1520,  il 
fut  couronné  à  Aix  avec  une  grande  magnificence  et 
fixa  dès  lors  la  première  diète  qu'il  voulait  tenir  à 
Worutô,  le  saint  jour  des  Bois  de  l'année  suivante* 


Digitized  byVJ OOQ IC 


SCU1SMR  DANS  l/ÉGLISE-  4^k 

Cette  diète  fut  une  des  plus  brillantes  qui  aient  jamais 
été  tenues.  On  y  vit  six  princes  électeurs  et  une 
grande  quantité  de  princes  ecclésiastiques  et  laïques* 
La  plus  importante  affaire  qui  fut  traitée  dans  cette 
assemblée  fut  l'interrogatoire  de  Martin  Luther* 


Schisme  dans  l'Église  ;  motifs  qui  l'ont  amené* 

L'Eglise,  depuis  déjà  plusieurs  siècles,  était  en 
proie  à  toute  espèce  d'agitations  ;  l'abandon  de  l'an- 
cienne discipline  avait  même  ébranlé  la  foi  de  bien 
du  monde  et  corrompu  la  moralité  des  peuples;  ses 
institutions  semblaient  tout-à-fait  déchues.  De  tous 
côtés  s'élevaient  des  plaintes^et  l'on  demandait  une 
réforme  générale* 

II  n*est  personne ,  à  quelque  religion  qu'il  ap- 
partienne, sHl  connaît  l'histoire,  qui  ne  sache  qu'en 
efiet  ces  plaintes  étaient  fondées  y  et  qu'elles  étaient 
élevées  par  toutes  les  nations,  p$r  les  fidèles  partisans 
de  l'ancienne  Eglise,  par  de  vénérables  évéques,  par 
des  savants  et  des  hommes  de  poids  dans  l'Eglise  et 
dans  l'état  (*). 


(*>  Tout  le  monde  confient  ea  effet  qu'une  réforme  était  nécessaire;  mail  tt 
fallait  une  réforme  légale  faite  par  l'Église  même,  et  non  par  de  simples  par- 
ticuliers. H  fallait  réprimer  les  abus,  empêcher  la  simonie  et  le  trafic  des  in- 
dulgences, exiger  plus  de  science  et  de  vertu  dans  le  clergé;  mais  non  pas  atta- 
quer l'aiftorte  de  l'Église  et  reiverser  de»  imtitufcioas  de  qaiaie  sièeto. 

H.  T. 


Digitized  byVJ OOQ IC 


f2  sixième  époque.  4520—4648. 

Au  temps  du  grand  schisme,  de  1378  à  14H,  quand 
plusieurs  papes  se  disputaient  la  chaire  de  saint 
Pierre,  chaque  prétendant  à  son  tour  excommuniait 
son  rival  et  ses  adhérents  ;  de  sorte  que  toute  la  chré- 
tienté se  trouvait  soumise  au  ban  de  l'Eglise ,  soit 
par  un  pape,  soit  par  un  autre,  et  que  les  esprits 
religieux  et  pacifiques  ne  savaient  pas  véritablement 
où  trouver  la  paix  du  Christ  ;  dans  une  pareille  épo- 
que, et  sous  l'influence  de  tant  de  fureur  dans  les 
passions,  cette  antique  vénération  ,  fondée  sur  la  foi 
et  attachée  au  nom  du  pape,  devait  nécessairement 
s'affaiblir  sensiblement  ;  et  les  liens  invisibles  et  sa- 
crés qui  maintenaient  les  peuples  se  relâchaient  tous 
les  jours. 

Joignez  à  cela  une  ignorance  universelle  daus  tout 
l'état  ecclésiastique,  du  moins  parmi  le  plus  grand 
nombre  de  ses  membres  ;  car  ce  n'était  pas  quelques 
individus  sages  et  érudits  parmi  eux  qui  pouvaient 
dissiper  les  ténèbres  de  la  masse;  et  comme  toujours 
les  ténèbres  de  l'esprit  entraînent  après  eux  des 
vices  qui  ne  peuvent  être  extirpés  que  par  la  lu- 
mière, un  grand  nombre  d'ecclésiastiques  étaient 
couverts  de  crimes,  étaient  un  objet  d'horreur  pour 
les  bons  et  de  scandale  pour  le  peuple.  Dans  l'an- 
née 1503 ,  par  conséquent  avant  que  Luther  ne  pa- 
rût sur  la  scène,  un  des  premiers  théologiens  d'Alle- 
magne peignait  ainsi  la  décadence  de  l'état  ecclé- 
siastique avec  les  traits  les  plus  forts:  «  L'élude  de  la 
théologie  est  méprisée  parmi  nous,  disait-il,  l'Evan- 
gile du  Christ,  de  même  que  les  écrits  des  SS.  Pères, 


Digitized  byVJ OOQ IC 


SCHISME   DANS  L  ÉGLISE.  iZ 

sont  négligés;  nous  n'entendons  jamais  dans  nos 
chaires  un  seul  mot  sur  nos  dogmes  de  foi ,  sur  la 
piété ,  la  modération  et  toutes  les  autres  vertus  dont 
les  païens  eux-mêmes  faisaient  tant  de  cas,  sur  le 
prodige  de  bonté  de  Dieu  envers  nous  et  sur  les 
mérites  de  Jésus;  des  gens  qui  n'entendent  rien  à  la 
philosophie  non  plus  qu'à  la  théologie,  sont  éle\és 
aux  plus  hautes  dignités  de  l'Eglise,  et  deviennent 
les  pasteurs  de  nos  âmes  !  De  là,  la  douloureuse  déca- 
dence de  F  église  chrétienne,  le  mépris  dans  lequel 
est  tombé  le  clergé,  et  la  disette  complète  où  Ton  est 
de  bonnes  instructions  !  La  vie  désordonnée  des  ec- 
clésiastiques effraie  les  honnêtes  parents,  et  les  em- 
pêche de  consacrer  leurs  enfants  à  cet  état.  Ils  laissent 
de  côté  le  travail  de  l'Écriture  sainte ,  ils  corrom- 
pent tellement  leur  goût  qu'ils  ne  sentent  plus  sa 
beauté  et  sa  force;  ils  deviennent  paresseux  et  tièdes 
dans  leurs  fonctions,  et  ils  ne  sont  contents  que  quand 
tout  est  termine,  quand  le  chant,  la  prédication  sont 
finis;  en  un  mot,  quand  l'office  n'a  pas  duré  long- 
temps. 

Avec  un  débiteur  ils  parlent  avec  plus  d'atten- 
tion ,  plus  de  sagesse  qu'avec  leur  Créateur.  Dans 
l'ennui  que  leur  cause  leur  emploi,  au  lieu  de  s'oc- 
cuper avec  leurs  livres,  ils  consacrent  leur  vie  au 
jeu,  à  la  débauche,  à  la  licence,  sans  aucune  considé- 
ration pour  le  mépris  général  qui  en  retombe  sur 
eux.  Comment  est-il  possible,  dans  cet  état  de  choses, 
queleslaïquesaient  du  respect  pour  eux  et  la  religion  ? 
L'Évangile  nous  dit  que  le  chemin  pour  arriyer  au 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


ii  SIXIÈME   ÉPOQUE.    4520—1648. 

ciel  est  étroit;  mais  eux,  ils  en  font  une  voie  large  et 
facile.  » 

Cent  autres  témoignages  irrécusables  prouveraient 
que  les  traits  de  ce  tableau  ne  sont  pas  trop  forts,  et 
quoique  les  moines  aient  accusé  devant  le  pape, 
Jules  II,  ce  savant  professeur  qui  les  avait  si  dure- 
ment réprimandés,  cependant  les  commissaires  de  la 
cour  de  Rome  le  renvoyèrent  absous,  tant  la  vérité 
était  visiblement  de  son    côté.  Le  pieux  évéque 
d'Àugsbourg,  Christophe  de  Stadion,  élève  absolu- 
ment les  mêmes  plaintes  dans  une  lettre  synodale  & 
son  clergé,  et  lui  reproche  les  vices  les  plus  grossiers, 
qui  ne  peuvent  manquer  de  corrompre  leur  trou- 
peau. De  même,  Hugon,  évoque  de  Constance,  en- 
nemi d'ailleurs  des  doctrinesde  Luther,  se  plaint  aussi 
delà  même  manière,  avec  beaucoup  d'antres  princî* 
paux  membres  de  l'Église  catholique  de  ce  temps-là. 
Comment  en  aurait-il  été  autrement,  quand  l'investi- 
ture des  fonctions  ecclésiastiquess'achetait  au  poids  de 
lor,  stfns  égard  à  la  capacité  et  à  la  réputation  de 
l'acquéreur;    quand  le  plus  petit   nombre  d'entre 
eux  seulement,  comme  le  prouvent  les  plaintes  dont 
nous  avons  parlé  plus  haut,  avaient  quelque  con- 
naissance  de  la  parole  de  Dieu.  C'était  à  un  tel 
point,  que  les  témoignages  les  plus  véridiques  assu* 
rent  que,  dans  toute  la  confédération  suisse,  il  n'y 
avait  pas,  au  commencement  du  seizième  siècle,  par- 
mi tous  les  principaux  personnages  de  l'Eglise,  trois 
membres  qui  eussent  lu  la  Bible.  Et  les  habitants  du 
Valais  ayant  reçu,  dans  ce  même  temps,  une  lettre 


Digitized  byVJ OOQ IC 


SCIÏISME  DANS  l'église.  45 

dé  Zurich,  dans  laquelle  on  faisait  une  citation  de  la 
sainte  Ecriture,  il  ne  se  trouva  qu'an  seul  homme 
qui  eonnût  tie  livre,  encore  n'était-ce  que  par  ouï* 
dire!  Quelle  devait  donc  être  l'ignorance  de  cette 
époque,  pour  que  les  hommes  aient  tellement  né- 
gligé de  puiser  à  la  source  de  toute  pieté,  de  toute 
vertu  chrétienne,  qu'ils  en  aient  même  complètement 
oublié  le  nom. 

En  Italie,  et  particulièrement  à  Rome,  l'incrédu- 
lité et  l'ignorance  des  choses  de  Dieu  étalent  mont» 
tée»  au  plu»  haut  degré.  Il  est  vrai  que  sous  le  ponti- 
ficat de  Léon  X,  de  1513  à  1521,  les  arts  fleurirent 
d'une  manière  remarquable  ;  mais  comme  c'étaient 
des  plants  jetés  dans  un  terrain  trop  gras,  ils  étouf- 
fèrent les  germes  de  la  véritable  crainte  de  Dieu.  La 
jouissance  des  sens  était  mise  au-dessus  de  tout  j  la 
croyance  à  un  monde  invisible  rie  pouvait  donc 
se  maintenir  avec  un  pareil  principe,  et  la  piété 
muette  du  cœur  était  1  objet  du  mépridu  monde. 
On  sembla  ne  plus  conserver  les  usages  du  culte  di- 
vin, que  comme  un  frein  pour  la  masse  du  peuple, 
et  par  conséquent  ils  devinrent  bientôt  descérénùv 
nies  purement  extérieures. 

Ecoutons  le  témoignage  du  pieux  Adrien  VI,  qui 
écrit  à  son  nonce  à  la  diète  de  Nuremberg,  en  1522. 
«  Nous  savons,  dit-il,  que  sur  le  Saint-Siège  que 
nous  occupons  a  régné  une  grande  corruption  pen- 
dant plusieurs  années,  de  grands  abus  pour  toutep 
les  affaires  ecclésiastiques  et  pour  tout  ce  qui  éma- 
nait de  notre  chaire;  en  un  mot,  la  dépravation 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


46  sixième  époque.  1520 — 1648. 

dans  tout.  Ainsi,  il  n'est  pas  étonnant  que  la  mala- 
die soit  passée  de  la  tête  aux  membres,  du  pape  aux 
prêtres  ;  c'est  pourquoi  ,  efforçons-nous  donc,  au- 
tant qu'il  est  en  nous,  de  mettre  tous  nos  soins  à 
réformer  d  abord  notre  siège,  d'où  peut-être  est  sorti 
tout  le  mal;  afin  que,  puisque  la  ruine  est  partie 
de  là  pour  descendre  aux  degrés  inférieurs,  le  salut 
et  la  vie  y  prennent  aussi  leur  source.  » 

Le  sentiment  d'une  réforme  dans  l'Eglise  était  si 
positivement  répandu  dans  tous  les  rangs  de  la 
société ,  que  le  peuple ,  dès  le  milieu  du  quatorzième 
siècle,  jetait  les  yeux  sur  l'empereur  Frédéric  II, 
mort  depuis  plus  de  cent  ans,  et  l'attendait  pour 
revenir  réformer  l'Eglise.  Nous  avons  déjà  vu  com- 
bien pressantes  avaient  été  les  instances  des  Allemands, 
des  Anglais  et  des  Français  aux  conciles  de  Cons- 
tance et  de  Bâle.  L'an  1510,  la  diète  d'Àugsbourg 
éleva  encore  des  griefs  contre  les  prétentions  ambi- 
tieuses des  papes;  c'était  le  commencement  du 
schisme  qui  a  divisé  l'Eglise  :  «  car  si  on  ne  remédie 
pas  à  l'objet  de  ces  plaintes ,  disait  la  diète ,  il 
pourrait  facilement  survenir  une  persécution  contre 
tous  les' prêtres,  ou  bien,  conformément  à  l'exemple 
donné  en  Bohême,  un  abandon  général  de  l'Eglise 
romaine.  » 

Ainsi. voyons-nous  dans  ces  temps-là  le  vieil  et 
grand  échafaudage  de  la  hiérarchie,  indispensable 
pour  l'unité  des  peuples  chrétiens,  qui  subsistait 
depuis  nombre  de  siècles,  se  miner  et  chanceler 
ébranlé  jusque  dans  ses  fondem?»*tsj  [arçe  qu'il 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


SCtïISMC  DANS   L^GLTSE.  4Î 

avait  perdu  sa  considération  ;  parce  que  les  princi- 
paux membres,  vivant  dans  une  orgueilleuse  sé- 
curité', n'avaient  aucun  égard  pour  l'esprit  de  l'é- 
poque. 

Quelque  évident  que  soit  à  tous  les  yeux  ce  que 
nous  venons  de  dire,  cependant  jetons  un  regard  plus 
approfondi,  afin  de  suivre  jusque  dans  ses  premières 
racines  ce  grand  changement  opéré  dans  le  monde. 
Un  peu  4e  bonne  volonté  et  une  amélioration  suc- 
cessive auraient  pu  satisfaire  à  toutes  ces  plaintes, 
qui   ne  reposaient ,  en  grande  partie,  que  sur  des 
formes  extérieures  et  des  objets  de  pure  administra- 
tion dans  l'Eglise  ;  si  seulement  il  s'était  trouvé  à  la 
tête  de  la  religion  un  génie  qui  pût  donner  la  vie  et 
la  clarté  aux    idées,  les  entraîner  à  sa  suite  et  les 
maîtriser.  Mais,  tout  au  contraire,   ce  n'était  plus 
seulement  cette  ignorance  dont   nous  avons  parlé 
plus  haut,   c'était  une  science  tout  au  rebours  du 
bon  sens  dans  presque  tous  les  théologiens  j  ils  fai- 
saient le  plus  grand  cas  d'une  espèce  de  science  ap- 
pelée la  scolastique,  qui  avait  été  formée  ancienne- 
ment d'un  mélange  de  principes  philosophiques  avec 
les  enseignements  du  christianisme.  Les  vérités  des 
saiutes  Écritures  les  plus  simples,  claires  et  intelli- 
gibles pour  l'enfant  le  plus  ignorant,  étaient  enve- 
loppées de  mots  obscurs  et  savants,  et  ces  mots  étaient 
j  regardés  comme  le  principal;  bientôt  même  on  dis- 

1  cuta  sur  leur  sens,  et  celui-là  passait  pour  le  plus  sa- 

vant qui  savait  parler  avec  le  plus  de  finesse  dans 
cette  discussion.  De  sorte  que  la  vérité  se  perdit 
T,  h,  2 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


48  sixième  époque.  i52Ô — 4648. 

inondée  dans  un  flux  de  parolçs,  et  la  douce,  la 
pure  et  bienfaisante  lumière  de  la  foi  chrétienne 
s'évanouit  étouffée  dans  ce  fatras  de  science  qu'ils  ap- 
pelaient leur  théologie.  Mais,  dès  le  quinzième  siè- 
cle>  une  nouvelle  époque  commença  à  poindre  pour 
les  sciences,  et  un  soleil  plus  brillant  sembla  éclairer 
les  esprits  :  la  scolastique  avec  ce  vain  éclat  sans 
goût,  avec  cette  importance  qu'elle  attachait  aux 
mots,  avec  tout  son  vide,  ne  put  soutenir  l'éclat  de 
cette  lumière  ;  les  meilleures  têtes  du  temps  l'atta- 
quèrent par  la  raison  et  les  railleries,  et  en  dévoilèrent 
toute  la  nudité;  leurs  adversaires,  les  défenseurs  de 
l'ancienne  école,  ne  se  contentèrent  pas  de  se  retran- 
cher derrière  le  seul  boulevard  qu'ils  eussent,  et  de 
dire  que  la  lumière  ne  pouvait  être  que  dans  leur  doc- 
trine ;  mais  ils  voulurent  même,  par  un  zèle  aveugle 
et  menaçant,  éclipser  ces  rayons  lumineux  qui  com- 
mençaient à  former  un  nouveau  jour  (*).  Il  "y  avait 
en  Allemagne  un  savant,  le  plus  instruit  qu'ait  ja- 
mais produit  notre  patrie,  qui  étendait  partout  les 
nouvelles  lumières  de  lascîencfe,  Reuchlin,  dontl'es- 
prit  était  si  vaste  qu'on  a  dit  de  lui:  qu'il  réunissait 
en  sa  personne  tous  les  arts ,  toutes  les  sciences , 
toutes  les  connaissances  qui  ont  été  trouvées  dans  le 
monde  chrétien  ;  et  tout  cela  n'avait  pas  rapport  à 


{*)  Il  nt  tout  pas  confondre  les  scholastiques  avec  les  catholiques.  L'auteur 
semble  n'en  pat  faire  assez  la  distinction  :  la  scbolaitiqu*  était  alors  un  reste 
f  «ne  ancienne  école  dégénérée  ;  les  scholastiques  étaient  des  catholiques 
outrés  (Voyeile  Dict.de  Trévoux).  N.  T.        . 


Digitized  byVJ OOQ IC 


LA   RÉFORME.  49 

des  connaissances  fastueuses  et  frivoles,  maïs  &  la 
plus  profonde  connaissance  des  hommes,  delà  nature 
et  de  Dieu.  Cependant  une  foule  de  théologiens  dé- 
chaînèrent leurs  passions  contre  lui,  quoiqu*ii  vécût 
avant  le  temps  de  la  réforme  et  qu'il  n'y  prît  au- 
cune part.  Tous  les  premiers  pasteurs  de  l'Église,  il 
faut  l'avouer,  n'étaient  pas  également  plongés  dans 
les  ténèbres;  car  l'évéque  d'Augshourg  que  noua 
avons  déjà  cité,  Christophe  de  Stadion,  ne  crut  pas 
indigne  de  lui  de  faire  un  voyage  de  sept  jours  pour 
aller  à  Fribourg  apprendre  à  connaître  le  célèbre 
Erasme  de  Rotterdam  ;  Jean  de  Dalberg,  évéque  de 
Wprms,créa  une  bibliothèque  qu'il  remplit  des  meil- 
leurs écrits,  et  il  aima  les  sciences  jusqu'au  point  de 
se  faire  admettre  dans  la  Société  des  Savants  du  Rhin^ 
fondée  par  le  poète  Conrad  Celtes.  Mais  ce  nombre 
de  gens  raisonnables  était  trop  petit  pour  résister  att 
zèle  aveugle  et  insensé  de  ceux  qui,  en  haine  de  la 
lumière,  confondaient  ensemble  le  bien  et  le  mal  et 
détruisaient  ainsi  leur  propre  empire. 


La  réforme.  1517. 

Nous  avons  développé  dans  le  chapitre  précédent 
les  raisons  qui  depuis  plusieurs  siècles  avaient  pré- 
paré le  schisme  de  l'Église  ;  mais  les  abus  dans  la 
prédication  et  la  distribution  des  indulgences  furent 
le  motif  le  plus  prochain  et  firent  éclater  Forage. 

Les  envoyés  de  la  cour  de  Rome  allaient  offrir  dans 

2, 


DigitizedJ?y  VjOOQI 


âO  sixième  époque.  4520—1648. 

tu  les  pays  qui  reconnaissaient  le  pape  des  lettres 
d'indulgence ,  par  lesquelles  les  fidèles  recevaient 
la  re'mission  de  toutes  les  peines  de  l'Église,  méri- 
téespar  leurs  péchés.  Cen'était  point  une  innovation; 
car  déjà ,  dans  les  anciens  temps  de  l'Eglise ,  quand 
elle  punissait  les  fautes  publiques  par  de  sévères 
et  publiques  pénitences ,  par  l'exclusion  du  service 
divin,  souvent  pour  plusieurs  années,  etc.,  il  y  avait 
des  pénitents, ceux  qui  se  faisaient  remarquer  par  leur 
zèle  à  subir  la  peine ,  pour  lesquels  la  durée  était 
abrégée  par  Févêque ,  ou  la  peine  changée  en  des 
œuvres  de  piété.  Au  temps  des  croisades,  les  papes 
accordèrent  à  tous  ceux  qui  s'engageaient  à  courir 
les  dangers  et  les  fatigues  de  ces  expéditions,  la  ré- 
mission de  toutes  les  peines  de  l'Église  qu'ils  au- 
raient pu  encourir.  Plus  tard,  cette  même  faveur  fut 
accordée  à  ceux  qui,  sans  prendre  part  à  ces  saintes 
expéditions,  avancèrent  pour  elles  des  sommes  d'ar- 
gent. Après  le  temps  des  croisades,  on  étendit  le 
but  de  ces  amendes  expiatoires  à. d'autres  œuvres 
pieuses,  à  l'édification  d'églises,  d'écoles,  etc.  Et 
quand  l'Europe  fut  menacée  de  plus  près  par  les 
Turcs ,  les  guerres  contre  ces  infidèles  fournirent  en- 
core aux  papes  une  foule  d'occasions  de  répandre  des 
lettres  d'indulgence.  Mais  bientôt  la  croyance  que 
les  lettres  d'indulgence  effaçaient  le  péché  même, 
erreur  tout-à-fait  conforme  aux  idées  grossières  et 
dépravées  de  cette  époque,  se  glissa  parmi  le  peuple 
et  y  fut  entretenue  par  certains  prédicateurs  des 
indigences;  tandis   que  d'un    autre  coté  se  ré- 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


LA    RÉFORME.  21 

pandait  le  doute  sur  l'emploi  des  sommes  exclusive- 
ment à  des  œuvres  depiété.  Alors  lès  princes  et  les  peu- 
ples élevèrent  des  plaintes  sur  l'abus  qu'on  en  faisait, 
et  plus  tard  le  concile  de  Trente  lança  un  décret 
contre  les  criminels  prédicateurs  des  indulgences, 
«  qui  se  servent  de  la  parole  de  Dieu  pour  leur  propre 
lucre.  » 

Pour  tirer  des  indulgences  le  plus  de  gain  pos- 
sible ,  on  imagina  de  les  affermer  pour  toute  une 
province  au  plus  offrant  ;  l'acquéreur  avait  lui- 
même  des  sous-fermiers.  Tous  ces  grossiers  abus 
étaient. commis  par  amour  du  lucre.  Pour  la  vente 
de  ces  lettres  d'indulgence  on  choisissait  des  hommes 
qui,  par  leur  habileté  à  se  servir  de  la  parole,  pussent 
exciter  le  peuple  à  acheter  en  fonle;  et  l'impu- 
dence de  certains  prédicateurs  alla  au-delà  de  toute 
croyance.  Ils  vendaient  des  indulgences  pour  lès 
plus  giands  crimes:  vols  dans  les  églises,  parjures, 
meurtres  ;  bien  plus  on  pouvait  même  obtenir  d'a- 
vance, pour  les  péchés  à  venir,  la  promesse  de  l'in- 
dulgence (*). 

11  est  tout-à-fait  inutile  de  dire  quelle  influence 
un  pareil  abus  de  la  religion  devait  avoir  sur  la  mo- 
ralité des  hommes. 

Le  mécontentement  long-temps  comprimé  éclata 
enfin ,  quand  le  pape  Léon  X,  en  l'année  1516,  an- 


(*)  Voyez  les  plaintes  que  les  princes  allemands  portèrent  devant  le  pape 
Adrien  à  la  diète  de  Nuremberg  en  i&22.  Histoire  d Allemagne,  par 
Sçbmidt,  tome  xi,  p.  58» 


Digitized  byVJ OOQ IC 


92  sixième  époque.  4520—1648. 

non  ça  de  nouvelles  indulgences ,  afin  de  pouvoir 
achever  Péglise  de  Saipt-Pierre  à  Rome  ,  commen- 
cée par  son  prédécesseur  Jules  II.  La  croyance  3e 
répandit  généralement  qu'une  partie  des  sommes, 
notamment  la  collecte  de  la  Saxe  et  des  autres  pays 
jusqu'à  la  mer  Baltique ,  n'étaient  point  destinées  à 
bâtir  l'église  de  Saint-Pierre,  mais  bien  à  la  sœur 
du  pape.  De  plus ,  les  prédicateurs  qu'on  employa 
4ans  cette  occasion,  surtout  un  certain  Bernard  Sqm- 
son  et  Jean  Tézel ,  qui  parcouraient  l'un  la  Suisse  et 
l'autre  la  Saxe,  soulevèrent  par  leur  conduite  la 
plus  grande  indignation. 

Alors  parut  Martin  Luther,  né  en  1483  ;  àEisle- 
ten  en  Thuringe ,  moine  de  Tordre  des  Augustins 
et  professeur  de  théologie  à  l'université  de  Witen- 
berg  r  qui  s'éleva  publiquement  contre  les  indul- 
gences et  lança  la  veille  de  la  Toussaint  c'est-à-dire 
le  31  octobre  1517,  dans  l'église  du  château  4e 
\Vittenberg,  quatre-vingt-quinze  proposition?  par 
lesquelles  il  attaquait  aYeç  chaleur  le  trafic  des  in- 
dulgences, et  il  défiait  en  même  temps  tous  les  sa- 
y&Uts  de  les  contester  dans  une  dissertation  publique. 
Pe  pareilles  provocations  en  matière  de  croyance  n'é- 
taient pas  rares  ;  mais  il  régnait  dans  celles  de  Luther 
W  kp$3gç  pi  hardi  çt  un  esprit  si  libre  qu'elles  ob- 
tinrent apssîtôt  unç  grande  vogue  et  furpnt  lues  avec 
passion  par  toute  l'Allemagne,  «  II  prétendait  que 
le  pape  n'avait  par  lui-même  aucune  puissance 
trtrôr  remettre  tes  pédrés ,  qu'il  pouvait  seulement 
déclarer  qu'ils  étaient  retnis  par  Dieu  ;  que  tout  ce 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


LA   RÉFORME.  95 

que  le  pape  pyait  de  puissance  à  ce  siget  les 
évéques  et  les  curés  l'avaient  aussi  j  que  quiconque 
se  repentait  vraiment  de  ses  fautes ,  obtenait  la  ré- 
mission de  la  peine  sans  les  indulgences  ;  que  les 
trésors  du  Sauveur  et  de  l'Eglise  appartenaient  si 
bien  à  tous  les  fidèles  que  le  pape  n'avait  aucun 
droit  de  leur  en  f^ire  une  nouvelle  distribution,  etc.  » 
Du  reste  il  iTavait  alors  aucunement  l'intention 
d'attaquer  l'autorité  du  pape  ni  celle  de  J'anciennç 
Eglise.  Mai§  déjà  sa  doctrine  sur  les  indulgences 
avait  soulevé  une  violentç  contradiction  de  la  part 
dé  Tézel  et  de  ses  amis,  particulièrement  les  Domi- 
nicains ,  qui  depuis  long-temps  étaient  ennemis  de 
l'ordre  des  Augustins  ;  ils  le  proclamèrent  comme 
un  hérétique  et  ils  parlaient  déjà  de  glaive  et  de 
bûcher. 

Dans  Rome  on  gardait  le  silence ,  bien  que  les 
contestations  durassent  depuis  près  (Je  neuf  mois.  Ce 
n'est  pas  que  l'affaire  nry  fût  connue  j  mais  le  pape 
Léon  ne  la  regardait  probablement  que  comme  une 
tracassçrie  de  mpine,  et  surtout,  on  ne  connaissait 
point  l'Allemagne  à  Rome.  On  la  regardait  toujours 
comme  un  pays  demi-sauvage ,  dont  la  population 
était  patiente,  accoutumée  à  l'obéissance  et  lente  à 
prendre  une  résolution  :  cette  ignorance  sur  notre 
peuple  et  ce  mépris  pour  lui  furent  mortels  pour 
la  chaire  pontificale  et  causèrent  chez  nous  des  dé- 
sordres inexprimables. 

Enfin,  au  mois  d'août  1518,  Luther  fut  appelé  à 
Rome  pour  avoir  à  répondre  devant  le  tribunal  du 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


£4  f sixième  époque.  1520—4648. 

pape.  Mais,  l'électeur  de  Saxe  aussi  bien  que  l'uni- 
versité de  Wittenberg,  qui  fondée  tout  nouvelle- 
ment devait  à  Luther  son  rapide  accroissement,  ne 
voulurent  pas  lui  laisser  faire  ce  voyage  trop  dan- 
gereux. 

Il  obtint  par  leur  entremise  la  permission  dérégler 
son  affaire  en  Allemagne  et  enfin  de  se  présenter,  au 
mois  d'octobre  1518,  à  la  diète  d'Augsbourg,  devant 
le  nonce  du  pape,  Thomas  de  Vio,  de  Gaëte,  connu 
ordinairement  sous  le  nom  de  Cajetan  .Celui-ci  exigea 
de  lui  une  rétractation.  Luther  déclara  qu'il  y  était 
tout  disposé,  pourvu  qu'on  pût  le  convaincre  d'erreur 
par  l'Ecriture  sainte.  Mais  le  cardinal  qui  regardait 
comme  contraire  à  sa  dignité  de  disputer  avec  un 
moine ,  finit  promptement  la  contestation  en  ces 
termes:  «  Va-t-en  et  ne  reviens  que  pour  faire  ta 
rétractation.  »  Alors  Luther  lui  fit  remettre  un  écrit 
justificatif,  où  il  avouait  s'être  trop  laissé  emporter 
et  n*a voir  pas  parlé  du  pape  avec  tout  le  respect  qu'il 
lui  devait;  et  il  promettait  de  garder  désormais  le 
silence,  si  de  leur  coté  ses  adversaires  voulaient  en 
faire  autant  sur  son  compte.  Mais  n'ayant  reçu  aucune 
réponse  à  cet  écrit,  il  crut  devoir  se  tourner  vers 
le  pape  et  rédigea  en  latin  avec  un  notaire  et  dés  té- 
moins un  appel  d'un  mauvais  jugement  à  un  meilleur 
devant  le  pape.  Il  le  fit  afficher  publiquement  sur  la 
porte  de  la  cathédrale  d'Augsbourg  ;  ensuite  il  quitta 
la  ville.  Cet  écrit  prouve  que  Luther  n'avait  pas  en- 
core alors  pris  la  résolution  de  se  séparer  de  l'Eglise 
romaine.  Mais  la  force  des  circonstances  et  la  chaleur 


Digitized  byVJ OOQ IC 


LA    RÉFORME.  25 

de  la  dispute  avec  ses  adversaires  l'y  amenèrent  peu 
à  peu. 

Un  professeur  de  théologie  à  Ingolstadt  en  Ba- 
vière, le  docteur  Jean  Eck  ou  Eckius,  le  plus  habile 
athlète  catholique,  provoqua  dans  l'année  4519, 
Luther  et  un  professeur  de  Wittenberg,  André  Carls- 
tadt,  à  une  dissertation  publique  sur  les  matières 
de  la  foi,  dans  la  ville  de  Leipzig,  qui  faisait  partie 
du  territoire  de  George,  duc  de  Saxe.  Ils  y  parurent 
tous  les  deux,  accompagnés  de  Philippe Melanchton 
qui  devint  plus  tard  si  célèbre  et  était  alors  à  Wit- 
tenberg comme  professeur  de  grec.  Les  conférences 
durèrent  depuis  le  27  juin  jusqu'au  13  juillet  1519; 
on  discuta  beaucoup  sur  les  principaux  articles  de 
foi  et  sur  le  respect  dû  au  pape;  mais,  comme  il  ar- 
rive presque  toujours  dans  les  contestations,  où  on  se 
laisse  aller  à  tout  le  feu  de  son  esprit ,  on  échangea 
de  part  et  d'autre  des  paroles  dures  et  piquantes  j 
Eck  partit  delà  pour  Rome,  et  réclama  contre  les 
hérétiques  tous  les  foudres  de  la  puissance  pontifi- 
cale. En  effet  il  reparut  bientôt  en  Allemagne  avec 
une  bulle  du  pape  qui  signalait  quarante-et-une  pro- 
positions de  Luther  comme  hérétiques  et  le  mettait  lui- 
même  au  ban  de  l'Eglise,  pour  le  cas  où  il  ne  se  serait 
pas  publiquement  rétracté  au  bout  de  seize  jours  ;  et  il 
s'empressa  de  la  répandre  dans  toutes  les  villes  d'Alle- 
magne. Mais  elle  ne  fut  reçue  que  dans  quelques  en- 
droits :  le  magistrat  en  défendait  les  affiches  et  le 
peuple  les  déchirait,  tant  la  nouvelle  doctrine  avait 
déjà  de  prosélytes.  Alors  Lutter  en  vint  à  une  action 


Digitized  byVJ OOQ IC 


26  SIXIEME  ÉPOQUE.   1520 — 1648. 

qui  brisa  pour  toujours  le  lieji  qui  aurait  pu  l'attacher 
encore  à  l'ancienne  Église.  Il  convoqua  toute  Puni* 
versité  de  Wittenbcrg  par  une  affichepublique  pour 
le  10  octobre  1520,  devant  la  porte  de  l'Eslterj 
les  étudiants  y  élevèrent  un  bûcher,  un  maître 
de  l'université  y  mit  le  feu  et  Luther  au  milieu  de$ 
cris  d'applaudissements  de  rassemblée  y  jeta  dans  les 
flammes  la  bulle  du  pape,  le  droit  cajion  et  les  écrits 
dTSck. 


Progrès  rapides  4e  la  nouvelle  doctrine. 

Il  n'est  pas  possible  de  dire  avec  quelle  rapidité 
ces  dogmes  se  répandirent  d'un  bout  de  PAJlemagnq 
jusqu'à  l'autre  et  même  au-delà  de  ses  frontières  (*), 
On  ne  peut  rien  comparer  de  matériel  pourl,a  célérité* 
ce  fut  un  incendie  qui  se  communiqua  aussi  vite  que 
la  pensée,  parce  que  partout  étflit  une  matière  inflam- 
mable qui  ne  demandait  qu'une  étincelle.  Quand  uq 


T1 TT-TT" 


(*)  ttt  4uatoe*viiigt-qi»tiKp  propositions  de  gainer  eoptre  les  indulgences 
f ment,  répandues  p*r  toute  L'AU*m9gneepqi»Jn^j*«r»;dana  lestât*  de< 
quatre  à  six  semaines  elles  furent  connues  par  tente  l'Europe,  et  l'on,  com- 
prend facilement  quel  mouvement  elles  causèrent  partout.  En  1520,  les  écrits 
de  Luther  étaient  traduits  en  espagnol  dan*  les  Pays-Bas,  et  en  1531  un 
voyageur  les  acteU  à  Jérusalem.  Quand  le  sieur  de  MUtiU,  gentilhomme 
saxon,  passa  en  1519  d'Italie  en  Allemagne,  chargé  par  le  pape  de  chercher 
à  engager  Luther  à  faire  des  concessions  et  à  promettre  de  garder  le  silence, 
il  avoua  que  pendant  son  voyage ,  à  travers  l'Allemagne,  il  avait  toujours 
trouvé  au  mo'ns  trois  personnes  favorables  à  Luther  contre  une  qui  se  portail 
pour  le  pape  :  et  il  y  avait  à  peine  deux  ans  que  Luther  paraissait  sur  la  scène. 


Digitized  byVJ OOQ IC 


PKOGKES    DE   LÀ   NOUVELLE    DOCTBINE.  27 

siècle  est  mûr  pour  (Je  grands,  changements,  il  ne 
faut  qu'un  signal  et  tou{  le  monde  se  lèvecommepar 
enchantement;  alqrs  celui  qui  proclame  tout  haut  ce 
besoin,  passe  pour  un  grand  inventeur,  quoiqu'il  ne 
soit  que  la  vpix  qui  exprime  ce  qui  existe  déjà  dans 
le  sein  de  la  socie'té  et  dans  l'âme  même  de  son  ad- 
mirateur. PVUeqrs  les  chapitres  précédents  nous 
ont  fjait  vpir  comment  la  science  qui  alors  s'agran- 
dissait consi4erablemrent  ;  comment  les  grandes  in- 
ventions du  siècle  précédent  et  surtout  l'art  de  l'im- 
primerie qui  a  rendu  pçssible  de  communiquer  à  des 
milliers  d'hompies  à  la  fois  ce  qui  auparavant  n'aurait 

Jyu  être  conny  que  cle  quelques  savants ,  après  de 
ongues  années,  çt  serait  peut-être  resté  enfermé  dans 
lff  murs  d'un  couvent;  comment,  dis-je,  tout  avait 
préparé  Je  mQrçde  à  de  grande  mouvements.  D'un 
autre  pôle,  la  rapidité  delà  propagation  des  nouvelles 
doctrines  est  une  prepve  irréfragable  de  la  grande 
décadence  de  l'esprit  religieux  et  moral  de  cette 
époque.  Car  l'homme  est  attaché  aux  mœurs  de  ses 
pères  par  de  profondes  ej,  fprles  racines  j  mais  il  tient 
plus  fortement  encore  à  leur  croyance.  Si  donc  il 
la  dépose^  cettq  croyance,  c'est  que  le  sentiment  qui 
devait  être  en  lui  le  plus  vivace  et  le  plus  intime 
a  péri  et  qu'il  n'y  a  plus  qu'un  peu  d'extérieur;  puis- 
que s'il  vivait  eacore ,  il  ne  pounaUVen  défaire  sans 
aller  contre  les  lois  de  la  nature. 

Outre  lç$  raisons  doqÇ  nous  venons  de  parler, 
quantité  d*autr«0  circonstances  contribuaient  à  cet 
essor  rapide  parmi  le  peuple  et  les  bourgeois  d' Aile- 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


28  sixième  époque.  1520—1648. 

magne.  Signalons  d'abord  la  plus  grande.  Jusqu'à  ce 
moment,  le  peuple,  la  foule  des  gens  simples  et 
libres,  avait  été  négligé  et  méprisé;  on  n'avait  rien 
fait  pour  son  développement  et  ainsi  toute  son  éner- 
gie sommeillait  engourdie.  Luther  se  présenta  comme 
devant  instruire  le  peuple  ;  il  se  tourna  vers  lui,  lui 
promit  de  l'instruction  et  même  il  le  fit  juge  de  ses 
querelles.  Et  il  le  fit  avec  une  parole  si  énergique, 
si  pressante,  que  jamais  rien  de  semblable  n'avait 
encore  retenti  à  ses  oreilles. 

La  condition  du  peuple  demandait  même  cette 
tentative  de  Luther  (*).  Le  paysan,  à  la  vérité,  avait 
peu  à  peu  obtenu  plus  de  liberté  que  dans  les  temps 
antérieurs  ;  cependant ,  les  servitudes  auxquelles  il 
était  condamné  étaient  toujours  très  oppressives.  Il 
était  soumis  à  toutes  les  autres  conditions  de  la  na- 
tion 3  non  seulement  à  son  seigneur,  mais  au  cheva- 
lier, au  comte ,  au  prince;  même  ses  droits  en  qua,- 
lité  d'homme  n'étaient  pas  encore  généralement  re- 
connus, et  souvent  les  maîtres  accablaient  leurs 
sujets  des  plus  criantes  injustices.  C'est  alors  que 
retentit  le  mot  de  liberté  chrétienne ,  qui  résonna 
jusque  sous  le  chaume  des  paysans.  Ce  motenchan- 


(*)  tl  faut  convenir  alors  que  les  protestants  ont  été  bien  durement  trompés;  * 
car  on  ne  voit  pas  que  les  pays  qui  ont  admis  la  réforme  aient  obtenu  de  plus 
grandes  libertés  civiles;  il  semble  au  contraire  que  c'est  chez  eux  que  le  peuple  est 
le  plus  humilié.  H  suffit,  pour  s'en  convaincre,  de  jeter  un  regard  sur  les  états 
protestants  et  en  général  les  états  scnismatiques  d'Europe;  c'est  même  une 
conséquence  naturelle  de  toute  institution  où  les  deux  puissances  temporelle 
et  ecclésiastique  se  trouvent  réunies  sous  le  même  sceptre.  N,  T. 


Digitized  byVJ OOQ IC 


PROGRÈS   DE   Là    NOUVELLE   DOCTRINE.  29 

teur  qu'ils  n'interprétèrent  pas  dans  un  sens  moral, 
mais  dans  le  sens  le  plus  extérieur,  fit  naître  en  eux 
de  nouvelles  et  grandes  espérances  et  produisit, 
nous  le  verrons  bientôt,  les  plus  déplorables  désor- 
dres au  commencement.  Car,  dans  un  mouvement  si 
général  de  toute  une  génération ,  il  est  difficile,  comme 
le  démontre  l'histoire  de  tous  les  peuples,  que  les 
justes  bornes  de  la  modération  soient  bien  con- 
servées. 

De  même  que  le  peuple,  la  noblesse  d'Allemagne 
fut  elle-même  promptement  entraînée  dans  ce  nou- 
veau mouvement.  Elle  était  encore  tout  animée  d'en- 
thousiasme pour  la  liberté  et  l'honneur  de  la  patrie  ; 
et  comme  l'Allemagne  était  publiquement  méprisée 
dans  Rome ,  c'était  pour  elle  une  raison  suffisante 
de  se  porter  du  côté  de  celui  qui  attaquait  la  puis- 
sance de  la  chaire  romaine.  D'un  autre  côté  l'amour 
de  la  science  qui  revivait  en  Europe ,  avait  aussi 
gagné  la  plus  grande  partie  de  la  noblesse  ;  et  depuis 
que  l'invention  de  la  poudre  à  canon  avait  frappé 
la  chevalerie  d'une  blessure  mortelle,  les  armes 
n'avaient  plus  été  l'unique  occupation  du  jeune  gen- 
tilhomme. Son  esprit  déjà  plus  développé  était  donc 
plus  susceptible  de  recevoir  des  pensées  neuves  et 
hardies.  Et  enfin  Luther,  dans  un  écrit  fort  remarqua- 
ble dont  le  titre  était ,  A  la  noblesse  cF  Allemagne, 
s'était  particulièrement  adressé  à  elle  et  l'avait  ap- 
pelée au  secours  pour  son  entreprise. 

Parmi  ses  plus  zélés  prosélytes  était  Ulric  de  Hut- 
ten.  C'était  un  chef  de  parti  tel  qu'en  produisent 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


50  sixième  époque.  4520—  4é48. 

toujours  les  temps  de  révolution,  hardi  et  plein  de 
pénétration  pour  manier  la  plume  aussi  bien  que 
l'épée  ;  à  la  fois  guerrier  et  savant,  avec  une  éloquence 
mordante  et  déchirante  et  toujours  prêt  aux  entre- 
prises les  plus  hasardeuses.  Un  jour  que  quatre 
Français  avaient  tenu  des  propos  peu  honorables 
pour  l'empereur,  il  les  provoqua  en  duel  pour  sou- 
tenir l'honneur  des  chevaliers  allemands  et  les  vain- 
quit tous  quatre  ;  3a  plume  était  aussi  tranchante 
que  son  épée,  quand  il  remployait  contre  les  moines, 
contre  les  abus  de  (a  religion ,  ûoptre  les  adversaires 
des  langues  anciennes  et  delà  civilisation,  au  même 
Contre  les  Turcs  et  les  Français.  Hutten  fit  une  satire 
en  latin  qui  fut  bientôt  répandue  par  toutes  les  villes 
de  l'Europe. 

Cette  âme  de  feu  entra  aussitôt  du  côté  de  Lu- 
ther, moins  peut-être  par  zèle  de  religion  que  parce 
que  son  entreprise  était  téméraire  et  dangereuse  ;  il 
écrivait  et  parlait  pour  lui  et  aurait  volontiers  tiré 
Tépée  pour  lui. 

Un  homme  encore  plus  important  parmi  la  no- 
blesse et  aussi  ami  de  Luther,  était  François  de  Sic- 
kingen,  vaillantet  noblechèvalier franconien,  doué  de 
si  grandes  qualités  que  quelques  princes  le  trouvèrent 
autrefois  digne  de  la  couronné  impériale.  Il  offrit 
à  Luther  un  asile  dans  son  château  et  toute  la  pro- 
tection de  ses  armes  et  de  celles  de  ses  amis ,  s'il 
était  poursuivi.  Luther  remercia;  et  quand  Sickin- 
gen,  qui  ne  pouvait  rester  tranquille  cl  peut-être 
nourrissait  dans  son  esprit  de  grands  projets  d'am- 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


PROGRÈS  DE  LÀ  NOUVELLE  DOCTRINE.        ZÏ 

bition ,  prit  querelle  en  1522 ,  aVec Richard,  arche- 
vêque de  Trêves,  et  lui  déclara  la  guerre,  Luther 
s'y  opposa  formellement.  Son  entreprise  fut  une  des 
dernières  démonstrations  du  droit  du  poignet  en  Al- 
lemagne; un  seul  chevalier,  avec  ses  amis,  se  forma 
une  armée  de  douze  cents  hommes ,  osa  combattre 
malgré  la  défense  de  la  diète  de  Pempire  et  d'un  de 
ses  puissants  princes,  tomba  sur  son  territoire 9  le 
désola  de  long  en  large  et  ne  rentra  dans  ses  châteaux 
que  quand  deux  autres  princes  s'unirent  à  l'arche-' 
vêque,  Louis,  électeur  palatin,  et  Philippe,  land- 
grave de  Hesse. 

Il  fut  lui-même,  l'année  suivante  ,  assiégé  par  eux 
dans  son  château  de  Landshut,  vivement  pressé  et 
même  fait  prisonnier  après  avoir  été  grièvement 
blessé.  Il  mourut  quelques  jours  après  et  ses  ennemis 
mêmes  ne  pouvaient  taire  leur  admiration  pour  lui 
et  la  douleur  qu'ils  ressentaient  de  voir  une  puis- 
sance comme  la  sienne  succomber  de  la  sorte  ,  sans 
avoir  pu  se  développer  sur  un  plus  grand  théâtre. 
La  chute  de  Sickingen  n'eut  aucune  influence  sur  les 
affaires  de  Luther  ;  car  il  avait  eu  soin  de  les  tenir  à 
l'abri  de  toutes  dé  monstrations  extérieures  et  politi- 
ques, dans  lesquelles  ces  chevaliers  voulaient  les  eor 
traîner.  Et  ce  fut  la  cause  principale  de  la  durée  de 
ce  qu'il  avait  fondé*  S'il  s'était  laissé  aller  à  une 
lutte  extérieure,  toute  la  force  d'activité  de  la  na- 
tion se  serait  consommée  et  tout  le  mouvement 
de  l'époque  aurait  passé  comme  un  spasme  d'up 
instant. 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


32  sixième  époque.  1520—4648. 

Frédéric-le-Sage,  électeur  de  Saxe,  fut  celui  des 
princes  allemands  qui  prit  plus  activement  parti  pour 
Luther.  Au  commencement  il  ne  voulut  point  entrer 
de  son  côté;  il  ne  le  défendit  point  et  se  contenta 
d'empêcher  qu'il  ne  fût  livré  à  ses  ennemis  avant 
qu'il  ne  se  fût  acquis  une  conviction.  Ce  ne  fut 
qu'après  la  diète  de  Worms  qu'il  se  prononça  tout- 
à-fait  pour  lui.  a  Les  affaires  d'Allemagne,  disait-il, 
en  1523  ,  à  Nuremberg,  sont  si  avancées  qu'il  n'est 
plus  au  pouvoir  des  hommes  de  leur  donner  une 
bonne  direction.  Dieu  seul  en  est  capable  ;  il  faut 
donc  lui  recommander  cette  importante  affaire  qui 
est  au-dessus  de  nos  forces.  » 

Peu  à  peu  plusieurs  princes  se  déclarèrent  pour  la 
nouvelle  doctrine ,  quelques-uns  certainement  par 
une  intime  conviction  ;  mais  d'autres  se  rendirent 
coupables  des  accusations  de  leurs  adversaires  :  de 
s'être  laissé  entraîner  par  l'appât  du  butin  qu'offraient 
les  biens  ecclésiastiques. 


Diète  de  Worms.  15S1. 

A  la  grande  diète  de  Worms,  on  voulait  terminer 
toutes  ces  querelles  de  religion  qui  déjà  occupaient 
beaucoup  les  esprits  en  Allemagne.  Le  pape  y  avait 
envoyé  un  légat ,  le  cardinal  Aléa  nder,  pour  engager 
l'empereur  et  les  princes  à  recourir  à  l'autorité  de  la 
puissance  temporelle  contre  Luther.  Ce  légat,  à  son 
grand  étonnement,  trouva  que  déjà  toutes  les  classes  du 


Digitized  byVJ OOQ IC 


DIÈTE    DE   WDRMS.  35 

peuple  étaient  déclarées  contre  le  pape.  Il  vit  partout 
répandus  des  écrits,  des  chansons,  des  tableaux  qui 
tournaient  le  pape  en  ridicule  ;  et  le  légat  lui-même, 
quoiqu'il  voyageât  parmi  la  suite  de  l'empereur ,  se 
vit  exposé  à  des  traitements  fort  molestants  et  souvent 
même  en  danger  pour  sa  vie.  A  la  diète  cependant , 
sans  entrer  au  fond  de  la  question,  il  se  contenta  de  re- 
quérir les  mesures  les  plus  violentes  contre  un  homme 
déjà  condamné  comme  héritique,  et  présenta  en  même 
temps  aux  princes  un  grand  nombre  de  propositions 
tirées  des  écrits  de  Luther,  qui  prouvaient  qu'il  s'é- 
cartait des  enseignements  de  l'Eglise,  même  dans  les 
principaux  articles  de  foi  et  particulièrement  dans  ceux 
admis  par  le  concile  de  Constance.  Mais  l'électeur  de 
Saxe  se  leva  alors  contre  lui  et  demanda  qu'on  en- 
tendît Luther  pour  savoir  de  lui,  si  ces  propositions 
étaient  bien  extraites  de  ses  écrits  et  s'il  les  recon- 
naissait. L'empereur  et  les  princes  furent  de  cette 
opinion  ;  le  cardinal  s'y  opposa  en  disant  que  ce  qui 
avait  déjà  été  décidé  parle  pape,  ne  pouvait  pas  être 
examiné  par  une  diète  composée  de  laïques  et  d'ec- 
clésiastiques. On  répondit  qu'on  ne  voulait  pas  exa- 
miner la  croyance  de  Luther  ;  mais  seulement  en- 
tendre de  sa  propre  bouche  s'il  a  réellement  écrit 
et  enseigné  ce  pourquoi  il  a  été  condamné  ;  et  que 
pour  cela  il  fallait  qu'il  fût  appelé.  Ce  fut  là  un  des 
pas  les  plus  importants  dans  l'histoire  de  la  réforme; 
et  c'est  ainsi  que  l'afFaire  de  Luther  fut  publique- 
ment traitée  dans  une  assemblée  nationale. 

Ses  amis ,  et  particulièrement  l'électeur  de  Saxe  , 

T.    II.  3 


Digitized  byVJ OOQ IC 


34  sixième  époqub.  4590 — 1648. 

demandèrent  pour  lui  un  sauf-conduit  impérial  et 
inviolable  ;  on  le  lui  promit  et  il  se  mit  en  route  de 
Wittenberg  pour  venir  à  Worms.  Dans  ce  voyage, 
il  apprit  à  connaître  la  force  de  son  parti  ;  car  le  peu- 
ple affluait  par  milliers  de  tous  côtés  au-devant  de 
lui  pour  le  voir  et  le  saluer  ;  et  quand  ,  le  lende- 
main de  son  arrivée,  il  fat  conduit  à  la  diète,  le  17 
avril ,  le  grand  maréchal  de  l'empire  fut  obligé  de 
le  faire  passer  par  les  jardins  et  les  maisons^de  der- 
rière ,  tant  était  grande  la  foule.  Sa  vue  ne  produi- 
sit pas  la  même  impression  sur  tous  les  assistants  ; 
car  l'empereur  Charles  se  tournant  vers  son  voisin , 
lui  dit,  raconte-t-on  :  «  Jamais  cet  homme  ne  fera 
que  je  devienne  un  hérétique.  »  En  effet,  Luther  était 
pâle  et  accablé  par  une  fièvre  minante  et  continue; 
et  la  vue-de  cette  grande  assemblée,  la  pensée  qu'il 
y  comparaissait  tout  seul,  devant  l'empereur  et  l'em- 
pire, semblaient  avoir  absorbé  toutes  ses  facultés.  Un 
vicaire  de  Parchevéque  de  Trêves,  lui  demanda,  au 
nom  de  l'empereur  et  de  l'assemblée,  s'il  reconnais- 
sait pour  siens  ces  livres  qu'on  lui  présentait  et  s'il 
soutenait  lès  propositions  qui  y  étaient  contenues. 
Pour  ia  prtmièfe  partie,  il  répondit  :  oui;  et,  quant 
à  là  deuxième,  il  demanda  un  peu  de  temps  de  ré- 
flexion. On  lui  accorda  jusqu'au  lendemain.  Le  len- 
demain il  répondit  publiquement  au  milieu  de  l'as- 
semblée :  «  Que  ses  écrits  étaient  de  trois  espèces;  que 
les  uns,  qui  traitaient  des  articles  de  foi  et  des  bonnes 
œuvres,  n'étaient  pas  même  blâmés  dans  toutes  leurs 
parties  par  ses  adversaires,  et  que  par  conséquent 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


mfcre  de  WofcMs.  85 

il  ne  pouvait  pas  les  rétracter  sans  blesser  sa  cons^ 
cience  ;  que  d'autres  attaquaient  la  puissance  du  pape 
et  ses  décrets,  et  que  s'il  les  rétractait,  il  confirme- 
rait par  cela  même  la  tyrannie  du  pape  en  face  de 
toute  la  terre;  que  la  troisième  espèce  enfin  était  di- 
rigée contre  ceux  qui  défendaient  la  papauté  et  avaient 
écrit  contre  lui-même;  qu'il  avouait  avoir  écrit  avec 
ttn  peu  de  violence  et  d'amertume ,  maïs  qu'il  fallait 
faire  attention  à  la  manière  dont  il  avait  été  lui* 
même  traité  par  ses  adversaires.  »  Enfin  il  conclut  : 
«  que  si  on  pouvait  le  convaincre  d'erreur  par  les 
Saintes-Ecritures,  il  était  tout  prêt  h  jeter  de  sa  pro- 
pre main  ses  écrits  au  feu.  » 

Le  chancelier  répondit  à  cela  qu'ils  n'étaient  pa» 
assemblés  ici  pour  disputer,  mais  seulement  pour  en- 
tendre de  sa  bouche  s'il  voulait  faire  une  rétractation. 
Alors  il  déclara,  avec  la  plus  généreuse  fermeté,  que 
sa  conscience  le  lui  défendait;  et  il  fot  Congédié. 

On  disposa  encore  pour  le  jour  suivant  une  con- 
férence particulière  avec  Luther,  à  laquelle  Péïec- 
teur  même  de  Trêves  prit  une  part  ti*ès  activé; 
mais  toutes  les  tentatives  pour  le  ramener  à  une  ré- 
tractation furent  inutiles;  et  quand  l'électeur  enfin  lui 
demanda  s'il  ne  connaissait  point  lui-même  un  moyen 
de  remettre  tout  dans  l'ordre,  son  dernier  mot  fut: 
«  si  cet  œuvre,  est  un  œuvre  humain,  il  disparaîtra 
de  lui-même  5  mais  s'il  vient  de  Dieu ,  rien  ne  pour- 
rait arrêter  son  progrès.  » 

L'empereur  au  confire  déclara  anx  princes  alle- 
mands du  ton  le  plus  positif  :  «  quttl  était  résolu  de 

3. 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


36  sixième  époque.  1520—1648. 

consacrer  tout  ce  qu'il  avait,  ses  empires  ,  ses  états, 
ses  amis,  son  cops,  son  sang  et  sa  vie  tout  entière 
pour  arrêter  de  suite  la  marche  de  cette  entreprise 
impie, qui  san s  cela  le  couvrirait  dunehonteéternelle, 
lui  et  toute  la  nation  allemande;  que  ses  aïeux,  les 
empereurs  d'Allemagne,  les  rois  catholiques  d'Es- 
pagne et  les  ducs  d'Autriche  et  de  Bourgogne  avaient 
,  tous  été,  jusqu'au  dernier  moment,  fidèles  à  l'Église 
romaine  ;  qu'il  avait  reçu  d'eux  en  héritage  les  dog- 
mes catholiques  et  la  discipline  de  l'Église  et  qu'il 
youlait  vivre  et  mourir  dans  cette  foi  ;  qu'il  ne  vou- 
lait plus  par  conséquent  en  aucune  manière  entendre 
Luther  ;  mais  qu'il  le  congédiait  et  qu'il  allait  aussi* 
tôt  le  poursuivre  comme  un  hérétique.  » 

Cette  déclaration  de  l'empereur  était  grave.  S'il 
n'eut  été  question  que  d'une  limitation  dans  la  puis- 
sance pontificale,  peut-être  n'eût-il  pas  vu  sans  plaisir 
ce  mouvement  devenir  général;  mais  quand  il  vit  qu'il 
s'agissait  d'une  apostasie  de  l'antique  et  éternelle 
croyance  à  laquelle  il  était  attaché  et  que  l'unité 
de  l'Église  était  menacée  j  alors  il  sentit  qu'il  était 
en  droit  d'y  mettre  une  opposition  bien  prononcée. 

Son  immense  regard  qui  pouvait  embrasser  les 
grands  rapports  des  peuples  entre  eux  découvrait 
à  l'avance  les  graves  conséquences  que  cette  affaire 
pourrait  avoir  :  il  voyait  la  division  et  l'irritation  des 
esprits,  la  lutte  des  opinions,  qui  conduit  si  facile- 
ment à  lutter  avec  les  armes,  et  le  terrible  fléau  d'une 
guerre  de  religion,  Charles  croyait  pouvoir  étouffer 
ce  danger  dès  son  prirçcipe  et  pouvoir  s'opposer  au 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


DIÈTE  DE   WOMIS.  3Î 

torrent  du  siècle  comme  un  rempart  immuable  :  sa 
qualité  d'empereur  et  de  procteur  de  l'Eglise  sein* 
blait  d'ailleurs  lui  en  imposer  le  devoir.  Et  s'il  avait 
conservé  partout  cette  invariable  et  fidèle  volonté,  si 
une  foule  d'arrière-pensées  non  pures  et  mondaines  ne 
s'y  étaient  mêlées,  et  si  l'équitable  Adrien  VI  qui 
gouverna  en  1522  et  1523  et  qui  sérieusement  vou- 
lait une  réforme  dans  l'Eglise  eût  vécu  plus  long- 
temps, peut-être  que  de  grands  malheurs  auraient 
été  épargnés  à  notre  patrie.  Il  est  vrai  que  Charles 
s'efforça,  avec  une  dure  sévérité,  d'extirper  les  nou- 
velles doctrines  de  ses  pays  héréditaires,  où  il  était 
seul  maître  ;  mais  il  croyait  en  avoir  le  droit  et 
même  que  c'était  un  devoir  ;  d'autant  plus  que  son 
conseil,  le  plus  grand  nombre  de  ses  sujets,  particu- 
lièrement les  Espagnols  et  les  Napolitains,  exigeaient 
de  lui  une  pareille  rigueur.  En  Allemagne,  au  con- 
traire ,  où  il  y  avait  un  grand  nombre  de  princes 
indépendants  et  des  peuples  en  fermentation ,  ou  il 
se  trouvait  enchaîné  par  une  stipulation  pour  son  élec- 
tion ,ou  chaque  acte  un  peu  violent  était  regardé  comme 
une  tentative  pour  étendre  l'indépendance  de  la 
puissance  impériale  ;  pendant  long-temps  il  ne  mar- 
cha qu'avec  la  plus  grande  modération.  La  conser- 
vation de  la  paix  était  pour  lui  le  point  capital,  et 
il  pressait  avec  instance  les  deux  partis  de  faire 
des  concessions.  Aussi  les  Espagnols  le  surveillèrent- 
ils  avec  attention  toute  sa  vie,  dans  la  crainte  que  ses 
principes  ne  se  fussent  imprégnés  de  quelque  taches 
d'hérésie  par  son  commerce  avec  les  Allemands. 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


3S  sixième  éMQftt.  453<W1648. 

Quelques  ennemis  de  Luther,  ses  plus  inexora* 
blés,  voulurent  entraîner  l'empereur  à  employer  de 
fuite  la  violence,  s'a  ppuyant  sur  tes  mêmes  prin- 
cipes qui  avaient  fait  traîner  Hos  au  bûcher;  mais 
il  répondit  que  sa  parole  impériale  était  inviolable, 
et  il  assura  à  Luther  un  sauf-conduit  pendant  vingt- 
un  jours  pour  son  retour.  Cependant  beaucoup  de 
gens  tremblaient  pour  6a  vie,  craignant  une  trahison 
secrète,  et  son  protecteur,  l'électeur  de  Saxe,  Je  fit 
enlever  comme  par  violence  4e  sa  voiture,  dans  la 
Thuringe,  par  des  chevaliers  masqués,  et  transpor- 
ter, pendant  la  nuit,  à  travers  un  bois,  dans  le  châ- 
teau de  Wartbomig ,  près  d'Eisenach.  Là ,  il  resta 
caché  à  tous  les  regards»  jusqu'à  ce  que  la  fureur  de 
ses  adversaires  ce  fût  un  peu  calmée. 

Pendant  oe  temps-là,  à  Worms,  on  le  mettait  au 
ban  de  l'empire  avec  tous  ceu*  qui  s'attacheraient 
à  Kû  ou  le  protégeraient;  ses  livres  étaient  con- 
damnés à  être  brûlés  partout ,  et  lui-même  devait 
étas  fait  prisonnier  et  livré  à  1  empereur;  tel  fut 
Yéàit  tie  Worms  du  8  (2$)  mai  1521,  A  Rome  on  eu 
eut  une  grande  joie,  et  es  Allemagne  même  beau- 
coup de  monde  crut  que  tout  -était  terminé.  Mais 
mi  Espagnol,  Valdez,  écrivait  à  un  de  ses  amis  de 
là  diète  même  t  «  Loin  de  voir  la  fin  de  cette  tra- 
gédte,  je  ne  vois  que  le  commencement;  car  je 
trouve  que  les  esprits  dos  Allemands  sont  fort  exal- 
tés o**4rè  la  chaire  pontificale.  *  En  effet  9  on  vit 
colporter  avec  impudence  dans  Worms ,  pen- 
dant *jue  l'empereur  était  -encore  dans  la  wiUe , 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


PREMIÈHB»  JHJBRRES   OB   IBtUHOa.  39 

les  écrits  de  Luther,  qu'on  venait  de  brûler  publique- 


ment. 


Pf  êBliufel  gwr  qi  de  rdigtan. 

Luther  restait  seul  à  Wartbourg,  où  il  employait 
les  loisirs  de  son  séjour  à  la  traduction  du  Nouveau- 
Testament  en  Allemand,  afin  qu'il  devînt  à  la  por- 
tée de  tout  le  monde  ;  quand  lui  arriva  la  nouvelle 
que  par  un  zèle  mal  entendu  des  troubles  avaient 
éclaté  à  Wittenberg,  que  Ton  attaquait  les  églises, 
qu  on  jetait  par  terre  les  images  des  saints ,  qu'on 
brisait  les  autels  et  les  confessionnaux ,  et  que  son 
ami  Garktadt,  homme  plein  de  violence,  était  à  la 
tête  de  ce  désordre.  Luther  alors  déposant  toute 
crainte,  abandonna  aussitôt  son  lieu  d'asile  et  pa- 
rut dans  Wittenberg,  au  mois  de  mars  1522,  sans  en 
avoir  obtenu  la  permission  de  l'électeur,  parla  avec 
force  contre  ces  désordres  et  réussit  bientôt  à  réta- 
blir Tordre.  Mais  peu  après  suivirent  de  grands  évé- 
nements qui  menaçaient  de  bouleverser  tout  l'état 
civil  en  Allemagne.  Nous  avons  déjà  montré  plus 
haut  sous  quel  dur  joug  soupiraient  les  paysans  $  long- 
temps ils  avaient  nourri  en  silence  dans  leurs  cœurs 
les  sentiments  les  plus  acerbes  ;  alors  que  leurs 
esprits  étaient  déjà  excités  d'un  autre  côté  et  provo- 
qués à  la  liberté,  ils  éclatèrent.  Ces  hommes  corvéables 
et  taillaMes  auparavant  se  crurent  appelés  à  une 
égalité  de  droits  avec  leurs  anciens  maîtres.  La 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


40  sixième  époque.  1530 — 1648. 

révolte  éclata  d'abord  dans  le  sud  de  l'Allemagne, 
où  la  vue  de  leurs  voisins  et   du  bien-être  dont 
jouissaient  les  Suisses  dans  leur  liberté  avait  encore 
excité  leurs  désirs.  Les  premiers  qui  se  révoltèrent  fu- 
rent les  paysans  de  l'abbé  de  Kempten  et  ceux  de 
l'évêque  d'Augsbourg.  Douze  articles  qui  contenaient 
tous  les  droits  et  prétentions  des  paysans  furent  pu- 
bliés  dans  la  Souabe  et  se  répandirent  par  toute 
l'Allemagne  avec  une  rapidité  incroyable  ;  ils  di- 
saient :  <(  qu'on  devait  permettre  aux  paysans  de 
choisir  eux-mêmes  des  prêtres  qui  pussent  leur  an- 
noncer la  parole  de  Dieu  ,  pure  et  sans  mélange 
d'institutions  humaines;  qu'ils  ne  devaient  payer  à 
l'avenir  aucune  dîme,  si  ce  n'est  celle  en  grains  ; 
qu'on  les  avait  jusque  alors  traités  comme  esclaves, 
quoique  par  le  sang  du  Christ  tous  les  hommes 
fussent  devenus   libres  ;    mais  que ,  sans   avoir  la 
prétention  de  vivre  indépendants  de  toute  autorité 
supérieure,  ils  ne  voulaient  plus  vivre  dans  l'escla- 
vage où  ils  étaient,  et  qu'on  devait  leur  montrer, 
par  la  Sainte-Écriture,  qu'ils  avaient  tort  d'en  agir 
ainsi  ;  qu'ils  auraient   bien  des  plaintes  à  élever , 
mais  qu'ils  se  tairaient  si  les  seigneurs  voulaient  se 
conduire  d'après  l'équité  et  les  préceptes  de  l'Evan- 
gile, ne  plus  les  opprimer  et  non  leur  imposer  cha- 
que jour  quelque  chose  de  plus  qu'ils  n'avaient 
déjà  eu  à  supporter  dans  l'ancien  temps.  » 

On  trouve  sans  doute  cette  proclamation  juste  et 
modérée  j  mais  quand  arriva  l'exécution  de  ce  qui 
qUit  énoncé  par  une  troupe  grossière  ,  alors  les  pas? 


Digitized  byVJ OOQ IC 


PREMIÈRES   GUERRES   DE    RELIGION.  41 

sions  eurent  bientôt  renversé  une  parole  sans  force, 
et  brisant  toutes  les  barrières,  elles  ne  connurent 
plus  de  mesures.  Quand  le  plaignant  veut  être  juge 
dans  sa  propre  cause,  il  ne  manque  jamais  d'em- 
ployer la  même  injustice  dont  il  a  été  victime.  Les 
paysans,  rassemblés  par  bandes,  commencèrent  par 
piller  et  brûler  les  châteaux  des  nobles  et  les  riches 
habitations  des  ecclésiastiques,  souvent  même  ils 
massacrèrent  leurs  possesseurs.  Bientôt  ces  bandes  de- 
vinrent des  armées,  et  la  Souabe  à  elle  seule  en  four- 
nit trois.  Luther,  à  qui  ils  avaient  envoyé  les  douze 
articles  pour  avoir  son  approbation,  avoua  que  leurs 
demandes  étaient  justes  ;  mais  il  leur  reprocha  leur 
conduite  violente,  et  leur  représenta  que  la  liberté 
chrétienne  était  la  liberté  de  l'esprit.  Et  pour  écar- 
ter la  culpabilité  de  ces  désordres  de  sa  doctrine,  qui 
n'en  était  qu'une  occasion  fort  médiate,  il  engagea 
lui-même  les  princes  à  tirer  Fépée  contre  les  ré- 
voltés. Or  il  en  était  temps;  car  déjà  les  maisons  des 
nobles  et  des  couvents  étaient  toutes  en  feu ,  en 
Souabe,  en  Franconie,  en  Thuringe  ,  sur  les  bords 
du  Rhin  et  jusqu'en  Lorraine. 

La  confédération  de  Souabe  qui  s'était  reconsti- 
tuée eut  bientôt  rassemblé  une  armée,  qui,  conduite 
par  le  capitaine  George  Truchsess  de  Waldbourg , 
dissipa  promptement  ces  troupes  de  paysans  en 
Souabe  et  en  Franconie.  D'autres  princes  vinrent 
en  aide  ;  mais  les  vainqueurs  eux  mêmes  exercèrent 
aussi  de  leur  côté  les  plus  révoltantes  cruautés. 

En  Thuringe,  l'égarement  de  l'esprit  exalté  du 


Digitized  byVJ OOQ IC 


43  sixième  &04*e.  4620—4648. 

siècle  se  montra  sous  une  autre  forme,   quoique 
semblable  au  fond  ;  ils  s'appuyèrent  sur  des  visions 
divines.    Un    prêtre    séculier,   Thomas   Munzer, 
qui  avait  été  le  premier  disciple  de  Luther ,  se  fit 
passer  pour  avoir  des  visions  particulières  de  Dieu, 
d'après  lesquelles  il  pouvait  faire  connaître  l'essence 
de  la  liberté  chrétienne,  bien  mieux  que  Luther  ne 
la  connaissait  et  ne  l'enseignait  «  Dieu  a  créé  la  terre 
pour  être  l'héritage  des  croyants,  disait-il,  et  tout 
gouvernement  ne  doit  être  conduit  que  parla  Bible 
et  des  révélations  divines.  Il  n'est  aucunement  be- 
soin des  princes,  des  supérieurs,  de  la  noblesse,  des 
prêtres,  et  toute  différence  entre  riches  et  pauvres 
n'est  pas  chrétienne  ;  car  dans  le  royaume  de  Dieu  tous 
les  homme?  doivent  être  égaux.  »  De  pareils  enseigne- 
ments firent  chasser  Munzer  de  Saxe,  et  il  se  retira 
à  Mulhausen  en  Thuringe,  où  il  engagea  le  peuple 
à  secouer  toute,  autorité  et  à  le  prendre  pour  prê- 
tre et  pour  maître  de  la  ville.  Ses  principes  d'égalité 
pour  tous  les  hommes  et  de  communauté  de  biens , 
qu'il  introduisit  après  avoir  chassé  les  riches  de  la 
ville,  augmentèrent  le  nombre  de  ses  partisans  et 
répandirent  bientôt  son  autorité  dans  les  environs. 
Toute  laThuringe,  la  Hesse  et  la  Basse-Saxe  étaient 
en  danger  ;  car  dans  ce  même  temps,  la  guerre  des 
paysans  exerçait  toute  sa  fureur  dans  le  sud    de 
l'Allemagne,  et  il  était  à  craindre  que  les  fanatiques 
de  tous  les  pays  n'affluassent  comme  un  flot  épou- 
vantable. Mais  à  la  persuasion  de  Luther,  l'électeur 
et  le  duc  George  de  Saxe,  le  landgrave  de  Hesse  et 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


le  duc  de  Brunswick  se  réunirent  contre  les  révoltés, 
et  surprirent  une  partie  de  leur  armée  auprès  de 
Frankenhausen  en  Thuringe,  le  15  mai  1525. 

Les  princes ,  pour  ménager  tant  de  malheureux 
égarés,  leur  firent  promettre  le  pardon ,  «'ils  vou<- 
laient  rentrer  dans  l'ordre  et  livrer  leur  chef.  Mais 
Munzer  qui  voulait  écarter  le  danger  de  lui,  profita 
de  l'apparition  d'un  arc-en-ciel  pour  enthousiasmer 
de  nouveau  ses  partisans,  en  le  leur  donnant  comme 
une  marque  qu'il  était  envoyé  par  le  ciel  j  alors  ceux- 
ci  dans  leur  fureur  poignardèrent  les  envoyés  de 
l'électeur,  et  se  préparèrent  dans  leurs  retranche- 
ments à  la  plus  vigoureuse  défense.  Mais  bientôt 
cette  fureur  aveugle  s'évanouit  j  les  troupes  d'anges 
que  Munzer  avait  promises  ne  parurent  pas  j  il  fut 
lui-même  un  des  premiers  à  prendre  la  fuite  et  la 
moitié  de  son  armée  fut  passée  au  fil  de  l'épée.  Il 
s'était  caché  dans  un  grenier  à  Frankenhausen  }  on 
l'en  x'etira  pour  lui  trancher  la  tête.  Il  mourut  sans 
courage. 

Ainsi  furent  promptement  étouffés  ces  terribles 
mouvements  qui  auraient  pu  bouleverser  toute  l'Al- 
lemagne, 5Î  toutes  ces  forces  mises  en  jeu  avaient 
été  conduites  par  des  hommes  capables.  Us  ont  coûté 
Beaucoup  de  sang.  On  a  calculé  que  plus  de  100,000 
paysans  avaient  perdu  la  vie  dans  ces  troubles. 
Ensuite  vint  un  moment  de  calme  pour  la  patrie. 


Digitized  byVJ OOQ IC 


44  sixième  époque.  1520—4648. 

Affaires  de  Charles-Quint  hors  l'empire. 

Pendant  tout  ce  temps,  l'empereur  Charles-Quint 
n'avait  pas  été  sans  occupation  au  dehors.  Après  la 
diète  de  Worms,  il  avait  passé  dans  les  Pajs-Bas,  et 
de  là  était  repassé  en  Espagne,  où  il  resta  environ 
huit  ans.  Son  œil  devait  embrasser  toute  l'Europe  ; 
mais  son  attention  était  particulièrement  fixée  sur  le 
roi  de  France,  François  l#r,  rival  et  voisin  dangereux, 
qui  cherchait  toutes  les  occasions  de  lui  faire  du  tort. 
Il  serait  inutile  de  chercher  bien  loin  les  raisons  par- 
ticulières qui  ont  soufflé  cette  rivalité  entre  ces  deux 
monarques  ;  leur  caractère  et  leurs  relations  poli- 
tiques nous  l'expliquent  assez  clairement.  François 
était  vaniteux  et  plein  d'orgueil ,  et  Charles  n'était 
guère  moins  soumis  à  ces  passions  humaines;  seule- 
ment lui,  il  les  avait  ennoblies  (*).  Tous  les  deux 
avaient  déjà  concouru  pour  la  couronne  impériale, 
et  François  Ier  qui  avait  cru  l'emporter  sur  son  adver- 
saire par  son  âge,  sa  réputation  comme  chevalier  et 
par  ses  qualités  personnelles ,  fut  très  mortifié  de  la 
préférence  que  celui-ci  obtint;  d'ailleurs  le  duché  de 
Milan  que  François  Ier  avait  conquis ,  était  pour 
Charles,  à  qui  il  appartenait  comme  fief  de  l'empire, 
une  occasion  inévitable  de  rompre  avec  la  France 


(*)  Qui  ne  sait,  au  contraire,  que  si  les  passions  pouvaient  être  enno- 
blies ,  ce  serait  dans  notre  roi-chevalier  ;  tandis  que  Charles  V  est  le  vraj 
type  du  machiavélisme.  Voyez  le  portrait  qu'en  fait  l'auteur  lui-même 
plus  bas.  N.  T. 


Digitized  byVJ OOQ IC 


AFFAIRES   DE   CHlRLEg-QUIKT    HORS    DE    i/ EMPIRE.       45 

et  devait  être  soustrait  à  sa  puissance  par  la  force  des 
armes;  tandis  que,  d'un  autre  côté,  la  prépondérance 
de  Charles  étant  devenue  menaçante  pour  l'Europe, 
tous  les  autres  souverains  en  étaient  inquiets.  Fran- 
çois I,r,  qui  possédait  le  plus  puissant  royaume  après 
lui,  se  crut  donc  appelé  plus  que  tout  autre  à  entrer  en 
licecontrelui.  Il  avait  jeté  sesyeux  principalement  sur 
l'Italie,  où  déjà  une  de  ses  expéditions  avait  été  cou- 
ronnée de  succès.  C'est  là  qu'il  voulait  briser  la  puis- 
sance de  Charles;  et  il  s'efforça  de  faire  revivre  tous 
les  droits  qu'il  tenait  de  ses  ancêtres  sur  le  royaume 
deNaples,  pour  aller  y  tenter  la  fortune.  Charles  de 
son  côté  avait  encore  augmenté  ses  forces  par  une 
alliance  avec  le  roi  d'Angleterre ,  dont  la  vanité  de 
François  avait  fait  fi;  de  sorte  que  cette  guerre,  com- 
mencée dès  l'an  1521,  fut  alors  poursuivie  par  les 
Anglais  et  les  Flamands  sur  toute  la  côte  jusqu'en 
Espagne;  mais  cependant  avec  plus  d'opiniâtreté  et 
de  violence  en  Italie  que  nulle  part  ailleurs.  Charles 
avait  le  désavantage  d  une  possession  très  disséminée, 
qui  exigeait  aussi  la  division  de  ses  forces  ;  tandis  que 
François  Ier  pouvait  du  point  central  où  il  avait 
rallié  ses  troupes,  partir  tout  d'un  coup  à  son  gré 
pour  le  côté  où  il  voulait  diriger  son  attaque.  Mais 
ce  qui  caractérisait  surtout  la  grande  supériorité  de 
Charles,  ce  qui  faisait  réellement  sa  puissance  et  je- 
tait en  même  temps  sur  lui  le  lustre  le  plus  brillant; 
c'est  qu'il  avait  su  rassembler  autour  de  lui  une 
troupe  de  gens  les  plus  distingués ,  c'est  que  son  œil 
pénétrant  savait  aussi  bien  découvrir  le  général  qu'il 


Digitized  byVJ OOQ IC 


40  sixième  l*dQt«.  4S40— 4648. 

fallait  opposer  à  on  ennemi  que  l'ambassadeur  qui 
devait  débrouiller  les  noeuds  les  plus  compliqués  de 
la  politique,  ou  que  le  conseiller  qui  pourrait  donner 
son  avis  même  sur  des  spécialités  et  toujours  avec 
sagesse.  C'est  par  la  puissance  intellectuelle  que  le 
monde  doit  être  gouverné,  et  Charles  possédait  l'art 
de  se  gagner  les  hommes  de  génie. 

Un  vaillant  général  français,  le  duo  Charles  de 
Bourbon ,  ayant  été  vivement  molesté  par  le  roi , 
passa  du  coté  de  Charles.  Celui-ci  le  reçut  à  buts 
ouverts,  et  lui  fit  partager  avec  le  vioe^roi  de  Naples, 
Lannoy,  et  le  marquis  de  Pescahre  (Percer»),  le  pre- 
mier guerrier  de  son  tempst  le  commandement  des 
armées  impériales  en  Italie* 

Françoise  perdit  au  contraire,  dans  Tannée  15QU, 
son  plus  valeureux,  guerrier,  le  chevalier  Bayard, 
qui  pendant  qu'on  ramenait  les  troupes  de  l'Italie, 
sauva  l'armée  au  pont  de  la  Sesia  par  son  dévoue- 
ment héroïque,  et  fut  lui-même  frappé  mortellement. 
Les  avantages  de  la  guerre  parurent  tout  à  l'avantage 
de  l'empereur;  Milan  fut  reconquis  et  les  Français 
repoussés  d'Italie.  Mais  Charles  ayant  voulu  attaquer 
la  France  même  et  faire  passer  son  armée  en  Provence 
pour  assiéger  Marseille,  pensa  y  perdre  sa  supé- 
riorité* La  France  est  difficile  à  entamer  de  ce  côté) 
la  ville  ne  put  être  forcée  et  le  pays  environnant  ayant 
été  dévasté  par  les  ennemis  eux-mêmes,  Pescaire  fut 
obligé  de  faire  retraite.  Il  fallut  toute  l'habileté  de 
ce  général  pour  sauver  l'armée  à  travers  des  chemins 
si  difficiles j  cependant,  le  roi  François  Ier,  qui  le 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


t 


AFFAIRES  DE   CHÂRLCS-QItàtt   HORS   IW  l'BMFIRE.       47 

poursuivait  deprès,  conquit  Milan  et  attaqua  Pavie. 
Les  généraux  impériaux  se  trouvèrent  alors  dans  un 
grand  embarras  :  devant  eux  un  ennemi  beaucoup 
plus  fort  qui  menaçait  la  capitale*  derrière  eux  le 
territoire  du  pape,  qui  venait  de  faire  une  alliance 
avec  François  î9t  j  enfin  une  armée  qui  manquait  de 
tout  et  était  dans  le  découragement  par  suite  d'une 
longue  retraite.  Mais  leur  courage,  leur  sagacité, 
leur  bonne  fortune,  changèrent  toutes  les  chances  en 
leur  faveur. 

Bataille  de  Pavie,  1525.  —  Le  commandant  qui 
défendait  Pavie,  don  Antonio  de  Ley  va,  ne  se  laissa 
pas  ébranler  et  soutint  le  siège  avec  opiniâtreté,  jus- 
qu'en février  1525.  Pendant  ce  temps-là  i  Parmée 
impériale  reçut  un  renfort  d'Allemagne  de  15,0(30 
lansquenets,  sous  les  ordres  du  vaillant  George  de 
Freundsberg  ou  Frundsberg  j  et  le  28  février  ils 
attaquèrent  le  roi  à  Pavie.  L'œil  expérimenté  de 
Pescaire  avait  précisément  saisi  l'endroit  par  lequel 
la  roi  ne  s'attendait  à  aucune  hostilité.  Il  croyait 
ses  derrières  à  couvert  par  un  parc  entouré  de  toutes 
parts  d'un  grand  mur  j  mais  Pescaire  avait  eu  le 
soin  d'y  faire  frayer  une  route  là  nuit  précédente  et 
vint  tomber  tout  d'un  coup  sur  le  dos  de  l'armée* 
En  même  temps  Leyva  fit  une  sortie  de  la  citadelle, 
et  Lannoy  et  Bourbon  arrivèrent  par  un  autre  côté. 
Bientôt  le  désordre  se  mit  dans  toute  l'armée;  les 
Suisses,  contre  leur  habitude,  lâchèrent  pied  tout  de 
suite  et  prirent  la  fuite  ;  les  troupes  de  Freundsberg 
combattirent  avee  le  plus  grand  courage ,  et  c'est 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


48  sixiemb  époque.  4520 — 4648. 

surtout  à  elles  qu'on  fut  redevable  de  la  victoire. 
François  Ier  eut  son  cheval  tué  sous  lui,  et  il  se  dé- 
fendit à  pied  contre  une  foule  d'espagnols  qui  l'en- 
tourèrent sans  le  connaître.  Par  bonheur  pour  lui 
que  survint  un  gentilhomme  français ,  nommé 
Pomperant  ,  qui  servait  sous  les  ordres  du  duc  de 
Bourbon  ;  il  reconnut  le  roi  et  le  somma  de  se  rendre 
au  duc,  mais  le  roi  lui  ordonna  avec  aigreur  d'appe- 
ler Lannoy.  Il  combattit  encore  jusqu'à  ce  qu'il  arri- 
vât, et  alors  le  roi  lui  rendit  son  épée.  Lannoy  la 
reçut  à  genoux  et  lui  tendit  la  sienne  en  même  temps: 
«  Il  ne  convient  pas ,  dit-il ,  qu'un  aussi  grand  roi 
soit  sans  armes  devant  un  sujet  de  l'empereur.  » 
Quinze  jours  après  cette  bataille,  il  n'y  avait  plus 
d'ennemis  dans  l'Italie. 

Charles  était  presque  mécontent  de  son  trop  grand 
bonheur  qui  ne  lui  laissait  rien  à  faire.  «  Puisque  tu 
m'as  pris  le  roi  de  France,  disait-il  à  Lannoy  dans 
une  lettre;  je  vois  bien  que  je  n'aurai  plus  rien  à 
faire,  si  je  ne  vas  combattre  les  infidèles.  J'ai  eu 
cette  volonté  toute  ma  vie  et  aujourdhui  encore 
plus*  Arrange  donc  les  affaires  de  manière  que  je 
puisse  encore,  avant  de  devenir  trop  vieux,  faire  des 
actions  pour  le  service  de  Dieu ,  qui  ne  soient  point 
sans  gloire  pour  moi.  » 

Le  roi  François  Ier  fut  conduit  à  Madrid  ,  et  sé- 
vèrement gardé.  Cependant  le  conseil  de  l'empe- 
reur était  très  partagé  sur  la  manière  dont  il  fallait 
le  traiter  et  les  moyens  de  profiter  de  ce  présent  de 
la  fortune.  Les  uns,  Lannoy  avec  eux,  conseillaient 


Digitized  byVJ OOQ IC 


AFFAIRES   DE   CHARLES-QUINT   HOftS   DB    l'eMPIRE.       49 

de  traiter  le  roi  généreusement,  et  d'extirper  ainsi, 
peut-être   pour  toujours,    tout   germe  d'inimitié 
entre  les  deux  princes  ;  les  autres,  avec  le  chancelier 
Mercurinus  Galtinara  à  leur  tête ,  voulaient  qu'on 
tirât  de  cette  occasion  tout  l'avantage  possible.  L'em- 
pereur prit  un  milieu  entre  ces  deux  opinions ,  et . 
perdit  tout  le  fruit  de  sa  bonne  fortune.  Il  goûta  fort 
l'idée  du  chancelier  de  recouvrer  dans  cette  occa- 
sion le  duché  de  Bourgogne  que  la  France  avait  in- 
justement enlevé  à  sa  grand'mère  ,  et  dont  il  faisait 
un  très  grand  cas;  il  l'exigea  donc  comme  prix  de  sa 
rançon.  Mais  il  trouva  trop  dur  et  indigne  de  l'em- 
pereur de  garder  le  roi  prisonnier  jusqu'à  la  com- 
plète exécution  de  la  condition ,  comme  le  conseillait 
le  chancelier.  Il  se  confia  à  la  parole  du  roi;   mais 
oette  parole ,  quelque  affectation  chevaleresque  que 
celui-ci   mît  à  la  donner,  n'était  rien  moins  que 
sincère.  Avant  de  signer  le  traité,  ayant  fait  venir  se- 
crètement quelques  hommes  de  confiance  de  Madrid, 
il  fit  devant  eux,  en  présence  du  nonce  du  pape ,  la 
déclaration  authentique  qu'il  ne  serait  pas  tenu  de 
remplir  ce  qu'il  promettrait    à   l'empereur,   parce 
qu'il    était  prisonnier;    et  le  pape  même   Pavait 
délié  à  l'avance  de  toute  promesse  qu'il  pourrait 
faire.  Ainsi  garanti  contre  sa  conscience ,  il  s'avança 
vers  l'autel ,  et  jura  sur  les  saints  Évangiles  de  rem- 
plir les  conditions  qu'il  avait  consenties.  En  même 
temps  il  donna  sa  parole  royale  de  rentrer  en  prison 
au  bout  de  six  mois ,  s'il  ne  pouvait  pas  tenir  ses  en- 
gagements. Mais  tel  est  le  beau  fruit  de  cette  science 
r.  n.  U 


Digitized  byVJ OOQ IC 


60  sixième  époque,  1520—1648. 

qu'on  appelle  la  politique  ;   elle  se  croit  le  droit 

de  blesser  les  lois  éternelles  de  la  vérité  et  de  la 

morale. 

François  Ier  fut  mis  en  liberté  eo  4526,  après  un 
an  de  captivité  ,  et  il  ne  tint  pas  sa  parole.  Il  pré- 
texta que  ses  états  ne  voulaient  pas  consentir  à 
l'abandon  de  la  Bourgogne,  et  offrit  une  grosse 
somme  d'argent  pour  la  rançon  de  se»  deux  enfants 
aînés  qu'il  avait  envoyés  comme  otages  en  Espagne. 
Mais  Charles  lui  répondit  «  qu'il  avait  manqué  à  la 
fidélité  et  à  la  bonne  foi  qu'il  avait  jurée  en  public 
comme  en  particulier,  et  qu'il  ne  se  conduisait  pas 
comme  devait  faire  un  homme  de  bonne  naissance 
et  un  roi  ;  que  s'il  voulait  le  nier,  il  lui  déclarait 
devoir  le  soutenir  par  les  armes  dans  un  combat 
singulier,  »  François  accepta  le  cartel ,  mais  seule* 
ment  des  lèvres  (*)j  car  plus  tard  il  sut  décliner  le 
combat  sous  différents  prétextes ,  et  les  penples  fo- 
rent obligés  de  vider  avec  leur  sang  ce  combat  que  sa 
passion  et  son  ambition  avaient  soulevé.  La  guerre 
éclata  donc  de  nouveau  entre  Charles  et  François  i*r. 

Les  impériaux  à  Rx)mel5St7. — Mais^  avant  que  cette 
guerre  ne  commençât,  il  s'était  passé  vat  feit  inouï  en 
Italie.  Leduc  de  Bourbon  avait  pris  le  commandement 
en  chef  de  l'armée  impériale  qui  éUit  d*fc&leJHiknaisr 


(*)  Est-il  possible  que  François  1er  ait  cherché  à  évitée  nu  psfce&comfastt. 
IlWffit  de  penser  au  caractère  des  deux  princes  pour  savoir  quel  estcelui  qui 
ap«  leaovirfc  des  prétextes poor r éviter.  Voy.  Gaillard,  flirt .  de  Franc.  Ier, 
tonu  II  k  pour  ks  détails  <te<e  fait»  nvr. 


Digitized  byVJ OOQ IC 


AFFAIRES   DE    CHlMJÊS-QUIKT   HORS   DE    L  EMPIRE.        51 

après  la  mort  du  vaillant  Pescaire.  Or,  le  pays  étant 
dévasté  ,  led  généraux  sans  argent,  les  troupes  mur- 
murèrent et  demandèrent  leur  solde.  Tous  les 
moyens  employés  pour  les  apaiser  furent  inutiles, 
et  tout-à-coup  l'armée,  au  mois  de  janvier  1527, 
s'avança  vers  Rome  sans  aucun  ordre  de  l'empereur  ; 
on  ne  peut  décider  non  plus  si  ce  fut  sur  un  ordre 
du  due  de  Bourbon,  qui  avait  peut-être  de  grands 
plans  d'ambition ,  ou  si  ce  fut  par  une  décision  su- 
bite de  l'armée,  qui  espérait  trouver  dans  Rome  de 
quoi  fournir  en  abondance  à  tous  ses  besoins  et  faire 
un  riche  butin.  Du  moins  le  duc  de  Bourbon  céda  et 
arriva  devantla  ville,  après  une  marche  très  difficile. 
Le  6  mai  fut  donné  l'ordre  pour  un  assaut  général  à 
l'ancienne  capitale  du  monde.  Bourbon  fut  un  des 
premiers  sur  le  mur,  et  son  exemple  enflamma  les 
assaillants  ;  mais  à  peine  y  fut-il  monté  qu'il  fut  tué 
d'un  coup  de  feu.  Cependant  ses  soldats  entrèrert 
dans  la  ville  1  et  pendant  plusieurs  jours  elle  fut 
livrée  à  la  dévastation  et  au  pillage,  comme  au 
temps  des  Vandales.  Le  pape  Clément  VU,  qui  $'é* 
tait  sauvé  avec  ses  gens  dans  le  château  Saint-Àngêf 
y  fut  assiégé  pendant  plusieurs  mois;  jusqu'à  ce 
que,  fproé  par  la  nécessité;  il  promit  une  somme  de 
400,000  ducats ,  afin  que  l'armée  pût  recevoir  tout 
l'arriéré  de  sa  solde. 

Cependant  l'empereur  Gharles  envoya  à  tous 
les  princes  de  la  chrétienté ,  avec  le  plus  grand 
empressement,  des  lettres  où  il  se  justifiait  de 
ces  événements  qui   arrivaient   sans  sa  volonté 

U. 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


52  stxtfeME  époque.  4620—4648. 

et  contre  sa  volonté  ;  et  pendant  que  ses  géné- 
raux tenaient  le  pape  assiégé  dans  le  château  Saint- 
Ange,  presque  prisonnier,  il  faisait  faire  dans  toute 
l'Espagne  des  prières  publiques  pour  sa  délivrance. 
Ou  a  accusé  sa  conduite  d'hypocrisie  ;  cependant 
il  est  bien  vrai  que  son  armée  rebelle  n'écoutait  plus 
ses  ordres ,  et  voulait  avant  tout  toucher  l'arriéré 
de  sa  solde.  Ce  ne  fut  qu'au  bout  de  dix  mois  qu'elle 
obéit  à  son  ordre  et  marcha  vers  Naples.  Mais  ses 
excès  dans  Rome  l'avaient  tellement  affaiblie  que , 
quand  le  roi  de  France  fit,  cette  même  année  1527, 
une  nouvelle  invasion  en  Italie ,  il  pénétra  sans  ré- 
sistance jusqu'à  Naples  et  en  fit  le  siège.  Il  fallut  la 
défection  du  célèbre  marin  génois,  André  Doria,  qui 
conduisait  le  siège  de  Naples  du  côté  de  la  mer  et 
passa  du  côté  de  l'empereur,  et  en  même  temps 
qu'une  maladie  contagieuse  désolât  l'armée  française, 
pour  ramener  la  fortune  du  côté  de  Charles  et 
amener  les  deux  partis,  également  fatigués  de  la 
guerre,  à  la  paix  de  Cambrai,  en  1529.  François 
paya  2,000,000  d'écus  (kronen)  pour  la  déli- 
vrance de  ses  enfants ,  et  renonça  à  toutes  ses  pré- 
tentions sur  Milan,  Gènes,  Naples  et  les  autres  pays 
de  l'autre  côté  des  Alpes  (  il  épousa  Eléonore,  sœur 
de  Charles-Quint);  tandis  qu'au  contraire  Charles, 
sans  exgier  de  suite  l'abandon  du  royaume  de  Bour- 
gogne, conservait  cependant  ses  anciens  droits. 

Le  temps  était  arrivé  où  Charles  pouvait  se  mon- 
trer avec  dignité  dans  ses  états  d'Italie;  il  n'y  était 
encore  jamais  entré.  Il  aborda  à  Gènes  en  1529,  et 


Digitized  byVJ OOQ IC 


AFFAIRES    DE    CHARLES-QUINT    HORS    LE    L'EMPIRE.       53 

s'avança  de  là  vers  Bologne  dans  une  pompe  digne 
d'un  empereur.  Là,  il  avait  concerté  une  entrevue 
avec  le  pape,  et  elle  eut  lieu  avec  une  grande  so- 
lennité. L'ancienne  inimitié  fut  tout-à-fait  oubliée. 
Charles,  suivant  l'usage  de  ses  aïeux  ,  baisa  à  genoux 
les  pieds,  du  saint-père,  et  celui-ci  le  couronna  solen- 
nellement et  avec  un  grande  pompe  comme  empe- 
reur et  roi  de  Lombardie. 

C'était  le  sacre  du  plus  grand  monarque  qui  ait 
porté  cette  couronne  après  Charlemagne ,  et  ce  fut 
le  dernier  empereur  qui  passât  en  Italie.  Charles  pa- 
rut aux  Italiens,  qui  ne  l'avaient  connu  jusqu'alors 
que  comme  un  prince  terrible,  un  maître  doux  et  gé- 
néreux, et  leurs  craintes  se  changèrent  en  une  véné- 
ration enthousiaste.  Il  ne  retint  pas  même  le  Mila- 
nais pour  lui  ;  mais  il  le  rendit  généreusement  au 
duc  François  Sforce ,  qui  le  reçut  à  titre  de  fief  de 
l'empire  ;  ensuite  il  se  hâta  de  passer  en  Allema- 
gne et  de  se  rendre  à  la  grande  diète  qui  se  tenait 
à  Augsbourg. 

Premières  ligues  des  princes  protestants. 

Cependant  en  Allemagne  grand  nombre  de  princes 
avaient  déjà  introduit  dans  leur  pays  les  nouvelles 
doctrines.  Un  des  plus  zélés  était  le  jeune  landgrave 
de  Hesse,  Philippe-le-Généreux  ;  ce  fut  lui  qui  insista 
auprès  des  autres  princes  qui  partageaient  sa 
croyance  et  les  décida  à  former  une  alliance  pour  une 
jttUtMeUf  défense  cfcns  le  cas  qù  les  a4yersm^ 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


m  sixième  époque.  1630— 464& 

essaieraient  d'employer  la  violence  pour  l'exécution 
çle  l'édit  de  Worras.  Ses  inquiétudes  n'étaient  pas 
sans  fondement.  Déjà  plusieurs  princes  catholique* 
s'étaient  rassemblés  à  Leipzig ,  et  avaient  délibéré 
ensemble  sur  la  nécessité  de  défendre  en  commun 
leur  pays  contre  l'introduction  des  idées  nouvelles  ; 
ils  avaient  pour  cela  demandé  l'assistance  de  l'em-* 
pereur,  et  celui-ci  leur  avait  promis  dans  sa  ré- 
ponse l'extirpation  de  toutes  les  erreurs  de  la  secte 
de  Luther.  Ainsi  donc,  en  l'année  1526,  à  Torgau, 
se  forma  une  ligue  entre  le  prince  électeur  de  Saxe, 
Jean-1'Opiniâtre  (  son  frère  FrécJéric-le-Sage  était 
mort  en  i625),  Philippe  de  Hesse,  le  duc  de  Bruns- 
wick-Lunebourg ,  le  duc  Henri  de  Mecklenbourg , 
les  princes  Wolfgang  d'Anhalt,  les  comtes  Geb- 
hard  et  Albert  de  Mansfeld  et  la  ville  libre  de  Mag- 
debourg.  Albert,  margrave  de  Brandebourg,  avant 
grand-maître  de  l'ordre  teutonique  et  alors  duc  de 
Prusse,  qui  avait  aussi  introduit  les  nouvelles 
doctrines  dans  ses  états,  conclut  une  alliance  parti- 
culière avec  l'électeur  de  Saxe. 

L'empereur,  qui  était  encore  alors  en  Espagne,  fort 
occupé  avec  son  prisonnier,  le  roi  François  Ier,  et  eut 
à  soutenir  contre  celui  ci  une  nouvelle  guerre  aussitôt 
après  sa  délivrance,  fit  prendre  patience  aux  princes 
allemands  qui  désiraient  voir  la  fin  de  leurs  querel- 
les., en  leur  faisant  espérer  une  nouvelle  diète  aus- 
sitôt qu'il  aurait  le  loisir  de  venir  chez  eux.  Il  en 
fit  même  convoquer  une  provisoire  à  Spire,  en  1529. 
Ce  fut  elle  q^i  tr^ncjia  le  pûeux  lçs  deu*  partis,  en 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


PREMIÈRE*   LTGUB8   DES   PRINCES   PROTESTANTS.  65 

donnant  un  nom  aux  partisans  des  idées  nouvelles. 
Car  la  majorité  des  états,  qui  était  catholique,  décréta 
ce  qui  suit  :  qu'il  fallait  conserveries  édits  essentiels 
de  la  diète  de  Worms:  que  la  messe  devait  être 
conservée  ;  que  ceux  chez  qui  les  nouvelles  doctrines 
avaient  trouvé  aoeèa  devaient  êe  garder  d'étendre 
leurs  innovations ,  et  qu'aucun  des  sujets  de  l'em- 
pire ne  devait  à  cause  de  sa  croyance  prendre  la  dé- 
fense d'un  coreligionnaire  contre  ses  supérieurs. 
Ces  arrêts  de  la  diète  furent  loin  de  satisfaire  les 
partisans  dje  Luther,  qui  rédigèrent  au  contraire  un 
acte  d'opposition  et  une  protestation  de  laquelle  ils 
prirent  le  nom  de  protestants.  C'étaient  la  plus  grande 
partie  des  princes  que  nous  avons  nommés  plus  haut, 
comme  ayant  pris  part  à  la  ligue  de  Torgau.  Mais 
il  y  avait  de  plus  George ,  margrave  de  Brande- 
bourg, de  la  maison  salique ,  et  les  villes  de  Stras- 
bourg ,  Nuremberg  9  Ulm ,  Constance  ,  Reutlingen, 
Windsheim,  Memmingen ,  Ltndau ,  Kempten,  Heil- 
bronn,  \smy ,  Weisaeftbourg ,  NonUingen  et  Saint- 

Confessi»  d'Àugsbourg.  1530.  —  L'année  sui- 
vante se  tint  doue  à  Àngsbourg  une  grande  diète 
à  laquelle  l'empereur  se  rendit  lui-même  d'Italie, 
^BWseiU' avait  annoncé.  Les  députés  des  deux  côtés 
vinrent  iu^6¥»at  de  lui  pour  tâcher  de  le  gagner 
à  leur  parti  pendant  k  route.  Hais  il  sut  renfermer 
ses  pensées  en  lui-même  et  renvoya  tout  à  fa  diète. 
Le  22  juin  au  soir,  il  fit  son  entrée  dans  la  ville  * 
Ce  tt'éftaît  plus  un  jeune  prince  sans  expérience, 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


66  sixième  époque.  1520—4648. 

comme  quand  il  vint  la  première  fois  en  Allemagne, 
il  y  avait  dix  ans  ;  c'e'tait  un  empereur  au-dessus  dé 
tous  les  autres  par  sa  puissance.  Le  monde  entier  ad* 
mirait  ses  belles  qualités.  Le  plus  puissant  monarque 
était  humilié  devant  lui ,  et  Rome  même  n'avait  pu 
résister  à  une  parcelle  de  sa  puissance  entraînée  dans 
l'insubordination .  Son  extérieur  avait  gagné  en  pre- 
nant plus  de  dignité  et  plus  d'énergie;  il  imposaitméme 
à  ses  adversaires.  Melancbton ,  qui  était  venu  à  Augs- 
bourg  avec  l'électeur  de  Saxe,  s'exprime  ainsi  à  son 
sujet  dans  une  lettre  de  confiance  :  a  Ce  qu'il  y  avait 
de  plus  remarquable  dans  cette  assemblée ,  c'était 
sans  contredit  l'empereur  lui-même.  Son  bonheur, 
qiui  ne  s'est  pas  une  seule  fois  démenti,  a  dû  exciter 
l'admiration  aussi  dans  vos  contrées.  Mais  bien  plus 
digne  encore  d'admiration  est  sa  grande   retenue  7 
après  de  si  grands  succès,  quand  tout  lui  réussit  à 
souhait  ;  car  on  ne  remarque  pas  une  seule  parole 
et  pas  même  une  seule  action  qui  sorte  des  bornes 
de  la  modération.  Quel  roi,  quel  empereur  poorrais- 
tu  me  nommer  dans  l'histoire  que  la  bonne  fortune 
n'ait  fait  changer  ?  Chez  lui ,  au  contraire  ,  elle  n'a 
jamais  pu  enivrer  son  âme.  Chez  lui,  pas  une  seule 
trace  de  passion,  d'orgueil  ou  de  cruauté  ;  car  pour 
taire  les  autres  exemples ,  bien  que  nos  adversaires 
aient  employé  jusque  là  tous  les  moyens  pour  l'en- 
traîner contre  nous  dans  les  affaires  de  religion, 
cependant  il  a  toujours  reçu  les  hommes  de  notre 
opinion  avec  affabilité'.  Sa  vie  domestique  est  rem- 
plie des  plus  beaux  temples  de  retombe ,  de  mode* 


Digitized  byVJ OOQ IC 


PREMIÈRES  LHM)fcS   DES  PlllfOtS   PROTESTANTS.  &7 

ration  et  de  tempérance.  Celte  discipline  intérieure 
autrefois  si  sévère  parmi  les  princes  allemands,  ne 
se  retrouve  plus  que  dans  la  maison  de  l'empereur. 
Aucun  homme  vicieux  ne  peut  se  glisser  auprès  de 
lui  ;  et  pour  ami  il  n'a  que  les  plus  grands  hommes, 
qu'il  a  su  distinguer  par  leurs  vertus.  Toutes  les  fois 
que  je  le  vois ,  il  me  semble  voir  un  des  héros  ou  des 
demi-dieux  qui ,  dans  les  anciens  temps,  apparais* 
saient  parmi  les  hommes.  Qui  ne  se  féliciterait  pas 
de  voir  tant  de  belles  qualités  réunies  dans  un  seul 
homme  et  surtout  dans  un  si  grand  prince.  » 

Malgré  toute  cette  vénération  attachée  à  la  personne 
de  l'empereur,  malgré  la  supériorité  de  sa  puissance 
etcelledes  princes  catholiques,  tes  princes  protestants 
qui  étaient  tous  présents,  présentèrent  une  résistance 
si  ferme»  que  même  pour  des  pratiques  purement 
extérieures  ils  arrêtèrent  l'empereur  par  leurs  oppo- 
sitions ;  et  le  forcèrent  souvent  de  révoquer  des  or 
dres  qu'il  avait  donnés.  Ainsi ,  quand  il  ordonna  que 
tous  les  princes  prendraient  part  à  la  cérémonie  de 
la  Fête-Dieu,  quiavait  lieu  le  lendemain  mémede  son 
arrivée ,  tous  les  princes  protestants  montèrent  à 
cheval  dès  le  matin  du  jour,  vinrent  le  trouver  en 
grande  solennité,  lui  déclarèrent  leur  refus  avec 
fermeté,  et  il  fut  obligé  de  céder.  Ils  protestèrent 
encore  avec  la  même  fermeté  contre  l'ordonnance 
qui  défendait  à  leurs  prédicateurs  de  parler  dans 
Augsbourg;  et  ils  le  forcèrent  daccorder  que  des  deux 
partis  il  n'y  aurait  point  de  sermons,  etqu'onsecon- 
tenterait  &  lire  l'évangile  et  Yépîtve  du  dimnachç* 


Digitized  byVJ OOQ IC 


W  «mains  i**Q*E.  4690—4644. 

Ce  fut  surtout  l'électeur  Jean  de  Saxe  qui  donna 
l'exemple  de  cette  opiniâtreté  qui  lui  valut  le  sur- 
nom que  la  postérité  lui  donna.  La  menace  même 
4e  l'empereur  de  lui  refuser  l'investiture  du  duché 
de  Saxe ,  ne  put  faire  changer  sa  façon  d'agir.  Quand 
donc  il  fut  question  dans  les  séances  des  affaires  dç 
religion ,  les  princes  protestants  exposèrent  à  la  diète 
réunie  leur  profession  de  foi,  et  renfermèrent  dans 
quelques  propositions  courtes  et  claires  tous  legs  points 
ditns  lesquels  la  nouvelle  église  différait  de  l'an- 
cienne, Melanchtonen  était  l'auteur;  11  en  avait  com- 
pose un  seul  tout  dans  le  plus  bel  ordre,  comme  tous 
f$$  ouvrpges,  et  les  avait  extraites  des  dix-sept  ar- 
ticle* de  Ï4*ther  et  de  plusieurs  autres  écrits  que  les 
princes  protestants  avaient  apporté*  avec  eux  ;  telle 
ftit  laqonfession  d'Augsbourg,  qui  encore  aujourd'hui 
g$t  la  base  de  l'église  protestante.  Le  chancelier  de 
$a*e,  Bayer»  en  fit  la  lecture  publique  le  25  juin,  et 
gjie  dura  plusieurs  heures.  L'empereur  leur  fit  ré- 
pondre pqr  Frédéric ,  comte  palatin  :  «  qu'il  pren- 
drait m  eansidéfation  cet  important  et  remarquable 
fécrit,  et  qu'il  leur  ferait  enauttq  connaître  sa  déter- 
mination. » 

Dans  le  conseil  de  Charles  aussi  bien  que  dans 
«elui  des  princes  catholiques,  les  avis  étaient  fort 
partagés.  Le  légat  du  pape  avee  George  àvc  de 
Saxe  ,  Guillaume  duo  de  Bavière  et  la  plus  grande 
partie  des  évéques,  demandaient  que  Charles  exigeât 
des  protestants  l'abjuration  complète  de  leur  doc- 
trine V  d Wresr  et  parmi  çux  le  cardinal  ççchevê- 


Digitized  byVJ OOQ IC 


PREMIERE*   LietTSS   BES  MtlffCIS  WlOTBtTÀNTS.  69 

que  de  Mayence,  étaient  plus  modérés.  Ils  firent  re? 
marquer  qu'un  tel  projet  ne  pourrait  s'accomplir 
sans  beaucoup  de  sang  répandu  et  des  guerres  intest 
tines;  ils  rappelèrent  les  dangers  de  la  part  des  Turcs, 
qui  récemment  encore ,  en  1529,  avaient  osé  pén 
nétrer  jusqu'à  Vienne  et  attaquer  la  ville ,  heureur 
sèment  s$ns  succès  ;  pt  Us  conseillèrent  de  réunir  lea 
protestants  au  sein  de  l' église ,  soit  par  1m  conviction, 
soit  par  d'autres  ipoyen?  àfi  flQuceur ,  ou  du  moins 
défaire  en  sorte  que  la  ra&  intérieure  de  l'empire 
ne  fût  pas  troublée.  ; 

Ainsi ,  cppformémëRt  à  cette  dernière  opinion  , 
la  çonfre-p&rtip  de  Ip  ppnfèsgipq  d'^ugabourg  &*  *&* 
digée  par  plusieurs  théologiens  catholiques.  Eoktra* 
vailla  avec  eux,  Bile  ftit  l))e  pux  protestants  avec 
demande  d'y  acquiescer  ;  et  cqmme  ils  affirmèrent 
qu'ils  ne  le  pouvaient  pas ,  pn  essaya  plusieurs  au- 
tres moyens  de  réconciliation  et  d'accommodement  ; 
car  les  plus  pacifiques  et  les  plus  ipodérés  defr  deux 
côtés  croyaient  que  ce  n'était  pas  impossible.  Met 
lanchton  écrivit  même  au  légat  du  pape  j  <  Il  n'y  a 
plus  qu'une  petite  différence  dans  les  usages  de  l'E- 
glise qui  semble  maintenant  faire  obstacle  à  1a  réur 
flion ,  et  les  canons  ecclésiastiques  disent  que  l\i-i 
nité  de  FEglise  n'est  pas  rompue  par  une  diversité 
dans  les  usages,  $  ftl^is  lps  zélés  des  deux  côtés  vin-* 
rent  mettre  des  obstacles  ;  et  ce  que  Ton  céda  de 
part  et  d'autre  ne  touchait  pas  aux  points  princi- 
paux. En  outre  ,  plusieurs  princes  protestants  et  des 
yiljes  libres  sç  JgiçsèrçnJ  i^fl^ençer  p?F  des  considé* 


Digitized  byVJ OOQ IC 


60  sixième  époque.  1520—1648. 

rations  toutes  humaines,  quand  ils  virent  qu'il  était 
question  de  rétablir  la  puissance  épiscopale  dans  leurs 
pays  ;  et  du  côté  des  catholiques  ,  on  tint  précisément 
alors  avec  opiniâtreté  à  des  articles  sur  lesquels  on 
avait  déjà  uséd'indulgence,  par  exemple,  pourl'Eglise 
grecque  et  les  hussites  ;  c'est-à-dire  qu'on  refusa 
formellement  alors  le  mariage  des  prêtres  et  la  com- 
munion sous  les  deux  espèces  aux  laïques.  Ainsi 
furent  renversées  les  tentatives  de  réunion  ,  et  les 
deux  partis  ,  au  lieu  de  s'approcher,  ne  firent  que  se 
séparer  de  plus  en  pluà.  Enfin ,  l'empereur  fit  signi- 
fier aux  protestants  cette  déclaration  :  «  Qu'ils  eus- 
sent à  réfléchir  jusqu'au  15  avril  prochain  pour  sa- 
voir s'ils  voulaient  ou  non  se  réunir  pour  les  articles 
en  discussion  avec  l'Église  chrétienne  ,  avec  le  pape, 
l'empereur  et  les  autres  princes,  jusqu'à  plus  ample 
explication  dans  un  concile  qui  serait  tenu  pro- 
chainement; que  pendant  ce  temps  de  paix,  ils  ne 
devaient  rien  faire  imprimer  de  nouveau  dans  leur 
pays  et  n'attirer  dans  leur  secte  ni  leurs  sujets,  ni 
des  étrangers;  que *#  d'ailleurs,  comme  il  s'était 
introduit  dans  la^htnétienté  des  abus  et  des  dé- 
sordres de  toute  espèce ,  l'empereur  ferait  tous  ses 
efforts  auprès  du  pape  et  des  autres  princes  de 
l'Europe  pour  faire  convoquer  un  concile  général 
dans  Pintervalle  de  six  mois ,  ou  au  plus  tard  dans 
un  an. 

Les  protestants  repondirent  alors  comme  toujours, 
que  leurs  dogmes  n'avaient  point  encore  été  réfutés 
parrïtoûtwre,  et  <jue  leur  conscience  Wç  leur  per« 


Digitized  byVJ OOQ IC 


MAIHTIKH   DE  LA  PAIX   M   HÏLIOIOH.  64 

mettait  pas  de  consentir  cette  conclusion  de  la  diète^ 
qui  leur  défendait  la  propagation  de  leur  croyance; 
et  aussitôt  ceux  qui  étaient  encore  à  Augsbourg  se 
hâtèrent  de  partir.  C'était  une  rupture  formelle  entre- 
les  deux  partis.  Dans  les  conclusions  de  là  diète  qui 
furent  ensuite  rendues  publiques ,  la  doctrine  de  Lu- 
ther fut  traitée  d'hérétique  avec  de  très  dures  ex- 
pressions; la  restitution  de  tous  les  couvents  et 
établissements  religieux  confisqués  fut  sévèrement 
exigée  ;  une  censure  pour  tout  imprimé  en  matière 
religieuse  fut  établie,  et  Ton  menaça  les  récalci- 
trants de  l'empereur  et  de  l'empire. 

Ligue  deSmaikade.  1530. — Les  princes  protestants 
se  rassemblèrent  encore  à  la  fin  de  cette  année  à 
Smalkade  et  rendirent  leur  alliance  plus  solide  et 
plus  intime.  Quelques-uns  d'entre  enx  auraient  volon- 
tiers dès  lors  éclaté  et  décidé  de  suite  la  querelle  par 
les  armes;  mais  ,  parmi  le  plus  grand  nombre,  il  y 
avait  encore  cette  ancienne  et  religieuse  hol'reur 
pour  une  guerre  entre  frères  et  cette  vénération  pour 
la  personne  sacrée  de  l'empereur,  ce  sont  leurs  ex- 
pressions; de  sorte  que  ce  fut  ce  sentiment  vraiment , 
allemand  qui  sauva  leur  ligue  du  reproche  de  â'étre 
marquée  d'une  tache  de  sang  en  soulevant  sans  néces- 
sité une  guerre  de  religion, 

Ferdinand,  roi  de  Rome.  1951.  —  Maintien  de  la  paix  de  religion. 

L'empereur,  en  partant  d'Àugsbourg,  s'était  mis 
en  route  pour  Cologne ,  où  il  avait  dopoe  rendez-. 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


03  stxifem  éroQtm.  1520^- 1$M, 

vous  au*  ^rincés  électeurs.  Là ,  il  leur  fit  la  proposi- 
tion de  choisir  pour  roi  des  Romains  son  frère  Fer- 
dinand, à  qui  il  avait  déjà  cédé  ses  pays  héréditaires 
d'Aulridhe,  et  qui ,  depuis  l'extinction  de  la  maison 
rojate  de  Bohême  et  de  Hongrie  dans  la  personne  de 
Louis  U)  mort  dans  la  bataille  de  Mohacz,  1526, 
contre  le  sultan  Soliman  II  y  avait  obtenu  les  cou* 
ronnes  de  Bohême  et  de  Hongrie  par  de»  droits  fon- 
d^ssor  unancien  traité  d'héritage , afin  qu'il  pûtmain- 
tenir  l'empire  dans  le  bon  ordre  pendantses  fréquentes 
absents.  Les  électeurs y  consentirent/  et  Ferdinand 
fut  couronné  à  Aix  j  il  n'y  eut  d'opposition  que  de  la 
part  de  l'électeur  de  Saxe  qui  fit  présenter  fine  protes- 
tation à  la  diète  par  son  fils  et  des  etocà  de  Bavière  j  de-» 
puis  loûg-temps  jaloux  de  là  puissance  de  la  maison 
d'Autriche,  qui  firent  même  à  oette  ek)cdsion  alliance 
avec  leurs  ennemis  eri  nta&ière  dé  religion  f  les 
princes  de  Talliaoee  de  Smalkadei 

Lie  niveau  roi  des  Romains  tenait  beaucoup  à  la 
conservation  de  1*  paix  en  Allemagne  j  parce  que 
squ  nouveau  royaume  de  Hongrie  était  vivement 
pressé  p*y  les  Turc»  et  qu'il  comptait  particulière- 
méat  sur  les  secours  de»  princes  allemands.  Mais  les 
princes  proteata/its  refusèrent  leur  coopération  jus- 
qu'à ce  qu'on  eût  établi  la  paix  Aura  l'empire  et  pro- 
mis  de  la  maintenir.  Alors  l'empereur  concerta  une 
nouvelle  tentative  de  réunion,  et  elle  amena  enfin  , 
conformément  aux  pressantes  exhortations  de  Luther, 
la  paix  provisoire  de  Nuremberg,  en  1582.  L'empe- 
reur deekra  qu'en  yerta  de  sa  toute  puissance  impé-< 


Digitized  byVJ OOQ IC 


MAMTIftH   M   là  PAU   fift  IOM010K.  6t 

riale,  «  il  voulait  établir  une  paix  générale,  d'après 
laquelle  personne  ne  pourrait  être  incriminé  et  con- 
damné pour  sa  croyance  ou  toute  antre  matière  re- 
ligieuse, jusqu'à  la  tenue  prochaine  du  concile  ou  de* 
étals  de  l'empire.  » 

Alors  les  secours  contre  les  Turcs  arrivèrent  prompt 
tement  et  il  eut  bientôt  rassemblé  une  armée  telle 
qu'on  n'en  avait  pas  vu  depuis  long-temps.  Le  dan- 
ger semblait  pressant  *,  car  le  sultan  S»lint*a  était 
parti  avec  trois  cent  mille  hommes  pour  attaquer  letf 
pays  autrichiens  sur  deux  point*  à  k  ibfej  tt  l'em** 
pereur  n'avait  que  soixante-seize  mille  hommes  à  lui 
opposer.  Mais  dès  les  premières  tentatives  f  les  Turc» 
purent  voir  à  quels  hommes  ils  avaient  afbhfe»  Ibra-* 
him-Bassa ,  qui  conduisait  l'a  vaut-garde  y  crut  que  ta 
petite  ville  de  Gunz ,  en  Hongrie  t  qui  \m  aratt  fermé 
ses  portes ,  lui  avait  fait  affront  y  quelle  allait  foté 
emportée  du  premier  assaut  et  qu'elle  avait  mérité 
pour  cela  une  sévère  punition  )  mai»  son  vaillant 
commandant  Jurischtisch  vepoilssa  avec  avantage 
toutes  ses  attaques  pendant  quinze  fo&rs  cynll  resta 
devant  ses  murs.  Alors  Soliman  réfiéthit  à  ce  q*é 
pourrait  donc  lui  coûter  Vienne*  lorsque  surtout 
l'empereur  était  en  marche  pontf  veair  fcsôBaecoutôf, 
et  voyant  que  les  primje^d'Alle«BagnetqtclI  avait  erto 
en  dissension,  étaient  toue  réunis*  il  fil  «ttaifldt  tfte* 
traite  j  ainsi  tout  le  monde  fut  dans  l'étonnetaefcf  êe 
voir  le  grand  Soliman  rctoonder  ai  prdaapiement  à 
une  expédition  qui  lui  avah  oo4té  trois  ans  de  j*é- 
pdTatifs. 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


04  fixiEME  éîw)Q«e.  4520—1648. 

L'empereur  Charles  put  alors  s'occuper  d'autres 
affaires,  et  avant  tout  il  se  rendit  en  Italie  pour  se 
concerter  avec  le  pape  au  sujet  de  la  convocation 
d'un  concile  œcuménique. 

Mais  le  pape  Cle'ment  VII  ne  s'en  occupait  pas  sé- 
rieusement et  4a  cour  de  Rome  ne  le  désirait  pas  ;  de 
sorte  que  Charles  repassa  en  Espagne  sans  avoir  rien 
fait. 

Tandis  que. l'empereur  était  absent  et  que  le  roi 
Ferdinand  employait  tous  ses  moyens  pour  établir 
sa  domination  en  Hongrie,  la  doctrine  des  protes- 
tants se.répandait  de  plus  eh  plus  en  Allemagne,  et 
la  division  des  esprits  s'envenimait  tous  les  jours. 
Les  protestants  allèrent  même,  l'an  1534,  jusqu'à 
déclarer  à  la  chambreimpériale  qu'ils  ne  lui  obéiraient" 
plus;  parce  que,  contrairement  au  traité  de  paix  de 
Nuremberg,  elle  avait  écouté  des  plaintes  et  pro- 
noncé une  sentence  contre  eux  lorsqu'il  s'agissait 
d'une  restitution  de  biens  confisqués  à  l'Église.  Ainsi 
était  foulée  aux  pieds  la  paix  du  pays  de  l'empereur 
Maximilien.  -•— -Un  autre  sujet  de  querelle  vint  en- 
core s'y  joindre,  c'était  pour  le  Wurtemberg.  Nous 
avons  déjà  eu  occasion  de  remarquer  antérieurement 
que  le  duc  Ulric  de  Wurtemberg,  vers  le  temps  de  ' 
h  mort  de  Maximilien  et  avant  l'élection  de  Charles,  ' 
ava|t  été  chassé  de  son  pays  par  la  ligue  de  Souabé, 
à  cause  d'une  querdie  qui  lui  était  survenue  avec  la 
villç  de  Heutlingtn.  La  ligue  fit  cession  du  pays, 
d'ailleurs  grevé  de  lourdes  charges,  à  l'empereur 
Charles,  et  celui-ci  le  donna  ,  en  1530,  à  son  frère 


Digitized  byVJ OOQ IC 


MÀïSflEN  t>E  U  *Àïfc  t)È  RELIGION.  65 

Ferdinand  avec  les  étals  autrichiens,  fl  semblait 
alors  devoir  appartenir  pour  toujours  à  la  maison 
d'Autriche  j  mais  le  duc  dépossédé  qui  parcourait  tout 
l'empire  comme  un  fugitif  et  cherchait  à  gagner  des 
amis ,  trouva  protection  près  de  son  parent  le  duc 
Philippe  de  Hesse;  Ulric  avait  déjà  reçu  la  doctrine 
de  Luther,  et  Philippe  conçut  dès  lors  la  pensée  de 
le  rétablir  dans  ses  états ,  même  par  la  force  des 
armes.  Il  leva  donc  une  armée  de  vingt  mille  hom- 
mes ,  se  jeta  à  Timproviste  dans  le  Wurtemberg ,  bat- 
tit le  gouverneur  autrichien ,  près  de  Lauffen,1534> 
et  rendit  aussitôt  le  duchéà  Ulric.  On  crut  que  cette 
invasion  allait  être  le  commencement  d'une  guerre 
sanglante  ;  mais  encore  pour  cette  fois  l'orage  passa 
sans  éclater.  Charles  et  Ferdinand  étaient  trop  occu- 
pés, et  sans  doute  aussi  qu'ils  sentirent  qu'il  ne  serait 
pas  généreux  d'augmenter  leur  puissance,  déjà  si 
grande  avec  le  bien  d'autrui,  quoiqu'ils  eussent 
l'apparence  du  droit.  D'un  autre  côté,  les  fédérés  de 
la  ligue  de  Schmalkalde,  qui  n'avaient  pas  pris  part  à 
la  première  expédition  du  landgrave,  mettaient 
beaucoup  d'empressement  à  terminer  cette  affaire 
par  un  accommodement. 

De  là  la  paix  de  Cadan  en  Bohême ,  par  laquelle 
'  le  duc  Ulric  recouvra  ses  états  à  titre  de  vavasseur 
d'Autriche  ;  la  paix  de  religion  de  Nuremberg  fut 
confirmée,  et  l'électeur  de  Saxe,  avec  toute  sa  famille, 
reconnut  formellement  Ferdinand  pour  rot  des  Ro- 
mains; et,  afin  de  sauver  au  moins  la  dignité  de  la 
suzeraineté  impériale ,  il  fut  décidé  que  lé  landgrave 
t.  u.  5 


Digitized  byVJ OOQ IC 


66  sixième  é?oq«^.  ,1520-- 4648* 

et  lç  duc  Ulric  feraient  à  genoux  amende  honorable 

pour  avoir  rompu  la  pat*  du  pays,  à  l'empereur  par 

eux-mêmes  eu  personne,  et  au  roi  Ferdinand  par  un 

délégué, 

U^e  autre  circonstance  se  présente,  qui  semblait 
çytrêuiementgr^ve  et  cependant  ne  put  rompre  défi- 
nitivement la  paix;  c'était  la  guerre  des  anabaptistes 
dans  Munster,  de  1533  à  1535.  tes  principes  deThp- 
mas  Munzer,  sur  la  liberté  et  l'égalité  chrétienne  et 
sur  la  communauté  des  biens ,  aussi  bien  que  sur  la 
révélation  immédiate  à  chaque  individu,  n'avaient 
pas  encore  disparu  et  s'étaient  conservés  surtout  en 
Hollande  dans  la  secte  des  anabaptistes.  Ils  com- 
mandaient à  leurs  sectateurs  de  faire  pénitence  et  de 
se  faire  baptiser  de  n  ou  veau ,  afin  que  la  colère  de 
Dieil n'éclatât  pas  sur  eux.  Deux  de  leurs  orateurs  en- 
thousiastes, Matthiessen,  boulanger  de  Harlem,  et  le 
tailleur  Jean  Bockhold  ou  Bockelsohn  de  Leyde,  vin- 
renten  1533  à  Munster -9  précisément  dans  le  même  mo- 
ment qu'un  prédicateur,  nommé  Rothmapn,  y  intro- 
duisait la  doctrine  de  Luther  ;  ils  le  gagnèrent  aussi  Jlpi 
au  nombre  des  anabaptistes,  chassèrent  de  Jta  ville  If  s 
citoyens  riches,  avec  l'aide  de  la  populace  et  d'autres 
anabaptistes  qui  virent  des  pays  VQ&ns,  établirent 
de  nouveaux  magistral  et  pairepj  jtpus  Jterç  biens  ,pn 
commun.  Chacun  devait  venir  déposer  dans  un  tréspr 
,  public  tout  ce  qu'il  possédait  en  pr,  en  argent  au 
en  objets  de  prix;  en  même  temps  les  églises  furent 
dépouillées  de  toutes  leurs  richesses,  les  tableaux  bri- 
sés  et  tous  les  livres,  excepté  la  Bible,  furent  brûlés 


Digitized  byVJ OOQ IC 


M^ifiY fES  .m  tk  ni*  »E  JU5MGIOH.  67 

en  public,  kçe  verlige?  comme  presque  toujours  chez 
des  gens  grossiers,  se  joignit  une  licence  effre'née  dans 
les  mœnrs  et  toutes  les  passions.  Il  fut  reconnu  que 
la  liberté  chrétienne  autorisait  chaque  homme  à 
prendre  pjusieure  femmes,  et  Jean  de  Leyde  en 
donna  l'exemple  en  en  prenant  trois  h  la  fois.  Enfin, 
un  de  ses  partisans,  qui  se  vantait  d'avoir  eu  une 
communication  divine  toute  particulière,  Jean  Dus- 
sentschur  de  Warendorf ,  le  salua  comme  le  roi  de 
toute  la  terre,  qui  devait  restaurer  le  trône  de  David, 
et  vingt-huit  apôtres  furent  envoyés  prêcher  cette 
doctrine  partout  le  monde  pour  le  soumettre  au  nou- 
veau roi  j  piais  partout  où  ils  vinrent,  ils  furent  ar*- 
rêtés  comme  séditieux  et  presque  tous  exécutés. 

L'évéque  de  Munster  et  Philippe,  landgrave  de 
Hçsse,  marchèrent  contre  la  ville  et  l'assiégèrent.  La 
Risette  qui  s'y  fit  sentir  de  jour  çn  jour  plus  forte , 
refroidiç  bientôt  le  zèle  du  peuple^  Le  nouveau  roi 
YOulut  s'affermir  par  la  terreuv  et  décapita  même  de 
sa  propre  main  une  de  ses  femmes  sur  la  place  du 
rçiajrçb^;  parce  qu'elle  avait  dit  qu'elle  ne  pouvait 
croire  que  Dieu  eût  condamné  une  si  grande  fou^e 
$e  Peuple  à  inourir  de  faim,  tandis  que  le  roi  était 
dan3  l'abondance;,  Mais  à  la  fin,  quand  déjà  en  effejt 
_UUgraivJ  nombre  des  habitants  étaient  morts  de  faim? 
«feu?  bourgeois  introduisirent  dç  nuit  l'armée  de 
l'archevêque  dans  la  ville,  le  25  juin  1535.  Après  un 
çQjnkat  sauglant,  Jean  de  Leyde,  avec  Knipperdol- 
ling,  son  exécuteur,  et  son  chancelier  Krechting, 
furent,  faits  prisonniers  et  conduits  en  spectacle  dans 

5. 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


C8  sixième  époque.  1520—1648. 

plusieurs  villes  d'Allemagne  ;  ensuite  on  les  déchira 
avec  des  tenailles  rouges,  et  on  les  tua  en  les  perçant 
au  cœur  avec  un  poignard  ardent.  Leurs  corps  fu- 
rent mis  dans  une  cage  de  fer  et  suspendus  au  haut 
de  la  tour  de  l'église  de  Saint-Lambert,  sur  la  place; 
le  culte  catholique  fut  ensuite  rétabli  dans  la  ville. 


Guerres  contre  les  corsaires  d'Afrique.  —  Charles  et  François  Ie'. 

L'empereur  avait  entrepris  sur  ces  entrefaites  une 
guerre  qui  lui  fit  le  plus  grand  honneur.  Un  corsaire, 
Haradin  Barberousse,  un  des  hommes  les  plus  au- 
dacieux et  les  plus  extraordinaires  de  son  temps,  né 
de  parents  obscurs  dans  l'île  de  Lesbos ,  s'était  soli- 
dement établi  sur  la  côtenord  d'Afrique. Iiavait  attiré 
à  lui  une  foule  de  Maures  chassés  d'Espagne  par  le 
roi  Ferdinand-le-Gatholique,  qui  brûlaient  du  désir 
de  la  vengeance,  et  troublait  avec  eux  toutes  les  mers 
de  l'Europe.  Sa  cruauté  et  son  audace  en  firent 
l'effroi  de  tous  les  habitants  des  côtes  j  Alger  et 
Tunis  étaient  en  sa  puissance,  et  même  le  sultan  turc 
Soliman,  avait  confié  à  cet  entreprenant  matelot 
toute  sa  puissance  maritime ,  pour  qu'il  s'en  servît 
contre  les  Chrétiens.  Des  milliers  de  prisonniers  lan- 
guissaient déjà  dans  l'esclavage  à  Alger  et  à  Tunis. 
L'empereur  Charles  crut  qu'en  sa  qualité  de  protec- 
teur de  toute  la  chrétienté,  il  ne  pouvait  pas  souffrir 
de  pareilles  cruautés  ;  d'autant  plus  que  l'ancien  roi 
de  Tunis,  Hascen,  chassé  de  ses  états,  était  venu  de- 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


CHARLES  EN   AFRIQUE.  69 

ipander  sa  protection.  Il  partit  donc  avec  une  armée 
de  trente  mille  hommes,  plus  huit  cents  Allemands 
sou  s  les  ordres  du  comte  Max  d'Eberstin  et  cinq  cents 
vaisseaux.  Doria  commandait  la  flotte,  et  l'empereur 
lui-même  avec  le  marquis  de  Vaston,  commandait 
l'armée  de  terre.  Ce  fut  dans  l'été  1535  qu'on  vint 
débarquer  à  Tunis;  la  citadelle  de  Golète,  qui  dé- 
fendait le  port,  fut  emportée  d'assaut;  toute  l'artille- 
rie fut  prise  et  deux  mille  Turcs  massacrés.  Bientôt 
l'armée  de  Haradin  Barberousse ,  qui  était  dans  la 
plaine  sous  les  murs  de  Tunis,  fut  elle-même  battue 
et  mise  en  fuite  ,  et  la  ville  conquise  ;  les  esclaves 
chrétiens  qu'on  avait  trouvés  renfermés  dans  la  cita- 
delle j  contribuèrent  de  toutes  leurs  forces,  et  Charles 
eut  enfin  la  joie  inexprimable  de  sauver  vingt-deux 
mille  de  ces  malheureux  pris  sur  tous  les  peuples  de 
l'Europe,  de  recevoir  les  témoignages  de  leur  re- 
connaissance et  de  les  rendre  à  la  liberté  et  à  leur 
parents  qui  les  avaient  si  long-temps  pleures  comme 
morts.  11  avoua  lui-même  que  ce  fut  un  des  plus  beaux 
jours  de  sa  vie.  Sa  réputation  se  répandit  partout,  et 
en  effet  il  la  méritait  par  la  constance  et  le  courage 
dont  il  avait  donné  la  preuve  dans  cette  expédition 
périlleuse  ;  c'est  ainsji  qu'il  prouva  par  son  exemple, 
que  ces  barbares  corsaires  des  côtes  africaines  pou- 
vaient être  enchaînés  quand  on  le  voulait  sérieuse- 
ment et  énergiquement.  Il  rétablit  à  Tunisie  roi  Has- 
cen ,  lui  défendit  d'acheter  des  esclaves  chrétiens, 
et  retint  la  citadelle  de  Golète  en  son  pouvoir, 
comme  garantie  de  son  obéissance.  Haradin  s'était 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


iQ  SIXIEME  ÉPOQUE.   15$0 — 4648. 

enfui  à  Alger,  et  Charles  résolût  d'aller  Vy  pour- 
suivre l'année  suivante. 

Une  nouvelle  guerre  avec  le  roi  de  France  em- 
pêcha l'exécution  de  son  dessein.  Ce  prince  renou- 
vela ses  prétentions  sur  le  Milanais  à  la  mort  de 
son  duc,  François  Sforce  ;  et  pour  s'assurer  un  che- 
min libre  en  Italie,  il  s'empara  tout  d  uit  coup  par 
là  force  des  armes  du  duché  de  Savoie,  dont  le  duc 
Savait  mécontenté.  Charles  vitlat  nécessité  de  là  guerre 
et  résolut  d'en  transporter  le  théStrë  darts  le  sud  de 
la  France.  Ne  tirant  donc  stucun  profit  de  l'instruc- 
tion que  lui  avait  donnée  sa  première?  expédition  si 
malheureuse,  sous  le  duc  de  Bfourbon,  il  osa  la  re- 
riduveler  en  1536,  pénétra  jusque  devant  Marseille 
et  assiégea  la  ville.  Mais  elle  était  trop  bien  fortifiée, 
et  tout  le  pays  ayant  été  ravagé  par  lés  Français 
eux-mêmes,  la  disette  et  les  maladies  forcèrent  le 
roi,  art  bout  de  deux  mois,  à  faire  retraite  avec  rirte 
perte  d'une  partie  de  l'artillerie  et  des  bagages. 

En  suite  de  cette  expédition  eut  lieu  à  Nice  une 
suspension  tfarmes  pour  dix  ans,  par  Feutrerhise  du 
pape,  en  4*538;  et  bientôt  après  les  deux  rivaux 
eurent  une  entrevue  à  Aiguës-Mortes,  à  l'embouchure' 
4iï  Rhrn  ;  ce  fut  le  roi  de  Ftàùcé  qui  en  fit  la  pro- 
position. Le  conseil  de  l'empereur  crtit  qu'il  n'était 
pas  sans  danger  de  se  rendre  sur  le  sol  de  France; 
niais  Tè  projet  plut  d'autant  niîerïx  à  Charles  qu'il 
était  extraordinaire.  Quand  il  arriva  dans  le  port,  lé 
rôi  s'avança  lui-même  à  son  vaisseau  pour  le  re- 
cevoir, et  le  conduisit  à  terfe.  Un  festin  royal  y  avait 


Digitized  byVJ OOQ IC 


CHÀRLFS    EN   AFRIQUE.  74 

été  prépaie,  ainsi  qu'une  grande  fête  qui  se  prolon-» 
gea  fort  avant  dans  la  nuit.  Le  lendemain  matin,  ce 
fut  le  Dauphin  lui-même  qui  présenta  à  l'empereur 
l'eau  pour  se  laver  et  la  serviette;  des  deux  côtés  on. 
rivalisait  Je  civilité  et  de  témoignages  d'amitié.  Ce 
n'était  £oirithypoerisiè>  tousles  deux  désiraient  une* 
paix  durable;  et  l'année  suivante,  158*9 ,  François 
donna  une  nouvelle  preuve  dé  ses  bonnes  intentions» 
La  ville  dé  Gond,  en  Flandre,  s'était  soulevée  contre 
Charles  à  l'occasion  de  nouvelles  impositions  et 
àVait  offert  au  roi  de  France  de  se  mettre  éous  sa 
protection;  mais  le  roi  en  fit  aussitôt  instruire  l'em- 
pereur et  lui  proposa  en  même  temps  de  traverser 
k  France,  depuis  l'Èspagnfe,  pour  abréger  sa  route 
et  arriver  plus  vite  en  Flandre.  Gharles  accepta  sans 
méfiance  ;  partout  il  fut  reçu  avec  de  grandes  fêtes; 
entrait-il  dans  une  ville,  on  venait  au-devant  de  lui 
apporter  les  clefs  de  la  ville;  à  Fontainebleau  où 
était  le  roi ,  il  fut  retenu  par  des  fêtes  magnifiques 
pendant  quinze  jours,  et  pendant  six  jours  à  Paris. 

La  révolté  de  Gand  fut  bientôt  apaisée ,  et  peu-' 
datotque  rempèrdur  y  était  encore,  vinrent  des  nou- 
velles fort  pressantes  qui  l'engagèrent  à  venir  èri* 
Allemagne,  où  sa  pf  éfeénce  était  nécessaire  pour  ré-> 
prîttDfr  le  dékordt-e  qui  augmentait  tottè  les  jours.     * 

H  tfccérfà  à  letors  désirs  et  se  rendit -en  iS2i  k  là 
cfiète  de  Ratisbontoe.  Nous  raconterons  plus  bas  ei 
saris  interruption  comment  alors  et  plusieurs  années 
âpres  encore,  pour  réunir  les  partis,  il  eut  constam- 
ment recours  à  des  voies  de  douceur  et  d'accommodé- 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


72  sixième  ÉroQUEé  1520—1648. 

ment,  à  des  éclaircissements  réciproquesentre  les  deux 
partis  ;  comment  il  employa  les  écrits,  les  discussions 
publiques  et  toute  son  éloquence  ;  comment  enfin 
le  maintien  de  l'union  dans  l'Allemagne  fut  la 
pensée  fondamentale  de  son  gouvernement,  et  d'ail* 
leurs  une  nécessité  de  son  règne,  dans  la  crainte  des 
Turcs  qui  menaçaient  d'un  côté  et  des  Français 
d'un  autre,  avec  qui  sans  cesse  de  nouvelles  guerres 
éclataient.  Ici  nous  allons  encore  jeter  un  coup  d'œil 
sur  quelques  événements  du  dehors,  qui  nous  con- 
duiront jusqu'au  temps  où  Charles  fut  obligé  de  se 
consacrer  tout  entier  à  l'Allemagne. 

Expédition  de  Charles-Quint  contre  Alger,  1541. 
—De  la  diète  de  Ratisbon  ne,  Charles  passa  en  Italie, 
et  de  là  partit  pour  l'expédition  qu'il  avait  déjà  ré-, 
solue  à  l'avance.  Son  grand  génie ,  qui  visait  toujours 
à  quelque  chose  d'extraordinaire ,  crut  que  rabais- 
sement des  corsaires  d'Afrique  était  un  but  digne 
de  lui;  d'autant  plus  que  Barberousse  l'avait  excité 
à  la  vengeance  par  de  nouvelles  dévastations  sur  les 
côtes  d'Espagne.  Cette  expédition  ne  commença  pas 
sous  d'heureux  auspices  ;  la  saison  pour  la  navigation 
sur  la  Méditerranée  était  déjà  trop  orageuse,  et 
l' habile  marin,  André  Doria,  ne  pronostiquait  rien  de 
bon.  Mais  Charles  n'aimait  pas  reculer  et  l'expédia 
tion  eut  lieu*  Le  20  octobre  1541  la  flotte  atteignit 
la  hauteur  d'Alger  et  l'armée  opéra  le  débarquement. 
Mais  dès  le  soir,  avant  que  Partillerie,  les  bagages  et 
les  provisions  fussent  débarqués ,  une  terrible  tem- 
pête s'éleva ,  arracha  les  vaissçgux  de  leurs  ancres , 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


CHARLES   EN   AFRIQUE.  73 

les  jeta  sur  la  cote  ou  les  poussa  en  pleine  mer;  et 
une  pluie  effroyable  tomba  avec  une  telle  abondance 
que  les  guerriers  débarqués  sur  le  continent  passèrent 
toute  la  nuit  dans  l'eau  jusqu'à  la  cheville  du  pied, 
et  que,  pour  n'être  pas  entraînés  parla  tempête,  ils 
furent  obligés  d'enfoncer  leurs  lances  en  terre  et  de 
s'y  cramponner.  Alors  il  n'y  avait  plus  à  songer  à  la 
conquête  d'Alger,  sans  artillerie  et  sans  provisions 
pour  Farinée,  mais  seulement  à  sa  propre  conserva- 
tion ;  car  le  jour  suivant  la  cavalerie  légère  des  Turcs 
se  mit  à  la  poursuite  de  l'armée  déjà  accablée  de 
fatigues. 

Dans  ce  danger,  Charles  prouva  qu'il  était  grand 
à  la  guerre  comme  partout.  Pendant  trois  jours  d'un 
voyage  le  plus  pénible  au  milieu  de  l'eau  et  de  la 
boue ,  il  conduisit  son  année,  sans  cesse  harcelée  par 
l'ennemi ,  tout  le  long  de  la  côte ,  jusqu'à  la  baie  de 
Metafuz,  où  s'était  rassemblés  une  partie  des  débris 
de  sa  flotte.  Il  ne  se  distinguait  pas  d'an  simple  sol- 
dat et  partageait  avec  eux  les  plus  dures  privations 
et  les  plus  grandes  fatigues;  mais  aussi  il  réussit  à 
soutenir  le  courage  de  ses  soldats  et  à  ramener  heu-* 
reusement  les  débris  de  son  armée.  Il  mit  à  la  voile 
pour  l'Italie  et  passa  même  de  là  en  Espagne. 

Quatrième  guerrecontreFrançois  Fr.  1542-1544.— 
Le  roi  de  France  avait  profité  de  l'absence  de  Charles, 
pendant  qu'il  était  à  Alger,  pour  3e  mettre  de  nou- 
veau en  état  de  faire  la  guerre.Toutes  ses  tentatives 
d'alliance  avec  l'empereur  n'avaient  pu  lui  faire  ou- 
blie}- le  duchç  4e  Milan  j  il  crut  donc  que  le  teropç 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


74  sixième  &»oqoe.  4520^1648. 

était  venu  d'en  faire  encore  une  Fois  la  conquête,  et 
il  renouvela  son  alliance  avec  les  Turcs.  Ainsi  tandis 
que  Charles  e'tait  à  se  reposer  de  ses  fatigues,  tout 
épuisé  par  les  pertes  de  Pexpédition  d'Alger ,  Fran- 
çois entra  en  campagne;  mais  l'incapacité  de  ses 
généraux*  opposée  à  toute  l'expértertcé  des  gêné1 
rabx  espagnol,  aussi  bien  que  la  disette  et  lès  riialâ-1 
diës,  firent  que  éinq  armées  ne  purent  rien  faire 
darislâ  première  éatalpagne  et  ftireht  obligées  de  i^éti-* 
trefr  dans  lé  plus  triste  état. 

L'année  suivante,  1543,  Cliarles  sei^hdit  éh  Italie-, 
et  de  là  de  l'autre  côté  des  Alpes,  dans  le  bas  Rhin* 
éù  lé  dtic  dé  Clèves  avait  fait  alliance  avec  Fran- 
çois Ie*  5  et  ce  prince^  qui  depuis  peu  commençait  à 
fovôrisei*  les  doctrines  dé  Luther ,  devait  étïe  le  pre- 
ihïer  k  sentir  l'autorité  impériale.  L'apparition  de 
Charles  dans  ces  contrées  fut  tottt-à^fait  inattendue. 
On  diiait  parmi  le  peuple,  qu'à  Son  retour  d'Alger 
il  avait  essuyé  un  naufrage  dans  lequel  il  avait  péri:; 
et  dans  éëtte  croyahce  ils  i*egardaient  la  taonvelte  de 
ion  arrivée  ctonimeiinéfeble*  La  petite  ville  déticn 
roi  ']  sur  une  stonlitmtièii  qu'il  M  fil  dé  se  i*éttdre, 
rëjpfrndit  :  *  qu'elle  ne?  le  craignit  gerètà,  paWë 
qu'il  était  depuis  long-tèmpfckpâtnrç  des  poiisofcav*; 
Mfeiè  feà  Êspîlgndls  ayant  emporté  la  ville  d*as$aht 
riiaïgrétous  lés  obstacles,  et  l'ayant  livrée  aux  flam- 
mes,' alors  l'épouvante  et  lseffroi  se  répandirent 
J>attout  le  pays.  On  disait  que  le  roi  amenait  aveé 
lui  une  espèce  d'hommes  noirs  et  sauvages,  qui 
avaieht'dé  grands  ongles  aux  doigts  avec  lesquels  ils 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


AFFAIRES   DE   RELIGION    EN   ALLEMAGNE.  75 

escaladaient  les  murailles  les  plus  inexpugnables ,  et 
de  grandes  dents  avec  lesquelles  ils  déchiraient  tout. 
Ce  que  Ton  racontait  des  prodiges  du  nouveau  monde 
et  de  ses  habitants,  était très  propre,  danscètte  époque 
si  féconde  en  merveilles ,  à  donner  croyance  à  ces 
récits.  D'ailleurs  les  troupes  de  Charles  étaient  ëri 
grande  partie  de  vieux  guerriers  qui  avaient  noirci 
aïi  Soleil  et  au  grand  aîr,  qu'aucun  danger  n'effrayait,* 
et  qui,  quand  ils  montaient  à  1  dsàâùt,  enfonçaient 
leurs  glaives  ou  leurs  lances  dans  les  fentes  des  murs 
pour  s'élever  et  escalader  ainsi  le  rempart.  L'épou- 
vante qui  marchait  devant  lui  eut  bientôt  soumis 
tout  le  pays  et  toutes  léfc  Villes  5  le  duc  de  Clèves  fut 
obligé  de  venir  demander  grâce  à  genoux  et  il  ne  l'ob- 
tint que  sous  la  condition  qu'il  n'abàndonbérait  pasl& 
loi  catholique  ;  que  ce  qu'il  avait  change  il  le  re- 
mettrait sur  l'ancien  pied ,  et  qu'il  ne  se  laisse- 
rait entraîner  dans  aucune  alliance  contre  l'em- 
pereur. 

Il  n'y  eut  dané  cette  année  rien  de  remarquable 
contre  la  France  ;  mais  l'année  suivante ,  Charles 
ayant  rassemblé  de  plus  grandes  forces,  après  avoir 
tenit  une  diète  à  Spire ,  datte  l'hiver  de  tèh&  à  15A/i, 
et  s*étre  assuré  de  lai  côdpétâtitm  de  lotis  îëi  £rihcë& 
allemands ,  entra  dès  le  commencement  du  printçmp? 
dans  le  pays  mente  de  «0»  enneiai^  à  la  téée  d'onç 
très  belle  i*méé.  II  ëontjiiit  d'âbotd  Sâmt-DMér; 
ensuite  il  marcha  droit  sur  Paris  ;  Epernay ,  Châ- 
teau-Thterryy  étaient  déjà  prtsj  l'&tmée  n'était  pins 
qu'à  deux  jours  de  marche  de  la  capitale ,  etéësfiâ- 


Digitized  byVJ OOQ IC 


76  SIXIÈME  ÉPOQUE,   1520—1648. 

bitants  s'enfuyaient  effrayés,  lorsque  le  roi  Fran- 
çois ICr  fit  des  propositions  de  paix.  L'empereur  les 
accepta  de  suite ,  parce  que  les  affaires  se  compli- 
quaient de  plus  en  plus  en  Allemagne  ;  et  le  22  sep- 
tembre 1544,  la  paix  fut  signée  à  Crépi.  C'est  la 
dernière  que  fit  Charles  avec  le  roi  de  France.  Il 
n'y  eut  aucun  changement  dans  le  fond  de  la  que- 
relle ;  la  Bourgogne  resta  au  roi  de  France  et  le  Mi- 
lanais à  l'empereur  (*). 


Affaire»  de  religion  en  Allemagne  Jusqu'à  la  guerre  de  Schmalkalde. 
1534—1546. 

En  Saxe,  dès  Tannée  1532,  l'électeur  Jean-le- 
Constantavaitété remplacé  par  son  fils  Jean-Frédéric, 
prince  rempli  d'équité  et  de  loyauté  ;  mais  aussi  trop 
réservé  et  bien  différent  de  l'actif  et  téméraire  Phi- 
lippe de  Hesse ,  qui  marchait  toujours  à  la  tête  des 
princes  protestants  et  était  le  plus  entreprenant 
d'entre  eux. 


(*)  L'auteur  a  négligé  dans  ces  détails  tout  ce  qui  est  du  succès  de  nés 
armes  pendant  ces  guerres;  mais  il  omet  surtout  de  parler  des  reproches 
que  les  historiens  français  font  à  l'empereur  :  ils  disent,  par  exemple,  que 
Charles- Quint  avait  promis  l'investiture  du  duché  de  Milan  à  François  Ie*, 
pour  obtenir  le  passage  par  la  France  en  se  rendant  à  Gand  ;  ils  lui  reprochent 
d'avoir  ensuite  refusé,  à  peine  hors  às&  frontières,  d'avoir  cherché  à  débau- 
cher ses  alliés,  et  surtout  d'avoir  fait  assassiner  deux  de  ses  ambassadeurs, 
justifiant  ainsi  le  bon  mot  de  Triboulet  qui  faisait  comprendre  au  roi  qu'il 
aérait  plus  fou  que  lui  s'il  le  laissait  passer  .Voy.  Gaillard,  Bist.de  Franc.  I**9 
tpm.m.  N.  T, 


Digitized  byVJ OOQ IC 


AFFAIRES  DE  RELIGION  EN  ALLEMAGNE.  77 

Non  seulement  ces  deux  princes  étaient  en  con- 
tradiction par  caractère ,  mais  de  plus  grandes  raisons 
encore  de  division  étaient  survenues  parmi  les  protes- 
tants. Dès  la  dixième  année  de  la  réforme  il  s'était 
élevé  entre  eux  une  dissension  au  sujet  du  dogme 
de  la  communion  ;  Luther  entra  dans  la  lice  contre 
Karlstadt  d'abord ,  pu  is  contre  le  réformateur  des 
Suisses ,  UlricZwingle ,  avec  lequel  il  eut,  en  1529, 
à  Marsbourg,  une  conférence  religieuse  qui  n'amena 
aucun  résultat.  Les  deux  partis  s'accusèrent  récipro- 
quement d'être  dans  Terreur.  La  lutte  fut  acharnée 
parce  que  la  passion  y  prit  part;  la  différence  d'opi- 
nions fut  même  un  obstacle  à  l'unité  et  elle  aurait 
pu  facilement  entraîner  la  perte  complète  de  la  nou- 
velle église,  si  les  catholiques  avaient  su  profiter  de 
celte  division. 

Mais  la  dissension  était  aussi  grande  parmi  eux , 
puisque,  comme  nous  venons  de  le  voir,  les  ducs  de 
Bavière  s'étaient  mis  dans  la  ligue  de  Schmalkalde  ;  et 
plus  tard ,  quand  il  s'en  séparèrent ,  lorsque  le  dan- 
ger semblait  plus  grand  pour  la  nouvelle  église,  lès 
sévères  partisans  de  Luther ,  sur  le  conseil  de  leur 
chef  même,  se  réconcilièrent  pour  quelque  temps 
avec  les  Suisses  y  par  une  espèce  de  concordat,  à 
Wittenberg  ;  alors  les  Suisses  et  plusieurs  autres 
villes  de  la  haute  Allemagne  entrèrent  dans  la 
ligue. 

La  propagation  de  la  nouvelle  doctrine  était  de 
jour  en  jour  plus  rapide.  Des  évéques  mêmes  >  ceux 
de  Lubeck ,  Gamin  et  Schwérin ,  entrèrent  dans  k 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


iffi        ..  pfiïm  t*°m-  ikn— J&I&  . 
„fvwvp\U  é$w,  et  k?  vieil  j%ctenr  &  Çplpfjne, 

JJçrnifinn,  fur  leqpei  npus  donnerons  plus  bas  dçs 
jfyéfoils,  prenait  sériensçjxient  se?  dispositions  pour 
ïÇ^iiyye  le#r  p^eniple, 

,    Pgpc^pt  qe  teipps-là?  un  des  plus  importante  chan- 
gements f'el^it  fait  dans  les  pays  savons   La  moitié 
de  ces  prpvincçs,  ^veq  les  vjllqp  de  Dresde  et  de 
Leipzjg9  appartenait  au  duc  Çepi^e,  un  des  plus 
jjélés  défenseurs  de  rppcienne  ^gljse^  qui  employait 
tpute  $a  puissance  à  empêcher  rintrp.ductiqn  de  la 
.nouvelle  dpctriue  dans  ses  états,  $tyis  ses  deux  en- 
fants moururent  avant  h|i}  pt  sor  frère  Henri  de 
-Alle.nbourg,  pçpe  du  duc  Mayrjçç  »  qui  devint  plijs 
jtard  électeur,  qui  se  trPUYaiJs  désormais  son  héritier, 
.$ait  an  contraire  attache'  de  tonte  ^opâme  aux  doc- 
trines de  Luther.  Quand  donc  le  duc  George  mou- 
rat  j  ^U  nxois  d'aypl  1*$9?  le  premier  acte  du  gou- 
r  yerneipent  de  Heari  fnt  d'introduire  la  réforme  dans 
•tQUfl  sçp  états.  Le  plus  grand  nombre  de  ses  sujets 
c'y  soumit  de  ton  cqenr  ;  l'université  même  de  Leip- 
jsjg  fnt  tpnte  changée  %  sans  une  trop  grande   résis- 
.^flfjcç^  }#$  pjns  zé|p§  tl^eolpgiepp  furent  chassés  du 
pp3y$,  p^  :priv^.dç  Jfirçrs  fpnptians,  et  leurs  plages 
j&fgfty.Açnqéçs  à  4es  parons  de  la  nouvelle  doc- 

;  Un  penjblaWe  changement  eut  lieu  dans  le  Brande- 
bourg, presque  dans  le  même  temps.  Le  prince 
,Jp3chim  p%  zélé  catholique,  eut  pour  successeur, 
en  153i,  $pn  fils  Jpachim  JI,  qui  avait  été  élevé 
par  sa  iftère ,  princpase  du  Danemarck ,  dans  les  prin- 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


dpes  hîthp'riens,  Cp  prince,  Tm;i  i£3Qi  jçppour-age' 
p^r  l'expinple  de  Vpvéque  de  Brandebourg,  Akjthiqs 
Jagpw,  se  soumit  à  1$  coufe^ion  4'AHg$bpurg  Çt 
introduisît  4a#s  rçea  ét^s  imp  in$titutip£  pcpl&ias- 
tique  qui  se  rpppo^ait  epcore  beaucoup  £  Vhr- 
cienne  djspipliçe,  mai*  dont  lias  points  £apjta,wx 
étaient  cependapt  tput-à-faitçpnfQrm^aijx  prirçpipfs 
dp  la  réformp* 

La  supériorité  qu'avait  acquise  la  nouvelle  doc- 
trine dans  le  nord  de  l'Allemagne  décida  lç  yieu£ 
cardinal  Albert,  archevêque  de  Afayence  et  prippe 
de  la  maison  de  Brandebourg ,  à  cesser  toute  résis- 
tance pour  Jes  évités  d«  Magdebqurg  et4q9ftlh£*f- 
tadtet  à  pç  ^étirer  £  Mayence,  laissant  Ips.  profast§nts 
{établir 4p$  églises  conwrçe  ils  rentendpientdanstoutps 
les  can?p*}gnes  et  les  villes  dp  ce  pays,  wçyewq&nt  4e 
grosses  spmmes  d'argot  qu'on  lui  fit  toiipbgr» 

PIms  l^s  affaire  étaient  ?0  mauyajs  itat  f  plys 
l'empereur  pt  spfl  frpre  Ferdinand  prepaiwt  à  cœ^r 
.  la  réurçiqn  ^  partip,  et  ii^proyoqflajpijt  dp  terpfs 
à  autrp  4e  ftOHvellep  (conférences  religipnsç*  ^  h  $?- 
guenap,  pu  XfikQ,  p*u  apj^àWprpi^,  gp  1541  j.QÙ 
Melapphtoq  pt  JjSçk  $p  trouvent  en  pr^pjpcp^  et- |a 
çaêmp  apnép  qnppffi  à  RatfshpTOeà  l^q^pUe  jTejppç- 
.reqr  J^i-^me  siss»^  s*  prit  JWrt  ?ypp  bça^çpnjip 4e 

Tout  fut  imitée  :  lg  nouvelle  4PÇ.tH»Çf  #afà  trqp 

profondément  séparée  4e  rançienneetw  même  temps 

trop  d'intérêts  s'y  rattachaient  ;  de  tous  cot^s,  partipij- 

.  Hq'ementducpté  d$s  princes ,  une  foule  de  consîdo- 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


80  smisMfi  ÉpoQtJÉ.  4520—4648. 

rations  mondaines  venaient  à  la  traverse;  et  au  milieu 
des  mœurs  barbares  de  cette  époque ,  il  était  impos- 
sible d'obtenir  un  examen  calme,  sans  passion  et 
approfondi  des  questions.  Comme  donc  ces  tentatives 
de  réunion  n'apportaient  aucun  résultat ,  ou  de  très 
minimes,  l'empereur  eut  recours  à  son  moyen  ha- 
bituel de  remettre  la  décision  à  un  concile  général  et 
de  confirmer  pendant  ce  temps-là,  pour  les  protes- 
tants, la  paix  de  Nuremberg.  Ainsi  en  agit-il  à  la 
diète  de  Ratisbonne,  1541,  avant  de  partir  pour 
Alger  ;  à  Spire,  en  1542,  par  l'entremise  de  Ferdi- 
nand et  du  prince  Joachim  de  Brandebourg,  quand 
il  voulut  réunir  toutes  les  forces  de  l'empire  contre 
les  Turcs;  et  en  1544,  dans  la  même  ville  et  dans 
une  deuxième  diète  très  brillante  à  laquelle  assistèrent 
les  sept  princes  électeurs  en  personne ,  présidée  par 
lWpereurCharles,lorsqu'ilpréparaitcontrelaFrance 
sa  dernière  expédition  que  nous  avons  déjà  racontée. 
Et  cependant  déjà  les  protestants  avaient  cherché 
l'appui  des  armes.  Le  duc  Henri  de  Brunswick,  prince 
aussi  zélé  catholique  qu'inquiet  et  passionné ,  était 
en  inimitié  avec  l'électeur  de  Saxe  et  le  landgrave  de 
Hesse,  particulièrement  à  cause  de  la  religion;  des 
deux  côtés  on  publiait  les  pamphlets  les  plus  acerbes  ; 
car  dans  ce  temps  on  combattait  son  ennemi  avec 
toutes  les  armes  que  peut  fournir  la  passion.  De  plus 
les  villes  de  Brunswick  et  de  Goslar  qui  faisaient  par- 
tie de  la  ligue  de  Schmalkalde,  avaient  demandé  pro- 
tection aux  princes  protestants  contre  leur  duc  qui 
les  opprimait  et  les  pressurait  de  toute  façon  ;  Pcm- 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


A  FF  A-IRES    Dfi    RELIGION    EN    ALLEMAGNE.  81 

perêur  même  et  le  roi  Ferdinand  lui  avaient  déjà 
reproche  sa  violence  contre  elles,  mais  toujours  en 
vain.  A  la  fin  la  ligue  de  Sclimalkalde  leva  en  toute 
hâte  une  armée,  en  1542,  tomba  sur  son  duché,  en 
chassa  le  duc  et  retint  le  pays  dans  sa  possession.  Le 
duc  Henri  courut  demander  du  secours  à  l'empe- 
reur; mais  celui-ci  renvoya  l'affaire  à  une  diète. 

Il  fut  arrête' à  la  diète  de  Worms ,  1545,  que  l'em- 
pereur gouvernerait  en  attendant  les  états  de  Bruns- 
wick jusqu'à  la  décision  de  l'affaire  par  la  voie  de  la 
justice.  Ce  moyen  parut  trop  lent  à  ce  duc  exalté, 
qui  volontiers  se  serait  mis  à  la  tête  du  parti  catho- 
lique. Il  avait  coutume  de  dire  :  «  Menacer  au  nom 
de  l'empereur,  c'est  chasser  avec  un  faucon  mort.  » 
Son  ardeur  lui  fit  commettre  une  déloyauté  à  l'égard 
du  roi  de  France,  François lel.  Ce  prince  ;luLavait 
donné  de  l'argent  pour  enrôler  ep  Allemagne  des- 
troupes  à  son  service ,  et  sitôt  qu'elles  furent  rassem*. 
blées,  le  duc  entra  à  leur  tête  dans  son  duché,  en 
l'automne  1545 ,  pour  l'arracher  à ses.  ennemis;  mais 
le  landgrave  de  Hesse  fut  bientôt  sur  pied  avec  son 
armée,  et  l'électeur  de  Saxe  et  le  duc  Maurice  se  met- 
tant en  même,  temps  en  campagne,  ils  resserrèrent  si 
étroitement  le  duc  dans  son  camp  de  Galéfdd,  près 
de  Nordheim ,  qu'il  fut  contraint  de  se  rendre  pri- 
sonnier avec  son  fils.  Alors  le  margrave  le  conduisit 
dans  sa  forteresse  de  Zigenhain,etrempereUrsecon- 
tenla  de  l'avertir  de  traiter  son  prisonnier  avec 
bienveillance  et  avec  les  égards  dus  à  un  prince. 
Cependant  la  diète  de  Worms,  quoiqu'elle  eût 
il.  6 


Digitized  byVJ OOQ IC 


8*  *nrèME  ÉPeçtj»,  1630—16+8. 

aja<â  servi  à  conserver  h  paix  de  religion,  n'en 
avait  pas  moins  laissé  voir  que  la  scission  allait  tou- 
jours croissante;  les  plaintes  des  deux  partis  deve- 
naient de  plus  en  plus  fortes.  Les  catholiques  ne 
manquaient  pas  de  mettre  en  avant  dans  leurs  wfettî- 
initiations  la  confiscation  des  biens  ecclésiastiques 
dans  les  pays  protestants  ;  et  les  protestants,  de  leur 
côté,  refusaient  de  reconnaître  les  arrêts  de  la 
chambre  impériale  en  pareilles  matières  et  même  en 
d'autres,  parce  que  les  catholiques  n'y  voulaient 
souffrir  que  des  juges  de  l'ancienne  croyance.  La 
défiance  était  déjà  montée  à  un  si  haut  degré ,  qu'il 
n'y  eut  qu'un  très  petit  nombre  de  princes  protes- 
tants qui  parurent  à  la  diète.  Le  grand  moyen ,  pour 
arriver  à  une  réconciliation ,  sur  lequel  Charles  avait 
auparavant  beaucoup  compté,  c'est-à-dire  un 
concile  général,  fut  même  inutilement  employé 
alors;  parce  qu'on  y  eut  recours  trop  tard  et  qu'il 
ne  fut  pas  tenu  dans  des  formes  équitables.  La  cour 
de  Rome  avait  enfin  donné  sou  consentement; 
elle  cenvoqùa  te  concile  pour  le  15  mars  1545,  à 
Trente,  en  Tyrol ,  et  il  fol  solennellement  ouvert 
le  là  décembre  de  cette  même  aimée.  Mais  les  pro- 
testants refusèrent  de  hii  reconnaître  l'autorité  pour 
décider  sur  leurs  affaires;  leurs  raisons  étaient  : 
que  le  concile  était  convoqué  sur  les  frontières  de 
Fftalie ,  dans  un  pays  tout-à-feit  étranger  aux  moeurs 
àe&  Allemands,  ce  qui,  par  conséquent ,  ne  pouvait 
manqtier  d'avoir  une  funeste  influence.  Ensuite,  que 
Je  pape,  qui  les  avait  déjà  condamnés  comme  héré- 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


AFFAIRES   DE   RBUGIOU   EN   ALLEMAGNE.  83 

tiques  ou  du  moins  ne  les  traitait  que  comme  des 
accusés,  prenait  la  présidence  au  concile  comme 
leur  juge.  Que  pour  que  le  concile  pût  être  regardé 
comme  indépendant,  il  fallait  qu'ils  y  jouissent  des 
mêmes  droits  que  les  autres  (*).  » 

Long-temps  auparavant  l'électeur  palatin  Fré- 
déric, qui  venait  de  passer  à  la  nouvelle  Eglise, 
avait  fait  une  proposition  qui  aurait  pu  avoir  un 
résultat  avantageux,  si  tout  le  monde  avait  été 
animé  de  bonne  foi  et  d'intentions  pures;  c'était  : 
«  de  convoquer  un  concile  général  d'Allemagne,  et 
d'envoyer  ensuite  au  concile  de  Trente,  comme 
étant  la  voix  de  tout  le  peuple  allemand,  l'accom- 
modement qui  aurait  été  arrêté  entre  tous  les  partis.  * 
Cet  expédient,  libre  de  toute  influence  étrangère, 
par  lequel  la  nation  aurait  été  représentée  pou* 
exprimer  elle-même  ses  besoins,  semblait  le  seul 
qui  pût  être  de  quelque  utilité  et  conduire  à  une 
conclusion  en  matière  religieuse.  Mais  cette  propo- 


(*)  11  était  facile  de  répondre  que  le  lieu  n'empêchait  point  le  contile  d'élfe" 
œcuménique  et  d'avoir  toute  son  autorité  ;  que  si  l'on  né  connaissait  point  les 
mœurs  des  Allemands,  leurs  évoques  pouvaient  les  faire  connaître;  que,  àd 
teste,  cette  raison  ne  pouvait  être  alléguée  que  pour  les  détails  dans  Usé  règles 
de  discipline,  pour  lesquelles  l'Église  s'en  rapporte  assez  volontierêà  l'autorité 
ecclésiastique  du  pays,  puisque  même  l'Église  gallicane  n'a  point  admis  les  rè- 
glements de  discipline  du  concile  de  Trente;  qu'enfin  le  concile  ne  pouvait  avoir 
tin  autre  président  que  le  pape,  parce  qu'il  est  ridicule  de  demander  qu'une 
autorité  établie  soit  mise  en  question  par  cela  seul  qu'elle  est  attaquée,  et 
qu'elle  aille  se  soumettre  à  un  jugement.  En  un  mot,  tous  ces  prétextes  ne 
pouvaient  point  autoriser  à  rejeter  des  institutions  de  quinze  siècles  et  des 
dogmes  essentiels.  N.  T. 

6. 


Digi'tized  by  LjOOQIC 


A4  sixième  époqcê.   4520—4648. 

sition  ne  trouva  point  d'écho ,  et  la  division  s'accrut 

entre  les  partis. 

L'inquiétude  de  l'empereur  et  des  catholiques, 
qui  craignaient  de  voir  les  protestants  avoir  la  supé- 
riorité dans  l'empire,  n'était  pas  sans  fondement. 
Déjà  dans  le  conseil  des  princes  trois  des  quatre 
électeurs  laïques  avaient  adopté  les  nouvelles  doc- 
trines (quoique  l'électeur  palatin  et  celui  de  Bran- 
debourg n'aient  pris  aucune  part  à  la  ligue  de 
Schmalkalde  ) ,  et  maintenaient  même  un  des  trois 
ecclésiastiques ,  Hermann ,  le  vieil  électeur  de  Colo- 
gne ,  qui  se  montrait  de  plus  en  plus  porté  pour 
elles.  Il  voulait ,  avec  le  consentement  d'une  partie 
de  son  chapitre,  introduire  dans  son  archevêché 
une  réforme  importante  ;  il  avait  déjà  fiiit  travailler 
ce  projet  et  même  fait  venir  Mélanchton  deWitten- 
berg,  dans  ce  dessein.  Mais  l'université  et  le  maire 
de  Cologne  et  une  partie  du  chapitre ,  s'étant  pro- 
noncés contre  ces  nouveautés,  se  tournèrent  vers 
l'empereur  et  le  pape.  Cette  université  avait  déjà 
antérieurement  à  la  réforme,  du  temps  de  Jacob 
Hoogstraten,  pris  une  part  très  active  dans  la  lutte 
contre  les  humanistes ,  c'est-à-dire  les  professeurs 
et  répétiteurs  des  langues  anciennes ,  nommément 
contre  Reuchlin,  et  elle  avait  été  plus  tard  une  des 
premières  à  condamner  les  principes  de  Luther. 

Dans  cette  confusion  toujours  croissante,  comme 
aucun  jour  ne  se  montrait  pour  la  réconciliation, 
l'empereur  Charles  crut  qu'il  fallait  avoir  recours  à 
Vin  dernier  moyen,  de  l'emploi  duquel  une  voix 


Digitized  byVJ OOQ IC 


AFFAIRES   DE    RELIGION    £9    ALLEMAGNE.  8$ 

intérieure  l'avait  toujours  détourné,  à  la  force  des 
armes,  et  lui  faire  décider  la  question.  Son  chance- 
lier Granvella  parla  donc  en  secret  avec  le  légat  du 
pape ,  le  cardinal  Farnèse ,  de  la  possibilité  d'une 
guerre  contre  les  protestants  ;  il  lui  fit  voir  qu'une 
coopération  active  du  pape  serait  nécessaire,  parce 
que  l'empereur  était  épuisé  et  que  les  princes  catho- 
liques étaient  sans  énergie;  et  le  cardinal,  dans  la 
joie  où  il  était  de  voir  l'empereur  sérieusement 
résolu ,  fit  les  plus  belles  promesses. 

C'est  ici  un  faux  pas  dans  la  vie  de  Charles  V  ; 
car  en  prenant  la  résolution  de  décider  maintenant 
avec  la  pointe  de  son  épée  ce  qu'il  avait  tenté  si 
long- temps  d'obtenir  par  des  paroles  de  douceur, 
de  paix  et  de  réconciliation,  il  tomba  dans  une 
grosse  erreur;  comme  si  la  force  d'un  mouvement 
intellectuel  pouvait  être  enchaînée  par  une  force 
extérieure  !  Depuis  ce  moment,  il  fut  vaincu  par 
cette  affreuse  époque  qu'il  avait  jusqu'alors  semblé 
maîtriser  ;  il  ne  put  la  contenir.  Son  génie  vieilli 
devenait  de  plus  en  plus  sombre  £t  ennemi  de  ce 
qui  avait  la  vie  de  la  jeunesse  ;  et  dans  sa  mauvaise 
humeur  il  voulait  rompre  avec  son  épée  les  nœuds 
qu'il  ne  pouvait  dénouer.  Cet  égarement  de  l'empe- 
reur Charles  dans  les  dernières  années  de  sa  vie  res- 
semble à  une  tragédie  dans  laquelle  on  voit  un  cœur 
généreux  succomber  sous  le  poids  des  charges  aux- 
quelles le  sort  l'a  soumis.  Cependant  ces  dernières 
années  sont  les  plus  brillantes  de  sa  vie  par  ses  ra- 
pides succès  au  dehors;  mais,  précisément  dans  ces 


Digitized  by  LjOOQIC 


86  sixième  époque.  1520—1648. 

succès  il  perdit  le  point  précis  de  modération  qu'il 
avait  conservé  jusque  là.  Aussi  eut-il  la  douleur  de 
voir  les  plans  ^ju'il  avait  disposés  avec  tant  de  peine 
détruits  sans  ressource;  de  sorte  qu'il  ne  lui  resta 
plus  que  de  réunir  toutes  ses  forces  pour  se  tirer  du 
tourbillon ,  et  sauver  l'indépendance  de  son  esprit 
en  se  dépouillant  de  tout  l'éclat  de  la  grandeur  ter- 
restre. Par  cette  dernière  résolution ,  sur  laquelle 
nous  reviendrons  plus  tard,  l'empereur  Charles  a 
mis  à  couvert  sa  dignité  d'homme  et  adouci  la  voix 
de  la  postérité. 

Mortde  Luther,  18  février  1546.  —  Avant  le  com- 
.  mencement  de  cette  triste  lutte  mourut  Luther, 
l'auteur  de  tout  ce  grand  mouvement.  Il  avait  dis- 
suadé de  tout  son  pouvoir  de  mêler  la  force  exté- 
rieure avec  ce  qui  ne  doit  avoir  son  siège  que  dans 
l'intérieur  de  l'âme  ;  et  tant  qu'avait  vécu  cet  homme 
énergique  il  avait  conservé  la  paix  (*).  Bien  des  fois 

(*)  Luther  n'était  rien  moins  qu'un  homme  modéré  ;  il  suffit  d'ouvrir  un 
de  ses  liyres  pour  s'en  convaincre  et  pour  connaître  la  fureur  de  ses  décla- 
mations contre  ses  adversaires,  surtout  contre  le  pape,  duquel  il  dit  un  jour  : 
«  Il  est  plein  de  tant  de  diables  qu'il  en  mouche,  qu'il  en  crache,  qu'il  en...  » 
(  Adver$.  Papat.,  tom.  VII  ).  Mais  il  faut  convenir  aussi  que  ses  adversaires 
lui  répondaient  presque  dans  le  même  langage  :  les  épithètes,  démon,  gueule  de 
l'enfer,  etc.,  ne  lui  étaient  pas  épargnées.  —  Il  était  aussi  très  dur  et  exigeant 
avec  ses  partisans,  comme  on  peut  le  voir  dans  les  lettres  de  Calvin  à  Mé- 
fegothon  et  dans  les  écrits  mêmes  du  pacifique  Mélancthon,  quelque  soin  qu'il 
prenne  d'excuser  son  maître.  Cependant  on  ne  peut  lui  refuser  d'avoir  eu  plus 
de  modération  dans  ses  principes  que  dans  ses  paroles  ;  il  ne  voulait  aucun 
emploi  delà  force  pour  soutenir  sa  doctrine,  et  il  eut  certainement  un  beau 
moment  quand  il  voulut  arrêter  les  anabaptistes  et  la  fureur  de  guerre  des 
princes  réformés.  Voy.  Gaillard,  Hist.  Franc.  Ier,  tom.  III,  luthéranisme. 

N.  T. 


Digitized  byVJ OOQ IC 


PRÉLIMINAIRES   BB    LA    GUERRE.  67 

il  avait  dit  aux  princes  que  sa  doctrine  était  étran- 
gère à  leurs  armes ,  et  par  conséquent  il  vit  avec 
peine,  dans  les  dernières  années  de  sa  vie,  qu'on 
multipliait  les  précautions ,  que  la  division  se  tran- 
chait ,  et  il  n'en  augurait  rien  de  bon  ;  le  sort  ce* 
pendant  lui  évita  de  voir  éclater  ces  funestes  discor-^ 
des.  Il  était  malade  depuis  plusieurs  années  ,  et  étant" 
parti  pour  TEisleben  au  commencement  de  Pannéè 
1546,  afin  d'y  vider  un  différend  du  comte  de  Mans- 
feld ,  il  y  mourut  le  15  février  à  l'âge  de  63  ans,  eh 
protestant  encore,  dans  ses  dernières  prières,  qu'il 
avait  vécu  et  mourait  dans  la  ferme  croyance 
du  Christ,  le  Sauveur  du  monde.  Son  corps  fut  con- 
duit en  grande  pompe  à  Wittenberg  et  placé  dans 
le  caveau  de  la  chapelle  du  château. 


frrélrmiuaires  delà  guerre* 

Au  moment  de  la  diète  de  Ratisbonne,  1546,  où' 
les  protestants  sollicitèrent  pour  la  dernière  fois 
a  une  paix  durable ,  des  droits  égaux  pour  les  évan- 
gélistes  comme  pour  les  catholiques  et  un  concile 
équitable  de  la  nation  allemande,  »  l'empereur  avait 
déjà  enrôlé  des  troupes  et  conclu  son  alliance  avec 
le  pape.  Il  avait  décidé,  de  concert  avec  lui ,  de  pren- 
dre contre  Hermann,  archevêque  de  Cologne,  les' 
mesures  les  plus  extrêmes ,  et  en  effet  ce  vieillard 
fut  déposé  de  son  électorat  en  toutes  formes.  Cette  ' 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


88  sixième  époque.  4520—1648. 

conduite  effraya  les  confédérés  de  Schmalkalde.  Ils 
firent  donc  demander  à  l'empereur  quels  desseins  il 
avait  pour  de  tels  préparatifs.  Celui-ci  répondit  en 
peu  de  mots  :  «  que  tous  ceux  qui  se  soumettraient 
à  l'obéissance  trouveraient  toujours  en  lui ,  comme 
auparavant ,  des  intentions  bienveillantes,  bonnes 
et  paternelles  ;  mais  que  tous  ceux  qui  voudraient 
lui  faire  opposition  pouvaient  s'attendre  à  être  traités 
par  lui  avec  toute  la  sévérité  nécessaire.  »  Et,  peu 
après,  quand  le  message  qui  annonçait  la  conclusion 
de  l'alliance  avec  le  pape  fut  arrivé,  il  déclara  pu- 
bliquement, le  25  juin  •  «que  puisque  tant  de  diètes 
n'avaient  pu  produire  aucun  résultat  ,  ils  pouvaient 
bien  attendre  avec  patience  la  résolution  qu'il  pren- 
drait au  sujet  delà  religion  ,  de  la  paix  et  du  droit.» 
Cette  déclaration  montrait  manifestement  l'inten- 
tion de  l'empereur  d'avoir  recours  à  la  force  ,  et  les 
membres  de  la  ligue  de  Schmalkalde  se  préparèrent  en 
toute  hâte  à  la  défense.  Mais  le  trop  grand  contraste 
qui  existait  entre  les  deux  principaux  membres  ne 
faisait  point  espérer  des  suites  bien  éclatantes 
pour  eux. 

L'électeur  de  Saxe,  qui  était  attaché  à  sa  croyance 
de  toute  son  âme  et  que  rien  d'extérieur  à  elle  ne 
pçuvait  ébranler,  ne  voulait  admettre  aucun  calcul 
politique  pour  son  alliance ,  et  s'appuyait  unique- 
ment sur  la  conviction  «  que  Dieu  n'abandonnerait; 
pas  son  Evangile.  »  11  avait  déjà  antérieurement 
refusé  l'alliance  des  rois  d'Angleterre  et  de  France; 
pgree  qu'il  les.  regardait  tous  deux  CQJume  iudign^ 


Digitized  byVJ OOQ IC 


l'KEUMlfcÀlIUS    DU    L\    GUERRE.  80 

de  défendre  des  doctrines  qui  lui  semblaient  pures. 
Il  crut  même  qu'il  ne  pouvait  s'allier  avec  les  Suisses, 
parce  qu'ils  s'éloignaient  de  sa  croyance  dans  leur 
doctrine  sur  l'Eucharistie;  car  des  contestations  sur 
l'Eucharistie  avaient  éclaté  avec  une  nouvelle 
énergie  pendant  même  la  vie  de  Luther.  L'électeur, 
dont  les  idées  étaient  fort  restreintes,  ne  pres- 
sentait point  les  plans  de  Charles-Quint ,  depuis 
long-temps  médités  contre  lui  ;  et  même  il  conser- 
vait toujours  au  fond  de  son  âme,  pour  l'ancien  et 
beau  nom  de  l'empereur,  cette  vénération  si  digne 
d'éloge  qu'on  ne  trouve  qu'en  Allemagne.  Et  si  son 
chancelier,  l'habile  Bruck,  à  qui  il  confiait  tout,  n'a- 
vait su  mieux  que  son  maître  lui-même  concilier, 
les  maximes  de  la  politique  avec  la  sévérité  de  ses 
principes  religieux  ,  la  ligue  aurait  eu  encore  beau- 
coup plus  à  en  souffrir. 

Philippe  de  Hesse  ne  manquait  non  plus  ni  d'at- 
tachement ni  de  zèle  pour  sa  croyance;  mais  bien 
d'autres  motifs  agissaient  sur  son  âme  et  le  diri- 
geaient entièrement.  Il  fut  poussé  dès  le  principe 
par  une  brûlante  ambition,  et  si  la  combinaison 
des  événements  ne  l'avait  durement  et  constam- 
ment écarté  du  trône,  il  aurait  pris  une  place  re- 
marquable parmi  les  amis  et  les  généraux  de  l'empe- 
reur. Maïs  se  trouvant  alors  placé  par  le  sort  à  la 
tête  du  parti  contraire  ,  son  génie  audacieux  recher- 
chait tous  les  expédients  1rs  plus  hostiles  à  Fempe- 
reurs  ;  et  il  avait  pour  cela  un  regard  infiniment  plus 
clairvoyant  qvie  celui  de  Pçiccteur  de§3xc.  Voloij- 


Digitized  byVJ OOQ IC 


90  sixième  époque.  1520—1648. 

tiers  il  eût  pris  les  armes  dans  maintes  circonstances 
antérieures  et  favorables ,  afin  d'obtenir  pour  lui  et 
ses  coreligionnaires  certains  droits  qu'ils  ne  purent 
obtenir  de  l'empereur  que  pour  un  temps  limite. 
Nous  savons  aussi  comment  déjà  deux  fois  il  avait 
témérairement  ose  des  coups  de  main  hasardeux 
pour  Ulric  de  Wurtemberg  et  contre  le  duc  de 
Bnurswick  ;  mais  alors  toutes  les  fois  qu'il  s'agissait 
de  grandes  entreprises,  il  se  trouvait  arrêté  par 
Télecteur,  qui  craignait  toujours  de  manquer  à  la 
légalité  ;  de  sorte  qu'il  fallait  un  danger  commun 
pour  contenir  dans  l'union  deux  esprits  si  différents 
et  hiémé  si  opposés.  Cependant  cette  divergence 
d*opinîoh  devait  nécessairement  produire  du  trouble 
an  moment  décisif. 

C'était  là  le  côté  faible  de  la  ligue  de  Schmalkalde  ; 
autrement  7  sous  une  bonne  et  sage  direction  con- 
certée j  elle  était  assez  puissante  pour  obtenir  un 
succès  complet  dans  une  légitime  défense  contre 
l'empereur.  Et  dans  ce  cas  les  moyens  et  les  idées 
de  l'électeur  de  Saxe  auraient  été  bien  plus  hono- 
rables; car  ainsi  le  parti  protestant  aurait  pu  dé- 
fendre sa  liberté  de  croyance  avec  avantage  et  lé- 
gitimement, les  armes  à  la  main,  sans  aucun  appel 
aux  étrangers ,  eux  qui  furent  toujours  si  funestes 
à  l'Allemagne  ;  en  conservant  à  la  majesté  impériale 
tout  le  respect  qui  lui  est  dû ,  aussi  long-temps  du 
moins  qu'elle  n'aurait  pas  franchi  les  barrières  du 
droit  ;  sans  avoir  recours  aux  déshonnétes  artifices 
de  cette  politique  qui  n'honore  la  vérité  qu'autant 


Digitized  byVJ OOQ IC 


PRÉLIMINAIRES   DE    LÀ   GUERRE.  91 

qu'elle  est  d'accord  avec  Pintérêt.  Mais  la  lîgue  de 
Schmalkalde  n'avait  point  d'unité  dans  sa  direction 
non  plus  que  dans  son  but.  Un  grand  nombre  de 
princes  importants  ne  s'e'taient  point  rattachés  à 
1  alliance  et  allèrent  même  renforcer  l'empereur. 
Le  jeune  duc  Maurice  de  Saxe,  quoique  protestant 
aussi  lui-même ,  cousin  de  l'électeur  et  gendre  du 
landgrave  Philippe ,  était  secrètement  en  intelligence 
avec  l'empereur.  Le  margrave  de  Brandebourg, 
Jean  de  Gustrin  ,  se  sépara  de  la  ligue,  et  celui  de 
Baireuth,  Albert,  prit  même  publiquement  du  ser- 
vice contre  elle.  Cependant  le  duc  Maurice  était  un 
des  hommes  les  plus  remarquables  de  son  temps. 
Jeune  ,  actif  et  téméraire  ,  il  possédait  déjà  ce  regard 
perçant  de  l'âge  mûr  qui  pénètre  les  rapports  des 
événements  entre  eux,  et  assied  d'après  eux  des  planrf 
pour  ses  desseins.  Son  extérieur  même  annonçait  un 
homme  accompli  :  un  œil  de  feu  et  pénétrant ,  et 
dans  sa  figure  brune  ,  on  voyait  les  traits  du  héros. 
L'empereur  Charles  lui-même  qui  faisait  peu  de  cas 
des  Allemands,  surtout  de  ceux  du  sud ,  et  n'en  es- 
timait aucun  particulièrement,  apprit  bientôt  à 
connaître  le  jeune  ducet  tout  ce  qu'il  yavaitdegrand 
dans  sa  nature ,  et  il  sut  le  préférer  à  tous  ses  autre* 
courtisans.  Maiscequi  manqua  au  duc  Mauricecomme 
à  F  empereur  lui-même ,  ce  fut  de  n'avoir  pas  eu 
autant  de  profondeur  dans  les  principes  que  de  pé- 
nétration et  de  clarté  dans  la  vue  pour  saisir  tous 
les  rapports  des  événements  temporels.  Car  cette 
piété  intérieure  et  calme ,  cet  amour  des  beaux  serir 


Digitized  byVJ OOQ IC 


9S  sixième  époque.  4520 — 1648. 

timents,  ce  respect  sacré  pour  la  vérité  et  pour  la 
justice  qui  fout  que  l'homme  sacrifie  tout  ce  qui  est 
terrestre  pour  les  idées  éternelles  et  ne  cherche  qu'à 
maîtriser  son  humanité  pour  développer  son  être 
moral;  ces  sentiments  de  l'aine  les  plus  grands, 
les  plus  nobles,  ne  se  rencontraient  ni  dans  Charles, 
ni  dans  Maurice.  Chez  eux,  l'intelligence  dominait 
le  cœur,  et  la  sagesse  était  la  loi  vitale.  Aussi  peu 
d'hommes  peuvent-ils  se  vanter  d'avoir  possédé 
leur  confiance;  et  leur  silence  a  fait  de  leurs  actions 
autant  d'énigmes  pour  l'histoire. 

Maurice  voyait  dans  l'avenir  bien  plus  loin  que 
l'électeur  son  cousin  ;  il  découvrit  de  bonne  heure  qu'il 
ne  pourrait  résister  dans  la  lutte  contre  la  prudence 
et  l'adresse  de  Charles;  et  c'est  de  là  qu'il  conçutla 
pensée  de  se  faire  lui-même  le  chef  de  la  maison  de 
Saxe.  Il  pourrait  peut-être  avancer  pour  sa  justifi- 
cation ,  qu'il  ne  restait  pas  d'autre  moyen  de  la  sauver  ; 
mais  pour  obtenir  ce  but,  sa  loyauté  et  sa  véracité 
durent  être  mises  à  de  dures  épreuves.  Il  ne  se  réu- 
nit pas  à  la  ligue  de  Schmalkalde,  parce  qu'il  voulait 
s'attachera  l'empereur  jusqu'à  ce  qu'il  eût  obtenu 
son  but  et  qu'il  fût  temps  de  marcher  indépendant. 
Quand  la  ligue  se  forma,  il  s'efforça  de  l'arrêter  ;  et 
quand  on  lui  demanda  d  y  prendre  part,  il  refusa  et 
déclara  qu'il  ne  voulait  prendre  les  armes  que  pour 
la  défense  de  son  pays.  Mais  déjà  il  était  en  secret 
d'intelligence  avec  l'empereur  ;  combien  étroitement 
était-il  lié,  et  sous  quelles  stipulations?  c'est  ce  qu'on 
ne  peut  savoir  authenliquement  ;  malheureusement 


Digitized  byVJ OOQ IC 


PRÉLIMINAIRES    DE  LA    GUEHRË.  95 

il  est  vraisemblable  que  déjà  on  lui  avait  donné 
comme  récompense  des  espérances  sur  l'électorat. 
Quel  combat  dut-il  par  conséquent  sentir  au  fond 
de  son  âme,  quand  l'électeur,  au  moment  de  son  ex- 
pédition contre  l'empereur,  lui  confia  son  pa}rs  pour 
le  protéger  et  le  lui  rendre  fidèlement  ensuite!  Ce- 
pendant aucune  marque  extérieure  ne  découvrit  ce 
combat  intérieur,  et  la  sagesse  l'emporta  sur  la  vérité; 
pour  ne  pas  se  trahir ,  il  accepta  la  protection  de 
l'électorat. 

L'empereur  fit  tous  ses  efforts  pour  présenter  cette 
guerre  comme  n'étant  pas  purement  guerre  de  reli- 
gion. Dans  une  proclamation  aux  principales  villes 
protestantes,  Strasbourg,  Nuremberg,  Augsbourg  et 
Ulm ,  imprimée  à  Ratisbonne,  il  assurait  positive- 
ment: «Que  les  préparatifs  de  sa  majesté  impériale 
n'avaient  aucunement  pour  but  d'opprimer  la  reli- 
gion et  la  liberté  ;  mais  uniquement  de  forcer  à 
l'obéissance  quelques  princes  récalcitrants,  qui  sous 
le  manteau  de  la  religion  pensaient  entraîner  dans 
leur  parti  d'autres  membres  du  saint  empire ,  et 
qui  avaient  perdu  toute  considération  pour  la  jus- 
tice et  l'ordre,  et  pour  la  dignité  impériale.  »  Mais 
les  bourgeois  allemands,  avec  leur  bon  sens,  senti- 
rent bien  qu'une  partie  de  cette  proclamation  n'était 
que  des  mots  et  de  quels  dangers  lisseraient  menacés 
par  la  ruine  des  princes  ;  ils  demeurèrent  donc  forte- 
ment attachés  à  la  ligue  des  évangélistes.  D'ailleurs  un 
événement  auquel  il  ne  s'attendait  point  vint  rendre 
inutile  tous  ses  efforts.  A  peine  avait-il  conclu  avec 


Digitized  byVJ OOQ IC 


9*  sixième  époque,  1520—1648. 

le  pape  son  alliance,  dont  le  contenu  e'tait  précisé- 
ment en  opposition  avec  sa  déclaration  aux  villes  de 
la  haute  Allemagne,  que  celui-ci  la  rendit  publique 
et  fît  paraître  dans  tout  le  pays  une  bulle  dans  la- 
quelle il  représentait  l'entreprise  de  l'empereur 
comme  une  sainte  entreprise  pour  la  religion.  «  La 
vigne  du  Seigneur,  y  disait-il,  doit  êtte  purgée  par 
le  fer  et  le  feu  des  mauvaises  plantes  que  l'hérésie 
a  semées  en  Allemagne.  »  Par  cette  alliance  le  pape 
promit  un  secours  de  douze  mille  fantassins  italiens 
et  mille  cinq  cents  hommes  de  cavalerie  légère  qu'il 
devait  entretenir  pendant  six  mois  à  ses  frais.  Eu 
outre,  il  donnait  deux  cent  mille  couronnes  pour 
la  guerre,  permettait  à  l'empereur  de  jouir  pendant 
le.  courant  de  l'année  de  la  moitié  des  revenus  des 
biens  ecclésiastiques  en  Espagne,  et  d  y  vendre  pour 
cinq  cent  mille  scudi  de  biens  de  couvents.  De  son 
côté  Charles  promit  de  forcer  par  ses  armes  tous  les  re- 
belles d'Allemagne  àl'obéissauce  à  la  chaire  de  Rome, 
de  faire  revivre  parmi  eux  l'ancienne  religion  et  de  ne 
faire  sans  la  permission  du  saint-père  aucune  conven* 
tion  qui  pût  être  désavantageuse  pour  l'Eglise  ro- 
maine avec  ceux  qui  appartiendraient  à  la  nou- 
velle hérésie* 

Par  ce  manifeste,  la  guerre  dut  prendre  ,  contre 
l'intention  de  Charles,  un  air  de  guerre  de  religion, 
et  c'est  «e  que  désirait  le  pape.  Mais  alors  les  pays 
protestants  furent  animés  d'une  inexprimable  exas- 
pération ,  et  si  les  chefs  avaient  su  profiter  de  ce 
moment  pour  entraîner  le  peuple  en  masse  $  s'ils 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


avaient  su  le  coaduire ,  jamais  l'empereur  n'aurait 
pu  résister  avec  ses  Espagnols  et  ses  Italiens.  Car  les- 
aptres  princes  allemands,  même  les  princes  cathor- 
liques,  se  tenaient  tranquilles;  iU  craignaient  de 
voir  l'empereur  exeçcer  la  touie-piUssancç  eu  AUe-* 
magpe  apr^s  avoiç  accablé  le&  protestants. 


«uenre  cte  SefattHald*  4M6— 1547* 

Variée  des  villes  de  la  haute  Allemagne  parut 
la  première  ea  caçapagne;  c'était  une  armée  d'élite, 
squs  un  capitaine  distingué,  le  chevalier  Sébastien, 
Sçbaerllin   d#    Burteabacbt,    dans   la   dépendance 
d'Augsbourg ,  homme  habile  et  expérimenté  dan* 
tout  cq  quri  a  rapport  à,  la  guerre  et  dont  la  vuo 
tendait  toujours,  droit  au  vrai,  but,  qui  ne  voulait 
point  de  demi-mesure  et  visait  à  F  anéantissement 
de  son:  ennemi.  Il  avait  lait  les  campagnes  contre 
les  Turcs  et  les  Français  et»  avait  assisté  à  la  bataille 
de  Pavie  et  à  la  prise  de  Rome,  sous  les  ordres  dq 
Bourbon.  Latroijpe  du  duc  Ulric  de  Wurtemberg, 
commandée  par  le  vaillant  Jean  de  Heydeck,  yint 
aussi  se  réunir  à  luûSchœrtlin  prit  aussitôt  pour  plai* 
de  guerre  de  détruire  dès  le  principe  la  puissance 
militaire  de  l'empereur  qui  se  formait;  car  Charles 
qui  se  tenait  toujours  à  Àugsbourg*  avait  tout  au 
plus  huit,  à  dix  mille  hommes  avec  lui  et  y  attendait 
lçs  troupes  qu'il  avait  enrôlées  en  Allemagne  et  celles 
q 'uil  tirait  de$  Pay$-&t*  et  de  l'Italie. 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


96  sixième  époque.  1520—1648. 

Schaertlin  se  dérigea  d'abord  sur  une  des  princi- 
pales villes  d'enrôlement  de  l'empereur,  celle  de 
Fuessen,  sur  le  Lech,  en  Souabe.  Mais  les  bandes  à 
son  approche  se  retirèrent  en  Bavière,  et  lorsqu'il 
était  occupe'  à  les  poursuivre  arriva  un  messager  de 
de  la  ville  d'Àugsbourg,  au  service  de  laquelle  il 
était  particulièrement,  avec  Tordre  de  ne  pas  entrer 
sur  les  terres  du  duc  de  Bavière,  qui  était  neutre.  La 
maison  de  Bavière  avait  menacé  .de  se  joindre  à 
l'empereur  s'il  ne  quittait  son  territoire;  mais  si  elle 
eût  voulu  rester  complètement  neutre,  elle  n'aurait 
pas  non  plus  permis  le  passage  aux  troupes  de  l'em- 
pereur. Ce  fut  donc  avec  le  plus  grand  dépit  que 
Schaertlin  s'arrêta  sur  le  Lech,  sans  le  passer; 
car  il  avait  dans  l'esprit  un  projet  plus  grand  encore. 
S'il  avait  pu  chasser  promptement  les  bandes  im- 
périales devant  lui,  il  aurait  poussé  jusqu'à  Ratis- 
bonne.  Les  troupes  qui  s'y  trouvaient  étaient  encore 
trop  peu  nombreuses;  l'empereur  aurait  été  vrai- 
semblablement contraint  de  prendre  la  fuite,  et  la 
haute  Allemagne  était  perdue  pour  lui.  Schaertlin 
écrivit  à  ce  sujet  «  que  certainement  Annibal 
n'avait  pas  eu  plus  de  douleur  à  quitter  l'Italie,  que 
lui  la  Bavière  dans  un  pareil  moment. 

Arrêté  de  ce  côté,  il  forma  aussitôt  le  projet  d'em- 
pêcher les  troupes  du  pape  d'arriver  en  Allemagne. 
Jamais  on  avaitlevé  en  Italie  une  armée  si  bien  équi- 
pée ;  des  soldats  courageux  avec  des  chefs  distingués  et 
tous  remplis  de  zèle  contre  les  protestants.  Leur 
chemin  était  de  traverser  le  Tyrol  ;  Schœrtlin  voulut 


Digitized  byVJ OOQ IC 


GUERRE  DE  SCU.MiLKAL.1jK.  M 

leur  couper  la  route.  Il  s'avança  à  marches  forcées 
sur  Ehrenberg  et  s'empara  par  surprise  de  ce  pas- 
sage important,  le  10  juin.  De  là  il  marcha  contre 
Inspruck ,  et  il  aurait  certainement  obtenu  son  but 
d'occuper  tous  les  passages,  si  un  nouvel  ordre  ne 
lui  était  survenu  de  la  part  des  chefs  de  la  ligue , 
d'évacuer  le  Tyrol;  parce  que  le  roi  Ferdinand,  à 
qui  ce  pays  appartenait,  n'avait  pas  encore  déclaré 
la  guerre  à  la  ligue  de  Sihmnlkalde.  Ainsi  dès  le 
commencement,  il  parut  assez  d'incertitude  et  de 
peur  parmi  les  ligués,  pour  qu'un  œil  pénétrant  pût 
d'avance  présager  que  leurs  affaires  ne  seraient  pas 
heureuses.  C'était  en  effet  la  plus  folle  pusillanimité, 
quand  une  fois  la  guerre  est  inévitable,  d'épargner 
celui  qui  ne  s'est  peut-être  pas  encore  déclaré  comme 
ennemi,  mais  en  a  du  moins  pris  toutes  les  apparences. 
Toutefois,  il  fallut  que  le  général  obéît  et  laissât 
ainsi  perdre  le  plus  beau  moment  d'agir. 

Pendant  ce  temps-là,  les  armées  saxonnes  et  hes- 
soisses  s'étaient  aussi  mises  sur  pied  et  marchaient 
vers  la  haute  Allemagne.  Les  deux  chefs  écrivirent 
le  U  juillet  une  lettre  à  Charles ,  pour  lui  dire: 
«Qu'ils  n'étaient  point  coupables  de  désobéissance, 
comme  l'empereur  voulait  les  en  charger.  Mais 
auraient-ils  quelque  chose  à  se  reprocher,  encore 
serait-il  équitable  de  les  entendre  auparavant  ;  et  dans 
ce  cas  qu'ils  rendraient  patent  à  tous  les  yeux  que 
l'empereur  n'entreprend  la  guerre  que  sur  les  insti- 
gations du  pape  pour  étouffer  les  dogmes  des  évan- 
gélistes  et  les  libertés  germaniques.  »  Cette  dernière 

T.    II.  7 


Digitized  by  LjOOQIC 


98  sixième  époquk.  4520—4648. 

accusation  est  la  plus  grave  qui  ait  été  faite  à  l'em- 
pereur  par  ses  adversaires,  et  c'était  alors  pour  la 
première  foisj  mais  elle  fut  reçue  avidement  et  ré- 
pandue par  tout  le  monde.  Cette  seule  parole,  si  elle 
eût  été  crue  vraie ,  aurait  renversé  tout  le  zèle  de 
religion  des  catholiques ,  qui  n'auraient  plus  osé  sou- 
haiter la  victoire  à  l'empereur  sur  ses  adversaires. 
D'autant  plus  que  sa  conduite  dans  le  moment  même 
qu  on  lui  faisait  ce  reproche ,  semblait  confirmer  l'ac- 
cusation. Quand  la  lettre  des  chefs  de  la  ligue  lui 
fut  apportée ,  il  ne  voulut  pas  même  la  recevoir  ; 
mais  il  y  répondit  aussitôt  par  une  déclaration  du 
ban  contre  les  princes  de  Saxe  et  de  Hesse.  Il  leur 
reprochait  leur  désobéissance  à  sa  parole  impériale 
et  le  dessein  «  de  lui  enlever  la  couronne,  le  6ceptre 
et  toute  autorité  pour  s'en  revêtir  eux-mêmes,  et  à  la 
fin  forcer  tout  le  monde  de  subir  le  joug  de  leur 
tyrannie.  11  les  appelle  «  rebelles ,  parjures  et  traîtres 
à  la  patrie,  »  délie  tous  leurs  sujets  des  devoirs  d'hom- 
mage et  d'obéissance.  Si  cette  réponse  de  Charles  à 
leur  missive  était  dure  ,  elle  est  conforme  à  la  vio- 
lence dé  cette  époque.  Souvent  dans  l'exaspération 
de  là  lutte  chaque  parti  cherchait  à  l'emporter  sur 
son  adversaire  par  la  causticité  des  paroles  j  car  l'o- 
pinion publique  n'était  comptée  pour  rien.  L'em- 
pereur avait  par  ce  dernier  pas  violé  les  lois  du  pays, 
d'après  lesquelles  il  ne  pouvait  pas  seul ,  sans  le  ju- 
gement des  princes  j  mettre  un  état  au  ban  de  l'em- 
pire. 

Cependant,  cette  accusation   si  souvent   portée 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


4WJEHHE  DE  SGMf  ALKÂLDB.  99 

Contre  lui  d'avoir  eu  dans  l'esprit  de  renverser  toute 
Ja  constitution  d'Allemagne  pour  se  rendre  seul 
maflre  indépendant ,  était  trop  forte.  Mais  on  peut 
bien  le  ranger,  et  Phistoire  n'a  point  de  doutes  à  ce 
sujet,  parmi  les  esprits  qui  tendent  de  tous  leurs  ef- 
forts au  plus  haut  degré  de  gloire  et  de  puissance  et 
qui  souvent  forcent  les  anciennes  institutions  à  plier 
devant  eux,  quand  elles  se  trouvent  en  opposition 
avec  celles  qu'ils  veulent  établir.  On  ne  peut  fixer 
en  aucune  façon  jusqu'à  quel  point  il  en  serait  venu 
avec  l'Allemagne ,  si  les  circonstances  avaient  con- 
tinué de  lui  être  favorables  comme  elles  le  furent 
pendant  long- temps;  car  pour  un  coeur  comme  le 
sien  où  les  désirs  n'ont  de  bornes  que  celles  quHm- 
pote  la  sagesse,  sans  aucune  limite  naturelle,  les  cir- 
constances seules  en  sont  la  mesure.  Ces  grands  gé- 
nies entreprennent  tout  ce  qui  leur  paraît  avanta- 
geux ,  et  rien  autre  chose  ;  et  l'empereur  Charles 
se  gardait  bien  de  tenter  ce  qu'il  ne  pouvait  achever» 
U  gouvernait  un  si  grand  nombre  d'états  et  avait  de 
si  puissants  adversaires  en  Europe,  qu'il  ne  pouvait 
espérer  de  pouvoir  appliquer  des  soins  aussi  cow- 
tante  et  aussi  exclusifs  que  l'eût  exigrf  l'exécution 
d'un  plan  de  souveraineté  absolue  m  Allemagne;  et 
certainement  il  était  trop  adroit  pour  F  entreprendra 
kwittleiBeat.  Cependant  il  faisait  encore  smttr  l'or- 
gueilleux empereur  et  le  dominateur  de  la  moitié  du 
globe ,  en  se  dégageant  des  formes  du  droit  dans  des 
circonstances  particulières  qui  demandaient  une 
prompte  exécution  y  de  sorte  que  l'on  peut  dire  que 

7. 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


400  sixième  époque.  4520—1648. 

la  violation  des  droits  de  l'empire  était  plutôt  dans 

son  esprit  que  dans  ses  plans. 

Du  reste  il  montra  dès  le  commencement  de  cette 
guerre  de  Schmalkalde  toute  la  supériorité  de  son 
génie  et  une  grandeur  véritablement  héroïque.  Quoi- 
qu'il ne  fût  défendu  que  par  quelques  guerriers 
seulement  et  qu'il  fut  entouré  d'une  armée  de  70  à 
80,000  hommes,  la  plus  belle  qui  ait  été  vue  depuis 
long-temps  en  Europe,  il  ne  réponditau  manifeste  des 
princes  que  par  une  déclaration  qui  les  mettait  au 
ban  de  l'empire  ;  ensuite  il  partit  de  Ralisbonne 
avec  sa  petite  armée  pour  Landshut ,  afin  de  se  trou- 
ver plus  à  portée  des  troupes  qui  arrivaient  d'Italie. 
Mais  de  peur  que  ses  partisans  n'en  fussent  effrayés, 
il  déclara  en  même  temps  qu'il  n'abandonnait  pas  le 
sol  de  F  Allemagne  et  qu'il  y  resterait  toujours  vif  ou 
mort.  Sa  plus  sûre  garantie  était  la  dissension  qui 
régnait  dans  le  camp  des  alliés.  Schaertlin  était  venu 
rejoindre  avec  son  armée  les  deux  princes ,  déjà  si  peu 
d'accord  entre  eux.  Déjà  le  landgrave  Philippe  ne 
partageait  qu'à  contre-cœur  le  commandement  su- 
prême avec  l'électeur  par  lequel  il  avait  souvent  été 
arrêté  dans  des  entreprises  qui  demandaient  de  la  cé- 
lérité; et  alors  paraissait  un  troisième  guerrier  qui 
possédait  plus  d'expérience  qu'eux  deux,  sur  qui 
tout  le  monde  portait  des  yeux  d'admiration ,  et  qui 
devait  emporter  la  plus  grande  gloire  de  cette  guerre, 
du  moins  pouvait-on  le  craindre.  Il  semblait  presque 
aussi  que  l'ancienne  rivalité  entre  les  princes  et  les 
villes  était  venue  troubler  la   parfaite  intelligence» 


Digitized  byVJ OOQ IC 


GUERRE   DE  SCHMÀLKALDE.  101 

Du  moins  est-il  certain  que  ce  défaut  d'intelligence 
fut  la  principale  raison  du  mauvais  résultat.  Quand 
l'armée  fut  réunie,  Schœrtlin  conseilla  encore  alors 
de  tomber  sur  l'empereur  à  Landshut  et  de  le  cerner  ; 
mais  on  ne  peut  s'accorder  et  on  perdit  ainsi  le  temps 
le  plus  précieux.  L'empereur  au  contraire  en  tira  le 
plus  grand  parti,  il  réunit  auprès  de  lui  toutes  ses 
troupes  auxiliaires  d'Espagne  et  d'Italie  et  celles  le- 
vées en  Allemagne;  et  quand  il  se  sentit  assez  fort, 
il  remonta  le  Danube  jusqu'à  Ingolstadt.  Là ,  il  se 
renferma  dans  un  camp  bien*  retranché;  car  il  n'osait 
pas  encore  combattre  en  rase  campagne ,  jusqu'à  ce 
qu'il  ait  fait  sa  jonction  avec  le  comte  de  Buren  qui 
lui  amenait  un  corps  de  troupes  considérable  des 
Pays-Bas.  Les  ligués,  qui  l'avaient  suivi  à  Ingolstadt, 
se  résolurent  enfin  à  tirer  le  canon  sur  son  camp 
avant  qu'il  fût  entièrement  achevé,  pour  voirsi on  ne 
pourrait  pas  l'attirer  à  une  bataille.  C'était  à  la  fin 
d'août  au  point  du  jour.  Ils  serangèrent  donc  en  demi- 
lune  etoccupèrent  toutes  les  hauteurs  de  derrière  avec 
de  l'artillerie.  Les  troupes  brûlaient  d'en  venir  aux 
mains,  et  un  assaut  hardi,  rapidement  conduit  au 
moment  favorable,  aurait  facilement  donné  aux 
alliés  une  complète  victoire.  Car  l'empereur  était  de 
beaucoup  inférieur  en  force  et  son  camp  n  était  en- 
touré que  d'un  simple  fossé.  L'idée  d'un  pareil  as- 
saut n'échappa  pas  aux  alliés  ;  le  landgrave  Philippe, 
suivant  quelques  récits ,  Schaertlin  suivant  d'autres, 
l'exprima  au  moment  où  le  feu  des  douze  grosses 
bouches  d'artillerie  forçait  les  arquebusiers  espagnols 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


4Û&  fiixiÈuB  époque.  1520—1648. 

de  rentrer  dans  le  camp  d'où  ils  avaient  voulu  sortir. 
Mais  F  irrésolution  et  le  désaccord  des  généraux  sus-* 
pendirent  encore  cette  fois  cette  décision  qui  devait 
être  subite.  L'empereur  qui  excitait  le  courage  des 
siens  avec  le  plus  grand  sang-froid  et  n'était  effrayé 
d'aucun  danger,  profita  du  temps  pour  achever  sa 
fortification  ;  et  alors  il  pat  considérer  en  toute  sé- 
curité les  ennemis  s'épuiser  à  tirer  sur  son  camp. 
Depuis  ce  temps  Schiertlin  i  comme  il  le  dit  lui- 
même,  ne  put  avoir  de  cœur  à  cette  entreprise;  car 
il  ne  voyait  point  qu'on  s'appliquât  à  faire  sérieuse- 
ment la  guerre. 

Pendant  cinq  jours  les  princes  canonnèrent  le 
camp  impérial  sans  obtenir  de  résultat;  et  quand  ils 
apprirent  que  le  général  Buren  arrivait  des  Pays- 
Bas  et  avait  passé  le  Rhin  9  il*  levèrent  tout  d'un  coup 
le  siège  pour  marcher  à  sa  rencontre.  L'empereur 
pouvait  à  peine  en  croire  ses  yeux  \  quand  il  vit  une 
si  nombreuse  armée  se  retirer  a  i  nsi  sans  avoir  rien  fait  j 
alors  il  sortit  lui-même  à  cheval  hors  de  son  camp 
avec  le  duc  d'Âlbe  pour  observer  leur  marche* 

Cependant  les  fédérés  ne  purent  empêcher  la  réu- 
nion du  comte  de  Buren  avec  l'empereur,  qui  de- 
puis ce  nouveau  renfort  commença  à  marcher  en 
avant ,  s'empara  successivement  de  tontes  les  villes 
du  Danube  et  se  vendit  enfin  maître  de  tout  le  cours 
du  fleuve.  Quand  ensuite  il  vient  menacer  Àugsbourg, 
les  citoyen*  se  hâtèrent  de  rappeler  de  l'armée  de  la 
ligue  leur  général  Scbaertlin  pour  venir  k  leur 
secours, 


Digitized  byVJ OOQ IC 


GUERR*   DB    SCHMALKALDB.  103 

L'hiver  arrivait,  on  manquait  de  provisions  et 
d'argent  j  dans  l'armécde  la  ligue  se  montraient  le  dé- 
couragement et  la  pusillanimité ,  parce  que  les  gé- 
néraux ne  savaient  inspirer  aucune  confiance.  Les 
Souabes,  plus  que  les  autres  encore ,  étaient  ennuyés 
de  la  guerre,  parce  que  c'étaient  eux  qui  en  portaient 
tout  le  poids,  et  que  depuis  six  semaines  les  armées 
étaient  en  présence.  Alors  les  princes  envoyèrent  une 
dépêche  à  l'empereur,  demandant  la  paix  ou  du 
moins  une  suspension  d'armes,  afin  de  pouvoir  en 
traiter.  C'était  avouer  tout  haut  sa  faiblesse,  la  ren- 
dre publique  et  s'avouer  vaincu  sans  combattre.  L'em- 
pereur^ plein  de  joie,  fit  lire  cet  écrit  devant  toute 
l'armée  rangée  en  bataille  ;  et  pour  toute  réponse  le 
margrave  de  Bandebourg  fit  savoir  aux  princes  :  a  qu'il 
ne  connaissait  d'autres  chemins  pour  conduire  à  la 
paix  que  de  se  soumettre  à  la  discrétion  de  l'empe- 
reur, l'électeur  et  le  landgrave  eux-mêmes  avec  tous 
leurs  partisans,  leur  armée  f  leur  territoire  et  leurs 
sujets.  » 

Sur  une  pareille  réponse,  les  princes  ligués  se  sé- 
parèrent à  Giengen ,  le  dernier  jour  de  novembre , 
et  rentrèrent  dans  leur  pays. 

Leduc  Maurice  et  l'électeur. — Un  message  pressant 
appelait  l'électeur  de  Saxe  dans  son  pays,  en  lui  an- 
nonçant que  le  duc  Maurice  s'en  était  emparé  jus- 
qu'aux plus  petits  villages^  Car  l'empereur  avait 
chargé  son  frère  Ferdinand,  comme  roi  de  Bohême, 
d'exécuter*  d'accord  avec  le  duc  Maurice,  la  sentence 
du  to»  9 ontfe  l'électeur  )  et  telle  était  deyemie  h  *\* 


Digitized  byVJ OOQ IC 


104-  sixième  époque.  1520—1648. 

tuation  des  affaires  qu'il  semblait  que  l'électnrat 
était  perdu  pour  toujours,  si  Maurice  n'eu  avait 
pas  pris  lui-même  possession.  Telle  au  moins  la  pré- 
senta Maurice  ,  quand  il  convoqua  les  états  du  pays 
pour  obtenir  leur  consentement  ;  car  il  n'aurait  pu 
entreprendre  une  si  importante  opération  sans  leur 
participation.  Remploya  tous  les  artifices  de  la  rhéto- 
rique pour  donner  à  sa  conduite  et  à  ses  désirs  une 
apparence  de  droit.  Mais  l'arrivée  subite  de  Ferdi- 
nand avec  ses  cavaliers  hongrois  qu'il  avait  amenés 
de  Bohême,  eut  encore  plus  de  puissance.  L'épou- 
vante marchait  partout  devant  ces  hordes  sauvages 
et  on  regardait  comme  un  bonheur  de  pouvoir  se 
rendre  aux  guerriers  saxons  de  Maurice.  Bientôt 
tout  Félectorat,  excepté  Witlenberg,  Eisenach  et 
Gol ha  furent  entre  les  mains  du  duc.  Cependant  la 
voix  du  peuple  condamnait  son  entreprise.  On  le  re- 
gardait comme  un  traître  à  la  croyance  évangélique, 
'et  dans  les  chaires  et  dans  les  écrits  des  protestants, 
il  était  l'objet  de  reproches  très  amers. 

Alors  l'électeur  revint  plein  de  dépit  :  c'était  au 
mois  de  décembre  15^6.  Il  n'eut  pas  de  peine  à 
reconquérir  son  territoire  et  même  à  enlever  une 
partie  de  celui  du  duc,  après  avoir  surpris  à  Roch- 
litz  et  fait  prisonnier  le  margrave  Albert,  envoyé 
par  l'empereur  au  secours  de  son  ami.  Maurice  ne 
pouvait  non  plus  recevoir  aucun  secours  de  Bohême , 
parce  que  les  états  refusèrent  d'entrer  en  campagne 
contre  leurs  coreligionnaires  saxons,  et  d'ailleurs  le 
roi  Ferdinand  avait  qtielqpes  inquiétudes  pour  spn 


Digitized  byVJ OOQ IC 


GUEftllE   DE  8CHMAUULDB.  405 

propre  pays.  On  y  était  même  presque  venu  à  une 
re'volte  ouverte  ,  à  tel  point  que  le  duc  Maurice  ne 
conservait  presque  plus  de  son  territoire  que  les 
villes  de  Dresde,  Pirna,  Zwiclau  et  Leipzig,  et 
n'avait  plus  d'espérance  que  dans  l'empereur 
Charles. 

L'empereur  punit  les  villes  de  la  haute  Alle- 
magne. —  Charles  ,   pendant   ce   temps-là ,   était 
occupé  à  souniettre  les  villes  protestantes  du  sud  de 
l'Allemagne.  Ce  n'était  pas  une  entreprise  facile  ; 
car  ces  villes  étaient  très  fortes ,  comme  générale- 
ment dans  ce  temps-là.  Chacune  d'elles  aurait  pu 
résister  long-temps,    et   pendant  ce  temps-là  les 
princes  du  nord  faire  des  préparatifs   pour  une 
nouvelle  campagne.  Cependant  on  eût  dit  que  la 
peur  leur  avait  enlevé  à  toutes  leur  sagesse  ordi- 
naire ;  partout  où  l'empereur  se  présentait ,  les  villes 
se  soumettaient  :  Bopfingen ,  Nordlingen ,  Dunkels- 
buhl  et  Rothenbourg,   lui  ouvrirent  leurs  portes 
sans  tirer  l'épée.  La  puissante  Ulm  envoya  des  dé- 
putés qui ,  à  genoux  en  plein  champ ,  demandèrent 
grâce  en  langue  espagnole  (ce  qui  fut,  avec  raison, 
très  mal  vu  de  la  part  des  confédérés),    et  paya 
100,000  florins  d'or  comme  amende.  Francfort  en 
paya  80,000,  Memmingen  50,000;  les  villes  plus 
petites   payèrent   proportionnellement ,    et    enfin 
arriva  le  tour  d'Augsbourg.  Cette   ville  avait  les 
plus  belles  murailles,  200  pièces  d'artillerie  et  une 
bourgeoisie  nombreuse  et  guerrière;  elle  pouvait, 
çn  tenant  ferme,  réveiller  le  courage  <Je  toute  la 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


40*  sixikm  Ê9oqp&  **20-»4#48. 

ligue  ;  mais  les  gens  riches  de  la  ville  rie  tôttlaiefrt 
pas  voir  le  danger  de  si  près.  Un  d'eux,»  Àntoîftè 
Fogger,  se  glissa  dans  le  camp  de  l'empereur  et  eh 
rapporta  £our  conditions  que  la  villef  paierait 
150,000  florins  d'or>  qu'elle  recevrait  nne  garnison 
espagnole  et  chasserait  le  brave  Schaertlin.  Geltii^ 
employa  dé  nouveau  tonte  la  force  de  *0tt  éloquence 
pour  réveiller  leur  ckrarage  ;  il  étt  appela  iflétoe  à 
leur  traité  avec  lui ,  d'après  leqtlêl  ils  fie  poutaîétft 
pa»  k  congédier.  Alors  i  fef  le  supplièrent*  avec  lartnèa, 
dé  se  retirer  j  il  partit  donc  le  cœur  plein  d'amer- 
tume et  se  rendit  en  Suisse  5  et  lêa  Espagriofe  prirent 
possession  de  la  ville. 

Deux  princes  dans  la  haute  Allefriaghe,  outre 
le»  villes,  avaient  pria  part  h  la  guerre  :  UWc, 
comte  de  Witlenberg,  et  Frédéric,  éleetétir  palatiri. 
Ce  dernier ^  cependant,  n'était  patf  rtfembrë  de  la  ligue 
de  Sctehalhaldejet  il  s'était  Ctftfteèté,  ëotafôrftréïtiëtft 
k  tro  traité  testamentaire,  d'eatéye*  Ifàk  èènrts  dàYa- 
liers  et  shc  «tente  fantâSsiné  antiHâires*  iïct  due  de 
Wnttemberg.  D'ailleurs  il  était  ntf  ateidenfstricé  de 
l'empereur;  ils  avaient  été  élevés  ënSèftible  à 
Bruxelles,*  et  par  conséquent-  il  n'eiré  patf  âèpehië  à 
obtenir  son  pardon.  Le  duc  Ulric,  au  contraire,  fut 
obligé  de  faire  amende  honorable,  à  gefctfùx  avec  son 
ckmseil*  de  livrer  ses  plus  fortes  places  avec  toute 
sèn  artillerie  et  de  payer  800,000  florins,  après  avoir 
promis  à  l'empereur  obéissance  en  tout. 

Ainsi  la  ligue  de  Schmalkalde  étaitprésqné anéantie 
fian^lahaWe  Allemagne,  et  l'empereur  prft  tfttésitâft 


Digitized  byVJ OOQ IC 


&VSIUUE  Ut  SG»MAUUV*Br  IOT 

la  résolution  de  ne  dobnet  aucun  repos  à  son 
armée  qu'il  n'eût  aussi  terminé  cette  affaire  dans  le 
Nord.  Le  roi  Ferdinand  et  le  duc  Maurice  l'atten- 
daient sur  lEger,  presque  comme  chassés  de  leurs 
domaines.  Il  se  joignit  à  eux,  le  15  avril*  et  ils 
célébrèrent  ensemble  la  fête  de  Pâques;  ensuite  ils 
repartirent  en  toute  hâte,  et  dès  le  22  avril  Guniet 
était  sur  l'Elbe *  dafcs  les  environs  de  Meiseen* 


Bataille  de  Hublberg.  24  avril  1647* 

Long-temps  l'électeur  n'avait  pu  croire  <]ué 
Charles  lui-même  s'avançait  centre  lui  ;  mais  c|ummI 
il  le  vit ,  il  se  hâta  de  couper  le  pont  près  de  Mets* 
son  y  et  de  faire  descendre  son  armée  sur  la  rive 
droite  pour  élre  à  portée  de  Wittenbergf  sa  capi- 
tale. Il  pouvait  y  trouver  tous  les  mojeus  d'ube 
longue  et  vigoureuse  résistance.  L'eftipérenrj  au  con- 
traire, ne  cherchait  qu'à  attaquer  l'ennemi,  afin 
de  terminer  proifipternent  là  guerre.  Il  s'avança 
donc  aussitôt  jusqu'à  la  rire  gauche  de  l'Elbe, 
presque  en  face  de  l'électeur,  cherchant  un  gué  pour 
passer  le  fleuve*  L'électeur  avait  fait  halte  auprès 
de  la  petite  ville  de  Muhlberg-  De*  le  aoir  même  de 
son  arrivée  f  l'empereur  lui-même  était  allé  fort 
tardf  avec  son  frère  et  le  duc  Maurice  f  sur  le  bord 
du  fleuve ,  sans  pouvoir  trouver  un  lieu  favorable 
pour  passer^  car  l'Elbe  avait  1&  trw  ceftt  jm  cfo 


Digitized  byVJ OOQ IC 


408  stxifcitft  époque.  4620—1648. 

large  et  la  rive  opposée  était  plus  haute  que  celle 
où  il  était.  Mais  le  duc  d'Albe  amena  un  jeune 
paysan  à  qui  les  Saxons  avaient  enlevé  deux  che- 
vaux, et  qui,  pour  se  venger,  voulait  ainsi  servir 
leurs  ennemis  ;  il  assurait  donc  pouvoir  leur  mon- 
trer un  gué  dans  ce  fleuve,  Maurice  lui  promit  100 
couronnes  et  deux  autres  chevaux.  Le  surlendemain, 
à  la  faveur  d'un  épais  brouillard,  quelques  milliers 
d'arquebusiers  espagnols  cherchèrent  à  gagner  l'au- 
tre rive,  à  travers  le  gué  ;  puis  un  certain  nombre 
d'entre  eux,  après  s'être  déchargés  de  leurs  équi- 
pages, se  mettent  à  la  nage,  le  sabre  entre  les 
dents,  conquèrent  quelques  bateaux  et  les  amènent 
à  l'empereur .  On  les  chargea  aussitôt  d'arquebusiers 
qui  faisaient  feu  sur  les  Saxons  de  l'autre  rive, 
tandis  que  la  cavalerie  passait  par  le  gué;  chaque 
cavalier  avait  un  fantassin  en  croupe.  Ensuite  passa 
l'empereur  lui-même  dont  le  paysan  conduisait  le 
cheval  par  la  bride  ;  puis  le  roi  Ferdinand,  le  duc 
Maurice  et  le  duc  d'Albe,  général  de  l'empereur, 
traversèrent  aussi  eux-mêmes. 

C'était  un  dimanche  matin ,  l'électeur  était  au 
service  divin,  à  Muhlberg,  quand  on  lui  apporta  la 
nouvelle  que  l'ennemi  passait  le  fleuve,  et,  peu  après, 
qu'il  était  tout  proche  ;  il  ne  voulut  pas  encore  le 
croire  ni  interrompre  le  service  de  Dieu,  Enfin , 
quand  il  fut  terminé,  il  n'avait  plus  que  le  temps 
de  suivre  son  armée  qui  se  retirait  en  toute  hâte  ;  il 
donna  ordre  à  l'infanterie  de  forcer  sa  marche  pour 
gagner  Wittenberg,  et  &  la  cavalerie  de  retarder 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


fctJERRË   DE  SCHMALKALDt*  409 

l'ennemi  par  des  escarmouches;  rartillerie  était 
déjà  partie  devant  pour  Wittenberg.  Les  impériaux 
poursuivirent  les  Saxons  avec  tant  de  célérité  qu'ils 
les  atteignirent  dans  les  landes  de  Loch  au  ;  et  bien 
qu'ils  n'eussent  pas  leur  artillerie  et  qu'une  partie 
de  l'infanterie  fût  restée  en  arrière ,  l'empereur  n'en 
donna  pas  moins  Tordre  de  l'attaque,  d'après  le 
conseil  du  duc  d'Albe.  Les  cavaliers  espagnols  et 
napolitains  attaquèrent  avec  violence  :  Maurice 
combattait  lui-même  parmi  les  premiers  rangs.  La 
cavalerie  saxonne  fut  mise  en  désordre  et  rejetée 
sur  l'infanterie  qui  s'était  rangée  en  bataille  en  toute 
hâte  sur  la  lisière  d'un  bois.  L'électeur  donnait  ses 
ordres  de  sa  voiture,  parce  qu'il  ne  pouvait  pas 
monter  à  cheval;  l'empereur,  au  contraire,  ne 
laissa  pas  voir  ce  jour-là  qu'il  était  malade;  mais  il 
montait  un  cheval  andaloux ,  tenant  une  lance  à  la 
main  droite,  revêtu  d'un  casque  et  d'une  cuirasse 
dorés  du  plus  grand  éclat  et  l'œil  brillant  du  feu  de 
la  guerre.  La  cavalerie  impériale ,  avec  ce  cri  terri- 
ble Hispania! Hispania!  enfonça  l'infanterie  saxonne; 
la  fuite  fut  générale  ;  le  désordre  et  l'effroi  étaient 
partout  ;  les  fuyards  furent  massacrés  sur  toute  la 
plaine  et  couvraient  de  leurs  corps  une  longue 
étendue  de  terrain ,  depuis  Kossdorf  jusqu'à  Fal- 
kembourg  et  Baiersdorf.  Un  des  fils  de  l'électeur  fut 
atteint  par  l'ennemi  ;  il  se  défendit  avec  courage  et 
tua  encore  un  ennemi  au  moment  où  il  tombait  de  son 
cheval,  frappé  de  deux  grands  coups  de  sabre.  Il  fut 
heureusement  sauvé  par  un  cavalier  saxon  qui  sauta 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


410  sixifeifB  M»#q<j«.  451©— 4«48. 

aussitôt  par  terre;  mais  son  père  n'échappa  pas.  Il 
avait  quitte  sa  voiture  pour  fuir  e^  montait  un  grps  che- 
val frison;  mais  il  fut  rejoint  parla  cavalerie  légère,  et 
tandis  qu'il  faisait  face  tout  autour  de  lui,  il  fut  frappé 
parup  Hongrois  d1un  coup  de  sabre  dans  la  joue  gau- 
che; le  sang  lui  couvrit  tout  le  visage,  et  cependant  il 
ne  voulait  pas  96  rendre.  Dans  ce  moment  uq  cavalier 
du  prince  Maurice,  Thiion  de  Trodt,  passe  à  traverses 
Hongrois  et  lui  crie  en  allemand  dq  sauver  sa  vie  ;  il 
se  rendit  à  lui,  parce  qu'il  ét^it  allemand  ,  et  comme 
témoignage  de  sa  reddition  il  tira  deux  anneaux  de 
son  doigt,  qu'il  lui  donna.  Le  cavalier  le  conduisit 
au  duc  d'Albe  ,  et  celui-ei,  sur  la  demande  réitérée 
du  prince,  à  l'empereur  quf  était  à  cheval  au  milieu 
de  {a  plaine.  Jean-Frédéric,  racqiite^t- on ,  sanglotait 
profondément  et  disait,  les  yeux  tourné*  vers  le 
oiel  i  «  Mon  Dieu ,  aie  pitié  de  moi ,  me  voilà  pi»i*- 
sennter  !  »  Sa  vue  devait  toucher  tous  ceux  qui  l'en- 
touraient; le  sang  coulait  de  sa  figure  et  couvrait 
toute  sa  cuirasse.  Il  descendit  de  cheval  avec  laide 
du  duo  d'Albe,  et  i\  voulait  se  mettre  à  genoux 
devant  l'empereur  et  en  même  temps  tirer  son  ga»- 
tclet  pour  lui  prendre  la  main  droite,  suivant  icp 
roceurs  des  Allemands  ;  mais  l'empereur  ne  te  souffrit 
pas  et  se  détourna  d'un  air  sévère.  «  Généreux  et 
clément  empereur  l  *  s'écria  l'électeur.  —*  •  Je  suis 
donc  maintenant  votre  empereur  très  cléqnent;  ce 
n'est  pas  ainsi  que  vous  me  nommiez  depuis  long- 
temps. »  —  «  Je  suis  le  prisonnier  de  votre  majesté 
impériale,  continua  l'électeur,  et  je  demande  qu'on 


Digitized  byVJ OOQ IC 


frUgBRB  »B  SCBftfAUULM.  444 

respecte  eu  moi  la  dignité  de  prince.  » —  •  Bien,  on 
]a  respectera  comme  vous  le  méritez,  »  dit  l'entpe* 
reur  eu  finissant  Alors  l'électeur  fut  conduit  danç 
le  camp  par  le  duc  d'Albe ,  avee  le  duc  Ernest  de 
Brunswick-Lunéville  qui  ayait  aus$i  été  fait  pri- 
sonnier. 

Ainsi  se  termina  cette  journée  ai  heureuse  pour 
l'empereur,  et  il  écrivit  à  ce  sujet  dans  le  style  dp 
iGésar  :  a  Je  suis  venu,  j'ai  vu  et  Dieu  a  vaincu.  » 

Après  deux  jours  de  repos ,  il  marcha  sur  Torgau , 
qui  se  rendit  aussitôt,  et  de  là  sur  Wittenberg,  la 
capitale  du  pajrç.  Elle  était  défendue  par  une  forte 
ej;  bonne  garnison,  ;  sps  citoyens  étaient  pleins  de 
courage  ,  et  si  elle  l'avait  retenu  long-temps  , 
Charles  se  serait  peut  être  vu  obligé  d'abandonner 
la  Saxe  sans  avoir  achevé  son  œuvre;  car  il  n'avait 
pas  de  préparatifs  pour  une  longue  campagne. 
Alorjs  il  eut  recoiyrs,  dans  son  impatience,  à  un 
expédient  qui  dépassait  encore  les  bornes  de  son 
droit  et  était  contraire  aux  constitutions  de  em- 
pire :  il  lit  dire  par  un  hérault  à  la  princesse, 
femme  de  l'électeur,  et  à  ses  enfants ,  que  si  la  ville 
ne  se  rendait  pas,  il  allait  leur  envoyer  la  tête  de 
rélecteur.  Et  ayant  reçu  un  refus ,  il  fit  condamner 
le  malheureux  prince  à  mort  par  un  tribunal  de 
guerre  }  ce  qui  ne  pouvait  se  foire  légalement  que 
dans  une  assemblée  de  princes.  Probablement  il  ne 
songeait  pas  sérieusement  à  l'exécution  et  ne  voulait 
qu'effrayer  ceux  qui  étaient  dans  la  ville.  Mais  comme 
la  violation  du  droit  était  dans  la  forme  du  juge- 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


119  Sixième  évoque.  4520—4648. 

ment  et  qu'elle  ne  l'avait  pas  arrêté,  il  était  à  crain- 
dre de  la  sévérité  de   l'empereur,  qui   ne    faisait 
jamais  un  pas  pour  reculer,  qu'il  n'en  vînt  à  l'exé- 
cution, s'il  ne  réussissait  pas  comme  moyen  d'effroi. 
L'électeur,  qui  avait  paru  faible  dans  la  prospérité, 
montra  alors  tout  le  courage  héroïque  d'une  âme 
énergique.  Sa  condamnation  à  mort  lui  fut  annoncée 
pendant  qu'il,  était  à  faire  une  partie  d'échecs  avec  le 
duc  Ernest  de  Lunebourg.il  répondit  avec  calme: 
«  Je  ne  puis  croire  que  l'empereur  veuille  en  agir 
de  la  sorte  avec  moi  ;  mais  si  sa  majesté  impériale  la 
définitivement  résolu ,  je  désire  qu'on  me  le  fasse 
connaître  positivement,  afin  que  je  puisse  fixer  ce  qui 
revient  à  ma  femme  et  à  mes  enfants. 

L'histoire  ne  dit  pas  que  le  duc  Maurice  eût  pris 
la  parole  auprès  de  l'empereur  dans  cette  occasion; 
tandis  que  l'électeur  de  Brandebourg  arriva  aussitôt 
dans  le  camp  impérial  et  s'efforça  avec  le  plus  grand 
zèle  de  prévenir  ce  malheur  par  un  accommodement. 
11  y  réussit  à  la  vérité,  mais  sous  les  plus  dures  con- 
ditions pour  le  prince  Jean-Frédéric.  Il  lui  fallut 
renoncer  pour  lui  et  ses  descendants  à  la  dignité 
électorale  et  à  la  propriété  du  territoire,  qui  passèrent 
au  duc  Maurice.  Ses  places  fortes  de  Wittenberg  et 
de  Gotha  furent  livrées  à  l'empereur  et  l'ancien 
électeur  lui-même  dut  rester  son  prisonnier  aussi 
long-temps  qu'il  lui  plairait  de  le  garder  ;  Charles 
aurait  même  pu,  s'il  l'eût  jugé  à  propos,  l'envoyer 
en  Espagne  sous  la  garde  de  l'infant  don  Philippe. 
Maurice  devait  fournir  à  l'entretien  nécessaire  pour 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


GUERRE  DE  SCHMÀLKlLDB.  115 

lui  et  sa  maison,  et  on  fixa  pour  cela  les  revenus  des 
villes  d'Eisnach,  Gotha,  Weimar  et  Iéna.  On  vou- 
lait aussi  que  l'électeur  déchu  s'engageât  par  avance 
à  accepter  tout  ce  que  le  concilede  Trente  et  la  toute- 
puissance  impériale  pourraient  régler  sur  la  religion  ; 
mais  sous  ce  rapport  il  était  immuable  ;  l'empereur 
fut  obligé  de  céder,  et  les  Espagnols  eux-mêmes 
trouvèrent  honorable  une  pareille  fermeté  de  l'é- 
lecteur. 

Quand  on  connut  dans  Wittenberg  que  la  ville 
allait  être  livrée  à  l'empereur,  quoiqu'on  lui  eût  ga- 
ranti le  libre  usage  de  la  confession  d'Àugsbourg,  il 
y  eut  de  grands  mouvements.  Les  bourgeois  voulaient 
se  défendre  jusqu'au  dernier  homme»  ne  pouvant 
croire  à  la  promesse  d'une  liberté  de  religion  de  la 
part  des  Espagnols,  qui  avaient  montré  trop  de 
cruauté  dans  le  pays.  Mais  l'électeur  leur  défendit 
de  tenter  toute  résistance,  les  assurant  que  l'empereur 
tiendrait  fidèlement  sa  parole.    Ensuite  la  garnison 
saxonne  sortit  de  la  ville,  et  on  y  vit  flotter  quatre 
étendards  impériaux.  H  y  eut  bientôt  entre  la  ville, 
et  le  camp  des  relations  très  fréquentes,  et  la  défiance 
disparut  de  plus  en  plus.  Les  Saxons  furent  témoins, 
à  leur  grande  admiration,  des  égards  qu'on  avait  pour 
leur  ancien  maître,  qu'ils  voyaient  dans  la  tente  du 
duc  d'Albe,  servi  par  les  premiers  d'Espagne.  La 
femme  de  l'électeur  parut  elle-même  en  habit  de 
deuil  avec  ses  enfants  devant  l'empereur,  conduite 
par  les  enfants  du  roi  des  Romains,  et  se  prosterna 
devant  lui  ;  l'empereur  la  releva  avec  amitié,  la  con«r 
t.  it.  8 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


414  sixifeifti  **£$«*«  46*0-~f948. 

sola  dans  son  malheur  et  lui  accorda  que  l'électeur 
pasfât  huit  jours  dans  sa  famille,  au  château  de 
WUtenbergé  Bien  plus,  il  alla  lui-même  dans  la  tille 
et  rendit  à  la  princesse  sa  visite.  L'impression  que 
fit  sa  grandeur  d'âme,  sa  force  et  sa  douceur,  extir- 
pèrent en  partie  cette  antipathie  que  le  pays  avait 
conçue  contre  lui  ;  et  de  son  côté,  il  prit  des  idées  plus 
favorables  sur  le  nord  de  l'Allemagne  que  celles  que 
lui  avaient  inspirées  les  ennemis  des  nouvelles  doc- 
trines* «  Il  en  est  donc  tout  autrement  des  pays 
évangélistes  et  des  gens  évangélistes,  que  je  ne  l'avais 
pensé,  n  disait-il  alors.  Et  quand  il  apprit  qu'à  son 
arrivée  le  culte  divin  de  Luther  avait  cessé:  «t  tVoit 
vient  cela  ,  dit-il  j  si  c'est  en  notre  nom  qu'on  a 
cessé  le  service  de  Dieu,  nous  n'en  sommes  pas  con* 
tent!  Nous  n'avons  pas  changé  la  religion  dans  la 
haute  Allemagne*  comment  le  ferions-nous  ici?  »  Il 
visita  aussi  la  chapelle  du  château,  et  il  y  vit  le 
tombeau  de  Luther.  Quelques-uns  des  assistants,  on 
dit  le  duc  d'Albe,  lui  conseillèrent  «  de  déterrer  cet 
hérétique  et  de  foire  brûler  ses  os ,  »  mais  Charles 
répondit!  «Laisse^le  en  repos;  il  a  déjà  trouvé  son 
juge;  je  fais  la  guerre  aux  vivants  et  non  pas  aux 
morts*>) 

L'empereur  avait  fc&efc  de  liberté  d'esprit  pour 
aMlever  au-dessus  des  mouvements  des  passions  du 
temps.  Pourquoi  fatit*il  quechefclui,  des  considéra- 
tions politiquéâ  aient  souvent  obsôurci  les  lumières 
de  lit  simple  Vérité  !  Car  comment  concilier  cette 
indulgence  pour  le  parti  protestant  avec  l'alliance 


Digitized  byVJ OOQ IC 


GUERRE  ÛÉ  rtHMiLKALDB.  415 

qu*ll  avait  conclue  avec  le  pape.  Maurice,  le  nouvel 
électeur,  se  montra  aussi  lui  très  porte  pour  les 
Wittenbergeois:  «  Vous  avez  été  si  fidèles  à  votre 
prince,  mon  cousin,  que  je  veux  vous  en  savoir  bon 
gré  toute  ma  vie,  »  disait-il ,  en  prenant  congé  des 
principaux  citoyens  de  la  ville. 


L'empereur  et  Philippe  de  Hisse. 

Le  même  jour  que  Charles  entrait  dans  Witten- 
berg,  son  ancien  rival,  François  I**,  roi  de  France, 
était  porté  au  tombeau;  comme  si  la  fortune  avait 
voulu  aplanir  à  la  fois  tous  les  obstacles  à  ses  projets. 
De  Wittenberg  il  marcha  sur  Halle,  pour  attaquer 
le  deuxième  chef  de  la  Hgue  de  Schmalkalde,le  land- 
grave de  Hesse,  et  celui-ci  ne  vit  d'espérance  de 
salut  que  dansPindulgence  de  l'empereur,  alors  tout* 
puissant;  il  employa  donc  tous  les  moyens  pou* 
î'obteùir  paf  l'entremise  de  son  gendre  le  prince 
Maurice  et  du  margrave  de  Brandebourg. 

Tous  les  deux  s'employèrent  le  plus  activement 
possible  pour  lui,  et  Charles  dit  enfin  par  k  bouche 
de  son  chancelier  Granvella:  a  Que  si  le  landgrave 
venait  lui-même  se  rendre  à  discrétion  et  s'il  signait 
toutes  les  conditions  qu'il  lui  proposerait,  il  ne  lui 
enlèverait  pas  son  territoire ,  qu'il  lut  laisserait  la 
-vie  sauve  et  la  liberté.  »  Ainsi  du  moins  le  comprirent 
ses  médiateurs,  et  ils  s'engagèrent  avec  le  landgrave 

8.. 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


446  sixième  époque.  1520—1648. 

sur  leur  parole  d'honneur,  d'aller  se  remettre  pri- 
sonniers entre  les  mains  de  ses  enfants,  si  Charles 
ne  le  renvoyait  pas  en  liberté.  Sur  leur  parole,  Phi- 
lippe vint  à  Halle,  le  18  juin,  et  le  jour  suivant  il 
fut  conduit  devant  l'empereur.  Ce  prince  était  assis  sur 
un  trône;  autour  de  lui  étaient  rangés  une  foule  de 
grands,  Allemands,  Italiens,  Espagnols,  et  parmi  eux 
le  duc  Henri  de  Brunswick,  le  prisonnier  du  land- 
grave, qu'il  avait  été  contraint  démettre  alors  en  li- 
berté et  qui  venaitse  repaître  de  son  humiliation.  Le 
landgrave  se  mit  à  genoux  au  pied  du  trône,  les  yeux 
fixés  par  terre,  et  son  chancelierGuntherode  à  genoux 
derrière  lui,  lut  à  haute  voix  l'amende  hono- 
rable à  l'empereur.  Elle  était  faite  en  termes  très 
humbles,  et  un  témoin  oculaire  raconte  que,  dans 
le  trouble  où  l'excès  de  la  honte  jeta  le  landgrave, 
qui  se  trouvait  dans  une  si  dure  position,  au  milieu 
d'une  pareille  assemblée ,  un  petit  rire  se  montra 
sur  son  visage,  comme  si  la  nature  manquait  de  res- 
sources contre  un  sentiment  si  poignant.  Mais  ce  rire 
n'échappa  pas  à  l'empereur,  et  le  menaçant  avec  son 
doigt,  il  lui  dit  dans  son  langage  flamand,  car  il 
parlait  mal  l'allemand  :  Wol,  ick  soll  di  lachen 
lehren  (Bon,  je  t'apprendrai  à  rire).  Alors  le 
chancelier  de  l'empereur  lut  la  réponse:  «Bien  que 
le  landgrave  ait,  comme  il  le  reconnaît  lui-même, 
mérité  la  plus  sévère  punition,  cependant  l'empereur 
veut  bien,  dans  sa  bonté  et  en  considération  de  Tin- 
ter cession  qui  a  eu  lieu  en  sa  faveur,  lui  faire  grâcef 
lever  le  ban  prononcé  contre  lui  et  lui  laisser  la  vie 


Digitized  byVJ OOQ IC 


GUERRE  DE  SCBMÀLKÀLDE.  417 

qu'il  avait  mérité  Je  perdre.  »  Après  la  lecture  de 
cette  réponse,  le  landgrave  voulait  se  tenir  debout 
en  qualité  de  prince  libre  ;  mais  l'empereur  ne  lui  en 
ayant  point  donné  le  signal  et  lui  ayant  même  refusé 
une  promesse  claire  et  solennelle  du  pardon,  il  se 
leva  de  lui-même  et  se  retira. 

Il  dîna  le  soir  avec  l'électeur  Maurice  et  le  mar- 
grave de  Brandebourg  chez  le  duc  d'Albe.  Après  le 
repas,  il  voulut  se  retirer  ;  mais  le  duc  lui  déclara 
qu'il  était  son  prisonnier;  il  en  fut  tout  surpris  et  ses 
deux  médiateurs,  qui  s'étaient  engagés  pour  sa  liberté 
ne  Pétaient  pas  moins.  Us  s'adressèrent  à  l'empereur 
même,  lui  représentèrentqu'ils  avaient  donnéleurpa- 
role  de  prince  comme  caution  de  sa  liberté;  mais  l'em- 
pereur nia  avoir  dit  qu'il  le  renverrait  libre  de  toute 
captivité,  en  avouant  toutefois  l'intention  de  ne  pas 
lui  imposer  une  prison  perpétuelle.  On  comprend  en 
effet  que  ses  conseillers  purent  promettre  plus  qu'il  n'a- 
vait dans  l'esprit  d'accorder  ;  ou  même  encore  qu'une 
méprise  pût  se  glisser  dans  la  correspondance  du  chan- 
celier Granvella  qu'on  traduisait  en  allemand,  et 
celle  des  deux  électeurs  qu'on  traduisait  en  espagnol 
et  en  français.  Cependant  il  aurait  été  plus  hono- 
rable de  remplir  auprès  du  landgrave  la  parole 
des  deux  médiateurs.  Mais  d'un  autre  côté  l'em- 
pereur tenait  beaucoup  à  garder  prisonniers  les 
chefs  de  la  ligue  de  Schmalkalde,  jusqu'à  ce  qu'il  eût 
achevé  en  Allemagne  tous  les  règlements  qu'il  vou- 
lait y  faire  pour  la  religion  ;  car  il  croyait  toujours 
&  la  possibilité  4  u»e  réunion  des  partisf  et  ces  dw* 


Digitized  byVJ OOQ IC 


118  sixième  époque.  1620 — 1648. 

princes  -en  étaient  devenus  les  deux  plus  violents 
adversaires.  Et  Charles,  ne  savait  pas  que  la  loyauté 
et  la  générosité  conviennent  mieux  à  un  roi  et  con- 
duisent mieux  au  but  que  les  calculs  déloyaux  ;  car 
si  une  fois  on  les  admet  pour  règle,  souvent  l'homme 
rusé  se  trouve  lui-même  pris  au  piège  par  un  plus 
rusé  que  lui.  Le  duc  Maurice,  qui  ne  pouvait  pas 
remplir  son  engagement  et  qui  passait  pour  un  par- 
jure à  l'égard  du  landgrave,  se  crut  sans  doute  alors 
dégagé  des  devoirs  de  la  reconnaissance  et  de  la  sin- 
cérité par  rapport  à  l'empereur,  qui  interprétait  si 
arbitrairement  sa  parole  et  celle  de  son  conseil;  et 
il  pensa  dès  lors  peut-être,  qu'il  ne  devait  y  avoir 
dans  leurs  relations  que  de  la  sagesse.  Or,  sous  ce 
rapport,  il  ne  le  cédait  en  rien  à  l'empereut. 

L'électeur  déposé  et  le  landgrave  Furent  donc  obligés 
de  suivre  la  cour  et  le  camp  de  l'empereur  partout 
où  il  se  rendait*  Toutes  les  places  fortes  hessoises 
furent  rasées,  même  Cassel  et  Ziegenhain,  toute 
l'artillerie  fut  emmenée  et  les  états  fureht  condamnés 
à  payer  150,000  florins  d'or  pour  amende,  t/empe- 
reur  Charles  suivait  dans  ses  traités  avec  ses  adver- 
saires, les  principes  des  Romains  dans  le  temps 
qu'ils  visaient  à  la  souveraineté  du  monde  entier. 
Car  de  même  que  ceux-ci  avec  les  Carthaginois  et 
lçs  rois  de  Macédoine  et  de  Syrie,  avaient  exigé  de 
grosses  sommes  d'argeht,  l'extradition  de  leurs  vais- 
seaux de  guêtre,  de  leurs  machines  de  guerre,  de 
leurs  éléphants  ;  ainsi,  Charles  en  usa  avec  ses  ad- 
versaires, qu'il  désarma  en  les  forçant  à  raser  leurs 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


places  fortes,  à  livrer  leur  grosse  artillerie,  qui 
dans  ce  temps  était  rare  et  ne  pouvait  que  difficile- 
ment se  remplacer,  et  enfin  en  se  faisant  compter 
de  grosses  sommes  pour  ses  nouvelles  entreprises. 

Par  tous  ses  traites  avec  les  villes  de  la  haute  Alle- 
magne ,  avec  le  duc  de  Wurtemberg ,  l'électeur  et 
le  landgrave ,  il  tira  peut-être  plus  de  cinq  cents  pièces 
d'artillerie  qu'il  fit  conduire  en  Italie  ,  en  Espagne 
et  dans  les  Pays-Bas.  Les  garnisons  espagnoles ,  qu'il 
laissa  partout  où  il  était  possible  d'en  établir,  surtout 
dans  les  villes  de  la  haute  Allemagne  1  excitèrent  le 
plus  grand  mécontentement.  L'orgueil  de  ces  fiers 
étrangers,  qui  d'ailleurs  étaient  encore  animés  par 
la  haine  de  religion ,  était  insoutenable.  Et  l'on  n'a- 
vait pas  oublié  que  l'empereur,  dans  la  stipulation 
qu'il  avait  consentie  lors  de  son  élection,  trait  promis 
de  n'amener  aucune  troupe  étrangère  dans  l'empire* 


L'Intérim. 

Il  devenait  de  plus  en  plus  visible  que  la  paix  en 
matière  de  religioti  ne  sortirait  point  encore  du  con- 
cile de  Trente/  Les  protestants  refusaient  après 
comme  avant  de  reconnaître  ses  droits,  et  insis- 
taient au  contraire  pour  un  concile  «  dans  lequel  le 
pape  n'aurait  pas  la  préaidenoe ,  où  les  théologiens 
protestants  donneraient  leiir  voix  avec  les  évéques 
et  à  coté  d'eux  ,  et  ou  l'on  soumettrait  à  un  nouvel 
examen  Iç*  décrets  qu'on  venait  de  porter.  » 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


4*0  sixième  époque.  4520—4648. 

Le  parti  du  pape  au  contraire  ne  voulut  jamais 
condescendre  à  ces  prétentions  ,  bien  que  les  prin- 
ces d'Allemagne,  même  catholiques,  demandassent 
avec  beaucoup  d'instance  que  les  états  qui  avaient 
assisté  à  la  confession  d'Âugsbourg  fussent   admis 
dans  le  concile.  Les  cardinaux  voyaient  même  d'un 
mauvais  œil  que  le  concile  se  tînt  à  Trente  ,  et  ils 
s'efforçaient  de  tout  leur  pouvoir  de  le  faire  trans- 
porter dans  l'intérieur  de  l'Italie  ;  car  ils  craignaient 
que  leconcile,  dans  le  cas  où  le  pape  Paul  III  qui  était 
déjà  fort  âgé  viendrait  à  mourir  pendant  qu'il  était  as- 
semblé, ne  voulût  se  charger  de  l'élection  du  nouveau 
pape  contrairement  aux  droits  du  collège  des  cardi- 
naux 9  et  qu'il  ne  fût  protégé  par  Pempereur  Charles. 
Enfin,  une  maladie  vint  seconder  leurs  désirs;  on  la 
crut  dangereuse  ;  on  répandit  que  c'était  ia  peste,  ce- 
pendant il  n'y  eut  qu'un  évéque  qui  mourût  du  pour- 
pre ;  et  sous  ce  prétexte,  le  9  mars  1547,  le  concile  fut 
transporté  de  Trente  à  Bologne.  L'empereur,  à  cette 
nouvelle  ,  s'emporta  de  la  plus  grande  colère;  mais 
le  pape  approuva  la  démarche  de  ses  légats,  et  la  di- 
vision qui  existait  déjà  entre  lui  et  l'empereur,  parce 
que  ce  prince  n'avait  pas  tout  de  suite  profité  de  sa 
victoire  pour  extirper  le  protestantisme  d'Allemagne, 
devint  d'autant  plus  prononcée.  L'empereur  dit  au 
nonce  du  pape  en  propres  termes  :  «  Qu'on  ne  pou- 
vait pas  exiger  des  protestants  qui  étaient  prêts  à  se 
soumettre  au  concile  de  se  rendre  à  Bologne  ou  de 
fixer  leur  attention  sur  ce  qui  allait  s'y  conclure , 
çt  cjue  les  #utrçs  pavaient  pas  besoin  de  ce  i^ouye^u 


Digitized  byVJ OOQ IC 


LHVTÉMM.  121 

motif  pour  refuser  leur  adhésion  ;  que  si  on  ne 
voulait  pas  à  Rome  lui  donner  un  concile ,  qu'il 
saurait  bien  en  trouver  un  qui  satisferait  tout  le 
monde  et  qui  réformerait  tout  ce  qu'il  y  avait  à 
réformer  ;  que  le  pape  était  un  vieillard  incapable  qui 
voulait  ruiner  l'Église  de  fond  en  comble.  »  Telle 
fut  la  manière  acerbe  dont  s'exprima  Charles  contre 
sa  coutume,    et  nous  pouvons  y    voir  une  nou- 
velle preuve  du  zèle  qu'il  apportait  à  la  paix  de 
l'Eglise.  Les  évéques,  de  leur  côté,  prièrent  aussi  le 
pape  avec  instance  de  renvoyer  le  concile  à  Trente  ; 
maisleur  voix  fut  aussi  elle-même  long-temps  sans  fruit. 
En  conséquence ,  Charles  s'efforça  de  rétablir  par 
lui-même  l'ordre   dans  les  affaires  de  la   religion 
dans  une  diète  d'Àugsbourg  de  1548  ;  et,  dans  ce  but, 
il  provoqua  de  nouvelles  conférences  pour  lesquelles 
on  choisit  du  côté  des  catholiques  deux  hommes 
modérés,  l'évêque  de  Nauembourg,  Jules  Sflug,  et 
le  grand-vicairedeMayence,  Michel  Helding;  et,  du 
côté  des  protestants ,  le  prédicateur  de  la  cour  de 
'  Brandebourg,  Jean  Àgricola  de  Berlin.  Ils  s'y  li- 
vrèrent avec  la  plus  grande  activité  et  rédigèrent  un 
plan  de  réunion  qu'ils  proposèrent  à  l'empereur  ; 
mais  Agricola,  par  le  désir  du  rétablissement  de  la 
paix,  était  sorti ,  dans  quelques  points  essentiels,  des 
premiers  principes  de  sa  croyance.  Il  avait  à  la  vé- 
rité maintenu  pour  son  parti  le  mariage  des  ecclé- 
siastiques et  la  communion  sous  les  deux  espèces  ; 
mais  seulement  jusqu'à  ce  que  le  concile  eût  donné 

»fle  décision  à  çp  suj§t,  Pour  le  reste  ,  il  avait  w 


Digitized  byVJ OOQ IC 


142  sixième  époquk.  4520—1648. 

connu  la  puissance  du  pape ,  la  tuasse  et  surtout 
l'Église  et  le  symbole  de  foi  catholiques.  On  di- 
rait donc  s'attendre  à  de  grandes  contradictions» 
Cependant^  comme  l'électeur  de  Brandebourg  et  le 
palatin  promirent  de  l'accepter ,  albrs  Charles  crut 
pouvoir  en  faire  un  écrit  dô  conciliation  qui  fut 
appelé  l'Intérim'*  Il  convoqua  les  états  pour  le 
15  mai  9  et  leur  fit  donner  lecture  de  cet  écrit  dont 
le  titre  était  :  a  Déclaration  de  sa  majesté  royale  et 
impériale  qui  détermine  quelle  doit  être  la  religion 
dans  le  saint  empire  romain  jusqu'à  la  tenue  d'un 
concile  général.»  Aussitôt  après  la  lecture,  avant 
que  personne  n  ait  eu  le  temps  d'exprimer  une  Opi- 
nion 9  l'électeur  de  Mayence  se  leva  et  remercia 
l'empereur  au  nom  des  états ,  de  sa  peine  ,  de  son 
travail ,  de  son  application  et  de  son  amour  pour  le 
bien  de  la  patrie  j  et  comme  personne  n'osa  contre- 
dire, l'empereur  crut  que  le  consentement  était 
donné*  Mais  il  vit  bientôt  combien  il  s'était  abusé. 
Les  théologiens  protestants  s'élevèrent  presque  una- 
nimement contre  VIntérim\  et  ce  qui  est  plus  frap^ 
pant,  les  catholiques  s'élevèrent  aussi  eux-mêmes 
.  contre  lui*  Car  si  l'empereur  avait  pu  réussi*  à  faire 
admettre  V Intérim,  la  réunion  parfaite  des  partis 
devenait  une  conséquence  presque  nécessaire.  Ainsi 
la  résistance  des  catholiques  était  dono  purement 
une  déclaration  qu'ils  ne  pouvaient  accepter  eomme 
bon  uu  règlement  en  matière  de  religion,  qui  Venait 
de  lui  comme  laïque*  *  Quand  Charles  annoncerait 
l'Evangita ,  dit  à  ce  siyet  un  prélat  distingué  f  ou  ne 


Digitized  byVJ OOQ IC 


*Wiaȕ.  4*3 

pourrait  approuver  cette  action  venant  de  lui  comme 
laïque.  » 

Ainsi ,  Perapereur,  qui  alla  passer  deux  ans  dans 
les  Pays-Bas  au  sortir  de  la  diète  d'Augabourç  f 
eut  toujours  comme  avant  à  entendre  parler  de  nou- 
velles plaintes  qui  lui  venaient  d'Allemagne;  son 
Intérim  n'avait  été  reçu  que  pour  l'apparence  en 
quelques  lieux ,  et  des  deux  côtés  on  en  parlait  avec 
beaucoup  d'aigreur  ;  l'électeur  Maurice  lui-même  ne 
le  reçut  pas  dans  sas  étals*  Los  villes  de  Constance, 
Brème  et  Magdebourg  se  déclarèrent  particuliè- 
rement avec  force  contre  lui  et  refusèrent  formel- 
lement de  se  soumettre  à  Tordre  de  l'empereur.  Il 
prononça  contre  elles  le  ban  de  l'empire  et  les 
deux  premières  alors  rentrèrent  dans  l'obéissance. 
Mais  Magdebourg  s'opimâtra  et  l'électeur  Maurioe 
reçut  à  une  nouvelle  diète  d'Augabourg,  en  1550, 
Tordre  de  mettre  à  exécution  le  ban  prononcé  contre 
la  ville.  Use  mit  en  marche  avec  son  armée  au  com- 
mencement de  l'automne  de  cette  même  année ,  et 
commença  le  siège. 

Dans  cette  même  diète ,  Charles  sonda  les  esprits 
pour  voir  s'il  ne  pourrait  pas  faire  donner  à  son  fils 
Philippe  9  qu'il  avait  fait  venir  d'Espagne,  le  titre 
de  roi  des  Romains,  Mats ,  ni  son  frère  Ferdinand 
et  son  fils  Maximilien ,  ni  les  électeurs  ne  voulu- 
rent y  consentir;  et  ce  n  était  pas  l'orgueil  de  Phi' 
lippe  |  son  air  sombre  et  rebutant  qui  pouvaient  Ici 
gagner  les  cœurs  des  Allemands,  Son  père  fut  dorçc 
obligé  de  le  renvoyer  en  Espagne  f  et  Philippe  j 


Digitized  byVJ OOQ IC 


W4  iixiÈME  époque.  4520—1648. 

retourna   d  autant  plus  volontiers  qu'il  aimait  les 
Espagnols  par-dessus  tous  les  autres  peuples. 

Quant  à  l'empereur,  la  diète  terminée,  il  se  ren- 
dit d'Augsbourg  à  Inspruck.  Le  nouveau  pape 
Jules  III  avait  renvoyé  le  concile  de  Bologne  à  Trente, 
et  Charles  voulait  se  trouver  dans  le  voisinage. 


Charles  V  et  Maurice  de  Saxe. 

Le  nouvel  électeur  de  Saxe  avait  mûri  dans  son  âme 
un  grand  plan  contre  l'empereur  à  la  vérité  il  nous 
est  impossible  d'exposer  les  raisons  intimes  qui  l'y 
portaient ,  car  la  pensée  de  ce  grand  homme  est  res- 
tée, dans  beaucoup  de  circonstances,  une  énigme  pour 
l'histoire  ;  cependant  on  en  peut  donner  deux  qui 
semblent  avoir  dû  agir  sur  lui  avec  beaucoup  de 
force  :  1°  la  dure  captivité  de  son  beau-père  le  land- 
grave de  Hesse ,  envers  lequel  il  se  croyait  toujours 
obligé  d'acquitter  sa  parole  et  la  garantie  qu'il  avait 
donnée  pour  sa  liberté ,  tandis  qu'aucunes  prières , 
aucunes  représentations  n'étaient  reçues  par  l'empe- 
reur; et  2°  la  fâcheuse  position  des  protestants  en 
Allemagne.  Car  on  croyait  que  l'empereur  avait  pris 
d'avance  une  décision;  qu'il  n'attendait  que  les 
conclusions  du  concile  de  Trente  pour  les  donner 
comme  lois  de  l'empire  ;  et  que,  comme  il  faisait  atta- 
quer  Magdebourg  par  les  armes  à  cause  de  Vin* 

tmm ,  dp  même ,  <juan<J  i\  wwft  &ssewJ>lé  ww  ar» 


Digitized  byVJ OOQ IC 


CHABLBS  V   ET  MAURICE   DI  SAXE.  125 

mée,  il  forcerait  tous  les  états  à  se  soumettre  à  tous 
les  décrets  de  l'Eglise.  Les  protestants  étaient  extrê- 
mement tourmentés  de  cette  expectative.  Ceux  qui 
voyaient  l'avenir  le  plus  en  noir  regardaient  le 
prince  Maurice  comme  le  plus  grand  coupable  :  il 
avait  trahi  la  ligue  de  Schmalkalde ,  et  par  lui  Jean 
Frédéric  et  le  landgrave  Philippe  languissaient  en- 
core aujourd'hui  dans  la  captivité.  Ceux  au  contraire 
qui  conservaient  encore  l'espoir  du  salut,  tournaient 
leurs  regards  sur  lui  comme  sur  celui  qui  pouvait 
seul  sauver  la  nouvelle  croyance. — Le  moment  était 
venu  d'effacer  le  souvenir  du  passé  et  de  reconquérir 
l'opinion  en  frappant  un  grand  coup.  Maurice  s'y 
décida  et  se  servit  de  l'occasion  de  la  guerre  contre 
Magdebourg  pour  lever  une  armée  considérable  sans 
exciter  de  soupçons.  Le  siège  fut  à  dessein  conduit 
avec  lenteur.  Enfin ,  au  mois  de  septembre  de  Tan- 
née suivante  1551 ,  il  conclut  de  lui-même  une  sus- 
pension d'armes,  et  au  mois  de  novembre ,  un  traité 
fort  peu  onéreux  pour  la  ville;  mais  sans  licencier 
pour  cela  ses  troupes.  Il  envoya  secrètement  son 
jeune  ami  Albert,  margrave  de  Brandebourg-Cultn- 
bach ,  à  la  cour  du  roi  de  France ,  Henri  II ,  fils  de 
François  Ier,  pour  le  gagner  dans  son  parti  ;  et  il 
prit  à  son  service  le  chef  des  Wurtcmbergeois,  Jean 
de  Heydeck,  qui  avait  été  mis  au  ban  de  l'empire  en 
même  temps  que  Schaertlin.  Ces  procédés  étaient 
bien  remarqués;  souvent  on  en  avertissait  l'empe- 
reur; mais  Charles  avait  la  plus  grande  confiance 
dans  cet   homme  qu'il  croyait  avoir  fortement 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


iûê  Sîxiferffi  àPù&?Ê.  *550— *fl*S. 

éprouva  et  îl  répondait:  «  que,  comme  il  n'avait 
donne  à  Maurice  non  plus  qu'au  margrave  aucun 
sujet  supposable  de  mécontentement  contre  lui, 
mais  bien  plutôt  les  plus  grandes  preuve^  dé 
bienveillance  et  de  feveur,  îl  ne  pouvait  croire  à 
une  pareille  ingratitude;  qull  comptait  bien  que 
chez  eux  le  fait  serait  d'accord  avec  la  parole  et 
qu'il  ne  dégénéreraient  pas  de  Pancienne  réputation 
de  loyauté  et  de  fidélité  de  la  nation  allemande.  * 
Si  l'empereur  comptai!  sur  la  fidélité  allemande , 
son  jeune  ministre  Granvella  comptait  sur  lent*  sim- 
plicité. Il  disait  a  qu'il  n'était  pas  possible  qurun 
gros  allemand  conçAt  un  plan  et  le  préparât  en  secret 
sans  qu'il  fût  aussitôt  découvert  et  connu  dans  tous 
seâ  détails.  * 

Aussi  furent-ils  tous  deux  comme  frappés  cPttri 
coup  de  foudre,  quand  Maurice,  au  mois  de  mars 
1552,  envahit  tout-à-coup  la  Franconie  avec  son 
armée,  entraînant  avec  lui  les  Hessois  et  toutes  les 
forces  du  margrave  Albert.  En  même  temps,  ces 
deux  princes  publièrent  un  manifeste  contre  Tem* 
pereut,  par  lequel  ils  cherchaient  à  justifier  là 
guerre  qu'ils  entreprenaient.  Us  s'appuyaient  sur  la 
captivité  du  landgrave  prolongée  indéfiniment,  aussi 
bien  que  sur  les  atteintes  aux  libertés  dé  l'Allemagne 
commises  par  l'empereur.  Ils  lui  reprochaient  d'avoir 
Cônfléle  sceau  dèFempire  à  un  étranger  qui  ne  connais- 
sait ni  là  langue  ni  les  droite  de  l'Allemagne  ;  de 
sorte  que  les  Allemands  étaient  obligés  d'apprendre 
feux-mêmes  une  langue  étrangère  pour  lui  adresser 


Digitized  byVJ OOQ IC 


leurs  demandes.  Ils  disaient  qu'il  avait,  contre  sa  pro* 
messe,  introduit  dans  le  pays  des  troupes  étrangères 
qui  pillaient  et  ruinaient  les  malheureux  habitants  et 
les  maltraitaient  de  toute  façon  ;  qu'il  n'avait  même 
d'autre  pensée  que  d'imposer  à  tous  et  à  chacun  en 
particulier  une  honteuse  servitude;  que  ses  menées 
étaient  si  visibles  que  la  postérité,  si  l'on  n'arr&alt 
pas  ce  torretit  envahisseur,  aurait  de  Justes  motifs 
de  maudire  la  torpeur  et  l'indolence  de  cette  époque, 
dans  laquelle  on  aurait  laissé  perdre  la  liberté  de 
la  patrie,  son  plus  précieux  trésor. 

Bien  qu'il  y  eût  de  l'exagération  dans  plusieurs 
de  ces  reproches ,  cependant  on  en  trouve  un  ex- 
primé sous  les  traits  les  plus  vifs  qui  semble  être 
une  des  plus  grandes  fautes  de  Charles  dans  le  gou- 
vernement de  l1  Allemagne;  c'est  le  mépris  qu'il 
laissait  paraître  pour  la  nation  et  ses  prédilections 
pour  les  Espagnols  et  pour  les  Flamands.  Charles 
n'a  jamais  pu  trouver  de  l'amour  en  Allemagne , 
parce  qu'il  n'aimait  pas  lui-même  ;  son  orgueil  ne 
put  jamais  descendre  plus  loin  qu^  la  complai- 
sance 5  or,  la  complaisance  est  plus  insupportable  â 
un  peuple  noble  que  l'arrogance  et  la  dureté;  d'ail- 
leurs le  mécontentement  des  princes  de  voir  un  In- 
solent étranger  comme  Granvella  conduire  l'empire, 
était  fondé*  Ainsi,  c'est  moins  la  conduite  de  l'em- 
pereur que  ses  dispositions  contre  les  Allemande 
qui  ont  attiré  sur  lui  cette  guerre  humllîahte  dé 
Maurice.  Le  margrave  Albert  porte  dans  son  manî- 
ferte  une  accusation  qui  paraît  extraordinaire,  mata 


Digitized  byVJ OOQ IC 


128  sixifattt  époqu*.  <520— <648. 

qui  cependant  fut  la  cause  intime  de  l'arrogance  des 
étrangers  vis-à-vis  de  notre  peuple.  Il  se  plaint  de 
l'historien  de  la  ligue  de  Schmalkalde,  Louis  d?Avila; 
il  l'appelle  un  menteur  et  un  fourbe  pour  avoir 
parlé  des  Allemands  comme  d'un  peuple  sauvage 
et  dont  on  ne  connaissait  ni  le  commencement  ni 
l'origine. 

L'empereur,  dont  les  actions  étaient  meilleures 
cjue  né  les  représentait  ce  manifeste,  se  contenta  de  ré- 
pondre avec  dignité  :  «  Que  les  accusations  des  deux 
princes  étaient  si  puériles  et  si  absurdes  qu'elles 
n'avaient  par  elles-mêmes  aucun  fondement,  et  met- 
taient assez  au  jour  le  trouble  de  ceux  qui  les  avaient 
imaginées.  » 

L'entreprise  des  princes  perdit  beaucoup  dans 
l'opinion  publique  par  la  conduite  du  margrave 
Albert,  qui  commettait  des  dévastations  dans  tout 
le  pays  plat  avec  ses  troupes  comme  avec  une 
bande  d'incendiaires  et  de  voleurs.  Maurice  et  le 
jeune  Guillaume  de  Hesse ,  qui  avaient  de  meilleurs 
desseins,  furent  obligés  de  se  séparer  d'avec  lui  et  de 
Je  laisser  agir  particulièrement.  — L'empereur  était 
dans  un  grand  embarras;  il  manquait  de  troupes  et 
d'argent  et  fut  réduit  à  faire  commencer  des  confé- 
rences entre  Maurice  et  le  roi  Ferdinand.  Cependant, 
comme  elles  n'amenaient  aucun  résultat ,  Maurice, 
qui  vit  bien  le  dessein  de  Charles  de  gagner  du 
temps,  sortit  tout  d'un  coup  de  Souabe  avec  son 
armée  et  tomba  sur  le  Tjrol  qui  ne  s'attendait  à 
rien  moins.  Il  marcha  si  rapidement  qu'il  devança 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


CHARLES   Y   JET   MAURICE  DX   SAXE,  429 

même  sa  renommée  ;  il  s'empara  du  pas  d'Ehren- 
berg ,  et  si  la  révolte  d'une  de  ses  compa- 
gnies ne  l'eût  arrêté  un  jour  entier,  il  aurait  peut- 
être  trouvé  l'empereur  dans  Inspruck.  Ce  prince 
s'était  sauvé  à  Trente  la  nuit  précédente,  par  un 
orage  effroyable,  porté  sur  unelitière parce  qu'il  était 
malade.  Son  frère,  l'électeur  prisonnier  Jean-Fré- 
déric, et  le  reste  de  la  cour  étaient  à  cheval  et  quel- 
ques-uns même  à  pied.  Des  domestiques  avec  des  flam- 
beaux furent  obligés  d'éclairer  au  passage  des  mon- 
tagnes du  Ty  roi.  Trente  même  n'était  pas  sûre;  aussi, 
après  quelques  heures  de  repos  il  se  remit  en  route 
à  travers  des  montagnes  difficiles  pour  gagner  le 
village  de  Villach  en  Carinthie,et  le  concile  assemblé 
à  Trente  effrayé  aussi  lui-même  s'enfuit  de  tous  côtés. 
Mais  Maurice  ayant  trouvé  Inspruck  évacué,  revint 
sur  ses  pas ,  après  avoir  distribué  à  ses  troupes  le 
butin  fait  sur  les  bagages  de  l'empereur,  et  se  rendit 
à  Passau ,  oii  avait  été  convoquée  une  assemblée 
de  princes.  Qui  peut  savoir  ce  qui  se  passait  au  fond 
de  l'âme  de  Charles  ?. . .  Mais  sans  doute  que  ce  renver- 
sement de  fortune,  qui  humiliait  son  cœur  orgueil- 
leux dans  ces  jours  de  honte,  lui  était  envoyé  par  la 
Providence  pour  sa  justification.  Ce  fut  peut-être 
dans  ces  jours  si  durs  qu'il  mûrit  la  résolution  de 
déposer  de  lui-même  la  couronne,  s'il  pouvait  une 
fois  apaiser  le  désordre ,  et  de  renoncer  à  Péclat  du 
monde  pour  se  retirer  dans  une  profonde  solitude, 
seul  avec  l'Eternel,  le  Dieu  immuable.  Il  rendit 
alors  la  liberté  à  l'électeur  de  Saxe,  son  prisonnier. 
T.  h.  9 


Digitized  byVJ OOQ IC 


430  assis**  étoee*  1*00-*  648, 

S  *  vue  même  devait  désormais  lui  élre  pénible  )  car 
cet  électeur  qui,  tait  prisonnier  dans  la  lande  de 
Lockau ,  était  venu  couvert  Je  sang  se  jeter  à  ses 
pieds  pour  lui  demander  grâce,  le  voyait  aujour- 
d'hui lui-même  fugitif  à  travers  des  montagnes  im- 
praticables, malade,  sans  secours,  et  poursuivi  par 
un  autre  électeur  de  Saxe  que ,  dans  le  temps  de 
son  orgueil,  il  avait  lui-même  rendu  puissant.  Mais 
ce  qui  devait  plus  que  tout  le  retfte  affliger  Cbarles- 
Quint,  c'était  de  voir  qu'aucun  des  élals  de  l'empire , 
pas  môme  parmi  les  catholiques,  ne  se  remuait  pour 
lui ,  et  qu'ils  aimaient  mieux  se  laisser  piller  par  le 
margrave  Albert  que  de  se  réunir  pour  porter  se- 
cours à  leur  empereur.  C'est  alors  aussi  qu'il  dut 
trouver  au  fond  de  sou  cœur  l'intime  conviction  , 
que  ce  n'est  que  dans  l'amour  de  son  peuple  qu'un 
souverain  peut  avoir  une  sûre  protection  au  jour 
dp  danger* 


Tiftité  de  Passau,  1552,  jusqu'à  la  paix  de  religion  d'Augsbourg.  1555. 

Charles  laissa  son  frère  Ferdinand  traiter  avec 
Maurice  à  Passau«  11  avait  fort  à  cœur  de  faire  la  paix 
avec  lui ,  afin  de  tourner  ses  armes  contre  l'ennemi 
qu'il  haïssait  le  plus,  les  Français,  qui  pendant  ce 
temps- là  étaient, entrés  en  Lorraine  et  s'emparaient 
des  villes  les  unes  après  les  autres»  Ces  circonstances 
déterminèrent  le  traité  de  Passau  pour  le  31  juillet 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


TftAITÉ   DE  >Af*AV.  131 

455(2.  On  y  convint  :  «  que  la  liberté  serait  rendue 
au  landgrave  Philippe  de  H  esse,  et  que  le  ban  de 
l'empire  serait  levé  en  faveur  de  tous  ceux  qui  y 
étaient  soumis  en  raison  de  la  ligue  de  Se  hmalkalde; 
que,  pour  les  autres  difficultés  de  religion ,  on  con- 
voquerait une  nouvelle  diète  et  que  jusque  là  la 
chambre  impériale  agirait  avec  une  égale  impartia- 
lité pour  les  deux  partis,  mais  que  le  conseil  impé- 
rial serait  composé  d'Allemands.  » 

Après  la  conclusion  de  cette  paix,  Maurice,  pour 
preuve  de  la  justice  de  ses  intentions ,  licencia  les 
troupes  étrangères  qu'il  avait  et  marcha  avec  ses 
propres  soldats  en  Hongrie  au  secours  du  roi  Fer*- 
dinand. 

Philippe  de  Hesse  fut  rendu  à  la  liberté  et  revmt 
trouver  ses  enfants  et  ses  sujets»  Sa  longue  et  dure 
captivité  avait  un  peu  apaisé  son  esprit  et  lait  dis- 
paraître ce  goût  des  grandes  entreprises.  Il  employa 
les  dernières  années  de  sa  vie  au  noble  but  de  guérir 
autant  que  possible  les  plaies  dont  avait  souffert  son 
pays  pendant  ces  années  de  malheur*  Cependant 
l'empereur,  qui  avait  rassemblé  une  armée  en  Italie 
et  en  Hongrie,  la  conduisit  contre  Henri  II ,  roi  de 
France.  Car  tout  affaibli  et  malade  qu'il  était,  il  la 
suivit  dans  une  litière  et  commanda  même  au  siège 
de  Metz.  Mais  il  semblait  que  la  fortune  l'eut  en- 
tièrement abandonné  ;  la  ville  se  défendit  avec  une 
grande  opiniâtreté,  et  quelle  que  fûteelle  de  l'empe- 
reur et  celle  de  son  armée,  elle  fut  obligée  de  céder 
à  la  rigueur  de  l'hiver.  Charles  rentra  fort  mécontent 

9. 


Digitized  byVJ OOQ IC 


452  sixième  époque.  1520—1648. 

dans  les  Pays-Bas  et  fit  des  préparatifs  pour  la  pro- 
chaine campagne,  1553.  Celle-ci  non  plus  que  les 
deux  suivantes,  1554  et  1555,  ne  décida  rien  pour  les 
deux  peuples;  les  Frauçais  se  renfermèrent  dans 
leurs  places  fortes,  quand  Charles  aurait  voulu  les 
attirer  en  pleine  campagne,  et  la  guerre  se  passa 
tout  entière  à  ravager  les  provinces  de  la  frontière. 
Charles  légua  cette  guerre  inachevée  à  son  fils 
Philippe  II. 

Le  traité  de  Passau  avait  rendu  à  l'Allemagne  une 
heureuse  tranquillité  ;  il  n'y  avait  qu'un  homme  qui 
ne  voulût  pas  en  jouir,  c'était  le  turbulent  Albert, 
margrave  de  Brandebourg.  Il  continua  celte  guerre 
de  brigandages  contre  les  évéchés  et  plusieurs  villes 
avec  une  impudence  inouïe;  etcomme  tous  les  avertis- 
sements étaient  inutiles,  l'électeur  Maurice,  qui  dé- 
sormais avait  à  cœur  la  tranquillité  de  l'Allemagne, 
s'unit  avec  le  duc  Henri  de  Brunswick  contre  son 
ancien  ami;  les  deux  princes  réunis  attaquèrent  le 
margrave  près  de  Sivershausen,  dans  la  lande  de 
Lunebourg;  car  c'étaitalors  la  basse  Saxe  qui  était  en 
proie  à  ses  déprédations.  Le  combat  fut  sanglant; 
le  margrave  fut  battu  ;  mais  deux  fils  du  duc  de 
Brunswick,  un  prince  de  Lunebourg,  quatorze  comtes 
et  environ  trois  cents  gentilshommes  restèrent  sur  le 
champ  de  bataille,  et  Maurice  de  Saxe  y  fut  lui-même 
blessé  à  mort.  Il  mourut  deux  jours  après.  Quoique 
âgé  seulement  de  trente-deux  ans,  il  pouvait  déjà 
disposer  de  l'Allemagne  avec  plus  d'autorité  qu'aucun 
de   ses   contemporains.  Ainsi,  il  n'y  a  pas  besoin 


Digitized  byVJ OOQ IC 


PAIX   DAUGSBOURG.  455 

d'une  autre  témoignage  pour  croire  à  la  supériorité 
de  son  génie.  Seslégitimes  et  derniers  efforts  pour  la 
tranquillité  générale  et  son  amour  pour  la  paix  et 
Tordre ,  scellés  de  son  sang,  ont  en  quelque  sorte 
fait  oublier  ses  premiers  pas,  et  épargné  les  rigueurs 
du  jugement  de  l'opinion  publique.  L'inquiet  mar- 
grave Albert,  chez  qui  la  loi  du  plus  fort  revivait 
dans  tout  ce  qu'elle  avait  de  destructeur,  n'en  con- 
tinua pas  moins  à  tourmenter  l'Allemagne.  Après  la 
perte  de  cette  bataille,  réduit  à  l'extrémité  à  la 
fin,  il  se  tourna  vers  la  cour  du  roi  de  France,  et 
soutenu  par  son  argent  il  rentra  dans  le  pays  en 
1556  pour  y  faire  de  nouveaux  enrôlements.  Heu- 
reusement que  la  mort  qui  le  surprit  Tannée  sui- 
vante arrêta  le  cours  de  ses  dévastations.  C'était  un 
homme  extraordinaire  et  puissant;  mais  la  dureté 
de  son  caractère  et  les  désordres  de  cette  époque 
qui  ébranlaient  tous  les  principes ,  avaient  donné  à 
son  énergie  la  direction  la  plus  funeste. 


Paix  de  religion  à  Augsbourg.  1555. 

Dans  le  traité  de  Passau  une  diète  avait  été  de- 
mandée pour  y  régler  les  affaires  de  religion  et  les 
accusations  de  l'électeur  Maurice  contre  l'empereur. 
Charles  même  y  poussa  avec  le  plus  grand  empres- 
sement ,  afin  de  ne  pas  paraître  avoir  peur  de  l'exa- 
men ;  mais  comme  toutes  les  affaires  d'Allemagne  lui 


Digitized  byVJ OOQ IC 


184  sixième  ifOQui.  4520—4648. 

étaient  devenues  indifférentes  et  même  odieuses  (et 
qui  pourrait  l'en  blâmer?)  il  en  chargea  son  frère 
Ferdinand,  et  celui-ci  s'y  livra  avec  le  plus  noble  et 
le  plus  glorieux  zèle.  Malgré  la  tiédeur  et  la  lenteur 
des  princes  allemands,  et  non  découragé  par  plu- 
sieurs tentatives  infructueuses,  il  réussit  enfin ,  en 
1554 ,  à  réunir  une  diète  à  Augsbourg.  On  établit  un 
comité  pour  examiner  et  apaiser  les  querelles  de 
religion  composé  des  députés  de  l'Autriche,  de 
Bavière,  d'Eichstadt,  de  Brandebourg,  de  Stras- 
bourg, de  Juliers,  d' Augsbourg,  de  Wurtemberg  et 
de  Weingarten  ,  et  ils  travaillèrent  à  ce  grand  œuvre 
avec  un  zèle  digne  des  plus  grands  éloges.  Le  roi  des 
Romains  leur  fut  d'un  grand  secours  ;  il  écarta  tous 
les  embarras  extérieurs  pour  leur  travail  ;  et  quand 
il  apprit  par  exemple,  suivant  le  récit  de  son  chan- 
celier Zasius ,  «  que  quantité  de  princes  ecclésias- 
tiques se  livraient  à  des  disputes  inutiles,  qu'ils 
étaient  occupés  à  semer  sur  la  route  toute  espèce  de 
raffinements  et  de  difficultés  plus  propres  à  tout  dé- 
truire qu'à  reconstruire  quelque  chose ,  qu'un  parti 
cherchait  uniquement  à  prouver  à  l'autre  plus  d'es- 
prit, il  leur  en voja  Zasius  avec  son  vice-chancelier 
Jonas  et  les  fit  avertir  avec  dureté  d'avoir  à  quitter 
cet  esprit  qu'ils  apportaient  dans  la  discussion;  et  il 
eut  plein  succès.  » 

De  même,  dans  une  autre  circonstance,  il  fut  si 
ferme  et  si  pressant  pour  les  protestants,  qu'ils  lui 
cédèrent  sur  un  point  important.  Car  ils  deman- 
daient qu'il  fut  libre  aux  ecclésiastiques  d'Allemagne 


Digitized  byVJ OOQ IC 


PAIX    D  AUG5BGURG.  15S 

d'adhérer  à  la  confession  d'Augsbourg  et  de  con- 
server cependant  leur  place  ;  et  le  parti  catholique 
s'élevait  contre  eux  de  la  manière  la  plus  prononcée  : 
«  Si  cette  demande  est  concédée ,  disaient-ils,  avant 
peu  tous  les  biens  ecclésiastiques  seront  entre  les 
mains  des  protestants.  Loin  de  là ,  il  faut  au  con- 
traire que  sitôt  qu'un  prince  ecclésiastique  passe 
personnellement  aux  nouvelles  doctrines,  il  soit 
remplacé  par  un  catholique.  »  Enfin  les  protestants 
furent  obligés  de  céder  pour  le  moment;  mais  se 
proposant  bien  de  remettre  plus  tard  cette  proposi- 
tion en  discussion  dans  une  autre  occasion.  Telle 
fut  l'importante  dispute  sur  la  réserve  ecclésias- 
tique. 

Enfin,  le  26  septembre  1555,  fut  conclue  à  Augs- 
bourg  la  paix  do  religion  qui  mit  lin  pour  quelque 
temps  à  cette  longue  lutte.  Le  libre  exercice  de  re- 
ligion fut  établi  légalement  par  toute  l'Allemagne 
pour  les  protestants,  et  ils  furent  maintenus  dans  la 
possession  de  tous  les  revenus  ecclésiastiques  qu'ils 
s'étaient  déjà  attribués.  Ni  les  protestants,  ni  les  ca- 
tholiques ne  devaient  cherther  à  se  faire  des  prosé- 
lytes aux  dépens  des  autres;  mais  laisser  chacun 
suivre  en  liberté  sa  propre  croyance.  A  la  vérité, 
chaque  souverain  devait  déterminer  la  religion  do- 
minante de  son  pays ,  mais  non  pas  forcer  qui  que 
ce  soit  de  ses  sujets  à  suivre  une  église  plutôt  qu'une 
autre  ;  chaque  citoyen,  du  reste,  était  libre  de  passer 
dans  un  autre  pays  par  motif  de  religion.  Ainsi  de 
ce  côté  on    n'en  était  pas  encore  arrivé  à  ce  degré 


Digitized  byVJ OOQ IC 


436-  sixième  époque.  1520—4048. 

de  tolérance  qui  accorde  à  un  citoyen  d'une  autre 
religion  que  la  religion  dominante ,  égalité  de  droits 
avec  tous  ses  compatriotes. 

Après  la  conclusion  de  la  paix  de  religion ,  on  dis- 
cuta aussi  dans  le  collège  des  princes-électeurs  sur 
les  accusations  du  prince  Maurice  contre  l'empe- 
reur; mais,  à  la  satisfaction  de  Charles,  aucun  des 
autres  états  de  l'empire  ne  voulut  prendre  part  à  cet 
examen,  et  il  n'eut  pas  d'autres  suites. 


Charles  abdique.  1556. 

La  division  de  l'Allemagne  en  deux  partis  reli- 
gieux fut  établie  pour  toujours  par  cette  paix. 
Charles,  qui  avait  employé  une  partie  de  sa  vie  et 
de  ses  forces  à  leur  réunion ,  ne  pouvait  par  consé- 
quent être  bien  satisfait  de  cet  état  de  choses;  et 
l'Allemagne  lui  devint  d'autant  plus  indifférente.  La 
guerre  avec  la  France  ne  prenait  point  non  plus 
une  marche  avantageuse.  Charles  venait  d'éprouver 
par  lui-même  combien  ce  peuple  étranger  aimait  à 
se  mêler  des  affaires  d'Allemagne ,  et  son  génie  voyait 
à  l'avance  quelle  influence  cette  puissance  qu'il  haïs- 
sait tant  allait  prendre  sur  l'Europe,  quand  une 
fois  la  puissance  de  la  maison  d'Autriche  serait  di- 
visée; puisqu'alors  même  qu'elle  était  tout  entière 
dans  sa  personne,  il  ne  pouvait  qu'avec  peine  retenir 
ce  peuple  ambitieux  dans  ses  limites.  Ainsi  voyait-il 


Digitized  byVJ OOQ IC 


CHARLES    ABDIQUE.  i37 

d'avance  tous  les  plans  de  son  audacieux  génie  ou 
incomplets  ou  entièrement  détruits;  et  plus  il  avait 
eu  à  cœur  leur  exécution ,  plus  il  devait  sentir  son 
âme  déchirée;  d autant  que  son  corps  était  conti- 
nuellement en  proie  à  une  douloureuse  maladie. 
D'un  autre  côté,  le  pays  sur  lequel  il  aimait  le  plus  à 
reposer  ses  regards,  sur  lequel  sa  vie  n'avait  laissé 
que  des  traces  de  bienfaisance ,  l'Espagne  avait  déjà 
trouvé  dans  son  fils  Philippe,  un  roi  qui  possédait 
généralement  sa  confiance.  Tous  ces  motifs  contri- 
buèrent à  changer  la  pensée  qu'il  avait  eue  et  qui  le 
préoccupait  beaucoup  de  suivre  l'exemple  de  Dio- 
ctétien ,  '  de  déposer  sa  couronne  et  de  vivre  dans 
Tisolement  de  la  vie  de  couvent ,  en  une  résolution 
bien  arrêtée.  Déjà  depuis  long-temps  il  avait  mani- 
festé cette  intention. 

Dans  l'automne  de  1555 ,  il  6t  venir  à  Bruxelles 
son  fils  Philippe  qu'il  avait  marié  peu  auparavant 
avec  la  fille  du  roi  d'Angleterre ,  et  il  lui  fit  solen- 
nellement l'abandon  des  Pays-Bas,  le  25  octobre.  A. 
peine  l'empereur  accablé  par  la  maladie  put-il  se 
lever  de  son  siège ,  appuyé  sur  les  épaules  du  prince 
d'Orange;  mais  il  tint  un  discours  si  touchant  que 
toute  cette  nombreuse  assemblée  en  fut  émue  jus- 
qu'aux larmes.  11  déclara  «  que  depuis  Page  dedix-sept 
ans,  il  avait  toujours  occupé  toutes  ses  pensées  à  cher- 
cher la  gloire  dans  le  gouvernement  de  son  empire  ; 
que  partout  il  avait  voulu  voir  de  ses  propres  yeux, 
et  qu'à  cause  décela  tout  son  règne  n'avait  été  qu'un 
temps  de  voyage  ;  qu'il  avait  été  neuf  fois  eu  Aile- 


Digitized  byVjOOQlC 


158  sixième  époque.  4530—1648. 

magne ,  six  fois  en  Espagne ,  quatre  fois  en  France, 
sept  fois  en  Italie,  dix  fois  dans  les  Pays-Bas,  deux 
fois  en  Angleterre,  deux  fois  en  Afrique ,  et  enfin 
qu'il  avait  fait  onze  voyages  par  mer.  Qu'aujourd'hui 
son  corps,  qui  défaillait,  l'avertissait  de  s'éloigner 
du  tracas  des  affaires  de  la  terre  et  de  remettre  son 
fardeau  sur  des  épaules  plus  jeunes  que  les  siennes. 
Que,  si  au  milieu  de  tant  d'efforts,  il  avait  négligé 
ou  mal  fait  quelque  chose  d'important,  qu'il  en  de- 
mandait pardon  de  tout  son  cœur  à  tous  ceux  qui 
auraient  pu  en  souffrir;  qu'il  penserait  jusqu'à  la  fin 
de  sa  vie  avec  amour  à  ses  fidèles  Néerlandais ,  et 
prierait  Dieu  pour  leur  prospérité.  »  Ensuite  il  s1a- 
dressa  à  son  fils  qui  était  à  genoux  à  ses  pieds  et  lui 
baisait  les  mains,  et  l'exhorta  par  les  plus  pressantes 
paroles  à  rechercher  de  tous  ses  efforts  un  r^gnequi 
le  couvrît  de  gloire;  et  ensuite  il  retomba  sur  son 
siège  accablé  de  fatigue. 

Ce  fut  au  mois  de  janvier  qu'il  fit  solennellement 
abdication  à  Bruxelles  des royaumesd'Espagne  et  de 
Naples,  en  faveur  de  eon  fils;  et,  au  mois  d'août, 
de  l'empire  d'Allemagne,  en  faveur  de  son  frère  Fer- 
dinand* 

Le  47  septembre ,  Charles  s'embarqua  pour  l'Es- 
pagne avec  ses  deux  sœurs,  et  il  les  retint  près  de 
lui  jusqu'à  ce  qu'il  fût  arrivé  à  Valladolid  ;  là ,  il  les 
quitta  aussi  elles-mêmes  et  se  rendit  tout  seul  dans 
une  petite  demeure  qu'il  avait  fait  bâtir  exprès  pour 
lui  dans  une  contrée  délicieuse  de  l'Est ramadure, 
près  du  couvent  de  Saint-Just,  de  Tordre  de  Saint* 


Digitized  byVJ OOQ IC 


CHAULES   ABDIQUÉ.  159 

Jérôme.  Il  y  vécut  deux  ans  sanp  voir  personne , 
pas  même  6es  sœurs.  Ses  moments  étaient  partagés 
entre  la  méditation  et  le  travail  des  mains  qu'il  ai- 
mait beaucoup.  Il  cultivait  son  jardin  et  confection- 
nait des  montres  et  d'autres  ouvrages.  Une  fois, 
dit-on ,  ayant  placé  à  côté  l'une  de  Vautre  deux  mon- 
tres qu'il  avait  faites  avec  le  plus  grand  art  et  le  plus 
grand  soin  ,  il  chercha  à  les  foire  marcher  tout-à-fait 
ensemble.  Souvent  il  croyait  avoir  obtenu  son  but; 
mais  toujours  Tune  allait  plus  vite  et  Vautre  plus  len- 
tement. Enfin,  il  s'écria  :  a  quoi,  je  ne  peux  pas 
mettre  parfaitement  d'accord  deux  montres  qui  sont 
l'ouvrage  de  mes  mains,  et  fou  que  j'étais,  je  pen- 
sais pouvoir  régler  comme  une  horloge  tant  de  peu- 
ples vivant  sous  différents  ciels  et  parlant  différents 
langages!  » 

Enfin ,  peu  de  temps  avant  sa  mort ,  pour  célébrer 
par  le  plus  terrible  tableau  le  renoncement  à  la  vie  et  la 
mort  de  tout  ce  qui  tient  aux  sens ,  il  fit  faire  ses 
propres  funérailles.  Les  moines  du  couvent  le  por- 
tèrent processionnellement  dans  un  cercueil  ouvert 
à  VÉglise  et  firent  pour  lui  un  service  funèbre. 
11  mourut  en  effet  peu  après  peut-être  trop  profon- 
dément ému  par  ce  terrible  spectacle ,  le  21  septem. 
bre  1558,  à  Vâge  de  56  ans. 

Charles  était,  dans  sa  jeunesse,  avant  que  la  mala- 
die ne  vînt  courber  son  corps ,  bien  fait  et  môme 
remarquable,  avec  beaucoup  de  dignité  et  de  ma- 
jesté dans  les  traits  de  son  visage.  Il  parlait  peu,  et 
rarement  on  vit  le  teint  pftle  de  son  visage  égayé  par 


Digitized  byVJ OOQ IC 


140  sixième  époque.  1520—1648. 

les  ris.  Sa  chevelure  était  blonde ,  ses  yeux  bleus  et 
la  taille  de  son  corps  un  peu  voûtée  par  la  force  de 
ses  membres  :  on  retrouvait  dans  toute  sa  constitu- 
tion un  mélange  de  flamand  avec  l'espagnol. 


Ferdinand  1".  1556  — 1564. 

Ferdinand ,  qui  pendant  le  règne  de  Charles  avait 
déjà  montré  un  esprit  plein  de  droiture  et  penché 
pour  la  paix  et  la  justice ,  le  conserva  encore  pen- 
dant qu'il  régna  lui-même  en  Allemagne.  Toutes  ses 
actions  et  tout  son  être  portaient  une  empreinte  de 
bonté  particulière  et  de  la  douce  disposition  de  ses 
inclinations.  De  nombreuses  expériences  étaient  en- 
core venues  perfectionner  son  caractère  calme  et  ré- 
fléchi ;  il  avait  une  fidélité  immuable  pour  sa  parole  ; 
et  le  travail  et  l'activité  lui  étaient  devenus  si  né- 
cessaires que  son  vice-chancelier Waldersdorft  écri- 
vait de  lui  :  «  On  arracherait  plutôt  à  Hercule  la 
massue  de  ses  mains  que  les  affaires  à  notre  empe- 
reur. »  11  avait  lu  avec  zèle  dans  sa  jeunesse  l'écrit  du 
célèbre  Erasme  sur  l'éducation  des  princes,  et  il 
savait  presque  par  cœur  le  traité  de  Gicéron  sur  les 
devoirs. 

Cet  excellent  prince ,  qui  était  catholique  de  toute 
son  âme,  qui  dans  son  testament  donna  les  plus  pres- 
santes exhortations  à  son  fils  de  se  maintenir  forte- 
ment, constamment  et  avec  persévérance  dans  la 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


FERDlWAlfD    I.  441 

vraie  et  l'ancienne  religion  chrétienne, comme  ra- 
yaient fait  ses  ancêtres ,  les  rois  et  empereurs  ro- 
mains, et  les  glorieux  princes  d'Autriche  et  les  rois 
d'Espagne,  afin  d'attirer  sur  lui  la  bénédiction  du 
Tout-puissant;  ce  prince,  dis-je,  portait  profondé- 
ment dans  son  âme  cette  bienveillance  qui  convient 
à  tous  les  cœurs  bien  nés,  même  à  l'égard  de  ceux 
d'une  autre  croyance  que  la  sienne,  et  donna  ainsi 
un  exemple  qui  montre  comment  on  peut  unir  la  to- 
lérance et  l'indulgence  avec  le  plus  fidèle  attache- 
ment à  sa  propre  Eglise.  L'amour  des  nouvelles  doc- 
trines se  répandait  dans  ses  états  héréditaires  de  plus 
en  plus;  parce  que  principalement  quantité  de  gens 
qui  voulaient  faire  donner  à  leurs  enfants  une 
bonne  éducation,  et  surtout  parmi  la  noblesse, 
manquant  de  moyens  convenables,  les  envoyaient 
hors  du  pays  et  choisissaient  la  plupart  l'université 
de  Wittenberg  qui  jouissait  de  la  plus  belle  réputa- 
tion de  science.  Cependant  il  ne  vint  jamais  à  la  pen- 
sée de  l'empereur  que  ce  fût  un  devoir  d'empêcher 
cet  usage  par  la  force  et  d'en  chercher  les  moyens  ; 
mais  il  songea  bien  plus  aux  moyens  de  conciliation 
et  chercha  particulièrement  à  tirer  parti  de  la  réou- 
verture du  concile  de  Trente. 

La  paix  de  religion  avait  à  la  vérité  rétabli  la 
tranquillité  extérieure  en  Allemagne  ;  mais  le  calme 
intérieur  ne  suivait  que  lentement  et  difficilement 
après  de  si  grandes  tempêtes.  Les  partis  s'obser- 
vaient toujours  avec  crainte  et  jalousie;  les  bruits 
les  plus  absurdes  sur  les  intentions  hostiles  dus  ad- 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


442  sixième  tPOQM*  4520—1648. 

versaires  trouvaient  facilement  croyance  parmi  ces 
esprits  toujours  inquiets.  «  Si  un  prince  prend  un  gê- 
nerai ,  un  capitaine  de  cavalerie  dont  il  a  besoin , 
on  en  conçoit  de  la  défiance,  ditZasius,  chancelier 
<le  l'empereur;  une  feuille  qui  fait  du  bruit  donne 
lieu  aux  soupçons*  » 

La  division  des  partis  protestants  vint  encore 
augmenter  celle  qui  existait  déjà  en  Allemagne. 
Les  calvinistes,  qui  de  la  Suisse  et  de  la  France  s'é- 
taient répandus  dans  l'empire,  y  trouvaient  toujours 
de  plus  nombreux  adhérents  et  étaient  qn  objet  de 
haine  pour  lesluthériens ,  de  même  que  ceux-ci  pour 
les  calvinistes.  L'électeur  palatin  fut  le  premier 
parmi  les  princes  qui  se  déclara  pour  eux.  Mais  les 
luthériens  se  divisèrent  eux-mêmes  en  deux  partis, 
celui  des  modérés  et  celui  des  puritains.  Les  pre- 
miers suivaient  l'esprit  de  Mélanchton  et  ses  prin- 
cipes 7  les  autres  s'attachaient  h  la  lettre  même  lie 
Luther  et  ils  furent  vivement  combattus;  parce 
qu'ils  «'honoraient  que  la  lettre  pure  et  croyaient 
que  le  principal  se  trouvait  dans  les  mots  et  dans  les 
formes.  Tant  de  voix  diverses  qui  s'élevaient  si  haut 
dons  l'Église  protestante  donnèrent  une  nouvelle 
preuve  delà  difficulté  quily  a  pour  l'esprit  humain  de 
se  tenir  dans  de  justes  bornes  et  deredevenir  calme, 
quand  Une  fois  il  a  été  mi»  en  mouvement.  Au  lieu 
de  pacifiques  recherches  pour  éclairer  l'intelligence, 
au  liai  de  discussions  chrétiennes  dans  lesquelles  il 
faut  avant  tout  rendre  hommage  à  la  vérité,  ou 
rendait  le  christianisme  passionné  afin  de  défendre 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


retDtsuvD  t.  446 

une  proposition,  souvent  mime  un  seul  mot.  Les 
passions  montèrent  au  plus  haut  degré;  au  lieu  de 
raisons  on  employa  les  injures  les  plus  odieuses  et 
le  résultat  habituel  était  que  chaque  parti  maudis- 
sait ceux  de  l'opinion  contraire.  L'empereur  Ferdi* 
naod  avait  donc  bien  raison  de  dire  à  son  fils,  dans 
son  testament  dont  nous  avons  déjà  parlé,  au  sujet 
de  beaucoup  de  protestants  de  son  temps  :  «  Quand 
au  lieu  d'être  d'accord  entre  eux,  ils  sont  si  désunis, 
si  pointilleux ,  si  obscurs,  comment  ce  qu'ils  croient 
pourrait-il  être  juste  et  bon?  Il  ne  peut  pas  y  avoir 
plusieurs  croyances  bonnes ,  niais  une  seule*  Puis- 
qu'ils ne  peuvent  pas  nier  eux-mêmes  qu'il  n'y  ait 
parmi  eux  plusieurs  croyances,  le  Dieu  de  vérité  ne 
peut  pas  être  avec  eux*  * 

Souvent  on  s'est  étonné  que  les  doctrines  pro*» 
testantes  ne  ae  soient  pas  rapidement  répandues  sur 
toute  l'Allemagne,  eu  égard  aux  dispositions  fevor 
râbles  du  peuple  en  sa  faveur  et  de  la  puissance 
que  les  nouvelles  institutions  ont  coutume  d'exercer 
sur  tout  un  siècle  ;  l'énigme  s  explique  en  grande 
partie  par  la  prompte  dégénération  intrinsèque  du 
protestantisme.  Comment  en  effet  une  doctrine  qui 
se  perd  bientôt  dans  une  frivole  dispute  de  mot*, 
et  dont  les  sectateurs  se  couvrent  les  uns  les  autres 
de  malédictions,  aurait-elle  pu  gagner  des  cœurs? 
Dans  beaucoup d  endroits  même  on  vit  des  gens  qui 
s'étaient  déjà  rendus  à  elle ,  revenir  de  nouveau  à 
l'ancienne  Eglise» 

Un  autre  obstacle  plus  fort  encore  qui  s'opposa 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


444  smfcME  époque.  15*20—1643. 

au  torrent,  à  partir  de  ce  moment,  fut  l'institution 
de  l'ordre  des  jésuites,  fondé  en  1540  par  Ignace  de 
Loyola,  Espagnol  plein  de  zèle  et  du  génie  le  plus 
profond.  Cet  ordre  établi  proprement  pour  être  le 
soutien  de  la  chaire  pontificale  se  répandit  bientôt 
par  toute  la  terre.  Il  était  basé  sur  l'unité  et  les  puis- 
sants effets  d'une  coopération  nombreuse,  aussi 
l'obéissance  la  plus  sévère  en  était  la  loi.  Le  chef 
de  l'ordre  était  à  Rome;  à  lui  arrivaient  avec  les 
plus  scrupuleux  détails  tous  les  rapports  des  chefs 
établis  dans  les  provinces  (les  provinciaux).  Ceux- 
ci  avaient  eux-mêmes  d'autres  degrés  au-dessous 
d'eux  et  ainsi  jusqu'au  dernier  membre.  C'est  ainsi 
que  toute  la  communauté  pouvait  être  régie  par  un 
seul  génie.  Lessupérieurs  éprouvaient  chaque  membre 
de  la  société  assez  long-temps  et  assez  bien  sur  sa 
capacité,  pour  lui  donner  ensuite  la  place  dans  la* 
quelle  il  pouvait  le  mieux  remplir  les  desseins  de 
l'ordre. 

Ce  fut  une  vaste  trame,  tissue  de  finesse  et  d'a- 
dresse ,  qui  s'étendit  bientôt  sur  tous  les  pays  de 
l'Europe.  Quand  Loyola  reçut  l'approbation  du 
pape,  en  1540,  il  avait  dix  disciples;  en  l'an  1608 
on  comptait  plus  de  dix  mille  jésuites,  et  en  1700 
plus  de  vingt  mille.  D'ailleurs,  comme  les  membres 
de  l'ordre  étaient  exempts  de  toutes  les  fonctions 
ecclésiastiques,  de  toutes  les  charges,  ils  pouvaient 
consacrer  tout  leur  temps  à  la  science.  De  sorte  que 
l'ordre  compta  bientôt  un  nombre  considérable 
d'excellents  professeurs  et  d'écrivains,  de  prédica- 


Digitized  byVJ OOQ IC 


*çrdinjlNd  i.  445 

teurs  distingues,  de  missionnaires  enthousiastes  et 
de  savants  dans  toutes  les  sciences»  Ce  furent  eux 
qui  purent  entrer  dans  la  lice  contre  les  protestants» 
soutenir  le  système  catholique  et  rivaliser  avec 
eux  dans  1  éloquence  de  la  chaire.  Tous  leurs  efforts 
se  dirigèrent  contre  les  nouvelles  doctrines;  ils  agis- 
saient contre  elles,  soit  comme  confesseurs  des  princes, 
soit  comme  instituteurs  de  leurs  enfants;  et  la 
grande  habileté  de  cet  ordre  rendait  leurs  efforts 
très  efficaces.  En  outre  il  a  été  une  des  causes  prin- 
cipales du  développement  des  derniers  siècles.  Il 
ne  faut  pas  oublier  que  cet  ordre  a  rendu  d'essen- 
tiels services  dans  son  temps  pour  l'éducation  de 
la  jeunesse  ;  et  si  la  civilisation  du  monde  catho- 
lique Ta  emporté  dans  les  siècles  modernes  sur 
celle  de  la  fin  du  moyen  âge ,  c'est  surtout  à  la  so- 
ciété de  Jésus  qu'il  en  est  redevable.  Si  donc  la  di- 
rection de  cette  société  se  fût  moins  étendue  aux 
choses  extérieures  ;  si  elle  se  fût  tenue  renfermée  dans 
le  domaine  de  l'esprit  ;  si  sa  morale  eût  été  aussi 
simple  et  aussi  droite  que  son  savoir  était  yaste  ; 
si  elle  n'eût  pas  voulu  saisir  la  direction  des  états 
et  gouverner  par  son  bras  invisible  r  tout  le  monde 
catholique  devrait  unanimement  bénir  s«f mémoire. 
Nous  aurons  plus  d'une  fois  occasion  de  les  voir 
entrer  dans  l'histoire  comme  principaux  acteurs 
dans  les  plus  grandes  circonstances. 

L'empereur  Ferdinand  apprit  à  connaître  leur 
influence  d'une  manière  bien  positive  au  concile  de 
Trente,  après  son  retour  de  Bologne,  Mais  ce  ne  fut 
t.  il.  10 


Digitized  byVJ OOQ IC 


i46  sixième  ÉfrdÇôtr:  *890— 1648. 

pb*  à  son  fevâhtage.  Afin  de  aritttèr  les  esprits  dan& 
*es  étàtà  et  diinàf  l'espoir  peilt-^tfé  d'empêcher  tout 
<feM,  Il  y  fit  discuté*  un  ctttieîte  aVW  beimeotïp  de 
force  pûîteiënlôyfo  ttèrtâïitàpdÎHtepour'  lesquels  il 
se  promettait  le  résultat  le  plus  hetirëîu*  :  tfétaft  là 
communion  sous  les  deux  espèces  et  le  mariage  des 
prétivi  qui,  comme  H  le  disait,  dépendaient  de  là 
biehVeifïaîïce  de  l'Égttéè  éH  faveur  de**  partis.  Les 
eatojré*  de  ftarrère  et  de  Fhmfce  parièrent  dans  le 
métiië  send,  et  Voici  tournent  *V*pf ttitètent  '  ces 
derniers  :  *  Nous  potivdhs  Stésttrei*  àvèci  Une  pleine 
fcdïiflahee  et  mettre  tatVtàt  hos  cOttvietiottfr,  cjtre 
rîett  fre  pèùl  être  plus  utile  datis  ce  tetbptf,  pôtir 
récOïicifièr  les  esprits  des  ùhrAierfs  ehtrè  etiK,  faille 
taire  les  quelles  de  religion ,  maintenir  nos  fidèles 
dans  leur  foi  et  relever  eéu*  tjtit  $Ont  prêts  de 
tombei',  que  cT&tcorder  les  dénfiahdéS  légitimés  et 
Chrétiennes  des  envoyas  dé  Feïnperéur.*  Mais  un 
jugement  équitable  et  prétoyitht  dârts  hotre  situation 
était  peu  â  attendre  d'une  assemblée  composée,  pour 
là  plus  gfttàde  partie,  d'étrange^  et  d'hommes  tout- 
à-fait  ignorante  de  te  qui  fcôtoVttàait  à  PÀHerhagne 
cfâttS  fcéS  cnteônstâttdes;  c'est  bëqhé  prouvaient  auséi 
les  fcijjpôrts  Âës  envoya  de  Fetapteteur,  parmi  les- 
quels tétaient  tjuàtre  éVêqtttt*,  à  lëitf  souverain  (*). 


(*)  FauG-tf  s'&ORficr  qtftl  y  ait  le»  des  ftptàtes  des  réclamations;  la 
France  et  tous  les  autres  pays  avaient  aussi  les  leurs.  Tant  il  est  difficile 
que  différents  peuples,  assemblés  de  toute  la  terré,  avec  tant  de  différents 
fodtife  de  rff  alité,  d  mWrêt,  de  passion,  absent  s'accorder  pour  w  réformer 


Digitized  byVJ OOQ IC 


ftfiftbiSASo  i.  447 

«Noos  le  voyons  bien  clairement  maintenant,  écri- 
vaient-ils  y  nous  le  touchons  même  au  doigt,  quoique 
nous  ne  puiserons  le  dire  sans  douleur,  qu'ici  on  ne 
peut  rien  obtenir  sans  de  grandes  intrigues.    Les 
Espagnols  ne  veulent  pas  s'écarter  d'une  ligne  de  la 
prescription  royale.  Les  Italiens  ont  toujours  les 
yeux  fixés  sur  le  moindre  signe  du  pape  et  des 
cardinaux;  les  évéques  des  autres  pays,    qui  peut- 
être  connaissent  le  mieux  la  position  de  l'époque 
actuelle,  sont  en  minorité  et  ne  peuvent  par  consé- 
quent rien  faire;  parce  que  la  pluralité  des  voix 
décide  pour  tout.  De  l'Allemagne,    il  n'y  a  que 
l'évéque  de  Louvain  qui  soit  présent  au  nom  dé 
l'archevêque  de  Salzbourg,  et  depuis  quelques  jours 
lfe  grand* vicaire  d'Eichstadt  est  aussi  arrivé.    Au 
contraire,  les  archevêques  et  évoques  italiens  vien- 
nent par  troupe,  surtout  eau*  qui  sont  sortis  de 
familles  riches  et  distinguées.  Mais  tous  sont  dé* 
pendants  du  moindre  signe  du  légat  Simonetta,  et 
l'on  sait  généralement  que  quelque*  bons  et  pieu* 
évêques,  qui  avaient  librement  exprimé  leur  opinion 
pour  une  réforme  dans  l'Église ,  sont  mal  notés  à 
Rome.  Cependant  ces  machinations  secrètes  et  ces 
passions  humaines  ne  devraient  pas  trouver  place 
ici  ;  aussi  voyons-nous  bien  clairement  ce  que  nous 
avons  de  bon  à  attendre.  » 


tous  t&utisktf  autres!  Mate  il  n'en  est  pas  aHnsi  pour  les  dogmes  essentiel*, 
.quisoBt  immuables  et  les  mêmes  pDi*r  tous  les  peuples.  L'assemblée  était 
compétente,  nombreuse,  respectable,  savante  ;  c'était  l'Église,  c  était  la 
seule  autorité  qui  p<U  prononcer.  N.  T. 

10, 


Digitized  byVJ OOQ IC 


148  sixième  époque.  4530—4648. 

Du  reste  le  concile  de  Trente,  outre  un  grand 
nombre  de  dccisionsdogmatiques,  a  donné  d'excel- 
lents principes  sur  la  morale  du  christianisme  qui 
servent  encore  aujourd'hui  de  règles  de  doctrine 
dans  l'Eglise  catholique.  Ce  champ  du  service  de 
Dieu  par  les  œuvres  est  celui  où  se  confondent  tous 
les  partis;  il  est  le  même  pour  tous  et  montre  à 
chacun  également  le  moyen  de  prouver  qu'il  est 
véritablement  chrétien  en  esprit,  en  parole  et  en 
action. 

Le  9  décembre  1563  le  concile  fut  clos,  et  peu  de 
temps  après  l'empereur  Ferdinand  mourut,  le  15 
juillet  1564,  à  l'âge  de  soixante-deux  ans.  Le  témoi- 
gnage qui  parle  le  plus  haut  en  sa  faveur  dans  l'his- 
toire ,  c'est  que ,  dans  des  temps  si  difficiles  où  la 
haine  et  les  passions  portaient  souvent  le  jugement 
sur  un  souverain,  il  a  pu  emporter  au  tombeau  la 
gloire  d'être  vanté  comme  un  excellent  monarque 
par  tous  les  partis,  parles  catholiques  aussi  bien  que 
par  les  protestants. 


MaximUien  IL  1664— 1576. 

Ferdinand  avait  proposé  son  fils  Maximilien  pour 
son  successeur  à  l'assemblée  des  électeurs  ,  et  ceux- 
ci  l'avaient  reconnu,  dès  Tannée  1560.  La  recom- 
mandation que  le  père  fit  de  son  fils  est  un  témoi- 
gnage qui  mérite  vraiment  d'être  conservé.  «  Il  est 


Digitized  byVJ OOQ IC 


MÀXIM1L1ER   II.  149 

doué  à  un  haut  degré  d'intelligence ,  d'adresse ,  de 
douceur -,  de  bonté ,  de  toutes  les  autres  vertus  d'un 
prince  ;  il  a  de  bonnes  mœurs ,  une  âme  honnête, 
équitable  et  pacifique,  un  grand  amour,  une  grande 
inclination  pour  le  saint  empire  de  la  nation  alle- 
mande et  est  extrêmement  désireux  de  sa  gloire  et 
de  son  bien-être.  Enfin ,  il  possède  les  six  premières 
et  les  plus  usuelles  langues  de  la  chrétienté;  de  sorte 
que  f  dans  tout  ce  qu'il  aura  à  traiter  aujourd'hui  ou 
dans  l'avenir  avec  les  puissances  étrangères ,  il  pourra 
comprendre  par  lui-même  et  se  faire  comprendre ,  et 
par  conséquent  régler  ses  affaires  par  lui-même.  »  Un 
autre  témoignage  très  honorable  en  sa  faveur  est  celui 
qu'ont  rendu  ses  sujets  de  Bohême ,  lorsqu'ils  le 
recommandèrent  aux  Polonais  qui  avaient  jeté  les 
yeux  sur  lui  pour  en  faire  leur  roi.  «  Notre  Bohême , 
disaient-ils,  se  trouve  mieux  sous  son  gouverne- 
ment que  si  elle  était  commandée  par  son  propre 
père  ;  nos  droits,  nos  lois,  nos  libertés  sont  proté- 
gés par  lui  ;  il  laisse  tout  suivre  son  cours  sans 
rien  changer  ;  et  ce  qu'on  pourrait  presque  appeler 
prodigieux,  c'est  la  prudence,  l'impartialité  qu'il  offre 
à  chacun  des  différents  religionnaires  et  par  laquelle 
il  les  porte  à  l'accord  entre  eux ,  à  la  tolérance  et  à 
un  amour  réciproque.  »  Les  Polonais  eux-mêmes 
auraient  pu  ajouter  plus  tard  que,  pour  rétablir 
chez  eux  le  christianisme  ébranlé  par  les  révoltes 
et  les  divisions ,  il  avait  eu  beaucoup  plus  de  succès 
par  ses  moyens  pacifiques  qu'un  autre  n'en  aurait 
pu  obtenir  par  la  guerre. 


Digitized  byVJ OOQ IC 


460  sixième  épo*bb.  46^0—1648. 

Or,  c'était  à  une  époque  où  le  mot  àt  tolérance 
était  à  peiné  connu  qu'il  exerçait  cet  esprit  de 
paix,  cette  manière  d'agir;  il  professait  même  pu- 
bliquement «  que  Dieu  seul  avait  pouvoir  sur  les 
consciences.  »  C'est  là  la  gloire  de  cet  empereur  ; 
aussi  l'Allemagne  lui  dut-elle  à  lui  et  à  son  père  de 
jouir  d'une  parfaite  tranquillité ,  comme  elle  n'en 
avait  pas  eu  depuis  les  divisions  religieuses;  tandis 
que  dans  les  Pays-Bas  et  en  France  le  sang  coulait 
par  torrents  à  cause  de  la  religion. 

La  chambre  impériale  qui  n'avait  été  établie  pri- 
mitivement que  pour  faire  entièrement  disparaître 
la  loi  du  plus  fort,  prit  alors  tout-à-fait  le  dessus  sur 
ce  penchant  à  la  violence  en  Allemagne.  On  peut 
regarder  comme  le  dernier  effort  de  la  force  brute 
les  troubles  de  Guillaume  de  Grumbacb,  cheva- 
lier franconien  qui  répandit  dams  ce  temps  la  dévas- 
tation en  Franconie  avec  les  restes  des  sauvages 
bataillons  du  margrave  Albert.  Ce  fut  surtout  le 
territoire  de  1  evéque  d'Augsbourg  qu'il  dévasta  ;  il 
finit  même  par  le  faire  fusiller  datts  sa  propre  ville. 
La  chambre  impériale  mit  le  meurtrier  au  baft  de 
l'empire,  et  il  se  sauva  à  Gotha  vers  le  Sis  du  mal- 
heureux électeur,  Jean  Frédéric.  II  avait  su  étourdir 
ce  jeune  prince,  d'ailleurs  très  faible  d'esprit ,  par 
Fespérance  qu'il  lui  donna  de  reconquérir  son  duché 
pour  lui  ;  et  il  l'entraîna  ainsi  dans  un  sort  encore 
plus  malheureux  que  celui  de  son  père.  L'électeur 
Auguste,  frère  de  Maurice,  se  mit  à  la  tête  de  l'ar- 
mée qui  devait  exécuter  l'arrêt ,  assiégea  le  duc  avec 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


Grumbaqh  df«s  jGttfln»  paodaat  tout  qn  biv<fr  et  le 
réduisit  fc  lu  wc^ssité  de  aç  rendre.  La  jeu»e  prince 
iirt  conduit  prisonnier  à  Vienne  ;  et  le  t  pkcésur  un 
char  de'couvert ,  avec  un  chapeau  de  pille  sur  fa> 
tête,  il  fut  conduit  par  les  rues  de  la  ville,  exposé 
aux  4érisions  de  la  populaoe,  ensuite  il  pw&  vingts 
lrtit  ans  prûwppier  d*na  Steyer  en  Autriche  r  e$ 
mourut  êfri  pri#a«j  quprçtà  Gwmbacl? ,  il  fut  tiré  kr 
quajtre  $hwfkMf  aftr&  avpir.  ffMEept  <Jfl  «Wtflef 
toitures, 

A  la  place  du  droit  du  pnigtMrt  ^ui  était  1#  dc%é* , 
nëratioiï  d«  l'état  de  guerre  aon*  Ifi  féodalité ,'  d'**- 
très  nmvx  «eeasionéa  pair  «fe*  honwft*  q*i  r#g*r«. 
daiant  la  gtiarm  comme  ua  état  laxatif  ppur  $u#  i 
vinrent  affliger  1' AM&roagn*  ;  cowmp  pPW  to  *w- 
tir  f»i*  panpta  toa  inQtyvfaifxti*  de  to»?t?  ifi^itu-r 
tion  miÛ*»ir«daajlaqujeÛfli?bo»iiW  Wiw  ^firt-pw» 
néceswœefoaht  .^vra-rier  et  w*tf  pQ»rb>  p#t*»e,  Ues 
troupe  de  soldat?  raeF4te»atrea  qui  ravflg^tept  par^ 
tout,  une  fofc  ^iia  3'étaietft  vwdns  à  un  drapeau», 
ces  lieux  d'ewôfciœnt  **  d#  ré vi$i<mn  cçaalter  et  ve* 
»ir,  les  oampemeni^  l*a|>a$$agea  debarçde*  tf'hqpn- 
mes  hahiijttk  à  aucun  Swift  et  rassemblas  tonf  d'un 
etmp,  étaient  pimr  le  pays  «ai tant  de  plai&s  iowppP^ 
tafetau  Les  *t&ft$a  plaintes  que  #*w  Ma*iroUicn  Ier 
se  renouvelèrent.  L'empereur  Maxii#iliea  H  dit 
dana  les  griefs  qu'il  -présente  -à  laxliète  :  «  Les  guer- 
rier» allemands  autrefois  les  première  d'entre  l#s  ^ija- 
tions  par  leur  piété,  leur  discipline  et  leur  loyauté , 
prennent  fiiyourd'imi  des  qW"is  presque  barbares  j 


Digitized  byVJ OOQ IC 


152  sixième  époque.  1520 — 1648. 

et  à  la  longue  cette  dissolution  qui  règne  parmi  eux 
fera  qu'aucun  honnête  homme  ne  pourra  rester  dans 
sa  maison  et  dans  sa  cour,  et  pas  un  seul  propriétaire 
ou  fermier  dans  sa  campagne.  » 

Sur  ces  plaintes,  on  fit  de  nouvelles  lois  mili- 
taires plus  sévères,  appelées  Reiterbestallungen. 
Mais  le  moyen  le  plus  essentiel  que  l'empereur  avait 
proposé ,  celui  de  défendre  en  Allemagne  l'enrôle- 
ment des  princes  étrangers ,  ne  fut  pas  accepté.  Les 
princes  prétendirent  :  «  que  de  tout  temps  c'avait 
été  pour  les  Allemands  un  usage  honorable  de  leur 
liberté,  de  servir  pour  la  gloire  et  l'honneur  par  des 
action^  chevaleresques  des  princes  étrangers;  pourvu 
que  la  patrie  n'en  souffrît  aucun  dommage.  Que  si 
cet  usage  était  enlevé,  l'état  militaire  serait  bientôt 
anéanti  en  Allemagne,  et -qu'au  moment  du  danger 
on  manquerait  de  guerriers,  »  Nous  devons  recon- 
naître dans  ce  langage  celui  du  temps  de  Tacite,  où 
Ton  voit  les  jeunes  Allemands,  emportés  par  le  désir 
de  combattre,  passer  dans  la  peuplade  qui  avait 
la  guerre,  lorsque  la  leur  était  en  paix. 

En  1575,  l'empereur  Maximilien  réussit  à  faire 
choisir  son  fils  Rodolphe  pour  roi  des  Romains  (*), 
et  il  mourut  un  an  plus  tard  à  Ratisbonne,  le  même 
jour  et  à  la  même  heure  que  la  clôture  de  la  diète 
y  fut  publiée. 
■  ■         .ni       ii   i ■  i  ■  ■ i  -      n  ii  i      i    ■  1 1  ■    i  ■ 

(*)  On  appelle  roi  des  Romains,  généralement  parlant,  le  prince  élu 
empereur  dan?  l'iatervaUe  de  son.  élection  au  couronnement,  mais  plus 
particulièrement  celui  qui  est  élu  du  vivant  de  l'empereur  pour  lui  succéder, 
tourtalon,  Ab.  du  droit  pub.  de  VEmp.  N.  T, 


Digitized  byVJ OOQ IC 


RODOLPHE    1U  153 


Rodolphe  11.  1576  —  1615. 


Le  long  règne  de  cet  empereur  qui  a  accumulé 
surl'Âllemangne  de  nouvelles  tempêtes  de  violence 
et  de  désordre,  est  une  triste  preuve  que,  dans  les 
temps  difficiles,  l'irrésolution  et rindolenee  peuvent 
avoir  un  effet  plus  funeste  que  la  mauvaise  volonté. 
Car  on  ne  pouvait  pas  reprocher  à  Rodolphe  une 
mauvaise  intention,  pas  plus  que  de  l'ignorance, 
ou  un  défaut  d'intelligence  ;  mais  il  était  beaucoup 
plus  occupé  d'autres  devoirs  que  de  ceux  qu'il  aurait 
dû  remplir  comme  empereur ,  et  par  conséquent 
tous  les  événements  qui  survinrent,  arrivèrent  à 
son  insu  et  sans  sa  volonté,  souvent  même  contre 
sa  volonté.  Il  était  d'ailleurs  soumis  à  l'influence 
de  mauvais  conseillers. 

Les  esprits  qui  s'étaient  un  peu  calmés  au  sujet 
de  la  différence  de  religion ,  prirent  une  nouvelle 
excitation  quand  les  princes  catholiques,  sur  le  con- 
seil des  jésuites,  commencèrent  à  réformer  leurs 
pays,  c'est-à-dire  à  forcer  les  protestants  de  revenir, 
à  l'ancienne  croyance  ou  de  quitter  le  pays  s'ils  ne 
voulaient  pas  y  consentir.  D'après  le  traité  de  reli- 
gion d'Augsbourg,  les  autres  princes  ne  pouvaient 
à  la  vérité  leur  faire  aucun  reproche  à  ce  sujet;  ce- 
pendant ils  ne  pouvaient  non  plus  s'empêcher  de 
voir  dans  ces  procédés  une  violente  attaque  à  la  li- 
berté de  conscience  et  comme  une  marque  de  leurs 
intentions  hostiles  contre  tout  leur  parti,  Lu  France 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


154  sixième  époque.  4630—4648. 

et  les  Pays-Bas  donnèrent,  à  cette  époque,  un  bien 
triste  exemple  du  résultat  auquel  pouvaient  conduire 
ces  inimités.  La  lutle  que  ce  dernier  pays  eut  à 
soutenir  pour  la  liberté  de  religion  contre  Philippe 
et  l'impitoyable  duc  d*Àlbe  (*),  non  seulement 
excita  vivement  ies  esprits  en  Allemagne,  oà  l'on 
était  t&fioin  des  Hostilités  commises  sur  sa  fron- 
tière ^  mais  elle  vint  encore  de  temps  pu  temps  jefow 
la  guerre  et  l'effroi  sur  ïiotre  territoire,  lorsque 
l'armée  espagnole»,  forcée  par  la  disette  et  la  méwa* 
site,  sortait  des  Pays-Bas,  entrait  en  Westpkalîe 
et  dévastait  tout  le  pays. 

En  ontre,  <fe  graves  érénemeitts  se  passaient  «dans 
les  montrées  allemandes  de  la  frontière»  A  Afo,,  des 
émigrés  des  Pays-Bas,  ayant  avec  eox  un  ministre 
p£©lesta«fcj  avaient  tellement  augmente  le  nombre 
de  leurs  adhérents,  qu'ils  se  crurent  bientôt  asfcea 
ntfrtforeux  pour  prétendre  partager  les  <lroks  des 
catholiques.  Dès  Paimée  1581,  Ik  proposèrent  àeità 
bourgmestres  pris  parmi  eux  ;  et  ooimne  les  ad  w- 
salres  sfy  refusèrent,  ils  prirent  les  arme»,  s%mph- 
rêvent  de  l'anfeenal  et  obtinrent  par  k  fioi^éc  tse  qu'ils 
demandaient,— ttaislç  pays  voisin,  à  Cologne,  il  y 
avait  encore  <le  plu$  grands  «troubles,  l)él&&tw 
(i^blwrd aimait  la  beiljeeoftttêsse  Agn^s  4e  Mâuôfckt, 


(*)  Le  duc  tf  Albe  se  vantait,  fc  son  roiour  en  Espagne,  d*  avoir  fait  mourir 
par  l'4iét*  dans  tes  t  ay*tBsi  >  plus  *k  dix-UoH  nriète  fiotames  *  «tt  il  w«t 
rait  que,  quelque  vieux  qu'il  f«H.  i\  voulait  perdre  un  dç  ses  membres  si 
son  roi,  qui  pourtant  n'état  pas  très  indulgent,  éjtait  encore  plus  avide 
que  lui  de  guerre  etdeiviôféncr. 


Digitized  byVJ OOQ IC 


chanoinesse  de  Gerresheim  f  ^et  afia  4e  réponse^  il 
passa  dans  la  nouvelle  église,  comme  l'exigeait  le 
frère  de  la  jeune  comtesse.  Mais  aussitôt  le  chapitre 
et  le  conseil  de  Cologne  s'adressèrent  à  Rome  et  à 
l'empereur,  et  obtinrent  contre  l'archevêque  l'ex- 
communication de  l'Église  et  le  ban  de  l'empire.  Le 
chapitre  choisit  le  prince  Ernest  de  Bavière  pour 
son  successeur ,  et  il  le  mit  ^u  possession  du  pays, 
avec  Je  secours  de  troupes  bavaroises  et  espagnoles, 
Gebhard  s'enfuit  d'abord  dans  les  Pays-Basf  et  plus 
tard  il  se  rendit  à  Stx*asbourgf  où  il  était  do/en  xhj 
chapitre.  Il  y  mourut  en  4601,  Qr,  les  prineps  pr©^ 
testants  souffrirent  p%  déposition  et  son  expulsion 
sans  remuer,  et  cependant  unp  npnvelk  ypix  ipos 
le  conseil  électoral  aurait  é\é  pour  eu*  de  la  plus, 
grande  importance.  Peutrëtre  que  le  respect  po#r  la 
paix  de  religion  fut  epuse  de  leur  neutralité,  et  ce 
principe  était  noble  ejt  honorable;  njais  la  voix  pu* 
bli<j*jeles  accusa  d'avoir  refusé  leijr  secours  i  Geb+. 
hard,  parce  que  étant  lnthrfriens  eux-u^nes,  i'éieo 
teur  avait  pris  les  doctrines  de  Calvin,  et  qu'ils: 
haïssaient  presque   autant  les  calvinistes  que  1$$, 
catholiques.  Toujours  est-il  certain  qu'il  n'y  put  que, 
le  comte  palatin,  prince  calviniste,  Jeaq  Casimir r 
qui  fit  une  tenjtative  pour  Gebhard;  il  s'avança 
avec  quelques  troupes  devant  Cologne  et  bloqua  la 
ville  un  moment;  mais  le  retour  des  Bavarois  et  le 
manque  de  solde  ramenèrent  son  armée. 

Ce  prinPÊj  Jean  Casimir,  palatin,  était  un  «élé 
partisan  pour  £on  égjise.  Jl  no  ypubjit  pa$  çnUfld«3 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


166  sixifeMB  époque.  1520—1648. 

parler  de  la  croyance  de  Luther,  et  chassa  de  son 
pays  tous  ceux  qui  enseignaient  sa  doctrine.  Aussi 
aucun  pays  en  Allemagne  n'a  ressenti  les  tristes  effets 
de  la  haine  des  partis  protestants,  comme  le  Palatinat. 
L'électeur  Frédéric  III  était  entré  dans  l'église  des 
calvinistes;  or,  de  ses  deux  fils,  le  plus  jeune  qui  fut 
appelé  le  comte  palatin  Jean  Casimir,  fut  aussi  cal- 
viniste; mais  l'aîné,  l'électeur  Louis,  fut  si  attaché 
à  la  confession  d'Augsbourg,  qu'il  ne  voulut  pas 
même  permettre  que  Faumônier  calviniste  de  son 
père,  prononçât  son  oraison  funèbie.  Alors  de  tout 
côté  on  enleva  aux  calvinistes  leurs  églises,  et  les 
prédicants  aussi  bien  que  les  professeurs  furent  chas- 
sés du  pays;  il  y  en  eut  plus  de  deux  cents.  Mais  à 
la  mort  de  Louis,  qui  fut  prématurée,  Jean  Casimir 
eut  la  tutelle  de  son  fils,  Frédéric  IV,  et  changea 
tout;  les  luthériens  furent  à  leur  tour  traités  comme 
l'avaient  été  les  calvinistes,  et  le  jeune  Frédéric,  âgé 
de  neuf  ans ,  fut  éloigné  soigneusement  du  luthé- 
ranisme et  instruit  avec  la  plus  grande  sévérité  dans 
le  catéchisme  de  Calvin.  C'est  ce  qu'on  appelait 
un  zélé  chrétien  pour  la  foi  !  et  grâce  à  ce  zèle,  le 
Palatinat  changea  trois  fois  d'église  dans  le  laps  de 
soixante  ans;  de  sorte  qu'il  fut  d'abord  luthérien, 
puis  calviniste ,  redevint  luthérien ,  et  enfin  cal- 
viniste* 

Peut-on  s'étonner  de  voir  que  l'ancienne  Eglise 
crût  avoir  le  droit  d'en  agir  de  la  sorte  avec  la  nou- 
velle, quand  celle-ci  était  si  exaltée  contre  ses  propres 
enfants.  En  effet,  celte  dissension  à  Cologne  fut 


Digitized  byVJ OOQ IC 


RODOLPHE   II.  457 

bientôt  après  l'occasion  d'une  semblable  dans  Stras- 
bourg, où  G ebliard s'était  retiré  avec  trois  chanoines 
de  son  chapitre,  protestants  comme  lui  ;  et  la  ville 
de  Donawerth,  qui  jusque  alors  était  demeurée  ville 
libre  et  impériale  et  dont  le  plus  grand  nombre  des 
habitants  s'étaient  faits  protestants,  fut  mise  aussi 
elle-même  au  ban  de  l'empire  par  suite  de  divi- 
sion en  matière  de  religion,  et  tomba  ainsi  au  pou- 
voir du  duc  de  Bavière ,  qui  fut  chargé  d'exéculer 
la  sentence  contre  elle  (1607). 

L'Autriche  elle-même  fut,  au  temps  de  l'empereur 
Rodolphe,  le  pays  d'Allemagne  le  plus  agité  et  le 
plus  déchiré.  Maximilien  II  avait  accordé  la  liberté 
de  religion  aux  protestants,  et  même  il  leur  avait 
fait  disposer  une  liturgie  par  un  théologien  de 
Rostock ,  David  Chytraeus.  Cependant ,  comme  il 
voulait  écarter  leurs  offices  de  la  capitale,  il  leur 
avait  donné  quelques  églises  dans  la  campagne  aux 
environs  de  la  ville.  Bientôt  leur  nombre  s'accrut 
extraordinairement;  plusieurs  de  leurs  docteurs, 
particulièrement  un  certain  Opicius ,  s'attachèrent 
injustement  et  avec  le  plus  grand  zèle  à  gagner  tous 
ceux  d'une  autre  croyance  ;  les  plaintes  devinrent  de 
plus  en  plus  fortes,  et  Rodolphe,  qui  suivit  en  cela 
les  conseils  des  gens  de  parti ,  alla  jusqu'à  fermer 
les  églises  qu'il  leur  avait  auparavant  données  et  à 
leur  enlever  le  droit  de  citoyen  dans  toutes  les  villes 
d'Autriche.  Mais  ces  mesures  excitèrent  bientôt  de  si 
grands  troubles,  tandis  que  d'un  autre  côté  la  guerre 
des  Turcs  et  les  troubles  de  Hongrie  lui  rendaient 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


458  sixième  époque.  4  520— 4648. 

l'assistapce  de  ses  états  nécessaire ,  qu'il  fut  obligé 
dç  revenir  à  des  procédés  plus  pacifiques. 

.  En  Hongrie,  on  était  généralement  mécontent  de 
son  gouvernement;  parce  qu'il  ne  s'occupait  pas  des 
pays,  et  surtout  parce  que,  non  seulement  il  n'assis- 
tait à  aucune  des  assemblées  de  la  province,  m^is 
il  n'avait  pas  parii  une  seule  fois  dans  le  pays  et  y 
laissait  ses.  soldats  allemands  se  livrer  à  des  actes 
aussi  licencieux  qu'impudents^   Aussi  y  eut-il,  ay. 
commencement  de  ce  nouveau  siècle ,  le  dix-sep- 
tième, une  dangereuse  révolteen  Hongrie,  à  la  fête  de 
laquelle  était  uh  gentilhomme,  ËtiénileBotschkai,  qui 
s'unit  avec  les  Turcs  et  s*empara  d'une  grande  par- 
tie du  pays.  Par-dessus  tout,  l'çmpereur  devenait  de 
plus  en  plus  indolent  dans  son  gouvernement.  Les 
sciences  du  ciel  et  de  la  nature   l'occupaient  bien 
plus  que  son  royaume,  et  cette  inclination,  le  mît 
bientôt  entre  les  mains  d'hommçs.  trompeurs  qui  se 
vantaieat  de  lui  apprendre  1  avenir  d'après  les  astres 
et  l'art  de  faire  de  l'or  ;  car  de  même  que  de  pareils 
fourbes  se  trouvaient  k  ïa  cour,  mêlés  avec  des  sa- 
vants tels  que  Tiçno-Brahé  et  Keppler,  ainsi  se  con- 
fondaient dans  l*àme  de  Rodolphe,  d'une  manière 
étonnante,  les  plus  nobles  sentiments  avec  de  folles 
inclinations.  Les  anlique$,les  statues,  les  pierres  ci- 
selées, aussi  bien,  que  les  tableaux,  lui  faisaient  le 
.plus  grand  plaisir,  et  illeur  consacrait  de  grosses 
sommes  d'argent.  Les  ateliers  d'alchimie,   où  Ton 
devait  faire  de  Torr  n'avaient  pas  pour  lui  moins 
d'attrait;  et  ceux  qui  voulaient  causer  avec  lui  des 


Digitized  byVJ OOQ IC 


!K)DOLFrt*   H*  #8# 

«flaires  importantes  de  l'enipf i^e,  allaktot  le  tfouVe* 
dans  te»  tfettries  ,  &k  il  oyait  coutume  de  pà$sér  une 
partie  delà  journée.  Cette  indolence  et  èette  ih*ôti+ 
ciance,  la  révolte  de  la  Hdftgine  et  les  de'aordtfe*  dès 
autres  provinces  miirichienAe&he  fjoirfttiéttl  pàfsétre 
rrôd'atl  œil  iiïdifféi^rtlpf  les  frèfëtf  et  tatosina  de 
empereur,  d'autant  plos  qu'il  n'avait  poitil  d'enfoui. 
Ils  déKh^èluftt  dbft©  erisemhle  s(i^  ce  que  deman- 
dait le?  bien  de  ta  maison  et  ib  tofcfclwwit  eftfift  un 
trokeT  eh  i6Ô6y  d'après  leqiiely  MathtHs*  frère  de 
rempërpot, fat  charge  èe  r&abtër  l'vtàt* en  Horigrte 
et  coi  Autrtehè*  Rodolphe  en  ftii  d*na  le  prineîjfe 
fort;  ritMOfrtént  ;  éepembm  ty  r)ueh]ue&  anhéès  plirt  ta*d, 
il  oon&Ufeit  de  bo»  gré  à  iiv*e*  à  Màtllta*  la  pftftte 
afctrtèhiedae  au-delà  et  èn^deçÉ*  de  T£ns  et  fc 
royaume  de  Hongrie;  «afin  que  cëpdys,  qui  avait  tatrt 
souffert  dans  l'absence  de  l'empereur  pendant  èei«e 
aps  de  guette*  pût  recouvrer  là  traftquillitéet  le  bien- 
être  sous  le  gouvernement  de  Mathias.  »  Et  en  effift 
ce  prince  réussit  à  tranquilliser  la  Hongrie  et  à  k 
soumettre  entièrement  à  séft  obéissance,  à  la  moVt 
deBotschkai  qui  arriva  kient^t  ftprès. 

Il  ms  restait  donc  à  Pempereur  Rodolphe,  outfe 
sa  dignité  impérial  que  eetlé  de  hoî  de  ItàliArt*. 
L*s  iétata  prbfcestants  de  çé  paya  voulant  tir*  parti 
du  monaqnt  favorable^  oi*  leur  maître  était  sâttspttisî- 
âatibe  et  fnéme  en  division  avec  sa  famille,  l'aceafblè- 
rentdeleuri  instances  jusque  oe  qu'ils5  nient  obtenu 
le  libre  exercice  de  leur  religion,  un  consistoire,  le 
renvoi  de  l'académie  de  Prague,  etu^uieledi^yrtde 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


400  sixième  époque.  4520—1648. 

bâtir  en  Bohême  de  nouvelles  églises  et  écoles  outre 
celles  qu'ils  avaient  déjà.  Cet  écrit  important  s'ap- 
pela la  lettre  de  majesté,  et  ce  fut  la  première  occa- 
sion de  la  guerre  de  trente  ans. 

L'union  protestante.  1608. — La  défiance  se  réveil- 
lait en  Allemagne  entre  les  partis  religieux.  En  même 
temps,  la  division  delà  maison  d'Autriche  qui  avait  été 
le  soutien  des  catholiques,  ralliait  les  états  protestants 
plus  intimement  les  uns  aux  autres  et  leur  inspirait 
la  pensée  d'une  nouvelle  ligue  offensive  et  défensive. 
C'était  la  maison  palatine  qui  y  poussait  le  plus  acti- 
vement; elle  y  prit  un  grand  rôle,  et  ce  fut  pour  le 
malheur  de  l'alliance;  car  comme  le  palatin  était  un 
zélé  calviniste,  les  luthériens  en  conçurent  des  idées 
toutes  défavorables,  et  le  plus  grand  nombre  d'entre 
eux  refusa  d  y  entrer.  Quand  donc  l'électeur  Fré- 
déric palatin  parvint,  dans  l'année  1608,  à  constituer 
après  les  plus  grands  efforts  une  nouvelle  ligue  qui 
prit  le  nom  d'C/h/bn,  il  n'y  eut  que  le  margrave  de 
Brandebourg ,  le  comte  palatin,  Philippe-Louis  de 
Neubourg,  le  duc  de  Wurtemberg,  et  le  margrave 
de  Bade,  avec  les  importantes  villes  de  Strasbourg, 
Nuremberg  et  Ulm ,  qui  voulurent  en  faire  partie 
avec  lui.  «On  devait  s'aider  mutuellement  de  con- 
seils et  d  actions,  surtout  protéger  la  religion;  le  pa- 
latin devait  avoir  la  direction  pendant  .la  paix,  et  la 
ligue  devait  durer  dix  ans.  »  On  s'efforça  d'attirer 
plusieurs  autres  membres  ;  l'électeur  de  Brandebourg 
ne  s'en  montrait  pas  trop  éloigné,  mais  la  Saxe  était 
prononcée  daus  son  refus  et  répondit;  «  Si  on  ré- 


Digitized  byVJ OOQ IC 


RODOLPHE    II.  101 

fléchit  sérieusement,  on  verra  d'un  côté  que  la  ligue 
n'est  pas  nécessaire  et  de  l'autre  que  c'est  en  réalité 
une  séparation,   une  scission  avec  l'empire  entier 
qui  sûrement  s'ensuivra.  »   Si  la  maison  palatine  ne 
fut  poussée  à  cette  entreprise  que  par  des  vues  d'am- 
bition et  non  pures ,  elle  les  a  bien  durement  expiées. 
Guerre  pour  l'héritage  de  Juliers.  —  Dès  l'année 
suivante,  1609,  survînt  dans  l'empire  un  événement 
auquel  ta  ligue  qui  venait  de  se  constituer  put  pren- 
dre Une  part  active.  Le  duc  Jean  Guillaume  de  Juliers 
qui  possédait  les  beaux  pays  du  bas  Rhin,  Juliers, 
Clèves,  Berg  et  Marck,  mourut  le  25  mars  de  cette 
même  année,  sans  enfants.  Il  avait  quatre  sœurs  qui 
avaient  épousé  des  princes  allemands,  et  toutes  quatre 
avec  plusieurs  autres  parents  éloignés  faisaient  va- 
loir des  droits  à  l'héritage.  Mais  deux  des  préten- 
dants, l'électeur  de  Brandebourg  et  le  comte  palatin 
de  Neubourg,  s'en  mirent  en  possession  et  convinrent 
ensemble,  à  Dusseldorf,  dé  gouverner  le  pays  en 
commun  jusqu'à  ce  que  l'affaire  fût  réglée.  L'empe- 
reur cependant,  mécontent  de  la  conduite  arbitraire 
de  ces  deux  princes,   envoya  l'archiduc  Léôpold, 
évéque  de  Passau,  pour  prendre  possession  du  pays 
comme  d'un  fief  vacant.  Il  vint  avec  quelques  trou- 
pes; mais  il  ne  put  occuper  dans  le  pays,  autre  place 
que  la  ville  de  Juliers  et  la  citadelle,  où  le  bailli  le 
reçut.  Pendant  ce  temp-Ià,  il  fit  lever  de  nouvelles 
troupes  en  Alsace,  et  songeait  à  soutenir  par  la  force 
les  droits  de  l'empereur.  — -  L'union  voyant  lamaison 
d'Autriche  se  mêler  de  cette  affaire,  se  montra,  pro- 
T.  II.  11 


Digitized  byVJ OOQ IC 


J62  sixifeME  époque,  ^20—1648. 

mit  son  assistance  aux  depîç  pripces  aieuac&  ej,  fit 
des  préparatifs.  Peplus»  le  roi  deFfancp^HeprUY, 
entra  avec  eux  dans  la  ligue,  et  fortifia  TopposUiOfl 
contre  Tempereur,  On  connaît  }es  grands  projets  fa 
ce  roi  qui  s'occupait  de  tout  uphonJevprsetpentd^p? 
l'Europe  j  il  voulait  affaiblir  la  rp^ou  d'Àutrichef 
former  ensuite  de  l'Europe  une  république  fédéra- 
tive,  qui  mettrait  sur  pied  une  armée  commune  pour 
chasser  les  Turcs.  Son  alliançç  $vec  l'union  se  ratyar 
chait  à  ces  projets}  il  avait  fixp  Vpnnée  1§10  pour 
commencer  ses  entreprises  çppjrp  la  maison  d'A,p- 
triche,  Et  en  effet,  l'armée  de  l'wniçn  entya  en  Al^a^P 
au  printemps  de  celte  n^éme  appéefdisp^ft  quelques 
milliers  d'hommes  que  Varçb  jduc  Léopoid  y  faisait 
enrôler  \  et,  pour  justifier  cet  açtie  de  violence,  elle 
accusa  l'epapereur  cl' une  çopduitç  jUegale  dans  l'af- 
faire de  Juliers.  «L'empereur,  dwait:e]lc,ne  devait  p^a, 
dans  ce  cas*  conformément  \  l'^nqeq  droit  de  l'em- 
pire, décider  lui  seul  j  naai*  ^'a^jjjiadf e  pour  celg  un 
certain  nombre  4'^ect0UW  £t  4$  pyippes,  » 

La  lijjue  çathpliquç.  4610,  —  1$  spbite.  pyrite 
dVmes  ;  çtpla*  gncpre  1?  sppdyjtf;  ^tjlpdç  l'ijpiqp 
daps  tojjg  ïgs  pays  des  prinp£s  epçlpqia^tiques  pu 
Varpiée  arrivait  ?  aigrirent  le$  çafhQl  jqpps  ;  car  elle 
avait  çp  effpt  parcpqru  Isa  tyfrhp*  du  Rhin, 
Mrçyepce ,  TrèY09 j  Cologpe4  l^pf  «qs.  Spire et  autres 
et  les  ayait  traitas  comme  des  pays  cqpqujs,  levant 
4e3  contributions  et  exerçant  Joute  eapèce  de  vio- 
lences, Alors  le$  catholiques  s'unirent  aussi  entre 
eux  et  conclurent  à  Wprtzbqurg,  en  1610 ,unç  <J- 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


BPDOLPHE    H.  163 

tîanoe  ppur  neuf  ans  contre  l'union  ,  et  l'appelèrent 
la  Jigue.  C'étaient  surtont  des  princes  ecclésiastiques 
avec  la  maison  de  Bavière.  On  donna  le  comman- 
dement en  chef  au  duc  Maximilien  de  Bavière, 
afin  que  l'unité  régnât  dans  l'alliance.  Ainsi  la  ligue 
eut  bien  plps  de  solidité  que  l'union,  qui  n'ayant 
point  de  chef  déterminé  pour  la  guerre ,  était  obligée 
d'élire  un  général  j  et ,  comme  elle  n'était  composée 
quede  princes  laïques,  chacun  d'euxbriguait  pour  lui- 
même  cet  honneur.  Du  reste,  laligue  était  basée  à  perç 
près  sur  les  mêmes  principes  que  l'union  protestante. 

Laligupprit  donc  les  armes  aussi  elle;  mais  Henri  IV 
étant  mort  sur  ces  entrefaites ,  l'union  se  montra 
biep  plus  disposée  à  terminer  à  l'amiable  ;  et  les  deux 
partis  déposèrent  les  armes. 

Déposition  de  l'empereur  Rodolphe  en  Bohême 
et  sa  mort.  161$5.  —  De  nouvelles  querelles  avec  sa 
faille  yiorent  encore  jeter  de  l'amertume  sur  les 
dernières  années  du  vieil  empereur.  Il  était  fort 
mécontent  de  son  frère  Mathias  et  il  n'aimait  aucun 
des  autres  membres ,  si  ce  n'est  Léopold,  évêque 
de  Passau ,  dont  nous  avons  déjà  parlé.  Il  désirait 
dpnclui  donner  la  Bohême;  et,  dans  l'année  1611, 
d'après  qn  plan  n^al  calculé  pour  ce  projet,  il  le  fit 
entrer  dans  ce  royaume  à  la  tête  d'une  armée.  Les 
é^ats  dp  Bohême,  qui  crurent  voir  dans  cette  dé- 
marche des  intentions  Jiostrles  ,  prirent  les  armes, 
reqfprmèrçnt  l'empereur  dans  le  château  de  Prague 
et  appelèrent  Mathias  qui  déjà  depuis  longtemps 
comptait  sur  la  couronne  de  Bohême.  Il  entra  dans 

11, 


Digitized  byVJ OOQ IC 


164  sixième  époque.  452Ô— 4648. 

la  ville  au  milieu  des  acclamations  ,  et  Rodolphe 
fut  encore  obligé  de  céder  la  couronne  à  son  frère, 
après  d  amères  et  mortifiantes  négociations.  On  dit 
que  pendant  ces  jours  de  troubles  et  dans  un  mo- 
ment d'irritation  ,  ii  ouvrit  la  croisée  de  sa  chambré 
et  s'écria  ,  avec  ces  paroles  qui  peuvent  être  regar- 
dées comme  un  malheureux  oracle:  «  Prague,  in- 
grate Prague,  tu  as  été  élevée  par  moi,  et  aujour- 
d'hui tu  repousses  ton  bienfaiteur  !  Que  la  vengeance 
divine  te  poursuive ,  et  que  sa  malédiction  tombe 
sur  toi  et  sur  toute  la  Bohême  !  » 

De  toutes  ses  couronnes,  il  ne  lui  restait  plus  que 
la  couronne  impériale;  mais  la  mort  qui  vint  bien- 
tôt l'enlever,  dans  sa  soixantième  année ,  le  20  jan- 
vier 1612 ,  prévint  la  douleur  de  cette  nouvelle 
perte  que  sans  cela  il  aurait  vraisemblablement 
éprouvée  ;  il  vit  la  mort  venir  avec  calme  et  même 
avec  joie ,  parce  qu'elle  le  délivrait  de  mille  soucis. 


Matbias.  1612—1619. 

Le  choix  du  nouvel  empereur  tomba  sur  le  plus 
âgé  de  la  maison  d'Autriche  ;  il  fut  élu  le  13  juin 
à  Francfort,  et  couronné  le  24 ,  avec  une  pompe 
comme  on  n'en  avait  presque  jamais  vue.  Tous  les 
électeurs ,  excepté  celui  de  Brandebourg ,  et  une 
quantité  de  princes  y  étaient  présents.  «  Il  semblait, 
dit  un  historien,  que  les  princes  voulaient  prendre 
congéjcarils  ne  sesontplus  ainsi  ressemblés  depuis.» 


Digitized  byVJ OOQ IC 


MATHIAS.  16S 

Le  roi  Math i as  seul  avait  dans  sa  suite  trois  mille 
hommes,  quatre  mille  chevaux  et  cent  voitures  à 
six  chevaux;  et  les  autres  princes  paraissaient,  sui- 
vant leur  fortune,  avec  un  luxe  presque  semblable. 
Les  fêtes  se  succédaient,  et  un  étranger,  témoin -de 
ce  grand  et  brillant  rassemblement,  où  régnait  la 
joie ,  aurait  pu  prendre  l'Allemagne  pour  le  pre- 
mier pays  du  monde,  y  trouvant  un  si  beau  cortège 
de  princes  qu'il  voyait  réunis  dans  une  telle  fami- 
liarité. Mais  derrière  ce  rideau  si  brillant,  veillait 
l'esprit  de  dissension;  l'observateur  profond  aurait 
découvert  dans  la  joie  des  catholiques  l'espérance 
de  grands  avantages  pour  leur  parti ,  basée  sur  l'ac- 
tivité et  la  fermeté  de  l'empereur  ;  et  dans  celle  des 
protestants  des  espérances  fondées  sur  l'apparence 
de  sa  mauvaise  santé.  Le  prince  Christian  d'Anhalt, 
un  des  plus  entreprenants  parmi  ces  derniers ,  fit 
sentir  avec  finesse  le  double  sens  de  cette  fête  :  «  Si 
l'on  en  vient  à  danser,  dit-il ,  Mathias  désormais 
ne  peut  plus  faire  de  grands  sauts.  » 

Le  nouvel  empereur ,  en  effet,  ne  montra  pas  toute 
l'activité  qu'on  avait  eu  lieu  d'espérer;  il  sembla 
qu'il  n'avait  forcé  son  frère  de  lui  céder  le  trône 
que  pour  continuer  dans  son  indolence  et  son  irré- 
solution :  mais  les  passions  n'en  travaillaient  que 
plus  activement  les  esprits,  et  préparèrent  ce  fâ- 
cheux éclat  qui  arriva  dès  le  règne  de  Mathias.  Dans 
les  provinces  autrichiennes  l'esprit  de  parti ,  excité 
par  les  prêtres  dans  les  chaires,  reparut  avec  une 
nouvelle  force;  les  hommes  de  différentes  religions 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


466  sixiemb  époque,  4&20— 4648. 

perdirent  pour  [ainsi  dire  entre  eux  les  rapports 
d'hommes;  car  la  haine  qui  tient  à  ce  que  l'homme 
a  de  plus  sacré  est  la  plus  implacable. 

Il  se  passait  aussi  dans  le  reste  dé  l'Allemagne 
quelques  événements  importants  :  des  différends 
avaient  éclate  dans  Àix  ;  d'autres  dans  Cologne 
avec  les  deux  possesseurs  de  Juliers  ,  parce  qu'au 
détriment  des  habitante  de  Cologne  ils  avaient 
donné  le  titre  de  ville  à  Mulheim  sur  le  Rhin. 
Dans  ces  deux  différends,  l'empereur  décida  en  fa- 
veur du  parti  catholique  et  souleva  ainsi  chez  les 
protestants  de  nouvelles  inquiétudes.  Sa  lenteur  au 
sujet  de  Mulheim  aurait  eu  peu  d'effet  si  les  deux 
maisons  princières  qui  avaient  pris  possession  de 
l'héritage  dé  Juliers  ne  s'étaient  divisées  entre  elles; 
mais  le  prince  palatin  Wolfgang  Guillaume ,  qui 
devait  épouser  une  fille  de  la  niaison  de  Brande- 
bourg, étant  venu  pour  cette  affaire  même  &  Berlin, 
se  prit  de  querelle  avec  l'électeur  pendant  le  1-epas} 
tous  les  deux  étaient  excités  par  le  vin ,  ils  s'ou- 
blièrent, et  celui-ci  donna  au  prince  palatin  un 
soufflet.  Jamais ,  peut-être,  Unfe  circonstance  aussi 
insignifiante,  n'eut  de  suites  Si  graves  dans  l'his- 
toire: le  système  tout  entier  de  l'empire  en  fut 
ébranlé,  et  ces  secousses  se  firent  long-temps  sentir. 
Le  prince  en  colère  partit  aussitôt  de  Berlin  ;  et, 
en  haine  de  la  maison  de  Brandebourg ,  il  s'unit  in- 
timeu.ent  avec  celle  de  Bavière,  y  prit  une  femme 
et  même  la  religion  catholique.  L'électeur  de  Bran- 
cK'bourgi  au  contraire,  qui  craignit  pour  ses  éWs 


Digitized  byVJ OOQ IC 


MATHIAS.  16Î 

de  Juliers,  si  Wolfgang  Guillaume  les  attaquait 
seconde'  par  la  ligue  et  par  les  Espagnols ,  demanda 
l'assistance  des  ftollandais  qui  étaient  toujours  en 
guerre  aVec  les  Espagnols  ;  et ,  afin  de  leur  être  plus 
agréable ,  il  quitta  l'église  luthérienne  pour  passer 
dans  celle  des  calvinistes.  Les  états  de  Juliers  furent 
donc  envahis  par  des  étrangers  de  deux  côtés:  les 
Hollandais  occupèrent  Juliers  ,  les  Espagnols,  com- 
mandés par  Spinola,  occupèrent  Wésel  ;  et  ces  deux 
armées  firent  exécuter  la  sentence  de  l'empereur  con- 
tre Mulheirh.  Ainsi  déjà  dans  l'empire  les  troubles 
devenaient  des  hostilités,  et  les  états  allemands 
commençaient  à  faire  des  alliances  avec  l'étranger. 
L'itiquiétude  des  protestants  fut  enfcore  excitée  da- 
vantage par  le  choix  de  l'héritier  de  l'empereur.  CÎar, 
comme  Màtliias  lui-même  ainsi  que  ses  frères  Maxi- 
milien  et  Albert  n  avaient  point  d'enfants,  et  que  les 
affaires  de  l'état  n'avaient  pas  un  grand  attrait  pour 
ces  deux  derniers  princes ,  ceux-ci  renoncèrent  à  la 
succession  des  états  autrichiens  à  laquelle  ils  avaient 
droit  et  proposèrent  pour  successeur  leur  cousin,  le 
jeune  archiduc  Ferdinand,  déjà  possesseur  de  la 
Styrie,  de  la  Carinthie  et  de  la  Carniole,  Toute 
cette  affaire  fut  fort  désagréable  à  l'empereur  :  il  dut 
sentir  la  main  de  la  Providence  qui  lui  faisait  expier 
l'injustice  commise  à  l'égard  de  son  frère  Rodolphe; 
mais  ses  frères  y  mirent  tant  d'instance  qu'il  fut 
enfin  obligé  de  céder.  Ferdinand  fut  reconnu  pour 
Hitur  roi  de  Bohême  dans  une  diète,  en  1617,  et  trois 
semaines  plus  tard  il  fut  couronné  avec  pompe  dan» 


Digitized  byVJ OOQ IC 


168  sixième  époque.  1520 — 1648. 

Vienne.  Les  états  n'exigèrent  rien  autre  chose  que  la 
confirmation  des  droifs  dont  ils  avaient  joui  jus- 
qu'alors ,  et    l'absence    du    nouveau  roi   dans   les 
affaires  du  gouvernement  tant  que  l'ancien  roi  vivrait. 
Ce  Ferdinand  a  été  la  principale  cause  de  ce  vio- 
lent ébranlement  de  son  époque ,  et  mérite  d'au- 
tant plus  d'être  sévèrement  et  équitablement  appré- 
cié que ,  dans  tous  les  temps ,  il  a  été  plutôt  injurié 
ou  traité  avec  passion  que  soumis  à  un  jugement 
calme.  Il  fut  élevé  dans  l'université  de  Ingolstadt, 
en    Bavière,  particulièrement  par   des   jésuites  et 
sous  les  yeux  du  duc  Guillaume  de  Bavière ,  catho- 
lique zélé ,  et  nourri  depuis  son  enfance  dans  les 
principes  les  plus  sévères  en  matière  de  religion.  Il 
croyait  fermement  à  une  seule  Eglise ,  et  il  regar- 
dait comme  son  premier  devoir  d'y  maintenir  tous 
les  hommes  ou  de  les  y  faire  entrer  par  tous  les 
moyens  qui  sont  en  la  puissance  humaine  :  par  la 
bonté   et  la   sévérité ,  par   la  force  de   la  parole 
et  par   celle  de  l'épée;  «  car  le   salut  de   l'âme, 
lui  avait-on  dit,  va  devant  toute  considération  hu- 
maine. »  Aussi  a-t-ii  suivi  ces  principes  toute  sa  vie 
avec  la  plus  grande  fidélité;  il  se  croyait  destiné 
par  Dieu  à  être  le  champion  de  l'Eglise  catholique 
et  le  restaurateur  de  l'ancienne  croyance.  Mais  de 
cette  croyance,  il  n'en  a  point  fait  un  mystère;  il 
est  entré  franchement  et  loyalement  dans  l'arène, 
et  c'est  là  son  côté  glorieux  dans  l'histoire  :  car  tout 
homme  qui  suit  avec  opiniâtreté  et  sans  arrière-pen- 
séc  de  toutes  les  forces  de  son  être  ce  qu'il  a  une 


Digitized  byVJ OOQ IC 


maihus.  169 

lois  reconnu  comme  juste  et  sacré  est  certainement 
un  homme  honorable. 

Le  jeune  prince,  à  peine  devenu  maître  dans  ses 
états ,  se  mit  à  réformer ,  c'est-à-dire  qu'il  ramena 
l'ancien  usage  dans  le  service  divin  ;  il  mit  en  avant 
le  principe  qu'un  souverain  ne  doit  souffrir  qu'une 
seule  religion  dans  ses  états ,  afin  qu'il  y  ait  une 
parfaite  uni  lé  d'esprit  et  de  volonté  ;  et  comme  la 
paix  de  religion  d' A  ugsbourg  ne  donnait  dans  ce  cas 
aux  non  croyants  que  le  droit  de  s'expatrier,  il  força 
ceux  qui  ne  voulaient  pas  se  rallier  à  l'ancienne 
Eglise  de  sortir  du  pays.  Ces  mesures  étaient  dures, 
car  il  n'est  rien  de  plus  dur  pour  un  homme  qui 
s'attache  et  qui  sent  vivement  que  d'être  obligé  de 
quitter  pour  toujours  les  lieux  ou  ont  demeura  ses 
ancêtres,  et  où  il  a  lui-même  passé  les  premières 
années  de  son  enfance.  Il  devait  donc  nécessaire- 
ment  s'élever  de  grands  mouvements  dans  les  états 
de  Ferdinand. 

La  nombreuse  population  des  montagnes  se  leva  la 
première;  parce  que  ces  hommes  qui  ne  quittent  ja- 
mais leurs  montagnes,  vivent  éloignés  du  tracas  de 
toutes  les  relations  sociales,  et  qui  sonthabitués  à  consi- 
dérer les  grands  et  éternellement  immuables  tableaux 
delà  nature  sanss'occuper  de  l'inconstance  des  affaires 
humaines,  tiennent  plus  fortement  que  tous  les 
autres  à  leurs  opinions  et  au  soi  de  la  patrie.  Ce- 
pendant il  y  avait  dans  les  mesures  du  jeune  prince 
tant  de  fermeté  et  de  calme,  il  se  montrait  si  réso- 
lument sévère  1  qu'il  avait  prévenu  les  éclals  du  mé- 


Digitized  by  LjOOQ  IC 


470  sixième  époque.  1520—1648. 

contentement  avant  qu'ils  eussent  paru,  et  que  malgré 
toute  les  maisons  de  justice  qu'il  avait  érigées  de  tous 
côtés,  pas  une  goutte  de  sang  ne  coula.  Aussi,  ce  fut 
comme  un  prodige  exposé  aux  yeux  de  tout  le 
monde ,  que  dans  l'espace  de  quelques  années,  on  ne 
vit  plus  aucune  église  protestante  dans  le  pays  où 
la  plus  grande  par  lie  des  habitants  s'étaient  attachés  h 
la  nouvelle  doctrine ,  et  qu'on  ii*y  entendit  plus  uh 
seul  prédicateur  protestant.  Une  pareille  énergie 
dans  un  jeune  prince  devait  soulever  de  grandes 
espérances  pour  un  des  deux  partis  et  de  grandes 
craintes  pour  l'autre.  Les  états  de  l'union  en  Alle- 
magne, et  surtout  l'électeur  palatin,  voyaient  donc, 
dans  l'élévation  de  Ferdinand  connue  chef  de  la 
maison  d'Autriche,  de  nouveaux  motîft  pour  affer- 
mir leur  alliance.  Ils  travaillaient  toujours  à  gagner 
l'électeur  de  Saxe;  mais  en  vain.  Son  indisposition 
contre  l'église  calviniste  faisait  sans  doute  au  fond  de 
son  cœur  une  opposition  forte  ;  mais  aussi  le  désir  de 
conserver  là  paix  dans  l'empire  avait  une  grande  in- 
fluence sur  sa  résolution,  et  ce  désir  était  bien  marqué 
parmi  la  plupart  des  princes  luthériens,  surtout 
depuis  la  mort  de  Maurice.  Une  lettre  de  l'électeur 
de  Saxe  à  l'arcniduc  Ferdinand  prouve  que  du 
moins  chez  lui  ce  sentiment  était  réel  ;  il  lui  disait  : 
«  puisqu'on  en  est  venu  à  un  tel  point,  qu'on  ne  peut 
qu'à  peine  trouver  quelques  traces  de  bonne  intelli- 
gence et  de  confiance  parmi  les  états  d'Allemagne, 
il  faut  au  moins  s'efforcer  de  ranimer  en  quelque 
*0:te  !e  peu  qui  s'y  trouve,  Car,  si  cet  ét&t  actuel  et 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


(iUÈRBÈ   DE    tîlENiî   A$S.  iïi 

dangereux  doit  durer,  si  Ton  doit  recoiitfr  plutôt 
à  la  plus  extrême  sévérité  pour  guérir,  (ju'âlix  mrîyenfc 
plus  simples,  il  est  évident  que  cette  tentative  dé 
guérison  ou  entraînera  la  ruine  totale  de  l'un  ou 
l'autre  des  deux  partis,  ou  conduira,  après  beaucoup 
de  sang  répandu,  après  avoir  cause  la  ruine  du  pa3S 
et  de  sefi  habitants,  à  des  moyens  mitoyens  que 
l'on  peut  dès  à  présent  employer  saris  vlolenbe  ni 
danger.  »  Ces  paroles  étaient  comme  une  annoncé 
de  l'avenir  et  auraient  pu  Frapper  Ferdinand  de 
quelques  rayons  de  lumière ,  s'il  n'avait  tenu  seà 
jeux  fortement  fixés  sur  un  seul  point.  Un  autre 
témoignage  plus  expressif  encore  se  manifesta  peu 
de  temps  après  et  lui  présagea  la  proximité  du  dan- 
ger qui  menaçait  sa  riiàifcorl. 


Jkfouveraent*  en  Èoftéme.  €ointrt«icemeirt  de  ta  guerre  4e  trente  ans/ 

Depuis  la  nomination  de  Ferdinand  pour  fbttîr 
roi  de  Bohême ,  les  protestants  crurent  remarquer 
dans  le  pays  plus  d'activilé  et  plus  d'assurance 
parmi  les  catholiques.  La  renommée,  qui  dans  les 
temps  extraordinaires  est  toujours  plus?  agitée  et 
plus  effrayante  que  jamais,  portait  avec  fclle  mille 
détails  qui  leur  annonçaient  de  grands  dangers. 
«  La  lettre  de  majesté  qui  garantissait  leur  sécurité  et 
leur  liberté  était  sans  force,  parce  qu'elle  avait  été 
pxtorrjuéç  m  roi  Wodolphej  »  ainsi  parlaient  les  <ty- 


Digitized  by 


Google 


172  sixième  époque.  1520—1648. 

tholiques,  disait-on  :  «  A  l'arrivée  du  roi  Ferdinand, 
il  y  aura  un  nouveau  roi  et  une  nouvelle  loi  ;  il  y 
aura  plus  d'une  tête  qui  tombera.  »  «  Les  biens  passe- 
ront en  d'autres  mains,  et  plus  d'un  pauvre  se 
trouvera  riche  du  bien  de  ses  parents.  »  De  plus, 
quand  Ferdinand  prêta  hommage,  on  fit  colporter  par 
toute  la  Moravie  des  tableaux,  où  le  lion  de  Bohême 
et  l'aigle  de  Moravie  étaient  représentés  enchaînés  et 
près  deux  un  lièvre  endormi  les  yeax  ouverts,  pour 
signifier  que  les  états  avaient  beau  ouvrir  les  yeux> 
ils  ne  comprenaient  pas  quel  t^ort  leur  était  réservé. 
Ces  démonstrations  hostiles  et  bien  d'autres,  grossies 
encore  en  passant  de  bouche  en  bouche,  jetaient 
l'effroi  dans  tous  les  esprits. 

Enfin  on  ne  manquait  pas  non  plus  de  raisons 
bien  plausibles  pour  susciter  des  querelles.  Ainsi,  la 
lettre  de  irajesté  assurait  aux  protestants  de  Bohême 
la  liberté  de  construire  de  nouvelles  églises,  mais 
le  gouvernement  restreignait  le  sens  de  cet  article 
aux  provinces  protestantes  du  royaume  et  refusait 
.son  application  dans  les  provinces  catholiques.  En 
1617,  les  protestants  qui  se  trouvaient  dans  la  juri- 
diction de  l'archevêché  de  Prague,  bâtirent  une 
église  dans  la  petite  ville  de  Glostergrab ,  et  ceux  de 
la  juridiction  de  l'abbé  deBraunau  en  bâtirent  aussi 
une  dans  leur  village.  L'archevêque  et  l'abbé  ne  vou- 
lurent pas  les  tolérer,  et  ils  en  portèrent  leur  plainte 
à  l'empereur.  Puis ,  quand  les  églises  furent  termi- 
nées ,  l'archevêque  fit  valoir  un  ordre  impérial  ; 
l'église  de  Glostergrab  fut  démolie  jusqu'aux  fonde- 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


GUERRE    DE   TRENTE    ANS.  *?5 

ments,  et  celle  de  Braunau  fut  fermée;  ensuite, 
comme  il  s'éleva  une  révolte  à  ce  sujet,  les  citoyens 
les  plus  mutins  furent  jetés  en  prison. 

Alors  les  protestants  crièrent  à  ta  violation  de  la 
lettre  de  majesté,  et  ils  trouvèrent  un  chef  résolu 
dans  le  comte  Mathias  de  Thurn.  Ce  comte ,  né  à 
Gratz  sur  les  frontières  de  l'Italie,  mais  alors  de- 
venu citoyen  de  Bohême ,  soutenait  avec  toute  la 
chaleur  du  sang  italien  Ses  croyances  et  ses  libertés  ; 
et  il  fut  choisi  pour  défenseur  des  évangélistes  en 
Bohême.  Ce  fut  sous  ce  titre  qu'il  convoqua  les 
états  protestants  à  Prague.  On  fit  parvenir  à  l'em- 
pereur plusieurs  suppliques ,  pour  le  prier  de  faire 
cesser  les  motifs  de  leurs  plaintes  et  de  rendre  à  la 
liberté  les  citoyens  de  Braunau,  toujours  retenus 
prisonniers. 

La  réponse  de  l'empereur  fut  très  dure.  La  résis- 
tance des  habitants  de  Braunau  et  de  Clostergrab  y 
est  appelée  une  révolte;  les  états  y  sont  fort  blâmés 
de  s'être  occupés  de  citoyens  étrangers  pour  eux, 
d'avoir  tenu  des  assemblées  illicites  et  d'avoir  cher- 
ché par  dé  faux  bruits  sur  les  dangers  de  la  lettre  de 
majesté,  d'arracher  à  l'empereur  l'amour  et  la  fidé- 
lité de  ses  sujets,  etc.  La  menace  qui  venait  ensuite  : 
«  On  examinera  l'affaire  et  on  rendra  à  chacun  sui- 
vant ses  mérites,  »  acheva  de  donner  aux  esprits  déjà 
excités  les  plus  grandes  craintes  sur  l'avenir.  De 
plus,  le  bruit  se  répandit  que  cet  écrit  n'avait  pas 
été  fait  à  Vienne,  mais  bien  à  Prague  même ,  dans 
la  maison  du  gouverneur,  et  même  particulièrement 


Digitized  byVJ OOQ IC 


m  sixife&p  Épopuç.  4^2P—  ^48 

par  deux  conseillers  catholiques,  Martinez  et  Slavata. 
La  colère  qui  éclata  se  porta  donc  sur  eux,  comme 
sur  l'objet  le  plus  immédiat.  Déjà  depuis  long- 
temps ih  étaient  haïs>  parce  qu'Hs  n'avaient  pas 
youluj  prendra  part  ^  I3  confection  cje  h  lettre  de 
ça^jpsté  >  i\  y  %  neuf  ans  5  or*  racontai);  epçorjp  n*ainte$ 
circonstances,  très  irritent^ de lçijr zèfe  pour  l'Églisç 
çathoUquet  O9  fbt&U  que  BlaFUp^z:  $yajt  fait  chasser 
p$r  dgs  chiens  k  l'ÉgHsç  çatljpii<jqe  les  protestants 
gui  étajeat  501^  sa  juj:i<|ictjpp  >  çt  qqe  Sl^v?t»  ^vait 
forcé  cej^  4?  k  sJÇfl  A£  *  w  faire  çatl^liques  en  leur 
refusant  le  baptême  et  l'enterreçaent  en  terre  sainte. 
Les  députés  (Je$  f  tqts^  exaspérés  par  ces  bruits,  se 
présentèrent  le  23  ni^i  16182  ^rnjés  et  accompagnés 
de  Ipurs  gens,*  au  château,  roj$l  de  Prague  devant  les 
gouverneurs ,  et  leur  demandèrent  s'ils  avaient  fait 
pftj$JQ  cju  cq^seil  ?  qpanji  pn  y  aurait  délibéré  l'écrit 
jiifpprial,  $j  dm;  et  si  JjpstUe  pojjr  ?uxj  enfin  ^il^ 
j&Y3i?Rt  qpiqé  ppuy  Juif  et^r  lçur  réponse  qu'il 
f^ikit  3#pan*yant  ftppejep  }f,S  mepabres  du  conseil 
jbspplfl  *  pour  ?yi$er  mv  u^e  affaire  si  importante , 
^jpelquf  s.hwimes  dp  1^  foule  s'^ncêropt  et  dirent  : 
»  JSEoiis  savons  qu'^cjanj  de  Sternpbçrg  ^  }e  premier 
hurgr^ve  ,t  et  Rippld  de.  Lobkowitz ,  ont  en  effet 
assisté  à  lfi  délibération  §ur  l'écrit  \  mais  qu'ils  n'ont 
|#6  #onlu  çppse.ntir  à  $a  confection.  »  Alors  on  les 
pon^Ujisit  fo*u$  deuç  dcms  une  autre  chambre  ;  mais 
d'aif^ç?  s'éj^qt  jetés  sur  Martiqez,  le  traînèrent  à  la 
fep^trç  et  \p  jetçrept  en  bas.  Ils  restèrent  tous  en- 
suite dqifls  wç  espèce  de  stupeur,  jusqu'à  ce  que  le 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


OUERR£   DE   TRENTE    À\S.  ^Ify 

comte  de  Thurn  s'écriât  en  leur  montrant  Sjuvata: 
«Nobles  amis,  voici  le  deuxième,  »  et  aussitôt  on 
le  saisit  et  on  le  pre'cjpita  en  bas.  Restait  encore  le 
secrétaire  Fahricius,  qui  subit  le  même  traiterçieq^ 
cpmme  complice  des  deux  aulres.  La  hauteur  étyi\ 
de  cincinantç-six  pied^  ^  cependant  pas  iia  dgs  \yç>\y 
ne  perdit  Ja  yje,  parce  qu'ils  tombèrent  sjjp  VW  t^ 
de  débris  de  papiers  ej;  d'autres  objets  (le  rgbuj;  j  ijp 
échappèrent  même  à  qne  décharge  qui  fut  faite  siu* 
eux ,  et  ils  furent  sauvés  comme  par  miracle. 

LesBobémiensvoului 
par  plusieurs  exemple 
tfiqt  des  Romains  qui 
roche  tarpéienne,  qu 
voit  qup  la  reine  Jpzal 
fenêtre  en  bas ,  poi^r 
Dieu.  Cependant  ils  si 
excuses  ne  les  garantir 
s'ils  rie  faisaient  eq  mi 
tifs  poor  l'écarter.  El 
aussitôt  occupé  par  le 
en  charge  prétèretjt  s< 

tous  les  jésuite?*  que  Ton  regardait  comme  les  art|- 
sarçs  des  projets  hostiles  aux  protestants,  furent  chas- 
sés du  pays,  et  enfin  on  établit  un  corqité  de  trente 
gentilshommes  pour  gouverner.  Tout  ^nRonçait  firç- 
tention  où  Ton  éLait  de  se  défendre  parla  forcç ,  et  lp 
comte  de  Thurn  étsfit  l'âme  de  toutes  ces  menées. 

I/empereur  Mathifis  fut  fort  déconcerté  quand  il 
reçut  cette  nouvelle.  Car  oi\  trouver  des  secqurs 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


176  SIXIEME    ÉPOQUE.  1S20— 1648. 

pour  ramener  à  Tordre  ces  révoltés  de  Bphême  ?  Le 
mécontentement  n'était  pas  moins  grand  dans  les 
pays  autrichiens  qu'en  Bohême;  en  Hongrie,  c'étaient 
les  mêmes  dispositions.  L'indulgence  lui  parut  donc 
Tunique  moyen  de  conserver  cet  important  pays  à  la 
maison  d'Autriche  ;  et  le  confesseur  même  de  l'em- 
pereur, le  cardinal  Clesel ,  son  conseiller  habituel  et 
le  plus  grand  ennemi  des  protestants,  était  de  même 
avis.  Mais  le  jeune  Ferdinand  s'opposa  de  toutes  ses 
forces  à  de  pareilles  pensées.  «Avant  tout,  écri- 
Vait-il  à  l'empereur,  il  faut  que  vous  sachiez  que 
Dieu  même  a  soufflé  les  troubles  de  ce  pays;  car  il 
est  visible  qu'il  a  frappé  d'aveuglement  les  Bohé- 
miens ,  afin  que  par  cette  effroyable  action  qui  doit 
paraître  à  tout  homme  raisonnable  de  quelque  re- 
ligion qu'il  soit ,  horrible,  indigne  d'un  chrétien  et 
digne  de  punition ,  il  arrachât  aux  rebelles  et  fît 
tomber  dans  Teau  leur  plus  spécieux  prétexte,  celui 
de  travailler  pour  leur  religion.  Car  sous  ce  prétexte 
ils  avaient  pu  jusqu'à  présent  enlever  à  leurs  sei- 
gneurs leurs  droits  ,  leurs  revenus  et  leurs  sujets. 
Mais  autant  l'autorité  vient  de  Dieu  ,  autant  une  pa- 
reille conduite  vient  du  démon  ;  et  Dieu  ne  peut  pas 
approuver  l'indulgence  de  Tautorité,  telle  qu'elle  a 
été  jusqu'à  ce  moment  ;  peut-être  même  nelesa-t-il 
laissés  venir  jusqu'à  cet  excès  qu'afin  que  les  maîtres 
se  délivrassent  de  la  servitude  où  les  tenaient  leurs 
sujets.  Qu'enfin  il  pensait  qu'il  n'y  avait  pas  autre 
cliose  à  faire  que  de  prendre  les  armes.  » 

Celte  lettre  de  Ferdinand  nous  fait  connaître  toute 


Digitized  byVJ OOQ IC 


.     GUERRE   DB  TRBNTJB   ANS.  177 

la  sévérité  de  ses  principes.  Aux  paroles  il  joignit 
en  même  temps  les  actions  ;  il  leva  des  troupes  de 
tous  côtés  et  se  montra  si  bien  résolu  qu'il  était  visi- 
ble que  toutes  les  incertitudes  de  l'empereur  ne  pour- 
raient pas  l'arrêter. 

Les  Bohémiens  firent  aussi  leurs  préparatifs  de 
leur  côté  et  ils  s'emparèrent  de  toutes  les  villes  du  • 
pays ,  excepté  de  Budweis  et  Pilsen ,  qui  restèrent 
fidèles  à  l'empereur.  Ils  trouvèrent  un  secours  d'au- 
tant plus  grand  qu'il  était  inattendu  dans  un  guer- 
rier qu'on  peut  regarder  comme  un  des  plus  grands 
héros  de  son  siècle,  et  qui  montra  le  premier,  par . 
son  exemple  ,  comment  un  homme  seul ,  sans  pro- 
priété ,  sans  aucune  dépendance ,  peut  rassembler 
autour  de  lui  des  troupes  de  vaillants  soldats  par  le 
seul  bruit  de  son  nom  et ,  comme  faisaient  autre- 
fois les  princes  germains  du  temps  des  Romains , 
marcher  avec  toute  sa  suite  partout  où  Ton  a  besoin 
de  son  bras ,  moyennant  une  rétribution  et  pour  le 
butin.  De  pareils  hommes  ne  se  rencontrent  que  de 
temps  à  autre  et  annoncent  une  époque  extraordi- 
naire où  tout  est  sorti  des  voies  habituelles.  Leurs 
troupes  se  forment  et  se  grossissent  par  la  guerre} 
il  faut  même  de  la  guerre  pour  les  entretenir  et  c'est 
ce  qui  explique  comment  elle  a  pu  exercer  ses  fu- 
reurs sur  le  sol  allemand  pendant  trente  ans  sans 
discontinuer.  Cet  homme ,  c'était  le  comte  Ernest  de 
Mansfeld,  guerrier  depuis  son  enfance,  génie  témé- 
raire et  entreprenant ,  qui  déjà  avait  maintes  fois 
bravé  les  dangers  et  venait  d'enrôler  des  troupes 
t.  h.  12 


Digitized  byVJ OOQ IC 


4W  sixiejM  ÊMQtJB.  4520—1648* 

pe«r  le  du©  de  Savoie  et  faire  la  guerre*  contre 
FEspague*  Le  due,  qui  n'en  avait  pas  encdre  besoin, 
ltii  permit  de  servir  en  Allemagne  le  parti  de  l'union; 
etee  fut  eUe  qui  l'envoya  en  Bohème  avec  trois  mille 
hommes,  comme  si  les  appointements  qu'il  avait 
touchés  étaient  venus  de  ce  paya.  Il  parut  tout  d  un 
coup  S8M  éfoe  atfspdn  r  et  prit,  chemin  faisant  >  Tiâi-* 
portante  pkce  de  Pil^ert  sur  le*  impériaux, 

Dans  l'intervalle  l'empereur  Mathias  mourut,  le 
40  mai»  1019*  et  ktf  Bohémiens  qui  l'avaient  re- 
connu  pour  leur  roi  tant  qu'il  vécut  )  résolurent 
alors  de  marier  son  Jucocsseur,  Ferdinand,  qui  mon- 
trait des  intentions  si hostiles. 


Ferdinand  H.  1619  à  1637. 

iCefak  jmi  milieu  de  ces  circonstances  si  difficiles 
cpfe  FerdtattHl  prit  les  rêne»  du  gouvernement  î  la 
ffctbAaat  ta  armes  et  menaçant  Vienne  même  d'uUe 
mtaâaai*!»  Silésie  et  la  Moravie  fraternisant  de 
caonr  avecksrénake»  r  FÀatriche  très  portée  h  s'nmr 
avec  *mr  la  Hongrie  retenue  par  un  faible  fil  „  les 
T**e*  qui  affirmaient  au  dehors  ^  écrirai  cfe  tous  cotés 
lataiftedmentestents  âteitéaeontre  la»  parée  qu'il 
aftrfiftit  se»  seadiniert»  contre  eu».  «  Malgré  tousoaa 
dato$m*f  dU  de  k»  ï&hf#Venkulkr  y  ce  glorieux-  se*- 
vêmfia  «fa  jamais  perdit  courage  et  est  cûrtatamc- 
n*eat  realé  fort,  dans  sa  religion,  dans  sa  eenfceee 
eaÛieu  qièil'a  pris  seœsaprotectio»et  Va  conduite 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


UVEJtRè    M    T**NTC    Ai».  479 

cette  mer  orageuse  malgré-tous  les  efforts  des  hommes.  » 
Le  comte  de  Thurn  s'avança  sur  Vienne  à  la  téta 
êtes  Bohémiens,  et  quand  on  lui  demandait  le  but  de 
son  expédition ,  il  répondait  :  «  Là  où  se  trouve  le 
rassemblement,  c'est  là  que  je  vais  pour  le  dis- 
perser. Entre  catholiques  et  protestants  il  j  aura 
désormais  une  parfaite  égalité,  et  l'on  ne  verra  plus, 
comme  avant ,  les  catholiques  s'élever  au-dessus  des 
autres,  comme  l'huile  au-dessus  de  l'eau.  » 
'  Il  vint  jusque  devant  Vienne  et  ses  soldats  tirèrent 
même  sur  le  château  impérial  où  Ferdinand  se  tenait 
renfermé,  entouré  d'ennemis  déclarés  et  secrète* 
Àfais  l'abandon  de  sa  capitale  aurait  entraîné  la  perte 
de  4' Autriche  et  même  celle  de  l'empire*  Déjà  ses 
adversaires  le  regardaient  comme  perdu,;  déjà  iU 
parlaient  de  renfermer  dans  un  couvent  et  d'élever, 
$e$  enfants  dans  les  doctrines  protestantes.  Aii  mo- 
ment du  plus  grand  danger,  seize  membres  des  Aats 
autrichiens  parurent  devant  Ferdinand  et  exigèrent 
avec  violence  son  consentement  à  leur  armement  et  à 
une  alliance  qu'ils  voulaient  faire  avec  la  Bohême. 
Un  d'eux  alla  même  jusqu'à  tirer  le  roi  par  le  bouton 
de  &H  habit ,  exigeant  de  la  manière  la  fflttè  HKJfcéie 
Jjti'il  signât  tout  ôequ^on  lui  demandait.  Màisèif»«ê 
ifaêmè  foiomehtj  par  tihe  concordance  iheH«îHèuaë 
èMvéhementfe ,  cinq  cents  cavallërt  de  Dattfpîfcfre* 
arrivant  de  Krems  ,eritrèrentdansViënhe  £ôtrt»  f&à 
tendre  d'autres  ordres  ;  et  sans  savoir  ce  qui  se  passait 
âansïe  château,  pénétrèrent  jusque  dans  là  tTôtif\  au 
son  de  la  trompette*  Les  députés  se  hâtèrent  oie  se 

12. 


Digitized  byVJ OOQ IC 


480  sixième  époque.  4520—4648. 

sauver  dans  le  plus  grand  désordre,  pensant  que 
l'arrivée  de  ces  cavaliers  était  commandée,  et  Ferdi- 
nand fut  ainsi  délivré  de  la  fâcheuse  position  où  il 
se  trouvait  (*). 

*  '  Bientôt  le  comte  de  Thurn  fut  obligé  de  rentrer 
en  Bohême,  parce  que  Prague  était  menacée  par  les 
troupes  autrichiennes;  et  Ferdinand  profita  de  ce 
moment  pour  l'exécution  d'un  autre  et  audacieux 
projet.  Bien  que  la  cérémonie  de  l'hommage  n'eût 
pas  encore  eu  lieu  dans  les  pays  autrichiens  et  qu'il 
pût  s'y  passer  pendant  son  absence  des  événements 
fort  contraires ,  il  résolut  de  partir  pour  Francfort , 
assister  à  l'élection  de  l'empereur.  Les  électeurs 
ecclésiastiques  étaient  pour  lui,  la  Saxe  tenait  à  la 
maison  d'Autriche ,  le  Brandebourg  n'en  était  pas 
éloigné,  et  ainsi  l'opposition  du  palatinat  seule  ne 
fut  pas  assez  puissante.  —  Ferdinand  fut  élu  empe- 
reur le  28  août  4619  et  couronné  le  9  septembre. 


Frédéric  V  électeur  palatin,  élu  roi  de  Bohème.  1619  a  1650. 

Cependant  les  Bohémiens  dans  une  assemblée 
générale  des  états  avaient  déposé  Ferdinand  de 
la  royauté;  «  parce  que,  contradictoirement  au 
pacte  fondamental  convenu  entre  eux ,  il  s'était 
mêlé  de  l'administration  avant  la  mort  de  l'empe- 

(*)  Depuis  cette  époque,  en  mémoire  de  cet  événement,  ce  régiment  de 
cavalerie  a  la  permission ,  quand  il  passe  dans  Vienne ,  d'entrer  dans  la 
cour  du  château  ;  ce  qu'aucun  autre  régiment  ne  peut  faire. 


Digitized  byVJ OOQ IC 


GtfERRE   DE    TRENTE    AH 8.  484 

reur;  parce  qu'il  avait  apporté  laguerre  en  Bohème  et 
qu'il  avait  fait  une  alliance  avec  l'Espagne  contre 
k  liberté  du  pays.  »  Ils  procédèrent  donc  à  uû 
nouveau  choix.  On  mit  en  avant  le  duc  de  Savoie 
et  le  duc  de  Bavière  pour  le  parli  catholique ,.  et 
l'électeur  de  Saxe  avec  celui  du  palatinat,  Frédéric  V, 
pour  le  parti  protestant.  Ce  fut  ce  dernier  qm  pbtiat 
les  suffrages ,  parce  que,  comme  il  était  beau-fils  du 
rbi  Jacques  Ier  d'Angleterre,  on  espérait  dés  secoure 
de  la  partdu  beau-père;  d'ailleurs,  il  était  lui-même 
regardé  comme  un  homme  de  résolution ,  avec  iuae 
grande  âme  et  un  cœur  généreux»  Les  électeurs  <Je 
Saxe  et  de  Bavière  et  Jacques  If*méme  tentèrent  4e 
dissuader  Frédéric  d'accepter  une  couronna  $i 
dangereuse;  mais  son  aumônier  Scultetus  et.  4a 
femme,  qui  étant  fille  d'un  roi  désirait  beaucoup 
porter  aussi  elle  une  couronne  royale ,  mirent  d'au- 
tant plus  de  zèle  pour  l'y  décider,  Frédéric  l^ur 
obéit,  accepta  la  dignité  royale  en  Bohêqae  et  fut 
couronné  le  25  octobre  1519.  Il  se  fit  un;  devoir, 
comme  il  le  dit  lui-même  ,  de  ne  pas  abandonner 
ses  frères  dans  la  foi  qui  avaient  recours  à  lui. 

S'il  avait  eu  assez  de  génie  pour  achever  heureu- 
sement son  oeuvre,  il  aurait  été  rangé  dan$  l'histoire 
au  nombre  de  ces  hommes  audacieux  qui,  par  le 
sentiment  de  la  force  qu'ils  sentent  en  evix-mâo&es , 
osent  s'engager  dans  les  grande*  entreprises;  mais  le 
sort  lui, a  été  contraire r et  lui-même  n'a  pas  mon- 
tré dans  les  revers  celte  force  et  cette  présehee 
d'esprit  qui  conviennent  à  celui  qui  w  décida  àm> 


Digitized  byVJ OOQ IC 


«Se  sixième  époque.  45atWa648. 

eep*er  une  couronne  environnée  de  taat  de  dppge&i. 
Ferdinand,    au  reloua  de  Francfort,  se  rendjk 
£  Munich  près  du  duo  de  Bavière  et  conclut  avec 
foi  eette  importante  alliance  «fui  lui  a  valu  te  recou- 
vrement de  la  Bohême.  Us  étaient  tous  les  deux 
atols  de  jeunesse ,  et  Fanion  avait  irrité  le  due  par 
un  grand  nombre   d'imprévoyante»  pvwçeattonq. 
MaximiMen  accepta  le  commandement  en  ekef'dû 
parti  catholique  et  stipula  avec  la  maison  d'jàufticbe 
quSl  serait  dédommage  de  toost  le»  frais  et  perte*, 
itoéme  par  abandon  des  pays  autrichiens  s'il  le  fal- 
lait, t/empereur  réussit  égalementà  ftûreua  alliance 
'  avec  P Espagne ,  et  le  gênerai  espagnel  Spinela  reçut 
Tordre  de  ftiire  une  iqvaskm,  des  Pays-Ba*  dans  le 
Palatinat. 

:  Plus  tard ,  IMlecteuï  de  Mayenoe  syantaœené  f4- 
keteur  Jean-Georges  de  Saxe  à  une  e&nfërenee^à 
;Muhlhausen,le  décida,  <]e  méiqc  quelf&éleélfîuvsde 
GoFogneet  de  Trêves,  à  prêter  secours  atifxnfc  qufc  pos- 
sible à  l'empereur  pour  reconquérir  son  ioywstneet 
sa  dignité  impériale.  11  ne  restait  dono  plusd'aulve 
ressource  au  nouveau  rei  de  Bok&bfr  e«vtK>  seflppe- 
pree  sujets  que  l'union  j  elle  fit  ses.  préparatifs,  tan- 
dis que  la  ligue  les  At  aussi  de  son  oèté.  Toute 
l'Âllemagpe  ressemblait  à  une  grande  place  de  i«- 
tOratement.  Tous  les  yeux  étaient  fixés  surla  Souabe 
oàles  deux  armées  devaient  se  rencontrer.  Maifctowt- 
è-eoup,  lorsque  personne  n'y  songeait,*  eut  lieu  à 
Uhn,  le  8  juillet  i€20,  un  traité  par  lequel  les 
unistes   s'engageaient  à  déposer  les  ornées;    et  les 


Digitized  byVJ OOQ IC 


deu*  partis  se  promirant  1?  pat*  <$  1*  tfauquilttt& 
Les  unistes  se  soutirent  trop  faible*  lorsque  mmacél 
déjà  du  côté  des  Pays-Bas  par  Spinqla,  ils  durent 
encore  avoir  à  combattre  les  Saxons*  Mais  un  gwud 
avantage  pour l'empereur,  o'est  quelaBohém#ne  fut 
PAS  comprise  dans  ce  traité  et  qu'il  put  ainsi  *e  atèndr 
4a  l'armée  des  ligués  contre  son  adversaire.  Maxir 
Hiilien  de  Bavière  sç  mit  en  effet  aussitôt  m  route , 
força ,  chemin  fiaient ,  le*  états  de  la  b#Ute  Autrieh* 
à  l'Qbéisaancequ'iïs devaient  à  l'empereur,  se  réuefc 
avec  l'armée  impériale  et  euvahit  aussitôt  U  Bohême* 
D'un  autre  côté,  rélecteur  de  Sexe  s'empara  4*  1» 
kusace  au  nom  de  l'empereur, 

Frédéric  se  trouva  4pj*c  vivement  pressé.  Optlr 
dapt  il  aurait  pu  encore  rester  victorieux;  avec  le 
4c cours  d'un  peuple  fidèle  et  valeureux,  qui  4$fc 
deux  cents  ans  auparavant  avait  défendu  son  tar* 
ritoirç  4ans  la  guerre  des  hussites  contre  toutes  lep 
fprcea  de  l'Allemagne.  Mai*  U  m  sut  point  gagner 
Iputp  U  confiance  4e  la  nation.  Sa  vie  &ait  aew 
soucis  et  4tfpeP9ée  k  des  affaires  futiles»  il  ne  ^va^b 
point  gairdar.qefcte  graviW ,  eet  aur  4*  réflwtw»  qui 
«0nHennent4dAi4Q»temps  aos**  di©o*le#  fue  eeu*- 
&;  il  pva»t  m&u*  d#»  4i*tinoUonfl  qwi  plaçait 
toujours  les  ^naeill#r»  allemand»  et  m  féttés»* 
au-dessous  d#s  BoWmiereu  et  ecfcta  feibtasâ  fut*$ 
qui  précipita  s*  ruiue» 

Bataille  de  la  montagne  Manobe,  p*ès  de  Prague, 
$  novembre  1620.  ~^  A  l'approche  de  l'ânnen*)., 
les  troupes  bohémiennes  »e  rcûment  sur  Prague*** 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


484  sixAme  époque.  4520—4648. 

se  retranchèrent  sur  la  montagne  blanche  auprès  de 
la  ville.  Mais  avant  que  les  retranchements  ne  fus- 
sent terminés,  les  Autrichiens  et  les  Bavarois  Tesca2- 
ladèrent  et  la  bataille  s'engagea  ;  car  Maximilien ,  dans 
son  impatience  ne  voulut  pas  souffrir  que  la  décision 
fût  différée  d'un  seul  instant,  et  en  moins  d'une  heure 
le  sort  de  la  Bohême  était  décidé.  L'armée  de  Fré- 
déric avait  été  taillée  en  pièces,  et  toute  l'artillerie 
avec  cent  drapeaux  était  au  pouvoir  de  l'ennemi. 
Frédéric  lui-même  qui  n'avait  vu  la  bataille  que  de 
loin,  des  remparts  de  la  ville,  perdit  en  même 
temps  toute  sa  fermeté;  il  s'enfuit  de  Prague  la  nuit 
suivante  avec  le  comte  de  Thurn  et  plusieurs  autres 
ée  ses  généraux, contre  l'avis  des  plus  audacieux  de 
ses  amis;  et  se  rendit  en  Silésie.  Bientôt,  craignant 
même  de  s'y  laisser  renfermer  et  de  rallier  ses  parti- 
sans autour  de  lui ,  il  s'enfuit  plus  loin  ,  jusqu'en 
Hollande ,  où  il  vécut  sans  domination  et  sans  cou- 
rage aux  frais  de  son  beau-père  le  roi  d'Angleterre. 
L'empereur  fit  prononcer  contre  lui  le  ban  de  l'em- 
pire, et  toutes  ses  propriétés  furent  confisquées. 

Prague  se  rendit  aussitôt  et  toute  la  Bohême  sui- 
vit son  exemple ,  excepté  Pilsen  qu'Ernest  de  M ans- 
feld  défendit  audacieusement.  Les  pays  palatins 
furent  occupés  par  les  Espagnols  commandés  par 
Spinola,  et  l'union  rompit  ses  engagements  par  peur 
à  son  approche,  en  1622.  Ainsi ,  sa  fin  fut  aussi  peu 
glorieuse  que  celle  de  la  ligue  de  Schmalkalde ,  et 
toutes  les  deux  furent  dissipées  par  les  Flamands  ; 
car  cç  fut  encore  aVtec  eux ,  commandés  par  le  comte 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


GUBFRE   DE  TRENTE   À5S.  488 

de  Van  Buren ,  que  Charles  V  fut  vainqueur  de  cette 
première  ligue. 

La  punition  que  l'empereur  tira  de  la  Bohême  lui 
fut  extrêmement  sensible.  Pendant  trois  mois  on 
n'entendit  parler  de  rien  ;  puis  tout-à-coup,  quand  les 
fugitifs  furent  rentrés ,  le  même  jour  et  à  la  même 
heure,  quarante-huit  chefs  du  parti  protestant  furent 
arrêtes;  et,  après  l'interrogatoire,  vingt-sept  furent 
condamnés  à  mort ,  dont  trois  seigneurs ,  sept  cheva- 
liers et  les  autres  des  bourgeois.  Les  biens  des  con- 
damnés furent  confisqués  aussi  bien  que  ceux  des 
absents  déclarés  coupables,  entre  autres  ceux  du  comte 
de  Thurn  ;  en  outre ,  il  chassa  tous  leaministres  pro- 
testants du  pays,  gardant  encore  quelques  mesures 
par  crainte  des  Bohémiens,  des  Allemands  et  de 
l'électeur  de  Saxe;  mais  plus  tard,  en  1627,  oh 
signifia  aux  seigneurs ,  aux  chevaliers  et  aux  bour- 
geois qu'on  ne  souffrirait  plus  en  Bohême  un  seul 
homme  qui  ne  reconnut  pas  l'Église  catholique.  On 
estime  à  trente  mille  le  nombre  des  familles  qui  sor- 
tirent du  pays  en  cette  occasion  ;  elles  se  rendirent 
en  grande  partie  en  Saxe  et  dans  le  Brandebourg. 


Différentes  guerres  en  Allemagne.  1631  — 1694. 

Suivant  les  calculs  humains  ,  la  guerre  semblait 
désormais  terminée  :  la  Bohême  était  soumise,  l'u- 
nion détruite,  la  maison  palatine  renversée,  et  son 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


116  sixième  ïroqvp.  ^5^0--^48. 

ribaf  frgitif  j  d#QÙ  paraît  vepueia  r^isfcapce?  ^  Ce- 
pendant elle  vint ,  et  même  très  prpcbainçpiept , 
aèscitée  par  pet  infatigable  et  actif  Ernest  Mansfeld, 
qui  m  voulut  pas  abandonner  la  victoire  à  si  bop 
litarahe  f  eÇ  qui  connaissait  trop  biep  sop  époque 
p#ur  m  pas  compter  sur  des  mpjreos  inattendus  qj^p 
k  fortttflS  PS  PMpquettd|  pas  Renvoyer  m  suqqmf} 
4§  iVlftege  «I  &  l'qpiûiâtAetpi  il  s^&jt  qpe}'$jy^t 
de  J4  prçpphtfjpg  4tajt  Jw*)0]^  irrU4  ?V  qu'eUe  fl'tf* 
tipdait  q^e  des  pjiefs  pour  WWW W*»Ger  cettë  U»Wp 
Spi§i$ire  pa  feypurde  ses  croyappefi,^  qyç  çelfli 
qui  pçfôédaft  sa  pQpfi^pce  ppayait  tpijf,  oser,. 

Aipsjtoutd'w coup, lorsqu'on  p'y  songeait  flufp 
après  avpir  jGpfip  ab^pdonné  Pilsen ,  Jl  rassembla  4p 
appelles  Irççpqs,  et  declarft  qu'il  voulait  Qpcpre  sp^- 
tenjr  Jçs  ipts'rêts  fiç  Fr^JériqpalM»  ÇOiftrq  Vemp^t- 
*œp\  Il S0  iritl^nÇp^la  \faefa  YiflgH»i}k  toftimo, 
f*  fo*ça  l'wm^  de  1**  \)gm>f#mWW&é(*  PW  te  g^ 

n$nd  barrera»*  fiomtç  de  ïilly,  à  qwttprla  çamw 
gue  devant  lvii.  Q*p§  lftflP§0  i$34,  tt  déçoppçrtf* 
;*&!  ôdwi^air«par4eawi^Eçb^3r#i»^  «t;: adroit  et 
.jwœigfca  aiwi  lés  évéchés  ç^tholiqu^  (te  Pr^pçeni^, 
deWurzbourg,  de  Bamberg  et  d'Eichstadt;  puis 
ceux  de  Spire ,  de  Worms  et  de  Mayence  sur  le 
Rhin ,  et  enfin  les  belles  provinces  de  l'Alsace. 

Son  exemple  suscita  des  imitateurs.  Lemargrnve 
George  Frédéric  de  Bade-Durlarch  parut  le  premier 
fcur  letihftrop  de  bataille  pour  1*  maispn  palatine  ;  il 
r&s$embla  une  superbe  armée  et  $e  réunit  à  Man$r 
fekL  Cependant  ne  valant  pas  combattis  comme 


Digitized  by  LjOOQ IC 


pliage»  4q  fowpWs  4a»*  la  erainte  quf*  a©*  pays  ne 
dûfcppyw  /Sftmalt0>iaaia  seulement  eomaie  ojteva- 
Uei>,  m  qwlité^ecbampiott  de  la  cause  qni  lai  senrç- 
Ipi&t  juste  >  il  abandonna  à  sûr  fils  radmiaûifeation 
«b  mu  pays,  avant  d'entrer  en  campagne.  Tant  qu'il 
ftrt  réuni  k  Atansfekt ,  Tilly  ne  put  tenir  devant  en»; 
m$ï&  à  peine  furenfeils  sépares  qup  Tilly  battit  le 
mangcaveprès  de  Wimpfen,  k  8  mai  lôSfâ, 

Alor ^  Manafeld  trouva  un  nouvel  appui  dans»  Je 
dut>  Christian  de  Brunswick,  frère  du  due  régjKtttt 
set  eoftore  dans  lefeu  de  la  jeunesse,  qui  se  poçta  peur 
défenseur  de  l'électeur  banni.  Après  quelques  aipaii- 
-tagos,  il  se  joignit  h  Manafeld  avec  un  corps  aissez 
concéder  aida  5  et  taoa  les  deux  réunis,  ils  passàreat 
<de»x  fois  en  i^bace;  puis  oourant  tantôt  à  droite, 
taatot  à  gauche  ?  ils  tombèrent  sur  la  Lorraine,  firent 
wame  uu  Bfteoaent  trembler  Paris,  menacée  par  les 
Huguenots,  qui  parlaient  de  les  appeler  à  leurseœuw, 
Bt  preme ocrent  par  tous  les  pays  voisins,  le  fléau  de 
la  guerre;*  Enfin,  ils  se  rendirent  en  Hollande,  au 
secoure  des  habitants  contre  les  Espagnols. 

Cependant,  Tilly  tenait  toulle  Palatinat  entre  ses 
mains;  et  os  fut  dqrçsce  même  temps  qq'il  s'empara 
data  magniûcpie  bibliothèque  d'Heic^elberg,  dont  le 
duc  de  Bavière  fit  cadeau  au  pape  Grégoire  XV. 
Elle  fut  transportée  à  Rome  et  réunie  à  celle  du 
Vatican  (*). 


O  Cette  bibliothèque  fut  rendue  et  rapportée  à  Heidelberg,  en  1815,  par 
V entremise  do  l'empereur  d'Autriche  et  du  roi  de  Prusse. 


Digitized  byVJ OOQ IC 


488  sixième  époque.  1520—1648. 

H  semble  que  nous  sommes  ramenés  à  une  époque 
à  laquelle  il  eût  été  possible  un  moment  d'avoir  la 
paix,  s'il  y  avait  eu  un  peu  de  modération  parmi  les 
vainqueurs .  Mais  Ferdinand  ne  songeait  pas  à  s'arrêter 
au  milieu  de  tous  ces  bouleversements.  Il  se  regar- 
dait ,  ainsi  l'écrivit-il  de  sa  propre  main  en  Espagne , 
comme  étant  appelé  par  la  Providence  «  à  extirper 
les  factions  séditieuses,  qui  étaient  particulièrement 
entretenues  par  l'hérésie  du  calvinisme;  »  et  il 
voyait,  dans  les  circonstances  actuelles,  le  doigt  de 
Dieu  qui  l'avertissait  de  continuer  dans  la  voie  où 
il  était  entré. 

a  Un  grand  pas  pour  ses  desseins,  aurait  été  d'iri- 
vestir  son  ami  le  duc  de  Bavière  en  récompense 
de  ses  fidèles  services  de  l'électorat  palatin;  et  ils  en 
étaient  déjà  convenus  tous  les  deux  en  secret.  Daris 
cette  même  lettre  envoyée  en  Espagne,  dont  nous 
avons  parlé  plus  haut,  Ferdinand  disait:  «  Si  nous 
avions  une  voix  de  plus  dans  le  collège  électoral, 

,  nous  serions  assurés  pour  toujours  de  voir  l'empire 
entre  les  mains  des  catholiques  et  se  perpétuer  dans 

-  la  maison  d'Autriche.  » 

Mais  le  pas  était  dangereux  ;  parce  que  c'était  sou- 
lever tous  les  protestants  à  une  révolte  ouverte  et  sur- 
tout parce  qu'on  allait  se  faire  un  ennemi  de  la 
maison  électorale  de  Saxe,  jusqu'alors  restée  fidèle. 
Cependant  Ferdinand  accomplit  sa  volonté}  il  se 
hâta  d'assembler  les  électeurs  à  Ralisbonne,  en  1623, 
de  faire  donner  l'investiture  du  duchéàMaximilicn, 
et  emporta  l'acquiescement  de  la  Swe  par  la  cou 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


GUBRtt   DE   TREHTfc   ANS.  180 

cession  de  la  Lusace ,  après  quelques  négociations. 
Dans  cette  même  année,  Tilly  tailla  en  pièce  le 
duc  Christian  de  Brunswick,  près  de  Stadtloo,  dans 
le  Munster,  au  moment  où  il  voulait  recommencer 
ses  campagnes;  et  ainsi  la  confiance  de  l'empereur 
semblait  devoir  être  toujours  couronnée  du  succès. 
Mais  bien  d'autres  événements  devaient  encore 
venir  s'ajouter  à  la  chaîne  du  passé ,  et  varier  les 
chances. 


Guerre  avec  le  Danemarck.  1624—1629. 

Les  protestartts  pensaient  qu'ils  ne  pouvaient  plus 
désormais  attendre  tranquillement  le  sort  qu'on  leur 
destinait ,  pour  peu  qu'il  y  eût  encore  en  eux  quelque 
énergie  et  quelque  peu  de  bon  sens.  Les  premiers 
mouvements  eurent  lieu  dans  les  états  du  cercle  de 
Basse-Saxe,  sur  les  frontières  duquel  se  tenait  le  ter- 
rible Tilly.  Après  avoir  fait  de  vaines  réclamations 
pour  obtenir  son  rappel,  ils  prirent  les  armes  et 
choisirent  le  roi  de  Danemarck,  Christian  IV, 
pour  général  en  chef  du  cercle.  Il  promit  des  secours 
importants,  et  de  son  côté  l'Angleterre  avait  aussi 
fait  de  semblables  promesses.  Christian  de  Brunswick 
et  Mansfeld  reparurent  et  firent  des  enrôlements 
avec  l'argent  anglais.  Jusque  alors  la  guerre  avait  été 
faite  en  Allemagne  presque,  uniquement  par  l'armée 
de  la  ligue,  du  côté  des  catholiques  ;  mais  les  prépa- 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


$90  sixwrttfc  MoqtM.  «H9**W48. 

Viatîfs  lié  ï'èrinemi  devenant  plus  ^considérables , 
l'empereur  avait  besoin  d'Une  £lus  graûdé  tfofce. 
©*aï Heurs,  l'empereur  désirait  mettre  lui-hiéme  à 
èôn  èotti^pVe  en  campagne ,  une  àtmée  imposante , 
âfiii  que  tout  ne  fât  pas  fait  uniquement  pat  là 
rimison  de  Bavière^  mais  il  manquait  dfcs  moyeité 
fes  ]#rïs  nécéfcsaiVes  pour  lever  des  troupes.  Daristtéà 
bfrconstatoôës  s'ôffirît  un  homttie  qui  imagina  de  fâAïé 
la  guerre  comme  simple  particulier,  à  Pithitâtâdil 
de  Mansfeld,  et  de  tirer  l'empereur  de  son  embar- 
ras, par  ses  propres  forces. 

Albert  de  Wallenstein,  proprement  Waldstein, 
sorti  d'une  famille  noble  de  Bohême,  naquit  en  1583, 
à  Prague,  d'une  famille  luthérienne  ;  mais  ajant 
|*érthi  ses  parents  de  bonne  heure*,  il  tbt  place' par  son 
Ànc&e  dâtis  un  établissement  des  jésuites  pour  là 
ttôblesse,  à'Olmutz,  et  par  Conséquent  éïevé dans  là 
tèftigiôn  Catholique.  Plus  tard  il  sortit  de  la  MoraVïe 
kVëc  \iû  gentilhomme  extrêmement  riche,  p'afr- 
cbûi'ut  SVec  lui  tfne  grande  partie  de  l'Europe , 
î*&llëriîâgne,  la  ïfolîande,  l*Àtigleterre,  la  France 
W  rïtalië.  Dn  Savant  mathématicien  et  astrologue 
tjili  lés  accompagnait,  Pierre  Veirdungus,  qui  ftrt 
£>lus  tard  l'ami  de  Keppler ,  encouragea  les  in'tfi* 
ïtiàîùù  de  Waïlenstein  potfr  Pastrologie.  À  Padôue  , 
ft  'fut  itritié  par  te  professeur  Àrgoîi  à  la  càbbala 
*<k  autres  orientes  Secrètes  des  étoiles.  Un  entraînê- 
ItoerA  secret  de  sa  nature  ïe  Conduisit  à  l'étude  de 
fcette  'sfcfewcê.  dangereuse,  qtai  alors  occupait  tout  lô 
ïh^tidfc^tmèàie  lus  grtfiidts  hommes,  tels  que  Keppler } 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


GtTÊjmK    DE   TREHTÉ    k*$.  194 

il  aimait  à  se  perdre  dans  ses  obscurs  sentiers.  Cepen- 
dant, i!  put  lire  avec  d'autant  plus  de  certitude  dans 
lés  astres,  qu'il  avait  au  fond  de  son  cœur  le  témoi- 
gnage qu'il  était  destiné  à  quelque  chose  d'extraor- 
dinaire. Son  âme  était  eh  proie  à  une  ambition  sans 
bornes,  et  il  se  sentait  la  force  d'entraîner  av€tè  lui 
tout  un  siècle.  Aussi  rien  ne  lui  paraissait  impossible. 
Ce   fut  li  l'archiduc  Ferdinand  qtul  Rattacha, 
pteirce  qu'il  reconnut  en  lui  un  caractère  ferme  et 
résolu;   et  il  Tint  à  son  secours  dans  une  guerre 
contre  Venise,  en  1617,  avec  deux  cents  cavaliers 
qff'iï  avait  enrôlés  à  ses  propres  frais.  En  récom-* 
pense,   Ferdinand   lui  donna  le  commandement 
cPtine  province  mfiUtaire  en  Moravie.  Pendant  les 
troubles  dé  Bohême ,  il  aida  à  couvrir  Vienne  contre' 
les  révoltés,  combattit  Bethlen-Gabor  de  Sieben- 
burgen  (les  Sept  villes) ,  qui  élevait  des  prétentions 
sur  la  couronne  de  Hongrie;  et  il  commandait  un 
corps  particulier  à  la  bataille  que  Maxirnilien  dé  Ba^ 
vièYe  gagna  à  Weissenberg,  près  P#ague.  Après  cette 
vîcftofre,  il  alla  combattre  Bethleny  devant  qui  tes 
vaillante    généraux    de    l'empite ,    Dampierte    et 
Boucquôi,  avaient  Succombé  ;  il  le  força  de  se  replie^ 
et  puis  de  faire  la  pai*,»  en  rerionçant  à  la  couronné 
dé  Hongrie.  Pour  de  si  grands  s^rvfcès  et  en  mente  , 
téïrips  comtne  dédommageaient  potar  le  ravage  de  : 
ség  Mens  pentlartt  fa  grièWe;  Wallensteiri  reçrifr  te 
seîgneurie de  Friedland  etr  Bohême,  avec  le  titre 
de  prirtce  et  plus  tard  celui  <fc  duc.  En  outre  il 
employa  une  somme  d'argent  considérable  à  aclie- 


Digitized  byVJ OOQ IC 


492  sixième  époque.  1520—1648* 

ter  jusqu'à  soixante  propriétés  de  gentilshommes 
bohémiens,  confisquées  après  la  bataille  de  Prague; 
de  sorte  qu'il  se  fit  un  domaine  beaucoup  plus  vaste 
qne  celui  d'un  prince  ordinaire.  Le  seul  duché  de 
Friedland  contenait  neuf  villes  et  cinquante-sept 
châteaux  ou  villages.  Tant  que  Tilly  eut  le  comman- 
dement de  l'armée  des  ligués  au  nom  de  l'empire, 
il  se  tint  tranquille  sur  ses  terres,  mécontent  d'être 
témoin  d'une  guerre  qu'il  ne  faisait  pas;  mais  quand 
l'empereur  voulut  avoir  une  armée  à  lui ,  il  offrit 
d'en  lever  une  presque  sans  frais.  Il  stipula  seule- 
ment qu'il  aurait  une  autorité  illimitée  avec  le 
plein  pouvoir  de  nommer  tous  les  généraux  et  de 
lever  non  pas  une  armée  de  vingt  mille  hommes, 
mais  de  cinquante  mille  ;  une  pareille  armée,  disait- 
il,  saurait  bien  s'entretenir  elle-même. 

Il  reçut  plein  pouvoir  ;  et  au  bout  de  quelques 
mois  il  eut  rassemblé  une  armée  considérable ,  tant 
la  réputation  de  son  nom  avait  de  puissance.  Wal- 
lenstein  était  né  pour  le  commandement;  son  œil 
pénétrant  distinguait  du  premier  regard  l'homme  ca- 
pable au  milieu  de  la  foule  et  savait  assigner  à  chacun 
la  place  qu'il  méritait.  Quand  il  louait,  comme 
c'était,  rare ,  il  excitait  aux  plus  grands  efforts  ;  il 
parlait  peu ,  mais  par  son  ton  toujours  grave  il  ob- 
tenait la  plus  exacte  obéissance.  Sa  vue  seule  com- 
mandait le  respect;  il  avait  une  figure  longue  et 
tière,  des  cheveux  noirs  et  courts,  des  yeux  étin- 
celants  et  renfoncés  avec  un  regard  sombre  et  mys- 
térieux. 


Digitized  byVJ OOQ IC 


GUERRE  DE   TRENTE    ANS.  195 

11  se  mit  en  marche  avec  sa  nouvelle  armée  pour 
les  Pays-Bas  à  travers  la  Souabe  et  la  Franconie, 
dans  l'automne  del625.Tilly  eut  garde  de  se  joindre 
à  un  rival  qui  voulait  être  au-dessus  de  lui ,  et  ils 
firent  la  guerre  chacun  de  son  côté.  Wallenstcin , 
après  avoir  culbuté  une  troupe  de  paysans  armés 
qui  voulurent  s'opposer  à  lui  près  de  Gœttingue , 
entra  dans  les  provinces  de  Halberstadt  et  de 
Magdebourg  ;  parce  qu'elles  n'avaient  point  encore 
été  épuisées  par  la  guerre.  La  campagne  de  1626 
fut  plus  importante;  le  comte  de  Mansfeld,  qui  s'a- 
vança sur  l'Elbe  contre  Wallenslein  ,  ayant  été  re- 
foulé au  pont  de  Dessau,  prit  tout  d'un  coup  une 
audacieuse  résolution;  il  se  porta  sur  la  Silésiepour 
aller  se  réunir  au  comte  de  Bethlen-Gabor  et  porter 
la  guerre  au  milieu  des  pays  autrichiens.  Wallen- 
stein  fut  alors  forcé  de  le  suivre  avec  son  armée,  à 
son  grand  regret.  Mansfeld  arriva  en  Hongrie  après 
une  marche  difficile;  mais  ne  fut  pas  bien  accueilli, 
parce  qu'il  n'apportait  pas  les  grosses  sommes  sur 
lesquelles  le  prince  avait  compté.  Poursuivi  par 
Walienstein  qui  lui  coupait  le  retour,  sans  moyens 
de  se  soutenir  dans  un  pays  éloigné,  il  vendit  son 
artillerie  et  ses  provisions ,  licencia  ses  soldats  et 
prit  la  route  de  Venise  avec  une  petite  suite,  à  tra- 
vers la  Bosnie  et  la  Dalmatie.  Il  voulait  de  là  passer 
en  Angleterre  pour  en  rapporter  d'autre  argent. 
Mais  pendant  la  route ,  la  nature  déjà  accablée  par  des 
efforts  surhumains,  succomba  enfin  ;  il  tomba  malade 
à  Urakowitz  ,près  de  Zara.  Quand  il  sentit  l'approche 
T.    II.  13 


Digitized  byVJ OOQ IC 


4ft4  sixiEOT  époque.  1520—1648. 

fjglftftçtrtj  \\  revêtit  sorç  habit  de  guerre,  ceignitson 
ëpeeet  attendit  ainsi  sa  fin,  debout,  appuyé  sur  deux 
du  ses  compagnons  de  guerre.  Il  mourut  le  20  no- 
vembre 1633,  à  l'âge  de  quarante  six  ans,  et  fut  en- 
tend à  Spaiptro. 

Dans  celte  mime  année  mourut  aussi  son  ami,  le 
duc  Christian  de  Brunswick,  qui  n'était  âgé  que 
de  vingt-  pei}f  aiw;  de  sorte  que  les  protestants  per- 
dent leur?  deux  meilleurs  généraux.  Le  roi  de  Dane- 
marck,  Christian,  ne  pouvait  les  remplacer,  il  man- 
quait pour  cela  de  cet  esprit  de  guerre  et  de  résolu- 
tion nécessaire.  De  plus,  il  ny  avait  point  d'accord 
parmi  les  princes  du  cercle  de  la  Basse- Saxe  ;  si  bien 
fgrême  que  l'un  deux,  le  duc  George  de  Celles,  qui 
pûrpmm4ait  Farinée  saxonne,  passa  du  côté  del'em- 
pq^ir.  Ainçi,  bien  que  la  Basse -Saxe  se  trouvât  fort 
débarrassée  n$r  le  départ  de  Wallcnstein,  il  ne 
pjtp}  cependant  la  défendre  contre  Tillj  ;  il  fut  com- 
plètement battu  et  taillé  en  pièces,  le  27  août ,  à 
J4iltçr,  près  de  Berenberg  dans  le  Hanovre,  et  il 
p/erdit  toute  son  artillerie  et  soixante  drapeaux. 

Jïn  1627,  Wallenstein  revint  dans  le  nord  de 
)'4Uçpi3gne  par  la  Silésie,  d'où  il  chassa  tous  ses 
enueinis,  traversa  le  Brandebourg  et  le  Mecklen- 
l^urg  p|  entra  avec  Tillj  dans  le  Holstein  pour 
{q$ççx  Je  roi  de  Dfcinemarck  à  quitter  tout-à-fait 
} '^UçinagtlÊ»  X^ut  Ç$  pays  fut  bientôt  conquis  jus- 
ip'^  la  dernière  place  forte;  ensuite  il  envahit  le 
$f}d£S\yig  et  le  Julland,  qu'il  dévasta  d'une  manière 
f$yQy$$p.Le  mi  futoLJigé  çle  fuir  hors  de  sf3  0$$, 


Digitized  byVJ OOQ IC 


GUEIUMS    PE    TRENTE    ANS.  495 

çt  même  des  Jeitres  du  Wallenstein  prouvant  qi^ 
Ferdinand  songeait,  à  se  faire  nommer  roi  de  Danq- 
iparct;  parce  que  sorç  gépéral  l'avertissait  .que  Igs 
états  du  royaume  étaient  mécqntents  de  leur  souvq- 
jrain.  Cette  rnêmq  année,  Wallenstein  ajouta  eaçpyp 
à  ses  irçimen§es  possessions  le  duché  de  Sagan  çt  la 
principauté'  de  Priçhus  en  Silésie,  qu'il  ayait  achetés 
de  l'empereur  pour  cent  cinquante  mille  florins. 

YPallensleiq  %  cfoc  de  Mecklenbourg*  1628»  — 
Cependant  l'armée  de  Wallenstein  était  montre 
jusqu'à  cent  mille  hommes  :  et  cet  homme  incom- 
préhensible poussait  ses  enrôlements  avec  d'autftQt 
plus  de  zèle  que  les  ennemis  disparaissaient.  Qq  sje 
gavait  pas  si  c'était  à  lui-même  ou  à  soq  maître 
qu'il  voulait  aplanir  la  voie  pour  une  domination 
sans  bornes.  Les  princes  cathoiiqqe?  en*-niçmçs 
étaient  mécontents  contre  lui ,  parce  qu'il  çfcût  vi- 
Slhlç  qu'il  ne  visait  qu'à  annuler  U  pnissance  d£  la 
jUgu^i  et  Tilly  particulièrement  devait  maudicçi^a 
pni$$&ipçe,  parce  qu'il  s'attribuait  à  lui  seul  fous  Jçs 
fruits  de  la  victoire.  Les  princes  de  Mecklçnhpurg, 
^e  Pomér^nie  et  de  Çrandebourg  piipplièreat  Fer$- 
panri  d'écarter  de  leur  pays  le  fard Ap  de  UlgJlfirfÇt 
<$ujl  l'accablait  (*};  mais  la  volonté  ott  générai  $^t 
Impuissante  que  celle  de  l'empereur*  tout  IôuqjkI 
de  l'Allemagne  obéissait  à  son  moindre  sig^  pt 
|reinblait  devant  sa  colère.  Il  vivait  ait  milieu  d'u#e 


(*)  On  a  calculé  que  dans  la  marche  électorale  seule,  les  imposions 
pou^  l'arec  impériale  montaient  à  20  raillions  de  florins  (41,803,000f.)» 

13. 


Digitized  byVJ OOQ IC 


496  sixième  epoqoe.  1520—1648. 

magnificence  plus  grande  que  celle  de  l'empereur, 
et  ses  officiers  l'imitaient  dans  une  proportion  gra- 
duée; tandis  qu'autour  de  lui  des  milliers  d'hommes 
languissaient  dans  une  misère  inexprimable  et,  sans 
exagération ,  mouraient  de  faim.  Cependant  le  général 
fit  à  l'empereur  un  gros  compte  des  sommes  prises 
sur  ses  biens  pour  les  frais  de  la  guerre,  qui  montaient 
à  plus  de  trois  millions  de  florins.  Ferdinand,  qui  ne 
pouvait  acquitter  une  somme  si  considérable,  ima- 
gina de  dépouiller  les  ducs  de  Mecklenbourg , 
Adolphe-Frédéric  et  Jean-Albert,  de  leur  duché 
pour  en  gratifier  son  général.  Ainsi  Wailenstein  de- 
venait prince  de  l'empire  et  il  s'empressa  aussitôt, 
pendant  son  séjour  au  château  de  Brandeis  en  Bo- 
hême, d'exercer  son  droit  de  paraître  la  tête  cou- 
verte devant  l'empereur. 

En  vain  les  habitants  supplièrent-ils  pour  leurs 
anciens  ducs  dont  la  famille  régnait  sur  eux  depuis 
près  de  mille  ans ,  disant  qu'ils  ne  s'étaient  pas  ren- 
dus plus  coupables  que  les  autres  provinces  du  cercle 
de  la  Basse-Saxe.  Ferdinand  oublia  encore  cette 
fois  les  lois  <k  la  modération  dans  sa  victoire ,  en 
chassantlesnHces  de  Mecklenbourg  de  leur  pays,  et 
viola  en  outre  la  constitution  de  l'empire  en  les 
bannissant  sans  les  faire  comparaître  devant  rassem- 
blée des  électeurs ,  sans  les  entendre  et  sans  aucun 
jugement.  Mais  il  lui  parut  très  utile  d'avoir  sur  les 
côtes  de  la  mer  Baltique  un  prince  catholique  de 
l'empire  qui  pût  tenir  en  bride  le  nord  de  l'Alle- 
magne, et  être  là  comme  un  poste  avancé  poursur- 


Digitized  byVJ OOQ IC 


GUERRE    DE    TRENTE    \NS.  197 

veiller  les  princes  protestants  de  Daneinarck  et  de 
Suède.  Il  espérait ,  d'ailleurs ,  de  ce  point,  répandre 
la  religion  catholique  dans  tout  le  nord.  11  semble 
aussi  qu'il  ait  eu  la  pensée  de  s'emparer  de  tout  le 
commerce  maritime  de  cette  côte  ,  car  Wallens- 
tein  prit  en  même  temps  le  titre  d'amiral  des  mers 
du  nord  et  de  Test  (la  mer  Baltique)  ,  et  l'on  voit 
même  par  les  lettres  qu'il  écrivait  à  d'Àrnheim  , 
généra]  en  chef  de  l'armée  du  nord  pendant  son 
absence ,  qu'il  n'avait  aucune  pensée  plus  à  cœur 
que  celle  de  brûler  autant  que  possible  tous  les  vais- 
seaux danois  et  suédois,  et  de  créer  en  même 
temps  une  flotte  lui-même. 

Du  Mecklenbourg  Wailensleiu  tourna  ses  yeux 
sur  la  Poméranie,  qui  le  touchait.  Le  vieux  duc  Bo- 
gislas  n'avait  pas  d'enfants  ,  el  après  sa  mort  son 
duché  pouvait  fort  convenablement  être  réuni  au 
Mecklenbourg  ;  il  lui  élait  donc  extrêmement  im- 
portant d'occuper  Stralsund,  qui  relevait  à  la  vérité 
de  la  seigneurie  des  ducs  de  Poimfrauic,  mais  qui, 
comme  membre  de  la  Hanse,  jouissait  de  beaucoup  de 
privilèges  et  d'une  espèce  d'indépendance  dans  son 
administration  intérieure.  Celle  ville  avait,  comme 
tout  le  pays  ,  fourni  de  grosses  sommes  pour  l'en- 
tretien des  armées  impériales;  et  alors  on  voulait  lui 
donner  une  garnison.  Elle  s  y  refusa,  et  Wallens- 
tein  la  fit  assiéger  par  le  iVkl-maréchal  d'Àrnheim. 
Mais  les  bourgeois  défendirent  admirablement  leurs 
murailles ,  et  les  rois  de  Danemarck  et  de  Suède 
leur  envoyèreul  quelques  secours  d'hommes  et  des 


Digitized  byVJ OOQ IC 


198  SIXIEME    ÉPOQUE.    1520  —  1648. 

provisions  de  guerre  eh  abondance.  Leur  opiniâtreté 
enflamma  de  colère  l'orgueilleux  général.  «.  Quand 
Stralsund  serait  altaclié  au  ciel  par  des  chaînée  , 
s'écrià-t-il,  il  faudra  qu'elle  tombe,  fc  Mots  il  marcha 
lui-même  contre  la  ville  et  fit  donner  l'assaut;  mais 
il  apprit  à  connaître  ce  que  peut  le  edufagfc  lléi'oï- 
Ijiië  des  citoyens,  quand  ils  sont  conduits  avec 
prudence  ;  car  après  avoir  passé  plusieurs  semaines 
devant  ses  murs ,  et  avoir  perdu  au  moins  12,0(30 
guerriers  dans  les  sanglants  assauts  qu'il  fit  donner , 
il  fût  obligé  de  se  retirer. 

Cependant  le  roi  de  Danëmarck  avait  demandé 
la  paix,  et  Wallenstein  lui-même,  contre  toute  at- 
tfciife  ,  conseilla  à  l'empereur  de  la  conclure  ;  car 
depuis  qu'il  était  devenu  ptince  de  l'empire  il  ne 
voyait  plus  d'utilité  à  l'anéantissement  de  la  puis- 
sance des  princes  allemands.  Ferdinand  fit  donc 
par  son  entremise  une  paix  très  avantageuse  à  Lu- 
heck,  le  12  mai  1629;  il  recouvra  toutes  ses  pro- 
vinces sans  payer  aucuns  frais  de  guerre  ;  iruiis  cette 
paix  ne  fut  pas  glorieuse  ,  parce  que  le  roi  y  sacrifia , 
pour  son  propre  ? alut ,  deux  fidèles  alliés  dans  les 
ducs  de  Mecklenbourg.  Il  pfomit,  à  la  vérité,  de  ttfc 
pas  se  mêler  des  afFaires  d'Allemagne  autrement 
qbe  comme  membre  de  l'empire,  et  donna  ainsi 
Secrètement  le  droit  de  proléger  les  ducs  déchus.  Mais 
il  délivra  en  même  temps  à  Wallenstein  ,  en  bonne 
fbrme,  sa  lettre  d'investiture  pour  le  Mecklenbourg, 


Digitized  byVJ OOQ IC 


CttJERRE    bi   TàÈ^T*    àtrê.  i9$ 


L12cm  det^ttlfrtion.  1639. 


Combien  les  pacifiques  habitants  de  r&llenrogm) 
si  durement  persécutés,  durent  tressaillir  de  joie  & 
celte  nouvelle  de  la  paix  !  Celte  fâcheuse  lutte  ttë 
pouvait  en  effet  durer  plus  long-temps;  puisqttë 
l'empereur  n'avait  plus  aucun  ennemi  qui  lui  tfrifc 
tête  ;  puisque  le  duc  de  Bavière  jouissait  saris  trOttîilè 
de  la  dignité'  électorale  et  de  cette  partie  des  #ttfta 
palatins  qui  lut  avait  été  promise  cohimè  in&fcmttftré 
pour  ses  frais  ;  puisque  les  protestants  paraissait; 
tellement  accablés  que  certainement  on  ire  poutfcft 
craindre  de  leur  part  aucune  hostilité  tt0ut*lîë.  là 
guerre  avait  déjà  duré  douze  ans  et  chaque  affilée 
avait  été  marquée  par  nombre  de  cruatitës.  Facile- 
ment elle  eût  trouvé  ici  un  terme  ,  si  le  parti  vietb- 
rieux  avait  su  se  tenir  dans  de  justes  bornes  ;  si  Vetù* 
pereur,  après  avoir  purgé  entièrement  ses  états  dete 
nouvelles  doctrines  et  y  avoir  rétabli  son  aûloKWS 
dans  toute  sa  force ,  avait  assuré  la  paix  de  religion 
tlàns  toute  sa  plénitude  pour  les  autres  états  indé- 
pendants dé  lui,  licenciéson  armée,  et  aiiïsi  iffiéré 
"de  ce  lourd  fardeau  son  pays  épuisé  et  mâlfeeurèui: 
Mais  rien  n'fcst  plus  difficile  pour  l'esprit  huihtnH  que 
de  pouvoir  s'arrêter  au  milieu  de  la  prdsj>êHi& 
Le  parti  catholique  crut  qiie  c'était  le  moinënt  W- 
vorable  de  tirer  des  circonstances  de  plus  ghiiltre 
avantages  encore  ;  il  exigea  fcjue  les  protestants  lûî 
rendissent    tous  les  biens  ecelésiasticjttes  dotft  iîfe 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


300  sixième  époque.  1520—1648. 

étaient  en  possession  depuis  le  traite'  de  Passau , 
en  1552  j  c'est-à-dire  rien  moins  que  deux  arche- 
vêchés ,  Brème  et  Magdebourg  ,  douze  évêchés  et 
une  foule  de  petits  bénéfices  et  de  couvenls.  Ja- 
mais ayant  ce  temps-là  on  avait  pensé  à  exiger  une 
restitution  d'un  bien  depuis  si  long-temps  aliéné; 
mais  alors,  sur  les  pressantes  instances  des  catholiques, 
l'empereur  lança  un  édit  solennel,  connu  sous  le  nom 
d'Édit  de  restitution  du  6  mars  1629.  Ce  fut,  dit 
l'historien  allemand  Schmidt,  un  coup  de  foudre 
pour  les  protestants,  et  pour  leurs  adversaires  les 
moins  réfléchis  la  cause  d'une  allégresse  extraordi- 
naire 9  allégresse  qui  devait  coûter  à  l'Allemagne 
des  maux  inouis. 

On  ne  pouvait  donc  plus  songer  au  licenciement 
des  deux  grandes  armées  qui  accablaient  l'Allema- 
gne; elles  furent  destinées  à  l'exécution  de  lVditde 
restitution,  et  elles  reçurent  ordre  de  prêter  main 
forte  aux  dclégue's  impériaux  envoyés  par  JLout  l'em- 
pire à  la  première  réquisition.  On  procéda  aussitôt 
à  l'exécution  ,  et  Ton  commença  par  le  sud  de  l'Al- 
lemagne. La  ville  d'Augsbourg,  enlre  autres,  où 
la  paix  de  religion  avait  été  signée,  fut  donc  obligée 
de  reconnaître  la  juridiction  ecclésiastique  de  l'é- 
véque  et  de  renoncer  au  culte  protestant;  et  le  duc 
de  Wurtemberg  se  vit  forcé  de  rendre  ses  couvents. 
En  outre,  la  ligue,  dans  une  assemblée  tenue  à 
Heidelberg,  prit  la  résolution  «  de  ne  rendre  aucun 
des  pays  conquis  par  ses  armes,  soit  ecclésiasti- 
ques, soit  laïques,  à  moins  qu'elle  n'obtînt  la  cerli- 


y 

Igitizedby  GoOgk 


GUBRRB   DE  TRENTE   ANS.  301 

tude  d'être  indemnisée  de  ses  frais.  »  De  façon  que 
les  protestants  semblaient  menaces  d'un  plus  grand 
danger  encore  par  la  ligue  que  par  l'empereur. 


Disgrâce  de  Wallenstein.  1630. 

Cependant  Pinsoutenable  tyrannie  de  l'armée  de 
Wallenstein  avait  excité  au  plus  haut  degré  les-plain- 
tes  des  deux  partis,  et  elles  parvinrent  enfin  aux 
oreilles  de  Ferdinand  avec  tant  de  force  qu'il  était 
impossible  d'y  résister.  Aucun  pays  n'était  épargné , 
soit  ami,  soit  ennemi ,  soit  protestant,  soit  catholique. 
Le  propre  frère  de  l'empereur,  Léopold,  lui  fit  dans 
une  lettre  le  plus  affreux  tableau  des  exactions  de  son 
général ,  des  incendies,  des  meurtres  et  de  toutes  les 
actions  honteuses  que  ses  troupes  exerçaient  contre 
les  pacifiques  sujets  de  l'empire.  De  pareils  témoi- 
gnages l'emportèrent  enfin  sur  les  moyens  de  dé- 
fense que  les  amis  de  Wallenstein  avaient  jusque  là 
fait  valoir  avec  succès  ;  d'autant  plus  qu'à  l'assem- 
blée des  électeurs  à  Ratisbonne,  en  février  1630, 
l'empereur  se  vit  en  butte  à  une  quantité  de  plaintes 
encore  plus  graves  qui  lui  venaient  de  tous  côtés. 
Les  soldats  impériaux,  disaient  les  envoyés  poméra- 
mens ,  sont  entrés  en  Poméranie  comme  amis,  et  ce- 
pendant la  principauté  de  Stettin  à  elle  seule  a  été 
imposée  à  dix  millions,  sept  villes  ont  été  réduites 
en  cendres  pour  leur  avoir  déplu,  et  tout  le  pays 
est  dévasté. 


Digitized  byVJ OOQ IC 


202  sixième  époque.  1520—4848. 

il  n'y  a  pas  dé  capitaine  dans  l'armée  qui  ne  fasse 
plus  d'étalage  que  le  duc  Bogislas  lui-même.  En  outre, 
les  hôtes  qui  reçoivent  ces  soldats  sont  maltraités 
tous  les  jours;  les  hommes  sont  massacrés,  leurs 
corps  jetés  aux  chiens  ;  et  il  n'est  pas  de  cruauté 
qu'ils  n'aient  exercée.  Quantité  de  bourgeois  réduits 
h  l'excès  de  la  misère  se  sont  suicidés  pour  échap- 
per au  malheur  et  à  la  nécessité  de  Se  voir  mourir 
de  faim. 

Ces  tableaux  nous  font  connaîtra  le  genre  de 
guerre  de  ces  troupes  enrôlées  à  prix  d'argent  et  les 
maux  inouis  de  celle  époque  ;  et  cependant  ils  n'é- 
taient point  exagérés.  Erriest  de  Rfansfdd,  celui  qui 
inventa  cette  tactique  pour  la  guerre,  nous  en  four- 
nit lui-même  un  témoignage  ;  obligé  de  se  défendre 
au  sujet  de  semblables  accusations  sur  la  licence  dfe 
son  armée  ,  «  Quanrl  les  soldats  n'ont  pas  reçu  leut* 
solde,  dit-il,  il  est  impossible  d'observer  aucune 
discipline.  Ils  ne  peuvent  pas,  non  plus  rjue  leurs 
fchevaux ,  vivre  de  l'air  du  temps ,  et  ils  ne  peu- 
vent non  plus  porter  des  armes  et  des  habits  déchi- 
rés ou  brisés.  Ils  prennent  donc  où  ils  trouvent ,  et 
cela,  à  la  vérité,  sans  aucune  proportion  avec  ce  qui 
leur  est  dû  ;  parce  que  ne  payant  rien  ils  ne  pèsent 
rien.  Si  on  leur  ouvre  une  fois  une  porte,  ils  s'y 
jettent  aVec  fureur,  et  alors  plus  de  frein ,  plus 
de  barrière  pour  les  arrêter.  Us  s'emparent  de  tout, 
escaladent  tout,  brisent  et  écrasent  tout  ce  qui 
leur  fait  résistance.  En  un  mot,  il  est  impossible 
d'imaginer  un  plus  grand  désordre,  une  plus  grande 


Digitized  byVJ OOQ IC 


GUERRE    Dfe    TRENTE    ANS.  Sfeo 

confusion  ;  car  \h  sfe  livrent  à  toutes  ïes  actions  lfes 
plus  hideuses  qui  soient  connues  parnri  toutes  béé 
hâtions  qui  composent  l'armée.  L'Allemand,  le  Fla- 
mand, le  Français,  l'Italien,  le  Hongrois,  chacuti 
apporte  quelque  chose  de  son  pays;  aussi  h'y  a-t-Il 
aucune  ruse,  aucune  fourberie  qui  leur  soit  in- 
connue. Je  connais  tout  cela  ,  j'ai  même,  puisqu'il 
faut  l'avouer,  été  témoin  de  toutes  ces  infamies  et 
mon  cœur  eh  a  été  déchiré  dans  de  nombreuses 
circonstances  ;  mais  que  faire  ?  Il  ne  suffit  pas  de  les 
Connaître  et  de  les  déplorer.  Si  Ton  vent  éviter  tes 
malheurs ,  il  faut  prendre  de  justes  mesures ,  et  il 
n'y  a  pas  de  meilleur  moyen  qu'une  bonne  disci- 
pline militaire.  Mais,  quand  la  paie  et  la  solde  man- 
quent ,  il  n*y  a  plus  de  discipline  possible.  i> 

Ferdinand  ne  put  résilier  à  cette  unanimité  dé 
plaintes ,  et  comme  les  princes  insistaient  pour  qufe 
Wallenstein,  qu'ils  haïssaient  tous  d'une  haine  sans 
borne  ,  fut  éloigné  du  commandement,  et  comme 
surtout  Maximiliende  Bavière  s'exprimait  avec  beau- 
coup de  fermeté,  l'empereur,  après  quelques  hésita- 
tions, donna  enfin  son  consentement.  Il  restait  ce- 
pendant à  savoir  si  cet  homme  puissant  et  fier  obéi- 
rait de  lui-même  ;  mais  contre  toute  attente  il  se 
résigna  aussitôt.  Ses  calculs  d'astrologie  semblaient 
l'adoucir.  «  Il  ne  reprochait  rien  à  l'empereur*  di- 
sait-il, car  les  étoiles  lui  avaient  montré  que  l'es- 
prit de  1  électeur  de  Bavière  dominait  le  sien  ;  que 
du  reste  il  rejetait  la  plus  belle  pierre  de  sa  cou- 
ronne en  renvoyant  ses  troupes.  »  Il  se  retira  dans 


Digitized  byVJ OOQ IC 


SOi  SIXIÈME  ÉPOQUE.    1520—1648. 

son  duché  deFriedland,  dont  il  avait  pris  pour  ca- 
pitale Gitschin  qu'il  agrandit  et  embellit  considé- 
rablement.— Les  troupes  impériales  qui  ne  furent  pas 
licenciées  furent  réunies  à  celles  de  la  ligue  et  le 
commandement  de  cette  armée  fut  donné  à  Tilly. 


Gustave-Adolphe  en  Allemagne.  1650—1655. 

La  puissance  des  princes  protestants  était  brisée  et 
Tédit  de  restitution  avait  reçu  en  quantité  d'endroits 
une  exécution  presque  complète.  Pour  qui  connais- 
sait le  caractère  de  l'empereur ,  il  était  facile  de 
deviner  ce  qu'il  préparait  à  la  nouvelle  église;  mais 
surtout  il  n'était  rien  moins  que  certain  que  plus 
tard  il  y  aurait  une  Eglise  protestante  en  Allemagne. 

Dans  ce  danger,  le  secours  nous  vint  d'un  peuple 
jusque  là  presque  inconnu,  qui  n'avait  pas  quitté 
ses  demeures  du  nord;  des  Suédois ,  peuple  vaillant 
et  craignant  Dieu,  sorti  de  la  race  des  Goths,  une 
des  plus  nobles  de  celles  qui  se  vantent  d'une  ori- 
gine de  Germanie.  Jusqu'alors  ils  avaient  vécu  d'a- 
près |les  anciennes  mœurs  de  nos  ancêtres  dans  leur 
pays,  qui  n'était  pas  sans  beauté  ,  mais  pourtant  sau- 
vage et  composé  de  mers  et  de  côtes ,  de  collines  et 
de  forêts  ;  et  depuis  les  temps  où  ils  prirent  part  aux 
entreprises  maritimes  des  Normands,  ils  ne  s'étaient 
pas  encore  engagés  dans  des  expéditions  extérieures. 
Malheureusement  ils  avaient  dépensé  dans  une  foule 


Digitized  byVJ OOQ IC 


GUERRE    DE    TRENTE    ANS.  205 

deguerres  intestines  leurs  forces  qu'ils  auraient  pueni- 
ployeràdeplus  grandes  choses  — Dans  l'année  1611, 
Gustave-Adolphe  monta  sur  le  trône  de  son  père 
Charles  IX,  et  c'était  lui  qui  était  destiné  à  conduire 
son  peuple  sur  le  grand  théâtre  de  l'histoire  du 
monde.  C'est  dans  le  pressentiment  d'une  pareille 
destination  que  Gustave-Adolphe  entreprit  cette 
lutte  prodigieuse  contre  la  puissance  de  la  maison 
d'Autriche. 

Des  jugements  tout-à-fait  contradictoires  ont  été 
portés  sur  ce  grand  roi ,  parce  qu'il  a  vécu  à  une 
époque  à  laquelle  l'esprit  de  parti  était  trop  violent 
pour  permettre  de  jeter  un  regard  impartial  su  ries  cir- 
constances et  sur  les  hommes.  Les  uns  ne  Font  con- 
sidéré que  comme  un  conquérant  que  les  agitations 
d'un  esprit  dévoré  d'une   brûlante  ambition  ont 
poussé  sur  la  mer  pour  aller  soumettre  des  paysétran- 
gers ,  et  auquel  la  religion  a  servi  de  manteau  pour 
cacher  sa  passion  de  guerres  ;  d'autres  n'ont  vu  en  lui 
qu'un    guerrier  enthousiasmé  pour  sa  croyance  et 
ont  refusé  de  reconnaître  dans  son  âme  aucune  des 
impulsions  ambitieuses  que  ses  adversaires  lui  ont 
attribuées.  Il  y  a  des  deux  côtés  un  mélange  de  vrai 
et  de  faux.  Gustave  ne  fut  point  entraîné  par  un 
sentiment  d'ambition ,  comme  on  l'entend  ordinai- 
rement,   c'est-à-dire    par    une   vaine  passion   de 
gloire  pour  lui  seul,  quoique  certainement  l'amour 
d'un  réputation  qui  donne  une  vie  immortelle  parmi 
les  peuples  ait  bien  occupé  une  place  dans  son  cœur; 
ce  ne  fut  point  non  plus  uniquement  pour  sauver 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


$06  sixième  £poqub.  1520—4648. 

ses  frères  de  religion  en  Allemagne   qu'il  prit  les 
armes  ,  bien  que  la  foi  et  la  piété'  régnassent  assez 
fcfltenient  dans  son  âme  pour  exercer  toujours  leur 
influence.  Mais  ces  deux  grands  motifs  agirent  en- 
semble sur  lui,  unis  par  une  autre  lpi  de  sa  nature,  celle 
giie  lui  imposait  le  sentiment  de  sa  destination  à  faire 
partie  de  l'histoire  du  monde.  Il  sentait  qu'il  était 
appelé  à  produire  au  dehors  et  à  placer  à  son  rang 
parmi  les  autres  nations   de    l'Europe    son  noble 
peuple  ;  petit  en  nombre ,  mais  inférieur  à  nul  autre 
par  son  courage  et  par  ses  vertus.  Jusqu'alors  la 
Suède  avait  été  aux  états  importants  de  l'Europe 
cp  qu'état  la  Macédoine  à  l'ancien  monde  avarçt 
Philippe  et  Alexandre,  et  dernièrement  encore  ce 
gâtait  ]sl  Russie  avant  Pierre-le-Grand  ;  et  de  même 
que  1é\  vie  de  ces  grauds  hommes  que  nous  venons 
(le  nommer  ne  peut  être  bien  comprise  que  quand 
prç  a  ]}ien  s^isi  ce  point  historique  que  nous  venons 
de  signaler,  ainsi  en  est-il  de  la  vie  de  Gustave  - 
Adolphe  de  Suède  ;  car  si  ce  roi  a  laissé  derrière  lui 
jjioig?  de  résultats  que  les  autres  souverains  avec  les- 
quels nous  Layons  comparé,   il  faut  aussi  penser 
g^il  fut  eplevé  tout  d'un  coup  par  la  mort  à  l'âge 
$e  trente-huit  ans,  au  moment  où  il  commençait  à 
ibudef  son  œuvre. 

Son  grand  plan  se  montra  dès  son  premier  pas  sur 
J#  scène.  Déjà  avant  la  guerre  d'Allemagne  il  avait 
çpnquis,  en  quelques  campagnes,  sur  les  Russes  et 
les  Polopais  ,  les  provinces  de  la  côte,  l'Ingrie,  la 
Ç#véjie  et  la  Ljvonie,   et  une  partie  de  la  Prusse. 


Digitized  byVJ OOQ IC 


GUERRE    DE    TBENTE    AXS.  207 

Car  pour  que  son  peuple  pût  obtenir  quelque  im- 
portance en  Europe,   il   fallait   en   effet  qu'il  lui 
donnât  plein  pied  sur  la  côte  de  la  mer  Baltique,  en 
face  dp  la  Suède,  Plusieurs  motifs  graves  l'appelaient 
alors  à  prendre  part  aux  affaires  d'Allemagne.  U 
avait  été  provoqué  et  blessé  par  l'empereur  Ferdi- 
nand; ses  paroles  en  faveur  des  protestants  d'Alle- 
magne et  de  ses  cousins  les  ducs  de  Mecklenbourg , 
aussi  bien  que  sa  médiation  pour  la  paix  avec  le 
Banetaarck,  avaient  été  flédaigneusement  rejetées,  et 
Wallenstein  avait  même  envoyé  dix  mille  impé- 
riaux au  secours  des  Polonais  contre  lui.  Mais  bien 
plus  encore  que  par  tous  ces  griefs  qui  pouvaient 
facilement  s'arranger  avec  des  paroles ,   il  était  ap- 
pelé par  le  grand  danger  de  l'église  protestante  et 
par  la  crainte  qu'il  ne  s'élevât  sur  la  côte  de  la  mer 
Baltique,  dans  la  personne  de  Wallenstein,  une  nou- 
velle puissance  qui  favorisât  la  maison  d'Autriche 
et  le  parti  catholique. 

Déjà  le  siège  de  Slralsund  l'avait  ameué  à  prendre 
part  à  la  lutte  ,  comme  nous  l'avons  déjà  vu.  La  ville 
lui  ayant  demandé  du  secours ,  il  lui  en  promit,  fit 
avec  elle  une  alliance  par  laquelle  il  la  recevait  soqs 
sa  protection ,  et  ce  fut  particulièrement  par  son  aide 
qu'elle  fut  sauvée  du  danger  que  lui  fit  courir  Wal- 
lenstein. Mais  alors,  quand  il  vit  que  le  protestan- 
tisme était  menacé  de  l'oppression,  il  fit  un  plus 
giand  pas  ;  il  déclara  formellement  la  guerre  à  l'eni- 
pereur  Ferdinand  et  vint  aborder,  le  4  juillet  1530, 
4an&ril<*  4e  Rugen,  avec  quinze  caille  Suédois,  Aussi- 


Digitized  byVJ OOQ IC 


208  sixième  époque.  4520—  i 648. 

tôt  qu'il  fut  descendu  sur  le  rivage ,  il  se  jeta  à  ge- 
noux devant  tout  le  inonde  pour  prier  Dieu,  et  toute 
l'armée  se  mit  à  prier  avec  lui;  il  venait  avec  un 
petit  nombre  de  soldats  pour  une  grande  entre- 
prise! 

Quand  l'empereur  apprit  son  débarquement,  il 
fit  peu  de  cas  de  son  nouvel  ennemi,  dans  la  con- 
fiance que  lui  avaient  inspirée  ses  succès  antérieurs; 
ou  se  riait  dans  l'empire  du  petit  roi  du  nord;  on 
l'appelait  le  roi  de  neige  qui  venait  se  fondre  en 
face  du  soleil  impérial  Mais  ses  quinze  mille  hommes 
étaient  une  armée  de  héros  et  des  guerriers  qui  sem- 
blaient venus  d'un  autre  monde. 

11  y  avait  parmi  eux  une  sévère  discipline  et  de 
la  piété;  tandis  que  leurs  adversaires  ne  connais- 
saient de  la  guerre  que  sa  barbarie  et  cette  licence 
qui  lâche  la  bride  à  toutes  les  passions,  à  tous  les 
désirs.  C'était  un  mélange  de  différents  peuples  avec 
une  même  religion ,  qu'aucune  pensée  élevée  n'unis- 
sait ensemble ,  mais  seulement  le  plaisir  des  armes 
et  le  désir  de  faire  du  butin.  Les  autres  au  contraire 
avaient  la  confiance  que  Dieu  combattait  avec  eux  ; 
deux  fois  le  jour  ils  lui  adressaient  de  pieuses  prières, 
et  chaque  compagnie  avait  ses  ministres.  En  outre , 
le  grand  génie  du  roi  avait  créé  une  nouvelle  tactique 
de  guerre;  c'est  même  par  là  qu'il  est  comparable  aux 
grands  hommes  de  l'antiquité;  parce  qu'il  surprenait 
ses  ennemis  par  la  nouveauté  et  l'audace  de  ses  posi- 
tions, de  son  ordre  de  bataille,desesattaques,  et  jetait 
le  désordre  au  milieu  de  leurs  rangs  toujours  établis 


Digitized  byVJ OOQ IC 


GVEX11E    DE    TBEWTfi    AVI.  SQff 

d'après  l'ancien  mode.  Jusqu'alors  on  avait  miriimc 
grande  profondeur  dans  les  rangs  accumulés  les  une 
cferrière  les  antres  ,  Gustave  n'en  plaça  que  six  pour 
Forfanterie  et  quatre  pour  la  cavalerie.  Aussi  m  pe* 
tite  armée  prenait-elle  plus  de  développement  et 
éfeit  bien  plus  facile  &  mouvoir  pendant  la  bataill»; 
thnêh  que  d'un  autre  côté  les  boulets  de  la  grosse 
artillerie  ne  faisaient  plus  les  mêmes  ravages  que 
dans  les  rangs  serrés  des  troupes  ennemies. 

Cependant  il  n'eut  pas  besoin  de  recourir  à  ces  grands 
moyens;  dès  Pensée  de  1^  campagne,  les  impériaux  qufc 
notaient  point  en  forcesur  les  côtes  de  la  mer  Bahiqoe, 
furent  promptement  chassés  de  Rugén  et  des  autre» 
petites  îles,  à  l'embouchure  de  FOder,  et  Gustave 
^avança  en  liberté  jusqu'à  Stettin ,  capitale  du  due 
de  Poméranîe.  Ce  vieillard  timide  n'osait  pas  se  dé- 
cider h  faire  alliance  avec  lui,  et  cependant  il  no 
pouvait  lui  résister.  Après  un  long  délai,  tandis  qnef 
Gustave  employait  auprès  de  lui  des  voies  de  dota* 
ceur  et  cherchait  à  le  consoler  tout  en  parlant  avec1 
fermeté,  la  ville  se  rendit;  et  ce  fut  pour  la  guérite 
une  place  d'armes  importante. 

De  même  que  le  duc  de  Poméranie,  les  prince* 
protestants  de  l'empire  étaient  fort  embarrassés  pour 
savoir  comment  recevoir  le  nouvel  allié.  Le  roi  les 
avait  tou9  appelés  à  une  grande  alliance ,  mata  as 
étaient  la  plupart  découragée  et  craignaient  la  ven- 
geance do  l'empereur  ;  les  autres  redoutaient  une 
domination  étrangère  en  cas  de  succès,  et  ceux  qui 
avaient  les  meilleurs  sentiments  voulaient  rôâter 
r.   11.  14 


Digitized  byVJ OOQ IC 


340  sixième  époque.  1620—1648. 

constamment  fidèles  à  l'empereur  et  à  l'empire. 
Gustave  n'était  pas  content  de  cette  disposition  des 
princes.  «  Nous,  évangélistes ,  disait-il  dans  une 
allocution  aux  habitants  d'Erfurt,  nous  sommes  dans 
une  position  semblable  à  celle  d'un  vaisseau  au  mo- 
ment d'une  grande  tempête.  Alors  il  ne  convient 
pas  que  quelques-uns  travaillent  avec  le  plus  grand 
zèle/  tandis  que  les  autres  sont  à  considérer  l'orage 
les  bras  croisés;  tout  le  monde  doit  mettre  la 
main  à  l'œuvre,  et  chacun  doit  aider  de  son  mieux 
dans  l'endroit  où  il  est  placé.  »  Mais  les  protestants 
n'avaient  point  un  pareil  esprit  de  communauté , 
ni  le  sentiment  aussi  clair  du  but  où  ils  tendaient. 
Us  étaient  divisés  entre  eux  par  jalousie  et  par  pré- 
jugés. L'électeur  palatin  avait  été  renversé.  Celui  de 
Saxe  avait  fait  scission  tout  le  temps  que  le  palatin 
eut  le  commandement ,  souvent  même  avait  été  au- 
trichien ;  et  aujourd'hui  il  était  encore  chancelant, 
craignant  également  et  l'Autriche  et  un  prince  étran- 
ger. L'électeur  de  Brandebourg  était  un  prince  faible 
et  se  laissait  conduire  par  son  ministre  Schwarzen- 
berg ,  qui  était  contraire  à  l'alliance  suédoise.  Parmi 
les  petits  princes ,  dont  un  grand  nombre  à  la  vérité 
étaient  plus  prononcés  mais  dépendants  de  la  puis- 
sance de  l'Autriche  f  il  n'y  en  avait  que  deux  qui  eus- 
sent fait  une  étroite  alliance  avec  le  roi  ;  c'était  le  land- 
grave de  H  esse-Casse  1  et  la  maison  de  Saxe-Weimar. 
Les  autres  tinrent  une  assemblée  à  Leipzig  avec  les 
électeurs  de  Saxe  et  de  Brandebourg,  et  résolurent  de 
mettre  une  armée  sur  pied  pour  se  défendre  aussi 


Digitized  byVJ OOQ IC 


GUEBRE   DE  TRENTE  ANS.  211 

bien  contre  les  attaques  des  Suédois  que  contre  celles 
de  l'Autriche.  L'empereur  cependant,  qui  vit  que 
c'était  par  les  armes  qu'il  fallait  décider  cette  grande 
querelle  et  qui  n'était  point  d'avis  de  soumettre  sa 
volonté  à  une  diète,  demanda  la  dissolution  de  l'al- 
liance de  Leipzig,  et  commença  par  désarmer  de  vive 
force  les  princes  du  sud  de  l'Allemagne  qui  en 
faisaient  partie. 

Le  roi  de  Suède ,  renforcé  d'un  assez  grand  nom- 
bre de  nouvelles  recrues ,  marcha  droit  en  Pomé- 
ranie  et  chassa  devant  lui  ou  battit  les  garnisons  im- 
périales. Mais  avant  de  se  retirer  elles  dévastèrent 
le  pays,  pillèrent  les  villes,  en  incendièrent  plu- 
sieurs, maltraitèrent  et  massacrèrent  les  habitants. 
Cette  terrible  guerre  reprit  avec  toutes  ses  horreurs. 
Les  Suédois,  si  scrupuleux,  si  exacts  dans  leur  disci- 
pl  ine,  semblaient  des  anges  protecteurs,  et  la  croyance 
se  répandit  dans  le  pays  que  le  roi  était  envoyé  du 
ciel  comme  un  libérateur. 

Il  voulait  ne  marcher  que  pas  à  pas,  avec  certi- 
tude et  ne  laisser  derrière  lui  aucun  lieu  fortifié.  En 
conséquence,  après  avoir  emporté  d'assaut  Francfort- 
sur-1'Oder ,  qui  avait  une  garnison  de  huit  mille  im- 
périaux, il  demanda  à  l'électeur  de  Brandebourg  de 
lui  remettre  les  citadelles  de  Gustrin  et  de  Spandau. 
L'électeur  hésitait,  mais  le  roi  marcha  sur  Berlin, 
et  vint  tenirrune  conférence  avec  lui  dans  la  plaine, 
entre  Berlin  et  Cœpenik,  le  13  mai  1631;  ensuite 
ils  partirent  ensemble  pour  Berlin.  Cependant  l'élec- 
teur hésitait  toujours.  Alors  le  roi  s'écria  en  colère  : 


Digitized  byVJ OOQ IC 


949  sixiferfi  é?oq*e.  4520—4648. 

«  Je  veux  aller  délivrer  Magdebourg  (  elle  était  for- 
tement pressée  par  Tilty);  ce  n'est  cependant  pas 
mon  avantage,  mais  uniquement  celui  des  évangé- 
listes.  Si  personne  ne  veut  m 'aider,  je  me  mets  à 
Fabri  de  tout  reproche  et  je  rentre  à  Stockolm;  mais 
a»  jugemett  dénier  vous  serez  accuses  de  n'avoir 
rien  voaln  foire  £our  la  cause  de  l'Evangile ,  et  pro* 
bablement  Dieu  vous  le  vaudra  dès  cette  vie.  Car  si 
Magdebourg  estprise,  et  si  je  me  retire,  imaginezce  qui 
vtftw  arrivera  !  »  Ces  paroles  eurent  leur  effet  et  l'é- 
leeteur  lui  remit  Spandau  le  même  jour.  Le  chemin 
de  là  à  Magdebourg  n'était  pas  long;  la  ville  vive- 
ment pressée  demandait  de  prompts  secours  ;  cepen- 
dant le  roi  trouvait  qu'il  n'était  pas  possible  <F aller 
passer  l'Elbe  en  face  de  l'ennemi  et  par  le  droit 
cfcemin.  H  demanda  donc  à  l'électeur  de  Saxe  d'en- 
Wèr  sur  son  territoire,  car  il  voulait  aller  passer  à 
^tttoberg;  mais  l'électeur  refusa  sa  demande.  On 
fit  des  négociations,  on  parla  beaucoup,  et  déjà  le 
jour  terrible  de  la  conquête  était  arrivé,  la  malheu- 
reuse ville  était  perdue . 


Haine  de  M agctafaourg.  S0  mai  1651 . 

.  La  ville  do  Magdebourg,  qui  depuis  longtemps 
allait  fait  remarquer  par  son  zèle  pour  le»  doctrines 
protestantes,  fut  aussi  alors  lu  première  qui  m  jet* 
dMdi&btiag  du  sauveur  cW  la  liberté  religieuse*  Elle 


Digitized  byVJ OOQ IC 


l'invita  avec  instance  de  venir  mv  l'Elbe,  promît  de 
lui  ouvrir  ses  portes,  fit  -même  des  enrôlement 
pour  lui,  et  Gustave  qui  sentait  toute  l'importance 
d'une  pareille  place  d'armes,  se  félicitait  beaucoup 
de  ses  offres.  Mais  Tiily,  qui  reconnut  également 
combien  cette  occupation  serait  avantageuse  à  sop 
adversaire ,  se  hâta  d'aller  la  conquérir  avant  la  ve#ue 
du  roi.  Il  en  commença  le  siège  au  mois  de  mars  dç 
celte  année  ,  secondé  par  le  vaillant  général  Pappep» 
lieim.  Il  n'y  avait  dans  la  ville  que  deux  cents  Sué- 
dois sous  les  ordres  de  Melcher  de  Falkenberg ,  que 
omme  commandant  delà  ville; 
urent  à  la  défense  avee  audace 
;nt  même  construit  des  postée 
ville,  dont  ils  appelèrent  Tuij 
!  Truta  Pappenheim  (nargue 
appeaheim). 

Le  devenait  de  plus  en  plus 
:ar  le  vieux  général  employait 
a  réduire.  L'unique  espérance 
lesecoursduroi, qu'ils  savaient 
mai,  quand  le  bruit  de  l'artil- 
que  même  les  terribles  pièces 
rancbemept,  ils  crurent  qu« 
ivé.  Mais  c'était  le  signal  dç 
atifs  4  un  assaut  prochain  que 
ivait  résolu  (*).  Dans  la  iiiiit 


(*)  c'était  un  coup  *  désapoir  ;  Tity  ? «niait  m  wtfow  a'H  ne  rtoefaifty 
pas.  Schiller,  Guerre  de  trente  ans.  NT. 


Digitized  byVJ OOQ IC 


214  sixième  époque.  1520—1648. 

du  19  au  20  on  jeta  les  échelles  en  grand  silence  et 
à  cinq  heures  du  matin  commença  l'attaque.  Les 
sentinelles  avaient  veillé  avec  soin  jusqu'au  milieu  de 
la  nuit;  mais  comme  tout  était  en  silence,  elles 
rentrèrent  alors  dans  leurs  demeures  pour  se  reposer 
quelques  instants. 

Cependant  l'heure  fatale  sonna.  Le  signal  de  l'as- 
saut est  donné  et  les  guerriers  à  la  suite  de  Pappen- 
heim  escaladent  la  muraille  du  côté  de  la  nouvelle 
ville  ;  le  bruit  de  Partillerie  retentit  de  nouveau  et 
la  muraille  est  battue  par  le  canon  en  plusieurs  en- 
droits. Déjà  l'ennemi  est  sur  le  rempart  de  plusieurs 
côtés  ;  Falkenberg  accourt  à  l'endroit  le  plus  péril- 
leux ,  un  boulet  le  renverse  mort  ;  les  bourgeois 
effrayés  et  privés  de  leur  général ,  étourdis  par  le 
bruit  épouvantable  de  l'artillerie,  abandonnent  bien- 
tôt la  muraille  et  se  retirent  dans  leurs  maisons.  La 
plupart  croient  pouvoir  s'y  défendre  mieux  et  tirent 
des  fenêtres  sur  les  ennemis  qui  se  pressent  dans  la 
rue ,  les  femmes  mêmes  lancent  des  pierres  du  haut 
des  toits.  Mais  cette  défense  ne  sert  qu'à  augmenter 
la  fureur  des  impériaux ,  il  n'y  eut  plus  de  grâce  ni 
de  pitié  ;  hommes  ,  femmes,  enfants ,  vieillards,  tout 
fut  massacré ,  les  enfants  mêmes  étaient  frappés  sur 
le  sein  de  leurs  mères  et  jetés  dans  les  flammes. 
Depuis  dix  heures  du  matin  la  ville  était  la  proie 
des  flammes. 

Il  n'est  pas  de  cruauté ,  pas  de  tourments  humains, 
qui  n'aient  été  exercés  dans  ce  jour  effroyable.  Quel- 
ques hommes,  poussés  par  l'humanité,  se  hâtèrent 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


GUERRE   DE   TR EDITE   ANS.  215 

d'aller  trouver  Tilly  dans  son  camp  et  lui  deman- 
dèrent s'il  ne  voulait  pas  mettre  une  fin  au  pillage; 
mais  il  répondit  froidement  :  «  Laissez-les  faire  en- 
core une  heure,  puis  revenez  me  trouver.  Il  faut 
bien  que  le  soldat  ait  une  récompense  de  sa  peine  et 
de  ses  dangers.  » 

Le  soir,  à  dix  heures ,  cette  grande  et  magnifique 
ville  n'était  plus  qu'un  monceau  de  cendres;  quelques 
cabanes  de  pécheurs  sur  l'Elbe ,  la  cathédrale  et  un 
couvent  de  femmes  avaientseuls  échappé;  plus  de  vingt 
mille  hommes  avaient  péri  d'une  mort  plus  ou  moins 
lente,  par  le  fer  ou  le  feu  ou  par  l'effroi  ;  et  quand  deux 
jours  après  on  ouvrit  la  cathédrale ,  on  y  trouva 
environ  mille  malheureux  qui  en  furent  retirés  pres- 
que sans  vie ,  épuisés  de  faim  et  de  soif.  Tilly  leur 
fit  donner  ce  dont  ils  avaient  besoin.  Sa  colère  était 
apaisée,  mais  sa  gloire  était  souillée;  et  même  la 
fortune,  qui  lui  avait  toujours  jusqu'alors  été  fidèle , 
l'abandonna  depuis  ce  moment.  Aussi ,  bien  qu'après 
avoir  fait  déblayer  les  rues  avec  un  grand  travail,  il 
ait  fait  une  entrée  solennelle,  le  25  mai  ;  bien  qu'il  ait 
été  à  travers  les  immenses  monceaux  de  ruines  faire 
chanter  le  Te  Deum  dans  la  cathédrale  et  ensuite 
tirer  le  canon  ;  bien  que  dans  son  rapport,  à  Vienne 
il  ait  dit  avec  orgueil  que  depuis  la  ruine  de  Troie 
et  de  Jérusalem  on  n'avait  pas  vu  une  semblable 
victoire;  il  n'a  pu  cependant  en  imposer  à  l'opinion 
de  la  postérité,  et  son  nom,  àcause  de  ce  crime,  n'est 
prononcé  qu'avec  malédiction. 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


JM6  SIXIEME  ÉPOQUE.    1520—^648. 

(HMtere-Adolphe  ei  THIy.  Bataille  4*  Lttypig  ou  ée  prcilenWd.  17  ftfc- 
lembre  Jfël. 

Aprèp  la  conquête  de  Magdebourg,  Tilly  aurai): 
désiré  en  venir  aux  mains  avec  le  roi  ;  car  il  eut 
bientôt  à  souffrir  de  la  disette  dang  ce  pays  ravagé. 
.JUpis  Gustave  ne  se  trouvait  pas  encore  assez  fort  et 
jl$e  tint  retranché  dans  son  camp  de  Werben,  dans 
JVnciepne  Marche.  Il  avait  aussi  fort  à  cœur  de 
établir  les  princes  de  Meckleubourg  dans  leur  heri- 
£gge.  11  leur  donna  donc  des  troupes  avec  lesquelles 
f\p  reconquirent  en  effet  leur  pays,  et  entrèrent 
iplfcp  nullement  dans  leur  résidence  de  Gustrow,  dans 
laquelle  Wallenstein  avait  lui-mAne  établi  sa  cour, 
JLe  roi  rehaussa  encore  la  fête  par  sa  présence ,  et 
fi  ordonna  que  toutes  les  mères  qui  avaient  de&  en- 
fants à  la  mamelle  les  apportassent  sur  la  place  pur 
Jblique  pour  leur  faire  boire  du  vin  qu'on  y  dïstiîr 
fbuait  à  tout  le  peuple  ;  afin  que  les  eafaqts.de  leurs 
^cpfeqjts  ne  pussent  oublier  le  jour  de  la  rentrée  de 
^eurs  anciens  princes.  Pendant  ce  temps-là  Tilly 
tourna  ses  yeux  sur  le  riche  pays  de  Saxe  qui 
gavait  point  encore  été  exposé  aux  dévastations  de 
J|a  gnrerre,  et  qui  se  trouvait  tout  près  de  luû  C'était 
«certainement  une  injustice  «t  une  ingratitude  d'aï- 
ler  imposer  tout  le  fardeau  d'une  guerre,  à  Péleeto- 
fAt^eSaxe^  dont  le  duc  s'était  montré  si  fidèle  à  la 
maison  d'Autriche  ;  mais  Tilly  sut  bientôt  trouver 
une  raison.  Il  s'appuya  sur  Tordre  donné  par  l'eni* 


Digitized  by  LjOOQIC 


6«MAB  M5   TRUTI   àM.  9ftJ 

pereur  de  désarmer  tôt*  les  princes  qui  faisais** 
partie  de  la  ligue  de  Leipzig;  et  comafce  Téleq- 
ieur  étadt  toujours  en  armes  ,  il  enfra  en  Sax$ 
sans  déclaration  de  guerre  ,  lit  pilkr  tes  villes  dp 
jMfarseboiarg ,  Zéi*,  Nautnbourg  et  Weiasenfel*  <# 
Jttacchà  sur  Leipzig»  Une  telle  violônoe  eut  plufc 
d'effet  que  n  avaient  pu  en  obtenir  tous  les  dîsoow? 
de  Gustave  ;  l'électeur  se  jeta  alors  sans  réserve  datt? 
le*  bras  du  roi  de  Suède  ,  fit  avec  lui  une  solidt 
alliance  offensive  et  défensive  >  et  vint  le  rejoindra 
avec  son  armée  ,à  Duben  >  le  13  septembre. 

Le  même  jour  le  général  inpérial  fit  tirer  le  canot! 
sur  la  ville  de  Leipzig  qui  lui  avait  fermé  ses  porte! 
et  il  la  prit  le  jour  suivant;  mais  le  roi  s'approcha 
de  la  ville  avec  les  armées  réunies,  et  un  seul  jouf 
allait  décider  entre  le  vieux  général  encore  jamais 
vaincu  et  le  jeune  héros ,  roi  de  Suède.  Ce  prtnqe* 
reoçnrtaissant  qu'il  fallait ,  par  une  .grands  action  ; 
conquérir  la  confiance  de  l'Allemagne  en  «on  gébie 
Et  en.  sa  bonne  fortune,  sentait  toute  l'importance 
démette  journée  r  et  il  tremblait.  11  lui  semhlaft 
taagdurs  Irop  temécatre  d'abandonner  à  ttçe  àmh 
bfctaiHeJe  oort  de  toute  Ja  guerre;  car  U  y  avait 
tout  lieu  de  croire  que  la  perte  de  cette  bataille 
Entraînerait  la  perte  de  tout  ce  qu'il  possédait  sur 
cette  tôt»  ,  et  celle  des  électorals  de  Saxe, et  d£ 
Bcandebourg ,  ainsi  que  la  ruine  totale  de  tout 
Je  protestantisme  en  Allemagne.  Mais  l'électeur,  cfe 
Saxe?  qui  ne  pouvait  souffrir  jle  voir  plus  long-temps 
son  pays  foulé  par  un  enuemi  impitoyable  ,  deipati*- 


Digitized  byVJ OOQ IC 


318  BtxvtMM  époque.  1520—1648. 

daît  avec  instance  le  combat.  Alors  le  roi,  ne  pou- 
vant résister ,  marcha  sur  Leipzig.  Les  deux  armées 
se  rencontrèrent  sur  le  territoire  du  village  de 
Breitenfeld,  où  se  livra  la  bataille  décisive ,  le  17 
septembre.  Gustave-Adolphe  plaça  les  Saxons  à  part, 
à  l'aile  gauche  ,  parce  qu'il  se  défiait  des  troupes 
saxonnes  qui  étaient  nouvellement  enrôlées.  Le  feu 
commença  sur  le  midi  et  fut  terrible ,  mais  plus 
funeste  sur  les  bataillons  épais  des  troupesimpériales 
que  sur  les  rangs  étendus  des  Suédois  ;  pour  mettre 
fin  à  ce  fâcheux  début ,  l'aile  droite  impériale  se 
jeta  sur  les  Saxons  avec  une  telle  violence  qu'ils 
furent  bientôt  mis  en  désordre  et  en  une  déroute 
si  complète  qu'ils  ne  purent  se  rassembler  que  fort 
loin  du  champ  de  bataille. 

Au  même  moment,  Pappenbeim  s'était  précipité 
sur  l'aile  droite  des  Suédois  avec  l'élite  de  sa  cava- 
lerie ,  afin  de  rompre  leurs  rangs.  C'était  le  plus 
vaillant  capitaine  de  cavalerie  de  son  siècle.  Mais  il 
vint  se  heurter  contre  un  mur  impénétrable;  sept 
fois  ses  assauts  furent  repoussés  par  le  valeureux 
Banier  (Banner).  Alors  Tilly  qui  avait  abandonné 
la  poursuite  des  Saxons  arriva  et  se  porta  sur  le 
flanc  dégarni  des  Suédois;  mais  le  jeune  roi  fut  assez 
prompt  pour  se  tournera  temps  contre  l'ennemi  dont 
le  courage  vint  encore  se  briser  contre  l'invincible  fer* 
ineté  de  ses  guerriers.  Tilly  ne  sut  pas  se  reconnaître 
dans  cet  ordre  de  bataille  où  tout  était  nouveau  et 
changé  ;  et  contre  son  attente  la  confiance  dans  ses 
plans  l'ab|indonna  pour  la  première  fois;  il  recon- 


Digitized  byVJ OOQ IC 


GUERRE   DE   TRENTE   ANS.  319 

nut  qu'il  avait  affaire  à  uq  grand  génie ,  mais  le  roi 
profitant  de  ce  moment  d'hésitation  fit  tout  d'un  coup 
attaquer  l'artillerie,  qui  se  trouvait  placée  sur  une 
colline,  s'en  empara  et  la  tourna  contre  les  rangs  de 
TilJy.  Ce  moment  fut  décisif;   la  confusion  se  mit 
parmi  les  impériaux  et  ils  prirent  la  fuite;  sept  mille 
morts  restèrent  sur  le  champ  de  bataille,  les  autres 
s'enfuirent  dans  le  plus  grand  désordre;  Tilly  lui- 
même  fut  en  danger  pour  sa  vie.  Un  capitaine  de 
cavalerie  suédois  du  régiment  de  Rheingraf,  appelé 
le  grand  Frison ,  le  pousuivit,  et  plusieurs  fois  même 
le  frappa  sur  la  tête  avec  la  crosse  de  son  pistolet  ; 
mais  il  fut  lui-même  tué  par  un  cavalier  qui  accourut 
au  secours.  Ainsi  le  vieux  général  sexagénaire  revint 
couvert  de  blessures,  sombre  et  soucieux  de  se  voir 
trahi  par  la  fortune  ;  il  se  vantait  encore  le  jour  de 
la  bataille,  de  n'avoir  pas  perdu  un  seul  combat.  Il 
ne  se  réunit  qu'à  Halle  avec  Pappenheim,  qui  était 
resté  le  dernier  sur  le  champ  de  bataille ,  et  qui, 
comme  le  dit  Tilly  dans  son  rapport,  tua  quarante 
hommes  de  sa  propre  main.  Il  ne  restait  plus  qu'une 
petite  troupe  de  ces  escadrons,  auparavant  si  re- 
doutables. 

Cette  victoire  fut  pour  Gustave-Adolphe,  le  grand 
fondement  sur  lequel  s'appuya  sa  réputation  par  toute 
l'Allemagne  et  cette  vénération  pour  sa  personne ,  qui 
était  presque  une  adoration.  Car  cette  époque,  comme 
tous  les  moments  extraordinaires  dans  l'histoire, 
était  proprement  un  de  ces  moments  où  l'opinion  des 
peuples    est  toute  puissante;  alors  la   croyance , 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


886  suri**  &QW*-  4*a0— «48. 

la  confiance  en  un  bomme,  en  un  principe»  le 
pect  et  l'enthousiasme  qu'ils  inspiraient,  donnaient 
une  force  irrésistible  j  et  celui,  qui  savait  s'erapa** 
rer  de  cette  puissance  morale  était  sûr  du  succès 
Tout  le  monde  se  tourna  donc  vers  cette  nouvelle 
étoile  sortie  du  nord;  les  croyances  religieuses  et  la 
superstition  le  servirent.  Les  prophéties,  les  appari*- 
ticxns,  lep  rêves  se  rapportèrent  à,  lui;  partout  où  U 
passa  les  protestante  le  reçurent  avec  des  traraponU 
de  joie  inexpritnabief,  coince  leur  libérateur;  ej 
xlepuisque  le  mondq existe  il ^jrsaT pap  eu  da  p*>r* 
trait  de  roi  aussi  honoré,  aussi  colporté*  aussi  iwulf 
iiplié  que  le  sien  sous  toutes  les  former 

Gustave- Adolphe  avait  l'œil  trop  connaisseur  pour 
ne  pas  comprendre  toute  la  force  qui  maintenant 
combattait  avec  lai*  iVypa^V811***  précautionneux 
presque  jusqu'à  la  timidité,  il  ne  marchait  que  |>a$ 
ft  pas  et  ne  laissait  derrière  lui  ftpcùiie  place  fertej 
depuis  il  parcourut l'^Ueifiagae  jivec  ^oute  r#ud*c** 
Joute  la  célérité  possible  et  jy^qûÊ  contre  toute* 
les  règles  de  la  guerre;  sa  nureJUe  ressemblait  à  u«li 
triomphe  II  traversa  la  Thuriuge  et  la  forêt  Clwfc- 
ringienne  pour  arriver  en  Franconie  et  de  Jà 
p'avanç*  sur  le  Rbinj  après  s'être  reposé  quelque 
temps  pendant  l'hiver,  il  revint  en  Franconie  pour 
jaller  droit  en  Bavière.  Les  villes  les  plus  iinporr 
Jtantes  tombèrent  en  son  pouvoir  après  une  courts 
résistance  ou  se  soumirent  d'elles-mêmes,  Halle^ 
iîrfurt,  Wwrtzbourg,  Francfort,  Majence,  Nurem- 
berg et  bien  d'autres.  Tillj   même,  après  avoir  si 


■ 


aima**  p«  T*a*rt  ia*.  ttf 

bien  repavé  ses  forces  qu'il  se  trouvait  à  la  tête 
d'une  armée  plus  forte  que  qelle  du  roi*  n'osait  ce*- 
pendant  pas  sérieusement  se  mettre  sur  son  passage; 
et  depuis  la  bataille  de  Leipzig,  il  ne  pouvait  plu» 
recouvrer  cette  confiance  qu'il  avait  autrefois  e& 
lui-même. 

L'électeur  Maximilien  l'avait  rappelé  en  Bavière 
pour  qu'il  défendît  ses  propres  étals  héréditaires.  Il 
&Hait  empêcher  le  roi  de  passer  le  Lech,  et  Maxi- 
milien  se  rendit  lui-même  dans  le  camp  de  Tilly, 
près  de  Rain.  Mais  Gustave  ne  trouvait  rien  d'im- 
possible et  il  sut  lien  surmonter  cet  obstacle»  L'ar- 
mée des  ligués  fut  obligée  de  quitter  le  rivage  devant 
un  vigoureux  feu  d'artillerie*  Le  roi  passa  le  fleuve 
et  se  mit  à  sa  poursuite;  mais  déjà,  au  commencement 
de  l'action ,  Tilly,  qui  s'était  témérairement  avancé 
pour  reconnaître  l'ennemi,  avait  été  blessé  par  un 
boulet  de  trois  livres  qui  lui  tomba  sur  le  genou 
droit  et  le  renversa  de  cheval.  Il  fut  transporté  k 
Ingolstadt  dangereusement  blessé;  l'électeur  s'y 
retira  aussi  lui-même ,  et  Gustave  après  avoir  pris 
possession  d'Àugsbourg ,  marcha  contre  eux.  Il  fit 
aussitôt  livrer  quelques  assauts  à  la  ville ,  mais  la 
garnison  chaque  fois*  les  repoussa  courageusement; 
et  le  roi  y  courut  même  un  grand  danger ,  oàr  vm 
boulet  tua  son  cheval  sous  lui  et  le  jeta  parterre* 
Tilly  mourant  était  dans  ta  ville,  et  encore  au  mo- 
ment de  la  mort  il  excitait  ses  gens  à  la  défense,  H 
mourut  de  sa  blessure  vipgt-cinq  jours  plus  tard, 
le  30  avril.  C'était  un  homme  de  fer  qui  se  vantait 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


222  sixième  époque.  1520—1648. 

même  de  n'avoir  pas  aimé  une  seule  fois;  du  reste 
d'un  caractère  ferme  et  incorruptible  ,  et  un  excel- 
lent général,  si  Ton  ne  considère  que  ses  grands 
moyens  militaires.  Son  corps  donnait  l'expression 
de  son  âme;  il  ressemblait  auducd'Albe;  il  était 
d'une  moyenne  grandeur  et  maigre;  ses  yeux  étaient 
grands,  mais  brillaient  avec  quelque  chose  de  fa- 
rouche sous  des  sourcils  gris;  et  son  visage,  à  angle 
saillant,  avec  un  gro»  nez,  exprimait  toute  la  rigidité 
de  son  âme. 

Un  contemporain  nous  le  représente  comme  3 
la  vu  lui-même  ;  il  était  sur  un  petit  cheval  gris , 
avec  un  habit  de  satin  vert  à  la  façon  espagnole;  il 
avait  sur  son  chapeau  magnifiquement  orné  un  pa- 
nache rouge  qui  lui  tombait  sur  le  dos;  et  c'est 
d'après  cette  description  qu'il  a  été  le  plus  souvent 
représenté.  Le  roi  de  Suède  leva  le  siège  dlngols- 
tadt  et  marcha  sur  Munich,  la  capitale.  La  ville 
tremblait  devant  son  arrivée.  Le  peuple  bavarois 
avait,  en  haine  des  Suédois,  traité  plusieurs  d'entre 
eux  avec  la  plus  grande  cruauté;  il  les  avait  massacrés, 
avait  mutilé  leurs  corps  et  avait  excité  la  colère  du 
roi  au  plus  haut  degré.  Cependant  celui-ci  reçut  avec 
bienveillance  les  députés  de  la  ville  qui  lui  en  ap- 
portèrent les  clefs.  «  Vous  avez  bien  fait,  leur  dit-il, 
et  votre  soumission  me  désarme.  J'avais  le  droit  de 
venger  sur  votre  ville  le  malheur  de  Magdebourg; 
mais  ne  craignez  rien ,  allez  en  paix  et  soyez  sans 
inquiétude  pour  vos bienset  votre  religion.  Ma  parole 
vaut  mieux  que  toutes  les  capitulations  du  monde.  » 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


GUERRB  DE  T1BNTB  ANS.  333 

La  plus  grande  partie  de  la  Bavière  était  entre  les 
mains  du  roi,  et  l'électeur  avait  été  obligé  de  s'en- 
fuir vers  Ratisbonne. 


Gwtave-Adolphe  et  Wallemtein.  Mort  de  Gustave.  16  Novembre  1652. 

Cependant  les  Saxons,  conformément  au  plan  de 
guerre  de  Gustave,  étaient  entrés  en  Bohême  sous 
les  ordres  du  feld-maréchal  d' Arnim,  qui  avait  quitté 
le  service  de  l'empereur  pour  passer  à  celui  de  l'é- 
lecteur de  Saxe ,  et  s'étaient  facilement  empares  de 
Prague,  mal  gardée;  le  11  novembre  1631,  l'élec- 
teur y  fît  son  entrée  solennelle.  Ainsi  la  seule  ba- 
taille de  Leipzig  avait  arraché  à  l'empereur  les  fruits 
de  douze  ans  de  guerre;  il  se  voyait  menacé  dans  ses 
propres  états;  le  danger  s'était  montré  tout  d'un 
coup  et  contre  toute  attente.  Dans  une  pareille 
extrémité,  il  ne  vit  plus  qu'un  seul  moyen  de  salut 
et  son  conseil  avec  lui;  c'était  de  rappeler Wallenstein, 
qui  avait  été  déposé ,  humilié,  et  vivait  fièrement 
dans  sa  retraite.  Aucun  autre  adversaire  ne  pouvait 
plus  entrer  en  lice  avec  le  grand  roi  ;  aucun  autre 
ne  pouvait  donner  une  armée  à  l'empereur.  Mais  le 
gagner  semblait  une  tâche  difficile;  il  vivait  sur  ses 
biens  en  Bohême  avec  un  luxe  presque  royal  et 
semblait  narguer  l'empereur  et  les  rois.  Il  dépensait 
ainsi  les  millions  qu'il  avait  acquis  dans  la  guerre. 
Son  palais  à  Prague  était  bâti  avec  la  plus  grande 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


sixifeiifc  éWQUR.  i83û— i€48. 

magnificence,  eomma  Qfc  peut  encore, e&  juger  dfa- 
près  lea  restes.  Tandis  que  aes  ennemis  se  félici- 
taient de  l'avoir  réduit  à  l'état;  de  simple  partis^ 
lier,  il  se  faisait  représenter  dans  la  salle  de  son 
château  comme  un  triomphateur  par  les  artistes  les 
plus  habiles  venus  d'Italie  et  de  toute  l'Allemagne , 
porté  sur  un  char  tiré  par  quatre  chevaux  blancs,  et* 
une  étoile  était  placée  au-dessus  de  sa  télé  cou- 
ronnée de  lauriers.  Il  était  servi  par  soixante  pages 
sortis  des  premières  maisons,  en  habit  de  velours 
feleunciel,  brodé  d'or.  Plusieurs  de  ses  maîtres  d'hôtel 
avaient  déjà  servi  avec  le  même  titre  dans  la  maison) 
ée  l'empereur.  Trois  cents  chevaux  de  choix  étaient 
dans  ses  écuries  et  mangeaient  dans  des  crèches  de 
marbre.  Sa  demeure  ressemblait  à  une  cour,  car  les1 
hommes  les  plus  distingués  se  pressaient  autour  de1 
fer.  Extérieurement  il  paraissait  tranquille,  mai* 
s&n  ambition  le  dévorait  ai* fond  de  son  cœur.  Gène 
ftit  pas  sans  une  joie  intérieure  qu'il  vit  les  progrès 
dt*  roi  de  Suède  j  parce  qu'ils  le  vengeaient  de  l'em- 
pereur et  de  son  ennemi,  l'électeur  de  Bavière,  et 
cfue  tous  les  yeux  se  tournaient  sot  lui  dans  le  dan~ 
ger  comme  sur  Tunique  sauveur.  En  effet,  Perape* 
ï*Hr  né  tarda  pas  à  commencer  les  négociations  qui 
lui  rendirent  le  commandement  en  chef. 

Wallenstem  les  reçut  avec  froideur  et  n'accorda 
qb'à  de  nombreuses  prières  de  la  part  de  l'empereur 
la  promesse  de  lever  en  trois  mois  une  armée  de 
W mille  hommes;  mais  sans  s'engagera  lesconduire. 
Alors  il  envoya  par  toutes  les  provinces  ses  agents 


Digitized  byVJ OOQ IC 


GUBAft*   DE   T&MtE   A  H  S.  3t5 

planter  sa  bannière  d'enrôlement.  Des  milliers  ac 
coururent k  lui;  parce  qu'il  les  avait  toujours  con- 
duits à  la  victoire  et  au  butin,  et  que,  dans  ces  temps 
orageux,  il  était  plus  facile  de  trouver  du  bien-être 
à  la  guerre  que  dans  les  arts  ou  à  la  queue  de  la 
chaiYue.  Un  soldat  de  Wallenstein  recevait  dans  la 
grosse  cavalerie  neuf  florins  par  mois ,  s\%  dan»  la 
cavalerie  légère ,  le  fantassin  quatre ,  et  Cela  outre 
le  prix  pour  la  viande ,  le  pain  et  le  vin.  Dès  le  mois 
de  mars  1652  ces  30  mille4iommes  étaient  réuni»; 
mais  aussi  celui-là  seul  qui  les  avait  enrôlés  pouvait  les 
conduire.  L'empereur  le  sentit  bien  ;   aussi  eut-il 
l'étonnant  courage  de  s'humilier  jusqu'au  point  de 
se  laisser  imposer  par  Wallenstein  la  stipulation 
suivante  :  «Le  duc  dfcJFriedland,  généralissime  de 
l'empereur,  de  toute  l'auguste  maison  d'Autriche  et 
de  la  couronne  d'Espagne,  reçoit  le  commande* 
ment  suprême  sans  aucune  limitation*  L'empereur 
ne  paraîtra  lui-même  jamais  à  l'armée.  Pour  assurer 
la  récompense  que  méritent  ses  services,  le  duc  reçoit 
en  garantie  une  portion  des  pays  héréditaires  autri- 
chiens ;  de  plus ,  le  droit  de  disposer  à  son  gré  des 
conquêtes  qu'il  fera  dans  l'empire ,  et  de  donner  seul 
les  grâces  qu'il  lui  plairait  d'accorder.  Le  Mecklen- 
bourg ,  ou  tout  autre  dédommagementéquivalentjlui 
est  assuré  à  la  paix,  et  pendant  la  guerre  *us  les 
états  héréditaires  d'Autriche  lui  seront  ouverts  en 
cas  de  besoin*  » 


O  Le  florin  Yaut*fr.2*c.  *.T. 

T.  II.  15 


Digitized  byVJ OOQ IC 


SS6  sixième  é&oqvs.  46»~*#48. 

Walleustdii  réparut  donfc  dé  nouveau  sur  I* 
scène,  révéla  de  celte  puissance  presque  impériale  j 
il  porta  son  armée  jusqu'à  quarante  mille  hommes  > 
reprît  Prague  dès  le  mois  d'avril  de  cette  m«*me  an* 
nëe^  1632,  et  chassa  sans  peine  les  Saxons  de  la 
Bohême.  C 

.-  Le  camp  de  Nuremberg — L'électeur  de  Bavière 
vivement  pressé  dans  son  pays,  demanda  du  se- 
cours à  Wallenstein  avec  d'instantes  prières,  et 
celui-ci,  qui  semblait  île  repaître  de  sa  misère,  de 
«on  humiliation,  différait  toujours  jusqu'à  ce  que 
l'électeur  lui  promît  de  lui  abandonner  le  corn* 
mendement  de  toute  ià  guerre  ;  alors  WaMensteiii 
<t'invitaà  venir  se  joindre  à  lui  sur  l'Eger  pour  mar- 
cher énsembfc  de  là  sur  Nuremberg,  une  des  places 
d'armes  du  roi,  les  plus  importantes.  Mais  Gustave, 
-quidevina  son  dessein,  s'avança  lui-méine  au-devant, 
parut  à  l'ifnprtviste  avec  toute  son  armée  aux  portes 
de  la  ville ,  ta  fortifia  avec  le  secours  que  lui  donnèrent 
îes  habitants  «dans  Imç  enthousiasme  pour  lui  tandis 
que  les  jeunes  gens  Tinrent  grossir  son  armée,  et  H 
y  attendit  l'-erinemi.  Celui-ci  arriva  bieatdt  et -vint  se 
retrancher  sur  les  hauteurs  de  Zîrndorf  et  d'Alten- 
"bèrg,  en  vue  du  camp  suédois.  Les  deux  adversaires 
iavedent  fait  entrer  dans  leurs  plans  réciproquement 
<de  chasser  l'ennemi  de  sa  position  retranchée  par 
4a  disette  ^t  ht  nécessité.  Ils  restèrent  onze  semaines 
en  présence,  sans  qu'aucun  d'eux  ne  TÔulôt  eéder. 
Biais  la  tiisctve  oans  xout  *  xe  pciys  xtrt  extrême,  tout 
avait  été  détruit  dans  un  graù4*tayop  j  c'était  pres- 


Digitized  byVJ OOQ IC 


4     GCEftÂtt    DE   tQIft   A***  Jfî 

qtteun  désert.  Dans  lé  camp  de  Waliienstem,  il  y 
*vait>  oufere  une  grosse  armée,  quinze  mille  goujats 
•fc -servi  teure>  presque  autant  do  femmes  (il permets 
tait  qu'elles  suivissent  leur»  maris),  et  trente  mille 
clievaux  employés  en  grande  partie  à  transporter 
les  Innombrables  bagages,  Cette  multitude  devenait 
chaque  jour  4e  plus  en  plus  barbare.  I1b  ne  vivaient 
plus,  que  de  pillage  et  de  rapines.  Dans  le  camp 
metne  de  Gustave,  Tordre  n'était  plus  aussi  bien 
tenu  qu'au  commencement;  parce  que  son  armée 
était  désormais  eu  grande  partie  composée  de  recrues 
et  de  trompes  allemandes  auxiliaires. 
,    Malgré  toute  sa  sévérité ,  il  ne  pouvait  pas  les 
tenir  en  bride  copine  il  le  voulait  ;  car  leurs  chefs 
nlexjgeaient  pas  seï'igtfseinent  la  stiyrte  discipline» 
Aussi  le  bon  roi  fut-il  emporté  de  colère  quand  il 
apprit  les  bmtalitc%  exercées  par  s^s  soldats  sur  les 
malhçuyetuc  habitants.  Il  assembla  tous  ses  officiers, 
leur  lit  de  sévères  reproches  et  finit  en  disant:  «Qu'il 
trouvait  leur  conduite  si  indigne  qu'il  était  fâché  d'à-» 
voir  des  rapports  avec  un  peupléjsi  pervers.  »  Malheu- 
reusement U  ne  pouvait  pas  avoir  l'œl  partout ,  et 
ie  mal  avait  déjà  poussé  de  profondes  racines.  Alors 
il.t^olut  de  mettre  une.  fin  à  cçtte  position  indé- 
fliseet.  ruineuse,  par  un/coup  d'audace.  Le  4  sep- 
jbemfere  il  donna  l'assaut  aux  montagi^es^pù  était 
JValidnstein;  mais  l'entreprise  éfeait  trop  forte,   le 
pourage  le  plus  résolu,  ne  pouvait  rien  contre  ces 
iretoanchèmehts  garnis  d'énorweà  bouches  à  feu,  et 
le  roi  fut  obligé  sur  le  soir  de  se  désista  de  l'attaque 

15. 


Digitized  byVJ OOQ IC 


M8  sixième  **oqus.  4500—4648, 

après  avoir  beaucoup  souffert.  Il  attendit  encore 
quinze  jours  dans  son  camp,  et  comme  Wtrllenstera 
ne  remuait  pas,  le  18  septembre  il  se  retira  au  son 
de  la  trompette ,  en  face  de  l'ennemi  qui  n'osa  le 
poursuivre,  et  il  revint  en  Bavière. 

Alors  Wallenstein  abandonna  lui-même  son  camp, 
y  mit  le  feu  et  prit  ensuite  une  résolution  à  laquelle 
on  ne  s'attendait  pas,  celle  de  transporter  le  théâtre 
de  la  guerre  dans  les  pays  protestants  du  nord  de 
l'Allemagne }  il  tourna  tout  d'un  coup  vers  la  Saxe, 
et  marqua  partout  son  passage  par  le  sang  et  la 
flamme.  Le  roi  se  hâta  d'arriver  au  secours,  et  entra 
le  11  novembre  dans  Naumbourg,  sur  la  Saale. 
Le  peuple  le  reçut  comme  son  ange  gardien,  la  foule 
se  pressait  auteur  de  lui  à  son- entrée  et  lui  baisait 
les  pieds.  Un  triste  pressentiment  pénétra  son  âme 
à  ces  démonstrations  excessives  de  vénération:  «Nos 
Saxons  sont  dans  les  meilleures  dispositions,  dit-il  à 
Fabricius,  son  prédicateur  ordinaire;  mais  je  crains 
que  Dieu  ne  me  punisse  à  cause  de  la  folie  de  ce 
peuple.  Ne  dirait-on  pas  qu'il  veut  faire  de  moi  soa 
idole?  Ne  se  pourrait-il  pas  que  Dieu,  qui  humilie  les 
superbes ,  ne  leur  fasse  sentir  à  eux  comme  à  met 
que  je  ne  suis  qu'une  faible  et  mortelle  créature*  » 

Bataille  de  Lutzen  ,  16  novembre  1632.— -Il 
faisait  £brs  un  froid  extrême,  et  Wallenstein  qui 
crut  que  le  roi  s'était  retranché  près  de  Naumbourg, 
pensant  qu'il  n'entreprendrait  rien  avant  l'hiver, 
renvoya  le  comte  de  Pappenheim  vers  le  Rhin,  avec 
Tordre  toutefois  de  chasser  sur  sa  route  les  Suédois 


Digitized  by,VjOOQl€ 


1      GUBMIS  DE   TJLUOT  ANS.  399 

de  Halle  et  de  Moritzbourg.  Mais  tout  d'un  coup 
Gustave  se  met  en  marche,  s'avanpe  sur  Weissen- 
fels  et  arrive,  le  15  novembre  au  soir,  en  présence  de 
l'armée  de  Wallenstein,  près  de  Lutzen.  Tous  les 
deux  se  préparèrent  à  une  bataille,  et  le  général  im- 
périal rappela  en  toute  hâte  Pappenheim  qui  n'était 
pas  encore  éloigné  étant  arrêté  au  siège  de  MorifcS 
bourg  ;  il  pouvait  arriver  dans  le  courant  du  jour 
suivant.  —  Le  roi  passa  cette  froide  nuit  d'automne 
dans  sa  voiture  et  concerta  la  bataille  avec  ses  gé* 
néraux.  Déjà  le  jour  était  arrivé  j  un  épais  brouillard 
couvrait  la  plaine;  les  deux  armées  en  pré- 
sence étaient  dans  l'attente ,  et  les  Suédois  chan- 
taient au  son  des  cimballes  et  des  trompettes ,  le 
cantique  de  Luther  :  «  Notre  Dieu  vaut  bien  un  châ-* 
teau  fort,  »  ainsi  qu'un  autre  composé  par  le  roi  lui" 
même ,  qui  commençait  par  ces  mots  :  «  Ne  crains 
rien,  petite  troupe.»  Vers  onze  heures,  quand  le 
soleil  commençait  à  percer,  le  roi  monta  à  cheval 
après  une  courte  prière ,  et  alla  se  placer  à  la  tête 
de  l'aile  droite;  Bernard  de  Weimar  conduisait 
l'aile  gauche ,  et  il  s'écria  :  a  En  avant ,  à  la  garde  de 
Dieu  !  Jésus  aide-moi ,  je  combats  pour  la  gloire 
de  ton  nom.  Il  refusa  sa  cuirasse  en  disant  :  «  Dieu 
est  ma  cuirasse.  »  Il  conduisit  ses  troupes  contre  le 
front  des  impériaux  qui  se  tenaient  bien  retranchés 
dans  le  chemin  de  pierre  qui  conduit  de  Lutzen  à 
Leipzig ,  et  cachés  dans  de  profonds  fossés  des  deux 
côtés  de  la  route.  Les  Suédois  furent  reçus  par  un  feu 
meurtrier  qui  jeta  un  grand  nombre  d'entre  eux  par 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


*S0  sixième  éw^tœ.  4520-^*648. 

terre.  Cependant  ceux  qui  suivaient  gâgnërehT  du 
terrain ,  vinrent  s'établir  sixr  le  fossé  et  repoussèrent 
les  impériaux.  Pendant  ce  temps-là  Pappenheim était 
arrivé  de  Halle  avec  sa  cavalerie  et  la  bataille  re- 
commença avec  une  nouvelle  fureur.  L'aile  droite 
des  Suédois  chancela,  le  roi  se  hâta  de  courir  dp 
ce  côté  avec  une  troupe  de  cavalerie  et  s'avança 
trop  loin  pour  examiner  le  point  faible  de  Tetineftii  ; 
il  n'était  accompagné  que  de  quelques  cavaliers  et 
du  duc  François  de  Saxe  Lauenbcurg.  Cortraie  il  avait 
la  vue  courte  il  s'approcha  trop  d'un  escadron  impé- 
rial ;  il  reçut  un  coup  de  feu  au  bras  qui  pensa  le  ren- 
verser sans  connaissance,  et  au  moment  où  il  se  tour- 
nait pour  se  ret>°r  du  tumulte ,  il  reçut  un  deuxième 
•coup  dans  le  clos  et  il  tomba  de  cheval  en  disant: 
mon  Dieu!  mon  Dieu!  (*)  Les  chevaux  lancés  au 
galop  passèrent  sur  lui,  le  foulèrent  aux  pieds 5  on 
le  retrouva  tout  défiguré.  Son  cheval  qui  revint  tout 
en  sang,   apporta  ainsi  liu-mëme  îe  triste  message 
à  ses  soldats.  Ceux-ci  emportés  par  la  colère  et  par 
la  soif  delà  vengeance  ,  conduits  par  le  duc  Bernard 
de  Wéimar  qui  rétablit  l'ordre  par  sa  fermeté  hé- 
roïque, se  jetèrent  de  nouveau  sur  les  fossés  et 
forcèrent  les  ennemis  de  reculer.  Ils  ne  purent  pas 
résister  plus  long- temps;  déjà  le  lieutenant-général 


(*)  Schiller,  dans  son  Histoire  de  la  Guerre  de  trente  ans,  semble 
aeciser  te  duc  é»  Saxe  Lmenfeourg  de  ce  martre.  H  parait  epae  cMue, 
qui  avait,  reçu  une  toaujte  de  Gustave ,  f*  le  ejuitta  pas  pendant  toute  la 
fcntajlle,  et  que,  dès  Je  lendemain  do  sa  mort,  U  passa  du  côté  desimpé- 


Digitized  byVJ OOQ IC 


GtfEKRfc    DE    IfREKTE    Aî?5.  881 

Piccolomini  était  blessé,  et  avait  perdu  quatre  cher- 
vaux  ;  déjà  Pappenheim  était  tombe  mort ,  frdppé 
par  un  boulet  de  canon  en  combattant  vaillam- 
ment. La  fuite  et  le  désordre  se  mirent  dans  les  rangs. 
(«  La  bataille  est  perdue,  Pappenbeim  est  mort ,  les 
Suédois  arrivent  sur  notis  »  ,  cria-t-on  de  tons  côtés. 
Wallensteïn  fit  sonner  la  retraite.  Un  brouillards 
et  la  nuit  qui  survint,  aussi  bien  que  la  fatigue,  empê- 
chèrent lés  Suédois  de  poursuivre  ;  ils  passèrent  la 
nuit  sur  le  abamp  de  bataille,  et  l'artillerie  impériale 
tombe  en  leur  pouvoir.  Wallenstein  seretira  en  Bo- 
hême avec  les  restes  de  l'armée,  quoiqu'il  eût  anté- 
rieurement résolu  de  prendre  se*  quartiers  d'hiver  en 
Saxe.  Ainsi  le  résultat  montra  bien  que  la  victoire 
était  certainement  restée  aux  Suédois  ,  quoique* 
Wallenstein  la  dit  indécise ,  et  que  remjpereur  la 
célébrât  comme  appartenant  à  son  parti.  Le  jour 
suivant,  les  Suédois  cherchèrent  le  corps  de  leur 
roi  parmi  des  milliers  de  morts  qui  couvraient  le 
champ  de  bataille.  Ils  le  trouvèrent  nu  ,  sous  une 
foule  dantred,  couvert  de  sang  et  des  meurtrissures 
des  pieds  des  chevaux  et  presque  méconnaissable  : 
il  avait  orne  blessures.  Il  fut  porté  à  Weissenfeîs , 
et  de  là  transporté  par  la  reine  Marie -Ëîëonore  , 
qui  avait  suivi  son  mari  es  Allemagne ,  à  Stocfckolm, 
ou  il  fut  entente  et  pleuré  par  tout  le  monde. 

Le  coHet  que  le  roi  portait  fut  envoyé  -tout 
sanglant  h  "Vienne  à  l'empereur  Ferdinand  qui , 
dit*on  ,'  versa  des  larmes  fr  eette  vue  ,  et  ^e  fit  ainsi 
honriew  à -lui- même   autant  qu'à  son  adversaire 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


353  sixième  époqub.  4590—4648. 

Ferdinand  avait  l'âme  assez  grande  pour  admirer  la 
vertu  d'un  héros  même  dans  un  ennemi. 

Si  Gustave-Adolphe  n'avait  pas  été  arraché  à  la 
vie  à  l'âge  de  trente-huit  ans ,  au  moment  le  plus 
glorieux  de  sa  carrière ,  peut-être  que  son  grand 
génie  aurait  changé  toute  la  constitution  de  F  Aile- 
«magne  et  hâté  la  nigrche  de  son  développement* 
Déjà  même  il  avait  conçu  la  pensée  de  se  faire 
nommer  roi  de  Rome  ;  et  son  œil ,  dont  personne 
n'a  pu  scruter  la  profondeur ,  avait  peut-être  d'a- 
vance embrassé  toute  l'Europe.  Il  témoignait  souvent 
son  étonnement  de  ce  que  les  temps  d'alors  ne  pro- 
duisaient plus  de  généraux  comme  ceux  de  l'anti- 
quité; et  quand  on  lui  répondait  que  le  change- 
0  ment  apporté  dans  les   armes,   dans  la  tactique 
militaire,  et  le  système  des  places  fortes  ne  le 
permettaient  plus  ,    il  répondait  :   «La  différence 
n'est  pas  tant  dans  les  armes  que  dans  lés  esprits;  si 
on  retrouvait  le  cœur  d'Alexandre, ,    la  volonté 
d'Annibal,  et  l'esprit  «entreprenant  de  César,  on 
reverrait  encore  les  actions  d'Alexandre  ,  les  vic- 
toires d'Annibal  eftes  conquêtes  de  César .»  Tel  était 
le  point  de  vue  sous  lequel  il  considérait  l'histoire 
du  monde  et  ses  forces  actives  ;  et  qui  oserait  fixer  le 
point  où  s'arrêtait  un  pareil  génie? Un  de  ses  con- 
temporains ,  dont  le  jugement  ne  peut  être  suspect, 
,  le  comte  Galéazzo  Gualdo ,  un  Vénitien  et  un  ca- 
tholique, qui  avait  passé  plusieurs  années  dans  les 
armées  impériales  et  suédoises ,  nous  fait  ainsi  le 
tableau  de  ses  grandes   qualités.  «Gustave   était 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


GUfcRRE   DE   TAE*TI  *B8.  988 

grand,  fort  et  d'un  extérieur  vraiment  royal,  et  sa 
vue  seule  remplissait  les  cœurs  de  respect ,  d'admi- 
ration ,  d'amour  et  de  crainte.  Il  avait  les  cheveux 
et  la  barbe  blonds  ;  il  avait  de  grands  yeux  quoi- 
qu'il ne  pût  voir  que  de  près.  La  gueiTe  avait  eu 
pour  lui  beaucoup  d'attraits  depuis  son  enfance,  et 
la  gloire  et  là  réputation  étauNt  sa  passion.  Sa  parole 
était  éloquente,  et  sa  conversation  pleine  d'agré- 
ment et  de  gaîté.  Aucun  général  n'a  été  servi  plus 
volontiers  et  avec  plus  de  dévoûment.  Il  était  af- 
fable, aimait  à  donner  des  éloges  et  n'oubliait  ja- 
mais les  actions  de  courage  ;  mais  il  baissait  les 
manières  de  cour  et  la  flatterie,  et  celui  qui  prenait 
ces  façons  auprès  de  lui  était  sûr  de  ne  jamais 
gagner  sa  confiance.  Il  était  très  sévère  pour  répri- 
mer la  licence  des  soldats,  et  très  soigneux  pour  la 
sécurité  des  bourgeois  et  du  paysan.  Une  fois  qu'a- 
près la  conquête   d'une    ville   catholique  ou  lui 
conseillait  de  traiter  les  citoyens  avec  rigueur  et  de 
leur  donner  de  nouvelles  lois,  il  répondit  :  ce  Cette 
ville  est  maintenant  à  moi  et  n'appartient  plus  à 
l'ennemi  ;  je  suis  venu  briser  les  chaînes  de  la  liberté 
et  non  pas  en  imposer  de  nouvelles.  Laissons-les 
vivre  comme  ils  ont  vécu  jusqu'à  présent.  Je  n'ai 
point  de  lois  à  donner  à  ceux  qui  savent  vivre 
comme  leur  enseigne  leur  religion.  » 

«  Il  ne  faisait  aucune  différence  entre  catholiques 
et  protestants.  Son  principe  était  que  quiconque  se 
conformait  aux  lois,  était  un  bon  croyant,  et  que  la 
vocation  des  princes  n'était   pas  de  garantir   les 


Digitized  byVJ OOQ IC 


834  sixife**  Êfoqtz.  -4520— J648. 

hommes  de  l'enfer;  que  c'était 'celle  des  ecclésïas- 
tiquer.  » 

Il  eut  plus  d'une  fois  l'occasion  de  consacrer  ses 
principes  par  ses  actions:  par  exemple,  pendant  son 
séjour  h  Munich,  le  jour  de  l'Ascension,  i6S2,  il  se 
rendit  à  l'église  de  Notre-Dame,  penr  assister  aune 
messe  célébrée  densipéte  la  solennité  dn  culte  ca- 
tholique ;  ensuite  il  alla  visiter  le  collée  des  jésuites, 
répondit  à  nue  allocution  latine  du  Père  recteur 
dans  là  m&në  langue,  et  s'entretint  presque  une 
heure  avec  lui  snr  le  dogme  de  l'Eucharistie.  Ainsi 
Tt)yait-on  s*  refléter  dans  toutes  ses  actions,  Pécïat 
de  soi:  géîMe  nnivcrseF,  qui  Félevaft  sti-dessus  de 
son  siède,  tant  parce  qu'il  savait  respecter,  malgré 
un  cœur  lirôlant  de  piété,  la  foi  qui  se  trouvait  dans 
son  prochain,  quelle  qu'elle  fût,  que  paître  qu'il  put 
souflrir  autour  ds  lut  l'éclat  du  mérite  et  de  la  vé- 
rité, *ans  en  être  offusqué,  et  qu'il  fôt  véritablement 
un  afnidela  liberté. 

Le  monument  de  Gustâve-Adotpheen  Allemagne, 
•  fat  pehdant  long-tempô  une  pierre  placée  sur  le 
fchamp'de  bataille  de  Lutzew,  à  l'endroit  tfi&ne  où 
il  était 'tonnbé;  de  no»  jours,  un  de  ses  admira- 
teurs à  fait  élever  un  autre  monument,  niais  très 
simple. 


Digitized  byVJ OOQ IC 


Gontroutfion  de  la  gaerré.  4G32— t63>* 

On  pouvait  se  demander  si  les  Suédois  continue* 
raient  la  guerre  après  la  mort  de  leur  roi»   S'ils  se 
désistaient,  leurs  alliés,  les  protestants  étaient  mël 
nc.cés  d'une  sévère  punition  d#  la  part  de  Wallons* 
tein.  Mais  le  conseil- d'état  suédois  gouvernant  pen- 
dant la-minorité  de  Christine,  fille  de  Gustave,  ré- 
solut de  continuer  cette  guerre,  parce  qu'elle  pou*- 
v^t  donner  à  îa  Suède  des  droits  sifr  le  territoire 
aflremtmd;  et  pour  remplacer  leror,  il  choisit  son 
ami,  soi]  grand  chancelier ,'ÀxelOr£iîstiern5  homme 
bnLiie  et  capable,  qui  sut  réunir  les  forces  dé  son 
part*'.  Cependant  il  ne  possédait  point  îa  douce  et 
afrabîe  dignité  de  son  maître;- les  princes  de  PemJ- 
pire  et  surtout  les  S&:;ons.  supportaient  tvec  pefirtë 
d'être  obligés  de  suivre  un  simple  délégnéd'lin  geritil- 
bomme  suédois;  et  quoiqu'il  ait  réussi  à  rassemblée 
à  Beilbronne  au  printemps,  16S3  ,  les  états  protêt 
tants  des<|ua!re  grands  cercles ,  de  Souabe,  de  Frai>- 
coirie,  du  haut  et  bas  Rhin,  cependant  il  était  facile 
de  reconnaître  à  Tirrésolption  des  uns,  à  Foppttèition 
des*  antreé,  et  à  la  division  entfe  lès  généraux  qtifc 
le  génie  du  roi  n'était  plus  là  pojir  commander.     • 
'-*  Waltenstein  ,  dont  le  génie  était  supérieur  à  ceîtii 
d#  tous  les  autres,  aurait  pu' '-profiter  de'cêr  moment 
d'hésitatiôri  pou*  mettre  en  h  la  guerre  £t  dtfnnerta 
victoire  à  l'empereur  )  «nais  il  était  occupé  dartres 
mm  et  H   deuw\m  dans  urië  -  iàco^rtHteirëibta 


Digitized  byVJ OOQ IC 


256  «ixièiii  époque.  4530— 1648. 

inaction.  Après  la  bataille  de  Lutzen,  il  établit  un  tri- 
bunal de  guerre  pour  juger  son  armée ,  afln  d'écarter 
de  lui  la  responsabililéde  cette  défaite  ;  puis  comme  il 
avait  droit  de  vie  et  de  mort,  il  fit  décapiter  publique- 
ment, à  Prague,  plusieurs  généraux  et  officiers  supé- 
rieurs et  pendre  un  certain  nombre  desimpies  soldats  ; 
enfin  il  fit  attacher  à  la  potence  les  noms  de  plus  de 
cinquante  officiers  absents  comme  ceux  d'autant  de 
traîtres.  Ensuite  il  fit  de  nouveaux  enrôlements,  rem- 
plaça son  artillerie  avec  des  cloches  qu'il  fit  fondre  et 
bientôt  il  se  trouva  aussi  redoutable  qu'auparavant. 
Mais  au  lieu  de  s'avancer  dans  l'empire  attaqueras 
Suédois  conduits  par  Gustave  Horn  et  le  duc  Bernard 
de  Weimar,  qui  étaient  maîtres  des  frontières  de 
l'Allemagne,  il  marcha  sur  la  Silésie,  où  il  n'y  avait 
pas  besoin  d'une  si  grande  armée,  et  négocia  long- 
temps avec  les  Saxons  pour  l'évacuation  du  pays. 
En  même  temps,  telles  furent  du  moins  les  accusa- 
tions postérieures  portées  contré  lui,  il  cherchait  à 
sonder  quels  dédommagements  lui  donneraient  les 
ennemis  s'il  passait  de  leur  côté;  car  il  croyait  depuis 
longtemps  avoir  lu  dans  les  astres,  qu'un  royaume 
lui  était  préparé.  Pendant  Ce  temps-là,  de  peur 
qu'une  trop  grande  oisiveté  ne  donnât  des  soupçons  à 
l'empereur,  il  chassa  de  la  Silésie  tous  les  Saxons 
et  les  Suédois  qui  s'y  trouvaient,  et  fit  prisonnier  le 
comte  de  Thurn ,  le  premier  auteur  de  la  guerre. 
Déjà  Vienne  était  dans  l'attente  de  voir  traîner  par 
set  rues  cet  homme  odieux  le  plus  coupable  des  ré- 
voltés, quand  Wallenstein  lui  rendit  la  liberté.  Et 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


GTTERBI   m   TKEHTI  à*S.  487 

il  répondit  aux  reproches  que  lui  fit  faire  l'empereur: 
«Que  pou  vais-je  faire  d'un  pareil  fou  ?  Je  souhaiterais 
que  les  Suédois  n'eussent  pas  de  meilleurs  généraux 
que  lui.  Thurn,àlatéte  des  troupes  suédoises,  ren- 
dra plus  de  services  à  l'empereur  que  dans  sa  prison*» 

Mort  de  Wallenstein,  25  février  1634.  —  Ce- 
pendant la  Bavière  était  vivement  pressée  par  Horn 
et  Bernard  de  Weimar;  et,  sur  les  instantes  prières 
de  rélecteur,  l'empereur  avait  déjà  plusieurs  fois 
demandé  à  son  général  qu'il  se  hâtât  d'aller  au  se- 
cours de  ce  pays.  Wallenstein  traîna  en  longueur; 
puis  enfin  il  se  mit  en  route  sans  se  presser, 
à  travers  la  Bohême,  arriva  dans  le  haut  Palati- 
nat  et  rentra  aussitôt  en  Bohême  où  il  prit  ses  quar- 
tiers d'hiver.  Il  défendit  à  ses  généraux  qui  comman- 
mandaient  des  corps  particuliers,  sous  les  peines  les 
plus  sévères,  d'obéir  aux  ordres  de  l'empereur;  et 
quand  ce  prince  fit  entrer  d'Italie  en  Allemagne  une 
armée  espagnole  qui  ne  devait  pas  être  sous  son  com- 
mandement, et  fit  détacher  un  corps  de  l'armée  qu'il 
commandait  pour  le  réunir  aux  Espagnols,  Wallens- 
tein se  plaignit  tout  haut  de  la  violation  du  traité 
qu'ils  avaient  fait  ensemble. 

Gomme  il  était  accablé  par  les  maladies  et  telle* 
ment  tourmenté  par  la  goutte  que  ses  pieds  étaient 
ouverts  et  qu'on  était  obligé  de  couper  des  mor- 
ceaux de  chair  vive,  il  prit  la  résolution  de  dépo* 
ser  le  commandement;  mais  il  voulait  se  mettre  en 
position  d'exiger  l'accomplissement  des  promesses 
qu'on  lui  avait  faites.  U  s'efforça  donc  de  s'attacher 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


«S  six:h*%  ÉnMpnr.  4620^4648. 

eauroro  plus  étroîtemerit  le&gèâérauic  de  sôii  armée* 
et  les  réunit  «n  grand  oombrfc  dans  ce  hut  k  Pilsén, 
«r  eamoieneeuraii  de  Ipitafe  16ôi.  Q  notait  pas 
difficile  à  lui  de  les  gagner  •;  car  ils  o'avaienl  d  espoir 
qu'«&  sa  parole  et  m  recommandation  pour  recevoir 
les  indeauniték  qui  leur  étaient  dues;  dautaM  plus 
qu'ils  avaient  enrôlé  leurs  régiments  à  leurs  propres 
frai»,  et  la  plupart  y  avaient  même  engage  tout  leur 
avoir*  Si  Wallenstein  avait  une  disgtâce,  ils  étaient 
eux-mêmes  en  danger  de  perdre  leurs  droite»  E»  con- 
séquence quarante  officiels  supérieurs  ayant,  à  leur 
tête  le  feld-mare'chal  Ilio  et  leeomte  de  Terfcka  rse 
rassemblerait  daaauh  dîner,  aiwjud  Jûeme  Walkns* 
teiu  ne  pat  alisier  à  eaUfife  de  sa  oialadie ,  et  rengagé* 
rent  easemble  par  serment  à  la  vie  à  là  mort  de  rester 
fidèlement  attaches  au  duc  «tant  qu'il  resterait 
tuaervice  de  l'empereur,  ou  tant  que  celui-ci  lui  de- 
manderait de  ses  services  pour  la  guerre  ;  »  en- 
suite ils  forcèrent  Wallenstein  de  leur  promettre 
»  de  rester  encore  quelque  temps  avec  eux  et  de  ne  pas 
sedémettre  de  son  commandement  àleur  insu  et  sans 
leur  consentement.  »  Le  feld-ru*echal  Piccolomiai 
qui  plus  tard  trahit  Wallenstein;  signa  cet  écrit  avec 
lai  autres/ 

•<  Les  crineqiis  de  Wallenstein  profitèrent  de  cette 
circonstance,  d'ailleurs  fort  grave  ,  pour  le  rendre 
suspecta  l'empereur,  et  parvinrent  enfin  à  décider 
œ  prince  à  dépouiller  son  général  du  commande* 
coent  en  chef,  pour  le  donner  à  Gallas.  II  est  incon- 
teatabis  <|u?il  y^vatt à  la  cour  de  1  empereur  un  mr\i 


Digitized  byVJ OOQ IC 


i&HwM  espagnol  monté  eoiilre  lut,  Mt le ém é* 

Ba?i*re  qui  m- cessait  de  *ë  plaindre  de  Walieti* 
tem  *e  joignit  à  lui,  JU  principal  inetrumeot  d#  <Hri 
oa&a&s  ocrâtes  était  le  «jouimandôot  iLalk*  C*w*ta; 
xwarqyis  la  (irana. 

C^iotiiga^sccmtreWnlkiuteiii  furent  c<md  ut  to* 
#vec  ton*  de  setret,  qu'il  n'en  fut  iwtruk  qui 
fpandlesgoa&^xGa^  etÀldwnge»* 

paWièr««t  \w  ordre  du  jour  par  lequel  ite  difen* 
4*ient,  a**  mb»  de  l'empereur  >  à  tous  le*  générant 
4e  l'armée,  d'obâr  dâbrniaig  aux  ordres  de  Wai*. 
lenstain  >  Ub  et  Terzka  (  Ferdinand  aWt  signé  l'acte 
4e  déposition  de  Walleoafcetny  le  24  janvier,  et  il 
«e*ti&ua  decoirespondre-av^clui^ïieore  Tmgt}^^ 
,apr&)<>  Ceiuï*ci  fit  aussitôt  a(Ed*er  à  Piiaen ,  foi  f*. 
.wtevla  d^larationsoknaelle,  signée  par  hii-wénfe 
^t  29  généraux  ou  colonels ,  que  la  uéoaion  du  42  jimî- 
vkr  a?<w*it  riend'i^fitiie  de  la  part  des  offieiere  pour 
l'empereur  «t  la  religion.  En  même  temp^  il  fit 
partir,  le  21  et  K22  février,  deux  officiera  d'prdonh 
«anp£  yers  Feidinand  pour  lui  déclarer  de  sa  part, 
«pi'il  /**  d&àstait  4$  son  commandement  et  qull  #»rt 
prêt  à  se  justifier  devant  tel  tribunal  qu'il -'plairait 
à  lWpweur4elui$3rfgn«r*  Mais  ces  officiers  furent 
.arrêtée,  çn  mte  par  Pioeolomtni:  et  leur  ménage 
©'arriva  à  l'^perèqr  qu'après  la  mort  de  WfcW 
Jenstei^ 

Picc^lottiirH  nœrehaM-mâme  sur  Pifeen  arec  ses 
lippes  9  et  WaUensWin  fut  oblige .  pour  sa  propre 
sfe#4  dfc  #e  «N&w  yt*e  la  tiladdi*  d'jEg**,  dont  lé 


Digitized  byVJ© OQ  lC 


940  sultan  évoque.  4699—4648. 

commandant  Gordon  lui  était  attache  par  des  motifs 
particuliers  de  reconnaissance.  Cependant  il  est  his- 
toriquement prouvé  que  le  beau-frère  de  Wàllens- 
tein ,  le  comte  Kinsky,  chassé  de  la  Bohême  à  cause 
de  sa  religion ,  traita  avec  l'envoyé  de  France ,  Feu- 
qnières,  des  moyens  de  faire  entrer  Wallenâtein  dans 
le  parti  ennemi  de  l'empereur ,  et  que  le  cardinal  de 
Richelieu  fit  voir  à  ce  général  la  couronne  de  Bo- 
hême comme  sa  récompense  ;  il  eut  encore  de  pareilles 
négociations  avec  les  Suédois ,  si  Ton  en  croit  quel- 
ques-uns de  leurs  écrivains.  Mais  aucun  écrit ,  aucune 
action  de  Wallenstein  ne  prouve  qu'il  eût  chargé 
le  comte  Kinski  d'une  semblable  négociation  ;  et  les 
Français  et  les  Suédois  restèrent  jusqu'au  dernier 
moment  dans  le  doute,  si  Wallenstein  n'avait  point 
Voulu  les  jouer  pour  leur  donner  plus  de  confiance. 
Il  est  aussi  à  remarquer  que  cet  homme  incompré- 
hensible et  extraordinaire ,  songeant  à  la  perte  pos- 
sible de  la  faveur  de  l'empereur ,  ne  voulut  peut-^tre 
pas  repousser  trop  loin  les  propositions  de  l'ennemi  j 
mais  se  ménager  une  ressource  pour  les  cas  où  ses 
ennemis  réussiraient  à  le  renverser,  comme  ils  avaient 
déjà  fait  à  la  diète  de  Ratisbonne. 

Wallenstein  quitta  Pilsen  le  22  février  au  matin, 
porté  sur  une  litière  à  cause  de  sa  goutte ,  accompa- 
gné seulement  de  dix  compagnies,  et  au  bout 
de  deux  jours  il  arriva  à  Eger.  U  avait  avec  lui  le 
colonel  Buttler  qui  fut  un  des  meurtriers.  Il  entra 
dans  Eger,  le  24,  à  quatre  heures  du  soir,  et  des- 
cendit dans  la  maison  du  bourgmestre  Pechhelbel , 


Digitized  byVJ OOQ IC 


GUERRE   DE    TRENTE   A  US.  241 

sur  la  place  du  marché.  Le  lendemain ,  mardi  gras , 
Terzka,  IUo  et  Kinsky  allèrent  dîner  à  la  citadelle 
avec  Gordon.  Tandis  qu'ils  étaient  à  table,  tout-à- 
coup  trente  dragons,  commandés  par  les  capitaines 
Deveroux:  et  Geraldin,  sortirent  d'une  chambre 
voisine  et  se  précipitèrent  sur  leurs  victimes  qu'ils 
massacrèrent.  Terzka  ne  périt  qu'après  une  vigou- 
reuse défense  dans  laquelle  il  tua  deux  dragons. 
Aussitôt  après  cette  exécution  le  capitaine  Deveroux 
se  chargea  d'aller  tuer  Wallenstein.  Il  était  minuit 
et  déjà  le  duc  était  couché.  Mais  ayant  entendu  dans 
le  derrière  de  la  maison  les  cris  des  comtesses  Terzka 
et  Kinsky,  qui  venaient  d'apprendre  la  mort  de  leurs 
maris,  il  se  leva  et  ouvrit  la  croisée  pour  demander 
à  la  sentinelle  ce  qu'il  y  avait.  Au  même  moment 
Deveroux  enfonça  sa  porte ,  et  se  jeta  sur  lui  en 
criant  :  Mort  à  Wallenstein  !  — Celui-ci  se  décou- 
vrit aussitôt  la  poitrine  sans  dire,  un  seul  mot  et 
reçut  le  coup  mortel. 

Gomme  il  quitta  le  monde  sans  rien  découvrir  et 
que  pendant  sa  vie  les  pensées  de  son  âme  étaient  pro- 
fondément cachées  au  fond  de  son  cœur,  dans  le 
plus  grand  secret,  un  voile  obscur  se  trouve  jeté 
sur  sa  vie  et  ses  grands  projets*  C'était  un  de  ces 
hommes  qu'on  ne  peut  approfondir,  sur  lesquels  on 
ne  peut  rien  dire  ;  parce  qu'ils  n'ont  ouvert  leur 
cœur  à  personne  et  que  ce  n'est  que  secrètement,  au 
fond  de  leur  âme,  qu'ils  ont  pesé  le  sort  de  milliers 
d'individus.  Dans  ces  hommes  qui  sentent  qu'ils  ont 
en  eux-mêmes  une  force  à  laquelle  on  ne  peut  ré- 

T.  II.  16 


Digitized  by  VjOOQ  1C 


942  sixibhe  époque.  4630—4648. 

sktéer,  les  arrêts  de  ieufr  volonté  semblables  a  ceux 
<la  sort  ne  suivent  aucune  règle  qu'on  puisse  pré-* 
voir  et  partent  de  profondeurs  impénétrables 

Après  sa  mort,  ses  biens  furent  confisques  et  ser- 
virent à  récompenser  ses  ennemis  et  ses  assassins 
mêmes.  Gallas  eut  le  duché  dèFriedland,  Piccolo- 
mini  la  principauté  de  Nachod,  et  Buttler  après  lui; 
cependant  la  plus  grande  partie  resta  à  l'empereur. 
Il  y  avait  d'immenses  valeurs  en  argenterie  et  objets 
précieux,  efl  chevaux  et  toitures,  etc.  On  estime 
que  les  biens  de  Wallenstein  montaient  à  une  va- 
leur de  cinquante  millions.  Sa  veuve  reçut  comme 
douaire  la  principauté  de  Neuschloss j  Marie-Elisa^ 
betb,  sa  fille  unique,  fut  mariée  plus  tard  à  un  comte 
de  Caunitz.  L'empereur,  pour  justifier  cette  exécu- 
tion ,  fit  rédiger  un  écrit  fort  long  qui  contenait 
toutes  les  accusations  portées  contre  Wallenstein  et 
qui  pendant  long-temps  donna  de  fausses  idées  sur 
l'histoire  de  ce  grand  général,  par  se»  suppositions  et 
ses  faussetés. 


Bataille  de  Nordlingue  et  paix  de  Prague.  1654— 1C35. 

Après  la  mort  de  Wallenstein  i  ce  fut  le  roi  de 
Home,  Ferdinand,  fils  de  l'empereur  1  qui  obtint  le 
commandement  en  chef;  et  la  fortune  lui  ouvrit  la 
carrière  par  un  brillant  succès.  Après  avoir  poussé 
les  Suédois  hors  de  la  Bavière,  il  les  atteignit  à 


Digitized  byVJ OOQ IC 


GUERRE   PE    TRE5TE   ANS.  M8 

Nordlingue  en  Franconie.  Son  armée  était  compo- 
sée de  troupes  d'élite  et  augmentée  de  quinze  mille 
Espagnols;  dans  l'armée  suédoise  et  allemande,  au 
contraire ,  il  n'y  avait  point  unité  pour  le  commande- 
ment. Leprudentfeld-maréchal  Gustave  Horns'oppo- 
sait  à  la  bataille ,  prévoyant  sa  déplorable  issue.  Ber- 
nard de  Weimar,  jeune  et  fougueux,  la  demandait  : 
elle  fut  livrée  le  7  septembre  1634;  mais  le  petit  nom- 
bre ,  la  mauvaise  position ,  les  fautes  des  généraux,  le 
peu  d'accord  entre    eux ,  tout  concourait    contre 
les  Suédois  qui  furent  en  effet  complètement  taillés 
en  pièces ,  malgré  leur  courage,  après  huit  heures  de 
combat.  Vingt  mille  environ  furent  tués  bu  faits 
prisonniers ,  et  parmi  ces  derniers  le  feld-maréchal 
Horn  ;  le  duc  Bernard  se  retira  sur  le  Rhin  avec  le 
reste  de  l'armée. 

Cette  bataille  pouvait  devenir  aussi  décisive  en 
faveur  des  Catholiques  que  l'avait*  été  celle  de 
Leipzig  en  faveur  des  protestants.  La  puissance 
suédoise  parut  anéantie  en  Allemagne,  et  un  résultat 
'  important  fut  la  défection  dé  la  Saxe.  L'électeur 
Jean- George  voyait  déjà  depuis  long- temps  avec 
douleur  la  Lusace  entre  les  mains  des  impériaux  ;  il 
craignait  de  ne  la  "recouvrer  jamais  j  et  peut-être 
même  de  perdre  plus  encore  ;  c'est  pourquoi  il  con- 
clut, au  commencement  du  printemps,  1635,  la  paix 
de  Prague  avec  l'empereur.  11  reprit  la  Lusace, 
reçut  même  une  partie  delà  province  de  Magdebourg 
et  une  liberté  de  religion  entière  pour  quarante  ans. 
L'Allemagne  évangéliste  s'emporta  beaucoup  contre 

16. 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


244  sixième  éi»oqtte.  4520—4648. 

Félecteur,  mais  bientôt  plusieurs  autres  étatssui  virent 
son  exemple  et  s'accommodèrent  avec  l'empereur:  le 
Brandebourg,  le  Mecklembourg,  leduchédeWeimar, 
a  principauté  de  Lunebourg  et  autres  ;  de  sorte 
qu'il  semblait  que  cette  sanglante  guerre  allait  ainsi 
se  terminer  par  le  découragement  des  partis.  En 
effet,  les  malheureux  pays  de  l'Allemagne ,  sur  les- 
quels s'étaient  précipités  les  guerriers  de  presque 
toutes  les  parties  d'Europe  étaient  effroyablement 
dévastés;  il  n'y  avait  presque  plus  d'hommes,  les 
terres  cultivées  avaient  été  foulées  aux  pieds ,  une 
grande  partie  était  restée  sans  labour;  les  villes 
désertes,  des  ruines  et  des  décombres  en  mille  en- 
droits où  auparavant  étaient  des  lieux  florissants  ; 
partout  incertitude  de  vivre  et  de  jouir  de  son  tra- 
vail, de  sorte  que  le  désespoir  donnait  aux  mœurs 
de  l'époque  un  caractère  de  barbarie.  Ce  qui  n'avait 
pas  été  emporté  par  le  glaive,  avait  été  détruit  par 
la  famine,  la  misère ,  et  la  maladie ,  et  le  principe  de 
vie  était  tué  dans  le  sein  qui  le  nourrisait;  telle  était 
même  la  fureur  impitoyable  de  cette  guerre,  que  là 
où  une  langue  de  terre  avait  été  pendant  quelque 
temps  épargnée,  l'œil  avide  de  la  nécessité  et  de  la 
rapine  l'avait  bientôt  découverte  et  venait  y  porter 
le  ravage.  Car  nombre  de  provinces  étaient  déjà  si 
dévastées  qu'une  armée  n'osait  plus  la  traverser, 
comme  le  raconte  lui-même  le  général  Bannier  des 
provinces  situées  entre  FOder  et  l'Elbe. 

Dans  cette  détresse  générale,  avec  les  inclinations 
des  étals  allemands  à  la  paix,  avec,  la  disposition  de 


*r? 


GUERRE   DE   TRENTE   A»S.  245 

l'empereur  de  révoquer  au  moi  os  en  partie  redit 
de  restitution,  comme  il  l'avait  montré  par  son  traité 
de  paix  avec  la  Saxe,  lorsque  l'armée  suédoise  était 
presque  anéantie ,  la  patrie  opprimée  pouvait  espérer 
qu'elle  touchait  au  terme  de  ses  souffrances. 


Influence  de  la  France.  Mort  de  Ferdiuand  II.  15  février  1657. 

Alors  s'appesantit  sur  nous  cette  main  fatale  qui 
déjà  antérieurement  nous  avait  été  si  funeste ,  et 
qui  plus  tard  surtout  accumula  sur  nos  têtes  tant  et 
de  si  noirs  orages.  Le  ministre  de  France,  Richelieu , 
contemplait  avec  une  grande  satisfaction  depuis  long- 
temps les  malheurs  de  la  maison  d'Autriche  et  de 
toute  l'Allemagne.  Le  gouvernement  français  regar- 
dait comme  une  pensée  de  la  plus  haute  et  de  la 
plus  adroite  politique  de  faire  tourmenter  les  protes- 
tants en  France  et  conduire  au  supplice;  mais  de  les 
protéger  en  Allemagne  et  de  se  servir  ainsi  de  la  foi 
pour  cacher  sa  supercherie  et  son  avidité.  Le  mo- 
ment était  venu  ou  le  cardinal  crut  pouvoir  vendre 
bien  cher  les  services  de  la  France.  Il  les  offrit  au 
chancelier  Oxenstiern,  stipulant  pour  récompense 
l'occupation  de  la  forteresse  de  Philipsbourg  sur  le 
Rhin,  et  laissant  aussi  apercevoir  des  desseins  plus 
sérieux  encore  sur  l'Alsace.  C'était  la  première  fois 
que  les  étrangers  marchandaient  les  'frontières  de 
notre  patrie.  A  ce  traité  entre  Richelieu  et  Oxensticrn 


Digitized  byVJ OOQ IC 


246  smfeMfe  tvoqm.  4820—1648. 

la  guerre  prend  un  caractère  ignoble;  car  depuis 
lors  le  ministre  suédois  ne  combattait  plus  que  pour 
apporter  à  son  peuple  un  portion  de  l'Allemagne. 
Ils  trouvèrent  dans  le  duc  Bernard  de  Weimar ,  prince 
du  reste  plein  devaleur  et  de  noblesse,  le  bras  qu'ils 
pouvaient  désirer:  celui-ci  d'ailleurs  voulait  conqué- 
rir pour  lui-même  une  province  sur  le  Rhin.  Bien- 
tôt jpne  magnifique  armée  enrôlée  avec  l'argent  fran- 
çais fut  sous  ses  ordres  1  et  ce  fut  un  redoutable  ennemi 
pourles  impériaux  et  les  Bavarois  3  mais  depuis  ce  mo- 
ment les  provinces  rhénanes  en  devenantle  théâtre  de 
la  guerre  furent.fôulées,  pressurées ,  comme  l'avaient 
été  auparavant  celles  del'Oder ,  de  l'Elbe  et  duWéser. 
Les  Suédois  avaient  encore  daps  le  feld-maréchaï 
Uannier  un  vaillant  et  actif  général.  Renforcé  de 
nouveaux  bataillons  arrivés  de  Suède,  il  partit  en 
diligence  de  la  Poméranie  y  où  s'étaient  enfuis  les 
restes  de  l'armée  battue  à  Nordlingue,  et  s'avança 
contre  les  Saxons  devenus  les  alliés  de  Penipereur, 
les  mît  en  déroute  et  se  répandit  dans  là  Saxe. 

Cependant  cette  guerre  n'offre  plus  désormais 
qu'un  tableau  toujours  plus  triste  ,  manquant  d'un 
grand  génie  et  d'un  grand  but  pour  le  relever.  Le 
héros  dont  l'élévation  de  son  âme  jetait  un  lustre 
brillant  sur  tout  ce  qui  l'environnait,  qui  fut  en- 
traîné par  enthousiasme  pour  la  religion ,  pour  la 
gloire  et  pour  la  grandeur  de  son  peuple,  a  disparu  ; 
l'impénétrable ,  le  mystérieux  ettout-puissant géné- 
ral qui  seul  pût  oser  marcher  contre  \e  roi  de  Suède 
a  été  également  arraché  à  ses  projets  ;  et  les  hommes 


Digitized  byVJ OOQ IC 


GUERRE   DE   TRENTE    ÀHS.  247 

qui  paraissent  maintenant  à  la  tête  des  armées,  quoique 
braves  et  non  communs,  ne  sont  cependant  que 
des  génies  du  deuxième  rangy  qui  ne  peuvent  attein- 
dre la  hauteur  des  idées  de  leurs  prédécesseurs.  L'é- 
goïsme  pépètre  dans  cette  guerre ,  et  c'est  lui  seu- 
lement que  servent  toutes  les  forces  qui  agissent  ;  par 
conséquent  quelque  belles  que  soient  les  opérations  , 
elles  rentrent  toujours  dans  le  cercle  des  actions 
communes. 

JL  empereur  Ferdinand  II  lui-même,  que  l'on  pem 
mettre  au  rang  des  meilleurs  esprits  de  l'époque  9 
disparaît  aussi  de  cette  grande  lutte  sans  en  avoir  vu 
la  fin  ;  il  mourut  le  lj5  février  1637  à  l'âge  de  cin- 
quante-neuf ans ,  après  avoir  eu  la  satisfaction  de 
voir  son  fil$  Ferdinand  unanimement  reconnu  à  la 
diète  de  Ratisbonne. 


Ferdinand  III.  1637  —  1657. 

Suite  de  la  guerre.  Bernard  de  Weimar,  Bannier, 
Torstenson  ,  Wrangel.  —  Dans  les  années  1637  et 
1£38  ,  le  due  Bernard  de  Weimar  poursuivit  le 
cours  de&ès  v&ctauv&sflur  le  Rbin  ;  il  surprit  l'armée 
des  ligués  à  Reinfeld,  les  battit  et  fit  quatre  géné- 
raux prisonniers,  eijtrç  autres  le  vaillant  Jean  de 
Werih $  Uhéafdd ,  Batela  «t  FrilxHU'g &e  rendirent. 
Mais  l'objet  de  ses  efforts  était  l'importante  place 


Digitized  byVJ OOQ IC 


248  5IMÈME  ÉPOQUE.    4520—1648. 

de  Brissac ,  dont  il  voulait  faire  le  point  principal  de 
sa  domination  sur  le  Rhin.  Il  l'assiégea,  battit  encore 
une  fois  l'armée  catholique  qui  venait  poui*  prendre 
sa  vengeance  ,  et  emporta  la  ville  par  la  famine  et 
la  disette  ;  ensuite  il  se  fit  reconnaître  solennelle- 
ment par  ses  habitants.  Mais  tandis  qu'il  se  prépa- 
rait à  de  nouvelles  expéditions,  il  tomba  malade 
tout  d'un  coup  et  mourut,  le  18  juillet  1639,  dans 
la  trente-sixième  année  de  sa  vie.  Il  crut  lui-même 
qu'il  avait  été  empoisonné ,  et  son  aumônier  en 
exprima  le  soupçon  dans  son  oraison  funèbre  (*). 
Mais  si  ce  soupçon  était  fondé ,  il  ne  peut  être  attri- 
bué qu'à  la  France  ;  car  aussitôt  après  la  mort  du 
duc,  on  vit  dans  Farinée  des  négociateurs  français  qui 
voulaient  Tacheter  à  prix  d'argent ,  elle  et  les  places 
fortes  qu'elle  occupait.  Il  n'y  eut  que  trois  régiments 
suédois  qui  ne  voulurent  pas  se  vendre  et  qui  par- 
tirent tambour  battant  ;  ainsi  Brissac  fut  conquis, 
pour  les  Français,  par  la  valeur  des  Allemands. 

Déjà,  dans  Tannée  1636,  la  voix  de  tant  de  mal- 
heureux qui  soupiraient  après  la  paix  avait  fait  es- 
sayer quelques  tentatives  de  réconciliation.  Mais  Ri- 
chelieu, le  ministre  de  France,  ne  voulait  pas  de 
paix ,  soit  parce  que  la  guerre  le  rendait  nécessaire, 


(*)  L'historien  allemand  de  la  Guerre  de  trente  ans,  Schiller,  détruit 
cette  inculpation  hostile,  en  prouvant  que  le  prince  n'a  pas  été  empoi- 
sonné, et  qu'il  est  mort  d'une  maladie  contagieuse  qui,  en  deux  jours, 
avait  enlevé  quatre  cents  soldats.  Son  corps  était  couvert  de  taches  livides 
et  pestilentielles ,  de  sorte  que  le  chirurgien  qui  en  fit  l'ouverture,  s'étant 
blessé  avec  son  scalpel,  mourut  lui-même  peu  après.  N.  T. 


Digitized  byVJ OOQ IC 


GUFBRE    DE   TREWTE   ANS.  240 

soit  parce  qu'il  entrait  dans  la  politique  hostile  de  la 
France  de  voir  l'Allemagne  déchirée  par  ses  propres 
enfants  et  par  les  étrangers.  Cependant  on  fit  de  nou- 
velles et  sérieuses  tentatives  dans  Tannée  16 M) ,  et 
les  envoyés  des  différents  partis  se  rassemblèrent 
à  Munster  et  Osnabruck,  en  1643.  Mais  ces  négo- 
ciations durèrent  près  de  cinq  ans  ,  et  pendant  ce 
temps-là ,  la  guerre  sévissait  avec  toute  sa  cruauté. 

Le  redoutable  Bannier  était  mort  >  dans  Tannée 
1641,  à  Halberstadt,  après  avoir  dévasté  la  Bohême 
et  plusieurs  autres  provinces.  Il  avait  envoyé  à 
Stockholm  six  cents  drapeaux  et  étendards  conquis 
dans  toutes  ses  expéditions;  mais  s'il  était  habile, 
son  cœur  était  impitoyable  et  les  campagnes  qu'il  fit 
furent  marquées  de  plus  de  cruautés  que  toutes  les 
autres  decette  guerre.  A  son  entrée  en  Bohême ,  plus 
de  cent  villages,  bourgs  et  châteaux  furent  incen- 
diés dans  quelques  nuits;  et  un  de  ses  principaux 
officiera,  Adam  Pfhul,  se  vantait  d'avoir  lui  seul 
mis  le  feu  en  plus  de  huit  cents  endroits  de  la  Bo- 
hême. Le  pays  était  tellement  désert  que  ce  même 
Pfuhl ,  dans  son  expédition  à  travers  la  Thuringe , 
sentant  sa  fin  approcher  et  demandant  les  secours 
d'un  prêtre ,  ne  put  en  trouver  un  seul  dans  un 
rayon  de  plusieurs  milles. 

Après  Bannier  ce  fut  Léonard  Torstenson  qui  eut 
le  commandement  en  chef  des  Suédois.  Ce  général, 
quoique  si  faible  de  santé  qu'il  était  obligé  de  se 
faire  porter  dans  une  litière,  remporta  néanmoins 
sur  tous  lès  autres  qui  parurent  dans  cette  guerre 


Digitized  byVJ OOQ IC 


250  sixième  époque.  4520 — 1648. 

par  la  rapidité  de  ses  mouvements.  Il  commença 
par  envahir  la  Silésie  ,  en  1042,  battit  le  duc  Fran- 
çois Albert  de  Saxe  Lauenbourg  (celui-là  même  qui 
était  auprès  de  Gustave-Adolphe  à  Lutzen  et  était 
depuis  passé  au  service  de  l'empereur)  et  conquit 
Schweidnitz.  De  là,  il  s'avança  eii  Moravie ,  prit 
Olmutz  et  fit  trembler  Vienne,  lu  capitale.  Les  ma- 
ladies qui  se  mirent  dans  son  armée  le  forcèrent  à 
la  retraite.  Mais,  dans  l'automne  de  cette  même  an- 
née, le  2  novembre,  il  tailla  en  pièces ,  près  de  Leip- 
zig, le  général  Piccolomini  qui  le  poursuivait.  Ce  fut 
la  plus  grande  bataille  de  cette  dernière  partie  de 
la  guerre;  Piccolomini  perdit  vingt  mille  hommes  , 
quarante-six  canons,  environ  deux  cents  drapeaux, 
et  ne  put  rassembler  les  fuyards  qu'eu  Bohême. 

Dès  le  commencement  de  l'année  suivante,  Tors- 
tenson  se  remit  en  route  pour  là  Moravie  ,  s'avança 
de  nouveau  jusqu'à  Olmutz  et  au-delà  ;  de  sorte  que 
ses  troupes  légères  allaient  escarmoucher  jusque  dans 
les  environs  de  Vienne.  Puis,  quand  on  le  croyait  fort 
occupé  dans  les  environs  de  la  capitale  ,  il  parut  tout 
d'un  coup,  comme  par  enchantement ,  à  cent  milles 
de  là,  sur  les  côtes  de  la  mer  Baltique,  dans  le  pays 
du  roi  de  Danemarck,  le  Holstein  et  le  Schleswig. 
Ces  pays  qui  avaient  été  long-temps  à  l'abri  de  la 
guerre  offraient  aux  Suédois  de  riches  quartiers  d'hi- 
ver; et  il  était  facile  de  trouver  un  prétexte  de 
guerre  avec  le  Danemarck  dans  la  jalousie  avec  la- 
quelle ce  royauhie  avait  toujours  regardé  les  victoi- 
res des  Suédois.  Dès  le  printemps  suivant,  1544 ,  les 


Digitized  byVJ OOQ IC 


Suédois  qui  avaient  reçu  des  renforts  se  mitent  de 
nouveau. en  marche  pour  l'Allemagne,,  anéantirent 
l'armée  impériale  commandée  par  Gallas,  et  un  an 
plus  tard,  1645,  Torstenson  fit  essuyer  aux  généraux 
impériaux  Gqete  et  IJatzfeld  une  défaite  complète  il 
Jankau  en  Silésie  ;  leur  armée  fut  détruite ,  Gotz  iui* 
même  fut  tué,Jïalzfeld  fut  fait  prisonnier  et  toutes  les 
provisions  de  l'armée  torchèrent  «ntre  les  mains  de 
Suédois.  Ensuite  l'expédition  s'a  vaoça  encore  une  fois 
yers  Vienne  à  travers  la  Moravie ,  et  si  la  ville  dp 
Brunn  n'avait  retardé  le  général  suédois  par  une  résis- 
tance héroïque ,  peut-être  que  la  capitale  serait  elle- 
même  tombée  entre  ses  mains.  Mais  son  armée  se 
fondit   tellement  par  les  maladies  devant  Brunn 
qu'il  fut  obligé  de  faire  retraite;  et  comme  son  corps 
était  épuisé  deJfeibfôsse#  il4épos#  le  commandement 
en  chef. 

Gustave  Wnuigel  le  remplaça  et  Gputiwa  la 
guerre  avec  succès.  Les  angéee  françaises  cousuqaji" 
dées  par  les  célèbres  généraux  Tureane  etr£on$6 
combattaient  contre  les  Impériaux  et  les  Bavarojw 
dans  les  provinces  rhénanes ,  et  Wrangël  uni  avec 
(eux  soumit  toute  la  Bavière  dam  les  dernières  années 
d«  la  guerre.  Ainsi  l'électeur  se  vit  obligé  de  re- 
noncer à  continuer  la  guerre  et  de  signer  une  sus- 
pension d  armes,  JiC  )&a»debourgeu  avait  fait  autant, 
déjà  depuis  piusieuj£3#péesf  M  te  tfenemarcket  la 
Saxe,  ayaient  suivi  son  exemple;  de  sorte  qu'il  ne 
restait  plusxjue  l'empereur  seul  pow  lutter  contre 
la  ho&W  &rtuue  -4p  &&  emuwik*  le  #œihe**r  de 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


252  sixième  époque.  1530—1648. 

ses  armes  dans  ces  derniers  temps  venait  surtout  du 
défaut  de  généraux  capables.  Les  meilleurs ,  Jean  de 
Wcrtli  et  Merci,  avaient  succombé,  et  l'empereur 
se  vit  forcé  de  confier  sa  dernière  armée  à  un  protes- 
tant qui  avait  quitté  le  parti  de  la  Hesse,  au  général 
Mélander  de  Holzapfel. 

Les  ennemis  attaquèrent  de  nouveau  les  états 
héréditaires  de  l'empire  ;  le  général  suédois  Kœnigs- 
mark  assiégea  Prague.  Déjà  il  s'était  emparé  de  ce 
qu'on  appelait  le  petit  côté,  et  Wrangel  se  disposait 
à  venir  le  renforcer  de  toute  son  armée ,  quand 
retentit  dans  la  Westphalie  le  mot  de  paix. 


Mi  de  Westphalie.  24  octobre  1648.    * 

Les  conférences  de  paix  devaient  s'ouvrir  au  mi- 
lieu de  Tété  1643  ,à  Osnabruck  avec  les  Suédois  et  à 
Munsler  avec  les  Français.  Les  envoyés  impériaux  s'y 
trouvèrent  même  avant  le  temps  fixé ,  mais  ceux  de 
la  Suède  n'arrivèrent  qu'à  la  fin  de  J'automne  et 
ceux  delà  France  seulement  au  mois  d'avril  de  Tan- 
née suivante,  164&;  mauvais  présage  pour  le  progrès 
de  cette  pacification  sur  laquelle  les  peuples  oppri- 
més tenaient  les  yeux  fixés  avec  inquiétude.  Et  en 
effet,  ces  conférences  commencèrent  par  un  si 
grand  nombre  de  minuties,  qu'il  n'y  avait  pas  à 
compter  sur  une  prompte  décision.  Plusieurs  mois 
s'écoulèrent  en  de  misérables  disputes  de  préséance, 


Digitized  byVJ OOQ IC 


PAIX   DE    W£STPHÀUE..a  253 

parce  que  les  envoyés  français  prétendaient  avec  un 
orgueil  insoutenable  avoir  le  premier  rang,  et  affec- 
taient de  paraître  avec  un  luxe  de  cour.  Plus  tard , 
on  perdit  encore  beaucoup  de  temps  pour  décider 
si  Von  convoquerait  les  députés  de  tous  les  petits 
états  de  l'Allemagne;  car  les  Français  le  deman- 
daient afin  de  trouver  plus  facilement  l'occasion  de 
jeter  la  division  entre  nous.  Anciennement  l'empe- 
reur faisait  la  paix  par  lui-même  au  nom  de  l'empire. 
Le  sujet  principal  des  négociations  aurait  du  être 
de  rétablir  solidement  Tordre  dans  l'intérieur  des 
provinces  d'Allemagne  et  surtout  parmi  les  diffé- 
rents partis  de  religion ,  car  c'était  par  là  qu'avait 
commencé  ,1a  guerre  ;  mais  les  deux  puissances 
étrangères  voulaient  ayant  tout  être  indemnisées  des 
frais  de  la  guerre  et  de  leurs  pertes  ;  et  dans  la  hon- 
teuse nécessité  ou  Ton  était  réduit,  on  les  leur  ac- 
corda d'après  Fa  vis  et  l'intervention  du  duc  de  Ba- 
vière. 

L?  France,  qui  avait  si  peu  fait  avec  ses  propres 
*  forces ,  qui  ne  s'était  mêlée  dans  la  guerre  que  pour 
son  propre  avantage  et  lé  plaisir  de  faire  du  mal , 
un  pays  catholique  qui  s'intéressait  pour  les  pro- 
testants ,  la  France  exigeait  d'énormes  sacrifices ,  et 
ses  envoyés  d'Avaux  et  Servien,  deux  hommes  éga- 
lement exercés  dans  Fart  de  manier  la  parole ,  la 
ruse  et  même  la  perfidie,  s'avançant  avec  des  airs  de 
maîtres  qui  ordonnent,  présentèrent  leurs  préten- 
tions. Les  Suédois,  un  peu  plus  modestes,  arrachè- 
rent cependant  aussi  eux  un  morceau  de  l'empire; 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


264  sixiàttfe  é*0QtfÉ.  i 820— i 648. 

et  lés  amis  dé  la  patrie  étirent  lé  cô&uf  déchiré  en 
voyant  les  honteux  traitements  qu*on  lui  faisait 
éprouver*  «  Dans  Ces  mêmes  contrées  où  nos  ^ïeux 
défirent  lln^olënt  Varus  ,  dit  tin  écrirôin  contem- 
porain, dés  étrangers  sans  armes  osent  insultera 
tûdte  la  nation  et  triomphent  deÊ  Germains.  Ils 
ôppelent,  nous  accourons}  ils  parlent,  nous.obéis*- 
sons  comme  6  un  oracle  j  ils  promettent ,  et  nous 
broyons  en  eut  comme  eo  Dieu  j  ili  menacent,  et 
nous  tremblons  comme  des  ésclatés.  Une  feruiïlé  de 
papier  que  remplit  une  femme,  soit  â  Paris,  soit  à 
Stockholm  (*)  fait  tressaillir  ou  trembler  l'Allemagne. 
C'est  au  sein  de  l'Allemagne  que  fan  délibère  sur 
l'Allemagne,  pour  satfoir  quelle  plume  arracher  à 
l'aigle  romain  qui  puisse  parer  le  coq  gaulois.  Et 
nous*  toujours  en  dissensions  jusqu'au  dernier  sou- 
pirf  nous  abandonnons, notre  divinité  tutélaire  pour 
les  idoles  des  peuples  étrangers  auxqueb  nous  sa- 
crifions nôtre  vie ,  nptre  liberté  et  notre  hon- 
neur. »  ' 

Les  envoyés  de  Pempirê  se  conduisirent  avec  di- 
gnité} le  comte  de  Trautmansdorf  et  le  docteur 
Vplmar  cherchèrent  à  combattre  par  toute  la  force 
de  la  raison  les,  prétentions  des  étrangers,  et  par  ïa 
douceur  et  la  patience,  la  mésintelligence  des  peuples 
allemands.  Mais  ils  ne  trouvèrent  pas  une  assistance 
suffisante  dans  les  autres  membres  de  l'empire,  sur- 

<!»!»■     i     ■'         "   '■""   i  li    i  ■  ni       i     i  i  i    i  i 

(*)  C'était  la  ffife  dé  Gustave-Adolphe  qui  régnait  à  Stockholm  ;  (addis 
qu'oo  France  la  reipe  àm»  avait  te  totaUade  m  fib  Loubxiv. 


Digitized  byVJ OOQ IC 


t»*i*  0»  vftvrmàLtïr*  SAS 

Wfttt  «tons  k&  dernières  années  que  la  Bavière  était 
chancelante  ;  et  plus  tard  t  chaque  message  qui  vendit 
aftnoneer  les  succès  do  l'ennemi,  renversait  lcfe  avan- 
tages qu'ils  avaient  pu  conquérir  dans  les  conférences* 
Ainsij  ils  furent  donc  obligés  d'accorder  les  condi- 
tions suivantes. 

1  )  La  France  reçut  pour  la  paix,  les  éréchés  de 
Metz,  Toul"  et  Verdun f  toute  l'Alsace  telle  qu'elle 
avait  appartenu  à  la  maison  d'Autriche,  le  Sûûd- 
gau ,  et  les  importantes  places  de  Brissac  et  de 
Philipsbourg;  et  en  outre  l'Allemagne  fat  forcée  de 
détruire  un  grand  nombre  de  forteresses  dans  le  haut 
Rhin*  afin  que  les  année*  française»  trouvassent  un 
passage  libre  pour  une  invasion.  Ainsi*  dans  le  and  de 
l'Allemagne*  toutes  les  places  qui  lui  servaient  de 
boulevard,  tombèrent  par  cette  paix  entre  les  mains 
de  son  ennemi  né.  Les  envoyés  français,  dans  l'ex- 
cès de  la  joif,  disaient  tout  haut  que  janïali  la 
France  n'avait  fait  une  paix  aussi  avantageuse. 

2)  La  Suède/  qui  avait  eu  aussi  de  grandes  pré- 
tentions *  n'ayant  pas  rencontré  de  bons  représen- 
tants dans  l'orgueilleux,  mais  peu  expérimenté  Jean 
Oxenstiern,  fils  du  grand  chancelier  T  et  dans  le  con- 
seiller Adler  Salvius,  qui  fut  trop  facile  à  corrompre, 
se  contenta  de  la  Poméranie  occidentale  avec  Steliitt, 
l'île  de  Rugen,  la  ville  de  Wismaren  Mccklenbo»rg) 
et  les  évéchés  de  Brème  et  de  Verden  sur  le 
Wéser,  pays  en  grande  partie  pauvres  et  ravagés. 
D'un  autre  côté,  la  Suède  n'a  jamais  abusé  de  ses 
possessions  dans  notre  pays,  Elle  reçut  pour  indem- 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


256  sixième  époque.  4520—4648. 

nilé  des  frais  delà  guerre,  5,000,000  d'écus,  que  fut 

obligé  de  payer  l'empire  épuise. 

3)  L'électeur  de  Brandebourg,  qui  avait  des  droits 
réels  sur  toute  la  Poméranie,  n'obtint  que  la  Pomé- 
ranie  orientale;  et  comme  dédommagement  pour 
l'occidentale,  il  reçut  l'archevêché  de  Magdebourg, 
les  évéchés  de  Halberstadt ,  Minden  et  Kamin,  à 
titre  de  principautés  laïques. 

û)Le  Mecklenbourg  reçut,  au  lieu  de  Wismar,  les 
évéchés  de  Schwérin  et  de  Ratzebourg. 

5)  La  Hesse-Cassel,  qui  depuis  le  commencement 
de  la  guerre  avait  constamment  été  entre  les  mains 
des  Suédois,  mais  dont  l'adroite  et  belle  landgravesse 
Amélie  avait  su  gagner  tous  les  cœurs,  obtint,  par 
l'entremise  de  la  Suède  et  de  la  France,  quoiqu'elle 
n'eût  rien  perdu,  l'abbaye  de  Hersfeld,  le  comté  de 
Schaumbourg  et  600,000  risdals  (rheichsthaler). 

6)  LeBrunswick-Lunebourg  qui  élef^it des  préten- 
tions sur  Magdebourg  et  Minden ,  et  plus  tard  sur 
l'évéché  d'Osnabruck,  reçut  le  droit ,  sur  ce  dernier 
pays,  de  le  faire  occuper  alternativement  par  un  de 
ses  fila  et  un  évéque  catholique. 

7)  Le  fils  aîné  du  malheureux  Frédéric  V  pala- 
tin, reprit  ses  pays  héréditaires ,  excepté  le  haut 
Palatinat  que  l'électeur  de  Bavière  conserva;  et 
cotffcne  il  ne  voulait  pas  non  plus  se  dessaisir  de  la 
dignité  électoral  qui  appartenait  à  la  maison  palatine, 
on  fut  obligé  d'en  créer  une  huitième  pour  elle. 

8)  Les  négociations  pour  les  affaires  de  religion, 
en  Allemagne,  furent  très  longues  et  très  difficiles. 


Digitized  byVJ OOQ IC 


GUERRE    DE   TRENTE   ANS.  257 

Les  protestants  demandaient  la  liberté  de  religion 
non  seulement  pour  eux,  mais  aussi  pour  les  sujets 
protestants  de  l'empereur,  et  de  ce  côté  ce  prince 
était  inflexible.  On  fut  donc  obligé  de  se  restreindre 
à  ceux  de  l'empire,  qui  enfin,  après  une  lutte  d'un 
demi-siècle,  put  jouir  de  la  paix  de  religion  de  Passau; 
elle  fut  de  nouveau  admise  comme  l>ase  fondamen- 
tale, et  il  fut  réglé  que  les  protestants  conserveraient 
tous  les  biens  et  toutes  les  églises  qu'ils  possédaient 
en  1624.  On  appelle  cette  année,  l'année  normale; 
et  désormais  il  ne  fut  plus  question  de  Védit  de  res- 
titution. 11  fut  en  outre  réglé  et  approuvé  qu'aucun 
souverain  appartenant  à  une  autre  église  que  ses  su- 
jets nepourrait  les  opprimer  pour  leur  religion  ;  et  il 
fut  arrêté  que  la  chambre  impériale,  conformément 
à  son  but,  serait  composée  d'un  nombre  ^al  de  con- 
seillers et  d'assistants  des  deux  partis  religieux. 

.  Ces  règlements  firent  que  la  paix  de  Westphalie 
fut  reconnue  conmte  une  loi  fondamentale  dans  l'em- 
pire; et  bien  que  toutes  les  contestations  et  les  agi- 
tations n'aient  pas  entièrement  disparu  après  elle, 
cependant  les  esprits  furent  plus  tranquilles.  Les 
sentiments  haineux  ne  se  firent  plus  sentir  ,  la  tolé- 
rance s'insinua  de  plus  en  plus  dans  les  cœurs.  Par 
sa  douce  influence,  on  s'accoutuma  peu  à  peu  à  ne 
plus  voir  dans  l'homme  d'une  autre  croyance,  quVn 
Allemand ,  un  frère  et  même  un  chrétien. 

La  différence  de  religion  ne  fut  plus  entre  Alle- 
mands un  mur  de  séparation  insurmontable  ;  et  sous 
ce  rapport  la  paix  de  Westphalie,  en  posant  des 
t.  n.  17 


Digitized  byVJ OOQ IC 


^&ft,  sixième  époque.  1520—1648. 

lf>i$  6xe3  pour  les  affaires  intérieures  de  l'Église , 

mériterait  les  plus  grands  éloges. 

9)  Sur  les  droits  seigneuriaux  des  princes  et  les* 
rapports,  des  états  de  l'empire  avec  l'empereur,  la 
pa&  de  Westphalie  eut  des  arrêts  qui  durent  avec 
le  temps  relâcher  encore  les  liens  déjà  affaiblis  qui 
laissaient  V empire  en  un  seul  corps.  Ce  n'est  pas  qu  an- 
térieurement il  n'y  eut  de  nombreux  défauts  dans  la 
constitution  de  l'empire  ;  le  désordre,  l'abus  de  1$ 
puissance  en  face  de  la  loi ,  un  siècle,  entier  soumis 
à  la  Ipi  du  plus  fort,  le  témoignent  assez  haut.  Car 
il  faut  avouer  que  l'absence  de  lois  fortes  et  écrites 
semble  avoir  dû  être,  une  cause  majeure  de  ces  dé^ 
qçrdres;  aussi  depuis  la  proclamation  de  la  bulle 
4'or  >  s'est-on  efforcé  de  plus  en  plus  de  donner  à 
l'Allemagne  uije  forme  de  constitution  plus  déter- 
minée ;  et  de  là  les  lois  impériales.  Mais  aussi  il  y 
q^ait  daua  ces  premiers  temps  un  lieu  qui  mieux  que 
1%  parole  écrite  pouvait  rallier  au  milieu  du  désordre:, 
c'étaient  les  anciennes  moeurs  allemandes,  la  fidélité, 
l'antipathie  contre  les  étrangers,  une  vénération 
sainte  pour  la  majesté,  impériale ,  vénération  ap- 
pyyée  sur  la  croyance  que  la  dignité  de  l'empereur, 
venait  dç  Pieu  comme  un  bienfait  céleste,  qui  impo- 
sait aux  esprits.  C'est  ce  que  les  princes  eux-mêmes 
expriment  dans  plusieurs  pièces  authentiques.  Plus, 
tard  ce  fut  le  système  féodal ,  sorti  de  la  condition  esr 
sentielle  du  peuple  et  appuyé  sur  les  anciennes  moeurs 
et  les  anciens  usages ,  qui  dans  les  grandes  occasions, 
servit;  de  lien  pour  retenir  toutes  les  parties  de  l'em- 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


^GUERRE   DE  TRKUTB   k$S.  Vie 

pire.  Quand  dans  les  temps  anciens*  le  prince,  les 
grands  et  le  peuple  se  rassemblaient \  quand  posté- 
rieurement du  moins  l'empereur  se  rendait  à  la  diète 
avec  les  princes  de  l'empire,  alors  il  pourvoyait  aux 
J>esoins  du  moment  par  de  promptes  décisions,  par 
$es  paroles ,  ses  regards  vivifiants.,;  et  quand  il  s9 était 
élevé  des  différends,  sa  présence  quotidienne,  l'at^ 
tentiou  qu'il  prêtait  de  ses  jeux  et  de  $e^  oreilles,  la 
confiance  qu'il  établissait  entre  les  particuliers  et  lui, 
le  mettaient  à  même  de  réconcilier  les  esprits.  En 
même  temps  cette  vue,  celte  proximité  de  la  dignité 
impériale ,  le  respect  que  les  gens  sensés  lui  témoi- 
gnaient, si  propre  à  conserver  ce  sentiment  dans  tous 
les  coeurs ,  faisaient  que  l'empire,  quoique  divisé  en 
plusieurs  portions,  ne  formait  qu'un  seul  tout  par 
son  empereur.  Il  le  représentait  et  en  soutenait  l'hon- 
neur par  la  considération  dont  il  jouissait  lui-même 
dans  toute  la  chrétienté. 

Mais  delà  depuis  long-temps  les  princes  n'assis- 
taient que  bien  rarement  eux-mêmes'  aux  assemblées; 
ils  se  contentaient  d'envoyer  des  représentants  à  la 
diète  ou  seulement  leur  avis  par  écrit,  lies  négocia- 
tions traînaient  en  longueur  souvent  &ur  des  minu- 
ties; il  fallait  des  nécessités  pour  arracher  des  déci- 
sions énergiques.  Les  particuliers  marchaient  chacun 
de  leur  côté.  Cependant,  cet  état  n  avait  été  approuvé 
par  aucune  loi  de  l'empire  j  mais  à  la  paix  de  Wcsfc- 
phalie,  l'indépendance  des  princes  fut  établie  par 
une  loi  ;  ils  reçurent  la  pleine  autorité  sur  leur  pays 
et  le  droit  de  faire  la  p^x  ou  la  guerre,  ou  même  de 

17. 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


260  six  Ame  époque  1520—4648. 

faire  des  alliances  entre  eux  et  à  l'étranger,  poorvu 
toutefois  que  l'empire  n'eût  rien  à  en  souffrir.  Or, 
quel  faible  obstacle  que  ce  mot!  Car  désormais  qu'un 
membre  de  l'empire ,  ayant  fait  alliance  avec  un 
étranger,  devienne  ennemi  de  l'empereur,  aussitôt  il 
prétexte  que  c'est  pour  le  bien  de  l'empire,  pour 
soutenir  son  droit  et  la  liberté  allemande.  Et  afin 
qu'un  tel  prétexte  pût  être  à  chaque  occasion  mis  en 
avant  avec  quelque  apparence  de  droit ,  les  étran- 
gers s'établirent  eux  -  mêmes  pour  les  tuteurs  de 
l'empire  ;  la  Ffrance  et  la  Suède  se  portèrent  pour 
garants  de  la  constitution  allemande  et  de  tout  ce 
qui  avait  été  arrêté  pour  la  paix  à  Munster  et  à 
Osnabruck. 

Du  reste ,  on  établit  alors  bien  positivement  pour 
les  villes  impériales,  dont  les  droits  n'avaient  pointété 
bien  arrêtés  jusqu'à  présent,  qu'ellesr^uraient  voix 
décisive  dans  les  diètes;  et  désormais  il  y  eut  trois 
collèges  ayec  chacun  un  nombre  de  voix  égal^ 
celui  des  électeurs,  celui  des  princes  et  celui  des 
villes. 

10)  L'astuce  de  la  France,  par  un  article,  de  la  paix 
de  Westphalie ,  sépara  la  confédération  suisse  de 
l'empire^et  la  reconnut  pour  un  état  indépendant.  A 
la  vérité  depuis  long-temps  elle  ne  rendait  aucun 
hommage  à  l'empire;  mais  la  séparation  n'avait  point 
encore  été  sanctionnée  par  une  loi,  et  par  conséquent 
le  retour  était  plus  facile  pour  le  cas  où  se  réveillerait, 
parmi  ces  fédérés, le  sentiment  qui  les  appelle  natu- 
rellement à  faire  partiel  de  notre  alliance. 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


GUERRE   DE  TRENTE   ANS*  26  i 

11)  £n  même  temps  que  l'empire  perdait  au  sud  un 
des  plus  sûrs  boulevards  de  sa  frontière,  la  perte 
des  Pays-Bas  lui  enlevait  aussi  celui  du  nord- 
ouest;  car  l'Espagne  était  obligée  de  reconnaître 
à  celte  paix  leur  indépendance,  et  l'empire  de  les 
délier  de  leurs  obligations.  Ils  appartenaient  origi- 
nairement à  la  même  race  que  nous,  et  depuis 
Charles  V  ils  faisaient  partie  de  notre  confédéra- 
tion; de  plus  ils  étaient  maîtres  de  l'embouchure  du 
fleuve  de  la  patrie  (le  Rhin).  Ainsi  l'Allemagne  se 
trouvait  ouverte  à  ses  ennemis  au  nord  par  les  Pays- 
Bas  et  au  sud  par  la  Suisse. 

Encore  ne  fut-ce  qu'après  bien  des  soins  et  de 
grands  efforts  que  l'on  put  arriver  à  la  parfaite  exé- 
cution de  cette  malheureuse  œuvre  de  pacification, 
et  il  fallut  de  nouveaux  sacrifices.  Les  Français  ne 
voulaient  pas  se  rçtirer  des  places  qu'ils  avaient  con- 
quises, jusqu'à  l'accomplissement  de  la  plus  petite 
condition  ;  et  les  Suédois  restèrent  encore  deux  ans 
en  Allemagne,  distribués  dans  sept  cercles  de  l'em- 
pire, jusqu'à  ce  qu'ils  aient  reçu  pour  les  frais 
de  la  guerre  cinq  millions  d'écus,  qui  furent  à 
grande  peine  tirés  de  notre  pays  déjà  si  misérable. 
On  a  calculé  que,  pendant  ces  deux  années,  l'entre- 
tien des  soldats  étrangers  coûtait  à  l'empire  cent 
soixante-dix  mille  écus  par  jour.  Six  ans  après  la 
paix,  quelques  régiments  suédois  levèrent  encore  des 
contributions  dans  l'évêchéde  Munster;  et  le  duc 
Charles  de  Lorraine  ,  que  les  Français  avaient 
chassé  de  son  pays,  continua   encore  long-temps 


Digitized  byVJ OOQ IC 


262  sixième  époque.  -1520—1648* 

d'occuper  plusieurs  places  fortes  allemandes  sur 
te  Rhin. 

Cette  grande  et  pe'nible  lutte  ne  pouvait  se  termi- 
ner que  par  de  lentes  convulsions. 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


SEPTIÈME  ÉPOQUE. 


Depuis  la  paix  de  Westpfcalie  jusqu'à  1858. 

Bans  la  première  portion  de  ce  laps  de  temps,  de  1648  à  1*740,  l'art  d'écr  Ire 
l'histoire  est  fort  peu  avancé  en  Allemagne  ;  ce  sont  simplement  des  compi- 
lations d'actes  publics  qui  sont  entassés  d'une  manière  effrayante}  ou  la  vie 
de  l'empereur  dont  on  a  cherché  à  enfler  la  gloire  le  plus  haut  possible.  Mai 
Une  faut  point  y  chercher  des  idées  critiques,  ni  le  travail  d'un  homme  qn. 
a  considéré  les  faits  d'un  point  élevé.  Du  moins,  en  France,  il  est  facile  de 
remarquer,  dans  les  nombreux  Mémoires  des  temps  de  Louis  XIV,  l'art  qu 
s'attache  à  suivre  les  tissus  de  la  politique  et  à  dévoiler  le  fond  de  la  pensée 
des  individus. 

Comme  recueils  qui  s'occupent  des  affaires  publiques  et  politiques  ê 
nous  avons  : 

1.  Deutsche Reichskanzlei  von,  1657  bis  1714. 

2.  Diarium  Europœum,  1659—1681  ;  45  vol. 

3.  Sylloge  publicorum  negotiorum,  de  1674  à  1697;  par  Lunig,  mort 
en  1740. 

4.  Europœische  staatskanzlei  (Chancellerie européenne),  commencée 
par  Leucht,  continuée  par  Ant.  Faber  et  J.  G.  Kœnig,  de  1697  à  1760  ; 
115  vol.  Continuée  encore  par  Faber,  sous  le  titre  de  Nouvelle  Chancellerie 
de  1760  à  1783;  17  vol. 

h.  Europœische  Fama  (Renommée  européenne)  de  1703  à  1734 
360  feuilles  en  30  vol.  et  Neue  Europ.  JFoma  de  1735  à  1756,  192  feuilles 
en  17  vol. 

6.  Mercure  hist.  et  politique,  tom.  I  ;  commencé  par  Gotien  Sandras, 
à  Parme ,  1686,  et  de  1688  à  1782 ,  à  La  Haye.  Plus  de 200  vol. 

7.  Les  Historiens  de  V empereur  Léopold  /.  Parmi  les  Italiens  :  Gai- 
leazzo  Gualdi,  Bapt.  Comazziet  Jos.  Maria  Reina. 

Parmi  les  Allemands,  J.-J.  Schmauss,  Ch.-B.  Mcnken,  Euch.  Gotll. 
Rink  et  surtout  Franc,  Wagner,  mais  il  ne  va  que  jusqu'en  1689  :  il  à 
écrit  en  latin. 


Digitized  byVJ OOQ IC 


264  septième  jêpoque.  1648—1838. 

8.  Res  ge$tœ  Frid.  Guil.  Magni ,  elec.  Brand*  /  par  Samuel  de  Piiffen- 
dorf.  C'est  un  ouvrage  important. 

0.  Histoire  de  la  guerre  des  Turcs  de  1685  ;  par  Camille  ConUrinus; 
ouvrage  italien ,  imprimé  à  Venise ,  1710* 

Pour  les  temps  de  Louis  XIV  gui  ont  tant  de  rapports  avec  l'Alle- 
magne. 

10.  H  y  a  un  ouvrage  classique  :  OEuvres  de  Louis  D.  de  St-Simon.  15  vol. 

il.  Wagner,  Zshackwitz,  Nink  et  Herchenhahn,  ont  écrit  la  Vie  de 
t  empereur  Joseph  I. 

12.  Zschackwitz,  Schwarz,  gcbmeuss  et  Schiracbont  fait  là  Vie  de 
Charles  VI. 

Pour  l'histoire  de  la  guerre  de  la  succession  d'Espagne,  les  princi- 
paux ouvrages  sont  : 

13.  De  Lamherty.  mémoire  pour  servir  à  l'histoire  du  XVIIIe  siècle , 
de  1700— 1718.  14  vol. 

14.  Histoire  de  la  guerre  de  la  succès.  ctEsp.  ;  par  dçui  anonymes.  Une 
en  français  imp.  à  Cologne,  1708  ;  l'autre  anglaise ,  impr.  à  Londres,  1707. 

15.  Mémoires  du  prince  Eugène  de  Savoie,  écrits  par  lui-même. 
Weimar,  1810. 

16.  Mémoire  ofJ.  duke  of  Marlborough  ;  byW.  Coxe,1820.  6  vol. 

Les  grands  événements  qui  arrivent  alors,  de  1740  à  1789 ,  particulière- 
ment la  guerre  de  sept  ans  et  Je  grand.enthouslasmo  que  Frédéric-le-Grand 
excite  parmi  ses  contemporains  donnent  l'essor  au  génie  de  l'histoire ,  et  si 
ses  historiens  ne  prennent  pas  le  premier  rang ,  ils  obtiennent  du  moins 
le  deuxième.  Le  grand  roi  lui-même  consacre  sa  plume  à  écrire  l'histoire  de 
son  temps  et  de  ses  propres  actions* 

17.  Histoire  de  mon  temps  et  histoire  de  la  guerre  de  sept  ans,  par 
Frédéric  II ,  de  même  que  tous  les  autres  écrits  du  prince  qui  traitent  de 
ses  actions  et  de  ses  vues  politiques  ;  enûn  sa  correspondance  avec  des 
personnages  marquants ,  fournissant  d'importants  documents  pour  l'histoire* 

18.  L'histoire  des  états  de  l'Europe,  de  1740—1748 ,  par  Adelung , 
traite  particulièrement  de  l'histoire  de  la  succession  d'Autriche.  8  vol. 

Pour  la  guerre  de  sept  ans  : 

19.  Deutsche  Kriegskanzlei  {Chancellerie  de  la  guerre),  de  1757  à 
1765.18  vol. 

20.  Beitrœge  zur  Neueren  StaaU  ;  und  Kriegé-Geschichte ,  1756— 
1762.  15  vol. 

21.  Histoire  delà  dernière  guerre  en  Allemagne;  par  Lloyd  ,  traduit 
de  l'anglais  par  Tempclhof.  5  vol. 

22.  Archcnholz.  Histoire  de  la  guerre  de  sept  ans.  2  vol. 


Digitized  by  VjOOQlC 


SOURCES  HISTORIQUES.  965 

23.  Critique  des  événements  importants  de  la  guerre  de  sept  ans; 
par  deRetzow. 

24.  De  Mauvillon.  Histoire  du  due  Ferdinand  de  Brunswick' 

25.  Campagne  de  l'armée  des  aUiés,  de  1757  à  1762  ;  extrait  du  Jour- 
nal du  général  d' état-major  de  Rhedsen. 

26.  Histoire  détaillée  île  la  bataille  de  Kunersdorf  ;-|>ar  griele, 
prédic.  de  Kunersdorf.  Berlin,  ^ftOl. 

27.  Nombre  d'écrivains  ont  donné  la  vie  de  Frédéric  II,  entre  antres 
Kosster,  Seiffart ,  Zimmermann ,  Funke ,  Garve ,  Stein ,  Thibault,  Fœwter, 
Preuss ,  etc.  Nicolaï  a  fait  un  recueil  des  anecdotes  de  la  vie  de  Fré- 
déric. 

28.  Recueil  des  déductions,  manifestes ,  déclarations,  traités»  ete.,  pu- 
bliés par  la  cour  de  Prusse ,  depuis  l'année  1756—90, 3  vol.  ;  le  comte  de 
Herzbejrg. 

Pour  le  temps  qui  suivit  la  guerre  de  sept  ans. 

29.  Manso  geschiehtedes  Pruss.  staates  ;  vimMubertusburger  Frieden 
biszur  Zweitten  pariserabkunf.  3  vol. 

50.  DenkwilrdigkeitenmeinerZfit,  1778-1806,  par  Chr.-Guil.,  5  voL  ; 
ouvrage  d'une  grande  importance  pour  les  derniers  temps  de  Frédéric-le- 
Grand  et  pour  l'époque  de  la  révolution  française  ;  mais  surtout  remarquable 
par  l'impartialité  de  l'auteur.    ; 

Nous  remarquerons  encore  pour  la  dernière  partie  du  dix-huitième  siècle 
un  grand  nombre  d'ouvrages  politiques ,  qui  en  racontant  la  marche  des  évé- 
nements et  les  critiquant  nous  ramènent  presque  jusqu'à  nos  jours.  Par 
exemple  : 

51.  Magasin  fiir  Geschichte  und  Géographie,  par  A.-F.  Buscbing  ,  de 
1767-1781,  15  vol.  ;  à  Hambourg;  et  de  1781-95,  23  vol.  ;à  Halle.     . 

*  52.  Schlœzers.  HistoricherBriefvoechsel,  de  1775-82, 10  vol. ,  cl  Staatr- 
anzeigen,  de  1782-95,  18  vol. 

53.  Schirachs.  Polit.  Journal,  depuis  1781  jusqu'à  1804;  continué  par 
son  Gis  jusqu'à  aujourd'hui. 

54.  Archenholz.  Minervd  von,  1792  1809,  continué  jusqu'à  aujourd'hui 
par  Alex.  Bran. 

55.  Girtanners.  Polit.  Annalen,  179>1794.  - 

56.  Posselt.  Europ.  AmaUn,  1795-1804,  continuées  par  l'auteur  jus» 
qu'à  aujourd'hui. 

57.  JahrbUçher  der  preuss.  Monarchie  unter  Fried.  WUhelm  ///, 
1798-1801.  - 

Au  commencement  du  dix-neuvième  siècle  il  y  a  - 

58.  Die  Zeiien  von  Chr,  Van.  Vvss,  1805-20, 


Digitized  byVJ OOQ IC 


266  SEPTIEME    ÉPOQUE,    16+8—1838. 

88.  Chronik  des  neunzehnten  Jahrhunderts ,  1801 -&,  continuée  par 
Yenturini,  comme  histoire  de  notre  temps  depuis  1809  jusqu'à  nos  jours. 

Pour  l'histoire  dé  la  révolution  française ,  outre  les  écrivains  français , 
-Bertrand  de  Molleyille,  Necker,  Desodoards,  Bouille»  Pages,  Toulongeon 
Bailly,  Papoh,  Mignet ,  Prudhomme ,  Thiërs ,  etc.,  nous  avons: 
«    40*  Gtrtanners.  Hist.  Nackrichten  titrer  die  franz.  révol,  continuée 
par  BuchholZj  17  vol. 

•  41*  Von  Eggers.  Denkwurd.  der  franz»  révol. ,  6  vol. 

•  42*  I»  6.  Ffehhorri.  Die  franz.  révol  in  einer  Vebersicht,  2  vol. 

•  45.  Rehberg.  Vnters.  tlber  die  franz .  révol.  nebst  kritichen  Nack- 
richten tiber  derenMerkw.,  Schriften. 

Pour  les  guerres  de  la  révolution  française  U  y  a  un  grand  nombre 
Ùécrtoains,  entre  autres:  , 

44.  Scharnhorst.  Militairische  Merkwiirdigkeilen  unserer  Zeit,  6  vol. 

45.  L'archiduc  Charles  d'Autriche.  Gesch.  des  Fcldzuges  ,von^  1709  in 
Meûtscnland  unâ  in  der  Schweiz,  2  vol. 

Pour  les  négociations  de  la  paix  à  Rastadt:  J 

46.  C.  L.  V.  Haller.  Geh.  Geschichte  der  RâstœdterFriedens-Unterh. 
^h  Verbindung  mit  StaaUtiœndeln  dieser  Zcit,  6  vol. 

•  47.  Mflneh  y.  Bcllinghausen.   Protokoll  der  Reichsfriedens-Deputa- 
tion  zu  Rastadt  mit  den  originalen  genau  verglichen,  avecannot.»  6  vol. 

Potir  les  guerres  du  dix-neuvième  siècle  : 

48.  H.'deBulow.  Campagne  de  1805,  sous  le  rapport  militaire  et  po- 
litique. 

49.  Bataille  d  Austerlitz,  par  un  officier,  témoin  oculaire. 

50.  K.  dePlotho.  Journal  des  opérations  militaires  de  1806  et  1807. 

51.  De  Valentlni.  Recherches  sur  la  campagne  de  1809. 

55.  De  Horjnay.  Das  Eeer  von  Inner-Oestreich  im  Kriege  von  1809 
in  Italien,  Tyrol  und  Ungarn,  d'après  des  pièces  officielles. 

55.  Bertholdy.  DerKrieg  der  Tyroler  Landïeute,  im  Jahr  1809. 

54.  Gesch.  Ândr.  Hofers,  aus  Originalquéllen*  Leipzig  und  Âlten- 
burg.  1817. 

55.  L.  Luders.  Frankreichund  Russland  im  Kampfe  von  1812.  Cette 
guerre  a  encore  été  écrite  par  de  Liebenstein ,  Rœder  de  Bomsdorf  et  de 
Odelében  ;  en  France  par  Lahaume ,  Chambray,  Ségur  et  d'autres. 

56.  V.  Plotho.  Der  Krieg  in  Deutschland  und  Frankrcich  1813-15. 
L.  v.  W.  (général  Muffling)  et  le  général  de  Gneisenau  ont  fait  cette  guerre 
d'Allemagne  jusqu'à  l'armistice  du  13  juin  1815. 

57.  Odelében.  Napoléons  Feldzug  in  Sachscn  im  JahrciSlo  (témoin 
oculaire  au  quartier-général  de  Napoléon) 


Digitized  byVJ OOQ IC 


SOURCES    HISTORIQUES.  267 

58.  F.  Aster.  Die  Schlacht  bei  Leipzig  t  avec  les  plans  et  beaucoup 
d'autres  écrits. 

59-  Die  Centralverwaliwg  der  Verbundeten  unterdem  Freiherrnyon 
Stein.  1814. 

60.  L.  y.  w.  (général  Muffliog)  Gesch.  des  Feidzugts  derameen  unter 
Wellington  und  Bliieher,  1815. 

61.  F.  Fœrster.— Der  feldmarschcd  Bliieher  und  seine  Vmgebungen, 
1821. 

62.  F.  Saalfeld.  Geschichte  Napoléon  Bonaparte  deui  parties.  ChtrtZ; 
Aretin,  et  parjni  les  Français,  Gourgaud,  Monthoton,  Las  Cases ,  Fain , 
Fleary,  de  Chaboulon,  etc.,  ont  aussi  écrit  la  vie  de  Napoléon. 

65.  Kluber.— ïfebersicht  der  diphmatichen  Verhandluhgendes  Wiener 
Kongretsès,  1816. 

64.  Prototolle  der  deutschen  Bundesversammlung,  1816  ff. 

65.  m.  v.  Meyer,  Repertorium  zu  den  Verhandlungen  der  deutsçjien 
Bunéesversammlung,  1822. 

Dans  les  derniers  temps  l'amour  des  recherches  historiques  s'est  éveillé, 
et  Ton  s'est  occupé  des  auteurs  du  moyen  âge  avec  le  plus  grand  zèle,  plu- 
sieurs ont  été  édités  à  part.  Hais  la  plus  belle  entreprise  qu'on  ait  faite 
pour  notre  histoire  et  dont  l'exécution  nous  donnera  un  travail  parfait  sur 
le  moyen  êge,  est  le  recueil,  monumenta  historiœ  germantoœj  publié 
par  la  Société  de  Francfort ,  fondée  par  le  prince  de  Stein  pour  les  re- 
cherches historiques  du  moyen  âge  ;  éd.  6.  II.  Pertz. 

Comme  histoires  générales  de  V Allemagne ,  nous  avons  : 

1.  Celle  de  Ig.  Schmidt ,  continuée  par  Milbiller  et  Dresch  ,  24  vol. 

2.  Celle  de  Heinrich,  5  vol.  :  ces  deux  histoires  sont  plus  anciennes  ; 
deux  autres  plus  modernes  sont  : 

3.  Celle  d'Adolphe  Wenzel  en  huit  vol.  jusqu'à  la  réforme,  et  continuée 
depuis  lors  jusqu'à  nos  jours  en  huit  autres  vol. 

4.  Celle  de  Luders  en  10  vol.  C'est  la  plus  rqmarquablc. 


Digitized  byVJ OOQ IC 


268  septième  époque,  4648—4838. 

Ob83rvations  générales. 

Il  ne  nous  sera  pas  difficile  de  faire  comprendre 
quelles  étaient  les  plaies  delà  patrie,  après  uneguerre 
si  dévastatrice  qui  avait  duré  la  moitié  d'une  vie 
d'homme.  Les  deux  tiers  de  la  population  avaient 
succombé,  moins  encore  par  le  fer  que  victimes  de 
ces  fléaux  que  la  guerre  entraîne  avec  elle  et  qui 
n'arrachent  à  la  vie  que  peu  à  peu,  et  par  des  suf- 
frances  inouies  :  la  contagion ,  la  peste ,  la  famine, 
la  terreur  et  le  désespoir.  Car  la  mort  sur  le  champ 
de  bataille  n'est  point  le  mal  de  là  guerre.  Cette 
mort  au  contraire  est  souvent  la  plus  belle;  parce 
que  l*homme  est  emporté  dans  un  moment  d'en- 
thousiasme ,  quand  il  sent  encore  en  lui  toute  sa  force 
vitale;  parce  qu'il  n'est  point  obligé  de  considérer  de 
sang-froid  les  approches  successives  du  dernier  mo- 
ment.. Mais  le  vrai  fléau  de  la  guerre ,  c'est  que  ses 
horreurs ,  les  misères  qu'elle  apporte  aussi  bien  que 
les  inquiétudes  qu'elle  inspire  accablent  l'âme,  de 
ceux  qui  ne  combattent  point,  des  vieillards,  des 
femmes  et  des  enfents,  et  leur  enlèvent  toutes  tes 
jouissances,  toutes  les  espérances  de  la  vie  ;  alors  le 
germede  la  nouvelle  génération  se  trouve  empoi- 
sonné des  son  principe  et  ne  se  développe  qu'avec 
peine ,  sans  force  et  sans  courage. 

Cependant  en  Allemagne  l'énergie  de  la  popu- 
lation se  releva  promptementj  et  Ton  vit,  sous  le 
rapport  moral,  une  vie  sérieuse  et  appliquée  suc- 


Digitized  byVJ OOQ IC 


OBSERVATIONS    GÉMÉRÀLBS.  369 

céder  a  une  vie  pleine  de  désordre  :  c'est  ainsi  que'sou- 
vent  les  extrêmes  se  touchent.  La  démoralisation  qui 
régnait  partout,  parce  que  d'un  côté,  les  guerriersl'a- 
vaietot  apportée  des  camps  dans  leurs  foyers,  tandis  que 
d'un  autre  côté  la  jeunesse  avait  grandi  sans  Culture, 
força  les  princes  d'employer  tous  leurssoinsàrétablir 
lesexercicesreligieux  et  les  écoles  ;  et  de  pareilles  solli- 
citudes ne  manquent  jamais  de  produire  des  fruits  au 
centuple*  Mais  ce  fut  surtout  l'agriculture  qui  prit  le 
plus  prompt  essor  >  avec  une  activité  dont  on  n'avait 
pasd'exemple.  Comme  un  grand  nombre  de  proprié- 
taires avaient  péri ,  les  fonds  de  terre  étaient  à  bon 
marché  ;  la  population  tourna  donc  toute  son  acti- 
vité vers  l'agriculture ,  et  bientôt  on  vit  les  champâ 
se  couvrir  de  fruits  et  les  villages  sortir  de  leurs' 
cendres.  Bientôt  aussi  arriva  le  moment  où  l'on  re- 
connut aux  paysans  les  droits  de  l'humanité;  leurs 
chaînes  se  relâchèrent  peu  à  peu ,  jusqu'à  ce  qu'il* 
devinssent  des  êtres  libres.  Ainsi  l'Allemagne  aurait 
dû  devenir  plus  florissante  que  jamais  par  les  bien- 
faits de  l'agriculture,  car  c'est  de  la  terre  mater- 
nelle qu'un  peuple  tire  sa  force  de  'vie ,  quand  il  s'y 
consacre  tout  entier;  mais  alors  des  raisons  essen- 
tielles et  générales  vinrent  empêcher  ce  résultât. 

D'abord  la  décadence  des  villes  dut  nécessaire» 
ment  faire  obstacle  aux  bienfaits  de  Pagriculture. 
La  prospérité  des  villes  avait  été  attaquée  dans  son 
principe  vital ,  comme  nous  l'avons  déjà  dit,  parle 
déplacement  du  commerce  ;  cependant  sa  décadence 
ne  s'opéra  que  lentement  jusqu'à  la  guerre  de  trente 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


27Q  SEPTIEME  ÉPOQUE.    1648—1838. 

aus.  Peu  de  temps  avant  cette  guerre,  un  écrivain 
étranger  mettait  encore  l'Allemagne  au-dessus  de 
tous  les  pays  pour  la  grandeur  et  la  quantité  des, 
villes  ,  pour  l'activité  et  l'adresse  de  leurs  artistes  et 
de  leurs  artisans.  On  les  faisait  venir  de  tous  les 
pointa  de  l'Europe.  A  Venise  par  exemple  les  plus 
habiles  orfèvres,  horlogers,  menuisiers  et  même -les 
plus  habiles  peintres,  sculpteurs  et  graveurs,  étaient, 
çncore,  à  la  fin  du  seizième  siècle,  allemands  ou, 
néerlandais.  Il  suffit  d'ailleurs  de  nommer  Albert 
Durer,  Jean  Holbejn  et  Lucas  Kranaoh ,  ces  peintres. 
  célèbres,  pour  donner  une  idée  de  la  prospérité 
des  arts  dans  les  villes,  au  commencement  de  ce. 
seizième  siècle.  Mais  cette  terrible  guerre  leur  porta 
le  coup  mortel.  Nombre  de  villes  libres ,  auparavant 
prospères ,  furent  mises  en  cendres,  les  autres  furent, 
presque  entièrement  dépeuplées,  et  ces. grandes  ma- 
nufactures qui  donnaient  la  supériorité  à  l'Aile-, 
njtagne  furent  alors  sans  action ,  faute  d'ouvriers. , 
Aussi,  dans  une  assemblée  des  villes  anséatiques  à 
Luheck,  en  1630,  toutes  celles  qui  subsistaient  en- 
cpre  déclarèrent  en  même  temps  qu'elles  ne  pou-{ 
voient  plus  fournir  aux  frais  de  l'alliance.  L'écono- 
mie çt  le  travail  ont  bien  pu  les  tirer  djms  les  temps* 
modernes  de  leur  état  misérable  ;  mais  cet  ancien 
éclat,  cette  ancienne  prospérité  étaient  perdus  pour 
toujours  j  et  pour  m'exprimer  comme  un  de,  nos 
écrivains ,  on  lit  sur  les  fronts  des  citoyens  qu'ils 
sont  des  hommes  de  peine  et  de  fatigue.  Une  foule, 
de  villes  se  virent  réduites,  les  unes  de  bon  gré> 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


OBSERVATIONS  GÉNÉRALES.  i74 

les  autres  forcées  par  la  nécessité  de  l'époque  à  se 
soumettre,  aux  princes.  C'est  ainsi  que  l'évéque 
Christophe  de  Gahlen  devint  maître  de  Munster,  e» 
1661  ;  l'électeur  de  Mayence,  de  la  ville  d'Erfurt, 
qn  1664  ;  l'électeur  de  Brandebourg,  de  Magdebourg, 
en  1666  ;  et  le  duc  de  Brunswick ,  de  Brunswick»  en 
4^71  j  et  celles  qui  conservèrent  encore  leur  nvmr 
de  villes  libres,  dans  quelle  misère  et  quelle  indi- 
gence n'ont-elles,  pas  langui  pour  arriver  jusqu'à 
ççs  jours,  où  elles  ont  perdu  ce  privilège  !    -. 

La  noblesse  avait  aussi  perdu  tout  son  lustre» 
Pepuis  qu'elle  ne  formait  plus  spécialement  l'état 
militaire  et  que  oe  n'étaient  plus  uniquement  aes 
chevaliers  qui  donnaient  à  la  nation  toute  sa  gloire; 
depuis  qu'elle  avait  quitté  son  indépendance  pour 
s'attacher  à  la  cour,  oq  qu'elle  consommait  toutes, 
ses  forces  dans  une  vie  oisive  et  sans  but;  depuis 
que  le  désir  d'imiter  les  mœurs  et  le  langage  des, 
étrangers  avait  .substitué  la  mollesse  et  les  belles 
manières  à  son  ancienne  énergie;  depuislws  lat  no- 
blesse perdit  toute  son  importance.  Ainsi  étaient 
éclipsés  deux  des  plus  importants  corps  de  la  na- 
tion ,  qui  avaient  surtout  contribué  à  douner  aiv 
moyeu  âge,  malgré  ses  grands  défauts,  un  caractère 
de  vigueur,  de  grandeur  et  de  merveilleux. 

De  même  dans  les  autres  contrées  de  l'Europe, 
de  semblables  changements  pendant  les  derniers 
siècles  avaient  effacé  topt  ce  qui  caractérisait  te; 
moyen  âge  pour  y  substituer  un  nouvel  ordre  de 
choses.  Mais  au  moins  partout  ailleurs  op.  trouvait 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


973  septième  époque.  4648 — 4838. 

une  compensation  dans  la  richesse  et  la  prospérité 
du  commerce  ;  parce  qu'il  porte  toujoursaveehii  le 
sentiment  et  la  jouissance  du  bien-être  et  favorise 
le  développement  de  toutes  les  forces;  tandis  que 
l'Allemagne  ëtait  privée  de  cette  ressource.  La  part 
que  quelques-unes  de  ces  villes  prenaient  ail  com- 
merce du  monde  ne  pouvait  établir  une  balance  ;  et 
d'un  autre  côté  au  lieu  de  s'en  tenir  à  cette  simpli- 
cité de  vie,  surtout  nécessaire  à  un  peuple  d'agri- 
culteurs, et  de  s'opposer  ainsi  à  l'appauvrissement 
successif,  on  se  laissa  aller  de  plus  en  plus  au  luxe 
et  l'on  fit  passer  aux  nations  étrangères,  pour  les 
marchandises  exotiques ,  tous  les  fruits  de  l'agricul- 
ture et  de  l'industrie  qui  avaient  coûté  ttfïit.  de 
sueurs.  Quelque  riche  que  fut  le  sol  de  notre  patrie 
et  quel  le  que  fût  la  diversité  de  ses  produits ,  il  ne  pou- 
vait rivaliser  contre  tant  d'objets précieuxqui  étaient 
importés  de  toutes  les  parties  de  monde.  Mais  quand 
une  fois  l'amour  du  luxe  et  des  plaisirs  des  sens  a 
pris  le  dessus,  il  ne  connaît  plus  ni  mesuré  ni  frein. 
Cependant  ce  mal  ne  vint  pas  de  notre  nature 
même,  il  nous  fut  inspiré  par  les  étrangers  que 
,  nous  voulûmes  imiter,  même  dans  leur  dégénéra* 
tion.  Les  voyages  hors  de  l'Allemagne  çt  surtout  en 
France  et  à  Paris;  l'imitation  des  modes  et  des 
moeurs  des  Français  et  même  de  leur  immoralité  ; 
l'introduction  dans  le  sein  des  premières  familles  de 
Français  et  de  Françaises  pour  l'éducation  des  en- 
fants ,  le  mépris  de  sa  propre  langue ,  l'enthousiasme 
pour  cette  philosophie  étrangère,  si  superficielle  et 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


OBSfcftVÀTIOMS  GÉNÉRALES.     .  278 

d'ailleurs  si  propre  à  détourner  l'homme  de  ses  de- 
voirs i  de  sa  religion *  des  arts  et  des  sciences*  toutes 
ces  raisons  *  dis-je ,  répandirent  le  mal  d'abord  parmi 
les  premiers  membres  de  la  société  et  plus  tard  dans 
tous  ses  rangs*  et  eurent  sur  la  période  que  nous 
allons  parcourir  la  plus  fâcheuse  influence. 

Cependant  nous  ne  pouvons  nier  que  nos  rapports 
avec  les  peuples  étrangers  n'aient  beaucoup  con- 
tribué à  répandre  la  civilisation  dans  notre  pays  $  et 
il  est  surtout  impossible  de  méconnaître  dans  l'his- 
toire moderne  la  tendance*  entre  les  différents  peu* 
pies  chrétiens,  à  des  relations  de  plus  en  plus  in- 
times ,  qui  aident  encore  leurs  progrès.  Tous  les 
peuples  aujourd'hui  se  font  remarquer  par  cet 
esprit  avide  de  connaissances*  qui  est  à  la  recher- 
che de  tout  ce  qu'il  y  a  de  mieux  dans  le  cercle  des 
acquisitions  intellectuelles  pour  se  l'approprier  en- 
suite. Mais  le  progrès  universel  est  devenu  par- 
ticulièrement le  but  de  tous  les  efforts  de  notre 
nation,  et  la  forme  même  de  notre  gouvernement 
les  favorise  encore.  Car  *  chez  les  autres  peuples, 
oqui  composent  chacun  un  royaume  homogène, 
souvent  ce  que  la  capitale  a  trouvé  beau  et  boa 
a  été  imposé  à  l'admiration  des  provinces;  de 
sorte  que  le  progrès  se  trouva  lié  peu  à  peu  à  cer- 
taines formes  et  ne  put  être  exempt  de  partialité. 
En  Allemagne  au  contraire  les  sciences  et  les  arts 
ont  marché  indépendants  ;  les  grands  états  comme 
les  petits  ont  rivalisé  d'encouragements  ;  aucune 
ville ,  aucun  individu  n'a  pu  imposer  une  loi  ;  il  n'y 

T.  II.  18 


Digitized  byVJ OOQ IC 


974  septième  *?qqu*.  4648^*4038 . 

a  eu  aucune  acception  des  personnes,  et  tout  ce  qui 
porte  en  soi  une  valeur  réelle,  peut  être  sûr  d'être  tôt 
bu  tard  reconnu.  Aussi  notre  peuple  est- il  arrive  plu* 
loin  que  tous  les  autre»  dans  les  sciences.  Cepen4ant 
€teat  précisément  le  point  où  Terreur  est  le  plus  à 
craindre.  Rien  n'est  plus  difficile  à  l 'homme  que  de 
marcher  droit  sans  dévier  d'un  coté  ou  d'unr  autre; 
rien  ne  lui  est  plus  difficile  que  d'unir  la  civilisation 
avec  la  sévérité  morale  et  religieuse j  un  esprit  avide 
detout  oe  qui  a  une  va1eur,quelquep*rt  qu'il  se  trouve, 
avec  la  constance  et  la  fidélité  dans  ses  principes  ; 
enfin  l'indépendance  de  l'esprit  avec  le  renoncement 
il  60ï-méme  et  la  soumission.  Le  véritable  terme 
moyen  doit  dpfce  être  le  but  de  tous  les  efforts  dqs 
individus  comme  des  peuples.  La  période  que  nous 
allons  suivre  nous  montrera  comment  notre  peuple  . 
a  approché  de  oe  but  ou  $'en  est  écarté ,  et  nous 
rtfeftra  surtout  sous  les  yeux ,  par  de  grands  tableaux, 
toutes  les  vicissitudes  auxquelles  l'humanité  est  sou- 
mise. 

Qettq  vicissitude  se  montre  particulièrement,  dans 
410s  relations  a vee  les  étrangers  :  près  des  jours  de 
^prospérité  et  de  paix ,  sont  des  jours  do  détresse,  et 
métne  jusque  présent  ces  derniers  ont  é*é  les  plus 
nombreux.  A  au  eu  ne  époque  notre  histoire  n'a  of- 
itet  autant  de  malheurs  que  pendant  le  long  règne 
de  Louis  XIV;  et  jamais  aussi  notre  politique  nVi 
montré  tant  de  faiblesse  que  contre  ses  efforts  am- 
hitieux.  Les  arts  de  la  paix  commençaient  uq  peu 
^«2  îç railler  paodftntle  moment  de  calme  qui  suivit 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


OBUZ&VATIOAS  QàMÉUlXS*  iW6 

sa  mort  jusqu'à  la  guerre  de  la  succession  d'Autriche; 
mais  le  germe  fut  arrêté  dans  son  développement 
par  les  bouleversements  de  cette  lutte  et  surtout 
par  ceux  de  la  guerre  de  sept  ans*  L'eap^oe  de  vj'pgt- 
ciaq  ans ,  depuis  cette  guerre  jusqu'à  la  révolution 
française,  est  le  plus  long  calme  que  nous  ayons  eu; 
et  pendant  ce  temps  les  arts  prirent  une  telle  via  et 
un  tel  mouvement ,  que  le  même  intervalle  de  vingt- 
cinq  ans  que  durèrent  les  nouvelles  tempêtes  qui 
suivirent  la  révolution  française  a  bien  pu  arrêter 
leur  marche ,  mais  non  les  étouffer,  Puisée  l'état  de 
paix  dont  nous  jouissons  aujourd'hui  durer  long* 
temps ,  guérir  toutes  le*  blessures  de  la  patrie  et  per- 
mettre le  parfait  développement  dm  peuples  alle- 
mands J  ,    y 

L'empereur  Ferdinand  III  vécut  qucon?  *wuf  AMP 
après  la  paix  de  WestpUaiie  et  gouverna  aveq  dou- 
i*ur  et  sagesse;  et  jusqu'à  sa  mort  la  paix  de  l'AUe*- 
magne  ne  fut  plus  troublée*  Il  avait  décidé  lesprin- 
x»  allemands  à  choisir  son  fils  Ferdinand  pow  M* 
«ucceseeur  à  l'empire,  quand  malheuresement  oç 
jeune  homme  qui  donnait  les  plus  belles  wpémww 
«t  sur  qui  tous  les  yeux  s»  reposaient  avec  aécurifc^ 
mourut  en  i65û  de  la  petite- vérole.  Alors  le  pire&fc 
ehligé  de  recommencer  ses  brigues  err  faveur  de  «dp 
deuxième  fils,  Léopold ,  qui  était  loin  de  son  frère 
pour  la  capacité  ;  nais  il  mourut  le  3  avril  1657, 
avant  que  le  résultat  désiré  ne  fût  complètement  ob- 


18. 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


276  sBPTifeuE  époque.  1648—4838. 

Léopold  I.  1Ô5Ô— 1705. 

Le  choix  du  nouvel  empereur  souffrit  des  diffi- 
cultés, parce  que  la  France  voulait  profiter  du  mo- 
ment pour  s'emparer  de  l'empire  auquel  elle  aspi- 
rait depuis  long-temps.  Elle  réussit  çp  effet  à 
gagner  les  princes  électeurs  des  bords  du  Rhin; 
mais  tout  le  reste  de  l'Allemagne  sentit  quel  déshon- 
neur et  quel  malheur  ce  serait  pour  elle ,  et  arrêta 
définitivement  son  choix  sur  Léopold ,  archiduc 
d'Autriche,  qui  accepta,  le  18  juin  1658,  à  Francfort, 
Cependant  le  cardinal  Mazarin,  ministre  de  France, 
avait  déjà  formé  une  ligue  qui,  sous  le  nom  d'union 
du  Rhin  ,  tendait  positivement  à  la  destruction  de 
la  maison  d'Autriche,  quoiqu'elle  n'eût  pour  but  ap- 
parent que  la  conservation  de  la  paix  de  Westphalie, 
Les  partisans  de  l'union  étaient  Ja  France,  la  Suède, 
Mayence,  Cologne,  le  palatinat  de  Neubourg,  Hesae- 
Cassel,  et  les  trois  ducs  de  Brunswick- Lu nebourg  ; 
étrange  alliance  de  princes  catholiques  avec  des  pro- 
testants et  les  Suédois,  qui  venaient  de  se  faire  la 
guerre  les  uns  aux  autres*  Du  reste,  un  écrivain  du 
temps ,  plein  d'idées  et  très  profond,  nous  découvre 
quelle  était  l'intention  de  la  France  dans  cette 
#  alliance  et  dans  toute  sa  conduite  avec  l'Allemagne, 
a  Au  lieu  d'employer  la  force  ouverte,  comme  dans 
la  guerre  de  trente  ans ,  il  parut  plus  expédient  k 
la  France  de  tenir  dans  ses  liens  quelques  princes 
allemands,  et  surtout  ceux  du  bord  du  Rhin ,  par  une 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


LÉOPOLD    1    ET    LOOIS   XIV.  277 

union  ou,  si  l'on  veut,  par  un  subside  annuel,  et 
surtout  de  paraître  porter  grand  intérêt  aux  affaires 
d'Allemagne  ;  afin  que  les  princes  pussent  croire  que 
l'amitié'  de  la  France  leur  serait  une  protection  plus 
sûre  que  celle  de  l'empereur  et  que  les  lois  de 
l'empire.  Cette  voie  pour  arriver  à  détruire  la  li- 
berté allemande  était  directe  et  toute  frayée,  et 
comme  chacun  peut  en  juger,  n'était  pas  mal  ima- 
ginée. » 

La  France  prouva  bientôt  qu'elle  n'attendait  que 
l'occasion  d'étendre,  pour  saisir  sa  proie,  cette  même 
main  qu'elle  avait  offerte  comme  amie.  Le  long 
règne  de  Léopold  est  presque  tout  entier  rempli  par 
des  guerres  avec  la  France  et  son  prince  orgueilleux, 
Louis  XIV  ;  et  presque  tout  le  temps  le  sang  a  coulé 
d'une  manière  effrayante  dans  notre  malheureuse 
patrie.  Léopold,  prince  débonnaire  et  religieux, 
mais  inaclif  et  peu  clairvoyant,  n'était  pas  un  adver- 
saire à  opposer  à  Louis  XIV  qui  réunissait  la  finesse 
à  une  ambition  sans  bornes  et  à  une  insolente  fierté. 
La  France  poursuivait  dès  lors  avec  constance  et 
fermeté  son  but  de  reculer  ses  frontières  jusqu'au 
Rhin  et  de  réunir  ainsi  à  sa  puissance  les  Pays-Bas 
espagnols  qui,  sous  le  nom  de  cercle  de  Bourgogne, 
appartenaient  à  l'empire  d'Allemagne ,  la  Lorraine, 
la  partie  de  l'Alsace  qu'elle  n'occupait  pas  et,  autant 
que  possible,  tous  les  pays  situés  sur  la  rive  gauche 
du  fleuve.  Le  roi  aussi  bien  que  tout  le  peuple 
nourrissaient  ces  idées  d'agrandissement,  et  ce  se» 
rait  une  grande  erreur  de  croire  que  cette  idée  n'» 


Digitized  byVJ OOQ IC 


278  septième  époque.  1648—1858. 

été  mise  au  jour  que  de  notre  temps,  par  l'esprit  ré- 
volutionnaire et  emporté  de  quelques  têtes.  Dès  le 
temps  de  Louis  XIV,  les  écrivains  exprimaient  touf 
haut  le  mot  de  conquête  ;  et  un  d'eux  ,  un  certain 
d'Àubry ,  écrivait  cette  pensée,  nouvelle  alors ,  mais 
qui  fut  répétée  dépuis  et  même  presque  portée  à  son 
exéeution  i  que  l'empire  de  Germanie  ,  l'ancien  em- 
pire romain  y  tel  que  le  posséda  Charlemagtte,  ap- 
partenait à  son  roi  et  à  ses  descendants.  Et  l'abbé 
Colbert,  dans  un  discours  au  roi  au  nom  du  clergé 
français ,  disait  entre  autres  choses  :  «  O  roi  !  toi  qui 
donnes  des  lois  à  la  mer  aussi  bien  qu'au  continent, 
qui  lances,  quand  il  te  plaît,  la  foudre  sur  les  rives 
africaines ,  toi  qui  abaisses  l'orgueil  des  peuples,  et 
quand  tu  le  veux,  forces  leurs  souverains  de  recon- 
naître à  genoux  la  puissance  de  ton  sceptre  et  d'im- 
plorer ta  miséricorde,  etc.  »  Tel  était  le  langage  que 
tenait,  en  1668,  à  la  face  de  toute  l'Europe,  un  état 
qui  devait  cependant  plus  tard  l'emporter  sur  tous  les 
autres  par  sa  modération  et  ses  lumières. 

Louis  XIV  donc,  mettant  en  avant  d'anciens 
droits,  commença  ses  conquêtes  dans  les  Pays-Bas. 
Les  Espagnols  réclamèrent  pour  leur  cercle  de  Bour- 
gogne le  secours  des  autres  cercles  ;  mais  personne 
ne  remua:  les  uns  par  indifférence,  les  autres  par 
peur,  d'autres  enfin,  ô  honte!  corrompus  par  l'ar- 
gent de  France.  Ce  fut  un  des  fruits  de  l'union  du 
fibin.  Les  Pays-Bas  ainsi  abandonnés  tombèrent  bien- 
tôt entre  les  mains  du  roi  et,  par  la  paix  d'Àix-Ia- 
CJhapelle  (1668),  les  Espagnols  se  virent  obligés  d'à* 


Digitized  by 


00<3 


aéoroiD  t  e»  icuœ  xiv.  3T9 

bandonner  toute  une  liaère  de  places  sur  là  frétiller* 
pout  èonserver  une  partie  du  pays. 

De  plus,  dans  l'année  1672,  la  France  fit  en  Hd* 
lande  l'invasion  la  plus  injuste,  et  si  elle  eût  réussi, 
elle  aurait  pu  imposer  des  lois  aux  deux  mers  de 
l'Europe.  Ce  danger  n'émut  pas  plus  les  princes 
d'ÀHemagùe  que  le  premier  5  ils  le  contemplaient 
d'un  œil  tranquille,  et  même  l'électeur  de  Cologne 
et  le  vaillant  évêque  de  Munster,  Bernard  de  Gahlen , 
un  des  premiers  hommes  de  ce  temps ,  firent  alliance 
avec  la  France.  Il  n'y  eut  que  l'électeur  de  Brande- 
bourg, Frédéric-Guillaume,  tfonnu  aussi  sous  le  nom 
du  grand  électeur,  qui  comprit  bien  les  relations  qui 
existaient  entre  les  peuples  et  qui  sentit  la  nécessité 
de  ne  pas  laisser  rompre  l'équilibre  européen,  H  fli 
donc  des  préparatifs  pour  mettre  en  bon  état  de  dé- 
fense ses  états  de  Westphalie,  limitrophesdu  théâtt-tf 
de  la  guerre;  car,  par  lairrangement  définitif  do 
l'héritage  de  Juliers*  en  1656,  il  avait  reçu  le  dttdb^ 
de  Glèves  et  les  comtés  dé  Marck  et  de  Raveniberg , 
et  le  prince  palatin  de  Nenboûrg,  les  duchés  de  Jti- 
liers  et  de  Berg.— Frédéric-Guillaume  décida  même 
l'empereur  Léopold  à  prendre  des  mesures  pour  ar- 
rêter les  tentatives  de  conquêtes  des  Français;  et 
tous  les  deux  levèrent,  en  1672,  une  armée  qu'ils  mi- 
rent en  campagne ,  sous  les  ordres  du  commandant 
en  chef  impérial,  Montecuculli  ;  mais  la  coopération 
des  Autrichiens  fut  presque  nulle  5  parce  que  lé  con- 
seiller intime  de  l'empereur,  le  prince  de Lobkdwîta, 
gagné  parla  France,  arrêtait  touteë  le*  ehtri$tfsès  i>«~ 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


S80  SEPTIEME  ÉPOQUE.   4648— 1%58. 

portantes  des  généraux.  Le  prince  électeur  vit  donc 
sa  belle  armée  poursuivie  çà  et  là ,  décimée  par  la 
Jaim  et  par  la  maladie  5  et  pour  éviter  la  ruine  totale 
de  ses  états  de  Westphalie ,  il  fit  la  paix  avec  les 
Français ,  en  1673,  dans  son  camp  de  Vossen  auprès 
de  Louvain.  Ce  n'est  qu'ainsi  qu'il  put  les  arrêter, 
encore  fut-il  obligé  de  leur  abandonner  comme  li- 
mites ,  les  châteaux  de  Wésel  et  de  Rees  qu'ils  vou- 
lurent occuper  jusqu'à  la  pacification  générale. 

Alors  enfin  l'empereur  commença  à  mettre  un  peu 
plus  d'importance  à  la  guerre ,  parce  que  le  prince 
LobkoWitz  avait  été  éloigné  j  mais  il  avait  perdu  ses 
meilleurs  alliés.  Montécuculii  eut  quelques  avantages 
dans  le  bas  Rhin,  et  entre  autres  il  prit  Bonn  ;  mais 
dans  le  haut  Rhin  et  dans  la  Franconie,  les  Français 
redoublèrentleurs  ravages  etsurtout  dans  le  Palatinat 
qui  dès  lors  était  le  théâtre  le  plus  sanglant  de  la 
guerre,  comme  il  Ta  encore  été  depuis  et  en  a  conservé 
des  monuments  éternels.  Alors,  comme  ils  avaient 
attaqué  l'empire  même ,  les  princes  se  levèrent  en- 
fin contre  eux,  et  l'électeur  de  Brandebourg  renou- 
vela son  alliance  avecLéopold.  L'Autriche  se  fit  dis- 
tinguer par  son  activité  et  par  sa  fermeté  dans  cette 
occasion ,  à  la  diète  de  Ratisbonne.  On  discutait  lon- 
guement sur  la  guerre  sans  rien  conclure;  l'Autriche 
ayant  découvert  que  l'envoyé  français  à  la  diète  in- 
triguait tantôt  auprès  de  Vundesprinces^tantôtauprèa 
de  l'autre  pour  les  trompei:,  elle  lui  fit  donner  ordre • 
saute  autres  formalités,  de  quitter  Ratisbonne  dans 
trpfejtfa  vingt-quatre  heures,  et  son  départ  fut  suivi 


Digitized  byVJ OOQ IC 


LéOfOLD   I   ET   LOUIS  Xiy.  SH 

au  bout  de  quelques  jours  d'une  déclaration  de 
guerre  de  la  part  de  F  empire. 

La  guerre  eut  des  chances  variées,  mais  cependant 
au  total  à  l'avantage  des  Français;  parce  que  leurs 
généraux  avaient  le  talent  de  se  porter  sur  le  terri* 
toire  allemand,  tandis  que  ceux  de  la  confédération 
manquaient  d'activité  et  d'unité.  Afin  d'occuper 
dans  son  propre  pays  le  plus  puissant  défenseur  de 
la  confédération,  le  prince  électeur  de  Brandebourg» 
Louis  XIV  avait  fait  alliance  avec  les  Suédois,  en 
1674,  en  leur  faisant  voir  quels  grands  avantages  ils 
pourraient  retirer  d'une  invasion  dans  la  Marche, 
ils  s'y  jetèrent  donc  et  le  pays  fut  fort  maltraité  ;  mats 
l'électeur  ne  voulut  pas  abandonna:  le  Rhin,  tant 
que  sa  présence  fut  nécessaire,  et  ce  ne  fut  qu'en 
juin  1675  qu'il  partit  à  marches  forcées  pour  venir 
au  secours  de  ses  états. 

Bataille  de  Ferbellin.  28  juin  1675.  — •  Ni  .émis, 
ni  ennemis  ne  l'attendaient,  quand  il  arriva  sur 
l'Elbe,  à  Magdebourg;  il  traversa  la  ville  de  «uit  et 
continua  sa  route ,  sans  s'arrêter,  jusqu'à  l'armée  des 
Suédois  qui  lé  croyaient  encore  en  France.  Ceux-ci 
aussitôt  se  replièrent  pour  chercher  à  se  réunir  ;  mais 
il  les  poursuivit  et  les  atteignit  le  28  juin  à  Ferbel- 
ljn.  lin  avait  que  sa  cavalerie  avec  lui,  car  l'infan- 
terie n'avait  pu  le  cuivre;  cependant  il  résolut  d at- 
taquer l'ennemi  dans  sa  position  ,  malgré  ses  géné- 
raux qui  voulaient  qu'on  attendît  l'infanterie.  Fr<!> 
dério,  qui  regardait  comme  perdue  chaque  heure  do 
retard  y   fit  donner  l'attaque  et  eut  le  plus  heu- 


Digitized  byVJ OOQ IC 


98£  sEPTifeME  «»oqui,  164^^-4858. 

rtnx  mooèd.  Les  Suédois,  qui  depuie  la  gilerrô  de 
trente  ans  passaient  pour  invincibles,  furent  com^ 
platement  battus  et  s'en  foirent  dans  le  plus  grand 
désordre  vers  leur  Ppméranie*  Frddéric-GnillâiHn© 
k»  y  sni  vit,  et  fit  la  conquête  d'une  partie  de  la  pro- 
vince» 

:  Cet  électeur  peut  être  considéré  comme  la  fonda- 
teur de  la  grandeur  prussienne  ,  et  se?  successeur* 
ne  firent  que  bâtir  sur  les  fondements  qu'il  avait 
posés*  Il  agissait  toujours  d'après  lui-même,  et  nouer 
le  retrouverons  plus  d'une  fois  faisant  refepeeter  la 
puissance  desoji  petit  état,  non  plus  comme  les  au« 
très  princes  d' AJlemagne,  mais  avec  F  autorité  d'un 
des  autres  souverains  de  l'Europe.  C'était  la  preuve 
qu'il  jetait  les  fondements  d'un  nouveau  royaume,; 
qu'il  voulait  que  son  peuple  ne  fàt  inférieur  à  aucun 
des  autres  et  même  qu'il  jouît  parmi  eux  d'une  cer* 
tainô -considération. 

DansTanttée  1675,1e  vieil  et  habile  général  Mon* 
•écocnlli  reçut  une  deuxième  fois  l'ordre  de  se  ren- 
dre sur  le  Rhin  ,  et  la  fortune  des  armes  lut  devint 
plus  favorable.  Il  eut  pour  adversaire  le  célèbre  gé- 
néral  français  vicomte  de Turejine.  un  des  plus  grands 
hommes  de  son  temps.  Ils  s'approchèrent  tons  les 
deux  avec  précaution ,  car  ils  se  connaissaient  déjà. 
Tu  renne  avait  choisi  un  lieu  très  convenable  pour  li- 
vrer bataille,  où  tout  lui  semblait  avantageux ,  c'était 
près  du  village  de  Salsbachj  non  loin  d'Oppenheim, 
quand  ert  s'avançant  au-devant  de  l'ennemi  pour  re- 
connaître les  lieux  et  disposer  sorç  année,  un  boulet. 


Digitized  byVJ OOQ IC 


LÉ&POLD    t   ET   UmtM   UV. 

de  canon  l'emporta  de  dessus  son  cheval»  Sa  mort 
effraya  son  armée,  elle  prit  aussitôt  la  fuite  et  fit 
même  de  grandes  pertes  dans  cette  déroute* 

Cependant  on  n'avait  pas  beaucoup  gagne*  Los 
Français,  pour  chasser  les  impériaux  xle  leur  pays 
eurent  recours"  au  plus  extrême  moyen.  Comme 
ils  ne  pouvaient  garder  toutes  les  provinces  dé 
la  frontière  par  leurs  armes ,  ils  voulurefet  les  d&* 
fendre  par  la  dévastation.  L'année  suivante  donc, 
il*  se  mirent  h  ravager  tous  les  pays  voisÎM  de  laSaar 
avec  tantale  fureur,  que  dans  l'espace  de  plus  de 
quatorze  milles  on  ne  voyait  que  des  incendies  et  de* 
champs  déserts.  Alors; les  armées  allemandes,  ne  pou- 
vant restar  dans  un  pays  affamé,  furent  obligées  de 
rentrer ,  et  les  malheureux  habitants  de  se  retirer 
dans  les  forêts,  où  le  plus  grand  nombre  mourut  de 
faim  et  de  misère. 

Paix  de  Nimègue.  1678  et  1679. '—  Tous  les 
yeux  se  portaient  avec  la  plus  grande  inquiétude  ssr 
les  conférences  de  paix  qui  se  tenaient  à  Nimègues. 
Les  Français  se  hâtaient,  à  ce  qu'il  semblait ,  de 
conclure  cette  paix ,  dût-elle  leur  être  désavanta- 
geuse; parce  qu'ils  avaient  trop  d'ennemis  sunles 
bras.  Mais  ils  ont  toujours  été  très  habiles  à  diviser 
leurs  adversaires.  Us  réussirent.en  effet  à  écarter, 
par  des  offres  avantageuses  ,  les  Hollandais  pour  qui 
principalement  la  guerre  avait  été  entreprise  et  qui 
étaient  redevables  de  leur  salut  à  l'empire.  Ils  firent 
leur  pai&  en  particulier  et  reçurent  la  citadelle  de 
Maèstrich.  Les  Espagnols,  qui  firent  ensuite    leur 


Digitized  byVJ OOQ IC 


984  sixième  époque.  4648—4838. 

paix,  furent  obligésde  payer,  comme  en  bien  d'au  1res 
circonstances ,  ce  qu'on  avait  abandonné  aux  Hol- 
landais. Ils  durent  par  conséquent  céder  une  grande 
étendue  de  territoire  dans  les  Pays-Bas  avec  toute  la 
Franchfe-Comté.  Enfin  l'empereur,  qui  ne  roulait 
pas  faire  la  guerre  seul,  fut  obligé  d'abandonner 
l'importante  citadelle  de  Fribourg  dans  le  Brisgau. 
Ainsi,  l'électeur  de  Brandebourg  qui  avait  conquis 
presque  toute  la  Poméranie  sur  les  Suédois  et  espé- 
rait une  paix  avantageuse;  abandonné  de  tout  le 
monde,  même  par  les  Pays-Bas  pour  qui  il  avait  com- 
battu et  qui  lui  refusèrent  leur  secours,  fut  contraint 
de  restituer  presque  toutes  ses  conquêtes.  A  cette  con- 
férence de  Nimègue  on  put  facilement  remarquer  la 
prépondérance  de  la  France  sur  l'Europe,  mêmepar 
son  langage;  car,  lorsque,  trente  ans  avant,  dans  les 
conférences  de  Munster  et  d'Osnabruck,  quelques 
envoyés  seulement  connaissaient  la  langue  fran- 
çaise ,  dors  à  Nimègue ,  tout  le  monde  parlait  fran- 
çais. Cependant  les  articles  furent  rédigés  en  latin. 


Réunions  *  la  France. 

Les  provinces  opprimées  commencèrent  enfin  à 
respirer  en  liberté  et  à  jouir  des  douceurs  de  la  paix, 
quand  l'insatiable  ambition  des  Français  se  fut  satis- 
faite. Mais  notre  ennemi  était,  au  sein  même  dç  la 
pa|x9  toujours  très  habile  à  poursuivre  sa  proie. Un 


Digitized  byVJ OOQ IC 


RÉUJUOKS  A  LA   FRÀWC1. 

membre  du  parlement  de  Metz,  Rolland  de  Revaulx, 
exposa  au  roi  un  plan  d'après  lequel  il  pouvait 
étendre  sa  domination  bien  plus  loin  dans  le  haut 
Rhin,  tout  en  respectant  les  articles  de  la  paix  de 
Westphalie,  par  un  simple  commentaire  des  mots 
employés  :  L'Alsace  et  tes  autres  terrains  lui  Seront 
cédés  avec  toutes  leurs  dépendances.  Il .  n'y  avait 
donc  plus  qu'à  rechercher  les  terrains  et*  les  lieux 
qui  avaient  fait  partie  de  cette  dépendance  dans  les 
temps  recules,  et  il  n'était  pas  difficile  d'en  trouver 
qu'on  pouvait  occuper  sous  ce  prétexté.  La  proposa 
tion  d'abord  n'eut  pas  de  suites,  jnais  on  y  revint  plue 
tard  ;  et  pour  se  donner  une  apparence  de  justice ,  on 
forma ,  en  1680 ,  quatre  conseils ,  sou»  le  nom  de 
chambres  de  réunions  à  AfetzyDornick,  Brissac,  et 
Besançon;  elles  devaient  rechercher  quels  terrain! 
et  quels  peuples  pouvaient  encore  appartenir  au  roi 
d'après  les  expressions  que  nous  avons  citées  piui 
haut.  Il  est  facile  de  penser  que  les  juges  ne  man^ 
quèrent  pas  aux  découverts  $  on  fouilla  partout  pour 
trouver  de  quoi  se  satisfaire.  Le  couvent  de  Weisseo*- 
bourg,  par  exemple,  quoique  situé  hors  de  l'Alsace» 
fut  attribué  au  roicomme  lui  appartenant  d'après  les 
droits  du  roi  Dagobert  qui  l'avait  fondé  plus  de 
mille  ans  auparavant.  Et  l'acquisition  de  Weissen- 
bourg  lui  servit  encore  de  prétexte  pour  réclamer 
Germesheim ,  qui  avait  autrefois  appartenu  à  Wefo- 
senbourg. 

De  cette  manière  ces  quatre  chambres  eurent  bien- 
tôt conquis  h  leur  maître  Deux-Ponts,  Sarrebruck 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


MB  sEPTièHft  époque.  1Ô48— 1858. 

(SamsLoiiis),  Yeldenz,  Sponhfaeim,  Mumppel- 
garde,  Lauterbourg  et  beaucoup  d'autres  lieux  iso- 
lés, et  particulièrement  plusieurs  villes  libres  en 
Alsace ,  entre  autres  surtout  Strasbourg.  Cependant 
elle»  n'avaient  pas  été  désignées  dans  le  traité  de 
Westphalie  ;  car,  l'Autriche  n'avait  pu  foire  cession 
que  de  ion  héritage  en  Alsace. 

JJes  princes  et  les  seigneurs,  dont  les  propriétés 
devaient  tout  d'un  coup  changer  d'état   civil  et 
d'allemandes  devenir  françaises ,  élevèrent  tout  haut 
dès  plaintes.  L'empereur  fit  des  représentations;  et 
Louis  >  pouk*  sauver  au  moins  les  apparences ,  oar 
n'était  là  son  grand  talent ,  et  en  même  tefops  pour 
ffensoer  la  bouche  à  ses  adversaires,  promit  d'exa«- 
jttiner  leurs  prétentions  et  convoqua  un  congrès  à 
Francfort  D'abord,  chacun  voulut  occuper  la*ci£a«- 
dftUe  de  Strasbourg;  parce  que  c'était  le  point  le 
{riïis  important  et  qu'elle  était  regardée  comme  la 
<jfef  du  haut  Rhin.  -Charles  V  la  considérait  comme 
duçe  telle  importance  qu'il  disait  :  «  Que  si  Vienne 
et  Strasbourg  étaient  également  menacés ,  il  eorat- 
jpeoOetait  par  Mfuver  Strasbourg.  *  Mais  au  mois  4e 
Septembre  468i ,  quelques  régiments  français  se  ré- 
«mirent  en  secret  sous  les  muré  de  la  ville  et  l'enve- 
loppèrent tout  -d'un  coup ,  lorsqu'elle  Vy  attendait 
le  moins.  Le  lendemain,  le  ministre  de  la  guerre,  Lou- 
ais ,  le  confident  du  roi  r  parut  avec  une  armée  et 
une  artillerie  de  siège  et  somma  les  citoyens  de  se 
Wttdre  arec  les  plus  fortes  menaces.  N'étant  pas 
préparés  k  une  attaque,  ils  se  rendirent  et  ouvrirent 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


laurf  portes.  Aussitôt  le»  Fraoçats  s'eœpapèroit  4? 
l'hotel-de~ville,  désarmèrent  les  bourgeois  et  pe* 
«pris  Louis  XIV  fit  son  entrée  an  grande  pompe  » 
comme  en  triomphe ,  avec  toute  «a  suite. 

Le*  confidence*  de  Francfort  n'apportèrent  4m 
veste  aucun  changement  dans  les  plans  du  roi;  *tf 
envoyés  esquivaient  avec  adresse  toute  discu&km 
sérieuse  sur  les  recherches  faites,  et  maintinrent 
toujours  leurs  principes j  ce  fut  même  à  ces  confé- 
rences qu'ils  firent  pour  la  première  fois  usage  de 
leur  langue  dans  les  affaires  de  diplomatie.  Jusqu'a- 
lors, comme  aux  autres  peuples ,  leurs  pièces,  leurs 
titres,  éf  tous  leurs  écrits  étaient  en  latin;  mais  à 
ÏVancfort  ils  furent  faits  en  français ,  et  toute*  les 
représentations  de  la  part  de  l'empereur  firent  in*- 
utiles;  on  ne  reçtit  jamais  que  cette  réponse brév«4t 
sévère:  «C'est  l'ordre  de  notre  roi.*  Il  fallut  o^der; 
et  c'est  ainsi  que  s'est  établi  pour  tous  les  autres  peu>- 
ples  l'usage  de  parler  français ,  quand  ils  traitent 
wec  la  France.  Les  hommes  à  grande»  vtias  pré- 
virent dès  lors  les  dangers  qui  pouvaient  déeeuier 
de  cet  usage,  et  jugèrent  que  limitation  du  langage 
et  des  mœurs  du  peuple  voisin  préparaient  pqa  k 
peu  et  de  loin  s»  domination.  *    .   • 

Les  disputes  des  différents  envoyas  entrç  eux  suffi» 
raient  pour  foire  comprendre  combien  letyrs  réekma~ 
tions  contrôles  usurpations  de  Louisde vaient  être  fatr» 
Mes  et  peu  dignes  ;  car  à  Francfort  s'élevèrent  encore 
«es  vieilles  et  pitoyables  disputes  de  prééminence  , 
dont  la  folie  surisse  toute  croyance,  qui  dépensèrent 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


988  sEPTifem  ifOQVt.  1648~-4838. 

un  temps  précieux  pendant  lequel  les  Français  se 
fortifièrent  de  plus  en  plus  dans  leur  usurpation.  Ce- 
pendant l'Autriche  réussît  à  faire  une  alliance  avec 
plusieurs  princes  pour  repousser  la  force  par  la  force  ; 
mais  des  séditions  en  Hongrie  et  une  nouvelle  guerre 
de  la  part  des  Turcs  attirés  par  Louis  pour  protéger  ses 
projets  9  arrêtèrent  les  résultats  de  cette  alliance*. 


U» Tnresdevaal  Vkaae.  1685. 

Depuis  Tan  1670  la  Hongrie  était  agitée;  elle  était 
mécontentede  voir  ses  institutions  méprisées  et  ses  pla- 
ces occupées  par  des  soldats  allemands,  qu'elle  haïssait 
par-dessus  tout.  Déplus,  les  protestants  se  plaignaient 
de  plusieurs  persécution?  dont  les  jésuites  avaient 
été  les  instigateurs.  Ces  peuples  mécontents  ayant  ren- 
contré, en  1 678,  dans  le  comte  Emmeric  de  Tœckety, 
un  commandant  plein  de  résolution ,  se  soulevèrent 
en  masse  et  firent  aussitôt  alliance  avec  les  Turcs.  Le 
guerrier  et  ambitieux  grand-visir,  Kara-Mustapha,  se 
disposa  donc  à  entrer  en  campagne  à  la  tête  d'une  ar- 
mée plus  forte  que  toutes  celles  que  les  Turcs  avaient 
mises  sur  pied  depuis  la  prise  de  Gonstan  linople.  Heu- 
reusement pour  l'empereur  qu'il  avait  sur  les  frontiè- 
res delà  Pologne  un  allié  plein  de  courage,  le  roi  Jean 
Sobieski,  et  qu'il  trouva  les  princes  allemands  fidèles 
et  prompts  dans  cette  occasion,  contre  leur  coutume, 
à  lui  envoyer  dés  secours.  Il  rencontra  en  outre  dans 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


tas  rates  devàh*  vianz*  S09 

le  duc  Charles  de  Lorraine  un  générai  habile  pour 
conduire  son  armée. 

Cependant  arriva  le  printemps  de  l'année  1688, 
avant  que  les  préparatifs  ne  fussent  achevés  ;  tandis 
<jue  les  Turcs  qui  n'avaient  pas  coutume  dese  mettre 
ett  campagne  avant  l'été,  étaient  partis  cette  aimée 
avant  la  fin  de  l'hiver;  et  le  12  juin  ils  traversaient 
le  pont  d'Esseck,  On  se  hâta  de  passer  en  revue  à 
Preshourg  l'armée  allemande  et  impériale,  que  Ton 
trouva  de  vingt-deux  mille  hommes  de  pied  et  onze 
mille  chevaux;  mais  les  Turcs  comptaient  plus 
de  deux  cent  mille  hommes ,  qui  sans  s'arrêter  à 
assiéger  des  villes  en  Hongrie,  comme  on  avait  espéré, 
marchèrent  droit  sur  Vienne.  La  consternation  et  la 
confusion  régnaient  dans  la  ville  ;  l'empereur  avec  sa 
cour  s'était  enfui  h  Linz.  Beaucoup  d'habitants 
l'avaient  suivi  ;  mais  les  autres ,  quand  le  premier  mo- 
ment de  terreur  fut  passé ,  s'armèrent  pour  la  défense, 
et  la  lenteur  des  Turcs,  qui  s'amusèrent  à  piller  les 
lieux  et  les  châteaux  environnants ,  permit  au  duc  de 
Lorraine  de  jeter  douze  mille  hommes  de  garnison 
dans  la  ville;  alors,  comme  il  ne  pouvait  avec  sa 
petite  troupe  se  porter  à  la  rencontre  de  l'armée 
turque  pour  lui  barrer  le  passage,  il  se  tint  à  l'écart 
et  attendit  le  roi  de  Pologne. 

Le  comte  Rudiger  de  Stehrenberg  fut  nommé  com- 
mandant de  la  place  par  le  conseil  de  guerre^  et  il  m 
montra  aussi  hardi  qu'actif  à  faire  tout  ce  qu'il  crut 
possible  pour  sa  défense.  Tout. homme  qui  pouvait 
travailler  ou  porter  les  armes ,  prêta  son  secours* 
t.  h.  19 


r? 


MO  SEFl*» 'il**?*.    iS4ft     4S88. 

le  Ifcijam,  le  yisir  parut  avee  son  innombrable  a*- 
jsée  devant  les  murailles  :  elle  couvrait  le  p*ya  toat 
jartdir  à  six  lieues  de  distance.  Deux  jour*  après  il 
*uetk:k  tranchée;  bientôt  1  artillerie  fimppa  les 
mÈàrBrpaur  hin  btèche;    on  s'efforçait  surtout  de 
des  mises ,  pour  foire  sauter  en  l'air  de*  tss*- 
e  ou  dôs  quartiers  de  ntarailtes  r  afin  de  pcwvoir 
•e  précipiter  ensuite  dans  cette  ville,  où  lés  Turds 
espéraient  trouver  ton  sr  grand  butin.  Mais  les  dé- 
fcmeftvs  tinrent  ferae,  et  réparaient  dans  la  nuk 
«e  qui  avait  été  renversé.  Chaque  pas  de  terrain 
à'éCak  ebtenu  qu'après  une  longue  latte,   où  l'eu 
voyait  une  égale  opiniâtreté  pour  la  défense  et  pour 
lattaquè.  Le  lieu  le  plus  cfaaud  diï  combat  était  au 
basfcies  Label  autour  duquel  il  n'y  avait  pas  de  motte 
de  téore  qui  n'ait  été  arrosée  de  sang  âmi  ou  eut* 
uenri.Cepeudantka  Turcs  gagnèrent  peu  à  pen  quel* 
ques  pas  j  à  la  fin,  d'août ,  ils  étaient  logés  clans  \m 
iesséi  de  la  Ville  ;  ett  le  4  septembre*  as  firent  sauter 
une  mine  sous  le  bastion  le  Bourg  y  la  ncétié  île  h 
ville  es  fol  ébranlée  et  le  bastion  fttt  fendu  dans 
«se  largeur  de  plus  de  cmq  toiaesf  lai  brèche  Afrit 
afcsea  large  pour  livrer  un  assaut,  tnatsFewieai)  ft* 
tfapeussé.  Le  lendemain,  il  revint  av*é  un  nouveau 
courage;  la   valeur  des   assiégés  l'arrêt*   caoera 
Le  M*  septembre,  mie  dernière  mi»  ganta  «et»  le 
aie**  bastion,  et  la  brèche  ft*t  si  groide  qu'un  \m* 
Gailtott  pwttait  y  entrer  de  front.  Le  dauger  élaéi 
«U*éti*r ta  garttrson    était  tout  épuisée  pa*  ks 
eeutbote,  les  maladies  et  le»  travaux  de  toue  la* 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


iA*  tvm&  Divà*r  Wwar.  ffH 


jonra;  le  duc  <fe  Stahrenberg  avait  envoyé  courrier 
sur  courrier  au  duc  de  Lorraine.  EhRn  lé  il,  quand 
tente  k  ville  était  dans  la  stupeur  et  dans  l'attente 
cftftri  assaut,  elle  s'aperçut  au  mouvement  qui  se  fit 
remarquer  dans  le  camp  enetm  que  le  secoure  était 
proche.  A  cinq  heures  du  soir  l'armée  ebréfcienne 
Tétait sur la montagne  de  Kalen ,  et  ellefit  connaître  sa 
présence par  une  salve  d'artillerie.  Le  prince  Jean 
Sobieaki  était  arrivé  à  la  t&ed'*t«e  vaillante  armée: 
les  électeurs  4e  Saie  et  de  Bavière,  le  prîno*  de 
Waldeck  avec  les  trouves  du  cercle  de.  Franeome^ 
te  due  de  Saxe-Laoeabo*tr| ,  le  «Mrçrav*  de  $nde 
et  de  Jkiréutk,  le  lanc^rave  «teifeese,  les  princes 
d'Ajdialt  et  quantité  d'autres  princes  et  seigneurs 
nlièttands  avaient  mmtoé  «véc  «eux  ides  taenpcs 
tiwlchesfr  Alors  Charles  de  Lamine  put  taser  inatw 
<nhtr  contre  Vetmemij  quoique  il  «leàt  encore  <pe 
xyarMrtcsix  mille  hotemés* 

te  12  septembre  ta  matàu,  F  a***ée  «âinéttenne 
descendit  de  la  montagne  de  Kalen  éngnànfedej»- 
iaille.  Le  village  de  Nausadcaf,  Âtaé<anr  te  Daattbe, 
étt  attaqué  par  les  troupes  ïmpfaklm*etlm  Sa»rt8 
^pd  ooûupaient  l&legauélte,  et  eœiperté  .apnèsiane 
*piaM&re résistance,  Cependant  sw\lemàdi,  feue* 
4e  Pologne  étant  descendu  dans  la  plaie*  *vet  l'aile 
droite  9  attaque  les  iunooibrabW  l*tailbna  de  cava- 
lerieturque  à  la  tête<de  sa  cavakrie  pakteaiae}  ilae 
jette  au  milieu  de  l'ennemi  av££  toute  la  fureur  dW 
«ùragaB,  et  îrépand  la  ooufueiou  «Uns  les4&ngs,#Bt- 
«enii*  ;  mais  son  oauuage  l'emporte,  trop  imn  t  ii«>at 

19. 


Digitized  byVJ OOQ IC 


S9S  SEPTIÈME  ÉPOQUE.   1648—1888. 

entouré  avec  les  siens  ,  et  va  peut-être  être  accablé 
par  le  nombre.  Alors  il  crie  au  secours ,  les  cavaliers 
allemands  qui  lavaient  suivi  arrivent  au  galop 
sur  l'ennemi,  délivrent  le.  roi  et  bientôt  les  Turcs 
sont  mis  en  fuite  de  tous  côtes. 

Mais  tous  ces  combats  ne  devaient  être  que  des 
avant-scènes  de  la  grande  bataille  qui  devait  décider 
du  sort  de  la  guerre.  Car  on  voyait  toujours  le  camp 
des  Turcs,  qui  Retendait  à  perte  de  vue,  couvert  de 
milliers  de  tentes ,  et  leur  artillerie  tirait  toujours 
sur  la  ville»  Le  général  en  chef  tenait  un  conseil  de 
guerre  pour  savoir  s'il  devait  livrer  la  bataille  le  jour 
même  ou  attendre  au  lendemain  pour  laisser  à  ses 
troupes  le  temps  de  se  reposer,  quand  on  vint  lui 
annoncer  que  l'ennemi  semblait  être  en  pleine  fuite; 
et  c'était  la  réalité.  Une  terreur  panique  les  avait 
pris;  ils  fuyaient  en  désordre  abandonnant  leur 
camp  et  leurs  bagages  :  bientôt  même  ceux  qui  atta- 
quaient la  ville  furent  entraînés  dans  la  fuite  avec 
toute  l'armée. 

Le  butin  trouvé  dans  le  camp  fut  immense.  On 
l'élève  à  quinze  millions  et  la  seule  tente  du  visîr 
à  quatre  cent  mille  écus.  Ori  trouva  aussi  dans  la  cas- 
sette de  la  guerre  deux  millions.  Le  roi  de  Pologne 
reçut  pour  sa  part  quatre  millions  de  florins  ;  et  dans 
une  lettre  à  sa  femme  où  il  lui  parle  de  cela  et  du 
bonheur  d'avoir  délivré  Vienne ,  il  s'exprime  ainsi  : 
«  Tout  le  camp  ennemi  avec  tôute*on  artillerie  et 
toutes  ses  énormes  richesses  est  tombé  dans  nos 
mains.  Nous  chassons  devant  nous  une  armée  de 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


LES    TURCS    DEVANT   VIEME.  393 

chameaux,  de  mulets  et  de  Turcs  prisonniers;  je 
suis  devenu  l'héritier  du  grand-visir.  L'étendard 
qu'il  avait  coutume  de  faire  porter  devant  lui ,  et  la 
bannière  de  Mahomet  dont  le  sultan  avait  honoré 
cette  campagne ,  les  tentes ,  les  chariots ,  les  bagages, 
dans  tout  j'ai  une  part  ;  on  a  pris  des  cuisiniers  dont 
quelques-uns  raient  à  eux  seuls  des  millions  d'écus. 
Quant  à  ce  qui  appartient  aux  divers  objets  de 
luxe  et  d'agrément  trouvés  dans  sa  tente,  comme 
sont,  entre  autres  choses  extraordinaires  :  ses 
bains',  ses  jardins,  ses  fontaines  d'eau  jaillissante,  et 
toute  espèce  d  animaux  rares,  il  serait  trop  long  d'en 
donner  la  description.  —  J'étais  ce  matin  dans  la 
ville  et  j'ai  trouvé  qu'elle  n'aurait  pu  tenir  cinq  jours 
de  plus.  —  Jamais  il  n'a  été  possible  à  des  yeux 
d'homme  de  voir  un  si  grand  bouleversement  fait 
en  si  peu  de  temps ,  que  celui  des  tas  de  pierres  et  dt 
rochers  lancés  dans  l'air  en  éclats  par  la  mine.—  J'ai 
eu  long-temps  à  combattre  avec  le  visir  jusqu'à  ce 
que  Faite  gauche  vienne  à  mon  secours.  .Mais  après 
la  bataille  je  me  suis  vu  entouré  de  l'électeur  de 
Bavière,  du  prince  de  Waldeck  et  de  beaucoup 
d'autres  princes  qui  m'embrassaient  et  me  baisaient* 
Les  généraux  me  portaient  par  les  mains  et  par  les 
pieds,  et  les  colonels  à  la  tété  de  leurs  régiments,  à 
pied  comme  à  cheval ,  me  saluaient  en  criant  :  Vive 
notre  brave  roi  !... 

v  «Aujourd'hui  l'électeur  de  Saxe,  le  dup  de  Lor- 
raine, enfin  le  commandant  de  Vienne,  comte  de 
Stahrenberg ,  et  quantité  de  peuple  de  toute  classe 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


3M  sEPTiàKi  épo^ur.    4648—1888. 

dont  venus  au-devant  de  moi;  chacun  me  serrait  sur 
son  coeur,  me  baisait,  m'appelait  son  sauveur,  et  au 
milieu  de  la  rue  s'est  élevé  un  houra  de  Vive  le  roi! 
Après  dîner,  lorsque  je  rentrais  à  cheval  au  camp, 
je  fb&  aocompsgné  jusqu'aux  portes  par  tout  le  peu* 
pie  qui  levait  les  mains  au  ciel .  Gloire ,  honneur  et 
reconnaissance  éternelle  au  Très-Haut  qui  nous  a 
envoyé  une  si  belle  victoire  !  » 

Les  Autrichiens  avaient  tout  lieu  d'être  reconnais- 
sauts;  car  si  oe  redoutable  ennemi  ne  violait  pas  et 
*e  massacrait  pas  tout,  comme  dans  ses  autres  guerres, 
du  moins  il  entraînait  tout  le  monde  comme  es- 
clave. On  a  calculé  qu'il  avait  enlevé  à  l'Autriche 
quatre-vingt-sept  mille  personnes,  dont  cinquante 
mille  enfants  et  vingt-six  mille  femmes  et  filles,  et 
jciarmi  cesdernières,  seulement  deux  cent  quatre  com- 
tesses ou  autres  femmes  nobles. 

Toute  l'Europe  prit  grand  intérêt  àla  délivrance  de 
Vienne,  excepté  Louis  XIV  qui  en  fut  très  consterné, 
et  à  qui  aucun  de  ses  ministres  nrosait  annoncer  cette 
nouvelle.  Des  écrivains  très  dignes  de  foi  prétendent 
que  l'on  trouva  dans  la  tente  du  grand-visir  une 
lettre  du  roi  où  il  donnait  le  plan  du  siège  tout 
entier. 

*  La  guerre  avec  les  Turcs  dura  quinze  ans,  avec 
quelques  interruptions,  et  finit  heureusement  pour 
les  armes  impériales  j  ils  perdirent  depuis  lors  celte 
auréole  tl'épouvante  et  Je  gloire  militaire  qui  les 
précédait  partout.  Dans  Tannée  4687,  le  duc  de 
Lorraine  et  le  prince  Eugène  de  Savoie ,  plus  lard 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


floirraut  cot»re  iv*c  Là  mai 

ai  fameux ,  leur  firent  essuyer  une  défaite  complète  à 
M^hacs. 

La  victoire  eut  pour  résultat  de.raraener  la  Hon* 
grie  sous  la  puissance  de  la' maison  impériale  $  ellf 
rendit  même  oette  dignité  héréditaire  au  lieu  qu'elfe 
n'était  auparavant  qu'élective.  Un  armistice  fin 
/signé  avec  le#  Turcs  pour  vingt-cinq  ans  à  Cadowit^ 
Après  la  grande  victoire  du  prince  Eugène  k  Kent 
.tha,i697,  ■        v. 


Le  temps  que  l'Autriche  mettait  h  repousser  ce 
redoutable  adversaire  au  *ud-est ,  Louis  XIV  !'«*- 
.ployait  à  rassembler  de  nouvelles  forces  pour  la 
guerre  j  car  ses  usurpations  ne  levaient  pas  encote 
rassasié.  Et  quand  il  en  jugea  le  moment  opportun  » 
il  eut  recours  à  d'insignifiantes  chicanes  au  sujet 
•de  Wu&itage  du  prince  électeur  Charles  palatin  et 
de  la  succession  à.l'électorat  de  Cologne  après  la 
mort  deMaximilien-Heori,  sous  prétexte  qu'il  était 
-garantie  la  constitution  d'Allemagne,  pour  atgofe- 
■fier  à  l'empereur  une  nouvelle  déclaration  de  guerre» 
.1688.  Avant  même  qu'elle  ne  fât  connue ,  ses  années 
entrèrent  dans  lés  Pays-Bas  et  recommencèrent  de 
nouvelles  dévastations.  Au  bruit  du  danger,  tout  le 
■nord de  l'Allemagne, Saxons,  Hanovriens,  Bessoia, 
jse  hâtèrent  d'envoyer  sur  le  Rhin  de  nombreuses 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


396:  «rrikiCE  époque.  1648— 1888. 

armées  pour  le  défendre  ;  et  ce  zèle  était  d'autant 
plus  louage  que  la  diète  était. encore  à  délibérer  à 
Ratisbonne ,  s'il  y  aurait  guerre.  Pourtant  elle  se 
prononça  plus  énergiquement  qu'auparavant  ;  elle 
décida  la  guerre  déclarée  pour  l'Allemagne;  le  ban 
de  l'empire  fut  proclamé ,  et  personne  ne  pouvait 
plus  rester  neutre  ;  l'empereur  ajouta  même  à  la 
publication  «  que  le  royaume  de  France  n'était  pas 
considéré  simplement  comme  l'ennemi  de  l'empire, 
mais  comme  celui  de  là  chrétienté,  et  était  mis  sur 
le  même  rang  que  les  Turcs.  » 

La  prépondérance  de  la  France  et  son  mépris 
pour  la  paix  de  Nimègue  indisposa  contre  elle  le 
reste  de  l'Europe  ;  bientôt  l'Angleterre,  la  Hollande, 
l'Espagne  et  plus  tard  la  Savoie,  prirent  part  à  la 
guerre  ;  et  le  nouveau  roi  d'Angleterre,  Guillaume  III, 
aussi  Stathouder  des  Pays-Bas ,  dans  sa  déclaration 
de  guerre ,  appelait  Louis  XIV  «  le  perturbateur  de 
la  paix  et  un  ennemi  commun  pour  la  chrétienté.  » 
L'Allemagne  fut  encore  alors  la  triste  victime  du 
barbare  moyen  inventé  par  Louvois  pour  conserver 
à  là  France  l'avantage  de  la  guerre  contre  tant  d'en- 
nemis; les  bords  fleuris  du  Rhin  furent  changés  en 
de  vastes  déserts,  et  l'imagination  recule  devant  une 
pareille  dévastation.  Dès  le  mois  de  janvier  1689,  la 
cavalerie  du  général  Mélac ,  nommément,  parcourut 
tous  les  environs  de  Heidelberg,  incendia  les  villes 
de  Rohrbach,  Russlock,  Wisloch  ,  Kircheim,  Ep- 
penheim,  Nekachausen  et  beaucoup  d'autres;  en 
vain  les  malheureux  habitants  se  jetaient-ils  aux 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


XKràVBUJB  GtSftftB  ÀVBC  |A   VaAJfeCB.  ttf 

pieds  des  vainqueurs  en  demandant  grâce,  il»  n'en 
étaient  pas  moins  dépouilles  et  chassés  dans  les  cam- 
pagnes  couyertes  de  neige,  où  un  grand  nombre  mour 
lurent  de  froid.  On  mit  le  feu  aux  quatre  coins  de 
Beidelberg. 

Le  même  sort  attendait  Manheim,  Offenbourg, 
Kreuznach,  Oppenheim,  Bruchsal,  Frankenthal, 
Baden ,  Rastadt  et  beaucoup  d'autres  villes  plus  pe- 
tites et  villages;  et  les  habitants  pillés  et  maltraités 
ne  pouvaient  obtenir  là  permission  de  se  retirer  en 
Allemagne  où  ils  espéraient  trouver  quelque  proteo 
tion;  mais  ils  étaient  obligés  de  rentrer  sur  le  terri- 
toire français. 

Deux  villes  impériales,  Spire  et  Worras,  qui 
avaient  appartenu  à  l'ancienne  Allemagne ,  furent 
tourmentées  pendant  plusieurs  mois  et  de  propos  dé- 
libéré. Après  des  exactions  sans  nombre ,  les  citoyens 
ayant  tout  souffert  r  tout  sacrifié  pendantsept  mois ,  et 
croyant  leurs  villes  du  moins  sauvée,  reçurent  la 
notification  que  les  intérêts  du  roi  exigeaient  que  les 
villes  de  Worms  et  de  Spire  disparussent  de  la  terre; 
et  leurs  pauvres  habitants ,  dépouillés  de  tout ,  se 
virent  contraints  de  quitter  leurs  villes  pour  aller 
comme  des  mendiants  demander  un  asile  dans  les 
villes  françaises  les  plus. proches.  Worms  et  Spire 
furent  livrés  aux  flammes  et  réduits  en  un  monceau 
de  cendres  et  de  décombres.  L'amour  de  l'argent 
porta  même  en  cette  occasion  à  violer  les  tombeaux 
des  anciens  empereurs  saliens  dans  la  cathédrale  de 
Spire  ;  on. prit  quelques  bières  en  argent  qui  s'y  trou- 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


•M  mita  feOQt».  4«46~48W. 

▼aient  et  l'on  dispéisa  fur  la  terr«  ces  cendres  sacrées, 
Comme  on  demandait  au  jeune  duc  de  Gréqut ,  qui 
commandait  cette,  expédition,  pourquoi  il  usait 
d'une  telle  rigueur  envers  Spire,  il  répondit  :*  C'est 
la  volonté  du  roi  ;  »  et  il  'montra  un  plan  sur 
lequel  plus  de  deux  cents  villes  et  villages  étaient 
condamnas  au  feu.  Or,  de  pareille?  cruautés  Paient 
exercées  par  un  peuple  «Jut  te  donnaitpour  le  phis 
civilise  du  monde ,'  justement  à  l^pçqùe  qu'il  ap- 
pelle son  Aged'oryct  étaient  ordonnées  par  un  roi 
qui  avait  fa  prétention  de  prtHéger  les  arts  et  les 
sciences  quelque  part  que  ce  fût.  Car  avant  de  dé- 
ployer cette  avidité  de  conquêtes,  il  avait  envoyé 
dm  cadeaux  à  soixante  savants  étrangers ,  aècompa- 
gné^de  cette  lettre  de  son  ministre  Golbert  :  «  Quoi- 
que le  roi  ne  soit  pas  votre  maître ,  il  .veut  être  votre 
bienfaiteur  et  vous  envoie  cette  lettre  comme  une 
preuve  de  son  estime.  »  Quelque  efficace  qu'eât  été 
cette  conduite  pour  lui  foire  des  partisans  parmi  les 
hommes  lés  plus  distingués  des  autres  nations,  alors 
[personne  n'osa  plus  ajouter  foi  à  la  droiture  de  ses 
'  intentions  5  et  les  vœux  qu'on  avait  faits  au  commen- 
cemeht  pour  le  succès  dé  ses  armes,  se  changèrent 
en  malédictions  et  imprécations  contre  le  peuple 
et  contre  le  roi.  .    . 

Cette  mauvaise  disposition  des  esprits  et  les  talents 
remarquables  du  vieux  due  de  Lorraine,  rendirent 
les  comnfiencements^de  cette  guerre  assez  heureux 
aux  armes  allemandes;  et  plusieurs  villeé  fortes  sur 
le  Khjn  furent  reprises  aux  Français.  Mais-  après  la 


Digitized  byVJ OOQ IC 


mort,  du  duc,  quand  le  ssele  du  premier  momtnt 
$e  fut  refroidi)  les  avantages  revinrent  à  cet  ennemi 
toujours  actif  ;  depuis  surtout  que  le  grand  général 
français,  le  maréchal  de  Luxembourg^  eut  remporté 
sur  l'année  allemande  une  victoire  complète  à  Flou» 
rus,  1690.  Cependant,  en  169â,  un  nouveau  gdwfci 
rai  allemand,  formé  à  l'école  du  duc  de  Lortaine, 
le  prince  Louis  de  Bâde ,  sembla  ramier  efa  <g«al» 
que  sprte  l'équilibre  par  sa  sage  défense  des  ri ves  du 
Néker  ;,  il  prit  à  Heiîbronnt  aveg  sa  petite  armée, 
une  position  si  avantageuse  que  lenneuiin'oeaitpluf 
rentrer  en  Souabç. 

Paix  de  Hiswick.  1697-  —  Toutes  les  nattons  bel-, 
ligérantes,  enfin  fatiguées,  se  rassemblèrent  en  cou* 
grès  à  JtiswicV,  petit  village  avec  un  ch&tj&aa,  près 
deLaQaye,  en  Hollande,  pour  y  traiter  de  la  paix. 
Cette  fois  Louis  XI V  désirait  visiblement  la  paix 
pour  se  préparer  à  une  nouvelle  guerre  qu'il  voyak 
très.prochaine.  On  s'attendait  à  la  riiort  de  Charles  II, 
roi  d'Espagne;  et  comme  il  n'avait  pas   d'epfanto 
Louis  voulait  obtenir  cette  cou  ronne  pour  son  pro- 
pre fils.  Il  fit  beaucoup  d'offres  de  cessions  et  entre 
autres  celle  de  l'importante  citadelle  de  Strasbourg. 
Mais  à  peine  les  conférences  furent-elles  entamées1, 
qu'avec  son. ancienne  adresse  il  sut  séparer  les  na- 
tions unies  en  concédant  de  grands  avantages  à  r  An*- 
.gleterre ,  à  la  Hollande  r^  TJEspagne ,  qui  firent  bien- 
tôt la  paix  pour  elles-mêmes  et  laissèrent  l'empereur 
et  l'empire  seuls.  Alors  ses  envoyés  reprirent  leur  tan 
de  maître. 


Digitized  byVJ OOQ IC 


MO  «mine  froçra.  ittft— f8S8. 

Quand  il  fut  question  des  compensations  ponr  les 
épouvantables  malheurs  de  la  guerre  dont  les  Fran- 
çais avaient  été  cause ,  et  quand  on  demanda  pour 
les  pertes  faites  à  Wonns  et  Spire  neuf  millions  de 
florins;  pour  le  duché  de  Bade,  huit  millions;  et, 
ponr  le  Wurtemberg,  dix  millions,  ils  répondirent 
d'un  ton  railleur  :  que  la  guerre  entraîne  nécessaire- 
ment des  pertes  avec  elle;  que  si  Ton  voulait  abso- 
lument une  indemnité ,  il  fallait  conduire  une  armée 
en  France  pour  piller*  et  faire  du  butin.  Du  reste,  ils 
promirent  de  rendre  les  places  conquises  :  Fribourg, 
Drissac  et  Phiiisbourg,  et  toutes  les  réunions  faites 
par  les  quatre  chambres ,  excepté  celles  qui  sont  en 
Alsace* 

Quand,  on  croyafy  tout  arrangé ,  la  veille  de  la  si- 
gnature de  la  paix ,  les  envoyés  français  apportèrent 
une  condition  dont  ils  exigeaient  l'acceptation ,  sa- 
voir :  que,  dans  les  lieux  avant  réunis  à  la  France  et 
que  Ton  venait  de  rendre,  la  religion  catholique 
restât  sur  le  pied  où  elle  se  trouvait;  c'est-à-dîre  qu'il 
fallait  conserver  le  culte  catholique  dans  4922 
villes  ou  villages  allemands  qui  étaient  protestants 
avant  Inoccupation  et  dans  lesquels  le  culte  catho- 
lique avait  été  introduit  par  la  violence.  Les  envoyés 
protestants  de  l'Allemagne  s'opposèrent  de  toules  leurs 
forces  à  cette  clause,  mais  leurs  représentations  ne 
furent  point  écoutées  et  la  paix  fut  signée.  Le  pire 
de  tout  cela,  et  c'était  le  principal  but  de  Louis,  c'est 
que  les  protestants  crurent  Pemperenr  le  promoteur 
secret  de  cette  clause  de  Riswick,  cl  de  là  prirent  un 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


MAISONS  lGTiLEI  KM   âXLMCiOWI.  SOI 

nouveau  sujet  de  mécontentement  contre  l'empire. 
Et  dans  le  fait  les  envoyés  impériaux  n'avaient  pas 
fait  ce  qu'il  était  possible  de  faire  contradictoirement 
au  projet  de  la  France. 


Formation  des  niaisoas  royales  en  Allemagne. 

Une  autre  cause  de  division  en  Allemagne  dans 
ce  temps,  fut  l'érection  d'une  nouvelle  dignité  éleor 
tonde  pour  la  maison  de  Hanovre  ou  4e  Brunswick- 
Luoebourg.  Cette  maison  avait  rendu  d'importants 
services  à  1  empereur  dans  ses  guerres  contre  los 
Turcs  et  contre  la  France  ;  Léôpold  voulant  donc 
l'en  récompenser,  n'était  pas  éloigné  de  lui  donner 
la  dignité  électorale,  et  la  plupart  des  autres  électeurs 
même  catholiques,  quoiqu'il  dut  ejUrer  par  là  unt 
voix  protestante  de  plus  dans  le  collège  électoral, 
se  rapprochèrent  peu  à.  peu  de  cet  avis ,  qui  parai*» 
sait  d'ailleurs  d'autant  plus  juste  que  par  le  chan* 
gement  de  religion  survenu  dans  la  maison  palatine 
les  protestants  y  avaient  perdu  une  voix.  Mais  les 
princes,, surtout  celui  de  Brunswick- Worfenbuttel 
s'opposèrent  avec  vigueur  à  l'élévation  d'un  de  leurs 
membres,  parce  qu'elle  leur  enlevait  une  voix  im- 
portante; aussi  lorsque  l'empereur  voulut  donner 
l'investiture  au  nouveau  prince  électeur,  Ernest* 
Auguste  de  Hanovre,  il  y  eut  une  telle  oppositioa 
dans  le  conseil  des  princes  qu  il  parut  prudent  de  ne 


Digitized  byVJ OOQ IC 


lamer  prendre  pour  le  moment  bu  Hanovre  aucune 
pièce  du»  le  conseil  Rectoral.  Le  nouvel  <éleetorat 
itatt  assez  considérable ,  cor  George-Guillaume  de 
Lûnebburg  avait  cédé  à  son  frère  cadet ,  Eriteî*- 
Auguste,  son  duché,  si  bien  qu'alors  Luoebôurgr 
HalenbergetGrubenhagen,  avec  les  comtés  deHoya 
et  de  Diepholz,  lui  faisaient  un  ensemble  qui  com- 
posait une  des  plus  grandes  seigneuries  d'Allemagne. 
Le  nouvel  électeur  fut  aussi  nommé  grand-  gonfa- 
hmàe*  à*  l'empire  ;  mais  il  fut  oblige  de  promettre 
m  voix  dans  toutes  les  élections  à  la  maison  d*A«- 
trkfae*  «t  de  plu  la  liberté  du  culte  Catholique  dams 
mm  <ét»t*.  Qaawà  il  mowrut,  en  1698,  <5euX  des  éieé- 
tmn  qui  n  avaient  pas  encore  donné  lein-tsobsetotè- 
à  aon  Section  Raccordèrent  à  son  fils  George- 
i)  mii»  le  collège  dts  princes  protesta  de  non*- 
^  4*  t»  ne  fi*  <p&  phistarrd,  en  1705,  que  l'on 
fn|  ofctenir  aa  reconnaissance. 

OiM  l'a*  1896,  une  maison  priticiére  d'AVéntet- 
ygfajt  «opsi  élevée  «ur  im  trône;  le  prince  **eeteer 
Fi^rk-Aaguste  4e  Saxe ,  après  la  mort  du  brave 
fUbitéd  ,  <yt  élu  *ot  de  Pologne  et  reçut  le  nom 
é'Âagtote  L  Seulement  .il  lui  fallut  changer  9à 
broymmxi  et  entrer  -dans  i "Église  catholique,  *ati* 
qu'A  y  eût  d'ailleurs  aucun  changement  dans  ia 
9*xe  relativement  îrses  mstitutkws  religieuses. 

C'était  tu*  temps  d  effervescence  parmi  tes  prin* 
<te»>  et  ces  «exemples  en  entraînèrent  plusieurs  à  de 
■MVitteu  tentatives;  un  prince  d'Orange  était  deveim 
m  d'Angleterre ,  IVflectmir  deSaxe  ,toï  detafogne , 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


*i*Ml  mtaij»  a*UM*imm*  SOS 

Félecteur  de  Brandebourg ,  qui  avait  un  duché  en 
Prusse,  voulut  aussi  bai  preiMlra  le  titre  de  roi. 
Son  domaine  était  petit  ;  mais  Frédéric  aimait  par-* 
dttôos  tout  l'éclat  al  une  grande  représentation.  Il 
se  fit  publiquement  proclamer  toi  k  Kœnigsberg , 
tel?  janvier  1701  >  prit  le  jour  suivant  la  oourotmfe 
en  toute  liberté  7~la  donna  à  sa  femme,  et  «e  fit  ap- 
peler roi  sons  le  nom  de  Frédéric  Ier-    . 

Le  moment  était  fevoratye  pour  une  élévation 
«surpée,  cer  en  tout  autre  temps  de  nombreuses  oppo- 
sitions se  seraient  élevées;  mais  la  guerre  de  la  suoi 
cession  d'Espagne  venait  de  se  déclarer y  et  léa  pmV 
matées  engagées  s'empressaient  de  se  faire  des  slHés* 
L'empereur  Léopo^  reconnut  le  nouveau  roi  de 
Prusse  et  reçut  en  retour,  d'abord  de*  secours  d*as 
la  guerre  et  de  plus  la  promesse  de  pèrjtétoer  kl 
dignité  impériale  dans  k  maison  d'Àutritibè:  Bien- 
tôt  kfoède,  l'Angle  terre,  la  HeUaade  f la  Pologne  ^ 
le  Denfimarck  et  1a  Rassie  en  firent  autant*  Mais  ld 
France  et  l'Eepegae  f  panée  que  leurs  adreriakee 
1  Maicat  reeonau  pour  roi  f  ainsi  ^ué  le  pape,  tardé» 
rent  à  donner  leur  reconnaissance  jusqu'à  la  pat& 
drifcf***. 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


304  nrnfaa  *poqwi,  «48—  1W8. 

Gum  de  te  mccmmob  »***«*.  HOIr-1714.      * 

.  C'est  comme  une  malédiction  que  dans  notre  h»- 
toire,  depuis  la  guerre  de  trente  ans,  il  faille*  voir 
toujours  nôtre  pays  entrer  dans  toutes  W  dissen- 
sions des  autres  peuples  de  l'Europe,  y  fussions-nous 
d'ailleurs  étrangers,  et  qu'il  ait  été  le  plus  souvent 
le  théâtre  où  les  autres  peuples  vinrent  exercer  leurs 
foreurs  de  guerre.  C'est  pour  cela  que  les  plaines  de 
la  Saxe,  de  la  Souabe,  de  la  Bavière f  sont  marquées 
d'un  si  grand  nombre  de  batailles;  e'est  pour  cela 
que  les  bords  de  l'Elbe, de  la  Saale ,  de  FEkter, 
comme  du  Danube ,  du  Lech ,  de  l'Inn  et  du  Nédcer, 
ont  eu  tant  à  souffrir  des  oppressions  et  des  dévas- 
tations de  la  guerre.     ' 

Il  fallut  encore  que  l'ébranlement  donné  à  k 
moitié  sud  de  l'Europe ,  au  commencement  du  dix- 
huitième  siècle,  se  communiquât  à  notre  pays,  et 
que  la  querelle  se  vidât  dans  les  champs  de  l'Alle- 
magne ;  ce  fut  la  mort  de  Charles  II  qui  en  donna 
l'occasion. 

Deux  maisons  royales  se  partageaient  alors  la  plus 
grande  partie  de  l'Europe  :  la  maison  d'Autriche  et 
celle  de  Bourbon.  La  première  se  subdivisait  en  deux 
branches ,  celle  d'Autriche  proprement  dite  et  Ja 
branche  d'Espagne,  et  le  moment  était  venu  où  les 
deux  branches  allaient  de  nouveau  se  confondre  sur 
un  seul  trône.  Cependant  Louis  XIV  avait  épousé  lu 
fille  aînée  du  défunt  roi  d'Espagne  \  mais  la  jeune 


Digitized  byVJ OOQ IC 


GUERRE  D8   LA  SUCCESSION    D  ESPAGNE.  305 

princesse  en  contractant  celte  alliance, avait  publique- 
ment renoncé  à  ses  droits  sur  l'Espagne.  La  deuxième 
fille  était  mariée  h  l'empereur  Léopold ,  et  celle-ci 
nfavait  fait  aucune  renonciation  ;  par  conséquent  ses 
enfants  e'taient  les  héritiers  les  plus  proches;  car 
leur  sœur,  qui  avait  épousé  l'électeur  de  Bavière, 
Maximilien  Emmanuel,  avait  dû,  avant  le  mariage, 
renoncer  à  la  succession  d'Espagne,  quel  que  fût  le 
cas  qui  se  présentât.  Mais  la  France  et  la  Bavière 
soutenaient  que  les  renonciations  étaient  sans  valeur  j 
parce  que  si  les  princesses  pouvaient  renoncer  pour 
elles-mêmes,  elles  ne  le  pouvaient  pas  faire  pour 
leurs  descendants. Toutes  ces  puissances  s'efforçaient 
donc  d'engager  le  roi  à  faire  son  testament  chacune 
en  sa  faveur  ;  mais  Charles,  voulant  conserver  à  l'Es* 
pagne  son  indépendance ,  nomma  pour  son  héritier 
le  prince  électeur  de  Bavière,  Joseph-Ferdinand. 
Malheureusement  ce  jeune  homme  mourut  avant  le 
roi,  en  1699.  Les  contestations  s'élevèrent  donc  de 
nouveau  entre  les  deux  maisons  d'Autriche  et  de 
Bourbon. 

Léopold  l'eût  facilement  emporté  s'il  avait  eu  à 
Madrid  un  envoyé  plus  adroit  ou  s'il  avait  eu  lui-même 
plus  de  fermeté  ;  caria  reine  et  l'homme  le  plusinfluent 
de  la  cour,  le  cardinal  Portocarero ,  archevêque  de 
Tolède ,  penchaient  pour  l'Autriche.  Mais  l'envoyé  de 
Léopold,  le  comte  de  Harrach,  homme  plein  d'or- 
gueil et  dé  causticité  et  peu  courtisan,  ne  pouvait 
tenir  devant  l'habileté  de  l'ambassadeur  de  France, 
le  marquis  de  Harcourt.  Celui-ci  parvint  à  gagner 
t.  n.  20 


Digitizedby  VjOOQlC  # 


306  gEPTifeME  époque,  4648-^4888. 

les  grands  d'Espagne  les  uns  après  les  autres ,  et  même 
le  cardinal  ;  puis  par  le  cardinal,  le  roi.  Il  fit  un  testa- 
ment secret;  de  sorte  qu'à  sa  mort,  le  1er novembre 
à700,  on  trouva  qu'il  avait  nommé  le  petit-fils  de 
Louis  XIV  >  le  duc  Philippe  d'Anjou,  comme  héritier 
de  la  couronne  d'Espagne. 

L'empereur  fut  irrité  de  ce  coup  inattendu  au- 
delà  de  toute  expression ,  d'autant  plus  qu'il  avait 
*  une  grosse  faute  à  se  reprocher  ;  car  longtemps  avaut 
il  avait  été  pressé  avec  instance  par  la  cour  d*Ea- 
pagne  d'y  envoyer  son  fils  l'archiduc  Charles  avec 
une  petite  armée  ;  et  comme  la  guerre  avec  la  France 
durait  encore,  il  avait  différé  par  irrésolution. 

Louis  XIV  savait  bien  que  malgré  le  testament 
de  Charles  II ,  son  petit-fils  ne  prendrait  point  pos- 
session de  l'Espagne  sans  qu'il  y  eût  des  guerres  ;  car 
l'Autriche  était  trop  durement  blessée  et  les  autres 
Aâts  d'Europe  voyaient  avec  trop  de  peinfc  la  pré- 
pondérance delà  maison  de  Bourbon.  Guillaume  III, 
roi  d'Angleterre  et  stathouder  dés  Pays-Bas ,  qtïi 
s'arrogeait  le  droit  d'être  le  conservateur  de  l'équi- 
libre européen ,  et  à  cause  de  cela  était  depuis  iong- 
temps  l'ennemi  de  Louis  XIV,  prince  d'ailleurs  plein 
de  prudence  et  d'activité ,  fit  alliance  avec  l'Autriche 
au  nom  de  se»  deux  états  5  et  cette  alliance  étrit  d'au- 
tant plus  terrible  que  l'Angleterre  et  la  Hollande 
étaient  les  deux  plus  riches  états  et  les  deux  plus 
puissants  sur  mer.  C'est  pourquoi  Lduis  hésita  quel- 
que temps  à  recevoir  le  festamenl  du  roi  d'Espagtte. 
il  rassembla  sorç  cotiseiWétat,  etcfe  he  fut  qu'après 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


GUERRE    DE    Là    SUCCESSION    d'eSPÀG.XE.  SÛ7 

avofrrèçu  son  approbation  qu'il  prit  enfin  son  parti; 
Il  fit  proclamer  son  petit-fils  roi  d'Espagne  et  dé* 
deux  Indes ,  au  milieu  d'une  brillante  assemblée  de 
sa  cour.  Quand  il  sortit  de  son  cabinet,  amenant  àoti 
petit-fils  parla  main,  il  dit,  suivant  l'expressîbii 
d'un  écrivain  français ,  avec  l'autorité  d\m  roi  dé 
l'univers  :  «  Messieurs  ^  voilà  lé  fël  d'Eàpagttfe;  L* 
nature  Ta  créé  pour  l'étte;  le  défunt  rôl  l'a  hdrrthiéj 
le  pteuplé  lfe  désire  et  moi  j'y  consens.  I 

Ce  fut  en  Europe  le  signal  d'une  nouvelle  et  san- 
glante lutte* 

Malheureusement  l'Allemagne  était  divisée;  la 
Prusse,  le  Hanovre,  le  Palatinat  et  bien  d'autres 
Se  déclarèrent  dès  le  principe  pour  l'empereur; 
tandis  que  l'électeur  de  Bavière ,  Maximilien  Em- 
manuel ,  en  méiîie  temps  gouverneur  des  Pays-Bas 
espagnols  ^  était  ponr  la  France;  Louis,  en  considéra- 
tion de  fies  prétentions  à  la  succession  d'Espagne* lui 
avait  promis  en  secret  les  Pays-Bas  j  s'il  voulait  se 
déclarer  bien  positivement  pouf  lui.  Son  frète  j  l'é- 
lecteur de  Cologne,  suivit  son  exemple  et  reçut  les 
troupes  françaises  dans  son  paya ,  *  pour  le  bien  et 
la  conservation  de  la  tranquillité  de  l'empire  d'Alle- 
magne, »  comme  il  le  publiait  dans  Sei  proclamations. 

Commencement  de  la  guerre.  1701.  Le  prince 
Eugène. — L'empereur  Léopoldse  hâta  d'envoyer  en 
Italie  une  armée  pour  prendre  possession  des  lieux 
appartenant  à  l'Espagne,  le  Milanais  et  leroyatfme 
de  Naples,  et  il  en  donna  le  commandement  cm 
prince  français  Eugène  de  Savoie ,  un  dea  premiers 

20. 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


308  septième  époque.  1648—1858. 

généraux  et  des  premiers  hommes  d'état  de  son  temps 
et  même  de  toute  l'histoire.  Il  tenait  à  la  maison 
de  Savoie  par  une  ligne  collatérale  et  fut  d'abord 
destiné  à  l'était  ecclésiastique.  Mais  son  génie  qui  le 
portait  à  l'étude  de  l'histoire  et  de  ses  grandes  leçons, 
le  lança  dans  les  affaires,  dans  un  genre  de  vie  où 
l'homme  peut  éprouver  ses  forces  et ,  s'il  est  avide  de 
gloire,  apercevoir  les  lauriers  qui  l'attendent.  À  peine 
âgé  de  vingt  ans,  il  offrit  ses  services  à  Louis  XIV; 
mais  ce  monarque,  qui  n'en  fit  pas  grand  cas  à  cause 
de  sa  petite  taille,  le  renvoya,  en  lui  conseillant  de 
rester  dans  l'état  ecclésiastique.   Eugène  alors  se 
tourna  vers  l'Autriche  ou  la  guerre  des  Turcs  lui 
offrait  une  voie  toute  frayée;  et  il  s'y  distingua  si 
bien  que  l'empereur,  après  la  délivrance  de  Vienne, 
1683,  où  il  avait  vaillamment  combattu ,  lui  donna 
un  régiment  de  cavalerie  à  commander*  Le  duc 
Charles  de  Lorraine  reconnut  dès  lors  en  lui  un 
héros  et  annonça  à  l'avance  ce  qu'il  serait  un  jour 
pour  la  maison  d'Autriche.  Léopold  le  nomma  feld- 
maréchal,  en  1693.  Le  roi  de  France  alors  aurait  bien 
voulu  l'attirer  à  son  service.  Il  lui  fit  proposer  le 
gouvernement  de  la  Champagne   et  le  bâton  de 
maréchal  de   France.   Eugène   répondit  aux  en- 
voyés :  «  Dites  h  votre  roi  que  je  suis  feld-maréchal 
de  l'empire  et  que  j'estime  autant  cette  dignité  que  le 
bâtonde  maréchal  de  France.  » — Eugène  était  grand 
comme  général;  puisque  son  esprit  embrassait  à  la 
fois  les  plus  grandes  affaires  avec  tous  leurs  détails, 
s'occupait  d'un  plan  de  bataille  et  des  plus  minu- 


Digitized  byVJ OOQ IC 


GUERRE   DE   Là  SUCCESSION    d'eSPÀGHE.  809 

tieux  besoins  de  son  armée ,  et  que  son  œil  d'aigle 
savait  avec  la  plus  grande  promptitude  saisir  le  mo- 
ment favorable  ou  les  fautes  de  son  adversaire.  Mais 
il  n'était  pas  moins  grand  comme  citoyen,  puisqu'il 
préférait  de  beaucoup  les  arts  de  la  paix  à  une  bril- 
lante réputation  que  la  guerre  seule  peut  donner,  et 
qu'il  était  si  modeste  qu'il  se  faisait  l'égal  de  tout  le 
monde  ;  volontiers  même  il  se  mettait  au-dessous  s'il 
le  fallait. — Eugène  était  petit,  et  si  vous  l'eussiez  ren- 
contre' enveloppé  dans  son  manteau,  se  promenant 
dans  les  rues  du  camp ,  vous  auriez  eu  bien  de  la 
peine  à  reconnaître  en  lui  le  héros  qu'admirait  le 
monde;  à  moins  que  son  œil  de  feu  n'eût  brillé  à 
travers  l'obscurité. 

Au  mois  de  mars  1701,  Eugène  passa  en  Italie 
avec  une  année  impériale  et  dix  mille  hommes  auxi- 
liaires ,  tant  Prussiens  que  Hanovriens.  Les  troupes  se 
réunirent  à  Rovérédo  pour  gravir  les  montagnes. 
Mais  de  l'autre  côté  tous  les  passages  étaient  occupés 
par  les  Français ,  et  il  semblait  impossible  de  des- 
cendre. Cependant  le  général  sut  entraîner  ses  sol- 
dats enthousiasmés  pour  lui ,  leur  fit  parcourir  la  dis- 
tance de  six  milles  (environ  dix  lieues)  à  travers 
les  rochers  et  les  précipices;  et  avant  que  l'ennemi 
l'eût  pressenti  il  avait  fait  passer  son  armée  par- 
dessus des  montagnes  effroyables  et  se  trouvait  le 
long  de  l'Adige,  dans  la  plaine  de  Vérone.  Par  deux 
victoires,  à  Carpi  et  à  Chiari,  Eugène  chassa  les 
Français  d'une  partie  de  la  haute  Italie ,  et  il  y  prit 
ses  quartiers  d'hiver. 


Digitized  byVJ OOQ IC 


ÎM0  swifanB  époque,  1 648— 1858. 

L'Aiglelerp ,  U|  HoUapde  et  l'qnpka  d'All«magDe  prennent  p*rU  la  guerre. 
1702.  »  Hajlborough. 

I)è$  l'automne  de  17Q1  fut  signée  VaUiance  e^tre 
l'Angleterre,  les  états-généraux  et  l'empereur.  Le$ 
puissqpççs  mariâmes  stipulèrent  que  leurs  conquêtes 
fjaas  }ps,  Inde?!  espagup^es  deviendraient  leur  pro- 
Pf i^té  ^  ef;  prpiuir^nt  à  Fpmpereur,  par  compeqsar 
|iqflj  $ç  Vaider  à  conquérir  les  Pays-B^  espagnols  ^ 
JYfilan ,  Ngples  et  |a  Sicile.  Le  peuple  anglais  n'aurait 
pps  pris  wio  part  si  active  à  la  guerre ,  si  Louis  rç'a- 
ya\\  eji  lqfplle  impudence  de  le  molester.  L'Angle-? 
terre  venait  de  chasser  du  trône  la  maison  des  StuarlSj 
%  causp  de  spp  zèle  pour  la  religion  catholique,  et 
l'oyait  donué  à  Guillaume  d'Orange.  Louis  reçut  le$ 
§^arts  exilés,  lps  protégea  etj  en  1701,  h  la  mort 
dç  Jacqweç  II  (qui  mourut  à  Saint-Germain),  il 
VfGQnnpt  serç  Gis  Jacques  III  comme  roi  de  la 
Çif  anjie-fy  elagne  ;  le  bruit  se  répandit  même  que  le; 
prjncç  çleyqif  effectuer  un  débarquement  ep  Angle- 
terre ^  \§  tête  4\>ne  armée  française.  Une  pareille 
prçtçnlipq  de  la  part  d'un  ennemi ,  de  vouloir  dis- 
po&ër  çU  $9$  trône,  irrita  tellement  l'Angleterre  quq 
\c  parleipent  accorda  qu  roi  Guillaume  quarante 
paille  hoipmes  $u  lieu  de  dix  mille  qu'il  avait  de- 

Guillaume  mit  à  la  tête  de  son  armée  lç  comte  qui 
^evirçtplus  lard  Je  duc  cleMarlbprough.  Une  s'était 
point  trompé  dans  son  choix  ;  Marlboi  pugh  qui  s'était 


Digitized  byVJ OOQ IC 


instruit  à  l'école  deTureoue ,  pe  le  cédait  à  aucun 
général  de  3on  temps,  La  nature  l'avait  ftit  pour  cem- 
mander  ;  grand,  beau,  vigoureux.  Il  avait  une  ©on* 
tenance  si  imposante  et  un  esprit  si  supérieur,  que 
les  plus  superbes  s'humiliaient  malgré  eux  devant 
lui.  Quant  aux  qualités  personnelles  il  était  bien 
au*dçssous  d'Eugène  ;  il  n'avait  pas  sa  bonne  foi,  son 
4wç  noble  qui  prisait  plus  les  grandes  pensées  et  les 
grands  projets  que  son  propre  intérêt}  auaû  q-t-il 
été  qcçu*é  d'avoir  trçp  cherché  k  k\r*  du  lucre. 

Marlborougb  paç#i  dap&le$P^ys-ïtos>  en  470â, 
pour  prépare  le  commandement  de  Farinée  holkn* 
daise  et  anglaise ,  dont  le  but  immédiat  était  de  forcée 
les  Français  dév ^cuer  le  duché  de  Cologne*  Ga fut 
dansée  lu&ueiuois  que  mourut  le  roi  Guillaume?  mm 
çôsmft  te  reine  4nne  qui  \\jâ  ?UW&la  suivit  fidèUhr 
meut  \e$  mèf/o^  pbw*,  b*  gw^  ^  poutii^ua  sara  auem 

L'empire  gerniABÛque  crut  ffll'il  W  pe**v*it  difift 
Feç  à  pff^ïidrapai?t  &  cette  gutfrçe  de  vengeanee  Quatre 
açtq  fl&neiwi  ^cbwmé,  quand  nn  étranger  était  se  pw^ 
rçuucé.  S^  4éol*ratioi%  de  guerre  suivit  doue,  k'$ 
Qctabre  1702  ,  ç|  à  la  ftn  de  cette  déclaration  <** 
lisait  :  «  La  France  n'a  rien  négligé  de  ttitts  les 
flao^eh^  propres  ^  hpmilfejr  et  accabler  entièrement 
}a  nation  aileiupnçle,  afin  d'obtenir  d'étant  plus  faci* 
lenpeût  la  souveraineté  universelle  qu  eUe  poursuit 
d^pui^  lon^-temps  avec  tant  de  zèle*  *  La  conduit* 
$e  rçteçl^uç  de  Bavière  exigeait  d'ailleurs  une  dé* 
terminfttiqn  de  la  p$rt  des  autres  inetnbres  de  l'em- 


Digitized  byVJ OOQ IC 


S12  SEPTIÈME   ÉPOQUE.    1648—1858. 

pire  ;  car,  comme  il  tenait  fortement  pour  laFrance, 
il  avait  réuni  une  force  militaire  imposante,  et  le 
3  septembre  il  était  tombé  tout  d'un  coup  sur  Ulm  , 
ville  libre  de  l'empire,  et  en  avait  pris  possession. 
Cet  acte  dut  mécontenter  les  autres  états. 

Les  ducs  dé  Brunswick  eux-mêmes ,  toujours  en 
mauvaises  dispositions  pour  l'électeur  de  Hanovre , 
étaient  allés  jusqu'à  faire  des  levées  d'hommes  pour 
la  France  ;  et  n'ayant  pas  voulu  profiter  des  avertis- 
sements de  toute  espèce  qui  leur  furent  donnés ,  ils 
furent  désarmés  par  force,  en  1702,  par  l'électeur  de 
Hanovre,  et  contraints  de  se  soumettre  à  la  volonté 
de  Pempire  et  de  l'empereur. 

Du  reste,  il  n'y  eut  cette  année  aucune  entreprise 
remarquable,  soit  sur  le  Rhin  par  le  général  de  l'em- 
pire, Louis  de  Bade ,  soit  en  Italie  par  Eugène  :  il 
était  trop  faible  pour  entreprendre  quoi  que  ce  fût, 
et  des  deux  côtés  on  ne  chercha  qu'à  s'éprouver  les 
uns  les  autres  par  des  escarmouches. 

Les  Bavarois  dans  le  Tyrol.  1703.  —  L'année  sui- 
vante fut  riche  en  faitsmilitaires  ;  Marlborough  l'em- 
ploya à  conquérir  les  places  fortes  des  frontières  des 
Pays-Bas  et  prit  Bonn,  Tongern,  Huy,  Limbourg  et 
Gueldres. 

La  fortune  ne  fut  pas  aussi  favorable  dans  le  sud 
de  l'Allemagne  ;  là ,  les  Français ,  commandés  par 
Vilkrs,  avaient  réussi  à  passer  le  Rhin  et  à  faire  leur 
jonction  avec  le  ducde  Bavière.  ÀIots  ceprinceforma 
le  plan  d'entrer  en  Tyrol  et  de  faire  la  conquête  de 
ce  pays  si  bien  situé  pour  lui.  Il  s'y  porta  donc  avec 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


GUERRE  DE  LÀ   SUCCBSSIÔJf  b'eSPAGXIE.  M3 

seize  mille  de  ses  meilleures  troupes  ;  tandis  que  Wil- 
lars  gardait  son  propre  royaume.  A  la  faveur  d'un 
incendie   qui  eut   lieu  dans  Kufstein,  l'électeur 
s'empara  de  cette  importante  forteresse  et  de  plu- 
sieurs autres  places,  entre  autres  Inspruck ,  profitant 
du  premier  moment  d'épouvante.  Ensuite  les  Bava- 
rois voulurent  escalader  le  Brenner  pour  s'ouvrir  un 
chemin  en  Italie;  mais  là  les  attendaient  les  braves 
Tyroliens  de  tout  temps  si  dévoués,  corps  et  biens, 
pour  leui>  patrie;   ils  étaient  alors  renforcés  d'un 
bon  nombre  de  soldats  autrichiens ,  commandés  par 
le  vaillant  Martin  Sterzing.  Postés  sur  les  rochers 
escarpés  qui  èordent  les  deux  côtés  du  passage ,  ils 
lançaient  des  arbres  et  des  rochers  sur  les  ennemis 
qui  défilaient  en  bas.  Les  Bavarois  ne  purent  donc 
continuer,  il  fallut  reculer'.  C'est  alors  qu'un  arque- 
busier tyrolien  se  mit  en  embuscade  dans  une  fon- 
drière et  attendit  l'électeur  ;  mais  il  tua  à  sa  place  le 
comte  d'Arco,  trompé  par  son  riche  habillement. 
Dans  sa  retraite  l'armée  bavaroise  eut  beaucoup  à 
souffrir,  et  ce  ne  fut  qu'avec  la  moitié  de  ceux  qui 
s'y  étaient  engagés  que  l'électeur  put  après  deux 
mois  rentrer  dans  ses  états. 

En  compensation,  il  prit  pendant  l'hiver  de  cette 
même  année  les  riches  villes  d'Augsbourg  et  de 
Passau ,  la  principale  forteresse  d'Autriche ,  et  les 
Français  de  leur  côté  avaient  pris  sur  le  Khin  les 
importantes  places  de  Brissac  et  de  Landau. 

Bataille  de  Hochstet.  1704.  —  Pour  réparer  de 
pareilles  pertes ,  les  puissances  coalisées  voulurent 


Digitized  byVJ OOQ IC 


114  wvitiu  *k«ul  lUa^lMi. 

remporter  des  sueeès  plus  grandi  encore ,  Tanné* 
mirante,  avec  toutes  leurs  forées  réunies,  et  déci- 
dèrent que  les  trois  généraux  Marlberough ,  Eugène 
et  Louis  de  Bade  feraient  ensemble  la  guerre  dans  le 
md  de  l'Allemagne.  Le  général  Stahrçnberg  devait 
rester  en  Italie  pour  la  continuer  sur  le  pied  de  dér 
fentlve.  Les  trop  généraux  se  réunirent  à  Hèilhronu, 
sur  le  Nécker  }  Marlhoreugb  et  le  margrave  de  Bade 
se  replièrent  vers  le  Danube,  tandis  que  Eugène 
poussait  vers  le  Rhin.  Les  Bavarois  avaient  postç 
une  partie  de  leur  armée  dans  les  montagnes  de 
Sehellen,  près  deDonawerth,  dans  une  position awn~ 
tageuje  dVi  ils  gênaient  beaucoup  le  passage  sur  le 
Danube  j  mais  ils  y  furent  attaqués  et  malgré  une 
vigoureuse  résistance  mis  en  fuite  :  leur  camp  tomba 
an  pouvoir  de  l'ennemi. 

Après  ce  combat,  les  puissances  alliées  firent  faire 
des  propositions  de  paix  à.  l'électeur,  lui  offrant 
de  grands  avantage»,  s'il  voulait  abandonner  l'*l-r 
liance  des  Français.  Il  chanoelait  déjà  et  était  sur  le 
point  designer  le  traité  de  réconciliation  quand  un 
courrier  lui  annonça  que  le  maréchal  de  Tallard 
était  en  route  avec  une  nouvelle  armée  pour  venir 
à  son  secours.  Le  maréchal  arriva ,  maiq  à  sa  suite 
le  prince  Eugène  qui  se  réunit  à  Marlborough.  Ces 
deux  grands  généraux  se  débarrassèrent  du  vieux  et 
intraitable  priuce  de  Bade,  en  l'occupant  au  siège 
dlngolstadt ,  pour  qu'il  ne  dérangeât  point  leurs 
projets  ppur  )q  bataille  y  e|  le  général  anglais  Rac- 
corda iactfefnçnt  avec  le  modeste  Eugèue  qui  n'bé- 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


gueaes.de  X.A  sucqpjwji  nm\Qfz.  %\k 

sita  pa§  à  sacrifier  sa  propre  gloire  au  suceèa  de 
l'entreprise. 

Le  12  apûtj  le?  deqx  généraux ,  françaU  et  bf  v$bi 
rois^  se  trouvèrent  en  face  du  vilipge  de  ïfaçbitet, 
et  le  13  eut  lieu  la  bataille.  Les  eqnemis  avstîfpt 
l'avantage  du  nombre  et  de  la  position,  car  il^ét^çfc 
très  biep  coq  verts  par  un  marais.  ^arlboratyghj  ^  la 
tête  de  l'aile  droite  composée  d'Aaglais  et  de  ÇJes-s; 
sois?  fut  opposé  aux  Français,  çt  Eugène  ayep  Failft 
gaucjie  aux  Bavarois.  La  bataille  fut  des  plusaçhfir-. 
nées ,  çl  plusieurs  fois  les  assaillants,  furent  repoussé^ 
par  le  terrible  feu  de  l'artillerie.   Enfin  lç  duc  pyo^ 
fita  d'un  moment  de  désordre  pour  se  jeter   $uy 
les  Français  e\  les  mettre  en  fuite.  Alors  l'électeur 
fut  obligé  de  se  retirer  s^ussi  lui  avec  ses  troupe 
Vingt-huit  bataillons  et  douze  escadrons  français,  eg-; 
sayèrent  cependant  de  se  défendre  dan?  le  village  <fa 
Blenheim  ;  mais  ils  furent  enfermés  et  forcésde  s$ 
ren4re  prisonniers.  C'était  une  grande  victoire  ^  vingt 
mille  hommes, Français  et  Bavarois,  étaient  restéspui* 
]ç  cl^mp  de  bataille ,  quinze  piille  prisonniers  parmi 
lesquels  le  maréchal  lui-même  avec  ses  fils  et  huit  çenÇ 
dix-huit  de  ses  officiers.  Le  butin  du  vainqueur  était 
aussi  immense  :  la  cassette  de  guerre  toute  pleine  , 
cent  dix-sept  canon ,  vingt-qualre  obus  et  trois  cents 
drapeaux,  cinq  mille  voitures,  trpis  mille  six  cents 
tentes  et  deux  ponts  de  bûteaux.  Depuis  ce  temps 
le  nopa  de  Marlborough  fut  célébré  dans  toptçs  les 
charbons  d'Allemagne ,   et   l'empereur  le  npminu 
prince  de  l'e;npire. 


Digitized  byVJ OOQ IC 


846  septième  époque.  4648—1838. 

L'électeur  de  Bavière  se  vit  forcé  de  passer  le 
Rhin  avec  les  Français  ;  ses  états  furent  occupes  par 
les  troupes  impériales  et  sa  femme  n'eut  pour  son 
entretien  que  la  ville  de  Munich  et  son  revenu. 
Telle  fut  pour  ce  prince  la  triste  fin  de  la  campagne 
de  1704. 

L'année  suivante,  1705 ,  l'empereur  Léopold 
mourut  d'une  h ydrôpisie  de  poitrine ,  peu  regretté 
par  ses  sujets,  parce  qu'il  n'avait  point  cette  affabilité 
par  laquelle  les  princes  gagnent  si  facilement  les 
cœurs  de  ceux  qui  les  entourent.  Mais  ce  qui  le  ren- 
dait surtout  insupportable ,  c'était  sa  religion  étroite, 
à  tel  point  qu'elle  le  plaçait  tout-à-fait  sous  la  dé- 
pendance de  la  volonté  des  ecclésiastiques,  et 
qu'elle  dégénérait  en  intolérance  envers  ceux  qui  ne 
pensaient  pas  comme  lui.  Du  reste  il  était  très  cons- 
ciencieux et  très  compatissant  pour  les  pauvres  ;  il 
poussa  même  jusqu'à  la  faiblesse  cette  dernière  qua- 
lité et  tomba  souvent  dans  de  grossiers  abus.  Léo- 
pold n'aurait  pas  dû  naître  dans  des  temps  aussi 
difficiles  et  surtout  antagoniste  d'un  Louis  XIV.  Il 
eut  pour  successeur  son  fils  Joseph. 


Joseph  Ie'.  1705-1711. 

On  douta  un  moment  si  Joseph  poursuivrait  avec 
autant  de  zèle  cette  guerre  en  faveur  de  son  frère 
(  il  était  passé  eh  Espagne  dès  l'an  1704  et  avait 


Digitized  byVJ OOQ IC 


GUERRE   DE   Là   SUCCESSION    d'eSPÀGNK.  317 

été  reconnu  pour  roi  en  Aragon ,  Catalogne  et  dans 
le  royaume  de  Valence).  Cependant  le  nouvel  em- 
pereur  ne  tarda  pas  à  déclarer  sa  résolution  de  con- 
tinuer la  guerre  avec  zèle  et  il  tint  parole. 

Du  reste,  pendant  cette  année  1705,  il  n'y  eut 
rien  de  bien  important  dans  toute  la  campagne. 
Eugène  fut  envoyé  en  Italie  pour  réorganiser  Far- 
mée  qui  était  dans  le  plus  grand  désordre ,  et  il  ne 
put  rien  faire  de  plus  celte  année.  Marlborough  était 
aussi  retourné  dans  les  Pays-Bas,  et  il  fut  lui- 
même  occupé  tout  le  temps  à  rassembler  des  troupes 
fraîches.  Cependant  l'oppression  qu'imposaient  en 
Bavière  les  employés  autrichiens  et  l'occupation  du 
pays  y  excitèrent  une  terrible  révolte.  On  voulait 
forcer  la  jeunesse,  à  prendre  service  pour  Y  Autriche 
et  une  pareille  violence  souleva  ce  peuple  fort  et 
indépendant.  Il  courut  aux  armes,  délivra  cette 
jeunesse  enrôlée,  Surprit  les  troupes  autrichiennes 
isolées  ,  et  bientôt  plus  de  vingt  mille  hommes  en- 
thousiasmés par  les  premiers  succès  se  trouvèrent 
sous  les  ordres  d'un  jeune  étudiant  Mainl.  Alors  ils 
purent  entreprendre  le  siège  de  Braunau  et  de 
Schasrding  et  forcer  tous  les  petits  châteaux  à  se 
rendre.  Les  Autrichiens  furent  donc  obligés  de  traiter 
avec  eux  et  de  signer  une  suspension  d'armes,  non 
comme  avec  des  révoltés ,  mais  comme  avec  un  en* 
nemi  qui  défend  son  indépendance.  Du  reste  ils  pro- 
fitèrent de  cette  trêve  pour  faire  venir  des  cercles 
voisins  une  petite  armée  impériale ,  avec  l'aide  de 
laquelle  ils  parvinrent  à  mettre  en  fuite  cette  foule 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


518  sfepTiàHE  époque.  1618— 18S8. 

de  paysans ,  reprirent  leurs  villes  les  unes  après  les 
autres ,  et  rétablirent  Tordre.  Suivirent  de  nom- 
breuses actions  dé  sévérité  qui  excitèrent  encore 
davantage  l'animosiié  des  deux  peuples  voisins. 
L'électeur  lui-même ,  qui  était  considéré  comme  un 
ennemi  de  l'empire  et  comme  le  moteur  de  cette  ré1- 
tolte,  fut  déclaré  proscrit  en  toute  forme  et  son  éwt 
hn  fief  dévolu  à  l'empire.  L'empereur  rendit  à  l'é— 
lecteur  palatih ,  sur  ses  instantes  demandes ,  le  haui 
ratatinât  que  sa  maison  avait  perdu  dans  la  guerre 
fle  trente  ans,  fet  qui  était  passé  à  la  Bavière*  et 
feu  outre  Son  ancienne  place  au  conseil  de$  élec- 
teurs 

Les  princes  qui  avaient  toujours  réfusé  leur  con- 
Sèntétiient  à  l'érection  de  Mectorat  de  Hahovt-e,  y 
fcfccëdèrént  alors  enfin;  il  fut  généralement  reconnu 
*l  Pélécteiïr  palatin  résigna  fcà  fonction  de  grand 
tWfebrier  au  nouvel  électeur. 

Batailles  près  de  Ramillies  et  de  Turin.  1706. 
fc^La  France  avait  résolu,  pour  la  campagne  sui- 
vante >  de  tourner  ses  forces  principales  (contre  les 
ftijs^Bàs;  afin  de  trouver,  s'il  était  possible,  dans  la 
*4 die  Hollande  les  moyens  de  continuer  la  guefré. 
fe  armée  qu'elle  mit  en  campagne  fut  dohfc  la  plus 
ferfle  tftt'ellé  eût  encore  mise  sur  pied  dans  cette 
gtte*¥e;  mais  son  général,  le  maréchal  dé  Villeroî , 
n^ftait  pas  un  homme  à  opposer  à  Paudacieux  Maïi- 
feorough.  Poussé  par  une  aveugle  confiance $  il  quitta 
*fcs  positions  près  de  Louyain  pour  aller  attaquer 
VmneMli  d*ôs  la  plaine  de  Ramillies ,  le  Î2  maï> 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


GUEfcBB  M  Là   SUCCESSION  &'fiS**MB.  S10 

C'était  ce  que  désirait  Marlborough.  Il  s'était  mis  à 
couvert  derrière  un  marais  et  des  fossés  pleins  d'eau  ç 
de  sorte  que,  quand  Fennemi  voulait  approcher  ea 
nombre ,  il  ne  pouvait  conserver  son  ordre  de  ba- 
taille, resserré  qu'il  était  par  des  fosses;  tandis  que 
Marlborough,  protégé  par  la  nature  du  terraih,  pou- 
vait porter  toutes  ses  forces  sur  un  seul  peint  et 
Fenfoncer»  Avant  la  bataille  Un  officier  français  avait 
dit  :  «  Si  l'armée  qui  est  devant  nous  est  asset  vail- 
lante pour  nous  résister  >  nous  n'avons  plus  à  pa* 
raître  devant  l'ennemi.  *  Cependant  ils  fureét  bat- 
tus; car  aucune  valeur  ne  peut  réparer  lés  fautes 
d'un  général.  Ils  perdirent  vingt  mille  hommes» 
quatre-vingts  drapeaux ,  les  timbaUes  et  les  éten- 
dards de  la  garde  royale,  et  l'armée  fut  plus  de 
deux  mois  avant  de  pouvoir  se  reformer*  Le  vain- 
queur parcourut  le  Brabant  et  la  Flandre,   prit 
toutes  les  villes  du  pays  et  leur  fit  prêter  serment 
à  Charles  III ,  comme  à  leur  maître  légitime  5  à 
Bruxelles    on   tint  un  conseil-d'état  au  nom  du 
nouveau  roi. 

Le  prince  Eugène  i  en  Italie,  ne  voulut  pas  non 
plus  laisser  passer  cette  année  sans  action  d'éclat. 
Il  osa  une  expédition  des  plus  audacieuses  que  l'o* 
trouve  dans  les  annales  de  la  guerre.  A  la  tête  de 
vingt-quatre  mille  Allemands  au  plus,  il  se  mit  en 
marche ,  gravissant  les  montagnes ,  traversant  le? 
fleuves,  au  milieu  d'un  cercle  de  villes  occupées  par 
l'ennemi,  pour  arriver  au  secours  du  duc  de  Savoie, 
qui  se  trouvait  très  vivement  pressé  et  dont  la  capi- 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


310  septième  époque.  1648—1858. 

taie  était  assiégée. L'expédition  réussit  au  grand  éton- 
nement  de  tout  le  monde  ;  Eugène  se  joignit  au  duc 
et  se  hâta  avec  lui  de  venir  délivrer  Turin.  Quoique 
son  année  fût  bien  plus  faible  et  composée  de  diffé- 
rentes espèces  de  troupes ,  il  osa ,  le  7  septembre  à 
.  quatre  heures  du  matin,  attaquer  les  lignes  françaises* 
Ils  furent  reçus  par  une  effroyable  décharge  d'artil- 
lerie, qui  pourtant  n'empêcha  pas  ses  troupes  de 
marcher  en  avant.  Le  prince  de  Dessau,  connu  plus 
tard  sous  le  nom  du  vieux  Dessau ,  conduisit  ses 
Prussiens  sur  l'ai  le  gauche,  droit  aux  retranchements  ; 
alors  il  fut  imité  par  les  Wurtembergeois  et  les  Pa- 
latins qui  attaquèrent  le  centre ,  et  ceux  de  Gotha 
à  l'aile  droite,  en  même  temps  que  le  comte  de 
Daun  faisait  une  sortie  avec  les  troupes  de  la  cita- 
delle. Le  combat  fut  acharné  ;  deux  attaques  des 
Allemands  furent  repoussées.  Enfin  après  deux  heures 
de  tentatives  les  Prussiens  les  premiers  arrivèrent 
sur  le  rempart  et  furent  bientôt  suivis  de  tous  les 
autres;  la  confusion  fut  d'autant  plus  grande  parmi 
les  ennemis  qu'ils  furent  pris  à  dos  par  la  garni- 
son sortie  de  Turin  et  que  leurs  deux  généraux ,  le 
duc  d'Orléans  et  le  comte  Marsin,  furent  emporta 
blessés  du  champ  de  bataille.  Marsin  fut  pris  et  mou- 
rut le  jour  suivant  h  Turin.  Cinq  mille  morts  et  un 
plus  grand  nombre  de  blessés  couvrirent  le  champ 
de  bataille.  Le  reste  s'enfuit  vers  la  France  par  des- 
sus les  montagnes ,  dans  un  tel  désordre  que  de  cette 
armée  de  quatre-vingt  mille  hommes  il  ne  resta  pas 
de  corps  qui  eût  avec  lui  seize  mille  hommes  ;  les 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


GtftftRB  DE  LA  SUCCUSIOW  dWAGM*  891 

grandes  provisions  rassemblées  pour  le  Àiége,  cent 
treize  pièces  d'artillerie ,  quatre-vingts  barils  de 
poudre  et  une  quantité  de  boulets ,  tout  tomba  entre 
les  mains  du  vainqueur.  Les  suites  de  la  bataille 
offrirent  encore  plus  d'avantages  que  toute  cette  cap- 
ture. Les  Français  perdirent  bientôt  leurs  places  en 
Italie  les  unes  après  les  autres ,  et  furent  réduits  à 
conclure  une  capitulation  générale  d'après  laquelle 
ils  évacuaient  l'Italie  et  promettaient  de  n'y  envoyer 
aucune  armée  de  toute  la  guerre.  La  conduite  d'Eu- 
gène fut  si  glorieuse  dan?  cette  campagne  que  son 
nom  en  brilla  d'un  nouvel  éclat  par  toute  l'Europe. 
L'empereur  lui  fit  présent  d'une  épée  précieuse  et 
le  nomma  gouverneur  général  du  Milanais. 

Dans  l'année  1707,  la  France  perdit  encore  une 
troisième  portion  de  la  succession  d'Espagne,  le 
royaume  de  Naples,  qui  tomba  au  pouvoir  de  l'em- 
pereur. Les  deux  grandes  batailles  de  l'année  pré- 
cédente lui  avaient  déjà  conquis  la  Lombardie  et 
les  Pays-Bas.  Naples,  où  il  n'y  avait  que  quelques 
troupes,  fut  bientôt  prise,  et  la  France  perdit  ainsi 
son  dernier  pied-à-terre  en  Italie  ;  et,  dans  les  Pays- 
Bas,  il  ne  restait  plus  à  Marlbçrough  une  seule  place 
à  prendre.  La  seule  compensation  qu'eut  Louis  XIV, 
fut  dans  le  haut  Rhin,  où  il  profita  de  l'engourdisse- 
ment de  l'armée  impériale.  Le  vieux  feld-maréchal, 
Louis  de  Bade,  qui  mourut  en  1707,  fut  remplacé 
par  le  margrave  deBaireuth,  qui  n'était  guère  plus 
actif  et  qui,  par  son  irrésolution ,  laissa  les  Français 
passer  le  Rhin  auprès  de  Strasbourg  et  exercer  tes 

T.  II.  21 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


S&3  SEPTIEME  ÉPOQUE.   1648--48W. 

plu»  cruelles  dévastations  dans  k  Franeonie  et  la 
Souabe*  On  à  calculé  que  dans  l'espace  de  deux 
mois ,  ils  avaient  par  leurs  incendies  causé  des  ptertes 
pour  plus  dé  9  millions  de  florins.  Le  margrave  de 
Raireuth  ne  tarda  pas  ensuite  à  donner  sa  démis- 
sion du  commandement  eu  chef,  à  la  grande  satis- 
faction de  tous  9  et  il  fut  remplacé  par  un  homme 
yfes  actif,  1  électeur  Georges- Louis  de  Hanovre; 
mais  le  mauvais  état  de  l'armée  impériale  l'empêcha 
encore  de  rien  entreprendre  de  remarquable;  il  lui 
fallut  se  contenter  de  forcer  les  Français  à  repasser 
le  llhin  par  le  manque  de  ressources  pour  leur  en- 
tretien T  et  de  les  empêcher  de  passer  sur  la  rive 
droite  Tannée  suivante.  _ 

Une  expédition  que  le  prince  Eugène,  dans  la 
même  année  1707,  à  la  demande  des  puissances  ma* 
r&imes,  eut  à  conduire  d'Italie  sur  le  sud  de  la 
France  pour  prendre  Toulon ,  ne  réussit  pas  mieux 
que  les  tentatives  qu'avait  faites  Charles-Quint  quel* 
quesanoées  avant  ;  et  dans  le  même  temps  aussi ,  le 
roi  Louis  eut  la  joie  de  voir  son  petit -fils,  Phi- 
lippe V,  de  nouveau  maître  de  presque  toute  l'Espa- 
gtofe.  L'archiduc  Charles  avait  eu  l'année  précédente 
un  heureux  âaoment  en  Espagne  :  son  armée, compo- 
sée principalement  de  Portugais  auxiliaires ,  avait 
réussi  à  prendre  la  capitale >  Madrid,  et  l'y  avait  pro- 
clamé roi  de  toute  l'Espagne  ;  mais  sa  propre  indo- 
lence,  la  division  de  ses  généraux,  la  haine  des  Cas- 
tillans contre  lui  et  les  Aragonais ,  de  même  que 
oontre  te$  Anglais  et  les  Portugais  et  bien  d'autre* 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


GUBUKI   DE   Là   SUCCJ&SSIÛj*   dWà^Ê,  ggg 

raisons  lui  firent  perdre  peu  à  peu  ses  conquêtes  ;  d* 
sorte  que  dans  Tannée  1707  il  ne  lui  restait  plus  que 
la  Catalogne» 

Cependant  Louis  XIV  avait  déjà  fait  de  si  grandes 
pertes  dans  cette  guerre,  et  son  pays  était  si  épuisé 
qu'il  était  visible  qu'il  désirait  la  paix  et  qu'il  faisait 
taire  son  vieil  orgueil  pour  essayer  de  l'acheter  méma 
au  prix  de  grands  sacrifices;  mais  ses  adversaires  son- 
gèrent cette  fois  à  le  punir  de  ses  anciennes  fiertés. 
C'étaient  surtout  Eugène  et  Marlborourgh  qui  en  dé- 
tournaient l'Angleterre  et  l'Autriche  ;  ils  ne  son-, 
geaientqu  a  préparer  de  plus  grandes  humiliations  au 
roi  Louis  XIV  qu'ils  baissaient  du  fond  du  cœur,  et 
Us  y  réussirent. 

Bataille  d'Oudenarde  et  de  Malplaquet.  £70$- 
1709*  —  Ces  deux  généraux  se  réunirent  encore  une 
fois  dans  les  P^ys-Bas  pour  livrer  bataille,  après 
qu'Eugène  eût  tout  réglé  en  Italie;  et  ainsi  réunis 
ils  firent  essuyer,  près  d'Oudenarde,  une  grande  dé- 
faite aux  ducs  de  Bourgogne  et  de  Vendôme,  11  juin 
1708.  Liai  division  des  deux  chefs  fut  la  cause  de  leur 
malheur.  Après  cette  victoire  Eugène  attaqua  audar- 
cieusement  la  citadelle  de  Lille,  qui  passait  pour 
imprenable,  et  s'en  empara. 

Les  malheurs  de  cette  campagne  furent  d'autant 
plus  durs  pour  la  France  qu  elle  fut  suivie  d'un  hf  ~ 
ver  extraordinairement  froid,  de  1708  à  1709,  et  de 
bien  d'autres  maux  causés  par  la  rigueur  de  cet  hit- 
ver,  dont  on  ne  trouve  pas  d'autres  exemples  dans 
l'histoire.  Le  froid  fut  si  grand  que  les  hêtes  m*~ 

21. 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


82+  SEPTIÈME  ÉPOQUE.   1648—1858. 

vages  gelaient  au  milieu  des  foréls  et  les  oiseau* 
dans  l'air }  les  arbres  fruitiers,  les  ceps  de  vigne,  tout 
fut  gelé}  et  le  peuple,  déjà  accablé  par  la  guerre, 
fut  jeté  dans  un  profond  désespoir  par  ce  fléau  de 
la  nature  :  les  cris  des  malheureux  déchiraient  les 
coeurs,  et  Von  ne  voyait  aucune  ressource  pour  la 
prochaine  campagne.  Alors  le  roi \  découragé  fut 
obligé  de  se  résigner  à  faire  de  nouvelles  propositions 
de  paix  :  il  déclara  donc  qu'il  renonçait  à  l'Espagne, 
àPInde;  au  Milanais  et  aux  Pays-Bas,  si  seulement 
on  voulait  laisser  à  Philippe  V  Naples  et  la  Sicile. 
Mais  les  deux  généraux  qui  parurent  dans  ces  con- 
férences de  paix  à  La  Haye,  répondirentjbrt  briève- 
ment que  la  maison  d'Autriche  ne  devait  pas  perdre 
un  seul  village  de  toute  la  succession  d'Espagne  ;  et 
quand  cette  dure  exigence  fut  accordée,  on  demanda 
encore  des  concessions  d'une  partie  du  territoire 
français  :  «  que  l'Alsace  fût  rendue  et  qu'une  ligne 
de  places  fortes  sur  les  Pays-Bas  et  la  Savoie  fût 
abandonnée  pour  la  sécurité  de  ces  pays  contre  les 
artifices  de  la  France.  »  Les  envoyés  français  accor- 
dèrent tout  successivement  ;  ils  ne  refusèrent  qu'une 
seule  des  prétentions  de  l'ennemi ,  et  qui ,  dans  le 
fait ,  était  déshonorante  :  c'était  que  Louis ,  au  cas 
où  son  petit-fils  ne  voudrait  pas  évacuer  de  bon  gré 
l'Espagne ,  aidât  lui-même  à  Yen  chasser  par  la  force 
des  armes.  Il  ne  voulut  jamais  se  couvrir  d'une  telle 
honte  et  la  guerre  recommença. 

Déjà  une  partie  de  l'été  s'était  passée  dans  les 
conférence.  Eugène  et  Marlborough  se  hâtèrent  de 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


GUERRE   DE    LA   SUCCESSION    D  ESPAGNE.  "    SUS 

profiter  du  resté  du  temps  ;  ils  prirent  Tournay  et 
marchèrent  sur  Mons.  Le  maréchal  de  Villars  vou- 
lait couvrir  cette  ville,  et  avait  pris  une  bonne  posi- 
tion en  avant  de  Mons,  à  Malplaquet.  Mais  les  deux 
généraux  victorieux  l'y  attaquèrent  sans  balancer , 
le  11  septembre,  et  le  classèrent  après  un  sanglant 
combat,  le  plus  sanglant  de  toute  la  guerre.  Eugène 
lui-même,  au  commencement  de  l'action,  fut  effleuré 
à  la  tête  d'un  coup  de  feu,  mais  il  se  contenta  d'at- 
tacher son  mouchoir  autour  de  sa  tête,  et  conduisit 
son  aile  en  avant.  Après  cette  bataille ,  Mons  fut 
emporté. 

Une  nouvelle  campagne  était  perdue,  et  Louis  XIV 
fut  obligé  de  demander  de  nouveau  la  paix.  Il  accor- 
dait tout  ce -qu'on  demandait;  seulement,  afin  de 
ne  pas  être  obligé  d'envoyer  une  armée  qui  aidât  à 
chasser  d'Espagne  Philippe,  son  petit- fils,  il 
promettait  de  l'argent  aux  puissances  alliées  pour 
qu'elles  pussent  arriver  à  ce  but.  Mais  alors  Louis  put 
apprendre  par  lui-même  ce  qu'il  avait  ai  bien  fait 
sentir  aux  autres ,  combien  il  est  dur,  quand  on  est 
dans  le  malheur ,  d'être  traité  avec  insolence  par 
son  vainqueur.  Il  put  voir  encore,  combien  sa  dupli- 
cité dans  les  traités  antérieurs  avait  aliéné  la  con- 
fiance des  autres  peuples  de  l'Europe:  on  lui  répon- 
dit que  tant  que  Philippe  V  sera  en  Espagne ,  on 
ne  pourra  croire  aux  promesses  de  son  cabinet  ;  et 
que  s'il  voulait  penser  sérieusement  à  un  traité 
de  paix,  il  fallait  commencer  par  satisfaire  à  toutes 
les  exigences    des  puissances  alliées,  et  remplir 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


•É6  wrnfeME  émqui.  1&I8~*185&, 

toutes  les  conditions  dans  l'intervalle  de  deux  mois. 
Âpres  une  réponse  si  dure,  la  guerre  recommença 
et  Eugène  et  Marlborough  prirent  encore  plusieurs 
placés  sur  la  frontière  de  France.  On  reçut  ans»  de 
l'Espagne  la  nouvelle  que  le  comte  de  Stahrenberg, 
général  de  Charles,  avait,  battu  complètement  l'ar- 
mée de  Philippe ,  et  que,  le  28  septembre  17iO, 
Charles  avait  fait  son  entrée  en  grande  pompe  dans 
Madrid. 

Louis  XIV,  déjà  vieux  et  malade,  était  réduit  à 
la  dernière  extrémité  et  semblait  n'avoir  plus  au- 
cune ressource.  Il  lui  fallait  donc  après  tant  de 
guerres ^  tan t  de  sacrifices  d'hommes  et  d'argent,  voir 
tomber  tout  d'un  coup  tout  cet  échafaudage  élevé 
pour  la  grandeur  de  son  nom  et.  de  son  empire,  et 
même  retrancher  sur  le  territoire  qu'il  avait  reçu. 
La  mauvaise  fortune  nef  paraît  à  personne  plus. dure 
qu'à  celui  qui  croyait  avOtt  saisi  le  faîte  cle  la  gran- 
deur. —  Mais  les  adversaires  avaient  eux-mêmes 
perdu  cette  modération  qui  seule  peut  arrêter  juste 
à  temps  ;  leur  bonne  fortuné  les  rendit  insolents,  et 
leur  fit  perdre  une  bonne  partie  des  fruits  de  leurs 
victoires.  Trois  événements  favorables  tirèrent  tout 
d'un  coup  la  France  de  cette  grande  extrémité  et 
lui  procurèrent  une  paix  plus  supportable.  Le  dis- 
crédit du  duc  de  Marlborough,  les  victoires  des  par- 
tisans français  en  Espagne>  et  la  mort  de  l'empereur 
Joseph  (*). 

(*)  On  pourrait  ajouter  les  victoires  des  Français ,  dont  l'auteur  ne  parle 
pas,  entre  autre»  celle  remportée  à  Dcnain  par  ViHars,  en  1712.    N  T. 


Digitized  byVJ OOQ IC 


GUERRE   DE  LA   SUCCtWKttf   d'ïSPAGIIE.  OT7 

En  Angleterre,  où  les  amis  de  Marlborough  avaient 
jusque  là  gouverné  le  pays,'  il  se  forma  secrètement 
pendant  son  absence  un  parti  contraire  qui ,  pour 
donner  une  plus  grande  force  à  son  opposition,  prit 
le  nom  de  torys  ou  partisans  du  roi ,  tandis  que 
Wautre  s'appelait  whigs  ou  partisans  du  peuple. 
Anne  se  montra  peu  reconnaissante  pour  Marlbo- 
rough et  pour  ses  grandes  actions,  et  sa  femme,  qui 
jusque  là  avait  régné  sur  Pesprit  de  la  reine,  fut  dé- 
possédée par  lady  Masham,  qui  eut  l'adresse  de  se 
substituer  à  sa  place.  En  1714,  on  créa  un  nouveau 
parlement  de  torys,  et  de  là  cette  tendance  à  la  paix 
de  la  part  de  l'Angleterre  j  tandis  qu'elle  avait  tant 
d'ardeur  pour  la  guerre  avec  Marlborough.  Il  con- 
serva encore  quelque  temps  le  commandement  en 
chef,  mais  avec  de  grandes  restrictions  ;  encore  lui 
fut-il  bientôt  tout-à-fait  arraehé. 

I*  mort  de  l'empereur  Joseph,  arrivée  en  4711, 
47  avril,  ne  contribua  pas  peu  à  faire  pencher  vers 
la  paix.  H  mourut  de  la  petite- vérole  à  l'âge  de  33  ara  ; 
il  a  été  vanté  par  l'histoire  comme  ua  prinoe  actif 
.  et  prompt?  et  de  beaucoup  supérieur  à  son  père  et 
à  son  frère.  Son  esprit  était  capable  des  plus  grandes 
pensées  ;  et  c'est  son  regard  pénétrant  qui  lui-  fit 
trouver  Eugène,  à  qui  il  donna  toute  sa  confiance. 
Gomme  l'empereur  était  mort  sans  héritiera,  aa  suc- 
cession échut  à  son  frère  Charles.  Ici  te  présentait 
encore  cette  question  sur  l'équilibre  des  puissances 
de  l'Europe ,  cownfc  du  temps  de  Cbariçs-Quint* 
£sl*il  prudent,  que  cet  empereur  Charles,  $'H  est 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


888  septième  époque.  464B— 1838. 

élu  par  le»  Allemands  sous  le  nom  de  Charles  VI, 
règne  sur  la  moitié  de  l'Europe,  comme  Charles  V, 
et  que  la  maison  d'Autriche  soit  si  puissante?  Car 
Charles  VI  eût  possédé  la  même  domination  que 
Charles  V,  s'il  eût  réuni  toute  l'Autriche  à  la  mo- 
narchie espagnole.  Une  telle  puissance  parut  re- 
doutable aux  autres  états ,  surtout  aux  états  mari- 
times, et  ils  crurent  devoir,  en  demandant  l'élection 
de  Charles  comme  empereur,  lui  contester  ensuite 
une  partie  de  la  succession  d'Espagne.  Il  fut  donc 
couronné  à  Francfort,  le  22  décembre  1711. 


Charles  ?I.  1711—1740. 

Charles  n'avait  plus  rien  en  Espagne.  Battu  plu- 
sieurs fois  par  l'habile  Vendôme>  général  français, 
il  avait  été  dépouillé  peu  à  peu  de  tout  le  terrain 
qu'il  occupait  De  sorte  que  Philippe  Y  avait  recon- 
quis tout  son  royaume. 

Paix  d'Utrecht.  1713.  —  Pendant  ce  temps-là, 
l'Angleterre  avait  entamé  des  conférences  particu- 
lières avec  la  France,  et  déjà  les  conditions  cou- 
rantes de  la  paix  étaient  signées  ;  de  sorte  que  les 
alliés,  furent  obligés  de  s'accommoder  de  conditions 
fort  peu  avantageuses ,  tant  la  conduite  de  l'An- 
gleterre à  leur  égard  fut  peu  honorable.  Utrecht  lut 
choisi  pour  le  lieu  des  assemblées. 

Sur  le  point  capital,  la  succession  d'Espagne,  on 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


PàlX  D  UTRECHT  lï   Dt  mASTi»»  W9 

fut  bientôt  d'accord  malgré  les  protestations  de  Vemr 
pereur.  Philippe  V  devait  avoir  l'Espagne  et  les 
Indes,  et  Charles  le  reste  ;  en  mène  temps  Philippe 
devait  renoncer  à  tous  ses  droits  à  la  couronne 
de  France  j  afin  que  jamais  les  deux  couronnes  de 
France  et  d'Espagne  ne  pussent  être  réunies  sur  la 
même  tête» 

La  France  abandonnaàrAngleterrelabaied'Hud- 
son  et  la  Nouvelle-Ecosse,  et  fit  en  outre  démolir 
les  fortifications  de  Dunkerque.  Elle  céda  au  Portugal 
des  possessions  au  sud  de  Y  Amérique  ;  à  la  Prusse, 
la  Gueldre  espagnole  et  les  principautés  de  Neu- 
chàtél  et  de  Vaiengin.  La  France  reconnut  aussi  son 
prince  comme  roi.  La  Savoie  obtint  d'importantes 
forteresses  sur  la  frontière  de  France ,  et  comme  elle 
pouvait  aussi  faire  valoir  deà  droits  à  la  couronne 
d'Espagne ,  elle  reçut  en  compensation  le  royaume 
de  Sicile.  La  Hollande ,  qui  avait  été  la  plus  fidèle 
dans  l'alliance,  et  qui ,  antérieurement,  avait  refusé 
les  propositions  les  plus  avantageuses  de  faire  sa 
paix  particulière  avec  la  France ,  ne  reçut  alors  que 
très  peu  de  chose,  fut  obligée  dé  rendre  les  plus 
fortes  places  conquises,  et  ne  garda  qu'une  ligne  de 
places  faibles  qui  lui  furent  de  peu  d'utilité. 

L'Espagne  abandonna  aussi  à  l'Angleterre  la  placé 
forte  de  Gibraltar  et  l'île  de  Minorqué;  de  sorte 
que  ce  fut  F  Angleterre  qui  tira  le  plus  grand  profitde 
cette  guerre. 

Paix  de  Radstadt  et  de  Bade.  1714.  —  L'empe- 
reur et  l'empire ,  abandonnés  de  leurs  alliés ,  furent 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


obligés  de  traiter  seule  m  de  continuer  sei*fe  la 
guerre.  Les  propositions  que  leur  faisait  la  France 
étaient  des  plus  honteuses.  Louis  demandait ,  sanp 
doote  pour  ae  montrer  généreux  envers  son  alliée 
l'électeur  de  Ba  vière^  son  entière  réintégration  dans 
ces  étate  et  de  plus  la  cession  de*  comté*  de  Bw- 
gau  et  de  Nollenbourg,  et  de  l'île  de  Sardaigne  à 
titre  de  royaume  :  récompense  d'un  royaume  pfour 
otluâ  qui  avait  été  le  fidèle  aWié  d'un  ennemi  de 
T empire.  Souscrira  à  de  pareilles  conditions  e$t 
éké  se  déshonores* ,  et  k  gueiTe  recommença ,  mais 
-arec  quelles  chances  ?  Eugène,  tombé  de  si  haut, 
n'ayant  plus  avec  lui  qu'une  poignée  de  soldats  im- 
périaux ,  fut  plus  d'une  fols  hors  d'état  de  défendre 
les  frontières  du  Rhin  contre  toute  la  puissance  de 
la  France  dont  les  armées  étaient  commandées  par 
Villars.  Les  cercles  limitrophes  furent  de  nouveau 
pillés  ,  et  les  importantes  place*  de  Landau  et  de 
Fribourg  furent  conquises. 

Enfin,  Eugène  et  Villars  se  réunirent,  en  no- 
vembre 1713,  dans  le  château  dé  Radstadt,  et  com- 
mencèrent des  conférences  de  paix.  Ces  deux  grands 
généraux  »  qui  plus  d'une  fois  s'étaient  mesurés  sur 
le  champ  de  bataille  >  voulurent  tous  les  deux  avoir 
l'honneur  d'être  des  pacificateurs.  Après  de  grandes 
«difficultés  vaincues  et  plu$  d'une,  rupture  eaustfe 
par  l'orgueil  de  Louiç,  ils  signèrent  enfin  la  paix, 
le  7  mars  171à.  L'empereur  reçut  les  Pays-Bas  e§- 
pagoolt,  le  Afilanajs,  1a  Sardaigne,  Mantoue  et  les 
:  ports  de  Toscane*  kaFrwce  rendit,  .rowtepjea  coa- 


Digitized  byVJ OOQ IC 


faix  d'utrecht  SX  DE  UJTàm.  VU 

quêtes  quelle  avait  faites  sur  le  Rhin  jusqu'à  Landau* 
JjaBavière  et  Cologne  furent  rayées  du  ban  l'empire, 
et  toutes  leurs  dépendances  et  dignités  leur  furent 
restituées. 

C'étaient  là  les  conditions  principales  de  la  paix} 
mais  il  y  eut  encore  beaucoup  d'autres  points  rel&r 
tifs  à  l'empire  germanique  spécialement  >  qui  fureot 
signés  le  7  septembre  1714,  à  Baden,  dans  l'Argovifi, 
par  les  commissaires  de  la  paix. 

Ainsi ,  un  grand  ouragan  venait  de  paaaer  sur  ace 
têtes.  Cependant  la  grande  guerre  du  nord,  qui  ébran- 
lait l'autre  partie  de  l'Europe,  le  nord  «t  l'eat^ 
durait  encore.  A  la  vérité,  elle  ne  fut  que  très  pw 
âençible  à  l'Allemagne  ;  mais  le  nord  de  l'Europe  fitt 
toujours  inquiet,  jusqu'à  la  mort  du  roi  de  Suède;, 
Charles  XII,  en  décembre-  171&  Alors  elle  eub/ua 
moment  de  calme  pour  se  reposer.  Louis  XIV  était 
mort  auparavant,  en<  1715  (*).,  ■' 

<  Suite  du  règne  de  Charles  VL  —  Nous  avons  r*- 


(*)  U  est  facile  de  remarquer  que  l'auteur  ne  pardonne  pus  à  tyui»  $ty 
d'avoir  humilié  l'empire  d'Allemagne;  tandis  qu'un  Français. lui  sera  toujours 
reconnaissant  du  grand  éclat  qu'il  a-jeté  sur  notre  nation.  Sans  doute  on 
peut  lui  Kprodur  de  l'orgueil  et  de  l'ambitiea,  mais  il  eut  te  gntodes 
vertus,  un  grand  génie  el  une  grande  voloniA  Si  à  Ja;  fia  de  goa jtàgaqil 
eut  des  revers  dans  la  guerre,  s'il  commit  des  fautes  en  politique  par  présomp- 
tion et  par  zèle  pour  la  cause  catholique,  H  eut  l'habileté  de  les  réparer  dais 
fe  traité  oVUtraht  (ll.de  la  Hode,  JKrt.  d«  U*tt  mv).  SI  la  gttettro 
apporta  de  grands  maux  sur  la. France  et  sur  l'Europe,  l'essor  qu'A  deqpa 
au  commerce,  aux  arts,  aux  sciences,  à  la  civilisation,  en  fut  une  belle 
-  compensation  et  fit  que  le  siècle  de  Louis  XIV,  quoi  qu'on  en  dise,  a  été  1a 
t4«t  Wte  époque  44  l'hùtoire  modem*  .        1&T»     *» 


Digitized  byVJ OOQ IC 


SSI  septième  étoQUB,  4648—1856. 

conté  avec  détail  cette  dernière  et  importante  guerre  ; 
parce  que  la  France  y  perdit  sa  supériorité ,  et  que 
l'Autriche  et  l'Allemagne  y  trouvèrent  le  moment 
favorable  de  reprendre  leur  ancienne  place  dans 
l'histoire  du  monde*  Comme  il  était  à  craindre ,  de- 
puis que  Louis  XIV  avait  manifesté  des  vues  de  con- 
quêtes, qu'un  état  livré  à  lui  seul- ne  pût  résister  à 
toute  la  puissance  de  la  France,  le  roi  Guillaume 
d'Angleterre  s'attacha  uniquement  à  mettre  une  bar- 
rière à  cette  ambition  qui  se  faisait  voir ,  en  opposant 
les  alliances  de  plusieurs  contre  un  seul;  afin  que, 
dans  l'avenir,  les  seules  lois  de  la  justice  et  de  l'équité 
pussent  gouverner  les  peuples  cotre  eux,  H  fut  donc 
le  fondateur  de  ce  nouveau  système  politique  de 
l'équilibre  européen,  et  fut  un  grand  homme,  puis- 
que avec  de  petits  moyens  il  a  fait  de  grandes  choses  ; 
car  dans  la  réalité,  il  a  été  le  bouclier  de  l'Europe. 
Il  fondait  surtout  son  espérance  pour  le  maintien 
de  la  paix  et  de  la  sécurité  sur  son  alliance  avec 
l'Autriche;  alliance,  pour  mç  servir  de  l'expression 
de  l'époque,  du  plus  indépendant  protestantisme 
avec  lé  plus  légitime  catholicisme.  Cette  alliance  a 
en  effet  donné  une  nouvelle  forme  à  toutes  les  rela- 
tions des  différents  états  européens  entre  eux.  Mais 
un  des  effets  les  plus  apparents  a  été  de  faire  régner 
parmi  les  peuples  des  principes  de  tolérance ,  de 
oonsidéiation  réciproque  et  d'eslime  mutuelle  ;  et  c'est 
aussi  par  là  que  la  première  moitié  du  dix-huitième 
siècle  se  fait  remarquer,  malgré  bien  des  faiblesses. 
L'Autriche  retrouvait  donc  ainsi  sa  place  vis-à-vis  de 


Digitized  by 


Google 


OURLES   VI. 

l'Europe  :  elle  était  comme  la  puissance  destinée  à 
établir  des,  relations  entre  tous  les  peuples,  et  main- 
tenir entre  eux  Tordre  et  l'union  j  tandis  que  vis* 
à*vis  de  l'Allemagne  elle  était  d'autant  plus  puis- 
sante pour  relever  l'ancienne  dignité  et  l'ancienne 
constitution  de  l'empire  allemand/  La  gloire  et 
les  acquisitions  que  lui  avait  apportées  xœtte  guerre 
qui  vient  de  finir,  semblent  tout-à-fait  une  faveur 
de  la  Providence  pour  confirmer  à  l'Autriche  celte 
destination*  Elle  devint  en  effet  plus  puissante 
qu'elle  n'eût  été  avec  la  couronne  d'Espagne;  car 
un  tel  développement  dans  la  domination,  n'est 
rien  moins  qu'une-augmentation  de  force,  comme 
nous  l'a  appris  le  règne  de  Charles  V*  L'Autriche 
fut  redevable  de  ce  glorieux  élan,  particulièrement 
a\i  grand  génie  d'Eugène  et  à  ce  prince  qu'elle  per* 
dit  trop  tôt ,  à  l'empereur  Joseph  I,  qui  se  livra 
tout  entier  à  cette  profonde  et  grande  pensée. 

Si  l'empereur  Charles  VI  avait  eu  assez  de  génie 
pour  reconnaître  la  place  qu'il  était  appelé  à  (ton-» 
ner  à  l'Autriche  et  à  l'Allemagne  dans  l'histoire 
parmi  les  puissances  européennes,  place  dont  il  au- 
rait pu  prendre  possession  aussitôt ,  il  aurait  pu  jeter 
les  fondements  d'une  paix  glorieuse  et  de  longue  du- 
rée, non  seulement  pour  l'Autriche,  mais  pour  toute 
l'Allemagne  et  pour  l'Europe.  Le  vénérable,  l'ancien 
empire  d'Allemagne,  qu\  avait  traversé  les  siècles, 
aurait  pu  alors  prendre  une  nouvelle  vie  avec  une 
nouvelle  forme;  si  la  pensée  d'une  alliance  euro-* 
péenne,  qui  baserait  son  système  d'équilibre  sur  les 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


septième  étoçoK.  4648— 1838. 
lois  éterneliés  de  la  religion  et  de  la  morale,  et  qui 
s'appuierait  ainsi  sur  une  protection  intérieure  et  in- 
visible,  ayait  été  embrassée  par  toutes  les  puissances  ; 
etsi  Y Autricheetl'Allemagneavaientété  établies  pour 
veillera  sa  conservation.  Ces  deux  puissances,  qui  ne 
peuvent  avoir  aucunes  pensées  ambitieuses ,  n'au- 
raient en  de  force  que  par  une  protection  équitable 
pour  la  conservation  pacifique  de  ce  grand  tout;  et 
alofs  on  aurait  vu  ce  système  d'équilibre ,  comme 
mm  puissance  invisible ,  prendre ,  dans  «es  temps 
modernes ,  la  place  qu'avait  occupée  l'empire  et  la 
souveraineté  des  papes  au  moyen  âge*    • 

ibis  le  génie  de  Charles,  aussi  bien  que  celui  de 
son  siècle,  n'était  pas  capable  d'embrasser  une  aussi 
grande  pensée  et  moins,  encore  de  l'exécuter.  La 
pensée  d'équilibre  pour  les  états  devint  de  plus  en 
jkts  matérielle;  une  estimation  exacte  des  forces 
physiques,  un  uesurage  des  produits  des  empires  et 
mmé supputation  du  nombre  des  sujets  et  des  soldats. 
Ainsi  elle  devint  un  des  plus  grands  maux,  qui ,  «or* 
tobde  la  France  et  particulièrement  de  Louis  XIV* 
sa  répaadèrefit  dans  l'Europe ,  et  fit  que  les  souve* 
;  ne  cherchèrent  plus  la  sécurité  de  leur  inde- 
xe et  de  leur  souveraineté  là  ou  elle  gît  réel* 
tament,  c'est-à-dire  dans  l'amour  de  leurs  peuples, 
ipais  dans  le  grand  nombre  de  leurs  soldais  sous  les 
armes»  Toutes  les  fois  qu'un  peuple  s'arma,  son  voi* 
au»  prit  aussi  les  armes,  et  ce  fut  presque  L'unique 
cmkhi  dea  relations  entre  peuples  ;  tandis  que  les 
l^c^  intellectuelles  et  morales  ne  furent  comptées 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


CHARLW  VI,  SU 

pour  rien*  parce  .qu'on  ne  pouvait  les  juesyxer. 
Une  pareille  erreur  devait  entraîner  avec  aile  une 
lourde  punition.  L'intelligence  délaissée  abondonna 
tout  cet  échafaudage  9  qui  avait  coûté  tant  de  peines 
etq*i  ne  pouvait  subsister  que  par  elle  ;  et  ce  système 
d'équilibre»  après  avoir  jeté  un  moment  d'éclat  sous 
Eugène  et  Guillaume ,  long-temps  chancelant  et  me- 
•açant,  n'échappant  qu'avec  peine  tantôt  aune  ruine, 
tantôt  à  une  antre,  finit  avant  la  fin  du  siècle  dans 
lequel  il  s'était  élevé  ; par  s'écrouler  sur  lui-même. 

Par  suite  de  ce  système  et  de  cette  position  de  la 
maison  d'Autriche ,  l'Allemagne  se  trouva  mêlée  à 
toutes  les  guerres  de  la  maison  d'Autriche  ;  en  outre 
elle  eut  à  souffrir  de  tous  les  mouvements  qui  eurent 
lieu  en  Europe ,  sans  aucun  bénéfice  pour  elle»  jusqu'à 
ce  que  ce  vieil  et  chancelant  édifice  de  l'empire* 
ébranlé  par  de  continuelles  secousse^  fut  enfin  com- 
plètement renversé;  car  dans  la  yie  des  peuple* 
comme  dans  celle  des  individus ,  il  n'y*  a  point  de 
temps  d'arrêt;  il  faut  toujours  marcher  en  avant  si 
l'on  ne  veut  reculer,  et  l'Allemagne  venait  de  refuser 
de  sang-froid  l'occasion  de  s'élever. 

Du  reste,  les  vingt  dernières  années  du  règne  de 
Charles  VI,  sauf  quelques  petites^xceptioos,  furent 
un  temps  de  repos,  L'empereur  se  consacra  surtout 
à  l'administration  intérieure  de  ses  grandes  et  belles 
provinces,  et  ce  fut  pour  elle  un  bienfait  après  unp 
époque  si  orageuse.  — Comme  il  n'avait  point  d'hér 
ritier,  il  avait  fait  un  testament  ou  une  pragmatique- 
sanction  d'après  laquelle  toutes  ses  vastes  paittS* 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


556  septième  époque.  1048—1888. 

sions  devaient  échoir  à  sa  fille ,  Marie-Thérèse  ;  son 
grand  désir  était  de  la  voir  solennellement  reconnue 
de  tous  les  états  importants  de  l'Europe,  afin  d'être 
lui-même  rassuré  contre  la  division  de  sa  grande 
monarchie.  Ce  fut  le  grand  souci  de  sa  vie,  et  s'il 
parvint,  après  nombre  de  tentatives  repoussées,  à 
établir  son  projet,  s'il  fit  confirmer  sa  pragmatique* 
sanction,  ce  ne  fut  rien  d'important;  puisque  cette 
pragmatique  ne  servit  qu'à  faire  connaître  l'abus  qu'on 
ferait  du  nouveau  système  politique ,  et  d'ailleurs  ne 
garantit  point  sa  succession  à  sa  fille  contre  les  atta- 
ques de  ceux  qui  prétendaient  faire  valoir  leurs  droits 
les  armes  à  la  main. 

L'empereur  soutint  une  guerre  de  1733  à  1735 , 
en  faveur  d'Auguste  III  de  Saxe,  qui  avait  été  élu 
roi  de  Pologne,  contre  la  France  qui  voulait  élever 
à  sa  place ,  sur  ce  trône,  Stanislas  Lekzinski,  beau- 
père  de  Louis  XV.  Cette  guerre  ne  fut  pas  heureuse 
pour  l'Autriche  et  l'Allemagne.  Par  le  traité  de  paix 
qui  suivit,  Auguste  III  resta  bien  à  la  vérité  roi  de 
Pologne ,  mais  pour  cela  l'Allemagne  fut  obligée  de* 
sacrifiera  l'avidité  de  son  voisin  une  nouvelle  pro- 
vince :  la  Lorraine  fut  cédée  à  Stanislas,  et  par  lui 
revint  à  la  France  ;  et  François-Etienne ,  alors  duc 
de  Lorraine,  fut  fait  grand-duc  de  Toscane.  L'armée 
autrichienne  n'eut  guère  plus  de  succès  contre  les 
Turcs,  et,  lors  de  la  paix,  en  1739,  il  fallut  rendre 
l'importante  place  de  Belgrade  que  le  prince  Eugène 
avait  conquise  et  qui  servait  de  boulevard  de  ce 
côté-là. 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


BUmiB-THÉIVÈSE   BT   FftfoéRIG    II.  587 

Marie-Thérèse  et  Frédéric  II  de  Prusse. 

L'empereur  Charles  VI  mourut  le  26  octobre 
1740,  et  sa  fille,  Marie-Thérèse,  se  saisit  du  gouver- 
nement dans  tous  ses  états,  en  conséquence  de  la 
pragmatique-sanction.  Mais  aussitôt  après  arriva  à 
Vienne  un  envoyé  de  l'électeur  deBavière ,  apportant 
une  déclaration  de  son  maître  >  par  laquelle  il  disait  : 
«  que  l'électeur  ne  pouvait  reconnaître  la  jeune 
reine  comme  héritière  et  successeur  de  son  père; 
parce  que  la  maison  de  Bavière  avait  des  droits  légiti- 
mes à  l'héritage  de  l'Autriche.  »  11  fondait  ses  préten- 
tions sur  sa  descendance  de  la  fille  aînée  de  Ferdi- 
nand I,  dont  là  postérité  devait  rentrer  dans  ses  droits 
aujourd'hui  qu'il  n'y  avait  plus  d'enfants  mates  dans 
la  maison  d'Autriche.  Ce  droit  évidemment  ne  pou- 
vait être  valable  qu'au  cas  où  l'empereur  n'aurait 
pas  laissé  même  de  filles  ;  mais  puisqu'il  en  avait  une, 
ses  droits  devaient  passer  avant  tous  autres  qui  ne 
viendraient  que  par  les  femmes. 

Cependant  les  jurisconsultes  de  Bavière  préten- 
dirent justifier  les  prétentions  de  leur  maître  par 
plus  d'une  bonne  raison  ;  mais  ce  qui  porta  surtout 
l'électeur  à  cette  démarche,  ce  fut  que  la  France  lui 
promit  en  secret  son  assistance  pour  le  démembre- 
ment de  l'héritage  d'Autriche. 

Avant  que  ce  différend  n'en  vînt  à  être  vidé  les 
armes  à  la  main  7  il  s'éleva  contre  Marie-Thérèse 
un  autre  ennemi  encore  bien  plus  inattendu  ;  c'était 
t.  ii,  22 


Digitized  by  LjOOQIC 


5*8  sE?TifeMi  ÉPOOT*.  4048— 48?fl. 

le  jeune  roi  de  Prusse,  Frédéric  II,  qui,  monté  sur  le 
trône  dans  la  même  année  1740,  de  Jeta  tout  d'un 
coup  avec  son  armée  en  Silésie  et  s'en  empara. 
Qfutett  déclaration,  qu'il  fit  publier  en  même  temps, 
il  finançait  de&  prétentions  sur  plusieurs  principau- 
té de  Silésie,  «avoir  i  sur  celles  de  Jcagerndorf > 
Uef  vafo9  Btieg  et  Wohlaû  j  quant  au  premier  pays ,  ; 
U  faisait  remanier  ces  droite  à  un  fait  antérieur  à  la 
guerre  de  trente  aps,  au  temps  où  le  margrave  d« 
Bra^debouig-Jgçgerndorf  fut  mis  au  ban  de  l'empire 
çt  dépossédé  de  sa  principauté  par  l'empereur  Fer*-, 
diuand  II>  pour  avoir  fait  alliance  avec  tes  Bohé- 
miens révoltés.  Le  roi  4$  Privée  prétendait,  que. 
quand  bi*n  même  la  mise  du  prince  au  bande  Terni- 
pifë  #ût  été  légitime,  encore  #' aurait-il  pu  que  s&* 
quedtrerJa  prinOipâUté,  sans  l'arracher  à  $es  parente, 
qui  u  ayai^ot  pris  aucune  part  au  cri^e,  Pour  Jes 
principautés  de lâegnitz,  Brieget  Wohlau,  Frédéric 
(aidait  r$*£pntër  ses  droits  encore  bien  plus  haut; 
savoir  à  un  testament  du  duc  Frédéric  de  I4eg^ 
nitz  en  faveur  de  Jpaçhim  U  de  Brandebourg,  eft 
l'apnée  1507.  •*—  Mais  quel  travail  s'opérait  dans 
l'âme  de  ce  jeune  roi  ?  quelle  pensée  le  poussait  ? 
qu'est-ce  qui  lui  mit  les  armes  à  la  main  la  pre- 
mière année  de  son  règne  et  lui  fit  saisir  l'occasion 
de  renouveler  d'anciens  droits  qui,  s'il  n'avait; 
paru  lui-même  dans  le  monde,  seraient. restés  éter- 
nellement dans  l'oubli  ?  Il  nous  le  découvre  lui- 
même  en  peu  de  mots.  Après  avoitf  raconté  dans 
Vhiatohe  de  la  maison  de  Brandebourg  l'élévation 


Digitized  byVJ OOQ IC 


MlBIE-THinksjE   ET  PRÉDÊBIÇ  II- 

de  la  Prusse  en  royaume  par  Frédéric  If  il  s'ex- 
prime ainsi  à  ce  sujet  ;  «  C'est  un  véritable  app& 
que  le  roi  Frédéric  a  jeté  h  tous  ses  successei^s; 
car  il  semble  leur  dire  X  Je  vous  ai   acquis  u$ 
titre  ,  c'est  à  vous  de  vous  en  rendre  digne?  j  j^ 
jeté  les  bases  de  votre  grandeur ,  c'estjà  vous  d'acte- 
ver  l'ouvrage.  »  Cea  seuls  mots  sont  pour  nous  ]§ 
clef  qui  nous  ouvre  les  secrets  de  toute  la  conduit^, 
de  Frédéric.  Toutes  les  idées  qu'on  remarqua. dang 
Charlemagne  etenfireotun  conquérant, toutes  çelief 
qui  entraînèrent  Gustave-Adolphe  dans  des  couh 
bats  où  il  trouva  la  mort,  vivaient  dans  lame  de 
Frédéric.  Ainsi  donc  cette  pensée^  qui  poussait  lç 
grand  électeur  de  Prussç  à  faire  de  ses  états  urçfl 
puissance  indépendante  .et  qui  prît  rang  parmi  Je» 
plus  grandes  de  l'Europe,  était  chez  Frédéric  JI  u^ 
passion  qui  le  dévorait.  Il  sç  regardait  comme  i$? 
vihciblement  destiné  à  élever  son  peuple  au  i#gg 
que  la  force  de  son  esprit  lui  faisait  voir  camuse 
possible,,  à  changer,  en  un  mot^  le  titre  de  roi  en  $#9 
puissance  royale.  Frédéric  avait  reçu  de  1?  uatWS 
une  âme  hardie  et  entreprenante,  qui  se  trouvait  gér 
née  dans  une  petite  enceinte  et  qui  ayaû  besoin  d'i^ 
plus  vaste  champ  ;  aussi  sous  le  rapport  :de  L^ctlvit^ 
Frédéric  ne  le  céderait  en  rien  aux  plus  gjwds  g& 
nies  de  l'histoire;  il  n'est  persqnng  qui  plup  q»p  h» 
ait  dominé  sap  siècle ,  personne  qui*  qçjnu^Jiiij  £* 
ait  été  le  type.  Du  reste  c'est  le  caractère  ,4»  è*w4 
homme  d'être  l'expressioç  de  §pii  çpqgpe.,  $m  ïifêj 
fléter,  comme  un  brillant  miroir,  $#$&  biggh  JUp 

22. 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


840  SEPTIEME  ÉPOQUE.   1648—1838. 

imperfections  et  les  petitesses  que  les  vertus.  Il  ne 
faut  donc  pas  s'étonner  si  Frédéric ,  malgré  ce  ca- 
ractère et  cette  grande  âme  dont  il  était  doué ,  ne 
peut,  en  beaucoup  de  circonstances,  soutenir  la 
comparaison  avec  l'autre  grand  homme  que  nous 
ayons  rapproché  de  lui;  si  même  il  paraît  petit, 
dans  certaines  circonstances  où ,  dans  un  temps 
ordinaire,  il  eût  passé  pour  très  sage  ;  il  ne  faut  pas 
non  plus  s'étonner  si  les  maux  qu'a  soufferts  la  patrie 
lui  arrachent  des  plaintes  contré  son  grand  roi. 
Une  intelligence  petite  et  jalouse,  ennemie  de  ce 
qui  vient  de  l'étranger  et  toute  restreinte,  non  plus 
qu'un  esprit  insolent,  enthousiaste  de  l'antiquité , 
foulant  aux  pieds  les  choses  sacrées,  ne  peuvent  ni 
produire  ni  conserver  la  perfection.  Et  cette  consi- 
dération nous  portera  bien  plutôt  à  déplorer  qu'un 
génie  si  extraordinaire  n'ait  pas  été  produit  dans 
un  temps  plus  éclairé.  — Quand  Frédéric-Guillaume  I 
mourut,  le  21  mai  1740,  Frédéric  n'avait  que  vingt- 
huit  ans;  mais  son  esprit  essentiellement  actif,  ex- 
cité encore  par  son  application  aux  sciences  et  par 
ses  relations  avec  les  savants ,  était  formé  aux  tra- 
vaux les  plus  sérieux  de  l'intelligence.  L'étude  de 
rhistoire  avait  porté  sa  vue  bien  au-delà  des  bornes 
du  présent;  elle  lui  avait  inspiré  de  hautes  idées 
de  la  dignité  d'un  roi ,  et  son  début  prouva  qu'il 
ferait  des  efforts  pour  les  réaliser.  On  sut  bientôt 
qu'il  était  résolu  h  gouverner  par  lui-même  ;  son  ac- 
tivité dans  la  conduite  des  affaires  ,  son  attention 
portée  surtout  sur  les  petites  choses  comme  sur  les 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


MARIE-THÉRÈSE    ET    FRÉDÉRIC   II.  541 

grandes ,  ses  veilles ,  son  abstinence  des  plaisirs  ,  la 
se\ère  division  de  ses  heures  de  manière  qu'il  n'y 
en  eût  pas  une  seule  perdue  dans  l'oisiveté  y  tout  en 
lui  était  propre  à  frapper  d'étonnement  ces  hommes 
de  cour  qui  n 'étaient  pas  habitués  à  voir  les  souve- 
rains s'imposer  de  pareils  sacrifices,  celui  même 
de  la  santé,  pour  le  gouvernement  de  leurs  états.  L'im- 
pression extraordinaire  qu'on  en  éprouvait. est  très 
bien  peinte  dans  un  rapport  d'un  ambassadeur  à  sa 
cour.  «  Pour  vous  donner  une  idéeexacte  du  nouveau 
gouvernement,  y  dit-il,  il  suffit  de  dire  que  le  roi 
fait  absolument  tout  et  que  son  premier  ministrq 
n'a  rien  à  faire;  si  ce  n'est  de  lui  expédier  directe-^ 
ment  les  ordres  qui  lui  arrivent,  sans  qu'il  ait  aucun 
compte  à  rendre.  Malheureusement,  il  n'y"  a  per- 
sonne auprès  du  roi  qui  possède  toute  sa  confiance 
et  dont  on  puisse  se  servir  pour  faire  avec  succès 
lés  intrigues  nécessaires;  aussi  un  ambassadeur  est-il 
plus,  embarrassé  ici  qu'à  toute  autre  cour  » .  En  effet , 
l'art  apporté  de  France  en  Europe  et  qui  empoison- 
nait toutes  les  relations  des  souverains  entre  eux, 
l'art  de  découvrir,  avant  qu'ils  aient  été  mûris ,  tous 
les  projets  des  cours  étrangères  par  des  espionnages 
et  des  corruptions,  ne  pouvait  être  mis  en  usage 
auprès  de  Frédéric  II  ;  car  il  pesait  tout  en  silence 
dans  son  âme,  et  le  moment  de  l'exécution  était 
celui  de  la  manifestation  de  son  projet. 

C'est  ainsi  qu'eut  lieu  son  invasion  dans  une  des 
provinces  autrichiennes  à  la  mort  de  l'empereur 
Charles  I.  On  remarqua  bien  des  préparatifs;  mais  il 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


$45  StPTlfeME  ÉPOQUE.   1648 — 1858. 

h'en  avait  pas  beaucoup  à  faire,  parce  que  Tordre 
et  Féconomiedu  roi  Frédéric-Guillaume  avaient  laissé 
à  Son  fils  une  très  belle  armée  de  quatre-vingt  mille 
hommes  et  plus  de  huit  millions  d'écus  au  trésor  ;  du 
reste  tout  marcha  avec  si  peu  de  bruit  et  si  secrète- 
aient  que  personne  ne  put  pénétrer  le  vrai  dessein 
dli  jeu  né  roi.  Habîtuellement ,  avant  <F entreprendre 
ûîi'è  guerre,  on  s'occupe  de  trouver  des  alliés  parmi 
les  autres  puissances  ;  mais  ici  Frédéric  ne  parla  a 
rfllcun  ambassadeur  et  ne  fit  alliance  avec  aucun.'  It 
dàvaH  bien  que  le  secours  le  plus  sûr  sur  lequel  on 
fuisse  compter,  c'est  soi-même.  Aussi  comptait-il  sur 
la  célérité  de  son  armée  comme  sur  cette  activité  qui 
lie  l'abandonna  pas  de, toute  sa  vie.  «  Le  roi  veut-il 
voyager,  raconte  Pambassadeur  étranger  dont  nous 
Svohs parlé,  il  à  coutume  de  n'en  instruire  ceux  qui 
doivent  l'accompagner  que  quelques  heures  avant 
sdn  départ ,  et  il  se  trouve  prêt  avant  qu'aucune  cour, 
aucun'  conrlïsan  même  puisse  le  savoir  ;  les  généraux, 
pririceset  aides-de-camp  qui  l'accompagnent  en  sont 
seuls  informés.  »  C'est  ainsi  que,  par  sa  célérité, i{ 
multiplier  la  force  de  ses  états  et  suppléer  au  défaut 
des  masses. 


Guerre  do  la  succession  d'Autriche.  1740—1748. 

Première  guerre  en  Silésîe.  1740-1742.  —  L'em- 
pereur Charles  Vl  était  mort  le  $0  octobre  1740; 
et  lé  13  décembre  de  la  même  année  Frédéric  îl 


Digitized  byVJ OOQ IC 


GUERRE   M   Lk  6UCCES8Î05   0  AUTRICHE,  3*5 

entrait  en  Silésie.  En  même  tertips  qfle  son  ar m* 
paraissait  dans  ce  pays,  son  ambassadeur  présentait 
à  la  cour  deVîennë  une  demande  d'accommodement 
Frédéric  offrait  à  la  reine  de  Hongrie ,  si  elle  voulait 
faire  un  abandon  à  l'amiable  des  principautés  de  là 
Silésie ,  son  assistance  pour  la  soumission  des  autres 
provinces  et  sa  voix  pour  son  mari,  François-Etienne 
de  Toscane,  au  collège  électoral;  maisses  propositions 
fhrent  re jetées  à  Vienne.  Le  peu  de  troupes  autri^ 
chiennes  qui  se  trouvaient  en  Silésie  furent  bientét 
chassées;  les  places  fortes  seules  firent  quelque  ré- 
sistance et  elles  furent  assiégées.  Le  printemps  qui 
approchait  devait  décider  si  ee  pays,  si  facilement 
conquis ,  serait  au&si  conserva  en  présence  df ùriè  àr- 
tnèe  autrichienne.  Le  fel  d- maréchal  de  Neuperg, 
général  formé  à  l'école  d'Eugène,  conduirait  l'expé- 
dition chargée  de  reconquérir  la  Silésie}  et  kp 
jeunes  soldats  prussiens ,  qui  ne  connaissaient  ^nootffe 
que.  les  exercices  de  la  guerre  sans  avoir  épW>ti\né 
fies  rigueurs ,  fee  trouvaient  en  fafcè  des  guerriers  qtii 
certainement  devaient  être  rangés  parmi  les  meilleurs 
dfe  l'Europe:  Mais  les  premiers  essais  des  armes  pruss- 
iennes les  couvrirent  de  gloire*  Dans  la  nuit  du 
$  maris,  le  prince  héritier  de  Dessau  escalada  et  èih~ 
porta  d'assaut  la  citadelle  de  Glogau  ;  et  le  40  avril 
le  roi  avefc  son  principal  corps  d'armée  tomba,  prôs 
deWolwftz,  sur  les  Àutriëhiens  qui  ne  Pattendaiedt 
pas.  Toutefois  ils  eurent  le  temps  de  se  ranger.  La 
bataille  se  donna  à  deux  heures  de  raprès^midi.  Elle 
fut  long-temps  indécise ,  parce  que  la  cavalerie  a$- 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


844  sixième  époque.  1648—18*8. 

frichienne  combattit  avec  la  plus  grande  valeur  ; 
*Ue  força  l'aile  droite  des  Prussiens  à  se  replier  sur 
le  centre,  poussa  jusqu'aux  batteries,  dont  elle  enleva 
les  canonniers  de  dessus  les  pièces  et  les  tourna  con- 
tre les  Prussiens  eux-mêmes.  Le  roi ,  qui  alors  pour 
la  première  fois  voyait  dans  la  guerre  ce  qu'elle  a  de 
terrible,  perdait  déj^  courage  ;  mais  l'habile  feid- 
marécbal  Schwérin ,  qui  regardait  tout  avec  sang- 
froid  et  comptait  toujours  sur  la  variété  des  chances 
de  la  guerre ,  lui  persuada  de  se  retirer  sur  le  corps 
d'armée  que  commandait  le  duc  de  Holstein  Beck  ; 
afin,  disait-il,  de  pouvoir  avec  lui  soutenir  la 
retraite  en  cas  de  besoin.  Après  avoir  long-temps 
hésité  le  roi  se  décida  enfin  quand  il  vit  le  jour 
tomber;  il  parlit  avec  toute  sa  suite  et  se  dirigea 
vers  la  petite  ville  d'Oppeln.  Il  la  croyait  occupée 
par  les  Prussiens ,  mais  ils  avaient  été  chassés  la 
veille,  et  quand  au  gui  vive  ?  ils  eurent  répondu 
Prussiens ,  ils  furent  salués  d'une  déchargea  travers 
les  barreaux  ;  alors  le  roi  se  hâta  de  gagner  la  petite 
ville  de  Lœwen  :  il  dut  à  l'obscurité  de  n'être  pas 
pris.  11  avait  à  peine  quitté  le  champ  de  bataille  que 
déjà  la  fortune  avait  changé  en  faveur  des  Prussiens. 
Lefeld-maréchal  Schwérin  l'avait  forcée  de  se  décla- 
rer pour  son  roi  par  une  attaque  habile  sur  le  flanc 
de  l'ennemi ,  soutenue  d'un  feu  nourri  comme  les 
Autrichiens  n'étaient  pas  accoutumés,  d'en  essuyer. 
Le  roi  reçut  cette  heureuse  nouvelle  le  matin  à 
Lœwen  et  se  bâta  d'aller  porter  ses  félicitations  à  son 
général  et  à  se$  guerriers. 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


GUERRE  DE   LÀ   SUCCESSION    D*  AU  TRICHE.  345 

Une  victoire  si  sanglante  et  si  chèrement  achetée 
attira  les  yeux  de  tous  les  contemporains  sur  le  jeune 
roi  ;  et  cette  entreprise  fut  alors  approuvée ,  comme 
par  la  décision  du  sort ,  à  cause  du  succès;  car  les 
hommes  n'ont  guère  d'autre  moyen  de  juger  les  évé- 
nements. Frédéric  eut-il  été  malheureux ,  mille  voix 
se  seraient  élevées  pour  le  blâmer  et  le  mépriser 
comme  un  fou  dont  les  entreprises  n'étaient  point  * 
méditées  et  point  mesurées  sur  ses  forces }  car  tel  a 
été  le  jugement  porté  sur  le  prince  de  Bavière,  , 
Charles- Albert ,  qui  se  leva  comme  Frédéric  et  vou- 
lut saisir  une  couronne  royale  ou  même*  impériale. 
Et  dans  le  fait,  la  force  qui  ose  tenter  l'extraordi- 
naire sur  le  grand  théâtre  du  monde  n'est  éprouvée 
que  par  l'exécution.  *  ..     - 

%  Coalition  de  la  France,  la  Prusse,  l'Espagne,  la 
Bavièreet  la  Saxe  contre  F  Autriche. — Le  peu  de  succès 
désarmés  autrichiennes  en  Silésie  encouragea  le  gou- 
vernement français  à  profiter  du  moment  pour  arriver 
au  démembrement  des  états  autrichiens.  Le  cardinal 
de  Fteury  qui  gouvernait  alors  en  France  eUrouvait 
alors  dans  le  maréchal  de  Bellt-Isle  un  diplomate 
adroit,  réussit  à  conclure  dans  cette  fipfine  alliance 
entre  la  France,  la  Prusse,  l'Espagne,  la  Bavière  et 
la  Saxe;  car  l'électeur  de  Saxe,  bien  qu'il  fût'roi  de 
Pologne,  mettait  en  avant  des  droits  sur  l'héritage 
d'Autriche,  qui  vepaient  jl'oin  précédent  mariage  de 
la  maison  de  Saxe  ;  et  l'Espagne  voulait  s'approprier 
ses  duchés  de  Parme  et  de  Plaisance.  Du  reste  le 
plan  de  la  coalition  était  d'élever  le  prince  électeur 


Digitized  byVJ OOQ IC 


846  septième  époque.  4648— 1838. 

de  fiavière,  Charles-Albert,  à  la  dignité  impériale  ; 
et  bîen  que  le  prince  dans  le  principe  n'osât  pas  éle- 
ver ses  prétentions  jusqu'à  une  place  si  importante  ; 
il  finit  par  se  déclarer  prêt  à  en  soutenir  le  poids. 
Le  choix  devait  se  faire  à  Francfort. 

En  conséquence,  deux  armées  françaises  passèrent 
ïe  Rhin  en  1741  :  Tune  marcha  contre  Jes  frontières 
du  Hanovre,  et  enleva  ainsi  à  Marie-Thérèse  le  seul 
allié  qui  lui  restât  ;  carie  roi  d'Angleterre,  Georges  II, 
craignant  pour  son  électoral  du  Hanovre,  fit  un  ac- 
commodement par  lequel  il  s'engageait  a  neprendre 
aucune  part  dans  la  guerre.  L'autre  armée  française 
marcha  droit  sur  l'Autriche  et  se  réunit  au  mois  de 
septembre  à  celle  de  l'électeur  de  Bavière.  Ce  prince 
qui,,  dès  le  mois  de  juin ,  s'était  emparé  par  surprime 
de  l'importante  ville  de  Braunau,  sur  la  frontière,  np  • 
balança  plus  alors  à  se  porter  sur  Linz  et  à  s'y  faire 
prêter  le  serment  de  fidélité,  comme  duc  héritier 
d'Autriche.  La  capitale,  Vienne,  était  dans  l'effroi) 
et  ce  qgt  s'y  trouvait  de  plus  précieux  fut  trans- 
porté à"  Presbour^  en  Hongrie;  car  déjà  l'électeur 
n'élait  qu'à  trois  jours  de  marche.  Mais  tout  d'un 
coupy  lorsqu'on  y  songeait  le  moins,  il  se  détourna 
et  marcha  en  Bohême.  Toule l'Europe  s'en  étonna  j 
car  par  la  perte  de  Vienne  Marie-Thérèse  semblait 
devoir  tout  perdre,  d'autant  plus  qu'elle  n'ayaït 
aucune  armée  à  lui  opposer.  Mais  ce  fut  sa  jalousie 
pour  les  Saxons  qui  fit  changer  l'électeur  de  route 
et  l'arracha  du  cœur  de  l' Au! riche.  Une  armée 
saxonne  était  entrée  en  Bohême  ;  Charles- Albert, 


Digitized  byVJ OOQ IC 


GUEREE,  Dm   LA   SUCCESSION   D  AUTRICHE.  84f 

qui  roulait  posséder  ce  pays  et  craignait  que  lëS 
Saxons  ne  s'en  saisissent,  préféra  abandonner  Vienne 
pour  le  moment ,-  et  aller  faire  là  conquête  de  là 
Bohême.  *Ii  marcha  donc  sur  Prague,  et  fut  $î  bîett 
servi  par  la  fortune,  que  cette  importante  ville  fot 
surprise  et  tomba  en  son  pouvoir  presque  San*  té^ 
tisiance )  le  29  novembre.  Bientôt  aprè$  il  êe  fit 
déclarer  rai  àè  Bùhêtne  et  prêter  Serment  par  le* 
différents  élats  civils  et  militaires.  De  là  il  s'avartçfc 
mr  M a nh eh», pour  s'approcher dulieti  des  élection* 
La  maison  de  Bavière  semblait  alors  jirehdfe  tiûé 
brillante  marche  de  prospérité*  l 


Cktrles  ttt  èn^ereur  d'Allemagne.  4742—1146.  ! 

'  Ohàrlës- Albert  réussît  dans  ses  projets  sur  la  cou- 
ronne impériale  ;  il  fut  élu  à  Francfort,  le  22  jan- 
vier 17&2,  protégé  par  la  France  et  la  Prusse;  mais 
son  règhe  fut  court  et  bien  agité.  Il  commença  sous 
des  auspices  teut-à- fait  mauvais;  car  le  jour  ttiémê 
que  Charles  était  couronné  empereur  à  Francfort  ^ 
le  générai  autrichien ,  Bœrenklau,  prenait  Munich , 
sa  capitale.  v 

Marie-Thérèse  n'était  redevable  de  cet  heureux 
changement  de  fortune,  qu'à  la  seule  énergie  dé  soil 
ftme.  Elle  connaissait  parfaitement  ce  qui  fait  la  force 
d'un  souverain,  et  elle  en  tira  habilement  parti". 
Elle  sut  exciter  l'amour  et  l'enthousiasmé  du  peuplé 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


W8  SEPTibMB  époque.  4648—4858. 

qui  lui  était  resté  fidèle  au  plus  haiit  degré j  et  cet 
enthousiasme  du  peuple  la  sauva.  Elle  convoqua 
une  grande  diète  des  Hongrois  à  Presboùrg,  en  au- 
tomne 17^2.  Là,  cet{e  princesse,  pressée*  accablée 
par  de  puissants  ennemis ,  avec  son  fils  encore  à  la 
mamelle  dans  ses  bras  (ce  fut  depuis  Joseph  II),  se 
présenta  an  milieu  de  celte  assemblée  d'hommes,  et 
s 'adressant  à  tous  les  représentants  du  peuple  hon- 
grois avec  des  yeux  remplis  de  larmes,  qui  donnaient 
à  ses  charmes  et  à  sa  dignité  une  expression  irrésis- 
tible, elle  s'écria  :  «  C'est  à  votre  valeur,  à  votre  hé- 
roïque fidélité,  que  nous  nous  abandonnons  nous  et 
notre  enfant  ;  nous  mettons  toute  notre  confiance 
en  vous  seuls.  »  À  ces  mots,  ces  guerriers  Hongrois 
s'écrient  avec  enthousiasme,  «  Mourons  pour  notre 
reine  Marie-Thérèse;  notre  vie,  notre  sang  sont  à 
elle  !  »  Bientôt  quinze  mille  nobles  sont  à  cheval  et 
sous  les  armes  i  et  rassemblent  des  troupes  de  tous 
côtés,  en  Croatie,  en» Sclavonie,  en  Valachie, aussi 
bien  que  dans  l'Autriche  et  le  Tyrol.  Ce  que  des 
ordres  n'auraient  pu  obtenir  qu'après  de  longs  délais 
fut  exécuté  avec  joie  et  amour  dans  quelques  se- 
maines. En  six  jours  l'Autriche  septentrionale  fut 
délivrée  de  ses  ennemis;  puis  l'armée  victorieuse 
entra  en  Bavière  et  emporta  d'assaut  la  capitale; 
le  nouvel  empereur  fut  obligé  de  faire  sa  résidence 
loin  de  ses  propres  états,  à  Francfort. 

Bataille  de.  Czasiau,  le  17  mai  1742.  —  Sur  un 
autre  point,  la  fortune  n'était  pas  aussi. favorable. 
Le  princedbarles  de  Lorraine  avait  Vécu  du  conseil 


Digitized  byVJ OOQ IC 


GUEltRE    DE   LA   SUCCESSION   d'aUTBICBE.  349 

de  guerre  de  Vienne ,  Tordre  de  livrer  bataille  à 
l'armée  prussienne,  afin  d'arrêter,  par  une  bataille 
heureuse,  les  succès  de  Frédéric  II  qui  se  maintenait 
toujours  en  possession  du  beau  pays  de  Silésie,  et  s'a- 
vançait même  en  Moravie.  Il  le  suivit  en  Bohême,  et 
ils  se  rencontrèrent  tous  Jesdeux  à  Czaslau.  Les  forces 
étaient  à  peu  près  égales,  la  position  de  chacune  des 
deux  armées  avait  $çs  avantages  et  ses  désavantages; 
aussi  des  deux  côtés  leschances  furent  long-temps  va- 
riées ;  si  dans  un  endroit  on  attaquait  avec  violence  et 
fureur,  dans  un  autre  w  se  tenait  sur  la  défensive  et 
Ton  combattait  avec  tiédeur;  la  fortune  pencha 
tantôt  d'un  côté ,  tantôt  d'un  autre,  jusqu'à  ce  que 
le  roi ,  qui  déjà  commençait  à  avoir  ce  coup  d'oeil 
d'un  grand  général,  fît  à  propos  et  en  diligence  occu- 
per une  hauteur  abandonnée  et  de  là  vint  tomber 
sur  le  flanc  des  Autrichiens.  Cette  manœuvre"  jointe 
au  désordre  qu'occasiona  le  pillage  du  camp  prussien 
par  la  cavalerie  autrichienne,  décida  de  la  journée  ; 
Charles  fit  sonner  la  retraite.  Cependant  la  perte 
fut  à  peu  près  égale  des  deux  côtés,  et  une  capture 
de  dix-huit  canons  fut  pour  les  Prussiens  le  seul 
trophée  de  victoire.  Les  suites  de  cette  bataille  furent 
plus  importantes  que  la  bataille  elle-même:  Elle  mit 
à  maturité  un  projet  bien  dur  pour  Marie-Thérèse , 
celui  d'abandonner  au  jeune  vainqueur,  favori  delà 
fortune,  ses  cçnquétes  j  et  il  ne  demandait  rien  de 
plus.  On  tint  donc  en  diligence  des  conférences  de 
paix,  le  11  juin  ,  les  conditions  furent  signées 
àBreslau,  et  le  28  la  paix  définitive  fut  signée  à 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


$$  $|i>tiekb  t*qqu*>  4648—4858. 

I&rJm,  L#  poi  c^tiut  la  haute  et  la  basse  SU&iç  et  I# 
cçmléàe  Çflaaç,  excepte  les  villes  de  l>oppau,  Jœ- 
gftocforf,  $t  les  montagnes  de  Silésie  de  Vautre  coté 
«fel'Qppa,  Mais,  pour  cela,  il  eut  à  payer  i,7QÔ,0Q9 
é#us  aux  Anglais  ^  qui  avaicat  kypotk&fue  mt  hi 


detegatrte  de  iananrto  é'Artifche.  1X4^-4744. 


^  JMfcr&4'uii  tel  ennemi,  ^sAulricèu*«$  pure** 
t^fim§r  toutes  kurs  forcée  contre  tes  Français  ^  tisai 
Bavarois*  #ar  le*  Saxons,  à  l'exemple  des  Prussisnv 
sf étalent  wtir^s  de  Aa  guerre.  L'ar4»e'e  française  était 
tyujçurs  m*  B0fcé«ie,  et  tawU  Prague  en  aa  posses- 
sif le  priboe  ds  Lorauae  mareh*  contre  elle  &t; 
«riffe*  &  yilta  Bbiptôt  la  disette  &t  m  plus  ha* 
4figté*  wfe  eï&  pesait  surtout  ^r  tes  citoyftfesî  pstc 
tfMIWWf çpaneillcss  ^aœo»staneeales  hotau*es4W* 
*$$&  *ayf  rijfc  se  pwcurer  des  vivrez  par  la  forse.  Quand 
tpgt  fut  ooftÇQiiim^  quand  mille  victfcues  eurent  $uot 
tombé)  qu^fitdJa  Ville  t>e  ressemblait  plus  qu'à  un  vaste 
W^t^,^r§femar<lplialdeBelle4sle  sedé;Ula&  m 
&®®$*to4m<$*  Il  prit  ce  qu'il  y  avait  de  plus  vajéd» 
d$$  Ja  l^rpispa ,  eaviroa  quatorze  mille  heœt&tts,, 
^audûnpa  layUJele  £7<&çemhre  4742*  efcpar YUvw 
fe  plu*  nide  9  à  «travers  les  montagnes ,  les  oUemias 
impraticables  çt  les  fondrières  cachées  par  la  neige*, 
ttarunt  91*  route,  sa  dirigeant  sur  rJEger,.uù  il  arriva 
9&k99imjwm(te  mayrcJKsuMais,  pendant  ceaouae 


Digitized  byVJ OOQ IC 


GUERBE   DE   LA   SUCCESSION   d'àUTRICHB.  Z&\ 

jours,  il  avait  perdu  quatre  mille  hommes,  sans 
compter  ceux  qui  restèrent  et  moururent  dansPrague. 
Ainsi  finit  la  domination  française  en  Bohême  ;  et 
Fçinpereur  Charles  VI  n'était  pas  plus  heureux  quç  * 
ses  alliés.  Pendant  que  les  Autrichiens  portaient, 
toutes  leurs  forces  sur  Ici  Bohême,  il  avait  à  la  vé-* 
rite  pris  possession  de  toute  la  Bavière  et  était  entré 
dans  sa  capitale  dans  l'automne;  mais  dès  le  prin- 
temps suivant  il  fut  obligé  de  l'abandonner  comme 
un  fugitif  et  de  revenir  de  nouveau  s'établir  à  Franc- 
fort  ;  tandis  qu\iue  a  dtninistratiop  autrichienne  était 
organisée  en  Bavière.  l 

Pâjjs  cette  année  1743,  TÀpgleterre  prit  apssi  unç 
part  active  contre  la  France  :  elle  détruisît  sa 
marine,  lui  enleva  ses  colonies^  et  en  même  temps1, 
le  roi  George  II  arriva  en  Allemagne  à  la  tête  d'une 
armée  composée  d'Anglais,  de  Hahovriens  etdelïes- 
sois?  battit  les  Français  près  de  Dettingen, le  £7  juin,/ 
et  les  chassa  de  Fautre  côté  du  Rhin.  Plus  tard  la 
cour  de  Vienne  réussit  à  gagner  le  ministre  jle 
Saxe  j  Bruhl ,  qui  était  tout  puissant,  sur  l'esprit  du 
roi,  et  par  lui*on  parvint  à  faire  une  alliance  entre 
la  Saxe  et  Marie-Thérèse.  La  fortune  avait  couronné, 
sa  fermeté  et  ramené  la  victoire  de  son  coté,  et  la 
seule  perte  dont  elle  eut  à  souffrir  était  celle  de  la 
Silésie;  mais  elle  espérait  bien  ou  la  reprendre  ou 
la  compenser  par  une  autre  acquisition* 

Deuxième  guerre  de  Silésie.  ilUk — 1745.  —  Ce- 
pendant le  roi  de  Prusse  ne  vit  pas  sans  inquiétude 
ces  succès  de  l'Autriche  et  surtout  son  alliance  avec, 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


352  septième  époque*  4648—1838. 

le  roi  de  Saxe  ;  combien  en  effet  ne  leur  était-il  pas  fa- 
cile de  tourner  leurs  armes  contre  lui,  s'ils  Tenaient  à 
n'être  pas  trop  occupés  avec  la  France  et  la  Bavière* 
Peut-être  aussi  crut-il  qu'il  était  indigne  de  lui  de 
laisser  succomber  un  empereur  de  son  choix.  Dès 
lors  les  pressantes  sollicitations  de  Charles  VII  fu- 
rent accueillies  j  il  se  prépara  en  toute  hâte  à  de  nou- 
veaux combats,  et,  l'an  17Û&,  il  entra  en  campagne 
avec  cent  mille  hommes  de  troupes  impériales  auxi- 
liaires, comme  il  les  appelait,  pénétra  en  Bohême*  et 
prit  Prague  ;  mais  le  duc  de  Lorraine  vint  à  sa  ren- 
contre avec  une  armée  nombreuse»  le  força  d'aban- 
donner la  Bohême  et  de  se  replier  en  Silésie.  Gefut 
pour  le  roi  une  mauvaise  campagne  ;  car  il  perdit 
beaucoup  d'hommes,  beaucoup  de  provisions,  épuisa 
son  trésor,  apprit  è  ses  dépens  que  les  Français 
étaient  de  mauvais  alliés,  et  perdit  l'empereur  Char- 
les VII,  qui  mourut  tout  d'un  coup ,  le  20  janvier 
i7£5. 

Le  secours  de  Frédéric  ne  put  que  donner  à  l'em- 
pereur la  consolation  de  mourir  dans  son  palais  à 
Munich;  il  venait  de  rentrer  pour  la  troisième 
fois  dans  cette  ville,  et  sitôt  après  sa  mort  elle  re- 
tomba au  pouvoir  de  l'ennemi.  Sa  mort  enlevait  aux 
Français  leur  principal  motif  de  prendre  part  à  cette 
guerre,  et  Frédéric  se  vit  ainsi  sans  alliés.  Cependant 
Marie-Thérèse  disait  publiquement  que  la  Silésie 
allait  revenir  à  la  maison  d'Autriche,  puisque  le  roi 
de  Prusse  avait  rompu  la  paix  de  Berlin.  La  haute 
Silésie  était  inondée  de  troupes  autrichiennes,  plu- 


Digitized  by  VjOOQÏC 


GUEULE   DE   IA    SUCC3§gO$    d'àUI^ICHE.  55ft 

sieprs  places  forfceMttaieht  tombées  entre  leurs  mains, 
~*~*  et  il  fallait  toutô^la  fowifr4'Ame  de  Frédéric  pour  ne 
pas  se  laisse?  abattre*;  mai*  lui,  plein  de  confiance 
^  en  son,  artfftfe  et  en  saiortune,  il  attaqua  le  prince  de 
■Lorraine,  le  4  juiû,' à  Hohenfriedberg.  Cç  prince  ne 
^'attendait  point  à  une  si  prompte  aJJtaqueet  n  était 
point  prêt  ;  à  neuf  heurgs  dfe*ag£in  la  victoire  était 
décidée„po&£  le  roi  de  Prusse.  L&JSilësie  fut  ainsi 
sauvée.,  et  les  Autrichiens  se  Jbâtèrent  de  îentreiwen 
Bohême.-  %     .  *    „  . 

i  L'année  suivante  ils  revinrent:  le  prince  de  Lor- 
raine ,  à  la  tête  d^quaraftte  mille  hommes ,  avaitprdre 
-de  livrer  bataille  ;  et,  en  effet,  il  surprit  Je  roî,  qui" 
n'avait  que  dix-huit  mille  hommes^,  auprès  de  ^or^ 
$mj  il  était  campée  C'était  un  combat  dangereux  pour . 
ujie  si  petite  troupe  ;  il  duïe'binq  heures  et  fut  ce- 
pendant à  son  avantage.  Lq  général  autrichien  fit  de  . 
grossières  fautes ,  tandis  que  déJJr  les  généraux  que  t 
Frédéric  avait  à  son  service  étaient-  desjnaîtres.  L'un 
d'eux ,  qujHÎevirit  plus  tard  si  célèbre^  le  prince  Fer- 
dinand de  Brunswick ,  emporta  une  hauteur  impor- 
tante que,  par  un  singulier  hasard  ,'son  frère  Louis' 
défendait  avec  les  Autrichiens. 

Cette  victoire  n'avait  pourtant  pas  écarté  tous  les 
dangers  ;  on  ayait  formé  le  proje*  ;dfenyoyer ,  en 
toute  célérité,  uiàe  armée  autrichienne  réunie  aux* 
Saxons  droit  à  Berlin,  pour  forcer  le  roi,  par  la  perte 
de  sa  capitale,  à  rçndre  la  Silésie  ;  la  Saxe  espérait 
même  acquérir  ainsi  le  duché  de- Magflebourg.  Mais 
dès  que  Frédéric  s'aperçut  de  ce  jaou  vement,  il  ras- 
t.  ù.  *'      23       : 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


tU  StFîltME  ÉPOQUE.    4648-^18tt* 

sembla  son  année  et  passa  en  Lusaee.  Le  vieux  dwe 
de  Dessau  reçut  ordre  en  même  temps  de  rassembler 
aussi  lui  une  armée  auprès  de  Halle ,  d'entrer 
dan»  l'électorat  et  de  marcher  droit  sur  Dresde.  11 
rencontra  les  Saxons  et  une  partie  de  Tannée  autrn 
èhienne  sur  des  hauteurs,  près  du  village  de  Kessels- 
iorf,  les  attaqua  le  15  décembre,  et  remporta  sur  eux 
la  victoire  malgré  l'avantage  de  leur  position.  Cette 
bataille  valut  au  roi  la  capitale,  Dresde,  où  il  fit 
son  entrée  le  18  décembre,  et  déplus  la  paix  deDresdej 
qui  termina  la  deuxième  guerre  de  Silésie  et  confirma 
les  Prussiens  dans  leurs  possessions. 


François  I*»  élu  empereur.  1745—1765. 

y  Marie-Thérèse,  dès  le. commencement  de  Pan  née 
HUb,  avait  fait  avec  le  fils  de  Pemperfei»  Charles  VII 
une  paix  à  Ftfssen ,  par  laquelle  Maximili en- Joseph 
reprenait  90n  électoral;  mais  eh  compensation  re- 
nonçait pour  lui  et  pour  sa  postérité  à  la  euocessibiï 
d'Autriche.  Il  promettait  de  plus  dé  donner  sa  voix 
mi  grand*duc  François  de  Toscane ,  Tépotix  de 
Marie-Thérèse  ;  et  eomtfie  alors  il  réunissait  en  sa 
faveur  les  voix  de  tous  les  autres  électeurs ,  excepté 
0*1  les  du  prince  palatift  et  de  Frédéric  11^  Fk*an- 
$ois  I  lut  élu  à  Francfort  j  le  15  septembre  17Ô5,  et 
couronné  le  A  octobre. 
Paix  d*Ai*4a*Ghapelle.  -17&&  —  La  guerre  coeh 


Digitized  byVJ OOQ IC 


NOtJVBLtKS   FEJtMEK*ÀTl0*S.  5W 

tèruia  encore  quelques  mutées  ave©  te  Feanee ,  mai* 
£as  à  IVvst&tage  de  l'Autriche}  c*r  dapufe  <juë  le 
maréchal  de  Saxe  coftnuandatt  Famée  ïsswçafoe,  il 
•faisait  tous  W  joure  <fe  nouvelles  conquêtes  «kas*  lei 
#ays-Ba«j  et ,:  daw  Vannée  1746*  ilbattitde«rfoîAi« 
Awtrichfena,  à  Fenftentey  et  Raucour,  et  &Và>pa& 
«orç  seulement  des  Pays-Baj-art  triebisra  ,  matts  attfsi 
<fe  te  Flandte  hollandaise.  Geë  événements  f*w* 
tèeent  ii  la  paix  avtc  d'autant  plusde  forcée*  ïç$ 
«fcvoyéfe  s'assemblera**  à  Àix  au  me4e  d'avril  A3ft& 
€>n  s'^iï  occupa  pendant  tout  Tête' et  dl^  fat  art^Wè 
te  1S  octobre/ LT Autriche  eéd*  qaflèfues  province 
•&>  Italie  à  dos  Philippe,  le  plus  jéuï*e;fîte  dttïfti 
tFJËsp&gwe  ;la  Fitiôoe-,  pemi  taiït  de  sa  «g,  et  dfc  #afe 
f^otfigo^»  dans  cette- giterrf,  ne  neçut  atteurf  dédom- 
magement ,  et  la  maison  d'A«tri(?fae,(jaKe4l0V(nilail 
ruine* 4e  ftmd  en  comble,  se  tr&utaî*  de  a&weittt 
itfb&oie  et  eu  possession  de  1»  dignité  impériale. 
?>  îlômèbt  der^fcaae-dé  17i4^i75&^yespRt*  de 
ittiifî  âtis  qui  suivit  la  pai*  d'Aix  jusqu'à  de  que  life 
nouveaux  orages  vinssent  éclater  sur  WSuropey  n*  K 
laissa  pas  les  peuples  sentir  avec  sée*rité  et  certèf 
tede  tout  leur  Men-rêtre.  Lés  esprits  étaîerit  tefcjotirfc 
tokjiïtets  et  effrayas  par  l'attend  cte  nouwHes  ôër 
boubses;  c&*  il  éfaait  trop  évident  que  ta*  j^fa&étâb 
fcsfligérautes  fi^vaient  point  encore  ttv&fé  &ëqtà* 
ifl&ey  et  qtrë  cfe  n'était  q«'uu  tempe  tfhtràt  poer  *#- 
*ëbtï«&ettôer  biewtôt  une  nowelie  lutte*  La  .fëiàtf  ne 
îpbttvaits- empêcher  de  Wîgrettar >k€KM4é^et  *lteëti 
fetfait  cf a«âè«  ptua  vitetritttt  ï*  perte <^rètte  &*&t 

23. 


Digitized  byVJ OOQ IC 


886  septième  époque.  1648—1838. 

que  le  roi  de  Prusse ,  par  une  administration  bien 
réglée,  avait  doublé  les  revenus  de  ce  hem  pays;  et 
Frédéric  était  trop  clairvoyant  pour  ne  pas  voir  une 
troisième  guerre  comme  inévitable.  La  plus  grande 
agitation  régnait  aussi  parmi  toutes  les  puissances 
de  l'Europe;  elles  faisaient  des  alliances,  cher- 
chaient des  amis  de  tous  côtés  et  faisaient  dès  pré- 
paratifs sur  terre  et  sur  mer.  L'Europe  était  parta- 
gée en  deux  parties ,  la  France ,  la  Suède  et  la  Prusse 
d'un  côté,  l'Autriche,  l'Angleterre  et  la  Saxe  de 
l'autre  :  les  autres  puissances  ne  s'étaient  pas  encore 
prononcées ,  mais  leur  alliance  était  recherchée  ins- 
tamment par  les  deux  partis.  Marie-Thérèse  jeta 
d'abord  les  yeux  sur  la  puissance  russe ,  dont  l'im- 
pératrice Elisabeth  ne  paraissait  pas  éloignée  de 
Tidée  de  ^replonger  son  audacieux  voisin  dans  son 
ancienne  obscurité  ;  et  toutes  les  deux  contractèrent 
une  alliance  par  l'entremise  du  grand  chancelier 
Bestuschef,  tout  puissant  à  la  cour  de  Russie  et 
ennemi  personnel  du  roi  de  Prusse,  parce  que  ce 
prince  n'avait  pas  su  se  plier  à  sa  cupidité.  Pour 
porter  la  Russie  encore  plus  activement  contre  la 
Prusse,  l'Angleterre  employa  son  or  auprès  du 
grand-chancelier  et  peu  s'en  fallut  que  la  guerre  ne 
se  déclara  dèslors.  Georges  II  d'Angleterre  la  désirait 
d'autant  plus,  qu'il  espérait  parla  voir  son  électorat 
de  Hanovre  à  l'abri  ;  car,  si  la  Prusse  s'était  unie  contre 
lui  à  la  France ,  ces  deux  puissances  n'auraient  pas 
manqué  de  l'envahir  pendant  qu'il  étaitoccupéà  faire 
desconquétes  dans  le  nouveau  monde.  Quant  à  Marie* 


Digitized  byVJ OOQ IC 


Nouvelles  FisftMEimYioift.  WT 

Thérèse,  elle  voyait  cet  orage  gronder  sur  le  nord 
avec  espérance  et  complaisance;  car  elle  comptait 
sur  une  occasion  de  reconquérir  la  Silésie.  C'était 
le  temps  dune  diplomatie  habile  et  raffinés  qrîo* 
appelait  sagesse  d'état  :  époque  de  bassesses,  qui  éta- 
blissait entre  les  souverains  des  relations  fausses  et 
artificieuses,  mais  n'inspirait  jamais  de  grandis 
pensées.  Sans  doute  Frédéric  sut  calculer,  suivant 
le  génie  de  ses  contemporains  ;  mais  il  fut  bien  su* 
périeur  aux  autres,  parce  que,  sentant  ses  forces  et 
ses  ressources ,  il  ne  compta  que  sur  lui-même  et  sur 
son  peuple  :  les  autres  cherchaient  plutôt  des  se- 
cours extérieurs  et  se  trompaient.  Le  calcul  de  Fré- 
déric était  plus  simple  et  il  le  conduisit  plus  sûre- 
ment'à  son  but.  Aussi  le  voit-On  ici  prendre  la  ré- 
solution la  plus  inattendue.  La  France  ne  l'aidait 
que  bien  tièdement,  paralysée  par  sa  politique;  de 
sorte  que,  dans  les  deux  guerres  de  Silésie  qu'il  avait 
soutenues,  sa  protection  avait  été  presque  nulle; 
Frédéric,  pesant  donc  la  juste  valeur  de  son  amitié,  se 
tourna  tout  d'un  coup  vers  l'Angleterre ,  qui  était 
puissante  et  audacieuse  autant  qu'entreprenante,  et 
il  lui  demanda  son  alliance  ;  et  le  peuple  anglais, 
qui  aimé  par-dessus  tout  ce  qui  a  un  air  de  jeunesse 
et  de  vigueur,  accepta  volontiers.  Jamais  peut-être 
en  Angleterre  une  alliance  ne  fut  reçue  avec  plus 
d'enthousiasme  que  celle-ci.  Ces  deux  peuples  ,  qui 
ne  pouvaient  devenir  dangereux  l'un  à  l'autre  dans 
leurs  efforts  essentiels ,  avaient  besoin  d'un  mutuel 
secours  contre  leurs  ennemis  et  en  même  temps 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


3W  sEvtmbm  *fo*i?e*  i64y8-r-i858. 

dHuie  donfiôtide  réciproque ,  ,pqur  que  J^AngtotaTt 
n'efif  ptws  de  craintes  au  sujet  du  Hanovre.  TelW 
est  la  base  de  l'alliance  eatre  l'Angleterre  et  la  Prusse, 
dont  la^séeuri té  s'appuya  sur  la  sy ttpathie  des  deux 
pcfepfep  :  saetmié  naturelle ,  ou  poivrait  dire  plu* 
.aère  que.  colle  qui  repose  sur  h  sKplw^ti&r  XJq 
ekangejnerit  en  apéra  un  autre  djutf  tous  lgs  ?*$- 
|m**3  européens  :  1a  Prti&se  tétait  séparée  4p  la 
Firaroe*  et  l'Angleterre  de  l'Autriche  i4or«^  flpijims 
pur  no  jeu  bfaarra  du  sort,  la  France  et  l'AutricJ^ , 
«miemws depuis  trois  siècles ,  se  virent,  à  leur  grand 
étaitnemeiit,  très  rapprochées  et  presque  forcées  de 
se  tlonaatr  lf>  main.  C'était  une  moquerie  des  règles 
4e  calcul  Wnues  jusqu'alors  pour  irréfragables, 
Heureusement  pour  l' Autriche ,  elle  avait,  dam  son 
çreinîerhomm^d'état,  le  prince  JK^unita^et  dans 
mu  krçpératriee  MarierThérè$e,deux  esprits  qui  $air 
tarent  tout  de  énite  leur  nouvelle  position  et  ne  se 
laissèrent  fias  arrêter  par  dos  habitudes.  Ils  recfreiv 
xihère»t  donc  l'alliance  4e  la  France  et  l'obtinrent. 
iLetnailé  fnt  signé  à  Versailles  f  le  1er  mai  i75jS$  et 
tœlui  de  l'Angleterre  et  de  la  Prusse  avait  été  sigrçé 
h  Weafcmlnete?  m  mois  de  janvier  de  la  même  animée. 
-  L  eleoteur  de  Saxfe,  roi  de  Pologne,  sous  le  nom 
^Auguste  III,  était  entièrement  oonduit  par  son  mi- 
©latre^  le  comte  de  Bruhl.  A  la  vérité  ce  prince  ai- 
o^ait  à  mener  une  vie  molle  et  voluptueuse;'  mais 
«on  nrinisTre,  qui  de  page  s'était  élevé  à  la  dignité  de 
iminiafae  dTétat*  sans  aucun  véritable  service,  était 
de  projets  cachés}  il  haïssait  Frédéric,,  qui  le 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


méprisait,  et  s'unit  pu  prince  d^&aunitz  pour  la  pertp 
lie  la  Pnwe  ^  et  tous  tes  4eux  trouvèrent  en  Russie  #  ( 
daoa  Bôôtuschef ,  un  troisième  associe.  L'impératrice 
elle-m&ne,  Elisabeth,  était  personnellement  en$er 
raie  4e  Frédéric;  parce  que  sa  satire  ne  l'avait  pas 
épargnée,  et  que  des  esprits  malveillants  lui  avaient 
rapporté  les  propos  et  les  poésies  du  roi. 

Quant  à  la  Suède,  elle  était  alors  tellement  attachée 
à  la  France ,  qu'elle  en  suivait  pas  à  pas  toutes  les 
traces,  et  que  le  roi  de  Prusse  dut  s'attendre  à  avoir 
contre  lui  ce  peuple  si  honorable^  si  on  en  vçpait 
à  une  guerre  générale. 

Ainsi  l'Autriche,  la  Russie,  la  France,  la  Suède, 
la  Saxe  se  trouvaient  réunies  coptre  un  seul  roi,  dont 
les  états  ne  contenaient  pas  cinq  millions  d'hommes, 
privé  de  secours  étangers,  si  ce  n'est  de  l'Angleterre, 
qui 2  dans  une  guerre  continentale,  n'était  pas  de 
grande  ressource.  Aussi  les  trois  ministres  n'avaïent- 
ils  aucun  doute  sur  le  sort  de  la  Silésie,  et  déjà,  dans 
leur  pensée ,  l'audacieux  et  entreprenant  monarque 
était- il  réduit  à  son  seul  duché  de  Brandebourg  ;  seu- 
lement ils  avaient  oublié  de  faire  entrer  dans  leurs 
comptes  la  force  du  génie  dont  ce  prince  était  doué,  et 
les  prodiges  que  peut  opérer  un  peuple  fier  et  con- 
fiant, enthousiasmé  par  son  roi.  Frédéric  fut  bien- 
tôt instruit  de  ce$  projets  par  un  secrétaire  de  Saxe 
qu'il  avait  gagné  et  qui  tenait  tous  les  écrits  et  traités 
faits  entre  les  cours  de  Yienne,  Saint-Pétersbourg  et 
I)resde ,  et  par  làjput  voir  quels  orages  s'amassaient  sur 
sa  têle.  Dans  une  telle  position ,  il  eut  recours  aux 


Digitized  byVJ OOQ IC 


%6Ô  septième  époque.  i648-*1838. 

moyens  extraordinaires  que  lui  suggéra  son  fttoe  au- 
dacieuse. Loin  donc  de  perdre  le  temps  à  se  préparer 
pour  attendre  le  danger,  il  s'y  jeta  en  furieux  ;  car, 
quel  que  fût  le  malheur  qui  lui  arrivât  alors  et  pen- 
dant son  entreprise  ,  il  devait  être  encore  moindre 
que  celui  qu'il  apercevait  dans  le  lointain. 


Guerre  de  sept  an*.  i756— 1765. 

Frédéric  fit  ses  préparatifs  de  campagne  si  secrè- 
tement et  si  inaperçu,  que  personne  ne  put  deviner 
sa  pensée  ;  et  tout  d'un  coup,  au  mois  d'août  1756, 
avant  la  moisson,  soixante-dix  mille  Prussiens  entrè- 
rent en  Saxe,  demandantun  libre  passage  en  Bohême. 
Le  dessein  du  roi  n'était  pas  tant  d^agir  en  ennemi 
contre  les  Saxons  que  de  les  forcer  par  une  entre- 
prise hardie  à  s'unir  avec  lui,  comme  avait  fait  Gus- 
tave-Adolphe ;  car  pour  attaquer  la  Bohême  avec 
succès,  comme  il  l'espérait,  il  fallait  auparavant  être 
sûr  de  la  Saxe  et  s'en  servir  comme  point  d'appui.  H 
chercha  donc,  par  toutes  espèces  de  moyens,  par  ses 
ambassadeurs  et  par  ses  lettres ,  à  entraîner  Au- 
guste III  dans  son  alliance;  mais  quand  il  vit  qu'il 
n'y  pouvait  réussir  et  que  le  comte  de  Bruhl  se  con- 
tentait de  lui  promettre  la  neutralité,  Frédéric  crut 
qu'il  ne  pouvait  laisser  sur  ses  derrières  une  puis- 
sance dont  il  n'était  pas  sûr  ,  les  armes  à  la  main,  et 
il  l'attaqua  à  force  ouverte,  tes  Saxons  surpris  s'é- 
taient retirés  en  toùle  hâte,  au  nombre  de  dix-sept 


Digitized  byVJ OOQ IC 


ttUBM*  de  $mn  ém.  an 

mille  hommes,  sans  bagage*  et  sans  provisions,  dam 
une  vallée  de  l'Elbe,  entre  Pirna  et  la  citadelle  de 
Kœnigstein ,  et  y  avaient  fortifie  "Un  camp  impre- 
nable. C'était  la  résolution  la  plus  habile,  et  plus 
désavantageuse  pour^Frédéric  que  s'ils  avaient  pastfé 
les  montagnes  pour  aller  se  joindre  à  l'armée  autri- 
chienne; car  cette  armée  encore  en  désordre  et  faible, 
n'aurait  pu,  même  après  la  réunion  des  Saxons,  ré- 
sister à  la  première  attaque  de  Frédéric  en  Bohême  ; 
taudis*  qu'il  se  voyait  ainsi  forcé  de  perdre  un  temps 
précieux  à  les  surveiller,  les  assiéger;  et  pendant  ce 
temps-là  l'armée  impériale  se  rassemblait,  s'organi- 
sait et  pouvait,  par  une  bataille  heureuse,  délivrer 
la  Saxe. 

Bataille  de  Lowositz.  1er  octobre  1756.  —  Telle 
fut,  en  effet,  la  tentative  du  feld-maréchpl  Brown, 
qui  commandait  les  troupes  impériales  ;  le  30  sep- 
tembre, il  s'avança  jusqu'à  Budin  sur  l'Eger,  se  di- 
rigeant vers  les  postes  des  Prussiens,  et  vint  cam- 
per sur  les  montagnes  qui  séparent  la  Saxe  de  la  Bo- 
hême. Le  roi ,  qui  depuis  quatre  semaines  se  tenait 
devant  le  camp  saxon,  s'avança  lui-même  au-devant 
de  l'ennemi  avec  une  partie  de  son  armée  ;  mais  ce 
n'était  qu'une  faible  portion  ,  vingt-quatre  mille  hom- 
mes sur  soixante-dix  mille;  il  était  obligé  de  laisser 
le  reste  pour  surveiller  fës  Saxons.  D'un  autre  côté, 
les  Autrichiens  étaient  commandés  par  le  meilleur 
général  qu'ils  possédassent  ;  mais  il  n'en  tenta  pas 
moins  un  coup  de  hardiesse  et  réussit.  Lès  deux  armées 
se  rencontrèrent  piœs  de  la  petite  ville  de  Lôwcsitz, 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


MB  SEPTitai  t»*«tfft.  4*48—4838, 

4eler4at0lm;€ep^aét^  le 

gén&Tdatrtridhten  ne  put  dé velopper  toutesqnarm^e, 
annfeoit ça cavalerie,  qui,paroonstfquer*t,  né  prit  pois 
une  gm  ode  pattà  la  bataille  Candis  que  le  feu  de  Par- 
4&erie  et  de  la  mousqucterie  ea  Aatt  d'autant  plus 
-▼if,  et  les  Prussiens  étaient  bien  mîetnt  serVîs  qtie 
iédro  adversaires.  Ce  «liaient  oépetid&tft  pkfc  ces 
àa&riehàem  que  lesBnussiens  «valent  chasses  de  S4- 
Jétté  dans  les  deux  premières  guerres  ,  c'était  une 
qrmée  eKeroé*  depuis  dix  aite,  prompte,  bien  disc£- 
^plbaeo  et  bien  pourvue  ilVrrtilleTve.  Il  était  défit 
midir  et  les  Prussiens,  malgré  leurs  courageux  efforts, 
ne  pouvaient  ébranler  la  fermeté  dçs  ennemis. 

Après  six  heures  d'un  feu  bien  nourri,  ils  avaient 
«fpufsé  leurs' cartouches  et  commençaient  à  se  décou- 
awger,  parée  qu'on  ne  ponvaitleur  en  donner,  w  Quoi  ! 
décria  alors  le  duc  deBewern  qui  les  commandait, 
n'av€2^vx)us  pas  appris  à  attaquer  l'eftnemi  à  Parme 
<blanabe.  »  A  ces  mots  leurs  rangs  se  sefrefat^  et  ils 
fendent  sur  le»  Autrichens.  Tonte  résistance  fut  inu- 
ttile;  cantine  un  torrent  sorti  de  ses  digues,  ils  ren- 
versent tout  devant  eux  et  emportent  d'assaut  la  pe- 
tite fille  de  Lowositz.  Ce  moment  fut  décisif  :  le 
Jeld»maréchal  Brown ,  bien  qu'une  faible  partie  de 
«on  armée  seulement  eût  été  engagée,  fit  retraite  et 
ramevra  le  reste  sur  Budin  ,"de  l'autre  côté  de  PEger. 

Frédéric  connut  à  celle  bataille  quels  autres  guer- 
rier* il  avait  à  combattre  dans  les  Autrichiens,  et 
il  Sentit  dès  lors  quelle  redoutable  guerre  il  avait  à 
soutenir.  Mais,  d'un attire  côté  ^e  courage  héroïque 


Digitized  byVJ OOQ IC 


«wa»  de  tan  k**>  - .         ma 

de  swvahnée  avait  excité  w>n  admira  tioa ,  U  il&fcH 
vait  à  ce  sujet:  «  Maintenant  j'ai  vu  pe  qi*a  pw^ept 
qies  guerriers ,  IL*  n'ont  jâwaie  faift^Vde  pr^g^j 
de  valeur  depuis  que  j'afi  IHuinneur  de  }&  <tmi 
dwire.  &  -  ~~;  **    ,  .;•  t 

:  Sefcmifi&iarrdfis  SasD&s.  44  octobre  42fi6r«*ïF»&! 
dérîe.  c'avait  désormais- rlfrn  de  plus  préwé  que  4a 
pièttye  fin  à  celoog  retard  cause  par  l'armée  wo&imQ> 
Cette  a  ah  ée  «tait  à  la  v&ite  daaa  tateto&fèohciiii* 
position;  {Baissa  femtetë  héroïque  foi  faisait  §H^«r 
porter  toutes  les  privatioaa.  Depuis  lar>g^t«ope  dfe 
«manquait  des  choses  les  plus  néceasahreft,  taf&pjtmr 
lès  hommes  que  pour  les  chevaux*  GepeadftRt  ai  l'a* 
pouvait  attendre ,  le  salut  était  proche  ,  peneait-eHe* 
-On  savait  au  eafcap  dé  Phrna  que  le  feld-anarad**! 
Brown  était  en  njarche,  et  les  esprits  ^taieqt  ocra* 
lamwent  eicilé$  par  l'espérance  dé  voir  ses  drapeaux 
flotter  sur  les  hauteurs  à  la  place  de  ceux  dA  Ifetpr 
^siens  *  quandtout-à-coup  le*  cris  de  victoire  au  sujet 
delà  bataille  de  Lowositz  sont  mille  fois  répétée- par 
lies  échos  de&  ^aljeos  et  des  cavernes ,  et  par  i$i*t  le 
-camp  prussien .  Toutes  les  montagnes ,  tous  lefrvilfagçs 
'étin&elle&t  ,de  feux  de  joie.  L'impression  en  fut 
terrible  pour  ces  guerriers  réduits  à  la  dernière  ex* 
frémité.  H  .n'y  avait  plus  d'autre  espoir  de  «lut 
<pe  dans  fine  tentative  poiir  gagner  la  Boh^me^  ik 
la  tentèrent;  mais  le  vent,  l'orage  et  une  pluie  ef- 
froyable ou  la  bonne  surveillance  des  Prussiens  en 
empêchèrent  le  succès  ;  et  ces  braves  Saxons  quin'a- 
vaient  ni  dormi,  ni  nàangé  depuis  trois  jours  et  tom- 


Digitized  byVJ OOQ IC 


fc64  semis**  éioQra.  «48—1858. 

baient  de  fatigue  ,  furent  obligés  de  déposer  les  armes 
au  nombre  de  quatorze  mille  hommes  qtii  restaient > 
avec  leur  gênerai,  le  comte  Rutowski  (ik  octobre). 
.  Leur  courage  à  supporter  leurs  fatigues  leur  avait  mé- 
rité un  meilleur  sort.  Les  officiers  furent  abandonnés 
sur  leur  parole  d'honneur  et  les  simples  soldats  for- 
cés de  servir  la,  Prusse.  Frédéric  calculait  que  ces 
quatorze  mille  hommes,  s'il  les  laissait  en  liberté, 
augmenteraient  considérablement  la  force  de  l'armée 
efcnemie,  et  que  s'il  les  enfermait  comme  prisonniers 
de  guerre,  ils  lui  consommeraient  un  million  par  an. 
Il  voulut  par  conséquent  en  tirer  parti  pour  ses 
frais  ;  car,  à  cette  époque,  le  soldat  était  moins  consi- 
déré comme,  citoyen  d'un  état  que  comme  un 
homme  qui  vend  son  corps  et  sa  vie  à  un  service  mi- 
litaire pour  un  certain  temps ,  et  qui  peut  facilement 
s'habituer  à  servir  celui  contre  qui  il  vient  de 
combattre;  l'honneur  militaire  était  différent  de 
l'honneur  civil»  et  le  serment  du  soldat  était  plus 
sacré  que  la  parole  du  citoyen.  Cependant  Frédéric 
tira  peu  de  parti  des  Saxons  ;  ils  abandonnaient  ses 
drapeaux  par  troupe  à  la  première  occasion  favo- 
rable ,  et  s'en  allaient  rejoindre  leur  roi  en  Pologne 
où  ils  s'était  retiré  après  la  perte  de  son  armée,  ou 
bien  ils  se  rendaient  aux  Autrichiens.  Telle  fut  la 
première  campagne.  La  Saxe  restait  au  pouvoir  de 
Frédéric  IL 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


GUtttRB  DB  SEPT   4*6*    »  5ff 

AIMÉE  mf. 


Les  préparatifs  qu'on  faisait  pour  l'année  sui- 
vante présentaient  à  Frédéric  une  image  qui  n'é- 
tait rien  moins  que  rassurante.  Les  plus  grandes 
puissances  de  l'Europe  étaient  furieuses  contré 
lui ,  et  se  préparaient  pour  l'accabler.  V Autriche 
offrait  toutes  les  forces  de  ses  riches  et  beaux 
états  ;  la  Russie  levait  cent  mille  hommes  ;  la 
France  encore  plus.;  la  Suède  pouvait  mettre  sur 
pied  vingt  mille  hommes  ;  et  l'empire,  germanique, 
considérant  l'invasion  de  Frédéric  en  Saxe  comme 
une  violation  de  la  paix  des  pays,  offrait  à  la  cour 
impériale  soixante  mille. hommes.  Un  demi-million 
d'hommes  au  moins  devait  donc  prendre  lies  armes 
contre  lui,  et  il  ne  pouvait  leur  opposer  que  deux 
cent  mille  hommes,  encore  en  faisant  les  derniers 
efforts.  H  n'avait  pour  alliés  que  l'Angleterre,  le 
landgrave  de  H  esse  et  les  ducs  de  Brunswick  et  de 
Gotha..  Il  fut  donc  obligé  d'opposer  tous  ses  alliés  à 
la  France  seule;  et  pour  les  autres  puissances,  il  es- 
pérait suppléer  au  petit  nombre  par  l'habileté  de  ses 
grands  généraux ,  doubler  ses  forces  par  la  célérité, 
et,  passant  avec  la  même  armée  d'un  lieu  dans  un  au- 
tre, battre  les  ennemis  les  uns  après  les  autres.  En 
conséquence,  il  résolut  de  porter  le  premier  effort  de 
se»  armes  contre  l'Autriche,  qu'il  regardait  cqmme 
le  principal  ennemi,  et  il  chargea  le  feld-maréchal 
Lehwald  de  défendre  la  Prusse  avec  douze  ville 


Digitized  byVJ OOQ IC 


SEPTiàNK  jfroçui,  4648<*~4858. 
hommes  contre  les  Russes.  IV  ne  lai  restait  ainsi  que 
quatre  mHie  hoftimes  poar  (Jefeodre  Berlin  contre  les 
Suédois  ;  <mais  heureusement  pour  les  Prussiens  que 
lai  guerre  notait  pas  sérieuse  de  leur  part.  l 

'  feataille  cte  Prague.  6  mai  1757. — Matle-ïWrèse', 
par  une  extraordinaire  prédilection  pour  son  beaû- 
ir£ré,  ay^it  nommé  pour  général  eh  chef  deTaniiéé 
impériale  le  prince  dé  Lorraine,  quoiqufe  .déjà*  dfeïïi 
fois  battu  par  Frédéric  ;  tandis  que  l'habile,  le  grand 
Brown  devait  servir  soup  ses'  ordres.  Krô\Vri  avait 
donné  le  conseil  de  devancer  la  célérité  des  Prussiënfc 

i  Saxe  et  en  Sîlésle  et  d*£ 
provinc.es  héréditaires  dé 
le  Lorraine,  quoique  sôu- 
i  longueur  celte  fois,  pféz 
re  et  voulut  rassèrçibter  dé 
de  ftii;  c'est  c'e  que  d&si- 
ême  confirmer  le  prince 
?e  PruSsienpe,  en  présence 
s,  se  tiendrait  sur  la  dé- 
»up,  quand  on  étaft  dans 
atre  corps  d*armées^  seûï- 
îpétueux,  après  avo'fr  tra- 
it en  Bohême  par  quatre 
cotées  emparent  de  toutes  les  provisions  impéHatetf, 
qpi  servirent  à  les  entretenir  pendant  plusieurs  "mois, 
et  se  réunissent  le  6'  mai  au  lieu^  dû  tendez-xôud9 
#afis  le  yqïsînàge  dé  Ptaguë.  '  n  '  ""  "•' 

Ce  qui  sauva  Frédéric  et  couvrit 'ion  arfattéë  dfe 
gloire,  c'est  que  ses  plans  afent  pu  s'ekêctttër  aVeb 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


Wltt*  DE  5*1*  À»,  ttf 

Uwt  d'ardre,  avec  TexaolUndelè  pins  ébeftftMkitej  et 
que  dcm  ^aie  enfin  ait  eu  à  ion  service  lin  cprpa  <a 
bien  organisé  et  des  qiembrea  si  puissaitsi 
!  Le  .prince  d0  Lorraine  avait  rassembla  wp  toroUpét 
«H  toute  hâtent  àvaib  pris  «imposition  rttrawkie^ 
ité^rScmie-my  les  nabtagiletptôg  de  Prague ,  et  ft  s'y 
armait  à  l'abri  de  toute  attaque  9  mais  Frédéric  k  qui 
ohaqw  hemtrqui  n?a  pas  avaro*  fa  détàsrai  ^mWlil 
pçj*b*er  yaadait  livrer  bataille  aowtdt  q«Hl9»&ré(** 
virait ,e»  fççè  de  l'eaaémi^  *et  4on  favori ,  t^méa" 
ewix,  Vittviiicâtle  général  WiotetfeW^  lé  wàblraHt 
dan*  peipaajek  Ce  gAiérkt  fat  ctate  chargé  tftdfe* 
tbamimt h  poakion de Tedoebik  Oral  crutremar^ 
qUecqu^ son  aile  dueitepatruait  étils:facikwoAt^t^ 
tequëe^  parte  qirtl  wiyait  devant  iui  undplfHi>evwt^| 
«Uai$  a'ëfaiBntdmaaaaraib  desséchés  et  tri»  vaacàx^dawé 
taquela  on  avait  semé  de  iavome>  etqai  dtaprêftty 
après  la  moiaaûn  T  ètae  à*.  noittreav  ttoimrt»rdfe»k 
Cette.entur  lit  déeklfer  k  bataille; an  peu  trop' *i te. 
kefald-macëchal  Scfarérin,  qbi  «ftaift  anwëiekrfarif 
aVed $m  troupes  bieniatiga^es  et «nebourtkakpatt  jtoiqt 
ta  champ  de  bataille,  coâseiHart  attendre  gu'kftH 
dâmaâB$>na^le  »i,  tp»  partait  déM**B  *  tftetfe 
I^ftd^ià^bèEefcattiilfcy  Aait  enfcfrejsrf  dW^etfir  A 
l'eft&atèon  «t  itejet*  toete  espèce  d»  fietatd. ..  Alors 
$fe.  vieux  fermer»  qaè  portait  eoe«Te7  à  l%e  *iè 
aoUanfotfcetaè  a»a/toûtle  fèudwla^ieooessès  s'acrû^ 
*ta  èatbitçantf  son  cfcapertdi<ur  ses  y*tt»  ;  (/fifcrWenI 
«fi  jfeb  doit  et  «?ii  ftmt  étrte  fe*tki  p^afajeyt  *w 
Jfmrdbui*  j  imi  çheràb»ilem«nâ  ftfcà  jeA*  wi&  '• 


Digitized  byVJ OOQ IC 


9$8  SEPTIEME  **OQUE.    4«4ft— 1838. 

La  bataille  ne  commença  qu'à  une  heure  après 
paidi,  parce  que  toute  la  nKrtinée  avait  été  employée 
aux  préparatifs  nécessaires ,  parce  /tjfce  le  terrain 
était  coupé  de  marécages  et  de  montagnes  3  et  quand 
ie*  Prussiens  arrivèrent  à  l'ennemi,  ils  étaient  déjà 
accablés  par  le  travail  et  furent  reçus  par  un  terri- 
ble feu  d'artillerie  ;  des  rangs  entiers  étaient  jetés  par 
terre  ;  il  semblait  impassible  que  la  patate  humaine 
eût  assez  de.  courage  pour  tenir  devant  une  puissance 
si  meurtrière.  Toutes  les  attaques  étaient  sans  suc- 
cès, et  Tordre  tde  bataille  commençait  à  chanceler; 
alors  le  vieux  maréchal  Sfchwérin  saisit  an  drapeau, 
crie  à  ses  guerriers,  de  le  suivre,  et  marche  droit 
où  le  feu  est  le  plus  meurtrier  ;  mais  aussitôt'  il  tombe 
percé  de  quatre  biscaïens ,  et  meurt  de  la  mort  des 
héros*  Le  général  Manteufel  prend  le  drapeau  d* 
ses  mains  couvert  de  son  sang,  et  conduit  en  avant 
ses  guerriers  plus  enflammés  que  jamais* 

Le  frère  du  roi,  le  prince  Henri ,  met  lui-même 
pied  à  terre,  et  conduit  sa, troupe  à  une  batterie 
quvd  emporte;  le  duc  de  Brunswick  presse  l'aile 
gauche  autrichienne  avec  le  plus  grand  courage,  les 
chasse  d'une  montagne  à  l'autre  et  emporte  sur  elle 
sept  retranchement^.  Cependant  la  victoire  resta 
indécise  tant  que  Je  feld-maréchal  Brown  maintint 
les  rangs  autrichiens  par  son  esprit  d'ordre  ;  mais 
quand  il  succomba,  frappé  d'un  boulet,  avec 
lui  tomba  la  fortune  de  cette  journée.  JL»e  roi  Frédé- 
ric, qui  de  »n  œil  pénétrant  contemplait  Je  champ 
de  bataille,  vk  l'ennemi  chanceler;  et,  remarquai 


Di^itize 


GUERRE   DE   SEPT    ANS.  369 

un  intervalle  au  milieu  de  ses  rangs,  il  s'y  jeta  aus- 
sitôt ef  rompit  ainsi  la  communication  de  Tordre 
de  bataille.  Ce  coup  fut  décisif  :  les  Autrichiens 
plièrent  sur  tous  les  points.  Le  plus  grand  nombre 
se  jeta  dans  Prague,  et  une  autre  partie  alla  rejoindre 
le  maréchal  Daun  qui  se  trouvait  à  Ruttenberg  avec 
une  armée  de  réserve. 

La  victoire  était  chèrement  achetée  :  quinze  mille 
Prussiens  morts  ou  blessés  étaient  sur  le  champ  de 
bataille,  et  parmi  eux  surtout  l'inestimable  feld-maré- 
chai  Schwérin  ;  mais  le  souvenir  de  sa  mort  héroïque 
et  le  drapeau  sanglant  qu'il  portait  étaient  pour  l'armée 
prussienne  un  legs  sacré  qui  devait  exciter  pontinuel- 
lement  sa  valeur.  Les  Autrichiens  souffrirent  aussi 
eux-mêmes  une  perte  irréparable  dans  celle  du  feld- 
maréchal  Brown ,  qui  mourut  de  sa  blessure  sept 
semaines  après,  il  avait  vieilli  dans  les  camps,  et 
son  expérience  en  avait  fait  le  meilleur  général  de 
«on  temps. 

Bataille  de  Kollin.  18  juin .  —  La  lutte  en  Bohême 
n'était  point  décidée  par  cette  bataille,  bien  que 
par  la  position  actuelle  des  partis  la  campagne  sem- 
blât devoir  se  terminer  très  glorieusement  pour  Fré- 
déric ;  car  il  tenait  le  prince  de  Lorraine  renfermé 
dans  Prague  avec  quarânte-six  mille  hommes,  sans 
ressources  pour  s'y  maintenir  long-temps.  Leur  es- 
poir de  salut,  à  la  vérité,  était  dans  le  feld-maréchal 
Daun ,  qui  se  trouvait  tout  près  avec  une  armée  con- 
sidérable ;  mais  s'il  venait  h  être  aussi  battu  lui-même 
par  le  roi ,  Varmée  renfermée  dans  Pragiie  était  perdue, 
T.  h.  24 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


$70  sEPTife**  époque,  1648—4838. 

la  campagne  la  plus  glorieuse  acquise  aux  Prussiens^ 
et  peut-être  la  paix  conquise  dans  la  deuxième  année 
de  la  guerre  ;  car  Frédéric  ne  voulait  pas  autre  chose 
que  ce  qu'il  finit  par  obtenir»  c'est-à-dire  que  la  Si- 
lesie  lui  restât.  Mais  une  solution  si  facile  ne  devait 
pas  avoir  lieu ,  des  succès  si  constants  ne  devaient 
pas  le  conduire  à  son  but,  il  fallait  que  son  âme  fiât 
éprouvée  par  les  plus  dures  calamités. 

Il  avait  résolu  de  ne  pas  attendre  l'attaque  de 
Paun  et  de  marcher  au  devant  de  lui.  Après  être 
resté  cinq  semaines  devant  Prague ,  il  partit  avec 
douze  mille  hommes  pour  aller  rejoindre  le  duc  de 
Bewern,  qui  observait  l'armée  de  Daim,  et  l'attaqua 
près  de  Rolliu,  le  18  juin.  L'ordre  de  bataille  était 
très  bon ,  et  s'il  eût  donné  la  victoire  à  Frédéric, 
comme  toutes  les  pensées  de  ses  adversaires  se  cal* 
quaient  sur  la  sienne,  il  fût  devenu  à  la  mode.  Fré- 
déric voulut  employer  dans  cette  occasion  le  même 
ordre  de  bataille  qu'employa  Epaminondas  pour  vain- 
cre les  invincibles  Spartiates;  c'est  l'ordre  de  bataille 
oblique.  Le  plus  faible  peut  quelquefois  s'en  servir 
avec  avantage  contre  une  puissance  supérieure,  pour* 
Yu  qu'il  y  ait  la  condition  essentielle  de  promptitude 
dans  les  mouvements  -p  car  si  une  armée  inférieure  *» 
nombre  se  présentait  de  frout,elle  serait  débordée  des 
deux  côtés  ;  mais  si  elle  se  présente  obliquement,  die 
peut  diriger  toute  la  force  de  son  attaque  mv  une 
seule  aile*  tandis  que  Vautre  est  très  éloignée  en  ar*- 
fière,  la  presser,  l'enfoncer;  et»  quand  une  dte  est 
ainsi  battue,  l'autre  doit  faire  retraite*  pv.oe  qu'elte 


Digitized  byVJ OOQ IC 


OU8BKS   Df  SEPT  ANS.  g]£ 

jurait  l'ennemi  en  flanc.  Ainsi,  quand  \\xx  génprçi 
est  assez  audacieux  pour  exécuter  une  pareille  n^gir 
aœnvre ,  difficilement  la  victoire  lui  échappe  5  maip 
U  faut  qu'il  soit  bien  sûr  de  son  ari&ée,  pçur  que  1? 
promptitude  et  l'exactitude  de  ses  mouvements 
trompent  l'ennemi  et  l'aient  vaincu  avant  qu'il  aijt 
pu  s'apercevoir  du  plan  d'attaque.  Te<lle  fut  la  ma- 
noeuvre des  Prussiens  à  Kollin  f  et  la  première  at- 
taque ,  conduite  par  Ziethen  et  Hulsen,  sur  l'aile 
droite  des  Autrichiens,  mit  tout  en  déroute.  Le  cen- 
tre et  l'autre  #ile  de  l'armée  prussienne  n'avaient 
jplus  qu'à  suivre  pour  prendre  en  flanc  sucçessiye-r 
ment  tous  les  bataillons  autrichiens  et  se  dévelop- 
per en  même  temps.  Quand  tout  était  ainsi  dans  1# 
plus  belle  direction,  le  roi  luj-niénie,  comme  sj  unp 
spmhre  nuage  eût  couvert  toutes  sçs  idées ,  le  rpi? 
dis-je,  ordonna  au  reste  de  l'armée  de  faire  halte. 
Il  y  avait  ce  jour- là,  dans  sa  personne,  quelque 
chose  de  sombre  et  d'hostile  qui  le  rendait  incar 
^ble  d'entendre  toutes  les  observations  de  ses  ser- 
viteurs  ;  il  rejeta  leurs  conseils,  et  «on  regard  ijoir  et 
a^  parole  dure  les  repoussèrenjt.  Mais  tout  hommef 
quelque  grand  qu'il  çoit ,  qui  veut  s'isolejr,  ^devient 
faible  et  s'abandonne  à  la  puissance  de  son  mauvais 
^ort,  auquel  il  aurait  pu  échapper,  protégé  par  ¥a- 
mour  et  la  sollicitude  de  ceux  qui  l'entourent. 

Quand,  au  moment  décisif ,  le  prince  Maurice  de 
Dessau  psa  faire  au  roi  des  représentations  su,r  les 
îjnauvaises  suites  du  changement  de  plan  de  t^ata^le, 
comme  il  le  pressait  avec  toujours  plus  xle  force  et 

24. 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


373  septième  époque.  1648—1838. 

d'instance,  Frédéric  s'avança  sur  lui Tépée  levée,  et 
lui  demanda  d'une  voix  menaçante  s'il  voulait  obéir. 
Le  prince  se  tut  et  obéit;  mais  dès  ce  moment  la 
journée  fut  décidée.  Par  cette  halte  laite  à  contre- 
temps, la  ligne  prussienne  se  trouvait  en  face  (Tune 
position  autrichienne  bien  retranchée  et  presque  in- 
surmontable; et  quand  ils  se  présentèrent  à  l'assaut, 
ils  furent  repoussés  par  une  artillerie  effroyable. 
Aucun  effort  ne  put  ramener  la  victoire,  la  fortune 
avait  changé.  Déjà  le  feld-maréchal  Daun,  déses- 
pérant du  succès  de  la  bataille ,  avait  écrit  sur  un 
billet  au  crayon  Tordre  de  la  retraite;  mais  le  général 
d'un  régiment  de  cavalerie  saxonne  qui  vit  les  rangs 
des  Prussiens  s'éclaircir  et  s'espacer,  garda  le  billet. 
Les  Autrichiens  revinrent  à  la  charge,  et  la  cavalerie 
saxonne  se  fit  surtout  remarquer  par  la  fureur  de 
ses 'attaques,  comme  si  elle  eût  été  chargée  de  ven- 
ger la  ruine  de  son  pays.  Les  Prussiens  étaient  acca- 
blés de  fatigue,  et  les  fautes  de  plusieurs  de  leurs 
généraux  avaient  augmenté  le  désordre.  Pour  rie 
pas  tout  perdre,  il  fallut  sonner  la  retraite,  et  Daun, 
trop  content  d'une  victoire ,  la  première  remportée 
surFredéric-le-Grandnela  troubla  pas.  Les  Prussiens 
perdirent  dans  cette  journée  quatorze  mille  hommes 
tués,  blessés  ou  prisonniers,  et  quarante-cinq  pièces 
d* artillerie.  Cétait  presque  la  moitié  de  l'armée; 
car  à  Kollin  trente-deux  mille  Prussiens  a  Valent 
combattu  contre  soixante-six  mille  Autrichiens. 

Quel  changement  de  fortune  !  Frédéric  était  sur  le 
point  de  faire  prisonnière  une  armée  dans  la  capitale 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


GUERRE    DE   SEPT    AWS.  373 

du  pays,  et  d'étouffer  dès  sa  naissance,  dans  l'espace 
de  huit  mois ,  la  guerre  la  plus  terrible  ;  mainte- 
nant il  fallait  songer  à  lever  le  siège  de  Prague  et 
abandonner  la  Bohême.  Cette  malheureuse  bataille 
de  Kollin  réveilla  les  alliés  de  l'Autriche  de  leur 
inaction.  Les  Russes  entrèrent  dans  le  royaume  de 
Prusse,  les  Suédois  poussèrent  leurs  préparatifs  plus 
sérieusement,  et  deux  armées  françaises  passèrent  le 
Rhin  pour  attaquer  la  Hesse ,  le  Hanovre ,  et  par 
suite  les  états  héréditaires  prussiens.  L'une  d'elles 
commandée  par  le  prince  de  Soubise ,  se  dirigea  vers 
la  Thuringe  pour  se  réunir  à  l'armée  impériale  sous 
les  ordres  du  prince  Hildbourgbausen.  Le  maréchal 
d'Estrée,  qui  commandait  la  principale  armée  fran- 
çaise, battit  à  son  entrée  dans  le  Hanovre ,  26  juillet , 
le  duc  de  Cumberland  à  la  tête  de  l'armée  anglo-alle- 
mande ,  près  de  Hastenbeck ,  sur  le  Wéser.  Ce  fut 
l'inexpérience  du  général  anglais  qui  fit  perdre  la 
victoire;  car  son  armée ,  quoique  plus  faible,  avait 
obtenu  de  grands   avantages  dus  à  la  valeur  du 
prince  héritier   de  Brunswick,  et  déjà  le  général 
français  avait  donné  l'ordre  de  la  retraite;  quand  le 
due,  au  grand  étonnemerit  de  tout  le  monde,  aban- 
donna le  champ  de  bataille,  et  ne  s'arrêta  dans  sa 
retraite  que  quand  il  eut  rejoint  l'Elbe  auprès  de 
Stade.  Pour  comble  de  honte,  il  fut  obligé  de  con- 
clure à  Closter-Séven,  peu  de  temps  après,  le  9  sep- 
tembre, une  convention  par  laquelle  il  s'engageait  à 
licencier  l'armée  et  à  abandonner  aux  Français  le 
Hanovre,  la  Hesse,  le  duché  de  Brunswick  et  tout  le 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


374  septième  époque.  4648 — 1858. 

pays  situé  entre  le  Wéser  et  le  Rhin.  Le  duc  de  Riche- 
lieu ,  qui  succéda  au  maréchal  d'Estrée  dans  le  com- 
mandement,  était  un  hommeJ  insolent,  prodigue  et 
sans  conscience ,  qui  tortura  le  pays  par  les  exactions 
les  plus  inouïes;  et  comme  autour  du  général  chacun 
s'abandonnait  à  son  désir  d'argent  et  à  ses  voluptés, 
cet  esprit  infâme  se  répandit  bientôt  dans  toute 
f*armée;  iî  n'y  eut  donc  point  d'excès  qu'elle  ne 
ôôttimîf .  Là  perte  des  mœurs  est  plus  à  craindre  dans 
ùri  ^at  civilisé  que  dans  un  pays  barbare  ;  parce  que 
Sôûs  le  charme  de  la  séduction  elle  laisse  un  poison 
dévorant  au  sein  des.  villes  et  des  villages,  et  même 
des  familles.  La  mauvaise  réputation  de  Farmée 
française  et  la  haine  que  les  Allemands,  si  naturelle- 
ment simples,  portaient  à  ce  poli ,  à  ce  fardé  du  crime, 
n'a  pas  peu  contribué  à  gagner  les  coeurs  presque 
partout  pour  le  parti  de  Frédéric.  Car  on  ne  peut 
Comprendre  avec  quelle  joie  le  peuple  apprenait  une 
de  ses  victoires;  tandis  que  peut  étrele  prince,  comme 
membre  de  l'empire,  était  en  guerre  avec  lui.  Tant 
est  grande  la  puissance  qu'un  esprit  supérieur  exerce 
sur  son  siècle!  tant  un  cœui*  généreux  prend  acti- 
vement parti,  comme  malgré  lui,  pour  celui  qui  par 
sa  force  et  son  courage  combat  l'inflexibilité  du  soit  ! 
tant  aussi  était  entraînant  le  spectacle  qu'offrait 
Frédéric  luttant  seul  avec  des  Allemands  contre 
les  hordes  barbares  de  Test,  contre  le  plus  grand 
ennemi  de  la  patrie  à  l'ouest ,  et  dans  l'intérieur 
contre  des  armées  autrichiennes  composées  de  sol- 
dats de  langage, d'habitudes,  de  mœurs  différents, 


Digitized  byVJ OOQ IC 


oothrb  m  wn  km*  5T5 

avides  de  pillage,  Croates  et  Pandours  !  Garai  Frédérie 
n'avait  combattu  que  contre  rÀulricbe  et  des  Alle- 
mands ^  les  vrais  patriotes  n'auraient  eu  de  larmes 
que  pour  plaindre  et  déplorer  l'aveuglement  de  été 
combattants,  qui  auraient  dû  plutôt  se  donner  lé 
main  comme  frères.  C'était  surtout  le  nord  de  l'Alle- 
magne qui  s'attachait  au  roi,  se  regardait  comme  à 
lui  et  partageait  ses  joies  et  ses  douleurs;  parce  que 
là ,  on  combattait  contre  les  Français,  et  que  la  Cause  de 
Frédéric  était  par  conséquent  regardée  comme  celle 
de  l'Allemagne. 

La  convention  de  Gloater-Séven  ouvrait  aux  Fran- 
çais le  chemin  jusqu'aux  rires  de  l'Elbe  et  jusqu'à 
Magdebourg.  Leur  deuxième  armée  réunie  aux  trou* 
pts  impériales  était  déjà  en  Thuringe  et  se  préparait 
h  enlever  aux  Prusgiens  toute  la  Saxe ,  leur  refuge 
et  leur  entrepôt*  • 

Frédéric  n'était  pas  pressé  de  ce  côté  seulement. 
Les  Suédois  se  répandaient  dftnà  la  Poméranie  et 
rUckermarche  et  en  tiraient  de  grosses  contributions, 
et  s'ils  avaient  voulu  faire  usage  de  leurs  forces  ils 
pouvaient  arriver  à  Berlin  sans  obstacle.  Le  général 
russe  Apraxin  était  entré  en  Prusse  avec  cent  mille 
hommes,  et  le  feld-maréchal  Lelrôald  n'avait  que 
vingt-quatre  mille  hommes  à  lui  opposer  ;  cependant 
il  lui  fallut  livrer  bataille,  coûte  que  coûte,  le  roi 
l'exigeait  pour  mettre  un  terme  aux  dévastations  de 
ees  baibares,  La  bataille  se  livra  à  Grossjœgerdorf; 
■près  de  Wélau;  mais  la  valeur  la  plus  étonnante  ne 
pouvait  vaincre  contre  une  si  grande  supériorité  de 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


376  septième  époque.  1648<*»4838. 

nombre.  Lehwald  fut  obligé  de  se  retirer,  après  use 
perte  de  plusieurs  milliers  d'hommes  ;  et  il  semblait 
que  les  Prussiens  n'avaient  plus  rien  à  espérer 
contre  l'armée  ennemie;  mais  au  moment  le  plus 
inattendu,  Apraxin  se  retira  sur  la  frontière  russe 
dix  jours  après  sa  victoire.  Ainsi  brillait  de  temps 
en  temps  un  yayon  qui  semblait  vouloir  rendre  un 
nouvel  éclat  à  la  carrière  de  Frédéric.  Cette  fois 
c'était  une  sérieuse  maladie  de  l'impératrice  Elisa- 
beth. Car  le  grand  chancelier  Bestuschef,  croyant 
£a  fin  très  prochaine,  et  tournant  déjà  les  yeux  sur 
son  successeur,  le  grand-duc  Pierre,  admirateur  et 
ami  du  héros  de  la  Prusse ,  avait  tout  d'un  coup 
donné  au  général  Apraxin  l'ordre  de  sortir  du  pays. 
Alors  Tannée  de  Lebwald  put  se  tourner  contre  les 
Suédois ,  et  ceux-ci  à  son  approche  abandonnèrent 
tout  le  pays  jusqu'à  Stralsund  et  l'île,  de  Rugen. 

Bataille  de  Rosbach.  5  novembre  1757.  — Le  roi, 
après  avoir  long-temps  et  inutilement  cherché  l'oc- 
casion de  livrer  bataille  aux  Autrichiens  en  Lusace , 
arriva  sur  la  Saale,  au  mois  d'août,  pour  chasser  les 
Français  de  la  Saxe.  Aprèsavoir  quelques  temps  erré 
de  côté  et  d'autre ,  il  les  rencontra  le  5  novembre  , 
avec  Farinée  impériale,  dans  le  village  de  Rosbach, 
non  loin  de  la  Saale.  Frédéric  n'avait  que  vingt-deux 
mille  hommes,  et  les  ennemis  soixante  mille;  déjà  ils 
se  félicitaient  tout  hautt  disant  que  cette,  fois-ci  le 
roi  de  Prusse  ne  pourrait  leur  échapper  avec  sa 
petite  troupe.  Il  était  campé  sur  une  hauteur,  et  les 
Français  s'avançaient  à  marches  forcées  vers  son  camp, 


Digitized  byVJ OOQ IC 


GMMtB  dx  met  **§•  577 

au  son  des  trompettes,  uniquement  occupes  de  savoir 
s'il  les  attendrait;  car  Us  le  croyaient  enfermé  et  Us 
espéraient  terminer  tout  d'un  coup  la  guerre  par  la 
prise  du  roi.  Du  côte  des  Prussiens,  on  n'entendait 
pas  un  seul  coup  de  canon,  on  aurait  dit  qu'ils  ne 
remarquaient  pas  les  préparatifs  que  Fon  faisait  contre 
eux;  la  famée  des  cuisines  du  camp  restait  toujours 
la  même,  et  Frédéric  prenait  son  repas  avec  ses  gé- 
néraux dans  l'apparence  du  plus  grand  sang-froid 
et  même  de  l'indifférence.  Mais  quand  le  moment 
fut  arrivé,  il  donne  ses  ordres,  et  dans  un  instant 
les  tentes  s'abattent,  l'année  se  range  en  bataille,  les 
batteries  cachées  commencent  leur  terrible  jeu,  et 
Seidlitz,  le  premier  à  la  tête  de  sa  belle  cavalerie,  se 
jette  sur  les  bataillons  ennemis  qui  arrivent*  Les 
Français  n'avaient  point  encore  éprouvé  cette  célé- 
rité des  Prussiens;  il  leur  fut  impossible  de  former 
leurs  rangs  sur  quelque  endroit  que  ce  fût.  Ils  étaient 
repoussés  avant  d'avoir  pu  y  parvenir,  et  en  moins 
d'une  demi-  heure  l'affaire  était  décidée  et  l'armée 
française  était  en  plein  déroute.  Ils  furent  saisis 
d  une  telle  épouvante  qu'ils  ne  s'aitétèrent  qu'au 
milieu  des  états  de  l'empire;  quelques-uns  mêmes 
ne  se  crurent  en  sûreté  que  quand  ils  furent  passés 
de  l'autre  côté  du  Rhin.  Sept  mille  hommes  res- 
tèrent entre  les  mains  du  roi,  dont  neuf  généraux, 
trois  cent  vingt  officiers ,  soixante-trois  canons  et 
viugt-deux étendards;  et  cette  belle  victoire  ne  coûta 
aux  Prussiens  que  quatre-vingt-onze  morts  et  -deux 
cent  soixante-quatorze  Idessés.    Frédéric  fut  rede- 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


8T9  sETTifem  i*9qo*4  46*S**1858. 

viable  dé  ce  .brillant  snooèe  à  la  belle  discipline  de 
son  armée*  à  laquelle  il  lui  fallut  demander  l'exédu* 
tkm  d'une  de  se»  pensées  audacieuses  et  subites ,  niais 
surtout  à  k  valeur  et  à  la  célérité  du  général  Seidf 
litz  et  de  sa  cavalerie* 

La  Skxè  êe  trouvait  sauvée  de  ee  c&téj  mais  il  nés* 
tait  encore  à  Frédéric  bien  d'autres  faligwes  à  seu- 
iéuir  cette  année,  Gar,  pendant  son  absence ,  ado  la-» 
veiiet  son  confident,  le  général  Winterfeld,  mvaifc 
péri  dans  un  combat  près  deMoys;  le  duc  de  Bewefn 
s'était  replié  avec  son  armée  jusque  sous  les  murs  dé 
Breslau  eu  Silésle;  et  parce  qu'il  n'avait  rien  6ijé  tet* 
ter  en  présence  des  armées  réunies  du  prince  de  Lor- 
raine et  du  feld-maréchal  Daun  ,  l'importante  place 
de  Schweidnitz  était  tombée,  le  li  novembre,  entre 
4es  mains  du  général  Nadasti.  Le  22,  toute  l'armée 
autrichienne  ayant  attaqué  les  Prussiens  à  Breslau^ 
Jcs  avait  vaincus  après  une  vigoureuse  défense  ;  ie  duc 
de  Bewern,  suivant  toute  apparence,  dans  la  crainte 
de  la  colère  du  roi,  s'était  laissé  prendre  par  lis 
Autrichiens;  cl  enfin  la  capitale,  Breslau,  pourvue 
dû  grandes  provisions  et  d'arsenaux  bien  garais, 
avait  été  livrée  aux  Autrichiens  par  la  lâcheté  du 
général  Lestwitz ,  avec  tout  ce  qu'elle  contenait» 
La  Siléaie  semblait  donc  perdue  pour  Frédéric  ;  car  si 
elle  restait  un  hiver  entre  les  mains  des  Autrichiens, 
ils  s'y  fortifieraient,  et  alors  il  pourrait  bien  se  faire 
qu'il  devînt  impossible  de  la  reconquérir  jamais, 
D'un  autre  coté,  il  paraissait  également  impossible, 
à  lapins  de  miracle,  de  la  leur  arracher  avec  les qua- 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


GUBiiaB  de  $tn  m.  VNr 

ttt*£e  mille  hommes  qu'il  amenait  avec  lui  de  Sas» 
u  seize  mille  autres,  les  seuls  restes  de  l'armée  vaincu* 
de  Bewern. 

Bataille  de  Leuthen.  5  décembre  i757.>-*G«8l 
clans  les  moments  presque  désespérés  que  le  roi 
Frédéric  faisait  paraître  avec  le  plus  d'éclat  la  gran» 
deu*  de  son  génie,  là  richesse  de  ses  ressources  et  m 
puissance  irrésistible  pour  entraîner  ses  soldat*.  Il 
convoqua  ses  officiers  et  ses  généraux,  et  leur  perla 
avec  tant  d'éloquence,  qu'ils  furent  tous  enflammai 
du  plus  grand  enthousiasme..  Il  leur  fit  voir  la  posi* 
tiou  difficile  et  même  presque  désespérée  de  la  patrie  $ 
s'il  ne  comptait  pas  sur  leur  courage  pour  la  sauveurs 
,«  Je  le  sais,  vous  sentez  tous  que  vous  êtes  Pruestens* 
dtt*ii  en  terminant;  si  cependant,  il  yen  avait  un 
parmi  vous  qui  craignît  de  courir  de  tels  danger* 
avec  moi ,  il  peut  prendre  congé  dès  aujourd'hui  saw 
avoir  à  craindre  le  moindre  reproche  de  ma  part.» 
£t  qqadd  il  vit  à  ces  paroles  briller  dans  ks  yeux  de 
tous  l'émotion  et  l'excitation  la  plus  martiale  >  il 
ajouta  d'un  air  satisfait  :  «  Mais  je  suis  convaincu 
d'avance  que  pas  un  de  vous  ne  voudrait  m'aban- 
donner;  aussi  je  compte  sur  une  victoire  certaine. 
Et  si  je  devais  succomber  sans  pouvoir  vojus  récom- 
penser, de  vos .sci* vices,  alors  la  patrie  le  ferait  pour 
moi.  Adieu  donc,  dans  quelques  instants  nous  aurons 
battu  l'ennemi  ou  l'adieu  sera  étemel.  » 

I/enthôusiasme  qu'inspira  ce  discours  se  répandit 
dans  toute  l'armée,  et  elle  attendit  avec  impatience 
d'être  conduite  à  l'ennemi.  Ci(ui-çi  avait  une  poai- 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


580  SEPTIÈME  ÉPOQUE.    1648 — 1838. 

tion  très  avantageuse  et  très  forte  de  l'autre  côte  de 
la  Lohe,  où  il  était  très  difficile  au  roi  de  l'attaquer. 
Le  prudent  fehl-marécbal  Dâun  voulait;  «la  conser- 
ver; car  il  avait  appris  à  Kollin  combien  une  bonne 
position  est  nécessaire  pour  parer  à  l'impétuosité  du 
roi.  Mais  le  général  Luchési  et  d'autres,  qui  tenaient 
pour  honteux  à  une  armée  victorieuse  de  cher- 
cher à  se  retrancher  dans  ses  positions  devant  une 
troupe  beaucoup  inférieure  en  nombre,  persuadèrent 
au  -prince  Charles  de  marcher  à  la  rencontre  du  roi, 
lui  disant  que  la  parade  de  Berlin  (c'est  ainsi 
qu'ils  nommaient  l'armée  prussienne)  ne  pourrait 
tenir  contre  eux".  Ce  conseil  plut  au  prince,  naturel- 
lement plus  chaleureux  que  réfléchi,  et  il  quitta  sa 
position.  Les  deux  armées  se  rencontrèrent  dans  une 
plaine  immense  aux  environs  de  Leuthen,  le  5  dé- 
cembre, un  niois  après  la  bataille  deRosbach.  L'ar- 
mée impériale  embrassait  dans  son  plan  de  bataille 
environ  un  mille  allemand  ;  tandis  que  Frédéric  fut 
contraint  d  avoir  recours  aux  pratiques  de  l'art  pour 
suppléer  au  nombre  et  le  doubler,  pour  ainsi  dire, 
par  la  célérité  des  manœuvres.  Il  prit  encore  à 
Leuthen  Tordre  de  bataille  oblique  ;  il  fit  faire  une 
fausse  attaque  sur  l'aile  droite,  tandis  que  l'attaque 
principale  qu'il  commandait  était  sur  l'aile  gauche  j 
de  sorte  que  quand  il  Peut  mise  dans  une  complète 
déroute ,  le  désordre  se  communiqua  dans  toute 
l'armée  autrichienne. 

Alors  la  résistance  devint  inutile ,  et  au  bout  de 
trois  heures  il  avait  la  victoire  la  plus  complète.  Lé 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


GUtEAB  DB  SBPT  AM.  8M 

champ  de  bataille  était  couvert  de  fnorts,  et  des  ba- 
taillons entiers  forent  faits  prisonniers,  on  en  comp- 
tait vingt-et-un  mille.  De  plus,  il  y  eut  cent  trente 
canons  et  trois  mille  chariots  perdus.  Ce  fut  une 
victoire  des  plus  extraordinaires  de  l'histoire,  ou 
trente  mille  hommes  combattaient  contre  quatre- 
vingt  mille,  et  un  témoignage  éloquent  de  la  supério- 
rité du  génie  sur  le  grand  nombre ,  quand  ses  con- 
ceptions peuvent  être  bien  et  activement  exécu- 
tées.  Frédéric  et  son  armée  j  après  de  si  grands 
efforts ,  eurent  cependant  assez  de  courage  pour  ne 
pas  se  laisser  aller  au  repos ,  et  ils  poursuivirent  sans 
relâche  tous  les  fruits  de  leur  victoire ,  jusqu'à  ce  qu'ils 
eussent  chassé  les  Autrichiens  hors  de  la  Silésie  et  les 
eussent  forcés  de  repasser  les  montagnes  de  la  Bohême. 
Ce  futl'actif  et  heureux  Ziethen  qui  fut  chargé  de  cette 
poursuite  ;  il  s'en  acquitta  glorieusement  et  fit  en- 
core un  grand  butin  et  grand  nombre  de  prisonniers  ; 
tandis  que  le  roi  attaquait  Breslau  et  y  faisait  une 
nouvelle  prise  de  dix-sept  mille  hommes;  dans  le 
même  mois  de  décembre ,  Liegnitz  se  rendit.  C'est 
ainsi  que  Frédéric ,  par  un  coup  d'audace  où  il 
jouait  le  tout  pour  le  tout ,  conquit  la  Silésié  de  ma- 
nière à  y  pouvoir  prendre  ses  quartiers  d'hiver  en  sé- 
curité jusqu'à  Schweidnitfc,  aussi  bieix  qu'en  Saxe; 
et  plus  que  tout  cela,  il  s'acquit  une  gloire  immor- 
telle pour  la  postérité.  L'armée  autrichienne,  si  belle 
auparavant,  avait  tellement  souffert  qu'elle  comptait 
à  peine  dix-sept  mille  hommes  en  bon  état  qui  eus- 
sent atteint  la  Bohême,  de  quatre-vingt  mille  corn- 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


■M  sEFTifens  **©$&*.  «*£— *838. 

jjtttmtt.  Tonales  pays  pmssiens  josqu'en  Weetphà^- 

He  m  trouvaient  ainsi  débarrassas  de  leurs  en- 


AïfNÉE  1T58. 
BaUfflee  de  Zorndorf  et  de  BocbWreh. 

Quatre  grandes  batailles  et  beaucoup  de  grands  £t 
petits  combats  avaient  rendu  l'année  précédente 
une  des  plus  sanglantes  dont  l'histoire  ait  à  parler. 
Les  deux  parti?  avaient  suffisamment  essayé  ieijrs 
forces  l'un  contre  l'autre  ;  Frédéric  fit  faire  k  Vienne 
des  propositions  de  paix,  suivant  en  £$a  lep 
principes  de  l'ancienne  Rome,  de  ne  demander  la 
paix  qu'après  une  victoire  gagnée  ;  mai$  Marierjhuér 
r&e  ét^it  plus  imitée  que  jamais  contre  le  conquérait 
de  U  Silésie,  et  Qn  avait  grand  spiu  de  luj  cacher 
toute  1#  perte  ^pi'avait  soufferte  son  ari&éeà  Leuthçn 
et  to^te  lçe  souffrances  de  ses  états.  D'ailleurs,  la  cour 
cle  France  jçnsistait  avec  force  pour  la  œntiauatiou 
4e  la  guerre  ;  parce  qu'autrement  elle  aurait  ^téçeule 
|k  combattra  contre  l'Angleterre.  Jies  pr-opositionsde 
Frédéric  forint  dqjiç  reponssées,  et  l'pn  recommença 
des  préparatifs  encore  plus  grands  que  l'année  deri- 
nière,  ÏjÇ prince  Charles, jquiavaitperdu la  confiance 
du peu^e ^t  désarmée, se dçmit  du cQ^mandeïpepi 
eii  chef.  11  était  difficile  de  trouva  son  successeurs 
Je  brave  feld-m&réçhal  Nadaati  fut  écarté\par  Ja 
Jaloùs>e  çjt  Içs^ntrigues ,  e,t  le  chpix  définitif  s VjL'êta 
Mi*  le  ^J^WW«chÀl  JPaiip  f  h  qui  la  victoire  de 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


KMfrwwt  émA&we  ptu*  #w>d©  répwtat*»  qui 
«A  loagatimifaf  et  eoa  irrésolution  ne  m&itaient* 

Les  m*^fcan&\mfmwt  mwdl9*jm&&tàém 
et  gu  «Jtwy»  un  autre  grfa&al  £  1*  $kto?  4u  dut 
de  Bicheiieu;  ce  fiit  lé  eomte  de  GtermooU  Aiuai 
R&ielieu  rentra  eo  Franco  avac  sas  millions*  kt 
fouit  4e  se*  exactions ,  et  s'en  pavaoa  avec  un  luxe 
extraordinaire  aux  yeux  du  monde  entier»  ami 
honte  ni  pudeur.  La  Russie  se  prononça  mmi  pour 
uae  continuation  plus  active  de  la  guerre»  Le  ehon-r 
oeliar  Bestuscbef ,  qui  l'année  préeâ}e»te  ava$t 
rappelé  l'armée  de  Prusse,  fut  disgracié,  et  le  gé* 
neral  Fermer  mis  à  la  tlte  de  l'armée.  Il  euttt  exl 
Prusse  dès  le  mois  de  janvier  et  conquit  les  état*  de 
Prusse  sans  réf&auoe  ;  parce  que  le  général  Lefawald 
4toit  en  Poméranie,  occupe  contre  les  Suédois      » 

Pour  opposer  résistance  à  des  projets  si  *ffray»oteé 
i#  roi  Frédéric  fut  oblige  de  rçunir  se»  dertuères 
gf^somrçes  et  de  faire  ses  levées  en  homwe  et  en 
argent ,.  tant  dans  ses  propres  états  que  d*«s la  SfcWj 
Iflr^ç  autant  de  rigueur  que  d'aotivité,  Il  m  vit  îfrtfcie 
foroé  par  La  fléee&ilé  de  frapper  de  fausses  mmmm 
$fiW  payer  ses  tr^upœ  :  moyeu  qui  ue  peirt^x*î«ser 
qtfm  pnfemce  d'uae  extrême  nécessité*  Mm  il  m* 
fait  fort  bien  qm  depuis  que  le  ban  des  v^as^w 
«Fait  ^W  remplace  par  le  aystème  actuel,  rajrgeitf 
dlafr  le  principal  agea* ,  et  du  plu*  gi^awi  psfda  da*l$ 
Ja  balance.  Car,  quant  à  de*  alliés  sur  lesquels  il 
put  c«cBpter,  il  n'avait  que  l'Angleterre,  et  ^œkpw 
9*tét*  orifices  du  .aard  d*  i>liemagrie  9  epsaw*  se 


Digitized  byVJ OOQ IC 


884  SBrrifeMt  époçvi.  1648— <858. 

trouvaient-ils  paralysés  par  la  malheureuse  conven- 
tion de  Clester-Séven.  Cependant  la  fortune  le 
servit  très  bien  en  Angleterre;  le  peuple  anglais, 
assez  porté  de  lui-même  à  reconnaître  la  verte  quel- 
que part  qu'elle  brille,  était  enthousiasmé  par  la 
bataiHe  de  Rosbach  en  faveur  de  Frédéric  et  très 
molesté  de  l'infamante  convention  de  Closter-Séven* 
Lors  donc  que  le  célèbre  William  Pitt  devint  pre- 
mier ministre  d'Angleterre,  il  écouta  la  voix  de 
Thonneur  et  celle  du  peuple ,  rejeta  la  convention 
qui  n'était  par  entièrement  terminée ,  et  résolut  de 
continuer  la  guerre  avec  upe  nouvelle  vigueur. 
L'armée  fut  augmentée  et  le  .roi  Frédéric  fut  lui- 
même  chargé  de  lui  donner  un  général.  Son  œil 
d'aigle  sut  bien  trouver  le  génie  parmi  la  foule.  Il 
envoya  à  l'armée  fédérée  le  duc  Ferdinand  de  Bruns- 
wick; et  Ferdinand  s'acquitta  de  cette  mission  avec 
tant  de  distinction,  que  son  nom  vivra  plein  d'éclat 
à  côté  de  celui  du  roi  de  Prusse  dans  l'histoire  de 
cette  époque  orageuse. 

D'après  un  plan  con  venuavec  Frédéric,  le  duc  semit 
en  mouvement  dès  le  mois  de  février,  à  la  tété  de  sa 
petite  armée,  pour  chasser  les  Français  de  leurs 
quartiers  d'hiver,  où  ils  vivaient  dans  l'abondance 
et  la  volupté  aux  frais  du  Hanovre  et  de  la  Hesse  ; 
il  lui  fallait  avec  trente  mille  hommes  en  chasser 
cent  mille.  Mais  chez  lui  toutes  les  mesures  étaient 
bien,  calculées  ;  tandis  que  chez  les  Français  il  y 
avait  tant  de  laisser-aller  réuni  à  l'incapacité  de  leur 
général»  que  dans  quelques  semaines  ils  avaient 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


GUERRE   DE  SEPT    ÀS8.  S8ft 

été  chasses  dé  tout  le  pays  situé  entre  PAller  et  le 
Wéier  *  Peu  de  temps  après  i  l  leur  fy  lut  encore  quitter 
celui  situé  entre  le  Wéser. «t  le  Rhin,  et  abandonner 
leurs  provisions ,  leurs  garnisons  et  onze  mille  hom- 
mes faits  prisonniers.  lis  repassèrent  le  Rhin  près  de 
Dusseldorf,  ne  se  Croyant  pas  en  sûreté  tant  qu'ils 
n'eurent  pas  mis  le  fleuve  entre  eux  et  l'ennemi, 
encore  ne  put-il  les  protéger.  Le  duc  Ferdinand  les 
poursuivit  de  l'autre  côté  du  Rhin,  les  attaqua  à 
Créfeld  et ,  malgré  leur  grande  supériorité  en  nombre 
et  la  diversité  des  peuples  qui  composaient  son  armée, 
il  les  mit  en  pleine  déroute  et  leur  fit  essuyer  urje 
perte  de  sept  mille  hommes .  Après  cette  bataille ,  la 
ville  de  Dusseldorf  se  rendit  à  ltii,  et  ses  troupes 
légères  allèrent  escarmoucher  dans  les  Pays-Bas  au- 
trichiens, jusqu'aux  portes  de  Bruxelles. 

Frédéric*,  pendant  ce  temps-là,  ne  restait  pas  oisif; 
il  commença  par  enlever  aux  Autrichien^  l'impor- 
tante -et  forte  place  de  Schweidnitz,  qu*ils  possé- 
daient encore  en  Silésie  ;  l'assaut  eut  lieu  le  15  avril . 
Le  feld-maréchal  Daun  se  tenait  en  Bohême  et 
employait  tous  ses  talents,  à  couper  tous  les  passages 
au  roi  "de  Prusse  ;  car  il  s'attendait  à  une  attaque 
de  sa  part.  Mais,  quand  il  se  croit  bien  sûrement  éta- 
bli ,  Frédéric  passe  les  monts  j  et ,  au  lieu  d'aller  en  - 
Bohême ,  vient  en  Moravie  à  marches  forcées  et  met 
le  siège  devant  Olmutç.  Dans  cette  entreprise  paraît 
l'originalité  du  génie  de  Frédéric  qui  recherche 
les  occasions  téméraires,  périlleuses,  extraordinaires  , 
et  aime  à  mettre  l'ennemi  hors  de  ses  plans.  En  efiet  * 
T,  h.  25 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


«86  sEPTtfcME  *bo^b.  4G48— 4858. 

sHl  eût  pris  Olmutz,  il  aurait  eu  une  place  impor- 
tante dans  un  pays  autrichien  jusqu'alors  tranquille, 
et  dans  un  dangereux  voisinage  pour  Vienne.  Mais 
cette  fois  la  fortune  ne  s'unit  pas  à  l'audace.  La 
place  se  défendit  vaillamment;  les  habitants  du  pays, 
fidèles  et  zélés  pour  leur  reine,  en  rendirent  le  séjour 
très  difficile  aux  Prussiens  et  Tenaient  rapporter  à 
l'année  impériale  toutes  leure  découvertes*  G'est  ainsi 
que  Daun  réussit  k  coupa*  au  roi  un  convoi  de  trois 
jnille  chariots  sur  l'arrivée  duquel  reposait  tout  le 
succès  du  siège;  si  bien  qu'on  fut  obligé  ensuite  de 
discontinuer.  De  plus  le  retour  en  SUésie  était  fer- 
fmé;  Daun  avait  occupé  les  paèsages  et  croyait  avoir 
pris  l'ennemi  dans  ses  propres  filets*  Mais  Frédéric 
se  tourne  tout-à-coup  vers  la  Bohême,  où  le  géné- 
ral autrichien  ne  l'attendait  plus,  emporte  les  pas- 
sages et  arrive  sans  avoir  perdu  un  seul  de  ses  cha- 
riots; et  peut-être  ne  l'eût-on  pas  chassé  4e  sitôt 
de  ce  pays,  si  l'invasion  des  Russes  ne  laveit^appcJé 
en  Poméranie  et  dans  1^  Nouvelle-Marche*  Il  fran- 
chit de  nouveau  les  montagnes  de  "Bohême  en  Silé- 
sie^  et  laissant  le  maréchal  Keilh  pour  couvrir  le 
pays,  il  vole  contre  les  Busses  avec  douze  mille 
hommes. 

,  Bataille  de  Zornd^rf.  25  août  1758.  —  <3haqae 
pas  de  ces  barbares  était  marqué  ^par  la  dévastation; 
ils  n'épargnaient;  ni  les  femmes ?  ni  les  enfants,  ni 
l'âge  tendre ,  ni  4a  vieillesse,  pustrin  était  tout  en 
cendres,  excepté  trois  maisons ,  et  les  castagnes 
ressemblaient  à  xin  désert.  A  cette  vue  le  Tci  tft  son 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


GVSRBE   &E  SEPT   AXE.  887 

armée  furent  enflammés  de  colère,  et  sitôt  qu'ils  ren- 
contreront lenûemi,  le  25  aout^  s'engagea  là  plus 

.  sanglante  bataille  de  toute  la  guerre  de  sept  ans.  On 
combattit < avec  fureur  depuis  neuf  heures  du  matin 
jusqu'à  dix  heures  du  soir  :  trente-sept  mille  Brus- 

.  siens  contre  soixante -dix  mille  Russes.  On  se  batlait 

,à  la  manière  des  anciens  «Germains  9  saps  tiapd-ba- 
b\\çté  dans  la  manœuvre»;  ils  se  ruaient  en  ftiasBeiks 
îmxs  sur  les  autres.,  chacun  s'attachait  à  &m  àdv^r- 

.  saire  et  le  combattait  à  l'arme  blanche:  ^'esfc  aii^i 
qu'on  se  bat  quand  la  >  passion  est  en  jeu.  Le  noi 
avait  juré  de  ne  faire  aucun  quartier  à  ses  cruels  eu- 
jxems  et  par  cette  menace  lés  eujpeûha  de  fftir.  Au 

.  soir  de  cette  sanglante  journée  dix-nouf  mille  Russes 

4  étaient  sur  le  champ  de  bataille,;  .mais  aussi  iHwe 
mille  Prussiens  avaient  succombé,;  car  Taanertii.ne 
voyant  aucun  refqge  voulut  puonoins  vendre  char- 
ment sa  vie  et  combattit  en  désespère  ;  et  si  la  valçu- 

:  j$us£  cavalerie  de  Seidlitz  ne  se  fut  trouvéeipartout où 
le  danger  é tait-le  plus  grand,  si  el  le  n 'eût  mai  ntes  fois 
culbuté  Fcnitoemi  avec  des  efforts  sorhuxpains,. quand 
déjà  il  avait  quelques  avantages  sur  l'infanterie  prus- 
sienne ,  la  victoire  serait  peut-être  restée  Indécise. 
Le  roi  lui-même  avoua  qu'il  était  redev.able»de  cette 
«victoire  à  Seidlitz.  Telle  fut  la  terrible  bataille.de 
iZorndorf.  Le  général  russe  Farmor9  qui  voulait  à 
jpeine  avoua:  .sa  défaite,  abandonna  la  Pruese  ipour 
ae retirer  en  Pologne,  et  Frédérics  (rendit  en  Saaçe, 
où  son  frère  .Henri  se  trouvait  vivement  prasaé,par 
une  grande  armée  autrichienne. 

25. 


Digitized  byVJ OOQ IC 


888  sEPnfcMi  époque.  4648—4858. 

Défaite  de  Hochkirch.  14  octobre  1768.— A  rap- 
proche du  roi  1  Daun  se  retira  dans  une  forte  position 
qu'il  s'était  choisie  en  Lusace.  Son  intention  était  de 
couper  au  roi  le  passage  en  Silésie,  afin  que  son 
général  Harsch  eût  le  temps  de  s'emparer  de  Neisse. 
Mais  Frédéric  qui  pénétra  ses  plans ,  se  hâta  d'aller 
occuper  la  route  de  Silésie  au-dessus  de  Bautzen 
et  de  Gœrlitz,  et  s'approcha  tout  près  de  l'armée 
autrichienne  pour  venir  se  placer  dans  une  grande 
plaine ,  située  entre  les  villages  de  Hochkirch  et  de 
Gotitz.  Ce  projet  n'était  rien  moins  que  prudent  et 
montrait  beaucoup  de  mépris  pour  l'ennemi.  Le 
quartier-maître  du  roi,  Marwifz,  d'ailleurs  son  fa- 
vori, lui  -fit  des  représentations  sur  le  danger' de  sa 
position ,  se  refusa  à  tracer  le  camp ,  et  s'opiniàtra 
malgré  Tordre  du  roi.  Alors  Frédéric  le  fit  mettre  en 
prison  et  ordonna  à  un  autre  de  le  tracer.  L'armée 
y  campa  trois  jours ,  entièrement  exposée  aux  atta- 
ques de  l'ennemi  qui  était  au-dessus  d'elle,  et* le  roi 
méprisa  toutes  les  représentations  de  ses  généraux. 
Gomme  il  n'avait  jamais  été  attaqué  le  premier  par 
les  Autrichiens,  il  comptait  que  le  feld-maréchal 
Daun  ne  serait  pas  capable  d'une  entreprise  hardie; 
et  d'ailleurs  il  fut  trompé  par  un  espion  que  les  Au- 
trichiens avaient  acheté  et  renvoyé  vers  lui  avec  de 
fausses  nouvelles.  Le  matin  du  iû  octobre,  avant  le 
point  du  jour,  l'armée  prussienne  fut  réveillée  tout-à- 
eoup  par  une  décharge  d'artillerie.  Pendant  la  nuit,  les 
Autrichiens  s'étaient  glissée  en  silence  près  du  village 
de  Hochkirch ,  et  quand  l'horloge  de  l'église  sonna 


Digitized  byVJ OOQ IC 


GTOEMB  DE  SEPT  kVU    '  860 

cinq  heures  1  Us  se  jetèrent  sur  lésa  vaut- postes  prus- 
sien*, s  emparèrent  d'un  grand  retranchement  à  l'ea- 
trée  du  village,  retournèrent  les  pièces  d'artillerie, 
et  ballayèrent  par  un  feu  effroyable  tous  les  Prus- 
siens qui  voulaient  se  rassembler.  Des  flots  de  sang 
furent  répandus ,  parce  que  les  soldats  se  réunis- 
saient par  milliers  dans  la  rue  principale  du  village 
qui  semblait  devoir  être  la  place  du  ralliement. 
En  vain  les  généraux  cherchèrent  à  former  les  rangs 
dans  l'obscurité;  le  vaillant  prince  François  de  Bruns* 
vrick  eut  la  tête  emportée  par  un  boulet,  au  moment 
où  il  atteignait  l'ennemi  sur  le  sommet  de  la  .mon- 
tagne ,  près  de  Hochkirch  ;  le  brave  felcf-maréchal 
Keith ,  qui  avait  blanchi  sous  les  armes ,  fut  peroé  de 
deux  biseaïens,  et  le  prince  Maurice  de  Dessau  fut 
gravement  blessé.  Les  généraux  Seidlitz  et  Ziethen 
rassemblèrent  enfin  leurs  escadrons  en  pleine  cam- 
pagne, et  se  jetèrent  avec  courage  sur  les  Autri- 
chiens; mais  les  petits  avantages  qu'ils  purent  obte- 
nir ne  compensèrent  pas  la  perte  qu'on  avait  faite. 
Hochkirch ,  le  camp ,  les  bagages,  une  grande  partie 
de  l'artillerie ,  étaient  déjà  au  pouvoir  de  l'ennemi. 
Le  jour  n'apporta  aucun  avantage;  un  brouillard 
impénétrable  empêcha  le  roi  de  reconnaître  la  posi- 
tion de  l'ennemi  et  la  sienne  et  peut-être  de  ramener 
la  fortune  de  son  côté  par  une  prompte  manœuvre, 
Cependant  ses  bataillons ,  par  une  discipline  vraiment 
digne  d'admiration ,  étaient  parvenus  à  se  rassembler 
en  bon  ordre;  et  quand  f  sur  les  neuf  heures ,  le  soleil 
commença  à  percer,  il  s'aperçut  que  l'armée  autri- 


Digitized  byVJ OOQ IC 


800  SEPTIEME  EPOQUE.   i04S^-4858. 

chiemie  t^ratOfcwwt  déjà  presque  do  ttus  eéftfeet  ifc 
donna  l'ordre  de  la  retraite.  Elle  se  fit  avec  tant* 
d'ordre  que  le  général  autrichien  n'osa  pçs  entre- 
prendre de  la  troofaler  et  revint  dans  son  ancien, 
camp.  Cependant  le  roi  avait  perdu,  plusieurs  des» 
géflémiKr  trais  mille  de  ses  meilleures  troupes  et 
phis*  de  cent  pièce»  de  canon*  bailleurs*  comme  toi» 
le»  bagages  avaient  été  enlevés,  il  ne  restait  phia 
raen.au» survivants  pour  se  défendre  des  rigueurs  de 
l'automne  prochain. 

Cependant,  le  roi  se  montrait  d'une  traûquillité-eV 
(Fuœ  fermeté  inaltérables,  et  sa  vue  fit  passer  ce 
mâme  calme  dans  son  armée.  Si  Frédéric  se  montra* 
grand  surtout  dans  le  malheur,  ce  fut  aussi  prin- 
cipalement après  cette  perte;  bien-  que  vaincu,  bien 
que  dépouillé  de  toutes  Improvisions  nécessaires- à* 
une  armée,  il  n'en  réussît  pa*  moins  par  ses  marché 
et  ses  manœuvres  habiles  à  remplir  son  premier  des*: 
sein,  trempa  l'ennemi ,  tourna  sa  position,  efforça' 
le-  générât  Harsch  à  lever  en  toute  hâte  le  siège  de 
Weisse.  La  SHésie  fût  alors  entièrement  délivrée  de 
l'ennemi  ;  tandis  que  Daun ,  tout  vainqueur  qu'il 
était,  ne  put  empêe&er  Frédéric  d'y  entrer,  et  ri'ob*- 
tint  lui-même,  par  son  attaque  sur  Dresde,  d'anjbre 
résultat  que  dte  forcer  le  général  Schmettau  à  brûler 
pour  sa  défense  les  beaux  faubourgs  de  cette  capi- 
tale. Il  rentra  ensuite  en  Bohême  découragé,  pour  y 
prendre- ses  quartiers  d'hiver.  Ainsi  la  supériorité  du 
génie  avait  fait  obtenir  au  vaincu  les  résultats  qui 
rrasaierat  dû  appartenir  att  vainqueur . 


Digitized  byVJ OOQ IC 


À  la  fin  de  cette  année,  Frédéric  m  trouvait  en- 
core en  possession  des  métaes  pays  que  Tannée  p»é- 
cédenie,  malgré  ses  revers;  de  plus,  il  avait  en- 
core Schw*idnitz  qui  Lui  manquait  avant,  et  <&&*  ^ 
Westphalie  toutes  ses  provinces  que  la,  valeur  d*i* 
prince  Ferdinand  avait  arrachées  aux  Français  Fer- 
dinand n?avait  pu  se  maintenir  de  l'autre  coté  du 
Rhin,*  avec  sa  petite  armée;  mais  à  ,1a  fin  de  k  cam- 
pagne il  avait  forcé  de  nouveau  les  Français  Vaban- 
d^nner  toute:  la  rive  droite,  et  à  prendre  Leu&s-quaiH 
tierâ  driver  entre  le  Rhiq,  çt  la  Meuse . 


ANNÉE  1780. 
Mfnden ,  Kunertdorf ,  ifwen» 

L'année  suivante  devait  être  pour  le  roi,  qui  déjà 
n'avait  échappé  qu'avec  peine  ayx  plus  grands  dan- 
gers, la  plus  dure  de  toute  la  guerre.  L'espérance  de 
l'accabler  enfin  porta  ses  ennemis  aux  plus  grands 
efforts.  L'armée  autrichienne  était  restaurée  au  grand 
complet  et  chaque  année  de  la  guerre  reparaissait 
toujours  plus  belle  ;  parce  que  les  recrues  se  pre- 
naient dans  les  pays  hériditaires,  sur  une  jeunesse 
vigoureuse,  bien  exercée,  qui  se  formait  prompte- 
mentà  la  dureté^  de  la  vie  des  camps,  se  trouvant, 
enrôlée  parmi  de  nombreux  bataillons  de  vieilles 
troupes  de  soldats  accomplis;  car  malgré  ses  sanglanr 
tes  batailles,  l'armée  autrichienne  conservait  un 
noyau  de  troupes  d'élite  qui  avaient  survécu  à  tonles 


Digitized  byVJ OOQ IC 


5fS  septième  époque.  1648~»1838. 

les  anciennes  guerres.  Dans  la  petite  armée  de  Fré- 
déric, au  contraire,  qui  ayait  à  combattre  tantôt  les 
Autrichiens ,  tantôt  les  Russes,  tantôt  les  Français, 
les  Suédois  ou  les  troupes  dç  l'empire,  le  nombre  de 
ceux  qui  av  aient  échappé  au  fer  et  à  la  maladie  était 
très  petit;  de  sorte  que  ses  rangs  étaient  en  grande 
partie  remplis  de  nouvelles  levées.  D'ailleurs  les  jtfo- 
nes  Prusçiens-entraient  de  si  bonne  heure  au  service, 
que  souvent  des  enfants  étaient  chargée  de  soutenir 
l'esprit  et  la  gloire  de  l'armée;  et  même,  eussent- 
ils  voulu  perpétuer  le  mépris  qu'avaient  leurs  pères 
pour  ledanger,  ils  étaient  en  trop  petit  nombre  parmi 
ces  levées  faites  en  Saxe ,  Anhalt ,  Mecklenbourg,  et 
parmi  ces  soldats  enrôlés  dans  tous  les  pays  et  la  plu- 
part transfuges.  Ainsi,  bien  que  l'armée  fût  au  grand 
,  complet  pour  le  nombre,  elle  perdait  beaucoup  pour 
l'organisation  intérieure  et  pour  la/orcfe.  De  plus,  ses 
propres  états ,  ainsi  que  là  Saxe  et  le  Mecklenbourg- 
Sclrwérin,  étaient  tellement  épuisés  d'hommes  et 
d'argent  par  les  levées  continuelles ,  qu'ils,  sem- 
blaient ije  devoir  jamais  se  relever.  Car  le  prince 
de  Mecklenbourg  avait  été  assez  inconsidéré  pour  se 
mettre,  dans  les  diètes,  à  la  tête  des  princes  qui 
criaient  le  plus  haut  contre  Frédéric,  et  qui  deman- 
daient le  plus  instamment  qu'il  fût  mis  au  ban  dç 
Tempirç;  aussi  son  pays  fut-il  traité  avec  une  ex- 
trême sévérité,  comme  un  pays  ennemi.  Cepen- 
dant, on  ne  tint  pas  compte  des  réclamations  du  duc 
contre  le  roi  ;  car,  comme  il  eut  fallu  user  de  la  mémo 
rigueur  k  l'égard  dç  l'électeur  de  Hanovre,  les  élw* 


Digitized  byVJ OOQ IC 


GOEftftE   DE  SEFX   AMfc  5W 

teins  é  Angéliques  refusèrent  de  condamner  deux  de 
leurs  membres  les  plus  distingues.  De  plus,  ce  i*ot 
qui  anciennement  était  plus  tranchant  que  le  fil 
d'une  épée,  était  malheureusement  depuis  long- 
temps yide  de,  sens  et  sans  forcç,  et  n'aurait  eu  d'au- 
tre effet  que,  de  causer  un  affront  à  la  confédération 
germanique,  désormais  impuissante* 

Marie-Thérèse»  par  se8  instances  auprès  des  souve- 
rains de  France  et  de  Russie,  cherchait  bien  plus 
réellement  à  mettre  Frédéric  au  ban  de  l'empire,  que 
ne  Taturait  pu  faire  une  déclaration  de  la  diète.. 
L'impératrice  de  Russie,  pour  laver  la  tache  de  la 
bataille  de  Zerndorf,  envoya  une  nouvelle  armée 
avec  un  chef  brave  et  habile,  le  général  Soltikow. 
A  Paris,  le  duc  de  Choiseul,  jusqu'alors  ministre  de 
France,  à  la  cour  de  Vienne,  le  plus  grand  fauteur 
de  la  guerre  contre  Frédéric ,  était  devenu  mi* 
nistre  et  il  mit  de  nouveau  les  forces  de  la  France 
en  marche  pour  reconquérir  la  Westphaliè,  le 
Hanovre  et  la  Hesse.  Le  sort  le  plus  dur  attendait 
ces  malheureux  pays,  si  le  projet  avait  pu  s'exécu- 
ter; la  France  voulait  se  venger  dans  le  Hanovre 
des  perles  que  l'Angleterre  lui  avait  fait  éprou- 
ver, sur  mer  et  «sur  ses  côles.  Car  les  glorieuses 
victoires  dé  la  marine  anglaise  avaient  extrêmement 
affaibli  la  force  maritime  de  k  Fiance,  et  lui  avaient 
enlevé  ses  vastes  possessions  dans  les  Indes  orien- 
tales et  en  Amérique,  Le  prince  Ferdinand  avec 
sa  petite  aimée  fut  le  seul  boulevard  qu'on  put op* 
poewr  h  cw  cjeswmi*  de- vengeance  sur  l'ÀUowagoa 


Digitized  byVJ OOQ IC 


3£4  septième  époque.  i84$—4858. 

Batailles  deBergen  etdeMïnden.  ISavrileÉl^dt- 
—  Ferdinand  ét|iit*pressé  de  deux  côtes  :  du  eôtédta 
Main,  pat*  l'armée  du  duc  de  Broglie ,  dont  le  quar^ 
trer-général  étai*  à  Francfort  <Ju'il  aVak  prise  par 
surprise  (H  -ne  serait  de  rien  à  cette  ville  d^&ire- 
une  vîMe  libre  et  d'avoir  fourm  scrupuleusement  sa- 
qtiote-part  de  contribution  en*  hommes  st  en  argent 
k  la  Confédération  pour  la  guerre  contre  Frédéric, 
ett#n?èn  fut!  pas  moins  occupée  par* force);  >fc  du 
cdté  du  bas  Rhin,  c'était  le  maréchal  deGontadfe  qui- 
pénétrait  dans  le  Hanovre  aVee  le  corps  d'armée» 
j*rinoipal.  Ferdinand  espérant,  à  limitation 'dirrofl 
Frédéric,  pouvoir  par  sa  célérité  s'opposer  succès*-' 
sîVement'aux  deux  armées,  marcha  centre  le  duc  de* 
Broglie,  dès  le  commencement  de  la*  campagne,  et  lé 
rencontra,  lé  13  avril,  auprès  du  village  de  Bergen, 
non  loin  de  Francfort.  Il  fit  aussitôt  donner  l'atta- 
que par  ses  braves  Hessois  ;  mais  la  position  des  Fran- 
çais étaitirop  forte,  etleurnombre  lèurpermettantde 
remplacer  continuellement  par  des  troupes  fraîches 
celles  qui  avaient  combattu,  les  Hessois  furent  re- 
pousses dans  trois  attaques  chaleureuses.  Alors  leur 
général  eut  assez  de  prudence  pour  ne  pas  exposer  à 
une  bataille  trop  hasardeuse -,**  cette  armée  avec  la*- 
queite  il  devait  ctwivrir  une  si  grande  étendue  de  ter- 
rain ;  il  fit  donc  cesser  Je  combat  et  se  retira  en  bon 
ordre.  Mais  il  eut  besoin  de  tohs  ses  talents  militaire» 
pour  protéger  la  basse  Saxe  co  ntrè  le  maréchal  de  Con- 
tade.  Qe  général  avait  passé  le  Rhin  auprès  de  Dussel- 
cforfet,  traversant  la  forêt  de  l'ouest,  était  arrivé  k 


Digitized  byVJ OOQ IC 


Giessen,ou  il  avait  rejoint  l'armée  de  Brogliëjil  prat* 

Gasael,  Paderbornr  Munster^  etMiqdensùr  WWiéaarii 

C'était  un  rapide  succès ,  Ferdinand  sevoyaifeaceliié* 

du  côèe  ée  Brème 7  ver  s  FcmbomahOTe  daWéjer, et> 

c^à  le  général  fhmçaie  regardait  le  Hanovre  oemttïe* 

une  proie  qu'il  tenait  e»  ses  makis.  On  fol  à  ftwsi 

très  enthousiasmé  de  ces,  glorieux  commencement*  ;t< 

mais  le  héros  allemand  change»  bientôt  la  joie  et* 

tristesse  par  une  complète  victoire.  Ferdinand'pleïw:» 

de  confiance  dans  ses  propres  ressources  partàépow»* 

aller  à*  la  rencontre   de  l'armée  fVa»f  aise ,  et-pa«ufc» 

.  on  sa*  présence  très  à  p*t>pos1  le  1er  aoAt  ,■  quand 

lé&  deux  armées  réunie^  se   trouvaient  attpvès  de* 

Minden,  dans  une  position  désavantageuse.  Contadfef 

fut  obligé  de  combattre  ^  patce  que  tes  pwvisié»s  b*ï> 

étaient  coupées,  -et  d'ailljeuus  il  comptait  sur  te  sapé* 

ribrité  du  nombre*  Il  ne  fil  pas  preuve  en  *;e  jo«* 

d'une  grande  expérience*  quoiqu'il  ne  fiât  pafcd'-ati^ 

leurs  un  mauvais  général.  H  avait"mi&  sa  cavalerie 

au  centre, contre  tousle^usagçsde  la  guerre^compian* 

sans  doute  sur  un  bon  emploi;  mais  Ferdinand  pro>t 

fita  de  cette  tactique  pour  le  perdre,  îrordotuia  à 

PinÉiaterie  anglaise  et  hanovrienne,   dont ji  eoix* 

naissait  la  fermeté,  de  marcher  droit  sur  ses  èsca» 

drons  de  cavalerie.  C'était  une  pensée  audacieuse ^ 

sortie  du  génie  -supérieur  de  Ferdinand,  qui?  osa 

s'écarter  de  la  route  suivifc  jusqu'alors,  et  elle  fut  cou* 

ronnée  du  succès.  Cette  cavalériequi  était  Uélite du 

Far  mec?  français  y  éfeoonée  de  eetAe  hardiesse^  se  jeto 

§iu'  elle  avec  foreur  ^  raai&  ells  se  basa  coaU^cej 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


.  sEPTifest  êpoçue.  1646— 4858. 

rangs  solidement  hérisses  de  fer  toutes  les  fois  qu'elle 
revint  à  k  charge,  et  enfin  le.  feu  de  l'artillerie  et 
de  la  mousqucteric  la  mit  en  fuite  dans  le  plus  grand 
désordre.  Il  se  trou  va  ainsi  un  grand  vide  au  milieu 
de  1  armée  française.  Alors  lé  duc  Ferdinand  donna 
Tordre  au  général  anglais  Sackvillè,  de  poursuivre 
avec  sa  cavalerie  anglaise,  cette  cavalerie  en  dé- 
sordre ;  et  s'il  l'eût  fait,  s'il  eût  séparé  Vannée  fran* 
çafee  en  deux,  elle  était  détruite.  Mais  soit  jalouse, 
•oit  timidité ,  le  général  anglais,  trahit,  n'obéit  pas, 
et  laissa  aux  Français  le  temps  de  séraésembler  et  de 
faire  leur  retraite  en  bon  ordre.  Ils  avaient  perdu  huit 
mille  hommes  et  trente  pièces  deeanon.  Cependant 
les  suites  de  la  bataille  ftirent  encore  plus  importantes. 
Contacte* toujours  poursuivi,  se  retira  vers  Cassel, 
sur  le  Wéser,  et  de  là  encore  plus  au  sud  vers  Giessén  ; 
tandis  que  Farinée  de  Ferdinand  prenait  successi- 
vement, Marbourg,  Fulda  et  Munster,  en  Westpha- 
lie  ;  de  sorte  qu'à  la  fin  de  l'année,  nôtre  célèbre  gé- 
néral se  trouvait  encore  en  possession  des  mêmes 
pays  qu'il  occupait  au  commencement. 

Batailles  de  Kay  et  de  Kunersdorf.  23  juillet  et 
1%  août*  —  Le  roi  Frédéric  ne  se  pressa  pas  cette 
année  comme  à  l'ordinaire  d'ouvrir  la  campagne  ; 
parce  qu'il  n'avait  plus  comme  nu  commencement  in- 
térêt à  uue  prompte  décision  et  que  ses  plans  ten- 
daient bien  plutôt  à  empêcher  la  réunion  des  Russes 
et  des  Autrichiens,  s'il  était  possible.  11  se  campa<bns 
un  lieu  fortifié  près  de  Landshutf  de  là,  par  de  ra- 
pides expéditions  taiitôtcontre  le*  Russes  en  Pologne , 


Digitized  byVJ OOQ IC 


GUWtnE   M  SEPT  À9^  SOT 

tantôt  contre  les  Autrichiens  en  Bohême,  il  pillait  les 
plus  beaux  magasins  et  ainsi  retardait  de  plus  grandes 
entreprises  de  la  part  des  deux  armées  ;  car,  d'après 
les  règles  de  tactique  de  ce  temps,  quand  les  armées 
voulaient  long-temps  rester  dan»  un  pays  et  ne  pas 
dépouiller  ses  habitants  de  tout  leur  avoir ,  il  leur 
fallait  de  grandes  provisions. 

A  la  fin  cependant  les  Russes  passèrent  l'Oder  .avec 
60,000  hommes  et  Laudon  était  prêt  de  leur  donner 
la  main  avec  20,000  Autrichiens.  Frédéric  crut 
dans  un. pareil  danger  qu'il  devait,  pour  sortir  de  sa 
mauvaise  position ,  avoir  recours  à  des  mesures  ex- 
traordinaires. Il  avait  parmi  ses. généraux  un  jeune 
homme  qui  s'était  distiqgjié"  par  sa  témérité  daûs 
maintes  circonstances,  le  général  Wédel;  il  le  re- 
gardait cfomme  le  plus  capable  d'arrêter  les  Busses, 
seulement  il  était  à  craindre  que  les  vieux  généraux 
ne  lui  obéissent  pas  volontiers.  Alors  le  roi  résolut, 
comme  faisaient  les  .Romains  dans  un  danger  pres- 
sant (ils  remettaient  toute  l'autorité  entre  les  mains 

•  d'un  seul  homme  qu'ils  appelaient  dictateur),  d'en- 
voyer le  général  Wédel  comme  dictateur  à  l'armée 
qui  devait  s'opposer  aux  Russes.  Il  devait  attaquer, 
d'après  l'ordre  du  roi,  partout  où  il  les  trouverait. 
Le  dictateur  l'exécuta  à  la  lettre,  mais  sans  réfléchir 

,  à  ce  que  présupposait  un  pareil  ordre.  H  attaqua 
lés  Russes,  le  23  juin,  près  du  village  de  Kay ,  non 
loin  de  Zullichau;  mais  dans  une  telle  disposition 
de  terrain. que,  pour  arriver  àr  l'attaque,  son  armée 
était  obligée  de  passer  sgr  un  pont  et  par  tin  chemin 


Digitized  byVJ OOQ IC 


-808  «EPTlfcME  ÉPOQUE.   4644-^1838. 

étroit  qui  formait  une  longue  file  ;  de  serte  que  ses 
bataillon»  arrivaient  les  uns  après  les  autres  sur  le 

r  ihamp  debataUle,  oùiljs  étaient  reçunpar  un  feu  meur- 
trier et  étaient  ainsi  battus  en  détail  par  Fermeon. 

,Les  Prussiens  perdirent  5,000  hommes^  et  le&Russes 

ne  trouvèrent plui  d'obstacle  pourseréunû  à tAudon. 

Alors  Frédéric  dut  lui-même  accourir  au  secouns  ; 

inai§  cptfœrissant  tout  le  danger  auquel  il  allait 

.s'esçposer,;  il  fit  venir  son  frère  dans  spn  camp  de 

,  Schmottseifen,  le  chargeade  surveiller  i^rmée,  jet  de 

>j?liis  le  constitua  logent  du  royaume  ^ppiar  le  £as 
où  il  viendrait  à  être  pris  ou  tué  da#&ceUg  c&mpp- 

.  .£ue.  Cependant  il  exigea  de  Jhji  la  proiwœssç  s&Ua- 
nelle  de  n'entendre  à  aucune  paix  h  ou  te  use  poUr 

,1a  jp^ison  dp  Prusse ,  si  un  p^eil  majeur  devait 
lui  arri^r*  Frédériq  *avait  vme  et  wouçir  en  roi  ; 

„#  il  aurait  vplontiecs  sacrifié. sa  vie  \pour  i#ijber  Ja 
^sjptivité;  car  il  savait  trop  >jen  quels  grands  sa- 
crifices, $es  ennemis  auraient  exigés  paur  ^a.UbeKfee. 

ï  Le '£2  août,  il  rencontra  les  Eusses  efciesÂufrichiens 
réunis  au  .nombre  de  60,000  hommes,  retranchas 

,  sur  les  hauteurs  de  Kunersdorf  ,Tion  loin  de  Franc- 
fort-siir-l'Oder.  A  l'inspection  de  leur  position^  il 

' .s'arrêta  .&  un  plan  de  bataille  qui  devait  non  pas 
♦seulement  lui  donner  une  victoire,-  mais  lia  per- 
mettre d'anéantir-l'ennemi.  Beaucoup  ont  blâmé  le 

;  rbid'un  dessein sicfuel;niais,  auco»traireT un pan?il 
tplan  est  un  témoignage  caractéristique ,dji  grand 
général,  qui  aune, mieux  finir,  la  guerre  d'un:  swl 

t  coup  que  de  la  trader  en  longueur  ,par  d&&  *ow- 


Digitized  byVJ OOQ IC 


bats  insignifiants  et  en  somme  .plus  meurtriers. 
Comment  d'ailleurs  faire  un  ?pareil  reproche  k  Fré- 
déric,, lui  qui  avait  tant  d'ennemis  à  combattre  à  Ja 
fois,  lui  qui  avait  tant  de  raisons  d'en.  finiry  s'il  était 
^possible ,  avec  chacun  d'eux  en  particulier.  Le  plan 
de  «bataille  de  Kunersdorf  ne  fut  .pas  la  cause  du 
«nalheur  de  la  journée  $  mais  ce  fut  d  abord  i'igHP- 
rance,  des  lieux ,  car  quoique  Frédéric  eût  paris  des 
informations  des  gens  qui  connaissaient  le .  pgjr? , 
il  n'avait  pas  des  notions  suffeuuprei&exaptes;  an- 
suite  son  trop  de  confiance  $ur  les  forces  humaines. 

:  Il  Bravait  que  son  attaque  sur  l'aile.g^uçhe  des Rus- 

.  ses,  qui,  à  cause  de^grands  efforts  de  ses  soldats,  eut 
réussi  :  spixànte-dix  oanons  avaient  Aépris  et  l'aile  eu- 

.  Jière  mise  eadéroute  ;  déjà  mâne  le  roi  avait  envoyé 
un  epurrier  annoncer  la  victoire  à  Berlin,  Jpe, jour 
déclinait,  sesgénéraux  lui  çon&eillèreqt  de  ménager 
«es  troupes  épuisées;  parce  que  les  Autrichiens 
gavaient  point  encore  pris  part  au  opnabat  et  fjije 
l'aile  droite  <Jes  .Russes  et^it  restée  inébranlable^  et 
certainement  diaaieat-ils,  l'ennemi  sa  retirera  de 
lui-même  dans  la  .nuit»  Maisle  roi,  qui  ne  pouvait 
soaftHr  une  oeuvre  à  demi  faite,  ordonna  une  nou- 
velle attaque ,,  et  il  fallut  qu'après  les  |>Us  grands 
efforts  d^jà  faits  9  une  armée;  apcablée  par  le  .poifls 
d'une  journée  très  chaude  tantât^tMîpre  4c  conquérir 
à  1 escalade  dtf§  hauteurs  jet  une  position  retranchée 
4?o&  sortaient  des  feux  meurtriers  qui;  renversaient 

.  des  xaûgs  entiers.  Alors  le  plus:gF4odi&urage  devipt 
inutile  devwt  la  j»¥péri«*ri#  t<1u  .nombre.  Chaque 


Digitized  byVJ OOQ IC 


400  SEtnfenK  fepoQûB.  4648-4838. 

fois  que  les  généraux  et  le  roi  hii-métne,  après  avoir 
rétabli  les  rangs,  arrivèrent  à  l'attaque,  ils  furent 
repousses  ;  à  la  ^n ,  comme  depuis  long-tempr  les 
esprits  étaient  dans  l'exaltation ,  ils  tombèrent  tout 
.  «Fun  coup  dans  le  plus  grand  abattement ,  l'effroi  et 
la  confusion  se  mirent  dans  l'armée  et  tout  s'enfuit 
en  désordre,  ta  cavalerie  autrichienne  qui  se  jeta 
sur  les  fuyards  fit  un  épouvantable  carnage,  et  il  n'y 
eut  plus  à  penser,  à  rétablir  l'ordre  pour  la  re- 
traite. Le  roi  lui-même,  au  spectacle  d'une  défaite 
comme  il  n'en  avait  jamais  éprouvé ,  fut  saisi  d'un 
si  grand  désespoir  qu'il  ne  pensait  plus  à  sauver  sa 
vie,   indifférent   de  rester  parmi   les   morts,  les 
blessés  ou  les  fuyards  j  il  eut  deux  chevaux  tues 
sous  lui,  et  une  balle  qui  pénétra  jusqu'à  la  poche 
de  sa  veste  ne  fut  arrêtée  que  par  un  étui  d'or.  Enfin , 
pendant  qu'il  était  ainsi  tout  absorbé,  lorsque,  déjà  les 
escadrons  autrichiens  menaçaient,  1  es-gens  de  sa  suite 
saisirent  la  bridé  de  soç  cheval  et  le  conduisirent 
moitié  par  force  hors  du  champ  de  bataille.  Ge  fut . 
le  capitaine  de  cavalerie  de  Prittwitz,  qui  avec  ses 
hussards  lé  mit  en  sûreté.  Aussitôt  le  roi  écrivit  au 
crayon  à  son  ministre  Finkenstein  ce  billet  :  «  Tout 
est  perdu  ,■  sauvez  la  famille  royale  ;  »  et  quelques 
heures  plus  tard  :  «  Les  suites  de  la  bataille  seront 
encore  plus  terribles  que  la  bataille  même.  Je  ne 
survivrai  pas„  à  la  ruine  de  la  patrie.  Adieu  pour 
toujours.  »  Telles  étaient  les  pensées  sombres  et  déses- 
pérées qui  roulaient  dans  l'esprit  du  roi.  Et  quand 
le  soir ,  couché  sur  un  lit  de  paille,  dans  le  village 


Digitized  byVJ OOQ IC 


GtfKKIE   DE   SEPT   kît*.  401 

dQEtscher ,  sous  un  toit  de  chaume  à  moitié  détroit , 
où  il  ne  pouvait  goûter  le  sommeil  j  tandis  que  le  peu 
à9  hommes  de  sa  suite  dofma ient  profondément  autour 
de  lui  sur  la  terre  nue;  quand  tout  Péblouissemeot 
que  la  grandeur  de  la  terre  peut  donner  eut  disparu 
à  ses  yeux  et  qu'il*  vit  tout  sans  aucun,  voile ,  alors,  il 
put  sentir  mieu&que  jamais  combien  l'homme  est  peu 
de  chose  par  lui-même  et  combien  ses  calculs  sont 
vains;  car  si  une  main  plus  puissante  n'était  ve&ue 
h  .sauver  lui  et  son  peuple ,  ils  étaient  perdus.  Le 
chemin  de  Berlin  était  ouvert  au  vainqueur,  il 
pouvait  pénétrer  dans  l'intérieur  des  états  prussiens. 
Le  roi  le  lendemain  matin  avait  apeine  5,000 hommes 
de  toute  sa  grande  armée  ;  et  ce  ne  fut  que  quelques 
temps  après,  quand  il  eut  rassemblé  tous  les  fuyards  et 
tout  attiré  à  lui,  qu'il  put  monter  jusqu'à  18,000 
hommes;  puis  pour  remplacer  les  165  canons  qu  il 
avait  perdus  à  Kunersdorf,  il  fit  venir  à  grand  peine 
♦quelques  pièces  d'artillerie  de  Berlin.  Cependant  la 
•capitale  fut  sauvée,  le  général  russe  ne  poursuivit  pas 
3a  victoire.,  soit  par  une  considération  secrète  pour 
le  prince  héritier  du  trône  de  Prusse,  soit  par  mécon- 
tentement de  l'inaction  des  armées  autrichiennes. 
rSoltikow  écrivit  au  feld-maréchalDaun,  qui  lui  de- 
mandait d'aller  en  avant  :«  J'ai  déjà  remporté  deux 
victoires ,  et  je  n'attends  pour  me  porter  en  avant 
(que  la  nouvelle  de  deux  des  vôtres  ;  car  je  ne  vois 
{pas  avec  plaisir  que  les  troupes  de  mon  impératrice 
fassent  tout  par  elles-mêmes.  «Cette  jalousie  et  cette 
^mésintelligence  entre  les  deux  généraux  durèrent  tout 
t.ji.  ~  26 


Digitized  byVJ OOQ IC 


4M  SBPTlfcHfe  *W>QUfc.   1648-»1838. 

le  temps  de  la  guerre,  et  plus  d'une  fois  sauvèrent  le  roi 
Frédéric  des  positions  les  plus  difficiles. 

Cependant  le  général  autrichien  se  vît  tenu  en 
échec  en  Lusace  par  le  prîttceHenri ,  frère  du  roi,  qui 
dans  cette  ooeasion  employa  toutes  lés  ruses  de  l'art 
militaire  >  et  qui  par  toutes  ses  marches  et  contre- 
marches,  «ans  livrer  une  seule  bataille,  le  força  de 
repasser  les  montagnes  de  la  Bohême.  Là  sage 
conduite  du  prince  fut  si  belle  dans  cette  circon- 
stance, qu'il  obtint  sans  verser  de  sang  ce  que 
l'impétuosité  de  son  frère  voulait  obtenir  par  une 
bataille;  et  il  semblait  que  le  sort  les  eût  rapprochés 
tous  les  deux ,  afin  que  l'un  réparât  les  fautes  de 
l'autre.  Frédéric  a  lui-même  jugé  son  frère  en 
disant  :  *  il  est  le  seul  général  qui  dans  ia  guerre  n'ait 
pas  fait  desiautes.  » 

•Cependant  le  prince  Henri ,  ne  put  empêcher  que 
le  roi  n'eut  à  souffrir  1  la  fin  de  cette  campagnedeux 
grandes  perles.  Dresde ,  la  plus  importante  place  des 
Prussiens  datis  la  guerre  fut  évacuée  et  livrée  aux 
Autrichiens.  Le  rot  avait  envoyé  l'ordre  au  comte 
4he  jfohmettaa,  alors  gouverneur  de  cette  plqce, 
«près  la  bataille  de  Kunersdorff,  de  sauver  avant 
tout  tel  «sasette  pleine  de  sept  millions  d'écus,  s'ilétait 
vivëmewt  attaqué.  Trop  exact  à  suivre  cet  ordre, 
le  général  Sohnwttau  rendit  la  ville  à  l'armée  im- 
périale Je  jour  arème  (û  septembre  )  que  le  général 
Wmwcb,  envoyé  trop  tard  par  le  roi  po*r  délivrer 
la  ville  t  arrivait  dans  le  voisinage.  La  cassette  était 
sauvée,  mais  toutes  les  provisions  et  la  place  même 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


furent  perdues;  et  cette  perte  permit  au  général Daun 
de  prendre  pour  la  pnwmèrefois  ses  quartiers  d'hi- 
ver en  Saxe.  Le  roi  tenta  tout  pour  le  chasser  de 
celte  pD&itW,  il  fanm  l'arma  m  g£jw*\  ¥w<& 
.d'aller  ?vec  15,000  horonœp*  preodrç  Vaçpaép^irt^if 
diicrunepar^dqjvière,  du  coté  ds  MaJ^av^^qf^U 
était  sur  le  dauger  tle  V  entreprise  p*r  le  $é&ç  <& 
noir  exécuter  une  idée  qui  lui  appartenait,  Lç  jj/wé? 
oral»  qui  le  reconnut  et  qui^mttlg^é^sçfp^^s^^ti^ft^ 
fut  forcé  de  poursuivre  FopéraJtioj*,  peidifcili|ftnd,i| 
&  vit  attaqua  h  cofï&mw  çn  &$f  forces  #  p§r  £pnré« 
cjueitf  ^n.s^g.fcQid,  et  il  se.readifc  aprq»  un  (Wfthtf 
«uglartf.  ayeç  #b£q  mille  hommes  qui  jfcui  reçtatfftt, 
JU  tféteit  jaow*  rieu  arrivé  de  pareil  daja* .  Jfamte 
jXvmeQne,  &  pétait  çgpiw  la  co^e~pfrç*i$  &!# 
sottHM^g^  çks  14,000  SaxQus  faits  pmoiMMfiC*  *¥ 
mvfm^w&m^t  de  la  guerr? ,  d#us  upq  ëçjftbjabte 
position.  Dauu  outra  comme  en  triompha  d«P 
Pra^te,  #t  d&lora  w  ne  put  ls  d#ow»er  4»  p*ff- 
jlt  &  p*#er  Tiûv?r  en  Sa»S-  £e  *o\t  qfiï  m  pO»Wttt 
4jft«app9ftfr  Fid^f  voulut  lie  fougue-  $ap  «*  téwsfltf, 
«ItreAU»  ewpre  six  sèitiaiosa  <ta  ten^  camps  prêtée 
WiJsdruf  eu  pleine  çeœpagne,  n^4gr§  te  fcwd  fe 
plu»  igftto^  vouk*t  obliger  D^ft  à*  m  faif$afil3ftt 
4p*rluUfc  à  *te*ffrw  COmaiç  lui,  Bnftn  la  ripawde 
Inerte  Jcwrça  d'wK&rder du  re^&^deafcaftiéift, 
au  moi*  de  jtuivier  1760,  GepeiHl^t  U  te*  W 
«•oint  pte  ab*njntentae*  k  partis  de  la  Sais  $*»*  lui 
ètetaft  r  «»  ii  éUbli*  son  quart itT-g^u^i*  Fribewg) 


2G. 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


404  septième  époque.  4648—1858. 

ANNÉE  im 
LiegniU  et  Torgau. 

Au  commencement  de  la  nouvelle  année  la  posi- 
tion du  roi  Frédéric  était  très  difficile.  L'enceinte 
qui  lui  appartenait  et  dans  laquelle  il  pouvait  se 
mouvoir  en  liberté  n'était  à  la  vérité  guère  di- 
minuée ;  mais  les  sources  où  il  puisait  la  vie  et  la 
force  tarissaient  de  plus  en  plus.  Son  armée  était 
moins  nombreuse  et  moins  bien  composée;  tandis 
que  l'ennemi  semblait  croître  en  nombre,  après 
chaque  perte.  Son  esprit ,  toujours  plus  audacieux , 
pour  qui  il  semblait  essentiel  d'attaquer,  était 
enfin  forcé  de  se  réduire  à  une  guerre  défensive; 
encore  n'eut-elle  que  des  fruits  amers  pour  lui  au 
commencement.  Il  devait,  dans  cette  campagne f 
défendre  la  Saxe  ;  son  frère  Henri  la  Marche ,  contre 
les  Russes  ;  et  le  général  Fouquet  la  Silésie,  contre 
lés  Autrichiens  commandés  par  La u don.  Mais  ce  gé- 
néral ,  qui  était  le  meilleur  qu'eussent  les  Autri- 
chiens ,  avait  une  armée  trois  fois  plus  forte  que  celle 
des  Prussiens  qu'il  pouvait  laisser  reposer  à  son 
gré,  tandis  qu'un  détachement  était  occupé  au  siège 
de  Glaz.  C'est  pourquoi  Fouquet  abandonna  les 
montagnes  de  la  Silésie ,  où  il  se  tenait  pour  être  à 
portée  de  courir  plus  promptement  partout  où  il 
y  aurait  besoin  de  secours.  Mais  alors  les  villes  et 
villages  des  montagnes,  garnis  d'une  population  ac- 
tive et  industrieuse,  furent  fort  maltraités  par  les  dé- 
tachements autrichiens,  et  leurs  instants  pressantes 


Digitized  by  VjOOQLC 


GUERRE    DE   SEPT    À1IS.  406 

décidèrent  le  roi  à  donner  Tordre  à  son  général  de 
reprendre  sa  position  dans  les  montagnes  ,  auprès  de 
Landshut.  Fouqoet,  qui  était  un  homme  sévère  et 
à  cause  de  cela  peu  aimé  en  Silésie ,  mais  un  guer- 
rier brave  et  résolu,  vit  le  danger qu*il  allait  courir; 
et  comme  ses  représentations  furent  inutiles,  il  ré- 
solut du  moins  de  subir  son  sort  en  se  défendant,  et 
non:  pas  comme  Fink ,  à  Maxen ,  en  rendant  les 
armes;  aussi  quand  il  fut  attaqué,  le  33  juin,  par 
trente  mille  Autrichiens  qui  l'enveloppaient ,  il  se 
défendit  pendant  huit  heures  avec  ses  Prussiens , 
malgré l'inégalité  dii  combat.  Pourmieuxsoutenir  les 
attaques  de  la  cavalerie  ennemie,  il  form?  ses  braves 
guerriers  en  bataillons  carrés  et  défendit  avec  eux  son 
terrain  pouce  à  pouce ,  tant  qu'ils  eurent  la  force  de 
porter  leurs  armes.  Enfin  Foùquet  fut  lui-même  ren- 
versé de  cheval ,  et  il  allait  être  tué  par  les  cavaliers 
autrichiens,  si  son  palefrenier  ne  se  fut  jeté  lui-même 
surson  maître  et  n'eût  paré  les  coups  avec  son  propre 
corps.  Un  officier  le  reconnut  et  le  sauva  tout  cou  veit 
de  blessures.  La  cavalerie  prussienne  s'était  ouvert 
un  passage;  mais  l'infanterie  fut  massacrée, excepté 
quatre  mille  hommes  qui  furent  faits  prisonniers. 

Ce  fut  un  combat  dont  la  perte  fut  très  sensible  à 
Frédéric.  Fouquet  était  son  ami,  et  la  Silésie  se 
trouvait  ainsi  ouverte  à  l'ennemi.  Mais  il  voulut 
aroir  sa  revanche  afin  d'effacer  promptemeat,  par 
une  action  hardie,  l'impression  de  malheur  attachée 
à  ses  armes;  il  trompa  le  feld-maréchal  Daun  par 
des  marches  habiles ,  gagna  sur  lui  des  avances  coq- 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


466  sEPTik*B  **oçub.  1646—1858. 

atdlraMe*  et  parut  tout  d'un  coup  devant  Diteèd** 
dont  U  forma  le  siège.  C'aurait  été  pour  ki  HQigiwd 
avantage  ,*>ti  eût  pu  forcer  cette  villa  à  se  reûcfae^ 
«ail  «»«omuiwMkiit ,  legénénal  Matfquire,  était  ua 
|xa*e  militaire  qui^  iiien  que,  Ifcs  trois  tfuarte  db 
«U*  bdle  villa  et  beaucoup  de  mnçpiêqw* îédtficBS 
Ikartwt  Téâafcts  en  ctodre  par  le  fini  desPnttsietoj 
tti  f*aiat (pat  da  tant  a  se  rendre  >  pwoe *m'il  a* 
^t?^nela  fraude  aratée  iratrichka»  œivait  len» 
4*e  p*èfc  «t  qu'elle  le  d#ivrerak.  £b  effet,  Dan* 
fart*  wàïit  que  k  ville  dst  été  forcée  de  se  rendre  $ 
<ma«  **ii  sût  fait  «in  peut  film  de  diligence,  il  ka 
wuoft  pwbaideaiQnt  épargné  tout  œ  qu'elle  eut  à 
*ou8tii\  Le  ittri  ieVa  le  sîëge  et  courut  «b  Sitésiçg 
«ir  il  y  irfUk  *rm vë  un  nouveau  «a&tt&itr.  Le  gené- 
«1 Latdon  atafe  ietaiporté  en  un  jottr,  par  la  trahisop 
4ftfe  perfidie  du  connnandûat  Oo-,  Italien  *de  aai*- 
i,  i*  *tUede>Giaz<,  la  plus  importante  des  étais 
aptto  AUgdebourg^  citait  la;cle  do  la  St- 
tfete.  Héttwu&eméfct,  Laudon  trouva  darale  goai«r- 
*«»wde^erfatt(fe  eapitale)^  datisle  général  Ifeuefr- 
%fâta ,  Un  adv«waire  résolu.  Rien  ne  put  r-efiie^yer, 
et  te  fttfoce  «Henri  ferriva  bfentât.paur  le  .sauver.. 
<>  î  B*UttJ*€  dé  Litgttit^  iBaoût^-w  Le  roi  j^drtit  aussi 
ttipm&tte  four  la  Sïléiie,  suivi  4m  plutôt  actroiapa- 
ïgWf  4es/tei*ttrffes  autrichiennes  ^  carfd'im  ootéiéteti  Je 
^d*4K**fellpi  Doun  et  de  l'auto  le  général  LascL; 
40ftffiail  smritai  jwcpi'à iiàegidtE,  toujoura  katmilawliat 
«poMéd'âs  la»  dteac&rmcoicJief  jqpu  aie  discontinuait 
pot*  M  ne  podvait  pas  aller  plus  km;  Omn,  «fui 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


GVBAlt  DE  «EP7  AVIU  49*1 

avait  attiré  &  lui  l'armée  da  Laudou  »  lui  fayawît  k 
passage  vers  fireslau  çt  Sohweidaite,0Ù4ij#fit ses m«* 
gasius,  avec  desfoncesde  beaucoup  supérieures  I>W 
*uire  côté,  le  prince Henri  était sen?é  de  prè*parte» 
Russes  sur  l'Oder.  Le  roi  n'avait  plu*  de  vivreaiqpw 
pour  quelques  jours,  et  les  Autrichiens  étaient  s\  pçèq 
4fl  lui,  comme  à  Hochkivch,  qu'il  lui  fallait  chaque 
nuit  changer  de  camp  pour  n'ét*e  pas  attaqué,  Eufiu^ 
les  Autrichiens  crurent  avoir  (saisi  le  moment  favot- 
rafrle  pour  une  bataille.  C'était  1$  i5  août ,  et  dans  fe 
/witp^ckUnteliaudw  ét«t  parti  4Vv*5W»p«*^« 
ifeg^rerdesbauJ^^  etpi^&l'aiv 

poée  prussienne  en  do*  1$  «w  dw^4t«*#*iUi  de 
tjms  côtés  ;  m  yonlaU,  s'il  #?it  pwsihte,  l'swk«*hr. 
Injustement,  qette  m#*ejwiik  W  yoifi^f^^pil- 
;  Jffipsa  po#tip9  à  SW  armée  daps  laplw  grafld  afte^M» , 
p^ce  que  je  Jonr  précédât  \e§  Autrichien*  l'aya^tt* 
&it  observer  avec  un  trop#$nd  roi»  ,  #  il  4tôtiwftu 
.ççpapiper  ^  les  hauteur*  4ft  Pfuflfcndotf,  v$rçj  tas- 
quelles  Landw  se  dirigeait  (*)•  h&  foax  4e  »w&  î>r&- 
Jaient  tyiyaurs  Aws  lVutfeu  <w»p  pr>u*$w#  eflrt*»- 
,  toau&.par  les.pajsfun^  ^t  lts  p^ro^Ulw  de  &w§wd$ 
p^si^ns  oriaiep*  tpujowrs  Igg  pris  dteigwle  4  olwqtf  e 
qqajrt  d'h^nr^;  tandis  qm^éik  Je  W  #*H  ÊWt 
,  ^hli  daps  son  w>uyea«  cwp,  Les  sqld»t#  étefëft 
,  couchés  ayee  Uw*  armes,  ^t  le?oi  eoy«4Qppé  *4#fs 


O  Àrchéhholz  dit  que  Frédéric  avait  été  informé  des  plans  de  l'ennemi  ; 
et  ainsi  s'eJ^tiqaft  fee  changement  si  seeret ,  et  le  sifenee  des  soSdats  dans 
leur  nouveau  camp.  (A.  Guerre  de  sept  ans,), , ,  .         *  fui. 


Digitized  byVJ OOQ IC 


408  septième  époque.  1648—4838. 

Éûn  manteau  se  mit  auprès  d\m  petit  feu  et  s'endor- 
mit; sou  fidèle  Ziethen  était  auprès  de  lui,  et  quel- 
ques autres  officiers  s'y  trouvaient  aussi.  Un  silence 
solennel  régnait  dans  toute  l'armée  ;  le  plus  petit 
bruit  était  défendu,  et  chaque^  guerrier  attendait  le 
jour;  les  uns  dormaient,  les  autres  causaient  tout 
bas.  Mais,  vers  lesdeux  heures,  le  commandant  d'une 
patrouille  de  hussards  vint  révriller  le  foi  par  cette 
nouvelle  inattendue  :  L'ennemi  est  là, y  peine  éloigné 
de  quatre,  cents  pas.  Celte  parole  fut  comme  une 
Commotion  électrique;  en  un  instant  les  généraux 
f  aont  à  cheval,  les  bataillons  sontarmés  et  le  bruit  de 
l'artillerie  retentit.  Laudon  étonné  reconnut  bientôt 
à  la  faveur  de  l'aube  du  jour  qu'il  avait  devant  lui 
ia  plus  grande < partie  de  larmée  prussienne;  mais 
loin  de   se  décourager  il  redoubla  d'ardeur  dans 
«on  attaque,  espérant  d'ailleurs  que  le  fel A-maré- 
chal Daun  entendrait  ses  décharges  d'artillerie  et  vien- 
drait à  son  secours;  mais  un  vent  contraire  chassa 
le  bruit  de  côté,  et  Daun  n'entendit  rien.  Après 
trois  heures  de  combat ,  à  cinq  heures  du  matin ,  la 
Victoire  était  décidée.  Laudon  perdit  quatre  mille 
hommes,  six  mille  blessés,  quatre-vingt-deux  canons, 
J  et  fut  obligé  de  se  replier  en  toute  hâte  sur  la  Katz- 
1  bach.  Daun ,  qui  voulut  de  son  coté  marcher  contre 
l'armée  du  roi,  arriva  le  même  jour  sur  Paile  droite  des 
Prussiens,  commandée  par  le  général  Ziethen,  et 
fut  reçu  par  un  feu  d'artillerie  des  miçux  nourris  ; 
.  mai^  quand  il  apprit  la  défaite  de  Laudon,  il  se  re- 
plia aussi  lui-même. 


Digitized  byVJ OOQ IC 


GUBBRB   DE   SEPT   ANS.  400 

Cette  victoire ,  qui  était  un  véritable  présent  de 
ja  fortune,  améliora  extrêmement  la  position  en 
roi,  et  il  sut  en  tirer  parti  avec  toute  la  promptitude 
qu'on  lui  connaît;  trois  heures  après  la  fin  de  la  ba- 
taille, il  était  en  route ,  les  prisonniers  au  milieu,  les 
blessés,  amis  et  ennemis,  étaient  traînés  dans  des 
chariots,  et  les  canons  pris  rangés  avec  les  autres  dans4 
le  train.  La  tête  de  l'armée  vint  camper  dans  la  même 
journée  à  trois  lieues  du  champ  de  bataille;  la  route 
de  Breslau  était  libre  et  il  n'avait  plus  à  craindre 
que  les  vivres  lui  fussent  coupés. 

La  Silésie  était  en  grande  partie  sauvée  ;  mais  dans 
la  Marche  et  dans  la  Saxe  étaient  survenus  de  tristes 
événements.  Les  Russes  s'étaient  retirés  de  devant 
Breslau,  pour  s'avancer  sur  la  rive  gauche  de  l'Oder; 
et  ils  se  décidèrent  alors  à  envoyer  à  Berlin  vingt 
mille   Russes   réunis  à    quinze  mille  Autrichiens 
commandés  par  Lasci.  La  ville  ne  pouvait  résister 
à  une  si  puissante  armée  avec  sa  petite  garnison  ; 
elle  se  rendit  donc  au  général  Totlében,  le  h  octobre. 
Heureusement  pour  elle,  il  ne  fut  pas  trop  sévère 
et  la  préserva  du  pillage ,  sauf  quelques  maisons 
royales  dans  les  environs  qui  furent  saccagées  par 
les  Saxons,  et  quelques  monuments  qui  furent  dé- 
truits. L'occupation  de  la  ville  dura  huit  jours,  et 
il  lui  fallut  payer  des  sommes  d'argent  considérables. 
Alors  se  répandit  le  bruit  delà  marche  du  roi,  et 
aussitôt  l'ennemi  revint  en  Saxe  et  sur  l'Oder. 

Bataille  de  Torgao,  le  &  novembre.  -—  Frédéric 
n'arrivait  pas  seulement  à   cause  de  sa  capitale, 


Digitized  byVJ OOQ IC 


4*0  siPTik**  *JHWn.  4M&f~4838. 

mais  surtout  à  oau$e  de  la  Saxe.  Pendefit  qu'il  était 
flKCHp^e*  SU^sitf,  Vzrmm  impériale  y  était  eptrés, 
tit  an  trouvant  aijjcune  résistance  s?était  emparée  dp 
lp4t  Jq  pay$»  Itaui?  arriva  aussi  lui-même  avçç  sob 
,ajrm§e  et  campa  won  lpin.de  Torgm-»  dans  ppe  pp»- 
J4tioA<tff&?  farta*  Si  le  mi  ne  voulait  pps  tp#ir  ce  b$afc 
fiaj<s  p#w  perdu  pour  lui  /et  renouer  à  fendre 
^quartiers  daas  ses  pro^s,*^,,  M  faltei*  te.**- 
^oaaqu^rir  tout  entier  avant  \%if&P;ll:n9aimtf/p 
•à-  fiMsir;  et  alprs-,  ço»i^  dqâ  pjtt#eur$  foi*  au- 
paravant ,  à  la  fin  de  la  CÉii#f*g#et,  il  tîjHt  dev£*r 
!#pjt  risquer  pp»r  ^Uenir  uu  gcaod  gaiu;  oettefois 
aa  perte  semblait  irrémédiable t  si.pe  oaupp^rilie^x 
;#£  i^ii^iswt  pas.Pn  reste  ilpamiss^it  lout<res%ré 
44*  IflWrt  PP*V  ce  dénier  ci*a,  -et  y  firttyès  pr&  de 
i|>ff'd^  fc  bafci^e.  X-Vttaqu€  des  ligues  refrapcl*$esde 
tïlWBWfc  4ey#fr  3 voir  Ugude.ifciUE  cotes,  parjtjjmx 
-dtâ&pJrt?  cprps  d'armée  ;  le  rpi  en  t^dafraii;  un,  ^t 
;  fteftfip  l^ntreqjû  devait  passer  p^jnle^usilapçinte 
4»  ^ntagn§§>  porçr  vçnir  pemfre  les  Autrichiens 
,<pa4ps.  {Iȍ  Jfor$t ca^liait  les  approchas  du,  roi  i  fnapil 
,  ^  ^j^^fnJbaiTfts  dan?  sç?  trains,^  qnjîjrèççssija 
.Wffit^}  et  sitôt  qu'il  sortft  4^1*  fpr4t*  U  étendit 
j^nfif^^u.difcpJ^Me  £tet|>TO*  de  swjs  qa'Û  Je 
|(f rut  fipmplè^Ç^Rj  WBPg^;  ^Ç;:cp(ii;^it,qu'»n 
Jim  4'pvant-pastes^  ;  ,et JPaun  pquvaiç  mç&w  #igpr 
7tout  son  uaoiide  contre  le  roi.  Aussi,  quand  dans  son 
impayé??  efr  sap?  attendre  le  reste,  de;  \  'ganterie  et 
:Jisa  cayplerie^  Uwn4ui»t  ses  grenadiers  poutre  les 
.pefcrfuiphemewts  a#lriphiçfls ,  il  fui,  reçu  par  un 


Digitized  byVJ OOQ IC 


avEi««  db  si**  **s*  •  AU 

feu  h  terrible  dt  deta  et ots  bouches  d'artiHcrie* 
que  lés  rangs  de  «es  soldats  furent  abattmctwme  p«r 
pu  coup  de  foudre;  de  >orte  qfce  leurs  corps  igar* 
dftieat  encore  par  terre  le  même  ordre  «de  bataillé^ 
tandis  que  $e«  canonnière  né  purent  réussir  à  twùr 
«a  seêl  coup;  parce  qu'ils  étaient  eux-jnâmfis>  éo*à* 
$és  aum  hàen  que  leurs  chevaux,  avant  d'avoir  fit 
charger  leurs  pièce».  Lé  roi  avoua  Ini+piéine  à.cerifc 
qui  étaient  avec  lai   qu'il  n'avait  jamais  :  oulwwà* 
un  pareil  fracas,  et  en  effet  plusieurs  hommes  en  «kî- 
Tinrent  sourds  sur-le-champ.  Frédéric  y  fut  fiwppÊ 
À  la  poitriae,  maïs  sans -qu'il  restât  de  tmaett.  Oè 
«nouveaux   bataillons .  prassims .  arriverait  et   gi* 
#uè*eirt  du  terrain ,  mais  ils  furent  vivemeat  rq- 
poupsés  pm*  1b  cavalerie  autrichienne)  'celte**  ftft 
elle^métoe  chassée  par  oelle  des  Pmwiens  ^  «pli;  fit 
-forcée  aussi  de  revprôr,  ayant  fçncootfrf  «*  obittwèe 
>^u'»èllo  w  pal^urmonter^  et  Ton  combattit  ai oëi  jéja- 
^jtt'à  la  omit  a*vbc  différante  suoois.  Cepti»éattt;le<:  *Ji 
étiûtprofonjcWmeiii  affligé  et  toarmenté.  i/âtttdMOD 
infanterie  gisait  sur  le  champ  de  bataille ,  et  les  re- 
tranchements autrichiens  "n'étaient  pas  emportés; 
le  feld-maréchal  Dftuji  ayjait  .même  fait  partir  d'a- 
vancé pour  Vienne  un  courrier  annoncer  la  victoire. 
La  fortune  en  avait  cependant  autrement  décidé. 
Tàiïdis  que  du  côf  éduTDi  on  fcôtriBifttâlt  ettcotfe'çàlet  là 
'dans  l'obscurité,  souvent  ami  contré  ami} parce  que 
quantité  de  troupes  s'élaîent  égarées;    taûdSs  qde 
d'innombrable^  feux  étaient  allumés  d&hsles  bois 
de  Torgau  eV  qu'à  câu&e  dti  fVdîcï  de  cette  riûït  d'ato- 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


4U  SEPTtkm  époque.  4*48—4838. 

tourne,  «mis  et  ennemis,  blessés  et  hommes  sains  s'y 
réunissaient  avec  l'intention  au  matin  de  se  rendre 
h  celui  qui  aurait  la  victoire;  pendant  que  le  roi, 
dans  l'église  du  village  d'Elsnig,  étaitoccupé  à  écrire 
des  ordres,  le  général  Ziethen  arriva  sur  le  sommet 
des  hauteurs,  après  avoir  combattu  jusqu'à  dix  heures 
d*  soir  et  se  réunit  enfin  avec  le  général  Saldern. 
i*fcrlà,  la  position  des  Autrichiens  se  trouvait 
tottrnée;  ils  ne  pouvaient  recommencer  le  combat  y 
te  lendemain  matin  ;  et  Daun,  qui  avait  été  lui-même 
Mené  ,  se  retira  pendant  la  nuit,  en  grand  silence,  à 
travers  Torgau,  pour  passer  l'Elbe  et  gagner  Dresde. 
Cette  retraite  fut  si  secrète  que  les  Prussiens  se  pré- 
parèrent le  lendemain  matin  à  un  nouveau  combat, 
filais  quand  le  roi  sortit  du  village ,  à  Paube  du  jour, 
il  trouva  le  champ  de  bataille  vide,  et  fut  salué 
comme  vainqueur  par  ses  troupes.  Par  cette  san- 
gknte  bataille  il  reconquit  une  grande  partie  de  la 
Saxe;  dors  il  y  donna  àes  quartiers  d'hiver  à  son  ar- 
mée et  se  retira  lui-même  dans  Leipzig. 


ÀlSNÉBS  1761  et  1762. 
rai*  avec  la  Rassie  et  la  Suède. 

Les  dernières  années  de  la  guerre  offrent  moins 
de  brillantes  et  grandes  actions.  L'épuisement  des 
peuples  devenait  déplus  en  plus  sensible,  et  Frédéric, 
qui  d'ailleurs  était  si  avide  d'entreprises, élait  obligé 
de  sVn  Lçuîr  à  la  défensive  et  de  consacrer  toutes  ses 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


-  auxàns  pi  sept  à*s.  .  41 S 

facultés  à  conserver  ce  qu'il  possédait  encore  :  ce  ne 
fut  pas  une  tâche  facile.  En  1761 ,  il  prit  lui-même  le 
commandement  en  Silésie  et  employa  tousses  talents 
pour  empêcher  la  jonction  de  l'armée  russe,  comman- 
dée par  Butturlin,  ayec  celle  de  Laudon  qui  faisait 
à  elle  seule  soixante-douze  mille  hommes;  il  réussit  à 
gagner  du  temps  et  à  laisser  ainsi  jpasser  une  partie  de 
Tété.  Enfin  les  deux  armées  se  réunirent ,  le  12  août , 
dans  les  environs  de  Strigau,  et  firent  alors  un  total 
de  cent  trente  mille  hommes  ;  de  sorte  que  Frédéric 
fut  obligé,  ayec  ses  cinquante  mille  hommes^  pour 
n'être  pas  accablé  par  un  si  grand  nombre,  de  se 
retirer  dans  un  lieu  retranché}  ce  fut  dajia  le  camp 
de  Bunzelwitz,  dans  lequel  il  resta  vingt  jours  assiégé 
et  nécessité  à  une  si  grande  vigilance,  que  ses  soldats 
se  tenaient  en  armes  et  en  ordre  de  bataille  toute  U 
.huit  et  ne  se  reposaient  que  le  jour.  Cependant  un 
ennemi  trois  fois  supérieur  en  nombre  se  jetant 
avec  toutes  ses  forces  sur  les  points  les  (dus  faibles 
du  retranchement,  aurait  pu  conquérir  la  victoire; 
mais  il  manquait  un  génie  pour  conduire  cette  grande 
masse;  d'ailleurs  les  deux  généraux  n'étaient  pas 
d'accord  et  ils  craignaient  de  travailler  l'un  pour  h 
réputation  de  l'autre.  Chacun  croyait  toujours  que 
le  plus  lourd  fardeau  du  travail  commun  lui  était 
imposé;  et  de  même  que  déjà  dans  tout  le  cours  de 
cette  guerre  jamais  une  armée  russe  unie  avec  une 
armée  autrichienne  n'avait  pu  agir  d'accoi?l> 
cette  fois  encore  elles  se  séparèrent  sans  avoir  rien 
fait.  Les  difficultés  de  fournir  aux  besoins  d'une  si 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


gmndfeiftwWtiKÏeèwftrt  U  priôtipàle  câitsè.PrëâéKc 
*t  sonarméè  s#trovv£rent  donc  un  peu  piastre*;  et 
alors,  afin  d'arrêter  toutes  les  poûtsMtes  de»  Russes, 
atrmoiifô  pour  cette  année,  il  fît  piller  leurs  maga*- 
èins  en  Pologne  au  moyen  d'une  expédition  hàrcHé 
«ctoduhte  par  le  général  Platen.  Le  coup  réffssrt  c* 
fotttéë  ru&è  fut  paralysée  pour  cette  campagne. 
>  Cependant  cette  année  ne  devait  pas  se  passer  sans 
Quelque  malheur  pour  le  roi.  Quand  il  abandonna 
Hbn  camp  deBtmzeltvitzpnur  attirer  les  Àutrichîenfc 
Ans  le  pays  plat  de  la  Sîlésie ,  tout  d*un  ûattp 
Laudon  descend  des  montagnes,  et  au  lieu  de  suivre 
fe  roi,  il  tourne  tout  d'un  coup  sur  Schv^eMnitz, 
Siirprend  ftr  viHe  qui  était  mal  gardée  et  l'emporte 
#«ssant  datts  la  nuit  du  îir  octobre.  La  faible  gar- 
mson,  composée  degeiis  ramassés  de  toutes  parts,  Ait 
fttftè  prisonnière  avec  Zâstrow,  son  général.  Par 
f6cte»pàtion  de  Sclweidnitz  et  de  Cflaz ,  les  Aûtrî- 
<*fenS  se  trouvaient  maîtres  de  la  moitié  delà  Siî&îè 
é*  ife  purent  y  passer  l'hiver.  Les  Russes,  de  letit 
*<Hés  Vêtaient  enfin  emparés  de  ^importante  place  db 
CWlberg  j  le  L3  décembre ,  après  une  siège  de  quatre 
ifccfe,  et  voulaient  au  moins  imefèis  passer  Vhhét 
«i  Pfcttnërftftie. 

-:îEe  rd <hWit  jamais  été  si  resserra:  CepeAdatîft 
%*4aee  Heari  avait ,  eut  été,  défensfci  avec  béautouf) 
tffcabafelé  contre  Bârni  cette  portion  de  Ja  Slàxéqm 
Wf  restait  encore  j  «ai»  ce  n'était  qtoe  la  moitié ,  et 
te»  Russes,  le  printemps  suivant,  en  parlant  de 
&dtof  rt'avttientqne  quelques  pas  à  faire  pour  awî- 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


oviaâtt  m  mrm  émj  *  4ïfc 

ver  à  Berlin,  Réduit  à. une  papille  fextr&fitai*  le 
peuple  prussien  eût  pu  perdre  entièrement  courage* 
nuis  il  se  montra  digne  de  la  fermeté  de  flfcmroi  et 
même  il  relaya  *o*  tourna  par  Sa  confianèe  que  M 
inspirèrent  atfasi  tien  le^bourgeois  <pae  ied  pnysawr, 
et  tonte  la  jeunesse  q*ii  renaît  souà  les  drapéâttt 
exprimait  son  enthousiasme  par  des  étants  les  plus 
exaltés.  Aussi  on  disait  tout  haut  dane  lq  ownp  qttê 
le  roi  et  son  armée  ne  pourraient  perdre  ctfttrttgè 
tant  que  le  peuple  serait  lui-même  si  vàUl v  Àitfsi  le 
roi ,  le  peuple  et  l'année  ne  faisaient  qu'a*,  et  À 
la  raine  cjtait  inévitable,  au  raomsr  ette  devait  Are 
glorieuse,. 

La  nouvelle  année  apporta  avec  dite  un  nouveau 
rayon  4'espérance ,  d'autant  plus  aereii»  qu'il  était 
inattendu.  La  reine  Elisabeth  mourut)  le  &  jfrimer 
1762  et  d^livr-a  Frédéric  d'un  ennemi  aahartté.  Son 
neveu  ,:  Pierre  III,  utoota  sur  le  trône  $  tfétatt  tni 
admirateur  ailé  du  grand  roi,  4pii  n'écoutant  que 
ses  sentiments  commença  par  renvoyer  eu  Kbefrtë 
tous  les  Prussiens»  satia  exiger  de  rançon,  eC  hoii 
seuletgent  il/fit  avee  Frédéric,  le  &  mai,  if  SakûU 
Pétçrsbourg»  une  paix  dans  laquelle  il  eticwhstlt  à 
peu  ses  intérêts  qu'il  i*ndk  toute  la  Prusse  dans  ejtfc 
gp:  indemnité  ;  mais  il  conclut  même  une  alliance 
avec  lui,  et  fit  partir  au  secours  des  Prussiens  en  Si- 
lésie^çp  gétoéwl  Czenutoetef  a  Mec  vingt  nrflfe  Russes; 
La  Suède  suivit  œt  exemple  5  lpsse  chine  guerre 
si  peu  honorable ,  elle  fit  sa  paix  avec  la  Prusse ,  le  28 
mai  àHambojurg* 


Digitized  byVJ OOQ IC 


446  SEPTifen«  époque.  4ft48— 4858. 

Alors  Frédéric  pouvait  tourner  toutes  ses  forces 
contre  l'Autriche  et  il  comptait  bien  lui  reprendre 
bientôt  la  Silésie.  Il  voulait  commencer  par  Schwei- 
dnitz  ;  et  comme  le  feld-maréchal  Daun  se  tenait  à 
couvert  dans  une  forte  position  auprès  de  Burkers- 
dorf ,  il  résolut  de  l'y  forcer  aussitôt,  après  sa  réunion 
avec  les  Russes.  Déjà  il  était  en  marche,  quand 
tout-à-coup  arriva  la  fâcheuse  nouvelle  que  l'em- 
pereur de  Russie ,  Pierre  III ,  ^tait  mort,  et  que  sa 
ferçune  Catherine  avait  été  appelée  sur  le  trône; 
Czernitscbef  fut  obligé  de  revenir  aussitôt  en  Po- 
logne avec  son  armée.  Le  jwne  empereur  avait  en- 
trepris aveuglément  beaucoup  de  réformes  en  Russie, 
soulevé  contre  lui  le  clergé  et  la  noblesse,  fort 
maltraité  sa  femme,  et  préféré  d  une  manière  outra- 
geante les  Prussiens  aux  indigènes;  aussi  perdit-il 
son  trône  au  bout  de  six  mois.  De  nouveaux  dangers 
menaçaient  Frédéric,  si  la  nouvelle  impératrice, 
et  les  apparences  l'indiquaient,  se  déclarait  contre 
lui  comme  Elisabeth.  Cependant ,  il  prit  prompte- 
ment  son  parti  et  résolut  de  tirer  du  moins  quelques 
profits  de  la  présence  des  Russes ,  s'il  était  possible. 
L'influence  du  génie  de  Frédéric  sur  les  autres  hommes 
était  si  grande ,  qu'il  décida  le  général  Czernitscbef 
à  tenir  secret  pour  son  armée  encore  trois  jours  Tordre 
de  la  retraite,  et  de  s'approcher  des  retranchements 
autrichiens  le  jour  de  l'attaque;  afin  de  tenir  par 
sa  présence  une  partie  de  l'armée  en  échec.  Gzer- 
nitscbef fit  au  roi  ce  sacrifice,  qui  pouvait  facile- 
ment lui  coûter  la  vie.  Frédéric  livra  la  bataille  de 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


GUERRE   DÉ   SEPT   AKS.  44T 

Reichenbach ,  le  21  juin,  et  remporta  la  victoire.  Le 
jour  suivant  l'armée  russe  se  sépara  et  se  retira. 
Cependant  on  ne  demanda  pas  à  Czèrriitschef 
compte  de  sa  conduite;  parce  que  les  sentiments 
de  l'impératrice  avaient  changé  à  l'égard  du  roi.  Au 
commencement ,  elle  avait  cru  que  Frédéric  avait 
excité  son  mari  dans  ses  mauvais  procédés  à  son 
égard;  mais  quand,  après  la  mort  de  Pierre,  dans  les 
recherches  parmi  ses  papiers,  elle  eut  trouvé  des 
lettres  de  Frédéric  qui  lui  adressait  les  plus  pres- 
santes exhortations  à  la  prudence  dans  sa  conduite 
et  surtout  à  des  ménagements  pour  sa  femme;  alors 
Catherine  changea  complètement  d'intentions,  et  elle 
confirma  la  paix  avec  la  Prusse ,  sans  toutefois  pro- 
mettre son  secours  pour  la  continuation  de  la  guerre 
contre  l'Autriche. 

Frédéric  entreprit  le  siège  de  Schweidnîtz;  mais 
il  y  perdit  tout  Tété.  Autant  les  Prussiens,  par  deux 
fois  dans  cette  guerre ,  avaient  mal  défendu  cette 
place  importante,  autant  alors  elle  fut  défendue  avec 
prudence  et  courage  par  les  commandants  autri- 
chiens, le  général  Guasko,  gouverneur  de  la  ville,  et 
Gribauval,  ingénieur  de  la  place.  Le  siège  dura  neuf 
semaines  de  temps,  et  le  roi  lui-même  le  conduisit 
jusqu'à  la  fin  avec  le  plus  grand  zèle.  Ce  ne  fut  que 
quand  ils  eurent  perdu  tout  espoir  d'être  délivrés , 
et  qu'ils  manquèrent  des  premières  nécessités  de  la 
vie,  qu'ils  se  rendirent  avec  dix  mille  hommes  de 
garnison,  9  octobre. 

Cette  année,  le  prince  Henri,  avec  toutes  ses  me- 
T.  n.  27 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


%oi^à  occuper  tout  le  pa$5*e;«jgpté  Dresde.  Il  4k 
^me  dlwureijses,  exjréditipps  w  Bobênfê  ^  dafls* 
Vwijpre*  jwii:&itçmenjt  çecond^  car  la  yalçur  cfes  ç£- 
q&au^  s<w&  ses  wfres  ,,  Seidlit?,,  K\eist  et  Ççllipç. 
Qua$d  çnfi&  ^esr  Autrichiens  et  l'armée  impérial 
youluf  eçt,  rajç  la.  supériorité  de  leurs  forces,  le  qçij- 
tjfapîdre  ^,  <ÇiMjter  i^qç  çpsitiop  avantageuse  qu,'il 
^itàFreiberg,  il  attaqua  les  impériaux  séparément 
le  29  octobre,  et  les  mit  daçs  une  complète  4érouJt£. 
Ç^;  fat  \çt  4erniçs  combat  de  la,gjuerre  dç  sert  ans.  Le 
ipk  sjgftft),  le,  24  novembre,,  un  armistice  ayee  l^U- 
t^içh^  çt  dispersa  son  arméq  dans  ses  quartiers  d'hi-^ 
vçr^depftis }fi  Thuringe  jppqii'en  Silésie.  Cependant 
^çe^néraj.  B^leist  resta  encore  avec  dix  mille  ljom#ies 
en  campagne  contre  les  princes  de  Fempiçç,  entra 
ça  Françoçie ,  et  ]ps  força  YvjfL  après,  l'autre  à  &ire 

Le  dçc  Ferdinand  de  Brunswick  ayait ,  pendant 
les  trois,  deçijjèreg  apnées  de  la  guerre^  glorieusement 
soutenu  sa  Réputation  paç  la  défense  de  lp  basse  Saxe 
çt  dç  la  \Vçstf>halie.  La  France  employa  tçutes  ses 
forces  pour  reconquérir  ces  pays  et  sauver  l'hqnçeuç 
$e  sçs  armçs.  Elle  chpngeaijt  à  tout  moment  ses  gé- 
néraux, et  sop  ajmçe  ,  en  1761 ,  était  fortç  dis  cent 
cinquante  tjaille  hommes.  Ferdinand  n'avait  que 
auaJ.re-\  ingt  mille  hommes  à  lui  opposer/  et  pour- 
tant tout  cç  développement  de  forces  n'aboutit  qu'à 
l'occupation  de  la  Hesse,  qu'il  était,  djailleurs  impos- 
sible à  Ferdinand  de  défendre;  pajfce  qu'il  se  trpu- 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


$#4  Qt»  4u  ç$t4  dp,  Maift.  |fo;  i^y^Q^e,  ^uçugs^r, 
çjQeçyrç,  aucune  ro«WM?e  ijl^  pweijt  lui  £yrçf  <pi#ç£ 
sa  pp^itW*  SW  Ift  rive  gaiipl^  4*i  Wqses  çt  Sjtf  Jft 
Çfimel,  4,'oùr  U  çpuyçai£  è,  1a:  #?&  H  b^Sajçe,  et;  ^ 
WwJylIraH?*  Les  g<£p4rau$  sp^sjef  w^s^W  B^Çft 
l^ri^e*  de  Bnwswick  >  Spoe$e£;,  Ki^aftSfçg^  ^ 
IflLck&QTy  se  c^stipgijèrç^t  daps  beaucoup,  de  çQisahtaJs, 
p^çu^içrs  ;  %  la,  %  de  I4  décide  ç^npag^ç  h  ^ 
cpjwbajt  keu$çf*ft,  pr^s  4e  Wil&|lw&4>  ?&  1$  4#% 
ei^&at  d'çsfir  i^éwe,  at^qu^  Çt  4e  W^r  k  <Wp*¥- 
s^yç  i  p^r  ua  «gocptfL ,,  près, 4ç  Jiitfftç^çg ,  il  #ass?, 
le^  Fça^ç^if  dft  territoire  4&  ÇwV  *  %  Pï¥?;  <k- 

<pe  lft  .gpep$»  £er  i#y,eff$i;ç.  X^a  açpqiis^  fo|  <p*4 

^7,6$..^  Tq^^s  ^  œM^s  ^ig<^nJ;ç{Ç  éj^çf^, 
égp$&5  çtj  n#  pépiaient  qu'à  la,  pai^  t^gglçfcHçg 
Wlfr  %itt  4'imppiftiaftt^  çpwpi|te$  dg  Vapjtçe  çôfé  ^ 
B^  9V&  j>ws^  el^ç  ^v^ij  *ugfffê¥*#  sft  £%  <fô 
^nj^liftnadj'éçi^;  et  4epws  g»e,  Çwgç&  £  $9& 
gjpçt,  <a  (p*e  lqr4  9^  ,  qui  avait  élçye  lç  ftOjrçç^ 
çgj,  eAt  pris  fepîjiiçe  dp  pr^mieç  çiinjst^  Çitt^ty  £ 
$$%  pftç.teftd^ce  v&bte  à  k  parç,  et  ^  Çç^ÇÇ, 
$?va&  a$$i,  la  clési^^c  eU^-mêiûe.  Aç  çe^e,  ^juw;Ç| 
Frédéricet  Marie-Thérèse  restaient  seuls  surlç  Ç^iP-ty 
^Çtlp^Uie.  Cepe^daat  r^^çhe  rj'^ai.t,  si/WÀ  glu* 
dç  ^&j;au£ ,  4w  mQijw  plus  4'ajr§ç?t  p£t^  ç,OQjtifuey 
fgçie,  çt  l,e  vo|  Ç'réd^iç  n'avait  jjv^s  eu  dt^utre  but 
"         I.,  27.MWt 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


420  sEPTifeMB  époque.  4648—4858. 

quede  s  assurer  laSilésie.  Quand  cette  province  lai  fat 
assurée,  il  ne  fit  aucun  obstacle  à  la  paix,  et  elle  fat 
convenue  avec  (es  plénipotentiaires  autrichiens  et 
saxons  dans  le  château  de  chasse  (Je  Hubertsbourg. 
Des  deux  côtes  on  rendit  les  conquêtes,  on  échangea 
les  prisonniers  de  guerre,  et  Ton  n'indemnisa  aucune 
perte.  Frédéric  resta  en  possession  de  îa  Silésie  et 
rendit  au  roi  de  Saxe  ses  états*  Ainsi,  une  guerre  si 
coûteuse  et  si  sanglante  ne  changea  rien  dans  l'état 
des  choses;  sans  doute  au  moins  elle  valut  une  bonne 
expérience ,  et  Ton  put  dire  que  c'est  à  elle  que  l'Eu- 
rope dut  d'avoir  été  si  long-temps  tranquille  après  la 
paix,  pendant  environ  soixante-dix  ans.  Plus  d'agita- 
tions dans  les  affaires,  plusdesoupçons,d'ioquiétudes, 
de  rupture  ;  tout  le  monde  était  convaincu  de  la  durée 
de  l'état  de  choses  actuel .  Le  sort  avait  prononcé  pour 
la  Prusse  :  sa  puissance  reposait  sur  des  bases  bien 
solides,  tant  que  le  même  génie  la  gouvernerait  et 
conduirait  ses  forces,  quelque  petites  quelles  parus- 
sent. Un  esprit  sérieux,  industriel  et  martial  qui  do- 
minait le  roi  comme  son  peuple ,  la  justice  et  l'éco- 
nomie dans  l'administration,  un  esprit  de  recherche 
pour  tout  ce  que  le  siècle  apporte  de  mieux  avec  lui- 
même  ;  voilà  ce  qui  donna  à  Frédéric  la  force  de 
combattre  la  moitié  de  l'Europe  i  et  ce  qui  main- 
tiendra la  Prusse  tant  qu'elle  saura  se  conserver  ces 
ressources. 

L'Autriche  prouva  dans  ce  temps,  comme  toutes 
lès  fois  qu'elle  avait  été  menacée  d'un  changement , 
quesa  puissance  n'était  pas  facile  à  détruire,  que  ses 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


GUERRE  DE   SEPT  AM8.  4SI 

belles  et  riches  provinces,  que  la  fidélité  et  la  coopé- 
ration de  ses  habitants,  que  leur  amour  pour  un  gou- 
vernement paternel  et  doux,  entretenaient  chez  elle 
un  germe  de  vie  inaltérable  ;  de  même  les  Hessois, 
les  Hanovriens  et  les  autres  bas  Saxons  avaient  mon- 
tré contre  lès  armées  française  une  constance  et  un 
courage  qui  semblent  encore  rehausser  la  gloire  du 
nom  allemand;  l'honneur  de  la  guerre  rejaillit  par- 
ticulièrement sur  les  Allemands.  Et  si  l'on  veut  par- 
ler de  cette  supériorité  de  vues  dans  les  poursuites 
d'une  bataille  et  d'un  regard  rapide  qui  saisit  le  mo- 
ment, tout  le  monde  aussitôt  prononce  le  nom  du  roi. 
Frédéric,  du  dite  Ferdinand.  Aussi  depuis  cette 
guerre  les  peuplades  les  plus  isolées  de  l'Asie  et  del'A- 
frique,  celles  qui  n'avaient  jamais  entendu  parler 
d'histoire,  connurent  le  roi  Frédéric.  Leprince Henri 
fut  le  modèle  des  généraux  circonspects:  avec  les  plus 
petitesforces ,  il  savait  occuper  un  ennemi  puissant 
sans  cependant  lui  abandonner  du  terrain.  Ziethen 
et  Seidlitz  seront  toujours  distingués  parmi  les  gêné» 
raux  de  cavalerie,  et  tant  d'autres  formés  à  cette  école, 
qui  seront  rangés  parmi  les  héros.  Au  contraire,  ce- 
lui qui  voudra  apprendre  l'art  de  choisir  en  maître 
ses  positions  et  de  saisir  le  moment  décisif  pour  faire 
jouer  l'artillerie,  il  l'étudieraavec  les  Autrichiens; 
et  les  noms  du  savant  Brown,  du  rapide  et  entrepre- 
nant Laudon,  ceux  des  adroits  généraux  Nadasti,Las- 
cy  et  autres,  seront  nommés  avec  orgueil  à  côté 
des  anciens  et  célèbres  généraux  de  l'Autriche. 
U  est  consolant  au  moins  qu'une  si  grande  gloire 


Digitized  byVJ OOQ IC 


$92  sEPTifcftfe  iftoçirs.  1648^1838. 

•^tïfegô  «âtoicïrla  dotdenrde  cette  iatte  et  cdnwîr^h 
'quelque  ftçon  te  vice  dtrgouv(*nenierit  impérial.  En 
'dffet ,  flalis  notre  constitution ,  l'état  de  la  potftieti 
«pensante  et  capable  de  donner  conseil  était  si  împar- 
-fert^  les  formes  établies  pour  la  direction  des  afikfPés 
taTrfientteltemerrt  vieillies1;  la  marche  des  choses  était 
t*i  1  ente  et  &  énervée  «,  que^i  le  ccèrir  -et  le  bras  n*ett- 
-seiit  Jpfts  "si  bien  fait  leur  devoir  et  niassent  pas 
-MOritré'à  i^etrarigier  «pie  i^esprit  riiartiai  de  l'ancientfe 
Allemagne  Savait  pas  ;enborfc  disparu ,  noire  pwfs 
eeririt  tbîen  plus  'tôt  devenu  la  proie  de  l¥tranger. 
Lh  France  acquitpeu  d'honneur  dans  cette  gaerre  ; 
tfa  marche   faible  et  sans  plan  arrêté  manifestât 
sfesez  cfo'elle  était  conduite  par  des  fennnes  et  desfc- 
vdris ^  etquvellé  fournissait  dans  un  engourdissement 
imc^tsel.  Cependant  -elle  nepetfdit  pas  par  la  paix  de 
?Bàrisrqiiî  futsiçnéeemqj ours  avant  celle  deHubettk- 
'bonng,  autant  qu'on  aurait  îpu  croire  d'tfprès  les 
^succès  qu'avaient  eus  les  armes  anglaises  sur  mer  ; 
-mais  ceÉle  paix  était  Ponvrage  du  petit  esprk  ide 
Baie. 


Siècle  du  grand  Frédéric. 

Pendant  %èctflme  d?<rnviroà  trttfrte  ans  qui  suivit 
là  'paix  âeïïtfbefrt&onrg,  les  germes  d'une 'feule  de 
Nouveaux  frtfits,  qui  avaient  &é  plantés  antérieure- 
ment<Jan&  l'Allemagne,  éprirent  leur  essorât  arri- 
vèrent k-trne  parfaite  maturité. 


Digitized  byVJ OOQ IC 


ï>ôur  caracftërîsèr  fèè  Siècle  pifr  tin  Min ,  Itfn  ï'*j*- 
"pela  le  siècle  du'grand  Frédéric  ■;  farte  SOn^spWtffiït 
celui  de  l'époque,  et  que  le  bien  et  Te  taafl  fie  'àfefe 
contemporains  parurent  représentés  date  lui  ^ous 
Itne  ^grande  éctteîïô.  Mais  fl  nous  Veste  VPAfr1-' 
dièr  dans  la  paix  comme  nous  ï'avcfos  Vél  dans  la 
'gnefre ,  afin  de  connaître  ce  grand  lidtfirite  tel  <|tî*fl 
'ëtàk. 

ïj'dbjét  des  Soins  les  'plus  empressés  $è  fVëdMc 
fet  là  feétau^aftion  de  l^iimcfeyàfin*^ 
Vosât  espérer  des  avantagea  dan£  la  gUéftk  'étkètàtèr 
une  attaque  si&fkér^ouT  Tendre  ses  notrt^éfcleVéës 
aussi  bonnes  que  ses  viéîllëstroupés  si  tien  fôrtnëeë  , 
'dont  H  ne  \i&  Vestait  qri'trh  *ei%&  'péfit  fabtrfttfe ,  H 
^mpîbyales  exercices ,  qù'ireitfgeâ  aVêœrigùeàt^tsI- 
V&ïtë.  îfefe  ici  on  vft'énfcorê'Ce  qui  Wtn&ticjtfe^atnlBs 
^àrttîtrérdanslëà  affifires  hùm&iinfer,  bénites  féë  «ftfls 
\jtAl  s'agît  de  conséiVer  iin%  instftùtictti  qtft,  'âàinsïle 
Moment  fle  son  pfcfefceafù  dëveltfppttrifenti*  à  *seft*Wè 
'parfiifte.  La  forme  dfevietttîè  prônciptfte,  étîé  géùfte, 
'qui  ïie  petft  wrîHhr  qù'tnfè  *Èftè  îùte  fcèrtafihè  !ft*rmè , 
'al&ndctfrtife  cette-ci  fet  Va  'èh  ^rtfocfre  vttiè  àtitiè  'nou- 
velle qu*oh  nfc  connaissait  pas  ;  tnaiîsfles  ffduïitfés  ho- 
i&oretàt  fmfcorfeltfàg-teraps  ce  qài  n\aft  £le6kfuè  l^eb- 
Vetôppe,  conrihe  si  éQeptfss&ïaitla  Téalrte.  ïie  grsfôfd 
*roi  M-mêmfe,  rc|m  Vît  ttfrite  'FEufope  à  tson  ftriitâfféfh 
^étidrè;sos  exercices  de  ^guerre  /se  trofàfpa  siirTt'e^fi- 
^nation  tte  leur  Valette.  hestyàtëtiie  dHcnïffetëtiirdês 
artnècssurpîefl  de  guerre  devint  alors  domîtïaitft'èt 
ïe  ïtfen  ctfpftal  de  *tous  ïes  gouvertïéfriédfc  d*Eu- 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


434  SEPTIEME  époque.  1648—1838. 

rope;  le  service  militaire  dégénéra  en  enfantillage , 
jusqiVà  ce  qu'un  grand  ébranlement  du  monde  yint 
prouver  la  nullité  de  ces  puérilités.  . 

Le  soin  que.  prit  Frédéric  de  rendre  là  vie  aux 
pays  ravagés  était  une  occupation  beaucoup  plus 
bienfaisante  et  dont  les  fruits  étaient  bien  plus  du- 
,  râbles»  Ce  fut  aussi  celui  de  ses  lauriers  dont  les 
feuilles  peuyent  le  moins  se  faner.  11  fit  distribuer 
aux  paysans  les  plus  malheureux  les  grains  qu'il 
avait  déjà  achetés  pour  la  prochaine  campagne ,  et 
les  chevaux  qu'il  avait  de  trop.  Il  exempta  la  Stlésie 
;  d'impôts  pour  six  mois,  et  la  Poméranie  et  la  Nouvelle- 
Marche  qui  avaient  été  dévastées ,  pour  deux  ans.  Le 
roi  employa  même  de  grosses  sommes  d'argent  pour 
encourager  l'agriculture  et  l'industrie >  suivant .  la 
grandeur  des  besoins  ;  elles  s'élevèrent  à  vingt-quatre 
millions  d'écus  pour  les  vingt-quatre  années  de  son 
.  gouvernement ,  après  la  paix  de  Hubertsbourg.  Une 
pareille  générosité  doit  d  autant  plus  mériter  de 
gloire  au  prince ,  qu'il  ne  put  le  faire  qu'au  moyen . 
d'une  grande  économie ,  et  que  cette  grande  épargne 
se  faisait  sur  ce  qui  lui  était  personnel.  Son  grand 
principe  était  que  son  trésor  ne  lui  appartenait  pas; 
mais  au  peuple,  sur  qui  on  l'avait  levé.  Et  tandis  que 
maint  autre  prince,  sans  penser  aux  gouttes  de  sueur 
,  qu'il  a  fallu  pour  amasser  cet  argent,  le.  dissipe  dans 
_  un  luxe  démesuré,  lui,  il  vivait  si  simplement  que 
sur  les  sommes  attribuées  à  l'entretien  de  sa  cour 
il  épargnait  tous  les  ans  environ  un  million  d'écus. 

Il  exprimait  un  jour  très  clairement  ses  principes 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


SIÈCLE  DU   GEÀAD  FRÉDÉRIC.  496 

à  ce  sujet  au  directeur  des  contributions  indirectes, 
M.  de  Launay.  a  Louis  XV  et  moi ,  disait-il,  nous 
sommes  nés  plus  pauvres  que  le  plus  pauvre  de  nos 
sujets  ycar  il  en  est  très  peu  d'entre  eux  qui  n'aient  un 
petit  héritage  ou  qui  ne  puisse  en  acquérir  par  son 
travail;  tandis  que  lui  et  moi  nous  ne  pouvons  rien 
posséder,  rien  acquérir  qui  n'appartienne  à  l'état; 
nous  n'avons  rien  que  l'administration  dubien  com- 
mun; çt  si ,  comme  administrateurs,  nous  dépensons 
pour  notre  compte  plus  qu'il  n'est  raisonnablement  né- 
cessaire, alors  c'est  un  excès  et  même  un  vol,  une  infi- 
délité continuelle  commise  sur  le  bien  public.  » 

Les  soins  si  particuliers  du  roi  pour  l'agriculture 
la  relevèrent  bien  promptement.  De  grandes  éten- 
dues de  terrains  furent  défrichées ,  on  fit  venir  de 
nouveaux  laboureurs  des  autres  pays,  et  ce  qui  était 
auparavant  des  marécages  et  des  marais  fut  bientôt 
couvert  de  semences  productives.  La  vue  de  si  grands 
progrès  causait  au  roi  le  plus  grand  plaisir  dans  les 
voyages  qu'il  faisait  tous  les  ans  pour  visiter  se$  états. 
Et  telle  était  son  activité  qu'il  s'occupait  des  plus  petits 
détails  j  si  bien  que  très  peu  de  princes  connurent  leurs 
domaines  comme  Frédéric  connaissait  les  siens.  On 
peut  voir  d  ailleurs,  d'après  le  calcul  qui  a  été  fait 
dps  maisons  brûlées  pendant  la  guerre  dans  ses  états, 
.  combien  était  nécessaire  une  pareille  activité  du  mo- 
narque, s'il  voulait  tout  restaurer.  Le  nombre  de 
ces  maisons  mon  tait  à  quatorze  mille  cinq  cents,  et  la 
plupart,  d'après  le  témoiguagne  du  roi,  avaient  été 
incendiées  par  les  Russes.  —  Il  bâtit  dans  la  haute 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


*Û6  strpt&ME  ^d^rà.  ï64fc-^&38. 

4763  î  177$.  Le  Vôî  tefoaît  ^snficàfiè^ëtherit  à  ëe 
pays,  (fui  avait  tarit  sdnûSffiràt^  aussi  quand  ft  tè  Vft  Ife 
"relever;  ^tùmd,  dans  l'atonëé  4777,  ïl^trbuvâ -'à/A 
Sin  VecéUSëifiéflt  ge'nëM  cent  ^quatrè-Vhïgt  itfffle 
ttomitaes  3è  {fiùs  ÇùHl  *rity  eh  Waitè'n  Ï7S6, tfvàût  fe 
guerre';  quand  ïl  vît  lés  pertes  £ê  ïa  guette  ïùi*- 
pïeniefit  TëpkréëS ,  ët^tfetltàgrîônlttrt'e ,  le  cdrtrhiwdè, 
&  'strftdiit  celui  ^ês  ïaïnës ,  Ifri&ifiè'rit,  %  l&fJrfrtài 
clàbs  une  fëftre  Vsdn  ami  ÎFord&h  toute  là  skHfî^Fk^ôoti 
dèls6hf&hie  &  toute  ta  ]ôië  qu'A f éssélifôft  flftri/âr 
relevé  ftè  si  bas  ûrrë  Jîrôvince  £  ¥puïé#è. 

t'atiùiftté  est  surtout  de  'ptémièfe  Irécessïtê  pour 

"ttnfe  miiàh  qui  lie  peut  ëonqti#rfr  èjàe  par  elle  uïfe 

'existence  honorable;  mrfs  cetavârftagfc  n'e&'pasle 

'sèiil ,  ton  beaucoup  *plàs  grand  *&éèt  la  ïorcc  vïtaflé , 

*fci  Vigueur  de  jeunesse  qu'elle  donne  au  peuple.  îié 

^oi ^ëdëric  êtmt  ptair  ses  sujets  tfn  mtodéle^adft- 

r^tè'+ï  11  ^taft  ettcdre  fort  jeurfè  lorsque  écrivît 

à  sbn  àtift  ÎTordan  :  «  Tu  ks  Maison  de  èroire  que  je 

IravsSflfe  ïteaubdup ,  je  le  fàtfs  potir  Vivre  ;  car  tfài 

1i\  |fttis  <fe  Yessemtilance  wec  !lâ  ndôrt  que  î\>îSi- 

Vëté.i)  Et  plus  tard,  dans  Sa  grstode  viéîîlèssk ,  cetîte 

icfée  paraît  comme  fe  prtncipal  mdtenr'dte  tbtltè'ia 

vfe.  «T&  ëncdre  ccmttrie  axftrefdisfettfatftfe'dfe^e  jiàs 

te'eptfrgnér ,  disait-îl  dans  une  autre  lettre;  moto  êtte 

demande  dû  travail  et  de  l'activité,  mon  esprit  et 

Trion  corps  se  courbent  sous  leur  devoir.  Il  n'est  pas 

tiëcessafre  que  je  Vive ,  mais  il  est  nécessaire  que  je 

ifrarVaflîe.  » 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


II  ne  changea  pas,  Métne  d*nb  la  vieillesse,  le  pfaïi 
de  vie  qu'il  s'était  fait  de  si  bonne  heure;  et  ce  îiè 
jfutquela  veille  dèsa  triortqù*ilcës&a  dé  s'occuper  du 
^gouvernement.  Chaque  heure  àvaitsa  destination;  'et 
cegratadprincipe  qui  estTàme  de  toute  acftivitfé:  TSfe 
remtoyons  jamais  rien  aêi  lmd^aM,étsLÎt"pottvéltâ 
raie  loi  inviolable,  ïotlt  '  le  teirfps  dô'mptfs  tlëpuls 
quatre  heures  du  matin  jusqu'à  minait)  parconS^- 
quemt  les  cinq  sixièmes  de  la  journée,  était  donâacrê'à 
quelque tt*avaâlderesprît.C&r,  afin  qtie  le  temps mênie 
flés  repasse  fut  pas  perdu ,  le  wi  _ rassemblait  àntôiir 
*de  lui/à  midi  et  an  soir,  un  choix  d'hommes  d'esprït; 
jet *<Jà  conversation  ^fait  si  animée  :(fe  plus  souvent 
tféteitliftjjm  l'excitait),  qu'on  les  comparait  tftix 
iirepës de  Socrate.  Malhetrrettéemtftit ,  'tonformémerlt 
«ah  goût  de  l'époque ,  les  pointes  d'esprit  ^t  les  saffHës 
:  yétaierit  fartioBMèremetft  en  faveur.  La  vivaicité, 
ia  pénétration,  Pà-propos  datifs  la  pensée ,  T^iripcfr- 
taient  startout  j  tandis  ^fae  la  pensée  profonde  ,TOqcft- 
t  table  et  timide  défiance  à&  soi-méïtte  -n'ôbténtfieût 
fi^le»mêiBredégré  d'horinétfr .  C'ëttflt  ttnfccohsêqudnce 
nécessaire  de  l'admission  de  la  langue  française  clans 
la  société  de  Frédéric.  Le  ré&te  de  la  Jourfiée  ëta&t 
partagé  îentre  4a  letfture  ^lës  correspondances  partir 
*ctflières,  les  rapports  avec  les  ministres  et  sés*r8- 
*ponsc$  d'affaires  dortt  souvent  il  -écrivait  la  tnïnttte 
d<e  ^propre  main.  Bios  tard,  lés  dispositions  de  ses 
"plans  *pour  les  maisons'  de  plaisance :,  puis  1k  coiftpô- 
>skion  de  ses  ouvrages  littéraires /dont  Frédéric  a 
baissé  fltfe  riclre  collection,  et  enfin  Un -pasSe-teirfps 


Digitized  byVJ OOQ IC 


438  SBPTifcMB  époqus.  1648—1858. 

avec  sa  flûte,  eurent  aussi  une  part  dans  la  division 

de  ses  heures. 

Sa  flûte»  comme  une  fidèle  amie,  adoucissait  les 
plus  violents  tourments  de  son  âme;  pendant  une 
heure  il  se  promenait  avec  elle  dans  sa  chambre  ;  et 
dans  cet  intervalle  de  temps  il  prenait  de  plus  en 
plus  l'empire  sur  ses  pensées,  et  son  esprit  deve- 
nait alors  capable  des  opérations  plus  tranquilles , 
,  comme  il  Ta  lui-même  avoué.  Du  reste ,  il  ne  vou- 
lut jamais  qu'une  affaire  d'état  eût  à  souffrir  de  ces 
jouissances  qu'il  recherchait  dans  la  musique  et  la 
poésie.  C'est  là  le  point  de  vue  le  plus  glorieux 
ppur  Frédéric  :  son  devoir  et  sa  charge  lui  étaient 
plus  sacrés  que  tout  le  reste.  De  là  aussi  a-t-on  dit  de 
lui,  avec  raison ,  que  le  devoir  d'un  roi  dans  toute  son 
étendue  et  tout  ce  qu'il  a  de  glorieux  avait  été  l'idée 
dominantedesavie,  l'idée  qui  siégeai  tau  centre  de  son 
âme.  Ce  roi  cependant,  quel  enthousiasme  n'aurait-il 
pas  excité ,  quel  entraînement  n'aurait-il  pas  obtenu 
et  quels  obstacles  n'aurait-îl  pas  fait  franchir  à  son 
siècle,  si  cette  fermeté,  cette  loyauté  naturelle  avaient 
été  soignées  dans  son  enfance  par  l'amour  de  ses  pa- 
rents et  dans  l'intimité  de  la  famille  ? 

Malheureusement  la  mauvaise  éducation  de  Fré- 
déric fut  cause  que  les  plus  beaux  germes  de  sa 
nature  n'ont  point  été  développés.  Son  père  Frédé- 
ric-Guillaume était  un  homme  dur  et  sévère,  pour 
qui  les  muses  n'avaient  aucun  attrait;  il  n'avait  ja- 
mais senti  un  cœur  paternel.  Son  fils,  qui  de  bonne 
heure  avait  dirigé  ses  efforts  vers  des  mœurs  plus 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


SIÈCLE   DTT   GRÀTO   FRÉDÉRIC.  480 

perfectionnées  ,  et  qui  ne  trouvait  aucun  goût  pour 
les  inclinations  brutales  de  son  père,  était  traité 
durement  et  même  despotiquetnent.  Il  ne  fondait 
sur  lui  aucune  espérance  pour  son  empire,  et  il  eut 
même  une  fois  la  pensée  de  lui  préférer  son  deuxième 
fils,  Auguste-Guillaume.  C'est  ainsi  que  Frédéric  per- 
dait de  plus  en  plus  tous  les  sentiments  de  l'affection 
filiale;  aussi  voulut-il  un  jour  tenter  de  s'enfuir  de 
la  maison  paternelle.  Mais  ayant  été  découvert  il 
fut  en  danger  d'être  envoyé  à  féchafaud  par  son 
père  en  colère.  Sa  mère,  qui  l'aimait  avec  d  autant 
plus  de  tendresse ,  chercha  à  venir  à  son  secours  par 
des  ruses;  mais  elle  ne  put  pas  réveiller  en  lut  cet 
amour  franc,  pur  et  désintéressé,  parce  qu'elle- 
même  portait  dans  son  cœur  plutôt  un  zèle  de  parti 
qu'un  amour  généreux.  Ainsi  Frédéric  grandit  sans 
la  bienfaisante  chaleur  de  l'amour,  qui  peut  seule 
développer  les  tendres  sentiments  dans  la  jeunesse; 
et  ce  manque  d'amour  s'est  malheureusement  fait 
sentir  chez  lui  jusqu'au  tombeau.  Dans  le  feu  de  la 
jeunesse,  il  était  capable,  par  admiration,  d'une 
amitié  enthousiaste;  mais  le  peu  qu'il  y  avait  en 
lui  de  sentiments  purs  et  francs  disparut  bientôt 
dans  le  cours  de  sa  vie  à  cause  de  l'aigreur  de  son 
«ractère  qui  alla  toujours  croissant;  si  bien  que 
sur  la  fin  de  ses  jours  le  grand  roi  restait  seul , 
comme  un  anachorète,  renfermé  et  concentré  dans 
lui-même. 

La  malheureuse  coutume  du  temps  voulait  que 
des  précepteurs  français  et  des  livres  français  déter- 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


cessent  1/ç.  cercle  çl^es,  ujees  dp  1'ep/ant  $.  du.  jgtm} 
feonune.  De  bonne  heure; ,  rhomjçna,  qui  a,  e^Ectf  sud. 
qon  siècle  une  influence  {àcheuse ,  infinie  da,n&  &$, 
suites,,  dont  i'e§prit  aigu  et  salfciqufcn/a  rien  QOJhm* 
d^,$awe\  Yoltaiçe,  fut  le  modèle  de.  Fçeçléric*  D&k 
son.  enjàn«ç,  dans  le,  temps  que  son  âjn^ëtaiA  tevplM& 
impressionnable.,  tes.  W»*s  4ff  ce*  b#njme.  ocgur 
pjftenl,  Mffwttepffipt  l«f  jeune,  prii*?e.  S^n  eipjit  <&afe 
t^Ieu^ntcfoou>4  que,  <toj»sQn.adirôWoA,ilréle.- 
v^tcet  eqriyaijj  an>-dessus  de  tous,  lej  iflortejs  et  Wr. 
pjyçait  à  «on  amitié  comme  au,  tx&pç  le  pjus.  pr«fcieMX,j 
ïf«  vain  et.ég$s1«  é,ti^nger  sut  exploite,*  fc*t%vaft-/ 
tagçusenœnii  QeJjts  opinion  du,  B*W3e  q»'^  vnifc 
connue  paj;  ses  lettres.  ,  .    . 

$  rçudjt  h  spn  ton*  ses  fi&terie* k  9PH  ro#aJ  «Hïfcii 
<&  4*  Wfliw  r^jroqpe  de  régoïsnifc  le  jeugftpi&e^ 
(f^  a.YQif  jel,é  le  fon/|emen*  <fe.  la  pkp  hflKftHSA 
$$&&.  ^ate  99W&  l^mitténe,  PW*  «*isterq»&pM> 
4  F^iM»  «tëW*  &WF  lw*s ••«*  teCiU^ant.  àt  Wk  e» 
%pS  l'H"?  #  l'^lne  #rig<y#  ejp,  vérité  lenre  eiwrtft 
SïM^W&W^'HW» <fec§s.4§u*Ivi>»«e*, 
^d^e^ujdesbjse^sinaplMte?,,  nepitt,djiMjfipa9,s«Br, 
tpgjçdôs  f'preujçes  apoçofondies..  P^us  MA,  quand  ik 
v.écjiren^  ensembU? ,  quand,.  Xojtaàre.  fuft  apppfef  k 
\&$Qut_  d#  ro.i ,.  en,  175jp ,  b  frojdeiu; ,  la  jaloux  ejt  U 
bassesse  %  f0»,  â*AÇ>  se  firenj  rem&rquejç  de  plflfc 
en  plus.  Le.  premier  bandeau  ^xmba  de  devant  lg% 
yeux  du  roi ,  les  sentiments  d'affection  «!att,iédà,-n 
rent  peu  à  peu  de  part  ejt  d|a#tcp_e$  finirent,  pars  se 
changer  en  une  violente  aigreur.  Voltaire  $.  tfiù 


Digitized  by  VjOOQlC 


«#$tB   W  GRAND   TJléDtZlÇ.  ^  ^ 

P$St  f^chkeuses  expériences  fermèrent  d$  nh#  en 
]^u§  le  çœui:  dp  Frédéric ,  et  V4  inspi^çreçt  yn  dé- 
goût pouf  les  homipes. quiji  n'ay^it pa$ aumrav^nt^ 
^t  wi >  <juand  il  domine  l'âme,  doit  nécessairement, 
assombrir  la  vie. 


Digitized  byVJ OOQ IC 


483  sEFTifcm  époqui.  4648—4858. 

De  pareilles  vues  et  de  pareils  principes  étaient 
tout-à-fait  inconnus  dans  cette  époque ,  qui  s'éloi- 
gnait de  la  marche  simple  de  la  nature  et  élevait  au- 
dessus  de  tout  la  subtilité  de  l'esprit.  Alors  on  cher- 
chait la  stabilité  de  l'état  dans  les  formes  extérieures , 
tandis  qu'elle  ne  repose  que  dans  une  coopération 
de  cœur  de  tous  les  citoyens  et  dans  l'exclusion  de 
tout  individualisme.  Ces  généreuses  idées  gouver- 
nementales auraient  sans  doute  trouvé  place  dans 
l'âme  éclairée  et  forte  de  Frédéric,  si  elles  eussent 
paru  de  son  temps;  mais  il  ne  les  trouva  pas  de  lui* 
même,  d'autant  plus  qu'il  sentait  en  lui-même  la 
force  de  régner  seul,etla  ferme  volonté  de  rendre  seul 
son  peuple  grand  et  heureux.  De  là  aussi  lui  sembla- 
t-il  que  la  fores  d'un  état  résidait  dans  les  moyens 
qui  sont  dans  les  mains  d'un  seul ,  les  plus  prompts 
et  les  plus  efficaces  #  et  il  la  plaça  dans  une  armée 
et  un  trésor  à  sa  disposition.  Il  s'efforça  donc  prin- 
cipalement d'obtenir  que  ces  deux  étais  de  son 
gouvernement  se  trouvassent  dans  le  meilleur  état 
possible;  de  là  aussi  le  vit-on  souvent  choisir  les 
moyens  les  plus  propres  d'arriver  à  son  but  sans  trop 
réfléchir  à  leur  influence  sur  l'avenir  et  la  moralité 
du  peuple.  Un  fermier-général  français ,  Helvétius, 
fut  appelé  à  Berlin,  en  1764,  pour  donner  conseil 
sur  le  moyen  d'augmenter  les  revenus  de  l'état;  on 
eut  donc  recours  à  de  nouvelles  dispositions  qui  sou- 
levèrent beaucoup  de  haines,  et  nombre  de  gens  cher- 
chèrent à  tromper  l'administration  au  lieu  de  coo- 
pérer d'eux-mêmes  à  ses  charges.  Du  reste,  par  ces 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


SIECLE   DU  GRAND   FRÉDÉRIC.  435 

moyens  et  d'autres ,  les  revenus  du  royaume  s'aug- 
mentèrent considérablement. 

Il  faut  dire  pour  la  justification  de  Frédéric,  qu'il 
n'avait  pas  recours  à  toutes  ces  mesures  pour  lui- 
même,  mais  pour  le  grand  tout  dont  il  était  chargé; 
et  en  second  lieu  nous  répéterons  que  les  graves 
erreurs  de  son  temps  tenaient  un  bandeau  fixé  sur 
ses  yeux.  Avec  quelle  avidité  cet  esprit  si  pur  aurait- 
il  saisi  une  meilleure  lumière ,  s'il  eût  existé  dans  un 
temps  de  vraie  liberté  d'esprit  ;  car  la  liberté  d'esprit 
lui  était  chère ,  et  volontiers  il  laissait  parler  l\o- 
pinion  publique.  Son  peuple  jouit  sous  son  règne 
d'une  complète  liberté  de  la  presse ,  et  lui-mênje  il 
laissait  courir  avec  indifférence  des  censures  et  des 
sarcasmes  sur  son  compte.  La  conscience  de  ses  efforts 
siconstants  et  de  ses  œuvres ,  comme  aussi  de  sa  fidélité 
à  son  devoir ,  l'élevait  au-dessus  des  petites  suscep- 
tibilités. La  principale  sollicitude  du  roi ,  c'était  la 
recherche  de  la  vérité,  comme  on  l'entendait  alors. 
Or,  cette  recherche  consistait  à  vouloir  comprendre 
tout,  analyser,  disjoindre,  déchirer.  Ce  que  l'on  ne 
pouvait  pas  bien  expliquer ,  était  rejeté  ;  croyance, 
amour,  espérance,  respect  pour  les  parents,  dépen- 
dance, tous  ces  sentiments  qui  avaient  leur  siège 
dans  les  profondeurs  impénétrables  de  l'âme  furent 
extirpés  par  la  racine.  Cette  époque  n'entendait  rien 
à  la  reconstruction  ni  à  fonder  quoi  que  ce  fût  ;  bien 
plus,  cette  passion  de  tout  détruire  que  la  révolu- 
tion française  a  portée  au  plus  haut  degré,  a  jeté 
tant  de  ruines  partout  que  la  réédification  consom- 
t,  n.  28 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


434  septième  époque.  1648—1838. 

mera  certainement  la  force  vitale  de  plusieurs  géné- 
rations. Ce  n'était  pas  seulement  pour  les  états,  pour 
la  Vie  intérieure  de  l'âme  qu'agissait  cette  force  de 
destruction  j  elle  se  montrait  aussi  dans  la  Science, 
dans  les  arts  et  même  dans  la  religion.  Les  Français 
étaient  à  la  tête  de  ce  mouvement  et  tout  le  reste  du 
monde  les  suivait;  mais  particulièrement  les  Alle- 
mands. Un  vain  ornement  fut  pris  pour  dé  la  pro- 
fondeur, l'esprit  et  le  sarcasme  bannirent  le  sérieux 
de  la  raison  ;  à  la  place  de  cette  diction  douce  et 
affectueuse,  on  n'employa  plus  que  des  expressions 
hardies  et  à  effet.  Mais  ce  qui  démontre  l'aveugle- 
frient  de  ces  temps,  ce  fut  d'avoir  coupé  les  racines 
nécessaires  à  la  viç  des  nations,  et  d'avoir  méprisé 
lesœuvres  de  leurs  pères.  Cependant,  dès  ce  temps-là, 
quelques  hommes  rares  connurent  la  justice  et  là 
vérité  et  élevèrent  la  voix  ;  et  l'on  doit  signaler  dans 
le  mondé  savant  Lessing,  Kloppstock  et  Goethe, 
tomme  fondateurs  d'une  époque  plus  réfléchie, 
beaucoup  d'autres  se  joignirent  à  eux  et  élevèrent 
un  rempart  intellectuel  contre  les  progrès  de  cëè 
fesprit  d'analyse  répandu  dans  le  monde.  £ous  14 
Rapport  de  l'érudition  1  bientôt  Kant  ,  Ficlité  et 
Jaèobi  parurent  sur  le  champ  de  bataille  ;  et  sur  ceà 
Commencements  grandit  peu  à  pett  Cette  puissante 
impulsion  du  génie,  qui  a  déjà  fait  de  grandes  chosei 
et  à  en  préparé  dé  plus  grandes  encore. 

Le  roi  Frédéric  ne  prit  point  part  à  ce  réveil  au 
génie  allemand;  il  vivait  dans  le  monde  idéal  de$ 
Français.  Les  flots  du  nouveau  fléttve  de  vie  passaient 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


Joseph  ir,  43& 

sans  l'atteindre,  et  se  brisaient  contré  les  digues  qu'il 
avait  élevées  autour  de  lui.  Cependant  son  estime 
pour  les  étrangers  ehtraîria  les  premières  classes  de 
là  sùùiêiè  dans  ses  sentiments.  De  ménie  que  son  ad-' 
ihiiiistration  avait  servi  de  modèle  pour  toutes  les 
autres  cours,    plusieurs  princes  voulurent,  à  son 
exemple,  gouverner  par  eux-mêmes;  et  comme  As" 
ri  avaient  point  le  même  gériie^  ils  échouèrent  dans 
leurs  plans,  malgré  leur  bonne  volonté  :  par  exem-1 
jSÎe  Pierre  III,  empereur  de  Russie  j  Gustave  III,  roï 
de  Suède,  et  l'empereur  J osepïi  H. 


smpU  lit.  1T65— 1790. 


Jttèepk  fcuécédâ  à  son  père  Françôfe  t*?  dont  les  àc- 
fiôtrê  comme  empereur  n'offrent  rien  de  rèmarqùa- 
Blë.  Mais  son  fils  brûlait  d'un  désïr  Sautant  plus  vif 
d'apporter  dé  grands  changements ,  de  transformer 
Fâhfcien  eh  nouveau,  et  d'employer  la  grande  puis- 
sance qu'il  avait  reçue  dé  la  nature  à  Faire  faire  un 
gtand  pas  à  ses  états.  Seulement ,  tarit  que  sataère 
Marié-Tliérése  vécut,  c'ësl-à-dîre  jusqu'à  Tan  iTfcOV. 
11  Tut  enchaîné  par  ses  volontés;  car  cette  princesse 
habile  et  toujours  active  rie  pouvait  vivre  sans  pren- 
dre part  aii  goiivernerrïertt,  et  ses  devoirs  dé  fîlé 


Digitized  byVJ OOQ IC 


456  SEPTifenflE  ÉPOQtiE.  4648—4858. 

qui  ont  eu  une  grande  influence  sur  les  dix  dernières 

années  de  son  règne. 

Premier  partage  delà  Pologne.1773  .—Auguste  III, 
mort  en  1765,  n'avait  laissé  qu'un  petit-fils  en  bas 
âge  ;  et,  à  cette  occasion,  la  maison  de  Saxe  perdit  ce 
trône  qu'elle  possédait  depuis  soixante-six  ans.  Alors 
aussi  la  Russie  et  la  Prusse  se  mêlèrent  des  affaires 
de  Pologne  ;  car  ce  peuple  auparavant  %  fort  et 
redouté,  était  devenu  faible  par  ses  dissensions  et 
incapable  de  se  soutenir  par  lui-même.  Les  deux 
puissances  exigèrent  que  la  Pologne  choisît  pour  rol 
un  homme  de  sa  nation,  et  dix  mille  Russes,  qui  arri- 
vèrent tout  d'un  coup  sur  Varsovie,  avec  autant  de 
Prussiens  qui  se  rassemblèrent  sur  la  frontière,  ob- 
tinrent que  Stanislas  Poniatowsli  fût  placé  sur  l& 
trône.  Depuis  lors,  il  ne  se  tint  plus  de  diète  sur  la- 
quelle les  étrangers  n'exerçassent  leur  influence. 

Bientôt  après  cet  événement  eut  lieu  une  guerre 
entre  la  Russie  et  la  Turquie,  dans  laquelle  la  Mol- 
davie et  la  Walachie  furent  conquises  par  les  Russes, 
qui  auraient  fort  désiré  conserver  ces  conquêtes. 
Mais  l'Autriche  ne  voulait  en  aucune  façon  y  con- 
sentir, de  peur  que  la  Russie  ne  devînt  trop  puissante; 
et  Frédéric  II  se  trouvait  aussi  dans  un  grand  em- 
barras vis-à-vis  de  ces  deux  puissances,  ne  sachant 
comment  il  maintiendrait  l'équilibre.  Alors  on  trouva 
que  le  moyen  le  plus  propre  de  sortir  de  cette  posi- 
tion était  de  prendre  sur  le  peuple  qui  était  le  moins 
en  état  de  se  défendre  contre  une  telle  violence,  sur 
la  Pologne,  une  portioa  de  son  territoire  ;  afin  que  les 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


r 


joseph  ii.  i      437 

trois  autres  états  pussent  s'en  agrandir.  On  ne  peut  sa- 
voir précisément  d'où  vint  cette  penséej  niais  il  e* 
facile  de  voir  qu'elle  sortait  du  génie  de  l'époque*1 
Comme  la  sagesse  d'alors  ne  fondait  tous  ses  caleuls 
gué  sur  une  mesure  matérielle,  ne  concevait  la  force 
des  états-^de  par  les  milles  carrés,  le  nombre  des  ha?- 
bitant^  ofos soldats ,  et  l'argent  qu'ils  possédaient,  le 
fond  de  la  politique  était  de  diriger  tous  ses  efforts 
vers  l'agrandissement  j  rien  ne  semblait  digne 
d'envie  comme  une  acquisition  qui  pût  bien  arron- 
dir un  royaume,  et  toute  considération  d'équité  et  de 
raison  devait  céder  de  vantcet  impérieux  principe.  Un 
des  grands  états  avait-il  fait  seul  une  pareille  con- 
quête ,  alors  les  autres  accouraient  suspendre  à  son 
hameçon  l'équilibre  européen.  Ici  donc  les  trois 
royaumes  qui  touchaient  la  Pologne  se  partagèrept 
la  proie  proportionnellement ,  s'en  agrandirent;  et 
l'on  crut  ensuite  avoir  paré  à  tout  danger.  Ce  sys- 
tème était  devenu  si  superficiel,  si  misérable  et  si  ab- 
surbe,  que  l'on  ne  sentait  pas  que  le  juste  équilibre  et 
la  sécurité  durable  pour  tous,  ne  pouvaient  être  fondés 
que  sur  un  respect  sacré  pour  la  conservation  des 
droits  des  peuples.  Le  démembrement  de  la, Pologne 
fut  l'anéantissement  même  de  tout  système  d'équi- 
libre, et  le  précurseur  de  ces  grandes  révolutions  y 
de  ces  grands  déchirements,  de  ces  transformation, 
même  de  ces  ambitions  qui  tendirent  à  un  empire  unir 
versel  et  dont  les  secousses  pendant  vingt  ans  ont 
ébranlé  l'Europe  dans  le  plug^rofbnd  de  ses  fon- 
dements. Le  peuple  polonais  pressé  de  trois  côtés 


"  Digitized  by  LjOOQ  1C 


458  0b*ti1sm8  ivoqv*.  4648—1858. 

fut  obtgéy  enPautomne  de  Vannée  1773,  de  consen- 
tir à  ce  que  trois  cents  milles  carrés  ftissent  démen- 
bres  de  sa  propriété  pour  être  partagés  entre  la  Russie. 
là  Finisse  et  l'Autriche. 

'■  2)  Guerre  au  sujet  de  la  succession  de  Bavière, 
1778.  <"— Le'prince  électeur  Maximilien-Joseph,  étanï 
fftôrt  sans  enflants,  1777,  l'héritage  de  ses  états  et  de 
àon  élëctorat  appartenait  à  l'électeur  palatin.  Mais 
Pempereur  Joseph  voulut  tirer  profit  de  cet  héritage 
k  davantage  de  l'Autriche  ;  il  fit  revivre  d'anciens 
dr  dits,  se  jeta  tout-à-coup  sur  la  Bavière  avec  son 
armée  et  l'occupa.  Alors  Je  pacifique  palatin,  Char- 
les-Théodore, prévenu  et  mis  en  fuite,  signa  un  ac- 
Comtnodement  par  lequel  il  abandonnait  à  la  maison 
d'Autriche  les  deux  tiers  de  la  Bavière  pour  en  con-  * 
Server  le  dernier  tiers."  La  conduite  de  l'Autriche 
dans  cettfe  occasion,  et  la  part  qu'elle  avait  prise  au 
démembrement  de  la  Pologne  étaient  d  autant  plus 
inattendues,  que  c'était  le  seul  des  grands  états  qui 
8e  Ait  jusque  là  abstenu  d'un  pareil  abus  de  sa  forcée 
Mais  le  vertige  du  siècle  avait  triomphé  de  cette 
pacifique  retenue  de  l'Autriche. 

Il  y  eut  de  grands  mouvements  à  cette  occasion 
dans  l'empire;  Frédéric  II  surtout  crut  ne  pas  devoir 
rester  oisif,  fi  prit  parti  contre  i* Autriche  et  fit  des 
préparatifs,  en  qualité  de  protecteur  du  duc  de 
©eux-Ponts,  héritier  de^Chartes-Théodore,  qui  prcn 
testai!  contre  le  traité  fait  par  ce  dernier  prince  e^; 
demandait  l'assistance  du  roi  de  Prusse.  Lé  jeutfe 
empereur  Joseph  était  trop  bouillant  pour  n'en  pas 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


joseph  n,  450 

faire  autant  ;  il  vint  prendre  position  pn  Bohême,  et 
là,  il  attendait  le  roi,  si  avantageusement  placé  qûé 
les  Prussiens,  qui  avaient  déjà  passé  le  sommet  des 
montagnes,  craignant  de  tout  risquer  daus  une  at-r 
laque,  se  retirèrent  de  la  Bohême.  Après  quelques 
combats,  peu  importants  du  reste,  entre  les  troupes 
légères,  la  paix  fut  signée  à  Teschen,  le  13  mai  1779,| 
par  la  médiation  de  la  France  et  de  la  Russie ,  a  vanli 
même  la  fin  de  la  première  année  de  la  guerre.  L'im- 
pératrice Marie-Thérèse  ne  partageait  point  la  pas-> 
Sion  guerrière  de  son  fils;  elle  lui  demandait  au 
contraire  avec  instance  de  se  réconcilier,  et  de  fairë 
la  paix.  Et  Frédéric,  qui  n'avait  rien  à  gagner  à  cette 
guerre,  y  était  assez  disposé.  H  était  déjà  courbé 
parla  vieillesse,  et  avait  l'œil  trop  clairvoyantpoûi* 
fre  pas  voir  que  l'ancien  esprit  de  l'armée  qui  lui  avait 
fait  faire  des  prodiges  dans  la  guerre  de  sept  ans,; 
avait  presque  entièrement  disparu,  bien  que  la  dis-* 
cipline  la  plus  sévère,  et  que  les  punitions  même 
outrées  pour  de  petites  fautes  dans  les  formes,  fti*i 
sent  maintenues  dans  toute  leur  vigueur.  Souvent 
tnéme  les  administrations  de  l'armée  étaient  en  foré 
mauvais  état  :  mais  c'était  surtout  celle  des  pour<- 
Voyeurs  ;  car  dès  le  premier  mois  de  la  guerre,  elte 
laissa  Farinée  souffrir  delà  disette  pour  les  premiers 
besoins.  Le  roi  sentit  bientôt  ce  défaut,  et  cependant 
ne  put  en  découvrir  le  principe;  mais  il  en  fut  trè$ 
tourmenté.  La  paixluiétait  donc  de  beaucoup  prêW^ 
rableà  la  guerre.  Parle  traité  qui  suivit,  l'Autriche 
rendit  à  la  maison  palatine  tous  les  états  de  Bavière, 


Digitized  byVJ OOQ IC 


440  SEPTIEME  ÉPOQUE.   1648—1838. 

excepte  le  petit  cercle  de  Burgau ,  et  l'héritage  eu 
lut  assuré  au  duc  de  Deux-Ponts, 

L'empereur  Joseph,  seul.  1780  à  1790.  —  Après 
la  mort  de  Marie-Thérèse ,  l'empereur  Joseph  s'ef- 
força, de  toute  l'impétuosité  de  son  bouillant  carac- 
tère, de  mettre  ses  grands  projets  à  exécution  dans 
le  plus  court  intervalle  possible,  et  de  donner  aux  diffé- 
rente* espèces  de  peuples  répandus  sur  la  surface  de 
«es  vastes  états  une  seule  et  même  forme  de  gouverne- 
ment, tçlle  qu'il  l'avait  conçue  dans  sa  tête.  On  aurait 
dit  que  sa  manière  d'être  et  de  faire  fussent  les  ayant- 
coureurs  de  cette  révolution ,  la  plus  inouïe ,  qui  a 
troublé  l'Europeentière.  D'ailleurs  ce  prince  de  même 
que  sonsiècle  et  le  siècle  suivant,  purent  voir  par  eux- 
mêmes  leurs  créations  promptement  jetées  dans  le 
néant  ;  parce  qu'ils  s'étaient  abusés  jusqu'au  point  de 
croire  qu'ils  pourraient  changer,  dans  le  court  espace 
d'une  vie  d'homme  ou  même  de  quelques  années,  ce 
que  la  race  humaine  n'a  opéré  que  par  un  lent  enfan- 
tement à  travers  les  siècles.  Car  cette  présomption  par 
laquelle  on  prétend  changer  en  réalité  les  idées  qu'on 
s'est  faites,  uniquement  parce  qu'elles  sont  possibles, 
quelles  que  soient  d'ailleurs  les  oppositions  qu'elles 
doivent  rencontrer  dans  le  cœur  de  l'homme,  dans  son 
amour  et  son  attachement  pour  ce  qui  est  habitude  et 
pour  cequi  vient  des  aïeux;  cette  présomption,  dis-je9 
se  trouvait  au  plushaut  degré  dans  l'empereur  Joseph, 
6t  c'est  elle  qui  a  entravé  ses  bonnes  intentions.  H 
avait  une  volonté  arrêtée  pour  la  justice  et  le  bien, 
pour  le  bonheur  de  ses  états ,  pour  les  progrès  et  la 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


JOSEPH  II,  441 

liberté  de  l'intelligence;  mais  il  négligea  d'interro- 
ger sans  prévention  la  nature  humaine,  et  de  s'ins- 
truire sur  le  caractère  propre  de  chacun  de  ses  peu- 
ples. Ce  qu'il  entreprit,  le  plus  souvent  n'était  point 
mesuré  sur  leur  état  actuel  ;  et  ce  qui  convenait  à 
l'un  d'eux  ne  pouvait  s'adapter  à  un  autre.  Avec  le 
sentiment  de  la  générosité  de  ses  intentions,  Jo- 
seph II  se  modela  sur  Frédéric  pour  régner  par  lui- 
même;  mais  Frédéric  s'occupa  plutôt  d'arrangements 
extérieurs,  de  l'administration  de  l'état,  des  progrès 
de  l'industrie,  de  l'augmentation  des  revenus,  et  il 
n'entra  que  très  peu  dans  ce  qui  regarde  la  marche 
intellectuelle,  qui  suivit  son  cours  particulier,  quel- 
quefois même  tout-à-fait  inconnu  de  lui  ;  tandis  que 
Joseph,  par  ses  nouvelles  dispositions,  attaqua  sou  vent 
l'endroit  le  plus  sensible  pour  le  peuple.  Il  voulait 
surtout  la  liberté  de  conscience  et  la  liberté  dépen- 
ser ;  mais  il  ne  remarquait  pas  que  l'admission  de  ce 
principe  dépendait  d'une  conviction  intime  qui  ne 
peut  être  imposée,  et  n'existe  réellement  que  lorsque 
la  lumière  a  pénétré  .peu  à  peu  jusqu'au  fond  du 
cçeur. 

Les  plus  grands  obstacles  que  Joseph  trouva  pour 
$es  innovations  vinrent  de  la  part  de  l'Eglise;  car  i\ 
voulut  confisquer  quantité  de  couvents  et  déniaisons 
religieuses  catholiques,  et  changer  tfrusquemçnt  toute 
la  constitution  ecclésiastique;  c'est-à-dire,,  que  ce  quj 
aurait  pus* arranger  de  soi-même  dans  l'intervalle  cl' u* 
dei^i-siècle ,  il  voulut  l'obtenir  dans  la  prcniièrc  au; 
née  de  son  gouvernement.     v 


Digitized  byVJ OOQ IC 


449  lEPTibu  «*0QUB«  464S— 1858. 

Par  cette  confiscation  des  biens  ecclésiastiques, 
plus  d'un  prince  voisin,  par  exemple,  Vévéque  de 
Passau  et  l'archevêque  dé  Salèbourg,  se  trouvèrent 
lésés  dans  leurs  droits,  et  ne  manquèrent  pas  d'élevée 
de  grandes  plaintes  ;  de  même  aussi,  dans  plusieurs 
âjatres  circonstances ,  beaucoup  de  princes  crurent 
trouver  dans  l'empereur  une  espèce  de  mépris  pouf 
les"  constitutions  de  l'empire.  Les  appréhensions 
augmentèrent  'extrêmement  quand  on  le  vit,  dans 
Vannée  1785,  ménager  un  traité  d'échange  avec  le 
prince  électeur  palatin  de  Bavière;  d'après  lequel  ce 
prince  devait  abandonner -son  pays  à  l'Autriche,  et 
recevoir,  en  revanche,  les  Pays-Bas  avec  le  titre  de 
roi  d'un  nouveau  royaume  deBoùrgoghe;  de  cette 
façon  tout  le  sud  de l'Allemagne  aurait  appartenu  à 
fÀutricehe.  Le  prince  n'en  était  pas  éloigné  ,  et  la 
France  et  la  Russie  y  étaient  consentantes,  dans  le 
principe  ;  mais  Frédéric  II  vint  encore  Une  fois  dé- 
concerter ces  plans,  et  réussit  à  en  détourner  la  Russie: 

Ces  mouvements,  occasionés  pat  les  efforts  dé 
l'empereur  Joseph  ,*  qui  cherchait  à  donner  à'  sel 
projets  une  prompte  exécution,  firent  naître  dans  là 
tête  du  vieux  roi  de  Prusse  la  pensée  de  décideriez 
princes  allemands  à  faire  entre  eux  une  alliance , 
pour  assurer  le  maintien  de  la  constitution  impé- 
riale ;  de  noféme  que  déjà,  antérieurement,  on  avait 
Vu  plusieurs  membre^  dé  l'empire  s'unir  pour  leu* 
tautuélle  défense.  Tel  devait  Aire  Tunique  but  dé 
falliance,  du  moins  d'après  la  parole  même  du  roi; 
et  elle  fut  arrêtée,  en  Tannée  1785,  entre  la  Prtissé; 


Digitized  byVJ OOQ IC 


jowph  n.  445 

la  Saxe,  le  Hanovre,  les  ducs  de  Saxe,  de.Bnrçwr 
\vïck,  déMecklènbourg,  de  Deux-Ponts,  le  landgrave 
de  Hesse  et  quelques,  autres  princes  ;  bientôt  même 
électeur  de  Mayence  s'y  joignit  encore.  Cette  al- 
liance fut  au  fond  une  démarche  moins  ennemie  que 
Révère;  mais  ce  n'en  était  pas  moins  un  reproche  sen- 
sible foît  à  la  maison  d'Autriche  au  sujet  des  nou- 
velles entreprises  de  F çmpereur  ;  et  c'était  en  même 
temps  unie  leçon  qui  l'avertissait  que  la  destination 
de  la  maison  d'Autriche,  parmi  les  peuples  de  l'Eu- 
rope, était  dé  maintenir  ce  qui  existe,  uniquement 
de  protéger  le  droit,  de  présenter  toujours  un  rempart 
&  l'esprit  de  conquête  et  d'étrç  ainsi  le  tuteur  de  la 
liberté  commune;  maisque  pour  peu  qu'elle  s'écartât 
de  celte  voie,  elle  perdait  aussitôt  la  confiance  public 
ofue.  Bu  reste  ,  cette  alliance  n'eut  aucun  résultat 
poufr  l'Allemagne  ,  sôît  parce  que  Frédéric  ÏI  mou-* 
rut  Fan/iée  suivante ,  soit  parce  que  les  successeurs 
de  Joseph  H  revinrent  heureusement  aux  anciens 
principes  de  lëuf  maison,   la  modération  et  la  sa- 
gesse $  soit  enfin  parce  que ,  dans  les  dix  dernières 
années  de  ce  siècle,  il  se  passa  en  Europe  des  événe- 
ments si  inouïs,  qu'ils  firent  oublier  tout  le  reste,  qui 
n'était  plus  que  de  la  Futilité  eh  comparaison .^    '  | 
Mort  de  Frédéric  H.    17   août  Î786,  •  — Cette 
alliance  des  princes  ftit  le  dernier  acte  public  <ïu 
grand  Frédéric ,   qui  eèt  quelque  Importance  ;  il 
mourut  Tannée  suivante.  Il  resta  toujours  actif  et 
entreprenant  malgré  sa  vieillesse,  mais  il  devînt  de 
plus  en  plus  isolé;  car  tous  les  anciens  compagnons 


Digitized  byVJ OOQ IC 


4*4  SEPTIÈME  ÉPOQUE.   1646—1858. 

de  &es  premières  années  étaient  descendus  au  tombeau 
avant  lui  (Ziethen  mourut  au  mois  de  janvier  de 
r^nnee  même  de  sa  mort,  âgé  de  87  ans)  ;  et  d'un 
autre  côté ,  le  grand  roi  n'avait  pas  reçu  du  ciel  le 
don  de  la  paternité,  le  don  par  lequel  l'homme 
semble  revenir  aux  premiers  sentiments  de  l'enfance 
et  pour  ainsi  dire  recommencer  sa  carrièçe  ;  il  ne 
pouvait  se  voir  rajeuni  et  revivant  dans  sa  postérité. 
D'ailleurs  il  n'avait  pas  au  fond  de  son  âme  des  sen- 
timents convenables  pour  cet  état,  et  sa  nature  était 
fjotrt  imparfaite  .sous  ce  rapport. 

Son  esprit  se  soutint  presque  intègre  pendant 
soixante- quatorze  ans,  'quoique  son  corps  fût  extrê- 
mement affaibli.  Le  grand  usage  qu'il  avait  fait  des 
fortes  épices  et  des  mets  prépares,  à  la  manière  fran- 
çaise ,  avait  desséché  tous  les  sucs  de  sa  vie,  et 
une  grave  hydropisie  aggravait  de  plus  en  plus  son 
état.  Il  de  vint  plus  mai  dans  de  l'été  1786,  et  le  17 
apût  il  succomba.  Il  fut  enterré  à  Potsdam,  sous  la 
chaire  de  l'église.     • 

Quoique  la  nouvelle  de  cette  mort,  arrivée  dans 
.  Un  âge  si  avancé,  ne  pût  surprendre  personne,  elle 
causa  cependant  une  émotion  générale  dans  toute 
l'Europe.  —  Frédéric  laissa  à  son  successeur  un 
royaume  bien  réglé,  peuplé  de  six  millions  d'habi- 
tants, une  forte  armée  et  un  trésor  bien  repapli  ;  mais 
le  plus  beau  trésor  qu'il  laissa  fut  le  souvenir  de  ses 
héroïques  et  valeureuses  actions,  qui  devait  devenir 
plus  tard  pour  son  peuple,  un  cri  de  réveil  et  d'en- 
couragement. 


Digitized  byVJ OOQ IC 


josepr  n.  44& 

Mort  de  Joseph  H,  le  20 février  1790.  LéopoldIIF 
1790  -92.  —  L'empereur  Joseph  s'était  engagé, 
en  1788,  dans  une  guerre,  contre  les  Turcs,  qui  ne  lui 
rapporta  pas  tous  les  avantages  qu'il  s'était  promis,, 
Sop  armée  souffrit  des  pertes  considérables,  surtout 
par  la  maladie ,  et  bien  qu'il  s'y  fût  rendu  en  per^ 
sonné,  ses  armes  ne  furent  pas  heureuses  ;  il  man- 
quait du  sang-froid ,  du  calme  nécessaire  à  un  grand 
général. 

Dans  ce  même  temps  la  Hongrie  commença 
à  donner  tout  haut  des  marques  de  mécontentement; 
parce  que  Joseph  traitait  le  peuple  qui  Pavait  sauvé, 
lui  et  sa  mère ,  sans  aucune  considération  pour  ses 
droits,  ses  mœurs  et  son  langage.  Mais  dans  les  Pays,- 
Bas,  il  y  eut  une  révolte  ouverte;  le  clergé,  le  peuple,; 
la  noblesse ,  les  villes ,  tous  voyaient,  dans  les  ré- 
formes trop  précipitées  de  l'empereur,  des- attaques 
contre  leurs  anciens  privilèges.  Ils  prirent  les  armes, 
et  le  22  octobre  1789  les  provinces  du  Bratant  sp 
déclarèrent  indépendantes,  dans  une  assemblée  à 
Bréda.  Presque  toutes  les  villes  prirent  le  parti  des 
révoltés,  qui  avaient  à  leur  tête  on  avocat,  Van  der 
Noot;  et  les  employés  autrichiens  se  virent  forcés 
deprendre  lafuite. C'était  un  avant-coureur  des  grands 
événements  qui  se  préparaient  en  même  temps  en 
France.  L'empereur  Joseph  mourut  au  milieu  de 
ces  agitations,  dans  sa  quarante-neuvième  année,  le 
%0  février  1790.  Il  avait  été  fort  ébranlé  par  les  fa- 
tigues qu'il  épouva  dans  la  guerre  des  Turcs  ;  mais  U 
fut  encore  {dus  accablé  par  la  douleur  de  voir  tant 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


'-\+ 


Uè  SEPTIEME  ÉPOQUE.    ^648— 1838. 

de  projets  manques  et  la  colère  des  peuples  soûles 
44ë  contre  lui. 

1  Comme  il  n'avait  point  laissé  d'entants,  son  Frère 
Pïerre-Léopold,  jusque  alors  grand-duc  de  Toscane* 
Iùlï  -succéda  dans,  les  états  héréditaires  d'Autriche. 
Là  tâche  qui  lui  était  imposée  n'était  rien  moins 
que  Facile;;  car  dé  tous  les  côtés  régnait  le  mécon- 
tentement ou  la  révolte ,  partout  il  y  avait  des  te-* 
vées  de  boucliers  ou  des  guerres.  Il  Fallait  la  pW 
sage  modération  pour  conduire  heureusement  le  gou-, 
Vérnail  à  travers  une  pareille  tourmente;  mais* 
Leopold  possédait  ce  calme  et  cette  sagesse.  Les  plus 
dangereuses  innovations  de  son  prédécesseur  Furent 
écartées,  la  Hongrie  Fut  pacifiée,  les  Pays-Bas  furent 
dpàisés  tant  par  la  Force  des  armes  que  par  ta  con- 
firmation de  leurs  droits  et  de  leur  constitution^ 
enfin,  Pannéè  siri vante/on  fit  aussi  la  paix  avec  les 
Turcs.  Xé  30  septembre  1790,  l'héritier  de  la  maison 
qÂutriche  Fut  choisi  pdur  empereur  d'ÀÏlemaghef 
sous  le  nom  de  Léopold  II.  11  ne  régna  que  deux 
ans,  juéqu*au  lè  mars  1792,  et  ce  court  règne 
finit  au  moment  que  commençait  en  Europe  uriç 
époque  pleine  de  difficultés  et  d'embarras. 


La  révolution  française. 


Cet  esprit  d'analyse  qui  pénétrait  partout  poti* 
èfcamihèjr  et  décomposer;  éet  esprit  à  la  Foie  paie** 
tilleul   et   Mendiant   apporté  dans    bs  fcteneeàfi 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


LA   RÉVOLUTION  FRANÇAISE.  44T 

dans  les  arts,  dahs  les  rapports  de  la  vîë?  et  dans  lies' 
idées,  tant  sur  ia  constitution*  même  des  états  quej 
sur  les  droits  des  gouvernants,  des  gôuverhés  et  des 
hommes  en  général;  l'exemple  du  roî  Frédéric  et 


plus  solidement  établi  comme  pouvant  changer,  ce 
qu'il  y  a  de  plus  vénérable  à  cause  de  son  ancienneté 
et  de  l'habitude  comme  pouvantpa«sér.Etdemêmé 
que  la  pensée  la  plus  merveilleuse/  comme  on  en 
peut  trouver  tant  d'exemples  dans /l'histoire,  ni 
souvent  d'autre  raison  de  soh  exécution  que  dVvoîj: 
été  une  Fois  conçue  et  exprimée;  ainsi,  à  la  fin  dû 
dix-huitième  siècle ,  la  pensée  humaine  ne  trouva 
pas  dé  repos,  jusqu'à  ce  que  ce  qui  existait  lut  ren- 
versé, que  tout  le  vieux  Ait  détruit  et  qu'elle  se 
vît  entourée  d'un  énorme  monceau  de  ruines,  avec 
lesquelles  elle  devait  élever  de  nouveaux  édifices1.' 
Mais  bâtir  est  plus  difficile  que  de  renverser. 

Le  plus  grand  coup  donné  à  l'ébranlement  gèapJ 
rai  vint  de  lTextérieûr ,  de  la  nouvelle  partie  dd 
monde,  connue  à  peine  depuis  trois  cents*  ans.  liés 
colonies  anglaises  dii  nord  de  l'Amérique  se  sou- 
levèrent contre  la  domination  ae  Jèiir  métro- 
pole et  se  rendirent  indépendantes,  en  1782,  àjpres 
une  courte  et  heureuse  guerre.  Quand  donc  Benja- 
min Franklin,  le  créateur  des  idées  nouvelles  se  tut 
signalé  dans  cette  partie  du  monde,  lui  dont  on  à' 
écrit  sur  son  épitaphe  qu'il  avait  dérobé  au  éîet  âa 


*     • 

Digitized  byVJ OOQ IC 


44$  septième  époque.  1648—4838. 

foudre  et  aux  tyrans  leur  sceptre;  quand  le  vraj. 
modèle  de  l'indépendance  de  l'esprit ,  et  de  tout; 
homme  qui  est  mis  à  la  tête  d'un  état  libre  ;  quand 
le  grave  et  vertueux  général  Washington  fut  connu 
et  estimé,  ces  deux  noms  retentirent  avec  gloire  de 
l'autre  côté  des  mers  et  furent  admirés  dans  toute 
l'Europe.  D'un  autre  côté,  la  France,  qui  voulait  bri- 
ser la  puissance  anglaise,  avait  prêté  des  secours  aux 
états  libres  d'Amérique  et  y  avait  fait  passer  ses  trou- 
pes,; mais  quand  ces  hommes  revinrent  dans  l'ancien 
monde ,  ils  apportèrent  avec  eux  un  esprit  exalté 
pour  la  liberté,  beaucoup  de  nouveaux  principes  et 
des  pensées  hardies.  Or,  un  pareil  esprit  se  trouvait 
dans  une  manifeste  contradiction  avec  l'état  actuel 
de  la  France. 

Elle  était  gouvernée  par  Louis  XVI  t  bon ,  doux 
et  religieux  monarque  ,  qui  désirait  avec  loyauté 
le  bonheur  de  ses  sujets;  mais  sa  volonté  était 
trop  faible  pour  s'opposer  aux  mille  abus  qui  s'é- 
taient introduits  dans  le  gouvernement  de  l'état: 
plusieurs  membres  de  sa  famille ,  la  haute  noblesse 
qiïi  entourait  son  trône,  les  grands  dignitaires  qui 
trouvaient  leur  profit  dans  les  vexations  du  gou- 
vernement ,  tous  ne  voiraient  aucune  amélioration 
et  faisaient  un  mur  de  séparation  entre  le  bon  roi  et 
son  peuple.  Louis  ne  pouvait  pas  même  arrêter  les 
désordres  de  sa  propre  cour  ;  parce  que  depuis 
Louis  3lIV  et  Louis  XV,  il  semblait  être  de  droit 
cjue  la  cour  d'un  roi  de  France  pût  mépriser  toute 
décence  et  toute  morale. 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


LÀ    RÉVOLUTION   FRANÇAISE.  449 

Le  peuple  haïssait  cette  cour  et  tous  les  grands , 
et  les  regardait  comme  des  sangsues;  parce  qu'en 
effet  ils  vivaient  dans  la  dissipation  la  plus  déme- 
surée, tandis  que  toute  la  France  retentissait  des 
cris  de  misère  et  de  détresse  et  était  presque  accablée 
sous  le  poids  des  impôts  (*).  Ces  plaintes  acquirent 
d'autant  plus  de  force  que  Ton  connaissait  parfaite- 
ment la  source  du  mal  ;  le  peuple  voulait  désormais 
jouir  des  droits  de  l'homme,  de  la  liberté  de  la  pensée 
et  de  l'égalité  de  tous  devant  les  lois  naturelles. 
Ainsi  le  mécontentement  engendra  des  désirs  brû- 
lants, des  flammes  dévorantes  ;  car,  quand  la  raison 
et  la  passion  combattent  toutes  deux  pour  le  même 
but,  rien  ne  peut  leur  résister ,  et  l'impulsion  une 
fois  reçue ,  elles  ne  peuvent  plus  s'arrêter.  Les 
hommes  les  plus  éloquents  de  France  avaient  sou- 
vent vanté  au  peuple ,  en  confondant  mille  erreurs 
avec  la  vérité,  les  droits  inaliénables  de  l'homme 
qu'aucun  roi  ne  peut  lui  ravir.  Montesquieu,  Rajrnal, 
Diderot ,  Helvetius,  Rousseauet  Voltaire  avaient  jeté 
dans  son  sein  une  foule  de  nouvelles  pensées.  C'était 
surtout  le  tiers-état ,  la  bourgeoisie ,  qui  était  pleine 
de  ces  pensées  nouvelles,  de  ces  pensées  de  progrès. 
Cetterdasse  qui,  à  peine  quatre  cents  ans  avant,  devait 
encore  plier  sous  le  joug  et  paraître  pour  ainsi  dire 
muettedans  les  assemblées  générales,  quand  son  temps 

(*)  Les  impôts  étaient  mal  répartis,  les  pays  de  droit  écrit  étaient  en  effet 
accablés,  tandis  que  les  pays  d'état,  Bretagne,  Languedoc,  Bourgogne,  etc., 
étaient  moins  grevés  ;  mais  surlout  le  mode  de  perteption  était  arbitraire 
et  abusif.  N.  T. 

T.  II.  29 


Digitized  byVJ OOQ IC 


460  septième  époque.  1648—1888» 

fut  vepiij  peûversa  sous  ses  pieds  et  la  noblesse,  et  le 
clergé  %  et  le  trône  du  roi  ;  parce  qu'ils  barraient 
son  passage  dans  cette  carrière  qu'elle  s'était  ouverte 
par  un  effort  extraordinaire. 

Un  embarras  d'argent ,  qui  fit  que  les  ministres  ne 
pouvaient  plus  satisfaire  aux  besoins  de  l'État,  et 
plusieurs  autres  difficultés  décidèrent  le  roi  à  con- 
voquer ,  ppur  le  1er  mai  1789 ,  les  trois  ordres 
de  l'État  à  une  assemblée  générale.  Mais,  d'après  les 
arrangements  de  son  ministre  Necker ,  sur  les  douze 
cents  hommes  qui  devaient  composer  la  réunion ,  il 
y  en  avait  la  moitié  qui  représentaient  la  bourgeoisie. 
C'était  une  disposition  d'autant  plus  dangereuse  que 
la  voix  de  la  masse  du  peuple  devait  lui  donner  une 
importance  plus  marquée;  car  rassemblée  devait  sç 
tenir  à  Versailles ,  dans  le  voisinage  de  la  capitale  9 
de  ses  milliers  d'oisifs  et  d'hommes  entreprenants.  Ce 
fut  une  faute  capitale  par  où  débuta  le  parti  de  la  cour  ; 
d'autant  plus  que  Paris  a  toujours  donné  l'exemple 
au  reste  de  la  France.  L'assemblée  n'avait  été  con- 
voquée que  pour  donner  conseil  aux  gouvernants 
sur  la  manière  d'administrer  j  mais  le  tiers-état  vou- 
lait plus  que  cela  ;  il  voulait  un  nouveau  et  meilleur 
gouvernement.  Il  aurait  fallu  surtout  que  les  états 
privilégiés  r  la  haute  noblesse  et  le  haut  clergé  t  se 
chargeassent  proportionnellement  des  charges  de 
TEtat,  afin  que  les  bourgeois  et  les  fermiers  en  fussent 
soulagés  d'autant  ;  mais  ils  s'y  refusèrent.  S'ils 
a-yaieut  alors  témoigné  plus  de  renoncement  à  leurs 
fntéréto  et  phifr  d'amour  pour  la  patrie  ,  peut-être 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


LA    RÉVOLUTION    FRANÇAISE,  <|51 

auraient-ils  sauve  la  France  des  horreurs  d'une  ré- 
volution. La  noblesse  des  provinces  et  le  haut  clergé 
se  joignirent  en  partie  à  la  bourgeoisie,  et  le  tiers- 
état  fit  un  pas  important  en  se  déclarant  as§emb|ée 
nationale.  Alors  il  fit  demander  aux  deux  autres  états 
de  déclarer  s'ils  voulaient  ou  non  se  réunir  à  lui  ;  car, 
si  l'on  votait  par  état ,  les  deux  autres  pouvaient  se 
réunir  contre  celui  delà  bourgeoisie  ;  si,  au  contraire, 
on  devait  recueillir  les  votes  dans  une  assemblée  géné- 
rale par  tête  r  alors  le  tiers-état  devait  avoir  de  beau- 
coup la  supériorité.  Cependant  les  deux  premiers  étajts 
.  furent  obligés  de  céder  et  de  se  réunir  aux  deux  autres 
en  une  seule  assemblée ,  et  dès  lors  la  révolution 
Ait  décidée.  Ce  ne  fut,  dans  la  première  pensée, 
qu'une  révolte  de  la  bourgeoisie  contre  les  droits 
féodaux  de  la  noblesse  et  du  hautclèrgé;mais  depuis 
elle  est  devenue  un  boule  versement  pour  toute 
l'Europe.  Dans  le  principe  elle  n'était  point  dirigée 
contre  le  trône  des  princes,  et  si  Louis  en  f^t 
cependant  précipité ,  c'est  qu'il  fut  toujours  irrésolu, 
cédant  avec  trop  de  faiblesse  et  de  facilité  ?  tantôt 
aux  bons  ,  tantôt  aux  mauvais  conseils  ;  c'est  que  sa 
cour  et  ses  grands  étaient  trop  débauchés  ;  p'est  que 
le  peuple  de  la  capitale  de  la  nation  d'Europe  la 
plus  impressionnable  et  la  plus  passionnée,  prit  part 
au  maniement  des  affaires. 

Il  serait  trop  long  de  raconter  ici  par  quels  degrés 
a  passé  cette  révolution,  pour  arriver  de  commence- 
nients  sâgèsà  tout  ce  qu^  4e 'p!1*?  emporté  la  ^reMr 
des  hommes  les  plus  pervers  j  combien  de  sang  irmq- 


Digitized  by  LjOOQ  1C 


452  septième  époque.  1648 — 1838. 

cent  a  été  versé  ;  comment  un  roi  et  une  reine  ont  été 
immolés  ;  comment  des  hommes  effrénés  <jui  foulaient 
aux  pieds  tout  ce  qui  est  sacré  ,  ont  renversé  Tau- 
tel  de  la  religion ,  consacré  un  temple  à  leur  propre 
et  ténébreuse  raison  ,  et  ont  même  osé  décréter 
l'existence  de  Dieu  ;  comment  enfin ,  plus  tard»  dans 
le  délire  de  leur  insolent  orgueil ,  ils  ont  substitué  à 
l'ancien  gouvernement  un  nouveau  qu'ils  avaient 
formé  sur  le  papier  ;  comment  ils  l'ont  publié  avec 
acclamation,  comme  un  chef-d'œuvre  d'une  éternelle 
durée  et  Vont  renversé  quelques  mois  après.  Malheur 
au  peuple  qui  doit  jeter  les  fondements  d'un  gou- 
vernement, parmi  l'effroi  des  grands  bouleverse- 
ments ,  parmi  le  sang ,  le  meurtre  et  le  bruit  de  la 
cloche  d'alarme  !  Les  fondements  de  la  vraie  liberté 
ne  peuvent  se  trouver  que  sous  l'égide  du  droit ,  de 
la  morale  et  de  la  modération  ,  lorsque  le  nouveau 
sort  de  l'ancien  comme  un  rejeton  sort  de  sa  tige. 
Telle  est  la  véritable  amélioration  de  la  condition 
des  peuples,  dont  la  marche  est  tracée  par  l'histoire. 
Mais  si  toutes  les  souches  d'une  forêt  antique  sont 
renversées  à  la  fois,  alors  toutes  les  jeunes  pousses 
n'ont  plus  de  tuteur  contre  l'orage  :  en  France ,  le 
souvenir  du  passé  fut  extirpé ,  l'histoire  anéantie  , 
et  Ton  voulut  tout  créer  ;  aussi  ces  nouvelles  créa- 
tions disparurent-elles  emportées  comme  une  fumée. 
Cependant,  on  ne  peut  nier  que  dans  ce  torrent 
d'idées ,  il  ne  se  trouvât  quelques  perles  d'or  mêlées 
avec  le  flot  qui  méritent  d'être  conservées  dans  l'his- 
toire de  l'Europe. 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


Ll  RÉVOLUTION   FRANÇAISE.  *&5 

Dans  les  autres  pays,  et  surtout  en  Allemagne, 
les  succès  extraordinaires  des  Français  avaient  porté 
au  plus  haut  degré  l'exaltation  des  esprits;  le  levain 
de  pareils  mouvements  fermentait  partout;  de  toutes 
parts  les  partis  se  dessinaient ,  les  uns  pour  la  conser- 
vation pure  de  ce  qui  existait,  les  autres  pourl'étar 
blissement  rapide  des  nouveautés  ;  mais  la  Providence 
nous  garda  des  cruautés  de  la  guerre  civile,  malgré 
mille  abus  qui  se  trouvaient  au  milieu  de  nous  et  de- 
vaient être  réformés.  Les  princes  étaient  trop  sages  et 
les  peuples  trop  fidèles  et  trop  bons  pour  que  la  pas- 
sion étouffât  tout  autre  sentiment.  Cependant  nous 
n'avons  pu,  non  plus  que  les  autres  nations,  échap- 
per entièrement  aux  malheurs  de  cette  époque  ora- 
geuse; et  toute  l'Europe  a  expié  avec  usure  les 
erreurs  du  siècle  précédent  par  des  angoisses  aux- 
quelles elle  a  été  si  long-jtemps  en  proie  ,  et  par  des 
milliers  de  victimes  prises  parmi  ses  meilleures  têtes; 
car  toutes  les  contrées  de  l'Europe  s'étaient  laissé 
entraîner  à  la  fois  par  l'exemple  de  la  France.  Mais, 
comme  la  France  avait  marché  en  tête  du  mouve- 
ment avec  audace  et  arrogance,  il  fallait  aussi  qu'elle 
fût  corrigée  la  première  et  par  le  châtiment  le  plus 
sévère. 


Digitized  byVJ OOQ IC 


454  septième  époque.  1648 — 1858. 


OoêHUoA  èé  Y  Autriche,  la  frrune,  l'Bhipiré,  k  Hollande,  l*Bsftigie  «I 
plusieurs  autres  peuples  contre  la  France.  1792. 

L'empereur  Léopold  resta  fidèle  à  son  système  dé 
paix,  quoiqu'il  ne  vît  qu'avec  une  grande  inquiétude 
ces  événements  qui  se  passaient  en  FVance.  Beau*- 
coiip  de  princes  étaient  bien  plus  portes. que  lui  a 
employer  la  force  contre  ce  peuple  révolté,  en  fa- 
veur des  princes  et  des  nobles  émigrés.  Ces  émigr es 
se  Rassemblèrent  en  grand  nombre  sur  le  Rhin  et  en  . 
Italie,  et  décidèrent  les  princes  à  la  guerre.  La' 
révolution  avait  en  effet  blessé  plusieurs  princes  de 
l'empire  dans  certains  droits. qu'ils  exerçaient  depuis 
long-temps  en  France;  et  quand  ils  demandèrent 
indemnité ,  on  leur  répondit  avec  cette  arrogance 
que  pendant  vingt- cinq  ans  on  retrouve  dans  le 
langage  des  Français.  Cependant  l'empire  eût  dû 
penser  que  pour  un  peuple  révolté  la  guerre  au 
dehors  est  un  avantage  ;  elle  arrête  les  divisions  in- 
testines et  lui  donne,  en  le  forçant  à  se  réunir,  une 
grande  force  contre  l'étranger. 

François  11.  1792-1806.  —  Le  nouvel  empereur 
fit  aveole  roi  de  Prusse,  Frédéric-Guillaume  II,  une 
alliance  contre  la  France.  Pour  les  prévenir,  celle- 
ci  se  hâta  de  déclarer  la  guerre  à  l'Autriche,  en  1792. 
L'attaque  des  Prussiens  surprit  la  jeune  république, 
qui  avait  encore  son  roi  à  sa  tête,  mais  sans  aucune 
puissance.  La  France  n'était  pas  encore  préparée, 
et  la  première  invasion  fut  heureuse.  Partout  on  put 


Digitized  byVJ OOQ IC 


GUERRES  DE  li   RÉPUBLIQUE   FRANÇAISE.  48$ 

marcher  en  avant  1  et  Ton  prit  toutes  lés  villes  qui 
se  trouvaient  sur  la  route.  Valenciennes ,  Longwy, 
Verdun,  lurent  conquises  ;  on  emporta  les  passages  de 
la  forêt  des  Ardennes,  et  Ton  vint  occuper  les  plaines 
de  la  Champagne.  Déjà  même  on  tremblait  danb 
Paris^  mais  bientôt  le  peuple  se  réveilla ,  et  ce  Tu- 
rent ses  ennemis  mêmes  qui  le  réveillèrent.  Sanô 
doute  entraîné  par  la  présomption  et  les  folles  es- 
pérances des  émigrés,  le  duc  de  Brunswick,  qui 
commandait  l'armée  prussienne,  fît  répandre  en 
France  un  manifeste  qui  devait  aller  jusqu'au  fond 
du  cœur  des  Français,  et  surtout  de  ceux  qui  n'a- 
vaient pas  voulu  reconnaître  les  anciens  droits  de 
la  royauté.  Il  y  avait  entre  autres  menaces  celle  dfe 
mettre  Paris  à  feu  et  à  sang,  il  n'y  devait  pas  resté* 
pierre  sur  pierre ,  disait-on  en  propres  termes.  Aus- 
sitôt, comme  si  une  étincelle  électrique  s'était  côrn* 
muniquée  à  toute  la  France,  on  vit  de  toules  parts 
les  hommes  et  les  jeunes  gens,  hrûlant  de  combattre 
pour  la  liberté,  accourir  d'eux-mêmes  à  Tatmêe  qui  se 
rassemblait  sous  les  ordres  de  Dumouriez.  Bientôt  il 
fut  en  état  d'aller  au-devant  de  l'ennemi,  fl  tiflfc 
prendre  une  position  très  avantageuse  sur  là  routé, 
près  de  Sainte-Meiiehould;  et  comme  les  Prussiens* 
dans  ce  pays  ravagé ,  manquaient  déjà  des  choses 
nécessaires  pour  leur  entretien,  et  que  d'ailleurs  lès 
maladies  survenues  à  cause  des  pluies  continuelles 
emportaient  beaucoup  de  leurs  soldats  mal  vêtus,  il 
leur  fallut ,  après  une  canonnade  insignifiante  à 
Valmy,  songer  à  la  retraite  ;  ils  se  trouvèrent  même 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


456  septième  époque.  4648 — 1858. 

très  heureux  qu'elle  leur  fût  encore  possible.  Ils  re- 
vinrent donc  jusque  de  l'autre  côte'  du  Rhin. 

Mais  Dumouriez  joignit  à  Jemmappes  les  Autri- 
chiens, leur  livra  balaille,  le  5  ou  6  novembre  1792, 
(c'était  la  première  de  la  république),  et  remporta  la 
victoire.  II  avait  quatre  fois  plus  de  monde  que  les 
Autrichiens  et  une  épouvantable  artillerie  qui  Taisait 
trembler  la  terre  des  coups  de  ses  grosses  pièces.  Les 
Autrichiens  sedéfendirent  avec  un  courage  vraiment 
héroïque,  pendant  deux  jours  contre  cette  supériorité 
de  forces  ;  enfin  il  fallut  céder  le  champ  de  bataille  (*). 
Par  cette  seule  bataille  la  maison  d'Autriche  perditles 
Pays-Bas  ;  l'armée  victorieuse  entraîna  tout  comme 
un  torrent ,  et  les  habitants ,  mécontents  de  la  do- 
mination autrichienne  depuis  Joseph  II  et  déjà 
séduits  par  la  pensée  de  la  liberté,  reçurent  avec 
joie  les  Français.  Ils  plantèrent  partout  des  arbres 
de  la  liberté,  établirent  une  convention  ;  de  sorte 
que  tout  le  pays  occupé  profita  des  institutions  de 
ses  conquérants. 

Dans  le  même  temps  le  général  Gustine  s'avan- 
çait dans  les  provinces  rhénanes ,  et  recevait  par 
trahison  l'importante  place  de  Mayence.  Le  vertige 
de  la  liberté  avait  aussi  soufflé  dans  cette  ville,  et  on 
y  prit  toutes,  les  institutions  de  Paris.  Mais  Franc- 


(*)  H  y  avait  quarante  mille  Français  qui  venaient  de  s'enrôler 
volontairement  sons  les  drapeaux,  contre  vingt  mille  Autrichiens  de  vieilles 
troupes,  et  si  bien  retranchés  que  l'artillerie  ne  pouvait  les  débusquer,  il 
fallut  que  la  cavalerie  tournât  l'aile  gauche  pour  venir  ensuite  faire  une 
charge  dans  les  fossés.  N.  T. 


Digitized  byVJ OOQ IC 


GUBRRB8   DE   LA   RÉPUBLIQUE   FRANÇAISE.  457 

fort ,  sa  voisine,  se  garantit  contre  l'influence  du 
voisinage;  et  quand  la  nouvelle  liberté  française  lui 
fut  proposée,  elle  répondit  que  ses  citoyens  étaient 
contents  avec  la  liberté  dont  ils  avaient  joui  jus- 
qu'alors. 

1793.  Au  commencement  de  cette  année  eut  lieu 
L'exécution  de  Louis  XVI  (21  janvier).  La  sangui- 
naire faction  des  jacobins  avait  remporté  la  victoire, 
et  croyait  ne  pouvoir  mettre  assez  de  désordre  et 
de  confusion  tant  que  le  roi  vivrait.  Us  l'avaient 
déjà  détrôné  ;  mais  pour  braver  mieux  toutes  les  lois 
divines  et  humaines,  ils  voulurent  envoyer  leur  in- 
nocent \  leur  pieux  roi  à  TéchafaucL  La  punition 
suivit  de  près  :  il  s'éleva  aussitôt  dans  la  Vendée, 
entre  la  Loire  et  la  Charente,  une  révolte  qui  coûta 
beaucoup  de  sang  et  dura  plusieurs  années  ;  tandis 
que ,  d'un  autre  côté ,  les  autres  peuples  perdaient 
tout  leur  zèle ,  et  ne  pouvaient  plus  soutenir  la  liberté 
française  qui  s'était  souillée  du  sang  innocent.  La 
nouvelle  république  dégénéra  de  plus  en  plus  dans 
ses  discours  et  dans  sa  conduite;  la  licence  et  l'effron- 
terie prirent  le  nom  de  liberté;  les  citoyens  les  plus 
modérés  furent  appelés  des  peureux,  et  la  populace 
le  peuple.  La  révolte  fut  préchée  chez  les  autres  peu- 
ples, et  on  leur  promit  du  secours  s'ils  voulaient 
chasser  leurs  rois  et  leurs  princes.  On  disait  tout 
haut  qu'il  fallait  renverser  tous  les  trônes.  Les  en- 
voyés français  furent  donc  chassés  d^Angleterre 
et  d'Espagne,  et  par  représailles  la  république 
leur  déclara  la  guerre  ainsi  qu'au  stathouder  des 


Digitized  byVJ OOQ IC 


488  sixifeMB  époque,  1648—1838. 

des  Pays-Bas,  qui  était  intimement  uni  avec  1*  An- 
gleterre;  et  enfin  alors,  l'empire  allemand,  après 
une  longue  délibération,  se  déclara  aussi  lui-même. 
Ainsi  la  moitié  de  l'Europe  prit  les  armes  contre  la 
France;  car  Naples,  Je  pape,  la  toscane  et  le  Por- 
gal  suivirent  le  mouvement  général* 

Les  commencements  de  la  campagne  de  1793 
furent  marqués  par  une  suite  d'éclatantes  victoires 
des  alliés  dans  les  Pays-Bas.  Dumoûriez  fut  battu  à 
Àldenhove,  et,  le  18  mars,  dans  une  bataille  rangée 
auprès  de  Nerwinde.  Alors  le  général,  pour  ne  pas 
tomber  entre  les  mains  des  jacobins  ses  ennemis, 
qui  tenaient  le  pouvoir  à  Paris  et  qui  d'ailleurs  ne 
pardonnaient  rien  moins  que  le  malheur,,  passa  diji 
côté  ded  alliés.  Ceux-ci  se  portèrent  toujours  plus  ea 
avant:  c'étaient  les  Autrichiens,  les  Prussiens,  les 
À  ngïais,  lesHanovriens ,  les  Hollandais ,  commandés 
par  le  duc  de  Cobourg  et  par  le  générai  anglais  duc 
d'York»  Le  successeur  de  Dumoûriez ,  le  général 
Dampierre,  fut  encore  une  fois  battu  par  eux  dans 
les  champs  de  Famars  et  il  y,  fut  tué  lui-même  j 
alofcs  les  places  de  Valenciennes  et  de  Condé  tom- 
bèrent entre  les  mains  des  alliés  4  et  le  chemin  leur 
était  ouvert  jusqu'à  Pari*. 

D'un  autre  côté,  les  Prussiens  et  les  Autrichien^ 
s'étaient  emparés  de  Mayence,  avaient  forcé  le$ 
lignes  de  Weissenbourg  et  commençaient  le  siège  de 
Landau ,  sous  la  direction  du  princeToyal  de  Prusse, 

Une  armée  espagnole  avait  aussi  passé  les  Alpes, 
envahi  le  sud  de  la  France  où  elle  obtenait  de  grands 


Digitized  byVJ OOQ IC 


GUERRES   DE   Li  RÉPUBLIQUE  F  A  ANC  USE.  459 

succès  ;  des  Espagnols  et  des  Anglais  occupaient 
l'important  port  de  Toulon,  qui  s'était  déclaré  contre 
la  convention  de  Paris ,  et  ils  le  défendaient  contre 
elle. 

Plus  dangereuses  encore  pour  la  France  que  les 
attaques  du  dehors  étaient  les  guerres  civiles.  Les 
royalistes  vendéens  avaient  battu  toutes  les  armées 
républicaines  qui  avaient  osé  entrer  dans  leur  pays 
et  avaient  répandu  bien  loin  la  terteUr  de  Jeun 
armes.  Du  nord  de  la  Bretagne,  un  corps  de  royalistes 
sous  la  conduite  du  général  Wimpfen  (*)  pénétra 
jusqu'à  vingt  lieues  de  Paris.  Dans  le  sud,  les  villes, 
les  plus  riches  et  les  plus  importantes  se  déclarèrent 
aussi  contre  la  convention  ;  outre  Toulon,  Marseille 
et  Bordeaux,  il  y  eut  encore  Lyon  au  milieu  de  là 
France ,  et  leur  alliance  avait  de  grandes  ramifica- 
tions par  tout  le  midi.  Ainsi  la  république ,  dans 
le  mois  d'août  de  cette  année ,  pressée  de  toutes 
parts,  était  sur  le  bord  du  précipice;  sa  chute  sem- 
blait inévitable,  Cependant,  elle  fut  sauvée  d^unê 
manière  encore  sans  exemple ,  par  un  gouvef ne- 
ment  de  terreur.  Dans  cette  grande  nécessité,  les 
plus  hardis  et  les  plus  téméraires  de  Ceufc  qui 
avaient  le  pouvoir  à  Paris ,  auxquels  tout  moyen 
semblait  bon  pour  atteindre  leur  but,  l'ayant  em- 
porté sur  les  modérés  >  conçurent  le  dessein  ,  de 


O  Wimpfen  était  un  des  généraux  de  la  république  chargé  de  surrelîter 
Jes  côte»  ;  appelé  à  Paris  pour  justifier  sa  conduite ,  il  répondit  que  s'il  y 
tenait  ce  serait  à  la  t<He<le  soixante  mille  hommes.  '    N.  T. 


Digitized  byVJ OOQ IC 


460  SEPTIÈME   ÉPOQUE.  1648—1858. 

même  que  Rome  dans  les  cas  difficiles  avait  mis 
tout  le  pouvoir  en  une  seule  main,  de  -le  confier 
alors  à  deux  comités  :  au  comité  de  salut  public  et 
à  celui  de  sûreté  générale.  Ils  devaient  s'occuper 
uniquement,  l'un  de  l'intérieur ,  l'autre  des  affaires 
d'extérieurs  et  particulièrement  de  la  guerre*  C'était 
une  puissance  souveraine  que  reçurent  ces  quelques 
hommes;  ils  n'avaient  d'autre  loi  que  leur  volonté, 
et  d'autre  juge  que  leur  conscience.  La  vie ,  la  li- 
berté» les  biens  des  citoyens  étaient  entre  leurs 
mains  ;  ils  pouvaient  condamner  s'ils  voulaient,  ou 
absoudre.  A  la  tête  de  ces  hommes  revêtus  de  la 
puissance.,  était  Robespierre,  homme  effroyable, 
froidement  avide. de  sang,  l'idole  de  la  populace; 
parce  que,  comme  elle,  il  poursuivait  avec  envie  et 
haine  tout  homme  qui  voulait  s'élever  au-dessus  de 
la  foule. 

Son  plan  était  d'anéantir  par  la  terreur  les  enne- 
mis de  la  république  et  ce  beau  plan  réussit.  La  ca- 
pitale ,  comme  toute  la  France ,  furent  inondées  de 
sang.  Tout  citoyen  qui  se  faisait  remarquer  par  ses 
richesses ,  sa  science ,  ses  qualités ,  sa  bonne  réputa- 
tion pu  par  des  principes  de  bienveillance  et  de 
modération,  était  un  objet  de  haine  à  cette  bande 
terrible  ;  et  aussitôt  un  prétexte  était  trouvé  pour 
le  faire  disparaîtrer  Ils  regardaient  les  gens  de  lettres 
comme  aussi  dangereux  pour  la  liberté,  que  la  no- 
blesse et  le  clergé.  Pour  avoir  une  liberté  stable, 
disaient-ils ,  il  faut  voir  régner  la  simplicité  de  Sparte 
et  des  premiers  temps  de  Rome.  Un  d'eux  alla  jus- 


Digitized  byVJ OOQ IC 


GUERRES   DE  LA   RÉPUBLIQUE   FRANÇAISE.  461 

qu'à  dire,  qui!  fallait  encore  que  deux  millions  de 
têtes  tombassent  sous  la  guillotine  pour  que  la 
France  fût  heureuse.  Le  petit  nombre  d'hommes 
honorables  qui  se  trouvaient  parmi  eux,  sentaient 
sans  doute  alors  à  quels  excès  l'humanité  avait  été 
poussée,  pour  avoir  recherche  les  lumières  dans  le 
sens  de  l'époque  et  les  raffinements  dans  les  jouis- 
sances sous  le  nom  de  civilisation  perfectionnée;  et 
c'était  comme  contre-poids  qu'ils  voulaient  pour 
tout  le  monde  les  formes  grossières  de  la  brute  éga- 
lité, sachant  bien  qu'il  est  impossible  de  trouver 
aucune  modération  dans  une  si  violente  agitation  ; 
tandis  que  les  plus  coupables  d'entre  eux,  ceux  qui 
connaissaient  le  mieux  ce  qu'ils  voulaient ,  deman- 
daient pour  tout  le  monde  égalité  dans  le  crime: 
ainsi  égalité  !  était  le  cri  qui  remplissait  toute  la 
France,  et  à  ce  fatal  resentissèment  les  meilleurs  ci- 
toyens étaient  immolés  par  milliers.  Leurs  qualités 
faisaient  leurs  crimes  ;  personne  ne  devait  se  faire 
remarquer  fût-ce  dans  le  meilleur  sens  ;  leurs  juges 
étaient  les  plus  furieux  de  la  lie  du  peuple,  qui  com- 
posaient partout  le  tribunal  révolutionnaire  et  n'é- 
taient retenus  par  aucune  loi,  par  aucunes  formes  de 
procédure;  les  accusés  n'obtenaient  même  pas  tou- 
jours un  défenseur.  Cent  de  ces  malheureux  étaient 
massacrés  par  jour  sur  la  place  même  où  siégeait  le 
tribunal;  la  guillotine  et  l'arbre  de  la  liberté  étaient 
les  deux  seuls  ornements  publics  de  toutes  les  villes 
de  France.  On  exécuta  dans  un  même  jour,  la  reine, 
la  sœur  du  roi,  la  princesse  deLamballe  ;  et  le  duc 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


462  septième  époque.  1648— 1858. 

d'Orléans ,  l'auteur  de  tant  de  malheurs ,  tomba  lui- 
méme  comme  les  autres  sous  la  hache  de  la  guillotine, 
fcette  puissance  de  la  terreur  si  bien  ménagée ,  si 
bien  exercée,  que  les  parents  mêmes  des  yictimes 
n'osaient  pas  laisser  apercevoir  les  larmes  de  la 
douleur,  obtint  son  but.  Les  factions  furent  étouffées 
dans  le  sang ,  tout  obéissait  à  un  gouvernement  qui 
faisait  exécuter  ses  volontés  par  des  moyens  si  ef- 
froyables; lésuns,  les  plus  méprisables,  obéissaient, 
parce  que  ce  régime  leur  convenait,  les  autres  par 
peur.  Cependant  un  maître  dans  Tait  de  la  guerre, 
Carnot ,  fut  appelé  au  comité  de  salut  public  pour 
régler  en  grand  tou3  les  plans  des  armées. 

Alors,  on  fît  appel  à  la  nation  entière  contre  les  en- 
nemis de  la  république:  «  toute  la  France,  disait-on, 
q'est  qu'un  camp  et  tout  Français  est  soldat.  Aussitôt 
que  le  tocsin  sonne  tout  le  monde  doit  courir  au£ 
armes ,  soit  contre  les  esclaves  de  la  tyrapnie  étran- 
gère, soit  contre  les  traîtres  à  la  liberté  qui  sorçt 
au  milieu  de  nous.  Il  faut  que  les  hommes  non 
mariés  et  les  veufs  qui  n'ont  pas  d'enfans  marchent 
k  la  frontière;  que  les  hommes  mariés  forgeait  des 
armes  et  conduisent  les  convois ,  que  les  femmes 
fabriquent  les  habits  et  les  tentes ,  que  les  enfants 
effilent  la  charpie  et  que  les  yieillards,  sur  les  places 
publiques ,  enflamment  par  leurs  discours  le  cou- 
rage des  guerriers  qui  partent  contre  l'ennemi.  «Et 
ea  effet  la  France  donna  à  l'Europe  un  prodi- 
gieux exemple  qu'un  ennemi  même  ne  peut  taire. 
Enthousiasme,  amour  de  la  patrie,  fureur,  soif  de 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


GUERRES   DB  LA   RÉPUBLIQUE   FRANÇAISE.  .  465 

sang,  crainte ,  obéissance,  passion  du  pillage  et 
l'ambition ,  tous  lés  ressorts  de  l'âme  agissaient  à  la 
fois  sur  un  même  point  pour  arriver  au  même  but  : 
«  le  salut  de  la  liberté  contre  les  ennemis  du  dehors 
et  de  Pintérieur.  »  Et,  bien  que  cette  liberté  ne  se  pré- 
sentât pour  la  plus  grande  partie  du  peuple  que  sous 
une  image  défigurée,  souvent  même  sous  des  traits 
marqués  avec  du  sang  et  du  feu ,  du  moins  produi- 
sit-elle l'effet  qu'on  en  demandait.  Toute  la  France 
prit  l'aspect  d'un  vaste  arsenal  ;  et  rien  que  dans 
Paris  plusdecent  mille  hommes  étaient  occupés  nuit 
et  jour  à  confectionner  des  piques,  des  fusils,  des 
sabres,  des  canons,  des  mortiers.  Des  milliers  de 
soldats  vinrent  en  même  temps  remplir  les  camps 
ou  se  formèrent  derrière  eux,  comme  troupes  de  ré- 
serve. Dans  le  camp  tout  homme  qui  se  faisait  dis- 
tinguer par  la  force  de  son  génie,  voyait  s'ouvrir 
devant  lui  une  carrière  brillante  qui  lui  permettait 
de  jouer  un  rôle.  La  naissance  n'apportait  aucun  pri- 
vilège, la  capacité  seule  était  prisée}  la  supériorité 
du  nombre  fut  donc  bientôt  du  côté  de  la  France, 
et  cette  supériorité  unie  avec  l'audace  suppléa  au 
défaut  d'habitude  des  armes.  Depuis  ce  temps  les 
faveurs  de  la  fortune  furent  pour  les  républicains  ; 
car  on  ne  comptait  plus  le  nombre  des  morts,  et 
toujours.de  nouveaux  etplusaudacicx  bataillons  mar- 
chaient en  avant,  passaient  sur  les  cadavres  de  leurs 
concitoyens,  en  chantant  avec  enthousiame l'hymne 
de  guerre,  jusqu'à  ce  qu'il  aient  accablé,  foulé  au 
pied  leurs  adversaires. 


Digitized  byVJ OOQ IC 


464  septième  époque.  4648 — 1838. 

L'armée  des  mécontents  au  nord  de  la  France , 
sous  les  ordres  de  Félix  Wimpfen,  fut  battue,  et  le 
général  lui-même  obligé  de  se  sauver  en  Angleterre  j 
puis  Marseille  fut  soumise ,  ensuite  Lyon  après  une 
vigoureuse  résistance,  et  Toulon,  dont  l'assaut  dura 
quatre  jours  et  quatre  nuits  sans  interruption  et  fit 
couler  un  fleuve  de  sang ,  la  ville  n'était  plu*  qu'un 
monceau  de  ruines;  enfin  les  Vendéens  eux-mêmes 
essuyèrent  plusieurs  défaites.  Tous  ces  succès  arri- 
vèrent dans  Tannée  4793,  et  les  plus  effroyables 
cruautés  suivirent  la  victoire  des  républicains.  À 
Toulon,  Lyon,  Marseille  et  d'autres  viilçs  on  ju- 
geait sans  entendre ,  la  guillotine  parut  enfin  être  un 
moyen  trop  lent;  les  malheureuses  victimes  furent 
traînées  par  centaines  devant  la  bouche  des  canons 
et  mitraillées  :  on  les  jetait  par  troupe  dans  le  fleuve. 
Il  fut  décrété  par  la  convention  que  Lyon  et  Toulon 
seraient  rasées ,  que  leur  nom  serait  extirpé  de  la 
mémoire  des  hommes,  et  que  la  Vendée  serait 
changée  en  un  monceau  de  cadavres,  de  ruines  et  de 
cendres  pouf  servir  de  monument  de  la  vengeance 
nationale.  Tel  était  le  langage  de  ces  hommes  de  la 
liberté. 

Sur  la  frontière,  contre  les  ennemis  du  dehors ,  les 
chances  de  la  guerre  furent  d'abord  variées;  mais 
à  la  fin  de  Tannée  elles  se  prononcèrent  tout-à-fait 
en  leur  faveur.  Dans  le  Haut-Rhin,  à  force  de  com- 
bats sanglants  et  perpétuels  ,  Landau  et  L'Alsace 
furent  délivrées  et  le  drapeau  républicain  fut  planté 
sur  les  rives  du  Rhin  ;  dans  les  Pays-Bas ,  Dunker- 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


GUEURES   DE    LA   RÉPWtLlQtJB   FRANÇAISE.  465 

que  fut  sauvée  et  plusieurs  combats  trèschauds  furent 
gagnes;  Houchard  et  Jourdan  y  commandaient,  tan- 
dis que  Pichegru  et  Hoche  étaient  dans  le  Haut- 
Rhin,  tous  noms  que  le  torrent  de  la  révolution 
avait  tirés  de  l'obscurité. — Le  30  septembre,  on  célé- 
bra dans  Paris  une  grande  fête  de  la  victoire  dans 
laquelle  quatorze  différentes  armées  furent  repré- 
sentées dans  un  cortège  de  triomphe ,  en  l'honneur 
des  victoires  qu'elles  avaient  remportées. 

1794.  Succès  des  armées  françaises. — Au  commen- 
cement de  Tannée,  les  alliés  avaient  réuni  toutes 
leurs  forces  dans  les  Pays-Bas ,  sous  les  otdres  du  duc 
de  Cobourg,  et  l'empereur  d'Allemagne  était  lui- 
même  venu  dans  le  camp  pour  encourager  ses  troupes  j 
le  7  avril,  elles  remportèrent  sous  ses  yeux  une  vic- 
toire auprès  de  Cateau-Cambresis,  et  le  30  elles  s'em- 
parèrent de  la  ville  de  Landrecies.  Mais  alors  la  for- 
tune changea  :  Carnot,  qui  comprenait  très  bien  dans 
quel  genre  de  guerre  un  peuple  en  armes  doit  trou- 
ver la  victoire,  donna  Tordre  aux  deux  grandes 
armées,  commandées  par  Pichegru  et  Jourdan,  d'at- 
taquer les  lignes  des  alliés  avec  vigueur  et  sans  cesser; 
de  manière  qu'il  ne  se  passapas  de  jour  sans  un  san- 
glant combat.  On  ne  comptait  point  le  nombre  de 
ceux  qui  tombaient;  des  troupes  fraîches  rempla- 
çaient celles  qui  n'étaient  plus  ;  et  les  généraux  en- 
nemis ainsi  pressés  ne  savaient  pas  où  porter  le  point 
principal  de  la  défense.  La  tactique  ordinaire  de  la 
guerre  leur  était  devenue  tout- à -fait  inutile;  car, 
quand  les  corps  d'armée  repoussés,  acculés  les  uns 
t.  h.  30 


Digitized  by  LjO.OQIC 


463  wtifcMf  tvoqp*.  1640—1838. 

gur  les  autres ,  loin  de  fuir ,  se  rassemblent  de  nou- 
veau et  ^reviennent  à  l'attaque  sans  se  lasser,  tant 
qu'il  resté  encore  des  hommes  vivants  j  quand  ni  la 
craint^  de  la  mort,  ni  rien  ne  peut  les  chasser  <W 
champ  de  bataille;  alors  nécessairement  à  la  fin  la 
victoire  doit  rester  au  plus  nombreux.  Ainsi  les 
Autrichiens  et  leurs  alliés,  Anglais ,  Hollandais  et 
Jlanovriens,  accables  de  fatigues,  furent  enfin  battus, 
le  22  mai,  près  de  Tournay  par  Pichegru,  et  le  $6 
juin  à  Fleurus  par  Jourdan,  dans  deux  sanglantes 
batailles.  A  Fleurus,  le  général  français  rappela  à  lui 
la  victoire,  qu'il  avait  déjà  presque  perdue,  par  un 
expédient  tout  nouveau  ;  il  fit  monter  un  de  ses  aide*- 
de-camp  dans  un  ballon  (*)  pour  reconnaître  exacte- 
ment les  positions  de  l'ennemi  ,  et  ensuite  il  renou- 
vela le  cpmbat  sur  le  rapport  qui  lui  en  fut  fait. 

Depuis  cette  bataille  le  bonheur  des  armes  fran- 
çaises fut  constant;  rien  ne  put  leur  faire  obstacle 
en  Hollande  et  sur  le  Rhin.  Les  places  conquises  en 
France,  La*dreciea,  le  Quesnoy,  Valenciennes  et 
Gopde\  furent  reprises  l'une  après  l'autre;  en  outre, 
les  Français  s'emparèrent  de  Bruxelles,  le  9  juin,  et 
enautoppuneils  étaient  sur  les  rives  de  la  Meuse  et  du 
Vahal.  Ces  succès  semblaient  devoir  être  enfin  le 
terqjç  où  ils  pouvaient  aller,  d'autant  plus  qu'on 
avait  levé  les  écluses  des  chaussées  pour  sauver  la 
{lollande  par  une  inondation  générale. 

(*)  Le  célèbre  tfonge  dirigeait  celte  expédition  aérienne.       N.  T. 


Digitized  byVJ OOQ IC 


GUE****  D&  IX  RÉHIJUJOP»  MMfèlSE.  Mf 

Mais  la  nature  même  vint  au  «epofm  de  ce  peun 
pie  favori  de  la  victoire  et  lui  fraya  un  chamo.au* 
lps  fleuves  t  sur  la  mer  et  les  marais.  I/bèver  de  94 
à  9$  fut  extrêmement  dur;  et,  dès  le  mois  de  déeemr 
frre  %  toute  l'eau  était  couverte  d'une  épaisse  glas» 
gpi  permit  à  l'armée  française  de  pé&étrer  eu  Hoir 
lande.  Elle  s'engagea  donc  sur  ces  vastes  et  solides 
ponteyetdès  le  commencement  de  ranuéesuivante;  le 
^7  janvier ,  elle  parut  devant  Utrecht,  etr  le  19,  devant 
Amsterdam.  Le  statkoude?  n'eut  rien  de  n*iei*x  à 
faire  que  de  se  sauver  avec  sa  famille  en  Angleterre, 
pt  k  Hollande  fut  changée  en  une  république  ber 
*»ve  (*)> 

De  son  côté  aussi  Jourda»,  <J$a&  l'automne  de  1794, 
Avait  repoussé  les  Autrichiens  duBtabant  sur  k  bas 
Rhia,  et  les  avait  battue  darç  plusieurs  combata;  enc 
ftu,  le  5  octobre,  il  les  força  de  repasser  le  Rhin  à 
Cologne.  Liège  %  Aix,  Juliers ,  Cologne,  Boni**,  Ce>- 
bientz  tombèrent  fcntre  les  mains  de»  Français*  il 
n'y  eut  que  Luxem)>ouFg  qui,  par  sa  ^igoureu»  dé- 
fense %  se  soutint  jusqu'au  mois  de  juin  179&. 

Sur  le  hput  Rhin,  la  campagne  de  1794  prit  à  pep 
près  la  même  tournure  que  daps  le  nord.  Au  com- 
mencement ,  le  22  mai,  grande  victoire  des  Prus- 
siens et  des  Autrichiens  près  de  Kaiserskutern  *puis 
renforts  pour  les  années  républicaines,  1$  peuple  se 
devait  en  masse  r  attaques  furieuses  et  continuelles 


(*)  C'est  dans  cstte  fameuse  campagne  que  la  flotte  hollandaise,  retenue 
dans  le  Texel  par  les  glaces,  Cut  prise  avec  de  la  cavalerie*        M»  T, 

30. 


Digitized  byVJ OOQ IC 


468  septième  époque.  1648—4858. 

des  alliés; enfin ,  le  15  juin,  deuxième  bataille  à 
Kaiserslautern,  dans  laquelle  huit  fois  les  Français 
sont  repoussés  avec  grande  perte  et  osent  une  neu- 
vième attaque  où  ils  ont  la  victoire;  et  point 
de  repos  jusqu'à  ce  que  les  alliés,  ayant  la  fin 
de  Tannée/  aient  repassé  sur  la  riye  droite  du 
fleuve. 

Paix  de  Bâle.  1795. — Le  bonheur  des  armes  fran- 
çaises était  si  grand  et  si  impétueux  que,  pour  qui- 
conque aurait  alors  considéré  la  position  de  l'Europe 
et  surtout  celle  de  l'Allemagne ,  il  eût  été  facile  de 
reconnaître  qu'elle  n'avait  plus  désormais  qu'à  réunir 
toutes  ses  forces  pour  sa  propre  sûreté.  Les  Français 
déjà  ne  faisaient  point  un  mystère  de  leurs  projets 
d'occuper  toute  la  partie  de  l'Allemagne  située  sur  la 
rive  gauche  du  Rhin  jusqu'au  fleuve. — Il  nous  fallait 
donc,  après  une  mauvaise  campagne,  abandonner  à  ce 
dangereux  voisin  ce  pourquoi  il  avait  en  vain  com- 
battu pendant  tant  dessiècles?  L'Allemagne  n'aurait 
jamais  dû  souffrir  un  pareil  affro  oit;  mais  dans  ce  temps 
où  pouvait-on  trouver  les  grands  et  généreux  senti- 
ments pour  l'honneur  de  la  patrie  ?  Déjà  la  jalousie 
et  la  rivalité  des  généraux  et  des  premiers  serviteurs 
avaient  affaibli  les  forces  de  l'armée  et  empêché  ses 
plus  belles  opérations  j  mais  alors  la  confédération 
se  laissa  diviser  par  son  adroit  ennemi.  Le  5  avril, 
la  Prusse  signa  à  Bâle  une  paix  avec  la  république 
française;  et  le  Hanovre  avec  la  Hesse-Cassel  y 
furent  compris.  On  y  traça  une  ligne  de  démarcation 
pour  le  nord  de  l'Allemagne,  qui  séparait  la  France 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


"GUÉlltlS  DB  U  RÉÏTTiLlQUE  FRlWÇilSB.  469 

des  états  prussfens  enWestphalie,  de  laHesseetde 
la  basse  Saxe. 

Bientôt  aussi  l'Espagne,  qui  manquait  d'argent, 
dont  les  armées  étaient  dans  le  désordre,  et  qui  sur- 
tout n'avait  point  une  volonté  ferme  et  arrêtée,  se 
sépara  de  la  coalition  contre  la  France  ;  l'Autriche 
et  l'Angleterre  furent  les  seules  grandes  puissances 
qui  restèrent  sur  le  champ  de  bataille;  tel  fut  d'ail- 
leurs le  résultat  réservé  à  l'Autriche  depuis  Maximi- 
lien  Fr,.toutesles  fois  qu'elle  entra  dans  une  alliance 
pour  faire  la  guerre  d'accord  avec  plusieurs  autres 
puissances. 


Suite  de  la  guerre  Jusqu'à  la  paix  de  Campo-Formio.  1795—1799. 

Pendant  les  conférences  de  paix  avec  la  Prusse  et 
même  après  la  paix,  pendant  Tété  de  1795,  comme 
l'Autriche  et  l'empire  germanique  se  montraient 
assez  disposés  à  la  paix,  les  deux  partis  déposèrent 
les  armes  ;  les  deux  armées  se  trouvaient  sur  les  deux 
bords  du  Rhin  en  face  l'une  de  l'autre,  séparées  par 
lefleuve.  Cette  trêve  était  avantageuse  pour  la  France; 
parce  que,  dans  cette  année,  une  disette  générale 
qu'on  pourrait  même  appeler  une  famine  ne  per- 
mettait plus  des  effortssi  extraordinaires.  Mais  dès  que 
la  moisson  fut  terminée  et  ramassée,  Jourdan,  dans 
la  nuit  du  6  au  7  septembre ,  passa  le  Rhin  entre 
Duisbourg  et  Dusseldorf ,  s'empara  en  même  temps 
de  cette  dernière  ville ,  et  dans  sa  marche  victorieuse 


Digffiedby  GoOgk 


470  septième  £*OQ0*  1648—1438, 

chassa  les  Autrichiens  Yépée  dans  le#rei»s  des  bore» 
de  la  Wupper  (c'était  à  cette  rivière  que  commen- 
çait la  ligne  de  démarcation  des  Prussiens),  de  la 
Siegf  de  la  Lahn  jusqu'au  Main.  Le  feld-raaréohàl 
Clairfait  avait  rassemblé  ses  troupes  de  l'autre  m\é 
4e  cette  rivière;  il  attaqua  alors  les  Français  pris 
de  Hœchst,  les  battit  et  les  força  de  repasser  ie 
Rhin  avec  autant  de  jfromptïtude  qu'ils  eu  avaient 
mis  euvnnémes  dans  la  poursuite,  May  enoe  fat  dé- 
Jivre'e  dusiége^  etManheîf»  reprise.  Le  repos  de  l'été 
avait  affaibli  les  forces  et  l'impétuosité  des  armées 
républicaines,  le  zèle  s'était  attiédi  ;  une  guerre  de 
Pautre  côté  du  Rhin  n'était  plus  une  guerre  pour 
la  liberté  de  la  patrie,  et  quantité  de  volontaires, 
ceux  qui  appartenaient  aux  meilleures  familles  r 
étaient  rentrés  dans  leurs  foyers.  Pendant  ce  temps-là, 
en  France,  une  faction  plus  modérée  était  parvenue 
à  h  tête  du  gouvernement,  Déjà,  l'été  précédent ,  te 
convention  mourante,  toujours  plus  soupçonneuse  et 
plus  cruelle ,  avait  renversé  Robespierre  avec  se? 
hommes  de  terreur  et  l'avait  même  fait  monter  sur 
cet  écbafaud  sanglant  sur  lequel  il  avait  fait  cJonidr 
tant  de  sang  innocent.  Plus  tard,  après  avoir  réuspi 
avec  les  plus  grands  efforts  à  enchaîner,  pour  ainsi 
dire,  toute  la  faction  des  Jacobins,  on  avait  établi  un 
nouveau  gouvernement*  Le  pouvoir  exécutif  fut 
confié  h  cinq  directeurs ,  et  le  pouvoir  légi&latif  à 
deux  conseils,  celui  des  cinq  cents  et  celui  des  an- 
ciens. Déjà  lp  France  penchait  vers  la  domination  d'un 
petit  nombre  ou  même  d'un  seul  ;  tant  elle  sentait 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


tîen  qu'un  Etat  aussi  grand  ne  pouvait  qu'aller  à  sa 
mine  ayec  un  pouvoir  démocratique. 

1796.  Bonaparte.  —  Quand  le  nouvel  ordre  de 
choses  fut  consolidé,  le  directoire  résolut  de  forcer 
l'Autriche  et  l'empire  à  la  paix,  par  une  invasion 
générale.  Dès  le  printemps,  ses  armées  devaient  pas- 
ser le  Rhin  et  les  Alpes,  et  pénétrer  dans  le  cœur 
même  de  l'Allemagne  par  tous  les  cotés  ;  Moreau  par 
la  Souabe,  Jourdan  par  la  Franconie,  et  une  troi- 
sième armée  par  l'Italie.  En  Italie,  c'était  le  vieux  gé- 
néral Beàulieu  qui  commahdait  l'armée  autrichienne; 
près  du  Haut -Rhin,  Wurmser,  etsurle  Bas-Rhin,  l'ar- 
chiduc Charles.Les  troupes  de  l'empire  faisaient  partie 
des  corps  d'armée  de  ces  deux  derniers  généraux.Gefat 
en  Italie  que  commença  la  guerre.  Mais  là,  le  Vieux  gé- 
néral, quoique  très  expérimenté,  eut  en  tête  un  jeune 
et  audacieux  guerrier  rempli  de  projets  gigantesques, 
qui  développa  dans  cette  circonstance,  pour  k  pre- 
mière fois,  ses  terribles  moyens  aux  yeux  de  l'Europe 
étonnée.  Bonaparte ,  né  à  Ajaccio  en  Corse  (son  père 
était  avocat,  et  devint  ensuite  procureur  français  en 
Corse),  élevé  en  France  dans  les  écoles  militaires f 
et  accoutumé  aux  entreprises  les  plus  extraordinaires 
par  tous  les  actes  révolutionnaires  dont  il  avait  été 
le  témoin  et  auxquels  il  avait  pris  part,  n'était  encore 
que  dans  sa  vingt-sixième  année  quand  il  reçut  le 
commandement  de  l'armée  d'Italie.  Un  des  cinq  di- 
recteurs ,  Barras ,  l'avait  pris  particulièrement  dans 
ses  bonnes  grâces,  lui  avait  fait  épouser  la  princesse 
Joséphine  de  Deauhamais ,  devenue  veuve ,  et  l'éleva 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


47S  sBrnitME  époque»  4648—1858. 

alors  jusqu'à  la  place  de  général  en  chef  en  Italie.Cétait 
uneplacedangereuse;l'annéed'Italieétaitdansuntrès 
grand  désordre  ,  sans  provisions  et  sans  habits,  même 
sans  artillerie  ;  seulement  dans  la  main  d'un  général 
audacieux,  un  tel  état  pouvait  servir  peut-être  à  une 
victoire  d'autant  plus  glorieuse;  parce  que  les  guer- 
riers n'avaient  devant  eux  que  le  choix  de  la  vic- 
toire ou  de  la  mort.  Bonaparte  sut  bientôt  gagner 
un  empire  extraordinaire  sur  l'esprit  de  ses  troupes 
et  leur  communiquer  son  audace.  C'était  là  Pâme 
de  sa  tactique  militaire,  et  le  .moyen  qui  le  mit 
bientôt  en  état  de  concevoir  la  pensée  de  conquérir 
le  monde.  Il  savait  par  des  proclamations  brèves  et 
fortes,  à  la  manière  des  anciens  Romains,  qu'il  adap- 
tait parfaitement  au  genre  des  Français ,  par  des 
distributions  d'insignes  d'honneur,  de  drapeaux, 
d'aigles,  faites  à  ceux  qu'il  voulait  au  moment  même 
placer  dans  le  poste  le  plus  dangereux  ;  et  par  d'au- 
tres semblables  moyens  piquer  l'honneur  de  ses 
soldats ,  et  dans  le  moment  décisif  exciter  au  plus 
haut  degré  l'enthousiasme.  Il  avait  l'audace  d'an- 
noncer à  l'avance  l'issue  des  batailles,  et  sa  fortune 
vérifiait  ses  paroles  ;  bientôt  on  crut  à  ce  qu'il  avait 
prédit ,  et  cette  croyance  même  devenait  la  cause  de 
l'événement.  Il  déconcertait  particulièrement  ses 
ennemis  en  ne  faisant  jamais  ce  qu'on  aurait  pu  pré- 
voir ou  calculer}  mais  toujours  ce  à  quoi  on  s'atten- 
dait le  moins,  et  ce  qu'il  y  avait  de  plus  téméraire.  Par 
conséquent,  l'expérience  et  l'art  de  la  guerre  étaient 
inutiles  contre  lui;  une  guerre  défensive  ne  pouvait 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


GUSBB2S  PB  Là  HÉtUBtlÇUl  pUSÇàlSS.  4Ï  S 

avoir,  de  succès,  parce  que  toujours  le  coup  était 
frappé  avant  qu'on  eût  pu  seulement  le  craindre;  et 
il  ne  laissait  jamais  son  ennemi  prendre  l'offensive , 
parce  que  personne  n'était  aussi  prompt  que  lui  pour 
prendre  un  parti. 

Le  commencement  de  sa  campagne  eut  un  écla- 
tant succès  ;  par  la  promptitude  de  ses  manœuvres 
et  de  ses  attaques ,  il  sépara  l'armée  de  Sardaigne 
de  celle  des  Autrichiens  et  força  son  roi  à  faire  une 
paix  particulière;  ensuite  il  revint  sur  les  Autrichiens, 
au  nord  du  Pô.  De  sorte  que  tout  le  milieu  de  l'Italie 
lui  était  ouvert ,  et  que  ses  princes  tremblaient  de- 
vant sa  vengeance.  Ils  demandèrent  la  paix  les 
uns  après  les  autres  et  l'obtinrent  pour  des  millions 
en  argent,  pour  des  tableaux,  pour  d'autres  trésors 
des  arts  et  pour  de  précieux  manuscrits.  C'était 
avec  tout  ce  butin  qu'il  voulait  décorer  Paris,  pour 
en  faire  plus  tard  la  capitale  du  monde*  Le  duc  de 
Parme  fut  le  premier  qui  s'engagea ,  par  un  traité 
du  9  mai,  à  payer  un  nombre  de  tableaux  les  plus 
rares  pour  prix  de  la  paix;  depuis  ce  jour,  l'exemple 
de  l'ancienne  Rome  danslaGrècefutsuivipartoutoù 
parurent  les  armées  françaises.  La  vanité  et  le  désir  de 
ce  que  le  monde  tient  pour  le  plus  précieux  firent  dé- 
pouiller les  autres  paysde  tous  les  monuments  desarts, 
.  pour  les  rassembler  tous  dans  Paris,  pour  rendre  ainsi 
cette  ville  le  centre  commun  des  nations  et  la  faire 
ressembler  à  l'ancienne  Rome.  Ainsi  restèrent-ils 
long- temps  entassés  dans  des  lieux  qui  ne  leur 
étaient  pas  consacrés  ;  et  les  arts,  qui  aiment  le  si- 


Digitized  byVJ OOQ IC 


4T4  **mfcks  ittoçtîÉ*  4648— 1W8, 

lence  et  la  vie  intérieure  ne  purent  même  en  tiret 
profit.  Le  pape  acheta  la  neutralité  pour  vingt-efr-un 
millions  de  livres,  cent  tableaux  et  deux  cents  fafc-> 
nuscrks  rares.  Naples  obtint  la  paix  sans  sacrifice; 
parce  qu'elle  était  trop  loin  et  que  son  temps  né 
parut  pas  au  général  français  être  encore  arrivé. 
-Cependant ,  de  grands  événements  avaient  eu  lieu 
en  Allemagne  pendant  ce  temps-là.  Les  armées  alle- 
mandes avaient  à  peine  commencé  leurs  mouvez 
Jiients,  quand  déjà  le  principal  était  décidé  en  Italie, 
et  que  le  vaillant  Wurmser  était  appelé  d'Aile^ 
magne  avec  trente  mille  hommes  pour  délivrer 
Maàtoue.   Alors  les  armées  françaises,  conformé- 
ment au  plan  de  guerre  du  directoire ,  purent  en- 
trer sans  obstacle  dans  le  cœur  de  l'empire  d'Alle- 
magne. Au  milieu  du  mois  d'août,  Jourdan  n'était 
plus  qu'à  quelques  .jours  de  marche  de  Ratisbonne, 
et  Moreau  auprès  de  Munich  avec  les  armées  du 
Rhin  et  de  la  Moselle.  Il  disait  tout  haut  qu'il  vou- 
lait donner  la  main  droite  à  l'armée  d'Italie  sous 
les  ordres  de  Bonaparte  et  la  main  gauche  à  celle 
de  Jourdan.  La  réunion  de  si  effrayantes  armées 
allait  se  faire,  et  ce  moment  était  un  des  plus  péril- 
leux pour  l'empire  d'Autriche.  Cependant  ce  danger 
lut  encore  une  fois  écarté  par  le  jeune  héros  de  la 
maison  impériale.  Plus  la  guerre  approchait  des  fron- 
tières autrichiennes,  plus  le  danger  de  la  patrie  en- 
flammait les  troupes  impériales  ;  leur  nombre  même 
augmenta  beaucoup  par  les  renforts  qui  leur  vinrent 
de  l'intérieur  du  pays.  Alors  l'archiduc  Charles  se 


Digitized  byVJ OOQ IC 


GUtfRfctS  Df   Lk  RJÔPWttQU*  r*à*CàlSE.  4W 

releva  tout  d'un  coup ,  battit  Jottrdan  à  Neuifcark, 
le  22  août,  et  le  24  à  Àmberg ,  si  complètement, 
que  tonte  l'armée  de  Sambre-et -Meuse  s'enfuit  e» 
désordre  et  ne  s'arrêta  que  dans  le  bas  Rhin.  Jourcfani 
la  rassembla  près  de  Mulkeim  sur  le  Rhin ,  la  ttH*- 
duisit  de  là  à  Juuaseldorf  et  se  démit  du  oomma» dû- 
ment bientôt  après.  Moreau ,  après  xe  désastre  de 
l'autre  armée,  se  vit  forcé  lui-même  à  faire  retitafce 
sur  le  haut  Rhin  ;  il  exécuta  cette  retraite  par  ucée 
marche  périlleuse  de  cent  lieues  de  pays,  à  fravèas 
la  Sonabe,  les  passages  de  la  Foret-Noire,  sans  cetae 
entouré  et  poursuivi  par  les  ennemis,  harcelé  même 
par  les  troupes  des  habitants  des  montagnes  cftti 
étaient  enflammés  dé  colère  et  à  qui  la  baîreccratfee 
le^  étrangers  avaient  mis  les  armes  à  là  main ,  avec 
tant  d'habileté ,  qu'il  arriva  sur  le  Rhin  avec  un 
'grand  butin  et  quantité  de  prisonniers.  Cette  retraite 
fonda  sa  réputation  militaire*  Ensuite  les  généraux 
convinrent  de  part  et  d'autre  d'une  trêve  ettr  le 
Rliin,  pendant  l'hiver.  ♦' 

L'archiduc  Charles ,  sur  qui  alors  tous  lea  ye»x 
se  portaient  avec  admiration ,  fut  appelé  en  toute 
bâte  en  Italie  pour  relever  Tannée  autrichienne  qui 
y  était  en  désarroi.  Wurmser,  après  quelques  ma- 
nœuvres qui  lui  avaient  réussi ,  n'avait  pu  parvenir 
qu'à  se  jeter  avec  dix  mille  hommes  de  renfort 
dans  Mantoue;  mais  Bonaparte  était  venu  de  nou- 
veau les  y  assiéger  et  la  famine  le  força  de  se  rendre, 
le  6  février  1797. 

1797.  Paix  deCampo-Formio.l7octobre.-—L'ar- 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


476  fimkit!  époque.  1648—1888. 

chiduc  ne  put  avec  une  armée  battue  et  découragée, 
arrêter  les  succès  de  Bonaparte.  Ce  général,  après  la 
prise  de  Mantoue ,  se  porta  aussitôt  en  ayant  vers  le 
nord  9  passa  les  Alpes  qui  séparent  l'Italie  de  la  Ca- 
rinthie,  pénétra  en  Styrie ,  s'empara  de  Clagenfurth 
et  vint  jusqu'à  Judenbourg  sur  la  Mur,  d'où  il  me- 
naçait Vienne.  Mais  sa  marché  avait  été  trop  rapide, 
et  la  position  où  il  s'était  placé  était  dangereuse. 
Devant  lui,  il  avait  l'armée  impériale, qui  devenait 
plus  forte  à  chaque  pas  qu'elle  faisait  en  arrière , 
parce  que  Vienne  était  armée  etque  la  Hongrie  se  le- 
vait en  masse  ;  à  gauche,  le  général  impérial  Laudon 
s'avançait  du  Tyrol  contre  lui  ;  derrière  lui,àTrieste, 
était  une  autre  armée  ennemie  et  tout  le  pays  vé- 
nitien qui  s'était  révolté;  pour  retourner  jusqu'à  la 
première  place  occupée  par  les  Français  jusqu'à 
Mantoue,  il  y  ayait  une  étendue  de  quarante  milles 
par  des  montagnes  escarpées;  de  plus  son  armée  n'a- 
vait plus  de  vivres  que  pour  dix  jours.  Il  semble 
que  si  l'Autriche  avait  voulu  risquer  un  grand  coup, 
elle  aurait  pu  anéantir  tout  d'un  coup  son  plus  dan- 
gereux ennemi ,  et  changer  complètement  les  dis- 
positions des  dix  années  précédentes.  Mais  elle  ac- 
cepta la  paix  que  l'adroit  général  lui  offrait  comme 
un  vainqueur,  et  conclut,  le  18  avril,  à  Leoben,  les 
principales  conditions  ;  et  la  paix  définitive  àCampo- 
Formio,  maison  royale  des  environs  d'Udine,  le  17 
octobre  1797.  Ainsi  Bonaparte  en  deux  campagnes 
avait  conquis  l'Italie ,  gagné  quatorze  batailles ,  ar- 
raché les  aimes  des  mains  à  tous  lés  états  qui  s'y 


Digitized  byVJ OOQ IC 


GUERRES   DE   JLà   RÉPUBLIQUE  mNÇUSE,  4TT 

trouvaient  et  enfin  amené  l'Autriche  à  la  paix. 
Par  cette  paix,  l'empereur  abandonnait  les  Pays- 
Bas  autrichiens  à  la  France  et  renonçait  à  ses  états 
d'Italie,  dont  Milan  était  la  capitale,  qui  devaient 
désormais  former ,  avec  plusieurs  autres  provinces 
italiennes,  une  république  cisalpine  sous  la  protec- 
tion de  la  France.  De  son  côté,  l'Autriche  conservait 
Venise  et  les  îles  adriatiques  qui  avaient  appartenu 
aux  Vénitiens,  l'Istrie  et  la  Dalmatie,  s'engageait 
à  livrer  le  Brisgau  au  duc  de  Modène  et  à  convoquer 
aussitôt  un  congrès  à  Rastadt ,  pour  y  traiter  de  la 
paix  entre  la  république  et  tout  l'empire  d'Allemagne* 
Mais  ee  congrès  de  Rastadt  ne  pouvait  manquer  de 
donner  une  paix  de  concessions  et  de  faiblesses. 
L'empire  était  abandonné  de  l'empereur,  comme  il 
l'avait  été  déjà  antérieurement  par  la  Prusse.  L'Au- 
triche, par  un  article  secret,  avait  même  consenti  à 
avoir  le  Rhin  pour  limite  de  l'Allemagne  ;  et  qui  au- 
rait pu  sauver  l'empire ,  quand  ses  plus  puissants 
protecteurs  se  séparaient  de  lui?  Cependant  aucun 
membre  en  particulier  n'avait  droit  de  se  plaindre, . 
parce  que  tous  avaient  des  reproches  à  se  faire.  La 
plupart  s'étaient  séparés  du  corps  à  mesure  que  lé 
danger  s'approchait  d'eux,  et  par  conséquent  on  ne 
pouvait  exiger  de  l'Autriche  qu'elle  se  sacrifiât  seule. 
L/œil  ne  s'arrête  qu'avec  peiqe  sur  cette  fin  du  dix- 
huitième  siècle  et  sur  le  commencement  dii  dix- 
neuvième  ;  car  la  patrie  était  dans    le  plus  pro- 
fond abaissement.  Cependant  il  est  bon  de  ne  pas 
taire  ces  événements,  afin   que  les  esprits  puis- 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


3t»t  voir  avee  eiroi  jusqu'à  quel  excès  de  malbcmi 
la  désunion  f  la  division ,  l'égoïsme  des  particuliers 
•tTahaenee  des  sentiments  patriotiques  ont  pu  cm* 
4mtç  le  peuple  allemand. 


instants»  Nowràte  gnenre  jusqu'à  la  paix  et 
Luoéfilk.  1139—130*. 


Le  congrès  de  Rastadt  se  tint  en  effet ,  et  8m? 
parte  y  parut  comme  négociateur.  Mai»  quel  la&r 
gtge  insultant  ou  tint  à  l'empire  allemand  dans  cm 
négociations  !  avec  quelle,  arrogance  les  envoyas 
français,  qui  parlaient  en  maître»,  Lraitaie*rt41s  1& 
jy ioççs  allemands  !  et  cependant  il  leur  fallut  soufr 
JjHr  MWft;  U  fallut  consentir  à  la  désunie»  de  hm 
ijôrps  >  à  l'abandon  de  la  rive  gauche  du  Khi* ,  à  1* 
l^çidarLaaU^a  sur  la  rive  droite ,  afin  d'i^demmaer 
fpW  ce  qpi  avait  été  perdu  sur  Vautre ,  et  promettre 
de  raser  la  citadelle  d'Ehrenbreitstem  et  bie*  d'atir 
Jtnps  conditions!  Ces  négociations  avaient  duré  jua- 
ffih  la  fin  de  Tannée  1798 ,  avant  qun  les  coacliir 
sious  fussent  en  état  j  mais  alors  l'Europe  avait  toufe- 
à-fait  changé  de  fape. 

Les  membres  du  directoire,  dans  leur  insolence, 
avaient  entrepris  de  bouleverser  les  autres  paja^ 
çt  leurs  manœuvres  laissaient  voir  à  un  œil  clair- 
voyant que  la  république  française  était  plus  dange- 
reuse eu  temps  de  paix  iju'en  temps  de  guerre*  A* 


Digitized  by  LjOOQ IC 


commencement  de  1798,  pour  braver  JnsolerDmfiPt 
le  pape,  ils  firent  une  république  romains  des  Etat$ 
de  l'Église;  et  bientôt  après,  une  république  heivé* 
tique  de  la  Suisse ,   qui  avait  fait  quelques  mouvcr 
jnents;  et  sous  prétexte  d'assurer  ce&  nouvelles  créa- 
tions, ils  laissèrent  leurs  armées  dans  ces  contrées  qu'il* 
ruinaient  par  des  exactions  inouïes.  L'Autriche  qui, 
se  croyait  toujours  chargée  de  veiller  à  la  cureté  de 
l'Europe,  ne  put  souffrir  uns  pareille  conduite;  elte 
trouva  d'ailleurs  des  sympathies  dans  l'empereur 
Paul  I ,  qui   depuis  1796  avait  succédé  à  sa  mère 
Catherine.  C'était  un  ennemi  des  principes  profes- 
sés en  France;  déjà  sa  mère  avait  fait  des  menace? 
k  ses  régicides,  à  ses  athées.  Paul  était  encore  partici^r 
lièrement  excité  contre  la  France  parce  qu'il  avait 
été  choisi  pour  grand- maître  de  l'ordre  de  Sainjfcr 
Jean  et  que  les  Français  s'étaient  emparé  de  l'île  dp 
Malte.  Cet  aiguillon  était  très  propre  à  piquer  son 
amour-propre.  Il  se  forma  donc  contre  la  Frapce  ux)e 
coalition  de  puissances  qui  ne  s'étaient  encore  jamais 
trouvées  réunies  :  c'étaient  la  Russie,  l'Angleterre, 
?  Au  triche  et  même  la  Turquie,  qui  jusque  Là  avait 
toujours  eu  une  inimitié  mortelle  contre  deux  de 
ces  puissances;  mais  la  France  elle-même  avait  forcé 
la  Turquie,  son  ancienne  alliée,  à  la  guerre,  par  sop 
étonnante  expédition  en  Egypte ,  en  mai  4798. 

Jamais  la  République  française  n'avait  encore 
conçu  un  plan  aussi  grand  et  aussi  surprenant.  Au 
moment  où  les  négociations  avec  l'empire  germa- 
nique ne  faisaient  que  de  commencer,  lprsque  par 


Digitized  byVJ OOQ IC 


180  SEWtkMH  époque.  1648—1858. 

conséquent  la  paix  européenne  n'était  pas  encore  as- 
surée, lorsque  l'Angleterre  tenait   de  remporter 
une  grande  victoire  sur  mer,  tout -à-coup  l'élite  de 
Tannée  française  avec  son  meilleur  et  son  plus  heu- 
reux général  fit  voile  vers  un  autre  continent,  d'où 
le  retour  devait  lui  être  fermé  bientôt  après ,  «  pour 
délivrer  l'Egypte  de  la  tyrannie  des  Mameloucks,  » 
disent  les  proclamations  françaises ,  «  et  venger  la 
Porte  d'un  vassal  insolent.  •  On  ne  pouvait  rien 
imaginer  de  plus  bizarre;  mais  derrière  ces  mots  qui 
ne  donnaient  rien  moins  que  la  vérité  à  comprendre 
aux  esprits  ordinaires ,  se  cachait  un  plus  grand  des- 
sein. L'Egypte  est  un  des  pays  de  la  terre  les  plus  fer- 
tiles, et  si  on  avait  pu  en  tirer  parti,  elle  aurait 
grandement  réparé  la  perte  que  les  Français  avaient 
faite  dans  les  Indes  occidentales;  car  l'Egypte  peut 
donner  tous  les  produits  des  pays  les  plus  chauds. 
Par  l'Egypte  aussi  est  un  chemin  de  commerce 
avec  les  Indes ,  plus  court  et  plus  prompt  que  de 
doubler  le  cap  de  Bonne-Espérance.  La  domination 
anglaise  dans  ce  pays  se  trouvait  donc  menacée  de 
ce  côté  et  en  danger;  il  est  même  vraisemblable  que 
le  génie  aventureux  et  inquiet  de  Napoléon  s'était 
représenté  la  possibilité  d'une  expédition  dans  les 
Indes.  Alexandre-le-Grand  avait  bien  déjà  une  fois, 
avec  #0,000  vieux  soldats  macédoniens,  parcouru 
l'Asie  et  visité  les  bords  du  Gange!  Des  relations 
avaient  été  établies  avec  les  Indes  dans  ce  but.  Au 
commencement    de   l'année    1799,  Tippo-Saheb 
entreprit  cette  guerre  acharnée  qu'il  fît  aux  Anglais, 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


GUERRES  DE  L\  RÉPUBLIQUE  FRÀKÇàlSE.  481 

entraîna  certainement,  comme  on  le  crut  alors ,  par 
les  Français  dont  il  attendait  des  secours,  et  d'accord 
fcvec  eux.  Cependant  il  perdit  la  vie  et  son  empire, 
et  la  domination  anglaise  s'étendit  encore  beaucoup 
plus  loin  qu'auparavant. 

Bonaparte  fit  une  heureuse  traversée;  et,  dans^a 
rQute,  conduit  par  son  étoile  de  bonheur,  il  s'em- 
para de  l'importante  île  de  Malte ,  vint  prendre 
terre,  le  2  juin  1798,  dans  la  baie  d'Aboukir,  prit 
Alexandrie,  d'assaut  et  le  21  il  était  déjà  devant  le 
Caire,  là  capitale  du  pays.  Là,  au  pied  des  pyra* 
mides ,  il  trouva  vingt-trois  beys  rangés  en  bataille. 
«Pensez,  dit-il  à  ses  guerriers,  que  du  haut  de  ces 
monuments  quarante  siècles  vous  contemplent.» 
Après  cette  courte  harangue,  ils  culbultent  l'armée 
ennemie ,  pénétrent  dans  la  capitale,  et  déjà  ils  pou- 
vaient regardgp  l'Egypte  comme  un  pays  conquis. 
Là  France  avait  supposé  que  les  Turcs  ,  qui  étaient 
en  Egypte  maîtres  plutôt  de  nom  que  d'effet ,  ver- 
raient avec  indifférence  cette  conquête  ;  mais  ils 
prirent  la  chose  au  sérieux ,  Renoncèrent  à  leur  ami- 
tié de  trois  siècles  avec  la  France  et  s'unirent  avec 
ses  ennemis.  L'Angleterre,  qui  sentait  toute  l'impor- 
tance de  cette  entreprise ,  fit  tout  son  possible  pour 
la  faire  échouer.  Nelson,  le  premier  homme  de  guerre 
de  son  temps,  chercha  vainement  d'abord  la  flotte 
française ,  et  la  trouva    enfin,  le  1er  août,  dans  la 
baie  d'Aboukir.  Déjà  le  soleil  baissait  ;  il  n'en  donna 
pas  moins  l'attaque  avec  toute  son  impétuosité,  et  il 
mit  toute  la  flotte  ennemie  or  confusion.  L'bbscu- 

T.   II.  31 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


4M  imnfctfs  i»****   4048—4*». 

tiltf  delà  nmtne  pot  arrêter  ce  oombat  «mgkftt.  Ar 
dût  heures,  le  vaisseau  amiral  français  sauta  en  l'air 
avec  4,000  hommes  qui  le  montaient  ;  alors  un  atf— * 
freux  sticn&?  régna  trois  minutes  ;  puis  le  combat  re- 
commença jusqu'au  matin.  Par  cette  victoire,  Bo* 
naparte  se  trouvait  sépare  de  l'Europe  et  tous  le»  Re- 
cours lui  étaient  coupes  }  tandis  qu'une  guerre  t rèê 
difficile  se  préparait  pour  la  France. 

Campagne  de  1799.— L'alliance  des  grandes  puis- 
sances contre  la  France  était  résolue;  l'empereur 
d'Allemagne  rappela  «on  envoyé  du  cojigrès  de  Rae- 
tadt ,  an  commencement  de  1799,  et  l'assemblée  fut 
çompue.  Dès  te  6  mars,  là  république  française,  d'a- 
près sa  coutume  de  prévenir  son  ennemi ,  déclara 
de  nouveau  la  guerre  à  l'empereur  pour  avoir  laissé 
Vannée  russe  entrer  dans  ses  états. 

En  Italie,  la  guerre  avait  recommencé  quelques 
mois  plus  tôt;  car  la  reine  de  Naplea,  violente  en- 
nemie des  Français  %  ne  put  attendre  le  moment  de 
Vattaque  générale  et  fit  avancer  les  troupe*  rapolir 
taines  jusque  dans  les  Etats  romains  >  en  novembre  * 
1798  \  mais  cet  empressement  eut  un  manvaia  sér 
•sultat.  Le*  Français  se  tournèrent  de  ce  côté  avec 
leur  c^éiité  habituelle  ;  chassèrent  en  Sicile  le  roi 
de  Naples  avec  toute  sa.  famille,  et  s'emparèrent  de 
la  basse  Italie,  jusqu'à  la  pointe  de  la  Calabre*  Le 
royaume  de  Naples  dçviut  la  république  partbé- 
nçpéenne ;  et  pour  faire  de  tonte  l'Italie  une  répur 
I4iqu&*  lya  éU4*  de  G&M?s  et  de  Toscane  furent  dt* 
clare*  états  Kbresu 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


GUEHRES*DE   Là   RÉrtTBEtQtfE   FRANÇAISE.  488 

Cette  fois  cependant  -ces  nouvelles  création*  ne 
devaient  avoir  qu*une  courte'existence  ;  défit  de  tons 
cfttés  les  armées  des  alliés  se  mettaient  en  campagne 
sons  la  conduite  ePhabiles  généraux.  Le  directoire 
nfavait  plus  une  apparence  bien  solide,  même  en 
France  ;  la  Vendée  avait  repris  les  armes;  les  armées 
françaises  étaient  en  partie  mal  conduites»;  et  dans 
le  (gouvernement  de  l'état  domme  dans  l'adminis- 
tration militaire  régnait  Pengourdissement^et  le  dé- 
sordre. De  plus ,  l'archiduc  Charles  battit  à  Stoé- 
kach,  ainsi  que  dans  plusieurs  autres  rencontres,  et 
chassa  d'Allemagne  le  général  Jourdan  qu'os  l«i 
avait  opposé  et  que  déjà  une  fois*  an  mois  de  mars, 
il  avait  mis  en  Fuite  et  poursuivi  jusqu'en  Souobe, 
flrraeha  au  général  Masséna  l'ouest  de  la  Suisse  jus- 
qu'au-delà de  Zurich,  et  considérait  alors  desbordi 
dn  Rhin  la  tournure  de  la  gaerre  en  Italie. 
k  Le  général  Scbérer,  homme  perdu  de  mœurs  et 
adonné  à  la  boisson ,  y  commandait  d'abord  IWmée 
française.  Battu  par  le  général  autrichien  Kray  k  Vé- 
rone et  à  Magnano,  quand  il  abandonnai  oommand* 
ment,  il  ne  livra  plus  à  Moretffci,  son  successeur,  qu  une 
armée  en  désordre  et  dans  la  plus  grande  confnstot*. 
Dans  ce  moment  arriva  chez  les  Autrichiens  le  maré- 
chal Soirwaçow  avecsesRusses ,  qui  renouvela  en  Ita- 
lie son  héroïque  campagne  contre  W  Turcs.  C'était 
un  vieux  guerrier  f  mais  plein  d'u>ne  jeune  aucUce, 
prompt ,  et  que  rien  ne  pouvait  effrayer.  Moreau 
fqalgré  sa  bravoure  ue  pouvait  pas  faire  résistance 
à  un  pareil  adversaire  avec  des  soldats  découpage*. 

31. 


Digitized  byVJ OOQ IC 


484  septième  époque.  1648—4838, 

Souwarowles  battit,  le  27  avril,  auprès  deGassano,  et 
rentra  le  jour  Suivant  dans  Milan  en  Vainqueur.  Par 
cette  victoire  la  Lombardie  fut  conquise,  la  répu- 
blique cisalpine  dissoute  et  le  nord  dfe  l'Italie  rendu 
à  la  maison  d'Autriche.  De  là  le  général  russe  mar- 
cha contre  MacdonaId(*)  qui  reyenait  de  Naplesayop 
l'armée  française  et  le  battit  au  milieu  de  juin  dans 
plusieurs  sanglants  combats  sur  les  bords  de  la  3Çré- 
bia,  presque  dans  le  même  lieu  où  Ànpibal  vainquit 
les  Romains.  Toute  l'Italie  jusqu'aux  états  de  Géneé 
fut  enlevée  aux  Français ,  les  places  fortes  furent 
assiégées  et  prises,  les  républiques  disparurent  les 
unes  après  les  autres  et  les  anciens  duchés  furent  re- 
constitués. Cependant  le  général  Jôubert  avait  ras* 
semblé  une  nouvelle  armée  ;  mais  il  eut  le  même 
sort  que  les  autres  généraux,  il  fut  battu  à  Novi  après 
une  lutte  de.  vingt  heures  qui  coûta  beaucoup  de 
sang  et  dans  laquelle  Joubert  lui-même  fut  tué. 
Gênes  iétait  la  seule  ville  qui  restait  aux  Français.  Le 
général  russe,  abandonnant  alors  le  siège  de  la  ville 
aux  Autrichiens,  tourna  du  côté  des  Alpes  afin  de 
pénétrer  en  Suisse  et  de  conquérir  cette  forteresse, 
ce  boulevard  de  la  France.  Quand  il  arriva  au  pied 

(*)  Cette  armée  était  de  dix-huit  mille  hammes ,  fatigués  d'une  grande 
conquête  et  d'une  longue  route.  Us  venaient  du  fond  de  l'Italie,  oAila 
avaient  reçu  rendez-vous  k  la  Trébia.  flfacdonald  arriva  au  Jour  marqué, 
en  passant  sur  le  ventre  aux  Autrichiens  qui  voulurent  l'arrêter,  il  y  ren- 
contra Sou  warow  avec  trois  fois  plus  de  forces  qu'il  n'en  avait  ;  mais  il  n'en 
garda  pas  moins  ses  positions  pendant  trois  jours.  Il  ne  se  retira  que  quand 
il  vit  que  personne  ne  venait ,  et  fit  à  Souwarow  plus  de  mal  qu'il  n'ai 
avait  reçu.  H.  T.  * 


Digitized  byVJ OOQ IC 


GUEUftES   DE  LA   RÉPUBLIQUE   FRANÇAISE.  486 

clés  monts  géants  qui  cachent  leur  sommet  dans  les 
.toues ,  ses  guerriers  hésitèrent  un  moment  de  gravir 
par-dessus  ces  rochers  escarpés ,  étonnés  de  cette 
effroyable  grandeur  de  la  nature,  jdont  ils  n'avaient 
pas  vu  d'exemple  dans  leurs  immenses  contrées  dé 
Russie.  Alors  leur  vieux  général ,  qui  avait  l'estime 
de  tous  les  soldats,  se  jeta  par  terre  en  criant  :  «  Il 
vous  faut  ensevelir  le  vieux  Souwarow  sous  ces  mon- 
tagnes/ afin  que  tout  le  monde  sache  à  quel  endroit 
vous  avez  abandonné  votre  général.  Ses  soldats  con- 
fus et  excités  par  ces  paroles  escaladent  avec  un 
nouveau  zèle  les  rochers  duSaint-Gothard,  et  dispu- 
tent les  armes  à  la  main  tous  les  passages,  arrivent 
au  Pont-du-Diable  et  au  lac  de  Lucerne  ou  des 
Quatre  Gantons  ;  et  là ,  dans  des  sentiers  où  le 
voyageur  même  ne  peut  se  tenir ,  et  où  son  œil  est 
étourdi  à  la  vue  de  l'abîme  ouvert  sous  ses  pieds, 
il  y  eut  un  sanglant  combat ,  et  les  plus  vaillants 
guerriers  furent  précipités  dans  les  gouffres  du  fleuve 
écumant  qui  sortait  de  la  montagne  avec  fracas. 

Pendant  ce  temps-là  Masséna  ayant  surpris, 
par  une  habile  manœuvre ,  le  général  russe  Korsa- 
kow,  lui  fit  éprouver  un  échec  complet,  et  le  général 
Soult  battit  les  Autrichiens  au-dessous  de  Hotze, 
dans  les  environs  de  Zurich.  Souwarow  voulait  se 
réunir  avec  eux  ;  mais  après  leur  défaite  il  devenait 
'impossible  de  sauver  la  Suisse,  et  l'o*  ne  pouvait 
prolonger  la  guerre  dans  un  pays  pauvre  où  Ton  ne 
trouvait  rien  pour  l'entretien  des  troupes.  'Alors 
Souwarow  se  retira  sur  Feldkirch  en  Souabe ,  en 


Digitized  byVJ OOQ IC 


4M  sEPTifeuB  époque.  1648—1858, 

passant  par  Graubuodeta»,  à  travers  des  sentiers  ofr 
il  ne  pouvait  passer  qu'un  homme  à  la  fois;  ce  mou* 
veinent  fut  opéré  anec  tant  :  d'habileté  qu'il  ne  fit 
aucune  perte.  Biçntôt  après  il  fut  rappelé  avec  sou 
année.  Les  Russes  n'avaient  fait  qu'une  campagne  réu- 
nie aux  Autrichiens;  mais  ce  fut  une  campagne 
comme  on  n'en  trouve  pas  de  semblable  dansl'hi*- 
.  faire,  tant  à  cause  des  fcits  qu'à  cause  du  gain 
qu'elle  procura*  Outre  les  grandes  victoires ,  il  y  eut 
Jwtt  places  ibrtes  et  800  pièces  d'artillerie  qui 
ijpefti  prises. 

Ijicaract^inquietetfâuKderempera^PauJ^qui 
prétendait  4tre négligé  et  même  oflfeusé  par  mésalliés» 
Alt  l'occasion  de  cette  rupture  si  prompte  de  l'ai- 
hance.  On.  avait  tente,  dans  le  même  été,  un  débar- 
quement en  Hollande  d'Anglais  et  de  Russes;  mais 
des  fautes  commises  dans  l'exécution  empêchèrent  le 
au6oès9  et  ce  fut  le  plus  grand  motif  du  méconten- 
tement de  l'empereur.  Ainsi  la  France,  pat  ce  succès 
en  Hollande  et  la  reprise  dé  la  Suisse,  fut  sauvée 
d'un  danger  plus  grand  et  plus  prochain.  Cependant 
U  n'était  pas  encore  complètement^évitéj  car  les  arr 
mées  victorieuses  autrichiennes,  après  s'être  emparées 
de  l'intérieur  de  l'Italie,  se  tenaient  sur  les  bords  du 
fihin  et  se  préparaient  à  le  passer  avec  les  troupes 
de  l'empire  |  qui  enfin  venait  de  se  prononcer 
pour  la  guerre  (  de  plus ,  le  gouvernement  de  Frarjoe 
était  en  désaccord ,  et  la  confiance  publique  avait  dis- 
paru. Bonaparte  tira  la  nation  de  cette  position  dif- 
♦ficile- 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


0DB9MH  m  ta  aàwrauQW  wiâmçUbe.  *#T 
Bonaparte,  1er  consul,  9  novembre  1799.--Quaii4 
œ  général,  qui  avait  emporté  intacte  avec  lui  la 
gloire  de  ses  grandes,  actions  en  Egypte  et  en  Syrie> 
apprit  le  danger  de  la  France»  les  défaites  qu'elle 
avait  essuyées,  la  perte  de  l'Italie  ;  il  partit  d'Egyptf 
sans  avoir  été  rappelé,  avec  quelques  amis  seulement, 
passa  miraculeusement  au  milieu  de  la  flotte  an- 
glaise, aborda  le  9 octobre  à  Fréjus,  et  parut  tout 
d'un  coup  dans  Paris.  Grand  nombre  de  citoyens  ^ui 
connaissaient  son  ambition  en  furent  effrayés;  les 
autres  qui  l'afaient  vu  donner  déjà  une  fois  la  paix 
par  ses  victoires,  espéraient  qu'il  apporterait  quel- 
que changement  dans  les  afiaires  ;  beaucoup  dési- 
raient un  gouvernement  moins  compliqué  et  plus  vi- 
goureux que  les  précédents  ;  d'autres  espéraient  de 
loi  leur  propre  avantage.  Aussi  réussit-il  à  changer 
le  gouvernement  de  la  France  qui  lui  mit  en  main 
une  grande  puissance.  Déjà,  antérieurement,  on 
avait  passé  du  gouvernement  de  la  populace  à  celui 
des  comités,  de  celui-ci  à  un  directoire  de  cinq 
hommes,  et  alors  le  nombre  fut  réduit  à  trois  ;  mais 
pgur  leur  donner  un  nouveau  nom,  tiré  de  l'histoire 
ancienne,  Us  furent  appelés  les  .trois  consuls.  Le 
premier  d'entre  eux,  cependant,  devait  avoir  en 
main  presque  toute  la  force  administrative  pour  lui 
seul9  e$  Bonaparte  s  y  fit  nommer. 

Son  premier  mot  fut  la  paix  ;  il  la  désirait  dans 
ce  moment  pour  affermir  sa  nouvelle  puissance  ; 
mais  les  autres  nations  n'avaient  pas  confiance  en  ses 
offres.  «  Alors,  dit-il,  nous  conquerrons  la  paix*  * 


Digitized  byVJ OOQ IC 


48è  septième  époque.  16+8—1858. 

Et  ce  mot ,  parce  qu'il  était  frappant ,  retentit  par 
toute  la  France,  et  valut,  en  peu  de  temps,  au  géné- 
ral sur  qui  tous  les  regards  étaient  tournés  une  nou- 
velle et  belle  armée,  qui  se  réunit  à  Dijon  au  prin- 
temps (1800). 

Bataille  de  Marengo.  14  juin  1800.  —  L'armée 
autrichienne  avait  enfermé  Gènes  de  tous  côtés  ;  la 
Ville  était  vigoureusement  pressa  et  déjà  courait  le 
|)ltos  grand  danger  ;  car  quelque  courage  que  dé- 
ployât le  général  Massénapour  sa  défense ,  cependant 
la  famine,  la  contagion,  la  misère  sous  toutes  les 
formes ,  étaient  devenues  si  effroyables  dans  cette 
cité  populeuse  qu'une  foule  d'hommes  en  avaient 
été  victimes.  Que  de  la  France  il  pût  partir  une  ex- 
pédition qui  passât  les  Alpes  et  arrivât  au  secours ,  le 
conseil  de  guerre  de  la  cour  de  Vienne  était  si  loin 
d'y  songer,  que  le  général  Mêlas  se  préparait  déjà  à 
passer  la  Nizza  et  à  faire  une  invasion  en  France. 
Mais  tout-à-coup  le  premier  consul  part  de  Dijon 
avec  l'armée  de  réserve,  fait  gravir  à  son  artillerie  et 
à  sa  cavalerie ,  avec  des  efforts  et  des  obstacles  in- 
croyables, le  grand  et  le  petit  Saint-Bernard,  le  Sim- 
plon  et  le  Saint-Gothard,  et  paraît  dans  les  plaines 
de  la  Lombardie  avant  même  que  Mêlas  fut  averti 
de  son  expédition;  autrement,  en  effet,  il  lui  eût 
été  très  facile  d'anéantir  les  différents  corps  de  trou- 
pes à  mesure  qu'ils  descendaient  des  montagnes.  Le 
2  juin ,  Bonaparte  enti*a  dans  le  Milanais.  Le  même 
jour  Masséna  offrit  aux  impériaux  la  reddition  de 
Gênes,  parce  que  la  famine  menaçait  de  détruire  à 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


GUBfc&ES  *E  U   fiétUBLlQU*   FRkMçklSE.  469 

Ja  fois  la  garnison  et  les  citoyens.  Les  impériaux  lui 
accordèrent  une  libre  retraite  gvèc  les  trompes  ^pû 
étaient  en  état,  très  contents  de  pouvoir  ainsi  réunir 
l'armée  de  siège  à  celle  qui  marchait  livrer  bataille 
$i  Bonaparte  j  car  Mêlas  avait  appris  qu'une  nouvelle 
armée,  peut-être  même  plus  forte  encore». devait 
venir  rejoindre  son  adversaire.  Cette  bataille  eut 
lieu  le  14  juin»  auprès  du  village  de  Marengo,  dans 
les  vastes  plaines  entre  Alexandrie  et  Tortone;  ba- 
taille plus  sanglante  que  toutes  les  autres  de  la  guerre 
de  la  révolution,  dans  laquelle  toutes  les  forces  de 
destruction  qui  sont  en  la  puissance  humaine  furent 
déchaînées  pendant  trente  heures.  Les  deux  armées 
faisaient  les  plus  grands  effbity,  et  déjà  la  victoire 
inclinait  pour  les  valeureux  bataillops  autrichiens  : 
quatre  fois  les  Français  avaient  été  refoulés  et  la 
quatrième  retraite  était  devenue  générale,  quand  ar- 
riva Desaixj  un  des  meilleurs  généraux  français,  et, 
jramme  citoyen,  le  plus  estimable  de  tous  ;  il  ame- 
nait la  réserve  sur  le  champ  de  bataille.  On  recom- 
mença aussitôt  l'attaque,  et  l'armée,  se  ralliant  à  lui, 
le  suivit.  Bientôt  il  tomba  lui-même  frappé  à  mort 
par  un  boulet  ;  mais  ses  guerriers,  d'autant  plus  en- 
flammés ,  arrachèrent  la  victoire,  qui ,  après  une 
si  grande  lutte,  était  devenue  décisive. 

EUe  fit  perdre  en  un  seul  jour  le  fruit  de  toutes 
les  victoires  de  la  campagne  «t  acqftît  aux  Français 
toute  l'Italie.  Mêlas,  qui  par  cet  échec  perdait  tout 
moyen  d'opération,  parce  que  la  retraite  en  Autri- 
che lui  était  coupée,  abandonna  toutes  les  places 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


forte*  d'Italie  ,  jusqu'à  Mantoue  et  Ferrai*,  m 
stipulant  qu'on'  le  laisserait  se  retirer  en  liberté* 
Victoires  de  Moreau  ,  d'avril  à  décembre  iê<W.-** 
Le  g^iëral  Moreau  faisait  dans  cette  même  année  la 
guerre  en  Allemagne  avec  nne  audace  et  un  bonheur 
inouïs.  Le  35  avril,  il  passait  le  Rhin ,  et  quinee 
jears  après  il  tftait  déjà  sur  1111 ,  maître  du  pays  situé 
entre  cette  rivière ,  le  Rhin ,  le  Danube  et  le  lac  de 
Oonstanœ,  et  vainqueur  en  deux  grandes  bataille», 
à&ocjfiach  et  Mosàirch;  delà  il  pénétra  plusavrtit  «A 
Bavière  et  *e  rendit  maître  de  tout  le  paya  jusqu'à 
"Munich.  Alors,  sur  la  proposition  du  général  Rrajr 
<p&i  lui  était  opposé,  une  atiapenaum  d  armes  fut  ré* 
aolue  et  des  conférences  de  paix  furent  cwmagaeécaj 
raats  comme  l'Autriche  ne  voulut  pas  traiter  satrt 
l'Angleterre  et  que  la  France  refusait  d'admettre  tes 
«envoyés  anglais  ,  la  guerre  recommença  le  Ier  dé* 
oembre.  Lee  Autrichiens  semblèrent  au  cotnraen*- 
^cernent  avoir  quelques  succès;  mais  le  3  décembre 
il»  essuyèrent  une  sanglante  défaite  à  Hobentinden» 
^Moreau  après  cette  victoire  se  bâta  de  passer  l'Jim 
pour  aller  à  Salsbourg  ;  de  là ,  traversant  la  linz , 
il  marcha  sur  Vienne,  «et,  quand  il  s'arrêta ,  u  n'é- 
tek  qu'à  vingt  lieues  de  cette  capitale.  Là ,  eu  réafr- 
lut  une  nouvelle  suspension  d'armes  et  le*  confé- 
rences 4e  paix  furent  tout  de  bon  reprises  à  Luné- 
vilie,  Cette  paix  de  Lunéville  pourrait  être  attribuée 
tout  entière  aux  exploits  de  la  campagne  de  Moreau  ; 
epreft  huit  mois  ,  dont  plus  de  quatre  avaient  été 
perdus  ea  trêves»  il  avait  passé  le  fthin,  le  Danube, 


Digitized  byVJ OOQ IC 


GUBMM  DS  U  RÉPU1LIQM  I?U*ÇAI0B.  4H 

te  Lech ,  FIll,  l'Içn,  la  Sabe,  FBm,  avait  été  yai** 
queur  dans  six  grandes  batailles  et  avait  enrichi  if 
trésor  de  la  républi<|ue  de  40,000,000, 

Paix  de  Lunéville.  9  février  1801.< — Après  lai 
pertes  de  l'année  1800,  l'Angleterre  délia  l'empereur 
d'Autriche  de  l'obligation  de  ne  pas  faire  de  paix 
particulière  ;  et  alors  les  conférences  entre  l'envoya 
autrichien,  le  comte  de  Gobenzl ,  et  Joseph  Bo*a* 
parte ,  frère  aîné  du  consul ,  furent  pressées  aveo4ant 
d'activité  que  dès  le  9  février  1801   le  traite  df 
paix  était  signé  :  il  confirma  le  traité  de  Campo-For- 
mio  dans  tous  ses  points,  et  l'Autriche  reconnu* 
alors  les  républiques  batave,  helvétique,  ligurieiuif 
et  cisalpine.  Une   condition  Cependant  qui  n'était 
point  dans  celui  de  Campo-Formîofut  ajoutée;  c'était 
l'élévation  du  duc  de  Parme,  proche  parent  au  roi 
d'Espagne,  au  titre  dit  *fi  d'Elrurie,  c'était  ainsi 
qu'on  nommait  la  Toscane  ;  le  grand-duc  devait  re- 
cevoir, pour  son  duché  1  archevêché   de  Salsbomg 
comme  une  principauté  temporelle,  quelques"  autres 
terrains  lin^itroplies  et  le  titre  d'électeur*  Le  doc 
de  Mpdèoe  recevait ,  comme  il  avait  été  déjà  décidé 
à  Campo-Formio,  le  margraviat  de  Brisgau  pour  in- 
demnité de  la  perte  qu  il  sojiffyait  en  Italie. 

Outre  ces  concessions  de  l'Allemagne  aux  princes 
d'Italie  qui  avaient  été  refoulés  chez  nous,  il  devait 
y  avoir  dans  l'intérieur  même  de  l'empire  de  grands 
changements;  car  l'Allemagne  abandonnait" à  ia 
France  la  rive  gauche  du  Rhin  ,  c'est-à-dire  douze 
cent  milles  carrés  et  quatre  millions  d'hommes;  <et 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


4M  sfirrtlMB  époque.  1646—4888. 

lés  princes  qui  ataient  perdu  de  ce  câté  devaient 
être  indemnises  sur  les  biens  ecclésiastiques  et  snr 
eeu*  des  villes  libres  impériales  qui  se  trouvaient 
sur  la  rive  droite.  Une  diète. chargée  de  régler  les 
'droits  de  tous  les  intéressés  fut  assemblée  sous  la 
médiation  de  la  France  et  de  la  Russie.  Elle  ouvrit 
ses  séances  lé  24  août  1802 ,  et  les  ferma  le  10  mai 
1603.  Bans  ces  conférences,  la  France  donna  la  loi 
aVec  encore  plus  d'autorité  et  plus  d'arbitraire  qu^m 
traité  de  Wespbalie.  Elle  promit  ou  refusa  sa  faveur 
suivant  son  caprice,  et  mit  ainsi  notre  malheureuse 
patrie  sous  sa  dépendance  ;  car  dans  un  temps  ou 
l'on  tenait  pour  le  plus  grand  avantage  celui  de 
pouvoir  agrandir  ses  frontières,  d'une  seule  parole 
eHe  pouvait  faire  le  bonheur  ou  le  malheur  d'un 
pays. 

La  paix  de  Lunévifte  enlevait  aux  ecclésias- 
tiques tous  leurs  domaines  en  Allemagne,  jusqu'au 
«dernier;  de  quarante-huit  villes  libres  il  n'eft 
restait  que  six  :  Lubeck ,  Hambourg ,  Brème ,  Franc- 
fort ,  Àugsbourg  et  Nuremberg  ;  les  ceintes  et  che- 
valiers de  l'empire  ne  dépendaient  plus  de  lui  que 
médiatement,  et  de  tous  les  princes  laïcs,  quatre  seu- 
lement aval  eh  t  reçu  le  pou  voir  électoral,  pouvoir  qui 
devait  perdre  quelques  années  plus  tard  sa  vieille  et 
vénérable  signification;  car  ces  nouveaux  princes 
n'eurent  pas  même  le  temps  d'exercer  leur  beau 
droit.  Gomme  ils  n'étaient  que  la  création  d'un 
souffle  passager  qui  sç  montrait  prodigue  de  biens 
dont  H  ne  connaissait  pas  la  valeur ,  le  souffle  qui  lui 


Digitized  byVJ OOQ IC 


GU1AUS  DB  L4   HÉP^*.IQ0E  FftàJfÇàlSe,  4M 

succéda  les  fit  disparaître  aussi  promptçn&edt  que 
celui-là  les  avait  créés.  Cette  inconstance  était  le  pro- 
nostic d'un  bouleversement  prochain  du  tout;  car 
en  comparaison  de  pareilles  dispositions,  les  chan- 
gements qui  eurent  lieu,  par  suite  du  traité  de  West- 
pholie,  par  rapport  aux  formes  administratives  de 
l'empire,  n'étaient  rien.  Ce  que  tout  le  monde  crai- 
gnait et  n'osait  entreprendre  que  comme  essai,  la 
paix  dfliunéville  l'accomplit  publiquement,  sans 
bonté  d'ébranler  des  fondations  de  dix  siècle»  d'exis» 
tepce.— Une  profonde  tristesse  devait  donc  remplir 
tousles  cœurs  patriotes  ;  et  qui  aurait  pu  eansdéehire- 
ment  contempler  les  monceaux  de  ruines  dont  a 
couvert  notre  patrie  Pouragan  qui  la  bonlevevée ? 
Car  bien  que  les  colonnes  de  ce  vieil  édifice  fussent 
ruinées  dans  leurs  fondements,  aux  murailles  et  aux 
débris  on  pouvait  encore  reconnaître  l'image  de  son 
ancienne  grandeur,  et  comme  le  disent  quelques 
historiens,  les  restes  d'une  nation  puissante  et 
prospère.  - 

Paix  d'Amiens.  27  mars  1802.  —  Le  calme  repa* 
raît  donc  un  moment  sur  le  continent,  après  de  Ion* 
gués  années  de  guerre  ;  mais  ta  guerre  se  prolongeait 
encore  sur  mer;  car  le  grand  homme  d'état  qui  gou- 
vernait l'Angleterre  et  pénétrait  jusqu'au  fond  la 
pensée  et  la  volonté  dn  premier  consul,  savait  assefc 
qu'il  ne  pouvait  y  avet*  de  paix  entre  lui  et  l'An- 
gleterre. De  tout  temps  l'on  a  comparé  les  relations 
entre  la  France  et  l'Angleterre  à  celles  entre  Honie 
et  Carthage  v  et  la   comparaison  est  sensible.  H 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


4M  sarnfaitt  *ao«*E.  4648 — ism; 

y  avait  sue  haine  à  mort  entre  ces  deux  frais- 
aance*,  et  c'est  pour  cela  que  Pitt,  I  l'exemple 
itkwaàbA  9  voulait  une  guerre  à  la  vie ,  à  la  mort. 
Cependant  beaucoup  de  voix,  en  Angleterre,  demain 
la  paix,  parce  que  le  eom&èrcfe  en  souffrait, 
que  k  défense  d'exportation  en  Frabce  ayait 
ries  grains  une  grande  augmentation  de  prix 
a*  Angleterre,  et  parce  qpe  la  dette  nationale  sétaît 
ûmé%  jusqu'au  chiffre  énorme  de  55$  teiftîoro  dfe 
kvres. Sterling.  En'couséquenee,  Pitt  remit  son  porte- 
feuille pomme  pas  lui  faire  obstacle;  car,  dV 
pris  sa  conviction  i  il  ne  pouvait  la  signer.  Alors 
annrrt  là  paix  d'Amiens,  le  27  mars  1809  ;  PÂngle- 
tcrfe  vendit  tout  ce  qtr*elje  avait  conquis  sur  la 
France,  l'Espagne  et  la  Hollande,  excepte  la  Tri- 
nid  ri  rie  et  une  partie  de  l'île  de  Gejbn,  mémelfaltfe 
que  les  Anglais  avaient  pris  par  famine,  et  l'Egypte 
q»e  leur  général  Albereromby  avait  enlevée  aux 
Français  durent  être  abandonnées,  Tune  aux  che- 
valiers de  Malte  et  Poutre  aux  Turcs.  Une  paix  si  peu 
awnwitagenM ,  après  de  si  grandes  victoires  sur  mer, 
devaii  paa#tré  précipitée  et  peu  durable;  et  en 
«Sef,  à  peine  eut-elle  un  an  de  durée.  L'Angleterre 
**e#nnut  bientôt  que  Bonaparte  n'avait  voulu  la  paix 
que  peu  y  élever  une  marine  française  à  légal  de 
§a}fe  d'Angleterre,  s'il  était  possible,  et  spéetale- 
HMUt  pour  s'approprier  la  Méditerranée.  Il  fil  des 
tUfamirff  atee  la  Porte,  avee  le  bey  d'Egypte,  avec 
\f*  états  pirates.  Plus  tard,  l'introduction  de  tous  les 
yrgàiitii  anglais  fat  défendue  en  France  et  en  Hok» 


Digitized-by  VjOOQlC 


fende*  Ainai  l'Angleterre  n'avai*  doue  pas  mois*  k 
craindre  de  la  paix  que  de  la  guerre  j  cçur  certain**- 
meut  elle  ne  voulait  pa3  plus  souffrir  un -rival 
SUT  juer,  que  laFrance  n'eu  aurait  sôufèrt  sur  le  coulis 
'■  tient  II  y  eut  encore  plusieurs  autres  sujets  de  mécon» 
tentement.  H  e'tai  t  d'ailleurs  évident  que  Ips  nouvelles 
dispositions  de  Bonaparte  en  Europe  n'étaient  que 
le  commencement  d'autres  plana  bien  plus  grands.  I* 
république  cisalpine  dut  reconnaître  le  premier 
consul  de  France  comme  sot  président.  Là  Hollandf 
restait  toujours  occupée  par  les  armées  françaises  et 
devait  en  tout  suivre  la  volonté  de  sa  vptsine»  Quant 
à  la  Suisse,  qui  ne  pouvait  trouver  d'unité  dans  son  - 
sein  pour  sa  nouvelle  constitution»  elle  fut  désar* 
mée  ;  on  en  fit  uue  république  fédérative,  et  on  lui 
déclara  que  pour  les  affaires  d'administration  inté- 
rieure elle  était  libre,  mais  que  pour  lçs  affaires 
extérieures  elle  dépendait  delà  France. 

L'Angleterre,  d'après  tout  ce  qui  arrivait,  préfet 
tant  une  guerre  ouverte  à  une  paix  peu  sûre ,  prit 
sa  résolution  et  exigea  de  Bonaparte  l'évacuation  de 
la  Hollande  et  de  la  Suisse  ;  et  sur  son  refus  elle  lui 
déclara  1*  guerre,  en  mai  1803.  Bonaparte  n'atten- 
dait que  cette  occasion  pour  enlever  aux  Anglais 
cette  langue  de  terre  sur  le  continent  qui  dépen- 
dait de  leur  empire.  Dés  le  fhois  de  juin,  les  armées 
françaises  entraient  dans  le  Hanovre  et  occupaient 
le  pays,  sans  s'inquiéter  de  ce  que  le  Hanovre  faim* 
partie  de  l'empire  germanique  et,  comme  tel,  m 
pottvaKét«:ecqmpvQm:adaasuw  gtf  rred'Angtoteyrs. 


Digitized  byVJ OOQ IC 


4M  sBVTifcins  iroQVE.  4648—4858. 

C'était  une  nouvelle  et  très  favorable  occasion  de 
nous  pressurer,  de  surveiller  les  villes  commerçantes 
et  voisines  du  nord  de  l'Allemagne,  et  d'empéeher 
leur  commercMvec  l'Angleterre.  — Les  troupes  hano~ 
ariennes  forent  désarmées  ;  mais  des  milliers  de  sol- 
dats passerait  en  Angleterre,  les  uns  après  les  autres, 
et  fermèrent  le  noyau  d'un  corps  allemand  qui  com- 
battit l'ennemi  commun  avec  le-plus  grand  courage 
et  beaucoup  de  gloire,  en  Portugal,  en  Espagne,  en 
*  Italie,  en  Allemagne.  L'opiniâtreté  avec  laquelle 
ces  généreux  serviteurs  ont  poursuivi  leur  but  pen- 
dant plus  de  dix  ans,  lorsque  des  guerres  toujours 
plus  malheureuses  les  unes  que  les  autres  en  Alle- 
magne ,  auraient  dû  abattre  leur  courage  et  leurs 
espérances,  en  faisant  disparaître  pour  eux  tout 
espoir  de  récompense  dans  leur  propre  pays  ;  cette 
constance,  dis- je ,  doit  singulièrement  ajouter  à  la 
gloire  de  ces  héros,  lin  grand  nombre  d'eux  sont 
tombés  dans  l'action  sut*  un  champ  de  bataille,  et 
reposent  sur  une  terre  étrangère ,  loin  de  leur  patrie. 


Kapoléon  Bonaparte,  empereur  dés  Français.  18  mai  1804. 

Les  premières  années  du  consulat  furent  pour  la 
France  un  temps  de  repos,  partout  se  répandaient 
l'ordre,  l'activité  et  le  bien-être;  les  esprits  les  plus 
Inquiets  respiraient  enfin  encore  une  fois  en  liberté, 
•t  mille  bouches£énissaient  le  nom  du  premier  con- 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


NAPOLÉON    BOKÀPARTI.  •  .   497 

sul.  Hors  de  la  France  même ,  beaucoup  de  monde 
mettait  en  lui  ses  espérances,  comme  en  celui  qui 
pouvait  seul,  après  ce  temps  de  barbarie ,  rétablir 
l'ordre  sur  des  bases  solides,  et  faire  jouir  l'huma- 
nité du  bien  qui  était  sorti  dé  ces  bouleversements, 
quelque  ensanglanté  qu'il  fût.  Ce  n'étaient  pas  les 
moyens  qui  lui  manquaient  pour  cela;  car  on  est 
étonné  de  la  puissance  avec  laquelle  il  prenait  toutes 
les  forces  à  sa  disposition  j  de  la  sagesse  avec  laquelle 
il  forçait  le  volcan  révolutionnaire,  encore  tout  brû- 
lant, au  repos  et  à  l'obéissance  ;  de  la  rapidité  de  son 
administration  qui,  en  quelques  instants,  se  répan- 
dait dans  tout  son  vaste  çmpire  comme  dans  un 
tissu  dont  il  avait  tous  les  fils  dans  les  doigts;  de 
l'activité,  enfin,  .avec  laquelle  il  entreprit  de  re- 
cueillir en  un  seul  livre  de  lois,  le  sage  produit  des 
grandes  expériences  de  la  vie  publique.  —  Tout  ce 
que  l'antiquité  avait  dé  plus  remarquable  :  recon- 
naissance des  droits  de, l'homme  dans  tout,  égalité 
des  citoyens  devant  la  lot,  destruction  des  droits 
féodaux ,  liberté  de  croyance  dans  le  domaine  des 
choses  invisibles,  un  gouvernement  qui  réunis- 
sait la  force  de  l'unité  pour  l'exécution  des  volon-  , 
tés  de  l'Etat  à  une  grande  diversité  de  conseils 
pour  projeter  les  lois  ;  toutes  ces  institutions ,  et 
beaucoup  d'autres,  semblaient  alors  se  développer 
sur  le  sol  pacifié  de  la  France,^ous  la  protection  de 
cet  homme  extraordinaire ,  comme  pour  servir  de 
modèle  aux  autres  nations. 

Que  ne  pouvais  pas  cet  homme  pour  toute  l'Eu* 
t.  if.   .  32 


Digitized  byVJ OOQ  lC  . 


jvpe?  Cpmbien smtte  ornait  4té  Yhipy&rs  4**  P9»de 
«'il  avait  rendu  réel  ce  beau  tableau  cte  grw*dw 
dont  son  zèle,  pur  jusque  lh  pour  la  vérité  et  la  jus- 
tice, avait  fait  une  magnifique  q||uis$e  h  tous  les  y£u£? 
N'aurait-il  pas  pu  façonner,  éclairçr,  >ntratn£r  tOttt 
avec  lui  pour  des  siècles ,  et  mériter  les  bénédictkw 
de  l'humanité  tout  entière  ?  Cependant il  s'est  charge 
de  ses  malédictions  ;  parce  que;  çie  si  grands  talent? 
n'ont  ét^  employés  que  par  l'égoïsme,  pour  &t*VW 
une  insatiable  ambition. 

Sur  la  proposition  des  tributs,  un^n#tu^consultf 
fut  parte  r  par  lequel  ]q  gpuye?  nçmerçt  4e  lu  FflMW* 
était  confié  à  Napoléç»  Bonaparte  4  empereur,  #tk 
ses  héritiers.  Plus  tard,  comme  si  la  couronne  in*» 
périaLe  ne  Pavait  pas  encore  satisfait,  U  chaagpa  fr 
république  cisalpine  en  un  rpyaume  dpjît  ij  futd£* 
çlaré  rpiT  lui  et  sas  descendait}  et  ppur  preuv# 
de  modération  ,  disait-il ,  ij  nomma  son  bsau-fiJUj 
Eugène  de  Beauliarnais }  yice-roi  dttçlfe-  Pww*  g 
PJaisancç  et  Guastalla  furententièrementr&#*i$àlâ 
France,  ainsi  que,  bientôt  après,  la  républiqt*?  ligiK 
rienne,  —  Tout  cela  était  contre  le  Pmté  deUm&» 
viller et  l'Autriche  epfut  triés  m&0Pt#ate,ll  t»i|f» 
*  d'ailleurs  4e  grandes  sympathies  dan»  l'empereur  <fe 
BussieV  que  la  mort  4u  4ûc  d'fîpghie^  avait  txtrê* 
ijiement  exaspéré  $  d'autant  plu$  qua  $#  prino»  déjk 
sentait  e$  lui-même  une  voix  qui  l'appelait  à  pro* 
téger  l'ordre  de  l'Europe.  Alors  peg  deux  piiUwpoai 
offrirent  à  Pitf ,  ministre  d'Angleterre,  rpcoai&ft 
qu'il  souhaitait  déjh  d'avappe,  4^  WWU V«Jer  J^ur 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


*    «a*»*4ne  a*  t806.  4»9 

alliance  contre  la  Frwee.  Il  y  eût  db^c  une  «oaiï- 
Aion  entre-  ces  tnotè  états  et  la  Suède.  IVaprès  un 
ttatte  pjlan  de  guerre  y  ils  devaient  attaquer  (a  pfttfe- 
«fence  française  par  tous  les  ppînts  à  la  fois ,  en  Italie^ 
«à  Suias?,  en  Hc^laade,  eu  France  même.  Mais 
jfapelçoudétruisirceplan,  cotiune  il  avait  coutume 
de  faire,  par  sa  célérité ,  en  paraissait  tout  d  un  ooqp 
mm  un  point  où  oh  ne  l'attendait  pas*  Depuii  1 808 
il  avait  tenu  toute  son  armée  dans  le  nord  en  obser- 
vation sur  les  càtes ,  poqr  menacer  l'Angleterre 
«l'une  descente  ;  mais  alors  il  la  met  aussitôt  en  mer- 
iîhe^  tui  fait  passer  le  Rhin  en  toute  hâte,  et  force 
ks  princes  du  sud  de  l'Allemagne  à  s'unir  avec  la 
feance;  tandis  que  l'armée  autrichienne ,  sous  le 
«NfcQraaiidement  de  Mact,  se  tenait  enooye  dans 
l'inaction  auprès  d'Ulm. 

Mack ,  habile  général ,  mais  manquant  de  célérité 
*.et  de  fegpheur  dans  ses  projets  /attendit  l'ennemi  à 
l'endroit  même  par  ou  il  devaifdéfaocher  en  venant 
par  la  Souabe.  Sur  eon  flanc  droit,  il  avaitles  pays 
de  Franconie  appartenant  au  roi  de  Prusse  qui  ne 
prenait  aucune  pprt  à  la  guerre,  et  il  se  croyait  & 
oouvert  de  ce  côté;  Mais  un  pareil  re&part  ^taft  bien 
pies  sur  en  face  d'une  armée  conduite  par  Napoléon. 
Bientôt  Berjiadotte ,  Marmont  et  les  Bavarois  sWa«- 
eèreqt  à  travers  la  Franconie  jusqu'au  Danube,  pri- 
rent le  général  Mack  en  dos  et  le  coupèrent  d  avec 
l'Autriche.  Surpris  et  étourdi,  il  se  jeta  dans  Ulm 
après  un  sanglant  combat  ;  et  au  lieu  de  s'ouvrir  un 
passage  avec  son  épéeau  milieu  des  ennemis*,  « 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


5Ô0  septième  époque*  4648-«»1838. 

aurait  fait  un  homme  de  cœur ,  et  comme  fit  le  diic 
Ferdinand  qui  se  sauva  heureusement  à  travers  la 
Bohême  avec  quelques  escadfons  de  cavalerie,  il  se 
rendit  prisonnier  ayeq  les  restes  de  son  armée ,  le 
17  octobre  1805.  Napoléon,  après  cette  «première 
partie  de  la  campagne  où  il  avsrtt  presque  .anéanti 
quatre-vingt  mille  hommes,  envoya  au  sénat,  à 
Paris,  (quarante  drapeaux  qu'il  avait  pris ,  leur  disitfrt, 
dans  le  langage  de  l'empiré  ,  q*e  c'était  «  un  cadeau 
des  enfants  à  leurs  pères,  »  Et  quand  il  conduisît  son 
armée  en  avant,  il  lui  dit  :  qu'il  voulait  là  conduire 
maintenant  contre  les  Russes  pour  leur  faire  subir 
le  même  sort  ;  qu'ils  n'avaient  point  à  leur  tête,  de 
généraux  sur  lesquels  la  victoire*  pût  lui  Faire  hon- 
neur; aue,  par  conséquent,  il  n'aurait  d'autre  souci 
que  d'acheter  la  victoire  avec  le  moins  de  sang  pos- 
sible ;  que  ses  soldats  étaient  ses  enfants. 

Bataille  d'Austerlitz.  2  décembre  1805..—  L'ar-'' 
mée  française  marcha  sans  aucun  obstacle  sur  la  ca- 
pitale de  l'Autriche  et  s'en  empara  le  11  novembre. 
Les  Russes  et  les:  Autrichiens  s'étaient  repliés  en 
Moravie  ;  et,  le  2  décembre,  les  deux  armées  se  trou* 
vèrent  en  présence,  résolues  à  une  bataille  décisive. 
«  Je  me  tiendrai  loin  du  feu ,  dit  à  ses  guerriers  Na- 
poléon, qui  pour  la  première  fois  commandait 
comme  empereur  dans  une  grande  bataille,  si  vous 
renversez  les  rangs  ennemis  avec  votre  courage  ha-* 
bituel;  mais  si  la  victoire  balance  seulement  un  mo- 
ment, vous  verrez  votre  empereur  s'exposer  aux* 
premiers  coups.  »  La  bataille   des  trois  empereurs*, 


Digitized  byVJ OOQ IC 


CAMPAG9B   DE    4804.  SOI 

comme  Napoléon  la  nomma  avec  complaisance  dans 
ses-  bulletins  \  commença  par  un  beau  jour  d'hiver 
avec  im  soleil  serein.  Ce  qtffc  Napoléon  avait  dit 
d'avance  arriva,  les  ennemis  fuient  mal  conduits  ,, 
et  leurs  mouvements  ne  se  faisaient  qtfavec  4é- 
sordre. 

On  ne  connaissait  pas  assez  la  forcée*  la  position 
de  l'armée  française  ;  et  bientôt  Tordre  de  batailla 
dés  Russes  fut  coupé,  rompu  et  enfoncé  malgré 
toute  la  valeur  de  leurs  soldats.  L'aile  gauche  von- 
kit  se  sauver  à  travers  un  lac  gelé,  Napoléon  fit  pri- 
ser la  glace  à  coups  de  canon ,  et  quantité  de  Russes 
forent  noyés.  Il  n'y  eut  pas  de  victoire  plus  disputée, 
et  elle  n'eût  pas  été  décisive  si  l'empereur  François, 
dans  sa  sollicitude  pour  ses  sujets ,  ne  se  fâfc  hâté  de 
faire  la  paix  et  de  demander  une  conférence  avec 
Napoléon  dans  le  moulin  de  Saroschitz;  car  le  len- 
demain de  la  bataille  douze  mille  Russes  vinrent 
renforcer  l'armée  qui  s'était  déjà  ralliée  ;  l'atchi- 
duc  Ferdinand  avait  réuni  vingt  mille  hommes  en 
Bohême  et  chassé  les  Bavarois  avec  perte  du  pays  ;  % 
la  Hongrie  armait  ;  l'archiduc  Charles  se  hâtait  de 
quitter  l'Italie  avec  son  armée  victorieuse  pour  venir 
au  secours  de  la  patrie  et  il  pouvait  dans  quelques 
jours  délivrer  Vienne  et  inquiéter  les  derrières  des 
Français;  des  Russes  et  des  Anglais  étaient  débar- 
qués h  Naples;  des  Russes ,  des  Suédois  et  des  An- 
glais s'avançaient  par  le  Hanovre;  et  ce  qui  était  plus 
important  que  tout  le  reste,  l'armée  prussienne  se 
fo/maftpoui'Venger  la  violation  du  territoire  d'Ans- 


Digitized  byVJ OOQ IC 


5M.  «ptiem%  tpix&E.  W48— 1838. 

p*eb#  —  C'est  alors  que  l'empereur  Fma^flfo  «ign» . 
une  stfspension  d'armes  et  se  montra  si  expresse  de 
faire  la  paix.  Le  malheur  de  son  pays  l'affligeait  tropr 
et  il  pensait  encore  alors  qu'une  paix  achetée  par 
de  frauda  ^orifices  d'un  pareil  adversaire  pourrai^ 
avoir  de  la  consistance  ;  comme  si  un  sacrifice  pet** 
vait  faire  taire  son  avidité  !  L'envoyé  prussien  f  le 
cptttte  de  Haugwitz,  qui  était  parti  pour  prescrire  lea 
condition*  de  paix  ou  déclarer  la  guerre,  se  vit  par 
la  retraite  de  l'Autriche  dans  un  grand  embarras.)  et 
il  tif  t  pour  prudent ,  au  lieu  de  faire  les  menace* 
que  le  foi  lui  avait  raise&à  la  bouche,  de  parler  d'tne 
manière  plu»  retenue  et  plus  pacifique.  La  réponse 
des  Français  fut  «  qu'on  ne  pouvait  que  louer  la 
sagesse  du  peuple  prussien,  qui  du  reste  n'avait  jar* 
mais  eu  d'ami  plus  loyal  et  plus  désintéressé  que  la 
France  ;  que  d'ailleurs  le  peuple  français  était  indé^ 
pendent  de  qui  que  ce  soit  et  que  cent  cinquante 
miUe^bemm«s  de  plus  dans  la  guerre  n'auraient 
fait  que  la  prolonge*  un  peu  plus  long  temps.  »  iW* 
vpyé  prussien  aurait  dû  mieux  comprendre  un  pen 
reil  tangage ,  et  %  serstattf  la  dignité  prussienne  offeu- 
séft,  faire  sur  le  moment  même  ce  que  son  man- 
dat portait  f  ce  que  son  roi  fut  oblige   de  faire  six. 
n^ois  plus  tard  f  pendant  que  l'Autriche  n'avait  pas 
encoresignélapaix*  Peut-être  que  l'Autriche,  si  elle 
avait  vu  la  Prusse  série&semeut  engagée,  aurait  pré* 
fé*é  une  guerre  un  peu  plus  longue  à-  une  paix  hon- 
teuse. Àa  lieu  de  cela ,  Haugwitz,  sans  en  avoir  te?.; 
pouvoirs ,  aigna  le  traité  de  Tienne  j»v  lequel  la 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


Frotte  abandonnait  k  province  cf  Ânspadi  à  la  Bfc- 
viète,  Clèves  et  Wettfchâtef  à  1»  France  et  recetafc 
en  échange  le  Hanovre  auquel  FAftgleterre  n'entetn* 
Arit  ea  aucune  façon  renoncer.  Ainsi  Napoléon  je-' 
toit  ane  semence  de  division  entre  la  Pritssè  et  i*Att-> 
gleterre,  sachant  très  tien  que  cfcs  déa*  puissance* 
seraient  très  redoutables  si  elles  étalent  d'accord  entre 
#Hes.   •_ 

Cinq  jour»  après  ce  traité,  ^Autriche  signa  la  pôi* 
k  Presbourg,  ta  25  décembre  1805;  par  cette  pai% 
qui  fut  plus  dure  que  toutes  celles  fiâtes  jusqu'à tors* 
^Autriche  perdit  mille  milles  carrés  et  trois  millions! 
de  sujets,  et  même  sur  ses  plus  belles  possessions.  Le 
Mêle  Ty  roi,  qui  encore  dan»  cette  dernière  guerre 
a*iafl  frCKtvêbht  mtdsott  cPAatrïeïié'  lotît  sert  m\à* 
dbement,  évetf  Burgau  \  Erchëtadl,  tine  partie  A4 
Pass&u,  Vorarfberg  et  d'autrespossessfons  dans  t'ouesf 
érï'Afttriclie  furent  abandonna  k  la  Bavière.  Ce 
q&é  l-Attirtehé  possédait  en  Souabé  fttt  donné  ait 
WmteftAérç  et  à  Fétecteur  de  Bttde  j  te  états  de  Ve* 
nke  furent  réumsau  royânftw  d'Italie.  L'Autriche , 
pour  eempéh^èrtous  ces  abandon*,  ne  reçut  que  pea 
àé  ehosé,  Sakboufg  i  et  le  prince^eeteni'  de  Sate^ 
l*M#g  fot  tftaspotfté  à  Wtffzïtotlrg  que  la  Havièrt* 
abandonna*  Ces  pdy  s  et  létar*  habitants  étaient  t#ait& 
comme  une  marchandise  que  Pou  fait  passer  d'une 
main  dans  une  autre,  suivant  les  chances  de  la  fqjre. 
Tels  étaient  d'ailleurs  les  principes  du  Cbnunérant  : 
arrachi  r  l'amour  cil  'allaclicjufbut  j>uur  k& anciennes 
fiiniilles  priucières,  refroidir   les  cœurs  jusque    la 


Digitized  by  LjOOQIC 


804  septième  É9OQ0E.  1648~-4838. 

glace/  étouffer  tout  ce  qui  dans  le  cœur  humain 
peut  rendre  un  état  attaché  au  représentant  d'une 
famille,  ne  laisser  dans  le  sujet  que  le  sentiment 
qu'il  est  né  pour  obéir  et  que  cette  loi  de  la  nature 
l'enchaîne  à  un  maître  quel  qu'il  soit,  né  dans  la  pa- 
trie ou  étranger,  qu'il  soit  d'hier  ou  d'aujourd'hui. 
Pour  amener  encore  plus  promptement  la  ruine 
de  l'empire  allemand  déjà  si  bien  ébranlé,  on  donna 
aux  électeurs  de  Bavière  et  de  Wurtemberg  le  titre 
de  roi,  et  de  plus ,  comme  à  i'électeiu^de  Baden ,  l'in- 
dépendance de  leur  gouyernement ,  ou  pour  em- 
ployer le  mot  de  l'époque  à  la  mode,  on  leur  donna 
la  souveraineté.  L'empereur  renonça  à  toute  suze- 
raineté sur  leurs  états  ;  et  ainsi  l'empire  allemand 
se  trouva  par  ce  fait  tout  en  dissolution.  Le  lien  de 
fief  et  les  devoirs  dé  vassal  quelque  affaiblis  qu'ils 
aient  été,  avaient  tenu  cependant  encore  jusqu'alors 
l'empereur  et  l'empire  réunis.  On  fit  taire  les  gens 
simples  en  les  assurant  que  ces  maîtres  souverain* 
n'en  seraient  pas  moins  «mis  à  la  confédération  ger- 
manique; mais  celui  qui  avait  des  oreilles  pour  en* 
tendre  pouvait  bien  reconnaître  à  ces  marques"  le& 
lointains  roulements  du  tonnerre  qui  annoncent  la 
tempête  à  peu  de  distance.  De  plus  grands  maux 
étaient  donc  prêts  d'éclater  sur  l'Allemagne. 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


Fi»  de  rempk»  d  Afeaape.  l^Jrtn  tt  44  »e*  ^06- 

Il  en  fut  du  nouvel  empereur  comme  il  en  avait 
été  de  la  république  ;  l'abus  qu'il  fit  du  temps  de  paix 
rendit  ce  temps  aussi  dangereux  que  la  guerre.  Na- 
poléon, a-t-oii  dit  avçc  justice,  avait, pris  eu  lut 
la  révolution;  elle  s'était  personnifiée  en  lui,  et 
ses  terribles  principes  continuaient  de  vivre  en  lui. 
Le  premier  mot  qu'il  dit,  après  la  paix  de  Presbourg, 
ce  fut,  comme  d'habitude, , une  sentence  de  confis- 
cation. Le  roi  de  Nap les  avait  reçu  les  troupes  an- 
glaises et  russes  dans  son  pays;  alors  il  fit  partir  sçn 
frère  Joseph  et  M  assena  avec  soixante  mille  hommçs 
à  travées  toute  l'Italie,  et  dans  te  dépêche  qu'il  lut 
expédia  de  Schœnbrunn,  lé  27  décembre,  pn  lit  ; 
«  La  famille  royale  de.  Naples  cesserade gouverner.  » 
Celte  terrible  parole  dfiràya  pn  effet  la  maison  de 
]\7iiples,  la  força  de  quitter  lïtalie  et  de  se  retirer  en 
Sicile,  de  l'autre  côté  du  détroit*  Elle  s'y  «aintint 
avec  le  secours  des  Anglais  ;  mais  Joseph  Bopaparte 
fut  déclaré  roi  a  Naples,  lui  et  ses  descendants*  Ce 
npuveau  trône  cependant  &>ôta  beaucoup  de  sang j 
les  habitants  4c  la  basse  Italie  se  révoltaient  toujours 
avec  un  nouveau  courage;  de  sorte  que  la  Calabre 
çt  VAbruzze  furent,  presque  changées  en  déserts. 

Bientôt  vint  le  tour  de  la  Hollande;  elle  fut  éga- 
lement changée  fin  un  royaume  gt  donnée  à  un  autre 
fjrère  de  Napoléon  pour  sa  part,  à  Louis  Bonaparte. 
Çc  ne  fut  pas  du  rc^te  le  plus  grand  rnalheur  qui, 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


lui  arriva;  car  Louis  sentit  que  c'était  un  devoir 
pour  lu!  êê  inté  ptotft  pmr  son  petfpi*  (Joe  pour 
le  bon  plaisir  de  son  frère. 

\}h  troisième  patetrf  dé  Feàipereur,  son  beau-ffére 
v  /oacbinr  Vtirât  ,  fut  place  snr  la  rrvt  droite  du  Rhitf. 
Brtçnt  1er  duchés  deCté  ves  et  de  Berg  r  tes  ftussîenr 
à  Tarent  cédé  le  premiet  duché,  et  la  Bavière  itf 
deu*Tétu<*  pour  Anspadk.  Enfin  ÀletautfreBerthief, 
qtrf  éferit  lé  premier  <feiw  le  âgmseff  dé)  Fempei'eurl 
wçtrt  fâr  principauté  de  Wéatpbaiie* 

En  rti Ane  temps  qcr^îl  s'occupait  de  ces  dtsposftîoritf 
5  fàtt Aient,  îï  laissait  voir  aussi  pîus  Carrément  & 
tata  1er  jeux  le  plan  de  k  constftirticrô  intérieure  dW 
W  grand  écffffee.  tes  journafrx  français  s1effdrçafent 
de  tt-aîter  de  Jbîie  fe  pfeti  d'équilibre  que  ^Europe* 
évtfft  admfe  tmanfrnement  et  qûî,  selon  eux,  n'avaif 
énfirttfé  qtîôr  jalouste  et  guerre;  Ils  soutenaient  qûé 
le  i*epOs  ne  peut  être  espéré  que  lorsqu'un  homme  à 
leprémîer  rangéibîen  marqua ,  qtre  sa  parole  est  pleine 
«frteflfcf  dfcns  les  ctmtes£atrons  détf  peuples  entre  eu*. 
C^ëtaftpr^isrfmemle langage  des  Roniauï^au  moment 
tfàils  usurpaient  la  souveraineté  du  monde.  Us  s'appe- 
laient aussi  eux  ïeû  arbitres  du  monde  ,  et  leurs  en- 
voyé» traçaient  des  cercles  avec  leur  baguette  au- 
tour des  rois  auxquels  ils  laissaient  encore  îeuf 
titre  y  rtiais  ris  exigeaFent  d'eux  suf-fe-dtamp  une 
déclaration1  d'obéissance-.  L'Europe  lui  parût  à  la 
téf  ilé  trop  grande  Mur  ne  foire!  qa*un  seul  royaume; 
cependant  ilcVoÉ  peuvoir  I  embrasser  tout  entière 
part  \tne  souveraineté  de  fnnrftlc ,  sotrs  h  nom  de* 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


constitution  fédérativéj  et  les  frère*  f  1m  cousin»  *£* 
les  allies  du.  grand  empereur  résidait  à  Pari**  4**; 
vaient  en  être  les  gpuvçràeûrs  s0ûa  le  0001  de  wim 
et  de  princes.  Les  conquêtes  d'Alexandre  m'avaient: 
été  si  tôt  dissipées  y  disait-oa^  que  ^parce  qu'il  n  avait* 
point  fondé  une  domination  de  famille;  l'empâte  «kf 
CharLemagne  çt  sa  famille  furent  divisés  parce  tytt*.< 
Charlcmagne  n'avait  point  établi  Ua  point  contrai 
pour  sa  famille ,  etqoeLouis-le-DéljonnaUe*  etefofr* 
mément  è  ce  plan,  avait  partagé  l'empire  entra  Mfr 
enfants.  C'est  pourquoi  Napoléon  en  .^magiu*  qéi 
nouveau.  Tous   les    membre*  de    la   graad^  fa** 
mille  régnante  devaient  cite  élevé*  à  Paris  dan#  le 
palais  impérial ,  feus  les  yeux  de  l'empereur  at  dVr 
près  ses  principes;  tel  était  le  cod*  de  fâ/uille  cp'il 
imposa  à  tous  les  membre  ^  ils  ne  pouvaient  &■&** 
rier  sans  sa  permission  ,"  ni -^éloigner  àt  Pafift  d* 
plus  de  trente  lieues.  Il  voulait  être  de  toua  le  père 
et  Je,  maître. .  Il  espérait  qu'après  avoir  ainsi  eotk-r 
duit  leur  jçune&e  tout  entière  il»  leur  tramway 
trait  so%  esprit  ?  ses  principes,   pour  des  swckfcr 
De  même  que  dans  le  saaat  romain  les  ginllda  prio^ 
çipes  de  poliUque  s'étaient  conserve»  pendant*  d# 
longs  siècles  d'une  génération  à  l'autre  i  les  prhwe* 
ainsi  élevés  à  Ppris  deyaientrépandre  dans  letf  diflCé^ 
rents  royaumes  qu  ils  gouvernaient  les  mêmes  idées* 
le  même  langage  el  les  mêmes  lois.  Leur  règle  do> 
conduite  était  mat  à  mot  celle-ci  :  «.'Que  le  prenuW; 
de    leurs   devoirs  #était  de   servir   l'empereur,.  !# 
deuxième  la  France,  et  alprs  enfin  %  an  tr.qi^jèma 


Digitized  byVJ OOQ IC 


50S  SEPTIEME*  ÉPOQUE.    4648—4858. 

ftag  7  le»  peuple^  qu'ils  gouvernaient.  »  Si  on  com- 
prenait bte»  tente  1»  portée  de  l'intention  de  ces 
iaUfrattow*  extraordinaires  ,  alors  on  ne  trouve- 
rait plus  d'invraisemblance  dans, ce  mot  que  l'opi- 
nion publique  rae^  dans  la  bouche/de  l'empereur 
Napoléon  :  «  Que  certainement  dans  dix: ans  sa  dy- 

►  nantie  sera  la  plus  ancienne  de  l'Europe.  »  Et  si  Fhis- 
tôîre  aprèis  des  siècles  veut  cPun  mot  peindre  le  ter- 
rible ébranlement*  de  toutes  les  institutions  et  le 
bouleversement  de  Tordre  qui  existait  depuis  dix 
siècles ,  il  liuV  suffira  de  rappeler  ce  mot ,  sorti  de  la 
beuchp  du  fils  d'un  avocat,  né  en  Corser 

Déjà  la  grande  confédération  française  compre- 

.  nait  l'Italie,  Naples,  l'Espagne ,  la  Hollande,  la  Ba- 
vière ,  le  Wurtemberg ,  Bade  et  Berg ,  c'est-à-dire 
une  masse  de  soixante-six  millions  d'habitants,  non 
compris  la  France.         -   .      . 

Pour  donner  plna  d'éclat  et  plus  de  force  à  sa  nou- 
velle^ couronne  9  il  lui  /fallait  aussi  Une  noblesse  (fui 
lui  dût  son  élévation  et  qui  dût  tomber  avec  elle.  Na- 
poléon la  fonda  en  instituant,  d'abord  ep  Italie,  puis 
dans  tous  les  autres  pays  où*  il  porta  ses  armes,  un 
nombre  de  grands  et  petits  fiefs ,  avec  certains  re- 
venus qu'il  distribua  à  ceux  qui  s'étaient  signalés  par 
leur  fidélité  ou  piar  leur  zèle  à  son  service.  Ils  de- 
vaient être  transmis  au  premier  né,  et  retournée  à  la 
couronne  en  cas  d'éxtînction  d'héritiers  roàles.  De 
cette  façon ,  tons  ceux  qui  s'étaient  distingués  par 
leurs  belles  actions  étaient  autant  intéressés  que 
l'empereur  à  la  conservation  des  pays  conquis. 


Digitized  byVJ OOQ IC 


l/ EMPIRE    FRÀKÇÀU.  506 

Çe^at  au  milieu  de  cette  fumée,  si  riche  en  nou- 
veautés, que  fut, frappé  le  dernief  coup  à  la  constitu- 
tion de  l'empire  d'Allemagne.  Sa  dissolution,  qui 
existait  déjà  de  fait,  fut  alors  clairement  exprimée.  I^e 
i%  juillet,  on  forma  à  Paris  une  alliance  rhénane,  par 
laquelle  les  rois  de  Bavière  et  de  Wurtemberg*  Par- 
cbi-chaiicelier,  l'électeur  de  Bade  ,  le  landgrave  de 
Hesse-Darmstadt  et  le  duc  de  Berg,  ces  quatre  der- 
niers comme  grands-ducs,  puis  les  princes  <de  Nassau 
etdeHohenzoUern, avec  quel  quesafttrespetksfwittces 
et  comtesse  séparèrent  de  l'allianée  ik»pé*iale,  et  re- 
connurent l'empereur  de  France  comme  le  protec^ 
teur  de  leur  confédération.  L'empereur  devait  avoir 
le  droit  dareconnaître  le  prince  primat  de  l'aiti'ance, 
c'est-à-dire  celui  qui  avait  la  présidence  dans  l'as-* 
semblée,  de  décider  de  la  paix  ou  de  la  guerre  et  des 
contingents  de  troupes  ;  de  sorte  qu'une  guerre  de 
la  France  devenait  une  guerre  de  la  confédération 
du  Rhin  :  elle  devait  aussitôt  prendre  les  armes,  fôt-oe 
contre  ses  propres  frères  d'Àlldtaagne,  Par  de  pa- 
reils sacrifices  les  princes, obtinreht  une  autorité  illi-^ 
mitée,  sans  dépendance  d'aucune  juridfetiot}  à  la- 
quelle les  sujets,  en  cas  de  nécessité,  pussent  porter 
leurs  plaintes,  et  sans  aucun  adoucissement  en  faveup 
des  gouvernés.  Sur  tous  ces  points  l'alliance   était 
claire  et  précise;  tandis  que  sur  tous  les  autres  elle 
était  obscure  et  équivoque  >  afin  que  la  volonté  du 
protecteur  pût  servir  éfe  loi.  Ce  n'était  point  tant 
une  alliance  de  peuples  allemands  entre  eux,  qu'une 
alliance  avec  la  France,  i^ans  laquelle,  loin  de  trou 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


m»  •  sBmfc»  *M*vs.  f6t8~-1858. 
vm  du  droits  et  desdeyoirs  mutuels,  <m  voyait  le 
4rmi*  du  coté  deS  princes  et  les  droits  du  «Ôté  du 
ppoteeteur**—  Cette  alliance  rompit  le*  derniers  fils 
qui  liaient  le  paaaé  au  pissent,  en  distribuant  au* 
Jil^biwife  la  confédération  du  Bhin  les  villes  libres 
4e  l'empire,  les  médiatisant,  c'est«à-dpreles  dépofib- 
laatde  1  Ara  droits  de  seigneurie ,  pour  les  soumettra 
4<*ux4?ec  Jusque!?  elles  marchaient  de  firont  aupa- 
M9**t>  àmm  la  ville  libre  de  Francfort,  qui  devait 
ékmàïàrimir  h*  âégç  dm  itéuuioas,  fut  dénuée  au 
fritte*  priuaat,  et  perdit  aussi  elle  soft  indépcu 


.  U  wklt  potut  besoin  de  porter  un  jugement  sur 
liett^OBofédératio©,  le  sert  en  eut  bieutât  décidé,  et 
JU  poitérité  cherchera  peat^tre  à  en  «flàeer  le  sou- 
«fpiir  4«Mrtre  tûttoire, 

IAwpgreur  d'AUr— ngne,  eu  déposant  cette  co» 

JWfmdéftMBDl&de  l'amen  empire,  4006  aas  après 

§U*  ÇhnrUmt&l*  levait  plaeée  sur  aa  télé,  se  dé- 

*  d*ra  empereur,  k*  efc/a  postérité,  de  la  monarchie 

mtridtamoe,  kôaoùt  i»06. 

NUi  qqpll*  ppoteetîo*  rAlkmagne  peanrait-elk 
ttfcmdr*  dff  40n  nouveau  protecteur,  si  en  le  co«* 
pare  à  l'ancienne  maison  d'Autriche  ;  les  Ails  encore 
véceptsaout  14  pour  y  répondre.  Dans  le  temps  même 
çue  l'envoyé  français,.  Bâcher,  déclarait  à  Bâtis* 
boitne  de  pou  veau  que  jamais  la  France  n'étendrait 
•e*  frontières  au-delà  du  Rfcin,  la  placç  de  Wései 
jut  arbitrairement  occupée  et  choisie  pour  chef- 
lieu  ^e  la  vi*gt«çioqirià»e  jîlvision  militaire. 


Digitized  byVJ OOQ IC 


si*»*»*  ««  mu*  •-        *** 


U*  dispo^au*  d«  M  wafédrfraiio»  Al  JUa» 
itsWnt  dirigées  aum  fr^n  «Mtr#  ift  Pf  Uꧣ  qMMltl* 
l'Autriche  ;  car  tantes  les  deux  TOJjmfPjr  tiait  Wtt» 
idlies  jwturçh,  taadJ* que  *jb§tfteît  lç«f>Jf^«b«in- 
#&  ♦»  itmetaift  psét*  à  99  d&Jtfgr  «eatrt  fiU*»  mi 
j*aj»w  &M*  «jwlft  fm*»*  N»^é$m>mik  ju* 
4jm  là  reJtena  Lç  roi  Fr^^k^iU^mf^  par  Vidé* 
4pyfra  pcHirrgU  *&d>Ûr  m  tllwm  <ki_*mi  mmw  «# 
prote«lia»t  qui  &nbr*mmt  twt  k  sord  4«  l'Att**  M 
afflue  «  d'a&rès  l&  modèle  <de  la  &&&d#£&tklB  Ai 
Jtyûç  ;  maàs.dfipiii*,  celte  4U*wç<!  «r#it  #4  fqfftfq. 
If  flanovre  roit^.WMta  à l^Ogl^r^j  de  j4W| 
Wut  «  <jui  pouvait  mortifier  k  Prwfe  $t  lui  fw*H 

$Rei*n  psupje  io4épwdart  f  /ut  €WM  martre  41e  j 

Aiera,  ^nfia,  Je  wj9  ^rj-ité#  aut  {jj*e  rfcowœw  4*  #>% 

f^upte  nepquyaît^ou^ir  plu*  j^^tanf?  de*  affrète 
delgpfrtdWiasûleotéira^^ 
tpptoudirort  è  lejftr -i9ît  U  wiget.de  Ja  Fwwce  qu'elle 
retirât  ^trompes  de  l^Ulewi^JW,  g»  elte  ^«t* 
«no  otatacle  à  vue  4Jta**iœ du  aordçt  gi*e  W&4 
«t  fpt  pa»  occupe  p$r  les  Ff&qçais*  Oomm  fcwis  cm 
artiete*  forwt  réfuta*  la  tVu#*ç  déclara  la  {pierre* 
C'était  k  poirttd'bapn^ur  qui  avait  deuiaodé  piç  <j£. 
«tôaq  à  prompte,  «et  il  voyait  pi*ayer  au  uw>«dfc 
<ju>^uw  autre  impulsa  ae  l'avait  iioanne;  caf, 
iptilglie  U4>a  vftut^u^  ûuç  sait  upç  laite  *  il  «*  dfi, 


Digitized  byVJ OOQ IC 


612  SEPTifenB  époque.  1648—1838.  , 

cas  où  Ton  ne  peut  la  refuser  sa  as  ignominie.  La  Prusse 
n'avait  aucun  alité  sur  le  champ  de  bataille  ;  mais  la 
Saxe  était  à  moitié  décidée ,  la  paix  avec  l'Angleterre 
et  k  Suède  n'était  pas  complètement  arrêtée ,  et 
Tannée  russe,  qui  pouvait  prêter  des  secours  réels, 
était  sur  lej  frontières. 

Napoléon ,  à  cette  déclaration  de  guerre ,  dit  : 
«  que  son  coeur  souffrait  de  voir  le  génie  du  mal  con- 
tinuellement remporter,  et  être  sans  cesse  occupé  à 
renverser  ses  projets  pour  le  repos  de  l'Europe  et  le 
bonheur  de  ses  contemporains.  »  Alors  il  rassembla 
ses  armées,  qui  étaient  toutes  prêtes  en  France  et  en 
Souabe,  et  se  dirigea  vers  les  passages  de  la  forêt  de 
Thuringe.  Au  nord  de  cette  forêt  étai  tla  grandearmée 
prussienne  soins  les  ordres  du  duc  de  Brunswick,  vieil- 
lard de  soixante-douze  ans ,  qui  avait  des  généraux 
désunis  entre  eux.  Une  très  petite  portion  de  Farinée 
prussienne  seulement  avait  pris  part  à  la  guerre  de 
la  révolution,  et  avait  appris  à  connaître  la  rapidité 
entraînante  des  nouvelles  guerres  des  Français  )  la 
plus  grapde  parti*  s'était  laissé  engourdir  par  qua- 
rante-trois ans  de  paix ,  et  parce*  que  l'échafaudage 
des  institutions  de  Frédéric-le-Grand  subsistait  en- 
core, ils  se  tenaient  remplis  d'une  confiance  d'autant 
plus  dangereuse.  Ce  n'est  pas  que  le  courage  et  la 
capacité  manquassent  dans  beaucoup  d'individus; 
mais  il  n'y  avait  point  là  un  génie  énergique  qui 
«nît  ce  grand  toift.  Aussi  arrira-f-îl  ce  que  les  plus 
timides  n'auraient  jamais  pu  croire  possible,  c'est 
qye,  comme  dans  les  guerres  de  l'ancien  monde1,  un 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


CAMPAGNE    DE    4806.  513 

seul  jour  de  malheur  décida  dû  sort  Hé'tout  un  em- 
pire. :  :  ~  *•  '      — 

Le  10  octobre ,  le  prince  Lckrfe-Férdinand  de 
Prusse  s'engagea ,  par  son  trop  grand  désir  d'en  ve- 

'nir  aux  mains,  d.ifts  une  affaire  fort  inégale  à  Saalfeld  ; 
il  resta,  du  reste,  lui-même  sur  le  champ  de  bataille. 
Biais  ce  combat  malheureux  ouvrit  aux  Français  le 

*  passage  de  la  Saal  ;  alors,  s'avançant  avec  une  force 
imposante,  ils  enveloppèrent  l'aile  gauche  des  Prus- 
siens et  la  coupèrent  de  la  Saxe  ;  dès  le  13  octobre 
Davoust  occupait  Naumbourg.  Les  provisions  des 
Prussiens  furent  perdues,  et  la  plus  grande  disette 
se  fit  sentir  dans  leur  armée;  de  là  des  désordres  et 
des  défaites  inévitables.  Ainsi,  ils  se  virent  forcés  de 
combattre,  ayant  en  face  d'eux  la  Saal  et  l'Elbe, 
qu'ils  devaient  avoir  endos.  Aussi  l'armée  était  vain- 
cue avant  la  bataille.     . 

Batailles  d'Iéna  et  d'Auerstaedtv14  octobre  1806. 
—Une partie  de  Parméeprussienne  étaità  Auerstaedt, 
sous  le  commandement  du  duc  de  Brunswick,  et  l'au- 
tre, sous  celui  du  prince  de  Hohenlohe,  était  à  Iéna 
et  .Vierzehnheiligen  ;  mais  sans  aucun  moyen  d'union 
entre  elles.  Aussi  furent-elles  attaquées  et  vaincues 
le  même  joug.  Le  maréchal  Davoust  combattit  à 
Auerstaedt  et  Napoléon  à  Iéna.  Dès  le  commence- 
ment de  la  bataille ,  le  duc  de  Brunswick  fut  renversé 
mort  d'un  boulet  de  canon  ;  sa  mort  dérangea  et  mit 
en  confusion  le  plan  de  bataille.  La  valeur  de  quel- 
ques régiments  particuliers  ne  put  suppléer  à  une 
coopéstton  du  tout  et  rendre  la  confiance  à  la 
t.  h.  36 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


W  tErnkm  *****.  4644— I8S8. 

niable  cfe  lamée;  eotaqrée  de  pliw^if  cftfe,  ftfte 
plia  et  voulut  se  retirer  sur  Weimar,  afin  de  treç- 
jçr  uo  appui  dans  le  corps  de  Hobeplphe-,  nç  sa- 
chant pas  que  cette  armée  éprouvait  le  pâme  ipafc- 
fceur  dans  le  même  moment,  Mai*  hientât  ellen'e? 
fat  que  trop  bien  instruite;  car  le  désordre  était  si 
grand  de  tous  côtés,  que  dans  la  nuit,  pendant  que 
l'armée  fuyait  de  Auerstaedt  sur  Weimar,  elle  jçrç- 
çontrç  une  partie  de  l'autre  qui  voulait  se  sauver  dp 
\VeuuarsutAuersfcedt. 

Dix  jours  après  la  hatyiUe  d'Iéna,  Napoléon  «9tç*ft 
dans  Berlin;  quarante  jours  aprè*  le  coma&enççiitfftf 
de  la  guerre ,  il  était  sur  laYistule,  et  toute  l'étendue 
d'un  royaume  peuplé  de  neuf  millions  distants 
et  s*mé  d*  quantité  *  dç  villes  fortes  avait  été  te 
fruit  d'upe  çeufe  bataille,  dans  laquelle  um  armée 
qui  passait  pour  la  plus  belle  de  l'Europe  $vait  ét^é 
anéantie.  G*  qui  pfou¥e  que  les  prtqripau*  étais  de 
J*état  avaient  yieiUij  car  la  çrqyanjte  4$  \'m  #tait 
déposséder  4^ w^utioi^ac<wttpli^ay^ ^ né- 
gliger 1^  surveillance  9  ç|  il  £*llut  un  ^pouvaatal^ 
ipalheur  pour  détw&fe  Qftt*  crqyanca*  rév^iU**  fc* 
tarrriti  et  rafraîchir  l^ferces* 

Çrtte  ptwpt*  <?<*h|u#*  &ft  ém»  jf^ssif^  9  Ur 
^IWl'çinpçreuf  ne  * '«tteqdttt  pa»,  avait  wrefeé 
4e  so*  esprit  tout  Wt*  4e  modératioa  et  e«cfté 
i|çAfa^^ucespow  up  empire  wuâborMep.  Il  déplaira 
à  perlm  qu'ft  n>l?an4oi»é*ait  pa?  U  ville  ^on  pltp 
qw  la  Vitale  ayaot  qu'il  eût  conquis  une  pai*  gé- 
«ctalVi  «^  p'*#  Ws«  de  Perlin.qp'U  ^  lç  $u«$K¥ 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


ci***GSB  »*  4897*  ,  Mil 

4fcfer<ftdii  21  novembre  i806,  contre  te#  Anglais; 
c'est-à-dire  son  fystèthe  continental,  pair  teqUel  il  dé* 
idarait  tous  les  états  de  la  Grande-Bretagne  ed  état 
de  siège,  défendait  tout  commerce  et  métfte  toute 
lettre  de  change,  faisait  saisir  toute»  tes  possessions 
des  Anglais  sut  la  terre- fermé  et  tous  les  Vaisseaux 
que  l  .On  pourrait  arrêter  qui  auraient  seulement  une 
fois  touche  en  Angleterre.  Une  raeiure  si  énergique 
devait  ruiner  de  fond  en  comble  le  commercé  ari-» 
fiais  ;  cependant  il  en  fésultp  de  grands  ratait*  pont 
le  continent.  L'Angleterre ,  à  qui  tout  14  reste  du 
monde  se   trouvait  ainsi  ouvert ,  de  fit  Un  nouveau 
moyen  de  commerce  et  s'empara  de  toutes  les  colo- 
nies de  l'Europe»  tes  cultiva  avec  le  plus  grand  sont 
4t  tira  «es  bois  do  construction  pour  sa  marine  dfc 
(Canada  et- de  l'Irlande,  au  lieu  de  les  tirer  du  nord 
4e  l'Europe.  L'Europe  au  contraire  vit  ton  commerce 
languir  et  tomber,  et  si  son  industrie  put  lui  fournir 
certains  objets  qu'elle  aurait  sans  cela  tifës  d'Anglet-  « 
ferre  ,  cependant  elle  ne  put  y  tfOwvef*  un  Aédito- 
aoagepaertt  pour  là  perte  de  tout  son  commerce  far 
»er  (*). 

..  Batailles  d'Ejdau  el  de  Fiâedknd.  8  février  et 
,44  î»in  4807.  —  Les  restes  de  l'armée  prussienne,, 
sotrô  les  ordffs  de  Kalkreuth  et  Lestoçq,  éprouvés 
parles  dures  expériences  du  more  derme? ,  délivrés 
de»  lâches  et  des  faibles  qui  pouvaient  se  trouver 


f)  Cependant  U  a  été  prouvé  et  avoué  depuis ,  que  si  le  système  eût  pu 
hre  prolongé  et  eiaetement  observé ,  f  Angleterre  était  perdue.      If.  T. 

33. 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


546  septième  époque.  4648—4838. 

parmi  eux  *t  réduits  à  une  petite  troupe,  mais  une 
troupe  de  héros,  se  réunirent  aux  Russes,  qui  alors 
paraissaient  sur  le  champ .  de  bataille.  Après  plu» 
sieurs  affaires  en  Pologne  peu  décisives,  quoique 
sanglantes ,  la  guerre  se  porta  en  Prusse  et  les  deuaç 
armées  livrèrent  à  Eylau,  non  loin  deKœnigsberg, 
une*des  plus  sanglantes  batailles,  le  7  et  8  février, 
par  le  froid  le  plus  piquant ,  au  milieu  de  la  neige  et 
de  l'hiver.  Deux  cent  mille  hommes  luttaient  avec 
les  plus  furieux  effortsjes  uns  contre  les  autres ,  tau* 
dis  que  la  nature  rendait  encore  le  désastre  plus 
épouvantable.  L'élite  de  la  garde  française  y  fut  sa- 
crifiée sans  que  la  victoire  fût  gagnée.  Les  Russes 
combattirent  avec  une  valeur  inébranlable ,  et  les 
Prussiens ,  sous  les  ordres  de  LeStocq ,  arrivant  fort 
à  propos  au  secours  de  l'aile  droite  fortéhient  pres- 
sée, repoussèrent  les  dernières  attaques  des  Fran- 
çais avec  une  valeur  héroïque.  Les  deux  armées  res^ 
.  tèrent  sur  le  champ  de  bataille  et  toutes  deux  s'at- 
tribuèrent la  victoire.  En  réalité ,  l'avantage  était 
plutôt  du  côté  des  alliés ,  et  Ton  croyait  "générale- 
ment qu'une  nouvelle  attaque,  le  troisième  jour,  ne 
manquerait  pas  de  foirer  les  Français  à  faire  retraite; 
mais  le  commandant  russe ,  lé  général  Benningsen, 
crut(Ju'il  nek  devait  pas  demander  à  so#  armée  déjà  si 
fatiguée  *les  efforts  surhumains,  et  il  se  retira  sur 
Kœnigsberg.  Les  Français  de  leur  côté  rentrèrent 
aussi  dans  leurs  anciennes  positions  mv  la  Passargue , 
et  il  y  eut  une  espèce  de  repos  d'environ  quatre  mois, 
pendant  lesquels  les  deux  armées  cherchèrent  à  féu- 


Digitized  byVJ OOQ IC 


CAMPAGNE    DE  4807.  517 

iiîr  de  nouvelles  forces.  La  malheureuse  Prusse  eut 
effroyablement  à  souffrir,  accablée  par  plus  de  deux 
cent  mille  soldats  étrangers. 

Napoléon,  pendant  ce  temps ,  poussa  avec  activité 
le  siège  de  Dantzig ,  place  forte  qu'il  avait  laissée  der- 
rière lui  et  qui  était  la  clef  de  la  mer  Baltique.  Le 
général  Kalkreuth  y  commandait  et  il  se  défendit 
jusque  dans  le  mois  de  mai  ;  mais  quand  il  eut  perdu 
toute  communication  avec  la  mer  et  tout  esppir 
d'être  secouru,  il  se  rendit  sous-des  conditions  très* 
honorables,  le  S&mai.  Les  Russes  et  les  Prussiens, 
après  avoir  négligé  le  moment  décisif,  vinrent  atta- 
quer les  retranchements  de  l'armée  française  à  la 
Passargue.  Us  y  combattirent  avec  une  valeur  digne 
d'éloges;  mais  l'ennemi  était  renforcé  des  trente 
*  mille  hommes  qui  assiégeaient  Dantzig,  et  protégé  par 
de  forts  retranchements ,  de  sorte  qu'il  put  facilement 
repousser  leurs  attaques  et  même  bientôt  prendre 
l'offensive.  Des  combats  sangla  rit#et  continuels  furent 
livrés  tous  les  jours,  depuis  le  5  juin  jusqu'au. 12 ,  jour 
de  la  bataille  décisive  de  Friedland.  Ce  furieux  com- 
bat dura  depuis  le  matin  jusqu'au  milieu  de  la  nuit 
suivante.  Pendant  la  plus  grande  partie  de  la  journée, 
la  victoire  fut  du  côté  des  Russes  ;  ils  s'en  félicitaient 
et  négligèrent  la  vigilance  nécessaire  même  au  vain- 
queur. Mais  au  milieu  du  jour  arrivèrent  sur  le 
champ  de  bataille  le  corps  d'armée  de  Ney  et  de 
Victor  et  la  gard*  de  Napoléon;  cette  sanglante  jour- 
née fut  alors  décidée;  les  Russes  furent  refoulés  de 
tous  ootés  sur  l'Aile  et  ils  se  retirèrent  dans  leur  pays  f 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


• 


8*8  sepohèmi  époque.  4646—4858. 

vers  le  Niémen.  Le  19  juin  Napoléon  fifrson  entrée 
dansTilsit,  la  dernière  ville  de  Prusse;  et  dftsle  M 
son  armeV  occupait  Kœnigaberg. 

FaixdeTilsit ,  les 7  et  9 juillet  1807- -«Une  confé- 
rence antre  les  deux  empereurs  -celui  d'orient  et  eehd 
iTbceident  amena  promptemtnt  la  paix,  décida  da 
tbânembrement  de  la  Prusse  et  fixa  la  marche  du 
l'Europe  pour  quelque*  années.  Napoléon ,  Hrçitrç 
ttyp  l'artificieux  usage  de  la  parole,  sut  persuader 
à  l'empereur  Alexandre  que  son  unique  but  était  la 
jiaix  du  continent  et  que  ses  efforts  tendaient  unit* 
<piement  à  mettre  les  cotes  à  l'abri  de  Tinsolenfe 
anglaise,  pour  obtenu*  enfin  la  liberté  de  la  mtf* 
Il  feignit  dono  d'avoir  un  grand  désir  de  lier  une 
solide  amitié  avec  la  Russie  ;  ai*  que  oes  dçux  puife 
aapèfg  étaat  d'accord ,  disait-il,  elles  puissent  donner 
le  bonheur  $  l'Europe ,  puisque  aucune  guerre  m 
pourrajt  s'y  élever  sans  elles  ox*  contre  leur  volonté* 
Ainsi,  dans  eetto  paix,  Cattara ,  Raguse  et  les  sept 
îles  (de  la  mpr  Ionienne)  furent  abandonnés  par  la 
ftnasie  à  la  Frariœ,  qui  lui  donna  pour  compensa^ 
tkui  quatre  eent  mille  habitants  de  la  Prusse  pok* 
osaise;  f%  Fredario-Guilkome,  que  l'an  ne  pouvait 
plus  guère  appeler  du  mon  de  roi,  fut  obligé  d'ad4 
hérar  à  ces  dures  c^ditions.  Il  perdit  la  moitié  de 
son  empire  et  cinq  millions  d'habitants  ;  entre  autres 
surtout,  la  ville  de  Oantzig,  qui  fut  déclarée  ville  libre, 
-et  là  protnace  polonaise,  qui  fut  «Mgée  ea  grandh 
duché  è»  Yvmiïi*>  èmt  te  roi  dé  Saxe  fut  i*mu*4 
grwtkduc  Nom  *¥«ns  déjà  vu  un*  (om  h 


Digitized  byVJ OOQ IC 


«ktt  DBtitirr.  54# 

èe  Saxe  régnerez  Pologne.  Ainsi,  Prëdëriê-AUgdstë  > 
qui  «'était  déclaré  neutre  trois  jours  après  là  bataille 
dléna  et  s'était  empressé  de  faire  ensuite  alliance 
avec  la  France ,  était  maintenant  roi  et  membre  de 
k  confédération  rhénane. 

Plus  tard  la  Prusse  perdit  tous  lés  pays  entre  l'Elbe 
et  le  Rhin.  La  plus  grande  partie  de  cette  distractiôh 
ftit  frite  pour  former  lé  ntotteautoyaumfedé  West- 
phaliè  j  qu'il  donnait  à  son  pins  jeune  frère ,  Jérôme» 
Il  y  ajouta  encore  une  partie  du  Hanovre ^  le  duch^ 
de  BfrUnftriicfc,  dont  le  duc  avait  commandé  l'armés 
prutaieitoe,  et  la  principauté  de  Hesse.  Ainsi  le  ter- 
rible bab  fut  prononcé  contre  là  maison  de  Hesse; 
«  elle  cessera  de  régner ,  disait-il ,  pour  s'être  toujours 
moptrée  ennemie  de  la  France,  et  encote  dans  dette 
guerre  avec  la  Prusse ,  pour  avoir  pris  une  position 
équivoque  ;  »  et  cependant  la  Hesse  avait  d'elle-même 
gardé  la  neutralité.  Le  pays  fut  tout  d'un  coup  as- 
sailli y  Télecteur  chassé  de  6a  capitale  et  réduit  à 
fuir;  et  le  nouveau  roi ,  un  étranger,  à  la  honte  de 
tente  l'ÀlUfiiiag&e  *  y  «titra  en  triomphe  et  tint  ré- 
gft*fr  sur  de§  peuple*  alttftâtnd£,  lés  descendante  des 
8*mnè  et  des  ùMeé. 

Le  rdîFrttWfic-Gnfllauttïé  K'avartcorfservéqu'trh 
petit  nombre  de  sujets,  rrfâiàf  (fêtaient  des  htiintuës 
idèles  et  dévouée.  Ce  ne  lût  pas  non  plus  sans  cun- 
tfolatwn  qu'il  apprit  qtie  trois  de  ses  places  fortes, 
Coiberg,  Grattdeftst  et  Pitléu ,  n  avaient  voulu  con- 
'  tester  il  aocan  «ecctmmodéfeieiit  avec  l'ennemi;  que 
quantité  d'autres  en  Silésie  ^étaient  dé&hdùés  cl'tttiè 


Digitized  byVJ OOQ IC 


520  septième  iPOQtw.  4648—1838. 

maqière  tout-à-fait  honorable ,  et  que  deux  d'entre 
elles  Gosel  et  Glaz  n'étaient  pas  même  encore  au 
pouvoir  de  l'ennemi.  Dans  Graudenfe  commandait 
le  vieux  Courbière  qui,  lorsque  les  Français  le 
sommèrent  de  se  rendre  et  lui  représentèrent  que  le 
roi  qvait  perdu  son  royaume  et  passé  de  l'autre  côté 
du  Niémen,    répondit  :  a  Eh  bien!  alors  je  veux 
être  roi  dans  Graudenz.  »  Le  roi  avait  envoyé  le 
général  Gneisenau  prendre  le  commandement  dans 
Colbçrg ,  sachant  bien  d'avance  qu'il  envoyait  dans 
la  ville  un  homme  solide  qui  ne  se  laisserait  jamais 
ébranler;  en  outre ,  parson  ordre,  le  lieutenant Scbill 
et  plusieurs  autres  chefs  levèrent  dans  le  pays  des 
volontaires  qui  tourmentaient  l'ennemi  fort  loin  au- 
tour de  Golberg. 


Soulèvement  de  l'Eipagne. 

Cependant  Napoléon  à  son  retour  à  Paris  apporta , 
comme  marque  de  son  triomphe,  le  char  de  victoire 
de  Tune  des  portes  de  Berlin  avec  l'épée  du  grand 
Frédéric  ;  et  de  même  qu'il  avait  fait  construire  un 
pont  d'Austerlita  dans  sa  capitale,  il  y  eut  aussi  un 
pont  d'Iéna,  Sa  domination,  par  cette  nouvelle  pair, 
était  élevée  à  un  si  haut  point  de  gloire  et  de  solidité 
qu'elle  seniblaifrati*  yeux  (tes  hommes  être  inébran- 
lable; et  celui  qui  aurait  voulu  prédire  qu'avant* 
quelques  années   ces  Prussiens   foulés   aux   pieds 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


SQtfrèvSpSpT    DE    L  ESPAGNE.     .  8§l 

iraient  reprendre  à  P^ris  ce  ebar  de  la.  Victoire*  les 
armes  à  la  main,  aurait  été  certainement  jegaFdé 
comme  un  visionnaire  insensé* 

Pour  qui  connaissait  l'esprit  de  Napoléon  et  sa 
manière  d'agir,  il  était  facile  de  deviner  qu'il  ne 
demeurerait  pas  oisif  et  que  son  esprit ,  justement  à 
cause  de  là  paix,  serait  occupé  de  nouvelles  conquê- 
tes ;  et  que ,  puisque  dans  s^rapides  campagnes  il  avait 
vaincu  les  puissances  de  Test  et  les  avaitaffaiblies  pour 
long'  temps,  il  allait  désormais  se  tourner  vers  l'ouest  ; 
mais  personne  encore  jusque  là  n'aurait  pu  le  croire 
$ussi  traître  et  sans  pudeur  qu'il  se  montra  à  l'égard 
de  l'Espagne.  La  maison  royale  d'Espagne  avait  été 
longtemps  fidèle  alliée  de  la  France  et  avait  même 
perdu  sa  puissance  maritime  et  ses  îles  dans  la  guerre 
contre  les  Anglais  ;  or  pour  récompense  d'une  telle 
fidélité  il  iqi  fallut  encore  perdre  le  trône.  Na- 
poléon sut  profiter  avec  adresse  et  perfidie  des  dis- 
sensions qui  existaient  dans  la  famille  royale,  entre 
le  père  et  le  fils,  et  il  décida  le  vieux  roi  Charles  IV , 
affaibli  par  l'âge,  à  déposer  la  couronne,  au  com- 
mencement de  1808 ,  et  à  la  transporter  sur  sa  tête  ; 
puis,  il  attira  par  ruse  son  fils  Ferdinand  de  l'autre 
côté  des  frontières  à  Bayonne,  et  le  força  aussi  lui  à 
renoncer  au  trône.  On  ne  lui  laissait  du  reste  le 
efeoix  qu'entre  l'abdication  pu  la  mort,  et  le  jenne 
prince  préféra  la  vie  et  la  captivité  m  France.  Mais 
son  peuple  ne  fut  pas  si  patient.  Quand  Napoléon, 
dans  la  joie  des  succès  de  sa  trame,  eut  aussitôt 
nommé  mm  frère  Joseph  roi  d'Espagne  (son  royaume 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


MM  fgrtitefl  Êxxgj*.  MMttwf896. 

êë  Nipled  pesa*  au  gKtnddticdeBerg,  et  plus  taré  ta 
gttnd-dûehé  de  Berg  au  prince  héritier  de  Hollaade)} 
alors  les  Espagnols  ,  dans  nné  juste  colère ,  prirent 
les  mines  en  ftveur  de  leur  roi  opprimé. 
'  Ce  peuple  se  montra  dès  le  commencement  de  sort 
fcittoire  passionna  pour  la  liberté ,  toujours  trêsd£ 
Beat  sur  le  point  d^onttêar,  enflamme  «futt  beati 
fou  pou*  «ett  tel,  se  pairie  et  sa  religion)  et  td 
witçre  se  montrera  de  nos  jours.  Ils  n'étaient  point 
>  1»  vérité  habitué*  sm*  nouveau  genre  de  guerre  et  fl* 
Aimit  écmé*  de  tous  cAté»  pur  les  armées  ftençftfott 
dans  tes  bntaillestangétw  j  mais  quoique  vaincus,  91 
no  forent  Jamqis  soumis,  Pi^fttent  des  àtantages  et 
leur  temîn,  qui  n'était  que  montagne*  et  Hêtt* 
incultes  on  villes  et  murailles,  ils  Ont  couvert  leut 
sol  des  oorps  d'une  foule  innombrable  d'ennèrtfc 
dans  «ombre  de  rencontres  particulière*.  La  guette 
d'Espagne  a  coûté  la  vie  à  cent  mille  Français,  et 
quantité  d'Allemands  que  Napoléon  y  avait  entrai net 
y  trouvèrent  aussi  leur  tombeau;  biais  il  faut  avouer 
qne  k*  Espagnols  refnrent  de  très  importants 
soceun  d'Angleterre,  en  hotomes  et  en  armes*  et  de 
plue  grands  encore  dan*  1*  personne  au  grand  gé*- 
ner si  Wellington  t  dont  la  tactique  habile  et  ssge 
ai  kmg-te*»ps  défendu  avee  les  pins  faibles  moyens 
la  péninsule  ibérique,  et  Ta  reconquise  pas  à  pas; 
jusqu  *  ce  qu«  les  grands  événements  de  Russie  et 
d'Allemagne  raient  appelé  eo  France  de  l'autre 
côté  de»  montagaes. 


Digitized  byVJ OOQ IC 


feàlfftAttS  Bl  itOft»  Ml 


Ctaerré  d'Autriche.  1809, 


'  De  même  que  la  Prusse  en  1806  n'avait  écouté 
que  la  voix  de  l'honneur,  et  que  dominée  entièrement 
par  ee  sentiment  die 'n'avait  trouvé  aucun  offert 
trop  grand,  aucun  sacrifice  trop  pénible,  auettflf 
pa*lheur  trop  douloureux  pdur  chercher  à  venger 
Je*  affronts -de  T insolence  française)  ainsi  l'Autriche; 
entraînée  contre  la  France  par  une  pareille  impoli 
«ton  se  crut  obligée  de  a'eegager  dans  une  nouv«lk| 
guerre  ,  en  1809.  A  la  véîté  elle  n'avait  pps  eu  à 
n&uflHr  par  elle-même;  mais  tout  autour  dfetté 
avait  souffert  opprobre  ou  ruine.  Le  vieil  u'^plif 
?vait  disparu ,  un  nouveau  trdne  avait  été  <fl**4 
pour  un  étranger  au  cœur  même  de  V Allemagne j 
et  le  reste  du  pays  était  de  plus  eu  plut  étroitetaett 
•saervi  à  son  ennemi.  Eilfin  l'ancienne  maisM 
rojale  d'Espagne  avait  été  renversée  du  trône  nom 
tre  toute  raison,  à  moins  que  désormais  il  ne  doive 
régner  aucune  justice  parmi  les  peuples.  Que  pou- 
vait-il donc  maintenant  j  avoir  de  certain  et  cp4 
pouvait  fonder  sa  sécurité  sur  son  ancienneté?  Dé 
plus  ,  Napoléon ,  dans  l'été  1808,  avant  de  passe» 
en  Espagne  r  avait  eu  une  conférence  à  Effort  avee 
Venapereur  Alexandre ,  et  renoué  plus  fortement  en* 
eore  les  liena  de  leur  alliance.  Il  semblait  donc  que 
la  Russie  et  la  France  voulaient  s'arroger  1  elle* 
seule&le  droit  d'arbitres,  de  l'Europe;  et  PÀufriefee* 
qui  pendant  des  siècles  en  fut  le  point  eeatrvk; 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


W*  ssPTiÈMB  époque.  4448— » 4858. 

n'était  plus  considérée  pour  rien.  Elle  ne  pouvait  le 
souffrir  avec  patience,  car  au-delà  de  certaines 
Wrnes  la  patience  devient  ignominie;  La  déclaration 
éfcgttèrrè  de  l'Autriche  était  très  honorable  et  tout 
èrfoit  noble  et  généreuse;  puisqu'elle  entrait  seule 
9$i  le  champ  de  bataille,  ne'  comptant. que  sur  ses 
propres  forcer. 

*  Du  reste  ,  TAutriclte  sentit  fort  bien,  cette  fois, 
qu'elle  ne  pouvait  compter  pour  son  salut  s\ir  son 
armée  régulière^  elle  voulait  une  guerre  dans  sa 
plus  grande  extension,  une  guerre  de  peuple.  Elle 
Convoqua  les .  gens  de  bonne  volonté ,  forma  des 
Lindwehr ,  parla  avee  enthousiasme  au  cœur  de  son 
-peuple  et  de  tous  les  Allemands;  elle  plaça  les  no- 
blés  princes  de  la  maison  royale  la  tête  de  l'armée  $ 
et  mit  en  mouvement  toutes  les  forces  de  ses  riches 
ifcbfeUes  provinces,  comme  elle  ne  l'avait  encore  ja- 
mais <ttfc{  et  si  le  salut  et  la  liberté  d'un  peuple 
pouvaient  être  obtenus  par  son  unité,  celui-ci  aurait 
dû  les  conquérir  alors. 

Mais,  comme  en  1806 ,  l'Europe  en  1809  n'était 
pas  encore  mûre  pour  sa  délivrance;  il  fallait  que 
le  feu  de  purification  pénétrât  partout  et  mît  tout 
à  vif;  il  fallait  que  la  misère  générale  grossît  indé- 
finiment pour  que  tout  sentiment  d'égoïsme  fût  dé-» 
posé,  ft  que  l'histoire  du  monde  pût  présenter  le 
grand  et  rare  spectacle  d'une  guerre  sainte  dans 
laquelle  tous  les  peuples  de  l'est  et  de  l'ouest,  du 
nord  et  du  sud,  se  lèveraient  comme  un  seul  homme, 
réuni* pour  la  liberté,  l'honnenr  et  la  vertu. 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


CAMPAGNE  ï*  480fc  6^5 

Quel  cœur  allemand,  à  qui  la  patrie  est  plus  chère 
que  tout  autre  bien ,  pourra  jamais  oublier  de  quels 
sentiments  d'espérance  et  de  crainte  il  était  agité 
pendant  cette  guerre  de  1809?  de  quelle  fureur  â 
Vest  senti  animé  quand  l'odieux  ennemi  s'avança 
avec  son  armée ,  dont  l'élite  était  composée  dç&  fédérés 
du  Rhin?  Qui  pourra  oublier  comment  avec  le  brâà 
*  vaillant  de  ces  Allemands  il  força  à  ^retraite,  pat 
de  sanglants  et  continuels  combats,  Tacmée  autri- 
chienne qui  avait  pénétré  jusqu'en  Bavière?  Alors, 
dans  son  orgueil,  il  déclara  qu'avant  quelque  mois  H 
voulait  être  dans  Vienne.  Ce  furent  des  jours  bier* 
déplorables  que  ceux  de  Pfaffenhofen ,  Tânn ,  Abêti* 
bërg,  Landshut,  Eckmuhl  et  Ratisbonne.  On  combat- 
tit a  vee  beaucoup  de  coujage  et  de  gloire ,  du  19  au  $5 
avril,  niais  ave*  de  grands  revers  pour  PÀutricliei 
parce  que  l'armée  avait  pris  beaueoup  trop  de  déyfr 
loppement  et  que  Napoléon ,  comme  toujours,  avait 
réuni  dur  un  seul  point  l'effort  terrible  de  son  attaque. 
Alors  il  avait  soin ,  avécl'éltte  deses  troupes  et  surtout  * 
avec  sa  cavalerie  dont  la  plus  aguerrie  était  autour  àè 
lui,  de  se  jeter  tantôt  d'un  coté,  tantôt  d'un  autre; 
puis  de  recommencer  tout  d'un  coup  une  nouvelle 
attaque  ;  de  sorte  qu'avec  lés  mêmes  troupes  îlmeHpit 
le  désordre  dans  fous  les  rangs  autrichiens.  H  faut 
convenir  aussi  que  dans  cette  occasion  brillèrent 
au  plus  haut  degré  ses  talents  militaires.  On  lé 
voyait  priver  là  où  le  danger  était  le  plus  gnmd,  fei 
sa  présence  décidait  k  victoire;  il  ne  reposait  nt 
jour  ni  nuit,  et  difficilement  dans  le  cours  de  toui 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


DU  SEPTifcM  |ra*ri*  4418^-1838. 

Atari*  de  ta  purtd'un  seul  homme  et  de  tant  d'actions* 
dm*  l'espade  de  quelques  jours  et  quelques  riait*, 
ffentf  lâs  Soldats  dé  la  landwefar  autrichienne*  qui 
11*  oMBaUmtent  pas  encore  la  guerre,  les  régiments 
À  tuirqaBkto  étaient  les  plus  terribles  adversaires; 
iMHt Mo  ub  ouragan  qui  fait  trembler  la  terre ,  leurs 
tflfrojables  qscadrens,  terrée,  entourés  dé  fer ,  a  Fa- 
lui  des  balles  et  des  coup* ,  ainsi  du  moins  pana* 
Sâkutl-ili  à  noi  guerriers  qui  rie  lès  avaient  jamai* 
tfttf*  se  jetaient  mr  eux  en  niugissànt  ;  et  ctvtt-é 
Afl  vatncuaavant  l'attaqua  v  ëfofarék  et  frapjpét  par 
h»  jrtqx  et  les  oreilles,  laissaient  enfoncer  Imts 
iW&gi*  et  dès  la  première  attaqae  celte  massé  pni* 
•fnto  Culbutait  laits  lignes  et  le»  écrasait  par  mil- 
Jiets<  Mais  bientôt  ees  boiames  énergiques  montré- 
9ejK  qjie  m  n'était  que  la  noaveauté  qui  tes  a**fe 

BatàtUes  ife^Gra^Aspern  *t  d'Essiirig;  S*  st  « 
jfcah—Ledtte  Charles  se  i-eth*  avae  ***  *<*&, 
«Mort  taujrtrs  forte  maigre  les  sanglantes  famées 
fT«*i»l#  ter  la  rive  gauche  du  Danube,  vers  fa  Bë- 
fcAftt*  •*  KspoiëoQ  s*âvataçti  *o*  h  rire  droite  ftrih 
9*1  Yieauftv  I/«*feidub  Maxinrilièn  la  cMfead* 
fi|£$ft&jitob;  omis  une  ville  si  grande  et  presque 
mot  dtifeftse  ne  poevart  soutenir  un  siège,  et  Yentté 
pii^entm^lrlâmaf;  ensile  l'année  française  passa 
)»  DwwVt  pqnfr  marcher  oontie.rarchidaa  Charles 
fft  fmw**  ltdttmar  coup  mir  les  états  autrichien* 
Çefaktefy  #t  Je 3Û  mai  dans  les  it&menscs  piata* 


Digitized  byVJ OOQ IC 


ca*pm>«  pf  48QQ. 

df4^#«q  #  d'E«|iu$  f  non  jojji  du  lie^  mi  44f%  W 
fois  Rodolphe  de  Habsbourg  avait  vaipou  QttycaFi 
roi  d?  Bohême,  que  se  livra  une sanglante  ^t»iUq> 
Napoléon  avait  de  nouveau  compté  sur  l'effroi  fp? 
nausait«a  cavalerie  bardée  de  fer,  et  flt  donner  pw 
f\\ç  dans  plusieurs  endroits  les  plu#  vigoureua**  afe< 
laques ,  pour  renverser  l'ordre  de  bataille  *uM$? 
chien,  séparer  une  aile  de  Vautre  et  vaincre  iap 
différents  corps  ainsi  isolés.  Mais  ce  ne  fut  paa  com- 
me à  Ratisbonncu  et  il  éprouva  qu'i}  y  avait  daq» 
farinée  pins  depron^)titudçt  plus  d' activité  ptplw 
4'art.  L'héroïque  Charles,  dans  le  court  iut*rv*Hf 
depuis  les  malheurs  d'avril,  s'était  partiç*Uèrenw4 
appliqué  k  montrer  à  ses  sqjdats  k  a*  ranger  m  \v* 
taillons  carrés  très  serrés,  sur  lesquels  tua  afcMpg{9ff 
'  de  la  cavalerie  devaient  venir  se  briser  corçuqç  çqntf£ 
«ne  muraille;  et  il  avait  obtenu  d'autaàt  plus  de  &$» 
céç  que  ses  troupes  étaient  remplies  4e  brQqnt  yg. 
ïqnte'  et  de  soumission.  La  cavaferip  vint  do$c  qp 
jeter  sur  ces  carrés;  on  les  laissa  arriver  aveg  sawL- 
froid  jusque   sur  les  premiers  rangs  f n  ésofdr^ 
aerréç,  et  alors  on  tes  reçut  avee  un  si  beau  feu  quf 
dea  rangs  entiers  furent  culbutés  y  de  so^te  que  eeç& 
mémeg  qui  étaient   restés  intacts  forent  ren.V£?a& 
de  chenal  au  milieu  de  la  mél^e  j  pui$  potre  groagf 
cavalerie,  qui  vint  au  secours,  secondée  par  Vin&nr 
terîe ,  u*eut  pas  de  peine  à  forcer  ce*  ççcadrona  ^ 
prendre  la  fuite. 

Cette  fermeté  de  rinfante,rie  autrichienne  ci  \f 
VMkur  $  connue  des  escadron^  de  Jean  de  Uçhtçnfr 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


fc28  5E?TitMÇ  époque.  4648—4858. 

tëin,  et  enfin  l'habile  conduite  du  prince  Charles, 
qui  courait  partout  où  le  danger  l'appelait,  arrê- 
tèrent toutes  les  tentatives  des  Français  ;  ils  furent 
repousses  de  toutes  parts .  Le  village  d'Àspern ,  qu'ils 
avaient  pris  pourpoint  central  3e  leur  champ  de 
bataille,  leur  fut  enlevé.  De  plus,  l'archiduc  profi- 
tant habilement  de  cet  avantage  pour  opposer  un 
nouvel  adversaire  aux  ennemis,  dans  la  violence  du 
courant  des  eaux  gonflées  du  Danube,  fit  lancer  des 
vaisseaux  et  d'autres  machines  lourdement  chargées 
contre  le  pont  de  bateaux  de  Napoléon.  Il  réussit;  Je 
pont  fut  brisé  en  deux,  et  Napoléon  se  trouva  sur  la 
rive  gauche,  coupé  de  Vienne  et  du  reste  de.  son 
armée,  et  il  lui  fallut  recommencer  le  combat,  le  jour 
suivant  22,  dans  cette  position;  tous  ses  efforts, 
toute  sa  tactique  furent  cette  fois  inutiles;  sa  cava- 
lerie, son  infanterie,  son  artillerie  ne  purent  tenir 
contre  la  valeur  autrichienne  et  le  grand  nombre. 
La  bataille  fut  perdue,  et  si  le  maréchal  Masséna 
n'avait  pas  réussi  à  s'emparer  de  la  petite  ville 
d'Essling  ?  dont  les  murailles  lui  servirent  de  rem- 
part pour  assu&er  et  défendre  la  retraite,  toute  l'armée 
française  était  détruite.  Même  elle  eût  été  perdue, 
ont  prétendu  beaucoup  d'écrivains  depuis,  si  le  vain- 
queur aussitôt  après  l'action,  poursuivant  sa  victoire, 
eût  attaqué  l'île  Lobau  sur  laquelle  Napoléon  s'était 
sauvé  et  se  trouvait,  dans  "le  plus  grand  embarras 
jusqu'à  ce  que  le  pont  fût  rétabli  aur  l'autre  bras  du 
Danube.  On  laissa  le  temps  de  rétablir  ce  pont,  et 
il  revint  à  Vienne.  Mais  le  champ  de  bataille  était 


Digitized  byVJ OOQ IC 


CAMPAGNE   PE   1809.  259 

couvert  Ae  ses  morts ,  et  les  Autrichiens  y  comp- 
tèrent trois  mille  cuirassiers. 

Cette  bataille  fit  naître  de  nouvelles  espérances 
dhns  tous  les  cœurs»  Déjà,  en  différents  endroits ,  la 
nation  avait  donné  des  témoignages  sensibles  de  son 
exaspération  et  de  sa  haine.  Dans  le  nord,  l'audacieux 
Schill  se  releva,  et  à  la  tête  de  ses  hussards  et  d'une 
foule  de  jeunes  gens  et  d'hommes  libres  que  l'im- 
patience de  leur  ardeur  lui  amenait,  recommença  de 
nouveau  la  guerre  contre  les  ennemis  du  nom  alle- 
mand. Et  Dœrnberg,  avec  beaucoup  d'autres  Hessois , 
forma  le  plan  de  renverser  de  son  trône  le  roi  usur- 
pateur qui  siégeait  dans  Cassel,  et  de  commencer 
l'œuvre  de  la  délivrance.  De  même  que-Jéjà ,  dans 
la  guerre  de  trente  ans,    Mansfeld,  Christian  de 
Brunswick,  Bernard  de  Weimar  et  d'autres  chefs 
avaient  remis  en  vigueur  la  tactique  des  Germains,  en 
faisantla  guerre  pour  le  parti  qu'ils  avaient  embçassé, 
à  la   tête  d'une  troupe  qui  s'était  rassemblée  au- 
tour d'eux;  ainsi  y  eut-il  alors  des  hommes  qui  se 
sentant  ^au-de  dans  d'eux-mêmes  une  pareille  force 
tentèrent  de  les  imiter ,  animés  du  plus  beau  zèle 
pour  la  patrie.  De  sorte  que  cette  époque  fut,  comme 
celle  de  la  guerre  de  trente  ans,  une  de  plus  extraor- 
dinaires et  des  plus  incroyables  pour  les  faits.  Ce- 
pendant iKy  avait  une  différence  essentielle  j  car  la 
première ,  encore  toute  proche  du  temps  de  la  vio- 
lence ,  avait  bien  plus  de  chances  pour  ce  genre  de 
guerre  que  la  deuxième  qui  venait  après  l'établisse- 
ment des  lois  et  surtout  de  la  landfriede  (paix  du  pays};; 
t.  ri.  SU 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


630  septième  époque.   4648—4858. 

Aussi^  l'obéissance  à  la  loi  et  l'esprit  d'orê?6  public 
empêchèrent  parmi  le  peuple  tous  les  mouvements* 
et  l'entreprise  de  ces  hommes  échoua*  Schill  qui 
avait  perdu  son  temps  à  parcourir  inutilement  te 
nord  de  l'Allemagne,  finit  par  se  jeter  dans  Stral- 
sund.  Il  espérait  sans  doute  de  là  se  sauver  en  Angle-? 
terre  pour  revenir  plus  tard  servir  plus  utilement 
l'Allemagne ,  quand  cette  carrière  malheureuse  dans 
laquelle  il' s'était  jeté,  et  dans  laquelle  il  en  avait 
entraîné  tant  d'autres  lui  serait  devenue  plus  fayo? 
rabie.  Mais  un  corps  de  troupes  danoises  se.  rêvait  , 
aux  Français  et  aux  Hollandais  pour  le  poursuivre} 
Stralsund  fut  attaqué  le  SI  mai,  et  le  malheureux  , 
Schill  suoflpmbasous  les  coups  des  cavaliers  danois* 
La  révolte  de  Dœrnsberg  n'eut  pas  plus  de  succès, 
et  il  fut  obligé  de  se  sauver  avec  ses  amis  de  l'autre, 
côté  des  mers,  sur  les  côtes  d'Angleterre.  Quant 
aux  malheureux  compagnons  de  Schill  faits  prison* 
niers,  ils  furent  victimes  de  la  fureur  et  de  la  ven-  . 
geance  des  Français.  Grand  nombre  furent  exécutés  , 
et  les  autres  traînés  aux  galères  comme  des  criminels* 
Depuis  lors,  la  terreur  et  la  crainte  delà  mort  domina 
tous  les  Allemands  et  enchaîna  la  liberté  de  toutes 
leurs  actions  et  même  dé  leurs  paroles.  Napoléon) 
au  commencement  de  la  guerre,  fit  fusiller,  un 
homme  innocent,  Palm,  libraire  d'Erlangen  ;  parce 
que  ayant  publié  un  écrit  sui1  l'état  humiliant  de 
l'Allemagne ,  il  n'avait  pas  voulu  nommer  son 
auteur.  Cette  action  de  tyrannie  révolta  les  esprits 
en  Allemagne  plus  que  toutes  les  autres,  antérieures 


Digitized  byVJ OOQ IC 


»    oàMpAGME  i**  4809,  551 

et  même  postérieures  ,  et  le  cri  du  sang  innocent 
répandu  n'est  pas  resté  sans  vengeance*  <—  Une  ré- 
volte plus  grave  que  celle  que  nous  avond  vue  dans  le 
nord  de  l'Allemagne*  fyt  celle  des  fidèles  Tyroliens*    % 
commandeur  André  Ifofer,  Straub  et  Spèckbacher, 
Deux  fbis  déjà  leurs bandes  avaient  chassé  lesFran-    « 
ç?is  avec  grande  perte  de  leur  pays»  au  moyen,  de 
cette  tactique  de  guerre  particulière  k  ces  robustes  et 
audacieux  montagnards  et  avec  laquelle  autrefois  les 
Suisses  avaient  humilié  l'olgveil  de  cette  cavalerie 
autrichienne ,  l'élite  delà  noblesse.  Toute  l'Alle- 
magne se  réjouirait  d»  Voir  que  >  sur  chaque  sOranaet 
de  levjrs  montagnes  »  la  liberté  trouvât  une  patrie  ^ 
parmi  des  hommes  qui  parlaient  la  lafegue  aile-» 
mande  ;  et  elle  espérait  que  la  victoire  viendrait 
enfin  couronner  une  telle  constance.  D'autres  espé- 
rances se  montraient  aussi  d'un   autre   coté  f  les 
Anglais  avaient  débarqué  une  flotte  considérable, 
sur  les  côtes  des  Pays-Bas  et  pris  Pile  Walchern.  11 
semblait  que  sur  ce  point  un  grltitl  coup  allait  être 
frappé  contre  la  France.  Mais  toutes  ces  espérances 
n'étaient  encdre  que  des  illusions. 

Bataille  de  Wagram,  5  et  6  juin  t  et  paix  de 
Vienne,  14  octobre*  —  Napoléon,  après  la  bataille 
d'Aspern,  avait  fait  venir  des  renforts  de  Bavièrej 
de  Wurtemberg ,  de  Saxe,  d'Italie  et  d'Illyrie  f  de 
sorte  qu'il  était  en  mesure  de  repasser  le  Danube, 
et  d'attaquer  avec  avantage  l'arcl^duG  Charles.  Le 
passage  s'opéra  pendant  Une  nuit  noire  d'orages  y 
pqrmi  les  éclats  du  tonnerre  j  et  Napoléon  livra ,  le  5 

SU. 


•Digitizedby  VjOOQlC 


552  septième  Époque,  1648—4836.- 

et6  juin,  la  gyande  etdicisive  bataille  de  Wagram. 
Des  tours  de  Vienne  on  pouvait  voir  tine  portion 
de  Tordre  de  bataille ,  le  côté  où  combattait  l'aile 
droite  des  Autrichiens;  et  les  spectateurs  virent 
avec  des  cris  de  joie  sans  fin ,  cette  vaillante  ailedroite 
'  marcher  en  avant,  forcer  tout  à  plier  et  gagner 
un  .grand  terrain  sur  Pennèmi  ;  car  elle  prit  même 
plusieurs  canonset  drapeaux*  Cependant  leurs  belles 
espérances  furent  trompées;  l'aile  gauche  autri- 
chienne était  entouré^  tes  Hongrois  ne  donnèrent 
pas  à  temps ,  ^t  de  ce  côté  les  affaires  furent  en  si 
mauvais  états,  que  le  général  fut  obligé  de  faire* re- 
traite. Six  jours  après  la  bataillé,  une  suspension 
d'armes  fut  contenue,  et  depuis  lors  on  commença 
à  traiter  pour  la  paix. 

Ce  fut  une  terrible  nouvelle  pour  les  Tyroliens, 
Cependant  ils  réunirent  encore  une  fois  tous  leurs 
efforts  et  chassèrent ,  an  mois  d'août,  le  maréchal 
Lefèvre  de  leur  pays,  espérant  toujours  que  FÀlt- 
triche,  excitée  par  une  pareille  constance,  recom- 
mencerait la  guerfe.  Mais  les  malheurs  du  royaume 
parurent  à  l'empereur  François  trop  durs  et  trop 
désastreux.  De  plus ,  l'expédition  des  Anglais  contre 
la  Hollande  eut  une  très  mauvaise  fin.  On  continua 
donc  les  conférences  et  là  paix  fut  résolue.  Pendant 
ce  temps-là,  les  Français  purent  tourner  toutes  leurs 
forces  contre  le  petit  pays  du  Tyrol ,  et  il  fut  en- 
touré de  tous  côtés  comme  une  citadelle  et  pris  d'as- 
saut. Il  fallut  emporter,  l'un  après  l'autre,  chaque 
passage ,  chaque  montagne  ;  tous  les  hommes  forent 


igitiz-edby  LjOO* 


CàMPÀGNE   DsP    1809.  »8 

mis  à  mort  ou  désarmé!.  Enfin',  le  fidèle  et  pient 
Hofer  fut  pris,  traîné  da  l'autre.  d6té  des  Alpes,  en 
Italie,  etfusillé  dans  la  citadelle  de  Mantoue,  comme 
un  criminel.  ,  . 

Cependant  un  autre  héros  de  la  liberté,  Frédéric»* 
Guillaume  de  Brunswick,  de  l'ancienne  famille  dfl$« 
Welfs,  fut  plus  heureùk  et  parvint,  au  moyen  d'une 
•expédition  audacietifee,  à  se*sauver  du  pays  que  l'o-* 
dieux  ennemi  occupait.  Il  osa,  des  frontières  de  la  Bo- 
hême, avec  douze  cents  cavaliers  intrépides,  son  ba- 
taillon noir,pàrcourir  u  n  espace  de  soixante-dix  njilles, 
au  milieu  des  troupes  enneçiis ,  traversant  le  terri-  * 
toire  de  Eeipzig ,  de  Halle ,  dé  Halberstadt ,  de  son 
propre  vîiicÊé,  hor»  duquel  les  usurpateurs  l'avaient 
chassé,  dû  Hanovre,  et  se  frayer  un  chemin  jusqu'à 
l'embouchure  du  Wéser  ,^à  Elsfleth ,  d'où  il  s'eut- 
barqua  heureusement  pour  l'Angleterre.  Notre  héros 
Welf  y  fut  reçU  avec  autant  d  admiration  que  d'a- 
mitié.     .  y 

L'Autriche  perdit,  par  la  paix  de  Vienne,  Sala- 
bourg  et  plusieurs  contrées  voisines  de  la  Bavière., 
la  plus  grande  partie  de  ses  possessions  polonaises  darts 
1^  grand-duché  de  Varsovie  et  en  Russie,  le  rsrte 
de  ses  possessions  en  Italie  avec  l'Illyrie.  Desorteque 
de  ce  coté  elle  ne  touchait  plus  àjattier,  et  de  l'au- 
tre elle  devait  rendre  aussi  toutes  les  places  fortes 
de  la  frontière  et  même  ses  montagnes»  C'était  encore. 
pire  que  de  perdre  deux  mille  milles  carrés  et  plus 
de  trois  millions  d'hommes. 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


Mi  septième  **oqpe.  4ft48— 4838. 

Wap&léon  tu  faite  de  la  puissance,  1810— ISi  2. 

» 

L'empeçeur  Napoléon,  par  la  paix  de  Vienne,  se 
*tr0uva  monté  ji  un  si  «haut  degré,  que  toute  espé- 
*  tnfê  semblait  alors  perdue  de  voir  jamais  «a  puit*» 
sanee  bryée.  Pour  l'affsrafir  encore  davantage  et 
"  l'ennoblir  aux  ye^st  4»  *nonde/£ar  une  aisance  avec 
ujoe  maison  princière  vénérée  dans  ^'Europe,  il  de* 
manda  la  main  de  la  fille  de  l'empereur  de  Vienne, 
l'arobiduchesse  Marier-Louise,  et  Joséphine  par  con* 
'  séquentfctoblif^desuj^rraffront  d'une  séparation. 
L'empereur  François*  consentit  donc  à  cet  immense 
sacrifice.  *  Pour  les  intérêts  les  {Ans  sacrés  def  la  mo- 
narchie et  de  l'humanité»  comme  *n  boulevard 
éontre  un  fléau  dont  on  ne  peut  voir  la  fin ,  comme 
un  gage  pour  le  maintien  de  l'ordre,  estwil  dit  plus 
tard  dans  la  déclaration  de  l'Autriche,  sa  majesté 
^andonne  l'objet  le  plus  cher  à  son  cœur;  elle  fait 
une' alliance  qui  doit  consoler  les  opprimés  et  les 
malheureux ,  faire  naître  chez  eux  le    calme  de 
la  sécurité  après  les  souffrances  d\ine  longue  lutte 
inégale,  décider  les  forts  et  les  victorieux  à  la  jrffci- 
dération  et  à  la  justice ,  et  établir  ainsi  une  espèce 
d'équilibre,  sans  lequel  la  société  des  empires  ne 
peut  être*  qu'une  société  de  malheureux.  L'empe- 
reur Napoléon  en  est  arrivé,  dans  sa  carrière,  à  un 
point  où  l'objet  de  ses  désirs  doit  être  l'affermisse- 
ment de  ses  conquêtes  plutôt  que  d'insatiables  gflbrts 
pouf  de  nouilles.  Son  alliance  avec  la  plus  an- 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


ctertne  maison  royale  de  la  chrétienté  ra  donner  à 
sa  grandeur,  aux  yeux  de  la  nation  française  et  du 
inonde  entier,  une  telle 'solidité  que  de*  plans 
d^grandissement  par  des  guerres  perpétuelles  ne 
.pourraient  que  l'affaiblir  et  rébranler.  Tant  d'an- 
nées d'inutiles  efforts  et  de  sacrifices  incalculables 
peuvent v  bien  fournir  une  raison  assez  forte  pour 
essayer  d'opérer  le  bien  par  la  confiance  et  l'aboiv* 
don ,  après  que  des  fleuves  de  sang  répandu  n'ont 
réussi,  jusqu'à  présent,  qu'à  accumuler  ruines  sur 
ruines.  »  , 

Comme  le  généreux  empereur  François  se  T*i  en- 
core trompé  dans  cette  belle  confiance,  d'ailleurs  ai 
naturelle!  Dans  Tannée  mène  que  cette  nouvelle 
alliance  fut  fondée  (oe  fut  le  2  avril  1810  quW 
IWt  lieu  les  épousailles  de  l'archiduches*»  Martes 
Louise),  la  Hollande,  après  que  le  roi  l*ouis  eût  dé» 
posé  h  couronne,  parce  qu'il  ne  voulait  pas  être  un 
instrument  dans  la  main  de  sou  frère  pour  la  ruiat 
4e  son  peuple,  fut  tout  entière  réunie  U*  Frenee; 
Car,  difiait-eo»  la  «Hollande  n'est  pour  aiwi  dire 
qu'une  alluviôn  du  Rhin,  delà  Meuse  et  de  l'Ejcaut, 
le»  principaux  artères  du  royaume  de  France;  et 
enfin,  pour  prouver  qu'il  pouvait  tout  ce  qu'il  vou- 
lait, et  que  désormais  aucune  considération  ne  pour 
yait  plus  l'arrêter,  Napoléon  résolut  tout  d'un  coup 
d'ajouter  à  la  France  tout  le  nordouest  de  l'Aller 
magne,  c'est-à-dire  les  pays  à  l'embouchure  du 
Wéser,  de  VEuia  et  de  l'Elbe,  ainsi  que  les  anciennes 
villes  libres  de  commerce,  Brème,  Hambourg,  Ljiir 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


556  «EPTifc*E  Éroçurt  1648-465*. 

beck.  Le  prétexte  fut  que  la  contrebande  avec  l'An- 
gle tem  se  faisait  sur  ces  côtes,  et  par  ces  villes.  Ainsi 
l'Allemagne  se  trouvait  dépouillée  de  ses  côtes  et  de 
son  commerce  de  mer.  Le  fleuve  qui  avait  toujours  été 
la  séparation  naturelle  entre  la  France  et  l'Alle- 
magne se  trouvait  dépassé.  Une  ligne  toute  arbitraire 
fut  tracée  à  travers  les  pays  et  les  fleuves ,  suivant 
le  caprice  de  Napoléon  ;  de  sorte  qu'il  était  facile  de 
voir  que  ce  n'était  là  qu'un  premier  pas  pour  aller 
plus  Join,  et  que  peu  à  peu  toute  l'Allemagne  serait 
absorbée  dans  le  gouffre. 

Cependant  Napoléon  ne  sut  jamais  comprendre  ce 
qui  pouvait  seul  donner  à  une  puissance,  nouvelle- 
ment établie  et  primitivement  fondée  sur  la  violence , 
une  durée  certaine,  au-delà  môme  de  la  vie  du  fonda- 
teur ;  il  ignorait  l'art  d'intimer  au  peuple  la  croyance 
à  cet  affermissement  ;  et  ce  qu'il  fit  alovs  était  ce  qu'il 
y  avait  de  plus  contraire  à  cette  impression.  Déjà, 
en  1809,  il  .avait  arraché  à  sa  vieille  capitale  le  pape, 
le  père  commun  de  tous  les  catholiques,  dont  le  siège 
est  inébranlable,  suivant  la  croyance  de  presque 
tous  les  peuples,  et  l'avait  entraîné  prisonnier  comme 
un  criminel  ;  aujourd'hui  il  réunissait  Rome  à  son 
grand  empire ,  et  réglait  que  son  fils  et  tout  premier 
né  de  l'empereur  prendrait  le  titre  de  roi  de  Rome. 
De  pareils  actes  le  firent  maudire  dans  le  cœur 
de  milliers  d'hommes;  mais  cette  âme  de  fer  ne 
s'inquiétait  nides  malédictions  des  uns ,  ni  des  béné- 
dictions des  autres.  Son  empire  lui  parut  assez  soli- 
dement établi ,  avec  cinq  cent  mille  soldats  et  une 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


ckMitMvn  de  xum*.  *SÏ 

armée  innombrable  d'espions.  Ainsi  le  pensait  le 
monde,  qui  ne  juge  que  d'après  les  apparences* 
Cependant  il  ne  se  passa  pas  deux  ans  que  oe  co- 
losse de  puissance  était  renversé,  et  l'empereur  était 
réduit  à  signer  son  abdication  dans  le  palais  de 
Fontainebleau.  Napoléon  reprochait  à  la  Russie 
d'entretenir  des  relations  avec  l'Angleterre,  et  de 
fomenter  les  germes  de  révolte  que  l'Allemagne 
nourrissait.  Il  lui  déclara  la  guerre ,  et  cette  gigan- 
tesque expédition  fut  la  première  cause  de  sa  ruine, 
en  fournissant  à  l'Allemagne  l'occasion  de  secoué* 
le  joug  qui  lui  avait  été  imposé. 


Campagne  de  Russie.  1S12. 

Ce  fut  dans  l'été  de  l'année  1812  que  l'empereur 
Napoléon  partit  pour  cette  grande  expédition  de 
Russie,  avec  quatre  cent  mille  fantassins ,  soixante 
mille  chevaux  et  douze  cents  pièces  d'artillerie.  Il 
lui  avait  fallu  deux  ans  pour  ses  préparatifs  :  il  avait 
rassemblé  tout  ce  qu'il  y  avait  de  meilleures  troupes 
en  Europe,  et  avait  pourvu  à  tous  les  besoins  de  la 
campagne.  Le  premier  but  de  cette  expédition  était 
bien,  à  la  vérité,  dirigé  contre  la  Russie;  niais  ce 
n'était  pas  le  principal,  et  si  Napoléon  avait  pu  for- 
cer les  Russes  à  faire  la  paix,  il  aurait,  sut vant  toute 
apparence,  continué  de  pousser  sa  pointe  jusqu'ep 
-Asie  ;  afin  de  chasser  les  Anglais,  ses  plus  grands  ent- 
remis, de  leurs  vastes  et  riches  possessions  dûs  bide*. 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


m  sirniw  iaofu.  464*~f  838, 

Il  aima  triomphant  jusqu'à  Moscou;  ma^s c'était  là 
le  tarai*  que  la  Providence  avait  mit  à  ses  suceès * 
car  à  peine  e'éteit-il  mis  en  possession  du  ££i*mlin, 
l'ancienne  résidence  des  csars,  le  14  septembre,  que 
tout  d'un  coup  le  feu  prit  à  la  ville  en  plus  de  cent 
endroits  à  la  fois.  Elle  fut  tout  entière  consumée, 
avec  toutes  ses  provisions ,  sur  lesquelles  Napoléon 
avait  ooœpté ,  et  qui  lui  étaient  nécessaires  pour 
les  cinq  mois  de  l'hiver.  11  n'avait  plus  de  vit 
que  pour  quelques  semaines,  et,  oorrçme  d'aiU 
fcurt  l'empereur  Alexandre  refusait  de  faire  la  paixj 
41  fallut  songer  à  la  retraite;  mais  au  lieu  de  prçn* 
dre  la  route  par  Galuga .,  comme  tout  portait  à  le 
croire,  parce  qu'il  y  aurait  trouvé  un  pays  encore 
tout- à-fait  intact,  il  revint  par  la  route  de  Smolensk, 
sur  laquelle  les  Russes  et  les  Français  avaient  tout 
rivage*  tout  incendié.  Bientôt  la  famine  fut  extrême 
dbna  l'armée  ;  le  désordre  et  l'insubordination  se 
mirent  dans  ks  rangs,  et  la  cavalerie  légère  des 
Russes  qui  la  harcelait  lui  faisait  éprouver  tous  les 
jours  de  nouvelles  pertes»  Mais  son ^  plus  terrible  et* 
aemi  fut  le  froid,  qui,  cette  année,  commença  plus 
tôt  qu'à  l'ordinaire  et  la  surprit  au  milieu  des  im» 
meoses  steppes  de  la  Russie.  Les  malheureux  soldats 
n'avaient  auoun  moyen  de  se  défendre  contre  lui: 
leur$i  vêtements  étaient  déchirés  et  ils  marchaient 
nu-pieds  au  milieu  de  ces  vastes  plaines  de  neige- 
f^ea  villes  et  les  villages  qui  se  trouvaient  sur  la  routa 
avaient  été  ravagés  et  pillés  par  eux  ou  par.  les  habi- 
.  Jamais  de  toits  pour  se  mettre  à  l'abri,  point 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


Direction  ni$  la  prvssb.  tS!89 

de  vêlement*  pour  couvrir  leurs  corps' transit,  pas 
un  morceau  de  pain  pour  apaiser  leur  faim ,  et  par- 
tout le  découragement.  Tous  les  matins  des  monceaux 
de  morts  restaient  gelés  autour  des  feux  de  camp; 
les  autres,  qui  peut-être  n'avaient  été  sauvés  que 
par  L'abri  des  corps  de  ceux  qu'ils  abandonnaient  Y 
•'ils  pouvaient  eneore,  en  rassemblant  toutes  leur» 
forces,  ae  remettre  en  route,  c'était  pour  aller  subir, 
au  prochain  campement,  le  même  sort  que  ceux 
qu'il»  avaient  laissés*  La  famine  emportait  eeux  que 
le  froid  avait  épargna.  Dès  qu'un  cheval  tombait  par 
terre,  ils  se  jetaient  dessus  comme  des  bétea  fiSrocea  , 
le  déchiraient  avec  leurs  doigts,  avec  leurs  dents,  et 
dévoraient  sa  chair  toute  ©rue;  on  a  même  va  dm 
hommes,  qui  avaient  perdu  la  tête,  s'asseoir  au  mi*» 
lieu  de  la  neige  et  rong#  leurs  doigts  déjà  noirs  de 
froid,  avec  l'expression  du  plus  effroyable  idiotisme 
Mais  détournons  nos  regards  d'un  tableau  si  hideux, 
l'imagination  se  refuse  à  de  telles  horreurs. 


trtfecyoo  de  la Fnuse  ♦  —  Prépanlili  4e  MapoMa*  ♦ 

D'un  demi -million  d'hommes  que  cet  insolent 
oonquérant  avait  entraînés  danscette  guerre,  à  peine 
en  revint*il  trente  mille  en  état  de  porter  les  armes* 
Alors  V Allemagne  pensa  que  c'était  le  moment  ou 
jamais  de  secouer  le  joug,  et  que  Wteûre  de  sa  déli- 
vrance avait  sonné*  LaPrussesedcc'ara  la  première. 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


MO  fimàiis  époque.  1648—1838. 

Ses  guerriers,  qui  n'avaient  suivi  qu'à  regret  les 
Français  en  Russie,  se  trouvaient  tout  prêts  et  en 
état  de  soutenir  la  liberté  de  leur  .pays;  d'autant  plus 
que  leur  corps  d'armée ,  faisant  partie  de  l'extrême 
gauche,  n'avait  pas  eu  beaucoup  à  souffrir.  Le  gé- 
néral Yorck,  qui  connaissait  les  sentiments  du  roi 
aussi  bien  que  ceux  du  peuple,  à  peine  arrivé  sur  la 
frontière  de  Prusse,  abandonna  les  Français  et  se 
hâta  de  faire  demander  au  roi  s'il  devait  se  joindre 
aux  Russes  victorieux.  Le  roi ,  qui  se  trouvait  en- 
core à  Berlin  sous  la  garde  d'uae  garnison  française, 
se  rendit  aussitôt  à  Breslau,  éhSil&ie;  et  de  là,  le 
S  février  1813 ,  il  fit  un  appel  à  toute  la  jeunesse  du 
pays  pour  accourir  au  secours  dé  la  patrie.  &  voix 
retentit  au  fond  de  tous  les  cœurs,  et  des  milliers  de 
jeunes  gens  se  rangèrent  sms  les  drapeaux.  Berlin, 
à  elle  seule  .fournit  dix  milleAcombattants.  ' 

JJn  même  temps,  il  convoqua  la  landwehr  et  la 
landsturm  (*)  ;et  alors,  le  17  mars  181&,  le  roi  Fré- 
déric-Guillaume déclara  la  guerre  à  la  France.  Cette 
démarche  n'était  pas  sans  danger  pour  la  Prusse;  car 
les  Français  possédaient  encore  huit  places  fortes  en 
Prusse  et  en  Pologne,  et  soixante-cinq  mille  hom- 
mes occupaient  le  pays.  Mais  bientôt  toute  la  Prusse 
fut  en  armes  à  la  voix  de  son  roi,  et  pour  sauver  la 
patrie ,  tout  le  monde  accourut  :  enfants  ,  jeunes 
gens*  vieillards  ;  on  vit  même  des  femmes  revêtir  des 
habillements  d'hommes,  afin  de  pouvoir  offrir  leurs 


f)  foyffc  ta  iiotf  p*g e  45  du  f retnier  volume. 


Digitized  byVJ OOQ IC 


WpàUTIFS  DE   NAPOLÉON.  841 

bras  ;  chacun  s'empressa  d'apporter  tout  ce  qu'il  avait 
et  de  sacrifie?  toutes  ses  jouissances  :  les  femmes 
donnèrent  leurs  joyaux. 

Cependant  Napoléon ,  qui  avait  abandonne  fen 
Russie  les  débris  de  son  armée  ,  était  parti  ert  toute 
hâte  pour  la  France,  et,  voyageant  nuit  et  jour  sans 
se  reposer,  était  arrivé  à  Paris,  où  il  entra  en  secret 
dans  la  nuit  du  18  décembre.  Il  avait  aussitôt  or- 
donné une  levée  de  trois  cent  cinquante  mille  hom- 
mes,  pour  réparer  une  perte  de  trente  mille  chevaux 
accusée  dans  1^  vingt-neuvième  bulletin  qu'il  avait 
.apporté  avec  lui;  et,  quand  fut  publiée  la  déclara- 
tion de  guerre  de  la  Prusse ,  il  ordonna  une  deuxième 
levée  de  cent  quatre-vingt  mille  hommes.  Le  peu- 
ple français,  habitué  désormais  à  l'obéissance ,  en* 
voya  donc  tous  ses  enfants  sous  les  drapeaux;  et 
toute  l'Europe  fut  dans  l'étonnement  de  voir  en  si 
peu  de  temps  une  nouvelle  et  si  belle"  armée,  tout 
équipée ,  passer  le  Rhin  et  s'avancer  en  Allemagne 
pour  soutenir  la  gloire  de  son  empereur.  En  même 
temps  Napoléon ,  pour  s'assurer,  une  garantie  de  la 
tranquillité  du  pays,  fit  demander  une  garde  d'hon- 
neur qui  devait  être  composée  de  jeunes  gens  volon- 
taires, équipés  et  armés  à  leurs  propres  frais.  Puis, 
comme  il  avait  perdu  toute  sa  cavalerie,  il  fit  rassem- 
bler la  gendarmerie  qui  était  répandue  par  toute  la 
France  et  pouvait*  faire  un  corps  de  seize  mille 
hommes.  Pour  trouver  des  artilleurs,  il  fit  venir  ceux- 
qui  servaient  dans  la  marine.  En  outre, l'Italie  lui  en- 
voyait cinquante  mille  hommes  de  troupes  auxiliaires. 


Digitized  byVJ OOQ IC 


sans  compter  que  la  confédération  rhénane  fotrtnissail 
aussi  un  contingent*  Ainsi  put-il  foire  entrer  en 
Saxe,  au  mois  d'avril,  plusieurs  centaines  de  mille 
hommes  ;  et  comme  son  armée  grossissait  toujours, 
il  eut  encore ,  pour  cette  campagne ,  environ  cinq 
cent  mille  hommes.  Aussi,  aveuglé  par  cette  appa-' 
rence,  il  ne  voulut  consentir  à  aucune  des  proposi- 
tions que  lui  fît  faire  l'Autriche,  et  l'Allemagne  dut 
à  son  orgueilleuse  opiniâtreté  sa  délivrance  de  tout 
joug  français. 


.     Premières  opérations  de  la  campagne.  1815. 

Le  vice-roi  de  Naples,  le  prince  Eugène,  à  la  t&e 
de  quelques  débris  de  l'armée  française  et  quelques 
fiôtiVeîlef  recrues ,  était   campé  sous  les  murs  de 
Magdebourg,  obligé  de  laisser  libre  tout  le  cours  du 
flètlve.  Cependant  les  Français  auraient  bien  désiré 
Conserver  au  moins  son  embouchure,  avec  l'impor-. 
tante  place  de  Hambourg,  et  le  général  Morand  s'y 
rendit  avec  les  quatre  mille  hommes  qui  lui  avaient 
Servi  à  occuper  Jes  côtes  du  Mecklenbourg  et  de  la 
Pôméranie  ;  mais  trois  audacieux  chefs  de  bande,  Tet- 
léhborn ,  Etzernitscheff  et  Dœrnberg,  s'attachèrent 
&  sa  poursuite,  et  ne  lui  permirent  pas  de  prendre 
pied  sur  la  riv^  droite  de  l'Elbe.  Il  fut  obligé  de  re- 
passer le  fleuve  et  de  se  replier  sur  Brème.  Dans  toi£ 
le  nord  de  l'Allemagne ,  le  peuple  recevait  avec  ac- 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


darpation  ses  libérateurs. partout  où  ils  arrivaient 
Le  duc  de  Mecklenbourg-Strelita  fui  h  prêtai** 
après  le  roi  de  Prusse  à  abandonner  l\tlli*nce  des 
Français.  Les  citoyeftsde  Lubeck  dicte  Hambourg  s'en 
réjouirent  et  préparent  toutes  leurs  forces  pour  ai-* 
der  aussi  eux-mAnes  à  la  défense  de  ce  précieux  tré- 
sor.  Dœrnberg ,  à  la  tête  de  quatre  mille  hommes , 
vint  chercher  le  général  Morand,  qui  voulait  de 
nouveau  se  porter  en  avant,  l'attaqua  le  2  avril  der- 
rière les  murs  de  Lunebourg,  emporta  la  ville  d'as* 
tout,  et  tua  le  général  lui-même*  TWe  sa  troupe 
fut  tuée  ou  prise  avec  douae  canons.  C'est  par  ce  beat* 
fiait  d'armes  que  le  général  Dotraherg  ouvrit  là 
deuxième  campagne.  ■ 

Duos  Ici  tn£me  moment  le  vice*roi  de  Naples  et*< 
eaya  de  se  porter  tout  d'un  coup  de  Magdebourg  su» 
Berlin  avec  ses  trente  mille  hommes  J  pensant  bien 
ne  trouver  sur  son  passage  qiiedes  forces  impuissantes  j 
Biais  les  généraux  Wittgenstetn ,  Bulow  et  York, 
ayant  rassemblé  à  la  hâte  les  troupes  qu'ils  avaient 
sous  la  main»  vinrent  fondre  sur  lui %  le  6  avril,  pr& 
de  Moekern  1  avec  une  telle  fureur  qu'il  fut  obligé  de 
renoncer  au  projet  de  marcher  sur  Berlin  et  de  se 
repliet  sur  Magdebourg  avec  perte*  Depuis  km  U 
prince  Eugène  sa  tint  tranquille  sous  les  murs  de  ] 
Magdebourg,  jusqu'à  ce  que  l'empereur  parût  lui- 
k  métne  en  campagne. 

Dès  que  les  nouvelles  levées  de  France  furent  ras- 
semblées sur  le  Rhin ,  Napoléon  partit  de  Paris,  et 
le  25  avril  au  soir  il  entra  dans  Erfurt.  De  là  il  se 


Digitized  byVJ OOQ IC 


K44  «PTiÈMi  ÉPOQtns,  4648—1888. 

dirigea  vers  la  Saal,  et  força  la  cavalerie  des  allies 
de  se  replier  derrière  ce  fleuve.  Les  deux  armées 
s'approchèrent,  et  Ton  se*prépara  de  part  et  d'autre 
à  une  bataille  décisive. 


Bataille  de  LuUen  et  de  Grou-Gœnchen.  2  mai  1815* 

Quftnd  Napoléon  fut  arrivé  sur  les  bords  de  la 
Saal ,  il  se  trouva  bientôt  en  face  de  l'ennemi.  Alors 
il  monta  à  cheval  et  jusqu'à  la  suspension  d'armes 
♦qui  eut  lieu  cinq  semaines  plus  tard ,  il  ne  remonta 
pas  en  voiture.  C'était  la  marque  qu'il  était  occupé 
de  grands  travaux  militaires;  car  alors  il  voulait  ex- 
plorer par  lui4néme  tous  les  environs  et  toutes  les 
positions ,  juger  d'après  la  fumée  des  villages  et  dgs 
coups  de  canon  lointains  les  plans  de  bataille 
de  ses  ennemis  ou  conduire  lui-même  des  attaques. 
Son  âme  était  au  plus  haut  degré  d'excitation  ;  son  re- 
gard de  feu  étincelait  au  moment  de  l'attaque ,  quand 
la  terre  tremblait  des  épouvantables  décharges  d'ar- 
tillerie et  des  charges  de  cavalerie;  on  aurait  dit 
qUe  ce  tapage  était  celui  qui  flattait  le  plus  son 
oreille. 

De  l'autre  côté,  l'armée  des  alliés  sous  les  ordres 
du  général  en  chef,  le  comte  de  Wittgenstein ,  était 
déjà  sur  le  champ  de  bataille,  rangée  dans  les  envi- 
rons de  Fégau  ;  les  généraux  Bluchër,  York  et  Kieist 


Digitizedby  LjO.OQI 


CÀMPÀGNÏ  DE   484%  546 

tOfcufcandbteat  les  Prussiens.  L'empereur  Alexandre 
"  et  le  roi  Frédéric-Guillaume  3e  trouvaient  au  milieu 
de  leurs  soldats.  * 

L'armée  française,  après quelques  escarmouches 
8ÊT  la  Saal,  se  porta  en  avant  pour  aller  se  réunir  ' 
dans  les  plaines  de  Leipzig.  C'est  là  qite  Napoléon 
voulait  livrer  une  grande  bataille,  parce  qu'il  était 
iupérieur  en  nombre.  Le  1er  mai,  après  s'être  avancé. 
4e, l'autre  côté  de  Weissenfels ,  il  rencontra  sur  des 
hauteurs  près  du  village  de  Poserna  l'artillerie  et  la 
Cavalerie  dfes  Russes  qui  voulaient  lui  disputer  le 
fftssagfu  C'était  le  général  Winzingerode  qui  y 
trait  été  envoyé ,  pour  tâter  les  forces  des  Français 
et  g  assurer  si  l'armée  entière  était  en  route.  Lema- 
fébhal  Bessière ,  générale  chef  des  gardes  de  l'em- 
jgreur,  s'étant  avancé  avec  les  tirailleurs  pour  con- 
4tttre  l'attaque ,  y  fut  tué  par  un  boulet  de  canon- 
La  position  fut  emportée,  et  Napoléon  continua  sa 
mute  jusqu'à  Lutzen  ;  c'était  le  champ  de  bataille, 
«ù  deux  cents  ans  auparavant  Gustave  -  Adolphe 
avait  trouyé  la  mort  en  combattant  contre  Wallen- 
steiu.  H  y  passa  lui-même  la  nuit;  mais  le  matin,, 
quand  il  voulut  se  mettre  en  route  pour  Leipzig, 
tout-à-coup  retentit  un  grand  feu  d'artillerie  der- 
*  rière  lui  et  sur  le  flanc  droit. 

Les  Russes  et  les  Prussiens  avaient  pénétré  l'inten- 
(ion  de  l'empereur  qpi  voulait  commencer  par  s'em- 
parer de  Leipzig,  pour  les  couper  d'avec  l'Elbe;  et 
comme  ils  ne  voulaient  pas  lui  laisser  faire  ses  ma- 
nœuvres accoutumées  par  laquelle?  il  se  choisissait. 
t.  u.  35 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


546  sEFTiÈi*  iaoQv*.  4648^1838. 

toujours  son  champ  de  bataille ,  ils  viarétft  tomber- 
stir  lai,  le  9  mai ,  lorsqu'il  y  pensait  lé  moins ,  «ap- 
posant qu'ils  ne  pourraient  être  prêts  k  la  bataille 
avant  le  lendemain.  S*rle  midi,  ils  se  portèrent  avec 
toutes  leurs  forces  sur  Itë  villages  deGross-Gœrsch» 
et  Kloin-Gferschen ,  de  Rhano  et  Kaja,  dont  le 
maréchal  Ney  s'était  emparé.  L'oppereur  Alexandre 
et  le  roi  de  Prusse  se  tenaient  sur  un  «hauteur  der* 
rière  les  rangs,  d'où  ils  observaient  les  différent** 
chances  de  la  bataille,  et  leur  présence  enflammait 
tous  leurs  guerriers  du  plus  grand  courage»  Le  ter* 
rible  Blueher  commença  par  emporter  d'haut  1* 

*  village  de  Gross-Gœrschen-,  et  bientôt  s'engqgt* 
autour  des  autres  villages  une  sanglante  lutte  qui 
fut  à  l'avantage  des  alliés; «ils  s'emparèrent  de- U 
plupart  de  ces  villages  et  forcèrent  les  Français  de 
se  replier  en  arrière.  C'est  à  ce  moment  que  Napo* 
léon  arriva  sur  le  champ  de  bataille  avec  sa  garda, 
cl  les  autres  troupes  qu'il  ramenait  avec  lui)  mv  j| 
était  déjà  fort  en  avant  sur  le  chemin  de  Leipzig» 
Aussitôt  il  les  fit  marcher  sur  les  village*  attaqué») 
hri-m&ne  il  parcourait  les  rangs  et  ne  craignait  pat 
de  apposer  au  feu)  il  savait  que  la  perte  de  la  \m 
taille  découragerait  son  armée  et  entrftîoerftit  h» 
perte  de  l'Allemagne.  Le  combat  recommença  (Jaim  . 
avec  une  Nouvelle  fureur  dans  les  village* conquis; 
ils  furent  plus  d'une  fois  pris. et  repris.  Souvent 
même ,  comme  les  deux  partis  occupaient  çhpcnn 
une  portion  du  village ,  on  se  battit  à  la  baïonnette 

et  avec  l'épée ,  df  m  les.rue* ,  dan»  les  jardins  et  Le* 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


petite  senltera,  Xiq^tre  fois  tes  J»ll&  rtfi*»rait  toute* 
leurs  forces  pour  emporter  qç$  Vill^eaf  à  la  fyl  les 
Français  furent  ébranlés  el  se  retirèrent  en  désordre 
jusqu'à  WeissenfelsetNaumhffurg,  A  cette  nouvelle* 
rapporte  un  témoin  oculaire  %  Napoléon  *e  tournant- 
avec  un  regard  dç  furtur  fers  ceux  qui  l'entouraient, 
c  Croyez- vous,  leur  dfemauda-t-il  t  <jM  mon  dtoilff 
va  s'éclipser?  p  Aussitôt  il  se  raniment  prenant  une 
de  ces  résolutions  subite?  qui  déconcertent  loua  lm 
plans  de  son  adversaire  ,  il  ordonne  au  général  d'4r« 
tillerie,  Drouot,  de  rassembler  sur  utt  seul  point 
qu$itr^yingts  pièces  d'artillerie  etd'éorawr  tes  rangt 
ennemis  par  un  feu  effroyable.  Il  tenait  tçujottus  •* 
réserve  et  à  sa  disposition  M  pour  de  pareilles  coupa, 
.  Parti llerie  de  la  garde  j  en  même  temps  U  fit  avancer 
seifcç  bataillons  de  la  garde  sur  les  hauteur*  derrière 
le  village  de  Kaja.  L'artillerie,  semblable  k  un  vtil&n 
déchaîné  Contre  l'année,  renversa  tout  devant  eile^ 
des  rangs  entiers  furent  emportés,  les  villages  firent 
réduits  encendre,  et  Ton  fut  obligé  dçles  abandonna» 
Dans  le  même  moment  les  Russes  furent  yivem^nt 
pressé*  sûr  leur  flanc  droit  par  Je  prinq$Eugèii#, 
qui  avivait,  de  Mark~Ran$l*dt  aVep  trente  milW* 
hommes  de  troupes  fraîches*  ' 

Napoléon,  impatient  de  voir  Ja  figtoûpç  W  àkàdwf 
poussait  toujours  en  avant ,  protégé  par  le  feu  des 
soixante  à  quatre-vingts  canons  qu'il  atait  au  centre* 
Alors  enfin  les  Russes  et  les  Prussiens  furent"  obligés 
déplier,  accablés  d'ailleurs  par  la  chaleur  et  la  fatigue 
de  la  journée;  mais  ils  ne  se  retirèrent  que  pas  à  pas, 

35. 


Digitized  byVJ OOQ IC 


548*  siptAbIE  ék)<ue.  *4648— 18S§;- 

âéfen&nt  toi*  tes  points  qui  pouvaient  offrir  quelque 
résistance,  jusqu'à  la  auit. 

Une  profonde  obscurité  enveloppait  déjà  le  san- 
glant champ  de  batailla  ;  on  n'apercevait  plus  que 
k  lumière  des  canons  qu  on  tirait  encore  par  Inter- 
valle ,  et  les  flapimes  qui  soulevaient  sur  trois  points 
«les  villages  incendiés.  Napoléon  se  trouvait  der- 
rière le  grand  carré  que  formaient  ses  gardes;  quand 
tout-à-coup  retentît  le  fracas  d'une  charge  de  cava- 
lerie qui  pénétra  jusque  dans  l'intérieur.  C'était  Pin- 
trépide  Blucher  qui  avec  neuf  escadrons  de  cavale- 
rie venait  faire  une  dernière  attaque  pour  en  im- 
poser à  l'ennemi.  Il  réussit  ;  car  les  français  n'o- 
sèrent pas  se  mettre  à  la  poursuite  et  passèrent  toute 
la  nuit  sous  les  armes,  rangés  en  bataillons  carrés. 
Plus  de  trente  mille  hommes  de  chaque  côté  tués 
ou  blessés  étaient  restés  sur  le  champ  de  bataille, 
fendant  ce  temps-là  les  alliés,  qui  ne  se  trouvaient 
plus  de  force  contre  les  Français  et  qui  espéraient 
recevoir  des  renforts,  opérèrent  loar  retraite  sur 
l'Elbe  par  Varna  et  Altenbourg  pour  aller  prendre 
une  position  plus  forte  près  de  Bautzen  :  Jes  Prus- 
siens passèrent  l'Elbe  à  Meissen ,  les  Rusans  à  Dresde, 
et  l'empereur  Alexandre  et  le  roi  de  Prusse  quittè- 
rent cette  ville  le  8  mai  au  matin. 


Digitized  byLi OOQ  lC 


*  "     - 

Braille  de  Bantzen  ou  de  Wurschen.  20  et  21  mai  1815.  *  *• 

Lfc  même. Jour,  8  ?n»,"19&pt>îéon  marcfia  sxtt 
Dresde  et  dépécha  en  même  temps  un  envoyé  a* 
roi  de  Saxe  à  Prague,  pturexiger  de  lui'cp'il  rentrai 
dans  sa  capitale  q|  le  mepacer  de  traiter  la  Saxe 
comme  un  pajrs,  conquis ,  s'il  s*y  refusait,  si  Tergau 
ne  lui  était  livrée  et  si  toutes  ses  troupes  ne  Tenaient 
se  joindre  à  «on  armée.  Le  roi  n  avait  d'ailleurs  que 
deux  heures  pour  réfléchir.  Alors  la  crainte  des  me-* 
nàces  deVempereur  quî  occupait  àéjà  la  plus  grande 
partie  Kàe  «es  £taj^,  l'emporta  sur  toute  autre 
considération.  Le  roi  n'osant*  plus  faire  une  alliance 
w  avec  1'AutrkJpe,  comme  41  le  désirait,  se  rendit  <à 
Dresde ,  le  12  mai.  Napoléon  fit  ittie  entrée  magni- 
fique, et  quartd  il  arriva  aqx  portes  de  la  ville,  où 
le  conseil  municipal  l'attendait,  il  leur  dit  en  mon- 
trant le  roi  qui  marchait  à  côté  de  lui  :  «  Voilà 
votre  sauveur  ;  car  si  votre  roi  ne  s'était  pas  montré 
allié  fidèle,  j'aurais  traité  la  Saxe  comme  une  con- 
quête; désormais  mes  anAées  ne  feront  que  là  tra- 
verser et  la  protégeront  conlre  tous  ses  jennemis.  » 
La  veille,  le  11,  l'armée  française  avait  passé 
l'Elbe  sur  un  pont  qu'on  avait  rétabli  à  la  hâte.  Pen- 
dant sept  heures  Napoléon  s'y  tint  assis  sur  un  banO 
et  fit  défiler  devant  lui  toute  son  armée,  Français, 
Italiens  et  même  Allemands  ;  c'était  pour  lui  le  specta- 
cle le  plus  agréable.  Il  voulait  attaque*  une  deuxième 
fois  l'armée  des  alliés  qui  occupait  un#fôrte  position 


Digitized  byVJ OOQ IC 


*M  teFTito*  *****  J64g~-1858. 

à  Baetzen  etHocbKrch.  Alors  il  fit  partir  le  maréchal 
Ney  et  le  général  Laurisfem  de  Boyer*weE£e  pour 
tourner  l'ennemi  par  le  flâne  droit/ Celui-ci  qui 
4an  aperçut  détteha  quelques  bataillons  «dos  les 
#rdre»  dTorb  et  de  Barklai  de  Tolly  >  qui  s'avan* 
tèrvot  jWqj^k  Kœnigswerthef  Ils  surprirent  une  di* 
fjfikm  italienne  |  la  mire**  en  fujte  et  s'emparèrent 
4*  leurs  canon*  et  de  leurs  provisions  de  guerre. 
Mai*»  eemme  le  reste  de  l'année  arrivait,  n'étant  plut 
«I  force*  Us  forent  obligés  de  se  replier  sur  le  corps 
«Tannée  principal. 

Le  jour  suivant)  20  mai ,  Napoléon  passa*  la  Sprée 
après  un  sanglant  combat  sur  Jes  montagnes  de^fcwrg 
et  pris  de  Bautzenoù  tl  perdit  Jraaicoup  dtfteontte, 
et  tes  alliés  se  retirèrent  fur  leur  quartier  principal} 
Gteine,  Kieckwfez  et  jusqu'aux  montagnes.  Les 
fo^es  formaient  les  deux  ailes  et  les  Pfussiens  étaient 
an  centre  conduits  par  Bluoher.  Bien  que  le  monvo 
W0n|  de  Ney  leur  eut  fait  perdre  l'avantage  de  ta* 
pétition»  Us  ne  voulurent  cependant  pas  se  retirer 
sans  combattre*  Les  plans  de  Napoléon  étaient  de 
fyire  attaquer  l'aile  gauche  des  alliés  par  les  mare*- 
chaux  Oudinot  et  M  acdonald,  pour  attirer  de  ce  eèùé 
tonte  leur  attention  {  tandis  que  le  maréchal  Ney 
exécuterait  l'ordre  qu'il  avait  d'envelopper  l'aile 
droite*  Le  21  mai*  il  était  à  cheval  de  grand  matin, 
ayant  le  leyer  du  spkil  t  et  il  fit  donner  le  signal 
de  la  bataille  par  l'attaque  de  l'aile  gauche  des  Russes 
cQmtiagdas  py  Je  prince  de  Wurtenribsrg  et  logé-* 
mvil  MAllora^wjlscl?»  On  cpmbattit  aveciofaalenr! 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


le  feu  de  l'artillerie  et  de  la  mousqueterie  fut  très  vif 
auprès  d'une  petite  montagne  boueuse,  d'où  1m 
Ru8ses#  qui  étaient  maîtresse  hauteurs  fort  avanta- 
geuses, ne  purent  être  débusqués.  Ce  ne  fut  que  feu? 
le  midi  qu'eut  lieu  l'attaque  principale  ;  pefrce  que 
Napoléon  attendait  que  le  maréchal  Ney  «ut  pris 
lb  position  qu'il  lui  avait  indiquée.  Celui-ci  s'était  an 
effet  porté  en  avant  avee  le  plus  grand  courage  %  Mvait 
refoulé  le  général  russe  Barklai  de  Tolly  et  conquis  h| 
hauteur  du  moulin  de  Gleinaetle  village  de  PreitiU.Le 
moment  était  critique,  car  Preititz  était  presque  au  dos 
•de  l'anbée  des  alliés  ;  mais  Blucher  se  hâta  d'envoyer 
le  général  Kleist  au  secobrs  et  le  village  fut  repris. 
Alors  Napoléon  s'aperçut  qu'il  ne  suffisait  pas  d'at- 
taquer de  pareils  hommes  par  le  point  le  plus  faible  ; 
il  fallut  faire  avancer  au  éecoursd*  nouvelles  enton- 
nes de  troupe*  qu'il  avait  tenues  juaque  là  eu  réserve. 
A  leur  tête  il  plaça  son  meilleur  génépi,  le  mué* 
ehal  Soult,  qu'il  avait  fait  venir  d'ffcpagJM»  ;  et  teodi* 
que  les  Prussiens  avaient  dégarni  leur  ceatirç  pour 
attaquer  le  viUag* ,  So»U  s*  précipita  syc  eqp  & 
accula  leur  infeetene  au#  lte  Uautçur*  de  KraclwiiSj 
qui  étaient  le  point  principal  de  leurs  pppitktiis»  Eu 
mène  témpi  Napoléon,  comm§6  Lut^eft,  fi*  arriver 
un  grand  nombre  de  bouché»  d'artillerie  *uv  un  même 
point,  qui  firent  un  feu  terrible,  Il  y  eut  beaucoup 
de  sang  répandu  au  pied  de  ces  hauteurs;  enfin  les 
Français  les  emportèrent  à  la  baïonnette.  Alors  les 
généraux  des  alliés  furent  obligés  de  songer  à  la  re- 
traite ;  et  elle  se  fit  dans  le  plus  bel  ordre  ,  à  trois 


Digitized  byVJ OOQ IC 


tftft  sBPTikira  époque,  4946*— 1 858. 

heures  après  midi ,  sans  perdre  ni  drapeaux,  ni  ca- 
nons et  très  peu  de  prisonniers  ;  car  les  Français  ne 
purent  même  pas  se  mettre  à  leur  poursuite  (*).  Na- 
poléon était  dans  le  moment  sur  une  hauteur  prés 
de  Niecferkuyna,  monté  sur  un  tambour  de  ses  garde» 
pour  observer  les  mouvements;  aussitôt  il  se  hâta  de 
porter  ses  troupes  en  avant  ;  mais  la  cavalefie  légère 
des  Russes  et  des  Prussiens  qui  couvrait  la  retraite, 
fit  la  plus  belle  contenance ,  et  il  lui  fallut  se  con- 
tenter d'être  maître  du  champ  de  bataille. 


Suspension  d'armes,  depuis  le  4  juin  jusqu'au  17  août.  v 

L'armée  des  alliés  se  retira  en  Silésie  et  Napoléon 
se  mit  à  sa  poursuite  avec  chaleur,  liais  toutes  les 
fois  que  les  Français  s'approchaient  un  peu  trop  ;  ils 
avaient  à  soutenir  un  combat  sanglant  contre  l'ar- 
rière-garde.  Napoléon,  mécontent  de  ce  que  ses  gé- 
néraux ne  faisaient  que  si  peu  dt  capturés  sur  une 
armée  en  retraite ,  voulut  se  charger  lui-même  de  la 
poursuite  et  attaqua  Farrière-garde ,  le  32  mai  au 
soir,  à  Beichenbach.  Mais  sa  cavalerie  fut  prompte- 
ment  repoussée  et  un  boulet  vint  écraser  à  côté  de 
lui  les  généraux  Kirgener,  Labruyère  elle  maréchal 


(*)  Comme  à  Lutzen ,  faute  de  cavalerie  ;  il  est  à  remarquer  que  dans 
cette  campagne  et  les  suivantes  les  Français  eurent  beaucoup  à  souffrir  du 
défaut  de  cette  espèce  d'armes*  N.  T. 


Digitized  byVJ OOQ IC 


*  «rt&A&HK  bi  1815.  £68 

Dùroc ,  spii  plus  intime  ami.  Napoléon  sentit  d'aBJ- 
fent  plus  vivement  c§tte  perte  qu'il  avait  eu  pett 
d'amis  Ans  sa  vie;  c'était  peut»étre  le  seul: qui  put 
lui  parler  librement ,  parce  qu'il  avait  été  son  catnft* 
rade  d'enfance. 

Le  26  mai,  Blucher  donna  ordre  à  Ziethen  d'at- 
tendre les  Français  avec  sa  cavalerie  auprès  de  Hay- 
nau;  et  au  signal  donné ,  quand  le  feu  parut  au  mou- 
lin de  Tteudmannsdorf,  il  sortit  de  derrière  ses 
hauteurs  à  la  tête  de  trois  mille  hommes,  enfonça 
les  carrés  français  en  poussant  de  grands  hourras,  les 
dissipa  et  fit  trois  cents  prisonniers.  Mais  Dolfe,  qui 
commandait  cette  attaque,  succomba  glorieusement 
au  milieu  des  ennemis.  - 

Napoléon  vit  bien  que  l'ennemi  n'était  point  en- 
core accablé  ;  il  demanda  une  suspension  d'armes , 
et  comme  les  alliés  y  étaient  assez  disposés,  elle  fut 
signée  le  8  juin,  pour  six  semaines.  Les  Français 
abandonnèrent  Breslau  qu'ils  étaient  sur  le  point  de 
prendre,  et  ne  retinrent  qu'une  partie  de  lalïilésie; 
jnais  ils  possédaient  Hambourg,  qu'ils  durent  à  de 
fâcheuses  circonstances. 

Dés  le  commencement  de  mai,  lorsque  Napoléon 
entra  en  campagne,  le  maréchal  Davoust  était  parti 
avee  quatorze  mille  hommes  pour  faire  le  siège  de 
Hambourg,  qui  n'avait  qu'une  faible  garnison  com- 
mandée par  le  général  Teltenbourg.  Qq^lque  enthou- 
siasmés que  fussent  les  habitants  pour  la  liberté,  ill 
avaient  besoin  cependant  d'nne  plus  forte  garnison; 
ils  avaient  compté  sur  l'assistance  des  Danois  qui  se 


Digitized  byVJ OOQ IC 


tenaient  à  Àltonar«ét  même  sur  celle  de?  Suédofe, 
qae  leur  prince  héritier  était  rassemblés  en  Potn* 
renie  et  dans  le  Mfecklehftourg.  Mais  Uè  Suédois 
ambitionnaient  la  Norwège  t-  et  en  «raient  même 
obtenu  la  possession  de  r Angleterre  et  dé  la  Russie 
peur  prit  de  leurs  eervioee  5  alors  les  Danois,  ne 
voulant  pas  perdre  la  moitié  dé  leur  territoire  * 
passèrent  du  côté  dès  Français  et  leur  livrèrent  la 
▼Ule,  IedO  mai*  le  jour  même  qu'ils  y  étaient  entré** 
Napoléon,  irrité  par  sa  longue  résistante,  exige* 
d'elle  une  très  forte  contribution» 
;  Cependant  il  y  eut  de  part  et  d  aetre  quelques 
démarches  pour  la  paix,  un  congrès  fut  ntéme  rea-» 
semblé  à  Prague,  et  F  empereur  François  fut  agréé 
oasnme  médiateur  par  les  trois  puiseamw  bellfgé- 
ratttea;  mais  Napoléon  ne  voulait  rien  abandonner 
de  sas  conquêtes.  Ainsi,  bien  que  larrowtice  eut  été 
prolongé  jusqu'au  17  août,  il  n'y  eut  au  je  un  résultat 
peur  la  paix  ;  mais  des  deux  côtés  on  faisait  de  grande 
préparatifs  et  Ton  rassemblait  de  nouvelles  troupes, 
Napoléon  attendait  impatiemment)  à  Dr*)*de»l% 
déclaration  de  l'Autriche;  ear  il  espérait  toujours» 
yar  sep  menées,  Tempéeher  <&  se  prononcer  contre 
*iai$  mais  elle  était  gagnée  par  l'envoyé  secret  de* 
«Uié?,  le  général  Seliarnhorst,  quirsous  prétexte  de 
faire  soigner  une  grave  blessure  qu'il  avait  reçue  à 
Lutten,  étaiWenu  se  fixer  à  Prague.  Ce  brave  gueiv 
tifer*  ausea  habile  politique  que  général  f  remplit 
Jteureusement  sa  mission  et  mourut  avant  la  reprise 
des  hostilités,  Enfin ,  le  15  août,  lVnvoyti français 


Digitized  byVJ OOQ IC 


on**»»  tm  1815»  VSi 

au  congrès,  le  oonite  de  Narbonne,  arriva  dé  Prague} 
et  comme  le  moment  était  important*  Napoléon 
voulut  l'entretenir  aussitôt  avec  son  ministre  Maret* 
Us  se  promenaient  tous  trois  à  grands  pas  sur  h 
gazon,  dans  le  jardin  du  palais  M arkolini  où  résidait 
l'empereur;  de  temps  en  temps  ils  s'arrêtaient  et 
semblaient  réfléchir  sérieusement ,  puis  ils  repre- 
naient tout  d'un  coup  lepr  marché.  Napoléon  rftait  tm 
milieu  des  deux  autres,  les  mains  croisé»  derrière  la 
dos;  toute  sa  suite  les  observait  4$  loin  et  tenait  aéa 
yeux  fixés  avec  eflrof  sur  son  souverain,  dont  ki 
lèvres  allaient  prononcer  sur  le  àeot  de  tant  demiW 
liers  d'homme^.  Tout  d'uft  coup  Napoléon  s'arrêta©* 
fit  un  mouvement  ayeç  la  main  qui  montrait  quU 
rejetait  toutes  les  propositions  de  pais»  La  guerre î 
cria-l-on  de  tous  côtés,  et  c$  bruit  se  répandit  dd 
bouche  en  bouche.  Napolépn,  les  yeux  encore  Itiii* 
eelants*  traversa  la  salje  des  maréchaux,  moeW  en 
voiture  et  partit  pour  la  Silésie ,  par  Bautzea  et 
Gœrlitz.      *•     5 


Reprise  des  hostilités. 

Les  alliés  avaient  recruté  tant  de  moudç  pçQçUi?4 
l'armistice,  qu'ils  étaient  devenus  supérieurs  aux 
Français;  car  les  Autrichiens,  en  se  réunissant  à  eu*, 
leur  avaient  donné  tout  d'un  coup  deux  cent  piUta 
hommes.    Mais  comme  cette  grande  multitude  se 


Digitized  by  LjOOQIC 


t*6  SEPTIÈME  époqbb.  4648—1858. 

trouva  placée  de  différents  côtes ,  ils  furent  obligés  de 
0e  tenir  sur  un  grand  cercle  pour  marcher  contre 
lesFrançais^  tandis  que  Napoléon,  qui  se  tenait  au 
centre  du  cercle,  pouvait  arriver  tantôt  sur  un  point, 
tantôt  sur  tin  autre*  et  frapper  un  grand  coup  avec 
la  même  troupe»  Qr,  voici  la  position  des  armées  : 

4.  Le  prince  royal  de  Suède,  BeraacTbtte,  gui 
amenait  aw  lui  vîngt-quatfe  mille  hommes,  eut  le 
cbmmandement  de  toute  l'armée  du  nord,  et  fut 
chargé  dé  défendre  Berlin  et  la  marche  de  Brande- 
boutg,  avec  cent  vingt-ciftq  initie  hommes;  car  il 
avait  sons  ses  ordres,  outre  ses  propres  troupes, 
les  divisions  prussiennes  Bulow  et  Tauenzien;  les 
divisions  rosses  de  Winzingerode  et  de  Wallmoden. 
Ce  dernier  général  fut  chargé,  avec  vingt-cinq  mille 
hommes,  composés  de  Tusses,  Anglais,  Hanovriens, 
Mecklenbourgeoîs ,  avec  la  légion  russe- allemande  et 
les  troupes  de  Lutzow ,  de  foire  tête  au  maréchal  Da- 
toufit  et  aux  Danois,  sur  les  frontières  du  Meck- 
lenbourg. 

2*  JHucher  avait  le  commandement  de  l'armée 
deSilésie,  forte  de  quatre-vingt-quinze  mille  hom- 
mes j  il  avait  avec  lui  le  général  York ,  à  la  tête  de 
la  première  division  prussienne ,  et  les  divisions 
russes  commandées  jtar  les  généraux  Sachen  ,  Lan- 
gera» et  Saint-Priest.  Mais  le  premier  général  de  son 
corps  d'armée  était  Gneisenau*  qui  mérita  de  pli» 
en  plus  la  grande  réputation  qu'il  obtint  dans 
Farinée. 

3.  Le   corps  d'armée    principal ,    en    Bohême , 


Digitized  byVJ OOQ IC 


CAMFlGNK   DB    1843.  5ST 

compose  en  grande  partie  d'Autrichiens,  mais  ren- 
forcé d'une  division  prussienne  commandée  par 
Kleist,  d'une  division  russe  commandée  par  Witgens- 
tein,  et  de  la  garde  russe  conduite  par  le  grqnd 
prince  Constantin,  était  sous  les  ordres  du  feld- 
maréchal  Autrichien,  le  prince  deSchwartzenberg, 
qui,  a  uq  grand  courage  et  une  grande  expérience, 
ajoutait  encore  tout  le  calme,  toute  la  souplesse  de 
caractère  nécessaire  pour  commandera  une  armée 
dp  différents  peuples  ;  elle  était  forte  de  deux  cent 
tt ente  mille  hommes. 

Cette  position  et  le  partage  des  alliés  en  trois  ar- 
mées ,  entraient  dans  un  plan  de  campagne  extrême- 
ment habile  ;  car  quelle  que  fût  celle  que  Napoléon 
voulût  attaquer,  il  avait  toujours  les  deux  feutres  sur 
les  flancs.  Quand  il  quitta  J)resde  et  la  Lusace  avec  la 
plus  grande  partie  de  ses  troupes  pour  se  porter  en 
Silésie,  Blucker  se  retira,  voulant  sans  doute  l'at- 
tirer jusqu'à  l'Oder;  mais  pendant  ce  temps-là,  la 
grande  armée  des  alliés  s  avança  sur  ses  derrières 
far  le  chemin  de  Dresde;  quand  il  tourna  à  droite, 
pour  entrer  en  Bohême ,  Blucher  alors  se  porta  en 
avant ,  le  poursuivit  dans  les  passages  de#  montagnes 
de  Bohême ,  et  mit  Napoléon  entre  dmtx  feux.  En* 
fin  quand  il  transporta  ses  forces  sur  la  gauche 
contre  les  Suédois ,  le  prince  royal  ae  replia,  cemme 
avait  (kit  l'armée  de  Silésie,  lui  abandonnant  à  la 
vérité  Berlin  pour  un  moment;  mais  pendant  ce 
temps-là ,  la  grande  armée  de  Bohême  prifr  Dresde  et 
Leipeig,  et  toutes  les  provisions  des  Français  en  Saxe, 


Digitized  byVJ OOQ IC 


sBPTiàMi  itfoQ&ft.  4643*— 4838. 
AtapoUon  noyait  pas  imagina  que  les  alliés  pour- 
i**fpt  avoir  un  plan  si  beau ,  et  surtout  l^xécutttr 
av#c  tant  de  calme.  Il  comptait  au  contraire  beau- 
coup sur  les  circonstances  et  surtout  sur  tes  fautes 
de  ses  adversaires;  et  aes  généraux  partageaient  ses 
idfot»  Pleins  d'une  oonfiance  aveugle  dans  la  certi- 
tude-et  l'activité  du  coup  d'oeil  de  l'empeieur,  ils 
disaient  à  chaque  instant  r  s  L'ennemi  fera  «tes  fautes, 
mjm  toifaberons  sur  lui  et  nous  l'écraserons.  » 

Cependant  les  plus  sages  d'entre  eux  avaient  Au» 
très  opinions ,  et  ils  conseillèrent  avec  instance  à 
l'empereur  d'abandonner  sa  position  sur  l'Elbe,  qui 
était  trçp  fortement  menacée  à  droite  da  côté  de 
U  Jk&4roe.  Le  maréchal  Oudinot  lui  écrivait  eft» 
teç  auMrtft  ffeows  :  «  que  s'il  retirait  toutes  scb  gprnisons 
4fP  places  fortes  pour  les  réunir  à  son  armée ,  #41 
su  repliait  ejpndte  sur  le  Rhin  et  mettant  fte  troupes 
le*  pli**  fatigué^  dww  de  bons  Cantonnements,  don* 
DUnt  «p  autres  4e»  positions  conformes  à  ses  plans* 
afcri  U  pourrait  toujours  -dicter  des  conditions  <fo 
pote  ay«  alliés.  *  Mais  ui>  pareil  langage,  quoiqtw 
cglut  4e  la  raison  et  4*  la  modération ,  parut  ihh  folie 
£t  wt  homme  puissant  qui  se  croyait  tant  âi>deasus 
•   des  autjtgt;  et  son  orgueilleuse  opiniâtreté  entrait 
4af*  les  plan?  46  lft  Providence  pour  notte  détt- 
YiaBC*,  * 

Pour  pe  pas  perdre  F  offensive ,  il  voulut  tomber 
avec  toutes  ses  forces  sur  l'armée  de  Silésie  et  la 
battre  ,  aiftgi  réparée  des  autres;  et  afin  que  Tarpoiée 
autrichienne  ne  pût  pondant  ce  temps-là  venir  de 


.     Digitizedby  VjOOQlC 


IfoMmfl  î«qi**éter  ses  4^rière*>  U  HV^it  plafié  W 
m%r<folml  Gouvicro-Sain^Çyr  avec  quaM&to  hm)1§ 
UOTORies  k  Gie^hubel,  à  l'eatréa  4*s  passages  de* 
montagne*^  eu  n&rae  tempa  le  maréchal  QadMMt 
devait  marcW  aur  Berlin  avec  quatr^vi^*  miOt- 
hotsmes.  Si  son  plan  avait  pu  réns$i?»  le  *mèa 
tftait  infaillible;  mai*  l'habile  et  vieu*  général  qui 
commandait  enSilésie  était  w  aesgardes ,  çtqu*n4 
Us  aperçut,  après  plusieurs  eombatedu  18  au  83  août  , 
qu'il  avait  en  tête  les  priuoipalea  force*  dea  Fraii* 
faia  (cfétait  dans  les  environ*  de  Lœwmberç,  anr 
leBober),il  refusa  la  bataille,  et  conformément  M 
plan  tracé  d'avance,  il  «retira  sur  Jauer.  Napolén* 
qui  j  pendant  ce  tempe-là,  reçut  la  nouvelle  que  TwM 
mée  de  Schwarzenberg  s'avançait  sur  Dretde  f  ne  pnl 
lé  poursuivre,  et  il  reprit  la  route  de  Dresd*  à  mam 
ebtq  foncées  avec  la  garde  et  le  sixièAe  eorpa  d'artoéa, 
kââaoût. 


.  Le  même  jcwt  le  prisée  royal  de  &*4d«  «Iteq9*& 
les  Français  à  Gross-Bœren ,  et  les  arrêtait  dans  leur 
marche  sur  Berlin.  Déjà  ils  n'étaient  plus  qu'à  deux 
'milles  de  la  ville,  déjà  Napoléon  avait  annoncé  pu-' 
bliquemènt  qu'Oudinot  serait  à  Berlin  le  23  août. 
Le  général  Régnier  avait  reçu  Tordre  d'Oudinpt,le23, 
de  prendre  la  route  de  Gross-Beerenj  la  route  de 


Digitized  byVJ OOQ IC 


BOO]  septième  époque.  4648— 4838.* 

Berlin  étaitouverte  et  il  espérait  y  entrer  en  triomphe 
le  lendemain  matin.  Malheureusement,  la  nuit  devait 
non  seulement  tromper  de  si  belles  espérances  ,mais 
jeter  l'armée  dans  un  grand  dangbr.  TouÇrà-eoup,le 
sôîr,  ayant  qu'ils  se  missent  en  route ,  pendant  une 
grosse  averse,  l'ennemi  vint  tomber  sur  eux  avec 
foreur;  les  Français  ne  purent  résister ,  ils  s'enfuirent 
en  désordre  du  village  et  entraînèrent  tous  les  autres 
dans  leur  fuite ,  laissant  leurs  bagages  dans  les  bois , 
dans  les  marais ,  dans  les  landes;  la  nuit  les  y  surprit 
et  les  protégea.  D'un  autre  coté,  1  attaque  du  g&éral 
Bertrandsur  l'extrême  aile  gauche  avait  été  repoussée. 
dès  le  matin;  alors  le  général  français  qui  vit  que 
F»nnemi  était  trop  fort,  n'osa  s'engager  dans  une 
bataille  générale  et  se  retira  sur  l'Elbe  en  toute  bâte. 
Berlin,  qui  était  dans  la  plus  terrible  attente,  reten- 
tit alors  des  cris"  de  joie  et  des  milliers  de  eitojens 
sortirent  de  la  ville  pour  venir  au-devant  de  ses  li- 
bérateurs et  emporter  les  blessés.  Apeu  près  dans  le 
même  temps  ;  le  27  août,  le  général  français  Gérard 
qui  était  sorti  avec*  une  partie  de  la  garnison  de 
Magdebourg,  reçut  aussi  lui  unécheçprèsdeLubnitz 
etHagelsberg,  et  fut  obligé  de  rentrer  dans  la  place 
après  avoir  perdu  un  tiers  de  ses  soldats.    .         /  - 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


CÀMPÀGHE  DE  481?.  864 

* 

Bataille  de  la  Katzbach.  26  août. 

Napoléon  ,  en  partant  pour  Dresde,  avait  laisse 
en  Sikésie  le  maréchal  Macdonald  pour  faire  tête 
aux  Prussiens -et  aux  Russes.  Mais,  dès  que  ceux-ci 
s'aperçurent  du  départ  de  l'empereur,  ils  reprirent 
courage  et  attendirent  l'ennemi  sur  les  hauteurs  de 
la  rive  gauche  de  la  Katzbach.  L'attaque  eut  lieu  le 
26  août ,  *ers  deux  heures ,  entre  Brechtelshof  et 
Groitsch.  La  pluie  tombait  à  plein  temps ,  les  che- 
mins étaient  défoncés  et  toutes  les  rivières  et  les 
ruisseaux  étaient  débordés  et  changés  en  torrents  qui 
roulaient  avec  fracas  dans  les  montagnes^  tout  le 
ciel  était  dans  la  plus  sombre  obscurité.  Une  partie 
de  l'armée  française ,  qui  s'engagea  dans  les  passages^ 
des  montagnes  surja  rive  gauche  de  la  Katzbach,  ne 
pouvant  être  soutenue ,  fut  forcée  de  se  retirer  en 
désordre  ;  mais  dans  leur  retraite  sur  Lœwenberg 
ayant  trouvé  la  rivière  gonflée ,  le  pont  emporté,  ils 
furent, atteinte  et  fort  maltraités  par  la  cavalerie.  On 
fit  beaucoup  de  prisonniers  j  les  canons ,  les  bagages 
qui  n'avaient  pu  être  emmenés  furent  la  p*oie  du 
vainqueur.  Bien  plus,  le  détachemgnt  de  Puthod 
qui  avait  été  envoyé  pouf  prendre  les  Russes  et  les 
Prussierçs  en  flanc ,  n'ayant  pu  trouver  un  passage  à 
Lœwenberg  f  fut  tout  entier  taillé  en  pièces  ou  fait 
prisonnier.  Toute  cette  armée  de  Macdonald  firt 
alors  dispersée  et  dans  le  plus  grand  désof  dre ,  et  on 
la  poursuivit  sans  relâche  jusqu'à  ce  quelle  eût  éva- 
eue  toute  la  Silésie. 

t.  ».  36 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


*6*  septième  îtpoQtE.  1648—4838. 

Bataille  de  Dresde.  26  et  27  août. 

Le  jour  même  de  la  bataille  de  la  K.atzbaeh  et  le 
jdtrr  suivant,  les  deux  armées  principales  combat- 
tirent aussi  avec  opiniâtreté  devant  Dresde;  mais  ce 
n'était  pas  encore  une  affaire  décisive.  Le  prince  de 
£chwartzenberg  et  les  trois  souverains  alliés ,  apr&t 
avoir  forcé  les  montagnes  qui  séparent  la  Saxe  de 
lu  Bohême  avec  la  grande  armée  et  classe  les 
Français  de  leur  position  k  Giesshubel,  étaiènlarrités 
devant  Dresde  le  25  août.  La  ville  avait  été  Torti- 
llée et  pourvue  d'une  bonne  garnison  pendant  l'ar- 
ntistice  ;  cependant  elle  eût  peut-être  été  emportée, 
si  l'attaque  avait  pu  se  faîte  un  jour  plus  tôt.  Les 
chemins  de  traverse  dans  les  montagnes  étaient  si 
impraticables ,  qu'il  fallait  souvent  mettre  plus  de 
vingt  chevaux  pour  traîner  un  seul  canon  et  que 
les  gooreis  *«  pouvaient  suivre  pour  entretenir 
Cette  armée  de  cent  mille  hommes,  fees  troupes  eu- 
rent donc  extrêmement  à  souffrir  de  la  disette.  Oh 
se  put  arriver  avant  le  25  au  soir,  et  le  26  à  0 
heures  du  matin  Napoléon  entrait  dans  Dresde) une 
ptortie  de  son  armée  le  suivait  et  passait  déjà  sur  le 
p»at  de  l'Elbe.  Son  apparition  était  tout-à-fait  inat- 
tendue v  on  le  croyait  encos*  au  fond  de  la  Silésie. 
il  s'entretint  un  moment  avec  le  roi  de  Saxe  et  ré- 
gla tout  pour  la  défense.  Déjà  le  grand  jardin  était 
occupé  par  les  chasseurs  prussiens  qui  faisaient  feu 
à  travers  les  bois  et  blessèrent  un  page  auprès  de 


Digitized  byVJ OOQ IC 


M.  l/attaque  principale  eut  lieu,  sui1  lés  quatre 
heure*  de  raprès-ttndi  ;  lés  alliés  èdcupaîént  tôtite»ft* 
hëuteurs  de  la  rive  gauche  de  t'Ëlbe  à  une  Béucf  de 
distancé  dé  la  ville.  Sur  «h  Signal  donné  par  tfôfe* 
étfïips  (Je  ôanott ,  ilâ  se  paftagèfi&nt  en  Si *  point» 
d'attaque  aveé  chactln  cinquante  éahùna,  dë^èfîidK 
tëtA  des  hauteurs  au  pas  de  chargé  et  vinrent  $e  rassem- 
bler dans  la  plaine.  Alors  commença  un  fëii  terrible 
cd&iré  leS  retranchements  français ,  lundis  que  Tiri^ 
fttùterie  tentait  une  escalade.  Quelques  bataillons 
autrichiens  emportèrent  un  retranchement  ^teti  hnît 
èàtïùnà  i  et  pénétrèrent  jusqu'aux  tflUrS  dé  la  tfflé  ? 
fflftîs  ils  étaient  en  trop  petit  nombre  pour  garder 
fcette  position  >  d'autant  plus  que  Napoléon  fit  fiùfe» 
Htèî  Sortir  de  ht  c&valerié  et  dé  l'infanterie  au  se- 
cours de  sa  batterie  par  plusieurs  portée  à  la  fois. 
Des  deux  côtés  on  combattit  àvéé  le  pins  grand  cou- 
lage sous  les  tours  de  là  tille*  dé  Sorte  q«e  lé* 
boulets,  les  obus,  les  grenades  tombaient  tnêthê 
afôutent  dans  l'intérieur,  et  ils  y  tuèrent  plusieurs  èi- 
toyeas*  Cependant  l'armée  de$  alliée,  tyà  avait  ft 
éotebattre  de*  troupes  bien  ref  ranehéj&s,  ne  peut  §a 
venir  à  ses  fins ,  et  fut  obligée  de  reprendre  se*  posi- 
tion» sûr  lé»  hauteurs  ;  la  nuit  mit  fin  au  combat. 
Toute  te  trait  ,  Napoléon  fit  arriver  à  Dresde  de 
twravelles  troupes  qui  passaient  l'Elbe  ,  et  le  tende* 
non  matin  à  sept  heures  elles  étaient  placées  en 
«Vaât  de»  retranchements.  Il  voulait  forcer  la 
gfcande  armée  des  alliés  à  s'éloigner  de  sa  principale 
gftaeff  d'arme»  et  à  repasser  les  rnooèègn»»  de  Btf* 

36. 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


564  septième  tfOQpé.  4648—1888.' 

Wme.  L'élite  de  ses  troupes  était  réunie  autour  de 
lui ,  et  même  sa  garde  devait  prendre  part  à  Fac- 
tion ,  quoique  habituellement  il  ne  l'engageât  que 
dans  le  moment  décisif.  Son  but  e*tait  d'occuper  l'en- 
nemi par  un  feu  bien  nourri  de  sa  grosse  artillerie 
en  faisant  mine  de  vouloir  se  porter  en  avant;  tan- 
dis que  le  roi  de  Naples  viendrait  tomber  sur  l'aile 
gauche  des  Autrichiens  par  la  route  de  Freibergavec 
une  nombreuse  infanterie  et  l'élite  de  la  cavalerie. 
Car  comme  l'armée  française  n'était  pas  serrée  de 
près  par  l'armée  autrichienne  et  qu'il  y  avait  entre 
elles  la  vallée  de  Plauen,  comme  d'ailleurs  la  pluiç 
tombait  par  torrent,  les  Français  réussirent  en  effet 
à  cacher  leur  dessein  et  arrivèrent  jusque  sur  l'armée 
sans  être  aperçus.  Alors  la  grosse  cavalerie ,  comme 
un  torrent  qui  emporte  tout,  se  jeta  sur  les  batail- 
lons autrichiens,  la  plupart  de  nouvelles  recrues  et 
sans  expérience ,  qui  ne  purent  même  se  servir  de 
leurs  armes  parce  qu'elles  étaient  tout  humides.  Ils 
n'avaient  donc  plus  qu'à. choisir  entre  la  mort  et  la 
captivité,  et  plus  de  douze  mille  hommes  avec  leur 
général  Mezko  furent  faits  prisonniers  et  amenés  à 
Dresde. 

Parmi  les  nombreuses  victimes  de  cette  journée 
était  le  général  Moreau ,  qui  venait  d'arriver  d'Amé- 
rique ,  où  il  avait  été  exilé  par  Napoléon ,  et  avait 
apporté  à  l'empereur  Alexandre  toute  son  expérience 
dans  la  guerre  pour  l'aider  à  la  délivrance  de  l'Aile* 
magne  et  de  l'Europe.  11  fut  tué  le  lendemain  4e 
son  arrivée  eu  quartier-général,  à  quelques  pas  de 


Digitized  byVJ OOQ IC 


G^MPÂGNS   DE    18ltî.  565 

l'empereur,  par  un  boulet  de  canon  qui  lui  emporta 
les  deux  jambes.  Il  supporta  les  opérations  des  chi- 
rurgiens qui  lui  amputèrent  les  deux  jambes  avec 
tout  le  sang-froid  d'un  guerrier  qui  méprise  la 
mort  ;  il  mourut  le  2  septembre  à  Laun  en  Bohême. 
C'était  un  homme  juste  et  sévère,  qui  aimait  la 
liberté  de  toute  là  force  de  son  âme  et  a^ait  mé- 
rité de  devenir  le'  libérateur  de  l'Europe.  Mais  il 
semble  que  la-Providence  voulût  nous  l'enlever  dès 
la  première  campagne ,  afin  que  nous  sussions  bien 
que  sans  les  secours  de  l'art  et  la  sagesse  d'un  étran- 
ger nous  pouvions  trouver  dans  l'ardeur  et  la  fer- 
meté de  notre  confiance  en  Dieu  le  courage  et  les 
moyens  de  terminer  cette  guerre. 

La  disette  où  était  l'armée  faute  de  convois  et 
Téchec  qu'avait  essuyé  l'aile  gauche ,  décidèrent  les 
alliés  k  se  retirer  en  Bohême ,  d'autant  plus  qu'ayant 
déjà  la  grande  route  de  Freiberg  coupée  par  l'armée  du 
roi  de  Naples,  ils  apprirent  que  le  général  Yandamme 
arrivait  en  toute  hâte  avec  une  armée  d'élite  par 
Pirna  pour  leur  couper  aussi  la  deuxième  grande 
route.  Le  dessein  de  Napoléon  était  d'anéantir  cette 
grande  armée  des  alliés ,  en  la  forçant  de  s'engager 
dans  de  mauvais  chemins ,  des  montagnes  déserts 
et  remplies  de  fondrières ,  où  elle  aurait  été  réduite  à 
mourir  de  faim  et  de  misère ,  ou  à  se  rendre  prison- 
nière; et  en  effet  elle  fut  en  grand  danger,  mais 
bientôt  ses  plans  tournèrent  à  sa  perle. 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


566  «BPTikM  ÉP^Qim.  1648— 1£58^ 

*  r 

Combat  de  Culn.  90  et  50  août. 

La  présomption ,  l'ambition  et  surtout  l'espérance 
d'obtenir  le  bâton  de  maréchal  par  un  actiop  d'éclat 
poussaient  le  général  Vandamme  témérairement  eii 
avant  ;  il  pensa  cependant  faire  éprouver  un  grantf 
échec  à  Tannée,  Mais  le  29  août,  lorsqu'il  atteignit  la 
carde  russe  commandée  par  le  général  Qstçrnienu 
à  Ventrée  de  la  vallée  de  Toeplitz^  il  trouva  un? 
résistance  insurmontable;  On  combattît  toute  la 
journée  ,  et  bien  que  les  Jlusse»  fussent  inférieurs  eu 
nombre  et  qu'ils  eussent  perdu  la  moitié  de  leur 
monde  dans  l'espace  de  quelques  heures,  bien  que 
leur  brave  commandant  eût  lui-même  le  bras  em- 
porté par  un  boulet  de  canon ,  ils  ne  lâchèrent  le 
terrain  que  pas  h  pas  et  sans  se  débander»  Ce  fut  unp 
journée  glorieusepour  la  gardç  russe.  Enfin  le  régi- 
ment de  dragons  autrichien»  de  l'archiduç  Charles 
M  joignit  è  eux  et  après"  les  derniers  efforts  ils 
réussirent  à  arrêter  Vandamme.  Cependant  il  avait 
toujours  une  position  fort  dangereuse  pour  Vannée 
des  alliés,  et  il  fallait  l'en  déloger  coûte  que  coûte* 
Le  30 ,  il  fut  donc  attaqué  de  nouveau  par  les 
Busses  et  deux  divisions  autrichiennes;  c'était  le 
premier  jour  que  le  soleil  paraissait  après  huit  jours 
d'une  pluie  continuelle.  Vandamme  s'était  posté 
lort  avantageusement  sur  les  hauteurs  de  Culm  et 
d'Àrbesau  et  ne  voulait  pas  abandonner  sa  position. 
Il  avait  son  aile  droite  défendue  par  une  montagne 
à  pic ,  celle  de  Geiersberg;  et  par  la  route  de  Nollen- 


Digitized  byVJ OOQ IC 


dorf  qui  traversait  la  moqtagne ,  il  attendait  le  se- 
cours de  Marmont,  Saint- Gyr  et  Mortier  qui  étaient 
aussi  à  la  poursuite  des  alliés  et  à  la  distance  de 
quelques  heures  seulement.  Bientôt  les  rochers,  le* 
cavçrnes  et  les  précipices  retentissent  du  terrible 
fracas  du  combat  qui  est  encore  mille  fois  grossi 
par  les  échos.  Yandamme  fut  inébranlable  jusqu'à 
midi ,  quelques  efforts  qu'on  fît.  Mais  tout  d'un  coup 
il  aperçoit  derrière  lui,  dans  les  hauteurs  et  les  fo- 
rêts d'où  il  attendait  le  secours,  les  bataillons  prus- 
siens conduits  par  Kleist  qui  descendent  sur  lui;  ilp 
étaient  parvenus  par  une  marche  oblique  aussi  heu- 
reuse que  hardie  à  travers  les  montagnes  jusqu'au 
village  de  Nollendorf  et  se  trouvaient  en  dos  de 
l'ennemi.  Leur  vue  fut  comme  un  coup  de  foudre 
pour  les  Français ,  il  n'y  avait  plus  à  songer  à  la  vio- 
toire,  mais  seulement  à  leur  salut,  et  aussitôt  ils  se 
jettent  en  désespérés  sur  les  Prussiens  avant  qu'ils 
aient  eu  le  temps  de  se  ranger  en  bataille.  C'est  ainsi 
qu'une  partie  de  la  cavalerie  se  fraya  un  passage  et 
s'échappa.  Mais  les  Prussiens  fermèrent  leurs  rangs 
et  remplirent  les  vides  f  d'ailleurs  les  Autrichiens  et 
les  Russes  avançaient  de  leur  coté  et  resserrèrent 
Yandamme  entre  trois  feux.  11  n'échappa  que  ceux 
qui  se  débandèrent  et  se  sauvèrent  à  travers  les  mon- 
tagnes. Huit  à  dix  mille  hommes  avec  les  généraux 
Yandamme  et  Haxo  furent  faits  prisonniers r  et 
toutes  les  munitions,  quatre-vingtTun  canons,  un 
grand  nombre  de  chariots,  des  aigles,  des  drapeaux 
tombèrent  entre  lps  mains  des  vainqueurs. 


Digitized  byVJ OOQ IC 


868  SEPTIÈME  ÉPOQUE.   1648—1858. 

Napoléon  fut  fort  mécontent  de  cet  échec ,  et  tout 
en  louant  le  courage  de  son  général  il  blâma  sa 
témérité,  en  disant  à  #e  sujet:  «Quand  l'ennemi 
s'enfuit,  il  faut  lui  faire  un  pont  d'or  ou  lui  opposer 
une  barrière  de  fer;  or  Vandamme  n'était  pas  assez 
fort.  »  * 

Pendant  que  les  trois'  souverains  de  -  Test  de 
l'Europe  assistaient,  pour  ainsi  dire ,  aux  succès  de 
leurs  armées,  arrivèrent  des  courriers  qui  leur  an- 
noncèrent les  victoires  de  Gross-Beeren  et  de  la 
Katzbach  ;  de  même  aussi  en  Espagne  le  maréchal 
Wellington  avait  remporté  une  grande  victoire  près 
de  Vittoria  et  plusieurs  autres  avantages.  Alors  ils 
ordonnèrent  une  fête  solennelle  à  Tœplitz  pour  le 
3  septembre,  afin  de  remercier  Dieu  du  secours  qu'il 
leur  avait  prêté. 


Bataille  de  Dennewitz,  le  6  septembre. 

Napoléon  voulant  compenser  les  pertes  qu'il  avait 
souffertes  par  de  plus  grands  avantages  sur  un  autre 
point,  avait  appelé  son  plus  brave  général,  le  maré- 
chal Nej,  qu'il  avait  fait  prince  de  laMoskwa,  pour 
lui  donner  le  commandement  de  l'armée  qui  devait 
conquérir  Berlin ,  à  la  place  d'Oudinot.  Le  prince 
royal  de  Suède  sut  adroitement  l'attirer  dans  le 
piège  ;  il  fit  semblant  de  vouloir  détacher  le  général 
Wallmoden  avec  vingt-cinq  mille  hommes  pour 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


OâMPÀGite  ue  4813.        •*  569 

marcher  contre  Davoust7  et  fit,  pour  cela  des  pré- 
paratifs extrêmement  secrets  en  apparence,  sachant 
bien  qu&les  espions  ne  manqueraient  pas  d'en  aver- 
tir Napoléon.  En  effet  Ney  reçut  aussitôt  Tordre  de 
quitter  l'Elbe  avec  ses  quatre-vingt  mille  hommes 
et  d'attaquer  partout  où  il  rencontrerait  Pennemi; 
parce  qu'on  croyait  déjà  les  vingt-cinq  mille  hommes 
en  marche  sur  le  Mecklenbourg.  Lemaréchal  réussit 
cependant  à  tromper  le  prince  royal  sur  ses  véritables 
intentions  par  des  marches  obliques;  et  le  6  sep- 
tembre ,  il  tomba  tout  à  coup  avec  toutes  ses  forces  sur 
les  Prussiens ,  commandés  par  Bulow  et  Tauenzien  â 
à  Dennewitzprès  Juterbogk.  Ce^fut  une  journée  ter- 
rible pour  les  Prussiens,  qui  n'avaient  que  quarante 
mille  hommes  et  eurept  à  soutenir  les  plus  vigou- 
reuses attaques  des  ennemis  pendant  toute  la  jour- 
née ,  jusqu'à  ce  que  les  Russes  et  les  Suédois  arri- 
vassent. Les  généraux  français  firent  les  plus  grands 
efforts  pour  décider  la  victoire  en  leur  faveur;  le 
maréchal  Ney  s'exposa  tellement  au  feu  que  la 
moitié  de  sa  suite  fut  tuée  à  ses  côtés;  Oudinot  lui- 
même  attaqua  le  corps  de  Tauenzien  à  la  tête  de  ses 
troupes,  et  Régnier  resta  long-temps  à  combattre 
au  milieu  même  des  bataillons  ennemis,  comme  s'il 
eût  cherché  la  mort.  Mais  le  courage  des  Prussiens  fut 
inébranlable ,  bien  qu'ils  eussent  perdu  le  tiers  de 
leurs  combattants  ;  et  le  soir,  quand  les  cinquante 
bataillons  suédois  et  russes  avec  six  mille  hoairofeg 
de  cavalerie  et  cent  vingt  pièces  d'artillerie  se  mon- 
trèrent^ dès  les  premières  charges  de  cavalerie  et  lès 


Digitized  byVJ OOQ IC 


670  MPTifctfi  tvotys*  i648— 1858. 

premières  salves  de  l'artillerie  légère,  les  Français 
prirent  aussitôt  la  fuite  ;  mais  la  cavalerie/ qui  se  mit 
à  leur  poursuite ,  ne  leur  laissa  point  dç  relâche. 
Us  perdirent  un  grand  nombre  de  soldats,  quatre- 
vingts  estions  et  toute  espèce  de  trophées,  depuis  le 
jour  de  k  bataille  jusqu'à  leur  arrivée  sur  l'Elbe. 

Après  des  revers  si  multipliés  dans  ses  généraux, 
Napoléon  n'avait  plus  de  plans  d'attaque  à  faire,  et 
s'il  ayait  pu  entendre  la  voix  de  la  raison,  et  de  la 
modération,  il  aurait  aussitôt  compris  qu'il  ne  pou- 
vait défendre  plus  long-temps  la  Saxe.  Mais  la  pré- 
somption ,  la  colère ,  le  désir  de  la  vengeance  qui 
remplissaient  son  coeur,  obscurcissaient  son  esprit; 
et  semblable  à  un  joueur,  qui  dans  son  désespoir 
met  toute  sa  fortune  sur  un  coup  de  dé,  Napoléon 
voulut  tout  perdre  pu  tout  gagner  et  ne  pa^  quitter 
la  place. 

Tout  le  mois  de  septembre  fut  donc  passé  en  allées 
et  venues  de  Dresde  en  Lusace ,  ou  vers  les  mon- 
tagnes de  Bohême,  soit  pour  frapper  un  grand  coup 
*ur  l'armée  de  Silésie,  soit  pour  contenir  la  grande 
armée  derrière  les  montagnes.  Mais  parlout  les  alliés 
se  gardaient  bien  de  combattre  dans  un  lieu  désa- 
vantageux ,  et  ils  s'arrêtaient  toujours  en  telles  po- 
sitions que  Napoléon  n'osait  les  forcer  j  cependant 
toutes  ces  évolutions  fatiguaient?  aigrissaient,  acca- 
blaient ses  troupes. 

Ainsi,  quand  le  û  septembre  il  se  mit  en  marche 
sur  Bautzen  contre  Blucher,  celui-ci  se  hâta  de  re- 
passer la  Neiss,  et   Napoléon  fut  obligé  de  revenir 


Digitized  byVJ OOQ IC 


OMnawB  pê  M15«  Vf  t 

sur  Dr e*d<^  parce  que  déj à  Wittgenstein  s'était avaiw^ 
jusqu'à  Pirna.  A  l'arrivée  de  Napoléon, les  troupes 
sorties  de  la  Bohême  si  retirent  lentement  Ver»  les 
montagnes,  et  quand  il  les  atteignit  le  12  cent  cin- 
quante mille  hommes  l'attendaient  dans  une  forte  po- 
sition à  Culm.  Alors  il  revint,  et  le  13  il  était  à  Dresde. 
Ensuite  on  crut  qu'il  allait  marcher  encore  unefojs 
contre  Blueher  qui  menaçait  l'Elbe  de  plus  en  plus* 
.  Mais  le  15  il  repartit  pour  la  Bohême,  et  dans  sa  mau- 
vaise humeur,  voulant  se  faire  un  passage  pour  aller* 
Tœplitz,  il  attaqua  les  alliés  dans  une  étroite  vallée, 
près  de  Nollendojtf.  Ainsi  ces  montagnes  retentirent 
encore  une  fois  des  fracas  de  l'artillerie;  mais  Na- 
poléon ne  put  forcer  le  passage,  et  le  général  autrichien 
Kolloredo  lui  prit  même  quelques  canons  et  quel- 
ques prisonniers.  — •  De.  là  il  se  porta  sur  Blucher 
qui  prit  une  forte  position  sur  la  Sprée,  et  le  23  Na- 
poléon rentrait  à  Dresde. 

C'était  un  jeu  ?ans  résultat  qu'il  faisait  et  fort  dé- 
.  ^avantageux  popr  lui  ;  de  plus,  la  disette  se  faisait 
sentir  tous  les  jours  plus  vivement.  Il  était  presque  en- 
fermé de  tous  côtés;  il  ne  lui  restait  plus  qu'une  Qfcroite 
lisière  pour  ses  communications  par  Leipzig  avec  la 
France.  Encore  était-elle  souvent  inquiétée  par  des 
chefs  de  partisans  :  c'était  le  général  autrichien 
Mensdorf,  qui  plus  d'une  fois  tint  aux  portes  de 
Leipzig  ;  le  général  Thfelman  qui  avait  quitté  le  ser- 
vice de  Saxe  et  avait  consacré  son  brasvà  la  cause  des 
Allemands;  c'était  Czérniohèff,  avec  ses  Co- 
saques, qui  pénétra  jusqu'à  Gassel ,  chassa  la  reiee 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


572  septième  époque.  4648—1838. 

de  Westphalie  de  sa  capitale  et  revint  chargé  de 
butin. 

.  Ainsi  la  route  n'était  pas  s&re  et  Napoléon  ne  pou- 
vait envoyer  de  courriers  ni  en  recevoir.  Voulant 
cependant  assurer  ses  communications,  il  donna 
Tordre  au  gênerai  Lcfebvre-Desnouettes  d'àileravec 
huit  mille  hommes  d'infanterie  et  la  cavalerie  de  la 
garde  chasser  toutes  ces  bandes  insolentes.  Mais  il 
fat  battu  à  Zeitz,  le  28  septembre,  par  les  généraux 
Hettman,  Platow  et  Thielman ,  et  il  n'osa  plus  en- 
suite se  montrer  en  face  avec.  eux. 


Combat  de  Wartenbourg,  le  5  octobre. 

Quelque  glorieux  que  fussent  ces  événements  pour 
.les  armes  allemandes ,  et  quelques  pertes  qu'ils  cau- 
sassent insensiblement  à  l'armée  française,  ils  n'é- 
taient cependant  pas  assez  décisifs  ;  «t  lamalheureuse 
Saxe  avait  horriblement  à  souffrir  de  la  présence  de 
si  gitndes  armées. 

Blucher,  qui  portait  encore  malgré  son  ^ge  toute 
la  fougue  de  la  jeunesse,  ne  pouvait  souffrir  une  si 
longue  incertitude,  et  il  çésolut  d'aller  donner  la 
main  à  l'armée  du  nord,  qui  avait  déjà  jeté  un  pont 
à  Dessau  et  fait  plusieurs  tentatives.  Tout  d'un  coup 
par  une  contte-marche  rapide  aussi  téméraire  qu'inat- 
tendue ,  il  arriva  à  Jesseti  sur  l'Elbe  pendant  çu'on 
le  croyait  à  Baulzen;  et  tandis  que  la  musique  arou- 


Digitized  byVJ OOQ IC 


*  campIgîie  de  4813.  *ra: 

sait  l'ennemi  dans  son  camp ,  il  jetait  deux  poyts 
sur  l'Elbe  pendant  la  nuit,  et  le  lendemain  1  armée 
de  Silésiese  trouvait  sur  la  riv^gauche.  —  L'entre- 
prise «'était  pasj^ans  danger,  d'autant  plus  que  le 
général  Bertrand  se  trouvait  dans  le  pays  avec  une 
armée  de  vingt  mille  hommes  et  dans  une  forte  posi- 
tion, à  Wartenbourg.  A  peine  eut-il  le  temps  dé  se. 
ranger  en  bataille,  ne  s  attendant  poiqt  àufie  atta~. 
que^  de  même  que  les  Prussiens  ne  croyaient  paa 
rencontrer  une  armée  française  si  impartante.  Ce- 
pendant York,  sans  hésiter,    attaqua   aussitôt  les 
avant-postes  qui  étaient  fortement  retranchés  der* 
rière  les  chaussées  de  l'Elbe  j  le  combat  fut  extrême* 
ment  sanglant ,  parcje  que  l'intervalle  entreries  chaus-, 
sées  et  l'Elbe  n'était  qu'un  marais  fangeux.  Cepen- 
dant les  Français  furent  obligea  de  céder  après  avoir 
,  perdu envirdn mitie  prisonniers  et  treize  canons;  maw 
les  Prussiens  avaient  aussi  extrêmement  souffert  et 
surtout  les  régiments  de  la  landvehrdeSilésie,com«<; 
mandes  par  le  général  de  brigade  Horn,  qui  se  dis- 
tinguèrent particulièrement.  York  reçut  plus  tard  du 
roi  le  nom  de  York  de  Wartenbourg. 

Blucher  marcha  de  là  sur  Duben  et  se  réunit  à 
l'armée  du  nord  qui  était  elle-même  arrivéeà  Dessau 
sur  l'Elbe.  —  Dans  le  même  morqçnt  la  grande  ar- 
mée, quittant  la  Bohême,  laissa  Napoléon  sur  sa 
droite  dans  Dresde  pour  traverser  les  passages  du 
Ertz  et  arriver  dans  les  grandes  plaines  de  la  Saxe; 
Le  5  octobre,  cette  armée  avait  établi  son  quartier* 
général  à  Marienberg,  # 


Digitized  byVJ OOQ IC 


KTt  siPTiÈMi  érûQfc*.  4648—4838. 

fréitaiiltires  de>  batalllç  de  Leipzig. 

T   ' 

Napoléon  ne  pouvait  pas  rester  plus  longtemps 
dus  Dresde  ;  les  grandes  aimées  dès  confédérés  me* 
na^îuut  de  se  donner  là  main  sur  ses  derrières  et 
de  lui  couper  le  chemin  delà  France.  Use  mit  donc 
ea  marche  le  *7  octobre  et  le  roi  de  Saxe  Paccom-' 
pftgna.  Il  laissa  dans  t)resde  un  cot-ps  d'armée  de 
vingt-huit  mille  hommes  sous  les  ordres  du  mar- 
ital Qotivioii*9aint*-Cyr,  et  cette  circonstance  té- 
M6igM  amez  qu'il  n'était  pai  tt&core  décidé  à  qtàt~ 
ter  l'Elbe.  Sa  confiance  en  son  ancienne  fortune  était 
ai  §rand«  y  il  avait  tm  tel  taépri*  pour  ses  ennemis , 
qu'il  se  félicitait  de  le*  voir  se  réunir  tous  cfcn*  1» 
plaine  de  I*ipsig$  parce  qu'il  pensait  pouvoir  ser 
promener  au  milieu  d'eux  comme  ta  foudre,  les  dé* 
tiettnfr,  frapper  &  droite  et  à  gauche,  le*  écraser,  les 
anéantir  et  revenir  en  triomphe  à  Dresde; 

Le  premier  coup  qtiïl  voulut  frapper  était  m» 
Vàrtaùû  de  Siléfcie.  Si  Blticher  Se  laissait  atteindre  4 
il  voulait  l'écraser  par  Une  grande  supériorité  de 
fttteee;  si  ce  général ,  craignant  pour  lui  et  pour 
Berlin  qui  restait  presque  sans  défense ,  se  retirait 
sur  l'Elbe  à  60n  approche ,  alors  il  se  jéterait  sur 
la  .grande  armée  de  Bohême.  Mais  quel  fut  son  éton* 
ttéuient  quand  il  arriva  le  10  octobre  à  Duben,  de 
ne  pas  trouver  le  général,  prussien  et  d'apprendre 
qn'ad  lieu  de  se  retirer  sur  l'Elbe  il  s'était  mis  der- 
rière la  Saal,  en  position  de  se  joindre  aussitôt  à 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


l'armée  de  Bohême  quand elle  arriverait  fon*  lu 
environs  de  Leipzig!  Alors  il  ne  lui  restait  néri 
autre  chose  à  faire  que  de  se  retirer  lui  mémtf  sur 
Leipzig  et  d'y  rassembler  toutes  ses  forées*  Ma0 
avant  que  toutes  ses  troupes  pussent  se  réunir  il 
passa  quatre  jours  d'ennui  à  Duben,  petite  fille  éê 
Saxe*  C'était  un  vrai  supplice  pour  Napoléon  que  dé 
m  pouvoir  pas  oeàduire  la  guerre  et  d'être  obligé 
d'attendre  le  parti  que  prendraient  les  alliés.  De 
•erteque  pcndanUces  quatre  jours  on  le  voyait ,  lui 
ai  actif  et  si  occupé,  assis  comme  un  désoeuvré  à  une 
grande  table  f  avec  ube  main  de  papier  blanc  m& 
kqiiéfc  il  peignait  de  gros  caractères  de  lettres ,  totjt 
abîmé  dans  tes  pensées. 

Déjà  toutes  les  troupes  françaises  étaient  à  Leip^ 
«ig,  et  le  maréchal  Àugereaa  arriva  le  dernier,  lus  12 
et  là  octobre  f  venant  de  Naumberg  aveè  qtliftlfe 
mille  homme**  de  vieilles  troupes  i  particulièrement 
delà  cavalerie  qu'il  amenait  d'Espagne,  sur  lesquelles 
jfopolëon  comptait  beaucoup ,  et  il  entra  lui-même 
*  Leiptig  k  1À  octobre,  sut  le  midi,  La  plus  gtiiidfe 
jtertie  dfcson  année  était  campée  près  de  Wacban, 
à  une  lieue  et  demie  sud -est  de  la  ville,  et  attendrit 
là  1  armée  principale  «les  alliés  que  conduisait  le 
prince  deSchwartzenberg,  qui  ne  sefit  pasloûg-tempr 
f&tendre*  Déjà  sa  cavalerie  était  en  état  de  faire  tête 
et  elle  fit  sentir  le  même  jour  Sa  présence  au* 
Français  j  près  de  Lkberttfolkwitz.  Le  rot  Murât 
i'était  mis  à  la  tête  de  six  escadrons  de  vieiïie  cava- 
lerie qui  venaient  d'arriver  dY£spagne  et  voulait 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


576  sEPtiÈME  Epoque.  4648—4838. 

rappeler  aux  allies  le  souvenir  de  la  valeur  de  la  ca- 
valerie française  ;  mais  ils  eurent  affaire  à  une  autre 
troupe  aussi  solide.  Les  escadrons  russes ,  autrichiens, 
nrussiens,  se  précipitèrent  sur  eux  avec  tant  de  fu- 
reur qu'ils  les  mirent  en  désordre  ^  et  Murât  lui- 
même  y  courut  le  plus  grand  danger  d'être  fait  pri- 
sonnier. Car  un  officier  qui  le  poursuivait  lui  criait 
déjà  :  Arrête!  arrête!  quand  cet  officier  fut  tué  par 
un  domestique  du  roi. 

D'après  une  liste  qui  a  été  prise  j  l'armée  française 
comptait  encore  deux  cent  huit  mille  homiftes  de 
trois  cent  cinquante  mille;  les  autres  avaient  été 
moissonnés  dans  les  combats  précédents.  Et  si  l'on 
retranche  de  ce  nombre  les  vingt-huit  mille  hommes 
qui  avaient  été  laissés  à  Dresde,  il  reste  cent  quatre- 
vingt  mille  hommes  qui  combattirent  à  Leipzig.  Na- 
poléon rangea  cette  armée  en  cercle  autour  de  la 
ville;  car  la  bataille  était  inévitable.  C'était  encore 
alors  une  belle  et  puissante  armée;  les  plus  lâches 
avaient  déserté  dans  les  mois  précédents  ;  les  plus 
faibles  avaient  été  emportés  par  la  fatigue  des  mar- 
ches, le  froid  des  nuits,  par  la  pluie,  le  froid,  le 
vent,  la  faim  et  par  les  maladies.  Ce  qui  testait 
était  l'élite ,  des  sol4ats  robustes  qui  ne  reculaient 
-  devant  aucuns  dangers,  et  qui  alors  attaqués  de  toutes 
parts  par  des  ennemis  en  fureur,  savaient  bien  qu'il 
n'y  avait  de  salut  pour  eux  que  dans  leur  valeur. 
C'étaient  d'ailleurs  destiommessi  pleins  de  confiance 
en  leur  maître,  qu'ils  se  croyaient  encore  sûrs  de  la 
victoire  toutes  les  fois  qu'ils  se  trouvaient  réunis 


Digitized  byVJ OOQ IC 


CAMPAGNE    DE    i%\%.  577 

autour  de  lui.  Pour  celui  en  effet  qui  aurait  consi- 
dère ce  terrible  mouvement  de  troupes,  ces  Tangs 
agités  qui  dans  ce  jour  traversaient  Leipzig,  chargés 
d'armes  brillantes,  il  y  avait  bieu  plus  d'une  raison 
de  tretnbler  pour  la  délivrance  de  l'Allemagne;  aussi; 
malheureusement,  ce  ne  fut. que  par  beaucoup  de 
sang  répandu,  après  avoir  sacrifié  là  fleur  de  leur 
jeunesse,  que  les  vaillantes  armées  allemandes  et 
russes  purent  obtenir  le  grand  but  qu'elles  se  pro-. 
posaient.  *  ' 

Napoléon  chercha  tous  les  moyens  d'enflammer 
encore  davantage  ses  guerriers.  Il  nomma  des  gé- 
néraux, proposades  avancements,  distribua  des  croix, 
des  marques  d'honneur  et  donna  dés  aigles  à  plu- 
sieurs régiments.  C'était  une  grande  fête  militaire 
dans  tout  le  camp  français,  comme  toujours  la' veille 
des  grandes  occasions.  Ces  guerriers  ensuite  s'expo- 
saient aux  plus  grands  dangers  pour  se  rendre  dignes 
des  distinctions  qu'ils  avaient  reçues. 

De  son  côté  Schwarzenberg,  général  en  chef  de 
l'armée  dès  alliés,  ne  négligea  pas  d'encourager  ses 
troupes  en  leur  montrant  que  c'était  le  moment  décisif 
et  qu'il  s'agissait  pour  eux  de  ^liberté  et  de  la  déli- 
vrance de  leur  pays.    - 


Bataille  de  Leipzig.  16 1  18  et  19  octobre. 

L'armée  française  n'était  pas  si  bien  assiégée  dans 
Leipzig  qu'elle  ne  défendît  les  approches  à  environ 
t.  ii.  37 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


«8  sEfTifcjp  *poftps.  46*8—1858. 

Hue  lieue  et  demie  de  tous  côtés,  si  ce  n'est  que  ver# 
l'ouest  ?  sur  le  point  de  Liodenau  >  paroùNapoléoa 
ue  ^'attendait  à  aucune  attaque  sérieuse  ,  le  général 
Bertrand  jetait  qu'à  uue  deçai -Lieue  de  la  yjlle 
avec  le  quatrième  corps  d'année. 

Le  1 5,  dans  la  nuit,  le  prince  de  Schwarzenberg  fit 
partir  trois  fusées  blanches,  afin  qu'elles  rassortissent 
4'autaqt  mieux  dans  l'obscurité,  pour  donner  |e 
sigrçal  conyenu  à  l'armée  de  Silésie ,  de  l'autre  côté 
de  Leipzig;  et  bientôt  après  on  en  vit  briller  au  nçird 
quatre  rouges  pour  seïyir  de  réponse ,  et  alors  fous  les 
coeurs  tressaillirent  de  joie  à  cette   reconnaissance. 
-  La  matinée  du  16  était  extrêmement  désagréable 
et  nébuleuse;  mais,  sur  les  neuf  heures  f  après  que 
Jp  signal  eût  été  donné  par  trois  coups  4e  canon, 
quand  toute  l'artillerie  fit  retenir  ses  tonnerres  et 
t>rill^r  ses  éclairs,  alors  les  nuages  se  dissipèrent  ,1e 
pie!  deyint  serein ,  et  toute  la  journée  le  soleil  Jbrilla 
sur  le  sanglant  chamade  bataille  t  le,  feu  de  l'artillerie 
jfta  jt  sj  terriblç ,  que. ,  à  la  lettre ,  Ja  %errç  çp  trewr 
Hai[  j  <?f  qHe  4e?  plu^  vieux  guerriers  assuraient 
jju'ils  avaient  encpre  jamais  çnteundu  un  $i  gf- 
^-pyable  fracas;  icar  Ujpavait  biensix  cents  bouches^ 
feu  du  côté  dès  Français ,  et  huit  cents  pu  mille  ffyi 
côté  des  alliés*  Dans  Leipzig ,  qui  était  le  point  Cen- 
tral deiout  ce  tumulte ,  on  entendait  le  bruissement 
des  armées  les  unes  contre  les  au  très,  et  de  ses  tours 
on  voyait  le  feu  et  la  fumée  dé  tous  côtés  r  cepen- 
dant, le  premier  jour,  les  Ij^es  de  bataille  éujeot 


Digitized  byVJ OOQ IC 


J#  baille  se  liyraif;  sur  trois  points  prirçqjj*!!** 
mais  rengagement  le  plus  sérieux  était  pu  sud-esj 
de  la  ville,  près  de  Markkleeberg ,  W^ch^u  ç$  J4a- 
teitwolkwilz  où  combattait  la  grapde  aro^e  4$* 
allies;  ensuite  à  l'ouest,  près  deLiadenau,  eptre 
Bertrand  et  le  général  autrichien  Giujay  ;  et  enfin  t 
au  nord,  vers  Mœckern  et  Liendepthal ,  euftp 
Blpcher  et  le  maréchal  Marmont;  de  ce  côt^  cp  fut 
une  bataille  particulière  qu'on  appela  la  bataille  4e 
AJœckern. 

Le  prince .  de  Schwarzenberg  avait  placé  sur 
l'extrémité  de  son  aile  gauche,  de  l'antre  coté  de  la 
Pleiss ,  le  général  Meprveldt  qui  devait  attaquer  en 
flanc  l'aile  droite  des  Français.  Là ,  se  trouvait  le 
prince  Ponialpwsky  avec  ses  Polonais ,  qui  comme 
d'habitude  combattirent  avec  le  plus  grand  courage; 
au  centre  étaient  les  Russes  et  les  Prussiens,  Comman? 
dés  par  Wittgenstein  et  Glarck  ;  à  l'aile  droite  les 
Autrichien  commandés  par  Klenau.  Toutes  ces 
prmées  s'avancèrent  d^s  le  matin  pour  l'attaque. 
.  £.e  général  Kleist  se  dirigea  sur  la  gauche  vacs 
|(arkilegberg ,  le  prince  de  Wurtemberg  pénétra 
m$gue  au  cputpe  dans  \V3chsp  avep  les  Russes  et  le? 
prussiens,  £çs  Autrichiens  sous  Kleaau  g'efnparèreqt 
gijr  J9,4roife'de  Kolpaberg ,  prèsdelie^ertwolkwite. 
|ou§  les  rçflgsfrapçaM  reculèrent  donc,  et  Napoléon 
getrquva  >i  F^  d*8  ?w*  enuçmisavec  sa  garde  que 
plusieurs  personnes  de  sa  suite  furent  tuées  par  de? 
bpulets  j  mais  Napoléon  n'était  pas  homme  à  aban- 
donner la  f  iptoire  pour  un  premier  assaut.  Au  mt- 

37. 


Digitized  byVJ OOQ IC 


K80  septième  époque.  1648—4858. 

lieu  de  tout  le  tumulte  de  la  bataille,  tout  en  consi- 
dérant de  tous  côtes  ce  qui  se  passait  autour  de  lui, 
il  avait  préparé  deux  redoutables  colonnes'  d'at- 
taque à  droite  et  à  gauche  de  Wachau ,  avec  l'élite 
de  son  infanterie  ,  de  sa  cavalerie  et  de  son  artille- 
rie; et  quand  il  jugea  le  moment  favorable,  sur  le 
midi  il  lança  ces  terribles  guerriers.  Cette  a'ttaque, 
qu'il  avait  lui-même  préparée,  faite  sous  ses  yeux, 
*fut  si  impétueuse  que  les  alliés  furent  obligés  d'a- 
bandonner les  villages  qu'ils  occupaient  et  de  se 
retirer  dans  les  lignes  d'où  ils  étaient  partis  le  matin. 
Les  Français  s'emparèrent  même  de  plusieurs  hau- 
teurs de  l'autre  coté  du  village,  emportèrent  la 
bergerie  d'Auenhain  ,  s'avancèrent  jusqu!âu  village 
de  Gulden-Gossa  et  conquirent  sur  l'extrémité  de 
Faile  droite  des  alliés  les  hauteurs  appelées  les  Re- 
tranchements suédois,  qui  dominaient  au  loin  tout 
le  pays;  La  victoire  semblait,  vouloir  se  déclarer 
pour  Napoléon ,  déjà  l'aile  droite  et  l'aile  gauche 
étaient  presque  séparées  de  leur  centre,  et  à  trois 
"heures  Napoléon  envoya  à  Leipzig  un  courrier  an- 
noncer sa  victoire  au  roi  de  Saxe  et  faire  sphner 
toutes  les  cloches.  Ce  devait  être  un  son  bien  sinistre 
pour  les  coeurs- allemands  renfermés  dans  l'enceinte 
de  la  ville  !  mais  bientôt  ils  purent  reprendre 
courage  ;  ca-T  la  canonnade  ne  discontinuait  pas ,  le 
bruit  ne  s'éloignait  pas  davantage  et  semblait  même 
se  rapprocher  en  certains  endroits. 

Les   officiers  du   prince  de  Schwarzenberg  qui 
reconnurent 4u  clocher  de. l'église  deGatrtsch,  d'où 


Digitized  by  VjOOOlC 


C1MPÀGNE    DE    1813.  581 

ils  considéraient  tout  le  champ  det  bataille ,  le  vé- 
ritable danger  de  leur  armée ,  le  peignirent  au  géné- 
ral qui  sentit  que  c'était  un  moment  décisif.  Il  était 
important  de  ûe  laisser  aucun  avantage  à  un  ennemi 
contre  qui  toute  l'Europe  s'était  déclarée,  quand 
toutes  les  armées  étaient  en.  présence.  Alors  ,  il  fit 
avancer  la  réserve  autrichienne  sous  les  ordres  du 
prince  héritier  deHesse  Hombourg.  Les  cuirassiers 
d'Albert  et  de  Lorraine,  de  François,  de  Ferdinand  et 
de  Sommariva  s'avancèrent  à  travers  des  chemins 
difficiles,  traversèrent  la  Pleiss  et  se  jetèrent  sur  les 
bataillons  français  qui  s'étaient  enfoncés  à  droite 
de  Wachau  et  les  forcèrent  de  reculer  ;  et  la  commu- 
nication de  l'aile  gauche  avec  le  centre  fut  réta- 
blie. Ainsi  le  brave  Kleist,  qui  avait  si  vaillamment 
défendu  Markkleeberg  contre  tous  les  efforts  des 
Français ,  se  vit  alors  déliré  par  les  Autrichiens  sur 
les  cinq  heures ,  et  il  put  prendre  enfin  un  moment 
de  repos ,  après  une  si  sanglante  mêlée.  De  l'autre 
côté,  la  colonne  de  gauche  de  Napoléon,  avec 
l'impétueux  Murât,  en  tête,  était  déjà  arrivée  jusqu'à 
Gulden-Gossa ,  et  faisait  les  derniers  efforts  pour 
s'emparer  de  ce  village.  Si  en  effet  ils  avaient  pu  y 
réussir,  l'armée  des  alliés  était  rompue  et  rejetée 
dans  les  marais  de  la  vallée  de  Gosel.  Déjà  leur  ba- 
taillons sont  au  milieu  du  village  ;  d^jà  les  cuirassiers 
français ,  dans  une  attaque  impétueuse ,  ont  emporté 
une  batterie  de  vingt-six  canons  etécrasé  sa  garde  ;  ils 
ne  son!  plus  éloignés  que  de  quelques  centaines  de 
pas  de  la  colline  sur  laquelle  les  monarques  de  Prusse 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


&8S  sBFTdtits  époque.  «48—1858. 

et  de  Russie  observaient  lècombâft^  l'éttâg .  <f é 
Gossa  est  entre  eux  ;  alors  l'empérefir  Aieiaitdrë 
donné  l'ordre  d'attaquer  aux  cosaques  du  Don  de  ââ 
gardé ,  commandes  par  le  comté  Olow-Denissoifr  )  lié 
èë  jettent  Sur  les  escadrons  ennemis  la  lancé  eriairéfc 
avecdèé  erîs  dé  jbié.  Céui-cl  hé  peuvent  soutenir  titt 
wioc  si  impétueux*  ils  sont  rompus,  et  presque 
toute  l'artillerie  perdue  est  reprisé.  Le  général  fraS- 
£ais  qtiî  Commandait  cette  cavalerie  *  le  meilleur  de 
lotis  les  commandants  de  cavalerie  de  Napoléon ,  le 
6*âtë  Làtotfr-Hàûbôûré  ,|  eut  là  •  cuisse  écrasée^  danà 
tiifè  charge. 

Le  danger  était  passé ,  l'ennemi  avait  perdu  sefe 
âtàiitàgfes.  Cependant  il  était  cibq  Heures  et  le  jour  ff- 
fififesàit;  ^uafad  ]tf  tirât  teHta  une  dernière  attaqué  cotitrè 
Uùldtn-Gb^à.  Al&fs  là  terttblë  artillerie  ènfcorè  uriè 
Mé  ëbrâtîla  H  terré;  et  leâbabitkrils  dèGossà,  rëiiffef- 
thës  flâné  lfeâ  fcàves  voûtées  dti  châtfeati,  crùfeât,  5  cet 
fiorHmë  Fr$câs;  (juè  la  terré  Couvrait  sous  leurs  pà£. 
Kfâfe  Fltitâquë  jfut  Vâièurfeiiserïiërit  fcotiteniiè  prir  ffe 
prince  de  Wiirtëitibérg  k  là  tète  des  grenadiers  rus&s, 
et  jpar  les  Prussiens  conduits  par  Pirch  et  Jàgdtv;  fefe 
Fut  de  ce  ëôtë  lé  dernier  effort  de  bette  journée.  Léb 
Autrichiens  avaient  aussi  réussi  à  reprendre  là  ber- 
gerie à'Âuërfhairi.  Alors  la  miit  survint  et  mit  fin  au 
combat. 

Ainsi,  Sprès  dii  heures  d'une  lutte  Sanglante;  les 
armées  se  trouvaient  sur  ce  côté  à  peu  près  dans  les 
friéfries  positions  que  lé  matin  ;  £i  ce  n'eàt  que  les 
FftnÇaft  cBiiSërvâîérit  eh  leur  jrâïssâHce  iëé  rètnin-  . 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


CÀitPiaxE  Di  1815,  B8S 

chémenfè  suédois)  tandis  que  les  Autrichiens  et  \ei 
Prussiens,  dans  un  autre  point,  occupaient  la  moitié 
du  village  de  Màrkkleeberg. 

Le  plan  des  alliés  avait  un  grand  but  qu'ils  ne 
purent  réaliser,  puisqu'au  contraire  l'avantage  de 
cette  sanglante  journée  resta  plutôt  à  Napoléon  :  c\fc 
tait  de  lui  couper  la  retraite  sur  là  SaàK  Une  divi- 
sion autrichienne  avait  été  envoyée  d'avance  à 
Weissenfels,  le  général  (ïiulày  devait  s'emparer  dé 
Lindenau,  et'le  général  Meerveldt,  avec  l'aile  gauche, 
fc  avancer  sur  la  Plèiss  et  marcher  contre  Leipzig.  Si 
tout  avait  réussi,  et  si,  en  même  temps,  Blucher  se 
fut  porté  en  avant  $ur  le  nord-buest;  l'armée  fran- 
çaise eût  été  coupée  et  perdue;  radia  Gkday  combattit 
inutilement  toute  la  journée^  devant  Lindenau,  cotilte 
té  ge'riéral  Bertrand.  Le  retranchement  fut  k  là  vérité 
ùîï  moment  en  son  pouvoir,  inais  bientôt  repris  paf 
leà  Français  ?  et  les  Autrichiens  furent  obligés  de  g& 
retirer.  Le  général  Meerveldt  était  encore  plus  rfial- 
heureux  ;  il  fît  de  nombreux  ëtfbrts  {tour  pénétre*  de 
l'autre  fcôté  de  la  Pteisà  et  déloger  les  Pdloflate  de 
Doëlitz  \  Lœsnig  et  Conne^vitz  ;  tirais  lés  marais  et 
l'opiniâtreté  de  Pennemi  arrêtèrent  toutes  àeà  tenta- 
tives, et  quand  ehfin  vers  cinq  heures  du  sôîrirpar vint 
&s*ëiûpdrer  de  Dœlitz,  arriva  tout  d'uii  fcotfp  lifaé 
partie  de  la  garde  que  Napoléon  envoyait  atl  secours 
des  Polonais.  Lès  Autrichiens,  pressés  de  tous  côtés, 
Ibrent  accablés ,  et  leur  valeureux  commandant/ut 
lui-même  fait  prisonnier ,  ayant  perdu  son  cheval 
tué  sous  lui  au  moment  d'une  charge.  C'était  ttne 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


584  septième  époque.  1648—1858. 

bonne  fortune  pour  Napoléon  T  et  il  résolut  dès  le 

lendemain  dé  se  servir  du  général  Meerweldt  pour 

tâcher  de  séparer  l'empereur  François  des  autres 

alliés. 

Mats  Napoléon  perdit  à  Mœckern,  contre  Blucher, 
trois  fois  la  valeur  des  avantages  du  combat  de  Lin- 
denau  et  de  la  prise  du  général  Meerveldt;  car  au 
moment  même  qu'il  faisait  annoncer  sa  victoire  à 
Leipzig,  que  toutes  les  cloches  retentissaient  et  don- 
naient un  nouveau  courage  à  ses  guerriers  par  leurs 
sons  trompeurs,  Blucher  renversait  ses  espérances 
trop  précipitées  :  il  ne  l'attendait  pas  si  promptement 
sur  le  champ  de  bataille,. quelque  rapide  qu'il  connût 
ce  vieux  guerrier.  Il  arriva  sur  les  midi ,  et  fit  aus- 
sitôt attaquer  Mœkern  et  le  maréchal  Marmont  par 
toutes  les  forces  M'York ,  et  Gross- Wiederitsch  et 
Klein- Wiederitsch  par  Langeron;  puis  comme  les 
deux  points  étaient  trop  distants  l'un  de  l'autre, 
Sacken  se  plaça  au  milieu  pour  seyvir  de  réserve  et 
porter  du  jsecours  à  droite  et  à  gauche. 

Un  grand  souvenir  se  rattachait  à  ce  champ  de 
bataille,  c'était  celui  où  Gustave-Adolphe  avait 
battu  Tilly,  le  destructeur  de  Magdébourg.       * 

Les  Prussiens  eurent  à  soutenir  la  plus  opiniâtre 
lutte  dans  Mœckern  et  aux  environs  ;  le  maréchal  y 
aVait  réuni  ses  meilleures  troupes  et  cinquante  pièces 
d'artillerie,  qui  faisaient  un  ravage  effrayant  dans 
leurs  rangs.  Trois  fois  ils  s'étaient  emparés  du  village, 
et  trois  fois  ils  l'avaient  perdu.  Une  foule  de  braves 
guerriers,  et  surfont  paroi  lep  chefs ,  avaient  suc* 


Digitized  byVJ OOQ IC 


CÀMPÀGKE  s*  1813.      >  685 

«  •  >  . 

combe  et  arrosé  le  champ  de  bataille  de  leur  sang. 
Ce  fut  le  jour  le  plus  meurtrier  de  la  guerre  pour 
Parmée  d'York. 

Mais  elle  ne. chancela  pas,  et  toujours  de  nou- 
veaux bataillons  accouraient  sur  le  village  qui  était 
tout  en  feu ,  sans  songer  à  la  mort  que  lançaient  les 
terribles  bouches  à  feu  de  l'ennemi ,  qui  déjà  avaient 
couvert  le  champ  de  bataille  de^ang  et  l'avaient 
jonché  de  cadavres*  Cependant  tous  avaient  été  écra- 
sés et  il  ne  restait  plus  que  la  brigade  de  réserve  du 
général  Horn.  C'est  alors  que  Blucher  donna  l'ordre 
au  général  Sacken  de  marcher  au  secours  sur 
Mœckern  ;mais  la  distance  était  trop  grande,  et  York 
vit  bien  que  avec  la.  fureur  des  combattants  il  lui  fal- 
lait chercher  son  salut  dans  ses  propre.s  forces  et 
obtenir  un  succès  avant  l'arrivée  des  secours.  Alors  il 
dépêcha  un  aide* de-camp  au  général  Horn  qui  était 
dans,  la  plaine  pour  Jui  représenter  le  danger' qui  le 
presse.  «Eh  bien!  repond  Horn,  nous  allons  faire  un 
hourra .  »  Alors  il  fait'avancer  son  infanterie  au  pa| 
de  course;  en  poussa nt.de  grands  cris,  sur  l'infanterie 
ennemie  et  se  jette  sur  lesbatteries  à  gauche  duvillage; 
avant  qu'elles  aient  pu  faire  trois  décharges  elles 
étaient  emportées  et  l'ennemi  était  obligé  de  plier. 
Plusieurs  caissons  de  poudre  que  les  Prussiens 
firent  sauter  au  milieu  de-  leur  rangs  achevèrent 
de  mettre  le  désordre;  les  nftrins  de  la  garde  furent 
eux-mêmes  vivement  assaillis,  et  malgré  toute  leur 
opiniâtreté,  ils  ne  purent  soutenir  cette  attaque} 
(fautant  plqsquc  les  hussards  de  Me^lenbpurç,qni 


Digitized  by  LjOOQ IC 


*80  swnfcics  4to*0s. 4*48—1858. 

se  jetArent  sur  les  carrés ,  les  eafoncèrerifret  les  fcttP 
bâtèrent  :  presque  tous  ces  guerriers  se  firent  tuer 
dans  leurs  rangs.  Rien  alors  ne  pouvait  plus  les  ar- 
rêter, et  ils  poursuivirent  les  Français;  jusque  de 
l'autre  côté  de  la  Partba.  Langeron  de  son  côte,  à  M 
tiéte  dés  Russes,  avait  combattu  avec  non  moins  de 
Murage  et  emporté  les  villages  de  Gross-  et  Klèiti- 
Wiederitsfeh  avec  treize  carions.  Dé  sorte  que 
Marmont  se  trouva  lé  soir  sur  là  rivé  gauche  de  fâ 
Partba,  non  loin  de  Leipzig (*). 

Alors  tout  le  vacarme  de  la  bataille  était  tôffcbë  j 
et  les  épouvantables  bouches  à  feu  Se  reposaient: 
h  leut  place,  dans  mille  endroits  à  .une  grande  dis- 
tance autour  de  Leipzig,  on  voyait  de  gr%hds  in- 
tendies  et  de  petits  feux  élever  leurs  flammes  à  tra^ 
Vers  l'obscurité  de  la  nuit»  Huit  villages  et  petites 
villes  étaient  en  proie  à  l'incendie:  Eutritsch; 
Lindenau,  M arkkteeberg,  4>œlitz >  Liéberwolkwitz £ 
Seiffersham,  Rrœbérti  et  Wachaû;  dans  Tinter- 
val  le  brillaient  une  infinité  de  feux  de  camps  des 
grandes  armées  qui  se  trouvaient  réunies  sur  uèl 
espace  de  quelques  lieues.  Des  tûilliers  dé  guerrier* 
gisaient  sansr  vie  sur  le4  champ'  de  bataille;  des 
milliers  combattaient  encore  avec  les  angoisses  de  là 


(*)  Le  maréchal  Hey  avait  mis  une  partie  de  son  corps  d'armée  à  la  dispo- 
sition de  l'empereur  contre  Schwarzenberg,  et  n'avait  que  55,000  nomme* 
à  opposer  à  Blucher  qui  en  avait  60,000..  D'ailleurs  Marmont  fut  blessé  et 
cet  accident  contribua  encore  au  désordre.  (Labaume,  Hitt.  de  la  ChuH 


Digitized  byVJ OOQ IC 


mort,  qu'ils  appelaient  pour  finir  leurs  souffrances: 
Citait  l'œuvre  d'un  seul  homme,  de  cette  âme  de 
fer,  insensible  aux  douleurs  de  l'humanité,  qui 
alors  encore  préparait  de  nouvelles  victimes  !  ■- 


17  octobre, 

y 

t>e  jour  suivant  Napoléon  eut  recours  à  tous  lfe  s 
moyens  de  l'art  pour  diviser  les  alliés  et  ûbtenit 
une  suspension  (Pannes ,  pendant  laquelle  il  jpëuf* 
rait  sortir  d^sa  mauvaise  position.  Mais  les  propo- 
sitions qu'il  fit  faire  à  l'empereur  François}  Jtà? 
l'entremise  du  comte  Meerfeldt  >  ne  forent  j>oltti 
écoutées  ;  parce  que  l'on  connaissait  ï'upihiâtretë  de 
èàn  caractère,  qui  né  cherchait  alors  qu'à  gagner 
du  temps*  S'il  n'avait  eu,  comme  il  Iè  déclarait; 
que  l'ihtêritiori  d'épargner  le  Sang  humain,  il  de- 
vait partir  le  il  pour  faire  cette  même  retrait^  qu'il 
ftit  obligé  de  faire  deux  jours  plus  tard,. affres. avbiir 
perdu  cinquante  mille  hommes;  dé  plus.  Il  durait  êà 
d'ailleurs  s'apercevoir  dans  les  combats  du  16  qn'H 
île  pourrait  jamaià  battre  les  vaillantes  armées  dés 
alliés  11  n'avait  plus  de  renforts  à  attendre,  tout  cfe 
qu'il  avait  était  réuni  autour  dé  lui;  les  alliés  ad 
contraire  avaient  de  très  fortes  réservés.  Le  princfe 
royal  de  Suède  arriva  pendant  la  nuit;  chassant 
devant  lui  le  général  Régnier,  dont  le  corps  d'ar- 
mée était  composé  pour  la  majeure  partie  de  Saxons, 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


586  SEPTIÈME  ÉPOQUE.    16  4&— 1838. 

qui  trahirent  leurs  alliés.  fienningsen  arriva  le  matin 
avec,  une  nouvelle  armée  russe.,  etKolloredo  à  midi 
avec  une  division  autrichienne.  Cependant  Na- 
poléon ne  pouvait  se  décider  à  quitter  le  champ 
de  bataille  tant  qu'il  y  aurait  une  lueur  d'espé- 
rance; et  s'il  eût  donc  encore  montré  alors  cette 
-ancienne  activité  qui  lui  avait  si  souvent  donné  la 
victoire  !  Car,  puisqu'il  avait  toutes  ses  forces  réunies , 
il  devait  aussitôt  attaquer  les.  alliés  qui  allaient  rece- 
voir des  renforts  le  lendemain  à  différentes  heures. 
Au  lieu  décela,  il  perdit  tout  le  jour  en  de  vaines 
négociations,  croyant  encore  à  la  puissance  de  sa 
parole.  Mais  l'Europe  avait  changé  ;  ses  souverains 
étaient  animés  d'une  noble  et  grande  confiance  et 
les  peuples  étaient  tous  également  enthousiasmés 
pour  l'honneur  et  la  liberté. 

Le  17,  il  n'y  eut  que  du  côté  de  Blucher  qu'eut 
lieu  un  court  engagements .  Pour  resserrer  encore 
davantage  les  Français  dans  Leipzig,  il  fit  attaquer 
la  cavalerie  du  duc  de  Padoue,  beau-frère  de  Napo- 
léon ,  qui  était  campée  à  peu  de  dîstatace  de  Leipzig, 
du  coté  de  la  porte  de  Halle,  par  deux  régiments  russes, 
les  hussards  et  lès  Cosaques.  Cette  cavalerie  voyant  la 
lutte  inutile ,  se  retira  aussitôt  vers  la  ville  derrière 
l'infanterie;  mais  les  Russes  la  poursuivirent  jus- 
qu'aux portes,  lui  tuèrent  du  monde  et  prirent  cinq 
canons.  L'infanterie  française  étonnée  se  retourna  et 
fit  feu  sur  eux  ;  alors  ils  §e  retirèrent  tranquillement 
emmenant  leurs  canons  et  leurs  prisonniers  el  rea- 
trèrent  fans  leurs  positions» 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


CAMPAGNE    DE    1813.  589 

i^octobre.     •  *  " 

BenningsenetKolloredo étaientarrivésà  lagrandé 
armée  le  17  au  soir,  et  le  prince  royal  de  Suède 
entrait  au  même  moment  à.  Breitenfeld ,  une  lièue 
et  demie  de  Leipzig.  Le  grand  réseau  qui  enve- 
loppait Leipzig  devenait,  donc  "de  plus  en  plus 
rempli  au  nord,  à  l'est  et  au  sud;  il  n'y  avait  d'issue 
pour  les  Français  que  du  coté  de  l'ouest  par  Lin*- 
denàu,  pour  gagner  la  Saal,.  et  de  là  les  bords  du 
Rhin. 

Enfin  se  leva  légrahdjour  danslequel  la  couronne 
du  grand  conquérant  devait  être  brisée.  L'Europe 
entière  se  tenait  en  armes  pour  combattre  une  par- 
tie contre  l'autre.  Depuis  ses  extrémités  Içs  plus 
reculées,  par  où  elle  touche  l'Asie,  jusqu'au  -mers, 
de  l'Atlantique,  de  la  Méditerranée  et  de  la  mer 
Glaciale, de  touscôtés  elle  avait  envoyé  des  guerriers 
à, Leipzig. 

L'arc  de  cercle  que  Napoléon  avait  tracé  autour 
de  teipzig  devait  donc  être  attaqué  de  trois  côtés  : 
au  nord  par  lé  prince  royal  de  Suède  et  Parmée  de 
Silésie;  à  -l'est  par  Benniugsen  qui  avait  sous  son 
commandement,  avec  les  Rùsses>  lés  Autrichiens  dé 
Klenau  et  une  division  prussienne  conduite  par 
Ziethen;  au  sud,  du  devait  être  l'attaque  principale  1 
paveeque  c'était  là  aussi  le  point  le  plus  fort  de  Na- 
poléon. Le  général  en  chef  divisa  son  armée  en 
deux  giands  corps,  dont  le  premier  composé  des 


Digitized  byVJ OOQ IC 


g$  •ipnfcifE  teoQu*.  1648—1838. 

Russes  et  des  Prussiens ,  conduits  par  WUtgensteîn 
et  Kleiaty  devait,  attaquer  le.  point  central  des  Fran- 
çais, et  le  deuxième  composé  de  l'élite  de  l'armée 
autrichienne,  pous  la  conduite  du  prince  royaj.  de 
Jlesse-Hombourg,  devait  déloger  le  prince  Ponia- 
pçmskj  de  la  Pleiss  où  il  s'était  maintenu  avec  tant 
d'opimâtreté,  et  le  forcer  de  se  replier  sur.Lpipzjg, 

Napoléon  de  son  côte' avait  rétréci  son  cercle,  afin 
devoir  plus  de  solidité.  Il  avait  abandonné  les  vil- 
lages de  Wachau  et  LiebçrwolkwiU ,  autour  desquels 
{an t  dp  sang  avait  coulé  le  16^  et  pris  Probsthejd^ 
pour  point  central;  il  se  tenait  lui-même  avec  sa 
garde  entre  ce  village  et  l'aile  droite  sur  Ja  jBleiss. 
Jl  ayait  pris  pour  sa  position  une  petite  élévation 
fui*  laquelle  était  un  moulin  percé  de  tous  cotés  ^ 
Jjipoifié  en  ruines.  (Test  là  qu'il  <:oirçmença  la  journée 
#  jlj  était  encore  quand  elle  finit. 

^  fruit  heures  sonnant ,  le  combat  s'engagea;  Jç 
j^nce  héritier  de  Hesse:Hombourg  s'avança  sur  1§ 
Pleiss,  vis-à-vis  Dœlitz,  et  attaqua  ce  village.  |ue$  Eo? 
Jgg$4§  et  les  Français,  sous  le  prince  Poniatowstj, 
te  (Refendirent  comme  des  gens,  réduits  au  désespoir, 
j$  la  lutte  fut  opiniâtre  et  sanglante.  Plusieurs  fois 
Jjgs  Autrichiens  furent  repoussés  ^  leur  vaillant  com- 
g^ndaqt  fqt  lui-même  atteint  de  dèu$  blessures  rtf 
ftçllorç^opriUe  commandement  en  chef  à  sa  plac^ 
Eflûu,^eçondé  par  Bianti,  il  réussit  à  s'emparer  de 
Bfcjplitz ,  deDoesen  et  deshauteurs  de  la  rive  droite 
$  à  s'y  maintenir  tout  le". jour*  malgré  Oudinot  et 
J»  garde  qui  arrivèrent  au  secours  des  Polonais, 


Digitized  byVJ OOQ IC 


CiMPAGNl   DE    48i3.  £04 

A  leur  droite,  les  Russe?  ej^es  Prussiens  avaient  aussi 
obtenu  des  succès  et  poussa  les  français  toujours 
combattant  jusqu'auprès  de  Probstheyda ,  où  ils  se 
trouvaient  à  midi ,  en  face  de  Napoléon.  Là  eut  lieu 
la  lutte  la  plus  acharnée ,  parce  qu'à  sa  conservation 
#fyi\  attaché  }e  salut  de  l'armée.  Napoléon  y  %vait 
^uni  de  nombreux  bataillons  de  toutes  armes ,  y 
avait  élevé  de  nombreux  retranchements,  et  lui- 
jftéifte  §e  tenait  là  avec  sa  garde  pour  porter  du  se- 
jppurt  au  premier  moment.  Presque  tous  les  jardin* 
du  village  étaieut  entourés  de  murs  en  terre  grasse, 
♦  Jes  Français  s'en  servaient  comme  de  rempart,  et 
^r^uifeut  deà:  meurtrières,  ils  se  portaient  derrière; 
rde  sorte  que  chaque  maison  était  presque  devenue 
4ine  citadelle.  Cependant  les  divisions  prussiennes 
gpns  le. prince  Auguste  etPirch,  pénétrèrent  un  mo- 
ment dans  le  yillage/apr è^  une  attaque  héroïque  j  mais. 
«Ile?  ne  purent  s'y.  maintenir.  Ayant  nue  deuxième 
4pw  refçrm£  leurç?  rangs  devant  le  village  pour  feire 
nue  nouvelle  atteque,  ils  n'eurent  pas. plus  de  suc- 
cès. De  nouveaux  bataillons  russes  essayèrent  encore 
de  recommencer  cette  sanglante  entreprise,  et  ne 
guxent  jamais  s'emparer  du  village.  Le  carnage  avait 
Ai  gi  çffroyabie,  que  lpjs  morts  obstruaient  le  pas- 
jpgç>  Çojçhien  de  jeunes  gens  y  onM^rifitf  à  notre 
iiber^lespi^uiiers  moments  de  leur  vie-,  et  combien 
^égnitable  tf  heHe  la  pensée  de  ceu*  qui,  en  m#r 
jftpire  de  cette  grande  lutteront  élevé  une  croj*d#us 
<$$  çn4r<çU  £  Prpbstheyda!  Les  trew  fl»n^rqnep 


Digitized  byVJ OOQ IC 


502  septième  époqui.  4648—1838. 

témoin»  des  efforts  surhumains  de  leurs  troupes. 
A  cinq  heures,  ils  donnèrent  l'ordre  dé  céder  et 
d'épargner  leurs  guerriers  ;  car  déjà  la  victoire  s'é- 
tait assez,  prononcée  sur  d'autres  points  /et  à  dix 
heures  du  matin  Napoléon  avait  déjà  donné  l'ordre 
au  général  Bertrand  de  se  retirer  sur  la  Saal  avec 
ses  troupes  ;  c'était  une  preuve  certaine  qu'il  voulait 
opérer  sa  retraite. .         . 

Tels  étaient  les  événements  au  sud  de  l'ordre  de 
bataille  ;  à  Test  le  général  Benningsen  attaqua  tè  ma- 
réchal Macdonald  chargé  de  défendre  les  lignes  fran- 
çaises .sur  ce  point.  Le  maréchal  se  cle fendit  avec  le* 
plus  grand  courage ,  particulièrement  dans  HoTzhau- 
sen  qui  fut  plusieurs  fois,  pris  et  repris.  Cependant, 
sur  les  deux  heures  de  l'après-midi  les  Autrichiens  se- 
condés par  les  Russes,  réussirent  à  s'emparer  de  ce 
village,  et  les  Prussiens  de  celui  de  Zuçkelhausen; 
alors  Macdonald  se  retira  sur  Stœtteritz,  à,  peu  de  dis- 
tance de  Probstheyda  ;  de  sorte  que  toutes  les  trou- 
pes qui  formaient  le  centre  se  trouvaient  concentrées 
sur  ces  deux  villages,  et  elles  #y  maintinrent  jusqu'à 
la  nuit. 

Mais  à  l'aile  gauche  le  maréchal  Ney  essuya  un 
échec  complet  j  il  était  chargé  de  défendre  toute  la 
ligne,  depuis  le  corps  de  Macdonald  jusqu'à  la 
Partha,  il  ne  put  faire  face  aux  deux  armées  qui  l'a-' 
taquaient ,  l'armée  du  nord  et  celle  de  Silésie,  et  il 
fut  forcé  de  se  replier  jusque  sous  les  murs  de  Leipfeig. 
Lesdetftfarmées  passèrent  la  Partie  en  deux  endroitsj 
Blach«r  près  de  Môckau  avec  les  Russes,  quoiqu'il 


Digitized  byVJ OOQ IC 


CVMPÀGWE   DE   4813.  593 

eût  de  l'eau  jusqu'à  la  ceinture;  parce  qu'il  trouvait 
trop  long  d'aller  passer  près  de  Taucha.  Du  reste 
les  Français  n'opposèrent  aucune  résistance,  et  Mar- 
mont  se  retira  sur  Schœnfeld  en  toute  hâte.  Les  ré- 
giments de  cavalerie  hussards  et  hulans  et  quelques 
bataillons  saxons  et  wurtembergeois  qui  se  trou- 
vaient de  ce  côté  tendirent  les  bras  aux  assaillants 
et  passèreot  de  leur  côté. 

Sur  le  midi ,  l'armée  du  Nord  qui  avait  passé  à 
Taucha  1  vint  remplir  l'intervalle  laissé  entre  Blu- 
cher  à  droite  et  Benningsen  à  gauche;  de  sorte  que 
de  ce  côté  la  ligne  fut  toute  remplie,  et  elle  s'effor- 
çait de  resserrer  de  plus  en  plus  les  Français.  Lan- 
geron  à  la  tête  dés  Russes  s'empara  de  Schœnfeld , 
sur  la  Partha ,  qui  fut  défendu  par  M armont  avec  la 
plus  grande  opiniâtreté.  Le  combat  dura  quatre 
heures,  et  toujours  de  nouvelles  troupes  de  part  et 
d'autre  se  succédaient  sur  le  champ  de  bataille  ;  enfin 
entre  cinq  et  six  heures  du  soir,  lorsque  le  village 
^t  Péglise  étaient  déjà  tout  en  feu ,  les  Français  l'a- 
bandonnèrent et  se  retirèrent  sur  Reudnitz  et  Volk- 
mansdorf,  aux  portes  de  Leipsig.  Ney  et  Régnier 
qui  devaient  défendre  le  terrain  au-delà  de  Pauns- 
dorf ,  attaqués  dans  l'après-midi  car  l'armée  du  Nord 
et  par  les  Prussiens  conduits  par  Bulow,  furent  chas- 
sés de  Paunsdorf  ;  et  comme  ils  voulaient  se  défendre 
dans  la  plaine ,  la  cavalerie  russe  et  prussienne  qui 
n'avait  encore  eu  rien  à  faire ,  parce  que  tout  s'était 
passé  dans  les  villages ,  se  jeta  sur  eux  et  fut  secondée 
par  les  fusées  à  la  Congrève  qui  furent  laneées  au  mi- 
T?ft.  38 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


694  septième  époqve.  1648— 1838. 

lipu  des  bataillons  cartes ,  où  elles  venaient  éclater 
avec  fracas ,  lançaient  le  feu  et  la  mort  de  tous  cqteç 
et  effrayaient  les  homqaes  et  les  chevaux.  Alors  il 
n'j  eut  plus  de  résistance  ,  les  rangs  se  débandèrent, 
les  villages  voisins  furent  emportés,  et  on  ne  s'ar- 
rêta que  dans  Volkmansdorf. 

*|Çe  fut  alors  que  les  Saxons,  qui  n'avaient  com- 
battu qu'à  contre-cœur  pour  Napoléon,  accoururepf; 
4e  notre  pôté .  avec  leurs  drapeaux ,  leurs  çappiis , 
arrnes  et  bagages  (  *  ) . 

Napoléon  %  déconcerté  à  cette  nouvelle,  se  bâta 
d'çnyqyei*  la  cavalerie  de  la  garde  commandée  par 
Nansputy  afin  de  remplir  le  vide.  Celiji-ci  a^iva  erç 
tqutq  hâte  avec  une  bonne  artillerie;  ^  et  voulut  se 
Jeter  sur  le  flaac  dé  Bulow  j  mais  les  Autrichiens 
commandés  par  Çudnaf  qui  se  trouvaient  tout  pro- 
ches, vinrent  eux-mêmes  à  sa  rencontre,,  et  UUtèreqf 
avec  audace  contre  lui;  dun  autre  çqté  le§  S^'dpis 
diri^renf  contre  lès  rangp  des  Français  J'artiller^ 
saxpnue  que  leur  fit  demander  le  prince  ro^al  cj{| 
Sijpdç.  Alors  cette  viei|le  garde  fut  obligée  de  pjiçjf 
et  fl'abgndonncyp  encore  le  terrain  aux  allié?. 

EnÇp  cette  journée  de  spng  était  à  sa  fin  ;  déjà  }fâ 
^errçjerç  racorni  du  sgjeil  ne  brillaient  plji§  que  §pr 


;  (*)  Çgif  ç  tycta  ^fcçLjqn ,  confire  k  toutes  les  lois  <fe  l'bppwjr  milita**, 
ej  qui  sera  pour  les  Saxons  une  tache  ineffaçable ,  fut  cause  4e  tqui  les  <ty- 
«avantages  éprouvés  de  ce  côté  et  par  suite  de  la  perte  de  la  journée  ;  car 
Jusque  U  les  FrançaiiVétaiflr^  maintenus  sur  tous  les  autres  point*  et 

Hlfc&vç f^^PWP*  ftW  ¥9  •  #9  *****  *wPk  *m  leurs.  (4#tim^ 


Digitized  byVJ OOQ IC 


■  -  cAMt»iaNE  n?  1813.      M  59$ 

tes  hauteurs  tout  autour  dans  14  plaine.  Napplmm 
attendait  avec  impatience  la  nuit  qui  devait  arracher 
à  la  fureur  de  ses  ennemis  les  reste?  de  ses  troupes» 
Il  avait  perdu  beaucoup  de  terrain  et  réduit  Quasi* 
durablement  son  gra*d  arc  de  cercle  en  un  triau-t 
gle  dont  la  pointe  se  trouvait  alqp*  à  i  robstheyda, 
dV)ù  la  ligne  qui  joignait  Connewit&sur  la  Pleiss  en 
frisait  un  des  côtés,  celle  qui  joignait  Stœtteritz  et 
Yolkmansdorf  formait  l'autre.  Si  cette  armée  n'avait 
pas  combattu  avec  le  plus  grand  courage  et  n  avait 
opéré  sa  retraite  dans  le  plus  bel  ordre  malgré  tous 
les  dangers  d'une  lutte  inégale ,  il  en  faut  convenir 
à  là  gloire  de  nos  adversaires ,  un  des  cotés  de  ce 
triangle  eût  été  infailliblement  enfonce  qvant  le  soir, 
Leipsig  enlevé  et  toute  l'armée  perdue.  Déjà  Napot 
léon  ne  combattait  plus  que  pour  ^retraite  ;ear  de* 
puis  dix  heures  du  matin  une  immegse  quantité  de 
trains ,  de  bagages,  de  voitures ,  de  chevaux  étaient 
*ur  la  route  >  protégés  par  1«&  troupes  du  gépérçl 
Bertrand.  Qui  pourrait  comprendre  tout  ce  qui  avait 
passe^ie  France  en  Allemagne  depuis  le  mois  d'à  wïj! 
Hommes ,  femmes ,  pnfans ,  provisions  de  houche, 
munitions  de  guerre ,  bagages ,  artillerie,  tout  àraifc 
été  accumulé  dans  Leipzig.  Enfin  allait  donc  fiojf 
|euf  terrible  domination  de  sept  ans;  ew  il  jr  aréaff 
sept  ans  jour  pour  jour  que  Davoust  était  eotrf  dans 
Leipzig. 

La  nuit  couvrait  déjà  tout  le  champ  de  bataille, 
et  Napoléon  se  trouvait  encore  sur  la  petite  colline 
auprès  du  moulin  à  vent  où  il  avait  fait  allumer  un 

38. 


Digitized  byVJ OOQ IC 


696  jftPTifeMB  £poqto<  4648 — 1*58, 

feu.  11  avait  chargé  du  soin  de  la  retraite  son  pre- 
mier maréchal,  Bertbier,  qui  en  dictait  la  marche  à 
ses  aides-de- camp,  près  d'un  autre  feu  à  côté;  tout 
autour  régnait  un  profond  silence.  Napoléon  épuisé 
par  les  incroyables  efforts  dm  jours  précédents  et 
par  les  agitations  (Je  son  esprit ,  assis  alors  sur  un 
escabeau  de  bois,  s'assoupit.  L'espérance  et  la  crainte, 
la  joie  de  la  victoire  ,  la  colère  et  la  contrariété 
avaient  tour-à-tour  accabléson  âme,ety  avaient  laissé 
des  impressions  d'autant  plus  profondes  qu'il  avait 
été  obligé  de  dissimuler  ses  sentiments.  Il  était ,  dit 
un  témoin  oculaire ,  endormi ,  la  tête  appuyé  dans 
ses  mains  et  assis  sur  son  escabeau  au  milieu  de  ce 
vaste  champ  couvert  de  morts ,  en  plein  air  et  au 
milieu  des  incendies  semés  de  tous  côtés  qui  avec  les 
feux  de  nuit  jetaient  leurs  lumière  au  milieu  des 
ténèbres.  Ses  généraux  se  tenaient  autour  des  feux, 
mornes  et  taciturnes,  et  le  silence»n'était  interrompu 
que  par  le  bruit  des  treupes  qui  ose  retiraient  au  pied 
de  la  montagne  et  au  loin  dans  la  plaine.  Au  bout 
d'un  quart  d'heure  Napoléon  se  réveilla  etjeta«utour 
de  lui  avec  inquiétude  un  regard  d'etonnement. 
Peut-être  avait-il  pris  un  moment  la.  réalité  de  sa 
position  comme  un  rêve  survenu  dans  l'éclat  de  sa 
grandeur.— Alors  il  se  leva ,  et  rentra  dans  Leipzig 
à  9  heures. 


Digitized  byVJ OOQ IC 


C1K*AGW£    DE    1815.  697 


19  octobre. 


La  retraite  de  toute  l'armée  à  travers  Leipzig 
commença  dès  que  parurent  les .  premiers  rayons  d© 
la  lune;  mais  comme  les  bataillons  arrivaient  de 
tous  les  points  du  champ  de  bataille,  et  qu'il  n'y* 
avait  pour  tous  qu'un  seul  chemin  qui  conduisît  à 
Lindenau,  la  chaussée  étroite  de  Ranstaedter,  il  y 
avait  à  chaque  instant  des  retards  et  des  encombre- 
ments; les  chariots,  les  canons,  allaient  ensemble, 
et  les  gens  de  pied  ne  pouvaient  trouver  place. 
L'arrière-garde  devait  défendre  Leipzig  aussi  long- 
temps que  possible.  Ce  n'était  pas  une  place  forte  ; 
mais  on  en  avait  barricadé  les  portes,  on  y  avait 
élevé  des  retranchements,  et  tpusles  fossés  et  les  murs 
des  jardins  avaient  été  consacrés  à  la  défense. 

Cependant  l'armée  des  allies  n'était  rien  moins 
que  décidée  à  laisser  les  Français  se  retirer  tran- 
quillement, emmenant  aVec  eux  tout  le  butin  qu'ils 
avaient  fait  en  Allemagne  et  toutes  leurs  provisions  de 
guerre.  A  huit  heures  du  matin  ils  se  précipitèrent 
à  l'attaque  et  enfoncèrent  les  portes;  Cette  attaque 
augmenta  encore  le  désordre  et  le  tumulte  qui 
se  trouvait  à  la  sortie  de  la  ville  ;  de  sorte  que 
Napoléon  lui-même  fut  obligé  pour  y  arriver  de 
prendre  un  chemin  détourné  en  sortant  de  Leipzig. 
Là  se  pressaient,  l'infanterie,  la  cavalerie,  l'artillerie^ 
les  caissous,  les  blessés,  les  mourants,  les  chariots, 
les  femmes,  les  enfants»  les  marchands ,  des  trou- 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


K9è  sEFTikitt  Étante.  1648—4858. 

peaux  entiers,  tous  péle-méle  et  dans  le  plus  grand 

désordre. 

Les  allié^auraient  peut-être  pu  augmenter  encore 
té  tliihblte  dfe  la  fuite  et  forcer  plbs  ptomptehifent 
fefcbfr  qui  dépendaient  l'entrée  de  la  ville,  s'ils  avaïérit 
fait  jouer  l^ùr  artillerie  contre  ses  murs.  Mais  uû 
pareil  ihbjren,  ^tii  aurait  confondu  des  milliers  d'ifc 
hocëntè  avec  lès  ennemi*  dans  une  ruine  commune; 
Jfeàit  tW^  cruel  pbùr  eux,  ils  préférèrent  escalàdefr 
ll!i  portés.  Le  pribëe  de  Hesse-Hombdtirg  attaqua  là 
porte  de  derrière;  Berinirigsen,  celle  de  GrimméJ 
Ifetifeêrfâj  belle  dfe  Hâllfe.  Ott  s'efitoçà  àu&i  d'entré* 
pSàt  les  éÔtjfa  dans  les  jardins,  mais  les  Français  et  leà 
Pblotaais  défendaient  chaque  pied  de  terrain  ;  il  ïal* 
faitt feollqttérir  feWque  jardin ,  chaque  haie,  et  souveiifc 
àféb  beaucoup  dé  &hg*.  Cependant  la  victoire  faepôu^ 
vait  pài  bslàhcer  lbhg-temps,  il  était  ôhzéheuréà  et 
'dfeiflie  quand  les  premières  troupes  alliées  entrèrent 
tfcfai  là  fallè.  Àïôtfs  lés  habitahtà  ouvKtent  lettré 
portés,  et  tandis  qû*on  èé  battait  etocbre  dfctis  îéà 
rues  ils  stispëftditant  des  Itttfûchoii's  blaiïcs  h  leurs 
feintes  éh  èigtaé  dé  jôié. 

Ce  fût  aussi  "dabs  ce  niéifaê  frionient  que  lé  porit 
qui  se  trouvait  de  l'aùfre  côté  de  la  ville,  le  serti 
dont  lés  français  pussentlse  servir,  celui  sîir  t'Elstet- 
Muhlèngraben ,  sauta  en  l'air  satts  qùon  puisse  dé- 
tîidër  si  ce  fût  pat  ordre  de  rfapoïéon  pour  sauvsr 
r&oh.  arbiée,  bù  Seulement  par  une  cfaihte  trop  pri- 
cipitéfe  du  chelF.cômtois  à  sa  gardé.  Àlote  tous  ceûk 
qiiî  s*eïfotfçafort  d'y  arriver  pcfàssètënt  ttn  cri  de  di- 


Digitized  byVJ OOQ IC 


clifeiaift  b*  1815.  B&9 

sespoir.  H  ri  y  avait  pas  d'autre  chemin.  Un  grand 
nombre  se  jeta  dans  TElster  pour  tâcher  de  le  passer 
à  la  nage,  mais  presque  tous  furent  noyés  ou  restè- 
rent enfoncés  dans  la  vase;  plusieurs  généraux -qui 
se  trouvaient  encore  sur  l'autre  rive  s'y  précipitè- 
rent aussi  avec  leurs  chevaux  pour  échapper  à  la 
captivité.  Le  prince  Poniatowsky,  que  Napoléon 
avait  fait  maréchal  de  France  trois  jours  auparavant, 
y  perdit  la  vie;  Macdonald  eut  le  bonheur  d'échap- 
per; Régnier,  Bertrand  et  Lauriston  furent  faits 
prisonniers. 

Napoléon  fît  encore  plus  de  pertes  ee  jour-là  que 
le  jour  de  k  bataille.  Plus  de  quinze  mille  soldats 
bien  armés  furent  faits  prisonniers  après  que  le  pont 
eut  sauté,  et  plus  de  vingt-cinq  mille  hommes  blessés 
ou  malades  Furent  abandonnés  à  la  discrétion  du 
vainqueur.  Il  y  avait  dans  la  ville  et  dans  la  route 
une  quantité  incroyable  de  canons  et  de  chariots;  on 
prit  ce  jour-là  plus  de  trois  cents  canons  et  mille 
chariots.  C'était  un  désastre  comme  l'histoire  n'en 
offre  que  très  peu. 

À  une  heure  l'empereur  Alexandre  et  le  roi  Fré- 
déric-Guillaume entrèrent  dans  la  ville  accompa- 
gnés de  tous  leurs  généraux,  aux  cris  d'acclamations  de 
leurs  vaillants  soldats,  mêlés  des  cris  de  joie  des  ha- 
bitants, qui  saluaient  leurs  libérateurs.  L'empereur 
François  n'y  arriva  que  quelques  heures  plus  tard. 


Digitized  byVJ OOQ IC 


600  «EPTikMi  époqce.  1648—4888. 

Retour  sur  le  Rhin.  —  Fin  de  l'année  1815. 

La  Bavière,  par  le  traité  de  Ried,  était  déjà  entrée 
dans  la  grande  alliance  ayant  la  bataille  de  Leipzig; 
elle  envoya  son  général  Wrède  sur  le  Main ,  avec 
une  forte  armée  à  laquelle  se  joignirent  encore  des 
Autrichiens ,  des  Wurtembergeois  ,  pour  essayer  de 
barrer  le  chemin  aux  Français  qui  revenaient  sur  le- 
Rhin,  afin  d'achever  leur  ruine  complète  .Wrède  se 
dirigea  sur  Hanau  et  Francfort.    De  son  côté,  la 
grande  armée  des  alliés  était  aussi  à  la  poursuite  des 
fuyards ,  et  YorV  leur  fit  éprouver  une  perte  consi- 
dérable à  Fribourg ,  sur  l'Unstrut  (*).  En  avant  d'eux 
et  sur  leurs  côtés ,  ils  étaient  escortés  par  Czernis- 
cheff  et  d'autres  troupes  légères  qui  tombaient  sur 
tous  ceux  qui  s'écartaient  du  gros  de  l'armée.  C'est 
ainsi  qu'ils  parcoururent  la  route  de  Leipzig  à  Er- 
furt ,  et  de  là  jusqu'au  Rhin ,  abandonnant  à  chaque 
instant  sur  la  route  tout  ce  qui  ne  pouvait  pas  sui- 
vre ,  l'artillerie,  les  bagages  et  les  hommes  trop  fa- 
tigués. Car  la  marche  était  si  rapide  et  si  continue 
qu'au  bout  de  onze  jours  l'armée  était  déjà  arrivée  à 
Francfort  ;  mais  toute  la  grande  route  dans  la  lar- 
geur de  deux  lieues  des  deux  côtés  était  couverte 
de  Hébris  de   chariots,   de  bagages  de  cadavres, 
d'hommes  mourants  ou  de  bétes  de  charge. 


(*)  Mais  non  sans  aroir  lui-même  beaucoup  souffert.  Les  Français  s'en* 
tarirent  des  positions  don*  ils  avalent  besoin.  19.  T. 


Digitized  byVJ OOQ IC 


GAtffMKft  w  1845.  9H 

Napoléon  arriva  avec  soixante-dix  à  quatre-vingt 
mâle  hommes  devant  Hanau,  où  il  rencontra 
Wrède  qui  voulut  leur  fermer  le  passage  quoique  in- 
férieur en  nombre;  et  s'il  eût  pu  les  retenir  Jusqu'à 
l'arrivée  de  la  grande  armée  des  alliés,  c'en  était 
fait  de  celle  des  Français.  Napoléon  le  savait  et  il  se 
servit  de  sa  garde  qui  était  encore  en  bon  état  pour 
se  frayer  un  chemin.  Pendant  trois  jours,  les  29, 30 
et  31  octobre,  on  combattit  avec  le  plus,  grand  achar- 
nement devant  Hanau  et  dans  la  ville;  Wrède  fut 
lui-même  blessé  au  ventre  par  une  balle.  Enfin  les 
Français  s'ouvrirent  un  passage  qui  leur  coûta  encore 
beaucoup  de  sang. 

Le  2  novembre  Napoléon  arriva  sur  le  Rhin,  qu'il 
vit  alors  pour  la  dernière  ibis.  Son  armée  se  hâta 
de  gagner  le  pont  de  Majrence;  seulement  le  général 
Bertrand  se  retrancha  sur  les  hauteurs  de  flocheira. 
Hais  on  ne  pouvait  pas  laisser  aux  Français  un  re- 
tranchement sur  la  rive  droite  du  Rhin.  Schwarzen- 
berg  qui  avait  établi  son  quartier-général  à  Francfort, 
les  fit  attaquer  par  le  généralGiulay ,  le  9  novembre, 
et  ils  furent  forcés  de  se  replier  sur  Mayence.  Les 
trois  souverains  se  trouvèrent  encore  réunis  à  Francs 
fort,  où  ils  délibérèrent  ensemble  sut  la  continuation 
delà  guerre. 

Les  deux  derniers  mois  de  c§Jte  année  furent  un 
temps  de  repos  pour  l'armée  des  alliés  ;  cependant  le 
canon  retentissait  encore  de  plusieurs  côtés  dans 
Fiptérieur;  les  Français  occupaient  encore  douze 
places  fortes  garnies!  de  bonneà  garni***  cUns  le 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


en  matai  &ôq*ë.  WW*~1858. 

*»i*  dé  l'Allemagne  et  de  là  Pologùé}  ta*fs  les 
Allemands  les  «ssiëgérëbt  avec  tàfct  dé  courage  et  rJB 
persévérance  qu'à  la  fitt  de  cette  même  atinée  fk 
ttitiiti&étaient  arrachées  aux  ennemis.  Le  11  novem^ 
heé  lé  Maréchal  dte  Gouvioh  Sâint-Cyr,  renfehii^ 
dans  Dresde  ?  mit  bas  les  armes  avec  frettte-cinq  milhé 
htatomes ,  y  cbtopris  les  blessés  et  les  malades  {*); 
Le  21  Stettin  se  retodit  avec  sept  mille  hommes;  le 
26,  Dantfcig,  avec  quinze  mille  (**);  presque  dans  Ite 
même  temps  Modlin  fet  Zamosk  ;  et  le  26  décembre , 
Torgau  avec  dix  mille.  Il  ne  restait  plus  aui  BVaii- 
£àfe,  Sur  l'Oder,  qûfe  Ciistrfrï  et  Glogau  ,  tjikî  tté  hé 
rendirent  qu'aux  mois  de  mars  et  d'avril  de  l^innéë 
èuiVànte;  et  sur  l'Elbe ,  Wittenberg ,  Magdèbottrg 
et  ttambourg  ;  en  Thuringe ,  là  citadelle  (FErfiitfe. 
(3ès  ttôis  dernières  places  ne  furent  rendues  t|uà  lk 
jteik  de  Paris;  niais  Wittenberg  fat  prise  par  Tâùeii- 
rffcn  datas  la  nuit  du  12  'au  15  janvier. 

Là  JVliis  gratide  perte  que  souffrirent  les  Français 
cfefls  cette  ârinéë  181â  fut  celle  de  la  Hollande  et 


(*)  Le  maréehal  avait  stipulé  qu'il  serait  conduit  en  France  avec  m 
troupes,  en  promettant,  de  ne  pas  servir  contre  les  alliés  d'ici  à  un  an.  Le 
traité était  signé  par  Klénau,  général  autrichien,  et  Tolstoï ,  général  rus&. 
Cependant  Schwarzenberg  les  fit  conduire  prisonniers  en  Autriche.  (La- 
baume-  )  N.  T. 

("*)  Le  brave  général  Rapp,  qui  s'était  défendu  avec  le  plus  grand  cou- 
rage contre  les  armées  qui  l'investissaient ,  promit  de  se  rendre  ïe  lw  jan«* 
vtar  1814  s'il  n'était  «ecouru,  avec  les  méâfti  conditions  que  ffomrioaSifa* 
Cyr.  lUvait  perdu  vingt  mille  hommes  par  les  maladies»  Les  Russes  voyant 
leur  petit  nombre  refusèrent  de  remplir  les  conditions  et  les  firent  prison* 


Digitized  byVJ OOQ IC 


ciriPiaNE-M  1813. 

de  la  Suisse ,  les  4^ux  boulevards  de  la  France.*  Ce 
fut  donc  bien  habile  de  la  part  des  alliés  d'aller 'aus- 
sitôt leur  arracher  ces  vastes  pays.  Le  général  Bulow 
qui  passa  en  toute  hâte  de  Leipzig  en  Hollande,  la 
trouva  presque  sans  défense;  et  sans  s'amuser  à  faire 
des  sièges  ^  il  s'émpâra  de  plusieurs  villes  d'asfeîaut 
d'autant  plus  facilement  que  partout  où  il  se  présenta 
les  Hollandais,  déjà  fatigués  de  la  domination  fraii1 
çaïse  j  se  soulevèrent  en  sa  faveur  et  faidèrent  & 
chasser  les  ennemis.  Avant  la  fin  de  Tannée  lia  ÏIol* 
lande  était  délivrée. 

Dans  lfe  rtiême  moment  là  Suisse,  qui  était  déjà  ttfc 
cufrèe  par  l'aile  gauche  de  Sçhwarzehberg ,  frit  Ètitë 
misé  jusqu'aux  montagnes  du  Jura,  et  Genève  fut 
prise.  C'était  ttn'e  conquête  fort  avantageuse ;cai*dii 
haut  dé  ces  montagnes  <pii  s'éîevaieht  comme  titiè 
citadelle  ihexpugnable  entre  la  France,  l'Allemàghè 
et  l'Italie,  l'àntiée  deà  alliés  pouvait  également torti*- 
ber  sur  le  vlce-roï  d'Italie ,  ou  pénétrer  àû  cœbfr  de 
là  Fiance;  à  gauche  elle  menaçait  la  popûîeuàè  Vïliê 
de  Lyon ,  et  à  droite  elle  avait  Une  gràhdé  tàixïe 
toute  miverte  à  travers  uii  pays  fertile ,  sur  J*Âube  et 
la  Seine  jusqu'à  Paris.  i 


Digitized  byVJ OOQ IC 


#04  sttriÊjfft  ttoqo*.  1648—1838. 


ANNEE  1814. 
L'invasion. 

Dès  le  commencement  de  la  nouvelle  année,  on 
voit  Je  glaive  de  la  vengeance  nu  et  prêt  à  frapper 
ceux  qui  jusque  là  avaient  menacé  les  autres  peuples 
et  r^avaierft  pas  senti  depuis  long-temps  les  fureurs 
fur  leurs  propres  frontières.  Si  le  peuple  français 
n'avait  pas  été  abusé  par  toute  espèce  d'artifices,  si 
Napoléon  ne  l'avait  tenu  fortement  enchaîné,  il 
aurait  connu  quels  dangers  étaient  accumulés  sur  lui 
et  il  aurait  forcé  son  tyran  à  la  paix  pendant  qu'il 
en  était  encore  temps.  II  ignorait  que  trois  cent  mille 
de  ses  guerriers  avaient  été  tués  ou  faits  prisonniers 
dans  la  campagne  précédente ,  et  que  dans  ce  moment 
l'Europe  entière  s'avançait  contre  lui  avec  un  mil- 
lion d'hommes  armés.  Mais  alors  encore  il  se  laissa 
étourdir  par  son  empereur  et  par  sa  propre  vanité. 
«L'Europe  entière ,  lui  disait-il  dans  son  orgueil , 
s'avance  contre  nous  ;  mais  toutes  ses  force^ue  pour- 
ront vaincre  les  miennes  et  celles  du  peuple  fran- 
çais; et  le  sort  ne  me  trouvera  jamais  faible.  »  Quand 
quelques  hommes  de  cœur  et  de  sens  dans  l'assem- 
blée législative,  osèrent  lui  donner  des  conseils  de 
paix,  s'appuyant  sur  les  principes  de  la  modération, 
il  eu  fut  souverainement  molesté ,  cassa  l'assemblée, 
et  du  haut  de  son  trône,  au  premier  jour  de  janvier, 
f  I  lui  tint  im  discours  darfis  lequel  on  trouve  ces  mois 


Digitized  byVJ OOQ IC 


CAMtAGlffi   DE   18  U.  085 

pleins  d'amertume  :  «  Je  ne  Suis  à  là  tÀe  de  la  na- 
tion que  parce  que  sa  constitution  me  convient.  Si 
les  Français  en  voulaient  une  autre  qui  ne  me  con- 
tint pas,je  leur  dirais  de  chercher  un  autre  souverain. 
Ce  trône  n'est  que  du  bois  recouvert de  velours..^ 
Moi,  moi  seul ,  je  liens  la  place  du  peuple...  Sachez 
que  la  France  a  plus  besoin  de  moi  que  je  n'ai  besoin 
de  la  France. ..  Oui ,  je  suis  fier,  parce  que  j'ai  fait 
de  grandes  choses.,.  Dans  trois  mois  ou  l'ennemi 
sera  chasse  du  territoire ,  ou  vous  aurez  la  paix,  ou 
je  serai  mort.  • .  Au  reste ,  dit-il  en  finissant ,  je  vous 
permets  de  défiler  durant  moi.  * 

Ainsi  parlait  cet  homme  orgueilleux ,  qui  se 
croyait  au-dessus  de  tous  et -que  rien  ne  pouvait 
abattre,  au  1er  janvier  1814.  C'était  précisément  ce 
même  jour  que  Blucher  passa  le  Rhin  avec  l'armée 
du  centre  ;  et  le  dernier  jour  des  trois  mois  de  dé- 
lai que  Napoléon  avait  donné,  le  31  mars,  les  alliés 
entraient  dans  Paris ,  et  son  empire  avait  passé.  Ils 
lui  avaient  encore  une  fois  offert  la  paix;  ils  vou- 
laient le  reconnaître  cOmme  roi  des  Français  et  lui 
laisser  un  empire  encore  plus  grand  que  celui  de  la 
France  autrefois;  mais  il  ne  pouvait  oublier  les 
beaux  moments  où  il  avait  en  main  le  sceptre  du 
inonde  et  où  l'éclat  de  ses  armes  brillait  dans  toutt 
l'Europe.  Et  la  seule  pensée  d'être  limité,  de  rester 
désormais  dans  la  paix,  lui  était  odieuse. 

Les  souverains  de  l'Europe  et  leurs  peuples' vi- 
rent donc  bien  que  l'épée  pouvait  seule  décider 
entre  eux  et  lui,  et  ils  redoublèrent  d'ardeur,  pletni 


Digitized  by  VjOOQ  IC 


IDfi  sEPTifem  *joque.  16+8—1858. 

dft  cppûimoe  dan?  leuf  grand  nombre  ,  comme  data 
)li  justice  de  leur  cause.  Les  Russes  avaient  au  moins 
4eux  cent  mille  hommes  en  campagne  ;  les  Prussiens 
Cffpt  soixante  mille,  et  l'Autriche  deux  cent  trente 
ifljllga  t?nt  *ur  le  Rhin  qu'en  Italie  et  dans  l'intérieur 
$%  {Allemagne.  Wellington  était  déjà  sur  le  terri- 
toire français  aveq  quatre- vingt  mille  hommes  an* 
gtftiç,  espagnols  et  portugais.  Enfin  l'empire  d'Aile- 
Jftfgnç  mit  sur  pied  peut  cinquante  à  cent  soixante 
jpillç  hoipntes ,  partages  en  huit  divisions. 

£içp  qug  toute  cette  masse  de  troupes  ne  put  en- 
trer à  Ja  fois  en  fampagne ,  t  bien  qu'il  y  eûfc  une 
grande  éleqdue  de  pays  à  occuper  et  plusieurs,  places 
fpftfs  &  inveçti? ,  parce  qu'on  ne  voulait  pas  pétdre 
fô  ffilftps  à  faire  des  sièges  en  règle ,  il  n'en  est  pas 
919)99  çerUJp  qu'qn  demi-million  d'hommes  aumoins 
^ya^çaiept  çn  France  et  resserraient  de  plus  en  plus 
ftlTffiée  frfcftÇajs£  ;  elle  ne  comptait  pas  la  moitié  aur 
(fpt  qi^p  sçs  adversaires.  En  même  temps  on  prépa- 
ie ay^c  sl$1ç  derrière  l'armée  tout  ce  q\y  peut  être 
g4c?ssai?e  à  uije  expédition  fet  pour  qu'il  y  eut  plus 
f$'offlf£  et  plus  d'ensemble  dans  les  opérations,  on 
forrrça  un  qposeii  de  guerre  qui  conduisait  tout,  dont 
]§  pré§idept  était  un  héros  que  l'Allemagne  compte 
$$$mi  sçs  libérateurs  ^  quoiqu'il  n'ait  point  marché 
(fyj-fpeftie  è  la  tête  des  armées,  c'était  le  îpinistre 
de  Stein.  Il  fut  un  de  ceux  qui,  tandis  que  l'AUfe- 
p^gqe  spupirait  sous  le  joug  des  français,  ne  vou- 
{tyfççt  pas  courber  la  tête  ;  il  travailla  avec  $$le  pour 
jg  j£$ti$e  fit  la  liberté  et  soutint  la  confiance  du* 


Digitized  byVJ OOQ IC 


gyaiid  gc*mb}re  de  ses  çpnfc^pjreps  pw  ($u  g&W  «ftrr 
péfiçuy.  Quand  la  guerre  Gclatr*  en  1813  çaptrç  If 
Russie  v  il  voulut  faire  uue  guerre  eurctpéeunç  4? 
pptte  expédition  dirigée  contre  un  peuple  doflt  il 
ppnnaissait  l'énergie ,  et  il  passa  en  Russie  à  fô  (£tp 
de  quelques  audacieux  quil^eqtraîn^.  L'empej-ei^ 
Alexandre  trpuya  en  lui  toute  l'audace  quj  ca^yç? 
pait  à  ses  projets,  et«si  nous  sommes  arrivés  fc  ^oç 
délivrance  complète  t  c'est  à  lui  que  ppus  lç 
devons. 

L'armée  des  alliés  entra  en  France  pleine  de  ré- 
solution et  bien  pourvue  de  tout.  Schwarzenberg 
entra  par  là  Suisse  et  le  haut  Rhin  avec  les  Autri- 
pkjens ,  les  Bavarois  r  }e$  Wuçtembçrgppis  et  \e#  ré- 
gimgptq  des  gardes  prussienne?  et  russes;  Qluçhff 
çntra  par  la  province  rhénane  ayec  les  djv^ipnf 
Yprk  et  &leist  et  les  Russes  ^  conduits  par  Stos&ept! 
ï^ogçrpn  pt  Saint-Pfie^t  ;  et  ces  deqx  gyan^  Wfr 
pées  deyaiept  se  réunir  eutrq  la  Seine,  lOisç. 
|'Aube  et  )a  Marnç,  pour  ep  pprtgf  çusujtç  ayqç 
tyityçs  leurs  forces  ppntre  la  capitale. 

Pès  que  je  feld-n^aréchal  lljuçhpr  fut  ^ff iy^  £Hf 
h  W*  Souche,  il  fit  publier  des  proq|ami$pp$  | 
|prç?  ioj  Ffapçais,  p#ur  les  détache*:  dp  N^ql&a  t 
fW  f|e:ql^ant  que  1<#  puisswjçfss  de  ftSnrpp*'!)?  «JWFr 
paient  que  contre  reonpmi  4e  la  pai*  pf  pftuç  «gf 
jgpHec  spq  joug,  {Jq  gra»^4  PWbfe  de  gens  iflpdérép 
£taie$;  §q  effet  assez  disposés  à  «çrifiea:  uqg  ?ainjç 
^fîplp  ^  la  pai*  du  p^j  lwi3  ^  px^e  du  pei|p^ 
tenait  encore  pour  son  grand  conquérant,  tai||  gra 


Digitized  by  LjOOQ  1C 


609  surifeini  **oqot/  4648-^4858, 

son  étoile  darda  quelque*  étincelles.  D'ailleurs  les 
Français  étaient  accoutumés  à  se  regarder  comme 
inattaquables  derrière  le  triple  rempart  de  places 
fortes  qu'ils  ont  à  la  frontière  (  on  en  compte 
soixante-treize  depuis  Dunkerque  jusqu'aux  Alpes)  ; 
ih  étaient  loin  de  penser  que  l'armée  des  alliés  tra- 
verserait si  rapidement  leurs  frontières ,  .laissant 
derrière  elles  toutes  les  places*fortes,  pour  marcher 
droit  au  cœur  de  la  France 


Bataille  de  Brienne  et  de  la  Bothière.  Ier  février* 

Dans  les  vingt  premiers  jours  de  janvier,  les  alliés 
avaient  traversé  la  Suisse,  la  Franche-Comté, 
l'Alsace,  la  Lorraine,  la  Bourgogne,  sans  trouver 
d'obstacles;  franchi  les  montagnes  du  Jura ,  de* 
Vosges,  du  Hùndsruck,  la  forêt  des  Àrdennes, 
passé  un  grand  nombre  de  fleuves ,  forcé  le  triple 
rempart  des  places  fortes  de  la  frontière ,  et  déjà 
Tannée  de  Schwarzenberg  et  celle  de  Blucher  se 
trouvaient  à  peu  de  distance  l'une  de  l'autre ,  sur 
les  bords  de  la  Seine  et  de  l'Aube,  à  vingt-cinq 
milles  de  Paris.  Alors  enfin  Napoléon  parut  sur  le 
champ  de  bataille  à  la  tête  de  son  armée.  Il  voulait 
pénétrer  entre  ses  ennemis,  empêcher  leur  réunion, 
Jes  rejeter  l'un  après  l'autre  vers  les  montagnes 
qu'ils  avaient  passées,  et  où  l'hiver  et  les  habitants 
n'auraient  pas  manqué  de  leur  faire  payer  cher  le 
retour. 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


CÀMPÀGXE    DE    1814. 

Blucherétaità  Brienne,  petite  ville  près  de  l'Aube, 
avec  un  château  qui  servit  pendant  quelque  temps 
d'école  militaire  pour  les  jeunes  Français,  et  où 
Napoléon  avait  appris  cette  science  qui  l'a  rendu  si' 
célèbre  j  il  y  avait  même  son  quarlier-général. 
Tout-à-coup  paraissent  les  Français,  qui  attaquent 
la  ville.  L'attaque  est  repoussée  ;  mais  le  général 
Château,  qui  connaissait  parfaitement  ce  lieu ,  pé- 
nètre avec  ses  grenadiers,  à  la  brune,  sans  être 
aperçu ,  par  les  jardins ,  jusqu'au  haut  des  terrasses. 
Blucher  se  trouva  en  grand  danger  ;  il  n'eut  que  là 
temps  de  sauter  à  cheval  avec  sa  suite  et  de  descen- 
dre la  colline  par  des  sentiers  inconnus.  Plusieurs 
officiers,  entre  autresje  neveu  du  chancelier-d'état, 
le  prince  de  Hardenberg ,  furent  faits  prisonniers  à 
côté  de  lui.  Le  feld-maréchal  arriva  heureusement 
au  milieu  de  ses  troupes,  et  les  enflamma  à  une  vi- 
goureuse résistance ,  craignant  qu'une  retraite  précis 
pitée,  à  la  première  rencontre  en  Frande,  ne  fût  d'un 
mauvais  pronostic  et  ne  nuisît  à  l'éclat  de  ses  armes. 
Il  prolongea  donc  la  lutte  jusqu'au  milieu  de  la  nuit) 
fit  même  reculer  l'aile  gauche  des  Français  par  une 
violente  charge  de  cavalerie,  et  n'abandonna  Brienne 
que  quand  il  fut  en  feu;  afin  que,  comme  il  le  di- 
sait ensuite ,  Napoléon  brûlât  son  propre  berceau* 
Cependant  il  n'avait  pas  réus*  dans  son  projet  de  le 
conper  d'avec  l'armée  de  Sehwarzenberg. 

Napoléon  courut  lui-même  un  grand  danger  dans 
Oftte  quit  de  désordre.  Jl  revenait  après  la  bataille 
sur  la  grande  route  de  Brienne  à  Mézières  et  marchait 
t.  il.  39 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


64P  «EPTitwi  iPQQUK*,  1648-^-1858. 

quelques  pas  en  avant  de  sa  suite  ,  occupé  à  causer 
avec  le  général  Gourgaud  ;  c'était  par  une  profonde 
obscurité.  Dans  ce  moment  une  troupe  des  Cosaques, 
qui  cherchait  à  faire  du  bulin,  s'étant  glissée  sans 
être  aperçue  jusqu'à  la  grande  route,  attaqua  l'escorte 
qui  passait.  Le  général  Dejean  se  sentant  tout  d'un 
coup  suivi  de  prës,  se  détourne  et  s'écrie  :  les  Ço- 
mque$  !  Aussitôt  un  d'eux  attaque  le  cavalier  qu'il 
voyait  en  avant ,  revêtu  d'un  habit  d'officier  supé- 
rieur, l'empereur  lui-même.  Mais  Corbineau  et  Gour- 
gaud se  jettent  entre ,  et  Gourgaud  renverse  le  Co- 
saque mort  aux  pteds  de  Napoléon.  L'escorte  accourt 
£U#itôt,  entoure  l'empereur  et  tue  quelques  Co- 
aaqiies;  mais  le  reste  de  la  troupe  m  voyant  décou- 
vert sauta  les  fossés  et  disparut.  L'empereur  arriva 
à  Mézières  à  dix  heures  du  soir. 

Cette  bataille  de  Brienne  eut  lieu  le  29  janvier 
et,  le  ier  février,  l'intrépide  Blucher  était  rangé  en 
ordre  de  bataille  au  même  endroit.  H  n'avait  pas 
encore  rassemblé  toutes  ses  troupes  ;  car  Langeron 
était  encore  à  Mayence ,  et  York  et  Kleist  étaient 
en  route  ;  jnais  Schwarzenberg  lui  avait  envoyé  I4 
plus  grande  partie  de  sop  armée,  4  es  divisions  dp 
Giulay  et  du  prinee  de  Wurtemberg  avec  les  res- 
serves russes;  de  sorte  /ju'il  était  assez  fort  pour 
iparcher  au-devant  de  Napoléon,  Celui-ci  avait  prif 
une  forte  position  dans  les  environs  de  Brienne  ej 
retranché  so»  centre  à  la  Rothière,  village  distant 
d'une  (ieue  et  demie.  L'empereur  n  avait  pas  llfitçfi- 
tion  de  combattre ,  puisqu'il  avait  déjà  commandé 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


ClPfPÀGNE    DE    4814.       ^  GW 

la  retraite  sur  Lesinont;  niais  le  fçkUnflgLrécbal  ne 
Jut  en  laissa  pas  le  temps.  A  midi  l'attaque  était 
engagée  sur  tous  les  points.- C'était  une  dure  jour- 
née d'hiver,   la  neige  qui  tombait  à  plein  temps 
couvrait  le   ciel  à  ^certains  moments   d'une  telle 
obscurité,  que  souvent  les  combattants  furent  obli- 
gés de  cesser  le  feu  pour  attendre  <jue  le  voile  sp 
fondît  et  leur  permît  de   voir   leurs   adversaires." 
A  droite,  le  prince  de  Wurtemberg  s'étant  frayé  im 
chemin  à  travers    la   forêt  d'Eclance,  à  travers 
des  marais  et  des  chemins  creux,  emporta  les  villages 
de  Lagibrie  et  Petit-Mesnil  qu'occupaient  les  lignes 
françaises;  mais  il  les  paya  bien  cher.  A  côté  de$ 
Wurtembergeois  le  général  Wrède  9  à  la  tête  des 
Bavarois  et  des  Autrichiens,  se  porta  aussi  en  avant, ^ 
conquit  les  villages  de  Morvilliers  et  de  Chauménil, 
et  mit  ainsi  Taile  gauche  de  Napoléon  tout-à-fait  à 
découvert.  L'empereur  y  arriva  lui-même  avec  Par- 
tillerie  de  sa  gar4g  et  fit  c^nonner  Morvilliers;  lçs 
flammes  etr  la  fumée  chassèrent  les  Bavarois  qui  n'a- 
vaient pu  être  débusqués  par  les  boulets  ni  par  les 
baïonnettes.  Alors  Wrède   détacha   ses  meilleures 
troupes   de  cavalerie  avec  le  brave  commandant 
Diez;  celui- ci  partagea  ses  troupe^  en  petites  es- 
couades ,  qui  parcouraient  Je  champ  de  bataille, 
menaçant  tantôt  d'un  côté  tantôt  d'un  autre  ;  pi^ 
quand  le  moment  favorable  est  arrivé;  à  un  signal 
donné,  ils  se  jçttent  tous  ensemble  sur  les  ennemis , 
écrasent   l'infanterie    qui    protégeait    l'artillerie, 
dispersent  la  cavalerie,  massacrent  les  canonniers 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


642  septième  époque,  4644—4  888. 

et  s'emparent  des  pièces.  Cet  avantage  à  l'aile 
gauche  eut  la  plus  grande  Influence  sur  toute  la  ba- 
taille et  fit  honneur  au  général  Wrède. 

Cependant  on  combattait  toujours  avec  fureur 
dans  le  village  de  la  Rothièr#,  qui  était  le  point 
principal  de  la  position  des  Français.  Napoléon  y 
commandait  en  personne  et  opposait  toujours  de 
nouvelles  forces  aux  attaques  des  Russes.  D'un  autre 
côté  l'empereur  Alexandre  et  le  roi  de  Prusse  encoura- 
geaient aussi  leurs  troupes  par  leur  présence ,  de 
sorte  qu'on  y  faisait  des  prodiges  de  valeur.  Enfin 
sur  le  soir  le  maréchal  Bluclier  se  mit  à  la  tête  de 
ses  troupes  et  se  jela  dans  le  village  en  criant  :  En 
avant  !  il  fut  emporté  et  sa  prise  fut  décisive.  En  vain 
-lesennemis cherchèrent-ils  à  le  reconquérir  àla  faveur 
de  l'obscurité  de  Ja  nuit.  Leur  aile  droite,  qui  avait 
défendu  le  village  de  Dienville  contre  Giulay,  fut 
aussi  elle-même  obligée  de  se  retirer  à  minuit,  et  la 
victoire  fut  ainsi  déclarée  sur  tctas  les  points. 


Dangers  du  mois  de  février. 

Napoléon  était  donc  déchu  de  ses  grandes  espé- 
rances. Le  premier  essai  de  ses  armes  sur  son  propre 
terrain  avait  entièremeift  échoué  et  avait  même 
tourné  contre  lui.  Il  se  rejthra  sur  Troyes,  la 
plus  grande  ville  <yii  fût  sur  la  route  des  alliés,  et 
il  semblait  vouloir  s'y  défendre  jusqu'à  la  dernière 
extrémité.  Si  alors  l'armée  des  alliés  eût  réuni  toutes 


Digitized  byVJ OOQ IC 


CAMPAGNE   DE   1814.  •!* 


ses  forces  et  1  eût  poursuivi ,  il  aurait  été  contraint 
délivrer  une  nouvelle  bataille ,  encore  plus  impor- 
tante que  la  précédente,  ou  de  se  retiiwr  sur  Paris, 
pour  défendre  sa  couronne  sous  les  murs  de  sa  ea- 
pitale;  à  moins  qu'il  ne  se  fut  décidé,  avant  que 
tout  espoir  ne  fûf*pei  du  ,  à  accepter  c^fte  paix  que 
les  alliés  lui  offraient.  Un  congrès  pour  la  paix  s'as- 
sembla en  effet  à  Châtillo»  dans  les  premiers  jours 
de  février* 

Cependant  le  conseil  de  guerre  des  alliés,  voyant 
que  Napoléon  avait  déployé  si  peu  de  forces  dans  la 
bataille,  et  supposant  qu'il  était  encore  affaibli  par 
elle ,  pensa  que  désormais  il  n'était  p&s  nécessaire  de 
réunir  toutes  leurs  armées  pour  lui  résister  ;  d'autant 
plus  que  la  neige  et  la  pluie  avaient  tellement  gâté 
1ms  chemins  et  que  les  vivres  étaient  si  difficiles  à 
faire  venir ,  qu'il  y  aurait  eu.  de  très  grandes  diffi- 
cultés à  surmonter.  Il  décida  donc  que  les  deux  ar- 
mées seraient  partagées ,  et  que  Blucher  irait  vwftfe 
Marne,  tandis  que  Schwarzenberg  descendrait  la 
Seine.  —  C'était  tout  ce  que  désirait  Napoléon.  C% 
plan  lui  donnait  l'occasion  d'exercer  ses  ancienne? 
manœuvres  de  stratégie  ;  il  se  tenait  entre  les  deux 
armées  bien  à  couvert,  les  surveillait  avec  soin,  et 
quand  l'occasion  se  prétentait  de  surprendre  une  de 
leurs  divisions,  alors  il  se  précipitait  dessus , 
comme  sur  sa  proie,  et  l'écrasait  par  la  supériorité 
ée  ses  forces.  C'est  ainsi  qu'il  réussit  à  obtenir  do§ 
succès  momentanés  sur  les  alliés  et£  arrêter  pendant 
tfuelques  mois  leur  mtfrdie  sur  Paris, 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


*14  SEPTIÈME   ÉPOQUE.    4646"*  1858. 

L'armée  de  Silësie  se  mit  donc  en  marche  ftUr  la 
Capitale  par  la  Champagne ,  sans  garder  d'ordre } 
Sadten  marchait  en  avant,  ensuite  York,  ehfid 
Ôlûcher  ^  géttéral  en  chef,  avec  la  division  Kleîôtt 
I/avabt*garde  russe  n'était  déjà  plus  qu'à  quinaq 
Jieues  de  P*ris;  les  choses  préèieùses ,  les  objetl 
d'art ,  les  papiers  de  l'État  furent  emballés  }  graôd 
Nombre  d  habitants  prehaient  la  faite,  régardaa* 
le  sceptre  de  Napoléo^.déjà  comme  brisé.  Quand 
fout- à -coup  ëelui-ci,  renforcé  de  vingt  mille 
hommes  de  Vieilles  troupes  qu'il  avait  fait  venir 
d'Espagne  en  voitures  ,  traversé  obliquement  leê 
immenses  plaines  qui  se  trouvent  «ntre  la  Seine  et 
k  Marne ,  malgré  ses  généraux  qui  trouvaient  1* 
projet  ftnpossible  ,  arrive^  après  avoir  laissé  la  pi  in 
grande  partie  de  son  artillerie  dans  la  boue ,  en  fâoè 
de  l'ennemi  qui  se  portait  en  avant  à  marches  forcées  * 
et  tomba  le  iO  février,  près  de  Champaubert ,  sur 
l'arrière -garde  de  Sacken  ,  commandée  par  le 
général  Àtsufiew;  elle  est  aussitôt  enveloppée  par 
la  cavalerie  de  la  garde  ,  attaquée  avec  fureur  de 
têti*  les  eôtés  à  la  fois,  et  la  moitié  fut  massacrée  ott 
faite  prisonnière:  c'était  une  première  étincelledel' an- 
cien bonheur  deNapçléon,  et  elle  réveilla  toute  son 
assurance.  Il  fit  écrire  au  â«c  dç  Vïcence,  son  plé- 
nipotentiaire au  congrès  de  Gh&tillon  9  que  ses  armes 
avaient  eu  «n  brillant  changement ,  et  que  la  puis-*- 
•ance  française  pouvait  reprendre  son  ton  de  maître 
Napoléon,  sans  perdre  un  moment,  courut  à  de  pi» 
grands  succès ,  et  voulut  artéanttr  tonte  la  divisie» 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


CAfePA&HB  DB  48*1.  6W 

de  Satiken  qu'il  «Hait  prendre  en  dos.  Eh  ëflfet,  il 
l'atteignit  le  lendemain  11  à  Montmirail,  lui  fit 
éprouver  une  perte  considérable*  et  le  rejeta  sur  là 
Marne  ;  heureusement  qu'York  se  hâta  d'arriver  I 
son  secours  ;  alors  il  réussit  à  passer  le  fleuve  et  i 
détruire  le  pont. 

Cependant  le  feld-maréchal  Blucher,  à  la  nouvelle 
du  danger  ,  s'était  mis  en  toute  diligence  en  route 
pour  Ghampaubert  avec  la  division  de  Kleist  et  left 
Russes  du  général  Kapczewitsch,  en  tout  environ 
vingt    mille   hommes.    Mais    déjà    les    généraux 
avec  lesquels  il  voulait  se  réunir  avaient  repassé  là 
"Marne ,  et  le  14  il  se  vit  attaqué  par  les  Français  ^ 
avec  des  forces  beaucoup  supérieures.   Ledangcfr 
^tait  grand  y  et  Napoléon  mit  tout  en  œuvre  peu* 
profiter  de  la  faveur  de  la  fortune.  S'il  avait  pu  m* 
;  velopper  ce  corps  ^  le  foire  prisonnier  avec  ses  cheft> 
l'armée  de  Silésie  était  anéantie  $  telle  était  l'intèa* 
lion  de  Napoléon  ,  car  Blucher ,  Gueisenau ,  Kleièt» 
ftethen,  Mufflitig,  le  prince  Auguste  et  bëatië®^ 
d'autres  personnages  importai  té  s'y  tmuvaiedtréUttl^ 
La  cavalerie  française  se  jeta  aussitôt  sur  les  ailes  t 
tandis  que  l'infanterie  et  l'artillerie  attaquaient  lé 
centre  avec  une  telle  fureur  que  dès  Ist  première 
attaque  plusieurs  bataillons  prussiens  furent  entière- 
ment détruits  (*)»  Bientôt  même  on  aperçut  ^n  dos  > 

(*)  Douze  pièces  d'arttUerie  qui  devaient  suivre  Grouchy  lorsqu'il  ail* 
couper  le  chemin  aux  ennemis,  ne  purent  arriver  à.  cause  des  maurafe 
ckemins  ;  ce  fut  ce  qui  saura  Jès  Prussiens; cependant  Bs  n'éehappeWl 
qu'an  perdent  un  tien  de  leur  armée.  (Lafcaume.>  *.  t. 


Digitized  by  VjOOQlC 


$*6  sEPTiÈkfc  époque.  4648—1838. 

sur  la  grande  route  de  Chaapaubert  à  Eloges ,  4e 
nombreux  escadrons  français  qui  fermaient  le  pas- 
sage. Il  ne  restait  donc  plus  d'espoir  de  salut  que 
dans  leur  valeur  et  la  résolution  de  a#  frayer  un 
passage.  Us  se  formenten  bataillons  carres  très  serrés, 
s'avancent  à  la  baïonnette  sur  cette  cavalerie  qui  est 
obligée  de  s'ouvrir.  Cependant  ils  n'étaient  pas  en- 
core échappés  à  tous  les  dangers  ;  celte  cavalerie  se 
presse  sur  les  flancs ,  les  attaque  de  tous  côté»,  et 
^efforce ,  par  tous  les  moyens ,  de  jeter  du  désordre 
tlpns  leurs  rangs  ;  mais  autant  ils  mettaient  de  fu- 
^eur  dans  l'attaque ,  autant  Gnèisenau  mettait  d'ordre, 
fie  prudence  et  d'habileté  dans  la  retraite  ;  c'est  lut 
qui  contribua  le  plus  au  salut  de  l'armée.  L'artillerie 
fut  aussi  d'un  grand  secours  ;  car  si ,  à  cause  au  dé- 
faut de  cavalerie,  on  ne  put  s'en  servir  pour  pro- 
téger  l'arrière-garde  ,  du  moins  renfermée  dans  les 
bataillons  carrés,  elle  faisait  un  feu  terrible  sur  l'in- 
fanterie toutes  les  fois  qu'elle  se  présentait  en  masse 
pour  les  attaquer.-  Arrivés  dans  le  bois  d'Etoges,  ils 
furent  tout  d'un  coup  assaillis  par  des  cavaliers  qui 
s'y  étaient  embusqués  :  l'escorte  même  de  Blucher 
fut  attaquée»  et  tous  les  généraux  furent  obligés  de 
mettre  Tépée  à  la  main  pour  se  défendre. 

Par  bonheur  que  la  nuit  qui  venait  peu  à  peu  pro- 
mettait <aux  Prussiens  le  repos  après  lequel  ils  soupi- 
raient. Cependant  il  fallut  encore  combattre  dans  Éta- 
ges avec  l'infanterie  même  des  Français,  qui  était 
venue  par  un  détour  occuper  ce  village.  De  toutes  ]g$ 
rues,  de  toutes  les  maisons  elle  faisait  un  feu  terrible } 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


CAMPAGNE   DE   18ll.  4HT 

mais  Kleist  s'ouvrit  tyi  chemin  à  là  baïonnette  et  lé 
'reste  de  l'armée  le  suivit;  elle  put  ensuite  gagner 
heureusement  son  ancienne  position  àj^ergères.  Çe- 
yendant  cette  journée  du  14  février  fut  saugfente 
pour  les  Prussiens.  —  Les  restes  de  l'armée  de  Silène 
se  réunirent  derrière   la  Marne  et  bientôt  marchè- 
rent vers  l'Aube ,  afin  de  se  réunir  à  la  grande  armée. 
Napoléon  était  ravi  de  pouvoir  encore  parler  de 
-victoire  dans  ses  bulletins  et  ses  gazettes,  et  de  pou- 
voir faire  conduire  à  travers  les  rues  de  sa  capitale 
des  prisonniers  et  des  canons  conques  sur  l'ennemi. 
•Cependant  les  chants  de  victoire  durent  bientôt  ces* 
aerj  quand  on  sut  que  les  avant-gardes  de  Schwar- 
-senberg  n'étaient  qu'à  dix  lieues  de  la  capitale,  pen- 
dant que  l'armée  était  à  combattre  sur  la  Marne.  Na- 
potéon  cessa  aussitôt  ses  poursuites  sur  l'armée  de 
$Héste,  pour  se  tourner  sur  celle-là.  Schwarzenberg 
avait  détaché  Wrède  et  Wiltgenstein  sur  les  derriè- 
res des  Français  pour  soulager  l'armée  de  Siléme; 
mais  comme  tous  les  événements  avaient  été  d'une 
"extrême  rapidité,  ils  arrivèrent  trop  tard,  et  ils  se 
trouvèrent  alors  seuls  en  £»ce  de  Napoléon  avec  de§ 
forces  supérieures,  qui  les  força  de  se  replier  sttr  la 
Seine,  après  avoir  soutenu  un  chaleureux  combat. 
Le  vaillant  prince  de  \Yurtem'E>erg>  q***  conduisait 
Savant-garde  de  la  grande  armée,  avait  pris  position 
avec  ses  Wurtembergeoîs  et  quelques  Àutrichiefts 
dans  la  ville  de  Monter  eau.  Napoléon ,  après  avoir 
chassé  Witt  gens  tein  jusqu'à  Nangis,  le  17ievrier* 
tomba ,  lç  1 8,  su  r  le  rtri  noe  de  Wprtefiibergavèfc  toute 


Digitized  byVJ OOQ IC 


*■•  SBFTffeftE   ÉPÔÇU1.    <AiB~-48S& 

là  fiiftbr  que  lui  inspirait  la.victoire.  Cependant  U 
tint  ferme  pendant  toute  la  journée  ,  retranché  sur 
1<£  hauteur^  ni  lés  boulets,  ni  les  baïonnettes  cUfe 
itneilluntfi  ne  purent  débusquer  ces  braves  Wurtew» 
■  bergtirii.  Trois  fois  îb  repoussèrent  Tassant  et  clefa»- 
ctirgntleûr  position  j  enfin i,  après  avoir  épuisé  toutes 
leurs  munitions,  et  se  voyant  pris  eh  flanc  par  las 
Français,  ils  furent  obligés  de  céder  et  de  passer  de 
l'autre  côté  du  fleuve  ;  mais  comme  l'ennemi  se  pré* 
ftipita  en  même  temps  que  les  fuyards  sur  ee  pon&j  il 
y  eut  dans  la  ville  un  grand  carnage. 

Ces  dix  jours  de  prospérité  rendirent  à  Napolétyi 
toutes*  présomption  ;  car  dans  le  même  temps  lui 
arrivait  aussi  de  Lyon  le  message  du  maréchal  Auï- 
-gereau ,  qui  avait  vivement  poussé  le  général  antrlr 
Alitifftjusqu'à  Genève ,  et  menaçait  la  Suisse  avec  u* 
puita&nt  corps  d'armée.  Or,  cette  conquête  aurait 
4&eppé  la  retraite  à  la  grande  armée  dés  alliés,1  et  Nar 
poiçoû,  déjà  Certain  du  succès,  voyait  la  Suisse  con- 
siste, V Alsace  et  la  Lorraine  qui  se  levaient  en  masse 
-eonfre  les  .alliés  j  et  toutes  les  nombreuses  gamisom  * 
*i$  la  frontière,  réunies  *ux  gardes  nationales,  con-*- 
courir  avec  lui  à  l'anéantissement  de  ses  ennemis  ( 
aussi ,  bieft  que  les  conférences  de  Châtillon  conti- 
nuassent toujours,  il  ne  voulait  plus  entendre  parler 
4e  paix  ;  et  quand,  dans  les  conditions  qu'on  lui  fai- 
sait* on  parla  de  l'abandon  de  là  Hollande  et  de 
l'Italie,  il  s'écria  :  a  A  quoi,  pensent  dbdc  les.enne** 
jpt*?  9e  suis  maintenant  plu*  près  de  Vieme  qu'ils 
ne  sont  de  Paris  *.#.   .  *  '  • 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


ciMPÀ<W£  »i  4814.  Mi 

Paris  en  était  dans  la  joie  et  toute  la  population 
partageait  les  espérance  de  l'empereur.  Cependant  H 
n'était  pas  difficile  à  un  œil  attentif  de  voir  que  «< 
n'était  qu'un  moment  d'illusion  ;  car  si  la  grande  w*  ^ 
mée  était  en  retraite,  ce  n'était  «pas  après  une  &H 
faite,  ni  à  cause  du  découragement  des  soldats,  qui 
demandaient  au  contraire  avec  tant  de  fureur  de 
marcher  sur  Paris ,  qu'on  fut  obligé ,  dans  un  ordre 
du  jour,  de  leur  donner  les  motifs  de  ce  mouvement. 
Mais  ta  Suisse  était  menacée  par  Augereau,  et  il  fal- 
lait renforcer  le  général  Bubna  de  deux  division*, 
peur  reprendre  qpsuite  l'offensive.  D'un  autre  tâté> 
le  prince  de  Hesse-Hombourg ,  avec  six  divistafll 
allemandes,  et  l'armée  de  Bulow,  qui  avait  laissé  le 
duc  de  Weîraar  devant  Anvers,  arrivaient  du  nord) 
après   avoir  conquis  la  Hollande  et  la   Belgique; 
Winzingerode  et  Woronzow  passaient  le  Rhin  avw 
les  Russes ,  comme  avant-garde  de  l'armée  du  roi 
de  Suède,  qui,  après  avoir  forcé  le  Danemark  à  la 
paix,  était  déjà  sur  la  Meuse  pour  «olrer  en  FraMQ~ 
Cependant,  au  quartier- général,  on  parlait  sériftf- 
aement  de  la  pt»x  et  de  se  retirer  peu  h  peu  sur  le 
Rhin  pour  attendre    le    résultat   des  conférences 
tenues  à  Chatrllon»  Mais  Bluçber  s'opposa  à  cette 
opinion  de.  toutes  ses  forces ,  et  demandant  qu  eh 
lui  dmnât'les  divisions  de  Bulow.  et  de  Wimim- 
gerode,  il  promit  de  marcher  droit  jusqu'à  Paris. 
Sa  demande  fut  accordée?  et,  dans  la  nuit  dnâimi 
2&  février  **il  se  porta  en  avant  à  la  tête  {le  cetot 
nrille    honmes.   Ce   mouvement  r  te  *plua.  tqtikl- 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


Hft  SEPTlÈJIfl  ÉFOQ0R.   1648—1838. 

rtife  de  cette  guerre ,  dit  un  écrivain  français  , 
déconcerta,  extrêmement  Njtpoléon.  Il  venait  de 
proposer  une  suspension  d'armes,  et  déjà  il  se  voyait 
sur  les  bords  du  Rhin.  Alors  il  fallut  se  décider  à 
quitter  la  grande  armée  pour  se  m^lre  à  la  pour- 
tuile  de  l'insolent  adversaire  qu'il  croyait  avoir 
abattu. 


Le  mois  de  mars. 

r  Le  dessein  de  Napoléon  était  dVteindre  le  feld- 
MMtféchal  Blucher  avant  sa  réunion  avec  l'autre 
corps  d'armée  dont  il  était  séparé  par l'Aisne.  Mais 
déjà  Bulow  et  Winzingerode  aVbient  assiégé  Soissons, 
située  sur  cette  rivière,  avec  un  beau  pont  qui  offrait 
un  point  très  convenable  pour  la  réunion  des  deux 
armées.  Cette  ville,  pourvue  de  murailles  et  de  fossés, 
étmt  défendue  par  une  nombreuse  garnison  fran- 
•  çaise;  mais  aussitôt  Bulow  fit  faire  les  préparatifs 
pour  l'assaut.  Déjà  les  assaillants,  au  point  dn  jour, 
s'avançaient  en  bon  ordre  avec  le&échellés,  quand 
le  commandant  de  la  place,  qui  ne  connaissait  pas 
l'importance  du  moment,  et  ne  savait  pas  Napo- 
léon dans  le  voisinage,  livra  la  ville  gt  se  retira 
«vec  sa  garnison.  Le  feld-maréchal  y  passa  lamvière 
et  s'avança  toujours  au  nord  jusqu'à  Laon,  où  il 
réunit  toutes  ses  forces  %t  prit  Une  très  forte  posi- 
tion. Napoléon  ,  pour  en  finir  avec  cet* adversaire  , 
feipôiftsùjnt  de  l'autre  coté  de  la  rivière,  bien 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


r  CÀMPÀGNK   DE    ^844.  *  fcSf* 

qu'ainsi  il  s'éloignât  toujours  de  la  grande  armée  et 
de  Paris,  dont  il  était  distant  de  trente-trois  lieues. 


^Bataille  de  Laon.  0  et  10  mars» 


Le  7  mars,  il  attaqua  Winzipgerode,  retranché 
dans  de  fortes  positions  à  Craone,  et  ne  le  força  à 
se  replier  sur  Laon  qu'après  avoir  lui-même  éprouvé 
de  grandes  pertes.  Blucher  l'attendait  à  Laon,  ville 
située  sur  une  montagne  inexpugnable,  de  trois  ou 
quatre  mille  pieds  de  haut,  qui  faisait  Je  point  cen- 
tral de  sa  position.  Cependant  les  Français,  à  la 
pointe  du  jour,  le  9  mars;  se  précipitèrent  sur  ïe 
village  de  Semilljr,  au  pied  de  la  montagne,  et  s'en 
rendirent  maîtres  pour  quelque  temps;  mais  lès 
troupes  de  Bulow  les  en  chassèrent,  et  Napoléon 
n'osa  plus  tenter  d'escalader  la  montagne. 

Le  comb#  continua  toute  la  journée  sur  les  deux 
ailes,  et  Napoléon  s'efforçait  particulièrement  de 
chasser  les  Prussiens  de  la  grande  route  de  Belgique. 
A  midi,  il  avait  en  effet  obtenu  des  avantages,  et 
l'avant-gardeMes  Prussiens  avait  été  obligée  d'aban- 
donner le  village  d'Athi&j  mais  sur  le  soir,  .Kleist  m 
et  York  résolurent  de  l'arrêter  dans  son  dessein  par 
un  coup  de  main.  JU>rsque  l'obscurité  couvrait  déjà 
te  champ  de  bataiUe  et  que  l'ennemi,  croyant  cette 
journée  sanglante  à  sa  fin,  avait  déjà  allume  des  feux 
dans  son  camp,  les  Prussiens  revinrent  à  l'attaque. 


Digitized  byVJ OOQ IC 


899  SEPTife**  époqpk,  4648— 1&». 

4-e  prince  Guillaume  s'empara  à  gauche  du  viifege 
d'Athis  et  d  une  colline  boiseuse  que  les  Français 
occupaient  ;  d'autres  troupe*  pénétrèrent  jusque  dans 
le  village  même,  et  déjà  Ziethen  avait  enveloppé 
avec  sa  cavalerie  tout  le  flanc  droit  des  ennemis , 
pour  tomber  sur  eux  quand  l'infanterie  les  aura 
forces  de  se  retirer.  Ttut  réassit,  les  Prussiens  arri- 
vent à  la  baïonnette,  sans  tirer  un  seul  coup,  jusque 
mr  l'ennemi  ,  et  ne  font  feu  que  quand  Us  ta  voient 
couçir  aux.  armes.  Dans  quelques  instants  ils  soat 
,  mU  en  désordre,  leur  artillerie  est  prise  et  la  déroute 
.  est  complète.  I*a  cavalerie  achève  leur  défaite  et  leur 
çnlève  toute  l'tfrtillerie ,  à  l'exception  de  quatre 
pièces,  c'est-à-dire  qua^nte-six  canons.  Ce  fut  une 
victoire  complète  qui  n'avait  coûté  que  quelques  , 
paorts;  tandis  que  le  corps  de  Ma r mont,  qui  avait 
spuffert  cet  échec,  |rv:ait  fait  des  pertes  considérables. 
Le  lendemain,  10  mars,  soit  pour  faciliter  la  re- 
traite de  son  aile  battue  la  veille,  soit  pour  chercher 

*  à  obtenir  quelques  avantages  sur  le  centç e,  il  fit  atta- 
cjuer  la  hauteur  de  Laon  et  fut  repoussé  Comme  le 
jour  précédent.  Sur  le  soir,  il  fit  encore  une  tenta- 
tive aussi  infructueuse  sur  le  village  de  Semilly,  efe 
voyant  alors  toute  attaque  impossible,  il  opéra  sp 
retraite  la  nuit  suivante  j  mais  il  avait  fait  d'énormes 

*  perteé. 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


Ifftpoftfoa  oontre  f  chwanenbgng . 

Napoléon  était  vivement  affecté  de  cet  échec  en- 
rayé contre  l'armée  dejSilésie,  À  quoi  avaient  servi 
las  poursuites  et  les  fatiguas*  de  ses  guerrière?  C$ 
même  adversaire  contre  lequel  il  s'était  acharné, 
qu'il  se  vantait,  au  commencement  de  février,  d'à* 
roir  anéanti,  il  le  voyait  maintenant  inattaquable 
«ir  ses  derrières,  et  bientôt  s'avancer  pour  resserrer 
4e  plus  en  plus  le  cercle  de  ces  opérations.  Il  ne  lu> 
restait  donc  plus  que  de  se  tourner  cdhtre  Sdhwv* 
senberg,  de  tâcher  de  surprendre  la  grandie  qrmée, 
pour  l'attaquer  et  la  battre  en  détail. 

Le  général  Schwarzenberg  se  trouvait  de  nouveau 
«ur  l'Aube,  où  il  s'était  porté  aussitôt  après  1$  dé*- 
part  de  Napoléon  contre,  l'armée  de  Silésie.  Il  avaij; 
battu,  le  2?  février,  à  Bar-sur- Aul>e,  le maréchoj 
Oudinpt,  chargé  de  le  contenir;  ^vaitrepris  Troyet^ 
et  attendait,  dans  le/plaines  situées  entre  la  Seine  etfp 
Marne,  ce  qui  arriverait  entre  Jilucher  et  Napoléon 
Bientôt  il  le  vit  lui-même  en  présence,  arrivant  dç 
Laon.  Il  tomba  tout  d'un  coup,  le  i3  mars,  «m; 
Reims,  où  était  Saint-Priest  à  la  téta  des  Ru&çç, 
s'empara  de  la* ville,  tua  le  général,  et  le  20,  il 
était  avec  toutes  ses  troupes  en  face  dfe  Ja  grande 
armée,  occupant  Arcis-sur-Aube.  Il  espérait ,  par 
une  attaque  soudaine ,  rompra  les  liens  qui  unis- 
saient l'armée  de  Sclwarzenberg,  et  jeter  Je  désordre 
.parmi  les  différents  corps;  mais  il  trouva  les  ligne? 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


034  septième  éfoqve.  4648—1858. 

bien  formées  et  le  bon  orére  partout,  de  sorte  que 
son  projet  fut  encore  une  fois  sans  succès.  L'empe- 
reur Alexandre  et  le  roi  Frédéric-Guillaume,  bien 
résolus  à  ne  pas  différer  plus  long-temps  une  ba- 
taille décisive,  s'étaient  hâtés  de  rejoindre  l'armée 
i  marches  forcées,  éfr  il  y  eut ,  ce  même  jour 
20  mars,  un  engagement  très  sérieux  auprès  d'Arcis. 
Les  escadrons  de  la  garde  furent  repoussés  avec  une 
telle  violence  que  Napoléon,  pour  ne  pas  perdre  cç 
point  important,  fut  obligé  de  mettre  lui-même 
Fépée  à  la  main,  de  rassembler ies  fuyards,  de  se 
illettré  aussitôt  à  leur  tête: et  de  les  ramener  au 
combat,  il  s'e&posa  tellement  dans  cette  charge,  que 
pour  se  défendre  contre  un  Cosaque  qui  venait  sur 
lui  la  lance  en  arrêt;,  il  fut  obligé  de  faire  feu  lui- 
mérae  avec  ses  pistolets.  Un  grand  nombre  des  offi- 
ciers qui  raccompagnaient  furent  tués  à  ses  côtés  , 
et  son  cheval  fut  atteint  et  tué  par  un  boulet. 
Mais,  bien  loin  de  fuir  le  danger,  il  ne  mit  que  plus 
d'audace  à  le  braver.  Un  obus  vint  tomber  à  ses 
a  pieds,  il  attendit  le  coup  de  sang-froid,  bientôt  il 
éclata,  un  épais  nuage  de  fumée  l'enveloppa  ;  09  le 
crut  perdu.  Il  se  releva,  sauta  sur  un  autre  cheval  et 
vint  se  placer  de  nouveau  sous  le  feu  des  batteries. 
Àrcis  fut  sauvé;  mais  il  fallut  les  plus  grands  efforts 
et  l'arrivée  de  Pinfanterie  française. 

L'armée  des  alliés  s'était  préparée»  à  une  grande 
action  pour  lelendeftiain  ;  Napoléon  s'était  lui-même  * 
rangé  en  bataille  en  avant  d'Àrcis ,  et  les  deux  ar- 
mées se  tinrent  en  présence,  attendant  réciproque* 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


CAMPAGNE   DE    1844.  625 

ment  l'attaque  l'une  de  l'autre.  C'était  un  moment 
solennel  qui  allait  décider  de  la  guerre  et  qui  dura 
plusieurs  heures.  En   effet  ces  quelques  heures  fu- 
rent décisives  pour  le  sort  du  monde;  mais  d'une 
autre   façon  qû'oii  aurait  pu    le  comprendre.  Car 
ce  fut  pendant  cet  intervalle  de  temps  que  Napo- 
léon mit  à  terme  un  projet  qttil  portait  depuis  long- 
temps dans  son  cœur,  sur  lequel  il  mettait  toutes 
ses  espérances,  et  qui  pourtant  fut  cause  de  sa  rui- 
ne. Aussitôt  il  en  commença  l'etécutibn.  Lors  don% 
que  les  alliés  tenaient  les  yeux  fixés  sur  lui  et  dans  la 
plus  grande  attente ,  ils  aperçurent  avec  le  plus 
grand  étonriement  les  rangs  français  sç  débande^ 
l'armée  passer  l'Aube  et  déjà  traversant  par-dessus 
les  montagnes  de  l'autre  rive.   Il  entrait  dans  ses 
nouveaux  plans  de  guerre,  après  avoir  assez  long- 
temps cherché  une  décision  dans  une  bataille  rao-  • 
gée,*  de  changer  de  tactique,  d'aller  se  jeter  sur  lés 
derrières  de  Schwarzenberg  par  df  s  marches  forcées  ; 
parce  que  celui-ci,  se  disait- il,  ne  manquerait  pas 
de  se  replier  en,  arrière  pour  s'assurer  un  chemip ,  et 
qu'alors  il  pourrait  le  faire  tomber  dans  des  embus- 
cades, secondé  par  les  garnisons  qui  étaient  dans  les 
places  fortes  et  par  la  population.  Il  avait  préparé  ses 
plans  depuis  long-temps  ;  ses  commandants  de  place 
*  en  avaient  été  informés  par  des  messagers  secrets  (des 
espions  qui  cachaient  leurs  nouvelles  dans  leurs  can- 
nes,  dans  leurs  habits ,  dans  ies  colliers  de  leurs 
chiens.)  Ilsent'raient  d'ailleurs  tout-à-fait  dtnsl'esprit 
des  habitants  qui  déjà  étaient  presque  patfout  en 

T.  II.  40 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


636  septième  époque.   1648—4838. 

pleine  révolte  ;  ils  se  tenaient  cachés  dans  lesbois ,  daps 
les  chemins  creux,  attaquaient  les  détachements,  les 
courriers  et  empêchaient  les  communications  des 
allies.  Les  convois  ne  pouvaient  pas  arriver  ;  déjà  la 
poudre  et  le  plomb  commençaient  à  manquer  jet  si 
maintenant  des  troupes  exercées  se  joignaient  aux 
paysans ,  une  retraite  %'aurait  pas  manqué  d'entraîner 
la  ruine  de  Tannée  des  alliés. 

Napoléon  était  si  convaincu  de  la  bonté  de  ses  ■ 
plans  et  tellement  aveuglé  par  son  orgueil ,  qu'au 
moment  même  où  il  arrivait  sur  le  bord  du  pré- 
cipice ,  il  croyait  ses  ennemis  perdus  et  lâchait  ces 
paroles  incompréhensibles  :  «  Oh  a  parlé  de  paix  ; 
mais  je  ne  négocie  point  avec  des  prisonniers.  »  En 
même  temps,  il  fit  rompre  les  confidences  qjii  se  te- 
naient à  Chàtiilon  ,  détruisant^insi  les  dernières  es- 
pérances d'une  paix  à  l'amiable  et  tous  les  motifs 
qui  a vaientf jusqu'alors  apporté  de  la  lenteur* dans 
les  opérations  de  la  guerre.  Ainsi  la  décision  de  son  ■ 
sort  marchait  à  gfands  pas. 


Marche  sur  Paris. 

L'étonncment  était  d'autant  plus  grand  dans  l'ar- 
mée des  alliés  après  ce  mouvement  %subit  de  Napo- 
léon, que  lés  Cosaques  qu'on  avait  envoyés  à  la  dé- 
couverte rapportaient  à  leur  façon  :  «  que  Tenue  mi 
M  retirait tion  sur  Paris,  mais  sur  Moscou  »  Cependant 


Digitized  by  LjOOQIC 


CAMPAGNE    DE    4814*  &%1 

on  reçut  promptçment  des  instructions  par  Èm lettre 
de  l'empereur  même  à  l'impératrice  qui  fut  prise  fart 
à  propos,  dans^  laquelle  il  lui  découvrait  tout  sop 
plan,  tel  que  nous  l'avons  donné  plus  haut. —  C'é- 
tait donc  un  moment  bien  important  pour  l'armée 
des  alliés.  Les  uns  conseillaient  d'assurer  les  der- 
rières et  de  se  rapprocher  du  Rhin,  les  autres  "au 
contraire  plus  confiants  disaient  qu'il  fallait  marcher 
sur  Paris  qui  ne  pouvait  résister  ;  et  ce  dernier  avis 
l'emporta,  H  fut  résolu  qu'on  laisserait  Napoléon 
çn  arrière  et  qu'on  se  porterait  en  avant  pour  se 
réunir  sur  la  Marne  à  l'arnij$e  de  Blucher. 

Le  lendemain,  2&mars,  on  apprit  ^ue  FarméetleSi- 
lësie  était  déjà  dans  le  voisinage,  et  le  conseil  de^uerre  ** 
itôsenablé  à  Vîtry  décida  aussitôt  que  les  deux  at- 
hées réunies  marcheraient  sur  Paris  et  que  le  gén<- 
xal  Winzingerode  marcherait  seul  contre  Napoléon 
%  avec  dix  uiilltfhommes  de  cavalerie  ^d'artjjleçielég^- 
re,pqur  lui  faire  croire  que  le  gros  de  1  armée  suivait. 
de  cri,  sur  Paris!  réveilla  ^enthousiasme  de»  sol- 
dats 9  ^'autant  qu'ils  avaient  eu  beaucoup  à  souffrir, 
depuis  trois  mois  qu'ils  étaient  en  France  ,1e  froid , 
la  neige,  la  pluie*,  la  disette  de  tout;,  ruais  alors  Jout 
fut  oublié.  Des  nouvelles  favorables  vinrent  d'^i- 
leurs  encore  confirmer  les  chefs  dans  leur  résolution . 
C'étaient  des  courriers  partis  de  Paris ,  arrêtés  j#r 
la  cavalerie  légère ,  porteurs  4e  dédies  qui  annon- 
çaient que   dix  mille  Anglais  étaient  débarqués  à 
Livourne  en  Italie;  que  Lyon,  la  deuxième  ville 
du  royaume,  avait  été  prise  par  les  Autrichiens^ et 

40- 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


628  lEPTlfcMB  époque.  1642—1838. 

que  l'armée  d'Augerea*  était  dansante  mauvaise  po- 
sition ;  que  Wellington  était  entré  dans  Bordeaux 
et  s'avançait  dans  le  cœur  de  k  France  ;  enfin  il  y 
avait  un  rapport  du  ministre  de  la  police  qui  décla- 
rait que  les  esprits  étaient  mal  disposés  dans  la  ca- 
pitale et  gue  la  plupart  des  citoyens  étaient  extrê- 
mement fatigués  de  la  longueur  de  la  guerre. 

Ils  marchèrent  donc  sur  Paris  en  toute  h|te.  Blu- 
cher  était  sur  la  rive  droite  de  la  Marne ,  Schwar- 
zenberg  sur  la  rive  gauche  ;  ils  voulaient  se  réunir  à 
moitié  route.  Ils  rencontrèrent,  dans  les  taémcs 
lieux  ou  six  semaines  avant  ils  avaient  été  surpris 
par  Napoléon ,  les  maréchaux  Mortier  et  Marmput 
en  route  pomr  aller  rejoindre  l'empereur;  car  il 
rassemblait  toutes  ses  forces  sur  les  derrières.  Quelle 
fat  leur  frayeur  quand  ils  se  virent  coupés  de  Jui 
par  deux  cent  mille  hommes.  Ils  voulurent  faire  quel- 
que résistance  fie  25  mars ,  £  la  Fère-Champenoise, 
dans  une  forte  position  ;  mais  ils  furent  emportes 
comme  par  un  torrent  et  ne  durent  qu'à  la  nuit  d'é- 
chapper à  une  destruction  complète.  Cependant  le 
général  Pactod ,  qui  se  trouvait  sur  leur  route  avec 
six  mille  hommes  et  une  quantité  de  bagages  et  de 
provisions  de  toute  espèce,  fut  entouré  par  la  cava- 
lerie des  deux  armées ,  et  après  s'être  long-temps 
défendu  ayec  le  plus  grand  courage ,  il  fut  fait  pri- 
sonnier avec  tous  ceux  qui  survivaient.  Ensuite  les 
deux  armées  firent  leur  réunion. 

Pendant  ce  temps-là,  l'Allemagne  était  dans  la 
jitts  grande  inquiétude  pour  ses  guerriers,  elle  ne 


I 


CAMPAGNE   DB   1814.  629 

savait  rien  de  Ipurf  succès ,  ni  de  leur  nouvelle  déci- 
sion. Les  nouvelles  étaient  interceptées  et  les"  craintes 
augmentaient  chaque  Jour.  Mais  bientôt  arriva  la 
nouvelle  favorable  et  elle  n'en  causa  que  plus 
de  joie.  ' 


Capitulation  de  Paris.  50  et  SI  mars. 

L'armée  des  alliés  fit  la  plus  grande  diligence 
possible  et  arriva  enfin  ,  le  29  mars  au  soir,  devant  les 
portes  de  cette  fière  capitale  ,  qui  si  long-temps  avait 
commandé  au  monde  et  était  encore  chargée  de  ses 
dépouilles.  Joseph ,   frère  deH apoléon  et  l'ancien     . 
roi  d'Espagne,  s'y  trouvait  avec  une  foule  de  parti- 
sans ,  et  il  maintint  le  peuple  en  lui  faisant  croire 
que  ce  n'était  qu'un  détachement  de  l'armée  qui 
voulait  essayer  de  jeter  l'effroi  dans  la  çajjjale.  Les  • 
maréchaux  Marmont  et  Mortier  ayant  rassemblé 
tout  ce  qu'ils  avaient  de  troupes,  les  avaient  postées 
sur- les  hauteurs  hors  de  Paris  avec  toute  leur  artil*  ' 
leriej  de  sorte  qu'ils  se  trouvaient  à  Montmartre  et 
sur  Tes  autres  collines  à  l'est  de  la  ville  avec  vingt- 
cinq  mille  hommes  et  cept  cinquante  canons.  Ils 
cherchèrent  à  arrêter  l'ennemi  jpsqu'à  ce  qu'enfin 
Napoléon  arrivât  pour  les  délivrer. 

Napoléon  était  bien  à  la  vérité  en  marche  pour  y 
venir ,  mais  il  était  trop  éloigné  pour  arriver  à  temps.  * 
Il  avait  été  victime  de  sqn  aveuele  confiance  et  avait 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


680  SEPTIEME  ÉrOQTTB.   4648—1858. 

laisse  prendre  une  avance  de  quatre  jours  à  Varméé 
qui  marchait  surParis.  Les  généraux  Winzingerode 
et  Gzernittschef  l'avaient  complètement  trompé  en 
lni.fâisant  croire  qu'ils  étaient  l'avant-garde  de  l'ar- 
mée ,  qui  s'était  mise  en  hâte  à  sa  poursuite ,  et  déjà 
même  il  se  félicitait  des  succès  de  sa  ruse.  Cepen- 
dant ne  voyant  jamais  que  de  la  cavalerie  et  pas 
un  seul  fantassin ,  il  conçut  enfin  quelque» soupçons; 
il  voulut  donc  s'en  convaincre ,  et  attaqua  lui- 
même  le  général  Winzingerode  qui  fut  à  la  vérité 
bbîigé  de  se  replier  devant  lui  ;  mais  il  ne  put  en- 
core rien  obtenir  de  certain  jusqu'au  29  mars.  AltiH 
arriva  une  estafette  de  Paris ,  qui  le  rencontra  sW 
PÀube  à  Efbulancourt.  Napoléon  se  hâta  de  de*» 
cendre  dWe  petite  hauteur  sur  le  fleuve  pour  ou- 
vrir ees  lettres  mystérieuses;  il  fut  comme  frappé 
de  la  foudre  ,  quand  il  sut  que  la  guerre  allait  se 
décider  h  Paris  et  qu'il  en  était  à  plus  de  quarante 
iieties.  È  abandonna  donc  aussitôt  sod  armée,  et 
j>artit  avec  quelques  hommes  seulement  pour  tâcher 
d'arriver  à  temps  ;  mais  il  pressa"  vainement  sespostil- 
Ions,  il  ne  put  entendre  que  de  loin  le  canon" du 
combat  qui  se  livrait  devant  Paris  ,  et  le  30,  à  Si* 
heures  du  soir ,  il  apprit  à  Fromenteau  7  encore  à 
cinq Jieues  de  la  vflle  ,  qu'il  éfail  arrivé  quelques 
heures  trop  tard;  #aris  s'était  rendu.  Napoléon  n'é- 
tait séparé  que  par  la  Seine  des  avant-postes  de 
l'ennemi.  Les  feux  de  leurs  bivouacs  brillaient  sur 
tonte  la- rive  gatfche-?  tandis  qu'une  profonde  obscu- 
rité le  cachait,  ihi ,  quelque^  serviteurs  ef  deux  yoi* 


Digitized  byVJ OOQ IC 


ClMTÀGWE   DE   1814.  63t 

tares  de  poste.  Le  lendemain  à  deux  heures  da 
matin ,  quand  il  sut  positivement  que  la  capitulation 
était  signée  7  il  revint  sur  ses  pas  et  se  fendit  à  Fon- 
tainebleau. Or  voici  les  événements  qui  avaient 
amené  la  capitulation. 

Le  30  mars  au  matfn ,  le  général  B&rclai  de  Tolly, 
qui  commandait  les  Russes  et  les  Prussiens  sous  les 
ordres  du*  général  en  chef  Schwarzénberg ,  attaqua 
les  hauteurs  de  Belleville  ,  où  était  le  point  central 
du  système  de  défense»  La  lutte  fut  opiniâtre  et 
d'abord  indécise;  parce  que  Jes  jardins  -,  les  vignes 
et  les  bosquets  qui  se  trouvaient  de  tous  côtés  facili- 
taient beaucoup  la  défense;  mais  surtout,  parce 
qu6  les  troupes  du  prince  de  Wurtemberg  et  de  Blu- 
cher  qui  devaient  aider*  à  droite  et  à  gauche  ne 
purent  arriver  à  l'attaque  avant  midi.  L'artillerie 
française,  avantageusement  postée,  écrasait  des  rangs 
entiers  de  nos  valeureux. assaillants;  à  la  fin  cepen- 
dant les  hauteurs  de  Bellevilfe  furent  emportées 
et  l'artillerie  fut  prise.  Alors  les  Parisiens  comprirent 
bien  que  c'était  fort  sérieux  pour  èmtt  et  que  ce 
s'était  point  seulement  un  détachement.  Déjà  ses 
rues ,  autrefois  si  brillantes  de  magnifiques  équipages» 
pétaient  alors  remplies 'de  gens  de  la  campagne  qm 
y  cherchaient  un  asile  avec  leurs  charriâtes,  leurs 
troupeaux  et  leurs  bagages. 

À,  midi ,  l'armée  de  Silésie  attaqua  les  hauteurs 
-  de  Montmartre.  York,  Kleist  et  Langeron chassèrent 
(l  les  Français  de  tous  les  villages,  et  la  cavalerie 

"  ra&he  put -prendre  part  au  combat;  k  village  dé  la 


t 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


652  septième  époque.  1648—4858. 

Yillette  fut  emporté  par  elle,  et  les  Français  furent 
repousses  jusqu'aux  faubourgs.  Montmartre  fut  pris 
avec  Partillerie  qui  le  défendait. 

A  l'extrême  aile  gauche,  leprincede  Wurtemberg 
avait  aussi  lui ,  malgré  une  vigoureuse  défense  des 
approches  de  Vincennes  prolongée  jusqu'après  midi , 
forcé  ]es  ennemis  de  reculer  jusqu'aux  portes. 
Alors  les  deux  maréchaux  les  principaux  de  la  ville 
demandèrent  à  capituler;  il  fut  convenu  que  la 
ville  serait  livrée  le  lendepiain matin  31  mars,  et 
que  les  maréchaux  Marmont  et  Mortier  se  retire- 
raient avec  les  restes  de  leurs  troupes. 


Abdication  de  Napoléon. —Paix  de  Paris. 

Le  1er  avril,  l'empereur  Alexandre  fit  publier, 
tant  en  son  nom  qi*  en  celui  des  alliés  :  «  qu'il  ne 
voulait,  en  aucune  façon,  traiter  avec  Napoléon 9 
ni  avec  ajicun  membre  de  sa  famille  ;  que  du  reste 
il  laissait  aux  Français  la  liberté  de  se  choisir  un 
autre  gouvernement.  »  Par  suite  de  cette  déclaration, 
le  conseil  municipal  fut  le  premier  à  se  déclarer  dé» 
lié  du  serment  de  fidélité  envers  Napoléon;  il 
témoigna  le  désir  de  revoir  l'ancienne  maison 
royale  ,  et  le  lendemain ,  2  avril ,  le  sénat  lui-même 
déclara ,  au  nom  de  toute  la  France ,  la  déposition 
de  Napoléon. 
.  Cet  événement  fut  un  coup  de  foudqS  pour  Ka- 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


C1MPAGWE  deW14.  633 

poléon,  lui  qui  s'était  constamment  flatté  de  pouvoir 
réunir  ses  forces  et  tenter  encore  une  fois  le  sort  des 
armes.  Il  était  toujours  à  Fontainebleau,  à  donz* 
lieues  de  Paris;  la  colère  et  l'abattement  bouieveiv 
saient  tour-à-tour  son  Ame  :  enfin  il  se  décida  à 
marcher  sur  Paris,  plein  de  confiance  encore  dats 
son  armée.  Le  5  avril  fut  fixé,  et  déjà  une  foule.de 
guerriers  s'apprêtaient  à  le  suivre)  mais,  danpce  mo- 
ment, ses  maréchaux  refusèrent  de  coopéer  avec  lui 
dans  une  telle  entreprise.  Ney  et  Lefèvre  le  suivirent  ' 
jusque  dans  sa  chambre,  lui  firent  connaître  l'acte 
de  sa  déchéance,  et  lui  déclarèrent  qu'ils  ne  pou- 
Taient  compter  sur  l'obéissance  de  l'armée.  Alors, 
il  voulut  au  mointtentetde  conserver  la  couronne 
de  France  à  son  fils,  qu'il  avait  fait  appeler  roi  de 
Rome.  Il  offrit  donc' son  abdication  à  cette  condi- 
tion; mais  ni  ïçs  alliés,  ni  le  gouvernement  provi- 
soire, qui  siégeait  dans  Paris ,.  ne  voulurent  y  accé- 
der. Le  6  avril,  le  sénat  rappela  l'ancienne  famille 
qt  recounut  Louis  XVIII  comme  roi  de  France  ;  et 
Ton  offrit  à  Napoléon  une  retraite  libre  dans  l'île 
d'Elbe,  sur  les  côtes  d'tyriie.<Conlre  toute  attente,  il 
signa  f?ec  calme  cette  abdication  qu'on  lui  imposait, 
le  11  avril.  Sans  doute  qu'il  avait  déjà  au  fond  dç 
son  âme  le  projet  de  profile»  d'un  moment  favorable , 
quand  l'EuH)j*e  aurait  déposé  les  armes,  pour  recon- 
quérir son  empire.  Il  gartU  pour  l'île  d'Elbe,  le  20* 
avril,  et  il  y  fixa  sa  demeure.  Louis  XVI II  fît 
son  eptrée  à  Paris  le  3  mai,  et  monta  sur  le  trône  de 
son  frère  vingl-et-uaans  aprç&son  exécution. 


Digitized  byVJ OOQ IC 


•M  SEpnfeXB  hoQv*.  4048—1838. 

Le  80  mai  fut  signée  la  première  paix  de  Paris, 
«tftrela  France  et  l'Europe.  La  France  conserva  le* 
4n4mes  limites  qu'elle  avait  eues  sous  ses  rois,  et 
par  conséquent  l'Alsace  et  la  Lorraine,  quî  avaient 
anciennement  appartenu  à  l'Allemagne;  elle  garda 
Même  de  plus  une  certaine  étendue  de  terrain  qui 
n'avait  été  conquis  que  sous  la  république.  Elle  n'eut 
point  à.payer  les  frais  de  la  guerre  ;  la  ville  de  Paris 
conserva  les  chefs-d'œuvre  qui  ataient  été  dérobé* 
de ps  toute  l'Europe  ;  et  des  milliers  de  Français,  re- 
tenu* prisonniers  en  Russie,  en  Autriche*  en  Prusse, 
en  Angleterre ,  furent  rendus  à  (a  liberté  sans  ran- 
çon. —  On  devait  donc  croire  que  cette  paix  allait 
jrepoeer  simdes  baaes  solides  ;  miis  à  peine  quelques 
mois  s'étaient  éooplés,  h  peine  les  peuples  av*ietft-& 
commencé  &  goûter  les  bienfaits  de  la  paix,  qu'elle 
Dit  de  nouveau  rompue. 


CAMfAGNE    DE    1815. 
Retour  de  ffle  d'Elbe. 

Napoléon  entretenait  de  son  .île  des  émissaires 
ipecrets  dans  toute  l'Europe,  Ayant  donc  appris -qu'il 
y  avait  de  la  division  dans  le  congrès  de  Vienne, 
*|Uf*,  d'un  autre  côté,  toute  la  France  était  en  fer- 
me ntation,  excitée  d'ailtaurapar  ses  partisans  qai se- 
maient tout  espèce  d'accusafions  parmi Ift peuple,  u 
s*assurà  de  la  sympathie  qu'il  trouverait  ancore 
p^rmi  ses  anciennes  trotipes;  et,  le  26  février*  u 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


CAMPÀGHE   DB    4815.  <W 

quitta  son  fie,  à  la  tête  de  onze  cents  soldats  de  S* 
vieille  garde,  et  vint  prendre  terre  près  de  Cannes, 
an  même  endroit  qu'à  son  retour  d'Egypte.  Tous  se*  * 
anciens  soldats  furent  aussitôt-enflammés  pour  lui 

_  du  plus  grand  enthousiasme ,  tjui  fut  aussi  partagé 
par  une  partie  de  la  population.  Il  avait  dit  en  de* 
barqiiant  :  «  Bientôt  vous  allez  voir  mon  aîgfc? 
prendre  son  essor  sui»  tous  les  clochers  de  Franoe^ 
jftsqu'à  ce  qu'il  vienne  +e  reposer  sur  les  tours  éë 
Notre-Dame.  »  Et,  en  effet ,  les  villes  et  les  vilf&gtf 
le  reçurent  partout  avec  acclamations,  Les  trovpéal 
qu'on  envoya  contre  lui,  au  lieu  de  se  servir  de  leurs 
armes ,  le  saluèrent  de  cris  dé  joie  ;  et ,  après  vingt 
jours  de  marche,  il  fit  son  entrée  à  Paris ,  à  la  tété 
de  toutes  les  armées  de  France,  le  20  mars,  sanrf 
qu'il   lui  en  ait   coûté   une  seule  goutte  de  sang* 

.  Louis  XVIII  fut  obligé  d'abandonner  son  royaume* 
et  il  se  retira  sur  la  frontière. 

Alors  Napoléon  eut  Vecours  à  tous  les  moyens 
pour  se  concilier  les  esprits  ;  à  ses  anciens'  soldats . 
il  parlait  de  leurs  anciens  lauriers ,  aux  libéraux  il 
promettait  la  liberté,  #ux  gens  pacifiques  il  affirmait 
ses  iptentions  de  paix ,  disant  que  ses  malheurs  ga- 
vaient instruit  et  qu'il  ne  voulait  plus  que  le  bon- 
heur de  son  peuple;  il  tenait  le  même  langage  au* 
puissance»  étrangères.  Mais  le  congrès  de  Vienne  se 
déclara  fortement* contre  lui,  et  décida  que  toute 
l'Europe  s'armerait  comme  contre  le  perturbateur 
de  la  pahçpublique. 

Cependant  Napoléon  voyant  que  toutes  ses  pro* 


Digitized  byVJ OOQ IC 


68$,  septièmi  éwrçui;.  1648—1838: 

testations  étaient  inutiles,  se  prépara  à  une  lutte 

désespérée.  Alors,  pour.gagner  }e  peuple  Français , 

*  comme  il  avait  toujours  fait  jusqu'à  présent,  par 
un  nouveau  coup  de  théâtre,  il  couvoqua  à  Paris 
une  grande  réunion  de  tous  ses  adhérents,  pour  faire 
décider  dans  une  grande  assemblée  du  champ  de 
mai,  suivant  les  mœurs  des  anciens  Francs,  disait- 
il,  4'il  devait  réellement  se  faire  de  nouveau  apper 
lar  empereur  des.  FrançaisvChacun  avait  reçu  d'a- 
vance la  réponse  qu'il  avait  à  faire,  il  fut  donc 
proclamé  et  on  lui  jura  serment  de  fidélité.  * 

An  bout  de  quelques  mois,  il  se  vi^i  la  tête  d'one 
belle  armée.  Tant  de  milliers  de  prisonniers  rendus 
à  la  paix ,  les  restes  de  la  vieille  armée  et  de  nou- 
velles levées  furent  enrôlés  èbus  ses  drapeaux. 
JSn  outre  Jes  gardes  nationales  furent  armées ,  et 

*  les  journaux  français  parlaient  déjà  de  millions  % 
d'hommes  prêts  à  combattre  peur  leur  empereur. 


Murât  commence  la  guerre. 


De  tous  les  membres  de  3a  famille  que  Napoléon 
avait  placés  sur  des  trônes ,  il  ne  restait  plus  que  son 
beau-frère,  le  roi  de  Naples  ,  qui  avait  sauvé  s%  cou- 
ronne, en  1814,  en  abandonnant  Napoléon,  tandis 
qu'il  combattait  encore  coatre  les  alliés ,  pour  faire 
une  alliance  avec* eux.  Ce  n'avait  point  é^  par  haine 
pou*  l'ambition  française,  ni  par  inclination  pour 


Digitized  by  LjOOQIC 


"*  CAMPAOKB  DB   4845.  657 

les  principes  de  l'alliance,  mais  uniquement  pour 
>  ménager  ses  propres  intérêts  qu'il  avait  abandonné 
Napoléon.  Quand  donc  il  vit  la  fortuné  changer 
de  côté  ,  Napoléon  remonter  sur  son  trône  aux  cris 
des  acclamations  du  peuple  et  recouvrer  son  an- 
cienne puissance ,  alors  Murât  crut  qu'il  serait  plus 
avantageux  de  s'unir  avec  lui. 

D'ailleurs  sa  préemption  fui  mettait  sous  les  yeux 
les  plus  belles  espérances.  L'Italie  était  tout  en* 
tière  en  fermentation ,  une  foule  d'habitants  de  ce 
beau  pays ,  toujours  morcelé  depuis  plus  de  douze 
cents  ans  et  souvent  opprimé  jpar  les  étrangers,  sou* 
pilaient  après  une-réunion  de  tmites  les  provinces 
de  la  patrie  pour  former  un  empire  puissant ,  in- 
dépendant ,  qui  pût  occuper  une  place  honorable 
parmi  les  autres.  ^Joachim  Murât  voulut  donc  alors 
se  présenter  s  eux  pour  obtenir  ce  but  5  et  en  s'a- 
vançant  dans  Je  nord  de  l'Italie ,  il  affecta  d'imitefr> 
le  langage  et  les  grands  mots  de  Napoléon;  Mais  il 
eut,  bientôt  à  payes  la  témérité  d'avoir  visé  à  un  but 
trop  élevé  pour  lui.  Les  généraux  autrichiens  qui 
furent  envoyés  contre  lui,  Ffimont ,  Bianchi ,  Niéjk- 
perg  et  Nugent,  le  chassèrent  devant  eux  de  place  • 
en  place,  dans  tottte  la  longueur  de  la  presqu'île, 
jusque  dans  ses  propres  étais;  le  battirent  toute*  les 
fois  qu'U  voulut  faire  résistance ,  détruisirent  son 
armée  et  le  forcèrent  enfin  à  quitter  lionteusenpent- 
sa  capitale  et  toute  4'ltalie,  pour  aller  chercher  un 
tsile  en  France,  comme  fugitif. 


'Digitizedby  Vj( 


638  lEPTifcME  époque.  1648—1838.  ' 

Guerre  dans  les  Pays-Bas  contre  Napoléon. 

Celte  première  guerre  d'Italie  nVvait  duré  que 
le  mois  de  maif.  et  une  plus  grande  encore  devait  se 
terminer  dans  le  courant  de  juin.  SchwarzenJ>erg 
avec  les  Autrichiens,  les  Bavarois,  les  Wurtem- 
J>ergepis  et  les  Badois  .occupait  toute  la  frontière, 
depuis  la  Suisse  jusqu  a  moitié  du  Rhin  ;  le  feld- 
maréchal  Blucher  était  avec  les  Prussiens  dans  les 
Pays-Bas  sur  la  Meuse,  et  tout  près  de  lui  lord  Wel- 
lington couvrait  tout  le  pays  jusqu'à  la  mer  du  Nord 
avec  les  Anglais  ^  les  Néerlandais,  les  Hanovriçps  et 
lesBrunswickois.  Les  Russestlevaient  remplir  l'inter- 
valle entre  Blucher  et  Scbvrarzenberg  ;  mais  ils  n'é- 
taient pas  encore  arrivés  sus  le  champ  de  bataille. 
Alors  Napoléon ,  regardant  tout  autour  de  lui ,  con- 
^sidérait  sur  quel  point  il  porterait  lesjpremiers  coups 
du  glaive  terrible  qu'if  brandissait  dans  sa  main.  Ce 
fut  sur  son  ennemi  le  plus  près  et  le  pi  u£  dangereux, 
.  sur  Blucher  et  Wellington ,  c(U'iI  frappa.  S'il  avait 
'  pu  réussir  à  les  tailler  en  pièce,  chasser  l'un  de  l'autre 
côté  du  Rhin  et  forcer  l'autre  de  remonter  dans  ses 
vaisseaux ,  alors  îl  devenait  maître  de  la  Belgique, 
'de  sa  capitale,  de  son  argent  et  de  ses  homme* ; 
ensuite  f  il  pouvait  avec  sa  garde  courir  sur  le  haut 
Rhih  et  battre  encore  Schwarzenberg  avant  ^arrivée 
des  Russes.  , 

Telles   étaient   ses  espérances  quand   il  partit 
de  Paris,  dans  la    nuit  du  11  juin.  Toutes  ses 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


'       CAMPAGNE    PE  J615.,  *€8t# 

troupes  suaient  déjà  rassemblées,  suivant  se$  ordres 
sur  la  Sambre  et  la  Meuse  ;  et  le  14  juin  au  moment 
de  commencer  cette  sanglante  lutte  ,  il  paria  ^ixui 
à  son  armée  :  «  Soldats!  c'est  aujourd'hui  l'aûnir 
versâire  des  batailles  de  Marerigo  et  de  Friedlandj 
qui  deux  fois  ont  décidé  du  sort  dt  l'Europe* 
Alors,  comme  souvent, -nous  fûmes  trop  généreux,  m 
nous  laissâmes  sur  leurs  trônes  ces  princes  qu'au- 
jourd'hui menacent  l'indépendance  de  la  France. 
N'êtes-vous  pas  et  ne  sommes-nous  pas  encore  les 
mêmes?  S'ils  entrent  en  France,  ils  y  trouveront  leur 
tombesui.  »  » 

Telle  était  sa  confiance ,  quand  il  se  vit  à  kt  tête 
de  son  armée;  c'était  en  effet  une  dçft  plu&  belles 
que  la  Fraqpe  ait  mises  sur  pied ,  cent  cinquante  mille 
hommes  bien  équipés  avec  quatre  cents  pièces  d'ar- 
tillerie» Mais  ce  quftendait  cette  armée  plus  redou- 
table ?  c'était  sa*résoiption  de  vaincre  ou  de  mourir. 
La  garde,  foi  te  de  quarante  mille  homme*,  avait en- 
veloppé ses  aigles  d'un  .flrépe  noir,  jusqu'à  ce  qu'une 
grande  victoire  permît 4e  le*  montrer  dans  tout  l^pr 
éclat.    • 

+  Napaléon  porta  sa  première  attaque  sur  le  point 
.par  lequel  les  deux  armées  de  Wellington -et  de*1 
Blucher  se  touchaient}  c'était  précisément  l'endroit 
le  plus  faible  des  deux  aidées,  parce  que  làditcqn 
des  deux  généraux  cessait  son  commandement*  A 
gauche,  il  avait  devait  lui  Wellington  avec  quatre- 
vingt  mile  hommes,  savoir  :  trente  mille  AiigUjs, 
yingt  mille  Hanavriens,  dix  njiMe  Brunswickoia  ^t 


Digitized  byVJ OOQ IC 


640'  septième  IfùQVE.  1648—4838. 

vingt  mille  Néerlandais  etHessois*  Adreite,  c'était 
Blttcher  avec  quatre  corps  d'armée  qui  faisaient 
plus  de  cent  mille  hommes* et  étaient  commandés 
|»r  quatre  généraux  :  Ziethen ,  Thielmann ,  Pirch 
et  Bulow.  Mais  ces  corps  d'armée ,  prussiens  et  an- 
glais, avaient  leurs  campements  fort  éloignés  les  uns 

.  des  autres,  afin  d'occuper  une  plus  grande  étendae 
de  terrain.  Napoléon,  le  15  juin,  à  deux  heures  du 
matin,  déboucha  près  de  Thuin ,  à  travers  leà  con- 
trées couvertes  de  la  Sambre,  et  se  jeta  avec  tant  de 
rapidité  sur  Charleroi  r  qu'à  peine  les  postes  avancés 
*  de  Zietften  eurent  le  temps  de  faire  leur  Retraite  ; 
les  Cuirassiers  français  se  répandirent  avec  tant  de 

.  furent  sur  toutes  les  routes  et  dans  lus  campagnes  que 
les  pertes  de  la  journée  furent  considérables.  Ce- 
pendant Ziethen  se  maintint  en  bon  ordre  près  de 
Fleurus,  et  donna  le  temps  au  feld-marécbal  de  ras- 
sembler en  toute  hâte  les  deuxième  et  troisième 
corps.  ; 


Bataille  de  Lîgny  et  combat  des  Quatre-Bras*  16  jgia. 

Bliidker  résolut  de  livrer  bataille  aux  cent  mille 
hommes  de  Napoléon  avec  sqp  trois  corps  d  armé* 
tjéi  faisaient  environ  qtfltre-yingt  mille  homme»; 
parce  qu'il  comptait  que  Bulqw  arriverait  sur  lé 
champ  de  bataille  avant  la  in  de  là  journée  ,  et  que 
Wellington  lui-méiHe  enverrait  des  secours  de  son 
côté.  L'armée  prussienne  occupait  les  hauteurs  4pii 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


CAMPAGNE   DE    1816.  641 

bordaientla  rivière  de  Ligny ,  avec  trois  villages  clans 
ses  lignes:  Saint-Amand  où  était  l'aile  droite ,  Ligny 
où  était  le  centre  de  la  bataille,  et  Sombref  qui  avait 
l'aile  gauche.  Pfapoléon  avait  l'intention  de  portertou- 
tes  ses  forces  sur  l'aile  droite ,  afin  de  la  rompre  et  de 
la  couper  entièrement  d'avec  les  Anglais ,  et  il  fit 
attaquer  le  village  de  Saint-Amgpd  à  trois  heures 
après  midi.  C'était  Ziethen  quî  s'y  trouvait  avec  ces 
mêmes  troupes  qui  s'étaient  trouvées  engagées  la 
veille  f  cependant  elles  tinrent  ferme  contre  l'atta- 
que, quelque  opiniâtre  qu'elle  fût,  jusqu'à  ce  que 
les  ennemis  ayant  trouvé  un  chemin  détourné  "h 
travers  une  cour  arrivèrent  de  tous  côtés  dans  le  vil- 
lage. Alors  les  combattants  qui  comptaient  parmi  eux 
un  grand  nombrede  nouvelles  levées,  abandonnèrent 
cette  partie  du  village  appelée  grand  Saint-Amand  et 
se  retirèrent  derrière  la  rivière  dé  Ligny.  L'autre 
partie,  le  petit  Saint-Amand,  fut  perdu»  à  une 
deuxième  attaque   des  Français. 

Aussitôt  Napoléon  dirigea  ses  coups  sur  le  centre 
de  bataille  et  fit  attaquer  le  village  de  Ligny  avec  la 
plus  grande  opiniâtreté.  Ce  fut  un  des  combats  lef 
plus  acharnés  dont  parle  l'histoire ,  dit  le  rapport 
même  du  général  prussien.  Ligny  est  considérable , 
bâti  en  pierres  et  s'étend  tout  le  long  de  la  rivière. 
Chaque  maison,  chaque  jardin ,  chaque  rue  devint  le 
théâtre  d'une  lutte  acharnée.  Cependant  le  village 
fut  p#is  et  repris  plusieurs  fois  ;  on  y  combattit  cinq 
heures,  tour-à-tour  avançant  et  reculant;  et  toujours 
de  nouvelles  troupes  se  succédaient  des  deux  côtés 
T.  II.  fti 


Digitized  by  VjOOQlC 


443  SEPTifeu*  époque.  1648 — 1838. 

sur  le  ebamp  dé  bataille.  En  outre,  plus  dedfeux  cent» 
bouches  d'artillerie  écrasaient  le  village  de  leur* 
boulets  de  dessus  les  hauteurs;  de  sorte  qu'il  fut 
hieafcôt  en  feu  sur  plusieurs  points;  et  tes  toits,  les 
salives  elles  murailles  s'affaissaient,  s'écroulaient  avec 
im  fracas  horrible. 

Tandisque  la  bataille  sévissaitavec  le  plus  de  fureur 
etquç  Napoléon  avait^légarai  son  aile  gauche  pour 
attaquer  Ligny  avec  d'autant  plus  de  vigueur,  lefeld- 
maréchal  se  mit  lui-même  à  la  tête  de  ses  troupes  et 
vint  conduire  l'attaque  du  village  de  Saint-Arnaud 
qtfil  avait  déjà  perdu.  Une  portion  du  village  fut 
emportée,  et  si  Wellington  ou  Bulow  avait  été 
en  état  de  l'aider  dans  ce  moment,  le  feld-marechal 
frisant  une  vive  attaque  sur  l'aile  gauche  des  Fran- 
pus ,  aurait  pu  décider  la  victoire.  Mais  la  division 
anglaise  qui  devait  arriver  avait  été  si  vigoureuse- 
ment rqfue  par  le  maréchal  Ney  aux  Quatge-Bras , 
qu'à  peine  même  put-elle  se  maintenir  en  présence/ 
et  Bulow  avait  été  retardé  dans  sa  marche  par  plu - 
sipurs  accidents.  De  sorte  que  Blucher  n'avait  plut 
^sojapter  que  sur  son  propre  courage. 

Dé)>  le  jour  tombait,  et  la  bataille  durait  encore 
autour  de  Ligny,  toujours  aussi  sanglante  et  tou- 
jours indécise  *  Tous*  les  différents  corps  d'armée 
&ai«nt  aux  prises,  ou  avaient  déjà  combattu;  il  n'y 
avait  plus  de  réserve..  Tçut-à-coup  un  grand  corps, 
4*inf*iiterie,  la  garde  elle-même,  qui  avait  tourne  le 
village  à  la  faveur  de  l'obscurité ,  vint  tomber  sur 
les  Prns&ieusf  Uadis-que,  d'un  autre  côté,  les  cuira* 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


^jlmbâgîw  de  4*15.  Vl  645 

sicrs  et  Les  grenadiers  de  la  garde  attaquaient  em 
même  temps  sur  on  autre  point.  C'était  un  moment 
critique.  Alors  le  vieux  général ,  sans  songer  à  sa- 
propre  conservation ,  se  mit  à  la  tête  des  e$cadro£s  . 
qui  se  trouvaient  auprès  de  lui,  et  les  conduisit  lui- 
même  à  la  rencontre  desFrançaisjmai^aa  cavalerie, 
t^op  faible  et  trop  légère  pour  percer  à  travers  les 
escadrons  français  tout  bardés  de  fer,.fut  culbutée,  et-  : 
le  feld-maréchallui-meme  eut  son  cheval  percé  d'une 
halle;  le  coup,  loin  d'arrêter  sa  course,  le  jeta  date 
des  mouvements  convulsifsret  l'emporta  avec  d'aifr- 
tant  plus  de  fureur,  jusqu'à  ce  qu'il  tomba  tQUt  d'un 
coup  i  aide  mort  Blucher  se  trouva  lui-même  étourdi  . 
par  sa  chuta»  et  engagé  sous  son  chevftLLea  cuirasçiftra „ 
français  étaieflt  acharnés  à  la  poursuite ,  et  déjà  les 
'  derniers  cavaliers  prussiens  étaient  loin  derrière  le 
feld-maréchfd  ;  il  n'avait  auprès  de  lui  que  son  fidèle 
aide-de-camp*  le  comt£  Nostitzqdt,  fidAe  aux  prin- 
cipes des  anciens  Germains,  ne  voulait  pas  survivre  à 
s?»  gérerai.  Il  mit  pied  à  terre,  et  chassa  bien  loi»  son 
cheval  d'un  grand  cmp,  de  crainte  qu'il  ne  les  fît 
découvrir.  En  effet,  les  ennemis^  animés  par  la  fareart 
passèrent  au  galop  etnele&aperçurent  pas  ;  et  quand, 
après  cette  charge,  ils  revinrent  chassés  à  leur  tour 
par  les  Prussiens,  leurs  escadrons  vinrent  encore  carat* 
celer  autour  d'eux;  mais,  alors-  enfi»   on    retira  à 
grqtad'peine  kfelcWuarëchal  de  dawuBson  cfîe^l. 

U  monta  aussitôt  sur  un  cheval  de:  dragon  r  et 
revint  en  toute  hâte  avec  les  siens;  L'infanterie  prus* 
sferafie  fliguala  se»  courage  :  quoique  entourés  de  , 

kl. 


Digitiz,edby  LjOOQI 


644  s^ti^us  époque.  1648—4838. 

tous  côtés,  malgré  l'obscurité  qui  toujours  grossit 
le  danger  aux  yeux  des  hommes,  elle  repoussa  avec 
sang-froid  toutes  les  attaques  de  la  cavalerie  toutes  les 
fois  qu'elle  vint  se  jeter  sur  ses  carres,  se  retira  len- 
tement et  les  rangs  serrés  sur  Tilly.  L'armée  s'arrêta 
à  une  demi-Keue  du  champ  de  bataille ,  et  ne  perdit 
que  quinze  pièces  ^artillerie  engagées  dans  les 
mauvais  pas  à  cause  de  l'obscurité^* 

La  bataille  était  perdue ,  mais  elle  n'était  pas 
moins  honorable;  car  ce  n'était  pas  l'armée  entière 
qui  avait  combattu  contre  Napoléon ,  et  la  victoire 
fut  si  vivement  disputée  que  le  vainqueur  se  crut 
oty'gé  de  rappeler  dix  miHeJiommes  de  reserve 
qu'il  avait  d'abord  voulu  opposer  à  Wellington. 


fr       C(ftibat  des  QttKtreJru. 

Napoléon  avait  envoyé  le  maréchal  Ney  etioo 
frère  Jérôme  vers  Quatre-Bras,  pour  chasser  l'ennemi 
de  ce  côté  et  couper  tout-à-fait  les  deux  orqaées  Tune 
de  l'autre.  Wellington,  dont  toutes  les  troupes 
étaient  dispersées,  ne  pouvait  faire  arriver  ses  batail- 
lons que  les  uns  après  les  autres  sur  les  points  me» 
nacés;  mais  elles  n'en  combattaient  pas  moins  avec 
courage  :  c'était  le  -prince  d'Orang*  «vec  ses  Néer- 
landais, 1»  prince  Bernard  de  Weimar  avec  les  Nas- 
sois ,  le  généraUPicton  avec  les  Anglais  „  et  le  gêné, 
rai  Allen  avec  les  Hanovriensu  Ils  retardaient ,  à  la 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


CÀMPÀGHE   DE    1815.  646 

vérité,  la  fuigur  des  Français  qui sg  précipitant 
comme  un  torrent;'  mais  ils  ne  pouvaient  cependant 
les  comprimer  entièrement.  Enfin  arriva  aussi  le 
vaillant  duc  de  Brunswick  en  présence  de  cet  en- 
nemi, qui  déjà  une  fois  lui  avait  ravi  son  héritage 
et  comptait. peut-être  l'en  dépouiller  encore  dans 
cette  compagne.  Le  duc ,  à  la  tête  de  ses  hussards 
noirs  ,  se  précipita  sur  les  assaillants  pour  arrêter  leurs 
progrès;  et  comme  il  ne  voulait  pas  céder,  il  fit 
aussi  avancer  son  infanterie  contre  eux.  Mais  c'est 
alors  qu'il  reçut  une  balle  qui  lui  traversa  la  poitrine 
et  le  renversa  de  dessus  son  cheval.  C'était  un  prince 
animé  du  plus  pur  amour  de  la  patrie  ,  qui  ne  tira 
jamais  Tépée  pour  la  France.  L'honneur  est  attaché 
à  son  nom. 

Le  combat  continuait  toujours  avec  la  même  fu- 
reur ;  lés  Brunswickois  cherchaient  à  venger  le  sang 
de  leur  duc  dans  celui  des  Français.  Le  prince  d'O- 
range, qui  se  jeta  témérairement  à  la  tête  d'un  esca- 
àx&n  néerlandais  au  milieu  des  rangs  ennemis ,  fut 
emporté  trop  loin  et  entouré  ;  mais  le  septième  ba- 
taillon marcha  vers  lui  et  l'arracha  du  milieu  des 
ennemis.  Le  prince,  enthousiasmé,  arracha  la  croix 
qu'il  portait  sur  sa  poitrine,  et  la  jetant  au  milieu 
de  ses  fidèles  guerriers  :  «  Enfants ,  cria-t-il ,  vous 
l'avez  tous  méritée  !  »  Ils  ramassèrent  cette  croix  et 
rattachèrent  à  leur  drapeau.* 

Tant  de  courage  et  un  si  grand  mépris  pour  la 
mort  ne  devaient  pas  rester  sans  fruit  :  les  Français  se 
trouverait  eux-mêmes  pressés  à  leur  tour,  et  alors 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


646  SEFrifcxB  époque.  4648~-1858. 

Sfajr  voulut  ff  ire  avancer  sa  résen*  de  dix  mille 
hommes.  Mats  ils  n'étaient  plus  à  sa  disposition  :  Na~ 
-  poïéea  les  avait  fait  venir  sur  Ligny ,  et  le  maréchal 
«  vit  force  d'abandonner  ses  avantages  et  de  se  re- 
plier «r  Frasne.  Trois  ou  quatre  mille  hommes  à 
peu  près  avaient  été  tués  de  chaque  côté  ;  et  du  côte 
x>h  combattit  Napoléon ,  il  y  en  avait  bien*  douée  à 
quinze  mille.  Et  cependant  tant  de  sang  n'avait 
«ore  rien  décidé  ! 


Batailb  de  Wattrloo  ou  de  Urtt-Aliience.  jtt  juin. 

Wellington  et  Biucher  firent  replier  leurs  deux: 
«usées  quelques  pas  en 'arrière,  le  17  juin,  afin 
d'être  plus  rapprochés  l'un  de  l' autre.  Mais  Napo- 
léon croyait  les  Prussiens  tellement  affaiblis  et  rf- 
&ayés,  qu'ils  ne  pourraient  pas  manquer  de  *e  reti- 
rer yars  Maastricht,  sur  l'autre  rive  du  Rhin  ;  par  qpb- 
«séqttaot ,  il  «rvojra  le  maréchal  {ïrouchy  avec  ma 
&rt  détachement  centre  eux,  avec  ordre  de  les  chât- 
ier w  l'autre  rive.  Par  rapport  aux  Anglais,  son 
«unique  crainte  était  qu'ils  ne  se  retirassent  et  qu  il 
am  pût  en  venir  à  une  bataille  rangée  tivee  eux. 
C'est  pourquoi  il  dépêcha  Yandamme  qui  devait 
*  quelque  temps  faire  ron te  avec  Grouchy  pour  venir 
tomber  anr  leurs  derrières  de  l'autre  côte  de  Wavre 
^t4eiîruxelles.  Mais  leiles  n'étaient  point  les  inteo+ 
tikins  de  #e*  deux  adweref ires.  Wellington  s'ëtaàt 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


e*wicuni  ta  4«1S.  947 

choisi  une  position  avantageuse  h  quatre  lieues  sud 
de  Bruxelles,  sur  la  petite  h anteur  du  mont  Saint- 
Jean;  il  avait  en  dos  la  grande  forêt  de  Soignies  et 
en  avant  des  fermes  très  favorables  pour  la  défense. 
«  Si  mon  compagno^d'armes  peut  m'envoyer  deu* 
divisions  pour  me  soutenir,  fit-il  dire  à  Blucher, 
j'attendrai  Napoléon  dans  la  position  que  j'ai  avec 
quatre-vingt  mille  hommes.  »  Celui-ci  répondit  qu'il 
y  viendrait  non  pas  seulement  avec  deux  divisions  , 
mais  avec  toute  son  armée ,  pour  attaquer  les  Fran- 
çais s'ils  n'attaquaient  pas  eux-mêmes.  Avant  que  le 
jour  ne  commençât  à  poindre  il  était  en  route  avec 
son  armée,  afin  d'arriver  par  des  chemins  de  tra- 
verse et  tomber  sur  les  Français  au  moment  où  ils 
seraient  le  plus  virement  engagés  avec  Wellingt^m. 

Quand  Napoléon  aperçut  les  Anglais,  le  48  juin  , 
qui  l'attendaient  sur  la  hauteur  de  Soignies,  il  en 
fut  ravi  de  joie  et  Récria  :  «  Ah  !  enfin  je  les  tiens^ès 
Anglais!  b  Et  dès  que  la  pluie  eut  cessé,  il  fit  «3s 
préparatifs  pour  la  bataille.  Wellington  avait  on 
avant  de  son  centre  de  bataille  deux  postes  avancés 
à  droite  et  à  gauche,  Hougeumont  et  la  Haye-Sainte; 
«'étaient  deux  espèces  de  forts  qu'il  fallait  que  Nape*- 
léen  prit  avant  d'attaquer  tés  lignes  anglaises.  Na- 
poléon fit  d'abord  attaquer  le  fort  Hovgoumont ,  sur 
le  midi. 

Son  frère  Jérôme ,  qui  auparavant  n'était  pien 
moins  qu'un  héros,  conduisit  lui-même  l'attaque  et 
combattit  avec  fureur  pour;  son  royaume  perdiu  Q 
se  mît  à  U  tête  du  deuxième  corps  d'armée  française; , 


Digitized  byVJ OOQ IC 


648  sEPTifcM*  évoqv£.  1648—1858. 

mais  il  éprouv?  «ne  si  vigoureuse  résistance  -qu'il 
ne  put  obtenir  aucun  avantage,  même  après  que  la 
ferme  fût  tout  eu  feu.  Elle  resta  toute  la  journée 
au  pouvoir  des  Anglais.  La  Haye-Sainte  était  occupe 
par  un  bataillon  d'Anglo-Allgmands  qui  plus  tard 
reçut  encore  quelques  compagnies  de  secours.  Trois 
fois  ils  repoussèrent  l'attaque  avec  le  courage  leplns 
inébranlable,  jusqu'à  ce  qu'ils  eussent  épuisé  leurs 
cartouches;  alors  ils  furent  obligés  de  se  faire  un 
chemin  pour  aller  rejoindre  leur  armée.  Aussi  le 
soir,  des  quatre  cents  hommes  de  ce  bataillon  il 
ne  restait  que  quarante-deux  hommes. 

Cependant  Napoléon  avait  préparé  une  nouvelle 
attaque  contre  les  hauteurs  du  mont  Saint-Jean. 
Quatre-vingts  canons  furent  dirigés  contre  elles;  la 
cavalerie  et  l'infanterie  s  avancèrent  aussi  en  même 
temps»  à  côté  et  derrière,  droit  sur  les  Anglais  et 
les  Allemands.  La .  cavalerie  française  espérait  em- 
porter l'artillerie  par  une  charge  subite;  mais  avant 
qu'elle  fût  arrivée  assez  près,  il  lui  fallut*  essujer 
un  feu.  meurtrier  de  l'artillerie  et  de  l'infanterie;  et 
la  cavalerie  anglaise  qui  était  cachée  dans  des  val- 
lées ,  arriva  tout  d  un  coup  sur  eux  à  travers  les  in- 
tervalles de  leurs  bataillons  carrés.  Alors  il  y  eut 
entre  ces  deux  peuples  qui  se  haïssaient  depuis 
long-temps,  une  lutte  d'une  animosité  sans  exemple. 
Sur  la  route  deGenappe  à  Bruxelles,  au  point  cen- 
tral que  Napoléon  voulait  absolument  forcer,  était 
le  général  hanovrien  Alten  avec  ses  légions  alleman* 
(les  et  hanovrtennes ,  qui  soutint  glorieusement  la 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


CAMPiGKE  #£   4816.  *•© 

réputation  des  àrtnag  allemandes  et  surtout  du  Ha- 
novre. Ses  huit  mille  hommes  se  vantaient  d'avoir 
toujours  combattu  contre  les  Français,  depuis  douze 
ans  que  ceux-ci  avaient  occupe  le  Hanovre,  partout 
Ou  ils  avaient  trouvé  un  champ  de  bataille,  en  Portu- 
gal, en  Espagne ,  en  Sicile,  dans  le  sud  de  la  France; 
et  partout  ils  s'étaient  couverts  de  gloire.  Ils  & 
trouvaient  donc  encore  à  cette  dernière  bataille  qui 
fut  décisive  et  ne  contribuèrent  pa»  peu  à  son 
heureux  résultat. 

Cependant  Napoléon  sur  sa  colline  près  de  Belle- 
Alliance  ,  d'où  il  considérait  tout  le  champ  de  ba- 
taille dans  la  plus  grande  inquiétude,  quoique 
aucun  geste  extérieur  ne  trahît  sa  pensée ,  brûlait 
de  colère  de  trouver  une  si  grande  résistance  sur 
laquelle  il  n'avait- pas  compté.  Quand  on  Tenait  lui 
parler  des  difficultés  qu'on  trouvait  sur  tel  et  tel 
point,  il  ne  répondait  que  par  ces  mots  :  «  En  avant! 
en  avant!  +  Il  comptait  accabler  le§  Anglais  t.  et  à 
trois  heures  il  fît  partir  .un  courrier  annoncer  la 
victoire  à  Paris.  En  effet  ,';'si  le  secours  ne  fût  pas 
arrivé,  le  génie  du  mal  était  encore  une  fois  cou* 
roittié  par  le  succès.  Déjà  Wellington  avait  appelé 
toute  sa  réserve,  et  avait  été  obligé  de  laisser  son 
aile  gauche  presqu'à  jm  pour  soutenir  le  eentre. 
Plus  de  dix  mille  hommes  de  son  côté  avaient 
perdu  la  vie  et  ceux  qui  survivaient  étaient  épuisés 
par  huit  heures  d'une  luCte  continuelle.  A  cinq 
heures  'du  soir,  les  Français  avaient  conquis'  une 
potion  avantageuse  sur  les  hauteurs  et  occupaient 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


«fO  «ratait  iFovy»  46*»— 4888. 

k  forêt  im  Heugomnatt  et  le  iaft  la  Haye-Sainte. 
Déjà  le  général  anglais  disait  arec  crainte  ;  je  vou- 
drait bien  qu'il  fût  nuit  ou  que  les  Prussiens  arri- 
vassent. Mais  bientôt  aprèsretentit  sur  les  derrières  de 
l'ennemi  le  bruit  de  l'artillerie)  il  comprit  aussitôt 
que  c'&ait  le  momeat  qui  allait  décider  du  sort  de 
l'Europe  ;  il  en  fut  ému  jusqu'aux  larmes  et  il  s'4- 
reria  avec  enthousiasme  :  «  Cest  le  vieux  Blucher.  » 
L'armée  jlrussienne  avait  été  retardée  par  les  dii£~ 
cultes  des  chemi  ns  que  les  pluies  a  vaientdéfone&  ,sti#~ 
•tcrat  dans  les  chemins  creux  de  Saint-Lambert}  et  à 
-oinq  heures  du  soir,  il  n'y  avait  encore  que  deux  bri-r 
gadesde  Bulbw  arrivées  dans,  le  boisde  Frischmont^ 
nù  elles  devaient  se  cacher  et  attendre  les  autres  pour 
tomber  ensuite  tout  d'un  coup  sur  les  derrières  de 
l'tmemi*  Mai*  le  moment  décisif  ftaifc  arrivd,  l'ar*- 
paée  anglaise  était  réduite  k  l'extrémité  et  pouvait  à 
peine  soutenir  la  lutte.  Les  Prussiens  furent  donc 
obligés  de  commencer  fattaque  avec  ce  qu'ils  avaient 
dçr  troupes  ;  Bulpw  aussitôt  sortit  de  la  forêt  et  vint 
m  jeter  sur  les  derrière^  de  l'aile  droite  de  Napo^- 
Jaonj  et  sans  cesse  de  nouvelles  troupes  arri-*- 
yaient  renfprcer  celles  qui  combattaient.  Cepen*- 
dant  l'ennemi  ne  se  déconcerta  pas;  il  fit  aussi-r 
\pt  volte-face  et  commença,  sous  les  ordres  duge«- 
ttéral  Mouton ,  un  combat  sanglant  et'  long- temps 
indécis ,  •  tandis  que  la  lutte. se  prolongeait  toujours 
avec  les  Anglais.  Dans  cette  position,  à  7  heures  du 
soir,  Napoléon  voulut,  par  une  attaque  victorieuse, 
déloger  les  ennemis  de  toutes  les  collines  et  les  jeter 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


'      CAftfPMtfE  Dl  18».  *M 

dan»  lu  Ibrét  deSoignies,  pour  tourner  ensuite  tentas 
ses  forces  contre  les  Prussiens.  Il  disposa  donc  une 
attaqpe  plus  terrible  que  toutes  les  autres  avec  lfc 
plus  grande  partie  de  ses  gardes,  et  les  conduisît 
lui-m&ne  contre  le  centre  anglais ,  contrelles  coU- 
lines.ies  plus  importantes   qu'il  occupait  déjà  en 
partie  depuis  cinq  iieuces.   Le  maréchal  Ney  mat^ 
chait  en  avant,  à  pied,  à  la  tête  de  quatre  bataillons  * 
d^s  gardes.  Ces  bataillons  s'avançaient  serres  et  en 
silence  ;  et  comme  on  voit  de  loin  s'approcher  une 
noire  tempête,  ainsi  ces  vieux  guerriers  à  qui  aucun 
danger  n'était  nouveau  ni  trop  grand,  gravissaient 
la  colline.  Wellington  les  vit  arriver  et  reconnut  qute 
Vêtait  le  dernier  assaut  de  l'ennemi,  leur  coup  de 
désespoir  et  par  conséquent  le  plus  dangereux.  II  fft 
placer  son» artillerie  sur  le  flanc  droit ,  y  fît  venir  en 
outre  huit  mille  hommes  d'élite  de  l'aile  gauche  qui 
désormais  se  trouvait  assez  forte  par  Parrivée  de 
ïaethen,  et  laissa  prendre  un  moment  de  reposa 
ceux  qui  avaient  eu  à  soutenir  les  fatigues  de  toute 
la  journée ,  attendit  que  les  Français  fussent  bien 
à  portée  pour  faire  tirer  à  mitraille  sur  leurs  masses 
épaisses  qui  furent  horriblement  moissonnées.  Mafe 
ils  ne  cédèrent  pas  pour  cela  ,  ils  reformèrent  lcure 
rangs  et  s'avanpèreut  toujours  plus  près  ;  jusqu'à  ee 
«pie  après  avdfr  encore  essuyé  le  feu  de  l'infanterie 
ih  -arrivassent  à   la   baïonnette.   En  même  temps 
la  cavalerie  anglaise  tombait  sur  leurs  flancs.  Cepen- 
dant Napoléon  eût  obtenu  son  but ,  si  le  principal 
coup  qu'il  avait  prépaie   avec  huit  bataillons  ^fe 


Digitized  byVJ OOQ IC 


4*a  sej»tiè*b  époque.  4648-^1838. 

troupes  fraîches,  de  ha  garde  avait  pu  ébte  frappé. 
Biais  cette  troupe  d'élite,  en  arrivant  au  point  qu'on 
lui  avait  assigne  fut  tout  d'un  coup  obligéeide  se 
tourner  contre  Blucher,  qui  réuni;  à  Ziethen  se  por- 
tait en  ayant  avec  toute  l'aile  gauche  de  Wellington. 
L'aile  droite  de  Napoléon  se  vit  donc  assaillie  <ie  trois 
côtés  à  la  fois  et  fut  obligée^de  plier. 

L&S  tambours  battaient  la  charge,  et  Ton  avançait 
toujours  sur  lui.  De  son  côté,  Wellington  se  portait 
aussi  en  avant  avec  tflut  son  corps  de  bataille,  des 
flots  de  sang  coûtaient.  Alors  fut  tué  Friant,  un  des 
principaux  commandants  de  la  garde  ;  de  tous  côtés  la 
cavalerie  anglaise  lçur  criait  de  se  rendre  :  a  La  garde 
meurt  et  ne  se  rend  pas,»  cria  Cambronne  qui  tomba 
au  même  moment,  grièvement  blessé.  Il  avait  été  le 
compagnon  de  Napoléon  dans  File  d'Elbe.  Du  côte 
des  alliés ,  un  grand  nombre  «d*  braves  guerriers 
avaient  aussi  eux  versé  leur  sang  ;  mais  sur  ce  point  la 
victoire  était  décidée.  Ce  qui  restait  de  la  garde  et 
les  autres  troupes  se  précipitèrent  pour  descendre  des 
collines,  et  rien  ne  put  les  arrêter. 

Cependant  Ja  retraite  de  l'ennemi  s'exécuta  en 
bon  ordre  tant  que  1?  village  de  Planchepoit  fut 
défendu.  C'étaient  quelques  bataillons  dé  la  jeune 
garde  qui  y  combattaient;  mais  ils  se  virent  obligésde 
l'abandonner  dès  le  même  soir.  Àlors>la  retraite  de- 
vint une  véritable  féroute,  et  de  tous  côtés  retenti  fc4e 
cri  de  sauye  gui  peut  !  on  n'écouta  plus  aucun  ordre , 
chacun  chercha  son  salut,  et  les  généraux  eux-mêmes 
lurent  obligés  de  suivre  le  torrent.   *: 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


CAMPAGNE    DE    4845.  6&8' 

Gneisenau  qui  avait  couru  tant  He  dangers  dans 
cette  bataille  ou  il  perdit  deux  chevaux  Uiës  sous 
lui  et  la  garde  de  sou  épée  qtfi  fut  emportée  par  une 
balle,  se  mit  encore  à  la  poursuite  des  ennemis  tout 
fatigné  qu'il  était,  à  la  tête  de  tout  ce  qu'il  trouva 
de  cavalerie  sous  sa  main  «t  de  quelques  pièces  d'ar-*' 
tiiierie  légère.  Il  les  harcela  partout ,  ne  le  laissa 
reposer  nulle  part;  et  la  route  était  couverte  de  toute  ■ 
espèce  de  débris,  d'artilletie,  décaissons,  de  chariots 
et  d'armes.  * 

*  Enfin  les  Prussiens  arrivèrent  devant  la  petite1 
ville  de  Genappe.  Les  Français  avaient  barricadé  les  * 
rues  avec  des  chariots,  des  caissons,  jetés  les  uns  sur 
les  autres,  et  semblaient  vouloir  y  faire  résistance.   '■ 
L'empereur  s'y  trouvait.  Mais  comme  ils  cédèrent  à  là 
première  attaque  et  se  sauvèrent  en  désordre,  Napo-  ' 
léon  fut  si  pressé  de  slenfuir  qu'il  laissa  son  épée  et 
perdit  son  chapeau  en  sautant  fle  sa  voiture;  lui  qui/ 
quelques  heures  auparavant,  n'avait  qu'une  crainte, 
c'était  que  l'en^ipi  pût  lui  échapper.  C'était  une 
victoire  comme  on  en  voit  peu  dans  l'histoire.  II 
n'échappa  que  des  débris  de  Tariftée  française.  Trois 
cents  pièces  d'artillerie  et  cinq  cents  caissons  tombè- 
rent entre  les* mains  des  alliés,  et  le  chemin  de  la 
France  leur  était  ouvert  sans  aucun  autre  obstacle. 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


41*  SEPTIÈME  É*OQUE.    1648—1838. 

Jfopriéon  prftonnier  et  emrdyé  a  Safoto-Hélèiw. 

La  marche  des  deux  années  sûr  Paris  ne  fut 
désormais  qu'une  course  victorieuse;  à  droite  l'ar- 
mée anglaise,  à  gauche  Fardée  prussienne.  A  la  vé- 
rité, Us  reçurent  bientôt  des  envoyas  pour  les  en». 
gqger  à  s'arrêter,  où  même  à  retourner,  sons  prétexte 
que  tous  les  motifs   de  guerre  avaient  disparu; 
Napoléon  avait  déposé  sa  couenne   quatre  jow 
après  la  bataille.  Mais  les  allies  ne  se  laissèrent  pas 
prepdre  à  ces  artifices,  ils  n'en  marchèrent  que  plus 
vite  sur  la  capitale,  et  onze  jours  après  ils  étaient 
devant  ses  portes.  Cependant  Davoust,   Grouchy, 
Vandanune  et  d'autres  généraux  avaient  rassemblé 
environ  soixante  mille  hommes  et  se  tenaient  avan- 
tageusement postés  à  Montmartre.  Une  grande  agi- 
tation régnait  dansla»ville  ;  les  uns  voulaient  se  rendre, 
lesaùtres  se  défendre  juscfti'à  la  mort;  les  uns  vou- 
laient rappeler  Louis  X VIII ,  les  autres  demandaient 
lf  fils  de  Napoléon  qui  était  à  Vienne.—  Pendant  ce 
temps  là  les  deux  gégéraux  prenaient  toutes  leurs  dis- 
positions pour  attaquer  la  ville.  Les  Anglais  se  présen- 
tent en  face  des  buttes  de  Montmartre ,  qf  les  Prussiens 
ajant  réussi,  par  un  ]$ng  d&our,  à  passer  la  Seîne, 
arrivèrent  teut  d'un  coup  du  côté  du  eouchant  qui 
n'était  point  défendu ,  battirent  Vandamme  qui  vou- 
lut marcher  contre  eux,  à  Issy,  le  2  juin,  le  forcerez 
de  se  retirer  avec  grande  perte,  et  se  préparèrent  à 
livrer  l'assaut.  Mais,  le  7  juiQMa  ville  se  rendit, 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


LA   GQItr&tftâXIOlf   G*KHk%lQVE.  81* 

après  que  Davoust  se  fût  retiré  su*  la  Loire  beee 
le  reste  de  l'année. 

La  capitale  cette  fois  fut  traitée  avec  plds  de  se- 
Vérité  que  la  première;  il  lui  fallut  restituer  tooàsetf 
chefs-d'œuvre  de  l'art  dont  on  lui  avait  fait  U** 
fois  le  cadeau.  D'ailleurs  les  armées  autrichiennes, 
allemandes  et  rospes,  étaient  aussi  arrivées  du  s^d 
et  de  Test;  de  sorte  que  toute  la  France  se  trouvait 
oouyerte  d'étrangers ,  qui  long-temps  l'accablèrent*. 

Napoléon,  l'auteur  de  tous  ses  maux,  voyant  aW 
coup  manqué,  chercha  £  mettre  sa  vie  en  sûreté* 
Mais  n'ayant  pu  réussir  à  se  sauver  en  Amérique ,%« . 
cherchant  à, prendre  l'incognito  sur  un  vaisseau. 
Use  rendit,  le  10  juillet,  aux  Anglais  qui  gardaient 
le  port  de  Rochefort.  Alose ,  pour  l'empêcher  d* 
trpubler  désormais  l'Europe,  ils  le  transportèrent  a« 
milieu  de  l'Océan  à  plus  de  huit  oents  milles  de  dis- 
tance, dans  Une  île  isolée  et  inhabitée,  à  Sainte* 
Hélène,  où  il  fut  soigneusement  gardé.  ' 

Napoléon  vécut  encore  six  ans,  dans  l'île  de  Saint;* . 
Hélènç,  et  il  y  mourut  le  5  mai  1821.  • 

* 

La  confédération  germanique.  ^ 

Conformément  aux  conclusions  du  premier  traité 
de  paix  fait  à  Paris ,  le  20  mai  1814 ,  et  du  deuxième  ^ 
ïfe  20  novembre  1815 ,  on  rendit  à  l'Allemagne  toutes 
les  provinces  <jui  lui  jvaient  appartenu  avant  la  révo- 
lution ?  et  qui  en  avaient  été  séparées  par  les  guerres 
qui  la  suivirent.  Alors  elles  fuegnt  partagées  entre  les 


Digitized  byVJ OOQ IC 


OM  SBPTtkm  évoqux.  4648—4858. 

membres  de  la  nouvelle  confédération  germanique, 
dans  un  grand  congrès  de  toutes  les  puissances  eu-» 
ropéennes,  ouvert  à  Vienne  le  f*  novembre  4844; 
de  façon  que  généralement  chacun  reprit  ce  qu'il 
avait  eu  dès  l'origine ,  ou  ce  que  la  paix  de  Luné- 
ville  ou  la  confédération  du  Rhin  lui  avait  accordé. 

•Les  états  de  la  confédération  étaient ,  au  com- 
mencement ,  au  nombre  de  trente-Huit,  L'Autriche, 
la  Prusse,  la  Bavière,  la  Saxe,  le  Hanovre,  le 
Wurtemberg ,  Bade ,  la  Hesse  électorale ,  le  grand 
duché  de  Hesse ,  le  Holstain  qui  appartient  au  roi 
de  Danemarck ,  le  duché  de  Luxembourg  qui  appar- 
tient au  roi  de  Hollande  comme  duc  «le  Luxembourg, 
le  Brunswick /  Mecklenbourg-Schwérin  ,   Nassau, 
Saxe-Weimar,  Saxe-Gotha,  Saxe-Cobourg /Saxe- 
Meinningen  ,    Saxe-Hildbourghapsen  ,    Mecklen- 
bourg  -  Strélhz  ,    Oldenbourg  ,    Ànhalt  -  Dessau  , 
Ànhalt-Dernbourg,  Ànhalt-Gœthen,  Schwarzbourg- 
Sondershausen ,  Schwarzbourg-Rudolstadt,  H  oh  en- 
zollern-Héchingen  ,    Liechtenstein  ,  Hohenzoliern- 
Sigmfiringen  ,  Waldeck ,  Réuss  (branche  aînée), 
Reuss (branche  cadette),  Sctiauenbourg-Lippe ;  les 
vtfles  libres  de  Lubeck,  Brème,  Hambourg  ;  plus 
tard",  il  y  eftt  encore  la  Hesse-Hombourg. 

La  maison  d'Autriche  a  repris  le  fidèle  Ty roi , 
Salzbourg ,  et  le  quart  de  PInn  ;  celle  de  bavière 
règne  sur  tout  son  cercle  de  Bavière  et  en  Franco- 
nie ,  elle  a  aussi  reçu  des  indemnités  dans  le  Palati- 
nat  du  Rhiu  et  compte  plus  de  trois  millions  de 
sujets  ;  la  maison  de  Wurtemberg  règne  en  Souabe, 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


LA   ÇOUfÉOÉKÀTIOW   GÊRMiMIQVE.  0fi? 

sur  environ  un  million  et  demi  de  sujets,  et  ^t  sé- 
parée par  la  Forét-ftoire  du  duché  de  Bade  qui 
s'étend  tout  le  long  du  Rhin  ,  depuis  Bàle  jusqu'au* 
delà  de  Manheim ,  dans  un  pays  très  fertile  et  ma- 
gnifique. La  principauté  de  Hesse-Darmstadt  a  beau- 
coup agrandi  ses  anciennes  limites  pendant  ces  temps 
de  confusion,  et  compte  parmi  ses  villes  la  plus 
forte  de  la  confédération ,  Mayébce  ;  qui  fut  si  sau- 
vent prise  et  reprise.  Le  roi  de  Prusse  est  <?eiui  qui 
éompte  parmi  ses  sujets  le  plus  d'Allemands , 
environ  onze  millions,  plus  qu'on  en  vit  jamais 
réunis  sous  un  même  sceptre.  Ils  lui  ont  été  recon- 
nus par  les  rois  du  grand  congrèd  européen  ?  parce 
qu'il  abandonnait  à  la  Russie  la  plus  grande  partie  de 
ses  provinces  polonaises  ;  de  sorte  que  la  Prusse  est 
aujourd'hui  propreœont  un  état  allemand ,  presque, 
sans  mélange.  Ses  provinces  s'étendent  des  fron- 
tières de  Fest  jusqu'à  celles  de  l'ouest  ;  et  dans  ce 
développement,  elle  est  comme  en  sentinelle  et  tou- 
jours prête  pour  défendre  la  patrie  commune  et  son 
honneur. 

Quant  au  gouvernement  de  l'Allemagne  il  devint 
une  confédération  d'états  libres  et  indépendants , 
dont  voici  les  articles  principaux  ;  «  Le  but  de  l'al- 
*  liance  est  le  maintien  de  la  *  sûreté  extérieure  et 
«  intérieure  de  l'Allemagne  '  avec  l'indépendance 
a  et  l'inviolabilité  des  états  confédérés. 

«  Tous  les  membres  de  l'empire  ont  des  droits 
à  égaux  et  semblables. 

«  Les  intérêts   généraux  sont  traités  dand  uue 
t.  h.  h%  * 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


OM  stmfciu  i**w.  4648—4858. 

*  dtye  qui  siège  i  Francfort- sUr-le  Main,  et  dans 
«  laquelle  l'Autriche  a  k  présîétencej  cette  diète  est 
«  petpétuelle  et  ne  peut  s'ajourner  que  pour  quatre 
«  mois  mi  plus,  si  les  affaires  le  permettent. 

€  Elle  doit  s'occuper  principalement  de  la  oompo  - 
«  akten  d*ê  lois  fondamentales  de  la  confédération , 

*  *t  de  sas  dispositions  organiques  par  rapport  à  ses 
«,  relations  intérieures  ,  extérieures  et  militaires. 

«  Tous  les  membres  de  la  confédération  promet* 
«  lent  dé  s'unir  ensemble  contre  toute  attaque ,  et 
m  s'il  y  a  une  guerre  de  n'entendre  à  aucun  pour- 
«  jparler  avec  l'ennemi,  de  ne  conclure  aucune  trêve , 
m  aucune  paix  en  particulier;  ils  se  réservent  cepen- 
m  dànt  le  droit  des  alliances  de  toute  espèce  ;  maie 
«  c'est  un  devoir  pour  eux  de  n'en  conclure  aucune 
m  *  contraire  à  la  sûreté  de  la  patrie  et  aux  intérêt! 
«  d'un  seul  des  membres.  Daunéme  1  ses  membres  ne 
«  peuvent  se  faire  1a  guerre  ,.sous  aucun  prétexte  ; 
«  mais  ib  doivent  porter  leurs  différends  k  k  diète  ~ 
€  celle-ci  alors  s'occupe  de  la  contestation ,  Var~ 
«  range ,  et  les  parties  doivent  obéir  à  sa  sentence* 

€  Dans  tous  les  états  de  la  confédération  ce  sera 

*  une  administration  par  le  pays. 

•  Les  différences  de  sectes  chrétiennes  n'en  ap— 
«  porteront  aucunes  dans  la  jouissance  des  droits  ci- 
«  vils  et  politiques  dans  tous  les  pays  de  la  confédé- 
«  ration  ;  mais  comme  il  y  a  besoin  d'une  améliora- 
«  tion  dans  l'état  civil  de  ceux  qui  professent  le 
«  judaïsme ,  la  diète  de  la  confédération  devra  en 
4  délibérer. 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


L'uLLUHkaxi  de  .4846  a  4858.  699 

«*  Les  sujets  îles  princes  Allemands  ont  le  droit  de 
«  passer  d'un  pays  dans  un  autre,  et  d'y  prendre  un 
«  état  civil,  ou  un  service  militaire,  sî  aucun  en- 
«  gageaient  militaire  ne  les  attache  à  lear  patrie. 

«  Ifi  diète  s'occupera  de  la   confection  de  loi** 
«  pour  la  liberté  de  la  presse  «t  sur  la  contrefaçon , 
«  aussi  bien  que  pour  le  commerce  et  le  négoce  des 
«  états  de  la  confédération. 


L'Al'emag*  de  1816  à  1S58. 

La  diète  de  la  confédération  germanique,  dont  les 
séances  commencèrent  le  5  novembre  1816  à  Franc- 
fort, a  dès  le  principe  rendu  à  la  patrie  la  consi- 
dération qu'elle  méritait ,  en  déclarant  que  la  «Nin 
fédération  formait  une  puissance  européenne ,  indé-* 
pendante,  avec  le  droit  de  faire  la  guerre ,  la  paix  et 
des  alliance  ,  et  surtout  §p  rachetant  notre  langUô 
maternelle  de  cette  tache  honteuse  qu'elle  portait 
depuis  un  siècle  ;  elle  décréta  que  la  langue  alle- 
mande serait  seule  employée  dans  ses  traités,  soit 
par  écrit),  soit  de  vive  voix.  Suivent  les  disposi- 
tions relèves  à  la  défense  générale. 

On  a  régie'  à  quel  nombre  sera  portée  l'armée  de  fa 
confédération  en  paix  et  en  guerre ,  en  quoi  elle, 
consiste,  le  contingent  de  chacun  des  membres,  à 
qui  et  comment  est  donné  le  commandement;  cpm- 
bien  de  places  -fortes,  elle  doit  avoir.  L'armée 
de  la  confédération  '  est  composée  de  -trois  cent 
mille  hommes ,  l'Autriche  en  fournit  quatre-yingt- 

42. 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


660  septième  époque.  1048—4838. 

quatorze  mille ,  Ja  Prusse  soixante-dix-neuf  mille, 
la  Bavière  trente-cinq  mille ,  le  Wurtemberg  treize 
mille  six  cents ,  le  Hanovre  treize  mille ,  le  royaume 
de  Saxe  douze  mille,  Bade  dix  mille,  le  grand  duché 
4e  Hesse  six  mille,  la  Hesse   électorale  cinq  mille 
quatre  cents  et  les  autres  proportionnellement.  Elle 
est  commandée  par  un  général  en  chef  choisi  par  la 
diète.  Il  a  des  obligations  envers  elle  et  lu^  prête 
serment;  il  reçoit  d'elle  son  autorité  et  les  ordres, 
et  lui  fait  des  rapports,  et  pour  le  représenter  ou  le 
remplacer  dans  le  commandement  en  chef,  la  diète 
nomme  en    même   temps   un    lieutenant-général. 
L'armée  est  partagée  en  dix  corps  dont  les  généraux 
nexeçoivent  d'ordres  quedugéaéral  en  chef.  De  ces 
dix  corps,  l'Autriche  en  représente  trois,  la  Prusse 
trois,  la  Bavière  un ,  et  les  trois  autres  sotit  formés 
eh  commun  sur  les  aiftres  contingents  fournis.  Les 
places  fortes  de  la  confédération   sont  '  Majence , 
Luxembourg  et  Landau. 

Si  ces  règlements  étaientjiécessaires  pour  laguerre, 
ceux  relatifs  à  l'administration  générale  de  la  diète 
en  temps  de  paix  n'en  étaient  pas  moins  de  la 
plus  grande  importance.  Il  fallait  solidement  établir 
comment  les  délibérations  de  l'alliance  seraient 
sanctionnées  ;  comment,  dans  les  contestations  des 
membres  entre  eux,  tout  acte  de  violence  serait 
écarté ,  la  justice  serait  rendue ,  et  ses  arrêts  exé- 
cutés. Le  moyen  d'administrer  la  justice  fut  bientôt 
trouvé.  Arf  lieu  d'un  tribunal  commun ,  spécial  et 
qui  aurait  remplacé  la  chambre  impériale  et  le  coa- 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


l'ajllemàgne  de  1816  a  1838.  .r661 

seil  aulique,  comme  quelques  voix  le  désiraient ',  la 
diète  fut  elle-même  chargée  de  vider  les  contesta* 
tions;  et  s'il  fallait  en  venir  à  des  voies  sévères  de 
justice,  alors  la.décision  serait  renvoyée  devant  des 
haute  cours  de  justice,  prononçant  comme  juges 
souverains  pour  les  états  particuliers. 

Bf  ais  comment  celui  qui  mettrait  de  la  résistance, 
qui  ne  voudrait  pas  se  soumettre  à  l'arrêt  de  lui- 
même,  pourrait-il  y  être  contraint  par  la  force? 
Ce  point  resta  long-temps  une  question  indécise,  jus- 
qu'à ce  qu'enfin  les  besoins  pressants  de  l'époque 
aient  porté  la  diète  à  donner  un  arrêt  provisoire 
pour  régler  l'exécution  des  jugements,  le  29  septembre 
#i810,  La  diète  doit,  pour  l'exécution  de  ses  arrêts, 
avoir  à  sa  disposition  la  force  armée  de  la  confédéra- 
tion; elle  doit  fixer  aussi  bien  le  nombre  des  troupes 
à  placer  comme  garnisaires ,  que  le  lfea  où  elles 
doivent  être  placées ,  et  le  retour  de  ces  troupes  ne  se 
fait  <fu*après  l'exécution  parfaite  et  dans  les  formes 
de  l'arrêté  de  la  diète.  Quant  à  ce  qui  a  rapport  aux 
autres  articles  principaux  de  l'acte  de  la  confédéra- 
tion ,  le  développement  successif  des  événements  a 
donne  cours,  à  la  vérité ,  dans  certains  états,  à  des 
institutions  telles  qu'on  avait  droit  de  les  attendre  de 
ladiète,  dès  le  principe.  Mais  aussi,  malheureusement 
beaucoup  d'autres,  quoique  très  importantes,  ont  été 
éludées ,  soit  à  cause  du  désordre  des  temps  qui 
ont  suivi ,  soit  à  cause  d'abus  ou  par  défiance  /soit 
par  tropHë  lenteur  d'un  côté  et  trop  d'impatience 
d'un  autre,  soit  par  une  mortelle   influence  de 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


663  wnfcxB  «toque.  164$— 48S8. 

l'exempleétrauger  ou  même  d'une  actiqn  étrangère! 
^oit  enfin ,  je  le  dirai  avec  une  profonde  tristesse» 
par  une  dégénération  criminelle  du  caractère  alle- 
mand. Mais  tirons  ici  le  voile  sur  certains  faits  dont 
}es  détails  ne  procureraient  aucun  avantage  et  ne  ser- 
raient d'aucune  instruction  à  la  jeunesse.^  Puisse* 
t-elle  ne  jamais  apprendre  combien  loinpeutconduire 
la  haine  de  parti  !  et  surtout  puisse  l'histoire  l'on** 
Hier,  puisque  alors»  ces  malheurs  auraient  passé 
sape  laisasr  de  traces!  flïous  Wallons  donc  noua 
Occuper  que  de  ce  qui  est  vérifeddeeptent  un  pro* 
grçs  et  porte  avec  so\   des  conditions  de  durée» 
LVtiçIe  13|  qui  portait  que.  dans  tous  les  éW* 
de  la  confédération  il  devait  y  avoir  nne  constitu- 
tion des  états  provinciaux,  causa  de  grands  mouve- 
ments dans  tous  les  esprits,  Beaucoup  de  citoyen» 
attendaient^  là  un  tout  autre  et  nouvel  ordre  de 
choses ,  qui  tout  d'un  epup  ferait  disparaître  tous  le* 
besoirçs  4»  peijplc,  toutes  les  fautésr  des  gouver- 
nants; sans  penser  qu'il  faut,  avant  que  le  peuple 
prenne  part  aux  affaires  publique ,  qu'il  se  formel 
par  des  expériences,  qu'il  soit  mis  dans  la  bonne  voie 
par  l'usage  avant  de  produire  de  véritables  fruits} 
sans  considérer  quelle  différence  il  y  a  entre  da 
grands  et  riches  états ,  comme  la  Fraqce  et  l'An- 
gleterre t  dont  les  chefs-dieux  pourraient  prearçue 
fyffîier  u«  empire,  e$  ces  petits  ét&te  allemands  com- 
post;» 4'wç  owpk  àe  millions  au  plus ,  pu  seule- 
meut  de  quelques  milliers  dq  citQyçns,  Cependant  t 
presque  tous  les  divers  gouvernements  do  l'AUe- 


Digitized  byVJ OOQ IC 


l'ALiaicÀonB  de  4846  k  18S&  W* 

magne,  les  uns  plus  tôt  les  autres  plus  tard,  étaient 
parvenus  à  remplir  cette  clause  delà  confédéral 
tion;  et  déjà  les  provinces  commençaient  à  recueilli* 
les  fruits  delà  paix, quand  cette  nouvelle  temp&e,  qui 
en  1880  éclata  en  France,  se  répandit  pair  toute  l'Eu- 
rope et  menaça  de  jeter  le  trouble  dans  notrepatrie* 
Le  roi  de  Prusse ,  en  mai  1815 ,  le  premier  4*9 
princes  allemands,  avant  même  que  l'acte  de  1» 
oonfâdéaratton  l'eut  exigé ,  donna  à  son  peuple  la 
promesse  d'unecoastitutionprovinciale*  Cependant» 
comme  il  s'agissait  d'un  état  composé  de  tant  de 
parties  différentes  et  hétérogènes»  l'exécution  e* 
devint  trèi  difficile ,  et  les  travaux  préparatoire  eç 
prolongèrent  jusqu'à  Tannée  1823.  Le  roi  avait  &U, 
travailler  cette  constitution  provinciale  par  WW 
commission  particulière,  aous  la  présidence  d*J 
prince  royal,  d'apràs  les  conseil*  d'hcMMï»*  habiles, 
pboisis  dana  toutes  les  provinces  du  royaume,  et  lq 
5  juin  1833  il  lui  donna  force  de  loi.  M?je  le  ro\ 
remit  à  plus  tard  pour  décider,  quand  une  diètft 
générale  du  royaume  aérait  convoquée  et  comment 
*Ue  aérait  composée  des  é*at$  provinciaux.  Ces  étals 
provinciaux  sont  en  activité  aujourd'hui  sur  tou$ 
fea  pointe  de  la  monarchie,  Ge  sont  eux  qui  dpnnpnt 
k^r  conseil  pour  toutes  les  affaires  importantes  d$ 
la  province;  ils  présentent  au  roi  leurs  idées  t  leur* 
4é$ir*>  «t  les.  soumettent  à  son  examen  et  à  sa  déci* 
qio#,  £  cette  constitution  provinciale  se  raltycfaf 
celle  des  subdivision*  de  cliaque  province  f  <J« 
cercles ,  des  viUeq,  des  communes. 


Digitized  byVJ OOQ IC 


664  septième  époque.    1648— 1858# 

Le  travail  était  plus  facile  dans  les  petits  états 
d'Allemagne  et  surtout  dans  ceux  homogènes;  de 
sorte  qu'ils  purent  de  bonne  heure  mettre  à  exécu- 
tion l'article  18  de  l'acte  de  l'alliance. 
*  Le  grand-duc  de  Saxe-Weimar  fut  le  premier  qui,* 
dès] l'année  1816,  donna  à  son  pays  les  états  pro- 
vinciaux, %et  en  1817  ils  reçurent  approbation  de 
ki  confédération. 

r  Le  27  mai  1828,  le  jour  de  sa  naissance,  le  roi 
Mnximilien-Joseph  de  Bavière  donna  à  son  peuple 
une  charte  qui  contient  les  dispositions  essentielles 
ffun  gouvernement  de  notre  époque.  Les  états  du 
royaume  se  composent  de  deux  chambres,  la  chambre 
des  conseillers-d'état  et  la  chambre  des  députés, 
élus  par  lé  peuple  qu'ils  représentent  et  dont  le 
nombre  monte  à  cent  huit. 

'  Depuis  1816,  les  yeux  des  amis  de  la  patrie  étaient 
tournés  sur  le  Wurtemberg ,  qui  le  premier  des 
pays  d'Allemagne  avait  été  constitué  avec  une  heu- 
reuse représentation  du  peuple.  Ils  espéraient  voir 
fleurir  un  gouvernement  habile  au  milieu  de  celte 
portion  privilégiée  de  la  nation  allemande,  et  en  effet 
cette  espérance  ne  fut  pas  trompeuse  ;  malgré  une  lutte 
acharnée  des  opinions  qui  souvent  même  paraissait 
insoluble,  cette  oeuvre  reprise  avec  une  zèle  tou- 
jours nouveau  a  pu  parvenir  enfin  à  une  perfection. 
Après  plusieurs  entreprises  malheureuses  sons  le  roi 
tVédériô  et  son  successeur  Guillaume  I,  ce  dernier 
prince  enfin ;  saisissant  un  moment  favorable ,  en 
1819,  convoqua  ahe  nouvelle  assemblée  des  états  f 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


LALLEMàGHB  DE  1816  A  1838.         608 

qui  ne  devait  s'occuper  exclusivement  que  des  titrée 
de  l'ancienne  administration ,  les  examiner  point 
par  point  avec  ses  plénipotentaires  et  les  lui  pré** 
senter  ensuite  pour  y  mettre  le  dernier  sceau.  Deux 
mois  après ,  l'ouvrage  fiit  présenté  achevé  au  roi.  Il 
signa  le  titre,  le  25  septembre,  le  renvoya  atut 
plénipotentiaires  des  états  et  reçut  aussi  lui  de  ta 
part  de  l'assemblée  des  états  un  second^xempltnnl 
signé  de  tous  les  membres.  De  cette  façon  r admi- 
nistration du  Wurtemberg  devint  le  résultat  d'un 
traité  heureusement  conclu  entre  le  roi  et  le  peu- 
ple ;  ainsi  en  était-il  dans  les  premiers  temps  de  là 
nation. 

Ee  grand-duché  de  Bade  reçut  aussi  sa  constitu- 
tion provinciale ,  le  22  août  1818 ,  et  celle  de  Hesse, 
le  17  décembre  1820  ;  de  même  qae  le  grand-duché 
de  Nassau ,  de  Saxé^Gobourg-Hildbourghatisen  et 
Mèiningen,  »lës  principautés  de  Sehwarzbourg- 
Rndolstadt ,  Lippedetmold  et  Schaumbourg ,  Liclv 
tenstein  et  Waldeci. 

Dans  les  élats  (FAutriche,  du  royaume  de  Saxe, 
dans  le  Mecklenbourg  et  quelques  autres  pays  encore 
pîtrs  petits,  les  états  provinciaux  furent  mis  en  ac- 
tivité d'après  la  même  foftrïe  qu'ils  avaient  ancien- 
nement; rfcais  dans  le  Hanovre  *et  dans  le  Brunswici, 
tï  y  eut  quelques  changements.  .-  * 

Les  grands  ébranlements  que  l'année  1850  apporta 
dans  lés  rapports  sociaux,  comme  dans  les  plans  des 
Souverains  dé  l'époque*'  n'ont  pas  été  non  plus  sansf 
d'importantes  influences  sur  les  fôrûïes  administra* 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


tives  des  états  d'Allemagne.  Dans  plusieurs  d'entre 
eux,  elle  donna  lieu  à  des  changements  essentiels  dans 
la  représentation  des  états  et  même  dans  les  principes 
constitutif  tout  nouveaux  ;  de  même  qu'elle  apport* 
fine  vie  nouvelle  daps  le?  négociations  de  cesdiètftf 
qui  étaient  en  activité  depuis  longtemps,  Mais  aussi* 
ef  c'est  le  malheur  de  notre  époque ,  elle  souleva 
presque  partout  les  passions  qui  jetèrent  des  en- 
travas da^ns  le  développement  pacifique  4u  droit  et 
du  \roi. 

Le  gouvernement  et  les  états  du  Hanovre  mou# 
Ont  donné  un  exemple  h  imiter*  Ge  pays  était  aussi 
lui  tombé  dans  une  extrême  agitation ,  et  si  L'on  nq 
voulait  pa^vqir  les  liens  de  l'ordre  lmsà$  et  laâfrrce 
Imposer  ses  sentences  sur  lqs  queffiouç  lç&plus  diflfcj 
cita?»  i)  fallait  qu?  le  gouvernement,  d'accoixl  aveu 
fes  représeqtapts  du  pays  »  réunis  avec  sincérité 
et  pleins  d'une  confiance  mutuelle ,  «entreprît  de 
donner  à  l'administration  une  nouvelle  forme.  JUf 
noble  roi  Guillaume  IV,  fidèle  mi  caractère  dç  toute 
sa  v je ,  tendit  la  main  à  toute  amélioration  qui  pro- 
mettait d'avancer  le  bien  de  son  peuple  ;  ses  con- 
seillers abondèrent  dans  son  sens  et  ses  états  rassem- 
blés  pour  ces  importantes  questions,  travaillèrent  les 
années  1831, 32, 33,  Avec  celle  ténacité,  cet  apprtH 
Ibndissement  particulier  aux  Allemands  ,  jusqu'à  ce 
qu'enfin,  après  avoir  surmonté  les  plus  grandes  diffi- 
cultés ,  une  nouvelle  et  complète  constitution  et  des 
projets  de  lois  en  grand  nombre  pour  l'organisation 
intérieure  %  aient  été  rédigés  et  mis  en  état  jTétue 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


LÀu-EJUaifB  dr  1816  *  1858,  M9 

présentés  à   l'approbation  des  deux  chambres;  ils 
reçurent  en  1833  la  sanction  royale.  Ce  qu'il  y  a  de 
plus  glorieux  pour  ces  états ,  c'est  que  bien  que  d» 
idées  et  un  système  complètement  opposes  se  soient 
alors  manifestés  et  aient  cherché  à  se  faire  valoir  par 
toutes  les  suggestions  de  la  passion ,  cependant  il  ulj 
eut  pas  un  point  qui  put  passer  et  être  fixé  par  \m% 
opération  purement  gouvernementale,;  maisfcucwrç 
traire  la  majorité  des  députés  accepta  chaque  ftria* 
discuta  toutes  les  significations  et  exprima  avec  lu 
berté  les  convictions  qu'elle  s'était  faites ,  qu'elle^ 
fussent  d'accord  ave#  les  propositions  du  gouverne- 
ment ou  contraires.  Telle  est  la  vraie  marche  de  toute 
a^mblée  proy  ipciale  d'Allemagne  qui  ne  voudra  pa* 
accomplir  une. œuvre  de  parti  en  passant  les  yens 
fermés  sur  tout  ce  qui  n'entre  pas  dans  sonsystène* 
mais  qui  voudra  fonder  quelque  chose  qui  ait  dflri 
ba^es  de  vie.  Ainsi  tout  membre  de  cette  assembla 
qui  n'aurai^  pas  vu  accomplir  dqps  tous  ses  ppinUl 
le  tableau  qu'il  s'était  fait  du  meilleur  gçuvçrqen 
ment,  pouvait  encore  avec  sûreté  de  conçejçppft 
accepter  le  «tout,  pensant   à  ce  sage   a^iftane,,  ,qHQ: 
le  meilleur  est  sçuuent  ennemi  du  bien  ;  cç,  qui 
veut  dire  que  le  bien  qu'on  peut  obtenir  ne  diftt[ 
pas  être  sacrifié  pour  chercher  à  pbtepir  un»  roieu& 
qit^Jon  ne  peut  pas  atteindre*  "  ,     ,•  i 

1. 11  y  eut  aiftsi  c|ps  changements,  rewu-qi**Wteft.. 
depuis  A  830  dans  Je  duché  de  Brunswick  ,,tout  pj?è§î 
du  Hanovre,  L'a  colère  publique  qui  éclata  ççqt?e  ]§I 
ruineuse  direction  que  le  prince  Charles  Soumit  § . 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


6*S  SEPTIÈME  ÉPOQUE.    1648—1838. 

l'administration  du  pa ys  eut  pour  résultat  de  le  faire 
écarter,  et  son  frère  Guillaume  fut  appelé  pour  Je 
remplacer.  Le  roi  d'Angleterre ,  comme  chef  de  la 
tnaison  des  Welfs,  approuva  le  changement,  en 
reconnut  la  nécessité ,'  et  alors  il  fut  également  ap- 
prouve par  la  diète  d\Alleinï|gne.  Le  nouveau  cftic 
regarda  donc  comme  son  premier  et  son  plus  im- 
portant devoir  d'établir,  d'accord  avec  les  représen- 
tants dq  pays,  une  nouvelle  constitution  qui  ejn  effet 
a  iété  arrêtée  depuis  peu  de  temps ,  après  un  examen 
pacifique  et  approfondi. 

Dan*  Pétecterat  de  Hesse,  oifTon  n'avait  pu,  mal- 
gré  plusieurs  tentatives,  établir  la  représentation 
dasétatr provinciaux,  il  y  eut  aussi,  enî8S0,  un  grand 
mmiyetneM  pour  obtenir  des  améliorations  dans  la 
forme  gouvernementale.  Le  prince  électeur  Guil- 
laume, qui  avait  refusé  à  son  pays  de  nouveaux  prin- 
cipe* Constitutifs,  se  vit  obligé  par  la  nécessité  de 
Pépoque  et  par  plusieurs  autres  raisons  d'abandon- 
ner le  timon  des  affaires ,  en  l'année  1851 ,  et  de  le 
remettre  entre  les  mains  de  son  fils ,  le  prince  hé- 
ritier, qui  régna  avec  lui. 

Urt  semblable  changement  avait  déjà  eu  lieu ,  en 
Pan  1880,  dans  le  royaume  de  Saxe ,  où  le  roi  An- 
toine,  successeur  du  prince  Frédéric-Auguste,  d'heu- 
reuse mémoire,  qurétait  mort  en  1827,  après  otn- 
quâfcte-rrieufans de  règne,  avaifenommé  son  neveu, 
le  prince  héritier  Frédéric ,  pour  régner  avec  lui  sous 
le  titre  de  epadjuteur  et  pour  l'aide  A  résoudre  les 
cas  difficiles.  J)e  sorte  que  on  entréprit  alors  de 


. 


l/ÀHiEMAâNE   DE   1816    K   1&38. 

jeter  les  fondements  d'une  nouvelle  constitution 
qui  fiit  heureusement  exécutée  et  mise  en  vigtietuv 
Quelques  autres  états  d'Allemagne  plus  petits  suivi-4 
rent  cet  exemple,  et  Ion  vtt  s'élever  de  nouvelles 
constitutions  dans  notre  pairie;  mais  ce  sera  an 
siècle  suivant  à  décider  si  cet  esprit  de  créations 
nouvelles  excité  pendant  la  paix,  a  réellement  tra- 
vaillé pour  le  bonheur  du  pays. 

2.L'égalitédescroyanceschrétiennesseuslerappoit 
civil  et  politique  qui  était  proclamée  comme  principe, 
dans racted'alliance,  est  aujourd'hui  en  vigueur  dans : 
tous  les  états  delà  confédération  germanique.  Tous  les  ' 
chrétiens  ont,  outre  le  libre  exercice  de  leur  religion, 
qui  déjà  depuis  long- temps  n'était  plus  contesté,  toute* 
capacité  pour  tous  les  droits  civils  et  pour  toutes  les; 
fonctions  de  l'état.  De  plus,  les  seigneurs  catholiques 
ont  établi  pour  leurs  sujets  évangélistes  des  tribu V 
naux  ecclésiastiques  supérieurs  dans  des  provinces1 
oà  il  n'y  en  avait  jamais  eu  ;  et  de  même  les  seigneurs* 
protestants  ont  relevé  dans  leurs  états  le  misérable' 
état  de  l'église  cathodique  si  bouleversé  pendant  long-; 
temps,  rétabli  les  chaires  épiscopaies,  ou  fondé  de 
nouvelles,  et  les  ont  pourvues *de  revenus  néces-' 
saires.  Pour  toutes  ces  dispositions,  ily  eut  destraités 
a  vecle  pape  ;  e*  ce  fut  encore  la  Prusse  qui  eut  la  gloîf  e 
et  la  générosité  de  donner  l'exempt*  en  1823  (*). 

(*)  Cependant  le  vieux  roi  est  aujourd'hui  en  désaccord  a*  ec  la  cour  de 
Rome  au  sujet  des  archevêques  de  Cologne  et  de  Posen ,  qu'il  a  arrachés 
à  leur*  fonctions*  h* opinion  publique  lui  reproche  des  idées  fotteicu$tvef 
en  matière  de  religion ,  et  une  conduite  pleine  de  partialité  en  ItoripbftUt 
et  dans  ses  proVtoccs  rhénanes. 


Digitized  byVJ OOQ IC 


0TO     ■  septièIie  époque.  I648^4gaa. 

Les  affaires  intérieures  de  1  église  réformée  ne 
furetit  pas  non  plus  négligées.  Car  d'après  l'exemple 
du  roi  de  Puisse  7  qui  trois  cents  ans  après  la  ré; 
f^rtne,  en  1617,  fit  un* appel  aux  deux  confessions 
éyanféliques  pour  ne  plus  former  qu'une  seule 
église ,  la  même  chose  eut  lieu  aussi  dans  les  autres 
étala  allemands,  et  dans  beaucoup  d'endroits  sa  réu- 
nion fut  accomplie,  avec  l'approbation  des  ecclésias- 
tiques et  deataimples  fidèles  ;  et  l'esprit  de  désordre 
qui  trop  long-temps  avait  divisé  l'église  évangélique 
fut  enfin  expulsé,  et  peu  à  peu  l'unité. fraternelle 
s'affermit  dans  cette  église.  * 

3.  Les  lois  générales  et  uniformes  sur  la  liberté 
de  la  presse  que  promettait  l'acte  d'alliance  n'ont 
pu  jusqu'à  aujourd'hui  être  accordées ,  tant  à  cause 
des  violentes  agitations  de  l'esprit  de  parti  qui, 
quand  la  guerre  n'exerça  plus  ses  fureurs  sur  les 
okanjps  de  bataille,  vint  se  fixer  dan^  le  domaine 
des  opinion*,  qu'à  cgose  de  plusieurs  autres  cur- 
constances  malheureuses  et  de  dangereux  errements. 
Biw  plus,  un  arrêt  de  la  diète,  du  JO  septembre  1819, 
soumit  toutes  les  gazettes  d'au-dessous  de  vingt  feuil- 
le* à  la  censure,  eUplaça  aussi  les  ouvrages  de  lon- 
gue haleine ,  dans  presque  tous  les  états,  sous  la 
surveillance  du  gouvernement.  Cependant  celui  qui 
considère  la  maçphe  de  la  littérature  allemande  en 
général  dans  les  vingt  dernières  années,  doit  remar- 
quer qu'il  y  règne  une  liberté  et  une  diversité 
d'ofûoioûs  aussi  grande  que  des  esprit»  raisonnables 
fftoteitt  la  désirer  pour  le  libre  développement  de 


Digitized  byVJ OOQ IC 


L'iLLttt+tt*  de  1816  a  1*118.  fltl 

l'intelligence  ;  et  je  ne  doute  pas  qu'une  paix  so* 
lide  et  durable  ne  donne  sous  ce  rapport  un  pco 
d'extension  à  notre  liberté* 

•  Si  maintenant  nous  potions  nos  fegahis  der 
champs  agités  de  la  politique  sur  le  terrain  pacifique 
eti  n  dépendant  de  la  croyance,  des  arts  et  de  la  teknoe, 
qui  peut  douter  que,  dan»  les  vingt-deux  années  de; 
paix  dont  vient  de  jouir  F  Allemagne,  elle  n'ait  ao*; 
quis  beaucoup  de  gloire  et  ne  s'en  ménage  encore  une 
bien  plus  grande  pour  Fa  venir?  Qui  ne  reconnaît 
pas  l'impulsion  de  l'esprit  vers  toute  idée  d?ordreî 
Certainement  le  temps  des  luttes  et  des  oppressions 
n'est  pas  encore  tout  entier  passé,  \$t  discorde  n'a 
pas  encore  abandonné  le  champ  des  croyances  re- 
ligieuses; elle  s'est  même  montrée  de  temps  en 
temps  pleine  d'une  nouvelle  vigueur*  Mais  qui  ne 
préférerait  encore  ces  contestations  à  une  mortelle 
indifférence?  £rt  qui  ne  reconnaîtrait,  malgré  les  di~ 
visions  qui  paraissent  devenir  plus  grandes  j  u* 
retour  dans  les  partis  vers  des  idées  de  réunion  r 
4e  respect  pour  ce  qui  est  aaferé,  et  même  de 
eénsidération  pour  un  adversaire  de  bonae  fin  ? 
Cette  reconnaissance  de  oe  qui  *st  humain,  quelque: 
paît  qu'elle  se  montre,  et  cette  liberté  d'e£prtfc 
qui  fait  excuser  dans  les  autres  tout  oe  qui  tient  à 
l'humanité  et  n'est  souillé  d'aucune  tache  impure* 
cette  tolérance*  dis-^e ,  découle  d'une  légitime  civi*' 
lisation  -,  et  elle  grandira  et  s'affermira  parmi  nota* 
tant  que  les  gouvernements  reconnaîtront  pour  kttr* 
plus  ]>eUe  tfcehe  de  favoriser  .le»  prognte  dan*  ietft* 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


67*  septième  froçra.  1648~-1838. 

kt  genres ,  depuis  les  dernières  écoles  du  peuple 
jusqu'aux  plus  beaux  règlements  académiques*  C'est 
cet  espritquis'estmontréconstamment  actif  dans  notre 
patrie  ;c*est  lui  qui,  en  Prusse,  à  amené  la  fondation 
de  l'université  du  Rhin,  le  18   octobre  1818,   le 
goût  des  arts  dans  la  capitale,    l'établissement  et 
Paméfigration  de  tant  d1institutions  par  tout  l'em- 
pire ,  et  enfin  les  lois  d'organisation  jpôur  l'éducation 
dans  toutes  ses  parties  ;  c'est  lui  qui  a  amené  en 
Bavière  l'institution  de  l'université  et  les  belles  as- 
semblées d'artistes  dans  Munich,  aussi  bien  que  les 
dispositions  prisés  pour  la  haute  instruction.   Il  a 
aussi  manifesté  ses  effets  dans  les  autres  états  de  la 
confédération,  grands  et  petits,  plus  ou  moins  visi- 
blement et   partout  sous  d'heureux  rapports  ;   et 
cent  villes ,  des  •  bourgs   et  des  ^villages  se   sont 
kissé  entraîner  par  son  impulsion ,  ont  mis  tout 
leur  zèle  et  ont  fait    de  grands  sacrifices,  pour 
parvenir  à  former    heureusement    la   génération 
qui  suit. 

h.  Les  droits  des  écrivains ,  des  éditeurs ,  aussi 
bien  que  la  sûwté  de  la  librairie,  en  exécution  de 
Farticle  18  de  l'acte  d'alliance  sont  ainsi  réglés 
pjir  un  arrêté  delà  diète,  du  6  septembre  1832: 
«  Les  libraires,  éditeurs  et  écrivains  de  tous  les  états 
de  la  confédération  jouiront,  dans  chaque  endroit  de 
fa  confédération,  de  la  protection  accorda*  contre  1* 
réimpression.  »  Ainsi  désormais  l'injuste  gain  de  la 
réimpression  est  arrêté  et  ne  pourra  plus  a r radier  la 
récompense  due  à  l'aetif  travail    du  savant;  ou  à 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


l'Allemagne  de  Î81G  à  1858.  673 

l'inspiration  du  poète ,  ni  au  libraire  sa  légitime 
propriété. 

5.  Puisse  aussi  la  liberté  du  commerce  et  du  tra- 
fic trouver  un  jour  favorable  pour  s'établir  dans  ce 
mouvement  général  de  l'Allemagne  !  Il  est  vrai  que 
d'un  côté,  il  y  a  déjà  un  grand  pas  de  fait,  par  la 
réunion  consentie  ou  qui  sera  consentie  par  la  plus 
grande  partie  des  états  de  l' Allemagne  au  nouveau 
sjtème  prussien  pour  les  douanes  et  le  com- 
merce. Cependant  il  manque  encore  l'Autriche  et 
les  états  du  nord ,  qui  possèdent  les  côtes  de  la 
mer  du  Nord  et  une  partie  de  celles  de  la  mer 
Baltique;  ils  voudraient  voir  une  œuvre  de  réunion 
parfaite,  qui  ne  vînt  pas  seulement  d'une  conven- 
tion entre  divers  états  particuliers,  mais  d'une  con- 
vention entre  tous ,  dans  une  diète,  comme  article  de 
la  confédération.  Puisse  seulement  cette  voie,  qui 
certainement  sera  prise,  |  nous  conduire  bientôt  au 
but  j  c'est-à-dire  que  nous  qui,  par  notre  origine, 
nqtre  langage ,  notre  alliance ,  ne  faisons  qu'un  seul 
peuple,  nous  puissions  exister  et  nous  mouvoir 
comme  un  seul  peuple  par  la  liberté  du  commerce 
intérieur  et  par  l'égalité  de  poids,  de  mesures  et  de 
monnaies  ;  et  que  jamais  dans  l'intérieur  des  fron- 
tières d'Allemagne  une  funeste  guerre  d'intérêt  et 
de  supercherie  ne  vienne  contre  la  loi,  saper  la  mo- 
ralité du  peuple  ! 

Il  devenait  vraiment  nécessaire  que  l'industrie  du 
peuple  allemand,  qui  avaat  se  trouvait  arriérée  dans 
plusieurs  branches  par  rapport  à  celle  des  autres  peu* 
T.  if.  ft3 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


674  septième  époque.  4648—1858. 

pies,  fût  excitée  non  pas  seufement  dans  quelques 
états,  mais  par  toute  l'Allemagne.  Dans  certaines 
localités,  elle  a  fait  certainement  de  visibles  progrès, 
et  même  les  découvertes  dans  les  sciences  naturelles, 
qui  sont  travaillées  avec  prédilection ,  lui  ont  donné 
encore  plus  de  vie  et  dé  succès.  Du  reste  si  l'Alle- 
magne n'est  pas  une  des  contrées  favorisées  de  la 
pâture,  si  elle  ne  peut  se  procurer  les  biens  de 
la  vie  que  par  une  constante  activité  de  ses  habitante 
H  les  conserver  qu'à  force  de  modération  et  d'é- 
conomie, die  a  aussi  l'avantage  de  tenir  toujours 
ses  forces  en  bon  état  par  un  constant  exercice* 
L'artisan  d'Allemagne  se  contente  d'un  prix  modéré; 
et  de  cette  façon  nos  fabriques  peuvent  soutenir  la 
rivalité  de  celles  des  autres  pays ,  pourvu  qu'on  leur 
donne  à  l'intérieur  un  débit*  libre.  Mais  comme  les 
pays  étrangers,  pour  l'avantage  de  leurs  habitants, 
imposent  de  gros  droits  d'introduction  sur  les  pro- 
duit» de  notre  travail,  alors  il  devient  nécessaire 
d'adopter  de  semblables  mesures  de  notre  coté  pojur 
protéger  notre  industrie  contre  l'étranger;  etl'AUs* 
flMgne  considérée  comme  uu  seul  tput  aurait  ami 
de  force  pour  cela, 

6.  Outra  ces  ohjetsde  sollicitude,  l'agriculture  et 
la  copdition  des  paysans ,  qui  font  la  principale  force 
de  notre  pays,;  méritent  aussi  d'arrêter  notre  at- 
tention. Ici  encore,  dans  ces  derniers  temps  ,  sont 
survenus  des  changements;  déjà  une  division  mo- 
<J^r4e  #es  propriétés  foxvBjères,  la  délivrance  de 
coiv^v*  nuisibles,  le  défrichement  de  pays  im^Uai* 


Digitized  byVJ OOQ IC 


l'uleuàghe  de  4$i6  a  i838.  6TB' 

sont'tfes  commencements  damelioratjeç  dont  eei* 
taipeinent  les  heureux  résultats  De  tardèrent  pas  à 
se  contrer.  Cependant  jusqu'ici  la  condition  du 
p*ysan%  n'est  pas  encore  celle  que  peut  désirer  fin 
Vvéritable  ami  de  la  patrie.  Ce  n'est  paa qu'il  manwjue 
d'activité  et  de  persévérance,  maïs  c'est  du  débit 
pour  ses  produite;  les  prix  sont  devenus  si  étor* 
napunent  vife ,  que  le  travail  du  payaan ,  du  fifeur 
et  du  tisserand  n'est  pour  ainsi  dire  pas  payé.  Avec 
cela,  la  population  dansles  villes  et  les  villages  s'aug- : 
mente  d'une  manière  vraiment  inquiétante,  tous  les 
bras  ne  peuvent  pas  trouver  paiéout  du  travail. 
Déjà  la  nécessité  a  entraîné  dm  milliers  d'hommes 
des  provinces  les  çlus  peuplées  de  l'Allemagne  à# 
abandonner  leur  patrie^  pour  aller  en  chercher  une 
nouvelle  dans  une  autre  partie  du  inonde.  Beaucoup 
d'entre  eax  sont  morts  de  misère  avant  d'avoir  pu 
^tteiudrç  le  port  de  feur  embarcation,  d'autres  tot 
succombé  pendant  la  durée  de  la  traversée  ;  enfin 
ceux  qui  pnt  pu  arriva  d*n*  h  Nouveau-Monde, 
privés  de  topj$s  yeisowof*  et  £${&$&  h  la  *iî«*«fee 
ifqlonté  d'bowwes  avide* ,  s$ntçnçç#e  jjya  vm#to& 
blés  que  dans  leur  propre  pays;  de  sorte  qu'ftû  ysèç 
pç*U Pjwnbre  *e«lçn«ent  ont  {H*  ffadar  pour  jeux  et  - 
leurs  enfants  un  nouveau  faire-valoir  suffisant  pour 
les  entretenir  et  les  occqper.  Mais  toujours  cette 
œuvre  rçstera  cens  vrais  résultats  tant  qu'elle  sera 
attachée  &  une  entreprise  particulière,  fiette  vQte 
est,  si  Ton  veut,  la  plus  simple  pou»  se  déb*rr&399r 
d'une  population   trop  .nombreuse;  cependant  ce 

A3. 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


676  septième  époque.  1618—1858. 

ne  sera  que.  quand  les  gouvernements  des  *kats 
européens  pourront  effectuer  dans  les  autres  parties 
du  monde  des  colonisations  complètes  sous  la  pro- 
tection publique  et  avec  des  moyens  géniaux, 
coigme  autrefois  les  états  de  l'ancien  monde ,  ce  ne 
seta  qu'alors  dis-je  qu'on  pourra  espérer  un  véritable 
avantage  pour  la  mère-patrie  et  pour  la  colonie  ; 
et  quels  moyens  extraordinaires  ,  quelle  coopéra- 
tion difficile  à  obtenir  ne  serait  pas  nécessaire 
pour  cria! 

.  Mais  détournons  notre  attention  de  considérations 
trop  lointaines  A  pour  lesquelles  notre  volonté  est 
impuissante;  et  pour  encourager  nos  espérances» 
jpt#K  nos  regards  sur  les  événements  qui  ont  suivi 
la  chute  de  Napoléon.  Mais  auparavant  nous  allons 
récapituler  les  changements  qui  sont  survenu»  dans 
les  principales  familles  régnantes  de  l'Allemagne  : 

Dans  le  Wurtemberg ,  le  rdfr  Guillaume  I  a  suc- 
cédé au  roi  Frédéric,  1816. 

En  Bavière,  Louis  à  Maxiniilien,  1825. 

Dans  le  royaume  de  Saxe,  Antoine  succéda  à 
Frédéric-Auguste,  en  1827,  et  à  Antoine,  le  roi 
Frédéric,  1836. 

*    Dans  la  Saxe-Weimar,  l'archiduc  Charles-Fré- 
déric à  Charles- Auguste,  1828. 

Dans  le  Hanovre,  le  roi  Guillaume  I V  à  Georges  IV, 
1880 /et  à  Guillaume  le  roi  Ernest- Auguste,  1837. 

Dans  l'Autriche,  Ferdinand  I  a  succédé  à  Fran- 
çois 1,1837.    ■* 


Digitized  by-VjOOQ  1C 


RÉvoLXJTiojfs  MiLiTiims.  1830  et  1821.        67T 


Kévololions  militaires  en  Espagne,  en  Portugal,  à  Naples  et  à  Turîg,  et 
leurs  suites.  18*)  et  1821. 


Cinq  ans  de  calme  s'étaient  écoulés  pour  l'Europe, 
et  c'était  la  première  fois  depuis  la  révolution  de 
France,  quand  en  1820  le  brandon  de  la  discorde  se 
ralluma  de  nouveau  pourprovoquerd.es  bouleverse* 
menls.  Ce  fut  uue  partie  de  Tannée  d'Espagne  as* 
semblée  à  Cadix  et  prête  à  faire  voile  vers  l'Ame* 
rique ,  qui  donna  le  signal  :  elle  changea  toute  la 
forme  du  gouvernement ,  le  1er  janvieç  de  cette 
même  année.  Son  exemple  eut  bientôt  entraîné  1* 
Portugal;  et  là  encore  le  premier  coup  fut  frappé 
par  l'armée. 

Déjà,  avant  ces  événements  de  Portugal,  l'armée 
napolitaine  avait  forcé  le  roi ,  le  7  juin ,  de  donner 
à  ses  états  une  constitution  libérale.  Le  fciouvement 
se  communiqua  promptement  de  Naples  dans  le  reste 
de  l'Italie,  et  par  tout  on  demandait  avec  toujours  plus 
d'instance  la  réunion  de  toute  l'Italie  et  la  déli- 
vrance de  tout  domination  étrangère.  Ces  troubles 
réveillèrent  dans  l'empereur  d'Autriche  des  craintes 
pour  ses  possessions  d'Italie,  et  surtout  ils  firent 
craindre  aux  souverains  que  le  plaisir  des  révo- 
lutions ne  se  répandît,  ne  s'einparât  de  toute 
l'Europe  et  ne  la  bouleversât  de  fond  en  comble. 

En  conséquence ,  les  trois  principales  puissance^ 
de  la  Saint-Alliance  se  réunirent  à  TYoppau,  en 
octobre  £820,  pour  prendre  en  considération  la  po~ 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


67«  MVik»  tfoqrn.  4648— i«*e, 

sition  del!Europe;  et  comme  les  événements  deNaples 
leur  parurent  les  plus  importants,  ib  réunirent  l««r 
congrès,  au  commencement  de  Tannée  suivante,  à 
Leibach,  pour  être  plus  près  du  théâtre  de  ce  qui  s'y 
passait.  Le  vieux  roi  de  Naples  s'y  trouva  aussi. 
Mais  un  accommodement  à  l'amiable  n'était  pltt& 
possible,  et  au  mois  de  mars  une  armée  autrichienne 
entra  en  Italie  et  marcha  sut1  Naples.  Tous  les  re- 
gards étaient  ûnéê  sur  l'issue  de  ces  événements, 
quand  une  nouvelle  révolution  militaire,  la  qua- 
ttièÉM  en  moiftê  de .  deux  ans,  éclata  à  Turin ,  t&é~ 
iwçant  d'être  plus  dangereuse  encore  pour  l'Autriche 
que  les  précédentes.  Le  repos  de  l'Europe  achète  si 
chèrement)  sembla  encore  une  fci&  perdu.  Cepen- 
dant l'orage  fut  bientôt  apaisé  de  ce  côté,  et  l'iiû-s 
puissance  des  entreprises  révolutionnaires  pàtut 
d'une  manière  évidente  ;  car  dès  que  l'armée  au- 
trichienne %'approcha ,  Naples  comme  le  Piémont 
furent  aussitôt  rappelés  à  Tordre  de  choses  qu'ils 
avaient  auparavant. 

La  nouvelle  cénêtitution  d'Espagne  ne  devait 
non  plus  avoir  que  quelques  années  de  durée.  La 
misse  du  peuple  n'était  pas  mûre  pour  l'usage  d'une 
constitution  libre  et  modérée;  et  d'ailleurs  ella 
était  basée  sur  de  faux  principes  :  la ''puissance 
royale  y  Aait  beaucoup  trop  &  l'étroit.  Dans 
Tannée  4823,  ifne  guerre  civile  édata  dans  ce 
pays  déchiré  jîfar  les  partis  ;  et  en  octobre  de 
oette  même  *nuée  les  monarques  d'Autriche,  de 
Prusse  tt  dftjlusstesô  réunirent  de  nouveau  au  con- 


Digitized  byVJ OOQ IC 


RÉVOLtJTTOlfS  MILITÀ1KÏ5.    1820   «T    1821.         dfD 

grès  de  Vérone  et  consentifent  à  ce  que  la  France 
se  chargeât  seule  de  rétablir  la  puissance  royale  dans 
ce  malheureux  pays ,  par  la  force  des  arrnes  en  cas 
de  besoin.  Le  7  mai  1823,  les  armées  françaises  pas* 
sèrent  la  Bidassoa,  et  le  23  elles  entraient  dans 
Madrid  ;  de  là  elles  se  répandirent  avec  de  rapides 
succès  par  toute  l'Espagne,  poursuivirent  le  parti 
constitutionnel  qui  avait  entraîné  avec  lui  Ferdi- 
nand à  Cadix ,  la  dernière  langue  de  terre  de  l'Eu- 
rope, et  la  ville  fut  forcée  de  se  rendre  à  la  fin  de 
septembre/  Le  roi  fut  ainsi  rendu  à  la  liberté  et  à 
la  jouissance  de  la  puissance  royale  illimitée  }  et  il 
se  hâta  de  déclarer  que  tous  ses  décrets,  depuis  le 
commencement  de  l'année  1820,  c'est-à-dire  pendant 
le  temps  de  la  constitution,  devaient  être  tenus  pour 
nuls  et  non  avenus. 

Ge  malheureux  royaume  offrit  encore  pendant  plu- 
sieurs années  le  spectacle  des  désordres  intérieurs  et 
des  déchirements  de  la  haine  des  partis,  quoique  jus- 
qu'en 1827  une  armée  française  restât  dans  le  pays 
pour  protéger  le  gouvernement,  et  occupât,  entre 
autres  places  fortes ,  Cadix  elle-même.  Ferdinand 
mourut  en  1838 ,  après  avoir  changé  la  loi  de  sux> 
cession  au  trône,  et  laissa  le  royaume  à  sa  fille  Isa- 
belle soucia  tutelle  de  sa  mère,  Christine;  ce  Ait 
l'occasion  de  nouvelles  scènes  d'horreur  provoquées 
pur  tout  ce  que  les  passions  humaines  ont  de  plus 
haineux  dans  les  guerres  civiles.  Lé  frère  de  Ferdi* 
Aand,  don  Carlos,  qui  prétend  avoir  des  droits  lé- 
gitimes au  trône,  occupe  une  partie  considérable  éê 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


680  SEPTIEME  ÉPOQUE.  1648—1838. 

l'Espagne  et  il  n'a  pu  ehcore  en  être  chassé,  maigre 
l'intervention  indirecte  de  la  France,  de  l'Angle- 
terre et  du  Portugal,  en  faveur  de  la  jeune  reine. 
Pendant  tout  ce  temps-là,  ce  malheureuxpays  est  en 
proie  aux  désordres  et  ne  connatf  plus  ni  lois  civiles, 
et  lois  naturelles. 

Le  pays  voisin,  le  Portugal,  n'est  malheureuse- 
ment guère  plus  favorisé  que  l'Espagne.  Tant  que 
vécut  le  roi  Jean  VI,  qui  en  1822  était  retourné 
au  Brésil,  le  Portugal  se  trouva  dans  une  position 
supportable  ;  parce  que  ce  roi  >  qui  cherchait  le 
bien  de  son  peuple,  possédait  son  amour  et  tenait 
la  haine  des  partis  en  bride.  Mais  quand  il  mourut, 
le  10  mars  1826,  son  fils,  don  Pedro,  empereur  du 
Brésil,  ne  pouvant  revenir  en  Europe ,  donna  lé 
royaume  a  sa  fille  encore  jeune,  dona  Maria  da  Glo- 
ria, et  la  régence  à  son  frère,  don  Miguel,  pendant 
la  minorité.  Alors  ce  prince  gagna  le  clergé  et  la 
noblesse  déjà  indisposés  contre  son  frère  par  la 
constitution  libérale  qu'il  avait  donnée,  et  parvint  à 
se  faire  proclamer  roi  absolu  par  les  anciennes  cor- 
tès  de  Lamego.  La  Jeune  princesse,,  qui  était  déjà 
arrivée  en  Europe,  n'osa  plus  aller  prendre  pos- 
session de  son  héritage  ,  et  fut  obligée  d  aller  en 
Angleterre  chercher  asile  et  protection. 

L'Europe  vit  avec  mécontentement  l'usurpateur 
poursuivre  tous  les  amis  de  son  frère  et  du  gouverne- 
ment qu'il  avait  donné,  les  jeter  en  prison  et  les 
iàire  mourir.  Mais  comme  le  peuple  portugais  avait 
accepté  cette  nouvelle  monarchie,  amçune  puissance 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


RÉVOLUTIONS   MILITAIRES.   4$80  BT  «821.        6S1 

étrangère  ne  pouvait  se  mêler  des  affaires  inté- 
rieures du  pays. 

Cependant  uqe  révolution  du  Brésil  fdfrça  l'empe- 
reur don  Pedro,  en  1831,  d'abandonner  son  royaume 
et  de  revenir  en  Europe;  l'entrée  de  son  pays  lot 
fut  défendue  par  son  propre  frère.  Alors  il  employa 
tous  les  trésors  qu'il  avait  apportés  avec  lui,  pour 
équipper  une  flotte  et  une  petite  armée;  il  aborda 
en  Portugal,  s'empara  d'Oporto,  port  de  mer  impor- 
tant sur  l'Atlantique,  et  enfin,  après  différâtes 
chances,  de  Lisbonne,  en  1833, 

Ainsi  maître  de  la  capitale ,  il  fit  reconnaître 
sa  fille  Comme  reine  par  l'Angleterre  et  k  France; 
puis  il  enleva  peu  à  peu  à  don  Miguel  tout  le 
resté  du  pays  et  le  força  enfin,  en  1834,  de  l'aban- 
donner entièrement.  Cependant  don  Pedro  mou~> 
rut  bientôt  après.  La  jeune  reine  épousa  le  duc  de 
Leuçhtenberg,  et  après  sa  mort ,  qui  fut  prématurée, 
en  1836,  elle  épousa  le  prince  Ferdinand  de  Smsp- 
Cobourg.  Mais  les  partis  sont  encore  pleinfcd'énergie, 
le  bien-être  du  pays  est  toujours  compromis,  la 
dette  publique  épuise  le  trésor  et  dans  ce  moment 
on  revient  encore  à  la  voie  des  armes.pour  décider 
si  ce  pays  sera  régi  par  la  constitution  de  1822,  ou 
par  la  charte  de  don  Pedro  ;  cependant  ni  l'un ,  ni 
l'autre  ne  pourra  guérir  les  plaies  de  la  patrie,  tant 
que  le  gouvernement-  et  le  peuple  conserveront  * 
l'esprit  qui  les  conduit. 


Digitized  byVJ OOQ IC 


Eérotte  des  Grecs.  La  Turquie. 

Las  nombreux  bouleversements  arrivés  en  Europe 
•TBieot  peu  à  peu  allume  1  amour  de  la  liberté  dam 
et  peuple  chrétien ,  si  célèbre  par  sa  vieille  gloire* 
relégué  à  l'extrémité  sud-est  de  l'Europe,  qui  depak 
quatre  cents  ans,  était  obligé  de  porter  le  joug  des 
Turcs*  Au  mois  de  mars  1821,  le  prince  Alexandre 
YpaUanti  appela  tous  les  Grecs  de  la  Moldavie  et  de  k 
Valachie  à  secouer  la  domination  tutque.  Cepea» 
dan  t.  sou  entreprise,  malgré  quelques  succès  du 
commencement,  fut  bientôt  arrêtée  et  écrasée  par 
le  grand  nombre  des  troupes  ottomanes,  et  il  fut  loi» 
mène  obligé  de  s'enfuir  en  Autriche,  où  il  fut  reUt» 
comme  prisûnaiet-,  dans  la  citadelle  de  flfunkatsoké 
Maie  cette  même  tentative  fut  plus  heureuse  danàk 
Gfàce  proprement  dite ,  particulièrement  en  Mort* 
et  datas  les  îles,  dont  les  principales  étaient  Hydrc* 
Ipeara  et  Speiaia.  Le  vieux  patriarche  d'Alexandrie, 
Grégoire,  après  la  célébration  de  la  grand'messe,  b 
pMIT  de  Pâques  1821,  ayant  été  pendu  à  la  porte  de 
l'église,  et  trois  autres  évoques  ayant  subi  le  mémo 
sort,  le  peuple  grec  en  fut  irrité  et  porté  au  pi» 
haut  degré  de  fureur.  Alors  la  guerre  des  deai 
peuples,  attisée  par  le  fanatisme  religieux,  fut  faittt 
avec  une  terrible  cruauté  ;  c'était  jusqu'à  l'anéantis- 
sement de  son  adversaire.  Contre  toute  attente,  les 
petites  troupes  de  Grecs,  combattant  par  bandes  dé* 
tachées,  repoussèrent  avec  avantage  les  attaques  de 


Digitized  byVJ OOQ IC 


RÉVOLTE  DM  6AB6*.  0SS 

l'armée  turque»  quoiqqe  infiniment  supérieure,  Mar- 
chèrent en  avant,  délivrèrent  le  sol  de  l'ancienne 
Crécelle  Péloponèse  et  une  partie  de  la  Grèce  mi- 
toyenne ;  ils  soutinrent  si  bien,  surtout  sur  mer,  léot* 
réputation  d'audace  et  d'adresse,  qu'une  terreur  pa- 
nique saisissait  l'ennemi  partout  où  paraissaient  leurs 
brûlots.  Us  firent  donc,  en  1823,  le  pas  décisif,  ils  se 
déclarèrent  états  unis  indépendants  et  se  donnèrent 
ude  constitution  qui  devait  apporter  l'unité  dans  de 
pays  divisé  en  tant  de  peuplades. 

Bientôt  cependant  de  terribles  défaites  montrèrent 
que  ce  peuple  >  déshonoré  par  presque  quatre  sièeto 
d'oppression,  n'a*aifrpu  reprendre  tout  d'un  coup  Mt 
esprit  de  vertu,  d'unité  et  de  dévouaient,  qui  a*4 
p*)t  rendre  digne  de  la  liberté.  Dess  luttes  de  partis 
déchirèrent  ce  peuple  à  demi  libre,  dès  que  le  danger 
qui  lés  menaçait  au  dehors  leur  eut  donné&emletnent 
un  peu  de  calme.  Aussi  quand  on  vit  ttHe  armé* 
égyptienne,  commandée  par  Ibrahim  pàcha,  fib  du  * 
vice-roi,  aborber  en  1635  àModon,  en  Mené*» 
assiéger  Navarin  et  le  prendre,  s  avancer  dan»  la 
Péloponèse  et  conquérir  enfin  tout  le  pays;  quand 
on  vit  Ibrahim  réuni  à  Reschid  pacha,  s'emparer  dt 
Aitssohmghi*  quoique  vaillamment  défendu*  et  bien* 
tôt  après,  Athènes  tomber  entre  leurs  mains;  Comme 
les  secours  que  les  peuples  chrétiens  envoyaient  m*$ 
ârecs,  tant  en  volontaires  qu'en  argent,  n'étaient 
pas  suffisants  pour  sauver  ce  malheureux  peuple  dt 
sa  ruine,  alors  presque  toute»  les  espérances  quW 
aimait  à  se  faire  sur  cette  contrée  Turent  détruites.     * 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


*84  sEPTitan  époçui.  164ft— 4838. 

Dam  ce  danger,  trois  grandes  puissances,  la  Russie, 
l'Angleterre  et  la  Franee,  se  réunirent  par  le  traite 
4e  Londres,  du  6  juin  1827,  pour  mettre  fin  à  cçtte 
luitesangbintedansTOrient  ;  ellesexigèrentdu  sultan 
qu'il  reconnût  la  Grèce  comme  un  étatindépendant, 
qui  seulement  lui  paierait  un  impôt  détermine ,  et 
qu'ensuite  le  sang  cessât  d'y  couler.  Mais  le  fier  sultan 
Befusa  tonte  condescendance. Ibrahim  pacha  continua 
4e  ravager  le  Péloponèse,  malgré  une  suspension 
d'armes  qu'il  avait  conclue  avec  les  amiraux  des 
flottes  réunies.  Alors  ceux-ci  crurent  devoir  recourir 
à  la  forée  pour  arrêter  ces  dévastations.  Le  20  oc- 
tobre 4827,  les  flottes  réunies  illirent  donc  à  la  voile 
(peur  le  port  de  Navarin  (c'était  l'ancienne  Pylos, 
cornue  dam  la  guerre  du  Péloponèse);  elles  avaient 
¥Îngt*stx  vaisseaux  de  guerre,  avec  mille  trois  cent 
vingt-quatre  canons,  sous  les  ^ordres  des  amiraux, 
Codrington  pour  les  Anglais,  de  Rigny  pour  les 
Français,  et  le  comte  Heyden  pour  les  Russes. 
Daoele  port  était  la  flotte  turco-égyptiennè,  de  vingt- 
deux  gros  vaisseaux  et  cinquante-sept  petits,  qui  por- 
en  tout  deux  mille  deux  cent  quarante  canons, 
compter  ceux  des  batteries  de  Navarin  et 
de  111e  de  Sphakterie.  Les  Turcs,  dans  leur  haine 
contre  toute  la  chrétienté,  tirèrent  les  premiers,  quoi- 
que l'amiral  anglais,  Codrington,  eut  etayoyé  un  par- 
lementaire au  vaisseau  amiral  ennemi  ;  ils  tuèfertt 
même  plusieurs  hommes  sur  ]%  flotte  alliée.  Alors 
Codrington  donna  le  signal  de  la  bataille,  et 
malgré  la  supériorité  de  l'ennemi,  en  artillerie  et  en 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


RÉVOLTE    DES    GRECS.  685 

hommes,  en  quelques  heures  toute  la  flotte  turque 
fut  abîmée  de  fond  en  comble ,  brûlée ,  sautée  en 
l'air  ou  toute  dispersée,  Acepté  vingt  corvettes 
ou  bricks.  " 

■  Toute  l'Europe  fût  dans  la  joie  de  voir  la  mair? 
vengeresse  de  la  justice  punir  ces  barbares  de  tant 
de  cruautés  qu'ils  avaient  commises.  On  comparas 
cette  bataille  mémorable  à  celle  de  Lépante,  livrée 
par  Don  Juan  d'Autriche,  en  1571 ,  où  l'orgueil  turc 
reçut  encore  la  juste  punition  de  sesHatrockés;  mais 
alors  bien  des  gens,  surtout  les  hommes  poli  tiques* 
d'Angleterre,  en  calculèrent  avecf  plus  de  sang -froid 
les  suites  importantes.  Car  si  les  Turcs  étaient  trop 
affaiblis ,  si  par  hasard  ils  étaient  réduits  à  n'être 
plus  au  rang  des  puissances  européennes,  et  si  la 
Russie  augmentait  considérablement  de  ce  côté  sa 
puissance  déjà  effroyable ,  alors  l'Europe  leur  pa- 
raissait menacée  ;  d'autant  plus  que,  conformément 
au    système    d'équilibre    européen ,   et  il    paraît 
assez  fondé  sur  la.  nature  des  choses,  Von    croit; 
généralement  quel'agrandissement^iémesurée  d'une" 
des  puissances  menace  l'indépendance  des  autres.  * 
En  effet,  le  26  avril  1828,  Tempère»-  Nicolas 'dé*; 
clara  seul  la  guerre  à  la  Turquie ,  entra  en  Molda- 
vie et  Valachie,  conquit  les  pkccs  fortes  de  Braïla,  * 
Isabtscha  et  plusieurs  autres ,  marcha  vers  les  mon- 
tagnes du  Balkan  et  la  forteresse  de  Schumla;  et  il 
semblait  qu'il  allait  franchir  avec  son  armée  cette  . 
dernière  barrière,  qui  défendait  les  principales  pro»* 
vinces  de  l'empire  turc  et  qu'aucune  armée  russe 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


486  sBPTifciM  textes.  464g— 4838. 

n'avait  encore  dépassée,  pour  envahir  aussitôt  lei 
province»  et  marcher  jusqu'à  Coostantinople.  Mai» 
cette  attente  était  prématurée;  les  Tuns opposèrent 
une  résistance  opiniâtre,  la  nature  s'unit  à  eux,  tt 
la  di#e*te,  la  fetigMé ,  la  maladie  firent  périr  des 
QftiUiei*  de  soldats  dans  l'armée  russe.  Ses  ph» 
grands  effo^n  aboutirent  iqn'à  la  prise  4e  Varna  fur 
la  WFrFfatfe^t  elle  fut  obligée  d'abandonner  lestas 
d*  Çhuwla  et  SUistria,  Encore  ce  fnt  heureux  pour 
«Ueque,  l'hiver  arrivant,  les  Turcs  aient  eu  besoin 
4'uo*  suspension  d'araes^u?  faire  de  nouvsHei 
fcféos  par  tout  leur  grand  empire. 

Pendant  ee  temps* là,  dans  Tannée  1628,  il  y.  «nt 
*A  Grèce  de  grands  et  d'importante  changements.  Lt 
paya,  en  choisissant  pour  président  de  la  nouvelle  si* 
Ijancele  oonaeiUer^d'état  russe  Capo-d'Istiw,  avait 
pris  tm  homme  qui  sut  vaincre  les  dissensions  in^- 
fimm*  H  commander,  qui  sous  la  protection  dp 
fVHHWUces  alliées  rétablit  l'ordre  et  la  paix  etpo&Ue* 
prH^ipw  4  une  législation  pleine  de  vigueur  poar 
oejwo#étot.  Ab^paiwdasawfont,  le  roi  deFram* 
Çhwle*  Xf  Itanide  l'humanité,  avait  fttt  p4rti* 
pour  ta  Mpféegme  armée  sous  les  ordres  du  mai* 
ch^i  MâisoA,  afin  de  délivrer  complètement  ee  peto* 
central  des  états  grecade  toutes  les  attaques  d'Ibra- 
him, L'insolent  barbare  n'osa  pas  faire  résistance  à 
une  pareille  trméa,   il  aima  mieux  abandonner  U 
f*y&*t  monter  avec  son  armée  sur  la  flotte  anglaise 
quU d'après  to  traité  fait  entre  eux,  devait  les  débar- 
am  **  Éf  tf>t«.  Àîari  le  pays  futettifeeltientdtf- 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


RÉV01ÏE    DES  4*W*«  Wï. 

vrë  et  le  petit  nombre  de  places  qui  tenait  e*àerè 
pour  les  Turcs,  fut  obligé  de  se  rendre.    . 

Les  Grecs  à  l'abri  dans  la  presqu'île  contre  lenisi 
ennemis ,  prirent  même  de  fprtea  positions  danà 
quelques  contrées  de  la  Grèce  centrale;  et  le  préN» 
dent»  letomte  Capo-d*I$trias  ,  put  enfin  commence» 
l'œuvre  de  la  restauration  de  l'ordre  intérieur  4m» 
ce  pays  si  bouleversé.   , 

La  guerre  des  Buste*  contre  les  Titra  prit,  en 
1829,  une  tournure  tout -à-fait  favorable  pour  eui. 
Le  général  Diebitsch,  après  avoir  battu  h  &màr 
visir  à  Schumk  et  s'être  emparé  de  remportante  et 
forte  place  de  Silistria,  pasa»  audaeieusement  W 
Kamtschik  et  le  Balkan  qu'aucune  armée  russe  nfa* 
Tait  encore  pu  passer.  Il  ne  s'arrêta  que  dues  1*1 
vastes  et  fertiles  pleines  delà  Homélie;  et  la  deuxième 
ville  de  l'empire,  Andrinople,  lui  ouvrit  ses  portée? 
le  20  août,  sans  qu'on  eût  la  peine  de  tirer  lépée,  E* 
Asie,  le  second  général  russe,  le  célèbre  eot&te 
Paskewitsch  avec  des  forces  fort  modioares ,  avait 
renversé  tout  ce  qui  s'était  apposé  à  lui,  OUvait  prie 
le  6  juin  la  plus  importante  place  de  la  Ttfrpmt 
d'Asie >  Erzerum,  peuplée  de  cent  miltr  habitât 
Le  sort  de  la  Turquie  était  désormais  entre  \w  mtàm 
de  l'empereur  Nicolas  et  toute  l'Europe  avait  lit 
jf ux  fixés  sur  lui  attendant  sa  décision,  moitié datUfe 
l'espérance,  moitié  dans  la  crainte,  Cer  bien  que  et 
liât  un  gain  pour  les  progrès  de  l'humanité  en  fin*, 
Pipe/  que  cette  terre  elewiq^  qui  <Mjk  une  &* 
eveit^é  m  grande  partie  le  «ége  4e  le  pte*  beaftr 


Digitized  byVJ OOQ IC 


488  sB*tifctf&  époque.  4648—4858. 

civilisation  fut  tout-à-foit  délivrée  des  liens  d'une  si 
sauvage  domination  ;  cependant  d'un  autre  côté,  il 
fellaitconsidérerqù'elle  allait  donner  lieu  àde  grands 
désordres,  à  une  lotte  sanglante  entre  les  princi- 
pales puissances  de  l'Europe.  Car  les  autres  états 
n 'auraient  pu,  voir  avec  indifférence  un  pareil 
agrandissement  de  la  Russie  qui  allait  s'arroger  ainsi 
la  souveraineté  de  la  Méditerranée. 

L'empereur  Nicolas  conserva  cependant  l'esprit 
de  modération  et  de  paix  qu'il  avait  manifesté  au 
commencement  de  la  guerre.  Il  conclut ,  le  1&  sep- 
tembre 1829,  à  Àndrinopie,  une  paix  vraiment  gé- 
néreuse, d'après  laquelle  les  Turcs  s'engagèrent  à 
remplir  un  traité  antérieur  au  sujet  de  la  Moldavie 
et  la  Vataehie,  à  payqr  les  frais  de  la  guerre ,  à  livrer 
quelques  placesfortes  sur  les  frontières  de  l'Asie  et, 
ce  qui  est  plus  important,  à  laisser  libre  le  passage 
des  Dardanelles. 

Mais  le  chancelant  empire  turc,  à  peine  échappéde 
ee  danger  où  il  ne  devait  la  vie  qu'à  la  générosité  de 
son  vieil  et  implacable  ennemi,  fut  bientôt  ébranlé 
par  de  nouveaux  dangers  à  l'intérieur  même.  De 
graVes  révoltes  éclatèrent  dans  plusieurs  provinces, 
et  à  peine  étaient-elles  apaisées,  que  son  plus  puissant 
vassal,  le  vice-roi  d'Egypte,  Mehemet-Ali,  envoya 
son  Bis  Ibrahim,  en  1832,  faire  la  conquête  de  là 
Syrie  avec  les  vieilles  troupes  qui  avaient  fait  la  guerre 
contre  les  Grecs ,  profitant  du  moment  où  l'empire 
épuisé  n'était  capable  ^Taucun  effort.  Ibrahim  con- 
<pÊÙ  sur  la  frontière,  après  une  opiniâtre  résistance. 


Digitized  by  LjOOQIC 


RÉVOLTE  DES  GR1CS.  860 

l'importante  plaoe  d'Acre,  deVfcnt  laquelle  Bonaparte 
avait  échoué,  battit  l'armée  turque,pénétra  jusqu'en 
Asie-Mineure  et  fit  même  prisonnier  à  Gonieh  ,  V an- 
cienne Icône,  l'envoyé  du  grand-visir.  Alors  les 
puissances  chrétiennes,   surtout  la  Russie  et    la 
France,  vinrent  encore  s'interposer,  et  une  seconde 
fois  empêchèrent  la  ruine  de  la  Porte  qui  semblait 
être  devenue  un  membre  nécessaire  pour  l'équilibre 
des  états  européens.   On  fit  alors   là   paix  avec 
Mehemed  ;  mais  ce  ne  fut  point  sans  qu'il  en  coûtât 
quelques  sacrifices  pour  la  Turquie. 

La  Grèce  séparée  de  la  Turquie  flotta  encore  quel- 
ques années  dans  l'incertitude  de  son  sort.  Les  ef- 
forts du  président  Capo-d'Istrias  pour  apporter 
le  calme  dans  l'intérieur,  la  légalité  dans  toutes  les 
relations ,  et  des  institutions  qui  favorisassent  les  arts 
de  la  paix,  ne  furent  pas  goûtés 'par  les  chefs  de  partis 
qui  trouvaient  leur  fortune  dans  le  désordre.  De 
plus,  le  prince  Léopold  de  Saxe-Cobourg  renonça  à 
là  couronne  de  Grèce  qui  lui  avait  été  offerte  et  qu'il 
avait  déjà  acceptée.  Enfin,  après  trois  ans  d'inutiles 
efforts,  Gapo-d'Istrias  fut  assassiné  par  deux  hommes 
de  condition,  au  moment  où  il  voulait  aller  faire  sa 
prière  du  matin  dans  l'église ,  le  0  octobre  18S1. 
Le  désordre  et  la  barbarie  reprirent  lé  dessus,  jus- 
qu'à ce  que  les  puissances  alliées  eussent  offert  la 
couronne  de  ce  royaume,  à  la  vérité  désolé ,  mais 
plein  d'un  beau  germe  d'une  nouvelle  vie,  à  Otton, 
troisième  fils  du  roi  de  Bavière ,  et  eussent  obtenu 
le  consentement  de  son  père, 

T.    II.  Ub 


Digitized  byVJ OOQ IC 


KMO  se»t*m«  tPOQ«B.  4648»— 4838. 

Ije-jeiHiewi  dcrtfee  an»  entouré Àat*t&m&& 
»rtgBnwe,'WwnposéidîhKaiinwB  ihbbilttv  p»*it.pcmri» 
««avelle  patrie ypwtégéjparuii  corps  découpes  «- 
-yaroisea,  et  accompagné*  des  veeux  de  ses  îpeseato, 
'de  tous  lesiBavare*  et  des  amie  du  peuple  g»»;  «t 
le  '6  février  A8&*  il  fit  son  entrée  dans  NaupB*. 
Citait  preriioirement  -le  lieu  de  aa  Tëadenoe,  éfie 
•ftttpios  taitditnBwpertee  à  Athènes;  «n.4*&6yïl'pit 
fai-mcme  «a  main  les  fines  du  gouvernement 
JÉaiela  lâche  est  difficile,  paras  qM-oepays,qi»'fo 
si  long-temps  le  centre  ides  lumières,  était  <kpws 
«des  siècles  dans  un  ëtat  d'abrutissement;  de  sorte 
que  le  peiq>le  est  toujours  sauy»ge  et  en  ".proie  A4» 
^arenr<desihaine8  de  partis.        : 


WTolulionde  juillet  ^t*e»«tt«8. 1890.     % 

L.La&nùllé>des  JBoufbons,  quoique  dans $o» * 
«rfleAère-eUeeàtdes  traits  qui  méritaient  toute estin»? 
«tavait;pa84u  se ^wùker  celle  du  peuple  tfraa$s»> 
«Malmerlesipaseiens  d'une  lutletoujowejplfoloo^' 
M  «quelle  forée  extraordinaire  n'aurai*-U  (pas  .fidl0  * 
^rès.q««l«»tetan«;d?e^itation8JpBSpétueUe«,  *&*& 
,  tant  par  la  *onri»^te  ^yoluttonnaire  que  par-les 
^entreprises  ioOUùea  dn  puisant  génie  qui, lui  «uc^ 
4ta„  vpour  «mener  ce  ,penpiesi  facile  à. entraîner  A 
<se  «éduireà des  efforts -pacifiques,  à  la  modération, 
au  dévoûment,  au  calme  j?aligieiu  !  L'écar^e  né- 


» 


Digitized  by  VjOOQlC 


Ll   RÉTOLOTUm   OIES   KJILLHT   *T  *M  «UITES.         4M 

«wssatragiese  trouvait  plus  (kns  la  famitte  régnante 
-fui  6ei»bhit  avoir  vieilli;  elle  voulut  entrer.,  eanfe 
Petite  avec  la  meilleure  intention  r  dans  cette  luttfc 
-ptfçpéWeHe  et  inutile  en  faveur  d'un  anown  ordre* 
4e  choses  qui  n'avait  plus  db  vie ,  contre  les  <mmh- 
*eUes  idées ,  oontre  de  fortes  prétentions  auxquelles 
il  n'était  plus  possible  de  résister  enftee,  qt  que  là 
4toce  d'un  génie  très  supérieur  pouvait  seule  tourner 
vers  le  bien. 

Les  ministres  de  GhariesX  firent  paraître,  aumoife 
de  juillet  18&0 ,  afin  de  fiiire  réussir  leurs  desseins 
làalgré  les  chambres,  plusieurs  ordonnas*  qtfi 
Messaieat  certains  aboies  de  la  eharte  :  >de  &t  te 
aig*al  d  une  révolte  ouverte.  Le  peuple  deia  eapi^.. 
4»fe,  «pu  est  en  possession  de  p*âor  çow  toute 4* 
frraaee,  se  révolte  et  combaititles  trompes  peti  «om- 
breuses de  la  garnison ,  les  27 ,  28  et  39  jttiSot^^t 
les  força  d'évacuer  la  ville;  comme  <ewuite  arriva 
dos  ptovinoesde  tous  côtés  le  retentisrsrtu tot  àê&stp* 
probationadtLpeuple  et  que  d'ailleurs  le  p^ittficM*** 
^oeùx^uiéteientattach*  à-la  màkBùh  régnarite*W 
meut  se  montrer ,  le  roi  fot  obligé  ^Mmadomêtik 
Erance  avec  tontes famaie^tl'aB^^'albwdcheï*. 
Aerunta^ile-eto  Angleterre.  A^rsiefetifk  Arasais 
plaçasw  le  tr^eydaae la  persorttod^^ 
là  deuxième  brandie  de  la  »*i*Ofc  royale ,  la  bwmte 
d^Orléana.  Lunankiité qu^l y Mt'àgmiïtoénmmadk, 
4}  la  conduite  savante  dû  Mwvem'**ï  ,  engymsrft 
les  autres  puissances  de  l'Euitape  à  le  «tonnetoe. 
Son  fègne  a'a  encore  duré  q^e«pt*nsj  n»«iU  <eu 

ftft. 


Digitized  byVJ OOQ IC 


6W  SEwrrtMi  ék^uê.  464»— 4838/ 

déjà  beaucoup  de  lottes  difficiles  à  soutenir  contre 
l'esprit  de  parti  qui  s'est  élevé  au  milieu  de  ce 
peuple  fougueux,  excité  tant  pat  les  amis  de  l'an- 

*  cien  gouvernement,  qui  sortis  du  premier  étourdis- 
sèment  ont  relevé  la  tête ,  que  par  les  partisans  de 
la  république ,  peut-être  encore  plus  puissants 
qu'eux,  qui  poursuivent  l'ancien  rêve  d'une  répit* 
blique  avec  d  autant  plus  de  fanatisme  qu'il  est  phs 
opposé  à  la  saine  raison.  Une  république  de- trente 
millions  d'hommes  danstm  temps  et  chez  un  peuple 
oii  la  simplicité  des  vertus  civiques,  qui  peuvent  seules 
constituer  lyi  état  libre,  sont  à  peine  connues  de 
nous  !  Jusqu'à,  présent ,  cependant ,  le  rot  et  son  mi* 

wnist(ère  ont  conduit  le  vaisseau  de  l'État  heureuse- 
ment  à  travers  lés  plus  dangereuses  tempêtes  et  ont 
su  écarter  paria  modération  les  embarras  intérieurs 
somme  eeux  du  dehors.   , 

2,  Dès  le  mois  <te  septembre  de  la  même  an- 
née, ime  révolte  éclata  à  Bruxelles,  et  pea  à  peu  dans 
toute  la  Belgique ,  contre  la  souveraineté  de  la  mai* 
mvt  d'Orange  et  la  réuûion  avec  la  Hollande.  Aprifi 
de  «anglants  combat,  les  troupes  hollandaises  lurent 
obligées  d'évacuer  Bruxelles  et  bientôt  tout  le  pays, 
à  l'exeeptifen  de  quelques  places  fortes.  Les  deux 
pays  qui  composaient  le  royaume  dés  Pays-Bas  , 
réunis  pour  la  première  fois  par  le  congrès  de 
Vienne  9  montrèrent  alors  une  si  grande  antipathie 
l'un  fpntre  l'autre,  que  le  roi  Guillaume  iui-méafe 
•Iles  anciennes  provinces  hollandaises  ne  purent 
plus  désirer  laf^loagation  dela?éunion,  etqne 


Digitized  byVJ OOQ IC 


LA  RéfÛUmoK  M  IVILLET  M*  SES  SUITES.         699 

lés  autres  puissances  eurent  donner  Leur  approbation 
à- l'érection  d'un  nouveau  royaume  des  Belges.    „ 

Mais  cette  question  difficile  n'était  pas  terminée  par 
là.  Ce -nouveau  royaume,  qui  se  composé  de  riches 
provinces  pleines  d'énergie ,  ne  peut  pa$  développer 
ses  forces  s'il  n'a  pas  une  libre  communication  avec 
la  mer  par  l'Escaut,  dont  l'embouchure  est  sous  la  puis- 
sance de  la  Hollande.  Cependant  la  Hollande  ne  veut 
pas  renoncer  à  cet  avantage  topographique,  dans  la 
crainte  qu'Anvers  ne  vienne  encore  apporter  un 
trop  grand  dommage  aux  villes  de  commerce  hol- 
landaises, comme  elle  Ta  déjà  fait  II  s'éleva  encore 
d'autres  difficultés  au  sujet  de  la  possession  du 
Luxembourg,  de  quelques  autres  terrains,  et  du 
partage  de  la  dette  nationale.  Les  cinq  grandes 
puissances  de  l'Europe  qui  tinrent  des  conférences  è 
Londres  pour  terminer  ces  contestations  et  en  même 
temps  pour  donner  un  roi  à  ce  nouveau  royaume 
belge,  firent  en  sorte  que  les  états  belges  por- 
tassent leur  choix  sur  le  prince  Léopold  de  Saxe- 
Cobourg.  Ce  prince  qui  avait  refusé  la  couronne  d* 
Grèce  accepta,  au  mois  de  juin  1831 ,  celle  de  Bel* 
gique.  Il  se  maria  plus  tard  avec  une  fille  de  Louis- 
Philippe  et  lia  ainsi  là  France  encore  plus  étroite- 
ment à  la  défense  de  son  royaume  ;  il  en  avait  déjà 
éprouvé  l'efficace  assistance  peu  de  temps  après  être 
monté  sur  le  trône.  Le  roi  Guillaume  de  Hollande 
voulant  mettre  un  terme  à  toutes  ces  contestations 
par  la  force  des  armes,  était  entré  en  vainqueur  en 
Belgique  ;  Aais  bientôt  une  arasée  française  se  pré* 


Digitized  byVJ OOQ IC 


6»* 

senta  four  protéger  le  pays,  et  le»  Hollandais 

forent?  obligés  de  se  retirer  devant  cette  puissance 

supérieure. 

La  Belgique  obtint  de  la  France  une  deuxième 
coopération  à  1*  fin  de  183Ô  ;  car  une  armée  française 
entreprit  te  siège  de  la  citadelle  d'Anvers  qu'ocoa* 
peit  une  garnison  hollandaise,  commandée  parle 
général  Chassé,  quiîfit  une  très  vigoureuse  résistance^ 
elle  ftit  pifse  et  remise  entre  les  mains  des  Belges 
Bit  mélne  temps  une  flotte  anglo-française  bloquait 
les  côtes  de  la  Hollande  et  conduisait  dans  un  pont 
français  ou  anglais  tous  les  vaisseaux  marchanda 
Hollandais  qu'ils  prenaient*  L'Autriche ,  la  Prusse  et 
le  Russie  n'approuvaient  point  ce*  mesures  de  vio- 
tenoe  contre  la  Hollande  ;  cependant  elles  ne  v<mr 
lurent  y  prendre  aucune  part.  Ainsi  les  inquiétude? 
que  toute  l'Europe  avait  par  rapport  à  une  guerre 
européenne  n'eurent  pas  de  suites,  grâce  à  la  modéra- 
tibn  dessouveraihs.  Quand  l'armée  française,  confor- 
mément frlh  promesse  du  roi ,  fut  rentrée  eh  France 
Sitôt  aprfe  la  prise  de  la  citadelle  d'Anvers,  le  rot 
de  Prusse  fit  rentrer  lui-même  cette  armée  d'obser- 
vation qu'il  avait  rassemblée  sur  la  lieuse. 

La  question  hollandaise  n'est  point  terminée,  le 
blocus  des  côtes  hollandaises  continue  toujours,  les 
deux  états  désunis  prennent  des  apparences  de  plus 
en  plus  hostiles,  et  il  faut  toute  la  sagesse  des  rois 
d'aujourd'hui  et  l'amour  de  l'ordre  qu'ont  les  peuples 
pour*  nous  garantir  contre  l'incendié  que  pourrait 
attujner  l&inéeHe  qui  n'est  pas  encore  éteinte. 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


la.  névohVTiG*  m  uhcçk  b»;  aa*  mutes.       Qfltfc 
3,  Un  autre  incendie  qui  Venflammaà  la  révolution^ 
de  juillet  et  dura  pendant  quelque  temps  avec  la  plus 
grande  forcera  passé  en  Europe  sans,  a  voir  de*  suites» 
générales,  comme  cm  aurait  pu  le  craindre*  C'est  laf 
révolution  de  la  Pologne,  soulevée  contre  la  do- 
mination russe,  qui  éclata  à  Varsovie  eu,  1830,  m 
répandit  promptement  dans  le  pays  et  trouva  ujrç 
forte  proteotion  dans  son  armée  très  aguerrie.  La 
noblesse  du  pays,   les  villes,  les  paysans,  toussa 
réunirent  pour  reconquérir  une  indépendance  nat- 
ionale qui  leur  avait  été  ravie  par  le  partage  de  .1% 
Pologneau.dix-huitième  siècle ,  et  que  Napoléon  leu& 
âvaitpromisecomme  moyen  de  les  emmener  en  Rus- 
sie et  sans  a  voirt  pu  remplir,  s»  promesse  ;,  alors,  lfc 
peaple  se  jetai  encore  une  foisrdan&  une  lutte  à  la 
vie  àlamort.  Cette  lutte  fut  très  opiniâtre  et  trèa» 
kmgue.  L'élite:  de  la  puissanoe  russe  y;  fut  envoyécr 
successivement,  et  les  meilleurs  généraux  furent  plari 
oél;à  la  tête.  Le  vainqueur  des  Turcs,  le  comte  Oie-* 
tritsoh ,  y  succomba  aux  efforts  et  aux»  fatigues,  que; 
demandait  cette  guerre,  après i plusieurs  sanglantes) 
batailles  qui  n'avaient  rien  décidé  ;  mais. son  succes- 
seur; le  comte  Paskevitsch,  soumit  le  pays,  par  son! 
système  de  circonscription,  de  séparation,  et  enfin 
par  leaaanglonts  assauts  qu'il  donna  à  la  capitale,  le. 
^septembre  1331.  Une  partie  de  l'armée  polonaise 
autant  retire  sur  les  frontières,  autrichiennes  et 
pmsstennes  fut  désarmée,  et  le  plus  grand  nombre 
des  officiers  se  mit  en  route  pour  la  France  à  traders 
lîAJlemagne,  Au  mois  de  février  1832 ,  la  Pologne  fut 


Digitized  byVJ OOQ IC 


696  Ê&mkMM  itoqra.  «64$-»i83&. 

réunieàlaRussiecommepartieintégrantederempire. 

U.  La  révolte  des  états  du  pape  etde  quelques  petites 
principautés  voisines  eh  Italie  eut  une  fin  bien 
plus  facile  et  bien  plus  prompte;  car  l'entrée  des 
troupes  autrichiennes  y  rétablit  aussitôt  la  paix. 
Mais  comme  dès  qu'elles  se  furent  retirées  de  nou- 
veaux mouvements  s'étaient  manifestés ,  les  Autri- 
chiens revinrent  et  s'emparèrent  de  Bologne.  La 
France  alors,  pour  faire  valoir  aussi  elle  son  in- 
fluence en  Italie,  se  décida  à  envoyer  une  flotte 
vers  A  ncô  ne,  qui  s'empara  delà  ville}  et  les  deux  puis- 
sances se  trouvèrent  là  en  présence,  comme  devant 
veiller  à  la  tranquillité  du  pays ,  -mais  dans  le  fait 
pleines  de  rivalité  Tune  contre  l'autre. 

5.  Afin  qu'aucun  pays  d'Europe  ne  fàt  à  l'abri  des 
secousses  et  des  inquiétudes  de  l'époque  {sauf  le 
Danemarck  et  la  Suède  qui  restèrent  assez  paisibles), 
la  Suisse  se  divisa  aussi  en  deux  partis,  l'un  pour 
t  ancienne  constitution,  l'autre  pour  la  nouvelle. 
Le  canton  de  Bâle  se  divisa  en  deux,  Bàle-campagne, 
Bâle-ville,  Neufchàtel  ne  fut  rappelé  à  Tordre  que 
par  la  puissance  des  armes,  et  encore  aujourd'hui  les 
cantons  originaires  sont  séparés  des  autres  d'idées  et 
de  coopération  ;  de  sorte  que  ce  petit  pays,  aupara- 
vant si  pacifique  se  ressentira  encore  long-temps  des 
enfantements  révolutionnaires  de  la  France.  Long- 
temps la  Suisse  vit  ses  relations  avec  les  autres 
puissances  de  l'Europe fert embarrassées,  parce  que 
non  seulement  elle  offrait  aux  réfugiés  politique 
des  autres  pays  up  asile  libre  po^  *e  retirer,  mm 


Digitized  byVJ OOQ IC 


"1 


U  »**OMMM:MI  1*111**  «V  SatSUITBS.       MV 

mène  pour  y  mariner  des  trames  contre  le  repos 
public;  c'est  ainsi  qu'on  fut  sur  le  point  de  voir 
éclater  des  révoltas  en  Savoie  et  dans  le  sdt  de 
l'Allemagne.  Mats  de  sérieuses  représentation»  dafe 
part  de  la  France,  de  r Autriche  et  des  autre*  états 
du  sud  de  l'Allemagne,  rénnies  à  la  mil  d'un  cer- 
tain nombre  de  ceux  qui  craignaient  les  suites  de 
cet  état  de  choses,  ne  furent  pas  sans  résultat.  Des 
mesures  énergiques  ont  été  prises  contre  les  réfugiés; 
et  désormais  les  relations  de  Ja  Suisse  avee  ses  vot- 
ons sont  sur  un  bon  pied. 

6.  En  Angleterre  enin,  le  levain  de  fermentation, 
qui  résidesurtout  dans  l'excès  de  la  misère  à  cdfeéde 
Fexoàs  de  la  richesse,  est  monté  à  un  si  haut  point 
d'aigreur  que  l'avenir  de  ce  royaume  est  menacé  de 
grands  troubles.  Déjà ,  dans  Une  grande  partie  de 
l'Irlande,  l'autorité  de  la  loi  est  si  affiriMie ,  que  la 
vie  et  la  propriété  des  habitants  pacifiques  est  dans 
un  continuel  danger;  de  sorte  que  désormais  il 
n'est  plus  possible  d'empêcher  la  perte  complète 
de  l'ordre,  si  ce  n'est  par  l'introduction  vigoureuse 
de  la  force  brutale  ou  par  des  améliorations  dans 
l'administration.  Aujourd'hui  l'on  travaille  avec 
constance  à  améliorer  les  points  les  plus  faibles  du 
gouvernement  anglais;  mais  le  but  n'est  pas  encore 
complètement  obtenu ,  et  malheureusement  le  roi 
Guillaume  IV  qui  avait  de  si  bonnes  intentions  est 
mort  au  milieu  de  ce  grand  travail,  le  30  juin  1857. 
Ses  vastes  états,  excepté  le  Hanovre,  sont  passés  h 
la  nièce f  «ujfttird'hm  la  reine  Victoria 


Digitized  by  LjOOQ  1C 


Conclusion* 


août*  ctihmtrte  tois**.  tableau  d'ûto 

bk)ft:  géoéritia-;  dfe  s<n*e.qra<fep»>rétefco* 

is*aeaN»A»>  ee  u'ert. que  p^lfstplus^naBdsiefforto 

J*i  ccj*»r**ti<uj  de  fepi*»à,  qudqj»?priK  ope  <»<iQ&) 
qBttAûut  pdwjttrocfoifcœ  l'éclafedo^ttQ'tempate^li 
pb*  4*riÂk,  «pdiaiti  JMaabi  memoél  L'Europe;  h% 
grand  danger  n'est  point  d&n?  Ifrdéair  fbbl&g&em 

«buittflaia*  efr  4<*t  peuple  eateûj  eu*;.  da;p«* iH# 
mim**)  dSékr^imxmt  erténpœ  tort  apparu  dfc 
tfcr*p*<8*  tfnpgjfnree  kt  plu»  pmtàé  :  rôtaieada** 
1/liirtwca ,  Qt  qmdh^ie?  terribles;  qaîaisiife  été.  1# 
*ffiat*  pBûdaiitfc  au  momeat  de  Inw  appariait*  il* 
*mi  ptgoa  a»ns  attaquer  te  gartue  dé  Tétat  s^ial, 
;«^c^«îlitoeaâliSQi^tplttsvivwii^  i***k1b  danger 
q#.dâftoi«i  paisap  ^pwduidtosr^éJ^wawil^qpil» 
m&g&ià  l''mlérimz},cpû  me)iB^e^dbid§tr»ir.e;s©at  prim 
aipfts  4ft^iftattq|ii9  q*iaiwL  il  trouve  J'ocofttiop  de  se 
jeter  au:  debers^  menace  da  tout  kouteworas^  d* 
tout  dalrnireX^bMttiaur  leeqwdlès  nepose  l'eoâstw 
a^*œia)e  .-  la  religion*  les  mœurs  ;,  le  neapeet  pour 
Li  loi;,  l?ho>reur  du  rowaonge  et:  de  la  perfidie,  U 
si>iuui^jou  dan^U  nëto^itë^  quand  elle  paraîtcorarae 
uoe  bawte  destinée ,  la  croyance  dansia  victoire  du 
l?ien  et,  lppMissapioomiage  pour  agir  dajjs  cette  coa-, 
viction,  sont  xenveiséej  ou  dumoiuan'e^isteptpluâ 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


a*e*  oett*  force  *  cette  nniveraalkji  qui  Imm») 
vient;  Geirest  donc  point  sur  desmoyens  eifetâfuaa* 
Te  n'est  point  sur  la  violence,  ee  n'est  p*rnt  mm  W 
sagesse  des  eaiculs;  humain»,  ee,  nîesfc  point*  Mot 
plus  sur  les  nouvelles. fermes,  des  états* qu&>&«f 
«mpter;  mais,  le  salut  ne  peut  no»  tewr  que 
de  1*  vie  intitate,  quand  chaque  pêne  de*  fitmtllé 
daoa  âuttâison^  chaque  instituteur  daiïe  ses  éceAk** 
ohaqueami  a*eo<ses  amîs„  dirige»  toufte^aaiit  «part» 
gie>à  foire  opposition  à  la  degéneration  dklîespeily 
qui  menace  de  mats  entraîner  danf  lîabîme*.  *  *. 
Tenon*  nous*  donc  formes. dans  la, crayaoéart^i^l 
yt  st  encore»beauooup  d'âmes  aptiws  1  autant»  darife 
nota»  patrie  r  qui  ne  sellassent  peint  elfe  feavhiUir 
Vers  ce  but.  L'assistance  d!en  haut  MrJbun«aanqMW 
pes  plus r  qu'elle  n*  leur  a»  manque  dans,  lesian»#8 
de  naalfceun  que  noueavons  déjà  paseA»;  sinon*  <jui 
aurait  donc  dans,  ce  temps  détourna les^dwgfi^iblf 
plus  imminents'  toutes  les  ibis  q»  Ift  paosioe  etdlks 
vauglsment  ont  menacé  de,borieyewa^toiitroMAw? 
qyi  aurait  doue  béni  lfts  champ*  efc  fait,  uritafa  \m 
moissons,  dans  la  crainte  que  lafium  et  bhmi#àrft,j|9 
portassent  à  la  révolte  les  malheureux  du  petffîkf 
que:des<  Sommes  immoraux  pouvais  ejftpjpyflfr  à 
l^xecution  de  leurs  desseins  criminel?  qui  awwf 
rdoncfait  passer  si  bénin  sur  la  plus  grande;  partie 
de  l'Europe  ce  fléau  pestilentiel  dont  Tappfiritipp 
effroyable  qt  teinte  de  sang;  pouvait,  haulftv/erSGF 
le*  idffc*  etrintellijgence,  dasortf  qu'il  nl^éto  qiù» 
grand  ^Vferiiftwupnt?<  qui  enfin  au.  milieu  de  UiCP% 


Digitized  byVJ OOQ  lC 


Wê  septième  éw^tm.  tMft—4838. 

(ma  et  de  l'entraînement  des  passions  aurait  semé 
les  gérâtes  qui  doivent  produire  de  beaux  plants 
et  qni  peuvent  seuls  consoler  l'œil  de  l'ami  de  l'hu* 
■unité,  quand  dans  sa  douleur  pour  les  malheurs 
présents,  il  jeUe  un  regard  sur  le  lointain  ? 
'  C'est  là  le  fruit  d'une  recherche  sérieuse  dans 
l'histoire,  elle  nous  force  de  reconnaître  en  grand  les 
voies  de  la  Providence  et  de  ne  jamais  désespérer 
du  préaent  entièrement,  quelque  mauvais  qu'il  soit; 
ft  en  effet,  il  y  a  dans  notre  siècle  des  germes  d'un 
nouvel  état  qui  méritent  toute  notre  attention. 

En  Grèce,  la  plus  ancienne,  la  plus  noble  race 
d*koolmc*  de  l'Europe  vient  d'être  tirée  de  la  ser- 
vitude cfe  la  barbarie  et  peut  «maintenant  recom- 
mencer une  nouvelle  vie. 

'•'  Sur  la  oote  nord  de  l'Afrique,  fei  conquête  d'Alger 
a  jeté  les  fondements  d'établissements  chrétiens,  et 
pour  peu  qu'ils  soient  gouvernés  d'après  de  grandes 
idée»,  ils  pourront  embrasser  toute  cette  cote,  au- 
trefois si  importante,  assurer  un  asile  au  trop  plein 
de  l'Europe  et  être  un  point  de  départ  pour  de 
plus  grands  développements  dans  cette  partie  du 
monde. 

Au  milieu  et  au  sud  de  l'Amérique,  un  certain 
nombre  d'états  qui  se  sont  délivrés  de  la  do- 
mination d'Espagne  et  de  Portugal,  ont  de- 
vant eux  un  grand  champ  pour  se  développer 
promptement  et  en  liberté  ;  et  si  chez  eux  un  prin- 
cipe de  vie  prend  le  dessus ,  ils  sont  appelés  à  ré- 
Kmdre  en  grand  le  nouveau  et  important  problème 


Digitized  byVJ OOQ IC 


CONCLUSION.  101 

des  progrès  de  la  race  humaine  :  celui  de  fondre 
peu  à  peu  en  un  tout  organisé  différentes  races  de 
peuples. 

La  cinquième  partie  du  monde  acquiert,  tant  par 
les  établissements  européens  que  par  la  propagation 
du  christianisme,  de  plus  en  plus  d'importance  : 
et  le  temps  viendra  où  elle  jouera  aura  elle  son  rôle 
avec  indépendance  dans   l'histoire    des  hommes. 

C'est  de  FEurope  que  part  le  germe  de  cette  nou- 
velle vie  qui  commence  pour  les  autres  parties  du 
monde.  Mais  faudra-t-il  que  la  mère.épuise  toute  sa 
force  vitale  peur  produire  de  si  nombreux  et  si  beaux 
fruits?  Sans  doute  elle  porte  plus  d'une  marque  de 
vieillesse.  Mais  aussi  la  vieillesse  peut  avoir  dans  ses 
limites  et  suivant  ses  lois  un  état  de  santé  et  de  vi- 
gueur, une  virifUs  senectus,  et  cet  état  de  santé 
ne  doit  avoir  son  principe  que  dans  l'intérieur  de 
la  nature  spirituelle.  Mais  possédons-nous  une  force 
et  une  volonté  assez  énergiques  .pour  débarrasser 
ie  principe  de  vie  des  déblais  qui  l'encombrent, 
afin  qu'il  puisse  pousser  de  nouveaux  rejetons? 
C'est  ce  que  l'histoire  du  siède  suivant  publierai 
notre  gloire  ou  à  notre  honte. 


PiN    DU  SECOND   ET   OEHNlltf  VOLtntt* 


Digitized  byVJ OOQ IC 


Digitized  byVJ OOQ IC 


1 


TABLE  DES  MATIÈRES 


CONTENUES 


tau*»  x»  »Mfeftii>  wùm 


SIXIÈME  ÉPOQUE.  15*0..  * 

"Sources  historiques*  *• 

Gharles-Quint.  —  Son  élection.  U 

'Séisme  dans  l'Église.  ** 

'La  réforme.  ^ 

Ses  progrès.  **6 

3)îète  de  Worms.                      ;  £& 

"Première  guerre  de  religion.  ^9 

Affinh^fleCfeifcs^ÎHrflt hm'èf/tmgfo*.  ♦  *  * 

Premières  ligues  des  princes  protestants*  5S 

^Maintien  de  la  paix  de  religion.  '.  '  *             -*W 

Guerres  avec  les  corsaires  d'Afrique;  arec  François  Ier.  68 

Affaires  de  religibîifth  ilLÉtûfegut.  .                             76 

Préliminaires  de  la  guerre.  87 

pierre  de  Schmalkalde.  9J* 

iftrtailledeMuhlberg.  -,             f          1QT 

tffcilippe  de  Hesse.  ..  «5 

il/intérim.  •/  ^9 

Charles-Quint  et  Maurice  de  Saxe.  r ,         15* 

Uraîté  de  Passau.  131 

dfcix  d'Augsbourç.  <?' 

^Abdication  de  Charles.  ,4$» 


Digitized  byVJ OOQ IC 


?04  tàws, 

Ferdinand  H'.  140 

MaximiliemlL  148 

Rodolphe  IL  155 

Matthias.  164 
Moureujenu  en  Bohême  et  commencements  de  la  guerre  de 

trente  tes.  171 

Ferdinand  II.  178 
Fre^e>icV,pâh^»oitteBAé^,^BMAWedelaMon- 

tagoe-Blanche.  180 

Différentes  guerres  en  Allemagne»-  185 

Guerre  arec  le  Danemarck.  —  Tilly ,  Wallensteins  1 89 

Édit  de  restitution.  199 

Disgrâce  de  Wallenstein.  tOI 

Gustave-Adolphe  en  Allemagne*  SB4 

Ruine  de  Magdebourg.  %\% 

Bataille  de  Leipsig.  SH6 

Çustave  et  Wallenstein.  —  Bataille  de  LuHen.  M3 

Continuation  de  la  guerre.  £55 

Bataille  de  Nordlingue  et  faix  de  Prague.  S4S 

Mort  de  Ferdinand  II.  *  **5 

Ferdinand  III ,  Bernard  de  Weimar,  Bannier  ,  TonUnso* , 

Wrangel.  9tt 

FaixdcWestphalie.  S5» 

SEPTIÈME  ÉPOQUE.  1648. 

Sources  historiques.  SMS 

Observations  générale*.  868 

teopoldl.*-  Louis  XIV.  *W 

Réunions  a  la  France.  *4 

lies  Turcs  devant  Vienne.  988 

Nouvelle  guerre  avec  la  France.  895 

Maisons  royales  d'Allemagne*  *-  *W 

Guerre  delà  succession  d'&psgQf*  80* 


Digitized  byVJ OOQ IC 


TABLE.  705 

Coalition  contre  la  France.  —  Eugène.  — »  Marlborough.  S1Ô 

Joseph  I.  —  Malheurs  de  la  France.  %Ï6 

Charles  VII.  —Paix  d'Utrecht.                                      *  32& 

Marie-Thérèse.  —  Frédéric  II.  S37 

tiuerre  de  la  succession  d'Autriche.  S4à 

tlharles  VII  empereur.  347 

Suïtè  de  la  guerre.  350 

François  Ier.  —  Paix  <TAÏx-la-C!hapelle.  351 

Guerre  de  sept  ans.  —  Première  année  :  Lowositz,  Pirna.  360 

deuxième  année  :  Prague ,  Kollin ,  Rosbach  et  Leuthen.  365 

Troisième  année  :  Zorndorf  et  Hochkirch.  38? 

Quatrième  année  :  Minden ,  Kunersdorf  et  Maxen.  30 1 

Cinquième  année .:  Liegnitz  et  Torgaa.  iOi 
Sixième  et  septième  années  :  Paix  avec  la  Russie  et  la  Suède. 

—  Paix  de  Paris  et  d'Huberdsbourg;  4l5 

Siècle  du  grand  Frédéric.  42SJ 
Joseph  II.  —  Premier  partage  de  la  Pologne.  —  Mort  de 

Trédéric.  —  Mort  de  Joseph  II.  435 

La  révolution  française.              f  446 
Première  coalition  contre  la  France*  —  Jemmapes.  —  La 

terreur.  454 

Campagnes  de  1794  en  Hollande,  dans  le  Haut-Rhin;  465 
Bonaparte.  —Première  campagne  d'Italie.— -Paix  deCampo- 

Tormio.  471 

Armistice  en  Europe.  —  Expédition  d'Egypte.  478 

Campagne  de  1799.  —  Souwarow.  (482 
Bonaparte  premier  consul.  —  Marengo.  —  Paix  de  Luné- 

vîlle  et  d'Amiens.  487 

Napoléon  Bonaparte  empereur  des.  Français.  49r> 

Campagne  de  1805.  —  Austerlitz.  50O 

Fin  de  l'empire  d'Allemagne»  505 

Campagne  de  1 806.  —  Iéna.  51 1 

Campagne  de  1 807.  — -  Eylau,  Friedland.  31 5 

Paix  de  Tilsitt.  51 S 
t.  u.                                                    45 


Digitized  byVJ OOQ IC 


706                                                   TABLE. 

Soulèvement  de  l'Espagne 

5i0 

Campagne  de  1809.  —  Gross-Aspttn  et  E&sling.  — 

Wagram.525 

Napoléon  au  dite  de  la  grandeur. 

554 

Campagne  de  Rouie. 

5»T 

Défection  de  la  Prusse.  —  Paéparatife  de  Napoléon- 

539 

Campagne  de  1 81  S. 

548 

Préliminaires  de  la  guerre.                             * 

lbid. 

BataiHes  de  LuUen  et  de  Gross-Gœrscben. 

544 

Bataille  deBautien  ou  de  Wurschen. 

549 

Suspension  d'armes  le  4  jitfn. 

551 

Reprisa  de»  hostilités. 

555 

Combat  de  Gcoss-Beereq. 

559 

Bataille  de  la  Katibach. 

551 

Bataille  de  Dresde. 

563 

Combat  de  Cnlm. 

566 

Bataille  de  Dennewitt. 

568 

Combat  de  Wurtenbourg. 

57* 

Préliminaires  de  la  bataille  de  Leipzig. 

m 

Bataille  de  Leipzig ,  1 6  octobre. 

577 

——              1T  octobre. 

58T 

—             18  octobre. 

589 

— —             19  octobre. 

597 

Retour  sur  le  Rhin.  —  Fin  de  Tannée  1 81 3. 

600 

Année  1814.  —  Invasion. 

604 

Bataille  de  Brienne  et  de  la  Rotbicje. 

m 

Les  dangers  de  février. 

m 

Bataille  de  Laon. 

eu 

Marche  sur  Paris. 

€96 

Capitulation  de  Paris. 

6» 

Déposition  de  Napoléon.  —  Paix  de  Pari*. 

6M 

Année  1815.  —  Retour  de  File  d'Ellc. 

634 

Murât  chassé  d'Italie. 

686 

Guerre  dans  les  Pays*Èas. 

688 

Bataille  de  Ligoy, 

610 

Digitized  byVJ OOQ IC 


TABLE.  70T 

Combat  des  Quatre-Bras.  644 

Bataille  de  Waterloo*  646 

Napoléon ,  prisonnier,  est  envoyé*  à  Sainte-Hélène.  654 

Nouvel  acte  de  la  confédération  germanique.  655 

L'Allemagne  depuis  1616.  659 

ReVolutions  militaires  en  Europe.  677 

Soulèvement  des  Grecs  contre  les  Turcs.  681 

Révolution  de  juillet  1830  en  France  et  ses  suites.  690 
Conclusion. 


FIN  DE  LA   TABLE  DU  SVGOH»  ET   DERNIER   VOLUME, 


Digitized  byVJ OOQ IC 


Digitized  byVJ OOQ IC 


I 


Digitized  byVJ OOQ IC 


Digitized  byVJ OOQ IC 


-  / 


Digitized  byVJ OOQ IC 


Digitized  byVJ OOQ IC